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Full text of "REVUE NUMISMATIQUE"

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v.i ;_z^  ■ 

M»A»^  .  c  -^  cl  C) 


REVUE 

NUMISMATIQUE 


j 


GolUboniCeart  ëont  les  articlet  om  para  dans  te  Bévue 
(Doa^eUe  série,  18M-1M3). 


nique 


MM. 

AGY  (  Ernpst  d'  ),  à  Villcrs-aux- Éra- 
bles (Somme). 

BARTHÉLÉMY  (Anat.  de),  à  Cha- 
lons-sur-Marne. 

BEULÉ  (Eraest),  à  Paris. 

BIGOT  (A.),  à  Rennes. 

BLACAS  D'AULPS  (Le  duc  de),  à 
Vérignon  (Var). 

BOILLEAU  (L.),  à  Tours. 

BOMPOIS  (Ferd.),  à  Marzy  (Nièvre). 

BOUDARD ,  à  Bezicrs. 

BRETAGNE,  à  Nancy. 

BRUGIÈRE  DE  LAMOTTE,  à  Mont- 

luçOD. 

CARPENTIN  (A.),  b,  Marseille. 
CAVEDONI  (L'abbé  C),  à  Modène. 
CHARVET(J.),  àParis. 
COCHET  (L'abbé),  à  Dieppe. 
COHEN  (  Henry  ) ,  à  Paris. 
COLSON  I  Le  docteur  A.  ),   à  Noyon. 
CRAZANNES   (  Le  baron  Cbaudruc 

de  1 ,  à  Castel-Sarrazin. 
DAUBAN  (  Alfred  ),  à  Paris. 
DELOCHE  (  Maximin),  à  Parb. 
DENIS  LAGARDE  ,  à  Brest. 
DESCHAMPS  DE  PAS   (Louis),   à 

Saint-Oraer. 
DEVILLE  (Acliille),  àParis. 
DUPRÉ  (Prosper) ,  à  Montjay  (Seine- 

et-»Marne  ). 
EVANS  (J.),  à  Londres. 
FEUARDENT,  à  Montmartre. 
GARRUCCI  (R.),  à  Rome. 
GAYRAUD  DE  SAINT-BENOIT,  à 

Saint-Benoît  (Aude). 
GÉRY  (  R.  ) ,  à  Voiron  ( Isère). 
HUCIIER  (  Eugène),  au  Mans. 
HUILLARD-BRÉHOLLES  (  A.  ) ,  à 

Paris. 
HURON  (,E.) ,  à  Montoire-snr-Loir. 
JUDAS  (  L©  docteur  A.  ) ,  à  Paris. 
KÔHNE   (Le  baron  Bernard  de),  à 

Saint-Pétersbourg. 
LAGOY    (  Le  marquis  de  ) ,  à  Aix 

(Bouclies-du-Rhône  ). 
liAMBERT  (  Edouard  ) ,  à  Bayeux. 
LAPREVOTE,  à  Mirecourt  (Vosges). 
LA  SAUSSAYE  (Louis  de),  à  Lyon. 
LAURENT  (Jules),  à  Épinal. 
LELEWEL  (Joachim  ) ,  à  Bruxelles. 
LENORMANT  (  Cbarles  ) .  à  Paris. 
LENORMANT  (  François),  à  Paris. 


MM. 


LONGPÉRIER  (  Adrien  de),  à  Paris 
LONGPÉRIER-GRIMOARD  (Alfred 

de),  à  Longpérier  (  Oise  ). 
LUYNES  (Le  duc  de),  à  Dampierre. 
MALLET  (Fernand),  îi  Amiens. 
MANTELLIER,tt  Orléans. 
MASSAGLI  (  D.),  à  Lucques. 
MAXE- WERLY  (Léon  ),  à  Reims. 
MILLER  (  Emmanuel),  à  Paris. 
MORBIO  (Carlo),  à  Milan. 
MORIN-PONS  (Henri),  à  Lyon. 
MULLER  (  Louis),  à  Copenhague. 
NAMUR ,  à  Luxembourg. 
PÉTIGNY  (Jules  de\  à  Clénor  (Loir- 
et-Cher). 
PFAFFENHOFFEN  (Le  baron  Fraiii 

de),  à  Donaueschingou. 
PICHON  (Le  baron  Jérôme), à  Pari>. 
POEY  D'AVANT  (F.),  àMaillozai» 

(Vendée). 
PONTHIEUX  (N.),  àBeauvais. 
PONTON  D'AMÉCOURT  (Gustave), 

à  Trilport  (Seine  et  Marne). 
PORRO  (Comte  Jules  ),  à  Milan, 
PROMIS  (Chev.  Dom.  ),  à  Turin. 
PROKESCII-OSTEN  (Baron de),   u 

Constantinople. 
RAUCII  (Adolphe   de),àBeriin. 
RETHAAN  MACARÉ(J.  C.  A.),  a 

Utrecht. 
ROBERT  (C.  ),  à  Paris. 
RONDIER,  àMelle  ( Deux-Sèvres ). 
ROUCY  (Albert  de),  à  Compiègnc. 
ROUYER  (J.),  àMézières. 
SABATIER  (  Jean  ),  à  Montmartre. 
SALIS(Comte  J.  F.  G.  de), à  Londres. 
SAULCY  (  F.  de  ) ,  à  Paris. 
SAUVADET,  à  Montpellier. 
SAUVAGEOT  (  F.  ),  à  Paris. 
SORET  (F.),  à  Genève. 
TONINI(LeP.Pelegrino),âï'iorencr'. 
TOULMOUCHE  (D'  ),  à  Rennes. 
V ALLIER  (Gustave),  à  Grenoble. 
VASQUEZ-QUEIPO  (V.),  h  Madrid. 
VOGUÉ  (  Le  comte  Melchior  de  ),  au 

Pezeau  (Cher). 
WADDINGTON  (W.  H.),  à  Bourne- 

ville  (  Aisne  ). 
WITTE  (  J.  do  ),  à  Paris. 
ZOBEL  DE  ZANGRONIZ  (J.),  à  Ma 

drid. 


Pirif.  —  Imprimé  par  £.  Thdnot  et  C*,  Î6,  nie  R9cice,  près  de  i'OJéon. 


REVUE 


NUMISMATIQUE 


PUBLIEE 

PAR 

J.   DE  WITTE 

kecbre  de  l'Académie  royale  des  Sciences,  des  Lettres  et  des  Beaux- Arts  de  Belgique, 

Corrospondant  de  l'Institut 

et  de  la  Société  impériale  des  Antiquaires  de  France  , 


ADRIEN  DE  LONGPERIER 

Membre  de  l'Institut  et  de  la  Société  impériale  des  Antiquaires  de  France, 
Associé  étranger  de  l'Académie  royale  des  Sciences  de  Belgique. 


Oslendite  mihi  numisma  census...  Cujus 
est  imago  h»c,  et  iupencriptio  ? 

ftUlTH.,  XXII,  19^30. 


NOUVELLE  SÉRIE.    TOME  HUITIÈME. 


PARIS 


AU  BUREAU  DE  LA  REVUE 

11».  CAHMLLB    BOLLM   KT  VBVJlBDBUT 

12,  RUE    VIVIENNE. 

1803 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


NOTICE 


UNE  MÉDAILLE  D'AMPHIPOLIS  DE  MACÉDOINE. 


Il  est  admis  en  Dumisuialique  que,  parmi  les  petits  sym- 
boles ou  autres  objets  accessoires  figurés  dans  le  champ  et 
accompagnant  le  type  principal  du  revers  d*une  médaille 
grecque,  et  dont  le  choix  paraîtrait  avoir  été  laissé  au 
caprice  du  graveur,  il  en  est  cependant  qui  ont  assez  sou- 
vent un  rapport  direct  et  connu  avec  la  divinité  représentée 
au  droit.  Tel  est  par  exemple  le  petit  trépied  placé  à  côté 
de  la  tête  de  lion ,  type  principal ,  sur  le  revers  de  la  mon- 
naie des  Léontins,  ayant  pour  lype  la  lête  d'Apollon,  dont 
le  trépied  est  ici  le  symbole.  Il  serait  facile  de  citer  uu^ 
foule  d'autres  exemples  analogues. 

Mais  lorsque  cet  objet  accessoire  se  trouve  au  droit  à 
côté  de  la  tête  de  la  divinité  et  y  occupant  une  place  tout 

1863.— 1.  1 


2  MÉMoinK 

à  fait  insolite,  on  est  autorisé  à  en  attribuer  le  choix  et 
l'emploi  à  un  motif  particulier,  se  rapportant  directement 
au  mythe  ou  aux  actes  de  la  divinité.  C'est  ce  que  nous 
allons  tenter  d'établir  par  la  médaille  de  la  ville  d'Âmphi- 
polis  en  notre  possession ,  et  dont  nous  pouvons  donner 
une  description  exacte. 

Tête  d'Apollon  lauréc,  vue  presque  de  face,  tournée  légè- 
rement à  gauche  et  de  haut  relief,  ayant  un  gros  crabe, 
les  pinces  et  les  pattes  arrondies  et  appliquées  sur  le  cou 
même,  sous  l'oreille  droite  du  dieu. 

^  AM<1)1II0A1TEÎ2N ,  inscrit  sur  un  carré  plat,  mais  en 
relief  dans  un  autre  carré  creux.  Au  centre  une  torche  allu- 
mée. ifV..  6. 

Sur  un  autre  exemplaire,  à  côté  de  la  torche,  on  voit  un 
petit  trépied  en  relation  avec  la  tête,  et  confirmant  ainsi 
notre  assertion  précédente. 

Ce  qui  frappe  d'abord  et  attire  l'attention,  c'est  la  place 
tout  à  fait  exceptionnelle  occupée  par  le  crabe,  adhérant, 
sans  intervalle  aucun,  au  cou  de  la  divinité.  Par  sa  grosseur 
et  par  la  place  qui  lui  est  attribuée,  il  devient  évident  qu'il 
n'est  pas  un  accessoîi*e  monétaire  choisi  au  hasard  pour  une 
relation  éloignée  et  peu  importante  avec  le  dieu ,  mais  bien 
qu'il  a  une  signification  toute  particulière  et  faisant  allusion 
directe  à  un  acte  mytlwlogique  très-connu  parmi  ceux  con- 
cernant Apollon. 
Quel  peut-il  être? 

Nous  présumons  l'avoir  trouvé  dans  la  lutte  célèbre  du 
trépied  enlevé  par  Hercule,  et  nous  voyons  dans  le  crabe 
un  instrument  actif  de  la  haine,  de  la  vengeance  d'Apollon 
exercée  sur  son  adversaire. 

On  ne  nous  reprochera  pas  de  prêter  arbitrairement  de 
petites  passions  humaines  aux  divinités  du  premier  ordre. 


ET   DISSERTATIONS.  3 

Combien  de  fois,  dans  Tlliade,  le  maître  de  TOlympe  n'in- 
tervient-il pas  pour  rétablir  le  calme,  Tharmonie  parmi  les 
dienx ,  pour  assoupir  les  rivalités  de  puissance  parmi  ceux- 
ci,  et  d'amour-propre  parmi  les  déesses  !  Rien  donc  de  plus 
naturel  qu'Apollon  cherche  à  se  venger  d'Hercule  et  à  lui 
susciter  des  obstacles  dans  les  grands  travaux ,  source  de 
sa  célébrité. 

Mais,  nous  demandera-t-on ,  où  trouverez-vous  quelque 
indice,  quelque  preuve  que  le  crabe  ait  été  Tennemi  d'Her- 
cule ou  un  instrument  direct  de  l'inimitié  occulte  d'Apollon 
en  s* associant  à  sa  vengeance? 

Panyasis,  dans  son  HéracUe  S  nous  a  transmis  une  tra- 
dition que  les  monuments  ont  reproduite.  Pendant  la  lutte 
d'Hercule  avec  l'hydre  de  Lerne,  un  énorme  crabe  était  sorti 
du  marais  et  était  venu  mordre  Hercule  au  talon  ;  ce  crabe, 
écrasé  par  le  héros,  avait  été  placé  par  Junon  dans  le  ciel, 
où  il  était  devenu  un  des  signes  du  zodiaque,  le  Cancer. 

Nous  retrouvons  le  crabe  sur  une  médaille  de  Phaestus 
de  Crète,  dont  voici  la  description  : 

OAIiTIiîN.   Bœuf  marchant  à  droite. 

n)  Hercule  nu  debout,  tenant  la  dépouille  du  lion  et  sai- 
sissant de  la  main  gauche  une  des  têtes  de  l'hydre;  derrière 
lui  un  crabe  qui  le  mord  au  talon,  action  très-distincte  sur 
les  exemplaires  bien  conservés  *. 

Ce  crabe  est  donc  l'ennemi  d'Hercule,  peut-être  déjà 
comme  ami  de  l'hydre,  mais  aussi  comme  associé  à  la 
rancune  d^Apollon,  dont  il  se  fait  le  ministre,  pour  harce- 
ler, contrarier  Hercule  dans  l'un  de  ses  travaux. 


*  Àp,  Eratoathfln.,  Catafter.,  XI.  —  Cf.  ApoIIod.,  Il,  5,2.  —  Hjgin.,  Pot. 
Àitron.^  U,  23,  —  Sehol.  ad  Arat.,  Phaenom.,  147.  —  SchoK  German.,  146v. 
«  MVonnet»  t.  II,  p.  290,  n*  252. 


4  'MEMOIRES 

C'est  en  celte  qualité  d'auxili.iire  d' Apollon,  et  avec 
une  intention  bien  caractérisée  qu'il  est  représenté  adhérent 
étroitement  au  dieu  sur  notre  monnaie,  et  non  comme  le 
serait  un  symbole  monétaire  d'une  importance  secondaire, 
tels  que  le  sont  en  général  ceux  placés  sur  les  revers. 

Nous  trouvons  encore  sur  les  monnaies  d'autres  preuves 
des  relations  du  crabe  avec  Hercule  et  Apollon. 

Sur  les  médailles  d'argent  de  Grotone,  le  crabe  se  voit 
à  côté  du  trépied ,  circonstance  bien  favorable  et  bien  re- 
marquable à  l'appui  de  notre  opinion. 

Sur  celles  de  bronze  de  la  même  ville,  le  crabe  est  au 
revers  de  la  tête  d'Hercule. 

Le  crabe  est  figuré  sur  un  grand  nombre  d'autres  mé- 
dailles de  villes  grecques,  comme  symbole  de  la  mer,  dans 
le  voisinage  de  laquelle  ces  villes  étaient  situées.  Ainsi  le 
crabe  paraît  sur  les  monnaies  d'Amyntas,  roi  de  Macédoine, 
sur  celles  de  Smyrne,  d'Agrigente,  de  Syracuse,  d'Adrana, 
de  Sinuessa,  de  Cumes,  de  Tarente,  des  Bruttiens,  de  l'île 
de  Cos,  de  Dyrrachium ,  etc.  Sur  quelques  pièces  frappées 
par  les  Bruttiens  le  crabe  est  placé  sur  la  tête  d'une  divinité. 

Le  crabe,  comme  auxiliaire  de  Fhydre,  se  rencontre 
dans  la  nombreuse  série  des  travaux  d'Hercule  sur  les 
vases  peints. 

Nous  citerons  d'abord  une  amphore  à  figures  noires  sur 
fond  rouge,  conservée  au  musée  de  Berlin  et  publiée  en 
premier  lieu  par  M.  Roulez  *.  Le  crabe  y  est  représenté 

*  Bulletins  de  V Académie  royale  de  Bruxelles ,  18 iO,  t.  Vil  .  part.  2,  p.  117  et 
»uiv.  —  Les  peintures  principales  do  ce  vnpe  sont  reproduites  dnns  les  Monu- 
ments inédits  de  V Institut  archéologique ,  t  III,  pi.  XVI ,  n»  1.  —  Cf.  Welcker, 
Awuiles  de  VInstitut  archéol.,  t.  XIV,  1842,  p.  103.^£U.  Gcrhnrd,  Auserlesene 
Ymstnlfildery  t,  II,  p.  43  et  notes.—  Nsuencorbene  antike  Denkmàler  des  Kônigl. 
ITiMMinM  tu  Berlin,  Heft  III,  1846.  n*  1704. 


ET    DISSERTATIONS.  d 

comme  sur  la  médaille  de  ÎMiœstus,  au  moment  où  il  vient 
mordre  le  talon  d'Hercule. 

Une  petite  amphore,  également  à  peintures  noires,  con- 
nue depuis  longtemps  et  conservée  au  musée  du  Louvre, 
montre  aussi  le  crabe.  Mais  là  c'est  Minerve  qui  est  sur  le 
point  de  le  percer  de  sa  lance,  tandis  qu'Hercule  et  lolas 
combattent  l'hydre'. 

En  résumé,  nous  pensons  que,  sans  donner  un  sens  forcé 
aux  rapprochements  que  nous  venons  de  faire,  nous  pou- 
vons conclure  que  la  présence  du  crabe,  sur  la  tête  même 
de  l'Apollon  d'Amphipolis,  indique  que  dans  cette  ville  exis- 
tait une  croyance  tendant  aie  considérer  comme  un  ministre 
subalterne  de  la  vengeance  d'Apollon ,  et  qu'il  est  admis  sur 
la  monnaie,  non  comme  simple  symbole  monétaire,  mais 
comme  ennemi  d'Hercule,  et  que,  pour  ne  laisser  aucun 
doute,  il  y  occupe  une  place  tellement  insolite,  qu'à  notre 
connaissance  un  second  exemple  ne  s'en  est  pas  encore 
offert  dans  la  numismatique  grecque. 

La  médaille,  très-rare,  acquiert  ainsi  un  intérêt  tout 
I^rticulier  ajouté  à  la  perfection  du  travail  de  l'artiste  qui 
a  gravé  le  coin  monétaire. 

Pr.  Dcpré. 

»  Millin,  Vases  j>eintg,t,  II,  pi.  LXXY .  — Galerie  wytU  ,  CXXIV,  436 — 
Cf.  àion.  inéd.  dk  Vlnst   arr/i.,  t.  III,  pi.  XVI,  n»  5. 


MÉMOIRES 


LETTRE 
ADX  DIRECTEURS  DE  LA  REVUE  NUMISMATIQUE. 

(  PI.  I  et  n.  ) 


Messieurs  les  directeurs, 

Pour  répondre  à  l'aimable  invitation  que  vous  m*avez 
adressée,  je  m'empresse  de  vous  communiquer  la  descrip- 
tion de  quelques  médailles  romaines  et  de  quatre  poids 
byzantins,  que  j'ai  tout  lieu  de  croire  inédits,  et  dont  vous 
avez  pensé  que  la  publication  pourrait  intéresser  les  lec- 
teurs de  votre  Recueil.  Je  serai  heureux  si  vous  voulez  bien 
y  réserver  une  petite  place  à  mon  article ,  que  je  livre  à 
votre  appréciation. 

Médailles  romaines. 

Commode. 

Commode  est  un  des  empereurs  romains  qui  ont  fait  frap- 
per le  plus  de  médaillons  de  bronze  ;  tous  les  types  connus  ont 
été  naguère  recherchés  avec  le  plus  grand  soin  par  M.  Cohen, 
à  qui  nous  devons  la  description  de  cent  quatre  exemplaires. 
J'ai  trouvé  néanmoins,  dans  les  cartons  de  M.  Hoflmann ,  un 
médaillon  inédit,  qu'il  a  signalé  dans  son  Catalogue  pério- 


KT    DISSERTATIONS.  7 

dique^  n*  10, 15  janvier  1863,  p.  106,  et  dent  Yoici  la  des* 
cription  : 

LAVRELCOMMODVS  AVG.GERM.SARM.TR.P.III.  Buste 
lauré  de  Con)mode,  à  gauche,  vêtu  du  paludamenlum. 

$  IMP.II.COS.P.P.  L'^empereur,  en  costume  militaire , 
marchant  à  droite,  un  trophée  sur  Tépaule  gauche  et  te- 
nant dans  la  main  droite  une  lance  transversale.  —  M. 
Médaillon,  diamètre  40  millimètres  (PI.  I,  n*  1). 

Ce  médaillon,  sur  lequel  Commode  est  représenté  avec 
les  traits  de  la  jeunesse^  a  été  frappé  en  178,  deux  ans 
après  que  ce  prince  eut  été  associé  à  l'empire. 

La  figure  de  Mars  imberbe,  ou  de  Commode,  représentée 
en  marche,  fait  allusion  au  départ  de  ce  prince,  qui  accom- 
pagna son  père  en  cette  année  à  la  guerre  contre  les  Ger- 
mains, ainsi  que  nous  l'apprend  Lampride  (cap.  XII). 

Gordien  IIL 

IMP.CAES  M.  ANT.GORDIANVS  AVG.  Buste  lauré  de  Gor- 
dien III,  tourné  à  droite  et  vêtu  du  paludammtum. 

A  VIRTVS  AVG.  Mars  casqué,  debout  à  gauche,  tenant 
une  branche  d'olivier  et  la  haste  ;  devant  et  à  ses  pieds  un 
bouclier.  — AV.  Rollin  et  Feuardent  (pK  I,  n*  2). 

M.  Cohen,  t.  IV,  p.  1A3,  n*  161,  décrit  une  monnaie 
d'^argent  de  Gordien  avec  le  type  et  les  légendes  semblables. 

AURÉtIEIl. 

IMP.C.L.DOM.AVRELIANVS  AVG.  Buste  radié  d'Aurélien, 
à  droite,  et  vêtu  du  paludamenlum. 

^  APOLLINI  CONS.  Apollon  à  demi  nu,  debout  à  gauche, 
sa  main  droite  sur  la  tète  et  le  coude  gauche  appuyé  contre 


8  MÉMOIRES 

un  auCét  allumé  et  orné  d'une  guirlande  de  fleurs.  —  AV. 
Hoffmann  (pi.  I,  n""  3). 

DlOCLÉTIEN. 

IMP.CG.VAL.DIOCLETIANVS  P.F.AVG.  Buste  lauré  de 
Dioclétien,  à  droite,  vêtu  du  paludamentum. 

Si  SOLI  INVICTO.  Le  soleil  radié,  debout  à  gauche,  le 
bras  droit  levé  et  tenant  le  globe  dans  la  main  gauche. 
—  AV.  Rollin  et  Feuardent  (pi.  I,  n°  4}. 

Maximien  Hercule. 

MAXIMIANVS  AVGVSTVS.  Tête  laurée  de  Maximien,  à 
droite. 

Rj  lOVl  CONSERVATORl.  N<  ï  XG  Jupiter  nu  ,  debout  à 
gauche,  le  manteau  tombant  des  épaules  et  tenant  un  foudre 
de  la  main  droite,  l'autre  main  appuyée  sur  la  hasie.  A 
l'exergue,  SMN.  — AV.  Hoffmann  (pi.  I,  n"  5). 

Cet  aureus  est  remarquable  surtout  par  les  six  lettres 
qui  terminent  la  légende  du  revers.  Les  deux  premières, 
NK,  sont  liées  en  monogramme;  viennent  ensuite  un  L  et 
un  V  superposés  et  suivis  des  lettres  XC.  Ces  deux  der- 
nières doivent-elles  être  considérées  comme  numérales  et 
désignent-elles  le  nombre  00?  c'est  ce  que  je  ne  me  per- 
mettrai pas  de  décider,  car  j'avoue  en  toute  humilité  que 
j'ai  vainement  cherché  le  mot  de  cette  énigme,  dont  au 
reste  je  trouve  un  second  exemple  sur  un  aureus  à  peu  près 
semblable,  cité  par  Eckhel  (t.  VIII,  p.  20),  et  que  ce  sa- 
vant dit  avoir  figuré  autrefois  dans  la  collection  de  Joseph 
de  France  ;  voici  la  description  qu'il  en  donne  :  «  h  lOVl 
CONSERVATORl  N.KX.Y.K.C.   Jupiter,  debout,  vêtu  du 


ET    DISSERTATIONS.  0 

pallium^  tenant  un  foudre  dans  la  main  droite  et  la  liaste 
dans  l'autre  main;  àTexergue,  S.M.N.  *  »  D'après  Texem- 
plaire  bien  conservé  que  j'ai  sous  les  yeux,  la  description 
d'Eckhel  serait  fautive;  c'est  pourquoi,  me  bornant  à  l'exem- 
plaire de  M.  Hoffmann,  j'ai  pensé  qu'on  pourrait  peut- 
être  voir  dans  le  monogramme  N<  un  sigle  du  mot  NiKtj, 
attendu  que  je  trouve  ce  monogramme  placé  de  la  même 
manière  à  la  fin  de  la  légende  MARTI  PATRI  N<,  sur  le 
revers  d'un  sou  d'or  de  Constantin  le  Grand,  du  Cabinet 
impérial  de  Paris ,  gravé  et  décrit  par  M.  Cohen  (t.  VI , 
p.  104,  pi.  III,  ir  74).  En  outre,  ces  deux  lettres,  mais 
séparées,  figurent  également  sur  un  aureus  de  Constance 
Chlore,  frappé  à  l'occasion  des  vœux  décennaux,  et  qui  a 
pour  revers  l'inscription  X.CONSTANTl.AVG  dans  une  cou- 
ronne de  laurier,  avec  les  lettres  NK  entre  les  feuilles  d'en 
haut  *.  Or,  comme  sur  beaucoup  de  monnaies  votives^  nous 
voyons  l'effigie  de  la  Victoire,  l' interprétation  du  mono- 
gramme NSC ,  que  je  me  permets  d'émettre,  ne  serait  pas 
dénuée  de  tout  fondement.  Quant  aux  lettres  XC,  on  les 
retrouve  sur  un  denier  d'argent  de  Constance  Chlore,  que 
Banduri  et  Eckhel  signalent  au  Cabinet  de  Vienne,  et  ayant 
pour  revers  :  une  couronne  dans  l'intérieur  de  laquelle 
sont  gravées  les  deux  lettres  XC ,  et  à  l'exergue,  AQ. 

Le  Père  Caronni'  pense  que  N<  pourrait  être  la  marque 
de  Nic:ca  ou  Nicomedia^  mais  je  suis  loin  de  partager  cette 
opinion. 


^  La  pièce  grarëc  dans  l'ouvrage  de  Joseph  de  France  {Nvmism,  cimelii  Cx- 
$arei  régit,  pars.  Il,  tab.  V,  n*»  21)  porte  NC,  ce  «pii  paraît  une  mauvaise  copie 
deMC. 

«  Mus,  Hederrfir.,  t.  II,  p.  96 .  n^  601,  ft  ul).  II ,  n«  33.  —  Colien,  t.  V, 
p.  554,  n*  12.  —  Cf.  Kckhcl,  R  A\,  VIII,  p.  31. 

•  Mut.  Hidervar.,  Idc.  cit. 


10  MÉMOIRES 

CONSTA.^TJ.N    LE    GrAND. 

COMIS  CONSTANTINI  AVG.  Bustes  accolés  et  tournés  à 
gauche  du  soleil  radié,  et  de  Gonstaotin  dont  la  tète  est 
lamée.  L*empereur,  en  costume  militaire,  Favant-bras 
droit  élevé  et  la  paume  de  la  main  ouverte,  tient  le  globe 
dans  la  main  gauche. 

^  LIBERALITASXI.IMP.IIII.GOS.P.P.P.  La  Libéralité, 
vêtue  de  la  <(ofa,  debout  à  gauche,  tenant  une  tessèredans 
la  main  droite,  tendue  en  avant,  et  une  corne  d'abondance 
dans  l'autre  main;  à  l'exergue,  SMT.  —  AV.  Hoffmann 
(pi.  l,n-6\ 

Ce  sou  d'or,  d'une  conservation  parfaite  et  frappé  l'an  315, 
avant  de  passer  dans  la  collection  du  Musée  britannique, 
où  il  figure  maintenant,  m'a  été  communiqué  par  M.  Hoff- 
mann. C'est,  je  crois,  la  seule  des  monnaies  connues  de 
Constantin  au  type  de  la  Libéralité.  Le  mot  COMES  est  écrit 
dans  la  légende  COMIS. 

11  n'est  rien  de  plus  commun  que  les  monnaies  de  Con- 
stantin portant  ime  image  en  pied  du  soleil  avec  la  légende 
SOLl  INVICTO  COMITI.  Ici  le  buste  du  dieu  a  été  associé 
à  celui  de  l'empereur,  afin  de  rendre  la  pensée  plus  maté- 
riellement claire  encore.  On  connaît  du  reste  des  monnaies 
de  Postume,  de  Victorin ,  de  Tétricus,  de  Probus,  de  Carau- 
sius,  de  Constance  Chlore,  avec  les  légendes  COMITI  AVG. 
COMES  AVG.COMITES  AVG.ET  CAES.NNNN.  épithètes  qui 
s'appliquent  à  Hercule,  à  la  Victoire,  à  Mars,  àPallas  et  aux 
Dioscures. 

L'échange  des  caractères  E  et  I ,  dans  les  inscriptions 
latines,  est  fréquent  ;  on  en  a  d'ailleurs  dans  la  numisma- 
tique de  Constantin  un  autre  exemple ,  qui  nous  est  offert 


ET    DISSERTATIONS.  Il 

par  la  légende  bien  connue  :  EQVIS  ROMANVS  (Musée  de 
Vienne)  '. 

CONSTANTINVS  P.F.AVG.  Tête  laurée  de  Constantin, 
à  droite. 

î$.  FELIX  PROCESSVS  COS.IIII.AVG.N.  L'empereur,  en 
toge  et  debout  à  gauche,  tenant  le  globe  dans  la  main 
droite  et  le  sceptre  dans  l'autre  main.  —  AV.  Rollin  et 
Feuardent  (pL  I,  n*  7). 

Sou  d'or  extrêmement  rare,  sinon  unique,  qui  a  aussi 
été  frappé  Tan  315.  11  n'a  jamais  été  gravé  et  n'est  point 
décrit  dans  l'ouvrage  de  M.  Cohen ,  qui  mentionne  seule- 
ment, d'après  Mionnet,  un  sou  d'or  au  même  type  (t.  VI , 
p.  101,  n"53).  C'est  pourquoi  j'ai  cru  devoir  le  publier, 
quoique  Eckhel  (t.  VIII,  p.  7 A)  signale  un  autre  sou  d'or,  à 
peu  près  semblable,  en  ajoutant  qu'il  a  fait  autrefois  partie 
de  la  collection  de  Joseph  de  France.  En  outre,  M.  Cohen 
(t  VI,  p.  101,  n^  5â)  cite,  d'après  Caylus,  un  troisième 
sou  d'or,  ayant  au  revers  la  légende  FELIX  PROCESSVS 
COS.VI.AVG.N.  et  à  l'exergue,  SMT  ou  AQ;  type  dont  un 
exemplaire,  d'après  Eckhel ,  existait  aussi  de  son  temps,  à 
la  collection  du  Cabinet  impérial  de  Vienne. 

Monnaies  d'or  sans  types  de  revers. 

Je  ne  sais  de  quel  nom  désigner  les  pièces  d'or  que  je  vais 
décrire.  Frappées  d'un  seul  côté,  sur  des  flans  très-minces, 
au  diamètre  ordinaire  des  sous  d'or,  mais  d'un  poids  quatre 
fois  moindre,  elles  portent  sur  une  face  l'effigie  de  l'empe- 
reur avec  les  légendes  ordinaires,  et  elles  ont  été  évidem- 
ment frappées  avec  les  coins  monétaires  ;  le  revers  est  uni, 

»  Eckhel,  D.  S.,  VIII,  p.  83. 


12  Mt-MOIllLS 

OU  du  moins  on  n'y  voit  le  plus  souvent  que  des  lettres 
qui  peuvent  être  considérées,  dans  certains  cas,  comme  les 
initiales  des  hôtels  monétaires  romains.  D'après  ces  indices, 
je  suis  induit  à  supposer  que  ces  pièces  d'or  sont  des  essais^ 
exécutés  peut- être  dans  le  but  d'être  soumis  préalablement 
soit  à  de  hauts  employés  de  la  monnaie,  soit  à  l'empereur 
lui-même,  afin  de  pouvoir  mieux  juger  de  la  ressemblance 
des  têtes  et  du  degré  de  perfection  de  la  gravure.  Ces  pièces 
donc,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  ne  sauraient  êtie  confondues 
avec  de  véritables  monnaies,  puisqu'elles  n'en  ont  pas  le 
poids  et  qu'elles  sont  incomplètes  dans  ce  sens  qu'une  seule 
de  leurs  faces  est  occupée  U  est  à  présumer  que  chacun 
des  hôtels  monétaires  devait  être  tenu  de  fournir  ces  essais 
et  y  appliquait,  pour  les  distinguer,  des  lettres  ou  tout  autre 
signe  particulier,  ou  même  quelquefois  sa  marque  monétaire 
telle  que  nous  la  trouvons  sur  le  numéraire  de  l'époque. 
C'est  ainsi  que,  parmi  les  onze  exemplaires  que  j'ai  pu 
examiner,  quatre  d'entre  eux  portent  les  marques  SIS. 
{Siscia)  M. TES.  {Thcssaloniqtie)  et  TR.  [Trêves). 

Comme  je  suppose  que  dans  les  collections  publiques  ou 
privées,  il  doit  exister  d'autres  exemplaires  de  ce  genre 
dont  la  publication  pourrait  probablement  contribuer  à 
nous  en  faire  connaître  la  véritable  destination,  il  serait 
bon  que  les  possesseurs  les  livrassent  à  la  publicité  par  la 
voie  des  revues  ou  celle  des  sociétés  numismatiques.  D'après 
mes  propres  recherches,  les  essais  que  je  connais  ont  été 
frappés  par  Constantin  le  Grand  ou  par  des  membres  de  sa 
famille  :  Crispus,  Constantin  U,  Constant  1"  et  Constance  11. 
Voici  la  description  d'un  exemplaire  à  l'eflîgie  de  Constan- 
tin le  Grand,  appartenant  à  M.  Uoflmann,  dessiné  sur  ma 
planche,  et  du  reste  déjà  cité  par  M.  Cohen,  t.  VI,  p.  118, 
n«  159. 


f]     DISSERTATIONS.  13 

Constantin  le  Grand. 

IMP.CONSTANTINVS  PIVS  F.AVG.  Buste  radié  de  Con- 
stantin, à  droite,  avec  le  paladamentum. 

Revers  uni  sans  type  ni  légende;  au  centre,  un  point 
ou  globule.  —AV.  Poids,  1^',20  (pi.  I,  n"  8). 

Il  m'a  paru  utile  de  signaler  aussi  les  dix  autres  exem- 
plaires analogues  que  je  connais. 

IMP.CONSTANTINVS  P.F.AVG.  Buste  diadème  et  cui- 
rassé de  Constantin ,  à  gauche,  avec  le  paludamentum. 

Si  V.  dans  le  champ  de  la  médaille  (Cabinet  impér. ,  Cohen, 
t.Vl,  p.  d09,  n-105). 

Crispus. 

CRISPVS  NOB.CAES.  Buste  lauré  de  Crispus,  à  droite, 
vêtu  du  paludamentum. 

Revers  uni.  Poids,  1  gramme  (Cabinet  impér.  de  Paris); 
exemplaire  troué  et  muni  d'une  belière  (Cohen,  t.  VI,  p.  189, 
0-18). 

Constantin  II  le  Jeune. 

FL.CL.CONSTANTINVS  P.F.AVG.  Tète  diadémée  de  Con- 
stantin II,  à  droite. 

U)  SIS.  dans  le  champ  (Cohen,  t.  VI ,  p.  219,  n°  40). 

Cet  exemplaire  se  trouvait  autrefois  au  Cabinet  de  France; 
ilestcitépar  Eckhel,t.  VHI,p.d08,et  par  Pellerin,  Me- 
langes^  1,  p.  169. 

F.IVLCONSTANTINVSIVN.NOB.CAKS.  Buste  de  Con- 
stantin II,  adroite,  avec  la  cuirasse  et  un  casque  très-orné. 

Revers  uni.  (Cabinet  impér.  de  Paris);  exemplaire  troué 
et  muni  d'une  belière  (Cohen,  t.  VI,  p.  221,  n"  55). 


lA  MÉMOIRES 

Constant  !"• 

FLIVLCONSTANSP.F.AVG.  Buste  radié  de  Constant, 
à  droite. 

^  MNES.  dans  le  champ,  (Colien,  t.  VI ,  p.  251,  n»  40.) 

Cet  exemplaire  faisait  autrefois  partie  de  la  collection  du 
Cabinet  de  France, 

FL.IVL.CONSTANS  P.F.AVG.  Buste  diadème  de  Constant, 
à  droite,  avec  le  paludamentum  et  la  cuirasse 

Hl  SIS.  dans  le  champ  (Cohen,  t.  VI,  p.  253,  n'  51). 
Poids,  0,95.  Exemplaire  troué  et  muni  d'un  reste  de  be- 
lière.  (Cabinet  impér.  de  Paris.)' 

FL.IVL.CONSTANS  P.F.AVG.  Tête  radiée  de  Constant,  à 
droite. 

Si  TR.  dans  le  champ.  (Cohen ,  t.  VI,  p.  253,  n*  54.) 

Autrefois  au  Cabinet  de  France. 

Constance  II. 

FL.IVL.CONSTANTIVS  P.F.AVG.  Buste  diadème  (et  peut- 
être  aussi  radié) ,  de  Constance  II ,  à  gauche,  avec  le  palu^ 
damenlum  et  la  cuirasse. 

^  MT.ES.,  dans  le  champ  (Cohen,  t.  VI,  p.  291,  n* 91). 
Collection  de  M.  Duquenelle ,  à  Reims. 

Même  lègeude.  Buste  casqué  et  cuirassé  de  Constance  II , 
tourné  à  gauche  et  armé  de  la  lance  et  du  bouclier. 

^  TR.  dans  le  champ.  (Tanini  — Cohen,  t.  VI,  p.  294, 
n*  106.) 

*  Il  est  bon  de  remarquer  que  Pellerin  et  Eckhel  décriTeot  une  rariété 
portant  SIS  et  une  autre  MT.ES  et  non  pas  MNES.  Il  est  probable  qu'il  fal- 
lait lire  M. TES  (  mounaie  de  Thes^salonique);  MNES  ne  signifie  rien. 


tT    DISST.RTATIOVS.  J5 

FL.IVL.CONSTANTIVSNOB.CAES.  Buste  radié  de  Con- 
stance  II ,  à  gauche,  avec  le  paludamentum. 

Revers  uoi,  sauf  un  petit  gVobuie  au  centre.  (Cohen, 
t.  \1,  p.  301,  ii*»155.) 

Cet  exemplaire  est  aussi  mentionné  par  Caylus,  qui  Ta 
fait  dessiner,  pi.  LIV,  n*1105. 

Poids  byzantins  dt  cuivre. 

On  a  déjà  depuis  longtemps  fait  connaître  quelques  poids 
romains  d'époques  dilTérentes,  échappés  à  la  destruction , 
€t  dont  au  reste  on  trouve  encore  d'assez  nombreux  spéci- 
mens dans  les  collections;  mais  je  ne  pense  pas  qu'il  en  ait 
été  publié  de  semblables  aux  quatre  exemplaires  que  je 
vais  décrire  et  dont  je  donne  les  dessins  (pi.  II).  Leur  style, 
leur  caractère  particulier,  aussi  bien  que  la  manière  dont 
ils  sont  travaillés,  attestent  bien ,  selon  moi ,  une  origine 
byrantine,  ce  qui  me  paraît  d'ailleurs  démontré  par  l'in- 
crustation de  lamelles  ou  fdets  d'argent,  telle  qu'elle  se 
pratiquait  pour  certains  médaillons  contorniales.  Les  sujets 
représentés  sur  trois  de  ces  poids  peuvent  aussi,  jusqu'à 
un  certain  point,  nous  aider  à  déterminer  à  peu  près  l'époque 
où  ils  ont  été  fabriqués  et  employés,  mais  je  ne  saurais  avoir 
la  prétention  de  préciser  rigoureusement  la  date  de  leur 
émission.  Je  vais  les  décrire  dans  l'ordre  chronologique  que 
je  leur  attribue,  en  commençant  par  celui  qui  me  paraît  le 
plus  ancien. 

1. — Poids  de  deux  onces,  de  forme  carrée  (collection  de 
M.  le  duc  de  Blacas) .  Longueur  d'un  côté,  27  millimètres  ; 
épaisseur,  h  millimètres;  poids,  538',86  (ce  qui  donne 
une  livre  un  peu  faible  de  3236%16,  mais  la  pièce  étant 
usée,  il  faut  admettre  qu'elle  a  dû  perdre  de  son  poids). 


i^}  Mi  MOI  lus 

l'iaqiic  carrée  de  cuivre,  dont  une  face  porte,  en  trois 
li;:ne.s  : 

1"  ligne,  un  signe  indicateuret  le  chiffre  ll,soitdeu:eo7iref. 

2-    —     SOL,  pour  SOLIDI. 

.V    —     XII. 

Cette  inscription,  dont  les  lettres  sont  incrustées  d'ar- 
gent, s'explique  d  elle-même  et  signifie  que  ce  poids  de 
deux  onces  est  égal  au  poids  de  douze  sous  (d'or).  Il  a  peut- 
être  été  employé  aussi  comme  exagium ,  et  vu  son  travail 
un  peu  grossier,  comparativement  aux  autres,  il  date  pro- 
bablement des  premiers  temps  où  la  dénomination  de  $olidu$ 
a  été  appliquée  à  la  monnaie  dor;  je  serais  donc  porté  à 
lui  assigner  pour  origine  Tépoque  de  Constantin  ;  le  sou 
indiqué  par  ce  poids  aurait  été  de  â^%A89. 

2. —  Once,  de  forme  carrée  (Rollin  et  Feuardent).  Lon- 
gueur d'un  côté,  18  millimètres;  épaisseur,  3  millimètres; 
poids,  2«fi%G0  (correspond  à  une  livre  de  3106%20). 

Plaque  carrée  de  cuivre,  dont  un  côté  offre  les  bustes 
de  deux  Augustes,  vus  de  face,  vêtus  du  paluiamenlum  et 
ayant  la  tête  lauréc.  Sous  les  bustes,  les  lettres  TA  (33). 

Ce  poids  a  drt,  lors  de  son  émission,  être  incrusté  de 
lamelles  d'argent  qui  ont  disparu;  je  l'attribue  à  l'époque 
des  Valcntiniens.  Il  a  perdu,  par  l'usage,  un  peu  de  son 
poids  primitif. 

3.  —  Poids  d'une  once,  de  forme  quadrilatérale  (Cabinet 
impér.  de  Paris] .  Longueur  du  côté  le  plus  long,  23  milli- 
mètres; longueur  du  côté  le  moins  long,  22  millimètres; 
poids,  25s%12  (fournit  une  livre  très-faible  de  30l6'.ââ). 

Le  sujet  gravé  sur  cette  once  nous  rappelle  le  type 
employé  sur  certains  sous  d'or  de  quelques  empereurs  de 
la  basse  époque,  jusqu'à  Léon  I",  Léon  II  et  Zenon,  et 
qu'on  trouve  même  sur  des  sous  de  Justin  I"  et  de  Justinien. 


ET    DISSERTATIONS.  17 

On  y  voit  deux  Augustes  diadèmes,  assis  sous  un  portique 
distyle,  tenant  d'une  main  le  sceptre  et  de  Tautre  le  globe  ; 
derrière,  une  Victoire  ailée  ;  dessous  et  entre  les  jambes  des 
Augustes,  les  deux  lettres  FA  (33),  et  à  gauche,  en  bas,  un 
petit  disque.  Certaines  lignes  ou  parties  sont  incrustées  de 
lamelles  ou  filets  d'argent  qui  rehaussent  le  dessin  et  lui 
donnent  de  la  grâce  et  du  style.  Cet  exemplaire,  en  bon 
état  de  conservation ,  a  été  donné  par  M.  Dupré  au  Cabinet 
impérial  de  Paris.  Je  ne  saurais  dire  ce  qu'indiquent  sur  les 
poids  n**  2  et  3  les  lettres  TA,  qui  doivent  très-probable- 
ment être  prises  pour  des  lettres  numérales. 

4.  —  Livre  byzantine  (Musée  britannique).  Hauteur, 
59  millimètres  ;  largem%  61  millimètres  ;  poids,  323<',76. 

Plaque  de  cuivre  quadrilatérale,  sur  laquelle  sont 
gravés  deux  saints  nimbés,  debout,  en  tenue  militaire, 
chaussés  de  brodequins  et  vus  de  face.  Tous  les  deux  sont 
armés  d'un  bouclier  ovale  orné  d' écailles,  et  tiennent  de  la 
main  droite  une  lance  transversale  dont  la  pointe  est  diri- 
gée contre  une  panthère  à  tête  fantastique,  placée  aux 
pieds  du  saint  de  droite,  et  sous  un  arbre  sans  feuilles  et 
à  cinq  rameaux  terminés  par  un  fruit  de  forme  ronde  ;  en 
bas,  sous  les  pieds  des  saints,  la  sigle  "î  A,  qui  indique  le 
poids  d'une  livre,  Ihpi  (xta.  La  figure,  le  cou ,  les  poignets 
jusqu'^aux  doigts,  les  jambes  des  deux  saints,  la  tète  du 
dragon  et  tes  lettres  sont  incrustés  et  garnis  de  lamelles- 
ou  petites  plaques  d^argent.  Tout  le  fond  est  pointillé  d'un 
petit  semis  formé  de  groupes  de  trois  points. 

Ce  précieux  monument,  d'une  conservation  parfaitev  a 
passé  des  mains  de  M.  Hoffmann  dans  la  collection  du 
Musée  britannique  ;  je  pense  qu'il  a  été  fabriqué  sous  le 
règne  de  Justinien,  dont  le  sujet  et  le  travail  me  paraissent 
rappeler  l'époque. 

1863. —l.  2 


18  iiÉMOinEs 

Ces  quatre  exemplaires  tirent  une  certaine  importance 
de  leur  pesanteur  spécifique,  qui  vient  confirmer  matériel- 
lement et  d'une  manière  irrécusable,  les  inductions  des 
savants  et  des  numismatistes  concernant  le  poids  réel  et 
précis  de  la  livre  romaine,  poids  représenté  définitivement 
et  à  très-peu  près  par  824  grammes. 

Monnaie  d'or  byzaniine. 
Jean  ZiMtscÈs. 

On  me  donne  communication  d'un  sou  d'or  de  Jean  I'' 
Zimiscës  omis  dans  mon  dernier  ouvrage  \  en  voici  la 
description  : 

4-  0€OTOC'.bOH0'.ltAj.i)eS0  *  {Mère  de  Dieu  protège  le 
seigneur  Jean).  Buste  de  face  et  diadème  de  l'empereur^ 
vêtu  de  la  robe  à  carreaux  et  tenant  le  globe  dans  la  main 
droite;  à  sa  gauche,  la  Vierge  à  mi-corps,  de  face  et  nim- 
bée, porte  la  main  droite  au  diadème  de  Zimiscès;  entre 
les  deux  têtes,  une  main  divine. 

î$  +  IhS.XIS.ReX.RGGNANTlVM.  Buste  de  face  du  Christ 
Jiimbé,  sur  la  croix,  tenant  le  livre  des  Évangiles.  —  AV. 
Rollin  et  Feuardent  (  pi.  II,  n°  5  ). 

Le  type  du  droit  se  rapporte  au  culte  que  Jean  Zimiscès 
avait  voué  à  la  Vierge  ;  il  diffère  de  celui  des  sous  d'or 
connus  jusques  ici,  puisque  l'empereur  ne  tient  pas  dans 
sa  main  gauche  une  longue  croix  grecque,  et  que  la  main 
divine  y  occupe  une  autre  place.  J.  Sabatier. 

1  Dencription  générale  des  monnaie»  byzantines^  t.  Il,  p.  141. 
•  Voir  ma  Dexc^iplitm  générale  âea  monnaie»  byzantine»,  t.  I,  p    101.   La 
IfUre  6  e^t  une  Icltro  nnm<^rtile. 


ET    DISSERTATIONS.  l9 


TIERS  DE  SOU  D'OR  MÉROVINGIEN 

FRAPPÉ    A  CHARROUX ,  DÉPARTEMENT  DE   LA   VIENNE. 


On  a  prétendu ,  dans  ces  derniers  temps,  que  la  petite 
▼ille  de  Gharroux  tirait  son  vocable  des  deux  mots  latins 
Caro  rubra.  11  n'est  donc  peut-être  pas  sans  opportu- 
nité de  faire  connaître  le  véritable  nom  latin  de  Gharroux 
au  moyen  âge,  et  de  fixer  dans  cette  antique  bourgade  le 
lieu  d'émission  d*un  tiers  de  sou  d'or  du  Cabinet  des  mé- 
dailles de  la  Bibliothèque  impériale ,  resté  jusqu'ici  sans 
attribution.  Voici  d'abord  la  description  de  cette  monnaie  : 

E  AROFO  V.  Tête  barbare  à  droite ,  casquée  ;  buste  nu. 

1^  AaiulVDO  ^.  {Avioludo^  Arioludo  ou  bien  Àrtoaldo 
fit,  en  voyant  dans  la  deuxième  lettre  un  R,  et  en  renver- 
sant la  position  des  lettres  de  l'avant-dernière  syllabe).  Croix 
à  branches  égales,  haussée  sur  un  degré,  et  cantonnée  d'un 
point  au  !•'  et  au  ?•  canton  \  A  raison  de  l'imperfection  dn 
dessin ,  cette  pièce  paraît  appartenir  au  dernier  tiers  da 
vn*  siècle. 

*  Ott»  pièce  n'a  pas  été  eoeorn  éditée,  da  moins  à  ma  connaissance  : 
mon  confrère  Anatole  de  Barthélémy  (Manmel  de  numitmatique  fnodeme,  p.  189), 
«t  d*après  I«î  M.  Cartier  père  (  Tabk  générale  iê»  matièrtê  iê  la  AectM  iMimifina' 


20  Mf.MOIRtS 

Par  un  testament  en  date  da  25  mai  785,  le  comte 
Roger  et  son  épouse  Euphrasie  cèdent  et  délèguent,  pour 
rétablissement  d'une  abbaye  devant  contenir  douze  moines, 
certaines  possessions  situées  en  Poitou ,  au  pays  d^  Briou, 
sur  les  bords  de  la  Charente,  et  qu'ils  nomment  tour  à  tour 
Karrofum  ou  Carrofum  :  a  In  loco  nuncupato  Karrofo  in 
«  urbe  Pictava  %  infra  terminum  Briosensem,  prope  fluvium 
«  Karantonae.  »  Plus  bas  les  testateurs  rappellent  que 
Charlemagne,  d'après  Tordre  de  qui  ils  ont  fait  construire 
le  monastère ,  et  Louis  le  Pieux  son  fils ,  ont  concédé  cer- 
tains biens  ruraux  à  cette  maison  religieuse.  «  Hac  perpe- 
«  tualiter  possidenda  tam  ipse  (Carolus)  quam  gloriosus 
«  filius  ejus  Ludovicus,  eidem  Carrofensi  cœnobio  dele- 
t(  gavit\  »  Une  charte  de  Tan  875,  tirée  des  archives  de 
Charroux,  appelle  cette  localité  Carrofum  et  Carroftnse 
tnonaslerium  %  et  contemporain  de  Charlemagne,  Tévêque 
d'Orléans  Théodulfe  écrivait  le  vers  suivant  : 

Est  locus,  hune  vocîtant  Carrof  cognomine  Galli  ♦, 

ce  qui  nous  donne  Taucien  nom  privé  de  sa  désinence 

tique,  première  série,  p.  177  ),  ont  seulement  iuscrit  sur  leurs  listes  la  légende 
Carofum  sans  indiquer  aucune  attribution  ;  Tun  et  l'autre  étaient  loin  de  soup- 
çonner celle  de  Chammz ,  car  ils  plaçaient  en  ce  Heu  Tatelier  de  Charfiaco^ 
Ltudenui  m.  (Barthélémy,  lœ,  ct<.— Cartier,  idiii.,  p.  178). 

1  Led  écrivains  du  moyen  âge  ont  d'abord  indiqué  la  situation  des  biens 
donnés  dans  le  territoire  de  la  cité,  m  territorio  urbit  PictcMss^  ensuite  tu  ur6# 
Pictavay  puis  aux  ix*  et  x*  siècles  m  urbe  ou  in  orbe  Pictavo  ou  Pictarente,  dann 
la  cité  ou  territoire  du  Poitou. 

'  Mabillon,  Annal,  ord.  S.  Bened.^  t.  II,  append.,  p.  663-664.  —  Beslj,  Uù- 
toirt  des  comtet  de  Poitiers  et  ducs  de  Guyenne  ,  dans  rappeudicc. 

*  Mss.  Bibiloth.  impér.,  dépôt  des  chartes  manuscrites,  sub  ann.  875. 

•  Mabillon,  Annal,  ord,  S.  Bawi.,  loc.  cit.,  p.  233- 254.— L(*s  auteurs  du 
nouveau  Gallia  christiana  ^  qui  ont  aussi  reproduit  ce  passage  do  Théodulfe, 
out  écrit  Carroph  (t.  II,  col.  1278  ). 


ET    DISSERTATIONS.  21 

latine,  et  tel  qu'il  était  peut-être  prononcé  dans  le  langage 
vulgaire. 

Depuis  et  pendant  tout  le  moyen  âge,  ce  nom  a  été 
employé  sous  la  même  forme  par  les  rédacteurs  des  actes^ 
où  il  est  fait  mention  de  Gharroux. 

Or,  on  ne  peut  méconnaître  1  identité  de  ce  vocable  avec 
celui  du  lieu  inscrit  en  légende  sur  notre  monnaie  méro- 
vingienne. 

De  plus^  il  existe  parmi  les  triens  du  Limousin  une  pièce 
frappée  à  Potentum^  appelé  depuis  Castrum  Potentiacum^ 
Chàteau-Ponsac,  dans  la  région  nord-ouest  de  cette  pro- 
vince ,  limitrophe  du  Poitou.  Elle  nous  offre  le  buste  nu  et 
le  col  allongé,  qui  se  reproduisent  au  droit  du  triens  de  la 
bourgade  poitevine  de  Cbarroux  située  dans  cette  direc- 
tion, sur  les  conflns  des  deux  cités  :  c*est  là  une  raison  de 
plus  à  l'appui  de  Tattribution  que  je  propose. 

Les  annalistes,  particulièrement  Mabillon  et  les  auteurs 
du  Gallia  chriitiatia^  font  mention  de  reliques  données 
par Gbariemagne  à  l'abbaye  de  Cbarroux,  et  nommément 
d'un  fragment  de  la  vraie  croix  qui  lui  avait  été  adressé 
par  Thomas,  patriarche  de  Jérusalem  *.  Mais  les  annalistes 
ne  disent  rien  de  plus*. 

Max.  Deloghe. 

t  Ubi  «npra.— -Adémar  de CbmlMmaisi  dan»»  chronique  écrite  vers  lo  militu. 
du  xi*tiêcle,  appelle  Cbarroux  Sanctum  Carrofwn  (apud  Ph.  Labbe,  Nov. 
btbkoth.  msê.,  t.  II  ),  à  cause  de  la  possession  de.  ce  fragment  de  la  croix,  ot 
Mabillon  blftme  nettement  une  telle  qualification  de  la  célèbre  abbaye. 

*  Voir,  sur  la  découverte  du  reliquaire  de  Qiarroux  rn  1856,  une  nou'ce  de 
M.  A.  Bronillet,  dans  les  BulUtim  de  la  Société  des  aniiquairei  dt  TOtMi^  185J. 
p.  173  et  snir. 


22  MÉMOIRES 


DISSERTATION  SUR  LES  MONNAIES 

FRAPPÉES  A  LUCQUES  SOUS  LES  EMPEREURS  DE  GERMANIE 
ET  LES  ROIS  D^ITALIE  DANS  LES  X%  XI»  ET  XU«  SIÈCLES. 

(PL  m.) 


Une  fois  la  question  résolue  que,  même  pendant  la  do- 
mination des  Francs,  les  principaux  ateliers  monétaires  de 
ritalie  ne  cessèrent  jamais  la  fabrication  des  monnaies  ; 
après  avoir  examiné  de  quelle  manière  furent  régies, 
d'après  les  lois  émanées  de  Cbarlemagne,  toutes  les  offi- 
cines situées  en  deçà  des  Alpes  \  il  serait  à  propos  de 
s'occuper  des  monnaies  frappées  à  Lucques  depuis  qu*eut 
cessé  toute  espèce  de  domination  de  la  race  carlovingienne 
sur  l'Italie.  Msds  le  comte  de  San-Quintino,  ce  flambeau  de 
la  numismatique  italienne,  ayant  abordé  cette  question 
avec  son  érudition  habituelle,  dans  son  remarquable  mé- 
moire intitulé  :  Suite  monete  degli  antichi  tnarchesi  délia 
Tùscana*^  je  regarderais  mon  travail  non-seulement 
comme  une  chose  vaine  et  inutile,  mais  encore  comme  une 
injure  à  la  mémoire  et  à  la  science  de  l'éminent  numisma- 
tiste  piémontais,  et  je  n'entreprendrais  pas  de  traiter  de 
nouveau  cette  période  historique  de  notre  officine  moné- 

^  Voir  Revue  numiem.^  1861,  p.  429. 

*  Âili  délia  R.  Àccademia  Lucekêee,  t.  I,  p.  193  teg. 


ET   D1SSERTATI0?9S.  2S 

taire.  Je  vais  parler  cei)en(Jaut  des  monnaies  frappées 
par  les  empereurs,  sur  lesquelles  on  n'a  que  des  notions 
confuses  dont  le  comte  de  San  Quintino  s'est  contenté 
dans  la  dissertation  citée  plus  haut. 

Vers  la  fin  du  x*  siècle,  l'empereur  Otton  !••  ayant,  après 
une  longue  anarchie,  rétabli  la  tranquillité  en  Germanie 
et  en  Italie,  voulut  rendre  leur  ancienne  splendeur  aux 
ateliers  monétaires  des  plus  illustres  de  nos  cités,  en  leur 
restituant  beaucoup  de  ces  antiques  privilèges  dont  elles 
avaient  été  dépouillées  après  la  conquête  des  Francs.  Les 
premières  monnaies  sorties  de  l'officine  de  Lucques,  et  qui 
appartiennent  à  cette  époque,  sont  quelques  deniers  d'ar- 
geiit,  qui  tous  portent  des  marques  positives  d' Otton  I*'  le 
Grand  et  des  deux  autres  princes  du  même  nom  qui  mon- 
tèrent après  lui  sur  le  trône.  La  collection  de  l'Académie  de 
Lucques  possède  quelques  exemplaires  de  ces  deniers;  j'en 
ai  aussi  quelques-uns  dans  ma  collection  particulière;  tous  se 
ressemblent  ;  ils  ont  tous  les  mêmes  légendes  et  les  mêmes 
types.  Mon  attention  s'est  d'abord  arrêtée  sur  la  différence 
remarquable  de  poids  qui  existe  non-seulement  entre  ces 
pièces  et  celles  de  l'époque  antérieure,  mais  encore  entre 
les  exemplaires  de  la  même  espèce,  quand  on  les  compare 
les  uns  avec  les  autres.  On  ne  peut  attribuer,  si  je  ne  me^ 
trompe,  cette  différence  dans  le  poids  qu'à  l'abandon  que 
firent  les  empereurs  portant  le  nom  d'Ulton,  non-seule- 
ment du  système  gaulois  du  roi  Pépin,  mais  encore  du 
système  franc  décrété  par  Cbarlemagne,  pour  revenir  au 
poids  de  la  primitive  livre  nationale  qui  correspondait  exac- 
tement à  la  livre  romaine.  Les  écrivains  *  nous  appreiment, 


*  s.  QuAtioOf  Diturlaxiont  tullt  tnoneU  dcgli  anticlii  Marchtti  délia  Toscana , 
p.  36. 


2&  MÉMOIRES 

en  effet,  que  la  livre  carloviDgienne  De  fut  en  usage  chez 
nous  que  pendant  un  siècle  ;  déjà,  en  effet,  vers  la  fin  du 
IX*  siècle  on  avait  repris  la  livre  du  pays.  Cette  différence 
de  poids,  qui  varie  constamment  entre  20  et  28  grains  tos- 
cans, n'est  pas  une  chose  inexplicable  ou  invraisemblable, 
si  l'on  songe  à  l'état  de  conservation  plus  ou  moins  grande 
des  pièces  que  j'ai  eu  occasion  d'examiner  et  aux  change- 
ments introduits  dans  les  lois  monétaires  par  suite  de  Tavé- 
nement  successif  des  princes.  Le  titre  du  métal  s'éloigne  peu 
de  la  pureté  de  l'argent  employé  par  les  marquis  de  Tos- 
cane, et  tout,  dans  ces  pièces,  est  conforme  aux  monnaies 
frappées  à  Lucques  où  résidaient  à  cette  époque  les  princes 
qui  gouvernaient  la  Toscane.  Ces  pièces  étaient  restées 
sans  attribution  certaine  par  suite  de  l'absence  complète  de 
documents  contemporains,  et  Muratori  lui-même  ne  se 
dissimulait  pas  les  graves  difficultés  qui  s'opposaient  à 
leur  classification,  à  cause  de  leur  res^mblance  parfaite. 
Aussi,  dans  ses  Antiquités  italiennes^  en  parlant  d'une  mon- 
naie de  cette  espèce,  l'attribue-t-il  indistinctement  à  l'un 
des  trois  premiers  princes  du  nom  d'Otton  :  Ad  ipsum  vero 
(Ottonem  magnum)  aut  ad  ejus  fiUum  Ottonem  secundum^ 
aut  ad  tertium  nepotem  pertinere  videlur  \  L'hésitation  de 
cet  homme  éminent  ne  pouvait  que  m' exciter  davantage  à 
me  livrer  à  des  recherches,  il  est  vrai,  très-difficiles,  sur 
les  exemplaires  que  j'avais  sous  les  yeux;  cependant  ces 
recherches  ont  abouti  à  distinguer  d'une  manière  plausible 
les  monnaies  des  trois  Otton,  frappées  non-seulement  à 
Lucques,  mais  encore  dans  les  autres  principaux  ateliers 
monétaires  d'Italie,  comme  Trévise,  Pavie,  Milan,  car, 
quoique  identiques  pour  ainsi  dire  du  côté  du  monogramme, 

>  Muratori,  ÀntiquiiaUs  UalicM,  dissert.  XXVII,  p.  449,  fig.  YI. 


ET  DISSERTATIONS.  '^O 

on  peut  cependant  déterminer  toujours  leur  lieu  d'émission 
en  analysant  minutieusement  toutes  les  parties  de  la  légende 
circulaire,  souvent  variée,  et  où  l'on  retrouve  le  nom  de  la 
ville  qui  les  a  fait  frapper  *.  Encouragé  par  ces  prémisses, 
je  me  suis  livré  à  une  étude  plus  approfondie,  et  je  me  suis 
assuré  qu'on  doit  donner  à  Otton  I"  les  deniers  d'argent 
qui,  semblables  à  tous  les  autres,  portent  du  côté  du  mo- 
nogranune  le  titre  d'IMPERATOR,  sans  aucune  mention  de 
dignité  au  revers,  où  se  lit  seulement  le  mot  GIVITATE 
(pi.  III,  n*l).  Pour  preuve  de  l'attribution  des  deniers  de 
cette  espèce  à  Otton  !•',  il  faut  se  rappeler  que  ce  prince 
fut  couronné  empereur  et  roi  presque  en  même  temps  (961 , 
Ô62),  qu'il  ne  faisait  aucune  dilférence  entre  ces  deux 
titres,  prenant  toujours  dans  ses  diplômes  celui  d'empe- 
reur comme  le  plus  élevé,  et  par  conséquent  il  faut  ad- 
mettre, sans  crainte  de  se  tromper,  que  sur  la  monnaie  il 
suivait  le  même  système.  Un  indice  pour  moi  bien  certain 
que  cette  pièce  ne  peut  appartenir  qu'à  Otton  I",  c'est  la 
ressemblance  parfaite  qu'elle  conserve  avec  les  deniers  des 
marquis  de  cette  époque  '  qui,  pour  imiter  le  chef  su- 
prême, faisaient  graver  indistinctement  sur  leurs  mon- 
nsdes  le  mot  GIVITATE,  parce  qu'ils  tenaient  à  conserver 
la  plus  grande  ressemblance  possible  entre  leurs  monnaies 
et  celles  de  l'empereur,  afin  de  mieux  dissimuler  la  fraude 
que  l'ambition  ou  l'intérêt  les  portait  à  commettre  contre 
la  volonté  expresse  du  souverain.  Ceci  donc  ajoute  encore 
du  poids  à  nos  observations,  et  prouve  que  la  monnaie  por- 
tant le  type  en  question  qui  contient  tous  les  caractéristi- 

'  Cest  à  mon  honorable  et  savant  ami  le  chevalier  D.  Vincent  Lazari ,  de 
Venise,  que  je  dois  principalement  les  premières  notions  snr  la  distinction  à 
faire  entre  les  monnaies  portant  le  nom  d'Otton. 

'  fifrac  fMmiMiiiai.^  1861,  pi.  XIX,  n-  11  et  12. 


26  MÉMOIRES 

ques  fournis  par  l'histoire ,  ne  peut  être  qu  une  monnaie 
frappée  à  Lucques,  alors  qu'Otton  I",  qui  avait  surmonté 
les  innombrables  obstacles  du  commencement  de  son 
règne,  suscités  par  l'ambition  des  grands  et  l'ignorance  do 
peuple,  prit  d'une  main  résolue  et  énergique  le  sceptre  et 
reconstitua  sur  des  bases  solides  l'empire  d'Occident. 

Maintenant  la  voie  étant  ouverte  pour  résoudre  un  pro- 
blème qui  paraissait  insoluble,  il  sera  bien  plus  facile  de 
rechercher  la  véritable  attribution  des  autres  pièces  qui 
étant  très-nombreuses,  nous  fourniront  plus  de  lumières, 
et  ainsi  nous  pourrons  nous  flatter  de  retrouver  la  vérité. 
Telles  senties  monnaies  que  l'on  doit  attribuer  à  Otton  II, 
lesquelles  ne  diffèrent  de  celles  décrites  plus  haut  qu'en 
ce  que  nous  y  voyons  à  côté  du  titre  d'empereur  celui  de 
roi,  gravé  au  revers  autour  du  nom  de  la  ville  de  Lucques, 
LVCA,  et  qu'en  place  du  mot  CIVITATE,  on  lit  :  OTTO  PIVS 
REX  (pi.  III,  n*  2).  Le  poids  de  ces  pièces  varie  entre  2:2 
et2S  grains;  le  titre  du  métal  est  bon,  car  parmi  toutes 
les  pièces  de  ma  collection,  j'en  ai  trouvé  peu  qui  s'écartent 
de  10  onces  de  fin,  preuve  que  ces  pièces  appartiennent  à 
une  époque  où  l'on  n'altérait  pas  le  titre  de  la  monnaie,  ce 
qui  est  le  fait  du  règne  d'Otton  II;  car  plus  tard,  comme 
nous  le  verrons,  la  monnaie  fut  altérée  de  plus  en  plus.  Je 
crois  qu'il  est  donc  impossible  de  refuser  à  cette  pièce  gravée 
sous  le  n*  2  l'attribution  que  je  lui  donne,  si  l'on  se  rap- 
pelle qu'Otton  II  avait  obtenu  le  titre  de  roi  en  Germanie 
et  en  Italie  (961,  962\  plusieurs  années  avant  de  recevoir 
la  couronne  impériale  (973 — 983)  ;  car  à  peine  revêtu  du 
titre  d'empereur,  voulut-il,  dans  ses  actes  et  dans  ses  lois, 
se  qualifier  de  roi  et  d'empereur,  ce  qui,  sans  recourir  à 
des  arguments  subtils ,  explique  suffisamment  la  double 
qualification  exprimée  sur  les  monnaies  que  j'examine. 


ET    DISSERTATIONS.  57 

En  poursuivant  l'étude  de  ces  types,  où  le  monogramme 
atteste  la  dignité  suprême  des  empereurs  du  nom 
d'Otton,rien  ne  se  trouve  plus  nettement  déterminé  quant 
aux  pièces  qui  appartiennent  à  Otton  III.  Ces  monnaies 
sont  des  plus  rares,  peut-être  à  cause  de  la  courte  durée 
du  règne  de  ce  prince  ;  mais  elles  difièrent  peu  des  autres. 
Ainsi,  là  où  sur  les  monnaies  d'Otton  II  se  montrait  le  titre 
de  roi,  ici,  comme  sur  celles  frappées  à  Pavie  sous  les 
mêmes  lois,  on  lit  d'une  manière  positive  le  chiiïre 
TERGIVS  '.  Otton  III  suivait  ainsi  l'exemple  de  son  prédé- 
cesseur qui,  vers  les  dernières  années  de  son  règne,  s'inti- 
tulait assez  fréquemment  dans  ses  actes  Otio  secundus. 
Quant  à  l'altération  du  titre  de  l'argent,  cela  indique  évi- 
demment l'approche  de  la  décadence  de  toutes  les  officines 
monétaires  de  l'Italie,  tant  par  rétablissement  de  nouveaux 
ateliers  dans  la  Péninsule  que  par  la  corruption  qu'ame- 
nèrent les  malheureux  événements  politiques,  conséquence 
inévitable  de  troubles  fréquents  et  remplis  d'horreurs. 
Ainsi  nous  obtenons  une  classification  des  monnaies  des 
trois  empereurs  du  même  nom  qui  régnèrent  en  Italie, 
après  les  Francs,  c'est-à-dire  de  l'an  961  à  l'an  1002. 

On  ne  doit  regarder  que  comme  de  la  fausse  monnaie 
certaines  petites  pièces  de  cuivre  ou  d'argent  de  bas  aloi 
(pi.  m,  n*  3)  qu'on  voit  souvent  dans  les  collections,  et 
qui,  en  tout  semblables  à  celles  décrites  plus  haut,  si  ce 
n'est  qu'elles  sont  plus  mal  frappées,  semblent  appartenir 
pourtant  à  un  des  princes  du  nom  d'Otton.  Mais  dans  ces 
temps,  connue  il  résulte  des  recherches  des  nxunismatistes 
les  plus  distingués,  les  fraudes  monétaires  étaient  mises 


*   Duâêrtaiionê  intomo  ad  akum  montU  dêl  X  e  XI  êtcolo  irotate  nri  dinlorni 
di  Koma  ml  1B4S,  dans  les  Atti  délia  B.  Àccademia  di  Torino. 


28  MÉMOIRES 

en  pratique  non-seulement  par  les  faussaires  proprement 
dits,  mais  aussi  par  les  fermiers  chargés  de  la  direction 
des  ateliers  monétaires  ;  la  seule  différence  consistait  en  ce 
que  ces  derniers  ne  fabriquaient  pas  des  pièces  de  cuivre 
pur,  mais  se  contentaient  d'employer  de  l'argent  au-des- 
sous du  titre  légal.  Une  raison  encore  qui  me  paraît  con- 
cluante pour  admettre  des  contrefaçons  de  cette  espèce, 
c'est  qu'il  n'est  pas  à  présumer  que  l'autorité  eût  consenti 
à  faire  fabriquer  des  monnaies  d'un  coin  parfaitement 
identique,  mais  en  métal  de  peu  de  valeur,  de  manière 
qu'on  ne  pût  les  distinguer  des  pièces  d'un  métal  plus  pur;, 
car  en  admettant  une  telle  supposition,  on  aurait  aidé  les 
faussaires  à  faire  passer  ces  sortes  de  pièces  pour  de  la 
bonne  monnaie  ;  il  aurait  suffi  pour  cela  d'argenter  adroi- 
tement la  surface.  On  comprend  facilement  que  si  nos  an- 
cêtres avaient  voulu  fabriquer  une  monnaie  plus  petite  ou 
une  fraction  du  denier  d'argent,  il  leur  aurait  été  bien  fa- 
cile d'introduire  dans  le  type  quelque  différence  qui  indi- 
quât la  nature  du  métal  et  fournît  le  moyen  de  le  recon- 
naître. La  monnaie  d'argent  était  la  seule  connue,  la  seule 
qui  avait  cours  dans  ces  siècles  où  l'on  n'avait  pas  besoin 
comme  aujourd'hui  d'autant  de  valeurs  diverses  rendues 
nécessaires  et  indispensables  par  le  développement  im- 
mense de  l'industrie  et  les  vastes  proportions  du  commerce 
et  du  luxe.  On  doit  donc  admettre  que  les  deniers  d'argent 
frappés  à  Milan  et  à  Pavie  '  étaient  la  monnaie  de  laquelle 
on  se  servait  parmi  nous  pour  les  transactions  depuis 
Charles  le  Chauve,  que  ces  deniers  étant  en  circulation 
dans  toute  l'Italie  devaient  naturellement  être  acceptées 
sans  aucune  distinction  dans  le  commerce,  comme  l'atteste 

*  Cmrli,  Dtli«  mnnêta  d'If  lia,  distert.  III,  §  S. 


tT   DISSERTATfONS.  29 

d'ailleurs  la  grande  quantité  qu*on  en  rencontre  soit  à 
Lucques,  soit  dans  les  environs,  ce  qui,  à  mon  avis,  prouve 
que  ces  pièces  n'y  ont  pas  été  portées  par  le  hasard,  mais 
qu'elles  étaient  la  monnaie  courante.  Et  en  eiïet,  leur  res- 
semblance est  si  grande  que  les  types  ne  diffèrent  que  par 
les  sigles  indiquant  LVCA  et  PAPIA ,  ce  qui  fait  voir  que  ces 
pièces  émanaient  d'une  seuie  et  même  autorité,  et  ont  été 
frappées  d'après  les  mêmes  lois  et  les  mêmes  règlements. 
Tout  ceci  explique  les  métaux  frappés  et  destinés  à  faciliter 
le  commerce  des  denrées  ;  quant  aux  transactions  par  actes 
la  chose  est  différente ,  et  j'ai  pu  m'assurer,  en  examinant 
de  vieux  parchemins,  que,  dans  cette  période  de  temps,  les 
conventions  avaient  lieu  en  sous  à' argent^  chacun  desqueU 
valait  12  deniers  aussi  d'argeuL  Ainsi,  dans  une  charte  de 
l'an  963,  je  trouve  que  a  Conrad,  évêque,  cède  par  bail 
n  emphytéotique  à  Rodiland,  fils  de  défunte  Christine,  une 
«  cour  dans  le  territoire  de  Florence  avec  six  maisons  meu- 
m  blëes  [ca^e  massaricie)(i  ans  le  lieu  dit  Braucoli  dépendant 
a  de  l'église  de  Saint-Silvesire  pour  argentum  denarios  bonos 
«  expendibiles  solides  decem,  duodecim  denarios  per  singulos 
«  5o/tdos  rationatos  *.  »  Je  pourrais  citer  beaucoup  d'autres 
documents  contenant  des  dispositions  analogues  qui,  pour 
appartenir  à  des  époques  différentes,  se  rapportent  cepen- 
dant tous  aux  trois  princes  du  nom  d'Otton,  et  qui  pour- 
raient me  servir  dans  le  cas  présent  :  mais  pour  abréger,  je 
me  contente  ici  de  n'en  mentionner  que  les  plus  impor- 
tants *. 
On  peut  conclure  de  ce  qui  précède  que  les  deniers  d*ar- 

*  Mtmorit  t  dorumenh  da  êtrtire  alla  ttoria  Ji  Lucca  ,  vol.  V,  parte  3,  doc. 
MCCCXCT  t  G  66. 

»  Mimorie  e  documenli  cit.,  doc.  MCCCCViii  f-\  R  99.  —  Doc.  mdxtiii  ^  94. 
—  Doc.  MDCCXXIV  j  I  L  13. 


30  IIKMOIRKS 

gent  décrits  plus  haut  sont  Tunique  monnaie  frappée»  sous 
la  domination  des  Otton ,  à  Lucques,  comme  dans  le  reste 
de  l'Italie,  alors  que  la  Péninsule  était  soumise  à  la  puis- 
sance germanique. 

A  la  mort  d'Otton  IIK  Henri  II  de  Bavière,  après  avoir 
triomphé  des  obstacles  suscités  par  ceux  qui  avaient 
la  prétention  de  lui  disputer  la  couronne  d'Italie,  prit  en 
main  les  rênes  du  gouveinement  en  1013,  et  se  balade  se 
rendre  en  Italie  en  1 01&.  Là,  il  fit  des  actes  de  souversdneté 
absolue,  et,  entre  autres,  il  n'oublia  pas  de  faire  battre  mon- 
naie à  son  nom.  On  trouve  assez  fréquemment  dans  notre 
pays  des  monnaies  de  cette  espèce.  Leurs  types  grossiers  et 
barbares  nous  donnent  une  idée  de  cette  complète  absence 
de  lumières  qui  plongea  l'Italie  dans  les  ténèbres  pendant  les 
siècles  qui  suivirent  le  règne  de  Cbarlemagne.  Ces  mon- 
naies portent  un  monogramme  qui  conserve  assez  bien  les 
formes  du  monogramme  des  Otton  (pL  III,  n^  4).  Au  lieu 
d'OTTO  PIVS  REX,  on  lit  ici  simplement  :  ENRICVS.  La 
disposition  du  signe  monétaire  annonce  une  autre  époque, 
mais  non  un  autre  monogramme ,  les  habitants  de  Lucques 
ayant  voulu  conserver  toujours  celui  d'Otton  qui  avait 
tant  fait  pour  leur  atelier  monétaire.  En  effet,  les  chroni- 
queurs *  racontent  qu'en  962,  Otton  I"  leur  avait  accordé 
plusieurs  privilèges  au  sujet  de  la  monnaie,  quoique  à  cette 
époque  on  ne  concédât  que  difficilement  de  tels  privilèges. 
Rarum  hits  temporibiLS  decvs  signandi  argentei  aurique  po- 
(eslatem  concessiî. 

Muratori  est  toujours  dans  la  même  incertitude  quant 
aux  monnaies  de  cette  période,  et  parlant  des  n"  VII,  VIII 
et  IX  de  ses  planches,  il  ajoute  :  Ad  quemnam  e  sex  Enricis 

1  Beverini,  Annalium  ab  origine  Lureensii  urbi»  vol.  I,  p.  132. 


tT    DISSERTATIONS.  31 

Augu$ti$  sit  Ute  referendus  non  facile  nemo  décernât  ^  Ces 
monoaies,  qui  alors  étaient  la  seule  espèce  fabriquée  non- 
seulement  à  Lucques,  mais  dans  tous  les  ateliers  moné- 
taires d'Italie,  ne  se  distinguent  les  unes  des  autres  que 
par  le  poids  et  la  qualité  du  métal ,  les  poinçons  étant 
tous  semblables.  Si  nous  voulons  consulter  T histoire  de 
cette  époque,  nous  verrons  bientôt  que  la  monnaie  est 
toujours  en  rapport  avec  la  prospérité  plus  ou  moins 
grande  des  peuples,  et  qu'elle  subit  les  vicissitudes  des 
temps.  Parmi  les  nombreux  deniers  d'argent  de  ce  genre 
que  j'ai  eu  occasion  d'examiner,  j'en  ai  trouvé  un  bien  petit 
nombre  qui,  comme  matière,  eussent  la  même  qualité  que 
ceux  des  Otton;  j'y  ai  rencontré  au  contraire  un  tel  abais- 
sement de  titre  qu'on  y  reconnaît  facilement  à  quelles  con- 
vulsions et  à  quels  troubles  furent  en  proie  les  règnes  des 
Henri.  L'argent  était  alors  fort  rare  en  Europe,  où  il  ne 
commença  à  devenir  plus  commun  que  vers  la  fin  du 
siècle,  quand  par  la  voie  du  Nord  il  en  arriva  d'Orient  ; 
cette  pénurie  de  l'argent  devait  avoir  aussi  une  grande  in- 
fluence sur  l'abaissement  du  titre  de  la  monnaie.  Ajoutez  à 
tout  cela  les  abus  introduits  par  l'avidité  ou  la  fraude  de 
ceux  qui  étaient  préposés  aux  officines  monétaires;  ils 
étaient  peu  surveillés  par  les  cités  privilégiées,  et  ils  alté- 
nùent  très-fréquemment  les  monnaies  à  leur  profit  ou  bien 
au  profit  des  villes.  Cependant  en  portant  mon  attention 
sur  chacun  de  ces  divers  exemplaires,  analysant  soigneuse- 
ment chaque  spécialité,  j'ai  pu  m'assurer  que  les  diffé- 
rences extérieures,  pour  ainsi  dire  insignifiantes  qu'on  y 
rencontre,  n'altèrent  en  rien  le  caractère  de  la  monnaie,  car 
la  gravure,  le  module,  la  frappe,  la  forme  du  monogramme 

'  Muratori,  Àntiquitatet  italicae,  dissert.  XXVII. 


S2  HÉMOIHES 

et  œlle  des  lettres  sont  en  tout  conformes  aux  moiuiaies 
qu'on  frappait  pendant  cette  période  dans  toutes  les  oflS- 
cines  monétaires  d'Italie.  11  me  semble  donc  qu'on  peut  en 
induire  raisonnablement  que  tous  les  deniers  d'argent  por- 
tant le  nom  de  Henri,  n'ayant  qu'un  seul  et  unique  type, 
ne  peuvent  appartenir  qu'à  un  seul  prince,  et  que  ce  prince 
ne  peut  être  que  l'empereur  Henri  II. 

Passant  maintenant  des  monnaies  frappées  aux  docu- 
ments écrits,  j'ajouterai  que  l'usage  de  compter  en  sous  et 
deniers  d'argent  continua  sous  le  règne  des  empereurs  du 
nom  de  Henri.  Dans  une  charte  au  nom  de  l'empereur 
Henri  II  de  l'an  1014 ,  conservée  avec  un  grand  nombre 
d'autres  dans  les  archives  de  l'archevêché  de  Lucques,  on 
lit  :  «  Grimizzo,  évoque,  cède  en  emphytéose  à  Jean,  fils  de 
«  feu  Benoît  des  seigneurs  de  Suggrominio,  le  tiers  de  ses 
«  biens  et  les  dîmes  de  la  paroisse  de  Saint- Paul,  pour 
uargentum  dennrios  bonos  expendihiles  triginta  et  duo  ^.n 
Ce  qui  mérite  une  attention  particulière ,  c'est  l'exemple 
fourni  par  ce  même  document  qne,  dans  les  transactions 
qui  ne  donnaient  pas  lieu  au  fait  matériel  de  payer  en 
deniers  comptants,  comme  par  exemple  quand  il  s'agissait 
d'amendes,  le  métal  était  employé  par  masses  ou  au  poids, 
car  après  avoir  stipulé  le  prix  de  la  cession,  je  trouve  que 
pour  obtenir  une  rigoureuse  observance  des  conventions, 
il  est  dit  :  Ego  si  a  nos  vobis  hec  omnia...  spondeo  ego  q, 
5.  Joan  una  cum  meis  heredibus  componere  tibi,  qui  supra 
Grimizzo  episcopo  vel   ad   posterisque   successoribus   suis 
pennm  argenli  denari  oplime  libras  decem. 

Enfin,  pour  compléter  la  série  des  monnaies  portant  le 


*  Mtmorie  e  documtnti  da  s^rvire  alla  itoria  di  Lucea,  doc  mdcclxxz  ^B 
41. 


ET    DISSERTATIONS.  33 

nom  (le  Henri,  j'offrirai  au  public  deux  types  jusqu'à  ce 
jour  inédits,  et  qui,  sans  aucun  doute,  appartiennent  à  Tun 
des  empereurs  du  nom  de  Henri.  La  première  de  ces  pré- 
cieuses petites  monnaies  qui  font  un  des  principaux  orne- 
ments de  mon  médaillier  est  surtout  remarquable  parce 
qu'elle  diffère  d'une  manière  sensible  de  toutes  les  autres 
pièces  de  ce  genre  que  j'ai  vues  (pi.  111,  n**  5).  On 
aperçoit  du  côté  du  monogramme  deux  petits  signes  trian- 
};ulaires  superposés,  et  ayant  un  des  angles  dirigé  vers  le 
centre.  Au  revers,  le  mot  LVCA  n'est  pas  gravé  de  ma- 
nière à  ce  que  les  quatre  lettres  soient  disposées  autour 
d'un  point  qui  forme  le  centre  comme  dans  les  exemplaires 
précédents,  mais  sont  alignées  horizontalement  deux  par 
deux  avec  cinq  besants  ou  globules.  Cette  pièce  est  re- 
marquable par  les  singularités  de  son  type  et  par  sa  grande 
ressemblance  avec  les  deniers  portant  le  nom  d'Otton  ;  le 
métal  est  de  10  de  fin ,  et  la  pièce  pèse  2A  grains  d/8. 
Je  serais  porté  à  regarder  cette  pièce  comme  une  des  pre- 
mières frappées  à  Lucques  au  commencement  du  règne  de 
l'empereur  Henri  H. 

La  seconde  pièce  se  fait  remarquer  par  une  différence 
complète  dans  le  type  principal.  D'un  côté  on  voit  une 
croLx  qui  occupe  tout  le  champ  et  dont  les  quatre  branches 
se  prolongent  jusqu'aux  extrémités;  entre  les  quatre, 
branches  on  lit  le  nom  HIRIGVS  (sic)  et  au  centre  LVCA. 
De  l'autre  côté  est  le  monogramme  ordinaire  au  centre  et 
autour  la  légende  circulaire  IMPERATOR  (pi.  III,  n*»  6).  Les 
caractères  sont  moins  grossiers  que  sur  les  pièces  pré- 
cédentes. Mais  la  différence  de  module,  la  forme,  le 
poids  moindre  et  rinfériorité  du  titre  sont  des  indices 
qui  annoncent  des  temps  malheureux  et  remplis  de 
troubles.  U  résulte  de  tout  cela  que  je  serais  porté  à 

1803.-1.  3 


84  Mi:M()ini:s 

attribuer  cette  pièce  au  dernier  des  empereurs  du  nom  de 
Henri. 

A  Henri  H  de  Bavière  succéda  Conrad  H  de  Franconic. 
Mais  ce  dernier  s'occupa  à  peine  de  ses  possessions  au 
delà  des  Alpes.  Après  avoir  réduit  sous  sa  domination  la 
Péninsule  italique,  il  voulut  faire  quelques  actes  de  pou- 
voir, entre  autres  us<ir  du  droit  de  battre  monnaie  que  la 
raison  d* État  et  Tambition  ne  laissaient  jamais  de  côté.  Il 
en  fit  usage  à  Lucques,  où  l'on  frappa  des  monnaies  qui 
attestent  l'activité  toujours  croissante  de  notre  officine, 
activité  qui  ne  se  ralentit  pas  dans  la  suite  des  temps  et 
continua  sous  les  diverses  dynasties  qui  gouvernèrent  le 
pays.  S'il  est  facile  de  rencontrer  des  pièces  au  nom  de 
Henri  (on  peut  dire  que  les  coUeciions  en  sont  encom- 
brées) ,  il  n'en  est  pas  de  môme  de  celles  au  nom  de  Conrad, 
qui  au  contraire  sont  extrêmement  rares  ;  car  après  plusieurs 
années  de  recherches,  je  n'ai  pu  m'en  procurer  que  deux 
exemplaires.  Ces  pièces  ne  sont  pas  absolument  semblables 
à  celles  de  Henri  H,  mais  elles  offrent  cependant  une  grande 
ressemblance  avec  ces  dernières  quant  aux  légendes.  La 
première  (pi.  111,  n**  7)  a  déjà  été  publiée  par  le  savant  cha- 
noine Jules  Mancini  de  Città  di  Castello  *,  qui  l'attribue 
avec  beaucoup  de  sagacité  à  Conrad  1".  Et  comme  à  cet 
égard  je  partage  entièrement  l'avis  de  cet  érudit,  il  me 
semble  inutile  de  parler  de  nouveau  de  cette  pièce.  Seule- 
ment, pour  plus  de  clarté,  il  est  bon  d'ajouter  qu'en  appe- 
lant ce  prince  Conrad  1",  on  doit  entendre  par  là  que  Conrad 
était  le  premier  roi  d'Italie  de  ce  nom  et  le  second  Conrad 
empereur.  A  l'époque  de  Conrad  I*%  les  Italiens  étaient 
tout  à  fait  indépendants,  et  n'étaient  pas  soumis  à  la  domi- 

t  Attidell'  Accademia  deyli  Arradi,  Rom  ,  1826.  vol.  XXXII. 


ET    DISSERTATIONS.  35 

Dation  germanique,  étant  gouvernés  par  des  rois  de  leur 
nation,  tels  que  Hugues,  Lotbaire,  Rodolphe,  Bérenger,  etc. , 
d'où  il  faut  conclure  que  toutes  les  monnaies  portant  les 
sigles  de  LVCA  et  le  nom  de  CHVRADVS  appartiennent  indu- 
bitablement à  Tempereur  Conrad  II. 

On  doit  donner  au  même  prince  la  seconde  pièce  (pi.  III, 
n»  8) ,  car  la  différence  d'orthographe  CHVlNRADVS  au  lieu 
de  CHVRADVS,  le  poids  qui  est  seulement  de  18  grains 
et  le  bas  titre  du  métal,  tout  cela  dénonce  la  décadence  des 
officines  de  F  Italie,  décadence  qui  s'aggrava  de  plus  en  plus 
jusqu'au  xiii*  siècle,  époque  à  laquelle  on  ne  connut  plus 
aucune  loi  ni  aucune  règle  pour  la  monnaie.  Ainsi  c'est  à 
Conrad  II  le  Salique  qui  régna  sur  T  Italie  de  l'an  1027  à 
l'an  1039  qu'on  doit  attribuer  cette  seconde  pièce  et  non  à 
un  autre;  car  la  légende  INPERATOR  sur  les  monnaies  du 
moyen  âge,  comme  on  sait,  est  un  signe  certain  qui  indique 
une  époque  antérieure  au  xii*  siècle.  D'un  autre  côté  la  ra- 
reté extrême  des  exemplaires  de  cette  monnaie  donnerait  à 
penser  en  quelque  sorte  que,  dans  ces  temps,  l'officine  de 
Lucques  avait  beaucoup  perdu  de  son  activité.  Mais  ceci  se- 
rait plutôt  le  résultat  de  la  répugnance  que  les  habitants 
de  Lucques  éprouvaient  ii  fabriquer  des  monnaies  de  bas 
aloi,  système  détestable  auquel  ils  étaient  forcés  de  se 
c^mformer,  parce  qu'il  était  devenu  général,  et  contre  lequel 
ils  avaient  longtemps  protesté,  parce  qu'ils  voyaient  avec 
déplaisir  compromise  la  réputation  de  leur  atelier  où  l'on 
ne  fabriquait  constamment  que  de  la  bonne  monnaie,  ce  qui 
lui  avait  valu  un  grand  crédit  et  un  cours  des  plus  étendus. 
En  effet,  nos  chartes  constatent  que  la  bonté  de  la  monnaie 
fabriquée  à  Lucques  était  reconnue  non-seulement  dans  les 
villes  où  étaient  établies  les  plus  anciennes  officines  moné- 
taires, émules  de  la  nôtre,  comme  Pavie,  Trévise  et  Milan, 


36  MÉMOIRES 

mais  encore  dans  plusieurs  antres  municipes  et  chez  plu- 
sieurs priuces,  de  sorte  que  les  papes  eux-mêmes  recon- 
nurent et  augmentèrent  leurs  privilèges.  Ainsi  Adrien  IV 
en  1158  menaçait  d'excommunication  quiconque  aurait  fal- 
sifié la  monnaie  lucquoise  ^  Lucius  III,  notre  concitoyen, 
publiait  une  bulle  par  laquelle  il  autorisait  le  cours  de  notre 
numéraire  dans  tous  les  États  de  TÉglise  et  avec  tous  les 
privilèges  accordés  à  la  monnaie  romaine.  Henri  VI , en  1 186, 
alors  qu'il  était  roi  des  Romains,  dotait  Lucquesd'un  diplôme 
des  plus  flatteurs,  relatif  au  monnayage  '.  La  commune  de 
Bologne  déclarait  en  1180,  qu'on  ne  devait  accepter  sur  son 
territoire  aucune  autre  monnaie  étrangère  que  la  monnaie 
frappée  à  Lucques  Le  municipe  de  Rimini  accueillait  d'une 
manière  favorable  nos  monnaies,  comme  en  fait  foi  une 
bulle  de  Lucius  II  du  21  mai  Hàà  et  un  contrat  emphy- 
téotique fait  dans  cette  ville  le  9  juillet  1151.  A  Pistoie, 
selon  plusieurs  écrivains  ',  les  espèces  de  Lucques  avaient 
déjà  cours  dès  l'an  1024,  etàPadouedèsl095*.  Enfin,  pour 
ne  pas  nommer  un  grand  nombre  d'autres  villes  d'Italie,  je 
dirai  qu'à  Florence  et  à  Gênes  notre  monnaie  avait  cours 
de  1089  à  1267  *.  Quant  aux  contrats,  on  se  servait,  comme 
il  a  été  dit  plus  haut,  de  métaux  pris  en  masse  ou  au 
poids. 

Nous  savons  que  Béatrix,  mère  de  notre  illustre  comtesse 
Mathilde  en  1055,  après  avoir  subi  un  emprisonnement 
de  la  part  de  Henri  III,  et  passant  par  Pise,  vendit  son 


*  Ptolomoi,  Luccensis  Annahs,  p    263. 

*  Mnzzaroéa,  Storiadi  Lucca,  t.  1,  p.  77. 

'  Fra  Antonio  ZjccariM,  Anerdotorum  medii  œri coUectiOj  Awfçust.  Taurinor., 
175j,  in-folio. 

*  Brnnacci  ,  De  nummaria  Patavinorum^  Venezia,  1744. 

*  Tar^îioni  e  Gandolfi,  Monela  antica  di  (imoca,  lib.  IV,  cap.  IV. 


ET    DISSERTATIONS.  37 

château  de  Porcati  pour  deux  cmts  livres  émargent  \  Je 
pourrais  citer  une  quantité  d'actes  de  ce  genre  qui  nous 
renseignent  sur  I*empk)i  de  la  monnaie  à  cette  époque 
tant  par  rapport  aux  métaux  monnayés  qu'aux  valeurs 
conventionnelles  qui  les  représentaient  dans  les  transac- 
tions. 

Je  ne  saurais  dire  comment  il  se  fait  qu'on  n*a  plus  au- 
cune monnaie  sortie  de  l'atelier  de  Lucques  après  celles  de 
Henri  et  de  Conrad  jusqu'à  Frédéric  1",  à  moins  d'admettre 
que  l'abondance  du  numéraire  frappé  par  ces  princes  ait 
suffi  aux  besoins  de  l'époque,  ou  bien  que  si  Ton  continua  à 
en  fabriquer,  on  se  servit  toujours  des  anciens  coins.  11  est 
certain  que  les  pièces  dont  nous  allons  parler  ont  un  aspect 
barbare  qui  convient  parfaitement  à  cette  époque  de  déca- 
dence. Cette  période  de  notre  numismatique  n'est  pas 
exempte  de  bien  des  difficultés  et  nous  offre  un  cadre  assez 
désagréable,  parce  qu'à  aucune  époque  de  l'histoire  des 
officines  monétaires  d'Italie,  il  n'y  eut  autant  de  fraude  et 
de  falsification.  C'étaient  surtout  les  Pisans  qui  se  livraient 
à  ces  fraudes  au  grand  préjudice  de  l'atelier  de  Lucques, 
ce  qui  donna  lieu  à  la  promulgation  de  plusieurs  lois  que 
nous  pouvons  citer  ici  et  qui  jettent  un  jour  nouveau  sur 
les  questions  que  nous  avons  à  examiner.  Frédéric  I"  fut 
un  prince  sage  et  d'un  caractère  énergique^  mais  orgueil- 
leux et  rusé;  aussi,  pour  se  concilier  les  peuples  dont  les 
tendances  ne  lui  annonçaient  rien  de  bon,  se  montrai t-il  par- 
fois animé  de  sentiments  de  justice,  ou  de  lui-même  ou 
par  ostentation.  11  voulut  donner  une  preuve  de  ces  senti- 
ments, irrité  qu'il  étaii  des  mauvais  procédés  des  Pisans 
par  rapport  aux  contrefaçons  monétaires.  Après  donc,  selon 

*  FianccMO  M.  Fiorentini,  Memorie  deUa  contessa  Malilday  p.  30  e  s«g« 


58  IlLMOIRLS 

Ptolomeo,  en  1155,  avoir  couflrmé  les  antiques  privilèges 
de  la  commune  de  Lucques  relatifs  à  son  monnayage, 
«  confirmavit  Lucensibtis  monetam  eis  concessam  per  suos 
a  aiiiecessores  itnperatores  »  il  prononça  une  sentence 
contre  les  Pisans,  leur  défendant  de  frapper  une  monnaie 
de  la  forme  et  du  coin  employés  par  les  habitants  de 
Lucques  :  «  anno  MCLXX  invenilur  sentenlia  lala  per  impe- 
«  ratorem  Federicum  contra.  Pisanos  de  moneta  non  <ron- 
'(  denda  ea  forma  et  euneo  qua  etquoLucenses  condere  pos- 
u  8unt  '•  »  Mais  cette  sentence  ne  fut  pas  un  remède 
suffisant  pour  obvier  à  tous  les  abus;  Frédéric,  las  de  toutes 
ces  causes  de  litige,  donna  en  1176  un  ban  par  lequel  il 
défendait  aux  Pisans  de  frapper  de  la  monnaie  conforme  à 
celle  de  Lucques  :  «  Invenitur  datum  bannum  Pisani  per 
a  imperaiorem  Federicum  qui  contra  pacta  fecerunt  inter 
«  commune  Luceme,  et  Pisanum^  de  moneta  cudenda  eo 
«  modo  et  forma  que  Lucenses  cudebant  \  »  £u  égard  à  ces 
documents  fournis  par  les  chroniqueurs,  il  me  semble  im- 
possible de  mettre  en  doute  que  certaines  pièces  souvent 
citées  et  prônées  comme  sorties  de  l'officine  monétaire  de 
Pise,  sont  bien  plutôt  le  produit  de  l'officine  de  Lucques, 
Ce  ne  sont  pas  là,  du  reste,  les  seules  preuves  fournies  par 
nos  anciennes  chartes,  puisque  nous  avons  sous  les  yeux  un 
acte  d'accord  célèbre  entre  les  villes  de  Pise  et  de  Lucques 
fait  en  1182,  pour  faire  cesser  les  différends;  j'en  ai  vu 
l'original  parmi  les  parchemins  de  la  noble  famille  deRo- 
selmini  de  Pise,  et  d'ailleurs  cet  acte  a  été  reproduit  plus 
d'une  fois  '.  C'est  là  peut-être  le  premier  exemple  d'un 


*  Ptolomei,  Luccensis  Annales^  p.  99. 

•  Opéra  cHata^  p.  100  seg. 

»  Carli,  Délia  moneta  d'italia,  t.  II,  p.  162. 


ET    DrSSCRTATIONS.  39 

accord  fait  entre  les  ateliers  nionéiaires  d'Italie.  11  prescri- 
vait aux  Pisans  de  fabriquer  des  monnaies  d'une  forme» 
d'une  grandeur  et  d'une  couleur  toutes  différentes  des 
monnaies  de  Lucques. . .  »  e/  quod  ipsa  moneta  Pisana  de- 
«  beat  major  esse  meneta  Lucana  in  magniludine  amphiu- 
9  dinis  et  rottmditate,  et  coloria;  ita  quod  aperte  una  ah 
«  altéra  et  ipsa  majore  amplitudine  et  rotunditate  discer- 
«  nanlur  *.  »  Il  était  prescrit  également  que  l'on  devait 
inscrire  sur  la  monnaie  de  Lucques  le  nom  de  Henri  avec 
la  sigle  Luca  et  sur  celles  de  Pise,  les  noms  de  Frédéric  et 
de  Conrad.  Scillicet  quod  nomen  Lxica  vel  Enrici  in  ea  forma 
et  cuneo  contineatur  ;  itnmo  nominatim  contincntur  in  mo- 
neta quam  Pisani  fabricari  debmt  nomen  Federici  tel  Cor- 
radi,  et  t^men  Pise  *.  Enfin,  on  établissait  entre  les  deux 
officines  une  communauté  qui  voulait  que  le  produit,  tous 
frais  déduits,  fût  partagé  par  moitié  et  d'une  manière  ri- 
goureusement exacte,  entre  les  deux  municipes  qui  con- 
tractaient ces  engagements  :  «  Salvo  lamen  quod  medielas 
0  Zucrt,  introitus  et  redditus  ipsius  Lucensis  moneta^  ad 
«  nos  et  Pisanum  commune  perpetuo  debeat  pervenire^.  » 
Maintenant  prenant  pour  base  ces  documents,  et  les  appli- 
quant aux  exemplaires  delà  monnaie,  il  me  semble  qu'on 
peut  en  tirer  les  conclusions  suivantes  :  !•  que  les  mon- 
naies dont  nous  venons  de  nous  occuper,  non-seulement 
s'écartent  en  tous  points  par  les  caractères,  la  forme  et  la 
grandeur  des  monnaies  de  Pise,  mais  encore  qu'elles  réu- 
nissent au  contraire  tous  les  caractères  propres  aux  mon- 
naies de  Lucques;  S'^que  la  sigle  de  Lucques  LVCA,  quoique 


*  Op.  cit.,  p.  154. 
»  Op,  eit.^  ibid. 
>  Op.  cil.,  p.  155. 


gravée  d'une  manière  barbare,  nous  offre  la  certitude  que 
la  pièce  sur  laquelle  elle  figure  ne  peut  être  autre  qu'une 
monnaie  de  notre  ville»  car  il  ne  semble  pas  à  présumer  que 
les  Pisans  eussent  voulu  concéder  aux  habitants  de  Lucques 
le  droit  de  mettre  le  nom  d'une  autre  cité  sur  une  monnaie 
frappée  de  leur  autorité  et  avec  leur  privilège  ;  3°  que  le 
poids  moindre  et  l'altération  du  titre  de  l'argent  s'accordent 
parfaitement  avec  les  derniers  deniers  frappés  à  Lucques 
portant  le  nom  de  Henri,  et  enfin  que  le  module,  les  lettres, 
l'orthographe  et  tous  les  autres  accessoires  sont  d'accord 
avec  le  caractère  qu'offrent  les  monnaies  frappées  à  Lucques 
sous  les  empereurs  précédents.  Ainsi  notre  conclusion  sera, 
d'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  ces  monnaies 
sont  lucquoises,  et  que  malgré  la  présence  du  monogramme 
de  Henri,  elles  appartiennent  à  Frédéric  V\  Qu'on  ne 
vienne  donc  pas  dire  qu'elles  ont  été  fabriquées  à  Pise  et 
que  le  nom  de  Lucqnes  y  a  été  inscrit  uniquement  pour 
satisfaire  l' amour-propre  des  habitants  de  Lucques,  qu'on 
continua  à  frapper  des  monnaies  avec  le  nom  de 
cette  ville,  même  après  que  les  marquis  de  Toscane, 
successeurs  de  Rabadone  (1116),  n'ayant  plus  séjourné  à 
Lucques,  avaient  transporté  à  Pise  l'officine  monétaire  *, 
et  cependant  je  dis  qu'à  l'époque  à  laquelle  remonte  la 
monnaie  en  question,  Pise,  comme  nous  l'avons  vu,  n'a- 
vait plus  d'officine  propre  d'après  la  volonté  de  Fré- 
déric I".  Je  possède  cinq  pièces  de  cette  espèce  dans  ma 
série  plusieurs  fois  citée  de  monnaies  de  Lucques;  mais 
toutes  sont  d'uiï  travail  grossier,  de  manière  qu'il  est  né- 
cessaire de  les  étudier  avec  attention  pour  pouvoir  les  dé- 
chiffrer. Le  comte  de  San-Qulntino,  malgré  son  érudition, 

>  ^.  Quintiuo,  Dissertazione  sopra  le  mfinele  marchtsalt,  nut.  3. 


ET    DISStnTATJOAS.  ^l 

a  dû  être  induit  en  erreur  par  quelques  pièces  de  mau- 
vaise conservation,  quand,  en  1SA3,  il  publia  ses  belles 
planches  de  monnaies  lucquoises,  et  il  crut  distinguer  dans 
le  n**  8  de  la  pL  VI,  un  F,  tandis  que  moi,  plus  favorisé  que 
lui,  j'ai  découvert  un  exemplaire  sufTisamraent  bien  con- 
servé (pi.  III,  n"9),oi  le  monogramme  est  évidemment 
un  H,  en  tout  semblable  aux  lettres  des  autres  empereurs 
du  nom  de  Henri.  Cette  pièce  pèse  21  grains;  son  titre  de 
8  onces  et  demie  d'argent  fin,  la  met  à  la  valeur  voulue  et 
en  parfaite  harmonie  avec  les  traités  conclus  entre  les  deux 
oflTicines. 

Maintenant  que  j'ai  restitué  à  Lucques  cette  pièce  dont 
les  types  s'accordent  parfaitement  avec  les  documents  cités 
plus  haut,  je  puis  dire  que  c'est  là  un  des  exemplaires  de  la 
monnaie  frappée  aussitôt  après  l'accord  fait  entre  Lucques 
et  Pise,  ce  qui  résulte  d'un  autre  passage  du  même  acte  : 
« ...  et  prefatam  monelam  facial  laborare  pullicœ  in  c/rt- 
«  laie  Lucana,  eo  pondère,  modo,  boni'ate  el  quanlUate  que 
«  ordinata  fuerit  consulum  ulriusque  civilaiis ,  etc.  \  »> 
Mais  un  tel  argument  peut  être  regardé  comme  hors  de 
propos,  puisque  toutes  les  marques  distinctives  indiquent 
notre  officine  qui,  en  vertu  des  conventions,  ne  pouvait 
changer  ses  matrices  et  ne  voulait  pas  renoncer  aux  j)ri- 
>iléges  qui  lui  appartenaient  de  bon  droit. 

Avec  le  secours  de  ces  documents  appuyés  par  le  rai- 
sonnement et  par  les  faits,  cette  période  de  notre  nu- 
mismatique me  paraît  suffisamment  éclaircie  pour  pouvoir 
affirmer  que  si  l'antique  officine  monétaire  de  Lucques  a 
émis  des  pièces  sous  le  règne  de  Frédéric  I",  cela  ajoute 
non-seulement  un  nouveau  lustre  à  l'histoire  métallique  de 


*  Carlj,  op.  cil.,  t.  11,  p   162. 


42  MKMoinus 

DOtre  pays ,  mais  eucore  nous  fournit  un  nouvel  et  irrécu- 
sable  témoignage  de  la  suite  non  interrompue  de  ses 
frappes;  que  la  cité  de  Lucques,  malgré  ses  divisions 
intestines  et  ses  querelles  avec  ses  voisins,  ne  cessa  jamais 
de  fabriquer  de  la  monnaie,  jalouse  qu'elle  était  de 
conserver  intacts  les  privilèges  dont  jouissait  son  offi- 
cine dès  les  temps  antérieurs  à  la  domination  des  Long- 
bards. 

Doif  BNico  Massagu. 


KT    DISSEnTATlO.NS. 


II?^ 


GROS  DE  L'ÉVÊCnÉ  DE   LAUSANNE. 


BARTHELEMY,  ADMINISTRATEUR. 


Quand  on  examine  la  série  des  monnaies  de  Lausanne 
telle  que  nous  la  devons  aux  soins  et  aux  recherches  de 
MM.  Fréd.  Soret  et  Rod.  Blanche t,  on  reconnaît  bien  vite 
à  quel  point  sont  rares  les  pièces  de  grand  module  fabri- 
quées par  des  évêques  du  xv«  siècle.  On  ne  s'étonnera  donc 
pas  de  nous  voir  donner  ici  avec  empressement  la  descrip- 
tion d'un  gros  frappé,  pendant  une  vacance  du  siège  épi- 
scopal ,  par  un  administrateur  du  diocèse. 

Cette  monnaie,  que  nous  nous  sommes  procurée  récem- 
ment, porte  les  types  suivants  : 

PVLCRA:VT:LVnA:EL6GTA:VT:S0L.  (Belle  comme  la 
lune,  unique  comme  le  soleil);  écu  chargé  d'un  soleil 
au-dessus  d'un  croissant  de  lune,  surmonté  d'un  buste 
de  la  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus. 

/îei?ers.+B.€PS.nlCl€n'.ADCniSTRATOR.LAVSA'.  (Bar- 
tholomeus  episcopus  Niciensis  administrator  Lausannae.) 

Croix  cantonnée  de  quatre  roses.  Poids,  2,18  grammes. 


hà  MÉMOIRES 

Celle  pièce  oiïre  une  certaine  analogie  de  style  et  de 
type  avec  les  gros  des  ducs  de  Savoie  Amédée  IX  le  saint 
(1465-1472),  Philibert  (1472-82),  Charles  (1482-1489), 
et  avec  les  gros  de  Louis  XI,  beau-frère  d' Amédée  IX- — Nous 
trouvons,  au  reste,  dans  les  tables  chronologiques  dressées 
pour  la  monnaie  de  Savoie  par  M.  Promis,  qu'en  1476  les  gros 
du  duc  Philibert  sont  égaux  en  poids  à  ceux  de  France  \ 

Il  y  a,  nous  dit  M.  Blanchet,  deux  versions  de  la  liste 
des  évêques  de  Lausanne;  celle  de  Bernard  Emmanuel  de 
Lenzburg,  évêqiie  de  cette  ville  en  1782,  et  celle  de  Pellis, 
auteur  des  Éléments  de  Thistoire  de  l'ancienne  Helvétie; 
voici  le  passage  de  cette  double  liste  qui  peul  nous  éclairer  : 

Diaprés  Lenzburg.  D'après  Pellis. 

1462.  GuilUume  de  Varax.  1 162.  Guillaume  de  Varax. 

1 465.  Jean  de  Michaôlis. 

Pendant  la  vacance,  le  pape 
nomme  Barthélémy ,  évè- 
que  de  Nice,  administra- 
teur de  1  evêché  de  Lau- 
sanne. 1468.  Jean  de  Michaëlis. 


1473.  Le  cardinal  Julien. 
1477.  Benoît  de  Montferrand. 


1472.  Le  cardinal  Julien. 
1476.  Benoît  de  Montferrand. 


L'évêque  de  Nice  dont  il  est  question  dans  la  liste  de 
Lenzburg  est  Barthélémy  Choet,  ou,  comme  les  Italiens 
récrivent,  Guetti,  di  nazione,  como  si  crede  verisimilmenle^ 
francese,  dit  Gioffredo,  l'auteur  de  l'histoire  de  la  cité  de 
Nice*.  Ge  prélat  occupa  son  siège  de  1462  à  1501,  pen- 
dant que  se  succédaient  sept  ducs  de  Savoie. 

*  Montt9  di  reali  dei  Savoia,  t.  II,  p.  36-37. 

*  Éd.  évs  Mon.  hi»t.  pat.,  p.  1117. 


ET    OISSrRTATIONS.  4o 

C'était  un  homme  é|ninent.  à  tous  égards,  jouissant  de 
la  confiance  du  duc  Amédée  le  saint  et  de  la  duchesse 
Yolande  de  France,  animé  d'une  ardente  charité,  qu'il 
prouva  tout  particulièrement  pendant  l'épouvantable  peste 
de  1166,  pratiquant  les  arts ,  et  montrant  partout  un  esprit 
élevé.  Ce  fut  ce  prélat  que  le  pape  chargea  d'administrer  le 
diocèse  de  Lausanne,  et  c'est  son  nom  que  nous  venons  de 
lire  sur  le  précieux  gros  dont  nous  donnons  ici  le  dessin. 

Le  gros  de  l'évèque  Guillaume  de  Varax  (1462)  repré- 
sente aussi  un  écusson  surmonté  du  buste  de  la  Sainte 
Vierge,  et  la  croix  cantonnée  de  roses*.  Mais  sur  celui 
de  Barthélémy,  l'écu  offre  les  figures  d'une  lune  et  d'un 
soleil  qui  ont  permis  au  rédacteur  de  la  légende  de  faire 
une  allusion  à  la  patronne  de  la  ville. 

Un  petit  denier,  publié  par  M.  Blanchet,  porte  aussi  ce 
même  écu;  la  légende,  fort  altérée,  laisse  reconnaître 
B.EPS.AV  A.  suivant  l'auteur  que  nous  citons.  U^est  pro- 
bable qu'il  faut  y  lire  B.EPS.N.A.  {Bartholomeus  efnscopUÂ 
Niciensis^  administrator) .  Cest  encore  nne  monnaie  de 
notre  Barthélémy  frappée  pendant  la  vacance  du  siège. 
Au  reste,  ce  n'est  qu'avec  une  grande  hésitation  que 
M.  Blanchet  propose  de  l'attribuer  à  Benoît  de  Montfer- 
rand  *.  La  similitude  des  pièces  placées  dans  les  écus 
du  gros  et  du  denier  me  paraît  un  argument  très-  propre 
à  trancher  la  question  restée  douteuse. 

Feuardent. 


Au  moment  où  cet  article  va  être  tiré,  M.  Arnold  Morel 
Fatio  communique  à  notre  collaborateur  une  notice  qui 

*  BlaDcliet^  Mém.  nur  le*  mcmn,  dé»  pays  roiêins  du  Léman,  pi.  VII,  n*  U. 

*  /6id.,pl.  Vll.n-  10,  p.  57. 


ho  ilLMOIRLS 

vient  d'être  publiée  à  Lausanne  par  M.  Adolphe  Blanchel, 
fils  du  numismatiste  cité  plus  haut.  Dans  ce  travail  se 
trouve  la  description  d'un  gros  de  Barthélémy,  administra- 
teur de  Lausanne.  Mais  la  pièce  est  mal  consei-vée^  et 
M.  Blancbet  n'a  pu  lire  la  légende  Electa  ut  sol.  Nous  con- 
servons donc  l'article  de  M.  Feuardent  tel  qu'il  nous  avait 
été  donné. 

{ XoU  des  éditeurs.  ) 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIOUE. 


Monuments  des  anciens  idiomes  gaulois ,  par  H.  MoNm , 
ancien  élève  de  l'École  normale.  Textes. — Linguistique. 
Paris,  Durand;  Besançon,  1861. 

Je  ne  suis  pas  de  ceux  qui  professent  pour  les  opinions  scien- 
tifiques de  nos  devanciers  un  culte  aveugle.  Cependant  en  ma- 
tière gauloise  la  circonspection  est  d'une  bonne  tactique  et 
surtout  il  faut  se  garder  d'admettre  une  lecture  avant  d'avoir 
vérifié  soi-rnên>e.  sur  un  nombre  plus  on  moins  considérable  de 
monuments  identiques,  si  elle  résiste  à  un  examen  approfondi. 
La  numismatique  offre  précisément  cet  avantage  sur  l'épigraphie 
monumentale  proprement  dite,  qu'il  est  presque  toujours  pos- 
sible de  comparer  entre  elles  plusieurs  médailles  ayant  les 
mêmes  légendes,  tandis  que  les  échantillons  d'inscriptions  tra- 
cées sur  les  pieiTes,sur  les  bijoux  ou  sur  les  usten>iles,  sont 
restés  jusqu'à  ce  jour  si  rares,  qu'ici  l'unité  est  la  règle»  et  que 
dès  lors  les  tentatives  de  déchiffrement  appliquées  à  ces  textes 
sont  entachées  d'une  plus  grande  incertitude  et  exposées  par 
suite  à  plus  d'erreurs. 

Ces  réflexions  me  sont  suggérées  par  l'intéressant  ouvrage  de 
M.  Monin.  Comment  se  fail-il  que  cet  honorable  celtiste,  vou- 
lant exposer  un  nouveau  système  d'interprétation  embrassant  les 
quelques  textes  gaulois  publiés  jusqu'à  ce  jour  et  surtout  les  lé- 
gendes des  médailles,  n'ait  pas  fait  plus  d*(fforls  pour  remonter 
à  la  source  même  de  ces  légendes,  c'est-à  dire  aux  médailles 
elles-mêmes? 


AS  BL'LLETIN    lHULlOr.RAPniQCE. 

\\  semble  qtie  les  cellistesne  devraient  travailler  que  la  main 
sur  le  monument  qu'ils  veulent  élucider,  et  ici  je  ferai  d'autant 
plus  le  procès  de  la  méthode  de  M.  Monin,  qu'il  s'est  contenté 
presque  toujours  «d* indications  prises  dans  des  ouvrages  anciens. 

La  science  de  la  numismatique  gauloise  a  bien  vieilli  depuis 
quelques  années  ;  cette  revue  est  préciséuient  la  confidente  des 
progrès  les  plus  remarquables  que  le  zèle  de  nos  confrères  lui 
a  fait  faire,  et  malheureusement  M.  Monin  n'a  pas  eu  la  Revue 
à  sa  dispositron. 

Ainsi,  non-seulement  il  a  fait  son  livre  sans  voir,  sans  toucher 
les  monuments  qu'il  interprète,  mais  encore  il  n'a  pu  compulser 
la  source  la  plus  abondante  et  la  pins  pure  de  niatériaux.  On 
juge  dès  lors  combien  d'interprétations  complètement  erronées 
ont  dû  se  glisser  dans  son  livre. 

Il  nous  parait  utile  de  signaler  ici  1rs  principales,  afin  de 
mettre  en  garde,  à  l'avenir,  les  philologues,  celli.stes  ou  autres, 
contre  cette  trop  grande  facilité  à  adopter  des  Ictuies  dont  ils 
n'ont  pu  contrôler  suflSsamment  Texaclitude 

M .  Nfonin  commence  l'examen  des  monuments  numisniatiques 
gaulois  par  la  médaille  de  TOGIRIX;  son  article  est  des  plus  pi- 
quants et  témoigne  une  fois  de  plus  qu'on  ne  peut  parler  sa- 
vamment d'une  science  que  lorsqu'on  a  longtemps  scrute  les 
monuuïcnts  qu'elle  a  pour  objet  d'éclairer,  quelle  que  sort  d'ail- 
leurs rérudition  générale  qu'on  puisse  avoir.  D'abord  M.  Monin, 
moins  généreux  que  tous  les  numismatistes  qui  ont  parlé  de 
celte  médaille,  en  fait  un  monument  germain,  et  l'attribue,  selon 
toute  probabilité,  aux  Toxandres.  Jusqu'ici,  connue  cette  mé- 
daille s'est  trouvée  at>ondamment  dans  toute  la  France,  on  en 
avait  fait  un  monument  gaulois.  Grivaud  de  la  Vincelle,  entre 
autres  ,  M.  de  Saulcy  ^  l'a  rappelé  dernièrement,  a  signalé  une 
agglomération  considérable  de  ces  niédailles  découverte  dans  le 
jardin  du  Luxembourg,  à  Paris.  11  est  donc  prudent  de  leur  con- 
server leur  origine  gauloise. 

•  Reçue  numism.,  1862,  t.  VU,  îiouvpUc  sério,  p.  20. 


BULUTIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  49 

H.  Monin  voit  ensuite  une  forme  Totive  dans  la  légende  du 
revers  :  TOGIRI,  dont  il  fait  un  datif,  et  traduit  ainsi  :  A  ladée$se 
Toghiré.  Hais  depuis  les  curieuses  et  fertiles  recherches  de 
M.  Adrien  de  Longpérier  sur  la  forme  de  la  lettre  F  ^  dans  les 
monuments  antiques,  il  est  permis  de  voir  au  contraire  des  gé- 
nitifs dans  les  revers  des  médailles  à  deux  noms  lorsque  ceux-ci 
n'offrent  pas  très-évidemment  le  nom  au  nominatif;  aussi  notre 
savant  ami  a-t-il  émis  Topinion  dans  une  note  de  son  article  que 
la  forme  TOGIRI  semblait  marquer  un  génitif  TOGIRIGIS  à  l'i- 
mitation de  DOCIRIGIS^nom  qui  se  lit  sur  deux  patères  d'argent 
du  trésor  de  Berthouville.  M.  de  Saulcy  a  adopté  cette  interpré- 
tation' en  faisant  toutefois  quelques  réserves  à  raison  de  Texis- 
tçnce  de  la  médaille  Q.DOCI,  forme  évidemment  abrégée  de 
Q.DOCIRIX.  Peut-être  pourrait-on  aussi  faire  remarquer  que  les 
Gaulois,  pas  plus  que  les  autres  peuples  de  l'antiquité^  ne  por- 
taient habituellement  le  même  nom  que  leur  père,  et  que  M.  Lam- 
bert, dans  son  travail  sur  la  numismatique  du  nord-ouest  de  la 
Gaule  ',  a  reproduit  une  médaille  de  ce  personnage  qui  offre  au 
revers  le  même  nom  complet  écrit  au  droit  ;  on  sait  qu'H  existe 
plusieurs  médailles  gauloises  qui  présentent  la  même  particula- 
rité*. Quant  à  la  forme  votive,  si  oa  la  trouve  parfois  dans  la 
numismatique  romaine,  elle  n'existe  pas  dans  les  médailles  gau- 
loises; nous  n^en  connaissons  pas  d'exemple. 

M  Montn  s'étonne  ensuite  de  1»  diversité  des  légendes  de 
cette  méd^Ue,  il  a  conjecture  qu'il  y  avait  des  marchands  de 
a  médailles  toutes  nues  qui  se  chargeaient  d'ajouter  les  lé- 
a  gendes.  » 

Nous  avons  déjà  souvent  nous- même  signalé  la  mobilité  de 


Ml.,  1860,  t.  V,  nouT.  série,  p.  175» 

'  Rnue  num.,  1862,  t.  VII,  nouv.  sério,  p.  21. 

»Pl.X.fig.22. 

*  EKCOD-ERœD;  ROVECA-POOrlKA;i:EENOC-CnHKOC;DEIVTAÇ- 
ACOH;  PIXTILOS-PIXTILOS;  SOLIMA-SOUMA;  TÎEMO-REMO;  ABVDOS- 
AKVDS ;  Q  DOOI-Q.DOCI ,  €t*.»  etc. 

1861.-.  1.  4 


60  BULLETIN    nini.lOGRAPniQUE. 

Talpliafaet  gaulois,  mais  nous  étions  loin  d'avoir  pansé  à  cette 
malice  des  marchands  de  bric-à-brac  contemporains  de  Vercîn- 
gétorix  ;  il  nous  avait  paru  que  tout  s'expliquait  par  Tépoqne 
agitée,  guerrière,  pleine  d'éventualités,  pendant  laquelle  le  mi- 
méraire  épigraphique  a  été  frappé  dans  la  Gaule. 

M.  Monin,  préoccupé  de  ces  irrégularités,  ajoute  :  «  Oh  aura 
a  bientôt  des  exemples  de  variantes  plus  que  bizarres  ;  lettres 
«  oubliées,  transposées,  couchées  ou  la  tête  en  bas,  trônent  dans 
a  celte  mimismalique;  on  est  toujours  disposé  à  la  croire  plus 
«  vieille  que  César.  Les  plus  vieilles  monnaies  datées  ne  sont 
0  pourtant  que  du  règne  de  Tibère,  et  je  crois  qu'il  pent  y  en 
«  avoir  de  postérieures  à  Constantin  » 

Où  M.  Moûin  a  t-il  vu  que  Tirrégularlté  du  numéraire  gaulois 
était  un  signe  d'antiquité?  Il  me  semble  que  tous  les  numisma* 
Ustes  éclairés  ont  toujours  dit  le  contraire;  nous  avons  toujours 
sotitenu  que  les  plus  belles  médailles,  les  plus  complètes,  les 
mieux  ouvrées,  se  rencontraient  au  début  de  ce  monnayage, 
parce  que  ce  début  coïncidait  avec  I  époque  du  plus  grand  épa- 
nouissement de  l'art  givc  dont  les  Gaulois  se  sont  visiblement 
inspirés. 

Où  M.  Monin  a-t-ii  vu  que  les  plus  anciennes  médailles 
datées  dans  cette  suite  ne  remontent  pas  au  delà  de  Ti- 
l>ère  ? 

Les  monnaies  signées  des  noms  parfaitomcnl  historiques  de 
Vercingétorix,  de  Divitiacus,  de  Tasget,  de  Dumnorix,  de  Lita- 
vicus,  de  Duralius,  de  Luctère  et  de  bien  d'autres  chefs  ne  por- 
tent-elles pas  leur  date  avec  elles  et  ne  prouvent-elles  pas  que 
les  Gaulois  ont  placé  les  noms  de  leurs  chefs  sur  le  numéraire, 
juste  au  moment  où,  par  une  brusque  dérogation  aux  usages 
monétaires,  les  Romains  eux-mêmes  ont  commencé  à  le  faire, 
c'est-à  dire  à  l'époque  de  César? 

Quant  aux  monnaies  prétendues  gauloises,  postérieures  à 
Constantin,  je  pense  que  M.  Monin  s'est  mépris  sur  leur  déno- 
min^tiou  et  qu'il  veut  parler  des  monnaies  mérovingiennes; 


BULLETm   BIBLIOGRAPHIQUE.  51 

mais  c'est  là  un  ordre  d'idées  bien  différent;  au-dessus  de  l'art 
gaulois  s'est  stratiBé  Fart  gallo-romain  qui  ne  lui  ressemble  pas^ 
puis  par-dessus  la  barbarie  franqne  important  chez  nous  un  art 
ou  des  rudiments  d'art  jusque-là  inconnus  :  ce  sont  là  des  no- 
tions qu'il  ne  faut  pas  confondre. 

Médailles  DVRNACOS-AVSCnOet  DVRNAC-DONNVS.  Suivant 
M.  Monin,  la  première  de  ces  médailles  aurait  une  légende  gau- 
loise, la  seconde  une  légende  latine.  Nous  sommes  de  son  avis; 
mais  il  eût  dû  rectifier  la  transcription  de  la  seconde  légende 
qui  est  DVRNACVS-DONNVS,  et  il  aurait  bien  fait  de  donner  le 
nom  complet  AVSCROGOS  qui  se  trouve  sur  de  très-rares  mé- 
dailles analogues  à  la  première,  lesqurlles,  jusqu'ici,  n'existent 
que  dans  le  cabinet  de  M  Je  duc  deLuynes^  acquéreur,  comme 
l'on  sait,  de  la  collection  de  M.  le  marquis  de  Lagoy,  et  dans 
le  mien. 

C'est  M.  Rouyer,  mon  ami  et  mon  collaborateur  dans  l'histoire 
du  jeton^  qui  a  eu  Thonneur  de  déchiffrer  le  premier  le  nom 
AVSCROœS.  11  a  rendu  compte  de  sa  découverte  dans  le^ 
Archives  de  la  Sartke,  publication  éphémère  tirée  à  petit  nombre 
et  qui  n'est  guère  connue.  (Voir  à  la  page  130  de  ce  volume  pu- 
blié uu  Mans,  chez  Gallicnne,  on  1848).  Plus  tard^  j'ai  donné 
dans  la  Revue  la  figure  de  cette  médaille  qui  n'est  passée  que 
postérieurement  dans  ma  collection. 

Du  reste,  M.  Monin  bien  inspiré  fuit  observer  que  Donnos  nous 
reporte  nécessairement  vers  ic  pays  qu'on  a  appelé  Alpes  Col- 
liennesy  bien  loin  par  conséquent  des  Éburons  où  ce  genre  de 
pièces  avait  été  classé,  d'un  concert  presque  unanime,  jusqu'à 
ce  que  M.  le  marquis  de  Lagoy  eût  révélé,  à  ili verses  reprise5y 
la  découverte,  en  masse,  de  monnaies  identiques  dans  divers 
lieux  du  midi  de  la  France.  C'est  réellement  à  diitcr  de  celte 
époque  qu'on  a  o^é  attaquer  celte  attribution  avec  quelque  suc- 
«:è$.  Nous  savions  tous  du  reste^  par  des  témoignages  véridiques^ 

»  li#r«M  num.,  185»,  t.  XVIII ,  p.  §,  et  pi.  I .  n«  2. 


62  BULLETi^    UIIUJOGKAPHIQUIi. 

que  ces  monnaies  ne  se  trouvaient  pas  dans  le  nord  de  la  Gaule 
ou  ne  s'y  rencontraifnt  qu'en  unités. 

Duchalais  tout  en  voyant  un  nom  de  ville  dans  le  mot 
DVRNAGOS  qu'il  interprète  par  :  /tabitation  sur  le  bord  d'une 
rivière^  avait  fait  remarquer  qu'il  existe  un  Tornacum  dans  le 
Maine  (Tornacum  in  Cœnonianis],  un  autre  dams  la  Dordogne 
(la  Dornac],  un  troisième  dans  le  Haut-Rbifi  (Dornacb),  enfin  un 
quatrième  dans  la  Nièvre  (Dômes),  il  en  avait  conclu  qu'il  pou- 
vait en  exister  un  autre  encore  chez  les  Éburons.  Si  les  pré* 
misses  de  son  raisonnement  étaient  bonnes,  on  conviendra  que 
sa  conclusion  laissait  beaucoup  à  désirer. 

Cette  idée  du  Tornacum  cœnomanense  fut  adoptée  dans  le 
principe  par  M.  Anatole  de  Bartbéleniy  et  par  moi  à  raison  de  la 
médaille  EBVROV  que,  dès  cette  époque^  nous  nous  obstinions 
à  lire  ainsi,  et  non  EBVRON^  par  le  très- bon  motif  que  M.  le 
marquis  de  Lagoy,  qui  tenait  pour  cette  dernière  lecture,  avait 
lui-même  gravé  sa  planche  eu  plaçant  un  V  à  la  fin  du  mot  et 
en  indiquant  une  brisure  à  la  place  où  Ton  voulait  voir  le  pre- 
mier jambage  de  la  lettre  N  '. 

Ce  point  de  vue  était  confirmé  à  nies  yeux  par  la  découverte 
a  Alonnes  près  le  Mans,  de  plusieui*s  médailles  aux  légendes 
DVRNACOS.AVSCRO,  DVRiNACVS.DONNVS,  et  surtout  de  celle 
alors  unique  sur  laquelle  M.  Rouyer  et  moi  avions  lu 
AVSCROCOS. 

On  se  rappelle  que  frappé  de  cette  circonstance  que  ce  numé- 
raire>  auquel  on  ajoutait  alors  ^  à  tort,  comme  je  l'ai  démontré 
depuis*,  le  prétendu  DVRNOCOV.DVBNOREIX,  ofl'rait  trois 
noms  de  chefs  diflertnts  avec  un  seul  nom  de  localité,  j'avais 
proposé  '  de  voir  dans  UVRNACOS  autre  chose  qu'un  nom  de 
ville,  c'est-à-dire  un  substantif  analogue  au  mot  communitas  ou 

«  Rstai  de  «Kmoî/r.,  etc.  Aix.  1847.  pi.  n*  18  ^  DVRNAC-EBVBOV) 

*  UUft  à  M.  ée  la  Sauaaayf  ,  rliins  la  Rêcyn  num.  de  1853,  p.  6,  pi.  I,  n*  1. 

*  SêCûnd  suppUwient  à  Cessai  »ur  Us  moiiiiai««  du  Maine  ,  dans  la  Bet%iê  num. 
dt  IMS.  p.  SS2. 


bULLETl!f   ItlBUOCRAPniOt'E.  bl 

amfédiratifm^  à  rimitation  du  moi  umùavi us  (client ou  Sujet)  des 
moDuaies  au  bucrane. 

J'avais  donné  pour  soutien  à  cette  opinion  les  mots  tourne  et 
tmmaie  usités^  de  temps  imnmémoriaU  dans  le  tîaine^  pour  si- 
gnifier une  chose  commune,  un  territoire  commun  à  deux  diocèses^ 

Aujourd'hui  de  toutes  ces  opinions  if  ne  reste  plus  que  la 
dernière  qui  vient  d*étre  rajeunie  par  notre  maitre  à  tous,  M.  de 
Saulcy,  dans  le  premier  numéro  de  la  Itevue  numiimatiqttè  de 
ISeS  '.  En  effet  le  DVRNACVS.ESIANNI,  découvert  par  lui  dans 
le  trésor  de  Chantenay,  rétablit  les  choses  au  point  où  elles  étaient 
lorsqu'on  croyait  que  les  monnaies  de  Dumnorix  offraient  aussi 
un  DVRNOCOS;  c'est  à  dire  qu'on  aurait  trois  médailles  au  mémo 
nom  de  ville  ou  de  peuple,  frappées  presque  au  même  moment, 
par  trois  chefs  différents.  M.  de  Saulcy  se  demande  alors  avec 
toute  raison,  si  DVRNACOS  ne  serait  pas  un  nom  commun  si- 
gnifiant montagnards  ou  riverains  des  torrents  on  quelque  chose 
d'analogue.' 

Il  n'y  a  pas  en  effet  à  hésiter  maintenant  et  il  n'est  plus  pos- 
sible depuis  la  trouvaille  de  Chantenay  et  la  découverte  d*une 
monnaie  signée  de  la  légende  incontestable  EBVROV  *,  de  don- 
ner ces  pièces  à  Tournay  nr  à  un  Domac  quelconque  et  l'hypo- 
thèse de  M.  de  Saulcy,  qur  se  rapproche  beaucoup  de  la  mienne, 
paraîtra,  nous  Tespérous,  à  tout  le  monde  une  solution  satis- 
faisante. 

Tel  ne  sera  peut-être  pas  le  sentiment  de  M.  Monin.  Ce  sa- 
vant voit  en  efiet  dans  DVRNiGOS  l'équivalent  de  Minerve  ;  d'urr 
autre  côté  RICAN  qui,  on  le  sait ,  se  lit  aussi  sur  des  médailles^ 
de  cette  série  est  traduit  par  lui  :  aux  deux  reines,  interprétations 
qu'il  fait  suivre  spirituellement  des  sigles  :  S.  G.  D.  G.  Je  suis  de- 
son  avis. 

H  faut,  je  crois,  6!re  très-sobre  d'interprétations  de  ce  genre:. 

<  Utirê  à  M,  Àd.éi  Longpéritr,  dans  la  Revus  num,  dt  1862,  p.  9. 
*  Uttrê  à  If.  Àd.  de  Longpériêr,  dans  la  AeviM  nrnn.  de  1862,  p.  10. 


bà  BULLETIN   BinUOCaAPHIQDE. 

si  KAÂCT,  AMBACTVS  et  DVRNACVS  peuvcDt  à  la  rigueur  of- 
frir un  sens  raisonnable^  tous  ou  presque  tous  les  autres  mots 
qui  composent  les  légendes  des  médailles  gauloises  sont  très- 
certainement  des  noms  de  chefs  ou  de  peuplades  ;  quelques 
uns  de  ville  ou  d'oppidum. 

Nous  passons  aux  médailles  GARMANO  COMIOS  et  ANDOB- 
CARBfANO. 

M»  Monin  lit  GARHANO,  et  il  n'a  pas  tort^  je  crois.  Ducha- 
lais  qui  voulait  voir  dans  ce  mot  un  nom  de  lieu  CARMANVM- 
CASTRYM,  Caraman^  n'a  pas  saisi  le  G  initial  dont  j'ai  constaté 
la  présence  sur  un  très-bon  exemplaire  à  fleur  de  coin*.  Du 
reste,  inutile  de  dire  que  nous  ne  partageons  pas  l'opinion  de 
M.  Monin  quand  il  voit  dans  ANDOB-GARMANO  la  phrase  :  Aux 
vainqueurs  des  Germains. 

Arrivant  ensuite  aux  Leuces,  M.  Monin  s'exprinfie  ainsi  :  a  On 
«  attribue  aux  Leuces  les  médailles  où  Ton  lit  :  avk  (et  où  je 
«  lirais  KAA,  î.  e.  Caleti^  les  Cauchois,  autre  peuple  belge).  » 

M.  Monin  est  bien  en  retard  comme  on  le  voit;  il  en  est  resté 
sur  cette  question  au  premier  mémoire  de  M.  de  Saulcy  publié 
dans  cette  Revue  en  i836*  ;  que  de  papier  noirci  depuis  cette 
époque!  M.  Monin  aurait  dû  au  moins  avoir  recueilli  ce  fait  ca- 
ractéristique que  cette  médaille  très-commune  dans  tout  l'est  de 
la  France  ne  se  rencontre  guère  dans  l'ouest,  et  presque  ja- 
mais chez  les  Calètes. 

Répétons  ici  ce  qu'il  importe  de  bien  savoir  :  que  AVK  n'a  jfi- 
mais  existé;  que  KAA  n'existe  pas  isolé';  qu'on  trouve  sur  les 

1  Lelewel  est  dn  même  etîs,  et  il  orthographie  GARMAKOS  dans  plusieurs 
eDdroitB  de  son  livre ,  le  plus  précieux  traTail  à'ensemble  qui  ait  été  fait  jus- 
qu'à ce  jour. 

*  Bitue  num.y  1836,  p.  166. 

•  On  pourrait  croire ,  d'après  les  exemplaires  n^'  2,  3,  et  7  de  la  pi.  III ,  à 
Tappui  du  mémoire  de  M.  de  Saulcy  (Rêvus  tium.,  1836) ,  que  les  légendes 
de  ces  médailles  sont  seulement  KAAT;  mais  ce  serait  une  erreur,  je  possède 
cette  variété  à  la  rouelle ,  or  sous  cette  rouelle  on  reconnaît  sur  run  de  mfs 


BULLETIN   BIBUOr.ttAPHif;yUE.  &Ji 

iiiéd<iiltes  probahlemciil  les  pèas  réceiiies,  suivant  la  loi  de  la 
dégénôrescenœ,  les  légendes  tronqiiétps  KAACDOr^  KAikiCàr,  Vt 
et  le  A  tantAt  en  moDogranune  tantôt  soperposé^ ,  enfin  que 
sur  les  médailles  à  flans  plats,  c'est  à  dire  traiaemblabtenieot 
les  plus  anciennes,  on  Ut  oertainenient  la  légende  complète 
KAACI€AOr,  mot  que  M.  de  Saulcy  a  détxmposé  très-heureuse* 
ment  en  KàACr  €AOr  qu'il  est  autorisé  par  divers  textes  ancieae  * 
à  traduire  pat  le&/)èirs  Éduem.  Tel  est  aujourd'hui  l*6tBt  d^  kl 
question!. 

MelitîiiDBQns  encore  Tél^nte  intepprétatîon  que  wfAvé  c\er 
maître  a  deasée  du  mot  œMV  (Ckmvictolitanijf.  qui  se  Ut  anssy 
sur  des  médaiHes  qu'on  peut  rattacher  à  cette  série  *. 

A  Toccasion  d'une  inscription  publiée  dans  le  recueil  d'Orellî 
et  trouvée  chez  les  Leuci  relatant  le  nom  de  SOLLIVS^  M.  Moniu^ 
voit  dans  te  légende  SOLLOS  le  dieu  éponyme  de  SOLLIVSu  Si 
Ton  voulait  chercher  des  noms  de  divinités  dans^  les  radicaux- 
des  noms  de  peuple  ou  de  villes,  on  le  pourrait  à  la  rigueur,  car 
l'on  sait  par  les  exemples  de  Bibracte,  dé  Divona,  de  Nemausus, 
de  Vesone,  etc.,  etc.,  qu^il  existait  presque  partout  dans  les^ 
Gaulesdesdivinités  topiques;  l'observation  de  M.  Bfonin  n'est 
donc  pas  invraisemblable,  et  dans  Tespèce,  en  modiflant  UU' 
pe»  sa  portée,  on  pourrait  dire  que  SOLLOS  est  la  divinité  to- 
pique des  Solltni,  peuple  auquel  M.  Adrien  de  Longpérier  a 
le  pivniier  attribué  cette  médaille  danS'  la  description  qu'ils  à 
donnée  en  1843  des  médailles  de  la  collection  Desaii^,  attribu-. 
tieû  qu'à  la  vérité  il  regrette  aujourd'hui- de  voir  si  générale- 
ment adoptée. 

Passant  ensuite  à  la  monnaie  ATEVLA-VLATOS,  M.  Monîn^ 
se  demande  «si  ATEVLA  qu'il  accentue  i4feoi//a  semît  AttiJa  noi 

czempli&jri?8  le  iDonogramcne  (X)  renfermant  un  K  et  ud  D,  demauière  à  donner 
toujours  KAACor. 

*  JlfctM  fMim.,  18^,  p.  281. 

*  Voir  tettrt  à  M.  Ad.  di  Longpétiet,  dan*  la  Revue  num.  de  1861,  où  M.  de' 
Staley  a  donné  la  tranecripiion  de  la  Irgcode  COKV. 


Wl  BBIXBTIN  «IBLlOtiRAPHfQUE. 

c  des  HuD8  ;  il  en  doute.  »  Nous  avons  reproduit  dans  sa  forme 
caractéristique  ce  passage  de  l'ouvrage  de  M.  Monio,  pour  bien 
accuser  l'espèce  d'archaïsme  dont  sont  empreintes  les  opinîous 
de  cet  honorable  celtiste. 

On  sait  que  depuis  le  mémoire  de  M.  de  la  Saussaye  (Revue 
mm.,  1840,  p.  178)  et  le  beau  travail  de  Lelewel  {Type  çauloiSy 
pages  23  et  329)  il  n'est  plus  permis  même  de  poser  en  doute 
rancienne-  attribution  de  cette 'médûlle  à  Attila.  Âteula  est  un 
nom  de  chef  gaulois,  comme  Pa  prouvé  M.  Adrien  de  Longpé^ 
rier  en  reproduisant  dans  le  Catalogue  Rousseau  Tinscription  si 
satiéfaisante  de  Naix.  Quant  à  VLATOS  S  M.  Monin  y  voit  un 
adjectif  verbal  :  c  c'est,  dH-il,  notre  Tarvos  Trigaranus  de  Paris 
a  si  Ton  s'en  rapporte  à  ee  que  Duchalais  voit  représenté  sons 
«VLATOS.» 

M.  Monin  veut-il  faire  allusion  ici  à  l'exergue  dans  lequel 
Duchalais  signale  q  un  épi  de  blé  dont  la  tige  est  brisée  et  re- 
«  courbée  de  gauche  à  droite?  » 

Je  ne  comprends  pas  bien  quel  rapport  cette  dernière  circon- 
stance peut  avoir  avec  le  taureau  aux  trois  grues  de  Tautel  des 
Nauiœ  parisiaci.  Pour  nous ,  le  quadrupède  est  à  la  vérité  un 
bœuf  ou  un  taureau,  si  l'on  veut,  quoiqu'il  n'ait  pas  de  sexe 
apparent;  mais  là  s'arrête  la  similitude.  On  sait  que  Lelewd 
n'était  pas  de  cet  avis,  mais  l'illustre  maître  était  dans  Terreur 
sur  ce  point.  Mes  trois  exemplaires,  à  fleur  de  coin,  offrent 
plusieurs  signes  caractéristiques  du  ruminant,  d'abord  deux 
cornes  indépendantes  des  oreilles  qui  sont  très -visibles,  puis 
un  fanon  très-accentué,  enfin  la  queue  longue  et  grêle  du 
bœuf. 

J'arrive  à  l'épi  brisé,  qu'on  peut  rapprocher  du  sceptre  brisé, 
de  la  couronne  rompue,  de  la  médaille  déjà  citée  de  la  gens 


>  M.  G.  Ponton  d'Améconrt  a  attribaé  cette  médaille  à  Yonillen ,  Tillage 
da  pagut  Partensis,  qui  a  en  «n  roi  da  nom  d*Atenla.  Voir  /Uvim  fiuni.,  1853, 
p.  81  et  82. 


eULUTlN    blIiUO&RAMlOUC.  57- 

Jmmmj  ai  diiiis4equel9  en  oonséqiieDce,  on  peut  voir  une  inten- 
tion symbotique»  l'idée  ncme,  ditolaHon,  surtout  en  présence 
de  l'attitude  de  notre  quadrupède. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  médaille  mal  décfaiffirée  OINO  vel 
OIAIO  vel  ONIO,  que  M.  Monin  interprète  par  :  de  HESVS.  On 
ne  peut,  raisonnablement,  rien  tenter  de  sérieux  avec  de  tels 
éléments. 

Nous  arrivons  à  la  médaille  DIAOTLOS.  M.  Monin  y  trouve 
incontestablement  la  racine  OVLOS  et  pense  qu'il  n'est  pas 
impossible  d'attribuer  cette  médaille  aux  Diablintes. 

Noos  avons  déjà  (ait  remarquer  que  cette  attribution  était 
très-douteuse^  si  elle  n'était  pas  complètement  erronée  ^  Cette 
médaille,  enefiét,  ne  se  trouve  ni  chez  les  Diablintes  ni  chez 
les  Cénomans  leurs  voisins;  ces  peuples  n'ont  probablement 
pas  eu  de  monnaies  épigrapbiques,  tandis  que  j'ai  rapporté  une 
de  ces  médailles  de  Reims,  où  l'avait  trouvée  M.  Duquenelle 
qui  a  bien  voulu  en  enrichir  ma  suite;  mais  ce  qui  est  plus 
convaincant,  c'est  que  la  trouvaille  d6  Chantenay,  si  fertile  en 
résultats,  contenait  vingt  et  un  exemplaires  de  cette  pièce,  dont 
trois  plus  complets  que  les  autres  offraient  très-distinctement  la 
légende  OIASVLOS.  Jusqu'à  ce  jour,  par  un  singulier  hasard, 
la  lettre  placée  entre  l'A  et  le  V  était  restée  invisible.  Ni  Pellerin, 
qui  le  premier  a  Tait  connaître  cette  pièce ,  ni  M.  de  Lagoy. 
qui  Ta  donnée  ensuite,  ni  ma  gravure  dans  mon  Essai  sur  les 
numnaies  du  Maine^  d'après  l'exemplaire  du  Cabinet  des  mé- 
dailles, ni  les  reproductions  de  Lelewel,  ni  les  trois  exemplai- 
res figurés  par  M.  Lambert,  ni  enfin  les  deux  médailles  à  cette 
légende  que  j'ai  pu  placer  dans  ma  suite ,  aucun  de  ces  exem- 
plaires ne  donne  cette  lettre  S  toujours  rompue  dans  la  partie 
supérieure  et  regardée,  dès  lors,  pour  le  besoin  de  la  cause, 
comme  étant  un  0. 

1  Bnm  mMi.,  1853,  t.  XVIII ,  p.  15.  —  Dès  l'annét  1847,  mon  confrère 
«C  ami  M.  A.  de  Barthélémy  avait  attaqué  cette  attrilmtioo.  Voir  Htw^  mim., 
1847,1.  XII,  p.  «0. 


dtt  BllLL£Ti?i    BIBLIOGRAPHIQUE'. 

U  a  fallu  la  découverte  de  \iugl  et  uu  exeuipluires  pour  ar- 
river à  une  Lpctura  défioitive  dont  nous  félicitons  bien  siacère- 
ment  M.  deSaulry,  qui  croit  d'ailleurs  que  cette  médaille  ap- 
partient à  une  peuplade  voisine  des  Arvernes. 

Tout  ce  qui  précède  prouve  combien  l'interprétation  des  mé- 
dailles gauloises^  au  point  de  vue  de  la  linguistique,  est  en  ce 
moment  chose  scabreuse. 

U  s'agit  aujom^'hui  seulement  de  bien  tire  ces  médailles  et 
de  tâcher  de  les  localiser;  plus  tard  oû  saura  dégager  de  leurs 
légendes  des  racines,  des  affixes ,  des  suffixes  et  tout  le  méca- 
nisme du  langage  antique  do  nos  pères^  et  elles  donneront  tous 
ces  éléments  divers  avec  bien  plus  de  certitude  que  toutes  les 
autres  inscriptions  plus  ou  moins  gauloises  qui  se  produisent 
depuis  quelque  temps. 

M.  Monin  interprète  ensuite  les  légendes  d'une  autre  médaille 
analogue  à  ATEVLA,  SENODON.CALEDV  par  les  mots  :  Le  Sé- 
nat à  Caledos.  Nous  voyons  encore  reparaître  ici  la  forme  votive 
que  l'honorable  celtiste  parait  affectionner.  Nous  aimons  autant 
voir  dans  SENODON  le  nom  d'un  chef  comme  l'a  fait  Ducha- 
lais  S  et  dans  CALEDV  le  nom  d'une  bourgade  du  genre  de 
CALADVNVM,  tout  en  rejetant  complètement  le  CALADVNVM 
des  DiablinteS;  qui,  nous  le  répétons,  n'ont  pas  eu  de  monnaies 
épigraphiques,  et  chez  qui  Ton  ne  trouve  pas  celle  pièce. 

La.  médaille  REMO  des  Rémi ,  représentant  trois  bustes  de 
profil  y  suggère  à  M*  Monin  une  idée  que  nous  avons  émise 
avant  lui  *  avec  plus  de  force  et  d'autorité,,  pensons  nous,  puis- 
que l'autel  représentant  la  divinité  tricéphale,  que  nous  avons 
figurée  dans  notre  article ,  avait  été  trouvé  h  Reims  même,  et 
que  nous  avons  fait  remarquer  que  l'on  y  avait  découvert  pré- 
cédemment trois  autres  autels  du  même  genre  en  y  compre- 

'  Voyez  lo  nom  de  Senodomna  recneilli  dans  une  inscription  do  Bordeaux 
pftr  M.  de  Longpérier,  Bévue  num.,  1860,  p.  188. 

*  Lettre  à  M,  de  la  Saueeaye ,  dant  la  Hmme  numiem.  de  1853 ,  p.  16,  et 
pi.  I,  n*  6. 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  5t) 

nant  celui  que  luon  excellent  collègue ,  M.  Bretagne  ^  in'a  f«it 
coDoaitre  (Bev.  num.  1854,  p.  Ii4);  tandis  que  M.  Moixin  ne 
conaatt  et  ne  cite  que  Taulel  de  Dennery  (Saône-et-Loire)  et  ce- 
lui de  Sainte-  Pazanne  (  Bretagne)  ' . 

A  propos  des  médaiHes  ViRO&VIROOS  et  VOVER.YER, 
notre  auteur  revient  sur  la  question  des  dieux  topiques;  il  voit, 
dans  VIROS  le  nom  du  dieu,  et  dans  YIROOS  un  nom  d'homme, 
qui  en  dérive.  Cettt^  opinion  peut  se  soutenir.  Nous  serons  moins 
facile  à  l'endroit  de  son  interprétation  de  VOVER.VËR  qu'il 
lit  :  VOYERfffU;  VERomaïu/tii. 

Nous  répugnons  à  trouver  autre  chose  que  des  noms  de  chefs 
ou  de  peuples  dans  les  légendes  des  médailles  gauloises,  à  pijus 
forte  raison  n'admettons-nous  pas  les  verbes.  D'ailleurs  il  n'y 
a  pas  VOVER.YER  sur  ces  médailles  ;  mais  bien  du  côté  du  che- 
val VER;^  »  (lie),  et  du  côté  du  lion  VE«G ,  et  10  suivant  le 
marquis  de  Lagoy,  ou  VO  suivant  Duchalais,  de  sorte  qu'on  y 
pourrait  lire  :  VEQGIO  ou  VEQCVO  si  le  caractère  8  est  un  Q 
comme  semble  l'indiquer  la  légende  VERQ. 

On  voit  que  rattributioq  aux  Veromandui  est  très*  hypothéti- 
que; mais  il  reste  un  bon  rapprochement  fait  par  Duchalais. 
entre  cette  médaille  et  celle  des  Rémi  frappée  au  nom  d'Atisios; 
c'est  absolument  le  même  style,  le  même  métal  et^  la,  niéme 
structure  du  flan«  11  est  donc  probable  quQ  les  deuK  peuples 
qui  ont  émis  ces  médailles  sont  très^vpisiqs  l'un  de  l'autre. 

Que  dira  M.  de  la  Saussaye  de  l'opinion  professée  par  M.  Mo- 
nin  au  sujet  de  la  belle  médaille  de  Tasget?  Est-il  possible  au- 
jourd'hui de  soutenir,  avec  quelque  chance  de  succès,  que 
Tasgetius  VElkésovice  est  un  dieu  gaulois  analogue  à  Bélénus, 
lorsque  tout  vient  se  réunir  pour  faire  du  nom  Tasgetius  la  trans- 
cription latine  la  plus  régulière  du  gaulois  TAS^IITIOS. 

*  Voir  les  six  aatels  de  Reims  dans  Tonvrage  do  M.  Maxe  Werly,  Eê$a%  «nr 
la  fmmùmatiipu  rémoise j  pi.  DC,  X,  XI. 

«  Voir  cetteforme  du  Qdansleslégeades  AQVITANI A,QV£NT0VV1C,  tic . 
ém  rnoonaÎM  carlovin^eanet. 


00  BULLETIN    Dini.IOGRAPHIQUE. 

il  est  une  médaille  sur  laquelle  on  peut  lire  KAPONTOC 
(voir  la  pi.  ly  n*  H^  de  la  Description  des  médailles  gauloises  de 
la  Bibliothèque  royale  y  par  Duchalais),  et  que  ce  sarant  classe 
sous  la  rubrique  principale  KAPNITOG  en  l'attribuant  dès  lors^ 
avec  certitude, aux  Carnutes.  Ici  le  doute  est  permis,  et  cepen- 
dant, suivant  M.  Monin,  a  l'attribniiOD  aux  Carnutes  est  cer^ 
a  taine.  i 

Nous  croyons  qu*il  faut  considérer  cette  lecture  et  ce  classe- 
ment comme  laissant  beaucoup  à  désirer;  cette  médaille  porte 
très-probablement  au  droit  YIRICI  ou  VIRICO  (comme  les 
n*'  8  et  9  de  la  pi.  H)  du  môme  style  et  de  la  même  fabrique; 
d'ailleurs  l'initiale  K,  si  nécessaire  pour  la  lecture  du  nom^  est 
tronquée. 

M.  Monin  propose  d'attribuer  aux  Sénons  la  médaillo 
GIAMILOS.SHNV(  qu'il  traduit,  toujours  par  la  forme  votive, 
â  Sénoué,  déesse  éponyme  des  Sénons. 

Par  les  motifs  que  nous  avons  déjà  souvent  exposés,  nous 
ne  pouvons  souscrire  à  cette  interprétation.  GIAMILOS  est,  se- 
lon toute  vraisemblance»  un  nom  de  chef,  et  SIINVI  le  com- 
mencement d'un  nom  de  peuplade  ou  de  localité.  Je  possède 
une  médaille  jusqu'ici  inédite  à  un  type  identique,  sur  laquelle 
on  lit  SENV  suivi  d'un  pentagone.  Nous  croyons  SENV  le 
même  mot  que  SIINVI,  et  il  faut  avouer  que  SENV  nest 
pas  éloigné  de  SENONES.  Mais  de  là  à  la  certitude  il  y  a  un 
abîme.  Laissons  donc  encore  cette  médaille  parmi  les  incer- 
taines. 

M.  Monin  a  si  mauvaise  opinion  des  graveui's  gaulois  qui  ne 
savent,  suivant  lui,  a  distinguer  leur  droite  de  leur  gauche,  v 
qu'il  propose  sincèrement  de  lire  la  médaille  IIPOMIlAOS  : 
SOLEMORE.  Nous  ne  voyons  pas  trop  ce  qu'on  y  gagnerait. 

Arrivant  aux  monnaies  des  Éduens ,  M.  Monin  donne,  d'a- 
près G  usseuie,  la  lecture  fautive  DVBNDCON.DVBNOREIX  de 
la  médaille  de  Dumnorix.  On  sait  que  nous  avons  reconnu  et 
signalé  pour  la  première  fois  dans  cette  Revue  le  nom  DVBNO- 


BVLLBTIN    BIBLIOGRAPHIQUE;  Cl 

œv  S  dont  on  est  bien  tenté  de  fuire  le  génitif  de  DVBNOCOS, 
depuis  qu'on  sait  que  les  Gaulois  mettaient  souvent  sur  leurs 
médailles  le  nom  de  leur  père;  cependant  on  n'oubliera  pas 
qu'on  voit  incrustée  dans  une  des  maisons  duPuy,  voisine  de  la 
cathédrale,  rinscription  DVBNOCOVE  *,  qui  donnerait  à  penser 
que  le  mot  DVBNOCOV  des  médailles  n'est  pas  complet.  Atten- 
dons encore  que  la  lumière  se  fasse  sur  ce  point;  M.  de  Saulcy 
vient  d'ailleurs  de  signaler  la  pièce  DVBNORX.ANORBO  qui  est 
un  obstacle  de  plus  à  l'admission  de  cette  interprétation. 

M.  Monin  se  demande  ensuite  si  A  VALLO  est  latin  ou  gaulois  ; 
on  peut  penser  qu'il  n'est  ni  l'un  ni  l'autre.  Duchalais  avait  lu 
ABaLLO,  réformant  à  tort  le  vieux  Bouteroùe  qui  avait  bien 
réellement  vu  un  C  initial  sur  une  médaille  de  ce  genre.  M.  de 
Lagoy  a  vengé  le  docte  conseiller  en  restituant  la  légende 
CABALL08  d'après  un  fort  bon  exemplaire  '  de  sa  collection. 
M.  de  Lagoy  a,  du  reste^  proposé  de  v(Mr  dans  le  cheval  de 
charge  figuré  sur  la  médaille,  le  symbole  parlant  du  nom  de 
la  ville  ou  des  habitants  de  Caballodunum  (Chalon-sur-Saône  )« 
tandis  que  M.  Peghoux  tient  pour  les  Gabali  ^  parce  qu'il  croit 
reconnaître  dans  le  style  de  la  médaille  le  faire  marseillais;  at- 
tendons. 

M.  Monin  ne  met  pas  en  doute  que  Pixtilos  ait  monnayé  chez 
les  Éduens.  Je  ne  puis  partager  cette  opinion.  Nous  avons  dé* 
couvert  nous- même,  sur  la  route  du  Mans  à  Chartres,  une 
masse  presque  homogène  de  ces  médailles  ;  et  tout  le  monde  a 
été  d'accord  jusqu'à  ce  jour  pour  les  attribuer  au  pays  Char- 
train. 

Je  sais  bien  que  mon  confrère  et  ami  Anatole  de  Barthéleniy 
s'est  servi  du  bas-relief  bourguignon  sur  lequel  on  lit  : 

<  Uttrt  à  M.  de  la  Sa%$tay9j  dast  la  Bttw  n«mù«i.  de  18fi3,  t.  XYIII,  p.  6. 
*  Publiée  par  Jorand,  dans  les  Mémùires  de  la  Société  dêê  anti^yiaiff  de  Francis 
1829.  t.  VIIl,  pi.  13.  —  Cf.  Bewe  num  ,  1854,  p.  143. 
»  AmM  fitim.,  1855.  p.  333,  et  pi.  VIII,  n*  4. 
^  Estai  êur  Us  monnaies  dti  Àrttmiy  p.  26  et  f>2. 


62  BULLEtlN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

DEOBE 
MILVCIO 
VI 
pour  tenter  d'expliquer  le  type  de  Tune  de  ces  médailles;  mai^ 
ce  rapprothertient,  fûl-il  fondé,  ne  suffirait  pas  pour  faire  attri- 
buer ces  médailles  à  une  région  si  éloignée  dé  leurs  gisements 
ordinaires^  surtout  en  présence  de  la  monnaie  deTasget  qui 
offre  précisément  la  tête  d'Apollon  h  cheveux  en  hélices,  type 
de  PixtiloSy  et  qui  parait  imitée  des  monnaies  de  la  famille  Cal- 
purnia. 

Ajoutons  qu'il  n'est  pas  exact  de  dire  que  le  type  constant 
des  monnaies  de  Pixtilos  soit  une  Vénus.  Nous  croyons  même 
que  le  type  de  Vénus  n'existe  pas  sur  ces  médailles,  et  que  là 
où  Duchalais  a  trouvé  une  Vénus,  par  exemple  dans  la  t)elle 
médaille  au  griffon  n*"  465  de  son  catalogue,  il  faut  tout  simple- 
ment voir  une  tête  de  Diane,  imitation  lointaine  de  celles  de 
Marseille.  Dans  tous  les  cas,  nous  distinguons  sur  six  de  nos 
PIXTILOS  six  têtes  différentes,  dont  trois  de  femmes  et  autant 
d'hommes. 

Je  passe  plus  rapidement  sur  les  rapprochements  impossibles 
tentés  entre  ROVECA  et  les  médailles  pannoniennes. 

ROVECA  est,  comme  nous  l'avons  démontré  M.  de  Long- 
périer  et  moi,  la  légende  d'une  monnaie  des  Meldi  dans  laquelle 
il  faut  chercher  très-probablement  un  nom  de  localité,  peut- 
être  Grouy. 

M.  Monin  recule  jusqu'à  Marc-Aurèle  pour  expliquer  le  mot 
TVOS  des  médailles  SEQVANOIO  TVOS  ;  il  traduit  ainsi  cette 
légende  :  Des  Sequanes  conservateurs ^  parce  que  Rlarc-Aurèle, 
dit-il,  avait  mis  fm  à  des  troubles  sérieux  et  invétérés  en  Sé- 
quanie.  Il  y  a  là  une  erreur  de  deux  siècles. 

La  légenie  ATPILI  r.ORGETORlX  esltraduite  par  M.  Monin  : 
A  Atépilé  [déesse)  Orgétorix,  parce  qu'il  ne  connaît  pas  le  cu^ 
rieux  travail  de  M.  Adrien  de  Longpérier  sur  la  lettre  F  placée  à 
la  fin  de  quelques  légendes.  ATPlLl  est  un  génitif,  et  il  faut 


BULLETIN   BIULIOGRAPIIIQLE.  <^S 

traduire  :  Orgétorix  fila  d'Ateptloft.  Sur  un  de  mes  deux  exem-' 
plaines  l'F  (l)  est  trop  caractérisé  pour  faire  l'objet  d'un  doute; 
sur  Tanlre  ORGETIRIX  est  écrit  :  ORETIR.  M.  de  Saulcy  a  si- 
gnalé, dans  la  trouvaille  (te  Chantenay,  plusieurs  autres  variétés 
de  oette  légende. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  médaille  ALABbOAltOS.NIDE  qui 
ne  s'est  plus  retrouvée  depuis  longtemps  et  qui  aura  besoin 
d*âtre  étudiée  sur  plusieurs  bons  exemplaires.  M.  Monin  voit 
dans  NIDE  le  nom  d'une  déesse;  ce  n>st  pas  notre  avis.  Nous 
aimons  mieux  regarder  ces  deux  syllabes  comme  le  commence- 
ment d'un  nom  de  chef,  si  ALABbOAllOS  signifie  AUobroge. 

La  médaille  SEGVSIAVS.ARVS  est  assurément  une  des  plus 
lielles  et  des  plus  intéressantes  de  la  suite  gauloise.  D'où  vient 
que  Duchalais,  qui  s'est  appesanti  sur  les  types  de  cette  pièce^ 
ail  glissé  sur  sa  légende  ?  Sa  gravure,  très-soignée,  ne  donne 
que  SEGVSIA.S,  tandis  que  son  texte  offre  SEGVStA.V.S; 
mais  il  n'explique  pas  davantage  les  deflx  dernières  lettres.  Le- 
lewel  ne  donne  ni  l'une  ni  l'autre  dans  sa  gravure  (PI.  VIl!^ 
n*  5),  tronquée  à  raison  de  Tinsuffisance  du  flan. 

Sur  mon  exemplaire,  qui  est  remarquable  de  conservation  et 
lie  frappe,  le  V  et  l'S  existent  très-visibles;  mais  le  fer  de  la 
lance  du  personnage  passe  entre  ces  deux  lettres  et  vient  se* 
souder  à  l'extrémité  du  coin  de  la  lettre  V  de  manière  à  faire 
croire  que  le  graveur  a  voulu  représenter  un  earnyx.  Cependant 
je  crois  à  l'existence  des  lettres  V  et  8.  M.  Monin  a  transcrit' 
la  leçon  de  Duchalais  SEGVSIAV  S»  maïs  sanà  points  et  sans 
donner  le  sens  des  deux  lettres,  qui  ont  été  depuis  longtemps 
expliqueras  par  M.  de  Longpérier  ^ 

Notre  auteur  prête  ensuite  à  LVGOTTINA  des  médailles  au 
type  de  l'œil,  le  S'^ns  de  lumineuse  et  au  SELISV  en  creux  celui 
de  voyant.  Ce  sont  là  dt's  hypothèses  malheureusement  en  de- 

»  nevHt  <U  philologie,  1847, 1.  llj  p.  195.—  Bevui  mim.,  1858,  p.  333  —  Cettw 
upÎDion  a  àié  adoptée  par  M.  de  Saulcv,  Btvue  mim.,  186:^,  p.  24. 


0A  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

hors  du  point  de  vue  où  nous  nous  plaçons,  et  que  nous  n'aTons 
pas  à  discuter. 

M.  Monin  en  est  resté  pour  la  médaille  ROW-VOLVNT  à 
l'attribution  aux  Voconces  donnée  par  M.  de  la  Saussaye  à  Té- 
poque  où  Ton  croyait  voir  dans  TL  un  C  carré  E  (sic),  et  il  la 
maintient  en  l'expliquant. 

Mais  dès  l'année  \SA1,  M.  le  marquis  de  Lagoy  ruinait  cette 
séduisante  attril)ution  en  produisant  d'abord  les  médailles 
CN.  VOL ,  et  ensuite  celles  où  on  lit  plus  complètement  VOLVNT. 
(n***  I  à  8  de  la  planche  à  l'appui  de  son  Essai  de  monographie 
d'une  série  de  médailles  d'argent  imitées  des  deniers  consulaires 
au  type  des  Dioscures), 

Vers  le  même  temps,  Dut  balais  citait  des  inscriptions  dans 
lesquelles  il  lisait  ainsi  le  nom  entier  de  ces  médailles  :  VOLVN- 
TILLVS  précédé  du  prénom  pompéien  CNEVS  ^  Enfin ,  tout 
récemment  M.  Adrien  de  Longpérier  a  rectifié  les  transcriptions, 
de  Duchalais  en  démonipant  que  VOLVNT  étant  le  commence- 
ment d'un  nom  de  famille,  devait  être  restitué,  VOLVNTILIVS 
ou  VOLVNTlLLIVSen  redoublant  PL,  et  non  VOLVNTILLVS». 

Je  passe  sur  le  Vercingétorix  que  M.  Monin  ne  connaît  que 
par  la  pièce  incomplète  publiée  d'ancienne  date,  et  dont  on  a 
aujourd'hui  d'excellents  spécimens  portant  le  nom  entier 
VERCINGËTORIXS  toujours  terminé  par  un  S.  M.  Monin  pa- 
rait n'avoir  pas  connu  cette  forme;  mais  la  faute  en  est  à  Du- 
chalais qui,  en  transcrivant  cette  légende  (n""  4  de  son  catalogue), 
a  supprimé,  on  ne  sait  pourquoi,  la  lettre  terminale  S  qui  existe 
très-lisible  sur  la  gravure  placée  en  tête  de  l'article  de  la  Bévue 
numismatique  de  1837,  p.  161,  dans  lequel  M.  do  la  Saussaye  a 
eu  l'honneur  de  signaler,  pour  la  première  fois>  la  médaille  de 
ce  chef  illustre  et  infortuné. 

Ou  reste,  pour  rendre  à  M.  Monio  toute  la  justice  qui  lui  est 


«  Bévue  num  ,  1647,  p.  259. 
*  Rê9U$  num.,  1860,  p.  425. 


BULLETIN  .BIBLIOGRAPHIQUE.  65 

(lue,  disons  qu'à  la  page  490/  après  avoir  donné  la  déclinaison 
du  mot  gaulois  RIX^  il  s'exprime  ainsi  :  «Le  motRlX  se  trouve 
«  à  la  fin  d'une  foule  de  noms  propres  gaulois;  nous  Tavons  vu 
«ici  au  nominatif  dans  Vercingélorix,  Orgétorix,  Orcitirix,. 
a  Boiorix,  Gantorix.  A  en  juger  par  les  auteurs  grecs  et  latins^ 
•  le  radical  est  RIG  et  par  conséquent  le  nominatif  RIG'S.  » 
.  Il  semble  que  la  forme  RIXS  donnée  par  la  numismatique 
confirme  les  données  de  M.  Monin. 

A  propos  des  monnaies  arvernes  de  Tépoque  de  Vercingélorix, 
je  trouve  dans  Touvrage  de  M.  Peghoux  une  médaille  du  môme 
style  que  celle  que  j'ai  publiée  dans  cette  Revue  (année  1855, 
çl.  V,  n*  \)\  elle  oflre,  comme  la  mienne,  un  tableau  carré 
placé  sur  la  croupe  du  cheval  :  c'est  le  tableau  de  la  victoire; 
mais  au  lieu  d'être,  chargé  de  quatre  points,  ce  tableau  porte  la 
croisette  alaisée,  si  je  puis  dire,  que  j'ai  signalée  le  premier  ',  je 
crois,  sur  les  monnaies  de  Durmius^  triumvir  monétaire  d'Au- 
guste, espèce  de  notation  du  même  genre  que  les  quatre  points 
qui  se  rencontrent  sur  d'autres  médailles  du  môme  triumvir  et 
qui  a  évidemment  pour  seul  but^  comme  l'X  non  alaise  des  mé- 
dailles armoricaines^  de  marquer  que  le  tableau  triomphal  est 
chargé  d'écriture. 

M.  Montn  a  suivi  pour  l'interprétation  de  la  médaille  DEIV....- 
ACIon.  le  système  de  lectures  admis  pendant  fort  longtemps  et 
qui  consistait  à  voir  dans  ces  deux  formes  le  commencement  du 
mot  Divona.  Mais  depuis  que  j'ai  eu  le  bonheur  de  déchiffrer  sur 
qne  médaille  de  môme  style  le  nom  entier  AClori^lA^'OC ',  il 
planait  des  doutes  sérieux  sur  cette  attribution  h  Divona  faite 
dans  le  temps  par  notre  excellent  confrère  M.  le  baron  Chaiidruc 
de  Crazannes. 

Tous  les  doutes  sont  aujourd'hui  levés  depuis  la  découverte 
que  j'ai  faite  parmi  diverses  médailles  qui  m'avaient  été  com- 

>  Catalogue  des  médaille»  fùmaine*  trouvée»  dans  le  jardin  du  collège  du  Mans.- 
Le  Mans,  1849,  in-8*.  —  Cf.  Revue  numiem,,  1850,  p.  63. 
<  Deuxième  lettr»  à  H.  de  la  Saustay»,  dans  la  Revue  imminm.  de  >18M  ,  p.  85v' 

1863—  \.  Sf 


(5(5  M7LLET1N    BIBUOGRAPHlQOft. 

muniquées  par  M.  Lefebvre,  de  Meaux,  d'un  assez  bon  exem- 
plaire de  cette  pièce  sur  lequel  on  lit  d^un  c6té  très-distincte^ 
ment  DEIVTA^  et  de  l'autre  moins  lisiblement  ACIOIT.  J'ai  rendu- 
oompte  de  ma  découverte  dans  ma  lettre  à  M.  de  Saulcy,  insérée 
dans  cette  Revue,  année  1859>  page  89. 

L'une  et  l'autre  médaille  appartiennent  à  Divitiacus  ;  seulement 
H.  de  Saulcy  tient  pour  le  Divitiacus  roi  des  Suessions%  tandis 
que  j'avais  d'abord  pensé  au  Divitiacus  vergobret  des  Éduens; 
j'ai  exposé  les  motifs  de  ma  préférence  dans  la  lettre  mentionnée 
plus  haut^  mais  je  suis  tout  prôt  à  m'incliner  devant  l'autorité  de 
notre  cher  maître^  me  contentant  du  petit  bonheur  d*atoir  si* 
gnalé  et  déchiffré  le  premier  ces  deux  intéressantes  médailles, 
dont  Tune  était  complètement  inconnue. 

Je  n'ai  rien  à  dire  de  la  médaille  AVARICO  ;  c'est  une  pièce 
malheureusement  fort  rare  et  qu'on  n'a  pas  l'occasion  d'étu- 
dier. 

M.  Monin  interprète  CICIIDV.BI,  légende  donnée  par  Ducha- 
lais^  parRIKEDOS  le  biturige.  J'ai  fait  remarquer  que  la  légende 
complète  de  cette  pièce  était  GlCUDV.BRl*.  M.  le  marquis  de 
Lagoy  croyait  voir  là  :  Cicedus  le  Breton  par  assimilation  à 
INDVTILLU-GERMANVS,  Induiillius  le  Germain;  mais  depuis 
lee  observations  de  M.  de  Longpérier,  relatives  à  l'F  final»  cette 
version  perd  de  sa  probabilité. 

M.  Monin  rapproche,  comme  tous  les  numismatistes,  EPAD' 
de  HPAD  qu'il  traduit  par  Cavalcade,  regardant  comme  inad- 
missible queEPAD  soit  mis  pour  EPASnoc^tis;  nous  lui  laissons, 
bien  entendu.  la  responsabilité  de  ces  opinions  tout  à  fait  nou- 
velles. 

Notre  auteur  voit  encore  une  forme  votive  :  au  Mercure  gaulois. 


*  Lettre  à  M,   Adr.  dé   tjùngpérûr^  dans  la  Aerue  numism.  de   1859,  t.  IV, 
p.  313. 

*  Uttn  à  M,-  li  maniuiê  d»  la§oy  iwr  <•  mim.  goMhiti,  dans  U  BiAUtkk  ëê 
l^SoeiéU  ^agr.y  uiêttcêê  ttërUdêU  Sttht,  1857,  t.  XIII,  p.  116. 


VtUrriM   MBUOGRA^HIQDE.  67 

dieu  du  change^  daas  la  légende  CÂJMBOTRË  de  certaines  mé- 
dailles aqaitaniques,  etdans  cette  autre  VIRICIV  di^crife  par 
Duchalais  *. 

Pour  nous  ces  mots  sont  des  noms  de  peuple,  de  ville  ou  de 
chef;  on  a  attribué  jusquici  la  première  aux  Cambolectri  A^si- 
nates,  tandis  que  la  seconde  rappelle  une  racine  gauloise  VIRt 
ou  VLR,  très-commune,  à  ce  qu'il  paraît^  dans  les  noms  de 
chefs,  de  peuple  et  de  bourgade.  En  effet,  indépendamment  des 
VIRITIV  et  YIRICI  donnés  par  Duchalais,  je  possède  un 
VIIRIGO^  et  je  connais  un  VIRICO  dans  la  collection  d'un  de 
mes  correspondants.  Attendons  encore  un  peu  avant  de  nous 
prononcer. 

A  Toccasion  de  la  médaille  portant  le  nom  SOLIMA,  M.  Monin 
passe  naturellement  en  revue  les  nombreux  composés  gaulois, 
noms  de  peuples,  de  bourgade,  de  déesse  et  de  personnage 
masculin  dans  lesquels  on  retrouve  le  radical  SOLIMA,  sana 
avancer  la  question  d'attribution. 

La  médaille  SANTONOS  lui  suggère  l'idée  que  ce  mot  est  a  un 
nominatif  pluriel  à  peu  près  incontestable^  »  parce  que,  sans 
doute,  cette  légende  n'est  accompagnée  au  revers  d*aucune  autre. 

Hais  ne  sommes-nous  pas  habitués  à  traduire  la  syllabe  finale 
03  par  le  VS  des  Latins  !  témoin  les  noms  Tasgetius,  Litavicus, 
Divitiacus,  etc.,  et  ne  peut-on  pas  sous-entendre  ici,  comme  on 
l'a  proposé  souvent,  un  mot  singulier  masculin  ayant  la  valeur 
du  mot  grec  démos  ? 

Les  médailles  TVRONOS-CANTORIX  et  TVRONOS-TRICœS 
offrent  à  M.  Monin,  dans  le  type  du  droit,  l'effigie  d'Apollon 
fc  chanteur-roi,  par  allusion  sans  doute  au  nom  CANTORIX,  et 
le  motTRICCOS  lui  semble  rappeler  une  divinité  triple  commç 
Proserpine  ou  les  Parques.  Lelewel,  on  le  sait,  a  poussé  très-loin 
la  recherche  dans  ses  interprétations  des  médailles  gauloises;  on 
voit  que  M.  Monin  n'a  rien  à  lui  envier. 

•  t^neriptioit,  n-  443  :\  499. 


(5^  BULLETIN    BJRLIOGRAPHIQUK. 

Je  passe  rapidement  sur  la  médaille  ANDECOMBOS  qui  lui- 
présente  le  radical  ANDE,  ^  avant,  et  j'arrive  à  TAVURCO- 
EBVROVICOM  et  à  l'AVURCV  dans  lesquels  M.  Monin  croit  voir 
deux  formes  différentes  du  génitif  pluriel. 

La  dernière  lettre  d'EBVROVlCOM  est  le  chiffre  IV  d'après 
Buchalais  *  ;  un  Sou  un  M  d'après  M.  A.  de  Barthélémy  *  ;  enfin 
un  S  suivant  M.  Lambert  *. 

Attendons  donc  prudemment  pour  discuter  à  ce  sujet  des 
questions  grammatic-ales. 

La  légende  RATVMACOS  se  décompose,  suivant  M.  Monin, 
en  ROTH,  ce  idole  primitivement  adorée  à  Rouen,  et  en  MAC», 
«  champ  cultivé.  » 

Quant  à  SVTICCOS,  ce  savant  y  voit  a  un  nom  de  famille  ana- 
a  logue  à  Bonnemaison.  » 

Nous  n'avons  pas  à  nous  expliquer  sur  ces  appréciations  étran- 
gères au  domaine  de  la  numismatique. 

Le  texte  si  considérable  de  la  médaille  de  CISIAMBOS  n'ins- 
pire h  M.  Monin  aucune  idée  nouvelle  autre  que  celle  de  voir 
dans  GISIAMBOS  CATTOS  deux  noms  dliommes  différents  et 
dans  VERGOBRETO  un  duel. 

Au  moment  oii  M.  Monin  publiait  son  livre^  M.  de  Sauky 
écrivait  dans  cette  Revue  son  remarquable  article  sur  les  mon- 
naies des  Lixoviates^  article  si  riche  de  faits  et  d'aperçus  nou- 
veaux. On  sait  que  pour  lui  GAlTOSest  le  vergobret  COTVS  de 
César,  que  les  Lixoviates  reconnurent  pour  chef  suprême  *. 

Il  est  donc  très-probable  que  VERGOBRETO  est  un  nominatif 
analogue  h  SANTONO  ou  même  à  LIXOVIO  du  revers. 

Le  n»  375  de  Duchalais  LlHO-Vl.VAGCA  n'est  sans  doute  pas 
une  monnaie  des  Lixoviates,  mais  bien  une  pièce  de  la  série 

*  Revue  niim.,  1847,  p.  243,  art.  postérieur  h  son  rntnîoguc». 
«  nerue  tiimi  ,  1847,  p.  89. 

5  Essai  sur  la  num.  yaul.^  pi.  VIII ,  n"  22. 

*  Revue  num.,  1861,  p,  105,  et  1862,  p.  177.  Ces  deux  articles  de  M.  de 
Sttiilcy  jettent  une  vive  lumière  sur  le  monnayngç  des  Lixoviates. 


nULLETlN    BIBLIOGRAPHIQUE.  W 

marseillaise  y  le  n*"  400  de  la  pi.  X  de  la  Gaule  Narix)nnaise  do 
M.  delà  Saussaye.  Mon  exemplaire  porte  très-lisiblement  MACca. 

Sous  la  rubrique  :  Gaulois  transalpins,  M.  Monin  décrit  d'abord 
le  h*"  6  de  Duchalais,  la  curieuse  médaille  VEROTÂL  K  Mais, 
pour  comble  d'infortune,  notre  auteur  lit  à  rebours  la  légende; 
et  la  transcrit  ainsi  :  LATOBII V,  en  traduisant  :  à  Latobios.  Il 
rappelle  à  ce  sujet  qu'il  existe  chez  les  Latobici»  peuples  de  la 
Pannonie,  un  Dieu  Latobius.  Nous  regrettons  bien  vivement  que 
M.  Monin  n'ait  pas  connu  les  études  de  M.  de  Longpérier*  et 
notre  propre  travail  '  sur  la  médaille  de  Vérotal  ;  il  aurait  renoncé 
à  la  bizarre  interprétation  qu'il  propose.  On  sait  que  le  classe- 
ment de  cette  médaille  à  l'Aquitaine  et  notamment  aux  Pictavi 
ou  aux  Santons ,  classement  dont  j'avais  pris  l'initiative  dans 
mon  article,  vient  d'être  ratifié  par  l'autorité  si  grave  de  M.  de 
Saulcy .  à  l'occasion  de  son  examen  du  dépôt  de  Chantenay  ^ 

Que  dire  de  la  déesse  égyptienne  Athyr  évoquée  par  M.  Mo- 
nin au  sujet  de  la  médaille  ABHOIAC-ATHIRIM,  lorsque  nous 
voyons  la  prétendue  légende  ATHIRIM  décliififrée  si  heureuse- 
ment par  M.  de  Saulcy  et  restituée:  A.  HIR.  LMP.,  c'est-à-din^ 
Aulus  Hirlius  imperaior^.  On  sait  qu'Hirtius,  le  lieutenant  et 
l'ami  de  César^  est  aussi  le  rédacteur  du  huitième  livre  dtfs 
Commentaires. 

Ajoutons  qu'ABHOlAG  a  été  rapproché  très-ingénieusement  de 
l'ATISIOS  rémois  par  Lelewel  et  que  ce  rapprochement  est 
sanctionné  par  M.  de  Saulcy. 

La  légende  YADNAIOS  ®  semble  curieuse  à  M.  Monin  parce  que, 
dit-il,  elle  offre  un  radical  qui  signifie  sang  en  cambrien.  Mais 

»  Revue  numiêm.,  18ô3,  p.  IT. 

•  Revue  num,f  1856,  p.  74. 

3  Revue  uumism.,  1860,  p.  113. 

•  Revue  wum.,  1862,  p.  27. 
»  Revue  hum,,  1858,  p.  444. 

•  >liooQet  n'avait  vu  que  VADNAIO;  Lck'wel,  qui  n'avait  pas  de  nouvel 
exemplaire  à  examiner,  a  répété  cette  lecture.  Duchalais  a  lu  VADXAIOS  ; 
enfin  nous  avons  donné  la  vraie  leçon  :  VADNIILOS. 


70  nvLîJEns  &ibliogiuphiqu£. 

VAONAIOS  est  encore  une  légende  mal  iue;  j*di  donné  dans 
cette  Revue^  année  4855,  page  365^  la  monographie  des  rné^ 
dailles  de  Vendeuil  et  j'ai  prouvé,  en  produisant  un  nombre  assez 
considérable  d'exemplaires  nouveaux,  que  la  médaille  lae  jus- 
qM/alors  VAONAlOou  VADNAIOS  perlait  en  réalité  VADNIIL08, 
mot  qui  offre  une  permutation  drs  lettres  D  et  N  dans  le  génie 
gaulois,  et  tient  lieu  de  la  légende  mieux  orthographiée 
VANDilLOS  que  j'ai  découverte  sur  un  exemplaire  plus  pur  de 
style  et  probablement  plus  ancien. 

il  en cstde  même  d'iTNCLT  que  M.  Moninsignale  à  cause desa dé- 
sinence insolite.  En  effet,  cette  fin  de  mot  m*avait  toujours  frappé 
moi-même  et  le  hasard  ayant  mis  dans  ma  main  deux  exem- 
plaires qui  offraient  précisément  ititacte  cette  partie  de  la  légende, 
j'ai  été  assez  heureux  pour  modi^er  la  fin  de  ce  nom  dans  un 
sens  parfaitement  satisfaisant.  Mes  deux  exemplaires  m'oni  donné 
pour  fm  de  mot  NCXTOC;  restait  le  monogramme  initial.  €'esl 
l^f.  de  Saulcy  qui  a  eu  l'honneur  de  le  déchiffrer  juste  au  mo- 
ment où  une  inscription  *  venait  lui  révéler  l'existence  de  la  peu- 
plade des  Vennecti  (PAGO  VENNCCTI]  désignée  par  la  monnaie.  Il 
a  démontré  qu'il  fallait  voir  VE  dans  le  monogramme  où  j'avais 
cru  décbitiVer  vnA;  de  sorte  que  le  mot  bizarre  ïTNCLT  se 
trouve  aujourd'hui  lu  avec  la  plus  grande  certitude  possible  : 
VENeXTOC. 

M.  Monin  conviendra  que  pour  interpréter  les  textes  gaulois 
répandus  sur  les  médailles,  un  bon  linguiste  a  besoin  d'être  dou- 
blé d'un  numismatiste  clairvoyant. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  médaille  lue  ERGOD  par  Duchalais, 
médaille  rare  et  que  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  voir.  Quant  au 
NINNO-MAVG  on  sait  que  j'ai  publié  dans  ma  lettre  à  M.  le  mar- 
quis de  Lagoy  la  fln  du  mot  MAVC  donnant  probablement 


>  Cette  belle  et  curieuse  in&criptioa  e^t  reproduite  en  fac^iinile  dans  le 
tome  IV,  année  1857  du  Bulletin  du  Comité  de  la  langue,  dt  Vhisioire  et  des  orl$ 
ih  la  Frnnre^  p.  93R. 


BULLETUI    BIBU06RAPBIQUe«  71 

KAVCAIOS  ^  C'est  une  médaille  finemeut  gravée  qu*cm  ùù  wt 
où  placer;  maU  tôt  ou  lard  la  lumière  se  fera  à  son  égard. 

ABVD03  est  une  pièce  qui  se  trouve  habituellement  datf  le 
nord  du  Berry  ;  mes  deux  exemplaires  viennent  d'Issoudun,  et 
j*en  ai  vu  un  autre  chez  M.  Lemaigre,  ancien  archiviste  à  Cbftteati- 
roux,  qui  l'avait  découvert  lui-même  à  Levroux.  C'est  tout  ce 
que  j'ai  à  dire  de  cette  médaille . 

M.  Monin  revient  ensuite  sur  le  prétendu  DVRNOCOV- 
DVBNOREX;  et  ici  qu'il  me  soit  permis  de  citer  ses  propres  pa- 
roles, p'iur  déplorer  une  fois  de  plus  Terreur  profonde  dans  la- 
<|ueUe  cet  estimable  celtiste  est  tombé  au  sujet  de  l'infaillibilité 
présumée  de  l'auteur  de  la  Désert nit  ion  des  médailles  gauloises  de 
ia  Bibliothèque  royale. 

«  La  supériorité  de  Ducbalais  pour  la  lecture  des  légendes,  le 
«  nombre  des  exemplaires  à  comparer  qu'il  a  eus  à  sa  di^posi- 
«  tion  permettent  de  considérer  son  texte  comme  tout  à  fait 
c  pur,  c'est  donc  un  devoir  de  l'étudier.  0 

Nous  l'avons  déjà  dit,  Duchalais  n'a  eu,  au  contraire,  à  sa  dis- 
position que  des  exemplaires  en  nombre  restreint  et  qui  tous 
avaient  déjà  exercé  la  sagacité  de  ses  devanciers.  Aucune  mé- 
daille nouvelle  n'est  venue  l'aider  dans  ses  investigations.  U  a 
fait,  il  le  dit,  tout  ce  qu'il  a  pu  a  feci  quod  potui,  etc.  9  mais 
ce  n'était  pas  assez,  il  fallait  pour  servir  efficacement  les  intérêts 
de  la  ficieuce,  qu*un  vif  amour  de  Tantiquité  fit  arriver  dans  une 
mtaie  main  habile  et  dévouée  toutes  les  médailles  gauloises  ré- 
pandues dans  les  collections  de  France  et  des  états  voisins  pour 
les  comparer  entre  elles  et  fixer  ainsi,  par  une  réunion  nom- 
breuse de  types  identiques,  des  lectures  jusqu'alors  appuyées 
seulement  sur  un  ou  deux  exemplaires  souvent  incomplets. 

Pour  en  revenir  au  DVRNOCOV-DVDNOREX  de  Duchalais, 
nous  avons  déjà  signalé  la  fâcheuse  erreur  géographique  causée 
par  cette  fausse  lecture.  M.  Monin  tombe  dès  loi^s  dans  luie 
autre   erreur^   mythologique  cette  fois,   lorsqu'il    voit    dans 

»  BnUetin  Ha  la  Soriftê  d'agric,^  «r,  tt  arts  éê  /a  Snrihti^  1857,  t.  XIII,  p.  9î. 


72  BULLETIN    BlULlOGHAPHiQUE. 

Dournocoos  le  surnom  d'Apollon.  Nous  ne  savons  que  dire  de 
son  interprétation  de  DVBNOREX  par  roi  des  DubnoSy  faisant  de 
DVBNO  un  ethnique  au  génitif  pluriel.  DVBNOREIX,  car  notre 
exemplaire  donne  cette  forme^  doit  certainement  être  rapproché 
de  Dubnotaly  Dubnocos  ou  Dubnocove...*.^  mais  nous  ignorons 
complètement  ce  que  signifie  DVBNO. 

Je  quitte^  aussitôt  que  je  le  puis^  le  sol  brûlant  de  la  linguis- 
tique pour  celui  plus  ferme  de  l'iconographie. 

L'effigie  de  Dumnorix  porte  non  pas  un  lituus  ou  bâton  augu- 
rai comme  le  croit  M.  Monin^  mais  une  trompette  de  guerre  ap- 
pelée carnyx  par  les  Gaulois^  comme  Ta  démontré  M  •  de  Lagoy  *  ; 
c'est  une  trompette  de  ce  genre  que  les  Romains  nommaient  liiuus^ 
employant  le  même  mot  que  pour  désigner  le  bâton  augurai; 
mais  ce  sont  là  des  accessoires  qu'il  ne  faut  pas  confondre. 

M.  Monin  interprète  la  légende  incorrecte  CACLA.G.  ClII  par 
le  singulier  texte:  CAKILS  KEI.  J'ai  eu  le  bonheur  de  déchif- 
frer cette  médaille,  à  la  suite  do  ma  monographie  des  médailles 
de  Vendeuil  et  j*ai  démontré  qu'elle  devait  être  lue  :  CALïAGlllO 
dont  j'ai  été  bien  tenté  de  faire  Chailly  {fievue  mm.,  année  1855, 
p.  381). 

Il  ne  m'a  pas  fallu  moins  de  six  ou  huit  exemplaires  de  cette 
médaille  pour  arriver  à  ce  déchiffrement. 

Je  relève  encore  cette  assertion  de  M.  Monin  qui  pourrait 
fourvoyer  ses  lecteurs  :  a  On  trouve,  dit-il,  toutes  ces  pièces, 
a  TEGCAIOS  compris  (  qui  par  parenthèse  ne  leur  ressemble 
«  pas),  dans  le  sud-ouest  de  là  France,  d  C'est  une  erreur;  on  les 
trouve  à  Vendeuil,  près  Beauvais,  et  mêlés  aux  Pixtiiosdans  le 
nord-ouest  de  la  France. 

Rappelons,  au  sujet  de  la  médaille  à  la  longue  légende 
CORIAICCOC  LiiAvitiUVl,  que  son  revers,  déjà  assez  nettement 
liccentué  dans  l'ouvrage  de  Lelewel  *,  a  été  défmitivement  élrt- 

*  Hecfierches  numisinatûiue»  sur  V armement  et  U»  mttrumentê  de  guerre  de» 
(iauloia,  Iu-4«.  Aix,  1849. 

■  Tyite  gauloix,  p.  226  et  hIIh*,  pi.  VI,  u'^  3H. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE.  73 

cidé  par  M.  de  Saulcy  qui  y  a  reconnu  avec  toute  raison  la  lé- 
gende déjà  citée  A.HIR.IMP.  (Bev.  num.,  1858,  page  AAA). 

Nous  voici  arrivé  au  ternne  de  la  tâche  que  nous  nous  som- 
mes imposée.  Nous  ne  suivrons  pas  plus  loin  M.  Monin  dans 
ses  recherches;  non  que  le  sujet  ne  soit  très-intéressant. 

f/étude  de  la  langue  gauloise  a  déjà  fait  de  grands  progrès 
grâce  aux  travaux  de  MM.  Pictet,  Dieffenbach,  et  surtout  de 
M.  Zeuss  dont  la  Grammatica  celiica  a  ramené  les  questions 
que  cette  étude  soulève  sur  le  véritable  terrain  de  la  critique. 
Mais  lorsque  les  philologues  passent  de  l'appréciation  des  textes 
à  celle  des  monuments  numismatiques,  il  leur  faut  apporter  la 
plus  grande  circonspection  dans  le  choix  des  leçons ,  et  n'ad- 
mettre que  celles  qui  ont  été  contrôlées  sur  des  monnaies  par- 
faitement lisibles;  ils  ne  doivent  point  oublier  que  les  monnaies 
ont  une  destination  particulière  qui  détermine  le  sens  des  lé- 
gendes qu'elles  portent,  légendes  qui  naturellement  n'ont  aucun 
rapport  avec  les  inscriptions  tracées  sur  des  stèles  funéraires, 
des  autels  ou  des  édifices  publics. 

M.  Monin  (la  critique  à  laquelle  je  viens  de  me  livrer  le 
prouve  surabondamment)  doit  attendre  pour  continuer  ses  in- 
vestigations philologiques  que  les  numismatistcs  aient  dit  leur 
dernier  mot  sur  toutes  ces  légendes  aujourd'hui  à  l'élude. 
D'ailleurs  comme  on  Ta  dit  souvent,  la  science  n'est  pas  pressée, 
Me  marche  àpas  lents;  n'est-ce  pas  déjà  un  grand  service  rendu 
à  notre  archéologie  nationale  que  d'avoir,  dans  le  cours  de  ces 
vingt  ou  trente  dernières  années,  redressé  tant  de  lectures  en 
apparence  inattaquables,  consacrées  qu'elles  semblaient  être 
par  l'autorité  des  noms  les  plus  respectables  et  les  plus  res- 
pectés? 

E.    HUCHER. 


CHRONIQUE. 


MONNAIES  GAULOISES. 

On  vient  de  trouver  à  Sens  200  petits  bronzes  gaulois  aux 
types  de  la  tête  imberbe  et  de  Toiseau  tourné  à  gauche  et  accom- 
pagné d'un  rameau,  avec  les  légendes  VLLVCCI  et  GIAMILO — 
SIINVl.  On  nous  assure  que  dans  le  même  dépôt  se  trouvaient 
une  pièce  de  la  colonie  de  Nîmes  et  une  de  la  colonie  de  Vienne. 

Quelques  pièces  portent  le  type  de  l'oiseau  accompagné  d'un 
vase  et  de  la  légende  IN.  Par  les  soins  de  M.  G.  Juillet^  la  col- 
lection de  la  Société  archéologique  de  Sens  vient  de  s'enrichir 
d'une  belle  série  de  ces  monnaies  qui  présentent  à  peu  près 
toutes  les  variétés  réunies  par  M.  le  docteur  Yoillemier  dans  la 
planche  II  de  son  Essai  sur  les  monnaies  de  Beauvais  depuis  la 
période  gauloise  jusqu'à  nos  jours.  Beauvais,  i858,  in  S®.  A.  L. 


CATALAUNI. 

M.  ManteJlier  vient  de  faire  entrer  dans  le  médaillier  de  la 
ville  d'Orléans  un  petit  bronze  sur  lequel  on  voit  devant  «ne 
tête  de  femme  tournée  à  droite,  an  Iteu  de  la  légende  G  AT  AL. 
(Mionnet^  Lyonnaise  y  n'*  âll .  —  Duchalais  ^  Méd.  gauL  de  la 
BibL  roy.y  n*  551 .— Leiewel,  Type  guul. ,  atlas,  pi.  IX,  n*  48) , 
un  grand  monogramme  composé  des  caractères  KTAL;  au  re- 
vers, un  lion.  Cette  pièce  est  remarquable  par  sa  conservation 
autant  que  par  la  bonté  de  son  style.  A.  L. 


Nos  lecteurs  auront  remarqué  la  négligence  avec  laquelle 
les  journaux  quotidiens  traitent  les  questions  de  numismatique. 


CHftONlQUE.  75 

Celui  de  tous  qui  compte  dans  6a  rédaction  le  plus  grand 
nombre  d'érudits,  le  Journal  des  Débats^  publie  dans  son  numéro 
du  27  octobre  1862  la  nouvelle  que  voici  : 

a  On  vient  de  découvrir  à  Rome  une  monnaie  d'or  de  Té- 
poque  de  Géron,  roi  de  Sicile.  La  face  porte  une  tête  de 
Proserpine  couronnée  de  feuillages  et  le  revers  un  faiscemi 
de  foudres  resserré  au  milieu  dans  un  petit  globe.  Au-dessus^ 
on  lit  rinscription  suivante  en  caractères  grecs  :  ASILE.E, 
et  au-dessous  9  lERONIM.U.  L'antiquité  de  cette  uK>nnaie  frap- 
pée 473  ans  avant  la  naissance  de  Jésus-Christ,  son  parfait  état 
de  conservation^  la  nature  et  le  bel  éclat  du  métal^  tout  concourt 
à  ce  que  cette  découverte  fasse  sensation  dans  le  monde  archéo- 
logique. La  monnaie  est  exposée  dans  Tatelier  de  sculpture  du 
professeur  Galli^  où  on  peut  la  Toir.  o 

On  comprend  quMl  s*agit  en  effet  d*une  pièce  très-rare,  d'une 
monnaie  d'or  d'Hiéronyme ,  tyran  de  Sicile  pendant  les  années 
2i5  et  214  avant  notre  ère  : 

Droit.  Tête  de  Cérès  couronnée  d*épis. 

ii.  BàSIAEOS  lEPQNTMOr.  Foudre  ; 
mais  nullement  d'un  monument  d'Hiéron  I,  comme  le  nom 
italien  Géron  et  la  date  473  doivent  le  faire  supposer.  Lp  nom 
d'Hiéron  estropié^  l'erreur  de  260  ans,  sont  moins  étonnants 
que  Tattribution  à  un  roi  de  Sicile  d'une  monnaie  d'or  frappée 
au  commencement  du  v*  siècle.  A.  L. 

Voici  d'autres  nouvelles  numismatiques ,  aussi  peu  exactes 
que  la  précédente,  également  tirées  du  Journal  des  Débats. 
Dans  le  numéro  du  24  janvier  1863,  on  lit  : 

.  o  On  écrit  de  Tourves  (Var)  : 

a  Un  cultivateur  de  cette  commune ,  en  plantent  la  vigne 
a  dans  le  quartier  dit  Vautorade^  a  trouvé  te  12  de  ce  mois  816 
«  pièces  de  monnaies  en  argent  anciennes,  de  la  grosseur  d'une 
«  pièce  de  50  c,  contenues  dans  un  petit  vase  en  cuivre  en 
«r  forme  d'un  toupin  de  moyenne  grosseur. 


7(5  CHRONIQUE. 

a  Ces  pièces,  qui  sont  toutes  à  peu  près  sciiibiables  et  paiiai- 
«  tement  conservées,  représentent^  d'un  côté ,  la  tête  d'une 
«  femme  coiffée  en  cheveux,  avec  le  diadème,  et,  de  l'autre,  un 
«  lion,  au-dessus  duquel  on  lit  en  caractères  grecs  le  mot 
«MASSA,  et  au-dessous  celui  de  LIÈTON;  d'autres  portent 
«  seulement  les  initiales  OA,  au  lieu  de  ce  dernier  mot.  » 

On  comprend  qu'il  est  question  dans  cette  note  de  bémi- 
drachmes  d'argent  de  Marseille,  pièces  très -communes  : 
Tête  de  Diane,  à  droite  ou  à  gauche, 
ijl  MASSAAIHTÛN.  Lion  à  droite  ou  à  gauche. 

Le  numéro  du  4  février  donne  la  nouvelle  suivante  : 

a  On  lit  dans  le  Journal  de  l'Ain  : 

«Ces  jours  derniers,  un  jeune  pâtre  de  la  commune  de 
«  Ceffia  gardait  son  troupeau  de  moutons  sur  la  montagne, 
a  quand  ses  regards  tombèrent  sur  un  point  brillant  que  le 
«  soleil  faisait  étinceler  encore  plus. 

a  II  s'approcha  du  point  lumineux,  et  ramassa  tout  joyeux 
«  une  pièce  de  l'or  le  plus  pur  qu'il  se  hâta ,  rentré  chez  lui , 
«  de  donner  à  sa  mère.  Celle-ci,  étant  venue  samedi  à  Bourg,  la 
tf  vendit  à  un  amateur  de  notre  ville,  qui  la  paya  généreuse- 
ce  ment. 

a  Cette  médaille  est  fort  ancienne  ;  elle  a  pour  le  moins  deux 
«  mille  ans.  Elle  est  large  d'environ  iS  millimètres,  pèse  25  fr. 
(c  d'or  et  est  d'une  conservation  parfaite. 

«  Elle  présente,  d'un  côté,  une  tète  couronnée  de  laurier, 
(c  d'un  beau  relief;  de  l'autre,  un  char  attelé  de  deux  chevaux 
((  lancés  au  galop.  Cette  particularité  la  fait  classer  dans  la  ca- 
«  tégorie  des  higes.  Dans  le  second  plan,  au  revers,  on  re- 
c(  marque  une  sorte  de  lampe  à  trépied,  et  tout  à  fait  au-des- 
«  sous  du  char,  le  mot  grec  Philippoy  (  de  Philippe). 

«  Ce  mot,  rapproché  du  profil  de  la  tête,  ne  permet  guère  de 
<x  douter  de  Torigine  de  la  pièce.  Elle  est  grecque  assurément; 
«  mais  de  quel  Philippe  porle-t-ellc  les  traits  ?  Osl  ce  qu'il  ne 


CHRONIQUE.  77 

a  nous  est  pas  donné  de  préciser.  L'histoire  nous  apprend  qu'il 
«  y  eut  cinq  rois  de  Macédoine  de  ce  nom  ;  le  dernier  vivait  en- 
<(  viron  deux  cents  ans  avant  Jésus-Christ.  Il  y  eut  aussi  lui 
«  Philippe,  roi  de  Syrie,  qui  mourut  en  l'an  6-4  avant  notre  ère, 
^  et  qui  vit  ses  États  réduits  en  province  romaine. 

a  Nous  serions  portés  à  croire  que  c'est  de  ce  souverain  que 
(c  la  médaille  trouvée  à  Cefiia  représente  l'eiCgie.  » 

Qui  ne  voitqu'il  est  question  dans  cet  article,  non  d'une  mon- 
naie frappée  en  Syrie  et  portant  une  effigie  royale,  mais  d'une  de 
ces  imitations  gauloises  des  statères  d'or  de  Philippe  II ,  roi  de 
Macédoine  (359—336  avant  J.-C),  pièces  qu'on  rencontre  par- 
tout et  qui  offrent  la  tête  d'Apollon?  Les  Gaulois,  après  le  pillage 
du  temple  de  Delphes  en  279  avant  Jésus-Christ,  avaient  rapporté 
dans  leur  patrie  d'immenses  richesses ,  et  parmi  les  monnaies 
grecques  dont  ils  s'emparèrent  se  trouvaient  des  masses  de  phi- 
lippes  d'or  qui  durent  servir  de  modèle  aux  premières  monnaies 
d'or  frappées  dans  les  Gaules  * .  J.  W. 


SOUS  D'OR  DE  MARSEILLE. 

La  Revue  archéologique j  dans  son  dernier  cahier  (  p.  270  ), 
nous  apprend  que  la  Société  des  antiquaires  de  France  avait 
reçu  d'un  de  ses  membres  communication  d'un  sou  d'or  de 
Phocas,  portant  au  revers  une  croix  haussée,  accostée  des  lettres 
M  A,  indice  de  Marseille.  Cette  pièce,  munie  d'une  belière,  est  fort 
rare,  mais  elle  n'était  pas  inconnue  comme  on  l'a  supposé.  Il  en 
existe  une  autre  au  Musée  britannique,  qui  a  été  décrKe  par 
M.  de  Salis  dans  le  Numismatic  chronicle  de  mars  1861  (p.  59). 

Le  savant  antiquaire  a  été  amené  à  parler  de  cette  monnaie 
précieuse  à  propos  de  la  découverte  de  ([uatre  autres  sous  d'or 
qui  décoraient  im  collier  trouvé  à  Sarre,  près  Reculver  (Kent), 

«  VoJrCh.  Lenormant,  Hetue  ntim.,  IB5G,  p.  303  ot  suiv.— Voir  le  philippe 
d'or  publié  aans  cette  Ueme,  1858,  p.  289. 


78  CHRONIQWS. 

et  qui  est  conservé  aujourd'hui  au  département  des  antiquités 
nationales  do  Musée  britannique. 

Deux  de  ces  sous  portent  le  nom  de  Maurice  avec  son  bnstc 
de  profil;  au  revers  MA  et  AR,  indices  de  Marseille  et  d'Arles. 

Les  deux  autres  sont  frappés  à  Marseille  et  offrent  les  effigies 
d'Héraclius  et  de  Glotaire.  M.  de  Salis  cite  encore  un  tiers  de 
sou  d'HéracUus,  frappé  à  Viviers,  semblable^  quant  à  la  fabri* 
que,  à  un  tiers  de  sou  marseillais  de  Glotaire  II  et  appartenant 
à  la  même  collection.  Ce  n'est  donc  pas  avec  Phooas,  en  640, 
qne  &iit  le  monnayage  gallo-byzantin.  Le  nom  d'Héracliiia  doit 
toe  inscrit  dans  notre  mimismalîquc,  IL  deSaii&afkitobsMvtft 
que,  suivant  M.  Lenormaot,  Teffigie  impériale  avait  subsisté  a«r 
notre  monnaie  d'or  jusqu'au  moment  ott  Glotaire  II  devint  mattra 
(lu  midi  de  la  France.  L'existence  des  diverses  pièces  que  noBa 
venons  de  rappeler  confirme  pleinement  le  dire  de  notre  regretté 
confrère  et  collaborateur.  M.  Sabatier,  dans  sa  récente  Descrip^ 
iion  générale  des  monnaies  byzantines  y  n'a  pas  parlé  des  mon- 
naies d'or  de  Phocas  et  d'Héraclius,  émises  à  Marseille  et  à 
Viviers,  non  plus  que  du  denier  de  Basile  frappé  à  Naples, 
parce  qu*il  a  considéré  toutes  ces  pièces  comme  étrangères  à  la 
série  orientale  ;  c'est  une  raison  de  plus  pour  nous  de  les  si- 
gnaler à  l'attention  de  nos  lecteurs.  A.  L. 


MONNAIES  DU  XFV  SIÈCLE. 

M.  l'abbé  Gochain,  curé  doyen  de  Moy  de  l'Aisne^  nous  a 
informé  d'une  découverte  qui  venait  d'avoir  lieu  dans  la  com- 
mune qu'il  habite.  Les  fossoyeurs  du  pays  ont  déterré  un  petit 
trésor  composé  de  deux  pièces  d'or  (un  aignel  de  Philippe  V  et 
un  écu  dû  Philippe  VI)  et  de  soixante-douze  pièces  d'argent: 
des  gros  tournois  de  Philippe  le  Bel^  une  douzaine  de  gros  au 
Uon  de  Louis  de  Maie,  comte  de  Flandre^  une  douzaina  de 
grandes  pièces  d'argent  de  Guillaume  Ut,  comte  de  Hainaiit, 


CUIU}3CIQtlK«  1^ 

frappées  à  ValencienDes,  un  gros  blane  à  la  couronne  du  roi 
JeaUy  des  esterlings  d'Edouard  III,  portant  le  nom  de  Loûdres  et 
de  Lincoln.  A.  L. 


OTHBERT,  ÉVÊQUE  DE  STRASBOURG, 

Lorsqu'en  i857  [Revue,  p.  319  et  suiv.)  nous  avons  cherché 
^  donner  aux  monnaies  de  Strasboin^  une  classification  régu- 
lière basée  sur  l'étude  des  textes  anciens,  sur  l'appréciation  du 
style  des  monuments  et  sur  Tinterprétation  de  certains  détails 
jusque-là  négligés,  nous  n'avions  pas  trouvé  de  pièce  porlani 
les  lettres  caractéristiques  d'un  nom  d'cvéque  plus  anclennr 
que  le  denier  de  Godfried  (913),  contraiponua  de  Cbarlés  Te 
Simple. 

M.  le  docteur  H.  GroCe,  qat  depais  1855  publie  à  Hanovre, 
sous  te  titre  de  MûmoÊttdiei^  une  nouvelle  suite  à  son  excellent 
Joarmdrde  wymiimaffque  dont  on  regrettait  Tinterruption,  nous 
GA  connaître  dans  sa\T  livraison  (i86^}  une  obole  de  Charles 
le  Simple,  portant  les  légendes  +  KIROLVS  PIVS  REX  et  AR— 
PNIINA  CIVïlS  en  deux  lignes,  et  de  phïs  les  caractères  0  —  S 
que  M.  le  docteur  Grote  n'hésite  pas  à  considérer  comme  re- 
présentant le  nom  Odbertus.  Cette  précieuse  obole  de  révoque 
Olhbert  précède  immédiatement  la  monnaie  de  Godfried,  et 
doit  avoir  été  fabriquée  en  912  ou  en  913.  A.  L. 


MONNAIE  ÉPISCOPALE  DE  NOVARE. 

Dans  la  belle  série  des  mémoires  numismatiques  dont  notre 
savant  ami,  M.  le  Chevalier  D.  Promis,  enrichit  le  recueil  de 
l'Académie  de  Turin,  se  trouve,  comme  on  sait,  un  chapitre 
consacré  à  la  monnaie  de  Novare  *.    M.  Promis  décrit  cinq 

^  Mfiultiel  Pteimmt*  iiudite  o  rarp.  Toriiio,  185^. 


80  CURONJQtfE. 

pièces  fabriquées  aux  xiii*  et  xiv*  siècles;  l'une  d'elles  porte^ 
d'un  côté,  une  croix  avec  la  légende  NOVARIA,  de  l'autre,  un. 
G  (initiale  du  nom  de  saint Gaudentius),  entouré  delà  légende 
IMPERATOR.  Le  docteur  Pietro  Caire  a  retrouvé  dernièrement 
un  autre  denier  qui  ne  diffère  de  celui-là  qu'en  ce  qu'on  y  lit 
EPISCOPVS  au  lieu  d'imperator,  et  il  nous  Ta  fait  connaître 
dans  une  brochure  imprimée  à  Novare  (Di  una  moneta  inedita 
délia  città  di  Novara)  ;  M.  Pietro  Caire  pense  que  le  G  placé  au 
centre  de  la  monnaie  indique^  non  pas  le  nom  du  patron  de  la 
ville  représenté  sur  les  deniers  d'Henri  VI  par  les  caractères 
SCS.  G. ,  mais  bien  le  nom  de  Tévéque  Guillaume.  Torniello, 
investi  du  domaine  de  la  ville  par  diplôme  impérial  de  1155.  Il 
ne  se  dissimule  pas  toutefois  qu'on  peut  chercher  dans  ce  G  le 
nom  de  Ghérard,  qui  fut  élu  évêque  en  1210;  seulement,  il 
fait  remarquer  que' ce  prélat  paraît,  d'après  un  acte  du  16  mai 
121 1 ,  avoir  reçu  l'investiture,  non  de  l'empereur  Otton  IV,  mais 
du  pape  Innocent  III,  et  il  ajoute  que  les  souverains  pontifes 
n'accordaient  pas  le  droit  de  monnaie  aux  évoques. 

On  sait  que  Muratori  avait  tenté  sans  succès  d'attribuer  à  un 
autre  membre  de  la  famille  Torniello,  le  denier  qui  porte  les 
caractères  ST.  G  (Sanctus  Gaudentius)  ;  nous  ne  savons  si  l'opi- 
nion de  M.  le  docteur  Pietro  Caire  sera  plus  heureuse  auprès  de 
ses  compatriotes  que  celle  de  son  illustre  devancier.  Au  moins 
s'appuie-t-elle  sur  une  lecture  correcte  des  légendes ,  et,  d'ail- 
leurs, la  découverte  d'une  monnaie  épiscopale  de  Novare,  an- 
térieure à  celles  de  Jean  Visconti ,  est  \\n  fait  fort  intéressant 
qu'il  est  bon  de  consigner.  A.  L. 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


LETTRE  A  M.  ADRIEN  DE  LONGPERIER 


DEUX  MÉDAILLES  GRECQUES  INÉDITES. 


Mon  cher  ami, 

Dans  une  de  ses  lettres  numismatiques  ' ,  lettres  qui,  pour 
le  dire  en  passant,  sont  devenues  par  leur  rareté  assez  dif- 
ficiles à  réunir  aujourd'hui,  Sestini  a  publié  une  petite 
monnaie  de  bronze  sur  laquelle  il  a  cru  lire  XEP. ,  et  qu'en 
conséquence  il  a  classée  à  la  ville  de  Cherronesw  de  la 
Cbersonèse  de  Tbrace.  Quoique,  de  prime  abord,  une  attri* 
bution  aussi  naturelle  ne  paraisse  pas  devoir  poulever 
d'objection  sérieuse,  nous  nous  proposons  néanmoins  de  la 
combattre ,  nous  espérons  prouver  que  cet  habile  anti- 
quaire s'est  trompé,  et  que,  faute  d'un  examen  suffisant,  il 
u'a  donné  qu'une  leçon  erronée. 

A  coup  sûr,  et  rien  que  sur  l'autorité  de  son  nom,  nous 
l'eussions  acceptée  de  confiance  et  sans  mot  dire,  si  le 

*  Lttt,  ê  disstrt,  fiumitm.  Berlin,  1806,  t.  IX,  p.  17. 
1863.-2.  *   « 


82  MÉMOIRF.S 

hasard  qui  a  fait  tomber  dernièrement  en  nos  mains  une 
monnaie  toute  semblable  à  la  sienne,  ne  fût  venu  éveiller 
notre  attention  et  nous  ouvrir  les  yeux  à  cet  égard. 

A  n'en  juger  que  par  le  dessin  qu'il  a  fait  graver  ' ,  dessin, 
d'ailleurs,  aussi  pauvre  que  mal  exécuté,  on  peut,  sans  trop 
d'invraisemblance,  supposer  que  l'exemplaire  qu'il  avait 
sous  les  yeux  n'était  pas  d'une  conservation  assez  bonne 
pour  lui  permettre  de  déterminer  avec  certitude  la  forme 
exacte  de  la  première  lettre.  C'est  sur  elle  seule  cependant 
que  repose,  comme  nous  allons  le  faire  voir,  le  sens  vrai 
de  sa  légende. 

En  effet,  cette  lettre  qui  n'a  pas  été  figurée  d'une  gran- 
deur égale  aux  deux  autres,  et  qui  semble,  par  cela  même, 
accuser  chez  le  graveur  une  sorte  d'hésitation  à  rendre  un 
caractère  peu  apparent,  cette  lettre  se  trouve  placée  si 
près  du  bord  extrême  de  la  médaille,  que,  vu  la  petitesse 
du  module,  tout  autre  à  sa  place  aurait  été  assez  embarrassé 
pour  en  préciser  la  valeur  réelle.  Dans  le  doute,  il  eût  été 
sage  de  s'abstenir  et  d'attendre  un  exemplaire  nouveau  et 
surtout  plus  explicite;  mais,  suivant  son  habitude,  Sestini  a 
préféré  y  suppléer. 

Sans  vouloir  ici  porter  atteinte  à  la  juste  renommée  d'un 
savant  qui  a  tant  fait  pour  la  numismatique,  il  faiit  pour- 
tant bien  reconnaître  qu'il  s'est  permis  plus  d'une  fois  de 
rétablir  à  sa  manière  des  légendes  incomplètes  ou  extrê- 
mement douteuses,  d'eu  donner  même  qui  n'existaient  pas. 
De  là  les  nombreuses  erreurs  où  il  est  tombé,  et  où  il  a  dû 
nécessairement  entraîner  ceux  qui  ont  voulu  se  fier  à  sa  pa- 
role. Aussi,  aujourd'hui  que  l'état  plus  avancé  des  connais- 
sances ne  permet  plus  qu'on  se  contente  d'un  à  peu  près, 

1  Tab.  I,  fig.  23,  loc.  cit. 


tT    OISSEKTA'KONS.  83 

mais  exige  avaut  tout  une  exactitude  et  une  fidélité  rigou- 
reuses, on  convient  généralement  que  ses  ouvrages,  malgré 
leur  mérite  incontestable,  ne  doivent  être  consultés  qu'avec 
défiance  ou  tout  au  moins  avec  une  extrême  réserve.  On 
voudra  bien  nous  pardonner  cette  petite  critique  d'un 
bomme  éminent,  si  Ton  songe  qu'en  numismatique,  il  est 
souvent  nécessaire  de  ne  s'en  rapporter  qu'à  ses  propres 
yeux,  et  de  ne  pas  croire  implicitement  que  toujours  le  pa* 
villon  protège  la  marchandise. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  maintenons  qu  il  a  mal  lu,  et 
notre  nouvelle  médaille  va  servir  à  le  prouver  si,  comme 
nous  l'espérons,  on  veut  prendre  la  peine  de  l'examiner 
attentivement  et  de  la  comparer  avec  son  dessin.  Ces  deux 
pièces  sont  tellement  identiques,  sauf  la  première  lettre, 
que  décrire  l'une  c'est  décrire  l'autre.  A  la  vérité  la  nôtre 
n'est  pas  d'une  conservation  irréprochable  ;  toutefois  elle 
est  dans  un  état  excellent,  et  la  parfaite  netteté  de  la  lé- 
gende ne  peut  donner  prise  à  la  moindre  ambiguïté.  Ajou- 
tons que  la  physionomie  générale  de  cette  monnaie  taoos 
rappelle  d'une  manière  frappante  celle  du  Cabinet  Cousu 
nér^^  que  Mionnet*  attribue  à  la  ville  de  Cerasus  du  Pont  : 
ce  serait  donc  manquer  en  partie  le  but  de  ce  travail,  si 
nous  ne  la  comprenions,  comme  les  deux  autres,  dans  notre 
description.  Cette  attribution  a  été  contestée  par  Sestini*, 
avec  toute  raison,  selon  nous,  car  ni  le  style  ni  le  type  ne 
peuvent  convenir  au  Pont^  et  de  plus  il  n'est  pas  prouvé 
que  Cerasus  ait  jamais  eu  des  monnaies  autonomes.  Mais  ce 
dernier  auteur  se  trompe  à  son  tour  lorsqu'il  prétend  qu'elle 
a  été  mal  lue  et  qu'elle  doit  être  restituée  à  Crilhoti  de 


*  Descript.  de  méd,  anl,^  t.  II  (corps  d'ouvrage),  p.  348,  n*  101. 
'  Un.  t  diêiert,  fiumûm.  ootUimtoM.,  Fîrenze,  1820,  t.  Vil,  p«  29. 


8A  MÉMOIRES 

la  Gbersonèse  de  Thrace.  Or  comme  sa  médaille  est  égale- 
ment tirée  du  Cabinet  Cousinéry^  indice  précieux  qu'il  ne 
faut  pas  oublier,  et  comme  ses  deux  descriptions  se  res- 
semblent par  les  termes,  tout  nous  fait  présumer  que  Ses- 
tini  et  Mionnet  n'ont  eu  en  vue  qu'une  seule  et  même  pièce 
et,  par  conséquent,  identique  encore  avec  la  nôtre.  C'est 
donc  celle-ci  qui  doit  trancher  la  question  et  prouver 
qu'elles  n'appartiennent  ni  à  Crithoté  ni  à  Cherronesus , 
encore  moins  à  Cerasus. 
Voici  celle  de  Sestini  : 

Caput  Cereris. 

E 
^   X  P.  Diota.  Infra  hordei  granum.    {E  3.  Sestini, 

tab.  1,  fig.  23,  nel  MuseoCousineriano.) 

Voici  celle  de  Mionnet  : 

Tête  de  Cérès. 

^  REP.  Diota.   Au-dessous,  grain  d'orge.    (E  4.  Cab. 
de  M.  Cousinéry. —  Mionnet,  loc.  cit.) 

Voici  maintenant  la  nôtre  : 


Tête  de  Gérés,  tournée  vers  la  droite.  Les  cheveux,  re- 
tenus par  une  bandelette  sur  le  devant,  sont  réunis  sur  le 
derrière  en  une  touffe  qu'enveloppe  le  reticulum. 

E 

]$  K  P.  Vase  à  deux  anses ,  dessous  un  grain  d'orge  ;  le 

tout  dans  un  champ  légèrement  concave.  {E  3.  Mon  cab.) 
Quoique  Sestini,  pas  plus  que  Mionnet,  n'aient  jugé  à 


ET    DISSEBTATIONS.  85 

propos  d'éteudre  davantage  leur  description,  tout  le  monde 
reconnaîtra,  nous  en  sommes  persuadé,  que  leur  médaille 
est  bien  la  même  que  la  nôtre  -,  d'où  ilsuit  que  si  Ton  ne  peut 
plus  lire  XEP.,  mais  KEP.,  on  doit  renoncer  à  y  voir  les 
initiales  de  Cherronesus,  et,  par  conséquent,  chercher  ail- 
leurs la  ville  qui  a  fait  frapper  ces  monnaies. 

Si  nous  connaissions  au  juste  le  lieu  où  notre  pièce  a  été 
trouvée,  assurément  un  indice  aussi  précieux  simplifierait 
les  recherches  et  rendrait  notre  tâche  assez  facile  ;  car 
l'embarras  est  de  démêler  au  milieu  de  plusieurs  villes  dont 
le  nom  commence  par  KEP  quelle  est  celle  qu'il  faut 
adopter  de  préférence.  On  sait  qu'en  général,  pour  les  mon- 
naies de  bronze,  la  provenance,  lorsqu'il  s^agit  de^  les  clas- 
ser, devient  un  élément  capital  qu'on  ne  doit  jamais  né- 
gliger et  qui,  à  défaut  d'autre,  sert  souvent  seul  à  constater 
le  lieu  d'émission,  car  il  est  hors  de  doute  que  ces  petits 
monuments,  frappés  uniquement  pour  un  usage  local  ou 
destinés  à  circuler  dans  un  rayon  assez  borné,  n'ont  pas  dû, 
par  suite  de  leur  peu  de  valeur,  s'éloigner  beaucoup  du 
pays  qui  les  a  produits,  comme  c'est  presque  toujours  le 
cas  pour  l'or  et  pour  l'argent. 

Par  malheur,  cet  indice  nous  manque,  car  nous  ignorons 
d'où  notre  médaille  est  venue,  et  nous  n'avons  d'autre  res- 
source que  de  nous  appuyer  sur  l'aspect  du  style  et  les  ca- 
ractères de  la  fabrique.  Si  ce  n'est  pas  un  guide  absolument 
sûr,  c'est  du  moins  un  élément  dont  on  ne  peut  mécon- 
naître l'importance  et  qui,  à  ce  point  de  vue,  mérite  qu'on 
en  tienne  compte. 

La  fabrique,  nous  le  disons  sans  hésiter,  est,  à  n'en  pas 
douter,  macédonienne,  et  malgré  tout  ce  que  cette  assertion 
peut  paraître  avoir  de  présomptueux  et  de  tranchant,  nous 
sommes  persuadé  que  ceux  qui  ont  eu  en  leur  vie  L'occa- 


86  MÉMOIRES 

sion  de  voir  et  de  manier  beaucoup  de  médailles»  nous 
comprendront  parfaitement. 

Savoir  discerner  les  différentes  fabriques,  comme  aussi 
savoir  prononcer  sur  Tauthenticité  d'une  médaille,  constitue 
une  faculté  particulière  qui  ne  s'acquiert  que  par  un  exer- 
cice continuel  uni  à  un  don  naturel,  mais  qui  ne  dépend 
nullement  de  l'érudition,  et  dont  elle  est  loin  d'être  le  pri- 
vilège exclusif.  Ce  n'est  pas  que  nous  ayons  un  seul  instant 
la  pensée  de  refuser  aux  savants  et  Texpérience  et  la  con- 
naissance pra^que  des  médailles;  Dieu  nous  garde  d'une 
pareille  injustice,  car  plus  d'un  que  nous  pourrions  citer 
en  a  donné  et  eu  donne  encore  tous  les  jours  des  preuves 
éclatantes;  mais  nous  voulons  dire,  que  cette  connaissance 
pratique,  qui  finit  par  devenir  à  la  longue  comme  un  sens 
nouveau,  peut  seule  expliquer  pourquoi  nous  avons  la  té- 
mérité d'avancer  d'une  façon  qu'on  pourrait  taxer  d'outre- 
cuidante  que  notre  monnaie  est  macédonienne. 

On  ne  peut  toutefois  se  dissimuler  qu'il  est  souvent  fort 
difficile,  pour  ne  pas  dire  absolument  impossible,  de  déter- 
miner avec  certitude  la  patrie  d'une  médaille,  sur  les  seuls 
caractères  de  la  fabrique,  si  cette  médaille  est  privée  de  lé- 
gende ou  n'offre  pas  un  type  bien  tranché.  Cette  difficulté 
devient  encore  plus  sensible  lorsqu'il  s'agit  de  choisir  entre 
deux  contrées  limitrophes  auxquelles  des  besoins  mu- 
tuels ou  des  causes  particulières  ont  pour  ainsi  dire  imposé 
un  monnayage  uniforme.  Dans  ce  cas  il  faut  attendre  et  la 
laisser  reposer  paisiblement  au  fond  de  ces  oubliettes  de 
toute  collection  qu'on  appelle  les  incertaines. 

  parler  franchement  et  en  toute  rigueur,  on  pourrait 
presque  aussi  bien  songer  à  la  Thrace,  dont  la  fabrique  pré- 
sente peu  de  différence,  et  surtout  en  raison  du  type  qui 
s  y    rencontre  quelquefois,  notamment  à  Cypsela,    Mais 


ET    D1SS£KTAT10NS.  87 

les  iiioDDaies  de  ce  pays  sont  eu  général  d'un  travail  plus 
sec  et  moins  soutenu;  elles  semblent  presque  toujours  se 
ressentir  un  peu  de  la  rudesse  traditionnelle  de  ses  habi- 
tants qui,  comme  on  le  sait,  sont  restés,  par  suite  de  leur 
situation  éloignée,  fort  longtemps  en  dehors  du  mouvement 
des  arts  et  ne  sont  arrivés  que  bien  lentement  à  une  cer- 
taine élégance.  De  plus,  et  c'est  un  motif  détermmant,  nous 
ne  trouvons  dans  la  Thrace  aucun  lieu,  aucune  ville  aux- 
quels la  légende  KEP  puisse  convenir. 

En  Macédoine  au  contraire,  nous  avons  Cerdylium  qui 
semble  remplir  nos  conditions,  et  c'est  en  conséquence  à 
elle  que  nous  proposons  formellement  d'attribuer  notre  mé- 
daille. 

Il  est  juste  cependant  de  reconnaître  qu^on  trouve  en- 
core en  Macédoine  un  autre  lieu  dont  le  nom  commence 
par  KEP  :  c'est  Cermorum  mentionné  par  Pline  %  et  que 
cet  auteur  place  sur  le  golfe  Cermorique ,  entre  Posidium 
et  Amphipoli$.  Mais  outre  que  cet  écrivain  est  le  seul  qui 
en  parle,  qu'il  est  même  fort  incertain  si  cette  ville  existait 
à  répoque  qui  nous  occiq)e»  mais  que  dans  tous  les  cas,  elle 
ne  parait  pas  avoir  jamais  été  autre  chose  qu'une  simple 
bourgade,  Cerdylium  se  lie  trop  étroitement  à  un  récit  de 
Thucydide  que  nous  rapportons  plus  bas,  pour  qu'on  ne 
soit  pas  tenté  de  faire  pencher  la  balance  en  sa  faveur. 
D'ailleurs,  l'historien  grec  ne  parle  pas  de  Cermorum;  ce 
qu'il  n*eût  sans  doute  pas  manqué  de  faire  si  elle  eût  existé 
de  son  temps,  et  il  devait  certainement  connaître  beaucoup 
mieux  que  Pline  un  pays  comme  la  Thrace  et  la  Macédoine, 
puisqu'il  l'avait  habité  pendant  de  longues  années  et  qu'il 
y  avait  même  passé  une  grande  partie  de  son  exil.  Nous 

»  Plin.,  Uitt,  mundiyVih.  IV,  cap.  X^  17. 


88  IIÉMOiRES 

avouerons  aussi  que  ce  silence  de  la  pari  d'un  homme  tel  que 
Thucydide  a,  dans  ces  circonstances,  toute  la  force  d'une 
preuve  positive  et  nous  inspire  plus  de  confiance  que  le  témoi- 
gnage contraire  de  l'écrivain  romain,  dont  la  source  ne  nous 
est  point  connue,  et  dont  l'autorité  peut  toujours  paraître 
plus  ou  moins  suspecte.  Au  surplus,  on  est  libre  de  choisir 
entre  Cermorum  et  Cerdylium ,  car  nous  n'émettons  ici  qu'une 
opinion  personnelle  sans  prétendre  l'imposer  à  d'autres. 

Cerdylium  dont  Cousinéry  '  a  positivement  reconnu  les 
ruines  et  constaté  l'emplacement,  était  située  presqu'aux 
confins  de  la  Tbrace  et  de  la  Macédoine,  dans  le  voisinage 
immédiat  d!Afnpkipoli$  et  sur  le  territoire  des  Àrgiliens^ 
qui  eux-mêmes  étaient  une  colonie  d'Andros  *.  Bâtie  sur 
une  hauteur  qui  dominait  les  environs,  ayant  presqu'en 
face  d'elle  Fionf ,  et  appuyant  sa  gauche  sur  la  rive  droite 
du  Slrymon,  celte  ville,  par  sa  position,  devait  être  consi- 
dérée dès  cette  époque  comme  un  point  stratégique  de 
grande  importance.  C'est  aussi,  il  nous  semble,  ce  qui  ré- 
sulte du  récit  de  Thucydide. 

En  effet,  le  grand  historien  raconte  que,  dans  la  hui- 
tième année  de  la  guerre  du  Péloponnèse ,  Brasidas^  qui 
convoitait  Amphipolis,  après  avoir  engagé  dans  son  parti, 
soit  par  force,  soit  par  intelligence,  les  principales  villes  en- 
vironnantes, s'en  vint  à  la  tête  d'une  forte  armée  de  Spar- 
tiates occuper  les  hauteurs  de  Cerdylium  et  y  établir  son 
camp  '.  Ayant  donné  en  même  temps  l'ordre  à  Clearidas 

*  Voyage  dam  laMacéd,^  t.  I,  p.  134.  —  CTest  sans  doute  par  inadrertaoce 
qae  Conaînéry  écrit  constamment  Cerdili%»m ,  car  la  véritable  orthographe  est 
certainement  Cerdylinm.  Voy.  Thncyd.^  lib.  V,  pasêim, 

«  Thucyd.,  lib.  V,  c«  VI.—  Éort  &  (KepôuXtov)  xb  xwpfov  toOto  Àp^iVci^ 
iic\  petecopou,  'icëpav  toO  icotapoO,  où  icoXù  àicé^ov  xriç  ÂpcpiicoXéuc,  x.  x.  X. 

*  /Wd.,c.VI.— ToOtcov  BpflwCSoïc  plv  l^wv  èit\  KepSuX(cf>  èxdBrjTO  èç  icevra- 
xootouç  xa\  x^Xtobc  ol  Ô^A^Xot  iv  Àji^tin^ei  petà  KXeotpCSou  inxéx^^fo. 


ET    WSSEnTATIONS.  89 

d*iûvestir  avec  un  détâchemeot  le  côté  opposé  de  la  ville, 
il  put  donc  en  toute  sécurité,  de  l'endroit  où  il  était  placé, 
observer  les  mouvements  de  l'ennemi,  lui  couper  ses  ap- 
provisionnements et  le  tenir  en  échec.  Serrés  de  près,  les 
gens  d'Âmphipolis  qui  avaient  encore  le  côté  delà  mer,  dé- 
pêchèrent en  toute  hâte  vers  Thucydide,  général  des  Athé- 
niens, alors  retiré  kThasoSi  pour  qu'il  leur  amenât  de 
prompts  secours.  Celui-ci,  après  avoir  réuni  rapidement 
quelques  galères  qui  se  trouvsdent  sous  sa  main,  partit 
aussitôt  pour  rassurer  la  place  ;  mais  malgré  sa  diligence 
il  ne  put  que  se  jeter  dans  Eione,  car  Brasidas  l'ayant  pré- 
venu à  la  faveur  d'une  marche  de  nuit,  rendit  sa  présence 
inutile,  et  entra  sans  coup  férir  dans  la  ville. 

Ajoutons  que  cet  échec,  si  sensible  pour  les  Athéniens, 
en  ce  qu'il  leur  fermait  les  portes  de  la  Thrace  d'où  ils  ti- 
raient de  grands  revenus  et  une  grande  partie  de  leurs  bois 
de  marine,  fut  une  des  principales  causes  qu'invoquèrent 
plus  tard  les  ennemis  de  ce  grand  homme  pour  le  condam- 
ner à  l'exil,  lorsque  la  faction  de  Cléon  devint  toute-puis- 
sante et  maltresse  des  aifaires. 

Quoique  rien  n'assure  que  Cerdylium  ait  joui  du  droit 
d'autonomie,  rien  non  plus  ne  dit  le  contraire.  Il  n'est 
donc  pas  trop  hardi,  si  l'on  raisonne  par  analogie,  de  sup- 
poser que  Cette  ville  a  pu  faire  battre  des  monnaies  pour 
son  usage,  tout  aussi  bien  que  les  autres  petites  peuplades 
environnantes  ^  Sa  position  voisine  de  la  Thrace  et  de  la 
Macédoine  peut  justifier  cette  conjecture,  et  explique  éga- 
lement pourquoi  elle  a  dû  choisir  un  type  qui  parait  avoir 
été  commun  à  ces  deux  contrées. 

*  Entre  autres  exemples ,  nous  pourrions  citer  Traeliwn ,  ville  d'ailleurs 
complètement  inconnue  >  et  dont  le  nom  ne  nous  a  été  révélé  que  par  les  mé- 
dailles seules. 


90  iiÉMOin£S 

Sestini  décrit  la  tête  du  droit  comme  étant  celle  de 
Cérês.  Nous  ne  le  contredirons  pas»  mais  lorsqu'il  qualifie 
simplement  de  Diota  le  vase  singulier  qui  figure  au  revers, 
nous  prendrons  la  liberté  de  ne  point  être  de  son  avis,  vu 
que  le  Diota  avait  une  forme  bien  difiérente,  et  était  affecté 
à  un  tout  autre  usage. 

Lorsqu'on  parcourt  les  anciens  catalogues,  on  est  frappé 
de  Tabus  étrange  que  leurs  auteurs  ont  fait  de  ce  nom 
(Diota) ,  et  Ton  s'étonne  de  voir  avec  quelle  légèreté  la  plu- 
part l'ont  appliqué  indistinctement  à  des  vases  qui  n'y 
avaient  aucun  ra2)port.  La  raison  de  cette  habitude  routi- 
nière vient,  à  n'en  pas  douter,  de  ce  que  le  Diota  étant  un 
vase  à  deux  anses,  comme  son  nom  l'indique  \  on  s'est  cru 
autorisé  à  le  donner  par  extension  à  tous  ceux  qui  étaient 
munis  de  ces  appendices.  Mionnet  lui-même,  si  exact,  si 
scrupuleux  d'habitude,  a  commis  souvent  cette  méprise,  et 
nous  ne  serions  pas  embarrassé  pour  en  signaler  chez  lui 
de  nombreux  exemples.  Il  serait  temps  cependant  d'appeler 
enfin  les  choses  par  leur  nom,  chaque  fois  du  moins  qu'on 
le  peut  faire,  et  d'en  finir  avec  ces  dénominations  aussi  va- 
gues qu'élastiques  de  tête  virile  à  droite,  tête  de  femme  à 
gauche,  etc. ,  dont  le  moindre  inconvénient  est  de  n'avoir 
aucune  signification  précise. 

Dans  notre  opinion,  le  vase  qui  figure  sur  le  revers  de 
la  monnaie  en  question  n'est  autre  chose  que  le  Cala-- 
thus  ou  une  de  ses  formes  qui  aurait  été  particulière  à  cette 
contrée.  Le  Calathus  (xocXaGo^f  comme  nous  l'apprend  Athé- 
née, droit,  large  à  la  base,  fortement  évasé  vers  l'orifice  et 
ressemblant  assez  à  une  corbeille  d'osier,  était  destiné  prin- 
cipalement à  contenir  des  plantes,  des  grains,  des  pois,  des 

*  De  5\ç,  deux,  et  Ooç,  au  gén.  ciTb;,  oreille. 


ET   DISSERTATIONS.  Ol 

lentilles,  des  fruits.  Il  servit  également  aux  bergers  pour 
recevoir  le  lait  qu*ils  exprimaient  des  brebis,  des  chèvres 
et  des  vaches,  quelquefois  même  pour  y  verser  du  vin. 
On  donnait  encore  le  nom  de  Calalhu%  à  cette  espèce  de 
panier  ou  plutôt  de  Modius^  dont  on  voit  la  tête  de  Cérès 
coiffée  sur  quelques  monuments,  et  que  Pline  ^  compare  à  la 
fleur  de  lis  qui  va  toujours  en  s'élargissant  «  ab  angustiis 
in  lalitudinem  paulatim  sese  laxanlis  effigie  Calathi.  » 

D*après  cela,  nous  sommes  en  quelque  sorte  autorisé  à 
croire  que  cet  ustensile,  qui  devait  jouer  un  certain  rôle 
dans  le  culte  de  Céris^  ne  parait  ici  accompagné  d'un  grain 
d'orge  qu'avec  l'intention  bien  manifeste  d'exprimer  d'une 
manière  plus  significative  et  son  but  et  son  usage;  par 
conséquent,  il  devient  superflu  d'insister  sur  le  rapport 
intime  qui  unit  les  deux  côtés  de  notre  médaille ,  ses  types 
s'expliquant  naturellement  l'un  par  l'autre. 

De  tout  ce  qui  précède  et  pour  résumer,  il  résulte  que 
nous  croyons  avoir  démontré  d'une  manière  à  peu  près  cer- 
taine que  Sestini  s'est  trompé  en  donnant  à  Cherronesus 
une  monnaie  qui  ne  lui  appartient  pas,  et  comme  corollaire 
quellionnet,  de  son  côté,  en  a  faussement  attribué  une  autre 
à  Cerasus  qui  ne  lui  appartient  pas  davantage.  Si  donc,  en 
les  restituant  ainsi  que  la  nôtre  à  Cerdyltum,  nous  ne  ren- 
controns pas  d'opposition  sérieuse,  nous  nous  estimerons 
bien  heureux  et  nous  n'aurons  plus  qu'à  nous  féliciter  du 
hasard  qui  nous  permet  d'ajouter  un  nom  nouveau  à  la 
suite  déjà  si  riche  des  villes  de  la  Macédoine. 

Néanmoins  s'il  subsistait  encore  quelques  doutes  sur  ce 
qae  nous  appelons  l'erreur  de  Sestini,  et  si  l'on  se  refusait 
absolument  à  admettre  nos  conclusions,  il  resterait  toujours 

I  Hùf.  wmmdi,  lib.  XXI,  cap.  V,  11. 


02  MÉMOIRES 

à  savoir  ce  qu'on  doit  faire  de  la  médaille  de  Mionnet  et  de 
la  nôtre,  qui  alors  seraient  différentes  de  celle  du  docte 
abbé.  Dans  ce  cas  nous  nous  récuserions,  et  comme  on  ne 
peut  raisonnablement  les  attribuer  à  Cerasus^  nous  laisse- 
rions à  un  plus  habile  et  plus  compétent  le  soin  de  déter- 
miner  à  quel  lieu  les  trois  lettres  KEP.  peuvent  convenir. 

IL 

Nous  allons  maintenant  faire  connaître  une  autre  mé- 
daille qui,  bien  que  d'une  nature  différente,  n'offrira  pas 
moins  d'intérêt. 


Ëphèbe  à  demi  nu  à  droite,  le  chapeau  thessalien  (xdeuaca) 
noué  autour  du  cou  et  tombant  sur  le  dos,  saisissant  par 
les  cornes  un  taureau  lancé  au  galop,  et  dont  on  ne  voit 
que  la  partie  antérieure.  Entre  les  jambes  de  l'éphèbe,  les 
deux  lettres  1*  A  et  au-dessus  de  la  tête  du  taureau  la 
lettre  P  rétrograde.  Le  tout  entouré  d'un  grènetis. 

^  KPANO  («te).  Partie  antérieure  d'un  cheval  au  galopa 
gauche,  la  bride  flottante  sur  le  cou  ;  derrière,  un  trident 
Le  tout  au  milieu  d'un  carré  creux  assez  profond.  {JR,.  S. 
Mon  cab.  ). 

Si,  comme  nous  le  pensons,  ce  sont  bien  trois  lettres 
qu'il  faut  voir  sur  le  droit  de  cette  médaille,  ces  trois  ca- 
ractères ne  peuvent,  par  la  manière  dont  ils  sont  disposés^ 
être  pris  pour  les  initiales  d'un  nom  de  magistrat,  on  en 
doit  conclure  que  nous  possédons  ici  la  preuve  certaine 
d'une  alliance  contractée  par  Crannon  avec  une  autre  ville 


ET   DISSERTATIONS.  t)3 

de  la  Tbessalie.  Tout  se  réduit  donc  à  savoir  quelle  est 
cette  ville.  Évidemment  il  faut  opter  entre  Pharsah  et 
Pharcadon^  puisqu'il  n'y  a  qu'elles  deux  dans  cette  contrée 
dont  le  nom  commence  par  $ÂP.  Il  est  naturel  d'être  in- 
décis sur  le  choix.  Quant  à  nous,  disons-le  sans  hésiter, 
nous  préférons  de  beaucoup  Phareadon ,  et  voici  pour- 
quoi : 

D'abord,  sur  aucune  des  monnaies  de  Pharsale  connues 
jusqu'à  ce  jour,  on  n'a  encore  rencontré,  que  nous  sachions, 
Téphèbe  terrassant  un  taureau,  tandis  qu'au  contraire  c'est 
le  type  constant  de  Phareadon  frappant  en  son  nom  seul. 
Pour  des  motifs  qu'il  est  difficile  de  pénétrer,  mais  qui  tien- 
nent peut-être  au  culte  tout  spécial  dont  Pharsale  honorait 
Minerve,  sa  divinité  principale,  cette  ville  parait  s'être 
toujours  refusée  à  adopter  des  types  exclusivement  thessa- 
liens.  A  la  vérité  ce  n'est  qu'une  conjecture  ;  mais  les  mo- 
numents numismatiques  sont  ici  d'accord  pour  la  con- 
Grmer. 

En  second  lieu,  Phareadon  était  située  au  confluent  du 
Peneus  et  du  Curalius^  et,  par  conséquent,  beaucoup  plus 
rapprochée  de  Crannon  que  Pharsale.  Il  est  donc  assez 
probable  que  ce  voisinage  et  sans  doute  aussi  une  com- 
munauté d'intérêts,  une  conformité  d'idées  politiques  et 
religieuses,  ont  dû  porter  tout  naturellement  ces  deux 
villes  peu  puissantes  séparément,  à  contracter  de  bonne 
heure  une  alliance  intime,  qui  leur  permit  de  s'entr'aider 
et  par  suite  de  résister  avec  quelque  succès  aux  envahisse- 
ments de  leurs  voisins.  De  là  un  monnayage  commun  pour 
leur  usage  réciproque. 

Théopompe,  cité  par  Etienne  de  Byzance,  appelle  cette 
▼ille  Pharcidon  ;  Strabon,  de  son  côté,  lui  donne  le  nom  de 
Pharyeadwi.  Ce  sont  là  évidemment  deux  erreurs  dues  à 


9k  ^lÉMOlRES 

quelque  faute  de  copiste,  puisque  les  médailles  qui  font  foi 
en  pareil  cas  portent  invariablement  Pharcadon. 

Quant  à  ce  qui  concerne  Cranon,  située  à  l'extrémité 
de  la  vallée  de  Tempe  et  non  loin  du  lac  Bœbeis^  les  tra- 
ditions mythologiques  s'accordent  généralement  pour  en 
attribuer  la  fondation  à  Cranon^  fils  de  Pelasgus^  qui  lui- 
même  avait  donné  son  nom  à  cette  partie  de  la  contrée  ap- 
pelée depuis  Pélasgioiide.  Cette  ville  ne  semble  pas  avoir 
affecté  une  bien  grande  fixité  dans  la  forme  et  dans  l'or- 
thographe de  son  nom,  car  on  le  trouve  indistinctement 
écrit  sur  les  médailles  avec  :  KPANO.  S  KPANNO.  \ 
KPANNfîNlON.  ',  KPANNiî.  *,  KPANNOT.E<I>ïP.  •  (pour 
Cranni  Ephyri),  et  KPANNOYNIOTN  \  Les  causes  de  cette 
anomalie  apparente  ne  nous  sont  point  connues,  et  Ton  ne 
pourrait  guëres  à  cet  égard  que  hasarder  timidement  quel- 
ques conjectures  plus  ou  moins  plausibles,  comme  par 
exemple  une  nécessité  absolue  de  concilier  entre  eux  les 
différents  dialectes  en  usage  dans  la  Thessalie,  nécessité 
qui  se  sera  fait  sentir  particulièrement  à  Crannon^  et  se 
sera  manifestée  par  degrés  chez  elle  à  chaque  époque  nou- 
velle de  son  monnayage. 

Suivant  Etienne  de  Byzance,  il  y  avait  encore  une  autre 
Crannon  ou  Cranon  dans  XAihamanie  vers  les  sources  de 
YAchélous^  et  dont  la  fondation  était  due  à  ce  o^ëme  hâros  : 
n  Cranon  urbs  Thessaliœ  Pelas^idis^  etc..  Est quoque  alia 
urbs  Àthamaniœ  a  Cranone  PeUugi  filio,  nomen  habens.  »  Il 


«  Sestini,  Leit.  mm„  Berlin,  1904,  t.  VI,  p.  28. 

2  Haym,  Tes.  BHt,,  t.  II,  p.  122. 

»/W<i..p.68. 

*  Mionnct,  t   II,  p.  10,  n*  74. 

8  Haym,  loc.  c</.,  p.  122. 

«  Mionnet,  StippJ,,  t.  III,  p.  281,  n*  132, 


tt   DISSERTATIONS.  95 

est  presque  inutile  de  faire  remarquer  que  notre  médaille 
n'a  aucun  rapport  avec  elle ,  et  ne  peut  par  conséquent  lui 
convenir. 

Avant  d'aller  plus  loin,  nous  devons  dire  qu'il  existe  dans 
le  musée  Hunier  une  médaille  toute  semblable  à  la  nôtre 
et  que  C.  Combe,  qui  Fa  publiée,  classe  à  Larissa.  Sa  lec* 
tore  nous  a  paru  fort  contestable,  et  comme  nous  croyons 
avoir,  pour  le  démontrer,  quelques  raisons  à  faire  valoir, 
il  devient  nécessaire  de  la  décrire  ici  : 

Typus  idem  (id  est  :  figura  nuda  ad.  d.  taurum  do- 
mans)  sed  tantum  tauri  pars  anterior  exsculpta  est. 

^  >AP.  Equi  pars  anterior  cum  freno  ad  s.,  pone  tri- 
dens;  in  quadrato  incuso.  {JR..  D,  tab.  XXXII,  fig.  11.) 

Que  l'on  examine  la  gravure  et  qu'on  veuille  bien  la 
comparer  avec  sa  description,  on  s'apercevra  tout  de  suite 
combien  celle-ci  y  répond  peu,  et  l'on  se  demandera  pour- 
quoi l'auteur  n'a  fait  aucune  mention  des  deux  lettres  lr  Â 
qui  se  trouvent  sous  l'éphëbe  et  qui  pourtant  sautent  aux 
yeux.  Un  pareil  oubli  de  la  part  d'un  homme  d'ordinaire 
aussi  exact  que  C.  Combe  est  inexplicable.  A  la  vérité,  on 
serait  tenté  de  prendre  au  premier  abord,  le  $  pour  une 
espèce  de  fleuron,  et  c'est  sans  doute  ce  qui  lui  est  arrivé  ; 
mais  en  tout  cas,  symbole  ou  lettre,  il  était  de  son  devoir 
de  le  signaler,  ainsi  que  TA  qui  suit.  Il  s'agit  donc  de  sa- 
voir si  l'objet  figuré  en  avant  de  TA  est  bien  une  lettre  ou 
si  ce  n'est  tout  simplement  qu'un  de  ces  symboles  qui  se 
rencontrent  fréquemment  sur  les  médailles  et  dont  le  but 
allussif  demeure  presque  toujoure  à  l'état  d'énigme.  Nous 
dirons,  quant  à  nous,  qu'après  avoir  étudié  la  médaille  de 
Hunter  ainsi  que  la  nôtre,  avec  l'attention  la  plus  scrupu- 
leuse et  à  différentes  reprises,  et  après  y  avoir  mûrement 
réfléchi,  il  en  est  résulté  dans  notre  esprit  la  conviction 


96  ii^:moires 

bien  arrêtée  qu'il  était  impossible  d'y  .voir  autre  chose 
qu'un  ^,  lequel,  une  fois  admis,  a  l'avantage  de  donner  un 
sens  aussi  simple  que  naturel  aux  deux  lettres  AP  qui  sans 
lui  n'en  auraient  aucun.  Sans  nul  doute  nous  serons  con- 
tredit, et  même  nous  nous  y  attendons,  car  on  ne  man- 
quera pas  de  nous  objecter  la  forme  singulière  du  signe 
que  nous  persistons  à  prendre  pour  une  lettre ,  et  cela 
pour  être  en  droit  de  ne  pas  l'admettrie  ;  mais  quelque 
bizarre  et  inusitée  que  paraisse  être  cette  forme,  faut-il  la 
rejeter  par  la  seule  raison  qu'on  n'en  aurait  jamais  vu  et 
qu'elle  pourrait  ressembler  par  hasard  à  une  fleur  7  Évidem- 
ment, non  ;  car  nous  ne  pouvons  nous  flatter  de  connaître 
assez  bien  toutes  les  variétés  de  caractères  de  l'ancien 
alphabet  grec  pour  être  en  droit  d'assurer  que  tel  monu- 
ment est  faux  parce  qu'il  nous  ofTi-e  une  pratique  nouvelle. 
Ce  ne  serait  pas,  d'ailleurs,  la  première  fois  que  certaines 
lettres  considérées  comme  apocryphes  auraient  été  accep- 
tées plus  tard  par  ceux  même  qui  les  avaient  condamnées. 
Nous  en  pourrions,  au  besoin,  citer  plusieurs  exemples  ap- 
parus de  nos  jours,  et  qui  par  leur  étrangeté,  en  contra- 
riant quelques  systèmes,  ont  amené  des  discussions  assez 
vives  parmi  les  paléographes.  Nous  maintenons  donc, 
jusqu'à  preuve  contraire,  que  ce  premier  signe  est  un  *  et 
qu'il  faut  lire  4>AP.,  ce  qui  nous  autorise  à  voir  dans  la 
médaille  de  Hunter  une  autre  preuve  d'alliance  entre 
Pharcadon  et  Larissa.  Mais  est-ce  bien  encore  le  nom  de 
Larissa  qu'il  y  faut  lire  avec  Combe  ?  Là  est  la  question. 

Ce  qui  contribue  à  faire  naître  quelques  doutes  dans 
notre  esprit,  c'est  d'une  part  la  manière  dont  la  légende 
est  distribuée,  et  d'autre  part  c'est  la  forme  même  des  ca- 
ractères, c'est  la  présence  surtout  du  trident,  enfin  l'aspect 
général  qui  sont  exactement  les  mêmes  sur  notre  médaille, 


ET   DISSERTATIONS.  97 

£t  pourraient  les  faire  prendre  l'une  pour  Tautre.  Le  P 
placé  transversalement  (^  sic) ,  ressemble  tellement  par  sa 
physionomie  et  par  sa  position  au  K  (  m)  de  la  nôtre,  qu'il 
n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  ce  que  G.  Combe  les  eût 
confondus.  De  plus,  si  Ton  admet  qne  le  P  qui  devrait  se 
trouver  dans  l'angle  droit  supérieur  du  carré  creux,  a  bien 
pu  ou  ne  pas  être  aperçu  ou  même  disparaître  complète- 
ment par  reflet  seul  du  coup  de  marteau,  il  y  aurait  eu  en 
réalité  KPA.,  initiales  de  Crannon.  Ce  que  Combe  prend 
pour  un  F,  ne  serait  à  notre  avis  que  les  restes  mutilés  du 
N  fînal  de  la  légende.  Si  donc  on  veut  bien  admettre  notre 
hypothèse  sans  trop  de  répugnance,  il  s'ensuit  qu'il  ne 
faudrait  plus  voir  sur  la  médaille  de  Hunter  une  concorde 
entre  Larissa  et  PharcadoUt  mais  bien  entre  Crannon  et 
Pharcadon.  Toutefois,  nous  le  répétons,  ce  n'est  qu'une 
hypothèse;  comme  nous  n'avons  point  vu  la  pièce  origi- 
nale, et  qu'après  tout  il  est  fort  possible  que  la  légende  ait 
été  fidèlement  reproduite,  nous  nous  abstiendrons  pru- 
demment de  prononcer,  de  crainte  de  nous  engager  dans 
une  fausse  voie. 

Pour  en  revenir  à  notre  médaille,  on  remarquera  que  sa 
fabrique  est  fort  ancienne,  et  nous  ne  croyons  pas  être 
loin  de  la  vérité  en  fixant  l'époque  de  son  émission  vers  la 
fin  du  V*  ou,  au  plus  tard,  vers  les  premières  années  du 
IV*  siècle  avant  Jésus-Christ.  C'est,  en  effet,  à  peu  près 
vers  ce  temps  que  Tusage  du  carré  creux  commence  à 
disparaître.  D'ailleurs,  la  roideur  encore  sensible  du  style, 
roideur  à  la  vérité  toute  de  convention  et  due,  sans  nul 
doute,  à  un  type  consacré  antérieurement,  la  forme 
archaïque  des  lettres,  la  présence  même  de  ce  carré 
creux,  enfin  un  certain  je  ne  sais  quoi  plus  facile  à 
sentir  qu'à  e;[primer,  sont  pour  nous  des  indices  carac- 

1863. —2.  7 


98  ifÉsioiKes 

téristiques  qui  semblent  parfaitement  d  accord  avec  cea« 

donnée. 

Ces  monnaies  d'association  pour  une  époque  aussi  re- 
culée et  pour  VEurope  en  particuliers  sont  infiniment 
rares,  et  quoique  ce  genre  de  pièces  se  soit  multiplié  plus 
tard  en  Asie  sous  l'influence  de  la  domination  romaine, 
nous  n'en  connaissons  jusqu'ici  pour  la  Thessalie  que 
quatre,  y  compris  la  nôtre.  Nous  ne  prétendons  cependant 
pas  dire  par  là  que  ces  quatre  médailles  soient  les  seules 
qui  existent  et  par  conséquent  uniques  chacune  en  ce  qui 
les  concerne,  car  il  se  peut  qu'on  en  trouve  de  semblables 
dans  différents  musées,  mais  simplement  que  ce  sont  les 
quatre  seuls  exemples  que  nous  connaissions  d'une  alliance 
bien  constatée  enti-e  villes  de  la  Thessalie.  La  premiëi*e  dé- 
crite plus  haut  comme  faisant  partie  du  musée  Hunter  et 
qui  donnerait  le  nom  de  Pharcadon  et  de  Larissa^  si  toute- 


*  Nous  ne  parlons  ici,  bien  entendu,  que  de  la  Grèce  proprement  dite.  Quant 
à  ee  qui  concerne  ritalie,  où  ces  monnaies  d*alliance  se  rencontrent  plnt  M' 
qvemment, comme  notre  intention  est  d*en  pablier  bientôt  quelques-unes  d*ii»4r 
dites,  nous  la  laisserons  pour  le  moment  de  côté,  sauf  à  y  revenir  en  temps  et  lieu. 
Toutefois,  puisque  Toccasiou  s*en  pri^sente,  nous  en  profiterons  pour  dire  dès  à 
présent  notre  pensée  au  sujet  d^une  certaine  classe  de  monnaies  qui  portent  d*an 
•6té  les  lettres  f .  ^  0 ,  et  de  l'autre  TK,  et  que  le  docte  A vcUino  a  attribuée  à  une 
concorde  entre  Crotonê  et  Temeta,  Cette  opinion  a  été  reproduite  dans  ces  der- 
niers Ufmps  par  M.  G.  Riccio  (  Repert.  num.);  mais  malgré  la  juste  déférence 
qui  est  due  à  ces  deux  savants,  nous  le  disons  à  regret,  elle  nous  paraît  com- 
plètement inadmissible.  Nous  préférons  y  voir  une  alliance  entre  Crotone  et  Tf- 
rina  i  1*  parce  que  sur  les  rarissimes  pièces  qui  nous  sont  restées  de  TemeMa, 
cette  ville  a  toujours  signé  TEM,  tandis  que  les  exemples  ne  manquent  pas 
pour  prouver  que  Terina  s'est  bien  souvent  contentée  des  deux  seules  lettres 
TE  ;  2*  il  est  plas  naturel  de  croire  à  une  alliance  entre  Crotone  et  Terina,  m 
Toiaine  et,  de  plu»,  fondée  par  elle,  qu'avec  Temaa  qui  était  plus  éloignée^  et 
dont  Torigine ,  en  outre ,  due  à  une  émigration  étolienne ,  et  par  conséquent 
entièrement  différente ,  devait  en  quelque  sorte  s'opposer  à  ces  rapports  in- 
iSjHM  ^  airiaiimt  tonjowra  «ne  métropole  avee  m  colonie. 


rr  DISSERTATIONS.  99 

fois  on  regarde  notre  hypothèse  comme  trop  hasardée; 
une  seconde  publiée  par  Éd.  de  Cadalvëne  \  avec  les  noms 
de  Phéres  et  de  Larissa  ;  une  troisième  semblable,  mais 
d*uD  module  et  d*un  poids  plus  forts,  laquelle,  récemment 
vendue  à  Londres  avec  la  collectioo  Huber,  a  été  acquise 
par  le  Musée  britannique  ;  enfin  la  nôtre. 

Assurément  cette  rareté  doit  avoir  une  cause,  et  il  ne 
serait  pas  sans  utilité  de  la  rechercher;  aussi  aurions-nous 
désiré  exprimer  dès  à  présent  notre  pensée  entière  sur  ces 
alliances  de  villes,  car  malgré  tout  ce  qui  a  été  écrit,  on 
pourrait ,  ce  nous  semble ,  présenter  encore  quelques 
considérations  neuves  et  dignes  d'intérêt.  Mais  outre  que 
cette  recherche  nous  entraînerait  trop  loin ,  et  que  nous 
n'avons  ici  ni  le  temps  ni  l'espace  nécessaires ,  un  pareil 
sujet  mérite  une  étude  à  part,  et  nous  nous  réservons 
de  la  traiter  une  autre  fois ,  avec  tout  le  soin  dont  nous 
sommes  susceptible  et  avec  les  développements  qu'il  com- 
porte. 

Nous  n'avons  pas  l'intention  de  nous  étendre  longue-* 
ment  sur  les  types  de  notre  médaille  ;  assez  d'autres  et  des 
plus  illustres  ont  pris  soin  de  les  expliquer  de  manière  à 
n'y  plus  revenir.  Toutefois  nous  ne  pouvons  nous  empê- 
cher de  faire  remarquer  avec  quel  art  ingénieux,  quelle  in- 
telligence profonde  et  surtout  avec  quelle  rare  fécondité, 
les  peuples  grecs  en  général,  dans  quelque  lieu  qu'on  les 
suive,  ont  su  choisir  et  varier  leurs  types  monétaires,  et 
comme  par  la  composition  ils  répondent  merveilleusement 
i  leurs  idées  religieuses ,  à  leurs  mœurs,  k  leurs  habitudes 
en  même  temps  qu'à  leurs  traditions  locales.  La  présence 
du  cheval  sur  des  monnaies  de  la  Thessalie  n'est-elle  pas 

^  lUriMtl  di  méd.  gr,  inid,^  p.  129,  vign.  n*  1,  FarU,  1828^  in-i*. 


100  JMÊMOIRES 

Aussi  naturelle  que  logique,  puisque  c  est  sur  son  sol  que 
la  tradition  le  fait  naître  *  ?  et  ses  habitants  ne  se  glori- 
fiaient-ils pas  également  d'avoir  inventé  l'art  de  le  dompter, 
art  si  ancien  chez  eux  qu'il  se  trouve  souvent  confondu 
avec  les  fables?  Si  d'une  part  ils  étaient  habiles  dans  Té- 
quitation,  ils  ne  l'étaient  pas  moins  non  plus  dans  les  com- 
bats de  taureaux  qui  ont  reçu  le  nom  de  Taurocatbapsie 
(Taupoxa9a\J.ea)  \  exercices  qu'une  habitude  contractée  de 
bonne  heure  leur  rendait  J'amiliers,  et  dans  lesquels  ils 
se  plaisaient  à  développer  leur  force  et  à  montrer  leur 
adresse. 

Le  trident  qui  figure  ici  pour  la  première  fois,  et  que 
nous  n'avions  pas  encore  jusqu'à  présent  rencontré  sur  des 
monnaies  de  la  Thessalie,  n'a  été,  ce  nous  semble,  placé 
là,  derrière  le  cheval,  qu'avec  une  intention  bien  mani- 
feste et  qui  peut  nous  autoriser  à  y  voir  une  double  allu- 
sion, d'abord  et  surtout  au  mythe  relatif  à  la  dispute  si  cé- 
lèbre de  Minerve  et  de  Neptune,  Bien  que  connue  de  tont  le 
monde,  rappelons-la  en  quelques  mots  :  Ces  deux  divinités 


*  t  Schol.  ad  Pind.  Py/A.,  I.,  246.  —  Schol.  ad  SUt.  Theb.,  FV.  43.  -  Serr. 
etTtob.  ad  Virg.  Gtorg,,!,  12. 

.  *  Paimi  les  marbres  antiques  conservés  à  Oxford,  il  existe  nn  bas-relief  de 
traYail ,  du  reste,  assez  médiocre^  représentant  qnelqnM-nnes  des  principales 
scènes  de  ces  lattes  célèbres,  et  qui  peut  en  donner  nne  jnste  idée.  L^insorip- 
tîon  suivante,  gravée  sur  le  bord  de  la  plinthe ,  en  précise  la  signification  : 
TArPOKAeA^ÛN.HMEPA.B.  <  seconde  journée  des  Taurocatbapsies).  Il 
semble  résulter  de  cette  inscription  que  les  Taurocatbapsies  devaient  être, 
considérées  par  les  Thessaliens  comme  des  fGtes  éminemment  natîouales  reve- 
nant à  des  époques  fixes  et  déterminées,  et,  puisqu'elles  se  prolongeaient  au 
delà  de  plusieurs  jours,  leur  célébration  était  sans  nul  doute  accompagnée  d» 
cérémonies  religieuses  et  entourée  d'une  grande  pompe.  —  Voir  Lareher 
Mémoif  «tir  quelquis  fétei  des  Grecs  omiau  par  Cattellanui  et  Mevrtius,  dan» 
les  MemoireM  de  V Académie  des  inscriptinns  el  belle*  -  lettres  ^  t.  XL VIII 
p.  279. 


ET    DISSERTATI0:SS.  101 

prétendaient  chacune  à  l'honneur  de  donner  un  nom  à  la 
ville  bâtie  par  Cécrops.  Les  dieux  assemblés  décidèrent 
que  celle  des  deux  qui  ferait  le  présent  le  plus  utile  au 
genre  humain  aurait  l'avantage.  Neptune  frappe  la  terre, 
et  d'un  seul  coup  de  son  trident  en  fait  sortir  le  cheval;; 
Minerve  fait  naître  l'olivier,  et  triomphe. 

Évidemment  ces  deux  symboles,  le  trident  et  le  cheval , 
associés  ainsi  et  réunis  dans  un  même  cadre,  rapprochement 
qui  n'échappera  à  personne,  s'expliquent  suffisamment  et 
sans  effort.  En  second  lieu,  le  trident,  en  tant  qu'attribut 
caractéristique  du  dieu  des  eaux,  nous  semble  faire  encore 
allusion  à  la  situation  même  de  Crannon^  laquelle  bâtie  sur 
le  bord  d'un  fleuve  qui  traversait  une  grande  partie  de  son 
territoire,  devait,  comme  toutes  les  villes  riveraines  en  gé- 
néral, se  croire  en  quelque  sorte  sous  la  protection  spéciale 
de  Neptune,  et  l'honorer  par  conséquent  d'un  culte  parti- 
culier. 

Quelques  antiquaires  ont  cru  reconnaître  dans  l'épbëbe 
nu  arrêtant  un  bœuf,  Bacchus  lui-même  enseignant  l'art 
de  soumettre  cet  animal  au  joug,  et  apportant  ainsi  aux 
hommes  les  premiers  éléments  de  l'agriculture  et  de  la 
civilisation.  D'autres  y  ont  vu  la  lutte  d'Hercule  et  d'Àchè- 
lous.  Malgré  tout  ce  que  ces  opinions  peuvent  offrir  d'ingé- 
nieux, et  bien  qu'elles  rentrent  complètement  dans  les 
idées  que  nous  nous  sommes  faites  sur  les  types  monétsûres 
des  anciens,  &  savoir  qu'ils  sont,  à  peu  d'exceptions  près, 
tirés  exclusivement  de  la  religion,  nous  nous  en  tiendrons 
cependant  à  l'explication  que  nous  avons  donnée  plus  haut. 
Outre  que  cette  explication  a  le  mérite  d'avoir  été  en  partie 
celle  de  l'illustre  EckheP,  ce  qui  lui  donne  à  nos  yeux  une 

•  p.  .¥..  Jl,r.  133  et  140. 


102  MÊMOIEES 

force  d'autorité  que  nul  ne  sera  tenté  de  décliner,  elle  a 
encore  celui  d*ètre  aussi  simple  que  naturelle,  et  de  pou* 
Toir  concilier  tout  à  la  fois  d'une  manière  conforme  à  l'esprit 
de  l'antiquité  des  habitudes  locales  avec  des  traditions  his- 
toriques et  religieuses.  . 

Tout  à  vous  de  coeur,  Ferd.  Bompois. 

^Êtaîf^  finitr  1869. 


tt   msSERTATlOM.  101 


SUR  DIVERSES 
MÉDAILLES  A  LÉGENDES  AKAMEENNES. 


Pour  les  travailleurs  sincèrement  dévoués  aux  progrès 
de  la  science,  c'est  une  vive  satisfaction  que  de  voir  péné- 
trer successivement  la  lumière  et  Texactitude  là  où  long^ 
temps  avaient  régné  l'obscurité  et  Terreur,  lors  même  que 
ce  mouvement  renverse  les  opinions  qu'ils  avaient  antérieu- 
rement émises  ou  acceptées.  Telle  est  l'impression  produite 
en  moi  par  les  développements  qu'a  pris  l'étude  des  mé^ 
dailles  à  légendes  sémitiques  des  rois  Perses  et  des  Sa- 
trapes depuis  la  belle  publication  de  M.  le  duc  de  Luynes 
sur  la  numismatique  des  satrapies  et  de  la  Phénicie  sous 
les  rois  Achéménides.  Ces  développements  sont  dûs  sur- 
tout à  MM.  Blau  et  Waddington.  Lorsque ,  avant  ces  au- 
teurs, j'ai  eu  à  m'occuper  du  même  sujet,  je  partageais  la 
croyance  généralement  répandue  que  les  légendes,  à  part 
celles  que  M.  de  Luynes  compare  aux  palmyréniennes, 
étaient  indistinctement  phéniciennes.  On  a  depuis  avancé 
qu'une  partie  seulement  est  phénicienne  à  proprement 
parler,  et  qu'une  autre  partie,  dont  l'écriture  est,  en  effet, 
manifestement  différente,  est  araméenne  ;  puis,  dans  cette 
dernière  écriture,  on  a  assigné  à  une  lettre  prise  alors  pour 
an  eaph  ou  K,  la  valeur  du  tod  ou  LJ.,  ce  qui  a  fait  faire 
tto  pas  décisif  à  la  paléographie  et  amené  une  modificatioa 


lOA  ^      MÉMOIRES        '^ 

profonde  dans  plusieurs  interprétations.  Je  me  range  plei- 
nement à  ces  idées  dont  les  lecteurs  de  la  Revue  numisma- 
tique ont  remarqué  sans  doute  l'exposition  nette  et  la  dé- 
monstration convaincante  dans  le  mémoire  si  intéressant 
que  M.  Waddington  à  publié  dans  les  cahiers  de  novembre- 
décembre  1860,  janvier-février  1861,  et  qu'il  a  reproduit 
dans  ses  Mélanges  de  numismatique  et  de  philologie^  pages 
59  à  102. 

Mais  cette  adhésion  en  elle-même  n'aurait  aucune  im- 
portance. Je  désire  lui  donner  une  valeur,  si  faible  soit-elle, 
en  apportant  à  mon  tour  quelques  matériaux  à  l'édifice. 

Mon  travail  roulera,  1*"  sur  une  médaille  de  Phamabaze 
que  je  crois  inédite  ;  2°  sur  une  distinction  d'attribution 
qu'il  y  a  peut-être  à  faire  dans  les  médailles  exclusivement 
données  au  satrape  Datame. 

Toutefois,  avant  d'attaquer  <îes  points  essentiels,  je  me 
hftterai  de  me  débarrasser  d'une  question  qui  n'a  aucuù 
intérêt  scientifique,  celle  de  la  priorité  pour  la  lecture  dn 
nom  de  la  déesse  Alergaio  sur  la  médaille  d'Abdhadad,  pu- 
T}lîée  par  M.  le  duc  de  Luynes. 


I. 


Ainsi  que  je  l'ai  avoué,  les  nouvelles  appréciations 
m'ont  forcé  à  jeter  par  dessus  bord,  pour  cette  branché, 
d'ailleurs  restreinte,  de  mes  études,  une  partie  de  mon 
bagage.  Comme  il  me  reste  peu  de  chose,  on  ne  s'étonnera 
pas,  j'espère,  que  je  m'y  attache  et  que  j'y  tienne.  Dans  ce 
cas  se  trouve  la  priorité  de  la  lecture  du  nom  Atergato.  Je 
dois  croire  que  cette  lecture  n'est  pas  entièrement  dénuée 
de  mérite,  puisque  M.  de  Longpérier  la  propose  aux  ai<- 


ET  DISSERTATIONS.  lOS 

cbèoldgues  \  et  que,  après  M.  Blau,  M.  Waddington  la  si- 
gnale d'une  manière  expresse  dans  le  mémoire  mentionné 
ci-dessus,  Revue  numismatique^  année  1861,  pages  9  et  10; 
Or,  dans  la  Revue  archéologiqiAe^  septembre  18A7,  pages  AA6 
et  AA7,  j'avais  positivement  proposé  cette  interprétation  qui 
À  échappé  à  l'attention  des  trois  antiquaires.  J'en  ai  fait, 
dans  le  temps,  l'observation  à  M.  de  Longpérîer,  et  le  savant 
académicien  s'est  loyalement  empressé  de  le  reconnaître. 
Je  n'hésite  donc  pas  à  faire  ici,  sous  son  propre  patronage^ 
une  revendication  pour  laquelle  je  suis  heureux  d'avoir 
d'avance  son  assentiment  et,  sans  plus  tarder,  je  passe  à 
des  détails  plus  utiles. 


II. 


H.  le  duc  de  Luynes  a  fait  ressortir  l'étroite  ressemblance 
de  ses  monnaies  2,  3  et  A  de  Pharnabaze  (pi.  I  de  son  ou- 
vrage), avec  les  n"  7, 8,  9  et  10  du  satrape  qu'il  nommait 
Demis  (pi.  II).  Mais,  à  la  planche  III,  nM ,  se  montre  le 
dessin  d'une  médaille,  attribuée  avec  raison  au  même  per- 
sonnage, médaille  qui  a  une  grande  analogie  de  types  avec 
les  précédentes;  elle  est  de  plus  petit  module  :  le  module 
ôorrespondant  fait  défaut  dans  la  série  de  Pharnabaze^  telle 
'que  l'illustre  antiquaire  Ta  publiée.  M.  Waddington,  à  là 
page  &35  de  la  Revue  de  1860,  déclare  de  son  côté  que  touteè 
les  médailles  de  Pharnabaze  ont  été  publiées  par  M.  le  dut 
de  Luynes  et  qu'il  n'en  a  point  de  nouvelles  à  faire  connaî- 
tre. A  la  page  &A2,  au  sujet  du  second  satrape  qu'il  nomme 

» 

•  m  Une  rare  monnaie  du  cabinet  de  M.  le  dac  de  Luynes,  ^ui  porte  d*uii  côté 
une  figure  debout  dans  un  temple,  aveo  la  légende  Ebed  Jdad^  et  au  revers  un 
Buste  de  la  déesse  accompagné  de  son  nom  Àlargatf  qui,  nous  le  pensons,  u*a 
pw  encore  été  lu.  »  {htumal  aiiafigue,  Ô'jiérie,  1856,  p.  428^)  ^ 


106  MÉMOIRES 

Datame  au  lieu  de  Vernis^  il  dit  :  «  Les  monnaies  de  Da- 
tame  sont  de  trois  types  différents  :  l""  Tète  virile  casquée. 
iQ.  Tète  de  femme  de  face.  Ces  pièces  sont  entièrement  par 
reilles  à  celles  de  Phamabaze  et  n'en  diffèrent  absolument 
que  par  la  légende  ;  2° etc.  »  Cette  description  du  pre- 
mier type  me  parait  trop  exclusive  et  l'assimilation  aux 
monnaies  de  Phamabaze  trop  absolue.  D'une  part,  il  y  a, 
comme  je  l'ai  dit,  dans  les  monnaies  de  Datame^  deux  mo- 
dules et|  sur  le  petit  module,  la  chevelure  de  la  tète  fémi- 
nine de  face  n'est  point  éparse  comme  sur  les  grands  mo- 
dules ;  d*une  autre  part ,  le  petit  module ,  avec  le  type 
ainsi  modifié ,  n'a  pas  été  signalé  dans  la  série  de  Phar- 
nabaze. 

Je  me  crois  en  mesure  de  remplir  la  lacune  au  moyen 
d'une  pièce  que  je  possède  et  dont  je  donne  ici  le  dessin. 


On  y  remarque,  au  droit,  la  tète  virile  casquée  et  tournée 
à  gauche  ;  au  revers,  la  tête  féminine  de  face,  comme  an 
n*  1,  pi.  III  de  M.  le  duc  de  Luynes;  elle  est  en  argent, 
mesure  10  millimètres  en  largeur,  12  en  hauteur,  et  pèse 
en  grammes  5,75.  Ce  qui  la  distingue,  c'est  qu'au  droit, 
devant  le  profil  viril,  la  légende  est  -^Sn  ou  "jSd,  probable- 
ment la  première  forme  dont  l'initiale  a  été  en  partie  em-- 
portée  par  le  percement  d'un  trou;  au  revers,  de  chaque 
côté  de  la  tète  féminine,  en  bas,  est  un  poisson,  savoir  à 
droite  de  la  tète,  un  thon  ou  pélamide,  à  gauche  un  dau- 
phin. Ces  dernières  marques  rappellent  celle  du  n*  5,  pL  I, 
de  M.  de  Luynes  et  c'est  pourquoi  j'attribue  ma  pièce  à 


ET  DISSERTATIONS.  l07 

Pharnabaze.  Mais  alors  se  présente  une  observation  grave. 
Sur  la  médaille  du  Cabinet  de  France,  rapportée  par  M.  de 
Luynes,  la  légende,  en  tant  que  grecque,  est  d'accord  avec 
la  signification  du  pélamide  que  Ch.  Lenormant  a  signalé 
comme  la  marque  propre  de  l'atelier  monétaire  de  CyziquCt 
opinion  adoptée  par  M.  Waddington  ;  sur  ma  pièce,  la  lé- 
gende, écrite  en  caractères  araméens  et  signifiant  Cilicie^ 
ne  présente  plus  cet  accord  ;  la  monnaie  ne  peut  plus  avmr 
été  frappée  à  Cyzique,  car  il  y  aurait  dérogation  à  cette 
judicieuse  conclusion  de  M.  Waddington  que  «  la  langue 
dans  laquelle  est  conçue  la  légende  d*une  médaille  est  tou- 
jours celle  de  la  province  ou  de  la  ville  où  la  médaille  a  été 
frappée  et  où  elle  est  destinée  à  circuler.  »  Il  me  parait 
donc  probable  qu'en  émettant  des  monnaies  en  Cilicie,  en 
sa  qualité  temporaire  de  commandant  en  chef  des  troupes 
perses  dans  cette  province  et  dans  les  provinces  voisines, 
Pharnabaze  a  voulu  simultanément  rappeler  sa  satrapie 
permanente. 

M.  le  duc  de  Luynes  (Op.  laiid.,  page  10),  sous  le  titre 
BernéSy  a  décrit,  au  n*  12,  un  exemplaire  du  musée  bri* 
twmique  en  ces  termes  :  h  Légende  illisible  ;  tète  virile, 
barbue,  à  gauche,  coiffée  du  casque  grec  nommé  crano8« 
nrmonté  d'un  cimier,  et  la  chlamyde  boutonnée  au  cou. 
^  Tête  de  femme  diadémée,  avec  pendants  d'oreilles  et 
collier;  Tue  de  face.  Auprès  de  la  tète  de  femme,  à 
droite,  un  pmsson.  »  Il  est  à  regretter  que  l'espèce  de 
poisson  ne  soit  pas  indiquée  ;  mais  il  y  a  liea  de  conjec- 
Inr^  que  c'est  aussi  un  thon  et  qu'il  s'agit  d'une  mé- 
didU#  primitivement  semblable  à  la  mienne,  ce  qui,  si 
je  ne  me  trompe,  doit  la  faire  restituer  à  Pharnabaze. 


lOS  MÉMOIRES 

III. 

J'ai  dit,  en  suivant  l'opinion  actuellemeni  accréditéei 
que,  sur  la  petite  médaille  dont  je  viens  de  parler,  la 
transcription  hébraïque  de  la  légende  composée  de  trois 
consonnes  est  ^Sn,  KALK,  ou  -jSa,  KLK,  orthographe  sémi- 
-tique  du  nom  de  la  Cilicie  ;  mais  j'ai  ajouté  que  la  leçon 
réelle  est  probablement  la  première  forme.  En  effet, 
d'abord,  l'étymologie  donne  *]Sn ,  malheureux^  ce  qui 
répond  aux  épithètes  attachées  par  les  Grecs  et  les  Latins 
à  une  partie  notable  de  la  Cilicie,  savoir,  par  les  premiers, 
Trachée^  c'est-à-dire  âpre^  rude^  raboteuse^  pierreuse^  par 
les  seconds,  Aspera^  ce  qui  est  équivalent;  c'est  ainsi» 
mais  en  renversant  les  termes,  qu'on  opposait  l'Arabie 
heureuse  à  l'Arabie  pétrie*  En  second  lieu,  les  exemples 
où  on  lit  -|Sn  sont  incontestablement  les  plus  nombreux:; 
je  n'en  connais  qu'un  qui  porte  •]'5d,  c'est  la  monnaie  de 
rPharnabaze  du  Cabinet  impérial  reproduite  par  M.  de 
Luynes  au  n*"  1.  de  sa  planche  I.  M.  Waddington  cite  un 
cas  emprunté  au  musée  Hun  ter,  pi.  V,  n*  4,  où,  en 
regard  de  la  légende  grecque  (R)IAIKION,  est  un  mot 
araméen  qu'il  transcrit  iho;  mais  sur  le  dessin  qu'il  rsr 
produit,  la  première  lettre,  ainsi  figurée  H,  est  manifes- 
tement un  Khel  comme  à  la  fin  de  la  légende  dite  d'Abdr 
«ohar  et  sur  un  exemplaire  de  Pharnabaze  (Luynes, 
pi.  I,  n«  2). 

M.  Fr.  Lenormant,  dans  le  Catalogue  de  la  collection 
Mehr^  page  158,  avait  précédemment  décrit  le  revers 
d'une  pièce,  qu'il  a  crue  alors  inédite,  en  ces  termes  : 
«  Hercule  et  Sandon  debout,  l'un  devant  l'autre,  s'adi-es- 
«  sent  mutuellement  la  parole,  sous  une  porte  surmontée 


ET   DISSERTATIONS.  fOO 

-u  d'acrotères  et  doot  le  chambranle  et  le  linteau  sont 
«  ornés  de  perles.  Sandon  est  à  droite,  enveloppé  d*un^ 
;i  long  manteau  ;  il  élère  sa  main  droite  à  la  hauteur  de 
f«  son  visage,  vers  lequel  ses  doigts  sont  tournés.  Her«^ 
M  cule  est  à  gauche,  complètement  nu,  montrant  la  terre 
«  de  sa  main  gauche  et  levant  son  bras  droit  étendu.  Entre 
«les  deux  personnages  est  un  thymiatérium.  Devant 
«  Sandon,  entre  lui  et  le  thymiatérium ,  lann  ;  derrière 
K  Hercule  (dans  le  coin  inférieur  du  champ),  *^S3.  »  Cette 
médaille,  acquise  d'abord  par  M.  Curt,  est  aujourd'hui 
entre  les  mains  de  M.  le  général  Fox,  à  Londres;  j'en  ai 
obtenu,  de  l'obligeance  de  ce  savant  numismatiste  et  par 
les  soins  extrêmement  complaisants  de  M.  Feuardent, 
tjne  empreinte  très-nette  dont  je  donne  le  dessin ,  parce 


que  c'est  sur  le  revers  précédemment  décrit  que  porte  la 
question  d'attribution  que  j'ai  annoncée.  M.  Waddingtôn 
)'a  cité  de  cette  manière  :  «  -jSa  icain.  Deux  figures 
debout.  »  En  jetant  les  yeux  sur  le  dessin,  on  reconnaît 
immédiatement  que  le  mot  écrit  en  trois  lettres  derrière 
le  personnage  nu  n'est  point  *]Sd,  KLK;  le  premier  et  le 
dernier  caractères,  qui  sont  identiques  de  Taveu  commun, 
présentent  la  lettre  que  j'ai  dit  avoir  en  effet  été  prise 
d*abord  pour  un  eaph  ou  K,  mais  qui  a  été  depuis  re- 
connue pour  un  lod,  I  ou  J,  Le  caractère  intermédiaire  ne 
peut,  de  son  côté,  être  un  lamed  ou  L  ;  le  droit  de  la  pièce 


liV  llÉM(>iA£9i 

représente  Baal  de  Tarse  avec  la  légende  connue  ;  dans 
cette  légende,  le  lamed^  c'est-à-dire  la  troisième  lettre  de 
droite  à  gauche,  en  mettant  en  haut  le  bord  près  duquel 
la  légende  est  tracée,  le  lamed,  dis-je,  a  une  forme  très- 
différente  :  il  me  semble  tout  à  fait  impossible  qu*une 
pareille  disparate  existe  sur  la  même  pièce  ;  d'ailleurs  la 
forme  du  lamed^  telle  que  la  présente  le  droit,  est  con- 
stante dans  récriture  araméenne  des  médailles.  La  letti*e 
intermédiaire,  dont  nous  nous  occupons  ne  peut  être,  à 
mon  avis,  qu'un  noun  ou  un  zaïn  :  en  recherchant  si  Ton 
peut  se  prononcer  plus  catégoriquement,  nous  attaquerons 
directement  enGn  le  problème  que  j'ai  indiqué. 

L'autre  mot  est  lu  de  deux  façons,  comme  on  l'a  vu,  par 
M.  Fr.  Lenormant  et  par  M.  Waddington.  Le  premier  de 
ces  auteurs  l'a  transcrit  Tiridamês^  mais  il  n'a  pu  justifier 
historiquement,  du  moins  à  mon  avis,  ce  nom  supposé 
d'un  satrape.  C'est  ce  mot  que  M.  le  duc  de  Luynes  avait 
lu  d'abord  w:in  et  rendu  par  DernéSy  mais  que  M.  Wad- 
dington, en  le  transcrivant  wain ,  a  regardé  comme  le 
nom  de  Datante^  ainsi  que  je  l'ai  dit  précédemment,  sub- 
stitution  qui  est  adoptée,  je  crois,  par  M.  de  Luynes. 

Déjà,  dans  Y  Essai  sur  la  numismatique  des  satrapies^  etc. , 
l'éminent  académicien  avait  indiqué  comme  possible  l'at- 
tribution au  satrape  Dalame^  en  s'en  tenant  aux  légendes 
que  l'on  croyait  alors  phéniciennes.  En  rendant  compte 
de  cet  important  ouvrage,  dans  l'article  précité  de  la 
Revue  archéologique ,  page  442,  j'avais  déclaré  ma  ten- 
dance à  préférer  cette  traduction,  en  l'affectant,  non  au 
satrape*  fils  de  Camissarès,  dont  Cornélius  Nepos  il  écrit 
Fbistoire  et  que  Diodore  de  Sicile  a  mentionné  1.  XV, 
cb.  M,  mais  au  dynaste  homonyme  de  Gappadoce,  fil$  et 
successeur  immédiat  d'il napftoi  suivant  le  même  Diodore, 


IT   ABSBITATIONS.  Ul 

dans  un  fragment  du  1.  XXXI  conservé  par  Pbotius  ^  Ma 
conjecture  était  alors  fondée  sur  l'interprétation  du  type 
et  sur  une  transcription  que  m'avait  fournie  Fabricy  *  pour 
le  mot  de  trois  lettres  derrière  le  personnage  nu»  mot  dont 
je  n'avais  découvert  alors  d'indication  que  dans  cet 
ouvrage  *. 

H.  le  duc  de  Luynes  voit  dans  les  deux  personnagcis 
Hercule  et  Sardanapale.  Celui-ci,  vêtu  d'un  ample  mantean 
et  faisant  un  geste  moqueur,  est  figuré,  pense-t-il,  comme 


*  Ycj.  Fréret,  Mémoim  dt  t Académie  dra  itucript.,  in-12,  t.  XXX ,  p.  lift 
HMiiv. 

'  Gabriel  Fabricy,  Dt  Johmmiê  Byrcani  Haimoruti,  Judeorum  tummi  pontifeii, 
kÊbnKhiamariiieo  numo  Borgiani  Mtuei  Yelitrh,  plane  anecdoio,  Phcmicum  Uili' 
««riira,  eujut  f&nîéi  primum  inquiruntur,  ilbàsirando  rommtntarnu.  Romf  »  in-8*. 
Q  n'a  paru  qne  deux  oba|dtret  oa  TolumeSy  en  1803,  sous  ce  titre  spëdai  : 
Pais  puma,  Dt  Uttêraturm  phanici»  fontibus.  Cet  oayragc,  aujourd'hui  extri* 
nement  rare ,  contient  un  texte  courant  développant  une  exposition  générale 
dont  la  plupart  des  propositions  deviennent  Toccasion  d*uue  multitude  dénotes 
aa  baades  pages,  notes  dans  lesquelles  toutes  les  interprétations  de  textes 
phénîcieiis,  oq  réputés  tels,  alors  connues  sont  successivement  passées  en 
revue  y  examinées  avec  beaucoup  d'impartialité  et  de  jugement,  et  souvent 
modifiées  ;  Tauteur  fait  connaître,  chemin  faisant,  et  explique  plusieurs  monu- 
nents  nouveaux,  entre  autres  une  médaille  de  Pliamabazê^  où  il  a  lu  ^îl^H , 
farmmboxo,  nom  d'homme,  et  la  pièce  dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment, 
où  il  a  vu  *ID23n  ,  Tacnémo,  reconnu  aussi  pour  un  nom  d'homme,  dans  le 
mot  verticalement  écrit  devant  le  personnage  drapé  du  revers  (p.  620-623  ]. 
A  la  fin  de  chaque  volume  est  une  m6me  planche  contenant  les  dessins  de 
qninie  médailles  à  légendes  phéniciennes,  araméennes  et  néo-puniques,  no- 
taamient  an  n*  2,  celui  de  la  pièce  que  nous  étudions.  En  outre .  dans  le  texte 
du  second  volume  ont  été  intercalées  des  copies  des  médailles  puniques  on 
punico- siciliennes  portant  les  légendes  DITTHO  et  risnizn  DV* 

*  Récemment  encore ,  sur  un  conseil  de  M.  de  Longpérier,  J'ai  fait  des  re- 
diarchet  actives  pour  déeow rir  une  pièce  au  revers  complet  ;  j'ai  été  aidé 
pour  les  investigations  à  Londres  par  Tinfatigable  complaisance  de  M.  Fenar* 
dent  :  je  me  suis  convaincu  qu'il  n'en  existe  ni  è  notre  Cabinet  impérial , 
ai  dans  la  riche  collection  de  M.  le  doc  de  Luynes,  ni  an  Musée  britan- 
nique. 


ll!^  MÉMOIBES 

•adorateur  et  disciple  d'Hercule  assyrien  auquel  il  offre  des 
parfums  dans  le  thymiatérion.  Hercule  l'initie  au  mépris 
de  la  vie  et  à  la  mort  qui  purifie  par  les  flammes  en 
plaçant  l'homme  au  rang  des  dieux.  M.  Waddington  est  oh 
ne  peut  plus  réservé.  Dans  l'hypothèse  de  M.  Fr.  Lenor- 
mant,  on  ne  saisit  pas  ce  que  signifierait  le  geste  de  la 
main  droite  de  chacun  des  interlocuteurs*  Pour  moi,  le 
tableau  représente  une  investiture,  une  consécration  royale; 
le  geste  du  personnage  de  droite,  consistant  dans  la  rétm- 
flexion  de  son  bras  droit  et  la  direction  de  la  main  corres- 
pondante, avec  l'indicateur  seul  étendu,  vers  son  front,  est 
semblable  à  celui  de  Partbamaspatès  sur  un  grand  bronze 
où  l'empereur  Trajan  pose  un  diadème  sur  la  tête  de  ce 
roi,  avec  la  légende  :  REX  PARTAIS  DATVS,  à  celui  d' Aché- 
ménidès,  sur  un  grand  bronze  aussi,  avec  la  légende  :  REX 
ARMENllS  DATVS,  où  Antonin  couronne  ce  prince,  enfin 
à  celui  de  Soème  sur  des  médailles  d'or  et  de  bronze  de 
L*  Verus  qui  portent  en  exergue  :  REX  ARMENIS  DATVS. 
Le  geste  direct  et  convergent  de  l'autre  personnage  est 
parfaitement  concordant  ;  c'est  celui  du  collateur  ou  du 
consécrateur  de  la  dignité. 

Avant  de  connaître  l'exemplaire  de  M.  le  général  Fox,  je 
trouvais  une  confirmation  naturelle  de  cette  manière  de 
voir  dans  le  dessin  de  Fabricy,  en  le  supposant  exact,  car 
il  fournissait,  pour  le  mot  écrit  derrière  le  personnage  nu, 
N2N ,  soit  ANA ,  qui,  en  regard  de  l'autre  mot  que  je  con- 
sidérais comme  le  nom  propre  Datante^  me  paraissdt 
pouvoir  être  le  commencement  d!Anapha$^  nom  du  père 
du  dynaste  de  Gappadoce  Datame;  la  scène  du  revers  de  la 
médaijle  était  alors  une  allusion  à  la  transmission  héré^ 
ditaire  de  la  royauté  et  des  privilèges  spéciaux  qui  y 
étaient  attachés,  transmission  dont  étaient  très-jaloux  les 


RT   nf^ERTATIONS.  113 

descendants  à!Àfiaphas  l  \  Mais  le  dessin  que  nous  donnons 
d'après  l'empreinte  prise  sur  la  pièce  de  M.  le  général  Fox 
démontre  que  le  mot  de  trois  lettres  doit  se  lire  n^  ou  ^3% 
IZI  ou  INI.  La  première  transcription  est,  à  mon  avis,  la 
moins  vraisemblable,  car  le  Z,  qui  répondrait  alors  à  la 
lettre  intermédiaire,  est  presque  constamment  figuré,  dans 
l'écriture  araméenne  dont  il  s'agit,  par  une  ligne  verticale 
régulièrement  droite  et  il  a,  en  particulier,  cette  forme 
sur  la  méddlle  même  dont  nous  nous  occupons,  savoir 
dans  le  nom  Tarz  du  droit. 

La  seconde  leçon,  dans  laquelle  la  lettre  intermédiaire 
est  un  N,  se  justifie  par  les  médailles  de  Pbamabaze  où, 
dans  ce  nom,  le  N  a  une  forme  absolument  identique.  Mais 

'  ««Anaphas  U,  père  de  Datâmes,  était  £l9  d'un  autre  Anaphas  qui  eut 
"  part,  à  ce  qnedit  Diodore,  à  la  conspiration  des  seigneurs  persans  contre  le 

-  mago  qui  occupait  le  trône  de  Perse  sous  le  nom  du  prince  Snierdis ,  frère 

-  de  Cambyse...  Le  nom  de  cet  Anapbas  ne  se  trouve  point  dans  la  liste  qu'Hé- 
••  rodote  nous  donne  des  conjurés;  mais  on  le  trouve  dans  celle  do  Ctésias, 
••  qui  IVcrit  Onophaê.  On  peut  cependant  soupçonner  avec  assez  de  foudement 

-  que  cet  Anaplias  de  Diodore  et  de  Ctésias  est  celui  qu'Hérodote  appelle 

-  Otanës,  et  qu*il  fait  frère  de  Phaedime,  femme  de  Cambyse  et  puis  du  mage 
••  Smerdis...  Otanès  fut,  suivant  Hérodote ,  le  premier  auteur  de  la  conspira- 
••  tien,  et  qui  eut  le  plus  de  part  dans  la  conduite  du  projet.  Le  faux  Smerdis 

-  ayant  été  mis  à  mort ,  Otanès  proposa  d*abolir  le  gouvernement  monar- 
»  chique,  du  moins  à  ce  que  rapporte  Hérodote,  et ,  n*ayant  pu  persuader  les 
«  antres  conjurés,  il  déclara  qu'il  était  prêt  de  renoncer  au  droit  qu'il  avait  à 
»  la  couronne,  à  condition  que  celui  qui  serait  élu  le  laisserait  jouir  librement 

-  et  tranquillement,  lui  et  sa  postérité,  de  ses  possessions.  Cette  condition  fut 
"  acceptée  ;  on  lui  accorda  même  plusieurs  distinctions  et  plusieurs  privilége% 
c  considérables  qui  passèrent  à  sa  poitérité,  et  cette  famille,  dit  Hérodote,  est 
"  encore  aujourd*bm  la  seule  qui  soit  libre  et  indépendante;  elle  ne  peut 

•  être  contrainte  d*obéir  à  aucun  ordre  particulier,  et  elle  n'est  tenue  que 

•  d'observer  les  lois  communes  de  la  nation.  Cette  dernière  circonstance  ne 
"  peut  s'appliquer  qu'aux  rois  de  Cappadoee  dont  parlent  Polybe  et  Diodore, 

-  qui  descendaient  d'un  des  conjurés,  et  qui  jouissaient  d'une  «vtont^  que 

-  les  autres  djnastes  n'avaient  point.  »  (  Fréret,  mém,  dté.) 

1663.^  2.  8 


il  A  MÉMOIRES 

alors  l'autre  mot  du  même  revers  ne  peut  être  ni  Taknémo^ 
ni  Tarneso,  ni  Tadnamo,  ainsi  que  Font  successivement 
pensé  Fabricy  et  MM.  de  Luynes  et  Waddington»  car,  avec 
l'une  ou  l'autre  de  ces  transcriptions,  le  N  se  présenterait 
concurremment  avec  une  forme  bien  différente  de  celle  que 
nous  venons  d'invoquer.  Or,  en  effet,  je  pense  qu'on  doit 
adopter,  coraine  transcription  immédiate,  celle  de  M.  Fr. 
Lenormant,  TRDMO,  mais  sans  accepter  la  traduction  par 
le  nom  inconnu  Tiridamés  ;  selon  moi,  cette  transcription 
mène  naturellement,  régulièrement  à  Datame^  et,  pour  le 
prouver,  je  crois  ne  pouvoir  mieux  faire  que  de  citer  un 
passage  du  Lexique  de  Gesenius  à  la  lettre  i,  savoir  : 
f(  Praeterea  notandum,  pro  litterageminatapassim  litteram 
«simplicem  poni  ante  eara  inserto  i  (R),  maxime  in 
«  Aramaismo  et  sequiore  bebraismo,  ut  nd3,  (KSSE)  chald. 
«MD1D  (KRSE)  solium,  ptoQi  (DMMSK')  in  Parilipp. 
«ptoQlT  (DRMSK')  Damascus,  Sns  (KRBL)  quadrilitt. 
aortum  ex  pi.  Sas  (GBBL)  ligavit;  adde  Ssid  (SRBL), 
«DD1D  (KRSM),  D-np  (K'RDM)  neque  aliter  explicanda 
«sunt  tîuitf  (CHRBIT)  sceptrum,  i.  q.  laiTi^  (CHBT), 
achald.  NTiQia  (GRMIDA)  ulna,i.  q.  Toa  (GMD),  orta 
«ex  T3U\tf  (GHBBIT),  td:»  (GMMID).  etsi  lia;  formœ  non 
«  amplius  reperiuntur.  »  Ainsi  TRDMO  équivaut  à  TDDMO, 
Taddamo^  d'où  Tadamès^  Datâmes. 

Toutes  les  médailles  portant  ce  nom  sont  pour  M.  Wad- 
dington  indistinctement  attribuées  au  satrape.  Le  savant 
numismatiste  paraît  ne  s'être  point  posé  la  question  de 
partage.  Il  fait  bien  allusion  (Rev.  num.  de  1860, 
page  &42),  à  un  ancêtre  homonyme  de  la  famille  royale 
de  Cappadoce,  mais  ce  n'est  que  très-indirectement,  et, 
autant  qu'il  me  semble,  sans  aucune  pensée  de  concours 
pour  la  revendication  d'une  partie  des  médailles.  Gepen- 


£1   DISSEETATIONS.  il6 

daot,  si  mon  explication  du  type  des  revers  précité  est 
exacte,  la  solennelle  investiture  dont  il  s* agit  ne  peut  en 
aucune  manière  concemer  le  satrape  ;  dès  lors,  les  pièces 
distinguées  par  ce  type  et,  par  une  analogie  évidente, 
oaUes  qui  sont  cotées  des  n*"*  3,  A,  5  sur  la  planche  II  de 
M.  le  duc  de  Luynes,  ne  peuvent  appartenir  qu* à  l'autre 
Jtalamtf,  au  dynaste  de  Cappadoce.  Il  y  a  un  caractère  dis- 
linfitif  d'un  autre  ordre  qui  n'a  cependant  point  échappé  à 
Ia84(ai^l4de  M.  Waddington  ;  il  le  signale  ainsi: 

«  Lea  monnaies  de  Datame  sont  de  trois  types  diflTérents. 

«  !•  Tfttft  Tirllc  casquée  ;  ^  Tête  de  femme  de  face. 

a  Ces  pièc^sont  entièrement  pareilles  à  celles  de  Pbar- 
•  nabaze  et  ii*en  diffèrent  absolument  que  par  la  lé- 
u  gende. 

b  2*  Archer aaaia;  i^Baal-Tars  assis,  le  tout  dans  un  cercle 
«  crénelé. 

«  Ces  pièces  sont  d'un  très-beau  travail. 

n  i*  Deux  figures  debout  ;  ^  Comme  le  précédent. 

n  Ces  pièces  paraissent  un  peu  plus  anciennes  que  les 
«autres;  quelques-unes  présentent  des  traces  de  carré 
«creux.» 

La  différence  chronologique  indiquée  dans  ce  dernier 
cas  ne  comporte-t-elle  pas  le  partage  d'attribution  dont 
j'^  parlé  ?  Si  la  première  catégorie,  à  raison  du  synchro- 
nisme et  du  rapport  manifeste  avec  les  médailles  de 
Phamaboze,  appartient  incontestablement  au  satrape  con- 
temporain d'abord,  puis  successeur  de  Pharnabaze,  la 
dernière  catégorie  dont  le  droit  est  d'ailleurs  original,  ne 
peut-elle  remonter  au  dynaste  que  M.  Waddington  recon- 
naît avoir  vécu  contemporain  de  Camissarès  ou  seulement 
un  peu  antérieur  à  celui-ci,  père  de  l'autre  Datame? 


116  MÉMOIRES 

Une  considération  grave,  je  l'avoue,  a  sans  doute  dé- 
tourné M.  Waddington  de  la  pensée  d'un  partage  d'attri- 
bution en  affectant  les  deux  dernières  catégories  à  un 
prince  de  Cappadoce,  c'est  la  présence  de  Teffigie  du  Baal 
ou  Jupiter  de  Tarse  sur  le  droit  des  pièces  de  chacune  de 
ces  catégories.  Mais  M.  Waddington  a  lui-même,  ce  me 
semble,  réfuté  cette  objection  par  son  heureuse  lecture  des 
noms  et  du  roi  Ariarathe  et  du  dieu  Baal  de  Gazioura  sur 
d'autres  médailles.  Ariarathe  I  était  aussi  un  dynaste  de 
Cappadoce; il  était  petit-fils  de  Datame.  Cependant,  d'un 
côté,  M.  le  duc  de  Luynes,  juge  si  compétent,  déclare  que 
la  fabrique  de  ces  pièces  ne  diffère  en  rien  de  celle  de 
Tarse  ;  d'un  autre  côté,  Gazioura  était  une  ville  du  Pont, 
alors  résidence  royale.  On  en  possède  des  médailles  qui 
présentent  en  effet,  sur  une  face,  l'image  barbue  et  laurée 
de  Jupiter;  sur  l'autre  face,  l'aigle  aux  ailes  éployées  et 
aux  serres  étreignant  un  foudi-e,  emblème  du  même  dieu. 
Or  M.  Waddington  dit  avec  raison  :  «  Le  Baal-Gazor  doit 
«être  assimilé  au  BaahTars  des  monnaies  ciliciennes: 
«  c'est  la  même  divinité  suprême,  analogue  au  Zeus  des 
«  Grecs,  et  adorée  par  toutes  les  populations  sémitiques 
«  qui  s'étendaient  depuis  l'embouchure  de  l'Ilalys  jusqu'à 
«celle  du  Cydnus.  »  Ce  dieu  reçoit  le  titre  de  Stratège  ou 
Conducteur  du  peuple  sur  des  monnaies  de  la  ville  d' Amas- 
tris.  Placés  entre  les  Cilicienset  les  habitants  du  Pont,  avec 
lesquels,  ainsi  qu'avec  les  Paphlagoniens,  ils  avaient  une 
même  origine,  les  Cappadociens,  dont  plusieurs  villes  nous 
ont  en  effet  transmis  sur  leurs  médailles  l'attestation  du 
culte  de  Jupiter,  ont  pu  très-naturellement  assimiler  leur 
divinité  principale  tantôt  à  celle  de  Tarse,  tantôt  à  celle 
de  Gazioura  :  c'était  le  commun  archégète  de  la  grande 
famille  ethnologique.  En  inême  temps,  de  même  qu'Aria- 


ET   DISSERTATIONS.  117 

rallie,  sur  quelques*unes  de  ses  médailles,  a  pris  ud  type 
de  Sinope,  Datame  en  a  pu  emprunter  un  à  Tarse.  Au 
surplus,  ce  dynaste,  au  rapport  de  Diodore,  était  un  grand 
guerrier.  Avant  de  mourir  sur  le  champ  de  bataille,  pro- 
bablement dans  une  des  dissensions  civiles  que  soulevèrent, 
après  la  mort  d*Artaxerxe  I,  les  fils  de  celui-ci,  il  avait  pu, 
sous  Artaxerxe,  comme  son  aïeul  sous  Darius  I,  et  comme 
son  père  sans  doute,  ètie  mis,  par  le  souverain  persan,  à 
la  tète  d'un  corps  d'armée  et  se  trouver  dans  une  condition 
semblable  à  celles  qui,  plus  tard,  déterminèrent  les  sa- 
trapes Pharnabaze  et  Datame  à  faire  battre  u)onnaie  à 
Tarse. 

Ainsi,  sans  prétendre  résoudre  la  question,  je  me  crois, 
par  le  fsdt  seul  du  tableau  d'investiture,  autorisé  à  demander 
si  les  médidlles  que.  ce  type  caractérise,  et  celles  de  la  se- 
conde catégorie  de  M.  Waddington,  ne  doivent  pas  être, 
pour  l'attribution,  séparées  de  ia  première  catégorie,  bien 
que  les  unes  et  les  autres  portent  un  nom  semblable, 
c'est-à-dire  si  celles  des  deux  dernières  catégories  n'ap- 
partiennent pas  à  Datame^  le  dynaste  deCappadoce,  celles 
de  la  première  catégorie  à  Datame,  le  satrape  ?  Toutefois,  il 
y  a  lieu  de  compléter  l'analyse  des  éléments  du  problème 
en  recherchant  comment  peut,  ou  non,  concorder  avec 
cette  hypothèse  le  mot  écrit  derrière  le  personnage  nu, 
savoir  ^2)  (INI)  probablement,  ainsi  que  je  l'ai  dit. 

Les  deux  dernières  lettres  peuvent  se  lire  na  ;  ainsi  l'on 
peut  y  supposer  encore  la  seconde  syllabe  à'Anaphas. 
Msds  la  première  lettre  ne  donne  que  I,  ou  /a,  Ja;  Je,  Je; 
Ji;  lo^  Jo  :  elle  ne  répond  donc  pas  exactement  à  la  syllabe 

initiale  A Toutefois  il  est  à  remarquer  que,  selon 

Hérodote,  Otane  le  conjuré,  avec  lequel  doit  être  réelle- 
ment confondu,  si  je  ne  me  trompe,  ilnapA(M  I  de  Diodore, 


lift  MÉMOIBES 

était  achéméfiide.  Cependant  Anapkas  est  un  mot  pure* 
ment  grec  ;  c'est  la  forme  dorique  d*Ànaphi8  qui  vent  dire 
intangible^  inattaquable^  etc.  Il  y  a  donc  lieu  de  se  rap- 
peler ici  les  curieuses  observations  de  Letronne  dans  sa 
réponse  à  M.  Botta»  Rev.  arehiol^  octobre  ISA?»  pages  &67 
àA73,  sur  les  noms  «tout  grecs»  rapportés  comme  persans 
par  les  anciens  auteurs,  noms  qu'il  «  faut  supposer  avoir 
existé  en  Perse  sous  une  autre  forme  qui  avait  une  grande 
analogie  avec  eux  dans  sa  constitution  essentielle,  en  sorte 
qu'en  leur  faisant  subir,  selon  leur  usage,  une  modifi- 
cation plus  ou  moins  forte,  les  Grecs  les  auront  amenés 
facilement  à  des  noms  de  leur  propre  langue.  »  Il  n'y  a 
rien  d'exagéré,  je  crois,  à  soupçonner  qu' Anaphas  est  dans 
ce  cas.  Ce  nom,  en  persan,  pouvait  commencer  par  la  con- 
sonne que  M.  Oppert  transcrit  J  S  consonne  que  les  Sé- 
mites rendaient  par  leur  tod,  mais  qui  parait  avoir  répugné 
à  l'organe  des  Grecs,  car  ils  la  suppriment  dans  le  corps 
des  mots  qui  la  contenaient  en  persan,  exemple  :  BARDI-J-A. 
Jferdt-i,  MARDUNI-J-A,  Mardoni-as^  etc.  En  lisant  donc 
/anale groupe  araméen  en  question,  on  peut  admettre 
qu'il  présente  les  deux  premières  syllabes  d'un  second 
nom  d'homme  que  les  Grecs  ont  transformées  en  Ana^  k  la 
fois  par  délicatesse  d'organe  et  pour  les  accommoder  à  la 
substitution  d'un  mot  de  leur  propre  langue,  soit  JANA 
(VUS?),  Anaphas\  Ma  supposition  me  parait   d'autant 

1  Voir  Bévue  archéoL,  décembre  1847,  p.  631  et  sniv. 

'  Fréret  regarde  Otanie  comme  un  deuxième  nom  de  chacun  des  JnapAai.  Il 
appuie  cette  conjecture  sur  des  exemples  qui  ne  manquent  pas  de  force.  Ca* 
pendant  l'application  k  deux  personnages  lui  dte  beaucoup ,  à  mon  avis ,  do 
i](#i9amblance.  Poçr  moi.  }h  deux  formes  sont  des  variantea  de  pronoodation 
d'iwçi  seul  nom  persan.  La  consonne  que  j*ai  rendue  par  J  ne  s*articulait  pt» 
probablement  tout  à  fait  comme  cette  lettre  chez  nous.  Elle  se  trouve  à  la  fin  du 
nom  Ihmièvf^'a;  les  Grecs  ici  anui  Tont  supprimée  en  transorirant  Kamh^eèê , 


£T  DISSERTATIONS.  ilO 

moins  forcée  qu'une  modificadon  analogue  se  montre  en 
arabe  et  en  éthiopien  oix  l'on  voit  commencer  par  un  V  ou 
otiaou  la  plopart  des  mots  qui,  en  hébreu,  débutent  par 
un  iod  :  ainsi  les  deux  syllabes  persanes  auraient  pu  y  être 

transcrites  Fana...  ou  Ouana 

Je  dois  ajouter  que,  s'il  s'agit  réellement  d'Anaphas^  ce 
que  je  ne  suppose  cependant  qu'avec  hésitation,  c'est, 
dans  mon  opinion  actuelle,  non  Anaphas  II  ou  le  père  de 
Datame,  mais  Anaphas  I,  car  le  caractère  héroïque  donné  à 
Teffigie  du  personnage  me  parait  de  préférence  convenir  à 
rillustre  fondateur  de  la  dynastie  privilégiée  de  Cappadoce. 

A.  Judas. 

mils  les  Égyptiens  Tont  rendue  en  hiéroglyphes  par  Katnbudja  et  Kambuta»  La 
prononeiation  approehait  dono  de  celle  du  T.  Les  Qreos  ont  donc  ^n  tantOt 
réUminer,  taatfti la  représanter  aasti  par  T,  ce  qui  *  donné  Tana  (mm?), 
puis,  an  contractant  la  terminuson  comme  dans  Dareioi  pour  Darajavut^  on  a 
tu  Tofioof,  Ttmii,  et  enfin,  par  la  prothèse  d*an  omicron,  Otaniê, 


120  XIÉMOlREd 


TIERS  DE  SOU  DE  GRENOBLE* 


Parmi  les  nombreuses  monnaies  mérovingiennes  pu^* 
bliées  jusqu'à  ce  jour,  il  en  est  une  seule  qui  porte  le  nom 
de  l'atelier  monétaire  de  Grenoble ,  et  je  demande  la  per- 
mission de  reproduire  ici  la  description  qu'en  donne 
M.  Cartier*. 

«  GRACIANOPOLI,  Grenoble.— DOMNIGIVS.  Cette  pièce 
«  est  tout  à  fait  inédite.  La  croix  est  cantonnée  des  lettres 
«  G.R.,  et  celle-ci  se  rattache  aune  petite  croix  ou  à  un  X, 
(c  qui  me  ferait  voir  dans  la  première  lettre  l'initiale  d'un 
«  nom  royal.  Ce  pourrait  être  Contran ,  roi  de  Bourgogne, 
«  en  661.  Cette  interprétation  s'accorderait  même  avec 
«  celle  deGRatianopoliSy  selon  l'usage  dont  on  aperçoit  les 
«traces  sur  les  monnaies  de  Marseille,  M. A.;  Lyon, 
«  L.V.,  etc.  » 

Quelque  ingénieuse  que  soit  la  leçon  de  M.  Cartier,  je  ne 
puis  me  ranger  à  son  opinion  sur  la  valeur  des  sigles  G.R. 
Je  ne  crois  pas  qu'on  doive  y  voir  la  représentation  d'un 

*  Betve  numitm.,  1836 ,  t.  î,  p.  405, et  pi.  XI,  n»  6.— Voy.  Conbroute^  Monét, 
des  roiê  mérovingiênt,  pi,  XXVI,  n"  4.  La  pièce  porte  GRACIANOrOLIS. 


ET   DISSERTATIONS.  4SI 

nom  royal  par  la  raison  qu'il  en  donne  en  signalant  TX  qui 
se  trouve  sous  l'R»  d'abord  parce  que  cet  X  n'est  point 
placé  dans  le  champ  de  la  pièce,  mais  bien  dans  la  légende  ; 
la  seconde  raison,  c'est  que  cet  X  a  son  pendant  sous  le  G  ; 
suivant  moi,  ce  sont  deux  croix,  et  l'on  doit  lire  ainsi  cette 
légende:  +DOMNICIVS  +  . 

La  deuxième  croix  n'a  été  placée  à  la  suite  du  nom  du 
monétaire  qu'avec  l'intention  d'ajouter  un  pendant  à  la 
croix  qui  le  précède  et  de  remplir  l'espace  vide  de  la  lé- 
gende. Du  reste,  je  ne  puis  consentir  à  voir  dans  les  sigles 
GR  que  la  représentation  du  nom  de  G^atianopolis ,  de 
même  qu'on  voit  celle  de  Massilia  et  de  Lugdurium  dans 
MA  et  LV,  cités  par  M.  Cartier,  AG  à  Autun ,  G  A  à  Châlon, 
IS  à  Isernore,  L£  à  Limoges,  etc.,  sans  qu'on  songe  à  y 
trouver  des  initiales  royales. 

Cette  rectification ,  si  c'en  est  une ,  n'est  pas  très-consi- 
dérable, et  je  n'aurais  certes  pas  songé  à  écrire  pour  si  peu, 
si  une  occasion  plus  importante  aidant,  je  n'avais  eu  l'idée 
de  la  glisser  en  tête  de  cette  note  comme  préambule. 

Les  tiers  de  sol  d'or  mérovingiens  au  nom  de  Grenoble 
sont  de  la  plus  grande  rareté,  et  si  je  ne  me  trompe ,  celui 
que  je  viens  de  rappeler  un  instant  d'après  M.  Cartier  était 
le  seul  connu  jusqu'à  présent.  Je  suis  heureux  d'en  adresser 
à  la  Revue  un  second  que  j'ai  retrouvé,  il  y  a  deux  ans,  dans 
les  cartons  du  musée  monétaire  de  Marseille ,  grâce  à  la 
rare  obligeance  de  M.  Laugier,  attaché  au  Cabinet  des  mé- 
dailles, qui  se  fit  un  plaisir  de  me  le  signaler;  et  si  je  n'ai 
pas  communiqué  plus  tôt  aux  numismatistes  une  reproduc- 
tion de  cette  rare  pièce,  c'est  que  le  temps  m'a  manqué 
pour  le  faire.  Je  viens  aujourd'hui  réparer  le  temps  perdu 
en  mettant  sous  leurs  yeux  un  dessin  d'une  exactitude 
presque  photographique. 


122  MÉMOIRES 

Je  n'ai  rien  à  ajouter  à  ce  qu'ont  écrit  MM.  Cartier  et 
Lenormant  sur  les  monnaies  de  la  première  race.  II  faut 
s'en  rapporter  au  temps  pour  apprendre  encore  bien  des 
choses  au  sujet  de  ces  rares  monuments,  de  leur  mon- 
nayage, de  la  préférence  donnée  à  Tor  à  cette  époque,  de 
la  singulière  habitude  d'omettre  le  nom  du  souverain  et  de 
le  remplacer  par  celui  du  monétaire,  etc.,  etc.. 

Voici  mon  tiers  de  sol  inédit  : 

+  GRACIA— NOPOLIS.  Buste  diadème  .\  droite. 
^  +FLAVINVS  (  l'A  et  r Y  Dés)  MNT.  Croix  pattée  dans 
un  grènetis. 

Cette  pièce,  qui  est  d'une  conservation  magnifique,  offre 
deux  particularités  : 

1**  Le  nom  qui  s'y  trouve  gravé  au  revers  est  tout  à  fait 
nouveau  parmi  les  monétaires  mérovingiens ,  puisqu'il  ne 
se  trouve  pas  dans  le  tableau  qu'en  a  publié  M.  Cartier  ^ 
J'aurais  voulu  lire  avec,  certitude  FLAVINVS,  comme  plus 
en  rapport  avec  les  noms  latins  connus,  mais  je  ferai 
observer  que  dans  le  monogramme  qui  représente  AV  on 
pourrait  chercher  un  N,  ce  qui  au  reste  produirait  le  nom 
Flaninuêj  que  personne  ne  voudrait  accepter.  On  ne  peut 
non  plus  confondre  ce  nom  avec  celui  de  FLAVIANVS  donné 
par  M.  Cartier  (comme  figurant  au  revers  du  nom  de 
XIANVNIACO),  le  second  N  étant  parfaitement  gravé,  et, 
comme  le  premier,  ne  possédant  pas  la  barre  transversale. 

Il  parait  plus  probable  que  Flavinus  rentre  dans  une  des 
deux  séries  signalées  par  M.  de  Longpérier  (An?,  num., 
1868,  p.  S37),  et  que  c'est  ou  un  nom  romain  à  l'état 
secondaire  comme  Jovinos ,  Probinus ,  Firroinus ,  Rufimis, 

>  iUvvf  numiêm.,  t.  XXI  (tables;,  p.  212. 


ET  mSSEETATlOKS.  12S 

OU  un  nom  franc,  comme  Nawinus,  Hadvinus»  Ovynus, 
Nortvinus*  etc. 

2*  La  qualité  du  monétaire  se  trouve  écrite  MNT,  forme 
qui  m'a  paru  nouvelle  aussi  ou  du  moins  fort  rare,  puisque 
M.  Cartier,  soit  dans  son  article  cité  au  commencement  de 
cette  notice,  soit  dans  ses  tables  de  la  Revue  ^  ne  donne ,  je 
crois,  que  les  leçons  MONETARIVS,  MONETA,  HONETA, 
MONET.  MONITAR,  MON,  MOE,  MO,  MN  et  M. 

G.  Valuer. 


iîh  MË)IOtBE8 


DENIER  DE  CnARLËMAGNE 

PORTANT   LA  LEGENDE  FLORENT. 

Extrait  d'un  mémoire  iuédit  lu  à  l:i  S>ciété  colombarienne  de  Florence  , 
le  3  mai  1862. 


L*élude  de  la  numismatique  italienne  proprement  dite 
me  paraît,  si  je  ne  m'abuse,  une  des  moins  cultivées  parmi 
nous.  Sans  doute,  Tliistoire  monétaire  nationale  a  compté 
chez  nous  des  adeptes  passionnés,  de  savants  investi- 
gateurs qui.  marchant  sur  les  traces  de  l'infatigable  Mura- 
tori,  se  sont  occupés  de  nos  ateliers  ;  mais  leurs  efforts 
n'ont  pas  été  en  rapport  avec  la  tâche  et  n'ont  i^as  réussi 
à  produire  un  traité  complet  de  notre  numismatique  du 
moyen  âge. 

Jusqu'ici  les  esprits  et  les  intérêts  des  Italiens  étaient 
divisés  entre  eux  comme  leur  patrie,  et  chacun  étudiait 
pour  son  propre  compte,  ce  qui  nous  a  fait  perdre  les 
avantages  que  procurent  des  efforts  réunis  dans  une 
action  commune.   Il  faut  dire  aussi  que  la  numismatique 


£T  DISSERTATIONS.  125 

antique  avait  toutes  les  préféreoces.  Hais  sans  analyser  les 
causes  de  cette  disposition  des  esprits,  je  m'occuperai  au- 
jourd'hui d'une  monnaie  appartenant  à  un  atelier  italien. 
Il  s'agit  d'un  denier  de  Gharlemagne  frappé,  j'en  suis 
convaincu,  à  Florence. 

La  découverte  de  ce  curieux  monument  historique  est 
due  à  un  de  nos  confrères,  H.  Francesco  Gamurrini, 
d'Arezzo,  qui  en  visitant  le  riche  médaillier  de  Yolterra,  a 
trouvé  cette  monnaie  parmi  des  deniers  carlovingiens,  et 
m'a  autorisé  à  la  publier.  Grâce  à  l'obligeance  du  savant 
chanoine  Filippo  Gori,  l'un  des  directeurs  de  ce  musée, 
j'ai  obtenu  l'empreinte  que  j'ai  soumise  à  l'examen  de  la 
Société,  et  j'ajoute  que  HM.  Gori  et  Gamurrini  garan- 
tissent l'authenticité  de  la  pièce,  qui  est  d'argent  pur  et 
bien  frappée.  Cette  authenticité  a  également  paru  évi- 
dente au  savant  docteur  Marco  Guastalla,  qui  connaît  si 
bien  les  monnaies  carlovingiennes. 

On  pourrait  cependant  concevoir  des  doutes  sur  l'attri- 
bution de  ce  denier  à  notre  Florence,  car  d'autres  loca- 
lités portent  un  nom  semblable;  nous  avons  Firenzuola 
entre  Plaisance  et  Parme,  «une  autre  Florentia  en  Istrie  ; 
en  France,  Florent,  village  de  la  Marne,  et  Florentia, 
hameau  du  Jura;  mais  rien  n'indique  que  ces  derniers 
existassent  au  viii*  siècle,  et  ils  n'ont  jamais  eu  la  moindre 
importance  historique. 

Il  s'agit  donc  d'examiner  si  Gharlemagne  a  régné  sur  la 
Toscane  et  sur  Florence,  et  si  cette  ville,  au  viir  siècle, 
pouvsdt  jouir  des  droits  monétaires,  et  avait  quelques 
titres  à  l'attention  du  grand  successeur  de  Didier. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  discuter  les  origines  de  Flo- 
rence que  Borghini  et  Lami  croient  de  fondation  étrusque  ; 
mais  je  ferai  remarquer  qu'il  y  a  peu  de  villes  ou  de 


120  MÈIIOltKS 

pays  doDt  l'histoire  soit  plus  négligée  et  plus  oktnn  arant 
i'an  mil  que  celle  de  notre  cité.  Son  nom  ne  panA  plMu 
ou  du  moins  ne  parait  que  très-rarement  entre  Tacitfta^ 
Ammien  Marcellin,  c'est-à-dire  de  la  seconde  année  du 
règne  de  Tibère  à  Valentinien  I,  en  un  mot  pendant  on 
laps  de  SiS  années.  Le  dernier  de  ces  auteurs  rappelle  que 
Valens  et  Valentinien  adressèrent  un  rescrit  à  un  certiûo 
Maxîmin,  corrector  Tuscix.  Ce  rescrit  se  termine  par  ces 
mots  :  «Datum  Remis,  Accept.  Florenti»,  Gratiano  nob.  cie. 
Degneleifô  cons.  (an  866) .  i>  Godefroy,  commentateur  du 
Code  Théodoflien,  a  fait  obsenrer  qu'il  résulte  de  ce  texte 
que  Florence  était  la  capitale  de  la  Toscane  \  11  est  vrai 
qoe  Sirroond  a  repoussé  cette  opinion;  mais  il  n'en  de- 
meure pas  moins  certain  que  Maximin  avait  alors  son 
tribunal  à  Florence»  et  y  promulgua  le  rescrit  Plus  tard, 
au  VI*  siècle,  nous  voyons  Totila,  qui  s*était  mis  à  la  tète 
des  Goths,  envahir  toute  l'Italie,  se  jeter  sur  la  Toscane 
annonaria  et  assiéger  Florence.  Justin  qui,  au  nom  de 
Bélisaire,  défendait,  la  ville  fut  promptement  secouru  par 
Bassus,  Cyprien,  et  Jean  qui  alors  occupaient  Spolète, 
Rome  et  Pérouse.  Totila  leva  le  siège,  et  se  replia  sur  Mu- 
gello,  etc.  ;  de  quorum  ad  ven  tu  (Bassi,  Cypriani,.etIohanms) 
per  exploratores  Gothi  jam  facti  certiores,  soluta  obsi- 
dione,  in  loco  qui  dicitur  Mucîalla  et  diei  via  a  Fl(Mrentia 
distat,  secedunt  *. 

Et  je  ferai  observer  ici  combien  Villani  et  Malespini 
furent  mal  inspirés  lorsqu'ils  croyaient  que  Florence  avait 
été  détruite  par  Totila,  pmdant  que  notre  Dante,  trompé 
par  l'opinion  populaire,  attribuait  cette  destruction  à  Attila  : 


1  Cod.  Theod.^  1.  ViU,  lit.  D9  accusatioriê. 
<  Piooop.,  Oe  bello  goth.,  1.  II,  f.  SS». 


£T  D15S£RTAT10r«S.  127 

Que'  chtadîn  che  poi  la  rifondarno 
Sovr»  U  oen«r  che  d* Attila  rhnasse 
Avftlibn'  fiitto  Uvoran  iodaroo. 

(M.,  c.  13.) 

A  Bélisaire  succéda  Narsës  qui  défit  l'armée  de  Totila  près 
du  victis  lacinus^  aujourd'hui  peut-être  le  Castelh  di 
Poppi;  et  les  Florentins  rassurés  l'accueillirent  dans  leur 
cité:  Florentini  obviam  progressif  fide  accepta,  nihil  sibi 
nocivum  in  se  suaque  omnia  sponte  tradiderunt  '• 

La  domination  des  Longbards  eut  peu  d'influence  sur 
notre  Toscane;  à  peine  l'Italie  fut-elle  subjuguée  qu'ils 
créèrent  trente  ducs,  et  l'un  d'entre  eux  gouverna  notre 
pays,  ce  qui  dura  jusqu'au  temps  de  Luitprand  et  de 
Didier.  Ce  dernier  était  duc  de  Florence  lorsqu'il  ceignit  la 
couronne  royale  *. 

Didier  ne  sut  pas  se  concilier  l'affection  de  son  peuple 
qui,  lassé  de  ses  supercheries,  commençaàsecouer  le  joug. 
Enfin  le  pape  Adrien  I,  ne  sachant  comment  se  délivrer, 
lui  aussi,  des  vexations  et  des  usurpations  de  ce  prince 
et  de  ses  Longbards,  se  tourna  vers  Charles,  roi  des  Francs: 
A  Et  invitavit  gloriosum  regem  et  Francos  ejus  pro  divino 
servitio,  et  justitia  S.  Pétri  contra  Desiderium  regem  et 
Longobardos  '  i».  On  sait  comment  Charlemagne  répondit 
à  cette  invitation.  Le  même  chroniqueur  dit  encore  : 
Dominus  vero  Carolus  rex....  Papiam  obsedit  et  fortiter 
cepit.  Yeneruntque  ibi  omnes  Longobardi  de  cunclis  civi- 
laiibtAs  Italiœ  et  subdiderunt  se  dominio  gloriosi  régis 
CarolL  L'historien  Ammirato  pense  qu'en  77A  la  ville  de 

*  Agathias,  De  bello  goth,,  1. 1. 

^  Cos.  délia  Rena,  Seris  dêgli  ont.  ditchi  di  Tote. 

'  Monachua  S.  Eparcbi  in  v.'ta  Carol.  M. 


as  MÉMOIRES       ■ 

Florence  passa  sous  la  domination  des.FrîMics  \  et  cette 
assertion  se  trouve  confirmée  par  une  charte  de  cette 
même  année  774,  de  laquelle  il  résulte  qu'une  certaine 
dameRotrude,  fille  de  feu  Farao,  donne  àWildubrand, 
fils  de  feu  Gausind,  des  biens  situés  à  Cersino,  au  lieu  dit 
Serviano,  à  peu  près  où  se  trouve  aujourd'hui  l'église  de 
Jérusalem  (S.  Andréa  a  Cersina),et,  en  cas  d'éviction, 
substitue  des  biens  situés  à  Settimo  et  à  Padule.  La  charte 
se  termine  ainsi  :  uActum  in  loco  Cersino  finibus  Florentise, 
régnante  Carolo  divina  favente  clementia  rege  ;  anno  regni 
ejiis  in  Italia  primo  ;  die  nono  mensis  Julii,  indict.  XIII.  » 

D'autres  documents  encore  nous  montrent  la  puissance 
que  le  roi  franc  avait  sur  la  Toscane  et  la  dépendance  des 
ducs  résidants  à  Florence.  Par  exemple  une  lettre  du  pape 
Adrien  I  écrite  en  785,  document  précieux  qui  indique 
bien  cette  dépendance.  Le  pontife  s'adresse  à  Charlemagnc 
pour  le  prier  de  réprimer  l'audace  avec  laquelle  Gundi- 
brand,  duc  de  Florence,  vexait  et  pillait  le  monastère  de 
Saînt-Hilaire  de  Gallicata  et  autres  lieux  saints  *.  On 
trouve  aussi  dans  Yllalia  Sacra  d'Ugbelli  une  donation  faite 
par  trois  frères,  fils  d'un  certain  Aribert,  quondam  excel- 
lentissimi  viri  florentini,  en  faveur  du  monastère  de  Saint - 
Barthélémy  de  Ripoli.  La  charte  est  de  Tannée  790,  et 
commence  ainsi  :  «  In  nomine  Domirii  régnante  nostro 
Carolo,  et  Pipino  ejusque  filio,  viris  excellentissimis 
regibus,  anno  regnorum  in  Italia  septimo  decimo  »  ;  et 
se  termine  par  ces  mots  :  «  Actum  Florentiae,  xiv  die 
mensis  Julii,  indict.  XIII.  » 

En  786  Chàrlemagne,  revenant  de  Bénevent  pour  ré- 


1  Stor.  fior.,1.  VII,  f.  21  c. 

<  Cosimo  della  Rona,  Série  de'  duc,  di  Toscana^  p.  81. 


ET   DISSERTATIONS.  129 

duîre  le  duc,  célébra  les  fêtes  de  Noél  à  Florence  :  témoin 
ces  vers  du  poète  Saxo  : 

....ItalicMft  intrftverat  nrbes 
Ex  qoibns  est  qtue'lam  Florentia  nornine  diaU 
If  Virgînel  partu»  Borein  veneratus 
Christ!  tacrificiam  snpplex  celebraverit  ortom  «. 

Le  moine  de  Saint-Éparque  dit  de  môme  a  celebravit 
natale  Domini  in  Floreotia  civitate.  » 

Si  donc  Florence  a  toujours  joui  d'une  existence  civile 
plus  ou  moins  glorieuse  depuis  le  temps  des  Romains 
jusqu'à  l'époque  des  Carlovingiens,  je  ne  suis  pas  étonné 
que  parmi  d'autres  prérogatives  elle  ait  compté  le  droit 
de  battre  monnaie. 

Enfin  je  puis  employer  à  bon  droit  l'argument  dont 
monseigneur  Dionisi  s'est  servi  pour  démontrer  l'existence 
de  la  monnaie  de  Vérone  au  viii*  siècle  \  et  dire  :  Si  tous 
les  ducs  et  gouverneurs  de  provinces  étaient  égaux  en 
dignités,  si  dans  chaque  ville  ducale  se  trouvait  un  palais 
public,  et  si  dans  les  palais  publics  existait  un  atelier 
monétaire  ;  comme  à  Florence  il  y  avait  un  duc  et  un 
palais,  il  est  àonc  possible  que  dans  cette  ville  on  battit 
monnaie  au  temps  de  Charlemagne. 

Mais  il  me  suffit  d'avoir,  comme  c'était  mon  désir, 
appelé  l'attention  sur  une  monnaie  inédite,  très-intéres- 
sante pour  l'histoire  florentine.  Elle  présente  d'un  côté 
le  nom  de  CAROLVS  dans  la  forme  ordinaire  adoptée  par  le 
célèbre  monarque.  Au  revers,  on  lit  FLORENT  en  deux 
lignes  ;  l'iN  et  le  T  sont  liés.  Des  points  sont  répartis  dans 

*  Saxo  pœtn,  In  aun.  Knr.  M.  npud  Leibnitz.  scriptor.    Brunsw.  T.  II, 
M   136. 
>  Zanetti,  Sota  raccoUa,  t.  IV,  p.  217. 

1863.  —  2.  9 


l^O-  MÉMOIRES. 

le  champ.  Ce  denici'  pèse  25  grains  et  demi,  et  il  doit 
avoir  été  fabriqué  entre  774  et  800  comme  l'indique  le 
litre  REX.  Le  denier  presque  semblable  frappé  à  Lucques, 
et  publié  par  M,  Domenico  Massagli  pèse  24  grains  et 
demi  *  ;  la  différence  est  légère,  et  Ton  en  remarque  de 
plus  considérables  dans  le  poids  de  deniers  frappés  dans 
upe  même  ville  et  retrouvés  dans  un  même  dépôt  *.  Les 
numismatistes  français  ont  décrit  des  monnaies  carlovin- 
giennes  émises  dans  plusieurs  centaines  de  villes  appar- 
tenant à  la  Gaule  ou  à  la  Germanie,  bien  que,  la  plupart 
du  temps,  aucune  charte  ou  aucun  texte  quel  qu'il  soit, 
ne  vienne  justifier  Texistence  des  ateliers  monétaires.  lien 
est  de  même  pour  les  deniers  des  Anglo-Saxons,  et  les 
antiquaires  les  plus  expérimentés  de  France,  d'Allemagne, 
de  Belgique  et  do  la  Grande-Bretagne  paraissent  d'accord 
pour  croire  que  les  anciens  souverains  des  viii*,  ix*  et 
x*  siècles  battaient  monnaie  partout  où  s'étendait  leur  domi 
nation.  Fr.  Pellegrino  Tonini  » 

de' Servi  di  Maria. 


»  Voy.  «etii?nuw..lR6l,  pi.  XIX,  u»  8. 
*  Voy.  Herue  »i«m.,  1068,  p.  20C  ft  î^uiv. 


ET   DISSERTATIONS. 


431 


REMARQUES 


DES  MONNAIES  FRAPPÉES  A  MELLE. 


Dans  son  Essai  sur  les  monnaies  frappées  en  Poitou  \ 
M.  Le  Gointre-Duponi  a  publié  un  denier  qui»  comme  celui 
de  notre  vignette,  a  pour  légende  : 

Au  droit  :  CAROLVS  REX  FR. ,  autour  d'une  croix  grecque. 

Au  revers:  '     •      en  deux  lignes  dans  le  champ ,  avec 
LLVM 

un  poiDt  de  centre  qui  tombe  entre  le  T  et  TV  de  ce  der- 
nier mot. 

Lequel  des  Charles  de  la  deuxième  race  avait  fait  frapper 
cette  monnaie  jusqu*alors  unique?  Telle  est  la  question 
que  ne  pouvait  manquer  de  se  poser  ce  savant  numisma- 
liste. 

Il  veiiait  de  décrire  un  denier  de  Louis  le  Débonnaire^ 


*  Publié  eu  1849^  et  inséré  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  antiquaire*  d'e 
rOyt«l,  p.  263  et  suiv.,  et  notamment  p.  323,  pi.  YIII,  n*  1*%  ouvrage  dont 
M.  Cartier  a  rendn  compte  dans  la  tUvue  nimitm.f  1841 ,  p.  225>. 


132^  lit:MoiAi:s 

dont  le  revers  est  absolument  pareil.  Il  pensa  naturelle- 
ment  que  sans  doute  le  type  adopté  sous  ce  prince  n'avait 
pas  été  immédiatement  abantlonué,  et  il  attribua  le  rare 
denier  qui  nous  occupe  aux  premiers  temps  du  règne  de 
son  successeur  immédiat^  à  Charles  le  Chauve,  qui  n'aurait 
pas  tardé  à  faire  substituer  sur  ses  espèces  le  monogramme 
cruciforme  de  son  nom. 

M.  Le  Cointre-Dupont  n'avait  alors  à  sa  disposition  que 
le  seul  exemplaire  qui  de  la  collection  de  M»  Briquet  est 
passé  dans  la  mienne.  Frappé  de  voir  que  ce  denier  élait 
à  bas  titre  et  ne  pesait  que  1«',36  (plus  exactement  1«',38), 
il  ajouta,  en  note,  que  Ton  pourrait  n'y  voir  qu'un  des 
premiers  essais  de  la  monnaie  des  comtes  de  Poitou ,  dont 
il  offre  le  type  générateur,  et  que  pour  présenter  une  attri- 
bution certaine,  il  faudrait  avoir  vu  plusieurs  de  ces  de- 
niers, dont  il  no  connaissait  jusqu'alors  que  ce  seul  exem- 
plaire. 

Cette  attribution,  dont  se  sont  occupés  depuis  d'autres 
numismatistes  S  cessera,  je  Tespère,  d'offrir  la  même  in- 
certitude, p«ir  suite  de  la  découverte  récente  des  deux  mon- 
naies que  représente  la  vignette. 

Le  denier  a  été  trouvé  en  mai  1860,  à  Saint-Maixent,  dans 
les  fondations  d'une  vieille  maison  et  acquis  aussitôt  par 
M.  Alfred  Richard,  élève  de  l'École  des  chartes,  qui  le  con- 
serve dans  sa  collection.  Cet  exemplaire,  que  j'ai  vu,  est 
d'argent;  les  lettres,  le  cordon,  ainsi  que  le  point  centra) 
du  revers  ont  un  fort  relief  et  semblent  indiquer  qu'il  a  peu 
circulé.  Enfin,  malgré  la  petite  cassure  que  l'on  remarque 
à  la  partie  supérieure,  il  pèse  1»',50, 10  centigrammes  seu- 


«  M.  Cartier,  Revue   numi$m.,  1853,  p  389  et  393.  —  M.  B.  Fillon,  Éludes 
numiêmaliquei,  p.  144.  —  M.  Poey  d'Avant,  Monnaie»  féodale»,  t.  II,  p.  6. 


ET   DISSERTATIONS.  ISS 

MFTA 
lement  de  moins  que  le  denier  à  la  légende  ,j*     de  Louis 

LLYM 

le  Débonnaire. 

Le  G  de  Carlus,  qui  est  à  peine  formé  sur  le  denier 
publié  par  M.  Le  Gointre,  est  au  contraire  parfaitement 
gravé  sur  le  nouvel  exemplaire  du  denier  que  je  fais  con- 
naître aujourd'hui. 

L'obole  que  je  possède,  et  que  je  crois  inédite,  a  été  éga- 
lement trouvée  en  1860  dans  les  environs  de  Melle.  Elle 
offre,  comme  le  denier,  un  point  de  centre  au-dessus  de  TV 
de  META — LLVM,  et  quoiqu'elle  présente  une  légère  cas- 
sure et  qu'elle  paraisse  avoir  souffert  de  l'oxydation ,  elle 
pèse  encore 70  centigrammes  (deux  seulement  de  moins 
que  l'obole  de  Charles  le  Chauve),  ce  qui  répond  à  un 
denier  de  16^,40. 

Je  ne  sais  si  je  m'abuse  \  mais  il  me  semble  que  cette 
nouvelle  découverte  lève  tous  les  doutés,  et  confirme 
l'attribution  que  M.  Le  Cointre-Duponl  avait  faite  de  cette 
variété  à  Charles  le  Chauve,  qui,  dans  les  premiers  temps 
de  son  règne,  aurait  momentanément  continué  le  type  de 
son  père.  Ce  n'est  pas  la  seule  fois  que  mon  savant  confrère 
a  jeté  la  lunuère  dans  les  ténèbres  qui  enveloppaient  la 
numismatique  du  Poitou. 

RoNDiER  (de Melle). 


i'ià  MÉMOIRES 


L'HOMMAGE  DE  L'OBOLE  D'OU  A  MOISSAC. 


Les  Éludes  historiques  sur  la  célèbre  abbaye  de  Moissac, 
que  M.  Lagrèze  Fossat  vient  de  publier  dans  le  VI'  volume 
des  Mémoires  de  C Académie  impériale  des  sciences  de  Tou- 
louse ont  attiré  mon  attention  sur  un  usage  local  qui  nous 
permettra  d'expliquer  Texistence  de  certains  monuments 
numismatiques ,  considérés  comme  des  singularités. 

Les  comtes  de  Toulouse  tenaient  de  Tabbé  et  du  couvent 
de  Saint-Pierre  de  Moissac  le  château  fort  de  la  ville ,  et 
à  raison  de  cette  possession ,  devaient  offrir  ou  faire  offrir 
par  leur  bayle,  chaque  année,  le  jour  de  la  fête  du  patron, 
une  obole  ior  sur  Tautel  dudit  saint.  Cet  usage  paraît 
avoir  pris  naissance  en  1063,  sous  Pons,  (ils  de  Guillaume 
Taillefer,  alors  que  Fabbé  Durand  de  Bredon  (1053-1073) 
céda,  moyennant  hommage,  le  château  fort  de  Moissac 
au  comte. 

Dans  l'accord  intervenu  en  1210  entre  Tabbé  et  Rai- 
mond  YI,  on  trouve  le  passage  suivant  : 

«  Quod  castrum  quod  habebat  in  villa  Moysiaci ,  quod 
fuit  quondam  Duranni  Mercerii  tenebat  de  dicto  domino 
abbate  et  conventu  Sancti  Pétri  Moysiacensis ,  et  quod 
debebat  fidem  facere  quolibet  anno ,  in  festo  Sancti  Pétri, 
unum  obolum  aureum  qui  débet  reddi  super  altare  ab  ipso 
domino  vel  a  bajulo  ejus  *.  » 

*  Mnn.  de  VAcad.  im|).  dt  Toulouse,  V"^  strie  ,  t.  VI ,  1862,  p.  360.  —  Bibl. 
imp.y  cartul.  de  MoissaCj  fol.  100  et  suiv.  — i^rc/Mi'.  de  Vhotel  de  ville  de  .^oitsac^ 
fonds  Andarandy,  n*  118. 


i:i    DISSERTATIOÎ^S.  13r5 

Deux  aos  plus  lard,  en  1212,  Simon  de  Mbntfort,  pre- 
nant possession  de  la  ville  et  de  tous  les  droits  du  comte 
de  Toulouse,  s^oblige  à  offrir  chaque  année  l'obole  d*or  : 

(c  Castrum  quod  fuit  Duranni  Mercerii  quod  in  villa 
Moysiaci,  debemus  tenere  de  abbate  et  conventu  ecclesi^ 
Sancti  Pétri  Moysiacensis,  et  Inde  nos  seu  bajulus  noster 
debemus  offerre  obolum  aureum,  singulis  annis,  super 
altare  Sancti  Pétri  in  festivitate  ipsius  ^  » 

Mais  bientôt  les  croisés  de  Simon  de  Montfort  firent  mai» 
basse  sur  tons  les  bfens  du  monastère ,  soit  au  dedans, 
soit  au  dehors  ;  l'abbé  envoya  auprès  de  Philippe-Auguste 
un  de  ses  moines  porteur  d'une  lettre  suppliante.  Le  roi 
de  France  iniervint-il  dans  l'intérêt  de  l'abbaye?  Cela  est 
probable,  dit  M.  Lagrèze  Fossat,  puisque  Simon  de  Montfort 
consentit  à  soumettre  les  réclamations  des  religieux  à  l'ar- 
bitrage de  l'évêque  de  Toulouse,  de  l'abbé  de  Clairac,  et 
de  Théodose^  chanoine  de  Sauve.  La  sentence  fut  prononcée 
le  6  décembre  121  A,  et  les  arbitres  déclarèrent  qu'indé- 
pendamment de  Yobote  d'or  due  pour  te  château  fort, 
^moR  offrirait  encore  ou  ferait  offrir  deux  autres  oboles 
d'or  pour  la  possession  d'une  place  située  en  avant  4ti 
château  sur  laquelle  étaient  naguère  deux  maisons  que  le 
comte  avait  fait  démolir  r 

f(  Item  pro  platea  quae  est  ante  castrum  ubi  domus  des- 
tructœ  fuerant,  dabit  cornes  vel  nuntius  ejus  monaster îo, 
in  die  apostolerum  Pétri  et  Pauli,  duos  obolos  aureos  an- 
nuatim,  et  tertinm  obolum  aureum  pro  Castro  sicut  in  alia 
cartula  contïnctur*.  » 


*  Ibid.,  p.  351.  —  Bibl.  inip.,  cartul.   de  Moissar,  r.  129,  fol.  107   à  126. 
Archivée  de  Cabbaye. 

*  Ihid,,  p.  362.  —  An^hir,  de  l'hnlrl  de  ri7/f,  Andur.,  n"  363« 


186  MÉMOIRES 

Lorsque  le  fils  de  Baimond  VI  rétablit,  en  1221,  l'auto- 
rité  de  son  père  à  Moissac,  il  n'ignorait  pas  que  depuis  121 A 
l'abbaye  s'était  montrée  très-dévouée  aux  sires  de  Montfort, 
et  qu'elle  considérait  la  fin  de  leur  domination  comme  une 
calamité.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'étonner,  dit  avec  beau- 
coup de  perspicacité  M.  Lagrèze  Fossat ,  si  dans  cette  cir- 
constance le  jeune  Raimond  ne  rendit  à  l'abbé  et  au  cou- 
vent aucun  des  devoirs  seigneuriaux  que  le  traité  de  1210 
jeur  avait  garantis.  Il  persévéra  dans  cette  ligne  de  con- 
duite après  qu'il  eut  succédé  à  son  père  sous  le  nom  tie 
Raimond  VII;  aussi,  lorsqu'il  fut  mort,  l'abbé  Guillaume 
de  Ressens  demandait  que  le  nouveau  comte  fût  condamné 
à  payer  autant  û'oboles  S  or  qu'il  s'était  écoulé  d'années 
depuis  que  Raimond  VI  était  rentré  en  possession  de 
la  ville  : 

a  Item  petit  dictus  (abbas)  quod  sibi  reddi  faciatis 
unum  obolum  aureum  pro  quolibet  anno  ex  qûo  villaiu 
recuperavit  dictus  comes  ^  » 

nus  tard,  Alphonse  II ,  après  avoir  en  vain  tenté  de 
s'affranchir  de  la  redevance,  consentit  enfin  à  reconnaître 
que  l'abbaye  avait  droit  à  l'hommage  de  l'obole  d'or,  à 
condition  toutefois  que  l'abbé  flt  l'abandon  des  oboles  qui 
n'avaient  pas  été  payées  depuis  1221.  La  transaction  de 
1266  porte  :  o  Item  fuit  ordinatum  quod  obulus  aureus 
qui  debetur  numasterio  S.  Pétri  Moysiacensis,  pro  Castro 
Hoysiaci,  solvatur  eidem  nionasterio  annuatim  in  futurum, 
in  festo  beatorum  Apostolorum  P.  et  P.  a  bajulo  nostro 
super  altare  monasterii  S.  Pétri  ;  praeteritas  autem  solu- 
tiones  dicti  abbatis  in  quibus  cCssatum  est,  dictus  abbas 
nomine  suo  et  conventus  sui  monasteni,  nobis  et  dictas 

1  /6i(i.,  p.  362 ÀTchw.  dt  Vabba^^ 


ET   DISSfiATATIONS.  IS7 

comitissae  nostris  suisque  successoribus  omnino  vertit  et 
qoittavit  prasdecessores  nostros  penitus  liberando  *.  » 

Les  rois  de  Fraoce,  en  succédant  aux  comtes  de  Toulouse, 
acceptèrent  la  dette  contractée  envers  l'abbaye.  M.  Lagrëze 
Fossat  cite  des  quittances  constatant  que  les  bayles  de 
Philippe  IV  en  1291,  de  Charles  VI  en  1 38 A,  et  de  Louis  XI 
en  1A70,  ont  acquitté  ce  tribut.  Au  xvii*  siècle,  le  juge 
royal  voulut  s'y  soustraire  ;  un  procès  s'ensuivit  ;  mais  le 
conseil  privé  du  roi,  par  arrêt  du  16  juin  16A3,  décida  que 
le  juge  royal  serait  tenu  de  se  trouver  chaque  année ,  le 
29  juin,  jour  de  la  fête  de  Saint-Pierre  et  de  Saint-Paul,  à 
la  grand' messe  de  l'abbaye,  et  de  déposer  sur  l'autel  une 
maille  Sor  ou  une  autre  espèce  de  monnaie  de  la  même 
valeur,  en  signe  d^honunage  pour  les  choses  que  Sa  Ma- 
jesté tient  dudit  abbé  en  ladite  ville  et  juridiction ,  sous 
peine  de  3,000  livres  d'amende,  dépens,  dommages  et 
intérêts  '. 

L'hommage  de  l'obole  d'or  ne  fut  aboli  que  le  8  janvier 
1671, 

Ce  récit  m'a  remis  en  mémoire  les  monnaies  d'or  de 
Toulouse  que  notre  savant  ami  M.  C.  Robert  a  trouvées  à 
Milan,  et  qui  proviennent  des  environs  de  Nice,  pièces  qu'il 
a  déjà  signalées  dans  ce  recueil  '. 


>  /Mtf.,  p.  363.  —  ÀrehM.  âê  VhàUl  de  vilU,  Andar.*  d«  232. 

•  /M.,  p.  352.  — ircJUv.  de  CMUl  de  tilU,  Andur..  n*  300.  Nous  ftvons  in- 
diqué tontes  les  iooreM  où  M.  Lagrèse-Foosat  a  puisé ,  afin  de  faire  Yoir  qne 
lOD  rédt  ropoM  tar  des  documents  bien  positifs. 

*  AfviM  nvmttm.,  1860,  p.  196. 


138  UÉUOIRES 

liais  cil  prenant  de  nou\ elles  informations  auprès  de 
notre  collaborateur  et  de  M.  le  chevalier  Biondelli ,  direc- 
teur du  musée  de  Milan ,  j'ai  appris  que  ces  deux  pièces 
ne  sont  pas  véritablement  d'or  ;  elles  sont  d*argent  forte* 
ment  doré.  L'une  pèse  un  gramme  deux  décigrammes  ; 
l'autre,  un  décigranime  de  moins.  M.  Biondelli  m'écrit  qu'il 
n'y  a  pas  de  doute  que  la  dorure  de  la  pièce  conservée  à 
Milan  soit  antique.  M.  C.  Robert  trouve  à  cette  dorure  un 
aspect  qui  exclut  l'idée  d'une  opération  récente*;  c'est 
aussi  l'opinion  d'un  babile  commerçant  en  métaux  que  j'ai 
consulté. 

Si  la  dorure  des  deniers  est  ancienne,  comme  je  le  crois, 
en  m' appuyant  sur  toutes  ces  autorités,  elle  n'avait  pas  été 
faite  pour  imiter  des  monnaies  courantes  d'or  qui  n'exis- 
taient pas  au  XIV  siècle.  Mais  elle  avait  pu  servir  à  procurer 
des  oboles  d'or  symboliques,  indispensables  pour  accouj- 
plir  lacté  d'hommage.  Ce  n'était  pas  à  une  rente  d'environ 
3  fr.  de  notre  monnaie  que  l'abbaye  de  Moissac  pouvait 
tenir  au  point  d'eniamer  et  de  suivre  de  longs  procèâ; 
c'était  Thommage  en  lui-même  qui  avait  toute  Hmpor- 
tance.  Et  d'ailleurs  le  prix  de  l'or  pouvait  être  payé  en 
sus.  On  doit  maintenant  tenir  compte  de  ce  fait,  bien  clai- 
rement établi  :  de  1063  à  1221,  les  comtes  de  Toulouse 
firent  déposer  chaque  année  sur  l'autel  de  Moissac  une 
obole  d'or;  à  moins  qu'ils  n'eussent  une  collection  de  tiers 
de  sou  mérovingiens,  il  leur  eût  été  difficile  de  se  procurer 
les  pièces  nécessaires,  alors  que  les  rois  de  France  ne  frap- 
paient pas  de  monnaie  d'or.  Voici  un  denier  de  Raimond  \ 
(1148-1194)  fabriqué  pendant  la  même  période  et  avec 

(l)  La  perfionnc  qui  a  trouvé  ces  pièces,  dit  M.  Biondelli,  n'en  faisait  pas  le 
moindn*  cas  et  ne  cherchait  pa«  à  «»n  tirer  profit.  Cett«  circon.«tan''o  écarte 
tout  5oiipv'»ï^  ^^  >péculalion. 


ET   UlSïiEHTÂTlONS.  130 

toute  rapparence  dti  inétal  spécifié  par  tant  d'actes  pur 
blics;  cette  pièce  doit  avoir  été  faite  pour  acquitter  une 
redevance,  tout  comme  l'obole  d'or  de  Baix^lone  au  nom 
de  Déranger  (1130-1162),  que  nous  a  fait  connaître  M.  le 
commandant  Colson  \  et  qui  a  été  prise  à  tort  pour  une 

Sept  mancuses  pesaient  une  once,  ce  qui  donnerait  pour 
le  poids  de  chacune  d'elles  environ  A*',38.  Or,  quelle  que 
soit  l'épaisseur  que  l'on  accorde  à  la  petite  pièce  publiée 
par  M.  Colson,  elle  ne  saurait  atteindre  ce  poids,  qui  dé- 
passe de  beaucoup  celui  d'un  florin.  Mais  si  cette  petite 
pièce  n'est  pas  une  mancuse,  c'est  du  moins  une  obole  d'or. 
11  est  fort  probable  qu  elle  a  été  fabriquée  pour  le  service 
d'une  redevance. 

On  sait,  du  reste,  que  le  nom  de  maille,  synonyme 
d'obole,  s'appliquait  à  des  monnaies  d'un  poids  plus  con- 
sidérable que  ce  nom  ne  semble  l'indiquer. 

Nos  contemporains  se  rappellent  sans  doute  le  premier 
travail  inséré  par  Duchalais  dans  la  Ihvue  vvmismaliqve^ 
travail  consacré  à  la  maille  d'or  de  Beaugency  Vil  s'agis- 
sait d'une  monnaie  frappée  à  l'aide  de  fers  qui  existent 
encore  et  qui  portent  les  types  du  florin  de  Florence  ;  on 
appelait  cette  monnaie  obolus  auri  florentini  aussi  bien 
que  ma t7/e  d'or;  elle  pesait  deux  deniers  dix-sepl  grains, 
et  chaque  année,  le  13  février,  jour  anniversaire  de  l'In- 
vention du  corps  de  saint  Firmin,  évêque  d'Amiens  et  pa- 
tron de  Beaugency,  les  écoliers  de  Picardie  faisaient  chanter 

'  [Mémoires  de  la  ]  Société  agricole,  scienti^ue  et  littéraire  des  Pyrénéen - 
Orientales.  Perpigimu  ,  1854  ,  pi.  1  ,  n"  9,  p.  560  el  56.  —  Cette  pièce  a  été  rc 
produite,  d'après  le  dessin  de  M.  Colson,  par  M.  Popy  d'Avant,  Nonnme^  /> - 
daUs,  pi.  LXXVII,  n*  17. 

*  Revus  numism.,  183B,  p.  54. 


lAO  MÉMOIRES 

une  messe  en  l'église  de  Saint-Pierre-Ie-Puellier  d'Orléans, 
pendant  laquelle  certains  habitants  de  Beaugency  devaient 
se  présenter  eux-mêmes,  ou  envoyer  deux  députés  chargés 
de  remettre  au  procureur  de  la  nation  de  Picardie  la  maille 
précitée. 

Voilà  une  maille  ou  obole  de  redevance  qui  pesait 
65  grains,  c'est-à  dire  Z^^ià.  La  pièce  de  Toulouse 
publiée  par  M.  G.  Robert  ne  pèse  qu'un  peu  plus  d*un 
gramme  ;  il  est  donc  bien  permis,  malgré  son  module,  de 
la  considérer  comme  une  maille  de  redevance.  Obole  d'or 
dans  la  langue  du  moyen  âge,  n'implique  pas  d'ailleurs 
une  valeur  déterminée;  la  Revne  numismatique  fournira 
bientôt  une  preuve  irrécusable  de  ce  fait. 

Ainsi  se  trouvera,  je  le  crois  du  moins,  expliquée  et  justi- 
fiée l'existence  de  certaines  pièces  d'or  exceptionnelles  fa- 
briquées à  l'aide  de  coins  gravés  pour  l'argent  ou  le  billon; 
II  faut  leur  ouvrir  un  chapitre  spécial  dans  les  annales  mo- 
nétaires. 

Adrien  de  Longpériir. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 


€eber  die  sagenaonteD  Regenbogen-Schûsselchen,  par 
Fr.  Stbeber.  Munich,  1860  et  18«1.  In-A%  11  plan- 
ches. 

(PI.  IVetV.) 

Eckhel,  tm  le  sait,  n'a  voulu  admettre  dans  son  traité  ni  les 
monnaif^de  ta  Grande-Bretagne  ni  celles  de  la  Germanie.  Ce- 
pendant,  la  niêmismutiquede  la  Grande-Bretagne  a  fait  son  che- 
min, je  ne  dirai  pas  toute  seule,  mais  grâce  au  zèle  des  anti- 
quaires anglais.  Los  monnaies  de  la  Germanie  ont  eu  jusqu'en 
ces  derniers  temps  moins  de  bonheur  ;  la  terre  classique  de  Téru- 
dition  n'a  pas  été  favorable  à  la  recherche  et  à  Tétudo  de  ces 
curieux  monuments  entrevus  par  Dœderlin,  Voigt,  et  quelques 
autres. 

Mais  le  temps  perdu  vient  d'être  regagné  tout  d'un  coup,  et 
nous  devons  ce  résultat  à  la  sagacité,  au  zèle,  à  l'érudition  de 
M.  Frantz  Streber,  conservateur  du  cabinet  des  médailles  de 
Munich.  Il  nous  faut  d'abord  expliquer  le  titre  de  son  ouvrage. 
Une  tradition  populaire  fort  ancienne  attribuait  aux  orages  la 
dispersion  de  petits  lingots  d'or  concaves,  pépites  que  les  pay- 
sans croyaient  arrachées  à  la  terre  par  les  vents  et  déposées  sur 
le  sol  au  moment  où  apparaissait  l'arc  en-ciel.  De  là  le  nom  de 
Regenbogen-SchûMclein  f  petites  coupes  de  Tarc-en-ciel,  ptitellx 
Jridis  comme  on  disait  dans  les  dissertations  latines.  Cette  cu- 
rieuse fiction  a  son  équivalent  en  France.  Dans  le  canton  de 
Fère-Champenoise,  existe  une  colline  crayeuse  (nommée  le  mont 


142  BILLETLN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Août,  mons  Augusti),  sur  laquelle  après  des  pluies  abondantes 
on  trouve  des  rognons  de  fer  sulfuré  de  grande  dimension  qui 
laissent  voir,  lorsqu'on  les  brise,  des  rayons  concentriques  cou  - 
leur  d'or.  Les  habitants  du  village  voisin  supposent  que  ces  cris- 
tallisations minérales  sont  tombées  du  ciel,  au  milieu  des  éclats 
de  la  foudre  et  les  nomment  pierres-à  tonnerre.  Mais  revenons 
aux  Regenbogen-Schusselein  auxquelles  on  donne  maintenant  le 
nom  moins  enfantin  de  Schmselchen.  Ces  pièces  concaves  étaient 
à  peine  connues  en  France  il  y  a  quelques  années.  Lelewel  en  a 
gravé  une  dans  son  Atlas  du  Type  gaulois  (pi.  Ill,  n^  34)  ;  on  en 
trouve  deux  autres  dans  V Essai  sur  la  numismatique  gauloise  de 
M.  Edouard  Lambert  (pi.  L  n'  26  et  X^'n*  4);  Mionneiet  Du- 
chalais  en  ont  aussi  décrit  deux,  de  l'espèce  la  plus  rudement 
fabriquée,  parmi  les  incertaines  de  la  Gaule  ou  les  imitations  de 
la  monnaie  jnacédonienne;  M.  Hucberen  possède  une  dont  l'ori- 
gine est  incertaine  (Bev.  num,  1852,  pi.  V,u'*  9,  p.  i83).  On  en 
doit  dire  autant  d'une  pièce  conservée  au  British  Muséum,  o  tlie 
a  place  .of  ils  discovery  is  not  ktiown  »  (Ruding,  Annals,L  11, 
p.  407;  t.  m,  pi.  A,  n»  76).  Mais  ces  exceptions,  qui  s'expliquent . 
facilement  par  les  envois  que  fait  le  commerce  des  médailles, 
n'ont  guère  d'autre  effet  que  de  montrer  combien  les  pièces 
d'or  dont  nous  allons  parler  en  détail  sont  étrangères  à  notre 
territoire.  M.  Robert  nous  a  fait  remarquer  que  dans  le  nord  de 
l'Italie  on  trouve  des  pièces  d'or  concaves  qui  portent  au  revers 
une  sorte  de  croix  sur  laquelle  nous  reviendrons  plus  loin. 

En  regard  de  l'indigence  relative  que  nous  venons  de  constater 
dans  les  collections  françaises,  mettons  tout  de  suite  le  nombre  ' 
de  695  pièces  qu'a  pu  observer  M.  Streber  et  qu'il  divise  en  146 
variétés,  et  nous  ne  douterons  pas  des  droits  que  rAllemagne  u 
sur  cette  série  particulière.  Et  encore  n'est-ce  point  là  tout  ce 
que  le  sol  germanique  a  déjà  restitué;  les  deux  trouvailles  de 
Gagersetd'lrsching,  au  sud  du  Danube  supérieur,  n'onl-ellespas 
fourni,  l'une  de  1400  à  1500,  l'autre  environ  4000  de  ces  pa- 
telles d'Iris?  N'est-ce  pas  encore  un  millier  de  ces  pièces  d'or 


IVi;LLEil^    BIBLIOGRAPHIQUE.  j^ 

quH^^  >*^^^1^^  ^  Podiiiokl  en  Bohême?  Si  l'on  olijoclait  que  ces 
grands  dépois  ont  pu  être  abandonnés  par  des  armées  (|ui  tra^^' 
versaient  l'Allemagne,  ne  ti'ouverait-on  pas  une  réponse  bien 
concluante  dans  le  tableau  des  localités  nombreuses  où  des  dé-^  ' 
couvertes  partielles  ont  été  faites?  M.  Strel)er  cite  outre,  Irsching, 
Gagers  et  Podmokl:  Kremsnmnster,  Polling,  Freihalden,  Mei-- 
ningen,  Binswangen,  Achborg,  Aislingen,  Neuburg,  Ries,  Gun-' 
dremingen,  Dùrr-Lauingen,  Elwangen^  Calw^  Schrobenhuusen, 
Druisheim,  Donauwûrih,  Hohenloe^Flozheim,  Vilshofen,  Amp- 
fing»  etc.  Les  Regenbogen  Schâsselchen  se  rencontrent,  comme 
on  lo  voit  ^  aux  environs  de  la  Saale,  du  Main,  du  haut  Danube, 
de  rinn^  c'est-ii-dire  en  Saxe,  en  Wurtenberg,  en  Bavière  d'une 
part,  eo  Bohême  de  l'autre.  Ces  pièces  tiennent^  sous  le  rap- 
port de  la  fabrique,  des  statères  d'or  de  la  Pannonie,  des  Sa* 
lasses,  de  la  Grande-Bretagne»  des  Gaules;  elles  ressemblent 
certainement  plus  à  certaines  monnaies  d'Angleterre  qu'à  au- 
cune de  celles  dont  la  fabrique  gauloise  est  bien  avérée  (voy. 
Ruding,  Annals,  pi.  I^  n***!  à 9;  pi.  Il,  n**' 35  à  42,  pK  A^  suppl. 
n**  87  à  100).  Elles  présententdonc^  on  peut  le  dire,  l'aspect  que 
l'on  doit  s'attendre  à  trouver  aux  œuvres  de  l'antique  Germanie, 
conséquence  en  quelque  sorte  nécessaire  de  la  situation  géogra- 
phique des  peuples  qui  vivaient  à  l'orient  du  Rhin.  Le  curieux 
mémoire  publié  par  Dôderlin^  en  4739^  nous  montre  à  quelles 
suppositions  bizarres  les  Regenbogen-Schûsselchen  avaient  donné 
lieu.  Après  ceux  qui  les  croyaient  formées  au  sein  de  la  terre,  il 
faut  compter  encore  les  érudits  qui  les  attribuèrent  aux  Byzan-^ 
tins,  aux,  Bourguignons,  aux  Francs,  aux  Siculo-Vandales,  aux 
Normands,  aux  Gotbs;  M.  Streber  enregistre  à  son  tour  le  nom 
des  auteurs  qui  les  ont  données  aux  Huns,  aux  Égyptiens,  aux  ^ 
Etrusques,  aux  Phéniciens.  J'ai  rappelé  déjà  {Rev.  num.  i86l,  ' 
p«  338)  comment  on  avait  pris  pendant  longtemps  les  statères 
d'or  des  Salasses  pour  des  monnaies  espagnoles  ou  carthagi- 
noises. C'est  que  les  idées  simples  ont  toujours  peine  à  se  faire 
jour  et  plus  encore  à  se  faire  accepter  déflnitivement.  La  repu- 


ikh  DL'LLETiN    DIDUOGRAPBIQUE. 

gnauce  que  tant  de  savants  écrivains  onl  éprouvée  à  reconnaître 
l'origine  véritable  des  Begenbogen*  Schûsselchen  était  entretenue 
par  la  lecture  de  Tacite.  Ce  grand  historien  a  dit  en  parlant  des 
Germains  :  a  Les  Dieux  se  sont-ils  montrés  propices  ou  déravo- 
rables  à  ce  peuple  en  lui  refusant  Tor  et  l'argent,  je  Tignore.  Je 
n'affirmerais  pas  cependant  qu'il  n'y  ait  en  Germanie  aucune 
mine  d'or  ou  d'argent;  car  qui  s'en  est  assuré?  Ils  n'attachent 
pas  à  la  possession  et  à  l'usage  de  ces  métaux  le  même  prix  que 
nous.  On  a  pu  voir  que  des  vases  d'argent  oflTerts  en  présent  à 
leurs  envoyés  et  à  leurs  chefs  étaient  aussi  peu  estimés  que  s'ils 
eussent  étéd*argile.  Les  plus  voisins  de  nos  frontières  apprécient 
l'or  et  l'argent,  comme  moyen  de  commerce,  ils  reconnaissent 
et  choisissent  certaines  de  nos  monnaies.  Ceux  de  l'intérieur, 
de  mœurs  plus  simples  et  plus  antiques,  font  le  commerce  par 
voie  d'échanges.  Ils  préfèrent  les  monnaies  aux  types  anciens  et 
.connus  dès  longtemps,  les  deniers  dentelés  et  les  biges.  Us  re- 
cherchent aussi  l'argent  plus  que  l'or,  non  par  goût,  mais  parce 
que  la  monnaie  d'argent  est  d'un  usage  plus  commode  pour  des 
gens  qui  achètent  des  choses  communes  et  de  bas  prix  ^  b  Mais 
d  abord  ce  passage  ne  s*applique  qu'aux  peuples  qui  vivaient  au 
nord  du  Danube  ;  et  puis  Tindifférence  marquée  par  dos  barbares 
pour  les  métaux  précieux  a  pu  être  un  effet  de  leur  politique. 
Suivant  Procope  les  rois  perses  n'auraient  pas  osé  placer  leur 
effigie  sur  des  monnaies  d  or.  La  série  des  monnaies  d'or  sassa- 
mides  ne  s'en  enrichit  pas  moins  chaque  année  do  quelque  type 
nouvean. 

M.  Slreber,  examinant  toutes  les  opinions  qui  ont  été  émises 
ayant  lui  au  sujet  des  Begenbogen-Schûsselchcn^  montre  que  ces 
mormaies  n'ont  été  fabriquées  ni  par  un  peuple  germain  con- 
verti au  christianisme,  ni  par  les  Alamanni  du  m*  siècle,  ni  par 
les  habitants  du  Sintts  imperii  au  iv*  siècle,  ni  par  le«  Suèves 
d'Ariovisteou  \vs  Marconians  de  Âlarbod.  Il  est  convaincu  que 

'  Di  morib.  Germ,.  û. 


BULLETIN    IliBLlor.RAPHiQUfe.  i^h 

ces  pièces  sont  celtiques  et  Tœuvrc  des  Tectosages,  des  Helvètes 
et  des  Boii  ;  ces  derniers  ont,  comme  on  sait,  donné  leur  nom 
à  la  Bohême.  Mais,  attendu  qu'au  temps  où  écrivait  Jules-César 
les  Volces  Tectosages  étaient  considérablement  déchus  de  leur 
puissance  y  et  que  Posidonius,  écrivant  en  l'an  60  avant  Jésus- 
Christ,  mentionne  les  Boii  conime  ayant  jadis  habité  la  Bo- 
hême^ que  lorsque  César  vint  dans  les  Gaules,  les  Helvètes 
avaient  quitté  leur  ancien  territoire  pour  s'établir  entre  le  Jura, 
le  lac  de  Constance  et  le  Léman^  M.  Streber  est  conduit  à  penseV 
que  les  Celtes  du  haut  Danube^  de  la  Vindélicie  ont  frappé  les 
monnaies  qu'il  décrit  à  Tépoque  de  leui^  plus  grande  puissance, 
c'est-à-dire  au  iv*  et  au  v*  siècle  avant  l'ère  chrétienne.  Il  croît 
les  Regerthogen-Schûsselchen  antérieures  a(kx  monnaies  de  la 
Gaule,  et  indépendantes  des  types  macédoniens.  Leur  poids, 
suivant  le  saVant  antiquaire,  se  rapporte  non  pas  au  statère  de 
Philippe,  mais  au  cyzicène.  II  faut  toutefois  remarquer  que  ce 
poids  correspond  à  celui  de  l'aureus  romain  frappé  pendant 
les  deux  derniers  siècles  de  la  République.  C'est  là  un  fait 
auquel  M.  Streber,  préoccupé  de  la  grande  antiquité  qu'il  attri- 
bue aux  Schûsselchen,  n'a  pas  accordé  l'attention  qu'il  mérite. 

Pour  donner  une  idée  exacte  du  système  de  classification 
adopté  par  M.  Streber,  j'extrais  de  ses  planches,  qui  contien- 
nent cent  seize  variantes,  trente  pièces  appartenant  aux  sept 
groupes  qu'il  a  établis,  et  je  les  reproduis  dans  le  même  ordre. 
Cela  suffit  pour  bien  faire  voir  de  quels  monuments  il  s'agit; 
mais  le  lecteur  qui  voudrait  étudier  de  nouveau  la  question  de- 
vrait cependant  avoir  recours  à  l'ouvrage  allemand;  car  lors- 
qu'on cherche  à  déterminer  l'origine  des  types*  à  discerner  ce 
qu'ils  doivent  à  l'imitation  de  ce  qu'ils  peuvent  offrir  de  natio- 
nal, à  reconnaître  si  des  figures,  plusieurs  fois  copiées  avec  des 
altérations  progressives,  n'ont  pas  reçu  plus  tard  une  nouvelle 
forme  provenant  de  l'interprétation  et  de  la  régularisation  d'élé- 
ments incompris,  les  moindres  nuances  ont  souvent  une  grando 
valeur. 

1863   —  2  10 


1&6  BULLETIN    UIULIOURAPHIQUE. 

PI.  IV.  —  Premiei'  groupe. 

N*  i.  Serpent  courbé  en  forme  d'anneau  avec  une  tôle  de  lion 
à  oreilles  pointues  et  crinière  dorsale. 

^  Hache  dont  le  tranchant  a  la  forme  hémicirculaire.  —  Ca- 
binet de  Vienne.  Or.  Poids,  7",199. 

N°  2.  Même  animal  tourné  à  gauche  et  avec  cornes  de  bélier. 

ij  Six  points  posés,  1 ,  2  et  3  au  centre  d'un  demi-cercle  ter- 
miné par  deux  boules. —  Trouvé  kGagers.  (h\  Poids,  7'',883. 

N*  3.  Môme  type. 

^  Trois  fleurons  rapprochés  par  la  base  autour  d'un  point 
central.  —  Trouvé  à  Irsching.  Or.  Poids,  7",588. 

N*  4.  Mômes  types.  Variantes  dans  les  fleurons.  —  Trouvé  à 
Irsching.  Or.  Poids,  7",599.  —  Autre,  7'',606. 

N*  5.  Môme  type.  Quart  de  la  précédente.*—  Trouvé  à  Pol- 
ling?  Or.  Poids,  i«',875. 

Deuxième  groujie. 

N«  6.  Tôte  d'oiseau  tournée  à  gauche  au  milieu  d'une  cou- 
ronne de  feuillage. 

1)1  Astre  cruciforme  surmonté  de  trois  points;  au-dessous,  un 
fleuron  composé  d'S.  —  Trouvé  à  Irsching.  Or.  Poids,  7's606. 

N«  7.  Môme  tôte  d'oiseau  tournée  à  droite. 

^  Six  points  posés,  1 ,  2  et  3,  au  centre  d'un  demi-cercle  ter- 
miné par  des  boules;  au-dessous,  fleuron.  —  Trouvé  à  Irsching. 
Or.  Poids,  7«',550. 

N*  8.  Mômes  types.  Sans  fleuron  au  revers.  —  Trouvé  à 
Irsching.  Or:  Poids,  6'',949. 

No  9.  Tôte  d'oiseau  tournée  à  gauche,  entourée  d'une  cou- 
ronne de  feuillage. 

ijt  Six  points  et  une  petite  rosace  à  l'intérieur  d'un  demi- 
cercle.  —  Trouvé  à  Gagers.  Or.  Poids,  7",547. 

N*  10.  Môme  type.  La  couronne  se  décompose  en  deux  par- 
ties, dont  une  prend  la  forme  d'un  arc. 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  1A7 

j}  Six  points  sans  rosace.  —  Trouvé  à  Gagers  et  à  Irsching . 
Or.  Poids,  7'',520. 

N*  H.  Même  type.  Deux  points  près  du  bec  de  l'oiseau. 

I))  Cinq  points.  —  Trouvé  à  Irsching.  Or,  Poids,  7'',440. 

N«  12.  Même  type. 

^  Quatre  points.  —  Trouvé  à  Gagers.  Or.  Poids,  7*',570. 

N*  13.  Même  type. 

ijl  Trois  points. — Trouvé  à  Saint-Emmeran.  Or.  Poids,  7",470. 

N*  U.  Même  type. 

^  Quart  affaibli  de  la  pièce  précédente.  —  Trouvé  à  Calw. 
Or.  Poids,  l-'jaS. 

PI.  V.  —  Troisième  groupe. 

N*i5.  Demi-couronne  de  feuillage  terminée  par  deux  gros 
points  autour  d'une  élévation  convexe. 

H  Six  points  au  centre  d*nn  demi-cercle  terminé  par  deux 
boules.  —  Trouvé  à  Irsching.  Or.  Poids,  7«',540,  7'',520.  — 
Autres,  7«',6!2,  7''621,  7"'645. 

N*  16.  Mêmes  types.  Cinquième?  de  la  pièce  précédente. — 
Trouvé  à  Elwangen.  Or.  Poids,  l'',700. 

N«  17.  Même  type. 

^  Cinq  points.  —  Trouvé  à  Druisheim  et  à  Irsching.  Or. 
Poids,  7'',400.  —  Autre ,  7«',753. 

N*  18.  — Môme  type. 

K  Troispoinls.  —  Trouvé  à  Irsching,  Or.  Poids,  7*',340. 

N*  19.  Élévation  convexe. 

ijl  Trois  points  au  centre  d'un  defni-cercle.  —  Trouvée  à  Pol- 
lingf  Or.  Poids,  l^jOSO. 

Quatrième  groupe. 

N*  âO.  Lyre  couchée.  Demi-couronne  de  feuillage. 

^  Six  points  au  centre  d'un  demi-cercle  terminé  par  des 
boules.  —  Trouvée  à  Irsching.  Or.  Poids,  7»*,520. 
N*  21.  Triquetra  dans  une  couronne  de  feuillage. 


148  BULLETIN    mCLlOGRAPHIQUE.  '^?     3 

1])  Six  doubles  annelets  posés^  1,  2  et  3,  dans  un  entourage 

dentelé  interrompu  par  deux  annelets.  —  Trou\é  h  Donauwôri h. 

Or.  Poids,  7"042. 

Cinquième  groupe, 

N*  22.  Tête  de  cerf  de  face. 

ij)  Trois  arcs  réunis  au  centre  de  la  pièce  par  une  de  leurs 
extrémités. — Trouvé  à  Gagers.  Or.  Poids,  7",i02. 

N«  23.  Tête  d'Apollon  tournée  à  droite. 

ijl  Deux  fleurons  dont  la  pétale  centrale  forme  croix  avec  deux 
lyres.  —Trouvé  à  Irsching.  Or.  Poids,  7'',622, 7",5I3,  7'%50(3, 

7",475. 

Sixième  groupe. 

No24.  Disque  convexe. 

I))  Lyre  au  centre  d*un  anneau  ouvert  dont  les  deux  extré- 
mités sont  terminées  par  des  boules.  —  Trouvé  près  d'Hohenèoe. 
Or.  Poids,  7^856. 

N*  25.  Hache  ou  instrument  à  deux  pointes, 

ij)  Point  au  centre  d'un  anneau  ouvert.  —  Or.  Poids,  2*S072. 

N"*  26.  Disque  convexe  orné  d'un  fleuron. 

^  Fleuron  composé  de  deux  spirales  et  d'un  boulon.  Point. 
^  Trouvé  h  Irsching.  Or.  Poids,  7»',6I5,  7",713. 

N*  27.  Élévation  circulaire  avec  point  au  centre. 

ij)  Fleur  à  trois  pétales  et  trois  points.  —  Trouvé  à  Irsching, 
Or.  Poids,  7«',737. 

N*  28.  Disque  en  relief  et  lisse. 

^.  Astre  cruciforme  ou  fleur  à  quatre  pétales.  —  Trouvé  à 
Elwangen.  Poids,  i*',806. 

N*  29.  Disque  lisse. 

ig).  Trois  croissants.  —Trouvé  hAmpfing.  Or. Poids, T*',5I0. 

Septième  grou^tc. 

N*  30.  Disque  en  relief. 

^.  Coquille  avec  rayons;  trouvée  ù  Gagers.  Or. Poids, 7",033, 
l'SOOo,  6",99J,  6",9I8,  6",888,  etc. 


nULLETJN    niBLlOGRAPllIOL'E.  1  4l> 

A  ces  sept  groupes  il  en  faudrait  joindre  un  huitième  composé 
des  monnaies  découvertes  à  Podmokl  et  particulières  à  la  Bo- 
hême. On  pourra  les  trouver  gravées,  assez  imparfaitement  il 
est  vrai,  dans  Touvrage  de  Voigt  intitulé  :  Beschreibung  der  bis- 
her  bekannien  Bôhmischen  Mûnzen  (Prague,  i77i),  aux  pages  47, 
63  et  235  du  premier  volume.  Ces  pièces  ont  leur  importance  ; 
plusieurs  d'entre  elles  (  p.  47,  n***  4  et  6,  p.  63,  n*  i)  sont  de 
luéme  module  et  portent  le  même  type  qu'un  quart  de  statère 
d'or  publié  par  Neumann  (Popul.  et  Reg.  num.  vet.,  T.  I,p.  i40), 
monnaie  sur  laquelle  on  lit  BIAT,  et  qui  par  conséquent  se  rat- 
tache étroitement  aux  tétradrachmes  pannoniens,  postérieurs  à 
ceux  de  Philippe,  offrant  la  légende  BIATEC  (Neumann,  Op, 
iaud.  Tab.  IV,  n'  11.—  Mionnet,  T.  Vï,  p.  717,  n««  2  à  7.  — 
Duchalais,  Descripi.des  méd,  gaul.  Pannon.,  n"*  95  à  98).  Voilà 
déjà  un  premier  indice  chronologique. 

J'en  trouve  un  second  dans  le  rapprochement  que  j'établis 
entre  les  Begenbogen-Schùsselchen  du  second  groupe  (pi.  iV, 
n*  6)  portant  au  revers  de  la  tôte  d'oiseau  la  figure  cruciforme, 
et  un  statère  d'or  de  la  collection  du  comte  Wiczay,  à  Héder- 
war  en  Hongrie  (Mus.  Hederv,  num.  an^,1814.  Tab.  XXX, 
n'  670,  p.  346). 


11  est  facile  de  voir  comment,  par  suite  de  copies  successives, 
la  tête  d'Apollon  des  monnaies  de  Philippe  a  produit  le  type 


i50      •  EtLLETIN    EIBUOGRAFHIQCE. 

singulier  du  sUtère  d^Héderwar,  et  comment  celui  ci  a  donné 
Bûssanœ  à  la  figure  cruciforme  surmontée  d'un  fleuron  qui 
B^esl  qu'un  dernier  reste  tout  à  fkit  incompris  et  régularisé  des 
mèches  de  cliereux  placées  au-dessus  de  Foreille  du  dieu. Com- 
ment une  pareille  transformation  a>t-elle  pu  s'accomplir?  c'est 
ee  qu'une  étude  intime  de  la  numismatique  des  barbares  peut 
senle  faire  comprendre. 

Mais  le  fait  est  évidei^  ;  il  suffit  pour  nons  démontrer  que 
les  Regemboffen-Sckisselckem  qni  se  lient  tontes  les  unes  aux 
antres  par  la  &brk{iie^  par  les  types,  par  la  proTcnance, 
sont  postérieures  aux  statères  de  PiliUppe,  qu'elles  sont  même 
plus  modernes  qne  les  imitations  pannonienne»;  et  si  l'on  admet 
q«e  la  dégénérescence  a  été  un  résultat  de  la  situation  géogra- 
phique aussi  bien  qu^^une  afiaire  de  temps,  on  saisira  parfai- 
tement la  raison  qui  Eût  que  les  Vindélicîens,  et  les  habitants 
de  la  seconde  Rhétie  ont  émis  des  monnaies  dimt  le  type  s'é- 
loigne plus  du  UK>dèle  macé<fonien  que  celui  de  leurs  TOtsins 
orientaux.  D'autres  monnaies  pannoniennes,  un  quart  de  sta- 
tète  d'or^  un  tétradrachme  copié  de  ceux  de  Philippe  (Mus. 
Btderv.  «Mit.  oft/. .  Tàb.  XXX»  n**  6T5,  68T],  offrent  la  tiquetra 
qui  se  remarque  encore  sur  les  pièces  d'or  de  la  Germanie. 

La  tiqnetray  et  Tanimal  symbolique  que  représente  le  statère 
n*  I  (animal  qui  forme  le  type  de  qnekiiies  skeattas  anglo- 
saxons;  Rudiog»  AmudSy  pL  U  n^  3&»36  ;  Lelewel,  type  ^auL^ 
pi.  Xll^  n*  6)>  senrent  de  uioti&  de  décoration  aux  lames 
d^or  qui  recouvrent  le  l)eau  casque  antique  trouvé  à  Anfrerilie 
eoL  Normandie^  donné  au  musée  du  Louvre  par  M.  Biaet.  C'est 
là  on  rapprochement  qui  pourra  être  utile  à  ceux  qui  voudront 
éhKfierles  Regenbogen-Sckàsselchen^ei  qui  concourt  à  montrer 
que  ces  monnaies  ont  été^  comme  Ta  dit  M.  Slreber  dans  son 
livre  si  rempli  de  recherches  érudites,  Eabrtquées  (hnsune  con- 
trée où  la  race  gauloise  avait  été  prépondérante.  Je  ne  suivrai 
pastanleur  dans  le coifimentaire  qu'il  donne  des  <&rerses  fi- 
gures empreintes  sur  les  monnaies  concaves^  me  bornant  à 


HLLLETIN    lUDLIOGRAPUlQUE.  161 

constater  après  lui  que  les  points  qui  paraissent  sur  les  revers 
par  groupes  de  trois,  quatre,  cinq,  six  ne  peuvent  se  rapporter 
à  la  valeur  des  monnaies,  puisqu'on  observe  les  mêmes  combi- 
naisons sur  les  statères  et  sur  leurs  divisions.  Je  crois  qu'à  pro- 
pos du  collier  hémicirculaire  ou  torques  qui  figure  sur  un  si 
grand  nombre  de  ces  pièces,  et  qui  par  son  analogie  avec  la 
forme  de  Tarc-en-ciel  a  contribué  à  accréditer  leur  nom  popu- 
laire, il  serait  bon  do  rappeler  une  monnaie  d  argent  publiée 
par  Lelewel  {Type  gauL ,  pi.  VI,  n©  25  ;  —  Bev.  arch.^  1844, 
p.  123),  monnaie  sur  laquelle  on  voit,  dans  une  couronne  de 
feuillage  tout  à  fait  semblable  à  celle  des  liegenbogen-Schûssel- 
cheriy  un  personnage  tenant  uu  torques.  C'est  un  monument  à 
ajouter  à  la  série  vindélicienne.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  récla- 
mons dès  à  présent  de  Tauteur  du  premier  Manuel  de  numis- 
matique ancienne  qui  sera  publié  une  place  pour  les  monnaies 
des  Pannoniens,  des  Boii  de  la  Bohême,  des  Vindéliciens  et  des 
Salasses.  C'est  un  accroissement  de  richesses  auquel  M.  Frantz 
Streber  aura  puissamment  contribué. 

Ad.    de   LOKGPÉRIBR. 


CHRONtOUE. 


M.  Tablé  Cavedoni  {Revue,  1861,  p.  483)  a  émis  des  doutes 
sur  raulhcnlicilé  d'une  rare  médaille  frappée  k  Apamée  de 
Bithynie,  et  portant  les  bustes  et  les  noms  des  trois  sœurs  de 
Caligula,  Julie,  Drusille  et  Agrippine.  Au  revers,  on  voit 
Agnppine,  leur  mère,  assise,  à  gauche.  Cette  médaille ,  exces- 
sivement rare,  et  dont  M.  Coben  ne  connaissait  qu'un  seul 
exemplaire  conservé  au  Musée  Britannique ,  a  été  gravée  dans 
i'ouvrage  sur  les  Monnaies  impériales  romaines ,  t.  l ,  pi.  IX,  et 
décrite  à  la  page  155. 

Jeviensd'en  voir  un  second  exemplaire  parfaitement  authen- 
tique dans  les  riches  cartons  de  MM-  Rollin  et  Feuardent,  et  je 
crois  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'avoir  de  doutes  quant  à  l'antiquité 
de  la  médaille  conservée  au  Musée  Britannique,  quoique  la 
couleur  de  la  patine  Tait  fait  suspecter  par  quelques  nu- 
mismatistes.  (J.  W.) 

MONNAIES  D'OR  DU  XVI«  SIÈCLE 

TROUVÉES  A   HOUDETOT    (sEIWE-INFÉRIEURE  )    EN    1802. 

Le  18  avril  1862,  trois  ouvriers  travaillant  dans  une  ferme  de 
la  commune  de  Houdetot  (canton  de  Fontaine-le-Dun,  Seine- 
Inférieure)  ont  trouvé,  à  une  légère  profondeur  du  sol,  trois 
écus  d'or  du  xvi"  siècle,  parfaitement  conservés.  Deux  de  ces 
pièces  étaient  de  François  !•',  et  offraient  entre  les  bras  des 
croix,  Tune  deux  FF.  couronnés;  l'autre  deux  FF.  non  cou- 
ronnés et  deux  fleurs  de  lis.  La  troisième  pièce  était  de  Henri  \\\ , 
au  millésime  de  1578.  Ces  trois  belles  monnaies  ont  été  ache- 
tées par  M.  le  curé  de  Fontaine-le  Dun,  qui  les  a  placées  dans 
sa  petite  collection. 

Le  2  mai  suivant,  les  mêmes  ouvriers  ont  encore  rencontré, 
au  môme  endroit,  un  écu  d'or  de  Charles  IX,  à  la  date  de  1562 
et  une  pistole  d'Espagne  de  Philippe  II. 

Ces  nouvelles  pièces  ont  encore  été  acquises  par  M.  le  doyen 
de  Fontaine.  L'îibbé  Cochet. 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


LETTRES  A  M.  A.  DE  L0N6PÉRIER 
LA  NUMISMATIQUE  GAULOISE. 

Treizîôme  article.  —  Voir  Bévue,  1862,  p.  325. 

(PI.  VI.) 


XVII. 

Gaule  narbonnaise. 
Mon  cher  Adrien , 

J'ai  longtemps  gardé  le  silence  avec  toi,  parce  que,  d'tin 
côté,  j'avais  de  sérieux  sujets  de  préoccupations  toutes 
différentes,  et  que,  de  Vautre,  je  n'étais  pas  fâché  de 
réunir  le  plus  de  nouveautés  possible ,  avant  de  reprendre 
notre  correspondance  sur  la  numismatique  gauloise.  Je 
reviens  donc  avec  bonheur  à  nos  causeries,  et  je  commen- 
cerai par  te  communiquer  certaines  petites  découvertes  qui 
me  paraissent  jeter  une  lumière  toute  nouvelle  sur  l'his- 
toire monétaire  de  Marseille  et  des  villes  sur  lesquelles, 
glorieuse  métropole ,  elle  avait  étendu  sa  suprématie. 

Je  n  id  pas  besoin  de  te  rappeler  ici  les  magnifiques  pièces 

186S.—  3.  H 


ibi  MÉMOIRES 

que  notre  très-regretté  ami  M.  le  marquis  de  Lagoy  a  le 
premier  fait  connaître  au  monde  savant.  Leur  apparition 
fut  une  véritable  révélation,  et  de  ce  qu'il  existait  des  mon- 
naies de  Glanum  et  des  Caenicenses ,  on  était  pour  ainsi 
dire  en  droit  de  conclure  qu'en  cherchant  bien  on  trouve- 
rait des  monuments  analogues  dans  les  diverses  séries 
monétaires  jusqu'ici  appliquées  en  masse  aux  Massaliètes. 

C'est  encore  à  Itf .  de  Lagey  que  nous  devons  la  connais- 
sance des  monnaies  des  Sam  nagé  tes  et  des  Tricorii.  Notre 
cher  la  Saussaye  nous  a  fait  connaître  la  rare  monnaie  des 
Ségoviens  ou  des  Ségobriges  à  la  légende  CGrOBI  ' .  Enfin 
M.  Hucher  a  proposé  de  reconnaître  dans  une  petite  pièce 
de  cuivre  le  nom  d'Atbénopolis  *  ;  probablement  il  a  raison  ; 
mais  cette  attribution  a  besoin  encore  de  confirmation,  et 
je  ne  doute  pas  que  quelque  trouvaille  heureuse  ne  vienne 
un  jour  lui  fournir  un  excellent  argument  de  plus  dans  la 
présence  de  lettres  grecques  plus  correctement  dessinées. 
Je  n'ose  te  parler  de  la  pièce  des  Anaiilii,  dont  la  lecture 
et  l'attribution  me  semblent  un  peu  hasardées  '. 

Je  résume  donc  ainsi  qu'il  suit  le  catalogue  des  mon- 
naies des  Massaliètes  ou  des  villes  qui  ont  emprunté  ou 
8ul|i  le  tjfpe  mofiétaire  des  Massaliètes  : 

Massaliètes.  Tricoriens . 

Gkftkliies; .  Ségobiens. 

Samnagenses.  Avenio  ? 
Gsninçnses. 

>  Nfm,  de  la  Gaule  narbonn,,  p.  121.»  Cf.  Lelewei,  Type  gauMe,  p.  116.-» 
L'attribution  de  cette  pièce  aux  Ségobriges  npparlient  à  M.  Feantrier.  Vot. 
BêWê  numiem.f  V*  série,  1842,  p.  5. 

*  BetuânMniem.,  1**  série,  1865,  p.  322. 

s  Revue  muniMi.,  {'•  série,  1847,  p.  S97. 


ET    DI?;S£RTAtlO:SS.  Iftfi 

Dans  la  Cisalpine  : 

Ricomagenses.  \ 

Libecî.  î       Ligures. 

Ojiybii.  ) 

11  y  a  déjà  plus  de  vingt  ans  que  la  Saussaye,  à  propw 
de  ces  monnaies  au  type  marseillais  des  Libeci  et  des  Ri- 
comagenses, déclarait  qu'nne  provenance  habituelle  bien 
constatée  pourrait  seule  mettre  sur  la  voie  pour  arriver 
à  l'attribution  certaine  de  ces  imitations. 

Aujourd'hui  le  doute  n'est  plus  permis.  C'est  par  cen- 
talMs  <pie  ces  monnaies  se  trouvent  dans  la  Cisalpine  ; 
elles  se  ftucMtrent  très-fréquemment  aussi  dans  la  Suisse 
méridionale;  eu  Provence,  jamais;  ou  du  moins  je  n'en 
connais  pas  une  seule  provenance  certaine. 

Voilà  qui  est  donc  indubitable  et  incontestable  aujour- 
d'hui: les  monnaies  des  Libeci,  des  Ricomagenses  et  ded 
Qzybii  reviennent  de  plein  droit  à  la  Cisalpine. 

Quant  aux  Tricorii  et  aux  Segobii,  j'ai  bien  de  la  peine 
à  croire  que  ces  monnaies  aient  été  frappées  par  des  peu- 
plades qui  n'étaient  pas  dans  le  voisinage  immédiat  des 
Massaliètes.  Ainsi  les  Tricorii  des  médailles  ne  peuvent,  à 
mon  avis  du  moins,  être  une  peuplade  montagnarde  placée 
dans  la  vallée  du  Drac,  entre  Gap  et  Grenoble.  Numismati- 
quemèût  parlant,  c'est  impossible;  mais  si  nous  recou- 
rons à  Pline ,  âous  trouvons  les  Tricorii  placée  dans  le 
voisinage  de  la  Méditerranée,  fort  près  de  Marseille,  et 
alors  je  vois  un  accord  des  plus  satisfaisants  entre  les 
faits  numismatiques  et  l'assertion  du  grand  naturaliste. 
De  même  pour  le  C€rOBI ,  je  ne  puis  pas  plus  facilement 
admettre  que  pareille  monnaie  ait  été  frappée  par  une 
peuplade  des  montagnes  qui  constituaient  le  royaume  de 


1 56  MÉMOIRES 

Donnus,  auquel  son  fils  et  successeur  Cottius  transmit  le 
nom  d'Alpes  Cottiennes.  Tout  bien  considéré,  je  préfère  de 
beaucoup  T attribution  aux  Ségobriges  des  environs  de 
Marseille. 

Poursuivons  notre  récension  rapide  des  monnaies  frap- 
pées aux  types  massaliètes. 

Si  dans  la  suite  si  riche  de  ces  monnaies  il  y  en  a  des 
centaines,  j'allais  dire  des  milliers  qui  doivent  rester  sans 
conteste  à  Marseille ,  il  y  en  a  d'autres  aussi  qui  me  pa- 
raissent devoir  être  distraites  du  bagage  numismatique  de 
rillustre  métropole  phocéenne.  Mais  je  ne  m'occuperai  pas 
cette  fois  de  faire  cette  distribution,  qui  demandera  une 
étude  des  plus  sérieuses,  étude  que  je  compte  bien  faire 
incessamment,  et  dont  je  te  donnerai  au  plus  vite  les  résul- 
tats. 11  me  suffira  aujourd'hui  de  te  dire  que  parmi  les 
I)etites  oboles  à  la  roue,  il  y  eu  a  qui  peuvent  et  doivent 
être  probablement  attribuées  à  lléracléa  Caccabaiia  \  et  à 
Tauroentum.  Ce  que  je  me  suis  proposé  en  t' adressant 
cette  lettre ,  c'est  de  rectifier  quelques  lectures  adoptées, 
et  que  l'inspection  d'exemplaires  meilleurs  que  ceux  qui 
avaient  fourni  ces  lectures  nous  force  aujourd'hui  d'aban- 
donner. 

Samnagétcs. 

Tu  te  rappelles  comment  on  a  lu  jusqu'ici  la  légende  qui 
accompagné  là  tête  des  rares  monnaies  dont  il  s'agit.  Voici 
ce  qu'en  dit  la  Saussaye  {Num.  de  la  Gauk  nar6.,p.  100). 

«  M.  de  Lagoy  nous  fournit  une  heureuse  explication  de 
la  légende  placée  du  côté  de  la  tête  d'Apollon,  ACTIKO, 

•  C'est  ainsi  que  »ur  l'oboîe  sur  laquelle  on  a  lu  ArAA,  il  y  a  en  réalitii 
IIPAK  ;  ce  qui  laî?^p  bien  pou  de  doutes  sur  la  véritable  origine  de  la  monnaie 
^ui  porte  ce  nom. 


ET   mSSKRTAT10^S.  167 

^Ifuis  doute  pour  À'7?(xd>,  à  celui  qui  habile  dans  la  ville^ 
en  supposant  que  «  les  Saninages  pouvaient  avoir  attribué 
«  ce  surnom  à  Apollon  considéré  comme  protecteur  rési- 
ti  dant  dans  leur  métropole,  qui  devait  être  pour  eux  la 
ti  ville  par  excellence.  » 

H  y  a  contre  cette  explication  deux  grosses  difficultés  ; 
la  première  c'est  qu'il  n'y  a  pas  de  tête  d'Apollon  sur  la 
pièce  en  question ,  la  deuxième  c'est  fju'on  n'y  lit  pas  non 
plus  la  légende  ACTIKO, 

Deux  magnifiques  exemplaires  de  cette  rai'e  monnaie,  se 
complétant  l'nti  l'autre  h  mer\'eille,  reposent  dans  mes 
tiroirs.  Tous  les  deux  pioviennent  de  Bany,  près  Bolène 
(Vaucluse).  La  têtedti  droit  est  bien  celle  de  Cérès,  comme 
sur  les  analogues  des  Massaliètes,  et  la  légende  entière 
est  1.  KAAA.  KACriAO,  c'est-à-dire  Gains  Claudius  Cas- 
gilus  (pi.  VI,  n***  1  et  2).  Nous  perdons  une  légende  divine 
d'Apollon,  mais  nous  gagnons  une  légende  nominale  qui 
nous  fait  connaître  un  personnage  gaulois  affilié  à  la  gens 
Claudia,  et  qui  fut  à  la  tête  de  la  cité  des  Samnagètes.  Je 
ne  puis  donc  me  décider  à  regretter  l'interprétation  de 
M.  de  Lagoy. 

La  Ciolat. 

Voici  maintenant  une  attribution  un  peu  hardie  que  je 
te  soumets,  mon  cher  Adrien ,  en  te  la  livrant  pieds  et 
poings  liés.  Fais-en  à  ton  plaisir,  et  si  tu  trouves  mieux, 
rectifies  mon  hypothèse. 

Tai  acquis  une  jolie  pièce  de  cuivre  au  type  purement 
massaliète,  provenant  de  Barry,  près  Bolène,  et  offrant  au 
revers  une  double  légende  ainsi  composée  :  au-dessus  du 
taureau  comupè te  M  A22AA. ..;  à  l'exergue HAIKI. ..  Je  com- 
plète ainsi  cette  légende,  MA2ZAAIHTnN  HAlKIflTflN, 


1(6  MÉMOIRES 

des  Massaliètes  contemporains  (de  la  ville  fondée  par  eux, 
ou  Frères?)  (pi.  VI,  n*  3).  Quel  que  soit  celui  de  ces  deux 
sens  que  nous  adoptions,  l'attribution  de  la  pièce  en  ques- 
tion me  paraît  couler  de  soi.  En  effet  la  légende  rappelle 
immédiatement  la  Ciotat;  bien  qu'à  quelques  lieues  de  la 
métropole,  la  Ciotat  n'est  à  vrai  dire  qu'un  arsenal  maritime 
des  Marseillais  ;  est  il  possible  que  jamais  cette  bourgade  ait 
reçu  le  nom  de  Civitas,  la  Ciotat  ?  Je  ne  le  crois  guère  ;  mais 
ce  que  je  crois,  c'est  que  parmi  tant  de  mots  grecs  restés 
dans  le  patois  provençal  \  le  surnom  IIAlKUïrAl  se  soit 
également  conservé ,  et  soit  devenu  l'origine  du  nom  mo- 
derne de  la  Ciotat.  Le  Citharista  Portus  de  l'Itinéraire  Ma- 
ritime est-il  la  Ciotat?  C'est  fort  probable;  mais  il  a  dû 
prendre  son  nom  d'une  bourgade  ou  petite  ville  voisine 
dont  il  n'était  que  le  port ,  et  qui  nous  est  indubitablement 
représentée  par  le  Crest. 

Le  Crest. 

J'attribue,  sauf  meilleur  avis,  à  cette  importante  localité 
de  rares  monnaies  de  cuivre  au  type  marseillais  que  j'ai 
vues  pour  la  première  fois  dans  les  cartons  de  M.  Ricard,  de 
Montpellier.  J'attends  et  j'attendrai  trop  longtemps  encore, 
je  le  crains,  les  empreintes  qu'il  a  bien  voulu  me  promettre 
des  deux  beaux  exemplaires  qu'il  possède  de  cette  monnaie, 
pour  ne  pas  me  décider  à  publier  celui  bien  moins  complet 
qui  est  dans  mes  cartons  (pi.  VI,  n""  A)  ;  la  tète  est  d'assez 
singulier  style,  et  à  coup  sûr  ce  n'est  pas  celle  de  Cérès  ; 
au  revers  nous  lisons  KP1S2...,  légende  que,  sauf  plus 
ample  informé  Je  suis  tenté  de  lire  KPI220T(2N,  et  d'at- 

>  Comme  o»iiitt«ou,  oorbeUle,  panier,  «t  tant  d'autres. 


ET   DISSERTATIONS.  160 

tribuer  aux  habitants  du  Crest.  Les  exemplaires  de  M.  Ri- 
card proviennent  de  Murviel,  près  Saint-Georges  (Hérault). 
Le  mien  provient  de  Barry,  près  Bolène  (  Vaucluse). 

ÀrUi?? 

Y  aurait-il  grand  inconvénient  à  donner  à  Arles  la  pièce 
qui,  au-dessus  du  taureau  cornupète,  porte  le  très-grand 
monogramme  AP  (pi.  VI ,  n* 6 )  ?  Je  ne  le  pense  pas ,  c'est 
pourquoi  je  te  propose  d'examiner  ce  projet  d'attribution. 

Orange. 

Voici  encore  une  curieuse  pièce  qui  mérite  d'être  étudiée 
avec  soin.  Elle  a  été  déterrée  à  Orange  même ,  où  je  l'ai 
acquise.  Au-dessus  du  taureau  comupète  on  lit  :  AOPA;  et 
je  l'avoue,  je  suis  bien  tenté,  malgré  la  forme  Arausio,  du 
nom  antique  de  la  ville,  de  voir  Arausio  dans  AOPA,  d'au- 
tant plus  que  dans  le  moyen  âge  ce  nom  s'est  représenté 
avec  la  forme  initiale  AVRA....  au  lieu  de  ARAV....  (pL  VI, 
n*6). 

Je  termine  cette  lettre  déjà  bien  longue,  mon  cher 
Adrien,  en  appelant  toute  ton  attention  sur  les  deux  pièces 
au  type  marseillais  qui  complètent  la  planche  (n**  7  et  8). 
L'une ,  celle  qui  porte  un  trou  énorme  si  malencontreuse- 
ment placé ,  est-elle  frappée  en  Provence?  Je  ne  sais  trop  ; 
si  oui  elle  pourrait  bien  être  d'AFAGA ,  Agde.  L'autre  est 
encore  lettre  close  pour  moi,  grâce  à  ce  que  le  commence- 
ment de  la  légende  est  tronqué.  Si  tu  peux  deviner  l'ori- 
gine de  ces  deux  pièces,  tu  me  rendras  bien  service. 

Tout  à  toi  de  cœur.  F.  de  Saulgv 


169 


MÉMOIBE» 


NOTE 

SUR  LA  TERMINAISON  OS  DANS  LES  LÉGENDES 
DE  QUELQUES  MONNAIES  GAULOISES. 


Les  antiquaires  qui  se  livrent  à  l'étude  des  monnaies 
gauloises  ont  remarqué  la  forme  donnée  sur  ces  monu- 
ments aux  noms  de  la  seconde  déclinaison,  tels  que  : 


ABVDOS. 

ALABRODIIOS. 

ANDECOMBOS. 

AREMACIOS. 

ARIVOS. 

ATEPILOS. 

ATISIOS. 

AVLERCOS. 

AVSCROGOS. 

BELINOS. 

BIRACOS. 

BODVOS. 

BPIINOS. 

BRIGIOS. 

GABALLOS. 

GARSICIOS. 

CATTOS. 

GISIAMBOS. 


COBROLOMAROS. 

COIOS. 

COMMIOS  et  COMIOS. 

CONTOVIOS.; 

DIARILOS. 

DIASVLOS. 

DVRNACOS. 

EBVROVIGOS. 

ECGAIOS. 

EPENOS. 

EPILLOS. 

GIAMILOS. 

IVLIOS. 

LITAVIGOS. 

LVGIOS. 

LVXTIIRIOS. 

MATVGENOS. 

NONNOS. 


ET   DISSERTATIONS. 

PICTILOS. 

TATINOS. 

PIXTILOS. 

TRICCOS, 

RATVMAGOS. 

TVRONOS. 

REMOS. 

VANDIILOS, 

SANTONOS, 

VDIOS. 

SIMISSOS  PVBLICOS. 

VERICOS. 

SOLLOS. 

VIRKDISOS. 

STRATOS. 

vmos. 

SVTICOS. 

VLATOS. 

TASGIITIOS. 

161 


Cette  forme  diiïérente  de  celle  que  la  grammaire  clas- 
sique nous  enseigne  les  a  frappés,  et  ils  ont  pensé  que  la 
terminaison  OS  était  gauloise ,  qu  elle  avait  une  origine 
celtique.  C*est  là  une  opinion  qu'on  entend  souvent  émettre , 
mais  elle  n'est  pas  fondée  ;  la  terminaison  OS  est  ita- 
liote  aussi  bien  que  gauloise  :  elle  appartient  essentielle- 
ment à  la  vieille  orthographe  latine,  et  elle  a  été  portée  en 
Afrique,  en  Asie,  comme  dans  les  Gaules.  La  terminaison 
OS  a  précédé  VS,  et  a  survécu  à  l'adoption  presque  géné- 
rale de  cette  seconde  forme.  Il  y  a  chez  tous  les  peuples 
un  temps  où  l'orthographe  demeure  flottante,  et  où  l'o- 
reille sert  principalement  de  guide.  Or  le  V  et  l'O  ont  été 
pour  les  vieux  Romains  deux  lettres  tellement  analogues, 
([u'ils  les  ont  échangées  avec  une  exti'ème  facilité  soit  h, 
l'intérieur  des  mots ,  soit  à  la  fin.  En  anglais,  le  pronom 
pei*sonnel  us  et  la  terminaison  des  noms  propres ,  tels  que 
Vûrgilius,  Tacitus,  Fabius,  ont  un  son  qui  tient  beaucoup 
de  rO  très-bref.  11  en  était  évidemment  de  même  en  Italie, 
où  nous  voyons  par  la  quantité  prosodique  que  l'VS  de  la 
seconde  déclinaison  était  bref;  c'est  à  la  faveur  de  cette 
ressemblance  que  le  V  s'est  introduit  là  où  le  cnractëre  0 


Mi  MÉMOIRES 

avait  d'abord  été  employé.  Cependant  dans  les  langues 
néolatines,  telles  que  l'italien ,  l'espagnol,  l6  portugais, 
ro  a  conservé  sa  prépondérance.  Cela  paraît  être  un  effet 
assez  naturel  de  la  réaction  des  provinces  gardant  tradi- 
tionnellement les  vieilles  formes  alors  que  la  métropole 
les  a  abandonnées.  11  est  facile  de  voir  par  la  figure  des 
caractères  que  portent  les  plus  anciennes  monnaies  épigra- 
phiques  de  la  Gaule  (tels  sont  les  ^,  les  P  (P),  les  II  (E), 
les  r  (F) ,  les  G  (G)  ) ,  par  l'emploi  d'un  seul  caractère  pour 
représenter  les  consonnes  doubles,  par  l'usage  de  TV  pour 
exprimer  la  syllabe  VU,  par  l'addition  d'un  S  après  TX,  que 
les  Gaulois  ont  appris  à  écrire  pendant  leui-s  campagnes  d'I- 
talie aux  IV*  et  III*  siècles  avant  notre  ère.  Ils  ont  rapporté 
chez  eux  toutes  les  habitudes  de  l'orthographe  latine ,  et  les 
ont  ensuite  conservées  avec  l'alphabet  que  Rome  laissait  tom- 
ber en  désuétude.  C'est  ainsi  qu'au  Canada  on  parle  de  nos 
jours  encore  la  langue  du  siècle  de  Louis  XIV,  qui  bientôt 
malheureusement  aura  chez  nous  besoin  d'interprètes. 

Voyons  comment,  à  Rome  même,  on  écrivait  au  m*  siècle 
avant  Jésus-Christ.  Lisons  sur  le  tombeau  de  Lucius  Cor- 
nélius Scipion  :  HONG  OINO  PLOIRVME  COSENTIONT 
R[omaî]  DVONORO  OPTVMO  FVISE  VIRO  LVCIOM  SCI  - 
PIONE.  FILIOS  BARBATI  CONSOL,  etc.  (Hnnc  unum  p/u- 
ritni  consendunt  Pomœ  bonorum  optimum  fuisse  virum  Lu- 
cium  Scipionem.  Filius  Barbait^  consul. ,  etc.  )  ;  passons  à 
la  célèbre  inscription  de  la  colonne  rostrale,  et  remarquons 
que  Caius  Duillius  reçoit  le  titi-e  de  MAXIMOS  MACISTRA- 
TOS  ;  nous  trouverons  encore  dans  ce  texte  EXFOGIONT 
(exfugiunt),  NAVEBOS,  CONSOL,  PRIMOS,  ARCENTOM 
CAPTOM,  POPLOM,  etc.  Vient  ensuite  Tépitaphe  d'un  autre 
Scipion  dans  laquelle  on  lit  : ... .  MORTVOS.  PATER  REGEM 
ANTIOCO  SVBEGIT. 


ET  DISSERTATIONS.  16S 

Quoi  de  plus  connu  que  la  belle  ciste  du  musée  Kircher, 
qui  nous  montre  une  signature  d'artiste  suivie  d'une  dédi- 
cace :  NOVIOS  PLAVTIOS  MED  ROMAI  FECID  — DINDIA 
MACOLNIA  FILEA  DEDIT.  Une  autre  dédicace,  tout  aussi 
souvent  reproduite,  est  ainsi  conçue  :  M.MINDIOS.L.FI.P. 
CONDETIOS.VA.fi  AIDILES  VICESMA  PARTI  APOLONES 
DEDERl.  11  faut  placer  à  côlé  :  G.PLACEi\TIOS.HER.F. 
HARTE.SACROM;  et  celle-ci,  copiée  sur  une  plaque  de 
bronze  découverte  à  Spolète  :  A  APRVNNIVS.L.AORELIVS. 
FAGIONDAM  DEDERONT  *.  Les  deux  lettres  0  et  V  s'y 
montrent ,  tandis  que  TO  règne  encore  seul  dans  cette 
autre,  relevée  sur  une  lame  de  plomb  de  Florence  :  PL. 
SPECIOS  MENERVAI.DONOM.PORT.  Nous  extrayons  d'une 
inscription  de  Vénusia  cette  phrase  :  AVT  SACROM  AVT 
POVBLICOM  ESE;  une  autre  bien  brève,  recueillie  à  Pri- 
vemum,  APPIOS  CONSOL,  fournit  le  nom  d'un  membre  de 
la  famille  Claudia  du  ni'  siècle. 

Dans  les  lois  de  Numa,  De  opimis  spoliis  et  De  terminit^ 
on  lit  encore  :  CAPIVNTOR  et  TERMINOM,  bien  que  nous 
n'ayons  pas  le  texte  primitif  Dans  la  loi  Thoria  nous  rele- 
vons :  NEIVE  IS  AGER  COMPASCVOS  ESTO,  et  sur  la  table 
de  bronze  portant  le  décret  de  délimitation  entre  les  Gé- 
nuates  et  les  Veituriens ,  où  se  retrouve  ce  passage  :  QVEI 
AGER  COMPASCVOS  ERIT,  on  remarque  ces  mots  :  INDE 
DEORSVM  IN  FLOVIOM  PORCOBERAM  VBEl  CONFLOVONT 
FLOVI  EDVS  ET  PORCOBERA. 

Sur  un  miroir  gravé  du  musée  de  Berlin ,  les  figures  de 
Mercure  et  de  Paris  sont  accompagnées  du  nom  de  ces  per- 
sonnages :  MIRQVRIOS  et  ÂLIXENTROM.  Sur  un  ustensile 

^  On  ft  TQ  pins  hant,  p.  159,  la  monnaie  massaliote  sur  laquelle  M.  de  Saulcy 
a  In  le  nom  do  lîeu  AOPA ,  qui  oflfre  une  permutation  de  voyelle  îdentiquo 
à  celle  qui  se  remarque  dans  AORELIVS. 


16A  MÉMOIRES 

de  même  espèce  conservé  au  collège  romain ,  PoUux  et  la 
Lune  sont  désignés  par  les  noms  POLOCES,  LOSNA.  Deux 
autres  miroirs  appartenant  au  musée  du  Louvre,  nous 
montrent  l'image  de  la  déesse  VËNOS. 

Rappellerai-je  ici  tous  ces  vases  à  légendes  latines  sur 
lesquels  on  lit  :  SAIITVRNI  POCOLOM,  —  VOLCANI  POCO- 
LOxM,  —  SALVTES  POCOLOM,  — BELO LAI  POCOLOM,  etc.  ; 
qui  ne  connaît  au  moins  une  des  dix  variantes  qui  ont  été 
publiées? 

Je  n'ai  voulu  produire  que  des  textes  d'une  antiquité 
respectable,  et  d'ailleurs  quelques  exemples  suffisent  pour 
donner  une  idée  précise  de  tous  ceux  qu'on  puise  dans  les 
recueils  épigraphiques.  Je  m'arrête  donc,  et  aussi  bien  ai- 
je  à  répondre  d'avance  à  une  objection  qui  pourrait  m'être 
adressée.  «Les  textes  que  vous  citez,  me  dirait-on,  con- 
statent des  fautes  d'orthographe,  » 

On  remarquera  d'abord  que  je  les  emprunte  à  des  mo- 
numents publics,  à  des  épitapbes  de  très-grands  person- 
nages, à  des  lois.  On  ne  prétendra  pas  du  moins  que  ce 
sont  des  Gaulois  qui  ont  été  chargés  de  tracer  des  inscrip- 
tions en  l'honneur  des  Duillius,  des  Claudius,  des  Soi- 
pions. 

Mais  je  vais  appeler  en  témoignage  les  grammairiens 
de  l'antiquité,  et  personne  ne  refusera  d'admettre  leur 
déposition. 

Quintilien  d'abord  :  «Quare  minus  mirum,  si  in  vetustis 
operibus  Urbîs  nostrœ  et  celebribus  templis  legantur 
Alexanter  et  Cassantra.  Quid  0  atque  V  permutatœ  invi- 
cem?  ut  Hecoha  et  nofnop,  Culchides  et  Pulixena  scribun- 
tur  ;  ac,  ne  in  grœcis  id  tantum  notetur,  dederonl  et  pro- 
baverovt.yy 


ET   DISSERTATIONS.  165 

Cl Nostri  praeceplores  cefvtm  sirvowque^  V  et  0 

literis  scripserun  t  \  » 

Puis  viendra  Priscien  :  «  Y  quoque  multis  Italiœ  populis 
in  usu  non  erat,  sed  e  contrario  utebantur  0.  Unde  Roma- 
tioriim  quoque  vel%A$lmimi^  in  multis  dictiouibus  loco  ejus 
0  posuisse  inveniuntur,  pobUcum  pro  publicum ,  quod  tes- 
tatur  Papyrianus  de  ortliographia,  poUhrum  pro  pulcbruui, 
cofpam  pro  culpam  dicenles,  et  Hercolem  pro  Herculem;  et 
maxime  digamma  antécédente  hoc  faciebant,  ut  serves  pro 
servus,  volgus  pro  vulgus,  Davos  pro  Davus  *.  » 

A  son  tour  Velius  Longus  :  «  Apud  nos  quoque  antiqui 
ostendunt,  quia  œque  confusas  0  et  V  literas  habuere;  nam 
consol  scribebant  per  0,  cum  legerelur  per  V  consul.  Unde 
in  multis  etiam  nominibus  variœ  sunt  scripturse  ut  fontes, 
funtes  ;  frondes,  frundes  *.  » 

Marius  Victorinus  dit  aussi  :  ci  0  non  solum  pro  brevi  et 
longa;  sed  etiam  pro  V  poni,  ut  pro  populus,  ibi  jpopolus  : 
et  ubi  piaculum,  ibi  piacolum  :  sic  et  pro  huic  hoic  :  pro 
funus  fotiuSy  item  alia  multa  \  » 

Enfin  le  savant  Cassiodore  :  «  Nec  mirum  est  veteres  V 
littera  pro  0  usos,  nam  et  0  pro  V  usi  sunt.  PobUcum 
enim  quod  nos  publicum ,  et  quod  nos  culpam,  illi  colpam 
dixerunt  *.  » 

On  ne  s'étonnera  pas  maintenant  de  trouver  sur  les  mon- 
naies de  Leptis  minor  et  d'AchuUa,  villes  africaines  :  DIVOS 
I VLIVS  ;  sur  celles  de  Béry  te  de  Pbénicie  :  DIVOS  AVG VSTVS  ; 


>  Quiatiliani  Inst,  oral.,  lib.  I,  cap.  IV  et  Vil. 

•  PrisciaDÎ  Gramm.  Cœsariens.,  lib.  1,  rf«  voce,  édit  de  Bâle,  1645,  p.  21.  — 
Édit.  PuUcb,  1605,  col.  554. 

>  Tel.  Longi  De  orthographiai  édit.  Putsch,  col.  2216. 

*  Mar.  Victorini  De  orthogr.,  édit.  Putsch,  col.  2468. 
»  Ca»siodori  De  orthogr,,  édit   Putsch,  col.  2289. 


105  MÉMOIRES 

sur  celles  de  Ptolémaïâ  de  Galilée  :  DIVOS  CLAVD;  tout 
comQ\e  on  voit  DIVOS  TRAIANVS  dans  une  inscription 
de  Macerata«  Cette  alliance  du  mot  divos  avec  un  nom 
propre  tenniaé  en  us  a  une  raison  d*être.  Divos  étant 
BSk  tim  sacré  àenk  se  perpétoer  dass  sa.  vieille  forose  S 
el  rO  précédé  du  digamma,  ou  de  ce  qve  new 
mons  un  Y  consonne,  avait  plus  de  chance  de  durée,^! 
que  nous  le  fait  entendre  Priscien  dans  le  passage  cité  plu» 
haut.  Aussi  observons-nous  dans  diverses  inscriptions  : 
C.  PLIMVS  GALVOS,  —  AVRELIVS  CALVOS,  —  G.  GORNE- 
LIVS  GALVOS.  VIVOS.SIRI,— G  RVSTIVS  FLAVOS,  de  même 
que  nous  trouvons  assez  souvent  DVOMVIR.  Le  digamma 
y  était  pour  beaucoup,  sans  doute;  mais  le  surnom  de 
famille  avec  son  antique  orthographe  avait  une  apparence 
aristocratique  qui  protégeait  la  voyelle  0.  G'est  ainsi  que 
le  titre  GONSOL,  dans  lequel  le  digamma  n*a  aucun  rôle 
survécut  au  naufrage  de  la  terminaison  OS*. 

La  tradition  s* abrite  toujours  derrière  les  choses  saintes  ; 
aussi  tant  qu'il  a  existé  des  frères  Arvales,  on  a  prononcé 
ces  paroles  liturgiques  :  SEMVNIS  ALTERNEI  ADVOGAPIT 
CONGTOS. 

On  le  comprend,  dans  tout  cela  la  Gaule  et  ses  coutumes 
particulières  n'ont  rien  à  prétendre. 

Nos  ancêtres  se  conformaient  encore  à  l'usage  de  Rome 
lorsqu'ils  écrivaient  VERGINGETORIXS.  Je  ne  rapporterai 
pas  ici  tous  les  exemples  des  mots  LEXS,  PAXS,  FELIXS, 


•  Voy.  le  mot  ditos  dans  Vairon,  De  ling.  lat.^  lib.  V,  66. 

*  Sar  les  monnaies  des  familles  romaines  on  conserve  aux  snmoms  lenr 
forme  antique,  qui  avait  une  apparence  plus  noble.  Publicius  est  écrit 
Pobliciuê;  on  voit  reparaître  sous  Auguste  Plotius ,  qui  avait  été  écrit  Phitius, 
et  nous  trouvons  encore  sous  la  forme  Accoltiuê  le  nom  que  Yarron  écrit  Ac- 
calciuA,  De  ling,  lat.^  lib.  VT,  23, 


ET   DISSERTATIONS.  IÔ7 

ALEXSANDER,  GONIVNXS  et  CONIVNCXS,  MAXSIMVS, 
DEXSONIA,PROXSlMVS,SAXSVM,etc.,  que  nous  offrent 
les  inscriptions  et  les  médailles  latines;  mais  je  reviens  au 
sujet  principal  de  cette  note.  Si  l'on  remarque  dans  les 
célèbres  tables  de  Claude  DIVOM  IVLIVM,  ce  n*est  pas 
parce  que  le  texte  qu  elles  portent  a  été  gravé  à  Lyon,  mais 
parce  qu'il  est  écrit  en  latin.  11  ne  faut  donc  pas  attribuer 
à  la  Gaule ,  comme  on  Ta  fait  quelquefois,  la  monnaie  de 
bronze  sans  nom  de  lieu  qui  a  pour  type  la  tète  de  Met 
César  avec  la  légende  DIVOS  IVLIVS ,  pièce  dont  le  style 
est  complément  étranger  à  notre  pays. 

Les  Gaulois,  tout  en  gardant  assez  fidèlement  le  mode 
d'écriture  qu'ils  avaient  apprâr  eo  Italie,  n'en  firent  pas 
moins  des  concessions  à  Ymstge  romain  nouveau  ;  et  nous 
voyons  sur  leurs  nonBues  la  temûnaison  en  VS  dès  l'épo- 
que de  César. 

AWETVAWVS.  DONNVS. 

AMBACTVS.  DVRNACVS.      • 

ARVS.  GERMANVS. 

AVLIRCVS.  LISCVS. 

....CINCOVEPVS.  MAGVS. 

KRACCVS.  SEGUSIAVS. 

Ce  changement  n'avait  pas  une  très-grande  importance, 
car  il  parait  qu'alors  même  que  l'on  employait  encore  de 
préférence  le  caractère  0,  on  pouvait  le  prononcer  comme 
un  V  ;  ce  qui  montre  bien  la  parenté  étroite  qui  unissait  ces 
deux  lettres.  Le  grammairien  Cassiodore  nous  dit  :  «  Aliter 
scribere  et  aliter  pronuntiare  vecordis  est.  Gum  enim  per  0 
scribant,  per  V  enuntiant  \  »  Mais  tous  les  grammairiens  du 

*  Cassîod.,  De  orthogr.,  éd.  rutscli.,  col.  2292. 


l68  MÉMOIRES 

Bas-Empire,  excellents  pour  constater  les  faits,  n*ont  au- 
cune autorité  lorsqu'il  s'agit  de  les  expliquer.  Quant  à 
nous,  qui  avons  pendant  si  longtemps  prononcé  de  la  même 
manière  les  trois  diphthongues  01,  AI,  El,  nous  aurions 
mauvaise  grâce  à  faire  le  procès  des  Romains  qui  pronon- 
çaient V  en  écrivant  0. 

Résumons  :  1*  Les  monnaies  gauloises  portent  un  grand 
nombre  de  noms  de  la  deuxième  déclinaison  avec  la  ter- 
minaison OS.  Cette  forme  orthographique  n'a  pas  de  carac- 
tère national.  Elle  est  commune  à  l'Italie  et  à  la  Gaule. 

2*»  L'emploi  de  cette  terminaison  a  cessé  d'être  général 
dans  la  Gaule  à  l'époque  où  de  nouvelles  relations  avec 
l'Italie  ont  fait  connaître  l'orthographe  qui  avait  prévalu 
au  delà  des  monts.  On  a  écrit  ADIETVANVS  et  LISCVS  sur 
certains  points;  sur  d'autres,  TASGIITIOS  et  LITAVICOS. 

3*  De  l'emploi  de  l'alphabet  italiote,  comme  de  l'accep- 
tation des  diverses  variations  de  l'orthographe  latine,  on 
doit  conclure  que  la  Gaule  avait  une  grande  propension  à 
se  romaniser.  ce  qu'explique ,  du  reste ,  la  communauté 
d'origine  qui  unissait  la  race  italienne  à  la  race  celtique, 
alors  même  qu'elles  vivaient  à  l'état  d'antagonistes. 

Ad.  de  Longpériek. 


ET    DISSERTATlOr^S.  IM 


NOTE 


DEUX  ATELIERS  MONÉTAIRES  D'ALEXANDRE  LE  GRAND. 


Parmi  les  monnaies  d'Alexandre,  on  remarque  une  petite 
série  composée  de  sept  variétés  de  drachmes  et  d'un  sta- 
tère*,  où  le  symbole  indicatif  du  lieu  d'émission  est  la 
figure  d'un  rat.  La  ville  où  ont  été  frappées  ces  pièces  ap- 
partient certainement  h  la  Macédoine  ou  à  la  Tbessalie.  car 
on  retrouve  le  même  symbole  sur  les  monnaies  de  Cas- 
sandre*,  roi  qui  ne  posséda  que  ces  deux  pays  en  assez 
pleine  souveraineté  pour  y  battre  monnaie. 

M.  Millier  *  a  déjà  établi  ce  point,  mais  il  n'a  pas  été  plus 
avant,  et  il  a  laissé  les  monnaies  d'Alexandre  au  rat  parmi 
\es  incertaines  de  la  Macédoine  et  de  la  ThessaHe^  sans  pro- 
poser d'attribution  précise.  Nous  croyons  avoir  été  plus 
heureux  et  pouvoir  donner  la  solution  de  ce  petit  problème 
numismatique. 

Elle  est  fournie  par  un  passage  d'Héraclide  de  Pont  *, 

1  Miiller,  Numianatiqw  d^Alexandrt  U  Grande  n'*  654-661. 

>  Ibid.^  atlas,  p.  xxziv. 

»  /6»d.,  texte,  p.  201. 

*  Fragm.  XLI,  p.  22.  éd.  Kœler. 

1863.  —  3.  12 


170  MÉMOIRES 

conservé  dans  Etienne  de  Byzance  *.  «  Les  Thraces,  y  est- 
«  il  dit,  appellent  le  rat  «syiîwo;,  et  c'est  à  cause  de  cela 
«  qu  ils  ont  nommé  Argilus  une  ville  fondée  par  eux  diaprés 
«  un  oracle  à  l'endroit  où  un  rat  s'était  montré  à  leurs  re- 
«  gards,  »  Ap7().ov  xov  fxOv  xa^oûai  ©pâxec^  oS  ocpQévTo;  ttoXiv 
xari  yfiTtGuby  ejcrtriav,  x«î  ApytXov  oi)vof/.aaav. 

Argilus  était  dans  la  partie  de  la  Thrace  qui ,  à  partir  du 
règne  de  Philippe  II ,  fut  comprise  dans  la  Macédoine  %  et 
après  la  défaite  de  Persée  constitua  les  deux  premières  pro- 
vinces de  ce  nom  '.  Sa  situation  précise  était  sur  une  hauteur 
de  la  rive  droite  du  Strymon,  en  face  d'Amphipolis*.  Le  co- 
lonel Leake  en  a  retrouvé  l'emplacement  '. 

Cette  ville ,  qui  portait  le  même  nom  que  le  rat,  et  dont 
cet  animal  avait  indiqué  le  site  futur  aux  premiers  colons, 
est  évidemment  la  ville  macédonienne  désignée  par  un  rat 
sur  les  médailles  d'Alexandre  et  de  Cassandre.  Aussi  pro- 
posons-nous avec  une^  entière  confiance  d'ajouter  le  nom 
d' Argilus  à  la  liste  des  ateliers  monétaires  du  conquérant 
macédonien. 

M.  de  Witte  *  a  déjà  fait  voir  les  rapports  qui  existent 

entre  la  légende  de  la  fondation  d' Argilus,  rapportée  par 

Héraclide  de  Pont,  et  le  culte  d'Apollon-rat  ou  Sminthien, 

auquel  il  a  consacré  dans  ce  recueil  même  une  importante 

étude. 

II. 

La,  bipenne,  dans  la  numismatique  d'Alexandre,  se  pré- 

«  V«  ÀpYiXoç. 

•  Voy.  Forbiger,  Handbuch  der  alUn  Gtographie^  t.  III,  p.  1050. 
»  Tit.-Liv.,  XLV,  29. 

♦  Herodot.,  VII,  115.— Thucyd.,  II,  99. 

■  Travelsin  Northern  Gretce,  t.  III,  p.  171. 
«  lievue  numism,^  1858,  p.  15. 


ET   DISSERTATIONS.  171 

sente  comme  marque  du  lieu  de  fabrication  sur  des  pièces 
de  fabriques  et  de  pays  fort  différents.  M.  Mûller  a  déjà 
divisé  en  deux  groupes  principaux  les  monnaies  qui  por- 
tent ce  symbole. 

Le  premier  groupe  *  appartient  à  une  ville  de  la  Carie, 
trës-vraisemblablemeut  Mylasa  %  près  de  laquelle  s'élevait 
le  temple  de  Jupiter  Labrandéen.  On  sait  en  effet  que  la. 
hache  à  deux  tranchants  était  l'attribut  principal  de  ce 
dieu',  et  qu'il  la  tient  à  la  main  sur  les  médailles  des  rois 
de  Carie  de  la  dynastie  de  Mausole. 

Le  second  groupe  a  été  classé  par  M.  Mûller  ^  parmi 
les  incertaines  de  la  Thrace ,  de  la  Macédoine  et  de  la  Thés- 
salie.  Mais  ce  groupe  n'est  pas  homogène ,  et  le  savant 
numismatiste  de  Copenhague  a  déjà  reconnu  qu'il  devait 
probablement  à  son  tour  être  partagé  entre  deux  villes. 
Malheureusement,  comme  M.  MiUler  l'a  fait  i^marquer, 
entre  ces  deux  nouvelles  divisions,  a  il  est  difficile  de  tracer 
la  limite,  m 

Cependant,  s'il  est  des  pièces  au  petit  type  de  la  bipmne 
dont  l'attribution  sera  toujours  douteuse  entre  les  diverses 
'  localités  auxquelles  on  aurait  le  droit  de  les  donner,  nous 
croyons  qu'on  peut  arriver  à  établir  avec  certitude  les  deux 
villes  entre  lesquelles  doit  être  distribué  le  groupe  qui, 
dMïs  l'ouvrage  de  M.  Mûller,  comprend  les  n*»  576 -585. 

La  première  de  ces  localités  est  évidemment  Ténédos, 
Ile  dont  les  monnaies  ont  pour  type  ordinaire  la  bipenne, 
et  à  laquelle  on  a  depuis  longtemps  proposé  de  donner  une 

i  IdUlier,  Num.  dUUx.^n'^  1128  1140. 
>  IMd„  p.  254  et  luiv. 

•Herodot.,  V,    119.   —  Strab.,    XIV,   p.  659.   —   Plutarcb.,    Quaut, 
grxc,,  45. 
*  P.  193,  n*'  576-585  et  atlas,  p.  XXXJI. 


172  MÉMOIRES 

partie  des  pièces  d'Alexandre  portant  ce  symbole  *.  Nous 
n'hésitons  pas  à  ranger  à  Ténédos  les  drachmes  n°'  583- 
585,  sur  lesquelles  la  bipenne  est  unie  à  IVpi,  symbole 
d'une  ville  de  la  côte  de  Macédoine  qui  est  peut-être  Tra- 
gilus  %  le  prétendu  Traelium  de  tous  les  ouvrages  numis- 
matiques  '.  Les  deux  villes  dont  l'alliance  est  marquée  sur 
ces  pièces  devaient  eue  maritimes  et  liées  par  les  rapports 
d'un  commerce  fréquent.  C'est  là  ce  qui  rend  l'attribution 
à  Ténédos  presque  certaine,  car  une  bien  courte  navigation 
séparait  cette  île  des  cités  de  la  côte  de  la  Macédoine,  avec 
lesquelles  elle  était  en  relations  continuelles.  Pour  la  même 
raison  nous  donnons  à  Ténédos  le  n*  582,  où  la  bipenne  est 
unie  à  la  couronne^  symbole  d'une  ville  encore  indétermi- 
née, mais  appartenant  indubitablement  au  littoral  de  la 
Macédoine  \ 

Mais  une  partie  des  pièces  à  la  bipenne  ne  peut  pas  ap- 
partenir à  Ténédos.  On  trouve  cette  marque  d'atelier  sur 
un  didrachme  de  Philippe  II ,  père  d'Alexandre  ',  et  sous  ce 
prince  Ténédos  était  aux  mains  des  Perses,  qui  la  tenaient 
depuis  la  paix  d'Antalcidas.  Elle  figure  aussi  sur  les  pièces 
de  bronze  aux  noms  d'Alexandre  et  de  Philippe  Arrhidée, 
frappées  uniquement  dans  les  provinces  européennes,  ainsi 
que  sur  les  monnaies  de  Démétrius  II,  qui  n'a  possédé  que 
la  Macédoine,  la  Thessalie,  et  quelques  villes  du  midi  de 

*  Eokhel,  Doet.  num.  vei.^  t.  II,  p.  103.  —  Mionnot.t.  I,  !ioU  de  Macédoine, 
!»••  282-283,  et  t.  III,  Suppl.,  i»»*  257-2C1.—  Cli.  Lcnorrninii,  Xumhmatiquf  drs 
roii  grecif  ip.  22. 

»  Voy.  Mullcr,  p.  193. 

'  Cest  le  colonel  Leake  {Numiamata  helltnica,  II,  European  Greece^  p.  lOB  ) 
qui  a  rcBtitué  à  Tragihis  les  pièces  macédoniennes  à  la  légende  TPAIAION. 
données  avant  Ini  à  une  ville  de  Trœlium  purement  imaginaire. 

*  Voy.  Millier,  p.  191. 

»  Miillcr.  Philippe  II,  n*  251. 


LT    DISSERTATIONS.  173 

la  Tbrace  *.  Enfin  la  hache  se  montre  comme  symbole 
accessoire  sur  les  pièces  de  la  ville  de  Philippes  ',  et  les 
alliances  indiquées  par  les  petits  types  du  champ  y  appar- 
tiennent exclusivement  à  la  Macédoine,  la  Tbessalie  et  la 
Tbrace. 

Outre  Ténédos,  la  hache  à  deux  tranchants  a  donc  dési- 
gné F  atelier  monétaire  d'une  ville  appartenant  à  l'une  de 
ces  trois  provinces.  C'est  à  cette  ville  que,  rejetant  à  la 
Carte  le  tétradrachroe  n"  580  qui  lui  appartient  évidemment 
par  son  style,  nous  donnons  les  stalères  n***  576  et  577,  et 
le  quart  de  statère  n*"  578,  où  la  bipenne  est  accompagnée 
de  monogrammes  de  magistrats  dont  elle  est  également 
accompagnée  sur  les  petits  bronzes  d'Alexandre  et  de 
Philippe  Arrbidée,  ainsi  que  le  slatère  n**  579,  entièrement 
semblable  comme  fabrique  aux  deux  autres. 

Nous  arrivons  à  préciser  la  Tbessalie  comme  la  contrée 
où  doit  être  cbercbée  la  ville  dans  laquelle  ont  été  frappées 
ces  monnaies,  si  nous  nous  souvenons  qu'une  bipenne 
exactement  semblable  se  voit  comme  symbole  accessoire 
dans  le  cbamp  de  certaines  monnaies  d'argent  d'Alexandre, 
tyran  de  Phères  '..  Sa  présence  sur  ces  derniers  monuments 
a  été  ingénieusement  expliquée  par  M.  Newton  ^  à  t'aide  d'un 
passage  de  Théopompe',  où  il  est  question  du  culte  tout 
particulier  d'Alexandre  de  Phères  pour  le  Baccbus  adoré  à 
Pagass  sous  le  surnom  de  hache  ^  Tre/e/u;  :  0£d7ropt7:6;  cpr.'j^v 
AXeÇavâpov  ^ipodov  Aiôwfjov  rov  iv  IlayaGOft;,  o;  é/aXeTTo  :://£- 

>  Millier,  allas,  p.  xxsii. 

*  Mioonet,  Supplément^  t.  III.  pi.  VIII,  n*  4. 

*  NumùnuUic  Chronicley  1845,  pi.  de  la  p.  110,  n»  1.—  Rtxut  nuint^in  ,  18ô9f 

pi  ni,n«i. 

*  JVum.  Chron.,  1845,  p.  113. 

*  ip.  Schol.  ad  Homer.,  Uiad.  Û,  v.  428. 


I7i  MÉMOIRES 

xu;,  Bvctoi^v  dia(fopci>ç.  M.  de  LoDgpérier  *  a  donné  à  ce  judi- 
cieux rapprochement  une  approbation  pour  laquelle  les 
numismatistes  doivent  être  d'accord. 

Mais  n'est-ce  pas  le  symbole  de  ce  Dionysus-kacAe  qu'il 
faut  aussi  reconnaître  dans  la  bipenne  des  pièces  d'Alexandre 
le  Grand  marquées  des  n*»  676-679  dans  l'ouvrage  de 
M.  MûUer?  Nous  le  croyons  d'autant  plus  que  la  drachme 
n*  681 ,  qui  est  certainement  de  la  même  ville ,  montre  la 
bipenne  flanquée  des  deux  lettres  AI,  initiales  du  nom  du 
dieu,  Atovuaoç,  servant  sans  doute  à  préciser  la  signification 
de  ce  symbole,  assez  vague  de  sa  nature.  La  bipenne^  sur 
les  monnaies  incontestablement  frappées  dans  les  provinces 
européennes,  marquerait  donc  l'atelier  monétaire  de  Pa- 
gasœ,  ville  importante  de  la  Magnésie  thessalienne  *,  qui 
donnait  son  nom  au  golfe  Pagaséen ,  et  dont  les  ruines 
se  voient  encore  aujourd'hui  à  côté  de  la  moderne 
Volo  ». 

D'après  son  surnom  conservé  par  Théopompe,  le  Bac - 
chuB-hache  de  Pagasse,  Aïowao;  7:é>.e%uç,  dont  ne  parle,  du 
reste,  aucun  autre  écrivain  de  l'antiquité,  était  probable- 
ment une  vieille  divinité  pélasgique,  adorée  sous  la  forme 
d'une  hache  plantée  en  terre.  C'est  ainsi  qu'à  Ghéronée  on 
rendait  un  culte  divin  à  une  lance  (dopu).  qui  passait  pour 
le  sceptre  de  Jupiter,  et  qui  avait  un  prêtre  spécial  *.  Les 
Sabins  adoraient  également  une  lance  sous  le  nom  de  cur 
ou  queir,  et  voyaient  en  elle  la  représentation  d'une  divmité 

>  AeciM  fiumum.«  1859,  p.  110. 

«  Herodot.,  VU,  193.—  Scjl.,  PeripL,  p.  25.—  Strab.,  IX,  p.  436.— 
Pto!.,  m,  13,  17.  —  Apollon.  Rhod.,  Argtmaut.,  I,  v.  238,  318,  411  et  524.— 
Pomp.  Mel.,  II,  3,  6.—  Plin,,  Biêt.  nat„  IV,  8,  15. 

3  Leake,  Tratelt  in  Northern  Greece,  t.  IV,  p.  369  et  tniT. 

^  Pau8aii.,IX,  40,6. 


ET    DISSËRTATIOISS.  175 

belliqueuse  analogue  à  TArès  ou  Enyalios  des  Grecs  ^ 
Hérodote  '  signale  le  même  usage  chez  les  Scythes,  qui  ado- 
raient, dit-il,  un  glaive  (ay.ivaxxç)  nu,  ce  que  Clément 
d'Alexandrie  répète  des  Sarmates'.  M.  de  Longpérier  a 
publié  un  cylindre  gravé  assyrien  qui  représente  un  prêtre 
faisant  une  offrande  devant  une  bâche  plantée  sur  un 
autel  *. 

Le  Baccbus  de  Pagasœ,  honoré  sous  la  forme  d'une  arme, 
devait  avoir  bien  de  la  parçnté  avec  le  Dionysus  Enyalios 
dont  parle  Macrobe  '.  En  même  temps  le  symbole  de  la 
bipenne  révèlç,  dans  sa  conception,  l'idée  d'un  être  an- 
drogyne.  Les  deux  tranchants  de  cette  espèce  de  haclie^ 
unis  en  un  même  fer,  sont  en  effet  dans  les  religions  anti- 
ques l'emblème  de  l'union  des  deux  sexes  dans  un  même 
être  •.  Au  reste,  les  deux  idées  d'un  dieu  armé  et  belliqueux 
et  d'un  dieu  hermaphrodite,  qui  au  premier  abord  semblent 
dans  une  antinomie  absolue ,  n'étaient  pas  aussi  opposées 
qu'on  pourrait  le  croire  dans  les  données  religieuses  du 
polythéisme.  Il  est  facile  d'acquérir  la  conviction  de  ce 
qu'elles  ne  s'excluaient  pas  l'une  l'autre,  en  étudiant  com- 
parativement le  Jupiter  Labrandaeus  de  Mylasa  de  Carie  et 
le  Jupiter  Aréius  d'Iasus  dans  la  même  contrée,  si  différents 
dans  leur  forme  extérieure  et  pourtant  si  voisins  dans  leur 
conception  fondamentale. 

François  Lenormant. 

'  Dionys.  Halicarn.,  Ant,  rom.,  ]«  67. 

•  IV,  50. 

»  Protrept.,  II,  p.  16. 

*  U  culte  de  la  hache,  BuUel.  artheol.  de  VAtharmum  franr.^  dcc  1865.  p:  101 . 

*  Saturn,^  I,  19. 

•  Cb.  LenormaDt,  Nouvelle  galerie  mythologique ^  p.  62  et  suiv. 


176  MÉMOIRES 


UN  STATÈRE  D'OR  D'ATHÈNES. 


Nous  sommes  loin  du  temps  où  Eckbel  niait  qu'on  eût 
frappé  de  la  monnaie  d'or  à  Athènes  *.  J'ai  pu  même,  il  y 
a  bientôt  six  ans,  publier  la  série  complète  '  de  l'or  attique, 
en  indiquant  les  spécimens  qui  se  trouvaient  dans  les  di- 
verses collections»  et  fixer  le  tableau  suivant  : 

Poids  normftl. 

Ofarytas  ou  itatëre 8^60 

Hémiohrysus 4,30 

Tiers  de  sUtère  (tritë) 2,88 

Qaart  de  sUtère  (  tétarté  ) 2,15 

Hekté  (lixième  partie  du  statère) 1,44 

1/2    hekté .  0.72 

a/S    dTiekté 0,54 

1/4    d'hekté 0,36 

1/8    d'hckté 0,18 

1/16  d'hekté 0,09 

Par  là  s'établissait  la  corrélation ,  dans  le  rapport  de  1 
à  10,  de  la  monnaie  d'or  à  la  monnaie  d'argent  Mais  tous 
les  exemplaires  d'or  qui  étaient  venus  à  ma  conuaissajice 
paraissaient,  par  leur  style,  antérieurs  au  iv*  siècle  avant 
notre  ère ,  et  l'on  pouvait  croire  que  les  Athéniens  n'en 
avaient  plus  frappé  sous  les  successeurs  d'Alexandre  et 
sous  la  domination  romaine.  Aucune  pièce,  ni  par  le  carac- 

i  Eckhel,  1X;V.,I1,  p.  206. 

*  Mtonnam  d'Athènti,  p.  69  et  imv. 


n   DISSERTATIONS.  177 

tèredu  travail ,  ni  par  les  symboles,  ni  par  les  inscriptions 
ne  répondait  à  cette  immense  série  de  tétradracbmes ,  de 
drachmes  et  de  irioboles  qui  furent  frappés  pendant  plus 
de  trois  siècles,  et  dont  les  magistrats  monétaires,  nommés 
en  toutes  lettres,  permettent  d'établir  la  ciassificaiion.  Il 
est  vrai  de  dire  que  dans  l'archéologie  les  lacunes  ne  sont 
que  provisoires  et  sont  tôt  ou  tard  comblées  par  des  décou- 
vertes précieuses. 

Il  y  a  quelques  années,  M.  Postoiaka,  conservateur  du 
cabinet  des  médailles  à  Athènes ,  eut  l'obligeance  de  m* en- 
voyer une  empreinte  de  la  pièce  d'or  dont  voici  le  dessin  : 


D'un  côté  est  la  tête  de  Minerve ,  semblable  aux  tètes  qui 
sont  gravées  sur  les  monnaies  d'argent  de  nouveau  style  ; 
de  l'autre  «  la  chouette  sur  un  diota;  dans  le  champ,  le 
pharnace  ou  astre  des  rois  de  Pont  et  l'inscription  A0E  , 
BA21AE[r2]  M10PAAATfl2  AP12TU2iN  ,  le  tout  dans  une 
couronne  d'oUvier.  C'était  la  répétition  exacte ,  en  plus 
petites  proportions,  du  fameux  tétradrachme  que  possède  le 
musée  Britannique,  et  qui  a  été  publié  pour  la  première 
fois  dans  le  musée  Hunter  *.  Si  nous  connaissions  la  drachme 
d'argent  frappée  à  la  même  époque,  il  est  évident  qu'elle  se- 
rait identique ,  par  la  composition  et  par  le  module.  Ma 
première  impression,  d'après  l'empreinte,  fut  même  qu'une 
drachme  d'argent  de  cette  rare  série  avait  pu  être  décou- 
verte et  surmoulée. 

J'écrivis  aussitôt  à  M.  Postoiaka,  pour  le  prier  d'exa- 

^  Page  49,  en  note.—  Monnaéti  d'Àthêntif  p.  237. 


178  MÉMOIRES 

miner  attentivement  cette  pièce  d'or  et  de  la  peser  ;  mais 
M.  Postolaka  en  avait  pris  l'empreinte  sans  pouvoir  Tache- 
ter pour  le  cabinet  d'Athènes ,  à  canse  du  haut  prix  qu'on 
en  demandait.  Déjà  l'exemplaire  avait  disparu  d'Athènes  et 
courait  dans  les  mains  des  marchands.  La  pièce  arriva  ainsi 
dans  la  collection  du  duc  de  Luynes  ;  elle  est  aujourd'hui 
au  Cabinet  des  médailles»  depuis  que  le  duc  de  Luynes  a 
fait  à  notre  Bibliothèque  et  à  son  pays  le  magnifique  pré- 
sent que  tout  le  monde  admire. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  ce  statère  d'or  si  imprévu 
est  excellent;  il  pèse  8B',a5,  ce  qui  est  le  poids  affaibli 
du  statère  attique ,  qui  s'élevait  à  8^,60  ;  mais ,  de  même 
que  les  tétradrachmes  de  nouveau  style  pèsent  moins  que 
les  tétradrachmes  d'ancien  style,  de  même  la  monnaie  d'or 
a  dû  s'affaiblir  dans  une  proportion  égale.  Aussi,  en  Grèce, 
la  monnaie  ancienne  était-elle  à  un  change  plus  élevé  que 
la  nouvelle  \  ainsi  qu'il  arrive  encore  en  Orient. 

Quant  aux  symboles  figurés  sur  le  revers  du  statère ,  on 
ne  saurait  assez  s'étonner  de  les  voir  calqués  sur  ceux  de  la 
monnaie  d'argent;  en  général,  les  types  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent offraient  des  variétés  sensibles.  Ici  la  ressemblance 
s'explique  par  la  révolution  qui  venait  de  bouleverser 
Athènes,  et  par  la  tyrannie  d*Aristion. 

Ce  fut  l'an  88  avant  Jésus-Christ  que  le  statère  qui  nous 
occupe  fut  frappé.  Alors  Athènes ,  révoltée  contre  les  Ro- 
mains, s'était  jetée  dans  les  bras  de  Mithridate.  Aristion, 
que  les  Athéniens  avaient  envoyé  en  ambassade  auprès  du 
roi  de  Pont ,  était  revenu  avec  les  plus  belles  promesses, 
s'était  fait  élire  stratège  au  théâtre  de  Bacchus ,  et  avait 
usurpé  la  tyrannie.  An  commencement  de  Tannée  87,  il  se 

»  Xenophon,  Depl  xopwv,  111,  2. 


ET   SiJSSERTATlONS.  179 

préparait  vigoureusement  à  la  guerre  ;  le  roi  envoyait  des 
lingots  d'or  et  d'argent;  on  battait  monnaie  avec  activité, 
nous  le  constatons  par  Tabondance  des  têtradrachmes  qui 
forment  la  série  d'Aristian  et  de  PhiUm ,  avec  le  Pégase 
s'abreuvant  (87  av.  J.  C.)  t  et  la  série  i'Apellicon  et  de 
Gorgias  avec  le  griffon  (86  av.  J.  C.  )•  Mais  au  début  de 
la  révolution,  quand  les  noms  de  Mitbridate  lui-même  et 
d' Aristion  sont  gravés  sur  la  monnaie  (  88  av.  J.  C.  ),  le 
numéraire  est  rare  encore  :  c'est  pourquoi  l'on  trouve  si 
peu  de  têtradrachmes  de  cette  année.  L'or  fut  plus  rare 
encore,  et  il  n'est  point  douteux  qu' Aristion  n'en  ait  fait 
frapper  par  ostentation ,  pour  imiter  les  souverains  de 
l'Asie,  de  l'Egypte,  de  la  Macédoine,  et  flatter  son  pro- 
tecteur Mitbridate. 

Beulé. 


180  MÉMOIRES 


LES 
ASSYRIENS  ONTHLS  FAIT  USAGE  DE  MONNAIES? 


Une  question  numismatique  d'^un  grand  intérêt  a  été  sou- 
levée récemment  en  Angleterre.  M,  Fox  Talbol,  savant  dis- 
tingué qui  s'occupe  avec  ardeur  du  déchiffrement  des  in- 
scriptions cunéiformes ,  a  cru  trouver  la  preuve  qu'au 
temps  du  roi  Sargon,  c'est  à-dire  au  viir  siècle  avant  l'ère 
vulgaire  (721-702\  on  faisait  usage  de  monnaûs  frappées 
portant  le  nom  du  prince. 

Pour  faire  comprendre  comment  cette  idée  avait  pu  s'ac- 
créditer dans  l'esprit  du  philologue  anglais  «  il  est  bon  de 
donner  quelques  détails  sur  le  texte  dans  lequel  il  l'a  puisée. 

On  sait  qu'il  y  a  quelques  années  M.  Victor  Place,  consul 
de  France  à  Mossoul ,  reprenant  et  continuant  les  belles 
recherches  de  son  prédécesseur,  M.  P.  E.  Botta ,  acheva 
l'exploration  du  château  royal  de  Khorsabad,  construit  par 
le  roi  Sargon,  personnage  que  le  prophète  Isaïe  (ch.  XX) 
représente  comme  le  vainqueur  de  la  Judée,  de  l'Egypte  et 
de  l'Ethiopie.  Dans  les  ruines  de  ce  palais,  M.  Place  décou- 
vrit un  certain  nombre  de  polyèdres  de  terre  cuite  auxquels 
on  a  donné  le  nom  de  barils^  et  qui,  sur  leurs  dix  faces 
courbes,  présentent  une  série  de  67  lignes  de  caractères 
cunéiformes  d'une  finesse  remarquable.  Deux  de  ces  barils 
sont  conservés  au  musée  assvrien  du  Louvre  ;  le  musée 


FT    DISSERTATIONS.  181 

britannique  en  possède  aussi  un  exemplaire.  Le  tfxle  qu'ils 
portent  contient  une  chronique  royale  rédigée  de  façon  que 
Sargon  parle  à  la  première  personne  y  comnfie  les  rois 
d'Egypte  dans  les  longs  récits  qu'ils  ont  fait  graver  sur  les 
murailles  de  leurs  temples. 

Ceci  établi ,  nous  devons  croire  encore  que  le  lecteur  de 
la  Revue  sait  que  le  déchiffrement  des  écritures  cunéiformes, 
bien  que  fort  avancé  et  poursuivi  par  des  érudits  de  diverses 
contrées ,  présente  cependant ,  comme  celui  de  tous  les 
textes  anciens,  des  difficultés  considérables.  Si  l'interpréta- 
tion des  auteurs  grecs,  latins,  hébreux,  arabes,  c'est-à-dire 
de  ceux  qui  ont  écrit  dans  les  langues  le  plus  étudiées 
depuis  trois  siècles,  offre  souvent  de  si  grandes  incertitudes, 
si  les  Anglais  hésitent  sur  l'explication  de  certains  passages 
de  Shakspeare ,  on  comprend  à  quel  point  il  est  naturel 
que  des  textes  assyriens,  arrachés  à  la  terre  depuis  dix  ans 
à  peine,  donnent  lieu  à  des  erreurs  de  traduction. 

Voici  comment  M.  Fox  Talbot  avait  entendu  les  lignes  40 
à  12  de  l'inscription  citée  : 

Il  transcrit  : 

Ligne  AO.  Kima  zigir  >umi  ya  sha  ana  uassarikti  u 
miihari  su,  sotUhur  hi  Ukhi  la  kabalnl  simbu  mut  lUHab'. 

Ligne  41.  Kaship  asibiit  ir  shasu  ki  jn  ummati  sha 
yamanU'SUy  kaspa  u  likabar  ana  inni-isun  wetaru. 

Ligne  42.  Assn  rikkali  la  rustr^  sha  kaship  asibul  la 
Uibu  :  a.i!/  tnilihar  a.ib  akhcry  panu  sun  attan  swtuii. 

Et  il  traduit  : 

«Ligne  40.  De  même  que  les  grands  dieux  ont  donné  la 
renommée  à  mon  nom,  qui  est  triomphant  et  victorieux,  de 
même  ils  m'ont  donné  le  gouvernement  des  choses  étran- 
gères à  la  guerre  et  à  la  victoire.  »> 


iSi  KÉMOIftES 

a  Ligne  Al.  La  monnaie  des  habitants  de  cette  ville 
(suivant  qu'ils  ont  décidé  d'une  voix  unanime),  je  Tai  re- 
nouvelée à  la  fois  en  argent  et  en  enivre,  conformément  à 
leur  prière.  » 

(f  Ligne  i2.  Je  fis  des  monnaies,  mais  point  en  or,  mon- 
naie que  le  peuple  ne  désirait  pas.  Et  je  les  ai  données  aux 
habitants  pour  le  présent  et  pour  l'avenir,  en  toute  pro- 
priété*. » 

Un  autre  archéologue  anglais,  M.  W.  B.  Dickinson ,  de 
Leamington,  étonné  de  renonciation  d'un  fait  si  insolite,  a 
examiné  avec  soin  s'il  était  admissible,  et  s'est  prononcé 
pour  la  négative,  puisant  principalement  sa  conviction  dans 
Tétude  des  faits  historiques  '.  Il  passe  en  revue  tous  les 
textes  bibliques  (antérieurs  à  700)  qui  pourraient  contenir 
l'indication  de  monnaies,  et  dans  lesquels  il  ne  trouve 
que  des  évaluations  pondérales.  Il  fait  remarquer  qu'on 
n'a  recueilli  ni  eu  Egypte,  ni  en  Judée,  ni  en  Assyrie  de 
monnaies  du  viii*  siècle,  et  qu'à  la  vérité  ces  contrées  n'ont 
pas  non  plus  fourni  de  lingots  d'un  poids  gradué  qui 
aient  pu  servir  pour  les  transactions.  M.  Talbot  avait  dé- 
claré à  M.  Dickinson  que  par  monnaie  il  n'entendait  pas  des 
flans  portant  une  empreinte,  comme  serait,  par  exemple, 
une  tête  de  lion ,  mais  des  morceaux  d'argent  marqués  sui- 
vant leur  valeur.  M.  Dickinson  répond  par  des  considéra- 
tions philologiques  fort  justes . 

La  question  ainsi  posée,  il  importait  de  savoir,  non  pas 
si  le  texte  assyrien  produit  par  M.  Talbot  était  bien  réelle- 
ment en  contradiction  avec  les  faits  observés  par  les  ar- 
chéologues, mais  s'il  contenait  eirectivement  la  mention 

'  New  seriêt  of  the  trannact.  of  the  royal  Soc.  nf  literat,,  vol.  VII, 
«  Sumismatic  Chroniv.it ^  1862,  p.  123. 


ET    IHSSERTATIONS.  183 

qu'on  avait  cru  y  voir.  L'assyrien  «  comme  Thébreu  et 
l'arabe ,  n'admet  pas  la  ponctuation  ;  comme  dans  le  grec 
et  le  latin  de  Tantiquité,  ses  mots  ne  sont  pas  séparés  les 
uns  des  autres.  11  est  donc  facile  de  commettre ,  quand  on 
l'étudié,  des  erreurs  de  lecture.  Chez  M.  Talbot,  ces  erreurs 
naturelles  se  compliquent  d'un  système  qui  confond  les 
lettres  de  même  classe,  telles  que  les  sifflantes  ou  les  den- 
Mes.  Suivant  cette  méthode ,  on  confondrait  en  français 
toi  et  rot,  lame  et  rame  qui  commencent  par  des  liquides, 
doux  et  touxy  dort  et  tett  qui  ont  des  dentales  pour  initiales. 
Aux  fausses  lectures  viennent  donc  s'ajouter  de  vicieuses 
traductions,  alors  même  que  les  mots  sont  bien  constatés. 

Comment  s' étonnerait-on  de  ce  qu'un  homme  ingénieux 
et  chercheur  comme  l'est  assurément  M.  Talbot  se  trompe 
quelquefois  dans  ses  interprétations,  alors  qu'il  est  si  peu 
sévère  dans  ses  procédés  lexicologiques? 

Nous  nous  sommes  adressé  à  M.  Jules  Oppert  pour 
obtenir  de  lui  une  opinion  critique  et  raisonnée  sur  les 
trois  lignes  de  la  chronique  de  Sargon.  Le  savant  profes- 
seur, avec  son  obligeance  habituelle ,  nous  a  envoyé  le 
travail  que  voici,  contenant  la  transcription  du  texte  et  sa 
traduction  : 

Ligne  40.    Kima     zikir     sumiya    sa  ana  nasar  kitti 

Sjcut  (est)  appellatjo  noininis  mei  quo    ob    ^ervatum  fœdns 

Il  misarisu     sutisur    la     bhi     la  habal     imi      inbu- 

et  pactum  ejus,    ob  rcgnum  «ne  suporbia,  sine  injuria  debiliuib  iinTninaru>)t 

tfint  iluhi  rabi. 

me       Du      magni. 

Ligne  l^i.      Kasap      kidinni  ir    sasu    ki  pi     dippati 

Explicationem     legnm     urbjs   illiu8   secundum      taluîas 

sa    aimanisu      kasap     u  zabar  ana  bilisunu  uftr. 

r»IigioiiU  ejus,  ex  argento    et       a?re         doniinis  eorum    attuli. 


18A  MÉMOIRES 

Ligne  h'I.   Assu   rijgati  la  rusië  sa  kasop 

Prieteroa  noiMiMS    &iiit>   iimuiguitatc,    quae    (est)    explicatio 

kidiiini  la   siba    kidinni  misary  kidinni    asar     panusunu 

legum     sine  urbitrio,    legum    justitis?,     logum  directionis  facicmm  eonim 

addînsunulL 

dedi  illis. 

Le  roi  Sargon  parle  de  la  ville  qu  il  construit  et  à  la- 
quelle il  donna  son  nom ,  et  il  explique  ce  nom  qui  veut 
dire  :  roi  légitime,  s' exprimant  ainsi  : 

Ci  Ligne  40.  Gomme  c'est  la  signification  de  mon  nom 
que  les  grands  dieux  m'ont  conféré  parce  que  j'ai  observé 
la  foi  jurée  et  la  justice,  et  que  j'ai  régné  sans  violence 
et  sans  opprimer  les  faibles. 

((  Ligne  Al.  J'ai  communiqué  aux  chefs  des  habitants 
l'explication  (la  révélation)  des  lois  de  cette  ville,  confor- 
mément aux  tables  de  la  religion  inscrites  sur  argent  et 
sur  airain  \ 

«  Ligne  42.  En  outre ,  je  leur  ai  donné  des  statuts 
exempts  d'ambiguïté,  qui  forment  l'explication  des  lois 
sans  arbitraire,  des  lois  de  la  justice,  des  lois  qui  les  gui- 
dent dans  leurs  actes.  » 

Ceux  de  nos  lecteurs,  et  ils  sont  assez  nombreux,  qui  sa- 
vent seulement  lire  le  texte  de  la  Bible,  saisiront  aisément  les 
rapports  qu'offre  l'assyrien  avec  la  langue  hébraïque.  Ils  re 
connaîtront  comment  le  mot  kasap,  explicatio,  lu  kaship  par 
M.  Talbot,  a  reçu  le  sens  de  monnaie,  tiré,  par  extension , 
de  iwn,  compter,  que  le  savant  anglais  croit  provenir  de 

*  On  sait  que  ^î.  Place,  dans  ses  fouilles  de  Khorsabad,  a  recueilli  des  tables 
d'or,  d'argentf  de  bronze,  d*un  autre  métal  oxydé,  qui  est  peut-être  du  zinc 
(peut-être  un  mélange  de  plomb  et  d*antimoîne),  et  do  plomb.  Toutes  ces  ta- 
bles, dont  quatre  sont  au  musée  du  Louvre,  portent  une  inscription  tracée  par 
rordre  do  Sargon. 


KT    DISSERTATIONS.  185 

la  même  racine  que  s]DD,  argent.  Us  pourront  juger  par  ce 
seul  exemple  du  système  de  permutation  entre  lettres  de  la 
même  classe  dont  nous  parlions  plus  haut.  Le  caractère 
de  notre  Revue  ne  nous  permet  pas  d'entrer  ici  dans  de 
plus  amples  détails  philologiques,  ni  de  reproduire  les  ob- 
servations que  nous  a  communiquées  M.  Jules  Oppert ,  juge 
si  compétent  en  pareille  matière;  mais  nous  avons  pensé 
que  notre  recueil  ne  pouvait  point  passer  sous  silence  une 
discussion  qui  avait  été  portée  par  M.  Dickinson  devant 
la  Société  de  numismatique  de  Londres,  et  qui  a  pour  objet 
l'antiquité  même  de  la  monnaie.  MM.  Dickinson  et  Oppert 
sont  arrivés  par  des  voies  diiïérentes  au  même  résultat , 
résultat  négatif  il  est  vrai ,  mais  qu'il  nous  importe  de 
connaître;  car  les  notions  fournies  par  M.  Fox  Talbot, 
consacrées  par  la  critique ,  eussent  donné  un  nouveau 
point  de  départ  à  nos  études. 

Adrien  de  Longpérier. 


1863—3.  19 


IM  UÊMOIRt:» 


NOTICK 


MONNAFRS  INÉDITKS  DR  CHARLKS  VIII  KT  DK  FRANT.OIS  T 


AUX  AKMSS  DE  FRANCE  ET  1)B  SAVOIE. 


(PI.  VII.) 


11  y  a  déjà  nombre  d'années  que  le  digne  et  regrettable 
M.  Norblin  signalait  à  mon  attention  une  pièce  qu'il  consi- 
dérait comme  une  des  curiosités  de  sa  riche  collection  : 
c'était  un  blanc  de  Charles  VllI  où ,  sous  les  armes  de 
France ,  on  distinguait  un  petit  écu  de  Savoie.  Après  la 
mort  de  M.  Norblin ,  quand  son  cabinet  fut  dispersé .  j'eus 
soin  de  recueillir  cette  rare  monnaie;  elle  figure  aujour- 
d'hui dans  mes  cartons  à  côté  de  deux  petits  Karolus  qui 
offrent  la  même  particularité  héraldique.  Commençons  par 
décrire  exactement  ces  trois  pièces. 

N»  1.  +:KAROLVS:FRA— nCORVM.REX.  Un  petit  écu  de 
Savoie  coupe  la  légende  après  les  lettres  FRA.  Écu  rie 
France,  accosté  de  deux  fleurs  de  lis,  et  surmonté  d'une 
couronne  fleurdelisée,  le  tout  dans  une  épicycloïde  à  trois 
lobes. 
i^  +:SlT:nOMEN:DOMlNI:BENEDlCTVM.  Croix pattée, 


LT    DISSERTATIONS.  187 

eau  tonnée  de  quatre  fleurs  de  lis  et  comprise  dans  une  épi* 
cycloïde  à  quatre  lobes. 

Billon.  Poids,  26%53.  (PI.  VII,  n'  1.) 

N«  2.  +:K:FRAnC— ORVM.REX:  L'écu  de  Savoie  coupe 
la  légende  après  les  lettres  FRAnC.  Dans  le  champ,  un  K 
accosté  de  deux  points  ou  besants. 

^1  +:SIT:N:D:BENEDICTVM:  Croix  pattée,  cantonnée  de 
quatre  fleurs  de  lis. 

Billm.  Poids,  0«%80.  (  PI.  Vil ,  n-  2.  ) 

N'  3 AROLVS:F— R Même  type. 

A  -f:SIT:NOMEn:D:BENEDICTVM:  Croix  pattée,  etc. 

BiUon.  Poids,  0^%93.  (PI.  VII,  n»  3.  ) 

Le  30  août  l/i83,  Louis  XI  descendait  dans  la  tombe. 
Son  fils  Charles  VIII,  né  le  30  juin  1A70,  avait  déjà  plus  de 
treize  ans,  et  venait  par  conséquent  d'atteindre  l'âge  fixé 
par  Charles  V  pour  la  majorité  des  rois  de  France.  Aussi 
Louis  XI ,  ne  croyant  pas  à  la  nécessité  d'une  régence, 
s'était  contenté  de  laisser  la  personne  du  jeune  roi  aux 
soins  de  sa  fille  aînée,  Anne,  mariée  au  sire  de  Beaujeu.  Ce 
choix,  qui  excita  plus  tard  toute  une  guerre  civile,  donna 
lieu,  dès  la  mort  de  Louis,  à  bien  des  réclamations;  This- 
toirc  parle  vaguement  de  celles  qu  éleva  la  veuve  de 
Louis  XI ,  Charlotte  de  Savoie  ;  mais  cette  princesse  ne 
survécut  que  trois  mois  à  son  royal  époux.  Elle  mourut 
à  Amboise  le  I"  décembre  1483,  âgée  de  trente-huit  ans, 
et  le  champ  demeura  ouvert  à  d'autres  ambitions,  qui  ne 
tardèrent  pas  à  se  faire  jour. 

C'est  une  pâle  figure  dans  l'histoire  que  celle  de  Char- 
lotte de  Savoie.  Médiocrement  douée,  elle  n'eut  pas  le  don 
de  régner  sur  le  cœur  de  son  époux,  et  resta  sans  influence 
sur  son  esprit.  Aussi  la  fidélité  conjugale  de  Louis  XI  fut- 
elle  tardive  ;  et  cependant ,  au  dire  de  Commines ,  assez 


1 88  uÉMOiRi:.^ 

méritoire ,  vu  encore  que  la  royne  nestoit  point  de  celles  où 
on  devoil  prendre  grand  plaisir,  mais  au  demourant  fort 
bonne  dame,  Cliarlolte  acheta  bien  clier  l'honneur  d'être 
assise  sur  le  plus  beau  trône  du  monde  ;  sa  vie  s'écoula 
tristement  près  d'un  époux  fermé  aux  véritables  affections 
du  cœur,  loin  d'un  fils  que  la  politique  jalouse  du  lyran 
dérobait  aux  embrassements  maternels.  11  n'est  pas  sans 
intérêt  d'observer  que  le  nom  de  la  reine  n'est  pas 
prononcé  une  seule  fois  dans  les  remarquables  lettres  que 
Louis  XI ,  se  sentant  près  de  mourir,  adressait  à  son 
héritier. 

Pendant  le  peu  de  temps  écoulé  entre  son  veuvage  et  sa 
mort,  Charlotte  de  Savoie  ne  joua  qu'un  rôle  secondaire, 
conforme  à  sa  destinée.  Son  testament,  l'inventaire  de  ses 
biens  ne  lui  donnent  aucun  titre  qui  permette  de  la  ranger 
au  nombre  des  régentes  de  France.  Parmi  les  ordonnances 
de  Charles  VIII  antérieures  au  décès  de  sa  mère,  une  seule 
fait  mention  de  cette  princesse  :  ce  sont  les  lettres  du 
22  septembre  1483,  par  lesquelles  le  jeune  monarque  con- 
firme à  Guillaume  de  Rochefort  l'office  de  chancelier  de 
France  :  Adeo  ut  etiam  carissima  domina  et  genitrix  nostra 
hoc  ip^um  velit  et  cupiat  vehementer.  Cependant  la  faiblesse 
du  jeune  roi,  faiblesse  de  corps  et  d'esprit,  était  en  contra- 
diction avec  les  termes  de  la  loi  qui  Témancipait  préma- 
turéoient  On  ne  peut  donc  admettre  que  Charlotte  de 
Savoie  n'ait  pas  songé  à  faire  prévaloir  ses  droits,  sinon  à 
la  régence  du  royaume,  au  moins  à  la  tutelle  d'un  enfant 
encore  incapable  de  gouverner,  et  à  nos  yeux  l'écusson  de 
Savoie,  que  nous  remarquons  sur  ces  rares  monnaies  de 
Charles  VIII,  est  une  preuve  incontestable  de  ces  préten- 
tions plus  ou  moins  réalisées.  C'est  donc  à  cette  courte 
période  de  trois  mois  écoulée  entre  la  mort  de  Louis  XI 


£T   OlSSERi  AXIONS.  180 

et  celle  de  sa  veuve  que  nous  rapportons  exclusivement 
rémission  de  ces  quelques  pièces  dont  le  type  dénote  évi- 
demment une  intention  politique. 

Plus  tard,  sous  François  ]•%  nous  retrouvons  encore  ce 
mélange  des  fleurs  de  lis  de  France  et  de  la  croix  de  Savoie. 
Voici  également  trois  monnaies  inédites  à  l'appui  de  cette 
assertion. 

N-4.  .:-FBANGISCVS:I:D:G:— FRANCORVM:REX.  Avant 
FRANCORVM,  le  même  écu  de  Savoie.  Écu  de  France  cou- 
ronnée accosté  à  droite  d'un  annelet  et  surmonté  d'un 
soleil.  Un  point  sous  l'écusson. 

i^  XPS:VINGIT:XPS:REGNA:XPS:1PERA.  Croix  ajourée, 
avec  une  rosace  au  cœur,  terminée  par  des  fleurs  de  lis  et 
cantonnée  aux  premier  et  quatrième  d'un  F,  aux  deuxième 
et  troisième  d'une  fleur  de  lis. 

ECU  d'or.  Poids,  3«%32.  —  Collection  de  M.  le  marquis 
Costa  de  Beauregard.  (  PI.  VII ,  n*»  4.  ) 

N*  6.  Au  droit,  même  type  et  même  légende. 

^  .:.XPS:V1NC1T:XPS:REGNAT:XPS:1MPERA-  Croix  sem- 
blable à  celle  de  la  pièce  précédente ,  mais  cantonnée  aux 
premier  et  quatrième  d'un  lis,  aux  deuxième  et  troisième, 
d'un  F. 

ECU  d*or.  Poids,  3«',05.  —  Collection  de  M,  Charvet. 
(PI.  VII,  n*  5.) 

N*  6.  FRANCISGVS:D:-G:FRANCO:REX.M.  Même  écu 
de  Savoie  entre  D  et  G.  Buste  du  roi,  d'apparence  juvé- 
nile, tourné  à  droite  et  couronné. 

^  •S1T:N0MEN:D0MIIN  {sic)  :BENEDICTV.M.  Écu  de 
France  couronné,  dans  une  épicycloïde  à  dix  lobes. 

Demi'îeston.  Argent.  Poids,  4«%27.  (  PI.  VII,  n*»  6.  ) 

Je  dois  cette  pièce  à  l'obligeance  de  M.  Rodolphe  Blan- 
chet,  qui  a  bien  voulu  en  enrichir  ma  collection. 


190  AIÉMOIRËS 

La  lettre  M  qui  termine  chaque  légende  est  à  remarquer  ; 
elle  fut  affectée  par  l'ordonnance  de  1539  à  la  ville  de 
Toulouse;  mais,  comme  on  va  le  voir,  les  monnaies  que  je 
Yiens  de  décrire  sont  bien  antérieures  à  celte  date ,  et  ne 
peuvent  pas  avoir  été  frappées  plus  tard  qu'en  1526.  C'est 
peut-être  l'initiale  de  Montferrand  ou  de  Montaigu,  selon 
l'ordonnance  de  1420. 

Pour  les  monnaies  de  François  I",  pins  encore  que  pour 
celles  de  Charles  VIII,  il  est  facile  d'expliquer  par  des  faits 
précis  et  concluants  la  réunion  des  blasons  de  France  et  de 
Savoie. 

Le  15  juillet  1515,  le  roi,  méditant  la  conquête  du  Mi- 
lanais, confie  à  sa  mère,  Louise  de  Savoie,  duchesse  d*An- 
goulème,  la  régence  du  royaume  avec  les  pouvoirs  les  plus 
étendus.  L'année  suivante,  danslesderniers  jours  de  jan- 
vier, le  roi  revient  de  sa  brillante  expédition ,  et  rejoint  à 
Lyon  sa  mère  et  la  reine  Claude. 

Le  24  août  1524,  François  I",  dont  les  affaires  en  Italie 
ëtûent  fort  compromises ,  dispose  une  seconde  fois  de  la 
régence  en  faveur  de  sa  mère.  Il  passe  les  Alpes  vers  le 
milieu  d'octobre.  On  sait  les  résultats  de  cette  désastreuse 
campagne.  Le  roi,  fait  prisonnier  à  la  bataille  de  Pcivie, 
est  emmené  à  Madrid ,  et  ne  rentre  en  France  qu'au  mois 
de  mars  1526,  pendant  que  ses  fils  François,  dauphin  de 
Viennois,  et  Henri,  duc  d'Orléans,  prennent  le  chemin  de 
Texil,  et  vont  servir  d'otages  à  la  cour  de  Charles-Quint. 

Les  deux  époques  auxquelles  doivent  se  rapporter  les 
monnaies  de  François  I*'  aux  armes  de  France  et  de  Sa- 
voie se  trouvent  donc  clairement  définies  et  limitées  par 
les  dates  que  nous  venons  de  citer. 

Louise  de  Savoie,  au  retour  de  son  fils,  cessa  naturelle- 
ment d'être  régente  \  mais  son  influence  fut  toujours  très- 


ET  uissErrATioNS.  loi 

graûde  :  témoin  la  part  qu'elle  prit  au  traité  de  Cambrai 
en  1529.  Deux  ans  plus  tard  (22  septembre  15S1),  elle 
mourut  à  Gretz  en  Gàtinais.  L'histoire,  qui  lui  i^connalt 
certaines  qualités ,  ne  lui  pardonnera  jamais  sa  conduite 
envers  le  connétable  de  Bourbon. 

Il  est  temps  de  signaler,  mais  pour  la  combattre ,  une 
objection  qui  pourrait  se  faire  contre  l'attribution  proposée 
en  faveur  de  Louise  de  Savoie. 

En  1536,  François  I'"  déclara  la  guerre  à  son  oncle  le 
duc  Charles  de  Savoie,  qui  perdit  en  quelques  mois  la  plus 
grande  partie  de  ses  Etals.  La  Bresse  et  le  Bugey,  la  Sa- 
voie, Turin  et  la  plupart  des  villes  du  Piémont  n'oppo- 
sèrent qu'une  faible  résistance  ;  le  duc  ne  conserva  guère 
qne  Nice,  Verceil  et  la  vallée  d'Aoste. 

L'occupation  française  dura  longtemps.  Ni  François  !•', 
mort  en  15A7,  ni  le  duc  Charles,  décédé  en  1553,  n'eu 
virent  le  terme.  Ce  ne  fut  qu'en  1559  que  la  paix  du  Ca- 
teau-Cambresis  rendit  à  Emmanuel-Philibert  les  conquêtes 
de  François  I". 

Nul  doute  que  pendant  cette  période  de  1536  à  1559  les 
ateliers  monétaires  que  les  Français  trouvèrent  installés 
en  Savoie  et  à  Turin  n'aient  fonctionné  plus  ou  moins  ré- 
gulièrement ^  Nous  en  avons  la  preuve  dans  l'ordonnance 
de  1539,  qui  assigne  à  l'officine  de  Turin  la  lettre  différen- 
tielle Y.  On  pourrait  donc  se  demander  s'il  ne  serait  pas 
naturel  d'attribuer  à  la  domination  française  les  monnaies 
de  François  P'  qui  font  l'objet  de  cette  notice.  Mais,  en  ad- 
mettant cette  hypothèse,  comment  expliquer  la  présence 

'  M.  Delombardy,  dans  le  Catalogue  des  monnaies  de  la  collection  de  if.  fit- 
gnault^  attribue  plusieurs  pièces  aux  ateliers  de  Turiu  et  de  Chaïubér}',  entre 
autres  un  sizain  à  In  salumnndrc  de  Françoi^s  I*%  «jui  fait  aujourd'hui  partie 
de  mon  cabinet. 


192  MÉMOIRES 

du  même  écu  de  Savoie  sur  des  pièces  de  Charles  VIII ,  qui 
n'a  jamais  possédé  aucun  domaine  de  cette  maison ,  qui 
n*y  a  jamais  prétendu?  La  question  est  donc  jugée. 

Remarquons,  avant  de  terminer,  que  cet  écu  presque 
microscopique  et  modestement  placé  sous  les  lis  de  France, 
était  une  manière  bien  humble  de  rappeler  la  régente  d*un 
grand  royaume.  En  Savoie,  la  tradition  était  différente  :  les 
noms  et  efiigies  des  duchesses  régentes  se  retrouvent  sou- 
vent sur  les  monnaies  de  leurs  fils,  comme  le  prouvent 
les  belles  séries  publiées  par  M.  Promis.  En  France ,  au 
contraire,  les  officiers  de  la  couronne  semblaient  prendre  à 
cœur  de  tout  rapporter  à  la  personne  du  roi  ;  l'unité  fut 
toujours  leur  but.  Cette  tendance  exclusive  se  manifeste  k 
chaque  page  de  nos  annales  monétaires,  et,  à  cet  égard,  les 
rares  monnaies  que  je  viens  de  décrire  sont  en  quelque 
sorte  des  exceptions  qui  confirment  la  règle. 

Henri  Morin-Pons. 


LT    DISSERTAI  IONS. 


193 


MONNAIES 

DE   PFALZEL,  DE  THION VILLE,    DE   RÉMILLY 
ET  DE  REMELANGE. 

(  VI.  VIII  ) 


Pfalzel. 

Pfâlzel,  Pfalz,  était  un  palatiolum  des  environs  de  Trêves, 
sur  la  Moselle,  remontant,  dit-on,  à  Constantin.  L'évêque 
saint  Modoalde  (622-640)  y  "construisit  un  couvent,  qui 
subsista  jusqu'à  ces  derniers  temps  \ 

Les  deux  trientcs  suivants  appartiennent  à  Pfalz.  Ils  re- 
produisent fidèlement  le  type,  le  style  et  les  lettres  boul- 
letées  des  monnaies  qui  se  frappèrent  dans  les  ateliers 
mérovingiens  des  bords  de  la  Moselle,  lorsque  les  bonnes 
traditions  de  Tart  antique  s'y  furent  perdues  '. 


*  Ge*ta  Trecirorvm,  c.  5(),  t.  1,  p.  129,  édit.  Wittenbach.—  Clonet,  Histoire 
tcclégioêlique  dt  la  protince  de  Trèces^  t.  I,  p.  530. 

'  Lettres  du  baron  Marchant,  2*  ëdit.,  1R50,  annotation»  deM.de  Long- 
fH^rier,  p.  126.  —  Voir  le  triens  de  Trêves  décrit  par  M.  B.  FîUon ,  Uttru 
tur  quelques  monnaies  françaises,  in-8«,  1853,  pi.  IV,  fig.  19  •,  lo  triens  que  j*ai 
donné  à  Yatz,  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  la  Moselle  ^  et  enfin  les 
monnaies  mérovingiennes  de  Metz  et  de  Scarpone  gravées  dans  mes  Études  sur 
une  partie  du  nord-est  de  ta  France^  pi.  V  et  pi.  VllI. 


I9h  MÉMOIRES 

N"  1.  PALACEOLO.  Buste  à  gauche,  la  tète  ceinte  d'un 
bandeau  perlé. 

^  DOMEGISELO  M.  Croix  bouUetée  et  cantonnée  des 
sigles  C  et  A. 

Or  de  bon  aloi  ;  1  g8',23  ;  exhumé  en  Lorraine  ;  collection 
de  M.  Monnier,  à  Nancy.  (PI  VIII ,  nM.  ) 

N*»  2.  +  PALACIOLO  FITVR-f.  Buste  à  gauche,  la  tête 
ceinte  d*un  bandeau  perlé. 

g  +  DOMEGISELO.  Croix  pattée.  . 

Or  pâle;  15\19;  ma  collection.  (PL  Vlll,  n»  2.) 

Une  autre  monnaie  à  peu  près  semblable ,  portant  au 

revers  DOM LVS  et  attribuée  jusqu'à  ce  jour  à  Palaiseau 

(  Seine-et-Oise  )  \  me  paraît  devoir  être  rendue  à  Pfalz. 
Quant  à  la  monnaie  sur  laquelle  on  voit  le  nom  de  DOMO- 
LENVS  autour  d'une  croix  ancrée,  elle  appartient  évidem- 
ment à  un  autre  palais,  car  la  croix  ancrée,  si  commune  à 
une  certaine  époque  dans  d'autres  provinces,  est  presque 
introuvable  en  Austrasie. 

Thionvillf. 

Thionville,  Theodonis  r/Wa,  Diedmhoftn  ",  moins  ancienne 
que  Yutz,  dont  elle  était  séparée  par  la  Moselle,  n'est  citée 
dans  l'histoire  que  sous  Pépin,  en  763  ';  mais,  à  partir  de 
cette  époque,  elle  prend  de  l'importance  et  devient  rési- 
dence impériale. 

Aucune  des  monnaies  carlovingiennes  retrouvées  jusqu'à 


*  Conbrouse,  Mùnétairti  des  rois  mérocingiens,  pi.  35,  fig.  1. 

*  Les  tcrrei  qni  plissaient  dans  le  domaine  royal  conservaient  souvent  la 
nom  de  lenrs  anciens  proprii^taircs  ;  les  actes  de  partage  en  font  foi. 

*  Tcissicr,  Histoire  de  ThiomriUe,  p.  6. 


ET    DISSERTATIONS.  1U5 

ce  jour  ne  rappelle  le  nom  de  Thionville;  on  n'y  forgeait 
sans  doute  que  des  deniers  anonymes  portant  MONETA 
PALATINA  ou  XPISTIANA  RELIGIO. 

A  la  fin  de  la  deuxième  race,  ce  domaine,  comme  tout  le 
royaume  de  Lorraine,  appartint  à  la  maison  de  Saxe;  en 
968,  il  cessa  de  relever  directement  de  l'Empire  et  passa  à 
Sigefroi ,  pour  suivre  le  sort  du  comté  de  Luxeml)ourg  jus- 
qu'au xv"  siècle  *.  En  liââ,  Thionville  obéit  à  Philippe  le 
Bon,  duc  de  Fourgogne,  puis  en  1482,  à  la  maison  de 
Hapsbourg,  et  la  même  année,  au  roi  d'Espagne.  Enfin 
elle  fut  française  en  1646,  et  vit ,  dès  1666,  circuler  dans 
ses  murs  les  monnaies  sorties  de  Talclier  mytil  d(î  Metz. 

Diverses  monnaies  ont  été  assurément  frappées  à  Tbion- 
Tille  ou  au  nom  de  Thionville,  de  963  à  1444,  parles  comtes 
de  Luxembourg,  qui  prenaient  le  litre  de  syres  de  ThionviUe. 
Deux  seulement  ont  été  retrouvées  jusqu'à  ce  jour. 

N**  1.  Cavalier  à  droite,  la  tête  casquée,  tenant  Tépée 
haute,  et  couvrant  sa  poitrine  d*un  écu,  dont  les  emblèmes 
ne  sont  pas  visibles. 

H  -|- TION VILLE.  Dans  le  champ,  une  croix  pattée  à 
branches  épaisses. 

Argent;  08',60.  (PL  VIII,  n^  i  ) 

M.  de  Saulcy  i-emarquant  que  ce  petit  denier  présente  le 
type  et  le  poids  de  ceux  émis  dans  Talelier  de  Nancy,  au 

«  Les  comtes  de  Luxembourg  sont  :  Sigefroi  (963-998),  Frédéric  (998-1019;, 
Giselbert  (1019-1057),  Conrad  (1057-1086),  Henri  (10861096),  Guillnumo 
(1096-1128),  Conrad  II  (1128-1136),  Henri  II  (1136-1 196),  Thibault  (1196-1214^ 
Hcrmezinde  et  Valeran  (1214-1226),  Henri  IH  (1226-1275),  Henri  IV  (1275- 
1288),  Henri  V  (1238-1309),  Jean  (1309-1346),  Cliaries  IV  (1346-1333), 
Wcnceslas  I"  et  Jeanne  (1353-1383),  AVenceslas  II  (1383-1388),  Joss©  de 
Moravie  (13B8-1402),  Lcuis ,  duc  d'Oriéans  (1402-1407),  Jossc  de  Moravî« 
(1407-1411),  Antoine  (1411-1415),  Elisabeth  de  Gœrlitz  U415-1418),  Jean 
de  Bavière  (liW-l  125),  Elisabeth  dcGoeriitz  ( M?5-lii4:. 


196  MÉ^ilOIRES 

nom  de  Mathieu  II,  duc  de  Lorraine  (1220-1261),  Tavait 
publié  comme  frappé  par  ce  prince  en  qualité  de  mari 
de  Catherine  de  Limbourg,  qui  avait  obtenu  la  seigneurie 
de  Thionville  en  survivance  de  sa  mère  Hermezinde  K  Mais 
M.  de  la  Fontaine  ',  ancien  gouverneur  du  grand-duché  de 
Luxembourg,  Ta  classé,  dans  sa  riche  collection,  au  comte 
Henri  III  (1226-1275),  qui,  avant  la  mort  d'Hermezinde, 
avait  racheté  les  droits  de  sa  sœur  Catherine'  et  fait  acte  de 
souveraineté  à  Thionville.  Nous  nous  rangeons  d'autant 
plus  volontiers  de  cet  avis ,  qu'il  est  reconnu  aujourd'hui 
que  bien  peu  de  types  ont  été  spéciaux  à  un  comté  ou  à  un 
duché,  et  que  d'ailleurs  le  comte  Henri  III  a  eu  lui-même 
des  deniers  analogues  dans  un  autre  atelier. 

N»2.  MONETA:FCA:LTEONIS:VILLA  {Moneta  fada  in 
Theonis  villa) .  Au  centre,  l'aigle  biceps  couronné,  dans  un 
encadrement  formé  de  courbes  et  d'angles  alternatifs. 

^  +  MONETA  :FCA:LTEONIS:  VILLA  et  -f  HiCOMES: 
LVCEB.  Au  centre,  une  croix  pattée,  à  branches  épaisses. 

Piedfort  du  gros  à  l'aigle.  Argent  bas;  58%25.  (PL  VIII, 
n«4.) 

Pièce  inédite  que  M.  de  Wimes,  de  Saint-Omer,  a  bien 
voulu  nous  communiquer,  il  y  a  quelques  années. 


*  Saulcy,  Hecherclies  sur  les  monnaies  des  ducs  de  Lorraine,  p.  20  et  pi.  II , 

fig.  5. 

*  M.  de  la  Fontaine  n  écrit  depuis  longtemps  la  monogrnpliic  monétaire  du 
grand-duché  de  Luxembourg.  Son  travail ,  accompagné  de  nombreuses  plan- 
ches déjà  gravées,  aura  le  plus  grand  intérCt.  Les  amis  delà  numismatiqu«) 
regrettent  seulement  que  Tautcur,  dans  le  désir  de  rendre  son  <£nvre  plus 
complète,  no  se  soit  pas  encore  décidé  à  la  livrer  au  public.  Il  n'appartient  pas 
aux  travaux  unroismatiques  d'être  complets  4  chaque  description  qui  parait 
fait  sortir  des  collections  de  nouveaux  types,  et  rend  uu  supplément  néccë- 
saîre. 

>  A'ïte  d%>chnnge  do  1236,  le  lundi  devant  la  fcstc  Saint-Luc. 


ET   DISSERTATIONS.  197 

M.  de  la  Fontaine ,  dans  un  catalogue  de  monnaies 
luxenobourgeoises ,  publié  en  1850,  ne  parle  pas  du  gros 
de  Thionville,  qui  n'était  pas  encore  connu.  Cet  antiquaire 
attribuait  indistincten^ent  à  Henri  V  et  à  ses  deux  prédéces- 
seurs du  même  nom,  un  gros  analogue  frappé  à  Poil  vache. 
M.  le  comte  Maurice  de  Robiano,  dans  un  article  qui  a  paru 
à  la  même  époque  *,  considère  les  gros  de  Poil  vache  comme 
étant  de  Henri  IV  (1275-1288)  ou  de  Henri  V  (1288-1309). 
H  est  difficile  de  se  prononcer. 

D'après  une  note  que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  A. 
Namur,  M.  Bohl,  l'auteur  de  la  Numismatique  tréviroise^ 
aurait  possédé  un  petit  denier  frappé  à  Thionville  par  l'ar- 
chevêque Balduin  de  Luxembourg  (1309-1354),  à  qui  l'em- 
pereur Charles  IV,  son  petit-neveu,  avait  vendu  cette  ville, 
son  château  et  sa  prévôté  *. 

Rèmilly. 

Une  intéressante  notice  sur  Rémilly  a  été  publiée  par 
M.  Charles  Abel  '. 

Remilly,  situé  dans  le  pays  Messin,  entre  les  comtés  de 
Moselle,  de  Seille  et  de  Chaumontois,  fut  donné  le  13  août 
840,  par  l'empereur  Lothaire  à  l'abbaye  de  Saint-Arnould  ; 
cette  concession  fut  renouvelée  par  Charles  le  Chauve,  par 
Louis  le  Germanique  et  par  Charles  le  Gros;  mais,  suivant 
M.  Abel,  les  religieux  n'entrèrent  pas  en  jouissance  de  leur 
nouveau  domaine,  qui  fut  détenu  par  un  certain  Etienne, 
puis,  après  lui,  par  un  autre  laïque  du  nom  d'Engobert. 

*  Rev.  ntim.  ftW^e,  t.  V,  première  fôrie,  p.  54, —  Cf.  ibid,,  t.  III,  p.  296. 
»  Teiasier,  /oc.  cit.,  acte  du  7  f^ivrier  1349. 

•  In-8*  de  20  pngcf^,  tirage  à  pnrt  de  la  fierue  (TAuitraiie, 


193  MÉMOIRES 

L'abbaye  de  Saint-Arnould  céda,  vers  990,  ses  droits  sur 
Remilly  aux  évêques  de  Melz,  qui  en  firent  leur  résidence. 
Vers  1100,  la  seigneurie  de  Remilly  parait  avoir  été  rendue, 
en  partie,  aux  chanoines  de  Saint-Araould. 

+  VIAIADERVIX  ou  VIATADERAIX.  Monogramme  carlo- 
vingien. 

^  +  RVViME VS.  Croix  à  branches  égales,  cantonnée 

de  points   (PI.  VIII ,  n'  6.  ) 

Ce  denier,  dont  j'ai  déjà  parlé  *  et  que  M.  Abel  a  indiqué 
après  moi  ',  a  été  trouvé  dans  les  environs  de  Metz  ;  il  fai- 
sait partie  de  la  collection  de  M.  le  comte  de  Chazelles  de 
Lorry,  où  je  l'ai  copié.  Le  dessin  en  est  publié  aujourd'hui 
pour  la  première  fois. 

La  légende  du  droit,  quoique  peu  intelligible,  laisse 
distinguer  les  principales  lettres  des  mots  gratia  Dei  rex^ 
formule  usitée  sur  les  deniers  du  dernier  type  de  Charles 
le  Chauve'.  Si  maintenant  on  remarque  que  la  croix  can- 
tonnée de  points  a  été  très-fréquemment  employée  à  Metz  \ 
on  est  conduit  à  chercher  tout  d'abord  le  nom  du  lien  dans 
les  environs  de  cette  ville,  et  Ton  s'arrête  à  Remilly,  qui 
satisfait  à  cette  condition  d'emplacement,  et  dont  le  nom  ' 
se  retrouve  à  peu  près  dans  la  barbare  légende  du  revers. 

A  quelle  époque  cette  pièce  a-t-elle  été  frappée?  Je  la 
plaçais  en  1852,  au  règne  de  Charles  le  Gros,  préoccupé 

*  Études  immismatiqufs  sur  uvc  jirrr/iV  du  nnr<l-e.<t  •■■e  ht  France,  p.  211. 
'  AK'l,  Ik.  cit,,  p  4. 

*  Adr.  de  Loiigpérier,  !<olire  HuutseaUj  royaume  de  Lorraine^  p.  223  et 
jsuiv. 

*  Études  numismntiques  ëur  une  partie  du  nord-est  de  la  France ^jt].  XIII , 
fig,  2,  3  et  8  ;  pi.  XIV,  fig.  11  :  pi.  XV,  fig.  3,  et  pi.  XVn,  «g.  1  et  2. 

»  Fbcum  nostrum  Uuineîiacuni ,  13  août  840.—  Nastrr.m  villam  llmne- 
lincum,  2  mars  842.  Cartulaire  de  Saint-Arnould ,  bibliothi-quc  de  la  ville  de 
à!etz. 


Kl       hISSKRTATIONS.  190 

que  j'étais  du  style  irrégulier  de  la  pièce,  qui  ne  convient 
en  aucune  façon  au  temps  de  Charles  le  Chauve,  où  Tartde 
la  gravure  avait  encore  quelque  vigueur.  M.  Abel,  envisa- 
geant uniquement  la  question  au  point  de  vue  historique,  et 
constatant  que  Charles  le  Gros  n'a  jamais  possédé  Rémilly, 
donne  au  contraire  à  Charles  le  Chauve  la  monnaie  qui  nous 
occupe.  Depuis  dix  ans,  la  numismatique  a  fait  de  grands 
progrès,  et  Ton  sait  aujourd'hui  que  le  type  du  mono* 
gramme  carré  avec  GRATIA  DI  —  REX,  était  encore  em- 
ployé au  temps  de  la  haute  féodalité  dans  grand  nombre 
d'anciens  domaines  royaux ,  par  les  comtes  et  les  maisons 
religieuses.  Otton  le  Grand  avait  lui-même  donné  comme 
passe-port  à  ses  deniers,  en  Lorraine,  l'empreinte  du  mo- 
nogramme carlovingien ,  et  les  Normands  en  avaient  fait 
autant  après  leurs  conquêtes  sur  les  côtes  de  la  mer  du 
Nord. 

Le  denier  qui  nous  occupe,  s  il  est  réellement  de  Rémilly, 
peut  donc  avoir  été  frappéau  x*  siècle,  soit  à  Rémilly, par  les 
maîtres  véritables  de  ce  domaine,  soit  à  Metz,  par  l'abbaye 
de  Saint-Arnould ,  en  vertu  du  droit  que  lui  donnaient  les 
concessions  royales.  Mais,  je  le  répète,  le  style  et  l'état  de 
la  pièce  ne  permettent  que  des  conjectures  sur  son  attribu- 
tion, et  tout  ce  qu'on  peut  dire  c'est  qu'elle  appartient, 
par  son  type  général,  au  royaume  de  Lorraine. 

Remelange  ? 

Les  monnaies  suivantes  ont  toujours  été  classées  à  Ré- 
milly; mais  leur  légende,  RVMELINGIS,  RVMILINGIS, 
RYOMILIINGIS,  RIMVLINGIS,  convient  mieux  aux  villages 
du  nom  de  Remelange  qu'on  rencontre  dans  le  département 


SOO  MÉMOIRES 

i\e  la  Moselle,  l'un  sur  la  frontière  de  Luxembourg,  l'autre 
à  côté  de  l'ancien  domaine  royal  de  Florange.  Je  n'hési- 
terais même  pas  à  me  prononcer  en  faveur  de  ces  localités, 
si  elles  avaient  eu  plus  d'importance  et  si  des  souvenirs 
historiques  permettaient  de  supposer  que  l'Église  de  Metz 
y  a  possédé  un  atelier  monétaire.  Quelques  archéologues 
pensent ,  il  est  vrai ,  que  Rémilly,  situé  sur  les  confins 
de  la  Lorraine  allemande,  a  pu  être  désigné,  en  lan- 
gage vulgaire,  sous  le  nom  de  Rumelingen,  d'où,  par  une 
transcription  en  latin  officiel,  on  aurait  fait  RVMELINGIS; 
mais,  en  général ,  l'influence  germanique  ne  s'est  pas  exer- 
cée sur  le  nom  des  localités  françaises,  et,  d'ailleurs,  si 
cette  terminaison  INGIS  s'était  introduite  dans  Tépigra- 
phie  monétaire,  pourquoi  les  chartes  ne  l'auraient-elles 
pas  acceptée?  Or,  sous  Etienne  de  Bar,  évêque  postérieur 
à  l'époque  à  laquelle  appartiennent  les  types  qui  nous 
occupent,  on  disait  encore  vosiram  villam  Komeliacum. 

N»  1.  RVOMILINGIS.  Buste  de  saint  semblable  à  celui 
que  présente  le  denier  de  l'évêquc  Hériman  (1073-1090). 

1^  +  METT S  PET.  Dans  le  champ,  une  croix  pattée. 

Argent;  l^sOl;  collection  de  la  ville  de  Metz.  (PI.  VIII, 

Ce  denier,  en  admettant  qu'il  soit  authentique,  ce  dont 
son  aspect  général  peut  faire  douter,  serait  au  moins  aussi 
ancien  que  les  monnaies,  au  même  type,  de  l'évêque  Héri- 
man (1073-1090),  dont  les  reliefs  sont  plus  faibles  et  le 
titre  moins  élevé,  signes  qui  dénotent  d'ordinaire  un  mon- 
nayage d'imitation.  Nous  pensons  donc  qu'il  est  permis  de 
le  faire  remonter  au  milieu  du  xi*  siècle,  et  de  le  donner  à 
Adalberon  III  (1046-1073\  comme  l'a  fait  M.  de  Saulcy  \ 

'  Suppléiuent  aux  re:hprrhfs  sur  les  tréfiues  de  Metz,  p.  24,  et  pi.  II,  fig.  46. 


i:t  dissertations.  201 

La  légende  du  revers,  qui  me  paraît  inexplicable,  porte  : 
METTVS  PET,  METTIS  PET  ou  môme  METTIS  S  PETRVS, 
suivant  la  manière  dont  on  interprète  un  caractère  douteux 
qui  suit  la  quatrième  lettre  ^ 

Les  quatre  monnaies  suivantes,  dont  la  première  et  la 
dernière  étaient  seules  connues  jusqu'à  ces  dernières  an- 
nées par  des  dessins  assez  incorrects  de  Dupré  de  Geneste 
et  de  Mory  d'Elvange,  appartiennent  à  la  série  des  petits 
deniers  qui  se  répandit  à  Metz  au  commencement  du 
XII*  siècle;  elles  sont  anonymes  et  portent  le  type  habituel 
de  révèché,  c'est-à-dire  le  buste  de  saint  Etienne,  avec  la" 
légende  de  S.  Stephanus. 

N*  2.  S.  STEPHANVS.  Buste  à  droite. 

i$  +  RVMELINGIS.  Dans  le  champ,  METTIS. 

Argent  ;  bon  aloi  ;  1  gramme.  —  Collection  Monnicr. 
(PL  VIll,  n-7.) 

Le  nom  de  la  ville,  écrit  en  trois  lignes  horizontales,  dis- 
positif ancien  employé  par  les  évêques  dès  la  fin  du  x*  siècle, 
place  la  monnaie  que  nous  venons  de  décrire  avant  les  sui- 
vantes, dans  Tordre  chronologique. 

La  pièce  mal  conservée  que  connaissait  Dupré  de  Geneste 
était  évidemment  la  même;  mais  cet  auteur  prenant  la 
première  partie  de  TN,  seule  visible,  pour  un  A,  et  suppo- 
sant que  la  huitième  lettre  et  la  neuvième,  qui  manquaient, 
étaient  un  G  et  un  V,  avait  proposé  de  lire  RVMELIACVS  *, 
ce  qui  le  ramenait  tout  naturellement  à  Rémilly. 

>  Il  y  avait  à  Metz  uno  collégiale  placée  aoue  le  vocable  de  saint  Pierre , 
mais  le  patron  de  la  cathédrale,  saint  Etienne,  paratt  seul  sur  let  nombreuses 
monnaies  messines  connues  jusqu'à  ce  jour. 

*  Saulcy,  Sujfpl,  aux  rcchenhes  i»ur  les  évéques  de  Metz,  p.  24,  et  pi.  II,  fig.  43. 

1863.  —  3.  H 


202  MÉMOIRES 

N*3 STEPHANVS.  Tête  à  droite. 

^  +  RVMELIN6IS.  Croix  pattée,  avec  une  étoile  dans 
chaque  canton. 
Argent;  bon  aloi;  Qfi'^Ql.  (  PL  VIII,  n«  8.  ) 

N-  4.  +  S.  STEPHAN Buste  à  droite,  la  main  élevée 

devant  le  visage. 

^  +RIMVLIGIS*,  sans  doute  pour  RVMILIGIS,  Croix 
pattée,  avec  une  étoile  au  troisième  canton  ;  grènetis  coupé 
par  les  branches  de  la  croix,  et  régulièrement  formé  de 
trois  perles  dans  chaque  segment. 

i4r(/en(;0»%80.  (Pl.VIII,n«9.) 

Ce  denier  faisait  partie  d*un  trésor  exhumé  en  1861  à 
Dieulouart  (  Meurlhe  ) ,  et  que  son  heureux  possesseur, 
M.  Monnier,  considère  comme  exclusivement  composé  de 
monnaies  de  Brunon,  archevêque  de  Trêves  (HOl-1120), 
d'Adalberon  V  et  d'Etienne,  évêques  de  Metz  (1103-1163), 
de  Henri  de  Lorraine,  évêque  de  Toul  (1127-1168),  et 
enfin  de  Simon  I*',  duc  de  Lorraine  (1115-1139)  ^. 

N*  5.  S.  STEPHANVS.  Buste  à  droite,  la  main  élevée. 

^  +RVMIL1NG1S.  Croix  pattée  et  recroisettée ,  avec 
deux  étoiles  et  deux  points  dans  les  cantons. 

Argent;  0«-,89.  (PL  VHI,  n»  10.) 

Le  dessin  de  ce  numéro  et  celui  du  n""  S  se  trouvent 
depuis  longtemps  dans  mon  portefeuille  des  trois  évèchés; 
j'ai  oublié  à  qui  appartenaient  les  monnaies. 

N*  6.  S.  STEPHANVS.  Même  type  qu'au  numéro  précé- 
dent ,  mais  où  la  main  est  moins  visible. 


1  M.  Monmer  lit  REIMVLI6IS,  mais  Tempreinte  qn'il  in*a  envoyée  ne  laisse 
▼oir  qnHin  I»  tout  en  présentant  Tespaee  sufBsant  pour  nn  £. 

*  Monnier,  NoU  tur  «mu  Ifouvaills  de  monnaies  (aile  prêt  de  Dieulouart.  Bro- 
chure in-8*y  p.  6. 


ET    DISSERTAI  IONS.  20S 

^  +  RVMELLNGIS.  Croix  pattée  et  recroisettée ,  avec  un 
point  dans  chaque  canton. 

Argent;  08',92;  collection  Monnier.  (PL  VIII,  n»  11.) 

Le  dessin  d*un  denier  semblable ,  dans  Mory  d'Elvange, 
portait,  par  suite  d'une  mauvaise  lecture,  RVMELINGVS 
au  lieu  de  RVMELINGIS. 

En  résumé,  si  Ton  tient  compte  du  style  général  des 
pièces  qui  précèdent  et  du  point  de  repère  que  nous  fournit 
la  présence  du  n*»  4  dans  la  trouvaille  de  Dieulouart,  il  est 
permis  de  penser  qu'elles  ont  été  frappées  sous  Poppon  et 
sous  Adalberon  IV  (1093-1115). 

Charles  Robert. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIOUE. 


Description  générale  des  monnaies  de  la  république  romaine, 
communément  appelées  médailles  consulaires,  par  H. 
Cohen.  Paris,  Bollin,  1857.  In-A%  75  planches. 

Troisiëme  et  dernier  article  *. 

Numonia,  L'auteur  m'attribue  l'opinion  suivante  :  que  les 
monnaies  de  G.  Numonius  Vaala  ont  été  frappées  en  7i4;  il 
aurait  dû  dire  vers  Tannée  706.  Voyez  Ragguaglio,  p.  222. 

Oppia.  M.  Cohen  donne^  pi.  LXI^  n*"  7  et  8,  le  dessin  d'un 
sesterce  de  M.  Oppius  Capito,  M.  OPPIVSCAPITOPRO.PR. 
PRAEF.  CLAS.  F.C.  avec  les  sigles  HS.  et  A.  Ce  sesterce  est 
d'un  module  beaucoup  plus  petit  que  le  triensdu  môme  préfet 
de  la  flotte  de  Marc-Antoine,  marqué  de  la  sigle  r  placée  près 
de  la  triskèle  (  cf.  Morelli^  Oppia^  C,  D.  ),  ce  qui  vient  à  l'ap- 
pui de  Topinion  de  Borghesi ,  qui  pense  que  la  réduction  de 
Tas  semi-oncial  au  poids  d'un  quart  d'once  eut  lieu  à  peu  près 
vers  Tan  de  Rome  715.  Voyez  Cavedoni,  Numism.  BibL, 
p.  I2i. 

11  est  à  regretter  que  l'auteur  n'ait  pas  songé  à  indiquer  le 
poids  de  chacune  des  monnaies  romaines  de  bronze. 

Pinaria,  n«»  10-12.  Ailleurs  (Appendice  al  Saggio,  p.  135) 
j'ai  cherché  à  faire  voir  qu'il  existait  une  allusion  au  surnom 
de  Scarpus  dans  la  matVi  ouverte^  parce  qu'en  grec  le  mot  xsproc 

1  VojM  il«iiM  numitm,,  1857,  p.  184  et  laiv.  ;  p.  346  et  sniT. 


BULLETIN   BIBUOGRAPHIQUE.  205 

signifie  la  paume  de  la  mnin.  Maintenant  je  serais  plutôt  dis- 
posé à  considérer  la  main  ouverte  et  étendue  comme  un  sym* 
bole  parlant  de  ce  que  fil  L.  Pinarius  Scarpus^  après  la  bataille 
d'Aciium,  en  se  livrant  lui  et  son  armée  d'Afrique  à  Octave  (Dio 
Cass.,  Hùt,^  LI,  5).  Il  est  certain  que  le  curieux  type  de  la  main 
ouverte  ne  se  voit  que  sur  les  monnaies  de  Pinarius  Scarpus, 
qui  portent  la  légende  :  LMP.  CAE3ARI  DlVl  F.,  et  non  sur 
celles  sur  lesquelles  on  lit  :  AiNTONlO  AVG.  (cf.  Borgliesi,  An- 
nales de  VInst.  arch.,  t.  XI,  p.  152). 

Plœtorta,  n"  6.  Les  deux  symboles  du  prœfericulum  et  de  la 
totrhe  ardente  semblent  se  rattacher  aux  fonctions  des  édiles, 
qui^  à  Toccasion  des  jeux  publics^  devaient  faire  éclairer  la 
ville.  Cic,  De  Nat.  Deorum,  i,  9.  Quid  autem  erat  quod  conçu- 
pisceret  Dcus  mundum  signis  et  luminibus  tamquam  œdiliê 
omareîCÎ.  Cavedoni^  Ragguaglioy  p.  114.  Les  édiles  devaient 
aussi,  à  la  même  occasion^  faire  des  libations,  comme  nous 
rapprend  Cicéron  [De  Harusp.  resp.,  11)  :  Si  xdilis  verbo, 
aut  simpulo  aberravit,  ludi  sunt  non  rite  facti. 

Plautia,  n»  10,  BACCHIVS  IVDAEVS.  C'est  à  tort  que  j'ai 
émis  la  conjecture  que  le  nom  de  Bacchius  était  d'origine  hé- 
braïque {Ragguaglio,  p.  i  15,  not.  06).  J'avais  pensé  que  Bacchius 
pouvait  être  le  nom  propre  biblique  Boccif  Bocdau ,  de  Silas, 
tyran  de  Lysiade,  qui  aurait  porté  le  nom  grec  l^aç  et  le 
nom  de  Bocci  ou  Bacchi  comme  nom  judaïque.  Mais  j'abandonne 
cette  opinion.  Il  est  clair  que  c*est  le  nom  grec  Baxxeîoc,  et  ce  nom 
ne  se  rapporte  à  aucune  forme  hébraïque  de  cette  époque. 
L'aïeul  de  saint  Justin,  martyr,  né  à  Néapolis  de  la  Samaritide, 
portait  également  le  nom  de  Bacchius  (BaxycToc).  Apolog.,  I,  1; 
Euseb.,  I/ist.  eccL,  IV,  12*. 

^  Voyez  ce  que  dit  M.  le  dac  de  Luyoes  (Rewa  num.,  1858,  p.  384)  de 
BoccAiiM  iitdmuê  qu'il  suppose  être  le  grand  prêtre,  fils  d'Alexandre  Jannéf , 
Bommé  Aristobule,  dont  le  nom  en  hébreu  aurait  été  Bueehi  on  Bueehiou» 
Les  historiens  (Appian.,  Bell.  Mithr.,  c.  117.—  Plin.,  H.  N.,  VU,  26)  nous 
i^iprennent  que  sa  révolte  appela  sur  lui  la  colère  de  Pompée,  qui  le  fit  pri- 


20Ô  BDLLETIiN    BinLIOGRAPHIQUË. 

Poblicia^  n<»  6.  Tête  laurée  d'Apollon;  derrière,  un  astre;  des- 
sou»,  ROMA. 

^  ROMÂ.  La  déesse  Rome  assise  sur  un  amas  d'armes,  tenant 
la  haste  dans  la  main  droite  et  le  parazonium  dans  la  gauche;  la 
Victoire,  debout  derrière  elle,  lui  pose  une  couronne  sur  la  tête. 

Ce  denier,  que  M.  Cohen  considère  comme  inédit,  quoique 
sa  description  ne  s'accorde  pas  avec  le  dessin^  me  paraît  élre 
un  composé  hybride,  formé  du  droit  d'un  denier  d'A.  Postumius 
Albinus  et  du  droit  également  d'une  pièce  de  C.  Poblicius  Mal- 
lêolus,  collègues  comme  triumvirs  monétaires.  Et  cette  idée  me 
semble  se  trouver  confirmée  par  la  répétition  du  nom  de  ROMA, 
inscrit  sur  les  deux  faces. 

Poblicia,  n*"  9.  M.  Cohen,  en  raison  de  la  grande  analogie  de 
type  d'un  denier  frappé  par  M.  Publicius,  lieutenant  propréteur 
do  Gnéius  Magims,  avec  celui  d'un  des  trois  deniers  frappés 
par  M.  Minatius  Sabinus,  proquesteur,  préfère  l'opinion  de 
ceux  qui  attribuent  ce  denier  à  un  lieutenant  de  Gnéius,  fils  du 
grand  Pompée.  Mais  il  n'aurait  pas  dit  ceci  s'il  avait  eu  con- 
naissance de  la  présence  d'un  denier  de  M.  Publicius  dans  le 
dépôt  de  Roncofrcddo;  ce  denier  est  nécessairement  antérieur 
à  Tannée  682,  et  appartient  par  conséquent  à  Pompée  le  Grand 
lui-même^  et  non  à  son  fils  aîné.  (  Voyez  Cavedoni,  JRaggua- 
glio,  p.  26-27,  205.)  La  palme  que  l'Espagne  personnifiée  pré- 
sente à  Pompée,  sera  le  symbole  de  la  victoire  remportée  dans 
tine  des  deux  grandes  et  terribles  batailles  livrées  à  Sucro  et 
à  Turiaso.  Acerrimis  et  maximis  prxliis  Sucronense  et  Turiensi 
{Cic,  ProBalbOyC.  2). 

Pompeia,  n«  i.  J'ai  assigné  comme  date  au  denier  de  Sextus 
Pompeius  Fosilus  et  à  celui  de  C.  Rennius  l'année  570  environ. 

lonmer,  le  déposséda  de  ses  États,  TemmeDa  à  Rome  et  lui  fit  suivre  son  char 
de  triomphe.  La  médaille  de  la  famille  Plaatia,  d'après  M.  le  duc  de  Luynes, 
représenterait,  d*an  côté,  latdte  de  la  ^lle  de  Jérusalem  personnifiée;  de 
Vautre,  Aristobale  vaincu  se  livrant  à  Pompée  et  déposant  son  titre  do  roi. 

J.W. 


BULLETIN   BIBUOGRAPHIQUE.  207 

Mais  M.  Cohen  ne  trouve  pas  entre  ces  deux  deniers  cette  res- 
semblance de  fabrique  que  j'avais  cru  apercevoir.  Quoi  qu'il  en 
soit  Je  sois  tout  disposé  à  faire  descendre  la  fabrication  d'un  de 
ces  deniers  d'une  quarantaine  d'années  et  plus ,  et  de  donner 
celui  qui  porte  les  noms  de  Sextus  Pompeius  à  l'aïeul  de  Pom- 
pée le  Grand,  auquel  Borghrsi  l'a  en  effet  attribué  (  Voyez  An- 
fiales  de  Clnst.  urch.,  t.  XX,  p.  239.  ) 

Pomponiay  u»  2.  Au  type  de  Numa  Pompilius,  représenté  sa- 
crifiant ,  s'appliquent  d'une  manière  on  ne  peut  plus  heureuse 
ces  paroles  de  Fronton  (Fer.  Alsiens.  epist.  3,  éd.  Rom.  I)  : 
Numa  senex  sancltssimus  nonne  inier  liba  et  décimas  profanandas 
et  suovitaurilia  mactanda  œtatem  egitf  epulorum  dictator,  cenù" 
rum  libator^  feriarum  promulgator?  En  effet,  sur  la  monnaie 
parait  le  pieux  Numa  dans  l'action  d'accomplir  un  sacrifice 
(absolvere  liba)  sur  un  autel  allumé. 

Porcia.  Les  lettres  ST  (  et  non  séparées  S.  T. ,  comme  les  a 
figurées  M.  Cohen  )  sont ,  selon  toute  probabilité ,  les  initiales 
du  mot  STabilis,  comme  je  Tai  dit  ailleurs  (  Saggio^  p.  59  ),  et 
ceci  se  trouve  confirmé  par  la  réponse  que  fit  le  Sénat  romain 
aux  ambassadeurs  de  Syracuse  envoyés  par  le  roi  Hiéron  : 
Victoriam  omenque  accipere  ^  sedemque  se  Divas  dare,  dicare 
Capitolium,  templum  Jovis  0.  M.  in  ea  arce  urbis  Romse  sacra^ 
taniyVolentem  propitiamque,  firmam,  ac  stahilem  fore  populo  Ro- 
mono  (T.  Liv.,  XXIl,  37).  Sur  les  monnaies  de  M.  Porcins  Ca- 
ton,  les  lettres  ST  sont  placées  entre  les  pieds  du  siège  sur 
lequel  est  assise  la  Victoire,  et  au  droit  de  ces  pièces  est  la  tète 
de  Rome.  Ainsi  le  rapprochement  me  parait  aussi  parfait  que 
concluant. 

Rubria.  Je  ne  sais  si  d'autres  numismatistes  ont  cherché  à  ex- 
pliquer V autel  sur  lequel  est  placée  la  cortine  *  autour  de  laquelle 


*  Je  De  sais  pourquoi  M.  l'abbé  Cavedoni  se  sert  ici  dn  mot  eorUnê  povr  in- 
diqner  le  symbole  de  forme  coniqae  placé  sur  Tautel.  Je  crois  que  sur  les  m 
de  L.  Rubrins  Dossenus,  aussi  bien  que  sur  ceux  d'Eppius,  c'est  Vinnphalot  de 


208  nUUETIIS    niRUOGHAPHIQl't. 

s^enroule  le  serpent  d'Esculape^  au  rfvrrs  de  la  douhle  tête  de 
JantfSf  sur  les  as  de  L.  Rnbrius  Dossenus  et  sur  ceux  d'Ep- 
pius,  lieutenant  de  Gn.  Pompée  Magnus  le  Jeune.  Je  pensi; 
que  cette  particularité  tout  à  fait  remarquable  se  rapporte  à  la 
fête  d'Esculape^  qu'on  avait  V habitude  de  célébrer  dans  Vîle  du 
Tibre  aux  calendes  de  janvier* y  auquel  jour,  qui  était  le  premier 
de  Tan,  avait  été  dédié  le  temple  consacré  à  Esculape.  Ovid., 
Fast,,  I,  289  :  Kalend.  Prxnest.  Cf.  Bull,  de  VInst.  arch.,  1854, 
p.  XXXVIU.  De  plus,  sur  les  as  de  Pompeius  Magnus  le  fils, 
le  type  d'Esculape  rappelle  peut-être  le  retour  à  la  santé  du 
général,  ce  qui  lui  permit  enfin  de  passer  de  Tîle  d'Ébuse  dans 
la  Bétique,  et  de  prendre  part  à  la  guerre  contre  César  (Dio  Cass., 
Hist.,  XLIII,  30).  M.  Cohen  a  émis  la  conjecture  que  ces  mon- 
naies appartiennent  au  père  de  Rubrius^  qui  fut  un  des  huit  pré- 
fets préposés  par  César  au  gouvernement  de  Rome  dans  le  temps 
où  il  partait  pour  la  guerre  d'Espagne.  Mais  ce  collège  de  huit 
p}^fets  est  pour  ainsi  dire  un  rêve  dû  à  l'imagination  d'Haver- 
camp.  Dion  Cassius  (  Hist ,  XLlll,  28)  atteste  en  effet  que  ces 
préfets  étaient  plutôt  au  nombre  de  six  que  de  huit ,  comme 
d'autres  Tout  cru  :  et  en  effet  jusqu'à  ce  jour  on  ne  connaît  les 
monnaies  que  de  cinq  d'entre  eux,  c'est-à  dire  de  L.  Cestius, 
â*A.  Hirtius ,  de  Z.  Livineius  Regulus.  de  Z.  Munatius  Plan- 
eus  et  de  C,  Norbanus. 

liustiaf  Tï'*  3.  On  peut  considérer  comme  inédit  le  remar- 
quable aureus  de  la  collection  Wigan^  à  Londres,  publié  par 
M.  Cohen  et  gravé  dans  son  ouvrage  avec  le  plus  grand  soin. 
Le  dessin  donné  par  M.  Riccio  est  un  dessin  imaginaire  et  ne 
mérite  pas  de  confiance.  Voici  la  description  de  cet  aureus  : 

Q,  RVSTIVS.  Deux  têtes  de  femme  placées  en  regard^  Vuno 
casquée^  Vautre  ornée  d'une  Stéphane  :  au  dessous,  YOKïV^kE, 

Delphes  qn^on  a  vonlu  fignrer.  Aux  pieds  de  quelques  statues  d'Esculape  est 
placé  i'Qmphalot,  Voyez  Clarao  ,  Mvaét  de  sculptwre  antique  et  moderne,  pi.  549. 
n»  1169,  et  pi.  650,  n*  1161.  —Cf.  AmiaUs  de  VInst.  archéotog  ,  t.  XIX, 
p.  418,  note  2.  J.  W. 


KL'LLETIN    BIBUOCiRAPHIQlJK.  209 

R  CAESARI  AVGVSTO.  W'HioWedemi'mie.  aux  ailes  étendues, 
qui  pose  sur  un  cippe  carré  un  bouclier  poitant  les  letlrcs  SC. 

Les  deux  têtes  de  fenuiie  figuréos  au  droit  sont  celles  des 
Fortunes  d'Antium  (Fortunœ  Antiatinœ)\  et  celle  qui  a  un 
casque  sans  ornements,  suivant  Tusage  romain,  sera  probable- 
ment la  Fm'tuna  Fortis,  (Voyez  Visconti,  Mus,  Pio  Clem.,  t.  II, 
tav.  XI i.  )  Au  revers  me  paraît  représentée  la  Victoire  dans 
l'action  de  dédier  le  bouclier  du  courage  {  Clipeum  virtutis),  dé- 
cerné à  César  Auguste  par  un  senatus -consulte;  la  déesse  le 
place  sur  Tautel  de  la  Fortune  {Fortunœ  reducis),  que  le  Sénat 
avait  également  décrété  à  la  même  occasion.  Cf.  Annales  de 
VInst.  arch.,  t.  XXI, p.  206;  t.  XXII,  p.  191 .  Du  reste  M.  Cohen, 
peut-être  par  simple  distraction,  dit  que  la  base  sur  laquelle  po- 
sent les  bustes  des  deux  Fortunes  d'Antium  (pi.  XXXVI, 
Jiustia^  2)  se  termine  en  forme  de  télé  de  bouc;  il  aurait  dû  dire 
tète  de  bélier.  De  même  que  les  machines  de  guerre  étaient  ter- 
minées par  une  tète  de  bélier^  de  même,  je  pense,  la  base  ex- 
prime les  idées  rappelées  par  le  Dante  : 

Che  giova  nella  Fata  dar  di  cozzo? 

(/nr.,lX,97.) 

Sempronia,  n«  1  i .  Au  revers  de  la  tête  nue  et  barbue  d'Octave, 
fils  du  divin  César,  DlVl.  F.,  on  voit  la  Fortune  debout  avec  un 
gouvernail  dans  la  main  droite  et  une  corne  d*abondance  dans  la 
gauche.  Ce  type  d'un  aureus  de  Ti.  Sempronius  Gracchus, 
quatuorvir  monétaire ,  en  Tan  711,  peut  rappeler  le  fait  de  la 
dédicace  à  la  Fortune  valeureuse,  Forti  Fortunœ  (  Plutarch.y  De 
Fort,  Bom,j  5)  des  jardins  légués  par  Jules  César  au  peuple  ro- 
main. La  môme  explication  peut  être  proposée  pour  la  Fortune 
dans  une  pose  semblable  qui  occupe  le  revers  d'un  quinaire  de 
P.  Sepullius  Macer,  triumvir  monétaire  dans  Tannée  même  de 
la  mort  de  César. 

TurilUoy  n«  1.  Je  crois  que  le  prétendu  as  de  M.  Riccio, 
avec  le  mot  TVRIL.  écrit  sur  la  proue  du  vaisseau  est  un  as 


210  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

(Je  Lucius  Tiiurius,  fils  de  Lucius,  L.  TITVRl.  L.  F.,  dont  la 
légende  est  défectueuse.  M.  Riccio  dit  que  son  as  est  à  fleur  de 
coin;  mais  l'empreinte  qu'il  en  a  donnée  dans  son  catalogue  ne 
le  montre  pas  dans  un  état  de  conservation  parfaite.  L'ancien 
graveur  a  pu  écrire  L.  TITVRl.  L.,  en  supprimant  la  lettre  F  par 
distraction  et  en  précipitant  son  travail.  Cf.  Cavedoni,  Appendice 
alSaggio.p  186. 

Valeria.  M.  Cohen  n'a  pas  eu  connaissance  des  dernières 
explications  que  j*ai  données  des  types  figurés  sur  les  monnaies 
de  L.  Valerius  Acisculus,  Bull.  arch.  Non.,  anno  \\\,  nuova 
série,  p.  81-93. 

Je  crois  avoir  établi ,  au  moyen  des  dépôts  de  Bologne  et  de 
Modène,  que  les  deniers  de  Valerius  Acisculus  ont  été  frappés 
de  Tan  de  Rome  705  à  Tan  714.  Cf.  Appendice  al  Saggio, 
p.  198;  Hagguaglio,  p  220. 

Le  triumvir  monétaire  Acisculus  était,  je  crois,  d'une  famille 
originaire  d'Espagne,  et  je  fonde  cette  opinion  sur  le  nom  du 
saint  martyr  de  Cordoue,  Acisculus,  célébré  dans  les  vers  de 
Prudence  (Peristeph.,  IV,  19.  —  Cf.  Ph.  A  Tune,  Mon,  vet. 
Antii^  p.  22j. 

Je  trouve  d'ailleurs  une  grande  ressemblance,  quant  à  la  fa- 
brique, entre  les  deniers  de  L.  Valerius  Acisculus  et  les  mon- 
naies frappées  en  Espagne  et  particulièrement  dans  la  Bétique. 
Et  quant  aux  types  mythologiques  d' Acisculus ,  sur  lesquels  on 
a  écrit  beaucoup  de  choses,  on  peut  également  les  retrouver  sur 
163  médailles  de  fabrique  hispanique.  Je  renvoie  pour  ces  rappro- 
chements à  mon  travail  inséré  dans  le  Bulletin  ofrhéologique  de 
JSaples  K 

1  M  Tabbé  Cavedoni,  avec  sa  vaste  érudition,  a  cherché  à  rattacher  tous  les 
types  des  monnaies  de  L.Valorius  Acisculus  à  TEspagne,  et  les  exemples  qu'il 
cite  ont  une  grande  valeur.  On  peut  comparer  ce  que  le  même  savant  a  écrit 
sur  les  types  d'Acisculus  dans  son  Saggio,  p.  188.  —  Annales  de  VInst,  arch., 
t.  XI,  p.  320.—  Bull,  de  VInst,  arehéol,^  1845,  p.  ISS,— Raggxtaglio^  p.  139.— 
Quant  anx  allusion»  nû  nom  et  au  surnom  de  Valerius  Acisculus  qu'on  trouve 


BUr.LETlN    BIBLIOGRAPHIQrE.  2 H 

Veturia,  J'ai  déjà  émis  la  conjecture  { /iagguaglio,  p.  i94) 
que  M.  Cipio,  P.  Silius  Nerva  et  Tiberius  Veturius  étaient  col- 
lègues comme  triumvirs  monétaires^  vers  l'an  650,  et  je  fonde 
ma  conjecture  sur  la  fabrique  et  le  style  des  monnaies  d'argent 
qui  portent  les  noms  de  ces  trois  magistrats.  Maintenant  mon 
hypothèse  se  trouve  confirmée,  en  voyant  que  ces  monétaires 
ont  tous  les  trois  fait  frapper  une  série  d'as  d'un  travail  soigné, 
comme  est  le  qnadrans  de  la  famille  Silia  que  j'ai  sous  les  yeux, 
et  comme  doit  être  celui  de  la  famille  Veturia ,  que  Borghesi  dé- 
signe sous  le  nom  d'un  petit  quadrans  [quadrantino).  Voir  les 
Annales  de  VInst,  arch  ,  t.  XI,  p.  283. 

Vibia,  M.  Cohen  ne  se  rend  pas  aux  raisons  alléguées  par 
Borghesi,  qui  attribue  à  la  gens  Vibia  les  monnaies  portant  le 
nom  de  G.  Norbanus.  Mais  l'opinion  de  Borghesi  se  trouve  cor- 
roborée d'une  manière  formelle  par  l'inscription  de  Teanum 
Sidîcinum^  dans  laquelle  il  est  question  d'un  G.  Vibius  Norba- 
nus, fils  de  Gains.  G.  VIBIO.G.  F.  QVIR.  NORBANO.  Mommsen, 
Inscript.  Regni  Nap.y  n*  401 3. 

Volieia,  n'a.  Sur  toutes  les  monnaies  de  M.  Volteius/on 
remarque  d'étroits  rapports  entre  la  tête  du  droit  et  le  type  du 
revers^  comme  sur  les  médailles  de  Gapoue,  d'où  il  tirait  peut- 
être  son  origine  (Gavedoni,  Appendice  al  Saggio,  p.  177).  Gybèle 
sur  un  char  tiré  par  deux  lions  ^  est  figurée  au  revers  d'un  buste 
représentant  un  personnage  jeune,  l'épaule  nue  et  la  tête  couverte 
d'un  casque  entouré  d'une  couronne  d  olivier  ou  d'autre  feuillage, 
M.  Gohen  suit  l'usage  de  reconnaître  ici  Pallas;  mais  comme 
l'épaule  nue  ne  convient  guère  à  cette  déesse,  Eckhel  avait  déjà 
émis  Topinion  que  ce  pouvait  être   le  busle  de  Mars  jeune. 

dans  les  types  de  ses  monnaies,  on  peut  voir  un  remarquable  article  de  CIu 
Lenormaut  dans  les  Nouvelles  Annale*  de  VInst.  arch.,  t.  II,  p.  142et8iiiv^, 
et  ce  que  j'ai  écrit  sur  le  géant  Yalens,  dans  la  Revue  numism.,  première  série, 
t.  XIV,  1849,  p.  325  et  suiv.  Je  crois  que  plusieurs  de  ces  explications  conter > 
vent  leur  valeur,  tout  en  acceptant  les  nouvelles  considérations  exposées  dans 
le  dernier  travail  de  M.  l'abbé  Cavedoui.  J,  W. 


212  BLLLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Pour  élahiir  les  rapports  eiitro  le  lype  du  droit  et  celui  du  revers, 
dont  je  parlais  tout  à  Theure,  je  serais  porté  à  considérer  ce 
buste  comme  celui  d'un  Corybante,  et  cette  hypothèse  se  trouve 
confirmée  par  un  passage  de  Servius  [ad  Virg.  yEn,,  VU,  796), 
dans  lequel  il  est  question  d*un  Corybante  qui  serait  venu  en  llalie 
et  se  serait  établi  dans  \v  voisinage  de  Rome  :  Dicunt  quemdam 
Corybantcn  venisse  ad  Italiam ,  et  tenuisse  loca  qux  urbi  vicina 
sunt.  Maintenant  ce  qui  ne  me  semblait  qu'une  simple  hypothèse 
revêt  le  caractère  de  la  certitude ,  si  Ton  rapproche  le  passage 
de  Servius  que  je  viens  de  citer  du  vers  suivant  de  Martial 
(libA.epigr.  1\,v   40): 

Qua  Cybehi  jïicto  stat  Corybante  tholus. 

J'aurais  bien  encore  quelques  rectilications  à  proposer  pour 
le  beau  livre  de  M.  Cohen,  surtout  en  ce  qui  regarde  les  endroits 
où,  d'après  M.  Riccio,  il  attribue  à  moi  et  à  d'autres  numisma- 
tistes  des  choses  que  nous  n'avons  pas  dites ,  mais  cet  article 
critique  a  déjà  dépassé  de  beaucoup  les  bornes  d'un  compte 
rendu  de  recueil  périodique.  Je  m'arrête  donc  et  je  pose  la 
plume. 

C.  Cavedoni, 


CHRONIQUE. 


RECTIFICATION  NUMISMATIQUE. 

En  lisant  rinléressanle  lettre  adressée  par  M.  Sabatier  aux 
rédacteurs  de  la  Revue^  et  insérée  dans  le  numéro  de  janvier, 
p.  6-i8,  on  ne  peut  pas  s'empêcher  d'être  frappé  du  chiffre  33 
que  ce  savant  croit  avoir  lu  sur  deux  poids  byzantins  d'une  once 
(45  à  26  gr.)  chacun.  Quelle  peut  être  l'unité  qui  correspond  à 
la  33*  partie  de  l'once?  Elle  n'existe  ni  dans  la  série  latine  ni 
dans  la  série  grecque  II  y  a  donc  ici  évidemment  une  erreur 
de  lecture  ou  une  erreur  de  gravure. 

En  effet,  examinant  attentivement  ce  poids  (pi.  H,  n*  2),  on 
remarque  d'abord  que  la  seconde  lettre  n'est  pas  un  A  mais  un 
A,  dont  la  barre  Irès-reconnaissable  sur  le  monument  n'a  pas 
été  reproduite  sur  la  planche  de  la  Revue  :  celte  barre  existe  aussi 
sur  l'exemplaire  du  Cabinet  de  France  (pi.  Il,  n»  3),  et  M.  Dar- 
del  l'a  légèrement  indiquée.  Il  ne  s'agit  donc  plus  de  chercher 
la  valeur  du  chiffre  33^  mais  seulement  la  signification  du  r, 
celle  de  l'A  indiquant  l'unité  ne  pouvant  être  douteuse. 

Un  examen  plus  minutieux  du  poids  du  Cabinet  de  France 
(pi.  Il,  n*  3)  permettra  d'observer  que  le  r  est  suivi  d'un  petit 
zéroo  [sic]^  qui  a  été  omis  sur  la  planche.  Or,  à  la  place  même 
qu'occupe  ce  point,  nous  voyons  un  0  véritable  sur  un  exagium  du 
même  Cabinet  pesant  également  une  once  (20  grammes)  et  sur 
lequel  les  deux  lettres  sont  séparées  par  une  croix  :  r»  f  A.  De 
plus,  nous  trouvons  sur  d'autres  poids  également  au  Cabinet  de 


21  &  CHRONIQUE. 

France,  la  môme  siglero  accompagnée  d'autres  lettres  numé- 
rales; ainsi  :  Fo  fB  sur  un  exagium  pesant  51  grammes  (2  on- 
ce»)  ;  rot  S  sur  deux  poids  de  six  onces  {Mi  et  459  grammes); 
sur  le  revers  du  premier  de  ces  poids  on  lit  SOL  XXXVI^  ce  qui 
correspond  parfaitement  avec  Texagium  de  deux  onces  décrit 
par  M.  Sabatier(pl.  W,  nM)  et  sur  lequel  on  lit  :  H.  Sol.  XII  '. 

Fo  est  donc  tout  simplement  la  sigle  grecque  indiquant  Ponce; 
et  correspond  à  ^qui  indique  la  litra  (pi.  II,  n°  4]9et  si  le  point 
ou  Vq  manquent  sur  Tonce  n*  2,  c'est  évidemment  un  oubli 
qui  accuse  la  négligence  ou  l'ignorance  de  l'artiste  byzantin. 
(bailleurs  cette  sigle  est  souvent  employée  avec  cette  signification 
dans  les  inscriptions  grecques  des  bas  temps',  et  M.  Sabatier 
n'aurait  évidemment  pas  cherché  dans  les  signes  TA  le  chiffre 
33;  s'il  avait  eu  te  bonheur  de  tomber  sur  des  poids  mieux  con- 
servés ou  phis soigneusement  exécutés  que  ceux  qu'il  avait  sous 
la  main.  La  comparaison  du  signe  complet  sur  un  exagium  du 
môme  poids,  et  la  (msence  delà  sigle  To  avec  des  lettres  numé- 
rales différentes  sur  d'autres  exagiums,  nous  ont  seules  mis  h 
môme  de  relever  cette  erreur  échappée  à  l'attention  conscien- 
cieuse jusqu'à  la  minutie  que  M.  Sabatier  apporte  toujours  à 
l'examen  des  monuments  dont  il  donne  la  description. 

Blacàs  d'Aulps. 


MONNAIE  ANDALOUSE  TROUVÉE  A  CONTRES. 

M.  Yergnaud  Romagnési  a  eu  l'obligeance  de  me  faire  part 
d'une  découverte  assez  bizarre  faite  tout  récemment  dans  le  dé- 
partement de  Loir-et-Cher^  non  loin  de  Blois.  Un  entrepreneur 


*  En  effet,  ëi  2  onces  =  le  poids  de  12  »(nis,  6  oncos  =  36  sous. 

•  C'est  à  M.  Momrnsen,  que  nons  avons  conpultô  lors  de  son  ptiseage  à  Pari», 
qae  nous  devons  ce  renseignement. 


CHRONIQUE.  215 

de  maçonnerie  voulant  construire  une  maison  an  village  de 
Contres,  sur  la  rouie  qui  mène  à  Celles,  fit  trancher  une  éléva- 
tion composée  de  terres  et  de  matériamc  d'une  nature  fort  sèobe 
et  y  découvrit  des  tombes  de  pierre  en  forme  de  gatnes  coaie- 
nant  dés  squelettes  très-bien  conservés.  Dans  Tune  se  trouvaient 
côte  à  côte  un  homme  de  haute  taiUe  sans  tête,  et  une  femme 
encore  jeune  dont  toutes  les  dents  et  même  les  cheveux  avaient 
résibtc  à  l'action  du  temps.  Dans  une  autre  tombe,  on  recueillit 
une  pièce  de  monnaie  d'argent  portant,  disaient  les  gens  du 
pays,  des  lettres  cabalistiques.  M.  Vergnaud  Romagnési  voulut 
bien  m'en  envoyer  une  empreinte  faite  avec  beaucoup  de  soin, 
et  quoiqu'elle  fût  réduite  par  la  rognure  aux  trois  cinquièmes  de 
son  diamètre,  j'y  reconnus  une  pièce  frappée  par  un  des  Om- 
méiades  d'Espagne  dans  VAndalouse,  c'est-à-dire  à  Cordoue.  Le 
symbole  religieux  se  lit,  tracé  en  trois  lignes  sur  une  face,  en 
quatre  lignes  sur  l'autre.  La  légende  circulaire  qui  contenait  le 
nom  de  lieu  et  la  date  écrite  en  toutes  lettres  suivant  l'usage  est 
tellement  coupée  qu'on  n'aperçoit  plus  que  Textréroité  inférieure 
des  lettres  à  queues  telles  que  le  «m,  le  tV,  le  noun.  Si  le  style  de 
la  pièce  n'était  pas  si  parfaitement  espagnol,  on  pourrait  hésiter 
sur  son  origine  et  la  chercher  dans  le  vaste  domaine  de  Tlsla- 
iiiisme  au  second  siècle  de  l'hégire,  mais  le  doute  n'est  pas  per- 
mis. Je  vais  plus  loin,  et  malgré  la  mutilation  de  la  légende  cir- 
culaire, j'y  reconnais  après  le  mot  Andalous  des  traces,  certaines 
par  l'observation  des  distances,  des  nombres  un  et  soixante  et 
cent;  lorsqu'on  place  cette  pièce  rognée  sur  une  monnaie  com- 
plète de  Tannée  t6i,  on  voit  facilement  que  la  concordance  des 
traits  est  parfaite.  Nous  avons  donc  là  un  dirhem  frappé  en  Tan- 
née 161  de  Thégire,  c'est-à-dire  en  Tan  777  de  Jésus-Christ.  On 
Ta  taillé  très-vraisemblablement  pour  lui  donner  le  module  des 
deniers  de  Pépin  et  de  Charlemagne  parmi  lesquels  il  circulait. 
Les  trouvailles  de  monnaies  arabes  sont  fréquentes  sur  les  rives 
de  la  mer  du  Nord  et  de  la  Baltique;  en  France,  on  recueille  de 
temps  à  autre^  dans  nos  provinces  méridionales,  des  monnaies 


218  Mf:»01RF5 

un  astre  et  un  croissant,  même  monograiiimo  que  sur  les 
pièces  précédentes,  et  la  lettre  l.— Drachme.  Poids,  As',29. 
(De  ma  collection,  pi.  IX,  n**  3.  ) 

Ces  trois  magnifiques  pièce»  proviennent  d*une  trouTaille 
faite  dans  les  environs  d*Amasia,  il  y  environ  trois  ans» 
trouvaille  sur  la  composition  de  laquelle  nous  donnerons 
plus  bas  quelques  détails. 

Le  tétradrachnie  de  Mithridate  n'est  pas  une  pièce  nou- 
velle; il  en  existait  depuis  phis  d'un  siècle  deux  exem* 
.plaires  au  Cabinet  de  France ,  mais  d'un  autre  coin  et  avec 
d'autres  monogramnjes  que  le  nôtre  ;  il  en  existait  égale- 
ment un  exemplaire  dans  une  collection  russe;  le  trésor 
d'Amasia  vient  d'en  fournir  quatre  ou  cinq  exemplaires» 
tous  d'une  belle  conservation,  et  présentant  quelques  va* 
riétés  dans  les  monogrammes  du  revers.  L'importance  de 
la  nouvelle  trouvaille ,  indépendamment  de  la  rareté  des 
pièces  quelle  renfermait,  consiste  priiKipalement en  ceci, 
qu  elle  permet  de  déterminer  quel  est  le  Mithridate  dont  ces 
pièces  reproduisent  le  portrait.  En  effet,  outre  Mithridate  VI 
Eupator  et  son  père  Mithridate  V  Évergète ,  quatre  autres 
souverains  du  même  nom  ont  régné  sur  le  Pont;  nous 
allons  les  passer  en  revue ,  en  renvoyant  pour  les  détails 
€t  pour  les  citations  au  travail  de  Clinton,  dont  nous  sui- 
vons la  nomenclature  et  la  chronologie,  et  qui  a  discuté 
avec  sa  science  et  sa  critique  habituelles  tous  les  faits 
relatifs  à  la  dynastie  du  Pont  {Fasti  Hellenici^  III,  ap« 
pend.  8). 

Le  Mithridate  I"  de  la  liste  de  Clinton  était  un  satrape 
héréditaire  plutôt  qu'an  roi  ;  il  mourut  en  363,  c'est-à-dire 
longtemps  avant  la  conquête  d'Alexandre;  s'il  a  battu 
monnaie ,  elle  devait  ressembler  à  celles  de  son  voisin  et 
contemporain  Ariarathc  de  Cappadoce ,  que  j'ai  fait  con- 


Il     DISSERTATIONS.  210 

naître  dans  cette  Revue  (  18(51,  p.  2),  et  dont  les  légendes^ 
sont  araméennes. 

Mitliridate  II,  suniommé  KuaxrtÇ  ou  le  fondateur^  petit- 
fils  du  précédent,  commença  à  régner  en  337,  et  fut  mis  à 
mort  par  ordre  d'Antigone  en  302,  à  l'âge  de  quatre-vingt- 
quatre  ans  ;  il  agrandit  son  royaume  à  la  faveur  des  guerres 
continuelles  qui  divisaient  les  successeurs  d'Alexandre,  et 
fut  le  véritable  fondateur  de  la  dynastie.  Son  fils ,  Mithri- 
date  III ,  lui  succéda ,  et  régna  obscurément  jusqu'en  266. 
C'est  à  un  de  ces  deux  princes  qu'on  a  attribué  jusqu'à 
présent  la  médaille  qui  nous  occupe  ;  il  n'y  a  qu'une  objec- 
tion sérieuse  à  faire  à  cette  attribution,  c'est  que  le  royaume 
du  Pont  ne  comprenait  probablement  à  cette  époque  aucune 
des  villes  helléniques  du  littoral,  et  que  les  habitants  par- 
laient des  dialectes  sémitiques;  il  est  donc  à  supposer  que 
les  légendes  des  monnaies  royales  étaient  encore  écrites  en 
aiaméei).  Cependant  l'objection  n'est  pas  insurmontable,  et 
l'on  peut  très-bien  adimeitre  que  ces  deux  princes ,  surtout 
le  dernier,  aient  frappé  à&i  monnaies  à  légendes  grecques 
pour  les  besoins  du  comaiefce,  et  concurremment  avec  les 
tétradracbmes  d'Alexandre  et  de  ses  successeurs,  dont  la 
circulation  était  générale. 

Mithridate  IV,  petit-fils  de  Mithridate  III,  régna  environ 
cinquante  ans,  suivant  les  calculs  de  Clinton;  il  était  mineur 
à  la  mort  de  son  père,  et  mourut  vers  l'an  100;  il  assiégea 
Sinope  inutilement;  ce  fut  son  fils  Pharnace  qui  s^en  em- 
para et  qui  annexa  cette  importante  conquête  à  ses  États 
héréditaires.  C'est  à  Mithridate  IV  qu'appartient  notre  mé- 
daille; mais  sans  la  trouvaille  d'Amasia,  il  eût  été  impos- 
sible de  le  démontrer;  en  efiet,  il  résulte  de  l'identité 
complète  des  monogrammes  sur  les  tétradracbmes  de 
Mithridate  et  de  Pharnace,  que  ces  deux  pièces  ont  été 


220  MÉMOlRt^S 

frappées  dans  le  môme  atelier  à  des  inlen'alles  peu  éloi- 
gnés ;  l'état  de  conservation  est  à  peu  près  le  même,  plua 
beau  cependant  pour  le  Pharnace  ;  enfin  le  père  est  repré- 
senté vieux  et  ridé,  tandis  que  le  portrait  du  fils  est  jeune, 
avec  de  légers  favoris*  C'est  donc  à  Mithridate  IV  qu'appar- 
tient la  plus  ancienne  monnaie  connue  des  rois  du  Pont, 
et  il  est  peut-être  le  premier  de  sa  race  qui  ait  fait  frapper 
des  tétradrachmes  attiques  à  son  ^fTigje  ;  dans  tous  les  cas, 
il  n'y  en  avait  pas  de  plus  anciens  parmi  les  nombreuses 
monnaies  du  trésor  d'Amasia,  et  l'on  remarquera  qu'Aria- 
ratbe>ni  de  Cappadoce,  contemporain  de  Mithridate  IV,  est 
également  le  preniier  de  sa  dynastie  qui  ait  frappé  des 
monnaies  à  légaides  helléniques^  ce  qui  est  parfaitement 
d'accord  avec  l'état  probable  des  populations  de  ces  pro- 
vinces à  cette  époque;  car  ce  n'est  que  sous  Ariarathe  Y 
Pliilipator  (163-130)  que  la  Cappadoce  commença  à  être 
hellénisée  (Diod.,  XXXI.  28). 

Les  monnaies  de  Pharaace  I*"",  fils  et  successeur  de 
Mithridate  IV,  n'étaient  pas  non  plus  inconnues;  la  plupart 
des  anciennes  collections,  telles  que  celle  des  grands-ducs 
-de  Toscane,  à  Florence,  ^t  celle  du  comte  de  Pembroke^  en 
Angleterre,  possédaient  de  grandes  pièces  de  Pharnace, 
moulées  en  or  oU  en  argent  sur  un  original  dont  on  avait 
perdu  la  trace ,  et  que  j'ai  retrouvé  dans  la  collection 
Hunter,  à  Glasgow.  J'ai  fait  dessiner  cette  pièœ  (pk  IX, 
n*  4)  d'après  l'empreinte  que  j'en  ai  prise  il  y  a  quelques 
années;  c'est  un  exemplaire  fruste ^t  troué,  mais  parfaite- 
noent  authentique,  du  tétradrachine  de  Phamace^,  frappé  à 
une  époque  plus  avancée  de  la  vie  de  ce  prince,  et  ne  diffé- 
rant du  notre  que  par  les  monogrammes  et  par  la  présence 
d'un  foudre,  placé  dans  le  champ  au-dessus  de  la  tête  de 
la  divinité.  Dans  le  trésor  d'Amasia  il  y  avait  quatre  ou 


ET    DISSERTATIONS.  221 

cinq  exemplaires  (lu  télradracbme,  tous  très-beaux,  et  une 
seule  drachme  à  leur  de  coin. 

La  description  donnée  par  Eckbel  (/>.  N.  F.,  II.  p.  363) 
du  revers  de  la  médaille  de  Pharnace  n'est  pas  exacte  ; 
ranimai  aux  pieds  de  la  divinité  est  certainement  une  bicbe, 
«t  non  une  panthère,  et  la  figure  n'a  d'ailes  ni  à  la  tête  ni 
aux  pieds.  Quant  à  la  figure  elle-même,  c'est  une  divinité 
panthée,  à  laquelle  il  serait  diflicile  d'assigner  un  nom  ;  en 
effet,  on  ne  peut  guère  y  reconnaître  avec  Le  Blond  le  Men 
Pbarnace ,  dont  il  existait  un  temple  célèbre  à  Cabira  dans 
le  Pont;  car  cette  divinité  était  sans  doute  semblable  aux 
autres  dieux  lunaires  adorés  sur  tant  de  points  de  la  pénin- 
sule asiatique,  et  qui  n'ont  rien  de  commun  avec  la  repré- 
sentation de  notre  médaille. 

On  ne  connaît  pas  de  médaille  certaine  de  Mithridate  V 
Évergète,  fils  et  successeur  de  Pharnace  I"  ;  Vaillant  en  a 
publié  une ,  tirée  du  cabinet  du  cardinal  Massimo  ;  mais 
personne  ne  l'a  revue  depuis ,  et  la  description  qu'il  en 
donne  étant  loin  de  s'accorder  avec  la  gra^re  qui  accom- 
pagne son  texte ,  on  ne  peut  guère  admettre  sans  réserves 
l'authenticité  de  cette  pièce.  Mithridate  Évergète  a  dû 
cependant  battre  monnaie,  comme  ses  prédécesseurs  et 
son  successeur;  espérons  qu'une  trouvaille  nouvelle  en 
fournira  bientôt  quelques  échantillons,  et  viendra  compléter 
eette  intéressante  série. 

Les  médailles  de  Mithridate  IV  et  de  Pharnace  I*'  ne  sont 
pas  datées,  ce- qui  est  d'autant  plus  regrettable  qu'on  ne 
connaît  pas  exactement  la  durée  de  leurs  règnes  ;  mais  il 
n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner,  car  l'habitude  d'inscrire  sur 
les  monnaies  les  années  d'une  ère  ne  s'introduisit  que  plus 
tard  en  Asie  Mineure.  En  Syrie,  l'usage  était  fort  ancien; 
u»  grand  nombre  de  dariques  frappées  en  Phénicie  portent 


222  MÉMOIRES 

des  dates;  sous  les  Séleucicles  cela  deviut  la  règle,  et  à 
partir  du  règne  d'Antiochus  III ,  on  trouve  des  dates  d'une 
ou  plusieurs  ères  sur  une  foule  de  monnaies  municipales  et 
royales  ;  il  faut  descendre  jusqu'au  règne  de  Démétrius  V 
toutefois  pour  rencontrer  des  dates  sur  les  tétradracfames 
royaux,  et  la  plus  ancienne  connue  est  de  Fan  168  de  l'ère 
des  Séleucides  (A.  C.  15A}.  En  Asie  Mineure,  les  rois  de 
Cappadoce  se  sont  bornés  à  inscrire  les  années  de  leur  règne 
sur  leurs  monnaies;  mais  les  derniers  rois  de  Bithynie 
et  du  Pont  se  sont  servis  sur  leurs  pièces  d'or  et  d'argent 
d'une  ère  commune  aux  deux  provinces,  qui  commence 
en  297  A.  G.,  c'est-à-dire  environ  quinze  ans  après  celle 
des  Séleucides.  Nicomède  II  de  Bithynie  est  le  premier  de 
sa  dynastie  dont  les  tétradrachmes  soient  datés;  le  plus 
ancien  exemple  connu  est  de  l'an  150  (A.  C.  1A7),  d*où  il 
résulte  qu'en  Bithynie  on  ne  fit  que  suivre  l'exemple  de  la 
monnaie  des  Séleucides.  S*il  en  fut  de  même  dans  le  Pont, 
ce  n'est  que  sous  le  règne  de  Mithridate  V  Évergète  qu'où 
pourrait  s'attendre  à  trouver  des  dates  sur  les  monnaies  ; 
toutefois,  il  est  fort  possible  que  cet  usage  n'sdt  commencé 
que  sous  Mithridate  VI  Ëupator  ;  car  toutes  les  monnaies 
de  ce  prince  ne  sont  point  datées  ;  je  n'en  connais  pas 
d'antérieure  à  l'année  202  du  Pont  (A.  G,  95),  et  il  y  avait 
alors  vingt-cinq  ans  qu'il  était  monté  sur  le  trône. 

Il  me  reste  à  parler  de  la  composition  du  trésor  d'Amasia, 
d'après  les  renseignements  malheureusement  incomplets 
que  j*ai  pu  recueillir.  La  masse  consistait  en  tétradrachmes 
d'Alexandre,  au  nombre  de  deux  à  trois  cents;  les  autres 
pièces  qui  m'ont  été  signalées  étaient  :  1"*  des  tétradrachmes 
des  premiers  Séleucides  et  surtout  d'Antiochus  III  (A.  G.  223- 
187),  parmi  lesquels  se  trouvait  un  exemplaire  de  la  rare 
pièc€i  avec  l'éléphant  au  revers  (pi.  IX,  n"  5);  cette  mé- 


ET   DISSEUTATIOXS.  223 

daille,  qui  faisait  partie  de  la  collection  de  JL  le  duc  de 
Luynes,  est  d'une  belle  conservation  et  n*a  presque  pas 
circulé;  2*  trois  ou  quatre  tétradrachines  d'Antioche  sur  le 
^léandre,  avec  diiïémnts  noms  de  magistrats  ;  j*en  ai  fai 
dessiner  un  qui  est  entré  dans  ma  collection  (pi.  IX,  n*  6); 
ces  pièces  avaient  été  quelque  temps  en  circulation; 
3**  deux  ou  trois  tétradrachmes  de  IVusias  I*^,  roi  de 
Bithyoie,  qui  mourut  entre  133  et  179  A.  G.  (Clinton^  F. 
H.^  III,  Appcnd  ,  7);  4**  enfin  les  pièces  de  Mithridate  IV 
et  de  Pharnace  P',  que  nous  avons  décrites  plus  haut 

L'enfouissement  du  trésor  eut  donc  lieu  dans  les  pre- 
mières années  du  règne  de  Pliarnace  ;  les  pièces  de  ce 
prince  étaient  les  mieux  conservées  de  la  trouvaille,  et  la 
drachme  n'a  pas  même  été  en  circulation;  comme  Mithri- 
date iV  régna  longtemps  et  mourut  à  un  âge  assez  avancé^ 
son  fils  devait  avoir  au  moins  trente  ans  à  son  avènement, 
ce  qui  est  d'accord  avec  son  portrait,  tel  que  nous  l'ofireni 
les  médailles. 


CONFÉDÉnATtOX   D£   QUELQUES   VILLES  DE   L'ASIE   MlNEUBC 

ET  DES  Iles  après  la  bataille  de  CNms  (A.C.  39A). 

(  PI.  X.). 

I.  IXîi.  Hercule  jeune  étranglant  les  serpents, 
^  2A.  Tête  de  lion  de  face.  —  Poids,  H«%52.  (Musée 
Britannique.  PL  X,  n*»l.)  Un  autre  exemplaire  de  lacollec- 
lion  Northwick,  d'une  conservation  parfaite,  pesait  ll«%â8, 
et  un  troisième  I  de  ma  collection  ^  moins  bien  conservé, 
pèse  ll*'rl8. 


22A  mémoibës 

2.  Même  droit. 

^  E<&.PE.  Mouche;  traces  d'un  cercle  creux. — Poids, 
ll^^àh.  (Musée  Britannique.  PI.  X,  n*  2.)  Il  existe  au 
musée  Hunter  un  exemplaire  fruste  de  cette  pièce. 

3.  Même  droit. 

i^  [K]NlMn[N].  Tête  de  Vénus  à  droite;  dans  le  champ, 
une  petite  proue  de  vaisseau  ;  traces  d'un  cercle  creux.  — 
(Soufre  communiqué  par  M.  Lampros  d'Athènes.  PI.  X, 
n«â.) 

à.  Même  droit,  sans  légende. 

1^  PO.  Fleur  du  balaustium;  traces  d'un  cercle  creux. 
—  Poids,  11»',35.  (Collection  de  Luynes.  PI.  X,  n«  3.) 
Il  y  a  dans  le  musée  Hunter  un  exemplaire  très  fruste  de 
cette  médaille. 

Ces  monnaies  présentent  d'un  côté  un  type  uniforme,  de 
l'autre  les  types  bien  connus  de  quatre  villes  situées  sur  la 
côte  de  l'Asie  Mineure  et  dans  les  lies  adjacentes  ;  leur 
poids,  qui  n'est  en  usage  dans  aucime  des  quatre  villes,  et 
qui  se  rattache  à  un  système  particulier;  le  mot  2TN, 
inscrit  auprès  d'une  représentation  de  la  force  héroïque, 
comme  si  l'on  avait  voulu  dire  «l'union  fait  la  force;» 
tout  indique  que  nous  avons  sous  les  yeux  les  monuments 
d'une  confédération  politique.  Ces  monnaies  sont  d'ailleurs 
les  seuls  témoins  d'une  alliance  que  l'histoire  a  passée  sous 
silence ,  et  nous  allons  examiner  quelles  sont  les  circon- 
stances qui  ont  pu  donner  lieu  à  un  rapprochement  entre 
des  villes  qui  généralement  étaient  loin  de  suivre  les  mêmes 
errements  politiques. 

Il  est  facile  de  réduire  à  d'assez  étroites  limites  l'inter- 
valle pendant  lequel  a  pu  avoir  lieu  l'émission  de  ces  mon- 
naies; elles  ne  peuvent  être  ni  antérieures  à  l'année  406, 
époque  de  la  fondation  de  Rhodes,  ni  postérieures  à  la 


ET    DISSERTATIONS.  225 

paix  d'Autalcidas  (387  A.  C.)«  qui  repLiça  définitivement 
toutes  les  villes  du  continent  asiatique  sous  la  domination 
du  roi  de  Perse,  et  qui  leur  interdisait  tout  rôle  politique* 
Un  coup  d'œil  rapide  jeté  sur  les  événements  de  ces  vingt 
années  nous  suffira  pour  déterminer  exactement  la  date  de 
ralliaoce  que  ces  pièces  viennent  révéler  pour  la  première 
fois. 

La  bataille  d*iEgospotami,  qui  mit  fin  à  la  longue  demi* 
nation  des  Athéniens  sur  les  côtes  d'Asie  et  sur  les  Iles 
de  la  mer  Egée ,  avait  été  livrée  vers  le  mois  de  sep- 
tembre A05.  A  cette  nouvelle,  toutes  les  villes  qui  tenaient 
encore  pour  Athènes  se  révoltèrent  et  chassèrent  leurs 
garnisons,  à  la  seule  exception  de  Samos.  Les  Samiens , 
craignant  par-dessus  tout  le  retour  des  oligarques  exilés, 
refusèrent  de  rendre  leur  ville  aux  officiers  envoyés  par 
Lysandre,  et  ils  allèrent  mëme^  jusqu'à  faire  périr  un 
certain  nombre  des  principaux  citoyens  soupçonnés  de 
comploter  le  renversement  da  la  démocratie.  Lysandre, 
après  avoir  installé  partout  des  harmostes  lacédémoniens, 
fit  voile  pour  Athènes,  dont  il  forma  immédiatement  le 
siège;  mais  après  la  reddition  de  cette  capitale,  qui 
eut  lieu  au  printemps  de  Tannée  suivante  (AOA) ,  il  re- 
tint immédiatement  à  Samos  pour  éteindre  le  dernier  foyer 
de  résistance  en  Asie.  Bloqués  par  les  forces  du  général 
lacédéroonien,  les  Samiens  capitulèrent  au  moment  où  l'on 
allait  donner  Tassant;  ils  purent  se  retirer  avec  la  vie 
sauve,  et  n'emportant  chacun  qu'un  seul  vêtement.  Ly- 
sandre restaura  les  oligarques  exilés ,  et  leur  livra  la  ville 
avec  tout  ce  qu'elle  contenait;  il  y  établit  une  décarchie 
ou  conseil  de  dix,  comme  dans  les  autres  villes,  et  y  laissa 
en  outre  le  Lacédémonien  Thorax  comme  harmoste.  A 
partir  de  ce  moment,  il  ne  reste  pas  de  ville  hellénique 


226  MÉMOiiiLS 

sur  la  côte  cl  Asie  et  dans  les  îles  qui  ne   fut  soumise 
à  Tautorité  de  Sparte  ;  Éphèse  et  les  villes  rhodiennes 
s'étaieut  détacliées  d' Athènes  plusieurs  années  aupara- 
Yant# 

La  suprématie  de  Sparte  dura  environ  dix  ans  ;  mais 
rinsolence  et  les  exactions  des  harmostes,  la  tyrannie  des 
décarchies,  et  surtout  les  réactions  sanglantes  amenés  par 
le  retour  des  oligarques,  ne  tardèrent  pas  à  dégoûter  les 
Grecs  de  leurs  nouveaux  maîtres,  et  à  faire  regretter  la 
domination  athénienne,  moins  dure  pour  les  villes  tribu- 
taires, et  reposant  presque  partout  sur  des  institutions 
démocratiques  ;  ce  furent  Tbèbes ,  en  Grèce,  et  Rhodes,  en 
Asie,  qui  donnèrent  le  signal  de  la  révolte.  Vers  le  com- 
mencement de  Tannée  395,  le  satrape  Pbamabaze,  alors  en 
guerre  avec  Agésilas  et  les  Lacédémoniens ,  obtint  pour 
l'amiral  athénien  Conon  le  commandement  d*une  flotte 
persane,  qui  alla  croiser  sur  les  côtes  de  la  Carie,  entre 
Rhodes  et  Cnide  ;  profitant  de  sa  présence  dans  leur  voisi* 
nage,  les  Rhodiens  se  soulevèrent,  chassèrent  Famiral 
lacédémonien  Pharax  qui  était  dans  leur  port  avec  une 
flotte,  et  appelèrent  Gonon,  qui  fit  de  Rhodes  la  base  de  ses 
opérations  (Diod.,  XIV,  79).  Pendant  plus  d'une  année, 
les  choses  en  restèrent  là;  Conon ,  paralysé  par  les  intri- 
gues et  les  jalousies  des  officiers  persans,  ne  pouvait  rien 
entreprendre.  Finalement,  &  la  suite  d'un  voyage  qu'il  fit 
lui  -même  à  la  cour  de  Perse,  il  obtint  du  roi  Artaxerce  des 
subsides  considérables  et  l'énergique  coopération  du  sa- 
trape Phamabaze,  A  la  tête  d'une  flotte  nombreuse,  les 
deux  commandants  vinrent  jeter  l'ancre  à  Rhodes  vers  le 
mois  de  juillet  39A,  et  peu  de  jours  après  ils  attaquaient 
en  vue  de  Cnide  la  flotte  lacédémonienne,  commandée  par 
Pisandre  ;  ils  remportèrent  une  victoire  complète ,  la  flotte 


ET   J)lSSLIirATlONS.  227 

eunemie  fut  prise  ou  dispersée,  et  Pisandre  fut  tué  jKîn- 
dant  l'action.  A  quelques  jours  de  distance  avait  lieu,  en 
Béotie,  la  bataille  de  Coronée,  où  les  Lacédémoniens  rem- 
portaient sur  les  Tiiébains  et  leurs  alliés  une  victoire  sté- 
rile et  chèrement  achetée.  Les  conséquences  de  ces  deux 
batailles  furent  immenses.  Phamabaze  et  Conon  parcou- 
raient les  îles  de  la  mer  Egée  et  les  côtes  de  TAsie ,  et  pro- 
clamaient l'autonomie  de  chaque  ville;  partout  les  har- 
mostes  lacédémoniens  s'enfuyaient ,  sans  même  essayer  de 
résister,  tellement  ils  se  sentaient  impopulaires  et  inca- 
pables de  tenir  tète  à  la  haine  violente  que  leur  tyrannie 
avait  suscitée  contre  eux.  Cos,  Nisyros,  Chios,  Samos  et 
Mytilène,  parmi  les  îles,  Éphèse,  Erythrae  et  Téos,  sur  ]a 
côte,  sont  mentionnées  par  les  historiens,  les  unes  comme 
ayant  déclaré  leur  neutralité,  les  autres  comme  ayant 
embrassé  le  parti  d'Athènes;  toutes  les  villes  asiatiques 
suivirent  cet  exemple,  à  l'exception  d'Abydos,  qni,  per- 
sistant dans  sa  vieille  haine  contre  Atliènes ,  devint  bientôt 
le  refuge  des  Lacédémoniens  et  le  centre  de  leurs  opéra- 
rations  sous  les  ordres  de  Dercyllidas.  (Xen.,  /7f/Ieti., 
IV,  8.  — Diod.,XIV,  84,  07.) 

Pharnabaze  brûlait  de  se  venger  de  Sparte  et  de  lui 
rendre  chez  elle  les  affronts  qu'il  en  avait  reçus.  Au  prin- 
temps de  l'année  suivante  (3tt3),  il  quitta  THellespont  avec 
une  flotte  considérable,  et  alla  débarquer  sur  les  côtes  de 
la  Laconie,  qu'il  ravagea  pendant  quelque  temps;  puis  il 
s'empara  de  l'île  de  Cythère,  en  chassa  les  Lacédémoniens, 
et  vint  avec  toute  fa  flotte  à  l'isthme  de  Corinthe,  où  était 
rassemblée  l'armée  des  États  alliés  contre  Sparte.  II  leur 
distribua  des  subsides,  et  les  encouragea  à  persévérer;  il 
permit  à  Conon  d'employer  les  équipages  de  la  flotte  à  re- 
lever les  fortifications  du  Pirée  et  les  murs  qui  rattachaient 


228  MÉMOIRES 

ce  port  à  Athènes,  sachant  bien  qu'il  ne  pouvait  porter  aux 
Lacédémoniens  de  coup  plus  sensible;  ayant  ainsi  goûté 
les  plaisii*s  de  la  vengeance,  il  retourna  en  Asie.  (Died., 
XIV,  8â,  85.— Xen.,  HelL,  IV,  8.) 

Gonon  employa  le  reste  de  Tannée  393  à  la  tâche  qu'il 
avait  entreprise;  promenant  sa  flotte  à  travers  la  mer  Egée 
pour  y  lever  des  contributions,  il  rétablissait  partout  l'in- 
fluence athénienne.  Cette  conduite  excitait  de  vives  alarmes 
à  Sparte,  où  Ton  prévoyait  déjà  avec  effroi  le  rétablisse- 
ment de  l'empire  maritime  d'Athènes;  les  éphores  résc- 
lurent  alors  de  tarir  une  des  sources  de  la  puissance  de 
Gonon  en  le  brouillant  avec  les  autorités  persases.  Tiribaze, 
ancien  satrape  d'Arménie ,  commandait  à  cette  époque  les 
forces  persanes  en  Asie,  et  gouvernait  probablement  en 
même  temps  la  satrapie  de  Sardes;  c'est  à  lui  que  les 
éphores  s'adressèrent;  leur  envoyé  Antalcidas  était  chargé 
de  lui  démontrer  que  Gonon  faisait  les  afiaires  d'Athènes 
beaucoup  plus  que  celles  du  grand  roi  dont  il  recevait  des 
subsides ,  et  il  devait  tâcher  de  négocier  la  paix  avec  la 
Perse,  sur  la  base  de  l'abandon  du  territoire  asiatique  et 
de  l'autonomie  complète  des  lies  et  des  autres  villes  hellé- 
niques. Ces  conditions  étaient  certainement  de  nature  à 
être  acceptées  par  le  roi  de  Perse,  et  Tiribaze,  qui  n'avak 
pas,  comme  Phamabaze,  des  motifs  particuliers  de  haine 
contre  Sparte,  se  montrait  disposé  à  les  accepter;  mais  îA 
rencontra  une  opposition  très-vive  chez  les  envoyés  d'Athè- 
nes, de  Thèbes  et  d'Argos,  venus  pour  contrecarrer  la  mis- 
sion d' Antalcidas.  Ces  derniers ,  avec  Gonon  à  leur  tête, 
refusèrent  absolument  d'y  souscrire;  il  leur  répugnait  d'a- 
bandonner les  Hellènes  de  l'Asie ,  et  surtout  d'accepter  le 
principe  de  l'autonomie  complète  de  chaque  ville ,  ce  qui 
^ût  entraîné  pour  Athènes  la  perte  de  Lemnos.  Imbros  et 


KT   WSSERtATlOAS.  229 

Scyros,  et  [>our  Tbèbes  celle  de  sa  suzeraineté  sur  les  au- 
tres villes  béotiennes.  (Xen.,  HelL^  IV,  8.) 

Tiribaze  n*osa  passer  outre,  mais  il  fournit  sous  main 
des  fonds  à  Antalcidas  pour  équiper  une  flot-te  ,  et  rendre 
ainsi  les  Athéniens  et  leurs  alliés  plus  trai tables  ;  en  même 
temps  il  prit  sur  lui  d'arrêter  Gonon  et  de  renfermer  à 
Sardes^  soit  qu'il  crût  aux  accusations  d* Antalcidas,  soit 
que  le  général  athénien  eût  excité  sa  jalousie  par  ses 
brillants  succès  et  par  Tinfluence  qu'il  exerçait  sur  Phar- 
nabaze  ;  il  se  rendit  ensuite  à  la  cour  de  Perse  pour  rendre 
compte  de  sa  conduite  et  demander  des  instructions.  La 
mission  d'Antalcidas  et  l'arrestation  de  Gonon  eurent  lieu 
dans  le  courant  de  l'année  392.  Tiribaze ,  dont  la  conduite 
semble  ne  pas  avoir  été  approuvée  d'abord,  fut  retenu  en 
Perse,  et  Artaxerce  envoya  pour  le  remplacer  à  Sardes  le 
satn^  Struthas,  qui  avait  été  témoin  des  ravages  commis 
par  Agésilas,  et  qui)  par  conséquent,  était  aussi  hostile  aux 
Lacédémoniens  que  bienveillant  pour  les  Athéniens.  Voyant 
alors  qn'ils  n'avaient  rien  «^  attendre  des  négociations ,  les 
épbores  résolurent  de  reporter  la  guerre  en  Asie  ;  depuis 
que  Gonon  avait  cessé  de  commander  la  flotte  persane ,  la 
mer  Egée  était  libre  ;  Dercyllidas  était  toujours  maitre  de- 
Sestos  et  d'Abydos,  et  il  avait  sans  doute  proflté  des  cir- 
constances pour  rétablir  sur  quelques  points  l'influence  de 
Sparte.  Il  est  impossible  d'établir  exactement  la  chrono- 
logie des  événements  maritimes,  pendant  les  années  qui 
séparent  la  bataille  de  Gnide  de  la  paix  d'Antalcidas,  mais 
il  semble  que  les  Lacédémoniens  ne  firent  aucun  eflbrt  se* 
rieux  du  côté  de  l'Asie  en  391,  et  qu'ils  n'envoyèrent  une 
expédition  sous  les  ordres  de  Thibron  qu'au  printemps  de 
l'année  suivante.  (Xen. ,  Hell ,  IV,  8.— Diod. ,  XIV,  85,  99.) 

Thibron  à  son  arrivée  en  Asie  ne  fut  pas  d'abord  admis 


230  MÉMOIKFS 

dans  les  murs  crÉphèse,  les  Épliésiens  ayant  été  des  pre- 
miers à  se  révolter  contre  Lacédémone  après  la  bataille  de 
Cnide.  11  se  rendit  maître  d'abord  d'Isinda,  petite  ville 
d'Ionie,  et  alla  prendre  position  sur  le  mont  Coressus,  qui 
domine  Éphèse;  toutefois  il  ne  tarda  pas  à  pénélier  dans 
la  ville  de  gré  ou  de  force,  et  en  fit  son  quartier  général. 
Il  s'avança  alors  vers  le  Méandre,  occnpa  Priène  et  quel- 
ques autres  villes,  et  de  là  étendit  ses  ravages  dans  Tinté- 
nenr;  mais  il  ne  tarda  pas  à  être  attiré  par  Strnthas  dans 
nue  embuscade.  Attaqué  à  Timproviste  par  la  cavalerie 
persane,  Thibron  fut  tué  dès  le  premier  cboc;  son  camp 
fut  envahi  et  son  armée  détruite  ou  dispersée  :  un  petit 
nombre  de  soldats  échappa  à  la  poursuite  de  Tennemi  et 
se  réfugia  dans  les  villes  voisines.  (  Xen. ,  Uelf. ,  IV,  8.  — 
Diod.,XlV,9a) 

Dîphridas,  envoyé  de  Sparte  pour  remplacer  Thibron, 
rassembla  les  restes  de  l'armée  battue,  et  réussit  à  protéger 
les  villes  grecques  qui  avaient  accueilli  les  Lacédémoniens  ; 
il  obtint  même  quelques  succès  contre  les  Perses,  mais  il 
n'accomplit  rien  d'important.  Le  vaisseau  qui  l'avait  amené 
à  Éphèse  faisait  partie  d'une  petite  escadre  de  huit  navires, 
sons  les  ordres  d'Ecdicus,  destinée  à  secourir  le  parti  lacêdé- 
monien  dans  l'île  de  Rhodes;  en  passant  à  Samos,  Ecdicus 
jf^rsuada  aux  Samiens  de  s'allier  avec  Lacédémone ,  puis 
il  alla  relâcher  à  Cnide,  où  il  paraît  avoir  été  accueilli  favo- 
rablement ;  mais  il  n'osa  rien  entreprendre  contre  Rhodes. 
En  effet,  le  parti  démocratique  était  encore  maître  de  l'île, 
bien  que  les  oligarques,  partisans  de  Lacédémone,  se  fus- 
sent relevés  un  peu  depuis  leur  défaite  en  395.  Vers  la 
fin  de  l'année  (390),  l'amiral  Téleuiias  vint  remplacer 
Ecdicus;  ayant  augmenté  son  escadre  de  quelques  vais- 
seaux samiens,  il  fit  voile  pour  Rhodes.  A  son  arrivée ,  la 


l-T   mSSERTATlOXS.  2Sl 

guerre  civile  éclata  ;  mais  Téleutias  et  les  oligarques  fu- 
rent vaincus,  et  ils  durent  se  borner  à  occuper  un  poste 
fortifié,  sous  la  protection  de  la  flotte  lacèdémonienne, 
tandis  que  leurs  adversaires  restaient  iriaitres  de  la  capi- 
tale, ainsi  que  des  anciennes  villes ,  importantes  par  leur 
position,  et  encore  habitées  bien  qu  elles  eussent  cessé  de 
former  des  communautés  indépendantes.  (Xen.,  Uell^  IV, 
8.  — Diod.,XlV,  97.) 

Pendant  que  ces  événements  se  passaient  à  Rhodes ,  les 
Athéniens,  inquiets  de  la  réapparition  â*une  flotte  lacédé- 
monienne  sur  les  côtes  d'Asie,  avaient  décidé  l'envoi  d'une 
flotte  de  quarante  vaisseaux  au  secours  des  Rhodiens,  et 
en  avaient  confié  le  commandement  à  Tbraspyl>ule,  le  héros 
dePbylé.  Celui-ci,  après  avoir  rétabli  ta  suprématie  athé- 
nienne dans  la  Propontide  et  à  Lesbos,  parut  enfin  dans 
les  eaux  de  Rliodes  ;  mais  avant  de  commencer  les  opéra- 
tions contre  Téleutias,  il  voulut  lever  des  contributions  qui 
lui  permissent  d'assurer  pendant  quelque  temps  la  solde 
de  ses  équipages.  Après  avoir  commis  à  IIaliearn<issc  et 
ailleurs  des  exactions  qui  excitèrent  plus  tard  une  vive 
réprobation  à  Athènes,  il  s'avança  jusqu'à  Aspendus,  en 
Pamphylie>  et  jeta  l'ancre  dans  TEurymédon  auprès  do 
la  ville.  Déjà  il  avait  reçu  des  Aspendiens  leur  contribution, 
lorsque  quelques  soldats  se  mirent  à  piller  dans  la  cam- 
pagne*,  furieux  de  cet  outrage,  que  le  payement  de  la 
contribution  devait  leur  épargner,  les  Aspendiens  attaquè- 
rent pendant  la  nuit  le  camp  athénien  ;  Thrasybule  fut  tué 
dans  sa  tente,  et  les  triérarques,  saisis  de  frayeur,  rem- 
barquèrent leurs  hommes  en  toute  hâte,  et  amenèrent  l'es-* 
cadre  à  Rhodes.  Mais  les  oligarques  étaient  maintenant 
maîtres  de  la  ville,  soit  qu  ils  l'eussent  prise  de  vive  force, 
soit  que  la  nouvelle  de  la  mort  de  Thrasybule,  devançant 


232  MÉMOIRES 

Tarrivée  de  Tescailre  athénienne,  eût  jeté  la  conslernaiion 
parmi  les  démocrates,  et  ces  derniers  étaient,  à  leur  tour, 
réduits  à  se  défendre  dans  un  poste  retranché  ;  les  Athéniens 
se  joignirent  à  eux,  et  les  aidèrent  dans  leurs  opérations 
contre  la  ville  :  quelque  temps  après,  Agyrrius  arriva 
d'Athènes  pour  remplacer  Thrasybule,  (Xen.,  Hell.^  IV,  8. 
—  Diod.,  XIV,  9â,09. — Lysias  conf r.  Ergoclem.) 

De  son  côté,  Téleutias  avait  dû  quitter  Bhodes  pour  aller 
lever  des  contributions  parmi  les  îles;  vers  la  fin  de  389, 
il  fut  remplacé  par  Iliérax ,  qui  se  rendit  à  Rhodes  avec 
son  escadre  ;  il  y  était  encore  lorsque  les  éphores  nom- 
mèrent Antalcidas  pour  lui  succéder.  Ce  dernier  vint  prendre 
le  commandement  à  Éphèse ,  et ,  après  avoir  envoyé  ses 
vaisseaux  à  Abydos ,  il  se  mit  en  route  pour  la  Perse ,  où 
son  ami  Tiribaze  se  trouvait  encore;  il  était  chargé  par  son 
gouveniement  d'en  finir  avec  Artaxerce,  et  de  conclure 
avec  lui  une  alliance  h  tout  prix.  (Xen.,  IW/.,  V,  1.) 

Nous  n'avons  pas  à  raconter  les  derniers  incidents  de 
la  lutte  entre  Sparte  et  Athènes;  ils  se  passèrent  princi- 
palement sur  les  côtes  de  la  Propontide,  et  Ton  ne  sait  pas 
comment  se  termina  la  guerre  civile  qui  ensanglantait 
nie  de  Rhodes.  11  nous  suffira  d'ajouter  que  vers  la  fin 
de  387,  la  paix,  imposée  par  Artaxerce  et  les  Lacédémo- 
niens  au  milieu  de  la  lassitude  générale  »  fut  acceptée  so- 
lennellement par  tous  les  États  de  la  Grèce.  D'après  la 
teneur  de  cet  acte ,  connu  sous  le  nom  de  paix  d'Antal- 
cidas,  tout  le  continent  asiatique,  avec  l'île  de  Gypre  et 
l'îlot  de  Clazomènes.  était  définitivement  abandonné  au 
roi  de  Perse  :  toutes  les  autres  villes  helléniques,  grandes 
et  petites,  conservaient  leur  autonomie.    . 

11  résulte  clairement  de  l'exposé  que  nous  venons  de 
faire  que  les  villes  où  furent  frappées  les  monnaies  dé- 


ET   DISSERTATIONS.  23îi 

crites  plus  haut  ne  jouirent  toutes  et  simultanément  de 
leur  autonomie  politique  que  pendant  les  premières  an- 
nées qui  suivirent  la  bataille  de  Cnide.  En  effet,  la  vic- 
toire de  Gonon  n'eut  pas  pour  résultat  le  rétablissement  de 
la  suprématie  athénienne  ;  sans  doute  les  villes  délivrées 
de  la  tyrannie  des  barmostes  étaient  favorables  à  la  cause 
athénienne,  mais  Athènes  était  encore  trop  faible  pour  re- 
prendre son  ancien  rang  à  la  tête  d'une  grande  confédé- 
ration maritiine,  et  elle  ne  le  tenta  que  plus  tard,  quelques 
années  après  la  paix  d'Antalcidas.  Ce  que  Pharnabaze  et 
Corion  assuraient  aux  villes  helléniques,  c'était  la  liberté, 
et  effectivement  plusieurs  d'entre  elles  ne  se  rangèrent 
d'abord  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre,  et  se  déclarèrent  neu- 
tres. C'est  évidemment  à  cette  époque,  et  dans  le  but  de  se 
garantir  mutuellement  leur  liberté  naissante,  que  Rhodes, 
Samos,  Éphèse  et  Cnide,  et  probablement  d'autre  villes, 
formèrent  l'alliance  dont  les  monnaies  frappées  à  un  type 
uniforuie  sont  les  seuls  monuments.  Inaugurée  dès  la 
fin  de  l'année  39A,  et  due  peut-être  à  l'initiative  des 
Rhodiens,  l'alliance  ne  subsista  pas  longtemps.  Dès  le 
printemps  de  390,  les  Lacédémoniens  étaient  maîtres  d'É- 
phèse  ;  dans  le  courant  de  la  même  année ,  Samos  et  Cnide 
embrassaient  de  nouveau  leur  parti,  tandis  que  Rhodes  res- 
tait fidèle  à  l'alliance  athénienne  ;  mais  dès  le  commence- 
ment de  l'année  suivante  la  guerre  civile  éclata  dans  Tlle^ 
et  dura  jusqu'à  la  paix  d' Antalcidas.  Il  n'y  eut  donc  qu'une 
période  de  trois  ans  et  demi  environ  pendant  lesquels  les 
quatre  villes  jouirent  de  leur  autonomie  complète,  tout  en 
suivant  une  politique  démocratique  et  favorable  h  la  cause 
athénienne  ;  c'est  pendant  cet  intervalle,  qui  s'étend  de  la 
fin  de  39A  au  milieu  de  l'année  390,  qu'eut  lieu  l'émission 
des  monnaies  de  la  confédération. 

1863.  —  4.  16 


23A  MÉMOIRES 

Les  données  numismatiques  sont  conformes  à  celte  con- 
clusion ;  en  effet,  ces  monnaies  appartiennent  par  le  style  à 
la  meilleure  époque  de  l'art,  et  les  traces  de  creux  qu'on 
remarque  sur  le  revers  de  quelques-unes  d'entre  elles 
montrent  qu'elles  ont  été  frappées  an  commencement  du 
lY*  siècle  avant  l'ère  chrétienne ,  époque  où  l'usage  du 
carré  creux  venait  de  cesser  dans  cette  partie  du  monde 
ancien.  (Voy.  Rev.  num.,  1856,  p.  61.) 

Le  type  choisi  par  les  villes  alliées,  Hercule  jeune  étran- 
glant les  deux  serpents,  répond  parfaitement  au  but  qu'elles 
devaient  avoir  en  vue  en  fondant  leur  confédération,  c'est- 
à-dire  d'assurer  leur  indépendance  en  restant  unies  entre 
elles  et  neutres  vis-à-vis  des  deux  puissances  qui  les 
avaient  tour  à  tour  asservies,  Athènes  et  Lacédémone.  Ce 
type  était,  vers  la  même  époque,  celui  que  les  Thébains 
employaient  pour  leurs  monnaies  {voy.  pi.  XI,  2,  3),  et 
cette  circonstance  influa  peut-être  sur  le  choix  qu'en  firent 
les  Rhodiens  et  leurs  alliés;  car  ce  fut  Thèbes  qui  donna 
le  signal  de  la  résistance  à  Sparte ,  et  dès  l'année  396  le 
Rhodien  Timocrate  avait  été  envoyé  en  Grèce  par  le  sa- 
trape Tithrauste,  avec  des  fonds  considérables,  destinés  à 
gagner  l'adhésion  des  principaux  chefs  de  Thèbes,  d'Ârgos 
et  de  Gorinthe  *,  en  même  temps  que  les  affaires  du  satrape, 
nmocrate  faisait  sans  doute  aussi  celles  de  sa  patrie. 
(Xen.,  jETWI-,  111,  5.— Plut.,  Artaxerc,  20.) 

Les  ateliers  monétaires  de  Lampsaque  et  de  Cyzique,  très- 
actifs  à  cette  époque ,  et  habitués  à  s'approprier  les  types 
les  plus  en  vogue  chez  les  peuples  voisins ,  s'empressèrent 
de  frapper  des  monnaies  au  type  de  la  confédération  ;  le  fait 
est  certain  pour  Lampsaque ,  dont  il  existe  des  statères  au 
type  d'Hercule  et  des  serpents,  frappés  certainement  à 
cette  époque  ;  quant  à  Cyzique,  c'est  moins  silr,^  car  le  type 


KT   DISSERTATIONS.  235 

nest  pas  parfaitement  semblable  (roj/.  pi.  X,  5,  6).  Enfin 
le  même  type  se  retrouve  encore  sur  les  médailles  de 
Grotone  dans  la  Grande  Grèce,  et  sur  une  pièce  inédite  de 
Zacynthe,  dont  je  dois  la  communication  à  l'obligeance  de 
M.  Lamproè;  cette  dernière  pièce  paraît  postérieure  aux 
monnaies  des  quatre  villes  alliées,  (  Voy.  pi.  XI,  n**  1.) 

Il  me  reste  à  signaler  le  poids  de  ces  monnaies ,  poids, 
tout  à  fait  insolite,  et  dont  je  ne  connais  pas  d'autre 
exemple  en  Asie  Mineure  ;  il  est  intermédiaire  entre  celui 
des  didrachmes  éginétiques,  qui  pèsent  environ  12  gram- 
mes, et  celui  des  doubles  dariques  d'argent,  qui  varie  de 
il  grammes  à  ll^^lO. 


Orontas,  satrape  de  Mysie  et  d'Ionie. 

(PI.  XI.) 

1.  Tête  de  Pallas  à  gauche. 

^  OPONTA.  Partie  antérieure  d'un  Pégase,  à  droite. 
~.ÏV.  3.  Poids,  3«%13.  (De  ma  collection.  PI.  XI,  n*  4.) 

2.  Guerrier  nu  et  coiffé  d'un  casque  conique,  le  genou 
droit  en  terre,  et  se  cou\Tant  de  son  bouclier;  de  la  main 
droite  il  tient  une  lance  inclinée. 

^  OPONTA.  Partie  antérieure  d'un  sanglier  ailé  à  droite. 
—  yR.  3.  Poids,  28',79.  (De  ma  collection.  PI.  XI,  n*  6.) 
Il  existe  un  autre  exemplaire  de  cette  pièce  dans  le  cabinet 
de  M.  Whittall,  à  Smyrne. 

Le  nom  d' Orontas  était  commun  chez  les  Perses;  parmi 
les  personnages  qui  l'ont  porté,  il  en  est  deux  qui  ont  joué 
un  rôle  considérable  en  Asie  Mineure  au  n*  siècle  ;  nous 
allons  rassembler  tous  les  passages  relatifs  à  ces  deux  sa- 


236  MÉMOIRES 

trapes,  qiii  ont  généralement  été  confondus  ensemble  par 
les  historiens  modernes,  {Yoy.  Rehdantz,  Vita  fphicratis^ 
p.  167.  ) 

Dans  son  récit  de  la  retraite  des  dix  mille ,  Xénopbon 
parle  plusieurs  fois  d'un  Orontas  qui  gouvernait  la  portion 
orientale  de  T Arménie,  tandis  que  Téribaze  était  satrape 
de  l'Arménie  occidentale  ;  il  prit  part  avec  Tissapberne 
à  la  poursuite  des  dix  mille  après  la  bataille  de  Cunaxa 
(âOl  A.  C.  ),  et  à  cette  époque  il  emmenait  avec  lui  pour 
l'épouser  une  fille  du  roi  Artaxerce  Mnémon  (Xen., 
Ànab., Il,  4,  8;  III,  6, 17;  IV,  3.  A).  C'est  le  même  Orontas 
qui  commanda  les  forces  persanes  contre  Évagoras  en 
Cypre  ;  car  il  est  appelé  parent  du  grand  roi  par  Diodore, 
et  Plutarque  dit  expressément  qu'il  avait  épousé  Rhodogune, 
fille  d' Artaxerce.  Après  l'expédition  de  Cypre,  il  tomba  dans 
une  profonde  disgrâce  .  Diod. ,  XV,  3, 11. — Plut.,  ArKixerc., 
27. —  Plut.,  ilpop/i(Argi?i.,  p.  6).  Toutes  ces  mentions  se 
rapportent  évidemment  au  même  personnage,  et  s'étendent 
de  l'année  401  à  l'année  379. 

Dix-sept  ans  plus  tard,  en  362,  à  l'occasion  de  la  grande 
révolte  des  satrapes  contre  Artaxerce  Mnémon ,  il  est  de 
nouveau  question  d'un  Orontas  qui  y  joua  un  rôle  considé- 
rable, et  c'«st  là  que  les  difficultés  commencent.  Deux  histo- 
riens ont  parlé  de  cette  révolte,  Diodore  et  Justin,  ou  plutôt 
Trogue  Pompée  ;  dans  le  sommaire  du  dixfëme  livre  de  ce 
dernier,  on  lit  :  «  Comment  Artaxerce  attaqua  les  satrapes 
révoltés  de  l'Asie,  d'abord  Datame,  satrape  de  Papblagonie, 
ensuite  Ariobarzane,  satrape  de  l'Hell^spont,  ensuite  en 
Syrie  Oronte,  satrape  d'Arménie;  et  comment,  après  les 
avoir  tous  vaincus,  il  mourut,  laissant  le  trône  à  son  fils 
Ochus.  »  11  paraît  évident  que  Trogue  Pompée  a  voulu 
parler  d' Orontas^  satrape  d'Arménie,  le  même  qui  était 


ET    DISSERTATIONS.  237 

gendre  d'Artaxérce  et  qui  avait  encouru  sa  colère  après  la 
campagne  de  Cypre  ;  la  mention  de  la  Syrie ,  lieu  de  sa  dé- 
faite, ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égai^d. 

De  l'autre  côté,  Diodore,  qui  entre  dans  quelques  détails 
au  sujet  de  la  révolte  de  362,  la  présente  d'une  tout  autre 
façon  ;  selon  lui ,  le  chef  de  la  rébellion  était  Orontas ,  sa- 
trape de  Mysic,  qui,  après  avoir  reçu  de  ses  complices  de 
fortes  sommes  pour  lever  des  troupes,  se  tourna  contre 
eux ,  trahit  la  cause  commune ,  et  reçut  pour  prix  de 
ses  services  le  gouvernement  de  la  satrapie  maritime  de 
TAsie  Mineure,  qui  embrassait  à  cette  époque  Une  grande 
partie  des  côtes  occidentales  de  la  péninsule  (Diod.,  XV» 
90,  91).  Il  est  impossible  de  concilier  les  deux  récits; 
rOronte  de  Trogue  Pompée  ne  peut  être  le  même  que  celui 
de  Diodoré  ;  l'un  est  un  satrape  d'Arménie,  mentionné  pré- 
cédemment par  plusieurs  historiens;  à  la  fin  d'une  assez 
longue  carrière,  il  est  vaincu  en  Syrie  par  Artarxerce,  et 
{lerdit  sans  doute  alors  la  vie;  l'autre  est  un  satrape  de 
Mysie,  qui  joue  un  rôle  tout  différent,  qui  reçoit  en  récom- 
pense de  sa  trahison  un  gouvernement  dont  il  reste  en  pos- 
session pendant  les  «innées  suivantes,  ainsi  que  l'attestent 
les  textes  que  nous  allons  citer. 

En  effet,  en  354  on  le  trouve  giierroyant  contre  le  roi  de 
Perse,  de  concert  avec  Artabaze,  le  satrape  révolté  de 
Dascylium  (Demosth.,  De  Symmor.,  p.  186);  et  lorsque  ce 
dernier,  abandonné  par  ses  alliés  grecs,  fut  contraint  de 
quitter  l'Asie,  Orontas  réussit  à  se  maintenir  dans  sa  satra^ 
pie.  Son  principal  adversaire  parait  avoir  été  Autophradate, 
probablement  satrape  de  Sardes,  sur  lequel  il  remporta 
plusieurs  avantages,  notamment  à  Cymé  en  iGolie  et  dans 
les  environs  de  Sardes  CPolyœn.,  VII,  là).  En  348  il  était 
encore  maître  de  sa  satrapie,  et  il  était  déjà  depuis  quelque 


238  MÉMOIRES 

temps  allié  des  Athéniens,  qui  lui  décernèrent  une  couronne 
d'or  et  le  titre  de  citoyen,  en  récompense  des  services  qu'il 
leur  avait  rendus  ;  c'est  ce  que  nous  apprend  une  inscription 
d'Athènes,  datée  de  l'archoutat  de  Gallimaque  (A.  G.  349/S. 
Yay.  Rhangabé,  Anliq.  Hell,  II,  n°'  397,  398).  A  partir 
de  cette  époque,  Orontas  n'est  plus  mentionné-,  mais  l'ar- 
rivée du  Rhodien  Mentor,  qui ,  peu  de  temps  après ,  fut 
nommé  satrape  des  provinces  maritimes,  et  chargé  en 
même  temps  par  Ochus  de  continuer  la  guerre  contre  les 
révoltés,  dut  changer  la  face  des  affaires,  car  Ton  sait  que 
Mentor  ne  tarda  pas  à  réduire  tous  les  rebelles  à  l'obéis- 
sance. (Diod.,XVl,  52.) 

Les  deux  médailles  que  nous  publions  ne  peuvent  appar- 
tenir qu'au  second  Orontas ,  le  satrape  de  Mysie  et  de  la 
satrapie  maritime  ;  aussi  bien  leur  style  est  celui  du  milieu 
du  IV*  siècle,  et  elles  portent  l'une  le  pégase  de  Lampsaque, 
l'autre  le  sanglier  ailé  de  Clazomènes.  Le  guerrier  age- 
gouillé  qu'on  voit  sur  la  seconde  de  ces  pièces  et  qui  est 
reproduit  souvent  sur  les  monnaies  de  bronze  de  la  Cherso- 
nèse  Taurique,  a  été  regardé  par  les  numismatistes  comme 
une  représentation  d'Achille  ou  d'Ulysse»  et  je  suis  loin  de 
contester  cette  explication  ;  mais  ne  pourrait^n  pas  aussi 
y  trouver  une  allusion  à  la  grande  réforme  opérée  peu 
d'années  auparavant  dans  la  tactique  de  la  phalange  par 
le  célèbre  général  athénien  Chabrias?  Il  avait  appris  à  ses 
soldats,  lorsque  l'ennemi  allait  charger,  à  mettie  un  genou 
en  terre  et  à  tenir  leurs  lances  en  arrêt,  en  se  couvrant  du 
bouclier  appuyé  contre  l'autre  genou.  Ce  changement  avait 
fait  grand  bruit,  et  Chabrias  s'était  fait  représenter  par  les 
sculpteurs  dans  cette  attitude.  (Diod.,  XV,82.— Polyiœn., 
11,1, 2.— Nepos,  Chabrias,  I.— Cf.  Rehdantz,  VUa  IphicraL, 
p.  63.  ) 


ET    DISSERTATIONS,  239 

La  médaille  d'Orontas  frappée  à  Glazoniènes  a  déjà  été 
publiée' plusieurs  fois,  notamment  par  Mionnet,  qui  donne 
la  légende  HPONTH,  mais  qui  ne  parait  pas  avoir  vu  la 
pièce  (5uppl.,  IX,  p.  240,  n*»  91),  et  par  Koehne,  qui  la 
décrit  exactement  d* après  un  exemplaire  du  musée  de 
THermitage  (  Beitràgen  zur  Geschichte  Cherronesos  in  Tau- 
rierij  p.  38,  pi.  III,  n*  30).  Koehne  s'étonne  avec  raison  de 
trouver  un  type  particulier  à  Glazomènes  sur  une  monnaie 
attribuée  par  les  auteurs  à  la  Chersonèse  Taurique,  et 
sans  doute  il  n'aurait  pas  admis  cette  attribution  s'il  n'eût 
été  induit  en  erreur  par  Sestini.  Ce  dernier,  en  effet,  a 
publié  une  médaille  {ex  museo  régis  Bavariœ)  semblable 
à  la  nôtre,  mais  où  il  prétend  avoir  lu  de  plus  la  légende 
XEP.  écrite  de  droite  à  gauche  (  Lettere  Continuai, ,  IV, 
p.  10).  Je  me  suis  adressé  à  M.  Streber,  conservateur  du 
musée  de  Munich ,  pour  obtenir  une  empreinte  de  cette 
pièce,  et  ce  savant  ne  la  trouvant  pas  dans  la  collection 
confiée  à  ses  soins,  a  bien  voulu  faire  quelques  recherches 
à  ce  sujet;  il  m'a  écrit  qu'elle  ne  figure  sur  aucun  dés 
catalogues  et  n'a  certainement  jamais  fait  partie  du  Cabinet 
royal  de  Bavière.  Je  crois  que  la  pièce  signalée  par  Sestini 
est  la  même  que  Mionnet  publie  comme  faisant  partie  de 
la  collection  Chaudoir,  et  qui  de  là  a  passé  au  musée  de 
l'Hermitage;  personne  n'en  a  jamais  vu  d'autre  exemplaire, 
et  je  suis  convaincu  que  Sestini,  avec  sa  légèreté  habi- 
tuelle, trouvant  sur  l'argent  un-type  de  la  Chersonèse  déjà 
connu  sur  le  bronze ,  a  cru  voir  ou  a  imaginé  les  lettres 
XEP;  ce  procédé,  tout  étrange  qu'il  paraisse,  est  beaucoup 
plus  répandu  parmi  les  archéologues  qu'on  ne  le  suppose 
généralement;  à  force  de  se  persuader  qu'une  légende  doit 
exister  sur  une  pièce,  on  finit  souvent  par  croire  qu'elle 
s  v  trouve  en  toutes  lettres. 


2A0  IlÉMOIRKS 

Kktriporis,  dynastk  de  l\  Thrace. 

1.  Tète  de  Bacchus  barbue  et  couronnée  de  lierre. 

^  KETPIP0PI02.  Diota;  dans  le  champ,  un  thyrse  et 
un  croissant. — M.  à.  (Cabinet  de  France,  trois  exemplaires. 
PI.  XI,  n- 6.) 

2.  Même  tète. 

i^  KETPI.  Diota  ;  dans  le  champ,  un  thyrse  et  un  croissant. 
—  £.  1.  (Cabinet  de  France.  PI.  XI,  n*  7.  ) 

L'attribution  que  nous  proposons  pour  ces  pièces  repose 
uniquement  sur  la  forme  du  nom  propre  qu'on  y  lit;  en 
effet,  le  nom  Kétriporis  est  formé  de  la  même  manière  et 
doit  appartenir  au  même  pays,  que  les  noms  bien  connus  de 
Rhescuporis  et  de  Gépaepyris  ;  il  me  semble  très-probable, 
bien  que  l'histoire  soit  muette  à  ce  sujet,  que  Kétriporis  est 
un  de  ces  nombreux  chefs  qui  ont  régné  dans  différentes 
parties  de  la  Thrace  pendant  la  deuxième  moitié  du 
IV*  siècle  et  pendant  le  siècle  suivant.  La  fabrique  des 
pièces  qui  portent  son  nom  est  très-bonne,  et  rappelle  celle 
des  monnaies  de  Thasos  et  de  Maronée.  Kétriporis  n'est 
pas  le  seul  prince  de  la  Thrace  que  l'histoire  ait  passé  sous 
silence;  M.  le  baron  de  Prokesch  a  publié  dernièrement 
un  tétradrachme  d'un  roi  du  même  pays,  imité  des  tétra- 
drachmes  d'Alexandre  et  portant  la  légende  BA1IAE(2£ 
KEP2IBATA..  {Tneditameiner Sammlung.  Vienne,  1859, 
p.  5  );  j'ajouterai  que  j'en  ai  trouvé  un  second  exemplaire, 
présentant  quelques  légères  différences,  parmi  les  incer- 
taines de  la  collection  de  la  Banque  d'Angleterre.  M.  de 
Prokesch  émet  la  conjecture  que  Kersibaulos  était  le  suc- 
cesseur de  Seuthès  III,  roi  des  Odryses  et  contemporain  de 


ET   DISSERTATIOISS.  2A1 

Lysimaque,  et  l'opinion  du  savant  diplomate  nous  parait 
très-probable. 

Les  monnaies  de  Kétriporis  étaient  autrefois  attribuées 
à  nie  de  Céos  (Mionnet,  II,  p.  313,  n"  8,  9;  Suppl,  IV, 
p.  374,  n*^'  55,  56);  inutile  de  dire  qu'elles  ne  ressemblent 
nullement  aux  monnaies  certaines  de  cette  lie. 

W.  H.  Waddington. 


242 


JdÉMUIRES 


DOMITIA  LUCILLA, 


MERE   DE  MARC-AURÈLE. 


Z^^?^*^^^ 


L'iconographie  romaine,  étudiée  depuis  le  xvr  siècle  par 
tant  de  savants  ingénieux ,  et  de  nos  jours  encore  par  des 
antiquaires  si  laborieux,  si  éminents,  n'est  cependant  pas 
un  sujet  épuisé.  Pour  le  démontrer,  je  suis  heureux  d'avoir 
à  présenter  aujourd'hui  le  portrait  authentique  de  la  femme 
qui  donna  Marc-Aurèle  à  Thumanité. 

La  monnaie  dont  je  place  le  dessin  en  tète  de  cette 
notice  a  pour  légendes ,  au  droit  :  AOMITI  AOYKIAAAN 
NEIKAIEIC,  et  au  revers  :  M.AYPHAIOC.  OTHPOC. 
KAICAP.  Elle  a  été  frappée  à  Nicée  de  Bithynie. 

Le  surnom  de  Lucille ,  rapproché  des  noms  de  Marc- 
Aurèle,  pourrait  donner  lieu  de  croire,  après  un  examen 
superficiel,  que  nous  avons  sous  les  yeux  une  image  de  la 
CUe  de  cet  empereur,  de  la  femme  de  Lucius  Vérus.  Mais  il 
est  très-facile  de  prouver  que  cette  princesse  n'a  aucun 
droit  à  l'attribution  de  la  belle  médaille  des  Nicéens. 

AOMITI  serait,  on  le  reconnaîtra,  un  singulier  «abrégé  de 


ET    DISSERTATIONS.  343 

AOMITIÀ  ;  mais  c'est  un  abrégé  très-régulier  de  AOMITI AN 
avec  suppression  d'une  syllabe;  la  fin  de  la  légende  nous 
montrant  que  les  noms  sont  à  Taccusatif.  Le  plus  ordluai- 
rement  dans  leurs  légendes  monétaires ,  les  Grecs  arrêtent 
les  abréviations  sur  une  voyelle.  Aussi  voyons-nous  sur 
leurs  monnaies,  non*seulement  A0E  pour  AOxvaiW  et  AWA 
pour  À/xf  iiroXirécoy,  lYPl  pour  ^upion/,  etc.  ;  mais  ce  qui  est 
bien  plus  caractéristique,  2H  pour  IxoTtwv,  SA  pour  Eov- 
OiW,  2EBA  pour  I^SaoToç,  ^T  pour  $ou>.&oç,  système 
d'abréviation  dans  lequel  on  abandonne  une  consonne 
appartenant  à  la  syllabe  conservée.  On  trouve  encore  sur 
des  monnaies  de  Domitien  et  d'Adrien  @E  TI  pour  3eov 
vîo;.  Après  ce  demier  exemple,  on  ne  saurait  hésiter  sur 
la  manière  dont  il  faut  compléter  AOMITI,  en  lisant  notre 
médaille. 

AOHITI  ne  peut  être  un  prénom ,  il  n'y  en  a  pas  de  cette 
forme,  et  d'ailleurs  on  n'en  donnait  pas  aux  femmes; 
AOHiTI  ne  peut  pas  être  un  surnom  ^  comme  serait  JDomt- 
tiUai  parce  que  Lugilla  qui  suit  ce  mot  en  est  un ,  et  que 
nous  ne  pouvons  pas  en  trouver  deux  de  même  ordre; 
nous  ajouterons,  en  employant  ici  des  paroles  du  comte 
Borghesi  :  «Imperoccbe  entrambe  quelle  voci  hanno  la 
terminazione  vezzeggiativa ,  che  non  solcva  adoperarsi  se 
Bon  in  queir  unico  nome  per  cui  una  donna  chiamavasi  più 
comunemente;  onde  fra  i  marmi  che  ci  sono  rimasti  di 
femine  polionime  niun'  altro  eserapio  se  ne  ritrova  \  » 

AOMITI  ne  peut  donc  représenter  qu'un  nom  de  famille, 
c'est-à-dire  Domilia.  Nous  sommes  à  la  première  moitié 
du  second  siècle,  époque  à  laquelle  les  barbares  n'ont  pas 
encore  altéré  la  coutume  romaine. 

*  Giornale  Àrcadico,  mars  1819,  p.  366. 


2AA  MÉMOIRES 

Lucille,  fille  de  Marc-Aurèle,  était  de  la  famille  Annia, 
Par  suite  de  l'adoption  de  son  père  par  Antonin ,  elle  aurait 
pu  s'appeler  ilurelia  '.  Marc-Aurèle,  à  la  vérité,  sans  doute 
pour  donner  une  preuve  de  respect  à  sa  mère,  a  nommé 
une  de  ses  filles  DOMITIA  FAVSTINA  *;  mais  l'aînée  de  la 
famille,  Lucille,  femme  de  Vérus,  n'a  pas  porté  un  nom 
d'adoption.  Les  monnaies  frappées  en  son  honneur  à 
Byzanceen  font  foi;  on  y  lit  ANNIA  AOYKIAAA. 

Donc  la  monnaie  de  Nicée  n'a  point  été  fabriquée  pour 
elle. 

J'ajoute  que  les  traits  du  visage,  la  coiffure,  n'appartien- 
nent pas  à  cette  jeune,  à  cette  seconde  Lucille  dont  le  profil 
et  l'ajustement  sont  fort  connus  des  antiquaires,  et  que 
nous  montre  en  de  si  grandes  et  si  belles  proportions  le  buste 
colossal  de  marbre,  trouvé  en  18A7  à  Carthage,  et  donné 
au  musée  du  Louvre  par  M.  Delaporte,  consul  de  France  ', 
buste  qui  a  été  pris,  bien  à  tort,  pour  une  image  de  la  Junon 
ou  déesse  céleste  carthaginoise. 

La  coiffure  que  nous  voyons  sur  la  monnaie  de  Nicée 
nous  fait  remonter  au  temps  d'Antonin  le  Pieux,  et  nous 
allons  voir  qu'en  effet  c'est  bien  sous  le  règne  de  cet  empe- 
reur que  la  monnaie  a  été  frappée,  comme  son  style  le 
ferait  déjà  supposer. 

J'avertis  ici  que  je  laisse  entièrement  de  côté  la  Domitia 
Lucilla,  prétendue  femme  d'^Elius  Venis,  sortie  de  l'imagi- 


1  De  même  que  ses  frères,  morts  jeunes ,  se  nommaient  Aurélius.  Aurélia 
Sabina,  qui  survécut  à  Septime-Sévère ,  comme  le  prouve  une  inscription  de 
Calama,  et  que  ce  dernier  appelait  sa  sœur,  est  indiquée  comme  étant  fille  du 
divin  Marcus.  Gruter,  852-8.  —  Orelli,  869.  —  Henzen  ,  5473.  —  Ànn,  de  la 
Soc,  de  Conatantint,  1855,  p.  53.  —  Bulletin  arch,  franc,,  1856,  p.  74. 

*  Mabillon,  Vett.  Analecta^  p.  363.  Inscript,  de  Rome. 

»  Voy.  Rev.  arch.,  1852,  pi.  184,  p.  88. 


I:T    OISSERTAflONS.  2&Ô 

nation  d'Occo  au  xvi*  siècle,  acceptée  par  Mezzabarba,  et 
mfiine,  snr  leur  parole,  par  quelques  écrivains  modernes: 
Ni  les  textes  historiques  ni  les  monuments  épigraphiques 
ne  nous  ont  révélé  le  nom  de  la  fîlle  de  Nigrinus  qu'iEIius 
avût  épousée. 

Que  représente  le  revers  de  la  monnaie  de  Nicée?  Marc- 
Aurèle  jeune,  imberbe,  à  cheval,  tenant  une  lance'.  Puis 
ses  nonis:H.ArPHA10C.OrHPOC.KAIGAP,  tels  qu'il  les 
portait  encore  lorsqu'il  fut  honoré  pour  la  première  fois 
du  titre  de  consul  en  Tan  lAO  :  témoin  l'inscription  : 

M.AVRELIO  VERO  CAESARE  COS,  etc. 

découverte  à  Tindari,  en  Sicile,  et  conservée  au  musée  de 
Païenne*, —  tels  aussi  qu'ils  se  lisent  sur  des  monnaies  de 
Nicomédie  et  de  la  communauté  des  treize  villes  d'Ionie  '. 
La  médaille  ne  donne  pas  au  jeune  prince  le  titre  de 
consul.  Elle  a  donc  dû  être  gravée  en  139,  alors  qu'âgé  de 
dix-huit  ans  il  n'était  que  consul  désigné.  Il  est  figuré  à 
cheval,  soit  que  les  Nicéens  aient  voulu  rappeler  ce  cheval 
entretenu  aux  frais  du  fisc  qu'Adrien  lui  avait  décerné 
quand  il  n'était  âgé  que  de  six  ans  :  «  Qui  ei  honorem  equi 
publici  sexenni  detulit»  (dit  Capitolin*),  soit,  ce  qui  pa- 

-^  Exactement  comme  Alexandre  le  Grand  sor  Bacépliale,  tel  que  le  repré- 
sentent les  monnûes  de  la  Macédoine  romaine.  Voy.  C.  Combe ,  Jfvt.  Huntir, 
tab.  34,  n*'  14, 15,  20,  et  particulièrement  le  u«  16. 

>  BulUt.  dêlV  Intt,  arch.,  1845,  p.  57,  n*  5. 

*  Yoy.  les  pièces  de  Nicomédie,  dans  Mionnet,  t.  II,  p.  470,  u*  328,  et  t.  Y, 
SnppL,  p.  183,11*  1073;  celle  d'Ionie,  dans  le  même  anteur,  t.  III,  p.  62, 
n*4. —  Sur  ces  monnaies,  le  césar  M.  Aurèle  est  représenté  imberbe. —  Voyez 
rinscription  copiée  en  Espagne  dans  laquelle  paraissent  les  noms  d'Antonin 
le  Pieux,  de  Marcus  Aurelius  Verus  Csesar  et  de  Ceionius  Commodns  (  c'est- 
à-dire  Lucins  Vems  ).  Doni,  Irucr.  antiq.j  class.  II,  n*  74, 

^  M,  Anton,  philotop.y  IV. 


2AG  MÉMOIRES 

ralt  plus  probable,  que  la  médaille  ait  été  frappée  au  mo- 
ment où,  déjà  consul  désigné,  le  jeune  César  était  mis  par 
Antonin  à  la  tète  d'un  des  six  escadrons  de  chevaliers  ro* 

mains  :  «  Adhuc  Plus  Marcum Caesaris  appellatione  do- 

navit;  et  sevirum  turmis  equitum  romanorum  jam  coilsu- 
lem  designatum  creavit  '•  u 

Annia  Lucilla,  femme  de  Lucius  Yerus,  qu'elle  épousa 
en  164,  paraît,  et  c'est  l'avis  de  Tillemont  et  d'Eckhel,  être 
née  en  1A7,  l'année  de  la  première  puissance  tribunitienne 
de  Marc-Aurèle  :  «  Post  hase  Faustinam  duxit  uxorem,  et, 
suscepta  filia ,  tribunitia  potestate  donatus  est  *.  »  Notre 
médaille  doit  être  d'environ  huit  ans  antérieure  à  la  nais- 
sance d' Annia  Lucilla.  Cette  considération  a  bien  sa  valeur, 
si  Ton  hésite  entre  la  grand'mère  et  la  petite-fille. 

La  première  Lucille ,  Domitia  Lucilla ,  la  mère  de  Marc- 
Aurèle.  n'a  pas  la  célébrité  à  laquelle  il  nous  semble  qu'elle 
a  des  droits  incontestables.  Si  son  portrait  avait  été  re- 
connu et  signalé  plus  tôt,  son  nom,  inscrit  dans  les  traités 
d'archéologie  et  de  numismatique,  discuté  par  des  hommes 
tels  que  Barthélémy ,  Winckelmann  ,  Eckhel ,  Visconti , 
Letronne,  serait  devenu  populaire. 

Combien  de  personnages  sur  lesquels  l'histoire  a  gardé 
le  silence,  et  dont  cependant  le  nom  est  sans  cesse  répété, 
grâce  à  l'existence  de  quelque  buste  ou  de  quelque  médaille 
retrouvé  parles  antiquaires,  et  reproduit  dans  cent  ou- 
vrages ! 

Domitia  Lucilla,  nommée  deux  fois  par  Jules  Capitolin, 
une  fois  par  Spartien  ',  une  fois  dans  les  œuvres  de  son 

»  /wd.,  VI. 

•  Ibid.,  VI, 

•  Didias  Jaliannffedncatus  e»t  npud  thmilMm-LunUam  tnRtrem  Marci  im- 
pprntoria.  JFA.  Spart.,  Did.  Jul.  I. 


ET    DISSERTATIONS.  247 

fils  S  a  fourni  à  un  grand  érudit  le  sujet  d*un  mémoire  plein 
d*intérèt.  M.  Le  comte  Boighesi,  à  l'aide  des  marques  de 
fabricants  imprimées  sur  un  certain  nombre  de  briques 
romaines,  a  reconstruit,  avec  cette  admirable  critique  et 
cette  lucidité  particulière  qui  distinguent  ses  travaux,  la 
généalogie  de  la  mère  de  Marc-Aurële. 

Mais  son  article,  inséré  en  1819  dans  le  Giornale  Areor- 
dîco*,  recueil  peu  répandu,  s'adressait  à  l'intelligence  d'un 
petit  nombre  de  gens  studieux  et  non  aux  regards  du  public 
qu'un  portrait  frappe  plus  directement;  en  sorte  que  la 
mère  de  Marc-Aurèle  n'a  pas  pris  dans  l'opinion  des  mo-* 
demes  le  rang  qui  lui  appartient. 

Cette  noble  femme  avait  épousé  Annius  Vérus ,  frère  de 
Faustine  la  mère,  qui  mourut  préteur,  fils  d' Annius  Yérus, 
trois  fois  consul  et  préfet  de  Rome.  Elle  était  fille  de  Publius 
Galvisius  Tullus  et  de  Domitia  Lucilla.  Demeurée  veuve,  en 
Tan  123  très-probablement  ',  alors  que  le  jeune  Marcus  ne 
comptsût  encore  que  deux  annnés,  Lucilla  s'appliqua  avec 
un  soin  tout  particulier  à  diriger  l'éducation  de  ce  précieux 
enfant;  son  intelligence  nous  est  révélée  par  le  choix  des 
maîtres  auxquels  elle  confia  l'instruction  de  son  fils. 

Marc-Aurèle  avait  présente  à  l'esprit  la  bonne  réputation 
de  son  père,  il  voulait  rendre  hommage  à  sa  mémoirOf 
comme  il  le  dit  Ini-mëme ,  en  imitant  sa  màle  vertu  : 
Ilapà  xHi  36$if]ç  x«i  ^riiir,<;f  t^;   îcepî  toO  ytwifitscivxoq^  ro 


*  Marci  Ant.  imp.,  Comment.,  lib.  VllI,  25. —  M.  Aarèle,  dans  ses  lettres  à 
Fronton,  parle  de  sa  mère,  mais  n'a  pas  écrit  son  nom. 

s  Mars  1819,  p.  359  et  suir. 

*  La  première  marqne  de  briqnetier  où  nous  voyions  paraître  le  nom  de  la 
mère  de  Marc-Anrèle  est  oelle-ci  :  OP.DOL.EX.PR.DOM  P.F  LVCILL. 
PAETINO  ET  APRON  OOS,  Opus  doUare  ex  prsdiis  Domitis  Pablii  filiis 
Lncill».  P»tino  et  Aproniano  consulibu»  (  an  123).  Orelli,  n"  856. 


2A8  MÉMOIRES 

aUni^ov  yLOLi  apf»eyixov  ;  mais  c'est  à  sa  mère  quil  reporte 
l'honneur  de  lui  avoir  enseigné  la  piété  et  la  libéralité,  de 
lui  avoir  appris  non-seulement  à  s'abstenir  de  faire  le  mal , 
mais  à  ne  pas  même  en  concevoir  la  pensée,  à  se  contenter 
d'une  nourriture  frugale ,  à  fuir  le  faste  et  le  luxe  :  Tîapi 
r^C  fA7]Tpo;,  ro  SeoaeSs;  xxi  yLtxadoztMv'  %cà  Icpevcrtxov  ov 
fiovov  roû  KaKOTroisTy,  dXXà  xaî  roO  ini  Iwoiaç  yivea9dei  rocavîTiÇ. 
Ett  3s  TO  XtTov  xarà  xriv  Holixolv  xac  Troppw  t>7ç  7rXou<jra)t:5ç 
^cgryaiy:^^ \  La  tendresse  maternelle,  la  sollicitude  de  Do- 
mitia  Lucilla  nous  sont  encore  démontrées  ))ar  le  genre  de 
calomnie  auquel  elle  était  en  butte  à  la  cour  d*Antonin. 
Quoiqu'elle  fût  aussi  belle  que  sa  belle-sœur  Faustine  (la 
médaille  de  Nicée  nous  montre  des  traits  fins  et  réguliers) , 
on  ne  s'attaquait  pas  à  ses  mœurs,  suivant  l'usage  romain , 
mais  on  l'osait  accuser  de  faire  des  vœux  pour  que  la  mort 
de  l'empereur  hâtât  le  moment  où  son  fils  jouirait  de  la 
puissance  souveraine.  Un  jour  qu*elle  priait  dans  un  jardin, 
un  courtisan,  Valerius  HomuUus  (probablement  celui  qui 
fut  consul  en  152) ,  la  montrait  à  l'empereur  en  disant  à 
voix  basse  :  «  La  voilà  qui  demande  ta  mort  et  l'avènement 
de  son  fils.  »  Mais,  ajoute  Gapitolin  à  qui  nous  devons  ce 
récit,  Antonin  fut  peu  touché  de  cette  remarque;  la  pro- 
bité et  la  modération  de  Marcus  étaient  pour  lui  de  trop 
sûrs  garants  des  vertus  de  Lucille  : 

«Erat  autem  in  summis  obsequiis  patris  Marcus,  quamvis 
non  deessent  qui  aliqua  adversum  eum  insusurrarent,  et 
prœ  cœteris  Valerius  Omulus  :  qui  quum  LÙcillara  matrem 
Marci  in  viridario  venerautem  simulacrum  Apollinis  vi- 
disset,  insusurravit  :  /lia  nunc  rogai  ui  diem  tuum  claudas 

>  Marc.  Ant.  imp.,  Comment,^  lib.  I,  2  et  3.  Quant  an  paragraphe  16,  qni 
commence  par  ces  mots  :  Ilapà  toO  icotp^,  il  est  facile  de  roir,  en  le  lisant, 
qu'il  se  rapporte  tout  entier  à  Antonin. 


ET    DISSERTATIONS.  S&9 

et  filius  imperet  ;  quod  omnino  apud  Pium  Dihil  valuit  : 
tanta  erat  Marci  probitas,  et  tanta  in  imperatorio  princi- 
patu  modestia  V» 

Au  culte  de  Lucille  pour  Apollon  peut  se  rattacher  une 
inscription  gravée  sur  un  cippe  trouvé  à  Rome,  près  de 
la  porte  Portuense ,  monument  dont  la  copie  nous  a  été 
conservée  par  Doni  et  Muratori  '. 

APOLLINI 

SANGTO 

SAGRVM 

DOMITIAE 

LVCILLAE 

ACTOR   DD. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Domitia  Lucilla  ne  vit  pas  régner  son 
fils.  Borghesi  a  d'abord  pensé  qu'elle  avait  cessé  de  vivre 
en  Tan  155  ;  car  la  plus  récente  des  estampilles  de  brique- 
tiers  établis  dans  ses  domaines  qu'eût  retrouvées  Marini  ', 

OPVS   DOL.EX   PR   LVCILL 
VER    SEVERO   ET   SAB   GOS 

se  rapporte  au  consulat  de  G.  Julius  Severus  et  de  M.  Ju- 
nius  Sabinianus. 

Mais,  quatorze  ans  plus  tard,  M.  0.  Kellermann  ayant 
trouvé  l'estampille  suivante  *  : 

Ex  pr.Domiiix  LVGILLAE  OPVS  DOL  DIO 
nysiVS  SER  SILVAN  ET  Aug.cos, 

«  Jul.  Capit.  M.  Anton,  phil.,  VI. 

«  Donî,  Inscr.  antiq.,  cl.  VII,  n*  203.  —  Murat.,  Nov.  TKm.,  XXIII,  12. 

>  Fr.  Areal.,  p.  331  b,  349,  486  b,  667. 

*  BuUel.  Inst.  areh.,  1833,  p.  120. 

1863.—  4.  17 


250  MÉAIUIRES 

datant  du  consulat  de  M.  Ceionius  Sylvanus  et  de  C.  Serius 
Augurinus,  Téminent  antiquaire  de  San-Marino  écrivit  à 
son  élève  que  cette  inscription  le  conduisait  à  allonger 
d'une  année  la  durée  assignée  par  lui  à  l'existence  de  Do- 
mîtia  Lucilla.  Nous  ne  pouvons  prévoir  ce  que  les  décou- 
vertes archéologiques  nous  réservent;  mais  on  comprend 
que  si,  en  161,  lorsque  la  mort  d'Antonin  laissa  Tempire 
à  son  fils  adoptîf,  D.  Lucilla  eût  été  vivante,  le  sénat  eût 
fait  placer  son  effigie  sur  la  monnaie  de  Rome ,  et  qu^u 
lieu  de  quelques  rares  exemplaires  d'une  riiédaille  fabri- 
quée dans  une  ville  de  l'Asie  Mineure*,  nous  aurions  pour 
nous  conserver  le  portrait  de  la  mère  de  Marc-Aurèle  une 
série  de  pièces  de  tous  métaux  comparable  à  celles  des 
deux  Faustine. 

Une  grande  partie  des  monnaies  de  ces  impératrices  a 
été  frappée  après  leur  apothéose,  et  Domitia  Lucilla,  qui 
n'avait  pas  été  Auguste,  ne  fut  pas  mise  au  rang  des  dieux. 

Nous  devons  cette  dernière  remarque  ii  la  sagacité  de 
Vîsconti,  qui  l'a  consignée  dans  son  commentaire  des 
inscriptions  triopéennes  *.  Le  poète  Marcellus ,  tandis  qu'il 
donne  à  Faustina  senior  le  titre  de  déesse  céleste,  se  borne 
à  placer  la  mère  du  César  Marc-Aurèle  à  la  tête  des  pre- 
mières demi-déesses  ou  héroïnes,  en  compagnie  de  Sémélé 
et  d'Alcmène,  mères  de  Bacchus  et  d'Hercule. 

Adrien  de  Longpéuier. 


*  Le  département  des  médailles  de  la  Bibliothèque  impériale  en  possède  un 
exemplaire  acheté  de  M.  H.  P.  Borrell,  de  Smyrnc. 

•  OpêTi  varie f  édît.  de  Milan,  1827,  t.  !•%  p.  276,  v.  56  et  sniv  ,  p.  284  et  356. 


tT    DISSEBTATIOXS.  251 

SDR 

LE  HEAUME  D'ARGENT  OU  GROS  HEAUME, 

MONNAIE  ROYALE  DE  FRANCE  INÉDITE. 
(  PI.  XII.  ) 


DaDS  des  fouilles  faites  à  Paris  en  mai  i  863  ^  on  a  trouvé 
quatre  pièces  d'argent,  et  une  autre  mutilée  d'environ  1/6% 
qui  nous  révèlent  nn  type  de  monnaie  royale  inconnu 
jusqu'ici. 

Cette  monnaie,  que  nous  appellerons  le  heaume  d'argent 
ou  le  gros  heauméy  est  à  un  titre  '  fort  élevé.  Son  diamètre 
est  de  26  millimètres,  et  son  poids  de  2«',75. 

Les  quatre  pièces  entières  et  celle  mutilée  que  j'ai  toutes 
acquises  '  de  M.  Forgeais,  connu  par  ses  travaux  sur  les 
plombs  historiés ,  paraissent  avoir  été  enfouies  ou  plus 
probablement  perdues  peu  de  temps  après  avoir  été  frap- 
pées. La  monture  de  la  bourse  gothique,  en  étain  plaqué 
d'or,  qui  les  contenait  sans  doute  \  était  placée  auprès 

^  M.  Forgeais  m'assnre  que  c*e8t  dans  le  quartier  du  Temple. 

'  On  n*en  a  pas  fait  essai ,  mais  Tune  de  ces  pièces  ayant  été  reculte  a 
rapporté  un  feu  extrêmement  vif  qui  aurait  fondu  une  pièce  au-dessous  de 
11  deniers  passés  ou  910  à  950  millièmes  environ. 

*  Une  de  ces  pièces  a  passé  au  Cabinet  impérial  et  une  autre  chez  MM.  Rollin 
et  Feuardent,  toutes  deiuypar  suite  d'échanges.  M.  Voillemier  de  Senlis  pot- 
nhde  aujourd'hui  cette  dernière. 

•  Elle  est  gravée  ici,  voir  pi.  XII,  n*  3. 


252  MÉMOIRES 

d'elles.  Elles  étaient  très-noires,  très-oxydées  ;  et  cette 
altération,  jointe  à  quelque  pression  accidentelle,  paraît 
avoir  amené  la  rupture  de  la  cinquième  pièce,  rupture 
ancienne  puisque  la  tranche  de  la  partie  brisée  est  aussi 
noire  que  la  surface. 

Le  droit  du  heaume  d'argent  représente  Técu  de  France 
placé  bien  verticalement  comme  dans  le  heaume  d'or,  et 
non  penché  comme  dans  le  blanc  de  Provence  de  Char- 
les VIII  '.  Il  est  surmonté  d'un  heaume  de  profil  ayant  une 
fleur  de  lis  pour  cimier  et  recouvert  d'un  chaperon  dé- 
coupé', qui  se  termine  en  lambrequins.  La  légende  est 
KAROL:FR— AGORV:REX.  Le  bord  de  l'écu,  comme  la 
double  bordure  qui  entoure  la  légende,  est  formée  par  un 
perlé  ou  grènetis.  La  pointe  de  l'écu  coupe  la  légende  entre 
l'R  et  TA  de  FRAGORV,  et  la  fleur  de  lis  du  cimier  montant 
dans  la  légende  en  marque  le  commencement  comme  le 
font  d'ordinaire  les  croix  et  les  couronnes,  etc.  Un  point 
secret  est  placé  sous  l'e  de  Rex. 

Le  revers  porte  au  centre  une  croix,  dite  resarceîée  en 
termes  de  blason,  cantonnée  de  quatre  points  :  entre  les 
deux  courbures  de  chaque  resarcelure^  est  une  pomme  de 
pin.  La  légende,  entourée  en  dedans  et  en  dehors  d'un 
grènetis,  est  +SIT:N0ME:DNI:BENED1CTV.  Un  point  se- 
cret est  placé  sous  le  c  de  benedictu  '. 

«  Hetue  numism.,  1862,  pi.  XI,  n»8. 

«  M  Cest  des  ancieua  chaperons  qui  se  portaient  sur  les  casques  qu'est  venu 
M  rnsage  des  lambrequins.  •*  (Menestrier,  Origine  des  ornements  des  arm. 
p.  32.  )  Nous  ayons  bien  ici  la  représentation  de  la  transition  du  chaperon  au 
lambrequin. 

*  Ainsi  le  point  secret  est  au  droit  sous  la  quatorzième  lettre  et  an  revers 
sous  la  dix-septième.  —  Voyez,  dans  le  Numismatic  Chronicle  (1850,  p.  16),  le 
mouton  d'or  de  Charles  VU  décrit  par  M.  de  Longpérier.  Cette  pièce  offre  au 
droit  un  annelet  sons  les  troisième  et  diz-huitièn)e  lettres,  et  an  revers  un  an- 


ET   DISSERTATIONS.  2M 

Auquel  de  nos  rois  devons-nous  attribuer  cette  monnaie? 

L'aspect  italien  de  la  croix  et  le  blanc  de  Provence  de 
Charles  VIII  ont  d's^rd  fait  penser  à  ce  prince,  mais  la 
position  verticale  et  non  penchée  de  Técu,  le  chaperon 
découpé  comme  dans  le  heaume  â!or  de  Charles  VI,  qui, 
dans  la  pièce  de  Charles  VIII  pour  la  Provence  est  rem- 
placé par  un  lambrequin,  la  forme  de  TL  de  KAROL.  et 
enfin  le  style  si  franchement  gothique  du  droit,  semblent 
devoir  assigner  à  notre  heaume  ^argent  une  date  anté- 
rieure. 

Un  manuscrit  de  Jean  Bouvier  dit  Berry,  héraut  d* armes 
de  Charles  VII  etauteur  d'une  chronique  longtemps  attribuée 
4  Alain  Cbartier,  manuscrit  qui,  grâce  aux  dignitaires  qui 
y  sont  nommés  et  représentés  a  date  certaine  de  1&56  à 
1&58,  donne  comme  timbre  du  roi  un  heaume  '  à  peu  près 
identique  de  forme  et  d'ornementation  à  celuiquiest  ici  placé 
sur  l'écu  de  France.  Cette  circonstance ,  jointe  à  la  diffé- 
rence radicale  de  forme  entre  notre  casque  et  celui  de  l'écu 
heaume,  de  ce  heaume  carré  de  tournois  aussi  large  à  sa 
base  qu'à  son  sommet  ',  m'avait  d'abord  à  peu  près  décidé 

nelet  sous  la  quatrième  lettre,  —  Le  point  secret  n'a  point  été ,  suivant  moi, 
fixé  une  fois  pour  toutes  pour  chaque  atelier  monétaire.  Je  suis  convaincu 
qu'il  a  varié  ;  il  a  servi  quelquefois  à  marquer  des  pièces  altérées  secrètement 
par  ordre  supérieur. 

'  Il  est  gravé  ici,  vo/.  pi.  XII,  n'2. 

*  C'est  le  casque  que  les  Anglais  appellent  tiliing  heltnet,  casque  de  joute. 
On  en  voit  un  beau  spécimen  sur  la  tombe  de  sir  Edw.  de  Thorpe,  dans  l'église 
d'Asweltborpe  (comté  de  Norfolk).  —  Voir  Planché,  Hitt.  of  Brilish  coffiitiM, 
1834,  p.  184.  —  Cette  forme  explique  bien  le  passage  suivant  d'un  ouvrage 
manuscrit  sur  les  tournois  cité  par  le  Père  Mcnestrier.  «  Sous  ledit  heauma 
•*  doit  avoir  une  ronde  chapeline  d'acier  pour  ce  que  quand  le  gentilhomme 
••  vondroit  prendre  son  haleine  il  jette  le  heaume  hors  de  sa  teste,  qui  est 
H  attaché  aune  chaisnctte  de  fer  à  sa  poitrine.  »  [Orig,  des  ornement*  det  arin. 


à  attribuer  notre  gros  heaume  à  Charles  VII.  Mais,  outre 
qu'il  ne  paraît  pas  très-probable  qu'un  casque  non  couronné 
ait  été  placé  sur  Técu  de  France  après  qu'on  l'aurait  d'abord 
timbré  d'un  casque  surmonté  de  la  couronne  royale,  l'as- 
pect italien  de  cette  croix,  qu'on  ne  retrouve  sur  aucune  de 
nos  monnaies  d'aucune  époque,  ne  convient  guère  à  ce 
règne,  où  l'on  ne  voit  de  rapports  entre  la  France  et  l'Italie 
que  lorsque  les  troupes  conduites  par  Jean  de  Loiraine 
occupèrent  Gênes  pendant  trois  ans  (11  mai  1468  à 
juillet  1461). 

J'ai  parlé  de  l'aspect  italien  de  la  croix.  M.  de  Longpé- 
rier,  à  qui  l'archéologie  et  la  numismatique  françaises  sont 
redevables  de  tant  de  découvertes  et  de  si  excellents  travaux* 
m'a  signalé  l'identité  complète  de  cette  croix  avec  celle  qui 
se  trouve  sur  une  monnaie  d'argent  et  surtout  sur  plusieurs 
petites  pièces  de  cuivre  de  Jean  Galéas  Visconti,  comte  de 
Vertus,  seigneur  de  Milan,  décrites  dans  son  curieux  travail 
sur  les  monnaies  de  ce  personnage  \  Or  tout  le  monde  sait 
la  part  active  que  le  duc  Louis  d'Orléans ,  gendre  de  Jean 
Galéas,  prit  au  gouvernement  de  notre  pays,  de  1895  à 
1407,  année  de  sa  mort  ;  on  sait  également  quels  rapports 
fréquents  il  eut  avec  l'Italie,  où  son  mariage  lui  donnait 
l'éventualité  d'un  étabrisscment  important  *,  et  quelle  part 

«  Revue  numiêm.,  1859,  p.  380.  Voy.  pi.  XVII,  n-  10, 11  ;  pi.  XVIII.  n"  20. 
21 ,  22.  Ces  monnaies  sont  frappées  entre  1378  et  1395, 

■  11  fit  en  1390  un  voyage  en  Lombardie  (  Aimé  Champollîon,  Charles  et 
Louiê,  dues  d'Orléans^  p.  5^) ,  et  en  1393  il  y  avait  une  négociation  entamée 
entre  le  roi  et  le  pape  Clément  d'Avignon  pour  faire  au  duc  d'Orléans  un 
royaume  en  Italie  des  terres  de  T Église  occupée»  par  son  compétiteur  à  la 
papauté  (ibid.y  p.  7);  enfin  dès  1394  le  siro  de  Coucy  s'emparait  pour  lui 
de  Savonc,  et  négociait  avec  les  Génois.  Plusieurs  Italiens  étaient  à  cctto 
époque  en  France  et  servaient  dans  l'armée.  On  voit ,  dans  Th.  Carte^  un 
grand  nombre  d'Italiens  prisonniers  des  Anglais  en  1416,  évidemment  par 
«uite  de  la  bataille  d'Azincourt. 


ET   DISSERTATIONS.  265 

il  dut  avoir  à  Toccupation  de  Gênes  par  Boucicant,  en  1896, 
enfin  Y  Apparition  de  Jean  de  tteun  et  les  chroniques  nous 
ont  conservé  la  mémoire  de  l'affection  qu* avait  inspirée 
Valentine  de  Milan  à  Charles  VI,  et  des  motifs  stupides 
qu'attribuait  l'opinion  populaire  (cette  opinion  qu'on  a  osé 
appeler  la  Yoix  de  Dieul  )  à  cette  affection  ;  ces  considéra- 
tions, jointes  à  la  forme  des  lettres  et  surtout  à  celle  de  l'L 
de  Karolus,  au  rapprochement  qui  se  fait  de  soi-même 
entre  l'écu  heaume,  seule  monnaie  d'or  où  les  armes 
de  noa  rois  soient  surmontées  d'un  casque,  et  le  gros 
heaume,  ne  doivent-elles  pas  faire  supposer  que  cette 
monnaie  ou  cet  essai  de  monnaie  sont  dus  à  l'inspiration, 
soit  du  duc  d'Orléans,  soit  de  Valentine  de  Milan?  A  cette 
époque  et  beaucoup  plus  tard  encore,  les  graveurs,  comme 
aussi  les  maîtres  des  monnaies ,  sortaient  le  plus  souvent 
des  rangs  des  maîtres  orfèvres.  La  croix  lombarde  des 
monnaies  de  Jean  Galéas  a  bien  pu  passer  d'un  bijou  du 
duc  ou  de  la  duchesse  d'Orléans  sur  une  monnaie  royale. 
Peut-être  la  forme  inusitée  de  cette  croix  et  la  simplicité 
du  casque  incouronné  (simplicité  qui  existe  aussi  sur  cinq 
monnaies  de  Jean  sans  Peur  pour  la  Flandre,  pièces  qui 
offrent  dans  la  forme  du  casque  une  grande  analogie  avec 
le  heaume  d*  argent*)  auront-elles  empêché  la  mise  en  cir- 
culation de  cette  monnaie,  de  même  qu'en  1368  la  forme 
étrangère  du  florin  d*or  en  fit  demander  la  suppression  par 
es  États.  Ajoutons  que  cette  monture  de  bourse  en  itain 
plaqué  d'or  indique  plutôt  un  objet  destiné  à  briller  d'un 
éclat  temporaire  qu'à  servir  usuellement,  et  l'absence  de 
toute  autre  pièce  contemporaine,  k  côté  des  cinq  heaumes 

1  tUvue  numism,^  1861.  pi.  X,  n*'  26  à  29;  pi.  XI,  n*  30.  — Toutet  cet  piécei 
H)nt  aotérieures  à  1419,  date  de  la  mort  de  Jean,  et  c'est  le  dao  de  Bour- 
gogne qui  naturelkment  doit  venir  après  le  roi. 


2Ô6  MÉMOIRES 

d'argent,  confirmerait  la  pensée  que  c* était  là  une  bourse 
contenant  des  pièces  d'essai  présentées  comme  spécimen  à 
quelque  personnage  important. 

Quant  à  la  forme  du  casque ,  je  suis  loin  de  me  dis- 
simuler l'objection  que  fait  naître  la  vue  du  heaume  du 
manuscrit  de  Jean  Bouvier,  dit  Berry,  heaume  qui,  à  la  vé- 
rité, est  beaucoup  plus  aigu  que  celui  de  la  monnaie.  Mais 
remarquons  d'abord  que  sur  les  monnaies  de  Jean  sans 
Peur,  comme  comte  de  Flandre,  la  forme  du  casque  offre 
la  plus  grande  ressemblance  avec  celle  que  nous  observons 
sur  notre  nouvelle  monnaie  '. 

Ajoutons  que  la  monnaie  de  Frédéric  III,  évêque  d'Utrecht 
(1393-1&20),  qui  porte  la  date  de  1410  inscrite  au  revers, 
a  pour  type  deux  écus  surmontés  d'un  heaume  à  col  étroit, 
serré,  terminé  par  un  gorgerin  saillant. 

On  en  trouve  un  semblable  sur  le  tombeau  de  Louis  de 
ttàle,  comte  de  Flandre,  mort  en  138&  (  Montfaucon ,  Mon. 
de  la  mon.  française^  t.  III,  pi.  29).  Mous  citerons  encore 
le  casque  à  profil  saillant  de  Raoul  de  Goetquen  (1397)  que 
nous  a  fait  connaître  dom  Morice  {Hist.  de  Bretagne^  t.  Il, 
preuves,  pi.  37). 

Rappelons-nous  ensuite  que  si  les  casques  ont  changé 
d'aspect  suivant  les  époques,  comme  tout  ce  qui  est  et  a 
été  à  l'usage  des  hommes,  il  a  cependant  existé  simulta- 
nément des  formes  différentes.  Le  Père  Ménestrier,  dans 
son  Traité  des  ornemenls  des  armoiries  ^  cite,  d'après 
Gbifflet,  un  héraut  d'armes  qui  comptait  neuf  sortes  de 
timbres  ou  heaumes.  Parmi  eux  figure  le  timbre  de  hurle. 

'  Un  tscalin  et  unep(aque<(0  de  Jean  de  Hciuiberg,  évèque  de  Liège,  noasi 
montrent  bumî  an  heaume  à  col  étroit  (  voy.  Renesse,  A^ttffiMm.  de  Liégn, 
pi.  XI,  4  et  &)  ;  mais  cet  évêqae  ayant  siégé  de  U19  à  1456,  ses  monnaies  ns 
fournissent  pas  d*argument  déoisif. 


ET  DISSERTATIONS.  257 

C'était  celui,  dit  le  Père  Ménestrier,  qui  était  affili  en  pointe 
par-devant  pour  faire  que  les  coups  glissassent.  Cette  des- 
cription conyient  bien  au  heaume  qui  est  représenté  sur  les 
gros  nouvellement  trouvés. 

Quant  au  poids  de  cette  monnaie ,  qui  varie  de  2s%65  à 
2>',75,  il  indique  89  pièces  au  marc  :  cette  taille  a  très-bien 
pu  être  effectuée  ou  projetée,  puisqu'il  y  a  des  gros  de 
Charles  VI  (je  ne  parle  que  de  ceux  à  haut  titre  — 11  de- 
niers passés)  de  96,  de  84  7/12  et  de  86 1/4  au  marc.  Cette 
dernière  taille  donne  par  pièce  seulement  8  centigrammes 
de  différence  avec  le  gros  heaume. 

Si  Ton  admet  ces  raisonnements,  il  faudrait  en  conclure 
que  le  heaume  d'argent  ou  gros  heaume ,  fait  ou  projeté 
vers  1395  ou  1400,  a  donné  Tidée  des  blancs  de  Flandre  de 
Jean  sans  Peur,  et  plus  tard,  en  1417,  celle  du  heaume 
d'or.  Seulement,  on  aura  donné  au  heaume  de  la  pièce  d'or 
une  forme  plus  solennelle ,  celle  du  timbre  de  tournois  ou 
d'acclamation^  comme  l'appelait  le  héraut  cité  plus  haut  : 
on  Ta  couronné  et  recouvert  d'un  large  chaperon  envelop- 
pant Técu  avec  autant  de  grâce  que  de  majesté. 

Telles  sont  les  réflexions  que  m'a  suggérées  la  vue  dn 
heaume  d'argent.  11  est  probable  qu'on  trouvera  ultérieure- 
ment d'autres  renseignements  qui  permettront  de  déter- 
miner positivement  la  date  de  cette  belle  et  curieuse  pièce. 

Le  baron  Jérôme  Pighou, 

De  la  Société  des  bibliophiles  français» 
20  J4iin  1863. 


258  MÉMOIRES 


MONNAIES  DE  PROVENCE. 

(Pl.XllL) 


N"  !•  Tête  de  profil  tournée  à  gauche,  avec  une  cou- 
ronne de  feuilles,  dans  un  grènetis. 

^  NIFIDIVS  en  légende  circulaire.  Au  centre,  un  rameau. 

Argent.  Poids,  1  gr.  (  pi.  XIII,  n»  1  ).  —  Collection  de 
M.  le  comte  de  Clapier. 

Dans  le  sixième  volume  de  la  Revue,  j'ai  publié  en  1861 
une  jolie  monnaie  d'argent  mérovingienne  frappée  à  Mar- 
seille *.  L'état  de  la  pièce  ne  m'avait  pas  permis  d'inter- 
préter les  deux  lettres  AN  du  revers;  aujourd'hui,  plus 
heureux,  et  grâce  à  l'obligeance  de  M.  Morel-Fatio,  qui 
paraît  posséder  un  exemplaire  plus  complet,  je  puis  indi- 
quer ces  caractères  comme  le  commencement  du  nom 
d'Anténor. 

L'année  suivante  ',  et  dans  le  même  recueil ,  j'ai  dé- 
crit, sans  oser  lui  donner  d'attribution .  un  tiers  de  sol 
d'or  au  nom  de  Syrus.  Cette  monnaie  n'est  plus  douteuse 
aujourd'hui  :  elle  appartient  à  Marseille,  et  la  légende  du 
revers  doit  être  complétée  ainsi  :  VICTVRIA  PATrtcu. 

Childebert,  roi  de  Paris,  et  Théodebald,  roi  d'Austrasie. 
étant  morts  sans  enfants,  l'empire  franc  se  trouva  réuni 

»  Rêcue  numitm.,  nouvelle  Bérie,  1861,  U  VI,  p.  404,  pi.  XVII,  n*  10. 
•  Bévue  nvmitm.,  nouvelle  si'rio,  1862,  t.  VII,  p.  279,  pi,  XI,  n"  1. 


ET   DISSERTATIONS.  259 

sur  la  tête  de  Clotaire  I ,  pour  être  de  nouveau  divisé  en- 
suite entre  ses  quatre  fils.  Sigebert,  l'un  d'eux,  eut  en 
partage  l'Austrasie  et  la  province  marseillaise  qui  com- 
prenait les  diocèses  de  Marseille,  d'Avignon  et  d'Aix.  Con- 
tran, son  frère,  eut  la  Bourgogne  avec  la  province  d'Arles. 
Ils  firent,  l'un  et  l'autre,  gouverner  leurs  états  du  Midi  par 
des  palrices  ou  recteurs^  magistrats  importants,  dont  la 
dignité  prenait  rang  immédiatement  après  l'autorité  royale. 
Nous  trouvons  dans  Grégoire  de  Tours  que  cette  charge 
était  exercée,  dans  Marseille,  à  cette  époque,  par  Dyna- 
mius  *  pendant  la  rivalité  de  ces  deux  princes  pour  l'en- 
lière  et  exclusive  possession  de  cette  ville ,  dont  un  traité 
avait  rendu  le  port  commun  à  leurs  deux  souverainetés^ 
Déjà  les  monnaies  de  Mummolus,  revêtu,  &  Lyon,  de  la 
même  dignité,  avaient  été  retrouvées;  il  est  donc  impor- 
tant de  rechercher  ce  système,  et  d'y  rattacher  les  deux 
noms  d'Anténoret  de  Syrus,  l'un  évidemment  d'origine 
grecque,  et  l'autre  sans  doute  d'origine  romaine,  et,  plus 
heureux  aujourd'hui,  nous  ajoutons  à  cette  liste  si  res- 
treinte le  quatrième  nom  de  Nymfidius. 

L'absence  du  mot  usuel  ntonetarius  ^  ou  même  de  la 
lettre  H  à  la  suite  du  nom,  viendrait  indiquer  un  per 
sonnage  d'un  ordre  plus  relevé  qu'un  simple  monétaire, 
directeur  ou  fabricateur  de  la  monnaie,  quand  mémo  nous 
n'aurions  pas  quelque  monument  pour  nous  révéler  leur 
qualité.  Nous  voyons  dans  Guesnay,  et,  après  lui,  dans  Mu- 
ratori,  Ruffi,  Grosson,  etc.,  qu'un  fragment  considérable 
d'une  pierre  tumulaire  fut  trouvé  dans  le  port  de  Marseille. 
«  In  portu  Massiliensi  fragmentum  cippi  marmorei  fortuito^ 
If  repertum,  quod,  et  erosis  aquâ  litteris  jactatum  fuisse^ 

•  Uiêt.  ecclts.  Fraiicor.,  VI,  7,  Il  j  IX,  11. 


2ô0  MÉMOIRES 

«  et  pulsatuin  assidue  marinis  fluctibus  coUigi  potest^..)) 
Voiei  r inscription  de  ce  monument  telle  qu  elle  est  donnée 
successivement  par  les  auteurs  que  je  viens  de  citer  et  qui 
se  sont  tous  copiés  servilement  : 

HIC  REQVISCET  IN  P 

NYxMFIDIVS    EX    PRA 

QVI  VIXIT  ANNOS   I 

RECESSETVni  KALEN.... 
PRO  BINO  ET  EVSEBE.... 

Cet  épltapbe  peut  se  lire  de  plusieurs  façons  lorsqu'on 
cherche  à  la  compléter  :  «  Hic  requiescit  in  pace  Nymfi- 
«dius  ex-praefectus  (ou  ex-praeses,  ou  ex-praepositus )  qui 

«vixit  annos Recessit  YIII  kalendariun,  Probino  et 

«  Eusebio  consulibus.  » 

Guesnay,  qui  a  fourni  la  première  copie,  a  été  imité  par 
tous  ceux  qui  sont  venus  après  lui.  Le  mot  PRA....  qui 
termine  la  seconde  ligne  se  trouve  sur  le  bord  de  la  cas- 
sure et  est  resté  incomplet.  Quelle  signification  lui  donner? 
Si  nous  consultons  la  Noiilia  dignilatum  Imperii^  nous 
trouvons  le  prœfectus  militum  musculatiorum  Massiliae 
grsecorum,  le  prœpositus  thesaurorum  Arelatensium ,  le 
prxses  Narbonnensis  primae  et  Narbonensis  secundœ.  Dans 
l'opinion  de  dom  Bouquet  {Hisi.  de  Fr.,  t.  II,  p.  331, 
note),  les  patrices  étaient  appelés  tantôt  recteurs^  tantôt 
préfets  *.  En  fait  de  patrices  de  Marseille,  les  historiens 

1  R.  P.  Joannis-Baptistse  Guesnay,  Provincix  Mauilientit ,  ac  reliqtue  pho- 
etniiê  annalts^  Lugdani^  MDCLVII,  p.  78. 

*  Papon,  Hiti.  gén,  de  Provence^  t.  I,  p.  24.  «  La  ville  de  Marseille  avait  les 
mêmes  officiers  que  les  colonies  romaines  et  les  municipes  ;  Memmius  Ma- 
crinus  y  avait  été  questeur  et  y  avait  exercé  la  préfecture.  »  Et  plus  loin, 
après  avoir  rapporté  l'inscription  de  Nymphidius  ;  «  Je  lis  ex-praefectus,  et  je 
ne  crois  pas  qu'on  puisse  lui  substituer  une  leçon  plus  vraisemblable.  ^ 


ET   DISSERTATIONS.  2(51 

nous  ont  conservé  quelques  noms,  tels  que  Dynamius* 
Ratharius,  Nicetius,  Bodegisilus ,  Syagrius,  Desiderius, 
Elonus,  Ilictor,  etc.  ';  mais  il  ne  nous  ont  parlé  ni  d' An- 
ténor,  ni  de  Syrus ,  ni  de  Nymfidius.  Ce  dernier  est  bien 
plus  ancien  que  les  rois  des  Bourguignons,  maîtres  de  la 
Provence,  puisqu'il  est  mort  sous  le  consulat  de  Probinus 
etd'Eusebius  (le premier,  en  Orient;  le  second,  en  Occi- 
dent), c*est-à  dire  en  489,  sous  le  règne  de  Zenon,  et 
alors  que  Glovis  ne  possédait  pas  encore  Marseille. 

Maintenant  nous  sera-t-il  permis  de  chercher  le  nom  de 
ce  Nymfidius  sur  notre  monnaie  qu  il  faut  considérer  comme 
un  monument  encore  tout  romain  ? 

La  tête  que  porte  ce  denier  d'argent  ne  diffère  pas  sen- 
siblement de  celle  de  Zenon  qui  se  voit  sur  les  monnaies 
de  bronze  frappées  à  Rome  à  une  époque  très-voisine  de  la 
mort  du  Nymphidius  mentionné  par  Tépitaphe.  Le  rameau 
qu'entoure  le  nom  de  Nymfidius  est  un  type  gallo-romain 
connu  sur  les  plombs  d'Alise  et  de  Perthes  publiés  dans- 
cette  Revue  '.  Enfin  les  caractères  de  la  légende  sont  en- 
core d'une  pureté  qui  convient  mieux  au  v*  siècle  qu'aux 
suivants. 

Nymphidius,  qui  avait  cessé  de  remplir  ses  fonctions 
lorsqu'il  mourut,  en  489,  pouvait  alors  être  un  ex  praofeclus 
comme  cet  Albinus ,  à  qui  Dynamius  fit  donner  l'évêché 
d'Uzès  *. 

Une  célèbre  inscription  de  Terracine ,  publiée  par  Gruter 
(CLII,  8) ,  et  qui  est  précisément  du  temps  de  Théodoric, 
contient  les  noms  de  Basilius  Decius  vir  clarissimus  et  in- 

*  Voy.,  sur  le»  patricps  dc«  rois  Bourguignon»,  l'ftrticle  au  Glosgairt  de 
du  Cange. 

*  1861,  p.  253,  et  1862,  p.  167. 

*  Greg.  Turon.,  Bist,  eecl.  Franc. ^  VI,  7. 


262  MÉMOIRES 

hister^  exprspfectus  Urbi,  êxprxpositus,  exconsul  oràinafius, 
patricius. 

Ruiïï  nous  a  conservé,  dans  son  Histoire  de  Marseille 
(t.  I9  p.  322)  une  autre  inscription  de  JuHus  Honoratus 
ex  p.  prœsid.  Alpium  marilimarum. 

Il  serait  facile  de  citer  beaucoup  de  textes  relatifs  à  ces 
fonctions.  Il  nous  suffira  de  faire  remarquer,  quant  à  Tor- 
tbograpbe  de  notre  denier,  que  Gruter  a  publié  une  inscrip- 
tion (DCGGXII,  2)  dans  laquelle  Nymphidius  est  écrit 
NYPHIDIVS,  et  que  notre  tiers  de  sol  d'or  à  la  légende 
VICTVRIA  PAT.  porte  SIRVS  pour  Syrus. 

L'épitaphe  de  Nymphidius  a  été  depuis  longtemps  cor- 
rectement interprétée,  et  si  nous  rappelons  que  Grosson 
trouvait  dans  le  nom  consulaire  PRO  BINO  l'indication  que 
le  tombeau  avait  été  construit  pour  deux  personnes,  c'est 
simplement  pour  faire  remarquer  qu'à  la  même  époque» 
en  Italie,  une  idée  aussi  ridicule  ne  serait  venue  à  l'esprit 
d'aucun  écrivain. 

N»  2  DN IVSTINYS  PI  AVG.  Buste  diadème  à  droite. 

^  VICTORIA  AVGVSTORV.  Croix  sur  un  globe,  avec  les 
lettres  AR  indiquant  l'atelier  monétaire  d'Arles  A  l'exer- 
gue, CONOl- 
•  Or.  Poids,  I^IS.  (PI.  XIII,  n'»  2.) 

Cette  pièce  est  indiquée  dans  Mionnet  (tome  II,  page  A02} , 
au  nom  de  Justin  I",  et  il  la  cote  12  fr. 

M.  Sabatier  la  cite  également  d'après  Mionnet,  mais  il  ne 
l'a  pas  vue  en  nature.  Il  n'en  dit  rien  de  particulier  et  ne 
change  rien  à  la  cote.  Il  continue  à  la  donner  à  Justin  I*^  '. 

M.  Lenormant,  dans  sa  dernière  lettre  sur  les  plus  anciens 
monuments  numismatiques  de  la   série  mérovingienne, 

>  Sabatier,  Desrript.  gén,  des  monn,  byzantines,  1. 1",  p.  160. 


KT   DiSSERrATlONS.  268 

adressée  à  M.  de  Saulcy  et  publiée  par  la  Betue  numisma- 
tique \  ne  fait  pas  mention  de  cette  pièce.  Parlant  des  mon- 
naies au  nom  de  Maurice  Tibère,  avec  les  différents  MA — 
AR«— VI,  il  adopte  Thistoire  de  Gondowald  telle  qu'elle  se 
trouve  dans  le  mémoire  de  Bonamy  %  et  il  pense  que  les 
premières  pièces  correctes  ont  dû  être  frappées  k  Constan- 
tinople  pour  le  compte  du  prétendant  franc'.  Les  espèces 
barbares  et  incorrectes  l'auraient  été  par  le  prétendant  lui* 
même  dans  les  diverses  villes  qu'il  soumettait  à  sa  puis* 
sance.  Plus  tard,  certaines  de  ces  pièces  auraient  été  émises 
par  ou  pour  le  patrice  Syagrius  :  mais,  d'accord  avec  Du- 
chalais,  M.  Lenormant  voit  une  ligne  de  démarcation  bien 
tranchée  entre  les  pièces  frappées  pendant  l'expédition  de 
Gondowald  et  celles  qui  l'ont  été  postérieurement.  Cette 
différence  se  manifesterait  par  le  poids,  qui  aurait  été  beau- 
coup plus  fort  avant  et  pendant  l'invasion  de  ce  prince,  et 
qui  devint  plus  faible  après  lui. 

M.  Lenormant  croit  en  outre  que  le  nom  de  Maurice  étant 
peu  sympathique  aux  populations,  elles  monétaires  natio- 
naux n'ayant  pas  encore  adopté  le  système  purement  franc, 
ceux-ci  continuaient  l'émission  des  espèces  au  nom  de 
quelque  empereur  que  ce  fût  ;  et  comme  les  noms  de  Justi- 
nien  et  de  Justin  avaient  acquis  une  certaine  popularité 
dans  les  provinces  franques,  par  suite  de  relations  fré^ 
quentes  sous  le  règne  de  ces  deux  princes,  ils  les  ont 
choisis  de  préférence  à  celui  de  Maurice,  qui  avait  importé 
cette  monnaie  avec  la  croix  au  lieu  de  la  Victoire ,  et  avec 


*  Btvue  numiêtn,,  1854,  p.  305  et  sniv. 

*  Mémoires  de  V Académie  dee  inicriptions  et  belles -Ultrei,  t.  XX. 

*  Uhistoire  de  Gondowald  occupe  une  grande  plnci  dans  les  récits  de  Gré- 
goire de  Tours,  Bist.  eccl.  Francor.,  lib.  VI,  24,26;  liK  VII,  10  à  38; 
lib.  IX ,  28. 


2Ô&  MÉMOIRES 

les  lettres  MA,  et  la  valeur  monétaire  XXI  et  Vil.  Enfin,  et 
toujours  d'après  le  même  numismatiste ,  des  pièces  aux 
noms  de  Justin  et  de  Justinien,  à  légendes  altérées,  auraient 
été  frappées  pour  1* Armorique  ;  mais  il  ne  parle  pas  de  la 
Provence.  Et  cependant  la  pièce  que  nous  produisons  au- 
jourd'hui, sortie  de  Tatelier  d'Arles,  est  d'une  très-bonne 
fabrique  :  ses  légendes  sont  aussi  nettes  et  aussi  correctes 
que  celles  des  plus  belles  momiaies  frappées  au  nom  de 
Maurice,  et  ce  spécimen ,  qui ,  s'il  eût  été  fabriqué  posté- 
rieurement à  Gondowald  devrait ,  d'après  le  système  de 
M.  Lenormant ,  offrir  une  altération  de  poids,  pèse  1«',90, 
c'est-à-dire  précisément  autant  que  les  pièces  de  la  bonne 
époque.  Cette  monnaie  me  paraît  donc  avoir  été  frappée 
par  Gondowald  lui-même. 

Maintenant,  pour  expliquer  comment  le  nom  de  Justin  I", 
mort  en  527,  reparaît  sur  une  monnaie  en  584,  et  pour  re- 
chercher le  motif  qui  a  pu  porter  Gondowald  à  le  substituer 
à  celui  de  Maurice,  on  peut  consulter  une  lettre  de  M.  le 
baron  Marchant,  qui  rappoite  un  fait  à  peu  près  analogue 
dans  la  numismatique  des  rois  goths.  «  Baduela,  dit-il,  était 
contemporain  de  Justinien,  et  quoiqu'on  guerre  avec  cet 
empereur,  il  émettait  des  espèces  au  nom  de  ce  dernier, 
ainsi  qu'il  y  était  obligé  par  ses  traités.  Mais  lorsque  les 
événements  eurent  fait  de  leur  dissension  une  question  de  vie 
et  de  mort  entre  l'empire  d'Occident  et  le  royaume  d'Italie, 
il  fit  fabriquer  ses  monnsûes  toujours  au  titre  de  l'empire, 
mais  au  nom  d'Anastase,  qui  était  mort  cependant  avant 
son  accession  au  trône.  »  Et  si ,  au  sujet  de  la  pièce  qui 
nous  occupe,  on  accepte  l'opinion  que  Maurice  Tibère  aban- 
donna Gondowald  pour  trai^r  avec  Gontran ,  son  ennemi, 
on  peut  croire  que  le  prétendu  fils  de  Clotaire,  à  l'imitation 
du  roi  goth ,  aura  pu  continuer  l'émission  de  ses  espèces 


ET    DISSl-UTATIONS.  2()5 

monnayées  au  titre  de  l'empire  d'Orient,  comme  il  s'y  était 
engagé ,  mais  en  effaçant  le  nom  de  Maurice ,  qui  l'avait 
trahi,  pour  le  remplacer  par  celui  de  Justin. 

N*  ».  D  N  F03V1IS  P«aT  AVG  {perpeluus  Àugtislus). 
Buste  diadème  de  Focas  tourné  à  droite. 

^  VICORIA  AVCGV;  à  l'exergue,  CONOB.  Croix  pomme- 
tée,  cantonnée  des  lettres  MA,  sous  lesquelles  on  lit  XXI. 

5owdV  (pi.  XIII,  n»  3  ). 

M.  de  Longpérîer  a  déjà  parlé  de  ce  précieux  sou  d'or 
dans  la  Revue  ^  Depuis  il  a  obtenu  pour  nous  une  em* 
preinte  de  la  pièce,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  le  comte  de 
Salis,  qui  a  généreusement  donné  ce  monument  au  Musée 
Britannique  avec  toute  sa  collection. 

La  tête  de  l'empereur  diffère  à  peine  de  celle  de  Maurice. 
Les  Marseillais,  trës-fidèles  à  la  tradition  gouvernemen- 
tale, connaissaient  toutefois  fort  peu  les  traits  de  leurs 
souverains  d'Orient. 

Le  sou  d'or  de  Focas  a  dû  être  fabriqué  entre  les  an- 
nées 602,  date  de  la  mort  de  Maurice,  et  610. 

N*  4.  eRACIDIiNI.  Buste  d'Héraclius  tourné  à  droite. 

^  V....VRIV  AGVSOX...  Croix  potencée  sur  un  globe, 
accostée  des  lettres  MA,  au-dessous  desquelles  on  lit  XXI; 
le  tout  dans  une  couronne  surmontée  d'un  nœud. 

Sou  d'or  {ipl  XIII.  nȉ). 

Cette  pièce ,  trouvée  à  Sarre,  près  Reculver  (  comté  de 
Kent  ),  orne,  avec  trois  autres  sous  d'or  de  Maurice  et  de 
Clotaire  frappés  à  Arles  et  à  Marseille,  un  collier  qui  ap- 
partient au  Musée  Britannique.  Nous  en  devons  la  connais- 
sance à  M.  de  Salis  '. 


«  Voy.  plus  haut,  p.  77. 

*  Numiêmatic  CAronic/e ,  nouvelle  série,  1861,  t.  I,  pi.  III. 

1863.-4.  la 


26(5  MÉMOIRES 

N*  5.  DN  GRACLIVS.  Buste  d'IIéracliusà  droite. 

1^  OAOR  AVTIAN;  à  Texergue,  GINOB.  Croix  pommelée 
accostée  des  lettres  VIVA,  au-dessous  desquelles  on  lit  Vil. 

Tiers  de  sou  d'or.  (PI.  XllI,  n*»  5). 

C'est  encore  de  la  bonté  de  M.  le  comte  de  Salis  que 
nous  tenons  l'empreinte  de  cette  charmante  pièce,  dont  il 
-a  fait  présent  au  Musée  Britannique. 

On  voit  que  jusqu'au  moment  où  Clotaire  II  devint 
Bialtre  de  la  Provence,  l'effigie  impériale  fut  conservée  sur 
la  monnaie.  Notre  série  comprend  jusqu'à  présent  Zenon, 
Justin,  Maurice,  Focas  et  Héraclius. 

Les  monnaies  provençales  d'Héraclius  ont  dû  être  émises 
entre  610,  époque  de  la  mort  de  Pbocas,  et  613  environ. 
Les  ^ous  et  tiers  de  sou  de  Clotaire  frappés  à  Marseille,  à 
Arles,  à  Viviers,  leur  succèdent  immédiatement.  Viviers  se 
trouve  toujours ,  par  sa  monnaie ,  étroitement  rattaché  à 
Marseille  et  h  Arles.  Dans  l'acte  de  partage  entre  Louis  et 
'Charles  le  Chauve,  en  870,  partage  dans  lequel  était  com- 
pris le  royaume  laissé  à  Lothaire  pair  son  frère  Charles  de 
Provence,  on  voit  encore  Viviers  figurer  à  la  suite  de  Lyon 
et  de  Vienne. 

N*  6.  Tète  barbare  diadèmée  à  droite. 

^  Dans  le  champ ,  MA  en  monogramme.  Autour,  SILIA , 
complément  de  la  légende  ;  le  tout  surmonté  d'une  croi- 
sette. 

Argent.  Poids,  1«%06.  (PI.  XUl,  n»  6). 

<!ette  pièce  vient  encore  enrichir  la  série  des  rares  mon- 
naies mérovingiennes  de  Marseille ,  et  ces  petits  monu- 
ments présentent  un  trop  grand  intérêt  pour  que  je  ne 
m'empresse  pas  de  les  faire  connaître  aux  lecteurs  de  la 
RevtM  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  me  tomberont  entre  les 
mains. 


r:r  dissertations.  267 

X*  7.   +GARLVS  MX.  Croix. 

^  +ALPEA  G1VIS+  (pour  Arela).  Monogramme  de 
Karolus. 

Argent.  (PL  XIII.  n*  7.  ) 

Voilà  un  denier  qui,  à  mon  avis,  peut  être  attribué  à 
Charles  de  Provence.  Je  ne  voudrais  pas  trop  insister  sur 
Tabsence  de  tout  nom  de  peuple  à  la  suite  du  titre;  car, 
d'une  part,  le  plus  grand  noHibre  de  deniers  de  Gbarle- 
magne  n'en  offre  pas  non  plus,  et,  d'autre  part,  une  des 
conséquences  de  la  loi  salique  était  le  partage  du  titre  de 
roi  des  Francs  entre  tous  les  frères  issus  d'un  souverain. 
Baluze,  qui  a  étudié  si  profondément  l'bistoire  et  les  monu- 
ments écrits  des  Garlovingiens,  a  dit  {Capit. ,  t.  II,  col.  757)  : 
Omnes  enim  Franeorum  reges  appellabantur. 

L'empereur  Lotbairc,  en  855 ,  donna  la  Provence  à  son 
troisième  fils  Gbarles,  qui  fit  de  Lyon  sa  capitale.  Ce  prince 
mourut  vers  863.  Ses  frères  partagèrent  ses  domaines.  En 
870,  la  portion  de  Lotbadre  fut  encore  divisée  entre  Louis 
le  Germanique  et  Charles  le  Chauve,  qui  eut  Lyon,  Vienne  S 
Dzès,  ainsi  que  le  constate  un  acte  bien  connu.  Jusqu'au 
15  octobre  879,  époque  de  l'élection  de  Bozon ,  rhistoire 
de  la  Provence  est  des  plus  obscures.  Peut-être  continuâ- 
t-on dans  Arles  la  fabrication  des  deniers  au  nom  de  Charles 
de  Provence.  Celui  que  nous  publions  porte  un  nom  de 
ville  trës-altéré;  tandis  que  sur  des  monnais  de  Louis  III, 
de  Carl(Miian  et  de  Charles  le  Gros  avec  le  titre  impérial 
(88i-887),  on  lit  ARELA.  Or,  l'altération  des  noms  est  un 
des  caractères  de  la  monnaie  posthume. 

Ruffi,  Gaufridi,  Papon  et  tous  nos  historiens  s' accordent  à 


^  Looîa  II  possédait  YieBiie  en  859,  ainsi  que  ncms  le  tojo&s  par  des  di- 
pldmes.  En  868,  cette  tille  appartenait  encore  à  Charles  de  Proyenoe. 


2(58  MÉMOIRES 

dire  que  Charles  le  Chauve  posséda  la  Provence.  Le  fait  est 
qu'il  lui  donna  pour  gouverneur  son  beau-frère ,  le  comte 
Bozon  \  et  que  ce  fait  implique  la  souveraineté.  Malheu- 
reusement les  chartes  de  cette  époque  nous  font  défaut, 
précisément  à  partir  du  moment  où,  en  vertu  du  traité  de 
partage ,  Charles  le  Chauve  devint  maître  des  villes  que 
SOD  neveu  avait  reçues  de  l'empereur  Lothaire. 

Dans  tous  les  cas,  notre  denier,  frappé  pendant  la  se- 
conde moitié  du  ix*  siècle,  comme  l'indique  bien  son  style, 
et  la  forme  CIVIS  pour  civitas ,  nous  paraît  une  pièce  très- 
digne  d'être  signalée  à  l'attention  des  numismatistes. 

N*  8.  +REGnA....EI.  Dans  le  champ  REX,  sous  une 
couronne  coupant  la  légende  (Regnatus  gracia  Dei  rex). 

^  +COMES  PVL...  E  POR  (Comes  Provincix  et  Forçai- 
qMfii).  Croix  pâtée  à  chaque  extrémité,  cantonnée  de 
quatre  lis. 

Billon  à  bon  titre.  (PI.  XIII,  n»  8.  ) 

Les  couronnats  de  René  n'avaient  pas  encore,  je  crois, 
été  retrouvés.  M^  Poey-d' Avant  ne  les  cite  pas  dans  son 
ouvrage  sur  les  monnaies  féodales.  Les  deux  exemplaires 
tombés  en  notre  possession  sont  malheureusement  usés  : 
mais  l'un  et  l'autre  offrent  une  conservation  suffisante  pour 
qu'il  ne  puisse  pas  y  avoir  d'erreur  dans  la  lecture  de  leurs 
légendes.  Quant  à  moi,  je  suis  heureux  de  voir  la  numisma- 
tique de  Provence  s'enrichir  de  jour  en  jour  de  pièces  qui, 
sans  même  avoir  une  grande  importance,  n'en  viennent 
pas  moins  concourir  à  la  formation  d'une  série  qui  em- 
brasse tant  de  siècles,  et  qui  nous  rappelle  tant  de  faits 
marquants,  tant  de  personnages  célèbres. 

^  Ce  ne  fut  qu'après  la  mort  de  Louis  le  Bègue  que  Bozon  s'empara  de  la 
ProTeneei  ainsi  que  du  Dauphmé ,  dit  Papon,  Hitî.  gén.  de  Provence,  t.  II, 
p.  534. 


ET    DISSERTATIONS.  269 

N*  9.  Us  couronné.  LVDOVIGVS:D:G:F:REX:PVINCIE: 
COMES  P.D,  ces  deux  dernières  lettres  en  monogramme* 

î^  XPS:VlNCIT:XPS:REGi\AT:XPS:IMPERA.P.  Croix  fleur- 
delisée. 

ECU  ior  de  Louis  XII  pour  la  Provence»  (PL  XIII,  n«  9.) 

Cette  pièce  serait,  sans  contredit,  très-ordinaire,  si  ce 
n'étaient  les  deux  lettres  P.D.  entrelacées  à  la  suite  du  mot 
cornes^  et  qui,  pour  moi,  ne  sauraient  avoir  d'autre  signifi- 
cation que  celle  de  Pedemontis.  Ce  serait  pour  la  dernière 
fois  que  ce  titre,  pris  par  les  comtes  de  Provence  sur  de  rares 
pièces,  et  entre  autres  sur  un  demi-carlin  de  Robert  et  sur 
une  monnaie  de  Jeanne,  dont  j'ai  parlé  dans  un  précédent 
article  \  se  trouverait  inscrit  sur  des  espèces  fabriquées  au 
nom  de  princes  français.  Au  reste,  il  était  naturel  que 
Louis  XII,  entrant  en  Italie,  reprit  un  titre  qu'il  pouvait 
revendiquer  et  par  droit  Ae  conquête  et  comme  béritier 
des  comtes  de  Provence,  et  notre  écu  d*or  en  est  une  rare 
et  curieuse  preuve. 

A.  Carpentin. 


*  Hm>u4  niimUm.,  Id60,  t.  Y,  p.  217.—  Cf.  p. 


221. 


270  lilÉMOlRËS 


NOTE 
SUR  QUELQUES  POIDS  MONÉTAIRES- 

(PI.  XIV  et XV.) 


Depuis  quelques  années  rattention  des  amateurs  de 
numismatique  s'est  portée  sur  les  poids  monétaires, 
connus  aussi  sous  le  nom  de  dénéraux.  Ces  petits  monu- 
ments sont  en  effet  on  ne  peut  plus  intéressants  par  leur 
empreinte,  qui  est  un  souvenir  des  mpnnaûes  dont  ils 
servaient  à  contrôler  le  poids,  et  en  forment  ainsi  un  corn* 
plément,  je  dirais  presque  indispensable.  Malheureuse- 
ment ceux  qui  nous  sont  parvenus  ne  remontent  pas  à  une 
époque  assez  éloignée  pour  nous  renseigner  sur  les  mon- 
naies, en  nombre  assez  considérable,  qui  sont  mentionnées 
dans  les  ordonnances  des  souverains,  et  qui  ont  disparu 
de  bonne  heure  de  la  circulation*  Leur  invention  paraît 
avoir  eu  pour  but  de  faciliter  les  opérations  des  changeurs, 
et  de  permettre  au  public  peu  instruit  de  s'assurer,  sans 
avoir  besoin  de  recourir  à  ces  ofQciers,  si  les  monnaies 
avaient  le  poids  nécessaire  pour  circuler  légalement. 
Pour  ceux  qui  se  livrent  aujourd'hui  à  l'étude  de  nos 
anciennes  monnaies,  l'existence  des  dénéraux  pourrait 
servir  à  renseigner  sur  le  poids  véritable  que  devaient 
avoir  ces  monnaies,  poids  que  le  frai  résultant  d'une 


ET   DISSEBIATIONS.  271 

longue  circulation  a  singulièrement  diminué.  Mais  les  poids 
monétaires,  tels  que  nous  les  rencontrons,  sont  souvent 
diminués  par  un  long  usage ,  et  ne  peuvent  plus  fournir 
de  renseignements  exacts  sous  ce  rapport.  11  est  vrai  que 
souvent  ils  portent  à  leur  revers  un  nombre  indiquant  la 
quantité  de  pièces  au  marc  qui  devait  être  fabriquée,  et 
que,  par  suite,  une  simple  division  peut  faire  connaître  le 
poids  de  la  monnaie.  Mais  ici  se  présente  encore  une  autre 
difficulté.  En  Tabsence  des  documents  monétaires,  quel  est 
le  marc  auquel  on  doit  se  rapporter?  Est-ce  celui  de  Paris 
ou  celui  de  Troyes,  qui  différait  avec  le  précédent  de 
21  grains  en  plus,  ou  un  autre?  On  conçoit,  sans  que  j'aie 
besoin  de  m' appesantir  là  dessus,  de  combien  de  difficultés 
peut  être  entouré  le  contrôle  des  poids  des  monnaies  par 
celui  des  dénéraux  qui  nous  sont  parvenus  :  aussi  je  con« 
sidère  comme  une  véritable  bonne  fortune  de  pouvoir 
mettre  sous  les  yeux  des  amateurs  une  série  de  poids  mo* 
nétaires  qui  n'offre  aucun  des  inconvénients  signalés.  Elle 
a  été  rencontrée  par  moi  dans  les  archives  municipales  de 
S^nt-Omer,  au  nombre  de  dix-neuf^  renfermés  dans  une 
enveloppe  portant  pour  titre  :  Poix  S  or.  Chaque  petit  poids 
était  lui-même  entouré  d'un  papier,  sur  lequel  est  inscrit  le 
nom  de  la  monnaie  auquel  il  correspond.  Ils  sont  en  cuivre 
rouge,  et  presque  tous  sont  encore  aussi  brillants  que  s'ils 
sortaient  des  mains  de  i*ouvrier.  Quelques-uns  sont  un  peu 
noircis  à  la  surface ,  pour  avoir  été  maniés  quelquefois. 
C'est  dire  assez  qu'ils  ont  encore  exactement  le  poids  qu'on  a 
voulu  leur  donner.  A  ce  titre,  ils  sont  doublement  intéres- 
sants. 

Aucune  date  n'est  indiquée  sur  l'enveloppe.  L'écriture 
paraît  de  la  fin  du  xv*  siècle.  La  comparaison  que  j'ea  ai 
faite  avec  celle  de  la  copie  de  l'ordonnance  monétaire  du 


272  MÉMOIRES 

8  décembre  1499,  émanée  de  Philippe  le  Beau,  archiduc 
d'Autriche,  copie  existant  aussi  aux  archives  de  Saint-Omer, 
me  porte  à  penser  qu  il  y  a  une  corrélation  intime  entre 
ladite  ordonnance  et  les  poids  en  question.  L'étude  à  la- 
quelle je  vais  me  livrer  achèvera,  je  Tespère,  de  démontrer 
ce  que  j'avance. 

Avant  de  passer  à  la  description  des  dessins  qui  accom- 
pagnent cette  note,  je  dois  donner  quelques  détails  sur  le 
document  du  8  décembre  1499,  dont  je  viens  de  parler. 
C'est  tout  à  fait  une  ordonnance  de  police,  fixant  le  nombre 
et  la  valeur  des  monnaies  ayant  cours,  et  contenant  en 
outre  une  série  d'articles  concernant  les  changeurs ,  parmi 
lesquels  on  remarque,  comme  toujours,  l'obligation  de 
cisailler  immédiatement  les  mauvaises  monnaies  qui  se- 
raient présentées  au  change,  et  de  les  envoyer  immédiate- 
ment aux  hôtels  des  monnaies.  Un  passage  est  surtout  relatif 
au  sujet  qui  nous  occupe.  Je  le  transcris  textuellement. 

a  Item ,  pour  éviter  plusieurs  erreurs  qui  porroyeut 
a  sourdre  entre  le  poeuple  pour  raison  des  justes  poix 
u  desd.  deniers  d'or  deffendus,  que  nul  de  quelque  estât 
n  ou  condicion  qu'il  soit,  ne  s'avance  ou  entremette  de 
«  faire  ou  vendre  aucun  poix  desdits  deniers,  sinon  du 
«  sceu,  aveu  et  consentement  de  ceulx  des  loix  desd.  villes 
«  et  lieux  où  ilz  les  voudront  vendre,  affin  que  iceulx  poix 
<(  soient  justifiées  aux  pati*ons  des  poix  que  lesd.  des  loix 
ce  auront  vers  eulx,  et  seront  tenus  iceulx  vendeurs  desd. 
u  poix  faire  serment  de  non  vendre  ni  aliéner  aucun  desd. 
0  poix  qu'ils  ne  soient  justifiiez  ausd.  patrons  comme  dit 
a  est,  sur  paine  d'en  estre  pugnis  arbitairement.  » 

On  peut  tirer  de  ce  passage  les  conclusions  suivantes. 
Pour  avoir  de  l'uniformité  dans  l'adoption  des  mesures 
qu'il  prescrivait,  le  souverain  fit  fabriquer  un  certain  nom- 


ET    DISSERT ATlOiNS.  273 

bre  de  poids  correspondant  exactement  aux  monnaies  dont 
il  admettait  la  circulation  dans  ses  États,  et  dut  en  envoyer 
une  série  à  chacune  des  villes  de  sa  domination  pour  servir 
d'étalons  destinés  à  contrôler  ceux  dont  la  vente  devait 
être  autorisée.  La  série  que  nous  avons  sous  les  yeux  et 
que  j'ai  retrouvée  dans  une  boîte  des  archives  de  Saint- 
Omer  aurait  donc  été,  suivant  moi,  adressée  au  magistrat 
de  cette  ville  dans  ce  but.  Cela  expliquerait  comment  ils 
nous  sont  parvenus  aussi  intacts,  leur  usage  ne  devant  pas 
être  très-fréquent,  puisqu'ils  servaient  à  vérifier  seulement 
les  poids  dont  les  changeurs  devaient  faire  emploi. 

J'ai  besoin  également  de  faire  connaître  l'énumération 
des  monnaies  dont  le  cours  était  autorisé  par  l'ordonnance 
de  1499,  et  les  prix  pour  lesquels  elles  devaient  courir. 

De  U  monnaie  de  FUndre. 

La  toison  d*or  de  liiu  au  marc • Tiii  s.  m  d. 

Le  grand  réal  d^Ostrice  de  xvi  1/2  au  marc xxtii  s.  vi  d. 

Les  demis  dMceulz  de  xxxiii  au  marc xiii  s.  ix  d. 

Les  quarts  à  Tadvenant. 

Les  nobles  Henricus  de  xxxvi  au  marc xii  s.  vx  d. 

Les  nobles  de  Flandres  de  xxxvi  au  marc xii  s. 

Les  demis  d'iceulx  à  l'ad venant. 

L'angelot  d'Angleterre  de  xlyiii  au  marc ix  s.  v  d.  i  esterlin. 

Les  demis  à  radyenant. 

.  Le  lyon  d'or  de  lix  au  marc.  .  .  .  • vi  s.  m  d. 

Les  deux  parts  et  le  tiers  à  l'advenant. 

Le  riddre  d'or  de  lxx  au  marc • vi  s.  ti  d. 

Les  escus  an  soleil  de  lxx  au  marc ri  s.  i  d. 

Le  ducat  de  Hongrie  de  lxix  au  marc vi  s.  vi  d. 

Les  ducats  d'Italie  de  lxii  au  marc ti  s.  m  d. 

Le  saltft  de  lxxii  au  marc • ti  s.  m  d. 

Le  Guîllelmus  de  lxxii  au  marc un  s.  x  d. 

Les  viez  escus  aux  couronnes  de  lxxii  au  marc.  •  .  t  s.  xi  d. 

Le  Scutkin  de  Lxxiii  au  marc t  s.  xi  d. 

Le  Johannea  de  Lxxin  au  marc iiii  s.  ii  d. 

Le  florin  Philippns  que  l'on  forge  maintenant  de 

Lxxiui  au  marc. iiii  s.  ix  d. 


27i  MÉMOIRES 

De  U  monnaie  de  Flandre. 
Le  flo; -kl  à  In  jcroix  de  saint  Andrieu  de  Lxxxiii  au 

Bunrc iiii  s.  X  d. 

Le  riddre  de  Ghtldres  de  lxxiiii  au  marc iiii  s. 

Le  florin  David  d*Utrecht  de  lxxyi  au  marc.  .  .  .  iiii  s. 

Le  olincquart  Philippus  de  lxxyi  au  mare m  s.  ti  d. 

Lft  Illettré  de  Louvain  de  lxxyi  au  marc ixii  s.  m  d. 

Le  florin  Frédéricus  et  de  Bavière  de  lxxyiii  au  marc,  m  s.  y  d. 

Le  florin  Arnoldus  de  iiii"xii  au  marc ii  s,  v  d. 

Les  postulatz  de  Bourbon  et  ceulz  qui  se  nomment 

Ropertus  an  chat  de  iiii^i  au  marc ii  s.  ix  d. 

Les  flourins  du  Rin  des  électeurs  de  lxxy  au  marc 

et  nuls  autres iiii  s.  yiii  d. 

Nous  ne  possédons  pas  dans  la  collection  des  poids  que 
je  mets  sous  les  yeux  des  lecteurs  de  la  Retme  ceux  de 
toutes  les  monnaies  dont  il  est  question  dans  Ténuméra* 
tion  précédente.  Y  en  a-t-il  eu  d'égarés?  La  chose  est  pos- 
sible.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  doit  s'estimer  heureux  d'en 
posséder  encore  la  plus  grande  partie.  Dans  la  description 
que  je  vais  en  donner,  je  suivrai  l'ordre  indiqué  dans  le 
placard. 

1.  —  La  toison  d'or,  telle  qu'elle  figurait  suspendue  au 
collier  de  cet  ordre  célèbre. 

^  LIIII  dans  un  entourage  de  cintres. 
.    Pesée,  4^50.  (PI.  XIV,  nM.) 

Poids  affecté  à  la  monnaie  portant  le  nom  de  toison  éTor; 
le  nom  indiqué  sur  le  papier  d'enveloppe  est  simplement 
toison.  Les  toisons  d'or  portent  deux  types  différents.  L'un 
d'eux  se  compose  d'un  écu  à  cinq  quartiers,  couronné,  en- 
touré d'un  collier  de  la  toison  d'or  et  soutenu  par  deux 
lions,  avec  la  légende  +PHS,DEI.GRA.ARCH1D.AVST.DV. 
BG.CO.FLA.  ^  Croix  ornée  portant  au  centre  une  fleur 
de  lis  entourée  de  la  légende  DILIGITE.IVSTIT1AM.QVL 
IVDICATIS.TER.;  l'autre,  d'un  écu  comme  le  précédent, 
posé  sur  une  croix,  mais  sans  le  collier;  légende  :  PHS« 


ET   DlSSERTATiONS.  275 

ARCHlD.AVSTRI.U.B.GO.FLAiN.  h,  Deux  lions  affi-ontés  sou- 
tenant la  toison  d'or,  entourés  de  rinscription  DIUGITE. 
IVSTITIAM.QVI.1VD1GATIS.TERRAM.  Le  type  de  notre  poids 
parait  emprunté  à  cette  dernière  monnaie. 

Le  chiffre  inscrit  au  revers  indique  le  nombre  de  pièces 
que  l'on  devait  avoir  au  marc,  en  sorte  que  l'on  aurait 
pour  le  poids  moyen  de  chacun,  â»%55.  Ce  chiffre  se  rap- 
proche beaucoup  de  celui  que  l'on  trouve  par  la  })esée 
directe»  Il  est  probable  qu'en  donnant  à  l'étalon  un  poids 
inférieur,  on  avait  voulu  fixer  le  poids  minimum  que  les 
pièces  tolérées  ne  devaient  pas  dépasser.  Nous  voyons  en 
effet  dans  l'ordonnance  de  1 499  une  prescription  qui  semble 
venir  à  l'appui  de  ce  que  je  viens  de  dire»  11  y  est  dit  que 
eonune  lesdits  deniers  d'or  ne  sont  pas  égaux  exactement 
en  poids,  ils  pourront  avoir  cours  quoique  étant  plus  légers 
de  deux  asquins  '  ;  et  les  demi-écus,  quarts  de  nobles  et 
autres  n'auront,  dans  les  mêmes  conditions,  qu'un  asquin 
de  remède.  Quant  aux  pièces  excédant  le  poids  légal ,  on 
sera  tenu  de  les  porter  à  la  monnaie  pour  être  cisailléeSf 
si  Ton  veut  en  avoir  la  valeur. 

2.  —  Vaisseau  accosté  à  droite  de  la  lettre  H. 

^  XXXVI  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  68',70.  (PI.  XIV,  n*  2.  ) 

Noble  Henricus  ou  de  Flandre. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  décrire  le  type  des  nobles,  il  est 
assez  connu.  Celui  de  notre  poids  est  emprunté  au  droit  de 
cette  monnaie.  I>' après  la  taille  de  36  au  marc,  le  noble 
pèse  6^,81  ;  et  môme  devrait-il  peser  un  peu  plus,  car  la 
taille  réelle  est  de  35  1/A ,  ainsi  qu'on  le  trouve  mentionné 


<  Le  marc  se  partageait  en  8  onces  ;  l'once  en  20  estcrlins ,  et  l*esterlin 
en  32  as.  En  conséquence,  Tas  ou  asquin  équivalait  à  peu  près  à  0^,05, 


276  MÉMOIRES 

dans  les  instructions  monétaires,  ce  qui  donnerait  environ 
7  grammes.  Je  ne  reviendrai  plus  désormais  sur  ce  que 
j'ai  dit  à  propos  du  poids  précédent,  le  même  fait  se  re- 
présentant pour  presque  tous,  mais  pas  dans  les  mêmes 
proportions. 

On  désignait  sous  le  nom  de  noble  Henricus,  les  nobles 
d'Angleterre  avec  un  H  au  centre  de  la  croix  du  revers. 
De  même  les  nobles  de  Flandre  sont  ceux  frappés  aux 
armes  de  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  avec  un  P  au 
centre  de  la  croix.  Quoique  le  poids  de  ces  deux  pièces 
fût  le  même,  l'alliage  était  différent.  Ainsi,  dans  le  placard 
de  1633,  les  premiers  sont  dits  à  23  carats  8  grains  et 
demi  de  fin,  tandis  que  les  seconds  ne  sont  qu'à  22  carats 
9  grains  et  demi.  Aussi  leur  évaluation  est-elle  diffé- 
rente. 

Il  est  une  autre  monnaie  analogue  qu'il  est  étonnant  de 
ne  pas  voir  figurer  dans  l'énumération  des  pièces  ayant 
cours,  que  j'ai  rapportée  précédemment  :  je  veux  parler  du 
noble  à  la  rose^  dont  il  existait  un  poids  étalon  danis  la 
collection  trouvée  aux  archives  de  Saint-Omer^  et  dont 
voici  la  description  : 

3.  —  Vaisseau  avec  une  rose  sur  le  devant. 
^  XXXU  dans  un  entourage  de  cintres. 
Pesée,  7^70.  (PI.  XIV,  n». 3.) 

Au  reste,  l'omission  que  je  viens  de  signaler  dans  l'exem- 
plaire de  l'ordonnance  de  1&99,  conservé  aux  archives  de 
Saint-Omer,  parait  être  due  au  copiste  ;  car  je  me  suis 
assuré  que  dans  la  pièce  qui  repose  aux  archives  de  la 
chambre  des  comptes  de  Lille,  on  lit  cette  mention  : 

Le  noble  à  la  rose  de  xxxii  au  marcq xii  s.  ii  d.  gros. 

Les  demi  et  quartz  à  l'avenant. 


ET    DISSERTATIONS.  277 

Le  poids  résultant  de  la  taille  de  trente-deux  pièces  au 
marc  est  de  7k',68.  J'ignore  à  quoi  attribuer  cette  diffé- 
rence en  plus,  qui  est  donnée  par  des  pesées  très-exactes, 
tandis  que  pour  les  autres  pièces,  la  différence  est  en 
moins.  Peut-être  y  a-t-il  eu  quelque  maladresse  lors  de 
la  fabrication  ;  peut-être  celui  qui  aura  donné  les  coups 
de  cisaille  se  sera-t-il  trompé.  Ce  qui  me  porterait  à  le 
croire,  c'est  l'existence  dans  le  même  papier  des  poids  des 
demis  et  quarts  de  nobles,  qui  ne  pèsent  que  3«%80  et 
1^,90,  ce  qui  donnerait  pour  le  poids  entier  76',60,  lequel 
alors  rentrerait  dans  la  catégorie  des  précédents.  Ces  divi- 
sions du  poids  du  noble  à  la  rose  figurées  sous  les  n"  4  et  5 
(pi.  XIV  )  ne  portent  que  d'un  côté  une  empreinte  faite 
avec  le  même  coin  que  le  n*  3,  mais  sur  des  flans  plus 
petits  et  plus  minces.  Cette  particularité  me  semble  bonne 
à  Doter. 

6. —  Lion  assis,  tourné  à  gauche,  sous  un  portique  d'ar- 
chitecture gothique,  accosté  de  deux  briquets. 

^  LIX  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  4«',20  (PL  XIV,  n*  6.) 

Type  emprunté  au  droit  du  lion  d'or  de  Philippe  le  Bon  *. 
Puisque  l'on  taillait  cinquante-neuf  pièces  de  cette  sorte 
au  marc,  le  poids  moyen  de  chacune  devait  être  4«',166,' 
ce  qui  est  inférieur  à  celui  que  donne  notre  poids.  Mais  si 
nous  remarquons  que  la  véritable  taille  du  lion  d'or  était 
de  57  1/2  au  marc  *,  on  trouve  que  chaque  pièce  devait 
peser,  en  moyenne,  4«%27.  Nous  devons  donc  en  conclure 
que,  sans  s'arrêter  au  chiffre  porté  au  revers  du  n*  6,  le 
poids  qu'il  donne  à  la  pesée  directe  correspond  bien,  dans 


1  B£ffuê  numism,^  nouvelle  série,  1861,  pi.  XXI^  n«*  51,  52,  53. 
*  Bévue  nwnitm..  nouvelle  »érie,  1862,  p.  121. 


278  MÉMOIRES 

les  limites  que  j'ai  indiquées  pour  les  autres,  au  Té- 
ritable  poids  que  devaient  présenter  les  monnaies  ayant 
cours. 

Le  lion  d'or  se  subdivisait  en  deux  tiers  et  en  tiers.  Je 
donne  sous  le  n""  7  le  poids  correspondant  à  la  première 
subdivision  ;  il  pèse  ^fiO,  ce  qui  est  exactement  les  deux 
tiers  du  n**  6.  Son  empreinte  est  faite  avec  le  même  coin  que 
celui-ci,  sur  im  flafi  plus  petit  et  plus  mince,  mais  il  n'y 
a  pas  de  revers. 

8.  — Écu  couronné,  portant  une  figure  empruntée  aux 
écus  au  soleil;  c*est  le  petit  astre  qui  surmonte  l'écu  de 
Fraoee. 

^  LXX  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  Si'^AO.  (PL  XIV,  n* 8,) 

Le  papier  d'enveloppe  de  ce  poids  portait  l'indication 
écu  à  la  rose  et  ridder  :  celui  qui  Fa  inscrite  s*eat  trompa 
sur  la  figure  que  porte  l'écu,  que  l'on  trouve  sur  les  écos 
d'or  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XL  Quant  au  ridder,  ce 
n'est  autre  que  le  cavalier  d'or  émis  en  1A33  par  Philippe 
le  Bon,  duc  de  Bourgogne  ^  Le  poids  moyen  résultant  du 
nombre  de  pièces  au  marc  que  l'on  devait  avoir,  est  de 
8«',60,  ce  qui  est  bien  analogue  à  ce  que  nous  avons  trouvé 
jusqu'ici. 

Bien  que  l'ordonnance  de  1A99  ne  fasse  pas  mention  de 
divisions  de  ces  monnaies,  notre  collection  de  dénéraux  en 
contenait  un  qui  était  relatif  au  demi-ridder  ou  au  demi- 
écu.  Son  type  est  identique  au  précédent;  mais  cette  fois 

^  Le  ridder  avait  quelquefois  son  poids  spécial;  j'en  donne  un  sons  le 
n*  20  (pi.  XV  )f  qui  représente  le  cavalier  figuré  sur  ces  monnaies  et  portant 
en  exergue  le  mot  FLAD.  Son  poids  est  de  3<',35.  Il  est  assez  usé,  et  n*offre 
aucune  empreinte  au  revers.  (H  appartient  à  M.  Loir,  à  Arras»)  (Cuivre 
jaune.) 


ÏT   DISSERTATIONS.  279 

on  voit  que  le  coin  a  été  gravé  spécialement  pour  lui ,  et  à 
son  revers  il  porte  l'indication  CXL  (pi.  XIV,  n*  9),  c'est- 
à-dire  que  la  taille  au  marc  était  double  du  nombre  indiqué 
pour  l'entier.  Son  poids  est  de  1«%70. 

10.  —  Le  ducat  de  Hunguerie.  Saint  Ladislas  debout. 
^  LXIX  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  3«',50.  (PL  XIV,  n«  10.) 

Type  emprunté  aux  ducats  de  Hongrie,  portant  d'un  côté 
saint  Ladislas,  avec  la  légende  S.  LADISLAVS.  REX,  et  au 
revers  le  nom  du  roi  régnant ,  autour  de  la  Vierge  tenant 
l'enfant  Jésus  dans  ses  bras. 

Le  poids  moyen  des  pièces,  déduit  de  la  taille,  est 
de  3»',56. 

11.  —  Fleur  de  lis  trës-omée. 

i^  LXXn  dans  un  entourage  de  dntres^. 

Pesée^  S-'^O.  (PI.  XIV,  m  11.  ) 

Ge^poids  servait  à  peser  les  ducats  d'Italie,  dont  le  plus 
connu  était  le  florin  de  Florence ,  auquel  il  a  emprunté 
son  type. 

Ce  même  poids  était  encore  applicable  aux  monnaies 
suivantes,  mentionnées  dans  l'énumération  donnée  plus 
haut  :  h  salut,  le  Guilklmus^  le$  viez  esctis  aux  couronnes^ 
qui  étaient  aussi  tous  à  la  taille  de  72  au  marc.  Le  salut  est 
la  monnaie  d'or  fabriquée  par  Henri  VI  d'Angleterre, 
comme  roi  de  France,  et  ayant  pour  type  la  Salutation 
angélique.  Le  Guillelmus  est  une  monnaie  d'or  de  Hollande 
représentant  le  type  de  la  chaise,  entouré  de  la  légende 
+  GVILLELM.DVX,COM.HOLLAN.ET.ZE.,  et  au  revers 
la  croix  fleuronnée  et  ornée,  avec  l'inscription  XPS, 
REGNAT,  etc.,  etc.  Quant  aux  vieux  écus  aux  couronnes, 
ce  sont  les  monnaies  d'or  de  Charles  VIII  offrant  l'écu  de 
France  couronné,  et  accosté  de  deux  fleurs  de  lis  également 


280  MÉMOIRES 

couronnées,  ainsi  quil  est  représenté  sur  notre  n°  12 
(pi.  XV) ,  indiqué  comme  étant  le  demi  des  ducats  de  YtaKe\ 
lequel  porte  au  revers  le  chiffre  CXLIIIl,  marquant  que 
les  pièces  devaient  peser  moitié  moins  ;  ce  qui  est ,  du 
reste,  justifié  par  la  pesée  directe,  qui  donne  pour  ce 
poids  Is'jTO. 

Le  calcul  moyen  du  poids  des  ducats  d'Italie  et  des 
autres  pièces  désignées  comme  taillées  au  même  nombre, 
dans  un  marc,  donne  38',41, 

13.  —  Navire  avec  un  personnage  debout  tenant  Tépée 
de  la  main  droite,  et  de  la  gauche,  le  globe  crucifère. 

^  LXXIII  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  38',30.  (PI.  XV,  n°  13.  ) 

Type  emprunté  au  noble  de  Hollande^  forgé  par  les 
ordres  de  Maximilien  et  de  Philippe  le  Beau,  et  ayant  pour 
légende  M.D'.G.RO.REX.ET.PHS. ARCHIDVCES. AV. BG. CO. 
HO.  Cette  monnaie  s'appelait  souvent  scutquin  ou  scutkin^ 
mot  qui  provient  de  la  représentation  figurée  sur  la  pièce. 
C'est  ce  nom  qui  lui  est  donnée,  comme  on  Fa  vu,  dans 
rénumération  en  tête  de  l'ordonnance  de  1499.  On  l'appelle 
aussi  parfois  dans  les  placards,  barque.  Or  scut,  vieux  mot 
flamand \  qu'on  retrouve  dans  nos  anciens  titres,  et  qui  est 
resté  dans  les  environs  de  Saint-Omer  sous  la  forme  escute^ 
appliquée  à  de  très-petits  bateaux,  a  précisément  la  signi- 
fication de  petite  barque;  c'est  un  diminutif  comme 
schifjchen  en  allemand. 

Outre  cette  monnaie,  le  poids  n°  13  était  aussi  appli- 
cable à  une  autre  appelée  Johannes ,  qui  me  paraît  devoir 

*  Le  demi  de  ces  pièces,  quoique  existant,  n'est  pas  indiqné  dans  rénamé- 
ration  des  pièces  autorisées. 

•  Aujourd'hui  les  Flamands  disent  schuyt ,  bateau,  barque,  et  schip,  vaîs- 
seiiu,  J.  W. 


ET   DISSERT AT10>JS.  28 J 

être  celle  désignée  dans  les  placards  sous  le  nom  de  a  florin 
Johannes  de  Hollande.  » 

C'est  toujours  le  type  de  la  chaise  avec  la  légende 
+IOHS.BAVA.DVX-RILI.HOLAND.Z.ZEL.,  avec  le  revers  si 
connu,  +XPS.VING1T.XPS.,  etc.,  etc. 

Le  poids,  calculé  d'après  la  taille,  est  de  3«%87. 
li.  —  Saint  Philippe  debout  la  tète  nimbée,  tenant  une 
croix  de  la  main  droite. 

^  LXXIIII.  Au-dessous,  une  croix  de  Saint-André. 
Pesée,  S8',30.  (PL  XV,  n»  là.) 
Ce  poids  était  applicable  au  florin  Philippt^s ,  que  Ton 
forgeait  en  ce  moment,  au  florin  à  la  croix  de  Saint- André 
et  au  riddre  de  Gheldres.  Son  type  est  emprunté  à  la  pre- 
mière de  ces  monnaies,  qui  portait  au  droit  saint  Philippe 
représenté  de  la  même  manière,  avec  la  légende  S.PHE. 
INTERCEDE.  PRO.NOBIS,  et  au  revers  une  croix  fleuronnée 
cantonnée  des  écus  de  Flandre,  de  Bourgogne,  d'Artois  et 
d'Autriche,  entourée  de  la  légende  PHS.ARCHID.AVST. 
DVX.BVR.CO.FLA.  Le  florin  à  la  croix  de  S^nt-André  est 
celui  dont  j'ai  parlé  dans  mon  travail  sur  les  monnaies  des 
comtes  de  Flandre  de  la  maison  de  Bourgogne,  émis  par 
Philippe  le  Bon ,  Charles  le  Téméraire  et  Marie.  Seulement, 
comme  ces  monnaies  devaient  être,  d'après  les  instruc- 
tions, à  la  taille  de  72  au  marc,  il  en  résultait  une  petite 
différence  de  poids.  Quant  au  riddre  de  Gheldres ,  c'est  le 
cavalier  de  Charles  le  Téméraire,  semblable  à  celui  fabriqué 
pour  la  Flandre  par  Philippe  le  Bon,  mais  forgé  pour  le 
comté  de  Gueldre. 

Le  poids  du  florin  Philippus,  d'après  la  taille  de  7 à  au 
marc,  devait  être  moyennement  8«%32. 

15.  — Évêque  assis,  mitre  en  tête,  bénissant  de  la  main 
droite,  &  la  manière  latine,  et  tenant  de  la  main  gauche  une 

1363.  —  4.  19 


282  MÉMOIRES 

croix.  Il  est  accosté  de  deux  petits  clochetons.  Sous  les 
pieds,  un  écu  chargé  d'une  croix. 

^1  LXXVI  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée.  â«%20.  (  PI.  XV,  n»  15.  ) 

Le  papier  d'enveloppe  de  ce  poids  portait  l'inscription 
Obole  du  tret^  et  j'étais  assez  embarrassé  de  deviner  à 
quelle  monnaie  il  pouvait  avoir  rapport  C^  n'est  qu'en 
cherchant  parmi  les  figures  données  dans  les  placards, 
édictés  par  les  ordres  des  souverains  des  Pays-Bas,  que  j'ai 
pu  retrouver  le  type  en  question ,  entouré  de  la  légende 
SANGTVS  MARTINVS  EPS,  que  portent  les  florins  d'Utrecht, 
Une  fois  mis  sur  la  voie,  et  le  chiffre  du  revers  aidant,  j'ai 
pu  conclure  que  c'était  le  poids  qui  s'appliquait  aux  mon- 
naies désignées  dans  l'énumération  en  tête  de  l'ordonnance 
de  1A90,  sous  le  nom  de  /lortn^  David  d'Utrecht,  clincquart 
Philippus  et  piètre  de  Louvain. 

Le  florin  David  d'Ctrecht  est  la  pièce  frappée  par  David 
de  Bourgogne,  comme  évèque  de  cette  ville  (1A66-1A06), 
et  empruntant  son  nom  à  la  représentation  du  roi-prophète 
qui  est  au-dessus  de  l'écu,  écartelé  aux  armes  d'Utrecbt 
et  de  Bourgogne,  avec  cette  légende  :  MEMENTO.DOM. 
DAVID». 

Le  clincquart  Philippus  est  la  monnaie  fabriquée  par 
Philippe  le  Bon,  figurée  sous  le  n*  39  des  planches  des 
monnaies  des  comtes  de  Flandre  de  la  maison  de  Bour- 
gogne. 

Quant  au  piètre  de  Louvain ,  c'est  une  monnaie  frappée 
également  par  Philippe  le  Bon  pour  le  Limbourg,  représen- 
tant d'un  c6té  saint  Pierre  en  buste,  au-dessus  de  l'écu, 


*  On  aura  préféré   probablement  le  type  le  plus  ordinaire  des   florins 
d'Utrecht  parce  qu*il  était  plus  généralement  connu  que  Tautre. 


ET    DISSERTATIONS.  28S 

avec  cette  légende:  +PHS.DVX.BVRG.BRAB.LIMB.,  et  au 
revers  une  croix  fleuronnée  entourée  de  l'inscription 
+PAX.XPLMANEAT.SEMPER.NOBISCVM. 

Le  poids  de  ces  pièces ,  calculé  d'après  la  taille,  devait 
être  de  3»',23. 

16.  -r  Écu  à  l'aigle  éployé,  cantonné  de  quatre  petits 
écussons. 

^  LXXYIII  surmonté  des  lettres  BA ,  dans  un  entourage 
de  cintres. 

Pesée»  3»',10.  (PL  XV,  n»  16.  ) 

La  monnaie  que  ce  poids  était  destiné  à  vérifier  est  le 
Fridèricus  de  Bavière,  portant  d'un  côté  S.  lOANNES. 
BAPTISTA,  autour  de  saint  Jean-Baptiste  debout,  et  de 
l'autre  FRIDRIGVS  DVX  BAVARIE,  entourant  des  armoiries 
disposées  comme  au  droit  du  n**  16. 

Le  poids  moyen  de  ces  florins  devait  être  de  38%15, 
étant  à  la  taille  de  78  au  marc. 

Les  deux  lettres  BA,  inscrites  au  revers  au-dessus  du 
chiffre»  indiquent  vraisemblablement  le  mot  BAVARIE,  et 
devaient  servir  à  ne  pas  confondre  ce  poids  avec  le  suivant, 
qui  a  le  même  aspect. 

17.  — Type  analogue  à  celui  du  n"  16,  excepté  que  l'écu 
central  porte  deux  lions  affrontés  au  lieu  d'un  aigle. 

^  LXXXIL  Au-dessus  les  deux  lettres  AR.,  le  tout  dans 
un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  2«%65.  (PL  XV,  n- 17.) 

Ce  type  est  emprunté  à  la  monnaie  désignée  dans  les 
placards  sous  le  nom  de  «  florin  montant  de  Gueldre;  »  la 
légende  qui  dans  ces  monnaies  est  inscrite  autour  de  ces 
armoiries,  est  +DVX.  ARNOLD.  GEL.  Z.  IVL.  Z.  COM.  Le  re- 
vers porte  le  même  type  que  le  Frédéricus  de  Bavière,  un 
saint  Jean-Baptiste.  On  voit  donc  bien  le  motif  qui  a  fait 


28â  MÉMOIRES 

inscrire  au  revers  de  ce  poids  les  lettres  AR,  comme  au 
revers  du  précédent  celles  BA. 

Le  nom  inscrit  sur  le  papier  d'enveloppe  de  ce  poids  est 
obole  Amoldus. 

Le  poids  qui  résulterait  de  la  taille  de  quatre-vingt-deux 
pièces  au  marc ,  serait  2«%99 ,  ce  qui  fait  une  différence 
beaucoup  plus  considérable  que  pour  les  précédents,  et 
hors  de  toute  proportion.  Nous  pouvons  donc  supposer 
qu'il  y  a  erreur  dans  la  gravure  du  coin ,  un  X  oublié.  En 
effet,  rénumération  des  monnaies  cidmises  dont  j'ai  déjà 
parlé  plusieurs  fois,  donne  pour  la  taille  du  florin  Ar- 
noldus,  92  pièces  au  marc,  ce  qui  indique  un  poids  moyen 
de  2«',66. 

18.  —  Écu  portant  une  grande  croix,  chargée  en  cœur 
d'un  petit  écu. 

Sj  LXXXl.  Au-dessus,  les  lettres  POS;  le  tout  dans  un 
entourage  de  cintres. 

Pesée,  28',95.  (PI.  XV,  n«  18.) 

L'enveloppe  de  ce  poids  porte  l'inscription  :  Post.  au  cal 
et  Borbon.  Il  est  applicable  aux  monnaies  désignées  dans 
l'ordonnance  de  1499  sous  le  nom  de  Postulatz  de  Bourbon 
et  ceulz  qui  se  nomment  Roperlus  au  chat.  Le  postulat  de 
Bourbon,  désigné  dans  le  placard  de  1575  :  aDen  postulaet 
van  Borbon^n  porte  d'un  côté  saint  Martin  debout  bénis- 
sant, avec  la  légende  SANCTVS  MARTIN.  EPISGOP.  ;  et  de 
l'autre,  un  écu  semblable  à  celui  de  notre  poids  et  avec  le 
même  entourage  ;  mais  le  petit  écu  du  centre  porte  les 
armes  de  Bourbon,  qui  sont  celles  de  France,  brisées  d'une 
bande  :  la  légende  est  +M0N.R0D0LP'.EP1SG'.TRAIEC- 
TVM.  C'est  probablement  ce  petit  écusson  du  centre  qui  a 
fait  donner  à  cette  pièce  le  nom  de  postulat  de  Bourbon. 
J'ignore,  du  reste,  pour  quelle  raison  il  figure  là,  à  moins 


ET    DISSERTATIONS.  285 

qu*il  n'existât  dans  les  armes  de  Rodolphe  de  Diepbout, 
évèque  d'Utrecht  (1A33-1A55).  Quant  au  postulat  au  chat  : 
u  Den  poslulael  met  h$t  Catken^  »  il  ne  diffère  du  précédent 
que  par  le  petit  écu  central,  portant  en  chef  un  lion  pas- 
sant et  en  pointe  une  fleur  de  lis.  Le  lion ,  qui  ressemble 
«n  effet  à  un  chat,  paraît  avoir  été  l'origine  de  cette  désî- 
goation.  Mais  je  n'ai  pu  retrouver  pourquoi  dans  l'ordon- 
nance  on  l'avait  indiqué  avec  le  nom  Ropertus  au  chaU 
A  cette  époque  nous  connaissons ,  il  est  vrai ,  Ruprecht  von 
derPfalz,  archevêque  de  Cologne  (1A63-1A80),  dont  le  nom 
est  écrit  Ropertus  sur  ses  monnaies.  Mais  si  nous  avons  la 
mention  de  ses  florins  d'or  à  la  taille  de  76  au  marc,  nous 
ne  savons  pas  s'il  a  fabriqué  des  postulais  du  poids  adopté 
pour  ceux  de  Rodolphe  d'Utrecht;  car  les  postulats  qui 
ont  été  émis  par  les  évêques  de  Liège,  de  Groningue,  les 
ducs  de  Glëves,  de  Juliers,  etc. ,  sont  plus  légers. 

19. — Globe  surmonté  d'une  croix  dans  un  entourage 
formé  de  trois  arcs  de  cercle  et  de  trois  angles. 

1^  LXXV  dans  un  entourage  de  cintres. 

Pesée,  3«',26.  (PLXV,n-19.) 

Le  papier  d'enveloppe  de  ce  poids  porte  l'inscription  : 
Obole  des  quatre  électeurs  \  Son  type  est  emprunté  à  celui 
des  florins  d'or  de  Saxe,  dont  l'un  porte  d'un  côté  le  globe 
crucifère,  entouré  de  la  légende  +ALBERTVS.D.G.DVX. 
SAXONIE. ,  et  au  revers  saint  Jean  avec  la  légende  MON. 
AVREA.LIPCENSSIS.  Au-dessous  de  saint  Jean  est  l'écu  de 
Saxe.  L'énumération  des  monnaies  dont  le  cours  était  au- 
torisé, donne  pour  leur  désignation   «  les  flourins  du  Rin 

'  On  a  vu  précédemment  des  oboUi  d'Utrecht  et  ds  Gneldre,  et  il  s^agit  de 
pièces  d'or  pesant  3»' ,20,  3«^26  et  2«',65.  Il  faut  rapprocher  cet  emploi  du 
mot  o^o/«  de  celui  qui  a  été  signalé  pour  Moissac  et  pour  Baugency.  Voy.  plus 
haut,  p,  1S9. 


286  MÉMOIRES 

des  électeurs.  »  Les  quatre  électorats  auxquels  ce  poids 
paraît  devoir  s'appliquer,  sont  :  Bavière,  Saxe,  Cologne  et 
Trêves,  Les  types  sont  excessivement  variés. 

Le  poids,  calculé  d'après  la  taille  de  75  au  marc,  serait 
de  3«',28. 

Telle  est  la  série  de  poids  qui  existait  aux  archives  de 
Swnt-Omer.  On  peut  voir,  par  la  description  que  j'en  ai 
donnée,  que  j'avais  raison  de  supposer  qu'ils  avaient  été 
envoyés  au  magistrat,  ainsi  qu'ils  durent  l'être  aux  autres 
villes,  en  conséquence  des  prescriptions  de  l'ordonnance 
de  1A99.  Cependant,  ce  qui  pourrait  faire  hésiter  à  admettre 
cette  conclusion,  c'est  qu  il  manque  dans  cette  collection 
plusieurs  poids  de  pièco.  mentionnées  dans  ladite  ordon- 
nance, savoir  : 

Le  grand  réal  d'Autriche, 
L'angelot  d'Angleterre 

et  leur  divisions.  Quoi  qu'il  en  soit ,  si  l'on  ne  peut  leur 
attribuer  certainement  cette  date,  je  crois  ne  pas  me  trom- 
per en  leur  assignant  pour  époque  d'émission  les  premières 
années  du  xvi»  siècle. 

Il  y  a  encore  une  autre  conclusion  à  tirer  de  l'examen 
auquel  je  me  suis  livré  :  c'est  que  les  poids  résultant  de  la 
pesée  directe  ne  correspondent  pas  exactement  à  ceux  que 
les  pièces  devraient  avoir  moyennement  d'après  la  taille, 
mais  que  généralement  ils  leur  sont  inférieurs,  et  qu'il  est 
probable  qu'ils  représentent  ainsi  le  poids  minimum  au- 
dessous  duquel  les  monnaies  devaient  être  retirées  de  la 
circulation.  En  est-il  de  même  de  tous  les  dénéraux  qui 
nous  sont  parvenus?  C'est  ce  que  je  ne  voudrais  pas  aflBr- 
mer,  la  généralisation  me  paraissant  dangereuse  à  ce  point 
de  vue.  Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  cru  utile  de  donner  tous  les 


KT   DISSERTATfONS.  287 

renseignements  contenus  dans  cette  note,  espérant  quMls 
pourront  servir  à  ceux  qui  s'occupent  de  métrologie,  les 
pesées  que  je  donne  étant  exactement  celles  qu  avaient  ces 
petits  monuments  lorsqu'ils  sortirent  des  mains  des  mon- 
nayeurs»  puisqu'ils  ne  portent  aucune  trace  d'altération, 
et  que  les  inscriptions  placées  au  revers  excluent  toute 
idée  d'une  diminution  opérée  de  ce  côté  par  le  frotte- 
ment. 

L.  Deschamps  de  Pas. 


CHRONIOUE. 


Dai)s  sa  séance  publique  du  3i  juillet^  rAcadémie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  de  l'Institut  a  décerné  le  prix  de  numis- 
matique fondé  par  Allier  de  Hauteroche  à  M.  Frantz  Streber, 
membre  de  l'Académie  royale  des  sciences  de  Bavière  et 
conservateur  du  Cabinet  des  médailles  de  Munich^  pour  son 
ouvrage  intitulé  :  Ueher  die  sogenannten  Begenbogen-Schûsselchen^ 
in-4\ 


PLOMBS  ANTIQUES. 


Depuis  l'impression  de  la  notice  du  père  R.  Garrucci  sur  quel* 
ques  plombs  antiques  (Revue^  1862,  p.  402  et  suiv.,  et  pL  XV 
et  XVI) ,  le  savant  archéologue  m'a  fait  l'honneur  de  m'adresser 
quelques  nouvelles  observations. 

P.  410.  L'auteur  insiste  pour  attribuer  à  Himéra  le  plomb 
gravé  pi.  XY;  n*  5,  en  faisant  observer  que  sur  aucune  mon- 
naie ancienne^  si  ce  n'est  sur  celles  d'Himéra,  on  ne  voit  le  type 
du  coq  accompagné  de  globules.  Il  appelle  de  nouveau  l'atten- 
tion du  savant  père  Romano  sur  ce  plomb  et  sur  le  passage 
d'Aristote  cité  par  Pollux  (Onomast.,  IX,  6^  81),  où  il  est  ques- 
tion des  habitants  d'Himéra,  qui  donnaient  le  nom  de  chalque 
à  l'once;  leur  demi-livre  contenait  6  onces;  par  conséquent,  la 


CHRONIQUE  289 

livre  en  contenait    1^;  ils   donnaient  à  cette  livre  le  nom 
d'obole. 

P.  412,  note  %  J'avais  émis  des  doutes  sur  Tauthenticité  de 
la  trouvaille  de  treize  monnaies  puniques  de  plomb  et  de  bronze 
aux  environs  de  Viterbe.  M.  Lovatti,  qui  a  acquis  ces  monnaies 
du  propriétaire  de  Viterbe  i  dans  les  terres  duquel  a  eu  lieu 
cette  trouvaille,  aflSrme  qu'on  ne  saurait  avoir  le  moindre  doute 
sur  Tauthenticité  de  cette  découverte. 

P.  420.  L'auteur  cite  un  plomb  publié  par  Ficoroni^  sur  lequel 
on  lit  :  TIFAVGLB.  Tito  Flavio  Augusti  liberto.  On  vient  de 
trouver  un  plomb  à  peu  près  semblable  qui  confirme  l'interpré- 
tation du  père  Garrucci;  on  y  lit:  T.FAVG.L.F.  Au  revers 
sont  figurées  une  palme  et  une  couronne. 

J.  W. 


—  Notre  savant  ami  M.  le  baron  de  Saulcy  vient  d'enrichir 
son  incomparable  collection  de  monnaies  gauloises  d'une  pièce 
de  la  plus  grande  rareté.  11  ne  s'agit  de  rien  moins  que  du  trio- 
bole  des  Csenicenses,  connu  jusqu'ici  par  l'unique  exemplaire 
dont  la  publication  a  contribué  à  établir  la  réputation  de  M.  le 
marquis  de  Lagoy  ^  et  qui  y  après  la  mort  de  ce  dernier^  fut 
acheté  par  M.  le  duc  de  Luynes ,  et  donné  à  la  Bibliothèque 
impériale. 


COINS  ANTIQUES. 


On  lit  dans  le  Moniteur  universel  du  3  août  : 

•  Nous  empruntons  au   Journal  de  Saône-et-Loire  la  no- 


290  CHRONIQUE. 

tice  archéologique  suivante,  qui  lui  est  adressée  par  l'abbé 
Guclierat  : 

a  Une  bien  rare  découverte  vient  d'avoir  lieu  à  2  kilomètres 
de  Paray,  dans  un  champ  qui  avait  fait  partie  jusqu'à  Tan  der- 
nier de  la  forêt  voisine.  La  bêche  qui  le  fendait  pour  la  pre- 
mière fois  a  rencontré 9  à  30  centimètres  environ^  un  large 
fragment  de  tuile  romaine ,  et  sous  cette  tuile  romaine  la  main 
de  l'ouvrier  a  recueilli  des  coins  métalliques  ayant  servi  à  fabri- 
quer de  la  monnaie  romaine. 

a  La  matière  est  un  alliage  de  divers  métaux  dont  le  produit 
est  excessivement  dur  et  cassant.  L'un  de  ces  coins  est  brisé  en 
plusieurs  morceaux  et  se  prête  ainsi  à  l'observation.  Je  n'ai 
point  les  données  suffisantes  pour  déterminer  les  éléments  de 
cette  composition,  où  je  crois  pourtant  reconnaître  du  cuivre  et 
de  l'acier  fondu  (1). 

«  La  forme  de  ces  coins  n'est  pas  absolument  la  même.  Les 
uns  ressemblent  à  des  cônes  tronqués^  ayant  45  millimètres  de 
hauteur,  35  millimètres  de  diamètre  à  la  base,  et  20  millimètres 
au  sommet  où  le  coin  est  gravé. 

a  Les  autres  coins ,  plus  petits ,  sont  renflés  vers  le  milieu ,  ce 
qui  leur  donne  la  forme  de  petits  tonneaux. 

0  Les  sujets  gravés  sur  ces  coins  sont  les  empereurs  Tibère^ 
Caligula  et  Claude.  Les  légendes  en  font  foi  aussi  bien  que  la 
i*essemblance  de  l'image. 

a  On  lit  autour  de  Tibère  : 

TI  (LESAR  DIV.  AVG.  F,  AVGVSTVS. 

Tiberius  Cxsar  divi  Augusti  fiUus,  Augustus. 

«  Autour  de  Caligula  : 

C.  CiESAR  AVG.  G.  FRA... 

Caius  Cxsar  Augustus j  Germcmicm  fra...  (2). 


CUUOMQL'E.  291 

<K  ËnHn,  autour  de  Claude  : 

T.  C.  CiESAR  AVG.  ROM.E  TR.  POT.  lll.  COS.  IIL 

Tiùerius  Claudius   Cœsar  Augustus,  Bornas  tribunitià 
potestate  functus  tertio,  consul  tertio  (3). 

c  Le  troisième  tribunal^  comme  le  troisième  consulat  de 
l'empereur  Claude ,  se  rencontraient  la  môme  année ,  qui  était 
la  796'  de  Rome. 

a  Le  coin  de  Tibère  est  double^  mais  Tun  est  aussi  gâté  que 
l'autre  est  beau. 

a  Ces  trois  Augustes  sont  couronnés  de  lauriers  sur  le  dia- 
dème, dont  les  extrémités  pendent  derrière  la  tète  (4). 

a  Mon  cinquième  coin  représente  une  déesse  assise,  avec  cette 
légende  verticalement  gravée  à  droite  :  JVNO.J.. .  (5). 

ail  y  avait  là  sept  coins  en  tout;  deux  sont  aux  mains  d'un 
amateur  qui  m'a  devancé;  je  n'en  ai  que  les  empreintes.  Ils  ne 
paraissent  pas  avoir  eu  jamais  d'inscription.  Mais  au  type  encore 
plus  qu'à  la  présence  de  ses  trois  successeurs ,  je  n'ai  pu  me 
défendre  de  reconnaître  là  Tempereur  Auguste.  Ce  coin  repré- 
sente une  grande  et  belle  figure,  non  plus  avec  la  couronne  de 
laurier,  mais  avec  la  couronne  radiée  à  cinq  pointes,  réservée 
aux  empereurs  divinisés.  Deux  étoiles,  formées  de  six  rayons, 
s'étalent  à  k  naissance  du  cou,  l'une  en  avant,  Tautre  en 
arrière  (6). 

a  Le  septième  coin  était  le  revers  de  celui-ci.  Il  porte  un 
bélier  informe,  emblème  des  sacrifices  offerts  à  la  divinité 
d'Auguste  (7). 

a  Mais  ces  coins  sont-ils  authentiques?  et  alors  comment  se 
sont-ils  trouvés  là?  La  fidèle  reproduction  des  types  si  connus 
et  la  présence  d'une  tuile  romaine,  épaisse  et  à  rebord,  ne  per- 
mettent guère  de  mettre  en  doute  l'authenticité  de  ces  coins. 

a  Quant  au  reste,  on  sait  que  les  Romains  battaient  monnaie 
jusque  dans  leurs  expéditions  militaires.  Rien  n'empêche  de 


292  CHRONIQUE. 

supposer  au  centre  des  Aulerci  Brannovices  de  César  le  passage 
de  leurs  armées^  qui  ont  tant  sillonné  notre  Gaule  avant  Con- 
stantin. Ainsi  remontons-nous  tout  naturellement  à  l'origine  du 
trésor  que  nous  signalons.  x> 

Cette  nouvelle  a  été  reproduite  dans  le  Journal  des  Débats,  le 
Constitutionnel  y  la  Patrie  du  4. 

Nous  avons  déjà  eu  roccasion  de  faire  remarquer  avec  quelle 
négligence  les  journaux  traitent  tes  questions  de  numisma- 
tique. 

En  voici  un  nouvel  exemple.  La  découverte  de  coins  antiques 
est  fort  intéressante;  mais  la  description  qu'on  vient  de  lire 
laisse  grandement  à  délirer.  Sans  avoir  vu  ces  objets  précieux, 
nous  pouvons  déjà  faire  quelques  remarques  au  sujet  des  inter* 
prétations  fournies  par  le  Journal  de  Saôné-et-Loire. 

(i)  Les  journaux  auraient  dû  consulter  un  chimiste  avant  de 
nous  parler  d'une  pareille  combinaison. 

(2)  Lisez  :  C.  CAESAR  AVG  GERM.  Le  mot  FRA  ne  peut  se 
trouver  sur  une  monnaie  de  Caligula. 

(3)  Lisez  :  C.  CAESAR  AVG.  PONT.  M.  TR.  POT.  Ill  COS  lll. 
Il  s'agit  d'une  pièce  de  Caligula  de  Tan  793  de  Rome  (  40 
deJ.C). 

T^  qui  n'existe  certainement  pas  sur  cette  pièce,  serait  l'abré- 
viation de  Titus  et  non  pas  de  Tibère.  Les  Romains  avaient 
des  règles  très -positives  à  cet  égard. 

C.  ne  peut  pas  représenter  Claudius. 

(4)  La  couronne  de  laurier  est  nouée  à  l'aide  de  rubans  ou 
lemnisques.  Les  empereurs  romains  ne  portaient  pas  le  diadème, 
qui  était  le  symbole  de  la  royauté  «  et  qui  leur  eût  donné  le  ca- 
ractère de  tyrans  ou  de  princes  barbares. 

(5)  Retournez  la  légende,  et  au  lieu  de  fONAf»  lisez  PONTIF 
[MAXIM],  revers  bien  connu  de  Tibère. 

(6)  C'est,  sans  aucun  doute,  le  revers  d'une  monnaie  d'or  de 


CHRONIQUE.  29S 

Calîgula  qu'on  peut  voir  gravée  dans  les  Numismata  aurea  de 
Caylus,  pi.  V,  n^  78;  revers  en  effet  sans  légende. 

Il  ne  faudrait  pas  dire  que  la  couronne  radiée  est  réservée 
aux  empereurs  divinisés.  Cela  ne  peut  s'appliquer  qu'à  Auguste. 
Néron,  et  presque  tous  ses  successeurs  l'ont  portée  de  leur  vivant. 

(7)  Vraisemblablement,  il  s'agit  là  du  capricorne  faisant  allu- 
sion à  la  naissance  d'Auguste.  Ce  n'est  pas  le  revers  de  la  tête 
qui  précède. 

A.  L. 


—  La  législature  du  Pérou  vient  de  doter  cet  État  d'une 
nouvelle  loi  monétaire  qui  a  de  grands  rapports  avec  celle  qui 
nous  régit.  L'unité  monétaire  sera  la  pièce  en  argent  dite  soleil, 
du  poids  de  25  grammes  et  au  titre  de  900  millièmes  de  fîn,  ce 
qui  lui  donnera  la  valeur  exacte  de  la  pièce  de  5  fr.  En  outre, 
il  sera  frappé  au  même  titre  de  900  millièmes  des  pièces  d'ar- 
gent d'un  demi-soleil,  d'un  cinquième,  d'un  dixième  et  d'un 
vingtième  de  soleil,  qui  seront  par  le  fait  des  pièces  de  2  fr.  50  c. , 
de  1  fr.,  de  50  c.  et  de  25  c.  Les  pièces  d'or  seront  de  1,  2,  5 
10  et  20  soleils;  soit  de  5,  iO,  25, 50  et iOOfr.  Les  pièces  de  5, 
10,  50  et  i 00  fr.  seront  la  reproduction  des  nôtres  en  poids, 
titre  et  dimensions. 

Encore  une  nation  qui  comprend  l'immense  utilité  de  l'unité 
universelle  des  monnaies.  En  adoptant  le  système  décimal  basé 
sur  le  mètre,  le  Pérou  ne  craint  pas  de  manquer  de  patriotisme. 
Ce  système,  en  effet,  qui  est  le  résultat  d'une  opération  mathé- 
matique et  ne  se  rattache  à  aucune  tradition  historique,  n'ap- 
partient pas  plus  à  la  France  qu'à  la  Belgique,  à  la  Suisse  ou 
à  ritalie. 


294  CHRONIQUE. 

NÉCROLOGIE. 

L'Italie  vient  de  perdre  un  homme  aussi  distingué  qu'infati- 
gable, et  qui  nous  appartient  par  ses  études  sur  la  numisma- 
tique ancienne,  le  sénateur  comte  Albert  Ferrero  délia  Marmora, 
mort  à  Turin  le  18  mai  dernier.  Né  dans  cette  ville  en  1789, 
oflScier  d'infanterie  sous  Napoléon  !•'  en  1807,  il  fit  les  cam- 
pagnes d'Italie  et  d'Allemagne,  et^  après  la  bataille  de  Bautzen, 
il  fut  décoré  de  la  Légion  dlionneur  par  l'empereur  même. 

De  retour  dans  sa  patrie  en  1814^  la  Marmora  prit  du  service 
dans  l'armée  sarde.  Ses  opinions  libérales  le  firent  destituer 
en  1821,  et  il  reçut  le  conseil  de  voyager  pour  quelque  temps 
dans  rile  de  Sardaigne.  Rentré  dans  l'armée  en  18â5^  il  fut^ 
dix  ans  plus  tard  (1835)^  nommé  colonel  dans  le  corps  d'état- 
major  général.  En  1840^  avec  le  titre  de  major  général  ^  il  prit 
le  commandement  de  l'École  royale  de  marine  à  Gènes,  où  il 
resta  jusqu'en  iSAS,  époque  à  laquelle  le  roi  Charles- Albert 
renvoya  à  Venise;  mais  revenu  en  Piémont  après  la  capitula- 
tion de  Milan  en  août  1849,  avec  le  grade  de  lieutenant  général, 
il  resta  jusqu'à  la  fin  de  1851  commissaire  et  commandant  mi- 
litaire de  la  Sardaigne.  Il  obtint  alors  sa  retraite  après  plus  de 
cinquante  ans  de  service,  compris  les  campagnes. 

Homme  savant  et  tout  dévoué  au  travail ,  pendant  son  exil 
en  Sardaigne  il  étudia  profondément  cette  île  au  point  de  vue 
scientifique  et  archéologique,  et,  à  l'aide  de  ses  connaissances 
en  mathématiques  et  en  géodésie,  seul  et  à  ses  frais,  il  en  fit 
la  triangulation,  et  en  publia  une  magnifique  carte  à  Paris 
en  1845. 

En  attendant,  il  avait  commencé,  sous  le  titre  de  Voyage  m 
5ar(/(7t^n«,  la  publication  historique,  archéologique,  géogra- 
phique et  géologique  de  ce  pays  jusqu'alors  très-mal  connu. 
Cet  ouvrage,  qu'il  acheva  à  Turin  en  1857,  forme  six  volumes 


CHRONIQUE.  295 

in-8*,  accompagnés  de  trois  atlas.  Dans  le  tome  V  de  la  partit' 
géographique,  on  trouve  les  dessins  et  la  description  de  deux 
monnaies  coloniales  inédites  frappées  en  Sardaigne  vers  la  fin 
de  la  république  romaine  :  l'une  (  p.  333)  est  de  Metalla,  l'autre 
(p.  463)  &DselU8,  deux  villes  qui  ne  figurent  dans  aucun  ma- 
nuel de  uumismatique. 

Outre  ce  grand  ouvrage,  le  général  délia  Marmora  publia  en- 
core beaucoup  d'autres  travaux  scientifiques  et  littéraires  et  le 
dernier  peu  de  jours  avant  sa  mort;  ils  parurent  principalement 
dans  les  Mémoires  de  r Académie  royale  des  sciences  de  Turin  ^ 
dont  il  était  vice-président. 

Dans  le  tome  XXXVIII*,  nous  trouvons  un  écrit  intitulé  : 
Saggio  sopra  alcune  moneie  Fenicie  délie  isole  Baleari  (1834), 
où  il  prouve  qu'un  certain  nombre  de  pièces  de  bronze  attri- 
buées à  l'île  de  Cossura  (aujourd'hui  Pantellaria ) ,  pièces  qui 
ont  pour  type  un  Cabire  de  face ,  et  portent  au  revers  une  lé- 
gende punique ,  doivent  être  restituées  aux  Baléares.  Cette  rec- 
tification ayant  été  contestée  par  Gésénius  (Scriptur.  ling.  g. 
Phœn.  mon.,  \S31,  p.  298)^  le  savant  la  Marmora  défendit  son 
opinion  dans  un  volume  de  son  Voyage  en  Sardaigne,  publié  en 
4840  (II*  partie^ Antiquités,  p.  540).  M.  de  Saulcy  a  repris  cette 
question  (Mém.  de  l'Acad.  des  inscr.^  t.  XV,  1845,  p.  177),  et, 
tout  en  restreignant  l'attribution  à  l'île  d'Ebusus  en  particulier, 
il  a  pleinement  confirmé  les  observations  du  général  sur  la 
proveuance  et  la  patrie  réelle  de  ces  monnaies.  Nous  ferons 
remarquer  que  c'est  à  ce  dernier  que  nous  devons  de  connaître 
les  trois  monnaies  à  légendes  bilingues  sur  lesquelles  on  lit 
INS.AVG,  pièces  si  utiles  pour  l'étude  de  toute  la  série;  il 
les  a  fait  dessiner  dans  la  planche  jointe  à  son  Saggio 
de  1834. 

En  1844,  M.  délia  Marmora  a  aussi  inséré  dans  la  Bévue  nu- 
mismatique une  notice  fort  intéressante  sur  la  précieuse  mon- 
naie de  Guillaume  II  de  Narbonne,  juge  d'Arborée  en  Sardaigne. 
En  expliquant  l'origine  de  cette  pièce ,  qui  se  rattache  à  la  fois 


290  CHRONIQUE. 

à  rhistoire  de  France  et  à  l'histoire  dltalie,  notre  éminenl 
confrère  a  discuté  avec  talent  divers  points  chronologiques,  et 
montré  qu'aucune  des  parties  de  Thistoire  de  sa  chère  île  de 
Sardaigne  ne  lui  était  restée  étrangère. 

M.  le  général  Albert  délia  Marmora  a  fait  à  diverses  époques 
d'assez  longs  séjours  en  France,  où  Ton  avait  apprécié,  comme 
en  Italie,  la  loyauté  de  son  caractère,  son  ardeur  pour  Tétude  et 
Taménité  de  ses  manières.  D. 


—  Nous  apprenons,  avec  de  vife  reçrets,  la  mort  de  M.  Do- 
menico  Spinelli,  prince  de  San-Giorgio,  directeur  du  musée  de 
Na(>Ies,  président  de  l'Académie  royale  Ercolanèse,  antiquaire 
distingué,  dont  le  caractère  aimable  était  hautement  apprécié 

Kr  tous  ceux  que  leurs  études  archéologiques  appelaient  dans 
talie  méridionale. 

Avant  d'être  à  la  tête  de  l'administration  des  musées  «  ce 
savant  avait  formé  une  très-belle  collection  de  médailles,  et 
nous  lui  devons,  entre  autres  travaux ,  les  publications  dont 
voici  le  titre  : 
1821.  Deacrizione  di  alcune  monete  urbiche  inediie  del  museo 

del  principe  di  S.  Giorgio  e  délia  collezione  del  canonico  de 

Jorio,  ln-4°,  2pl. 
1842.  Ricerche  sul  tempo  nel  quale  si  cessa  di  coniare  le  monete 

denominate  incuse.  In-4°. 

—  Indagine  sull'  epoca  in  cui  8*incomincio  a  coniare  monete  di 
bronzo.  In-A**. 

—  Sulla  impropria  denominazione  di  Ms  grave  data  a  tutta  la 
moneta  fusa.  In-4*. 

—  Ricerche  intomo  ail*  età  delV  iEs  flatum  comunemente  deno- 
minaio  Ms  grave.  In^«. 

1844.  Monete  enfiche  battute  da  principi  Lcngobardi  Normanni 
e  Suevi  nel  regno  délie  due  Sicilie  Petit  in-fol.,  30  pi. 

Cet  ouvrage,  souvent  cité  dans  la  Revue  numismatique,  est 
indispensable  à  ceux  qui  s'occupent  des  monnaies  du  moyen 
âge. 

1849.  Investigazione  del  significato  délia  N  che  trovasi  suite  mo- 
nete di  bronzo  di  gran  modulo  di  Tiati  e  di  Venoza.  ln-4". 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


DEUXIEME  LETTRE  A  M.  DE  SAULGY 
LA  NUMISMATIQUE  GAULOISE. 

(PI.  XVI.) 


La  RenaidiJire,  près  le  Mans,  le  10  juillet  1863. 

Cher  et  irès-bonoré  maître, 

Vous  vous  rappelez  encore  ce  jour  heureux  pour  moi, 
où,  admis  dans  votre  studieuse  intimité,  je  pus  passer 
rapidement  en  revue  votre  splendide  collection  de  mon- 
naies gauloises,  véritable  monument  au  fronton  duquel 
vous  avez  le  droit  d'inscrire  Gïorise  majorum ,  car  vous 
avez  dans  vos  mains  les  incunables  de  notre  histoire  na- 
tionale. 

Dans  cette  trop  courte  visite  et  pendant  que  des  milliers 
de  monnaies  se  succédaient  sous  mes  yeu:K,  vous  avez  bien 
voulu  me  communiquer  quelques-unes  de  vos  observations 
sur  des  points  encore  obscurs  de  notre  numismatique 
gauloise,  véritables  révélations  dont  il  serait  indiscret  à 
moi  de  transmettre  la  confidence  au  public,  si,  par  un 

1863.  -  5,  20 


298  MÉMOIRES 

bonheur  providentiel,  je  ne  me  trouvais  en  mesure  de  cor- 
roborer vos  présomptions  par  la  publication  d*un  monu- 
ment d'une  grande  valeur,  que  j'ai  découvert  au  Cabinet 
de  la  Bibliothèque  impériale  le  lendemain  de  notre  en- 
tretien. 

Monnaies  du  ttmps  de  VercingHorix. 

§  I.  Médaille  de  Camulogcnt) ,  général  en  chef  des  Gaulois  réunis  à  Paris. 

En  examinant  vos  monnaies  d'or  arvernes  contempo- 
raines de  celles  de  Vercingétorix,  j'ai  été  frappé  à  la  vue 
de  deux  beaux  spécimens  qui  offrent,  au  revers  d'une  tète 
de  divinité,  le  cheval  en  course  avec  le  tableau  armoricain 
au-dessus  de  la  croupe,  et  je  vous  ai  rappelé  que  je  possé- 
dais moi  même  une  médaille  de  ce  genre  formant  avec  vos 
deux  types  déjà  différents  une  troisième  variété  très- 
accentuée;  vous  m'avez  dit  alors  que  depuis  quelque 
temps  ces  médailles  vous  occupaient,  et  vous  avez  émis 
l'opinion  que  tous  ces  aurei  pourraient  bien  être  des  mo- 
nel3P  castrensrs. 

En  effet,  ces  monnaies  offrent  im  aspect  qui  les  distingue 
des  médailles  de  toutes  les  époques  de  l'autonomie  gau- 
loise; pendant  que  les  anciens  statères  armoricains,  céno- 
mans,  baiocasses  et  namnètes,  c'est-à-dire  les  monnaies 
des  peuplades  les  plus  étrangères  en  apparence  auz  pra- 
tiques de  l'art  grec,  sont  frappés  sur  des  flans  légèrement 
iqiphaiexy  visiblement  travaillés  au  marteau  avant  ta 
frappe,  de  manière  à  en  amincir  industrieusement  les  bords 
et  à  les  écrouir  pour  éviter  leur  gerçure,  les  aurei  du  temps 
de  Vercingétorîx  ont  l'apparence  d'une  monnaie  rudimen- 
laire,  frappée  sans  aucune  préparation,  Fur  un  globule 


i:r  DisstuTATiONS.  299 

d'or  qui,  en  s' écrasant  entre  les  deux  coins,  se  déchire 
quelquefois  jusqu'au  centre  du  flan,  ce  qui  donne  à  ce 
numéraire,  d'un  bon  dessin  cependant,  un  caractère  hâté 
et  même  grossier,  et  permet  de  l'assimiler  à  ces  monnaies 
de  nécessité  frappées  pendant  les  sièges  des  villes,  en  de- 
hors des  conditions  ordinaires. 

D'un  autre  côté,  une  circonstance  très-remarquable  dis- 
lingue encore  ce  numéraire;  on  sait,  en  effet,  qu'il  offre 
des  symboles  extrêmement  variés,  soit  au-dessus,  soit  au- 
dessous  du  cheval  libre.  On  y  remarque  l'aigle  éployée,  le 
bucrane,le  sanglier,  le  dauphin, la  roue  cantonnée  de  points 
ou  de  croissants,  la  lyre ,  la  cigogne  dépeçant  un  serpent, 
la  fleur  de  lis  ou  le  tripétale,  la  triquètre,  le  diota,  le  as, 
le  rameau ,  enfin  le  tableau  de  la  Victoire  que  j'appelle 
armoricain,  parce  qu'on  ne  le  rencontre  guère  que  chez  les 
peuples  limitrophes  de  l'Océan. 

Or,  tous  ces  symboles  se  retrouvent  aux  é|)oques  pré- 
cédentes, comme  emblèmes  ou  symboles  de  nationalités 
sur  les  monnaies  de  peuples  très-difiÇrents  et  très-éloignés 
les  uns  des  autres. 

Comment  admettre  que  lors  du  soulèvement  général  de 
la  Gaule,  les  Arvcrnes,  rompant  brusquement  avec  la  tra- 
dition d'un  monnayage  antérieur  relativement  très-soigné 
et  très-limité  dans  le  choix  de  ses  symboles,  aient  été 
frapper  des  monnaies  aux  types  de  tous  les  peuples  qui 
apportaient  leur  contingent  à  la  cause  commune?  N'est-il 
pas  beaucoup  plus  rationnel  de  penser  que  ces  aureij  que 
je  demande  la  permission  d'appeler  des  monnaies  de  néces- 
sité, ont  été  émis  à  cette  époque  mémorable  par  les  diffé- 
rents chefs  investis  d'un  commandement  supérieur,  soit 
dans  les  camps,  soit  dans  les  oppida,  sous  le  couvert  de  ce 
que  nous  savons  être  des  marques  de  nationalité,  de  ces 


SOO  Mf:MoiRi-s 

symboles  monétaires  qui  de  temps  immémorial   distin- 
guaient le  numéraire  des  diiïérents  peuples  gaulois. 

Ma  médaille  au  tableau  que  j'ai  publié  dans  la  Revue  nu- 
wismalique^  année  1855,  pi.  V,  n**  1",  a  été  trouvée  dans  le 
Poitou  ou  chez  les  Santons;  elle  oflre  sur  la  croupe  du 
cheval  ce  tableau  transformé  quelquefois  en  édicule,  qui 
se  retrouve  sur  les  VIREDISOS,  les  VIP.  T,  les  SACTiNOS, 
les  DVRATIVS,  monnaies  à  des  types  essentiellement  ar- 
morico-aquitains  ;  tandis  que  sous  le  cheval  on  voit  très- 
distinctement  la  lyre  ou  la  crotta  bardique  qui  rappelle 
encore  TArmorique. 

Si  Ton  voulait  examiner  attentivement  les  autres  aarei 
de  ce  genre,  on  y  trouverait  de  nombreux  points  d'attache 
à  des  types  déjà  localisés. 

Je  ne  me  rappelle  pas  quels  sont  les  symboles  qui  accom- 
pagnent le  tableau  sur  vos  deux  médailles,  mais  je  crois 
devoir  insister,  en  revanche,  sur  la  manière  précise  dont  ce 
tableau  y  est  caractérisé.  Sur  l'une,  la  croix  est  alaisée  ; 
c'est-à-dire  que  ses  extrémités  ne  rejoignent  pas  le  tableau. 

Voire  exemplaire  est,  je  crois,  celui  figuré  par  M.  Peghoux . 
dans  son  Essai  sur  Us  mtwnaics  des  ArvirnU  pi.  II9  n*  2à 
bis. 

Sur  l'autre  médaille  de  votre  suite,  la  croix  n'est  pas 
alaisée,  et  le  tableau  reproduit  identiquement  le  quadrila* 
tère  que  nous  voyons  flotter  devant  la  tète  du  cheval  andro- 
céphale  sur  les  beaux  avrei  des  Aulerces-Cénomans. 

Est-ce  à  dire  que  précisément  cette  dernière  médaille 
ait  été  frappée  par  les  Aulerci  réunis  aux  autres  contin- 
gents gaulois?  Non,  sans  doute,  et  il  y  aurait  témérité 
aujourd'hui  à  circonscrire  dans  des  limites  aussi  étroites, 
une  question  aussi  neuve  ;  mais  il  y  a  toute  raison  de  pen- 
ser que  ces  symboles  si  diiïérents  et  si  caractéristiques  sgr 


tr  nissiRTATiONS.  501 

des  monnaies  ofl'ranl  le  même  style,  le  mèuie  art,  la  même 
n^ligence  de  frappe,  décèlent  nécessairement  un  numé- 
raire ouvré,  pour  ainsi  dire,  dans  la  même  ofllcine,  ou  au 
moins  sous  l'empire  des  mêmes  circonstances .  par  des 
peuples  différents,  jaloux  de  leur  nationalité  comme  nous 
savons  que  Tétaient  les  Gaulois. 

Il  est  arrivé  ainsi  que  la  monnaie  des  Armoricains  de 
cette  époque  mémorable  ne  diffère  ni  d'aspect  ni  de  style 
de  celle  des  Arvernes,  des  Cabales  ou  de  tout  autre  peuple 
de  Test  de  la  Gaule. 

Cette  conclusion  à  laquelle  vous  a  conduit  votre  tact 
numismatique,  je  viens  aujourd'hui  la  corroborer  aussi 
couïplétement  qu'il  est  possible  de  le  faire,  en  produisant 
deux  monnaies  à  légendes,  d'une  part  un  très-curieux 
aureus  de  Camulogène ,  généralissime  aulerke ,  dont  le 
nom  parait  pour  la  première  fois  dans  la  numismatique 
nationale,  et  d  autre  part  une  pièce  d'or  déjà  connue,  mars 
inexpliquée,  et  que  je  crois  pouvoir  attribuer  aux  Cabales 

La  monnaie  d'or  de  Camulogène  existe  dans  la  collection 
de  France  :  on  a  tenté,  mais  sans  succès,  un  commence- 
ment de  déchiffrement  qui  a  abouti  au  nom  CAETVLO  ou 
CAIETVLO-,  lecture  que  je  ne  puis  admettre  (PI.  XVI, 

Au  premier  examen  de  cette  médaille,  j'ai  constaté 
qu'elle  porte  incontestablement  le  nom  CAMVLO,  racine 
gauloise  excellente,  qui,  considérée  intrinsèquement,  suffi- 
rait à  elle  seule  à  assurer  ma  lecture.  On  connaît,  en  effet, 
le  dieu  Camulus,  la  ville  capitale  de  Cunobelinus,  Camulo- 
dunum,  et  le  général  en  chef  Camulogcnus  '. 

•  Voyez  A.  Maury,  Jîecherrhes  sur  ta  lUvinitc  mentionnée  dans  les  tâsrrrp- 
tiom  laitues  sous  le  nom  Je  Camulus^  d:iii»  Ic^  Mém.  Je  la  Soc,  Jis  oiilf./tMrrM  Js 
France,  1849,  t.  IX.  p.  15. 


S02  IlÉMCIUiiS 

Tous  les  efforts  qu'on  a  faits  jusqu'à  ce  jour  pour  trouver 
sur  les  monnaies  des  noms  de  divinités,  n'ont  abouti  à  rien 
de  certain;  je  dégage  donc  ce  premier  point  de  vue,  et  je 
n'ai  plus  à  hésiter  qu'entre  un  nom  de  ville  bretonne  et  un 
nom  de  chef  gaulois  contemporain  de  Yercingétorix.  Mais 
ici  le  style  et  la  fabrication  dominent  la  question  ;  nous 
nous  trouvons  en  présence  d'une  de  ces  monnaies  déchi- 
rées, à  frappe  bâtée,  couverte  de  symboles  variés. 

Ces  caractères  irrécusables  avaient  fait  classer  cette  mé- 
daille au  milieu  de  celles  provenues  d'Orcines  et  de  Pionsat, 
qu'on  regardait  jusqu'à  ce  jour  comme  étant  exclusivement 
arvernes;  la  monnaie  est  donc  gauloise  et  non  bretonne, 
et  elle  est  gauloise  contemporaine  de  Yercingétorix.  Tout 
cela  circonscrit  beaucoup  nos  recherches,  et  ne  permet* 
pas  de  donner  à  notre  pièce  une  autre  attribution  que  celle 
de  Camulogëne,  qui  fut  élu  général  en  chef  des  Gaulois 
confédérés,  réunis  momentanément  à  Paris,  et  y  exerça 
quelque  temps  le  pouvoir  souveraiil,  pendant  que  César 
combattait  chez  les  Arvernes. 

Vous  avez  pensé  avec  toute  raison  dans  votre  lettre  à 
M.  Adrien  de  Longpérier,  sur  les  monnaies  des  Lixo- 
viates  %  que  les  Aulerkes  formaient  le  noyau  de  l'armée 
de  Camulogëne,  et  que  cette  circonstance  avait  sans  doute 
influé  sur  le  choix  du  général  en  chef. 

Ce  point  admis,  il  n'y  a  plus  de  difficultés  à  attribuer 
aux  Aulerci  ou  à  tout  autre  peuple  de  la  confédération  ar- 
moricaine les  curieuses  monnaies  de  votre  collection  et  de 
la  mienne,  offrant  sur  la  croupe  du  cheval  le  tableau  qua- 
drilatère de  la  Victoire,  qu'on  ne  trouve  aux  époques  anté- 
rieures que  chez  les  peuples  armoricains.  A  cette  occasion, 

*  [icvue  numi»m  ,  1862,  p.  185. 


Kl    DIbbl-RTATJnNS.  308 

permettez-moi,  je  vous  prie,  de  rappeler  uue  remarque 
importante  qui  a  été  faite  avant  moi  par  M.  Amédée  Thierry, 
et  que  j*ai  renouvelée  en  m' appuyant  sur  les  monuments 
numismatiques,  c'est  que  par  Armoricains  il  faut  entendre, 
non  pas  seulement  les  peuples  de  la  presquile  qui  a  formé 
plus  tard  la  province  de  Bretagne,  mais  encore  les  peuples 
qui  y  confinaient,  comme  les  Aulerces-Cénomans,  les  Andes, 
et  jusqu'aux  Pictons  et  aux  Santons. 

On  voit  que  le  champ  des  présomptions  est  vaste  ;  mais 
nous  avons  fait  déjà  un  pas  immense  en  sortant  de  l'Ar- 
vemie  ;  tôt  ou  tard  la  question  se  localisera  encore  davan- 
tage. C'est  assez  aujourd'hui  d'avoir  franchi  ce  premier  pas^ 

)  II.  Monnaies  des  Cabales. 

Vous  connaissez  parfaitement  ceux  de  ces  aurei  trouvés 
à  Orcines  et  à  Pionsat,  sur  lesquels  on  a  lu  jusqu'à  ce  jour 
CAS,  sans  tentative  d'attribution  quelconque.   (PI.  XVI, 

B*2.) 

En  examinant  dernièrement  au  Cabinet  impérial  deux 
bons  exemplaires  de  cette  pièce,  sur  lesquels  les  légendes 
sont  complètes,  j'ai  été  surpris  de  ce  que  personne  avant 
moi  n'eût  reconnu  dans  l'initiale  la  lettre  G,  qui,  sans 
ôtre  peut-être  aussi  caractérisée  que  dans  TOGIRIX  ou 
AGOriGIAGOC,  l'est  cependant  assez  complètement  pour 
qu'on  ne  puisse  la  méconnaître.  (  Voy»  PL  XVI,  n*i) 

Si  nous  dégageons  maintenant  le  S,  espèce  de  symbole 
propre  à  TArverine  et  à  sa  clientèle  très- probablement, 
il  reste  les  deux  lettres  GA,  dans  lesquelles  il  me  répugne 
de  voir  les  initiales  d'un  nom  de  chef  ordinairement  fort 
long,  tandis  qu'à  l'imitation  de  MA  pour  Massilia,  de  NEM 
pour  Nemausus,  de  AP  pour  APOYEPNfiN,  j'y  trouve  le 


ZOà  MÉMOIRES 

commencement  d'un  nom  de  peuple  G ABALI,  les  Cabales, 
les  premiers  clients  et  les  plus  proches  voisins  des  Arvemes. 

M.  Peghoux,  dans  son  Esnai  sur  les  monnaiet  des  Àr- 
vemes^  livre  qui  ne  manque  pas  de  bonnes  observations, 
mais  qui  a  le  malheur  d'être  accompagné  de  planches  mé- 
diocres, a  cherché  à  doter  les  Cabales  d*une  monnaie  de 
bronze  bien  connue  sur  laquelle  on  lit  CABALLOS.  Les 
motifs  qu'il  donne  à  l'appui  de  son  opinion  sont  un  peu 
vagues  :  il  n'a  pas  assez  insisté  sur  l'épigraphie  de  cette 
médaille.  Qu'il  me  soit  permis  de  faire  remarquer  ici  que 
chez  les  Gaulois  le  G  et  le  G  permutent  très-certainement  -, 
que  nous  avons  GARMANO— COMMIOS  et  CARMANOS— 
COMMIOS,  AeiOriGIAGOC  et  Divitiac^ts,  RATVMACOS  et 
Rothomagus;  on  peut  se  demander  pourquoi  dès  lors 
CABALLOS  ne  serait  pas  pour  CABALLOS.  Ceci  est  une 
question  de  linguistique;  mais  à  côté  de  celle-ci  surgit 
tout  de  suite  la  question  numismatique  avec  ses  exi- 
gences de  style;  le  faire  du  CABALLOS  ressemble ,  d'après 
vos  propres  observations,  à  celui  des  médailles  des  Car- 
nutes;  attendons  donc  encore  pour  prendre  un  parti  à 
l'égard  de  cette  médaille. 

J'ajouterai,  pour  fortifier  votre  opinion  sur  les  monetœ 
ccutrenses^  si  elle  en  avait  besoin,  que  M.  Peghoux  a  donné 
des  détails  intéressants  sur  la  découverte  faite  d'ancienne 
date,  à  Corent,  et  sommairement  annoncée  dans  la  Retue^ 
de  deux  coins  monétaires  gaulois,  dont  l'un  était  destiné  à 
reproduire  une  monnaie  d'argent  de  style  aquitain,  le  n"*  6 
de  la  pi  VHI  de  la  Berne  de  1836. 

Je  sais  bien  qu'on  pourrait  dire  que  les  coins  trouvés  à 
Corent  étaient  des  instruments  de  faussaires,  d'après  le 
grand  nombre  de  médailles  gauloises  fourrées  habilement 
faites  qui  existent  dans  nos  collections  ;  mais  la  circulation 


LJ    DlSStRTATlOÎSS.  305 

des  monnaies  gauloises  était  généralement  circonscrite  à  la 
région  même  pour  laquelle  le  numéraire  était  émis,  grave 
motif  pour  un  faussaire  de  ne  pas  frapper  monnaie  en 
Arvernie  avec  un  coin  des  Cambolectri-Agesînates.  Que  si 
Ton  objectait  que  les  enfouissements  des  monnaies  contem- 
poraines du  soulèvement  de  Vercingétorix  dérogent  sou- 
vent à  la  loi  que  nous  venons  de  poser,  et  qu'on  y  voit 
mêlées  des  monnaies  d'origine  très-diverse,  je  répondrais 
que  ce  mélange  prouve  précisément  ce  que  nous  cherchons 
à  établir,  que  le  numéraire  n'a  pu  offrir  subitement  une  si 
remarquable  variété  que  grâce  à  la  concentration  des  ate- 
liers des  différents  peuples ,  dans  les  camps  ou  dans  les 
oppida,  derniers  refuges  des  compagnons  de  Vercingélorix. 

Le  type  de  la  monnaie  des  Cabales  que  nous  publions 
sous  le  n""  2  offre,  sous  un  cheval  libre,  le  haut  seulement 
d'un  symbole  caractéristique  :  une  cigogne  ou  un  oiseau 
aquatique  au  long  bec  dévorant  un  serpent,  qui  se  voit 
mieux  sur  d'autres  pièces  de  la  même  série. 

Le  Romain,  qui  fait  irruption  dans  la  patrie  commune, 
n'est-ce  pas  le  serpent  qui  s'introduit  dans  le  nid  de  l'oi- 
seau? Ce  type  paraît  avoir  été  créé  pour  la  circonstance  : 
on  a  également  sur  des  pièces  muettes  des  symboles  pro- 
bablement contemporains  de  la  conquête  :  l'aigle  dévorant 
un  serpent. 

Au-dessus  du  cheval  est  une  véritable  fleur  de  lis  héral- 
dique moderne  renversée  la  tête  en  bas;  est-ce  la  fleur  de 
t espérance  dans  une  position  qui  annoncerait  la  déchéance, 
le  deuil  7  Ces  questions  de  symbolisme  ne  sont  pas  du  goût 
de  tout  le  monde,  nous  le  savons,  aussi  serons-nous  très- 
réservé  sur  ce  point.  Cependant  il  est  bon  de  les  poser  ; 
lorsqu'on  nous  aura  prouvé  que  le  bœuf  des  monnaies 
d'ATEVLA  VLATOS  et  des  TVRONOS  n'a  pas  une  pose  qui 


306  MÉ.MOiRi:s 

dénote  raflliclion  ;  lorsqu'on  aura  établi  que  c'est  par  pur 
hasard  que  Tépi  brisé  sur  lequel  marche  le  bœuf  de  ces 
ATEVLA  a  été  représenté  ainsi  par  le  graveur,  alors  nous 
renoncerons  à  mettre  les  Gaulois  au  rang  des  peuples  de 
l'antiquité  qui  affectionnaient  le  symbolisme  ;  mais  jusque 
là  nous  ferons  à  nos  ancêtres  Thonneur  de  les  croire  en 
communauté  d'idées  sur  ce  point  avec  les  Grecs,  les  maîtres 
à  tous  en  fait  d'art  et  d'ingénieuses  fictions. 

Médaille  des  Aulerces-Eburovices  avec  la  légende  IBRVIX. 

Mon  examen  rapide  des  médailles  gauloises  du  Cabinet 
impérial  ne  m'a  pas  empêché  de  m'appesantir  sur  certaines 
pièces  qui,  de  tous  temps,  ont  défié  la  sagacité  desérudits. 
Parmi  celles-ci,  je  citerai  comme  m'ayant  particulièrement 
occupé  la  monnaie  à  la  légende  IBRVlX. 

Permettez-moi,  je  vous  prie,  de  vous  faire  part  de  quel- 
ques observations  qui  m'ont  été  suggérées  par  l'analyse  de 
chacun  des  éléments  de  cette  curieuse  légende. 

Pour  moi,  toute  la  partie  antérieure  du  mot  constitue  un 
vaste  monogramme  qui  finit  seulement  à  l' avant-dernière 
lettre;  de  sorte  que  l'aspect  de  cette  légende  est  bien  cer- 
tainement celui-ci  : 


B» 


L'initiale  1  semblerait  détachée  de  la  partie  monogram- 
matique  du  nom  ;  mais  depuis  que,  grâce  à  notre  cher  et 
ingénieux  directeur  nous  savons  que  l'E  gaulois  est  souvent 
exprimé  par  deux  I ,  rien  n'empêche  d'admettre  ici  que  TE 
d'EBVROVIX  est  composé  de  l'I  initial  et  du  premier  jam- 
bage verlical  du  B,  et  qu'il  se  rattache  ainsi  à  la  partie  mo- 


ET    DISSËRTATJOI^S.  307 

nogramma tique  de  la  légende.  Le  B  ne  donne  lieu  à  aucune 
observation,  si  ce  n'est  qu'à  la  boucle  inférieure  est  soudé 
le  premier  jambage  de  TV.  Cette  lettre  est  très  visiblement 
formée  de  ce  premier  jambage  et  de  la  basle  de  la  lettre  R, 
laquelle  a  ainsi  une  position  inclinée  très-caractéristique. 
Mais  le  R  sert  encore  à  former  avec  sa  queue  très-serrée 
pour  ce  motif  contre  la  haste ,  la  lettre  0  qui  adhère  au  V 
par  sa  partie  supérieure  ;  les  deux  dernières  lettres  isolées 
n'offrent  rien  de  remarquable. 

Les  lettres  effacées,  si  je  puis  dire,  et  méconnues  par 
tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  cette  pièce,  sont  donc  TE 
initial,  TV  et  TO,  c'est-à-dire  les  voyelles;  le  graveur,  en 
les  sacrifiant,  a  donné  aux  maires  kctionis  une  valeur  pré- 
dominante qui  a  trompé  nos  devanciers. 

Ducbalais  n'a  pas  soupçonné  la  forme  monogrammatique 
de  cette  légende,  et  s'est  bonié  à  dire  :  «  Les  mots  IBRVIX 
a  et  EBVROVIX  ont  tant  de  rapports  entre  eux,  qu'il  serait 
fc  déraisonnable  de  ne  pas  les  rapprocher,  d 

Voici  donc  encore  une  médaille  enlevée  aux  incertaines, 
et  classée  avec  toute  la  rigueur  désirable. 

Médailles  portant  les  légendes  SENV  et  KOIIAKA. 

Deux  médailles  appartenant  au  même  peuple  ou  à  des 
peuplades  bien  voisines  l'une  de  l'autre  viennent  de  paraître 
sur  l'horizon  numismatique;  l'une  est  entrée  dans  les  car- 
tons de  la  Bibliothèque  impériale,  et  a  déjà  été  mentionnée, 
je  crois,  dans  la  Rrvue  archéologique;  l'autre  fait  partie, 
depuis  six  mois,  de  ma  suite.  (PI.  XVI,  n""  5.  ) 

Toutes  deux  offrent  le  symbole  qu'on  voit  sur  les  mon- 
naies connues  d'ancienne  date  sous  les  rubriques  SllNVI 
et  VLLVCCI  :  un  oiseau  picorant  sous  des  rameaux;  mai£^ 


303  MÉMOIKES 

le  volatile  de  la  nouvelle  monnaie  du  Gabifiet  semble  pico- 
rer dans  une  coupe  ou  dévorer  un  serpent,  dont  la  tête 
serait  représentée  par  Tannelet. 

Vous  avez  bien  voulu  me  faire  connaître  que  vous  pos- 
sédiez un  magnifique  exemplaire  de  cette  pièce  offrant  la 
lecture  irrécusable  ROIIAKA,  sans  trace  aucune  du  vase  ou 
du  serpent  existant  sur  l'exemplaire  du  Cabinet. 

La  tête  rude  et  grossièrement  systématique  est  coiffée 
de  quatre  grosses  mèches  plaquées  le  long  des  joues  et 
jusque  dans  la  nuque. 

Quant  à  la  légende  de  l'autre  médaille  SENV,  suivie 
d'une  étoile  ou  d'un  pentagone,  elle  me  paraît  être  iden- 
tique avec  celle  qui  offre  le  mot  anciennement  connu 
SIINVI,  qui  se  trouve  au  revers  de  la  médaille  GIAMILOS. 
et  elle  serait  l'évidente  confirmation  du  système  de  lecture 
de  notre  savant  directeur,  si  ce  système  avait  besoin  d'être 
fortifié.  (PI.  XVI,  no  â.) 

Que  signifie  SENV  et  SENVI?  Faut-il,  à  l'imitation  de 
M.  Lenormant,  qui  voyait  BELLOVAGCI  dans  YLLYGCI ,  in- 
tercaler un  0  entre  le  N  et  le  V,  et  y  trouver  le  commence- 
ment du  nom  SENOVIR?  Ces  licences  épigraphiques  m'ef- 
fraient. M.  Lenormant  s'était,  je  crois,  autorisé  de  la 
légende  IBRVIX,  dans  laquelle  il  fallait,  selon  lui,  interca- 
ler un  V  et  un  0  pour  arriver  à  la  vraie  lecture  EBVROVIX  ; 
mais  j'ai  démontré  plus  haut  qu'il  n'est  pas  besoin  de  faire 
d'interpolations  de  ce  genre  pour  lire  correctement  le  mot 
EBVROVIX;  dès  lors,  ce  système  de  lettres  intercalées  me 
paraît  bien  risqué,  et  je  renonce  prudemment  à  l'appliquer 
à  la  légende  SENV,  qui  restera  encore  pendant  quelque 
temps  une  énigme. 

Ajoutons  toutefois  que  ce  genre  de  médailles  s  étant 
trouvé  récemment  en  masse  homogène  sur  le  territoire  des 


i:t  /)issi:riTATio\s.  300 

Senones,  le  mot  SENV  y  semble  avoir  dès  lors  un  rapport 
jii.stifié  avec  rethoique  de  ce  peuple  '. 

Nédaille  à  la  légende  ALLIIGORIX. 

Voici  encore  une  médaille  inédite  à  légende  malheureu- 
sement incomplète,  qu'on  ne  sait  comment  expliquer.  Elle 
appartient  à  M.  le  comte  de  Clermont-Gallerande,  qui  a 
bien  voulu  m'en  envoyer  une  empreinte  et  me  pennettre, 
avec  une  obligeance  parfaite,  de  la  publier  dans  cette 
lietue;  qu'il  veuille  bien  agréer  ici  l'expression  de  toute 
ma  gratitude. 

Le  droit  offre  une  tète  jeune  diadémée,  avec  un  commen- 
ceuient  de  légende  AM,  FM  lié  à  la  lettre  suivante.  Le 
revers  représente  un  cavalier  brandissant  un  long  javelot, 
type  que  je  serais  tenté  de  croire  aquitain.  On  lit  à  l'entour 
la  fin  d'un  nom  sans  doute  assez  long,  ALLIIGORIX 
(pi.  XVI,  n*  G) .  Je  ne  suis  sûr  ni  de  l'A  ni  de  l'X,  de  sorte 
qu'on  pourrait  même  lire  VCILIICORI.  Par  suite  de  cette 
incertitude,  on  serait  assez  embarrassé  pour  invoquer  le 
nom  de  chef  ou  de  peuplade  auquel  ce  fragment  de  légende 
peut  convenir.  On  a,  par  exemple,  la  regio  CAMATVLLI- 
CORVM  de  Pline,  sur  les  cotes  méridionales  de  la  Gaule; 
mais  le  style  de  la  médaille  n'a  rien  de  méridional.  De 
plus,  l'ethnique  de  ce  peuple  est,  au  nominatif ,  CAMA- 
TVLLICI ,  et  nous  perdons  ici  la  fin  de  notre  légende,  à 
moins  de  supposer,  ce  que  nous  ne  faisons  pas,  que  cette 
légende  offre  un  génitif  pluriel.  Si  l'X  de  la  fin  du  mot 
existe,  on  aurait  plutôt  un  nom  de  chef;  mais  lequel? 
Classons  donc   encore  cette  médaille  parmi  les  pièces  à 

>  Kêtue  numiâm.,  IMC3,  p   74. 


s  10  Mf:MOIRKS  . 

«Hiidier  ;  le  temps  se  chargera  de  nous  donner  le  mot  de 
Ténigme,  qui  nous  échappe  aujourd'hui. 

Médaille  portant  VIRIGIV. 

M.  le  comte  de  Clermont  a  bien  voulu  me  transmettre 
l'empreinte  d'une  autre  médaille  rare  de  sa  collection ,  sur 
laquelle  on  lit  sans  la  moindre  incertitude  VIRICIV  au-des- 
sus d'un  cheval  sanglé.  Le  revers  offre  une  tête  très-fruste. 
(PI.  XVI,  n°  7.) 

Duchalais  avait  publié  une  série  de  médailles  du  Cabinet 
impérial  sous  la  même  rubrique  VIRICIV.  La  lecture  de  la 
légende  est  donc  incontestable.  Que  représente  ce  mot? 
est-ce  un  nom  de  chef?  Vous  avez  émis  devant  moi  l'idée 
que  ce  nom,  complété  de  la  syllabe  finale,  pouvait  donner 
VIRICIVIX  et  offrir  la  même  construction  que  VIRIDOVIX  et 
VIREDISOS;  dans  tous  les  cas,  notons  la  provenance  d'une 
dizaine  d'exemplaires  de  votre  admirable  suite,  tous  trouvés 
chez  les  Bellovaques.  notamment  à  Vandeuil-Caply  ;  on  ne 
peut  donc  songer  au  Viritium  de  Ptolémée. 

Médaille  de  DivUiacus. 

On  s'étonne  aujourd'hui  qu'on  ait  été  si  longtemps  à 
découvrir  les  médailles  de  Divitiacus.  Depuis  la  mise  en 
lumière  de  mon  exemplaire,  qui  m'a  permis  de  révéler  le 
nom  gaulois  A^^IOTIGIAGOC,  latinisé  sous  la  forme  Divi- 
tiacus par  Cicéron  et  par  César,  il  est  entré  dans  votre 
collection  trois  ou  quatre  médailles  sur  lesquelles  la  lecture 
de  ce  nom  est  incontestable  \  J'ai  signalé,  d'un  autre  côté, 

«   Heru*  rmmùm.,  1859,  pi.  XIII,  p.  313. 


ET    DIS'^KnTATIONS.  3 H 

les  exemplaires  des  collections  Lefebvre  et  Boilleau  ;  en- 
fin, voici  qu  anjourd  huî  une  bienveillante  amitié  me  per- 
met de  publier,  comme  m' appartenant,  un  nouvel  exem- 
plaire de  la  très-rare  et  très-curieuse  variété  sur  laquelle 
on  a  lu  pendant  longtemps  A6I0YIN,  avec  la  décevante 
attribution  à  Divona  des  Cadurci  et  que  vous  et  moi  avons 
restitué  à  Divitiacu^',  par  la  raison  que  la  légende  du  revers 
nous  a  présenté  un  nom  qui  offrait  une  similitude  fort 
grande  avec  celui  donné  par  César  au  roi  des  Suessions  et 
au  Vergobret  des  Éduens  :  AEIVTAC ,  suivant  moi*,  et 
AEIVFAC  d'après  votre  planche  '. 

L'exemplaire  que  je  publie  aujourd'hui  vient  heureuse- 
ment suppléer  à  l'indécision  de  quelques-uns  des  carac- 
tères de  l'exemplaire  Lefebvre.  J'avais  cru  voir  un  T 
avant  le  V  là  où  vous  avez  rétabli  un  caractère  que  vous 
avez  dû  interpréter  régulièrement  par  la  lettre  G,  et  nous 
allons  voir  que  vous  étiez  dans  le  vrai  ;  d'un  autre  côté, 
j'avais  plus  correctement  représenté  la  dernière  lettre,  mé- 
connue cependant,  puisque  je  l'ai  prise  comme  vous  pourC, 
tout  en  lui  donnant  une  ligature  avec  l'A,  qui  aurait  dû 
m' autoriser  à  y  voir  un  G. 

La  nouvelle  pièce  qui  est  entrée  dernièrement  dans  mes 
cartons  me  donne,  sans  équivoque  possible, 

AEIVIGAG 

et  elle  coupe  court  à  toute  incertitude,  puisqu'enlre  ce  mot, 
visiblement  abrégé ,  et  celui  plus  complet  de  l'autre  type, 
AeoriGlIAGOS  ou  AeoriGIAGOS  ou  AGIOriGIACOC, 


•  Araue  numûm.,  1859,  pi.  II,  n*  9. 
«  Reçue  numism.,  1H59,  pi.  XIII,  u*>  1. 


•U2  M/- MOIRES 

—  car  nos  médailles  offrent  ces  trois  variantes,  —  il  n'y  a 
pour  le  linguiste  et  pour  le  numismatiste  aucune  différence. 
(PI.  XVI,  n»  8.) 

Malheureusement  le  petit  module  de  ma  médaille  n*a 
permis  à  aucune  lettre  de  la  légende  que  nous  savons  exister 
du  côté  de  la  tête,  de  s'empreindre  sur  le  flan;  mais  en 
revanche,  quelques  détails  d'ornementation  peuvent  facile- 
ment être  saisis  derrière  la  tête  du  personnage,  et  l'on  voit 
parfaitement  que  son  col  est  orné  d'un  torques;  Duchalais 
avait  déjà,  du  reste,  signalé  cet  ornement. 

Médmlle  aux  Ugendes  COUMIOS— GARMANO. 

M.  le  comte  de  Glermont  possède  un  superbe  échantillon 
de  la  rare  et  importante  médaille  de  l'Atrébate  Gommius, 
avec  le  nom  GARMANO  écrit  par  un  G  du  côté  de  la  tête. 
(PI.  XVI,  n«  9.) 

La  leçon  GARMANO  donnée  par  Mionnet  et  Duchalais  est 
conforme  d'ailleurs,  je  m'en  suis  assuré  aux  légendes  des 
pièces  du  Gabinet  ;  l'initiale  est  un  G,  sans  aucune  trace  de 
l'appendice  qui  peut  en  faire  si  facilement  un  G. 

Du  reste,  il  ne  faut  pas  s'étonner  qu'on  retrouve  sur 
d'autres  exemplaires  un  G  bien  caractérisé;  Lelewel  a  pu- 
blié ^  un  exemplaire  formant  une  variété  bien  tranchée  avec 
celui  de  M.  le  comte  de  Glermont  qui  offrait  également  un  6, 
et  l'illustre  et  regretté  savant  n'a  jamais  manqué,  dans  le 
coms  de  son  ouvrage,  d'interpréter  cette  légende  par 
GARMAN  ou  GARMANVS. 

Cette  permutation  des  lettres  G  et  G  est  donc  aujourd'hui 

*  AtiAî»  tlii  type  gnulois,  pi.  UI,  n"  50. 


ET    DISSERTATIONS.  ^l^ 

un  point  bien  établi  dans  l'i^pigrapbic  antique  ^  Si  elle 
l'eût  été  du  temps  de  Ducbalais,  notre  honorable  confrère 
ne  se  serait  pas  efforcé,  sans  motif,  d'attribuer  ces  médailles 
à  une  petite  ville  du  midi  de  la  France,  Caraman  ;  il  aurait 
vu  dans  GARMANO  un  nom  de  chef  du  genre  d'Arminius  ou 
d'Hermann  en  langage  tudesque,  ou  peut-être  encore  un 
adjectif  qualificatif  se  rapportant  à  COMMIOS,  et  ainsi  il 
n'auraii  pas  été  conduit  à  enlever  au  roi  Commius  une  mé- 
daille qui  lui  appartient,  suivant  toute  apparence. 

Sans  doute  cette  médaille  est  belle  et  soignée  comme  une 
monnaie  de  la  Narbonnaise  ;  mais  est-ce  bien  le  cas  d'in- 
voquer la  loi  du  style,  lorsque  nous  voyons  qu'il  s'agit 
d'une  pièce  de  la  dernière  période  pendant  laquelle  nous 
savons  que  les  styles  des  diverses  provinces  tendaient  à  se 
rapprocher,  et  pour  ainsi  dire  à  se  confondre  ? 

Commius  put  frapper  monnaie  jusqu'en  l'an  52 ,  époque 
où  tout  le  numéraire  de  la  Gaule  subit  cette  transforma- 
tion, qui  lui  fit  perdre  sa  physionomie  locale;  ne  nous  éton- 
nons donc  pas  si  ses  monnaies  ressemblent  à  celles  de  la 
Narbonnaise  ou  de  l'Aquitaine  :  pour  ma  part,  je  serais  bien 
plus  surpris  de  trouver  le  nom  COMMIOS  sur  les  anciens 
types  du  Belgium  offrant  le  dieu  à  la  riche  chevelure  bou- 
clée des  temps  antiques  ou  même  le  cheval  à  gorge  four^ 
cAue d'une  époque  relativement  plus  moderne,  mais  anté- 
rieure très-probablement  à  la  conquête. 

£.    HCCBER. 

*  Je  remarque  uoe  observation  concordante  de  M.  L.  Renier  k  propos  du 
mot  PIGTOR  pour  PICTOR ,  k  la  page  208  da  tome  II  du  Bvlletin  du  Comité 
de  la  lanfguêy  de  Vhittoire  et  dê9  artt  de  la  France.  Du  reste  ,  dit  le  savant  épi- 
graphiste ,  Torthographe  da  mot  PIGTOR  est  curieuse ,  en  ce  qu'elle  repro- 
duit probablement  une  particularité  de  la  prononciation  gauloise. 

1863.-5.  21 


31 A  xir.MoinKS 


RESTITUTION  A  PERGAME 
DE  QUELQUES  MONNAIES  ATTRIBUÉES  A  MYTILÈNE 

(ILE  DE  LESBOS). 


Dans  la  numismatique,  comme  dans  la  plupart  des 
sciences  qui  ne  sont  point  positives  et  procèdent  plus  de 
Térudition  que  d'une  exactitude  rigoureuse,  il  n'est  pas 
rare  de  rencontrer  de  ces  points  obscurs  ou  restés  indécis, 
qu'un  examen  plus  attentif  permet  de  concevoir  sous  un 
jour  nouveau,  et  par  conséquent  d'expliquer  d'une  manière 
entièrement  différente.  Les  monnaies  dont  nous  donnons 
plus  bas  la  description,  sont  tout  à  fait  dans  ce  cas.  Bien 
que  connites  depuis  longtemps,  si  nous  les  publions  dere- 
chef, c'est  que  l'attribution  qui  en  a  été  faite  jusqu'ici  nous 
a  paru  des  plus  contestables  et  mériter,  au  moins,  la  peine 
d'être  discutée,  pour  décider  si  elle  doit  être  conservée  ou 
rejetée  d'une  manière  définitive. 


Deux  têtes  de  veau  avec   le  cou.  en  reganl  Tune  de 


n    DISSKRTATIONS.  315 

l'autre  et  sép.nrées  par  une  lige  chargée  de  feuilles  et  de 
fruits. 

^  Aire  en  creux  de  forme  carrée,  régulière  et  sans  di- 
visions dans  l'intérieur.  {Arg.  bas,  mod.  5,  ma  collection.) 

Leur  histoire  peut  se  résumer  en  quelques  lignes  qui, 
nous  osons  l'espérer,  ne  seront  pas  jugées  hors  de  propos. 

Très-rares  il  y  a  vingt-cinq  ans  à  peine,  ces  monnaies 
sont  devenues  tout  à  coup  excessivement  communes  par 
suite  de  plusieurs  découvertes  récentes,  et  nous  ne  croyons 
pas  exagérer  en  affirmant  qu*il  existe  bien  peu  de  cabinets, 
publics  ou  particuliers,  qui  n'en  possèdent  aujourd'hui 
quelqu'une.  La  première  dont  on  se  souvienne,  unique 
alors,  faisait  partie  de  la  riche  collection  de  M.  Prosper 
Dupré,  qui  l'avait  jugée  assez  curieuse  et  assez  importante 
pour  y  figurer  avec  honneur.  Un  peu  plus  tard,  deux  ou 
trois  autres  exemplaires  furent  signalés  sans  qu'on  songeât 
encore  à  leur  donner  un  nom.  Depuis  cette  époque,  les 
dépôts  successivement  njis  au  jour  ont  pu,  en  les  multi- 
pliant, dimirmer  considérablement  leur  valeur,  tombée  au- 
jourd'hui, il  faut  le  dire,  presque  à  rien,  mais  ils  n'en  ont 
point  pour  cela  fait  disparaître  l'intérêt.  Ajoutons  que 
faute  d'avoir,  dès  le  principe,  constaté  le  lieu  précis  de  ces 
dépôts,  on  s'était  créé  une  difficulté  de  plus  et  fermé  en 
même  temps  la  voie  la  plus  sûre  comme  la  plus  dirette 
pour  arriver  à  découvrir  leur  véritable  patrie.  On  doit  re- 
gretter que  cette  ressource,  si  précieuse  par  elle-même  et 
d'un  si  puissant  secours,  ait  été  négligée.  Quoi  qu'il  en  soit 
de  cette  indifférence  on  finit  par  s'en  occuper,  et  comme  il 
fallait,  bon  gré  mal  gré,  leur  trouver  une  place,  quelques- 
uns  pensèrent  à  l'île  de  Lesbos  {in  gentre),  d'autres  à  My- 
tièlne,  sa  ville  principale.  Il  est  juste  cependant  de  recon- 
naître que  déjà,  vers  18â9,  on  avait  proposé  Métbymna 


31(5  m(^:moirrs 

pour  une  pièce  semblable  de  la  collection  Max.  RorrelP; 
mais  cette  attribution  ne  paraît  pas  avoir  été  accueillie  avec 
beaucoup  de  faveur,  puisque  personne  ne  Ta  suivie  de- 
puis. Le  rédacteur  du  catalogue  la  présente  avec  cette 
note  :  de  bas  argent,  du  plus  haut  degré  de  rareté,  inédite 
et  remarquablement  belle.  Prix  :  3  livres  3  shillings. 

Il  est  de  règle  dans  les  sciences  que  toute  classification, 
quand  elle  est  sérieuse  et  ne  résulte  pas  du  caprice  ou  de 
la  fantaisie,  implique  nécessairement  une  raison  d'être.  Or, 
le  motif  sur  lequel  on  s'est  fondé  pour  celle-ci  nous  est  in- 
connu, personne  n'ayant  jugé  à  propos  de  le  formuler-, 
nous  ne  savons  pas  davantage  à  qui  revient  l'honneur  de 
cette  première  attribution  à  Lesbos  {in  génère) ,  que  rien  à 
notre  avis  ne  justifie  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
qu'aucune  réclamation  ne  s'est  élevée  pour  la  combattre, 
qu'au  contraire  tous  les  numismatistes  se  sont  à  l'envi 
empressés  de  l'enregistrer,  sans  même  se  demander  sur 
quelle  base  elle  reposait  et  ce  qu'elle  pouvait  présenter 
d'arbitraire  ou  de  plausible.  Cette  opinion  s'est  si  bien  en- 
racinée avec  le  temps,  qu'aujourd'hui  elle  est  en  quelque 
sorte  passée  à  l'état  de  chose  jugée.  Tous  les  catalogues 
publiés  dans  ces  dernières  années  sont  là  pour  en  faire  foi*. 

^  Mazimilien  Borrell ,  Catalogue  of  an  extensive  colUction  of  ancimt  and  mo^ 
tUm  coins,  London,  1849,  p.  32,  n*  409. 

*  SoDS  vouloir  ici  multiplier  les  exemples,  ce  qui  serait  très-facile,  nous 
nous  bornerons  aux  suivants  :  Cab.  Mestre  de  Lyon,  de  Werlbof ,  Fr.  Mar- 
gaie,  etc.,  où  ces  pièces  sont  décrites  à  la  rubrique  des  Lesbos  (m  génère). 
M.  François  Lenormant  est  le  premier,  à  notre  connaissance,  qui  ait  pensé  à 
Mytilène  (  Catal,  des  méd.  de  M,  le  baron  Behr,  1857,  n°  54B),  mais  sans  donner 
aucune  raison  de  son  choix.  Il  se  borne  à  indiquer  que  la  pièce  est  inédite, 
c*est-à-dire  non  publiée  par  la  gravure ,  quoique  déjà  à  cette  époque  elle  fut 
devenue  assez  commune  pour  que  nous  ayons  pu  en  réunir  jusqu'à  quatre 
dans  notre  seule  collection.  Son  opinion,  adoptée  depuis,  a  fait  abandonner 
Lesbos  (ïn  génère)  pour  Mytilène. 


i:t    I)lssERTATio^s.  317 

Bien  que  personnellement  nous  ayons  toujours  eu  quelques 
doutes,  ne  pouvant  trouver  mieux,  alors,  faute  de  point 
d'appui  et  d'examen  suiTisants,  nous  avons  comme  les  au- 
tres suivi  le  courant. 

Il  est  difficile  à  cette  heure  de  revenir  sur  une  question 
qui  doit  paraître  tranchée;  aussi  n'est-ce  pas  sans  une  cer- 
taine timidité  que  nous  abordons  de  nouveau  un  pareil 
sujet  qui,  dans  l'état  actuel  des  choses,  peut  devenir  pour 
nous  une  tache  assez  délicate.  Toutefois  et  quoi  qu'il  arrive, 
nous  dirons  avec  franchise  ce  que  nous  pensons.  Si  à  notre 
tour  nous  sommes  contredit,  loin  d'en  être  froissé,  nous 
aurons  plutôt  à  nous  féliciter  d'avoir  provoqué  indirecte- 
ment une  autre  enquête,  d'où  ne  pourra  manquer  de  sortir 
toute  la  vérité.  D'ailleurs  lorsqu'on  a  la  ferme  convictioni 
qu'une  attribution  est  mauvaise,  quelle  que  soit  celle  qu'on 
propose  de  lui  substituer,  c'est  un  devoir  pour  tout  homme 
honnête  et  consciencieux  de  le  proclamer  hautement.  Le 
respect  de  la  science  le  commande. 

Ces  monnaies  ont  subi,  comme  tant  d'autres  dans  le 
même  cas,  le  sort  réservé  à  toutes  celles  qui  sont  privées 
de  légende,  que  rien  en  apparence  ne  rattache  à  un  type 
connu,  ou  que  leur  nouveauté  même  destine  par  avance  à 
rester  un  temps  plus  ou  moins  long  sans  place  ou  sans  dé- 
signation convenables  ;  en  d'autres  termes  on  les  a  données 
par  conjecture  à  File  de  Lesbos  qui  n'y  avait  aucun  droit, 
et  sans  doute  aussi  faute  de  mieux. 

11  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  en  passant,  com- 
bien jusqu'ici  la  numismatique  de  Lesbos  (m  genrre),  semr 
ble  avoir  été  peu  favorisée.  Celte  île  qu'on  a  voulu  si  libé- 
ralement et  à  différentes  reprises  doter  de  monnaies 
autonomes,  en  est  encore  aujourd'hui  complètement  dé- 
pourvue (nous  ne  parlons  pas  de  ses  villes,  bien  entendu). 


818  MLMOIIILS 

et  par  une  bizarre  fatalité,  tous  les  eflbrts  tentés  à  cet  égard 
depuis  près  cTun  siècle  sont  restés  sans  succès  et  sans  ré- 
sultat. On  n  a  pas,  que  nous  pensions,  perdu  la  mémoire 
de  toute  cette  classe  de  monnaies  à  types  libres  dont  Pelle- 
rin,  voire  même  le  grand  Eckhel,  avaient  gratifié  cette  tle 
avec  tant  de  complaisance,  mais  que  Sestini  le  premier,  en 
ceci  mieux  avisé  ou  plutôt  mieux  servi,  a  judicieusement 
restituée  à  Lete,  aux  Orestse  et  à  Thasos  de  la  Macédoine. 
Forte  d'une  pareille  autorité,  basée  d*ailleurs  sur  une  suite 
d'observations  et  une  lecture  surtout  mieux  entendue,  cette 
restitution  ne  devait  souffrir  aucune  difficulté  ;  aussi  a-t- 
elle  été  admise  sans  contestation.  Aujourd'hui  se  présente 
un  cas  à  peu  près  analogue  et  qui,  pour  le  même  pays,  va 
reproduire  les  mêmes  résultats.  C'est  une  série  d'un  autre 
genre  il  est  vrai,  mais  qui  lui  a  été  donnée  également  et  que 
nous  nous  proposons  de  lui  enlever  de  nouveau,  bien  qu'on 
soit  fondé  à  croire  qu'elle  lui  est  légitimement  acquise, 
puisqu'elle  a  recula  sanction  du  temps  et  l'approbation  de 
savants  recommandables.  Cependant,  si  loin  que  nous  noua 
trouvions  du  mérite  d'hommes  tels  que  Sestini,  nous  avons 
l'espoir  qu'on  ne  repoussera  paa  notre  restitution,  si  Ton 
juge  toutefois  que  les  raisons  déduites  ne  sont  pas  sans  va- 
leur, malgré  la  forme  très  imparfaite  dont  nous  les  pré- 
sentons. 

Avant  de  passer  sur  ce  terrain,  un  coup  d'œil  rapide  jeté 
sur  le  style,  la  fabrique  et  l'âge  tant  soil  peu  approximatif 
de  ces  médailles,  devient  dès  ce  moment  non-seulement 
nécessaire  mais  indispensable.  Outre  qu'il  pourra  nous 
fournir  sur  elles  plus  d'un  renseignement  utile,  c'est  aussi 
par  l'examen  comparatif  de  leurs  divers  éléments  que  nous 
arriverons  mieux  et  plus  sûrement  à  éclairer  la  qiies* 
tion. 


ET    DISSERTATIONS.  31 9 

Ce  qui  frappe  au  premier  abord  lorsqu'on  les  étudie  avec 
atteotiou,  c'est  d'uoe  part  la  nature  singulière  du  métal, 
si  fortement  mélangé  qu'on  serait  tenté  de  le  prendre  pour 
du  potin  ;  d'autre  part  c'est  la  forme  globuleuse ,  le  mode 
particulier  de  fabrication,  le  style  en  un  mot  qui  dans  le 
rendu,  bien  qu'affectant  un  air  d'archaïsme  prononcé, 
semble  au  contraire  déceler  Tinfluence  d*un  art  relative- 
ment assez  avancé  et  par  conséquent  plus  apparent  que 
réel.  L'aspect  général  de  ces  pièces  a  une  ressemblance 
tellement  étroite,  un  si  grand  air  de  famille  avec  certains 
cyzicënes,  leur  tournure,  s'il  est  permis  d'employer  ce  mot, 
a  quelque  cbose  de  si  voisin  que  nous  n*hésitons  pas  à  les 
croire  émanés  du  même  système;  système  bizarre  et  $ui 
generis  que  feu  Ch.  Lenormant  a,  dans  son  beau  travail  sur 
la  matière,  démontré  clairement  ne  pus  être,  à  beaucoup 
près,  aussi  ancien  qu*on  l'avait  supposé  jusqu'à  lui.  Pour 
s'en  convaincre  on  n'a  qu  à  examiner,  sans  prévention  ni 
parti  pris,  la  compositioji  de  ce  type  et  la  manière  dont  il 
est  traité,  se  rappeler  en  même  temps  tous  les  exemples  qui 
restent  de  monuments  archaïques  d'imitation,  et  l'on  ne 
pourra  de  bonne  foi  se  refuser  à  admettre  que  l'hypothèse 
exprimée  ici,  n'a  rien  en  elle-même  de  trop  forcé  ni  de 
trop  problématique  ;  que  loin  de  contrarier  en  quoi  que  ce 
soit  les  idées  acquises  sur  l'art  antique,  elle  ne  fait  que  les 
conGnner  et  que  ce  type  conserve  dans  son  exécution,  sauf 
les  modifications  nécessitées  par  un  si  petit  cadre,  tout 
l'ensemble  de  caract^^res  généraux  qu'on  peut  raisonnable- 
ment exiger. 

En  premier  lieu,  les  deux  têtes  de  veau  que  sépare  l'ar- 
bre chargé  de  fruits  sont  modelées  a\cc  cette  intelligence 
qui  dénote,  comme  nous  l'avons  dit,  une  pratique  de  l'art 
assez  avancé  et  q^ui  ne  peut,  sous  aucun  prétexte,  êtie  le 


220  MEMOIRES 

fait  d'une  antiquité  très-reculée.  Il  est  évident  que  l'ar- 
tiste qui  a  gravé  le  coin  a  voulu  donner  à  son  travail 
l'aspect  d'une  production  de  l'ancien  style,  mais  qu'a- 
mené malgré  lui  à  dépasser  son  but,  il  n'a  pu  réussir  à 
dissimuler  complètement  l'babileté  d'une  main  aussi  souple 
qu'exercée.  Ces  pièces,  il  est  vrai,  et  surtout  dans  la  forme, 
présentent  une  apparence  de  rudesse,  mais  cette  rudesse 
même  n'est  pas  le  résultat  de  l'inexpérience.  On  y  trouve 
bien  plutôt  toutes  les  qualités  qui  distinguent  les  mon- 
naies de  la  grande  époque  et  qui  appartiennent  essentiel- 
lement aux  plus  beaux  temps  de  l'art.  Les  tètes  finement 
dessinées  quoique  avec  une  grande  simplicité,  d'un  relief 
aussi  ferme  que  facile  expriment  juste  ce  qu'elles  veulent 
dire  ;  le  cou  rendu  sans  roideur  et  accentué  dans  le  senti- 
ment vrai  de  la  nature,  loin  d'être  exécuté  par  petites 
masses  séparées  et  formées  de  grossiers  globules,  est  au 
contraire  indiqué  par  des  lignes  symétriques  et  onduleuses 
imitant  les  plis  de  la  peau  ;  l'arbre  lui-même  est  tracé  avec 
toute  l'élégance  et  la  sobriété  de  détails  qui  conviennent; 
enfin,  dernier  caractère  qui  n*est  pas  sans  importance,  le 
carré  creux  du  revers  est  net,  tranchant,  parfaitement  régu- 
lier, sans  ces  inégalités  ou  érosions  informes  qui  se  rencon- 
trent d'ordinaire  sur  les  monnaies  primitives,  résultat  iné- 
vitable de  procédés  maladroits  ou  imparfaits.  En  second 
lieu,  la  nature  particuli^e  du  métal  lui-même,  envisagé  sé- 
parément, semble  plaider  encore  en  notre  faveur,  car  il  est 
bien  difficile  d'admettre  que  dans  un  âge  reculé,  alors  que 
tout  ce  qui  tient  aux  connaissances  métallurgiques  devait 
être  dans  l'enfance,  on  ait  déjà  songé  à  altérer  le  titre  des 
monnaies  et  à  émettre  une  matière  aussi  mélangée,  aussi 
appauvrie.  L'expérience,  d'accord  en  cela  avec  les  monu- 
ments qui  nous  restent,  prouve  d'une  manière  formelle  que 


ET    DISSERTATIONS.  32] 

les  médailles  dites  primitives  sont  toujours,  or  ou  argent, 
à  l'état  très-pur,  et  bien  qu'on  trouve  assez  fréquemment 
dès  le  berceau  de  l'art  une  certaine  quantité  de  pièces  four- 
rées, on  n'en  peut  tirer  contre  nous  un  argument  bien  so- 
lide, car  entre  les  pièces  fourrées  et  les  nôtres  aucune  com- 
paraison ne  saurait  s'établir;  c'est  tout  un  abîme.  Les 
premières  sont  œuvre  de  faussaires,  tout  gouvernement  les 
poursuit;  tandis  que  les  autres  sont  altérées  à  dessein,  il 
est  vrai,  mais  légalement  autorisées.  Aussi  croyons-nous 
pouvoir  affirmer,  sans  crainte  d'être  démenti,  qu'on  trou- 
vera dans  une  époque  très  ancienne  une  moyenne  bien 
moins  considérable  de  numéraire  contrefait,  que  dans  un 
temps  relativement  assez  récent^  car  s'il  faut  en  croire  cer- 
tains moralistes,  les  instincts  de  la  duplicité  et  de  la  fraude 
sont  toujours  infiniment  plus  développés  cbez  un  peuple 
avancé  en  civilisation  que  cbez  le  même  peuple  simple, 
naïf,  et  encore  près  de  son  berceau. 

D* après  ce  qui  précède,  si  l'on  a  un  peu  suivi  ce  que 
nous  avons  dit  et  qu'on  veuiUe  tenir  quelque  compte  de^ 
considérations  que  nous  avons  émises  tant  sur  le  style  que 
sur  le  travail,  le  mode  ou  les  procédés  de  fabrication  de  nos 
monnaies,  il  doit  résulter  que  les  caractères  qu'elles  pré- 
sentent étant  essentiellement  asiatiques,  et  par  suite  ana- 
logues à  ceux  du  cyzicène,  ne  peuvent  plus,  sous  aucun 
rapport,  convenir  à  l'île  de  Lesbos,  laquelle  paraît  toujours 
avoir  pratiqué  un  système  entièrement  différent,  ce  qui 
conduit  pour  conséquence  à  repousser  cette  localité  comme 
tout  à  fait  incompatible  et  à  en  chercher  ailleurs  une  autre 
qui  veuille  s'y  mieux  prêter.  Et  de  ce  que  Mytilène  nous  a 
laissé  plusieurs  monnaies  où  figure  une  tête  de  veau,  on 
ne  saurait  davantage  en  conclure  que  ce  fait  détruit  notre 
raisonnement,  car  chacun  sait  qu'un  sujet  aussi  ordinaire 


322  MÉMOIUES 

qu'une  tète  de  veau  est  de  petite  cooséqueuce,  et  qu*il  peuC 
se  rencontrer  à  Mytilëne,  comme  partout  ailleurs,  sans 
qu  on  en  induise  forcément  qu*il  est  spécial  à  telle  ou  telle 
ville.  Au  surplus  une  attribution  quelle  qu'elle  soit,  ne  re- 
pose pas  tout  entière  et  uniquement  sur  le  type  ;  il  existe 
d'autres  caractères  d'une  importance  pour  le  moins  aussi 
capitale  qu'on  ne  peut  se  dispenser,  quand  on  y  réfléchit, 
de  faire  entrer  en  ligne  de  compte.  Évidemment  si  le  type 
était  tout  on  devrait,  dans  l'espèce,  se  hâter  de  rendre  4 
Mytilène  les  trioboles  si  communs  qu'on  donne  habituelle- 
ment à  la  Colchide,  par  ce  motif  qu'ils  portent,  eux  aussi, 
une  tète  de  veau.  Une  pareille  manière  d'envisager  la  nu- 
mismatique ne  nous  paraît  pas  soutenable. 

Si  l'on  nous  demande  maintenant  ce  que  nous  préten* 
dons  faire  de  ces  médailles,  et  à  quelle  ville  ou  quel  peuple 
nous  avons  l'intention  de  les  attribuer,  la  réponse  sera  fa- 
cile, sans  hésiter  nous  répondrons  :  à  Pergame  de  Mysie. 
Voici  pourquoi  :  il  existe  dans  la  numismatique  de  cette 
ville,  ceci  n'est  ignoré  de  personne,  une  classe  assez  noni* 
breuse  de  pièces  de  bronze  ayant  pour  type  deux  tètes  de 
bœuf  en  regard,  au  revers  d'une  tête  casquée  de  Minerve, 
deux  desquelles  ont  été  gravées  et  publiées  depuis  long- 
temps l'une  par  Pellerin*,  l'autre  par  Ch.  Combe  ^  Ses- 
tini  *,  Taylor  Combe  ^,  pour  ne  citer  que  les  principaux  en 
ont  de  leur  côté  fait  connaître  plusieurs  autres,  et  si  nous 
ne  craignions  de  dépasser  ici  les  limites  imposées  à  uo 
simple  article  de  revue,  nous  ne  serions  pas  embarrassé 


>  Recueil  de  méd.,  «to.,  pi.  L,  n*  47.  Celle-ci  diffère  <le  celle  de  Hunier  en 
oe  qu'au  lieu  d'avoir  au  droit  une  tête  de  Minerve,  cVst  une  tête  d'ApulIo». 

*  Numituniàm  tel.,  etc.,,  qui  in  museo  Hvvnter,  pi.  42,  n*  13. 

•  Mut,  Hedercarian,^  parte  soc,  p    114,  n*  13. 
*i/ii#.  Brit.,  p.  i»J3,  n-n. 


ET    DISSERTATIONS.  323 

pour  eo  signaler  une  certaine  quantité  d'autres  apparues 
depuis  '.  Ces  médailles,  par  suite  sans  doute  de  leur  mince 
valeur  intrinsèque,  ont  toujours  été  négligées  ou  regardées 
comme  de  peu  d'importance.  On  s'est  contenté  de  les  décrire 
ti  l'occasion,  mais  personne  jusqu'ici  ne  leur  a  fait  l'hon- 
neur de  les  expliquer.  Sans  vouloir  rechercher  les  causes 
d'une  aussi  injuste  défaveur,  ce  qui  est  étranger  à  notre 
sujet,  il  suffira  de  faire  remarquer  de  quel  secours  puis- 
sant seraient  souvent  en  pareil  cas  les  médailles  de  bronze, 
soit  parce  qu'elles  portent  habituellement  des  inscriptions, 
soit  comme  reproduisant  parfois  des  types  plus  anciens,  et 
combien  en  général  elles  pourraient  être  utiles  en  fournis- 
sant, par  leur  rapprochement  avec  celles  de  métal  pré- 
cieux, un  moyen  aussi  sûr  que  solide  de  donner  plus  de 
certitude  aune  attribution  embarrassante. 

Le  type  tout  spécial  de  deux  têtes  de  bœuf  en  regard 
et  qu'on  ne  rencontre  nulle  part  ailleurs  dans  de  sem- 
blables conditions,  a  une  ressemblance  si  étroite  avec 
celui  de  nos  médailles,  qu'on  ne  peut  sans  prévention 
se  refuser  à  y  voir  une  composition  due  au  même  ordre 
d'idées  et  procédant  de  la  même  inspiration.  Nous  ne 
pouvons  toutefois  nous  dissimuler,  et  l'on  ne  manquera 
pas  sans  doute  de  nous  Tobjecter,  que  ces  monnaies  de 
bronze  présentent  deux  têtes  de  bœuf  bien  caractérisées 
et  non  pas  deux  têtes  de  veau.  A  cela  nous  essayerons  de 
répondre  que  si  l'origine  nous  paraît  commune  l'âge  est 
évidemment  fort  diiïérent,  et  que  par  ce  motif,  si  l'on  force 
il  est  vrai  la  pensée,  on  peut  s'autoriser  d'une  similitude 
aussi  parfaite  d'aspect  et  de  composition  dans  le  sujet, 
pour  en  induire  que  Pergame  a  bien  pu  émettre,  à  une 

*  MM.  Rolliii  el  KcuardtMit,  dans  leur  nouveau  catalojnie,  i'D  ont  ]>ul)]i^ 
trois  «iitreb  ^oue  les  u**  47 17,  4B,  49. 


32&  MÉMOIRES 

époque  reculée,  des  rnoonaies  avec  deux  têtes  de  veau  pour 
leur  substituer  plus  tard  deux  têtes  de  bœuf,  par  suite 
sans  doute  de  quelque  circoustance  particulière  ou  siaiple- 
ment  par  fantaisie.  Une  modification  semblable,  bien  que 
grave  en  apparence,  n'a  pas  à  nos  yeux  toute  l'importance 
qu'on  pourrait  lui  supposer  pour  être  en  droit  de  la  re- 
pousser, et  nous  avons  la  faiblesse  de  croire  qu'elle  n'altère 
en  rien  l'idée  fondamentale  qui  a  dû  présider  au  choix 
d'un  type  aussi  identique. 

Quant  à  leur  époque,  il  est  diflicile  d'émettre  sur  le^ 
premières  autre  chose  qu'une  opinion  conjecturale  et  tout 
au  plus  approximative,  puisqu'on  manque  du  critérium 
nécessaire;  mais  nous  espérons  démontrer  dans  un  instani 
qu'on  ne  peut  guère  la  faire  remonter  plus  haut  que  le 
commencement  du  iv**  siècle  avant  J.  G.  ni  la  faire  descen- 
dre plus  bas  que  le  règne  d'Alexandre  le  Grand.  Si  au  con- 
traire on  examine  avec  soin  celles  de  bronze  dont  nous- 
nous  appuyons  ici  comme  point  de  comparaison,  elles  dé- 
notent certainement  pour  tout  numismatiste  exercé,  un 
temps  dégénéré  et  de  décadence  tel  qu'il  a  dû  se  produire 
sous  l'influence  de  la  domination  romaine;  aussi,  bien 
qu'autonomes  pour  tous  les  caractères  extérieurs  ,  oi> 
peut  avec  assez  de  vraisemblance,  les  reporter  jusque  là 
et  admettre  ce  point  comme  à  peu  près  acquis.  L'identité 
si  remarquable  que  l'on  est  bien  forcé  de  constater  entre 
ces  deux  classes  de  monnaies,  malgré  la  différence  de  mé- 
tal et  abstraction  faite  des  modifications  de  style  qu'un  in- 
tervalle de  trois  siècles  a  dû  nécessairement  apporter,  ne 
saurait  être  purement  fortuite  et  accidentelle,  mais  à  n'en 
pas  douter  intentionnelle,  d'où  nous  conclurons  que  si 
Rome,  par  une  tolérance  dont  il  y  a  des  exemples,  a  pu 
laisser  à  Pcrgame,  comme  capitale  de  l'Asie  proconsulaire, 


ET    DISSERTATIONS.  325 

une  apparence  J'autononiie,  les  magistrats  de  celle  ville 
n'ont  eu  en  vue  en  choisissant  un  pareil  type,  que  Tidée 
bien  naturelle  de  faire  revivre  une  dernière  fois  celui  qui 
de  tous  rappelait  le  mieux  à  la  nation  asservie  une  époque 
sans  cesse  regrettée  de  splendeur  et  de  liberté. 

Nous  avons  avancé  que  nos  monnaies  ne  pouvaient  guère, 
par  les  caractères  généraux  qu'elles  présentent,  remonter 
plus  haut  que  le  commencement  du  iv**  siècle  avant  J.  C, 
mais  qu'en  tous  cas  leur  limite  extrême  ne  devait  pas  dé- 
passer le  règne  d'Alexandre.  Cette  assertion  qui  semblera 
sans  doute  un  peu  trop  absolue,  a  besoin  d'être  justifiée  et 
c'est  dans  l'histoire  même  de  Pergame  que  nous  irons  pui- 
ser l'aide  et  les  raisons  nécessaires. 

L'origine  de  cette  ville  célèbre,  que  Pline  *  qualifie  si 
justement  de  clarissimum  Asiœ  Pergamum^  remonte  à  une 
époque  très-reculée.  Elle  était  déjà  connue  du  temps  d'Ho- 
mère. Ses  habitants  prétendaient  descendre  des  Arcadiens, 
qui  passèrent  dans  cette  partie  de  l'Asie  avec  Telephus  fils 
d*Hercule.  Esculape  à  la  tête  d'une  seconde  colonie  de 
Grecs  vint,  dit-on,  s'y  établir  et  y  exercer  la  médecine.  A 
sa  mort,  les  Pergaméniens  reconnaissants  lui  rendirent  les 
plus  grands  honneurs;  ils  lui  donnèrent  le  titre  de  dieu  sou- 
verain, dieu  sauveur,  lui  érigèrent  un  superbe  temple  que 
tous  les  peuples  de  l'Asie  s'empressaient  de  visiter;  enfin 
ils  établirent  pour  lui  des  jeux  publics  sur  le  modèle  de 
ceux  de  la  Grèce,  et  qu'on  célébrait  toujours  avec  une 
grande  magnificence  précédée  de  sacrifices  solennels.  Quoi- 
qu'il règne  sur  ces  premiers  temps  une  grande  obscurité, 
et  qu'il  soit  bien  difficile  d'y  faire  pénétrer  la  lumière  faute 
de  documents  assez  précision  croit  généralement  que  Per- 

>  Plin.'Jib..  V,  XXXIV.  31. 


326  MI-MOIRES 

game  était  indépendante  de  toute  autre  puissance,  et  goi»- 
vemée  seulement  par  ses  propres  magistrats.  Elle  fut 
ensuite  sous  la  domination  des  rois  de  Lydie,  d*où  elle 
passa  bientôt  sous  œlle  des  rois  de  Perse.  Après  la  mort 
d'Alexandre,  elle  fut  soumise  successivement  à  Antigone, 
puis  à  Lysimaque.  Ici  s'arrête  pour  nous  la  partie  de  son 
histoire  qu'il  importe  de  connaître,  et  nous  n*avons  point 
à  nous  préoccuper  pour  le  moment  de  ce  qu'elle  devint 
plus  tard. 

Il  est  évident  d'abord  que  nos  monnaies  ne  peuvent  ap- 
partenir à  l'époque  reculée  de  sa  première  autonomie  ;  l'art 
de  graver  sur  métaux  n'étant  point  encore  inventé.  Quant 
à  celle  des  rois  de  Lydie  et  au  commencement  de  la  domi- 
nation persane,  non*seulement  le  style  et  la  fabrique  s'y 
opposent  formellement,  mais  davantage  encore  s'il  se  peut 
l'essence  même  des  principes  qui  constituaient  la  base  de  ces 
deux  gouvernements.  Il  est  bien  difficile,  en  effet,  decroire 
que  des  princes  despotes  et  absolus,  habitués  dès  leur  en- 
fance, par  l'éducation  comme  par  la  flatterie,  à  se  considé^ 
rer  presque  à  l'égal  des  dieux,  qui  de  tous  temps  passèrent 
pour  si  jaloux  des  moindres  privilèges  attachés  à  leur  ait» 
tocratie,  il  est  bien  difficile  de  se  persuader  qu'ils  eussent 
bénévolement  consenti  à  laisser  ainsi  empiéter  sur  leuFS 
droits  en  tolérant,  dans  une  ville  telle  que  Pergame,  on 
acte  aussi  marqué  d'indépendance,  et  qui,  par  lui-même, 
devait  porter  une  atteinte  aussi  grave  h  l'idée  qu'on  se  fai- 
sait alors  du  roi  des  rois.  Si  l'on  peut  citer  quelques  exem- 
ples de  satrapes  dont  le  nom  se  rencontre  sur  certaines 
BQonoaies,  ces  exemples,  d'ailleurs  assez  rares,  ne  aéraient 
pas  encore  selon  nous  une  preuve  irrécusable  en  faveur  de 
Pergame,  qui  alors  n'était  point  autonome.  Ils  résulteraient 
d'un  concours  de  circonstances  particulières,  qui  auraient 


ET    I>ISSKRTATIO^S.  S27 

peimis  à  ces  officiers  de  se  croire  momentanément  assez 
puissants  et  assez  forts  pour  braver  impunément  les  ordres 
tout  aussi  bien  que  la  colt^re  du  grand  roi  ;  d'ailleurs  les 
monnaies  dont  on  pourrait  s'appuyer  et  qui  portent  les 
noms  de  Tiribaze,  Pharnabaze,  Datâmes,  etc.,  sont  posté- 
rieures au  temps  dont  nous  parlons  et  rentrent  précisément 
dans  l'âge  que  nous  prétendons  assigner  nous-roëme  à 
celles  qui  sont  ici  en  question.  On  ne  peut  donc  pas  davan- 
tage songer  à  cette  seconde  époque.  Mais  il  est  permis 
d'admettre  comme  tr^s-probable,  qu'à  la  faveur  des  trou- 
bles qui  arcompagntîfpnt  la  révolte  insensée  du  jeune  Cy rus, 
la  ville  de  Pergame  profita  ainsi  que  bien  d'autres  de  l'é- 
branlement causé  à  la  monarchie  par  ces  événements,  et 
du  commencement  de  dissolution  qui  se  manifesta  à  la 
suite,  pour  secouer  un  joug  qui  lui  pesait,  et  se  rendre 
entièrement  indépendante*. 

Or,  le  propre  de  tout  gouvernement  nouveau  n'est-il  pas 
d'abord  de  s'affirmer?  Et  le  moyen  le  plus  prompt  comme 
le  plus  efficace,  n'est-il  pas  de  frapper  monnaie?  Il  n'est 
donc  pas  douteux  que  par  suite  de  son  changement  de  po- 
sition, elle  ne  dût  s'empresser  de  le  mettre  immédiatement 
à  exécution,  afin  de  consacrer  par  cet  acte  souverain  qu'elle 
rentrait  en  pleine  possession  d'elle-même,  et  montrer  à  ses 
voisins  qu'en  reprenant  toute  son  autonomie,  elle  entendait 
jouir  des  privilèges  qui  en  découlent,  privilèges  dont  le 


*  On  sut,  etctfci  cotifimit^rttit  notre  ophiion,  qu'iiprèH  la  bataille  de  CnidCf 
gagnée  snr  les  Lacédomoniens,  un  des  premiorH  actes  d»*  Conon  fut  de  publier 
un  décret  qui  rendait  aux  ville»  grecques  d'A»ie  toutes  leurs  imnmnit*''»,  an 
mnnbre  desquelles  était  la  liberté  de  se  gouverner  par  leur»  propres,  lof».  Cet 
aete  d'vne  politique  aussi  sage  qu'habibt,  en  détruisant  la  prépondérance  de 
Sparte,  arait  l'avantage  de  créer  du  môme  coup  des  alliés  sûrs  et  dévoués  pour 
Atbènes. 


32S  MÉMOIRES 

droit  de  monnayage  était  certainement  F  un  des  plus  pré- 
cieux et  des  plus  enviés. 

Si  donc  et  pour  résumer,  on  veut  bien  ne  pas  considérer 
comme  sans  valeur  l'ensemble  des  prémisses  que  nous  ve- 
nons d'exposer,  on  sera  conduit  forcément  à  admettre  que 
les  conclusions  qui  en  sont  la  conséquence,  acquièrent  dès 
à  présent  tout  le  degré  de  certitude  désirable,  d'où  il  suit 
que  notre  restitution  à  Pergame  demeure  bien  et  dûment 
fondée,  et,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  qu'on  ne  peut 
plus  songer  désormais  à  Mytilëne. 

Maintenant  que  la  question  d'attribution  et  d'époque 
doit  paraître  à  peu  près  résolue,  il  nous  reste  à  faire  con- 
natti-e  une  autre  médaille  du  même  genre  dont  tous  les  ca- 
ractères extérieurs  offrent  avec  les  précédentes  une  si  par- 
faite analogie,  qu'il  est  plus  que  probable  qu'elle  est 
également  sortie  du  même  atelier. 


Tète  de  Méduse  de  face,  couronnée  de  serpents  en- 
roulés. 

^  Carré  creux  très-régulier  et  sans  divisions  dans  l'in- 
térieur. {Bas  arg.,  mod.  5,  ma  collection.) 

Cette  médaille  doit  être  fort  rare;  c'est  du  moins  la 
seule  que  nous  ayons  vue  jusqu'à  présent  et  dans  tous  les 
catalogues  que  nous  avons  pu  consulter,  on  ne  la  trouve 
mentionnée  qu'une  seule  fois,  c'est  à  savoir  dans  la  col- 
lection James  Whittall  de  Smyrne,  où  elle  est  décrite  sous 


ET    DISSERTATIONS.  329 

le  n°  433.  Le  rédacteur  de  ce  catalogue,  fiappé  sans  doute 
comme  nous  de  son  extrême  ressemblance  avec  les  pièces 
aux  deux  têtes  de  veau,  et  suivant  en  ceci  l'opinion  alors 
reçue,  n'a  pas  cru  pouvoir  faire  mieux  que  de  la  placer 
avec  elles,  c'est-à-dire  <\  Mytilêne.  Cette  conformité  de  \iies 
dans  l'appréciation  du  style,  donne  une  très-grande  force  à 
Topinion  que  nous  développons  plus  bas  ;  car  si  Ton  admet 
comme  démontrée  la  restitution  des  premières  à  Pergame, 
il  en  résulte  que  celle-ci  devra  lui  être  également  rendue. 
En  ne  tenant  compte  que  du  sujet  seul  et  faisant  ab- 
straction de  ses  autres  caractères,  il  est  certain  qu'on 
])ourrait  rattribuer  avec  quelque  vraisemblance  soit  à  Aby- 
dos,  soit  à  Parium  donc  on  connaît  depuis  longtemps  un 
assez  grand  nombre  de  monnaies  analogues.  Mais  sauf  la 
différence  du  type,  tout  le  reste,  forme  globuleuse,  matière, 
poids,  carré  creux,  jusqu'à  sa  couleur  sont  tellement  iden- 
tiques avec  les  précédentes  qu'il  faudrait  être  dépourvu  de 
toute  expérience  numismatique  pour  ne  pas  le  reconnaître. 
Assurément  une  concordance  aussi  parfaite,  aussi  uniforme 
entre  deux  monuments  dissemblables  en  apparence,  ne 
peut  être  due  au  hasard,  mais  nous  donne  presque  la  cer- 
titude qu'elle  est  le  résultat  d'un  même  ordre  d'idées  et  des 
mêmes  procédés  mécaniques.  Ce  que  nous  avons  dit  du 
prétendu  archaïsme  des  deux  têtes  de  veau  peut  s'appli- 
quer ici  avec  la  même  vérité.  La  Gorgone  est  bien  mode- 
lée et  les  détails  qu'elle  contient  n'ont  pu  être  traités  sans 
une  certaine  habileté  de  main.  Les  yeux  saillants  en  dehors 
de  l'orbite,  les  oreilles  larges  et  plates,  la  bouche  grima- 
çante et  armée  de  dents  ou  plutôt  de  défenses  qui  se  croi- 
sent, tout  cet  ensemble  dénote  évidemment  un  graveur 
maître  de  son  sujet  et  à  coup  sûr  très-exercé.  Gé  D'est 
donc  pas,  à  notre  avis,  dépasser  les  bornes  d'une  appré- 

1863.—  5.  22 


3S0  MÉMOIRES 

ciation  raisonnable  que  de  placer  encore  celle-ci  avec  se» 
congénères,  c'est-à-dire  à  Pergame. 

Si  Ton  objecte  la  tête  de  Gorgone  afin  d'en  induire  que 
notre  attribution  est  inadmissible,  nous  répondrons  qu'une 
représentation  aussi  commune  et  aussi  familière  à  l'art  an- 
tique n'a  point  lieu  de  surprendre  ;  que  cet  argument  n*a 
pas  non  plus  par  lui*même  une  valeur  assez  rigoureuse  ni 
assez  absolue  pour  mériter  qu'on  s'y  arrête,  ni  pour  qu'on 
le  préfère  à  celui  tiré  des  caractères  signalés  plus  haut, 
quand  surtout  ces  caractères  viennent  par  leur  accwd  pres- 
que unanime  nous  fournir  des  éléments  si  propres  à  con- 
firmer notre  manière  de  voir. 

Le  complément  obligé,  indispensable  de  tout  travail 
numismatique  est  à  notre  avis  et  devrait  naturellement  être 
ici,  l'explication  du  type  curieux  et  intéressant  de  nos  mé- 
dailles; aussi  aurions-nous  vivement  désiré  pouvoir  être  en 
mesure  de  donner  quelques  éclaircissements  à  cet  égard. 
Mais  ne  nous  trouvant  point  suffisamment  préparé  et  pres- 
sentant d'ailleurs  des  difficultés  de  plus  d'une  sorte,  nous 
devons  aux  lecteurs  comme  à  nous-mëme  d'avouer  avec 
franchise  que  l'intention  mystérieuse  du  sujet,  ainsi  que  le 
mythe  auquel  il  se  rattache,  sont  pour  nous  lettre  close 
et  nous  échappent  complètement.  Il  est  toujours  plus  sage 
et  plus  prudent  de  laisser  une  question  indécise,  faute  de 
preuves,  que  d'essayer  de  la  résoudre  à  Taide  de  supposi- 
tions arbitraires  ou  forcées  dont,  en  dernière  analyse,  le 
résultat  ne  saurait  être  que  négatif.  La  science  y  gagne 
plus  qu'elle  n'y  perd.  Un  autre  d'ailleurs  sera  sans  doute 
plus  heureux. 

Toutefois,  afin  de  ne  rien  omettre,  et  pour  ceux  des  no- 
mismatistes  dont  l'école  encore  assez  nombreuse  persiste  à 
voir  dans  les  types  monétaires,  non  la  traduction  presque 


1:T    DlSSIiRTAHONS.  381 

constante  des  pratiques  du  culte  et  des  traditions  reli- 
gieuses mais  une  application  plus  ou  moins  directe  de  cer- 
taines habitudes  locales,  ou  une  allusion  à  des  faits  parti- 
culiers de  la  vie  ordinaire,  à  des  phénomènes  naturels,  à 
la  fertilité,  au  commerce  comme  aux  productions  maté- 
rielles du  sol  ;  pour  ceux-là  on  pourrait  risquer  l'explication 
suivante  :  Pergame  a  joui,  dès  les  temps  anciens,  de  la  ré- 
putation méritée  d'avoir  donné  naissance  à  un  genre  d'in- 
dustrie ingénieux  et  devenu  célèbre,  lequel  consistait  dans 
le  tannage  des  peaux  de  veau,  et  leur  préparation  en  une 
sorte  de  parchemin  destiné  à  tenir  lieu  de  papier  chez  les 
modernes.  La  richesse  de  son  temtoire.  qui  s'étendait  sur 
une  plaine  vaste,  fertile  et  arrosée  par  deux  rivières,  avait 
dû  l'engager  de  bonne  heure  à  pratiquer  en  grand  l'élevage 
des  bestiaux,  et  par  suite  lui  donner  la  facilité  de  trouver 
chez  elle-même  la  matière  première  et  les  ressources  indis- 
pensables à  cette  industrie.  Plus  tard,  grâce  aux  encoura- 
gements et  à  l'intelligente  protection  des  Attalides,  ce  com- 
merce finit  par  prendre  des  proportions  considérables, 
qu' «augmenta  bientôt  la  fabrication  des  étoffes  et  des  ta- 
pis précieux  dont  parlent  avec  éloge  Pline  et  Gicéron.  Si 
donc  on  se  met  à  ce  point  de  vue  qui  n'est  pas  le  nôtre,  on 
pourrait  s'en  autoriser  pour  admettre  que  le  type  de  nos 
médailles  y  fait  une  allusion  directe.  Resterait  à  connaître 
la  signification  de  l'arbre  chargé  de  fruits,  lequel  on  assi- 
milerait alors  à  un  de  ceux  dont  la  piété  et  la  vénération 
des  villes  consacrait  quelquefois  le  simulacre  en  bronze  à  la 
porte  des  temples  ou  sur  les  places  publiques,  comme  on 
en  a  un  exemple  à  Métaponte,  exemple  qu'Hérodote  lui- 
même  a  pris  soin  de  consigner  \ 

»  Herodot.,  IV,  15. 


332  MÉMOIRES 

Mais  nous  le  répétons,  la  première  partie  de  cette  expli- 
cation ne  saurait  nous  convenir,  car  nous  ne  pouvons  sans 
quelque  répugnance  voir  ici  une  allusion  à  un  motif  aussi 
vulgaire  qu'un  tannage  de  peaux  de  veau  et  un  commerce 
de  parchemin,  surtout  lorsqu'on  réfléchit  au  génie  toujours 
si  sévère,  au  goût  si  épuré  des  Grecs  et  à  la  scrupuleuse 
attention  qu'ils  n'ont  jamais  cessé  d'apporter  dans  le  choix 
de  leurs  diiïérents  types  monétaires. 

Ferdinand  Bompois. 

Marzy,  septembre  1863. 


tT    DISSERTATIONS. 


3S3 


MÉRÉDATE, 


ROI  DES   OMANES. 


En  publiant  la  description  des  médailles  antiques  réunies 
à  Héderwar  par  le  comte  Wiczay,  Sestinî  a  classé  aux 
Arsaces  incerli  une  grande  pièce  de  bronze  portant  au  droit 
la  tête  d'un  roi  barbu,  coiffé  d'une  tiare;  au  revers,  une 
tête  de  femme,  à  Tentour  de  laquelle  le  savant  abbé  voyait 
ceci  : 

a  Epigraphe  confusa  vel  BAEIAIEr.HE  TPY<^HNEE 
....MEEAAOr  AIXAIO  REPEA,  vel  €PEAA  APCAKOT 
cMAEAAN  \  » 

II  fallait  assurément  bien  de  l'imagination  pour  décou- 
vrir tant  de  choses  dans  une  légende  confuse,  et  puisque 
Sestini  se  donnait  carrière ,  il  aurait  pu ,  sans  qu'il  lui  en 
coûtât  davantage,  proposer  pour  ses  légendes  grecques 
une  forme  moins  incorrecte. 


*  Mui.  Hedtrv.,  t.  III ,  pi.  XXXII,  n«  15,  p.  139. 


33&  UÉUOIBES 

Le  baroD  de  Cliaudoir  crut  bien  faire  eD  restituant  cette 
même  monnaie  à  Arsace  XXVII,  Vologëse  II,  dans  ses  cor- 
rections et  additions  à  Touvrage  du  chevalier  Dominique 
Sestini  sur  quelques  médailles  de  son  cabinet  (Paris,  1835, 
p.  100,  et  22  du  SuppL  ).  Mais  il  avoue  qu'il  ne  peut  re- 
garder cette  attribution  que  comme  une  hypothèse  hasar- 
dée. Cette  monnaie,  ajoute-til,  peut  appartenir  à  quelque 
autre  souverain  voisin  des  Par  thés. 

En  1837,  Millingen  publiait  un  nouvel  exemplaire  de  la 
médaille  en  question,  faisant  un  grand  pas,  à  la  vérité, 
puisqu'il  y  lisait  le  nom  d'un  roi  Mérédate^  mais  comme 
Sestini,  voyant  au  revers  le  portrait  d'une  reine  à  laquelle 
il  donne  un  nom  fort  étonnant ,  qu'on  nous  permette  cette 
expression,  car  il  n'appartient  à  aucune  langue  connue  \ 
La  reine  Viphoba,  après  tout,  n'était  probablement  pas  de 
l'invention  de  notre  savant  ami  Millingen ,  dont  on  connaît 
la  sage  critique;  elle  paraîtrait  plutôt  lui  avoir  été  indiquée 
par  M.  John  Robert  Stuart,  qui  lui  a  fourni  une  longue 
note  sur  la  provenance  de  la  médaille.  Ce  deraier,  rédi- 
geant le  catalogue  d'une  petite  partie  de  sa  collection, 
dont  il  se  défit  au  mois  de  juillet  18A1,  y  inséra,  sous  le 
n*  460,  les  noms  de  Mérédate  et  de  Viphoba. 

A  son  tour,  M.  le  conseiller  de  Werlhof  a,  dans  son 
Manuel  de  numismatique ^  publié  à  Hanovre  en  1850,  donné 
l'hospitalité  à  la  reine  Viphoba  (p.  249),  qui,  suivant  lui, 
aurait  vécu  à  une  époque  inconnue. 

Cependant,  tous  les  exemplaires  de  la  monnaie  de  Méré- 
date recueillis  jusqu'à  présent  portent  la  date  TNA  (454), 
date  signalée  par  M.  de  Chaudoir  et  par  Millingen  en- 
suite, et  qui  se  rapporte  ccrtaineuienl  à  Turc  des  Séleu- 

'  Sylhgc  nf  anc,  uncJ.  ronii,  p  86,  j-l.  IV,  ii'  67 


ET    mSSERTATJONS.  335 

cides,  comme  toutes  celles  que  nous  offrent  les  médailles 
des  Arsacides  et  des  rois  de  la  Gharacëne,  à  la  suite  des- 
quels il  faut  sans  doute  ranger  Mérédate  ;  notation  qui 
correspond  par  conséquent  h  Tan  142  de  notre  ère.  Cette 
année  est  la  cinquième  du  règne  d'Antonin  le  Pieux. 

Le  milieu  du  second  siècle  est  une  des  époques  dont 
rhistoire  est  le  plus  obscure.  Les  écrivains  nous  font  dé- 
faut -,  les  monuments  nous  permettent  de  combler  quelques 
lacunes  ;  mais  pour  savoir  ce  qui  s'est  passé  dans  le  monde 
pendant  le  règne  d'Antonin ,  nous  sommes  obligés  de  pro- 
céder comme  s'il  s'agissait  du  siècle  des  Thoutmès. 

Nous  avons  dit  que  la  médaille  porte  le  nom  de  Mérédate, 
reconnu  par  Millingen.  En  effet,  on  y  lit  BA  BACIA 
M€P€AAT,  c'est-à-dire  BaaiXev;  SaatXéwv  Mtptidvnq. 

Ce  nom  est  perse ,  comme  le  titre  de  roi  des  rois,  qu'a- 
vait pris  Miibridate  P',  et  que  portèrent  tous  les  princes 
parthes,  à  partir  de  Phraate  III. 

Un  passage  de  la  cbronographie  de  Jean  Malala,  qui  s'ap- 
puie sur  Arrien,  écrivain  du  second  siècle,  nous  apprend 
qu'un  peu  avant  l'expédition  de  Trajan  en  Orient  (114  de 
J.  C),  le  roi  des  Perses  Méberdote,  de  la  race  parthe, 
frère  d'Osdroès,  roi  des  Arméniens,  faisait  la  guerre  aux 
Romains  avec  de  grandes  forces.  Il  se  tua  en  tombant  de 
cheval  pendant  qu'il  désolait  les  bords  de  TEuphrate.  J'ai 
retrouvé  la  monnaie  de  ce  prince,  que  j'ai  appelé  Mithri- 
date  V  pour  employer  la  forme  latine*,  car  on  sait  que 
Mithradate ,  Méherdate  et  Mérédate  ne  sont  que  des  états 
divers  d'un  même  nom,  comme  Bertechramnus,  Bertramnus 
et  Bertrandus.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  prince  cité  par  Malala 
d'après  Arrien,  était  mort  au  temps  de  Trajan,  et  ne  peut 

*  Mém,  mr  la  rhronol.  tt  i'tconngr.  det  rois  parlhcs  Anacidet^  1B53,  p.  140, 


336  MÉMOIRES 

être  en  aucune  façon  coufondu  avec  celui  qui  frappait  moir- 
naîe  en  142.  Les  bronzes  de  Mérédate  connus  jusqu'à  ce 
jour,  ne  présentent  que  cette  seule  date;  ils  paraissent, 
si  on  examine  attentivement  leur  patine,  provenir  d'un 
même  terrain.  M.  John  Robert  Stuart  dit  qu'ils  ont  été  dé- 
couverts aux  environs  de  Bassorah.  Sur  les  sept  exem- 
plaires que  possède  la  Bibliothèque  impériale,  trois  avaient 
été  rapportés  en  1826  par  Cadalvène,  qui  n'en  a  pas  indi- 
qué la  provenance;  les  quatre  autres  ont  été  achetés  en 
1836  de  M.  Vidal,  consul  de  France  à  Bagdad.  M.  Stuart 
nous  apprend  aussi  que  plusieurs  de  ces  monnaies  sont 
surfrappées ,  et  que  sous  le  type  de  Mérédate  on  distingue 
la  tète  d'un  Attambilus,  roi  de  la  Gliaracëne.  C'est  ce  qu'on 
peut  vérifier  sur  les  exemplaires  recueillis  par  Cadalvène, 
ei  sur  quelques  autres  que  possèdent  en  ce  moment 
MM.  RoUin  et  Feuardent. 

Le  buste  de  femme  pris  pour  un  portrait  de  reine  et  qui  a 
successivement  porté  les  noms  de  Tryphène  et  de  Viphoba, 
est  surmonté  de  tourelles.  C'est  une  ville,  une  Tiijyri  TrôÀtco:, 
comme  on  en  voit  sur  de  belles  monnaies  imi)ériales  frap- 
pées à  Antioche,  k  Séleucio,  à  Laodicée,  à  Bostra,  à  Césaréo 
du  Liban,  à  Anthémusiade  Mésopotamie,  etc.,  pendant  les 
règnes  d'Adrien  et  de  ses  successeurs  *,  type  que  les  Partîmes 


>  Voyez  I«8  monnuictt  de  Bo»«tra  uroe  lu  lêgeude  TVXU  BOCTPÛN  et  TrXIl 
NEAC  TPAl^HC  DOCTPAC  et  celle»  d  AUruapurtant  TVXII  AAPAllNQN  dtiiiH 
Mioonet,  t.  V,  p.  578,  et  t.  Vlll,  suppl.,  p.  383  et  384  —  An  suj.'t  des  Fut- 
funej  d»  ttifft,  le  lecteur  consultera  avec  friiît  nn  mémoire  de  M.  Ch.  Leiior- 
mant,  intitulé  Èhtde  sur  la  religion  phrygienne  de  Cybile^  dans  les  Aour.  ann.  de 
Clntt.  arckéol,,  1836, 1. 1,  p.  242  et  260. 

On  peut  voir  dans  le  XI*  livre  de  la  Chrononraiihie  de  «loan  Malala  connueiit 
Trajun,  aprèu  avoir  immolé  pour  l'expiation  d'Autio'lii.'  une  jouik*  lillc  nom- 
mée Calliopc,  lui  éleva  dans  le  théâtre  une  statue  de  Inonze  don-  nui  la  ro- 
prcft«*Dt&it  avec  les  attributs  de  Tùyr^  co/.ibs. 


ET   DISSERTATIONS.  337 

ont  adopté  pour  leurs  mounaies  de  cuivre  dont  j'ai  pu 
former  une  série  datée,  qui  s'étend  de  Tan  86  à  Fan  127 
de  notre  ère. 

Ceci  posé,  il  est  temps  d'aborder  Texanien  de  cette  partie 
de  la  légende  dans  laquelle  on  a  trouvé  le  nom  de  Viphoba. 
Outre  la  date  TNA,  et  les  mots  BA  BACIA  MGPGAAT  déjà 
indiqués,  la  monnaie  porte  encore  trois  lignes.  Au-dessous 
de  M6P6AAT  se  trouve  BACIA€YC,  et  devant  le  buste  de 

femme,  r)\f  am-  C'est  à  l'aide  du  groupe  de  quatre  carac- 
tères le  plus  rapproché  du  visage,  uni  à  la  syllabe  BA, 
abrégé  de  B^<7iAei;,  qu'on  a  conjposé  Viphoba,  ce  nom  si 
singulier.  Les  quatre  derniers  caractères  restaient  sans 
emploi,  et  comme  non  avenus.  11  est  vrai  qu'ils  sont  sou- 
vent assez  maltraités  par  le  temps. 

Avec  un  peu  d'attention,  il  n'est  cependant  pas  fort 
difficile  de  voir  que  les  deux  lignes,  comprenant  huit  let- 
tres, opposées  par  le  sommet  et  constituant  une  sorte  de 
loustrophêdon,  ne  forment  qu'un  seul  mot  :  ()MANO<I>IA. 
Le  roi  Mérédate  s'intitule  donc  BACLVGTC  OMANOcpIAOC, 
le  roi  aimé  des  Omani  *. 

La  légende,  prise  dans  son  ensemble,  est  disposée  dé 
façon  à  former  autour  du  buste  de  la  Tyché  une  sorte  dé 

*  Je  traduis  aiusi ,  et  non  pas  aime  du  dieu  Omanus,  parce  que  le  nom  do 
cette  divinité  des  Cappadocicns  s'écrit  ûiiavo'c  iStrah.,  Geogr.,  XI,  p.  511; 
XV,  p.  733),  et  que  Vomicron  initial  est  certain  sur  les  médailles  do  Mérédate. 
D'ailleurs  la  provenance  habituelle  des  monnaies  de  ce  prince  nous  fournit 
une  indication  d'une  valeur  irréfragable,  —  Eugène  Burnouf  s'exprime  ainsi  : 
-  On  est  fondé  ù  retrouver  Vasu-manas  dans  le  cappadocîen  Osmana  et ,  par 
f-uite,  dans  le  nom  du  dieu  l^fiivo^  qui  était  adoré  en  C'appadoce ,  et  qui  n'est 
ainsi  autre  que  le  Bahman  des  Persans  modernes  et  le  Tu/tu  manu  des  textes 
zeuda.  •  (  Jouni.  des  savanlSy  1B37,  p  330.  )  Ou  voit  d'après  cela  à  quel  point 
même  il  <;»t  douteux  que  la  foim»-  c>ntraL-têc  et  altérée  Ûaavo;  ait  pu  être 
employée  chiz  les  Tailbi  >. 


3S8  MÉMOIRES 

petit  œdicule ,  une  arcade  supportée  par  quatre  colonnes, 
rappelant  le  type  que  nous  montrent  des  monnaies  de 
Tripolis  de  Phénîcie  *. 

Ici,  il  devient  indispensable  de  citer  le  passage  de  Pline 
qui  concerne  les  Omani,  peuple  dont  l'histoire  est  peu 
connue. 

«  A  Petra  incoluere  Omani  ad  Gharacem  usque ,  oppidis 
quondam  claris  a  Semiramide  conditis ,  Abesamide  et  So- 
ractia.  Nunc  sunt  solitudines.  Deinde  est  Oppidum  quod 
Gharacenorum  régi  paret,  in  Pasitigris  ripa,  Forath  nomine 
in  quod  a  Petra  conveniunt.  Gbaracemque  inde  XII  M  pas- 
suum  secundo  œstu  navigant  '•  » 

G'est  à  ces  Ornant  de  la  rive  occidentale  du  Tigre  qu'il 
faut ,  je  crois,  nous  arrêter,  en  laissant  de  côté  et  les  peu- 
ples d'Oman  d'Arabie,  et  la  ville  d'Omana,  située  à  l'entrée 
du  golfe  Persique. 

Les  monnaies  de  Mérédate  se  rencontrent  dans  les  envi- 
rons de  Bassorab,  ville  située  près  de  l'emplacement  de 
Foratb;  plusieurs  d'entre  elles  ont  été  frappées  sur  des 
flans  qui  portaient  Tempreinte  d'un  roi  de  la  Gharacène. 
Pline  nous  dit  que  Foratb,  ville  des  Ornant,  obéissait  au 
roi  de  cette  contrée  (Pline  est  mort  soixante-trois  ans 


1  Nwm,  muê,  Arig,,  1. 1,  num,  imp.  graec,^  tab.  114,  n"  164.— Sestini,  Uiter, 
tmrn.,  contin.  t.  VI,  pi.  II,  n"  11.— San  Clémente,  Num,  m{.,  t.  III,  pi.  XXVII, 
u*251. 

*  Hitt,  nal.,  VI,  XXXII,  4.  Les  Omani  occnpont  tont  le  pays  qui  s^étend 
de  Pëtra  à  Charaz,  il  est  évident  que  Forath,  sitnée  entre  ces  deux  villes, 
était  dans  le  territoire  des  Omani,  bien  que  sous  la  domination  du  roi  de 
Charaz,  an  temps  do  Pline. 

Ce  u'étnit  pas  seulement  de  Pétra  que  Ton  se  rendait  à  Foratb;  une 
inscription  copiée  par  Wood  à  Palmjre  nous  montre  que  des  caravanes  par- 
ties de  cette  dernière  ville  allaient  ausâ  y  faire  le  commerce.  NcTvi  AXâ 
ToO  KcTT)  toO  ÀXâ  Toû  ^e^éXou  toO  Xpi97éou  9Vvo6ix^)(v\v  ol  9Uvava6xvT(ç  {ut* 


ET    DISSEBTATIONS.  3Si) 

avant  la  fabrication  de  la  monnaie  de  Mérédate  ;  il  vivait  à 
l'époque  des  Attambilns).  On  est  donc  tout  naturellement 
conduit  à  penser  que  le  SaaiXeù;  Ôfxayo(fi>.o;  régnait  à 
Foratb,  dont  les  habitants  lui  avaient  décerné  ce  surnom 
comme  un  gage  de  leur  soumission.  Le  nom  de  Mérédate, 
son  titre  de  rot  des  roi$^  la  tiara  recta  qu'il  porte,  et  jus- 
qu'aux traits  de  son  visage  indiquent  une  origine  parthi- 
que.  Le  surnom  Ôaavocpe^vo;  convient  bien  à  un  prince  dont 
les  Omanes  recherchent  les  bonnes  grâces.  Si  Mérédate 
avait  été  leur  allié,  au  lieu  d'être  leur  souverain,  il  eût 
pris  le  titre  de  ^iXoaavo;.  C'est  ainsi  que  le  roi  d'Edesse 
Mannus ,  qui  plaçait  son  nom  au  revers  des  deniers  d'ar- 
gent d'apparence  romaine  portant  l' effigie  de  Marc-Aurële, 
de  Faustine,  de  Lucius  Yérus,  de  Lucille,  s'intitule  4>iXo- 
pcijua»;  (Bayer  pense  qu'il  a  régné  de  l'an  153  M' an  188). 
A  la  même  époque,  les  habitants  de  Carrhœ  en  Mésopo- 
tamie prenaient  le  titre  de  (piXopcop^xioi,  comme  le  prouvent 
des  monnaies  à  1* effigie  de  Marc-Aurèle ,  de  Lucius  Vérus, 
de  Commode. 


aùtoû  {{iicopot  dic6  <^opd6ou  %ï  Ô).oy9i7iÂ8o(,  Teiiif,;  xs\  eùx^piTrcCaç  Kvcxev. 
ÉTOo;  rwr,  iiYiv6<  Saveixoû.  (Wood,  Bud,  Palmyr.,  p.  27,  !'•  pi.,  n»  6,  édit. 
de  1753.  —  Bœckh,  Corp,  intcr,,  n«  4489.) 

M.  Bœckh  s  supposé  qu*il  s^ugissait  de  TEuphrate  ;  mois  on  voit  que  le  ré- 
dacteur de  rinscription,  tracée  en  Thonneur  du  protecteur  des  carnvanes* 
mentionne  de  la  même  façon  deux  villes  situées  du  même  côté  du  fleuve , 
Forath  et  Vologéfiias.  Ou  remarquera  que  Tinscription  est  datée  d»  l'an  468, 
c'est-jkdire  qu^cllo  est  antérieure  d'une  année  à  la  monnaie  de  Mérédate. 
—  Au  sujet  do  Foratli ,  on  peut  consulter  le  mémoire  de  d*Anvillc ,  intitulé 
VEuphraU  et  le  Tigre ,  1779,  p.  139.  —  Saint-Martin ,  Becherches  sur  la  Métènt 
et  la  Characine ,  1838,  p.  44.  L'auteur  parait  n'avoir  pas  compris  le  passage 
de  Pline  relatif  à  cette  ville.  —  Une  note  sur  Forath  par  M.  Qnatremère  est 
insérée  dans  le  Journal  asiat.  de  18G1,  t.  XVII,  p.  154.  —  M.  Reinaud,  Jf^i. 
*ur  le  commencement  et  la  fi't  '/u  myaume  de  la  Mtsfne,  «?lc.,  1861  (Journ.  aeiat,, 
1.  XVIII,  p.  190,  2(Y.\). 


3A0  MÉMOIRES 

Ils  renouvelaient  ainsi  une  manifestation  d'amitié  dont 
deux  siècles  auparavant  Ariobarzane,  roi  de  Cappadoce,  et 
Brogitaire,  roi  de  Galatie,  avaient  donné  l'exemple;  car 
on  sait  que  le  titre  de  <pcXopod/jLaio;  se  lit  sur  les  monnaies 
de  chacun  de  ces  personnages.  Le  cpiXo;  placé  à  la  fin  des 
noms  composés  a  une  valeur  passive,  et  tous  ceux  qui  s'occu- 
pent de  l'antiquité  ont  présentes  à  l'esprit  les  remarques  sa- 
vantes, les  considérations  profondes  que  ce  fait  a  inspirées 
à  Letronne,  et  que  notre  illustre  maître  a  consignées  dans 
son  excellent  mémoire  sur  les  noms  propres  grecs  *. 

Les  monnaies  de  Mérédate  nous  paraissent  donc  frap- 
pées, non  pas  à  Charax  par  un  prince  allié  des  Omanes, 
mais  par  les  Omanes  eux-mêmes  en  l'honneur  de  leur 
maître,  peut-être  de  leur  conquérant*.  L'émission  dut  être 
considérable ,  car  tous  les  exemplaires  que  nous  avons  pu 
examiner  dans  les  collections  publiques  ou  particulières 
sont  de  coin  différent.  C'est  ce  qui  explique  peut-être 
pourquoi  elles  ne  portent  qu'une  seule  date.  Cette  circon- 
stance peut  aussi  être  attribuée  à  la  brièveté  du  règne  de 
Mérédate.  Les  Omanes  se  seraient  hâté  de  faire  disparaître, 
à  l'aide  d'une  surfrappe  qui  est  bien  constatée,  l'effigie  des 

«  Mém,  de  l*Acad,  des  ifijcri;;*.,  t.  XIX,  p.  1. 

*  II  8*e8t  écoulé  trente-deux  ans  entre  l'époque  où  paraît  la  wonuaio  de 
Mérédate  et  celle  à  laquelle  avait  été  frappée  la  monnaie  du  roi  de  Characèno 
Théonnésès ,  appelé  d'abord  Monnesès.  Il  peut  n'être  pas  sans  intérêt  de  dire 
ici  comment  j'ai  été  amené  à  modifier  ce  dernier  nom.  Kn  1841,  j'avais  trouvé 
en  Angleterre,  parmi  les  incertaines  do  la  collection  appartenant  à  la  compa- 
gnie des  Indes,  une  pièce  qui  porte  la  légende  6£0NNH..CÛTnP.  J'en  rap- 
portai une  empreinte  &  M.  Lenormant,  qui  la  fit  graver,  et  m'autorisa  à  in^scrire 
le  nom  do  Théonnésès  dans  le  médaillier  de  la  Bibliothèque,  où  il  se  voit  en- 
core écrit  de  ma  main.  Plus  tard,  je  donnai  une  empreinte  de  cette  monnaie 
à  M.  le  comte  de  Chirac,  et,  on  1844,  mon  savant  ami  et  prédécesneur  a  puUi<^ 
le  portrait  de  Théonnésès  dans  son  Iconographie ,  pi.  1039,  n»  3>)81.  La  mv- 
daillo  est  d«'crite  dans  1p  texte,  t.  VI,  p.  89. 


tT    DISSERTATIONS.  3ât 

rois  de  Charax,  anciens  maîtres  de  Foralli.  On  conçoit 
qu'en  présence  de  tant  d'obscurités  nous  n'insistions  pas. 
Du  moins,  nous  espérons  avoir  démontré  que  la  reine 
Viphoba  est  aussi  imaginaire  que  la  reine  Tryphène;  et 
nous  pensons  que  ce  résultat,  qne  la  lecture  correcte  du 
mot  jusqu'à  présent  si  mal  interprété  ne  sont  pas  indignes 
de  l'attention  des  archéologues. 

Adrien  de  Longpérïer. 


3i*2  MÉMOIRES 


MONNAIES  MÉROVINGIENNES. 

AGAUNE,  AUXERRE,  ORLÉANS,  FAMARS,  METZ,  BELLANGE, 
TOUL,  MAYENCE,  BEAUCÉ,  LIEIJVILLERS,  JlJBLEINS^ 

(PI.  xvn.) 


N«  1.  AGAVNO  ^lOnaslerio.  Buste  à  droite,  la  tête  ceinte 
cVun  bandeau. 

î^  IN  HONORE  SCI  MAVRIGI  MARTI.  Dans  le  champ, 
une  croix  avec  les  caractères  V  et  II,  indiquant  le  tiers 
de  sou  composé  de  21  deniers. 

La  légende  du  revers  présente  un  double  sens  ;  on  peut 
y  voir  soit  une  dédicace  où  honore  est  mis  pour  honorem  : 
in  honorem  sancti  Mauricii  marlyrls  ;  soit  une  désignation 
locale,  dans  laquelle  ce  mot  a  déjà  le  sens  de  fief  qu'il 
a  eu  plus  tard  au  moyen  âge  :  in  honore  sancti  Mau- 
ricii  marlyris.  La  première  leçon  me  paraît  la  meilleure. 
Eq  effet,  si  les  dédicaces  ne  se  rencontrent  plus  dans  les 
légendes  des  trientes  mérovingiens ,  il  faut  remarquer  que 
la  monnaie  qui  nous  occupe  est,  ainsi  qne  nous  allons  le 

*  Les  monnaies  décrites  dans  cet  article,  à  l'exception  dn  tHena  de  Tonl , 
dont  il  existait  un  mauvais  dessin,  sont  entièrement  nouvelles*  Je  les  destine 
à  une  publication  d'ensemble  sur  les  sous,  les  tiers  de  son  et  les  deniers  méro- 
vingiens, pour  laquelle  mon  ami  Anatole  de  Barthélémy  m*a  demandé  une 
collaboration  qui  n'a  guère  consisté  jusqu'à  ce  jour  que  dan»  l'exécution  de 
dessins  fidèlc.«. 


ET    DISSERTATIONS.  3A3 

faire  voir,  de  la  fin  du  v  ou  du  vi*  sièclo,  et  qu'à  cette 
époque  les  usages  épigraphiques  de  l'antiquité  n'étaient 
pas  encore  perdus.  Quant  à  la  seconde  hypothèse  je  crois 
devoir  la  repousser,  non  que  l'emploi  du  mot  honor^  dans 
le  sens  de  fief,  me  paraisse  impossible  à  cette  époque  recu- 
lée, surtout  en  parlant  des  possessions  d'un  monastère 
formées  en  général  de  donations  et  de  legs  •,  mais  parce 
que  la  désignation  locale  se  trouve  déjà  écrite  au  droit, 
et  que  l'on  n'aurait  sans  doute  pas  ajouté  marlyris ,  s'il 
se  fût  agi,  non  du  saint  lui-même,  mais  de  son  patrimoine. 

Cette  pièce  d'or,  dont  l'exécution  correcte  et  élégante 
décèle  la  haute  antiquité,  faisait  partie  de  la  collection  de 
l'abbé  de  Jobal,  si  souvent  citée,  au  dernier  siècle,  dans  les 
travaux  manuscrits  de  Dupré  de  Geneste  et  de  Mory  d'El- 
vange.  Elle  appartient  aujourd'hui  à  M.  le  comte  de  Lam- 
bertye,  petit-neveu  de  l'abbé  de  Jobal,  qui  a  bien  voulu  me 
la  communiquer. 

Agaune,  lieu  témoin  du  supplice  de  la  légion  thébéenne, 
possédait  un  monastère  célèbre  placé  sous  le  vocable  de 
Saint-Maurice.  Ce  monastère  construit  ou  reconstruit 
en  516  ',  imposa,  vers  la  fin  du  xv  siècle,  son  nom  à 
Agaune,  aujourd'hui  Saint-Maurice  en  Valais. 

Il  existe  de  nombreux  irienUs  frappés  à  Agaune  par  di- 
vers monétaires.  M.  d'Angerville  en  décrit  onze  au  nom  de 
la  ville  et  trois  au  nom  du  monastère  \  sans  compter  la 
monnaie  de  Dagobert  1"  (628-631)  que  M.  Adrien  de  Long- 


>  Honor,  legs.  Quiiitilien. 

'  Grégoire  de  Tours  dit  positivement  qae  Saint-Maarlce  a  été  fondé  par 
Gandebaud  :  Monasterium  Agaunense  sallerticvra  domibus  basiliciaque  xdificavit, 
III,  V.  —  M.  d'Angerville  connidëre  ce  monn^tère  comme  plus  ancien  :  Sum, 
rallaiiannc,  brochure  in-4».  Genève,  1R61. 

s  Sum,  ra{/ai>.,  pnMim, 


m  lILUOinLâ 

périer  a  fait  coimaiire  en  1S47*  ei  dont  j'ai  îait  gra\er. 
en  IS5I,  un  exemplaire  mieux  consent  «. 

En  comparant  le  iriens  encore  tout  romain  du  cabinet  de 
Jobal  avec  celui  de  Dagobert  I",  on  reconnaît  qu'il  est 
beaucoup  plus  ancien  et  Ton  admet  que  s'il  n'est  pus  con- 
temporain  des  monnaies  bien  connues  de  Gundebaud  et  de 
Sigismond  (i03-52A},  il  appartient  tout  au  moins  à  l'é- 
poque où  les  Bourguignons  reconnurent  pour  roi  le  Méro- 
vingien Childebert  (53i). 

V  2,  +  AVTISIODERO.  Tète  à  droite,  dénotant  une  basse 
époque. 

K  Monogramme  dans  lequel  on  peut  lire  LANDVLFVS, 
nom  du  monétaire  ;  à  gauche  une  croisette  et  une  sorte  de 
fleur. 

K*  3.  AVR  écrit  de  gauche  à  droite  et  RAX  de  droite  à 
gauche;  entre  ces  deux  mots  une  croisette  et  deux  points; 
au  centre  un  buste  d'homme  tourné  à  gauche,  la  tête 
ceinte  d'un  bandeau. 

f^  Tête  byzantine  de  face,  accostée  de  deux  croisettes. 

Bon  or;  1*%40;  fait  partie  de  ma  collection,  grâce  à 
M.  Dancoisne,  d'Hénin-Liétard,  qui  a  bien  voulu  s'en  des- 
saisir en  ma  faveur. 

Ce  curieux  triens^  frappé  pour  circuler  à  Taide  du  type 
byzantin,  est  évidemment  sorti  de  Tatelier  d'Orléans.  Main- 
tenant doit-on  lire  RAX,  comme  nous  venons  de  le  faire 
ouRA,  en  supposant  quau  lieu  d'un  X,  il  y  ait  une  croi- 
sette? Cette  dernière  leçon  ne  me  paraît  pas  acceptable 
parce  que  la  troisième  lettre  est  liée  aux  premières  et  que 


*  Notice  de  la  collection  Rousseau,  p.  32  et  pi.  I^  n«  97. 

•  JfotmaiM  mérovingiennes  de  la  collection  Benault ,  de  Vaucouleurs,  p,  22  et 
pi.  1,  fig.  5. 


ET    DISSERTATIONS.  3â5 

sa  forme  ne  permet  pas  de  la  confondre  avec  les  croisetles 
à  branches  pattées  que  présente  la  pièce.  Au  reste,  qu'il 
y  ait  RAX  ou  simplement  RA,  il  faut  voir  dans  ces  abrévia- 
tions le  mot  RATIO'  que  l'on  écrivait  aussi  RAXNIIO*  et 
dont  la  présence  dans  les  légendes  des  tiers  de  sou  d'or 
s'explique  par  le  caractère  spécial  de  la  monnaie  à  l'époque 
mérovingienne  '. 

N°  4.  FALMARTIS.  Buste  à  droite. 

H)  MADELINVS.  Croix  plantée  sur  un  degré  que  sup- 
portent trois  globes.  Deux  points  et  deux  appendices  verti- 
caux occupent  les  cantons  de  la  croix. 

Or  1«%30;  exhumé  dans  le  département  du  Nord  ;  ma 
collection. 

Le  revers  reproduit  le  type  et  le  nom  de  monétaire  que 
présentent  les  tiers  de  sou  de  Maestricht  et  de  Dorestadt. 

On  reconnaît  dans  la  légende  du  droit  une  des  formes 
par  lesquelles  est  passé  le  nom  de  l'antique  FanumMarliSy 
avant  de  devenir  Famars  *. 

N^  6.  METTIS  CIVETATI.  Buste  à  droite,  une  étoile  sur 
l'épaule. 

Ki  +  GODECNVS  MONET.  Croix  longue,  bouUetée,  ac- 
costée d'un  C  et  d'un  A. 

Ce  triens  appartient  à  une  époque  où  le  monnayage» 

'  Ration,  jyortion,  Adrien  de  LoDgpérier,  Notice  de  la  collection  Rotustai0, 
p.  81. 

*  Catal.  des  trientes  méroriiigicnB.  A.  de  Barthélémy,  Manuel  de  numigma- 
tique  du  moyen  âge. 

*  Cf.  mes  Coneidératione  eur  la  monnaie  à  V époque  romane,  p.  38  et  suiv. 

*  Fanomarteime  pagus  (  donation  du  comte  Humhert  à  l'abbaye  de  Ma- 
roille,  671).  —  Falmart  (titre  de  l'abbaye  d'Anclun,  1103^. —  Fanmar»  (  car- 
tolaire  de  Tabbaye  de  Saint-Amand,  1174  ).  —  Faumars  [  titre  du  monastère 
de  Saint-Sauve,  1196  ),  etc.  ^  Cf.  Étudee  aur  lee  nom»  deë  rt7/M,  bourg»  et  til- 
lagêi  du  département  du  Sord.  par  £.  Mannier. 

1853.  —  5..  23 


3i6  MÉMOIRES 

sur  les  bords  de  la  Moselle  et  dans  le  bassin  de  la  Seille« 
était  devenu  très-actif  et  s'était  caractérisé  par  des  lettres 
bouUetées  et  par  un  buste  d'bomme  bien  connu  dans  les 
collections  austrasiennes.  Le  nom  du  monétaire  GODECNVS 
est  nouveau. 

N-6.  +IBILLACO  VIGO.  Buste  à  droite. 

^  +  BERTEIRICVS  MONET.  Croix  longue  ;  dans  le  champ 
les  lettres  G  et  A.  Le  nom  du  monétaire  offre  quelque  incer- 
tertitude  à  partir  de  la  septième  lettre  ;  au  lieu  de  IRI  on 
lit  plutôt  lAJ,  ce  qui«  en  supposant  que  ces  trois  lettres 
ont  été  poinçonnées  à  rebours  sur  le  coin,  donnerait  BER- 
TELAIGVSt  autre  forme  de  la  même  famille  de  noms.  Nous 
connaissons  d* ailleurs  le  nom  de  GODILAIGYS  sur  un 
denier  d'argent  de  Poitiers,  et  AVDOLAICVS  sur  un  denier 
du  Mans. 

Trieni  de  bon  or;  collection  de  Jobal;  appartenant  par 
son  type  au  même  pays  et  au  même  temps  que  le  précé- 
dent, mais  dont  le  lieu  exact  est  encore  à  trouver.  Peut- 
être  IBILLAGVM  répond-il  en  allemand  à  IbiUingen^  Ihling 
et  en  français  à  Êblange  ?  On  peut  aussi  remarquer  que 
ce  nom,  en  ne  tenant  pas  compte  de  la  voyelle  initiale 
qui  a  pu  se  perdre,  n'est  autre  chose  que  BILLAGVM,  Bel- 
lange,  canton  de  Ghât eau-Salins,  localité  à  laquelle  le  type 
de  la  pièce  convient  à  merveille  *. 

N*  7.  TVLLO  GIVETAT.  Buste  à  droiie. 

^  +  LVDO  ou  LVPO  MONEA.  Croix  boulletée,  canton- 
née des  lettres  G  et  A. 

Cette  pièce  de  Toul  n'est  pas  nouvelle  et  déjà  il  m'a  été 


*  Voyet  lo  trimii  portant  BILVCO  VICO  FIT,  Billy  ?  dont  le  type  ^'.st  k  pou 
prêt  le  mèroe ,  dans  mes  ÉtwI.  num.  iur  uru  partie  du  nord-est  dt  la  France, 
p.  IMeipl.  VII],fig.3. 


ET    DISSERTATIONS.  347 

donDé  de  la  publier  '  ;  mais  je  D*avais  à  uia  disposition 
qu'un  assez  mauvais  dessin  de  Mory  d*Elvange,  qui  n'en 
faisait  pas  ressortir  le  caractère  tout  austrasien. 

N*  8.  MOGONGIACO  CIV.  Buste  à  droijie. 

1^  +  GAROALDO  MON.  Croix  avecle  chiffre  indicatif  de 
la  valeur  du  tiers  de  sou  ;  collection  de  Jobal. 

On  connaît  déjà  un  monétaire  du  nom  de  Garoaldus  à 
Marsal  et  à  Moyen- Vie. 

N*  9.  BELCIACO.  Buste  à  droite. 

^  WADARDO  ou  WADRADO.  Croix  longue  sur  une 
base  circulaire.  Collection  de  Jobal. 

N*  10.  BELCIACO.  Tête  à  gauche,  très-petite  et  complè- 
tement entourée  par  la  légende. 

^  ROLEVDO  MVN  ou  plutôt  LEVDOMARO.  Croix  longue. 

Or  de  bon  titre  ;  l8',06;  trouvée  en  1861  dans  les  envi- 
rons de  Briey  (Moselle)  ;  ma  collection. 

Bouteroue  (p.  3A2,  n"  5)  donne  à  Beaugency  un  tiers  de 
sou  présentant  d'un  côté  un  personnage  assis,  une  croix  à 
la  main,  avec  la  légende  BALCIACO;  de  l'autre  une  sorte 
de  temple  avec  PRODVLFS.  Il  est  probable  que  BELCIACO 
et  BALCIACO  désignent  la  môme  localité.  Duchalais*  dé- 
montre qu'on  ne  peut  trouver  autre  chose  dans  BALCIACO 
que  Baugue,  Baugy,  Baiigé  ou  Baucé  et  se  prononce  pour 
Baugé  (Maine -et-Loir)  parce  que  le  type  du  personnage 
assis  se  rencontre  dans  quelques  ateliers  de  la  troisième 
Lyonnaise.  Le  Blanc  (monétaire  if  13)  avait  déjà  relevé 
l'erreur  de  Bouteroue  et  proposé  Baugy  (Cher)  village  plus 
ancien,  cité  dès  855  dans  un  diplôme  de  Charles  le  Chauve 
pour  Fabbaye  de  Saint-Étienne  de  Bourges  '.  Il  y  a  encore 

«  Ib.,  id  ,  p.  161  et  pi.  IX,  fig,  5. 
<  Revue  numiem.,  1839,  p.  204  et  saiv. 
'  D.  Bouquet,  t.  VIII,  p.  543,  B. 


iàS  XIÉMOIRES 

Beaugé  (Côte-d'Or),  Beaugy  (Saône  et-Loire)  et  Baugé 
(Oise)  ;  mais  les  deux  trienle$  que  Ton  vient  de  décrire  ont 
avec  ceux  de  Nantes,  de  Rennes,  de  Vendel  et  de  Cambon  •, 
un  air  de  famille  assez  prononcé  pour  entraîner  la  balance 
en  faveur  de  Beaucé  (llle-et- Vilaine) . 

N*  H.  LOCI  VELACORVM.Dans  le  champ  une  tête  de 
loup. 

R  +  LEODOGISELO.  Le  G  et  le  I  sont  liés.  Dans  le 
champ  un  grènetis  circulaire  avec  un  lozange  au  centre. 

Cette  curieuse  monnaie  m'appartient;  elle  a  été  trouvée 
à  Lieuvillers,  arrondissement  de  Clermont  (Oise)  ;  elle  est 
en.  or  d'assez  bon  titre,  avec  alliage  d'argent,  elle  pèse 
1«',15.  Si  l'on  remarque  Tétroite  analogie  qui  existe  entre 
Locus  relacorum  et  Lieuvillers,  on  peut  en  conclure  que 
la  pièce  a  été  exhumée  là  même  où  elle  avait  été  frappée, 
soit  que  LOCVS  VELACORVM  soit  la  traduction  latine  d'un 
nom  de  lieu  préexistant,  soit  que  le  nom  français  soit  au 
contraire  formé  du  mot  latin. 

La  forêt  de  Compiègne  s'étendait  sans  doute  jadis  jus- 
qu'à Lieuvillers;  aussi  la  tête  de  loup  qui  figure  au  droit 
doit  elle  être  un  emblème  parlant  :  Velacorutn  ou  Blacorum 
de  J5Im,loup'. 

N*  12.  +  DIABLENTAS.  Dans  le  champ  un  petit  qua- 
drupède. 

A  +  GVNBERTO.  Croix  longue  accostc'^e  de  deux  points  ; 
denier  d'argent;  1«^'.08;  nia  collection  \ 

^  Longpérier,  Notice  de  Ja  collert,  Rousseau  ^  p.  49,  51.  —  Conbrong»*,  Monét 
mirooing,,  pi.  XX  ,  6.  8;  pi.  XXXIII ,  3  ;  pi.  XLVII ,  15.  —  Bigot ,  Essai  sur 
les  monnaies  de  Bretagne ,  pi.  I,  if  2,  6, 12, 14;  pi.  II,  n»  9  ;  pi.  III,  n*^  l,  2,  6. 

*  IHcUonn.  breton^  Legonidoc  et  de  la  Villemarqué, 

*  M.  le  marquit  de  Lagrange  possède  nn  denier  à  peu  près  semblable, 
moatioaaé  dans  la  Revue  num.,  avec  la  légende  DIABLENTIS,  1851,  p.  26. 


ET    OISSI-KTATIO.NS.  349 

Ce  curieux  denier,  dont  la  légende  rappelle  par  sa  forme 
celle  du  (n>ii5  d'Avranches,  Abrcnlitan,  a  été  frappé  à  lu- 
bleîns  où  Tabbé  Lebœuf  et  d'Anville  ont  reconnu  Tantique 
iNœdunuDfi  '  qui,  à  la  chute  des  Ronfiains,  reprit  le  nom  du 
{)euplc  gaulois  dont  il  avait  été  la  capitale  :  Oppidum  Via- 
blentis  juxia  ripam  Arœnx  fluvioli  *.  Déjà  on  avait  tenté 
d'attribuer  à  Jubleins  '  une  monnaie  portant  TVFELIVBVCO, 
TiifeL  diable,  et  Bugwn  pour  Burgum,  bourg,  Bourg-du- 
Diable,  Diablintes.  C'est  une  lecture  difficile  à  admettre  et 
qui  devra  être  reprise  sur  l'original. 

Charles  Robert. 

Paris,  le  15juillot  1863. 

*  Ptoiem.,  Geogr.,  liv.  II,  c.  8. 

»  Testament  de  l'évoque  saint  Beriiar<l ,  mort  en  623.  —  Cf.  Walcknaer, 
Gfogr.  de»  Gaules,  t.  I*',  p  388. 

*  Revve  nnmism.  belgey  3*  série,  t.  IV,  p.  133  et  suiv.,  article  diB  M.  le  pro» 
ffeseur  A.  Namur. 


SiO  MLWMLÎS 


wczkns  DE  Lons  xnt 

(FL  XVUL  ) 


Qoefaiaes  mnDismaâstes  poiseot  qn'oo  doîi  aiariboer  aox 
partisaiis  de  Louis  de  Ccmdé,  oocle  d*Henri  IT,  li  ialinca- 
ûoû  de  certaîm  doozaîi»  de  style  barlnre  et  de  imiiTab 
akM,  dont  on  troarera  phxâeors  i^ariéi»  rnimes  snr  notre 
pL  XTUL 

Ces  monnaies,  qui  n*oat  été  décrites  ni  par  Le  Bbnc  ni 
par  MIL  Gonbroose  et  Delombardy,  poorraient  passer  pour 
des  imitations  grosâères  do  donzain  de  Oiarles  IX.  EDes 
n  offrent  aucane  date. 

Loois  de  Gondé,  frère  d'Antoine  de  Bourbon,  fnt  tné, 
comme  on  le  sait,  à  la  bataille  de  Jamac,  en  1369. 

Le  Blanc  avait  tu  à  Londres  on  écu  d*or  qui  portait  Feffi- 
pede  ce  prince  arec  le  nom  de  Louis  XIll ,  et  le  titre  de 
TciL  On  doit  reconnaître  qoe  l'existence  de  cette  monnaie 
semble  foomir  on  argument  puissant  en  faveur  de  Fattri- 
botion  des  douzains  au  même  personnage. 

Grâce  à  Pdiligeance  de  M*  Jarr\%  de  M.  Tabbé  Desnoyers 
qw  (mi  formé  à  Orléans  de  si  précieuses  collections  nu- 
mismatiques,  de  MIL  RoUin  et  Feuardent,  nous  pouvons 
mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecleurs  la  figure  des  pièces 
dont  voici  la  description  : 


ET    DISSERTATIONS.  351 

1.  —  X  LVGOOVIGVa  XIll  DV  NOM  ROI  DE.  Écu  de 
France  timbré  d'une  couronne  et  accosté  de  deux  L. 

Revers  X DVNIARENON.  Croix  cantonnée  de  deux 

fleurs  de  lis  d'un  côté ,  et  de  deux  couronnes  de  l'autre. 
(Collection  de  M.  Jarry.)  Poids,  2«%89. 

2.  —  LVCDOVIC V  NOM  ROI.  Même  type. 

S  :X:  SIT  NOME.  DOMINE  BEN.  Croix  cantonnée  de 
quatre  fleurs  de  lis.  (  Collection  de  M.  l'abbé  Desnoyers.) 
Poids,  28',60. 

3.  —  X  LVCDOVICV XIII  DV  NO.  Même  type. 

^  SIT DOMINE  BEDI.  Deux  fleurs  de  lis  et  deux 

trèfles  entre  les  bras  de  la  croix.  (  Collection  de  M.  l'abbé 
Desnoyers.)  Poids,  2fi%81. 

4.  —  LVD0VIGV2  XIII  D.  Même  type. 

i^  X  SIT  NOMEN  X  DOMINE  BEN.  Croix  cantonnée  de 
quatre  couronnes.  (Collection  de  M.  Feuardent.)  Poids, 
3«%12. 

5.  —  LVDOVICVS  XIII  D.  IIOM. V. A.H.  Même  type. 

^  NOMN  DN....  NEDICTVM.  Croix  cantonnée  de  quatre 
couronnes.  Poids,  3»', 06. 

On  remarquera  qu'au  commencement  des  légendes  la 
croisette  est  remplacée  par  un  X.  Ce  détail  persistant  ne 
laisse  pas  que  d'être  singulier. 

Nous  joignons  aux  quatre  premières  pièces  le  dessin  (n*5) 
d'une  monnaie  qui  nous  appartient,  et  sur  laquelle  on  lit  : 

LVDOVICVS  XIII  D..  NOM.  VA.H.  On  voit  facilement  que 
cette  pièce  de  cuivre  saucé  a  été  surfrappée  sur  un  double 
tournois.  Du  coté  de  Técu,  on  aperçoit  encore  +DOVBLE. 
TOVR.  et  du  côté  de  la  croix,  un  buste  lauré  entouré  de  ces 
mots  :  LOVIS  XIII.  R.  DE  FRAN.  L'.empreinte  du  douzain, 
postérieure  à  celle  du  double  tournois  de  cuivre ,  ne  peut 
appartenir  au  temps  de  Charles  IX. 


cette «^<>««!:f;er  d'î^'^tUowe  V»^^' tJ, ^ 


ET    DISSERTATIONS.  353 

DISSERTATION 

OÙ  l'on  examine  s'il  est  yrai  qu'il  ait  été  frappe  pendant  la 

VIE  DE   LOUIS   I,   PRINCE   DE  CONDÉ,    UNE    MONNAIE    SUR    LAQUELLE 
ON   LUI   AIT   DONNÉ   LE   TITRE   DE   ROI   DE  FRANCE. 


Quelque  temps  après  la  mort  de  M.  le  Duchat,  qui  s'était 
fait  un  nom  dans  la  république  des  lettres  par  ses  recher- 
ches sur  notre  ancienne  langue  et  sur  nos  antiquités,  et  par 
l'étude  profonde  qu'il  avait  faite  de  nos  monuments  histo- 
riques composés  pendant  le  xw  siècle,  on  a  imprimé  dans 
la  Bibliothèque  germanique',  un  mémoire  trouvé  dans  ses 
papiers,  qui  roule  en  partie  sur  la  monnaie  qui  fait  l'objet 
de  cette  dissertation.  M.  le  Duchat  y  prouve,  par  un  rai- 
sonnement solide,  que  jamais  le  prince  de  Condé  n'a  pu 
former  le  projet  d'usurper  la  couronne  ;  mais  il  paraît  porté 
à  croire  qu'il  a  existé  une  monnaie  sur  laquelle  on  a  donné 
à  ce  prince  le  tiire  de  roi  de  France,  et  quelle  a  été  fabri- 
quée par  les  ennemis  de  la  maison  de  Bourbon^  et  du  prince 
de  Condé  en  particulier. 

Le  Mémoire  de  M.  le  Duchat  m'a  donné  occasion  de  re- 
voir plusieurs  passages  que  j'avais  extraits  de  différents 
auteurs,  et  qui  ont  du  rapport  à  cette  monnaie.  En  les 
examinant  et  en  les  comparant  ensemble,  je  me  suis  cru 
en  état  de  prouver  que  cette  monnaie,  que  le  Blanc  dit 
avoir  vue  à  Londres,  n'a  point  été  frappée  pendant  la  vie 
du  prince  de  Condé  :  j'ai  même  trouvé  quelques  passages, 
dont  je  me  servirai  pour  tâcher  de  découvrir  quelle  a  été 

*  TomeXXXVI,  p.  Ul. 


354  Mf:MoiKi:s 

Torlgine  de  la  fausse  Iradition  qui  s'est  répandue  sur  cette 
monnaie.  La  discussion  de  ces  passages  fera  la  matière  de 
cette  dissertation. 

Le  frère  de  Laval,  historien  catholique  et  catholique 
très-zélé,  a  écrit  '  que  pendant  le  séjour  d'environ  six  mois 
que  le  prince  de  Condé  fit  à  Orléans  en  1562,  au  commen- 
cement de  la  première  guerre  de  religion,  les  huguenots  y 
fabriquèrent  (sous  ses  ordres)  de  la  monnoie  d'or  et  d'ar- 
gent, au  coin  du  Roy.  Ce  fait  pourrait  faire  présumer  que 
dans  la  suite,  ce  prince  qui,  depuis  son  départ  d'Orléans 
jusqu'à  la  fin  de  cette  première  guerre  et  pendant  les  deux 
suivantes,  a  presque  toujours  été  à  la  tête  de  son  armée, 
n'a  point  eu  l'intention  ni  le  loisir  de  faire  fabriquer  de  la 
monnaie  en  son  nom  :  mais  comme  ce  raisonnement  n'est 
pas  concluant,  je  ne  m'y  arrêterai  point. 

Dès  que  le  prince  de  Condé  se  fut  déclaré  chef  des  hu- 
guenots  et  qu'il  eut  pris  les  armes  en  1562,  il  se  répandit 
des  bruits  vagues  et  incertains  qu'il  portait  ses  vues  am- 
bitieuses jusqu'au  trône.  Au  commencement  de  la  seconde 
guerre  de  religion,  lorsqu'au  mois  d'octobre  1567  il  se  fut 
emparé  de  la  ville  de  Saint- Denis,  non-seulement  ces  bruits 
se  renouvelèrent,  mais  on  articula  des  faits  positifs,  et  J' ou 
affirma  qu'il  s'était  fait  couronner  roi  dans  cette  ville.  l\ 
serait  facile  de  prouver  qu'on  l'assurait  sans  fondement,  et 
même  contre  toute  sorte  de  vraisemblance.  Qnand  on  sup- 
poserait à  ce  prince  des  projets  ambitieux  qu'il  n'a  certai- 
nement point  formés  ;  jamais  il  ne  fut  moins  en  état  de 
hasarder  ce  coup  d'éclat,  et  de  le  soutenir.  Il  n'avait  au- 
près de  lui  qu'un  petit  nombre  de  troupes  ramassées  à  la 
hâte  et  presque  sans  armes  :  Paris,  au  contraire,  était 

•  Tcmicl.l.  3,  fol.  151. 


LT    DISSERTATIONS.  355 

templi  de  troupes  réglées,  sans  compter  la  milice  bour- 
geoise qui  était  armée  ;  et  Ton  ne  comprendra  jamais  com- 
ment la  petite  armée  du  prince  ne  fut  pas  entièrement 
écrasée  à  la  bataille  de  Saint-Denis,  qui  se  donna  quelque 
temps  après,  La  blessure  mortelle  que  le  connétable  de 
Montmorency  reçut  dans  le  combat  fut  la  principale,  et 
peut  être  Tunique  cause  du  salut  de  ce  prince.  Cependant, 
ce  que  Ton  disait  de  son  couronnement  trouva  facilement 
créance  dans  les  esprits  de  ceux  à  qui  il  faisait  la  guerre, 
et  donna  lieu  à  quelques  écrits  qui  furent  publiés  dans  le 
temps  même. 

Le  poète  Jean  Daurat  fit  à  ce  sujet  une  épigramme  latine 
qui  se  trouve  dans  le  recueil  de  ses  poésies \  avec  ce  titre: 
De  principe  Condœo  salutato  apud  D.  Dionysivm.  Un  autre 
poète,  ou  pour  mieux  dire  un  faiseur  de  vers,  Dt  imprimer 
en  français,  sur  ce  prétendu  couronnement,  un  assez  grand 
nombre  de  fort  mauvaises  stances.  On  pourra  juger  du 
caractère  de  l'ouvrage  par  le  titre  que  voici  :  la  Grande 
trahison  et  volerie  du  roi  Guillot^  prince  et  seigneur  de  tous 
les  larrons^  bandoliers^  sacrilèges^  vulturs  et  brigands  du 
royaume  de  France.  L'auteur  n'a  pas  nommé  le  prince  de 
Coudé  :  il  ne  parle  pas  même  positivement  de  son  couron- 
nement; mais  il  est  facile  de  reconnaître  qu'il  y  fait  allu- 
sion en  plus  d'un  endroit  ;  et  si  l'on  en  voulait  douter,  je  suis 
en  état  d'en  donner  la  preuve.  J'ai  un  exemplaire  de  ce 
libelle,  sur  le  frontispice  duquel  il  y  a  une  note  qui  est 
d'une  écriture  fort  ancienne;  et  suivant  les  apparences, 
elle  y  a  été  mise  dans  le  temps  même,  peut-être  par  celui 
qui  a  possédé  le  premier  cet  exemplaire.  Cette  note  paraît 
avoir  été  faite  pour  donner  la  clef  de  l'ouvrage  :  car  elle 

»  Pari8,1686,  in-«-,p.  40. 


356  hémojres 

contient  ces  tnots  :  le  prince  de  Coudé  se  fu  prodamer  roi 
dans  Saint-Denis^  en  octobre  iàd7. 

Daurat  et  le  faiseur  de  stances  n'ont  point  parlé  de 
oionnaie.  Cependant  dans  le  même  temps  qu'on  publiait 
que  le  prince  de  Condé  s'était  fait  couronner  à  Saint- 
Denis,  on  ajoutait  que  par  une  suite  de  ce  premier  attentat, 
il  avait  fait  frapper  une  monnaie  sur  laquelle  on  lui  don- 
nait le  titre  de  roi  de  France.  C'est  Brantôme  qui  nous 
l'apprend  dans  un  passage  qui  se  trouve  dans  la  vie  du 
prince  de  Condé  '  ;  et  c'est  le  témoignage  le  plus  précis  et 
le  plus  circonstancié  que  puissent  alléguer  ceux  qui  pré- 
tendent que  cette  monnaie  a  été  frappée  en  1567.  En  voici 
les  termes  :  Tl  (le  prince  de  Condé)  devint  en  telle  gloire f 
qu^il  fit  battre  monnaie  d*argen(^  avec  cette  inscription  à 
Ventour^  comme  un  souverain:  Louis  XII l*^  roi  de  France; 
laquelle  monnoie  M.  le  connestable  (Anne  de  Montmorency) 


*  Vie  des  grande  capitainee  français,  t.  III ,  Leyde,  1666,  p.  215,  et  t.  Vlir, 
la  Haye,  1740,  p.  239.  Uanonyme  qui  a  donné  l'édition  des  OEwres  de  Bran- 
tâme  imprimée  à  la  Haye  en  1740,  a  fait  snr  un  autre  passage  de  cet  écrivain 
une  remarque  que  je  transcrirai  ici,  parce  qu'elle  me  fournit  une  nouvelle 
preuve  du  sentiment  que  je  soutiens.  Voici  le  texte  de  Brantôme  (  t.  VIII, 
p.  259  )  :  u  II  (  Briquemaut  )  étoit  un  fort  homme  de  bien  et  qui  ne  combattoit 
que  pour  sa  religion,  ainsi  que  j*ay  oay  raconter  à  un  gentilhomme  qui  avoit 
été  nourry  son  page  ^  que  trois  ou  quatre  jours  avant  la  bataille  de  Jamac, 
il  avoit  été  blessé  en  une  jambe,  et  ainsy  que  M.  le  Prince  et  M.  l'admirai 
l'allërent  voir  en  son  lict,  et  y  tenir  le  conseil,  à  M.  le  Prince  il  eschappa 
quelque  mot  de  régner.  <«  Monsieur  (lui  dit  M.  de  Briquemaut),  il  semble 
M  par  vostre  dire,  que  vous  tendez  plus  à  l'ambition  qu'à  la  religion.  Je  vous 
«  quitte  si  venez  là.  Prenons  le  party  de  Dieu  ;  autrement  je  me  retire.  « 

L'éditeur  a  fait  sur  ce  passage  la  remarque  suivante  : 

««Cétoit  en  1569.  Or  la  monnoie  d'argent  prétendue,  de  la  page  239  étolt, 
dit-on,  de  l'année  1567.  Si  donc  sur  quelque  mot  de  régner,  qui  en  1569 
échappa  au  prince  de  Condé,  Briquemaut  menaça  de  le  quitter,  Briquemaut 
auroit-il  attendu  jusque-là,  supposé,  «  omme  on  le  veut,  que  dès  l'année  1667 
ce  prince  su  fût  qualifié  roi  do  France  danb  la  monnoie  frapi>ée  à  son  coin  ?  »• 


ET    DISSKRTATIOXS.  357 

tout  en  colère,  représenta  à  une  assemblée  générale  qui  fui 
faite  au  conseil  du  Roy ,  tan  1567,  le  7*  jour  d'octobre, 
après  midi,  au  Louvre  :  on  en  détesta  fort  et  la  monnoie  et 
Tinscription.  Je  ne  xçai  s  il  est  vrat,  mais  il  s* en  disait  prou 
en  la  chambre  du  Roy  et  de  la  Reine,  voire  en  la  Rasse- 
Court.  Brantôme  n'affirme  point  le  fait  :  je  ne  sçay  s'il  est 
vrai,  dit-il.  Il  est  du  moins  certain  qu  il  n'a  jamais  vu  cette 
monnaie  :  car  il  n'aurait  pas  manqué  de  le  dire. 

On  sait  que  les  Mémoires  de  Brantôme  ont  été  imprimés 
pour  la  première  fois  en  1666,  longtemps  après  sa  mort  ; 
et  le  premier  livre  *  que  je  connaisse,  où  il  soit  parlé  du 
couronnement  du  prince  de  Condé  et  de  la  monnaie,  est 
celui  de  Natalis  Comes.  qui  a  composé  en  latin  Tllistoire 
universelle  de  son  temps,  imprimée  à  Venise,  sa  patrie, 
en  1581  '.  Il  raconte,  sous  Tannée  1567,  qu'on  disait  que 
le  prince  de  Condé  avait  été  couronné  roi  à  Saint-Denis 
par  les  huguenots,  et  qu'ils  avaient  fait  frapper  une  mon- 
naie d'or  avec  cette  inscription:  Ludovicus  XÏIJ,Dei  gratia 
Franrorum  rex,  primus  christianus. 


*  Henri  Sponde ,  évêque  de  Pamiers  (Annalium  card.  Baronii  continua  Ho. 
Pari»,  1669,  in-fol.,  t.  II,  p.  694,  col.  2),  cite  pour  garant  de  ce»  faite  qu*il 
rappone  non-»en1einent  Natalis  Comes,  maie  encore  les  Commentaire»  histftri- 
qw*  de  Snrius.  Je  n'ai  point  trouvé  ces  faits  dans  Surin»,  et  il  n'est  pas  mên»e 
possible  qu'il  en  ait  parlé,  puisqu'il  finit  son  histoire  avec  l'année  1565.  Ces 
faits  ne  se  trouvent  point  non  plus  dans  la  continuation  de  l'histoire  de  Su- 
nus  qu'Estonmean  a  ajoutée  à  la  traduction  qu'il  en  a  faite.  Cette  continuation 
▼a  jusqu'en  1578. 

Sponde  cite  aussi  Isselt,  etc.  C'est  apparemment  le  livre  intitulé  Michatht 
o6  léieli  de  Bello  Coloniensi^  etc.,  imprimé  à  Cologne  en  1684,  in-8».  J'ai  par- 
couru ce  livre,  et  je  n'y  ai  rien  trouvé  qui  ait  rapport  à  ces  faite. 

•  Dicti  sunt  (  Ugonoti  )  in  eo  looo  (fano  sancti  Dionysii)  Ludovicum  Borbo- 
niura  Condsum  regem  coron avisse,  monetamque  auream  impressisse,  in  quft 
«?rat  inscriptio  :  Ludovicus  XIII  Dei  gratia  Francorum  rex,  primus  ehristutnus, 
Natalis  CoiniiÏ!»,  Univ.   hiet.  eui  temp.  Venetii»,  1581,  in-fol.,  p.  S94. 


358  MÉMOIRES 

Il  est  certaiD  par  Tépigramme  de  Daurat  et  par  le  pas- 
sage de  Brantôme,  qu'au  mois  d'octobre  1567,  il  y  avait  en 
France  un  certain  nombre  de  personnes  qui  étaient  bien 
persuadées  que  le  prince  de  Condé  s'était  fait  couronner 
roi  à  Saint-Denis,  et  qu'il  avait  fait  frapper  de  la  monnaie 
à  son  nom. 

Le  P.  Jean  Machaut,  jésuite,  qui  a  parlé  de  ces  deux 
faits  dans  les  observations  critiques  qu'il  a  publiées  en 
i61i  sur  l'Histoire  de  M.  de  Thou,  sous  le  nom  de  Jobannes 
Baptista  Gallus,  leiu*  donne  aussi  la  même  époque  ^  J'en 
conclurai  qu'Antoine  Arnauld,  avocat  au  parlement  de 
Paris,  s'est  trompé  lorsqu'il  a  dit  dans  le  plaidoyer*  qu'il 
fit  en  159A  pour  l' Université  de  cette  ville,  que  c'était  1»^ 
P.  Bibadeueira,  jésuite,  qui,  dans  la  vie  de  saint  Ignace, 
avait  publié  le  premier  en  France  que  le  prince  de  Condé 

1  Aut  allquem  (  nommum)  cedo,  ex  ils  qui  aute  annos  qnadragiiita  e  San- 
Bionysiano  oppido ,  oum  id  in  potestate  esset  Ludovic!  Condsi ,  prodierant , 
oam  illa  rebellionis  indice  épigraphe  :  Ludovicut  XIII ,  rtx  Fraw^mm,  Thvom 
hitt;  Londini,  t.  VU,  p.  58  des  notes  de  Gallus.  Il  n'y  a  pas  d'apparence  que 
Machaut  ait  tiré  ces  faits  de  Ribadeneira,  comme  l^insinue  M.  le  Puehat  dans 
son  mémoire  (page  114);  car  ces  deux  auteurs  rapportent  la  légende  de  la 
monnaie  d'une  manière  différenieu 

*  Paris,  1594,  fol.  17.  —  <«  Et  de  faict,  qui  ett-œ  qui  pour  rendre  exécrable 
et  abominable  à  tous  les  François  la  raoe  de  M*  le  prince  de  Condé  Lois  de 
Bourbon  en  laquelle  consiste  la  plus  £prande  partie  de  M"  les  Princes  du 
Sang,  a  publié  entre  nous  qu'il  se  fût  fait  eouronner  roy  de  France,  ainou  les 
Jésuites  qui  ont  été  si  impudens  et  si  effrontés  en  une  chose  notoirement 
fkulse,  que  d'écrire  en  la  Vie  d'Ignact  (p.  162)  que  M.  le  Prince  avoit  fait 
battre  de  la  monnoie  d'or  en  laquelle  estoit  cette  inscription  :  Ludovicus  XUI 
Dei  gratiâ  Francorum  rex,  primus  ohristianus.  Quw  inscripiio  artùgaïUiisima 
têt  (  disent-ils  )  et  m  omnes  chriêticmtëimoê  Fra*ciae  rege*  tf^vr iota.  Ils  ne  di- 
sent pas  esset  comme  d'une  chose  douteuse ,  mais  est  comme  d'une  ehost* 
certaine.  »  Cette  critique  me  parait  une  pure  chicane.  M.  le  Duchat  a  encore 
enehéri  sur  la  faute  d'Antoine  Arnauld ,  lorsqu'il  a  avancé  (  Ihêcaliana^ 
p.  dÙ2)  que  cet  avocat  a  reproché  aux  Jésuites,  dans  son  plaidoyer,  d'avoir 
cnx-mtmes  fabriqué  cette  monnaie. 


ET    DISSERTATIONS.  359 

s*était  fait  couroDDer  roi  et  avait  fait  frapper  de  la  monnaie 
d'or  avec  cette  légende  :  LudoeicxAs  XIII ^  Dei  gralia  Fran-^ 
corum  rex,  prtmii5  christianus.  Antoine  Amanld  n'a  pas 
nommé  Bibadeneira  :  mais  il  rapporte  un  passage  qu*il  dit 
être  à  la  page  162  de  la  vie  de  saint  Ignace  '  ;  et  ce  pas- 
sage se  trouve  à  la  même  page  dans  la  seconde  édition  de 
la  vie  de  ce  saint  par  Ribadeneira,  imprimée  à  Anvers 
en  1587  ;  car  il  n'est  pas  dans  la  première  édition  faite  h 
Naples  en  1572. 

Si  les  faits  rapportés  par  Ribadeneira  dans  un  ouvrage 
imprimé  en  1587  étaient  dès  le  mois  d'octobre  1567 
regardés  comme  vrais  en  France  par  un  certain  nombre  de 
personnes,  ce  n  est  donc  pas  lui  qui  les  a  publiés  le 
premier.  D'ailleurs  il  ne  les  assure  point,  et  il  se  contente 

de  dire  que  quelques  auteurs  les  ont  écrits  :  Ut  snt 

qui  lUleris  prodiderinl^  etc.  Il  cite  même  à  la  marge  son 
garant  :  c'est  Natalis  Cornes^  dont  j'ai  rapporté  plus  haut  le 
passage.  Ce  garant  n'a  pas  paru  snflisaut  à  un  protestant 
allemand,  qui  a  fait  des  notes  sur  l'ouvrage  de  Ribade- 
neira '.  II  traite  Natalis  Comes  de  conteur  de  fables.  Mais 
si  l'on  peut  accuser  Antoine  Aruauld  d'inexactitude  dans 
le  reproche  qu'il  fait  à  Ribadeneira,  c'est  du  moins  un 
témoin,  et  un  témoin  de  poids,  qui  dépose  que  ces  deux  faits 

*  ...  Ut  sint  qui  ad  sempiternam  eorum  (hugonotorum)  ignomiiiiam  lit- 
tcrâ  prodiderint,  eos  Ludovicum  Borboninm  Condscum  regem  coronasse,  itmh 
netamque  auream  illam  imprcssisse,  in  qua  baec  erat  inscriptio  :  Ludoricus  XIII 
Dei  gratta  Francorum  rex,  primus  christianiu.  Qqib  inscriptio  arrogantissima 
eut,  et  in  omnes  cbristianissimos  FrancisB  reges  injuriosa. 

'  Natalis  Comes  qux  Mcribit  de  Condso  et  moneta  aurea ,  debebnt  inserere 
sais  (ivOsXoyCoiic.  Aliud  e3t  fabnla^  scribere ,  aliud  bistoriara.  Vita  Ignatii 
Jjnfolst  a  Petro  Ribadeneira,  scholiis  illustrata  a  Chrisiiano  Simone  Litho  Mi- 
seno,  1698,  in-12,  p.  100. 


^iyO  MfcMOIRKS 

ue  sont  pas  vrais  :  c'est  une  chose  notoirement  faulse^ 
dit-il  dans  cet  endroit  de  son  plaidoyer. 

En  effet  l'illusion  ne  régna  pas  longtemps  :  elle  se  dis- 
sipa peu  à  peu  ;  et  Ton  reconnut  que  Ton  avait  ajouté  foi 
trop  légèrement  à  des  bruits  qui  ne  devaient  leur  nais- 
sance qu'à  un  esprit  d'animosité  et  de  parti.  Il  est  du 
moins  certain  que  dix-neuf  ans  et  vingt-trois  ans  après 
Tannée  i  567  un  écrivain  qui  a  eu  deux  fois  une  occasion 
naturelle  de  parler  du  couronnement  et  de  la  monnaie  et 
qui  avait  grand  intérêt  que  ces  faits  fussent  regardés 
comme  vrais,  non-seulement  n'en  a  rien  dit,  mais  même  a 
écrit  des  choses  dont  je  crois  qu'on  peut  tirer  une  espèce 
de  démonstration  de  leur  fausseté. 

Pendant  la  ligue,  la  France  fut  comme  inondée  par  un 
nombre  inflni  de  petits  ouvrages  et  de  libelles,  dans  les- 
quels les  deux  partis  se  déchiraient  mutuellement.  Un  li  • 
gueur  que  Ton  croit  être  le  fameux  Louis  d'Orléans  \ 
avocat  au  parlement  de  Paris,  et  depuis  avocat  général 
du  parlement  delà  Ligue,  fit  imprimer  en  1586  un  livre 
intitulé  :  Àvtrtifsement  des  catholiqties  anglois  aux  Fran- 
çois catholiques^  du  danger  où  tis  sont  de  perdre  leur  reli- 
gion   s* ils  reçoivent  à  la  couronne  un  roi  qui  soit  hé- 
rétique. Cet  écrivain  dit  à  la  page  80  en  parlant  des 
huguenots:  On  a  vu  les  jetons  portant  la  figure  d'un  de 
leurs  chefs  avec  cette  inscription  :  AU  ROI  DES  FIDÈLES. 
On  ne  peut  douter  que  ce  chef  ne  soit  le  prince  de 
Condé;  mais  d'ailleurs  il  est  désigné  plus  clairement 
dans  un  ouvrage  imprimé  en  1590  et  que  l'on  attribue 
au  même  Louis  d'Orléans  '.  L'auteur  y  dit  la  même  chose 


>  Voy.  la  BibbUoth.  hisl.  da  P.  Leiong,  n*  7994. 
»  /tW.,n-8247. 


ET    DISSERTATIONS.  36l 

avec  quelques  différences  que  je  discuterai  dans  la  suite?. 

Cet  écrivain  ne  parle  plus  d'une  monnaie  sur  laquelle  on 
ait  donné  le  titre  de  roi  de  France  au  prince  de  Condé» 
mais  seulement  d'un  jeton  où  il  est  qualifié  rot  des  fidèles^ 
Faire  fabriquer  de  la  monnaie  sans  l'autorité  du  souverain, 
c'est  un  crime  qui  mérite  la  mort;  usurper  sur  une 
monnaie  le  titre  de  roi,  c'est  un  crime  de  haute  trahison, 
que  les  supplices  les  plus  affreux  peuvent  à  peine  expier; 
faire  frapper  un  jeton  à  l'honneur  d'une  personne  à  laquelle 
on  est  attaché  par  des  sentiments  de  tendresse,  de  respect 
ou  de  reconnaissance,  c'est  une  chose  permise  à  tous  les  par- 
ticuliers, pourvu  qu'il  n'y  ait  ni  dans  les  figures  du  champ 
ni  dans  l'inscription  rien  qui  soit  contraire  au  respect  dt  à 
la  religion  et  au  souverain,  ou  qui  blesse  les  bonnes  mœurs. 

Le  titre  de  rot  des  fidèles^  donné  sur  ce  jeton  au 
prince  de  Condé,  n'attaquait  point  les  droits  de  la  ma- 
jesté royale.  Anciennement,  dans  notre  langue»  le  mot 
roi  ne  rappelait  pas  toujours  l'idée  d'un  souverain  *,  et  il 
signifiait  quelquefois  le  principal^  le  premier^  le  chef.  Dans 
presque  tous  les  corps,  dans  les  communautés,  dans  les 
compagnies  et  les  sociétés,  on  donnsdt  le  titre  de  rai  au 
premier  officier,  au  chef.  On  disait  le  rot  des  merciers,  le 
rut  des  arbaln'ricrs,  le  rot  de  la  Bazoche^  et  si  Ton  en 
veut  croire  un  auteur  anonyme  *,  qui  fit  imprimer  il  y  a 
quelques  années  un  mémoire  assez  curieux  sur  cette  juri- 
diction des  clercs  des  procureurs  du  parlement  de  Paris,  ce 
fut  Henri  III  qui,  effrayé  du  grand  nombre  de  clercs  qui 
étaient  dans  cette  ville,  défendit  qu'aucun  de  ses  sujets 
prit  dorénavant  le  titre  de  roi. 

*  Voy.  le  Glossaire  de  du  Cange^  aa  mot  Rex,  au  bas  do  la  col.  1427. 
»  Mvrcure  de  France,  juin  1738,  yoI.  II.  p.  1442, 

1863.  —  5.  24 


302  MI^IMOIRES 

Quoi  qu'il  en  soii,  le  mot  roi^  pris  dans  le  sens  de  chef, 
s'est  conservé  dans  l'usage  présent  de  notre  langue,  et 
pour  me  borner  à  un  seul  exemple,  le  premier  et  le  chef 
des  hérauts  d*armes  se  nomme  encore  aujourd'hui  le  floi 
d'armes.  On  a  donc  pu  sans  crime  donner  au  prince  de 
Condé  le  titre  de  roi  des /îdèfes,  parce  que  ce  mot  pouvait 
signifier  alors  la  personne  la  plus  distinguée  entre  celles 
qui  professaient  la  religion  P.  R. ,  ou  si  Ton  veut  même  le 
chef:  et  tout  au  plus  pouvait-on  soupçonner  celui  qui  avait 
fait  frapper  ce  jeton  de  s'être  servi  de  la  double  signifi- 
cation du  mot  rot  pour  faire  sentir,  je  ne  dirai  pas  l'espé- 
rance, mais  le  désir  qn'il  avait  que  ce  prince  devînt  roi, 
afin  qu'il  pût  faire  monter  sur  le  trône  avec  lui  la  reli- 
gion qu'il  avait  embrassée. 

Après  cette  courte  digression  que  j'ai  crue  nécessaire 
pour  expliquer  les  diOTérentes  significations  du  mot  roi  y 
je  reviens  aux  deux  passages  du  ligueur. 

Il  était  fort  instruit  de  ce  qui  s'était  passé  durant  les 
trois  guerres  de  religion,  et  il  nous  apprend  sur  ces  évé- 
nements des  circonstances  qui  ne  se  trouvent  point 
ailleurs.  Il  n'a  donc  pn  ignorer  qu'on  avait  publié  en  1567 
que  le  prince  de  Condé  s'était  fait  couronner  roi,  et  qu'il 
avait  fait  frapper  de  la  monnaie  en  son  nom  :  des  faits  si 
singuliers  et  si  importants  n'ont  pu  lui  échapper.  Il  dé- 
chire les  huguenots  dans  ses  écrits,  et  n'oublie  rien  pour 
les  rendre  odieux.  Quels  reproches  plus  sanglants  pouvait- 
il  leur  faire  que  de  rappeler  un  crime  de  lèse-majesté 
commis  par  leur  chef?  Ce  qu'il  a  dit  du  jeton  devait,  pour 
ninsi  dire,  le  remettre  sur  Iav(»e,  et  le  faire  ressouvenir  de 
la  monnaie  s'il  avait  pu  l'oublier.  Il  n'a  pas  respecté  les 
personnes  sacrées  de  nos  Rois  et  leur  auguste  sang;  s'il  a 
vomi  les  injures  les  plus  grossières  et  inventé  les  calomnies 


tT    DISSERTATIONS.  86Î 

les  plus  alroccs  contre  Henri  IV  et  contre  la  reine  de  Na- 
varre sa  mère,  on  peut  juger  que  le  prince  Louis  de  Condé 
et  Henri  son  fils  n*ont  point  été  à  couvert  de  ses  traits. 

H  faut  donc  conclure  du  caractère  de  cet  écrivain  et  de 
l'esprit  qui  l'animait  que  puisqu'il  n'a  point  parlé  du 
couronnement  du  prince  de  Condé,  c'est  qu'il  était  per- 
suadé, avec  toute  la  France,  que  ce  fait  avait  été  publié 
sans  fondement.  S'il  n'a  osé  rappeler  le  souvenir  de  la 
monnaie,  c'est  qu'il  vivait  dans  un  temps  où  l'on  recon- 
naissait généralement  qu'elle  n'avait  point  été  frappée,  et 
qu'il  craignait  de  se  décrier  lui-même  et  de  se  faire 
passer  pour  un  calomniateur.  S'il  a  été  réduit  à  reproclier 
aux  huguenots  un  jeton  que  l'on  pouvait  tout  au  plus 
regarder  comme  une  indiscrétion,  et  auquel  il  a  tâché  de 
donner  une  interprétation  criminelle,  c'est  qu'apparemment 
le  jeton  était  alors  commun,  ou  que  du  moins  il  était  en 
état  de  prouver  ce  qu'il  avançait  en  le  représentant;  car 
je  suis  fort  porté  à  croii'e  que  ce  jeton  a  été  frappé.  S'iP 
n^avait  point  existé,  quelle  apparence  que  cet  écrivain  eût 
voulu  inventer  une  calomnie  dont  il  ne  pouvait  pas  tirer 
un  grand  avantage  contre  ses  adversaires*.  Duplessis 
Mornay  et  quelques  autres  écrivains  qui  ont  répondu  au 
premier  avertissement,  n'ont  rien  dit  sur  l'endroit  de  ce 
libelle  où  il  est  parlé  du  jeton;  et  leur  silence  peut  faire 
présumer  qu'ils  reconnaissaient  qu'il  avait  été  véritable- 
ment frappé. 

J'ai  dit  plus  haut  qu'il  y  avait  quelque  dilfêrence  entre 
les  deux  passages  qui  ont  sem  de  fondement  aux  raison- 
nements que  je  viens  de  faire.  Je  vais  en  rendre  compte. 


*  Mém,  fie  Duplessis  Mornay,  vol.   I,  p.  619,  Cet  ouvrage  est  nussi  iiiipriiDo 
dau>  les  àfétnoire.s  tir  ta  Lifjue^  t.T,  p.   IM. 


86i  MÉMOIRES 

Le  second  passage  est  tiré  d*uD  ouvrage  imprimé  en  1590 
et  qui  est  intitulé  :  Second  averlissemenl  des  catholiqiM 
anglais  aux  François  catholiques,  etc.  L'auteur  du  Second 
avertissement,  après  avoir  insinué  que  le  prince  de  Condé 
a  aspiré  au  trône,  ajoute  :  Et  encore  ne  peul-on  5t  bien  dissi- 
muler^ quon  ne  fit  battre  montioiesous  le  nom  et  le  portrait 
du  roi  des  fidèles  ^  Cet  auteur,  daos  son  premier  ouvrage, 
parle  d'un  jeton,  et  dans  le  second,  d'une  monnaie.  Je  ne 
sais  si  c'est  par  inadvertance,  ou  pour  aggraver  le  reproche 
qu'il  fait  aux  huguenots  qu'il  s'est  servi  du  mot  de  monnaie 
dans  le  Second  avertissement  ;  mais  il  me  parait  que  ce  qu'il 
dit  ne  peut  convenir  qu'à  un  jeton,  et  qu'il  faut  expliquer 
le  second  passage  par  le  premier.  Si  cet  auteur  varie  sur  la 
qualité  de  la  pièce  de  métal  qui  a  été  frappée,  il  rapporte 
d'une  manière  uniforme  les  mots  qui  étaient  gravés  dessus  : 
Au  roi  des  fidèles.  Or  ces  mots  conviennent  fort  bien  pour 
l'inscription  d  un  jeton,  et  ne  sont  nullement  propres  pour 
servir  de  légende  à  nos  monnaies  parc«  qu'ils  sont  trop 
éloignés  de  ceux  qui  depuis  très-longtemps  sont  consacrés 
pour  cet  usage'. 

*  Fol.  52,  vo. 

'  En  lisant  oe  qui  précède  le  passage  que  j'ai  tiré  du  Second  arerti^itment 
des  catholiques  anglois,  on  ne  peut  douter  que  Tauteur  n^ait  cru  on  n'ait  Toula 
faire  croire  que  le  jeton  dont  il  parTe  n*ait  été  fabriqué  en  l'honneur  du  prince 
de  Condé  ;  mais  peut-être  ce  fait  n'est-il  pas  certain ,  et  voici  la  raison  sur 
laquelle  ce  soupçon  peut  être  fondé. 

Un  anonyme  huguenot  répondit  à  VÂvertisietnent  des  catlioliquês  anghfs  par 
une  brochure  intitulée  :  RéfkOfUêà  «n  ligueur  masqué  du  nom  de  eatholique  anglais ^ 
par  un  vrai  catholique  bon  françois,  1587^  in- 12.  Voici  ce  qu'on  y  lit  à  la  page  69: 
*•  Il  n*e8t  pas  qae  vous  ne  repreniez  jusques  aux  jettons  de  la  chambre  des  contes 
du  roy  de  Navarre,  que  vous  dites  porter  ceste  inscription  :  Au  roy  des  fidelles. 
Je  ne  sai  si  en  cela  vous  mentez  comme  ou  la  pluspart  do  tout  le  reste  :  mais 
quand  ainsi  seroit ,  estimez  vous  que  telles  choses  si  particulières  se  facent 
avec  advîi  ou  cuna«il  d'un  Roy?  et  pourquoy  tirez  vous  cela  hors  les  limites 


ET   DISSERTATIONS.  305 

rajouterai  à  ce  que  j*ai  déjà  dit  pour  prouver  que 
cette  monnaie  n'a  point  été  frappée  pendant  la  vie  du 
prince  de  Condé,  que  les  écrivains  qui  en  parlent  va- 
rient sur  le  métal  :  les  uns  disent  qu*elle  était  d*or,  et 
les  autres  qu'elle  était  d'argent.  Ils  ne  rapportent  pas  la 
légende  d'une  manière  uniforme  ^ 


des  pays  desquels  il  est  Seigneur  et  Boy  et  où  et  dont  les  si^ets  s'appellent 
fideUes,  pour  avoir  reça  la  religion,  laquelle  seule  ils  tiennent  potur  véritable.* 

L'anonyme,  sans  s'arrOter  à  reprocher  à  Louis  d'Orléans  qu'il  s'est  trompé 
lorsqu'il  a  attribué  au  prince  do  Condé  un  jeton  qui  avait  été  frappé  pour  le 
roi  de  Navarre,  parle  de  ce  dernier  fuit  comme  d'une  chose  constante.  Il 
faut  convenir  que  le  témoignage  de  ce  huguenot  a  plus  de  poids  que  celui  de 
Louis  d'Orléans,  catholique  trës-zélé  qui  avait  peu  de  commerce  avec  ceux 
de  la  religion  P.  R.,  et  il  n'y  a  guère  d'apparence  qu'on  ait  frappé  avec  la 
même  légende  deux  jetons,  l'un  pour  le  prince  de  Condé  et  l'autre  pour  le 
roi  de  Navarre.  Si  le  jeton  n'avait  été  fait  que  pour  la  chambre  des  comptes 
de  ce  roi,  la  preuve  que  j'en  tire  tomberait  d'elle-même.  Quoi  qu'il  en  soit 
ce  mémoire  en  renferme  plusieurs  autres  qui  me  paraissent  suffisantes  pour 
appuyer  le  sentiment  que  j'entreprends  de  soutenir. 

^  Le  bruit  de  cette  monnaie  prétendue  passa  de  la  France  dans  les  pays 
étrangers,  mais  avec  cette  inexactitude  qui  altère  presque  toujours  les  nou- 
veUes,  même  celles  qui  sont  les  plus  certaines.  Eu  voici  la  preuve  dans  des 
fragments  de  deux  lettres  dont  j'ai  les  copies  entre  les  maini^.  Elles  ont  été 
faites  à  Besançon  sur  les  recueils  de  pièces  rassemblées  par  feu  M.  Tabbé  Boizot 
(il  y  a  à  la  marge  de  ma  copie  :  Grandvelle,  t.  XXV,  p.  803).  Dans  la  pre- 
mière est  une  traduction  d'une  lettre  espagnole  écrite  de  Bruxelles,  le  26  d'oc- 
tobre 1567,  au  cardinal  do  Grandvelle,  qui  était  alors  à  Kome.  Voici  ce  qu'on 
Ini  mandait  :  «*  H  (le  prince  de  Condé)  se  fait  appeler  Ludoticus  undecimus 
frimut^  rex  Evangelistarum  ejui  »omtn«,  Louis  onze ,  roy  des  Evangélistes; 
et  il  a  fait  battre  monnoyo  sur  laquelle  il  a  fait  mettre  aussi  le  nom 
de  Louis  onze ,  roy  des  Evangélistes  ;  et  un  gentilhomme  de  la  maison  de 
l'archevêque  de  Cambray  m'a  assuré  avoir  veu  lesdites  monnoyes,  et  il  l'a 
assuré  aussi  à  notre  archevêque.  •«  Dans  une  autre  lettre  aussi  traduite  de 
l'espagnol  (il  y  a  à  la  marge  :  Chantonay^  t.  IV,  p.  134  verso),  et  datée  de 
Bruxelles,  le  14  d'octobre  1567,  on  lit  :  *<  Comme  on  a  vu  du  temps  du  prince 
de  Condé,  lequel  se  faisoit  appeler  Louis  onze  par  le  peuple  de  Saint-Dcnys,  et 
il  6t  battre  aussi  monnoye,  et  autres  choses  semblables ,  comme  me  l'a  écrit 
plus  amplement  Dum  France,  etc.  •» 


366  UiJÊ'jinws 

la  argameiit  eo&are  ptns  fort,  c'esc  .pi'^uica::  des  htàuj- 
riens  fraaraiâ  cootemporalos  n'a  parlé  de  <:ecte  mocDase, 
qu'il  D'eo  est  rien  dit  dans  It»  écriis  (âlzs  oxiir»  (e  prince 
de  0>ndé  et  contre  son  parti  en  lâôT.  et  pendant  la  seconde 
goerre  de  reiigioD,  e:  qae  les  décLvradcos  da  roi  données 
contre  ce  prince  qui  lui  faiâaîc  la  guerre*  n'en  font  poinf 
mention.  Ce  qu'on  en  a  publié  n*a  été  adopté  que  par  un 
historien  étranger,  très-imparfaîtenient  instruit  de  ce  qui 
se  passait  en  France,  e:  qui  ne  le  rapporte  même  que 
comme  un  bruit  populaire.  Si  )L  de  Thon  en  a  parié  \  ce 
n*est  que  dans  Textrait  qu'il  a  donné  de  TouTrage  d'An- 
toine Amauld  que  j* ai  cité  plus  haut  ;  et  puisque  cet  hbto- 
rien,  averti  de  ce  qu'on  en  avait  écrit  par  le  plaidoyer  de 
ce  fameux  avocat,  n'a  pas  jugé  à  propos  d'en  faire  mention 
dans  le  livre  où  il  raconte  les  événements  de  l'année  1567, 
j'en  conclus  qu'il  le  regardait  comme  une  imputation  ca- 
lomnieuse, et  comme  une  fable  qui  ne  méritait  pas  de 
trouver  place  dans  son  histoire. 

Henri  Sponde,évéque  dePamiers,  qui  avait  pesé  le  témoi- 
gnage des  auteurs  qui  ont  parlé  de  ces  faits,  rapporte, 
dans  sa  continuation  de  Baronius,  ce  qu'en  a  écrit  Natalis 
Comes  qu'il  cite;  mais  il  ajoute  :  a  Quand  le  respect  que 
j'ai  pour  la  mémo'ure  de  ce  prince  ne  ni'empècheroit  pas  de 
les  croire,  je  ne  pourrois  y  ajouter  foi,  parce  qu'aucun  de 
nos  auteurs  ne  les  ont  aRîrmés*. 

Toutes  ces  raisons  réunies  me  paraissent  former  une 
CHpèce  de  démonstration.  A  l'égard  du  jeton,  j'ai  déjà  dit 
que  je  penchais  à  croire  qu'il  avait  été  réellement  frappé. 
Si  ce  fait  était  bien  prouvé,  pourrait-on  douter  que  le  jeton 


•  Tniducît.  franv-,  t.  XII,  p.  2ô(>. 


ET    DISSERTATIONS.  807 

n'eût  donné  lieu  à  tout  ce  qui  a  été  dit  et  écrit  sur  la  mon- 
naie? En  admettant  Texistence  du  jeton,  on  pourra,  à  une 
circonstance  près,  adopter  tout  ce  qui  se  lit  dans  le  passage 
de  Brantôme  que  j'ai  rapporté  plus  haut.  Le  connétable  de 
Montmorency  aura  véritablement  présenté  au  conseil  du  roi 
un  jeton  frappé  sous  le  nom  du  prince  de  Condé;  le  bruit 
s* en  sera  aussitôt  répandu  à  la  cour,  à  la  ville,  par  toute  la 
France  et  dans  les  pays  étrangers  ;  et  il  n*aura  pas  fallu  beau- 
coup de  temps  pour  métamorphoser  en  une  monnaie  char- 
gée de  la  légende  ordinaire,  un  jeton  sur  lequel  on  avait 
donné  le  titre  de  roi  à  celui  en  l'honneur  de  qui  il  avait  été 
frappé.  A  toutes  les  raisons  qui  contribuent  à  chîinger,  à 
altérer,  et  à  déguiser  les  faits  qui  volent  de  bouche  en  bou- 
che, se  sera  joint  le  motif  puissant  de  rendre  odieux  un 
parti  contre  lequel  on  était  fort  animé. 

Je  remarquerai  en  finissant  qu'à  rexccption  de  le  Blanc, 
personne  n'a  écrit  qu'il  eût  vu  cette  monnaie.  Il  dit  clans 
son  Traité  des  monnaies*  qu'étant  à  Londres  il  a  vu,  entre 
les  mains  d'un  orfèvre,  un  écu  d'or  qui  avait  d'un  côté  la 
tête  du  prince  de  Condé,  et  de  l'autre  l'écu  de  France  avec 
cette  inscription  :  Ludorirus  Xllf,  Dei  (jralia  Francorum 
ux^  primus  chrisliauua,  «  Cet  Anglois,  ajoute-t-il,  faisoit 
si  grand  cas  de  cette  piice,  que  je  ne  pus  jamais  l'obliger 
à  s'en  défaire,  quoique  je  lui  offrisse  une  sopime  considé- 
rable pour  cela.  »  Le  témoign.'igp  de  le  Blanc  ne  jieut  être 
suspect,  et  il  doit  demeurer  pour  constant  qu'il  a  vu  cett<; 
monnaie.  Mais  est-il  certain  qu'elle  a  été  frappée  en  1507, 
et  n'est-elle  pas  plutôt  l'ouvrage  d'un  faussaire  qui  l'aura 
fabriquée  dans  l'espérance  de  la  vendre  bien  cher  à  quel- 
que curieux  peu  connai>«ifur?  On  «ait  jusqu'à  quel  \mui 


5G8  iiLmoires 

se  sont  multipliées  dans  Tantique  les  médailles  fausses  on 
altérées.  Ces  sortes  de  fraudes  seraient  aussi  communes 
dans  le  moderne  si  elles  étaient  aussi  lucratives,  et  qu  il 
fût  aussi  difiicile  de  les  découvrir.  Elles  ne  sont  cependant 
pas  sans  exemple ,  et  il  serait  aisé  d'en  fournir  plus  d*un. 
N'a-t-on  frappé  qu'une  seule  pièce  de  cette  monnaie?  Si 
Ton  en  a  frappé  plusieurs,  comment  ne  s'en  est-il  conservé 
qu'une?  Enfin,  une  pièce  unique,  et  du  moins  suspecte, 
suflTira-t-elle  pour  anéantir  des  raisons  qui  prouvent  évi- 
demment que  pendant  la  vie  du  prince  de  Condé,  il  n'a 
point  été  frappé  de  monnaie  sur  laquelle  on  lui  ait  donné 
le  titre  de  roi  de  France? 

C'est  cependant  sur  le  fondement  de  la  monnaie  vue  par 
le  Blanc  que  le  P.  Daniel  *  et  M.  l'abbé  le  Gendre  *  ont  cru 
qu'elle  avait  été  véritablement  frappée  en  1567.  Mezerai, 
qui  a  écrit  avant  le  Blanc,  avance  qu'il  y  a  des  auteurs 
qui  disent  qu'ils  ont  vu  cette  monnaie  '.  Je  ne  connais  point 
ces  auteurs,  u  Si  leurs  yeux  ne  se  sont  pas  trompés, 
ajoute  cet  historien ,  je  veux  croire  qu'elle  avait  été  fabri- 
quée par  les  ennemis  du  prince  de  Condé.  » 

J.  F.  Secousse. 

4infirft  1741. 

>  Hist.  de  France,  t.  VIII,  p.  664. 

»  Hiêt.  de  France^  in- fol.,  t.  I,  p.  697. 

*  Htit,  de  France,  in-fol.,  t.  III.  p.  409. 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


ESSAI 

D'ATTRIBUTION  DE  QUELQUES  MONNAIES  IBÉRIENNES 
A  LA  VILLE  DE  SALACIA. 

(PI.  XIX.) 


Parmi  les  monnaies  incertaines  de  l'Espagne  antique,  on 
distingue  une  série ,  assurément  fort  énigmatique ,  connue 
sous  le  nom  de  monnaies  d'Odacisa,  en  raison  de  la  légende 
latine  que  présente  une  des  pièces  qui  la  composent. 

Quelques  numismatistes  ont  supposé  que  ce  mot  dési- 
gnait le  nom  de  la  ville  où  les  monnaies  ont  été  frappées. 
D'autres,  ne  sachant  que  faire  de  cette  légende,  s'attachè- 
rent aux  types  et  attribuèrent  les  monnaies  en  question  à 
certaines  villes  dont  les  types  offrent  une  grande  ressem- 
blance avec  ceux  dont  nous  allons  bientôt  parler. 

D'autres  enfin,  plus  timides,  laissèrent  la  série  au  rang 
des  incertaines.  Nous  croyons  devoir  maintenant  étudier 
dans  son  ensemble  la  suite  monétaire  dite  A'Odacisa^  et 
faire  voir,  étant  reconnu  qu'elle  est  espagnole,  à  quelle 
région  de  l'Espagne  et  à  quelle  cité  elle  appartient. 

Les  monnaies  que  nous  nous  proposons  d'examiner  sont 

18«3.  —  6.  25 


370  MÉMOIRES 

toutes  de  cuivre,  des  modules  communément  dits  moyen  et 
petit  bronzes.  Voici  leur  description  : 

N*  i.  Tête  imberbe  d'Hercule  couverte  de  la  dépouille 
du  lion,  tournée  à  gauche;  derrière,  une  massue. 

^  Légende  ibérienne  ^  U1  4  ^  ,  entre  deux  thons  tour- 
nés vers  la  droite.  Dans  le  champ,  en  tête  de  la  légende,  un 
globule  dans  un  croissant.  —  JE.  25  millimètres.  (PI.  XIX, 
n*  1.) 

Eckhel  {Doctr,  num.,  t.  I,  p.  20)  décrit  cette  monnaie 
parmi  celles  de  Gadès,  considérant  sa  légende  comme  phé- 
nicienne; Saulcy  (3Ionn.  aut.  de  V Espagne  y  lég.  186); 
Lorichs  {Rech.  num.^  pi.  LXXVl,  11);  M.  Joseph  Gaillard 
(  CaL  Gaillard^  n*  177,  et  pi.  I,  n*»  4)  a  placé  le  revers  en 
sens  inverse  de  celui  qu'on  aurait  dû  adopter.  Cet  exem- 
plaire a  été  trouvé  à  Tavira  en  Portugal.  Perez  Bayer,  dans 
la  Relation  du  voyage  qu'il  fit  pendant  Tannée  1782  en 
Andalousie  et  en  Portugal  (voy.  l'extrait  manuscrit  con- 
servé à  la  bibliothèque  de  l'Académie  de  l'histoh-e  à  Madrid  ; 
—  cf.  Hubner  dans  les  Monalsberichle  de  TAcad.  de  Berlin, 
1860,  p.  329),  décrit  une  monnaie  semblable  qu'il  vit  à 
Séville,  et  qu'il  a  fait  dessiner  (au  fol.  227). 

J*ai  vu  un  exemplaire  de  cette  monnaie  au  Cabinet  nu- 
mismatique de  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid ,  un 
autre  dans  la  collection  de  don  Antonio  Delgado,  un  troi- 
sième dans  celle  de  M.  Hciss,  qui,  de  même  que  notre  savant 
collaborateur,  habite  Madrid. 

N'2.  Tête  d'Hercule  imberbe,  couverte  de  la  dépouille 
du  lion  et  tournée  à  gauche.  Derrière, une  massue;  devant, 
la  légende  latine  ODAGIS-A. 

i^  Légende  ibérienne  ^  D  t^  *i  4  »  entre  deux  thons  tour- 
nés à  droite  ;  dans  le  champ»  croissant  et  globule.  —  JE. 
24  millimètres.  (PI.  XIX,  n»  2.) 


ET   DISSERTATIONS.  371 

J/us-  Pembroke,  11,  pi.  LXXXIX,  1.  —  Eckhel,  Num.  vet. 
anecdotiy  p.  3,  pi.  1,  2,  et  Cat.  mus.  cœs.^  p.  2,  Gades,  2  ; 
Doclr.  num.^  1,  p.  20,  Gades,  2.  — Sestini,  3Ied.  hpan^ 
p,  36*  —  Jos.  Gaillard,  Cat.  Gaillard,  revers  renversé; 
exemplaire  trouvé  à  Béjâ  en  Portugal.  —  J'ai  vu  de  cette 
monnaie  deux  exemplaires  au  Cabinet  national  de  Madrid, 
un  dans  la  collection  Ueiss,  un  autre  au  musée  Britannique  ; 
celui-Iàest  le  mieux  conservé,  on  y  lit  la  légende  latine 
très-clairement. 

N*  3.  Têtedllercule  imberbe  tournée  à  gauche;  derrière, 
massue. 

Si  Thon  tourné  à  droite;  au-dessus,  légende  ibérienne 
semblable  à  celle  du  n®  2;  au-dessous,  la  légende  latine  à 
demi  effacée  ....BLAS  on  ....BIAS  —  ^E.  18  millimètres. 
{PL  XIX,  n<>  3.) 

Lorichs,  Rech.  ntim.,  pi.  XIII,  n"*  7.  C'est  la  copie  d'un 
exemplaire  consente  au  Cabinet  national  de  Madrid  ;  je  n'en 
connais  pas  d'autre.  Cette  monnaie  représentait  probable- 
ment en  valeur  la  moitié  de  celle  qui  précède. 

N^  4.  Tête  barbue  et  laurée  à  gauche.  Devant,  une  lé- 
gende latine. 

^  Entre  deux  thons,  légende  ibérienne  semblable  à  celle 
du  n"*  1 ,  avec  les  deux  derniers  caractères  liés.  Dans  le 
champ,  un  globule  dans  un  croissant.  —  JE.  25  millimètres, 
(PL  XIX,  n*»  4.) 

M.  J.  Gaillard  {Cat.  de  La  Torre,  n'  555),  décrit  cette 
monnaie  ainsi  :  Tête  laurée  de  Jupiter  à  droite  ;  devant,  lég. 
en  caractères  latins  dont  l'arrangement  n'est  pas  ordinaire  ; 
on  y  lit  ...ONIESISCR.  —  Éji  Deux  poissons  avec  croissant, 
légende  effacée.  Cet  exemplaire  fut  acheté  par  feu  Lorichs. 
La  tête  laurée  est  tournée  à  gauche,  ainsi  que  j'ai  pu  m'en 
assurer  au  moyen  d'un  dessin  exécuté  avec  beaucoup  de 


372  MÉMOIRES 

soin  par  M.  Sensi,  aujourd'hui  en  la  possession  de  M.  Del- 
gado,  et  reproduit  dans  notre  planche  sous  le  n*  5.  On  y 
lit  :  Q\4  î>IIL-SISC/?  K.  On  voit  que  cette  pièce  est  njal  con- 
servée. Aussi  M.  Delgado  {Cat.  /.oric/ïs ,  n'»  539 )  y  a-t-il 
lu  :  Q /PA/IESISG/P  F.  Le  seul  exemplaire  que  j*aie  vu  est 
conservé  à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris.  La  légende 
latine»  qui  n'est  évidemment  pas  la  même  que  celle  des 
monnaies  précédentes,  donne  clairement  SISBESISGRA-f^ 
(ou  F) .  Je  reproduis  aussi  (  pi.  XIX,  n^  6  )  la  copie  du  droit 
d'une  monnaie  dessinée  par  Ferez  Bayer  dans  sa  Relation  de 
voyage,  folio  156.  Ce  savant  avait  lu  :  Q.  .SISCR  T,  et  l'exem- 
plaire était  conservé  à  Malaga. 

N*  5.  Tète  d'Hercule  imberbe  coiffée  de  la  dépouille  de 
lion,  tournée  à  gauche;  derrière,  une  massue;  devant,  une 
légende  ? 

â  Légende  ibérienne  semblable  à  celle  du  n**  2,  entre 
deux  dauphins  tournés  vers  la  gauche;  dans  le  champ,  un 
globule  dans  un  croissant.  —  ^E.  25  millimètres.  (PI.  XIX, 
n*7.) 

De  cette  monnaie  je  ne  connais  que  deux  exemplaires  : 
Tun ,  conservé  au  Cabinet  national  de  Madrid ,  est  en  très- 
mauvais  état;  l'autre,  un  peu  moins  maltraité  parle  temps, 
se  trouve  au  Cabinet  royal  de  Berlin.  J'en  donne  le  dessin 
d'après  une  empreinte  communiquée  par  le  savant  M.  Julius 
Friedlœnder,  conservateur  de  cet  établissement. 

N»  6.  Tête  d'Hercule  imberbe  ceinte  d'une  couronne  de 
laurier,  tournée  à  droite.  Devant,  légende  latine  effacée. 

i^  Légende  ibérienne  comme  au  n"*  2,  entre  deux  dau- 
phins tournés  vers  la  gauche.  Dans  le  champ,  globule  dans 
un  croissant.  —JR.  25  millimètres.  (PI.  XIX,  n*»  8.) 

Le  dessin  que  je  publie  a  été  fait  d'après  un  exemplaire 
de  la  collection  de  M.  Heiss.  On  voit  sur  cette  pièce,  devant 


KT  l)lssKnrATlo^s.  .^73 

la  lôtc  (VHercule,  des  traces  d'une  légende  latine.  Un  autre 
exemplaire  se  trouve  dans  la  collection  de  M.  Estebanez 
Calderon  à  Madrid.  La  légende  latine  a  porté  en  dehors  du 
flan.  11  est  probable  que  c'est  la  même  variété  dont  nous 
donnons  le  droit  (pi.  XIX,  n°  9)  d'après  un  dessin  de 
Bayer  puisé  dans  son  récit  de  voyages  déjà  cité  (  f*  249  v.). 
Le  savant  antiquaire  avait  vu  cette  médaille  mal  conservée 
dans  la  collection  du  célèbre  Cenaculo,  alors  évêque  de 
Béjâ  en  Portugal,  qui  lui  en  fit  présent.  Bayer  y  avait  pu 
lire  SISVC.  Cette  monnaie  était  coulée  de  même  que  le  sont 
les  deux  autres  conservées  aujourd'hui  à  Madrid.— Compa- 
rez la  tête  à  celle  que  porte  une  monnaie  de  Baelo  (Lorichs, 
Rech.  nuw.,  pi.  XLII,  9),  qui  montre,  au-dessus  de  la  dé- 
pouille du  lion,  un  épi  de  blé. 

N'  7.  Tête  barbue  laurée,  tournée  vers  la  droite  ;  devant, 
un  rameau. 

itj  Thon  à  gauche,  entre  deux  légendes  effacées.  —  JE, 
19  millimètres.  (PI.  XIX,  n'  10.) 

Je  décris  ici  cette  monnaie  à  cause  de  la  grande  ressem- 
blance qu'elle  présente,  sous  le  rapport  du  type  et  de  la 
fabrique,  particulièrement  du  côté  du  revers,  avec  la  pièce 
classée  sous  le  n"*  3 ,  que  je  considère  comme  ayant  valu  la 
moitié  de  celle  qui  la  précède.  J'établis  ce  rapprochement, 
bien  que  les  légendes  des  deux  exemplaires  uniques  que 
j'ai  vus  au  Cabinet  national  de  Madrid  soient  presque  com- 
plètement effacées. 

Ces  pièces,  qui  paraissent  de  fabrique  espagnole,  et  qui 
cependant  ne  portent  pas  les  types  des  monnaies  connues 
jusqu'à  présent,  peuvent  fort  bien  être  considérées  comme 
des  divisions  des  n***  4,  5  et  6  de  la  pi.  XIX. 

Après  avoir  donné  la  description  de  toutes  les  variétés 
que  nous  avons  pu  réunir,  nous  devons  nous  efforcer  de 


37A  MÉMOIUES 

découvrir  à  quelle  ville  elles  appartieuneut.  Sestini,  le  pre- 
mier, voulut  voir  dans  la  légende  ODAGISA  le  nom  d'une 
ville  qu  il  crut  bon  de  placer  dans  l'Espagne  citérieure. 
M.  Joseph  Gaillard  a  pensé  aussi  qu'il  a  existé  une  ville 
appelée  ODAGISA,  située,  suivant  son  opinion,  à  cause  de 
la  ressemblance  des  types  avec  ceux  de  Gadès,  Sex  et 
Abdéra,  dans  l'Espagne  ultérieure.  Il  cite  à  l'appui  une 
inscription  conservée  à  Lora  del  Rio  (Miu*atori,  1065,  4), 
relative  à  une  femme  nommée  ComeUa  Lucii  filia  Ruslica 
Oduciensis.  Ce  même  nom  de  ville  se  trouve  aussi  mentionné 
dans  l'inscription  de  Gruter  (3A5,  A),  consacrée  par  les 
Unlrarii  Canamenses^Oducienses^Naevenses  (une  autre  con- 
tenant le  même  nom  est  fausse  ;  voy.  Ilubner  dans  le  Bhein. 
Mus.  fur  Philol,  t.  XVII,  p.  228  et  suiv.). 

M.  Hûbner  identifie  l'antique  Oducîa  avec  le  village  de 
Tocina  {Monalsber.  der  Akad.  zu  Berlin,  1860,  p.  103). 
Mais  Oducia  n'est  pas  Odacisa.  Je  ne  crois  pas  même  que 
la  légende  ODAGIS-A  représente  un  nom  de  ville,  puisqu'il 
existe  des  variétés  certainement  sorties  du  môme  atelier 
que  les  monnaies  sur  lesquelles  nous  lisons  cette  légende, 
et  qui  néanmoins  en  offrent  une  toute  différente. 

En  examinant  toutes  les  pièces  que  nous  avons  rappelées 
ou  décrites,  on  y  reconnaît  sans  difficulté  quatre  légendes, 
les  variantes  de  chacune  provenant  de  la  façon  dont  elles 
ont  été  lues. 

1.  ODAGISA. 

2.  BIAS  ou  BLAS. 

3.  0MES1SGR-?  (Gaillard);— QVADIIL-SISGy^h  (Sensi)  ; 

—  Q\ff  A/IE-SISG/?  F  (Delgado);-.Q SISGR F  (Bayer) ; 

— SISVG  (Bayer). 

i.  SISBESISGRA  F. 

Ces  quatre  légendes  représentent  sans  doute  des  noms 


ET   DISSERTATIONS.  i7b 

de  magistrats  de  la  ville  dont  le  nom,  en  caractères  ibé- 
riques, est  toujours  le  même  sur  le  revei-s.  On  connaît  quel- 
ques autres  exemples  de  noms  de  personnages  romains 
réunis  à  des  légendes  géographiques  espagnoles. 

Dans  les  légendes  8  et  4  il  y  a  un  point  au  milieu  ;  elles 
contiennent  donc  deux  noms.  Dans  SISGRA,les  deux  derniers 
caractères  sont  tantôt  en  monogramme,  tantôt  séparés; 
mais  la  légende  n**  4  indique  bien  comment  le  nom  doit  être 
lu.  Le  caractère  F  qui  le  suit  doit  signifier  filius.  Sisgra 
serait  donc  un  nom  paternel  au  génitif.  M.  Hiibner  (dans 
les  Monatsberichle  de  Berlin,  1861,  p.  96)  a  publié  une 
inscription  assez  ancienne  qui  existe  dans  la  ville  d'Alcald 
del  Rio,  et  qui  contient  le  nom  d'un  indigène  appelé 
VRGHAILATITTA-F-GHILASVRGVN.  La  terminaison  A  au 
génitif  n'est  donc  pas  inadmissible.  Je  crois  que  les  noms 
contenus  dans  les  légendes  transcrites  plus  haut  sont  pure- 
ment espagnols-celtiques,  comme  on  en  trouve  un  si  grand 
nombre  dans  les  régions  occidentales  et  septentrionales 
de  la  Péninsule,  offrant  quelquefois  des  formes  bien  plus 
extraordinaires  que  celles  dont  nous  nous  occupons.  Quant 
à  la  lecture  de  la  troisième  sorte  de  légendes,  je  m'attache 
de  préférence  à  celle  qui  a  été  proposée  par  M.  Delgado 
dans  son  Gatalogue  de  la  collection  Lorichs. 

Le  nom  de  lieu  ne  pourra  donc  pas  être  trouvé  dans  les 
légendes  latines.  Mais  si  celles-ci  varient  d'une  monnaie  à 
l'autre,  il  n'en  est  pas  de  même  de  la  légende  ibérique 
qu'on  retrouve  sur  toutes  les  pièces,  et  c'est  elle  assuré- 
ment qui  renferme  le  nom  de  la  ville  ou  du  peuple. 

J'ai  appelé  cette  légende  ibérique  et  non  pas  phénicienne, 
bien  qu'au  premier  coup  d'œil  on  reconnaisse  qu'elle  se 
dirige  de  droite  à  gauche,  parce  qu'il  n'est  pas  rare  de 
rencontrer  ce  mode  de  direction  dans  les  écritures  ibériques 


370  MÉMOIRES 

d'une  certaine  région  et  de  quelque  ancienneté,  et  aussi 
parce  qu'elle  contient  des  lettres  qui  ne  sont  pas  phéni- 
ciennes. 

M.  Joseph  Gaillard,  en  renversant  tout  le  revers,  donne 
ainsi  la  légende  :  |^.  ViWl  D  C^ .  Mais  le  troisième  caractère, 
si  fréquent  dans  les  écritures  ibériennes,  presque  tou- 
jours tourné  à  droite  (  quelquefois  aussi  vers  la  gauche, 
comme  dans  la  légende  qui  nous  occupe) ,  suffirait  à  lui  seul 
pour  montrer  en  quel  sens  on  doit  présenter  la  légende. 
Quelques  numismatistes  ont  considéré  à  tort  comme  une 
première  lettre  le  croissant  placé  au  commencement  de 
cette  légende.  Cependant  il  paraît  n'avoir  pas  existé  sur  la 
pièce  n*  3,  et  c'est  d'ailleurs  un  symbole  très-fréquent  sur 
les  monnaies  de  l'Espagne,  tant  dans  la  région  ultérieure 
que  dans  la  région  citérieure.  Restent  donc  cinq  caractères. 

Le  premier  est  un  des  plus  usités  dans  l'alphabet  ibé- 
rique. Il  apparaît  ordinairement  tourné  à  droite  ;  c'est  le 
hé  des  Phéniciens..  TE  des  Grecs  et  des  Romains,  Le  second 
pourrait  être  considéré  comme  un  N  dérivé  du  noun  phé- 
nicien ;  mais  il  me  paraît  plus  probable  que  c'est  le  carac- 
tère initial  de  la  légende  H  ^  KtK  H  »  c  est-à-dire  (Velaz- 
quez,  Ensayo.,  p.  56.  —  Saulcy,  Mon.  ati/.,  lég.  117)  le  V 
consonne  romain ,  dérivé  du  vav  phénicien. 

Le  troisième  caractère  est  sans  doute  équivalent  à  l'I  ro- 
main, une  forme  retournée  de  l'tod  phénicien  et  hébraïque. 

Le  quatrième  et  le  cinquième  se  trouvent  liés  sur  quel- 
ques variétés  (  voy.  la  description  des  monnaies  n°'  1 ,  4  )  ; 
mais  ce  sont  deux  lettres  bien  distinctes,  ainsi  qu'on  peut 
s'en  assurer  par  l'examen  de  nos  monnaies  n"  2,  3,  5,  6. 
Nous  avons  quelques  autres  exemples  de  ligatures  dans 
l'écriture  ibérique.  Ainsi  sur  quelques  variétés  de  la  mon- 
naie publiée  par  Daniel  Lorichs  [Rech,  num. ,  pi.  XXVIII,  n*  7) 


ET   DISSERTATIONS.  377 

les  deux  lettres  ^  et  X  apparaissent  fondues  en  un  seul 
groupe  K  (pl.  XXVIII,  n*»«  8  à  10).  Sur  une  variété  inédile 
du  moyen  bronze  ordinaire  de  Segobrica  (  Lorichs ,  Rech, 
tiuiw.,  pl.  XL,  n*'  7,  18) ,  les  caractères  ^  et  ^  sont  liés 
ainsi  ^ .  On  observe  encore  d'autres  exemples  de  ce  fait 
sur  les  monnaies  de  Saguntum  et  d'Obulco,  et  dans  quel- 
ques inscriptions  de  l'Andalousie  et  du  Portugal. 

La  quatrième  lettre  de  notre  légende  est  vraisemblable- 
ment la  môme  que  celle  que  nous  voyons  en  tête  de 
□  ^  f  ^4^»  c'est-à-dire,  suivant  M,  Delgado,unB.  La  der- 
nière ne  se  retrouve  que  sur  une  monnaie  dont  la  légende 
se  dirige  de  gauche  à  droite,  et  où  elle  remplace  un  autre 
caractère  que  le  même  savant  a  reconnu  pour  un  M.  On 
pourrait  donc  lire  sur  nos  monnaies  :  EVIBM;  mais  mal- 
heureusement ce  mot  n'offre  aucun  rapport  avec  aucun 
des  noms  de  peuple  ou  de  ville  dont  l'antiquité  nous 
ait  transmis  la  connaissance. 

Puisque  le  déchiffrement  de  la  légende  ne  nous  fournit 
pas  la  solution  cherchée,  rappelons-nous  ce  fait  numisma- 
tique si  généralement  établi  que  les  monnaies  d'une  même 
région  offrent  des  rapports  de  types  bien  caractérisés,  et 
cherchons  parmi  les  monnaies  connues  de  l'Espagne  quelles 
sont  celles  qui  ont  le  plus  de  ressemblance  avec  la  série 
que  nous  avons  décrite. 

A  la  vérité,  la  tête  d'Hercule  et  les  deux  thons  se  ren- 
contrent à  l'occident  (Gadès)  et  à  l'orient  (Sex)  du  détroit; 
mais  il  faut  considérer  notre  série  dans  son  ensemble,  et 
comparer  le  tout  à  d'autres  médailles  qui  nous  sont  bien 
connues. 

Quant  à  la  chronologie,  je  dois  dire  que  nos  monnaies 
me  paraissent  avoir  été  fabriquées  à  peu  près  dans  l'ordre 
qui  leur  est  assigné  sur  la  planche  XIX.  r4elles  qui  portent 


378  MÉMOIRES 

seulement  la  légende  inexpliquée  me  semblent  plus  an- 
ciennes que  les  autres  sur  lesquelles  nous  remarquons  des 
noms  de  magistrats  romains;  elles  sont  aussi  plus  épaisses 
et  plus  pesantes  et  de  bonne  fabrique.  Bayer  reconnaît 
que  Tune  d'entre  elles  présentait  quelque  chose  du  style 
grec. 

Je  crois  que  les  plus  modernes  sont  les  pièces  à  la  tête  de 
Jupiter  lauré,  qui  portent  aussi  deux  dauphins  au  lieu  de 
thons,  non-seulement  parce  que  leur  fabrique  est  moins 
bonne ,  mais  parce  qu'elles  sont  frappées  sur  un  flan  plus 
mince,  et  par  conséquent  plus  léger. 

Que  ces  monnaies  aient  été  émises  par  une  ville  située  à 
une  grande  distance  des  autres  ateliers  monétaires,  c'est 
ce  qui  parait  évident  si  l'on  fait  les  réflexions  sui- 
vantes : 

!•  Malgré  leurs  types,  elles  ne  peuvent  provenu-  des  en- 
virons de  Cadix,  puisque,  dans  ce  cas,  elles  eussent  porté 
une  légende  en  caractères  semblables  à  ceux  qu'off'rent  les 
monnaies  que  j'ai  publiées  dans  le  Journal  asiatique  alle- 
mand^, monnaies  frappées  à  Asido,  Baelo,  Iptuci,  Lascuta, 
Oba,  Turrigena,  Vesci. 

2»  Par  la  même  raison,  elles  ne  peuvent  avoir  été  frap- 
pées dans  aucune  des  colonies  phéniciennes  de  la  côte 
orientale,  puisque  leurs  légendes  diflérent  sensiblement 
des  légendes  phéniciennes  inscrites  sur  les  monnaies  de 
Malaca,  de  Sex,  d'Abdéra,  etc. 

3*  Leurs  types,  comme  leurs  légendes,  ne  les  rattachent 
ni  à  la  contrée  située  au  sud  du  Bétis,  ni  au  voisinage  de 
l'embouchure  de  ce  fleuve,  puisque  ces  types,  comme  ces 


1  Spanisehê  Munzin  mit  bUher  untrklârttn  Àufêchriflen,  Leipsîg,  1863 ,  5  plan- 
ches. 


ET   DISSERTATIONS.  379 

légendes,  n'ont  aucun  rapport  avec  ceux  d'Acci  (?),  de 
Gastulo,  d'Iliturgi,  d'Iliberris.  Les  caractères  de  la  légende 
ne  peuvent  pas  non  plus  être  identifiés  à  ceux  de  Tinscrip- 
tion  ibérique  d'Alcalâ  del  Rio. 

4"*  Au  nord  du  fleuve  Bétis  habitaient  des  peuples  gros- 
siers et  à  peine  mentionnés  par  la  géographie  antique,  et 
nos  monnaies  doivent  avoir  été,  à  ce  qu  il  nous  semble, 
frappées  dans  une  ville  importante  et  civilisée,  qui, 
bien  qu'éloignée  de  la  côte,  devait  être  située  dans 
un  pays  en  contact  immédiat  avec  l'influence  phéni- 
cienne. 

5**  Enfin  elles  n'ont  pas  été  frappées  non  plus  dans  la 
contrée  située  entre  les  fleuves  Bétis  et  Anas,  puisqu'elles 
différent  sensiblement  des  médailles  qui  proviennent  de 
cette  région. 

Il  faut  encore  remarquer  que  presque  toutes  les  villes  de 
l'Espagne  ultérieure  qui  frappèrent  des  monnaies  auto- 
nomes, employèrent  plus  tard,  sous  la  domination  romaine, 
les  légendes  latines,  ainsi  que  le  démontrent  de  «ombreux 
exemples  fournis  par  le  numéraire  de  colonies  phéniciennes. 
Quoique  la  série  que  nous  étudions  se  trouve  encore  exclue 
de  la  classe  des  monnaies  d'attribution  certaine,  il  ne  laisse 
pas  cependant  que  d'être  probable  que  la  ville  où  elles  ont 
été  frappées  en  a  émis  d'autres  sur  lesquelles  le  nom  de 
lieu  était  écrit  en  caractères  latins. 

Si  donc  les  monnaies  postérieures  et  à  légendes  latines 
reçurent  des  types  semblables  à  ceux  des  pièces  autonomes 
qui  les  avaient  précédées,  il  est  bien  à  croire  que  ces  types 
étaient  ceux-là  môme  que  nous  montrent  les  monuments 
les  plus  modernes  de  notre  série,  c'est-à-dire  la  tête  de 
Jupiter  lauré  et  la  légende  entre  deux  dauphins. 

Or,  entre  tous  les  ateliers  monétaires  de  l'Espagne,  un 


380 


MÉMOIRES 


seul  nous  fournit  des  monnaies  latines  à  ce  type,  et  c'est 
Salacia'. 


Cette  ville  était  non-seulement  éloignée  de  tous  les  ate- 
liers connus  de  l'époque  républicaine  (car  les  médailles  de 
Pax  Julia  sont,  autant  qu'on  peut  s'en  assurer,  des  falsifi- 
cations du  siècle  dernier  '  ) ,  mais  encore  située  dans  une 
région  où ,  comme  dans  toute  la  partie  méridionale  du 
Portugal,  le  culte  et  le  commerce  des  Phéniciens  s'étaient 
implantés  dès  les  temps  les  plus  reculés. 

Je  finirai  par  l'argument  le  plus  puissant,  à  savoir  que 
les  médailles  portant  l'inscription  ^  Q  *>1  'i^  ne  se  trouvent 
qu'en  Portugal  ou  dans  les  provinces  d'Espagne  qui  confi- 
nent à  la  partie  méridionale  de  ce  royaume. 


t  La  seconde  de  ces  monnaies,  celle  qui  porte  la  légende  IMP-SÂLAC',  est 
une  pièce  unique  de  la  bibliothèque  nationale  de  Madrid. 

s  Je  dois  dire  cependant  qne  i*ai  vu  au  musée  de  Berlin  une  monnaie 
unique  de  Pax  Julia  frappée  sous  Auguste,  et  analogue  aux  pièces  latines  de 
Salacia.  Cest  un  moyen  bronze  au  flan  mince,  portant  d*un  côté  la  tête 
d* Auguste,  nue,  tournée  à  droite,  et  au  revers  PAX'IV..,  entre  deux  ligues 
horizontales.  Le  style  de  la  gravure  et  la  façon  dont  la  légende  est  disposée 
conviennent  bien  à  cette  région. 


ET    DISSERTATIONS.  381 

Bayer  en  a  vu  un  exemplaire  à  Malaga,  un  antre  à  Séville, 
tous  deux  probablement  de  provenance  portugaise,  et  un 
troisième  à  Béjâ. 

Les  monnaies  de  la  collection  Delgado  viennent  de  la 
province  frontière  de  Huelva.  Sur  deux  exemplaires  que 
possédait  M.  J.  Gaillard,  l'un  avait  été,  à  ce  qu  il  dit,  re- 
cueilli à  Tavira ,  Tautre  à  Béjâ. 

M.  le  docteur  Ilubner,  de  Berlin,  écrivait  de  Lisbonne  à 
M.  Delgado  qu'il  avait  vu  deux  exemplaires  d'une  monnaie 
inédite  d'Odacisa  avec  type  gaditain,  mais  non  bilingue,  à 
ïroya,  que  Ton  croit  ôtre  le  site  de  Tantique  Cœtobriga,  en 
face  de  Sétubal\ 

11  pourrait  se  faire  que  ce  ne  soit  pas  Salacia,  mais 
CîEtobriga  qui  ait  frappé  les  monnaies  en  question.  Les 
deux  villes  n'étaient  éloignées  Tune  de  Tautre  que  de  neuf 
lieues.  Je  préfère  cependant  les  attribuer  à  Salacia  pour  les 
deux  motifs  que  voici  : 

Premièrement,  nous  ne  connaissons  aucune  monnaie 
frappée  à  Gaetobriga  ;  mais  nous  en  avons  de  Salacia  d'une 
époque  postérieure  à  celle  des  pièces  que  j'ai  décrites;  ce 


*  M.  E.  llUbner  (dans  les  Monatsber,  der,  K,  Acad.  der  U'i>«.  xu  Berlin, 
1861,  p.  745)  donne  les  renseignements  suivants  que  je  traduis  en  français  : 
«  Csetobriga  :  la  position  de  Troya  et  les  ruines  qu'on  y  voit ,  surtout  les  restes 
*•  remarquables  d'établissements  pour  les  salines  et  la  trouvaille  de  monnaies 
«<  frappées  d'après  le  système  monétaire  et  aux  types  de  Gadès,  avec  des  lé- 
•  gendes  en  caractères  inconnus,  font  présumer  qu'il  a  dû  exister  en  cet  en- 
M  droit  une  ancienne  ville  qui  fut  abandonnée  pcut-Otre  à  Pépoque  de  la  do- 
««  mination  romaine,  comme  les  anciens  établissements  situés  sur  les  côtes 
••  méridionales  de  la  Péninsule.  »•  —  £t  plus  bas  à  la  môme  page,  en  parlant 
de  la  position  de  Salacia,  il  njoute  :  «  A  trois  lieues  sud-ouest  d'Alcacer  doSal, 
"  dans  la  direction  do  Béjà,  au  territoire  de  Ferreira  et  au  sud  de  l'endroit  dit 
M  0  Torrâo,  entre  les  rivières  Sadâo  et  Xarama,  est  une  vieille  église,  Santa- 
r^  Margarida  do  Sadâo,  où  se  trouvaient  du  temps  d'André  de  Resende  six 
M  inscriptions  dans  lesquelles  paraît  le  nom  de  Salacia.  n 


382  MÉMOIRES 

qui  nous  permet  de  supposer  que  si  Salacia  a  joui  sous  les 
Romains  du  droit  de  battre  monnaie ,  elle  rayait  possédé 
dès  auparavant. 

Secondement,  le  nom  de  Cœtobriga  est,  à  n'en  pas  douter, 
indigène,  et  devrait  se  reconnaître  dans  notre  légende  ibé* 
rienne,  ce  qui  n'a  pas  lieu. 

Au  contraire ,  le  nom  de  Salacia  parait  latin  et  peut  bien 
être  d'introduction  romaine.  Ce  nom  aurait  été  substitué  au 
nom  antique  de  la  ville  que  nous  voyons  sur  les  médailles 
de  fabrique  primitive ,  accident  assez  fréquent  dans  l'Es- 
pagne antique. 

J.    ZODEL   DE   ZaNGRONIZ. 

Madrid,  septembre  1B63. 


ET   DISSERTATIONS.  383 


MONNAIES   GALLO-GRECQUES 

DE  MARSEILLE  ET  D'ANTIBES. 
(PI.  XX.) 


N*»  1.  Tête  (l'Apollon  à  gauche. 

S)  Les  lettres  MAS  et  trois  points  surmontés  d'un  an- 
nelet  dans  les  rayons  de  la  roue.  —  Argent.  Poids,  08',5. 
(Planche  XX,  n*  1.) 

Dans  un  ai'ticle  précédent  \  j'avais  signalé,  parmi  plu- 
sieurs variétés,  trois  exemplaires  d'oboles  gallo-grecques 
de  Marseille  portant  dans  l'un  des  cantons  formés  par  le 
rayon  de  la  rouelle  du  revers,  l'un  une  fleur,  l'autre  un 
point,  et  le  troisième  un  croissant.  Aujourd'hui  nous  voilà 
en  présence  d'une  variété  plus  caractérisée  encore.  Pour 
moi  je  ne  doute  pas  que  la  seconde  lettre  ne  soit  un  A, 
bien  qu'elle  aflecte,  comme  nous  la  rencontrons  quelque- 
fois, la  forme  d'un  A.  La  pièce  est  donc  bien  massaliote. 
Mais  ce  qu'elle  offre  d'étrange,  ce  sont  ces  trois  points  et 
cet  annelet  insolite  qui  en  font  une  variété  nouvelle  à  classer 
en  attendant  que  la  lumière  se  fasse  sur  cette  quantité  de 
signes  et  de  sigles  que  nous  offre  ce  monnayage. 

Sous  la  rubrique  deuxième  type  de  Diane,  M.  de  la  Saus- 

1  Revui  numismatique f  1861,  p.  400  et  suiv. 


38A  M^IMOIRES 

saye,  dans  la  yumismatique  de  la  Gaule  narbonnaiscy  donne, 
à  partir  du  n"  54  jusqu'au  n"  115,  la  description  de  di- 
verses drachmes  qui,  selon  moi,  auraient  dû  être  soumises 
au  moins  à  une  subdivision.  Je  me  croirais  très- mal  venu 
à  critiquer  l'ouvrage  du  patient  et  érudit  explorateur  des 
monnaies  gallo-grecques  de  nos  contrées;  c'est  donc  une 
simple  observation  que  je  demande  la  permission  de  lui 
soumettre. 

Arrivant  à  la  discussion  historique  qui  forme  sa  sixième 
époque,  M.  de  la  Saussaye  dit  avec  raison  :  «  Mais  tandis 
«  que  la  puissance  de  Massalie  s'accroît  encore,  l'art  perd, 
«  comme  dans  tous  les  États  grecs,  de  sa  force  et  de  son 
«  éclat....  Les  médailles  38  à  â4,  59,  70  à  Hâ,  116  à  152 
«  nous  offrent  un  exemple  de  la  décadence  progressive  de 
«  l'art,  dont  quelques-unes,  toutefois,  conservent  encore 
((  d'assez  beaux  souvenirs.  Elles  ont,  au  surplus,  perdu  de 
a  leur  poids  comme  de  leur  style  ;  les  oboles  sont  des- 
«  cendues  de  75  centigrammes  à  60  et  au-dessous;  les 
«  drachmes,  de  3«',77  à  2s%65,  qui  resteront  le  poids 
c(  le  plus  ordinaire  jusqu'à  la  fin  du  monnayage.  »  Eh 
bien  !  c'est  cette  dernière  observation ,  si  judicieusement 
faite,  que  j'invoque  à  l'appui  de  la  division  que  je  pro- 
pose. 

En  parlant  de  la  cinquième  époque,  l'auteur,  par  de  no- 
bles et  poétiques  paroles,  nous  dépeint  cette  période  où  la 
beauté  de  Cœuvre  égalait  la  majesté  du  dieu.  Le  caractère 
divin  d'Apollon,  dit-il,  n'est  indiqué  que  par  les  traits  de  l'a- 
dolescence dans  sa  plus  grande  beauté.  Diane  Éphésienne  ne 
porte  d'autre  attribut  qu'une  couronne  formée  des  feuilles 
de  Tarbre  dont  le  premier  rejeton,  rapporté  avec  la  statue  de 
la  déesse  sur  le  navire  de  Protis,  avait  été  l'une  des  sources 
de  richesse  de  la  colonie. 


ET    DISSERTATIONS.  386 

Oui,  c'est  bien  là  indubitablement  le  point  de  départ  de 
ce  beau  type  monétaire  où  Tart  se  révèle  avec  une  si  gran- 
diose simplicité.  Les  Phocéens,  en  cela,  ont  procédé  d'après 
Tusage  resté  commun  de  laisser  d'abord  à  la  monnaie  sa 
régularité  primitive  de  dessin  et  de  ne  la  surcharger  de 
signes  particuliers  ou  d'ornements  parasites  qu'au  fur  et 
à  mesure  qu'on  procédait  à  de  nouvelles  fabrications,  et 
pour  distinguer  les  émissions  successives.  Dès  lors  je  crois 
qu'on  doit  admettre  seulement  dans  la  première  division 
au  type  de  Diane,  celles  des  drachmes  où  la  déesse  est 
représentée  sans  autre  ornement  que  les  petites  branches 
d'olivier  dans  les  cheveux,  les  pendants  d'oreille  et  le  col- 
lier de  perles;  car  évidemment  l'apparition  de  l'arc  et  du 
carquois  appartient  à  une  fabrication  postérieure.  J'en  dirais 
autant  des  symboles  du  caducée,  du  croissant,  du  tri- 
dent, etc. ,  qu'on  trouve  entre  les  pattes  du  lion  au  revers, 
et  je  ferais  de  ces  pièces,  sinon  une  classe  à  part,  du  moins 
une  division  en  dehors  du  caractère  primitif,  servant  de 
transition  entre  la  première  émission  dégagée  de  tout  signe 
et  de  tout  ornement  étranger,  et  le  type  commençant  au 
n*  116  de  M.  de  la  Saussaye. 

Ce  que  je  viens  de  dire  est  justifié  par  une  autre  circon- 
stance plus  frappante  encore  :  celle  du  poids;  car  il  n'est 
pas  possible  de  confondre  dans  la  même  fabrication  des 
pièces  qui,  parties  de  36%77,  descendent  même  au-dessous 
de  2«',60.  Cet  abaissement  dénote  que ,  dans  des  émis- 
sions successives  et  dans  un  but  facile  à  comprendre,  on  a 
démonétisé  les  drachmes  pesantes  pour  les  soumettre  à  la 
refonte  afin  d'en  obtenir  numériquement  une  plus  grande 
quantité  sans  augmenter  la  masse  du  métal  en  circu- 
lation, ainsi  que  l'a  reconnu  M.  de  la  Saussaye  lui-même 
dans  son  article  publié  en  1860,  avec  un  tableau  rectifica- 

J863.— 6.  26 


S86  HLMOIBES 

tî^^  Daos  sa  dégéoéresceDce  le  type  de  Diase  n'en  restait  pas 
moiiis  immobilisé;  mais  il  subissait  une  altération  considé- 
rable sous  le  rapport  de  la  valeur  intrinsèque  en  même  temps 
que  pour  le  caractère  du  dessin.  Je  pense  donc  que  la  série 
des  dracbmes  pesantes  doit  être  classée  à  pan  comme  for- 
maDt  ime  émission  spéciale.  Ce  n'est  pas.  je  le  répète,  un 
bouleversement  que  je  propose,  car,  pour  moi,  il  y  a  dans 
les  drachmes  au  type  de  Diane  quatre  divisions  principales 
bien  distinctes.  La  première,  celle  comprenant  la  tête  de  la 
déesse  et  au  revers  le  mot  MASIA  avec  ou  sans  symbole 
sous  le  lion  au  flanc  très-recourbé.  La  seconde,  le  buste 
pharéîré^  toujours  avec  le  seul  mot  MAHA  au  revers  et 
des  lettres  numérales  (?) ,  sous  le  lion  passant  au  flanc 
plein.  La  troisième  avec  le  buste  analogue  et  le  mot 
MAIIAAIHTQN  en  deux  lignes  au-dessus  et  au-dessous 
du  lion  en  arrêta  tourné  soit  à  droite,  soit  à  gauche.  La 
quatrième  enfin,  avec  ce  buste  amoindri  et  amaigri  au 
revers  duquel  figure  un  lion  d'un  mauvais  dessin  qui 
semble  porter  une  fraise  à  trois  rangs.  Je  ne  veux  pas 
parler  de  quelques  variétés  exceptionnelles,  telles  que  les 
n**  60,  68  et  69  de  la  planche  II  de  M.  de  la  Saussaye  qui 
n'appartiennent  pas  à  Marseille  et  qui  ne  sont  que  des  imi- 
tations grossières  de  la  monnaie,  émise  sans  doute  par 
quelque  peuplade  ou  quelque  colonie  voisine.  Mais  je  crois 
que,  m'en  tenant  aux  quatre  classifications  générales  dont 
je  viens  de  parler,  on  doit,  dans  la  première,  accorder  un 
rang  à  part  et  une  place  spéciale  aux  drachmes  pesantes 
c^mme  formant  une  série  bien  tranchée  et  appartenant  à 
une  émission  distincte.  En  outre,  je  n'hésiterais  pas  à  resti- 
tuer aux  types  postérieurs  les  n"*  70,  71  et  77  de  la 

»  Rttue  num.f  nouv.  iwtrie,  t.  V,  18f>0,  p.  485  à  490. 


ET   DISSERTATrONS.  387 

planclrc  II  de  la  ?i^umismatique  de  la  Gaule  narbonnaise  ; 
la  Diane  pharétrée,  le  lion,  les  légendes  et  les  lettres  de 
Vexergue  ne  sauraient,  selon  moi,  appartenir  à  la  division 
dans  laquelle  ils  sont  placés. 

Depuis  longtemps  j'étais  préoccupé  de  ces  observations 
lorsqu'elles  ont  été  récemment  confirmées  par  la  découverte 
de  sept  grandes  drachmes  qui  se  trouvaient  ensemble  et 
dont  nous  avons  fait  l'acquisition.  Ce  petit  trésor  porte  à 
onze  le  nombre  de  celles  que  nous  possédons  aujourd'hui, 
et  cette  quantité,  malgré  la  rareté  des  pièces  de  ce  poids 
et  de  ce  module,  vient  indiquer  d'une  manière  positive  une 
époque  réeUe  dont  la  refonte  et  la  démonétisation  n'ont  pas 
pu  effacer  Texistence,  La  planche  II  de  la  Numismatique 
de  la  Gaule  narbonnaise  ne  donnant  qu'un  petit  nombre  de 
dessins  et  le  texte  ne  citant  qu'une  série  restreinte  de  va- 
riétés, je  crois  être  agréable  aux  lecteurs  de  la  Revue  en 
décrivant  quelques-uns  des  exemplaires  qui  se  trouvent 
dans  nos  cartons,  et  qui  s'écartent  plus  ou  moins  des  spé- 
cimens dessinés  dans  l'ouvrage  de  M.  de  la  Saussaye  qui 
continuera  de  nous  servir  de  guide. 

Planche  XX,  n*  2.  Poids,  3«',68.  Variété  plus  légère  de 
la  pièce  dessinée  sous  le  n""  A,  planche  XYII  de  la  Revue 
(1861). 

W  3.  Poids,  S^,7b.  Très-belle  pièce,  variété  du  n*  84. 
planche  II  de  la  Gaule  narbonnaise^  et  un  peu  plus  pe- 
sante. 

N"  5.  Poids,  3«',68.  Un  croissant  et  un  point  derrière  la 
tête.  M.  de  la  Saussaye  donne,  sous  le  n*  56,  une  pièce  avec 
la  même  sigle.  La  sienne  est  beaucoup  plus  lourde;  mais 
l'aspect  de  la  nôtre  révèle  un  flan  incomplet. 

N»  6.  Poids,  3«',66.  N*7.  Poids,  8»',63.  Ces  deux  variétés, 
dont  les  têtes  diffèrent  essentiellement  entre  elles  pour  le 


388  m^:moires 

dessin  et  pour  l'ampleur,  sont  nouvelles  en  ce  sens  qu'elles 
portent  au  revers  1AI1^.  au  Heu  de  MA22A,  et  que  Tini- 
tiale  M  est  remplacée  par  un  1. 

N*  8.  Poids,  3«%65.  Légende  entièrement  inédite.  Le 
nom  MA22A  est  remplacé  par  les  lettres  2A,  assez  séparées 
entre  elles  pour  faire  voir  qu'elles  n'ont  pas  été  précédées 
par  d'autres.  La  conservation  de  cette  monnaie,  qui  est  à 
fleur  de  coin,  et  l'état  complet  du  revers  ne  laissent  aucun 
doute  à  cet  égard.  Le  travail,  est  d'une  grande  finesse  et 
la  manière  dont  le  lion  est  ressorti  à  la  frappe  est  presque 
exceptionnelle. 

Le  poids  de  ces  pièces,  inférieur  à  3«%77,  vient  nous 
prouver  que  si  elles  ont  suivi  de  près  la  première  émission, 
du  moins  n'est-il  pas  certain  qu'elles  lui  appartiennent. 

Au  moment  où  je  terminais  cet  article  une  nouvelle 
drachme  vient  de  m'ètre  apportée. 

N*  4.  Tête  de  Diane  à  droite  :  un  croissant  derrière  le 
cou  de  la  déesse. 

^  Lion  passant  à  droite,  mal  venu  à  la  frappe.  — 
Argent.  Poids,  36%70.  (Planche  XX,  n*  â.) 

La  présence  du  croissant  est  une  chose  nouvelle  sur  les 
pièces  de  cette  époque.  Elle  forme  variété  avec  le  signe  qui 
se  trouve  placé  au  môme  endroit  sur  le  n*  5  de  notre 
planche.  Heureusement,  malgré  l'irrégularité  du  flan  qui 
a  nui  au  revers,  le  côté  de  la  tète  est  beau  et  à  fleur  de 
coin. 

Sous  les  n"  123, 124  et  125  de  sa  nomenclature,  M.  de 
la  Saussaye  décrit  trois  drachmes  avec  le  monogramme  M 
placé  devant  le  buste  ;  et  sous  le  n**  1 38  le  même  mono- 
gramme inscrit  NV.  Jusqu'à  présent  ce  signe,  se  confondant 
avec  la  multitude  de  lettres  inexpliquées  placées  de  la  même 
manière,  je  n'y  avais  pas  apporté  d'attention.  Mais  je  viens 


ET    DISSERTATIONS.  380 

d'être  mis  en  possession  d'un  petit  bronze  à  fleur  de  coin, 
frappé  à  Arles  au  nom  de  Constant  fils  de  Constantin,  et 
portant  dans  le  champ  le  même  monogramme.  Pour  mettre 
le  lecteur  à  même  d'en  juger,  je  donne  le  dessin  des  deux 
pièces,  (Planche  XX,  n**  9  et  10.) 

Notre  petit  bronze  ne  saurait  avoir  été  frappé  à  Marseille, 
puisqu'il  n'existe  aucune  pièce  émise  dans  cette  ville  par 
les  Romains;  nous  voyons  dans  la  Notilia  dignitalum  im-- 
péril  romani  que  l'ancienne  colonie  phocéenne  ne  figure^ 
pas  au  nombre  des  officines  monétaires  de  la  Gaule.  Quant 
à  notre  pièce,  les  lettres  PARL  à  l'exergue  indiquent  le  pre- 
mier atelier  d'Arles. 

Je  livre  le  dessin  de  ces  deux  pièces  à  l'examen  des 
numismatistes,  et  je  serais  heureux  que  l'interprétation  d& 
ces  monogrammes  ainsi  rapprochés  pût  jeter  quelque  jour 
sur  le  sens  des  nombreuses  lettres  isolées  ou  groupées  qui 
se  trouvent  sur  nos  monnaies  gallo-grecques. 

Planche  XX,  n"  H,  12.  Voici  deux  monnaies  minuscules 
que  je  crois  être  entièrement  nouvelles,  en  raison  de  leur 
module.  M.  de  la  Saussaye  n'avait  connu,  je  crois,  que  des 
petits  bronzes  au  type  de  Marseille,  et  nous  nous  trouvons 
en  présence  d'oboles  véritables. 

Le  n"  12  se  trouve  dans  nos  cartons.  Le  n»  11  appartient 
à  M.  le  comte  de  Clapiers. 

Dans  sa  brochure  publiée  récemment  sur  la  numisma- 
tique de  1859  à  1861,  M.  Anatole  de  Barthélémy  veut  bien 
me  faire  partager  avec  quelques-uns  de  nos  maîtres  de  la 
science  des  éloges  que  je  ne  saurais  accepter,  surtout  à  côté 
des  noms  illustres  en  numismatique  qu'il  cite.  Mais  il  dit 
avec  raison  qu'aujourd'hui  que  l'archéologie  gauloise  est 
explorée  avec  une  faveur  marquée,  il  sera  bientôt  admis 
par  tout  le  monde  que  ces  pauvres  Gaulois,  si  longtemps 


390  MÉMOIRES 

considérés  comme  des  espèces  de  sauvages,  étaient  au  moins 
aussi  civilisés  que  les  nations  limitrophes  qui,  plus  heu- 
reuses qu'eux,  ont  eu  la  chance  d'avoir  des  historiens  con- 
temporains. La  première  de  mes  petites  monnaies  semhle 
venir  exprès  à  l'appui  de  cette  observation.  Il  est  impossible 
de  trouver  chez  quelque  peuple  que  ce  soit  un  travail 
d'une  grâce  plus  exquise  et  d'une  plus  grande  iinesse  de 
burin.  Ce  petit  bijou  est,  Dieu  merci,  arrivé  jusqu'à  nous 
à  fleur  de  coin  et  dans  un  état  de  pureté  qui  permet  d'en 
admirer  le  travail,  surtout  lorsqu'il  se  produit  sur  un  flan 
aussi  mince.  L'exemplaire  de  la  bibliothèque  de  Marseille 
est  tellement  loin  d'en  approcher  sous  tous  les  rapports 
que  je  n'oserais  pas  le  faire  figurer  ici  s'il  ne  s'agissait  pas 
d'établir  l'existence  d'un  module  nouveau  dans  le  mon- 
nayage gallo-grec,  point  d'autant  plus  essentiel  à  établh* 
que,  lorsqu'il  s'aghra  de  donner  des  limites  à  cette  fabri- 
cation, il  pourra  servir  de  comparaison  et  de  rapprochement 
avec  les  oboles  de  même  métal  frappées  à  une  époque 
avancée  de  l'empire  d'Occident  et  au  conunencement  de 
l'empire  d'Orient. 

Les  monnaies  gallo-grecques  d'Antibes  sont  assez  rares 
et  se  rencontrent  difficilement.  Dans  sa  dissertation  sur 
leur  caractère,  M.  de  la  Saussaye  exprime  *  le  regret  de 
ne  pouvoir  donner  le  dessin  d'une  pièce  empruntée  par 
Mionnet  au  Catalogue  du  roi  de  Danemark,  qu'il  ne  connaît 
ni  en  nature  ni  par  empreinte.  C'est  la  médaille  portant 
la  légende  PAIM  qu'il  croit  avoir  été  tronquée  ou  mal  lue. 
Je  suis  heureux  de  pouvoir  combler  cette  petite  lacune  en 
publiant  aujourd'hui  cette  pièce  de  bronze  qui  se  trouve 
dans  nos  cartons,  et  qui  doit  se  lire  AAIM  (planche  XX, 

*  ^um,  de  la  Gaule  narbonnaittf  p.  113. 


ET    DISSERTATIONS.  391 

n'ii),  c  est-à-dire  AOYKIOS  AMIMOI, Lucius .Emilius. 

Le  savant  numismatiste  a  déterminé  Tépoque  précise  du 
monnayage  d'Autibes  qui  se  trouve  limitée  entre  Tannée  hh 
et  l'année  &2  avant  Jésus-Christ.  Cette  fabrication  n'a  donc 
duré  que  de  deux  à  trois  ans  au  plus,  sous  le  gouverne- 
ment de  Lépide.  L'absence  du  surnom  AEIII  sur  notre 
pièce,  comme  sur  plusieurs  de  celles  décrites  par  M.  de  la 
Saussaye,  provient  évidemment,  comme  il  le  fait  fort  bien 
ob8er\'er,  de  ce  que  le  flan  n'a  pas  reçu  toute  son  extension 
lors  de  la  frappe.  Et  si  l'on  accepte  l'opinion  émise  par 
l'auteur  de  la  Gaule  narbonnaiscj  il  y  aurait  à  chercher  dans 
les  lettres  AAUVI  le  nom  d'un  magistrat  monétaire,  plutôt 
que  la  dégénérescence  de  la  légende  I^iAHM  ou  I2AIM 
inscrite  sur  les  pièces  d' Antipolis  décrites  sous  les  n»*  2 
et  3.  Le  triumvir  Lépide  se  nommait  Marcus  ^milius  et  le 
Lucius  i£milius  rappelé  par  la  monnaie  pouvait  être  son 
parent  ou  son  client. 

Les  variétés  données  par  M.  de  la  Saussaye  sont  au 
nombre  de  huit.  La  nôtre,  qui  avait  été  citée  par  Mionnet, 
devient  la  neuvième.  Le  monnayage  a  été  de  courte  durée 
s'il  n'a  pas  dépassé  le  gouvernement  de  Lépide;  mais  nous 
savons  à  quel  point  les  anciens  multipliaient  les  coins  et 
variaient  les  types.  La  numismatique  consulaire  en  fournit 
d'abondantes  preuves.  M.  de  la  Saussaye  repousse  l'opinion 
de  Lelewel  qui  proposait  le  nom  de  Canidius  pour  la  lé- 
gende de  la  pièce  qui  porte  le  mot  KAN ,  et  qui  croyait 
pouvoir  l'attribuer  à  P.  Canidius  Crassus,  consul  en  l'an  40 
avant  Jésus-Christ.  Mais,  sans  prétendre  me  ranger  à  l'opi- 
nion du  savant  polonais  quant  au  nom  inscrit  sur  cette 
monnaie,  je  ferai  seulement  remarquer  que  l'attribution  à 
un  personnage  exerçant  des  fonctions  consulaires  en  Tan  40 
rapproche  déjà  l'époque  où  la  fabrication  aurait  cessé,  et 


392  MÉMOIRES 

que  dès  lors  Lelewel  n'était  pas  aussi  cerlain  ni  aussi  aflir- 
matif  que  M.  de  la  Saussaye  sur  ce  point  important.  Il  est 
évident  que  les  monnaies  d' Antipolis  portent  des  inscrip- 
tions dans  lesquelles  l'auteur  de  la  Numismatique  de  la 
Gaule  narbonnaise  a  vu  des  noms  propres  romains  qui  lui 
paraissent  s'appliquer  pleinement  à  des  magistrats  moné- 
taires. Si,  à  réj)oque  de  Lépide,  on  a  adopté  dans  la  Nar- 
bonnaise l'usage  de  Rome,  nous  pourrions  nous  attendre  à 
rencontrer  sur  les  monnaies  d'Antibes  de  six  à  Luit  noms 
pour  deux  ou  trois  ans  ;  et  nous  sommes  encore  loin  d'avoir 
atteint  ce  chiffre. 

Ad.    CàRPENTlN. 


tl    DISSËllTATIONS.  S9S 


NIGÉPHORË  lUÉLISSÈNE, 

PRÉTENDANT  AU  TRÔNE  DE  BYZÂNGE. 
(1080—1081.) 


W?  [0YJ.  Buste  de  face  et  nimbé  de  la  Vierge,  le» 
mains  élevées  ;  le  tout  dans  un  grènetis. 

Si  [KbBOHeei]  NIRH^OPco  AGCnOTIITco  MGAI- 
CHNco,  en  cinq  lignes  ;  le  tout  dans  un  grènetis. 

Cette  médaille  a  été  frappée  à  une  époque  où  l'empire 
de  Byzance  approchait  rapidement  de  sa  fln  ;  déchiré  par 
les  rivalités  des  différents  prétendants  au  trône,  il  devenait 
la  proie  de  plus  en  plus  facile  des  hordes  seldjoukides,  La 
grande  défaite  de  Romain  IV  Diogène  à  Manzikert  (1071) 
avait  déflnitivement  ouvert  les  frontières  orientales  de 
Tempire  aux  invasions  des  Turcs,  et  les  traités  ouéreux 
que  chaque  nouvel  empereur,  ou  chaque  prétendant  se 
bâtait  de  conclure  avec  les  envahisseurs,  achevaient  de 
fixer  dans  les  plus  belles  provinces  de  l'empire  les  bandes, 
qui  jusqu'alors  n'y  avaient  fait  que  des  ravages  tempo- 
raires. 


30A  MÉMOIRES 

Le  règne  de  Michel  YII  Ducas,  successeur  de  Romain, 
lie  fut  qu'une  série  de  désastres;  la  révolte  des  Bulgares, 
celle  de  Nestor  et  des  Paizinaques  sur  le  Danube,  celle  de 
Philarétus  en  Commagëne,  et  du  chef  normand  Oursel  en 
Galatie;  un  traité  abandonnant  à  Soliman,  fils  de  Koutoul- 
niich,  chef  des  Seldjoukides  d'Anatolie,  plusieurs  provinces 
de  l'Asie  Mineure  ;  enfin  la  rébellion  de  Nicéphore  Bryen- 
nius,  qui  vint  ravager  les  faubourgs  de  Constantinople, 
voilà  les  principaux  événements  de  ce  triste  règne.  Une 
autre  révolte  vint  y  mettre  fin  :  Nicéphore  Botaniate,  com- 
mandant des  troupes  impériales  en  Asie  Mineure,  enhardi 
par  l'exemple  de  Nicéphore  Bryennius,  résolut  de  renverser 
le  faible  Michel  VIL  Après  s'être  assuré,  au  prix  de  nou- 
velles concessions  territoriales,  l'appui  d'un  chef  turc 
nommé  Chrysoskoulos,  il  quitta  la  Phrygie  où  ses  troupes 
étaient  cantonnées,  marcha  sur  Kicée,  où  il  fut  accueilli 
par  les  habitants  avec  enthousiasme,  et  bientôt  après  il 
recevait  la  nouvelle  que  Michel  avait  été  déposé,  et  s'était 
retiré  dans  le  monastère  de  Studion,  à  la  suite  d'une  in- 
surrection générale  de  la  population  de  la  capitale;  Nicé- 
phore fut  couronné  à  Sainte-Sophie,  le  13  avril  1078. 

Son  premier  soin  en  montant  sur  le  trône  fut  d'envoyer 
Alexis  Comnène,  qui  avait  embrassé  son  parti,  contre  Ni- 
céphore Bryennius,  qui  avait  pris  le  titre  d'empereur  et  qui 
se  maintenait  dans  la  Thrace.  Les  deux  armées  s'étant  ren- 
contrées près  de  Kalabrya,  celle  de  Bi7ennius  fut  mise  en 
déroute,  et  son  chef  fait  prisonnier;  Botaniate  lui  fit  crever 
les  yeux.  Un  second  prétendant,  Basilacius,  qui  s'était 
rendu  maître  de  Thessalonique,  fut  également  batlu  par 
Alexis  et  subit  le  même  sort  que  Bryennius.  Tranquille 
désormais  du  côté  de  l'Europe,  grâce  aux  talents  militaires 
d'Alexis  Comnène,  l'empereur  tourna  ses  eflbrts  vers  l'Asie 


£T   DISSERTATIONS.  395 

Mineure,  où  son  autorité  était  loin  d'être  généralement  re- 
connue. Il  eut  facilement  raison  de  Constantin  Ducas,  père 
de  Michel  VII,  que  les  troupes  avaient  proclamé  empereur, 
mais  qui  se  montra  si  peu  digne  de  la  pourpre  que  ses 
propres  partisans  le  livrèrent  à  Botaniate  ;  celui-ci  se  con- 
tenta de  lui  faire  prendre  l'habit  monacal  et  l'enferma  dans 
un  monastère  des  lies.  Mais  à  peine  était-il  débarrassé  de 
ces  trois  concurrents,  qu'il  s'en  éleva  un  quatrième,  dont 
il  ne  put  venu*  à  bout,  et  dont  la  révolte  dura  jusqu'à  la  fin 
de  son  règne;  c'était  Nicéphore  Mélissénos. 

La  famille  des  Méllssènes  était  une  des  plus  anciennes 
et  des  plus  puissantes  de  l'empire;  c'est  d'elle  qu'était 
issue  l'impératrice  Eudoxie,  troisième  femme  de  Constan- 
tin V  Copronyme,  et  sœur  de  Michel  Mélissénos,  dont  le 
fils,  Théodotos  Kassiteras,  fut  nommé  en  815  patriarche 
de  Constantinople.  Léon  et  Theognostus  Mélissène  prirent 
part  à  la  révolte  de  Phocas  contre  Basile  II,  vers  987  (Ce- 
drenuSj  p.  &A5).  Un  autre  Mélissène  figure  pendant  le 
règne  de  Constantin  Porphyrogénète  {Genesius^  p.  88),  et 
une  branche  de  la  famille  portait,  vers  le  milieu  du  ix* 
siècle,  le  surnom  de  Lydiatès  {Vita  S.  Nicolai  Slvditx^ 
apiidCombefis.  Hist.  Monothelit.  p.  9â3). 

Nicéphore  avait  épousé,  vers  la  fin  du  règne  de  Con- 
stantin XIII  Ducas  (1059-67),  Eudoxie  Comnène,  nièce  de 
l'empereur  Isaac  I  Comnène,  et  sœur  de  Manuel ,  qui  fut 
curopalate  et  général  des  troupes  asiatiques  sous  Romain 
Diogène,  et  d'Alexis  Comnène,  qui  succéda  à  Nicéphore 
Botaniate  sur  le  trône  de  Byzance.  Bien  qu'il  ne  soit  dési- 
gné que  sous  le  nom  de  Mélissénos,  il  ne  descendait  pro- 
bablement que  par  les  femmes  de  cette  famille  illustre;  car 
Bryennius  dit  expressément  que  du  côté  paternel  il  des- 
cendait  des  Mortii  ou  Bourtzii,    race  dont  l'illustration 


396  MÉMOIRES 

égalait  presque  celle  des  Mélissènes  (Nie.  Bryen.  1,  6;  lil, 
15).  11  est  mentionné  pour  la  première  fois  en  1070,  à  l'oc- 
casion de  la  bataille  de  Sébasté,  où  son  beau  frère  Manuel 
Gomnène  fut  battu  et  fait  prisonnier  par  le  Turc  Chrysos- 
koulos;  Nicéphore  et  son  autre  beau-frère  Michel  Taronite, 
qui  avait  épousé  Marie  Gomnène,  tombèrent  aussi  au  pou- 
voir au  vainqueur,  qui  ne  tarda  pas  du  reste  à  changer  de 
politique,  se  révolta  contre  son  suzerain  le  sultan  Alp  Ars- 
lan,  et  se  ligua  avec  les  Byzantins  {Nie.  Bryen.  I,  11). 
Huit  ans  plus  tard,  lorsque  Botaniate  leva  l'étendard  de  la 
révolte  contre  Michel  Vil,  il  n'y  eut  parmi  les  chefs  in- 
fluents de  l'Asie  Mineure  que  deux  hommes  qui  refusèrent 
de  se  joindre  à  lui,  et  qui  restèrent  fidèles  à  l'empereur  ; 
c'étaient  Georges  Paléologue  et  Nicéphore  Mélissène,  dont 
la  résidence  habituelle  était  Dorylée  {Nie.  Bryen.  111,  15; 
Cinnamus^  Vil,  2).  11  ne  chercha  pas  d'abord  à  résister 
ouvertement  à  Botaniate,  mais  il  se  retira  dans  l'Ile  de  Cos 
ou  dans  le  voisinage,  et  entama  des  négociations  avec  les 
Turcs  d'iconium;  dès  que  leur  appui  lui  fut  assuré,  il  ne 
balança  plus  ;  il  chaussa  les  souliers  de  pourpre,  insignes 
de  la  dignité  impériale,  et  se  mit  à  parcourir  l'Anatolie 
accompagné  par  les  troupes  de  ses  nouveaux  alliés.  Par- 
tout les  villes  lui  ouvraient  leurs  portes  et  le  reconnais- 
saient comme  empereur,  tandis  que  lui  les  remettait,  bien 
à  regret,  dit  l'historien,  aux  Turcs;  de  sorte  qu'en  très- 
peu  de  temps  ces  derniers  se  trouvèrent  maîtres  sans  coup 
férir  de  l'Asie  proconsulaire,  de  la  Phrjgie  et  de  la  Gala- 
tie;  Nicéphore  s'établit  avec  ses  auxiliaires  à  Nicée,  et 
se  prépara  à  marcher  sur  la  capitale.  Botaniate  eut  alors 
recours  encore  une  fois  à  Alexis  Gomnène,  et  le  chargea  de 
conduire  une  armée  contre  le  rebelle;  mais  le  prudent 
Alexis  déclina  cette  tâche;  il  n'avait  qu'une  médiocre  con- 


ET    DISSERTATIONS.  397 

fiance  dans  la  loyauté  et  la  reconnaissance  de  l'empereur, 
et  il  prévoyait  que,  si  son  armée  était  battue,  les  courtisans 
attribueraient  sa  défaite  h  une  entente  avec  Mélissène  qui 
était  son  beau-frère.  Sur  son  refus,  Botaniate  donna  le  com- 
mandement des  troupes  à  Teunuque  Jean,  titulaire  de  la 
charge  de  protovestiaire  {Nie.  Bryen.  IV, 31).  Ce  dernier,  qui 
n'avait  aucune  des  qualités  d*un  général,  s'avança  jusqu'à 
iNicée,  et  résolut  d'en  entreprendre  le  siège ,  malgré  l'avis 
de  Georges  Paléologue  et  de  ses  meilleurs  officiers  ;  mais  au 
lieu  de  le  poursuivre  avec  vigueur,  il  entra  en  pourparlers 
avec  les  habitants,  donna  aux  auxiliaires  turcs  le  temps 
d'arriver,  et  fut  réduit  à  décamper  précipitamment;  atta- 
qué pendant  la  retraite  par  la  cavalerie  ennemie,  il  ne  dut 
son  salut  qu'à  la  valeur  de  Paléologue  (ibid.  IV,  32-36). 
Ces  événements  se  passaient  vers  la  fin  de  Tan  1080;  au 
commencement  de  l'année  suivante,  Mélissène  se  prépa- 
rait à  marcher  sur  Constantinople,  lorsqu'une  révolution 
de  palais  vint  déjouer  tous  ses  calculs;  il  paraît  avoir 
compté  sur  la  neutralité  d'Alexis  Comnène,  lorsque  tout 
à  coup  celui-ci  fut  contraint  de  se  révolter  pour  sauver  sa 
vie  ;  cette  nouvelle  candidature  au  trône  de  Byzance  devait 
nécessairement  rejeter  dans  l'ombre  les  prétentions  de 
Mélissène. 

Alexis  Comnène,  qui  avait  rendu  de  grands  services  à 
Botaniate,  avait  trop  d'influence  et  de  popularité  pour  ne 
pas  exciter  la  jalousie  des  ministres  de  l'empereur,  les 
Esclavons  Borilas  et  Germanus,  et  la  prise  récente  de  Cy- 
zique  par  les  Turcs  allait  lui  donner  une  nouvelle  occasion 
de  mettre  en  relief  ses  talents  militaires;  car  on  ne  pouvait 
confier  qu'à  lui  seul  le  commandement  des  forces  destinées 
à  secourir  cette  place  importante.  Ils  proposèrent  donc  de 
l'arrêter  et  de  lui  crever  les  yeux;  mais  Alexis,  informé  du 


308  MÉMOIRES 

complot  qui  se  tramait  contre  lui,  s'échappa  de  la  capitale 
avec  son  frère  Isaac,  Georges  Paléologue  et  Jean  Ducas,  se 
rendit  à  Tannée  qui  le  salua  par  acclamation  du  titre  d'em- 
pereur, et  revint  bientôt  devant  Gonstantinople,  dont  il 
commença  le  siège  {Ànn.  Comn.  II,  1-7). 

Au  même  moment  Mélissène  atteignait  avec  ses  troupes 
les  rives  du  Bosphore,  et  campait  à  Damalis  auprès  de 
Ghalcédon.  Il  se  hâta  d'entrer  en  négociation  avec  son 
beau-frère;  il  lui  proposait  de  réunir  leurs  forces  contre 
Botaniate,  et  une  fois  la  capitale  prise,  de  partager  l'em- 
pire: à  lui  les  provinces  asiatiques,  à  Alexis  celles  de  l'Eu- 
rope; tous  les  deux  devaient  porter  le  titre  d'empereur  et 
les  insignes  impériaux.  Alexis,  qui  se  sentait  maître  de  la 
situation,  après  avoir  fait  attendre  quelques  jours  les  en- 
voyés de  Mélissène,  offrit  d'abord  de  lui  concéder  le  titre 
et  le  rang  de  césar,  avec  la  ville  de  Thessalonique  pour 
apanage  ;  puis  sous  prétexte  de  préparer  la  bulle  d'or  qui 
devait  contenir  ses  promesses,  il  retint  les  envoyés  jusqu'au 
moment  où  il  allait  pénétrer  dans  la  ville,  et  finalement  les 
congédia  avec  des  assurances  générales  qu'on  s'entendrait 
facilement  après  la  victoire  {ibid.  II,  8-10).  De  son  côté, 
Botaniate  entamait  aussi  des  négociations  avec  Mélissène, 
et  envoyait  à  la  flotte  l'ordre  de  traverser  le  Bosphore  et 
d'embarquer  les  troupes  qui  campaient  sur  la  rive  opposée. 
Mais  déjà  les  soldats  de  Comnène  s'étaient  répandus  dans 
la  ville,  et  Georges  Paléologue,  jeune  officier  entreprenant 
et  énergique,  s'était  jeté  dans  une  barque  et  faisait  force  de 
rames  pour  atteindre  l'endroit  où  stationnait  la  flotte  ;  il 
monta  seul  et  sans  armes  sur  une  des  galères ,  harangua 
l'équipage,  qui  bientôt  acclama  Alexis,  et  peu  d'instants 
après  toute  la  flotte  s'était  déclarée  pour  le  nouvel  empe- 
reun  Avant  la  fin  du  jour  Alexis  était  maître  du  palais  et 


Kl    DISSLHTATIONS.  399 

de  la  capitale,  et  Botaniate  était  relégué  dans  un  mona- 
stère; c'était  le  1"  avril  1081, et  le  jour  suivant,  qui  était  un 
vendredi  saint,  Alexis  fut  couronné  à  Sainte-Sophie  {ibid. 
II,  11-12).  Mélissènc  ne  fit  aucune  opposition  au  nouvel 
ordre  de  choses,  et  huit  jours  après  le  sacre  d'Alexis  il 
recevait  lui-même  le  titre  de  césar  et  Tapanage  qui  lui 
avait  été  promis  {Arm.  Comn.  III,  4;  Zonar.  XVIII,  21); 
depuis  lors  il  n'est  plus  question  de  lui  ;  on  sait  seulement 
qu'il  mourut  le  17  novembre  1104  (Ducange,  Familise 
August.  Brjzant.  p.  173). 

Les  descendants  de  Nicôphore  Mélissène  continuèrent  à 
jouer  un  rôle  important  à  Constantinople,  et  ensuite  dans 
le  Péloponnèse,  où  ils  possédèrent  des  fiefs  considérables  ; 
forcés  de  s'expatrier  à  la  suite  de  la  conquête  ottomane,  ils 
se  réfugièrent,  les  uns  à  Naples,  les  autres  à  Céphalonie,  où 
la  famille  s'est  perpétuée  jusqu'à  nos  jours.  Quelques-uns 
d'entre  eux  méritent  une  mention  particulière.  Théodore 
Mélissène  Gomnène,  arrière-petit-fils  de  Nicéphore,  épousa 
Marie  Gomnène  Paléologue,  et  fut  père  d'Alexis,  surnommé 
Stratégopoulos,  qui  fut  créé  césar,  et  qui  reprit  Constanti- 
nople à  Baudouin  II,  en  l'261.  Son  arrière-petit-fils  Léon 
était  seigneur  de  Messénie  et  métropolitain  d'Andrinople. 
Nicéphore,  fils  de  Léon,  fut  sébastocrator,  seigneur  d'Ithôme 
et  de  presque  toute  la  Messénie,  et  métropolitain  d'Andri- 
nople; sa  sœur  Marie  épousa,  vers  1400,  Antoine  Acciaiuoli, 
duc  d'Athènes,  et  lui  apporta  la  Tzaconie  en  dot  ;  son  fils  aîné 
Nicolas,  chassé  par  les  Ottomans,  se  réfugia  en  1462  à 
Candie,  et  alla  ensuite  s'établir  à  Céphalonie;  c'est  de  lui 
que  descendent  les  Mélissènes  actuels.  Son  fils  cadetGeorges 
resta  en  Morée,  et  fut  père  de  Théodore,  despote  de  Mes- 
sénie, qui  souleva  le  Magne  en  1572,  à  l'approche  de  don 
Juan  d'Autriche;  mais  abandonné  par  la  ligue  des  princes 


àOO  MÉMOIRES 

chrétiens,  il  dut  s'enfuir  avec  tous  les  membres  de  sa  fa- 
mille; les  exilés  se  fixèrent  à  Naples,  où  leur  branche  s'é- 
teignit à  la  génération  suivante.  Mais  il  était  resté  des  M6- 
lissènes  dans  la  Morée,  ainsi  que  l'atteste  la  relation  de  la 
singulière  tentative  du  duc  de  Nevers,  qui,  en  1618,  cher- 
cha, comme  représentant  des  Paléologues,  à  faire  valoir  ses 
droits  sur  la  Morée;  en  effet,  parmi  les  signataires  d'une 
adresse  de  dévouement  qui  lui  fut  envoyée  par  les  princi- 
paux habitants,  on  trouve  le  nom  de  Kicétas  Mélissénos. 
(Voyez,  pour  de  plus  amples  détails,  Buchon,  Nouvelles 
recherches  sur  les  principautés  françaises  de  Morée ^  vol.  I, 
!'•  partie,  p.  173,  242-245;  Berger  de  Xivrey,  Mém.  Acad. 
Inscript.  2"  série,  t.  XV;  Georgii  Phrantzœ  Annales^  II, 
2,  etc.)  Enfin  il  ne  faut  pas  omettre  le  moine  Grégoire  Mé- 
lissénos qui  joua  un  rôle  assez  important  au  concile  de 
Florence,  fut  nommé  patriarche  de  Gonstantinople  en  1446, 
et  mourut  à  Rome  en  1459  {Phrantza,  II,  2, 12, 15;  III,  1; 
Lequien,  Oriem  Chrisiianus,  I,  p.  309). 

La  monnaie  de  Nicéphore  Mélissène  est  entièrement  sem- 
blable à  celle  de  ses  contemporains  Botaniate  et  Comnëne. 
{Voyez  Sabatier,  Monnaies  byzantines^  pi.  LI,  17;  pi.  LU, 
9-12.)  Espérons  que  de  nouvelles  découvertes  nous  feront 
retrouver  celle  des  autres  prétendants  à  la  pourpre  impé- 
riale, Nicéphore  Bryennius  et  Basilacius. 

W.  H.  Waddington. 


ET  DISSERTATIONS. 


&0-1 


LE  PRINCE  CROISÉ  BAUDOUIN. 


A  M.  ADRIEN  DE  LONGPÉRIER. 

Mon  cher  ami, 

Tous  les  lecteurs  de  la  Revue  connaissent  une  pièce  de 
cuivre  au  nom  de  Baudouin,  représentant  un  guerrier  coiffé 
d'un  casque  conique,  vêtu  d'une  cotte  de  maille  et  tenant 
à  la  main  une  petite  croix.  Cette  pièce  avait  d'abord  été 
décrite  par  M.  Cousinéry,  qui  l'attribue  à  Baudouin  II,  roi 
de  Jérusalem  (U18-1131),  dans  sa  Notice  sur  les  monnaies 
des  princes  croisés,  insérée  à  la  fin  du  V*  volume  de  Y  Histoire 
des  croisades  de  Micliaud.  Puis  elle  a  été  reproduite  par  le 
baron  Marchant  et  donnée  par  lui  à  Baudouin  I",  empereur 
français  de  Gonstantinoplc  (1204-1221)  *.  Une  pièce  moins 
bien  conservée  a  été  placée  par  Lelewel  dans  son  atlas  de  la 
Numismatique  du  moyen  âge  (pi.  XVI,  n»  21).  Ce  savant 
l'attribue  à  Jérusalem  et  s'exprime  ainsi  :  «  On  lit  dans  la 


*  Lettre  à  M.  Cattaneo.  Paris,  1829;  deuxième  «édition  des  Lettres  du 
Marchant  sur  la  numismatique ,  1851,  p.  442  et  Miiv. 

1863.—  6.  27 


402  MÉMOIRES 

légende  :  CnC  BATA,  'jTaupo;  Ba/.ootv.  Le  premier  mot 
signiûe  la  croix,  et  il  est  marqué  près  de  la  croix  que  tient 
le  roi  Baudouin.  »  (Tome  II,  p.  27.)  Un  autre  exemplaire 
de  la  même  monnaie  a  élé  décrit  par  notre  savant  ami 
M-  de  Saulcy ,  qni ,  dans  son  Essai  de  classification  des 
suites  monétaires  byzantines,  le  rangeait  aussi  à  l'empereur 
latin,  opinion  qu'il  rectifiait  plus  tard  dans  sa  Numisma- 
tique des  croisades,  en  restituant  les  deux  pièces  connues  à 
Baudouin  II,  comte  d'Édesse  (1100-1118)  ^ 

De  son  côté,  Buchon  a  conservé  l'attribution  à  l'empe- 
reur Baudouin  I",  dans  ses  Éclaircissements  historiques  et 
numismatiques  sur  la  principauté  française  de  Morée  (1840, 
p.  17,  pi.  I,  n**  1). 

Enfin,  M.  Jules  Friedlànder  a  inséré  la  première  pièce 
dans  un  chapitre  de  ses  Numismata  inedita  consacré  aux 
imperatores  byzantini,  et  l'attribue  comme  Marchant  à 
Baudouin  de  Constantinople  '. 

Non  Dostrum  inter  vos  tantas  cornpoDere  lltes , 

dirai-je  ;  car  il  ne  s'agit  pas  ici  de  mon  opinion  sur  la  véri- 
table attribution  de  cette  pièce  :  il  ne  s'agit  que  de  la  lec- 
ture de  sa  légende,  ou  pour  mieux  dire  de  ce  que  je  crois 
lire  sur  l'exemplaire  que  j'ai  en  mains,  exemplaire  un  peu 
mieux  conservé  peut-être  que  ceux  qui  ont  été  décrits  par 
mes  prédécesseurs. 

Cette  pièce,  faisant  partie  du  cabinet  du  prince  de 
Fttrstenberg,  où  elle  est  classée  à  Baudouin  II,  comte 
d*Édesse ,  provient  de  la  vente  Wellenheim ,  à  Vienne. 
Elle  avait  été  mal  lue;  le  rédacteur  du  catalogue  de  cette 

*  Num.  de»  croùadet,  p.  40,  pi.  VI ,  ii«»  1  et  2. 
«  Num.  ined.  Berlin,  1840,  p.  46. 


i:r   DISSKRTATIONS.  40S 

vente  y  voyait  BAFAOINOC  AO— I— TAOCTV,  et  la  clas- 
sait au  règne  de  Baudouin  I",  de  Constantinople  \ 

Le  baron  Marchant  avait  cru  devoir  compléter  la  légende, 
et  dans  les  caractères  GTAV.  CT  qu'il  pensait  reconnaître  à 
la  suite  du  nom,  il  trouvait  Tabrévation  de  CTATPO$OPflN 
CTPATAPXOC,  chef  ou  commandant  supérieur  des  croisés, 
et  il  s'attachait  à  justifier  cette  lecture  par  des  considéra- 
tions fort  ingénieuses. 

Sur  la  pièce  dont  je  vous  adresse  le  dessin,  je  lis  à  mon 
tour  :  BAFAOINOC  AOYAOCTAÏ— ,  que  je  complète 
ainsi  :  BAFAOINOC  AOrAOC  CTATPOY,  Baudouin  ser- 
viteur de  la  croix.  Le  sigma  ^  dernière  lettre  de  3oOXoç,  sert 
d'initiale  au  mot  nrauGoO  ;  c'est  un  fait  analogue  à  celui  que 
vous  avez  signalé  pour  la  légende  AVEMARISTELLA  des 
jetons  de  Tournai  ',  et  dont  l'épigraphie  nous  offre  d'autres 
exemples.  Le  T  et  l'A  sont  réunis  en  monogramme.  Le  trait 
horizontal  qui  suit  CTA  Y,  et  qui  se  voit  si  distinctement  aussi 
sur  la  monnaie  placée  par  M.  de  Saulcy  sous  le  n*  2  de  sa 
pi.  VI,  indique  que  le  mot  est  abrégé. 

Baudouin  serviteur  de  la  croix;  ne  pensez-vous  pas  que 
ce  titre  bien  simple  convient  parfaitement  à  un  prince  chef 
des  croisés,  véritable  serviteur  de  la  croix,  en  effet?  Malgré 
ce  que  cette  formule  a  d'inusité  en  numismatique,  je  crois 
que  cette  lecture  doit  être  adoptée,  car  le  mot  3oO).o:, 
bien  complet  et  très-clair  sur  l'exemplaire  de  la  monnaie 
.nppartenant  au  prince  de  Furstenberg,  exige  un  complé- 
ment, et  il  me  paraît  difficile  d'en  trouver  un  meilleur  que 

«  Première  partie,  1844,  p.  310.  n»  16521. 

*  Revue  num.,  1860,  p.  393.  —  Pour  ne  citer  qu'un  texte  cëlèbre,  nous  ren- 
voyons aux  lois  des  Douze  Tables,  dans  les  copies  antiques  desquelles  on 
trouve  :  AeternAuctorilaa  pour  jEterna  auctoritas;  DeoruManium  pour  Deorum 
Manium;  ForiiVEFertur  pour  Forisve  efferlur^  etc. 


A04  MÉMOIRES 

atovpo;,  d'autant  plus  que  la  première  syllabe  CTAY  est 
aussi  parfaitement  lisible.  L'attitude  respectueuse  du  guer- 
rier vêtu  de  la  cotte  de  maille  et  coiffé  du  casque  conique, 
qui  élève  la  croix  de  la  main  droite,  répond  parfaitement  au 
titre  qu'il  prend. 

Sans  vouloir,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  fait  observer,  trancher 
une  question  d'attribution  discutée  par  de  si  habiles  nu- 
mismatistes ,  je  ne  puis  cependant  m'empôcher  de  faire 
observer  que  l'armure  de  Baudouin  ne  saurait  convenir  à 
un  personnage  du  xiii*  siècle,  ce  qui  exclut  tout  naturelle- 
ment du  concours  l'empereur  de  Constantinople. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  Baudouin  II  du  Bourg,  comte 
d'Édesse  (1100-1118),  et  Baudouin  II,  roi  de  Jérusalem 
(1118-1131),  ne  sont  qu'un  seul  et  même  individu,  en 
sorte  que  l'empereur  de  Constantinople  se  trouvant  écarté, 
il  n'y  avait  plus  en  présence  que  l'opinion  de  Cousinéry  et 
celle  de  M.  de  Saulcy  ;  autrement  dit,  la  question  se  rédui- 
sait à  savoir  si  la  monnaie  de  Baudouin  du  Bourg  a  été 
fabriquée  en  Palestine  ou  en  Mésopotamie. 

Il  me  semble  qu'en  s' appuyant  sur  l'existence  des  pièces 
qui  portent  le  titre  de  comte^  notre  excellent  ami,  avec  sa 
sagacité  ordinaire,  a  écarté  la  difficulté  en  faveur  d'Édesse. 

DonanesobiDgeD,  novembre  1863. 

Fr.    de    PFAFFENnOFFEN. 


t  r    DISSERTATIONS.  àOÔ 


PROVENCE.— MONTÉLIMART. 
MONNAIES  DU  XIV-  SIÈCLE. 

(PI.  XXI.) 


Une  découverte  importante  de  monnaies  du  xiv*  siècle, 
dont  l'enfouissement  doit  avoir  eu  lieu  sous  le  pontificat 
de  Clément  VII,  pape  d'Avignon,  mort  en  1394 ,  a  été  faîte 
dans  le  département  des  Basses-Alpes  *  au  mois  de  sep- 
tembre dernier  (1863) .  Ces  pièces,  apportées  à  Marseille, 
ont  été  acquises  immédiatement,  sauf  quelques-unes 
d'entre  elles,  qui  sont  restées  entre  les  mains  de  l'inventeur, 
et  que  je  n'ai  pas  pu  voir. 

L'immense  majorité  de  ces  monnaies  ayant  été  frappée 
parles  papes  du  Comtat-Vénaissin,  j'assigne  comme  date 
l'époque  de  Clément  VII,  parce  que  leur  émission  commence 
à  l'homonyme  de  ce  pontife,  sixième  du  nom,  régnant  en 
13â2,  pour  s'arrôter  à  lui,  bien  qu'il  ne  s'y  trouve  qu'un 
seul  carlin  qu'il  puisse  revendiquer. 

Voici,  au  reste,  dans  son  entier,  la  composition  de  ce 
trésor,  dont  la  plus  grande  valeur  numismatique  consiste 
principalement  dans  la  découverte  de  six  monnaies,  toutes 

1  C'est  dn  moins  ce  qui  a  été  affirmé  par  le  vendeur,  qui  peut  avoir  en  des 
raison»  particulières  pour  indiquer  cette  origine. 


de  type  dîfféreijt.  Hes  Hugues  Acib^fîtar.  f^I^Tieurs  'îr  Mon- 
iéUifiart. 


9J 


ÏMnutr  aa  r^T-pr*  ?9»e«  rnw»uu. — P<*t  c'ATin:.  r.*  \'»53 1 

Aii»«» 'de&i'Tf .  —  r.^  4'.c*5 - 


IXXOCEXT  VI    1352.1302^^. 
îhaâer  an  tjrpe  rr/me*  rYiwjmi,  eo:*  d^riz 2 

URBAIX  V    13621370  . 
Denier.— Po»T  d'AraDt,  n*  4173 6'"»7 

GRÉGOIRE  XI    1370-13:8;. 

C«rUB.—  P«T  d'Avant,  n*4ia3.pUcebe  XCIV,  r*  4 1 

Denier.  —  ii*4186 1 

CLÉMEXT  VII  ;1378-13Î4:. 
CarlÎD.— Poejr  d'Av*ut,  f  4199,  pUnche  XCIV,  l-  8. 1 

Total  des  pièce»  des  papes 617 


SB 


ROBERT  '1309-1343). 

Donbles  deniers.  ~  Saint' Vincens,  planche  V,  n«  10 21 

Soif  cooronnata.          ~              planche  V,  n*  8 5 

JEANXE  (1343-1382,. 

Petîta  sols  coaronnats.— Saint-Vincensy  planche  VI,  n*  7 5 

Soif  coaronnau.                    —             planche  VI,  n*  9 2 

Carlini  ou  demi-lys,  pour  le  Piémont  * 4 

Deniers  eouronnats  (non  déchta  pour  Jeanne  seule) 3 

Doubles  deniers.— Poej  d'ATant,  n*  4027,  planche  XC,  n*  21 4 

1  Httve  numism,,  1860,  pi.  X,  n*  9. 


ET   DISSERTATIONS.  407 

LOUIS  ET  JEANNE  (1347-1382). 

Dcuiers  couronnats.— »^aint-Vincens,  planche  VII,  n«  3 6 

Autres  deniers. — Poey  d'Avant,  n«  4037  (il  y  a  erreur  dans  la  planche).      6 

Total  des  monnaies  de  Provence 65 

HUGUES  ADHÉMAR  (MONTÉLIMART). 
Six  pièces  variées 6 

Je  ne  renvoie  pour  ces  monnaies  à  aucun  auteur.  Elles 
font  l'objet  d'une  description  spéciale,  et  sont  toutes  des- 
sinées sur  la  planche  XXI,  jointe  à  cet  article. 

Enfin  ce  trésor  contenait  un  couronnât  seul  et  inédit, 
semi-royal  du  Dauphiné,  appartenant  à  Charle  V  ou  à 
Charles  VI,  et,  comme  les  monnaies  de  Hugues  Adhémar, 
imité  de  celle  de  Provence.  Je  ne  veux  pas  m' occuper  de 
cette  pièce,  qui  est  aujourd'hui  entre  les  mains  de  M.  Henri 
Morin,  à  qui  je  l'ai  remise  pour  lui  laisser  la  satisfaction 
de  la  publier  dans  le  Supplément  de  son  ouvrage  sur  la 
Numismatique  du  Dauphiné. 

C'est  donc  en  tout,  en  y  comprenant  ce  dernier  cou- 
ronnât, 679  pièces,  auxquelles  il  convient  d'en  joindre 
19  fracturées,  toutes  papales  ou  provençales,  et  n'offrant 
rien  de  particulier.  En  comptant  ces  débris,  la  portion 
totale  du  dépôt  qui  m'a  été  soumise  monte  donc  au  chiffre 
de  698. 

Pour  suivre  Tordre  dans  lequel  je  viens  de  placer  lea 
diverses  séries  de  cette  découverte,  je  ferai  d'abord  quel- 
ques courtes  remarques  sur  les  monnaies  des  papes  qui  s^y 
rencontrent,  et  qui  toutes  sont  communes.  Cependant  je 
n'ai  pas  trouvé  dans  l'ouvrage  de  M.  Poey-d' Avant,  sur  les 
monnaies  féodales ,  la  variété  du  denier  de  Clément  VI, 
inscrite  Venesini,  non  plus  que  celle  de  son  successeur, 


à03  MLMOir.ts 

Innocent  VI,  portant  le  même  mot.  Quant  à  Urbain  V,  fcs 
deniers  offrent  à  peu  près  par  moitié,  deux  différences 
légères,  consistant  en  ce  que  les  trois  lettres  mises  sous  la 
tiare,  initiales  des  mots  Urbanus  papa^  sont  placées  tantôt 
sur  une  même  ligne,  PVP,  tantôt  en  groupe  triangulaire, 
PP.  A  ce  sujet  je  dois  faire  remarquer  que  M.  Poey- 
d' Avant,  dans  la  description  de  cette  pièce  (n""  A173) ,  a  omis 
la  lettre  V,  qui  se  trouve  cependant  invariablement  sur  les 
six  cents  exemplaires  que  j'ai  examinés.  Cela  tient  sans 
doute  à  ce  que  le  patient  auteur  des  Monnaies  féodales  de 
France  aura  vu  un  spécimen  fruste  ou  mal  venu  à  la  frappe. 

D'après  le  sage  conseil  de  M.  de  Longpérier,  je  me  suis 
livré  à  des  pesées  comparatives  que  permettait  le  grand 
nombre  de  deniers  d'Urbain  V.  Après  les  avoir  placés 
d'abord  en  groupes  de  cent  pièces,  je  les  ai  subdivisés  par 
25,  puis  par  10,  et  enfin  par  pièces  isolées.  Enfin,  après 
avoir  recherché  la  plus  légère  et  la  plus  lourde,  j*ai  trouvé 
pour  Tune  1«%19,  et  pour  l'autre  l8',50.  Le  tableau,  que  je 
place  à  la  fin  de  l'article ,  fera  juger  de  la  différence  et  de 
l'irrégularité  qui  existaient  dans  la  taille  à  cette  époque. 

Les  monnaies  de  Provence  ont  fourni,  dans  cette  décou- 
verte, quelques  pièces  intéressantes,  au  nombre  desquelles 
il  faut  surtout  placer  les  quatre  demi-lis  de  Jeanne  frappés 
pour  le  Piémont.  Je  renvoie  le  lecteur  à  un  article  anté- 
rieur, publié  en  1860  *,  ainsi  qu'aux  observations  qu'a  bien 
voulu  y  ajouter  mon  ami  M.  de  Longpérier.  C'est  une 
bonne  fortune  pour  nous  que  d'avoir  pu  enrichir  de  cette 
pièce  curieuse  et  rare  la  collection  de  la  ville  de  Marseille, 
qui  ne  la  possédait  pas. 

Par  suite  d'une  erreur,  qui  doit  être  sans  doute  attribuée 

1  Revfu  fiwniffn.,  1860,  p.  217,  pi.  X,  n«  9. 


ET    DISSERTATIONS.  409 

au  graveur  plutôt  qu'à  l'auteur  du  texte,  les  dessins  n»'  i 
et  7  de  la  pi.  XCI  de  Touvrage  de  M.  Poey-d* Avant  ne  sau- 
raient se  rapporter  à  la  description  qu'il  donne ,  sous  le 
n"  4037,  d'un  petit  sol  couronnât  de  Louis  et  Jeanne.  J'ai 
sous  les  yeux  de  très-bons  exemplaires  de  la  monnaie  dé- 
crite et  non  dessinée,  et  j'en  complète  la  légende  que  l'au- 
teur des  Monnaies  féodales  n'avait  pas  retrouvée  entière. 
L:ET:I:IhR:ET:SlGL:REX.  i$  COMES  ET  COMT  PVCE.  Très- 
bon  billon;  poids,  06',95.  J'ai  en  outre  retrouvé  ce  même 
petit  sol  frappé  au  nom  de  Jeanne  seule.  Je  suis  heureux 
de  pouvoir  compléter  le  travail  de  M.  Poey-d'Avant  en 
donnant  le  dessin  de  ces  deux  pièces.  (PL  XXI,  n**  7 
et  8.) 

Le  double  denier  de  Jeanne  {Monnaies  féodales,  pi.  XC, 
n**  21  )  est  rare  :  nous  ne  le  possédions  pas  encore.  Nous 
en  avons  trouvé  quatre  exemplaires  dans  notre  trésor. 

Arrivons  enfin  à  la  partie  sérieusement  intéressante  de 
cette  découverte. 

N*  3.  Croix  cléchée  en  tête  de  la  légende  :  hV  GO  ADE 
MARII  :  grande  couronne  fleurdelisée  dans  le  champ,  dont 
les  deux  extrémités  coupent  la  légende.  Au  dessous,  le 
mot  SEX. 

Sj  Croisette  simple  :  DOMinVlS  [sic)  MOnTlLII.  Croix 
pâtée,  cantonnée  de  quatre  lis. 

Argent.  Poids,  Ik',30.  (PI.  XXI,  n'»  1.) 

M.  Poey-d'Avant  parle  des  rares  monnaies  de  Monléli- 
mart  dans  son  troisième  volume,  page  25  et  suivantes,  et 
décrit  plusieurs  spécimens  au  nom  de  Gaucher  et  de  Hugues 
Adhémar.  Il  n'avait  d'autres  renseignements  historiques 
que  ceux  qui  sont  fournis  par  Duby  dans  son  Traité,  tome  II, 
p.  304,  et  quelques  dates  puisées  dans  l'histoire  des  comtes 
de  Valentinois  d'André  Duchesne. 


A 10  MÉMOIRES 

M.  Carlier  donnait,  en  IS/jl  \  communication  d'uno 
note  de  M.  Lecamus  dans  laquelle,  sous  le  n*»  4,  se  trouvait 
décrite  une  pièce  de  Hugues  Adhémar.  Il  avait  ajouté  à 
cette  note  une  vignette  représentant  une  autre  monnaie  de 
ce  seigneur,  ou  plutôt  d'un  personnage  de  la  même  famille, 
que  nous  allons  retrouver  tout  à  Theure. 

C'étaient  là  les  seuls  renseignements  que  j'eusse  rencon- 
trés jusqu'à  ce  jour  sur  ce  rare  monnayage. 

Ainsi  que  le  dit  M.  Poey-d'Avant,  et  qu'il  est  facile  de  le 
voir  à  la  plus  simple  inspection ,  la  pièce  dont  nous  nous 
occupons  maintenant,  ainsi  que  les  deux  suivantes,  sont 
une  copie  presque  servile  des  sols  couronnais  de  Louis  et 
Jeanne  de  Provence  (1347-1382).  Le  mot  SEX  qui  se  trouve 
au-dessous  de  la  couronne  n'est  là  que  pour  remplacer  le 
titre  REX  qui  se  voit  sur  les  pièces  de  Provence  et  rendre  la 
similitude  plus  parfaite.  M.  Poey  d'Avant  se  demande  quelle 
peut  être  la  signification  de  ce  mot,  dans  lequel  il  ne  peut 
pas  reconnaître  l'indication  ordinale  du  nom  du  seigneur. 
Sa  manière  de  voir  paraît  justifiée  par  ce  fait  seul  que  ce 
même  mot  se  reproduit  indistinctement  sur  les  pièces  de 
Gaucher  Adhémar  et  sur  celles  de  Hugues,  et  qu'il  ne  sau- 
rait être  attribué  indifféremment  à  chacun  de  ces  deux 
barons.  Il  est  donc  probable  que  nous  ne  sommes  pas  ici  en 
présence  d'un  adjectif  numéral.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas  non 
plus  que  ce  mot  soit  placé  là  pour  exprimer  une  valeur  mo- 
nétaire. Je  combattrai  cet  avis,  quoique  ce  soit  celui  de 
M.  Henri  Morin ,  parce  que  je  trouve  qu'il  serait  bien  éton- 
nant que  le  nombre  six  servît  à  compter  des  fractions  ; 
il  faudrait  supposer  qu'il  représente  six  demt-deniers, 
et  encore  faudrait-il  arriver  à  établir  que  le  couronnât 

I  Rttut  numi«m.,  1B41,  p.  210. 


i:t  disseutatjons.  4 1 1 

est  en  rapport  exact  avec  trois  deniers.  Faute  de  mieux ,  je 
serais  donc  disposé  à  dire  avec  M.  Poey-d'Avant  qu'il  ne 
faut  voir  là  qu'un  simple  trompe-rœil  destiné  à  faire  cir- 
culer ces  pièces  avec  celles  de  Provence,  qui  avaient  alors 
un  cours  très-étendu;  maisj'attends  une  autre  solution. 

N«*  4  et  5.  Croisette  hUGO  ADEMARII.  Dans  le  champ, 
MO-NT  en  deux  lignes. 

î^  Croisette  DOMinVS  MOnTILlI  croix  cantonnée  de 
deux  croisettes  cléchées,  pour  le  n°  4,  aux  premier  et  troi- 
sième; pour  le  n"  5,  aux  deuxième  et  quatrième. 

Bdlou.  Poids,  1  gramme.  Planche  XXI,  n"  5  et  6. 

Voici,  avec  une  variété  dans  les  cantons,  la  pièce  re- 
produite par  la  vignette  de  M.  Cartier^  et  citée  par  M.  Poey 
d'Avant  pour  Gaucher  Adhémar  sous  le  n**  4759,  et  pour 
Hugues,  sous  le  n**  suivant.  Nous  retombons  dans  l'imita- 
tion provençale  du  double  denier  de  Robert  et  de  celui 
de  Jeanne  dont  nous  avons  retrouvé  quatre  exemplaires 
confondus  avec  ceux-ci.  Seulement,  nous  ferons  remar- 
quer que  le  graveur  des  monnaies  féodales  de  France  a 
commis  une  légère  inexactitude  dans  la  reproduction  des 
croisettes  (n"  2  et  3  de  la  planche  CV)  qui  doivent  être 
cléchées. 

Les  deux  monnaies  que  nous  donnons  ici  sont  les  moins 
bien  conservées  de  la  trouvaille.  Elles  ont  beaucoup  cir- 
culé et  peut-être  sont-elles  les  plus  anciennes;  mais  ce- 
pendant leur  état  est  tel  que  nous  sommes  à  l'abri  de 
toute  erreur,  soit  dans  leur  description,  soit  dans  leur 
dessin  exécuté  par  notre  excellent  dessinateur  et  ami, 
M.  Laugier,  connu  pour  son  exactitude  dans  ce  genre  de 
reproduction. 

*  i<fruf  numi>m.,  1841,  p.  212. 


M.  Cartier,  en  décrivant  celte  monnaie,  pense  que  les 
lettres  MONT  qui  se  trouvent  dans  le  champ  signifient 
monela  ou  montilium.  La  dernière  de  ces  deux  versions 
n'est  pas  pour  moi  douteuse,  puisqu'il  s'agissait  ici  de 
copier  et  de  reproduire  le  double  denier  de  Robert  et  de 
Jeanne,  sur  lequel  les  lettres  PUIE,  placées  de  la  même 
manière,  sont  l'abréviation  de  Provincial.  Après  les  mots 
Hugo  Adewarii^  le  nom  monlilium  vient  indiquer  ration- 
nellement le  lieu  d'émission.  Ce  qu'il  y  a  de  remarquable, 
c'est,  d'après  la  note  de  M.  Lecamus,  l'analogie  qui  existe 
entre  la  découverte  publiée  en  18âl  *  et  celle  de  1863; 
toutes  deux,  sauf  les  pièces  papales,  sont  composées  des 
mêmes  monnaies,  y  compris  la  Jeanne,  pour  le  Piémont,  et 
l'exemplaire  isolé  de  Charles  V,  dauphin  de  Viennois. 

Ainsi  nous  voyons  que  sur  six  pièces  faisant  partie  de 
notre  trésor,  frappées  au  nom  de  Hugues  Adhémar,  cinq 
sont  la  copie  à  peu  près  servile  des  monnaies  de  Provence, 
et  la  sixième  une  imitation  en  quelque  sorte  plus  forcée 
encore  d'un  pape  contemporain  qui  siégeait  à  Avignon. 

N^  6.  Croisette  simple  hVGOnVS  ADEMARII.  Type  du 
n*3. 

1^  Croisette  cléchée  DOminVS  DE  mOnTILI.  Croix 
cantonnée  de  quatre  fleurs  de  lis. 

Argent.  Poids,  1«',15.  (Planche  XXI,  n»  2.) 

Sauf  la  variété  des  légendes  et  l'interversion  des  croi- 
settes  simples  et  cléchées,  cette  pièce  est  semblable  au  sol 
couronnât  décrit  sous  le  n"*  3 ,  quoique  son  poids  soit  sen- 
siblement plus  léger.  Lorsque  je  parlerai  de  la  maison  Adhé- 
mar de  Monteil,  à  la  fin  de  cet  article,  je  tenterai  d'expli- 

*  Ce  petit  trésor  avait  été  trouvé  assez  loin  de  la  Provence,  à  Laroche,  entre 
Loabeyrat  et  Manzat,  àpea  de  distance  de  cette  dernière  localité,  chef-Iicn 
de  canton  de  rarrondissement  de  Riom. 


n     hlSSKRTATIONS.  A 13 

quer  d'où  provient  ce  système  d'adoption  du  type 
provençal  qui  se  rattache  à  son  origine. 

N<»  7.  Croisette  simple.  hVGOnVS  ADEMARII.  Même  type 
que  le  précédent,  sauf  que  le  lis  du  milieu  de  la  couronne 
est  remplacé  par  la  croix  cléchée  des  Adhémar. 

H  DOminVS  DE  mOnTILII.  La  croisette  de  la  légende 
est  cléchée,  et  la  croix  est  cantonnée  par  quatre  autres 
croisettes  semblables  qui  remplacent  les  lis  des  deux  nu- 
méros précédents. 

Argent.  Poids,  l^sâO.  (Planche  XXI,  n«  3). 

Toutes  ces  pièces  étant  dans  un  excellent  état  de  conser- 
vation, on  peut,  comme  pour  la  pièce  d'Urbain  V,  juger 
de  la  différence  de  leur  poids  et  de  l'irrégularité  de  la 
taille  que  j'ai  déjà  signalée  ;  car  tout,  dans  la  forme,  le 
dessin  et  le  métal,  doit  faire  présumer  que  ces  trois  cou- 
ronnats  représentaient  la  même  valeur. 

On  a  pu  remarquer  que  sur  les  monnaies  n**'  3,  A,  6  le 
nom  du  seigneur  était  écrit  Uugo,  tandis  que  nous  trou- 
vons le  diminutif  Hugonns  sur  les  pièces  qui  suivent.  Cette 
particularité  peut  s'expliquer  par  l'usage  adopté  par  les 
Adhémar,  comme  par  beaucoup  d'autres  en  ces  temps,  et 
qui  consistait  à  modifier  légèrement  le  nom  de  baptême 
pour  établir  des  distinctions  entre  plusieurs  membres  de 
la  même  famille.  Ainsi,  pour  ne  pas  sortir  de  celle  qui  nous 
occupe,  nous  ferons  remarquer  qu'on  y  trouve  Giraud,  Gi- 
raudet  et  Giraudonet;  Hugues,  Huguet  et  Hugonet. 

Nous  pensons  donc  que  Hugonus  n'est  pas  le  même  per- 
sonnage que  Hugo  et  nous  y  reviendrons  plus  loin. 

M.  de  Longpérier  avait  été  autorisé,  en  18âl,  à  conser- 
ver un  croquis  de  la  monnaie  unique  d'Hugues  Adhémar 
que  M.  I.ecamus  a  décrite  sous  le  n*  à  de  sa  note,  et  que  cet 
amateur  se  proposait  de  publier  quelque  jour.  Mais  M.  Le- 


c.imus  est  mort  depuis  plusieurs  années  sans  avoir  mis  son 
projet  à  exécution,  et  mon  obligeant  ami  a  cru  pouvoir 
enrichir  mon  travail  d*un  précieux  élément  qu'il  est  bon 
de  mettre  enfln  sous  les  yeux  du  public  studieux. 

Voici  la  description  de  celte  monnaie  : 

N»  8.  hVGOnV  AD'mA.  Hugues  couronné  d'un  chapel  de 
roses,  assis  sur  un  siège  orné  de  deux  figures  de  lion,  te- 
nant de  la  main  droite  une  croix  cléchée,  et  delà  gauche 
un  sceptre. 

Si  mOnET  mOnTILLIl.  Croix  évidée  coupant  la  lé- 
gende, et  cantonnée  de  quatre  petites  croix  cléchées. 

Argent,  l  «%51.  (Planche  XXI,  n"  10.) 

Cette  pièce  offre  la  plus  grande  analogie  avec  la 
monnaie  d'Orange  qui  a  été  frappée  pour  Raymond  IV 
(4840-189») . 

N"  9.  hVGOnVS  ADKmARII.  Dans  le  champ,  un  casque 
surmonté  d'une  croisette  cléchée  qui  forme  le  point  de 
départ  de  la  légende.  Au  dessous  les  lettres  hVG. 

^  Croisette  simple.  IX>mlnVS  DEmOniILI.  Croix  can- 
tonnée nu  premier  et  au  quatrième  d'une  croisette  clé- 
chée, et  d'un  casque  au  deuxième  et  au  troisième. 

Argent.  Poids,  l6%25.  (Planche  XXI,  n'A.) 

Ici  nous  quittons  l'imitation  du  dessin  provençal  pour 
tomber  aussi  servilement  dans  celle  du  type  des  deniers 
d'Urbain  V  qui  formaient  la  presque  totalité  de  notre  dé- 
couverte. En  confrontant  notre  dessin  avec  les  n°'  3  et  10 
de  la  planche  XCIV  des  Monnaies  féodales  de  France  et  la 
description  de  la  pièce  contemporaine  de  Hugues,  que 
donne  M.  Poey-d'Avant,  sous  le  n*  4173,  on  verra  que  le 
casque  dans  le  champ  affecte,  à  s'y  méprendre,  la  forme 
de  la  tiare  papale  ;  et,  pour  rendre  l'imitation  plus  com- 
plète encore,  les  trois  premières  lettres  du  nom  de  Hugues, 


Kl     DISSKUTATIONS.  415 

IIVG,  viennent  se  substituer,  dans  une  position  identique, 
au  PVP  d'Urbain,  exactement  comme  REX  avait  été  rem- 
placé par  SEX  sur  les  couronnats.  Cette  imitation  s'étend 
également  au  revers  par  l'emploi  des  mêmes  casques  à  la 
place  des  tiares,  et  des  croix  cléchées,  qui  semblent  mieux 
iûîiter  les  clefs  croisées  que  tout  autre  signe  (1). 

C'est  sans  doute  cette  pièce  que  M.  Poey-d'Avant  a 
cherché  à  décrire  de  mémoire  sous  le  n"  4764  dans  sou 
troisi(>me  volume,  et  dont  il  regrette  que  l'empreinte  se 
soit  effacée,  d'autant  plus  que  l'original  est  égaré.  Je  suis 
dès  lors  doublement  heureux  d'en  avoir  retrouvé  un  exem- 
plaire et  de  pouvoir  en  donner  un  dessin  exact. 

Je  ne  dois  pas  omettre  non  plus  d'indiquer  que  le  florin 
d'or  de  Gaucher  Adhémar,  ainsi  qu'un  couronnât  de  ce 
seigneur  au  mot  SEX,  existent  dans  lu  précieuse  collection 
de  M.  Henri  Morin,  où  je  viens  de  les  voir. 

Et  maintenant  si,  en  dehors  des  relations  de  voisinage 
et,  pour  ainsi  dire,  de  circonscription  monétaire,  nous  re- 
montons aux  motifs  qui  ont  pu  porter  les  barons  de  Montil- 
Adhémar  à  se  rapprocher,  dans  leur  monnaie,  du  type  et 
du  dessin  du  système  financier  de  la  Provence ,  nous  en 
trouvons  une  raison  toute  simple  et  toute  naturelle  dans 
l'origine  môme  de  cette  maison.  Tous  les  historiens  pro- 
vençaux sont  d'accord  sur  son  illustration,  et  rapportent 
qu'elle  a  donné  des  vicomtes  à  Marseille,  qui  fut  son  ber- 
ceau. 

Je  n'ai  nullement  l'intention  de  faire  ici  l'histoire  de  la 


1  Le  24  octobre  1383,  Giraud  Adhémar  X,  baron  de  Grignan  et  d*Aps, 
échangea  le  quart  de  la  seigneurie  de  Montélimart  contre  le  bourg  de  Grillon 
et  une  somme  d'argent  que  lui  cAùa  le  pape  Clément  VII.  Celui-ci,  dont  le 
I^rédécesscur,  Grégoire  XI,  avait  déjà  acquis  la  souveraineté  de  Montélimart, 
y  établit  un  gouverneur  au  nom  de  l'Kglise  romaine. 


410  MÉ.MOIUES 

maison  (rAdhémar,  ni  de  publier  sa  généalogie  au  complet. 
Je  veux  seulement  citer  quelques  points  qui  appartiennent 
à  l'histoire  ou  à  la  chronique  écrite,  pour  venir  à  Tappui 
de  cette  phrase  de  La  Chcnaye  des  Bois  *  :  «  La  maison 
«  d'Adhémar  fut  maintenue  dans  ses  droits  de  souveraineté 
«  par  une  ratification  de  l'empereur  Frédéric  I".  La  charte, 
tt  scellée  en  lacs  de  soie  rouge  et  de  la  bulle  d*or  de  Tem  - 
«  pereur,  se  conserve  dans  les  archives  du  château  de 
«  Grignan.  » 

Malheureusement  tous  les  auteurs  qui  se  sont  occupés 
de  cette  célèbre  famille  n'ont  pas  procédé  avec  la  même 
critique.  La  passion  des  généalogistes  a  souvent  pris  le 
dessus.  Ainsi  on  n'a  pas  manqué  de  chercher,  à  l'aide 
d'une  ressemblance  de  nom,  une  origine  carlovingienne 
aux  Adhémar.  Voici  ce  qui  avait  donné  lieu  à  cette  pré- 
tention. 

On  lit  dans  Éginhard  {Annales  Francorum  sub  anno 
806)  : 

((  Eodem  anno  (806)  in  Gorsicam  insulam  contra  Mauros 
qui  eam  vastabant  classis  de  Italia  a  Pippino  missa  est, 
cujus  adventum  Mauri  non  expcctantes  abscesserunt-,  unus 
tamen  nostrorum  Hadumarus  comes  civitatis  Genuœ,  im- 
prudenter  contra  eos  dimicans  occisus  est.  » 

Or,  on  sait  qu'un  comte  du  temps  de  Gharlemagne  était 
un  commandant  ou  magistrat  amovible  qui  ne  possédait 
aucune  seigneurie,  et  comme  on  n'a  aucune  donnée  sur  la 
descendance  du  comte  de  Gênes  tué  par  les  Sarrazins,  ce 
n'est  que  pour  plau:e  à  de  grands  personnages  du  xvi*  siècle 
et  du  xvii%  qu'on  leur  a  trouvé  une  parenté  avec  le  Carlo- 
vingien  Hadumar. 

*  DiciionfMxrt  de  la  nobUttty  aa  nom  Adhi^mar. 


ET    DISSERTATIONS.  417 

Comme  je  l'ai  dît  plus  haut,  M.  PoQy-d' Avant  n'a  ajouté 
aux  documents  publiés  par  Duby  et  André  Duchesne  aucun 
renseignement  nouveau ,  et  il  s'est  trouvé  dans  l'impossibi- 
lité d'accorder  les  faits  chronologiques  qu'il  connaissait 
avec  l'existence  des  monnaies  qu'il  avait  décrites. 

J'ai  partagé  un  instant  son  embarras-,  mais  je  me  suis 
adressé  à  M.  de  Longpérier,  qui  m'a  indiqué  l'ouvrage  de 
Pithon-Curt  intitulé  :  Histoire  de  la  noblesse  du  Comlat 
Venaissin^  d'Avignon,  et  de  la  principauté  d'Orange,  dressée 
sur  les  preuves  \  et  j'ai  trouvé  dans  cet  excellent  livre  ce 
que  j'avais  vainement  cherché  ailleurs.  Pithon-Curt  pro- 
cède de  la  façon  la  plus  sûre  ;  il  a  compulsé  les  archives, 
et  ne  cite  que  des  dates  appuyées  par  des  pièces  authen- 
tiques; il  fait  tout  d'abord  justice  des  inventions  des  généa- 
logistes: «Je  reviens,  dit-il  (p.  14),  à  la  maison  d'Adhé- 
mar,  dont  il  n'est  pas  possible  de  prouver  la  descendance 
avant  le  xi*  siècle.  C'est  à  cette  époque  qu'il  faut  nécessai- 
rement se  fixer.  Quelque  grande  et  illustre  que  soit  celte 
maison ,  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  s'en  rapporter  sur  sa 
filiation  ni  à  Jacques  de  Bergame ,  suivi  par  Nostradamus 
et  par  François  Rebatu,  conseiller  à  la  sénéchaussée  d'Arles, 
cité  par  Louvet  dans  son  Histoire  abrégée  de  Provence^  ni  à 
THermite  de  Souliers,  copié  par  le  Père  Robert  dans  son 
État  de  la  Provence^  ni  à  Guy  Allard,  ni  à  Honoré  Bouche.  » 
Puis  il  passe  en  revue  les  chimères  de  ces  auteurs. 

M.  de  Longpérier  m'a  encore  signalé  deux  points  impor- 
tants pour  nos  recherches  numismatiques.  D'abord,  la  sei- 
gneurie de  Monteil  était  possédée  (comme  celle  d'Orange) 
en  pariage  par  plusieurs  membres  de  la  même  famille. 
Ensuite,  les  armes  des  Adhémar  étaient  d'or  à  trois  bandes 

•  1750,  in-4«,  t.  IV.  p.  7  et  sniv. 

1863.  ^  6.  20 


âl8  MÉMOIRKS 

d'azur,  et  c'était  la  branche  des  barons  de  la  Garde,  cosei- 
gneurs  de  Monteil,  qui  portait  d'or  à  trois  croix  cléchées,ces 
croix  que  nous  observons  sur  toutes  nos  monnaies.  C'est 
en  eiîet  dans  cette  branche  des  barons  de  la  Garde  que  je 
trouve  les  personnages  auxquels  se  rapportent  les  légendes 
des  monnaies.  Voici  son  origine  : 

Giraudet  Adhémar,  troisième  fils  de  Giraud,  seigneur  de 
Grignan,  de  Monteil,  de  la  Garde,  etc.,  eut  par  le  paitage 
qu'il  fit  avec  ses  frères,  le  26  décembre  1096,  la  moitié  de 
Monteil,  la  seigneurie  de  la  Garde,  etc. 

Il  épousa,  le  18  avril  1104,  Alix  de  Polignac. 

Son  fils,  Guillaume  Hugues  Adhémar,  épousa  Laure  de 
Genève,  et  transigea  avec  son  frère  en  HâO. 

Il  eut,  entre  autres  fils,  Lambert  Adhémar,  qui  épousa 
Tiburge  de  Baux. 

A  Lambert  succéda  son  fils,  Hugues  Adhémar,  qui  était 
déjà  coseigneur  de  Monteil  en  1216,  et  fit  son  testament 
en  1268.  Il  épousa  Alix  de  Belvèze. 

Leur  fils,  Lambert  Adhémar  II,  épousa  Méraude  Adhémar 
de  Rochemaure;  on  a  des  actes  de  lui  de  1271  et  1290. 

Leur  fils,  Hugues  Adhémar  II,  fut  marié  à  Mabille  de 
Méoillon  ;  on  a  des  actes  de  lui  de  1292  à  130i. 

Leur  fils,  Hugues  Adhémar  III,  dit  aussi  Hugonet^  fut 
fiancé,  en  1280,  du  vivant  de  son  aïeul,  à  Constance  de 
Poitiers,  et  épousa  en  secondes  noces  Étienette  de  Baux.  On 
connaît  des  actes  de  Hugues  III  de  1291  à  1336. 

Us  eurent  entre  autres  enfants  : 

Lambert  Adhémar  III,  — Gaucher  Adhémar,  —  Hugonet 
Adhémar. 

Ce  dernier,  qui  n'avait  pas  d'enfants,  fit  donation  de  ses 
biens  à  son  frère  Gaucher  le  17  avril  1360. 

Gaucher,  qui  n'eut  point  non  plus  d'enfants,  fit  son  tes- 


ET    DISSERTATIONS.  A19 

tament,  le  9  novembre  1360,  en  faveur  d'Hugues,  fils  de 
son  frère  Lambert  ^ . 

Hugues  Adhémar  IV,  fils  de  Lambert  HI,  héritier  de  ses 
deux  oncles,  et  dont  on  connaît  des  actes  de  13âO  à  i3Â9, 
ne  vivait  plus  probablement  en  1372 ,  puisque  son  fils 
Lambert  Adhémar  IV,  fit  cette  même  année  hommage  au 
pape  Grégoire  XI  pour  la  ville  de  Monteil,  dont  il  s'était 
emparé  à  main  armée.  Lambert  IV  mourut  vers  1424. 

Il  faut  remarquer  que  les  dates  qui  viennent  d'être  rap- 
portées n'indiquent  pas  les  avènements  et  les  décès,  mais 
des  actes  écrits. 

Maintenant  voici  les  données  chronologiques  que  nous 
fournissent  les  types  de  nos  monnaies. 

Les  doubles  deniers  sont  imités  des  monnaies  de  Robert 
ou  de  Jeanne  de  Provence  (1 309  à  1343). 

Les  sols  couronnats  avec  SEX,  de  la  monnaie  de  Louis  et 
de  Jeanne  (1347-1382). 

La  cadière,  de  la  monnaie  de  Raimond  IV  d'Orange 
(1340-1393). 

La  pièce  au  casque,  de  la  monnaie  d'Urbain  V  (1862- 
1370). 

On  pourrait  supposer  que  le  sol  couronnât  et  les  doubles 
deniers  portant  le  nom  HVGO  ont  été  frappés  pour  Hu- 
gues III,  qui,  fiancé  encore  enfant  en  1280,  pouvait  fort 
bien  exister  en  1347. 

Son  fils  Gaucher  a  continué  les  deux  types. 

Les  sols  couronnats  portant  le  nom  HVGONVS  et  la  ca- 


*  Gancher  Adhémar  était  en  1335  et  en  1339  à  Metz,  près  de  son  frère  Té- 
vêque;  il  ne  prenait  alors  que  le  titre  de  miUs,  chevalier,  ainsi  que  le  prouvent 
deux  chartes  conservées  aux  Archives  de  Tempire.  Sur  le  sceau  que  porte 
l'une  d'elles,  on  lit  :  Gawherii  de  Montilio  tnilitis  :  dans  ]q  texte  :  Je  Gauchiers 
tlûu  MontiL  rhfralier». 


/i20  MÉMOIRES 

dière  au  type  d'Orange  peuvent  avoir  été  fabriqués  pa- 
rallèlement aux  monnaies  de  Gaucher  par  son  frère  Hu- 
gonet. 

La  pièce  au  casque  appartiendrait  à  Hugues  IV,  fils  de 
Lambert  IIL 

Ce  ne  sont  là  que  des  conjectures  qui  devront  être  exami- 
nées de  nouveau  lorsque  la  série  des  monnaies  de  Monteil 
sera  devenue  plus  abondante. 

Ce  qui  avait  jusqu'à  présent  causé  les  confusions  dans 
lesquelles  les  antiquaires  sont  tombés  au  sujet  des  monnaies 
de  Monteil,  c'est  qu'on  n'avait  pas  établi  de  distinction  entre 
les  diverses  branches  de  la  famille  des  Adhémar,  et  qu'on 
n* avait  pas  reconnu  que  ces  monnaies  sont  frappées  par  des 
coseigneurs  de  la  branche  cadette. 

Quant  à  la  branche  aînée  dans  laquelle  le  nom  de  Giraud 
a  été  en  usage  pendant  quatre  siècles ,  son  histoire  se  lie 
intimement  à  celle  de  Marseille  (voir  la  généalogie  com- 
plète dans  l'ouvrage  de  Pithon-Curt,  tome  IV,  p.  7  ). 

C'est  Giraud  Adhémar  IV,  coseigneur  de  Monteil,  qui, 
en  1164,  reçut  de  l'empereur  Frédéric  l'investiture  des 
domaines  de  sa  maison. 

Pithon-Curt  pense  que  c'est  mal  à  propos  que  Nostra- 
damus  a  prétendu  dans  son  Histoire  de  Provence  que 
Giraud  avait  fait  hommage  à  Béranger  II,  comte  de  Pro- 
vence. Pithon-Curt  ne  parle  pas  du  droit  de  monnaie  qui, 
suivant  Longuerue  S  aurait  été  maintenu  à  Giraud  IV. 

Enfin  Papou  cite  Bertrand  de  Monteil  au  nombre  des 
chevaliers  qui  eurent  la  plus  grande  part  à  la  conquête 
de  Naples  avec  Charles  1"'.  En  1289,  ce  même  Bertrand 


*  Dêicription  de  la  Frana^  part.  I'*,  p.  376. 

9  Hi»t.  de  Prov,^  t.  III,  noxoenclmture  des  ohevaliers. 


ET    DISSERTATIONS.  421 

de  Monteil  eut  l'honneur  de  servir  d'otage  pour  la  déli- 
vrance de  Charles  II,  comte  de  Provence,  fait  prisonnier 
dans  un  combat  naval  contre  les  Siciliens  et  les  Aragonais, 
le  5  juin  1284,  alors  qu'il  n'était  encore  que  prince  de 
Salerne  *,  et  qui  ne  rentra  en  France  qu'après  la  mort  de 
son  père,  et  au  bout  de  quatre  ans  de  captivité. 

A  défaut  de  monnaies  de  la  branche  aînée,  que  nous  n'a- 
vons pas  encore  retrouvées,  nous  pouvons  citer  quelques 
sceaux  ou  bulles  de  plomb. 

Le  plus  ancien  que  nous  connaissions  est  celui  qui  porte 
d'un  côté  la  figure  d'un  cavalier  avec  la  signature  MATEVS 
ME  FEGIT,  et  de  Tautre  SIGILLVM  GERALDI  ADEMARI 
en  quatre  lignes.  Il  a  été  publié  par  M.  Deloye  dans  la 
Revue  archéologique. 

Ruffi,  dans  son  Hisloire  de  Marseille  ',  nous  a  conservé 
le  dessin  de  deux  sceaux  de  cette  famille.  L'un  remonte 
au  xm*  siècle  et  porte  le  nom  de  Géraud.  L'autre  est  celui 
de  Lambert.  Quant  à  la  croix  cléchée  qui  appartient  à 
cette  famille,  le  même  auteur  la  fait  remonter  aux  vicomtes 
de  Marseille  et  explique  sa  présence  sur  les  armes  de  Tou- 
louse par  l'établissement  d'une  branche  de  cette  maison 
en  Languedoc,  dans  la  personne  de  Lambert  de  Monteil 
Adhémar,  qualifié  de  seigneur  et  baron  de  Lombers,  en 
Albigeois,  vers  1235  '. 

La  généalogie  de  la  maison  d' Adhémar  rapporte  plu- 
sieurs sceaux  d'après  une  histoire  de  Provence  imprimée 
à  Aix,  en  1676  (page  602,  in-12)  *.  Le  premier  avait 

«  Hisl.de  Pror.,t.  III,  p.  89. 
'  Édition  de  Marseille,  1696.  p  83. 

'  Rnffî,  lien  cité.— La  CLeoavc  des  Bois.— Voir  au  nom  Lambtrt  de  Monteil 
Adhémar. 

^  Abrégé  de  la  généalogie  de  la  maiton  d'Adhémaff  p.  16  et  17. 


&22  MÉMOIRES 

pour  légende  :  SIG.  GERALDl  ADEMARl,  et  au  revers, 
MASS.  V.  G.  MITIS.  Le  second  :  SIGILL.  GERALDl  ADE- 
MARI,  et  au  revers  :  VICE  COMITIS  MASSILIiE,  avec  un 
demi-château  ou  tour  carrée  jointe  à  un  pan  de  mur.  C'est 
à  peu  près  le  revers  des  gros  et  des  menues  marseillaises 
qu'auraient  pu  faire  frapper  les  vicomtes  de  Marseille  dans 
la  partie  inférieure  de  la  ville,  en  vertu  de  la  charte  du 
17  janvier  1218,  accordée  par  Raymond  Déranger  IV  *•  Ce 
document  existe  encore  aujourd'hui  dans  les  archives  de 
l'hôtel  de  ville  de  Marseille,  et  peut-être  la  maison  d'Adhé- 
mar  pourrait-elle,  à  son  titre  vicomtal,  réclamer  quel- 
ques-unes de  ces  pièces  qui  se  distinguent  de  celles  de 
Charles  I"  par  Tabsence  de  nom  et  d'initiale,  et  inscrites 
au  revers,  CIVITAS  MASSILIE.  Il  reste,  sur  ce  point,  à 
approfondir  ce  que  dit  Duby  '. 

Honoré  Bouche  '  donne  la  succession  de  plusieurs  vi- 
comtes de  Marseille  du  nom  d'Adhémar.  Cette  maison  prit 
plus  tard  son  titre,  son  nom,  et  ses  armes  du  comté  de 
Grignan  qui  lui  appartenait,  et  qu'elle  a  continué  de  por- 
ter. Plusieurs  sceaux  nous  sont  conservés  sous  le  double 
nom.  L'un,  celui  cité  par  Bouche,  et  qui  était  tombé  en 
la  possession  de  M.  de  Peiresc  chez  qui  il  l'a  vu,  portait 
cette  légende  :  SIGILLVM  ADHEMARII  DE  GREINHANO.  Le 
second  qui  existe  encore  dans  les  archives  de  la  préfecture 
à  Marseille,  est  rapporté,  planche  XXIV,  n**  â,  dans  l'im- 
portant ouvrage  de  mon  studieux  et  savant  ami,  M.  Blan- 
card  *.  Ce  sceau  qui  porte  en  légende  S.  ADEMARI  DE 
GRAINNA,  est  celui  d'Adhémar  de  Grignan,  frère  de  Giraud, 

t  Duby,  t.  II,  p.  92. 

•  /6td. 

s  Seoiioii  IX,  comté  de  Grignan. 

^  Iconographie  dêt  actaux  tt  bulUt  det  BouchêS'du-Hhénef  p.  47. 


KT    DISSERTATIONS.  423 

vicomte  de  Marseille  et  est  attaché  à  une  charte  datée  du 
12  des  calendes  de  septembre  1244. 

Quant  à  la  seigneurie  de  Montélimart,  où  nos  seigneurs 
obtinrent  le  privilège  de  faire  frapper  monnaie,  ce  furent 
eux  qui  lui  donnèrent  leur  nom  :  Monteil-Adhémar^  ou 
Monteïlr Aymar,  en  latin  AlonUlium-Àdhemarii,  par  corrup- 
tion Montélimart. 

Dans  un  article  antérieur  *  j'avais  parlé  d'un  rare  teston 
des  abbés  de  Lérins.  Aujourd'hui  je  ne  peux  pas  résister 
au  plaisir  de  publier  une  fraction  de  cette  pièce.  Le  type 
est  identiquement  le  même,  sauf  que  les  caractères  des 
légendes  sont  proportionnellement  plus  grands  et  que  le 
millésime  n'est  pas  le  même  (16(>7  et  1668). 

Argent.  Poids,  l8',92.  (Planche  XXI,  n  9). 

Je  tenais  d'autant  plus  à  faire  connaître  cette  monnaie 
que  la  différence  du  module  et  du  poids  viennent  prouver 
qu'il  s'agit  ici  d'une  monnaie  réelle  avec  ses  subdivisions, 
et  non  pas  d'un  simple  jeton,  comme  quelques  personnes 
paraissaient,  tout  à  fait  à  tort,  portées  à  le  croire.  C'est  la 
confirmation  du  privilège  de  battre  monnaie  accordé  aux 
abbés. 

Tableau  des  pesées  des  deniers  d*  Urbain  V. 


GROUPES  DE  100  PIÈCES. 

Pesée  n«  5. 

Pesée  n»  6. 

Pesée  n»  !. 

Pesée  n«  2. 

Pesé«  no  3. 

Pesée  n»  4. 

136,30 

137,00 

136,00 

136^^10 

137,00 

pr- 
130,75 

*  Bévue  numism,^  1860,  pi.  III ,  n"  15. 


Ces  §793p»  fi'w:  p2S  àcciA  bfie  zn-z/ôt  àdkg^aMoe 
tïïstn  t'jz  ;  is&SiS  elle  a  été  plus  gen^rle  C2X:S  jes  scbâ- 
YiàMk^  pau"  2d  ptêoes.  cal  o£.i  procizî:  pocr  ks  q^a^rs;  pr^ 


Uf  t. 

Usfî- 

Usf  I. 

Lf  3f4. 

^10 

zuso 

M» 

rr. 
1            ^/JJ 

116^ 

135,SO 

1           nT,T5 

vnso 

La  légère  difiereDce  eotre  le  total  des  pesées  partielles 
et  celles  en  groape  aniqoelles  elles  se  rapportent  provîeot 
de  rioflexion  on  peu  moins  accentuée  de  la  balance. 


ecwumsios 

PTÈCES  PE5Ér.-  l^î.nfFTT.                     9 

de  b  ytiét  t,"  4. 

K* 

«rr. 

rr.             .            CT                          p. 

J. 

13^ 

1,35                        1,25 

1,46 

2. 

13.90 

1,43                        1^7 

1.45 

3. 

13^ 

1.37                        1,22 

1.38 

4. 

13,65 

1,42                        1^ 

1.37 

6. 

13.40 

1,35                        1,44 

1,41 

6. 

13.85 

1,40 

1,15 

1,36 

7. 

13,45 

1,41 

1,42 

1,26 

8. 

13,50 

1,36 

1,40 

1,31 

9. 

13,70 

1,42 

1,34 

1,30 

10. 

13,35 

1,36 

1,34 

1.38 

135,90 

13.87 

13,39 

13,68 

La  pièce  la  plus  légère  que  j'ai  trouvée  pesait  l^,!^- 
La  plus  lourde ,  1^,50. 

A.    CâBP£KTI1«î. 


ET    DISSERTATIONS.  &25 


JETONS  COMPOSÉS  PAR  SULLY. 

(PI.  xxn.) 


Lorsque  nous  avons  à  expliquer  les  légendes  des  mé* 
daiUes  et  des  jetons  du  xvi*  siècle,  nous  pouvons  craindre 
de  nous  montrer  trop  ingénieux,  de  trouver  parfois  à 
l'âme  et  au  corps  des  devises  un  sens  auquel  les  contem- 
porains n'avaient  pas  songé.  Parfois  aussi  nous  pouvons 
reculer  devant  la  signification  recherchée  que  semblent 
nous  indiquer  des  inscriptions  d'un  tour  obscur  accompa- 
gnant des  images  compliquées.  C'est  au  xvi®  siècle  même 
que  nous  devons,  je  le  pense,  demander  la  lumière  qui 
nous  manque  pour  éclairer  un  sujet  difficile.  Si  nous  pou- 
vions, par  une  opération  rétrospective,  assister  aux  déli- 
bérations de  ceux-là  qui  ont  conçu  l'idée  des  types  qui 
nous  embarrassent  et  fait  exécuter  les  monuments  qui  les 
portent,  le  problème  ne  serait-il  pas  résolu;  n'aurions-nous 
pas  le  meilleur  des  guides  ?  Je  m'adresse  donc  au  xvr  siècle 
à  titre  d'essai,  et  je  suis  étonné  de  n'avoir  pas  été  devancé 
dans  cette  voie,  lorsque  j'entreprends  de  mettre  sous  les 
yeux  de  mes  confrères  des  extraits  que  j'ai  depuis  long- 
temps le  projet  de  réunir  aux  dessins  de  quelques  jetons 
d'Henri  IV.  Les  passages  des  Œconomie$  roy ailes  d' Estât 
qu'on  va  lire  nous  montrent  Sully  composant  des  mé- 


426  MÉMOIRES 

dailles  historiques,  à  une  époque  où,  suivant  Texpression 
des  cardinaux  de  Joyeuse  et  du  Perron,  a  il  se  rencontrait 
rarement  des  personnes  de  qualité  qui  s'adonnassent  aux 
gentillesses  des  lettres.  » 

Nous  y  voyons  aussi  comment  le  grand  roi  Henri,  à  qui 
le  brave  et  honnête  La  Gaucherie  avait  enseigné  plus  de 
morale  pratique  que  de  latin,  indiquait  à  son  ministre  le 
sens  qu'il  fallait  donner  aux  devises  de  Tannée,  son  con- 
tentement lorsqu'il  reconnaissait  que  Sully  avait  bien 
réussi  à  exprimer  sa  pensée.  «  Il  faut  que  je  confesse,  di- 
sait-il, que  nuls  de  tous  ceux  qui  se  meslent  d'en  faire  ne 
rencontrent  point  si  heureusement  et  selon  mon  gré  comme 
vous  faites.  »  Et  en  parlant  de  la  sorte  le  roi  Henri  n'avait 
pas  tout  à  fait  tort.  Sans  doute  M.  de  Rosny  avait  le  goût 
des  allusions  un  peu  trop  raflinées  et  des  emblèmes  un  peu 
trop  précieux  pour  l'intelligence  du  vulgaire.  Il  fallait  pour 
comprendre  le  sel  de  ses  devises,  le  rapport  du  corps  avec 
l'âme,  savoir  plus  d'histoire  sacrée  et  profane,  plus  de 
mythologie  que  cela  n'était  donné  communément  en  ces 
temps  de  guerres  et  de  troubles.  Mais  cependant  nous 
devons  admirer  les  principes  sur  lesquels  il  se  fondait  pour 
composer  des  jetons  qui  sont  de  véritables  monuments 
historiques.  Il  serait  à  souhaiter  que  ceux  qui  de  nos  jours 
président  à  la  confection  des  médailles  voulussent  bien  se 
pénétrer  de  ces  principes,  et  choisir  surtout  pour  légendes 
«  de  belles  et  briefves  paroles  qui  ayent  une  bonne  ca- 
dence. »  C'est  un  point  important,  souvent  mis  en  oubli. 

On  sait  que  Sully  avait  fait  imprimer  dans  son  château, 
sous  la  rubrique  d'Amstelredam,  un  récit  de  tous  ses  actes 
jusqu'en  l'année  1605.  Ces  premiers  mémoires  forment 
deux  volumes  in>folio.  La  suite  ne  fut  publiée  qu'en  1662. 
C'est  dans  ces  recueils  intitulés  :  Mémoires  des  sages  et 


ET    DISSERTATIONS.  A 27 

royalles  OEconomies  (ï Estât,  domestiques,  politiques  et  mili- 
taires de 

Henry  le  Grand  Vexemplaire  des  Roys, 
Le  prince  des  vertus ,  des  armes  et  des  loix, 
Et  le  Père  en  effet  de  ses  peuples  François, 

et  des  servitudes  utiles,  obéisssances  convenables  et  adminis- 
trations loyales  de  Maximilian  de  Béthune,  Vun  des  plus 
confidens,  familiers  et  utiles  soldats  et  serviteurs  du  grand 
Mars  des  François,  que  j'ai  puisé  rexplication  assurément 
bien  authentique  de  quelques  beaux  jetons. 

César,  dans  ses  Commentaires,  parle  de  lui-même  à  la 
troisième  personne.  Sully  fait  parler  ses  secrétaires  qui  lui 
rappellent  tout  ce  qu'ils  sont  sensés  avoir  vu  ou  entendu, 
ou  plutôt  ce  qu'il  leur  avait  rapporté.  C'est  de  cette  façon 
que  nous  apprenons  comment  le  célèbre  ministre  travaillait 
pour  les  numismatistes  de  l'avenir. 

Chaque  année,  au  premier  jour  de  janvier,  Sully  offrait 
au  roi  et  à  la  reine  des  bourses  de  jetons  qu'il  leur  portait 
de  bon  matin,  et  il  s'ensuivait  des  petites  scènes  dont  le 
récit  naïf  est  véritablement  fort  amusant. 

Le  roi  ne  voyait  dans  les  légendes  de  ses  jetons  que  le 
sens  politique;  il  voulait  s'en  servir  comme  d'avertisse- 
ments à  l'adresse  des  partis  qui  divisaient  le  royaume  ou 
des  étrangers  qui  le  menaçaient.  C'est  là  un  fait  avéré,  et 
cette  circonstance  donne  un  très-haut  prix  aux  instruments 
numismatiques  de  la  politique  d'un  si  grand  prince. 

Sully,  tout  en  se  conformant  aux  vues  d'Henri  IV,  son- 
geait à  déployer  son  érudition,  et  administrait  de  temps  en 
temps  la  preuve  de  son  savoir  classique.  11  se  plaisait  à 
montrer  qu'il  avait  lu  Hérodote,  Pline,  Dion,  Virgile,  Ho- 
race, Plutarque  et  môme  Julien. 


A28  liLlfOIB£5 

Quoique  protestant,  il  use  modérément  du  texte  de  la 
Bible;  les  grands  écrivains  de  l'antiquité  lui  tenaient  au 
cœur,  car  il  avait  fait  d'assez  fortes  études ,  et  peut-être 
aimait-il  à  se  rappeler  cette  robbt  descolier  qui  lui  avait 
sauvé  la  vie  au  2Â  août  1572. 

Armé  des  renseignements  qu'il  nous  fournit,  j'ai  voulu 
relire  les  auteurs  qui  Pavaient  inspiré.  J'ai  noté  les  pas- 
sages auxquels  se  rapportent  les  légendes  de  jetons,  et  il 
m'a  semblé  que  quelques-uns  de  nos  confrères  en  numis- 
matique voudraient  bien  accepter  le  résultat  de  ce  petit 
travail. 

Malheureusement,  sur  les  vingt  et  un  jetons  composés  par 
Sully  je  n'en  ai  encore  pu  retrouver  qu'une  dizaine.  J'es- 
père toutefois  que  la  publication  de  ces  pièces  si  peu  nom- 
breuses contribuera  à  faire  découvrir  le  reste. 

A  la  suite  des  passages  extraits  des  OEconomies  rùyalles^ 
j'ai  intercalé  entre  parenthèses  mes  obsen^ations  person- 
nelles. J'en  avertis  ici  le  lecteur  soigneux  de  son  temps  qui 
pourra  laisser  de  côté  im  commentaire  peu  récréatif,  et 
suivre  en  toute  liberté  le  cours  de  la  bonne  vieille  prose 
mieux  fûte  pour  le  captiver. 


Recueil  des  devises  baillées  au  Roy  pour  mettre  dans  ses 
jetions  en  chacune  année  ^  depuis  Vannée  lbS9  jusques  en 
la  présente  J601  (1). 

«  Premièrement,  sur  la  fin  de  Tannée  1589,  à  cause  que 
le  Roy  avoit  esté  recognu  pour  tel  sur  une  montagne  attri- 
buée à  un  sainct ,  en  faisant  allusion  à  ce  qui  est  dit  au 

(I)  CBcùmmiti  royallti  d^Eilat,  t.  II ,  p.  6. 


KT    DISSERTATIONS.  429 

second  Pseaume  touchant  David  figure  de  Jésus-Curist, 
vous  baillastes  à  sa  Majesté  en  corps  de  devise  pour  Tan- 
née 1590  un  haut  mont  sur  lequel  il  tombait  du  Ciel  une 
Couronne  et  pour  ame  ces  paroles  :  CONSTITVTVS  REX 
SVPER  SION.  n 

(Allusion  à  un  passage  du  Psaume  II,  v.  6  :  Ego  autem  con- 
stxtutus  svm  rex  ab  eo  super  Sion  moniem  sanctum  ejus,  Henri  IV 
avait  été  salué  roi  à  Saint-Cloud,  au  moment  où  Henri  III  venait 
d'expirer.  Le  château  est,  comme  on  sait ,  situé  au  sommet 
d'une  colline.  Un  sonnet,  publié  en  tête  du  second  volume  des 
Œconomies  royalles  contient  un  parallèle  d'Henri  IV  et  de 
David  : 

En  David  et  Henry  Dieu  s'est  choisi  deux  Roy» 
Tous  deux  selon  son  cœur. 

Je  n'ai  pas  encore  retrouvé  le  jeton  de  1590,  ni  ceux  des  quatre 
années  suivantes.) 

1591.  «  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1590,  à  cause  des  grandes 
oppositions  que  le  Roy  avoit  trouvées  à  son  commencement 
et  des  combats  qu'il  luy  avoit  fallu  faire  et  des  batailles 
qu'il  avoit  gagnées,  vous  luy  baillastes  en  corps  de  devise 
pour  Tannée  1591  une  espée  Royale  environnée  de  branches 
de  Lys  et  de  Palmes,  et  pour  ame  ces  paroles  prises  du  même 
second  Pseaume  :  IN  VIRGA  FERREA  CONFRINGVNTVR.  » 

(La  devise  est  encore  empruntée  au  Psaume  II  (v.  9)  :  Reges 
€08  in  virga  ferrea^  et  tanquam  vas  figuli  confringes  eos.  La  lé- 
gende du  jeton  fait  entendre  que  la  promesse  du  Seigneur  est 
accomplie.  ) 

1592.  <c  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1591,  à  cause  que  le  Roy 
publioit  à  haute  voix  qu'en  tous  ses  heureux  succez  il  estoit 
conduit  de  Dieu,  vous  luy  baillastes  en  corps  de  devise  pour 
Tannée  1592  une  estoi Ile  brillante  faisant  allusion  à  celle 


A30  MÉMOIRES 

qui  apparut  aux  trois  Roys  d'Orient  qui  vindrent  adorer 
Jésus-Christ,  et  pour  ame  ces  paroles  :  DVCTVS  REGVM.  » 

(Saint  Matthieu,  II,  i,  2,  7,  9:  Magi ab  oriente  venerunt  lero^ 
solymam.,,  et  ecce  stelia  quant  viderant  in  Oriente  antecedebat 
eos.  Il  est  assez  singulier  que  Sully  ait  accepté  la  tradition  étran- 
gère au  texte  de  TËvangile,  qui  donne  le  titre  de  rois  aux  trois 
mages  qui  vinrent  saluer  Jésus-Christ.  Il  n'a  sans  doute  pas 
voulu  comparer  son  maître  à  un  mage,  et  a  fait  passer  les  com- 
mentateurs avant  le  livre.) 

1593.  «  Plus  à  la  fin  de  l'année  1692,  à  cause  de  tant  de 
contradictions  que  le  Roy  avoit  trouvées  en  icelle,  chacun 
s'émancipant  aux  moindres  mauvais  succez,  à  faire  le  Roy  ; 
et  faisant  allusion  à  ce  qui  apparut  sur  les  tentes  de  Octa- 
vius  César,  Antonius  et  Lepidus,  lorsqu'ils  s'assemblèrent 
pour  diviser  le  monde  entr'eux,  vous  baillastes  à  sa  Majesté 
pour  corps  de  devise  en  l'année  1593,  trois  soleils  dont  les 
deux  estoient  fort  pasles  et  blafarts ,  et  celuy  du  milieu 
infiniment  rouge  et  brillant,  et  pour  ame  ces  paroles: 
AFFVLGET  CESARI  NOSTRO.  » 

(Le  miracle  romain  n'est  pas  exactement  rapporté;  ce  n'est  pas 
au  moment  où  les  triumvirs  se  réunirent  pour  se  pai-tager  le  pou* 
voir  souverain  qu'il  eut  lieu  ;  c'est  lorsque  Octave  vint  à  Rome 
pour  y  recueillir  l'héritage  paternel,  sous  le  consulat  d'Hirtius  et 
de  Pansa  (  an  43  av.  J.  C),  suivant  Dion  Gassius,  et  sous  M.  An- 
toine et  Dolabella  (an  44),  suivant  Julius  Obsequens.  Dion  s'ex- 
prime ainsi  :  T6,  te  cpîô;  toû  i^kio^j  èXaxTOÛaOaf  te  xai  oSivvuoOat, 
totI  81  Iv  Tpial  xuxXotç  cpavxàÇeaOai  Ï^6azi  •  xai  eva  yt  auTwv  orâcpavoç 
ora^^uwv -up(o57)ç  irspiio^sv  [lib.  XLV,  17]. 

Jul.  Obsequens  emploie  les  mêmes  termes  :  a  Soles  très  ful- 
serunt,  circaque  solem  imuin  corona  spicse  similis  in  Urbem 
emicuity  et  postea  in  unum  circulum  sole  redacto,  multis  men- 
sibus  languida  lux  fuit»  [Deprodig.,  128]. 


tT    DISSI-RTATIONS.  431 

Suétone  n'avait  pas  parlé  des  trois  soleils  ;  il  dit  seulement  : 
a  Ingrediente  eo  Urbem,  repente  liquido  ac  puro  sereno, 
circulus  ad  speciem  cœlestis  arcus  orbem  solis  ambiit  » 
[Oc/.,  95]. 

Pline  [lib.  Il,  28,  31  ]  mentionne  et  la  couronne  d'épis  et  les 
trois  soleils  :  aGernuntur  et  stellte  cum  sole  totis  diebus;  ple- 
romque  et  circa  solis  orbem,  ceu  spiceas  coronœ  et  versicolores 
circuli  :  qualiter  Augusto  Caesare  in  prima  juventa  Urbem  in- 

irante,  post  obitum  patris ,  ad  nomen  ingens  capessendum 

Trinos  soles  antiqui  saepius  videre  :  sicut....  M.  Antonio,  P. 
Dolabellacoss.) 

1694,  «  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1593,  à  cause  que  le  Roy 
se  relevoit  de  courage,  plus  les  difficultez  à  pacifier  son 
Royaume  sembloient  se  multiplier,  vous  luy  baillastes  en 
corps  de  devise  pour  Tannée  1594  un  feu  allumé  sur  une 
haute  montagne  soufflé  des  quatre  vents  du  Ciel,  et  pour 
ame  ces  paroles,  AGITATVS  GRESCO.  » 

1595.  «  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1594,  à  cause  de  tant  de 
Villes  qui  se  remirent  en  Tobeyssance  du  Roy,  nonobstant 
les  menées  du  Roy  d'Espagne  et  de  la  Ligue,  vous  luy  bail- 
lastes en  corps  de  devise  pour  Tannée  1595,  une  mer  tem- 
pestueuse,  battue  des  vents,  lesquels  faisoient  eslever  ses 
ondes  iusques  aux  nues,  et  pour  ame  ces  paroles  :  TVRRANT 
SED  EXTOLLVNT.  (PL  XXII,  n«  1,  Ribliothèque  impériale, 
et  collection  de  M.  d'Affry  de  la  Monnoye.) 

1596.  «  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1595  à  cause  de  tant  de 
pertes  de  villes  et  d'actions  glorieuses  entremeslées  dans 
cette  année  1595,  vous  baillastes  au  Roy  en  corps  de  de- 
vise pour  Tannée  1596  une  flame  de  feu  au  milieu  de  la 
mer,  laquelle  jettoit  des  estincelles  fort  luisantes,  non- 
obstant Tagitation  des  ondes,  et  pour  ame  ces  paroles  : 
RERVM  IMMERSABILIS  VNDIS.  » 


A32  MÉMOIRES 

(  Horace,  parlant  d'Ulysse  [I  Epist..  II,  v.  22],  dit  : 

Asperamulta 

Pertuilty  adversis  rerum  immersabilis  undis. 

Les  collections  quo  j'ai  pu  examiner  ne  renferment  ni  le  jeton 
de  1596,  ni  ceux  des  trois  années  suivantes.  ) 

1597.  <{  Plus  à  la  fin  de  1596  à  cause  que  nonobstant 
toutes  les  pertes  des  années  passées  le  Roy  avoit  remis  ses 
affaires,  estably  un  bon  Conseil,  assemblé  quelque  argent 
et  faisoit  des  préparatifs  pour  faire  florir  ses  armes  dans 
l'Artois  et  assiéger  Arras  vous  luy  baillastes  en  corps  de 
devise  pour  Tannée  1597  une  lance  entortillée  d'un  Lys, 
faisant  allusion  à  celle  que  Cadmus  et  ceux  de  sa  race  por- 
taient emprainte  à  la  cuisse,  et  pour  ame  ces  paroles  : 
GENERIS  INSIGNIA  NOSTRI.  » 

(C'est  l'empereur  Julien  qui  dans  son  second  discours  [édi- 
tion Spanheim,  1696,  p.  81  ]  nous  a  conservé  la  tradition  que 
Sully  a  utilisée.  Voici  les  paroles  de  ce  grand  écrivain  :  AdYx^i 
81  Xi^s'cat  iispl  Ti?lv  BoiuiTiav  toT;  SirapTtoi;  èvTurcoôiJvoti  irapà  -niç 
TexQuoT^ç,  xaî  Ope^afiivT);  aÙToù^  ptoXou*  xal  to  èvxeûOev  ït:\  iroXvi 
8ta7Ci)B7;vai  toûxo  Ttj)  -^fivst  ffujxêoXov, 

On  voit  avec  quelle  adresse  Maximilien  de  Béthune  savait 
présenter  les  faits,  a  Cadmus  et  ceux  de  sa  race  d  ont  tout  à  fait 
grand  air.  Tandis  qu'il  eût  été  fort  inconvenant  de  dire  tout 
simplement  les  choses ,  et  de  comparer  la  maison  de  Bourbon  à 
des  Béotiens.  ) 

1598.  «  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1597,  à  cause  de  la  re- 
prise glorieuse  d'Amiens  et  que  le  Roy  contreignit  TArchi- 
duc  de  se  retirer  honteusement  et  que  ces  heureux  succez 
furent  cause  que  Ton  commença  de  toutes  parts  à  recher- 
cher sa  Majesté  de  paix,  vous  luy  baillastes  pour  corps  de 
devise  en  Tannée  1598  une  plante  de  Laurier  couronnée  de 


ET    DISSERTATIONS.  433 

branches  d'Olivier  tombant  du  Ciel,  et  pour  anie  ces  paroles 
PAX  IN  ARMIS.  » 

1599.  «  Plus  à  la  fin  de  1598,  à  cause  que  le  Roy  ayant 
conquis  toute  la  Bretagne  et  réduit  le  Roy  d'Espagne  à  faire 
paix  avec  luy,  il  projetta  de  se  marier,  de  restablir  son 
Royaume,  de  délivrer  le  peuple  de  toutes  oppressions  et  le 
soulager  des  excessives  impositions  tolérées  à  cause  des 
guerres.  Vous  luy  baillastes  en  corps  de  devise  pour 
Tannée  1599,  un  chesne  signifiant  les  sujets  et  citoyens, 
tout  parsemé  de  couronnes  de  branches  de  Laurier  et 
d'Olivier  entremeslées,  faisant  allusion  à  ce  que  le  Peuple 
Romain  fit  envers  Auguste,  lors  qu'il  eut  pacifié  l'Empire,  et 
pour  ame  ces  paroles  :  SALV VS  POPVLI  MlHI  LAVRVS  (sic) .  » 

(  C'est  en  vertu  d'un  décret  de  Tan  727  de  Rome  que  des 
lauriers  furent  placés  devant  le  palais  d'Auguste^  et  qu'une 
couronne  de  chénc  fut  suspendue  au  faite  de  sa  demeure. 
Suivant  Dion,  cet  honneur  était  rendu  a  au  vainqueur  perpétuel 
des  ennemis,  au  sauveur  des  citoyens»  [lib.  LUI,  16]  : 

Kal  "^àp  téy  Ts  xà;  oàovaç  rpo  twv  ^paaiXtfwv  auTOÛ  irpOTtOs^ôat, 
xal  zb  TÔv  oré'^avov  xiv  cpuivov  onep  auTcâv  àprâffOsi ,  iCxt  ot, 
cb<   xal  izl   TO"j;   xz    iroXejxtou;    vtxûivxi  xa?    tou;    TtoXiTa^    cu)Çov:i, 

è(|/T|Cpl70T]. 

Pline  [lib.  XVI,  3]  dit;  a  Dédit  hanc  Augustus  coronam 
[rostratam]  Agrippa?  :  sed  civicam  a  génère  humano  accepit 
ipse.  ) 

1600.  ((  Plus  à  la  fin  de  l'année  1599,  h  cause  que  par 
le  bon  ordre  estably  par  le  Roy  (  en  quoy  vostre  soin  et 
travail  à  le  faire  observer  et  en  tirer  les  utilitez  désirées 
estoient  admirables)  toutes  sortes  d'allégresses  et  seuretez 
de  condition  se  multiplioient  de  jour  à  autre,  vous  bail- 
lastes à  sa  Majesté  pour  corps  de  devise  en  l'année  1600, 
un  Arc  en  Ciel  faisant  allusion  sur  celuy  donné  de  Dieu  h 

1863.  -  6  29 


A3A  MÉMOIRES 

Noé  pour  scureté  contre  toutes  innoudations  et  pour  amc 
ces  paroles  :  SOLVVNT  FORMIDINE  TERRAS.  » 

(  Légende  empruntée  à  la  IV'  églogue  de  Virgile  [vers  14]  •• 

Irrita  perpetna  solvent  formidine  terras. 

L'arc-en-ciel  donné  à  Noé  est  mentionné  dans  la  Genèse  ^  IX, 
13, 14.  Je  ne  trouve  pas  le  jeton  de  Tan  1600  avec  la  légende 
indiquée;  elle  se  lit  sur  une  pièce  de  16011  (pi.  XXII^  n^^)^ 
dont  plusieurs  exemplaires  sont  conservés  à  la  Bibliothèque 
impériale^  chez  M.  d'Âffry  de  la  Monnoye  et  chez  M.  Duleau. 
On  a  des  exemples  de  légendes  reproduites  pendant  plusieurs 
années;  et  d'ailleurs  il  me  manque  jusqu'à  présent  tant  de 
pièces  qui  ont  évidemment  existé^  qu'il  me  parait  prudent,  au 
lieu  de  hasarder  une  conjecture,  d'attendre  que  tes  antiquaires 
aient  cherché  à  leur  tour  les  jetons  de  Sully.  ) 

1601.  (c  Plus  à  la  fin  de  Tannée  1600  à  cause  que  Mon- 
sieur de  Savoye  lors  que  voulant  profiter  des  troubles  de 
la  France  eut  pris  le  Marquisat  de  Saluées,  choisit  pour 
devise  un  Gentaui'e  foulant  aux  pieds  une  Couronne  Royale 
avec  ces  paroles.  Opportune,  et  que  le  Roy  eut  conquis  la 
Bresse  et  la  Savoye,  vous  lui  baillastes  pour  corps  de  devise 
de  Tannée  1601  un  Hercule  renversant  un  Centaure  et 
relevant  une  Couronne  et  pour  ame  ces  paroles  :  OPPOR- 
TVNIVS.  (pi.  XXI,  n' 3,  Kbliothèque  impériale). 

Huict  jours  après  que  vous  eustes  présenté  au  Roy  les 
jettons  de  Tannée  1601,  vous  receustes  une  lettre  de  Mon- 
sieur deBiron u 

(Charles-Emmanuel,  duc  de  Savoie,  avait  fait  frapper  en 
1588  un  grand  écu  sur  lequel  on  voit,  au  droit,  le  buste  de  ee 
prince  en  armure,  accompagné  de  la  légende  :  CAR.EM.D.G. 
DVX.SAB.P.PED.  et  au  revers,  un  centaure  lançant  une  flèche; 
dans  le  champ,  une  couronne  qui  tombe,  et  au-dessus,  le  mot 


ET   DISSERTATIONS.  A35 

OPPORTVNE  [Promis,  Heali  di  Savoia.i,  H,  pi. XXXI,  n*  27). 
La  riposte  de  Sully  était  fort  légitime;  mais  le  jeton  de  1601  est 
un  de  ceux  que  la  postérité  aurait  eu  le  plus  de  peine  à  expliquer 
si  l'auteur  même  n'avait  point  pris  soin  de  nous  donner  le 
mot  de  l'énigme.) 


«  En  commençant  nostre  second  livre  nous  luy  donne- 
rons entrée  par  vos  emplois  tous  pacifiques  qui  furent, 
qu'ayant  dès  la  fin  de  Tannée  1600  dressé  cinq  projets  des 
Estats  généraux  dependans  de  vos  charges  ; 

a  A  savoir,  etc. 

«  Tous  lesquels  projets  d'Estats  ayant  fait  voir  au  Roy 
dès  le  mois  de  décembre  de  Tannée  1600  vous  les  lui 
vinstes  apporter  mis  au  net  dans  des  livres  bien  reliez  lors 
que  le  premier  jour  de  Tannée  1601,  suivant  la  coutume, 
vous  luy  apportastes  pour  ses  cstrenes  et  à  la  Reine  aussi  à 
chacun  deux  bourses  de  jettons,  dont  les  uns  estoient  d'or 
et  les  autres  d'argent  avec  les  devises  de  sa  Maiesté  telles 
qu'il  vous  avoit  donné  le  sujet  de  les  devoir  faire,  de  la- 
quelle devise  le  corps  estoit  un  nid  d'AIcions  qui  avoient 
tranquilisé  la  mer  pour  y  eslever  leurs  petits  et  avoit  pour 
ame  ces  paroles  :  NOSTRI  DANT  OTIA  TERRIS ,  laquelle 
devise  nous  ayant  fait  ressouvenir  que  nous  avions  oublié 
d'insérer  en  nostre  premier  livre  toutes  les  autres  que  le 
Roy  avoit  prises  chacune  année  depuis  son  advenement  à  la 
couronne,  nous  avons  estimé  que  vous  ne  trouverriez  point 
mal  à  propos  ny  ceiLX  qui  liront  ces  recueils  que  nous  vous 
les  représentions  icy  telles  que  nous  les  avons  pu  recou- 
vrer et  qu'elles  s'ensuivent.  »  [OEc,  R.^  t.  II.  p.  6.) 

(  Nous  venons  de  voir  que  le  jeton  de  iCOI  avait  pour  légende 


A3ô  MÉMOIRES 

OPPORTVNIVS,  et  voici  qu'au  commencement  du  second  tonu> 
des  Œconomies  royalles  nous  trouvons  la  description  d'un  autre 
type  que  nous  ne  rencontrons  pas  dans  les  collections.  Il  y  a  là 
uno  contradiction  que  des  découvertes  ultérieures  feront  sans 
doute  disparaître. 

Les  anciens  croyaient  que  les  flots  de  la  mer  se  calmaient  au 
moment  de  la  naissance  des  jeunes  alcyons. 

Tbéocrite  l'assure  : 

X*  àXxu(5vsc  oTopEOEuvTi  xà  xii[j.aTa^    àv  xs  OàXad  (xaiv , 
T(5v  TS  Ndxov,  xdv  T*  Eupov. 

[Idyll.  VII,  v.  57-58.  ] 

i£lien  le  dit  plus  clairement  encore  :  Kuouffrjç  81  àXxu<5voc  loraxai 
(jîkv  Ta  iceXap),  elpi^vr^v  81  xai  (piXiav  £;(ou9iv  avejjLoi.  [  De  onimaLf  1, 
36. —Cf.  lib.  IX,  17.] 

Pline  [II,  47,]  le  répète  à  son  tour  :  a  Ante  brumam  autem 
septem  diebus  totidemque  postea  sternitur  mare  balcyonum 
fœturae.,  unde  nomeu  hi  dies  traxere.  i>  ) 

1602.  «  Nous  commencerons  ces  mémoires  de  l'année 
1602  par  le  bon  iour  et  le  bon  an  que  vous  allastes  don- 
ner au  Roy  le  matin  du  premier  iour  de  Janvier,  pour  por- 
ter à  luy  et  à  la  Reme  leurs  bourses  de  jettons  d'or,  dont 
vous  aviez  formé  la  devise  sur  ce  que  le  Roy  voyant  les 
broûilleries  qui  se  minutoient  par  aucuns  des  plus  grands 
du  Royaume,  et  discourant  d'icelles  avec  vous,  lorsqu'il 
fut  question  de  résoudre  Testât  des  gens  de  guerre  à  la 
campagne,  vous  dit  :  Ne  me  parlez  point  de  rien  retran- 
cher à  mes  Régimens  entretenus,  ny  à  mes  garnisons,  ny 
aux  compagnies  de  cavallerie,  car  tant  s'en  faut  que  j'es- 
time mes  affaires  en  Testât  de  le  pouvoir  faire  que  je  suis 
résolu  de  demander  une  levée  de  six  mille  Suisses,  que 
nous  ne  ferons  néantmoins  marcher  si  le  besoin  ne  s'en 
offre,  si  bien  que  cela  nous  coustera  peu  ;  les  succez  des 


Kl    DISSERTATIONS.  tfil 

affaires  et  diverses  expériences  inayant  appris  que  comme 
par  les  armes,  les  Empires  se  forment,  que  sans  icelles 
aussi  nulles  Dominations  ne  se  sçauroient  bien  maintenir, 
surquoy  je  veux  que  vous  me  dressiez  une  devise  pour 
l*année  mil  six  cens  deux,  à  quoy  vous  aviez  satisfait  au 
moins  mal  que  vous  aviez  pu,  le  corps  d'icelle  estant  un 
dard  fiché  en  terre,  lequel  y  ayant  pris  racine,  reverdissait 
et  jettait  des  branches  faisant  allusion  à  celuy  de  Romulus, 
lequel  ayant  jette  un  dard  de  Cormier  de  dessus  le  Mont 
Palatin  tant  qu'il  avoit  pu  pour  désigner  la  grandeur  en 
circonférence  de  la  Ville  qu'il  vouloit  bastir,  dont  le  lieu  où 
il  estoit  devoit  estre  le  centre*  ce  dard  s  estant  iiché  en 
terre  y  prit  racine,  verdoya  et  devint  arbre  qui  a  duré 
iusques  sous  Caligula,  et  le  tenoit  on  comme  pour  Tune  des 
fatalilez  à  la  grandeur  de  l'Empire,  et  pour  ame  à  ce  corps 
ces  paroles  :  NI  VIGEANT  ARMA  LABITVR  IMPERIVM.  » 

«  Le  Roy  trouva  cette  devise  assez  bien  et  selon  son 
intention,  la  monstra  à  ceux  de  qualité  ou  de  sçavoir  qui 
vindrent  à  son  lever  et  leur  en  fit  cas.  »  {Œc.  H.,  t.  II, 
p.  39.) 

(  Plularque,  dans  la  Vie  de  Romulus  [ XX,  9  à  i3],  rapporic 
rhistoire  du  dard  de  cormier  qui,  lancé  par  le  fondateur  de 
Rome  et  fiché  en  terre^  se  couvrit  de  feuillage  et  ne  périt  qu'au 
temps  où  des  ouvriers  y  reparant  par  ordre  de  Caius  Caesar  les 
degrés  de  Tenceinte  qui  protégeait  cet  arbre  précieux  y  mirent 
ses  racines  à  découvert. 

Ce  jeton  manque  aux  collections  que  j'ai  pu  consulter.  ) 

1603.  «  Suivant  l'ordre  que  nous  avons  tenu  les  der- 
nières années  passées,  nous  commencerons  le  premier 
Chapitre  de  celle  cy  par  la  devise  que  vous  fistes  apposer 
aux  jettons  d'or  que  vous  portastes  au  Roy  le  premier  iour 


428  MÉSIOUES 

de  iamrier,  fondée  sur  ce  que  Toolant  donner  une  édoca- 
tioD  Trayment  Royale  à  ses  enfants;  il  en  Touloit  prendre 
le  loisir  par  le  moyen  d'une  iwnne  Paix  qu'il  cultiroit  soi- 
gneusement, tant  pour  le  dehors  que  pour  le  dedans  de 
son  royaume.  Estant  bien  résolu  d'acherer  d'estouffer 
tontes  semences  de  troubles  et  mouTemens  qui  pou- 
T<Ment  encore  rester,  par  le  moyen  de  ceux  qui  ayoient 
trempé  dans  la  faction  du  Duc  de  Kron,  ne  restant  plus 
que  Messieurs  de  la  Trimoûille  et  de  Bouillon  qui  fussent 
en  quelque  sorte  considérables.  Le  Corps  de  cette  detise 
donc  fut  un  nid  d'Alcyons  au  milieu  de  la  mer,  lesquels 
ont  cette  vertu  de  la  tenir  tranquille  pendant  qu'ils  cou- 
vent et  nourrissent  leiu*s  peths,  ou  bien  la  cognoissance 
que  de  sa  nature  elle  doit  estre  telle  en  cette  saison  là,  et 
pour  ame  y  mistes  ces  paroles  :  NOSTRI  DANT  OTIA 
TERRIS.  »  (OEc.  R.  t.  II,  p.  62.) 

(  On  a  déjà  vu  plus  haut  que  la  légende  Nostri  dcaU  oiia 
terris  était  attribuée  à  Tannée  1601.  D'un  autre  cdté,  nous 
trouvons  dans  le  médaillier  de  la  Bibliothèque  impériale  un 
jeton  représentant  des  alcyons  et  portant  la  date  de  4603.  N'en 
doitron  pas  conclure  qu'H  y  a  confusion  causée  par  l'analogie 
des  types?  La  légende  HALCYONIYM  AB  ARMIS  ne  s'accorde- 
t-elie  pas  mieux  avec  le  dessein  qu'avait  le  roi  A'achever  d^i* 
touffer  les  semences  de  troubles,  que  la  simple  promesse  de 
paix,  nostri  dant  otia  terris?  J'ai  fait  graver  [pi.  XXÏI,  n*  4] 
le  jeton  de  4603  qui  me  parait  fournir  un  moyen  de  résoudre 
la  question.  Il  ne  semblera  pas  probable  que  Sully  ait  été  assez 
à  ^urt  d'invention  pour  employer  la  même  légende  à  deux 
reprises.  ) 

160A.  «  Jetions  d'or  portez  au  Boy  aux  Estreines  et  propos 
tenus  sur  la  devise  d'iceux. 
...  Commençant  cette  année  mil  six  cent  quatre  par  le 


LT    DISSERTAI  IONS.  iS9 

premier  iour  du  mois  de  lauvier  que  vous  vous  en  allastes 
dès  le  matin  donner  le  bon  iour  et  le  bon  an  au  Roy  et  à  la 
Reine,  lesquels  Vous  trouvastes  encor  tous  deux  au  lict.  Et 
comme  vous  entriee  dans  la  chambre  (car  à  toute  heure 
que  vous  arriviez  les  portes  vous  estoient  ouvertes)  le  Roy 
oyant  faire  des  révérences  tira  le  rideau*  demanda  qui  c' es- 
toit,  et  vous  ayant  apperçeu,  dit  à  la  Reine  :  —  Mamie 
voicy  Rosny,  lequel  ie  m'asseure  nous  vient  apporter  nos 
Estreînes.  —  11  est  vray,  Sire,  dites  vous,  mais  celles  cy 
sont  un  peu  plus  belles  que  les  ordinaires  du  passé,  car 
outre  les  bourses  des  jettons  d'argent,  ie  vous  en  apporte 
à  chacun  deux  bourses  d'or.  —  Ces  jettons  devroient 
estre  beaux,  monsiew,  dit  la  Reine  au  Roy.  —  Je  le  crois, 
mamie  (dit-il),  mais  Rosny  vous  serez  vous  souvenu  d'y 
approprier  une  devise  sur  le  sujet  que  je  vous  dis  en  pré- 
sence de  Monsieur  de  Mont-pensier  et  du  Cardinal  de 
Joyeuse,  lors  qu'ils  me  parloient  des  broiiilleries  de  Mes- 
sieurs de  Bouillon,  de  la  Trimouille  et  de  leur  séquelle  que 
nous  cognoissons  tous  dont  l'on  bruyoit  lors  et  bruit  on 
encores  à  présent  et  que  je  leur  respondis  que  mes  sujets 
avoient  grand  tort  de  vouloir  ainsi  ti*averser  mon  règne 
d'inquiétudes,  veu  que  je  n'avois  nul  plus  grand  désir  que 
de  leur  faire  du  bien  à  tous  et  d'estre  aussy  aymé  de  tous, 
et  vous  ordonnay  d'essayer  à  me  faire  une  devise  qui  spé- 
cifiast  tout  cela,  car  il  faut  que  je  confesse  que  nuls  de 
tous  ceux  qui  se  meslent  d'en  faire  ne  rencontrent  point 
si  heureusement  et  selon  mon  gré  comme  vous  faites.  — 
Ouy,  Sire,  respondites  vous,  je  m'en  suis  fort  bien  souvenu, 
encore  que  ce  ne  soit  pas  chose  facile  que  de  bien  expri- 
mer tant  de  conceptions,  donner  un  corps  agréable  qui  en 
signiGe  une  partie,  soit  par  sa  figure,  sa  nature  et  ses  pro- 
priétez,  en  réservant  le  surplus  à  de  belles  et  briefves  pa^ 


AAO  MÉMOJRES 

rôles  qui  ayent  une  bonne  cadence,  dequoy  je  m'estois  ac- 
quitté le  mieux  qu'il  m'avoit  esté  possible  :  mais  les  louanges 
que  vostre  Majesté  me  vient  de  donner  me  mettent  en  plu» 
de  peine  et  d'appréhension  que  je  n'estois  auparavant,  tant 
j'ay  de  peur  de  luy  faire  perdre  cette  bonne  opinion  qu'elle 
a  tesmoigné  d'avoir  conceiie  de  moy.  —  Or  bien,  bien  dit 
le  Roy,  cette  discrétion  ne  vous  est  que  bien  séante  :  mais 
voyons  un  peu  ce  qui  en  est  afin  d'en  dire  nos  advis. — La 
simple  veuë  ne  vous  en  sçauroit  assez  instruire  ny  suffisam- 
ment satisfaire .  Sire ,  luy  dites  vous ,  encor  qu'à  mon 
advis  le  corps  n'en  soit  pas  trop  laid  ny  les  paroles  mal 
agréables,  y  ayant  une  Grenade  ouverte  qui  monstre  une 
grande  quantité  de  ses  grains  de  rubis,  car  je  les  ay  fait 
bien  esmailler  et  ces  mots  à  l'en  tour  :  TOT  VOTA  MEORVM. 
mais  j'estime  que  l'histoire  vous  en  plaira  encor  davantage 
et  que  vous  la  trouverez  rencontrer  assez  bien  sur  l'amour 
d'un  Roy  envers  ses  Sujets  et  d'eux  envers  luy,  et  lors  vous 
racontastes  l'histoire  du  Monarque  Darius  et  de  son  loyal 
serviteur  Zopirus,  laquelle  pour  estre  trop  longue  et  assez 
commune  nous  ne  réciterons  point  icy,  mais  dirons  seule- 
ment que  depuis  cette  prise  de  Babilone  comme  quelques 
uns  magnifiassent  une  si  haute  conqueste,  l'empereur  res- 
pondit  :  J'aymerois  mieux  mon  Zopirus  sain  et  entier  que 
la  possession  de  vingt  Babilones.  Et  une  autre  fois  ayant 
cueilly  une  grosse  Grenade  dans  ces  magnifiques  jardins  de 
Sémiramis,  laquelle  comme  celle  de  vostre  devise.  Sire 
(dites  vous  au  Roy)  monstroit  grande  quantité  de  grains  de 
rubis  et  que  ses  familiers  luy  eussent  demandé  de  quelles 
choses  il  desireroit  avoir  autant  qu'il  y  avoit  de  grains  en 
cette  Grenade,  il  respondit  :  Autant  de  Zopims.  Mais  au 
lieu  de  ce  nom  j'ay  mis  Vola  meorum ,  qui  signifie  d'a- 
mour et  de  vœux  de  vos  Suiets  ainsy  que  V.  Maiesté  m' avoit 


ET    DISSERTATIONS.  hài 

dit  estre  le  plus  grand  de  ses  désirs.  — 11  est  vray,  dit  le 
Roy,  et  je  trouve  cette  devise  dautant  meilleure  que  This- 
toire  en  exprime  aussi  le  cas  qu'un  bon  maistre  doit  faire 
d'un  excellent  serviteur  qui  s'expose  à  tous  périls  pour  luy, 
ce  que  peut  estre  n'y  avez  vous  pas  mis  sans  penser  à  vous. 
Il  se  passa  ensuitte  plusieurs  autres  discours  sur  ce  sujet 
entre  le  Roy,  la  Reine,  Vous  et  Messieurs  de  Roquelaure, 
Frontenac  et  laVarenne  qui  entrèrent  en  mesmes  temps 
dans  la  Chambre,  lesquels  seroient  trop  longs  à  reciter. 

Le  lendemain  le  Roy  vous  envoya  pour  vos  Estreines  une 
boëte  de  diamans  où  estoit  son  portraict  :  la  Reine  une 
chesne  de  parfum  enrichie  de  diamans  et  des  bracelets  fort 
riches  à  iMadame  vostre  femme.  »  (QBc.  /?.,  t.  II,  p.  189.) 

(Le  jeton  de  i604  existe  on  argent  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale, en  cuivre  chez  MM.  d'Affry  de  la  Monnoye  et  Dulcau 
[pi.  XXII,  n°  5].  Malheureusement  nous  ne  connaissons  pas 
Texemplaire  d'or  émaillé. 

On  trouve  des  jetons  de  deux  métaux  ;  j'ai  vu  aussi  un  piéfort 
du  xiv*  siècle  soigncusemenl  émaillé.  Mais  la  grenade  aux  grains 
couleur  de  rubis  nous  manque. 

Voilà  assurément  un  type  et  une  légende  qui  ont  besoin, 
pour  être  bien  compris,  des  révélations  de  leur  illustre  inven- 
teur. Si,  à  défaut  d'une  pareille  autorité,  un  antiquaire  proposait 
de  faire  intervenir  Zopyre  et  Darius  dans  rexplicalion  de  la  gre- 
nade d'Henri  IV,  que  de  voix  s'élèveraient  pour  lui  reprocher 
sa  trop  ingénieuse  et  abusive  érudition! 

Le  dévouement  de  Zopyre,  fils  de  Mégabyse ,  est  raconté  en 
détail  par  Hérodote  [lib.  III,  io3  à  i58];  et  c'esl  aussi  à  cet 
auteur  que  Sully  devait  le  mot  de  Darius,  déclarant  qu'il  eût 
mieux  aimé  voir  Zopyre  intact  que  de  prendre  vingt  Babylone, 
car  Diodore  a  écrit  dix  Babylone  [X,  19,  2.  —  Comparez  la 
mention  faite  par  Lucien,  XLIV,  Jup,  trayœd.,  53.  ] 

L'anecdote  relative  à  la  grenade  est  aussi  rapportée  par  lié- 


4A2  MÉMOIRES 

rodote,  qui  ne  dit  point  que  la  scène  se  passa  à  Babylone ,  et 
qui^  d'ailleurs,  ne  nomme  pas  Zopyre  en  cel  endroit.  La  grati- 
tude exprimée  par  Darius  s'appliquait  à  Mégabaze:  AapeTo<  SI 
eTne  Ms^aSà^^ouc  ^v  ol  toffotSxouc  d:piO[jiàv  Y^vlvOat  ^tSXeoQai  (jlsXXov 
fidiv  ÉXXccoa  ôniixoov  [lib.  IV,  143]. 

Peut-être  Sully  ne  Tavait-il  pas  oublié,  et  avait-il  cette  raison 
de  substituer  vota  meorum  au  nom  de  Zopyre,  tout  en  désirant 
raconter  au  roi  Tbistoire  d'un  serviteur  dévoué  qui  ne  s'était 
point  épargné  pour  le  service  de  son  souverain,  et  que  celui-ci 
appréciait  avec  tant  de  gratitude.  Henri  lY,  qui  était  très-tin, 
avait  facilement  saisi  l'allusion.  ) 

1605.  «  Nous  commencerons  ce  deuxiesme  chapitre  de 
l'année  1605,  suivant  nostre  ordre  accoustumé  par  les  es- 
trennes  de  iettons  d'or  que  vous  portastes  au  Roi  le  pre- 
mier iour  de  l'an,  et  vous  ramentevrons  comme  le  Roi  vous 
ayant  entretenu  sur  la  fin  de  l'année  1604  du  bon  ordre 
qu'il  vouloit  continuer  de  mettre  à  ses  affaires,  tant  pour 
bonifier  son  Royaume,  rendre  ses  peuples  riches  et  en  re- 
pos, et  faire  provision  de  toutes  sortes  d'armes  et  muni- 
tions nécessaires  pour  l'exécution  de  plusieurs  hauts  et 
magnifiques  desseins,  sur  les  particularitez  desquels  il 
vous  fit  de  grands  discours  conformes  à  ce  que  nous 
estions  près  de  voir  esclorre  en  l'année  1610,  s'iln'eust 
esté  malheureusement  assassiné,  vous  lui  baillastes  en 
ces  iettons,  pour  corps  de  devise,  une  plante  de  lys, 
ayant  deux  branches  fleuries,  et  au  bout  de  l'une  d'icelles, 
une  estoille,  signifiant  le  Pôle  Septentrional,  et  au  bout  de 
l'autre  branche  une  autre  estoille  signifiant  le  Pôle  Austral, 
et  pour  ame  ces  deux  paroles  :  HI  FINES,  pour  tesmoigner 
l'espérance  qu'il  avoit  de  donner  pour  bornes  à  sa  reputa- 
tion  et  renommée  et  celle  des  fleurs  de  lys,  tout  le  rond  de 
la  terre.  Geste  devise  fut  trouvée  très  excellente  par  le 


ET    DISSERTATIONS.  AAS 

Roi  et  par  tous  ceux  qui  la  virent  tant  en  son  corps,  qu'en 
son  intelligence  exprimée  en  si  peu  de  mots,  n  (  Œc,  R,  » 
t.  II,  p.  319.) 

(Ce  jeton  n'a  point  encore  été  retrouvé;  je  n*ose  pas  dire 
qu'il  était  resté  à  Tétat  de  projet;  mais  ce  qui  est  certain,  c'est 
que  pour  cette  même  année  1605  nous  avons  la  devise  Hoc  mihi 
plebis  amor,  que  les  Œconomies  royalles  attribuent  à  l'année 
suivante  [vofj.  pi.  XXÎÎ,  n®6].) 

1606.  a  Parlans  des  choses  de  l'année  1606,  nous  vous 
dirons  comme  le  premier  iour  du  mois  de  Janvier,  vous 
fustes  dès  le  matin  donner  le  bon  jour  et  le  bon  an  au  Roy 
et  à  la  Reine,  et  leur  porter  leurs  bourses  de  gettons  ac- 
coustumées,  desquels  les  deuises  estoient  une  targe  ou 
bouclier  d'or  sur  une  touffe  de  lauriers  verdoyans  avec  ces 
paroles  alentour  :  MIHI  PLEBIS  AMOR ,  suivant  ce  que  le 
Roy  vous  avoit  dit  estre  de  son  intention,  pour  montrer  que 
nonobstant  tant  de  conspirations  des  malins,  l'amour  de 
ses  peuples  qu  il  s'estoit  entièrement  concilié,  seroit  son 
asseurée  defence.  Vous  vous  en  allastes  au  Louvre  menant 
avec  vous  trois  de  vos  secrétaires  dont  j'estois  l'un,  et  nous 
baillastes  à  chascun  un  grand  sac  de  velours  à  porter.  Dans 
celui  de  l'aisné  Arnaut,  il  y  avoit  trois  bourses  de  gettons 
d'or,  et  dix  bourses  de  gettons  d  argent.  Dans  le  sac  du 
jeune  Arnaut,  il  y  avoit  vingt-cinq  bourses  de  gettons 
d'argent,  et  dans  le  troisième  sac,  que  l'un  de  nous  deux 
qui  faisons  ces  Mémoires  portoit,  il  y  avoit  trente  sacs  de 
cbascuu  cent  escus  en  demi  francs  tout  neufs  faits  au  mou- 
Un.  Et  outre  cela  vous  aviez  laissé  dans  vostre  caresse,  à 
la  garde  du  Gendre,  deux  grands  sacs  de  dousains  tout 
neufs  faits  au  moulin.  Lorsque  vous  vinstes  en  la  grande 
chambre  du    Roy,    Lozeray  et  Armagnac    vous  dirent 


hhà  MÉMOIRES 

qu'il  n'avoit  point  quasy  dormy  de  toute  la  nuit,  et  qu'à 
présent  il  étoit  couché  avec  la  Reine  dans  sa  chambre,  où 
à  leur  advis  ils  dormoient  encore  tous  deux.  Ce  qui  ne 
vous  empescha  pas  de  continuer  vostre  voyage  pour  en 
apprendre  davantage  de  nouvelles  de  la  Renoulliere  ou  de 
Catherine  ;  mais  si  tost  que  vous  commençastes  à  gratter 
tout  doucement  à  la  porte,  deux  voix  toutes  ensemble  vous 
demandèrent  qui  c'estoit  :  a  quoy  leur  ayant  respondu  et 
dit  vostre  nom,  vous  ouïsles  ces  mêmes  voix  respondre  : 
— Sire,  c'est  monsieur  le  Grand  Maistre  :  et  lors  vous  ayant 
ouvert,  vous  vistes  que  c'estoient  Messieurs  deRoquelaure, 
de  Frontenac  et  Beringuen  qui  avoient  parlé,  et  aussi-tost 
vous  entendistes  la  voix  du  Roy  vous  criant  :  —  Venés, 
venés  Rosni,  venés,  car  je  me  doute  bien  que  vous  ne 

manquerés  pas  de  dire  que  je  suis  bien  paresseux 

Mais  en  attendant  que  tant  de  gens  soient  sortis,  voyons 
un  peu  en  leur  présence  tout  ce  que  vous  nous  apportez  . 
pour  nos  estrennes,  car  je  voy  que  vous  avés  là  trois  de 
vos  secrétaires  avec  des  sacs  de  velours.  —  Cela  est  vray, 
Iny  repondistes  vous.  Sire,  car  me  souvenant  que  la  der- 
nière fois  que  je  vous  ay  veus  vous  et  la  Reine  ensemble, 
vous  estiés  tons  deux  en  merveilleusement  bonne  et  gaye 
humeur,  et  moy  croyant  que  je  vous  trouverois  encore, 
sur  l'espérance  d'avoir  bien  tost  encore  un  fils,  je  vous  estois 
venu  apporter  diverses  sortes  d' estrennes  pour  vous  faire 
rire  de  la  joie  en  laquelle  entreront  ceux  et  celles  aus- 

quelles  je  les  feray  distribuer  en  vostre  nom —  uOr 

bien,  dit  le  Roy,  je  vous  entends  à  demy  mot,  comme  vous 
montrés  quelquefois  de  faire  moy  ;  mais  voyons  vos  pré- 
sens sans  plus  parler  de  ce  que  vous  entendes.  » 

—  Sire,  rcspondites  vous  lors,  en  premier  voilà  Arnaut 
laisné  qui  a  mon  sac  des  papiers  du  Conseil,  dans  lequel 


ET    DISSERTATIONS.  445 

il  y  a  trois  bourses  de  gettons  d'or  à  la  devise  de  voslre 
asseurance  en  Texquîse  amour  qu'en  général  tous  vos 
peuples  vous  portent  véritablement  dont  Tune  est  pour 
vous,  l'autre  pour  la  Reine,  et  l'autre  pour  monsieur  le 
Dauphin,  mais  qui  seroit  pour  Menmenga  (1)  si  la  Reine 
ne  la  retenoit  point  comme  elle  l'a  tousjours  fait.  Il  y  a 
aussi  huit  bourses  de  gettons  d'argent  à  la  mesme  devise, 
deux  pour  vous,  deux  pour  la  Reine,  et  quatre  pour  la 
Renouillière,  Catherine  Selvage,  et  telle  autre  qu'il  vous 
plaira  qui  couche  en  la  chambre  de  la  Reine.  Voila  un 
autre  sac  que  porte  le  jeune  Arnaut,  dans  lequel  il  y  a 
vingt-cinq  bourses  de  gettons  d'argent  pour  distribuer  à 
monsieur  le  Dauphin,  madame  de  Montglat,  madame  de 
Dron,  mademoiselle  Piolant,  les  nourrices  et  autres  femmes 
de  chambre  de  vos  enfans,  et  filles  de  la  Reine.  Et  dans  le 
troisième  sac  que  porte  le  Gendre  il  y  a  trente  sacs  de 
cent  escus  chascun  tous  en  demi  francs  tous  neufs  faits  au 
moulin^  et  si  larges  qu'ils  paraissent  des  francs  entiers  pour 
bailler  les  estrennes  à  toutes  les  filles  et  femmes  de  cham- 
bre de  la  Reine  et  des  enfans  de  France,  suivant  ce  que 
vous  m'auez  ordonné.  Et  puis  dans  mon  carrosse  où  j'ay 
laissé  un  autre  de  mes  gens,  il  y  a  deux  grands  sacs  de 
dousains  aussi  tous  neufs  et  faits  au  moulin  de  chascun 
cent  escus  qui  font  douze  mille  sols  pour  estre  distribués 
en  estrennes  aux  pauvres  invalides  qui  se  trouveront  sur 
les  quais  de  la  rivière,  proche  du  Louvre,  qui  en  sont  à  ce 
que  l'on  m'a  dit  desja  quasi  tous  remplis,  où  j'ay  envoyé 
douze  hommes  de  la  Ville  des  plus  aumosniers  pour  les 
faire  ranger  et  leur  distribuer  en  conscience,  et  démènent 
tous  ses  pauvres  gens  et  les  filles  et  femmes  de  chambre  de 

'  M"*  de  Montglas,  gouvernante  du  jcuuo  dauphin  Louis. 


446  MÉMOIRES 

la  Reine  plus  de  joye  de  ces  petites  estreiines  de  villages 
en  pièces  toutes  neuves,  que  vous  ne  sçtauriés  croire,  di- 
sans  tous  ne  pas  le  faire  tant  pour  la  valeur  du  don  que 
pour  ce  que  c'est  un  tesmoignage  que  vous  vous  souvenez 
d'eux  et  les  aymés.  {OEc.  roy.  T.  III,  p.  1.) 

(J'ai  déjà  fait  observer  que  le  jeton  Boc  mihi  plebis  amor 
porte  la  date  i605.  —  On  remarquera  le  passage  relatif  aux 
demi-francs  si  larges  qu'ils  paraissent  des  francs  entiers.  Ce 
sont  là  des  pièces  de  plaisir  précieuses  pour  les  collectionneurs, 
car  on  saurait  exactement  à  quelle  occasion  elles  ont  été  frappées. 
Notons  ce  fait  en  passant.  ] 

1607.  a  Sa  Majesté  vous  envoya  quérir  ce  nous  semble 
par  monsieur  de  la  Varenne  un  jour  si  matin  que  vous  la 
trouvantes  encore  au  lict,  mais  sitôt  qu  elle  fut  habillée, 
elle  vous  prit  par  la  main  et  vous  dit  (car  nous  y  étions 
présents)  —  mon  amy,  j'ay  bien  des  choses  d'importance 
à  vous  conter,  et  partant  allons  nous  en  au  cabinet  des 
livres  où  ie  vous  entretiendray  tout  au  long.....  » 

Henri  IV  se  plaint  des  menées  de  ses  ennemis,  et  il  jure 
s'ils  le  pressent  davantage  par  pratiques  dans  son  royaume 
de  leur  faire  maudire  l'heure  d'avoir  voulu  troubler  son 
repos.  Il  ajoute  : 

«  Et  partant  préparez  y  toutes  choses  le  plus  que  vous 
pourrez,  et  surtout  abondance  d'armes,  artilleries,  muni- 
tions et  argent  qui  est  celuy  qui  donne  vigueur  aux  au- 
tres, d'autant  que  pour  le  surplus  je  m'en  charge.  Et  voyez 
si  pour  cette  prochaine  année  1607  vous  me  pourriez  point 
trouver  une  devise  qui  exprimast  quelque  chose  de  ce  que 
nous  avons  discouru,  car  au  lieu  qu'ils  nous  font  la  guerre 
en  renards,  nous  la  leur  ferons  en  lyons. 

«Vous  sortistes  d'avec  le  Roy  ayant  le  visage  et  l'humeur 


ET      DISSERTATIONS,  447 

toute  gaye,  clcquoy  nous  ayans  demandé  la  cause,  vous 
nous  contastes  tout  ce  que  nous  vous  remettons  icy  en 
mémoire,  au  moins  s*il  nous  en  est  bien  souvenu.  Tant  y  a 
que  nous  vous  vismes  toujours  depuis  plus  soigneux  de 
bonifier  tous  les  revenus  du  Roy,  et  d'augmenter  ses  tré- 
sors et  ses  magasins,  et  que  le  premier  jour  de  Tannée  pré- 
sente estant  venu,  vous  luy  portastes  à  Taccoustumée  des 
bourses  de  gettons  d'or  qui  avoient  pour  corps  de  devise 
un  Temple  de  Janus  avec  une  plante  de  lys  à  la  porte  qui 
le  tenoit  clos,  et  pour  âme  ces  trois  paroles  CLAVSI CAVETE 
RECLVDAM,  pour  signifier  par  la  closture  de  ce  temple 
qu'il  avoit  donné  la  paix  et  que  l'on  prist  garde  par  l'ou- 
verture d'iceluy  qu'il  ne  déclarast  la  guerre;  laquelle  de- 
lise  le  Roy  trouva  fort  bien  inventée  pour  expliquer  son 
intention.  »  {OEc.  roy.,  t.  III,  p.  76,  77.) 

(Le  jeton  à  la  légende  Clausicavete,  recludam  offre  la  date 
4606  [pi.  XXII,  n""  7],  peut-être  a-t-il  reçu^  comme  le  précédent, 
l'indication  de  l'année  vers  la  fin  de  laquelle  il  fut  fabriqué. 

On  ne  voit  point  sur  cette  pièce  la  plante  de  lis  qui  tenait 
clos  le  temple  de  Janus  ^  et  ce  temple  est  un  édifice  de  fantaisie 
qui  n'est  ni  Varc  de  Janus  gravé  par  B.  Cellini  au  revers  d'une 
médaille  du  pape  Clément  VII 11534],  ni  le  temple  véritable  tel 
que  nous  le  montrent  les  monnaies  de  Néron  ^  et  tel  que  J.  P. 
Poggini  Tavait  avec  beaucoup  d'intelligence  représenté  au  re- 
vers d'une  médaille  de  Philippe  II,  roi  d'Espagne  [1559].  Nous 
avons  donc  encore  besoin  ici  du  témoignage  de  Sully  pour  ex^ 
pliquer  un  type  si  peu  conforme  aux  idées  reçues.  ) 

i608  «  Et  commencerons  cette  année  1608  ainsi  que 
nous  avons  fait  quelques  unes  des  précédentes,  par  la  de* 
vise  des  gettons  d'or  que  vous  présentastes  au  Roy  le  pre^ 
mier  jour  de  l'An,  de  laquelle  suivant  le  dessein  que  le  Roy 
à  la  fin  de  Tannée  dernière  VQU9  avoit  dit  de  vouloir  imiter 


hhS  MÉMOIRKS 

Auguste  lorsqu'il  eut  mis  le  monde  en  paix,  qui  fut  de  ré- 
gner non  plus  par  la  force  mais  par  Tamour,  le  corps  estoit 
un  exaîm  d'abeilles  en  l'air  avec  leur  Roy  au  milieu  sans 
aiguillon,  et  pour  ame  ces  mots  :  iEQVlTATE  NON  AGVLEO. 
Vous  le  trouvastes  comme  il  entroit  dans  sa  petite  gallerie 
pour  passer  à  la  grande,  et  de  là  aux  Thuilleries  où  il  vous 
mena  promener.  Nous  n'avons  point  sceuce  qu'il  vous  dit 
sur  cette  devise  d'autant  qu'en  vous  baillant  les  bourses  de 
gettons,  vous  nous  renvoyastes  à  l'Arsenac  quérir  vostre 
sac  de  velours.  »  {OEc.  R.y  t.  II,  p.  180.  ) 

(Le  jeton  de  1608  que  possède  la  Bibliothèque  impériale 
[pi.  XXil,  n»  8]  présente  bien  exactement  le  type  indiqué;  mais 
la  légende  AMORE  NON  TERRORE  n'est  qu'une  traduction  de 
celle  qui  vient  d'être  mentionnée.  Il  est  fort  possible  que  la  lé- 
gende adoptée  définitivement  ait  paru  de  meilleur  goût  ;  mais 
que  le  premier  projet,  demeuré  dans  les  archives  de  SuUy^  aura 
servi  de  guide  à  ses  secrétaires.  ) 

1609.  «  Nous  vous  ramentevrons  la  devise  des  jettons 
du  Roy  pour  cette  année  laquelle  vous  ayant  faite  aussi 
bien  que  celles  des  précédentes  par  commandement  du 
Roy,  selon  le  sujet  qu'il  vous  avoit  proposé,  le  corps  estoit 
une  plante  de  lys  ayant  plusieurs  branches  de  fleurs,  sur 
chascune  desquelles  il  tomboit  du  Ciel  une  couronne  d'o- 
live, dont  toute  la  terre  se  trouvoit  après  couverte,  avec  ces 
paroles  au  dessus  :  C.ïLVM  LILIO  LILIVMQVE  TERRIS.  Et 
avoit  le  Roy  pris  le  sujet  de  cette  devise  sur  ce  qu'il  estoit 
intervenu  quasi  comme  arbitre  en  la  composition  des  dif- 
férends d'entre  le  Pape  et  les  Vénitiens,  le  Roy  d'Espagne, 
les  Ai'chiducs  et  les  Provinces  unies,  et  plusieurs  autres 
princes,  peuples  et  potentats,  tant  en  la  Chrestienté  que 
hors  icelle,  voulant  dire  que  comme  le  Ciel  luy  avoit  donné 


i:t  dissektatio.ns.  *  4/|9 

la  paix  il  en  rempiissoit  le  monde.  Lorsque  vous  luy  ap- 
portastes  ces  gettons  cVor  où  estoit  cette  devise,  après 
quelques  propos  sur  icelles  et  autres  choses  communes, 
il  vous  tira  un  peu  après  à  part  dans  le  creux  de  la  fenestre 
de  sa  chambre.  »  Œc.  B.,i .  III,  p.  271  (Voy.  pi.  XXII,  n«  9. 
Bibliothèque  impériale  ) . 

1610.  «  Nous  commencerons  donc  cette  année  1610  ainsi 
que  plusieurs  des  précédentes,  par  le  bon  jour  et  le  bon 
an  que  vous  allastes  donner  au  Roy,  en  lui  portant  des 
bourses  de  jettons  d'or,  avec  leur  devise  sur  le  sujet  qu'il 
vous  avoit  prescrit,  qui  estoit  d'un  globe  terrestre  se  sous- 
tenant  en  l'air  par  sa  propre  gravité,  sans  s'ébranler  au 
milieu  des  vents  et  des  vagues,  comme  faisoit  sa  Majesté 
entre  tant  de  traverses  et  d'affaires  diverses  par  sa  seule 
vertu,  y  ayant  ces  mots  escrits  sur  le  corps  de  la  devise  : 
SVO  SE  POiNDERE  FVLCIT,  laquelle  ayant  trouvée  fort  à  son 
gré,  et  très  bien  exprimant  ses  conceptions,  il  mit  une 
couple  de  ses  jettons  dans  sa  pochette  et  l'après  disnée  les 
fit  voir  à  Messieurs  le  Comte  de  Soissons,  Cardinaux  de 
Joyeuse  et  du  Perron  qu'il  trouva  ensemble  en  son  cabinet 
des  livres  au  sortir  de  table,  lesquels  louèrent  fort  vostre 
esprit  et  vostre  jugement,  disant  qu'il  se  rencontroit  rare- 
ment des  personnes  de  qualité,  intelligens  aux  affaires, 
propres  à  la  guerre,  et  qui  s'adonnassent  aiLx  gentillesses 
des  lettres.  »  Œc.  R.,t.  III,  p.  453  (Voy.  pl.  XXII  n*»  10. 
Bibliothèque  impériale  ) . 


Il  est  à  regretter  que  Sully  ne  nous  ait  fait  connaître  le 
nom  d'aucun  des  artistes  auxquels  il  confiait  la  gravure  de 
ses  jetons.  Ceux-ci  ne  portent  pas  de  signature.  Mais  ils 

18C3.  —  6.  30 


IxbO  MÉMOIRES 

n'en  présentent  pas  moins  un  intérêt  singulier.  On  com- 
prend leurs  types  avec  certitude  ;  on  sait  dans  quelle  in- 
tention ils  ont  été  frappés  ;  ils  deviennent  en  quelque  sorte 
des  moniteurs  et  des  pierres  de  touche  pour  l'interpréta- 
tion des  monuments  du  môme  temps  ;  leurs  types  et  leurs 
légendes  ont  été  le  sujet  des  entretiens  de  deux  de  nos 
plus  grands  hommes  d'État. 

Quel  est  l'ami  de  notre  histoire,  de  nos  souvenirs  na- 
tionaux, qui  ne  serait  pas  heureux  de  posséder  la  série 
des  jetons  composés  par  Sully  7 

Ad.  de  Longpébiee. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 


Recherches  sur  les  anciennes  monnaies  de  l'Italie  méri- 
dionale, par  L.  Sambon.  Naples,  1863,  in-â". 

Premier  article. 

Les  monnaies  anciennes  de  l'Italie  méridionale^  comme  le 
fait  observer  Tauteur  dans  une  courte  préface  qui  donne  le  plan 
de  cet  ouvrage^  ont  déjà  été  Tobjet  de  nombreuses  publications. 
M.  Sambon  a  naturellement  profité  des  travaux  de  ses  de- 
vanciers y  et  sans  passer  sous  silence  le  Docirina  nummorum 
veterum  d'Eckhel,  auquel  on  doit  nécessairement  recourir 
quand  il  s'agit  de  Tétude  des  monnaies  anciennes,  il  a  consulté 
les  ouvrages  de  Millingen,  de  M.  Tabbé  Gavedoni,  de  M.  Julius 
Friedlsender,  et  spécialement  ceux  des  archéologues  napolitains 
dont  les  écrits  se  trouvaient  le  plus  à  sa  portée. 

M.  Sambon,  tout  en  rendant  pleine  justice  aux  beaux  travaux 
publiés  sur  la  numismatique  si  riche,  si  variée,  si  remarquable 
sous  le  rapport  de  Tart,  de  Tltalie  méridionale,  fait  observer 
que  plusieurs  questions  importantes  n'ont  pas  été  éclaircies  et 
laissent  beaucoup  à  désirer.  Faute  de  données  exactes  sur  le 
poids  de  ces  monnaies,  on  n'est  pas  parvenu  à  établir  d'une 
manière  sûre  leur  valeur,  et  par  conséquent  à  déterminer  les 
noms  à  donner  aux  fractions  de  la  drachme  et  de  Tobole.  C'est 
par  suite  de  cette  absence  de  renseignements  d'une  rigoureuse 
exactitude  qu'on  a  commis  bien  des  erreurs  en  voulant  recon* 
stituer  et  fixer  les  divers  systèmes  de  monnayage  établis  dans 


452  BULLETfN    RIRLIOCRAPHJQUK. 

la  Grande  Grèce.  Ce  sont  probablement  les  mêmes  causes  qui  ont 
donné  lieu  à  interpréter  d'une  manière  inexacte  les  variations 
de  poids  qu'offrent  les  pièces  d'une  même  et  égale  valeur. 
Quant  à  la  classification  chronologique,  à  part  les  recherches  de 
Millingen  dans  ses  Considérations  sur  la  numismatique  de  Van^ 
cienne  Italie,  et  quelques  éclaircissements  dus  à  feu  Charles 
Lenormant  (Bévue  num.^  1844, p.  470  et  suiv.),  on  la  trouve 
encore  réduite  à  des  données  générales.  Les  règles  tracées  à  cet 
égard  par  Eckhel  n'ont  reçu  qu'une  application  peu  étendue. 
On  n'a  pas  eu  recours  à  l'histoire,  qui  toujours  doit  nous  servir 
de  guide  et  de  flambeau  dans  ces  sortes  de  recherches^  comme 
l'a  fait  voir  avec  tant  de  raison  Tillustre  numismatiste  de  Mo- 
dène^  M.  l'abbé  Cavedoni. 

Sans  avoir  la  prétention  de  combler  toutes  les  lacunes  signa- 
lées ici  d'après  M.  Sambon^  l'auteur  a  cherché  à  en  diminuer 
lefiombre  et  à  rendre  moins  pénible  la  tâche  de  ceux  qui  se- 
raient tentés  de  faire  de  nouvelles  recherches  et  de  suivre  la 
voie  ouverte  par  M.  l'abbé  Cavedoni. 

Voici  Tordre  dans  lequel  l'auteur  a  disposé  les  matières  dont 
il  traite.  D'abord  dans  les  considérations  préliminaires  sont 
exposées  les  notions  générales  sur  la  classification^  la  nomen- 
clature,  les  distinctions.  Suivent  des  documents  sur  diverses 
trouvailles  de  monnaies.  Une  notice  historique  précède  la 
description  des  monnaies  de  chaque  pays  et  de  chaque  ville. 
Toutes  les  pièces  déjà  connues  et  un  grand  nombre  d'autres 
encore  inédites  y  sont  indiquées  avec  leur  poids  et  leurs  déno- 
minations. Les  considérations  qui  suivent  traitent  des  types  et  de 
leur  époque  probable.  A  la  fin  du  volume  de  M.  Sambon  se  trouve 
un  sonmiaire  des  faits  historiques  mentionnés  dans  le  corps  de 
l'ouvrage;  ce  sommaire,  divisé  en  trois  sections,  se  rapporte 
aux  faits  qui  se  sont  passés  depuis  l'an  800  avant  l'ère  chré- 
tienne jusqu'à  l'an  8i  dans  la  Campanie  et  le  Samnium ,  de- 
puis Tan  708  jusqu'à  Tan  90  dans  TApuIie  et  la  Calabre,  et 
depuis  l'an  720  jusqu'à  l'an  S6  dans  la  Lueanie  et  le  Brutium. 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  453 

À  la  suite  de  ce  sommaire  sont  placées  des  tables  indiquant 
le  poids  des  monnaies  de  la  Grande  Grèce.  Après  vient  une 
classification  chronologique  5  et  enfin  un  tableau  donnant  le 
prix  approximatif  des  médailles  chez  les  marchands  de  Naples. 

La  classification  par  ordre  géographique  est  la  seule  qui  est 
adoptée  dans  toutes  les  descriptions  des  anciennes  monnaies 
de  l'Italie  méridionale.  Cependant  on  pourrait  encore  diviser  ces 
monnaies  en  trois  classes^  d'après  la  langue  employée  dans  les 
légendes,  les  grecques^  les  oique$  et  les  latines.  On  y  reconnaît 
deux  systèmes  monétaires,  celui  des  Grecs  et  celui  des  Ro- 
mains, ce  qui  donne  lieu  à  deux  divisions,  les  gréco-italiques  et 
les  italiques. 

Le  système  romain  a  pour  base  Pas  de  bronze  et  ses  fractions; 
mais  une  particularité  distinctive  que  l'auteur  signale,c'estqueles 
divisions  de  l'as  italique  sont  fixées  d'après  le  système  décimal 
et  non  d'après  le  système  duodécimal  en  usage  à  Rome. 

Le  système  grec  se  fonde  sur  la  drachme  et  ses  divisions; 
car  les  pièces  d'argent,  dans  Tordre  chronologique,  sont  la  plus 
ancienne  monnaie  chez  les  Grecs.  Dès  l'époque  de  Solon,  c'est- 
à-dire  tout  au  commencement  du  vi«  siècle,  la  monnaie  d'argent 
existait  déjà  chez  les  Athéniens,  et  avec  la  destruction  de  Sybaris, 
en  510  avant  Jésus- Christ,  a  dû  cesser  le  monnayage  des  pièces 
incuses  de  cette  ville,  ce  qui  fait  remonter  les  plus  anciennes 
monnaies  frappées  dans  Tltalie  méridionale  aux  premières  an- 
nées du  vi«  siècle.  Les  oboles  globuleuses  et  anépigraphes 
de  Tarente  précédèrent  sans  doute  le  système  des  monnaies 
incuses.  Les  pièces  d'or  ont  pour  unité  le  jip^<Jb<i  ou  statère  d'or  ; 
les  pièces  de  bronze  le  chalque,  yolIixà^. 

Parmi  des  remarques  très- judicieuses  sur  la  fabrique,  le  style, 
les  légendes,  les  lettres,  les  types,  les  signes  de  valeur,  les 
poids,  etc.,  je  trouve  que  l'auteur  rejette  l'opinion  des  savants 
qui  prétendent  fixer  l'abandon  des  caractères  archaïques,  et 
l'introduction  des  lettres  nouvelles  au  siècle  de  Périclès.  On  ne 
doit  pas  s'en  tenir  aux  règles  générales  dont  on  s'est  trop  pré- 


hbà  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE. 

valu;  les  lettres  longues  H  et  û  ont  été  en  usage^  surtout  chez 
les  Ioniens,  avant  Tarchontat  d'Ëuclide  (403  ans  av.  J.  C.)^ 
époque  de  leur  introduction  dans  l'écriture  officielle  d'Athènes. 
J'aime  à  trouver  ces  excellentes  remarques  dans  un  livre  fait 
avec  soin  comme  Test  celui  de  M.  Sambon.  Tous  les  jours  les 
monuments  anciens  viennent  confirmer  ces  foits,  qu'on  a  trop 
souvent  méconnus. 

Quant  au  style,  Fauteur  fait  observer  que  les  plus  anciennes 
monnaies  italiques^  comparées  aux  monnaies  romaines  de  la 
même  époque^  ont  une  telle  supériorité  ^  qu'il  est  facile  de  s'en 
convaincre  au  premier  coup  d'œil.  Cette  différence  si  marquée 
tient  à  l'influence  que  les  colonies  grecques,  établies  dans 
l'Italie  méridionale^  exercèrent  sur  l'art  dès  le  vi*  siècle  avant 
notre  ère. 

Le  style  des  monnaies  gréco-italiques  est  plus  beau ,  plu»  sé« 
duisant  que  celui  des  monnaies  de  la  Grèce,  ce  qui  tient  proba- 
blement à  ce  que  les  artistes  établis  dans  l'Italie  méridionale 
purent  se  livrer  plus  librement  que  les  graveurs  d'Athènes  aux 
inspirations  de  leur  génie.  Aussi ^  dès  le  v*  siècle,  les  monnaies 
de  la  Grande  Grèce  atteignirent-elles  le  haut  degré  de  perfection 
qu'on  admire  à  juste  titre. 

Dans  un  second  article^  je  me  propose  de  présenter  quelques 
observations  sur  les  types  des  monnaies  de  la  Grande  Grèce 
et  sur  les  appréciations  historiques  et  chronologiques  de 
M.  Sambon.  J.  W. 


Description  générale  des  monnaies  byzantines  frappées 
sous  les  empereurs  d'Orient  depuis  Arcadius  jusqu'à  la 
prise  de  Constantinople  par  Mahomet  II,  par  J.  Sabatier. 
2  vol.  in-8».  Paris,  1862,  70  pi.  gravées. 

En  1862;  dans  ce  recueil  méme^  j'annonçais  le  premier  vo* 
lume  dont  je  viens  de  transcrire  le  titre,  et  je  m'engageais,  lors- 


BULLETIN   BIBUOGRAPHIQUE.  &55 

que  le  second  tome  serait  publié ,  à  consacrer  un  article  à  l'ou* 
vrage  dans  son  ensemble.  Il  n'est  que  temps  de  remplir  ma 
promesse  \  je  serais  même  confus  de  ne  l'avoir  pas  fait  plus  tôt^ 
si  jo  ne  savais  que  rappréciation  des  niunismatistes  les  plus 
autorisés  n'était  déjà  très-favorable  à  M.  Sabatier.  Au  moment 
où  l'ouvrage  est  entre  les  mains  des  hommes  spéciaux,  la  cri- 
tique ne  peut  plus  être  soupçonnée  ni  de  partialité  ni  de  mal- 
veillance; elle  ne  peut  être  accusée  de  vouloir  prévenir  en  fa- 
veur du  livre^  pas  plus  que  de  chercher  à  lui  préparer  un  accueil 
désobligeant 

M.  de  Saulcy,  il  y  a  bientôt  vingt-sept  ans ,  faisait  paraître 
VEssai  sur  la  classification  des  suites  monétaires  byzantines ,  et 
cette  belle  monographie  laissait  bien  loin  en  arrière  tous  les 
travaux  publiés  jusqu'à  lui,  même  ceux  du  baron  Marchant. 
Plus  tard  quelques  savants,  dans  une  édition  faite  avec  soin  et 
qu'on  ne  saurait  trop  consulter^  mirent  les  travaux  du  baron 
Marchant  au  courant  de  la  science;  néanmoins  jusqu'à  M.  Sa- 
batier, l'Essai  de  classification  ^  dû  à  M.  de  Saulcy,  était  le  seul 
livre  qui  put  servir  de  guide  au  milieu  des  difficultés  multipliées 
que  présente  la  numismatique  byzantine.  Nous  avons  aujour- 
d'hui un  catalogue  méthodique  et  de  belles  et  nombreuses 
planches  qui,  sans  enlever  le  mérite  attaché  aux  recherches  du 
savant  académicien ,  font  connaître  les  conquêtes  dues  aux  tra- 
vaux de  ceux  auxquels  M.  de  Saulcy  a  ouvert  la  voie.  En  dédiant 
son  livre  à  notre  ami  et  collaborateur,  M.  Sabatier  reconnaît 
avec  une  grande  courtoisie  les  bons  enseignements  qu'il  a  re- 
cueillis dans  V Essai  de  classification, 

M.  de  Saulcy  avait  proposé  un  cadre  dans  lequel  devaient  se 
ranger  toutes  les  monnaies  byzantines  connues  au  moment  où 
il  s*en  occupait^  et  celles  qui  se  révéleraient.  M.  Sabatier,  avec 
son  respectable  contingent  de  pièces  qu'il  a  la  bonne  chance  de 
faire  connaître  le  premier,  prouve  implicitement  combien  le 
système  de  M.  de  Saulcy  était  juste  et  bien  prévu ,  surtout  en 
ce  qui  concerne  l'empire  de  Constantinople  :  on  a  aujourd'hui 


4.V>  ErLL£Tî:Ç    BIBLI«>;aAPti.«:'CE. 

fme  foiiLe  (Ut  monnaîf»  byzantines  d»Mic  Teustenoe  était  sijup- 
CDontfîii  et  prédite  par  M.  de  Sanky  :  bien  mieux,  on  en  connaît 
anxqndles  ii  n'avait  pas  penié.  et  qui  viennent  encore  consolider 
!ion  système  de  classification. 

Bû*Q  qn^  les  premiers  noms  qui  frappent  les  yeux  en  ouvrant  la 
f/etrhpiion  générale  soient  cecx  de  tjratien  et  de  Valentinien  U, 
M.  Sabatter  reconnaît  que  la  numismatique  byiantine  commence 
véritabiement  an  règne  d'Anastase  i*',  à  la  fin  du  t«  siècle  :  il  y 
ent  en  effet  à  cette  époque  ane  réforme  monétaire  qui.  en  réalité, 
était  réta^ilissement  d'un  système  nouveau.  Si  donc  on  voit 
mentionner  ici  des  empereurs  d^Occident,  c'est  qu*il  y  avait  lieu 
de  faire  connaître  quelques  exagium ,  ou  poids  des  monnaies 
d'or.  Comme  M.  Sabatier  n'avait  à  s'occuper  que  de  l'empire 
d'Orient,  pour  mettre  plus  d^ordre  dans  son  livre  y  il  eût  peut- 
être  dû  placer  dans  l'introduction  tout  ce  qui  a  rapport  aux 
exA^'iim,  et  commencer  franchement  le  catalogue  des  mon- 
naies byzantines  à  Arcadius.  M.  Cohen^  en  effet,  s'est  strictement 
limité  à  l'empire  romain  ;  M.  Sabatier  devait  prendre  pour 
point  de  départ  la  division  de  l'Empire^  qui  arriva  en  395,  à 
la  mort  de  Théodose  V\  Le  système  monétaire  byzantin  com- 
mence sous  Anastase,  mais  la  numismatique  de  l'empire 
d'Orient  remonte  à  Arcadius.  Je  me  hftte  d'ajouter  cependant 
que  mon  observation  porte  sur  la  forme  plutôt  que  sur  le  fond. 

La  série  des  monnaies  impériales  d'Orient  comprend  plusieurs 
subdivisions  qui  sont  indiquées  par  Thistoire  même. 

D'al>ord  l'empire  de  Gonstantinople,  qui  dura  de  395  à  4204, 
époque  à  laquelle  Alexis  V  Ducas  fut  renversé  par  les  croisés  et 
Baudouin  de  Flandre.  L'empire  de  Byzance  fut  restauré  en  i261 
par  Michel  Paléologue,  et  dura  jusqu'en  i453,  date  de  l'intrusion 
des  Turcs  en  Europe. 

L'empire  lutin,  de  1^4  h  1261. 

L'empire  grec  de  Nicée,  fondé  en  1206  par  Théodore  Ducas 
Lasc^ris,  gendre  de  l'empereur  Alexis  lil,  aux  dépens  du  duché 
de  Nicée  et  de  Bilhynie,  que  les  croisés  déclinaient  à  Louis  de 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  àb7 

Blois.  Par  le  fait,  l'empire  de  Nicée  fut  la  continuation  de  l'em- 
pire grec  de  Constant! nople  :  il  ne  cessa  que  lorsque  les  croisés 
ayant  été  chassés  de  Byzance^  Michel  Paléologue  rétablit  dans 
celle  ville  le  siège  de  son  gouvernement. 

L'empire  de  Thessalonique,  qui  dura  une  dizaine  d'années,  et 
fut  réuni  à  celui  de  Nicée  en  1234. 

L'empire  de  Trébizonde,  qui,  avec  les  rives  de  TEuxin,  la 
Paphiagonie  et  laPropontide,  représentait  à  peu  près  l'ancien 
royaume  de  Pont.  Gréé  en  1^4  par  le  petit-fils  de  l'empereur 
Andronic  I^  Comnène,  il  fut  détruit  par  les  Turcs  en  4461 . 

Excepté  pour  l'empire  latin,  M*  Sabatier  a  tenu  à  cataloguer 
tous  les  monuments  monétaires  de  ces  souverains,  grands  et 
petits,  qui  se  décoraient  de  la  couronne  impériale  :  la  série  des 
successeurs  de  Baudouin  de  Flandre  et  de  Pierre  de  Ck)urtenay 
aurait  parfaitement  figuré  là  ;  M.  Sabatier  sans  doute  a  pensé 
qu'il  ne  devait  pas  s'approprier  un  des  chapitres  les  plus  impor- 
tants de  la  a  numismatique  des  croisades  »  :  à  sa  place  je  n'au- 
rais pas  hésité  :  il  y  était  autorisé  par  les  digressions  qu'il  s'est 
laissé  imposer,  par  l'Afrique  et  l'Italie.  —  L'empire  franc  ou 
latin  de  Constantinople  nVt-il  pas  le  droit  d'être  annexé  à  la 
suite  monétaire  byzantine,  au  même  titre  que  le  royaume  des 
Vandales,  dont  le  système  paraît  n'être  ni  romain  ni  byzantin? 
N'est-il  pas  aussi  opportun  de  s'occuper  des  croisés  établis  dans  la 
capitale  de  l'empire  d'Orient,  que  des  Ostrogoths  qui,  en  Italie, 
avec  le  type  et  le  système  romain  reproduisaient  les  eflSgies 
d'Anastase,  de  Justin  et  de  Justinien?  Je  me  demande  pourquoi 
M.  Sabatier,  en  abordant  les  monnaies  frappées  par  les  barbares 
en  Italie  aux  types  impériaux,  n*a  pas  jugé  à  propos  de  faire 
une  pacifique  invasion  en  Gaule ,  où  il  aurait  trouvé  à  Arles ,  à 
Marseille,  à  Vienne,  à  Javouls,  etc., les  efiigies  de  Justin,  de 
Justinien,  de  Maurice  Tibère,  deFocas  et  d'Héraclius.  Il  est  vrai 
que  ces  digressions,  que  nos  bons  voisins  de  Belgique  décorent 
du  nom  d'annexions,  entraînent  quelquefois  bien  loin. 

Dans  la  série  do  Tempire  grec  de  Constantinople,  M.  Sabatier 


A68  BULLETIN    BIRLIOGRAPHIQUL. 

fait  connaître  assez  de  pièces  nouvelles  pour  que  la  simple  énu- 
opération  puisse  remplir  une  page  de  ce  recueil.  Signalons  prin- 
dpalement  ce  qui  concerne  Eudoxia^  femme  d'Arcadius, 
Justin  P',  Tassociation  de  Justin  et  de  Justinien;  Justin  et 
Euphémie,  auxquels  on  enlève  une  monnaie  d*Antioche  pour 
leur  en  attribuer  une  autre  qui  leur  appartient  très-vraisem« 
blablement;  la  nouvelle  classitication  des  monnaies  de  Léon  II  ; 
les  paragraphes  relatifs  à  Constantin  V,  Léon  lY  ;  les  foUis 
d'Irène  et  de  Léon  l'Arménien,  le  sou  d'or  de  Nicéphore 
Logothète,  et  le  demi-sou  de  Michel  11.  Les  pages  consacrées  à 
Ck>nsUntin  VIl^  Théophile  et  Michel  lU,  Romain  II  et  Basile  I!» 
Michel  IV,  Michel  VI,  Jean  II  et  Alexis  Comnène,  Manuel,  Alexis 
et  Agnès  de  France ,  offrent  des  détails  curieux  et  importants 
pour  la  question  des  monnaies  byzantines. 

Le  baron  Marchant  avait  proposé  d'attribuer  à  l'empire  de 
Trébizonde  des  monnaies  d'argent  que  M.  de  Saulcy  revendiqua 
ensuite  en  faveur  des  Gomnène  de  Byzance.  Plus  tard^  M.  le 
baron  de  Pfaffenhoffen  a  déterminé  une  partie  de  la  numisma- 
tique de  Trébizonde  par  Tétude  de  textes  irréfutables  inconnus 
à  M.  de  Saulcy,  et  qu'il  puisa  principalement  dans  la  chronique 
de  Michel  Panaretos.  M.  de  Pfaffenhoffen,  en  s'occupant  exclu- 
sivement des  pièces  d'argent,  acnrps,  put  répartir  plus  de  cent 
monnaies  entre  onze  souverains.  M.  Sabatier,  le  premier,  publie 
les  monnaies  de  cuivre  de  ces  petits  empereurs  :  c'est  une  série 
toute  nouvelle  qui,  jointe  aux  aspres  comnénats  restés  inédits» 
se  rattache  à  dix-sept  souverains.  Quelques  règnes  forment  en- 
core des  lacunes  qui  peu  à  peu  doivent  être  comblées. 

Quant  à  l'empire  de  Thessalonique,  il  s'agit  de  feuilleter  la 
monographie  de  M.  de  Saulcy  pour  constater  combien  il  était 
pauvrement  représenté  dans  les  médailliers  :  quatre  pièces  de 
cuivre  dont  la  moitié  était  contestable.  M.  Sabatier  a  eu  la  bonne 
chance  de  réunir  onze  monnaies  dont  deux  sous  d'or  :  il  donne 
ainsi  une  certaine  importance  à  cette  série ,  qui  se  composera 
très-probablement  toujours  de  raretés. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE.  &69 

La  numismatique  de  Tenipire  de  Nicée  ^  n'était  guère  plus 
riche  :  là  encore  les  monnaies  sont  rares^  même  les  plus  humbles 
follis.  M.  Sabatier  donne  trente-cinq  pièces,  dont  quelques-unes 
en  or.  Je  remarque  qu'à  l'exemple  de  M.  de  Saulcy,  Tauteur 
de  la  Description  générale  constate  une  lacune  après  le  règne  de 
Théodore  Vatatzes.  Il  me  semble  qu'il  n'est  pas  impossible 
d'attribuer  des  monnaies  à  Jean^  fils  de  Théodore. — Jean  avait 
neuf  ans  lorsque  son  père  mourut  :  le  grand  domestique  Michel 
Paléologue,  qui  devait  restaurer  le  trône  grec  de  Byzance, 
s'empara  de  la  tutelle  du  jeune  prince^  se  fit  bientôt  proclamer 
son  collègue,  puis  après  l'avoir  fait  priver  de  la  vue^  le  relégua 
dans  une  forteresse.  Je  proposerais  d'attribuer  à  l'intervalle  pen- 
dant lequel  Michel  exerça  de  force  la  régence  les  deux  cuivres 
anonymes  au  type  de  saint  Théodore,  que  M.  Sabatier  a  classés 
à  la  fin  du  règne  de  Théodore  III.  Si  ces  pièces  n'ont  pas  été 
frappées  par  ordre  du  tuteur,  ce  sont  au  moins  des  monnaies 
de  circonstance,  émises  à  l'occasion  des  troubles  qui  agitèrent 
alors  Tempire  de  Nicée. 

M.  Sabatier  a  donc  complété  dans  une  large  proportion  la 
suite  des  monnaies  de  Fempire  de  Ck)nstantinople  ;  il  a  recon- 
stitué la  numismatique  de  Trébizonde  et  de  Thessalonique^  et 
presque  créé  celle  de  Nicée. 

J'ajouterai  qu'il  a  rendu  un  service  véritable  à  tous  ceux  qui 
ont  à  s'occuper  de  l'histoire  byzantine  par  le  soin  avec  lequel  il 
a  su  résumer  les  faits  les  plus  remarquables  et  les  dates  des  évé- 
nements contemporains  de  chaque  règne.  Le  long  séjour  de 
M.  Sabatier  en  Russie  lui  a  permis  de  puiser  à  des  sources  pré- 
cieuses et  de  consulter  des  ouvrages  peu  connus  en  France.  Le 
prix  même  que  j'attache  à  ses  recherches  érudites  me  fait  un 
devoir  de  lui  signaler  deux  erreurs  qui  lui  ont  échappé.  — 

^  Les  monnaies  de  ces  empereurs  étaient  restées  inconnues  jusqu'en  1841| 
époque  à  laquelle  une  trouvaille  de  Cadalvène,  faite  aux  environs  de  Brousse, 
et  publiée  par  M.  Rollin  pèrci  vint  nous  les  révéler.  Voir  Rew$  nwniitn,, 
!'•  série,  t.  VI,  1841,  p.  171  et  fuiv. 


A60  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Romain  Lacapène  fut  le  beau-père  de  Constantin  X ,  et  non  ^n 
gendre,  puisqu'il  avait  pour  fille  Hélène,  femme  de  cet  empereur 
(t.  Il,  p.  125).  —  A  propos  du  règne  de  Théophile  (t. Il,  p.  88), 
je  lis  que  ce  prince  «continua  à  sévir  contre  les  catholiques  et 
a  les  adorateurs  d'images.  »  Il  y  eut  une  secte  des  iconoclastes 
ou  destructeurs  des  images  saintes  qui ,  au  concile  de  Gonstan- 
tinople  en  730,  fut  approuvée,  grâce  à  l'intervention  impérieuse 
de  Léon  Tlsaurien  (on  sait  les  tristes  résultats,  surtout  dans 
cette  circonstance ,  de  Timmixtion  des  souverains  de  Byzance 
dans  le  domaine  spirituel),  mais  je  ne  sache  que,  en  dehors 
du  paganisme,  il  y  ait  eu  des  adorateurs  d'images. 

Pendant  que  j'en  suis  à  critiquer  Je  me  permettrai  de  faire  ob- 
server à  M.  Sabatier  que  ses  épreuves  n'ont  pas  toujours  été  revues 
avec  le  soin  méticuleux  que  Ton  doit  apporter  à  la  correction 
d'un  catalogue  méthodique.  Ainsi^  dans  le  texte  il  y  a  des  des- 
criptions qui  ne  concordent  pas  exactement  avec  les  planches  : 
je  ne  parle  que  du  tome  1",  dont  je  pensais  trouver  Verratum 
au  tome  II*.  T.  I,  p.  103,  n*»  i8  d'Arcadius;  p.  i25,  n*  8  de 
Marcien;  p.  13i,  n*»  6  de  Léon  !«';  p.  100,  n«  2  de  Justin  !•'; 
p.  192,  n"  1  de  Théodoric;  p.  231,  n*  1  et  3  de  Tibère  ÎI; 
on  cherche  inutilement  la  description  du  n°  17  de  la  pi.  IV, 
ainsi  que  la  mention  des  pièces  d'or  d'Eudoxie  à  la  légende 
VICTORIA  AVGGG,  et  de  Léon  1"  au  chrisme  avec  SALVS 
REIPVBLICAE-COMOB.  Je  n'insiste  pas,  parce  que  M.  Sabalier 
donnera  certainement  un  supplément,  à  Texemple  de  M.  Cohen 
qui,  pour  Tempire  romain,  fait  déjà  appel  au  concours  des  nu- 
mismatistes  :  seulement  je  saisis  cette  occasion  de  rappeler  à 
tous  ceux  qui  ont  le  courage  d'entreprendre  des  travaux  de  la 
valeur  de  la  Description  générale  des  monnaies  byzantines,  qu'ils 
ne  sauraient  apporter  trop  d'exactitude  à  la  définition  des  types, 
et  à  la  reproduction  des  légendes.  Une  lettre,  un  symbole,  une 
syllabe  oubliés,  peuvent  donner  naissance  à  de  graves  erreurs  ^ 

*  Ainsi  sur  le  n*  1  do  Justin  II,  dont  le  dessin  (pi.  XXI)  ne  semble  pas 


BULLETIN    mBMOGRAPIUQUE.  461 

J'ai  déjà,  en  \S6%  signalé  aux  lecteui^s  de  la  Bévue  toute  la 
valeur  de  l'introduction  mise  en  tête  de  Touvrage  de  M.  Saba- 
tier  :  on  ne  saurait  trop  louer  ces  pages^  qui  réunissent  sous  la 
main  des  travailleurs  une  foule  de  renseignements  inédits  ou 
épars  dans  de  nombreux  ouvrages  déjà  publiés  :  c'est  un  véri- 
table manuel  de  numismatique  byzantine ^  Et  maintenant,  je 
terminerai  par  un  vœu  adressé  aux  érudits  qui  rédigent  des 
ouvrages  analogues  à  \r  Description  générale:  k^.SahBixeVy 
comme  à  M.  Ck)hen,  comme  à  M.  Poey-d' Avant. 

Pourquoi  négliger  de  faire  la  collection  de  tous  les  textes 
contemporains  des  monnaies?  Les  catalogues  ne  sont  pas  sim- 
plement destinés  aux  négociants  et  aux  amateurs  qui  se  com- 
plaisent uniquement  à  bien  classer  leurs  suites  monétaires  :  ce 
sont  des  livres  à  Fusage  des  savants.  Pourquoi  donc  ne  pas 
réunir  les  lois,  les  règlements  ^  les  extraits  des  historiens  ?  ces 
pièces  justificatives,  j'en  suis  convaincu,  en  même  temps 
qu'elles  offriraient  un  intérêt  que  je  crois  inutile  de  prouver, 
assureraient  aux  ouvrages  un  placement  plus  général. 

Anatole  de  Barthslemt. 

très-exact,  n'est-ce  pas  Rome,  ou  plutôt  Constantinople,  qui  est  assise  sur  un 
trône,  au  lieu  de  la  Victoire?  —  Le  n»  7  de  Marcien  sur  lequel  M.  Sabatier 
lit  VICTORIA  AVGGG,  avec  une  Victoire  assise,  tenant  sur  ses  genoux  un 
bouclier  sur  lequel  il  y  a  XV  -  XX  ou  XX—XXX,  et  derrière  une  petite  figure 
debout,  me  paraît  devoir  être  ainsi  décrite  :  VICTORIA  AVGG ,  chrisme; 
Victoire  assise  sur  une  cuirasse,  à  droite,  tenant  un  bouclier  sur  lequel  est 
écrit  XV — XXX  ;  derrière ,  un  sceptre  terminé  par  une  étoile,  à  Texergue 
CONOB. 

1  J'aurais  aimé  à  voir  M.  Sabatier  consacrer  un  paragraphe  à  Tbistoiro  de 
radmioistratîon  et  de  la  fabrication  des  monnaies  sous  les  empereurs  byzan- 
tins. Je  suis  convaincu  que  lui-même  reconnaîtra  cette  lacune,  et  qu'il  y 
avisera  un  jour.  Personne  mieux  que  lui  ne  peut  aborder  ce  sujet  d'autant 
plus  intéressant  qu'il  se  rattache  certainement  à  Torganisation  mon<!taire  des 
états  formés  plus  tard  aux  dépens  de  l'empire  romain. 


CHRONIQUE. 


DENIERS  D'ARGENT  ROMAINS  TROUVÉS  DANS 
LA  FORÊT  DE  COMPIÈGNE. 

Les  directeurs  de  la  Revue  ont  pensé  que  je  pourrais  inté« 
resser  ses  lecteurs  en  leur  faisant  part  des  trouvailles  numisma- 
tiques  auxquelles  donnent  lieu,  de  temps  eu  temps,  mes  explo- 
rations archéologiques  dans  la  contrée  que  j'habite.  J'ai  dû  me 
rendre  à  leur  désir  exprimé  en  termes  si  obligeants,  et  faire  au 
moins  acte  de  bonne  volonté. 

Pour  ne  pas  être  trop  rétrospectif,  je  ne  remonterai  pas  au 
delà  des  derniers  mois  de  Tannée  1861^  époque  à  laquelle  se 
place  une  découverte  que  je  me  bornerai^  pour  cette  fois,  à 
signaler  ici. 

Entre  autres  emplacements  antiques  que  j'ai  étudiés  dans  la 
vaste  forêt  de  Compiègne,  il  en  existe  un  au  canton  de  la  Ga- 
renne-du-Roi  ^  lieu  dit  la  Garrière-du-Roi,  que  traversait  une 
voie  romaine,  dans  la  direction  du  nord-est  au  sud-ouest,  ou 
de  Boissons  à  Senlis. 

Sa  situation^  au  bas  de  deux  versants  à  pente  rapide^  indique, 
sans  qu'il  soit  besoin  de  relever  d'autres  circonstances  signifi- 
catives pour  le  démontrer,  que  ce  devait  être  une  station,  un 
point  d'arrêt  pour  les  voyageurs  et  les  courriers  d'alors.  J'y  ai 
déblayé  des  ruines  d'habitations,  avec  de  belles  caves,  le  long 
de  la  voie,  ainsi  qu'un  petit  établissement  de  bains  qui  devait 
être  fort  apprécié  par  des  gens  fatigués,  couverts  de  la  poussière 
des  routes.  Çà  et  là  on  a  rencontré  des  monnaies  isolées,  de 
grand,  moyen  et  petit  bronze ,  ainsi  que  quelques  autres.d'ar- 


CHRONIQUE.  463 

gent  :  toutes  ces  pièces^  à  rexception  d'une  gauloise  en  trop 
mauvais  état  pour  recevoir  une  attribution  certaine ,  apparte- 
naient à  l'époque  impériale  romaine^  et  embrassaient  une  pé- 
riode de  plus  de  quatre  siècles^  depuis  Auguste  jusqu'à  ffonorius 
inclusivement.  Aucune  d'elles^  d'ailleurs^  n'offrait  un  degré 
d'intérêt  suffisant  pour  en  faire  mention  spéciale. 

Les  points  de  notre  emplacement,  qui  semblaient  le  plus 
propices  aux  heureuses  découvertes  avaient  déjà  été  fouillés  et 
explorés  sans  fournir  aucun  dépôt  monétaire  plus  ou  moins 
considérable,  lorsqu'au  centre  d'un  petit  carré  formé  de  maté- 
riaux grossiers^  misérable  dépendance  de  quelque  habitation, 
la  pioche  des  ouvriers  rencontra  un  vase  de  bronze  rempli  de 
monnaies  impériales  d'argent. 

Ce  vase  avait  la  forme  d'une  gourde  allongée  à  col  étroit;  sa 
hauteur,  de  l'orifice  à  la  base,  mesurait  24  centimètres ,  et  sa 
largeur,  ou  plutôt  son  diamètre,  à  sa  partie  la  plus  renflée, 
41  centimètres. 

Quant  aux  monnaies  qu'il  contenait,  toutes  étaient  d'argent, 
module  du  denier.  En  voici  sommairement  l'inventaire  : 


2  Néron. 

2  Galba. 
i  Othon. 

i  Yitellius. 
33  Vespasien. 

5  Titus. 

5  Domitien. 

7  Nerva. 

62  Trajan. 

il7  Hadrien. 

9  Sabine. 

3  iGlius  Cœsar. 
479  AntoninPie. 

73  Faustine  mère. 


488  Marc-Aurèle. 

83  Faustine  jeune. 

37  Lucius  Vérus. 

29  Lucille. 
433  Commode. 

49  Crispine. 

2  Pertinax. 

3  Albin  (tête  nue). 
7  Septime-Sévère. 

4  JuliaDomna. 
4  Caracalla. 

4  Maximin  I*'. 

4  Gordien  d'Afrique  père. 


Totalt  mille  quatre  piec^,  doot  les  plus  anciennes  étaient 
sensiblement  fatiguées  par  l'usage. 

La  perle  de  la  trouvaille  était^  sans  contredit,  le  Gordien 
d'Afrique  p^re^  pièce  d'une  consenration  exceptionnelle  ^  tout  à 
fait  à  fleur  de  coin.  Die  offre  an  revers  l'empereur  debout,  en 
t^e,  élevant  un  rameau  de  la  main  droite,  et  tenant  une  haste 
renversée  de  la  main  gauche,  avec  la  légende  P.M.TR.P.COS. 
P.P.  (Cohen,  t.  VI,  p.  107,  n»  2\ 

Les  deux  deniers  de  Pertinax  ont  un  revers  identique,  dont 
la  légende  est  celle-ci  :  LAETITIA .TEMKjR.COSJL 

La  seule  particularité  intéressante  à  noter  dans  le  reste  de  la 
trouvaille,  c'est  la  présence  de  deux  pièces  à  légendes  grecques. 
Au  droit  de  la  première,  on  lit,  autour  de  la  tête  de  l'empereur 
Hadrien,  aït.kai.tpa.aapianoc  CEB.n.n.rn.r.  —  Son  revers 
présente  un  capricorne  entre  une  corne  d'abondance,  au-dessus, 
et  les  lettres  numérales  P2A  (164),  au-dessous,  avec  la  légende 
circulaire  AMicor  EAErOEPAC  —  ETOrc  (Eckhel,  Doct.  ntim.,  II, 
p.  348.—  Mionnet,  IV,  Suppl.,  p.  439,  rareté  4). 

Cette  pièce,  frappée  pendant  le  troisième  consulat  d'Hadrien, 
à  Amisus,  ville  de  l'Asie  Mineure,  dans  l'ancien  royaume  de 
Pont,  comment  s'cst-elle  rencontrée  dans  un  dépôt  composé  de 
monnaies  latines  et  enfoui  au  nord  de  la  Gaule?  Aurait-elle 
servi  à  payer  l'écot  de  quelque  voyageur  d'alors,  à  la  station  de 
la  voie  romaine?  n'aurait-elle  pas  plutôt  été  rapportée  d*Asie 
par  quelque  légionnaire?  Amisus  avait  dû  son  affranchissement 
à  l'empereur  Auguste,  et  c'est  à  cette  circonstance  que  fait  allu- 
sion le  capricorne,  symbole  de  la  naissance  de  cet  empereur. 
La  date  indiquée  par  les  lettres  numérales  PS  A  (164)  se  rap- 
porte, en  effet,  à  l'ère  de  son  indépendance. 

L'autre  pièce,  qui  ne  peut  suggérer  que  des  observations  ana- 
logues, présente,  au  droit,  la  tête  de  Lucius  Vérus,  avec  la  légende 
incomplète  AiT.K. a.atp.OVHPOC,  et  au  revers  la  Fortune  debout, 
avec  une  corne  d'abondance  et  un  gouvernail  reposant  sur  un 
globe,  et  la  légende  rncP  NIKHC  TQN  KrPiQN  CCBA  (Eckhel,  Doct. 


CHRONIQUE.  466 

num.y  m,  p.  520.— Mionnel,  V,  p.  639,  rareté  3).  Elle  est  beau- 
coup plus  fatiguée  que  la  précédente,  et  parait  avoir  subi  une 
longue  circulation.  Elle  appartient  à  la  série  des  monnaies  frap- 
pées en  Mésopotamie  en  l'honneur  des  Ântonins. 

Il  semble  démontré^  par  la  composition  môme  du  dépôt, 
qu'il  a  dû  être  enfoui  Tan  238  de  notre  ère^  soit  sous  le  règne 
si  court  de  Gordien  d'Afrique  père ,  dont  nous  avons  signalé  le 
beau  denier,  soit  aussitôt  après,  sous  celui  bien  rapide  aussi  des 
empereurs  Balbin  et  Pupien;  car,  si  l'enfouissement  avait  eu 
lieu  après  la  date  que  nous  fixons ,  la  trouvaille  eût  bien  proba- 
blement compris  des  deniers  du  troisième  Gordien  ou  Gordien 
Pie,  pièces  si  répandues,  qu'elles  sont,  pour  ainsi  dire,  inévita- 
bles dans  tous  les  dépôts  postérieurs  à  son  règne,  ou  même 
contemporains. 

Si  ces  premiers  et  simples  détails  offrent  le  moindre  intérêt 
aux  lecteurs  de  la  Revue  ^  je  m'en  estimerai  très-heureux  et  me 
ferai  un  véritable  plaisir  de  leur  rendre  compte,  ultérieurement, 
de  mes  autres  découvertes  numismatiques. 

Albbrt  db  Rouct. 

Compiègne,  24  décembre  1863. 


DOMITIA  LUCILLA. 


En  publiant  le  grand  bronze  de  Domitia  Lucilla  (  voy.  plus 
haut,  p.  242),  j*ai  insisté  sur  le  style  de  cette  monnaie  qui  me 
paraissait  la  devoir  faire  ranger  au  règne  d'Antonin  le  Pieux. 
A  ce  sujet,  notre  collaborateur  M.  Henry  Cohen  a  eu  l'obli- 
geancc  de  me  signaler  un  oubli  que  je  m'empresse  de  ré- 
parer. 

La  Bibliothèque  impériale  possédait,  dans  sa  collection  de 
monnaies  incertaines  grecques,  un  grand  bronze  d'Antonin  dont 
le  revers  est  identique  à  celui  de  Dom.  Lucilla.  M.  Cohen  n'hé- 
site pas,  en  conséquence,  à  restituer  cette  pièce  à  Nicée  do 

1863.— 6.  SI 


'46(5  CHRONIQUE. 

Biihynie^  et  il  la  considère  comme  une  nouvelle  preuve  à 
l'appui  de  l'opinion  que  je  me  suis  permis  d'émettre. 

J'ajouterai  que  la  médaille  d'Antonin  est  décrite  par  Miormet 
au  chapitre  des  incertaines  (  t.  VI,  p.  702,  n**  60i  ),  ainsi  qu'il 
suit  : 

Antoninus  Pi'us  et  Marcus  Aurelius, 

AAPIANOC  ANTûNEi Tête  laurée  d'Antonin  le  Pieux, 

à  droite,  avec  la  chlamyde  sur  l'épaule  gauche. 

ijl  M.ArPHAlOCOrHPOC.KAlCAP.  Marc-Aurèle  k  cheval,  armé 
d'une  lance  et  allant  au  galop^  à  droite.  M.  8. 

Le  type  du  revers  est  exactement  le  môme  que  celui  dont 
j'ai  donné  la  gravure.  Il  a  été  frappé  avec  le  même  coin.  11  est 
évident  qu'il  a  été  employé  à  la  même  époque  pour  la  fabrica- 
tion»  dans  un  même  lieu,  des  monnaies  de  la  mère  de  Marc- 
Aurèle  et  de  son  père  adoptif. 

Comme  la  légende  du  droit  de  la  pièce  d'Antonin  est  mal 
conservée,  on  pourrait  supposer  que  le  surnom  de  l'empereur 
s'arrête  à  la  seconde  syllabe  antû  ,  et  que  nei  appartient  au 
nom  des  Nicéens  ;  mais  je  ne  crois  pas  que  ce  nom  fût  tracé 
sur  la  monnaie,  il  sous-entendrait  un  verbe  dont  l'empereur 
serait  le  régime  {les  Nicéens  honorent  l empereur  César  Adrien 
Antonin).  Or  i8p(avo<;,  étant  au  nominatif,  ne  peut  être  un  ré- 
gime ;  donc  il  n'y  a  point  de  verbe  sous-entendu ,  et  partant 
pas  de  sujet  comme  serait  NEiKAlEiC.  A,  L. 


—  La  Monnaie  de  Strasbourg  vient  de  terminer  une  opération 
considérable,  la  fabrication  de  8  millions  en  monnaie  de  bronze 
pour  le  gouvernement  italien.  Cette  opération,  qui  a  duré  moins 
de  dix  mois ,  a  nécessité  le  frappage  de  plus  de  81  millions  de 
pièces,  chiffre  qui  n'avait,  dit-on,  jamais  été  atteint  jusqu'à 
présent  par  aucun  établissement  monétaire  en  France  ou  à  l'é- 
tranger. 


CHRONIQUE  467 

Ce  grand  travail  na  pas  enjp<^ché  la  Monnaie  de  Strasbourg 
de  mener  de  front  la  fabrication  des  pièces  françaises.  Pendant 
ces  dix  mois^  elle  a  livré  à  la  circulation  une  valeur  de  94  mil- 
lions en  pièces  d'or  et  200,000  francs  en  pièces  divisionnaires 
d'argent 

En  ce  moment  méme^  où  la  Banque  de  France  a  des  besoins 
plus  pressants  de  numéraire,  la  Monnaie  de  Strasbourg  vient  de 
reprendre  avec  une  grande  activité  la  fabrication  des  pièces 
d'or  pour  cet  établissement  :  les  ateliers  sont  en  mesure  d'en 
fournir  pour  2  millions  par  jour. 

Toutes  les  fois  que  nous  apprenons  qu'une  nation  fait  fabri- 
quer sa  monnaie  dans  une  contrée  étrangère,  nous  signalons 
ce  fait  qui  a  une  grande  portée  en  numismatique;  car  il  n'est 
pas  probable  qu'il  ne  se  soit  produit  que  dans  les  temps  mo- 
dernes. 

—  On  assure  que  le  gouvernement  prussien  ne  s'oppose  plus 
à  l'introduction  du  système  métrique  pour  les  poids  et  mesures. 
Les  autres  gouvernements  allemands  étant  partisans  de  cette 
réforme»  il  est  probable  que  le  système  métrique  sera  établi 
sous  peu  dans  toute  TAUemagne.  Ce  qui  a  surtout  contribué  à 
modifier  l'opinion  du  gouvernement  prussien,  ce  sont  les  avis 
des  chambres  de  commerce  et  corporations  de  négociants  qui 
se  sont  prononcées  sans  exception  pour  l'adoption  du  système 
métrique  {Gazette  de  Voss).  Il  faut  espérer  que  nous  ne  tarde- 
rons pas  à  voir  adopter  en  Allemagne  la  monnaie  décimale  mé- 
trique qui  a  cours  en  France,  en  Belgique^  en  Suisse,  en  Italie, 
au  Pérou,  et^  l'on  peut  le  dire,  en  Espagne  aussi,  où  la  pièce 
de  5  francs  forme  le  fond  du  numéraire  en  circulation.  On  sait 
qu'il  n'y  a  que  les  malhonnêtes  gens  qui  aient  intérêt  à  con- 
server la  diversité  des  systèmes  monétaires,  source  de  fraude  et 
d'escroquerie  dont  il  n'est  pas  un  voyageur  qui  n*ait  éprouvé  le 
funeste  effet. 


468  CHHONIQLE* 

NÉCROLOGIE. 

La  science  a  perdu^  il  y  a  à  peine  trois  mois^  un  homme 
éminenty  complètement  oublié  du  monde,  et  je  dirais  presque 
des  savants  eux-mêmes;  car  depuis  nombre  d'années  il  vivait 
dans  une  retraite  absolue,  ne  communiquant  pour  ainsi  dire 
avec  personne^  à  l'exception  de  quelques  amis  avec  lesquels  il 
avait  continué  d'entretenir  des  relations  de  correspondance. 

L'abbé  Greppo  de  Montellier  (Jean-Gabriel-Honoré)  était  né 
à  Lyon  le  3  septembre  4788.  Entré  dans  les  ordres,  il  fut  ap- 
pelé à  Bourg  à  diriger  une  école  spéciale  destinée  à  former  de 
jeunes  prêtres.  Vers  la  lin  de  1813^  il  fut  nommé  vicaire  à 
Saint-Paul  à  L^on.  Un  peu  plus  tard,  il  accepta  le  ministère 
d'aumônier  dans  le  17'  régiment  de  chasseurs  à  cheval.  Il  fut 
ensuite,  pendant  trois  ans^  à  partir  de  48^20,  curé  de  la  paroisse 
de  Saint-Just,  dans  sa  ville  natale.  Au  rétablissement  du  siège 
épiscopal  de  Belley,  en  4823,  M.  Dévie,  qui  appréciait  ses 
hautes  qualités  »  appela  auprès  de  lui  l'abbé  Greppo  et  le 
nomma  son  vicaire  général.  Pendant  trente  ans  il  exerça  les 
fonctions  de  cette  charge.  M.  Dévie  était  Agé  et  soufiFrant,  et 
c'était  l'abbé  Greppo  qui  administrait  le  diocèse.  Mais  l'état 
déplorable  de  sa  propre  santé  l'obligea  à  résigner  ces  fonctions 
peu  de  temps  avant  la  mort  du  prélat. 

Vers  la  fin  du  règne  de  Charles  X,  en  4829,  quand  M.  Feu- 
trier^  évéque  de  Beauvais^  condisciple  de  l'abbé  Greppo  au 
séminaire  de  Saint-Sulpice^  et  son  ami^  était  ministre  des 
affaires  ecclésiastiques^  le  siège  épiscopal  de  Dijon,  vacant  par 
la  mort  de  M.  de  BoisviUe,  fut  proposé  au  vicaire  général  de 
Belley;  mais  l'humble  et  pieux  ecclésiastique  refusa  cette  haute 
dignité. 

L'abbé  Greppo  était  aussi  aimable  qu'il  était  instruit,  a  Nature 
a  essentiellement  sympathique  et  expansive ,  dit  un  de  ses 
0  amis^  M.  l'abbé  Martigny  %  il  était  avant  tout  un    homme 

1  Journal  dt  VAin^  n**  121,  vendredi  9  octobre  1863. 


CIIROMQCE.  46Ô 

«  social^  et  la  facilité  de  son  commerce,  Taménité  de  ses  ma- 
ot  nières,  la  franchise  de  ses  allures  y  la  charmante  bonhomie 
a  de  son  caractère,  »  le  faisaient  aimer  de  tout  le  monde.  Aussi 
comptait-il  des  amis  dans  toutes  les  classes,  dans  tous  les  rangs. 

C'est  Tabbé  Greppo  qui  le  premier,  en  France,  a  mis  en 
honneur  Tétude  des  antiquités  chrétiennes,  si  florissante  au 
delà  des  Alpes.  Tous  ses  ouvrages  sont  écrits  avec  une  rare 
élégance  de  style  qui  bannit  de  ces  recherches  sérieuses  et 
graves  la  sécheresse  et  Taridité.  Comme  on  Ta  dit,  a  personne 
a  mieux  que  lui  ne  savait  concilier  les  délicates  exigences  de  !à 
a  foi  avec  les  droits  d'une  saine  critique  *.  » 

L'abbé  Greppo,  ses  ouvrages  l'attestent,  était  aussi  versé 
dans  la  connaissance  des  antiquités  payennes  qu*il  Tétait  dans 
celle  des  monuments  figurés  et  écrits  des  premiers  chrétiens. 

Le  7  février  4840,  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
appréciant  les  beaux  travaux  d'érudition  de  l'abbé  Greppo,  l'ad- 
mit au  nombre  de  ses  correspondants. 

Plusieurs  autres  sociétés  savantes,  entre  autres  les  Académies 
de  Turin,  de  Lyon  et  de  Dijon,  se  trouvaient  honorées  de  comp- 
ter le  savant  ecclésiastique  parmi  leurs  associés  et  leurs  cor- 
respondants. 

C'est  le  22  septembre  1863  que  cet  homme  de  bien,  si  vénéré 
de  tous  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  l'approcher  et  de  le  con- 
naître, s'est  éteint,  après  une  vie  de  longues  et  cruelles  souf- 
frances, supportées  avec  une  résignation  toute  chrétienne. 

L*abbé  Greppo  avait  réuni  une  belle  et  nombreuse  collection 
de  médailles  grecques  qui  a  été  vendue  aux  enchères  publiques 
à  Paris  en  1856  *. 

La  Revue  numismatique  doit  à  l'abbé  Greppo  plusieurs  articles  : 

1"  Lettres  à  M.  le  marquis  de  Pina,  sur  deux  médaillons  con^ 
tomiatesde  son  cabinet,  Revue  1840, p.  89  et  suiv.,p.200  et  suiv. 

<  M.  l'abbé  Martignj,  dans  rartlcle  déjà  cité  du  Journal  dt  VAin, 
s  Le  catalogue,  rédigé  par  Tauteur  de  cette  notice,  forme  un  volume  in-8*, 
accompagné  de  3  planches. 


470  i:HROMnit. 

La  seconde  de  ces  lettres  a  fourni  à  feu  Charles  Lcnormant 
quelques  observations  ingénieuses^  Kevie  4840.  p.  309. 

2*  Lettres  mtmismatiques  à  M.  de  Witte,  sur  deux  médailles 
de  Affjra  \  Revce  i8i9,  p.  418  et  suiv. 

En  tenninant  celte  courte  notice  consacrée  à  la  mémoire  d'un 
ami  dont  le  souvenir  m'est  cher  et  précieux,  j'ajoute  ici  la  liste 
par  ordre  de  date  de  tous  les  ouvrages  de  Tabbé  Greppo;  la 
plupart  n'ont  été  tirés  qu*à  un  très-petit  nombre  d'exemplaires^ 
plusieurs  même  à  100  ou  125  exemplaires  seulement. 

Ouvrages  de  M.  Vabbé  Greppo. 

Description  d'une  médaille  inédite  de  Pescennius  Niger.  Sans 

indication  ni  de  lieu  ni  de  date.  Brochure  in-8''  avec  une 

vignette^  de  l'imprimerie  de  Didot  le  jeune. 
Essai  sur  le  système  hiéroglyphique  de  M.  Champollion  le  jeune, 

et  sur  les  avantages  qu'il  offre  à  la  critique  sacrée.  Paris,  1829, 

i  vol.  in-8\ 
Recherches  sur  les  temples  portatifs  des  anciens,  à  l'occasion 

d'un  passage  des  Actes  des  Apôtres.  Lyon,  1834,  in-8'. 
Dissertation  sur  les  Laraires  de  l'empereur  Sévère*Alexandre. 

Belley,  1834,  in.8\ 
Examen  de  deux  passages  du  livre  de  l'Ecclésiastique,  où  il  est 

question  du  choléra.  Lyon,  1835,  in-8\ 
Notice  sur  des  inscriptions  antiques  tirées  de  quelques  tombeaux 

juifs  à  Rome.  Lyon,  1835,  in-8'. 
Notice  historique  sur  les  bibliothèques  des  Hébreux.  Belley, 

1835,  in-8». 
Recherches  historiques  sur  les  loteries  des  Romains.  Belley, 

1835,  \n%\ 
Explication  d'un  passage  des  Proverbes,  recherches  sur  l'usage 

des  boissons  glacées  chez  les  Hébreux,  les  Grecs  et  les  Ro- 
mains. Belley,  1836,  in-8\ 

*  Voir  mon  Cotnlngttf  de  la  collection  cl»-  31.  lat^h'.'  l»ropi'o,  n'  1063. 


ciiRONiQUi:.  471 

Esquisse  de  l'histoire  de  la  monnaie  chez  les  Hébreux.  Belley^ 
1837,  in-8". 

Lettre  à  M.  le  docteur  Labus  sur  une  inscription  funéraire  du 
Musée  de  Lyon  qui  parait  avoir  appartenu  à  une  femme  chré- 
tienne. Lyon,  1838,  in-8<'  avec  une  planche  lilhographiée. 

Notice  sur  le  corps  de  Saint-Exupère,  martyr,  donné  par  Sa 
Sainteté  Grégoire  XYI  à  Tœuvre  de  la  Propagation  de  la  Foi. 
Lyon,  1838,  in  8*"  avec  une  planche  lithographiée. 

Observations  sur  un  autel  votif  à  Jupiter  Depulsor. 

Remarques  sur  une  lettre  de  Pline  à  Geminius  où  il  est  ques- 
tion des  bibliopoles  lyonnais. 

Essai  sur  le  commerce  des  vins  à  Lugdunum  et  dans  les  Gaules, 
à  l'occasion  de  quelques  inscriptions  antiques. 

Notice  sur  le  monument  funèbre  d'un  esclave  librarius. 

Ararica  et  Rhodanica,  archéologie  des  deux  fleuves  de  Lyon. 
Ces  cinq  dernières  dissertations  in-8'*  sont  des  articles  im- 
primés dans  la  Revue  du  Lyonnais ,  t.  IX,  février  1839;  t.  XI, 

janvier  1840;  t.  XIII  ,  juin  1841  ;  t.  XIV,  août  1841  ;  t.  XVI , 

octobre  1842. 

Trois  mémoires  relatifs  à  l'histoire  ecclésiastique  des  premiers 
siècles.  —  1.  Les  chrétiens  de  la  maison  de  Néron.  —  2.  Les 
chrétiens  de  la  famille  de  Domitien. — 3.  Essais  de  christianisme 
de  quelques  empereurs.  Belley  et  Paris,  1840, 1  vol.  in-8*. 

Notes  historiques,  biographiques,  archéologiques  et  littéraires 
concernant  les  premiers  siècles  chrétiens.  Lyon,  1841, 1  vol. 
in -8% 

Mémoire  sur  les  voyages  de  l'empereur  Hadrien  et  sur  les  mé- 
dailles qui  s'y  rapportent.  Belley  et  Paris,  1842,  1  vol. 
in.8''  (1). 

Dissertations  relatives  à  l'histoire  du  culte  des  reliques  dans  l'an- 
tiquité chrétienne.  —  1.  Sur  le  culte  des  reliques  dans  les 
premiers  siècles  de  l'Église. — 2.  Sur  l'usage  des  cierges  et  des 

*  Voyez  le  compte  rendu  de  cet  ouvrage  par  M.  de  la  Saussaye,  dans  la 
Rtvuf,  1843,  p.  150  et  et  301. 


hTl  CHRONIQUli. 

lampes  dans  les  premiers  siècles  de  Téglise.  —  3.  Sur  les  reli- 
ques profanes,  anciennes  et  modernes.  Lyon,  1842,  in-8*. 

Ces  trois  dissertations  ont  été  imprimées  comme  annotations 
dans  la  traduction  des  œuvres  choisies  de  saint  Jérôme  par 
M.  Collombet. 

Dissertations  sur  quelques  particularités  des  anciens  cultes  payens. 
—  1.  Sur  la  coutume  de  porter  la  main  à  la  bouche,  en  signe 
d'adoration.— 2.  Sur  le  signe  de  la  croix  dans  les  monuments 
payens.  —  3.  Sur  le  culte  de  la  déesse  Cloacina,  de  la  Peur, 
de  la  Pâleur  et  de  la  Fièvre.  —  4.  Sur  Epona,  déesse  des  écu- 
ries chez  les  Romains.  Lyon,  1843,  in-8\ 

Ces  quatre  dissertations,  tirées  à  petit  nombre,  accompagnent 
l'édition  de  Minucius  Félix,  dont  voici  le  titre  : 

UOctavius  de  Minucius  Félix,  traduction  avec  le  texte  en  regard 
et  des  notes  par  Antoine  Péricaud,  bibliothécaire  de  la  ville 
de  Lyon,  2«  édition,  revue,  corrigée  et  augmentée  du  dis- 
cours d'Hermias  contre  les  philosophes  et  de  quatre  disserta- 
tions de  M.  Tabbé  Greppo,  vicaire  général  de  Belley.  Lyon, 
1843, 1  vol.  in.8\ 

Sur  le  prétendu  culte  rendu  par  les  anciens  Égyptiens  à  quel- 
ques légumes,  mémoire  lu  à  la  Société  royale  académique  de 
Savoie,  dans  sa  séance  du  11  août  1842.  Ghambéry, '1843, 
in-S".  (Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  royale  académique 
de  Savoie,  tome  XL) 

Études  archéologiques  sur  les  eaux  thermales  ou  minérales  de 
la  Gaule,  à  l'époque  romaine.  Belley  et  Paris  1846, 1  vol.  in-S*». 

L'abbé  Greppo  a  laissé  quelques  travaux  manuscrits.  Espérons, 
dans  l'intérêt  de  la  science,  que  les  héritiers  du  digne  et  savant 
ecclésiastique  les  feront  publier.  J.  de  Wittk. 


TABLE 

MÉTHODIQUE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES 

DANS  LA  REVUE  NUMISMATIQUE. 

ANNÉE  1863. 

NOUVELLE  SÉRIE.   TOME  HUITIÈME. 


M  UMlSBlATIgUB  AWGIEBniS. 
Médailles  des  Peuples,  Villes  et  Bols. 

Essai  d'attribution  de  quelques  monnaies  ibériennes 
à  la  ville  de  Salacia  ^  par  J.  Zobgl  de  Zângroniz 
(pi.  XIX  et  vignettes) 369—382 

Lettres  à  M.  Adr.  de  Longpérier  sur  la  numisma- 
tique gauloise.  XVII.  Gaule  narbonnaise,  par  F. 
DE  Saulci  (pi.  VI) 153— i59 

Deuxième  lettre  à  M.  de  Saulcy  sur  la  numisma- 
tique  gauloise.  Temps  de  Vercingétorix.  —  Ga- 
bales.  —  Éburovices.  —  SENV  et  COIIAKA.  — 
ALLIICORIX.  —  VIRICIV.—  Diviciacus.—  Corn- 
mius^parE.  Hucher  (pi.  xvi) â07— -313 


A7i  TABLE   MiTUObU^lE   I>L<   UlTIEELS. 

Monnaies  galio-grecqoes  de  Marseille  et  d'Antibes, 

par  A.  CAarc5Ti5  (pi.  xx' 383—392 

Note  sor  la  terminaison  OS  dans  les  légendes  de 
quelques  monnaies  gauloises,  par  A.  di  Lo5gpé- 
WEa. 160— I6ï^ 

Lettre  à  M.  Adr.  de  Longpérier  sur  deux  médailles 
grecques  inédites,  —  Cerdylium,  Crannon  et 
Pharcadon,  par  Ferd.  Bovpois  (vignettes) .  .  .  .      81— lOS 

Notiœsurune  médaille  d'Amphipolis  de  Macédoine, 
parPr.  DcraÉ  (vignette; I —    5 

Note  sur  deux  ateliers  monétaires  d'Alexandre  le 
Grand,  par  Fa.  LE50RiiA?rr 169 — 175 

Un  statère  d'or  d'Athènes  avec  le  nom  de  Mithri- 
date,  par  E.  Betlé  (vignette) 176 — 179 

Monnaies  des  rois  de  Pont.  —  Trouvaille d'Amasia. 

—  Confédération  de  quelques  villes  de  TAsie- 
Mineure.—  Orontas,  satrape  deMysie  etd'lonie. 

—  Cétriporis,  dynastc  de  la  Thrace,  par  W.  H. 
Waddikgton  (pi.   IX,  X,  xi) 217 — 2il 

Restitution  à  Pergame  de  quelques  monnaies  attri- 
buées à  Mytilène,  par  Ferd.  Bosipois  (vignettes).    314 — 332 

Mérédate,  roi  des  Omanes,  par  A.  de  Lokgpérier 
(vignette) 333—341 

Sur  diverses  médailles  à  légendes  araméennes,  par 
A.  Judas  (vignettes) 103—119 

Les  Assyriens  ont -ils  fait  usage  de  monnaies?  par 

A.  DE  LOKGPÉRIER 180 — 185 

Monnaies  dé  Mameille,  76.  —  Triobole  des  Caeoicenses^  289. 

—  Monnaies  gauloisos  trouvées  à  Sens ,  74.  —  Monnaies  des 
Catalauni ,  74. — Monnaie  d*or  gauloise,  imitation  des  Philippes 
de  Macédoine,  77.^  Monnaies  d'or  de  la  Rhétie,  de  laVindé- 
licie,  lU-151,  pi.  IV  et  V.  —  De  laPannonie,  149,  vignette. 

—  Monnaies  duritalic  méridionale,  451-454.  — Monnaie  d'or 
d'Hiéronyme,  71.  —  Médaillon  d' A  panure,  152. — Plombs  anti- 
mites d'Afriqu**,  2HR. 


TABLE   3UÉTH0DIQUE   DES   MATIÈRES.  &7Ô 

Médailles  romaines  et  byzantines. 

Domitia  Lucilla,  mère  de  Marc-Aurèle,  par  A.  de 
LoNGPÉRiER  (  vignette  ) î242— 250 

Lettre  aux  Directeurs  de  la  Revue  numismatique 
(médailles  romaines,  poids  byzantins,  monnaie 
byzantine),  par  J.  Sabatier  (pi.  letn) 6 —  18 

Nicéphore  Mélissène^  prétendant  au  trône  de  By- 
zance  (1080-i081),  par  W.  H.  Waddington  (vi- 
gnette)        393-400 

Médailles  de  la  république  romaine,  204-212.  —  Monnaies 
d'argent  impériales  trouvées  à  Compiègne,  462-465.  —  Coins 
antiques  du  Haut  Empire,  289>293.'Domitia  Lucilln,  addition, 
465-466. 

Description  générale  des  monnaies  byzantines,  455-461.  — 
Sols  d'or  de  Focas  et  d'IIéraclius,  77-78.  —  265,  pi.  XIII , 
II®*  3,  4  et  5.  —  Poids  byzantins  ;  rectification,  213-214. 


miBIISMATIfUB  DU  MOTE»  AGB. 

Monnaies  françaises. 


PREMIERE  RACE. 


Monnaies  mérovingiennes  (Agaune,  Auxerre,  Or- 
léans, Famars,  Metz,  Bellange,  Toul,  Mayence, 
Beaucé,  Lieuvillers,  Jubleins),  par  Ch.  Robert 
(pi.  xvii) 342—349 

Tiers  de  sou  d'or  de  Grenoble,  par  Gustave  VALLnER 
(vignette) 120—123 

Tiers  de  sou  d'or  mérovingien,  frappé  à  Charroux 

(Vienne),  par  Max  Deloche  (vignette) 19—  2i 

Sous  d  or  do  Marw^ille,  77-78.  —  265,  pi.  XllI ,  n«»  3,  4.  — 
Denier  do  Marseille,  266,  [A,  XI II,  n"  6.  —  Tiers  de  bou  de  Vi- 
viers. 2*^6,  pi.  Xm,  n"  ô, 


i76  TABLE   MÉTHODIQUE    DES   MATIÈRES. 

SECONDE    RACE. 

Denier  de  Charlemagne  portant  la  légende  FLO- 
RENT, par  le  R.  P.  PellecrIno  Tonini  (  vignette).  124— i30 

Remarque  sur  des  monnaies  frappées  à  Melle,  par 

RowDiER  (vignettes) 131—133 

Charles  de  Provence  à  Arles,  267,  pi.  XIII,  n»  7.  —  Denier 
de  Rcmilly,  197.  pi.  VUI,  n»  5. 

TBOISIEME   RACE. 

Sur  le  heaume  d'argent  ou  gros  heaume,  monnaie 
royale  de  France  inédite,  par  le  Baron  J.  Pichon 
(pi.  xn) 251—257 

Notice  sur  des  monnaies  inédites  de  Charles  VIII  et 
de  François  I«^  aux  armes  de  France  et  de  Sa- 
voie, par  H.  MoRiN-PoNS  (pi.  vu) 186 — 192 

DouzainsdeLouisXIII,parA.deLoNGPÉRiER(pl.xviii).    350 — 352 

Dissertation  où  Ton  examine  s'il  est  vrai  qu'il  ait 
été  frappé  pendant  la  vie  de  Louis  I ,  prince  de 
Condé,  une  monnaie  sur  laquelle  on  lui  ait  donné 
le  titre  de  roi  de  France,  par  J.  F.  Secousse.  .  .    353 — 368 

Monnaies  du  xiv*  siècle,  78. —  Monnaies  d'or  du  xvi*  siècle, 
162. 

Monnaies  provinciales. 

L'hommage  de  l'obole  d'or  à  Moissac,  par  Adr.  de 

LoNGPÉRiER  (vignette) 134 — 140 

Monnaies  de  Provence,  par  A.  Carpentin  (pi.  xiii).  258—269 

Monnaies  du  XIV*  siècle.  Provence,  Montélimart, 

par  A.  Carpentin  (pi.  xxi)  . 405—424 

Monnaies  de  Pfalzel,  de  Thionville,  de  Remilly  et  de 

Remelange,  par  Ch.  RoHERT(pl.  vin) 193—203 

Othbert,  évoque  de  Strasbourg.  79. — Gros  de  Louis  de  Maie, 
comte  de  Flandre,  et  de  Guillaume  III,  comte  de  Hainaut,  78. 


TABLE   MÉTHODIQUE    DES   MATIÈRES.  A77 

Monnaies  étmnfèret. 

Gros  de  Tévéché  de  Lausanne;  Barthélémy,  admi- 
nistrateur, par  Feuardent  (vignette) 43 —  46 

Dissertation  sur  les  monnaies  frappées  à  Lucques 
sous  les  empereurs  de  Germanie  et  les  rois  d'Ita- 
lie, dans  les  x",  xi«  et  xu°  siècles,  par  D.  Massagli 
(pi.  ni) 22—  42 

Le  prince  croisé  Baudouin,  par  Fr.  de  Pfaffenhof- 
FEif  (vignette) 401—404 

Monnaie  cpiscopalo  de  Novare,  79-80. —  Système  décimal  en 
Allemagne,  467. — Monnaie  arabe  andalouse  trouvée  à  Contres, 
215.  —  Monnaies  décimales  au  Pérou,  293.  —  Monnaies  de 
bronze  frappées  à  Strasbourg  pour  le  gouvernement  italien, 
466-467. 

Poids  et  letont. 

Note  sur  quelques  poids  monétaires ,  parL.  Des- 
champs DE  Pas  (pi.  XIV  et  XV  ) 270 — 287 

Jetons  composés  par  Sully,  par  A.  de  Lomgpérier 

(pi.  xxn) 425—450 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Monuments  des  anciens  idiomes  gaulois,  par  H.  Mo- 
nin.  (Article  de  M.  E.  Hucher.  ) 47—  73 

Ueber  die  sogenannten  Regenbogen-Schûsselchen, 
par  Fr.  Streber.  (Article  de  M.  de  Longpérier 
(  pi.  IV  et  V,  et  vignettes  ) 441—151 

Recherches  sur  les  anciennes  monnaies  de  T  Italie 
méridionale,  par  L.  Sambon.  (Article  de  M.  J.  de 
Witte) 451-454 

Description  générale  des  monnaies  de  la  république 
romaine,  communément  appelées  médailles  con- 


A78  TABLE   MÉT1I0])I<;»IE   J^tS    MATiÈR£S. 

salaires ,  par  Henry  Cohen .  (  Article  de  M .  l^abbé 

Cavedoni.  ) 204—212 

Description  générale  des  monnaies  byzantines,  par 
J.  Sabatier.  (Article  de  M.  A.  i»e  Barthélémy.].  .     455—461 


CHRONIQUE. 


Prix  de  numismatique 288 

Monnaies  gauloises  trouvées  à  Sens. 74 

Gatalauni 74 

Triobole  des  Caenicenses 289 

Monnaies  de  Marseille,  monnaie  d*or  gauloise,  imi- 
tation desphilippes  de  Macédoine.  (J.  W.).  .  .  75 —  77 

Monnaie  d'or  d'Hiéronyme 74 —  75 

Médaillon  d'Apamée.  (  J.  W.  ) 152 

Plombs  antiques 288—289 

Coins  antiques  du  Haut-Empire.  (  A.  L.) 289—293 

Monnaies  d'argent  romaines  trouvées  dans  la  forêt 

de  Compiègne.  (  Alb.  de  RoucY.  ) 462—465 

DomitiaLucilla;  addiUon  (  A.  L.) 465—466 

Rectification  numismatique.  (Duc  deBLACAS.)..  .  .  243— 2i4 

Sous  d'or  de  Marseille 77 —  78 

Découverte  de  monnaies  du  xiv*  siècle 78 

Monnaies  d'or  du  xvi«  siècle.  (L'abbé  Cochet.).  .  .  452 

Othbert,  évéque  de  Strasbourg 79 

Monnaie  épiscopale  de  Novare 79—  80 

Monnaie  arabe  andalouse  trouvée  à  Contres.  .  .  .  245 — 246 

Système  décimal  en  Allemagne 407 

Monnaies  décimales  au  Pérou 293 

Monnaies  de  bronze  frappées  par  la  Monnaie  de 

Strasbourg  pour  le  gouvernement  italien 466 — 407 


TABLE    MÉTHODIQUE    DES   MATIÈRES.  479 

NÉCROLOGIE. 

Le  comte  Alberto  délia  Marmora 294—296 

Le  prince  San  Giorgio  Spinelli 290 

L'abbé  Greppo 468— i72 


ERRATA 

DE   LA  REVUE   NUMISMATIQUE. 
«sus. 


Page    45,  ligne  5,  pratiquant  les  arts,  lisez  protégeant  les  arts. 

Ajoutez  à  V errata  de  1862. 

Page  501^  lignes  4  et  5,  au  lieu  de  1838,  p.  334.  Remarques  sur  les  symboles 
et  les  noms  propres  que  l'on  voit  sur  les  drachmes 
de  Dyrrachium,  litez  1838,  p.  338.  Médaille  inédite 
do  Germanicus. 


Paris.  —  Imprimé  par  E.  TiiuxoTel  C,  rue  Racine ,  SO. 


REVUE  NUMISMATIQUE 


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REVUE  NUMISMATIQUE 


PL.  IV. 


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1863. 


REWE  NlFMIS¥ATIQ[rE 


PL.V. 


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1863. 


REVUE  NUMISMATIQUE 


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REVUE  NUMISMATIQUE 


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REVUE  NUMISMATIQUE        *'    -  'PL.VIU. 


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1863. 


REVUE  NUMISMATIQUE 


PL.I. 


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REVTJÎ  NUMISMATigiTE 


unie/  st.  Pétrie.  Imp^  Ch   CÂMrdvt  aut*. 


1863. 


REVUE  NUMISMATIQUE 


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1863. 


RE^IJE    î-rUMISMATIQUE 


PL.I1IL 


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1Ô63. 


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PL,  IW. 


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RUUE   NUMISMATIQUE 


J*nr^  Jmfi  C'A   Charxion 


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1863. 


REVUE   NUMISMATIQUE 


PLÏVI. 


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1853. 


REVUE  NUMISMTIQU£ 


PL.  ïm 


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REVrZ  NUMISMATIQUE 


PL.XVllI. 


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1853. 


REVUE  NUMISMATIQUE 


PL.  XIX, 


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1063 


REVÏÏE   NUMISMATIQUE 


PL.  XX. 


Latt^Ur  titl 


firtrtf.  fift^  CA.  Chardsn  Mme. 


SlDAKilDàOLl,  ÛRTTîTBKg 


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REVUE  NUMISMATIQUE 


PL.XÏI. 


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REVUE 

NUMISMATIQUE 


'Collab<H*aiCfirt  éwàt  le*  «rtldei  oni  para  tfans  la  Bevme  nmmi§mmH^n^ 
(Doa%clle  Mène ,  18M— IMfe). 


MM. 

ACY  (Ernest  d'),  à  Villcrà-aux-Era- 

bles  (Somme). 
BARTHÉLÉMY  (Anat.  de),  à  Clia- 

loDS-sur-Marne 
BEULÉ  (Ernest),  à  Paris. 
BIGOT  (A.),  à  Bennes. 
3LACAS  D'AULPS  (Le  duc  de),  à 

Vérignon  (Var). 
BLANCAKD  (L.),  à  Marseille. 
BOILLEAU  (L.),  à  Tours. 
BOMPOIS  (  Ferd.),  à  Marzy  (NièvreJ- 
BOUDARD ,  à  Beziers. 
BRETAGNE,  à  Nancy. 
BRUGIÈRE  DE  LAMOTTE,  à  Mont- 

luçon. 
CAMPANER  (Alvaro).  à  Barcelone. 
CARPENTIN  (A.),  à  Marseille. 
CAVEDONI  (L'abbéC),  à  Modène. 
CHARVET  (  J.  ),  à  Pans. 
COCHET  (L'abbé),  à  Dieppe. 
COHEN  (Henry),  à  Paris. 
COLSON  (Le  docteur  A.  ).  à Voyon. 
COURTOIS    (Alfred    do  ),  à  Vabres 

(Aveyroni. 
CRAZANNES  (Le  baron  Cbaudrue 

d«  ) ,  à  Castel-Ôarrazin. 
DAUBAN  (  Alfred  ),  à  Paris. 
PELOCHE  (  Maxîmin),  à  Paris. 
DENIS  LAGARDE .  à  Brest. 
DESCHAMPS  DE  PAS  (Louis),  à 

Saint-Omer. 
DEVILLE  (Achille),  à  Paris. 
DUPRÉ  (Prosper) ,  à  Montjay  (Seine- 
et-Marne  ). 
•  EVANS  (J.).  à  Londres. 
FEU  ARDENT,  à  Montmartre. 
GAILLARD  (Joseph),  à  Cursan  (Gi- 

ronde). 
GARRUCCI  f  R.  ),  à  Rome. 
GAYRAUD  DE  SAINT-BENOIT,  à 

Saint-Benoit  (  Aude). 
GAULTIER  D^MOTTAY,  à  Plérin 

rCôtes-d'u-Nbi^)^ 

GERY  CR.)»^^>'<»  (Isère). 
GILLET(M.),*^ancy. 
BUCHER  (  £iig:iSne)^  au  Mans. 
HUILLARD-BRÉHOLLES  (  A.  ) ,  à 

Paris.' 
HURON  f  E.) ,  à  Montoire-snr-Loîr. 
JUDAS  (Le  docteur  A.  ) ,  à  Paris. 
KÔHNE   (Le  baron  Bernard  de),  k 

Saint-Pétersbourg. 
LAGOY   (Le  marquis  de),  à  Aix 

(  Bouches-dU'Rh&ne  ) . 
LAMBERT  (  Edouard  ) ,  à  Baveux. 
LAPREVOTE,  à  Mireoourt  (Vosges). 
LA  SAUSSAYE  (Louis  de),  à  Lyon. 


MM. 

LAURENT  (Jules),  à  Épinal. 
LELEWEL  f  Joacbim  ) ,  à  Bruxelles. 
LENORMANT  (  Charles  ) .  à  Paris. 
LENORMANT  (  François),  à  Paris. 
LONGPÉRIER  (  Adrien  de),  à  Paris 
LONGPÉIUER-GRIMOARD  (Alfred 

de  ).  à  Longpérier  (  Oise  ). 
LUYNES  { Le  duc  de) ,  à  Dampierre. 
MALLKT  (Fernand),  à  Amiens. 
MANTKLLIER.à  Orléans. 
MASSAGLI  (  D.),  à  Lucques. 
MAXE-WERLY  (U^on),  à  Reims. 
MILLER  (  Emmanuel  ) .  à  Paris. 
MORBIO  (Carlo),  à  Milan. 
MORIN-PONS  (Henri),  à  Lyon. 
MÛLLER  (  Louis  )^  à  Copenhague. 
NAMUR ,  à  Luxeml>ourg. 
PÉTIGNY  (Jules  de^,  à  Clénor  (Loir- 
et-Cher). 
PFAFFENHOFFEN  (Le  baron  Franx 

de),  à  Di^naueschinecn. 
PICHOX  (Le  hnron  Jérôme),  à  Paris. 
POE  Y  D'AVANT  (  F.  ) .  à  MaiUezais 

(Vend.'-e). 
PONTHIEUX  (N.  ),  à  Beauvais. 
PONTON  D'AMÉCOURT  (Gustave), 

à  Trilport  (Seine  et  Marne)« 
PORRO  (Comte  Jules),  à  Milan. 
PROMIS  (Chev.  Dom.  ).  à  Turin. 
PROKESCH-OSTEN  (Baroude),   à 

Constantinople 
RAUCH  (Adolphe  de),  à  Berlin. 
RETHAAN  MACARÉ(J.  C.  A.),  à 

Utrecht. 
ROBERT  (C.  ),  k  Paris. 
RONDIER,  à  Molle  (Deux-Sèvres). 
ROUCY  (Albert  de),  à  Compiègne. 
ROUYER  IJ.),  àSiézières. 
SABATIER  (Jean  ),  à  Montmartre. 
SALIN  AS  (Antonino),  à  Palerme. 
SALIS(Comte  J.  F.  G.  de). à  Londres. 
SAULCY  (F.  de),  à  Paris. 
SA UVADET.  à  Montpellier. 
SAUVAGEOT  (  F.  ),  à  Paris. 
SORET(F.),  à  Genève. 
TONINI  (LeP.Pelegrino^àFlorence. 
TOULMOUCHE  (D'  ),  à  Rennes. 
VALLIER  (Gustave),  à  Grenoble. 
VASQUEZ-QXJEIPO  (V.).  à  Madrid. 
VATTEMARE  (Alexandre),  à  Paris. 

VOGUÉ  (  Le  comte  Melchîor  de  ),  au 
Pezeau  (Cher). 

WADDINGTON  (W.  H.),  à  Bournc- 
ville  (  Aisne  ). 

WITTE(J.de).  àParîs. 

ZOBEL  DE  ZANGRONIZ  (J.).  k  Ma- 
drid. 


Paris.  —  Imprimé  par  E.  Tionot  et  G*,  M.  me  Ractnf .  près  de  l'Odéon. 


REVLE 

NUMISMATIQUE 

PUBLIÉE 

i.   DE  WITTE 

Ktobri  de  rinstitnt  tt  d«  l'Académi*  royale  des  Sciences,  des  Leures  et  des  Betox-ATU 

de  Belgique, 

CorrespondtDt  de  la  SociéU  impériale  des  Antiquaires  de  France , 


ADRIEN  DE  LONGPERIER 

Alembre  de  l'iDStllut  et  de  la  Société  impériale  des  Antiquaires  de  France, 
Associé  étranger  de  l'Académie  royale  des  Sciences  de  Belgique. 


Odtendita  nihi  munlsma  cenrai..  Cajos 
Ml  imago  Imbc,  ei  superscripiio? 

HàTTH.,  XXII,  10*90. 


NOUVELLE  SÉRIE.    TOME  NEUVIÈME. 


PARIS 


CHBB  n». 


AU  BUREAU  DE  LA  REVUE 

CAMILLE    KOLLin  BT  VBVABliBli'r 

12,   BUB    TITIBNNB 

I86(k 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 

STATÈRES  INÉDITS  DE  CYZIQUE. 

(PI.  I.) 


En  publiant  aujourd'hui  les  dessins  de  dix  statëres  de 
Cyzique  dont  j'avais  pris  en  1860  les  empreintes  à  Athènes 
chez  M.  Paul  Lambros,  et  dont  deux  (les  n"*  5  et  6)  font 
maintenant  partie  des  collections  du  Cabinet  des  médailles, 
je  n'ai  pas  la  prétention  de  revenir  sur  la  question  de 
l'origine  et  de  la  date  de  cette  curieuse  série  monétaire , 
si  complètement  étudiée  par  mon  père  dans  la  Revue  nu- 
mismatique de  1856. 

Mon  père  a  établi  que  la  masse  principale  des  cyzicènes 
avait  été  frappée  entre  la  fin  de  la  guerre  du  Péloponnèse 
et  le  temps  d'Alexandre.  Au  moment  où  cette  monnaie 
apparut  en  grande  quantité  sur  les  marchés,  on  ne  frappait 
d'or  nulle  part,  excepté  dans  la  Lycie  et  la  Carie,  et  dans 
ces  deux  pays  en  très-petite  quantité.  Depuis  la  fin  du 
règne  de  Xerxès,  si  ce  n'est  pendant  un  très-court  moment 
sous  Artaxerce  Longue-Main,  les  rois  de  Perse  avaient  cessé 
de  fabriquer  des  dariques.  L'émission  des  anciens  statères 
d'or  des  cités  de  l'Asie  Mineure,  probablement  interrompue 
après  la  défaite  des  révoltés  de  l'Ionie  sous  Darius  fils 

1864  -  l  1 


1  MLM0[Ri:5 

d'Hyslaspe,  n'était  plus  qu'un  souvenir.  Athènes,  qui  avait 
frappé  des  monnaies  d'or  au  temps  de  sa  grande  splen- 
deur S  avait  cessé  d'en  émettre  pendant  la  guerre  du 
Péloponnèse,  ou  du  moins  n'avait  plus  que  des  statères  à 
si  bas  titre  qu'ils  sont  traités  de  fausse  monnaie  dans  un 
des  inventaires  des  offrandes  du  Partliénon  *.  Les  gens  de 
Cyzique  s'étaient  donc  trouvés  les  maîtres  exclusifs  du 
marché,  du  moment  où  ils  avaient  commencé  à  y  répandre 
leurs  monnaies  d'or,  et  ils  demeurèrent  dans  cette  situation 
jusqu'au  jour  où  Philippe  de  Macédoine  fit  frapper  ses 
beaux  statères  qui  eurent  un  cours  si  étendu.  Aussi  abu- 
saient-ils de  leurs  avantages  en  donnant  une  monnaie  très- 
faible  de  poids  et  d'un  titre  plus  que  médiocre. 

Au  reste,  quand  même  l'opération  que  faisaient  les  gens 
de  Cyzique  eût  été  faite  avec  une  rigoureuse  conscience, 
les  bénéfices  en  eussent  été  prodigieux.  Le  rapport  de  va- 
leur de  l'or  à  l'argent  était  à  Athènes  de  12  à  1  au  temps 
de  Platon  ',  et  il  avait  dû  se  produire  un  écart  de  valeur 
plus  grand  encore  après  les  derniers  désastres  de  la  guerre 
du  Péloponnèse.  En  Asie,  le  même  rapport  était  de  13  à  1 
quand  vivait  Hérodote  ^,  et  quand  le  poids  de  la  darique 
d'or  avait  été  fixé.  Il  n'avait  certainement  pas  diminué, 
comme  le  prouve  le  témoignage  de  Xénophon  *.  Les  mar- 
chands cyzicéniens  allaient  chercher  l'or  à  Panticapée,  où 
affluaient  les  produits  des  mines  de  TOural  et  où  l'or  ne 
valait  que  sept  fois  le  prix  de  l'argent,  comme  le  prouvent 

'  Beulé,  Le»  Monnaies  d'Àthènetf  p.  59  et  suiv. 

*  Bœckh,  StaatshauihaU,  der  Athen.,  Suppl.,  p.  258  et  277. 

*  Hipparch,,  p.  231. 

*  III,  95. 

*  Ànabas.t  I,  T,  18. —  Cf.  Vasquez  Qneipo,  Essai  sur  Us  sysihnes  mêlriqves 
et  monétaires  des  anciens  peuples,  t.  II,  p.  304  et  suiv. 


ET    DISSERTATIONS.  3 

le  poids  des  statères  de  Panticapée  comparé  à  celui  des 
pièces  d'argent  de  la  même  ville  %  et  le  chiffre  de 
28  drachmes  attiques  donné  par  Démosthène  "  pour  le 
cours  du  cyzicène  de  16  grammes  au  Bosphore  Cimmérien*. 
Cyzique  gagnait  donc  38  23/50  p.  100,  sans  compter  le 
bénéfice  illégitime  tiré  de  l'alliage  trop  considérable  de 
ses  pièces,  en  répandant  sur  les  places  de  commerce  de 
son  voisinage,  où  il  était  accepté  sur  le  pied  de  la  propor- 
tion treizième  avec  l'argent.  For  qu'elle  tirait  d'un  pays  où 
elle  le  prenait  sur  le  pied  de  la  proportion  septième.  A 
ce  métier,  la  ville  des  statères  *  acquit  une  richesse  dont  on 
voyait  encore  les  restes  sous  les  Romains,  plusieurs  siècles 
après  qu'elle  avait  cessé  de  fabriquer  ses  monnaies  d'or. 

Le  choix  fait  par  les  gens  de  Cyzique  du  poids  de 
16  grammes  pour  leurs  monnaies  d'or,  au  lieu  de  17  gram- 
mes, qui  serait  le  taux  normal  et  régulier  d'un  distatère 
du  système  attique,  administre  une  preuve  de  plus  du 
rapport  que  nous  pensons  avoir  existé  entre  l'or  et  l'argent 
sur  les  marchés  où  circulaient  les  cyzicènes,  et  du  chiffre 
des  bénéfices  qui  étaient  tirés  de  la  fabrication  de  ces 
pièces.  En  effet,  en  posant  la  proportion  de  13  à  i  entre 
les  deux  métaux,  on  trouve  qu'un  cyzicène  d'or  repré- 
sentait 208  grammes  d'argent,  c'est-à-dire  exactement 
48  drachmes  attiques  au  taux  normal  de  46',250,  56  drach- 
mes phéniciennes  du  taux  fort  de  3«',714  ',  qu'on  leur  don- 
nait dans  le  nord  de  l'Asie  Mineure  et  dans  la  série  d'argent 
de  Cyzique  même ,  59  drachmes  phéniciennes  du  taux  de 

*  Ch.  Lenormant,  dans  nos  Monnaie»  des  Lagides^  p.  133. 

*  Pro  Phorm.,  p.  914. 

*  Ch.  Lenormant,  Rnue  num.f  mars-avril  1856. 

^  Eupol.  ap,  Meineke,  Frag,  comic.  grwc,  t.  II,  p.  508  et  510. 
'  Avec  une  inexactitude  de  0«',16  seulement. 


8»',525  qu'on  leur  donnait  en  Phénicie,  enfin  Ô4  drachmes 
asiatiques  de  3*%250.  De  cette  manière,  le  cyzicène  d'or 
pouvait  circuler  sur  toutes  les  places  des  bords  du  Pont- 
Euxin,  de  l'Hellespont  et  de  la  mer  Egée,  en  représentant 
une  valeur  exacte  des  différents  systèmes  monétaires,  qui, 
dans  cette  région,  prédominaient  dans  les  diverses  villes. 
Les  rapports  :  :  10  :  1  :  :  H  :  1  et  :  :  12  :  1  entre  Tor  et 
l'argent  ne  fourniraient  pas  cette  coïncidence  si  frappante 
du  poids  de  16  grammes  d'or  avec  des  valeurs  monétaires 
exactes  dans  quatre  systèmes  différents.  L'hecté  de  2«',650 
avait  également  une  valeur  exacte  dans  les  quatre  systèmes  : 
elle  valait  8  drachmes  attiques,  9  drachmes  et  1  diobole 
du  i)oids  phénicien  fort  au  taux  de  3^,714,  9  drachmes  et 
6  oboles  du  poids  phénicien  normal ,  et  10  drachmes 
8  oboles  1/2  du  poids  asiatique  *. 

On  ne  peut  douter  que  Cyzique  ne  fût  le  principal  auteur 
de  la  combinaison  que  nous  venons  de  décrire.  Outre  les 
nombreux  textes  qui  désignent  les  statères  de  16  grammes 
80US  le  nom  de  q/zicènes^  l'immense  majorité  de  ces  statères 
et  de  leurs  hectés  portent  pour  symbole  accessoire  la  figure 
du  pélamide^  marque  particulière  de  l'atelier  de  Cyzique. 
Mais  en  même  temps  on  observe  que  Cyzique,  sur  les  statères 
qui  portent  son  signe  distinctif,  ne  se  borne  pas  à  ses  types 
nationaux,  et  qu'elle  en  introduit  qui  sont  en  quelque  sorte 
la  propriété  d'autres  villes  assises  sur  les  côtes  de  l'Asie 


I  n  y  B  dans  ce  dernier  rapport  nne  inexactitude  de  un  soixantième  de 
drachme  que  présente  en  sns  comme  valeur  l'hecté  d'or.  Cette  différence  pou- 
vait se  payer  exactement  en  donnant  pour  l'hecté^  outre  10  drachmes  3  obo- 
les 1/2  d'argent ,  une  de  ces  drachmes  de  bronze  dont  nous  avons ,  dans  un 
autre  travail  {Etsai  sur  la  monnaie  dans  V antimite,  p.  76),  constaté  Texistence 
à  Byzance ,  dans  un  des  pays  où  circulaient  le  plus  abondamment  les  cyzi- 
cènes. 


ET    DISSERTATIONS.  5 

Mineure,  le  sphinx  de  Ghios  \  le  griiïon  de  Téos%  le  san^ 
glier  de  Métbymna  ',  le  sanglier  ailé  de  Clazomëne  \  le 
limier  de  Colophon  %  le  demi-Pégase  de  Lampsaque  ',  le 
lion  de  Milet  \  etc.  On  doit  conclure  avec  certitude  des 
pièces  qui  portent  ces  types  que  nombre  de  villes  de  l'Asie 
Mineure,  voyant  les  profits  énormes  que  Cyzique  tirait  de 
son  opération  monétaire ,  se  confédérèrent  avec  cette  ville 
pour  expédier  en  commun  Tor  hyperboréen,  et,  si  Ton  peut 
ainsi  parler,  prirent  des  actions  dans  la  grande  entreprise 
des  Cyzicéniens. 

Ce  n'est  pas  tout.  Les  mêmes  villes  et  quelques  autres 
de  la  même  région  ne  se  bornèrent  pas  à  s'associer  avec 
Cyzique.  Elles  entrèrent  librement  et  par  voie  d'imitation, 
en  concurrence  avec  elle  sur  le  même  marché  et  par  les 
mêmes  moyens.  Il  existe  beaucoup  de  pièces  d'or  de  la 
même  coupe  que  les  cyzicènes ,  du  même  or,  gravées  par 
les  mêmes  artistes,  avec  la  marque  accessoire  d'autres 
cités,  telles  que  Phocée  et  Samos,  ou  dont  l'attribution  ne 
peut  se  tenter  qu'au  moyen  des  types  principaux ,  qui  les 
rapportent  à  Lampsaque  •,  Parium  de  Mysie  •,  Pergame'*, 
Abydos  de  Troade",  Mytilène  de  l'île  de  Lesbos",  d'autres. 


<  Revue  num..  1856,  pi.  I,  n"  5  et  8. 

•  Sostini,  Detcritione  di  staUri  anltc/ii,  pi.  IX,  n'*  1-4- 
»  /Wd.,  pi.  IV,  n»*27  et  28. 

•  /6id.,  pi.  VIII.  n-l. 

•  /6irf..  pi.  Vlll,n- 13-16. 

•  Ibid.,  pi.  VI,  n*  14. 

'  Ibid,,  pi.  IV,  u*»  13-2L 
»  fbid.,  pi.  VI.  n*«  3-10. 

•  Jbid.^  pi.  MI,  no*  1-2. 
»o  Ibid.,  pi.  Vil,  n"  4-6. 

"  Ibid.,  pi.  VII,  n-  10,  11  et  U. 
«*  Ibid.,  pi.  Vil,  n^'  17-21. 


6  MÉMOIRES 

cités  de  la  même  île  \  Erythras  d'Ionie  «  Glazomène',  etc. 
Il  est  à  remarquer,  du  reste,  que  nous  ne  connaissons  jus- 
qu'à présent  que  des  hectés  de  ces  différentes  villes,  excepté 
de  Lampsaque  '.  De  plus,  le  monnayage  de  chacune  d'elles, 
même  de  Phocée,  où  il  a  été  le  plus  considérable,  n'a  eu 
que  peu  d'étendue  comparativement  à  celui  de  Gyzique. 
Probablement  leurs  pièces  étaient  reçues  avec  moins  de 
faveur  sur  les  marchés,  parce  que  ces  villes  voulaient  exa- 
gérer à  leur  profit  les  bénéfices  que  Gyzique  avait  su  réali- 
ser, en  émettant  un  or  à  plus  bas  titre  encore  que  celui  de 
cette  ville.  Le  fait  est  du  moins  incontestable  pour  Phocée  *. 

D'après  ces  observations,  il  nous  semble  que  dans  l'infinie 
variété  des  types  que  l'on  rencontre  sur  les  statères  et  les 
hectés  de  Gyzique,  il  faut  distinguer  trois  séries  différentes  : 

!•  Les  types  des  cités  confédérées  avec  Gyzique  ; 

2*  Les  types  historiques; 

3"  Les  types  relatifs  au  culte  de  la  ville  et  aux  traditions 
locales. 

Parmi  les  cyzicènes  que  nous  publions  aujourd'hui ,  au- 
cun n'appartient  à  la  deuxième  série,  la  moins  nombreuse, 
dont  mon  père  a  cité  quelques  exemples  dans  son  travail 
de  1856.  En  revanche,  la  première  série  est  représentée 
par  trois  échantillons. 


*  Sestiiii,  DescrixioHB  di  stateri  antichi,  pi.  VlII,  u**  18-23. 
«  Ibid.,  pi.  Vm,  no  17. 

'  Les  inscriptions  d*  Athènes  prouvent  que  Phocée  frappait  aussi  des  statères 
dans  le  temps  de  la  grande  circulation  des  cyzicènes.  Le  cahinet  royal  de 
Munich  renferme,  en  effet ,  une  pièce  d*or  de  Phocée  du  même  poids  que  les 
statères  de  Gyzique  (Sestini,  Descrizione  di  stateri  antichi,  pi.  I,  n®  1]  ;  mais 
elle  est  bien  antérieure  aux  plus  anciennes  monnaies  de  la  cité  de  la  Pro- 
pontide. 

♦  Hesych.,  <^(l>xatç,  xb  xdxioTOv  xf^>^v.— Voyez  dans  la  Revue  ftumisma- 
tique  de  1856,  p.  89,  l'analyse  d'une  hecté  de  Phocée. 


ET    DISSERTATIONS.  7 

Le  cheval  libre  en  *  course  que  nous  offre  le  n"  1  est  le 
type  ordinaire  des  monnaies  de  Maronée  de  Thrace  \  Jus- 
qu'à présent  on  n'avait  relevé  que  des  villes  d'Asie  Mineiu^e 
parmi  celles  qui  s'étaient  unies  à  Cyzique  pour  ses  opéra- 
tions de  monnayage.  Mais  ne  soyons  pas  surpris  de  voir 
apparaître  avec  elles  une  ville  de  la  Thrace.  Xénophon,. 
dans  son  Anabase^,  nous  montre  en  effet  les  cyzicènes 
comme  circulant  dans  toute  la  Thrace  et  étant  la  seule 
monnaie  d'or  qu'on  y  connût  à  l'époque  de  la  retraite  des 
dix-mille.  Ajoutons  que  dans  les  admirables  collections  de 
M.  le  duc  de  Luynes  on  remarque  un  statëre  de  Cyzique* 
encore  inédit,  portant  une  tête  de  Jupiter  Ammon,  dans 
laquelle  il  est  bien  difficile  de  méconnaître  le  symbole 
constant  de  la  cité  macédonienne  d'Aphytis  '. 

Un  statère  semblable  à  notre  n°  2  existe  dans  le  cabinet 
royal  de  Munich,  où  il  est  entré  avec  la  collection  Cousinéry. 
11  a  été  publié  par  SestiniV  Mais  le  dessin  qu'en  a  donné 
ce  numismatiste  est  si  mauvais  que  nous  avons  cru  utile 
de  faire  graver  de  nouveau  la  pièce  d'après  un  autre  exem- 
plaire. Le  type  de  l'aigle  qui  la  décore  est  revendiqué  par 
Abydos  de  Troade  '.  Ainsi  cette  ville,  avant  d'émettre  des 
hectés  pour  son  propre  compte  en  concurrence  avec  Cyzi- 
que, avait  commencé  par  s'associer  au  monnayage  et  aux 
opérations  de  la  grande  cité  commerciale  de  la  Propontide. 

La  tête  de  Pan  couronnée  de  lierre,  au  profil  scythique, 
qui  se  remarque  sur  le  n'  3,  est  celle  qui  décore  le  droit  des 

1  Eckhel,  Doclr.  num.  vet.y  t.  II,  p.  34. 
«  VIII,  3,  10. 

a  Voy.  Miiller, A'umwma/ique  d'Alexandre,^.  77,  —  Cf.  Pau^un.,  111,  18,  2. 
Piutarch.,  Lysandr..,  20. 
^  Detcrisione  di  stateri  anlichit  pi.  VII,  n"  12. 
>  EckhH,  Voctr.  num,  vet.,  t.  II,  p.  473. 


8  UÉMOIRES 

monnaies  de  Panticapée  *.  La  présence  d'un  lype  propre  à 
cette  ville  dans  la  série  des  cyzicènes  est  un  fait  que  Ton 
pouvait  prévoir  à  Tavanceavec  cerlilude.  C'est  en  effet  àPan- 
ticapée  que  les  gens  de  Cyzique  allaient  chercher  l'or  dont 
ils  fabriquaient  leurs  espèces.  Le  discours  de  Démosthène 
pour  Phonnion  nous  représente  le  cyzîcène  comme  la  mon- 
naie qui  constituait  le  fond  de  la  circulation  dans  la  capitale 
du  royaume  du  Bosphore.  Les  cyzicènes  se  rencontrent 
encore  aujourd'hui  fréquemment  et  en  grand  nombre  dans 
les  tombeaux  antiques  de  Kertch.  S'il  est  une  ville  qui  ait 
eu  naturellement  et  pour  ainsi  dire  forcément  part  à  l'en- 
treprise des  Cyzicéniens,  c'est  sans  contredit  Panticapée. 
Dans  la  série  des  types  historiques,  il  en  est  un  qui  se  rap- 
porte à  la  même  contrée.  C'est  celui  d'une  tête  virile, 
barbue,  coiffée  d'une  tiare  conique  ceinte  de  lauriers'. 
M.  Stéphani  •  y  a  très-ingénieusement  reconnu  la  tête  d'un 
roi  du  Bosphore  Cimmérien,  coiffée  de  la  tiare  propre  à  ces 
princes,  dont  on  a  retrouvé  les  débris  dans  la  sépulture 
royale  du  Koul-Oba. 

Le  type  de  notre  n*  4  est  celui  de  Chios.  Ainsi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  on  a  signalé  le  sphinx  de  cette  ville 
sur  des  cyzicènes.  Mais  ici  nous  ne  rencontrons  pas  le  péla- 
mide  signe  de  l'atelier  de  Cyzique.  Notre  pièce  a  donc  été 
frappée  à  Chios  même.  On  connaît  déjà  des  statères  d'or  de 
cette  ville  *  ;  mais  ils  sont  de  très-ancien  style  et  taillés 
d'après  le  poids  de  la  drachme  phénicienne  de  3e',525.  La 
pièce  que  nous  publions  est  de  style  plus  récent,  du  poids 

>  B.  de  Kôhne,  Mutée  du  prince  Basile  Kotchoubey,  t.  II,  p.  334-355. 

•  Sestini,  Descriiione  di  stateri  antichi,  pi.  VI,  n»  2.  —  La  mémo  tôte  m  re- 
tronve  snr  nn  statëre  de  Lampsaqao,  Sestini,  pi.  VI,  u*  3. 

*  Ànti^téi  du  Boephore  cimmérien f  t.  I,  p.  17. 
^  Bévue  num.^  1856,  pi.  Il,  n*  l. 


JfcT      DISSERTATIONS.  S^ 

des  cyzicënes  et  présente  au  revers  le  même  carré  creux.  Il 
faut  en  conclure  qu'après  sa  première  émission  de  statères 
au  poids  phénicien,  antérieure  à  la  révolte  des  villes  d'Ionie 
contre  Darius,  Chios  ne  fut  pas  seulement  une  des  cités  en 
confédération  monétaire  avec  Cyzique ,  mais  une  de  celles 
qui  suivirent  son  exemple  pour  leur  propre  compte,  et 
qu'avec  Lampsaque  et  Phocée  elle  fut  la  seule  à  frapper  des 
statères  *.  Au  reste,  Sestini  *  avait  déjà  publié  deux  hectés 
du  système  des  cyzicènes,  appartenant  au  cabinet  royal  de 
Munich,  lesquelles  offrent  le  sphinx  de  Chios  sans  le  signe 
additionnel  du  thon  de  Cyzique. 

Après  ces  pièces  je  range  celles  dont  les  types  se  rap- 
portent aux  traditions  religieuses  et  héroïques  de  Cyzique. 
Elles  comprennent  les  n*^»  5-10. 

Ici,  pour  être  bref  et  ne  pas  m'étendre  dans  des  considé- 
rations qui  demanderaient  trop  de  développements,  je 
prierai  le  lecteur  de  se  reporter  au  beau  travail  de  Panofka 
sur  la  religion  de  Cyzique,  publié  dans  les  Annales  de 
l* Institut  de  correspondance  archéologique*  à  l'occasion  de 
monnaies  tirées  du  célèbre  cabinet  Fontana  de  Trieste.  La 
principale  légende  de  cette  ville  est  celle  des  amours  de 
Dionysus  avec  la  nymphe  Aura  *,  dans  laquelle  l'illustre 


•  Notre  pièce  de  Chios  est  même,  avec  celle  de  Phocée  publiée  par  Sestini, 
le  seul  staière  exactement  semblable  aux  cyzicènes  frappés  dans  une  autre  ville 
que  Cyzique.  Les  statères  de  Lampsaque  sont  en  efiet  imités  des  doubles  da- 
riques  d'Artaxerce  Longue-Main  plutôt  encore  que  des  cyzicènes;  ils  sont  du 
même  or,  plus  jaune  que  celui  que  l'on  monnayait  à  Cyzique,  et  ils  ont  le  même 
poids,  taillé  sur  l'étalon  d'une  drachme  attique  déjà  affaiblie,  mais  cependant 
plus  forte  que  celle  des  cyzicènes.  Il  en  est  de  même  d'un  statère  d'Abydos 
que  me  signale  mon  ami  M.  Waddington. 

•  Descrisione  di  ttateri  antichi,  pi.  IX,  »•'  9  et  10. 
»  Tome  V,  1833,  p.  272-286. 

•  Etym.  Magu.,  v*  A(v8u|iov  <fpo<.  —  Nonn.,  Dionys  ,  XLVJII,  sub  fin. 


10  mi^:moires 

archéologue  prussien  a  montié  une  forme  héroïque  du 
mythe  fondamental  de  la  religion  locale,  de  l'union  de 
Dionysus  Soter  avec  la  Coré  Sotira  représentée  au  droit  des 
tétradrachmes  d'argent  de  Cyzique,  ou,  sous  d'autres  noms, 
de  Dionysus  Éleuthérius  avec  l'Éleuthéria  figurée  sur  uu 
célèbre  cyzicène  que  Millingen  a  le  premier  fait  connaître  *. 
Bacchus  était  donc  le  grand  dieu  de  Cyzique  ',  comme  Pro- 
sei'pine  en  était  la  déesse  principale  '.  C'est  la  tête  de  ce 
dieu,  jeune  et  couronné  de  lierre,  tel  qu'il  était  lorsqu'il 
séduisit  Aura,  que  retrace  notre  n°  5.  Un  cyzicène  encore 
inédit  du  cabinet  de  France  le  représente  enfant,  assis  à 
terre  et  jouant  avec  son  tliyrse. 

Panofka  a  reconnu  de  la  manière  la  plus  ingénieuse,  mais 
cependant  avec  certitude,  une  expression  allusive  et  symbo- 
lique de  la  surprise  d'Aura  par  Bacchus,  de  l'union  mêlée  de 
violence  de  Dionysus  Soter  avec  Coré  Sotiia,  dans  le  type 
d'une  monnaie  de  bronze  de  Cyzique  frappée  à  l'époque  im- 
périale romaine,  sur  laquelle,  au  revers  de  la  tête  de  Pro- 
serpine,  on  voit  Éros  tenant  à  la  main  un  lièvre  pris  vivant  à 
la  course  *.  Nous  croyons  distinguer  une  allusion  de  la  même 
nature  dans  le  sujet  représenté  sur  le  droit  de  notre  n**  6.  Le 
pélamide,  désignant  l'atelier  de  laviiledes  statères,  n'est 
pas  ici  comme  d'ordinaire  un  simple  symbole  additionnel 
placé  dans  le  champ  de  la  pièce;  de  même  que  sur  quel- 
ques autres  cyzicènes*,  il  est  disposé  de  manière  à  se 
combiner  avec  le  type  principal  et  à  en  faire  partie  inté- 
grante. L'aigle  pêcheur,  figuré  de  face  et  volant,  fond  sur 

'  ÀficUnt  coint  of  Greek  ciliés  aiui  kinys^  pi.  V,  n"  1 1 . 

2  Voy.  Eckbel,  Doctr,  num,  rf^,  t.  II,  p.  451. 

>  Appian.,  Bell.  Mithrid,,  75. 

^  Mon.  inéd,  de  Vinst.  arch.,  1. 1,  pi.  LVII  B,  u"  5. 

•  Sestini,  Descrisione  di  Btateri  antichi,  pi.  V,  n"*  8-12. 


ET    DISSERTATIONS.  i  \ 

ce  poisson,  et  ses  serres  sont  prêtes  à  le  saisir.  C'est  par  le 
groupe  presque  semblable  d'un  aigle  enlevant  un  dauphin 
que  sont  symbolisées  sur  les  monnaies  de  Sinope  les  amours 
de  Jupiter  avec  la  nymphe  locale.  Mon  père  a  consacré  à 
ce  type  une  longue  étude  *  à  laquelle  je  dois  encore  ren- 
voyer le  lecteur,  pour  éviter  de  trop  étendre  cet  article  et 
de  reproduire  des  rapprochements  mythologiques  exposés 
déjà  d'une  manière  complète.  Il  y  verra  comment  la  figure 
d'un  oiseau  de  proie  enlevant  un  animal  pour  lui  donner 
la  mort  peut  exprimer  d'une  manière  allusive  l'enlèvement 
amoureux  d'une  nymphe  ou  d'une  déesse,  les  idées  d'amour 
et  de  lutte,  de  mort  et  de  renaissance,  de  destruction  et  de 
génération  étant  adéquates  dans  les  doctrines  religieuses  de 
l'antiquité.  Le  caractère  sombre  et  funèbre  indiqué  par  le 
type  de  notre  n""  6  est  clairement  marqué  dans  Tunion 
mystique  qui  sert  de  fondement  à  la  religion  locale  des  Cyzi- 
céniens,  car  Dionysus  Soterou  Éleuthérius  est  un  person- 
nage essentiellement  infernal  *.  Aussi  son  union  avec  Goré 
Sotira  n'est-elle  en  réalité  qu'une  autre  forme  du  mythe  si 
connu  et  si  important  de  l'enlèvement  de  la  fille  de  Déméter 
par  Hadès,  fait  auquel  certaines  traditions  donnaient  Cyzi- 
que  pour  théâtre  •.  Cette  dernière  indication  permet  de 
rapprocher  le  type  de  notre  cyzicène  à  l'aigle  pêcheur  fon- 
dant sur  le  pélamide,  de  celui  des  monnaies  d'Agrigente, 
où  l'enlèvement  de  Proserpine  par  Pluton  est  symbolisé  par 
l'image  d'un  aigle  enlevant  et  déchirant  un  lièvre  *.  Panofka 
avait  déjà  montré  les  rapports  de  ce  dernier  type  avec  celui 


'  NoutelU  galerie  mythologique ,  p.  28  et  suiv. 

•  Panofka,  lies  Samiorum,  p.  64.  —  Ann.  de  VInsL  arch,y  t.  V,  p.  282.  — 
Ch.  Lenormùni,  Nouvelle  galerie  mythologique j  p.  37-40. 

»  Appian.,  Bell,  Mithrid,,  75. 

*  Ch.  Lenormaiit,  Nouvelle  galerie  mythologique,  p.  36  et  suiv. 


12  XIÉMOIRES 

<1e  la  médaille  de  (iyzique  du  cabinet  Fontana,  représentant 
Éros  avec  le  lièvre  à  la  main. 

Je  le  répète,  je  ne  fais  qu'indiquer  en  passant  ces  idées, 
qui  demanderaient  à  elles  seules  un  long  mémoire.  Mais 
on  en  trouvera  les  développements  et  la  justification  eu 
lisant  le  travail  de  Panoïka  que  j\ni  cité,  ainsi  que  les 
articles  du  Jupiter  de  Sinope  et  du  Jupiter  d' Agrigente  àdius 
Ia  Nouvflte  galerie  mythologique, 

Panofka  n'a  pas  manqué  de  faire  ressortir  les  rapports 
étroits  et  évidents  que  la  religion  de  Cyzique  offre  avec  celle 
d'Eleusis.  Aussi  ne  devons-nous  pas  être  surpris  de  voir 
apparaître  sur  notre  n*»  7  la  tête  de  Neptune  ceinte  d'algues 
marines,  avec  le  trident,  dont  l'extrémité  se  montre  derrière 
l'épaule  du  dieu.  Neptune  est  en  effet  le  compagnon  que  la 
mythologie  donne  à  Cérès,  et  à  Eleusis  il  était  adoré  à  côté 
d'elle  dans  un  temple  spécial  sous  le  nom  de  Père  *.  Il  se 
montre  également  comme  le  roi  de  cette  cité  célèbre  dans 
le  récit  conservé  par  Apollodore',  où  il  sauve  les  débris 
des  Centaures  en  leur  donnant  un  refuge  sous  la  colline  de 
l'Acropole  d'Eleusis.  Ainsi  se  révèle  le  lien  des  traditions 
éleusiniennes ,  qui  servaient  de  base  aux  mystères,  avec 
les  vieilles  légendes  pélasgiques  de  l'Arcadie,  dans  les- 
quelles l'enlèvement  de  Coré  par  Hadès  était  remplacé  par 
l'entreprise  violente  de  Posidon  sur  Déméter  '. 

Au  reste,  une  autre  raison  justifie  encore  la  présence  de 
la  tête  de  Neptune  sur  les  statères  d'or  de  Cyzique.  Le  dieu 
des  flots  passait  en  effet  pour  l'auteur  mystique  de  la  race 
des  Dolopes,  premiers  fondateurs  de  cette  ville  *. 

<  Pausan.,  I,  28,  6. 

«U.5,4. 

»  Pausan.,  VIII,  25,  6  et  42,  1. 

*  Apollon.  Rhod.,  Àrgonaut.^  I,  v.  952. 


ET    DISSERTATIONS.  13 

Apollon,  vêtu  (l'une  longue  robe,  assis  sur  Tomphalos 
ou  sur  un  rocher,  tenant  à  la  main  la  cithare  et  le  pleclrum, 
est  représenté,  de  même  que  sur  le  statère  n"  8,  sur  les  tétra- 
drachmes  d'argent  de  Cyzique  de  Tépoque  la  plus  récente  '. 
D'après  quelques  traditions  ce  dieu  était  père  du  héros 
éponyme  Cyzicus'.  Il  était  donc  une  des  divinités  les  plus 
importantes  de  la  ville,  et  son  culte  dans  une  cité  où  le 
premier  rang  était  tenu  par  Bacchus  n*a  rien  que  de  très- 
naturel.  Les  liens  sont  très-étroits,  en  effet,  entre  le  fils  de 
Latone  et  celui  de  Sémélé.  Euripide,  cité  par  Macrobe*, 
invoque  en  ces  termes  un  seul  et  môme  dieu  : 

On  adorait  à  Athènes  un  Apollon  Cisseus*,  qui  possédait 
une  partie  des  attributs  de  Bacchus,  et  en  même  temps  un 
Dionysus  Melpoménos  •,  qui  offrait  bien  de  la  ressemblance 
avec  l'Apollon  citharède.  Homère  •  donne  comme  attribut 
à  Bacchus  le  laurier,  qui  appartient  d'ordinaire  à  Apollon; 
mais,  par  contre,  quelques  auteurs  ornent  de  lierre  Apollon 
et  les  muses  \  M.  Gerhard  •  a  remarqué  que  sur  les  vases 
peints  le  fils  de  Latone  est  très-souvent  accompagné  de 
deux  femmes,  muses  ou  nymphes,  qui  portent  des  branches 
de  lierre.  A  Delphes,  on  célébrait  avec  une  grande  solen- 
nité les  fêtes  de  Bacchus  aussi  bien  que  celles  d'Apollon  *. 

•  Sestini,  Deacrixiorudi  atateriantichi^p],!!!,  n***  9  et  10. 

'  Conon.,  Narrât,  41.  —  Schol.  ad  Apollon.  Rhod.,  Argonaut.^  I,  v.  94B. 
«  Saturn.,  I,  18. 

•  ^schyî.  ap.  Macrob.,  ï6irf. 
»  Pausan.,!,  2,  4  et  31.  3. 

■  Hymn,  in  Bacch.t  XXX,  v.  9. 

7  Martian.  Capell.,  1, 10,  p.  38,  éd.  Kopp. 

•  AuserUiene  VasenbUder,  t.  I,  p.  90. 

»  Pausan.,  X,  32,  5.  —  Macrob.,  Satvrn.,  1 .  18.       (T.  Gerhard,  Ann.  J# 


lA  MÉMOIRES 

Des  traditions  donnaient  à  entendre  qu* Apollon  avait  été 
enterré  sous  le  trépied  pythique  *  ;  d'autres  disaient  que 
Dionysus  avait  reçu  la  sépulture  sous  Tomphalos  de  Del- 
phes*, et  cet  omphalos,  attribué  d'ordinaire  à  l'Apollon 
Pythien,  est  placé  comme  symbole  caractéristique  auprès 
des  pieds  de  la  statue  d'Antinous  en  laccbus,  que  j'ai  dé- 
couverte dans  mes  fouilles  d'Eleusis  '. 

Le  cyzicène  gravé  sous  le  n**  9  nous  montre  Hercule  assis 
et  se  reposant,  sa  massue  auprès  de  lui.  D'autres  pièces  de 
la  même  série  représentent  le  dieu  dans  son  enfance  étouf- 
fant les  sei*pents  envoyés  par  la  colère  de  Junon  contre  son 
berceau,  tandis  que  le  petit  Iphiclès,  épouvanté,  appelle  à 
grands  cris  ses  parents  *,  la  tête  d'Hercule  %  le  fils  d'Alc- 
mène  étouffant  le  lion  de  Némée  %  ou  bien  agenouillé,  tenant 
l'arc  et  la  massue  \  Les  traditions  de  Cyzique  racontaient 
qu'Hercule  y  était  venu  avec  les  Argonautes;  certains  récits 
ajoutaient  même  qu'après  avoir  reçu  l'hospitalité  du  héros 

Vlnêt.  crcfc.,  t.  V,  1833,  p.  188.  —  Lobeck,  Àglaopham.,  t.  I,  p.  79  et 
80. —  Ch.  Lenonnant  et  J.  do  Witte,  Élite  des  monn.  céramogr,^  t.  II,  p.  18,  24 
et  38. 

»  Porphyr.,  Vi«.  Pythagor.,  16. 

*  Philochor.  op.  Johnn.  Maîal.,  Chronic,  II,  p.  45.  —  Cedren.,  Compend,, 
1. 1,  p.  43.  —  Syncell.,  t.  I,  p.  36,  éd.  de  Bonn.  —Cf.  J.  do  Wîtte,  Swr. 
ann,  de  VIrut.  arch.f  t.  II,  p.  330. 

>  Voy.  nos  Recherches  archéologiques  à  Eleusis,  p.  254  et  suiv. 

*  Seatini,  Descrizione  di  stateri  antichi,  pi.  VI,  n*  12. 

Au  reste,  ce  tjpe  est  sans  doute  à  retrancher  de  la  catégorie  des  repré- 
sentations purement  religieuses  pour  être  reporté  parmi  celles  qui  font  allu- 
sion à  des  faits  historiques.  M.  Waddington  {Revus  num.f  1863,  p.  223-235) 
a  en  effet  établi  qu*Hercule  étouffant  les  serpents  nvait  été  le  type  allégo- 
rique adopté  par  les  villes  de  TAsie  Mineure  confédérées ,  après  la  bataille 
navale  de  Cnide,  pour  résister  à  la  fois  à  Athènes  et  à  Sparte. 

*  Inédite.  Cabinet  de  France. 

*  Inédite.  Cabinet  de  France, 
^  Inédite.  Cabinet  de  Franco. 


LT    DISSERTATIONS.  15 

Cyzicus,  il  Tavtait  tué  dans  un  combat  de  nuit  causé  par 
une  erreur  des  Dolopes  qui  avaient  pris  les  compagnons  de 
Jason  pour  leurs  ennemis,  les  Pélasges  de  la  côte  voisine  \ 
Notre  planche  se  termine  par  un  statère  (W  10)  dont 
le  type  retrace  une  scène  importante  des  légendes  héroï- 
ques de  THellespont.  C'est  Phrixus  qui,  arrivant  sur  la  côte 
d'Asie ,  immole  en  Thonneur  de  Jupiter  Phyxius  ou  La- 
phystius*  le  bélier  à  la  toison  d'or  sur  lequel  il  traversait 
les  flots  avec  sa  sœur  Hellé,  lorsque  celle-ci  tomba  dans  la 
mer  qui  reçut  son  nom  '. 

François  Lenormant. 

1  Apollon.  Rhod.,  Argonaut,  I,  v.  948  et  seq.  —  Orpli.,  Aryonoui.,  \,  496 
et  seq.  —  Apollodor.,  I,  9,  18.  —  Valer.  Flac,  II,  v.  637. 

•  Schol.  ad  Apollon.  Rhod.,  Argonaut.  II,  v.  653.  —  Paiisan.,  I,  24,  2. 

•  Apollodor.,  I,  9,  11.  — Apollon.  Rhod.,  Argonaut.  II,  v.  1140  et  seq. 
—  Diod.  Sic,  TV,  47.  —  Tzetz.  ad  Lycophr.,  Ca$sandr.,v.  22.  —  Hygin. 
Fab.,  1-3. 


10  MÉMOIRES 


APOLLON  CILL^US. 


tt  Dans  le  territoire  d'Adramyttium  sont  et  Chrysa  et 
«  Cilla.  Aujourd'hui  on  trouve  près  de  Thébé  un  lieu 
«  nommé  CtUa,  où  est  le  temple  d'Apollon  Cillœus  (attoX^wv 
«  KtXXaTo;),  et  près  duquel  coule  le  fleuve  Cillus  (KtXXoç), 

«  qui  descend  de  Tlda C'est  encore  de  cette  ville  de 

«  Cilla  que  tire  son  nom  le  Cilleum  (  KiXXeov  ) ,  dans  l'île  de 
«  Lesbos.  Il  y  a  aussi  une  montagne  nommée  Cillœufn 
c(KtXXaïov),  entre  Gargara  et  Antandrus.  Daès  de  Colones 
«  dit  que  le  temple  d'Apollon  Cillxus  a  été  bâti  d'abord  à 
«  Colones  par  les  Éoliens  arrivés  par  mer  de  la  Grèce.  On 
«  prétend  qu'il  existe  aussi  à  Chrysa  un  Apollon  Cillceus 
«  sans  qu'on  puisse  dire  s'il  est  le  même  que  le  Smintheus 

«  ou  si  c'est  un  autre On  ne  voit  nulle  part  dans  le 

((  territoire  d'Alexandrie,  ni  un  lieu  nommé  Cilla^  ni  un 
«temple  d'Apollon  Cillvus^  tandis  qu'Homère  rapproche 
«  ces  lieux  (Chrysa  et  Cilla)  : 

•«  6;  XpÛTHv  àj&9i<Sé6t^x3c 

{fliad..  A,  37-38.) 

(c  Toi  qui  protèges  Chrysa  et  la  divine  Cilla. 


ET    DISSERTATIONS.  17 

CI Près  du  temple  d'ÀpoUon  (iilrus^  il  y  a  un 

«  grand  tertre;  c'est  le  tombeau  de  Cillus^  qui,  à  ce  qu*on 
«  prétend,  était  l'aurige  de  Pélops  et  qui  commandait  dans 
«  cette  contrée.  Peut-être  est-ce  lui  qui  a  donné  son  nom 
«  à  la  Cilicie,  à  moins  cependant  qu'il  ne  Tait  reçu  d'elle.  • 

C'est  à  Strabon  *  que  nous  devons  ces  renseignements, 
et  il  résulte  du  texte  du  géographe  grec  que  le  culte 
d'Apollon ,  surnommé  KiXXoîo^,  se  trouvait  associé  dans  la 
Troade  à  un  autre  culte  beaucoup  plus  célèbre,  celui 
d'Apollon  SfxNetoc  ou  Sfxtvôsuc.  Ceci  résulte  également  des 
vers  d'Homère  cités  par  Strabon.  Ces  vers  font  partie  de  la 
prière  que  le  prêtre  Chrysès,  outragé  par  Agamemnon, 
adresse  au  redoutable  Sminthien. 

«Sur  toute  la  côte  (d'Asie )#  ajoute  Strabon*  dans  un 
If  autre  passage,  Apollon  est  en  giande  vénération;  on  Ty 
«  honore,  soit  sous  le  nom  de  Smintheus,  de  Cillœus  ou  de 
«  Grj^neus,  soit  sous  quelque  autre  dénomination.  » 

J'ai  taché,  il  y  a  quelques  années  ',  de  rassembler  les 
traditions  éparses  qui  sont  parvenues  jusqu'à  nous  sur  le 
culte  d'Apollon,  surnommé  Sminthien,  dieu  rat  et  en  même 
temps  destructeur  des  rats  qui  dévastent  les  champs. 

Mais  quel  peut  être  cet  Apollon  Kîklaîoç  associé  au  culte 
de  l'Apollon  SinvôstS;,  et  qui  semble  pourtant  différent  de  ce 
dernier?  Le  mot  xiXXoç  en  grec ,  comme  nous  l'apprenons 
de  Pollux,  a,  chez  les  Doriens,  la  même  signification  que 
celui  d'ovoç,  et  désigne  un  âne  *. 

Les  lexicographes  fournissent  d'autres  noms  pour  îndî- 

»  XIII,  p.  612  et  613. 

«  XIII,  p.  618.  —  Cf.  Stoph.  Byzant.  c.  Hxa-nJvvr.wi. 
'  Revue  num.,  1858,  p.  1  et  sniv.  —  Cf.  A.   de  Longpérier,  Kevue  num, , 
1859,  p.  115  etsuiv.  ^ 

*  Pollux  ,  Onomast.,  VU,  13,  56.  —  Hcsycl-.  v.  Kl^^oç  et  RCX^ai. 

1864.—  l.  2 


18  MÉMOIRES 

quer  Tàne  ;  îtavOwv,  xavQcç,  xovOifiXKx;,  xa»ôuXo<;  *,  et  Panofka  *  a 
fait  observer  depuis  longtemps  que  le  mot  xiX?.(6x<:,  (répied  \ 
peut  désigner  également  quelquun  monté  iur  un  âne^ 
xOXoc. 

Ceci  fait  souvenir  du  héros  Àslrabacm,  honoré  chez  les 
Lacédémoniens  et  au  sujet  duquel  Hérodote  ^  nous  a  con- 
servé un  récit  très-singulier. 

Gléomène,  un  des  rois  de  Sparte,  animé  par  des  senti- 
ments de  vengeance,  cherchait,  par  tous  les  moyens  pos- 
sibles, à  perdre  son  collègue  Démarate,  fils  d'Ariston,  et  afin 
de  le  forcer  à  quitter  la  royauté ,  il  contestait  la  légitimité 
de  sa  naissance ,  et ,  d'accord  avec  Léotychide  qui  ambi- 
tionnait de  devenir  roi,  il  faisait  répandre  le  bruit  qu'il  était 
le  fils  d'un  ftnier  (ôvcKpop&ic).  Un  mot  imprudent  prononcé 
par  Ariston,  devant  leséphores,  au  moment  de  la  naissance 
de  Tenfant,  prêtait  aux  suppositions  les  plus  étranges  et 
favorisait  les  desseins  des  ennemis  de  Démarate.  Or  la  mère 
du  roi,  interrogée  par  son  fils  au  sujet  de  sa  naissance  et 
suppliée  de  dire  la  vérité,  lui  avoua  que  la  troisième  nuit 
après  son  mariage,  elle  avait  reçu  la  visite  d'un  fantôme, 
ayant  la  forme  et  les  traits  d' Ariston ,  qui  lui  avait  posé 
des  couronnes  sur  la  tête.  Plus  tard  on  sut  que  ces  cou- 
ronnes avaient  disparu  de  l'édicule  d'Astrabacus ,  héros 
indigène,  et  les  devins,  consultés  à  ce  sujet,  déclarè- 
rent que  le  fantôme  n'était  autre  que  le  héros  lui-même. 
«  Ainsi,  ajouta  la  mère  de  Démarate,  tu  es  le  fils  d'un  héros, 
•  et  Astrabacus  est  ton  père,  ou  bien  tu  es  le  fils  d' Ariston. 

1  Snidat,  Photius  et  Hesychlus,  iub  verbis. 

•  ÀfmaUs  d$  Vlntt.  arch.,  t.  II,  1830,  p.  204. 

*  Hetych.  V.  KiXi6dvTt«.  —  Snid.  v.  KiXX(6avTcç.  —  Pollux ,   Onomatt,,   X, 
37, 168;  Vil,  28, 129.  —  Schol.  ad  Aristophan.,  Acham.^  1121. 

«  VI,  «8  et  69.  • 


ET    DISSERTATIONS.  19 

«  Laissons  en  partage  à  la  femme  de  Léotycbide  et  aux 
«  femmes  de  tes  ennemis  qui  répandent  ces  odieux  bruits, 
(f  d'avoir  des  enfants  d'âniers.  » 

Pausanias\  à  son  tour,  raconte  qu' Astrabacus ,  fils 
d'irbus,  et  son  frère  Alopécus,  avaient  trouvé  la  statue 
à'Artémis  Orthia^  divinité  en  grande  vénération  chez  les 
Spartiates,  et  qu'à  la  suite  de  cette  découverte  Astrabacus 
avait  perdu  la  raison. 

Le  mot  àrcpi&ri  eu  grec,  signifie  bêle  de  somme ^  âne^ 
mulet  *  ;  de  là  le  jeu  de  mots  entre  Àorpàgxxoc  et  ôvocpopS^c, 
d'autant  plus  facilement  amené  qu'il  n'y  a  qu'une  légère 
différence  entre  àorpi^xoc  et  àorpàCaYoc,  muletier ^  conducteur 
d'ânes  *. 

Mais  à  côté  à* ifrzpi^axoç  les  lexicographes  donnent  la 
forme  i(rzp6^xoç  \  qui  semble  impliquer  un  sens  sidéral. 

Rechercher  l'origine  et  l'étymologie  du  mot  xiXXo;  et  de 
l'adjectif  xiXXaTo;  dans  les  anciens  idiomes  de  la  Troade,  de 
la  Mysie,  de  la  Phrygie  et  de  la  Carie  serait,  je  crois,  une 
recherche  vaine  et  oiseuse ,  car  on  sait  trop  peu  de  chose 
de  ces  divers  idiomes  pour  oser  se  flatter  d'y  trouver  une 
étymologie  raisonnable  et  quelque  peu  satisfaisante.  On  en 
est  donc  réduit,  du  moins  jusqu'à  ce  que  de  nouvelles  dé- 
couvertes permettent  de  hasarder  des  rapprochements,  à 
se  contenter  de  l'étymologie  forgée  par  les  Grecs.  Tout  ce 
que  l'on  peut  dire,  c'est  que  les  noms  de  Cillus,  Cillas, 


«  III,  16,  6  et  6.  —  Cf.  Clem.  Alex.  Protrept.,  p.  36,  éd.  Potter. 

*  Harpocrat.  et  Suid.,  sub  verb.  —  Cf.  Hellad.  ap,  Pbot.,  BibUoth,,  p.  533, 
ed«  Bekker.—  Anecdota  grœca^  éd.  Bckk.,  p.  455.  AaTpaSTiXdn^c ,  dvi)XitT)ç. 

*  Voir  une  curieuse  dissertation  de  Creuzer  sur  le  héros  Àstrabaeui,  daus 
ses  Cùmmentationes  Hérodote»,  II,  $  21,  p.  241  et  seq.  —  Cf.  Symbolik,  t.  III, 
p.  787, 4»  édit.,  «t  K.  O.  Muller,  Dorier,  I,  p.  886. 

^  Soid,  et  Zonar.  «.  iax^éSaoïo^,  ô  dvTpovdfbo;. 


20  MÉMOIRES 

Cilla  (K.'X/.oc,  K{XXa<,  K(XXa)  se  rencontrent  dans  les  pays  où 
nous  voyons  établi  le  culte  d*Apollon  KiXXaTo;.  Nous  avons 
déjà  constaté  que  Taurige  de  Pélops  portait  le  nom  de 
CUlus\  et  que  le  tombeau  de  ce  personnage  héroïque  se 
trouvait  dans  le  voisinage  du  temple  d'Apollon  Cillœus. 
Kustathe  •  et  le  Scboliaste  d'Homère'  entrent  dans  quelques 
détails  ;  mais  ces  détails,  du  reste,  ne  jettent  pas  un  grand 
jour  sur  le  personnage  nommé  Cillusou  Cillas.  Tandis  que  le 
premier,  d'accord  avec  Strabon,  place  le  tombeau  de  l'au- 
rige  de  Pélops  dans  la  Troade  aux  environs  d'Adramyttium, 
le  Scboliaste  d'Homère,  d'après  l'autorité  de  l'historien 
Théopompe,  raconte  que  Cillus  mourut  dans  l'île  de  Lesbos, 
que  Pélops,  après  avoir  célébré  ses  funérailles  avec  pompe, 
lui  éleva  un  tombeau,  et  que  d'après  un  avis  reçu  en  songe, 
il  offrit  des  sacrifices  à  Apollon  Cillaeus,  qu'il  nomma  ainsi  en 
mémoire  de  Cillus  mort  inopinément,  et  fit  bâtir  un  temple 
en  l'honneur  de  ce  dieu.  Strabon*,  en  effet,  mentionne  le 
Cillœum  de  Lesbos.  Cillus,  après  sa  mort,  protégea  Pélops 
dans  ses  entreprises,  et  le  fit  triompher  à  la  course  à  Olym- 
pia, où  il  vainquit  OEnomatis. 

Cilla ,  comme  on  Ta  vu ,  est  le  nom  d'une  petite  ville  de 
la  Troade  '  ;  mais  Eustathe  ajoute ,  dans  le  passage  relatif  à 
l'aurige  de  Pélops,  que  vers  la  Judée  on  trouve  une  autre 
ville  de  Cilla  dont  les  habitants  portent  le  nom  de  CilieLr 
ou  Cillani. 


>  Cf.  Pans.,  Vy  10,  2.  Le  nom  de  Taurige  de  Pélops  dans  Pausanias  est 
KCXXoç;  dans  Suidas  {iubverbo)  KCXXt^c 

*  Ad  Homer.  Iliad.,  A,  p.  33. 

>  Àd  niad.t  A,  38. 

*  Xin.p.  612. 

*  Herodot.,  I,   149.  —  Sophocl.   ap.  Steph.  Byzant.  r.  XpÙTt^,  —  Strab., 
XIII,  p.  612.  —  Hesych.  r.  KCXXa,  m(Xi(,  Ivta  lep6v  A'^r^Xcûvoç. 


ET    DISSERTATIONS.  2* 

Cilla  est  le  nom  d'une  fille  de  Laomédon  *  et  aussi  d'une 
sœurd'Hécube  '.  On  trouve  encore  dans  la  Mysieune  plaine 
nommée  KiXXâviov  it&8(ov  %  et  dans  TAttique  une  montagae 
et  une  fontaine  portant  le  nom  de  KiXXeuz  \ 

J'ajoute  qu'on  fait  venir  le  mot  xO^Xoç,  de  xaXw,  courir^ 
aller  vite.  Il  y  a  aussi  xCco,  aller ^  qui  aurait  été  inventé  par 
les  grammairiens  pour  expliquer  xiov,  xfotjit,  xiwv,  formes 
poétiques  pour  tbv,  uatixt,  Iwv,  d'eV,  aller.  Dans  la  poésie, 
on  le  sait,  on  conserve  généralement  de  vieilles  formes  à 
côté  de  formes  plus  modernes  •. 

En  sanskrit,  comme  me  le  fait  observer  mon  savant 
collaborateur  et  ami  M.  Adrien  de  Longpérier,  le  verbe  khâi 
signifie  al/er,  pénétrer^  et  le  mot  khara^  qui  au  nominatif 
fait  kharas^  est  le  nom  de  Y  âne  '. 

Serait-il  permis  de  rapprocher  de  l'Apollon  KiXXaTo:  l'A- 
pollon o^olM  ou  ÔYxaiaiTjç  de  l'Arcadie  '?  Le  verbe  ôYxdtojiai 
signifie  crier  y  braire^  et  le  mot  d-ptTjxTJc  est  employé  dans  une 
épigramme  grecque  pour  désigner  l'âne  *.  Oncus  est  un  fils 
d'Apollon  qui  donne  son  nom  à  une  contrée  de  l'Arcadie, 
Onciumy  OYxeiov,  aux  environs  de  Thelphusa*.  C'était  là 
qu'étaient  les  cavales  oncéennes,  parmi  lesquelles  se  cacha 
Cérès  changée  en  cavale  pour  échapper  aux  poursuites 
de  Neptune  **.  iwoc,  ^wo;,  y'^^^^:»  ^st  un  poulain,  le  produit 


»  Apollod..  III,  12,  3. 

*  Tzetz.  ad  Lycophr.,  Cassatulr.,  224,  315. 
»  Strab.,XIII,  p.  629. 

*  Hesych.,  tub  verb. 

"  Cf.  Hesych.  v,  KiXdpux,  ô  lîXioç. 

*  Voir  Bopp,  Glo9sarium  sanscriticum^  p.  54.  Berlin,  1830. 
7  Pau8.,  VIII,  25,  5  et  6. 

"  Antholog,  Palat.,  IX,  30i,  1,  et  la  note  de  Jacobs,  vol.  III,  p.  525/ 
''  Pans.,  VII l,  25,  3.  —  Steph.  Byzant.,  tttb  verb. 
'«  Pan».»  VIII,  25,  3,  4  et  5. 


22  UrMOIRES 

du  cheval  et  de  Fànesse  S  en  latin  hinnus^  hinnulus^  et  la 
source  dans  laquelle  Midas  fait  verser  du  vin  pour  enivrer 
et  surprendre  Silène  porte  le  nom  d*fvva,  comme  qui  di- 
rait la  source  du  poulain  '.  Sous  la  protection  d'Épona,  la 
déesse  des  écuries ,  étaient  placés  les  ânes  aussi  bien  que 
les  chevaux  '.  Mais  je  me  hâte  d'ajouter  qu'on  ignore  la 
véritable  étymologie  de  Tadjectif  ô-yxoio;,  qui  pourrait  bien 
être  d'origine  orientale,  si  on  le  rapproche  d'ô^xa,  surnom 
de  Minerve  à  Thèbes  *  et  d'o^^riTzi^,  épithète  sous  laquelle 
Neptune  recevait  un  culte  dans  la  ville  d'Onchestus  en 
Béotie  •• 

Dans  quelques  contrées  de  la  Grèce,  l'âne  était  consacré 
à  Apollon.  On  sacrifiait  des  ânes  à  l'Apollon  Hypeiboréen  *, 
mais  les  sacrifices  d'ânes  étaient  loin  d'être  admis  et  en 
usage  partout ,  et  du  récit  d'Antoninus  Libéralis ,  qui  avait 
puisé  les  fables  qu'il  rapporte  dans  plusieurs  auteurs,  et 
celle  de  Clinis  et  des  ânes  ofierts  en  sacrifice  à  Apollon  dans 
les  ouvrages  de  Bœus  et  de  Simmias  le  Rhodien,  il  résulte 
clairement  que  le  culte  d'un  Apollon  auquel  on  immolait 
des  ânes  était  un  culte  -étranger  à  la  Grèce ,  et  qui  avait 
été  importé  de  l'Asie  et  des  contrées  habitées  par  les  bar- 
bares. 


•  Hesych.,  *ub  rerWi. 

'  Theopompus  ap,  Athen,,  II,  p.  45,  C. 

»  Minnciu»  Félix,  Octav.,  XXVIII,  p.  289  et  290,  éd.  GronoT. 

•  iEschyl.,  Sept,  contr.  Thêb,^  601.  —  Paus.,  IX,  12,  2.  —  Schol.  ad  Eu- 
ripid.y  Pluxnisê.f  1062.  —  Hesych.  v,  Ô-f^*  et  ».  Ôyxaç.  —  Steph.  Byzant.  v. 
Ôyxaîai.  — •  Tzetz.  adLycophr.,  Cassandr,^  1225. 

»  Homer.,  Iliad.,  B,  500.  — Pans.,  IX,  26,  3.-  Steph.  BvMnt.  r.  6rxyiTto<;. 
—  Cf.  Ch.  LenormaDt,  Nouvelle  galerie  my th.,  p.  56. 

•  Pindar.,  Pyth.,  X,49,  et  SchoI.  —  Gallimnch.,  Fragm.  188.  —  Autonin. 
Liboralis,  XX.  —  Clem.  Alex..  Protrept.,  p.  25,  éd.  Potter.  —  Eustath  ad 
Humer.,  Iliad,j  A,  p.  36. 


ET    DISSERTATIONS.  2S 

Et  cependant  à  Delphes,  dans  le  sanctuaire  le  plus  vénéré 
d'Apollon,  on  sacrifiait  des  ânes,  comme  le  prouve  une 
inscription  grecque  conservée  au  musée  du  Louvre  *. 

Apollon,  dans  certaines  traditions,  passait  pour  être  le 
fils  de  Silène  ',  et  cette  origine  du  dieu  du  jour  nous  met 
sur  la  voie  des  rapports  qui  peuvent  exister  entre  Tâne  et 
Apollon,  et  bientôt  nous  verrons  se  dégager  de  ces  rapporta 
le  caractère  et  la  nature  de  TApolIon  Cillœus.  L'illustre 
auteur  de  la  Symbolique^  Creuzer  ',  regarde  l'âne  comme 
tellement  identifié  avec  Silène,  qu  il  n'hésite  point  à  recon- 
naître dans  cet  animal  Silène  lui-même.  Les  traditions 
mythologiques  nombreuses,  variées  et  très-curieuses  qur 
racontent  l'histoire  de  Midas  nous  font  connaître  les  rap- 
ports intimes  qui  existent  entre  Silène  et  le  roi  de  Phrygie; 
Midas  devient  lui-même  un  satyre  ^  ou  est  changé  en  âne  '. 
Il  serait  trop  long  de  rapporter  ici  les  formes  diverses  sous- 
lesquelles  on  racontait  les  aventures  de  Midas,  roi  des 
Brigiens  ou  des  Phrygiens,  de  ses  relations  avec  Silène ,  de 
sa  métamorphose  ou  partielle  ou  totale  ;  car  la  plupart  dea 


«  Bœokh,  Corp,  irucr.  gr.,  n«  168S.  —  Clarac,  pi.  XLIV,  n*463.  —Cf.  Ift 
note  de  Bœckh,  1. 1 ,  p.  809. 

•  Clem.  Alex.,  Protrept,,  p.  24,  éd.  Potter.— Porphyr.,  Vit.  Pythagor,,  16.— 
Cf.  l'Apollon  Tpdfioc  adoré  à  Naxos.  Steph.  Byzant.  v.  TpaYoïCa.— Voyez  aussi 
Panofka,  Mutée  Blaeaty  p.  27.  —  On  sacrifiait  des  boucs  à  Apollon  Hélins. 
Pans.,  X,  11,  4«  —  Clément  d'Alexandrie  (  /.  ct(.)  donne  à  Apollon ,  fils  d* 
Silène,  le  samom  de  Nd(&io<.  C'est  le  quatrième  Apollon,  d'après  Cicéron  (Dt- 
Nat.  Diorum,  III,  23),  né  en  Arcadie,  quem  Arcades  Nomium  apptUemt.'-^  Cf.  1»' 
note  de  Crenzer,  p.  615.  —  L'Apollon  cornUy  Aic^Vdv  Kcpcdraiç,  de  Manti- 
née  n'est  antre  qn'un  Apollon  bonc.  Pans.,  V1II«  34,  8. 

>  Symbolik^  t.  IV,  p.  51,  quatrième  édition,  et  dans  les  Btligiom  de  Tanfi- 
qvitéy  trad.  de  M.  Gnigniaut,  t.  III,  p.  162. 

*  Philostrat.,  Vit.  Àpoll.  Fyon.,  VI,  27. 

■  Eudocia,  fio/antim,  p.  290,  éd.  Villoison.  —  Schol.  ad  Aristopban.  Plut. 
887.  —  Suid.  r.  M(«it;. 


2  A  MÉMOIKE.S 

récits  donnent  à  entendre  qu'en  punition  de  sa  témérité, 
Bacchus  ou  Apollon  avait  donné  seulement  des  oreilles 
d*âne  à  Uidas. 

Dans  les  Eleusinies  un  âne  portait  les  vases  sacrés,  ce 
qui  avait  donné  lieu  au  proverbe,  ovo<  07»  |iooxT;pia ,  l'âne 
conduil  Ut  mystères  \ 

Aux  fêtes  de  Vesta,  qui  se  célébraient  chez  les  Romains 
aux  ides  de  juin,  des  ânes  ornés  de  couronnes  et  de  bande- 
lettes ouvraient  la  pompe  sacrée  *. 

Ecce,  coronatiê  partis  dependet  atellU  ; 
Et  vêlant  scabras  florida  strta  moloê, 

Ovid..  fiul.  VI,  311-312. 

L'âne  était  consacré  à  Gybèle;  les  Galles  plaçaient  la 
statue  de  la  déesse  sur  un  âne  et  la  promenaient  ainsi  de 
bourgade  en  bourgade  pour  recueillir  les  offrandes  des  dé- 
vots, comme  le  rapporte  Lucien'  avec  des  détails  très- 
circonstanciés. 

Le  rhéteur  Aristide  *  raconte  que  quand  Bacchus  voulut 
forcer  Vulcain  à  retourner  dans  l'Olympe,  il  l'avait  fait 

placer  sur  un  âne.  Kal  jxiîiv  xaî  ti?jV  Hpav  Xi^ow^iv  db;  jx^vo;  Oswv 
X(f>^6i£T  StiiXXaÇe  xo(x(ffac  tôv  H^paiorov  axovxa  eîçTÔv  oûpavôv,  xotÎTftûxdt 
yt  àvaOsT;  ovqi. 

Dans  les  nombreuses  peintures  de  vases  qui  montrent 
le  retour  de  Yulcain  à  l'Olympe,  le  dieu  est  presque  tou- 
jours figuré  à  cheval  sur  un  mulet  ou  sur  un  âne,  la  plupart 

^  SchoL  ad  Aristophan.  Ran.,  159.  —  Suid.  «t  Photias^  sub  verb. 

'  J.  Lydus,  De  Mtntibus,  p.  107^  éd.  Schow.— Les  lampes  soDt  quelquefois 
décorées  de  têtes  d'âne.  MiUln,  GaUr.  myth.^  LXXIX ,  331*.  —  Clarac,  Musée 
dû  scuipt,  ant,  et  mod,,  pi.  171. 

•  Asin,t  35  et  seq.  —  Cf.  Phsdr.»  III,  Fab.  20.  —  Anecdota  grxca,,  éd. 
Bekker,  1. 1,  p.  222.  Bdbci}^;,  ô  xatà  6eoû  (&t|viv  àicoxoic<K. 

*  Orat.  in  Bacckum,  p.  49,  éd.  Dindorf. 


ET    DISSEIIXATIONS.  25 

du  temps  itliyphallique  \  Quelquefois  aussi  on  voit  sur  les 
vases  peints  une  jeune  fille  dans  le  costume  d'une  ménade, 
montée  sur  un  mulet  et  accompagnée  de  satyres  et  d'un 
cortège  bachique.  Lors  de  la  guerre  des  dieux  et  des  géants, 
les  satyres,  les  silènes,  Bacchus  et  Vulcain  étaient  montés 
sur  des  ânes*.  Ces  animaux  s' étant  mis  à  braire,  avaient 
jeté  l'épouvante  parmi  les  adversaires  des  dieux  de  l'O- 
lympe, et  par  reconnaissance  Jupiter,  après  avoir  rem- 
porté la  victoire,  les  avait  mis  au  rang  des  astres.  Hygin  ' 
raconte  à  son  tour  que  Bacchus,  rendu  furieux  par  Junon 
et  voulant  aller  consulter  l'oracle  de  Dodone ,  deux  ânes 
vinrent  à  son  secours  et  l'aidèrent  à  traverser  un  marais. 
Délivré  de  sa  fureur,  à  la  suite  de  sa  consultation  à  Dodone, 
il  donna  aux  ânes  une  place  parmi  les  astres.  L'âne  encore 
avait  eu  une  dispute  de  vanité  personnelle  avec  Priape,  et 
le  dieu,  pour  se  venger,  avait  tué  sou  adversaire*.  L'âne 
se  trouve  de  nouveau  en  opposition  avec  Priape  dans  une 
autre  circonstance.  Quand  ce  dernier  veut  faire  violence  à 
Yesta,  c'est  grâce  aux  cris  de  l'âne  que  la  déesse  échappe 
aux  poursuites  de  Priape  '. 

Les  habitants  de  Lampsaque  sacrifiaient  des  ânes  à 


*  Quelquefois  une  couronne  ou  une  œnochoé  est  suspendue  à  Tanimal. 

«  Hygin.,  Poet.  astr.,  II,  23.  —  Eratosthen.,  Catasteritm.,  XI.  —  Schol.  ad 
Arat..  Phsenom,,  147.  —  Schol.  ad  German.,  Aratea^  p.  61,  éd.  Biihlc. 
«  Poet.  astron.,  11,23. 

*  Hygin.,  /.  cit,  I toque  posUa  eum  cum  Priapo  de  natura  contendiete  et  victum 
ab  eo  interfectwn.  —  Cf.  Lactant.,  Div,  Inêtit,^  I,  21.  —  Schol.  ad  Gennan,, 
Àratea,  p.  61,  ed,  Biihle.  —  Voir  aussi  Élite  det  monumtnt*  céramograpMqueSt 
t.  I,  p.  129,  où  tous  les  passages  relatifs  à  cette  dispute  sont  cites  textuelle- 
ment. ^  On  se  rappellera  à  cette  occasion  de  quelle  maniëro  Tâne  est  désigné 
dans  récriture  hiéroglyphique. 

»  ÛYid.,  Fast.  VI,  331-348.  -  Lactant.,  Div.  Inelit,;  I,  21.  —  J.  Lydus 
De  Mensibw^  p.  107,  éd.  Schow. 


26  MÉMOIRES 

Priape  \  et  chez  les  Égyptiens,  l'âne,  à  cause  de  la  couleur 
rousse  de  son  pelage  dans  les  contrées  de  TOrient,  était 
immolé  à  Typhon.  C'est  Plularque  qui  nous  indique  ce 
culte  dans  son  traité  d*Isis  et  d'Osiris',  et  il  ajoute  qu'on 
confectionnait  des  gâteaux  sur  lesquels  étaient  représentés 
des  ânes  ayant  les  quatre  membres  liés.  Chez  les  Perses,  si 
l'on  en  croit  le  témoignage  de  Strabon',  l'âne  était  immolé 
à  Mars. 

Nous  avons  déjà  vu  l'âne  mis  en  rapport  avec  Bacchus. 
Cet  animal  était  particulièrement  consacré  à  ce  dieu ,  sui- 
vant le  témoigns^e  de  Cornutus  \  C'était  un  âne  qui  en 
rongeant  un  cep  de  vigne,  lui  avait  fait  produire  plus  de 
raisins,  et  avait  appris  ainsi  aux  hommes  la  culture  et  la  taille 
de  la  vigne.  Aussi  les  habitants  de  Nauplie  pour  rappeler 
ce  bienfait  avaient-ils  fait  représenter  un  âne  en  pierre  *.  Les 
vases  peints  montrent  l'âne  ou  le  mulet  dans  le  thiase  de 
Bacchus',  et  il  n'est  pas  rare  dans  les  monuments  de 
l'époque  romaine  de  rencontrer  Bacchus  ou  Silène  monté 
sur  cet  animal.  C'est  également  la  monture  de  Xanthias, 
l'esclave  de  Bacchus  dans  la  comédie  des  Grenouilles. 

*  Ovid.,  Fatt.  VI,  346.  —  Lactant.,  /.  cit. 

«  T.  VII,  p.  432-434,  éd.  Reiske.  —  Cf.  Bochart,  Hierozoïcony  p.  I,  IW.II. 
cap.  12. 
»  XV,  p.  727. 

*  De  Nat,  Deorum,  XXX.  —  Lucian.,  Bacchus,  2  et  4.  —  Nonn.,  Diofiyttac., 
XIV,  256. 

•  Paui..  II,  38,  3.  —  Cf.  Hygin.,  Fab.  274.  —  On  plaçait  des  crânes  d'âne 
aux  limites  des  champs  et  dans  les  jardins. 

Hinc  eaput  Arcadici  nudum  cute  ferlur  aselli 
Tyrrhênus  fixisse  Tages  in  limite  rtrri*. 

Columelia,  Dt  cuUu  hortorum,  X,  344-346. 
Cf.Pallad.,I,36,16. 

•  Tischbeîn ,  Vaees  de  Hamilton,  l.  II ,  pi.  XLII ,  éd.  de  FloTence ,  et  t.  I , 
pi.  LIV,  éd.  de  Paiis.  —  Millingen,  Vasee  d€  tir  Coghill ,  pi.  XLÎ. 


ET    DISSERTATIONS.  27 

Od  attribuait  aux  Juifs  le  culte  de  l'âne,  et  l'on  racontait 
plusieurs  fables  à  ce  sujet,  mais  c'était  par  mépris  et  par 
dérision  que  ce  culte  était  attribué  aux  Juifs  *.  Eustathe, 
je  l'ai  déjà  dit  ',  mentionne  une  ville  de  Cilla  en  Judée,  et 
Pausanias  '  rapporte  qu'on  montrait  le  tombeau  d'un  Silène 
chez  les  Hébreux. 

C'était  aussi  par  mépris  et  par  moquerie  qu'on  disait  des 
premiers  chrétiens  qu'ils  adoraient  un  âne  ou  un  dieu  à 
tête  d'âne  *. 

Dans  la  numismatique  l'âne  ou  le  mulet  paraît  sur  les 
médailles  de  Mendé,  dans  la  Macédoine  ;  Silène  est  monté 
sur  l'animal  ou  marche  à  côté  de  lui  ;  quelquefois  un  cor- 
beau, oiseau  consacré  à  Apollon,  est  posé  sur  la  croupe  du 
mulet,  et  semble  chercher  à  becqueter  sa  queue  *. 

Sur  une  pièce  d'argent  attribuée  à  Cassera ,  ville  de  Ma- 
cédoine, située  au  pied  du  mont  Athos,  on  retrouve  le 
type  du  mulet  ;  au-dessus  est  placé  un  vase  ^ 

Sur  les  monnaies  de  la  ville  de  Nacona,  en  Sicile,  parait 
Bacchus  tenant  le  thyrse  et  le  canthare,  monté  sur  un  âne  \ 

•  Tacit.,  Hiêt.,  V,  4.  —  Diodor.  Sicul.,  Excerpt.  XXXIV,  t.  II,  p.  525,  éd. 
Wesseling.  —  Joseph.,  Contr»  Apionem^  II,  7.  —  Cf.  Bocbart,  Hierosotcon^ 
p.  I,  lib.  II,  cap.  18. 

•  Supra,  p.  20. 
»  VI,  24,  6. 

k  Tertullian.,  ^po/offfl.,  XVI.  -  Minucius  Félix,  Oclac,  XXVIII,  p.  289, 
éd.  Gronov. —  Cf.  R.  Gamicci^  Un  crocifisio  graffito  da  mano  pagana  mlla  cota 
dti  Cttari.  Roma,  1856  et  1857,  în-8»,  estratto  dalla  Ctrt7ia  caitolica. 

»  Eckhel,  D,  iV.,  I.  p.  72.  —  Mionnet,  I,  p.  477,  et  lU,  Suppl.,  p,  82. 

•  Mionnet,  III,  Suppl.,  p.  59,  n«  383.  —  L'attribution  de  cette  pièce  à  Cas- 
sandrea  est  impossible  ;  elle  est  de  fabrique  très-ancienne  et  porte  au  revers 
le  carré  creux,  divisé  en  quatre  ailes  de  moulin,  avec  les  lettres  KA.  Cassan- 
drea,  ville  Ivâtie  sur  les  ruines  de  Potidée,  devait  aon  nom  à  Cnssandrc.  roi 
de  Macédoine  (  816-298  av.  J.-C),  dont  le  règne  est  certainement  très-posté- 
rieur à  Tépoque  on  cette  médaille  a  été  frappée. 

»  Mionnet,  I,  p.  261,  n"  437. 


2S  lltlIOIRES 

Une  monnaie  gauloise  d  argent,  imitation  des  pièces 
d'Emporium,  montre  au  revers  de  la  tète  d'Apollon  un  àue 
et  un  cheval. 

Sur  les  médailles  de  Tbyatire  de  Lydie,  frappées  sous  la 
domination  romaine,  on  voit  Apollon  Hélius,  la  tète  radiée 
et  tenant  la  bipenne,  monté  à  cbeval  \  absolument  comme 
Vulcain  sur  le  mulet  dans  les  nombreuses  peintures  de 
vases  qui  retracent  le  fait  mythologique  du  retour  de 
Vulcain  à  VOlympe. 

J*ai  placé  en  tète  de  cet  article  une  drachme  frappée 
à  Rhodes  et  dont  voici  la  description  : 

Tête  radiée  d'Apollon  Hélius  à  droite. 

â  «MAoKPATHi.  Rose.  Dans  le  champ,  Po,  et  à  gauche  tète 
d'âne  vue  de  face.  — .K.  (Mionnet,  t.  III,  p.  416,  n*lS7)  *. 

A  Rhodes  existait  le  culte  de  TApollon  Sminthien,  comme 
le  prouvent  les  textes  *  et  les  médailles  ;  un  des  mois  de 
l'année  chez  les  Rhodiens  portait  le  nom  de  Zf^vOtoc  ^  Le 
culte  de  l'Apollon  EiXXoîo^  paraît,  comme  on  l'a  vu,  avoir 
été  étroitement  lié  à  celui  de  l'Apollon,  destructeur  des 
rats.  Ce  dernier  animal  est  représenté  sur  les  drachmes 
frappées  à  Rhodes  ',  exactement  à  la  munie  place  qu'occupe 
la  tète  d'âne  sur  la  pièce  que  nous  publions. 

Je  rattache  au  culte  d'Apollon  Cillaeus  la  tète  d'âne  figurée 

»  Mionnet,  IV,  p.  160,  n»  916.  —  Des  types  aualogues  sont  figurés  sur  les 
médailles  d'Euménia  de  Phrygie  (Miounet,  IV,  p.  294,  n*  571) et  d*Hiéra- 
polia  da  même  pays.  Mionnet,  IV,  p.  298,  n*  592;  p.  303,  n*  622;  Vil,  Sappl., 
p.  568,  n*  374  et  p.  571,  n*  386. 

'  Mionnet  s'est  trompé  en  reconnaissant  ici  nn  crâne  de  bœnf. 

»  Philodem.,  ap  Athen..  IH,  p.  74.  F  et  X.  p.  445,  A.  —  Strab.,  X.  p.  486. 
—  Apollon.,  Lex.  v,  ZiuvOeû. 

^  Voir  les  anses  d'amphores  portant  Iv  nom  de  ce  mois,  dans  la  Rcfna  num,p 
1858,  p.  33  et  sniv. 

■  AertM  nwn.y  1858,  p.  30. 


Ki'    DISSFRTATIO-NS.  29 

sur  les  médailles  de  Rhodes,  et  comme  Apollon  Hélius,  le  dieu 
protecteur  des  Rhodiens  était  invoqué  aussi  bien  en  Grèce 
que  dans  TAsie  Mineure  sous  un  grand  nombre  d'épithètes, 
il  n*y  a  rien  d'invraisemblable  à  mettre  ensemble  à  Rhodes, 
comme  dans  la  Troade ,  Apollon  Sp-ivOsuc  et  Apollon  KiXXaToç. 

Apollon  recevait  un  culte  sous  le  nom  de  A£X?p(vto^  dans 
plusieurs  localités  \  et  notamment  à  Rhodes,  où,  à  côté  de 
la  rose  et  au  revers  de  la  tête  d'Apollon  Hélius,  on  voit  sur 
les  pièces  d'argent  un  ou  deux  dauphins  '.  Cependant  les 
écrivains  anciens  qui  nous  ont  laissé  des  détails  sur  les 
divinités  honorées  par  les  Rhodiens  ne  parlent  ni  d'Apollon 
AsXcp(vio;  ni  d'Apollon  KiXXaTo<;.  A  côté  du  Sminthien,  ils  nom- 
ment Apollon  Ao({jLto;  le  dieu  qui  envoie  la  peste  et  détourne 
ce  fléau  '.  Et  c'est  ce  dieu  redoutable  que  le  prêtre  Chrysés 
invoque  dans  Y  Iliade. 

Comme  le  dieu  Soleil  est  l'auteur  de  la  reproduction  des 
êtres,  aussi  bien  des  plantes  que  des  animaux,  qu'il  préside 
à  la  génération,  ne  serait-il  pas  possible  que  TApollon 
RiXXaîoc,  ayant  pour  animal  symbolique  l'âne,  animal  lascif 
(66pi(mi<;),  se  soit  confondu  à  Rhodes  avec  l'Apollon  ÀeiY&v- 
vi5tt)(;  ,  adoré  à  Camirus  *  ?  Voici  l'explication  de  cette  der- 
nière épithète,  donnée  par  Macrobe  :  Aià  to  aûx6v  -^i^^na^ai 
nùX  àil  Ysvvâv,  qtwd  scmper  exoriens  gignitur^  quodque  ipse 
gênerai  universa^  seminando,  fovendOj  producendo^  alendo^ 
augendoque. 

Un  dieu  qui  renaît  chaque  jour,  qui  produit  et  engendre 
toutes  choses  peut  bien  avoir  pour  animal  symbolique  l'âne 

»  Tzetz.  ad  Lycophr.,  Cassandr.,  208.  —  Paus.,  I,  19,  1.  —  Plnlarch.  m 
Thés.,  14.  —  Strab.,  IV,  p.  179.  —  Schol.  ad  Pindar.,  Netn,,  V,  81. 
'  Mionnet,  HT,  p.  419,  n*»  177, 178. 

»  Macrob.,  Saltim.,  I,  17.  —  Cf.  Heffter,  Gôtterdienut  aufRhwius.lUy  p.  40. 
*  Macrob.,  l.  cit.  —  Cf.  Heffter,  /.  cit.,  p.  39. 


30  MÉMOIRES 

qui  entre  en  lutte  avec  le  lascif  Priape.  Maintenant  ce  qui 
au  premier  abord  pourrait  n'être  pris  que  pour  une  simple 
hypothèse,  devient  certain,  si  Ton  rapproche  du  passage  de 
Macrobe  le  vers  suivant  de  Pindare  *  : 

AicMuùy 

Xa(pe,  YtXqi  6'ôpcôv  06piv  ô^OCsv  xvcD^^aiv. 

Et  le  Scholiaste  ajoute  :  d;  tîûv  ovwv  ôpôtwvrwv. 

Un  dieu  qui  se  rejouit  à  la  vue  de  Tardeur  des  ânes  est 
bien  TApollon  KtXXaioc  qui  a  pour  symbole  Tâne,  xfXXoc  uSpta- 
•nj^.  Et  Ton  comprend  en  même  temps  pourquoi  Tâne,  qui 
est  cher  au  dieu  du  jour,  lui  est  immolé  dans  certaines  con- 
trées. Servius'  nous  apprend  que  Ton  choisit  les  victimes 
pour  les  offrir  aux  dieux,  soit  à  cause  de  Taflinité  qu  elles 
présentent  avec  la  divinité,  soit  à  cause  de  l'aversion 
qu'elles  leur  inspirent.  Yictimœ  numinibus  aut  per  simiWu' 
dinem  atU  per  conlrarielem  immolabantur^ 

On  trouve  chez  les  habitants  de  la  Troade  le  culte  d'un 
Apollon  iiptaTcaioc  '  qui  se  rapproche  singulièrement  du  dieu 
de  Lampsaque,  et  dans  le  Pont  on  adorait  une  Artémis 
upiaicivTj  *.  Plusieurs  archéologues,  et  entre  autres  mon  sa- 
vant ami  M.  Éd.  Gerhard  ^  rappellent  à  Toccasion  d'ÀTn^XXwv 
DpNiicaioc  l'Apollon  À^uieu^*,  c'est-à-dire  sans  jambes,  en 
forme  de  hermès,  de  cône  ou  de  colonne.  J'ai  déjà  rappelé, 

>  Pyth.,  X,  56.  —  Cf.  sur  Texprc^ûon  dpOo< ,  Aristophan  ,  Lytiêtrat.,  995  : 
6p9à  AaxcÔQitULcov 'jcss.  —  VoirBœckb,  Eaj)l.  ad  Pindar.  Pyth.y  p.  335. 
«  ÀdY\rg.,Qeorg.,  11.380. 

•  Tzets.  ad  Lycophr.,  Caagandr,^  29. 

•  Plutarch.  in  LucuU.,  13. 

•  GrUckUcheMyth..%30^,  7. 

•  Demosthen.  adv,  Midiam,  p.  631,  éd.  RoUke.  —  Paus.,  VIII,  53,  1.  — 
Sohol.  ad  Horat.»  Carm.,  IV,  6,  28.  —  Macrob.,  Saîurn,,  1,  ?.  —  Cf.  Gerbard, 
Hyp^rh.  riimi$cKê  Sht^Her,  t.  Il,  p.  274  et  Miiv.  Berlin,  1852,  in-8-. 


ET   DISSEItTATlONS.  31 

d'après  Strabon  *  que  les  Éolieiis  avaient  établi  le  culte 
d'Apollon  KtXXacoc  à  Colones  dans  la  Troade  *.  Or  cette 
localité,  nommée  KoXâ>vai,  nous  fournit  Tidée  de  tertre^ 
hauteur^  colline,  tombeau^  nous  rappelle  le  tombeau  de 
Ct{/u5,  Taurige  de  Pélops,  et  nous  renvoie  directement  au 
culte  de  TAphrodite  Ka>X(aç ,  divinité  sur  laquelle  j*ai  publié 
ailleurs  •  une  étude  assez  développée. 

L'Artémis  Orthia ,  qui  se  trouve  en  rapport  avec  Astra- 
bacus,  est  une  déesse  Lune  qui  dans  les  religions  orientales 
se  présente  sous  la  forme  mâle  du  dieu  Men  *  ;  cette  déesse 
a  donc  un  caractère  androgyne;  la  Lune  était  regardée 
comme  le  dépôt  de  tous  les  germes  de  la  nature  *.  On  se 
rappellera  que  la  monture  ordinaire  de  la  Lune  est  un 
mulet  •. 

Cilluson  Cillas,  c'est-à-dire  Vâne,  x(XXoc,  est  le  nom  de 


>  Xni,  p.  612. 

*  On  eite  denx  localités  da  nom  de  KoXôyvai,  Tane  près  de  Lampsaqae  en 
MjTtie,  l'antre  dans  la  Troade.  Strab.,  XIII,  p.  589.  —  Arrian,,  De  ExTped. 
AUX.,  1, 12.  —  Strab.,  XIII,  p.  604.  —  Paus.,  X,  14,  2.  —  Tlmcyd.,  I.  131. 

•  Nouvtllet  Annales  de  l*Institut  arch,,  1. 1,  p.  75  et  suîv.  —  KcdXyi,  xb  al^tov. 
Schol.  ad  Aristophan.,  Nub.,  989. —  Cf.  Artémis  KoXatv(c,  dans  I*Attiqne 
(  Pans.,  I,  31,  3),  et  rArtémis  KoXoIvtj,  en  Lydie.  Strab.,  XUI,  p.  626.  —  La 
fable  de  la  descente  de  Baccbus  aux  enfers,  sa  rencontre  avec  Prosyrnnus  qui 
Ini  montre  le  cbemin ,  doivent  être  rapprocbés  de  ce  culte ,  comme  l'indique 
clairement  Clément  d'Alexandrie,  Protrept.^  p.  29  et  30,  éd.  Potier.  —  Cf. 
Amob.  adv.  Gentes,  V,26.—  Tzetz.  ad  Lycophr.,  Cassandr,,  212.—  Pbavorin., 
•.  Évdpxi^Ç-  —  Voir  aussi  Panofka,  Annales  de  VInst.  arch.,  t.  I,  1829,  p.  309 
et  suiv. 

*  Strab.,  XII,  p.  577.  —  Spartian.,  Caracalla,  7. 

•  Macrob.  in  Samn.  Scipionis,  1, 11.  —  Plutarch.,  De  ïsid,  et  Osirid.,  t.  VII, 
p.  452,  éd.  Reiske.  —  Porphyr.,  De  Antro  A'ymp/i.,  XVIII. 

c  Pans.,  V,  11,  3.  —  Cf.  Gerhard,  Griechische  Myth,,  §  340,  2.  —Panonta. 
Musée  Blacas,  p.  50  et  52.  —  Les  médailles  de  Pherie  de  Thessalie  et  de  Patras 
montrent  Diane-Lune  à  cheval.  Voir  Streber,  Numismata  nonuulla  §rseca  rar 
J/ii«eo  régis  Bavarite^  tab.  II,  n''*  1  et  3. 


«^^2  MÉMOIRKS 

Faurige  de  Pélops;  Astrabacus  est  assimilé  à  un  âiu'fr, 
ôvo'fop64; ,  et  c'est  Bacchus  qui  reconduit  à  l'Olympe  Vulcain 
monté  sur  un  âne.  Donc  Bacchus  devient  ici  un  véritable 
conducteur  d'ânes^  6vo(pop&S(;\  Astrabacus  perd  la  raison  en 
trouvant  la  statue  d'Artémis  Orthia,  Bacchus  est  en  fureur 
quand  des  ânes  viennent  à  sa  rencontre  ".  Dans  les  reli- 
gions anciennes  de  la  Grèce,  le  ministre  ou  l'acolyte  d'un 
dieu  et  le  dieu  lui-même  ne  sont  qu'un  seul  et  même  être  ; 
le  nom  de  l'acolyte  n'exprime  qu'une  des  qualités  du  dieu. 
Comme  dans  le  retour  de  Vulcain  à  l'Olympe  on  reconnaît 
un  sens  astronomique,  que  ce  retour  du  dieu  du  feu  indique 
le  renouvellement  de  l'année  au  solstice  d'hiver,  on  saisit 
le  caractère  du  héros  appelé  aussi  bien  AorpaSaxcx;  que 
ÀorpcJêaxoç.  L'âne  et  son  conducteur  sont  le  dieu  Phospho- 
ro5,  «poxKpofx^c»  qui  précède  le  char  lumineux  du  Soleil  ;  mais 
on  comprend  de  suite  que  le  personnage  qui  apporte  la 
lumière  devienne  le  dieu  Soleil  lui-même ,  qui  préside  à  la 
reproduction  de  tous  les  êtres  et  au  renouvellement  de 
toutes  choses.  Dans  la  gigantomachie ,  Hélius  avait  reçu 
sur  son  char  Héphestus  fatigué  du  combat  '. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  le  héros  Cillus  fit  triom- 
pher Pélops  à  Olympie,  que  l'ânier  est  un  personnage 
de  bon  augure.  Plutarque  *  et  Suétone  '  racontent  qu'au 
moment  de  livrer  la  bataille  d'Actium,  Octave  rencontra 
un  âne  accompagné  de  son  conducteur;  l'homme  s'appelait 
Euiychus  et  l'âne  Nicon.  Après  la  victoire,  en  vue  de  ces 


*  Cf.  Ba6Q0CTi(Cy  épîthëte  do  Bacchus.  Cornutus,  De  Nat.  Deorum,  XXX. 

»  Cf.  Creuzer,  Comment,  Herodot.,  p.  251-260,  et  Symbolik,t.  III ,  p.  638, 
qnntrième  édition. 
»  ApoU.  Rhod.,  Argùn,,  III,  230  seq. 

*  In  Jf.  Ànion.^  66. 

8  In  AugusU,  XCVI,  6. 


ET   DISSERTATIONS.  33 

deux  noms  de  bon  augure,  Octave  fit  élever  une  statue 
de  bronze  en  Tbonneur  d'Eutychus,  oii  l'ànier  était  repré- 
senté sur  sa  monture. 

Le  culte  d'Apollon  au  promontoire  d'Actium  était  cé- 
lèbre*. 

Les  Ambraciotes  avalent  dédié  dans  le  temple  de  Delphes 
un  âne  de  bronze  qui,  à  ce  qu'il  parait,  n'était  pas  placé 
loin  d'une  statue  d'Apollon,  oiïrande  des  habitants  de  Lin- 
dus  dans  l'île  de  Rhodes.  Cet  âne  de  bronze  était  destiné  à 
rappeler  une  victoire  des  Ambraciotes  sur  les  Molosses,  qui 
la  nuit  avaient  dressé  une  embuscade  pour  surprendre 
leurs  ennemis,  lorsque  les  cris  d'un  âne  avaient  subitement 
jeté  la  terreur  parmi  eux,  et  avaient  donné  l'éveil  aux  habi- 
tants d'Ambracie  qui  avaient  taillé  en  pièces  les  Molosses  '. 


J.    DE   WiTTE. 


«  Strab.,  VII,  p.  325. 
»  Pau8.,  X,  18,  3, 


1864.     -  l. 


u 


MbMOlKES 


ECU  Dm  INÉDIT 


DU  CARDINAL  DE  BOURBON,  CHARLES  X. 

ROI  DE  LA  Lir.UE. 


La  pièce,  dessinée  ici  a  pour  légende  au  droit  les  mots 
CAROLVS.X.D.G.FRANC.REX.L.A.  Entre  la  première  et 
la  dernière  lettre  de  cette  légende  se  voit  un  soleil; 
dans  le  champ,  Técu  de  France  aux  trois  fleurs  de  lis 
surmonté  de  la  couronne  royale;  au  revers,  on  lit  les 
mots  SIT.NOMEN.D  BENEDICTVM.  et  le  chiffre  1590, 
une  petite  croix  pattée  sépare  ce  chiffre  du  commen- 
cement de  la  légende;  dans  le  champ,  croix  ornée  d'un 
fleuron  à  chacun  de  ses  quatre  bras  terminés,  en  outre,  par 
des  fleurs  de  lis.  Au  milieu  de  la  croix  la  lettre  monétaire  L. 
Poids,  62  grains  =  38%30,  même  poids  que  Técu  d'or  ordi- 
naire au  soleil  de  Charles  X  et  que  celui  des  Politiques, 
Mais  ce  qui  différencie  cet  écu  de  ceux  qui  sont  connus  et 
décrits,  ce  sont  d'abord  les  deux  lettres  L.  A.  de  la  légende 
du  droit  et  la  lettre  monétaire  L.  qui  se  trouve  au  milieu 


ET    DISSERTATIONS.  .^0 

(les  bras  de  la  croix  du  revers.  Il  est  évident  que  les  deux 
lettres  L.  A.  sont  Tabrégé  du  titre  de  légat  d'Avignon  que 
le  cardinal  de  Bourbon  a  porté  sous  les  papes  Pie  IV,  Pie  V, 
Grégoire  XIII ,  et  en  dernier  lieu  sous  Sixte  V,  en  1590. 
Jusqu'ici  Ton  ne  connaissait  pas  d'écu  d'or  du  cardinal  avec 
le  titre  de  roi  de  France  et  de  légat  d'Avignon;  aussi 
avons-nous  cru  devoir  publier  la  rare  pièce  qui  fait  le  sujet 
de  cette  notice,  et  dont  trois  ou  quatre  exemplaires  seule- 
ment sont  connus,  sans  avoir  été  décrits  ou  publiés  jusqu'à 
présent. 

Il  faut  remarquer  que  cette  pièce  extraordinaire  présente 
au  revers,  non  pas  la  légende  Christus  vincit  affectée  à  l'or, 
mais  SU  nomen  Domini  benedictum^  comme  sur  les  espèces 
d*argent.  La  forme  de  la  croix,  type  du  revers,  est  toutefois 
bien  celle  que  nous  montrent  les  écus  au  soleil  de  ce  temps, 
en  sorte  qu'il  est  impossible  de  supposer  qu'on  a  par  erreur 
fait  usage  d'un  coin  destiné  à  frapper  des  douzains. 

La  légende  SU  nomen  Domini  benediclum  se  lit  bien  en- 
core sur  un  écu  d'or  de  1562,  plusieurs  fois  décrit  par 
M.  Lecointre-Dupont  ;  mais  sur  cette  pièce  elle  remplace 
le  nom  royal  du  côté  de  Técu,  et  le  revers  porte  autour  de 
la  croix  la  légende  habituelle,  Chrislus  régnât  vincU  et 
imperat\ 

Quant  à  la  lettre  monétaire  L  du  revers,  elle  indique  cer- 
tainement Bayonne. 

On  sait  que  c'est  le  duc  de  Mayenne,  chef  de  la  ligue,  qui 
fit  proclamer  roi,  en  novembre  1 589,  le  cardinal  de  Bourbon» 
qui  est  connu  dans  l'histoire  sous  le  nom  de  Charles  X  et 
de  roi  de  la  ligue,  mais  que  sa  royauté  n'a  été  qu'une  fic- 

•  Voyez  Revue  ntim.,  1843,  t.  VIII,  p.  300.  —  Lettrée  mr  Vhiat.  de  la  Nor- 
mandie et  du  Perche  .  1846,  p.  87  et  90.  —  Bullet.  de  la  Soc.  des  antiq.  de  Ncr- 
manJtf,  t.  II,  I8C3,  Notice  sur  deux  demi-ttstofn  de  Charlet  IX. 


36  MÉMOIRES 

tion,  que  c'était  enfin  un  fantôme  de  monarque  n'ayant 
jamais  régné ,  si  ce  n*est  dans  la  prison  de  Fontenay  en 
Poitou,  où  Henri  IV  avait  eu  la  précaution  de  le  tenir  en- 
fermé. C'est  là  qu'il  mourut  de  la  gravelle,  dit-K)n,  le  9  mai 
i590.  Tous  les  auteurs  du  temps,  Létoile  entre  autres,  et 
tous  les  écrivains  postérieurs  sont  d'accord  sur  cette  date 
de  la  mort  du  cardinal  de  Bourbon,  excepté  pourtant 
Leblanc,  qui  fixe  sa  mort  au  9  mai  i  593  ;  mais  c'est  là 
évidemment  une  erreur  *. 

D'   A.    COLSOM. 

Noyon,  le  10  jaoTier  1864. 

>  Voir  Leblanc,  Traité  dê$  tnonnayet  de  France^  édition  de  Paris,  1703,  in-4*, 
p.  371  ;  édition  d* Amsterdam^  1692,  p.  293. 


ET    OISSERTATIOXS,  37 


MONNAIES   DU    MOYEN   AGE 

DÉCOUVERTES  A  ÉLELSIS. 


Dans  le  volume  que  j*ai  consacré  aux  inscriptions- 
d'ÉleusisS  j'ai  signalé  les  traces  du  moyen  âge  français 
que  présentent  les  ruines  de  l'antique  cité  des  mystères. 
Un  donjon  carré,  bâti  vers  le  xiir  siècle  sous  les  ducs 
d'Athènes  de  la  maison  de  la  Roche,  s*élève  encore  à 
l'extrémité  occidentale  de  l'acropole,  et  une  bulle  de 
plomb  trouvée  par  un  paysan  m'a  offert  la  croix  à  double 
croisette  du  patriarcat  latin  de  Gonstantinople.  Hais  une 
découverte  toute  récente  me  permet  aujourd'hui  d'appor- 
ter de  nouvelles  preuves  de  l'importance  du  bourg  d'Eleusis 
sous  le  régime  des  seigneuries  françaises  fondées  à  la 
suite  de  la  IV*  croisade. 

Dans  l'automne  de  i  862,  un  paysan  du  vills^e  de  Lepsina 
(qui  a  succédé  à  l'ancienne  Eleusis),  labourant  son  champ, 
situé  dans  la  Plaine  Rharienne,  non  loin  du  puits  où  la 
tradition  antique  racontait  que  Gérés,  sous  la  forme  d'une 
vieille  femme,  avait  été  rencontrée  par  les  filles  de  Ce- 
léus,  brisa  du  soc  de  sa  charrue  un  pot  de  terre  grise  et 
grossière,  dont  les  flancs  laissèrent  échapper  1,075  pièces 
d'argent  et  de  billon,  et  une  seule  de  cuivre.  Une  portion 

<  R€ch9rchei  archéologique»  à  Éleutis,  JUcutil  du  intcriptiont^  p.  86a. 


38  m:.moi:u:s 

de  cette  trouvciille  a  été  dispersée ^  mais,  visitant  pour  la 
troisième  fois  Eleusis  dans  le  mois  de  septembre  de  Tannée 
dernière ,  j'ai  pu  étudier  encore  plus  de  500  des  pièces 
ainsi  découvertes,  conservées  actuellement  entre  les  mains 
du  médecin  du  village. 

Il  n*est  plus  besoin  d'insister  sur  Timportance  numis- 
matique et  historique  de  l'étude  d'un  trésor  aussi  considé- 
rable d'anciennes  monnaies.  C'est  un  point  reconnu  de 
tous  les  savants.  Aussi  crois-je  faire  une  chose  utile  et  de 
nature  à  intéresser  les  lecteurs  de  la  Revue  en  enregistrant 
avec  soin  les  diverses  pièces  que  contenait  la  trouvaille 
d'Eleusis. 

Fhance. 

Philippe  le  Bel. 

175  gros  tournois  au  type  ordinaire. 

Ces  pièces  avaient  donné  lieu ,  de  la  part  du  médecin 
possesseur  des  restes  du  trésor,  à  une  méprise  amusante. 
Il  avait  su  y  lire  les  mots  PHILIPPVS  REX,  et  voyant  en 
même  temps  une  croix,  il  m'annonça,  en  m'invitant  à 
aller  voir  ses  médailles,  qu'il  avait  des  pièces  byzantines 
de  Philippe  de  Macédoine ,  KcovGTavTcyata  $cX«nrou  toû  Ma- 
xcJciyo;.  Ne  rions  pas  trop,  du  reste,  de  sa  naïve  erreur; 
DOS  journaux  quotidiens  sont  de  la  même  force  lorsqu'ils 
enregistrent  des  découvertes  numismatiques. 

La  présence  d'un  grand  nombre  de  monnaies  d'argent 
de  Philippe  le  Bel  dans  la  trouvaille  d'Eleusis  est  un  fait 
important.  C'est  en  effet  par  ce  roi  que  Thibault  de  Cépoy, 
amiral  de  France ,  fut  envoyé  à  la  cour  de  Gui  II  de  la 
Roche,  duc  d'Athènes,  pour  y  traiter  les  intérêts  de  Charles 
de  Valois,  empereur  de  Constantinopic,  qui  désirait  sub- 


IT    hISSKRTATIONS.  W 

stituer  une  possession  réelle  à  sa  possession  nominale  de 
Fempire.  Le  spirituel  chroniqueur  catalan  Ranion  Muntaner 
raconte  en  détail  les  incidents  de  la  mission  de  l'amiral 
français.  Il  resta  plus  d'un  an  à  la  cour  brillante  des  sei- 
gneurs bourguignons  qui  régnaient  alors  sur  la  ville  de 
Thésée,  et  nous  savons  par  ses  comptes,  conservés  aux 
Archives  dans  les  registres  de  l'ancienne  Chambre  des 
Comptes  S  qu'il  y  fit  de  très-fortes  dépenses.  Son  séjour 
dut  donc  répandre  dans  le  duché  d'Athènes  beaucoup  de 
monnaies  du  roi  de  France  semblables  à  celles  qui  ont  été 
découvertes  à  Eleusis. 

Sicile. 

Frédéric  t^  d*Aragot}. 

100  grandes  pièces  d'argent  au  type  de  l'aigle.  11  n'y  en  a 
plus  que  deux  parmi  les  monnaies  possédées  par  le  médecin 
de  Lepsina. 

Les  monnaies  du  premier  roi  aragonais  de  la  Sicile 
durent  être  introduites  dans  le  duché  d'Athènes  par  la 
Grande  Compagnie  catalane,  qui  vint  en  effet  de  Sicile  en 
Grèce  sous  le  règne  de  ce  prince.  On  sait  que  les  aventu- 
riers catalans  conquirent  Athènes  en  1310,  après  avoir  tué 
dans  une  bataille  le  duc  Gautier  de  Brienne.  Nous  établirons 
plus  loin  que  ce  fut  lors  de  cette  invasion  que  dut  être 
enfoui  le  trésor  d'Eleusis.  Mais  nous  apprenons  par  la 
chronique  de  Ramon  Muntaner  qu'une  portion  de  la  Grande 
Compagnie  catalane  était  venue  quelques  années  aupara- 


1  Des  extraits  considérables  en  ont  été  publiés  par  Buchon,  à  la  p.  467 
de  ^on  édition  à  deux  colonnes  de  liamon  Muntaner. 


AO  MÉMOIRES 

vant  à  Athèues,  eu  se  mettant  au  service  du  duc  Gui  II  de 
la  Roche.  Ce  dut  être  alors  qu'ils  firent  entrer  dans  la  cir- 
culation des  monnaies  de  leur  roi,  qu'ils  avaient  sans  doute 
apportées  avec  eux  de  la  Sicile. 

Pr1N€£S   croisés. 

Les  deniers  et  oboles  des  princes  et  seigneurs  français 
de  la  Grèce  étaient  au  nombre  de  800  dans  le  trésor 
d'Eleusis.  N'ayant  pu  examiner  qu'une  moitié  de  ce  trésor, 
je  ne  saurais  dire  d'une  manière  exacte  quelle  était  la 
proportion  de  chaque  espèce  de  monnaies  sur  la  masse 
totale.  Je  me  bornerai  donc  à  décrire  les  diverses  variétés 
que  j'ai  pu  relever  parmi  les  pièces  demeurées  entre  les 
mains  du  médecin  d'Eleusis. 

Principauté  d'Aghaïe. 

Guillaume  de  Yillehardouin. 

1.  G.PRING€Pco.  Croixpattée. 

1^  CLARGNTIA.  Chastel  des  deniers  tournois  de  saint 
Louis. — Billon.  Denier.  (F.  de  Saulcy,  Numismatique  des 
croisades,  pi.  XIV,  n"  8  et  9.  ) 

2.  +G.PRINGe.ACh.  Croix. 

^  CLAReNTIA.  Chastel.— Billon.  Denier.  (F.  de  Saulcy, 
Numismatique  des  croisades,  pi.  XIV,  n"  13-16.) 

Charles  d*  Anjou. 

+  K.R.PRlNC.ACh.  Croix. 

^  CLARENTIA.  Chastel.— Billon.  Denier.  (F.  de  Saulcy, 
pL  XIV,  n"  18-20.) 


F.T    UISSEBTATIONS.  AI 

Florent  de  Hainaut. 

+  K.R.FLOR€NS.P.ACh.  Croix. 
]$  DeCLARCNCIA.   Ghastel.  —  Billon.  Denier.    (F.  de 
Saulcy,  pi.  XV,  n' i.) 

Philippe  de  Savoie. 

+  PhS  D.  SAB.  P.  AGh€.  Croix. 
â  De  CLAReNCIA.  Chastel,  surmonté  d'une  étoile.— 
Billon.  Denier.  (F.  de  Saulcy,  pi.  XV,  n"6-8.) 

Gui  de  la  Roche. 

+  GVI  DVX  ATeNeS.  Croix. 

R  D€  CLAReNTIA.  Chastel.  —  Billon.  Denier.    (F.  de 
Saulcy,  pi.  XVII,  n*  18.) 

Philippe  de  Tarenle. 

+  PhS.  P.ACh:TAR.  Croix. 

v^  De  CLARCNCIA.  Chastel.  —  Billon.   Denier.   (  F.  de 
Saulcy,  pi.  X,  nMO.) 

Duché  d'Athènes. 

Gui  1". 

GVI.  DVX.  ATENES.  Croix. 

RlThEBANI  CIVES.    Chastel.  —  Billon.  Denier.  (F.  de 
Saulcy,  pi.  XV,  11-5.) 


a  ui.uoir.Ls 

(Juillaume. 

1.  +  G.  DVX  AT€N€S.  Croix. 

RTfBAM  CIVIS.  Chastel.  —  Billon.  Deoier.  ^F.  de 
Saulcy,  pi.  XVH,  n*  6.  ) 

2.  +  :  G.  DVX.  AT€N€S.  Croix. 

k  Th€Be  CIVIS:  Chastel.  —  Biilon.  Denier.  {F.  de 
Saulcy,  pi.  XVII,  n'8.  ). 

3.  -f-  G.  DVX  AT€MS.  Croix. 

k  TheBe.  CIVIS.  Chastel.  —  Biilon.  Denier.  (F.  de 
Saulcy,  pi.  XVII,  n'9.) 

Gui  II. 

+  GVI.DVX.AT€NtS.  Croix. 

il  Th€BANI  CIVIS.  Chastel.  —  Biilon.  Denier.  (F.  de 
Saulcy,  pi.  XVII,  n"  16, 17  et  19.  ) 

Gautier  de  Brienne. 

+  VACTGR.  D€.  B.  Dans  le  champ  un  S. 

iv  TeBA.  CIVIS.  Croix.— Biilon.  Obole.  (F.  de  Saulcy, 
pl.  XVI,  n»  16,  ) 

Dans  les  pièces  que  nous  avons  examinées,  il  n'y  avait 
(ju'un  seul  exemplaire  de  cette  rare  monnaie.  Encore 
n'était-il  pas  entre  les  mains  du  médecin ,  mais  dans  celles 
d'un  paysan  du  village. 

Despotat  d'Kpire. 

Mainfroi. 

-t-MAYNFRIDVS.R.SlClLie.  Aigle  éployée. 

ii  6TD0M1NVS  ROMANIG.  Croix  pattée,  ornée  de  trois 


F/J     DISSJ-IITATIONS.  43 

globules  à  chacune  des  extrémités  de  ses  branches  et  eau- 
tonnée  de  quatre  étoiles. — Cuivre.  (F.  de  Saulcy,pl.  XVIII, 
««  h.  ) 

C'est  la  seule  pièce  de  cuivre  que  renfermât  le  trésor, 
objet  de  notre  étude. 

Levante. 
Philippe  de  Tarente. 

1.  +PhS.  P.TAR.DeSP.  Croix. 

ùNePANTI  GIMS.  Chastel.  —  Billon.  Denier.  (F.  de 
Saulcy,  pi.  \V,  n»ll.) 

2.  +  PhS.  P.  TAR.  DGSP.A.  Croix. 

id  NePANTI.  CIVIS.  Chastel.  —Billon.  Denier.  (Variété 
inédite,  ) 

La  présence  de  ces  pièces  dans  le  trésor  d*Éleusis,  dont 
l'enfouissement,  comme  nous  le  ferons  voir  plus  loin,  ne 
peut  être  postérieur  à  l'année  1310,  prouve  qu'elles  ont 
été  frappées  pendant  la  première  époque  du  pouvoir  de 
Philippe  de  Tarente  en  Orient.  Il  était  alors  marié  avec 
Ithamar,  sœur  de  .Thomas  l'Ange  Coranène,  despote  d'Épire 
et  d'Étolie.  «  Le  despot ,  dit  le  Livre  de  la  ConqueHe  \  dona 
«  lors  ou  prince  Philippe ,  pour  le  mariage  de  sa  fille, 
«  quatre  chastiaux  des  meillors  de  son  pays,  c'est  assa- 
avoir  :  le  rèal  chastel  de  Nepant*,  de  Blecola',  Gello- 
ct  Castro  *,  et  la  Bondonice  *,  qui  est  sur  mer,  avec  toutes 

«  p.  322  et  8UÎV.  de  Tédition  de  Buchon,—  Cf.  Pachymer.,  t.  II,  p.  202, 
éd.  de  Paris. 

*  Lépante. 

*  Vrachoii. 

*  Angelocastron. 
^  Vonitza. 


A  A  MÉMOIRES 

«  leurs  appaiienances.  Et  affermèrent  leurs  convenances 
((  ainsi  :  que  se  Thomas,  le  fils  du  despot,  nioroit,  que  li 
a  princes  de  Tharante  fust  sire  et  despot  de  toute  la  des- 
«  potée  ;  et  se  Thomas  vivoit  après  le  despot  son  père,  et 
«  venoit  en  parfait  eage  que  il  fust  sires  et  despot,  que  il 
tt  tenist  son  pays  dou  prince,  et  que  li  princes  eust  le  chastel 
«  de  saint  Donat  * ,  ou  toute  la  Vagenetie  '  et  apparte- 
«  nances.  »  La  légende  de  la  variété  nouvelle  que  nous 
avons  enregistrée  sous  le  n**  2,  semble  indiquer  que  Philippe 
de  Tarente  avait  pris  alors  le  titre  de  «  despote  d'Acar- 
nanie,  »  nom  antique  qui  n'était  pas  entièrement  tombé  en 
désuétude  au  commencement  du  xiv«  siècle,  puisqu'on  le 
trouve  plusieurs  fois  dans  les  auteurs  byzantins  de  cette 
époque. 

Le  mariage  de  Philippe  et  d'Ithamar  ayant  eu  lieu  en 
1294  ',  rémission  de  ces  deniers  dut  commencer  dès  lors 
et  se  continuer  jusqu'en  1310.  Quant  aux  deniers  du  même 
prince  frappés  à  Clarentza,  M.  de  Saulcy  *  a  très-bien  établi 
la  distinction  de  leurs  deux  époques.  Ceux  à  la  simple  lé- 
gende PhS  P.ACh.TAR.  datent  de  la  première  possession 
.de  la  principauté  d'Achaïe  par  Philippe  de  Tarente,  de 
1308  à  1310;  ceux  à  la  légende  PhS.P.AGh.TAR.D.R. 
datent  de  la  seconde  possession,  de  1324  à  1332.  Sur 
ces  derniers,  en  effet,  le  titre  de  Despotes  Romanie  in- 
dique les  prétentions  de  Philippe  à  la  couronne  impé- 
riale de  Gonstantinople ,  prétentions  qui  lui  venaient  de 
son  second  mariage,  en  1312,  avec  Catherine  de  Valois, 

^  Localité  que  mentionne  aussi  Jean  Cantacnzène  (c.  I,  p.  510,  éd.  de  Paris). 

*  Vagenetia. 

•  Voy.  Buchou,  Nouvtllet  recherches  sur  la  princijiauté  de  Morée^  t.  I,  part.  I, 
p.  321. 

^  Numismatique  d€t  Croiiadett  p.  147. 


El    DISSKHTATJONS.  ^5 

héritière  des  Courtenai  et  de  leurs  droits  à  l*empire  par  sa 
mère,  Catherine  de  Courtenai,  femme  de  Charles  de  Valois. 
Les  conclusions  du  docte  académicien  sont  pleinement  con- 
firmées par  la  trouvaille  d'Eleusis,  où  la  première  pièce 
existe  seule. 

Méopatras. 

Jean  VAnge  Comnène. 

+  ANGELVSSAB.  C.  Croix. 

^  DELLA  PATRA.  Chastel.  —  Billon.  Denier.  (F.  de 
Saulcy,pl.  XVIIl,n«2.) 

Il  n'est  peut-être  pas  une  seule  monnaie  latine  frappée 
dans  les  contrées  de  la  Grèce  qui  ait  donné  lieu  à  plus  de 
divergences  pour  son  attribution. 

M.  de  San-Quintino  *  suppose  que  le  prince  qui  a  frappé 
ce  denier  n'est  autre  que  celui  que  l'empereur  Jean  Canta- 
cuzène  envoya  pour  gouverner  la  Thessalie,  lorsque  cette 
province  eut  été  reprise  aux  Catalans,  qui  s'en  étaient 
emparés  après  la  bataille  dans  laquelle  Gautier  de  Brienne, 
duc  d'Athènes,  perdit  la  vie.  A  cette  époque  la  Valachie 
Thessalienne  ou  Blaquie  (l'ancienne  Phthiotide)  reçut  le 
nom  de  duché  de  Néopatras,  et  les  Catalans  en  firent  hom- 
mage aux  rois  aragonais  de  Sicile.  Ils  restèrent  maîtres 
de  ce  pays  pendant  une  trentaine  d'années,  après  lesquelles 
ils  se  virent  contraints  de  l'abandonner.  La  Thessalie  ren- 
tra sous  la  domination  impériale ,  et  Jean  Cantacuzène  en 
confia  le  gouvernement,  en  1342,  à  son  cousin  et  serviteur 
fidèle  Jean  l'Ange.  C'est  celui-ci  que  M.  de  San-Quintino 
reconnaissait  dans  Y  Angélus  de  la  légende  du  droit,  en  dé- 

*  Ltzioni  inlorno  ad  argomenti  numiamaUci^  p.  26. 


4(5  MKMOIKES 

clarant  inexplicables  les  mots  abrégés  SAB.  C.  qui  la  ter- 
minent. 

Bucbon  \  expliquant  ces  abréviations  par  Sabaudie  Co- 
rnes^ les  attribuait  à  Âimon,  comte  de  Savoie.  ccAimoD^ 
«  (lit-il,  épousa,  en  1330,  Yolande,  fille  de  Théodore  Ange 
«  Comnène  Paléologue,  marquis  de  Mont  ferrât,  du  droit  de 
(I  sa  mère  qui  éîait  de  cette  maison,  et  second  fils  de  l'em- 
«  pereur  Andronic.  Le  droit  de  dévolution,  en  absence  de 
«  mâles  de  la  branche  Paléologue ,  fut  accordé  aux  mâles 
«  de  la  maison  de  Savoie,  et  ce  fut  sans  doute  pour  con- 
a  stater  ce  droit  qu  Aimon  adopta  sur  cette  monnaie  grecque 
«  un  des  noms  de  famille  de  sa  femme,  Àngelus.  »  Restait 
à  expliquer  comment  Aimon  de  Savoie  avait  pu  frapper 
monnaie  à  Néopatras,  ville  qu'il  ne  posséda  jamais.  C'est 
ce  que  n'a  pas  fait  Buchon. 

M.  de  Saulcy  '  a  rejeté  les  deux  attributions  de  M.  de 
San-Quintino  et  de  Buchon,  à  cause  du  style  du  denier  qui 
indique  une  date  antérieure.  Et  la  critique  du  savant  acadé- 
micien est  confirmée  par  la  trouvaille  d'Eleusis.  Mais,  lisant 
à  son  tour  Sabaudie  Cornes^  M.  de  Saulcy  ne  parvenait  à  pro-^ 
|)oser  aucune  attribution  à  la  place  de  celles  qu'il  rejetait. 

Pour  nous,  nous  repoussons  absolument  cette  lecture  et 
nous  proposons  pour  la  pièce  en  question  un  nouveau  clas- 
sement, sur  lequel  nous  ne  conservons  plus  de  doutes  de- 
puis qu'à  notre  dernier  voyage  à  Athènes  nous  avons  vu 
que  nous  nous  étions  complètement  rencontré  sur  ce  point, 
avec  M.  Paul  Lambros,  si  expert  en  matière  de  numisma- 
tique des  Princes  croisés. 

Nous  remarquons  d'abord  que  le  denier  litigieux  n'a  pas 

*  Alla*  des  nouveîles  recherches  sur  la  principauté  de  Jfore'e,  texte  relatif  nu 
n»  5  de  la  planche  XXXIX. 
'  Numiitmatique  des  Croisadu^  p.  165  et  suif. 


ET   DISSEUTATIONS.  ^7 

été  battu,  comme  le  croyait  M.  de  San-Quintino,  dans  une 
localité  du  nom  de  Lapater,  laquelle  n'a  jamais  existé  \ 
mais  bien  certainement  à  Néopairas  (Tancienne  Hypate), 
aujourd'hui  appelée  Patradjik ,  qui  dans  le  Livre  de  la 
conqueste  est  toujours  désignée  par  le  nom  de  «  la  Pâtre.  »> 
DELLA  PATRA  indique  Tatelier  monétaire  de  Néopatras, 
exactement  de  la  même  manière  que  la  légende  DELLA 
SOLA  indique  Tatelier  de  Salona  dans  la  Phocide ,  sur  les 
deniers  encore  inédits  des  comtes  de  cette  ville,  que  ren- 
ferme l'admirable  collection  de  M.  Lambros.  On  sait  qu'une 
variante  des  deniers  à  la  légende  ANGELVS.SAB.C.  (  F.  de 
Saulcy,  pi.  XVIII,  n"  1)  porte  au  revers  le  mot  Latin 
NEOPATRIE. 

Ceci  étant,  nous  attribuons  ces  pièces  au  prince  même 
qui  «  ferma  le  bel  chastel  de  la  Pâtre ,  qui  est  au  chief  de 
la  Blaquie  %  »  prince  désigné  dans  le  Livre  de  la  conquesie 
sous  le  nom  de  «  li  Angele  de  la  Pâtre  '.  »  Cette  désignation 
correspond  exactement  à  V Angélus,.,  délia  Patra  de  nos 
monnaies.  Tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  des 
croisés  en  Grèce  savent  que  la  chronique  française  de  Morée 
appelle  ainsi  Jean  l'Ange  Comnène,  fils  bâtard  de  Michel, 
despote  d'Épire,  lequel  se  révolta  contre  son  frère  Nîcé- 
phore,  avec  l'appui  de  l'empereur  Michel  Paléologue,  et  se 
fit  une  souveraineté  d'une  part  de  l'héritage  paternel  dans 
la  Thessalie  ou  Blaquie.  Jean  l'Ange  avait  marié  sa  fille 
Hélène  à  Guillaume  de  la  Roche,  duc  d'Athènes  %  et  lors- 


'  La  mention  que  M.  de  San-Quintino  avait  cru  en  trouver  dans  V Histoire 
de  l'empire  de  Conttanlinopie  tous  la  domination  française  de  Du  Cange,  eet  le 
résultat  d'une  faute  d'impression  pour  La  Patro  (Néopatras). 

*  Litre  de  la  conqueste,  p.  98  d**  l'édilion  de  Buclion. 

*  P.  405  et  suiv. 

*  Livre  de  la  conqueste,  p.  267  et  406. 


Â8  MÉ]tfOIRES 

qu'il  mourut  il  laissa  la  tutelle  de  son  fils  mineur,  Nice- 
phore,  au  duc  Gui  II ,  fils  de  son  gendre  Guillaume  \  Ces 
relations  étroites  avec  les  seigneurs  francs  expliquent  com- 
ment il  fit  frapper  à  leur  imitation  des  deniers  tournois  à 
légendes  latines. 

Dans  l'attribution  que  nous  proposons,  nous  lisons  la 
légende  énigmatique  du  droit  :  ANGELVS  SKBastocrator 
Cotnnenus.  Jean  FAnge  Gomnëne  avait  en  effet  reçu  de 
l'empereur  ^MicheP,  lorsqu'il  se  déclara  indépendant,  le 
titre  de  seboftocrator.  On  lit  à  se  sujet  dans  le  Livre  de  la 
conqueste*.  aQuir  Michailli  Paleologo  Tempereorle recueilli 
(f  moult  liement,  et  lui  fist  grant  bonour,  et  lui  donna  une 
(f  office ,  et  le  fist  appeler  sevastocratora.  »  De  même  dans 
la  Chronique  grecque  de  Morée  '  : 

£e6aaT0xpdTopa  t6v  Imr^xev  ÔXtiç  tti;  Pov}Mcv(ac. 

Revenant  une  autre  fois  sur  ce  prince,  le  Livre  de  la 
conquesie  l'appelle  «li  sevastocratora,  li  frère  bastard 
Cl  dou  despot  de  l'Arte  ^.  »  11  est  vrai  que  la  forme  sabasto- 
crator  pour  sebaslocrator  ne  s'est  pas  encore  rencontrée  ; 
mais  elle  est  dans  la  nature  des  altérations  que  l'on  faisait 
alors  subir  aux  mots  grecs  pour  les  transcrire  en  latin ,  et 
elle  n'a  rien  d'assez  extraordinaire  pour  pouvoir  nous 
arrêter 


Les  époques  auxquelles  ont  été  frappées  les  différentes 

*  Livre  de  la  conqwsît,  p.  407,  408  et  422. 

*  P.  99. 

»  V.  1780. 

*  P.  267. 


KT    DISSERTATIONS.  40 

monnaies  de  la  trouvaille  d*Éleusis  s'échelonnent  chrono- 
logiquement de  la  manière  suivante  : 

Gui  I"  de  la  Koche 1224—1264 

Guillaume  de  Villehardouin 1246—1277 

Mainfroi 1258—1266 

Guillaume  de  la  lloche 1276—1285 

Charles  d'Anjou 1278—1285 

Jean  l'Ange  Gomnène 1278—1301  > 

Gui  II  de  la  Roche 1285—1308 

Philippe  le  Bel 1285—1307  « 

Florent  de  Hainaut. 1291—1297 

Philippe  de  Tarente 1294—1310 

Frédéric  I'' d'Aragon 1296- (1331)  ^ 

Philippe  de  Savoie 1301—1304 

Gautier  de  Brienne 1308—1310 

Tout  s'arrête,  on  le  voit,  à  1310. 

Si  nous  examinons  maintenant  l'état  de  conservation  des 
pièces,  nous  y  voyons  que  : 

Les  pièces  de  Gui  I"  de  la  Roche,  Guillaume  de  Villehar- 
douin et  Mainfroi,  sont  presque  effacées  par  le  frai; 

Les  deniers  de  Guillaume  de  la  Roche,  Charles  d'Anjou 
et  Jean  l'Ange  Gomnène  sont  moins  usés,  mais  encore  d'une 
conservation  médiocre; 

Les  deniers  de  Gui  II  de  la  Roche  sont  en  partie  usés 
par  une  circulation  prolongée,  en  partie  d'une  bonne  con- 
servation ; 

'  Nous  avons  marqué  comme  première  date  possible  de  rémission  des  de  • 
nîers  latins  du  despote  de  Néopatras  Tëpoque  du  mariage  de  sa  fille  avec 
Guillaume  de  la  Roche. 

*  La  limite  que  nous  assignons  à  la  fabrication  des  monnaies  de  Philippe 
le  Bel  trouvées  à  Eleusis  est  celle  de  l'ambassade  de  Thibault  de  Cépoy. 

*  Frédéric  I*'  ne  mourut  qu'en  1331,  mais  les  monnaies  de  ce  prince  qui 
faisaient  partie  du  trésor  d'Eleusis  avaient  dû  être  frappée:*  en  Sicile  avant  le 
départ  de  la  Grande  Compagnie  catalano,  en  1305. 

19«4-1.  4 


50  MÉMOIRES 

Le  gros  tournois  de  Philippe  le  Bel,  les  pièces  de  Frédéric 
d'Aragon,  ainsi  que  les  deniers  de  Florent  de  Hainaut,  de 
Philippe  de  Tarente  et  de  Philippe  de  Savoie  sont  encore 
d'une  grande  fraîcheur  ; 

L'obole  de  Gautier  de  Brienne  est  à  fleur  de  coin  ;  elle 
venait  évidemment  d'être  frappée  lorsqu'à  eu  lieu  l'enfouis- 
sement. 

A  l'aide  de  ces  données,  nous  pouvons  déterminer  avec 
certitude  la  date  et  la  circonstance  historique  dans  les- 
quelles furent  cachées  en  terre  les  1,076  monnaies  du 
moyen  âge  composant  le  trésor  découvert  à  Eleusis.  L'an- 
née 1310  marque  en  effet  une  date  décisive  dans  l'his- 
toire du  duché  d'Athènes,  celle  de  la  fin  du  pouvoir  des 
seigneurs  d'origine  française. 

Gautier  de  Brienne  venait  d'arriver  de  son  comté  de 
Lecce,  dans  le  royaume  de  Naples,  pour  prendre  possession 
du  duché  qui  lui  était  échu  en  héritage  de  Gui  II  de  la 
Roche.  La  Grande  Compagnie  catalane,  conduite  par  Roger 
de  Flor  au  secours  de  l'empereur  Andronic,  avait  perdu 
son  chef,  s'était  déclarée  en  guerre  avec  l'empereur  et  tout 
l'empire,  avait  dévasté  les  campagnes  qui  entourent  Galli- 
poli,  et  s'était  mise  en  route  par  la  vallée  de  Tempe  et  la 
Thessalie  pour  aller  chercher  un  établissement  dans  des 
provinces  moins  épuisées  ou  plus  disposées  à  l'accueillir. 
Elle  s'approchait  de  la  Béotie  et  de  TAttique,  domaines  de 
Gautier.  Celui-ci,  qui  redoutait  leur  indiscipline,  refusa 
Don-seulement.de  les  prendre  à  son  service,  mais  même 
de  leur  livrer  passage ,  et  se  porta  à  leur  rencontre  sur  les 
bords  du  lac  Copaîs,  près  d'Orchomène,  à  la  tète  de  ses 
chevaliers.  De  même  qu'à  Crécy,  à  Poitiers,  à  Azincourt, 
la  bravoure  imprudente  des  chevaliers  français  entraîna 
leur  perte.  Les  archers  catalans,  qui  les  attendaient  sur  le 


ET    DISSERTATIONS.  f)  l 

terrain  humide  où  ils  s'étaient  témérairement  engagés,  les 
accablèrent  de  leurs  flèches  sans  qu'ils  pussent  avancer  \ 
Gautier  de  Brienne  périt  dans  la  bataille  avec  sept  cents  che- 
valiers, c'est-à-dire  presque  tous  les  barons  de  son  duché  *, 
et  la  Grande  Compagnie  catalane  devint  maltresse  du 
territoire  dépendant  d'Athènes,  qui  resta  entre  ses  mains 
pendant  quatre-vingts  ans. 

La  crainte  causée  par  l'arrivée  de  ces  envahisseurs  ra- 
paces,  qui  se  conduisaient  partout  en  véritables  barbares, 
fut  évidemment  la  cause  qui  fit  enterrer  par  un  habitant 
d'Eleusis,  peut-être  par  la  famille  du  châtelain,  la  somme, 
considérable  pour  l'époque,  que  le  soc  de  la  charrue  d'un 
cultivateur  a  rendu  cinq  cent  cinquante-deux  ans  après  à 
la  lumière,  en  brisant  le  vase  qui  la  renfermait. 

Nous  attribuons  à  la  même  époque  et  à  la  même  circon- 
stance l'enfouissement  d'un  autre  trésor  d'environ  400  de- 
niers des  Princes  croisés  de  la  Grèce,  découvert  il  y  a 
quelques  années  par  M.  Scarlatos  Soutzos  dans  sa  propriété 
de  Tatoy  (l'antique  Décélie  )  '.  En  effet,  dans  cette  dernière 
découverte,  les  monnaies  des  princes  d'Achaïe  s'arrêtaient  à 
Philippe  de  Tarente,  et  celles  des  ducs  d'Athènes  à  Gui  II 
de  la  Roche,  mort  deux  ans  avant  la  bataille  d'Orchomène. 

Nous  terminerons  en  invitant  les  antiquaires  de  la  Grèce, 
et  surtout  M.  Paul  Lambros,  si  bien  placé  et  si  compétent 

'  Voy.,  BOX  la  découverte  d'armes  provenant  de  cette  bataille,  faite  en  1840 
à  l'hôpital  militaire  de  Chalcis ,  Bnchon  ,  La  Grèce  continentale  et  la  Morée^ 
p.  134-146. 

*  Ramon  Mnntaner,  chap.  240. 

*  Décélie  avait  gardé  nne  certaine  importance  aux  xui"  et  xit*  Biècles. 
Cette  localité  est  mentionnée ,  sous  le  nom  de  Ducheleos ,  parmi  les  villages 
dont  la  seigpieurie  avait  été  donnée  à  l'archevêque  latin  d'Athènes,  dans  une 
bulle  d'Innocent  III  en  date  de  1208.  —  Bullar.  magn,,  t.  III ,  p.  132.  —  Ba- 
luze,  Epiit,  Innocent  ill,  t.  II,  p.  267. 


5*2  Mf:MOIRLS 

pour  dos  recherches  de  ce  genre,  à  ne  pas  so  borner  à  re- 
cneillir  isolément  les  variétés  nouvelles  des  monnaies  des 
seigneurs  francs  de  leur  pays,  mais  à  y  ajouter  des  notices 
précises  et  détaillées  sur  tous  les  trésors  des  monnaies  du 
moyen  âge,  que  des  circonstances  fortuites  feront  décou- 
vrir dans  le  royaume  hellénique.  L'exemple  du  trésor 
d'Eleusis  montre,  croyons-nous,  l'intérêt  très-considérable 
que  peut  présenter  l'analyse  exacte  et  soigneuse  d'une 
trouvaille  de  cette  nature,  lors  même  qu'elle  ne  contiendrait 
que  des  pièces  déjà  connues. 

François  Lf.normant. 


n     niNSKUlATIONS. 


MONNAIE  BILINGUE  DE  TANGER. 


11  est  souvent  bien  difficile  d'expliquer  une  monnaie 
lorsqu'on  n'en  connaît  qu'un  seul  exemplaire.  Aussi  ne 
saurions-nous  trop  engager  les  administrateurs  de  collec- 
tions publiques  à  rechercher,  à  défaut  de  pièces  eu  état 
parfait  de  conservation,  les  monnaies  dont  les  légendes, 
dont  les  types  se  complètent  les  uns  par  les  autres. 

Voici  un  exemple  à  l'appui  de  ce  principe,  après  mille 
autres  qu'on  pourrait  citer. 

M.  le  commandant  Carpentin  avait  eu  l'obligeance  dé 
m'envoyer  de  Marseille  le  dessin  fait  avec  beaucoup  de 
talent  par  M.  Laugier  d'une  monnaie  de  cuivre  sur  laquelle 
on  lit  très-facilement  une  légende  arabe  tracée  en  trois 
lignes  :  Au  nom  de  Dieu^fels  (monnaie  de  cuivre)  frappé 
à  Tanger. 

Au  droit,  nous  voyons  une  tête  grossièrement  gravée, 
autour  de  laquelle  une  légende  en  caractères  latins  se 
trouve  interrompue  vers  le  centre;  et  cette  intcmiption 
rend  tout  à  fait  incertain  le  sens  '[ue  Ton  pourrait  propo- 


5Â  Ai^:.MOjni:s 

ser  pour  ce  qui  subsiste.  Avec  ce  seul  exemplaire,  toute 
explication  serait  véritablement  imprudente. 

D'un  autre  côté,  M.  le  marquis  de  Lagoy  m'avait  donné, 
il  y  a  une  vingtaine  d'années,  l'empreinte  d'une  pièce  à 
peu  près  semblable  qui  offrait  aussi  une  légende  tronquée 
par  suite  d'un  ressaut  des  coins,  et  que  je  n'aurais  pas  osé 
publier. 

Je  place  ici  l'une  au-dessous  de  l'autre  les  légendes  des 
deux  monnaies,  en  commençant  par  celle  de  la  pièce  de 
Marseille,  qui,  depuis  la  communication  de  M.  Carpentin, 
est  entrée  dans  la  collection  de  la  Bibliothèque  impériale. 

DNe  D2  qVl  L..I  2IMILI2 
2  qvi  TIBI  2IM1LI 

11  eu  résulte  que  la  légende  complète  doit  se  lire  : 

DNE  DS  QVI  TIBI  SIMILIS,  c'est-à-dire  : 
Domine  Deus,  quis  tibi  similis! 

Qui  pour  quis  est  une  faute  évidente  qui  se  comprend 
de  la  part  d'Africains  du  viir  siècle;  car  ces  monnaies,  de 
style  encore  tout  antique,  ont  été  certainement  fabriquées 
au  moment  de  la  conquête  du  Magreb  el  acsa  (ou  occident 
le  plus  reculé)  par  les  Arabes. 

Ce  qui  paraît  d'abord  plus  difficile  à  expliquer  qu'une 
faute  de  latin ,  c'est  la  présence  simultanée  d'une  légende 
arabe  et  d'une  formule  biblique. 

Qui  ne  connaît  le  cantique  d'actions  de  grâce  chanté  par 
Moïse  et  les  enfants  d'Israël  lorsqu'ils  venaient  d'échapper 
aux  troupes  du  Pharaon,  Quis  similis  lui  in  fortibus  Do- 
mine? {Exod.,  XV,  11.) 

Parmi  les  dernières  paroles  de  Moïse  à  Aser,  on  trouve  : 
Uratus  es  tu  Israël  :  quis  similis  lui  populo^  peu  après  ce 


KT    OISSERTATJONS.  55 

passage  :  Non  est  Deus  alius  ut  Deus  reclissimi  [Deuter.^ 
XXXlll,  26,  29)  que  Mahomet  a  imité. 

Dans  la  prière  de  la  dédicace  du  temple,  Salomon  s'écrie  : 
Domine ,  Deus  Israël ,  non  est  similis  lui  Deus  in  cœlo 
(III  Reg.,  VIII,  23.  —  11  Para/.,  VI,  A). 

David  aussi  avait  dit  :  Domine  non  est  similis  lui^  et  non 
est  alius  Deus  absque  te  (  I  ParaL^  XVII,  20). 

Jérémie  répète  à  son  tour  :  iVon  est  similis  lui  Domine 
(X,  6),  et  Michée,  reprenant  le  mouvement  adopté  par 
Moïse,  dit  :  Quis  Deus  similis  fut?  (VIII,  18). 

Mais  c'est  surtout  dans  les  psaumes  que  nous  rencontrons 
le  plus  souvent  la  formule  interrogative. 

Domine^  quis  similis  tibi  (XXXIV,  10). 

Deus,  quis  similis  tibi  (LXX,  19). 

Deus,  quis  similis  erit  tibi  (LXXXII,  2). 

Domine  Deus  virtutum ,  quis  similis  (t6t  (LXXXVIII,  9). 

Au  revers  des  deux  exemplaires  de  la  monnaie  que  nous 
décrivons,  on  voit,  au-dessus  de  la  légende  arabe,  l'étoile 
à  cinq  pointes  connue  des  Orientaux  sous  le  nom  de  sceau 
de  Salomon.  C'est  un  symbole  qui  était  commun  aux  juifs, 
aux  chrétiens  et  aux  musulmans,  en  sorte  que  sa  présence 
ne  peut  en  aucune  façon  nous  servir  à  déterminer  à  quelle 
religion  appartenaient  les  auteurs  de  nos  pièces  de  cuivre. 
Mahomet,  dans  le  GXII'  chapitre  du  Coran  ou  5oura/e  du 
Salut,  a  bien  dit  :  Dieu  est  unique,  Dieu  est  éternel...,,  il  na 
pas  de  pair;  mais,  dans  ce  passage  capital  comme  dans  les 
autres  que  je  puis  me  rappeler,  on  ne  trouve  pas  la  forme 
interrogative  :  Quis  similis  tibi? 

Elle  ne  se  rencontre  pas  davantage  dans  les  Évangiles  ; 
ce  n'est  donc  pas  sans  raisons  que  j'ai  attribué  une  origine 
biblique  à  la  légende  des  monnaies  de  Tanger. 


56 


MÙIOIUES 


Cet  empruDt  à  la  Bible  doit  être  rapproché  d'un  fait  ana- 
logue qui  ressort  de  Texamen  de  trois  inscriptions  antiques 
recueillies  à  Sétif  par  feu  M.  le  commandant  Delamare, 
membre  de  la  Société  des  antiquaires  de  France. 

Ces  trois  inscriptions  sont  ainsi  conçues  : 


EXVRGE 
DOMINE 
DEVS  EX 
ALTETVR 
MANVS  TVA 


RESPIGE 
ET  EXAVDI 
ME  DOMINE 
DEVS  ME 
VS 


ET  NON  IV 
CVNDASTI 
INIMICOS 
MEOS  SVP 
ERME 


(]e  qui  donne  : 

Exarge  Domine  Deus^  exallelur  îiianus  lua  (Psaume  X, 
12). 

Respice  et  exaudi  me^  Domine  Deus  meus  (Ps.  XIII 
[lat.  XII],  4). 

El  non  jucundasU  inimicos  w.os  super  me  (  Ps.  XXX 
[lat.  XXIX],2). 

M.  de  Clarac,  en  publiant  ces  textes,  a  dit  :  «On  peut 
réunir  ces  trois  inscriptions  en  une  seule.  Ce  sont  des  invo- 
cations adressées  à  Dieu  par  un  chrétien  \  »  Mais  notre  sa- 
vant prédécesseur  ne  paraît  pas  avoir  reconnu  Torigine 
biblique  de  ces  versets. 

M.  de  Clarac  pensait  que  les  trois  inscriptions  de  Sétif 
appartiennent  au  m"  siècle;  elles  seraient  donc,  si  cette 
conjecture  était  fondée,  plus  vieilles  d'un  siècle  que  la 
Vulgate.  On  pourrait,  pour  soutenir  cette  thèse,  s'ap- 
puyer sur  la  variante  el   non  jucundasti  qui  se  lit  sur  la 


1  Muaée  de  sculpture  anlique  et  moderne^  t.  Il,  iUll,  p.  1324,  et  pi.  LXXXIX, 
11-  142,  142  A,  142  B. 


LT  DISSERTA no.NS.  57 

troisième  pierre  au  lieu  du  nec  delectasli  que  dous  lisons 
dans  nos  éditions  de  la  Vulgate.  Cependant  le  caractère 
des  inscriptions  qui  sont  conservées  au  Musée  du  Louvre, 
quoique  encore  assez  beau ,  ne  me  parait  pas  antérieur  au 
siècle  de  saint  Jérôme. 

Ce  que  d'ailleurs  il  importe  de  constater  ici,  c'est  l'emploi 
de  phrases  bibliques  dans  les  monuments  publics  de  la 
Mauritanie  Sitifienne  à  une  époque  fort  ancienne  et  certai- 
nement antérieure  à  l'émission  des  monnaies  de  Tanger. 

Lorsque  les  conquérants  arabes  parvinrent  à  l'extrémité 
occidentale  de  l'Afrique,  la  Tingitane  chrétienne  apparte- 
nait aux  Wisigoths. 

Le  célèbre  Mousa  ben  Nocéir,  ouali  d'Afrique  pour  le 
khalife  Oualid,  fils  d'Abdelmalek,  s'empara  de  Tanger,  de 
Tétouan  ;  mais  il  ne  put  vaincre  la  résistance  de  Ceuta,  où 
commandait  le  comte  Julien,  qui  bientôt  après  cependant 
devint  son  allié. 

La  garnison  de  Tanger  se  composait  en  grande  partie  de 
cavaliers  berbères,  qui  n'étaient  pas  tous  musulmans.  Aux 
Sabéens  qui  existaient  encore  parmi  eux,  pouvait  convenir 
le  type  de  l'étoile  que  nous  remarquons  sur  nos  monnaies 
de  cuivre. 

La  formule  au  nom  de  Dieu  qui  se  lit  en  tête  de  la  lé- 
gende arabe,  au-dessous  de  l'étoile,  est  très-fréquemment 
employée  par  les  musulmans  ;  elle  se  trouve  au  commen- 
cement de  tous  les  chapitres  du  Coran,  sur  les  monnaies 
des  khalifes  d'Orient  et  d'Occident.  Mais  ce  symbole  pa- 
raît dans  les  légendes  monétaires  des  cinq  derniers  rois 
wisigoths  (673-713),  du  règne  de  Wamba  à  celui  de  Ro- 
deric,  si  je  ne  me  trompe:  la  formule  au  nom  de  Dieu 
existait  donc  sur  la  monnaie  des  chrétiens  du  Magreb  lors- 
que les  musulmans  devinrent  maîtres  de  cette  contrée. 


ÔH  MLMOIBLS 

On  doit  se  le  rappeler  aussi,  les  généraux  arabes  qui 
s'emparèrent  des  villes  d'Espagne  en  confiaient  parfois  la 
garde  aux  juifs  qui  paraissent  avoir  embrassé  avec  un  cer- 
tain empressement  le  parti  des  vainqueurs.  On  peut  rap- 
procher de  ce  fait,  attesté  par  les  historiens,  l'existence 
d'une  monnaie  d'or  de  la  collection  de  Don  Antonio  Delgado, 
pièce  du  module  héraclien  adopté  par  les  premiers  conqué- 
rants arabes  de  l'Afrique  et  de  l'Espagne,  et  sur  laquelle  se 
voit  au  centre  d'une  légende  latine  circulaire ,  une  ligne  de 
lettres  hébraïques. 

C'est  qu'il  entrait  dans  la  politique  des  Arabes,  d'abord 
relativement  peu  nombreux  au  milieu  des  populations  chré- 
tiennes, juives  et  berbères,  de  ménager  les  croyances  de 
chacun.  Il  parait  donc  probable  que  les  monnaies  bilingues 
de  Tanger  portant  un  type  romain,  avec  une  légende  latine 
biblique  de  nature  un  peu  vague  et  propre  à  satisfaire 
toutes  les  croyances,  auront  été  fabriquées,  soit  sous  le 
gouvernement  de  Tharek  ben  Zéiad ,  soit  sous  le  gouverne- 
ment de  Mérouan,  fils  de  Mousa  ben  Nocéir,  qui  lui  succéda 
lorsqu'il  partit  pour  l'Espagne. 

Adrien  de  Longpérier. 


ET    l)i!>5£KTÂT10NS.  50 


NUMISMATIQUE  DES  ÉTATS-UNIS  D'AMÉRIQUE. 
PIÈCES  TARACTIQCES. 

(PI.  II  et  m.) 


Parmi  les  monnaies  et  médailles  américaines  que  j'ai 
rapportées  des  États-Unis  et  dont  j'ai  offert  une  collection 
à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  on  remarque  certaines 
pièces  fort  singulières  qui ,  tout  en  représentant  le  module 
et  le  poids  des  cents  (ou  centièmes  de  dollar) ^  nous  mon- 
trent des  types  très-différents  de  ceux  qu'on  peut  s'attendre 
à  trouver  sur  des  monnaies  légales. 

Je  veux  parler  des  pièces  taracliques  (TtxpaxTcxoç,  (ur6u- 
lentus) ,  dont  j'ai  réuni  le  dessin  dans  les  planches  II  et  III. 
Plusieurs  de  ces  monnaies  satiriques  se  rencontrent  dans 
les  collections  des  numismatîstes  d'Europe  qui  cherchent 
en  vain  à  les  expliquer.  Les  détails  que  nous  allons  fournir 
leur  seront  sans  doute  agréables.  Ils  serviront  d'ailleurs 
de  réponse  à  des  questions  qui  nous  ont  été  souvent  adres* 


On  sait  qu'en  Angleterre ,  vers  la  fin  du  dernier  siècle, 
des  négociants,  pour  obvier  à  la  pénurie  des  monnaies  de 
cuivre,  émirent  sous  le  nom  de  token  (bon)  des  penni/et 
des  half-penny  portant  des  types  très-variés.  En  France, 
les  frères  Monneron  imitèrent  cet  exemple  ;  mais  les  belles 


r>0  MKMOlKbS 

pièces  qu'ils  fabriquèreul  portent  des  types  sérieux  et  dont 
rexplication  ne  soulève  aucune  difficulté. 

Dans  TAuiérique  du  Nord,  malgré  la  prescription  de  l'ar- 
licle  10  de  la  constitution,  qui  interdit  d'une  manière 
absolue  le  monnayage  de  pièces  d!or  et  d'argent  en  dehora 
de  Faction  du  gouvernement  fédéral ,  le  cuivre  n'étant  pas 
mentionné,  des  particuliers,  prenant  la  loi  à  la  lettre ,  ont, 
à  diverses  reprises,  frappé  des  pièces  de  ce  dernier  métal, 
principalement  à  Tépoque  de  la  crise  financière  résultant 
de  la  suppression  par  le  président  André  Jackson  (1829- 
18S(5)  de  la  Banque  des  États-Unis  en  183A  Pendant  cette 
crise,  qui  dura  de  183&  à  18Â1,  c'est-à-dire  pendant  la 
seconde  présidence  de  Jackson  et  pendant  celle  de  Martin 
Van  Buren,  son  successeur  (1837-1840),  la  pénurie  moné- 
taire était  telle,  que  les  transactions  commerciales  s'opé- 
raient par  voie  d'échange  des  produits  industriels.  Des 
particuliers  émirent  un  papier-monnaie  qui  reçut  plus  tard 
par  dérision  le  nom  de  shin  plasler  (papier  chimique  pour 
les  maux  de  jambes),  et  il  fut  frappé  et  lancé  dans  la  circu- 
lation un  certain  nombre  de  pièces  taraciiques  dont  les 
figures,  les  légendes,  les  devises,  d'une  sanglante  ironie, 
exprimaient  les  sentiments  qu'avait  suscités  la  grave  mesure 
prise  par  Jackson. 

Fabriquées  un  peu  partout,  surtout  dans  la  manufacture 
de  boutons  de  Waterburg  (État  de  Connecticut  ) ,  elles  équi- 
valaient nominalement  à  un  cent;  mais  elles  étaient  vendues 
par  le  fabricant  au  taux  de  100  pièces  pour  00  cents.  La 
collection  offerte  à  la  Bibliothèque  impériale  comprend 
10  variétés  de  ces  monnaies  taractiques  que  nous  allons 
décrire. 

Le  surnom  tiré  du  grec  et  presque  pédant  qui  a  été  donné 
à  ces  pièces  de  circonstance  n'est  pas  de  notre  invention. 


Kl     DISSEUTATIO.NS.  61 

Kii  Amérique,  comme  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  les 
termes  techniques  d'une  forme  un  peu  bizarre  sont  facile- 
ment acceptés. 

Présidence  de  Jackson. 

N°  1.  Jackson  dans  un  coffre-fort,  tenant  une  bourse 
d'une  main  et  une  épée  de  l'autre.  Légende  :  I  TARE 
THK  RESPONSIBILITY  (J'assume  la  responsabililé). 

H  Un  âne  sur  le  flanc  duquel  on  lit  LL.D.  (Docteur  en 
droit).  Au-dessous  le  mot  VETO;  au-dessus,  ROMAN 
FIRMNESS  (Fermeté  romaine).  Légende  :  THE  CONSTI- 
TUTION, et  à  l'exergue,  AS  I  UNDERSTAND  IT  (La  consti- 
tution comme  je  la  comprends). — Module,  28  millimi^tres, 
cuivre.  (PL  II,nM.) 

L'un  des  principaux  «ictes  de  Tadministration  de  Jackson 
(septième  président,  élu  en  4829,  réélu  en  1833)  fut  d'ap- 
poser son  vélo  au  bill  passé  par  le  congrès,  en  1832,  pour 
le  renouvellement  de  la  concession  de  la  Banque  des  États- 
Unis  ;  et  ce  bill  n'ayant  pas  reçu  les  votes  des  deux  tiers 
des  membres  des  doux  chambres,  l'expiration  du  privilège 
eut  lieu  forcément  en  1836.  De  plus,  dans  son  message 
annuel  (décembre  1832),  le  président  recommanda  le  re- 
trait, de  la  Banque,  des  fonds  publics  qui  y  étaient  légale- 
ment déposés.  Par  un  vote  décisif,  le  congrès  refusa  d'au- 
toriser ce  retrait  ;  et  Jackson,  sous  sa  propre  responsabilité, 
ordonna  au  ministre  des  finances  de  prendre  tous  les  dépôts 
et  de  les  placer  dans  les  Banques  de  certains  États. 

Ces  actes,  ainsi  que  quelques  autres  dénotant  une  hOvSli- 
lité  systématique  contre  la  Banque,  eurent  pour  résultat 
une  véritable  panique  financière  et,  par  suite,  une  grande 
détresse  commerciale.  Tout  le  pays  s'en  émut,  et  ceux  qui, 


62  MÉMOIRES 

jusque-là,  avaient  cru  devoir  appuyer  la  politique  inté- 
rieure du  président,  se  rangèrent,  en  grande  psutie,  dans 
l'opposition. 

Dans  le  sénat,  Clay,  Webster  etJCalhoun,  firent  adopter 
(26  voix  contre  20)  un  vote  de  censure,  lequel  toutefois 
fut  rayé  du  journal  du  sénat,  le  28  mars  1837,  sur  la  mo- 
tion de  Benton. 

Jackson  était  doué  d'une  volonté  inébranlable^  et  porta 
au  pouvoir  les  passions  de  l'homme  de  parti,  en  même 
temps  qu'une  certaine  dose  d'immoralité  et  de  mépris  pour 
la  légalité. 

Van  Buren,  vice-président  des  États-Unis,  successeur  de 
Jackson  et  son  aller  ego^  participa,  dans  une  grande  me- 
sure, aux  réformes  financières.  Deux  mois  après  son  instal- 
lation, les  faillites,  dans  la  seule  ville  de  New-York,  avaient 
atteint  une  somme  de  100  millions  de  dollars  (500  millions 
de  francs) •  Presque  toute  la  durée  de  son  mandat  fut  con- 
sacrée à  combattre  cette  crise  terrible,  et  à  créer,  au  moyen 
d'actes  législatifs,  une  circulation  monétaire.  On  lui  doit 
l'établissement  d'un  Trésor  indépendant  {sub  Dreasury) 
pour  la  garde  des  fonds  publics,  mesure  très-critiquée 
tout  d'abord,  mais  fort  appréciée  dans  la  suite.  Malgré  ces 
louables  efforts  pour  conjurer  la  crise  financière,  c'est  à 
son  administration  qu'elle  fut  en  partie  attribuée. 

Ces  observations  expliquent  suffisamment  la  portée  et  le 
sens  des  caricatures  empreintes  sur  les  monnaies  tarac- 
tiques. 

N*  2.  Jackson  debout,  tenant  une  bourse  percée  d'où 
s'échappent  des  pièces  de  monnaie.  Légende  :  A  PLAIN 
SYSTEM  VOID  OF  POMP  (Système  simple  et  sans  pompe). 

^  Un  âne  rétif,  sur  les  flancs  duquel  sont  inscrites  les 
initiales  L.L.D.   (Docteur  en  droit);  au-dessus,  ROMAN 


LT    DISSERTATIONS.  63 

FIRMNESS  (Fermeté  romaine).  Légende  :  THE  CONSTI- 
TUTION AS  I  DNDERSTAND  IT  (La  consdtulion  comme  je 
la  comprends)  ;  à  Fexergue,  1884.  — Module,  28  milli- 
mètres, cuivre.  (PL  II,  n»  2.  ) 

Lors  de  la  visite  présidentielle  du  général  Jackson  dans 
la  Nouvelle-Angleterre,  T Université  d'Harvard  (Cambridge, 
Massachusetts)  lui  fit  hommage  d'un  diplôme  de  docteur 
en  droit.  L'ignorance  de  Jackson  était  notoire,  et  ses  adver- 
saires ne  pouvaient  manquer  de  tourner  en  dérision  ce  titre 
honorifique. 

Les  admirateurs  du  président  l'avaient  surnommé  u  le 
dernier  des  Romains»  à  cause  de  la  fermeté  de  son  carac- 
tère, tandis  que  ses  ennemis  politiques  alSirmaient  que  ce 
trait  principal  de  son  caractère  n'était  que  l'obstination  de 
Tâne.  D'où  l'âne  rétif  flanqué  des  initiales  L.L.D.  expli- 
quées plus  haut. 

N*  5.  Buste  de  Jackson  en  uniforme;  au-dessous,  MY 
EXPERIMENT,  MY  CURRENCY,  MY  GLORY  (Mon  essai,  ma 
monnaie,  ma  gloire).  Légende  :  MY  SUBSTITDTE  FOR  THE 
U.S. BANK  (Ce  que  j'ai  substitué  à  la  Banque  des  États- 
Unis). 

^  Un  sanglier  courant;  sur  ses  flancs,  MYTHIRD  HEAT 
(Mon  troisième  coup  d'essai).  Au-dessus,  MY  VICTORY 
(Ma  victoire).  Au-dessous,  DOWN  WITH  THE  BANK  (A bas 
la  Banque).  Légende  :  PERISH  CREDIT,  PERISH  COM- 
MERCE (Mort  au  crédit,  mort  au  commerce).  A  l'exergue, 
1884.  —Module,  28  millimètres,  cuivre.  (PI.  II,  n«  3.) 

Le  triple  usage  de  l'adjectif  possessif  mon  essai,  ma 
monnaie,  ma  gloire,  stigmatise  l'orgueil  et  l'égoïsme  de 
Jackson.  Les  phrases  a  mort  au  commerce,  mort  au  crédit» 
sont  extraites  d'un  discours  de  M.  Bradesly,  dont  l'idée 
était  qu'il  valait  mieux  voir  périr  le  commerce  et  le  crédit 


t\H  Mt.MMlRtS 

(selon  l'opiuiou  des  auti-jacksonieiis)  que  d* octroyer  une 
nouvelle  charte  à  la  Banque  des  États-Unis. 

Le  sanglier  ou  cochon  courant  personnifie  non-seulement 
l'entêtement,  mais  encore  Timpureté.  Les  mots  my  ihird 
beat  signifient  mon  troisième  coup  d'essai  ;  allusion  h  l'ex- 
pression to  run  a  heat  employée  dans  les  courses. 

Présidence  de  Van  Buren, 

N"  h.  Au  droit,  même  typp  qu'.nu  n'  1  :  Jackson  dans  un 
coffre-fort,  etc. 

K  L'n  vaisseau  désemparé  portant  écrit  sur  la  lisse  EXPE- 
RIMENT  (Essai).  Légende  :  VAN  BLREN  METALLIC  CVR- 
RENCY  (Espèces  métalliques  de  Van  Buren)  ;  à  l'exergue, 
1837.  —  Module,  28  millimètres,  cuivre.  (PL  II,  n»  4.  ) 

Le  vaisseau  désemparé  et  prêt  à  sombrer  indique  l'état 
fébrile  du  public  et  ses  craintes  sur  l'avenir  financier  du 
pays,  en  conséquence  des  expériences  faites  sur  le  Trésor 
des  États-Unis. 

N*  6.  Un  àne  au  galop.  Inscription  :  I  FOLLOW  IN  THE 
STEPS  OF  MY  PREDECESSOR  (Je  marche  sur  les  traces  de 
mon  prédécesseur). 

î^  Tortue  portant  un  coffre-fort  sur  lequel  est  inscrit  : 
SUB  TREASURER  (Sous-trésorier);  au-dessous,  1887. 
FISCAL  AGENT  (Agent  fiscal).  EXECUTIVE  FINANCIERING 
(Système  financier  de  l'exécutif). — Module,  28  millimètres, 
antre.  (PI.  II,  n- 5.) 

Satire  contre  la  fondation  du  Trésor  indépendant. 

L'animal  au  galop,  c*est  tàne  qui,  suivant  l'expresâon 
de  la  légende  américaine,  marche  sur  les  pas  du  sanglier 
plus  ou  moins  domestique  qui  court  sur  la  monnaie  n*  8. 


KT    DISSERTATIONS.  OÔ 

La  tortue  symbolise  la  lenteur  attribuée  aux  opérations 
du  sub'treasurer  institué  par  le  président  Van  Buren. 

N**  6.  Tête  de  femme  laurée.  En  légende ,  treize  étoiles 
et  E  PLURIBCS  UNUM  (Tous  n'en  font  qu  un). 

^  Dans  une  couronne  de  laurier,  MINT  DROP  (Pastille 
de  menthe).  Légende  :  BENTOMAN  CURRENCY  (Monnaie 
deBenton);  exergue,  1837.  —  Module,  28  millimètres; 
cuivre.  (PL  II,  n«6.) 

Le  colonel  Benton ,  du  Mississipi ,  célèbre  homme  d'État 
qui  occupa  pendant  trente  ans  un  siège  au  congrès  fédéral, 
était  un  chaud  partisan  du  système  financier  de  Jackson 
et  de  Van  Buren,  système  qui,  suivant  ces  derniers,  devait 
substituer  dans  la  circulation  Tor  et  Targent  au  papier. 
Benton  chercha  à  faire  ressortir  tous  les  avantages  de  ce 
système. 

Pour  comprendre  le  sens  de  la  légende  du  revers,  il  faut 
se  rappeler  que  mint  est  le  nom  de  la  menthe  (plante),  et 
le  terme  qui  sert  à  désigner  un  hôtel  des  monnaies;  drop 
signifie  goutte  et  pastille.  11  s'ensuit  que  par  mint  drop  on 
peut  entendre  pastille  de  menthe  ou  goutte  (parcelle)  de  la 
monnaie.  On  sait  que  les  calembours  sont  intraduisi- 
bles. 

N*  7.  Un  phénix.  Légende  :  SCBSTITUTE  FOR  SHIN 
PLASTER  (Pour  remplacer  le  [papier  chimique  pour  les 
maux  de  jambes]).  Exergue,  NOV*  1837  (novembre  1837). 

^  Dans  une  couronne  de  chêne  :  MAY  TENTH  1837  (dix 
mai  1837).  Légende  :  SPECIE  PAYMENTS  SUSPENDED 
(  Suspension  des  payements  en  espèces). — Module,  28  mil- 
limètres, cuivre.  (PL  111,  n*7.) 

Nous  avons  déjà  dit  plus  haut  qu'on  avait  comparé  par 
dérision  le  papier  monnaie  au  papier  à  faire  des  emplâtres; 
ce  terme  méprisant  équivaut  à  la  dénomination  d'  «onguent 

1861.  —  1.  5 


6(5  lltMOiRKS 

pour  la  brûlure,»  par  laquelle  nous  désignons  les  choses 
inutiles  ou  inefficaces.  Shin  bone  est  le  nom  du  tibia. 

La  monnaie  de  cuivre  était  destinée  à  remplacer  (  subsli- 
tute)  le  papier-monnaie  tombé  dans  le  discrédit. 

N»  8.  Uaigle  américaine.  Légende  :  U.  S.  STANDARD 
WEIGHT  AND  VALUE  (Poids  et  valeur  de  la  monnaie  type 
des  États-Unis);  àTexergue,  1837. 

h;  Dans  une  couronne  de  laurier,  IIALF  CENT  WORTIl 
OF  (Valeur  d'un  detni-cenl);  à  Texergue,  PURE  COPPER 
(cuivre  pur).  Treize  étoiles.  —  Module,  24  millimètres, 
cuivre.  (PI.  III,  n«8.) 

N**  9.  Vaisseau  voguant  à  toutes  voiles  portant  inscrit 
sur  la  lisse:  CONSTITUTION.  Légende  :  WEBSTER  CREDIT 
CURRENT  (Webster,  monnaie  de  circulation ) ;  àTexergue, 
1841. 

n,  Dans  une  couronne  d'étoiles,  NOT  ONE  CENT  FOR 
TRIBUTE;  en  légende  circulaire,  MILLIONS  FOR  DEFENCE. 
—  Module,  28  milimètres,  cuivre.  (PI.  III,  n**  9.) 

Daniel  Webster,  sénateur  pour  le  Massachusetts  au  con- 
grès des  États-Unis,  était  un  puissant  et  éloquent  antago- 
niste du  parti  de  Jackson  et  de  Van  Buren.  Il  s'opposa  de 
toutes  ses  forces  au  système  financier  de  ces  présidents,  et 
le  rétablissement  de  Téquilibre  fut  attribué  par  son  parti 
(whig)  à  ses  efforts. 

Le  vaisseau  voguant  à  pleines  voiles  sur  une  mer  calme 
indique  Tobéissance  à  la  constitution,  violée  par  Jackson, 
et  le  retour  de  la  prospérité  publique. 

N»  10.  La  Bourse  de  New-York.  Légende  :  MERCHANT'S 
EXCIIANGE,  WALL  ST.  N.YORK  (Bourse,  rue  Wall,  New- 
York);  exergue,  BUILT,  1827;  BURNT,  1835  (Construite 
en  1827,  brûlée  en  1835). 

a  Dans  une  couronne  de  laurier  :  NOT  ONE  CENT  FOR 


El    DISSERTATIONS.  07 

TRIBUTE  (Pas  un  denier  pour  Tiiûpôt).  Légende:  MILLIONS 
FOR  DEFENCE  (  Des  millions  pour  nous  défendre).  —  Mo- 
dule, 28  millimètres,  cuivre.  (PI.  III,  n*  10.) 

Afin  de  combler  le  déficit  du  trésor  fédéral,  il  fut  question, 
en  1836,  de  lever  un  impôt  national  ;  la  seule  pensée  de  cet 
impôt  créa  une  grande  effervescence  populaire,  dont  le  sou- 
venir fut  perpétué  par  la  pièce  ci-dessus. 

N*  11.  Tête  de  femme  laurée.  En  légende,  treize  étoiles, 
et  E  PLURIBUS  UNUM  (Tous  n'en  font  qu  un).  Exergue, 
1837. 

k)  Dans  un  cercle,  un  édifice  public^  au-dessous  là*** 
WARD,  N.YORK  (14*  arrondissement,  New-York).  Légende  : 
CENTRE  JURKET  (Marché  central).  Exergue,  AGGOMODA- 
TION  (Appropriation  à  l'usage  public).  — Module,  28  mil- 
limètres, cuivre.  (PI.  II,  n°  11.) 

Cette  pièce  rappelle  la  construction  du  marché  central 
de  New-York. 

N»  12.  Tête  de  femme  comme  au  n-  6  (PI.  II).  1837. 

VI  MAY  TENTH,  comme  au  n»  7  (PI.  III).— Module, 
28  millimètres,  cuivre, 

N**  13.  Môme  tête,  comme  au  n°  6.  1837. 

S)  NOT  ONE  CENT,  comme  au  n«  10  (PI.  III).— Module, 
28  millimètres,  cuivre. 

N*»  là.  Tète  de  femme  laurée,  E  PLURIBUS  UNUM,  guir- 
lande de  rose  au  lieu  d'étoiles,  18A1.  (PI.  111,  n*»  12.  ) 

Ê  MINT  DROP,  comme  au  n°  6  (PI.  11).  —  Module, 
28  millimètres,  cuivre. 

N*»  15.  Même  tête  et  même  légende  (PI.  III,  n»  12).  1841. 

iif  NOT  ONE  CENT,  comme  an  n<»  10  (PL  III).-  Module, 
28  millimètres,  cuivre, 

N*  16.  Vaisseau  désemparé,  comme  au  n°  A  (Pi.  II). 
1837. 


()8  MÉMOIRES 

il  Vaisseau  voguant  à  pleines  voiles,  comme  au  n*  9 
(pi.  III).  1841.  —  Module,  28  millimètres,  cuivre. 

Il  y  a  ici  dans  l'emploi  de  deux  coins  d'époques  diffé- 
rentes ime  intention  d'exprimer  une  opposition  entre  l'état 
financier  de  1837  et  celui  de  l'année  1841. 

N*  17.  Armes  de  l'État  de  New-York;  à  l'exergue,  1837. 

^  Dans  une  couronne  de  laurier  :  THREE  CENTS  (trois 
cents).  Au-dessus  et  au-dessous,  une  rose  et  deux  étoiles. 
Légende  :  FECGHTWANGER'S  COMPOSITION  (Alliage  de 
M.  Feuchtwanger).  —  Module,  25  millimètres,  maiUechort. 
(PI.  III,nM3.) 

Cette  pièce ,  frappée  par  M.  Feuchtwanger,  est  un  essai 
qui  devait  être  soumis  à  l'adoption  du  congrès  comme  métal 
intermédiaire  entre  l'argent  et  le  cuivre. 

Alexandre  Vâttemâre. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE, 


Collection  de  plombs  historiés  trouvés  dans  la  Seine  et 
recueillis  par  Arthur  Forgeais.  Troisième  série.  Variétés 
numismatiques.  1864.  In-8  *. 

Il  a  deux  ans,  nous  annoncions  la  première  partie  de  l'ou- 
vrage dans  lequel  M.  Forgeais  a  entrepris  de  décrire  tous  les 
objets  curieux  de  plomb  que  l'on  trouve  dans  le  lit  de  la  Seine. 
Cette  première  partie  était,  on  se  le  rappelle,  consacrée  aux 
raéreaux  des  corporations  de  métiers. 

Si  nous  n'avons  rien  dit  ici  du  second  volume,  étranger  à  la 
numismatique  et  contenant  un  recueil  d'enseignes  de  pèleri- 
nages ou  images  destinées  à  être  attachées  à  la  coiffure  des 
pèlerins,  nous  avons  eu  l'occasion  de  rendre  ailleurs  justice  au 
soin  intelligent  avec  lequel  Tauteur  a  expliqué  une  série  de  pe* 
tits  monuments  tout  à  fait  intéressante,  et  l'Académie  des  inscrip^ 
tiens  et  belles-lettres  a  ratitié  notre  jugement  en  décernant  à 
M.  Forgeais  la  troisième  mention  très-honorable  au  concours 
des  antiquités  nationales,  où  un  grand  nombre  de  bons  livres 
était  présenté. 

M.  Forgeais  comprend  dans  sa  troisième  série  : 

Les  méreaux  capitulaires, 

Les  méreaux  de  confréries , 

Les  méreaux  des  offices  de  la  maison  du  roi. 

Enfin  des  enseignes  politiques. 

Disons  d'abord  qu'à  part  toutes  les  inductions  qu'on  tire  de 

*  Paris,  chez  Tautcur,  64,  quai  des  Orfèvres,  et  chez  Aubry,  16,  rue  Dau- 
phine. 


70  BULLETIN    iniiL  OCiRAPHIQLll-. 

Texanien  des  types  figurés  sur  ces  plombs,  on  a  niaîntenant  une 
raison  déterminante,  bien  claire,  pour  leur  donner  le  nom  de 
méreau.  Elle  nous  est  fournie  par  la  légende  d'une  pièce  trou- 
vée au  pont  au  Change  en  1850. 


Nous  reviendrons  plus  loin  sur  le  sens  de  l'inscription  me- 
relli  ad  semidupluiiiy  dont  nous  nous  bornons  d'abord  à  signaler 
le  premier  mot. 

M.  Forgeais  a  si  bien  expliqué  l'usage  des  méreaux  capitu- 
laires  que  nous  ne  pouvons  résister  à  la  tentation  de  transcrire 
ici  quelques  passages  de  son  livre. 

((  Avant  tout,  il  faut  savoir  que  le  bréviaire^  à  la  récitation 
duquel  tous  les  prêtres  sont  encore  tenus,  se  chantait  et  se 
psalmodiait  publiquement  dans  les  monastères  et  les  cathédra- 
les. C'était  ce  qu'on  appelait  roflTice  divin;  et  pour  la  messe, 
par  exemple,  beaucoup  de  simples  chrétiens  tenaient  à  l'en- 
tendre chaque  jour,  non  pas  seulement  récitée,  mais  chantée. 

a  Quant  aux  heures  de  roflice,  c'est-à-dire  aux  diverses  sec- 
tions du  bréviaire,  il  était  absolument  reçu  qu'elles  devaient 
être  chantées  chaque  jour  dans  tous  les  chapitres  soit  canoniaux 
(communautés  régulières  d'hommes  ou  de  femmes,  chapitres 
épiscopaux),  soit  collégiaux  (c'est-à-dire  d'un  moindre  nombre 
de  prêtres  attachés  à  une  église  qui  n'était  pas  cathédrale].  l.e 
goût  des  fidèles  pour  cette  célébration  quotidienne  avait  occa- 
sionné la  fondation  d'un  grand  nombre  de  collégiales  qui  entre- 
tenaient chacune  un  certain  nombre  d'ecclésiastiques  chargés 
de  cette  fonction,  aussi  bien  que  de  célébrer  tous  les  jours  la 

messe  à  des  heures  marquées Le  chanoine  n'était  prébende 

ou  bénéficiaire  (pourvu  d'une  rente  payable  ad  hoc]  qu'à  la  con- 


RULrKTIN    nillLIOGRAPHIQUE.  71 

di(ion  bien  connue  de  prendre  purl  à  ce  service  divin  tous  les 
jours. 

a  Ces  fondations  avaient  d'abord  paru  toutes  simples,  puis- 
que l'on  savait  à  quoi  Ton  s'engageait  en  les  acceptant.  Mais  il 
arriva,  comme  toujours,  que  les  donataires  trouvèrent  bon,  peu 
à  peu,  de  garder  le  bénéfice  tout  en  écartant  la  charge.  Un  don- 
nait de  bonnes  ou  de  mauvaises  raisons  pour  se  dispenser  d'as- 
sister à  Toflice,  en  tout  ou  eu  partie,  mais  très-spécialement 
quand  il  s'agissait  de  se  lever  la  nuit  et  de  passer  une  ou  deux 

heures  dans  l'église  pendant  l'hiver Ce  fut  seulement  vers  le 

m*  ou  le  xni*  siècle,  je  crois,  que  l'expérience  suggéra  de 
prendre  les  gens  par  l'intérêt,  qui  est  malheureusement  une 
meilleure  garde  que  la  conscience  toute  pure.  En, conséquence, 
une  bonne  partie  de  la  pension  canoniale  ne  fut  plus  touchée 
que  sur  la  constatation  de  la  présence  à  TofTice  ^ 

«  Communément,  on  imagina  de  ne  pointer  le  nom  des  arri- 
vants qu'à  mesure  qu'ils  se  présentaient  au  chœur,  et  passé  un 
certain  instant,  il  y  avait  diminution  ou  retenue  complète  de  la 

quote-part  afférente  à  cette  partie  de  Toffice Si  Ton  faisait 

le  payement  à  l'arrivée  de  chacun,  moyennant  qu'on  n'arrivât 
pas  trop  tard,  on  établissait  évidemment  dans  l'église  une  sorte 
de  bureau  dont  l'inconvenance  sautait  tout  de  suite  aux  yeux. 
Enfin  l'on  trouva  les  jetons  de  présence,  dont  l'invention  nous 
paraît  aujourd'hui  toute  simple;  dès  lors,  il  suffisait  que  Tofh- 
cierchargé  de  ce  soin  se  trouvât  à  la  porte  du  chœur  pendant  le 
temps  prescrit  pour  l'arrivée  opportune,  et  fît  à  chacun  la  re- 
mise de  son  méreau,  comme  on  distribue  aujourd'hui  des 
jetons  de  présence  aux  membres  de  plusieurs  corporations  ou 
réunions  scientifiques,  financières,  etc Généralement,  le 


*  Si  nous  en  croyons  Pierre  Janvier,  curé  d'une  paroisse  Ue  Meaux  au 
xvii*  siècle,  la  rétribution  était  impuissante  h  produire  rcffct  qu'on  en  avait 
attendu  :  •  Le  peu  d'assiduité,  dit-il ,  que  font  les  chanoynes  h  l'église,  contro 
leur  serment  et  foy,  leur  ont  fait  ostec  les  méreaux.  •»  Yoy.  lUvuê  numism.t 
1840,  p.  150. 


72 


BULLETIN    r.IBLIO<;KAPHIQLE. 


terme  de  tolérance  pour  Tarrivée  au  chœur  ne  dépassait  pas,  à 
la  messe^  le  Kyrie  ou,  à  Tofiice,  la  fin  du  premier  psaume. 

a  L'oflSce,  dont  se  compose  la  tâche  quotidienne  du  bréviaire, 
se  divise  en  plusieurs  sections  qui  peuvent  souvent  et  même 
doivent  élre  séparées.  C'est  ce  qu'on  appelle  des  heures^  parce 
que  le  moment  de  leur  récitation  normale  correspond  à  certaines 
parties  du  jour. 

a  II  y  a  Matines  et  Laudes,  communément  comprises  toutes 


les  deux  sous  la  dénomination  de  Matines.  D'après  ce  nom,  on 
voit  que  leur  véritable  moment  est  le  matin  ;  mais  à  vrai  dire  le 
grand  matin,  le  chant  du  coq.  L'usage  s'introduisit  peu  à  peu 
d'anticiper  (comme  on  dit)  les  Matines  en  les  récitant  la  veille 
au  soir  ;  mais  les  chapitres  un  peu  sévères  n'admirent  pas  ces 
adoucissements.  L'abbé  Lebeuf  témoigne  que,  de  son  temps,  les 
chanoines  de  Paris  célébraient  encore  les  Matines  vers  le  milieu 
de  la  nuit,  b 

Le  méreau  des  Matines  qu'on  voit  ci- dessus  a  été  trouvé  au 
Petit-Pont,  en  i86i.  C'est  au  même  endroit  de  la  Seine  qu'on  a 
recueilli  en  1862  cette  seconde  pièce,  qui  appartient  au  siècle 


suivant  (1611).  Toutes  deux  paraissent  avoir  été  fabriquées  pour 
l'église  métropolitaine  de  Notre-Dame  de  Paris.  Les  lettres  MA 
qui  se  trouvent  placées  dans  le  champ,  près  de  la  figure  de  la 
Vierge,  peuvent  se  traduire  par  Matines  ou  par  Maria, 


nULLKTl.N    BllJL10(iUAPHIQL'E.  73 

M.  Forgeais  se  demande  si  ces  méreaux  ont  été  fabriqués 
pour  les  chanoines  ou  pour  les  membres  laïques  de  la  confrérie. 
Il  fait  appel,  pour  éclaircir  cette  question^  au  zèle  des  personnes 
qui  étudient  les  anciens  textes  que  recèlent  les  archives. 


Sur  ce  niéreau,  trouvé  au  Font-Neuf  en  186i,  on  lit  Prime, 
la  première  heure  du  jour,  parce  que  les  Matines  devaient  être 
terminées  avant  le  lever  du  soleil  et  que  Prime  se  chantait  à  six 
heures  du  matin  quand  on  ne  réunissait  pas  celte  partie  de  Tof- 
fice  à  quelqu'une  des  suivantes. 


Tierce  (troisième  heure)  se  chantait  à  neuf  heures.  Ce  méreau, 
trouvé  au  pont  Notre-Dame  en  4862,  porte  une  indication  VI.D 
qui  doit  le  faire  attribuer  aux  chanoines  de  la  cathédrale,  car 
six  deniers  pour  Tierce  seule  représentent  une  valeur  considé- 
rable qui  ne  devait  même  être  applicable  qu'aux  fêtes  du  pre- 
mier ordre.  L'orthographe  de  TIERSE  étonne  un  peu  au  premier 
abords  puisque  ce  mot  vient  de  tertia.  Mais  notre  forme  moderne 
tierce  n'est  pas  meilleure,  et  se  trouve  en  désaccord  avec  le 
masculin  tiers. 


Ce  méreau,  trouvé  près  du  pont  Notre-Dame  en  1863  et  qui 


triLlll-^ 


•.li?Hr"C£. 


pv  eic«ptioo  qcK  M.  F^'/'staH  l  î  aiisi"»  dins  sa  coUection  de 

Là  roew>  eapitolaire  rajootait  duqu«  j^>ur  lui  heures  de 
VfÂSkecànfHï'uïi  ruaii  ia  cbaraue  VI  ?>i  deniers?  que  porte 
cMtf:  ^Hf:rP:  indiqua:  ar«e  rétribation  de  grande  f«^ie. 


Lortiur  de  Sexle  sixii'aritî  heure»  se  chantait  à  midi.  Le  nié- 
reaii  de  n>OH,  trou-.é  au  pont  d'Arcole  en  I8t>2.  appartieut  à  la 
*éric  qui  nous  a  déj:i  fuuriii  le  niéreau  de  Tùixe.  Il  a  la  même 
%aleur  de  six  deniers  et  donne  litu  aux  mêmes  obîervaiions. 


Ohii  de  .Varie,  recueilli  près  du  Pont-Nenf  en  18('>3.  est  plus 
ancien  <•!  k*  nombre  de  deniers  qu'il  représentait  demeure  in- 
certain. L'oflice  de  IVone  (la  neuvième  heurr;  était  récilé  de  deux 
H  trois  heures  du  soir.  Ensuite  venaient  l<^s  Vêpres  dont  le  nom 
se  lit  sur  une  pièce  de  plomb  fabriquée  en  1032  et  retrouvée 
deux  C(*nt  trente;  ans  plus  tard  près  du  pont  au  Change-. 


iHMil 


Sur  plusieurs  des  pièces  dont  on  vient  de  reproduire  le  dessin, 
la  <lnte  est  disposée  de  telle  fnçon  que  le  millésime  !  est  isolé  à 


BLU.l-TlN     CmLlOGIlAPHIQUE.  y  il 

la  partie  supérieure  du  revers.  M.  Forgeais  s'est  demandé  si  par 
là  on  n*avait  pas  eu  Tintention  d'indiquer  vn  denier.  Mais  il  faut 
considérer  que  sur  les  pièces  de  tierce  ei  de  sexte  on  a  inscrit, 
près  de  la  fij^ure  de  la  Vierge,  tenant  Tenfant  Jésus,  la  marque 
VLD  qu'il  serait  bien  hardi  d'expliquer  par  Virgo  et  Dominvs, 
et  dans  laquelle  on  ne  peut  guère  voir  autre  chose  que  six  deniers. 
Dès  lors,  les  marques  tracées  sur  les  deux  faces  de  la  même 
pièce  présenteraient  une  contradiction.  M.  Forgeais,  d'ailleurs, 
publie  encore  un  méreau  pour  la  messe  et  les  vêpres  (p.  42)  sur 
lequel  la  date  i582  est  coupée  en  deux  ;  le  chiffre  15  isolé  à  la 
partie  supérieure  ne  peut  indiquer  quinze  deniers  puisqu'on 
voit  au  revers  :  Vlll  DT.  (huit  deniers  tournois). 

a  L'exactitude  à  matines,  dit  l'auteur,  ayant  particulièrement 
besoin  d'être  stimulée,  on  le  conçoit  sans  peine,  la  rétribution 
pour  cette  partie  de  l'office  avait  été  portée  plus  haut  que  pour 
aucune  des  autres.  Généralement  d'ailleurs  afin  de  propor- 
tionner équitablement  la  rétribution,  à  chaque  heure  de  l'ofticc 
correspondait  une  rémunération  pécuniaire  distincte.  C'est  pour- 
quoi nous  voyons  les  méreaux  désigner  habituellement  la  partie 
de  l'office  à  laquelle  on  avait  assisté,  le  droit  que  conférait  un 
jeton  de  Prime  ou  de  Vêpres  étant  autre  chose  que  celui  de 
Matines.  0 

Le  méreau  dont  le  dessin  a  été  inséré  au  commencement  de 
ce  compte  rendu  porte  la  légende  merelli  ad  semiduplum,  mé- 
reaux pour  les  semi-doubles. 

a  Le  rang  des  fêtes  non  solennelles  est  caractérisé  encore 
aujourd'hui,  dans  le  bréviaire,  par  les  deux  grandes  divisions  de 
Double  et  de  Simple.  Les  Doubles  se  subdivisent  en  Double- 
majeur,  Double  de  première  classe,  etc.,  et  les  Semi-Doubles 
sont  comme  le  degré  inférieur  de  cette  série.  Ainsi  les  offices 
des  semi-doubles  occupent  l'avant-dernier  rang  parmi  les  fêtes.» 

On  peut  consulter  à  ce  sujet  le  tableau  de  distribution  des 
méreaux  de  la  Sainte-Chapelle  publié  par  M.  Jules  Rouyer 
(//-?i\niim.,  1862,  p.  483). 


/n  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Après  la  série  de  pièces  qui  paraissent  appartenir  à  Notre- 
Dame  de  PariS;  parmi  lesquelles  on  voit  figurer  le  méreau  du 
machicot,  M.  Forgeais  place  les  jetons  de  présence  des  autres 
églises:  la  Sainte-Chapelle ,  Saint-Germain-l'Auxerrois^  Saint- 
Jean-le-Rond,  Saint-Thomas,  Saint-Étienne,  Saint-Merry,  Saint- 
Honoré,  Saint-Nicolas,  Saint-Gervais,  Saint-Marcel,  Sainte- 
Madeleine,  etc. 

Puis  viennent  les  méreaux  de  confréries  qui  sont  en  général 
d'assez  grandes  dimensions  et  portent  des  types  intéressants. 
Notre  savant  collaborateur,  M.  Eugène  Hucher,  en  a  publié  un 
certain  nombre  dans  cette  Revue  (1858,  p.  338-350,  pi.  XVII). 
Nous  en  placerons  un  ici  qui  a  été  recueilli  depuis,  en  1862, 
près  du  pont  Notre-Dame. 


M.  Forgeais  pense  qu'il  représente  saint  Louis  et  saint  Remî, 
désignés  par  les  caractères  S.  L.  et  S.  R.  qui  se  voient  dans  le 
champ,  a  Le  plomb,  dit-il,  s'expliquera  suffisamment  si  Ton 
suppose  qu'il  aura  été  destiné  à  fêter  le  sacre  d'un  roi  de 
France.  »  Nous  devons  avouer  que  cette  opinion  nous  parait  peu 
satisfaisante  et  que  nous  préférons  celle  que  l'auteur  émet  dans 
un  paragraphe  suivant  :  a  Cependant,  comme  le§  Quinze-Vingts 
avaient  saint  Louis  pour  fondateur  et  saint  Rémi  pour  patron  de 
leur  chapelle,  il  faut  peut-être  ici  voir  le  méreau  d'une  asso- 
ciation fondée  dans  l'hôpital,  soit  pour  les  habitants  de  la  maison, 
soit  pour  quelque  confrérie  attachée  à  l'établissement.  Ou  bien 
encore  ce  serait  une  pièce  destinée  à  être  distribuée  aux  visi- 
teurs do  la  chapelle  le  jour  de  saint  Rémi  on  do  saint  Louis  pour 


BULLETIN    BinLIOGRAPHIQUE.  J  l 

y  attirer  raffliience  des  fidèles^  et  partant  les  aumônes  en  faveur 
de  l'établissement,  d 

Après  les  méreaux  du  clergé  et  des  confréries,  M.  Forgeais  a 
formé  une  classe  pour  ceux  qu'il  attribue  aux  offices  de  la  maison 
du  Roi  et  de  la  maison  de  la  Reine;  TÉcurie,  la  Fourrière,  la 
Cuisine,  la  Boutillerie,  la  Cordonnerie,  les  Bâtiments. 

Nos  collaborateurs  MM.  Jules  Rouyer  et  Eugène  Hucher, 
dans  leur  remarquable  Histoire  du  jeton  au  moyen  âge^  ont  pu- 
blié des  méreaux  de  cuivre  extrêmement  curieux  appartenant  à 
cette  série,  pièces  dont  les  légendes,  dont  les  types,  bien  com- 
mentés par  ces  antiquaires,  servent  maintenant  de  guide  pour 
l'intelligence  des  méreaux  de  plomb  qu'il  eût  été  difficile  de 
classer  sans  ce  précieux  secours. 


En  voici  un,  par  exemple,  qui  porte  au  revers  d'une  Heur  de 
lis,  un  fer  de  cheval  qui  n'est  qu'un  type  abrégé;  il  a  été  trouvé 
au  pont  Saint-Charles  en  4802.  D'autres  offrent  le  cheval  même. 
Sur  un  jeton  de  cuivre  frappé  pour  Charles  de  France,  comte  de 
la  Marche,  on  voit  deux  fers  de  cheval  [Hist.  du  jeton,  pi.  XI, 
n«95,p.  ii8). 

Cet  autre,  recueilli  en  1863,  près  du  pont  Saint-Michel,  porte 
la  figure  d'une  civière  qui  le  rattache  soit  à  l'Écurie,  soit  à  la 
Fourrière. 


Cet  office  avait  pour  objet  le  chauffage  et  les  approvisionne- 
ments. La  civière,  on  le  comprend,  représente  le  transport  du 
foin,  du  bois  et  des  substances  de  toute  nature  qui  peuvent  être 


nuLLtTiN   inniJor.RAPHiQUE. 


iMHployées  dans  une  grande  maison.  C'est  là  ce  qui  explique 
rhésitalion  de  M.  Forgeais.  Il  n'éprouve  pas  le  même  embarras 
au  sujet  de  la  pièce  trouvée  encore  au  pont  Saint-Michel 
en  1863;  on  y  voit  la  coignée  et  Tarbre  qui  peuvent  faire  tout 


simplement  allusion  à  Tapprovisionnement  de  bois,  a  Mais, 
ajoute  M.  Forgeais,  les  branches  garnies  de  feuilles  paraissent 
signifier  qu'il  s'agit  ici  de  la  feuillée  pour  former  un  abri,  avec 
des  rameaux  verts,  contre  le  soleil  ou  la  rosée  bien  plus  que 
contre  la  pluie.  Si  je  ne  me  trompe,  on  employait  aussi  les 
feuilles  comme  jonchée  et  comme  garniture  des  lits,  soit  pour 
le  prince,  soit  pour  ses  gens.  L'ordonnance  de  l'Hôtel  publiée 
par  Jayme  II,  roi  de  Majorque*  à  l'article  Fourrier  (If,  17), 
mentionne  le  soin  qu'il  doit  prendre  de  procurer  des  branches 
vertes  en  été  pour  le  logis  du  roi,  et  de  la  paille  avec  du  bois 
de  chauffage  en  hiver.  » 

La  cuisine  est  représentée  par  quelques  pièces  à  marmite 
comme  celle  dont  nous  plaçons  ici  le  dessin,  et  qui  a  été  trouvée 
près  le  pont  au  Change  en  1860. 


Elle  doit,  pour  être  comprise,  être  rapprochée  du  curieux 
jeton  de  Pierre  de  Mante,  premier  queux  du  roi  Jean  le  Bon  : 
lETOmS. PIERRE. DE  MATE  PR  QVEVS  LE  ROLl,  jeton  dont  le 
type  est  une  marmite*. 

*  Acla  .«anc/or.  Mai,  tome  IV. 

«  Ronyrr  .'t  Iluolufr,  lîht.  du  jeton,  pi.  XVII,  n"  148,  p.  71. 


m'M.l-TIN    lUlîLIOGKAPHK^Ut.  79 

D'autres  niéreaux  représentent  un  poisson,  un  tonneau,  etc. 

Les  jetons  de  cuivre  ont  servi  à  compter;  mais  après  s'êlre 
demandé  quel  pouvait  être  dans  la  maison  royale  Tusage  des 
méreaux  de  plomb,  M.  Forgeais  arrive  par  une  série  d'induc- 
tions à  cx)nclure  que  a  pour  tout  ce  qui  n'était  point  solde  hel)- 
domadaire  d'un  emploi  constant  et  bien  défini,  il  était  assez 
simple  d'avancer  au  chef  d'office  un  certain  nombre  de  pièces 
qui  le  rendaient  responsable  de  toute  dépense,  et  qui  pourtant 
étaient  de  nulle  valeur  hors  du  bureau  de  riiôlel.  » 

Nous  avons  dit  ailleurs  avec  quel  soin  MM.  Rouyer  et  Hucher 
avaient  recherché  le  nom  des  princesses  dont  les  armoiries  se 
remarquent  sur  de  très-anciens  jetons*.  M.  Forgeais  a  suivi  la 
voie  tracée  par  ses  devanciers,  el  il  attribue  à  quelques  reines 
des  méreaux  du  service  de  l'Écurie.  Deux  pièces  portant  des 
armes,  parti  de  France  et  de  Navarre,  lui  paraissent  fabriquées 
pour  la  maison  de  Jeanne  de  Navarre,  femme  de  Philippe  le  Hel. 
Une  autre,  trouvée  au  pont  au  Change  en  i860,  et  sur  laquelle 


on  voit,  d'un  côté  une  fleur  de  lis  et  un  lion  avec  les  carac- 
tères lA,  et  de  l'autre  deux  balles  de  foin  enfermées  dans  des 
filets,  lui  rappellent  Jeanne  de  Bourgogne,  femme  de  Philippe 
le  Long. 

Un  dernier  méreau  nous  montre,  au  droit,  un  coq,  au  revers, 
des  armes,  que  l'auteur  croit  seulement  parti  de  France  et 
de  Castille,  qu'il  n'ose  cependant  pas,  dit-il,  attribuer  à  Blanche, 
mère  de  saint  Louis,  et  qu'il  est  tenté  de  donner  à  Philippe  le 
Long,  alors  que  ce  prince  n'était  que  comte  de  Poitou.  Mais  il 
faut  remarquer  que  tous  les  frères  de  saint  Louis  portèrent  des 
armes  semblables  à  celles  que  M.  Forgeais  décrit,  et  que,  d'ail- 

»  Heruenum.,  1859,  p.  11^9  et  Miiv. 


SO  BULLETIN    CIBLIOGRAPHIQUE. 

leurs,  le  niéreau  offre,  au-dessous  du  château  de  Castille^  un 
quartier  malheureusement  peu  distinct  qui  pourrait  contenir  les 
armes  de  Navarre,  car  on  y  voit  des  points.  Louis  le  Hutin, 
Charles  le  Bel,  lorsqu'ils  étaient  rois  de  Navarre,  Jeanne,  femme 
de  Philippe  d'Évreux,  auraient  aussi  des  droits  à  notre  sou- 
venir. 

Le  dernier  chapitre  du  volume  publié  par  M.  Forgeais  est 
consacré  aux  enseignes  politiques.  Trois  médaillons  au  type  du 
noble-à-la-rose  anglais,  et  un  au  type  de  Vécu  d^or  de  Charles  VII, 
se  rattachent  encore  à  la  numismatique  ;  mais  des  pièces  sem- 
blables ont  déjà  été  publiées  par  M.  Constant  Leber  dans 
rintroduction  qu'il  a  placée  en  tête  de  l'ouvrage  du  docteur 
Higollot,  intitulé  :  Monnaies  inconnues  des  évêques  des  innocents 
et  des  fous,  et  par  conséquent  sont  bien  connues  des  archéolo- 
gues. La  forme  des  autres  enseignes,  fort  curieuses  du  reste,  les 
sépare  tout  à  fait  de  la  numismatique,  et  nous  devons  nous  ar- 
rêter là. 

Les  vignettes  que  contient  ce  compte  rendu  ne  fournissent 
qu'une  idée  incomplète  des  cent  quarante-deux  dessins  dont 
M.  Forgeais  a  orné  son  ouvrage,  car  les  enseignes  et  les  mé- 
reaux  de  confréries  ont  de  plus  belles  dimensions  que  les  petits 
méreaux  capitulaires  dont  il  nous  a  toutefois  paru  utile  de  réunir 
ici  une  série. 

La  louable  persévérance  de  M.  Forgeais  nous  donne  lieu 
d'espérer  qu'il  nous  fera  cormaître  prochainement  les  nouveaux 
résultats  que  ses  patientes  recherches  ne  peuvent  manquer  de 
produire  encore.  A.  L. 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


LETTRE 

A  M.  L'ABBÉ  PROFESSEUR  GREGORIO  UGDULENA 

sua 

DEDX  PIÈCES  DIRGEM  PORTAIT  LE  ROI  MUM  niïtU 

ET  LES  TYPES  DE  ZANCLE  ET  D'AGRIGENTE. 


Monsieur  Tabbé, 

Je  ne  saurais  partager  avec  personne  mieux  qu'avec  vous 
la  joie  d'une  découverte  que  je  viens  de  faii-e  au  sujet 
d'une  monnaie  qui  offre  le  nom  phénicien  d'une  ville  de 
Sicile.  Vons  nous  avez  en  effet,  monsieur  l'abbé,  donné, 
dans  le  mémoire  qui  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur 
par  le  monde  savant*,  la  première  numismatique  phéni- 
cienne de  la  Sicile  que  nous  possédions.  Mais  par  la  nou- 
veauté de  certains  détails  obtenus  d'une  manière  tout  à 
fait  inespérée,  ce  travail  remarquable  a  plutôt,  il  faut 
l'avouer,  étonné  que  convaincu  certains  numismatistes. 


>  Sullê  monit9  pumco'iicult,  Palermo,  1857. 
1864.— 2. 


82  MÉMOIRES 

Parmi  les  résultats  heureux  de  vos  recherches,  il  faut 
certainement  placer  en  première  ligne  la  lecture  du  nom 
phénicien  d'Himère,  la. 

D'abord,  en  reconnaissant  ce  nom  dans  les  trois  lettres 
phéniciennes  k^m,  dont  Texistence  avait  été  remarquée  par 
le  Père  Romano  sur  des  pièces  de  bronze  avec  le  type  du 
coq  et  six  ou  trois  globules  au  revers,  vous  avez  déterminé 
l'origine  locale  de  ces  pièces,  et  vous  avez  permis  d'y  ratta- 
cher la  riche  série  de  monnaies  d'argent  qui  jusqu'à  vous, 
avaient  subi  les  attributions  les  plus  diverses. 

J'ai  été  heureux  de  pouvoir  vous  fournir  alors  deux 
pièces  uniques  de  ma  collection  '  qui  ont  achevé  de  con- 
stater votre  découverte;  car  l'une,  avec  le  coq  et  la  poule 
dans  un  carré  creux,  montre  la  légende  lATON  très-dis- 
tincte, et  l'autre  présente  une  femme  sacrifiant  devant  un 
autel,  ainsi  que  les  débris  d'une  inscription  dans  laquelle 
on  peut  lire  ...TOA,  tandis  qu'au  revers  nous  voyons  un 
cavalier  et  la  légende  IMEPAION  rétrograde. 

Depuis  la  publication  de  votre  ouvrage,  j'ai  trouvé  les 
mêmes  lettres  phéniciennes  sur  certaines  pièces  de  bronze 
qui  avaient  été  attribuées  à  Taormine',  pièces  qui,  par  la 
tète  de  femme  ornée  d'une  haute  Stéphane  couronnant  une 
chevelure  riche  et  flottante ,  se  rapprochent  des  monnaies 
d'argent  de  Therme  ',  et,  par  le  type  du  taureau  à  £ace 
humaine  du  revers,  se  rattachent  aux  nombreuses  oboles 
qui  portent  le  nom  d'/a  \ 

>  Ugdnlena,  loc.  cit.,  pi.  II,  2,  5. 

*  Appendice  alla  memoria  aulle  monete  puniro'Sicule  delV  Ab.  (ir.  Uqdulena. 
Palermo,  1868,  pi.  n»  8. 

*  CastelU,  Sidlim  vett.  ftwmi,  pi.  XC,  3,  4.  —  Forcelln,  Sumismnla  ah'qvol 
Sirulùt  pi.  II,  5. 

*  Ugdnlena,  l.  cit.^  pi.  II,  Ifi,  21. 


KT    DISSERTATIONS.  8Z 

Voici  que  maintenant  je  me  présente  à  vous  avec  une 
tnonnaie  oiTrant  encore  ce  nom  dla,  dont  nous  vous  devons 
Texplication.  Elle  lui  emprunte  tout  son  intérêt,  et  tout  en 
nous  fournissant  un  nouveau  témoignage  d'exactitude,  elle 
nous  offre  une  page  entière  d'histoire  sur  une  bien  petite 
surface  de  métal. 

En  parcourant  les  riches  séries  du  Cabinet  impérial  des 
médailles  afin  d'y  prendre ,  grâce  à  l'extrême  obligeance 
des  conservateurs,  les  notices  qui  me  sont  nécessaires 
pour  mon  travail  sur  les  monnaies  siciliennes,  j'aperçus  à 
la  suite  des  monnaies  d'Agrigenteune  petite  pièce  d'argent 
en  très-bon  état  de  conservation,  et  sur  laquelle  je  trouvai 
tout  de  suite  les  trois  lettres  phéniciennes  n^m.  Comme 


vous  le  voyez  par  le  dessin,  d'un  côté  il  y  a  un  aigle,  tourné 
à  droite  et  courbant  la  tête  pour  déchirer  un  lièvre  qu'il 
tient  dans  ses  serres  ;  au-dessus  de  ce  groupe  les  carac- 
tères N^N  (/a).  Au  revers  un  dauphin,  à  droite,  sous  lequel 
se  ti'ouve  la  coquille  pecten;  dans  la  partie  supérieure  du 
champ  sont  rangés  cinq  globules;  le  tout  entouré  d'un 
grènetis. 

Il  faut  d'abord  mentionner  une  circonstance  très-impor- 
tante; cette  monnaie  provient  de  Sicile,  car  elle  a  été 
acquise,  en  1843,  de  M.  Francesco  Gambino,  négociant 
à  Palerme. 

Les  caractères  sont  parfaitement  reconnaissables  ;  seule- 
ment, comme  ils  touchent  à  la  tranche,  les  aleph  sont  ré- 
duits à  l'état  de  simples  traits  verticaux  ne  laissant  plus 
voir  les  lignes  obliques  qui  coupent  la  haste,  ou  qui,  plus* 


SA  MÉMOIRES 

ordinairement  dans  les  pièces  d'Ia,  y  sont  attachées  du  côté 
droit,  et  qui  étant  très-souvent  fort  déliées,  sont  difficiles 
à  reconnaître.  La  forme  du  iod  est  au  contraire  extrêmement 
précise  ;  on  voit  la  ligne  courbe  et  le  point  placé  au-des- 
sous dont  il  se  compose  *. 

Le  type  du  revers ,  le  dauphin  et  la  coquille,  rappelle 
immédiatement  les  médailles  si  antiques  de  Zancle.  Le  dau- 
phin forme,  comme  on  sait,  le  type  du  droit,  et  le  pecten, 
s'il  ne  se  trouve  pas  sur  la  même  face,  se  voit  du  moins  au 
revers  au  centre  du  carré  creux  divisé  en  plusieurs  sections. 

Ce  dauphin  et  ce  pecten  reparaissent  plus  tard,  placés 
au-dessous  d'un  lièvre  sur  les  tétradrachmes  et  les  oboles 
de  la  même  ville  frappés  au  nom  des  Messéniens'  ;  mais 
tandis  que  sur  ces  pièces  ils  deviennent  simples  acces- 
soires, nous  les  voyons  reproduits  sur  la  monnaie  d'une 
colonie  de  Zancle. 

En  effet,  il  est  attesté  par  divers  témoignages  concordants 
des  anciens  historiens  qu'Himéra  a  été  fondée  par  les  Zan- 
cléens,  partis  de  Zancle  même,  comme  le  dit  Thucydide  ', 
ou,  selon  le  récit  de  Strabon,qui  a  paru  préférable  à 
M.  Raoul-Rochette,  venus  de  Mylae,  colonie  de  Zancle,  fon- 
dée, suivant  Scymnus  de  Chîo,  avant  Himéra  V 

^  Il  est  vrai  qu'une  inscription  de  trois  lettres  à  peu  près  semblables  à  celles 
d7a  se  remarque  sur  des  monnaies  phéniciennes  de  Sicile ,  dont  la  véritable 
attribution  est  peut-être  encore  à  chercher.  Cette  légende  ttits,  T^ï,  que 
M.  de  Saulcy  a  quelquefois  confondue ,  à  ce  que  je  crois,  avec  celle  d'Ia,  ne 
me  parait  pas  pouvoir  se  lire  dans  les  lettres  de  notre  inscription  *,  leur  proxi- 
mité est  telle ,  qu'il  semble  difficile  d'admettre  que  l'espace  eût  suffi  pour 
tracer  des  tmde  au  lieu  à'aleph,  Voy.  Mémoires  de  VAcad,  des  inscript. ^  1845, 
t.  XV,  p.  46. 

«  Castelli,  pi.  XLVII,  1,  12,  et  patsim. 

»  Thucyd.,  VI,  5. 

*  Voye?  Faoul-Rochette,  Hist.  des  col.  yrerq.,  t.  III,  p.  319,  et  Brunet  de 
Tresle,  Bechtrchea  svr  les  e'tahliss.  des  Grecs  en  Sicile,  p.  97. 


ET    DISSERTATIONS.  85 

Le  type  de  Taigle  dévorant  un  lièvre ,  type  tout  à  fait 
agrigentin,  semblerait  au  premier  abord  étrange  sur  une 
pièce  d*Himéra;  mais  il  perdra  ce  caractère,  si  vous  voulez 
bien  vous  rappeler  que  les  deux  tyrans  d'Agrigente,  Théron 
etThrasydée,  ont,  pendant  plus  de  trois  lustres,  exercé 
leur  pouvoir  sur  cette  ville. 

Théron  s* étant  emparé  du  pouvoir  à  Agrigente  dans  la 
première  année  de  Tolympiade  LXXIII  (488  av,  J.  G.)» 
pour  se  venger  de  Térillus,  tyran  d'Himéra,  qui  donnait  asile 
à  Hippocrate  et  à  Capys,  ses  compétiteurs,  le  vainquit  et 
donna  le  gouvernement  de  cette  dernière  ville  à  son  fils 
Thrasydée  '.  La  manière  cruelle  dont  celui-ci  gouvernait 
irrita  les  habitants  d'Himéra ,  et  quand  Hiéron  se  préparait 
à  la  guerre  contre  Théron,  pour  le  punir  d'avoir  donné  Thos* 
pitalité  à  Polyzèle,  les  Himéréens  envoyèrent  des  ambassa- 
deurs à  Hiéron  pour  dénoncer  les  mauvais  traitements  qu'ils 
avaient  à  souffrir  de  la  part  de  Thrasydée,  et  pour  lui  offrir 
la  soumission  de  la  ville  et  leur  appui  dans  la  guerre  '. 

Mais  Hiéron,  voulant  se  réconcilier  avec  le  tyran  d* Agri- 
gente, lui  fit  connaître  les  offres  qui  lui  avaient  été  faites 
par  les  Himéréens,  de  sorte  que  Thrasydée  prit  et  fit  mourir 
tous  ceux  qui  lui  avaient  été  contraires.  Le  nombi*e  des 
habitants  d'Himéra,  ainsi  sensiblement  diminué,  il  y  amena 
des  Doriens  et  des  individus  appartenant  à  d'autres  peuples, 
auxquels  il  fit  donner  le  titre  de  citoyens'.  C'est  par  ce 
fait  que  Raoul-Rochette  explique  le  mélange  de  nationalités 
dorîenne  et  chalcidienne  dont  parle  Thucydide.  Suivant 
Diodore  *,  ces  nouvelles  populations  eurent  part  pendant 

»  Herodot.,  VII,  175.  —  Brunet  de  rrc&lc,  /.  f»7.,  p.  125. 

2  Diod.  Sicul.,  XI,  48. 

•^  Diod.,  XI,  49. 

•  Diod.,  ibid,  ^ 


80  ML.MOinLS 

cinquaute-huit  ans  à  radmiuistration  de  la  ville,  jusqu'au 
moment  où  les  Carthaginois  la  détruisirent. 

Après  seize  ans  de  règne,  Théron  mourut  dans  la  pre- 
mière année  de  la  LXXVII»  olympiade  (472  ans  av.  J.  C.)  *. 
Son  fils  Thrasydée  lui  succéda  et  se  montra,  ce  qu'il  avait 
toujours  été,  violent  et  sanguinaire.  Voulant  faire  la  guerre 
aux  Syracusains,  il  enrôla  les  Agrigentinset  les  Himéréens; 
mais  il  fut  défait  par  Hiéron,  s'échappa,  et  fut  mis  à  mort 
chez  les  Mégariens  (Nyséens?)  '.  Agrigente  ayant  recouvré 
le  gouvernement  démocratique,  conclut  la  paix  avec  Hiéron, 
et  il  est  probable  qu'il  en  fut  de  môme  pour  Himéra  ;  d'au- 
tant plus  que  Pindare ,  dans  la  douzième  olympique ,  célé- 
brant la  victoire  d'Ergotélès  d'IIiméra,  commence  par  une 
invocation  à  Jupiter  Libérateur  '. 

Je  crois  que  dans  la  monnaie  qui  vient  si  heureusement 
accroître  la  série  grecque  et  phénicienne  d'IIiméra,  nous 
avons  un  document  de  la  domination  agrigentine  dont  la 
durée  se  trouve  comprise  entre  les  années  488  et  472 
avant  Jésus-Christ,  ou  un  peu  plus  tard.  Vous  voyez  donc, 
monsieur,  de  quelle  importance  est  cette  petite  pièce,  non- 
seulement  comme  souvenir  historique,  mais  plus  encore 
comme  document  comparatif  pour  le  classement  des  séries 


I  Diod.,  XI,  53. 

*  Selon  Diodore,ravëuemeut  de  Thrasydée  uu  pouvoir,  bou  expêditiou  et  »a 
défaite  sont  arrives  dans  In  inômc  année ,  ce  que  M.  Brunet  de  Presie  (/.  cit., 
p.  145  (3)  )  a  de  la  peine  à  accepter  ;  mais,  en  tous  cas ,  cette  domination 
agrigentine  à  Himéra  n*a  pas  pn  se  prolonger  benucoup  an  delà  des  seize 
nos  dn  règne  de  Théron.  La  parabole  de  Stésichore  sur  l'homme  et  le 
cheval,  de  laquelle,  du  reste,  nous  avons  bien  des  versions  différentes 
(V.  Brunet  de  Fresles,  l.  cit.^  p.  17  (1),  paraîtrait  indiquer  que  Phalarir 
avait  anssi  possédé  Himéra,  mais  nons  manquons  à  cet  égard  de  renscigno- 
ments  précis. 

*  Brunet  de  Presie,  /.  cir.,  p.  145  [V. 


ET   DISSERTATIONS.  87 

de  monnaies  portant  le  nom  d*Ia,  et  pour  établir  leur  rap- 
port avec  les  pièces  grecques  d'Himéra. 

Il  y  a  là  encore  un  travail  à  faire  ;  mais  ce  qui  dès  à 
présent  me  paraît  certain,  c'est  que,  comme  vous  l'avez 
soupçonné  S  le  nom  phénicien  était  antérieur  ou  au  moins 
contemporain  du  nom  grec  de  cette  ville.  Un  argument  de 
grande  valeur,  qui  n'a  pas  encore  été  proposé,  c'est  que  le 
poids  de  la  belle  pièce  d'argent  de  ma  collection  portant 
au  droit  le  coq  avec  l'inscription  lATON ,  et  au  revers  la 
poule  dans  le  carré  ',  est  parfaitement  identique  à  celui 
des  pièces  sur  lesquelles  on  voit  la  syllabe  HI,  et  que  par 
conséquent  c'est  aussi  une  drachme  éginétique  *. 

Plus  tard,  nous  voyons  ce  système  monétaire  abandonné; 
et  toutes  les  monnaies  grecques  d'Himéra  plus  récentes,  y 
compris  le  didrachme  de  ma  collection  aux  deux  légendes 
TOA  et  IMEPAION  (rétrograde),  sont  toujours  conformes 
au  système  attique.  C'est  encore  suivant  ce  système  que 
sont  frappées  toutes  les  pièces  avec  la  légende  phéni- 
cienne la,  qui  pour  la  plupart  doivent  être,  en  raison  de  la 
beauté  de  leur  style,  considérées  comme  postérieures  à 
celles  qui  portent  le  nom  grec  d'Himéra. 

Quant  à  la  médaille  du  Cabinet  impérial ,  elle  n'appar- 
tient ni  à  l'un  ni  à  l'autre  de  ces  deux  systèmes.  Elle 
pèse  0»%85,  et  nous  devons  y  reconnaître  une  véritable 
litra  sicilienne  dont  le  poids  normal ,  dixième  partie  du 
didrachme  attique,  doit  être  de  08%87  *. 


>  Ugdalena,  l.  ct<.,  p.  34. 

'  Ugdulena,  L  cit.,  pi.  Il,  2. 

'  Cet  argument  est  en  eflFet  décisif  pour  prouver  que  cette  pièce  doit  appar- 
tenir à  une  ville  chalcidienne. 

*  Mommsen,  Geschichte  des  rômischen  Mmstceanf,  p.  79.—  Hultsch,  Gritch, 
und  rômische  Mttrologie^  p.  291. 


88  MÉMOIRES 

La  lUrCj  Xlxpa,  cette  monnaie  particulière  de  la  Sicile 
qui  dans  plusieurs  villes  de  cette  lie  et  jusqu'à  Corinthe 
remplaça  Tobole,  même  dans  les  temps  où  les  pièces  d'ar- 
gent d'une  valeur  plus  élevée  étaient  frappées  suivant  le 
système  attique  S  n'est  du  reste  pas  nouvelle  dans  le  mon- 
nayage d'Hiroéra*,  ni  dans  celui  de  quelques  villes  phéni- 
ciennes de  la  Sicile  '. 

Pour  ce  qui  regarde  la  valeur  des  cinq  globules  placés 
au-dessus  du  dauphin ,  je  crois,  en  raison  de  la  manière 
dont  ils  sont  disposés,  qu'on  peut  bien  admettre  que  le 
coin  en  portait  un  de  plus  du  côté  où  le  flan  a  fait  défaut. 
Ces  globules  exprimeraient  alors  six  hextam^  ce  qm  serait 
l'équivalent  de  douze  onces,  divisions  de  la  litra  sici- 
lienne *. 

J'avais  écrit  les  lignes  qui  précèdent,  lorsqu  en  exami* 
nant  au  Cabinet  impérial  des  médailles  les  monnaies 
phéniciennes  qui  proviennent  de  la  collection  donnée 
par  M.  le  duc  de  Luynes,  j*ai  trouvé  une  autre  pièce 
presque  semblable  à  celle  que  j'ai  décrite  plus  haut; 
elle  n'en  diffère  que  par  des  flots  qui  se  voient  sous  le 
dauphin ,  et  par  la  place  donnée  à  la  légende,  qui,  au  lieu 
d'être  tracée  sur  le  droit,  se  lit  à  la  partie  inférieure  du 
revers. 


>  Mommsen,  /.  cit,,  p.  92. 

*  La  preuve  qu^Himéra  frappa  dei  litreë  nous  est  fournie  par  une  pièce  à 
fleur  de  coin  du  Cabinet  des  médailles,  avec  le  monstre  et  le  jeune  homme 
iur  le  bélier,  et  qui  pèse  0«^,85.  M.  Mommscn,  l.  ci*.,  p.  92 ,  n'ayant  connu  de 
cette  monnaie  que  des  poids  pris  sur  des  exemplaires  très-usés  qui  ne  pesaient 
plus  que  0i*,73,  doutait  si  elle  était  une  litre  ou  une  obole. 

s  Mommsen,  l,  cit.,  p.  88,  27. 

*  Pollux,  IV,  174  :  Év  ôl  ijjiepoftov  iroXiteCx  çr,a(v  (  Avistotelcs)  côç  ol 
ZixcXiôynit  xoù;  |Akv  ôwo  x«^xoO;  éÇâvTct  xa>»oÛ3i,  t6v  èï  Iva  oOyxfav.  — 
Cf.  Mommien,  f.  cit.,  p.  78,  2.  —  Hnltscb,  /.  cit.,  p.  290. 


ET    DlbSEUTATIONS.  89 


Cette  seconde  pièce  nous  est  fort  utile,  car  elle  nous 
permet  de  corriger  un  dessin  et  une  attribution  de  Castelli. 
Sous  le  n*  2  de  la  pi.  XCIV  de  son  ouvrage,  il  donne  la 
figure  d'une  monnaie  parfaitement  semblable  à  celle  que 
M.  le  duc  de  Luynes  avait  recueillie  ;  mais  seulement,  sui- 
vant son  habitude  *,  il  a  changé  les  trois  caractères  phéni- 
niciens  en  MÎ2I,  ajoutant  que  cette  monnaie  maximx  rari- 
tatis  faisait  partie  de  sa  collection  %  et  que,  bien  que  le 
type  qu'elle  porte  au  droit  convienne  à  Agrîgente,  il  a  cru, 
à  cause  du  revers  et  des  lettres  qu'on  y  voit  encore,  devoir 
la  ranger  parmi  les  liparitaines. 

EckheP  et  Mionnet*  ont  douté  de  la  justesse  de  l'attri- 
bution de  monnaies  d'argent  à  Lipara. 

Votre  dévoué,  A.  Saunas, 

Paru,  février  1864. 

*  Voy.,  par  exemple ,  les  mômes  lettres  pliéuîciennes  changées  eji  IM , 
pi.  XIX,  10,  et  les  célèbres  tétradracbmes  de  Deoys,  pi.  C,  2. 

*  Donc  nous  avons  uu  troisième  exemplaire  de  cette  pièce,  à  ce  qu'il  parait 
le  mieux  conservé  des  trois,  et  peut-être  restc-t-il  inobservé  dans  quelque 
collection  particulière  anglaise. 

»  Doctr,  JN'um.,  I,  p.  270. 

*  Descript.,  I,  p.  344. 


00  MKMOIRLS 


MÉDAILLES  D'AMPHIPOLIS. 


f  PI.  IV. 


En  1859,  on  trouva  dans  le  sud  de  la  Macédoine»  aux 
environs  de  Salonique.  un  dépôt  de  cinquante-deux  pièces 
d'argent  frappées  à  Amphipolis,  toutes  d'une  grande  beauté 
et  d'une  conservation  parfaite.  On  sait  combien  étaient 
rares  jusqu'à  ces  derniers  temps  les  tétradrachmes  d' Am- 
phipolis, colonie  athénienne  établie  aux  embouchures  du 
fleuve  Strymon.  Peu  de  mois  après  la  découverte,  une 
douzaine  de  ces  pièces  passa  dans  les  mains  de  M.  RoUin. 
Plus  tard,  une  circonstance  heureuse  mit  M.  Hoffmann 
en  possession  d'une  grande  partie  de  ce  trésor,  et  c'est 
pour  conserver  le  souvenir  de  la  trouvaille  de  Salonique 
que  nous  donnons  dans  la  Revue  la  belle  planche  qui  offre 
les  types  variés  de  ces  admirables  médailles, 

11  paraît  que  les  trois  tétradrachmes  d'Amphipolis  décrits 
par  M.  le  baron  de  Prokesch-Osten,  dans  lu  Revue  de  1860, 
p.  268,  faisaient  partie  de  ce  môme  dépôt. 

Voici  maintenant  la  description  des  dix  pièces,  huit  tétra- 
drachmes et  deux  drachmes  gravées  dans  la  pi.  IV  : 

.N°  i.  Tête  laurée  d'Apollon,  de  face,  à  cheveux  courts, 
légèrement  tournée  à  droite. 

A  M 

k    j^j.  Au  centre,  une  torche  alhimée,  le  tout  dans  une 

couronne  de  laurier,  —  .R.  Tétradrachmc. 


liT    DISSEKTATIONS.  9l 

N*  2.  Môme  tète  d'Apollon  de  face,  à  cheveux  longs  tom- 
bant le  long  des  joues,  légèrement  tournée  à  gauche. 

i)  AM*inOAITEfiN,  inscrit  sur  un  carré  plat,  en  relief, 
dans  un  autre  carré  creux.  Au  centre  une  torche  allumée. 
—  iîV.  Tétradrachme. 

Une  pièce  à  peu  près  semblable  se  trouve  dans  la  collec- 
tion de  M.  le  duc  de  Luynes,  aujourd'hui  au  Cabinet  des 
médailles  de  la  Bibliothèque  impériale,  et  une  autre  au 
Musée  Britannique  '. 

N'  8.  Même  tête  d'Apollon,  de  face,  légèrement  tournée 
à  droite. 

fi  AMtPinOAITEQN,  inscrit  de  la  môme  manière.  Au 
centre  une  torche  allumée,  et  à  côté  une  mouche.. — .iV.  Té- 
tradrachme. 

Des  pièces  semblables  se  trouvent  au  Cabinet  des  mé- 
dailles de  la  Bibliothèque  impériale,  au  Musée  Britannique', 
et  dans  la  collection  de  M.  le  baron  de  Prokesch-Osten 
{Revue  num.,  1860,  p.  268). 

N'  4.  Même  tête  d'Apollon ,  de  face  ,  légèrement  tournée 
à  gauche.  Sous  l'oreille  droite,  un  crabe. 

Sj  AMOinOAITEfiiN ,  inscrit  de  la  môme  manière.  Au 
centre  une  torche  allumée.  —  ^1\.  Tétradrachme. 

Cette  pièce  est  semblable  à  celle  qui  a  été  publiée  par 
M.  Prosper  Dupré  dans  la  Revue  de  1863,  p.  1. 

N*  5.  Môme  tête  d'Apollon,  de  face,  légèrement  tournée 
à  droite. 

fi  AMî>inOAITEfiN,  inscrit  comme  sur  les  pièces  précé- 
dentes. Au  centre  une  torche  allumée,  accompagnée  d'un 
trépied.  —  .fV..  Tétradrachme. 


*  Éd.  de  (.'adulvcne,  MédatUcs  inedileSj  p.  58. 

*  Paync  Knight,  A'wm.  let.,  \).  68. 


9-2  MÉMOIRtS 

i\*  (5.  Même  lète,  également  inclinée  à  droite. 

Rj  AM4>inOAITE(îN,  comme  sur  les  pièces  précédentes. 
Au  centre  une  torche  allumée,  accompagnée  d'un  trépied. 
— iîV.  Tétradrachme,  aujourd'hui  dans  la  collection  de  M.  de 
la  Salle. 

Une  pièce  semblable  se  trouve  dans  la  collection  de  M.  le 
duc  de  Luynes,  aujourd'hui  au  Cabinet  des  Médailles  de  la 
Bibliothèque  impériale  ^  une  autre  dans  la  collection  de 
la  Banque  d'Angleterre  ':  une  autre  encore  dans  la  collec- 
tion de  M.  le  baron  de  Prokesch-Osten  {Revue  num. ^IS60, 
p.  268). 

N°  7.  Môme  tête,  légèrement  tournée  à  droite. 

H)  AMOinOAITEfîN.  Torche  et  A.  —  AV.  Tétradrachme. 

N»  8.  Même  tête. 

vi  AM*inOAITEiîN.  Torche  et  A,  comme  au  numéro  pré- 
cédent. —  iîv.  Tétradrachme. 

Un  autre  exemplaire,  au  Cabinet  des  médailles,  porte 
dans  le  champ  la  lettre  P. 

N*  9.  Même  tète  d'Apollon  de  face,  légèrement  tournée 
à  gauche. 

AM 

a  ^|.  Au  centre  une  torche.  Le  tout  dans  une  cou- 
ronne de  laurier.  —  .H.  Drachme. 

N'  10.  Même  tête  d'Apollon,  de  face,  légèrement  tournée 
à  droite. 

Si  AM^inOAITEîîN,  inscrit  en  relief  sur  un  carré  plat, 
dans  un  autre  carré  creux.  —  ^fV.  Drachme. 

Cette  dernière  pièce  ne  faisait  pas  partie  de  la  trouvaille 
de  Salonique.  Elle  est  tirée  de  la  célèbre  collection  Fon- 
tana,  à  Tricstc. 

»  Aum,  t7iromr/f,  t.  111,  p.  134,  n**  2. 


LT    DISSERTATIONS.  93 

Toutes  les  médailles  qui  portent  le  nom  d'Amphipolis 
ont  été  frappées  postérieurement  à  Tannée  â37  avant  notre 
ère  (Olympiade  LXXXV,  4).  Ce  fut  dans  le  cours  de  cette 
année  que  les  Athéniens  envoyèrent  vers  les  embouchures 
du  fleuve  Strymon,  en  Thrace,  une  colonie  à  la  tête  de 
laquelle  se  trouvait  Agnon,  fils  de  Nicias,  qui  donna  le 
nom  d'Amphipolis  à  la  ville  connue  jusqu'à  cette  époque 
sous  la  dénomination  d'Éwéa  6So(,  les  Neuf  Voies.  Amphi- 
polis  dut  son  nouveau  nom  à  sa  position  entre  la  mer,  le 
lac  Cercinitjs  et  le  fleuve  Strymon  \ 

Les  Athéniens  avaient  cherché  bien  des  fois  à  s'établir 
dans  la  Thrace,  et  dès  l'expédition  de  Cimon,  fils  de  Mil- 
tiade,  en  476,  ils  avaient  voulu  se  fixer  aux  embouchures 
du  Strymon*.  Mais  les  expéditions  des  Athéniens  anté- 
rieures à  l'établissement  d' Agnon,  la  colonie  d'Aristagoras 
de  Milet,  en  497,  qui  voulait  se  soustraire  à  la  colère 
de  Darius',  une  colonie  athénienne,  en  465,  qui  subit  une 
rude  défaite  à  Drabescus  *,  toutes  ces  expéditions,  dis-je, 
n'ont  rieu  à  faire  avec  la  numismatique  d'Amphipolis,  dont 
le  nom  ne  remonte  pas  plus  haut  qu'à  l'année  487. 

On  a  cru  trouver  la  tête  d'Agnon  ceinte  du  diadème,  eu 
qualité  de  fondateur,  xtiott,^,  àpyri^ivri^,  sur  les  pièces  d'argent 
et  de  bronze  de  la  colonie  athénienne  '.  Mais  si  l'on  compare 
cette  tête  à  cheveux  courts  et  ornée  du  diadème  avec  cer- 
taines petites  pièces  d'argent  et  de  bronze  de  Philippe  II,  roi 


»  Thucyd.,  IV,  102.  —  Diodor.  Sical.,  Xll,  32  et  68.  —  Schol.  ad  ^schin., 
de  Falsa  Leg.,  p.  755,  éd.  Reiake. 

*  Thucyd.,  I,  98.  —  Plutarch.,  Cimon,  7.  —  Cornelins  Nepos,  Cimon,  2. 
»  Herodot.,  V,  126.  —  Thucyd.,  IV,  102. 

*  Thucyd.,  I,  100;  IV,  102.— Diodor.  Sicul.,  XII,  68.— Cf.PauB.,1,  29,  4. 
»  Mionnet,  dans  la  table  des  matières  de  w)n  ouvrage ,  t.  IX ,  p.  222,  dit  : 

Aunon  meliut  Apollon. 


9/|  Mt.MOmtS 

de  Macédoine  \  on  arrive  h  y  reconnaître  la  tète  d* Apollon. 

M.  le  duc  de  Luynes*  a  tâché  de  fixer  l'époque  à  laquelle 
les  nations  grecques  les  plus  civilisées  adoptèrent  presque 
simultanément  la  tête  de  face  de  haut  relief  comme  type 
monétaire.  Ce  fut  celle  où  vivait  Alexandre,  tyran  de 
Plîères ,  qui  s'empara  de  Tautorité  souveraine  en  369,  et 
périt  assassiné  quelques  années  après.  Ce  prince  fit  frapper 
un  magnifique  tétradrach'me  avec  la  tête  de  Diane  vue  de 
face*.  Dans  le  même  siècle,  si  Ton  en  juge  par  le  style,  un 
grand  nombre  de  villes  grecques  firent  représenter  leurs 
divinités  tutélaires  de  face  sur  leurs  monnaies.  On  peut 
citer  Larissa  de  Thessalie.  Amphipolis,  iEnus,  Aphytis  de 
Macédoine,  Clazomène  d'Ionie,  Rhodes,  Lampsaque  de 
Mysie,  Sigée  de  Troade,  Thèbes  de  Béotie,  Vélia,  Crotone, 
Héraclée,  Pandosia,  Métaponte,  Hyrina  en  Italie,  Syracuse 
et  Catane  en  Sicile,  Barcé  dans  la  Cyrénaïque,  sans  compter 
un  grand  nombre  d'autres  villes  moins  importantes  et  les 
monnaies  frappées  aux  noms  des  rois  de  Carie,  Mausole, 
Hidrieus,  Pixodare,  Othontopates,  et  enfin  celles  d'Audoléon, 
roi  de  Péonie,  contemporain  d'Alexandre  le  Grand. 

Ce  qui  confirme  ces  données  chronologiques  quant  à 
l'adoption  des  têtes  de  face  sur  la  monnaie,  c'est  l'obser- 
vation qu'on  peut  faire  au  sujet  des  magnifiques  médaillons 
de  Syracuse  portant  les  signatures  de  Cimon  et  d'Euclide. 
Ces  deux  artistes,  qui  vivaient  à  l'époque  de  Denys  le  Tyran 
(406-367),  ont  également  gravé  la  tête  d'Arélhuse  et  celle 
de  Minerve  de  face*. 

*  L.  Millier,  Numismatique  d'AUiandre  le  Gravd^  pi.  XXIII,  n"*  14,  15,  23. 
-  Ânn.deVInst.arch.,  t.  XIII,  1841,  p.  158.— Cf. /?«.  num.,  1843,p. 8, note  1. 
»  Sum.  Chmn.,  1845,  vol.  VII,  p.  110.—  Hevue  num.,  1859,  pi.  III,  »•  1. 
^  Voir  duc  <îe  Lnynos,  Bnve  num.^  1843,  p.  0.  —  Raoul  Kochett*^,  Lettre  à 
3f.  Srhom,  spcnndp  édition,  p.  86  et  87. 


ET    DISSEnTATIONS.  95 

Mais  on  conçoit  facilement  à  quelle  détérioration  étaient 
exposées  des  médailles  d'un  aussi  haut  relief,  et  dès  le 
temps  d'Alexandre  le  Grand  si  ce  système  ne  fut  pas  complè- 
tement abandonné,  du  moins  un  grand  nombre  de  villes 
en  revinrent  aux  têtes  de  profil.  Les  têtes  de  face  ou  de 
trois  quarts  ne  reparurent  sur  la  monnaie  que  sous  l'empire 
romain ,  vers  le  m*  siècle  de  notre  ère ,  mais  ce  fut  surtout 
à  l'époque  du  Bas-Empire  que  l'effigie  de  l'empereur  fut 
représentée  de  cette  manière.  Quant  aux  villes  grecques, 
les  médailles  de  Rhodes  semblent  indiquer  par  leur  style, 
un  usage  plus  prolongé  des  têtes  de  face  ou  de  trois  quarts. 
Cette  observation  est  confirmée,  si  l'on  compare  les  médailles 
autonomes  et  celles  au  nom  d'Alexandre  frappées  à  Rhodes, 
même  postérieurement  à  la  mort  du  conquérant  macédo- 
nien, et  sur  lesquelles  on  lit  des  noms  de  magistrats.  En 
effet,  les  noms  d'AINHTiîPS  d' API^TOBOTAOl %  de 
AAMATPI02  »,  de  2TA::ill2N  *  sont  inscrits  sur  les  mé- 
dailles portant  la  tête  de  face  du  Soleil,  aussi  bien  que  sur 
des  tétradrachmes  au  nom  d'Alexandre  frappés  à  Rhodes, 
comme  l'indiquent  les  lettres  PO  et  la  rose  ^  Mais  les  noms 
tfAPIITOBOïAOS,  de  AAMATPI02  et  de  iTAIUîN  se 
lisent  également  sur  des  pièces  autonomes  qui  ont  pour 
type  la  tête  de  profll  du  Soleil  \ 

Ce  changement  de  type  sur  la  monnaie  des  Rhodiens 
fixerait  ainsi  la  dernière  limite  des  têtes  de  face.  Mais  il  est 
possible  que  même  après  le  siège  de  Rhodes  par  Démétrius 

«  Mionnet,  HI,  p.  417,  n~  150-152;  VI,  Suppl.,  p.  696.  n«'  249,  2ôO. 
«  Idem,  VI,  Snppl.,  p.  591,  n-  201,  et  p.  594.  n*  233. 
'  rdem,  ibid.,  p.  592,  n»  207. 
*  Idem,  III,  p.  419,  n»*  175  et  170. 

8  Mionnet,  I,    p.    532,  n*'  271,  272,   274.  —  L,  Miiller,    Sumifmrttiqiie 
d'AUxandrt  le  Grand,  p.  260. 
'^  Mionnet,  IIl,  p.  414,  n"*  112, 117,  H  p.  416,  n»  13.>. 


DO  MÉMOIRES 

Poliorcète,  en  303,  on  ait  continué  de  faire  figurer  sur 
la  monnaie  la  tète  de  face  de  la  divinité  tutélaire  de 
l'île  \ 

Mais  si  le  règne  d'Alexandre,  tyran  de  Phères»  estrépo- 
que  approximative  de  l'adoption  des  têtes  de  face  sur  la 
monnaie,  comme  l'a  si  judicieusement  observé  M.  le  duc 
de  Luynes,  il  convient  pourtant  de  remonter  un  peu  plus 
haut  pour  trouver  le  point  de  départ  de  cette  innovation 
artistique,  car  les  têtes  de  trois  quarts  se  voient  déjà  sur 
les  monnaies  frappées  sous  l'autorité  de  Phamabaze,  qui 
jouit  d'un  pouvoir  très-étendu  comme  satrape  du  Grand 
Roi  de  l'an  A13  à  l'an  37A  avant  Jésus-Cbrist  '• 

Les  têtes  de  face  adoptées  comme  type  monétaire  étaient 
l'application  à  cette  branche  des  arts  de  l'innovation  que 
Cîmon  de  Cléones  venait  de  faire  dans  la  peinture,  en  re- 
présentant le  premier  des  têtes  de  face,  de  trois  quarts  et  à 
profil  perdu,  que  Polygnote  et  Micon  eux-mêmes  n'a- 
vaient pas  osé  aborder.  Or,  Gimon  de  Cléones  florissait 
vers  la  LXXX*  olympiade,  ou  quelques  années  plus  tard  ', 
et  le  rapprochement  que  je  fais  ici  entre  l'art  du  peintre 
et  celui  du  graveur  de  monnaies  a  été  fait  avant  moi  par 

*  On  a  cru  lire  des  uoms  de  magistrats  dans  la  composition  desquels  entre- 
rait le  sigma  lunaire  C  sur  des  pièces  où  la  tôte  du  Soleil  est  figurée  tantôt  de 
luce,  tantôt  do  profil  ;  AnCTONOMOC  (Mionnet,  III,  p.  417,  n»  159,  et  p.  418, 
n»  160  ) ,  AIONTCIOG  {Idem.,  VI,  Suppl.,  p.  592,  n-  209),  HPArOPAG  {idem, 
VI,  Suppl.,  p.  690,  n»  186),  «WAOCTPAT  (idem,  III,  p.  416,  n»  138).  Ces  lec- 
tures ne  sont  pas  fondées,  ii  l'exception  d'une  seule,  comme  j'ai  pu  m*en  as- 
surer au  Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  impériale.  La  pièce  qui,  au 
droit,  montre  la  tCte  radiée  du  Soleil  de  profil  à  droite,  porte  réellement  au 
rovers  le  nom  de  «WAOCTPAT  {sic). 

'  Duc  de  Luynes,  Monnaies  des  Satrapies^  pi.  I,  n*>*  2-4. 

'  Voir  Cb.  Lenormant,  Mémoire  sur  Us  peintures  que  Polygnote  avait  sxécuiées 
dans  la  Ltsché  de  Delphes^  dans  les  Mémoires  de  V Académie  royale  des  sciences 
de  Belgique,  t.  XXXIV,  p.  36  et  suiv. 


ET    DISSERTATIONS.  97 

Charles  Lenormant*.  Les  admirables  vases  peints,  en- 
richis de  dorures ,  trouvés  à  Kertch  et  récemment  publiés 
par  les  soins  de  la  Commission  impériale  d'archéologie  de 
Saint'PéiersbourQj  montrent  des  personnages  représentés 
de  face  ou  de  trois  quarts,  et  ces  vases,  comme  le  style  le 
démontre,  appartiennent  au  iv*  siècle  avant  notre  ère, 
c'est-à-dire  au  plus  grand  développement  de  Tart  hellé- 
nique •. 

Pour  en  revenir  aux  médailles  d'Amphipolis,  je  ferai 
observer  d'abord  que  les  pièces  d'argent  ont  dû  être  frap- 
pées dans  l'espace  de  moins  d'un  siècle.  En  eiïet,  la  date 
de  la  fondation  de  cette  colonie  athénienne  est  fixée  d'une 
manière  positive  à  la  quatrième  année  de  la  LXXXV*  olym- 
piade, sousTarchonlat  d'Euthy mènes,  437  ans  avant  Jésus- 
Christ.  Philippe,  roi  de  Macédoine,  s'empara  d'Amphipolis 
en  358  ',  et  depuis  cette  époque  cette  ville  resta  sous  la 
domination  macédonienne.  Ainsi  le  monnayage  autonome 
ne  dura  guère  que  pendant  une  période  d'environ  soixante- 
dix-neuf  ans. 

Je  place  à  l'époque  la  plus  ancienne  et  très -voisine  de 
la  fondation  d'Amphipolis ,  l'obole  d'argent  dont  voici  la 
description  : 

Tête  d'Apollon  à  cheveux  courts  et  diadémée  à  droite. 

AM 

â    jt .  Poisson,  le  tout  dans  un  carré  creux,  formé  par 

^  Dans  le  mémoire  cité  à  la  noto  précédente ,  p.  34  et  sniv.  —  Cf.  François 
Lenormant,  Gaxetle  du  beaux'arts,  octobre  1863,  p.  340. 

*  Voir  le  merveilleux  vase  de  la  naissance  d'Iacchns,  1859,  pi.  I  et  II  ;  1860, 
pi.  I,  et  surtout  le  vase  désigné  sous  les  noms  d*Admitê  et  à*Alc€sti,  très- 
difficile  à  expliquer,  où  Ton  voit  un  Jupiter  assis  représenté  de  trois  quarts, 
dont  la  tête  est  comparable  à  celles  des  plus  beaux  camées,  pi.  II;  1861, 
pi.  I  et  V. 

»  Diodor.  Sicnl.,  XVI,  8.—  Polyien.,  Stratagm,,  IV,  2,  17. 

1864.  —  2.  •  7 


9S  MÈMOIHES 

quatre  lignes.  — .^.   1  12.  Mionnet,  Suppl.,  III,  p,  18, 
n»  118  \ 

Peu  après  cette  pièce  vient  le  tètradrachme  gravé  sous 
le  n*  1  de  la  pi.  IV,  sur  lequel  la  tète  d'Apollon  a  encore 

quelque  chose  de  rude  et  de  sévère  qui  sent  Tarcbiasme; 

AM 

au  revers  la  légende  boustrophédon  j^  est  semblable  à 

celle  inscrite  sur  l'obole. 

J'ajoute  ici  la  gravure  d'un  autre  tètradrachme  de  la 
collection  de  M.  Prosper  Dupré.  Il  faisait  partie  du  dépôt 
de  Salonique. 


Tête  d'Apollon  laurée  de  face,  à  cheveux  longs,  légère- 
ment tournée  à  droite. 

A  j^.  Au  centre  une  torche  allumée,  le  tout  dans  une 
couronne  de  laurier.  — J^.  Tètradrachme. 

Comme  on  le  voit,  la  tète  d'Apollon  est  différente  de 
celle  que  nous  offre  la  pièce  de  la  pi.  IV,  n'  1.  Ici  c'est  un 
Apollon  à  cheveux  longs  et  d'un  caractère  moins  archaïque, 
tandis  que  celui  gravé  dans  la  pi.  IV,  n*"  1  est  l'Apollon  ma- 
cédonien à  cheveux  courts,  adoré  à  Ichnae  dans  la  Piérie  \ 

Après  ces  premiers  tétradrachmes  se  rangent  toutes  les 

^  Sestini,  StaUri  anf.,  tav.  I ,  n*  4  et  Lettêre  nwnitm,  di  continuasùmê ,  IV, 
tab.  I,  n*  13.  —  Cousinéry,  Voyage  m  Macédoine,  t.  II ,  pi.  VI ,  n«  18.  —  Dn- 
mersan,  Dttcription  des  me'dailles  antiques  du  cabinet  de  M,  Allier  de  Hauteroeht, 
pî.  IV,  n»  16. 

*  lIerodot.,VlI.123.  —  Hesych.,  v.  îxvatr.v.  —  Siiid.,  c.  l/vatr,.  —  Stepli. 
Byxant.,  v.  ï/_vii.—  Cf.  Fr.  Lenormant,  Revue  num,^  1862,  p.  401. 


ET   DISSERTATIONS.  99 

pièces  de  la  pi.  IV,  sur  lesquelles  l'etbnique  est  écrit 
AMWnOAITEiîN  ;  car  les  nuances  de  style  qu'on  observe 
entre  ces  différentes  pièces  tiennent  à  la  main  des  artistes 
qui  ont  gravé  les  coins  monétaires,  et  ne  sauraient  consti- 
tuer des  différences  de  date  de  plus  de  vingt  ou  vingt-cinq 
ans.  La  pièce  n"*  6  est  sans  aucun  doute  une  des  plus  belles 
médailles  de  la  série  autonome  grecque,  et  indique  le  plus 
haut  degré  de  perfection  auquel  Tari  du  graveur  pent 
atteindre. 

Voici  encore  un  autre  tétradrachme  de  la  trouvaille  de 
Salonique.  Il  fait  partie  aujourd'hui  de  la  collection  de 
M.  Gréau,  à  Troyes,  qui  nous  a  permis  avec  la  plus  grande 
obligeance  de  le  publier  dans  la  Revue. 


Tète  d'Apollon  laurée  de  face,  à  longs  cheveux,  légère- 
ment tournée  adroite.  Sur  l'épaule  droite,  un  chien  lévrier. 

^  AMWnOAITEflN ,  écrit  sur  un  carré  plat  en  relief 
dans  un  autre  carré  crenx.  Au  centre,  une  torche  allumée 
et  la  lettre  A.  — JR.  Tétradrachme. 

Un  exemplaire  semblable  existe  dans  la  collection  de 
M.  le  duc  de  Luynes,  donnée  au  Cabinet  des  médailles  ;  un 
troisième  a  été  décrit  par  M.  le  baron  de  Prokesch-Osten 
(Revue  ntim. ,  1860,  p.  268). 

Quant  aux  deux  tétradrachmes  du  Cabinet  des  mé- 
dailles de  la  Bibliothèque  impériale ,  décrits  par  Mionnet  ^ 

«  I,  p.  462,  n**  loi  et  102.  -  Cf.  III,  Suppl.,  p.  19,  n»  120.  —  Le  premier 


100  MÉMOIRKS 

et  gravés  à  la  pi.  V»  n"  1  et  2  du  troisième  volume  du 
Supplément  à  son  ouvrage,  Tun  et  Tautre  portent  la  lé- 
gende AM^inOAlTiiN;  Fun  a  dans  le  champ,  à  côté  de 
la  torche,  un  épi  (cf.  Rerueil  de  planches,  pi.  XLIX,  n*  6*), 
l'autre  un  bouclier  béotien  *.  La  présence  du  bouclier  béotien 
nous  fournit  un  point  de  repère  pour  connaître  Tépoque 
de  rémission  de  cette  pièce.  C'est  sous  Tinfluence  de  l'hé- 
gémonie thébaine  que  ce  tétradrachme  a  été  frappé,  lors- 
qu'Épaminondas  eut  porté  la  puissance  des  Thébains  à 
son  apogée  par  les  victoires  de  Leuctres  en  371,  et  de 
Mantinée  en  362.  Ce  serait  donc  dans  cet  intervalle  de 
dix  ans  qu'on  aurait  émis  les  pièces  avec  la  légende 
AM<I)inOAIT£iN.  Et  cependant  ce  n'est  que  par  conjec- 
ture que  je  propose  de  mettre  les  deux  tétradrachmes  à 
la  légende  AM$inOAITfiN  après  ceux  qui  portent  AM*I- 
nOAlTEfîN.  Qui  sait  si  les  habitants  d'Amphipolis  u  ont 
pas  repris,  après  quelques  années  d'interruption ,  la  lé- 
gende AM<I>inOAITE12N  ?  ce  qui  ne  semble  pourtant 
pas  probable,  la  forme  AM4>inOAITîîN  étant  contractée 
d'AM4>inOAITEîîN,  forme  évidemment  plus  ancienne.  U 
n'est  guère  possible  de  dire  quelque  chose  de  certain  ou  de 
satisfaisant  sur  le  dialecte  parlé  à  Amphipolis.  Bcnckh,  en 
publiant  un  décret  des  habitants  de  cette  ville  de  la  fin  de  la 
CV"  olympiade  ',  fait  observer  que  le  dialecte  dans  lequel 


dessin  de  Tan  de  ces  tétradrachme»  a  été  gravé  dans  le  recueil  de  Pellerin, 
reuple$  tt  villes,  I ,  pi.  XXX ,  n"  21 . 

*  Un  tétradrachme  portant  Tépidansle  champ,  à  côté,  de  la  torche,  ^ 
trouvait  dans  la  collection  Gossollin.  Voir  le  Catalogue,  n«  8X. 

*  Un  tétradrachme  avec  le  bouclier  dans  le  champ  et  la  légende  AM4>inO- 
AITON  faisait  partie  de  la  collection  de  lord  Nortwich,  vendue  en  1859.  Voir 
le  Catalogue,  n*  570.  —  Cf.  Revue  num.,  1860,  p.  88, 

*  Corpui  imcript,  pr.,  n*  2008. 


FT    DISSERTATIONS.  ICI 

est  coDçu  ce  décret  n'est  pas  le  dialecte  athénien.  Thucy- 
dide S  ajoute  l'illustre  épigraphisle,  dit  en  termes  formels 
cpie  lors  du  siège  d'Amphipolis,  en  424,  par  les  Lacédé- 
moniens,  commandés  par  Brasidas,  il  se  trouvait  dans  la 
ville  un  petit  nombre  d'Athéniens  auxquels  s'étaient  joints 
des  gens  de  plusieurs  contrées;  c'était  un  ramassis 
d'hommes  venus  de  tous  les  points  de  la  Grèce,  Spayu  ^à^ 

^QT)vttfo>v  EfXTcoXixeûov^   Tè  lï  TrXeTov  (ufAfiixxov.  €e   qui    ajoute   à 

l'incertitude  où  l'on  est  sur  la  langue  en  usage  à  Amphi- 
polis,  c'est  qu'en  plusieurs  circonstances  cette  ville  changea 
de  maîtres.  Ainsi,  en  424,  Brasidas  s'empara  d'Amphi- 
polis*;  en  422,  les  Athéniens,  sous  le  commandement  de 
Cléon,  voulurent  reprendre  cette  ville,  mais  ils  échouèrent 
dans  leur  entreprise';  en  359,  Amphipolis  fut  déclarée 
ville  libre  par  Philippe  *,  qui  à  peine  un  an  après  s'en 
empara  pour  ne  plus  s'en  dessaisir  *. 

Maintenant  quant  aux  pièces  de  bronze  de  tout  module 
frappées  à  Amphipolis  la  série  en  est  très-nombreuse;  toutes 
portent  indifféremment  l'ethnique  AM^inOAlTiîN  ou 
AM*inOAEITf2N  •,  et  cette  dernière  forme  se  retrouve 
jusqu'à  la  fin  de  la  série  impériale  romaine;  on  lit 
AM4)inOAGITa)N  et  AM<I)iriOAeiTnN  sur  les  pièces  de 
bronze  des  règnes  de  Commode,  de  Caracalla,  de  Valérien 

»  IV,  106.  —  Cf.  Diodor.  Sicul.,  XII,  32. 
«  Thucyd.,  IV,  102. 
»  Thucyd.,  V,  6-10. 

*  Diodor.  Sicul.,  XVI,  3. 

»  Diodor.  Sicul.,  XVI,  8.  —  Polysen.,  Slratag.  IV,  2,  17. 

*  Cadalvèno  (Médailles  inédites^  p.  53.  Paris,  1828,  in-l")  décrit  un  tétra- 
drachme  portant  dans  le  champ  la  mouche  à  côté  de  la  torche ,  conservé  h 
la  banque  d'Angleterre,  et  sur  lequel  on  lit  :  AM<I»inOAEITÛN.  C'est  évidem  - 
ment  une  erreur,  à  moins  que  cet  exemplaire  no  soit  un  coin  moderne  ;  il 
nzist«  un  coin  faux  de  la  belle  pièce  d* Amphipolis. 


102  MÉMOIRES 

et  de  Gallieu.  Presque  toutes  les  pièces  de  brouze  émises 
au  nom  d'Ampbipolis ,  pour  ne  pas  dire  toutes,  appar- 
tiennent à  l'époque  qui  a  suivi  la  conquête  romaine, 
108  avant  Jésus-Christ.  D* abord  il  convient  d'observer 
que  plusieurs  de  ces  pièces  portent  les  marques  de  l'as  et 
de  ses  divisions ,  et  puis  qu'on  y  voit  l'empreinte  de  la 
double  tête  de  Janus  \  Le  style  d'ailleurs  de  toutes  les 
pièces  de  bronze  dénote  une  époque  relativement  récente, 
et  si  dans  le  nombre  il  s'en  trouve  quelques  autonomes, 
il  est  à  croire  que  leur  émission  doit  remonter  à  l'époque 
antérieure  à  la  conquête  macédonienne. 

J.    DE   WiTTE. 

»  Mionnot,  I,  p.  465,  n«  140  ;  IH,  Suppl.,  p.  26,  n»  87. 


ET  DISSERTATIONS.  103 


SUR  LA  LÉGENDE  D'UNE  MONNAIE  DE  60RTYNE 

DE  CRÈTE. 


M.  le  général  Fox  *  a  publié  le  dessin  d'une  précieuse 
monnaie  de  sa  collection ,  frappée  à  Gortyne ,  dans  l'Ile  de 
Crète,  et  du  style  le  plus  archaïque.  On  y  voit  d'un  côté 
Europe  sur  le  taureau,  et  de  l'autre,  dans  un  carré  creux, 
une  tête  de  lion  de  face  qu'entoure  l'inscription 

A^ÎA30T/VVOV%VT40A 

Quel  est  le  sens  de  cette  légende,  plus  longue  que  celles 
qui  se  lisent  d'ordinaire  sur  les  monnaies  grecques  archaï- 
ques? C'est  ce  que  nous  voulons  essayer  d'établir. 

Il  n'y  a  qu'une  lettre  douteuse,  la  onzième,  et  c'est  sur 
cette  seule  lettre  que  roule  la  difficulté  du  problème.  Les 
autres  se  transcrivent  en  caractères  ordinaires  et  en  réta- 
blissant la  direction  adoptée  définitivement  plus  tard  pour 
l'écriture  : 

rOPTÏNOi;  TO .  AIMA 

Le  colonel  Leake  %  qui  seul  jusqu'à  présent  a  tenté  d'in- 
terpréter cette  inscription,  a  vu  un  2  dans  le  caractère  9, 

*  Engrating  ofunedited  or  ran  Greek  coi»w,  pi.  X,  n*  109. 
»  ?(umiimata  helleuica,  Intular  Grtecff  p.  18. 


104  MLMoints 

et  a  lu  roptuvo;  -zt  wjxa.  11  considère  aaTjia  coaiiue  une  forme 
dialectique  pour  <r^(ia,  et  traduit  en  conséquence  :  le  signe^ 
le  symbole  (  est  celui  )  de  Gorlyne.  Mais  si  Ton  a  pu  relever 
quelques  exemples  de  l'emploi  des  lettres  lunaires  remon- 
tant au  III'  siècle  avant  Jésus-Christ,  on  n'en  connaît  pas  de 
plus  anciens,  et  pour  quiconque  a  étudié  la  paléographie 
monumentale  de  l'alphabet  grec,  il  est  impossible  d'admet- 
tre que  le  o-  ait  été  figuré  C  à  l'époque. à  laquelle  remonte 
la  médaille  possédée  par  M.  le  général  Fox. 

On  était,  du  reste,  en  mesure  d'afDrmer  déjà,  lorsque 
parut  la  publication  du  savant  amatem*  anglais,  que  le 
signe  0  ne  pouvait  être  qu'un  tz  ou  un  ç,  d'après  la  légende 
d'une  très-ancienne  monnaie  de  Phœstus,  où  le  nom  de 
cette  ville,  également  crétoise,  était  écrit 

V\o4iTAAIAD  * 

Aujourd'hui  le  doute  n'est  plus  possible.  M.  Thenon, 
ancien  membre  de  l'École  française  d'Athènes,  a  publié 
dans  la  Rctue  archéologique  '  une  inscription  archaïque, 
qu'il  a  rapportée  des  ruines  mêmes  de  Gortyne  au  musée 
du  Louvre,  et  qui  semble  être  le  fragment  d'une  loi  sur  les 
testaments  et  les  successions.  Le  signe  3  y  est  employé 
quinze  fois,  dans  des  exemples  qui  lui  assignent  la  valeur 
certaine  de  -n.  C'est  7,  le  »]  phénicien,  plus  rapproché  de 
sa  figure  originaire  que  dans  aucune  autre  des  variétés  de 
l'alphabet  grec  primitif.  Il  faut  donc  transcrire  la  légende 
de  notre  médaille  :  ropxuvo;  to  TroijjLa,  et  nous  nous  trouvons 
ainsi  en  présence  d'un  mot,  iiat|ia,  évidemment  spécial  au 

»  Mionnet,  pL  XXXV,  u"  145.  —  Pinder,  Die  Antiken  Munsen  des  Kanigli- 
ehen  Jfuieumt  ( Berlin,  1851),  pi.  I,  n«5. 
«  Nouv.  f«r.,  t.  VIII,  p.  441-447.  pi.  XVI. 


ET    DISSERTATIONS.  105 

dialecte  de  la  Crète,  dont  il  s's^it  de  déterminer  la  signi- 
fication. 

La  première  idée  qui  s'est  présentée  à  notre  esprit  a  été 
d'y  reconnaître  une  forme  locale  du  substantif  7iQê(ia,  dont 
on  ne  connaît  que  deux  exemples  dans  les  auteurs  classi- 
ques S  mais  dont  il  est  dit  dans  les  célèbres  Scbolies  de 

Venise  sur  Homère  *  :  nàfiaxa  xsXsTtsi  irapà  Acopteûai  Ta  xmJfAOtta 
xal  icàaaaOat  xh  xTiJ^a^Oai,  ixxsivo(iivou  xoû  a.    De   même    que 

XpiS{JuzTa  en  était  venu  à  désigner  spécialement  l'argent ,  il 
nous  semblait  possible  à  admettre  que  Trajxa,  après  avoir 
signifié  toute  espèce  de  possession^  de  bien,  aurait  reçu  le 
sens  spécial  et  restreint  de  monnaie.  Mais  nous  avons  dû 
bientôt  abandonner  cette  conjecture.  Le  sens  que  nous 
étions  disposé  à  reconnaître  au  substantif  irâixa  était  bien 
détourné  et  bien  peu  vraisemblable  ;  de  plus,  dans  tous  les 
mots  que  nous  connaissons  du  dialecte  crétois,  pai-mi  les- 
quels sont  plusieurs  dérivés  de  la  racine  iràw ,  on  ne  voit 
jamsds  apparaître  le  changement  de  l'a  en  la  dipthongue  at, 
formellement  contraire  au  génie  ultra-dorique  de  ce  dia- 
lecte. 

Ceci  étant,  il  n'y  a  qu'une  seule  explication  possible  du 
mot  iiaTjia  :  c'est  d'y  voir  un  substantif  dérivé  du  verbe  «aktv, 
qui  a  toutes  les  acceptions  de  notre  français  frapper  '.  Le 
verbe  irateiv,  dans  les  formes  régulières  de  la  langue,  produit 
le  substantif  x^jjta ,  dont  notre  irjxïjjLa  ne  diffère  que  par  la 
substitution  de  ai  à  rj  ;  or  cette  substitution  d'un  son  vocal 
à  un  autre  est  conforme  aux  habitudes  propres  du  dialecte 

*  Theocrit.,  FUlul,,  v.  12.  —  Doaiad.  in  Anthol,  Palat.,  XV,  25,  v.  5.  — 
Cf.  Valckenaër,  Animadv,  in  Ammon,^  p.  189. 

'  Ad  Iliad.,  A,  y.  433.  —  Cf.  Henr.  Stcphon.,  Thei.  Ung,  gratc.t  cd.  Didot, 

*•  ^* 

*  Cf.  Henr.  Steph.,  Thit.  ling.  graec.^  éd.  Didot,  i.  «. 


106  MÉMOIRES 

Cretois,  et  le  colonel  Leake  radmettait  déjà  quand  il  pro- 
posait de  lire  <j(xt[xa  pour  of^iia.  Seulement  TnSjxa,  dans  l'usage 
ordinaire  des  écrivains  classiques,  ne  se  rencontre  qu'avec 
l'acception  métaphorique  de  coup  de  la  Fortune ,  malheur ^ 
mal,  et  tout  au  contraire  dans  la  légende  de  la  médaille  de 
Gortyne,  r.£iiui  est  doué  du  sens  matériel  et  direct  de  coup, 
frappe,  et  plus  exactement  encore  la  chose  avec  laquelle  ori 
frappe^  que  l'on  frappe  sur  un  autre  objet,  c'est-à-dire,  en 
matière  de  monnaies,  le  type.  Mais  -aT|xa  peut  passer  pour 
un  analogue  exact  de  xuiroç,  car  si  le  premier  dérive  de 
icdiUiv,  le  second,  dont  le  sens  originaire  est  coup  \  puis  im- 
pression*, sort  du  verbe  xiSirreiv,  qui  signifie  également 
frapper. 

La  légende  roptuvoc  to  tzcû^ol  correspond  donc  à  ce  que 
serait  dans  la  xoiv^  SiàXexToc  grecque  ropxuvo<;  6  xunoc,  et  signi- 
fie :  le  type  (est  celui)  de  Gortyne.  On  voit  qu'en  serrant 
de  plus  près  la  lecture  et  l'analyse  philologique ,  nous 
arrivons  au  même  sens  que  le  colonel  Leake.  C'est  en  effet 
le  seul  que  Ton  puisse  attribuer  à  cette  curieuse  légende. 
Quelque  étrange,  du  reste,  qu'elle  paraisse  au  premier 
abord,  elle  n'est  pas  unique  de  son  genre  dans  la  nu- 
mismatique grecque.  Nous  devons  la  rapprocher  de  celle 
qui  se  lit  sur  une  monnaie  de  Seuthès  I"  :  ZErOÂ  komma, 
qu'explique  si  bien  une  autre  pièce  du  même  prince  por- 


^  Herodot.,  I^  67  :  ÉvB'  &ve|U>i  TcveCousi  Su(i>  xpatTC^Ti;  6ic'  dvd^peric,  xaX  xOiroc 
&vT(tuic(K  XA^  ICTIH^'  iic^  initiaTt  xeltat.  ~  Ce  passage  est  aussi  le  seul  dans  toute 
la  littérature  classique  qui  emploie,  comme  on  le  voit,  icruioi  dans  le  sens 
matériel  de  coup ,  ce  qui  justifie  pleinement  notre  interprétation  du  mot 

•  Sophocl.,  Phœuiss.,  v.  29.  —  Euripid.,  Troad.,  v.  1196.  -  Athen.,  XIII, 
p.  686.  —  Evrtngel.  S.  Johan.,  XX,  26.  —  Paul.  Silentiar.  i«  Anthol.  Palat., 
VI,  67,  V.  5. 


tT    DISSERTATIONS.  107 

tant  lEveA  APrrpiON  *.  On  sera  frappé  de  l'analogie  des 
expressions  x(5tx|ia  et  irfîfxa  employées  sur  des  monuments 
appartenant  à  une  période  reculée  du  monnayage  grec. 
Aussi  croyons-nous  que  l'existence  de  la  légende  zetoa 
KOMMA  donne  à  notre  interprétation  de  roPTTNOS  to  oaima 
une  confirmation  suffisante  pour  la  faire  accepter  des  plus 
difficiles. 

François  Lenormant. 

1  L'nne  de  ces  pièces  est  publiée  par  M.  le  duc  de  Luynes,  Ettai  sur  la  nu- 
mittn.  dit  Satrap.^  1846,  pi.  VI,  p.  45;  la  seconde  par  M.  Samuel  Birch,  Nu- 
mitmatic  Chronicltt  1860,  vol.  XX,  p.  151. 


lOS  MÉMOIUES 


MONiNAIE  INÉDITE  DU  CÉSAR  NUMÉRIBN. 


La  immisiuatique  romaine  est  inépuisable  :  à  peine  les 
grands  recueils  en  ont-ils,  à  diverses  époques,  signalé  les 
raretés  qu'on  en  voit  apparaître  d'autres  qui  viennent 
raviver  l'attention  des  antiquaires. 

M.  IL  Cohen  a  terminé  à  peine  son  grand  catalogue  des 
médailles  impériales  que  déjà  plusieurs  pièces  ont  été 
ajoutées  aux  séries  qu'il  avait  complétées  avec  tant  de  soin. 
Voici  encore  un  petit  bronze  qui  ne  figure  pas  dans  son 
travail  et  dont  il  m'a,  le  premier,  signalé  l'intérêt.  Avant 
de  passer  entre  mes  mains ,  cette  pièce  appartenait  à 
M.  BouUey,  habitant  et  sous-préfet  de  Sens  sous  le  pre- 
mier empire ,  et  elle  avait  été ,  selon  toute  probabilité, 
trouvée  dans  cette  ville. 

D'un  côté  elle  porte  :  M.AVR.NVMERIANVS  NOB.G. 
autour  de  la  tête  radiée  de  Numérien  ;  au  revers  :  ORIEiNS 
AVGG.  Buste  radié  du  Soleil  tourné  h  droite,  les  épaules 
couvertes  d'un  paludamentum. 

Ce  buste  est  tout  à  fait  semblable  à  celui  qui  occupe  la 
place  d'honneur  sur  la  médaille  à  deux  têtes  portant  pour 


ET    DISSERTATIONS.  109 

légende  DEO  ET  DOMINO  CARO  IKVIC.AVG  ;  semblable 
aussi  à  celui  qui  se  voit  sur  les  monnaies  de  Septime 
Sévère,  de  Caracalla  et  de  Postume  offrant  la  légende 
PACATOR  ORBIS;  de  Postume,  portant  la  légende  CLARITAS 
AVG.  ;  enfin  sur  les  monnaies  de  Victorin  avec  la  légende 
INVIGTVS.  On  trouve  encore  un  buste  semblable  associé  aux 
effigies  impériales  de  Victorin,  de  Probus  et  de  Dioclétien. 

Toutes  ces  pièces  représentent  le  buste  du  Soleil  comme 
Taureus  de  Trajan  à  la  légende  PARTHICO,  et  celui  d'Adrien 
à  la  légende  ORIENS.  11  ne  faut  donc  voir  là  le  portrait 
particulier  d'aucun  prince. 

Carus,  père  des  césars  Carin  et  Numérien,  proclamé 
empereur  en  282,  après  la  mort  de  Probus,  partit  en  283 
pour  faire  la  guerre  au  roi  des  Perses,  le  sassanide  Vara- 
rane  II,  qu'il  vainquit  plusieurs  fois.  Il  mourut  vers  le 
20  décembre,  après  un  règne  d'environ  dix-sept  mois.  Ses 
fils,  déclarés  césars  en  août  282,  lui  succédèrent  en  28A. 

Ces  dates  sont  certaines  ;  mais  ce  qui  reste  obscur,  c'est 
la  question  de  savoir  à  quelle  époque  précise  les  deux  fils 
de  Carus  furent  associés  à  l'empire,  car  il  est  difficile  de 
mettre  d'accord  les  témoignages  fournis  par  les  monnaies, 
les  inscriptions  et  les  intitulés  des  lois. 

Eckhel  a  déjà  (t.  VU,  p.  517)  discuté  les  motifs  qui  ont 
pu  conduire  à  inscrire  sur  les  monnaies  de  Carin  et  de  son 
frère  le  pluriel  AVGG.  Des  monnaies  de  Carus,  de  Numé- 
rien et  de  Carin  nous  montrent  la  légende  VIRTVS  AVGGG. 
qui  se  rapporte  aux  trois  princes.  Mais  il  faut  ajouter  à  ce 
chapitre  diverses  pièces  que  le  savant  jésuite  n'avait  point 
connues,  notamment  le  beau  médaillon  d'or  du  musée  de 
Vienne,  sur  lequel  on  lit  la  légende  :  IMPP.CARVS  ET 
CARINVS  AVGG.  qui  semble  indiquer  une  association  de 
Garinus  à  l'empire. 


110  MÉMOIRES 

La  monnaie  que  nous  publions  est  contemporaine  de 
l'expédition  de  Perse,  à  laquelle  elle  fait  certainement  allu- 
sion. Gomme  elle  ne  donne  à  Numérien  que  le  titre  de 
césar  tout  en  marquant  l'existence  simultanée  de  deux 
augustes,  elle  paraîtrait  justifier  Topinion  de  ceux  qui 
pensent  que  Carin,  mis  par  Garus  à  la  tète  du  gouverne- 
ment de  l'Occident,  reçut  d'abord  de  son  père  le  titre 
d'auguste.  Les  deux  frères  n'auraient  donc  pas  été  associés 
en  même  temps  à  l'empire,  et  Numérien  ne  serait  devenu 
auguste  que  dans  la  seconde  année  du  règne  de  Garus, 
c'est-à-dire  postérieurement  au  mois  d'août  283. 

Mais  il  faut  remarquer  que  si  nous  trouvons  des  mon- 
naies de  Numérien  avec  le  titre  de  césar  du  côté  de  la  tête, 
et  l'indication  de  deux  augmles  au  revers,  nous  pouvons 
constater  le  même  fait  sur  des  monnaies  de  Garin.  Ainsi 
donc,  pendant  que  chacun  des  deux  fils  de  Garus  était 
encore  césar,  on  reconnaissait  deux  augustes. 

Gette  singularité  peut  déjà  être  signalée  à  l'époque  de 
Trajan  Dèce.  Des  monnaies  de  ses  deux  fils  Herennius  et 
Hostilien,  donnant  à  chacun  de  ces  princes  le  titre  de 
césar,  offrent  les  légendes  GONGORDIA  AVGG.  PIETAS 
AVGG.,  etc.  Eckhel  a  dit  en  parlant  du  premier  :  n  Etsi 
Gaesar  tantum  esset,  tamen  ex  Augusteo  patris  titulo  ho- 
norem  participât.»  (T.  Vil,  p.  3A9.)  Il  en  faut  dire  autant 
du  second. 

Avant  ce  temps,  au  règne  de  Maximin,  ce  prince  et 
son  fils,  Maxime,  qui  n'eut  jamais  que  le  titre  de  césar, 
sont  désignés  sur  un  médaillon  de  bronze  où  ils  sont  figurés 
l'un  et  l'autre  par  la  légende  MAXIMINVS  ET  MAXIMVS 
AYGVSTl  GERMANICI.  Une  autre  pièce  également  de  bronze 
porte  au  droit,  autour  du  buste  nu  de  Maxime,  la 
légende  MAXIMVS  CAES.GERM.,  et  au  revers  VIGTORIA 


ET    DISSERTATIONS.  111 

AVGVSTORVM.  Eckhel  (t.  VII,  p.  298)  fait  l'observation 
suivante  :  «  In  hoc  Maximus  nonnisi  per  consortium  cum 
pâtre  dicitur  Augustus,  quo  ipse  honore  ornatus  nunquam 
fuit,  ut  Tel  ex  praesente  numo  apparet,  in  quo  capite  nudo 
proponitur.  Sic  et  in  numo  Cibyrae  Phrygiae  :  AY.K.r.I. 
OTH.MAS6IM6INOC  K.r.I.OYH.  MASIMOC  KAICAP 
C6BB.  etsi  to  G€BB.  utrumque  complectatur,  tamen  solus 
pater  est  capite  laureato,  fiUus,  quia  Gaesar  tantum  fuit, 
nudo.  » 

D'un  autre  côté,  il  existe  au  musée  Britannique  un  petit 
bronze  portant  les  deux  bustes  de  Carus  et  de  Garin  en- 
tourés de  la  légende  GARVS  ET  GARINVS  AVGG.  tandis 
qu'au  revers  on  lit  PAX  AVG.  ce  qui  ne  se  rapporte  qu'à 
un  seul  auguste. 

Toutefois  cinq  monnaies  différentes  attestent  l'associa- 
tion, comme  empereur,  de  Garin  avec  son  père  Carus,  et 
l'on  n'a  pas  encore  retrouvé  une  seule  pièce  présen- 
tant en  même  temps  les  noms  de  Garus  et  de  Numérien 
avec  le  titre  d'augustes. 

Quant  à  la  monnaie  qui  fait  le  sujet  de  cette  note,  ap- 
portée probablement  d'Asie  à  Sens,  trouvée  sans  qu'elle  ait 
attiré  l'attention,  puis,  oubliée  pendant  cinquante  ans  au 
fond  d'un  tiroir,  elle  en  sort  un  beau  jour  pour  être  pu- 
bliée par  un  homme  qui  s'occupe  habituellement  beaucoup 
plus  d'histoire  que  de  numismatique,  mais  qui  croit  devoir 
offrir  aux  antiquaires  un  document  de  nature  à  les  inté- 
resser. 

Ih:iLLARf)-BRÉHOLLES. 


112 


MÉMOIRES 


LETTRE  A  M.  LODIS  DE  LA  SAUSSAYE, 

Mcnbre  de  rrostitit,  recteu  de  l'Acadéoiie  de  Ljoi, 

srn 

UN  MÉDAILLON   DE  CONSTANTIN   LE  GRAND. 


Mon  cher  ami , 

Lorsqu'il  y  a  quatorze  mois  vous  trouviez  et  commentiez 
d'une  façon  si  intéressante  le  magnifique  médaillon  de 
Dioclétien  et  Maximien  qui  représente  le  Rhin  et  la  ville 
de  Mayence,  vous  avez  bien  voulu  m* adresser  votre  travail, 
en  m' autorisant  à  le  publier  dans  cette  Revue  ^  où  il  y  a, 
hélas!  bien  près  de  trente  ans  je  faisais,  sous  votre  direc- 
tion, mes  premières  armes  numismatiques. 

Permettez-moi  aujourd'hui  de  vous  dédier  quelques  re- 
marques inspirées  par  l'examen  d'un  autre  médaillon  un 
peu  moins  ancien,  qui  vient  d'être  acquis  par  MM.  RoUin  et 
Feuardent.  Il  représente,  à  ce  que  je  crois  bien ,  la  Moselle 


ET    DISSERTATIONS.  113 

devant  Trêves.  Mon  fleuve  est  plus  petit  que  le  vôtre-,  le 
module  de  la  pièce  d'or  sur  laquelle  il  roule  ses  flots  est 
aussi  fort  inférieur  à  celui  du  beau  monument  de  Mayence; 
cette  double  difl*érence  n'exprime-t-elle  pas  assez  exacte- 
ment le  rapport  de  la  bienfaisante  obscurité  dans  laquelle 
s'écoule  mon  existence  de  travailleur,  avec  votre  situation 
considérable  et  méritée  ?  Mais  entre  nous  la  vieille  et  sincère 
aflection  égalise  tout.  D'ailleurs,  cette  Moselle  en  miniature 
aiura  encore  pour  vous  le  mérite  de  rappeler  le  temps  où 
nous  allions  visiter  à  Metz  notre  cher  et  savant  Saulcy, 
alors  qu'il  inaugurait  par  quelques  essais  excellents  cette 
longue  suite  de  travaux  qui  a  illustré  son  nom. 

Quod  si  tibi,  dia  Mosella, 
Sniyrna  suum  vatem^  vel  Mantua  clara  dedisset, 
Cederet  Ilîacis  Simois  memoratus  in  oris, 
Nec  prœferre  »ao8  naderet  Tibris  honores. 

Ces  versd'Ausone  me  reviennent  à  la  mémoire  en  con- 
sidérant le  médaillon  de  Constantin,  dont  l'origine  me 
semble  parfaitement  indiquée  par  la  marque  P.TRE.  C'est 
bien  dans  la  première  officine  de  Trêves  qu'il  a  été  frappé, 
et  l'enceinte  que  nous  avons  sous  les  yeux  est  celle  de  la 
ville  à  laquelle  le  poëte  aquitain  donnait  le  quatrième  rang 
dans  une  autre  composition  consacrée  aux  plus  nobles 
villes  de  l'Empire  : 

Imperii  vires  quod  alit  quod  vestit  et  arnaàt. 
Lata  per  extentum  procurruut  mœnia  coUem. 
Largns  tranquillo  prselabitur  amne  Moselia. 

Vous  le  savez,  mon  cher  ami.  Trêves  conserve  encore 
parmi  ses  ruines  une  magnifique  porte  monumentale,  ornée 
de  deux  tours  à  quatre  étages  décorés  de  colonnes.  La 

18C1.-2.  B 


m  xii.Moinr.s 

porta  Nigra  est  célèbre,  et  Ton  serait  tenté  de  la  chercher 
sur  le  médaillon  de  Constantin.  Mais  depuis  qu'elle  a  été 
déblayée  par  les  soins  du  gouvernement  prussien,  nous  en 
connaissons  l'ordonnance,  et  nous  savons  qu'elle  présente 
deux  larges  baies  comme  la  porte  d'Auguste  à  Ntmes  \  Ce 
n'est  pas  là  ce  que  nous  voyons  sur  le  médaillon. 

Les  monnaies  d'argent  des  archevêques  Dietrich  (965- 
075)  et  Ludolf  (994-1008) ,  publiées  par  notre  vieil  ami 
Bohl  ',  offrent  encore  l'image  d'une  porte  de  ville  à  une 
seule  baie,  flanquée  de  deux  tours  à  coupoles.  Mais  la  mon- 
naie de  Ludolf  a  pour  légende  PORTA  ALBA.  Or  Brower, 
dans  ses  Antiquités  de  Trêves ,  nous  apprend  que  la  porta 
Alba  était  construite  à  l'orient  de  la  ville,  c'est-à-dire  du 
côté  opposé  à  la  Moselle.  Continuant  l'énumération  des 
portes,  voici  ce  que  cet  auteur  ajoute  :  «  Quarta  occidentem 
versus  ad  Mosellae  allabentis  litus  excitata  porta  erat  qus 
illustri  specie  artis ,  et  magnificentia  operis ,  cœteras  longe 
superabat  ;  ut  ab  ipsa  structuras  elegantia,  porta  Inclyta 
diceretur.  Hœc  porta  aureis  sidenim  figuris  exornata,  et 
nocturno  succensa  ac  late  coruscans  lumine,  navigantibus 
phari  loco  proposita  ipsum  quoque  urbis  portum  grata 
luce  coUustrabat'.» 

Cette  fois,  nous  avons  une  indication  complètement  sa- 
tisfaisante, et  nous  sommes  autorisés  à  croire  que  l'enceinte 
de  la  ville  gravée  sur  le  médaillon  se  présente  à  nous  du 
côté  de  la  porta  Inclyta.  Malheureusement,  dès  le  xvii*  siè- 


•  Voy.  Alexandre  de  Laborde,  Us  Monumentê  de  la  France,  t.  !•»,  pi,  XCII, 
deuxième  vue  do  Trêves.  —  C.  W.  Schroidt,  Baudenkmale  der  rbmi$chen 
Période  und  deê  MittelaUerê,  Trêves,  1843. 

•  Die  Trieriechen  Mùnsen.  CoblenU,  1823-37,  pi.  1. 

•  Brower  et  Masen,  Anliquitatum  et  Annaiium  Trevirensium  libri  XXV. 
LWgê.  1670,  F-,  p.  98. 


ET   DISSERTATIONS.  116 

cle  il  n'existait  plus  de  vestiges  de  cet  édifice,  et  nous  ne 
pouvons  pas  contrôler  l'exactitude  de  l'artiste  employé 
dans  Tatelier  de  Trêves.  Quand  on  examine  le  médaillon  à 
la  loupe,  on  reconnaît  les  étages  des  tours,  les  colonnes  et 
les  entablements ,  qui  se  rapportent  d'une  manière  frap- 
pante  à  l'architecture  de  la  porta  Nigra  ;  mais  on  voit  en 
même  temps  un  pont  à  deux  arches,  et  nous  savons  que  le 
pont  antique  construit  sur  la  Moselle ,  à  l'ouest  de  la  cité, 
en  avait  huit.  Je  n* oserai  pas  décider  si  la  statue  de  Con-, 
stantin  était  érigée  au-dessus  de  la  porte  même,  ou  si  elle 
s'élevait  sur  quelque  place  de  la  ville.  La  perspective  du 
IV*  siècle  laisse  beaucoup  à  désirer.  Quant  aux  deux  per- 
sonnages accroupis  qui  flanquent  l'enceinte  de  Trêves,  l'un 
coiffé  d'un  bonnet  recourbé,  l'auti'e  à  l'épaisse  chevelure 
retombant  sur  le  front,  ce  sont  des  barbarei  symboliques, 
comme  on  en  voyait  sur  les  arcs  de  triomphe  ^  Ils  expri- 
ment l'idée  de  l'Orient  et  de  l'Occident  vaincus ,  du  monde 
entier  soumis,  de  la  gloire  impériale  en  un  mot,  GLORIA 
AYGG,  comme  le  dit  la  légende.  Cette  légende  vient  nous 
aider  à  circonscrire  l'espace  de  temps  pendant  lequel  le 
médaillon  a  pu  être  frappé. 

Le  pluriel  AYGG  nous  fait  voir  que  l'empire  n'avait  plus 
que  deux  chefs,  Constantin  et  Licinius.  Maximin  Daza  était 
mort  vers  la  fin  de  813. 

On  sait  par  la  date  de  plusieurs  lois  que  Constantia 
habita  Trêves  en  313,  en  31A,  en  316.  £n  315  nous  voyous 
apparaître  des  aureus  de  Constantin  frappés  à  Trêves 
(SMT.,  P  TR)  avec  l'indication  du  IV  consulat,  et  la  figure 

1  On  A  troQTé  à  TrèTcs ,  et  Ton  conservait  il  y  a  quelques  années  dans  la 
eour  du  eomto  de  Kesselstadt,  un  bas-relief  représentant  un  de  ces  barbares 
coiffé  d'nn  bonnet  recourbé.  Voy .  Roach-Smith  ,  Coilfctaikta  dn<tfiia,  vol.  Il , 
1850,  p.  77. 


116  MfMoir.is 

de  l'empereur  tenant  un  globe  d'une  main  et  un  parazo- 
nium  de  Vautre  *. 

Licinius  fut  tué  en  324,  et  Constantin  demeura  seul 
maître  du  monde,  comme  on  disait  alors.  Il  est  à  remar- 
quer toutefois  que  le  titre  Maximus  que  nous  connaissons 
sur  des  petits  bronzes  de  315  ne  figure  pas  sur  le  médail- 
lon d'or,  et  cependant  les  habitants  de  Trêves  avaient  lieu 
de  rendre  tous  les  honneurs  imaginables  au  prince  qui 
avait  fait  de  leur  ville  une  capitale. 

u  Trêves  eut  une  large  part  à  ses  libéralités  administra- 
tives; nous  savons  qu'en  311  il  y  faisait  construire  en 
même  temps  un  forum ,  des  basiliques  et  un  prétoire  pour 
la  justice  ;  ce  prétoire,  dont  nous  pouvons  encore  aujour- 
d'hui contempler  les  restes  ,  n'était  pas  achevé  quand  Eu- 
raène  le  vit;  mais  il  promettait,  suivant  le  mot  de  l'orateur 
gaulois,  d'être  digne  du  ciel  dont  il  était  déjà  le  voisin'» 
Trêves  ,  en  reconnaissance  et  par  une  flatterie  délicate, 
voulut  confondre  l'anniversaire  de  sa  fondation  avec  celui 
du  principat  de  Constantin,  qui  tombait  à  peu  près  à  la 
même  époque,  et  les  célébra  tous  deux  dans  une  même  fête, 
à  laquelle  furent  conviés  les  représentants  des  cités  trans- 
alpines. Afin  de  donner  tout  l'éclat  possible  à  une  solen- 
nité où  l'éloquence  tiendrait  une  grande  place.  Trêves  em- 
prunta à  la  ville  d'Autun  son  spirituel  panégyriste ,  le 
Pline  du  iv*  siècle.  Eumêne  était  peut-être  le  seul  à  qui  Ton 
pût  confier  la  tâche  délicate  de  parler  en  de  telles  circon- 
stances, le  lendemain  d'événements  si  tragiques  '.d 

»  Eckhel,  Doct.  .Vum.,  t.  VIII,  p.  74. 

'  Video  circnm  maximum,  œmalum ,  credo,  llomano  ;  video  basilicas  et 
fornm,  opéra  regia,  sedemque  justitiœ  in  tantam  altitudinem  sascitarifnt  so 
tideribus  et  cœlo  dîgna  et  vicina  promittant.  Enmeni,  Paneg.  Const,,  22. 

'  Hûtoire  de  la  Gauh  août  V administration  romainef  t.  III,  p.  164. 


ET    DISSERTATIONS.  117 

J'ai  pensé,  mon  cher  ami,  que  je  ne  pouvais  terminer 
celte  lettre  d'une  façon  qui  vous  fût  plus  agréable  qu'en 
citant  ces  paroles  de  votre  savant  condisciple,  de  notre 
bienveillant  confrère  M.  Araédée  Thierry.  Elles  résument 
parfaitement  toutes  les  causes  qui  durent  exciter  la  grati- 
tude des  Tréviriens,  et  pourraient  à  elles  seules  servir 
d'explication  au  médaillon  d'or.  Je  n'ai  plus  qu'à  vous  de- 
mander de  me  pardonner  la  longueur  des  considérations 
qui  précèdent. 

Ad.  de  Longpérier. 

13  mars  1864. 

P.  S.  Au  moment  de  mettre  sous  presse,  j'apprends  que 
le  médaillon  de  Constantin  vient  d'entrer  dans  la  riche 
collection  de  M.  Gustave  d'Amécourt,  qui  possède  déjà 
tant  de  précieuses  raretés. 


lis  MÉMOIRES 


MARSEILLE. 

MONNAIES  DES  PATRICES. 

(  Fi.  V.  ) 


Dans  le  sixième  volume  de  la  Retue,  j'avais  publié  en 
1861  une  monnaie  d'argent  mérovingienne  de  Marseille 
dont  la  légende  ne  laissait  lire  que  les  deux  premières 
lettres  d*un  nom,  AN,  nom  que,  d'après  M.  Morel  Fatio, 
j'ai  pu  heureusement  compléter  comme  étant  celui  d' An- 
ténor  *. 

En  1863,  et  dans  le  même  recueil,  je  retrouvais  Fattri- 
bution,  pour  moi  jusque-là  incertaine,  d'un  tiers  de  sol 
d'or  au  nom  de  Syrus',  et  dont  j'avais  déjà  parlé". 

Enfin,  et  dans  le  même  travail,  j'avais  donné  la  des- 
cription et  le  dessin  d'une  pièce  d'argent  au  nom  de  Nym- 
phidius,  appartenant  à  la  collection  de  M.  le  comte  de 
Clapiers  *. 

Le  nouvel  article  que  je  publie  aujourd'hui  n'a  pas  seu- 
lement pour  objet  la  reproduction  de  neuf  variétés  de  de- 
niers du  patrice  Nymphidius,  dont  nous  allons  parler  tout 

*  Betue  num,,  nouvelle  »i*rie,  t.  VI,  p.  iOl,  pi.  XVII,  u*  10. 

*  Ibid.,  t.  VIII,  p.  258. 

»  Ibid.,  t.  VII,  p.  279,  pi.  XI,  n«  1. 

*  /Wd.,  t.  VIII,  p.  258,  pi.  XIII,  n»  1, 


ET    DISSERTATIONS.  1  19 

à  rbeure,  et  dout  je  donne  les  dessins  aux  lecteurs  de  la 
Revue  :  il  soulève  une  question  beaucoup  plus  sérieuse, 
celle  de  l'époque  réelle  à  laquelle  ces  monnaies  ont  été 
émises  et  du  personnage  auquel  elles  appartiennent  avec 
certitude. 

Dans  la  notice  précédente,  décrivant  la  pièce  de  M.  le 
comte  de  Clapiers,  je  cherchais  à  rattacher  le  nom  de  NIFI- 
DIVS  qu  elle  porte  à  Tancien  prœfecius  ou  prœposHm,  dont 
je  citais  l'épitaphe  d'après  les  anciens  auteurs  provençaux, 
et  mort  en  A80,  sous  le  règne  de  Zenon.  J'avoue  que  la 
conformité  du  nom,  en  l'absence  de  tout  autre  document, 
m'avait  séduit  dans  cette  attribution  à  un  personnage 
mort  à  Marseille  après  y  avoir  exercé  une  haute  dignité  : 
mais  cependant  je  n'étais  pas  entièrement  satisfait ,  et, 
obligé  de  remonter  à  une  époque  aussi  éloignée,  j'écrivais 
cette  phrase  dubitative  :  Nous  sera-t-il  peimis  de  recher- 
cher le  nom  de  ce  Nymphidius  sur  notre  monnaie,  qu'il 
faut  considérer  comme  un  monument  encore  tout  romain  7. . . 
L'aspect  de  cette  pièce  que  j'avais  sous  les  yeux,  son  poids, 
son  galbe,  semblaient  devoir  me  faire  incliner  pour  une 
attribution  de  l'époque  mérovingienne,  qui  ne  pouvait  pas 
s'accorder  avec  la  date  A89  ;  cependant  cette  date  précise 
était  là  dans  l'inscription  pour  entretenir  ma  perplexité, 
s'il  n'y  avait  pas  erreur  ou  confusion  dans  l'individualité 
du  fonctionnaire  dont  je  tenais  le  nom  écrit  d'une  manière 
irréfutable.  Les  saïgas  ou  les  deniers  d'argent  qui  se  rap- 
prochaient de  ma  monnaie  ne  pouvaient  pas  remonter  si 
haut,  et  pourtant  j'avais  un  nom  sur  la  pierre  comme  sur 
ma  pièce,  et  une  date  certaine  dans  l'histoire. 

Depuis  la  publication  de  mon  dernier  article,  nous  avions 
été  assez  heureux  pour  faire  l'acquisition  de  six  autres 
deniers  d'argent  qui,  malgré  leur  variété,  appartiennent 


120  Mr.Moiurs 

au  personnage  objet  de  ma  première  attribution.  Au  mo- 
ment où  je  les  étudiais  de  nouveau  et  où  je  me  demandais 
encore  s'il  était  possible  de  les  faire  remonter  jusqu^au 
V*  siècle,  il  m'est  échu  une  bonne  fortune  inespérée. 
M.  l'abbé  Albanès,  bien  connu  en  Provence  pour  sa  grande 
expérience  des  documents  historiques,  me  parla  d'une 
charte  faisant  partie  du  cartulaire  de  Saint-Victor  de  Mar- 
seille, datée  de  l'an  780,  et  qui  mentionne  d'un  seul  coup 
quatre  patrices  de  la  ville,  ÀrUenot\  Nemfidius^  Aletratwet 
Abbo  *.  Nemfidius  y  est  d'abord  nommé  sans  son  titre  de 
patrice,  mais  vers  la  fin  on  le  lui  donne,  et  l'on  y  mentionne 
sa  veuve  Adalirudis  et  ses  trois  enfants.  Une  autre  charte 
de  l'an  1048  parle  aussi  de  ce  patrice  et  de  sa  fa- 
mille '. 

Voici  au  reste  les  passages  de  la  charte  n"*  31,  concernant 
nos  quatre  personnages. 

d  Sed  quomodo  ipsa  carta  ibidem  ante  ipsos  relicta 
((  fuisset,  sic  in  postmodum  alium  relatum  ibidem  osten- 
(f  didit,  quod  Abbo  pa^ncitcs  '  juxta  legis  ordinem,  de  in- 
tttercicione  cartarum,  inscribere  in  publico,  vel  coram 
<(  bonis  sacerdotibus  atque  illustribus  personis,  sicut  lex 
a  est  roborata,  ostendidit,  de  ipsas  cartas,  quas  Anlener 
u  patricius  ^  malo  ordine  et  inique  ingenio,  de  ipsa  charta 
u  Sancti  Victoris  abstraxerat ,  et  incendere  ordinavit,  hoc 
a  est  cartas  quas  Gotricus  et  jom  dicta  Adaltrudis,  vel  quas 
tt  plures  alie  persone  ibidem  condonaverunt  ad  ipsam  ca- 


*  Cartularium  Sancti  Victoris,  charte  n»  31,  t.  I"",  p.  43  à  46. 
»  ibid.,  t.  II,  charte  737,  p.  83. 

'  AbttOf  patricius,  ctijus  testamentum  anuo  739,  non  scmel  typis  mundatuni  ; 
itenim  a  nobia  edetur  in  chartul.  Sancti  llugonis. 

*  Hanc  Antenerum  eumdem  fuisse  qui  Antherius ,  provinciarum  patriciui  in 
ft'ia  charta  dicitur,  non  immerito  conjecit  du  Gange. 


ET    DISSERTATIONS.  121 

«  sam  dei  Sancte  Marie ,  vel  gloriosissimo  Sancto  Viclore 
«  Massiliense » 

«  ....  Sic  omnes  affirmaverunt  ipsam  pro  beneficio,  Me- 
u  iranoy  qui  fuit  pairicius  in  Provincia,  pro  causa  3lassi- 
«  liense ,  ipsam  villam  Caladium ,  ipsius  ia  beneficium, 
«cessisset;  et  in  postmodum  Abbo  patricins  quondam^ 
«  similiter  pro  causa  Massiliense ,  Sancte  Marie  et  Sancti 
(I  Victoris  in  beneficium  concessit ..., » 

«....  Testimoniaverunt  Taurinus  et  Sanctebertus ,  per 
((  interpositionem  sacramenti ,  quod  ipsa  villa  Caladius 
«  propria  fuisset  Nem/idii ,  patricii  condam  et  habuisset 
u  uxorcm  Adaltrudem,  ex  qua  babuit  filios  très,  et  quod 
«  ipse  Nenifidius  et  Adaltrudes  et  filii  ipsam  villam ,  per 
a  Cartulam  cessionis  ad  ipsam  casam  dei  Sancte  Marie  et 
u  Sancti  Victoris  delegassent » 

«  ..  ..  Actum  est  enim  die  Mercoris,  VIII  kalendas  mar- 
«  cias ,  anno  Xil ,  régnante  domino  nostro  Karolo,  indi- 
u  cione  II.  » 

On  comprend  de  quelle  importance  étaient  ces  documents 
pour  la  question  qui  nous  occupe.  Ils  nous  fixaient  non-seu- 
lement sur  Nempbidius,  mais  aussi  sur  l'émission  monétaire 
d'Anténor  et  sur  l'époque  précise  de  ce  monnayage,  puis- 
que Tun  des  quatre  patrices  cités  avait  fait  son  testament 
en  739.  C'est  donc  du  commencement  jusqu'au  milieu  du 
viir  siècle  qu'il  faut  placer  la  fabrication  dont  nous  nous 
occupons  aujourd'hui,  date  qui ,  selon  moi ,  concorde  bien 
mieux  que  la  fin  du  v*  avec  le  système  que  nous  avons  sous 
les  yeux.  Aucun  de  nos  lecteurs  ne  s'arrêtera  à  la  différence 
qui  existe  entre  le  nom  Antener^  écrit  dans  la  charte,  et  la 
version  Antenor^  qui  m'avait  obligeamment  été  donnée  par 
M.  Morel  Fatio,  non  plus  que  sur  les  différentes  manières 
d'écrire  celui  de  Nymfidius.  Ces  variations  sont  trop  corn- 


1 22  MLMOIBLS 

munes  sur  les  niounaies  et  dans  les  chartes  de  cette  époque 
pour  mériter  attention.  Ce  que  nous  pouvons  constater. 
c*est  que,  selon  toute  apparence,  Antenor,  Nemfidius  \  Me- 
trano  et  Abbo  ont  été  à  Marseille  quatre  patrices  vivant  à 
des  époques  voisines,  et  si  nous  rapprochons  les  uMmoaies 
que  nous  possédons  pour  les  deux  premiers,  des  saïgas  de 
la  fin  de  la  première  race,  nous  trouverons  que,  par  le  fait, 
elles  ont  beaucoup  plus  de  rapport  avec  l'époque  méro- 
vingienne qu'avec  toute  autre.  D'ailleurs,  le  rapproche- 
ment comme  patrices  des  noms  d' Antenor  et  de  Nymfidius 
vient  lever  tous  les  doutes  sur  l'attribution  à  faire  an  second 
de  ces  personnages.  Il  en  ressort  que  deux  Nymphîdius 
ont  occupé  un  haut  rang  à  Marseille  ou  en  Provence ,  l'un 
au  V*  siècle  comme  prœfectus  ou  prapasitus  :  c'est  celui 
mentionné  dans  l'épitaphe  gravée  sur  la  pierre  tumubdre 
que  nous  avons  reproduite  ',  et  l'autre ,  comme  revêtu  du 
palriciat. 

Nous  voilà  donc,  quant  à  présent,  avec  trois  noms  de 
patrices  qui  ont  frappé  monnaie  :  Syrus ,  Antenor  et  Nem- 
pbidius,  et  je  vois  s'évanouir  le  regret  que  j'exprimais  der- 
nièrement de  ne  pas  les  trouver  au  nombre  de  ceux  cités 
par  les  historiens.  Les  chartes  de  Saint-Victor  comblent 
cette  lacune. 

Une  fois  arrivé  à  ce  point,  j'ai  dû  rechercher  si,  parmi 
les  pièces  incertaines  publiées,  je  n'en  trouverais  pas  quel- 
ques-unes qui  puissent  se  rattacher  à  ce  système.  Dans  ses 
Mélanges  numismaliques^  publiés  en  18A5  ',  le  marquis  de 

<  J*emploie  moi  même  yolontairement  les  divenes  formes  de  ce  nom. 

3  Rnue  num.,  nouvelle  série,  1863,  t.  VIII,  p.  260. 

*  Aiz,  1845,  in -4",  p.  31  et  pU  I,  u"  14.  La  pièce  est  reproduite  par  le  même 
nntiqnmire  dans  ses  Rtcherches  tur  Verplicationdes  monogrammu  de  quetqvei  mé- 
HatUtê  médite$.  Ais,  1836,  in-4*,  n*  13. 


ET      DISSERTATIONS.  12S 

Lagoy,  de  si  regrettable  mémoire,  et  que  je  voudrais  en- 
core avoir  près  de  moi  pour  m'éclairer  de  sa  haute  science, 
décrivait  ainsi  une  petite  monnaie  d'argent  ayant,  sous 
tous  les  rapports,  la  plus  grande  analogie  avec  celle  dont 
nous  nous  occupons. 

MASSILIA.  Buste  à  droite  ^  devant,  un  point. 

^  ...ERTAROS.  Croix  pâtée,  haussée  :  le  pied  posé  sur 
une  marche  *,  denier  ou  saïga  d'argent. 

Aujourd'hui  je  ne  doute  plus  que  ce  soit  là  encore  une 
monnaie  des  patrices  de  Marseille.  Je  trouve  dans  Grégoire 
de  Tours  et  dans  Frédégaire  des  noms  de  fonctionnaires 
revêtus  de  cette  dignité,  qui,  avec  une  légère  interprétation 
de  lecture  et  sans  avoir  rien  de  forcé,  pourraient  se  rap- 
porter à  celui  inscrit  sur  cette  pièce.  Mais  j*aime  mieux  ne 
pas  mettre  en  avant  une  opinion  hasardée,  et  attendre  que 
de  nouvelles  découvertes  viennent  justifier  mes  prévisions, 
et  me  permettre  de  faire  une  attribution  certaine.  Quant  à 
présent,  je  me  borne  à  prendre  acte  de  la  similitude  du 
type  et  du  mot  MASSILIA,  inscrit  comme  nous  allons  le 
voir  tout  à  Theure  sur  une  pièce  de  Nemphidius. 

A  la  pièce  d'Antenor,  que  j'avais  décrite  d'après  un 
exemplîûre  imparfait,  je  dois  substituer  celle  que  M.  le 
marquis  de  Lagoy  nous  a  fait  connaître  en  1839,  et  sur 
laquelle  il  croyait  pouvoir  lire  AMTENOM  *  (voy.  pi.  V, 
n""  3),  ce  qui  lui  donnait  le  nom  du  monétaire  Antenus.  A 
cette  monnaie  »  il  faut  rattacher  les  quatre  deniers  gravés 
dans  le  même  mémoire  sous  les  n<"  6,  7,  9  et  11.  (  PI.  V, 
n'A.) 

J'y  ajouterai  un  denier  que  ce  savant  a  fait  graver  en 


*  Description  de  qutlquti  monnaies  merotingiennee  de'couveTtei  m  Provence^ 
n^  33,  p.  28. 


12/i  MÉMOIRES 

1845,  mais  qu'il  n*a  pas  expliqué*.  Voici  ce  qu'il  en 
dit  : 

«  Dans  ma  description  de  quelques  médailles  mérovîn  - 
gieunes,  j'ai  déjà  publié  et  fait  graver  (n"*  17  et  18)  deux 
deniers  d'argent  découverts  à  Saint-Remi,  et  qui  sont  pres- 
que semblables  à  celui-ci.  Je  ne  crois  cependant  pas  inutile 
de  faire  connaître  ce  nouvel  exemplaire  appartenant  au 
musée  de  Marseille ,  et  dont  la  conservation  ne  laisse  rien  à 
désirer.  On  aperçoit  de  plus  ici,  et  très-distinctement,  la 
lettre  T,  dont  la  barre  sur  mes  exemplaires  est  tout  à  fait 
détachée  et  suspendue  dans  le  champ  comme  serait  un 
simple  trait  d'abrévation.  La  connaissance  de  cette  nouvelle 
lettre  peut  avoir  quelque  importance  pour  faire  parvenir  à 
déchiffrer  le  nom  contenu  et  caché  dans  cette  énigme  mo- 
nétaire. » 

L'énigme  cessera  d'embarrasser  maintenant  ceux  qui 
voudront  bien  examiner  le  monogramme  déchiffré  par  M.  de 
Longpérier.  Le  nom  d'Anténor  s'y  lit  si  clairement,  que  le 
doute  est  impossible  (pi.  V,  n**  5). 

Il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela  que  ce  nom  doive  aussi  se 
trouver  dans  les  deux  deniers  auxquels  M.  de  Lagoy  fait 
allusion,  et  qui  ne  sont  que  des  imitations  du  denier  d' An- 
ténor  produites  sous  un  autre  patrice,  c'est-à-dire  Nem- 
phidius. 

Pour  en  revenir  aux  monnaies  de  ce  dernier  patrice  que 
je  vais  décrire  tout  à  l'heure,  je  dois  faire  remarquer  d'a- 
vance la  variété  bien  tranchée  qui  existe  dans  la  manière  de 
tracer  son  nom,  d'abord  en  légende  circulaire  et  en  toutes 
lettres  (n*  6  de  la  pi.  V),  puis  avec  des  points  abréviatifs 
(n'  7),  ensuite  par  une  sorte  de  monogramme  allongé  sur 

*  Mélanges  it  numxtmaitqut ^  n**  lî,  p.  33. 


LT    DISSERTATIONS.  125 

une  seule  ligne  (n*  8  ) ,  en  monogramme  cruciforme  (n*'  U, 
10,  11). 

Après  les  monnaies  conservées  dans  notre  collection  de 
la  ville  de  Marseille,  je  donnerai  la  description  de  deux 
deniers  dont  il  a  déjà  été  question  plus  haut  lorsque  j'ai 
parlé  d'Anténor. 

Il  s'agit  des  pièces  trouvées  à  Saint-Remi  par  M.  de  La- 
goy,  et  que  ce  savant  a  fait  graver  dans  sa  dissertation  de 
1839  (n*»»  17  et  18). 

Le  graveur  avait  placé  les  monogrammes  le  haut  en  bas; 
mais  nous  les  rétablissons  (voir  pi.  V,  n°'  12  et  13).  Le 
nom  de  Nemfidius  s'y  reconnaît  aisément.  C'est  bien  une 
barre  d'abréviation  qui  surmonte  le  groupe ,  ainsi  que 
M.  le  marquis  de  Lagoy  l'avait  fort  justement  remar- 
qué. On  a  voulu  conserver  l'apparence  générale  du  mono- 
gramme d'Anténor,  et  toutefois  écrire  Nemfidius,  ce  à  quoi 
on  a  parfaitement  réussi  en  changeant  1*0  en  D. 

Si  nous  voulons  rapprocher  ces  pièces  des  monnaies 
connues,  nous  leur  trouvons  la  plus  grande  affinité  avec 
celles  attribuées  à  Marseille  par  M.  Conbrouse,  sous  la 
qualification  de  dégradation  sigébertine  \  11  est  même  re- 
marquable que  le  n*  8  de  notre  planche  s'y  trouve  repro- 
duit sous  le  n'  5,  légèrement  altéré  dans  le  dessin,  et  écrit 
de  droite  à  gauche  au  lieu  de  l'être  naturellement.  Cette 
variété  a  été  empruntée  par  M.  Conbrouse  à  M.  de  Lagoy. 
C'est  donc  aussi  un  Nymphidius,  celui  des  chartes  conser- 
vées à  l'abbaye  de  Saint- Victor.  Je  suis  heureux  de  pouvoir 
me  rectifier  moi-même  sur  cette  attribution,  et  d'adresser 
tous  mes  remercîments  à  M.  l'abbé  Albanès,  dont  la  com- 
munication m'a  mis,  j'espère,  dans  la  bonne  voie.  Passons 

'  Monnaies  de  France,  atla^,  pi.  158,;, 


420  MÉMOIRES 

maintenant  à  la  description  des  pièces  qui  appartiennent  à 
a  collection  de  la  ville  de  Marseille. 

N"*  1 .  Tète  demi-barbare  à  droite ,  avec  une  couronne 
d'olivier?...  nouée  par  derrière.  Le  tout  dans  un  grënetis. 

1^  NI.FIDVS  en  légende  circulaire  entouré  d'un  rameau 
trifolié,  semblable  à  celui  de  la  pièce  précédemment  dé- 
crite *. 

Argent.  —  Poids,  1  gramme.  (PI.  V,  u*  6.  ) 

On  voit  que  cette  pièce  a  la  plus  grande  analogie  avec 
celle  décrite  en  1863.  La  tête  est  seulement  un  peu  plus 
barbare  ;  mais  le  symbole  du  rameau  et  la  couronne  sont 
les  mômes. 

N°  2.  Tête  à  droite  :  couronne  et  grènetis. 

î^  N.F.I.D.S  placé  circulairement  autour  du  rameau  tri- 
folié. 

ilrgcnr.  — Poids,  1  «',08.  (PI.  V,n'7.) 

La  légende  s'altère,  et  le  nom  n'est  plus  complet. 

N*  3.  Buste  avec  une  croisette  derrière  la  tête,  sans  grè- 
netis. 

rI  nef  sur  une  seule  ligne;  croisette  au-dessus  et  au-des- 
sous ;  le  tout  dans  un  grènetis. 

Argent.  —  Poids,  06',95.  (PI.  V,  n*  8. ) 

Sur  cette  pièce,  comme  sur  les  suivantes,  le  grënetis  a 
disparu  du  côté  de  la  tête  pour  passer  au  revers. 

N"  à.  Buste  tout  à  fait  barbare  à  droite. 

î^  NFDS  en  monogramme  cruciforme.  Grënetis. 

^rgenf.  —Poids,  1«',10.  (PL  V,  n-  9.) 

N*  6.  Buste  barbare;  croisette  derrière  la  tête. 

«  Revue  num.^  1B63,  pi.  XIII,  n"  1.  Cett^î  pièce,  dont  nous  ne  donnons  pa* 
de  nouveau  le  dessin,  constitue  notre  première  variété  ;  le  nom  est  écrit  »anp 
interponctuation. 


ET    DISSERTATIONS.  J  27 

£  Monogramme  disposé  de  la  même  manière. 

Argent.— Voids,  1«%10.  (PI.  V,  n«  10.  ) 

N"6.  Buste  grossier  à  droite.  Appendice  de  croisette? 
derrière  la  tête. 

^  Monogramme  cruciforme. 

Argent.  — Poids,  1  gramme.  (PI.  V,  n»  il.) 

N»  7.  Tête  fruste  et  mal  venue  à  la  frappe  tournée  à 
gauche.  Devant,  H. 

^  Croisette  commençant  la  légende  MASILII  écrit  circu- 
lairement.  Champ  fruste  ou  plutôt  non  sorti  à  la  frappe. 

Argent.  — Poids,  i  gramme.  (PI.  V,  nM4.) 

La  lettre  qui  se  trouve  devant  la  tête  doit  être  l'initiale 
du  nom  du  patrice;  et  si  l'on  considère  qu'à  cette  époque 
on  employait  indistinctement  la  forme  H  et  la  forme  N 
avec  la  même  signification ,  si  enfin  on  examine  l'ensemble 
de  la  pièce,  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  hésiter  à  la  donner 
à  Nymphidius.  Sur  les  n"  6,  7  et  8  de  notre  planche,  cette 
initiale  est  écrite  H,  ^t  ce  qu'il  y  a  de  remarquable  c'est 
que  cette  forme,  sur  les  deux  premiers  numéros,  se  pré- 
sente alors  que  le  nom  est  écrit  en  entier  ou  à  peu  près. 
Si  j'insiste  sur  cette  observation,  c'est  à  cause  de  l'impor- 
tance capitale  que  cette  pièce  acquiert  par  le  nom  de  Mar- 
seille, qui,  inscrit  au  revers,  lève  toute  espèce  de  doute 
sur  l'attribution  locale.  Ainsi  donc  nous  voilà,  quant  à  pré- 
sent, avec  un  exemplaire  qui,  comme  celui  d'.4w Wnor, 
vient  à  l'appui  de  la  charte  de  Saint-Victor  pour  faire,  par 
leur  similitude,  de  ces  deux  patrices,  sinon  des  contempo- 
rains, du  moins  des  fonctionnaires  qui  se  sont  suivis  de 
près  dans  leur  dignité. 

Ceci  exposé,  on  consentira  sans  doute  à  voir  avec  nous 
le  nom  du  patrice  Metrano  sur  la  monnaie  suivante,  qui 
est  conservée  dans  le  médaillier  de  Marseille. 


i?.S  MÉMOIRES 

Tête  tournée  à  droite  ;  devant,  une  petite  croix. 

rI  meta  en  monogramme. 

Argent.  — Poids,  1  gramme.  (PI.  V,  n*  16.  ) 

Nous  croyons  pouvoir  encore  attribuer  au  môme  person- 
nage le  denier  que  M.  le  marquis  de  Lagoy  avait  pensé  de- 
voir classer  à  Avignon  *  (voy.  pi.  V,  n**  15).  Cette  proposition 
demeure,  il  est  bien  entendu,  subordonnée  à  l'examen  d'au- 
tres exemplaires  de  la  même  monnaie  qui  pourront  venir 
compléter  un  type  que  nous  n'avons  pas  dans  son  état 
bien  entier. 

Et  maintenant,  en  possession  d'un  monnayage  aux  noms 
de  Syrus ,  d'Anténor  et  de  Nymphidius  ;  au  moment  de 
trouver  une  attribution  à  la  pièce  ...ERTAROS  de  M.  de 
Lagoy,  je  serai  heureux  d'appeler  l'attention  des  numis- 
matistes  sur  la  série  des  patrices  de  Marseille. 

Ainsi  se  confirme  petit  à  petit  l'opinion  de  M.  de  Long- 
périer,  qui,  il  y  a  dix-sept  ans,  disait,  à  propos  de  la  mon- 
naie d'Ébroïn  :  «  On  retrouvera  sans  doute  des  monnaies 
frappées  au  nom  d'autres  maires  du  Palais;  il  est  probable 
que,  de  même  que  celle-ci,  elles  seront  d'argent'.  » 

Après  la  découverte  des  petites  monnaies  patriciennes 
dont  nous  venons  de  nous  occuper,  une  autre  bonne  fortune 
nous  était  réservée.  Grâce  au  zèle  que  veut  bien  déployer  en 
notre  faveur  un  mandataire  obligeant,  nous  avons  pu  faire 
l'acquisition  d'un  sol  d'or  frappé  à  Marseille  au  nom  de 
Focas,  et  dont  voici  la  description  : 

N"  8.  DN  FOCAS  PCPP  AVG.  Busle  diadème  de  l'em- 
pereur tourné  à  droite.  La  légende  circulaire  est  inscrite 
à  rebours. 

*  Description  de  quelques  monn.  nicrov.  Aix,  1839,  n*»  14. 

*  Notice  de  la  collection  Housseau^  p.  30— Voir  aussi  la  nouvelle  édition  dos 
Uttresdu  baron  Marchant,  1850,  p.  124. 


ET    DISSEKTATIONS.  j^9 

i^  Croix  au-dessus  d'un  globe  et  cantonnée  des  lettres  MA, 
sous  lesquelles  on  lit  le  chiffre  XXI.  Légende  :  VICTORIA 
AVGGV  ;  à  rexergue,  CONOB. 

Sol  d'or.  —  Poids,  8«',80.  (PI.  V,  n*»  1.) 

J'ai  parlé  dans  un  numéro  récent  de  la  Revue  à!uï\  autre 
exemplaire  au  nom  du  même  empereur,  et  également 
frappé  à  Marseille  *,  pièce  qui  diffère  de  la  nôtre  et  pour  le 
type  de  la  tête  et  pour  la  légende.  Mais  je  ne  pouvais 
alors  donner  que  le  dessin  pris  sur  l'empreinte  que  je  te- 
nais de  l'obligeance  de  M.  le  comte  de  Salis.  Aujourd'hui, 
plus  heureux  encore,  j'ai  sous  les  yeux  notre  précieux 
spécimen,  d'une  admirable  conservation,  et  qui  a  dû  faire 
partie  d'un  collier,  ainsi  que  l'indique  la  belière  qui  y  a 
été  soudée.  Cette  pièce  intéressante  à  un  si  haut  degré 
désormais  ne  sortira  plus  de  nos  cartons,  où  elle  a  trouvé 
sa  place  naturelle.  Pour  ne  pas  tomber  dans  des  redites,  je 
^renvoie  les  lecteurs  à  la  dissertation  que  j'ai  citée  çn 
commençant. 

Nous  n'avons  pas  été  aussi  heureux  pour  un  sol  d'or  de 
Dagobert,  frappé  à  Arles,  pièce  unique  jusqu'à  présent,  et 
dont  je  regrette  de  n'avoir  pu  faire  l'acquisition.  Cepen- 
dant, comme  elle  n'a  pas  encore  été  publiée  et  que  je  l'ai 
eue  entre  les  mains,  j'en  puis  donner  avec  exactitude  la 
description  et  le  dessin ,  toujours  grâce  au  talent  de  notre 
brave  ami  Laugier. 

N"»  9.  DAGOBERTVxR.  Buste  à  droite  diadème  de  Da- 
gobert. 

^  Le  nom  royal  également  en  légende.  Croix  à  pied, 
fourchée,  sur  un  globe,  et  cantonnée  des  lettres  A  R. 

Sol  d'or.  (PI.  V,  n«»2.) 

»  Rtvuê  fiurn.,  nonvoUe  série,  1863,  p.  265,  et  pi.  XUI,  n»  3. 
1864.    -2.  9 


130  MÉMUlKES 

Le  nom  du  roi  inscrit  du  côté  de  la  tête  et  répété  iden- 
tiquement au  revers,  est  une  particularité  assez  remar- 
quable, sans  être  un  fait  exceptionnel. 

Nous  connaissons  en  eflet  depuis  longtemps  des  tiers  de 
sou  d'or  de  Clotaire  frappés  à  Marseille  sur  lesquels  le  nom 
du  roi  est  deux  fois  répété  (  Le  Blanc,  p.  62,  édit.  d'Amst. 
—  Conbrouse,  Monn,  nat  mérot\,  p.  22,  n®  S25.  —  Cata- 
logue de  la  collection  Gossellin,  186A,  n"*  1539). 

Il  existe  d'ailleurs  dans  le  médaillier  de  la  Bibliothèque 
impériale  un  beau  sou  d*or  de  Clotaire  frappé  à  Arles, 
comme  notre  Dagobert,  et  qui  reproduit  aussi  deux  fois  le 
nom  royal*. 

La  monnaie  de  Dagobert  à  Marseille  était,  sinon  com- 
mune, du  moins  bien  connue.  Il  est  k  regretter  que  le  sol 
d'or  d'Arles  ne  soit  pas  venu  accroître  la  collection  pro* 
vençale  qui  depuis  quelques  années  a  pris  une  véritable 
importance,  et  devient  digne  de  la  grande  cité  qui  la  pos- 
sède. 

Ad.  Garpentin. 

*  Longpérier,  Soticê  de  la  cQllection  Bousuau^  p.  SO,  pi.  I,  n*  93. 


tl    UrSSERTATIONS.  131 


NOTICE 
QUELQUES  MONNAIES  DES  ANCIENS  ROIS  D'ESPAGNE. 

iPl.  VI.) 


La  monnaie  de  l'Espagne  au  moyen  âge  a  été  tellement 
négligée ,  que  c'est  à  peine  si  les  savants  d'Europe  en  ont 
pu  concevoir  une  idée  approximative. 

Lorsque  l'illustre  Lelewel  écrivait  le  livre  qui  a  fait  une 
sorte  de  révolution  dans  nos  études,  il  en  était  réduit, 
pour  traiter  le  chapitre  relatif  à  la  Péninsule,  aux  maigres 
renseignements  que  lui  fournissait  Mahudel ,  et  de  la  sorte 
nous  sommes  à  jamais  privés  des  aperçus  ingénieux  que  le 
savant  polonais  n'eût  pas  manqué  de  nous  livrer  s'il  avait 
eu  sous  les  yeux  une  série  de  monnaies  quelque  peu  an- 
ciennes, et  comparable  à  ce  qu'il  connaissait  pour  les 
autres  contrées. 

J'ai  pensé  qu'il  serait  agréable  aux  lecteurs  de  la  Revue 
de  voir  les  dessins  de  quelques-unes  des  pièces  que  j'ai 
recueillies  pendant  mon  long  séjour  en  Espagne,  pièces 
pour  la  plupart  fort  rares,  et  dont  quelques-unes  se  ratta- 
chent, par  le  style  comme  par  le  type,  à  des  monnaies  frap- 
pées dans  les  provinces  méridionales  de  la  France. 


132  UÉMOIRES 

Je  n'ai  pas  la  prétention,  on  le  comprend  bien,  de  donner 
ici  une  série  complète  ;  ce  sont  des  échantillons  de  ma  col- 
lection particulière  que  je  publie,  et  c'est  pour  cela  que  je 
place  en  tète  quelques  monnaies  des  rois  goths  que  je  me 
suis  procurées  non  sans  peine ,  car  on  les  rencontre  diffici- 
lement en  Espagne.  C'est  là  un  fait  qu'ont  déjà  dû  fiEure 
pressentir  les  catalogues  des  collections  Garcia  de  la  Torre 
et  Lorichs.  On  se  convaincra  mieux  encore  de  son  exacti- 
tude lorsque  les  collections  espagnoles  seront  plus  connues, 
pour  notre  avantage  à  tous. 

SwJNTHiLA  (622-632). 

1.  +SYINTH1L  REX.  Tête  de  face. 

i^  +  IVSTVS  TViCI.  Tête  de  face.  —  Or.  ( PI.  VI,  n- 1  ) 

Cette  pièce  a  été  frappée  à  Tucci ,  dans  la  Bétique. 

On  peut  remarquer  que  le  nom  de  la  ville  est  coupé  par 
des  points,  ainsi  que  cela  se  voit  sur  diverses  monnaies. 
Les  mots  coupés  par  des  points  se  rencontrent  aussi  dana 
les  inscriptions  antiques  et  du  moyen  âge.  On  en  peut  voir 
des  exemples  instructifs  recueillis  par  M.  de  Longpérier 
dans  les  Mémoires  et  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des 
antiquaires  de  France  \ 

Quant  à  la  ligne  de  trois  points,  en  particulier,  elle  divise 
le  nom  VGO  sur  la  monnaie  d'une  antre  ville  d'Espagne 
publiée  par  M.  Géry  *. 

Ervigius  (681-687). 

2.  I.A.I.NMERVGIVSRX.  Tète  de  face.  {In  Dei  mmine.) 

•  Memoiref,  t.  XX,  1850,  p.  27  et  suiv,  —  Bulletin,  1859,  p.  147. 
«  Rfvttf  niim.,  1860,  p.  382. 


ET  DISSERTATIONS.  433 

ni  +*ISPALI  PIVS.  Croix  sur  trois  degrés.  —Or.  (PI.  VI, 
n'  2.) 

La  monnaie  a  été  frappée  à  Séville,  l'antique  Hispalis^ 
que  les  Arabes  nommaient  Ischbilia  et  parfois  Schébilia,  ce 
qui  a  conduit  à  la  forme  actuelle. 

Cette  ville  fut  prise  Tan  AU  par  les  Vandales,  qui  en 
firent  la  résidence  de  leurs  rois  ;  elle  devint  ensuite  la  ca- 
pitale desGoths  jusqu'à  Léovigilde,  qui,  en  579,  transféra 
le  siège  de  la  royauté  à  Tolède. 

Egica  (688-695). 

3.  +1  D.I  NM  EGICA  RX.  Buste  diadème  tourné  adroite, 
tenant  une  croix,  (/n  Dei  nomine.  ) 

^  +  TOLETO  PIVS.  Croix  sur  trois  degrés.  —  Or,  (PI.  VI, 
n«3.) 

Tolède,  devenue,  comme  nous  l'avons  dit,  capitale  des 
rois  goths,  tomba  ensuite  au  pouvoir  des  Arabes,  qui  la 
gardèrent  l'espace  de  37A  ans  (de  711  à  1085).  A  peine 
cette  ville  fut-elle  reconquise  sur  les  Arabes,  qu'elle  reprit 
le  premier  rang  aux  yeux  des  chrétiens,  et  elle  le  conserva 
jusqu'en  1560,  époque  à  laquelle  le  roi  Don  Philippe  trans- 
porta sa  cour  à  Madrid,  qui  n'avait  été  jusqu'alors  qu'une 
petite  ville  sans  importance. 

WiTizA  (696-708). 

4.  -flK  D-NME.  VVITZ  RX.  Buste  tourné  adroite.  {In 
.  Dei:  nomine.  ) 

■  i^  +  TOLETO  PIVS.   Croix  sur  trois  tlegrés.   —  Or. 
(PI.  VI,  n"  4.) 


t3à  MÉMOIRES 

AlPHO.NSK  V,  ROI  DE   LÉON  (999-1027;. 

5.  ADEFONSVS.  Croix. 

S)  LEONI  en  une  ligne  sur  un  bandeau  accompagné  de 
quatre  têtes  de  lion.  — Billon.  (PI.  VI,  n'»  5.) 

Les  lions  sont  les  armes  parlantes  du  royaume  de  Léon. 

Adefonsus  est  la  forme  de  nom  adoptée  par  Alphonse  V 
dans  ses  actes.  Voyez  les  actes  des  années  1050, 1065  de 
Tère  (1012, 1017  de  J.  C.  ),  ainsi  que  les  canons  du  concile 
de  Léon,  tenu  en  Tan  1020,  et  la  chronique  de  Lucas  de 
Tuy.  Son  épitaphe  est  ainsi  conçue  :  Hic  jacet  rex  Adefonsus 
qui  populavit  Legionem,  etc. 

La  numismatique  des  rois  qui  ont  porté  le  nom  d'Alphonse 
est  fort  peu  étudiée  ;  elle  se  complique  de  questions  histo- 
riques et  paléographiques.  C'est  surtout  pour  les  princes 
de  Castille  que  le  classement  des  monnaies  est  difficile. 
L*essai  que  nous  présentons  ici ,  non  sans  réseiTe ,  pourra 
donner  lieu  à  quelques  observations.  Mais  il  ne  faudrait 
pas  se  hâter  de  repousser  nos  attributions,  avant  d'avoir 
étudié  les  nombreuses  variétés  de  deniers  dont  nos  dessins 
ne  donnent  qu'une  idée  fort  incomplète. 

Vérémund  m,  ROI  DE  Léon  (1027-1037). 

6.  +  VREM  REX.  Croix. 

R  LEONIS.  Croix  à  pied  entre  deux  étoiles.  —  Billon. 
(PI.  V],  n«6.) 

Les  rois  Vérémund  sont  aussi  appelés  Bermude  par  les 
modernes  Mais  la  forme  la  plus  ancienne  est  bien  établie 
par  divers  textes. 


i:t  nissEiiTATioxs.  1S6 

Des  actes  de  1017,  102  porteut  la  signatuœ  de  Vere- 
niudus,  fils  de  Vigila. 

Le  moine  de  Silos,  dans  sa  chronique,  dit,  en  parlant 
d'Alphonse  V  :  a  Sagitta  percussus  est;  ex  quo  vulnere  ad 
extrema  perductus,  superstitibus  liberîs  Yeremundo  et 
Sanctia  puella...  »  Et  Pelage  d'Oviedo  s'exprime  ainsi  : 
«  Geniiit  duos  filios,  Veremundum  et  Sanciam.  » 

On  trouve  dans  Escalona  (Hisiaria  deSahagun^  append., 
p.  438)  un  acte  à  la  date  du  11  mars  1030,  où  on  lit  : 
((  Régnante  rex  Sancius  in  Castilla  et  rex  Veremundus  in 
Legione.  » 

Vérémund  III  est  le  dernier  du  nom;  on  ne  peut  donc 
faire  descendre  la  monnaie  que  je  publie  ici  à  une  époque 
plus  récente.  C'est  un  jalon  très-important  dans  la  série  des 
monnaies  espagnoles. 

Alphonse  VI,  noi  de  Léon  (1066-1109). 

7.  AiNFVS  REX.  Croix  cantonnée  d'un  croissant. 

^  TOIL.  Cavalier  au  galop,  à  droite,  tenant  une  palme. 
^BiUon.  (PL  VI,  n"  7.) 

Ce  n'est  qu'à  partir  de  la  mort  de  son  frère  Sanche  le 
Fort  (1070)  qu'Alphonse,  exilé  à  Tolède  chez  le  roi  arabe 
£1  Mâmoun,  fut  élu  par  les  Castillans  et  les  Navarrais.  Il 
prit  possession  de  ses  trois  royaumes  en  1073. 

Après  la  mort  de  son  allié  El  Mâmoun,  Alphonse  chercha 
à  s'emparer  de  Tolède;  il  assiégea  longtemps  cette  ville, 
et  finit  par  y  entrer  le  26  mai  1085. 

L'émir  Yahia  et  ses  principaux  officiers  sortirent  de  la 
ville  et  se  retirèrent  à  Valence ,  emportant  avec  eux  leurs 
plus  précieux  trésors.* 

Ce  n'est  donc  qu'à  la  vingtième  année  du  règne  d'Alphonse 


13()  ^lÉMOJRES 

qu'il  est  possible  d'attribuer  le  denier  que  nous  venons  de 
décrire. 

Le  cavalier  tenant  une  palme  représente  le  roi  vainqueur, 
en  même  temps  qu'il  fait  revivre  un  vieux  type  celtibérien. 

Tolède  avait  appartenu  aux  Arabes  pendant  trois  cent 
soixante-quatorze  ans. 

8.  -TOLETAS.  Croix. 

Fjl  Cavalier  à  droite;  sous  le  cheval,  une  étoile.  —  Billeti. 
(PI.  V],n''8.) 

Après  la  mort  d'Alphonse  te  Brave ,  ses  domaines  passè- 
rent à  sa  fille  Urraca,  qui  avait  épousé  Alphonse  le  Batail- 
leur, roi  d* Aragon.  Les  dissentions  qui  ne  tardèrent  pas  à 
éclater  entre  la  princesse ,  héritière  du  royame  de  Castille, 
et  son  mari,  produisirent  de  grands  troubles,  et  il  parait 
bien  probable  que  les  habitants  de  Tolède,  à  un  certain 
moment,  ne  voulant  pas  se  prononcer  entre  Urraca  et  Don 
Alphonse ,  frappèrent  une  monnaie  anonyme ,  représentant 
seulement  le  cavalier,  non  plus  portant  la  palme,  signe  de 
la  victoire,  mais  conservant  cependant  l'apparence  géné- 
rale d'un  type  auquel  on  était  accoutumé. 

Henri  de  Bourgogne,  petit-fils  de  Robert  I",  duc  de 
Bourgogne  (1052-1075),  ayant  épousé  Thérèse,  fille  d'Al- 
phonse VI  le  Brave,  fut  fait  comte  de  Portugal  en  l'an  1094 
ou  1095. 

Alphonse  VI  épousa  en  troisièmes  noces  Constance,  fille 
du  même  duc  Robert  de  Bourgogne,  qui  fut  mère  d' Urraca, 
mariée  en  1090  à  Raymond,  comte  de  Galice,  fils  de  Guil- 
laume le  Grand ,  comte  de  Bourgogne. 

Mahaut,  fille  d'Alphonse  !•%  roi  de  Portugal,  et  petite- 
fille  d'Alphonse  VI  de  Castille  et  Léon,  épousa,  en  119A, 
Eudes  III,  duc  de  Bourgogne. 

Je  cite  ces  faits  pour  montrer  les  relations  qui  existèrent 


tr    hiSSERTATlONS.  137 

pendant  les  xi'  et  xu'  siècles  entre  la  Péninsule  et  la  Bour- 
gogne. 

Urraga,  reine  de  Léon  et  Gastille  (1109-1126?). 

f).  VRRACA  RûG.  Croix.  (Urraca  regina). 

a  LEO  CIVITAS.  Deux  alpha  et  deux  oméga.  —  BiUon. 
(PL  VI,  n»  9.) 

Le  règne  d'Urraca  fut  un  temps  de  guerres  et  de  troubles. 
Suivant  le  droit  espagnol ,  elle  était  reine  de  Castille  et  de 
Léon  ;  et  son  mari ,  descendant  comme  elle  de  Sanche  le 
Grand ,  n'était  que  roi  d'Aragon.  Mais  Alphonse  le  Batail- 
leur assiégea  et  prit  un  grand  nombre  de  villes  dans  les 
États  de  sa  femme,  qu'avait  en  vain  défendue  Henri  de 
Bourgogne.  En  1114  ,  par  les  soins  du  pape  Pascal  II,  un 
concile ,  tenu  dans  la  ville  de  Palencia,  décida  que  le  degré 
de  parenté  qui  existait  entre  Don  Alphonse  et  Urraca  était 
un  obstacle  à  la  validité  de  leur  mariage. 

En  1116,  plusieurs  villes  de  Léon,  de  TEstramadure,  de 
la  Gastille  et  Tolède  même  reconnurent  pour  roi  Alphonse, 
fils  d'Urraca  et  du  comte  Raimond,  qu'elle  avait  épousé  en 
premières  noces.  Le  royaume  resta  partagé  pendant  trois 
ans  entre  la  mère  et  le  fils.  Enfin  Urraca  se  retira  dans  la 
ville  de  Léon,  où  elle  ne  tarda  pas  à  être  assiégée  par  les 
partisans  d'Alphonse.  La  ville  fut  prise,  et  la  reine  perdit 
le  reste  d'autorité  qu'elle  exerçait  encore.  La  date  de  sa 
mort  reste  douteuse. 

10.  VRRACA  RûG.  Croix. 

œSR  ANTONINI.  Deux  alpha  et  deux  oméga.  —  ^îMoii. 
(PI.  VI,  n«  10.) 

Après  que  la  reine  Urraca  eut  été  obligée  de  sortir  de 
Léon,  on  ne  sait  pas  exactement  où  elle  se  i-etira;  peut-être 


138  MEMOIRES 

fut-ce  dans  un  monastère  de  saint  Antoniu,  dont  le  nom  se 
voit  sur  notre  denier. 

11  existait  à  Médina  del  Cauipo,  Tancienne  Metbymna 
Campestris ,  non  loin  de  Zamora ,  un  monastère  dédié  à 
San  Antolin,  dont  faisait  partie  l'église  collégiale  gothique 
qui  s'y  voit  encore. 

Une  autre  Urraca,  fille  de  Don  Fernand  et  par  conséquent 
tante  de  la  reine,  avait  possédé  Zamora  après  la  mort  de 
son  père;  mais  malgré  le  voisinage  des  localités,  ce  n'est 
pas  à  cette  sœur  d'Alphonse  le  Brave  qu'il  faut  attribuer 
le  denier  de  San  Antolin.  Cette  pièce,  par  son  type  et  sa 
légende,  est  inséparable  du  denier  frappé  à  Léon,  ville  qui 
n'appartenait  ])as  à  la  fille  de  Don  Fernand.  D'ailleurs  la 
fabrique  des  deniers  nous  reporte  au  xii'  siècle. 

Pierre  ]•',  noi  d'Aragon  (1094-H04). 

IJ.  PETRVS  REX.  Tête  tournée  à  gauche. 

^  'ARAGON  en  ligne  horizontale.  Croix  entre  deux  ra- 
meaux, —  JBi(/on.  (PI.  VI,  n»  11.)  ' 

Lelewel  décrit  (  Numismatique  du  moyen  âge ,  t.  II ,  p.  6, 
pi.  XVI,  n«  2)  une  pièce  de  Sanche  I*'  (1063-1094),  père 
de  Pierre  I".  Cette  monnaie  offre  un  type  identique  à  celui 
du  denier  que  je  publie. 

Ce  Sanche  dit  Ramirez  (c'est-à-dire  fils  de  Ramire)  était 
en  même  temps,  à  partir  de  1076,  roi  de  Navarre,  et  c'est 
à  lui  qu'il  faut  encore  attribuer  le  denier  au  type  de  la  croix 
longue  entre  deux  fleurons  qui  présente  NAVAR  au  lieu 
d'Aragon. 


*  Nous  avons  décrit  un  denier  semblable  sous  le  n*  6199  du  Caiahgw  de  la 
rfiîlecUon  de  D.  Joié  Garcia  de  la  fot  rf,  publié  à  Madrid  en  1852. 


Kl    DlSSbRTAl  IONS.  130 

Alphonse  Mil,  roi  de  Léon  et  de  Castille  (1126-1137). 

12.  ANFVS  REX.  Croix. 

k  +  TOLETVM.  Deux  annelets  et  deux  étoiles.  —  Billom. 
(PI.  VI,  n' 12.) 

Ce  type  rappelle  les  deux  annelets  et  les  deux  étoiles  qui 
se  voient  sur  les  deniers  de  Béziers  frappés  au  nom  de 
Roger,  de  Bernard  Hatton  et  de  Roger  Trencavel  (1130- 
1150). 


13.  -f  AMFVS  REX.  Croix  cantonnée  de  quatre  annelets. 
^  +  SOCOVIA  CIE.  Crosse  entre  deux  fleurs  de  lis  cou- 
chées. —  Billon.  (PI.  VI,  n^  13.  ) 

Ce  denier  a  été  frappé  dans  la  ville  de  Ségovie. 

14.  AiNFVS  REX.  Croix. 

^1  TOLETO  CIVI.  Crosse  entre  deux  petites  croix  à  pied. 
—  BilUm.  (  PI.  VI ,  n»  14.  ) 

La  classification  de  ce  denier  est  difficile  et  doit  encore 
être  étudiée,  comme  celle  du  précédent.  Ce  n'est  que  par 
la  comparaison  d*un  grand  nombre  de  pièces  du  même 
temps  que  Ton  peut  arriver  à  un  résultat  certain  etsatisfai- 
s<int.  En  publiant  la  figure  de  ces  deux  deniers,  j'ai  voulu 
surtout  fournir  le  moyen  de  connaître  deux  types  curieux 
sur  lesquels,  plus  tard,  je  pourrai  revenir  avec  de  plus 
amples  détails. 

Alphonse  111,  roi  de  Castuxe  (1158-1214;. 

15.  ANFVS  REX.  Busle  couronné  d'Alphonse  tourné  à 
gauche. 


1A0  MÉMOIRES 

H  CASTE  LV.  Château  surmonté  d'une  croix.  —  Billon. 
(PI.  VI,n<'15.) 

16.  ANFVSREX.  Croix. 

RI  CASTELV.  Château  surmonté  d'un  buste  royal.  — 
Billon.  (PI.  Vl,nM6.) 

Le  buste  placé  ici  au-dessus  du  château  est  exactement 
semblable  à  celui  qui  se  voit  sur  le  denier  précédent.  Ce 
sont  les  deux  types  du  droit  et  du  revers  du  denier  n""  15 
qui  ont  été  réunis  et  combinés. 

Joseph  Gaillard. 

Cursan  (Uironde),  le  15  janvier  1804. 


£T  DISSERTATIONS,  11 1 


CONJECTURES 

SUR  UNE  MONNAIE  DE   L'ÉPOQUE  D'ALPHONSE  VIII. 
DE  CASTILLE. 


La  numismatique  de  l'Espagne  du  moyen  âge  se  trouve 
malheureusement  aujourd'hui  dans  un  triste  état  de  retard 
et  d'abandon.  La  manie  de  borner  les  recherches  archéolo- 
giques  à  l'étude  des  temps  de  la  domination  romaine  a 
trouvé  chez  nous  un  refuge  assuré  et  durable,  et  compte 
toujours  de  fanatiques  partisans,  au  jugement  desquels  les 
investigations  numismatiques  relatives  au  moyen  âge  ne 
peuvent  pas  produire  le  moindre  résultat  utile  pour  l'his- 
toire. A  ce  mépris,  ou  tout  au  moins  à  cette  indifférence, 
on  doit  attribuer  principalement  la  perte  de  tant  de  milliers 
de  monnaies  livrées  au  creuset  du  fondeur,  perte  qui  a 
privé  la  science  d'une  multitude  de  faits  et  de  renseigne- 
ments qui,  sans  aucun  doute,  eussent  été  d'une  grande 
utilité. 

Aujourd'hui  enfin  il  existe  quelques  collectionneurs  dis- 
tingués qui,  ayant  banni  de  si  injustes  préoccupations,  re- 
cherchent avec  ardeur  les  monnaies  espagnoles  du  moyen 
âge,  les  arrachant  à  la  destruction  pour  en  former  des 
séries  chronologiques  plus  ou  moins  complètes. 


En  outre,  l'étude  et  la  classification  exacte  de  ces  mon- 
naies est,  pour  certaines  périodes,  assez  difficile  par  suite 
du  manque  continuel  de  documents  contemporains  aux- 
quels on  puisse  recourir  en  cas  de  doutes.  En  sorte  que 
le  numismatiste,  en  étant  réduit  à  l'examen  et  à  la  compa- 
raison de  pièces  qui  très-sonvent  ne  fournissent  que  des 
indications  faibles  et  confuses,  s  épuise  l'esprit  en  conjec- 
tures, sans  obtenir  toujours  un  résultat  satisfaisant  an  point 
de  vue  historique  et  chronologique.  Les  œuvres  de  Velazquez 
et  de  Florez  sur  les  monnaies  des  Wisigoths,  celles  de  Saez 
et  de  Cantos  Benitez  relatives  à  la  valeur  des  monnaies 
castillanes  pour  quelques  règnes,  les  écrits  de  Lastanosa, 
de  Salât,  de  Bover  et  d'autres  sont  très-estimables,  et 
peuvent  nous  servir  comme  ciment  pour  la  construction 
de  l'édifice  à  venir;  mais  elles  se  trouvent,  par  suite  des 
sujets  restreints  et  particuliers  auxquels  elles  sont  consa- 
crées, insuffisantes  pour  nous  servir  de  guides  et  de  doc- 
trine. 

Par  ces  motifs,  et  considérant  que  plus  grand  sera  le 
nombre  des  pièces  sur  lesquelles  portera  l'examen  compa- 
ratif, plus  grande  aussi  sera  l'abondance  de  données  sur 
lesquelles  les  recherches  pourront  s'appuyer,  je  pense  qu'il 
conviendrait  que  chacun  fît  d'abord  connaître  les  pièces 
inédites  qu'il  possède  ou  qu'il  a  pu  observer. 

En  attendant  quune  œuvre  consciencieuse  et  étendue 
vienne  réunir  dans  un  ordre  systématique  et  clair  toutes 
les  variétés  qui  composent  les  séries  de  monnaies  espa- 
gnoles du  moyen  âge,  je  crois  devoir  faire  part  au  lecteur 
de  quelques  observations  qui  m'ont  été  suggérées  par  une 
petite  monnaie  castillane  du  précieux  cabinet  de  don 
Manuel  Vidal  Ranîon,  de  Barcelonne. 

L'époque   la  plus  obscure   pour  la  numismatique  des 


tT    DISSERTATIONS.  ihi 

royaumes  de  Castille  et  de  Léon  est  cet  espace  compris 
entre  le  règne  d'Alphonse  VI  à  qui  l'on  attribue  les  pre- 
mières monnaies,  et  celui  de  Ferdinand  III  le  Saint. 

Pendant  cette  période  on  connaît  avec  certitude  diffé- 
rentes monnaies  de  Urraca  offrant  son  nom  ;  on  en  attribue 
logiquement  d'autres  portant  le  titre  Imperator  à  Al- 
phonse VII,  et  quelques-unes  encore  à  Sanche  III  et  à 
Henri  I".  Mais  dans  la  multitude  de  deniers  qui  nous  mon- 
trent le  nom  d'Alphonse,  comment  devons-nous  faire  la 
part  des  Alphonse  VI,  VII,  VIII  et  IX?  Il  est  certain  qu'Al- 
phonse VIll  régna  seulement  en  Castille  et  Alphonse  IX  en 
Léon.  Toutefois  leurs  monnaies  se  confondent  avec  celles 
d'Alphonse  VI  et  d'Alphonse  VII,  qui  possédèrent  ces  deux 
royaumes  réunis.  Ces  monnaies  se  confondent  d'autant 
plus  que  les  caractéristiques  qu'elles  présentent  se  rédui- 
sent au  nom  du  prince  et  à  celui  du  lieu  d'émission,  sans 
date  ni  autre  indice  déterminant.  En  Espagne,  cependant, 
comme  dans  toutes  les  contrées  de  l'Europe,  les  monnaies 
d'une  même  série  offrent  entre  elles  des  variations,  des 
différences  de  style  qui  ne  sont  pas,  dans  chaque  série,  à 
l'avantage  des  pièces  les  plus  récentes. 

La  médaille  que  je  vais  décrire  est  extrêmement  digne 
d'attention,  et,  à  mon  avis,  elle  peut  aider  à  résoudre  cer- 
taines difficultés  que  présente  la  classification  des  mon- 
naies des  Alphonse ,  étant  la  seule,  à  cette  époque,  qui 
porte  une  date,  bien  qu'elle  omette  le  nom  du  monarque. 
En  comparant  son  style  à  celui  d'autres  pièces,  on  peut 
donner  plus  de  force  aux  conjectures. 

Au  droit  on  lit  : 

4-  ERA  MCClIll  autour  d'une  croix  à  bras  égaux  ter- 
minés chacun  par  un  croissant ,  laquelle  est  cantonnée  de 
quatre  annelets. 


ihh  MÉMOIRES 

Au  revers  : 

+  TOLETUM,  croix  à  pied  ornée  de  fleurons.  La  légende 
n'occupe  pas  toute  la  circonférence  de  la  pièce  et  se  trouvç 
séparée  de  la  croix  par  un  demi-cercle  de  grènetis.  Billon  ; 
module,  14  millimètres. 

En  examinant  attentivement  cette  pièce,  on  y  reconnaît 
au  premier  coup  d'oeil  un  certain  degré  de  pureté  dans  les 
formes  qui  n'est  pas  commun  à  cette  époque. 

La  croix,  gravée  au  droit,  n'est  pas  semblable  à  celles 
que  l'on  voit  ordinairement  sur  les  monnaies  contempo- 
raines ;  l'addition  de  croissants  à  l'extrémité  de  chacun  des 
bras  lui  donne  un  aspect  entièrement  nouveau. 

La  croisette,  haussée  sur  une  tige  ornée  de  fleurons, 
n'apparait  sur  aucune  monnaie  de  Castille;  mais  je  la 
trouve  tout  à  fait  semblable  sur  un  denier  d'Alphonse  Vil, 
frappé  à  Léon,  dont  voici  la  description. 

+  REX  ANFVS  IN-RATOR.  Buste  de  face  avec  la  cou- 
ronne impériale. 

1^  LEGIO  GIVITAS.  Croisette  sur  une  tige  ornée  de  fleu- 
rons; module,  18  millimètres;  billon. 

11  est  à  remarquer  que  la  légende  du  revers  est  disposée 
comme  celle  de  la  monnaie  qui  fait  le  sujet  de  cet  artic  , 
c'est-à-dire  qu'elle  forme  un  demi-cercle  au-dessus  de  la 
croix  dont  le  pied  touche  au  bord  de  la  médaille. 

Mais  ce  qui  est  plus  remarquable,  et  ce  qui  donne  à  la 
monnaie  de  don  Manuel  Vidal  Ramon  une  véritable  impor- 
tance numismatique,  c'est  la  légende  du  droit,  ERA 
MCGIIII,  date  qui  peut  faire  naître  des  considénilions  in- 
téressantes. 

En  eflet,  cette  année  de  Vère  d'Espagne  écrite  si  nette- 
ment et  unique  (à  ma  connaissance)  dans  la  numismatique 
hispano-chrétienne  du  moyen  âge,  a  du  être  indiquée  sur 


LT    DISSEnTATIONS.  143 

cette  monnaie  par  suite  de  quelque  grand  événement,  ou 
pour  de  puissants  motifs.  Afin  de  s'en  rendre  compte,  il 
devient  nécessaire  de  consulter  l'histoire  et  de  rechercher 
les  faits  accomplis  en  cette  année  1166  de  Jésus-Christ 
correspondant  à  Vannée  120/i  de  Y  ère  de  César  ou  espa- 
gnole ^ 

Les  troubles  qui  agitèrent  la  minorité  du  roi  don 
Alphonse  VIII  de  Castille  sont  bien  connus  de  tous  ceux 
qui  se  sont  appliqués  à  l'étude  de  notre  histoire  nationale. 
On  sait  que  leur  cause  principale  fut  l'antagonisme  bouil- 
lant des  factions  des  Lara  et  des  Castro  qui  se  disputèrent 
longtemps  la  régence  du  royaume  et  la  tutèle  du  monarque 
enfant. 

Celui-ci  avait  été  confié  par  son  père ,  le  bon  roi  don 
Sanche  III,  à  la  garde  de  don  Guttiere  Fernandez  de  Castro 
qui,  pour  éviter  sans  doute  les  fatales  conséquences  de  ces 
discordes,  céda  cette  mission  à  don  Garcia  de  Aza,  frère 
utérin  des  Lara.  Il  fut  facile  à  don  Manrique  de  Lara 
d'obtenir  de  la  faiblesse  d'Aza  la  tutelle  du  jeune  Alphonse, 
et  fier  de  son  succès  il  persécuta  ciiielleraent  les  Castro  et 
leurs  partisans.  Ceux-ci  furent  obligés  de  demander  aide 
au  roi  de  Léon,  Ferdinand,  frère  du  roi  Sanche,  qui  accé- 
dant à  cette  prière  obligea  les  Lara  à  lui  remettre  son 
neveu. 

Nous  n'avons  pas  à  consigner  ici  minutieusement  les 
péripéties  de  cette  lutte;  il  me  suffira  de  déterminer 
l'événement  auquel  notre  monnaie  me  paraît  devoir  son 
origine. 

>  L'ère  d'Espagne  commence  avec  Tan  716  de  Rome,  trente-hoit  ans  ayant 
rire  vulgaire.  Son  origine  fut  la  complète  soumission  de  la  péninsule  par 
Auguste  ;  elle  fut  en  usage  en  Espagne,  en  Afrique  et  dans  les  provinces  mé- 
ridionales de  France  régies  par  les  Wisigoths. 

1864.—  2.  10 


liô  MÉMOIHtS 

Infatigables  dans  leur  désir  ardent  d'exterminer  leurs 
adversaires,  les  Lara  tentèrent  de  s'emparer  par  surprise 
de  Tolède  que  gouvernait  alors  don  Femand  Ruiz  de  Castro, 
neveu  de  feu  don  Guttiere.  Ils  formèrent  des  relations  se- 
crètes avec  un  chevalier  de  Tolède  nommé  don  Estevan 
Illan  qui,  avec  une  grande  adresse,  parvint,  sans  que  le 
gouverneur  en  eût  la  moindre  connaissance,  à  introduire 
dans  la  cité  l'enfant  royal,  en  sorte  que  Castro  n'apprit 
cette  entrée  que  par  les  vivats  et  les  acclamations  de  la 
foule,  et  en  voyant,  à  sa  stupéfaction,  l'étendard  royal 
flotter  sur  la  tour  de  l'église  de  San  Roman.  Il  n'eut  d'autre 
ressource  que  de  prendre  la  fuite  avec  un  petit  nombre  des 
siens  et  de  se  retirer  sur  les  domaines  des  musulmans. 

Ce  fait,  si  célèbre  et  si  fécond  en  conséquences,  eut  lieu, 
suivant  les  annales  de  Tolède,  un  vendredi  26  d'août  120A 
de  l'ère  (H66).  A  partir  de  cette  date  on  put  considérer 
comme  certain  le  triomphe  des  Lara,  et  comme  anéantis 
les  plans  du  roi  de  Léon.  Depuis  lors  aussi  on  voit  le  jeune 
Alphonse  figurer  dans  l'histoire,  non  plus  comme  un  pupille 
soumis  à  la  tutelle,  mais  comme  un  véritable  roi  gou\'er- 
nant  par  lui-même  *.  Il  était  né  le  11  novembre  H55. 

Ceci  posé,  je  n'ai  pas  le  moindre  doute  que  notre  mé- 
daille n'ait  été  frappée  par  suite  de  cet  événement,  afin  de 
perpétuer  la  mémoire  d'une  action  digne  d'être  inscrite 
dans  les  fastes  de  la  Castille.  La  présence  de  la  date  espa- 
gnole, 1204,  unie  au  nom  de  Tolède,  ne  permet  guère 
de  chercher  une  autre  explication,  et  la  rareté  extraordi- 
naire de  la  pièce  peut  nous  faire  supposer  qu'il  n'en  fut 
émis  qu'une  seule  fois  pour  célébrer  l'entrée  d'Alphonse  VIII. 
On  sait  que  l'Espagne  est  encore  dans  l'usage  de  frapper 

*  Lnfusnte,  Bût,  général  de  Espafta,  t.  V,  p.  133. 


ET   DISSERTATIONS.  147 

dans  toutes  ses  villes  des  médailles  de  procIamatioD.  Et, 
à  ce  sujet,  je  ne  puis  résister  au  désir  de  consigner  ici 
une  conjecture  relative  à  la  monnaie  léonaise  d'Al- 
phonse VII  dont  j'ai  parlé  plus  haut.  On  a  remarqué  l'iden- 
tité complète  du  revers  de  cette  pièce  et  de  celui  du  denier 
que  nous  discutons.  Or,  si  l'on  admet  avec  nous  que  la 
monnaie  d'Alphonse  YIll  était  destinée  à  rappeler  la  sur- 
prise de  Tolède,  ne  doit-on  pas  aussi  penser  que  le  denier 
de  Léon  avait  eu  une  origine  analogue?  En  1135,  Al« 
pbonse  VII  (aïeul  du  jeune  Alphonse  VIII)  fut  proclamé 
empereur  et  depuis  lors  prit  ce  titre  dans  tous  ses  actes 
et  sur  ses  monnaies.  Celle  que  j'ai  décrite  et  sur  laquelle 
on  voit  la  couronne  impériale  ferait  allusion  à  la  procla- 
mation solennelle  du  fils  altier  d'Urraca  de  Castille  et  de 
Léon. 

En  présentant  si  franchement  mon  opinion  aux  anti- 
quaires, mon  intention  est  d'appeler  leur  examen  sur  des 
monuments  fort  curieux  et  fort  dignes  d'être  discutés.  Je 
serais  heureux  de  voir  les  idées  que  je  viens  d'exposer 
donner  lieu  à  quelques  obseiTations  savantes  qui  tourne- 
raient au  profit  de  la  science. 

Alvaro  Caiipanér. 

San  Feliu  do  Llobrcgat;  Barcelona,  8  février  1864. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 


M.  John  Ëvans  vient  de  faire  paraître  son  travail  intitulé  : 
The  coins  of  the  ancient  Britons ,  monnaies  antiques  de  la 
Grande-Bretagne.  Nous  rendrons  compte  de  cet  ouvrage;  mais 
nous  avons  cru  devoir  le  signaler  immédiatement  à  nos  lecteurs, 
car  c*est  une  œuvre  fort  estimable^  très-étudiée  et  grandement 
utile.  Vingt>six  belles  planches  gravées  par  M.  Fairholt^  membre 
de  la  Société  des  antiquaires  de  Londres,  et  des  vignettes  inter- 
calées dans  le  texte  donnent  la  reproduction  d'environ  380  mon- 
naies, dont  à  peu  près  240  portent  des  légendes.  Parmi  celles-ci, 
il  en  est  qui  se  font  remarquer  par  un  très-bon  style.  Le  soin 
avec  lequel  M.  J.  Evans  a  fait  imprimer  son  savant  ouvrage  en 
fait  un  ornement  pour  nos  bibliothèques.  A.  L. 


Essai  pour  servir  à  l'histoire  des  monnaies  de  la  ville  de 
Soissons  et  de  ses  comtes,  par  M.  le  docteur  Voillemieb. 
Amiens,  1863,  in-8,  5  pi.  grav. 

Un  des  doyens  de  la  numismatique  et  l'un  de  ceux  qui  ont 
le  plus  fait  pour  soutenir  et  encourager  par  leur  exemple  la 
recherche  des  monnaies  françaises,  M.  le  docteur  Voillemier, 
résume  depuis  quelques  années  ses  longues  études,  et  en  publie 
le  résultat  sous  forme  de  monographies  très-intéressantes. 
Après  un  mémoire  sur  la  monnaie  de  Beauvais  depuis  la  période 
gauloise  jusqu'à  nos  jours,  voici  un  travail  sur  la  numismatique 
de  Soissons  au  temps  des  Gaulois ,  sous  les  rois  mérovingiens, 


RLLLET1^    KIBLIOGRAPHIQUK.  1^9 

cariovingiens ,  el  sous  les  comtes  des  xu%  xin*  et  xiV  siècles.. 
Cinq  planches  soigneusement  gravées  donnent  la  figure  des 
principales  variétés  qu'ofifrent  les  monnaies  de  Soissons^  parmi 
lesquelles  ne  figurent  pas  celles  de  l'abbaye  de  Saint-Médard. 

M.  le  docteur  Voillemier  adopte  l'opinion  de  M.  de  Saulcy 
touchant  l'attribution  au  Divitiacus  des  Suessions  des  monnaies 
sur  lesquelles  M.  Hucher  a  déchiffré  le  nom  ACloriGlAGOC. 

Il  donne  les  figures  et  la  description  du  denier  et  de  Tobole 
d*Ëudes  provenant  de  la  découverte  faite  en  i854  à  Choisy-au- 
Bac.  Ces  pièces  expliquent  parfaitement^  comme  Ta  fort  bien 
dit  M.  Voillemier,  l'existence  du  denier  à  type  dégénéré  qui  a 
été  publié  dans  la  Revue  numismatique  de  1859  (  pi.  XXI^  n"  i  ), 
et  que  depuis  on  a  voulu  attribuer  à  Saint-Médard  par  suite 
d'une  confusion  avec  un  autre  denier  gravé  dans  la  même 
planche. 

On  lira  avec  intérêt  dans  cette  monographie  tout  ce  qui  a 
trait  au  monnayage  des  comtes  contemporains  des  premiers 
rois  de  la  troisième  race.  C'est  là  un  sujet  difficile  sur  lequel  la 
découverte  de  monnaies  faites  à  Creil  en  i841  jette  quelque  jour. 

Nous  espérons  que  M.  le  docteur  Voillemier  continuera  à 
nous  donner  des  preuves  de  la  profitable  activité  que  nous 
sommes  heureux  de  constater  chez  l'antiquaire  qpi  nous  guidait 
par  ses  excellents  conseils  il  y  a  plus  de  trente  ans. 

A.  L. 


CHRONIQUE. 


DÉCOUVERTE  DE  MONNAIES  HUMAINES  EN  BRETAGNE, 

Le  W  mars  i863^  un  cultivateur  de  la  commune  de  Trévenenc 
s'occupait  à  enclore  un  champ  près  du  village  de  Ville-Quinio. 
Pour  donner  à  sa  clôture  plus  de  développement,  il  avait  enlevé, 
sur  une  longueur  de  5  à  6  mètres,  un  talus  on  terre  pour  le 
reporter  un  peu  plus  loin  sur  un  nouvel  alignement.  Après 
cette  opération  il  s'était  mis  à  niveler  le  sol  que  recouvrait  l'an- 
cien talus,  lorsqu'au  bout  de  quelques  instants,  ayant  lieurté 
avec  sa  pioche  un  objet  qui  présentait  de  la  résistance,  il  s'aper- 
çut qu'il  venait  de  briser  un  vase  de  terre  rempli  de  vieilles 
monnaies  couvertes  de  vert-de-gris,  qu'il  prit  pour  des  lîards. 
11  fit  part  de  sa  découverte  aux  laboureurs  qui  travaillaient 
dans  les  champs  voisins,  et  il  commençait  à  leur  offrir  quelques- 
unes  de  ces  monnaies ,  auxquelles  il  n'attachait  pas  d'impor- 
tance, quand  un  habitant  de  la  commue  d'Ëtables,  M.  de  Ker- 
saint-Gilly,  qui  chassait  dans  les  environs,  arrivant  à  son  tour 
sur  les  lieux  et  pensant  que  ces  vieux  liards,  qui  n'étaient  autre 
chose  que  des  monnaies  romaines  de  petit  bronze  du  m*  siècle, 
au  nombre  de  près  de  3,000  pièces,  pouvaient  avoir  quelque 
valeur  historique,  les  fit  recueillir  ainsi  que  les  débris  du  vase 
qui  les  contenait,  afm  de  les  soumettre  à  l'examen  d'un  numis- 
matiste. 

La  moitié  au  moins  de  ces  monnaies  porte  l'effigie  de  Po^- 
iume  (258  à  267  ).  Les  plus  anciennes  ont  été  frappées  sous  le 
règne  de  Sévère-Alexandre  (22!  h  235)  ;  les  plus  récentes  sous 


CIIRO.MQIE.  151 

celui  de  Probus  (27 6-28:2).  Voici  les  noms  des  empereurs  que 
j'ai  reconnus^  avec  l'indication  du  nombre  de  revers  différents  i 

Sévère-Alexandre.  .  2            Postume 38 

Gordien  III 9           Lélien A 

Philippe  père.  ...  \           Victorin 9 

Trajan  Dèce I            Marins .'] 

HereHnia  Etruscilla.  2  Tétricus  père.  ...  7 

Trébonien  Galle.  .  .  7           Tétricus  flls i 

Volusien 2  Claude  le  Gothique.  29 

Valérien. 15            Quintille 9 

Mariniaua 1            Aurélien 12 

Gallien 56           Tacite i 

Salonine 22           Florien L 

Salonin 5           Probus 4. 

En  4849 ,  on  trouva  à  Plourhan ,  même  canton  d'Ëtablës, 
une  quantité  considérable  de  pièces  romaines  de  la  même  épo- 
que. Elles  furent  portées  en  grande  partie  chez  un  chaudron- 
nier, qui  les  Bt  fondre.  Trois  ans  plus  tard  on  découvrit  h 
Uftiniac,  dans  le  fond  de  la  baie  de  Saint- Orieuc,  plusieurs 
centaines  de  pièces  de  la  même  espèce. 

Gaultier  du  Mottat. 

Nous  devons  faire  remarquer  que  de  Sévère-Alexandre  à 
Volusien,  les  monnaies  indiquées  doivent  être  d'argent  plus  ou 
moins  altéré^  et  non  de  petit  bronze.  H  arrive  assez  firéquem^ 
ment ^  et  c'est  sans  doute  ici  le  cas,  que  les  pièces  d'argent 
recouvertes  d'une  couche  d'oxyde  vert  ou  noir  sont  prises 
pour  du  cuivre.  Il  est  même  probable  que  le  plus  grand  nombre 
des  pièces  de  ce  dépôts  depuis  Valérien  jusqu'à  Probus,  sont 
des  monnaies  de  billon  ou  de  cuivre  saucé. 

(  Les  Éditeun.  ] 


15^  CUKOXIQIK. 

VENTE  DE  LA  COLLECTION  DE  M.  GOSSELLIN. 

La  collection  de  M.  Gossellin,  qui  vient  d'être  vendue  aux 
enchères  le  7  mars  dernier  et  jours  suivants,  jouissait  d'une 
grande  célébrité.  Elle  renfermait^  outre  quelques  rares  médailles 
grecques,  la  plupart  d'une  fabrique  très-ancienne,  mais  ne  for- 
mant aucune  série,  une  nombreuse  et  riche  suite  de  médailles 
romaines,  surtout  impériales. 

Raoul- Rochette  avait  publié  en  1830  une  intéressante  notice 
sur  cette  collection,  qui  devait  être  mise  en  vente  le  il  janvier 
i83i;  la  vente  n'eut  pas  lieu. 

Nous  donnons  ici  les  prix  des  plus  curieuses  pièces  de  cette 
collection.  En  général  les  exemplaires  laissaient  h  désirer  sous 
le  rapport  de  la  conservation,  et  ce  sont  principalement  les 
pièces  bien  conservées  que  les  amateurs  recherchent  aujour- 
d'hui. Plus  de  la  moitié  de  la  collection  a  été  achetée  par 
MM.  Rollin  et  Feuardent;  nous  ajoutons  aux  prix  de  la  vente, 
y  compris  les  frais  à  V^  pour  iOO,  les  noms  des  acquéreurs, 
quand  nous  avons  pu  les  connaître. 

Kaméros.  fr.    c. 

22.  Tburium.    Tète  casquée  de   Pallas.  —  ^  eorPÏÛN. 

Taureau  comupète;  dessous,  poisson.  Arg.  8.  .  123  90 
38.  Catane.  HPAKAEUAS.  Tête  laurée  d'Apollon  de  face. 

—  1}  KATANAIÛN.  Quadrige.  Arg.  7 736     - 

Torremuzza,  tab.  XX,  1  et  2. 
Mionnet,  1. 1,  p.  226,  n"  151. 
(  M.  de  la  Salle.  ) 
47.  Messana.  Tête  de  lion  de   face.  —  ij  MES£EN10N. 

Tête  de  veau  à  gauche.  Arg,  6 698  25 

Torremuzza,  tab.  XLV,  7  et  8. 
Mionnet,  t.  I,  p.  253,  n*  372. 
58.  Médaillon  de  Syracuse,  portant  la  signature  d'Évenète, 

ETAINE.  Arg.  11 472  50 

78.  Acanthus.   Lion  dévorant  un  taureau.  —  »}  Carré 

creux.  Arg.  8 189     - 


CHKONIQUE.  153 

Nuiuërofl.  fr.    c. 

79.  Autre  pièce  d'Acunthiis,  portant  an  revers  la  légende 

AKAN01UN.  Arg.  7 315     ». 

81.  Amphipolis.  Tête  d'Apollon  de  face.  —  ij  AM<l'inO- 

ATTÛN.  Torche  et  un  petit  épi 388  50 

Mionnet,  III,  Suppl.,  pi.  V,  n*  1. 
123.  Double  statère  de  Cjzique.  Tôte  de  chèvre  à  gauche  ; 

derrière,  pélamide.  —  ij  Carré  creux.  Or  5 404  25 

146.  Tétradrachme  attribué  par  Raoul-Rochette  à  Cymé 
d'Eolie.  Partie  antérieure  d'un  cheval  à  droite.  — 

li  FJeur  épanouie.  Arg,  6 110  25 

149.  Phasélis  de  Lycie.  Achéloûs  sous  la  forme  d'un  tau- 
reau à  face  humaine,  marchant  à  droite ,  et  saisi 
par  Hercule.  Dans  le  champ,  8  ou  4».  —  4  Proue 
de   vaisseau;   au-dessous,  un  dauphin.    Le  tout 

dans   un  carré   creux.    Arg.  5 425  25 

(M,  Waddington.) 
162.  Aspendus.  Guerrier  combattant  à  droite;  une  tortue 
entre  ses  jambes.  —  ij  ES.    Triquetra  au  milieu 

d'un  carré  creux.  Arg,  5 152  25 

(M.  Waddington.) 

156.  Cypre.  Taureau  debout  à  gauche,  surmonté  du  disque 

ailé;  devant,  la  croix  ansée.  —  i)  Oiseau  volant  à 

gauche  dans  un  carré  creux.  Arg.  6 233  10 

Duc  de  Luynes,  Monnaies  cypriotes,  pi.  III,  n"  10. 

157.  Cypre.  Taureau  à  face  humaine,  agenouillé  à  droite, 

se  retournant  à  gauche;  dessous,  la  croix  ansée; 
au-dessus,  le  globe  ailé.  Arg,  6 483     « 

Duc  de  Luynes,  loc.  cit.,  pi.  VI,  n*  2. 

(  Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  impériale.  ) 
159.  Lycie.  Deux  poissons  en  sens  contraire;  dessous,  tête 
de  bélier.  Le  tout  au  milieu  d'un  carré  creux  indi- 
qué par  quatre  lignes.  —  li  Triquetra  au  milieu 
d'un  carré  creux.  Arg.  6 157  50 

Variété  de  la  pièce  publiée  par  Fellows,  Coins  ofan-- 
cienl  Lycia^  pi.  VIII,  n"  8. 

f  M.  Waddington.) 


15A  CHROMgi'E. 

Numéro».  fr. 

160.  Lycie.  Cavalier  à  gauche;  dessous,  une  tête  d^aigle. — 
i)  Archer  un  genou  en  terre  ;  dans  le  champ ,  tète 
d*aigle  et  croix  ansée.  Le  tout  dans  un  carré  creux. 

Jr^.  6 252 

(M.  Waddington.  ) 


Monnaies  de  la  république  romaiiie. 

220.  Junia.  Restitution 178  50 

Cohen,  pi.  XLV,  n«  4. 

222.  Memmia.  Restitution 104     *• 

223.  Rubria.  Restitution 215  15 

Cohen,  pi.  XLV.  n' 11. 

Monnaies  impériales, 

232.  Pompée.  CN.MAGN.IMP.F.—  ij  M.MINAT.SABIN. 

PR.Q.  Pompée  fils  débarquant  et  donnant  la  main 

à  une  femme  tourrelée,  debout  sur  des  armes .  .  .  .  178  50 
Cohen,  Impériales,  U  I,  p.  2,  n«  5. 
235.  Idem,  —  i}  Même  légende.  Pompée  fils  debout  entre 

une  femme  tourrelée  qui  tient  un  caducée  et  une 

femme  portant  un  trophée  qui  le  couronne 225  75 

Cohen,  p.  2,  n*  7. 
240  bis.  MAG.PIVS.IMP.ITER.  Tête  de  Pompée  à  droite. 
i{  PRAEF.CLAS.ETOR.MARIT.  Anapias  et  Amphi- 

nomus  portant  leurs  parents.  Au  milieu,  Neptune. 

Autour  on  lit  :  IMP.CAES.  TRAIAN.  AVG.GER. 

DACP.P.REST. 519  75 

Pièce  restituée  par  Trajan. 
Cohen,  p.  5,  n*  19. 
(Cabinet  des  médailles.) 
242.   DIVOS  IVLIVS  DIVI  F.  Têtes  affrontées  de  Jules 

César    et    d'Auguste.   —   i*.  M.AGRIPPA  COS. 

DESIGN,  écrit  dans  le  champ 99  75 

Cohen,  p.  16,  n"  3. 


CHRONIQUE.  155 

Kunu^os.  fr.    c. 

263.  BRVT\- S  IMP.  L.  PLAET.  CEST.  Tête  nue  à  droite, 
i)  EID.MAR.  Bonnet  de  \%  Liberté  entre  deux  poi- 
gnards  167     •• 

Coben,  p.  18,  n*  4. 
(M.  Jarry,  à  Orléans.) 
278.   Marc-Antoine.  M.ANTONIVS  AVG.  IMP.  lUI  COS. 
TERT.  m  V.R.P.C.  Tête  nue  à  droite.  —  *  D. 

TVR.  en  monogramme.  Victoire 18  40 

Pièce  fourrée. 
Ck)hen,  p.  27,  n»  56. 
298.  Caïus  Antoine.  C.ANTONIVS  M.F.PRO.œS.  Tête 
coiffée  de  la  causia   macédonienne  à  droite.  — 

ij  PONTIFEX.  Vases  et  hacbe 283  50 

Cohen,  p.  38,  n'  1. 
312.  Auguste.  Tête  nue  à  droite.  —  i)  CAESAR  DIVI  F. 

ARMEN.CAPT.IMP.Vni.  Arménien  debout.  ...    84    ». 
Cohen,  p.  51,  n*  79. 

329.  Idem.  CAESAR.  AVGVSTVS.  Tête  laurée  à  droite.— 
i)  PAX.  Deux  mains  jointes  tenant  un  caducée  et 

deux  cornes  d'abondance  (inédite] 84    ^ 

330.  Idem.  DIWS  AVG.P.P.  Môme  tête.  —  ij  Semblable 

à  celui  du  numéro  précédent  (inédite) 78  75 

Ces  deux  pièces,  achetées   par  le  Cabinet  des 
médailles,  ne  se  trouvent  pas  dans  l'ouvrage  do 
M.  Cohen. 
366.  Idem.  —  4  M.DVRMIVS  UI  VIR.  Sanglier  percé 
d'une  flèche. 
Autre  ayant  pour  type  un  lion  dévorant  un  cerf.  .  .    30  45 
Cohen,  p.  79,  n"  332  et  333. 
(M.  le  baron  d'Ailly.) 
375.  Idem.-^i.  CMARIVS  CF.  TRO.  III  VIR.  Auguste 

et  Agrippa  debout 138  60 

Cohen,  p.  80,  n'  342. 
3bO.  Ide?n.  —  Cippe  sur  lequel  on  lit  :  IMP.CAES.AVGV. 

COMM.CONS 120  75 

Cohen,  p.  81,  n*  350. 
402.   fdem.  AVGVSTVS.  Tête  nue  d'Auguste  à  droite.  — 


156  CHRONIQUE. 

Numéros.  fr.     c 

1^  IMP.CAES.TKAIAN.  AVG.  GER.  DAC.  REST. 

Statue  équestre  sur  un  cippe 420     •* 

Denier  de  la  famille  Comelia,  restitué  par  Trajan. 
407.  Idenu  AVGVSTVS  DIVI F. Tôte nue, - 1^  C.MARIVS 

TRO.  III  VIR.  Tête  de  Julie  entre  celles  de  Oaïus 

et  de  Lucius 315     »» 

Cohen,  p.  116,  n®  2. 
(M.  le  duc  de  Blacas.) 
482.   Poppée  et  Néron .  NCPONOC  CCBACTOY.  Tête  de  Poppéc 

et  NCPÛN  KAICAP  CCBACTOC.  Tète  de  Néron.  ...  157  50 
486.  L.CLODI  MACRI  CARTHAGO  S.C.  Buste  tourrelé 

de  Carthage.  —  ij  SICILIA.  Triquetra,  avec  la  télé 

de  Méduse  au  centre 409  50 

Cohen,  p.  217,  n"  8. 

L.   Millier,  Numismatique  de  Vancieiine  Afrique  ^ 

t.n,  p.  171,  n' 381. 
(  M.  le  duc  de  Blacas.) 
401.  TRES  GALUAE.  Têtes  des  trois  Gaules.  —  f)  Galba 

à  cheval 267  75 

Cohen,  p.  219,  n'  8. 
(Cabinet  des  médailles.  ) 
544.  Vitellius.  Tête  à  droite.  —  i)  L.VITELLIVS  COS.IH 

CENSOR.  Tôte  de  Vitellius  père  à  droite;  devant, 

une  aigle  romaine 207  00 

Cohen,  p.  270,  n*  2. 

584.  DomiUUe.-iJFORTVNAAVGVST.LaFortunedebout.  225  75 
Pièce  fourrée. 

Cohen,  p.  338,  n'  3. 

585.  Idem.  —  ij.  PIETAS  AVGVST 128  10 

Cohen,  p.  338,  n^  4. 

633.  Domitia.  DOMITIA  AVGVSTA  IMP.  DOMIT.  Buste 

à  droite.  —  ij  CONCORDIA  AVGVST.  Paon.  .  .  116     - 
Cohen,  p.  459,  n*  3. 
636.  Idem.  DOMITIA  AVGVSTA  IMP.  DOMIT.  Buste  h 
droite.—  iil  DIVVS  CAESAR  IMP.  DOMITIANI  F. 

Enfant  nu  assis  sur  un  globe.  . 189     •• 

Cohen,  p.  459,  n*  6. 


CHHONIQUE.  J57 

Numéros.  fr.    c. 

La  même  médaille   décrite  sous  le  n**  635  était  un 

exemplaire  très-fruste  et  n'a  été  vendu  que 43  05 

654  ter,  Trajan.  IMP.  TRAIANO  PÎO  FEL.  AVG.  P.  P. 
Buste  lauré  de  Trajan  à  droite ,  sous  les  traits  de 
Gordien  III.  —  b)  VIA  TRAJAN  A.  Femme  couchée 
à  gauche,  un  fouet  dans  la  main  droite,  le  bras 
gauche  appuyé  sur  une  roue.  Billon 421     » 

Cohen,  t.  II,  p.  87,  n*  553. 
656.  Plotine.  —  li  ARA  PVDIC.  écrit  à  l'exergue.  Autel 

devant  lequel  est  assise  la  Pudeur 141  85 

Cohen,  p.  91,  n*  6. 

(M.  leducdeBlacas.  ) 

660.  Marciane.  —  b)  COS.  III.  Aigle  sur  un  foudre.  .  .  •  278  25 

Cette  pièce  fourrée  n'est  pas  décrite  dans  l'ouvrage 
de  M.  Cohen. 

661.  Matidie.  DIVA  AVGVSTA  MATIDIA.  Tête  à  droite. 

—  ij  CONSECRATIO.    Aigle 178  60 

Cohen,  p.  95,n<»3. 
(M.  le  duc  de  Blacas.) 

662.  Idem.  -  fJ  PIETAS  AVGVST.  Matidie  debout  pla- 

çant ses  mains  sur   les   têtes    de  Sabine  et  de 
Matidie  jeune « 136  50 

Cohen,  p.  96,  n'  6. 
703.  Tête  d'Hadrien.  —  i^  SABINA  AVGVSTA.  Tête  de 

Sabine 73  50 

Cette  pièce  n'est  pas  décrite  dans  l'ouvrage  de 

M.  Cohen. 
740.  Galère  Antonin.  M.rAAEPIOC.   Buste  nu.  —  ij  eCA 
<I>ArCT€INA.  Tête  voilée  de  Faustine  mère.  Moyen 
bronze 184  80 

Cohen,  p.  453,  n*  2. 
756.  Marc-Aurèle  et  Commode.  M.  ANTONINVS  AVG. 
GERM,TR.P.XXIX.  Tête  laurée.  —  ij  COMMODVS 
CAES.  AVG.  FIL.  GERM.  Tête  nue 168    n 

Cohen,  p.  576,  n*  1. 

(  Musée  Britannique.  ) 


1ÔB  CHRONIQUE. 

Numéros.  fr.    c. 

809.  Dîdius  Julianus.  —  i^  P.M.TR.P.COS.  La  Fortune 

debout 157  50 

Ck)hen,  t.  III,  p-  208,  n*  5. 

811.  ManliaScantilla.-iJ  IVNO  REGIN A.  Junon  debout  189     « 
Cohen,  p.  210,  n"  2. 

812.  Didia  Clara.  -  t^  HILAR,  TEMPOR.  L'Allégresse 

debout 172  20 

Cohen,  p.  211,  n*  2. 
815.  Pescennius  Niger.  —  ij  BONI  EVENTVS.  La  Fidé- 
lité debout 199  50 

Cohen,  p,  214,  n"  6. 

817.  Idem,  —  ij.  CERER.FRVG.  Cérès  debout 240  75 

Cohen,  p,  214,  n'  9. 
D'autres  pièces  de  Pescennius  Niger,  frustes,  ont 

été  vendues 40,  42,  36,  72     - 

821.  Idem.  —  i}  MONETA  AVG 130  20 

Cohen,  p.  218,  n'  36. 
843  bis.  Septime  Sévère.  —  i^  RESTTTVTORES  VRBIS. 

Tète  de  Rome  casquée 138  60 

Cohen,  p.  276,  n»  350. 
977.  Julia  Mœsa.  -^  i)  CONSECRATIO.  Msesa  assise  sur 

un  paon 115  50 

Cohen,  p.  558,  n*  2. 
1007.  Gordien  d'Afrique  père.  —  ij  P.M.TR.COS.P.P.  L'em- 
pereur tenant  un  rameau  et  un  sceptre 115  50 

Cohen,  t.  IV,  p.  107,  n*  2. 

Une  autre  pièce  deGordien  d'Afrique  père  a  été  vendue    78  75 
1011.  Gordien  d'Afrique  fils. 

ij  VICTORIA  AVGG.  Victoire 105     ^ 

Cohen,  p.  111,  n*  5. 

(M.  Ch.  Asselin,  à  Cherbourg.) 

D'antres  pièces  à  l'effîgie  de  cet  empereur  ont  été 

vendues 99  75  et     42    -. 

1034.  Tranquilline.  —  i^  CONCORDIA  AVGG.  La  Concorde 

assise 472  50 

Cohen,  p.  171,  n'  1. 


CHRONIQUE.  159 

Numéros.  fr.    c. 

1048.  MarinuB.  eEû  MAPINû.  —  k  *IAinnonOAlT41N  KO- 

AÛNIAG.  Minerve  ou  Rome  debout 524    - 

(M.  le  duc  deBlacas.) 

1049.  Pacatien.  —  ij  PAX  AEl'ERNA.  La  Paix  debout.  .  456  85 
Cohen,  p.  230,  n*  6. 

1085.  Cornelia  Supera,  —  ij  VESTA.  Vesta  debout  ....  389  65 
Cohen,  p.  310,  n'  4. 

U12.  Gallien. -- ij  SISaA  AVG 70  35 

Cohen,  p,  414,  n'  522. 

(Cette  pièce,  jointe  aux  n'*  1111,  1113,  1114.  Re- 
vers. PIET.SAECVLI— lOVI  CRESCENTI— VICT. 
GAL.AVG.III.— VICT.GAL.AVG.  (Cohen,  p.  400, 
n'  422  ;  p.  377,  n«  226;  p,  419,  n-  659  et  560  ),  a 
été  achetée  par  le  Cabinet  des  médailles. } 

1173.  Postume.—i^INVICTOAVG.  Buste  radié  et  cuirassé.  262  60 
Cohen,  t,  V,  p.  24,  n**  74. 

(  Musée  Britannique.  ) 

On  attache  une  grande  importance  à  cette  pièce, 
parce  que  Mionnet  et  d'autres  numismatistes  ont  cru 
pouvoir  attribuer  la  tôte  radiée  du  revers  à  Postuine 
le  fils.  Mais  cette  attribution  n'est  nullement  fondée , 
car  il  existe  des  pièces  d'or,  de  billon  et  de  bronze 
qui  au  droit  et  au  revers  portent  l'effigie  variée  de 
Postume,  tantôt  avec  la  tête  nue  ou  laurée  ou  radiée 
au  droit,  et  avec  la  tête  nue  ou  casquée  au  revers. 
Voir  la  pièce  décrite  au  n«  1177.  Comp.  la  note  de 
M.  Cohen,  t.  V,  p.  24,  note  2,  et  Revue  numum., 
1859,  p.  434  et  suiv. 

1174.  Postume.  Têtes  de  Posturae  et  d'Hercule  à  droite. 

—  iH  FELICITAS  TEMP.  Galère 179  55 

Banduri,  t  I,  p.  286.  —  Cohen,  p.  18,  n*  30. 
(  M.  Hoffmann.  ) 
1176.  Postume.  Mêmes  têtes.  —  i^  HERCVLIINVICTO. 

Hercule  enlevant  la  ceinture  de  l'Amazone 157  50 

Reme  num.,  1844,  pi.  VIIT,  n^  9. 
Cohen,  \\  21,  n' 55. 


1(50  ClIROMnii:. 

Numëios.  fr.     c. 

1177.  Postume.  Buste  radié. —  1$  Même  buste 53  55 

Coben,  p.  23,  n*  69. 

1202.  Vabalathe.  —  ij  lOVI  STATORI.   Jupiter 262  50 

Cohen,  p.  169,  n"  3. 
(  Musée  Britannique.  ) 
J208.  Tétricus  père  et  fils.  Bustes  en  regard.  —  i(  P.M.TR, 
P.COS.III  P.P.  Les  deux  empereurs  sacrifiant,  l'un 

couronné  par  la  Victoire 78  75 

Cohen,  p.  181,  n*  10. 

On  ne  connaît  que  deux  exemplaires  de  cette  pièce  ; 
Tun  est  au  Cabinet  des  médailles. 
1248.  DEO  ET  DOMINO  CARO.  Bustes  affrontés  de  Carus 
et  de  Carin.  —  ij  FELICITAS  REIPVBLICAE.  La 
Félicité  debout  (inédite) 85  05 

1260.  Nigrinien.  —  i^CONSECRATIO.  Aigle 74  55 

Cohen,  p.  368,  n*  2. 

1261.  Julien,  tyran.— 1{ PANNOMAE  AVG.  Les  deuxPan- 

nonies 156  45 

Cohen,  p.  370,  n»  3. 
(M.  le  duc  de  Blacas.  ) 

1262.  Idem.  ^  H  VICTORIA  AVG.  La  Victoire 111  30 

Cohen,  Ibid,,  n*  4. 

(  M.  Jarry,  à  Orléans.  ) 

1284.  Carausius.— ij  CONCORDIA  MI LITVM.  Deux  mains 

jointes.  Arg 126     » 

Cohen,  p.  603,  n'  8. 

1285.  Idem,---  ^  RENOVAT. ROMAND.  Louve  avec  les  en- 

fants, Arg 126     .. 

Cohen,  p.  607,  n*  32. 
1300.  Hélène.  —  ^  FL.HELENA  AVG.   S.MANT.B.  c'crit 

dans  le  champ.  (Inédite.) 105     » 

(  Musée  Britannique. } 
1312.  Maxence.— ijCONSERVATORVRBLS  SVAE.  Rome 

assise  dans  un  temple.  Arg Ih6  90 

Coben,  t.  VI,  p.  27,  n*»  2. 
1316.   Alexander.  —   i^  INVICTA  ROMA    FELIX  CAR- 

THAGO 178  50 


CHRONIQUE.  151 

Numérof.  tr.    e. 

Coben,  p.  47,  n*  7. 
(  M.  le  duc  de  Blacas.  | 
1323.  Martinien.—  ij  lOVI  CONSERVATORI.  Jupiter  de- 
bout ;  à  ses  pieds,  un  aigle  et  un  captif 110  25 

Coben,  p.  86,  n*  1. 
(  M.  Jarry,  à  Orléans.  ) 

1361.  Népotien.  —  i}  VRBS  ROMA.  Rome  assise 147    « 

Cohen,  p.  322 ,  n*  3. 

1362.  Vetranio.  —  i}  VICTORIA  AVGVSTORVM.  Victoire. 

Arg 264     » 

Cohen,  p.  324,  n*  3. 
(  M.  Jarry,  à  Orléans.  ) 

1377.  Julien  II.  DEO  SERAPIDI.  Buste  de  Sérapis,  de 

face.  —  i)  VOTA  PVBLICA.  Fleuve  couché.  ...     73  50 
(Cabinet  des  médailles.) 

1378.  Idem.  Même  légende.  Bustes  de  Sérapis  et  d'Isls. — 

i)  Deux  personnages  coiffés  d'une  peau  d'éléphant 

et  tenant  des  enseignes.  VOTA  PVBLICA 111  30 

(  Cabinet  des  médailles. } 
1388.  Procope.  —  i)  VOT.V.  dans  une  couronne  de  lau- 
rier. Arg.  • 152  45 

Cohen,  p.  423,  n*  4. 

(  M.  Jarry,  à  Orléans.  ) 
1409.  Constance  in.—  ij  VOT.V  MVLTIS  X.  dans  une 

couronne.  Arg 225  75 

Cohen,  p.  487,  n*  4. 

(  Cabinet  des  médailles. } 

1411 .  Galla  Placidia. — 4  SALVS  REIPVBLICAE.  Victoire 

assise,  écrivant  sur  un  bouclier.  Arg 158  55 

Cohen,  p.  489,  n*  5. 

1412.  Idem,  —  4  Monogramme  du  Christ  dans  une  cou- 

ronne. Arg, 147     » 

Cohen,  p.  490,  n'  13. 
1418.  Sébastien.— 1}  VICTORIA  AVGG.  Rome  assise,  ^rg.  326  50 
Cohen,  p.  496,  n*  1. 
(M.  Jarry,  à  Orléans.) 
1864.— 2.  U 


162  CHRONIQUE. 

Nam^roi.  tr.     e. 

1421.  Johannes.  —  i)  VRBS  ROMA.  Rome  assise.  Arg.  .  .  241     « 
Cohen,  p.  601 ,  n*  7. 

1426.  Grata  Honoria.—  ^  SALVS  REIPVBLICAE.  Mono- 

gramme du  Christ  dans  une  couronne.  Or 210     *• 

Cohen,  p.  610,  n«  2. 
(M.  Jarry,  à  Orléans.  ) 

1427.  PetroniusMaximus.-i}.  VICTORIA  AVGGG»  Uem- 

pereur  foulant  aux  pieds  un  ennemi.  Or 38S  60 

Cohen,  p.  611,  n*  1. 

1428.  Avitus.  —  i)  VRBS  ROMA.  Rome  assise.  Arg.  ...  216  25 
Cohen,  p.  613,  n*  3. 

1436.  Romulus  Augustule.  Croix  dans  une  couronne.  Qui- 
naire dor 199  50 

Cohen,  p.  633,  n'  3. 

1463.  Justin  IL  —  i}  FELIX  RESPVBL.  Arg. 84     « 

Sabatier,  Monnaies  byzantines,  1. 1,  p.  224,  n*  3. 

1466.  Maurice  Tibère.  Buste  de  face.  —  i}  SALVS  MVNDI. 
Croix.  A  l'exergue,  le  monogramme  du  Christ. 
Arg,  (inédite).  Cette  pièce  a  été  vendue  avec  le 
n'  1464,  Tibère  H 106     » 

1466.  Focas.  Buste  de  face.  —  ^  Monogramme  du  Christ 
accosté  des  lettres  A  et  û.  Le  tout  au  milieu  d'une 
couronne.  Arg.  (inédite) ,  et  1467,  VICTORIA 
AVGVE.  Or 38  86 

1478.  Théodose  III ,  sa  femme  et  son  fils.  Bustes  de  face  de 
l'impératrice  et  de  son  fils;  au  milieu,  une  longue 

croix.  Arg 186  90 

Sabatier,  t.  H,  p.  42,  n*"  8. 

1480.  Irène.  Buste  de  face.  Or 288  75 

Sabatier,  p.  70,  n'  1. 

(M.G.d'Amécourt.) 

1481.  Idem.  Indic.  M.  Bronze 89  25 

Sabatier,  p.  71,  n*  2. 

(Cabinet  des  médailles.  ) 


CHROMQUE.  103 

Numéros.  tr.    c. 

1488.  Léon  VI.  Buste  de  face  de  la  Vierge,  au  i^evers  du 

buste  de  l'empereur.  Or • 257  25 

Sabatier,  p.  113,  n*  1. 
(M.  Jarry.) 

1507.  Richiarus,  roi  des  Suèves.  D.  N.  HONORFVS  P.  F. 

AVG.    Buste  diadème    d*Honorius   à  droite.  — 

1}  rVSSV  RICHIARI  REGES  {sic)  autour  dune 

couronne  au  milieu    de  laquelle  est  une  croix 

accostée  des  lettres  B.  R.  Arg. 

Cette  pièce  unique,   gravée   dans  l'ouvrage  de 

Mionnet  sur  les  médailles  romaines,  t.  II,  p.  347, 

au  règne  d'Honorius ,  et  dans  Patlas  de  la  NuinU-- 

maiique  du  moyen  âge  de  Lelewel,  pi.  I,  n*  15,  a 

été  acquise  par  le  Cabinet  des  médailles  au  prix  de 

1,156  i\\  Elle  est  cotée  par  Mionnet  260  fr.,  quoique 

l'auteur  en  signale  l'extrême  rareté  et  qu'elle  soit 

jusqu'à  présent  restée  unique.  Le  même  prix  est 

répété  dans  l'ouvrage  de  M.  Coben,  t.  VI,  p.  477, 

nM2. 

1538.  ClovisU.CHLODOVICAS.  ~  i)  AVRILIANIS  FIT- 

VR.  Croix.  Tiers  de  sou  d'or. 1471     n 

(  M.  Gustave  d'Amécourt.  ) 

1539.  Clotairc  I  ou  U.  CHLOTARIVS  REX.  —  ij  CHLO- 

TARIVS.  Croix  baussée  accostée  des  lettres  M.  A. 

Tiers  de  sou  d^or. 241  60 

1540.  Théodobert  V.  D.N.TOEODEBERTVS  R.  -  b)  VIC- 

TORIA A  COS.  CAL  Victoire.  Tiers  de  sou  dor.  294    » 

1541.  Autre  tiers  de  sou  d^or  du  même  prince 293    .. 

1555.  Léon  VIII,  pape.  D.N.LEONI  PAPE  en  trois  lignes. 

—  4  SCS.  PRS.   Buste  de  saint  Pierre  de  face. 

Denier  d'argent 147    m 

(  M.  Promis»  directeur  du  Cabinet  du  roi,  à  Turin.  ) 

1556.  Éléonore  de  Fauquembergues.    ELIENO  en  deux 

lignes  dans  le  champ;  autour,  en  légende  circu- 
laire,  COMITISSA  D.,   précédé   d'une    tour.  — 


16A  CQRONIQL'E. 

Muiniro».  fr.     c. 

ti   FAVCONBERGA.    Croix.   Obole,   pié/ort   de 

billon. 316  60 

(M.  de  Vismes,  à Saint-Omer. ) 

Le  produit  total  de  la  vente  s'est  élevé  à  la  somme  d'envi- 
ron 52,000  francs. 

J.  W. 


NÉCROLOGIE. 


M.  le  chevalier  Joseph  Calasanz  Arneth  est  mort  àCarIsbad, 
le  31  octobre  dernier^  âgé  de  soixante-treize  ans.  Il  était 
membre  de  l'Académie  de  Vienne^  directeur  du  Cabinet  impé- 
rial de  médailles  et  d^antiquités  et  de  la  collection  du  château 
d'Ambrass^  professeur  de  numismatique  et  d'archéologie  à 
l'Université  de  Vienne^  associé  correspondant  de  la  Société 
impériale  des  antiquaires  de  France. 

M.  Arnetby  pendant  les  longues  années  qu*il  a  consacrées  à 
la  direction  du  musée  de  Vienne^  a  toujours  fait  preuve  de  la 
plus  grande  bienveillance  envers  les  antiquaires.  De  toutes  les 
parties  de  l'Europe  les  érudits  s'adressaient  à  lui  pour  obtenir 
des  renseignements  sur  les  précieux  monuments  confiés  à  sa 
garde,  et  ce  n'était  jamais  en  vain. 

Voici  les  titres  des  principaux  ouvrages  qu'il  a  publiés  : 

Geschichte  des  Kaûerthums  Oestetreich.  18:27,  in-8". 

Synopsis  numorum  grœcorum  qui  in  Museo  C\  /?.  p^indob.  adser- 

vantur.  4837,  in-4'. 
Katalog  der  k.k.  Medaillen-Stàmpel- Sammhmg.   1839,  in-4*. 
Ueher  das  Tauben-Orakel  von  Dodona,  1840,  in  -i'. 


CURONLQL'E.  105 

Synopsis  numorum  romanorum  qvi  in  Mmeo  C,  B.    Vindob. 

adserv.  1842,  in-4*. 
Zwôlfrëmische  Militâr-Diplome.  1843,  in-4*,  25  pi. 
Das  Niello-Antipendium  von  Klosier-Neuburg^  1844,  in-8'. 

Das  k,k.  MunZ'Und'Antiken-Cabinet.  Deux  éditions,  1845  cl 
1854,  in-8<'  avec  4  pi. 

Beschreiàung  der  zum  k.k,  Mûnz-vnd  Antiken  Cnhinette  fjehOrigen 
Statuen^  Bûsterij  Beliefs,  InschriftenyMosaikm,  1850,  4"  édi- 
tion; 1856,  6*  édition,  in-8*. 

Die  antiken  Cameen  des  k.k.  Munz-und-Antiken-Cabinettes. 
1849,  in-foi.  avec  25  pi. 

Die  antiken  Gold-und  Silber-Monumente  des  k.k,  Mûnz-und- 
Antiken-Cabineites.  1850,  avec  41  pi.  On  y  trouve  les  grands 
médaillons  d*Qr  découverts  à  Szilûgy  Soiniyo  en  Transyl- 
vanie. 

Die  cinque-cento  Cameen  und  Arbeiten  des  Benvenuto  Cet  Uni  und 
seiner  Zeitgenossen  im  k.k,  Mûnz-und-Antiken-Cahinette  zu 
Wien.  1858,  in-fol.  avec  23  pi. 

Aï.  Arneth  a,  en  outre,  publié  divers  articles  dans  les  Mé- 
moitiés  de  l'Académie  de  Vienne  et  dans  le  Journal  de  la  Com- 
mission impériale  pour  la  conservation  des  monuments  d'archi- 
tecture :  entre  autres,  à  propos  d'une  inscription  découverte  à 
Enns  en  1851,  des  recherches  sur  la  famille  Barbia  à  laquelle 
appartenait  l'impératrice  Orbiana,  et,  en  1856,  une  dissertation 
sur  rinscription  de  Trajan  tracée  près  des  Portes  de  fer  sur  le 
Danube. 


Le  29  décembre  mourait  à  Paris,  dans  sa  quati-e-vingt-^ep- 
tième  année,  M.  Hennin,  homme  excellent,  qui  a  passé  une 
grande  partie  de  sa  vie  à  étudier  les  antiquités  et  les  beaux-arts. 

M.  Hennin,  fils  de  Pierre-Michel  Hennin,  associé  de  TAca- 


166  CHRONIQUE. 

demie  des  inscriptions  et  t)elles-lettres  en  1785,  avait  rempli  de 
hautes  fonctions  administratives  dans  le  royaume  d'Italie  près- 
du  prince  Eugène,  que  plus  tard  il  suivit  en  Bavière.  Il  parta- 
geait son  temps  entre  Paris  et  Munich ,  et  a  formé  la  plus  belle 
collection  de  gravures  historiques  qu'un  particulier  ait  possédée. 
Cette  collection,  généreusement  léguée  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale, sera  conservée  intégralement. 

M.  Hennin  avait  publié  à  Paris,  en  1826,  un  ouvrage  qui  est 
célèbre  : 

Histoire  numismatique  de  la  Révolution  française  ^  ou  Des- 
cription  raisonnée  des  médailles,  monnaies  et  autres  monuments 
numismatiques  relatifs  aux  affaires  de  la  France,  depuis  l* ou- 
verture des  états  généraux  jusqu'à  l'établissement  du  gouver- 
nement consulaire.  2  vol.  in-4*,  dont  un  de  planches  fort  soigneu- 
sement gravées. 

Quelques  années  plus  tard,  en  4830,  il  fit  paraître  chez 
Merlin  un  Manuel  de  numismatique  ancienne  en  deux  vo- 
lumes in-8,  ouvrage  fort  utile,  épuisé  depuis  longtemps,  et 
qui  a  été  imité  en  Angleterre  et  en  Allemagne. 

M.  Hennin  laisse  inachevé  le  grand  travail  qu*il  publiait  depuis 
plusieurs  années  sous  le  titre  de  :  Les  Monuments  de  l'histoire 
de  France,  catalogue  des  productions  de  la  sculpture,  de  la  pein- 
ture et  de  la  gravure  relatives  à  l'histoire  de  France  et  des  Fran- 
çais, dont  neuf  volumes  in-8*  ont  paru. 


Après  avoir  parlé  de  la  perte  de  vénérables  numismatistes 
qui  ont  fourni  une  longue  carrière,  nous  avons  le  regret  d'an- 
noncer la  mort  prématurée  d'un  antiquaire  dont  nous  attendions 
encore  de  nombreux  travaux.  M.  Vincenzo  Lazari»  à  la  suite 
d'une  cruelle  maladie,  vient  d'être  enlevé  à  la  science.  Il  était 
conservateur  du  musée  Gorrer  de  Venise,  et  nous  avons  eu  déjà 
Toccasion  de  signaler  quelques-uns  de  ses  écrits.  Nous  plaçons 


CHRONIQUE.  107 

ici  les  titres  de  celles  des  publications  de  M.  Lazari  qu'il  nous  a 
été  donné  de  connaître. 


Le  Monete  dei  possedimenti  veneziani  di  oliremare  e  di  terra- 
ferma.  Venezia,  i85i.  In-8,  \A  pi. 

Délia  zecca  di  Sora  e  délie  monete  di  Piergiampaolo  Cantelmi. 
Firenze,  1856.  In-8. 

Délia  raccolta  numismatica  délia  libreria  di  San  Marco  ^  in  for- 
mazione.  Vienna,  1858.  In-8. 

Zecche  degli  Abruzzi  net  bassi  tempi,  illustrate  e  descritte. 
Venezîa,  1858.  In-8  avec  6  pi. 

Medaglie  e  monete  di  Nicole  Marcello  doge  di  Venezia.  Venezia^ 
1858.  In-4,    pi. 

Notizia  délie  opère  d'arte  e  d*  antichità  délia  raccolta  Correr  di 
Venezia.  Venezia,  1859.  In-8. 

L'ouvrage  sur  les  monnaies  des  Abruzzes  est  éminemment 
utile  aux  numismatistes  qui  s'occupent  du  moyen  âge  français. 
On  y  trouve  de  belles  monnaies  de  la  maison  d'Anjou  et  des 
pièces  frappées  au  nom  de  Charles  VIH  et  de  Louis  Xll.  Il 
montre  tout  le  soin  que  M.  Lazari  apportait  dans  ses  labo- 
rieuses recherches^  et  suffit  pour  lui  assurer  une  place  hono- 
rable parmi  les  bons  antiquaires  de  notre  temps. 


Notre  collaborateur  M.  Alexandre  Yattemare  est  mort  à  Paris^ 
le  7  avril  1864,  à  Tftge  de  soixante-sept  ans.  Depuis  plus  de 
vingt-cinq  ans  il  donnait  des  soins  infinis  à  Tapplication  d'une 
idée  utile  :  rechange  international  des  livres  et  d'autres  objets 
de  collections  scientifiques.  Nos  établissements  français  lui 
doivent  la  possession  d'un  très-grand  nombre  de  livres  impri- 


îMA  à  ïiinùger,  et  priocipakaient  eo  Amériqse.  Grlee  à  ses 
paUenfet  recherches  aussi,  le  Cabinet  des  médatlles  dt  la  Bî- 
Ukàbèqœ  impériale  s'est  enrichi  d'à  ne  série,  sans  ëçale  sar  le 
oDntineot,  de  monnaies  et  médailles  américames.  Il  éÈût  par- 
Tenu  à  la  former  pendant  son  long  séjour  aux  £lats-Uiiîs«  en 
mettant  à  profit  Fenthoasiasme  ponr  les  œavres  otilcs  qnll  avait 
le  don  de  faire  naître.  Tout  récemment  encore  il  avait  en  qoel- 
qoes  semaines  fondé  à  Saint-Malo  un  masée  dans  lequel  les 
habitants  du  pays^  sous  Tinfluence  de  son  active  prédication 
apportaient  environ  4,000  objets  de  curiosité. 

M.  Vattemare  a  publié,  en  i 861,  un  volume  intitulé  :  Collée^ 
tùm  de  numnaiei  et  médaille$  de  r Amérique  du  Nord  de  1652  à 
IH58,  offerte  à  la  Bibliothèque  impériale  tant  au  nom  du  go^r^^ 
fument  fédéral  et  des  citoyens  des  divers  États  de  fCnicn  amê^ 
ricainequ^en  son  nom  yrojjre^  par  A.  V. 

Il  laisse  une  magnifique  collection  des  papiers-monnaies  de 
l'Amérique. 

A.  L. 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


LETTRES  A  M.  A.  DE  LONGPÉRIER 

SUR 

LA  NUMISMATIQUE  GAULOISE. 

Quatorzième  article.  —  Voir  Re9ut,  1803,  p.  163. 


XVIIl. 
I^  chef  ÀtAScrocus, 

Mon  cher  Adrien, 

Voilà  bien  près  d'une  année  que  je  semble  avoir  aban- 
donné l'étude  de  la  numismatique  gauloise;  mais  tu  ssûs  à 
merveille  que  ce  temps  d'arrêt  ne  résulte  pas  d'une  déser- 
tion ni  d'une  négligence.  J'ai  dû  consacrer  dans  l'intérêt  de 
la  science,  mon  temps  et  mes  peines  à  d'autres  sujets;  j'ai 
été  revoir  la  Terre  Sainte  et  y  chercher  des  armes  nouvelles 
pour  résister  à  la  croisade  toute  amicale  d'ailleurs,  je  me 
plais  à  le  reconnaître,  que  l'on  avait  entreprise  contre  mes 
idées  sur  l'âge  des  monuments  de  la  Jérusalem  antique. 
Ces  armes  j'ai  eu  le  bonheur  de  les  trouver  sur  le  terrain, 
et  plus  abondantes  peut-être  encore  dans  le  propre  arsenal 

18«4  —  3.  -  12 


170  m^:moires 

de  mes  contradicteurs.  Patience,  à  cliaque  jour  suflit  sa 
peine!  Aujourd'hui  je  viens  d'enrichir  ma  suite  gauloise 
d'une  monnaie  assurément  bien  rare,  et  dont  je  suis  forcé 
de  rectifier  l'attribution.  Je  laisse  donc  en  repos  à  leur  tour, 
les  antiquités  judaïques,  et  je  reviens  pour  quelques  in- 
stants à  nos  antiquités  nationales. 

Feu  le  marquis  de  Lagoy,  notre  savant  et  honoré  con- 
frère, publiait  en  1834  une  belle  brochure  intitulée  :  Des- 
cription  de  quelques  médailles  inédites  de  Massilia^  de  Gla- 
fium,  des  Cœnicenses  et  des  Auscii.  Aix,  Pontier  fils  aîné, 
183A.  A  la  page  32  nous  lisons  ceci  : 

((  Ausci  vel  Auscii  nunc  Auch. 

(c  N»  22.  Tête  imberbe  à  gauche  (il  semble  qu'on  aperçoit 
c(  devant  les  vestiges  de  la  légende  AV.. ..). 

«  fi.  AVSG.  dans  les  compartiments  formés  par  deux 
«  traverses  qui  se  croisent  à  angle  droit.  Arg,  1.  F.  o. 

« r .  .  . 

((  Je  ne  crois  pas  qu'il  puisse  y  avoir  d'incertitude  siu* 
M  l'attribution  de  cette  médaille  d'argent  inédite  qui  a  été 
«  découverte  il  y  a  peu  de  temps  en  Languedoc,  dans  les 
t(  environs  d'Alais.  La  légende  AVSC.  désigne  parfaitement 
u  les  Auscii,  et  elle  n'a  de  rapport  avec  le  nom  d'aucun 
<i  autre  peuple.  Le  type  présente  une  si  grande  analogie 
«  avec  les  petites  médailles  d'argent  de  Massilîa,  avec  les- 
«  quelles  on  serait  tenté  de  confondre  cette  médaille  au 
«  premier  aspect,  quil  est  évident  qu elle  a  été  frappée  à 
<f  leur  imitation.  La  grande  quantité  de  médailles  de  Mas- 
«  silia  que  l'on  découvre  journellement  dans  tout  le  midi 
a  de  la  France  est  une  preuve  certaine  que  les  monnaies  de 
c  cette  ville  puissante,  étaient  accréditées  dans  une  grande 


# 


ET   DISSERTATIONS.  171 

((  partie  de  la  Gaule.  II  n'est  donc  pas  étonnant  que  d'autres 
((  peuples  aient  cherché  à  faire  jouir  leur  monnaie  du 
((  même  avantage,  en  lui  donnant  la  plus  grande  confor- 
((  mité  avec  les  types  privilégiés.  Les  Auscii  ne  sont  pas 
((  les  seuls  qui  se  sont  livrés  à  cette  imitation,  que  les  Mar*^ 
((  scillais  pouvaient  avoir  autorisée  et  sanctionnée  eux- 
«  mêmes,  en  échange  de  quelques  avantages  commerciaux. 
c(  M.  du  Mersan  a  publié,  dans  la  catalogue  d'Hauteroche, 
((  une  médaille  d'argent  inédite  des  Volcae  Arecomici 
«  (voy.  le  n"  23  de  la  pi.),  qui  ne  diffère  de  celle-ci,  ainsi 
(i  que  des  petites  médailles  de  Massilia,  que  par  la  légende 
((  VOLC,  au  lieu  de  AVSG  ou  MA.  La  médaille  de  M.  d'Hau- 
«  teroche  a  été  découverte  il  y  a  déjà  plusieurs  années, 
((  dans  la  ville  de  Nîmes,  ancienne  capitale  des  Volcœ  Are- 
«  comici  ;  depuis  qu  elle  est  en  ma  possession  j'ai  remarqué 
((  que  le  monogramme  qu'on  aperçoit  du  côté  de  la  tête 
M  est  formé  des  lettres  AR,  ce  qui  confirme  encore  plus 
«  l'attribution  de  M.  du  Mersan.  » 

Je  ne  dirai  pas  que  l'attribution  aux  Auscii  m'avait  tou- 
jours semblé  avoir  besoin  de  nouvelles  preuves,  parce  que 
Auch  était  bien  loin  de  Nimes.  J'aurais  trop  l'air  de  chercher 
à  m'attribuer  un  frîenjtiofé  rétrospectif.  Je  me  bornerai  donc 
à  déclarer,  et  ceci,  personne  n'en  doutera,  je  pense,  que 
j'avais  le  plus  grand  désir  de  retrouver  cette  rare  monnaie, 
comme  j'avais  déjà  retrouvé  celle  des  Caenicenses.  Tout 
vient  à  point  à  qui  sait  attendre,  et  ces  jours  derniers  j'ai 
eu  le  bonheur  d'acquérir  notre  précieuse  obole,  provenant 
des  fouilles  de  Barry,  près  Orange. 

Adieu  l'attribution  aux  Auscii  !  Mais  consolons-nous  en 
en  rencontrant  une  autre  qui  vaut  mieux,  puisqu'elle  éclaire 
^  d'un  nouveau  jour  une  série  toute  entière  des  monnaies  de 
nos  ancêtres. 


172  UÉMOIBLS 

Tu  n'as  pas  oublié,  je  l'espère,  que  je  me  suis  vu  forcé 
aussi  bien  par  l'iDstinct,  par  cet  insÛDCt  Dumismatique  que 
nous  doDue  l'expérieDce  d'une  cinquantaine  d'années  et 
qui  ne  trompe  guère,  que  par  des  considérations  bistori* 
qoes,  d'attribuer  à  des  peuplades  du  midi,  et  des  régions 
Alpines  voisines  de  la  Durance,  toute  la  famille  des  pièces 
d'argent  au  type  du  cavalier  que  l'on  attribuait  jadis  à 
Tournai.  Parmi  ces  pièces  il  y  en  a  un  grand  nombre  qui 
portent  d'un  côté  la  légende  géographique  DVRNAGOS,  et 
de  l'autre  le  nom  du  chef  AVSCROCOS  ou  AVSCRO;  d'autres 
encore  DVRNACVS— DONNVS,  ou  DVRNACVS— EBVROV. 

Or  j'avais  deviné  juste,  en  attribuant  ces  monnaies  aux 
peuplades  des  Alpes  et  des  bords  de  la  Durance,  car  la  pré- 
tendue monnaie  des  Auscii  porte  au  droit,  devant  la  figure, 
la  légende  DVRN.  Son  poids  est  de  0^,17.  Il  n'en  faut  pas 


plus  pouf  restituer  cette  monnaie  à  son  auteur  légitime.  C'est 
AVSC[rocoj]  qu'il  faut  lire  au  revers  comme  DVRN[acosJ  au 
droit.  Il  serait  tout  à  fait  superflu  de  s'évertuer  à  justifier 
une  attribution  et  une  lecture  qui  se  justifient  d'elles-mêmes  I 
Si  le  chef  Anscrocus  a  frappé  des  oboles  pour  ainsi  dire 
identiques  avec  celles  des  Volkes  Arécomikes,  c'est  qu'il  était 
leur  proche  voisin.  Voilà  tout  ce  que  je  tenais  à  dire.  Donc 
il  devient  aujourd'hui  très-probable  qu'Auscrocus,  ainsi 
que  je  l'ai  supposé,  a  été  le  père  de  Donnus,  pèredeCotus. 
Cette  obole  est  contemporaine  de  l'obole  des  Volkes;  celle- 
ci  est  immédiatement  antérieure  aux  jolies  oboles  de  Nîmes 
devenue  colonie  romaine.  Les  deniers  au  cavalier  d'Aus- 
crocus  certainement  frappés  postérieurement  à  l'émission 
des  oboles  du  même  personnage,  peuvent  donc  être  à  peu 


ET    DISSERTATIONS.  17S 

près  contemporains  de  Térection  de  Ntines  en  colonie. 
Enfin  l'existence  d'une  monnaie  émise  par  ce  personnage 
qui  fut  le  grand-père  d'un  roi  reconnu  par  les  Romains, 
avant  la  constitution  de  la  ligue  contre  les  Germains  dont 
j'ai  essayé  de  débrouiller  la  numismatique,  me  porte  à 
croire  aujourd'hui  qu'Auscrocus  fut  le  principal  instigateur 
de  cette  ligue  et  du  parti  qu'elle  prit  de  frapper  des  mon- 
naies à  un  type  uniforme,  afin  de  se  procurer  les  bénéfices 
certsdns  inhérents  à  la  fabrication  des  espèces  courantes. 

Aussitôt  que  j'ai  été  en  possession  de  mon  petit  bijou 
numismatique,  j'ai  été  revoir  la  pièce  du  marquis  de  Lagoy, 
et  dans  ses  cartons  j'en  ai  trouvé  deux  au  lieu  d'une.  Sur 
la  première  qui  fut  publiée  par  lui  il  y  a  trente  ans,  on 
voit  bien  la  tète  de  toutes  les  lettres  de  la  légende  DVRN, 
dans  laquelle  il  avait  cru  démêler  la  répétition  du  mot 
AVSC.  Quant  au  second  exemplaire,  le  revers  est  superbe, 
mais  le  droit  est  complètement  effacé. 

Une  seconde  pièce  venant  également  de  Bari7  mérite 
que  je  te  la  signale.  Elle  est  du  même  personnage  et  appar- 
tient au  monnayage  de  la  ligue.  Seulement  on  n'^y  lit  pas 
AVSCROGOS  ou  AVSCRO,  comme  d'ordinaire,  mais  bien  AVS. 
et  rien  de  plus.  Elle  est  peut-être  fourrée  et  pèse  i^^ih. 


Voilà,  mon  cher  Adrien,  que  je  t'ai  tenu  la  promesse  de 
reprendre  la  publication  des  nouveautés  de  la  uumismati  - 
que  gauloise  ;  j'en  suis  heureux  puisque  cela  m'a  fourni  l'oc- 
casion de  te  rappeler  ma  vieille  amitié.        F.  de  Saulgy. 

Parie,  19  mai  18(>4. 


174 


MÉMOIRES 


SANÉ  DE  MACÉDOINE. 


La  précieuse  monnaie  d*ai*gent  que  nous  publions  au- 
jourd'hui fût  depuis  fort  longtemps  partie  des  collections 
du  Cabinet  des  médailles,  où  elle  est  demeurée  classée 
parmi  les  incertaines.  Le  carré  creux  que  l'on  voit  au  revers 
eut  dû  cependant  servir  à  déterminer  au  moins  le  pays 
auquel  appartenût  cette  pièce,  car  il  rentre  d'une  manière 
incontestable  dans  les  formes  employées  sur  les  monnaies 
les  plus  anciennes  des  colonies  grecques  de  la  côte  tbraco- 
macédonienne. 

Au  droit  on  voit  une  tête  de  femme  coiffée  du  cécryphale 
ej;  ceinte  d'une  bandelette  perlée.  Cette  tête  est  traitée  dans 
le  style  du  plus  vieil  art  hellénique  et  rappelle  d'une  ma- 
nière frapjiante,  par  la  forme  allongée  et  pointue  du  nez, 
par  le  front  fuyant,  par  l'emploi  de  Tœil  de  face  dans  un 
profil,  enfin  par  le  modelé  étrange  des  joues,  les  pièces 
globuleuses  d'Athènes  à  la  tête  de  Minerve  et  à  la  chouette, 


hV    DISSERTATIONS.  175 

que  1*00  doit  considérer,  bien  qu'en  ait  dit  M.  Beulé\ 
comme  les  premiers  en  date  des  monuments  numismati- 
ques  de  cette  ville*  On  peut  sans  exagération  rapporter 
au  commencement  du  \r  siècle  avant  Tère  chrétienne  la 
fabrication  delà  monnaie  que  nous  éditons. 

Derrière  la  tète  est  une  légende  qui  paraît  avoir  jusqu'à 
présent  échappé  à  l'attention  des  numismatistes  et  qui  dé- 
termine l'attribution  de  la  pièce  d'une  manière  positive. 
Elle  est  composée  de  trois  lettres,  MAN.  Nous  la  lisons 
^N ,  et  dans  cette  légende,  guidé  par  la  forme  du 
carré  creux  pour  fixer  la  contrée  dont  les  villes  peuvent 
prétendre  à  la  possession  de  la  monnaie,  nous  reconnais- 
sons le  nom  de  Sané  de  Macédoine  '. 

Sané  était  située  sur  l'isthme  qui  réunit  au  continent  la 
péninsule  du  mont  Athos  ^  Elle  avait  été  fondée  vers  l'an 
7Â0  avant  J.-C  par  ime  colonie  d'Andriens  et  de  Chalci- 
diens\  Ce  fut  à  la  hauteur  de  cette  ville  qu'en  &80  Xerxès 
fit  creuser  le  fameux  canal  destiné  à  faire  passer  sa  flotte 
sans  contourner  l'Athos".  A  la  fin  des  guerres  médiques. 
les  succès  de  Gimon  contre  les  troupes  du  Grand  Roi,  dans 
la  contrée  sise  entre  la  Macédoine  et  la  Thrace,  et  particu- 
lièrement la  prise  de  l'importante  place  d'Éion,  déterminè- 
rent les  gens  de  Sané  à  se  soumettre  à  l'hégémonie  d'Athè- 
nes. Leur  cité  est  douze  fois  mentionnée  dans  les  listes  de 


'  Uê  Monnaie*  (TAthènes^  p.  33  et  suiv. 

*  Il  faut  forcément  lire  £av,  car  dans  la  région  où,  diaprés  la  forme  de  son 
carré  crenz,  cette  pièce  a  été  frappée  aucun  nom  de  ville  ne  commence  par 
Motv. 

»  Herodot.,  VI,  22.— Thucyd.,  IV,  109.— Scyl.  in  Hudaon,  Geogr.  min.t. 
1. 1 ,  p.  26.  —  Steph.  Byz.,  s,  r. 

^  Plutarch.,  Qwest,  grxc.^  30. 

■  Horodot.,  VII,  22. 


176  MÉMOIRES 

tribus  découvertes  à  l'Acropole.  *  En  A2A,  Thucydide*  nous 
la  fait  voir  résistant  victorieusement  aux  attaques  de  Bra- 
ffldas  et  demeurant  Gdële  à  la  cause  des  Athéniens.  A  dater 
de  cette  époque  il  n'est  plus  question  de  Sané  dans  l'his- 
toire, msds  on  est  en  droit  de  supposer  qu'elle  fut  au 
nombre  des  trente-deux  villes  de  la  confédération  chalci- 
dienne  que  Philippe  détruisit  de  fond  en  comble  avec 
Olynthe,  Méthone  et  ApoUonie  '. 

La  monnaie  de  Sané  est  la  seule,  dans  toute  la  série  pri- 
mitive des  colonies  helléniques  situées  entre  l'Axius  et  le 
Strymon,  où  se  trouve  employé  le  zàv  dorien,  dérivé  du  w 
des  Phéniciens  et  dont  le  son  devait  être  différent  de  celui 

du  £TY(ia\ 

Il  est  vrai  que  les  pièces  aussi  anciennes  de  la  même 
série  sont  toutes,  sans  exception,  anépigrapbes,  et  que, 
par  une  circonstance  curieuse,  le  nom  d'aucune  des  villes 
voisines  dont  nous  avons  des  monnaies  à  légendes,  plus 
récentes,  mais  encore  de  date  ancienne,  ne  contient  de 
fflfflante.  La  numismatique  des  peuplades  barbares  et  in- 
dépendantes de  la  même  contrée,  des  Bisaltes,  des  Édoniens 
et  des  Oresciens  ou  Satrse,  ne  connaît  pas  l'emploi  du  mv. 
Mus  l'alphabet  de  ces  monnaies,  comme  celui  dont  on  se 
servait  à  Samothrace  *,  est  emprunté  àTIonie;  il  offre  tous 
les  caractères  distinctifs  de  récriture  ionienne,  l'existence 
d'une  seule  sifflante,  le  vTyka,  celle  de  I't)  voyelle  et  celle 


1  Rhangabé,  Antiquités  helléniquis ,  n-  134,  142,  151,  165, 169,  180,  181, 
198,  201^  202,  821  et  223. 
«  IV,  109. 

*  Demofth.,  ///  PhiUpp.,  p.  117  ;  cf.  De  fait,  hg.,  f.  424. 
^  Atlien.,  XI,  p.  467. 
■  Corp,  intcript.  gr.^  n"  40. 


ET   DISSERTATIONS,  177 

ue  Fo)*.  Dans  les  colonies  grecques  de  la  côte  l'écriture 
devait  être  différente.  Selon  toutes  les  probabilités,  en 
Macédoine  comme  dans  tous  les  autres  pays  où  les  Grecs 
avaient  fondé  des  cités,  chacune  suivait,  en  matière  d'al- 
phabet, l'usage  qu'elle  avsdt  apporté  de  la  métropole.  Or 
Ghalcis,  métropole  de  Sané,  était  au  nombre  des  pays  où 
florissait  récriture  éolo-dorienne,  dont  le  vàv  était  une 
des  lettres  essentielles. 

François  Lenormant. 

I  Sur  C08  caractères  distinctifii.  de  l'écriture  ionienne,  voy.  Franz,  £/emffifa 
êpigraphicti  graecm,  p.  23  et  suir. 


17S  MÉMOIRES 


MÉDAILLES  GRECQUES  INÉDITES. 

(PI.  VII.) 

Tirynthe  \ 

1.  Tète  laurée  d'Apollon  à  gauche.  —  vii  T — I.  Palmier 
entre  une  lyre  et  une  grappe  de  raisin.  £.  3  1/4  (échelle 
de  Mionnet).  (PI.  VII,  n^  1.) 

2.  Même  tête  à  droite.  —  ^  T— I.  Palmier.  JE.  2. 
(PL  VII,  n- 2.) 

3.  Autre.  —  i^  IT.  Palmier  ;  dans  le  champ,  pétoncle. 
JE.  12/3.  (PI.  VII,  n»  3.) 

4.  Autre.  —  î^  TIRï.  E.  2.  (PI.  VII,  n»  4.  ) 

4  bis.  Autre.  —  î^  ^fl-  ^-  '^• 

5.  Autre.  —  î^  TIRIN.  JE.  1  3/4.  (PL  VII,  n»  6.) 

6.  Autre.  —  î$  MYflIT.  JE.  2.  (PL  VII,  n^ 6.) 
6  bis.  Autre.  —1^  TIPY...0I1ÎN.  JE.  2. 

*  Les  n"*  1, 2, 3, 5, 6  et  8  m'appartiennent.  Lo  Cabinet  national  des  médailles 
d'AtbèneB  possède  une  suite  semblable,  et,  en  outre,  les  n<*"  4,  4  bis,  6  bis  et 
7  qui  la  complètent,  et  dont  les  empreintes  m'ont  trèsK>bligeammcnt  été  com- 
muniquées par  M.  Achille  Postolacca,  l'aimable  et  savant  conservateur  de  ce 
cabinet.  Je  suis  heureux  de  lui  en  témoigner  ici  ma  gratitude,  et  do  le  re- 
mercier tn  môme  temps  des  indications  qu'il  no  refuse  jamais  à  ceux  qui  font 
appel  &  sa  science  si  sûre,  et  dont,  pour  ma  part,  j'ai  largement  pro6té. 


ET  DISSERTATIONS.  170 

7.  Autre.  —  î$  TlPYNOIftN.  M.  2.  (PI.  VU.  n»  7.  ) 

8.  Autre.  — ij  TIPYNQIiîN.  M.  2.  (PI.  VII,  n' 8.) 
Tirynthe  {Palxa-Nauplia)  ^  ville  de  TArgolide,  s'élève 

sur  un  rocher  bas  et  oblong,  au  sud  de  rHerœum,  à  quatre 
milles  d'Argos  et  à  douze  stades  de  Nauplie ,  qui  était  le 
port  d'Argos. 

La  tradition,  car  l'histoire  écrite  ne  dit  pas  un  mot  de 
Torigine  de  Tirynthe,  attribue  sa  fondation  au  héros 
Tiryns,  fils  d'Argus,  qui  lui  donna  son  nom.  Elle  resta 
comprise  dans  le  royaume  d'Argos  jusqu'au  jour  où  les  fils 
jumeaux  d'Abas  '  se  disputèrent  les  armes  à  la  main  l'hé- 
ritage paternel.  Un  combat  décisif  eut  lieu  près  de  la  ville 
de  Tirynthe ,  dont  Proetus  s'était  préalablement  emparé  *. 
Il  la  conserva  dans  le  lot  qui  lui  fut  fait  à  la  suite,  en  y 
adjoignant  Herœum,  Midée,  et  toute  la  portion  de  l'Argo- 
lide  avoisinant  la  mer '•  Prœtus  fit  entourer  Tirynthe  de 
murs*  et  construire  son  Acropole*  par  les  Cyclopes  qu'il 
appela  de  Lycie  ,  et  que  certains  auteurs  modernes  ont 
considéré  comme  des  ouvriers  phéniciens  •.  Ces  Cyclopes  bâ- 
tirent également  pour  Persée  les  murs  de  Mycènes  lorsque 


1  Descendant  d*ArgU8. 

•  M  En  allant  d'Argos  à  Épidanre,  non  loin  du  lieu  où  se  livra  le  combat 
entre  Prœtus  et  Acrisios  an  sujet  de  la  couronne,  vous  trouverez  les  ruines  de 
Tirjnthe.  »  (Pausanias,  U,  25,  7.  ) 

»  Pans.,  II,  16, 2. 

^  *•  Les  murs  de  Tirynthe,  dit  Pansonlas  (U,  25,  7),  sont  construits  do  pierres 
brutes,  toutes  d'une  telle  dimension  que  deux  mulots  attelés  n'ébranleraient 
môme  pas  les  plus  petites.  Ils  no  sont  pas  moins  dignes  d'admiration^  dlt-il 
ailleurs  (IX,  36^  3),  que  les  pyramides  de  Memphis.  »—  Ces  murs  existent  de 
nos  jours  (ceux  de  l'Acropole  du  moins)  à  peu  près  tels  que  les  vit  Pausanias, 
et  frappent  encore  le  voyageur  d'étonnement. 

s  Strabon  (VHI,  p.  373)  appelle  cette  acropole  Lycimna.^ 

^  Voy.  la  traduction  française  do  Strabon,  liv.  VIII,  p.  234 ,  note  3 ,  et 
Pouqucville,  Voyage  de  Grèce,  t.  V,  ch.  18,  p.  215,  éd.  de  1827. 


180  MÉMOIRES 

ce  héros,  devenu  roi  d'Ârgos  par  la  mort  de  son  grand-père 
Acrisius,  qu'il  tua  involontairement,  et  ennuyé  des  discours 
qu'on  tenait  dans  cette  ville  sur  ce  meurtre,  échangea  le 
trône  d'Argos  contre  celui  de  Tiryntbe  avec  son  cousin  Me- 
gapenthès,  fils  de  Prœtud. 

Hercule,  descendant  de  Persée  par  Amphitryon,  le  mari 
de  sa  mère,  fut,  selon  les  uns,  élevé  à  Tirynthe,  d'où  son 
surnom  de  Tirynthien  ^  ;  selon  d'autres,  il  n'y  vint  demeu- 
rer que  sur  l'ordre  de  l'oracle,  après  le  massacre  des  trois 
enfants  qu'il  av^dt  eus  de  Mégare. 

C'est  à  Tirynthe,  s'il  faut  en  croire  Apollodore,  qu'Her- 
cule tua  Iphitus,  son  hôte,  pour  s'emparer  des  douze  mules 
et  des  douze  juments  que  ce  dernier  ramenait  avec  lui  *. 
En  expiation  de  ce  meurtre.  Hercule  fut  vendu  comme 
esclave  à  Omphale;  Pausanlas,  sans  mentionner  Iphitus, 
dit  simplement  qu'Hercule  fut  chassé  de  Tirynthe  par 
Eurysthée  *. 

Homère  cite  Tirynthe  dans  le  dénombrement  des  viUes 
grecques  qui  prirent  part  à  l'expédition  contre  Troie  ;  il 
l'appelle  Ttpovc  wx^tvw  (Tirynthe  fortifiée)^.  Mais  au 
sortir  des  temps  héroïques,  sa  trace  se  perd  complètement. 
Les  Tirynthiens,  dit  Théophraste",  étaient  les  gens  les  plus 
gûs  de  la  Grèce,  et  leur  hilarité  les  détournait  des  affaires 
sérieuses.  Cet  auteur  rapporte  assez  plaisamment  leur  ten- 
tative inutile  pour  être  guéris  de  cette  maladie  de  rire.  Ils 

«  ÂXhK  ftp*  lipoxXii);  Tipuv6ioç  oùy(\  Kav(i>6c6c.  (  Paus.,  X,  13,  4.  )~  Ovido 
donne  à  Alcmène  Tépithète  de  Tirynthia. 

t  Homère  (Oiy<j.,  XXI,  22-30)  raconte  ce  meortro  avec  les  mômes  cir- 
constances, mais  sans  indiquer  le  lieu  où  il  fat  commis. 

»  Paus.,  Vm,  14,  2. 

^  Iliad.,  II,  559. 

»  Al.  Athen.,  VI,  p.  261,  D, 


ET    DISSERTATIONS.  181 

vécurent  heureux  sans  cloute,  riant  de  tout  et  à  propos  de 
tout,  et  comme  les  gens  heureux ,  s'isolant  et  ne  faisant 
point  parler  d'eux  \  Les  Argiens,  qui  étaient  moins  gais, 
détruisirent  Tirynthe  *,  dépouillèrent  ses  temples  '  et  for- 
cèrent ses  habitants  à  venir  repeupler  Argos  \  Ainsi  finit 
cette  ville  que  l'histoire  a  dédaignée,  et  dont  les  ruines  sem- 
blent n'être  parvenues  jusqu'à  nous  que  pour  rendre  la 
mythologie  croyable. 

On  ne  connaissait  pas  jusqu'ici  de  monnaies  de  la  ville 
de  Tîiynthe.  Celles  que  je  publie  comblent  cette  lacune  ; 
elles  permettront  d'inscrire  à  l'avenir  un  nom  de  plus  dans 
la  géographie  numismatique ,  et  de  rendre  à  Tirynthe  ce 
qui  est  à  Tirynthe.  Ces  monnaies  ont  été,  à  l'exception  du 
n"*  1,  trouvées  avec  plusieurs  autres,  au  mois  de  mai  1863, 
dans  l'Argolide,  à  une  heure  et  demie  de  Cranidi,  non  loin 
de  Castri,  l'antique  Hermione.  Elles  étaient  renfermées 
dans  un  vase  de  terre. 

Les  exemplmres  de  ma  collection  et  ceux  qui  appartien- 
nent au  Cabinet  national  des  médailles  d'Athènes  sont  en- 
tièrement semblables  comme  métal,  module,  fabrique, 
types  et  symboles.  Leur  conservation  est  remarquable.  Le 
rV"  3  est  particulièrement  beau.  Toutes  les  pièces  provenant 
de  cette  trouvaille  ont  été^  aussitôt  découvertes,  transpor- 
tées à  Athènes.  Le  Cabinet,  usant  tout  naturellement  de 
son  droit,  a  fait  parmi  elles  le  choix  du  seigneur.  Je  ne 

^  Hérodote  cependant  (1X^  23)  compte  quatre  cents  Mycénieni  et  Tiryn- 
thiens  parmi  les  Grecs  qni  combattirent  à  Platées. 

*  A  peu  près  à  répoqne  de  la  destruction  de  Mycènes  (468  avant  J.-C). 

*  M  De  mon  temps,  il  y  avait  encore  à  Argos  les  statues  enlevées  par  les 
Argiens  à  Tirynthe  ;  l'une^  qui  est  en  bois  de  poirier,  se  voit  auprès  de  Jnnon, 
et  l'autre  dans  le  temple  d'Apollon  Eléen.  >  (  Fnus.,  VIII,  46, 2,  et  II,  17,  5.) 

*  Paus.,  Il,  25,  7.  —  Cf.  Herodot.,  VI,  83. 


182  MÉMOIRES 

suis  venu  qu'après,  mais  la  difTérence  entre  mes  exem- 
plaires et  les  siens  est  insignifiante.  Les  uns  et  les  autres 
sont  en  bronze. 

Plusieurs  de  ces  monnaies  (xï^  6  bis^  7,  8) ,  offrant  en  en- 
tier le  nom  de  Tiryntbe  et  les  autres  ses  premières  lettres, 
il  ne  peut  y  avoir  aucun  doute  sur  leur  attribution.  Nous 
sommes  ici  en  présence  d'une  certitude  que  rendriaent  plus 
complète  encore,  s'il  n'y  avait  déjà  évidence,  le  type  et  les 
symboles  représentés  sur  ces  monnaies.  Au  droit  est  figu- 
rée uniformément  la  tête  laurée  d'ÂpoUon ,  et  le  revers  a 
pour  type  un  palmier.  Sur  le  revers  de  l'une  d'elles  ce- 
pendant (n**  3) ,  on  remarque  aussi  un  pétoncle  dans  le 
champ  ^ 

La  présence  de  la  tête  d'Apollon  peut  étonner  tout 
d'abord.  Il  semblerait  plus  naturel  de  rencontrer  l'image 
de  Junon  ou  celle  d'Hercule.  Junon  était  la  protectrice  de 
l'Argolide,  et  la  fontaine  Canathus  ',  où  elle  venait  se  bsd- 
gner  une  fois  l'an,  coulait  non  loin  de  Tirj-ntbe,  qui,  du 
reste,  rendait  un  culte  particulier  à  cette  déesse.  La  plus 
ancienne  statue  érigée  à  Junon  se  voyait  dans  cette  ville*. 
Quant  à  Hercule,  il  habita  Tirynthe,  et  c'était  pour  elle  un 
souvenir  important  à  évoquer  et  à  perpétuer.  Quoi  qu'il  en 
soit,  les  monnaies  que  nous  avons  de  cette  ville  repro- 
duisent constamment  la  tête  d'Apollon,  et  je  ne  vois  pas  de 
meilleure  explication  de  la  présence  de  ce  dieu  que  celle 
donnée  de  la  représentation  du  loup  sur  les  pièces  d'Argos. 

<  AUosion  sinon  à  la  situation  maritime  de  Tirynthe,  tout  au  moins  à  son 
voisinage  de  la  mer.  Hérodote  raconte  (  VII,  137)  que  «  Auariste,  fils  de  Speiv 
thias,  voguant  avec  un  vaisseau  de  transport  monté  par  un  nombreux  équi- 
page, avait  pillé  les  pêcheries  de  Tirynthe.  » 

<  Paus.,  U,  38,  2. 

>  M  La  plus  ancienne  de  toutes  les  statues  de  Junon  est  celle  en  bois  do  poirier 


ET    DISSERTATIONS.  J  83 

((Les  SicyoDiens,  ditPausanias',  racontent  que  les  loups 
((  se  jetaient  sur  leurs  troupeaux ,  de  sorte  qu'ils  n'en 
«  tiraient  plus  aucun  profit  :  le  dieu  (Apollon)  leur  indi- 
«  qua  l'endroit  où  était  un  certain  tronc  d'arbre  sec,  en 
((  leur  disant  d'en  prendre  Técorce,  de  la  mêler  à  la  viande 
<(  qu'ils  jetteraient  aux  loups.  Ceux-ci  périrent  aussitôt 
«  qu'ils  eurent  mangé  de  cette  écorce.  »  Apollon  devint 
ainsi  le  protecteur  effectif  et  le  sauveur  de  toute  la  contrée. 
Il  n'y  a  rien  de  surprenant  à  ce  que  Ton  ait,  en  reconnais- 
sance du  bienfait,  reproduit  sur  les  monnaies  l'image  du 
bienfaiteur,  quoique  le  fait  ne  fût  pas  précisément  per- 
sonnel à  Tirynthe.  C'est  donc  Apollon  Lycien ,  le  destruc- 
teur des  loups ,  qu'il  faut  voir  sur  les  médailles  de  cette 
ville  *,  et  le  type  principal  décidant  l'attribut,  le  palmier 
du  revers,  doit  se  rapporter  à  la  tradition,  qui  fait  venir  au 
monde  Apollon  et  Diane  sous  un  arbre  de  cette  espèce  *. 

Le  n*"  1  ne  fait  point  partie  de  la  trouvaille  signalée  ci- 
dessus.  Cette  monnaie  est  connue  depuis  longtemps  et  a 
été  publiée  en  1851  par  M.  L.  MQllerS  qui  la  classe  à 

sauvage  qui  avait  été  érigée  dans  Tiryntlie  par  Priosus,  fîls  d'Argus,  et  que  les 
Aryens,  après  avoir  détruit  cette  ville,  transportèrent  dons  le  temple  de 
Junon.  »  (  Paus.,  II,  17,  5.  ) 

*  II,  9.  6. 

*  Ainsi  que  sur  une  monnaie ,  décrite  par  Mionnet  (  Suppl.,  t.  IV,  p.  238 , 
n*  12},  qui  a  au  revers  un  loup.  Cette  monnaie,  attribuée  autrefois  à  TAchalo, 
a  été  depuis  restituée  à  Argos  de  TArgolide. 

'  Le  palmier  croit  encore  dans  la  plaine  de  Tirynthe,  et  Ton  pourrait  ex- 
pliquer sa  présence  sur  les  monnaies  do  cette  ville,  comme  on  l'explique  pour 
les  monnaies  de  Carthage,  par  la  production  locale.  Je  m'en  tiens,  pour  ma 
part,  h  la  première  opinion  que  me  parait  soutenir  le  palmier  que  Ton  voit  sur 
les  médailles  d'Éphèse  et  sur  certaines  pièces  de  TEubée,  lieux  où  le  culte 
de  Diane  était  en  honneur. 

*  Ducript.  dê9  monnaki  antiqua  du  mutét  Thorwaldten.  Copenhague ,  in-8*, 
p.  127,  pi.  XI,  n»  804. 


18A  MÉMOIRES 

Uélos.  Le  A  placé  devant  la  tête  d*Apollou  sur  Texemplaire 
qu'avait  sous  les  yeux  le  savant  numismatiste  et  qui  a 
dû  causer  son  erreur  fort  excusable,  n'existe  pas  sur  la 
monnaie  que  je  possède,  non  plus  que  sur  celle  du  Cabinet 
d'Athènes.  Comparées  aux  monnsdes  trouvées  en  1863,  leur 
module  est  supérieur,  la  tète  d'Apollon  est  à  gauche,  le 
champ  du  revers  présente  une  lyre  et  une  grappe  de  rai^n  \ 
Ces  différences  sont  de  peu  de  valeur  :  ces  trois  médailles, 
ainsi  que  les  exemplaires  semblables  répandus  dans  les  di- 
verses collections,  offrent,  avec  celles  trouvées  dans  TAr- 
golide  une  identité  de  type  et  de  symbole  trop  absolue 
pour  ne  pas  être  reconnues  appartenir  à  Tirynthe,  et  doré- 
navant classées  à  cette  ville.  La  légende  T — ^I.  du  revers, 
autrefois  inintelligible  *,  et  qui  aujourd'hui  se  lit  couram- 
ment, me  semble  en  outre  donner  gain  de  cause  à  Topinion 
que  j'émets  et  devoir  clore  le  débat.  Le  A  qui  a  trompé 
M.  Millier  désigne  sans  doute  un  nom  de  magistrat 

Il  reste  à  examiner  à  quelle  époque  ces  monnaies  ont  pu 
être  frappées.  L'histoire,  on  le  sait,  est  sur  Tirynthe  d'un 
mutisme  désolant,  et  les  annales  mythologiques  ne  ren- 
seignent à  son  sujet  qu'imparfaitement.  Force  est  donc  de 


^  La  lyre  est  Tattribut ,  général  jusqu^à  la  banalité,  d* Apollon;  la  grappe 
de  raisin  a  trait  aux  vignes  nombreuses  dans  la  contrée.  Épidaure,  voisine  de 
Tirynthe  »  est  appelée  par  Homère  d{iitcXdevT*  ÉirCSaupo;,  fertile  en  vignes 
(  Jliad.,  II,  661  ).  Paasanias  ajoute  (II,  38,  3  )  que  la  taille  de  la  vigne  fat 
primitivement  mise  en  pratique  à  Nanplie,  antre  voisine  de  Tirynthe. 

*  Pas  Uratefois  pour  M.  Paul  Lambros,  le  marchand  de  médailles  d'Athènes, 
dont  la  connaissance  des  médailles  grecques  est  si  complète.  Cette  monnaie 
n*  1  (Texemplaire  que  je  publie  et  qu'il  m'a  cédé)  avait  été, bien  avant  la 
découverte  décisive ,  reconnue  par  lui  appartenir  à  Tirynthe  :  c'est  d<nio  à 
M.  Lambros  que  revient  Thonnenr  de  cette  heureuse  dassificaUon ,  qu'il  avait 
tenue  inédite,  et  dont  il  avait  seulement  parlé  à  quelques  personnes,  entre 
autres  à  M.  Postolacca,  de  qui  je  tiens  le  fait. 


ET      DISSERTATIONS.  185 

supposer  qu  après  avoir  subi  les  diverses  fortunes  de  TAr- 
golide,  Tirynlhe  devint  tributaire  d'Argos,  ou  fit  partie  de 
l'oligarchie  argienne  établie  en  821.  Sa  destruction  par  les 
Argiens  n'invalide  pas  cette  double  conjecture.  Il  résulte 
du  récit  de  Pausanias  que  les  Argiens,  lorsqu'ils  s'empa- 
rèrent de  Tirynthe ,  avaient  moins  en  vue  sa  conquête  que 
celle  de  ses  habitants,  et  que  s'ils  la  détruisirent  ce  fut 
surtout  pour  ôter  aux  Tiryntbiens  destinés  à  repeupler 
Argos  la  possibilité  de  retourner  chez  eux. 

Libre  ou  soumise,  Tirynthe  ne  fut  et  ne  put  être  qu'une 
ville  très-secondaire.  Le  voisinage  d' Argos  mettait  à  son 
développement  un  obstacle  que  l'insouciance  traditionnelle 
des  Tiryntbiens  eût  seule  suffi  à  créer.  Les.  monnaies  que 
nous  avons  de  Tirynthe  sont,  par  leur  métal  et  leur  module, 
un  signe  de  son  peu  d'importance,  que  confirme  le  silence 
de  l'histoire.  Ce  seraient  des  monnaies  frappées  vraisembla- 
blement pour  l'usage  particulier  de  Tirynthe,  et  dont  la  cir- 
culation devait  être  restreinte  à  son  propre  territoire  ou  s'é- 
tendre dans  l'Argolide.  Il  y  a  là  une  indication,  si  le  mot 
preuve  est  trop  fort,  de  l'état  de  dépendance  de  Tirynthe 
envers  Argos,  si  longtemps  la  métropole  du  Péloponnèse, 
preuve  ou  indication  que  me  paraît  appuyer  encore  la  pré- 
sence sur  ces  monnaies  d'un  type,  sinon  identique  aux  loups 
d' Argos,  du  moins  se  rapportant  au  même  fait. 

La  destruction  de  Tirynthe  eut  lieu  vers  468  (av.  J.  C). 
On  serait  porté  tout  naturellement  à  croire  que  les  monnaies 
de  cette  ville  ont  été  frappées  antérieurement  à  cette  date. 
Le  contraire  paraît  difficilement  admissible.  Cependant  la 
fabrique,  le  style,  la  présence  de  la  lettre  fi  déclarent  un 
âge  de  beaucoup  postérieur.  D'autre  part,  on  trouve  sur 
plusieurs  d'entre  elles  (n'»  4,  4  ftîs,  5  et  6)  le  rho  grec  ayant 
la  forme  de  l'R  latin,  indice  d'une  haute  antiquité  que  con- 

1864.  —  3.  13 


186  MÉMOIRES 

tredisent  l'absence  d'aire  en  creux  sur  tous  les  exemplaires 
connus,  la  présence  de  l'û,  enfin  le  métal  même  des  pièces. 
Il  est  vrai  que  Yù  se  rencontre  seulement  sur  les  monnaies 
où  se  lit  la  légende  complète  TIPïNeUlN  et  où  paraît  le 
rho  grec  ordinsdre  ;  mais  ce  dét^  qu'il  éUût  nécessaire  de 
signaler,  ne  décide  pas  suffisamment  la  question,  et  les  di- 
verses pièces  figurées  sur  la  planche  Vil  ont  entre  elles  une 
ressemblance  si  parfaite  quant  au  style  et  à  la  fabrique 
qu'il  est  à  peu  près  impossible  de  ne  pas  leur  asMgner  à 
toutes  une  même  époque  d'émission.  Ces  pièces  ont  pu  être 
frappées  postérieurement  à  Alexandre  le  Grand,  comme 
simple  souvenir  historique,  et  alors  qu'il  n'y  avidt  plus 
d'inconvénient  à  rappeler  aux  Tirynthiens  devenus  depuis 
longtemps  citoyens  d'Argos  leur  patrie  première.  On  au- 
rait conservé  sur  quelques-unes  au  rho  sa  forme  primitive, 
soit  par  caprice  d'artiste  soit  par  pur  amour  pour  l'ar- 
chaïsme. Quelques  exemples  viennent  à  l'appui  de  cette 
hypothèse,  que  je  donne  du  reste  pour  ce  qu'elle  vaut  et 
à  défaut  d'une  explication  plus  satisfaisante.  L'on  a,  en 
effet,  des  monnaies  de  quelques  localités  insignifiantes  de 
laTroade,  mentionnées  par  Homère,  entre  autres  Theba, 
patrie  d'Andromaque  S  et  un  certain  nombre  de  petites 
monnaies  de  bronze  portant  les  noms  de  plu^urs  villes 
de  la  Mysie  et  de  l'Éolie,  les  unes  et  les  autres,  M.  Gh. 
Lenormant  l'a  établi  avec  autorité  ',  fabriquées  à  une  épo- 
que où  ces  villes  n'avaient  plus  la  moindre  importance  ou 
avaient  même  cessé  entièrement  d'exister. 

*  Mionnet,  V,  Suppl.,  p.  582. 

*  Bevw  fium.,  1866,  p.  40. 


ET   DISSERTATIONS.  187 

Uothone  {nnnc  Modon). 

Figure  masculine  en  attitude  de  combattant  (  Neptune). 
—  îj  MO.  M.  Sl/2. 

De  ma  collection.  (PI.  VII ,  n-  9.  ) 

Motbone,  Tune  des  ailles  maritimes  de  la  Messénie^ 
primitivement  Pédase,  ne  prit  le  nom  de  Motbone  qu'au 
retour  de  l'expédition  de  Troie,  de  Motbone,  fille  d'CEnée, 
tradition  locale  que  Pausanias*,  contre  son  babitude,  n'ac^ 
cepte  pas,  étant  d'opinion  que  le  nom  de  la  ville  vient  du 
rocber  Motbon  qui  en  forme  le  port.  Après  la  prise  d'Ira, 
les  Mothonéens,  les  Pyléens  et  tous  les  babitants  des  côtes, 
désespérant  de  leur  patrie  et  peu  jaloux  d'être  répartis 
parmi  les  bilotes,  prirent  la  mer  au  plus  vite  et  se  rendirent 
à  Cyllène,  d'où  ils  envoyèrent  proposer  aux  Messéniens  ré- 
fugiés en  Arcadie  d'émigrer  avec  eux.  Ils  allèrent,  comme 
on  sait,  s'établir  en  Sicile  et  y  greffer  Messène  sur  Zancle. 
Les  vainqueurs  se  partagèrent  la  Messénie  par  la  voie  du 
sort,  et  les  Naupliens  ayant  été  cbassés  de  leur  ville  par 
les  Argiens  pour  leur  attacbement  &  la  cause  de  Sparte,  les 
Lacédémoniens  leur  donnèrent  Motbone,  dont  les  Messé- 
niens, reconstitués  en  nation  par  Épaminondas,  ne  reven- 
diquèrent pas  la  possession.  Trajan  enfin  accorda  la  liberté 
aux  Motbonéens  et  leur  permit  de  se  gouverner  d'après 
leurs  propres  lois  '. 

1  M  Isthmîas,  fils  de  GlaneuB,  fut  père  de  Dotadas,  qui,  bien  que  la  Me»- 
Bénie  eût  déjà  d'antres  ports,  fit  construire  Mothone.  »  (  Paus.,  IV^  3,  6.  ) 

•  IV,  35,1. 

*  Je  borne  là  cet  inventaire,  n'ayant  à  m'occuper  que  de  l'ancienne  Mothone. 
Le  lectenr  cnrienz  de  la  moderne  Modon  tronyera  dans  le  Voyage  dt  la  Grèce, 
de  Ponqneville  (t.  VI,  p.  69  et  sniy.),  tontes  les  informations  désirables  comme 


18S  ML.MOlHi-S 

Pausanias  '  mentionne  deux  temples  à  Mothone  :  le  temple 
de  MineiTe  Anémotide,  ainsi  nommée  pour  avoir  fait  cesser 
des  vents  violents  qui  désolaient  le  pays,  et  celui  de  Diane, 
qui  renfermait  un  puits  dont  Teau,  mélangée  de  résine, 
rappelait  la  couleur  et  le  goût  du  baume  de  Cyzique. 

On  n'a  classé  jusqu'à  ce  jour  à  Mothone  que  des  mon- 
naies impériales  frappées  sous  le  règne  de  Septime  Sévère 
et  de  sa  famille.  La  pièce  n"*  9,  que  je  n'hésite  pas  à  lui  attri- 
buer et  qui  a  été  trouvée  dernièrement  dans  le  Péloponnèse, 
est  peut-être  l'unique  monnaie  autonome,  et,  en  tout  cas, 
la  première  que  l'on  publie  de  cette  ville.  La  légende  MO, 
qui  se  lit  très-distinctement  sur  le  revers,  me  paraît  auto- 
riser cette  attribution ,  et  la  différence  de  grandeur  qui  se 
remarque  entre  TM  et  l'omicron  conclut  à  l'antiquité  de  cette 
pièce,  qui,  par  son  peu  d'épaisseur  et  son  travail  assez 
ordinaire,  rappelle  les  monnaies  de  même  métal  que  l'on  a 
de  la  Messénie.  Je  ne  pense  pas  cependant  qu'il  y  ait  lieu 
de  reconnaître  Jupiter  Ithomatès,  leur  type  habituel^  dans 
la  figure  masculine  en  attitude  de  combattant  qui  décore 
celle-ci.  Je  proposerais  plutôt  d'y  voir  Neptune  avec  son 
trident,  dont  la  présence  se  justifie  ici  par  la  situation  de 
Mothone  et  par  cette  circonstance  que  Pjlos,  autre  ville 
maritime  de  la  Messénie  et  peu  distante  %  a  constamment 
reproduit  sur  ses  monnaies  le  type  et  les  attributs  de  ce 
dieu. 

La  conservation  malheureusement  défectueuse  du  droit 
n'en  permet  quune  explication  par  induction  ;  mais  la  lé- 

histoire  ,  statistique ,  agricoltore ,  même  une  liste  des  évêqnes  latins  et  des  ' 
év(^ques  grecs  dont  cette  ville  fut  le  siège. 

»  Pau8..1V,36,  6. 

•  n  y  n  tout  au  plus  cent  stades  de  Mothone  ou  promontoire  de  Corypha- 
»ium,  sur  lequel  Pylos  est  située.  (Pans.,  IV,  36,  1.) 


ET    DISSERTATIONS.  189 

gende  parfaitement  intacte  du  revers  me  semble  devoir 
éloigner  toute  incertitude  sur  l'attribution  à  Mothone  de 
cette  pièce  intéressante. 


Êrélrie  d'Eubée. 

Tète  de  bœuf  vue  de  face.  —  h)  Aire  en  creux.  AI,  1/2. 

De  ma  «élection.  (PI.  VII,  n«  la.  ) 

On  n'ignore  pas  combien  sont  rares  les  monnaies  d'or 
autonomes  de  l'ancienne  Grèce.  A  cet  intérêt  s'ajoute  pour 
celle-ci  une  certaine  difficulté  de  classification.  L'absence 
de  légende  et  la  représentation  d'un  type  commun  à  i'Eubée 
et  à  la  Phocide  entr'ouvrent  en  effet  la  porte  aux  conjec- 
tures. Je  crois  pouvoir  toutefois  écarter  la  Phocide,  car  si 
les  monnaies  d'argent  de  cette  contrée  offrent  à  la  vérité 
une  tète  de  bœuf  vue  de  face  semblable  à  celle  de  la  pièce 
qui  nous  occupe,  les  pièces  archaïques  montrent  toujours 
une  tête  de  femme,  celles  d'une  époque  plus  rapprochée 
la  tète  d'Apollon ,  et  les  unes  et  les  autres  des  légendes, 
toutes  indications  certaines  de  leur  origine  \  Je  n'ai  donc 
qu'à  établir  les  motifs  qui  me  font  attribuer  de  préférence 
à  Érétrie  d'Eubée  la  jolie  petite  pièce  gravée  sous  le  n*  10. 

Le  bœuf,  par  allusion  soit  au  nom  même  de  l'Ëubée,  soit 
à  ses  nombreux  troupeaux,  est  constamment  reproduit, 
dans  des  attitudes  diverses,  tant  sur  les  monnaies  ayant 
cours  dans  l'île  entière  que  sur  les  monnaies  frappées  par 
chacune  de  ses  villes,  excepté  Chalcis.  Ce  symbole  général 
convenait  particulièrement  à  Érétrie,  dont  le  nom  primitif. 


'  La  pièce  d*or  du  Cabinet  de  Vienne,  décrite  par  Eckhcl  (Docf.  num,  vet., 
t.  II,  p.  193),  np  diffère  pas  de  celles  d'argput. 


i90  HÉM0IRE5 

Àporpts  '«  rappelait  la  fertilité  de  ses  campagnes  propres  au 
labourage,  et  il  était  si  bien  adopté  par  les  Érétriens* 
qu'ayant  à  faire  une  oiTrande  à  Jupiter  ils  lui  dédièrent  dans 
son  temple  d'^Œympie  un  bœuf  d'airain,  ceurre  de  Philésius, 
citoyen  d'Érétrie  *.  Ce  n'est  pas,  du  reste,  spécialement  sur 
cette  dédicace  que  je  fonde  ma  classification ,  car  les  habi- 
taot»  de  Carysto,  après  leur  yictoire  sur  les  Perses,  consa- 
crèrent à  Apollon  un  bœuf  d'airain  '.  Mais  parmi  les  monnaies 
d'argent  d'Ërétrie  qui  nous  sont  parvenues,  quelques-nnes 
représentent  une  tête  de  bceuf  vue  de  face  à  laquelle  la  tête 
figiu'ée  sur  la  {Nëce  n""  10  est  entièrement  s^nblable  ^»  Cette 
identité  si  manifeste  du  type  et  de  sa  représentation  ;  le  fait 
que  de  toutes  les  villes  de  l'Eubée,  Ërétrie  est  la  seule  qiû 
ail  frappé  sur  quelques-unes  de  ses  monnaies  une  tète  de 
Jbttuf  vuedeface;  ces  circonstances  me  paraissent  rendre 
incontestable  l'attribution  à  Ërétrie  de  la  pièce  que  je  publie 
aujourd'hui. 

J'ajouterai  que  cette  monnaie  a  été  trouvée  dans  l^ubée. 
Sa  conservation  est  irréprochable  ;  l'aire  en  creux  du  revers 
et  les  trois  globules  placés  sur  le  front  du  bœuf  et  figurant 
sa  crinière  lui  assignent  une  haute  antiquité. 

Alfred  de  Courtois. 

I  Enstatli.  adUomer.r  Hiad.,  II,  p.  280. 
aPatti.,  V.27.6. 
s  Idem,,  X,  16«  3. 

^  Les  autres  représentent  i»n  boeuf  debout  se  grattant,  et  le  plua  souTent 
AU  revers  un  polype. 


ET   DISSERTATIONS.  101 


ATTAMBILUS  IF, 

ROI  DE  LA  CHARACÈNE. 


Dans  la  série  monétaire  des  rois  de  la  Characène,  telle 
qu'elle  a  été  établie  par  Visconti  et  par  Saint-Martin ,  on 
remarquait  une  longue  lacune  entre  Adinnigaûs,  dont  Tuni- 
que monnaie  porte  la  date  de  l'an  333  de  l'ère  des  Séleu- 
cides,  et  Théonnésès\  dont  la  pièce  est  marquée  de  l'an 
&22.  M.  Postolaccas,  conservateur  du  Cabinet  national  des 
médailles  à  Athènes,  a  récemment*  prouvé  qu'il  fallût 
placer  dans  cette  lacune,  que  sans  doute  son  règne  ne  rem- 
plit pas  tout  entière,  un  second  roi  du  nom  d'Attambilus, 
dont  cet  érudit  a  publié  *  une  pièce  avec  la  date  TS^,  369, 
conservée  dans  la  collection  confiée  à  ses  soins.  En  visitant 
l'automne  dernier  à  Corfou  le  riche  cabinet  de  M.  Wood- 
house,  j'y  ai  rencontré  une  nouvelle  pièce  du  même  prince, 
portant  une  autre  date,  celle  de  l'an  371  des  Séleucides. 
Avec  les  habitudes  soupçonneuses  qui  le  caractérisent, 
M.  Woodhouse  n'a  pas  voulu  me  laisser  prendre  une  em- 
preinte de  sa  précieuse  médaille  ;  mais  j'ai  pu  du  moins  en 
noter  sur  mon  carnet  de  voyage  une  description  exacte  et 
détaillée. 

1  Sur  lu  véritable  nom  de  ce  roi,  voy.  Longpéricr,  Revue  niim.,  1863,  p.  340^ 
^  Àntialeê  de  Vlnat,  arch.,  1861,  p.  355. 
»  Ibid,,  pi.  Q,  n-  6. 


192  MÉMOIRES 

Tête  imberbe  et  juvénile  à  droite,  ceinte  du  diadème,  les 
cheveux  calamistrés. 

^  dcTTAMBiAou  en  trois  lignes,  dont  deux  devant  et  une 

aOJTHpoc 

derrière  le  type. 

Hercule  assis  à  gauche  sur  un  rocher,  sur  lequel  il  s'ap- 
puie de  sa  main  gauche,  tandis  que  de  la  main  droite  il  tient 
sa  massue  sur  son  genou  ;  à  l'exergue,  TOA  (371).  Potin.  7. 

L'intérêt  historique  de  cette  pièce,  qui  confirme  l'exis- 
tence du  roi  Attambilus  II  et  fournit  une  date  nouvelle  de 
son  règne,  nous  a  décidé  à  en  publier  la  simple  description, 
quoique  nous  ne  puissions  pas  y  joindre  le  dessin.  C'est  un 
document  que  nous  signalons  aux  savants  qui  s'occupent 
de  l'histoire  de  cette  partie  de  l'Asie. 

Les  effigies  des  deux  Attambilus  sont  faciles  à  distinguer. 
Celle  du  premier  montre  un  homme  d'âge  mûr,  à  la  barbe 
longue  et  pointue  ;  celle  du  second  un  homme  tout  jeune 
et  sans  barbe ,  au  moins  sur  les  deux  pièces  du  Cabinet 
d'Athènes  et  de  la  collection  Woodhouse. 

Fbânçois  Lenormant. 


ET    niSSERTATIONS.  193 


MONNAIES  MÉROVINGIENNES. 

DENIER  DE  B0G6IS, 

DUO  D*AQU1TA1NB. 


La  monnaie  d'argent  que  représente  la  vignette  a  été 
trouvée  en  1838,  à  8  kilomètres  de  Melle,  dans  la  com- 
mune de  Sompt,  dont  le  territoire  borde  la  voie  romaine 
de  Saintes  à  Poitiers. 

Croyant  que  cette  monnaie  ne  rentrait  pas  dans  la  spé- 
cialité de  ma  collection  qui  embrasse  seulement  le  Poitou 
et  l'Aquitaine,  je  la  cédai  à  notre  savant  et  regretté  direc- 
teur, M.  Cartier,  qui  la  publia  dans  la  Revue  numismatique 
(an  1839,  p.  441,  pi.  XVII,  n»  15),  en  faisant  observer, 
avec  le  signe  du  doute,  que  les  lettres  du  droit  pourraient 
être  le  reste  du  nom  de  DAGOBertus. 

Plus  t:ird,  j'appris  combien  les  monnaies  mérovingiennes 
d'argent  sont  précieuses  pour  l'histoire  ^  Je  me  reportai 
au  dessin  de  ma  pièce  et  n'hésitai  pas  à  y  lire  le  nom  de 
Boggis,  admis  jusque-là  et  sans  conteste  comme  duc  d'A- 
quitaine. 11  est  vrai  que  l'S  final  manque  ;  mais  combien 

'  Adr.  de  Longpérier,  Not,  da  monnaies  de  h  rollect.  Boutseau^  1847,  p.  76. 


19A  MÉMOiies 

d'autres  lettres  plus  împortaDtes  oDt  disparu  par  la  rogotffe 
sur  les  monnaies  mérovîDgieDDes! 

récrivis  alors  à  M.  Cartier  qui  me  répondit  qu'il  ne  se 
rappelait  plus  à  qui  il  avait  cédé  ce  denier  et  j'ignore  en- 
core aujourd'hui  qui  en  est  rbeoreux  possesseur.  Enfin  ud 
nouveau  fait  est  venu  me  mettre  en  mémoire  la  mcmnaîe 
absente,  et  raviver  mes  regrets. 

M.  UenriMartin,dansles  premières  éditions  de  soaHiUaire 
de  France^  avait,  comme  Dom  Vsûssette,  Faoriel,  Sismondi 
et  M.  Hicbelet,  admis  les  documents  fournis  par  la  charte 
d'Alaon,  et  reconnu,  comme  fils  et  successeurs  de  Haribert, 
roi  d'Aquitaine,  Boggis,  père  du  célèbre  Eude,  et  Bertrand, 
père  de  saint  Hubert.  Mais  dans  la  &*  édition  de  son  œuvre 
(t.  11, p.  137,  notes),  il  rejette  comme  n'étant  qu'un  vaste 
roman  historique  forgé  par  un  érudit  espagnol  duxvu'siècle, 
cette  charte  dont  la  supposition  a  été,  dit-il,  démontrée  par 
IL  Rabanis,  dans  son  judicieux  Essai  historique  et  critique 
sur  les  Mérovingiens  ^Aquitaine.  Il  reproche  à  Fauteur  de 
cette  charte  apocryphe  d'avoir  rattaché  par  un  lien  com- 
mun une  foule  de  personnages  et  de  faits,  les  uns  authen- 
tiques, les  autres  imaginaires,  et  d'avoir  ainsi  inventé 
toute  une  dynastie  de  Mérovingiens.  Enfin  (p.  169,  notes) 
il  ajoute  que  «  la  prétendue  charte  d'Alaon  fait  de  Eude 
un  Mérovingien,  fils  de  V imaginaire  Boggis.  » 

Ému  de  voir  ainsi  notre  Aquitaine  dépouillée  d'un  doc 
que  lui  avaient  attribué  des  documents  autres  que  la  charte 
d'Alaon,  je  me  suis  reporté  à  l'ouvrage  de  M.  Rabanis  : 
j'ai  été  frappé,  je  dois  le  dire,  du  haut  savoir  qu'il  y  dé- 
veloppe, et  j'ai  été  heureux  de  voir,  du  moins  dans  la 
2'  édition  de  1856,  la  seule  que  j'ai  pu  me  procurer,  qu'il 
ne  fait  pas  un  mythe  de  notre  Boggis,  qu'il  lui  accorde  le 
titre  de  duc  des  Aquitains ,  mais  que  seulement  il  le  fait 


ET  DISSERTATIONS.  195 

vivre  un  siècle  et  demi  plus  tôt  que  la  charte  d'Alaon. 
Voyons  donc  si  la  défiance  que  lui  inspire  cette  charte  ne 
l'aurait  point  fait  tomber  dans  une  erreur. 

M.  Rabanis,  après  avoir  représenté  (p.  52)  les  légen- 
daires, les  bagiograpbes  et  les  martyrologes  «  comme 
sources  les  plus  suspectes  au  point  de  vue  de  là  chrono- 
logie et  des  événements  politiques  et  sociaux,  »  et  notam« 
ment  comme  telles  les  légendes  de  saint  Hubert  et  sainte 
Ode,  cite  avec  loyauté  ce  passage  de  la  vie  de  saint  Hubert 
où  il  est  dit  que  ce  dernier,  fils  lui-même  d*un  duc  d'Aqui* 
taine,  nommé  Bertrand,  aurait  été  suivi  dans  sa  retraite 
par  sa  tante  Oda,  veuve  de  Boggis,  autre  duc  des  Aqui- 
tains, qui  était  mort  récemment  ^ 

licite  ensuite  Sigebert  de  Gemblours,  écrivain  belge  qui, 
ditnil,  savidt  par  cœur  et  transcrivait  littéralement  les 
actes  de  sainte  Ode  et  lui  a  consacré  cette  mention  :  «  £n 
l'année  711,  florissait,  dans  la  Gaule,  sainte  Oda,  veuve  de 
Boggis,  duc  des  Aquitains,  laquelle  enrichit  par  sa  muni* 
ficence  les  églis^  de  Dieu  et  qui  repose,  depuis  sa  mort, 
dans  la  paroisse  de  Liège'.  » 

n  Jusqu'ici,  ajoute-t-il,  tout  va  le  mieux  du  monde  pour 
M  la  charte  (d'Alaon)«  Mais  écoutons  un  témoignage  bien 
tt  autrement  authentique,  bien  autrement  grave,  celui  de 
tt  la  vieille  chronique  de  saint  Martin  de  Tours,  antérieure 
tt  de  tontes  façons  et  à  la  rédaction  des  actes  de  sainte  Ode 
u  et  à  la  chronologie  de  Sigebert.  L'an  VI  du  règne  de 


*  Page  56  :  Adhcrebat  ill! ,  quasi  cornes  individna  ;  amita  sna  Oda  quse 
extitit  BoggU,  Aqnitanomm  dods^  recens  defancti,  Tidaa. 

'  Page  57  :  Anno  711,  Sancta  Oda  ;  uxor  Boggis,  Aquitanorum  ducîs  floret 
in  Gallla ,  que  eocleiias  Dei  sua  ditavit  munificencia  et  moriens  in  Leodi- 
censi  qnievit  parochia.  —  C'est  sans  doute  par  erreur  que  M.  Rabanis  a  tra- 
duit le  mot  uxor  par  celui  de  retirer. 


196  MÉMOIRES 

«  Justin  II,  florissait  dans  la  Gaule  sainte  Oda,  femme  de 
<t  Boggis,  duc  des  Aquitains,  laquelle  a  enrichi  un  grand 
(f  nombre  d'églises  et  repose,  depuis  sa  mort,  dans  la  pa- 
«  roisse  de  Liège  * .  » 

De  prime  abord,  on  est  étonné  de  voir  M.  Rabanis  mettre 
en  opposition  deux  textes  presque  littéralement  pareils; 
mais  on  s'aperçoit  bientôt  que  c'est  la  date  qui  établit  entre 
eux  une  énorme  différence.  En  effet,  tandis  que  Sigebert  in- 
dique l'année  711,  la  chronique  de  Tours,  en  se  reportant 
à  la  VI'  année  du  règne  de  l'empereur  Justin  II,  remonte  à 
l'an  671.  Différence  140  ans! 

M.  Rabanis  prévoit  bien  (p.  58)  que  l'on  pourrait  ob- 
jecter que  c'est  par  suite  d'une  erreur  de  copiste  que  la 
chronique  de  Tours  porte  le  nom  de  Justin  II,  au  lieu  de 
celui  de  Justinien  II  dont  la  sixième  année  de  règne  corres- 
pond juste  à  l'année  711  donnée  par  Sigebert.  Mais  cette 
date  de  l'an  711  pourrait  venir  à  l'appui  de  la  généal(^ie 
donnée  par  la  charte  d'Alaon  que  ses  plus  habiles  défen- 
seurs, dit-il,  p.  212,  n'acceptent  que  sous  bénéfice  d'inven- 
taire, mais  que  lui  n'accepte  pas  du  tout.  Il  se  met  partout 
en  quête  des  rares  personnages  qui,  avant  le  vir  siècle,  ont 
porté  les  noms  plus  ou  moins  estropiés  d'Oda  ou  de  Boggis. 
licite  la  chronique  de  saint  Vincent  de  Metz  qui  donne  une 
Oda  pour  épouse  à  son  Buotgisus-Amaldus,  mais  reconnaît 
que,  par  distraction  sans  doute,  Albéric  des  Trois-Fontaines 
la  lui  donne  pour  mère  ! 

Il  comprend  que  si  le  Boggis  de  la  chronique  de  Tours 
vivait  avant  Tan  711,  Grégoire  de  Tours,  son  contemporain, 
ce  père  de  notre  histoire,  n*aura  pas  oublié  de  nous  parler 

*  «  Auno  Justini  II. VI  saucta  Oda,  uxor  Boggis  duci»  Aquitanorum  floret 
in  Gallia,  quae  occlesias  muUas  ditavit,  et  moriens  in  Leodiceusi  parochia 
qniovit.  » 


ET   DISSERTATIONS.  1ft7 

de  ce  Boggis,  duc  d'Aquitaine,  lui  qui  entre  dans  des  dé- 
tails  si  circonstanciés  sur  les  événements  et  les  personnages 
de  son  temps.  Aussi,  tout  en  disant,  p.  61,  que  Boggisus 
et  Bodegesilus,  c'est  le  même  nom,  ce  qu'on  ne  saurait 
accepter  sans  faire  de  fortes  réserves,  nous  présente-t-il 
conmie  le  Boggis  de  la  chronique  de  Tours  un  Bodegesilus, 
sans  doute  celui  qui,  fils  de  Mummolenus  de  Soissons,  fut 
l'un  des  ambassadeurs  envoyés  par  Childebert  à  l'empe- 
reur Maurice  et  fut  assassiné  à  Carthage  vers  l'an  58A  \ 

Il  est  vrai  que  rien  ne  constate  que  ce  Bodegesilus,  de- 
venu Boggis,  fut  le  mari  de  sainte  Oda  de  Liège,  à  laquelle 
il  aurait  survécu,  et  qu'étant  décédé  en  584,  il  ne  peut  être 
le  même  que  le  Bodegesilus-Amaldus,  évêque  de  Metz  en 
Tan  599,  et  mari  d'une  autre  sainte  Oda.  N'importe,  pour 
M.  Rabanis  (p.  02),  «  l'époque  de  l'Aquitain  Boggis  et 
«  celle  d'Oda,  sa  fpmme,  ne  semblent  pas  l'objet  du  moindre 
u  doute.  Le  calcul  de  la  chronique  de  saint  Martin  de  Tours 
a  est  rigoureusementexact  et  la  date  de  Sigebert  est  fautive.  » 

J'aime  à  croire  que  ce  savant,  que  malheureusement  la 
mort  nous  a  enlevé,  eût  modifié  ses  conclusions  relativement 
à  Boggis  et  à  Oda  dont  il  admet  l'existence,  établie  indépen- 
damment de  la  charte  d'Alaon,  s'il  eût  connu  la  monnaie 
que  représente  notre  vignette ,  trouvée,  comme  je  l'ai  dit, 
près  la  voie  romaine  de  Saintes  à  Poitiers,  dans  cette  Aqui- 
taine où  elle  devait  avoir  cours. 

Il  aurait  lu  sur  cette  pièce  le  nom  de  Boggis  tel  qu'il 
est  orthographié  et  sans  variantes,  dans  la  vie  de  saint  Hu- 
bert, dans  celle  de  sainte  Oda  et  même  dans  sa  chronique 
préférée  de  saint  Martin  de  Tours. 


•  Gr«*g.  Tur.,  //û<.,  lib.  X,  cap.  II.— Lebenu,  Histmre  du  Bas-Empire,  édit. 
Saint-Martin,  t  X,  p.  221. 


IfM  UÉMOIBES 

Sachant  que  les  deniers  mérovingiens  d'argent  n*ont 
apparu  que  vers  le  milieu  du  vu*  siècle  S  il  aurait  comjHÎs 
que  notre  monnaie  de  ce  métal  ne  pouvait  donner  le  nom 
d'un  personnage  qui  aurait  été  déjà  duc  d'Aquitaine  plus 
d'un  siècle  auparavant;  qu'ainsi  c'était  par  suite  d'une 
transcription  fautive  qu'au  lieu  du  règne  de  Justinîen  II ,  la 
chronique  de  Tours  indiquait  celui  de  Justin  II,  comme 
l'époque  où  florissait  dans  la  Gaule  sainte  Oda,  épouse  de 
Boggis,  duc  des  Aquitains. 

Il  eût  pu  remarquer  que  le  B  cursif  du  nom  de  Boggis  est 
reproduit  trois  fois  dans  celui  du  monétsdre  bObbOLO  sur 
un  tiers  de  sol  d'or  frappé  à  Agen,  suivant  M.  de  Longpé- 
rier,  à  Ajain,  département  de  la  Creuse,  suivant  M.  Delo- 
che,  l'une  et  l'antre  localités  de  la  Gaule  méridionale;  il  eut 
pu  trouver  l'O  carré  ou  cruciforme  de  notre  monnaie  sur 
plusieurs  de  celles  frappées  dans  les  provinces  de  la  rive 
gauche  de  la  Loire. 

En  lisant  sur  notre  denier  le  nom  seul  de  Boggis,  sans  au- 
cune qualification,  il  y  aurait  vu  la  confirmation  de  l'opi- 
nion de  M.  de  Longpérier  qui,  dès  18A7  ',  disait  que  a  les 
recherches  qu'il  avait  faites  sur  ce  sujet  lui  permettaient 
de  croire  que  les  noms  d'un  assez  grand  nombre  de  maires 
et  de  ducs  mérovingiens  sont  inscrits  sur  les  monnaies  sans 
la  qualification  de  monétaires,  »  fait  que  démontre  le  der- 
nier travail  de  M.  le  commandant  Carpentin  sur  les  patrices 
de  Marseille. 

Je  suis  le  premier  à  le  reconnaître,  le  rapprochement  de 
ces  différents  faits  et  circonstances  ne  prouve  pas  que 
notre  Boggis  fût  fils  de  Haribert.  Mais  si,  comme  je  le  crois. 


>  M.  de  Pétigny,  Bevuê  wum.,  1854,  p.  402. 

*  Notiet  des  nwnnaùi  de  la  collect,  Rousseau,  p.  42. 


ET  DISSERTATIONS.  199 

la  monnaie  qui  porte  son  nom  est  du  vu*  siècle,  elle  rajeu- 
nirait de  près  de  cent  ans  son  mariage  avec  Oda  et  il  pour- 
rait paraître  moins  invraisemblable  que  de  cette  union  fût 
né  le  prince  Aquitain  Eude,  dont  le  nom  n'est  pour  ainsi 
dire  que  l'écho  de  celui  de  Oda,  sa  mère,  et  que  le  vieil 
Eude,  comme  le  qualifie  M.  Henri  Martin  {ibid.,  p.  208), 
eût  vécu  jusqu'en  l'an  735,  vingt-deux  ans  seulement  après 
sa  mère,  et  huit  ans  après  saint  Hubert,  son  cousin  ger- 
main...., graves  questions  que  je  ne  suis  pas  de  taille  à 
aborder. 

Que  Ion  me  pardonne  d'être  entré  dans  d'aussi  longs 
détails.  En  ma  qualité  d'Aquitain,  j'ai  été  entraîné  à  res- 
tituer à  notre  patrie  un  prince  dont  on  avait  fini  par  faire 
un  personnage  imaginaire,  bien  que  la  condamnation  de 
la  charte  d'Alaon  n'implique  pas  du  tout,  comme  je  l'ai 
fait  voir,  celle  de  l'existence  de  Boggis.  La  résurrection  du 
denier  portant  le  nom  de  ce  personnage  est  venue  provo- 
quer mon  zèle  et  me  rappeler  combien  les  monnaies  d'ar- 
gent de  l'époque  mérovingienne  sont  précieuses  pour  l'his- 
toire. 

Fasciné  en  quelque  sorte  par  cet  amour  de  la  patrie,  me 
serais-je  trompé  en  lisant  le  nom  de  Boggis  sur  le  denier 
qui  nous  occupe  ?  C'est  ce  que  sa  reproduction  que  je  sol- 
licite pourra  démontrer,  et  alors,  si  je  lis  mal,  ce  sera  sur 
moi  que  retombera  l'erreur  que  j'attribue  à  M.  Rabanis. 

RONDIER. 
Melle,  jura  1864. 


•20U  MÉMOIRLS 


MONNAIES 
FRAPPÉES  A  GÈNES  SOCS  CHARLES  VII. 


Le  catalogue  de  la  remarquable  collection  de  M.  Gouaux 
qui  fut  vendue  en  1857,  contenait  sous  les  n*'  488,  489  et 
490  l'indication  d'une  pièce  d'or  et  de  deux  pièces  d'ar- 
gent annoncées  comme  frappées  à  Gènes  sous  Charles  VIIL 

MM.  Rollin  et  Feuardent,  dans  leur  catalogue  de  la  col- 
lection Rousseau,  publié  en  1861  \  ont  également  annoncé 
sous  les  n"'  966,  967  et  968  trois  pièces  d'argent  avec  la 
même  indication. 

Enfin  M.  Conbrouse  cite,  p.  40  du  tome  !•'  de  ses  Mon- 
naies nationales  de  France,  n*  490  (règne  de  Charles  VIII) , 
une  obole  de  billon  pesant  dix  grains  et  appartenant  alors 
à  M.  Rollin ,  pièce  portant  dans  le  champ  un  K  gothique 
avec  lANVE  D  (  Januœ  dominus  ) ,  et  au  revers  une  croix. 

Ayant  acquis  de  M.  Charvet,  postérieurement  à  la  pu- 
blication du  catalogue  de  la  vente  Rousseau,  un  gros  d'ar- 
gent dont  l'empreinte  est  ici  gravée,  et  qu'on  attribuait 
également  à  Charles  VIII,  je  pensai  que  ce  prince  n'ayant 
jamais  été  possesseur  de  Gènes,  puisqu'il  échoua  dans  la 
tentative  qu'il  fit  en  i  495  pour  s'en  emparer,  cette  pièce 

*  Catalogué  d$s  tnonnaies  nationaUt  de  France  ;  collection  de  M,  J.  Rou9seau  en 
rente  à  Vamiable  aux  prix  marqués,  1861,  în-8*. 


ET   DISSERTATIONS.  201 

devait  être  attribuée,  non  pas  à  lui,  mais  à  Charles  VI  ou  à 
Charles  VII. 

En  effet,  Gènes  fut  sous  la  domination  de  la  France  de- 
puis 1396  qu'elle  se  donna  à  Charles  VI  jusqu'en  1A09, 
puis  de  1&58  à  1&61.  On  peut  voir  àsinsYArt  de  vérifier  lei 
dates  le  résumé  succinct  de  tous  les  événements  qu'amena 
dans  cette  république  l'inconstance  naturelle  des  Génois  \ 
et  dont  le  souvenir  était  sans  doute  présent  à  l'esprit  de 
Louis  XI,  quand  il  les  donnait  au  diable,  si  toutefois  le  mot 
qu'on  lui  attribue  a  été  réellement  prononcé  par  lui. 

M.  de  Longpérier,  à  qui  je  montrai  mon  gros  d'argent  et 
à  qui  je  fis  part  de  mes  remarques  sur  l'attribution  faite 
jusqu'ici  de  cette  pièce  à  Charles  VIII,  avait  depuis  long- 
temps la  même  opinion,  et  il  eut  la  bonté  de  me  donner  la 
raison  qu'il  y  avait  d'attribuer  avec  toute  sûreté  ma  pièce 
à  Charles  VII. 


Cette  pièce  porte  d'un  côté  le  portail  génois  accosté  de 
deux  fleurs  de  lis  et  autour  entre  deux  grènetis  IHS:  G  : 
REX.  FRA  :  COR  :  D  :  lAN  :  {Jésus  ;  Carolus  rex  Franco- 
mm,  dominus  Janux)^  au  revers  une  croix  pattée  et  entre 
deux  grènetis  :  CODRAD  :  REX  :  RO  :  P  :  {Conradus  rex 
Romanorum)  %  elle  pèse  3k',260. 

*  On  eu  trouvera  le  récit  détaillé  dans  VHistoirt  dei  républiquti  Ualiennei, 
de  Simonde  de  Sismondi,  t.  X,  p.  70  et  suiv. 

*  D*après  la  description  du  Catalo(fue  de  la  collection  Rousseau  le  mono- 

1864.^3.  14 


202  MÉMOIRES 

M.  de  Longpérier  m'apprit  que  Gandolfi,  dans  son  traité 
Délia  moneta  antica  di  Genovaj  décrivait  (t.  II,  p.  33)  une 
pièce  d'argent  du  doge  Pietro  Campo  Fregoso  (Ii50-1A58) 
qui  était  la  première  de  toute  la  série  génoise  sur  la- 
quelle paraissait  le  monogramme  IHS,  que  ce  mono- 
gramme sacré,  dont  l'usage  fut  introduit  en  1&23  par  saint 
Bernardin  de  Sienne  S  se  retrouvait  encore  sur  la  monnaie 
de  Ludovico  Fregoso  qui  fut  doge  après  le  départ  des 
Français  (1&62) ,  et  disparaissait  enfin  des  monnaies  de 
Gènes  pendant  le  gouvernement  de  Paolo  Fregoso,  élu  doge 
en  1&63. 

La  domination  de  Charles  \I1  concordant  avec  l'époque 
où  il  était  d'usage  de  mettre  sur  les  monnaies  génoises  le 
monogramme  de  Jésus-Christ  (1&50-1&63),  il  était  donc 
évident  que  cette  pièce,  portant  le  nom  du  roi  Charles, 
devait  nécessairement  avoir  été  frappée  de  lAôS  à  iA61. 

Depuis,  par  les  conseils  et  sous  les  auspices  de  M.  de 
Longpérier,  je  me  mis  en  rapport  avec  M.  Luigi  Franchini, 
antiquaire  distingué  de  Gènes.  lime  communiqua,  avec  une 
obligeance  et  une  courtoisie  parfaites  dont  je  suis  heureux 
de  le  remercier  publiquement,  des  empreintes  de  cinq  su- 
perbes sequins  d'or,  savoir  :  trois  de  Charles  VI  et  deux  de 
Charles  VII,  et  de  deux  petites  pièces  d'argent  de  ce  der- 
nier prince,  qui  font  partie  de  sa  collection.  Il  m'apprit 
que  les  lettres  M-L,  R-S,  V-B  et  B,  sans  doute  initiales  de 
monétaires,  désignaient  les  pièces  frappées  sons  Charles  VI, 
et  les  lettres  A  et  P  celles  frappées  sous  Charles  VII  ;  et  en 
effet  on  remarquera  que  mon  gros  d'argent  que  le  mono- 
gramme IHS  se  trouverait  nu  revers  de  la  pièce  annoncée  et  non  an  droit,  et 
le  portail  ne  serait  pas  accosté  de  deux  fleurs  de  lis. 

•  Voy.  Bêove  num.^  1860,  p.  393, 394,  les  renseignements  donnés  an  snjet  de 
ce  monogramme  et  du  sens  qui  lui  était  attribué. 


ET    DISSERTATIONS.  203 

gramme  IHS  fait  sûrement  classer  au  règne  de  ce  dernier 
prince  porte  la  lettre  P. 

Les  pièces  de  M.  Franchini  devant  être  publiées  dans  un 
recueil  italien,  je  ne  crois  pas  pouvoir  me  permettre  d'en 
parler  davantage. 

Tout  récemment  j'ai  acquis  de  M.  Feuardent  une  pièce 
évidemment  de  la  même  nature  que  celles  annotées  aux 
n"^  967  et  968  du  catalogue  Rousseau  de  1861 ,  mais  que  je 
n'ose  qualifier  de  1/2  gros,  car  le  gros  pèse  3<%250,  et 
cette  petite  pièce  ne  pèse  pas  l»*,!  25.  Elle  porte  d*un  côté 


+  K.  REX  (F)D  lANVE.  A.  {Carolus  rex  Francorum  dominvs 
Januœ),  et  au  milieu  un  écusson  parti  d'une  fleur  de  lis 
au  l**  et  du  portail  génois  au  2^  Je  ne  vois  pas  de  lettre 
sous  l'écussonS  mais  cette  partie  de  mon  exemplaire  est 
assez  fruste  pour  qu'on  ne  puisse  pas  affirmer  qu'il  n'en 
existe  pas.  Au  revers  est  une  croix  pattée  et  autour  on  lit  : 
+  CONRADVS  :  REX  :  R  :  A.  La  pièce  est  un  peu  ébréchée,  et 
cette  circonstance  pourrait  expliquer  comment  son  poids 
n'est  pas  égal  à  la  moitié  de  celui  du  gros  :  mais  M.  Fran- 
chini, qui  possède  deux  pièces  de  Charles  VI  d'un  aspect 
identique,  sauf  que  la  lettre  du  monétaire  est  différente, 
m'annonce  que  le  poids  de  Tune  est  de  ls',120  et  celui  de 
l'autre  de  1«',320,  ce  qui  ne  donne  pas  la  moitié  de  3«^,250. 


<  Les  demi-gros  du  Catalogue  Rousseau  sont  Annoncés  portant  Tnn  B.lt., 
Vantre  G.  sonsl'écu. 


20&  MÉMOIRES 

Peut-être  est-ce  à  des  afTaiblissements  monétaires  qu'il  faut 
attribuer  la  faiblesse  de  poids  de  ces  petites  pièces. 

Avec  toute  la  déférence  que  je  dois  aux  renseignemeots 
que  je  tiens  de  Tobligeance  extrême  de  H.  FranchiDi^  et 
avec  toute  résen^e,  je  dirai  que  cette  dernière  monnaie  me 
parait  d'un  aspect  bien  plus  gothique  que  le  gros  de 
Charles  VII  ;  les  A  sont  d'une  forme  beaucoup  plus  an* 
cienne,  et  je  me  demande  si  cette  pièce,  bien  que  portant 
la  lettre  A,  ne  doit  pas  être  attribuée  à  Charles  VI  plutôt 
qu'à  Charles  VU.  La  publication  des  pièces  de  M.  Franchini 
ne  peut  manquer  d'éclaircir  notablement  ce  point  si  inté- 
ressant et  si  peu  connu  jusqu'ici  de  notre  histoire  moné- 
taire. 

Le  Baron  JérAme  Pighon  , 

De  la  Société  det  bibliophiles  français. 
28  avril  1864. 


El    DISSERTATIONS.  206 


MONNAIES  DES  ROIS  DE  FRANGE 

FRAPPÉES  A  SAVONE. 

(PI.  VIII  et  IX.) 


M.  le  chevalier  Dominique  Promis  vient  de  doter  la  nu- 
mismatique d'une  série  nouvelle  et  tout  particulièrement 
importante  pour  nous.  Il  m'a  semblé  qu'au  moment  où 
notre  savant  collaborateur  M.  le  baron  Jérdme  Pichon  pu- 
bliait les  monnaies  de  Charles  VII  fabriquées  àGënes»  il  était 
presque  indispensable  de  parler  ici  des  monnaies  de  Savone 
qui  manquent  encore  dans  tous  nos  traités,  manuels  et 
catalogues  spécialement  consacrés  à  la  numismatique  des 
rois  de  France. 

M.  D.  Promis,  avec  cette  persévérance  qui  n'est  pas 
moins  remarquable  que  son  érudition,  poursuit  depuis 
douze  ans  la  publication  de  ses  mémoires  Sulk  monete  del 
PiematUe;  il  en  est  arrivé  au  sixième  qu'il  a  consacré  à 
la  Zecca  de  Savone,  dont  les  produits  étaient  demeurés 
dans  l'ombre  la  plus  épaisse. 

Cette  jolie  ville  maritime,  admirablement  située,  est  pla- 
cée trop  près  de  Gènes  pour  que  son  histoire  n'ait  pas  été 
absorbée  par  celle  de  sa  puissante  voisine.  Aussi  les  critiques 
modernes  n'ont-ils  pu  constater  qu'un  nombre  fort  restreint 
de  faits  relatifs  à  cette  ville.  Une  mention  dans  Tite-Live,, 


20C  MÉMOIRES 

une  autre  dans  Frédégaire,  c'est  tout  ce  qu'on  trouve  avant 
la  fin  du  X*  siècle. 

C'est  en  1327  que  Savone  obtînt  de  l'empereur  Louis  de 
Bavière  le  droit  de  battre  monnaie  ^  I^a  charte  de  con- 
cession existe  dans  les  archives  de  la  ville,  et  M.  Promis 
a  retrouvé  les  espèces  dont  elle  autorise  la  fabrication. 
Msds  Savone  n'a  pas  immobilisé  sur  sa  monnaie  le  nom  de 
Louis  comme  Gènes  le  fit  pour  celui  de  Conrad,  et  nous 
voyons  les  légendes  changer  tout  aussi  bien  que  les  types, 
à  diverses  reprises. 

C'est  l'examen  des  variantes  quelquefois  légères  dans  les 
types  qui  a  guidé  le  savant  bibliothécaire  du  roi  d'Italie 
en  plusieurs  occasions,  car  au  xvi''  siècle  le  nom  du  roi  de 
France  ne  parait  plus,  même  réduit  à  une  lettre  initiale, 
sur  la  monnaie  de  Savone  qui  ne  montre  qu'une  fleur  de 
lis  comme  signe  de  l'autorité  qui  la  faisait  émettre. 

En  1391 ,  les  habitants  de  Savone  s'éuUent  révoltés  contre 
les  Génois  leurs  dominateurs  *,  et  en  139A  Enguerrand  de 
Goucy  s'empara  de  la  ville  au  nom  de  Louis  d'Orléans, 
frère  de  Charles  VL 

Un  compte  de  1306  mentionne  l'achat  d'armes  fournies 
tt  aux  archers  de  Monseigneur  au  temps  que  Maître  Antoine 
Adome,  duc  de  Gènes,  faisait  tenir  le  siège  devant  la  ville 
de  Savone  '•  » 

Les  Génois  s' étant  donnés  en  1396  au  roi  de  France,  qui 
fit  prendre  possession  du  pays,  le  18  mars  1807,  par  Wa* 
leran  de  Luxembourg,  comte  de  Ligny,  et  par  Pierre  Fres- 
nel,  évêque  de  Meaux,  le  duc  Louis  céda  Savoneàson  frère. 

'  Promis,  Uonete  deUa  zecca  di  Savonaf  docmneDti,  p.  89. 

*  Agostino  Gmstiniauo,  Caitigatistima  armali  délia  refmblieadi  Oenova,  1687, 
lib.  rV  M.  —  Foglietta,  DeW  istoria  di  Oenova,  1697.  p.  363. 

*  Aimé  CbampollioD  Figete,  loin'*  et  Chartes  d'Orliant,  8*  ptrtie,  p.  S2. 


ET   DISSERTATIONS.  207 

Toutefois  les  gens  de  Savone  ne  se  rendirent  au  gouverneur 
de  Gènes  que  le  27  avril. 

Mais  la  peste  de  1308  effraya  Waleran  qui  s'en  retourna 
à  Paris,  laissant  la  direction  des  affaires  à  Tévêque  de  Meaux 
et  à  son  neveu,  Borlée  de  Luxembourg  \ 

Le  31  octobre  l&Ol,  le  maréchal  de  Boucicaut  vint 
prendre  le  commandement  de  Gènes  et  pays  circonvoisins. 

Charles  VI  (1397-1410). 

1.  +  K:R6X:F:DnS:SA0ne  {Karolus  rex  Francorum 
domintis  Saonœ).  Champ  divisé  en  deux  parties,  contenant, 
l'une  trois  fleurs  de  lis,  l'autre  l'aigle  impériale  couronnée. 

Î9  +a)0N€TA:SA0N6:  Croix. 
Patacchina  de  billon.  (PI  YIII,  n'  1.) 

2.  +  K  R€X  F  DnS  SAONG.  Aigle  couronnée. 

^  +  mON€TA  SAONG.  Croix  cantonnée  de  deux  fleurs 
de  lis. 

Detnt-pa/accfttfia,  billon.  (PL  VIII,  n«  2.) 

S.  Autre  ;  au  revers,  croix  pattée,  cantonnée  de  deux  fleurs 
de  lis,  aux  2«  et  à\  (PL  VIII,  n*  8.) 

A.  +  COmVniS  SAOne.  Aigle  couronnée  tournée  à 
droite. 

^  Fleur  de  lis  mOnETA  SAOnG.  Croix  pattée. 

Obole,  billon.  (PL  VIII,  n-  4.) 

5.  Autre;  l'aigle  est  tournée  à  gauche.  (PL  VIII,  n«  6.) 

Telles  sont  les  monnaies  que  M.  Promis  a  retrouvées  pour 
le  règne  de  Charles  VI.  En  1410,  Savone  retomba  de  nou- 


*  Dom  Toussaint  Duplessis^  Hiti,  dt  Végliêi  d€  Meaux  ^K,  I»p.  285.— 
Giastiniano,  lib.  Y  S. 


208  MÉMOIRES 

veau  au  pouvoir  des  Génois,  après  que  Boucicaut  fut  retourné 
en  France. 

Savone  fut  prise  en  1421  par  le  duc  de  Milan  Philippe- 
Marie  Yisconti,  qui  y  battit  des  monnaies  dont  nous  n'avons 
pas  à  nous  occuper  ici. 

En  1&Ô8,  Savone  revint  aux  Français  avec  Gènes. 
Charles  YII,  à  la  sollicitation  du  doge  Pietro  Fregoso,  en- 
voie Jean  de  Lorraine  pour  gouverner  le  pays. 

Melcbiorre  Zocca  était  alors  maître  de  la  monnaie  de 
Savone,  ainsi  que  cela  résulte  de  divers  actes  cités  par 
M.  Promis  qui,  malgré  ses  patientes  recherches,  n'a  pu 
encore  retrouver  de  pièce  émise  sous  Charles  Vil. 

Il  est  vrai  que  les  deux  petites  monnaies  figurées  ici 
dans  notre  pi.  VIll  sous  les  n""*  A  et  5,  pièces  dont  la  légende 
diffère  de  celle  qui  se  lit  sur  les  trois  premières,  pourraient 
peut-être  convenir  à  Charles  VII  aussi  bien  qu'à  Charles  VI. 
Mais  c'est  là  une  question  fort  difficile  fi  résoudre, 

Louis  XI  (1461-1464). 

6.  +  L.RGX.FRAnCORVm.DnS.SAOne.  champ  écar- 
telé  portant,  aux  premier  et  quatrième,  une  aigle;  aux 
deuxième  et  troisième,  une  fleur  de  lis. 

Si  +  mOneiA.ClVITATlS  SAOne.  Croix  pattée. 
Grosso,  billon.  (PL  VIII,  n*  6.) 

7.  Fleurde  lis,  CIVITATIS.SAOn.  Aigle  tournée  à  gauche. 
^  Fleur  de  lis.   COCOVniS  SAOIIE,  Croix  accompagnée 

d'une  fleur  de  lis. 

Denier,  billon.  (PL  VIII,  n»  7). 

8.  ClVITATlS.SAOnG.  Mêmes  types. 
Obole,  billon.  (PL  VllI,  n*  8.) 

11  est  à  remarquer  que  le  nom  de  Savone  parait  d'abord 


ET    DISSERTATIONS.  209 

seul  ;  que  vers  la  fin  du  xiv*  siècle  les  monnaies  portent 
ComunU  Saône  et  que  dans  la  seconde  moitié  du  siècle 
suivant  on  voit  apparaître  la  légende  Civilas  Saône  qui  a 
été  conservée  jusqu'à  la  fin  du  monnayage.  Savone  est  un 
siège  épiscopal  et  a  droit  au  titre  Civitas. 

Cette  ville  fut  cédée  en  1A6A  au  duc  de  Milan  François 
Sforce,  auquel  succéda  son  fils  Galeaz  Marie  qui  la  conserva 
jusqu'en  1178,  époque  à  laquelle  elle  passa  aux  Génois  qui, 
à  leur  tour,  la  possédèrent  jusqu'en  1A87.  Alors  Savone 
revint  au  duc  de  Milan  Jean  Galeaz,  appartint  ensuite  à 
Ludovic  Marie  Sforce,  dont  tous  les  États  furent  conquis  en 
l&d9  par  Louis  XII. 

Louis  XII  (1499-1610). 

9.  +VIRGO.MARIA.PROTEGE.  La  Vierge  tenant  l'en- 
fant  Jésus  assise  de  face.  Dans  le  champ,  deux  fleurs  de  lis. 

û  Fleur  de  lis,  CIVITATEM  SAVONAE.  Aigle  couronnée. 
Double  ducalo  largo.  Or.  (PI.  VIII,  n»  9.  ) 

10.  Mêmes  types. 

Dueato.  Or.  (PL  VIII,  n*  10.) 

11 .  VIRGO  MARIA  PROTEGE.  La  Vierge  assise  entre  deux 
fleurs  de  lis. 

^  Fleur  de  lis,  CIVITATEM  SAVONAE.  Écu  aux  armes  de 
Savone;  écu  chargé  d'un  pal,  au  chef  cousu  de  l'empire. 
Dans  le  champ,  S.  M. 

Testone  ou  pièce  de  8  gros.  (PI.  VIII,  n«  11.  ) 

12.  Fleur  de  lis,  VIRGO  MARIA  PROTEGE.  La  Vierge  en 
buste,  de  face,  posée  sur  un  croissant. 

^  Fleur  de  lis,  CIVITATEM  SAVOiNAE.  Ecu  de  la  ville 
accosté  des  lettres  S.  M.  Dans  le  champ,  une  rose. 
Demi-testone  ou  pièce  de  4  gros.  (PI.  IX,  n*  1.) 


210  MÉMOIRES 

15.  Mêmes  légendes.  La  Vierge  assise. 
^  L'aigle  et  la  fleur  de  lis. 

Deux  grossi.  (PL  IX,  n*  2.  ) 

lA.  Fleur  de  lis,  CIVITATIS  SAONE.  Aigle  couronnée. 

^  Fleur  de  lis,  GOMVNIS  SAONE.  Croix  pattée  can- 
tonnée de  quatre  fleurs  de  lis. 

Patacchina  ou  pièce  de  6  deniers.  (PI.  IX,  n*  S.) 

On  voit  que  sur  les  grandes  monnaies  d'or  et  d'argent  la 
légende  du  revers  est  le  complément  de  celle  du  droit,  et 
qu'il  faut  lire  en  une  seule  phrase  :  Virgo  Maria  protège 
civUatem  Savons. 

Les  caractères  S.  M  et  M.  S  signifient,  à  ce  que  pense 
H.  Promis,  Savons  moneta.  L'interversion  de  ces  lettres  ne 
servait  pas  à  distinguer  les  coins  des  monnaies  de  diffé- 
rentes valeurs,  puisqu'on  trouve  la  même  disposition  sur 
des  testons  et  des  demi-testons^  et  un  arrangement  différent 
pour  des  pièces  de  même  poids. 

En  1610,  la  ligue  formée  par  le  pape  Jules  II  parvint  à 
déposséder  les  Français,  et  ce  ne  fut  que  cinq  ans  plus 
tard  que  Savone,  un  instant  libre  puis  retombée  au  pouvoir 
de  Gènes,  fut  cédée  à  François  I"  par  le  doge  Ottaviano 
Fregoso. 

François  P'  (1516-1628). 

16.  +  VIRGO  MARIA  PROTEGE.  La  Vierge  assise. 

^  Fleur  de  lis,  CIVITATEM.SAVONAE.  Écu  de  la  viUe 
accosté  des  lettres  M.  S. 

Teslone.  Argent. 

16.  Mêmes  légendes.  Mêmes  types.  L'écu  est  accosté  des 
lettres  S.  M. 

Demi'testone.  Argent.  (PL  IX,  n»  A.  ) 


ET   DISSERTATIONS.  211 

17.  Mêmes  légendes.  La  Vierge  à  cheval  galopant  à 
droite  ;  au-dessous,  une  étoile. 

â  Écu  de  la  ville  accosté  des  lettres  S.  M.  Fleur  de  lis  en 
tète  de  la  légende. 
Cavallotto  ou  pièce  de  S  gros.  Argent.  (PI.  IX,  n<»  5). 

18.  Mêmes  légendes.  Mêmes  types.  Sans  étoile  dans  le 
champ  du  droit;  écu  de  la  ville  accosté  des  lettres  M.  S. 

Cavallotto.  Argent. 

19.  Fleur  de  lis,  GOMVNIS  SAONE.  Écu  de  la  ville. 

^  Fleur  de  lis,  GIYITATIS  SAONE.  Croix  fleurdelisée. 

Patacchina.  (PL  IX,  n»  6.) 

Ce  qui  distingue  le  testone  et  le  demi-teslone  de  Fran- 
çois P'  (pi.  IX,  n*  A)  de  la  monnaie  de  Louis  XII  (pi.  VIII, 
n"*  11),  c'est  que  l'on  n'y  voit  plus  de  fleurs  de  lis  dans  le 
champ  près  de  la  figure  de  la  Vierge. 

De  1522  à  1527,  la  possession  de  Gènes  fut  longtemps 
disputée  entre  la  France  et  l'Empire,  et  en  1528,  par  suite 
de  l'abandon  d'André  Doria,  qui  se  mit  au  service  de 
Charles-Quint,  François  I*'  perdit  définitivement  Savone. 
Animés  d'une  implacable  jalousie,  les  Génois  détruisirent 
ses  murailles  et  comblèrent  son  port^  Ainsi  finit  l'exis- 
tence poliUque  de  cette  ville ,  dont  les  monnaies  compte- 
ront désormais  parmi  les  monuments  les  plus  intéressants 
de  notre  histoire  nationale. 

Adrien  de  Longpériei. 

*  Monum.  Aûl.  patrùe,  scriptor.  t.  Il,  1889;  Gioffredo,  Stor.  delU  Âlpi  marU., 
col.  1273,  1283, 1289. 


212  MÉMOIRES 


DES  MONNAIES 

FRAPPÉES  EN  SICILE,  AU  XIIP  SIÈCLE,   PAR    LES 
SUZERAINS  DE  PROVENGE. 


1. 


Les  roid  de  Sicile,  suzerains  de  Provence,  dont  je  vais 
étudier  les  monnaies  siciliennes,  sont  : 

Frédéric  II,  empereur  d'Allemagne; 

Charles  I",  roi  de  Sicile. 

Sous  Frédéric  II,  la  Provence,  quoique  régie  par  des 
comtes  particuliers,  Ildephonse  II  et  Raymond  Bérenger  V, 
était  sous  la  suzeraineté  de  l'emperear  (1).  C'était  à  Fré- 
déric I"  que  les  Raymond  Bérenger  avaient  demandé,  au 
siècle  précédent,  et  c'était  de  lui  qu'ils  avaient  obtenu 
rinféodation  du  comté  de  Provence.  Sous  Frédéric  II,  une 
puissance  rivale  de  celles  des  comtes  provençaux,  l'arche- 
vèque  d'Arles,  tenait  toute  sa  force  et  tout  son  prestige  de 
son  titre  de  vicaire  de  l'empereur.  Celui-ci  savait,  à  l'oc- 
casion, faire  valoir  ses  droits  et  ses  prérogatives  suprêmes 
en  convoquant  autour  de  lui  le  ban  et  rarrière-ban  de  la 
province. 

*  Voir  au  sujet  des  monnaies  d'Orange  portant  le  nom  des  empereurs 
Henri  VI  et  Frédéric,  rarticlc  de  M.  Gcry,  Recu9  num.,  1861,  t.  VI,  p.  308. 


ET   DISSERTATIONS.  213 

Très-certainement  et  sans  l'ombre  d*un  doute»  les  rap- 
ports de  Frédéric  II»  surtout  avant  son  excommunication, 
sont  avec  la  Provence  d'un  souverain  vis-à-vis  d'une  pro- 
vince de  son  empire,  et  ceux  des  comtes  de  Provence  vis  à- 
vis  de  l'empereur  présentent  les  caractères  les  plus  essen- 
tiels du  vasselage. 

Hais  Charles  P'  vsdnquit  Mainfroi  et  Conradin  dans  les 
plaines  de  Sicile,  et  tandis  qu'il  faisait  mettre  à  mort  le 
dernier  héritier  de  Frédéric  II,  le  trône  de  ce  prince  était 
occupé  par  Richard  d'Angleterre,  beau-frère  du  comte  de 
Provence. 

Certes  Charles  !•'  était  alors  plus  fort  que  l'empereur,  et 
ses  États  plus  florissants  que  l'empire  d'Allemagne.  Il  ré- 
gnait en  maître  et  sans  reconnaître  aucune  suprématie  que 
celle  dont  aucun  prince  ne  pouvait  en  ce  temps  là  s'affran- 
chir, la  suzeraineté  du  Saint-Siège. 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu'en  1280.  Alors  Rodolphe 
de  Habsbourg  était  solidement  assis  sur  le  trdne  d'Alle- 
magne; ses  armées  étsdent  victorieuses,  son  influence  mo- 
rale immense.  Rodolphe  se  souvint  de  ses  droits  de  suze- 
rain de  Provence.  Il  aurait  pu  les  soutenir  les  armes  à  la 
main  ;  il  n'en  eut  pas  besoin,  et  d'un  accord  commun,  la 
Provence  fut  inféodée  par  l'empereur  au  comte  légitime,  le 
roi  de  Sicile. 

Frédéric  II  et  Charles  I*'  sont  les  seuls  rois  de  Sicile  qui 
aient  été  en  même  temps  suzerains  de  Provence  (car  je 
ne  puis  regarder  comme  tel  Conrad  IV  qui  n'a  jamais  joui 
ni  de  la  couronne  ni  des  prérogatives  impériales). 

Ces  deux  princes  sont  donc  les  seuls  dont  je  me  propose 
d'étudier  les  monnaies. 

Il  y  a  eu  au  xiii*  siècle  d'autres  suzerains  de  Provence, 
Guillaume  de  Hollande,  Richard  d'Angleterre  et  Rodolphe 


21A  MÉMOIRES 

de  Habsbourg;  mais  leurs  monnaies  n'ont  jamais  pénétré 
en  Provence.  Il  est  par  conséquent  tout  à  fait  superflu  de 
s'en  occuper  à  propos  de  numismatique  provençale. 

Mais  qui  ne  comprendra  tout  de  suite  qu'il  doit  en  être 
autrement  des  monnaies  siciliennes  de  Charles  I*'?  Le  siège 
du  gouvernement  de  ce  roi  était  en  Sicile»  et  c'est  de  là 
que  ses  ordres  furent  presque  toujours  expédiés  dans 
toutes  les  provinces  du  royaume.  La  Provence  ne  pourait 
pas  se  soustraire  à  la  domination  centralisatrice,  et  quoi- 
qu'elle fût  État  à  part,  avec  ses  coutumes,  ses  lois  et  ses 
monnaies  particulières,  il  n'en  existait  pas  moins  entre 
elle  et  le  gouvernement  de  Sicile  des  rapports  obligés  et, 
comme  conséquence,  la  Provence,  dut  sinon  s'assujettir 
tout  à  fait  aux  lois  et  aux  usages  de  Naples,  du  moins  en 
subir  l'influence  et  en  acquérir  la  connaissance  forcée. 

Tous  ces  eflets  sont  surtout  à  signaler  sous  Charles  II  et 
ses  successeurs  ;  mais  les  causes  en  sont  contemporaines 
de  l'établissement  de  la  race  d'Anjou  en  Sicile. 

Et  à  côté  de  ces  rapports  officiels  du  gouvernement  du 
roi  avec  ses  officiers  et  son  peuple  de  Provence,  n'y  ar-t-U 
pas  les  rapports  du  comte  de  Provence  avec  ses  sujets  de 
Sicile,  n'y  a-t-il  pas  les  rapports  internationaux  du  comte 
de  Provence  au  sujet  du  royaume  de  Naples,  avec  les  papes, 
par  exemple? 

Pour  préciser  un  fait  de  cette  dernière  nature  qui  nous 
ramènera  entièrement  vers  l'objet  particulier  de  cette 
étude,  n'y  a-t-il  pas  l'inféodation  du  royaume  de  Sicile 
en  faveur  de  Charles  1*%  exprimée  en  monnaies  du  pays  à 
conquérir? 

Charles  I"  n'était  pourtant  alors  que  comte  de  Provence, 
et  ce  furent  les  Provençaux  qui  fournirent  au  souverain 
ambitieux  les  premiers  fonds  à  payer  au  pape,  comme  ils 


ET    DISSERTATIONS.  216 

vinrent  plus  tard  au  secours  de  ses  successeurs  pour  li- 
quider les  arrérages  de  cette  terrible  rente. 

Les  monnaies  siciliennes  de  Charles  I*%  qui  furent  aussi 
celles  de  ses  successeurs  directs,  ont  donc  besoin  d'être 
rattachées  à  la  numismatique  provençale. 

Il  en  est  de  même  de  celles  de  Frédéric  II.  D'abord  elles 
ont  un  puissant  intérêt  pour  nous;  la  plupart  des  monnaies 
de  Charles  I*'  n'en  sont  que  les  suites  et  l'imitation,  mais 
ce  n'est  point  tout.  Il  n'en  était  pas  des  monnaies  impériales 
de  l'Allemagne  comme  des  monnaies  impériales  de  Sicile  : 
celles-là  venant  par  monts  et  par  vaux  n'arrivaient  pas 
jusqu'au  bord  du  Rhône;  celles-ci  traversaient  la  Médi- 
terranée sans  rencontrer  ni  fourneaux  de  fonte  ni  obstacles 
politiques. 

Aussi  étaient-elles  fort  connues  sur  les  côtes  de  Provence, 
et  les  banquiers  recherchaient  telles  de  ces  monnaies,  celles 
d'or,  par  exemple,  pour  en  faire  l'objet  de  nombreuses 
transactions  et  parfois  de  spéculations  véritables. 

Gela  est  si  vrai  que  les  statuts  de  Marseille  de  1228  con- 
sacrent un  article  à  nous  faire  connaître  le  change  de  l'once 
de  Sicile  en  monnaies  marseillaises,  et  que  l'once  figure 
plus  d'une  fois  dans  les  rares  contrats  commerciaux  qui 
nous  restent  de  cette  époque. 

Il  est  donc  utile  d'étudier  les  monnaies  siciliennes  de 
Frédéric  comme  étant  : 

l"  Celles  d'un  suzerain  de  Provence  ; 

2*"  Les  types  de  plusieurs  des  monnaies  de  Charles  I"; 

8*  Des  espèces  très-connues  et  parfois  très-recherchées 
sur  les  côtes  de  la  Provence. 

Je  tenais  à  prouver  qu'une  étude  ayant  pour  titre  celui 
de  cet  article  et  pour  objet  celui  que  je  viens  de  tracer, 
était  véritablement  un  travail  de  numismatique  provençale. 


216  MÉMOIRES 

Ceci  démontré,  j'aborde  ce  qui  fait  le  sujet  de  cette  étude. 

Les  monnaies  siciliennes  des  suzerains  de  Provence  doi- 
vent se  diviser  d'abord,  suivant  leur  matière,  en  monnaies 
d*or  et  d'argent. 

Les  monnaies  d'or  sont  : 

!•  L'once  S  j    ,  ,  i  j-  •  • 

^   ,         ,.        et  leurs  subdivisions. 
2»  Le  carlm  ) 

Les  monnaies  d'argent  sont  : 

1"  Les  deniers  de  Frédéric  II  \ 

2''  Le  carlin  au  salut  et  ses  subdivisions. 

L'étude  de  l'once  formera  le  premier  chapitre  de  ce  tra- 
vail. L'once,  en  effet,  fut  trouvée  en  Sicile  par  Frédéric  II. 
Elle  a  donc  la  priorité  sur  le  carlin  qui,  comme  l'indique 
son  nom,  est  de  la  création  de  Charles  I". 

Le  deuxième  chapitre  sera  consacré  à  l'histoire  des  di- 
verses émissions  des  deniers  siciliens  de  Frédéric  IL 

Dans  le  troisième  chapitre,  je  traiterai  à  la  fois  des  car- 
lins au  salut  d'or  et  de  ceux  d'argent,  dont  les  types  et  les 
légendes  sont  semblables,  et  que  Charles  I"  et  son  succes- 
seur Charles  II  ont  rarement  séparés  dans  leurs  ordon- 
nances monétaires. 

II. 

De  Vonce. 

Sous  Frédéric  II  et  Charles  I",  il  existait  en  Sicile  deux 
sortes  d'onces  qui,  bien  qu'ayant  une  même  valeur,  se 


>  L*once  est   une  monnaie    de    compte    formée  de  4  angustales  on  de 
30  tarins,  pièces  effectives  d'or. 


ET    DfôStRTATlONS.  517 

distinguaient  Tune  de  Tautre  par  les  différences  de  poids 
et  de  titres.  C'étaient  : 

!•  L'once  d'augustales; 
2*  L'once  de  tarins. 

§  i.  Onee  d'augustales.  —  L'augustale  est  une  pièce  d'or 
qui  rappelle  les  monnaies  des  empereurs  romains.  D'un 
côté  est  la  tête  ou  plutôt  le  buste  du  souverain  ;  de  l'autre, 
l'aigle  impériale,  et  c'est  en  ceci  surtout  qu'elle  est  de  son 
époque.  La  légende  des  premières  augustales,  c'est-à-dire 
de  celles  de  Frédéric  II,  est  tout  à  fait  romaine  :  César  Am- 
gH$tu$  impercUor  Romanorum  Fridericus.  Ces  pièces  tirent 
leur  nom,  conmie  on  le  voit,  du  deuxième  mot  de  cetie  lé- 
gende. On  frappa  aussi  des  demi-augustales. 

L'augustale,  d'après  le  témoignage  de  Richard  de  Saint- 
Germain,  était  le  quart  de  l'onceV  L'once  d'augustales  avait 
la  même  valeur  que  l'once  de  tarins,  car  l'augustale, 
d'après  Jean  Villani  *,  valait  1  florin  1/4  et  je  prouverai  que 
l'once  de  tarins  égale  5  florins. 

Le  titre  de  l'augustale,  d'après  les  documents  officiels  de 
l'époque  ',  est  de  0/7  d'or  pur.  Le  dernier  septième  est 
formé  d'un  alliage  de  3  parties  d'argent  et  d'une  partie  de 
cuivre. 

*  M  MCCXII,  xnense  junii^  quidam  Tliomas  de  Bardo,  civis  scalenais,  uovam 
*•  roonetam  auri  que  augustalis  dicitur,  ad  sanctum  Germanum  detulit  distri- 
"  buendam  per  totam  abbatiam  et  per  sanctum  Germanum,  ut  ipsa  moneta 
•<  utantnr  hominea  în  emptionibua  et  venditionibus  suis,  juxta  valorem  ei  ab 
M  Imperatore  constitutum,  ut  quilibet  nummus  aureus  recipiatur  et  expen* 
«  datur  pro  quarta  uncia,  sub  pena  personarum  et  rerum  in  Imperialibus 
«  litteris.  »  (Riccardo  di  San  Germano,  cité  par  Ugbelli,  Jtalia  sacra,  t.  III, 
col.  1016,  et  par  Vergara,  Monete  di  Napoli^  p.  16.) 

*  L'agostaro  d'oro  valea,  l'uno,  la  valuta  d*uno  florino  e  quarto  d'oro. 
(Jean  Villani,  Biitor.,  1.  6,  cap.  21.) 

'  Voir  le»  pièces  justificatives,  n*  1 ,  k  la  fin  de  cet  article. 

1864.— 3.  15 


21^  1lliU./!ftL= 

l/rs  aoeoscab^  Ai  Fr^«rric  II  sont  coinmiiMs  dass  les 
cabine»  poblir^  et  particuliers;  leur  poids«  en  moyeiiae» 

De«  trois  exemplaires^  de  l'angnstaie  de  Charles  I*"  dont 
noos avons  le  poids*,  l'an,  celui  de  Vienne,  pèse  S^'^lô  :  il 
Iais4>e  à  désirer  sous  le  rapport  de  la  conserratioo  ;  le 
deuxième,  celui  de  Paris,  pèse  b^,20:  le  troiâème.  celai 
de  Marseille.  5»',22.  Quelque  bien  conserrées  que  soient 
ces  deux  dernières  pi^^ces,  elles  n'ont  pu  venir  à  oous  avec 
leur  poids  primitif.  L'exemplaire  de  Marseille,  très-beau 
certainement,  a  ses  arêtes  un  peu  émoussées.  Il  en  est  de 
même  des  plas  belles  angustales  de  Frédéric  II.  On  peut 
évaluer  à  1/100  du  poids  actuel  la  quantité  de  poids 
perdu  par  le  fait  du  frottement  ou  par  toute  autre  caose,  et 
ce  1/100  du  poids  actuel  ajouté  à  ce  poids  donne  une 
somme  de  5»\27. 

L'once  d'or  d'augustales,  formée  de  quatre  de  ces  {Hèces, 
pesait  donc  Sl^'^OS,  dorft  18  grammes  d'or  pur,  2«',31  d'ar- 
gent pur  et  0«',77  de  cuivre. 

Je  dois  déclarer  que  j'entends  par  augustales,  non-seu- 
lement les  pièces  frappées  à  la  légende  de  César  Augustus, 
par  l'empereur  Frédéric  II,  mais  encore  celles  émises  par 
Charles  I*'.  L'exposé  historique  qui  suit  des  émissions  di- 
verses d'augustales  fera  connaître  les  motifs  de  cette  même 
dénomination  attribuée  aux  pièces  d'or  des  deux  princes. 

lies  premières  augustales  et  1/2  augustales  d'or  avaient 
déjà  cours  en  1212,  comme  le  prouve  le  passage  cité  plus 
haut  de  Richard  de  Saint-Germain,  qui  nous  donne  dans 
son  Chronicon  la  date  précise  d'une  des  émissions  posté- 

*  Un  quatrième  exemplaire  exista  à  Meanx,  daus  la  eollection  de  feu 
M.  Daity,  qui ,  comme  on  »nit ,  ent  devenue  inacoeosible  depuis  1S42,  époque 
do  ]ti  mort  de  cet  antiquaire  si  obligeant. 


ET    DISSERTATIONS.  219 

rieures  de  ces  monnaies.  En  décembre  1231,  dit-il,  ces 
pièces  d'or  que  l'on  appelle  augustalcs  furent  frappées  par 
ordre  de  l'empereur  dans  les  deux  ateliers  de  Brindes  et  de 
Messine  ^  D'après  ce  même  auteur,  ces  espèces  étaient 
usuellement  employées  dans  les  transactions  commerciales 
des  Siciliens. 

Tous  les  auteui-s  anciens  qui  ont  traité  des  monnaies  d'or 
du  moyen  âge  en  général  et  de  celles  de  l'empire  ou  de 
Naples  en  particulier,  ont  donné  des  représentations  de  ces 
augustales  de  Frédéric  *. 

Je  vais  parler  maintenant  de  celles  de  Charles  I". 

Suivant  une  opinion  généralement  accréditée  en  Italie  et 
on  France,  et  dont  M.  Carpentîn,  malgré  sa  sagacité  et  sa 
science  éprouvées,  devait  se  faire  l'écho,  car  elle  avait  été 
émise  par  des  auteurs  spéciaux  dont  l'autorité  fait  foi  jus- 
qu'à preuve  du  contraire,  Charles  I*'  aurait  fait  frapper  des 
augustales  d'or  pendant  un  an  (1266)  ;  puis  il  leur  aurait 
substitué  les  réaies  et  demi-réales  '. 

Les  pièces  au  buste  de  Charles  1"  des  cabinets  de  Vienne, 
Paris  et  Marseille  seraient,  toujours  d'après  la  même  opi- 
nion, non  pas  des  réaies,  mais  des  augustales  d'or. 

Quant  aux  réaies,  on  les  chercherait  vainement  encore. 

Eh  bien!  tout  cela  me  paraît  inexact,  et  voici  les  faits 
d'après  les  documents  du  lemps  : 

*  Mense  decembris  1231,  nummi  aurei  qui  vocantur  augustales,  de  mandato 

Imperatorifl  in  utraque  sida  BrunduBÎi  etMessanse  cuduntur ut  ipsa  moneta 

utantar  in  emptionibuB  et  venditionibus  suis,  juxta  valorem  ei  ab  Imperatore 
constitutnm,  ut  quilibet  nummus  aureus  recipiatur  pro  quarta  uncia.  (Rie.  a 
S.  Germ.,  Ckronicon.^  a*  1231.  ) 

«  Voir  Vergara,  Monets  del  regno  di  Napoli,  1715,  p.  15,  n*"  6  et  7.  —  Mura- 
tori,  dans  le  recueil  d'Argelati,  t   I,  1750,  tab.  XXVII,  n*'  8  et  9. 

>  Rsvuê  num.,  nouvelle  série,  t.  V,  1860.  Qutlqust  monnaitê  des  princes  de  la 
maison  d'Anjou,  par  M,  Carpentin,  p.  214  et  suiv  ,  pi.  X,  n»  5. 


220  .m^:moires 

lin  y  apas  à  proprement  parler  d'angustale  de  Charles  !•', 
car  ce  prince  substitua  les  réaies  aux  augustales  dès  son 
avènement  réel  au  trône,  et  les  registres  cotés  1280  C  (f*  6) 
et  1276  A  (f*  106)  des  archives  de  Naples  prouvent  jusqu'à 
la  dernière  évidence  que  dès  le  15  novembre  1266  on 
avait  commencé  à  frapper  des  réaies  à  l'atelier  de  Barletta 
et  vers  le  même  temps  à  celui  de  Messine  *. 

En  eiTet,  aux  monnaies  d'un  roi  le  nom  de  royales  ou 
réaies  convient  seul,  et  celui  d'augustale  ne  peut  désigner 
que  les  pièces  d'un  empereur. 

Mais  de  même  que  journellement  on  applique  la  déno- 
mination, ancrée  dans  l'usage,  de  louis  aux  pièces  de 
20  fr.  de  Napoléon,  qu'on  devrait  appeler  des  napoléons^ 
de  même  au  xiii*  siècle,  la  nouvelle  appellation  de  réale 
ne  prévalut  pas  sur  celle  d'augustale,  et  ce  dernier  nom 
servit  à  désigner  indifféremment  les  sous  d'or  de  Frédéric  II 
et  de  Charles  1". 

Cet  abus  de  locution  se  glissa  même  dans  les  chartes 
officielles  émanées  de  la  cour  d'Anjou.  Je  citerai  notam- 
ment la  défense  faite  par  Charles  II  d'exporter  de  Sicile 
l'or  et  l'argent  en  lingots  ou  monnayés  autres  que  les  au- 
gustales et  carlins*. 

Je  me  souviens  aussi  d'avoir,  dans  un  diplôme  de  Jeanne, 
vu  la  mention  des  augustales  de  Charles  I",  et  du  vivant 

'  Syllabw  membranarum^  t.  I,  p.  15,  note  3.  Cette  uotc  seule  rendrait  inad* 
missible  la  critique  qu'a  taiU  le  prince  San  Giorgio  Spinelli  des  travanx  de 
Fuaco  et  de  Gen"  Chiarito  ayant  pour  but  de  fixer  à  1266  la  date  de  Tordon- 
nance  de  fabrication  des  réalcs,  et  l'hypothèse  émise  par  le  même  savant 
qn*uno  émission  à*augu9talei'Caroïines  dut  avoir  lien  on  1266,  et  que  ces  pièces 
cessèrent  d*9tro  fabriquées  en  1267  ponr  faire  place  aux  réaies.  —  Voir  M<meU 
cuficht,  etc.,  p.  211. 

•  Archive»  dt-s  Bouches  du- Rhfine,  B.  146.  —Voir  aux  pièces  justiicatîves, 
n-2. 


ET    DISSERTATIONS.  221 

même  de  ce  roi,  ses  réaJes  étaieut  appelées  auguslales  par 
ses  propres  officiers,  coumio  le  prouve  une  charte  de  1278 
des  arcliives  de  la  cour  des  comptes  de  Naples  \ 

Nous  pouvons  donc  très-bien  nous  conformer  à  l'usage 
de  ce  temps-là,  consacré  par  les  documents  les  mieux  in- 
formés, et  continuer  à  appeler  les  réaies  de  Charles  I",  des 
auguslales^  tout  comme  celles  de  Frédéric  II. 

Il  est  probable  que  Charles  I"  cessa  de  faire  frapper  ses 
auguslales  vers  1278,  loi*squ'il  commença  à  émettre  des 
carlins  et  des  12  carlins  d'or. 

^'  2.  Once  de  tarins.  —  L'once  de  tiirins  on  ad  pondus 
générale^  n'a  pas  été  mentionnée  dans  les  comptes,  seule- 
ment sous  Frédéric  II  et  Charles  I",  mais  aussi  sous  les 
successeurs  de  ce  prince. 

Son  titre  était  de  16  carats  1/3  ou  de  49/72,  c'est-à-dire 
d'un  peu  plus  de  2/3  d'or  pur.  Le  troisième  tiers  était  un 
alliage  de  3  parties  d'argent  et  d'une  partie  de  cuivre. 

Son  poids,  d'après  une  ordonnance  royale  adressée  au 
directeur  de  l'atelier  monétaire  de  Naples  %  était  celui  de 
8  carlins  d'argent. 

1  Voici  Tanalyse  do  cette  charte,  d'après  le  Syllabuê  membratiarum,  t.  I, 
p.  170  :  Rex  mandat  Guidoni  de  Alamania,  jostitiario  Capitanatie,  ut  de  pretio 
novae  denariomm  monetœ  solvat  Martino  de  Dordano  et  Johanni  Pinzastro, 
statntis  super  officio  graffi  hospitii  sui  uncias  auri  300,  cxhibendo  cîs  augut- 
taUs,  "  29  octobre  1278. 

**  Diodati,  qui  a  écrit  des  choses  vraies  sur  les  onces  de  tarins  et  dont  les 
opuscules  de  numismatique  sont  aujourd'hui  encore  trës-cstimés  en  Italie,  a 
publié  deux  ordonnances  royales  de  Charles  I*'  relatives  à  la  fabrication  de 
tarins  dans  les  ateliers  de  Messine  et  de  Barletta.  —  Ces  ordonnances,  adres- 
sées aux  directeurs  des  deux  ateliers^  sont  toutes  les  deux  de  Tan  1267.  £lle» 
se  trouvent  dans  le  mémoire  intitulé  :  IllustrasioM  délie  monete  che  si  nominano 
nelle  costitusioni  dell»  Due  Sicilien  inséré  dans  les  Actes  de  l'Académie  royale 
des  sciences  et  lettres  de  Naples,  depuis  sa  fondation  jusqu'en  1787.  —^Naples, 
1788.  —  !•'  vol  ,  p.  330. 


222  5!£A10IRE^ 

Le  carlÎD  d'argent  est  commun  dans  les  cartons  des  du* 
mismatistes  provençaux.  Quand  il  est  bien  conservé,  il  pèse 
au  plus  3b%20,  auxquels  il  faut  additionner  le  J  /lOO  de  ce 
poids  forcément  perdu  par  reffet  de  l'usure. 

Le  poids  du  carlin  neuf  eût  donc  été  de  3«',23. 

Celui  de  l'once  est  par  conséquent  de  25«',85\  dont 
17«',60  d'or  pur,  6»%20  d'argent  et  26%05  de  cuivre. 

Sous  Charles  II,  les  mandements  royaux  de  payement 
des  traitements  et  pensions  des  ofiiciers  du  roi  en  Provence, 
furent  pour  la  première  fois  exprimés  en  onces.  Le  tréso- 
rier de  la  cour  royale  d'Aix  ne  connaissait,  par  hasard,  en 
fait  de  monnaies  d'or,  que  les  florins  de  Florence;  il  ne 
savait  comment  payer  en  florins  une  somme  exprimée  en 
onces.  Le  roi  fixa,  et  ce  taux  fut  dès  lors  invariablement 
adopté,  le  taux  du  change  de  l'once  à  5  florins  de  Florence. 

Le  florin  de  Florence,  bien  conservé,  pèse  actuellement 
tout  au  plus  3»',52,  auxquels  il  faut  joindre  le  1/100  du 
poids  enlevé  par  l'usure.  Son  poids  vrai  est  donc  de  3^',55. 
Son  titre  est  à  2&  carats.  Les  ô  florins  contenaient  donc 
178',75. 

Le  roi  gagnait  au  change  environ  la  60*  partie  de  l'once, 
en  donnant  des  florins  de  Florence  au  lieu  de  tarins  pour 
représenter  cette  monnaie  royale  de  compte. 

§  3.  —  En  résumé,  et  en  adoptant  pour  base  de  mes 
opérations  les  chifl*res  des  tarifs  ofiiciels  français  du  6  juin 
1803,  du  1"  juillet  1835  et  du  1"  octobre  1849,  d'après 
lesquels, 

1"  Le  kilogramme  d'or  pur  vaut  en  monnaies  françaises 
et  actuellement  :  3,A/iâ  fr.  AA  c.  ; 

«  3,23X8  =  25,84. 


ET    DISSEKTATiOiNS.  223 

2'  Le  kilogramme  d'argent  pur  vaut  222  fr.  22  c,  je 
dois  fixer  les  valeurs  des  ouccs  d'augustales  et  de  tarins, 
ainsi  qu  il  suit  : 

!•  Once  d'augustales, 

Les  18  grammes  d'or  pur  valent  62  fr.  « 
Les  2«%31  d'argent  pur  —  0  51 
Les    0«',77  de  cuivre  —       0      004 


Total.  ...     62  fr.  614 

L'once  d'augustales  vaudrait  donc  aujourd'hui  en  mon- 
naies françaises  62  fr.  50  c. 

2*  L'once  de  tarins  se  compose  : 

De  17B',60  d'or  pur  valant.  .  .  60  fr.  62 
De  6«',20  d'argent  pur  valant.  1  37 
De    2»',06  de  cuivre  —        0      012 


Total.   ...     62  fr.  002 

L'once  de  tarins  vaudrait  donc  aujourd'ui  en  monnaies 
françaises  62  fr.,  c'est-à-dire  0'%50  de  moins  que  l'once 
d'augustales. 

Cette  différence  tient  à  ce  que  l'argent  valait  alors  à 
Naples,  dix  fois  moins  que  l'or,  tandis  qu'il  ne  vaut  aujour- 
d'hui eu  France  que  quinze  fois  moins  environ. 

Pour  obtenir  le  chiffre  vi*ai  de  la  valeur  absolue  de  Tune 
et  de  l'autre  onces,  il  faut  ajouter  aux  chiffres  obtenus  ci- 
dessus  de  62'', 50  et  62  fr.,  la  plus-value  au  xiii*  siècle  de 
leur  alliage  d'argent,  soit  0'',25  à  la  valeur  actuelle  de 
Fonce  d'augustales  qui  contient  0^',51  d'argent,  et  0^%68 
à  celle  de  l'once  de  tarins  qui  contient  l'',37  d'argent. 

On  aura  donc  pour  la  première  once  62^% "6,  et  pour  la 
deuxième  (tarins)  62^',68. 


La  diOereuce  exacte  eutre  U^  valeurs  réelles  des  deux 
onces,  aa  ii ir  siècle,  D'étah  par  conséqoest  que  de  0^»09* 

3  &'  —  H  me  parait  opportoo,  comme  conclusioD  prnti* 
que ,  de  dire  ce  que  je  pense  du  rang  à  domier  dans  le  st$> 
tème  monétaire  des  onces,  à  trois  petites  pièces  d*or  de 
notre  cabinet  de  médailles  de  Marseille,  qui  se  rattachent 
évidemment  i  ce  sjstème. 

La  première,  désignée  jusqu'à  ce  jour  par  les  nnmisma- 
tistes,  même  les  plus  compétents  \  sous  le  nom  de  faro, 
pèse  A'',  10.  On  voit  qu  elle  a  perdu  une  partie  de  son  poids, 
20  c.  peut-être,  car  la  lime  a  délicatement  effleuré  le  relief 
des  extrémités  de  son  grand  K  (karolus) .  Il  suffit  de  Texa- 
miner  pour  reconnaître  que  son  or  est  d'un  titre  peu  élevé. 

La  deuxième,  de  même  apparence  et  ornée  du  même 
grand  K,  pèse  1^,70.  Elle  est  bien  conservée.  La  Revue 
mimismatique  l'a  publiée  sous  le  nom  de  demi-taro. 

La  troisième,  de  facture  française,  c'est-à-dire  plate  et 
telle  que  nos  monnaies  ordinaires  du  moyen  âge  (tandis  que 
les  deux  autres  sont  des  globules  d'or  aplatis) ,  est  en  parfait 
état  de  conservation,  et  pèse  deux  fois  moins  que  la 
deuxième  et  cinq  fois  moins  que  la  première,  considérée 
comme  ayant  un  poids  primitif  de  &i^,30,  au  lieu  de  son 
poids  actuel  de  â*',10- 

Elle  pèse  donc  0»',86,  c'est-à-dire  qu'elle  a  le  trentième 
du  poids  de  l'once  de  tarins. 

Cette  pièce,  qui  n'a  pas  reçu  de  nom  spécial  dans  les  di- 
verses publications  qu'on  en  a  faites  et  qui  logiquement 


>  Voir  Bivue  num,,  1860,  t.  V,  p.  214,  et  pi.  X,  n"»  1  à  7.—  Prince  San 
Giorgio  SpiuoUi,  Momit  dei  principi  Longobardi  Sormanni  e  Suevi^  p.  2Jf2  et 
•uiv. 


ET   DISSERTATIONS.  225 

devait  y  être  nommée  quarto  di  taro^  esi  tout  simplement 
Tunité  du  système  oncial,  le  tarin  \ 

La  médaille  pesant  l6',70  est  un  double  tarin  et  non  un 
mezzo  tara. 

Enfin  le  spécimen  pesant  à^AO  et  anciennement,  sui- 
vant toute  probabilité,  4^,30,  n'est  pas  un  taro^  mais  une 
pièce  de  5  tarins. 

l*»  Pièce  de  5  tarins 

2*»  Pièce  de  2  tarins  ou  double  tarin  }  de  Charles  I*'. 
3«  Tarin 

Tels  sont  les  valeurs  et  les  noms  des  fractions  d'once 
existant  au  cabinet  de  médailles  de  Marseille. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

I.  De  moneta  que  laboratur  in  siclis  (Sicilic). 

S  1.  —  Aurum  tarenorum  quod  laboratur  tam  in  sicla 
Brundisii  quam  in  sicla  Messane,  est  de  caratis  xvj  et  ter- 
cia,  ita  quod  quelibet  libra  auri  unciarum  duodecim,  tenet, 
de  puro  et  fino  auro,  uncias  octo,  tarenos  quinque  ;  reli- 
que vero  uncie  auri  très  et  tareni  viginti  quinque  sunt  in 
quatema  parte  de  ère  et  in  tribus  partibus  de  argento 
novo. 

S  2.  —  Augustales  auri  qui  laboraiiLur  in  predictis  si- 
clis fiunt  de  caratis  viginti  et  medio,  ita  quod  quelibet 
libra  auri  in  pondère  tenet,  de  puro  et  fino  auro  uncias  x, 

>  Le  Cabinet  impérial  des  médailles  possède  un  <artn,  moins  bien  conservé 
que  celui  de  Marseille,  et  dont  le  poids  est  de  0*',85. 


220  MÉMOIRES 

tarenos  vij  ;  reliqua  vero  uncia  una  et  lareui  xxij  et  médius 
sunt  in  quarta  parle  de  ère  et  îd  tribus  partibus  de  argeoto 
fino,  sicut  in  tarenis. 

§  3.  —  Consuevit  autem  curia  recipere,  pro  qualibet 
uncia  tam  tarenorum  quam  augustalium  qui  labora[Q]tur 
in  predictis  siclis  gr.  xv  1/2.  Verumtamen  mercator  qui 
facit  laborari  aurum  suum  in  siclis  ipsis,  prêter  gr.  xv  1/2, 
débet  solvere  alia  grana  quatuor  et  médium  pro  qualibet 
uncia  quam  laborari  facit  in  siclis,  pro  expensis  que  fiunt 
in  labore  uncie  cujuslibet.  Servatur  tamen  sibi  electio  an* 
velit  dare  curie  predicta  grana  auri  quatuor  et  médium^ 
pro  expensis,  et  tune  curia  facit  expensas,  an  velit  ipsas 
expensas  de  suo  proprio  facere  in  labore  uncie  ipsius,  et 
tune  non  débet  curie  quatuor  predicta  grana  et  médium, 
sed  XV  gr.  1/2  tantum,  pro  qualibet  uncia,  et  mercator  ipse 
facit  expensas  de  suo  proprio. 

S  4. — Marcum  argenti,  secundum  quod  in  regno  utimur, 
est  pondus  unciarum  octo  ad  unciam  argenti,  que  uncia 
pondérât  plus  quam  uncia  auri  in  décima  parte,  et  sic  quod 
libet  marcum  *  argenti  quod  pondérât  uncias  viij,  ad  uncias 
argenti,  pondérât  et  tarenos  xxiiij  ad  rationem  uncie 
auri. 

(  Formulaire  d'ordonnances  à  l'usage  des  rois  de 
Sicile.  — Arch.  desBouches-du-Rliône,  série  B, 
n«  269,  fol.  61,  r.) 

*  Par  erreur  le  manuscrit  porte  ac. 

'  Au  lieu  de  quodlibel  marcum  ^   le  manuscrit   porte  par  erreur    queltiet 
uncia. 


ET   DISSERTATIONS.  227 

II.  Défense  par  Charles  II  d'exporter  de  Sicile  tout  lingot  et 
toute  monnaie  d'or  et  d'argent  autre  que  les  augusiales  et  les 
carlins» 

Karolus,  etc.,  — tali,  etc. 

De  fide,  prudencia  et  legalitate  tua  confisi  te  magistrum 
passuum  Aprucii,  mortuo  nuper  tali^  olim  magistro  ipso- 
rum  passuum,  usque  ad  nostrum  beneplacitum,  duximus 
statuendum.  Fidelitati  tue  mandamus  quoi 

Preterea,  cum  in  siclis  nostris  monetas  aureas  et  argen- 
teas,  bonas,  légales,  rectas  et  expendibiles  pro  statuto  et 
consueto  valore  ipsarum  fieri  et  cudi  faceremus,  quibus 
mercatores  et  alii  ad  exponendum  eas  in  mercacionibus  et 
aliîs  eorum  negociis  uti  possint  et  debent  se  raerito  repu- 
tare  contentos  in  quibus  cudendis  et  fieri  Taciendis,  ut  mer- 
catores et  alii  eas  cum  argento  et  auro  eorum  cambire  vo- 
lentes,  copiam  ipsam  monetarum  habere  possint,  sicut  de 
mandato  nostro  continue  diligenter  et  studiose  procederet, 
diligentem  curam  facimus  adlnberi;  propter  quod  per 
omnes  et  singulas  terras  tocius  regni  nostri  Sicilie  publice 
fecimus  per  justiciarios  nostros,  voce  preconia  inhiberi  et 
arcius  interdici  quod  nullus  mercator  scu  quilibet  alius, 
cujuscunque  condicionis  existât,  aliud  aumm  et  argentum 
laboratum  seu  non  laboratum,  sive  in  virgis  aut  placlis^ 
dupplis  florenis  vel  qualibet  alîa  specie  seu  manerie,  per 
mare  vel  per  terram,  nisi  tantum  Carolenses  nostros  aureos 
et  argentées,  et  medaleas  ipsorum  et  Augusiales  extrahere 
quoquomodo  présumant,  sub  pena  amissionis  tocius  alte- 
rius  auri  et  argent!  quod  extrasserit  {sic)  contra  ipsius 
nostre  prohibicionis  edictum ,  nostro  erari  applicanda  ; 
quocirca  volumus  et  districte  tibi  precipiendo  mandamus 


228  MKMOIRES 

quod  omues  et  singulos  passus  predictos  sic  fideliter  et 
diligenter  custodias  et  facias  custodiri  quod,  contra  iuhibi- 
cionetn  predictam,  ut  dictum  est,  nullum  aliud  aurum  et 
argentum  laboratun  vel  non  laboratum,  sive  in  virgîs,  aut 
plactis,  duplis  florenis  autqualibet  alia  specie  aut  manerie, 
nisi  tantum  predicti  CarolenseSi  et  Augustales  et  medaleas 
ipsorum  per  passus  predictos  ab  aliquibus  quomodo  lîbet 
extrahantur.  — Et  si  aliquos  ipsius  inhibicionis  nostre  con- 
tigerit  intercipi  transgressores,  totum  aurum  et  argentum 
ipsum  prohibitum  extrahendum  per  eos  et  intercipiendum 
apud  quoscumque  laboratum,  exceptis  tamtum  predictis 
Carolensibus  nostris  aureis  et  argenteis  eimedaleis  ipsorum 
et  Auguslalibu$i  pro  parte  Curie  nostre  recipias  et  ad  ca- 
meram  nostram  Gastri  Salvatoris  ad  mare  de  Neapoli,  prout 
illud  ceperis,  debeas  destinare  cum  litteris  tuis  continen- 
tibus,  vice  qualibet,  quantitatem  et  qualitalem,  speciem  et 
maneriem  ipsius  argenti  et  auri  quod  miseris,  ac  ubi  et 
a  quibus  fuerit  interceptum  et  nichilominus  illud  idem  ma- 
gistris  racionalibus  magne  Curie  nostre  per  tuas  licteras, 
vice  qualibet,  destinabis.  Datum,  etc. 

(Formulaire  d'ordonnances  des  rois  de  Sicile.  — 
Arch.  des  Bouches-du-Rhône ,  série  B ,  n*  269, 
fol.  10,  V'.  ) 


III.  Lettres  patentes  de  Charles  II  établissant  Véquivalent  de 
Vonce  monétaire  d'or  de  Sicile  en  carlins  d'argent  et  en  florins 
doTy  pour  V usage  dit  trésorier^  dans  le  payement  des  gages  des 
offiders  de  ce  pays. 

KAnoLUS  SEGUNDUs,  Dci  gracia  rex  Jérusalem  et  Sicilie, 
ducatus  Apulie  et  Principatus  Capue ,  Provincie  et  For- 
calquerii  cornes,   Raynaldo  de   Lecto^   militi,  senescallo 


LT    DISSERTATIONS.  22^ 

comilaiuiiin  Provincie  et  Forcalquerii,  et  PhUif^po  de  Roca- 
maura,  receptori  et  expensori  fiscalis  pecunie  in  comita- 
tibus  supradictis,  familiaribus  et  fidelibus  suis,  graciam 
suam  et  bonam  voluntatem. 

Ex  insinuatione  judicis  Santori  de  Boconto  primarum 
appellacionum  judicis  in  comitatibussupradictis,  familiaris 
et  fidelis  nostri,  accepimus  quod  vos,  in  solucione  gagiorum 
ipsius,  prout  babetis  per  alias  nostras  litteras  in  noandatis, 
difficultatem  ingeritis,  in  dubium  revocando  ad  quam  ra- 
cionem  de  moneta  currenti  in  partibus  ipsius  uncia  debeat 
computari,  pro  eo  quod  per  litteras  ipsas  gagia  exprimun- 
lur  ad  uncias,  Vosque  propterea  utimini  mandato  nostro 
pridem  vobis  directo  super  solucionibus  pecunie  faciendis 
quibuslibet  ad  litteras  nostras,  in  quo  continetur  quod  si 
littere  ipse  dirigende  propterea  simpliciter  exprimant  uncias 
auri  ponderis  generalis,  solvere  debetis,  pro  qualibet  un- 
cia, de  pecunia  in  partibus  ipsis  currenti  quantum  contingit 
pro  valore  carolensium  argenti  LX,  sicut  in  hiis  partibus 
similiter  curia  nostra  solvit,  cum  predicli  carolenses  LX 
valeant  et  facianl  quamlibet  unciarum  ipsarum;  quare  vo- 
lumus  et  mandamus,  ut  predicto  nostro  mandato  seu  quo- 
libet alio  contrario  nonobstante,  gagia  predicti  judicis  pro 
preterito  tempore  quo  debentur  et  in  antea*  pro  futuro, 
intelligatis  fore  solvenda  et  solvere  debeatis  ad  racxonem 
de  V  florenis  auri  per  unciam^  vel  valorem  florenorum 
ipsorum  prout  communiter  in  ipsis  partibus  expenduntur 
(sic).  Mandamus  insuper  ut  eidem  judici  pro  cuidam  {sic) 
duorum  equorum  suorum  mortuorum  in  serviciis  nostris, 
iter  Janue  prosequendo,  uncias  auri  octo  predicti  ponderis, 
qualibet  uncia  computata  pro  florenos  auri  quirkqne  vel  va- 

1  Le  manuscrit  porte  aucta. 


230  MEMOIRES 

lorc  ipsorum ,  de  quacumquc  fiscali  pecunia  que  est  vel 
erit  per  manus  vestras,  reraotis  dilationis  et  occasionis  an- 
fractibus,  cuni  integritate  solvatis,  apodixam  exinde  recep- 
turî,  mandato  aliquo  in  contrariura  nonobstante.  In  solu- 
tione  autem  gagiorum  predicti  judicis  laliter  Vosprocedere 
volumus,  videlicet  :  quod  usque  per  totum  mensem  novem- 
bris  proxime  preterituni  indictionis  preseotis,  gagia  ad 
racioDeiu  quam  déclarant  alie  littere  quas  habetis  pro  eo, 
et  de  primo  decembris  proxime  preterîti  usque  nunc  et  in 
antea,  ad  racionem  de  unciis  auri  sexaginta  ponderis  ge- 
neralis,  per  annum,  compulatis  quinque  floreiUs  vel  valore 
ipsorum,  pro  uncia^  ut  prefertur,  de  predicta  fiscali  pe- 
cunia solvere  procureris,  apodixas  exinde  recepturi.  Datum 
Neapoli,  per  magistros  racionales  magne  curie  nostre, 
anno  Domini  S^CCC'*!",  die  xvij  julii,  xiiij*  indictionis, 
regnorum  nostrorum  anno  septimo  decimo. 

(Ordonnances  des  rois  de  Sicile.  —  Arch.   des 
Bouches-du-Rhône,  série  B,  n»  264,  p.  31.) 

Louis  Blângârd. 

(  La  sxiUc  à  une  prochaine  livraison.) 


CHRONIQUE. 


Ucux  dépôts  monétaires  ont  été  découveris ,  il  y  a  peu  <le 

u  dans  le  canton  de  Saint-Aignan  (Loir-et-Clier). 

premier  était  composé  de  plus  de  GOO  de  ces  deniers,  si 

tus,  deGîen  et  de  Déols,  qui  formaient  la  presque  totalité 

it  dépôt  plus  considérable,  décrit  dans  la  Ifcvue  munisma- 

^ve  de  1839,  p.  129  à  1  i2.  Ils  ont  été  attribués  à  Geoffroy  III, 

k^nrur  de  Gien  et  de  Donzy,  el  aussi  de  Saint-Aignan  (1120- 

iOO),  H  à  Raoul  Vil,  prince  de  Déols,  seigneur  de  Chàteau- 

iioiil  ou  ChAteauroux  (M6I-1176).  On  sait  combien  le  mon- 

ùiyage  de  ces  deux  grands  feudataires  fournit  de  découvertes 

^liumismatiques  qui  le  signalent  comme  un  des  plus  actifs  de 

rëpoque  féodale. 

Le  dépôt  dont  nous  nous  occupons  aujourd'hui  a  été  trouvé 
dans  le  domaine  de  Saint-Lazare^  conmume*de  Noyers^  qui  ap- 
partient à  l'hospice  de  Saint-Aignan  et  était  une  ancienne  mala- 
drerie,  comme  l'indique  son  nom.  La  chapelle,  édifice  intéres- 
rcssant  du  xi'  siècle,  subsiste  encore  et  sert  de  grange  mainte- 
nant. Les  monnaies  étaient  renfermées  dans  un  pot  do  terre 
commune,  sans  vernis,  enfoui  sous  le  seuil  d'une  |)orte  do  com- 
mimication,  depuis  longtemps  murée,  appartenant  à  la  maison 
de  radministrateur-bénériciaire,  ou  commandataire  de  la  mala- 
drerie.  C'était  peut-être  alors  tout  l'argent  monnayé  de  Tétablis- 
8ement,etilavait  été  probablement  caché  vers  la  fin  du  m' siècle, 
lorsque  les  Français  et  les  Anglais  se  disputaient  la  possession 
des  villes  du  Beri'y,  qui  relevaient  du  duché  d'Aquitaine. 

Ce  dépôt  est  conservé,  presque  en  entier,  à  l'hospice  de  Saint- 
Aignan;  M.  A.  Péan  a  fait  le  catalogue  des  monnaies  qu'il  con- 
tenait et  n'y  a  trouvé  aucune  variété  nouvelle.  Il  rappelle  celui 


232  CHRONIQUE. 

dont  nous  avons  donné  ladescriptiondnns  la  /?et;2/e  de  1839;  mais 
il  ne  s'y  est  pas  trouvé  de  ces  curieuses  pièces  de  Richard-Cœur- 
de-Lion  frappées  à  Issoudun  et  de  Philippe-Auguste^  frappées  h 
Déols  qui  enrichissaient  le  trésor  découvert  à  Châtillon-sur-Cher. 

Le  deuxième  dépôt  présente  un  peu  plus  d'intérêt,  en  ce  qu'il 
nous  aide  à  fixer  la  date  des  monnaies  de  Saint-Aignan,  au  type 
chartrain,  qui  sont  toutes  anonymes.  11  a  été  découvert  à  Saint- 
Aignan  même,  dans  les  ruines  d'une  maison  de  la  rue  de  la 
Championnerie;  il  se  composait  de  12  de  ces  deniers  sans  nom 
de  prince^  très-bien  conservés,  et  d'un  treizième,  au  nom  de  Phi- 
lippe!", roi  de  France  (1060-1108).  Ce  denier,  à  fleur-de-coîn, 
frappé  à  Orléans,  est  semblable  à  celui  qu'a  figuré  Le  Blanc  au 
n"  12  de  la  pi.  de  la  page  156,  ce  qui  donnerait  à  nos  deniers 
anonymes  la  seconde  moitié  du  xr  siècle  pour  l'époque  de  leur 
émission.  Ils  auraient  donc  été  frappés  sous  Geoffroy  II,  de 
Donzy,  seigneur  de  Saint-Aignan,  de  1056  à  1112;  cependant 
comme  ils  ont  un  peu  plus  de  frai  que  le  denier  de  Philippe, 
rien  ne  s'oppose  à  leur  attribution  à  Hervé  P'  (1037-1055),  pré- 
décesseur de  Geoffroy  IL  Cartier  pensait  que  les  premiers  deniers 
de  Saint-Aignan  avaient  pu  être  frappés  par  Geoffroy  I"  (1020- 
1037),  pressé  de  jouir  du  droit  de  monnayage  qui  lui  avait  été 
concédé  sans  doute,  avec  son  château,  par  Eudes  II,  comte  de 
Blois^  Mais,  comme  il  le  remarque,  ces  monnaies  paraissent 
presque  toutes  de  la  même  époque*. 

Dans  le  dépôt  monétaire  découvert  à  Châteaurenaud,  en  1831 , 
et  recueilli  par  nous,  trois  deniers  de  Philippe  P%  frappés  à  Or- 
léans ,  furent  aussi  trouvés  mêlés  aux  deniers  anonymes  des 
comtes  de  Blois,  qui  formaient  le  surplus  de  la  trouvaille'. 

L.  D.  L.  S. 

*  C'est  par  erreur  que  Cartier  et  M.  Poey  d'Avant,  qui  l'a  suivi,  ont  dit 
Thibault  II  au  lieu  de  Eudes  II. 

*  Cf.  la  Thaumassière,  Hist,  de  Btrry,  p.  678.  —  Cartier,  Bévue  nuwi.,  1845, 
p.  367.  —  Poey  d'Avant,  Monn,  féod.  de  France,  t.  I,  p.  292. 

*  Voy.  Revue  num.y  1845,  p.  123. 


CHRONIQUE.  233 

Arrêté  du  suprême  Conseil  d'État  du  royaume  de  CorsCf  fixant  la 
valeur  des  monnaies  en  usage  dans  l'île ,  traduit  de  Titalien  et 
publié  |)ar  MM.  Alexandre  Grassi  et  Henri  âlxapitaine. 

M.  Ë.  Cartier  a  publié  dans  ce  recueil  %  il  y  quelques  années» 
une  notice  détaillée  sur  les  monnaies  frappées  en  Corse  par  le 
roi  Théodore  (baron  de  Neuhof),  et  le  gouvernement  présidé 
par  le  général  Pascal  Paoli.  Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  ce 
mémoire  très-exact  au  point  de  vue  numismatique,  mais  auquel 
on  peut  reprocher  diverses  erreurs  historiques  et  des  apprécia- 
tions souvent  erronées  au  moins  en  ce  qui  concerne  le  caractère 
du  législateur  Paoli.  Ces  erreurs»  hâtons- nous  de  le  dire,  tiennent 
surtout  à  ce  que  Thonorablc  M.  Cartier  n'avait  pu  consulter 
les  sources  originales  et  avait  emprunté  ses  jugements  aux  ou- 
vrages les  plus  passionnés  de  l'époque.  Il  nous  a  paru  intéressant 
de  compléter  le  mémoire  de  ce  savant  numismatistc  par  la  pu- 
blication du  document  suivant,  émané  du  suprême  Conseil  d*État 
d  u  royaume  de  Corse  *,  qui  fixe  la  valeur  des  monnaies  ayant 
alors  cours  dans  Tile.  Cette  décision  du  Conseil  suprême  nous 
parait  laver  compléten^ent  Paoli  du  reproche  qui  lui  a  été  fait 
d'avoir  cherché  à  s'enrichir  par  le  change  des  monnaies  natio- 
nales avec  les  pièces  étrangères,  et  d'avoir,  au  moyen  de  ce 
trafic,  «  volé  plus  de  cent  mille  écus  '.  » 

A  tous  égards,  c'est  une  pièce  curieuse  pour  l'histoire  numis- 
matique de  la  Corse. 

1  Bévue  num,,  1B42,  p.  193  et  suiv. 

'  Paoli  avait  créé  un  conseil  d*Etat  qu'il  appela  conseil  suprême  de  la  na- 
tion (  Coi\8igUo  supremo  del  regno  di  Corsica  ),  Ce  conseil  était  chargé  de  faire 
les  règlements  d'intérêt  public  et  de  traiter  les  questions  politiques;  il  déci- 
dait quelquefois  en  dernier  ressort ,  mais  dans  des  cas  graves  seulement ,  les 
causes  civiles  ou  criminelles. 

'  Les  registres  manuscrits  des  dépenses  et  correspondances  quotidiennes 
de  Paoli  que  nous  avons  sous  les  yeux  attestent  au  plus  haut  degré  la  pro- 
bité et  l'amour  du  bien  de  ce  grand  citoyen,  qui  eut  pour  but  exclusif  Tin- 
dépeniiance  de  sa  patrie. 

1864.—  3.  16 


23A  CHRONIQUE. 

Cet  arrêté  consiste  en  une  feuille  grand  in-octavo^  imprimée 
d'un  seul  côté^  afin  de  pouvoir  être  affichée  et  portant  au  milieu 
du  titre  la  tête  de  Maure  aux  yeux  bandés^  armoiriedu  royaume 
corse.  Elle  est  fort  rare^  car  nous  n'avons  pu^  malgré  toutes 
nos  recherches,  nous  en  procurer  qu*un  seul  exemplaire. 

Traduction. 

((  Le  suprême  Conseil  d'État  du  royaume  de  Corse  ^ 
a  Ayant  été  chargés  par  le  congrès  général  réuni  dans  cette 
ville  les  26,  27,  28  et  29  du  dernier  mois  de  décembre,  de  fixer 
la  valeur  des  monnaies  étrangères  :  attendu  que  sur  le  continent 
ces  monnaies  n'ont  pas  la  même  valeur  que  dans  cette  ile  ;  nous, 
après  avoir  recueilli  les  renseignements  les  plus  exacts  et  les 
plus  certains  sur  les  cours  des  places  de  commerce,  et  spécia- 
lement de  Livourne,  pour  nous  conformer  aux  instructions  du 
susdit  congrès  général,  avons  définitivement  jugé  opportun  et 
indispensable  de  prescrire  et  fixer  aux  susdites  monnaies  le 
cours  suivant,  c'est-à-dire 

Litres.  S««    r-n>jtr». 

Ecu8  d^  France  =  sept  livres  quatre  sous 7  4 

Louis  d'or  =  vingt-huit  livres  douze  sous 28  12       >• 

Louis  d*or  double  =  cinquante-sept  livres  douze  sous 57  12 

Franctschino  d'argent  *  =  six  livres  treize  sous  quatre  deniers.  G  13       4 

Pièces  d'Espagne  d'argent  =  six  livres  six  sous 6  r> 

Petite  pièce  d'Espagne  d'or  =  six  livres  quatre  sous G  4 

Double  pièce  d'Espagne  d'or  =  vingt-trois  livres 23 

Sequin  romain  =r  treize  livres 13  » 

Sequin  génois  =:  treize  livres 13 

Sequin  florentin  =  treize  livres  six  sous  huit  deniers 13  6       H 

Sequin  vénitien  =  treize  livres  treize  sous  quatre  deniers.  .   .  13  13       1 

Once  de  Sicile  =  quinze  livres 15 

Onco  de  Sicile  double  =:  trente  livres 30 

Buspwie  florentin  =  quarante  livres 40 

Lisbonina  de  Portugal  =.  cinquante  livres 50  « 

(c  Ordonnons  et  commandons  qu*à  l'avenir  ces  monnaies 

*  Franctschino^  petit  Fran«;ais. 


CHRONIQUE.  235 

soient  cotées^  données  et  reçues  suivant  la  valeur  fixée  dans  le 
présent  tarif;  nous  prévenons  pourtant  que  quiconque  voudra 
se  défaire  avec  plus  de  facilité  et  sans  aucune  perte  des  susdites 
monnaies^  pourra  les  porter  à  la  Monnaie  du  royaume^  où  elles 
seront  acceptées  pour  la  valeur  et  prix  courant,  pourvu  qu'elles 
soient  déposées  dans  l'espace  de  deux  mois,  à  partir  du  jour  de 
la  publication  des  présentes  *.  A  celui  qui  les  déposera  chez  notre 
intendant  et  chez  le  caissier  de  la  monnaie,  il  sera  donné  en 
échange  autant  de  pièces  nationales  d'argent  formant  la  même 
somme  que  les  monnaies  qu'il  aura  déposées  avant  que  cet  édit 
ait  été  publié.  Et  afin  qu'on  ne  puisse  prétendre  et  alléguer  l'i- 
gnorance de  ces  présentes,  nous  voulons  qu'elles  soient  lues 
dans  les  formes  usitées  aux  lieux  habituels,  publiées  dans  cette 
ville  et  dans  tout  autre  lieu  de  résidence  de  chaque  magistrature 
provinciale  comme  aussi  dans  chaque  juridiction  du  Hoyaunie. 
De  même  qu'elles  soient  affichées  auxdits  endroits  et  qu'il  en 
soit  laissé  copie. 
M  C'est  ainsi. 

c(  Donné  à  Corlo,  le  ^0  mai  17(54. 

«  Doii  PiETfio  Jean  Thomas  DoÈaio  . 

Pro-clinncelicr  du  royaiinu'. 

\x  \  Campoloro,  par  Sébastien  François,  imprimeur  crm/e?- 
rale  *.  » 

'  Ou  voit  ijuc  les  intCTÔU  des  dvleiiteurs  vtaient  feuuvegardês ,  et  ijuc  W. 
^ouvenieinent  corse,  pas  plus  que  le  général  l'aoli,  ne  pouvaient  dti  la  j-ortt- 
l'aire  trafic  sur  le  change  de  ces  monnaies. 

*  Canipoloro,  grand  et  beau  couvent  auprès  de  la  petite  vill<'  de  C^'r^'ion^^ 
CM  était  (tablie  l'imprimerie  national»;. 


236  CHRONIQUE. 

NÉCROLOGIE. 


La  numismatique  vient  de  faire  une  perte  qui  excitera  les  re- 
grets de  tous  les  amateurs.  M.  Monnier  est  mort  à  Saint-Quentin 
le  G  mai,  après  quelques  jours  de  cruelles  souffrances  et  avec  une 
résignation  toute  chrétienne.  Ses  restes  mortels  ont  été  ramenés 
à  Nancy,  où  il  était  né,  et  le  10  du  même  mois,  un  concours 
nombreux  de  fonctionnaires  publics  et  d*amis,  lui  a  rendu  les 
derniers  devoirs. 

Dès  sa  jeunesse^  M.  Monnier  avait  montré,  par  diverses  pu- 
blications scientifique?,  les  aptitudes  d'un  esprit  actif  et  cultivé. 
En  1830,  il  apportait  à  TAcadémie  de  Stanislas  le  concours  de 
ses  connaissances  en  histoire  naturelle  et  en  agronomie,  et 
depuis  lors,  il  prit  part  aux  travaux  de  cette  société,  en  lui  com- 
muniquant de  savantes  dissertations  sur  la  géologie. 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  M.  Kfonnier  s'était  livré 
à  Tétude  de  la  numismatique  provinciale.  Ses  débuts,  comme 
amateur,  avaient  été  des  plus  heureux.  Son  cabinet  s'était  en- 
richi des  monnaies  de  la  Lorraine  ducale  et  de  celles  des  Trois 
Evéchés,  qu'avaient  recueillies  M.  le  baron  de  Vincent,  ancien 
ambassadeur  d'Autriche  en  France,  et  M.  le  comte  de  Gastaldi. 

Plus  tard,  il  amassa  les  pièces  frappées  par  les  ducs  bénéfi- 
ciaires et  par  les  rois  d'Austrasie.  Ses  recherches,  ses  études  et 
sa  fortune  l'aidèrent  puissamment  à  créer  cette  belle  collection 
que  depuis  longtemps  les  connaisseurs  ont  déclaré  être  la  plus 
riche  et  la  plus  complète  de  toutes  celles  qui  jusqu'ici  ont  pu 
être  formées  des  monnaies  du  pays. 

En  1862,  iM.  Monnier  a  publié  un  Mémoire  sur  les  monnaies 
des  ducs  bénéficiaires  de  Lorraine.  Ce  travail,  auquel  la  critique 
pourrait  peut-être  trouver  à  reprendre,  n'en  fut  pas  moins  ac- 
cueilli avec  intérêt.  Nul  autre  que  lui  peut-être  ne  pouvait  en- 
treprendre et  exécuter  un  travail  de  ce  genre,  car  lui  seul  en 
avait  recueilli,  avec  une  patiente  intelligence,  les  éléments  rares 
et  dispersés. 

M.  Monnier  était  bon,  simple,  d'un  commerce  facile  et  sur.  Il 
était  estimé  par  tous,  aimé  par  tous.  M.  Gillit. 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIO\S. 


ATTUIBUTIOX 
D'UNE   MONNAIE   INEDITE   A  SERPA 

(ESPAGNE  ULTÉRIEX'RE). 


Dans  le  cabinet  numismatique  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale de  Madrid ,  existe,  parmi  les  numi  incerli  Hispanis 
ulterioris^  une  monnaie  de  bronze  de  grand  module  et  pe- 
sante; mais  malheureusement  si  fruste  qu'elle  semble 
n'être  qu'un  disque  de  métal  sur  lequel,  au  premier  coup- 
d'œil,  on  ne  distingue  rien.  Cependant  lorsqu'on  l'éclairé 
d'une  certaine  façon  on  y  voit  apparaître  sur  l'une  et  l'autre 
face  des  types  et  des  caractères  d'un  travail  fort  grossier, 
et  tels  qu'on  en  rencontre  peu  dans  la  numismatique  espa- 
gnole. D'un  côté,  un  dauphin  tourné  à  droite;  au-dessus, 
un  trident,  au-dessous  un  croissant;  de  l'autre,  entre  deux 
lignes  parallèles  horizontales,  une  légende  latine  de  six  ou 
sept  lettres  dont  les  trois  dernières  ....ENS  peuvent  seules 
d'abord  être  lues  avec  certitude.  Au-dessous,  une  étoile  à 
cinq  rayons.  Module  35  millimètres.  Poids,  28p',8. 

Si  la  légende  entière  était  lisible,  nous  y  reconnaîtrions, 
sans  aucun  doute,  le  nom  de  la  ville  qui  a  émis  la  monnaie. 

1864.^  4.  17 


238  ^!k:M()iRns 

Le  désir  de  résoudre  ce  problème  a  conduit  divers  érudil?, 
et  entre  autres  le  s«avant  Don  Antonio  Delgado,  à  examiner 
cette  monnaie,  il  y  a  longtemjvs  déjà,  lorsqu'elle  faisait 
partie  de  la  riche  collection  de  Don  Joaquin  Rubio,  de 
Cadix.  M.  Delgado  en  envoya  une  description  à  feu  M*  Lo- 
richs,  ministre  de  Suède  à  Madrid,  et  parmi  les  papier!? 
numismatiques  de  ce  dernier  j'en  ai  rencontré  un  intitulé  : 
«  Documents  numismatiques  que  m'a  fournis  Delgado  de 
Iluelva  h  avec  une  note  au  feuillet  7  ainsi  conçue  :  «  Cro- 
quis d*nn  bronze  du  module  1 J  que  possède  M.  Rubio,  de 
Cadix;  poisson  ou  dauphin  à  droite;  au-dessus,  trident; 
au-dessous,  croissant;  revers  ....PENS;  au-dessous  étoile 
à  cinq  rayons. 

Plus  tard,  la  monnaie  étant  entrée  dans  le  cabinet  na- 
tional, M.  Delgado  eut  l'occasion  de  Tétudier  de  nouveau 
et  crut  y  distinguer  le  mot  VRCENS.  De  mon  côté,  j'ai  eu 
plusieurs  fois  l'occasion  de  soumettre  cette  médaille  à  un 
scrupuleux  examen,  et  je  puis  assurer  que  la  lettre  R  est 
certaine.  Mais  j'ajoute  que  je  crois  distinguer  d'une  manière 
suffisamment  claire  la  lettre  suivante  comme  un  P  romain 
de  forme  antique  et  un  peu  incliné.  Mais  le  commencement 
de  la  légende  résista  à  tous  mes  efforts.  Le  dessin  que  je 
place  ici  est  la  copie  fidèle  d'une  empreinte  prise  sur  Tori- 
ginal. 


Cependant,  avec  tout  cela,  ma  lecture  n'était  pas  suffi- 


ET    DISSERTATIONS.  239 

santé  pour  fournir  le  nom  de  la  ville  qui  a  frappé  la  mé- 
daille en  litige,  et  il  était  nécessaire  pour  parvenir  à  ce 
point  de  prendre  une  autre  voie. 

Les  monnaies  et  particulièrement  celles  qui  ont  été 
émises  avec  la  plus  grande  liberté  autonomique  présentent 
un  phénomène  qui  peut  être  défini  sous  forme  de  règle  de 
la  manière  que  voici. 

La  réunion  des  signes  caractéristiques  de  chaque  mon* 
naie,  tels  que  types,  symboles,  fabrique,  formes  paléogra- 
phiques, etc.,  est  d*autant  plus  semblable  à  celle  d*autres 
monnaies  que  la  distance  chronologique  et  géographique 
qui  les  sépare  sera  plus  petite. 

Cette  règle  étant  appliquée  aux  monnaies  de  TEspagne 
Ultérieure  (c'est-à-dire  la  partie  de  la  péninsule  qu*en 
l'an  1±1  de  Rome  on  divisa  en  Baltique  et  Lusitanie),  on 
reconnaît  que  la  diiïérence  chronologique  qui  peut  exister 
entre  elles  n*est  pas  considérable;  car  à  l'exception  de  deux 
petits  groupes,  l'un  d'ancien  style»  émis  dans  le  vi*  siècle 
ou  au  commencemeTit  du  vu'  de  Rome»  et  l'autre  plus  ré- 
cent, composé  de  pièces  frappées  dans  les  dernières  années 
(le  la  République  et  sous  l'Empire,  presque  toutes  furent 
fabriquées  à  peu  près  durant  le  court  espace  d*un  siècle, 
c'est-à-dire  depuis  le  commencement  du  vir  siècle  jusqu*au 
commencement  <lu  vin*.  Mais  plus  grande  et  plus  impor- 
tante fut  par  cela  même  l'influence  produite  par  la  distance 
matérielle  entre  les  ateliers  monétaires,  et  par  la  différence 
de  leur  situation  topographique  respective. 

D'un  côté,  on  ne  peut  nier  que  les  monnaies  frappées 
dans  les  contrées  planes,  peuplées  d'agriculteurs,  et  arro- 
sées par  de  grandes  rivières  propres  à  la  navigation  inté- 
rieure, celles  qui  ont  été  émises  dans  les  montagnes  âpres 
et  peu  cultivées ,  ou  chez  de  pauvres  populations  de  pé- 


2A0  IIÉMOIRK^ 

cheurs  isolés  sur  une  plage  déserte,  diffèrent  beaucoup 
de  celles  qui  étaient  fabriquées  dans  de  riches  ports  de 
mer,  continuellement  exposés  au  frottement  civilisateur 
des  navigateurs  et  des  marchands  étrangers;  d'un  autre 
côté  la  ressemblance  des  monnaies  émises  par  des  villes 
voisines  est  considérable,  et  cette  ressemblance  est  tou- 
jours d'autant  plus  grande  que  la  proximité  ou  le  contact 
mutuel  entre  les  villes  et  les  peuples  sont  plus  immé- 
diats. 

Appuyé  sur  ce  principe  d'étude  comparative,  tout  nu- 
mîsmatiste  à  qui  une  monnaie  se  présentera  pour  la  prenaière 
fois,  pourra  indiquer  non-seulement  le  pays  auquel  elle    . 
appartient;  mais  encore  la  province  et  la  subdivision  de 
territoire  où  elle  a  été  frappée. 

Les  numismatistes  français  qui,  depuis  trente  ans,  appli- 
quent la  loi  du  type  local  à  Tétude  de  leurs  monnaies  du 
moyen  âge  me  comprendront  facilement. 

Dans  le  cas  que  j'examine,  par  exemple,  j'avance  que  la 
patrie  de  la  monnaie  dont  j'ai  donné  plus  haut  la  descrip- 
tion doit  se  trouver  dans  la  partie  sud  du  Portugal  ou  peut- 
être  dans  la  portion  occidentale  de  l'Andalousie  comprise 
entre  cette  contrée  et  la  zone  du  Guadalquivir. 

Je  dis  cela,  1°  parce  que  les  monnaies  de  la  région  que 
je  viens  de  désigner  sont  les  seules  qui  ne  portent  pas  de 
tète  au  droit  où  elle  se  trouve  remplacée  par  d'autres  types 
ou  svmbole8\ 


*  Je  <\h  les  seules  parce  qno  les  monnnîes  suivantes,  sans  buste  au  droit,  ap- 
partiennent toutes  à  la  région  tartésiqut  :  celles  d'Acinipo  (Flores,  Medalla»  dt 
Eipafia^  tab.  III,  5  à  14)  ;  deux  d'Asido  (  Spanischê  Mûnzen  mit  bisher  vner- 
kliirten  Auf.ichriften  ,  dans  le  Deutsche  Morgenlàndische  Zeitvng,  Leipsig,  lb63, 
Affido,  4  à  7  )  ;  deux  de  Baelo  {ibid.j  Baelo,  1,  et  Lorichs,  fiech.  nvm„  pi.  VIII, 
9)   «t  la  pièce  unique  de  Bnesippo  (J.  Z.  Z  ,  Àrle  en  f^pa^o,  Madrid,  1863, 


ET    DlSSEaTATlONS.  241 

2*  Parce  que  presque  toutes  offrent  au  revers  une  lé- 
gende horizontale  traversant  tout  le  champ,  et  placée 
entre  deux  objets  correspondants,  deux  épis,  deux  ra- 
meaux de  pin,  deux  poissons,  ou  deux  minces  lignes  pa- 
rallèles. 

3"  Parce  qu'on  y  remarque  aussi  des  petits  types  acces- 
soires tels  qu  une  étoile,  un  croissant,  la  lettre  A  et  le 
signe  numérique  X ,  les  deux  dernières  marques  indiquant 
probablement  la  valeur  de  Tas  ou  la  dixième  partie  du 
denier*. 

Or  notre  monnaie  présente  les  trois  caractéristiques  in- 
diquées. On  n'y  voit  point  de  buste  ou  tête  humaine,  elle 
porte  au  revers  une  légende  entre  deux  lignes  horizontales^ 
et  elle  a  pour  signes  accessoires ,  une  étoile  et  un  croisr- 
sant. 

Afin  de  faire  mieux  apprécier  la  distribution  des  types  de 
cette  région  que  j'appellerai  cello-turdèfaitie,  je  placerai  ici 
le  tableau  de  ses  principaux  monuments  numismaiiques 
qu'on  pourra  comparer  immédiatement  avec  la  carte  gra- 
vée dans  la  planche  II  de  Y  Allas  numismatique  de  Mionnet;. 
portion  comprise  entre  le  ?•  et  \e  12*  degrés  de  longitude, 
le  36*  et  le  39*  degrés  de  latitude  nord. 


p.  24),  et  qu'on  n*en  doit  pa«  tenir  coinpt<*,  soit  à  cause  de  leur  petit  nombre, 
soit  parce  qu'elles  ont  été  émises  dans  le  voisinage  d«  la  réjçion  dont  nous 
nous  occupons. 

1  II  est  vrai  que  cela  serait  contraire  à  la  contumo  établie,  suivant  la- 
quelle on  indique  l'as  par  le  chiffre  I  et  le  denier  par  X.  Sur  l'usage  du  signe 
X  au  lieu  de  XVI ,  pendant  la  seconde  moitié  du  vil*  siècle  et  à  Koroé 
mAme,  vuir  l'explication  do  M.  Mommsfn  '  Gesch,  de*  rtim.  Mtinzuftens, 
p.  379  . 


242 


MEMOIRES 


Espagne  Ultérieure. 


Quatrième  groupe.  —  CtUo-lurdâtain. 


SiARUM.  Tête  d'Hercule. 
Callet,  Tête  (1* Hercule. 
Carmo.  Tête  d'Hercule. 

—  Tête  de  Mercure. 

—  Tête  de  Mars. 
Caura.  Tête  de  Mar&. 
Lastigi.  Tête  de  Mars. 

—  Tète  barbare  d*  Her- 

cule. 
Onuba.    Tête  de  Mars. 

—  Tête  barbare  d'Her- 

cule. 

Orippo.  Tête  barbare  d'Her- 
cule. 

Oloniigi.  Tête  barbare  d'Her- 
cule. 
—      Tête  barbare  d' Her- 
cule. 

Laelia.  Tête  de  Mercure. 


û  SEAHO  entre  deux  lignes 

et  deux  épis, 
r^  CALLET  entre  deux  ligne» 

et  deux  épis. 
k  CARMO  entre  deux  lignes 

et  deux  épis. 
^1  CARMO  entre  deux  lignes 

et  deux  épis, 
lî  CARMO  entre  deux  lignes 

et  deux  épis. 
Hj  CAVRA  entre  deux  lignes 

et  deux  épis, 
à  LÂSTIGl  entre  deux  lignes 

et  deux  épis. 
Hi  LASTGI  entre  deux  thons. 

Si  OMVBA  entre  deux  épis. 
Hj  OiNVBA  entre  deux  épis. 

K  ORH^EiNSE  entre  deux  li- 
gnes. 
Hj  OLONT.  Pomme  de  i>in. 

w  Légende  phénicienne  ^  ca- 
valier, 
a  LAELIA.  Branche  de  pin. 


LT    DISSERTATIONS. 


2^3 


Laelia.  Cavalier. 

—  Cavalier. 
Ilipula.  Cavalier. 

Itlci.  Cavalier.  lïVCI. 
OsTUtt.  Porc.  OSTVR. 

—  Gland.  OSTVR. 

—  (ïlaiid. 
Ilipa.  Épi. 

.Myrtilis.  Epi. 

Djpo.  Tète  barbare. 

EsuRi.    jNoins  de  magistrats 

romains.. 
OssoNORA.  Barque. 


û  L\EL1A  entre  un  rameau 

et  un  épi. 
K  LAELIA  entre  deux  palmes» 
Hi  ILIPLA  entre  deux  lignes 

et  deux  épis. 
\\  Deux  lignes  et  deux  épis. 
H  Gland  entre  deux  branches. 
a  Deux  branches  ou   deux 

épis. 
ûi  OS-VR  entre  deux  épis. 
K  ILIPENSE  entre  deux   li- 

gncfv. 
û  xMYR    ou    MYRTIL   entne 

deux  lignes, 
ib  DIPO  entre  deux  lignes. 
uj  ESV'RI  entre  deux  lignes. 

R  OSViNOBA  entre  deux  thons. 


La  ville  de  Salacia  appartenait  encore  au  même  groupe 
numismatique,  mais  elle  se  trouvait  si  écartée  des  autres 
et  si  voisine  de  la  côte  portugaise  occidentale  très-fréquen- 
tée  par  les  marchands  phéniciens,  que  ses  produits  moné- 
taires, quoiqu'ils  rappellent  aussi  ceux  du  groupe  celto- 
tiirdHain  semblent  se  rattacher  à  ceux  de  quelques  ports 
phéniciens  comme  Gadès  et  Sex  *. 


Salacia    Tête  d'Ilrrciilc. 


K  Légende  ccltibérienne  en* 
tre  deux  thons. 


'  V.  Heiuc  /iu«n.,  loiia,  p.  3ri9,  E>ia\  tTaUributiuu  ilt  quelquct  monn,ib€f 
à  Stilaria, 


2&A  MÉMOIBES 

Salagu.  Tête  de  Jupiler.         a  Légende  celtibérienne  en- 
tre deux  dauphins. 
—        Tête  de  Jupiter.         a  IMP.SAL  ou  SALAC  entre 

deux  dauphins. 

La  troisième  variété  est  postérieure  aux  deux  autres  ef 
probablement  frappée  peu  de  temps  avant  TEmpire.  A  cette 
même  époque  tardive  appartient  aussi  la  monnaie  de  Pax 
Julia. 

PaxIulia.  Têtebarbared'Au-     k  PAX  IVL  entre  deux    li- 
guste  (?).  gnes. 

Cette  pièce  conservée  au  musée  de  Berlin  est  la  seule 
authentique  de  cette  ville  que  j'aie  vue*.  Les  autres  mon* 


*  S,îstini  en  u  tlécrit  une  i  Med.  Isp,,  16)  qui  pourrait  être  le  même  exem- 
plaire. Les  autres,  avec  le  revers  de  la  femme  assise ,  tenant  un  caducée  et 
une  corne  d*abondance^  sont  (  du  moins  toutes  celles  que  j'ai  pu  voir  tant  en 
Espagne  qu'à  Tétranger  )  des  falsifications  comme,  au  moyen  d'acides,  on  eu 
fabriquait  vers  la  6n  du  siècle  dernier  à  Madrid  et  à  Grenade. 

Pour  donner  une  idée  du  grand  nombre  de  monnaies  fausses  dont  il  faut 
débarrasser  le  terrain  avant  d'entreprendre  une  nouvelle  numismatique  hispa- 
nique, je  crois  pouvoir  placer  ici  l'indicMtioii  de  celles  qui,  à  ma  connaissance, 
ont  été  attribuées  à  la  Lui^itanie.  et  que  je  divise  en  deux  classes. 

I'*  CLA88E.  Monnaies  authentiqiies  mal  lues»  —  Deux  des  quatre  pièces  que 
Sestini  attribue  à  une  ville  imaginaire  qu'il  nomme  Coero  (  Med.  !sp.,  p.  5  , 
D®'  1  et  2  ).  Elles  appartiennent,  comme  Ta  déjà  dit  M.  Deigado  {Cat.  Lo- 
riehs,  p.  9,  note),  à  Dipo.  La  troisième  est  une  monnjtie  de  Gadès  avec  quel- 
que surfrappe,  probablement  mal  lue.  La  quatrième,  portant  une  tête  virile 
laurée  et  la  légende  COERIENS  ;  au  revers,  une  proue  de  navire,  un  trident 
etQ.LOVC;  au-dessous,  Q.VERAN.  M.  2,  re5?te  pour  moi  sans  attribution. 
Les  cinq  pièces  que  le  même  auteur  classe  à  Palsa  (  p.  3,  n"'  2  à  6)  sont  . 
comme  celles  publiées  par  Florez  (pi.  LVII,  11  et  13),  par  Lorichs  {Rêck, 
num.,  pi.  32,  n-  10;  pi.  58,  n«»*  5  à  12;  pi.  59,  n"  3  et  4  ),  et  par  M.  Del- 
gadc  (Catal.  de  la  coUect.  Lorirhs,  n*»  530  à  534,  510),  probablement  des  semis 


ET   DISSERTATIONS.  245 

naies  de  cette  région  sont  toutes  des  dernières  années  de 
la  République  ou  des  premières  de  TEmpire. 

Si  maintenant  nous  comparons  les  médailles  de  cette  ré- 
gion avec  la  situation  géographique  des  ateliers  monétaires 
nous  verrons  que  l'absence  de  tête,  l'augmentation  du  mo- 
dule et  l'épaisseur  de  flan  progressent  à  mesure  que  l'on  se 
rapproche  du  territoire  portugais.  Ainsi  nous  reconnaîtrons 
que  les  pièces  les  plus  antiques  d'Ilipula,  de  Laelia,  d'Ostur, 
d'Onuba,  d'Ituci,  toutes  celles  de  Dipo,  d'Ossonoba  et  de 
Myrtilis  sont  grandes  et  pesantes  comme  notre  monnaie  en 
discussion,  et  qu'il  existe  en  outre  une  ressemblance  spé- 
ciale entre  cette  dernière  pièce  et  celles  de  Myrtilis,  tant 
pour  la  fabrique  que  pour  le  métal. 

Il  fallait  donc  chercher  près  de  xMyrtilis  le  site  de  la 
ville  sur  la  monnaie  de  laquelle  nous  lisons  certainement 
..RPENS;  ville  dont  le  nom  pouvait  se  terminer  par  ...RPA, 

d'ObuIco.  Une  autre  nionnuie  qn»»  Ses'.iiii  ]»!ucc  aussi  à  Biilsa  [\).  3,  1 }  f«t 
déjà  mentionnée  à  Baesippo. 

Pellerin  {Recueil,  t.  I,  p.  8,  pi.  2,  n*  18)  a  attribué  à  Norba  Csesarina  un 
petit  bronze  de  Oarthago  Nova  avec  la  légende  C.V.I.N. 

La  médaille  attribuée  par  M.  Vincent  Salgado  (Conjecturas  iobre  huma  me- 
dalha,  etc.)  aux  Vettones  est  quelque  pièce  de  Sagonte.  Sur  des  exemplaires 
bien  conservés,  on  lit  autour  de  la  tête  de  Rome  :  L.SEMPK[onitt*]  VETTO 
MVN[icif««mj  SAG[iin/tntiml. 

II*  CLASSE.  Monnaies  fausses.  —  Le  bronze  du  module  3,  publié  par  Ses- 
tîiii  (  Med.  Isp.,  p.  4,  pi.  I,  n'"  7),  avec  tôte  et  légende  de  Caligula,  et  au  re- 
vers un  aigle  avec  l'inscription  MVNICIP.  BALSA...,  est  faux,  comme  l'indi- 
querait déjà  la  tête  d'un  empereur  qui  ne  se  rencontre  jamais  sur  les  monnaies 
de  l'Espagne  Ultérieure,  et  comme  le  dit  suffisamment  l'auteur  :  ♦«  E  rittoc- 
catanelle  lettere,  perquanlo  pare,  da  mano  moderna.  »♦ 

La  monnaie  de  Mirobriga  publiée  par  Florez  (pi.  LXIII,  u"  10)  est  une 
pièce  ibérienne  d'Urci  (Saulcy,  Mon.  aut.de  rE«j9a(;n«,  légende  117,  variante 
inéd.)  dont  la  légende  a  été  détruite  et  remplacée,  au  moyen  d'aoides,  pur 
MIUOBRIGA. 

J'ai  déjà  parlé  précédemment  de  celle»  de  Fax  Iulia. 


2A6  MÉMOIKES 

RPO,  ou  RPI,  puisque  nous  connaissons  les  ethniques 
ILIPENSE,  ORIPENSE,  ILOITVRGENSE  dérivés  des  noojs 
de  villes  lUpa^  Oripo  et  Iliturgi. 

Une  des  villes  antiques  les  plus  considérables  du  Por- 
tugal, placée  précisément  dans  le  site  que  nous  avons  dé- 
terminé  pour  le  type  de  notre  monnaie,  est  Serpa^  qui 
porte  encore  aujourd'hui  le  même  nom,  et  qui  se  trouve 
sur  la  rive  gauche  du  puissant  fleuve  Anas  (Guadiana),  eutre 
Myrlilis  (Merida)  et  la  colonie  césaréenne  (mais  postérieure 
à  la  pièce  en  discussion)  Pax  Julia,  aujourd'hui  Béja.  Serpa 
figure  dans  l'itinéraire  d'Antonin,  sur  la  voie  d'Ossonoba  à 
Pax  Julia,  et  son  ethnique  se  retrouve  dans  l'inscription 
funéraire  de  FABIA  PRISGA  SERPENSIS*. 

En  examinant  maintenant  de  nouveau  la  légende  tracée 
sur  le  grand  bronze,  il  me  semble  y  reconnaître  un  S  dans 
la  lettre  initiale.  Et  comme  la  seconde  paraît  être  un  I 
plutôt  qu'un  E,  le  tout  donne  SIRPENS.  L'échange  de 
voyelles  de  même  nature  est  très-fréquent  sur  les  médailles 
espagnoles,  spécialement  sur  celles  de  la  province  Cité- 
rieure.  Gependant  cette  particularité  se  présente  aussi  sur 
les  monnaies  de  l'Espagne  Ultérieure.  Par  exemple  SEARO 
pour  Siarum,  CARBALA  pour  Carbula,  MART  pour  Myr- 
tilis,  ILOITVRGENSE,  ILVTVRGI  et  l'ibérien  ILYTVRCA 
pour  Iliturgi,  OLONT  et  OLVNT,  OSVNOBA  pour  Osso- 
noba. 

Il  est  utile  d'attirer  l'attention  sur  les  types  du  dauphin 
et  du  trident,  lesquels  (de  môme  que  pour  la  monnaie  de 
Salacia  qui  les  réunit  tous  deux)'  sont  empruntés  au  re- 
vers des  monnaies  ph<^.niciennes  do  Gadès,  et  fournissent 

>  Urutcr.,  Thcs.  Ih*ci.,  DCLXXXll,  7. 

•  Dun»  \tfs  deux   vignette»  des  inoiinaîcs  de   ^iilucia  pubiiiics  duua  cette 
Pfi'Uf  (IRfi.l.  |>.  3îio)  on  voit  d<irri«Tu  lu  tOto   î;ar)me  un  scop're.  J'ai  peiuc 


ET    DISSE RTATlOrCS.  247 

une  nouvelle  preuve  de  Tinfluence  phénicienne  qui  ré- 
gnait sur  toute  la  région  sud- ouest  de  la  péninsule  hispa- 
nique. 

Finalement,  je  mentionnerai  une  autre  monnaie  de  cui- 
vre, qui  paraît  aussi  appartenir  au  Portugal ,  et  qui  n*e8t 
pas  sans  parenté  avec  celle  de  Serpa.  Elle  appartient  à 
M,  Sanchez,  amateur  de  Séville,  et  M.  Delgado  en  a  pris 
un  croquis  que  j'ai  copié.  C'est  une  monnaie  de  28  milli- 
mètres de  diamètre.  Au  droit  elle  offre  un  cheval  galopant 
vers  la  gauche,  au-dessus  duquel  est  un  croissant.  Le  re- 
vers porte  la  légende  CILPE  entre  deux  lignes  et  deux  épis. 
Comme,  ainsi  que  me  Ta  dit  M.  Delgado,  la  légende  n'est 
pas  très-distincte,  il  se  pourrait  bien  qu  elle  fût  en  réalité 
SIRPENS  et  non  CILPE,  auquel  cas  la  pièce  serait  le  setnii 
correspondant  à  la  monnaie  dont  j'ai  parlé  auparavant. 
Mais  je  ne  parle  de  cette  seconde  pièce  que  d'une  manière 
tout  à  fait  accessoire ,  carie  savant  antiquaire  qui  me  Fa 
fait  connaître  n'a  pu  l'examiner  à  loisir  et  n'en  a  pas  d'em- 
preinte. 

Mon  dessein  en  publiant  l'attribution  du  grand  bronze  à 
Serpa,  est  de  rappeler  aux  numismatistes  un  des  nom- 
breux avantages  que  la  classification  naturelle  offre  sur  la 
classification  artificielle. 

Les  monnaies  étant  divisées  suivant  de  grandes  périodes 
chronologiques,  et  celles-ci  à  leur  tour  en  groupes  géogra- 
phiques, nous  pouvons  eu  déduire  avec  ime  très-grande 
clarté  le  rapport  mutuel  des  faits  historiques ,  l'extension 
des  races  et  des  populations,  les  relations  Internationales, 
les  liens  commerciaux,  les  systèmes  monétaires,  le  culte, 

qu'il  r  avait  là  uu  trident.  Il  se  pourrait  donc  que  les  tètcë  Imrbuei^  qui  bo 
voient  sur  ces  piècL'>^  ausbi  bien  que  celles  qui  sont  graYrr."»  dall^  1m  pi.  XIX 
(  ii«»  4,  5,  6),  rftpr^s^'ntapBHut  Neptune  et  non  pas  Jupiter. 


SAS  MÉMOIRES 

le  degré  de  civilisaiion ,  les  produits  de  chaque  région, 
le  progrès  ou  la  décadence  de  Tari. 

C'est  dire  que  non-seulement  on  y  trouve  une  source 
vive,  un  livre  ouvert  pour  Thistorien,  l'ethnographe,  le 
linguiste,  le  paléographe,  l'économiste,  le  métrologue, 
l'artiste,  etc.,  mais  encore  un  avantage  qu'on  doit  citer 
avant  tous  les  autres,  celui  de  permettre  au  numismatiste 
pratique  de  faire  disparaître  immédiatement  la  classe  si 
incommode  des  monnaies  incertaines. 

Pour  ma  part  je  regrette  de  voir  tant  de  collections  qui, 
bien  que  placées  entre  les  mains  de  personnes  savantes  en 
histoire,  nous  montrent  encore  des  monnaies  de  peuples 
et  villes  classées  par  ordre  alphabétique,  et  par  suite  de  cet 
usage  des  pièces,  qui  ont  été  frappées  par  des  populations 
très-éloignées  les  unes  des  autres,  rapprochées,  tandis  que 
des  groupes  de  types  semblables  se  trouvent  divisés  et 
disséminés.  En  môme  temps  on  voit  des  monnaies  de  la 
République  romaine  frappées  en  la  même  année,  séparées 
pour  le  seul  motif  que  les  noms  des  employés  monétaires 
qu'elles  portent  ne  commencent  pas  par  la  même  lettre. 

Je  n'ai  pas  ici,  on  le  comprend,  à  proposer  un  nouveau 
système *de  classification  et  ne  me  reconnais  pas  l'autorité 
nécessaire  pour  l'établir,  mais  je  ne  puis  m'empêcher 
d'exprimer  le  désir  que  j'éprouve  de  voir  adopter  le  plus 
tôt  possible  une  réforme  sur  ce  point  élémentaire  de  la  nu- 
mismatique, afin  que  cette  science  cessant  d'exister  seule- 
ment pour  elle-même  parvienne  à  offrir  la  plus  grande 
somme  d'utilité  pour  l'avancement  de  l'histoire. 

Jacobo  Zobel  de  Zangronik. 

Madrid,  Itijuin  18Hi. 


ET   OISSCKTAYIOnS.  249 


LETTRES  A  M.  A.  DE  LONGPÈRIER 

LA  NUMISMATIQUE  GAULOISE. 

•Quinzième  article.  —  Voir  Aenie,  1864,  p.  169. 


XIX, 

Tasgèce,  roi  des  Carndtes  \ 

Mon  cher  Adrien, 

Publier  une  monnaie  inconnue  des  nnmismatistes  est  un 
grand  plaisir  sans  doute,  uiais  ce  plaisir  surpasse-t-il  celui 
de  rectifier  une  attribution  erronée  et  de  remettre  à  sa  vé- 
ritable place  un  monument  important  dont  la  mauvaise 
conservation  a  fait  méconnaître  l'origine  ?  Je  ne  saurais 
véritablement  le  dire.  Dans  le  doute,  je  veux  me  donner 
aujourd'hui  ces  deux  plaisirs  à  la  fois,  avec  la  certitude 

*  De  Vegetius,  on  a  fait  en  français  Végèce;  do  Liicretios,  Lucrèce;  de  Boë- 
tius,  Boècê.  Je  crois  que  ces  exemples  suffisent  pour  m'autoriser  à  ëcrire 
Tnsgèce,  bien  que  l'usage  «oit  en  faveur  de  Tasget ,  qui  n'aurait  de  raison 
(l'être  que  si  César  avait  dit  Tungetus,  comme  on  disait  Cletus ,  Agapetns, 
Anicetus,  tous  noms  grecs.  Ceux  là  sont  bien  en  français  Ciet,  Agapet, 
Anicet;  mais  c'eot  précisément  leur  existence  qui  nous  oblige  à  adopter 
pour  Tasgetius  une  terminaison  française  indiquant  bien  nettement  la 
différence  des  deux  formes  latines. 


250  MKMOIKFS 

que  tous  les  amis  de  notre  numismatique  nationale  me  sau- 
ront gré  de  la  rectification  et  de  la  publication  nouvelle 
que  je  mets  aujourd'hui  sous  ta  protection  dans  les  co- 
lonnes de  notre  chère  Revue. 

Tu  as  certainement  fort  présente  à  Tesprit  la  belle  et 
rare  médaille  que  La  Saussaye  a  fait  figurer  dans  sa  A^a- 
mhmalique  de  la  Gaule  Nnrbonname,  Planche  XXII,  en  l'at- 
tribuant à  Ccetia,  IJzès.  Voici  ce  qu'il  en  disait,  d'après 
Tunique  exemplaire  qu'il  avait  sous  les  yeux  (page  177  et 
suivantes)  : 

«  (V)CCETIO.  Tête  laurée  d'Apollon,  à  droite.  Hi  Lion? 
((marchant  à  gauche;  dans  le  champ,  un  rameau.  Ma 
(.  suite,  Br.  3  1/2.  R*.  F.  o. 

(c  Rien  ne  s'oppose  à  croire  qu'à  l'époque  où  les  Gaulois 
«  frappèrent  des  monnaies,  h  l'imitation  des  peuples  avec 
<(  lesquels  les  progrès  de  la  civilisation  ou  les  invasions  de 
((  territoire  les  mettaient  en  contact,  il  n'y  ait  eu  une  mon- 
«  naie  locale  k  Ccetia.  Quoiqu'il  soit  beaucoup  plus  aven- 
((  tureux  de  restituer  le  commencement  que  la  fin  d'une 
«  légende  incomplète,  il  y  a  un  rapprocliement  si  sensible 
«entre  le  mot  ...CGETIO  et  le  nom  antique  de  la  ville 
((  d'Uzès,  qu'il  m'a  été  impossible  de  ne  pas  proposer  cette 
«  attribution,  tout  en  regrettant  que  la  provenance,  qui 
c  ne  m'est  pas  connue,  ne  vienne  pas  donner  de  la  force  à 
((  ma  conjecture.  Le  point  de  départ  de  la  légende,  près  du 
((  cou  de  la  divinité  figurée  sur  la  médaille,  ne  permet  pas 
((  de  supposer  plus  d'une  lettre  en  avant  de  la  première 
(C  de  celles  qui  subsistent  aujourd'hui. 

((  L'état  fruste  de  cette  médaille  empêche  de  reconnaître 
a  parfaitement  la  couronne  de  laurier  de  l'effigie  du  droit 
((•et  la  tête  du  quadrupède  du  revers;  mais  certains  carac- 
«  tères  rappellent  beaucoup  d'un  côté  l'effigie  de  l'Apollon 


Ll    DISSERTATIONS.  251 

«  des  petits  bronzes  de  Massilia,  et  de  l'autre  le  lion  des 
«  drachmes  de  la  VI' époque  monétaire  de  celte  vil  e.  Le  ra- 
«  nieau  est  un  symbole  assez  fréquent  sur  les  monnaies  de 
«  la  Gaule  Narbonnaise.  » 

Aujourd'hui  il  n'est  plus  possible  de  conserver  la  moin- 
dre incertitude  sur  Tattribution  légitime  de  cette  monnaie. 
J'ai  eu  tout  récemment  le  bonheur  d'acquérir  un  magni- 
fique exemplaire  dont  l'état  de  consen-^aiion  ne  laisse  rien 
à  désirer  :  la  légende  qui  est  placée  devant  Tefligie  du  droit 
se  lit  sans  la  moindre  hésitation  possible  :  TASGETl.. 

Nous  avons  donc  là  une  belle  monnaie  du  fameux  roi 
des  Carnutes  dont  César  nous  a  conservé  la  mémoire,  et 
dont  la  première  monnaie  connue  jusqu'à  ce  jour  a  été 
pour  la  première  fois  décrite  par  La  Saussaye  lui-même. 
Plus  que  personne,  j'en  suis  assuré,  il  se  réjouira  de  cette 
nouvelle  conquête  pour  la  science  qu'il  a  tant  aimée  et 
qu'il  a  cultivée  avec  tant  de  zèle  et  de  goût.  Ce  qu'il  avait 
pris  pour  une  couronne  de  laurier  n'est  qu'un  bandeau  de 
cheveux. 


L'animal  qui  se  voit  au  revers  de  cette  pièce  de  cuivre 
n'est  certainement  pas  un  lion  :  le  corps,  les  pattes  et  la 
queue  appartiennent  évidemment  à  un  loup.  Quant  à  la 
tête,  elle  est  mal  dessinée ,  et  ressemble  plus  à  une  tête  de 
porc  qu'à  une  tète  de  loup.  Le  rameau  placé  dans  le  champ, 
au-dessus  de  l'animal,  rappelle  très  bien  le  rameau  des  pe- 
tites pièces  d'argent  que  j'ai  attribuées  justement,  je  crois, 
aux  chefs  des  Sénons,  voisins  immédiats  des  Cari)utes. 


252  MliMOlRES 

J*ai  reconnu  par  un  nombre  infini  d'exemples  que  la  nu- 
mismatique de  chaque  peuplade  gauloise  empruntait  pres- 
que toujours  le  type  de  quelque  peuplade  limitrophe,  pour 
en  faire  un  accessoire  du  type  particulier  à  la  nation  qui 
émettait  la  monnaie.  C'est  ce  qui  a  eu  lieu  pour  notre  belle 
monnaie  de  Tasgèce.  Le  loup  est  le  type  des  Camutes,  ha- 
bitant spécialement  le  pays  de  Blois  *  ;  cela  ne  saurait  plus 
être  le  sujet  d'un  doute  depuis  la  publication  faite  par  ton 
frère  Alfred  du  précieux  denier,  unique  jusqu'ici,  du  pre- 
mier comte  de  Blois  qui  s'est  attribué  les  droits  monétaires  *. 
De  la  réunion  du  type  du  loup,  type  essentiellement  car- 
nute,  et  de  celui  du  rameau,  qui  appartient  aux  Sénons, 
est  né  le  type  complexe  de  notre  belle  monnaie,  destinée 
peut-être  à  rappeler  une  étroite  alliance  des  deux  nations, 
pendant  le  règne  éphémère  de  Tasgèce. 

Notre  regrettable  ami  Duchalais  ne  pouvait  se  décider  à 
admettre  la  persistance  des  types  monétaires  gaulois  remis 
en  usage  pendant  la  période  du  moyen  âge,  par  les  des- 
cendants de  ceux  qui  les  avaient  adoptés  et  employés  les 
premiers*.  Je  n'hésite  pas  à  croire  que,  sur  ce  point,  Du- 
chalais avait  complètement  tort. 

Reste  à  te  faire  connaître  la  provenance  de  cette  belle 
médaille  :  elle  a  été  trouvée  au  camp  d'Amboise,  au  mois 
d'avril  dernier.  Légende  et  provenance  sont  donc  une  fois 
de  plus  parfaitement  d  accord. 

Je  passe  maintenant  à  la  charmante  pièce  inédite  qui 
vient  d'entrer  dans  mon   médaillier,  et  sur   l'attribution 


1  La  Saassnye.  B$we  ntiw».,  attribution  nn  Blësois  de  médailles  de  bron^o  à 
tête  de  loup,  1837,  t.  II,  p.  243.  Voir  la  pi.  VU,  ii»«  2,  3,  4. 

s  Retm$  num,,  1859.  t.  IV,  p.  242. 

*  Description  dit  médailles  gnuloises  de  la  Bibliothèque  royale^  1846,  p.  288. — 
Cf.  ce  qu'a  dit  à  ce  sujet  Lelewel.  Études  numtsm.,  type  gaulois^  p.  417  et  fuiw. 


ET    DISSERTATIONS.  25S 

(le  laquelle  je  n'ai  niaUieureiisement  rien  à  te  sou- 
mettre. 

11  s'agit  encore  d'une  pièce  de  cuivre  à  légende,  qui  a  été 
trouvée,  il  y  a  quelques  années,  à  Saumur,  et  dont  je  n'ai 
jamais  vu  d'autre  exemplaire.  En  voici  la  description  : 

ANDVGOVONI  (ou  ANVDGOVOM);  il  y  a  incertitude  sur 
la  vraie  leçon.  Tôte  à  droite,  coiffée  d'un  casque  avec  ci- 
mier ressemblant  fort  à  un  serpent. 

Ri  Personnage  au  galop  brandissant  un  javelot.  Les  deux 
lettres  1  S?  paraissent  dans  le  champ  derrière  la  croupe  du 
cheval.  Il  semble  évident  que  le  personnage  du  revers  est 
une  femme,  et  les  seins  proéminents  qui  le  distinguent  ne 
permettent  pas  d'hésiter  sur  ce  point. 


Quel  fut  ce  chef  Andugovonius  ou  Anudgovonius,  je  n'en 
sais  en  vérité  rien,  et  je  me  contenterai  de  te  faire  remar- 
quer la  ressemblance  singulière  qu'il  y  a  entre  ses  traits  et 
ceux  du  chef  lixovien  Gisiambus. 

Le  flanc  de  la  pièce  est  plat,  comme  celui  des  monnaies 
ordinaires  de  Tasgèce.  Ge  caractère  et  la  fabrique  générale 
de  la  monnaie  me  portent  à  lui  attribuer  une  origine  qui 
la  rapproche  des  provinces  occidentales  de  la  Geltique.  Je 
voudrais  bien  que  tu  fusses  plus  heureux  que  moi,  et  qu'il 
te  fût  possible  de  découvrir  quelque  chose  sur  le  compte  de 
ce  précieux  petit  monument. 

Tout  à  toi  de  vieille  amitié.  F.  de  Saulcy. 

Pari»,  7  juill*»t  1861. 
1864.  —  4.  18 


25&  MEMOIRES 


REMARQUES 


LES  MONNAIES  D'ARGENT  DE  L'ILE  DE  RHODES 

ET  SUR  CELLES  DE  BRONZE  D'AMPHIPOLIS. 


J'ai  lu  avec  tout  le  soin  qu'elle  réclame  et  dont  elle  est 
digne  à  tous  égards,  1  intéressante  dissertation  consacrée 
par  M.  J.  de  Witte  aux  médailles  d* Amphipolis.  Parnai  le 
petit  nombre  des  personnes  qui  se  livrent  plus  spéciale- 
ment à  l'étude  de  la  numismatique  grecque,  il  n'en  est  pas 
une  assurément  dont  le  suffrage  ne  soit  désormais  acquis 
à  ce  travail,  qui  offre  le  rare  mérite,  à  mon  avis,  d'avoir  su 
résumer  en  peu  de  pages,  tout  ce  qu'on  a  dit  jusqu'ici  de 
plus  juste  et  de  meilleur  sur  le  monnayage  de  cette  ville  : 
aussi ,  pour  ma  part ,  y  apporterais-je  une  adhésion  sans 
réserves,  s'il  ne  s'y  rencontrait  deux  passages  ou  plutôt 
deux  points  de  détail  qui  m'ont  paru ,  sinon  manquer  de 
toute  l'exactitude  désirable ,  du  moins  être  de  nature  à 
appeler  quelques  observations,  et  que  je  demanderai  à 
M.  de  Witte  la  permission  de  lui  soumettre. 

Après  avoir  établi  avec  toute  raison,  selon  moi,  que  les 
médailles  d'argent  qui  portent  le  nom  d'Amphipolis  n*ont 
pu  Cire  frappées  avant  la  LXXXV*  olympiade  (437  av.  J.  C.) , 
date  de  la  fondation  de  cette  colonie  athénienne,  ni  plus 


LT    DlSStRTATIONS.  255 

tard  que  ran  «358  avant  Jésus-Christ,  époque  où  Philippe 
de  Macédoine  s'en  empara  ;  après  avoir  très-ingénieusement 
fait  ressortir  toute  Tinflucnce  que  dut  exercer  sur  le  choix 
du  type  à  tête  de  face  Tinnovation  introduite  alors  dans  la 
peinture  pai*  Cimon  de  Ciéones,  le  savant  antiquaire  amené 
par  son  sujet  à  s'occuper  des  monnaies  de  Rhodes,  qui  pré- 
sentent une  figure  analogue,  incline  à  penser  que  ces  der- 
nières ((  semblent  indiquer  un  usage  plus  prolongé  des 
têtes  de  face,  et  qu'il  est  môme  possible  qu'après  le  siège 
de  cette  ville  par  Démétrius  Poliorcète  (303  av.  J.  C  ),  on 
ait  encore  continué  de  faire  figurer  sur  la  monnaie  la  tête 
de  face  de  la  divinité  tutélaire  de  l'île,  » 

J'ai  quelque  peine,  je  l'avoue,  à  partager  cette  manière 
de  voir;  car  si  j'en  juge  d'après  mes  propres  observations, 
je  dois  dire  que  dans  le  nombre  très-considérable  de  pièces 
de  cette  espèce  que  j'ai  vues  et  maniées,  je  n'en  ai  encore 
jamais  rencontré  dont  la  fabrique  fût  de  nature  à  pouvoir 
être  légitimement  placée  après  le  commencement  du 
m*  siècle  avant  Jésus-Christ-,  toutes,  au  contraire,  accu- 
saient une  origine  contemporaine  d'Alexandre  le  Grand 
plutôt  que  postérieure  à  ce  prince,  et  je  parle  des  moins 
anciennes.  A  la  vérité  l'on  peut  m'objecier  qu'un  raisonne- 
ment basé  sur  une  suite  d'observations  personnelles  et  par 
cela  même  toujours  un  peu  restreintes,  n'autorise  pas  suffi- 
samment à  conclure  qu'il  est  impossible  de  trouver  parmi 
les  tètes  de  face  quelques  exemplaires  comparativement 
récents,  ou  offrant  des  caractères  de  décadence  bien  accu- 
sés. Car  il  est  évident  que  dès  deujain  peut-être  une  dé- 
couverte ou  un  monument  dont  je  n'ai  pas  connaissance, 
viendra  me  donner  à  cet  égard  un  démenti  formel.  C'est 
pourquoi  je  dois  m'exprimer  ici  avec  beaucoup  de  réserve. 
On  peut  m' objecter  encore  qu'il  existe  au  cabinet  impérial 


266  MLMornl-s 

une  médaille  de  Rhodes  où  Ton  voit  en  surfrappe  la  tête  Jr 
Pan  \  des  tétradraclnnes  d'Antigone  fionatas,  et  que  cette 
médaille,  envisagée  d*nne  certaine  nianière.  pourrait  à  la 
rigueur  servir  d'argument  contre  moi.  Mais  je  répondrai 
que  cette  surfrappe,  loin  de  prouver  que  la  monnaie  a  été 
émise  entre  276  et  243  avant  Jésus-Christ,  comme  on  serait 
tenté  de  le  supposer,  démontre,  à  mon  sens,  précisément 
tout  le  contraire.  D'ailleurs,  en  substituant,  comme  on  le  fit 
plus  tard,  la  tête  de  profil  à  celle  de  face,  il  me  semble 
bien  probable  que  l'introduction  do  cette  nouvelle  mode 
dut  avoir  pour  résultat  presque  immédiat  de  faire  dispa- 
raître Tancienne,  et  qu'une  fois  adoptée  il  n'y  avait  plus 
de  motif  plausible  pour  revenir  à  un  système  abandonné  à 
cause  de  son  usage  incommode,  et  que  ce  système  dut  par 
cela  même  tomber  rapidement  en  désuétude- 

A  l'époque  où  Mionnet  publiait  sa  Ikscription  des  m^- 
dailles  grecquefi,  on  était  encore  très-généralement  imbu 
de  cette  idée,  que  les  monnaies  de  Rhodes  à  tête  de  profil^ 
par  cela  seul  qu'elles  portent  un  carré  creux  au  revenu, 
sont  d'une  fabrique  plus  ancienne  que  celles  à  tête  de  face. 
Cette  idée,  qui  en  réalité  ne  reposait  pas  sur  un  examen 
assez  approfondi  du  style  de  ces  diverses  monnaies,  a 
été  abandonnée.  .C'est  également  pour  ce  motif  qu'on 
était  disposé,  il  n'y  a  pas  longtemps  encore,  à  considérer 
les  nombreux  statères  de  Cyzique,  comme  remontant 
au  premier  âge  de  l'art  monétaire,  erreur  grave  que  le 
savant  et  regrettable  M.  Charles  Lenormant*  a  eu  l'hon- 
neur de  ruiner  de  fond  eu  comble,  et  que  moi-même, 
si  j'ose  me  nommer  après  un  homme  aussi  éminent,  j'ai 


*  Mionnet,  Descript.  des  méd   grecques,  111,  p.  417,  u"  15U. 

•  Btvve  num.^  1H56,  p.  7  et  88. 


KT    DlSbtllTATIONS.  257 

eu  récemment  l'occasion  de  constater  encoj'e  uwe  fois". 

Aujourd'hui  donc  que  la  présence  du  carré  creux  ne 
peut  plus  faire  préjuger  une  ([uestion  subordonnée  à 
Tétude  du  style  plutôt  qu'à  l'appréciation  souvent  trom- 
peuse des  procédés  mécaniques,  j'inclinerais  à  penser  que 
les  pièces  de  Rhodes  à  tête  de  profil,  portant  au  revers  un 
carré  creux  plat,  sont  dues,  abstraction  faite  des  types,  à 
l'influence  directe  de  la  confédéraiion  lycienne,  dont  les 
monnaies  d'argent  olfrent  les  mêmes  caractères,  et  quelles 
n'ont  été  émises  comme  certaines  autres  de  Cos  et  de  Stra- 
tonicée,  toutes  villes  à  proximité  de  la  Lycie,  qu'en  vue  de 
les  faire  accorder  avec  le  système  adopté  par  cette  ligua 
célèbre.  A  moins  que,  retournant  l'hypothèse,  on  ne  pré- 
fère attribuer  la  priorité  à  Rhodes ,  qui  aurait  ainsi  fourni 
à  la  ligue  le  prototype  de  ce  genre  de  monnaies. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  reviens  au  sujet  de  mes  observations. 

Dans  la  note  qui  accompagne  le  passage  cité  plus  haut, 
M.  de  Witte  fait  remarquer  que  «ou  a  cru  lire  des  noms 
de  magistrats  dans  la  composition  desquels  entrerait  le 
sigma  lunaire  Cl,  sur  des  pièces  où  la  tête  du  Soleil  est 
figurée  tantôt  de  face,  tantôt  de  profil  (APICTONOMOC. 
AIONVCIOC,  HPArOPAC,  (tIAOCTPAT.) ,  et  que  ces  lec- 
tures  ne  sont  pas  fondées,  à  Texception  d'une  seule.  » 

Je  dois  dire  qu'à  cette  pièce,  considérée  par  M.  de  Witte 
comme  un  exemple  isolé,  je  puis  en  ajouter  au  moins  une 
autre  tirée  de  ma  propre  collection,  et  dont  la  superbe  con- 
servation permet  de  distinguer  le  sigma  lunaire  d'une  ma- 
nière parfaitement  nette.  Voici  la  desci  iption  de  cette  mon- 
naie, qui,  du  reste,  est  d'un  style  excellent  et  nullement  de 
la  décadence. 

*  Berve  num  ,  1863    p.  310. 


258  MÉMOIRES 

Tête  du  Soleil,  vue  de  face. 

Hf  PO.  Fleur  du  balaustium,  avec  sa  feuille  et  son  bou- 
ton. A  gauche,  dans  le  champ,  bouclier  ovale  sur  lequel  est 
posée  une  massue.  Au-dessus,  ANAZANAPOC.  Le  tout 
dans  un  champ  légèrement  concave.  —  Argent  5. 

Les  lettres  de  cette  médaille  sont  d'une  belle  forrae,  et 
les  types,  droit  et  revers,  d'un  très-haut  relief.  Mionnet  en 
a  publié  une  entièrement  semblable,  tirée  du  cabinet  Cou  • 
sinéry  (t.  III,  p.  416),  mais  avec  cette  différence  qu'on  y 
lit  le  nom  du  magistral  OPNAEANAPOI.  Bien  que  je  n'aie 
point  vu  cette  médaille  en  nature,  j'ai  tout  lieu  de  suppo- 
ser qu'elle  a  été  mal  déchiffrée.  Ce  nom,  que  Pape  n'a  en- 
registré dans  son  Wôrterluch  der  griechischen  Eigennamrn 
qu'avec  un  point  de  doute,  me  paraît  si  singulier  et  en 
même  temps  si  inusité,  que  je  n'hésite  pas  à  le  proscrire 
pour  y  substituer  celui  d'ANASANAPOC,  autorisé  à  la 
fois  par  l'histoire  et  par  la  grammaire. 

En  outre,  j'ai  possédé  deux  pièces  d'argent  à  la  tête  de 
profil,  avec  les  noms  HPArOPAC  et  CTPAT.QN  ;  je  ne  les 
ai  plus;  toutefois,  je  crois  pouvoir  donner  cette  lecture 
comme  certaine,  attendu  que  je  retiouve  ces  deux  leçons 
inscrites  sur  mon  catalogue  particulier,  où  j'ai  toujours 
eu  l'habitude  de  consigner  les  légendes  de  mes  médailles 
telles  que  je  les  avais  sous  les  yeux. 

Donc ,  puisque  j'en  possède  une  et  que  j'en  ai  possédé 
d'autres  avec  le  sigma  lunaire,  est-il  trop  téméraire  de 
supposer  qu'il  en  doit  exister  ailleurs?  Du  moins  celle  du 
cabinet  de  la  Bibliothèque  impériale,  que  cite  M.  de  Witte, 
cesse  d'être  une  exception,  mais  autorise  désormais  à  croire 
que  cette  forme  de  lettre  n'était  point  tout  à  fait  inusi|,ée 
sur  la  monnaie  d'argent  de  l'île  de  Rhodes. 

Je  n'entreprendrai  pas  de  discuter  ici  la  question  qui 


ET    DISSERTATIONS.  259 

vxsssort  naturellement  de  la  présence  du  sigma  lunaire  sur 
des  pièces  que  leur  fabrique,  aussi  bien  que  leur  style, 
doit  faire  rapporter  à  une  époque  très-voisine  d'Alexandre 
le  Grand  ;  mais  je  profiterai  de  l'occasion  pour  faire  con- 
naître une  médaille  inédite  de  ma  collection  frappée  à 
Stratonicée  de  Carie,  ville  peu  éloignée  de  Rhodes,  et  qui 
offre  cette  particularité  singulière  de  l'emploi  simultané 
dans  la  même  légende,  du  sigma  lunaire  C  et  du  sigma  à 
lignes  brisées  1,  En  voici  la  description  : 

Tète  de  Jupiter  à  droite. 

Fj  ST.  dans  te  champ.  Aigle  éployé  vu  de  trois  quarts  ;  à 
ses  pieds  une  petite  chouette  ;  au-dessus,  KAEiîC0Ei>lH[C?J  ; 
le  tout  dans  un  carré  creux  plat.  —  Argent  3. 

Parmi  toutes  les  médailles  de  Stratonicée  qui  ont  été 
décrites  ou  gravées,  je  ne  connais  qu'un  seul  exemple  de 
l'emploi  simultané  des  deux  formes  de  sigma  sur  la  même 
pièce  qui  soit  dans  des  conditions  identiques  à  la  mienne  ; 
c'est  celui  que  nous  fournit  Mionnet  (t.  III,  p.  376, 
n*»  426). 

Tête  laurée  de  Diane  surmontée  d'un  croissant. 

^  CT.  Victoire  marchant,  tenant  une  couronne  de  la 
main  droite  et  une  palme  de  la  gauche;  au-dessus,  NIKI — 
MIAIIl;  dans  le  champ,  à  droite,  ZGA;  à  gauche,  12;  le 
tout  dans  un  carré  creux  plat.  —  Argent  3  1/2. 

(Cabinet  Cousinéry.) 

Il  est  inutile  de  faire  ressortir  la  différence  qui  existe 
entre  ces  deux  pièces;  tout  le  monde  la  saisira. 

Quant  aux  autres  médailles  de  Stratonicée,  lesquelles 
paraissent  toutes  être  de  même  fabrique  comme  de  même 
époque,  elles  suivent  une  règle  à  peu  près  invaria- 
ble :  c'est-à-dire  que  si  le  nom  de  la  ville  commence 
par  un  C,  cette  forme  graphique  se   retrouve    dans  le 


260  MÉMOIRES 

nom  du  magistrat  qui  y  coiiespoud,  et  réciproquement 
pour  le  1. 

Qu'au  m'  et  au  ii'  siècles  avant  Jésus-Christ  on  ait  em- 
ployé parallèlement  deux  manières  différentes  d'écrire  Je 
sigma,  c'est  ce  dont  on  ne  saurait  douter  maintenant; 
mais  il  me  semble  bien  difficile,  lorsqu'il  s'agit  de  classer 
un  monument  de  cette  époque,  de  tirer  quelque  in- 
duction chronologique  appréciable  de  la  présence  de  ce 
caractère  sous  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  formes.  C'est 
pourquoi,  sans  me  préoccuper  autrement  d'une  question 
qui  avant  tout  intéresse  l'épigrapbie,  laisserai-je  à  de  plus 
habiles  et  plus  compétents  que  moi  le  soin  de  rechercher 
et  d'expliquer  les  causes  de  cet  usage. 

Je  passe  au  paragraphe  relatif  à  la  monnaie  de  bronze 
d'Amphipolis. 

M.  de  Witte  pense  que  «  presque  toutes  ces  pièces,  pour 
ne  pas  dire  toutes,  appartiennent  à  l'époque  qui  a  suivi  la 

conquête  romaine Plusieurs  de  ces  pièces  portent  la 

marque  de  l'as  et  de  ses  divisions,  et  puis  on  y  voit  l'em- 
preinte de  la  tête  de  Janus.  » 

Malgré  toute  ma  déférence  pour  l'opinion  d'un  homme 
aussi  légitimement  autorisé  que  Test  M.  de  Witte  dans  la 
science,  je  regrette  de  ne  pouvoir  entièrement  partager  sa 
manière  de  voir  sur  ce  point,  car  sa  proposition ,  formulée 
d'une  manière  un  peu  trop  générale ,  ne  me  semble  point 
tenir  assez  de  compte  de  la  série  de  monnaies  de  bronze 
qui  portent  au  droit  une  tête  laurée  d'Apollon,  et  au  revers 
une  torche  accompagnée  delà  légende  AM<1>1*.  Cette  lé- 
gende, écrite  tantôt  en  boustrophédon ,  tantôt  dans  l'ordre 


«  Mionnet,  t.  I,  p.  463.  —  Id.,  Suppl.,  t.  III,  p    19.  -  C.   Comhc,  JI^m*. 
Hwtter,  tftb.  4.  n-  20  «»t  21. 


tT      DISSERTATIONS.  2(5 1 

plus  moderne ,  au  milieu  (Vun  carré  indiqué  par  quatre 
lignes,  ne  saurait  sous  aucun  prétexte  se.  rapporter  à  l'é- 
poque de  la  domination  romaine,  mais  appartient  plutôt, 
j'en  ai  la  conviction  ,  à  celle  qui  suivit  imuîédiatement  la 
première  période  autonomique  de  la  ville.  Aussi  M.  de 
Witte  a-t-il  dû  certainement  faire  la  part  de  celles-ci  dans 
les  rares  exceptions  qu'il  admet. 

Cependant,  et  bien  que  je  ne  conteste  pas  que  parmi 
les  autres  médailles  de  bronze  d'Amphipolis,  un  très-grand 
nombre  n'appartiennent  à  l'époque  romaine,  avec  ou  sans 
les  marques  de  Vas,  je  me  permettrai  de  faire  observer 
qu'il  en  existe  encore  beaucoup  d'autres  dont  la  fabrique, 
sans  être  de  la  première  période,  présente  des  caractères  si 
différents  et  en  même  temps  si  tranchés ,  qu'il  est  impos- 
sible, à  mon  avis,  de  songer  sérieusement  pour  elles  à 
l'une  ou  à  l'autre  de  ces  deux  catégories. 

Telles  sont  les  suivantes  : 

1.  Tête  d'Hercule  jeune,  à  droite. 

A  AM*I.  Cheval  courant,  à  droite.  —  /E.  A. 

2.  Môme  tête  d'Hercule  jeune. 

hI  AM^IPO.  Lion  à  droite.  —  /E.  3.  (  Combe,  Mm. 
Hunier,  pi.  IV,  n»  lA.  ) 

3.  Tète  de  Jupiter,  adroite. 

Ki  AM4»irOAITl>N.  Massue  couchée,  ANT  en  mono- 
gramme et  la  lettre  1.  Le  tout  dans  une  couronne  de 
chêne.— .«.  A  1/'^-  (Mionnet,  t.  I,  p.  463,  n»  108.  ) 

A.  Même  tête  de  Jupiter,  à  droite. 

îà  AMWnOAlTiiN.  Cheval  au  pas,  à  droite;  dans  le 
champ,  deux  monogrammes.  —  ;£.  3. 

5.  Tête  d'Apollon,  à  droite. 

ïl\  AM4>IPOAm2N.  Taureau  comupète.—yt;.  4.  (Combe, 
pi.  IV,  nM5.) 


202  MÉMOIRES 

0.  Tête  de  Ptrsée,  avec  un  casque  ailé,  à  droite. 

S)  /iM<l>lI*0AITi2N  en  deux  lignes,  dans  une  couronne 
de  chêne.  —  E.  à  1/2.  (Mionnet,  t.  I,  p.  A65,  n*  135.  ) 

7.  Môme  tête  de  Persée. 

Kl  AM<I)IP0A1T12N.  Aigle  de  face,  les  ailes  éployées.  — 
M.  4.  (Mionnet,  Suppl.,  t.  III,  p.  25,  n- 184.) 

Toutes  pièces,  et  j'en  pourrais  citer  un  plus  grand 
nombre,  que  leur  type,  leur  fabrique,  la  contexture  des 
monogrammes,  comme  aussi  la  forme  du  P  qui  figure  dans 
leurs  légendes,  doivent  faire  évidemment  classer  avant 
l'occupation  romaine. 

Des  types  si  essentiellement  macédoniens,  et  qui  se  re-> 
trouvent  si  fréquemment  sur  les  monnaies  de  bronze  des^ 
derniers  rois ,  me  paraissent  bien  plutôt  appartenir  au 
temps  qui  s'est  écoulé  depuis  le  commencement  du  règne- 
de  Cassandre  jusqu'à  la  chute  définitive  de  la  monarchie. 
Le  n*  3,  dont  le  monogramme  peu  compliqué  rappelle  à 
s'y  méprendre  celui  d'Antigoue  Gonatas,  les  deux  dernières 
surtout  qui  portent  la  tête  du  héros  Persée,  ce  héros  pro- 
tecteur du  malheureux  adversaire  de  Paul-Émile,  ressem- 
blent si  complètement  aux  monnaies  de  ce  prince,  qu'elles 
semblent  fournir  une  preuve  a<isez  convaincante  de  ce  que 
j'avance  Je  crois,  en  outre,  en  trouver  la  confiruiatiorr 
,dans  l'histoire  môme  d'Ainphipolis. 

Lorsqu'à  son  avènement  Philippe  II  s'en  saisit,  loin  de  la 
traiter  avec  la  dernière  rigueur,  comme  il  fit  dans  la  Chai- 
cidice  pour  les  trente-deux  villes  de  la  ligue  olynthienne, 
dont  la  plupart  furent  si  bien  détruites  que  le  nom  s'en  est 
perdu,  il  évacua  volontairement  la  ville,  renonça  pour  un 
temps  à  sa  possession,  et  lui  laissa  son  autonomie  *.  Même 

'  Diod.Siful.,  XVi,3. 


ET    DISSERTATIONS.  263 

après  ravoir  prise  d'assaut  deux  ans  plus  lard,  il  ne  lui 
enleva  aucun  de  ses  privilèges,  mais  se  contenta  d'exiler 
ceux  qui  étaient  mal  disposés  pour  lui  \  Sous  les  pre- 
miers successeurs  d'Alexandre,  comme  sous  les  derniers 
Antigonides,  le  rôle  d'Amphipolls  s  élargit  encore,  et  ses 
habitants  avaient  si  bien  conservé  toute  leur  indépendance 
municipale ,  qu'ils  refusèrent  d'ouvrir  leurs  portes  à  Lu- 
cretius,  envoyé  romain ,  dont  ils  redoutaient  l'avarice  '. 
Persée  lui-même,  vaincu  et  fugitif,  bien  qu'il  fût  encore 
roi,  ne  reçut  pas  d'eux  un  meilleur  accueil,  puisqu'ils  ne 
craignirent  point  de  lui  adresser  cette  dure  apostrophe  :  .4  6«7(? 
/è/r?c,  ne  qtii  pauci  sttpermmuSy  proplervos  pereamus  '. 

Je  crois  donc  qu'on  peut  conclure  de  tout  ceci,  avec 
assez  de  vraisemblance,  que  le  monnayage  de  bronze 
d'AmphipoHs,  lequel  a  dû  commencer  peu  après  l'émission 
des  premiers  tétradrachmes ,  s'est  toujours  continué  de- 
puis cette  époque,  sauf  peut  être  quelques  rares  interrup- 
tions qu'il  est  aussi  difficile  de  prouver  que  de  nier  dans 
l'état  actuel  de  nos  connaissances,  et  qu'il  faut  conséquem- 
ment  faire  la  part  plus  large  à  la  fabrication  antérieure 
à  la  conquête  romaine. 

J'ose  espérer  que  M.  J.  de  Witte  voudra  bien  accueillir 
ces  remarques,  destinées  à  remettre  en  lumière  deux  i)oints 
de  détail  qui  m'ont  paru  avoir  leur  utilité. 

Ferdinand  noMPois. 

Marry. 

«  Diud  ,  XVI,  8. 

*  Tit.-IJv.,XLIlI,7. 

*  Tit.-Liv.,XLIV,45. 


26A  MLMOIRkS 


QUINCUSSIS  DE  BItONZE  DE  FORME  CARRÉE. 

;  IM.  XetXI.) 


Epée  nue  avec  le  pommeau  orné  d'une  tête  de  bélier,  et 
la  garde  en  forme  de  c/:. 

^  NROMANOM.  Fourreau  d'épée.—./E.  Poids,  I488«%92. 

(Ma  collection.  ) 

La  pièce  singulière  dont  nous  donnons  ici  le  dessin  nia 
été  cédée  il  y  a  quelques  années  par  MM.  RoUin  et  Feuar- 
dent,  à  qui  elle  avait  été  envoyée  d'Italie.  Quelque  étranges 
que  paraissent  sa  forme  et  sa  légende,  elle  n'en  offre  pas 
moins  des  preuves  matérielles  d'une  authenticité  incontes^ 
table  et  les  amateurs  les  plus  difficiles  ne  sauraient  la  ré- 
voquer en  doute  ;  car  les  praticiens  les  plus  expérimentés 
assurent  que  la  patine  est  d'une  nature  imi)ossible  à  obtenir 
par  la  contrefaçon.  Nous  doutons  fort  d'ailleurs  qu'aucun 
faussaire  eût  inventé  de  couler  une  pièce  aussi  éloignée 
de  la  forme  ordinaire  de  Wvs  gravvy  et  eut  osé  risquer  une 
légende  aussi  peu  semblable  à  celle  des  autres  as  de  forme 
carrée. 

A  côte  de  ces  preuves  négatives,  nous  ferons  remarquer  le 
style  original  et  vraiment  fort  antique  de  la  garde  de  Tépée, 
et  surtout  de  la  tète  de  bélier  qui  lui  sert  de  pommeau,  ainsi 
que  la  facilité  avec  laquelle  la  légende  senîble  avoir  été 


KT    UISStRTATrONS.  2(55 

tracée  par  une  main  exercée  et  hardie  qui  a  laissé  courir 
Tébauchoir  sur  le  modèle  en  argile. 

Caronni  parle  d'un  quincussis  h  peu  près  semblable  au 
nuire  qu'il  avait  vu  chez  son  ami  Tabbé  Minervino  à 
Naples  \  et  qu  il  avait  acheté  plus  tard  aux  héritiers  de  ce 
savant.  Sur  le  dessin  qu  il  en  donne,  le  glaive  ressemble  à 
celui  qui  se  voit  sur  notre  pièce,  mais  il  y  a  de  plus  dans 
le  champ  du  côté  du  glaive  un  foudre  tracé  en  creux.  La 
légende  du  revers  a  beaucoup  d'analogie  avec  la  nôtre, 
mais  l'N  initiale  manque,  soit  que  ce  caractère  n'ait  pas 
existé  sur  l'original ,  soit  qu'il  ait  été  oublié  par  le  gra- 
veur. 

Ces  différences  donnent,  si  c'est  possible,  un  degré  d'au- 
thenticité de  plus  à  notre  monument,  puisqu'elles  prouvent 
qu'il  n'est  pas  une  des  trois  copies  que  Caronni  nous  dé- 
nonce comme  ayant  été  fabriquées  à  Rome  par  un  faussaire 
nommé  Giuseppe  Sinistri.  Le  quincussis  dont  parle  Caronni 

*  Bagquaglio  del  viaggio  rowpendioso  di  un  dilettante  antiquario  rondotto  in 
liart>eria  (  sans  nom  d'auteur).  .Milano.  1805,  in-8*.  t.  II,  p.  183,  pi.  XIII. 

Voici  en  quel»  termes  il  s'exprime  :  -  Co  poids  antique  apparti  nait  à  la  mi- 
perbe  collection  d«  ffu  TahW  Minervino  de  Napl<'«,  éditeur  du  savant  livre 
de  monte  VuUure,  si  souvent  cité  par  Eckhel  ;  il  le  cachait  avec  tant  de  soin  et 
on  était  si  jaloux  que  j'avais  obtenu  comme  une  haute  faveur,  peu  de  temps 
avant  sa  mort,  la  permission  d*en  prendre  un  de>sin.  Avec  ce  dessin  à  la 
main,  je  me  présentai  cet  automne  à  son  héritier,  qui  h  ma  pressante  sollici- 
tation et  après  de  soigneuses  recherches  le  découvrit,  et  enfin  me  le  vendit. 
D'un  côté, on  voit  un  poignard  et  liu-desHus  un  tondre;  de  l'autre,  le  fourreau 
ou  parazouium,  avec  l'inscription  UOMANOM.  Il  pè«e  46  onces  Est-ce  une 
monnaie  ou  un  poids?  c'est  ce  que  n*a  pa*  mi  dérider  Kckhel  lui-mOme,  qui 
rependant,  avec  beaucoup  do  raison,  suppose  que  cette  pièce  appartient  à 
l'Italie  méridionale  plutôt  qu'à  Rome  môme  (voy.  Ff,  iV.,  t.  V,  p.  50  et 
nilleurs  ).  Je  dois  avertir  les  amateurs  qu'il  existe  trois  copies  faites  sur 
ce  modè'.o  par  un  faussai  e  romain  nommé  Giuseppe  Sinistri,  dont  j'aurais 
cept*ndant  tu  lo  nom  si  lui-même  no  s'était  publiquement  vanté  en  ma  pré- 
sence de  cette  supercherie.  - 


200  MÉMOIRES 

était  plus  léger  que    le    nôtre,   puisqu'il  ne  pesait  que 
46  onces  (1,288  grammes). 

Le  regrettable  M.  Arneth'  et  M.  Seidl*  donnent  l'un  et 
l'autre  la  description  d'un  quincussis  du  même  type  avec 
la  légende  ROMANOM  qui  se  trouve  au  Cabinet  impérial 
des  antiques  de  Vienne.  Ces  deux  savants  doutent  fort  de 
son  authenticité.  En  passant  par  Vienne,  il  y  a  un  an,  j'ai 
pu,  grâce  à  l'obligeance  de  M  Arnetb,  examiner  cette 
pièce  et  l'étudier  avec  attention;  l'apparence,  en  effet, 
n'est  pas  satisfaisante  \  les  lettres  de  la  légende  sont  plus 
régulières  que  sur  la  pièce  de  ma  collection;  elles  se 
rapprochent  davantage  de  la  forme  ordinaire  des  lettres 
latines,  mais  elles  sont  grêles  et  barbares  sans  être  ar- 
chaïques, on  pourrait  les  croire  retravaillées  au  burin. 
La  lettre  initiale  N  ne  s'y  trouve  pas,  et  un  foudre  ailé 
est  gravé  en  creux  dans  le  champ  à  côté  du  glaive.  Eu 
un  mot,  je  ne  serais  pas  étonné  que  cette  pièce  fût  une 
des  trois  copies  du  faussaire  Sinistri.  Le  quincussis  de 
Vienne  pèse  1309»', 39'. 

Nous  pouvons  citer  encore  plusieurs  autres  pièces  car- 
rées ayant  un  type  analogue.  Carelli  en  donne  une  pi.  XL, 
mais  le  lingot  est  un  quadrilatère  plat  assez  régulier;  il  n'y 
a  pas  de  légende,  Tépée  est  l'épée  romaine  ordinaire.  En 
un  mot,  cette  pièce  n'offre  aucune  analogie  avec  la  nôtre, 
ni  avec  celle  qui  a  été  décrite  par  Caronni  *.  Enfin  on  con- 
naît celle  du  musée  Wiczay  avec  la  légende  ROMANO,  mais 


'  Synopsis  numorum  Romanorum  qui  in  museo  Cjcsareo  Vind(^>onensi  adser^ 
rantur.  Vienne,  1842,  iu-4». 

*  Das  altitaliêche  Schwergeld  in  k.k.  AiUnz  tind  Antiken  Cahinette  zu  Wien, 
1854,  in- 8». 

t  74«oil»,i975,  diaprés  Arnetli.  loc,  cit.,  et  76loih,17,  d'après  M.  Seidl,  p.  64. 

^  Voyez  Mommsen,  Getchichte  des  rotnischm  Mûnzwesens,  p.  229  et  230. 


ET    DlSSKnTATION».  207 

lÏHlitcur  lui-môme  la  donne  comme  douteuse  et  relie  du 
musée  Borgia  (1008^%  14),  avec  la  légende  ROMANOir. 

Nous  ne  nous  permettrons  ici  aucune  conjecture,  ni  sur 
Tépoque  à  laquelle  notre  quincussis  appartient  ni  sur 
Tatelicr  dans  lequel  il  a  été  coulé;  mais  nous  avons  pensé 
qu'il  serait  agréable  aux  numismatistes  d'avoir  connais- 
sance de  ce  monument  et  de  tout  ce  qui  plaide  en  faveur 
<le  son  authenticité.  Ceux  qui  s'occupent  spécialement  de 
Vœs  grave  trouveront  probablement  l'occasion  de  faire  des 
rapprochements  curieux  et  instructifs. 

Blacas  d'Aulps. 


*  Avellino,  Monete  incerte  delV  Etruria  del  Lasio  e  di  altre  regioni  d'Ftalia, 
travail  inséré  dans  le  second  voinrae  des  Annali  di  numismaiica  pubblicati  du 
G.  Fiorelli,  Napl.,  1851,  in-4*.  Cataloyo  de  uunnni  unciali  del  museo  Borgiano^ 
p.  99. 


•208  SILMOIRLS 


DEUX  BULLIÎS  DE  PLOMB  BYZANTIXES. 

:n.  XII.) 


J'ai  reçu  dernièrement  d'un  marchand  d'antiquités  d'A- 
thènes, nommé  Sotiris  Laphazanis,  les  deux  bulles  de  plomb 
dont  on  trouvera  le  dessin  à  la  pi.  XII.  Ce  sont  les  plus 
grandes  jusqu'à  présent  connues;  l'intérêt  historique  en 
est  considérable,  et,  au  point  de  vue  de  l'art,  elles  sont 
plus  belles  que  ne  le  sont  généralement  les  monuments  du 
même  genre.  Telles  ont  été  les  raisons  qui  m'ont  déterminé 
à  en  entretenir  les  lecteurs  de  la  Revue  nwinsmatique.  Ce 
ne  sont  pas,  il  est  vrai,  des  monuments  qui  rentrent  tout  à 
fait  dans  le  cadre  strict  de  ce  recueil;  mais  j'ai  déjà  pour 
me  justifier  quelques  précédents.  La  Revue  numismatique 
a  plusieurs  fois  ouvert  ses  colonnes  à  la  publication  de 
bulles  de  plomb  byzantines. 

La  première  de  celles  qui  sont  gravées  dans  ce  cahier 
présente  sur  sa  face  principale  l'image  de  la  Vierge,  nimbée, 
assise  sur  un  trône,  et  portant  son  divin  enfant  assis  sur 
ses  genoux.  Des  deux  côtés,  dans  le  champ,  sont  tracés  les 
deux  mots  abrégés  qui,  'depuis  le  concile  d'Éphèse.  accom- 
pagnent la  figure  de  Marie  sur  tous  les  monuments  du 
christianisme  oriental  :  Mi^xr^p  escû,  «  la  Mère  de  Dieu.  »  Au 
revers,  après  une  petite  croix  grecque  placée  en  tète,  on 
lit  rioscription  suivante,  disposée  en  sept  lignes  :  ntopYtoc, 


ET  DISSERTATIONS.  269 

i\kt^  Oiou  dip^isnbxonoc  Ku)V9TavTivouirAe(i>c,  Nâa<  Ptu[XT)c,  kolI  olxou- 

Iievix6<;  noxpiapyrr,;.  a  George,  par  la  miséricorde  de  Dieu, 
H  archevêque  de  Constantinople ,  nouvelle  Rome ,  et  pa- 
«  triarche  œcuménique.  » 

Il  n'a  été  publié  jusqu'à  présent  que  deux  autres  bulles 
de  patriarches  de  Constantinople.  L'une  *  porte  le  nom  d'un 
des  cinq  Nicolas  qui  occupèrent  le  siège  depuis  le  ix*  jus- 
qu'au XII*  siècle^  l'autre ,  donnée  par  le  seul  M.  Sabatier  *, 
a  été  évidemment  mal  lue  ;  le  nom  NINATOC  qu'on  y  a  vu 
n'est  celui  d'aucun  patriarche  et  n'est  pas  même  grec  \  il 
faut  sans  doute  y  substituer  NIKHTAC,  nom  du  personnage 
qui  fut  expulsé  en  1190,  après  trois  ans  de  pontificat,  par 
Isaac  l'Ange,  de  la  dignité  suprême  de  l'Kglise  grecque  '. 

Parmi  la  série  des  patriarches  de  Constantinople,  on 
n'en  rencontre  que  trois  du  nom  de  George.  Le  premier 
occupait  le  siège  dans  la  seconde  moitié  du  vir  siècle,  et 
c'est  sous  son  pontificat,  en  680,  qu'eut  lieu  le  concile 
(Ecuménique  de  Constantinople  *.  Le  second  date  de  la  fin 
du  xii*  siècle  •;  enfin  le  troisième  *  n'est  autre  que  le  fameux 
George  Scholarius  ou  Gennadius,  qui,  intmédiatement  après 
la  prise  de  Constantinople  par  Mahomet  11,  détruisit  l'union 
signée  à  Florence  entre  les  deux  Églises  d'Orient  et  d'Oc- 
cident, et  rétablit  le  schisme  pour  servir  à  la  fois  son  ambi- 
tion personnelle  et  la  politique  des  Osmanlis.  Le  premier 
est  trop  ancien,  le  troisième  trop  moderne  pour  pouvoir 

*  Ficoroni,  Piombi  anhchi^  pi.  XVII,  n*  l.  —  Sabatier,  Iconograjihie  d'um 
collection  demédailhs.  Plombs,  pi.  II,  n*2l, — Corpus  inscriptionum  graecarum^ 
n*  9036. 

*  Iconographie.  Plombs,  pi.  II,  n*  22. 

*  Le  Quien,  Oriens  Christianus^  t   I,  p.  273. 

*  Ibid.,  p.  232. 
»  /feiVf.,  p.  275. 

«  /6fVf.,  p.  312  et  suiv. 

1864.  -  4.  19 


270  MÉMOIRES 

prétendre  à  Tattribution  de  notre  bulle  ;  reste  donc  le  se- 
cond, auquel  nous  rapportons  ce  monument  avec  certitude^ 
d'autant  plus  que  le  style  de  la  représentation  de  la  face  ' 
et  la  forme  des  lettres  du  revers  conviennent  parfaitemeDt 
à  la  fin  du  xn*  siècle. 

Le  patriarche  George  II  s  appelait  Xipbilin  de  son  nom 
patronymique,  et  avait  été  SxsuocpoXst^,  ou  gardien  des  vases 
sacrés  de  la  Grande  Église,  avant  d'être  appelé  au  siège  de 
saint  Jean  Chrysostome.  La  liste  patriarcale  publiée  par 
Leunclavius  dans  le  livre  IV  de  son  Ju$  graecoromanum 
lui  donne  six  ans  et  dix  mois  d'autorité,  celle  de  Callistus, 
six  ans  neuf  mois  et  vingt-sept  jours.  Son  pontificat  fut 
marqué  par  la  lutte  contre  Tbérésie  des  Sidicites,  qui  pré- 
tendaient que  le  corps  de  Jésus-Cbrist  était  corruptible 
dans  les  espèces  eucharistiques  '.  Leunclavius  '  publie  un 
décret  synodal  de  lui,  daté  du  14  février  1197.  11  mourut 
dans  le  cours  de  Tannée  1199,  cinq  ans  avant  la  prise  de 
Constantinople  par  les  Latins  *. 

La  bulle  désignée  par  le  n*  2  sur  notre  planche  est  encore 
plus  belle  comme  art  que  la  première.  D'après  la  compa- 
raison du  style  des  figures  et  de  la  forme  des  lettres  de  la 
légende  avec  ce  qui  se  voit  sur  les  médailles,  nous  croyons 
qu'il  faut  la  faire  dater  d'un  siècle  plus  tôt,  au  temps 
d'Alexis  1"  Comnène. 

On  y  voit  un  saint  et  une  sainte  debout  en  face  l'un  de 
l'autre,  nimbés  et  vêtus  des  ornements  impériaux.  Ce  sont 


•  La  Vierge  de  notre  bulle  offre  une  ressemblance  frappante  avec  celle  de  la 
l)ul!o  de  Théodora,  femme  de  l'empereur  Michel  VIII  Paléologue,  publiée  par 
M   Sabatier,  Iconographie^  Byzantines,  pi.  XXV,  n"*  16  et  17. 

'  Nioet.  Choniut.,  Alex.  Comneu.,  III,  3. 
'  Juê  graeco-rom.,  l.  IV,  p,  283. 

*  Le  Quien,  Orieiis  Christ ianus^  t.  I,  p.  275. 


ET    DISSERTATIONS.  .     271 

Constantin  et  Hélène,  fondateurs  et  protecteurs  de  l'Église 
de  Constantinople.  A  ce  titre  ils  soutiennent  une  petite  église 
à  coupole,  dont  la  silhouette  rappelle  d'une  manière  frap- 
pante celle  de  Sainte-Sophie  ;  et  c*est  en  effet  cet  édifice  que 
Tarliste  a  voulu  représenter,  comme  le  prouve  Finscription 
tracée  au-dessous,  dont  les  lettres  sont  disposées  en  co- 
lonne verticale,  ainsi  qu'il  arrive  souvent  sur  les  monnaies 
et  dans  les  peintures  byzantines  :  H  à'^loL  lo^la.  Autour  est 
disposée  une  légende,  qui  se  continue  en  sept  lignes  sur 

l'autre  face  :  Vmpv^loL  esot^xs  po^JOst  —  toT;  OeoaîCcaxaTOK  icpsa- 

Cuxipot;  xaî  bcxXT,<ji>  xaî u  Très-sainte  Mère  de  Dieu,  viens 

u  au  secours  des  très-pieux  prêtres,  de  l'Église  et  de....  »> 
C'était  donc  le  sceau  du  clergé  de  Sainte- Sophie. 

On  sait  combien  ce  clergé  de  la  Grande  Êgli$e^  qui  joue 
un  rôle  si  important  dans  l'histoire  de  l'empire  de  Constan- 
tinople, était  nombreux,  riche  et  puissant  \  Justinien  en 
avait  déterminé  la  composition  par  sa  vingt-troisième  No- 
velle,  de  la  manière  suivante  :  60  prêtres,  100  diacres, 
40  diaconesses,  90  sous-diacres,  110  lecteurs,  25  chantres 
et  100  portiers.  C'étaient  de  beaux  chiffres,  mais  on  ne  fut 
pas  longtemps  à  s'y  tenir.  Sous  Héraclius,  le  nombre  des 
membres  du  clergé  de  Sainte-Sophie  était  devenu  tel  que 
cet  empereur  dut  décider,  par  une  constitution  spéciale  ', 
que  l'on  procéderait  par  voie  d'extinctions  jusqu'à  ce  qu'on 
en  fût  arrivé  au  chiffre  de  80  prêtres,  150  diacres,  40  dia- 
conesses, 70  sous-diacres,  160  lecteurs,  25  chantres  et 
75  portiers.  Sous  les  empereurs  iconoclastes,  le  clergé  de 
la  Grande  Église  fut  complètement  désorganisé,  les  prêtres 


1  Du  Cange  y  a  consacré  un  chapitre  de  sa  Constatttiiiopolis  chtistiura, 
1.  III,  p.  71. 
•  Publiée  par  Lcuncltvius  dan»  le  livre  11  de  sou  Ju$  graeco-romanum. 


272  MÉMOiRES 

persécutés,  les  biens  qui  servaient  à  leur  entretien  confis- 
qués par  le  pouvoir  civil.  On  en  vint  au  point  d'avoir  si  peu 
de  prêtres,  que  l'on  ne  pouvait  plus  célébrer  l'office  divin 
que  le  samedi  et  le  dimanche.  Constantin  Monomaque,  au 
milieu  du  xi*  siècle,  très-peu  d'années  avant  l'époque  à  la- 
quelle nous  attribuons  notre  bulle,  rétablit  les  choses  dans 
leur  état  ancien,  dota  de  nouveau  le  clergé  de  Sainte-Sophie, 
et  fit  reprendre  la  célébration  quotidienne  du  saint  sacri- 
fice '.  Cette  pieuse  conduite  fut  célébrée  par  des  vers  que 
cite  Du  Gange  *  : 

OUX  f,V  6  XOtlOV  TYiV  SXlàv  Jllv  TOO  VOJIO'J 

<t>ëpetv  fiirafjaTOv  xij)  Bi^  Xetxoopvfav , 
TyoXîiç  xt  xGupèv  TT  V  àXi^Oeiav  pXéiteiv, 
Ô  x«\  xaTOpOot  fieiTroTT.ç  ô  Movojii^^o;. 

Cl  11  n'était  pas  convenable  que  ce  ne  fût  plus  que  l'ombre 
«  de  la  loi  qui  présentât  à  Dieu  une  prière  incessante  et  que 
«  la  vérité  connût  des  temps  d'interruption  ;  c'est  ce  que 
«  remet  dans  l'ordre  l'empereur  Mononiaque.  » 

Après  la  prise  de  Constantinople  par  les  Croisés,  on  éta- 
blit à  Sainte-Sophie  un  chapitre  de  chanoines  latins',  qui 
procéda  à  l'élection  du  patriarche  Thomas  Morosini.  Ces 
chanoines  furent  expulsés  par  Michel  Paléologue  quand  les 
Grecs  eurent  repris  la  ville,  et  il  est  probable  qu'alors  le 
clergé  de  la  Grande  Eglise  fut  réorganisé  sur  le  pied  de 
son  ancienne  splendeur.  L'impression  que  ce  clergé  si 
nombreux  et  si  magnifique  produisait  sur  les  imaginations 
populaires,  est  marquée  dans  un  chant  contemporain  de  la 

^  Cedren.t  Compend.^  p.  790,  édit.  de  Paris. 
*  Con$tantinopolit  christiana,  1.  III,  p.  72. 

>  Baluze,  Epitt.  Innocent  Ut,  1.  IX,  ep.  100  et  130.  —  Cf.  Le  QnieD,  Ortm* 
Christiawu^  t.  III,  p.  796. 


ET    DISSERTATIONS.  273 

chute  définitive  de  Byzance  sous  les  coups  de  Maliomet  II« 
qui  s* est  conservé  parmi  les  pâtres  de  la  Grèce  : 

nTipav  xa\  rf.v  dyià  Sofià,  t6  (jiYfli  (JLOvaatr,pif 
IloO^e  Tpiaxwia  aTiîi.«'/Tpa  x'  é^,vta  Ôu6  xajiitiv;* 
Kd6c  xsiiiciva  X2\  itzicô;,  xdOc  icxicô^  xai\  Siixoç. 
£i(&à  va'  pvoOv  T^  5^1»,  X*  à  ^aaïkiÔL^  toû  xd^^iou, 
«^covj^  Toù;  ^px'  è;  oOpavoO  dYTî^t»>v  àii*  xb  9Xfi\i7.' 
«  Àefjx'  ovT?i  T?;v  ^3>ka(i>^i^,  vi  ^apiT^Xtà^Gw  x*  fi^ta* 
Ka\  aTetXxe  ^yo  oti?jv  <^psYXi^,  viprouvg  va  xi  md^ouv, 
Nà  irdpouv  x6v  XP^*^  oxaup6  xa\  x'  ây^®  ^^  ?3[TT^^io, 
Ka\  T^jV  àY^a  xpizcÇa,  va  ji^j  x^iv  d(jLo)iûvouv.  i» 
^âtv  X*  &xou7ev  V)  A<9i;o'.v3,  SaxpO^ouv  1^  £lxove;- 
•  ZtàioLTt,  xupà  Aéoroiva,  ji^v  xXatYO?»  H-"^.  î»xpO^{iç- 
IldXc  {il  xp^^^^y  H^  xaipo6c,  ledXc  8ixd  9a;  etvs  *.  h 

«  Ils  ont  pris  Gonstantinople;  ils  Vont  prise  ;  ils  ont  pris 
Salonique.  Ils  ont  pris  Sainte-Sophie,  le  grand  monastère, 
qui  avait  trois  cents  simantras  '  et  soixante-deux  cloches, 
et  pour  chaque  cloche  un  prêtre,  et  pour  chaque  prêtre  un 
diacre.  Au  moment  où  le  saint  sacrement,  où  le  roi  du 
monde  sortait  du  sanctuaire,  une  voix  vint  du  ciel  par  la 

*  Passow,  Popularia  carmina  Graeciae  recentioriSt  n°  194. 

Il  y  a  deux  autres  chants  analogues  sur  le  même  sujet  (Fassow,  n**  195  et 
196),  mais  ils  portent  l'empreinte  de  Texagération  populaire.  On  y  attribue 
à  Sainte-Sophie  trois  cents  religieuses  et  mille  moines. 

nc&yci  xpiaxdffiatc  xaXoYPtalt  xal  x^^^C  xa)kOYipo\Jc. 

Dans  le  chant  que  nous  citons,  au  contraire,  les  chiffres  doivent  être 
exacts,  car  il  donne  juste  le  nombre  de  prptres  établis  par  lu  Novellc  de  Jus- 
tinien,  à  laquelle  Michel  Faléologue  se  conforma  sans  doute  quand  il  réor- 
ganisa le  clergé  de  la  Grande  Église. 

*  Instrument  composé  d'une  plaque  do  i'cr  sur  laquelle  on  frn]>pe  avec  un 
maillet  ;  il  remplace  la  cloche  dans  certaines  cérémonies  de  TEglise  grec- 
que, comme  chez  nous  la  crécelle  pendant  les  derniers  jours  do  la  Semaine 
Sainte. 


274  MÉMOIRES 

bouche  des  anges  :  «Cessez  cette  psalmodie,  déposez  les 
((  saintes  espèces  sur  l'autel ,  et  envoyez  un  message  au 
«  pays  des  Francs,  pour  que  ceux-ci  viennent  prendre  le 
«  saint  sacrement,  prendre  la  croix  d'or,  et  le  saint  Évangile, 
«  et  la  table  de  l'autel,  afin  qu  ils  ne  la  profanent  pas  \  » 
Quand  la  Vierge  l'entendit,  ses  images  pleurèrent  :  «  Restez 
«  en  silence,  madame  la  Sainte-Vierge,  ne  pleurez  pas,  ne 
((  versez  pas  de  larmes;  avec  les  ans»  avec  le  temps,  tout 
»  cela  sera  vôtre  de  nouveau.  > 

François  Lenormant. 

*  lletnarquez  l'urt  infini  avec  lequel  lu  poète  populaire  ûvite  de  noniint-r  les 
Turcs.  Fauriel,  qui  a  traduit  le  chant  avant  nous,  n'a  pas  sai^i  cette  dvlic:i- 
tesse. 


ET  DISSERTATIONS.  275 


MONNAIES  INÉDITES  DES  CROISADES. 

(PI.  Xl!l   et   XIV.  ^ 


Vingt  ans  ne  se  sont  pas  écoulés  depuis  la  publication 
de  rexcellent  livre  de  M.  de  Saulcy,  et  déjà  le  nombre  des 
monnaies  des  princes  croisés  s'est  beaucoup  accru  :  Tatten- 
tioD  des  numismatistes  s'est  portée  de  ce  côté,  la  terre 
d'Orient  a  été  mieux  fouillée,  chaque  année  nouvelle  a 
apporté  son  contingent  de  trouvailles,  et  chaque  trouvaille 
a  fourni,  soit  une  variété  intéressante ,  soit  une  pièce  iné- 
dite :  il  y  aura  donc  lieu,  dans  un  temps  peu  éloigné,  de 
donner  une  seconde  édition,  «considérablement  augmen- 
tée, »  de  là  Numismatique  des  croisades.  Néanmoins,  le 
jour  n'est  pas  encore  venu  :  d'importantes  lacunes  existent 
encore,  les  découvertes  se  succèdent  rapidement;  il  con- 
vient donc  d'attendre  que  les  principales  séries  soient  plus 
complètes  :  pour  hâter  ce  moment  et  provoquer  la  publi- 
cation des  pièces  inconnues  qui  se  trouvent  entre  les  mains 
des  collectionneurs,  je  donne  aujourd'hui  la  liste  de  tous 
les  types  inédits  que  mon  dernier  voyage  en  Orient  m'a 
permis  de  recueillir. 

Rois  DE  Jérusalem  et  ue  Chypre. 

La  série  qui  s'est  le  plus  enrichie  est  celle  des  rois  de 
Jérusalem  et  de  Chypre  :  c'est  aussi  la  plus  intéressante. 


276  MLMOIRtS 

puisqu'elle  appartient  aux  célèbres  dynasties,  françaises 
d'origine,  dans  les^iuelles  se  personnifie  et  se  résume  toute 
l'histoire  des  croisades.  Pourtant  les  premiers  souTcrains 
ne  se  sont  pas  retrouvés  :  le  plus  ancien  document  métal- 
lique que  j'aie  rencontré  est  un  sceau  ou  bulle  de  plomb 
du  roi  Amaury  1*%  qu'à  défaut  d'autre  nouveauté  numis- 
matique je  demande  la  permission  de  reproduire. 

AiiAUiY  !•'  (H62-4173). 

+  AHALRICVS  DEI  GRACIA  REX  lERYSALEM.  Roi  aasb 
sur  un  trône,  vêtu  d'une  dalmatique  jetée  par-dessus  une 
longue  robe,  tenant  de  la  main  droite  un  long  sceptre  sur^ 
monté  d'une  croix,  et  de  la  gauche  un  globe  crucîgére.  La 
couronne  est  effacée. 

î$  GIVITAS  REGIS  REGVM  OMNIVM.  Jérusalem  repré- 
sentée par  une  porte  de  ville  au-dessus  de  laquelle  on  voit 
les  trois  principaux  monuments  de  la  cité  sainte  :  le  Saint^ 
Sépulcre,  la  Tour  David  et  le  Temple.  (PI.  XllI,  n*  1.)  . 

Le  Saint  Sépulcre  et  le  Temple  sont  représentés  comme 
sur  les  monnaies,  le  premier  par  le  toit  ouvert  de  la  célèbre 
rotonde,  le  second  par  la  coupole  de  la  mosquée  d'Omar. 
La  Tour  David,  ouvrage  du  moyen  âge  bâti  sur  les  restes 
antiques  de  la  Tour  Phasaël,  est  couronnée  par  deux  petites 
guettes  :  deux  pennons,  arborés  au  sommet,  portent  la 
croix  :  c'est  la  première  fois,  je  crois,  que  sur  un  monu- 
ment contemporain  des  croisades  on  rencontre  la  figure 
des  u  étendards  de  la  croix.  »  L'identification  de  cet  édifice 
avec  la  «  Tour  David  »  est  démontrée  par  la  petite  pièce 
de  cuivre  (Saulcy,  Num.  des  crois.,  IX,  1)  sur  laquelle  il 
est  accompagné  de  son  nom  :  en  voici  une  variété  inédite  : 


ET    DISSERTATIONS.  277 

T.V.R.R.I.S.  La  Tour  David«  surmontée  de  deux  petites 
guettes  comme  sur  le  sceau  d'Âmaury. 

i^  +D.A.V.I.T.  Étoile.  (PI.  Xlll,n»2.) 

M.  de  Saulcy  place  rémission  de  cette  monnaie  dans  les 
dernières  années  du  xii*  siècle,  et  rien  jusqu'à  présent 
n'est  venu  modifier  cette  opinion.  L'orthographe  du  mot 
DavU  est  tout  à  fait  française,  et  témoigne,  une  fois  de 
plus,  de  la  prédominance  de  l'esprit  français  dans  tout  ce 
qui  se  rapporte  aux  croisades. 

Les  deux  monuments  qui,  sur  le  sceau,  accostent  la 
a  Tour  David,  »  sont  le  Saint-Sépulcre  et  le  Temple  ;  il 
ne  peut  y  avoir  de  doute  à  cet  égard.  J'ai  déjà  dé- 
montré dans  cette  Revue  (1856,  p.  127)  que  le  pre- 
mier était  toujours  représenté  par  un  petit  édifice  cou- 
ronné par  un  tronc  de  cône,  et  le  second  par  une  coupole  ; 
pour  la  plupart  des  soldats  de  la  croix,  le  Qottbbet 
ei  Sdkhrah  (mosquée  d'Omar)  était  le  temple  même 
des  Juifs;  c'est  pourquoi  on  l'avait  transformé  en  église: 
une  croix  dorée  avait  remplacé  le  croissant  au  som- 
met de  la  coupole,  et  fut  renversée  par  Saladin  en  1 187  *  : 
cette  croix  figure  sur  le  sceau  d'Amaury  1*'. 

Le  type  avec  la  légende  CIVITAS  REGIS  REGVM  OMNIVM 
parait  avoir  été  commun  à  tous  les  rois  de  Jérusalem,  même 
aux  souverains  nominaux  qui  ne  furent  pas  en  même  temps 
rois  de  Chypre.  Le  P.  Seb.  Paoli  a  grossièrement  dessiné 
un  sceau  tout  semblable  de  Baudouin  III,  appendu  à  une 
charte  de  1160,  un  autre  d'Amaury  I"  de  1169  ».  Les 
archives  de  Marseille  en  renferment  de  Baudouin  IV,  de 
Guy  de  Lusignan  et  de  Jean  de  Brienne  ',  la  forme  des 

>  Ibn-al- Athyr.  Voyez  notre  Ttmpli  di  Urvtaltm,  p.  78. 

s  Codtcf  Diplomalico  dell.  ord.  Hierosol.^  pi.  II,  17,  et  III,  26. 

*  Les  empreinte!*  m'ont  été  commaniqudes  par  Tobligeant  intermédiaire  de 


278  MÉMOIRES 

lettres,  le  style  de  la  gravure  distinguent  facilement,  de 
ces  sceaux  plus  modernes,  celui  dont  je  donne  la  figure,  et 
empêchent  qu  on  ne  l'attribue  à  Amaury  II  ;  mais  les  sujets 
représentés  sont  identiques,  la  seule  petite  différence  est 
dans  la  forme  altérée  des  guettes,  et  Tabsence  des  pennons 
au  sommet  de  la  w  Tour  David.  » 

On  trouve  en  assez  grand  nombre  à  Jérusalem  des  de- 
niers d'argent  et  de  billon,  avec  la  légende  AMALRICVS 
REX.  DE  lERVSALEM  et  le  type  du  Saint-Sépulcre  (Saulcy, 
pi.  IX,  6,  7)  :  M.  de  Saulcy  les  attribue  au  roi  titulaire 
Amaury  11,  souverain  de  Chypre  :  il  est  vrai  que  dans  le 
même  ouvrage  (p.  99)  M.  de  Rozière  repousse  cette  attri- 
bution à  cause  de  l'absence  du  nom  de  Chypre  sur  les  mon- 
naies :  M.  de  Saulcy  appuie  son  opinion  sur  la  ressemblance 
du  type  avec  celui  de  la  grande  pièce  de  Jean  de  Brienne  : 
mais  nous  venons  de  voir  par  les  sceaux  que  les  mêmes 
types  peuvent  avoir  été  en  usage  pendant  longtemps,  et 
que  la  figure  du  Saint-Sépulcre  avait  déjà  reçu  sa  forme 
conventionnelle  à  l'époque  de  Baudouin  111  :  rien  ne  s'op- 
pose donc  à  ce  que  les  deniers  en  question  soient  restitués 
à  Amaury  1^'.  11  me  paraît  plus  simple  d'admettre  cette 
attribution  que  de  supposer  que  ces  pièces  aient  été  frap- 
pées par  Amaury  II,  roi  de  Chypre,  depuis  son  avènement 
honoraire  au  trône  de  Jérusalem,  et  pour  l'usage  seulement 
de  ce  royaume.  On  s'expliquerait  difficilement  que  dans  un 
même  règne  toutes  les  pièces  au  nom  du  roi  de  Chypre 
aient  disparu,  et  que  celles  au  nom  du  roi  de  Jérusalem 
aient  été  conservées  en  grand  nombre  :  j'ajouterai  que 
parmi  les  deniers  il  en  est  beaucoup  d'argent  pur  et  bien 

M.  Laugicr.  Voyez  le  sceau  de  Gui  de  LuBiguan  appendu  à  un  acte  de  1190, 
dans  r/cono(;r.  des  sceaux  et  but  les  des  Àrchiv,  des  Douches -du-Bhâtie ,  par  L. 
BlancnH,  p.   111,  I"  édit.,  pi.  34  W«,  n- 2;  et  II' édit.,pl.  61,  n«  3. 


ET   DISSERTATIONS.  279 

monnayé,  tandis  que  les  deniers  d'Aniaury  II  comme  ceux 
de  son  frère  et  prédécesseur  Guy,  frappés  à  une  époque 
de  grande  pénurie,  devaient  être  de  cuivre  presque  pur. 

Baudouin  IV  (H73-H85). 

Aux  deniers  connus  de  ce  roi  (Saulcy,  IX,  2,  3)  j'ajou- 
terai la  maille  d'argent  de  même  type. 

1.  •.  •  BALDVINVS  RG.  Croix  pattée. 

î$  +D€  leRVSALeM.  Tour  David.  (PI.  XIII,  n-  3.) 
On  remarquera  dans  les  légendes  de  cette  monnaie  les 
petits  annelets  qui  décorent  le  B,  les  A  et  les  D. 

Gui  de  Lusignan  (1185-1192). 

Gomme  roi  de  Jérusalem,  on  ne  connaît  encore  de  lui 
que  les  mauvais  deniers  de  cuivre  décrits  par  M.  de  Saulcy 
(IX,  4,  5). 

2.  +  ReX  GVIDO  D.  Tète  de  face. 

^  +  G.  ieRVSAL€M.  La  coupole  du  «  Temple.  » 
La  numismatique  des  derniers  rois  titulaires  de  Jérusa- 
lem, Conrad  de  Montferrat,  Henri  de  Champagne,  Amaury  II, 
Jean  de  Brienne,  ne  s'est  enrichie  d'aucune  nouvelle  pièce, 
si  ce  n'est  le  denier  au  nom  de  Jean  frappé  à  Damiette  en 
1219  *.  Mais  j'ai  recueilli  de  nouveaux  exemplaires  de 
toutes  les  monnaies  publiées  par  M.  de  Saulcy  :  j'ai  aussi 
retrouvé  les  pièces  frappées  par  Gui  de  Lusignan  comme 
roi  de  Chypre  (1192-1194). 

3.  +  ReX  GVIDO.  Étoile. 

^  4-  DG  CIPRO.  Croix  pattée  cantonnée  de  quatre  be- 

*  rnb]i«»  par  M.  A.  df»  Bnrtln^lemy,  «•«*?  mtm.,  1P59,  t.  IV,  p.  371. 


280  MÉMOIRES 

sants.  Un  point  secret  entre  le  P  et  l'I.  Billon  de  très-bas 
titre;  presque  cuivre  pur.  (PL  XIII,  n'  4.) 

à.  +  R6X  GVIDO.  Croix  cantonnée  de  deux  besants  et 
de  deux  croissants. 

^  +  D€  CIPRO.  Sorte  de  chàtel  semblable  à  celui  du 
n*"  8  de  notre  planche,  avec  une  étoile  dans  le  centre.  Point 
secret  comme  dans  la  pièce  précédente. 

L'Ue  de  Ciiypre  n'ayant  pas  encore  été  érigée  en  royaume. 
Gui  ne  pouvait  se  dire  a  roi  de  Chypre;  »  mais  comme  sou- 
verain nominal  de  Jérusalem ,  il  avait  le  titre  royal  :  les 
chroniqueurs  l'appellent  Rex  Guida,  Dominus  Cipri  :  les 
monnaies,  on  le  voit,  ne  font  pas  la  même  distinction. 

Amaurt  II  (1194-1206). 

Les  monnaies  frappées  à  Chypre  par  le  frère  et  succes- 
seur de  Gui  de  Luslgnan  n'ont  pas  été  retrouvées  :  j*ai 
déjà,  comme  on  Ta  vu  plus  haut,  proposé  d'enlever  à  ce 
souverain  et  de  restituer  à  Amaury  1"  les  pièces  frappées 
à  Jérusalem  au  type  du  Saint-Sépulcre. 

Hugues  1"  (1205-1218). 

6.  .HVGO  Rex.  CVPRI.  Le  roi  debout  en  empereur 
byzantin,  le  manteau  relevé  sur  le  bras  gauche,  tenant  de 
la  main  droite  un  long  sceptre  crucigère ,  et  de  la  main 
gauche  un  globe  surmonté  d'une  croix  byzantine  à  double 
traverse. 

^  IC.  XC.  Le  Christ  assis,  avec  le  nimbe  crucifère  bénis* 
sant  à  la  manière  byzantine.  Or  très-pâle.  (PI.  XIII,  n*  6.) 

6.  HVGO...  CYPRl.  Mêmes  types  que  la  pièce  précé- 
dente :  la  croix  du  globe  n*a  qu'une  seule  traverse. 


ET    DISSERTATJONS.  281 

^  Même  revers.  (PI.  XIII,  n»  6.) 

Ces  deux  pièces  sont  des  variétés  du  nummus  scyphalm 
déjà  connu,  frappé  à  Fimitation  des  monnaies  d'or  de  Con- 
stantinople,  mais  avec  un  alliage  dans  lequel  l'or  entre 
pour  une  quantité  à  peine  appréciable. 

7.  4-  HVGO  R6X.  Croix  cantonnée  de  deux  croissants, 
d'un  fer  de  lance  et  d'une  étoile,  dans  un  cercle  de  grè- 
netis. 

i$  +  :  CYPRI.  Châtel.  Billon.  (PI.  XllI,  n-  7.) 

8.  Variété  du  denier  précédent  :  la  croix  est  cantonnée 
de  deux  croissants  et  de  deux  annelets.  (PI.  XIII, 
n'>8.) 

Ces  deux  deniers  sont  frappés  dans  le  système  français  : 
on  voit  donc  qu'il  n'y  a  aucune  comparaison  à  établir 
entre  les  espèces  d'argent  et  celles  d'or  :  les  unes  sont 
faites  à  l'imitation  des  monnaies  indigènes,  les  autres  sui- 
vant le  système  des  conquérants  :  cette  observation  est  gé- 
nérale et  s'applique  à  tous  les  établissements  d'outremer: 
il  existe  même,  suivant  M.  Lavoix,  des  pièces  d'or  frappées 
par  les  premiers  rois  de  Jérusalem  à  l'imitation  des  dinars 
arabes.  Nous  verrons,  par  la  suite  de  ce  travail,  que  cette 
distinction  s'est  maintenue  pendant  longtemps;  je  suis 
même  persuadé  que  les  pièces  d'or  des  derniers  Lusignan, 
si  elles  se  retrouvent,  offriront  des  types  byzantins,  tandis 
que  le  monnayage  d'argent  suit  les  variations  du  mon- 
nayage occidental  :  c'est  ainsi  que  l'on  voit  les  sequins  de 
Rhodes,  de  Venise,  de  l'ordre  de  Malte,  les  ducats  de  Hol- 
lande, etc. ,  conserver  jusqu'à  une  époque  rapprochée  de 
nous,  des  types  très- archaïques.  Le  monnayage  de  cuivre 
proprement  dit,  dans  les  établissements  croisés,  a  subi  la 
même  loi  :  les  pièces  frappées  par  les  comtes  d'Édesse  et 
d'Antioche  sont  byzantines  :  je  ne  comprends  pas  dans  cette 


282  MÉ1101R£S 

catégorie  les  deniers  latins  de  Gui,  d'Amaury,  les  deniers 
de  Tripoli,  de  Sidon  et  tant  d'autres,  quoique  faits  de  cuivre 
presque  pur  :  ces  pièces  sont  en  billon  de  mauvais  aloi, 
émises  pour  de  Targent,  malgré  Tabsence  presque  com- 
plète du  métal  précieux. 

Henri  1-  (1218-1253). 

9.  HGiNRlCVS  R€X  CYPRI.  Le  roi  debout  en  empereur 
byzantin. 

â  IC-XC.  Le  Christ  bénissant.  Or  pâle.  Concave. 

10.  HeNRlCl  (sic)  R6X  CYPRL  Variété  du  précédent. 

Hi  Même  revers.  Or  pale.  (Pl.XHl,  n°9.)  Danslechamp» 
trois  points  comme  sur  les  pièces  de  Hugues  I"  ;  la  croix  qui 
surmonte  le  globe  est  tantôt  à  une,  tantôt  à  deux  traverses. 

Je  n'ai  rien  à  ajouter  aux  pièces  d'argent  recueillies  par 
M.  de  Rozière  (Saulcy,  Numismatique  des  croisades^  pL  X), 
si  ce  n'est  quelque  variété  sans  importance  :  les  types  des 
deniers  et  des  doubles  deniers  sont  latins  :  les  premiers 
sont  presque  identiques  à  ceux  de  Hugues  P%  les  seconds 
rappellent  les  pièces  de  la  république  de  Gènes,  avec  la 
légende  HENRICVS  REX. 

Henri  I  n'était  âgé  que  de  quelques  mois  lorsqu'il  monta 
sur  le  trône.  Pendant  sa  longue  minorité,  la  régence  fut 
exercée  par  la  reine  mère  Alix,  assistée  de  ses  deux  oncles, 
Philippe  et  Jean  d'Ibelin  :  il  est  probable  que  selon  la 
coutume  chypriote,  il  y  eut  des  monnaies  frappées  au  nom 
des  régents;  elles  se  retrouveront  quelque  jour. 

Hugues  II  (12531267). 

Mort  en  bas  âge.  il  n'exerça  jamais  en  son  nom  la  sou- 


ET    DISSERTATIONS.  283 

veraineté  royale  :  ses  monnaies,  si  elles  se  retrouvent, 
devront  porter  le  nom  de  la  reine  Plaisance  d'Antiocbe, 
régente  jusqu'en  1261,  ou  celui  d'Hugues  d'Antioche,  qui 
lui  succéda  dans  cette  fonction.  Avec  Hugues  II  s'éteignit 
la  branche  directe  des  Lusignan. 

Hugues  III  (1267-1284). 

Cousin-germain  du  feu  roi  par  sa  mère,  qui  était  iille 
d'Hugues  I",  et  régent  du  royaume,  Hugues  d'Antioche 
monta  sur  le  trône  :  il  prit  les  nom  et  armes  de  Lusi- 
gnan. 

M.  de  Roziëre  attribue  à  ce  prince  les  monnaies  d'or 
concaves  à  la  légende  H:Rei:D....MeD'HIP  (Saulcy,  X,  8, 
9),  mais  je  ne  puis  partager  son  avis,  par  la  raison  que 
la  légende  est  en  français  comme  celle  des  monnaies  de 
Henri  II  et  de  ses  successeurs  immédiats.  Or  la  langue  des 
monnaies  parait  avoir  suivi  une  loi  déterminée  :  latine  au 
début,  puis  française,  elle  redevient  latine  sous  les  der- 
niers Lusignan.  La  pièce  inédite  de  Jean  I*',  qui  suit,  étant 
latine,  je  pense  que  celles  de  Hugues  III  devaient  être 
dans  le  même  cas. 

Jean  I"  (1284-1285). 

11.  lOh'  RfelIRLM  e  GYPR.  Le  roi  debout  vêtu  d'une 
longue  robe  brodée  de  pierreries,  avec  un  manteau  royal 
bordé  de  perles  agrafé  sur  l'épaule  droite  et  relevé  sur  le 
bras  gauche ,  dans  la  main  droite  un  sceptre  dont  on  ne 
voit  que  la  croix,  dans  la  gauche  le  globe  crucigëre  :  la 
couronne  est  à  trois  fleurons  fleurdelisés.  Dans  le  champ, 
une  étoile. 


28/i  mLmoirfs 

^  IG-XC.  Le  Christ  bénissant.  Or  pâle.  Concave.  (PI.  Xlli, 
n-10.) 

Les  types  de  cette  rare  monnaie,  quoique  byzantins  comme 
ceux  des  monnaies  d'or  précédentes,  sont  plus  latinisés  : 
la  couronne  du  roi  est  française,  rajustement  de  son  man- 
teau moins  archaïque,  les  traits  plus  réguliers.  Je  ne  con- 
nais pas  de  monnaies  d'argent  de  ce  prince,  qui  n'a  régné 
qu'une  année. 

Henri  II  (1286  132A). 

12.  b  R6I DIHR  GD' hIP.  Le  roi  debout,  etc.  Dans  le 
champ,  une  croix  pattée.  Or  blanc.  Concave. 

^  IG-XC.  Le  Christ  bénissant.  (PI.  XIV,  n*»  l.  ) 

18.  hRei  D'IRL'M  GDhIP.  Mêmes  types.  (PL  XIV, 
n»  2.) 

M.  de  Rozière  a  publié  deux  pièces  semblables  (Saulcy,  X, 
8,  9),  avec  cette  seule  différence  que  les  trois  premiers 
mots  de  la  légende  sont  séparés  par  des  points ,  et  que 
la  marque  monétaire,  au  lieu  d'être  une  croix,  est  une 
rosace. 

Le  roi  de  ces  monnaies  n'étant  désigné  que  par  son 
initiale,  il  y  a  incertitude  entre  Hugues  III,  Henri  II  et 
Hugues  IV.  J'ai  écarté  le  premier  à  cause  de  la  langue  de 
la  légende  et  de  la  grande  ressemblance  qui  existe  entre  la 
tête  du  personnage  et  celle  des  rois  Henri  II  et  Hugues  IV 
sur  les  pièces  d'argent  :  l'ajustement  des  cheveux,  la  forme 
de  la  couronne  sont  les  mêmes.  Les  couronnes  des  rois 
antérieurs  à  Jean  I"  sont  bien  différentes  :  nos  dessins  sont 
là  pour  le  prouver  :  on  ne  peut  comparer  les  fig.  2  et  3  de 
notre  planche  sans  être  frappé  de  l'air  de  famille  des  deux 
têtes.  La  difficulté  commence  lorsqu'il  faut  choisir  entre 


ET    DISSERTATIONS.  286 

les  lieux  derniers  rois,  dont  les  espèces  d'argent  sont  iden- 
tiques, au  nom  propre  près,  et  dont  les  espèces  d'or  ont, 
par  conséquent,  pu  être  semblables  entre  elles.  Je  pense, 
en  effet,  que  les  scyphates  à  l'initiale  H  appartiennent  aux 
deux  règnes,  de  même  que  les  gros  tournois  au  nom  de 
Philippe  appartiennent  iudistinctement,  au  premier  coup 
d'œil,  à  Philippe  le  Hardi,  Philippe  le  Bel  ou  Philippe  le 
Long.  Pour  classer  les  uns  et  les  autres,  il  faut  avoir  re- 
cours aux  petits  détails;  ici  le  titre  des  espèces  ne  peut 
servir  d  indication,  les  monnaies  étant  toutes  également 
falsifiées,  et  l'or  n'entrant  que  pour  mémoire  dans  leur 
composition;  les  marques  monétaires  pourront  servir  de 
guide  :  ce  sont  elles  qui  m'ont  conduit  à  attribuer  à  Henri  II 
les  quatre  pièces  décrites  plus  haut.  En  effet,  la  croix  pattée 
et  la  rosace  que  j'y  ai  signalées  se  retrouvent  également 
sur  deux  des  besanls  d'Henri  II,  reproduits  dans  les  plan- 
ches de  M.  de  Saulcy  {Num.  des  croisades,  X,  10, 12). 

Les  monnaies  d'argent  de  Henri  11  sont  très-connues  :  ce 
sont  des  besants  et  des  demi-besants  frappés  à  l'imitation 
des  carlins  ou  des  lis  d'artjevi  des  princes  de  la  maison 
d'Anjou,  comtes  de  Provence  et  rois  de  Naples.  On  sait  que 
les  pièces  provençales,  en  faveur  sur  toutes  les  côtes  de  la 
Méditerranée,  furent  très-imitées,  non  seulement  en  France, 
comme  par  un  évêqne  de  Valence  et  de  Die  et  par  un 
comte  de  Valentinois,  les  princes  d'Orange,  les  dauphins  de 
Viennois,  etc  ,  mais  encore  en  Orient  par  les  rois  de  Chypre, 
les  grands-maîtres  de  Rhodes,  et  jusque  par  un  prince 
seldjoukide  d'Asie  Mineure,  Saroukhan,  émir  de  Magnésie  '. 
Sans  doute  le  carlitio  de  Charles  II  a  pu  servir  de  modèle 


1  A.  de  Lonjrpv'-iicr.  liemr  num.,  180O,  t.  V,  p.  59,  et  1859,  t.  IV,  p.  213.— 
Voy.  les  remarques  do  M.  Dominique  Pj-omii»,  Rcrw  num.,  1830,  p.  272. 

1861  —4.  20 


286  Ml- MOIRES 

à  quelques  monnaies  des  princes  de  la  Méditerranée;  maiâ 
c  est  surtout,  je  le  crois,  le  grande  abondance  des  gigiiati 
de  Robert  qui  a  propagé  le  type  de  la  figure  assise.  Cette 
circonstance  placerait  après  Tannée  1309,  date  de  l'avé- 
nement  de  Robert,  les  dilTérentes  émissions  de  besants  an 
nom  d'Henri  II  :  elles  se  rapportent  donc  à  la  seconde 
partie  du  règne  de  ce  monarque.  On  sait  que  pendant  six 
ans  (1304-1310)  le  pouvoir  royal  fut  usurpé  par  Amaury, 
prince  de  Tyr,  frère  du  roi,  qui  régna  avec  le  titre  de  gou- 
verneur. Pendant  toute  cette  période,  la  monnaie  fut  frap- 
pée au  nom  de  l'usurpateur  et  dans  un  système  différent. 
Voici   une  de  ces  pièces ,  que  j*ai  trouvée  dans  l'île  de 
Chypre. 

14.  Lég.  ext.  :  AMAL.TIRENSIS.DOMINVS.  (Âmalricus 
Tiren$is  dominvs.  )  —  Lég.  int.  :  GVff NATO'  E'  RFTOR 
CIPRI  {Gubernator  et  rector  Cipri).  Lion  rampant. 

^  +1RLM.ET.CIPRI.REGIS.FILIVS.  Écu  parti  de  Jérn- 
salem  et  de  Lusignan ,  c'est-à-dire  d'une  part  :  à  la  croix 
potencée  cantonnée  de  quatre  croisettes,  et  d'autre  part 
burelé  de  six  pièces  au  lion  rampant  brochant  sur  le  tout. 

Cette  pièce  est  imitée  du  gros  tournois;  de  même  les 
monnaies  d'argent  de  Foulques  de  Villaret  frappées  à 
Rhodes  (1310-1319)  sont  des  gros\  A  cette  époque  les 
carlins  n'avaient  pas  encore  pénétré  en  Orient  :  les  pièces 
de  Henri  II,  antérieures  à  l'usurpation  d'Amaury,  doivent 
donc  aussi  être  frappées  dans  le  même  système. 

Le  gros  d'Amaury  est  très-intéressant  :  l'usurpateur 
n'osant  prendre  le  titre  royal,  mais  pourtant  désirant  prou- 
ver une  sorte  de  légitimité,  rappelle  sa  qualité  de  fils  du 
roi  de  Jérusalem  et  de  Chypre,  c'est-à-dire  de  Hugues  III  : 

»  /cet Vf  tiiim.,  IB59,  t.  IV,  p.  212. 


ET    DISSERTATIONS.  287 

en  même  temps  il  frappe  aux  armes  royales  que  son  père, 
quoique  descendant  indirect  des  Lusignan,  avait  adoptées. 
La  pièce  du  même  personnage  publiée  dans  la  Numisma-' 
tique  des  croisades  est  un  peu  différente  ;  M.  de  Rozière  a 
cm  y  lire  le  nom  d*Henri;  mais  il  n'avait  entre  les  mains 
qu'une  empreinte  défectueuse  d'un  exemplaire  mai  con- 
servé. Je  n'ai  pas  vu  l'original,  mais  je  crois  qu'il  contient, 
comme  le  gros,  la  légende  REGIS. IRLM  E.CIPRI  FILIVS  : 
je  lis  le  mot  FILIVS,  même  sur  le  dessin  de  M.  Cartier 
(  Saulcy,  Num,  des  crois.,  pi.  XI,  1  ).  Quant  à  la  rare  mon- 
naie que  je  publie,  elle  est  à  fleur  de  coin  et  la  lecture  est 
indubitable. 

Henri  II ,  remonté  sur  le  trône  en  1310,.  frappa  les  be- 
sants  et  demi-besants  aujourd'hui  si  communs  qui  repré- 
sentent d'un  côté  le  roi  assis  sur  un  siège  sans  dossier, 
et  de  l'autre  la  croix  de  Jérusalem. 

Voici  des  monnaies  du  même  prince,  beaucoup  plus  rares  : 

15.  H6NRI  R(:.I  D€.  Roi  assis  sur  un  trône  àhaut  dossier, 
avec  la  couronne  et  le  sceptre  fleurdelisés  et  le  globe  cru- 
cigère. 

^  +  IGRVSAL'M  eD'ChIPR.  Lion  rampant  des  Lusignan. 
Dans  le  champ,  trois  points.  Argent.  Besant.  (PI.  XIV,  n'S.) 

16.  Mêmes  types.  Demi-besant. 

17.  +  H6îSRI:Rei:De.  Croix. 

^  +  IRL'ro  €D'ChIPR'.  Lion  rampant.  Denier  de  bîUon. 
(PL  XIV,  n»  4.) 

Hugues  IV   (1324  —  1358). 

Les  monnaies  d'or  de  ce  roi,  je  l'ai  déjà  dit,  devaient  être 
pareilles  à  celles  de  son  oncle  et  prédécesseur.  Quant  aux 
nombreuses  monnaies  d'argent  frappées  pendant  ce  règne 


288-  u1^:mo[ri^s 

long  et  relativement  prospère,  elles  «oui  nl)?olument  s^eiii- 
blables,  au  nom  près,  à  celles  de  Henri  II  Le  besant  au 
lion  est  le  seul  qui  n'ait  pas  été  retrouvé  ;  mais  j'ai  re- 
cueilli et  je  publie  (  pi.  XIV,  n»  5  )  le  denier  au  lion  pa- 
reil à  celui  de  Henri  II. 

18.  +hVGVe:R€I:De.  Croix. 

H)  IRL'M:€D'ChIPR.  Lion  rampant.  Billon. 

Quant  aux  besants  et  demi-besants  à  la  croix  de  Jéru- 
salem, ils  sont  trop  connus  pour  que  j'aie  à  m'en  oc- 
cuper ici. 

Pierre  I  (1858-1,^69). 

Ce  règne,  le  plus  glorieux  de  toute  la  dynastie  des 
Lusignan,  n*est  représenté  que  par  deux  espèces  de  mon- 
naies, les  besants  et  demi-besants  aux  types  ordinaires 
(Saulcy,  XI,  Revue  num,,  18<50,  t.  V,  p.  37î^).  La  Tabrique 
est  un  peu  différente  de  celle  des  monnaies  précédentes  : 
le  roi  porte  tantôt  un  sceptre,  tantôt  une  épée;  à  côté  de 
lui  se  trouve  son  écu  chargé  d*un  lion  rampant;  la  légende, 
comprise  entre  deux  grènetis,  est  en  caractères  plus  mo- 
dernes. Cette  légende,  sauf  quelques  variantes  d'ortho- 
graphe, est  toujours  en  français  et  ainsi  conçue  : 

19.  +  PI6RG  PAR  LA  GRAC6  DG  DIG  RGI. 
a  +DG  I6RVSALGM  6  DG  ChIPRG. 

Pierre  II  (1369. 1382). 

Jusqu'à  présent  on  classait  indistinctement  aux  deux 
Pierre  les  pièces  à  légende  française  que  j'attribue  toutes 
au  roi  précédent:  je  propose  de  donner  à  PieiTe  II  un  be- 
sant de  ma  collection  dont  la  légende  est  latine  : 

20.  +  PÔTRVS:DGI:GRA:RGX.  Le    roi    :issis,    tenant 


KT    DISSERTATIONS.  280 

Tépée  clune  main  et  le  globe  crucigèrc  de  1* autre;  à  sa 
gauche,  son  écu. 

ïç  +  IGRVSALP-Mre  ChlPRl.  Croix  de  Jéf  usalem.  Argent. 
(PI.  XIV.  n*  6.) 

Jacques  1"  (1382-13P8). 
Je  ne  connais  pas  de  monnaies  de  ce  prince. 
Janus  (1398-1432). 

M.  de  Rozière  a  relevé  Terreur  de  plusieurs  historiens 
qui  ont  confondu  le  nom  de  Jatius  avec  celui  de  Jean;  il  a 
montré  que  le  nom  de  Janus  avait  été  donné  au  fils  de 
Jacques  I"  parce  qu'il  était  né  pendant  la  captivité  de  son 
père  à  Gênes  :  cette  opinion  est  confirmée  par  les  médailles. 

21.   4-  lANVS  PAR m  D16V.  Roi  assis,  tenant  le 

sceptre  et  le  globe;  à  côté  du  trône,  h  gauche,  écu  écartelé 
de  Jérusalem  et  de  Lusignan. 

R  ...1  D  IfeRVSALeM  DChlPR(7€....  Croix  de  Jérusalem. 
Besant. 

Le  type  de  cette  pièce  est  celui  des  besants  des  deux 
Pierre  :  la  légende  du  revers  renfermait  à  la  fin  le  titre  de 
roi  d'Arwênie  qui  appartenait  aux  rois  de  Chypre  de- 
puis 1393.  Aussi  c'est  à  tort  que  M.  de  Rozière  a  attribué 
à  Janns  la  pièce  figurée  pi.  XU.  1  (Numism.  des  crois.,  do 
M.  de  Saulcy),  qui  omet  le  litre  de  roi  d'Arménie,  et  dont 
le  type  est  absolument  celui  des  monnaies  de  Jean  H. 

Jla^  Il  (l/i32-lA58j. 

Les  pièces  de  ce  roi  font  exception  à  la  loi  de  contiuuité^ 
des  types  :  elles  sont  frappées  à  l'imitation  des  premiers 
besants  de  Chypre.  M.  de  Mas-Latrie  a  expliqué  cette  ano* 


200  IMÉMOIRES 

malie  en  disant  que  les  Génois  exigeaient  le  payeaient  du 
tribut  qui  leur  était  dû  en  anciennes  espèces,  et  que  pour 
les  tromper  on  avait  copié  les  monnaies  de  Hugues  IV  et 
d'Henri  II.  Cette  ingéniense  explication  est  confirmée  par 
les  pièces  trouvées  depuis  qu'elle  a  été  proposée  ;  presque 
toutes  sont  faites  à  l'imitation  des  besants  de  Henri  II  ;  pour 
que  la  ressemblance  fût  plus  complète  on  a  été  jusqu'à 
supprimer  le  titre  de  roi  d'Arménie  ;  sans  la  forme  des  let- 
tres et  la  langue  des  légendes  on  serait  tenté  de  les  attri- 
buer à  Jean  I"  ;  mais  de  ce  côté  la  confusion  n'est  pas 
possible  *,  les  légendes  sont  en  caractères  gothiques  allongés» 
et  même  en  capitale  romaine  de  la  fin  du  xv*  siècle.  Quant 
à  la  langue,  tandis  que  sur  les  monnaies  antérieures  on  ne 
voit  qu'un  seul  idiome  par  règne,  soit  le  latin,  soit  le  ro- 
man, soit  le  français,  ici  on  rencontre  les  trois  dialectes 
simultanément  employés. 

22.  10AN:ReX:D:.    Type   des   besants   ordinaires   de 
Henri  II.  Dans  le  champ,  un  objet  indéterminé. 

$  +  leRVSAL'MieiDrChlPRG.  Croix  de  Jérusalem.  Ar- 
gent. (PL  XIV,  n»  7.) 

23.  Mêmes  types.  IOHANSG;DGI  GRA. 

Rj  +  HIRLM:f:T:ClPRI  R6X   en  lettres  romaines. 

24.  Mêmes  types.  iGhAN  ROI. 
f^  -1-IGRVSALGMD'hlPRG. 

25.  Mêmes  types.  IGhANRGlD. 
^  +IGRVSAL6M  6D  ChlPR. 

26.  Mêmes  types.  1  AN  R... 

^  PAR  LA  GRAC6  D6  1)16.  Demi-besant,  variété  de  la 
pièce  reproduite  dans  Touvrage  de  M.  de  Saulcy  (XII,  1)  et 
qui  porte  réellement  IHN  PA+R  LA  GRAC6  D6  Die  ROI. 

La  pièce  suivante  se  rapproche  plus  des  pièces  du  temps, 
c'est-à-dire  des  monnaies  de  Janus. 


ET    DISSERTATIONS.  20l 

27.  +  IGhAN  PAR-LA.GRACe.DG.I)l€V.  Le  roi  assis 
avec  le  sceptre  et  le  globe  ;  à  gaucbe  du  trône,  Técu  chargé 
du  lion  rampant. 

â  +W:  lÊRVSALeM.f:  UG  ChlPae.  Croix  de  Jérusalem. 
Besant. 

Louis  DE  Savoie  (1&58-1A63). 

Ce  prince,  devenu  roi  de  Chypre  par  son  mariage  avee 
Charlotte,  fille  de  Jean  II»  reprit  le  type  complet  des  Pierre 
et  desJanus»  c'est-à-dire  le  roi  sur  un  trône  à  dossier  avec 
Técu  des  Lusignaii,  et  la  légende  entre  deux  grènetis  :  la 
langue  latine  est  la  seule  qu'il  ait  employée. 

28.  +LVDOV GRAClA.RdX.  Type  décrit. 

ii  +  leRVSALGM  ClPRl  GT  ARMGNie.  Argent  (PI.  XIV, 
n*  8.) 

M.  A.  de  Barthélémy  a  publié  dans  cette  Revue^  deux 
pièces  de  Louis  de  Savoie  sans  écu  :  ces  pièces  grossière- 
ment frappées  appartiennent  sans  doute  à  Tépoque  des 
luttes  malheureuses  soutenues  par  le  roi  contre  son  beau- 
frère  naturel  Jacques,  qui  devait  lui  succéder. 

Jacques  II  (14ôO-lâ73). 

On  recueille  en  grande  quantité  dans  Tlle  de  Chypre^ 
les  pièces  de  cuivre  frappées  par  Jacques  U  «  avec  les 
chaudrons  d'airain  qui  estoient  aux  baings  publics.  »  Les 
planches  de  M.  de  Saulcy  en  reproduisent  un  certain  nom- 
bre; d'autres  variétés,  sans  grande  importance,  ne  méri- 

«  Tome  Vil,  p.  a09.  —  Dans  ce  travail,  très-bon  d'aiileurs»,  notre  savant 
collaborateur  émet  sur  la  langue  de»  légendes  et  la  présence  de  reçu,  quel- 
ques ûbscrtions  qu'il  n'aurait  pas  maintenues  s'il  avait  pu  counaltre  lo»  pièces 
qnc  nous  publions  aujourd'hui. 


202  a;  1  MOIRES 

tent  pas  d'être  décrites.  Mais  on  a  trouvé  en  outre  de  fort 
belles  pièces  d'argent  émises  sous  l'influence  italienne  qui 
chaque  jour  grandissait  dans  le  royaume,  et  s'augmenta 
encore  par  le  mariage  du  roi  avec  la  vénitienne  Catherine 
Coraaro. 

29.  :IA:GOBO:DGI:G:.  Le  roi  à  cheval;  à  droite,  cou- 
ronné, l'épée  à  la  main.  Sous  la  tête  du  cheval,  R. 

fti  +:R:I6RVSALGM:CIPm:eT:A:  (Armeniœ).  Croix  de 
Jérusalem  couverte  de  stries  parallèles.  (PI.  XIV,  n*9.) 

30.  Même  type.  lACOB.Dil.GRA 
H  R.lGRVS.CIPRl.tT.ARM... 

31.  lACOB  D6I.G.R.  Tête  du  roi  de  prolil,  à  gauche, 
couronnée. 

^  +R.ieRVS.CIPRI.eT.ARMlA.  Croix  de  Jérusalem. 

Ces  pièces  sont  imitées  des  monnaies  frappées  à  Naples 
par  les  rois  aragonais\  La  dernière  ressemble  beaucoup 
au  coronato  de  Terdinancl  1"  (1458-lâPâ).  On  sait  que 
l'usage  de  placer  des  eiligies  sur  la  monnaie  n'a  jamais 
cessé  complètement  d'exister  pendant  le  moyen  âge.  Après 
les  carlovingiens,  les  souverains  d'Allemagne,  d'Angleterre, 
d'Espagne,  de  Naples  se  sont  fait  représenter  sur  leurs 
monnaies,  chacun  d'une  manière  particulière.  Quant  au 
testone,  par  exemple,  adopté  par  Jean  Galéaz  Visconti,  duc 
de  Milan  en  Italie,  et  comte  de  Vertus  en  France  (1305- 
1402)*,  il  passa  à  son  arrière-petit-fds,  Louis  d'Orléans, 
alors  seigneur  d'Asti  (1465),  qui  l'importa  en  France  lors- 
qu'il monta  sur  le  trône  sous  le  nom  de  Louis  XU. 

Mais  c'est  au  coronato  de  tapies  qui  avait  succédé  au 
gigUato ou  lys  d' argent,  qu'il  faut  comptuer  la  monnaie  n*  31 , 

*  Vergara,  Monete  del  regno  rfi  AVj/ïo/i,  édit.  do  1715,  tHh.  XXIU,  p.  71,  _ 
Mader,  Kritisch»  Beytmje  fur  J/unsk,,  t.  V,  pi.  4. 

•  A.  do  Longpéricr,  Hciuf  ni/w.,  1859,  t.  IV,  p.  391. 


ET    DlSSERTATiO^S.  293 

tandis  que  le  type  du  roi  à  cheval ,  parait  emprunté  au 
cavallotlo  de  l'Italie  septentrionale.  La  croix  ombrée  du  re- 
vers de  toutes  ces  pièces  apparaît  pour  la  première  fois  sur 
des  monnaies  de  Ferdinand  de  Naples.  On  voit  par  tout  ce 
qui  précède  que  la  numismatique  chypriote  suit  avec  une 
grande  fidélité  les  variations  de  la  numismatique  occidentale. 

Catherine  Cornaro  et  Jacques  111  (1 473-1  â7o). 

M.  de  Mas-Latrie  avait  attribué  à  la  régence  de  Catherine 
une  pièce  de  cuivre  (Saulcy,  Xll,  15)  que  M.  de  Rozière  a 
justement  restituée  à  Jacques  11  :  mais  voici  un  écu  d'ar- 
gent qui  appartient  incontestablement  à  la  régente  et  dont 
j*ai  rencontré  en  Chypre  plusieurs  exemplaires  : 

32.  CAT.D  G.R....  Écu  écartelé  de  Jérusalem  et  de  Lu- 
signan. 

^  lACOB'.D.G A.r.  Croix  de  Jérusalem. 

Cette  pièce  a  été  nécessairement  émise  pendant  les  deux 
années  de  la  vie  éphémère  de  Jacques  III.  Catherine  régna 
encore  après  la  mort  de  son  fils  jusqu'en  1489  :  on  D*a  pas 
de  monnaies  de  cette  période.  A  cette  époque  elle  céda  le 
royaume  de  Chypre  à  la  république  de  Venise  qui  battit 
monnaie  dans  file  au  nom  de  ses  doges  jusqu'à  ce  que  la 
prise  de  Famagouste  (juin  1571)  ait  définitivement  fait 
passer  le  pays  sous  la  domination  ottomane. 

M.  DE  Vogué. 


i9h  MKMOIRK.S 


DES  MaNNAIES 

FRAPPÉES  DANS  LES  DEUX  SICILES,  AU  XIII»  SIÈCLE, 
.    PAR  LES  SUZERAINS  DE  PROVENGE. 

I>euxième  article.  —  Voir  p.  212. 


III. 

Deniers  de  Frédéric  II. 

Si  la  monnaie  d'or  de  Sicile  était,  au  xiii*  siècle,  malgré- 
son  titre  peu  élevé,  recherchée  avec  empressement  parles 
marchands  de  Provence  et  notamment  de  Marseille,  il  n'eu 
était  pas  de  même  de  la  monnaie  d'argent  de  cette  île.  En 
effet,  Frédéric  II  avait  inondé  tous  les  marchands  de  de- 
niers d'un  titre  si  faible  qu'ils  avaient  valu  à  ce  prince, 
d'après  des  témoignages  contemporains,  le  surnom  de  faux 
monnayeur  :  «  Sed  alios  nummos  (nummos  argentées)  de- 
«  terioris  materiœ,  îmmo  falsos,  Fridericns  II  procudisse 
«  dicitur  in  vitaGregorii  IX,  papae  (tom.  III,  Rer.  /talicar.^ 
(1  p.  58A).  En  verba:  Noim  moneLv  faharius^  dum  œra 
«  cudit  diverso  characlere  argenti  tenui  superinducta  cuti- 
((  cula.  }) 

Le  chroniqueur  a  raison.  Nous  lisons  dans  un  document 
officiel  et  authentique  du  Formulaire  de  la  chancellerie  de 
Naples  (recueil  souvent  cité  ici  d'ordonnances  des  rois  de 


ET    DISSERTATIONS.  296 

Sicile),  que  Frédéric  II  fit  en  ce  royaume  cinq  émissions  de 
deniers.  La  première  fut  au  titre  de  1/&  d'argent  fin  ;  la 
deuxième,  au  titre  de  1/6;  la  troisième,  au  titre  de  1/8;  on  voit 
que  le  prince  devenait  de  plus  en  plus  habile  négociant.  A 
chaque  émission,  le  titre  change,  mais  de  telle  façon  que  le 
bénéfice  du  prince  augmente.  II  est  vrai  d'ajouter  que, 
mercantilement,  Frédéric  ne  pouvait  plus  faire  accepter  ses 
deniers  de  1/8  d'argent  au  prix  de  ceux  de  1/4,  mais  il  trou- 
vait des  accommodements  soit  avec  ses  scrupules,  soit  avec 
les  exigences  du  commerce.  Ainsi,  tandis  que  pour  1  tarin 
d'or  il  donnait  d'abord  16  deniers,  lors  de  la  première 
émission,  il  en  porta  le  nombre  successivement  à  18  à  la 
deuxième  émission,  et  à  20  à  la  troisième.  Ses  bénéfices 
furent  considérables.  L'auteur  du  document  officiel  auquel 
nous  empruntons  ces  citations,  quelque  maître  rational, 
sans  doute,  a  soin  de  nous  les  faire  exactement  connaître  ^ 

La  première  émission  de  deniers,  dit-il,  fut  d'une  valeur 
de  6,000  onces  d'or;  on  en  distribua  et  l'on  en  échangea 
contre  de  l'or  pour  A, 600  onces,  et  ces  opérations  donnè- 
rent un  bénéfice  de  1,300  onces  d'or  (valeur  intrinsèque  : 
81,260  francs). 

Les  bénéfices  des  opérations  suivantes  furent  plus  fortes  : 

1,600  onces  d'or,  à  la  suite  de  la  deuxième  émission. 

3,300  onces  d'or,  après  la  troisième. 

Les  quatrième  et  cinquième  émissions  eurent  lieu  au  titre, 
l'une  de  1/12,  l'autre  de  1/16  d'argent*.  De  la  monnaie 
d'argent  à  1/16,  d'argent  et  15/16  de  cuivre!!  Il  y  avait 
vraiment  là  matière  à  calomnier  Frédéric  et  à  le  qualifier 
de  faux  monnayeur! 

*  Voir  aux  pièces  jiisti ficutiv es  le  document  n*  IV, 

•  Le  manuscrit  se  tromp<»:  le  lihe  de  la  cinquième  «niisaiou  n'cbt  pus  à  1/20, 
mais  à  1/16. 


2^  MÉMOIRES 

Le  maître  ratioiial  trouve  la  chose  toute  naturelle,  et  pas 
un  mot  pour  la  juger.  Ce  u*était  pas  sou  droit  ;  et  puis  les 
premières  émissions  devaient  lui  faire  trouver  les  dernières 
fort  rationnelles  et  fort  logiques. 

La  somme  des  bénéfices  de  ces  deux  dernières  affaires 
fut  de  pins  de  3,400  onces  d*or. 

Le  document  contient  en  outre  des  notions  très-satisfai- 
santes sur  les  prix  de  revient  de  la  fabrication  de  cette 
monnaie  d'argent  et  sur  les  prix  de  convention  fixées  par 
ordonnance  de  l'Empereur. 

Je  ne  citerai  que  deux  extraits,  ayant  trait  aux  émissions 
extrêmes. 

Tout  d'abord,  quand  on  fabriqua  des  espèces  d^argeut 
au  titre  de  1/â  d'argent,  la  livre  de  poids  coûta  à  la  Cour, 
de  façon  et  d'achat  de  l'argent  et  du  métal  d'alliage 
(cuivre),  15  tarins  d'or  et  1  grain.  A  ce  compte,  1  tarin 
d'or  produisait  23  deniers  1/2.  L'Empereur  fit  l'émission  à 
16  deniers  seulement  en  échange  d'un  tarin  d'or.  Par  cha- 
que tarin  d'or,  il  y  eut  donc  7  deniers  1/2  de  bénéfice  net. 

Plus  tard,  lors  de  la  fabrication  au  titre  dérisoire  de  1/16 
d'argent  et  15/16  de  cuivre,  l'achat  de  ces  deux  métaux  et 
la  façon  coûtèrent,  par  livre  de  poids,  5  tarins.  Chaque 
tarin  représeiit^iit  donc  intrinsèquement  6  sous.  Le  béné- 
fice fui, en  cette  occasion,  un  véritable  vol,  car,  des  6  sous, 
l'Empereur  en  garda  h  et  I  denier  pour  lui,  et  il  émit  sa 
monnaie  à  raison  de  23  deniers  en  échange  du  tarin  d'or. 

11  y  eut,  après  le  départ  de  l'Empereur  et  par  son  ordre 
une  nouvelle  émission  de  monnaies  cYargent.  C'est  la  der- 
nière que  mentionne  notre  document.  Elle  se  fit  par  les 
soins  de  personnages  dont  l'acte  ne  rapporte  pas  les  noms« 
mais  qu'il  qualifie  de  seigneurs,  qu'ils  fussent  princes  ou 
commissaires  impériaux. 


ET    DISSKKTATIONS.  297 

11  semblait  que  Frédéric  avait  atteint  les  dernières  li- 
mites de  Tarbîtrairc  et  du  supportable,  sinon  du  licite,  en 
matière  d'absolutisme  monétaire.  11  n'en  fut  pourtant  pas 
ainsi,  et  ses  représentants  parvinrent,  en  allant  plus  loin, 
à  fonder  solidement  la  réputation  de  faux  monnayage  de 
leur  chef. 

Cette  sixième  émission  de  monnaies  d'argent  fut  faite  au 
titre  de  7/360  d'argent  et  de  353/360  de  cuivre.  La  livre  de 
poids  ne  coûta  d'achat  d'argent  et  de  cuivre,  et  de  façon  de 
monnaies  que  1  tarin  3/4.  Chaque  tarin  produisit  donc 
20  sous!  et  pourtant  en  échange  de  ce  tarin  qui  valait 
20  sous,  on  ne  livra  au  peuple  que....  2  sous! 

Il  y  eut  donc  18  sous  de  bénéfice  net  par  tarin  ! 

La  valeur  intrinsèque  du  tarin  d*or  était  2^',08.  On  lui 
donnait  en  échange  0'',20! 

Voici  le  tableau  comparatif  de  la  valeur  réelle  et  de  la 
valeur  convenue  que  Frédéric  attribua  ou  fit  successive- 
ment attribuer  au  sou  de  xii  deniers  ; 

Taleir  ri^llc  TaUir  •ri—** 

tflSM.  d«  IM. 

fr.  c.  ff.  c. 

Première  t'iriission 1,00  1,53 

Pouxième  émisRion 0,92  1,.36 

Troisième  émission 0,55  1,02 

Quatrième  t*mi-sit»ii 0,44  1,02 

riiiquième  émission 0  34  0,K9 

Sixième  émission O.IO  1,04 

La  différence  entre  ces  deux  valeurs  constitua  le  bénéfice 
net  du  gouvernement  sicilien  sur  chaque  sou  émis. 


298  M^.MOlRllS 

IV. 
Des  carlins  d'or  fi  d'argent, 

S  I.  Du  carlin  d'or.  —  Cette  très-jolie  monnaie,  connue 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  salut  d'or  que  ne  lui  donnent 
jamais  les  textes  du  temps,  a  succédé  en  1278  à  Taugns- 
taie  de  Charles  I".  En  cette  année  Charles  1*'  chargea 
François  Formica  de  Florence  de  cette  nouvelle  fabrication 
qui  eut  lieu  à  Naples\  Le  florentin  apporta  dans  son  œuvre 
les  bonnes  traditions  monétaires  de  sa  ville  natale.  Aussi  le 
carlin  d'or  est-il  d'un  or  aussi  pur  que  le  florin,  c'est-à-dire 
à  24  carats  de  titre. 

Sa  valeur  était  du  quart  de  Fonce.  On  donnait  indiffé- 
remment pour  une  once  d'or,  h  carlins  ou  h  augustales 
d'or.  J'en  trouve  la  preuve  dans  un  mandat  d'assignation 
royale  émané  de  la  chambre  des  comptes  de  Charles  I**.  En 
voici  le  texte  :  «  De  caméra  nostra  fecimus  assignari  vide- 
licet...  in  karolenses  auri  et  augustales,  uncias  cj^xsv  ad 
rationem de is  karolenses  et  augustales  (sic)  perunciam^.  » 

Mais  rarement  on  payait  en  carlins  d'or  des  sommes 
exprimées  en  onces.  Je  n'ai  trouvé  qu'un  seul  exemple  de 
pareil  payement  dans  les  trois  volumes  du  Syllabus;  c*est 
une  autorisation  donnée  par  le  Roi,  le  2A  juin  1308,  au 


*  «<  Qncmdam  Franciscum  Formicani  de  Florentia  super  opère  nove  monete 
aari  que  de  mandato  oostro  fit  et  cud*tur  in  Castro  Capnano  de  Neapoli , 
duximus  statoendum.  »»  (  Ej  arch.  reg,  Neap.,  ex  reg.  1278  A,  f»  97  et 
M27.) 

«  Ejc  arch.  reg,  Ntap.,  ex  reg.  tignnto  1280  C,  f»  43,  cd,  ap.  Syllab.,  t.  III , 
f  206. 


LT    DISSERTATIOXS.  299 

connétable  de  Saint-Séverin,  de  rembourser  au  trésor 
une  certaine  somme  d'onces  en  monnaies  d'or  carolines,  à 
raison  de  à  carlins  par  once*. 

Le  poids  du  carlin  d'or  est  actuellement  de  4*', 40  en 
moyenne;  il  faut  y  joindre  le  1/100  de  ce  chiffre,  enlevé 
par  Tusure,  pour  obtenir  le  poids  vrai  de  rémission.  On  a 
donc  4*^,44,  qui,  multipliés  par  4,  produisent  17«',76  d'or 
pur.  C'est  bien  là  la  valeur  réellement  équivalente  d'une 
once  d'or. 

On  frappa  aussi  des  demi-carlins  d'or.  Le  cabinet  de 
Marseille  en  possède  un  exemplaire  qui  est,  si  je  ne  me 
trompe,  le  seul  connu.  11  pèse  2«',20,  et  a  été  publié  dans 
la  Revue  numismatique  de  1862,  p.  279,  pi.  XI,  n""  2. 

Les  carlins  d'or  au  salut  ne  furent  frappés  que  sous 
Charles  !•'  et  son  fils  Charles  II.  (Voy.  Rev.  wtim.,  1860, 
p.  47  et  pi.  II,  n*»  5.) 

m 

S  2.  Du  carlin  d'argent.  —  Cette  monnaie  (vulgairement 
appelée  salut  d'argent)  aux  type  et  légende  du  carlin  d'or 
a  été  également  émise  pour  la  première  fois  sous  la  direc- 
tion de  François  Formica,  et  dans  l'atelier  monétaire  de 
Naples. 

Les  lettres  patentes  par  lesquelles  Charles  I"  en  ordonna 
la  fabrication  donnent  des  détails  sur  le  module  du  carlin 
et  de  la  maille  ou  demi-carlin  d'argent  et  sur  les  propor- 
tions de  leur  émission.  Le  carlin  d'argent,  y  est-il  dit,  doit 
être  d'une  circonférence  un  peu  plus  grande  que  celle  du 
carlin  d'or,  et  la  maille  d'argent  un  peu  plus  large  que  le 
demi-carlin  d'or*. 


•  Ibid  ,  fasc.  55,  n*  9. 

*  Voir  le  texte  de  cette  ordonnance  aux  pièce?  justificatives  n»  V. 


302  MÉMOIRES 

C'est  à  peine  s'ils  donnaient  une  once  en  échange  de  80  de 
ces  pièces,  et  ce  cours  abusif  n'empêchait  pas  les  carlins 
d'affluer  chez  eux  et  de  s'y  convertir  en  lingots  qui  pre- 
naient le  chemin  de  la  prime  étrangère. 

La  nouvelle  ordonnance  mit  ordre  à  ce  fâcheux  état  de 
choses,  et  le  carlin  remonta  légalement  à  10  grams,  et  valut 
ainsi  la  60*  partie  de  l'once.  C'était  là  le  taux  normal  du 
carlin.  C'est  aussi  celui  qui  s'est  le  plus  longtemps  main- 
tenu, et  cela  devait  être,  car  la  monnaie  usuelle  de  tout  un 
royaume  ne  pouvait  pas  être  soumise  aux  fluctuations  im- 
posées par  les  marchands  et  les  spéculateurs,  fluctuations, 
du  reste,  sans  cause  réelle.  Je  puis  émettre  cette  opinion 
non-seulement  parce  que  les  analyses  chimiques  de  quel- 
ques-unes de  ces  pièces  m'ont  toujours  donné  le  même  titre 
(11  deniers,  1  obole),  et  les  pesées  le  même  poids  (à  quel- 
ques centigrammes  près,  à  la  condition  d'une  bonne  con- 
servation),  mais  parce  que  toutes  les  ordonnances  assignent 
au  carlin  un  poids  minimum  de  3  tarins,  1&  grains  1/2  (elles 
toléraient  avec  raison  que  le  poids  de  l'émission  eût  perdu 
im  demi-grain  par  le  fait  de  l'usure) ,  et  qu'à  la  fin  de  1301 
Charles  11  affirme  que  depuis  l'époque  de  sa  fabrication, 
sous  Charles  P',  le  carlin  n'a  jamais  varié  de  titre. 

En  1 302  il  y  eut  une  nouvelle  émission  de  carlins  {au 
salut).  Ce  fut  la  dernière.  Elle  eut  lieu  au  cours  de  60  car- 
lins par  once.  Par  conséquent  les  anciens  poids  et  titres 
furent  conservés.  A  cette  occasion,  les  carlins  vieux  éprou- 
vèrent une  baisse.  Ils  ne  valurent  plus  d'abord  que  1/75, 
puis  1/76  de  l'once.  J'en  trouve  la  preuve  : 

l*"  Dans  une  autorisation  donnée  par  le  Roi  à  son  justi- 
cier de  la  Terre  de  Labour  de  payer  au  trésor  115  onces  en 
carlins  vieux  à  raison  de  75  par  once,  et  35  onces  en  car- 
lins  neufs  à  raison  de  60  par  once.  19  mars  1303. 


ET   DISSERTATIONS.  303 

2''  Dans  une  déclaration  faite  par  le  Roi  au  même  justi- 
cier que  désormais  les  carlins  vieux  ne  doivent  plus  avoir 
qu'une  valeur  de  8  grains.  &  janvier  1303  \ 

3»  Dans  l'envoi  par  le  Roi  à  ses  justiciers  d'une  certaine 
somme  de  carlins  neufs  à  distribuer  au  peuple  h  raison  de 
60  par  once,  avec  ordre  de  réduire  à  8  grains  le  cours  des 
carlins  vieux.  Même  date  '. 

à*  Dans  un  ordre  adressé  par  le  Roi  au  justicier  de  la 
Basilicate  d'exiger  désormais  76  carlins  vieux  pour  1  once 
d'or.  16  juillet  1303'. 

5»  Dans  un  mandement  de  même  signification  et  de 
même  date  *• 


<  Voici  le  U^xte  de  cette  déclaration,  d'après  le  Syllabus  memb.,  t.  III, 
p.  88: 

M  Scriptum  est  eidem  justîtiario,  etc.  Per  consilia  deliberata  provisio  proutad 
te  credimus  pervenissef  quod  nova  argent!  moneta  firmiyaloris  et  pretii  cudatur 
in  regno  de  cetero  expendenda,  cessante  priori,  statuimos  at  ne  prior  ipsa  mo- 
neta videlicet  caroleni  argentei  que ,  alia  snperveniente  nova^  cèdent  in  nsn  et 
forma  solita  expendenda  prêter  justum  et  debitum  fortasse  vilescant^  expen- 
dantnr  et  recipiantnr  in  antea  tam  pro  Curia  et  per  Curiam  nostram  qnam 
pro  privatis  et  per  privatos  singnlos  regni  nostri  ad  rationem  do  granîs  viij 
per  qnemlibet  eommdem.  Tue  itaquc  fîdolitati  mandamus  ut,  statim  rcceptis 
prescntibns,  per  singulas  terras  et  loca  décrète  tibi  provincio  divalgari  hoc 
pnplice  facias  et  efficaciter  observari,  provifto  quod  tn  ab  eo  die  in  antea  usqne 
in  qnem  illam  recepisti  peouniam  quam  ad  aliud  mandatnm  nostnim  atl 
nostram  habuisti  Cameram  destinare,  carolenses  ipsos  veteres  non  aliter  quam 
pro  pranis  viij  pro  Curia  nostra  recipias  et  expondas.  Datum  apud  Tarrim 
Sancti  Herasmi  prope  Capuam,  per  Bartholomeum  deCapun,  etc.,  die  iiij  ja- 
nuarii  prime  indictionis.  >* 

(  Arch.  reg.  Seap. ,  ex  rt»g.  sign.  1302  F,  fol.  179.) 

*  Les  analyses  de  ces  documents  sont  au  Syllabuty  t.  III,  p.  88. 

^  Même  recueil,  p.  92,  t.  III. 

^  m  Tiic  Bdelitati  firmiter  t>t  expresse  precipimus  quatenns  omnem  fiscale  m 
pccnniam  qnnm  in  karolcnsibu»  nrgc'nti  vcteribns  te  rocolligcro  et  reciperc 
pro  Curie  noî^tn;  parte  contingot  nd  rationem  de  Ixxvj  knrolensibnn  ipsis  pro 


30&  MÉMOIRES 

6*  Dans  une  autorisation  royale  pour  J.  de  Busca,  de 
payer  un  certain  nombre  d'onces  au  trésor,  en  versant  soit 
des  carlins  neufs  à  raison  de  60  par  once,  soit  des  carlins 
vieux  à  raison  de  76.  &  décembre  1303  \ 

C'est  peu  après  cette  année  que  furent,  pour  la  première 
fois,  frappés  les  gillats  [gigliati,  lis) ,  ou  carlins  de  majesté 
(ainsi  nommés  parce  que  le  roi  y  est  représenté  assis  sur  son 
trône) ,  qui  ont  été  presque  simultanément  émis  en  Provence 
et  à  Naples  avec  les  mêmes  types,  mais  avec  quelque  diffé- 
rence dans  les  légendes. 

Je  n'ai  pas  à  m'occuper  ici  des  gillats  de  Sicile.  Si  j'ai 
traité  des  carlins  au  salut  de  Charles  II,  c'est  qu'ils  étaient 
une  imitation  et  une  continuation  de  ceux  de  Charles  I*'. 
Mais  les  gillats  n'ont  paru  que  dans  les  dernières  années 
de  Charles  II.  J'en  parlerai  autre  part. 

Les  carlins  de  1302  purent  faire  place  à  la  nouvelle  mon- 
naie d'argent,  mais  ils  ne  paraissent  pas  avoir  perdu  de 
leur  valeur;  car  en  1309,  le  maître  des  ports,  forêts  et  ga- 
belles du  royaume  de  Naples  affermait  les  revenus  de  l'État 
en  indiquant  encore  le  change  de  60  carlins  vieux  par  once  *. 

Les  demi-carlins  sont  plus  rares  que  les  carlins  dans  les 
collections  publiques  et  particulières  de  France.  L'ordon- 
nance de  1278  nous  apprend  en  effet  que  l'émission  de  ces 
fractions  fut  alors  quatre  fois  moins  forte  que  celle  de 
leurs  unités  monétaires. 

qaalibet  uncia ,  juxta  ordinationcm  Curie  inde  factam^  exigas  et  recîpiis  a 
qnibuscumquc  illani  solventibus,  et  non  ultra,  etc.  » 

{Ex  Arch.  reg.  Neap.,  reg.  1302  F,  fol.  215  à  t».— Ap.  Sy/2a6., 
fol.  92,  t.  III.) 
Ce  texte  prouve  qu'il  y  avait  une  ordonnance  de  la  cour  royale  qui  avaH 
fixé  légalement  le  change  de  carlins  vieux  à  76  par  once. 
«  Môme  recueil,  p.  97,  t.  III. 
»  I-es  analyses  do  trois  de  ces  baux  h  ferme  sont  au  Syllab.,  t.  Ht,  p.  187. 


ET   DISSERTATIONS.  305 

PIECES  JUSTIFICATIVES. 

IV.  Demoneta  denariorum  [Frederici  II]. 

.  §  1.  Tenula  de  argento  fino^  unciarum  iij.  —  Quando 
Imperator  (Fridericus  II)  venit  in  Regnum,  fecit  monetatn 
denariorum  continentem  : 

Pro  qtAalibel  libra  ponderis^ — uncias  iij  de  argento  puro. — 
Et  libra  ipsa  (ponderis)  continebat,  in  numéro,  sol.  XXX. — 
Et  qualibet  libra  (ponderis)  constabat  Curie,  inter  argentum, 
erem  (sic)  et  laboraturam»  —  lar.  XV  et  gran.  Vil,  sicui 
coBStaban  t  ipsi  denarii ,  pro  quolibet  tareno,  den .  XXIII  i  /2. 

Et  dominus  Imperator  faciebat  distribuere  monetam 
ipsam  per  Regnum^  juxta  voluntatem  hominum,  ana  de- 
narios  XVI,  pro  tareno  auri  uno,  que  accidunt  libre  ij 
denariorum  ipsorum  pro  uncia  una,  —  fere  uncias  v"  et 
habebat  de  lucro  de  distributione  îpsarum  unciarum  iii" 
minus  ii^  et  lucrabatur  de  cambio  ipsius  monete  fere  un- 
ciarum M,  iiii^,  et  sic  erat  totum  lucrum  :  unciarum  MCGC. 

S  2.  Tenula  de  argento  fino,  unciarum  ij.  —  Item  post 
fecit  monetam  unciarum  ij  pro  qualibet  libra.  Ipsa 
continebat  in  numéro  solidos  triginta.  Constabat  Curie 
nostre  —  [inter] —  argentum,  erem  et  laboratura,  —  qua- 
libet libra, — tarenos  xiij  et  médium  ;  —  veniebant  pro  qua- 
libet tareno  denarii  xxvj  et  dimidius*, —  et  Dominus  Im- 
perator faciebat  distribuere  monetam  per  Regnum,  videlicet 
a  Porta  Roseti  citra,  juxta  voluntatem  hominum,  ana  de- 
narios  decem  et  octo  pro  lareno  auri  tino,  quod  (sic  pro  que) 

*  Lu  mannscrit  porte  par  erreur  iiij  au  lieu  de  xxrj  1/2. 


•H06  MÉMOIRES 

accidunt  libre  ij  et  v  '  solidi  pro  qualibet  uDcia,  —  fere 
uncias  v"*,  ethabebat  de  lucro  pro  distribuere  ipsas  un- 
cias  iiîj^,  et  de  cambio  ipsius  monete  unciarum  auri  iîîj",  v^' 
—  et  sic  erat  totum  lucrum,  in  summa,  unciarum  M,  vj^  *. 

S  8.  Tenuta  de  argento  puro^  uncie  1  1/2.  —  Item, 
post,  fecit  laborare  [  monetam  ]  continentem  pro  qualibet 
libra,  de  argento  puro ,  unciam  unam  et  mediam  et  libra 
ipsa  continebat  in  medio  numéro  solidos  xxx,  et  consta- 
bat  Curie ,  in  argentum ,  erem  et  iaboraturam ,  qualibet 
libra  tarenos  viij»  que  veniebant,  pro  quolibet  tareno, 
solidi  iij,  denarii  viij;  et  dictus  Imperator  faciebat  distri- 
buere monetam  ipsam  per  Regnum,  videlicet  a  porta  Roseti 
citra,  juxta  voluntatem  hominum,  —  ana  denarii  xx  pro 
tareno,  quod  accidit  libre  ij  et  solidi  x  per  unciam,  — fere 
uncias  vi",  et  habebat  de  lucro  de  distributions  ipsa  un- 
ciarum iiij",  v^  et  lucrabatur  de  cambio  unciarum  t^,  et 
sic  erat  totum  lucrum  unciarum  iij",  iij^  '. 

S  à.  Tenuta ,  de  argento  finot  uncie  untus.  —  Item , 
post»  fecit  laborare  monetam  continentem,  pro  qualibet 
libra,  de  argento  unciam  j  et  grannnu  —  Et  libra 
ipsa  continebat  in  numéro  solidi  (sic)  xxx  et  constabat  Cu- 
rie —  inter  argentum  et  erem  et  Iaboraturam,  —  quolibet 
libra,  tarenos  vj  1/2  ;  — que  veniebant  pro  quolibet  tareno, 
solidi  iiij  et  denarii  vij,et  dominus  Imperator  faciebat  dis- 
tribuere monetam  ipsam  per  Regnum,  a  porta  Roseti  citra, 
juxta  voluntatem  hominum,  —  ana  denarii  [xx]  pro  tareno 

*  Le  manuscrit  a  oublié  le  quantum  des  sou». 

*  I^  manuscrit  porte  par  «rreur  vjc, 

*  Lo  manuscrit  porte  par  erreur  v^. 

*  Lo  manuscrit  porto  par  erreur  iiij".  v<'-. 
"  L«»  manuscrit  porte  par  erreur  v<^. 


ET   DISSERTATIONS.  307 

uno,  quod  accidunt  libre  ij,  solidi  x  pro  uncia,  — fere  un- 
cias  iij"  et  habebant  de  lucro ,  de  distributione  ipsa  un- 
ciarum  M,  ix*^  et  lucrabatur  de  cambio  unciarum  vi^  et  sic 
erat  totum  in  summa  [lucrum]  unciarum  M  et  v^. 

§  5.  Tenuta,  de  argento  fino^  tarenorum  xxij  1/2  *.  — 
Item,  post,  fecit  laborare  monetam  continentem  pro  qua- 
libet  libra,  de  argento  puro  unciam  unam  ;  —  et  libra  con- 
tinebat  in  numéro  solidi  (sic  pro  solidos)  xxx,  et  constabat 
Curie,  inter  argentum  et  erem  et  laboraturam,  qualibet  libra 
tarenos  v  ;  que  veniebat,  pro  quolibet  tareno  solidi[s]  vj.  — 
Et  faciebat  Dominus  Imperator  distribuere  monetam  ipsam 
per  Regnum,  videlicet  a  porta  Roseti  citra,  juxta  volun- 
tatem  hominum, — ana  denarii  xxiij  pro  tareno  j,  quod  acci- 
dunt libre  iij  per  unciam,  fere  uncias  xv"*;  —  et  habebat 
de  lucro  de  •  distributione  ipsa  unciarum  vij"  iij^,  et  de 
cambio  lucrabatur  unciarum  fere  v".  Et  sic  erat  totum  lu- 
crum, in  summa  [plus]  unciarum  viij". 

S  6.  Tenula ,  de  argento  puro ,  tarenorum  vij.  — 
Item,  post  Dominum  Imperatorem,  alii  domini  fecerunt 
monetam  continentem,  pro  qualibet  libra  de  argento  puro, 
tarenos  vij.  —  Et  libra  continebat  in  numéro  xxxv  solides, 
et  constabat  Curie,  inter  argentum  et  erem  et  laboraturam, 
tarenum  j  et  xv*  granos,  qualibet  libra,  —  que  veniebat 
pro  quolibet  tareno  soldi[s]  xx.  —  Et  ipsi  domini  faciebant 
distribui  monetam  ipsam  per  Regnum ,  videlicet  :  a  porta 
Roseti  citra,  juxta  voluntatem  hominum,  ana  denarii  xxiiij 

^  Le  mannserit  porte  par  erreur  tarenorum  vij  au  lieu  do  tarenortm  xsij  1/2. 

•  Par  erreur,  le  manuscrit  porte  x*  au  lieu  do  xv". 

•  Par  erreur^  le  manuscrit  porto  et  au  lieu  de  de. 

•  Par  erreur,  le  manuscrit  porte  v  au  lieu  de  xv. 


308  MKMOIRKS 

pro  tareno  j,  quod  accidunt  libre  iij  pro  uncia,  —  fere  duo- 
(lecim  millibus  [unciisj  et  Iiabebat  de  lucro  de  distributione 
uncianim  xij"  ij^.  Et  de  cambio  lucrabatur  uDciaram 
viij^  —  summa  [totius  lucri)  uncianim,  vi". 

(Formulaire  d'ordonnances  à  l'usage  des  Rois  de 
Sicile,  Archives  des  Bouches-du-Rliône «  sé- 
rie B,n«  269,  f*  65  V). 

V.  Charles  I"  ordonne  la  fabrication  de  carlins  et  de  niaiites 
ou  demi-carlins  d'argent. 

Karolus,  etc...., 

Angelo  de  Vico,  etc., 

De  fide,  prudencia  et  legalitate  tua  plenain  fiduciam  ob- 
tinentes,  Te  magistrum  sicle  nostre  argent!  castri  nostri 
capuanensis  de  Neapoli  usque  ad  nostrum  beoeplacitum, 
Duximus  statuendum,  tue  fidelitati  mandantes  quod  îpsum 
officium  ad  honorem  et  fidelitatem  nostram  diligenter  et 
fideliter  exercendo,  —  de  argento  assignato  et  assignando 
tibi  per  thesaurarios  Camere  nostre  castri  Salvatoris  ad 
mare  de  Neapoli,  vel  quoscumque  alios  de  mandato  nostrOt 
continue  laborari  et  cudi  facias  monetam  novam  nostram 
carolensium  argenti  et  medalearum  ipsorum,  que  sunt  me- 
diformes  et  tenute  illius  que  tibi  per  alias  nostras  litteras 
declarantur,  et  sint  ponderis  infrascripti,  videlicet  quilibet 
ipsorum  carolensium  vel  due  medalee  pondèrent  très  ta- 
renos  et  grana  xv,  ad  pondus  Curie  générale,  —  ita  quod 
singuli  octo  ipsorum  karolensium,  vel  sedecim  medalee 
pondèrent  unciam  auri  unam  de  libra  ad  idem  générale 
pondus.  —  Et  omnes  karolenses  et  medalee  ipst  sint  bene 
aflilati  et  karolenses  ipsi  sint  illius  cunei  cujus  sunt  aut 
esse  debent  alii  carolenses  argenti  laborati  et  facti  per  te» 


ET   DISSERTATIONS.  300 

de  mandato  nostro  in  sida  predicta  et  medalea  ipsorum  sit 
quantitatis,  forme  et  cunei  illius  et  illius  ponderis  et  tenute 
cujus  esse  debent  proporcionaliter  pro  quantitate  carolensis 
argent!,  —  ita  quod  medalea  ipsa  sit  minor  carolensi  auri 
et  major  quam  medalea  carolensis  auri^  —  et  de  singulis 
octo  marris  argenti  facias  laborari  in  carolensibus  marcas 
septem  et  in  predictis  medaleis  marcam  unam. 

Super  cujus  argenti  proba  facienda  et  extrahenda  esse 
volumus  Philippum  Soladinum  de  Messana  quem  ad  hoc, 
usque  ad  nostrum  beneplacitum,  duximus  ordinandum. 

Et  quia  tu  et  Franciscus  Formica,  una  cum  Philippe  et 
Jacobo  Soladino,  fratre  ejus,  ac  quibusdam  aliis  de  fide- 
libus  nostris  in  hiis  expertis,  coram  Majestate  Nostra  pré- 
sentes extima^is,  asseruistis  et  dixistis  necessaria  ac  sufTi- 
ciencia  esse  grana  auri  x  ad  plus,  —  tam  pro  expensis  om- 
nibus faciendis  in  fudenda,  laboranda  et  cudenda  qualibet 
marca  argenti  in  ipsis  carolensibus  et  medaleis,  quam  pro 
exfrido  ipsius,  —  Volumus  et  Mandamus  quod  expensas 
Imjus  modi  propter  ea  in  omnibus  oportunas  et  pro  exfrido 
predicto,  —  ad  racionem  predictam  —  tantum  facere  de- 
beas  ad  plus  et  ad  utilitatem  Curie  nostre  computes,  nec 
plus  in  tuo  computo  admictatur  ;  —  et  si  minores  expensas 
propter  ea  facere  poteris,  illas  minores  facias  et  utilitatem 
Curie  nostre  in  hiis  quantumcumque  plus  fieri  poterit 
studetis  procurare,  ut  ex  affectu  operis  tuam  solerciam  et 
diligenciam  sciamus  et  videanms,  et  te  juxta  ipsius  effica- 
ciam  commendemus. 

Ad  majorem  tamen  Curie  cautelam,  Volumus  quod  omnes 
cunei  cum  quibus  cudentur  predicti  carolenses  et  medalee^ 
statim  quod  cusi  fuerint,  reponantur  et  serventur  in  pre- 
dicto Castro  capuani,  donec,  pro  cudenda  moneta  ipsa, 
oportuni  fuerint,      in  una  archa  que  liabeat  très  claves, 


310  MÉMOIRES 

quarum  unam,  dicti  thesaurariî,  —  aliam,  predictus  Phi- 
lippus  custodiant  —  et  terda  remaneatur  pênes  te.  In  qua 
eciam  arcba,  omnes  ipsi  carolenses  et  medalee  sicut  suc- 
cessive cudentur  et  fient,  et  reponantur  et  conserventur, 
quousque  per  predictum  Philippum  fiât  proba  et  assa- 
gium;  quibus  factis,  totam  qnantitatem  ipsorum  carolen- 
sium  et  medalearum  quam  successive  cusam  babebis,  pre- 
dictis  tbesaurariis  assignare  procures,  ut  per  ipsos  de 
moneta  ipsa  utilitas  Curie  nostre  procuretur,  —  facturas 
dictis  tbesaurariis,  de  biis  que  tibi  assignaverunt  et  recep- 
turus  de  biis  que  ipsis  assignanda  duxeris,  apodixas  ydo- 
neas  ad  cautelam.  Quantitatem  autem  argenti  quam  ab 
eisdem  tbesaurariis  recepisti,  et  recipies  successive,  cum 
quantitate  que  in  biis  carolensibus  et  medSieis  de  die  in 
diemcusa  fuerint  et  expensas  omnes  quas  propter  ea  fece- 
ris  et  ad  quam  racionem  et  quantitatem  totam  predictoram 
carolensium  et  medaliarum  quam  eisdem  tbesaurariis  assi- 
gnaveris  in  quaterno  reddigi  facias  particulariter  et  dis- 
tincte, cujus  transumptum,  quolibet  mense  donec  in  par- 
tibus  Terre  laboris  et  Principatus  et  singulis  tribus  partibus 
quousque  in  Apulia,  duce  Deo,  fuerimus,  sub  sigillo  tuo 
celsitudini  nostre  mictas. 

Datum,  etc....  {sic). 

(Arcb.  dép.  des  B.-du-Rh.,  B,  269.  Formulaire  des  or- 
donnances des  Rois  de  Sicile.  Cbarles  I*',  fol.  9  v*  et  1 0  v*) . 

VI.  Charles  lijixe  à  60  par  once  le  change  des  carlins  (Tun  poids 
minimum  de  3  tarins^  14  grains  1/2,  et  à  66  par  once^  le 
change  des  carlins  d'un  poids  moindre,  —  5  août  1300. 

Rarolus  secundus,  Dei  gratia,  Rex  Jérusalem  et  Sicilie, 
Ducatus  Apulie  et  Principatus  Capue,  Provincie  et  Forcal- 
querii  Cornes, 


ET   DISSERTATIONS.  311 

Justitiârio  Principatus  citra  serras  MoDtorii  fideli  suo, 
gratiam  et  bonam  voluntatem. 

GomiEUDe  bonum  nostrorumque  fidelium  advertentes 
super  expendendis  caroleosibus  argenti,  —  quorum  cursus 
hue  usque  per  refragationes  varias  extitit  multipliciler 
impeditus,  ex  quo  negotia  rerumque  commercia  prepedia 
plurima  Curia  nostra  nostrique  fidèles  incomoda  grayia 
sensisse  noscuntur,  —  ut  cursus  îpsorum  carolensiuin  in- 
tegretur  absque  nostro  et  nostrorum  dispendio  subjectorum* 
edicto  présent!  valituro  in  posterum,  cassatis  aliis  dudum 
per  Curiam  nostrain  factis,  consulta  deliberatione  duxi- 
mus  statuendum  quod  carolenses  argenti  tam  novi  quam 
veteres^  quorum  quilibet  $U  ponderis  tarenorum  III ^  grano^ 
rum  XIV 1/2  ad  minus^  —  ad  ralionem  de  LX  per  unciam; 
et  alii  minoris  ponderis  existentes^  ad  rationem  de  LXVI  per 
undam  (dummodo  non  înveniantur  hominis  ingenio  frau* 
dolenter  incisi  vel  aliter  dimiuuti)  ubique  per  Regnum 
communiter  expendantur  et  si  aliquis  contrahens,  ex  quo- 
cumque  contractu,  dictos  carolenses  novos  vel  veteres  dicti 
ponderis  tarenorum  iij,  granorum  xiv  et  1/2  et  alios  minoris 
ponderis,  ad  raciones  predictas  refutare  presumpserit,  — 
ab  uncia  una  infra,  taliter  refutata»  ad  penam  tarenorum 
auri  sex,  —  et  si  eamdem  summam  excederet,  pro  qualibet 
uncia  sîmiliter  refutata,  tarenos  auri  vj  solvere  teneatur, 
fisci  nostri  commodis  applicandos. 

Statuimus  insuper  quod  nulli  de  Regno  vel  exteri,  cujus 
cumque  status  et  conditionis  existant,  de  regno  ipso  caro- 
lenses argenteos  extrahere  quoquomodo  présumant,  nisi 
tantum  pro  expensis  eis  necessariis  usque  ad  locum  quo 
per  sacramenta  eorum  magistris  seu  custodibus  passuum 
dicti  Regni  prestanda  que  per  îpsos  recipi  volumus  ab  eis- 
dem  dixerint  se  ituros. 


312  MÉMOIRES 

Si  vero  contra  bujusmodi  inhibitionem  nostram  quisquis 
extrahere  carolenses  ipsos  de  predicto  Regno  presumet, 
illos  quos  sic  deferet  carolenses  amittat  nostre  Curie  ap- 
plicandos. 

Quocirca  fidelitati  tue  sub  obtentu  gratie  nostre  districte, 
precipimus  quatenus  statim  receptis  presentibus ,  predicta 
statuta  nostra  per  terras  famosas  juridictionis  tue  publiée 
facias  divulgari  ut  nullus  ignorantie  causam  pretendat, 
mandans  et  faciens  ipsa  inibi  tenaciter  observari,  penam 
predictam  pro  parte  nostre  Curie  ab  hiis  qui  in  eam  incide- 
rint  exacturus  ad  nostram  cameram  destinandam,  facturHS 
fieri  de  publicatione  statutorum  bujusmodi  cum  forma  pre- 
sentium  publica  instrumenta  magistris  rationalibus  magne 
nostre  Curie  Neapoli  residentibus  destinanda  et  nihilominus 
de  die  receptionis  presentium  nobis  et  dictis  magistris  ra- 
tionalibus tuas  mittas  litteras  responsales. 

Datum  Neapoli  per  magistros  rationales  magne  Curie 
nostre,  anno  Domini  MCCC,  die  v  augusti,  xiij*  indictioniSt 
regnorum  nostrorum  anno  xvj*. 

(Ex  archiva  Neapoliiano,  reg.  sign.  1300  B,  f»  86.) 

VII.  Charles  II  fixe  à  8  grains  1/2  d'or  la  valeur  du  carlin 
d'argent  du  poids  de  3  tarins  et  14  grains  au  minimum.  — 
1"  juillet  1301. 

Karolus  secundus,  etc.  —  Juslitiario  terre  Ydronti,  etc. 

Serenitatis  nostre  cura  sollicita  remediis  invigilat  sub- 
jectorum,  et  sic  eorum  compendia  ex  affectu  perquirimus 
ut  ipsa  fréquenter  nostris  comodis  publicis  preponamus. 
Sane  in  auditorio  nostro  frequens  et  assidua  quedam  que- 
rela  perstrepuit  et  murmur  querulum  fatigatos  laxavit 
anditus  quod  karolenses  argentei,  nostro  titulo  percusa 


ET    DISSERTATIONS.  31 S 

pecunia,  per  minoratum  argent!  valorem  in  propria  sub- 
stantialitate  deficiens,  sic  sni  minoralitate  decreverat  quod 
ex  nostre  auctoritatis  indicto,  prevalente  forma  rectitudini 
speciei,  in  emendo  ac  vendendo  pari  ter  aliisque  commerciis 
altemis  vicibus  subjectonim  nostrorum  diversa  sequebantur 
incomoda  et  implicationibus  yariis  jurgia  sepius  intricat. 
Nos  igitur,  ex  benigna  cura  regentis  populos,  cupientes 
interne  ipsorum  vitare  dispendia  [et]  profectas  augere, 
quanquam  ex  cusione  dicte  pecunie  sicla  nostra  Neapolis 
compendia  pauqua  {sic)  reciperet,  juribus  nostris  libenter 
detraximus  ut  eorum  dimminutionis  tediavitaremus.  Ideo- 
que  consulta  nuper  ordinatione,  prescripsimu$  quod  karo- 
tenus  argenteusy  non  inci^js,  nostra  superscriptione  for- 
matus,  statuti  ponderis^  scilicet  tarenoivm  auriiij  et  xiv 
granorum  ad  minus^  ac  speciei  probe,  sit  albus  aut  niger 
yel  camellini  coloris,  quod  erroris  opinio  abusiva  quadam 
nominatione  produxit,  pro  granis  auri  viij  et  dttntdto,  exti- 
malione  communia  solummodo  expendaiur.  —  Quod  si  quis 
ausu  improbovelpresumptioue  proterva,  karolenumipsum, 
in  quamcumque  {sic  pro  quocumque)  numéro  ejusdem 
speciei  fuerit  solvenda  pecunia,  pro  extimatione  jamdicta 
refutare  temptaverit  ex  quavis  causa  vel  obligatione,  con- 
tractu  incerto  vel  certo  ipsius  pecunie  sit  solutio  facienda, 
ex  culpa  contemptus  et  violationis  edicti,  in  illam  quanti- 
tatem  quam  repudiare  presumpserit  teneatur  ad  penam 
fisci  nostri  compendiis  applicandam.  Ediximus  etiam  utili- 
tatis  puplice  privateque  ratione  pensata,  ut  nemo,  mer- 
cationis  causa,  pecuniam  ipsam  argenteam  congregare 
présumât,  nisi  prout  eam  ex  contractibus  licitis  haberi  con- 
tinget;  et  qui  contra  fecerit,  in  tota  sic  pecunia  congregata 
multetur  ejusdem  fisci  comodis  perventura;  et  ut  eo  promp- 
tius  contra  transgressores  in  talibus  delator  appareat  quo 


31iSl  MÉMOIRES 

deferenti  gratius  premium  delationis  accedet,  statuimus  ut 
in  publicum  deferens  violatores  présent!  edicti  quartam 
partem  applicande  pêne  fisco  nostro  propterea  consequa- 

tur Datum  Neapoli,  per  Bartbolomeum  de  Gapua,  etc., 

die  l""  julii,  quarte  décime  indictionis. 

{Ex  archive  Neap.^  reg.  sign.  1301  B,  {•  48.  ) 

VIII.  Charles  II  rétablit  Vancien  cours  de  10  grains  Sor 
pour  chaque  carlin  d'argent  du  poids  minimum  de  3  tarins, 
14  grains  1/2. 

Karolus  secundus,  etc.,  —  justitiaro  terre  Ydronti,  etc. 

Ad  subjectorum  nostrorum  clamosam  instantiam  de  ca- 
rolenis  argenteis  qui  in  sicla  nostra  cuduntur  Neapoli« 
proponentium  dampnum  sustinere  non  modium  $i  expenr- 
derentur  pro  x  granis  per  quemlibet^  secundum  cansuetum 
eursum  eorum^  cum  diceretur  argenii  materiam  de  qua 
ctiduntur  esse  solito  viliorem,  licet  essent  ejtisdetn  lige^  pon- 
deris  et  tenute  cujus  fuerunt  quando  primum^  tempore  dive 
memorie  dotnini  patris  nostri^  cvdi  ceperuni^  eomuUe 
pridem  providimus  ad  viij  grana  et  médium  unumquemque 
eorum  expendi  debere  ac  in  valore  tanti  fore  in  cursa  et 
comuni  comercio  argenteum  carolenum,  non  curantes  de 
utilitate  quam  proinde  Guria  nostra  in  presenti  guerrarum 
perdebat  discrimine,  de  qua  non  parum  proveniebat  sub- 
sidium  militantibus  sumptibus  qui  circa  pecuniam  non 
aguntur  comodum,  subjectorum  more  regio  nostrum  esse 
proprium  extimantes.  Sedper  hec  ^  campsorum  et  mereth- 
torum  (precipuum  qui,  ut  sibi  lucra  comerciorum  acqué- 
rant excogitatis  artibus,  pecuniam  nostram  cujus  valor  esse 
débet  prêter  *  vultus  etemabiles ,  uniformis  avaricie  ceci- 

*  Est-ce  erreur  de  rancicn  copiste  ou  du  nouvel  éditeur?  Toi^ionrs  est- il 


ET   DISSERTATIONS.  316 

tate  vilificant),  non  est  obslrusa  malitia  per  quam  ad 
vij  grana  carolenus  est  fere  redaclus  in  cursu ,  et  sic  valor 
ejus  inimiDuitur  et  decrescit,  ut  si  per  ignis  liquefactionem 
argentea  materia  caroleni  reduceretur  ad  massam,  lique- 
factum  argentum  ipsius  procul  dubio  plus  valeret  uon- 
nullis  mercatoribus,  vilificatione  carolenorum  sicut  pre- 
dicitur,  eorum  fraudibus  et  machinationibus  procurata , 
extrahentibus  de  regno  nostro  carolenos  quos  emebant  ad 
ocluaginta  per  unciamy  magnum  pro  se  questum  exinde 
facienlibus  extra  regnum;  et  jam  carolenorum  ipsorum 
tantam  quantitatem  extraxerant  quod  ad  paacos  dies  caro- 
leni ad  expendendum  in  communi  usu  vix  fuissent  inventi, 
in  subjectorum  nostrorum  et  nostre  Curie  lesionem.  Cla- 
mantibus  itaque  subditis  nostris  et  assiduis  populomm 
querulis  petitionibus  inclinai  dicentium  intoUerabilem 
propterea  dampnum  pati,  ad  eorum  instantiam  impor- 
tunam,  in  anliquum  et  solitum  cursum  x  videlicet  granorum 
auri  per  quemlibet  reduximus  carolenos  ;  volentes  ut  pro 
X granis  quilibet  carolenus  ponderis  tarenorumiu  etxiy  gra- 
norum ad  minus ,  arle  vel  ingenio  hominis  non  incisus^ 
communiler  eoqpendalur;  pénis  adjectis  quas  inreraisi- 
biliter  a  transgressoribus  exigi  volumus  prout  subsé- 
quentes nostre  tîbi  littere  declarabunt.  De  variatione  autem 
statutorum  hujusmodi  super  immutato  valore  pecunie 
non  mireris,  quia  multis  natura  undique  novitatibus  utitur 
et  ad  variationem  negotii  variantur  et  leges  quas  *,  ubi 
est  evidens,  utilitas  publica  jubet  a  jure  recedere  quod 
equum  et  bonum  dîutius  visum  erat.  Et  ut  que  sunt  pro 

que  le  texte  publié  par  A.  di  Aprea  porte  ici  jtropter  qui  e«t  inexplicable,  tandis 
que  le  mot  prêter,  par-dewus,  au-dessus  de,  est  exigé  par  le  sens. 

•  L'rdition  du   Syllahus  donne  qve  au  lieu  de  qva$.  C\*st  une  «'rreur  de 
lecture. 


316  MÉMOIRES 

comuni  bono  disposita  per  nos  serveDtur  in  nostris  nego* 
tiis,  sicut  ea  volumus  ubique  per  regnum  a  nostris  subditis 
et  quibuslibet  exteris  in  regno  babitantibus  vel  contra- 
hentibus  tenaciter  observari,  fidelitati  tue,  sub  obtentu 
gratie  nostre,  districte  precipimus  quatenus  pecuniam  ge- 
neralis  subventionis  in  décréta  tibi  provincia  pro  anno 
presenti  per  Guriam  nostram  impositam  et  omnem  fiscalem 
et  Curie  nostre  pecuniam,  ad  predictam  rationem  de  k  ca- 
rolenis  per  unciam,  pro  x  granis  caroleno  quolibet  cotnpti- 
lato  dicU  ponderis^  non  tnctso,  recolligas  et  recolligere 

studeas Datum  Neapoli,  etc. ,  anno  Domini  M*CCC*I*, 

die  XIX*  septembris,  XV*  indictionis,  regnorum  nostrum 
anno  xvij*. 

(  Ex  archivo  regio  Neapol. ,  ac  ex  registro  signato 
1301, 1,  fol.  212.  Cette  charte  et  les  deux  pré- 
cédentes  ont  été  publiées  dans  le  Syllabus  mem-^ 
branorum,  t.  III.  Naples,  1845,  p.  20,  58  et  63.) 

Louis  Blangaro. 


ET    DISSERTATIONS.  317 


MÉREAUX  DE  I/ÉGLISE  DE  VIENNE 

EN  PAITHINK. 


Les  méreaux  d'une  époque  un  peu  ancienne  dont  l'ori- 
gine géographique  est  bien  déterminée  sont  toujours  très- 
précieux  C'est  ce  qui  m'engage  à  décrire  ici  une  pièce 
que  j'ai  acquise  avec  une  partie  de  la  belle  collection  du 
feu  prince  Théophile  Gagarine,  et  que  je  n'ai  trouvée  dans 
aucun  des  recueils  que  j'ai  pu  consulter.  Ce  méreau  de 
cuivre,  d'une  fabriq<ae  soignée,  porte  d'un  côté,  une  tète 
de  saint  Maurice  de  face,  ceinte  d'une  grande  couronne 
fleurdelisée  ;  autour,  la  légende  VIGnne  ;  de  l'autre,  une  ' 
croix  pattée  accompagnée  de  quatre  roses  placées  à  l'extré- 
mité des  bras,  et  autour  ces  mots  :  LI:PR€BITeRORVM  (sir). 

D'autres  méreaux  beaucoup  plus  modernes,  nous  prou- 
vent qu'il  faut  lire  ici ,  en  commençant  par  le  revers ,  IJhra 
presbyieromm  Vienne. 

Au  droit,  nous  voyons  la  tête  de  saint  xMaurice  avec  la 
couronne  du  martyre  transformée,  suivant  les  idées  du 
moyen  âge,  en  couronne  royale.  Sur  les  pièces  du  xvr  siècle,* 
le  même  saint  est  représenté  en  buste  de  profil,  avec  l'ar- 

1864.  -  4.  22 


SIS  IIÊMOI&ES 

rangement  des  portraits  de  Louis  XII.  La  couroune  a  changé 
de  forme,  mais  elle  est  toujours  fleurdelisée. 

Pour  comprendre  la  légende  de  mon  méreau  ,  pièce  fort 
rare  dont  je  ne  connais  qu'un  autre  exemplaire  entré  dans 
le  médaillier  de  la  ville  de  Lyon  avec  toute  la  coUectioD 
de  M.  Henri  Morin,  il  est  i>écessaire  de  se  reporter  aux 
méreauY  de  même  origine  qui  ont  été  publiés. 

J*en  vais  donner  une  description  aussi  brève  qne  possible. 

!•  +  SANGTVS  MAVRICIVS  MARTIR.  Saint  Maurice  à 
cheval.  1539. 

î$  LIRRA  GANONICORVM  V1EN^E.  Croix  de  saint  Mau- 
rice, ou  tréfilée  avec  une  étoile  dans  le  deuxième  cantoo. 

M.  de  Fontenay,  qui  a  publié  deux  fois  le  droit  de  ce 
méreau  {Nouvelle  étude  dejetotif^  1850,  p.  168,  et  Manvel 
de  X amateur  de  jetons.  185â,  pw  78),  nen  a  pas  indiqué 
la  date  et  n'en  a  point  fait  connaître  le  revers.  Mais  la 
pièce  existe  au  Cabinet  des  médailles  de  Paris,  et  j'en  puis 
rétablir  la  description  complète. 

2*  SANCTVS  MAVRICIVS  M.  Saint  Maurice  debout  appuyé 
sur  une  lance;  dans  le  champ,  1539.  (M.  de  Fontenay  a 
lu  1559.  ) 

ig  LIERA  CANOiNIGORVM  VIENNE.  Croix  de  saint  Mau- 
rice tréfilée. 

(Cbarvet,  Uiêt.  de  t  Église  de  Vienne^  p.  S70.  —  Mém. 
de  la  Société  Êduenne^  18A5,  pi.  VI,  n*  14.  —  Fontenay, 
Tiouv.ilvdedeîetom^  p.  169.  — Man.  deVamat.  dé  jeiaus^ 
p.  77). 

3«  SANGTVS  MAVRICIVS  MARTIR.  Buste  de  saint  Itauric» 
tourné  à  gauche  ;  la  tète  ceinte  d*une  couronne  fleurdelisée. 

î$  L».PRESBITERORVM  VIENNE.  Croix  de  saint  Maurice 
cantonnie  de  quatre  ebiffres  formant  la  date  1639.  Gsand 
module.  Bibliothèque  impériale. 


ET    DISSERTATIONS.  H9 

h""  Autre.  Dans  les  bras  de  la  croix,  la  date  1597.  Biblio- 
thèque impériale. 

{Mém.  de  la  Soc.  Êduenne^  pi.  VI,  n*  15.  ) 

6»  SANCTVS  MAVRIGIVS  MAR.  Buste  du  saint  à  gauche. 
1569? 

1^  LIERA  PSBITERORVM  VIENNE.  Croix  de  saint  Maurice. 
Petit  module. 

(Man.  de  Camal,  de  jetons,  p.  77. — Aowr.  élude,  p.  169.) 

Il  en  existe  au  Cabinet  des  médailles  de  Paris  un  exem- 
plaire avec  la  date  1597. 

Il  est  facile,  en  examinant  les  pièces  portant  la  date 
1597,  de  reconnaître  que  cette  date  a  été  gravée  après  coup 
sur  les  coins  de  1539.  Trois  des  chiffres  ont  été  refaits, 
et  le  9  seul  subsiste  avec  son  relief  primitif.  Quant  à  la 
date  1559  fournie  par  M.  de  Fontenay,  elle  se  trouve  en 
désaccord  avec  le  texte  de  Thistorien  de  l'Église  de  Vienne, 
qui  indique  1539. 

Il  faut  encore  remarquer  que  le  saint  Maurice,  en  pied,  et 
à  cheval,  nous  offre  des  imitations  des  pièces  de  3  gros  et 
des  eornuti  de  Savoie  fabriqués  pendant  les  trente-deux 
premières  années  du  xvr  siècle  ^  Tandis  que  ces  types 
avaient  cessé  d'exister  non-seulement  en  1569  sous  le  duc 
Emmanuel  Philibert,  mais  même  dans  les  dernières  années 
du  règne  de  son  prédécesseur  Charles  II. 

On  devra  encore  tenir  compte  de  la  mode  qui  a  prévalu 
pour  les  monnaies  du  commencement  du  xvi*  siècle^  et 
dont  on  peut  se  faire  une  idée  en  jetant  les  yeux  sur  les 
pi.  XXV  et  LXX  du  Traité  de  Duby,  qui  nous  montrent  les 
saints  Constance  et  George  à  pied,  et  à  cheval  représentés 

1  Promis,  RmU  di  Savùia^  pi.  XIT,  u*  3,  et  pi.  XVII,  n**  28  et  29.  Text«, 
t,  l,p.  173.  174,  176. 


990  Mb:M01R£5 

sur  des  monDaics  de  Trivulce  et  de  Salnces  antérieures  à 
1518  et  à  1537. 

Les  figures  des  saints  Maurice,  Alexandre,  Théoneste  et 
Julien  à  pied  et  à  cheval  desnionnaies  de  Dezana,  frappées 
par  Louis  Tizzone,  François  Mareuil  et  Pierre  Berard,  sont 
antérieures  à  1530*. 

Il  en  faut  dire  encore  autant  des  monnaies  de  Monferrat, 
qui  nous  montrent  saint  Théodore  à  pied  et  à  cheval.  Elles 
sont  du  marquis  Boniface  II.  mort  en  1530  *. 

Ces  types  appartiennent  donc  bien  au  commencement  du 
xvi*  siècle;  mais  lorsqu'en  1597  on  a  voulu  faire  à  Vienne 
une  nouvelle  émission  de  méreaux,  on  a  retouché  les  coins: 
et  afin  de  conserver  le  9  de  la  date  1539,  on  a  changé  le 
point  de  départ  de  la  date  inscrite  entre  les  bras  de  la 
croix. 

Nous  ne  voulons  pas  faire  ici  l'histoire  des  inéreaux  de 
la  ville  de  Vienne,  et  ne  dirons  rien  des  pièces  qui  repré- 
sentent saint  Pierre  et  saint  Sévère.  Mais  pour  déterminer 
le  sens  qu'il  faut  donner  à  la  légende  Lihra  prpsbyteroruw. 
je  dois  rapporter  les  renseignements  fournis  par  Charvei, 
rhistorien  de  TÉglise  de  Vienne,  qui  les  avait  extraits  d'un 
manuscrit  des  archives  de  Tl^lglise  (  Duby,  Timiê  des  monn, , 
t.  II,  p.  2(55). 

Suivant  le  tarif  qu'il  donne  : 
Le  méreau  au  cavalier  représente  la  livre  des  chanoines^ 

valant  le  quart  de  sept  liards,  égale.  .  .     7     deniers. 
Le  méreau  au  saint  debout  est  la  demi-livre 

des  chmwines,  valant  le  huitième  de  sept 

liards,  égale 3  1/2  deniers. 


>  Promj^^  ÀloitfU  délia  Zecca  di  Dezana,  pi.  I  et  11. 

•  Promit,  Mon.  dêi  Paliologi  marchesi  di  Monferrato,  pi.  VI. 


ET    DISSERTATIONS.  321 

Le  méreau  à  la  tête  représente  la  livre  des 
prêtres^  valant  le  quart  de  cinq  liards, 
égale 5     deniers. 

On  voit  que  la  pièce  que  je  publie  appartient  à  la  der- 
nière catégorie;  sa  légende  et  son  type  s'accordent  tout 
aussi  bien  avec  le  tarif  que  la  légende  et  le  type  des  mé- 
reaux  de  1639  et  de  1597  ;  c'est  donc  la  représentation  de 
cinq  deniers  qui  devaient  être  remboursés  aux  prêtres  de 
la  cathédrale. 

Baron  R.  de  Koëhne. 


S22  MÉMOIBES 


NONNAIES  DES  &1ARQUIS  DMNCISA. 


A  M.  Adrien  de  Longpérier. 

Mon  cher  aaû , 

Parmi  quelques  pièces  singulières  que  je  voua  ai  com- 
muniquées I*an  passé  pendant  mon  court  séjour  à  Paris , 
et  que  vous  avez  bien  voulu  étudier  avec  moi,  se  trouvait 
un  denier  matapan  des  marquis  d'Incisa. 

Comme  cette  pièce  inédite  est  fort  rare,  il  me  senable 
qu'elle  pourrait  intéresser  les  lecteurs  de  votre  Revue. 

Je  n'ai  pu  trouver  de  notices  sur  cet  ancien  marquisat 
d'Incisa,  éteint  maintenant,  que  dans  un  article  de  feu 
M.  l'abbé  Costanzo  Gazzera,  imprimé  dans  le  37*  volume 
des  Mémoires  de  V  Académie  des  sciences  de  Turin.  Cet  article 
est  intitulé  :  u  Discorsi  inlorno  aile  Zecche  e  ad  alcune  rare 
«  monete  degli  antichi  marchesi  di  Cevo,  d Incisa^  e  del  Car- 
V  rettOj  del  professore  Costanzo  Gazzera,  letti  nelle  adu- 
«  nanze  degli  19  Gennaro,  9  febraio  e  3  maggio  1852.» 

L'histoire  et  la  généalogie  des  anciens  marquis  d'Incisa 
sont  assez  obscures;  M.  l'abbé  Gazzera  les  fait  descendre 
d'Alledran  ou  Alleran,  premier  marquis  de  Montferrat,qui 


ET   DISSERTATIONS.  8St 

obtint  «n  988,  de  Hugues,  roi  d'Italie,  et  de  Lothaire,  son 
fils,  des  biens  considérables  dans  la  haute  Italie.  En  M7 
Tempereur  Otton  confirma  cette  dotation  en  y  ajoutant  de 
nouvelles  terres.  Un  de  ses  successeurs,  un  marquis  Boni- 
face  de  Wasio,  fils  d'un  marquis  Tété-Thétis-Théotone- 
Oitone,  laissa  une  nombreuse  descendance,  huit  fils  sans 
compter  les  filles,  à  chacun  desquels  par  son  testament  du 
6  octobre  1125  il  légua  un  marquisat,  excepté  toutefois  à 
l'aîné  qu'il  deshérita  :  ces  sept  marquisats  étaient  Saluzzo, 
Busca,  Glavesona,  Ceva,  Cortemîglia,  Savone,  etWasto-Lo- 
reto.  Le  fils  aîné,  qui  se  nommait  aussi  Boniface,  devint' 
marquis  d'Incisa:BoniracîusIncixiœ.  Était-ce  par  héritagOr 
sa  mère  étant  une  fille  de  la  maison  d'Incisa,  ou  par  dot,  s'il 
épousa  une  fille  de  cette  famille,  on  n'en  sait  rien.  Quoi- 
tpi'il  en  soit,  héritage  de  sa  mère  ou  dot  de  sa  femme,  il  pa- 
rait qu'il  devint  la  souche  des  marquis  d'Incisa  qui  nous 
occupent.  Ce  marquis  Boniface  d'Incisa  mourut  vers  la 
moitié  du  xii*  siècle,  laissant  un  fils  Albert,  que  M.  Gazzera 
nomme  le  premier  marquis  d'Incisa.  D'autres  prétendent 
que  le  marquis  Boniface  ne  laissa  pas  de  postérité,  et  que 
les  marquis  d'Incisa,  à  commencer  par  Albert  I",  provien- 
nent d'une  autre  souche.  Sans  donc  pouvoir  affirmer  que  le 
marquis  Albert,  qui,  dans  divers  actes,  est  nommé  Figliolo 
di  un  Bonifacio,  soit  le  fils  du  marquis  Boniface  de  Wasto» 
il  est  certain  que  les  temps  concordent  et  sont  favorables  à 
l'opinion  qu'Albert  était  de  la  race  d'Aleran.  Si  doncBoni-^ 
face  était  le  fils  aîné  du  marquis  de  Wasto  et  né  comme  il 
paraît  vers  1079,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  fût  en  état  de 
commander  une  armée  dans  les  premièi-es  années  du  siècle 
suivant,  à  Tâge  de  vingt-quatre  ans,  et  qu'il  fût  mort  avant 
4161,  en  quelle  année  nous  voyons  un  Albert  marquis  d'ini 
cisa  qui  filius  quondam  Bonifacii,  fit  acte  de  souveraineté.. 


32â  MÉ.MOIRES 

Rien  ne  peut  donc  nous  ompèclier,  dit  M.  Gazzera  de  croire 
que  le  marquis  Boniface,  père  d'Albert,  fut  le  fils  déshérité 
du  marquis  de  Wasto. 

Le  marquis  Albert  mourut  vers  1190,  année  dans  laquelle 
sa  femme  Domisella  est  dite  :  Domisella  quondaai  uzor 
Alberti  marchionis.  Albert  laissa  six  fils  de  soo  mariage 
avec  cette  Domisella:  au  partage  des  biens  en  1203,  le 
marquisat  d'Incisa  devint  riiéritage  des  fils  d'Albert  II,  fils 
d'Albert  I",  lequel  était  mort  avant  ce  partage.  Ces  fils 
héritiers  du  marquisat  d'Incisa,  étaient  Henri,  Guillaume, 
Raimond  et  Jacques.  Castrum  Incisae  cum  Castronovo  de 
Bergamasco,  et  Carentino  et  Cereda  et  Wallibus,  etc.  Les 
deux  autres  frères,  Manfred  et  Pagano,  héritèrent  de 
Castrum  Rupecule  et  Castrum  Montaldi.  Par  cette  division 
il  y  eut  deux  marquisats  d'Incii^a.  Les  descendants  de 
Manfred  et  de  Pagano  se  nommèrent  de  Rupecula  (Ro- 
chetta) . 

De  Manfred,  premier  marquis  de  Rupecula,  naquit  un 
Henri.  La  vie  de  ce  Henri  dut  être  courte,  car  succédant  à 
son  père  en  1267,  il  jura  fidélité  à  la  commune  d'Astî  pour 
le  fief  de  Rochetta,  et  il  était  déjà  mort  en  1269,  dans  la- 
quelle année  son  fils  Albertinus  de  Rochetta  Marcbio  est 
dit  filius  quondam  domini  Uenrici  de  Rochetta  Marchionis, 
dans  l'acte  où  lui  aussi  rend  hommage  à  la  commuue  d'Asti 
pour  ce  même  fief.  C'est  à  ce  marquis  Albert  ou  Albertino 
que  M.  Gazzera  donne  le  sceau  portant  l'inscription  : 
Sigilium  Alberti  de  liupecula  Marchionis  Fncisie, 

Dans  le  même  temps  que  cet  Albertino  délia  Rochetta, 
vivait  un  autre  Albert,  marquis  d'Incisa,  qui,  avec  son  frère 
Manfred  et  ses  deux  cousins  Raimond  et  Jacques,  par  acte 
de  l'année  1292,  se  déclarent  citoyens  d'Asti.  Cet  Albert  et 
ses  cousins  se  nomment  marquis  de  Heucisia. 


ET    DISSERTATIONS.  325 

En  janvier  1305,  la  fauiille  d'IncLsa  ou  Accisa  se  déter- 
mina à  céder  au  marquis  Jean  de  Monlferrat  toutes  ses 
villes  et  châteaux  d'Iucisa,  Castelnovo,  Bergamasco,  Ca- 
rentino  e  valli,  etc.,  pour  le  prix  de  40,000  livres  de  bonnes 
monnaies  d'Asti. 

Cette  vente  n'a  pas  dû  les  empêcher  d'exercer  les  droits 
souverains,  puisqu'en  1310  nous  voyons  que  les  marquis 
d'Incisa,  non-seulement  frappaient  monnaie,  mais  imi- 
taient ou  contrefaisaient  les  monnaies  de  leurs  voisins,  et 
même  les  monnaies  impériales,  si  bien,  qu'eu  cette  même 
année  131.0  l'empereur  Henri  VII  fut  forcé  de  leur  faire 
défendre  toute  émission  de  monnaies  dans  leurs  divers 
ateliers  monétaires:  Quod  admodo  nullus.  etc.,  etc.,  qui 
de  cetero  audeat,  nec  praesumat  dare,  nec  recipere,  nec 
portare  impériales  factos  in  Clavisio,  in  Iporeya,  in  Incisa 
et  in  Ponzono,  in  Antcmilia,  etc.,  etc.  La  monnaie  dont  je 
vous  envoie  le  dessin  me  paraît  avoir  été  émise  dans  ces 
temps  de  contrefaçons. 

M.  Gazzera  n'a  pu  trouver  par  qui  et  quand  le  droit  de 
battre  monnaie  fut  concédé  aux  marquis  d' Incisa  avant 
1310.  Toutefois  il  n'y  a  aucun  doute  qu'ils  usèrent  large- 
ment de  ce  droit.  La  défense  de  l'empereur  Henri  VII  le 
prouve  assez. 

Plus  tard,  en  1364,  l'empereur  Charles  IV,  à  l'intercession 
de  Guido,  des  marquis  d' Incisa,  évêque  d'Acqui,  cassa  la 
sentence  dont  Henri  Vil  avait  frappé  leurs  ancêtres,  et 
rendit  aux  marquis  d'Incisa  leurs  privilèges  et  préroga- 
tives, en  y  ajoutant  le  droit  de  battre  monnaie.  «  Ceterum 
((  auctoritate  impérial!,  ipsis  marchionibus  et  eorum  haere- 
H  dibus  ex  speciali  gratia  concedimus  et  favorabiiiter  in- 
b  dulgenms,  ut  in  suis  castris,  terris  et  locis  licite  auri, 
«  argenti  et  alterius  metalli  monetam  bonam  et  legalem , 


320  MÉMOIRES 

«  quse  debiiis  pondère  et  inateria  non  fraudetur,  sub  pro- 
<(  priis  suis  signis,  caracteribus  et  figuris  cudere,  seu  codi 
i(  facere,  absque  aliorum  praejudicio  libère  valeaot  in  fu- 
«  tnnim.  »  (Moriundo,  vol.  I,  col.  332.) 

Il  paraît  que  les  monnaies  des  marquis  d' Incisa  devinrent 
fort  rares.  M.  l'abbé  Gazzera  dit  qu'il  n'y  en  avait,  quand 
il  écrivait,  en  1832,  que  deux  pièces  connues.  Tune  ap- 
partenant au  comte  Eugène  Rasponi  de  Ravenne,  vue  par 
le  chevalier  de  San  Quintino,  et  l'autre  qui,  du  cabinet  de 
M.  Promis,  passa  dans  la  collection  privée  de  S.  M.  le  roi 
de  Sardaigne.  C'est  probablement  cette  dernière  qui  est  dé- 
crite par  le  professeur  Gazzera,  puisqu'il  dit  l'avoir  eue  ca 
mains.  C'est  une  petite  pièce  de  bas  argent  :  Di  bassa  lega 
di  grani  13  torinesi.  Droit,  MARC— HIONV— ACISE  {mar- 
chionum  AciStT)  en  trois  lignes;  en  haut,  une  petite  croi« 
entre  deux  étoiles;  en  bas,  une  étoile  entre  deux  plus 
petites. 

Si  Une  croix.  Dans  un  des  angles,  une  étoile  à  huit 
rayons  (armes  antiques  des  marquis  d'Incisa).  A  Tentour, 
+  SIGNVM  CRVCIS. 

Cette  pièce  est  aussi  une  imitation  des  monnaies  impé- 
riales de  Milan.  Il  est  évident  qu'elle  offre  une  complète 
similitude  de  type  avec  le  denier  d'Oddo,  marquis  del  Ca- 
relto  (1283-131 3)  \  et  celui  de  Théodore  !•'  de  Montferrat 
(1307-1338),  et  cette  circonstance  fait  bien  comprendre  à 
quelle  époque  elle  appartient. 

Je  passe  maintenant  à  la  description  de  la  pièce  que  je 
vous  présente,  et  qui  fait  maintenant  partie  du  médaillier 
du  prince  de  Fûrstenberg. 

Droite  deux  figures  debout;  à  gauche,  le  marquis;  à 

<  Gaizera,  ouvrage  cité  ,  p.  49,  n*  2. 


ET   DISSERTATIONS.  327 

droite,  le  saint  nimbé;  les  deux  ligures  tiennent  entre 
elles  la  lance  avec  le  petit  drapeau.  Derrière  le  marquis, 
MONETiAC.  Derrière  le  saint,  S.IOHANES.  Le  long  du  bâton 
de  la  lance  :  MCb  en  ligne  verticale  [Moneta  AvUe  mar- 
chionum) . 

^  IC — XC.  Le  Christ  nimbé  assis  de  face  sur  un  trône, 
la  main  droite  contre  la  poitrine. 

C'est,  comme  vous  voyez,  une  imitation  servile  des  de- 
niers matapans  de  Venise  et  de  Serbie'. 

Il  est  très-possible  que  les  marquis  d' Incisa  aient  été  des 
copistes  de  seconde  main,  et  qu'ils  aient  cherché  à  repro- 
duire en  général  le  type  vénitien,  sans  doute,  mais  particu- 
lièrement la  contrefaçon  de  leur  voisin  Théodore  I",  mar- 
quis de  Montferrat.  M.  le  chevalier  Promis,  qui  a  publié  le 
denier  matapan  de  ce  seigneur',  n'a  rien  affirmé  touchant 
sa  date,  mais  nous  pouvons  le  considérer  comme  antérieur 
à  l'inhibition  de  1310.  Or  le  marquis  Théodore,  qui  a  inscrit 
sur  la  monnaie  SMARTINVS  pour  imiter  S.M.VENETVS,  a 
fait  placer  le  long  de  la  hampe  du  drapeau  les  lettres  ca- 
ractéristiques de  son  titre  MCh  (roarchio).  La  légende 
S.IOHANES  d'incisa  s'éloigne  déjà  un  peu  du  type  véni- 
tien, et  me  parait  indiquer  un  second  état  d'imitation.  Ce 
nom  de  Saint-Jean  pouvait  aussi  être  destiné  à  rappeler  le 
denier  au  type  vénitien  fabriqué  à  Turin  ;  car  tous  les  mo- 
numents monétaires  de  ces  temps  s'enchaînent  et  se  lient 
étroitement. 

Tout  à  vous,  mon  cher  ami,         Fr.  de  Pfaffenhoffen. 

Donaiieâchingen,  juillet  1864. 

*  Voy.  N.  F.  Znnetti,  De  nummis  regum  Uysiit  seu  Baurisc  ad  Vemtos  typoi 
pêrcutsiê.  Venise,  1750. 

*  Vonet9  dei  PaUologi  marcheti  di  Monferralo.  Tarin,  1858,  p.  12,  et  pi.  I, 
n-  1. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 


Beschreibung  der  in  der  Schweiz  aufgefundeneu  Galliscben 
Mûnzen  (  Description  des  monnaies  gauloises  trouvées 
en  Suisse),  par  le  docteur  H.  Meyer,  oirecteur  du  Ca- 
binet des  médailles.  Zurich.  1863,  in-â%  3- pi.  lith. 

Notre  collègue  le  docteur  Meycra  eu  certainement  une  excel- 
lente idée,  et  il  Ta  appliquée  avec  beaucoup  d'intelligence  et 
de  soin.  On  s'aperçoit  bien  vite  de  la  conscience  avec  laquelle 
il  a  étudié  nos  monnaies  et  tous  les  écrits  qui  s\  rallachent.  On 
peut  dire  qu'il  a  lu  les  moindres  travaux  relatifs  à  la  numisma- 
tique des  Gaules. 

Au  début  de  son  mémoire^  nous  remarquons  le  uessin  vi  la 
description  d'un  monument  extrêmement  curieux,  un  coin  gau- 
lois. Cet  obji't  si  rare  a  été  trouvé  par  M.  Caspari,  conservateur 
du  musée  d'Avenches,  dans  la  terre  qui  avoisine  lamphithéâtrc 
romain  de  Tanlique  Avenlicum.  Il  se  coni|M)se  d'un  cylindre  de 
fer  <le  42  millimètres  de  diamètre  et  de  10  millimètres  d*cpais- 
seur,  taillé  en  biseau  à  la  partie  supérieure,  dans  lequel  est  in- 
crusté un  disque  de  bronze  portant  en  creux  une  tétc  d'Apollon, 
imitation  déjà  éloignée  <lu  type  des  statères  de  Philippe  de 
Macédoine.  Le  module  de  la  monnaie  d'or  que  ce  coin  était 
destiné  à  fabriqiier  est  de  28  millimètres. 

Les  pièces  gauloise  s  décrites  par  M.  Mayer  ont  été  recher- 
chées par  lui  dans  toutes  les  collections  de  son  pays.  On  peut 
donc  considérer  leur  ensemble  comme  une  représentation 
exacte  du  numéraire  en  circulation  pendant  les  siècles  voisins 
de  l'ère  chrétienne. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE.  3*29 

On  rom«irf|iio  qiiolqnfs  iiinlaiioiis  iiialfûnes  des  monnaies 
(l'argent  de  Marseille,  puis  des  pièces  séqnan«'s,  arvernes, 
tectnsafres,  édnennes,  turones,  pietaves.  On  ne  trouve  là  aucune 
monnaie  de  l'Armorique. 

M  Meyer  devait  naturellement  arrèîer  tout  particuliiNrement 
son  attention  sur  les  monnaies  d'Orgôtorix ,  chef  des  Helvètes, 
quoique  jusqu'à  présent  ces  pièces  n'aif^nt  été  recueillies  que 
dans  la  contrée  occupée  autrefois  par  les  Scquanes  et  les 
Éduens.  Il  s'est  demandé  si  les  têtes  représentées  sur  les  mon- 
naies d'argent  qui  portent  les  légendes  COÏOS  et  ATPFLl.F  re- 
présentent une  divinité  ou  le  portrait  des  chefs  de  la  ligue. 
Après  avoir  fait  reuiarquer  que  les  monnaies  des  ligues  grec- 
ques et  romaines  offrent  des  images  de  divinités,  et  que  le  sen- 
timent qui  dirigea  le  choix  de  ces  types  dût  être  partagé  par 
les  Gaulois,  M.  Meyer  conclut  en  émettant  l'opinion  que  sur  les 
monnaies  au  nom  d'Orgétorix  nous  ne  devons  pas  chercher  des 
portraits  de  personnages  historiques. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  M  de  la  Saussaye  considère  la 
tête  qui  se  voit  sur  les  monnaies  de  la  ligue  des  Helvètes  comme 
une  imitation  de  la  Diane  des  trioboles  de  Marseille  {Rev,  num,^ 
1860,  p.  10^). 

M.  Meyer  a  fait  dessiner  sous  les  n"*  149,  XoO  et  151  trois 
stalèns  d'or  découverts  dans  le  territoire  badois  au  pied  du 
Schwarzw.dd.  La  première  de  ces  pièces,  de  module  assez 
restreint,  a  p  îur  type  un  grand  œil,  et  elle  appartient  a  la  série 
que  I/elrWt»l  appelle  belge  nmbiane  (voy.  son  atlns  du  tyjx* 
gaul..  p!.  in,  n"  39^  -  pi.  IV,  n*»  19  h  23;  —pi.  VII,  n"  55  , 
et  que  Duchalais  a  classée  sous  les  n"  4U0  et  suiv.  dans  sa 
Descrip,  des  méd,  gauL  (voy.  Éd.  Lambert,  Num,  gauL  du 
nord  ouest,  pi.  VU,  n"  17,  18,  19).  On  sait  que  Bouleroiie  avait 
proposé  de  voir  dans  la  légende  LVCOTIO  qui  se  lit  sur  une 
de  ces  monnaies  le  nom  des  anciens  Parisiens  (  Rech.  cur, , 
p.  49) .  Cette  opinion  ne  s'est  pas  fait  accepter .  mais  nous 
devons  noter  comme  une  coïncidence  remarquable  que  les  deux 


530  BULLCT13I    ttlBUOGBAFHIQOC. 

au!res  inonnait.*»  I.V)  el  IM  fie  M.  Meyer  sont  de  ces  s!at«>rei 
de  lrè»-granJ  niixiiile  portant  au  revers  un  cheval  au-desM» 
duquel  pjrnit  un  ohj«*t  forme  de  lignes  croisées  que  Ton  a  com- 
paré à  un  filet  de  pi^rheiir.  Or  ces  sfatères  se  Irouveot  le  piits 
souvent  dans  le  sable  de  la  Seine,  à  la  poinU*  de  la  Ciiéâe  Paris  *. 

A  la  suite  de  son  liavaiU  M.  Meyer  a  inséré  deux  appendices 
fournis  par  le  professeur  llt-inri*  h  Sihreiber. 

La  Ironvaille  faite  à  Burwein  de  monnaies  d'argent  imitcr« 
des  trioboles  de  Marseille,  pnrmi  lesquelles  on  di&t inique  qiiel^ 
ques^m^'S  de  ces  pièces  sur  lesquelles  M.  de  la  Saussaye  pro- 
posait de  lire  le  nom  des  Libeci  Pirukof  suivant  M.  Mommsenj, 
donne  à  M.  Sehreib^r  Toccasion  de  faire  observer  que  Ton  peut 
voir  sur  une  de  ces  pièces  la  légende  OVXIDIOI  rétrograde,  et 
qu'il  exiïte  encore  aujourd'hui  près  de  Lausanne  un  lieu  nomme 
ruichi.  Mais  cette  remarque  ingénieuse  i  c  peut  avoir  toute  sa 
valeur  que  si  l'on  produit  le  nom  antique  d'Ouchi  sous  une  foniie 
qui  se  ra[)proclie  de  la  légende  monétaire ,  et  c'est  ce  que  l'au- 
teur a  négligé  de  faire. 

Dans  un  s»cond  chapitre,  M.  Schreiber  passe  en  revue  toutes 
les  c»p»nions  qui  ont  été  émises  au  sujet  des  monnaies  d'argent 
qui  portent  les  légendes  KAA  et  KAACTCAOr. 

A.    L. 

*  Il  6tt  à  refn«rqaer  que  Panl  Petaa,  qui  formait  sa  collection  à  Paria,  a 
fait  graver  ensemble  les  n.£n>es  monDaies  :  VtUr.  mimmor.  ywApt^fy  ^  p|  q^ 
B^SiilO. 


CHRONIOUE. 


Dans  sa  séance  publique  du  6  août,  présidée  par  M.  de 
Saiilcy,  rAcadémie  des  inscriptions  et  belles-lettres  de  Tlnstitui 
a  décerné  le  prix  de  numismatique  fondé  par  Allier  de  Haute  • 
roche  à  M.  Maximin  Deloche  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Des- 
cription des  monnaies  mérovingiennes  du  Limousin.  1  vol.  in-8\ 

Elle  a  décerné  aussi  la  seconde  médaille  du  concours  de:» 
antiquités  nationales  à  M.  Arthur  Forgeais  pour  son  ouvrage 
intitulé  :  Collection  de  plombs  historiés  trouvés  dans  la  Seine; 
Mérenvx  des  corporations  de  métiers,  <802;  Enseignes  de  pèle- 
rinages, 1863;  Variétés  numismatiques^  1864,  3  vol.  in-8*. 


—  Nôtre  collaborateur  M.  Antonino  Salinas  prépare  la  publi- 
cation d'un  recueil  général  de  sceaux  byzantins.  Son  travail 
comprendra  les  sceaux  impériaux  >  ceux  des  magistrats  on 
dignitaires  de  l'Empire^  des  autorités  ecclésiastiques,  et  enfin 
ceux  des  simples  particuliers.  Un  appendice  sera  consacré  aux 
monuments  sigillographiques  des  contrées  occidentales  qui  ont 
fait  usage  de  la  langue  grecque  et  du  type  byzantin,  tels  que 
les  bulles  des  ducs  de  Naples,  des  juges  de  Sardaigne,  des 
rois  de  Sicile,  etc. 

M.  Salinas  est  parvenu  à  réunir  les  empreintes  d'environ 
ÎK)0  bulles,  et  de  cette  réunion  même,  placée  sous  les  yeux 
d*un  antiquaire  exercé  et  pénétrant,  naît  un  système  de  classi- 
fication méthodique  qui  augmentera  encore  l'utilité  déjà  bien 
reconnue  des  bulles  byzantines. 

Nous  espérons  que  les  archéologues  qui  possèdent  quelques 


332  CHROMQLK. 

sceaux  apparlcnant  aux  catégories  indiquées  plus  haut,  vou- 
dront hif'n  en  faire  parvenir  des  empreintes  à  M.  Salinas.  Nous 
faisons  ap[)el  à  ItMir  zèlt^  pour  la  science  historique  On  peut 
adresser  ces  enjpreintes  au  bureau  de  la  Revue  numismatique, 
\%  rue  Vivienne. 


NÉCROLOGIE. 


M.  Faustin  Poey  d'Avant,  correspondant  de  la  Société  impé- 
riale des  antiquaires  de  France,  et  Tun  de  nos  collaborateurs. 
est  m(»rt  à  Fontenay  (département  de  la  Vendée j  le  3  juillet,  à 
l'âge  de  soixante-douze  ans. 

Si.  Poey  d'Avant  était  né  dans  la  môme  ville  le  14  mai  1792. 
Il  a  publié  en  1825  un  petit  volume  intitulé  :  itinéraire  df 
Henri  I V  dans  la  Vendée  ;  en  1853,  la  Description  des  ntanuaiex 
seigneuriales  françaises  com/wsant  la  collectif  m  de  Al,  Poey 
d'Avant^  ovpc  an  essai  de  classifications  \  vol.  in -4*,  son  meil- 
leur <»uvrage  et  qui  lui  valut  une  mention  très-honorable  dans 
le  concoure  des  antiquités  nationales  de  rAcadéinie  des  iiiscrii»- 
tions  et  belles-lellres. 

Kn  1855,  iM.  Poey  d'Avant  imprimait  son  Catalogue  de»  mon- 
naies françaises  et  êtranijhes  composant  la  collection  de  A/.  Xor- 
blin;  puis  en  1858,  18G0  et  1862,  1rs  trois  volumes  in  4* 
portant  pour  litre  :  Monnaies  féodales  de  France. 

Il  a  ptiblié  en  outre  dans  la  /{evuc  numismatique  : 

1836.  Une  note  sur  des  méreaux  de  cuir. 

1837.  Mémoire  sur  des  moules  de  médailles  romaines  trouves 

fi  Lyon, 
1841 .  Sur  nne  fabrique  de  t riens  mérovingien?. 

1844.  i\otice  sur  une  découverte  de  monnaies  du  fnof/m  âge  é 

Mareuil  { V<  ndée). 

1845.  Note  sur  les  cntnptes  rendus  dt's  découvertes  de  monnaies. 
1854.  Sur  une  monnaie  de  Souvigny. 

1837.  Article  sur  l'ouvrajze  de  M.  Rod.  Blanchet  inlitulé  ; 
Monnaies  de  la  Bourgogne  Trunsjurane. 
Quelques  semaines  avaut  sa  mort,  M.  Poey  d'Avant,  malgré 
son  grand  ûge  et  la  cruelle  maladie  qui  l'a  emporté,  lisait  dans 
un  congrès  scient.tiquc  un  travail  sur  les  faux  monnayeurs  ro  • 
mains,  à  propos  des  moules  trouvés  par  M.  l'abbé  Baudry  dans 
les  fouilles  du  Bernard.  j^^  L 


MÉMOIRES  ET  DISSERTATIONS. 


DE  L'ANOUSVARA 
DANS  LA  NUMISMATIQUE  GAULOISE. 


II  a  été  plus  d'une  fois  dans  cette  Revue  fait  mention  de 
YAnousvara  *  ;  mais,  nous  devons  en  convenir,  aucune  dé- 
finition, aucune  explication  de  cette  antique  expression 
grammaticale  n'a  été  donnée  dans  notre  recueil  ;  et  nous  ne 
saurions  être  étonné  des  questions  qui  nous  ont  été  adres- 
sées au  sujet  d'un  mot  que  Ton  chercherait  vainement  dans 
les  dictionnaires  français,  bien  qu'il  exprime  une  particu- 
larité orthographique  qui  se  retrouve  dans  une  foule  de 
livres  et  d'inscriptions  de  toute  nature,  appartenant  à  toutes 
les  époques  de  notre  histoire. 

Prenons,  par  exemple,  un  évangéliaire  du  x*  siècle,  et 
lisons  ce  passage  de  saint  Matthieu  (XVIII,  0)  : 

—  Bonû  tibi  est  unû  oculû  habentê  in  \îtâ  intrare  qua 
duos  oculos  habentem  mitti  in  gehennâ  ignis. 

Ou  ce  passage  de  l'Apocalypse  de  saint  Jean  (V,  6), 
— et  in  medio  seniorû  agnû  stantê  tanquâ  occisum  habentc 
cornua  septé  et  oculos  septê. 

«  V.  noUmment  1856,  p.  76,  87  ;  1868,  p.  23. 

1864.—  6.  99 


S3&  MÉMOIRES 

Nous  prononcerons  sans  hésitation  :  Bonum  iibi  estunum 
oculumhabenlem^  etc.;  m  medio  seniomm  agnutn  slantem 
tanquam  occtstim,  etc. 

Ouvrons  au  hasard  les  actes  du  concile  de  Trêves  impri- 
més au  x\*  siècle  ;  si  nous  trouvons  : 

—  Ac  deiceps  ânis  singulis  in  ppetuû  î  suis  synodis 
eadê  statuta  provîncialia  recômêdari  faciat  ; 

Nous  ne  serons  en  aucune  façon  arrêtés  par  Tabsence 
d'une  partie  des  N  et  des  M,  et  nous  prononçons  : 

Deinceps  annis  singulis  in  perpetuum  in  suis  synodis 
eadem  slatvta  provîncialia  recommendari  faciant. 

Descendons  à  la  fin  du  xvi*  siècle,  et  jetons  les  yeux  sur 
un  livre  imprimé,  par  exemple  les  Singularités  de  Pierre 
Belon,  du  Mans,  nous  relèverons  à  chaque  page  des  phrases 
comme  celles-ci  : 

f(  Ne  naviguët  q  durât  l'inôdatiô,  et  ne  descëdêt  point 
plus  bas  »  (p.  231)  ;  ou  bien  encore  :  «  Les  milas  aussy  y 
font  leurs  nids  au  t^ps  qu'ils  sont  absés  de  nostre  régiô  • 
fp.  239). 

Nous  n'éprouvons  aucune  difficulté,  et  nous  prononçons 
naviguent^  descendent^  milans^  temps ^  abseng^  inondation^ 
région. 

Qu'on  nous  présente  un  parisis  d'Henri  YI  à  la  l^ende 
HERI.FRAGORV.Z.AGL.REX;  cette  légende  nous  caosera-t- 
elle  le  plus  léger  embarras,  et  n'y  lirons-nous  pas  coivam- 
ment  :  Henricus  Francorum  et  Anglise  rex? 

Il  n'est  pas  nécessaire  pour  cela  d'avoir  fait  de  longues 
études  paléographiques;  il  suffirait  d'avoir  cbanté  à  un 
lutrin  de  village  à  l'aide  d'un  antiphonaire  un  peu  ancien 
comme  il  en  existait  encore  en  si  grand  nombre^  il  y  a 
quelques  années,  dans  nos  églises. 

Or  ce  complément  des  syllabes  terminées  par  un  N  ou 


ET   DISSERTATIONS.  SS5 

un  M,  cette  prolongation  du  son,  c'est  Yanousvara,  Nous 
sommes  obligé  de  lui  conserver  son  non  indien,  puisque 
nos  tribus,  en  émîgrant  de  TAsie,  ont  emporté  cette  fa- 
culté singulière  de  prononcer  ce  qui  n'est  pas  écrit,  et  ne 
nous  ont  point  légué  un  nom  européen  pour  désigner  un 
usage  qui  a  traversé  tant  de  siècles. 

Vanousvara  n'a  jamais  cessé  d'exister  depuis  qu'on  écrit 
les  langues  indo-européennes.  La  suppression  des  N  et 
des  M  n'est  donc  ni  un  accident  produit  par  la  négligence 
des  scribes  ou  des  graveurs  d'inscriptions  de  l'antiquité,  ni. 
une  invention  des  copistes  du  moyen-âge  ou  des  impri- 
meurs de  la  Renaissance  pour  épargner  l'espace. 

La  grammaire  sanscrite  seule  en  donne  l'explication.  Les 
Grecs  et  les  Romains  étaient  (du  moins  au  temps  où  ils  écri- 
virent des  traités)  trop  privés  de  toute  notion  philologique 
et  de  renseignements  sur  leurs  origines  pour  avoir  pu  ap- 
précier sainement  un  détail  orthographique  qui  cependant 
avait  attiré  leur  attention. 

Voici  ce  que  dit  le  grammairien  Velius  Longus  : 

«  Sequenda  est  nonnunquam  elegantia  eruditorum  quod 
quasdam  literas  levitatis  causa  omiserunt,  sicut  Gicero  qui 
foresia  et  megalesia  et  hortesia  sine  N  litera  libenter  dice- 
bat;  et  ut  verbis  ipsius  utamur,  postneridianas  quoque 
quadrigas^  inquit,  libentius  dixerim  quam  postmeri" 
dianas^.  n 

On  voit  quelle  confusion  s'établit  entre  la  supprei^sion 
orale  d'une  consonne  dure  telle  que  le  T  dans  une  articu- 
lation (STM)  incommode  pour  le  discoui*s,  et  l'omission  de 
UN  dans  l'écriture.  On  remarquera,  en  outre,  que  UrfaXitnv 


'  Vcl.  Long.,  D«  orlhogr.^  rd.  Potscli,  p.  2237. 


880  MÉMOIRES 

est  un  mot  grec  qu'il  faut  séparer  d'horlensia  et  deforensia. 

QuÎDtilien  n'a  pas  roieux  compris  la  question  : 

((  Et  illa  Gensorii  Catonis  Dice  hanc  aeque  M  littera  in  E 
mollita:  quœ  in  veteribus  libris  reperta  mutare  imperiti 
soient,  et  dum  librariorum  insectari  volunt  inscientiam, 
suam  confitentur,  atque  eadem  illa  littera  (M)  quoties  ul- 
lima  est,  et  vocalem  verbi  sequentis  ita  contingit  ut  in  eam 
transire  possit,  eliamsi  scribitur,  tamen  parum  exprimitur; 
ut  tnu/tum  tile,  et  quantum  erat.  Adeo  ut  pêne  cujusdam 
novae  litteras  sonum  reddat;  neque  enim  eximiiur^  sed 
obscuratur*.  >» 

Les  imperiti  du  temps  de  Quintilien  avaient  sans  doute 
tort  d'accuser  les  librarii  d'ignorance  ;  mais  le  grammai- 
rien ne  se  montre  guère  plus  habile,  lorsqu'il  confond  un 
archaïsme  orthographique  avec  Télision  prosodique  qui  ne 
modifiait  en  rien  la  forme  écrite  des  mots,  ainsi  qu'il  le 
reconnaît  lui-même. 

Cassiodore  avait  été  frappé  de  cet  état  d'anarchie  gram- 
maticale dans  lequel  semblaient  se  complaire  les  savants 
de  son  temps. 

((  Animadverti  quosdam  eruditos  etiam  M  litteram,  nec 
ubî  opporteat  dicentes,  nec  ubi  opporteat  supprimentes. 
Hoc  ne  fiât,  hinc  observari  poterit,  si  simul  snbjiciam,  si 
quid  ad  rectam  scripturam  pertinet,  et  ad  divisionem 
syllabarum.  Igitur  si  duo  verba  conjunguntur,  quorum 
prius  M  consonantem  novissimam  habeat,  posterius  a  voca- 
libus  incipiat;  M  consonantem  perscribitur  quidem  ;  cœte- 
rum  in  enuntiando  durum  et  barbarim  sonat.  At  si  poste- 
rius verbum  quamlibet  consonantem  habuerit,  vel  vocalem 
positam  loco  consonantis  R,  sen^at  M  litterse  sonum  ^  par 

1  /«Ml.  oral.,  lib.  IX«  4,  40. 


ET   DISSERTATIONS.  887 

enim  atque  idem  vitium,  ita  cuin  vocali  sicut  cum  conso- 
Dante  M  litteram  exprimere  '•  » 

Il  ne  s'agit  là  que  de  Télision  d'une  consonne  finale.  Le 
phénomène  de  la  consonne  omise  dans  l'écriture,  à  l'inté- 
rieur des  mots,  et  cependant  prononcée  à  la  lecture  demeure 
à  l'état  de  mystère. 

Le  mot  sanscrit  Ancmsvara  se  compose  de  la  préposition 
Anou  (après)  et  de  Svara  (son)  ;  littéralement  son^après. 
Dans  la  langue  indienne  ce  son  postérieur  est  toujours  la 
nasale  que  demande  la  consonne  suivante,  qu'elle  fasse  ou 
ne  fasse  pas  partie  du  même  mot.  S'il  n'y  a  pas  de  con- 
sonne après  Yanousvara  il  a  ordinsdrement  la  valeur  de  H. 

La  tradition  s'est  si  bien  conservée,  quoique  la  notion 
généalogique  fut  perdue,  que  lorsque  pendant  le  moyen  âge 
on  marquait  Yanousvara  au  moyen  d*un  petit  trait  hori- 
Eontal,  c'était,  comme  on  l'a  vu  par  les  exemples  cités  plus 
haut  (âr)t5,  recomëdari)^  sur  la  voyelle  qu'était  placé  le 
signe  et  non  sur  la  consonne  qui  devait  être  doublée. 

Ainsi  donc  Yanousvara  est  le  son  nasal  (N  ou  M)  qui  s'at- 
tache à  une  voyelle  ;  ou  qui  vient  après  pour  compléter  la 
syllabe,  et  qui  la  prolonge. 

Les  Indiens  l'indiquent  actuellement  au  moyen  d'un  point 
en  haut.  Sur  les  médailles  indo-grecques  du  roi  Pantaléon 
(probablement  le  successeur  d'Agathoclès)  nous  trouvons 
deux  anousvara  marqués  à  l'aide  d'un  point  posé  après  la 
syllabe  :  Pa.tdlava.iay  qui  se  lit  Pantalavanta*. 


*  D8  orthogr.,  éd.  do  Venise,  1729,  t.  II,  575. 

*  Les  inscriptions  de  Tlndo ,  en  caractères  semblables  à  ceux  des  médailles 
d*AgatbocIès  et  de  Puntaléon,  nous  montrent  Vanoustara  indiqué  par  un  point 
après  la  syllabe  qu'il  prolonge.  Par  exemple,  dans  le  nom  dn  roi  Séleneide 
Antiocbus,  i.liyalco,  AMyakoêay  qui  âgure  dans  l'édit  du  roi  Aiolui  (vers  £05 
AT.  J.  C).  Inscript,  de  Gimar  dans  le  Goa^jerat,  2*  tablette.  Jûurn,  af  ihê 


338  MÉMOIRES 

Mais  chez  les  Bactriens  Yanousvara  perd  son  signe  gra- 
phique, et  nous  voyons  sur  les  médailles  bilingues  des  rois 
Ménandre,  Antimacims,  Antialcidës,  Amyntas»  les  ncmisde 
ces  princes  au  génitif  sons  la  forme  Minadasa,  Aiimaka$tÊ^ 
Àtialikadasa^  Âmitasa.  La  lecture  leur  rendût  leur  vëri* 
table  son  :  Minandasa^  Antimakasa^  Aitiialikadasa^  ilmtn- 
tasa. 

Nous  ne  parlerons  ici  ni  des  inscriptions  cunéiformes 
perses  S  ni  des  inscriptions  lyciennes  qui  nous  fournissent 
des  exemples  d'anousvara  sans  ponctuation  «  sans  aucun 
signe  qui  avertisse  le  lecteur. 

Mais  les  belles  monnaies  d'argent  au  type  des  deux  lut-^ 
teurs,  si  longtemps  attribuées  à  Selgé  de  Pisidie,  ont  droit 
à  une  mention  particulière. 

On  sait  que  Pellerin  avait  proposé  de  les  restituer  4 
Aspendus  de  Pamphylie,  en  s*appuyant  sur  le  passage  de 
PoUux,  qui  nous  apprend  que  les  Aspendiens  représentaient 
les  lutteurs  sur  leur  monnaie;  et  Ton  ne  comprend  pas 
pourquoi  Eckbel,  qui  apportait  à  l'appui  de  cette  opinion 
de  si  bons  arguments,  n'a  pas  tout  simplement  classé  ces 
pièces  à  la  ville  pamphylienue. 

Auriût-il  hésité  s'il  avait  connu  l'existence  de  Yanous- 
vara? Nous  ne  le  pensons  pas.  En  effet,  à  l'aide  de  cette 
notion,  la  légende  E^TFEAIIVi^  fut  devenue  pour  le  sa- 

Aêiat,  Soc,  of  Bengal,  t.  YU,  p.  166  et  219,  pi.  X  et  XI.  —  Cf.  Tinsoription  du 
rocher  de  Khandgiri,  près  Cuttaçk ,  même  recueil,  t.  VI,  p.  1080,  pi.  LVIU. 
—  Voy,  encore  t.  VI,  p,  790,  pi.  XLII. 

1  On  peut  constater  Tusage  do  Vanou4vara  au  temps  des  Achéménide*  en 
examinant  les  mots  ahania,  abaranta,  bandaka,  etc.,  les  noms  CamdHjlyo, 
Vindafranùf  Zaranga,  Hindou,  Gandatava,  Gandara,  J.  Oppert^  In^cripi.  cmnéif. 
du  Àchémén,,  \861.— Cf.  J.  Oppert,  Dat  Lautsyttem  du  AUperêiêch^n^  BotIîh, 
1847,  ia-8'»,  p.  16  et  45  :  *<  Dor  AnusvBra  iii  dor  Mitte  des  Wortet  wird  nickt 
gesohriebeu,  wohl  aber  aufigcsprochon.  m 


ET  DISSERTATIONS.  839 

vant  vieuuois  E2TFËNAIITI,  ce  qui  lui  eût  permis  de 
l'identifier  plus  complètement  avec  le  nom  d'Aspendus  *• 

Nous  avons  déjà  recueilli  ailleurs  un  certain  nombre 
d'exemples  de  Yanousvura  dans  les  noms  propres  grecs 
tracés  sur  les  vases  peints'.  Nous  ne  les  reproduirons  pas 
ici  avec  détails  ;  mais  il  est  utile  de  faire  remarquer  que, 
rapprochés  de  plusieurs  autres  exemples  bien  clairs  fournis 
par  des  inscriptions  et  des  monnaies,  ils  établissent  que  la 
tradition  indienne  était  vivante  cbes  les  Hellènes  à  l'époque 
de  leur  plus  grand  développement  politique  et  intellectuel  '. 

D'autre  part,  il  est  évident  que  Yanousvara  se  retrouve 
dans  les  écritures  latines  de  tous  les  temps.  Témoin  cette 
loi  de  Numa  :  PELEX  ASAM  IVNONIS  NE  ÏÎGITO  \  ou  ces 
lignes  extraites  des  épitaphes  des  Scipion  :  TAVRASII, 
CISAVNÂ,  SAMNIO  CEPIT,  SYBIGIT  OMNË  LOVGANÂ. 

—HONG  OINO  PLOIRVME  COSENTIONT  R[omai]  DVO- 
NORD  OPTVMO  FYISE  VIRO  LVGIOM  SCIPIONE....  CEPIT 
CORSIGÂ  ALERIÏQVE  VRBE. 

—  AIDILES,  COSOL,  GESOR. 

1  Annuaire  d€  la  Soc,  dtê  anftf .  ii  France^  procès-verbal  de  Is  séance  du 
29  dëcerobro  1852,  p.  199. 

>  Mém,  de  la  Soc.  det  antiq.  de  France,  t.  XXI  (1852),  p.  371.  On  troiUM 
entre  antres  :  ATAAATE  ponr  ÂxaMvni,  TIMAAPÀ  ponr  T(|Aav2^»  EKEAA40S 
pour  Ëvxé^^;,  NI4»AI  ponr  vCiJ^ai,  AADON  pour  Adi&icov.  Il  faut  ajouter 
<I»ITIA£  pour  4»(rasc«  Mue.  étrueq,  de  Canino,  1829^  n«  551,  et  A4»IAPE0£ 
pour  XpupcâpTiO^,  sur  un  vase  publié  par  J.  de  Witte,  Annal,  delf  Inei.  mrch., 
1863,  t.  XXXV,  p.  233,  tav.  G. 

'  J'ai  déjà  présenté  quelques  observations  au  sigei  des  monnaies  d*Alexan- 
dria-Troas  qui  portent  £M16EÛS  ponr  Z^uvOid»;.  Il  faut  mentionner  encore  un 
tétradrachme  athénien  de  la  collection  Palin,  sur  lequel  est  gravé  ZQSAAPO, 
le  nom  du  magistrat  Sosandrc  bien  connu  des  numisroatistes.  Cf.  Beulé,  Mom- 
naiee  d'Athènes,  p.  281.  —  Un  tétradrachme  de  vieux  style  frappé  à  Sélinonte 
porte  ZEAINOTION.  Mionnct,  1. 1,  p.  287,  n»  674,  pi.  XXXIV,  n"  120.  La  lé- 
gende reproduite  par  Sestiui,  Classtt  gen,,  tab.  III,  n*  31. 

*  Aulu5.  Gcll.,  Noct.,  lib.  IV,  cap.  8. 


3A0  MÉMOIBES 

—  RE6EM  ANTIOCD  SVBEGIT;  ou  bien  ce  fragment  d^ 
la  loi  agraire  :  PROPIOREM  DlEEXAGTVM  ERIT  *. 

Nous  choisissons  à  dessein  des  textes  latins  d'un  âge 
imposant  et  dans  lesquels  on  ne  sera  pas  tenté  de  chercher 
des  traces  de  décadence. 

Pourquoi  offrent-ils  tant  de  mots  incomplets,  en  appa- 
rence du  moins? 

Voici  des  épitaphes  consacrées  aux  plus  illustres,  aux 
plus  puissants  d'entre  les  Romains;  l'une  d'elles  est  tracée 
sur  un  sarcophage  d'un  style  admirable,  les  autres  sont  de 
diverses  mains  et  d'époques  différentes. 

Comment  des  circonstances  si  frappantes  ne  feraient- 
elles  pas  naître  dans  l'esprit  des  philologues  quelque  expli- 
cation sérieuse?  Comment,  alors  même  qu'on  étudierait  ces 
documents  isolés  de  tous  autres,  ne  pas  chercher,  pour 
rendre  compte  de  l'état  dans  lequel  ils  se  présentent ,  une 
autre  raison  que  la  perpétuelle  défaillance  attribuée  aux 
lapicides? 

C'est  à  cette  même  époque  qu'appartient  l'abréFiation 
COS  pour  consul,  laquelle,  bien  entendu,  se  prononçait 
comme  si  l'N  avait  été  écrit,  et  qui  subsista  jusqu'au  Bas- 
Empire;  forme  vénérée  en  raison  de  sa  noble  antiquité, 
mais  abandonnée  quelquefois  pour  CONS ,  principalement 
à  la  fin  du  m*  siècle  et  pendant  le  iv%  par  des  graveurs 
qui  s'attachaient  à  reproduire  le  son  des  mots.  Que  l'on 
remarque  donc  bien  ce  fait  :  l'omission  de  l'M  et  de  m 
dans  l'écriture  latine  n'a  aucune  lidson  avec  l'altération 
de  la  langue.  C'est,  au  contraire,  soit  un  indice  d'anti- 
quité, soit  un  archaïsme. 


1  J'ai  msrquô  Tanoasvara  par  aae  barre  placée  snr  la  voyelle,  «fia  d«  U 
signaler  sans  tranicrire  chaque  mot. 


ET   DISSERTATIONS.  ZM 

Si,  en  nous  tenant  toujours  au  temps  de  la  République, 
nous  interrogeons  les  monnaies,  nous  trouvons  sur  un  de- 
nier  de  la  famille  Vibia  le  nom  de  Jupiter  Anxurus  écrit 
lOVIS  AXVR  (  cf.  A%Çiop,  dans  Diod.  de  Sic. ,  XIV.  xyi,  5.  — 
Jupiter  Anxurus,  Virg.,  jEn.^  VII,  799)  *  ;  sur  ceux  de  la 
famille  Plautia,  les  deux  variantes  PREIVER  GAPTV  et 
PREIVER  CAPTVM  sont  des  équivalents  exacts. 

On  ne  peut  méconnaître  dans  les  légendes  ROMA  RE- 
NASCES  et  ROMA  RESYRGES,  inscrites  sur  des  monnaies 
de  Galba  et  de  Vespasien ,  les  participes  présents  renascens 
et  resurgenst  ainsi  que  l'a  judicieusement  aifirmé  Eckbel, 
malgré  le  sentiment  de  Havercamp,  qui  y  trouvait  la  se- 
conde personne  du  futur.  Toutefois,  le  célèbre  numisma- 
tiste  de  Vienne  n'a  pas  su  à  quelle  origine  se  rattache 
l'omission  de  la  lettre  N  dans  ces  deux  mots.  Mais  il  avait 
pour  guides  sa  parfaite  connaissance  de  la  bonne  latinité  ', 
et  la  variante  RENASCENS  que  présente  une  des  monnaies 
de  Galba. 

Les  inscriptions  latines  de  toutes  les  époques  dans  les- 
quelles on  peut  relever  des  exemples  d'anousvara  sont  très- 
nombreuses.  Cependant,  s'il  est  indispensable  d'en  rappeler 
ici  l'existence ,  que  les  archéologues  pourront  facilement 


*  Xv^cop,  Anxur  est  le  nom  antique  de  Tarracina.  Anjurus  en  dérive,  que 
ce  soit  une  forme  adjectivale  ou  un  antique  génitif,  comme  CeremSf  Ka»toruê, 
Vtnerus,  An  v*  siècle  après  notre  ère,  on  avait  trouvé  une  étymologie  grecque 
pour  ce  surnom  ftvey  ^upoO,  AÇwpo;  (qui  n'est  pas  rasé),  parce  que  le  Jupiter 
d* Anxur  était  représenté  imberbe  (Servius,  ad -<Cn«d.).  Dans  ce  système, 
intonsus  signifierait  chauve.  Anxur  ne  peut  pas  6tre  séparé  dos  autres  noms 
de  lieux  Anxa,  Anxantum  et  Ànxamim,  qui  appartiennent  aussi  à  Tltalie, 
et  dans  lesquels  le  grec  n'entre  pour  rien. 

*  Mira  snne  oratio  qufc  turpcm  solecismum  in  mnnctam  romnnam  înTchit, 
eum  scribcndum  fuisse  UKNASCERIS  vel  tirones  norint.  Doctr,  mim.,  VI, 
p.  297. 


3A2  MÉMOIRES 

constater,  il  ne  conviendrait  pas  d'en  faire  rénumération, 
qui  nous  entraînerait  trop  loin  '•  U  est  bien  temps  de  nous 
occuper  des  monnaies  gauloises. 


I. 


En  1763,  Pellerin,  lisant  sur  une  monnaie  d'argent  de 
son  cabinet  :  REX  AALETYQNVS,  avait  reconnu  là,  en 
dépit  de  cette  mauvaise  lecture,  le  nom  du  chef  des  Sotiates 
dont  César  a  mentionné  la  défaite  {Bell.  GalL^  L.  III, 
c.  21,  22).  Dans  son  IV*  Supplément,  imprimé  en  1767,  il 
rectifiait  cette  première  leçon  à  l'aide  d'une  autre  rnoonaie 
que  lui  avait  envoyée  de  Toulouse  l'abbé  Audibert,  et  pro- 
posait REX  ADIETVANVS  (p.  21,  pi.  II,  n»  8). 

En  1792,  Eckhelf'^qui  paraît  n'avoir  pas  connu  le  Sup- 
plément publié  par  Pellerin,  se  contenta  d'enregistrer  la 
première  légende  fournie  par  l'antiquaire  français  sans 
donner  à  la  monnaie  son  rang  géographique.  Mionnet 
n'osa  pas  s'écarter  du  plan  tracé  par  Eckhel  ;  mais  du 
moins  il  inséra  la  bonne  légende  dans  son  recueil  (I,  p.  OA, 
nM21)». 

L'attribution  de  Pellerin  ayant  été  reprise  en  1837  par 

1  L'M  omit9um  a  été  indiqué  dans  les  index  de  plusieurs  recueiU  êpigr»» 
I>bique8. — On  y  trouvera  Abatcâtus,  AntiocêsiB,  castrêttis,  olemês,  pndêf, 
crcioês,  infâs,  oxêplum,  Olypus,  ardente  luoernaxn,  exterû  corpus,  Iktôt 
monnmentû,  roarmoreû ,  juvénile  figuram,  ot  un«  foule  d'autres  caa  sem- 
blables qu'il  est  tout  aussi  impossible  d'attribuer  à  Tétat  de  la  langue  qti*à 
une  aberration  particulière  des  graveurs  de  tant  do  contrées  et  de  tant  de 
siècles. 

'  Les  anr.otntcurs  du  César  do  Lemaire  n'ont  connu  ni  le  Supplément  de 
PoUerin  ni  lu  description  de  Mionnet  (1806).  Treise  ans  après  la  pnblieation 
de  la  JkicripUon  des  médailUi,  ils  ont  inséré  cette  note  après  avoir  cité  quel- 
ques variantes  des  nmiiuscrits  :  Malirn  tnmen  lcg<»re  ex  nummo   snp.citato, 


ET   DISSERTATIONS.  SiS 

M.  de  Lagoy,  fut  bientôt  généralement  adoptée  '  ;  et  le  noia 
du  roi  Adietuanus  paraissait  bien  fixé. 

Nous  demandons  cependant  la  permission  de  l'examiner 
encore. 

La  forme  de  ce  nom  varie  beaucoup  dans  les  différentes 
copies  manuscrites  des  œuvres  de  César.  On  le  trouve  écrit 
Adcantuannus ,  Adcantuunnus ,  Adiatonnus,  Adiatonus, 
Adiatuunus,  Adiamtonnius ,  Adiantonninus ,  Aliatunnus, 
Adiaterinus. 

C'est  la  forme  Adcantuannus  qui  a  été  préférée  par  les 
anciens  éditeurs,  sans  doute  à  cause  de  l'autorité  des  ma- 
nuscrits qui  la  fournissaient  *.  Elle  a  été  adoptée  par  Le- 
maire  et  Achaintre,  par  M.  Amédée  Thierry  dans  son  JETtf- 
ioire  des  Gaulois^  par  M.  J.  C.  Zeuss  dans  sa  Grammatiea 
celtica. 

En  présence  de  la  légende  monétaire,  il  n'est  pas 
possible  de  défendre  le  C  qui  figure  au  troisième  rang  dans 
le  nom  du  chef  des  Sotiates;  jnais  nous  croyons  que  l'N 
qui  précède  le  T  doit  être  conservé;  et  nous  pouvons  nous 
appuyer  encore  sur  l'inscription  d'Augst,  D.M.ADIANTONl 
TOVTl  F.  Nous  proposerons ,  en  conséquence ,  d'admettre 
l'anousvara  dans  les  leçons  fournies  par  les  monnaies  ou 
par  les  manuscrits  qui  portent  Adiatonnus,  Adialuunus^  et 
de  lire  en  définitive  Adientuannm.  Cette  forme  rendrait 

Dahtwmus,  —  Dan»  la  récente  tradoction  de  César  (1867),  M.  Ch.  Louandre 
adopte  la  forme  Adiatunus,  —  On  aurait  lien  d'être  étonné  de  ce  qn*an  cri- 
tique tel  que  M.  Schneider  n'a  connu ,  en  fait  de  témoignage  numismatique» 
que  la  légende  AALETVÛNVS  citée  par  Oberlin  (  Halle,  1840,  t.  I ,  p.  277) ,  si 
Ton  ne  savait  à  quel  point  malheureusement  les  philologues  négligent  les  se- 
cours que  les  monuments  pourraient  leur  fournir. 

*  Akeman,  A  numitm,  manual,  1846.  —  Werlhof,  Handlturh  der  (priech, 
J\iim.,  1850,  etc. 

*  Leidensis  primus,  Cu|jncianns  (d'aprfes  Oudendorp). 


ihh  MÉIIOIBES 

compte  de  toutes  les  variantes  que  foamisseDt  les  ma- 
nuscrits '. 

II. 

Tous  les  numismatistes  connaissent  ces  monnaies  de 
bronze  d'assez  grand  module  qui  pendant  longtemps  ont 
été  attribuées  aux  rois  de  Galatie,  et  qui  appartiennent  à 
la  Gaule  méridionale.  Deux  de  ces  pièces^  conservées  au 
cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  impériale,  avaient 
été  classées  par  Mionnet  sous  le  nom  des  rois  laticns  et 
Vanticus,  et  en  1839  M.  le  marquis  de  Lagoy  avait  proposé 
de  les  restituer  au  prince  qu'une  belle  monnaie  de  sa  col- 
le6tion  l'autorisait  à  nommer  Riganticus  ou  Briganticns '. 
Le  fait  est  que  les  deux  monnaies  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale portent  lirANTIKO  et  IFATlKOr,  légendes  boriion- 
taies  plus  ou  moins  altérées  aux  deux  extrémitéa.  Ces  deux 
pièces  appartiennent  bien  manifestement  au  même  person- 
nage, celui  dont  le  nom  est  écrit  PIFANTIKOT  sur  la  mé- 
dsdlle  publiée  par  M.  de  Lagoy.  La  variante  Pir ATIKOT  se 
complète  par  Yanousmra. 

On  nous  dira  peut-être  que  la  lettre  N  a  été  oubliée  par 
le  graveur;  c'est  l'ancienne  et  commode  manière  d*expli- 
quer  Tabsence  de  ce  caractère.  Mais  il  faudrait  du  moins 
reconnaître  qu'il  y  aurait  quelque  chose  de  miraculeux 
dans  ce  défaut  de  mémoire  qui  se  serait  manifesté,  toujours 


1  M.  Glliok,  dans  son  mémoire  intitulé  iDUbti  /.  CauiMr  vorkommêndtn 
etUitchin  Namen  (Munich,  1857),  compare  le  nom  d'Adiatonnua  (ce  ftavaiit 
paraît  n'avoir  pas  connu  la  véritable  légende  de  nos  monnaies)  avec  le  nom  de 
lieu  Àntunnacum  {Itin.  d^Ànt.,  table  théod.f  Amm.  Marcell.,  XVIII,  8,  4),  et 
cet  ingénieux  rapprochement  l'autorise  à  admettre  le  double  N. 

*  Bmruênum.  1839,  p.  17. 


ET   DISSERTATIONS.  8A6 

à  l'occasion  des  lettres  M  et  N,  pendant  une  période  con- 
statée de  bien  plus  de  vingt  siècles. 

Une  autre  pièce  appartenant  à  la  même  série  était  classée 
au  roi  Psamytus  depuis  le  temps  où  elle  a  été  décrite  par 
Bimard  de  la  Bastie.  Si  l'on  se  contentait  de  travailler  à 
l'aide  des  descriptions  imprimées,  et  de  présenter  de  sa- 
vantes conjectures,  on  pourrait  dire  que  le  premier  carac- 
tère est  le  résultat  d'une  erreur  de  graveur,  et  que  le  reste 
de  la  légende  AMYTOT  est  le  nom  d'Amyntas,  que  com- 
plétait un  anousvara. 

Mais,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  nous  avons  examiné  avec 
un  grand  soin  l'exemplaire  décrit  par  Mionnet  (t.  IV, 
p.  406,  n*  17),  et  nous  avons  reconnu  que  la  légende,  de 
nature  à  causer  une  illusion,  est  en  réalité  KAIANTOA. 
Depuis,  M.  Cb.  Lenormant,  lorsqu'il  a  retiré  de  l'Asie,  pour 
la  transporter  à  l'Auvergne,  toute  la  série  à  laquelle  appar- 
tient cette  monnaie,  a  réuni  le  prétendu  Psamytus  aux 
bronzes  de  Gseantolus. 


III. 


Parmi  les  tétradrachmes  attribués  aux  Gaulois  de  la  Pan- 
nonie,  il  en  est  un  qui  porte  d'un  côté  une  tête  imberbe 
laurée,  et  de  l'autre  un  cavalier  galopant  à  gauche  au- 
dessous  duquel  on  lit  :  COCESTIVS  *. 

La  ressemblance  des  types  a  fait  rapprocher  de  cette 
monnaie  d'autres  pièces  de  même  module  sur  lesquelles  on 
lit  CONGE.  (Lelewel,7Vpegfau/.,  p.  277.— Duchalais,  Méd. 
gfaul.,  p.  39A.)  Mais  là  s'est  arrêté  l'effort  des  antiquaires, 
et  ils  n'ont  pas  pensé  à  comparer  les  légendes.  Lelewel 

I  Lelewel,  Type  gaul.,  atlas,  pi.  VU,  n*  38. 


SAO  MÉMOIRES 

attribue  les  monnaies  portant  la  légende  CONGE  à  Gongen- 
tiacus,  fils  de  Bituitus,  chef  des  Arvernes,  et  dit  en  outre  : 
«  La  médaille  inscrite  COGESTIVS  est  d'un  chef  qu'on  ne 
retrouve  pas  dans  les  narrations  bistoriqnes.  »  (P.  281.) 
Duchalais  décrit  les  mêmes  monnaies  sous  la  rubrique 
Coceslius  et  Congé  sans  commentaire. 

Ces  savants,  il  est  vrai,  n'ont  pas  cx)nnu  la  monnaie  qui 
existait  dans  la  collection  de  Tôchon  d'Annecy,  sur  laquelle 
on  voit  CONGES  *. 

Cette  pièce  nous  prouve  qu'il  faut  rattacher  les  unes  aux 
autres  les  légendes  CONGE  et  COGESTIVS,  et  lire  CONGES- 
TIVS  avec  anousvara.  La  fabrique  de  ces  tétradracbmes  ne 
convient  en  aucune  façon  à  l'Auvergne. 

Le  nom  Congestius  appartient  à  la  même  famille  que 
Congentiacus  ou  Congentiatus  (T.-Liv. ,  Epit. ,  LXI) ,  Camgen- 
nieui  (Inscript,  de  Narbonne),  Congennicia  (Inscript«  de 
Nîmes),  Cangidius  (Inscript,  de  Modène). 

Nous  avons  eu  déjà  occasion  de  rappeler  qu'à  une  époque 
ancienne  le  G  était  exprimé  à  l'aide  de  la  forme  G.  Quant  à 
l'emploi  simultané  des  deux  formes,  il  est  aussi  avéré. 
Nous  citerons,  comme  exemple,  après  les  monnaies  aux 
légendes  ORGETIRIX-ORCITIRIX,  le  monument  funéraire 
érigé  par  Marcus  Congenetiiti  Justinus  à  son  père  Marcus 
Congeneîius  Marcellinus,  stèle  du  musée  de  Vérone,  dôni 
Maffei  a  publié  un  fac*siinile'.  Il  nous  suffira  de  repro- 
duire les  quatre  premières  lignes  de  l'indeription  qu*elle 
porte: 


«  Cat.  éet  médaillti  de  la  eolliction  Tôchon  d'Annecy,  1858,  n*213.  Cette  pi^ce 
est  ropri^sentée  sous  le  n*  8  de  la  X*  des  planches  qne  Tôchoh  avait  fait  gfra- 
ver,  et  dont  les  cuivres  sont  en  la  possession  de  M.  J.  de  Witte. 

»  Muteum  Veronenst,  p.  47.  — Cf.  index,  pi.  I,  606. 


ET   DISSERTATIONS.  3^7 

D  M 

M  COiNCENETI 
MARCELLINl  M 
CONG.IVSTINVS 

Maffei  a  cru  qu'il  s'agissait  d'unConcenetus  et  d'un  Con- 
gius,  ne  voyant  pas  apparemment  que  le  père  et  le  (ils 
ayant  chacun  sou  prénom  et  son  surnom,  avaient  droit  à  un 
nom  de  famille,  et  que  ce  nom  devait  être  le  même  pour 
tous  deux. 

Congenelius  est  encore  un  nom  du  même  genre  quf  Vion- 
gestius. 

IV. 

Un  autre  beau  tétradrachme,  bien  plus  rare  que  ceux 
dont  il  vient  d'être  question,  offre  au  revers  de  deux  têtes 
accolées,  un  lion  courant  au-dessous  duquel  se  trouve  une 
légende  que  Mionnet  transcrivait;  SOBBOVOAAL..RV,  et 
Welzl  de  Wellenheim  :  COBISOVO.RV. 

Duchalais  proposait  de  lire  sur  le  tétradrachme 
COBtf  OVOMARYS  ou  SOBISOVOMÂRV&  Il  suffit  d^examiner 
la  monnaie,  même  pendant  quelques  instants,  pour  recon- 
naître que  la  première  de  ces  deux  formes  est  la  seule  qui 
soit  réelle.  Le  quatrième  caractère  parait  être  un  R  renversé 
(peut-être  un  B  ouvert] .  Il  est  très-probable  que  le  sixième 
est  un  A  renversé  aussi  ;  dans  ce  cas  l'inscription  reconsti* 
tuée  donnerait  COBROAOMARVS  ou  COBBOAOMARV& 

Un  spécimen  bien  curieux  de  l'emploi  de  caractères  ren- 
versés avec  intention  nous  est  fourni  par  une  inscription  de 
Mynydd  Margan  dans  le  Glamorganshire  : 

BODAOC  HIC  IVCIT 
FI\1AS  CVTOTIS 


SÂ8  MÉMOIRES 

Boduoc  hic  jacit  filius  Catotis.  On  sait  que  le  nom  Boduoc 
se  lit  sur  des  monnaies  d*or  et  d'argent  de  la  Grande 
Bretagne  *. 

Tite-Live  parlant  des  affaires  d'Asie  (an  de  R.  563,  av. 
J.  G.  189)  s'exprime  ainsi  :  «  Certiora  postea  Oroanden- 
sium  legati  attulerunt  :  Tolistoboiorum  civitatem  Olympum 
montem  cepisse;  diversos  Tectosagos  alium  montem,  qui 
Magaba  dicatur,  petisse;  Trocmos,  conjugibus  ac  liberis 
apud  Tectosagos  depositis,  armatorum  agmine  Tolisto- 
boiis  statuisse  auxilium  ferre.  Erant  autem  tune  trium 
popui*.iim  reguli  Ortiagon,  et  Combolomarus  et  Gau- 
lotus*.  )i 

On  voit  donc  qu'Ortiagon  était  roi  des  Tolistoboïens, 
Combolomarus  roi  des  Tectosagcs,  et  Gaulotus  roi  des 
Trocmes, 

Nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  rapprocher  le  nom 
fourni  par  Tite-Live  et  la  légende  inscrite  sur  la  médaille, 
légende  dans  laquelle  nous  ferons  encore  intervenir  Ya- 
nousvara  en  sorte  qu'elle  se  prononcera  Combrolomarm^ 
ou  Combbolomarus.  Nous  rappellerons  à  ce  sujet  le  chef 
gaulois  Gombutis  cité  par  Pausanias  ',  le  Gombulius  d'une 
inscription  de  Salone;  les  noms  Andecom&os  et  YercomAo- 
gius;  mais  en  outre  et  tout  particulièrement  le  nom  de 
GOMBAROMARVS  inscrit  sur  le  manche  d'un  simpulum 
d'argent  qui  fait  partie  du  célèbre  trésor  découvert  à  Ber- 
thouville.  L'R  et  l'L  sont  deux  lettres  du  même  ordre,  deux 
liquides  qui  s'échangent  dans  une  foule  de  cas.  On  peut 
donc  considérer  les  noms  inscrits  sur  le  tétradracbme  et 

*  Lclcwel,  Typ9  gaul,,  atlas,  pi.  VII,  n-  18  et  19.  —  Àkennan,  itncienl 
eoinê,  pi.  XXIV,  n*»  19  et  20.  —  J.  Erani,  British  coins,  pi.  I,  n-  1,  2,  8. 

•  Lîb.  XXXVIII,  c.  19. 
•X,22,3. 


ET    DISSERTA  r IONS.  340 

sur  le  simpulum,  le  nom  du  roi  des  Tectosagcs,  comme 
des  DuaDces  d'un  même  thème. 


V. 


A  côté  du  tétradrachme  dont  nous  venons  de  mentionner 
k  légende  vient  se  placer  une  demi-drachme  oflrant  aussi 
deux  têtes  accolées  au  droit,  et  un  lion  au  revers,  avec  une 
légende  dont  la  fin,  comme  sur  le  tétradrachme,  est  placée 
dans  le  champ  de  la  médaille.  La  légende  de  cette  monnaie 
a  été  lue  de  diverses  façons.  Mais  la  découverte  de  Chan- 
tenay  si  profitable  ment  commentée  par  M.  de  Saulcy  %  nous 
a  permis  de  lire  enfin  très-clairement  sur  l'exemplaire  de 
la  Bibliothèque  impériale:  IIPOMIIDVOS;  c'est-à-dire 
Epomeduos, 

On  sait  que  l'Itinéraire  d'Antonin  et  la  Table  ihéodo- 
sienne  placent  sur  la  voie  qui  de  Besançon  conduit  vers  le 
Rhin  une  localité  nommée  Epamanduodurum  ;  or  M.  Pictet, 
de  Genève,  qui  a  fait  de  si  belles  études  sur  les  langues 
celtiques,  traduit  ce  nom  géographique  par  arx  d'Epa- 
manduus.  Le  nom  d'homme  ainsi  habilement  dégagé  du 
nom  de  lieu,  il  nous  devient  facile  de  le  comparer  à  celui 
qui  est  gravé  sur  la  médaille,  et  ce  dernier  nous  oserons 
le  prononcer  Epomenduos  avec  anousvara  à  la  troisième 
syllabe. 

On  pourra  faire  cette  remarque  que  parmi  les  nom- 
breuses variantes  que  présentent  les  manuscrits  de  Tltiné- 
raire,  il  n'en  est  pas  une  seule  qui  donne  Epomenduodurum. 
Maûs  dans  les  manuscrits  de^  Commentaires  de  César  on  n'a 
encore  relevé  aucune  variante  qui  nous  montre  un  E  dans 

^  Renunum.f  1862,  p.  22. 

1864.  — 5.  24 


350  Mt-MOIUES 

le  nom  du  roi  des  Suliates  Adieninannus,  et  cet  Ë  n'eu  esi 
pas  moins  bien  nettement  tracé  sur  la  monnaie  que  ce 
prince  faisait  fabriquer.  On  sait  que  le  Bom  du  chef  des 
Helvètes  est  écrit  tautôt  Orgétorix»  tantôt  Orgélirix  ou  même 
Orcitirix.  Nous  venons  de  mettre  en  regard  les  noms  de 
Combolomarus  et  de  CoiobaroBiarus.  L'échange  des  voyelles 
dans  les  monuments  gaulois  est  manifeste.  Les  noms  gaur 
lois  qui  contiennent  Tétëment  tpo  sont  a5^ez  nombreui«  et 
pour  la  plupart  asses  connus^  pour  que  notre  lecture  soil 
acceptée  sans  trop  de  peine. 

De  ce  qui  précède  il  nous  paraît  résulter  ceci  : 

1*  Les  caractères  M  et  N,.  omis  dans  récriture  chex  les. 
Gaulois,  doivent  être  prononcés  de  même  qu'on  les  pro- 
nonçait en  lisant  les  mots  indiens,  perses,  grecs  et  la- 
tins, dtiBS  le  corps  desquels  ces  caractères  n'étaient  point 
tracés.. 

^  On  peut  concilier  un  peu  plus  facilement  qu'on  ne  l'a 
cru  les  divers  témoignages  fournis  par  les  textes  classiques 
et  par  les  monuments^  ea  ce  qui  coneerne  les  noms 
d'hommes  et  de  lieux. 

S""  Vanousvara  tient  aune  faculté  organique  particulière 
que  les  peuples  de  la  race  kido-européenne  ont  conservée 
en  commun  et  traditionnellement,  bien  qu'ils  aient  ignoré^ 
cette  communauté,  de  même  qu'ils  ignorèrent  l'origine  des 
idiomes  qu'ils  parlaient. 

h""  L'existence  de  Vanousvara  chez  un  peuple  est  un  in- 
dice dé  son  extraction.  Les  constatations  que  nous  venons 
de  faire  peuvent  être  considérées  comme  un  nouveau  lien 
qui  rattache  les  Gaulois  à  la  famille  indo-européenne. 

AW.   DE  LOUGPÉRIEB. 


ET   DISSERTATIONS.  35t 


EXAMEN 

QDELQUES  CONTREFAÇONS  ANTIQUES  DES  TÉTRADRACHHES 
DE  SYRACUSE, 

ET  DU  PRÉTENDU  NOM  DE  GRAVEUR  EUMÉLUS. 
(PI.  XV.) 


Je  me  souviens  d'avoir  vu»  il  y  a  quelques  années,  chez 
le  professeur  Ugdulena,  à  Palerme,  Tempreinte  d'une  mon- 
naie qu'un  savant  archéologue  de  Naples  lui  avait  envoyée» 
croyant  y  reconnaître  une  inscription  phénicienne,  et  même 
le  nom  de  la  ville  de  Catane.  Il  s'agisssdt  d'une  pièce  aux 
types  ordinaires  des  tétradrachmes  de  Syracuse  d'ancien 
style»  avec  la  tète  de  femme  entourée  de  dauphins»  et  au 
revers  le  quadrige  couronné  par  une  Victoire.  Seulement 
la  forme  des  figures  était  extrêmement  curieuse  (  la  tête 
de  Taurige  surtout  était  d'une  grandeur  extraordinaire  )  ; 
antoor  de  la  tête  et  entre  les  dauphins»  se  trouvait  la 
légende  mystérieuse. 

Ayant  pu  voir  l'original  de  cette  médaille,  qui  apparte- 
nadt  à  mon  ami  H.  Sambon»  de  Naples»  je  m'aperçus  que 
la  pièce  était  fourrée»  bien  qu'elle  fût  d'une  antiquité  in- 
contestable*. Cette  circonstance  me  montra  dans  quelle 

*  3%  dois  à  roblîgaance  de  M.  Jale8  Sambon  nn  deuin  de  cette  monnaie 
qu'il  •  bien  TOalu  exéoater  à  mon  intention  (pi.  XV,  n*  4).  Elle  ett  rent- 


362  MÉMOIRES 

erreur  étaient  ceux  qui  croyaient  y  reconnaître  des  lettres 
phéniciennes,  ou  d'un  alphabet  sicilien  antéhellénique ; 
et  en  même  temps  cela  m'expliqua  d'une  manière  parfai- 
tement claire  pour  moi  la  raison  de  la  forme  étrange  des 
figures  et  de  la  légende. 

Plus  tard,  j'ai  trouvé  dans  différentes  collections  des 
pièces  de  Syracuse  à  peu  près  semblables  à  celle  dont  je 
parle,  et  j'ai  pu  en  faire  une  petite  série  '.  Je  crois  qu^il 
ne  sera  pas  sans  intérêt  d'of&ir  ici  le  dessin  et  la  descrip- 
tion de  quatre  des  monnaies  de  ee  pays  et  de  cette  espèce^ 
que  j'ai  trouvées  -dans  le  Cabinet  royal  de  Munich. 

N""  1.  26  milKxnètres.  Tète  de  femme  à  droite,  les  che- 
veux retenus  par  une  couronne  de  perles,  le  cou  décoré 
d'un  collier^  autour,  quatre  poissons;  entre  ceux-ci  et  la 
tète,  une  inscription  dont  quelques  lettres  sont  grecques. 

^  Figure  sur  un  quadrige  '  à  droite,  une  Victoire  ailée 


pli»  de  cuivre  rouge  kTint^rieur,  a  25  millimètres  de  diamètre  et  pëee  14F', 27, 
Elle  est  aujonTd*liu!  conservée  au  Musée  Britannique.  Quoique  qneIqoe»-iiAes 
des  lettres  de  la  légende  soient  de  forme  étrange,  cependant  rimitaiion  dn 
miot  £rRAK0£I0N  est  évidente. 

1  II  peut  paraître  singulier  que  certaines  grandes  collections,  comme,,  par 
exemple,  le  Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  impériale,  n*offrent  pas 
de  pareilles  monnaies  de  Sjracuse  ;  mais  on  sait  combien  antrefbis,  et  peut- 
être  encore  plus  ^  présent,  les  amateurs  tieanent  peu  compte  dea  aéria» 
grecques  communes  et  qui  n'offrent  pas  de  beaux  types, 

«  Torremuxza,  Sic.  vett,  ntimi,  tab.  LXXV  et  LXXVII,  Eckhel  (D.  N.,  I, 
p.  242),  Mionnet  {Deteript,,  I,  p.  292,  n**  720  et  suiv.),  Mttller  {Dtnkmâhr, 
2*  éd.,  I,  pi.  XVI,  n»  78,  p.  12),  et  bien  d*amtrea  nnmJtmatiitet  et  archéolo;nM» 
s«  sont  laissés  induire  en  erreur  à  propos  du  type  du  rereri  des  Utradraebme» 
arcbalquet  de  Syracuse,  dans  lequel  ils  ont  reconnu  des  biges  et  des  triges, 
sans  tenir  compte  des  doubles  profils  indiqués  de  têtes  et  de  jambes.  M.  le  duo 
de  Lnynes  a  d^à  fait  observer  cette  erreur  dans  son  excellent  article  aor  1» 
Numitmatiqw  di  Syracute  (Revue  num,,  1843,  VIII,  p.  12),  et  moi-même,  par  nis 
examen  attentif  d'un  très-grand  nombre  de  cet  pièces,  j*ai  pu  me  convaiiies» 
qii'il  n'y  en  a  pa«  une  seole  lyant  pour  type  un  bige  ou  un  trige. 


ET   DISSERTATIONS.  358 

ti  vêtue  couronne  les  chevaux  ;  le  tout  dans  un  grënetis. 
Poids,  lô",!».  (PI.  XV,  nM.) 

N"*  2.  22  millimètres  Droit  comme  pour  la  pièce  précé* 
dente;  la  tête  a  une  boucle  d'oreille  en  forme  de  croix 
ansée;  entre  les  poissons  et  la  tète,  SVUAKOIION  {sir). 
Le  caractère  R  est  renversé. 

^  Comme  la  pièce  précédente:  Faurige,  barbu,  tient  une 
baguette  de  la  main  droite.  Poids,  i3s',75.  (PI.  XV,  n*  2.  ) 

N*  3.  25  millimètres.  Tète  de  femme  à  droite,  le  cou 
orné  d'un  collier.  Autour,  quatre  poissons;  entre  la  tête 
et  les  poissons,  la  légende  IVRYKO^ION  [$k). 

ii  Gomme  la  pièce  précédente.  Poids,  17«',20.(P1.  XV,n*îr:) 

N*  4.  25  millimètres.  Tête  de  femme,  les  cheveux  rete- 
nus devant  et  derrière  par  un  bandeau;  au  cou,  une  petite 
tête  d'animaP  liée  par  un  fil;  autour,  quatre  poissons; 
en  haut,  l'inscription  2VPAK0210N  en  lettres  irrégu- 
liêres;  derrière  la  tête,  EVMHAOV. 

A  Figure  casquée  sur  un  quadrige  au  galop  i  gauche, 
couronnée  par  une  Victoire  ailée  et  vêtue.  Poids,  12>',562. 
Fourrée.  (PI.  XV,n«5.) 

On  voit  tout  de  suite  que  nous  avons  affaire  à  des  con- 
trefaçons, et  qu'on  ne  doit  pas  prendre  au  sérieux  l'irrégu^ 
larité  dans  les  types  et  dans  les  légendes  des  monnaies  qui 

*'  M.  Streber,  dans  un  mémoire  dont  il  sera  bientôt  question,  p.  20,  appelle 
cet  objet  an  fnrit,  mais  ayoe  an  signe  de  doate.  Mionnet  (  Diêc^  t.  T,  p.  294, 
n*  744)  dit  :  «  Sar  la  gorge  ane  tête  de  lion.  •*  Je  n*hésile  nallement  à  croi^ 
qa'il  y  ait  ici  ane  maavaise  îmiution  des  têtes  d'animaux,  et  particulière' 
ment  de  lions,  qui' se  trouvent  sur  plusieurs  autres  médailles  de  Syracuse. 
(  Raoul -Kochette,  Lettre  à  M.  le  dm:  dt  Duynefy  pi.  II,  n««  12  et  16.)  Ces  têtes 
n'étaient  pas  seulement  des  ornements,  mais  elles  servaient  en  même  temps  db- 
eassolettes  à  parfums.  Dans  la  nécropole  de  Kertch,  on  a  trouvé  plosieurt 
de  ces  capsules  en  or  exactement  de  la  forme  de  celles  que  Ton  r«>marque  sur 
h'A  médailles  8yrncbHaiDe>«;  elles  sont  vides  et  s*ouvrent  par  derrière.  Anti^ 
'juilr.i  du  Botphore  Cimmi^rien,  pi.  XXIV,  n"  20;  pi.  XXXII,  W  12;  1. 1,  p.  162, 


ibà  MÉuoints 

viennent  d'être  décrites.  Les  deux  premières  pièces  mon* 
trent  par  leur  poids  qu'elles  doivent  être  fouirées,  bien 
qu'extérieurement  elles  n'en  laissent  pas  apercevoir  de 
traces.  En  effet,  cette  fourrure  se  manifeste  dans  plusieurs 
autres  exemplaires  moins  bien  conservés,  et  entre  autres 
dans  un  de  la  collection  impériale  de  Vienne,  qui  pèse 
15^,00.  Quant  à  la  pièce  n""  S,  en  raison  des  fautes  de 
l'inscription  et  du  style  de  la  gravure,  elle  doit  être  aussi 
considérée  comme  une  contrefaçon,  quoique  son  pends  soii 
celui  qu'ont  ordinairement  les  tétradrachmes  attiques. 

Le  procédé  employé  par  les  faussaires,  qui  consiste  à* 
recouvrir  d*une  feuille  de  métal  précieux  un  flan  de  métal 
plus  vil,  s'est  transmis  depuis  la  plus  haute  antiquité  jus- 
qu'au moyen  âge%  et  même  on  peut  dire  jusqu'à  nos 
jours'.  On  ssdt  en  quel  nombre  prodigieux  on  trouve  de 
pareilles  pièces  romaines  ;  et  pour  ce  qui  regarde  la  nurni»- 
matique  grecque,  bien  qu'Eckhei'  n'en  ait  cité  que  deux 
seuls  exemples,  nous  pourrions  en  compter  hu  nombre 
très-considérable  de  chaque  pays  \ 

*  J*ai  trouvé  plasienrs  pièces  byzanliDM*  et  même  des  pièoes  des  roi» 
nonnands  de  Sicile,  aux  légendes  oafiqnes,  avee  aue  miooo  oouelio  d*OT  appli- 
ga^  sar  un  llan  de  cuivre  rouge. 

'  Le  procédé  des  faussaires  modernes  est  en  vérité  différent  de  ctloi  dos 
anciens,  car  ils  ne  soumettent  pas  la  pièce  à  Taction  du  coin ,  mais  ils  la  crao- 
•ant  à  Taide  d'un  tour,  et  ensuite  la  remplissent  d*un  autre  métal  ;  oa  bien 
encore  iU  prennent  Tempreinte  d'une  monnaie  avec  des  feuillea  trèa-mîncea 
d'argent,  et  les  soudent  sur  un  flan  préparé. 

Au  Cabinet  impérial  des  médailles,  il  y  a  une  pièce  d'jlgatkocle  en  plomb^ 
couverte  d'une  feuille  de  papier  d'argent.  La  finesse  de  ce  papier,  les  trous 
qui  montrent  que  Tftme  en  plomb  a  été  coulée  avant  d'ôtre  recouverte  d'ar- 
gent, tout  enfin  montre  que  cette  pièce  est  l'œuvre  d*un  faussaire  moderne, 
quoique  Miounet  {Detcript,,  1. 1,  p.  333,  n"  51)  Tait  mentionnée  sans  ancone 
remarque. 

»  I>.  N.,  I,  p.  cxiii. 

^  Très-»ouvent  j*ai  trouvé  d^  pareilles  pièces  coupées  par  la  moitié,  ce  qui 


ET    DISSERTATIONS.  865* 

Quant  aux  pièces  comme  celles  du  n^"  3  (pi.  XV,  n**  3)^ 
qui  sont  massives  et  ont  le  poids  voulu ,  elles  sont  de  véri* 
tables  imitations  faites  par  des  villes  ou  peuples  étrangers, 
bien  plutôt  que  l'ceuvre  des  faussaires.  Ces  imitations  sont 
un  fait  dont  la  numismatique  grecque,  romaine,  byzantine 
et  gauloise  nous  fournit  des  exemples  très-nombreux,  et 
sur  lesquels  on  a  fait  même  des  travaux  spéciaux  *. 

J'avais  cru  utile,  en  montrant  ces  contrefaçons  de  pièces 
syracusaines  dans  une  séance  de  la  Société  archéologique 
de  Berlin  •,  de  faire  remarquer  leur  importance  pour  Tétude 
critique  de  Fhistoire  de  Fart  et  de  la  philologie  ;  car  on 
conçoit  combien  l'on  pourrait  être  abusé  par  de  pareilles^ 
monnaies  si  on  établissait  des  tliéories  sur  leurs  formes,, 
si  1*00  tentait  de  créer  de  nouve«iux  alphabets  à  Taide  de 
leurs  légendes,  et  si  Ton  recourait  aux  langues  orientales 
pour  interpréter  des  caractères  mal  imités,  au  lieu  de  se 
donner  la  peine  d'examiner  plus  attentivement  la  nature 
des  monuments  sur  lesquels  se  fonderaient  de  semblables 
résultats.  L'inconvénient  que  je  redoutais  n'a  pas  été 
complètement  évité  par  un  savant  antiquaire,  M.  Streber» 
conservateur  du  Cabinet  royal  des  médailles  à  Munich,  le 
Cabinet  où  se  trouvent  réunies,  comme  je  l'ai  dit,  le  plus- 
grand  nombre  de  ces  contrefaçons  que  j'avais  même  signa- 

proavu  qu'anciennement  on  avait  le  même  usage  qui  te  pratique  encore  à 
préttciit,  c'est-à-dire  celai  de  couper  des  pitees  semblables  pour  qn*eiïes  ne 
puissent  plus  être  mises  dans  la  circulation. 

>  Kohne,  BerHmr  Blettir  fUr  Mùnskundê,  IV  Heft»  p.  8.— Quant  k  la  numis- 
viatique  grecque  de  In  Sicile,  je  suis  parvenu ,  principalement  en  travaillant 
au  Musée  Britannique,  à  rassembler  nne  nombreuse  classe  de  monnaies  d'ar* 
gent,  qui  imitent  plus  ou  moins  grossièrement  les  types  de  plusieurs  villes  de  la. 
Sicile.  Ces  monnaies  ont  évidemment  été  fabriqué<M  par  les  peuples  phéniciens- 
établis  dans  cette  lie. 

*  Voj.  Ànkmlnffiachf  Zeilung,   Anzeiiffr)^  Idfï:?,  p.  369. 


lées  à  rattentioû  de  ce  numismatiste  quand,  avec  une 
extrême  obligeance,  il  m'ouvrait  les  trésors  de  la  collec- 
tion qu'il  administre.  Dans  une  publication  faite  Tannée 
passées  il  publie  deux  intéressants  tétradrachmes  inédits 
de  Syracuse  portant  les  noms  des  artistes  Phrygillus  et 
SosionS  et  de  plus  une  pièce   d'un  nouveau  graveur, 


i  Di$  Syracutanitchen  Slêmpêltcknnder  Phrygilloê^  Sor ion  une  Emm$loê  f  Hn 
Bntriig  swr  Gnchichte  der  griechitchen  Stempelichneidekuntt,  von  Franz  Streber. 
Mnnichi  1863.  (Extrait  des  Mémoire*  de  V Académie  royale  de  Bavière.) 

<  Dans  cette  dissertation,  qui  est  intéressante  aussi  bien  par  ses  révaltart 
négatifs  qne  par  ses  résultats  positifs ,  M.  le  professeur  Streber  a  publié  ntf 
beaa  tétradrachxne  du  Cabiuet  des  médailles  de  Muuicb  qui  montre  au  droit 
une  tête  de  femme  ceinte  d'un  bandeau  sur  lequel,  en  très- petits  caractères^  est 
tracé  le  mot  q^  .  Le  savant  numismatiste  supplée  un  iota  et  lit  :  £OSlÛTi.  Cette- 
lecture  est  parfaitement  exacte,  comme  il  est  facile  de  s'en  assurer  en  compa- 
rant un  tétradrachme  de  la  collection  Northwick,  qui  offre  une  seule  différence 
pour  le  revers  :  Taurige  tient  une  baguette  dans  la  main  droite,  et  à  Texergur 
Bont  deux  dauphins.  Ce  dernier  tétradrachme  a  déjà  été  publié  par  Noehden 
(  Â  eeUcdon  of  anctent  coine ,  pi.  XIV,  p.  49).  Bien  que  cet  auteur  n'ait  la  sur 
le  bandeau  que  les  deux  lettres  £0,  il  propose  toutefois  de  lire  Soaùm,  lecture 
à  laquelle  Raoul  Rochette  {Lettre  à  M.  le  duc  de  Luyneef  p.  28)  substitue  mal  à 
propos  le  nom  de  XO£l£ ,  en  se  fondant  sur  une  monnaie  de  Syracuse  sur 
laquelle  il  dit  qu'on  Ut  cette  légende.  M.  H.  Bruna  {GeechicKtê  der  griechischê 
Kûnstler,  vol.  II,  p.  489)  place  dans  son  catalogue  de  graveurs  les  noms  de 
XÛ£Û  et  de  £Û£IS,  tout  en  manifestant,  et  avec  raison,  des  doutes  sur 
l'exactitude  du  dernier  nom ,  et  en  recommandant  un  nouvel  examen  de  la 
pièce  sur  laquelle  on  a  cru  lire  le  nom  de  Soeie.  En  effet,  il  ne  doit  pas  être 
tenu  compte  de  cette  pièce,  qui  évidemment  n'est  qu'une  pièce  fausse  de  fa- 
brique moderne.  Cette  prétendue  pièce  du  tyran  Sosistrate,  ayant  au  droil 
une  tête  d'homme  et  au  revers  un  lion  et  à  l'exergue  la  légende  £û£l£,  est 
tirée  des  affreux  dessins  de  la  collection  Pembroke  (Pars  2,  tab.  8).  Torra» 
muzxa  {l,  cil.  tab.  Cil)  l'a  reproduite  avec  changement  du  métal,  bronie  au 
lieu  d'argent.  Mais  ni  Torremuzza  ni  les  antres  savants  qui  en  eut  parlé  n'ont 
jamais  vu  cette  pièce,  qui  ne  figure  pas  non  plus  dans  le  catalogue  de  la  vente 
Pembroke,  rédigé  par  Burgon  en  1848.  De  plus,  sur  l'exemplaire  de»  planche» 
de  la  collection  Pembroke,  conservé  au  Musée  Britannique,  Burgon  a  de  aa  main. 
marqué  comme  fausse  la  monnaie  en  question.  Cette  pièce  a  évidemment 
été  coulée  ou  copiée  sur  le5  monnaies  de  bronze,  assez  communes  de  Syracuse, 


HT    DiSSbRTATlUNS.  357 

qu  il  croit  avoir  découvert,  et  dont  le  nom  serait  Eutnélu», 
La  pièce  sur  laquelle  il  se  fonde  est  celle  que  j'ai  décrite 
sous  le  n""  à.  Examinant  l'empreinte  de  la  monnaie  con- 
servée à  Munich  S  M.  Streber  commence  par  noter  la  sin- 
gularité de  la  forme  dans  l'exécution  des  types  et  de»  lé- 
gendes, et  particulièrement  l'inscription  EVMHAOV,  qur 
ne  se  rencontre  sur  aucune  autre  monnaie  de  Syracuse. 

Comme  on  le  sait,  il  y  a  beaucoup  d'autres  tétradrachmes 
de  Syracuse  exactement  identiques,  excepté  pour  le  revers, 
et  qui  portent  le  nom  Euménus  %  écrit  tantôt  EVMENOV, 
et  tantôt  EVMHNOV  '. 

qui  offrent  le  même  type,  et  quelquefois  à  Texergue  les  lettres  £Û  que  j'ai 
vues  sur  un  exemplaire  apparte;)8nt  à  M.  le  professeur  Aradas  à  Catane.  Ce 
sont  ces  deux  lettres  qui  ont  fourni  Tldée  de  forger  une  médaille  du  tyran 
Sosistrate. 

M.  Streber,  en  parlant  du  tétradrachme  de  la  collection  North-wick,  leoite 
d'après  Noefaden,  qui  n'y  lisait  que  les  lettres  £0,  tandis  qu'on  y  distingue  de 
la  manière  la  plus  nette  la  légende  £Û£ION,  comme  on  l'indique  dans  le  Ca» 
taloguê  de  la  vente  Northwick^  p.  36,  n*  356,  et  comme  j'ai  pu  m'en  assurer 
moi-même  sur  l'original  qui  se  trouve  aujourd'hui  dans  la  belle  collection  de 
M.  le  général  Fox. 

'  M.  Streber  avait  déjà  parlé  de  cette  médaille  duns  le  Kunttblott  de 
Tannée  1822,  n*  42,  p.  162. 

*  Lotronne  {Ricue  arch.^  t.  Y,  1848,  p.  118)  a  déjà  remarqué  la  faute  com- 
mise par  Raoul -Rochette ,  de  transcrire  ce  nom  par  Eaméuès,  observant  que 
si  le  nom  eût  été  Eù\itn\^,  il  n*aarait  pas  pu  s'écrire  par  un  H  ;  outre  que  son 
génitif  à  l'époque  de  ces  médailles  aurait  été  EOpévouç.  Il  conclut  que  le 
véritable  nominatif  de  ce  nom  ,  qui  se  trouve  toujours  au  génitif  ^ur  leM 
monnaies  syracusaiues,  a  dû  être  EO|jlt^voç.  Raoul-Rocbotte  a  donné  ce  nom 
comme  celui  d'un  artiste,  mais  Lotronne  le  croyait  celui  d'un  magistrat. 
Outre  que  le  style  particulier  de  cette  monnaie  signée  du  nom  d'Lumène 
montre  évidemment,  selon  moi,  qu'il  s'8git  ici  d'un  artiste,  malgré  les  doutes 
émis  par  M.  Bmun  {Geschichte  der  griechiic/u  Kûnêtler,  t.  II,  p.  429),  il  est  à 
remarquer  que  sur  un  superbe  tétradrachme  du  Musée  Britannique  le  nom 
d'Eumène,  ErSfHNOr,  est  tracé  sur  le  bandeau  qui  entoure  la  tète  de 
femme. 

»  Torremuzza,  iiir.  vel.  num.,  tab.  LXXII,  n'^6,8, 11;  tab.  LXXVIII,  n-  11 


358  MtMOiniis 

Quant  à  la  pièce  en  question ,  M.  Streber  trouve  très- 
curieux  qu  elle  soit  gravée  d'une  manière  particulière 
{eigenthûmlieh);  et  en  la  confrontant  avec  les  astres* 
pièces  portant  la  légende  ETMHNOV,  il  trouve  qu'elle  en 
diiïëre  beaucoup  sous  le  rapport  du  style,  quoiqu'elle 
s'en  rapproche  certainement  sous  d'autres  rapports  \  Ei» 
ce  qui  concerne  l'inscription,  l'auteur  convient  que  fat 
première  idée  qui  se  présente  à  l'esprit  est  qu'elle  doit 
être  lue  EVMHNOV,  surtout  si  on  la  eompare  au  tétra- 
drachme  dessiné  dans  le  Recueil  des  médailles  du  musée 
Hunter  (pi.  LUI,  fig.  1);  mais  après  un  examen  très-dé- 
taillé  de  la  gravure  de  ces  deux  pièces ,  il  fait  remarquer 
que  celles  qui  portent  la  légende  EVMHNOV  ont  toujours 
un  relief  très-prononcé,  même  dans  les  lettres,  tandis 
qu'ici  le  relief  est  très-peu  marqué,  et  les  lettres  très  irré- 
gulières. Il  en  conclut  qu'il  est  impossible  que  cette  mé- 
daille soit  une  œuvre  d'Euménus,  mais  qu'il  est  probable 
qu'un  autre  graveur,  nommé  Eumélus,  avait  sous  les 
yeux  et  tâchait  d'imiter  de  son  mieux  les  œuvres  d'Eu- 
ménus. 

En  conséquence,  l'auteur  se  croit  complètement  autorisé 
à  ajouter  dans  la  liste  des  graveurs  de  monnaies  siciliens 
Eumélus  à  côté  d'Euménus.  Tout  en  reconnaissant  ce  que 
cette  opinion  a  d'ingénieux,  je  crois  pouvoir  me  permettre 

et  12.  —  1"  supplém.,  tah.  VU,  n*  4.  —  Raoul-Rochette,  Lettre  à  M,  te  due  de 
Luynei  «vr  h$  yraceurê  de  monn,  gr,^  pi.  II,  n°*  11,  13, 14.  —  Coinbe«  Muê, 
Hunter,  pi.  LU,  n«  17  ;  pi.  LUI,  n«  1,  20. 

'  Voici  les  expreMions  einploycei  dans  Toriginal ,  et  qui  daoi  latraduetion 
peuvent  paraître  un  pi*u  étranges  :  Sie  (  la  monnaie)  schemt  mir  aber^  wét 
fniigtn  nun  yneer  Augenmerk  zutiàchtt  nur  aufdie  Aufechriflen  oder  auf  die 
kûMtlerischê  Bthandlung  der  Typen  riclUen,  so  eigtnthumlich  und,  teenn  wér  êie 
mit  terwandten  Stfmpeln  xertjteichfn,  von  densclben  to  eehr  atwHchené  Hi%d  met 
thnen  dennoch  wirder  eo  uberttmlimmtni.  ,.t  p.  20-21. 


ET   DlSSEniATIONS.  359 

d'en  contester  l'exactitude ,  et  je  me  fonde  sur  les  raisons 
suivantes  : 

La  pièce  en  question  est  d'ancienne  fabrication  ;  en  l'exa- 
minant il  y  a  deux  ans,  je  l'ai  notée  comme  fourrée. 
L'auteur  ne  fait  pas  attention  à  cette  particularité ,  et  il 
n'explique  pas  même  le  phénomène  très-curieux  qui  se  ma- 
nifeste dans  son  poids.  Une  circonstance  qui  au  premier 
abord  semblerait  soutenir  l'opinion  de  M.  Streber,  mais 
qui  réellement  la  détruit,  c'est  que  je  peux  citer  encore 
deux  autres  pièces  semblables  avec  le  nom  d'Eumélus  : 
Tune  dans  la  collection  de  M.  le  duc  de  Blacas  avec  la 
légende  EVMHAO,  fourrée,  et  pesant  13s%10,  et  l'autre 
dans  la  collection  de  Luynes.  Cette  dernière  porte  les  lé- 
gendes 2VPAR  et  EVMHAOV,  et  pèse  13^,95  '.  Elle  ne  me 
parait  pas  fourrée,  mais  en  quelques  endroits  elle  a  de 
l'oxyde  rouge  et  vert,  qui  manifeste  la  présence  du  cuivre, 
soit  comme  âme,  si  la  pièce  est  fourrée,  soit  comme  un  mé- 
lange, si  elle  est  massive  et  d'un  métal  inférieur.  Ces  deux 
pièce»  sont  frappées  sur  des  flans  de  module  très-restreints, 
mais  sortent  du  même  coin  que  celle  de  Munich.  —  Un 
exemplaire  conservé  au  musée  Britannique  est  aussi  fourré 
et  pèse  14»',42. 

Je  me  réserve  de  parler  une  autre  fois  de  ({uelques  tétra- 
drachmes  de  Naxos  et  de  C^marina,  qui  doivent  être  regar- 
dés comme  des  contrefaçons  antiques.  Ils  sont  massifs, 
mais  toujours  cou verta^  d'un  oxyde  rougeâtre,  dû  à  la  qua- 
lité inférieure  du  métal;  le  bas  titre  du  métal  produit 
les  exfoliations  de  la  surface.  La  gravure  des  types  est  peu 

*  Sur  le  carton  qui  nccuinpagnc  cette  f  i^cc  rinscriptioii  en  eopiée  ainsi  : 
EVMHNOV,  mais  cela  n'est  qu^imo  éqaivoqiie,  puisque  sur  la  pièce  ou  voit 
très-bien  un  A  au  lien  d'un  N.  Pareillement  le  poids  de  16", 90  qui  y  e*t  indi- 
qui^  n'est  p«»  exact. 


960  MÊMOIUES 

élégante  et  d'une  nature  tonte  particulière,  lin  de  ces  tè- 
tradrachmes  de  Camarina  de  la  collection  de  Luynes,  porte 
k  légende  KAMAPINAOIN  {$ic). 

Après  avoir  examiné  sur  quatre  exemplaires  la  nature 
des  monnaies  au  nom  d'Eumélus,  voyons  quelle  foi  on  doit 
ajouter  à  des  pièces  contrefaites,  imitant  en  tout,  excepté 
en  quelques  détails  du  revers,  les  monnaies  qui  portent  la 
légende  EVMHNOV;  d*autant  plus  que,  comme  on  le  voitv 
ici  toute  la  question  que  M.  Streber  examine  très-longue^ 
ment  et  avec  une  extrême  patience,  se  réduit  à  Toubli  qu'a 
fait  le  faussaire  d*une  seule  haste^  qui  change  le  N  en  A.  Je 
me  borne  à  faire  observer  que  déjà  Eckhel'  avait  noté 
quam  copiose  (in  numis  subaeratis)  qnatn  prate  pfe- 
rumqae  peccatum  sit,  quamque  adeo  fùltax  sit  eorum 
in  philologiêe  causis  auctoritas;  et  il  dit  que  si  un  der- 
nier d'empereur  n'était  pas  d'accord  avec  la  chronolo* 
gie,en  l'examinant,  il  découvrait  tnrpem  intus  animam 
abscondere. 

De  la  sorte,  je  crois  qu'on  ne  doit  pas  accepter  le 
nouveau  nom  d'artiste  Eumélus,  proposé  par  M  Stre- 
ber, et  que  dans  la  pièce  en  question  nous  avons  tout 
simplement  l'imitation  d'un  des  tétradrachmes  peu  rares 
avec  la  légende  d'Euménus  (ce  qui,  selon  le  numis* 
matiste  de  Munich,  n'aurait  pu  être  admis  que  par 
un  observateur  superficiel^  ein  flûchtiger  Beobachter), 
et  qu'il  s'agit  ici  tout  simplement  d'une  copie  incor- 
recte. 

Après  avoir  démontré  l'importance  de  ces  pièces  pour  lar 
critique  philologique,  qu'il  me  soit  permis  de  rappeler  leur 
importance  pour  celle  de  Thisloire  de  l'art  ^  car,  ainsi  que 

*  />.  s  ,\,  p.  ex  vil. 


ET    DISSERTATIONS.  361 

Ta  déjà  noté  Eckhel  \  ces  contrefaçons  grossières  peuvent 
donner  un  spécimen  de  Fart  chez  les  Barbares,  mais  non 
chez  les  Grecs  ou  les  Romains. 

Un  autre  point  digne  de  remarque  dans  l'étude  de  ces 
pièces,  et  qui  du  temps  d'Eckhel  ne  pouvait  guère  être 
observé,  c'est  leur  poids.  D'autant  plus  qu'à  présent 
que  la  métrologie  est  devenue  non-seulement  une  étude , 
rakis  même  une  mode  très-répandue,  il  y  a  beaucoup 
de  métrologues  qui,  sans  avoir  une  médaille  originale, 
relèvent  dans  des  ouvrages  numismatiques  seulement 
le  chiffre  du  poids ,  en  négligeant  la  description  des 
pièces. 

M.  Streber,  dans  la  description  qu'il  publie,  a  donné 
rindication  des  poids.  11  s'ensuit  que  tandis  que  les  autres 
tétradrachmes  au  quadrige  pèsent,  l'un  17*^285  et  l'autre 
17«',02,  celui  au  nom  d'Eumélus  pèse  seulement  126',662, 
L'auteur  appelle,  en  conséquence,  les  deux  premières  pièces 
des  tétradrachmes^  mais  pour  cette  dernière  il  ne  trouve 
pas  d'autre  qualification  que  celle  de  monnaie  d'argent^ 
Silbermûnze.  Cela  prouve  l'embarras  dans  lequel  il  s'est 
trouvé  à  cause  de  ce  poid.s;  mais  n'ayant  pas  eu  soin  de 
signaler  cette  irrégularité  et  ne  s'étant  pas  aperçu  que  la 
pièce  est  fourrée,  il  en  résulte  qu'un  de  ces  savants  qui  font 
de  la  métrologie  numismatique  avec  des  chiffres  sur  le  pa- 
pier, au  lieu  de  la  faire  sur  les  monnaies  mêmes,  en  exami- 
nant d'un  œil  critique  les  monnaies  usées,  les  fausses,  les 
fourrées;  un  de  ces  mélrophiles,  dis-je,  s'emparerait  avec 
empressement  de  ce  poids  de  12»%562  fourni  par  la  pièce 
au  prétendu  nom  d'Eumélus  ;  et  loin  d'imiter  la  réserve  de 
M.  Streber  en  l'appelant  .seulement  une  monnaie  d'argent^ 

*  /).  .Y.,  I,  p.  rxxxiv. 


362  MÉMOIRES 

il  y  découvrirait  la  grande  rareté  d'un  tridrachme  attique, 
ou,  ce  qui  serait  encore  plus  surprenant,  il  nous  révélerait 
l'existence  d'un  didrachme  éginétique  frappé  à  Syracuse! 
Voilà  quels  résultats  pourrait  amener  la  manie  de  discuter 
et  d'employer  à  l'appui  de  ses  théories  des  documents 
qu'on  n'a  jamais  eus  sous  les  yeux. 

A.   Salinas. 


Nota.  Les  médailles  de  Camarina,  gravées  pL  XV,  n"  6 
et  7,  feront  l'objet  d'un  travail  particulier  de  M.  A.  Sa- 
linas, que  la  Revue  publiera  prochainement. 


ET    DISSEHTATJOS.  363 


LETTRE  A  M.  ADRIEN  DE  LONGPÉRIER 


LÀ  LÉGENDE  D'UNE  MONNAIE  DE  GORTYNE 


DE  CRETE. 


Cher  monsieur, 

Permettez-moi  de  vous  adresser  cette  lettre,  destinée  à 
compléter  une  explication  numismatique  à  laquelle  vous 
avez  bien  voulu  donner  votre  approbation.  Il  s'agit  de  la 
curieuse  légende  d'une  monnaie  de  Gortyne  de  Crète  appar- 
tenant à  M.  le  général  Fox,  que  j'ai  essayé  d'interpréter 
dans  le  numéro  de  la  Revue  de  mars-avril.  J'ai  eu  le  tort 
alors  de  négliger  une  des  particularités  les  plus  impor- 
tantes de  la  légende  en  question ,  et  c'est  cette  lacune  que 
je  viens  combler  aujourd'hui. 

Vous  vous  souvenez  que  la  monnaie  archaïque  de  Goriyne 
porte  les  mots  : 

Fopruvoc  xà  itatfia. 

Ces  mots,  considérés  au  point  de  vue  de  la  métrique,  don- 
nent le  résultat  suivant  : 

-   w  -     1     w  -   >» 

c'est-à-dire  un  vers  composé  de  trois  trochées  successifs, 
avec  une  césure  dans  le  second.  Or  cette  mesure  est  exac- 
tement celle  d'un  des  anciens  vers  de  la  poésie  grecque, 


3t5A  MÈMOIBES 

tombé  d\issez  bonne  heure  en  désuétude,  celle  du  vers  dit 
ithyphallique  \  Les  deux  principaux  exemples  qu'en  aient 
conservés  les  grammairiens  antiques,  l'un  d'Archiloque  ', 

l'autre  de  Siuionide  % 

Zfûïov  xdxtoTov, 

ont  juste  la  même  coupe  que  notre  légende  de  Gortyne. 

Faut-il  voir  dans  ce  fait  autre  chose  qu'une  coïncidence 
purement  fortuite?  Je  serais  assez  disposé  à  le  croire.  Mais 
reconnaître  l'emploi  du  mètre  poétique  dans  une  légende 
monétaire  est  une  idée  toute  nouvelle ,  dont  la  nouveauté 
même  étonnera  beaucoup  au  premier  abord  et  qui,  sans 
doute,  rencontrera  plus  d'un  incrédule,  sinon  plus  d'un 
contradicteur.  Il  est  donc  nécessaire  de  la  justifier  par 
quelques  considérations  et  par  d'autres  exemples. 

Chez  tous  les  peuples  la  poésie  a  précédé  la  prose  ;  les 
premiers  essais  de  culture  du  langage  ont  tendu  à  lui  don- 
ner  une  mesure  et  un  rhythme.  Chez  les  Grecs  ce  fait  est 
peut-être  plus  manifeste  que  partout  ailleurs,  et  il  se  reflète 
dans  l'épigraphie.  II  est  dans  cette  science  un  principe  que 
je  n'ai  pas  besoin  de  vous  rappeler,  mais  que  connussent 
sans  doute  moins  bien  une  partie  des  lecteurs  de  la  Revue 
numismatique.  Ce  principe  a  été  posé  par  l'illustre 
M.  Bœckb,  et  la  justification  complète  s'en  trouve  dans 
le  premier  volume  de  son  Corpus.  C'est  celui-ci  :  Toutes  les 
inscriptions  grecques  archaïques,  sans  exception,  lors- 
qu'elles contiennent  plus  qu'un  simple  nom  propre,  sont 

•  Voy.  Hennann,  De  metrii,  p.  183. 

•  Ap.  Hephaest.  Enchirid,  VI,  p.  38,  éd.  Gaisford. 

•  Ap.  Etym.  Majm.  v"  7u>8iov. 


KT    mSSEUTATIONS.  Mb 

«létriques;  le  mètre  y  est  souvent  rude,  irrégulier,  c  est  à 
peine  s  il  mérite  le  nom  de  vers,  mais  Fintention  d'y  asser- 
vir le  texte  est  toujours  incontestîible. 

Les  légendes  monétaires  onl-elles  dans  leur  nature  mùme 
quelque  chose  qui  se  refuse  à  l'application  de  cette  règle 
générale?  Il  ne  me  semble  pas  qu'il  existe  de  raisons  qui 
obligent  à  le  croire.  Mais  ceci  est  surtout  une  question  de 
fait.  Ce  sont  les  légendes  elles-mêmes  qu'il  faut  interroger 
pour  savoir  si  celles  d'époque  primitive  qui  ont  un  déve- 
loppement insolite,  et  constituent  une  phrase  complète,  ré- 
vèlent oui  ou  non  le  caractère  métrique.  Car  tous  les  rai- 
sonnements abstraits  que  Ton  pourrait  étayer  dans  un  sens 
ou  dans  l'autre  ne  peuvent  avoir  aucune  valeur  à  côté  de 
faits  bien  constatés. 

La  légende  de  la  monnaie  de  Gortyne  fournit  une  pre- 
mière présomption  ;  mais,  si  elle  demeurait  isolée,  ce  serait 
une  base  bien  fragile  pour  s'y  appuyer.  L'observation 
qu'elle  m'a  suggérée  a  donc  besoin  d'être  corroborée  par 
l'étude  d'autres  inscriptions  monétaires  d'une  nature  et 
d'un  développement  analogues.  Heureusement  les  légendes 
archaïques  formant  une  phrase  entière  sont  très-rares  sur 
les  monnaies  grecques.  Il  me  sera  donc  facile,  sans  donner 
une  bien  grande  étendue  à  cetle  lettre,  de  passer  en  revue 
toutes  celles  qui  sont  jusqu'à  présent  connues,  et  d'exa- 
miner si  l'on  y  reconnaît  la  trace  de  l'emploi  d'un  mètre 
plus  ou  moins  régulier. 

Je  commencerai  par  les  inscriptions  des  deux  célèbres 
monnaies  de  Gétas,  roi  des  Édoniens  \  L'une  porte  : 

râxa  paaiXitt)^  Hcwvav, 

'  Millingon,  Syllogc  t>(  gretk  coins,  pi.  I,  !.'•  15  et  \<i.  —  Ch.   Lpnoriniîut, 
SuminvMlique  àes  rois  tpers^  pi.  IX,  !»"•  7  ol  9. 

nci— 5.  25 


l'autre  : 

I/einploi,  dans  le  mùaie  p.iys,  à  l.a  même  époque  et  sur  les 
monnaies  du  môme  prince,  de  deux  formes  appartenant  à 
des  dialectes  différents,  Tune  dorique  et  i'auire  ionique, 
pour  exprimer  le  génitif  de  l'ethnique,  est  un  fait  des  plus 
étranges  et  que  Ton  ne  peut  guère  expliquer  que  par  Tin- 
tcnlion  d'asservir  ces  deux  légendes  à  des  mètres  ou  du 
moins  à  des  tentatives  de  mètres. 

Kt  en  effet,  si  on  les  scande,  on  trouve  que  la  première 
est  un  vers  iambique  dimètre  \  avec  sa  césure  placée  de  la 
façon  la  plus  normale, 

|-- 

et  présentant  seulement  cette  irrégularité  que  le  dernier 
pied  est  un  spondée,  au  lieu  d'un  iambe  ou  d'un  tribraque. 
Mais  les  irrégularités  de  ce  genre  sont  fréquentes  dans  les 
inscriptions,  surtout  quand  elles  datent  des  temps  primi- 
tifs. Celle-ci  même  a  été  renouvelée  par  plusieurs  poètes 
d'époque  plus  récente,  lille  «avait  dans  le  langage  des 
grammairiens  un  nom  spécial,  qui  a  été  tout  récemment 
révélé  par  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale'; 
on  appelait,  en  effet,  ôXo(nc6vo£to^  ou  spondaïque  le  vers  iam- 
bique terminé  par  un  spondée,  lors  même  que  dans  ses 
pieds  antérieurs  il  comprenait  d'autres  mètres. 

Quant  à  la  seconde  légende  des  monnaies  de  Gétas,  il 
est  évident  que  le  génitif  liSwviwv  y  a  été  introduit  parce 
que  ùob)/ôjv  ou  Qoiovâv,  —  ce  dernier  génitif  étant  celui  qui 
S3  lit  sur  l'autre  pièce  et  le  plus  conforme  au  caractère 

*  lliMniann,  De  metrix,  p.  141. 

*  Voy.  Cari.'  WfsnluT,  Herue  arc/ir'o/.,  novembre  1864^  p.  352. 


ET    DiSSEKTATlONS.  5rt7 

dorieu  du  dialecte  grec  usité  dans  la  Macédoine,  —  n*aurait 
fourni  aucune  mesure  régulière,  du  moment  qu'on  se  dé- 
cidait à  placer  le  titre  royal  après  le  nom  du  peuple.  Telle 
qu  elle  se  présente  à  nous,  c'est  un  vers  glyconien,  le  vers 
employé  de  préférence  à  tous  les  autres  dans  les  chœurs 
des  tragiques  et  que  la  variété  des  formes  dont  il  est  sus- 
ceptible avait  fait  surnommer  polyschematisius.  Sur  la  pièce 
macédonienne  le  vers  glyconien  rentre  dans  le  type  bien 
connu  ^  qui  a  pour  base  un  bacchius  et  pour  terminaison 
un  choriambe  : 

Prenons  maintenant  l'inscription  qui  se  lit  sur  une  pré- 
cieuse médaille  de  Métaponte  '  : 

ÂOXov  kyîkoio. 

On  ne  saurait  douter  que  ce  ne  soit  une  simple  erreur  du 
graveur  qui  y  ait  fait  écrire  iytloio  pour  i-ytUoio^  forme  im- 
périeusement commandée  par  le  nominatif  ÀyéXooç,  seul 
connu  des  poètes  et  des  prosateurs  anciens.  Dès  lors,  si 
Ton  veut  scander  cette  légende,  il  faut  y  compter  une 
syllabe  de  plus  : 

Ici  encore,  comme  dans  la  légende  de  la  monnaie  de 
Goriyne,  nous  avons  affaire  à  un  vers  ithyphallique,  mais 
beaucoup  moins  régulier.  Cependant  les  irrégularités  qu'il 
renferme  sont  justifiables  aux  yeux  de  la  métrique  et  ne 
peuvent  donc  pas  empêcher  de  reconnaître  la  nature  du 
vers.  On   rencontre  quelquefois  des  ithyphalliques  sans 

1  Hermnnn,  De  melris,  p.  223  pt  ruiv. 

'  Duc  de  Luynes,  JJétajHnUf,  pi.  I.  ii"  3.  --  Millingcn,  Ancient  coing  (.[fjfrk 
rities,  1831,  pi.  I,  n'*  21. 


308  .\I(.M<»IKES 

ci'îsurc  régulière  au  second  pied  *  ;  quant  à  la  substitution 
d'un  tribraque  au  second  trochée,  on  n'en  connaît  pas 
d'exemples;  mais,  comme  il  est  de  règle  que  cette  substi- 
tution peut  s'opérer  dans  tous  les  pieds  des  vers  tro- 
chaïques,  Ilermann ',  dont  Tautorité  fait  loi  en  pareille 
matière,  a  admis  théoriquement  qu  elle  était  possible  en 
un  cas  semblable  à  <^elui  qui  nous  occupe. 

Je  n*ai  encore  cité  que  quatre  exemples  et  me  voici  déjà 
au  terme  de  ma  revue,  tant  les  légendes  archaïques  dé- 
veloppées constituent  une  rare  exception  dans  le  monnayage 
grec.  Reste  encore  la  médaille  d'argent  de  Ségeste,  pu- 
bliée par  M.  Salinas',  sur  laquelle  on  lit  : 

lM3aiIAT?a33$ 

Mais  la  légende  de  cette  pièce  peut-elle  ùtre  considérée 
comme  vraiment  grecque?  11  semble  bien  qu'elle  se  ter- 
mine par  le  mot  l^\,  d'après  l'habitude,  si  multipliée  dans 
les  inscriptions  primitives  de  la  Grèce,  qui  donne  la  pai'ole 
k  l'objet  lui-même  ;  mais  SErEXTAZlB  n'est  pas  une  forme 
grecque  et  contient  una  désinence  qui»  se  retrouvant  dans 
d'autres  légendes  monétaires  de  la  Sicile,  doit  être»  comme 
l'a  supposé  M.  Salinas,  empruntée  à  l'idiome  des  indigènes 
de  cette  contrée.  Au  reste,  si  l'on  voulait  la  tenir  pour  grec- 
que, bien  loin  d'apporter  démenti  à  mon  opinion,  elle 
viendrait  la  confirmer,  car  elle  donnerait  à  celui  qui  vou- 
drait la  scander 

et  correspondrait  ainsi  d'une  manière  exacte  à  Tune  des 

*  Hcmianii,  Dr  wi^/ri>,  p.  131. 

*  Eiiîtome  doctririae  metricar^  p.  45. 

'  Aii\temîice  alla  àf'-moria  sulle  monete  puniro-sinile  dtlf  abate  Or.   t^gtiuieun 
u'  y.  —  Cf.  Milliiiir«'n,  Sylloye  of  anvient  niins,  1837,  pi.  I,  n"  12. 


i:t  dissertations.  360 

formes  régulières  chi  vers  clochmiaqiie  ou  antispasle  l)y|>er- 
catalectique,  à  celle  dans  laquelle  la  longue  finale  est  rem- 
placée par  deux  brèves  \ 

De  ces  divers  exemples,  assez  nombreux  pour  que  Ton^ 
ne  puisse  pas  considérer  comme  purenynt  fortuite  la  coïn- 
cidence de  toutes  les  légendes  que  je  viens  de  citer  avec 
des  formes  de  vers  connues,  il  me  semble  que  je  suis  ea 
droit  <Je  conclure  une  loi,  qui  D*a  pas  encore  été  formulée 
eu  numismatique,  mais  qui  est  exactement  conforme  à  ce 
que  présentent  les  autres  branches  de  Tépigraphie  : 

Toutes  les  fois  que,  sur  les  monnaies  grecques  archaïques, 
la  légende  ne  se  borne  pas  à  un  simple  nom  propre  de 
l)eupleou  d'homme,  soit  entier,  soit  abrégé,  mais  constitue 
une  phrase  complète,  elle  est  métrique  et  Ton  doit  chercher 
à  quel  type  ancien  de  vers  elle  se  rattache  plus  ou  moins, 
régulièrement. 

Je  le  répète,  l'opinion  que  j'éniets  ici  est  assez  neuve  et- 
assez  inattendue  pour  que  je  n'ose  pas  oie  flatter  d'amener 
du  premier  coup  tous  ceux  qui  s'occupent  de  numismati- 
<iue  ancienne  à  uia  manière  de  voir.  Mais  je  la  soumets  à 
voire  haute  expérience  et  je  suis  heureux  de  soulever  cette 
question  dans  votre  recueil,  aOn  de  provoquer  ainsi  la  pu- 
blication de  nouveaux  exemples  de  légendes  grecques  pri'^ 
natives  d'un  développement  insolite,  qui  permettent  da 
juger  plus  complètement  si  je  me  suis  trompé  ou  si  j'ai, 
rencontré  juste  dans  mes  conjectures. 

François  Lenormant. 

*  ncrniAnn,  De  meîhs,  p.  243  vt  .«uiv.  —  Epitome  doctrinae  mctrivne,  y.  02. 


370  «fCMOIDES 


NOUVELLES  OBSERVATIONS 


LA  NU31ISMATIQUE  JUDAÏQUE, 

A  PROPOS  DU  LIVRE  INTITULÉ  :  History  of  Jetci^h  coinagr^ 
DE  M.  Frédéric  W.  Maddem.  Londres,  1864. 

(PI.  XVI. i 


Lettre  à  M.  J.  de  WUtf. 

iMon  cher  ami , 

Depuis  la  publication  de  mon  travail  sur  la  numisma- 
tique judaïque,  plusieurs  ouvrages  touchant  le  même  sujet» 
ont  vu  le  jour  successivement,  et  je  les  ai  lus  avec  d'au- 
tant plus  de  plaisir  qu'il  n'en  est  pas  un  seul  où  je  n'aie 
trouvé  beaucoup  à  apprendre.  MM.  Cavedoni,  Reichardt,  de 
Vogiié,  Lévy  et  Madden  sont  des  hommes  trop  sérieux  et 
trop  instruits,  pour  que  leurs  recherches  ne  doivent  pas 
être  forcément  fructueuses.  Je  leur  sais  donc  le  plus  grand 
gré  pour  les  efforts  qu  ils  ont  tous  faits,  af*n  d'éclaîrcir 
des  questions  numismatiques  souvent  très-difficiles  à  ré- 
soudre, et  sur  le  compte  desquelles  j'ai  pu  me  tromper. 
Il  est  rare   que  ceux  qui  créent  une  branche  d'études 


Kl   nissturAiiu.NS.  371 

ne  commettent  pas  de  fréquentes  erreurs;  il  en  est  de 
même  pour  ceux  qui,  comme  je  l'ai  fait  après  Bayer  et 
Eckliel,  reprennent  cette  étude  ab  ovo^  et  y  apportent  tout 
leur  amour  et  tous  leurs  soins;  ils  peuvent  aussi  faire  par- 
fois fausse  route,  mais  ils  ont  au  moins  un  mérite  qu'on  ne 
me  refusera  pas,  j'espère,  c'est  de  publier  une  série  de 
monuments  assez  étendue  pour  que  Ton  soit  toujours  obligé 
d'y  puiser  largement.  C'estdonc  une  très-grande  satisfaction 
pour  moi  de  voir  calquer  et  reproduire  mes  dessins  de 
monnaies  judaïques  dans  tous  les  ouvrages  qui  traitent  de 
la  matière. 

J'avais  formé  la  plus  belle  collection  connue  jusqu'alors 
de  monnaies  judaïques;  cette  collection,  j'ai  dû  la  sacrifier 
lorsqu* après  la  publication  de  mon  livre,  j'ai  voulu  m'oc- 
cuper  de  la  numismatique  gauloise ,  et  je  crois  être  sûr 
qu'elle  est  devenue  en  entier  la  propriété  de  M.  Wigan  ;  on 
peut  donc  toujours  vérifier  dans  les  cartons  de  cet  hono- 
rable numismatiste,  la  légitimité  de  mes  lectures. 

L'an  dernier,  j'ai  fait  un  second  voyage  en  Judée;  j'ai 
passé  plusieurs  mois  à  Jérusalem  et  dans  les  environs. 
Voulant  faire  tourner  mon  séjour  au  profit  de  la  science 
numismatique  à  laquelle  je  me  suis  voué  depuis  plus  de 
cinquante  ans,  j'ai  acquis  tout  ce  qui  m'a  été  offert  de  mon- 
naies judaïques,  et  j'ai  réuni  une  seconde  collection  mal- 
heureusement moins  considérable  que  la  première.  Chemin 
faisant  quelques  pièces  nouvelles,  mais  en  très-petit 
nombre,  se  sont  présentées  à  moi,  et  j'ai  pensé  qu'il  se- 
rait intéressant  de  les  décrire  pour  les  lecteurs  de  votre 
excellente  Revue,  C'est  sous  vos  auspices,  mon  cher  ami, 
(|ue  je  place  cette  modeste  publication. 
.  Avant  tout  je  tiens  à  jeter  un  coup  tVœW  sur  l'ensemble 
de  cette  branche  de  la  nuuiiî^nintifiue,  telle  qu'elle  est  main- 


372  MÉMOIRES 

tenant  constituée.  Je  veux  aussi  essayer  de  justttier  uioo 
entêtement  en  certains  cas,  et  proclamer  moi-même  les 
erreurs  de  classification  que  j'ai  pu  commettre,  et  que  Yon 
m'a  parfois  reprocliées  avec  une  sévérité  qui  frisait  l'ina- 
politesse.  11  est  certain  que  ceux  qui  ne  font  rien  par  eux- 
mêmes,  ont  seuls  la  chance  de  ne  pas  se  tromper  ;  quant  aux 
autres,  ils  sont  tous  exposés  à  se  tromper  parfois.  A  ce 
compte  l'indulgence  doit  être  de  mise  pour  tous  ceux  qui 
ont  traité  le  même  sujet  que  moi.  Je  ne  sais  trop  comment 
il  se  fait  que  depuis  plus  de  trente  ans  on  a  pris  l'habitude 
de  me  traiter  un  peu  en  écolier  qui  commence  sa  carrière 
scientifique.  Je  voudrais  bien  qu'on  eût  raison,  hélas!  mais 
malheureusement  ce  sans-façon  ne  peut  m'ôter  ni  une  ride, 
ni  un  jour.  11  est  vrai  que  par  manière  de  compensation, 
il  ne  m'ôtera  pas  non  plus  une  parcelle  de  mon  expé- 
rience numismatique,  en  laquelle,  je  le  confesse,  j'ai  quel- 
que confiance»  C'est  de  l'orgueil,  sans  doute  ;  mais  pourquoi 
me  faire  plus  humble  que  je  ne  le  suis?  Je  n'en  ai  en  vérité 
nulle  envie.  Mais  en  voilà  assez  sur  ce  sujet;  passons  donc 
à  l'étude  des  monuments. 

Avant  tout  répétons  l'énoncé  de  deux  principes  qui.  en 
numismatique,  valent  des  axiomes  de  géométrie. 

l""  Dans  une  série  numismatique  quelconque  la  loi  de 
succession  des  types  est  tellement  rigourense  que  n'en  pas 
tenir  compte,  est  pour  ainsi  dire  insensé.  Cette  loi  s'ap- 
plique de  même  à  la  fabrique,  à  la  taille  et  au  style. 

2^*  Les  petites  monnaies  de  cuivre  voyagent  peu,  et  là 
où  elles  se  rencontrent  exclusivement,  là  elles  ont  été  frap- 
pées. 

Cela  posé  j'entre  en  matière» 


ET    DISSERTATIONS.  373 

Skies  et  demi-sic'es  d'argent. 

J'ai  prétendu  que  les  monnaies  de  cette  classe  avaient 
une  toute  autre  origine  que  le  droit  monétaire  accordé  à 
Simon  TAsmonéen  par  Antiochus  Sidétès,  fils  de  Démé- 
trius  Soter,  Tan  173  des  Séleucides  (lAO  av.  J.-C.)  (I,  Macc. , 

XV, 6).  Kal  iirâffTpe^'a  jot  iroÏTjaat  x6{x;jia  îSiov  v^(At9(jLx  t^  yj^?^  ^'^^' 

Et  permitto  tibi  facere  percussuram  proprii  numismatis  in 
regione  tua. 

Je  ne  chercherai  pas  à  étayer  l'opinion  que  j'ai  émise  et 
à  laquelle  je  tiens  plus  que  jamais,  sur  les  innombrables 
exemples  de  concessions  monétaires  faites  pour  avoir  l'air 
d'accorder  ce  que  l'on  ne  pouvait  pas  empêcher.  La  numis- 
matique du  moyen  âge  fourmille  de  faits  analogues.  La 
permission  octroyée  par  Antiochus  n'a  donc  pas  en  réalité 
la  moindre  valeur  à  mes  yeux. 

Métal,  types,  style,  légendes,  fabrique,  tout  est  en  op- 
position flagrante  avec  l'attribution  à  Simon  l'Asmonéen 
des  sicles  et  demi-sicles  que  tout  le  monde  connaît.  Com- 
parer ces  belles  monnaies  aux  chétives  pièces  de  cuivre 
de  Jean  Hyrcan,  c'est  plus  qu'il  n'en  faut  pour  séparer 
l'émission  de  ces  deux  classes  de  monnaies,  par  un  iuler- 
valle  de  près  de  deux  siècles. 

Je  voudrais  de  tout  mon  cœur  me  rendre  à  l'opinion  que 
je  suis  forcé  de  combattre;  mais  mon  instinct  numismati- 
que ne  me  le  permet  pas.  Entre  l'âge  de  ces  monnaies,  je 
le  répète,  il  y  a  évidemment  plus  d'un  siècle  d'intervalle. 
Et  puis,  je  désire  qu'on  m'explique  pourquoi  Jean  Ilyrcan, 
le  successeur  immédiat  de  Simon,  ne  fr(]^)pe  plus  que  du 
cuivre  de  valeur  infime,  mais  avec  son  nom,  tandis  que  pen- 
dant trois  ans,  Simon  ne  frappe  que  de  l'argent,  en  se  gar- 


37/i  Mï-MOinES 

daiit  bien  d'y  inscrire  son  nom,  Ini  à  qui  son  suzerain, 
accorJe  le  droit  de  faire...  percassuram  proprii  nuiui»- 
matis. 

Les  successeurs  de  Jean  Hyrcan  inûtent  servilement  le 
système  monétaire  inventé  par  lui  ;  pas  un  ne  songe  au 
système  créé  par  le  premier  qui  a  possédé  le  droit  moné- 
taire, et  qui  Ta  mis  en  pratique.  Tous  copient  Hyrcan  ;  tous 
rejettent  les  exemples  fournis  par  la  prétendue  numisma- 
tique de  Simon.  N'y  a-t-il  pas  là  véritablement  une  impos- 
sibilité matérielle?  J'en  fais  juge  tout  numismatiste  sans 
parti  pris. 

La  paléographie  au  moins  vient-elle  me  donner  tort? 
Comparons,  et  pour  cela  faire  dressons  le  tableau  das  let- 
tres fournies  par  les  légendes  des  sicles  et  par  les  monnaies 
de  Jean  Hyrcan  et  de  ses  successeurs.  Ce  tableau  que  j'ai 
dressé  avec  le  plus  grand  soin  me  semble  instructif;  je  n'ose 
pas  dire  qu'il  donne  raison  à  la  classification  que  j'avais 
proposée^  on  nje  jetterait  la  pierre!  J'aime  mieux,  sur  ce 
point,  laisser  le  lecteur  se  faire  son  opinion  lui-même. 
(Voir  le  tableau  placé  en  regard  de  la  page.) 

Revenons  donc  aux  faits  matériels  purs,  et  cherchons  à 
les  comprendre,  si  faire  se  peut. 

Évidemment  nous  ne  connaissons  aucune  monnaie  d'at- 
tribution certaine  de  Simon  l'Asmonéen,  du  prince  auquel 
a  été  faite  par  Anliochus  Sidétès  la  concession  du  droit  de 
battre  monnaie.  Remarquons  en  passant  que  Simon  devait 
se  soucier  médiocrenjent  de  cette  concession,  lui,  troisième 
prince  d'une  dynastie  juive,  qui  n'avait  de  raison  d'ôtre  que 
la  guerre  à  outrance  déclarée  par  clic  à  la  dynastie  des 
Séleucides.  Mais  admettons  qu'il  ait  fait  grand  cas  de  cette 
concession;  il  est  clair  alors  qu'il  n'a  eu  pour  elle  qu*nn 
amour  platonique,  puisqu'il  n'a  pas  signé  une  seule  mon- 


REVUE  NUMISMATIQUE  .18 6f  P.  374. 


ALPHABETS  DES  MONNAIES  JUDAÏQUES. 


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ET   DISSERTATiOMS.  375 

naie  émise  par  son  ordre,  proprium  mimisma,  dit  le  livre 
des  Maccabées.  Puis  voilà  que  le  successeur  immédiat  de 
Simon,  Jean  Hyrcan  inonde  la  Judée  de  petites  monnaies  à 
légende  nominale,  qui  inauguraient  un  système  monétaire 
exclusivement  adopté  par  les  successeurs  de  Jean  Hyrcan, 
et  cela  à  l'exclusion  absolue  du  système  qui  aurait  été  créé 
par  Simon  lui-même,  le  premier  concessionnaire  du  droit 
njonétaire.  Tout  cela  n'est-il  pas  parfaitement  invraisem- 
blable? On  a  si  souvent  argué  de  Tarchaisnie  patriotique 
avec  lequel  les  souverains  juifs  s'opiniâtraient  à  reprendre 
les  types  et  récriture  de  leurs  prédécesseurs,  que  je  puis 
bien  me  permettre  de  retourner  cet  argument  à  ceux  qui 
ne  partagent  pas  mon  opinion  sur  la  classification  des  mon- 
naies juives,  et  en  conséquence  je  deujanderai  qu'on  m'ex- 
plique comment,  parmi  ces  princes  successifs,  il  ne  s'en  est 
pas  trouvé  un ,  je  dis  pas  un  seul,  qui  ait  cru  bon  de  co- 
pier le  système  créé  par  le  premier  souverain  juif  qui  ait 
joui  du  droit  monétaire,  en  vertu  d'une  concession  régulière 
émanée  du  bon  vouloir  d'un  roi  Séleucide.  Explique  cela 
(|ui  le  pourra!  Pour  moi,  je  ne  m'en  charge  pas,  car  je 
comprends  bien  que  je  n'aurais  pas  une  seule  raison,  je  ne 
dis  pas  une  bonne  raison,  à  donner,  pour  justifier  ce  fait 
étrange.  Quoi  qu'il  en  soit  dressons  la  liste  des  souverains 
Asmonéens  avec  les  dates  correspondantes  à  leurs  règnes. 

Judas 167  à  IGl 

Graud-prôtre  en  164. 

Jonathan 161  à  1 13 

Grand-prêtre  en  153, 

Simon 143  à  135 

Jean   Hyrcan 135  a  100 

(  Antiochns  Sidétès  frappe  des  monnaies  à 
Jéruf^Icm  dans  les  années  IHl  et  182  de 
l'éro  do*  Si'-k-u  ides  (132-131  av.  J.  C.,.:. 


376  MÉMOIRES 

Judas  Aristobule  et  Amtioonb 106  à  105 

Jadns  prend  le  titre  de  roi  à  sou  avènement. 
AlUXASDRE-JoNÀTUAM  on  jAKNiEUS 105  à     78 

Il  prend  le  titre  de  roi  dès  105. 

11  y  a  gaerre  civile  entre  92  et  86. 

AXJBXAlfI>RA-SALOMé 78  à     69 

Hyrcan 69  à    66 

Batta  par  son  frère,  il  lui  cède  la  royauté  et 
le  souverain  pontificat  en  66. 

Aristobule 66  à    63 

Htbcan,  rétabli 63  à     57 

La  monarchie  est  remplacée  par  Toligarchic.  .       57  à     47 
Aristobule,  rétabli  en  49. 

Il  partage  la  puissance  souveraine  nomi- 
nale avec  son  fils  Alexandre. 

Htrcan,  rétal)li 47  à     40 

Antioonb  ,  fils  d'AristobuIe 40  à    37 

Voyons  maintenant  ce  que  nous  apprend  cette  lisle,  et  ce 
qu  elle  nous  révèle  de  possibilités  et  d'îni possibilités  nu- 
mismatiques. 

C'est  eu  Tan  140  que  Simon  a  reçu  le  droit  de  frapper 
monnaie.  Son  règne  a  fini  en  135.  11  a  donc  pu  exercer  son 
droit  nouveau  pendant  cinq  années. 

Les  monnaies  qu'on  persiste  à  lui  attribuer  ne  représen- 
tent que  quatre  années,  dont  les  trois  premières  sont  men- 
tionnées exclusivement  sur  des  espèces  d'argent  destinées 
apparemment  au  service  religieux.  La  quatrième,  grâce  à  la 
belle  découverte  d'un  sicle  d'argent  de  Tannée  à,  publié 
par  M.  Reichardt,  offre  identiquement  le  système  des  trors^ 
années  précédentes  ;  mais  tout  d'un  coup  la  monnaie  d'ar- 
gent disparaît,  et  elle  fait  place  à  une  monnaie  de  cuivœ, 
offrant  des  divisions  bien  régulièrement  taillées,  quant  au 
module. 

Quel  est  révénemcnt  f[ui  a  pu  motiver  ce  changement  de 
système  monétaire?   Nous  n'en  savons  rien.  Où  sont  les 


I:T    hlSSKIlTATÏONS.  377 

monnaies  de  la  5*  année  de  Simon?  Nous  ne  les  connais- 
sons pas.  Simon  fut  assassiné  à  Jéricho  par  Ptolémée,  son 
gendre,  au  moment  même  où  des  succès  militaii-eë  rem- 
portés sur  les  Syriens,  dont  l'empire  divisé  par  l'usurpation 
de  Tryphon  était  loin  d*ètre  florissant,  semblaient  avoir 
accru  la  puissance  de  la  nationalité  juive.  Autant  de  faits 
que  je  ne  me  charge  pas  de  faire  concorder,  avec  l'attribu- 
tion à  Simon  des  sicles  et  demi  sicles  d'argent  et  de  cuivre. 
Comme  je  n'ai  pas  envie  de  faire  des  réticences,  je  me  fais 
un  devoir  d'ajouter  que  toujours,  à  part  moi,  j'ai  trouvé 
que  les  monnaies  de  cuivre  de  l'année  4,  comme  style  et 
comme  fabrique  ne  s'accordaient  pas  sulTisamment  bien  à 
mon  gré  avec  les  belles  monnaies  d'argent  connues  sous  le 
nom  de  sicles  et  de  demi-sicles.  C'est  là  une  affaire  d'in- 
stinct, de  flair,  si  l'on  veut,  mais  si  l'instinct  se  trompe 
rarement,  je  n'entends  pas  dire  qu'il  soit  infaillible.  Je 
maintiens  donc,  ne  pouvant  faire  autre  chose,  en  un  seul 
groupe  le  système  des  monnaies  d'argent  et  de  cuivre,  et 
ce  groupe  je  l'attribue  toujours  à  l'autonomie  obtenue 
d'Alexandre  par  le  grand-prêtre  laddous,  parce  que  je  ne 
vois  aucune  possibilité  de  l'attribuer  au  principat  de  Simon. 
Encore  un  mot.  Il  serait  extrêmement  intéressant  do 
découvrir  l'origine  de  la  légende  ]vy  îiSnsS,  que  portent 
exclusivement  les  monnaies  de  cuivre  de  l'année  A.  Je 
laisse  à  ceux  qui  ont  le  privilège  de  tont  expliquer,  le  soin 
de  trouver  dans  l'histoire  de  Simon,  pour  l'année  136,  le 
fait  qui  a  pu  njotiver  l'adoption  et  l'usage  de  cette  légende. 

Monnaiea  no'minaUs  de  cuivre  des  princes  Asmonéefis, 

Il  n'y  a  pas  de  doutes  possibles  sur  l'attribution  des  mon- 
naies de  Jean  Hyrcan,  aux  types  do  la  légende  hébraïque 


^7H  MÉMOIKES 

nominale  inscrite  dans  une  couronne,  et  des  deux  cornes 
d'abondance.  La  connaissance  de  ces  monnaies  est  le  pivot 
sur  lequel  roule  forcément  la  classification  de  toutes  les 
autres  monnaies  nominales  du  système  identique.  Or  nous 
en  avons  d'un  Judas  et  d'un  Jonathan,  et  nous  avons  deux 
princes  Asmonéens  portant  chacun  un  de  ces  deux  noms. 

Judas  Maccabée  et  Judas  Aristobule  successeur  de  Jean 
Hyrcan. 

Jonathan  successeur  de  Judas  Maccabée,  et  Jonathan 
Alexandre,  autrement  dit  Alexandre  Jannœus. 

Comment  choisir  entre  eux? 

S*il  s* agit  sur  nos  monnaies  des  deux  premiers  Judas  et 
Jonathan,  l'absence  des  monnaies  identiques  de  Simon,  est 
inexplicable.  Car  la  loi  de  succession  des  types  est  là  avec 
toutes  ses  exigences.  Je  renoncerai  donc  volontiers  à  attri- 
buer des  monnaies  à  Judas  Maccabée,  et  à  Jonathan  son 
successeur,  en  adoptant  la  classification  proposée  par  ceux 
qui  se  sont  occupés  après  moi  et  avec  les  monuments  que 
je  leur  ai  fait  connaître,  de  cette  suite  si  importante  des 
monnaies  judaïques. 

Et  cependant  que  de  difficultés  encore,  pour  ne  pas  dii^ 
d'impossibilités!  énumérons-les. 

Dans  ce  système  des  petites  monnaies  nominales  de 
cuivre,  système  éminemment  propre  à  la  dynastie  Asmo- 
néenne,  Simon,  le  concessionnaire  du  droit  monétaire,  ne 
figure  pas;  et  suivant  toute  apparence  aujourd'hui  il  ne 
figurera  pas,  car  depuis  dix  ans  on  a  recueilli  les  monnsdes 
judaïques  avec  tant  d'avidité,  que  s'il  existait  des  monnaies 
nominales  de  Simon  aux  types  des  monnaies  de  Jean  Hyr- 
car),  on  en  aurait  retrouvé  quelqu'une,  ne  fût-ce  qu  un 
exemplaire.  Donc  il  faut  admettre  que  Simon  n'a  eu  nul 
souci  (le  frapper  des  monnaies  à  son  nom,  proprium  nu- 


KT    l)|SSKRTATi()>S.  371» 

misma^  en  vertu  de  la  concession  dérisoire  qui  lui  était 
faite  par  un  prétendu  suzerain,  dont  sa  famille  depuis 
vingt-sept  ans,  n'avait  d'autre  pensée  que  d'ébranler  et  de 
renverser  la  puissance. 

Ainsi  pas  de  monnaies  nominales  de  Simon  ;  ceux  qui 
lui  attribuent  les  sicles,  en  dépit  de  la  loi  de  succession  des 
types,  sont  bien  forcés  d'admettre  ce  fait  étrange  et  plus 
que  gênanu 

Jean  Hyrcan. 

Jean  Hyrcan  est  incontestablement  le  créateur  du  système 
nominal  de  cuivre,  dans  Thypothèse  où  Judas  Maccabée  et 
Jonathan  n'ont  droit  à  aucune  monnaie  dans  la  série  asmo- 
néenne.  Jean  frappe  donc  les  jolies  petites  monnaies  que 
tout  le  monde  connaît,  et  sur  l'une  d'elles  il  introduit 
déjà  une  fraction  de  légende  grecque,  un  simple  A,  c'est 
vrai  ;  mais  l'abîme  est  franchi,  et  désormais  un  prince 
Asmonéen  s' autorisant  de  l'exemple  du  souverain  Pontife 
Jean  Hyrcan,  pourra  se  permettre  d'introduire  des  légendes 
grecques  sur  ses  monnaies. 

Judas  Aristobulf. 

On  donne  à  ce  prince  les  monnaies  sur  lesquelles  se  lit 
le  nom  de  Judas  suivi  du  titre  de  grand-prêtre  (Sn:n  insn) 
ou  de  (lohec  illustre  (SiS:i).  Ou  m'a  contesté  cette  dernière 
leçon;  on  aurait  peut-être  mieux  fait,  avant  de  me  déclarer 
coupable  d'une  lecture  d'imagination  pure,  de  recourir  à  la 
monnaie  elle-même  qui  m'a  présenté  ce  mot.  On  aurait  eu, 
il  est  vrai,  la  ressource  de  déclarer  que  si  ce  n'est  pas  moi, 
c'est  le  graveur  du  coin  qui  ne  savait  pas  écrire  sa  langtie. 


380  MÉMOIRES 

Je  le  veux  bien  ;  mais  je  fais  appel  aux  numismatistes  sans 
parti  pris.  Qu'ils  prient  M.  Wigan  de  leur  laisser  lire  et 
transcrire  la  légende  de  la  pièce  en  question,  et  j'ai  la  con- 
viction que  ce  n'est  pas  moi  qui  serai  pris  en  faute. 

Maintenant  est-ce  bien  à  Judas  Aristobule  que  revien- 
nent ces  monnaies?  Voilà  qui  n'est  pas  encore  démontré 
pour  moi,  bien  que  l'absence  des  monnaies  nominales  de 
Simon,  me  porte  aujourd'hui  à  l'admettre.  Voici  pourquoi 
j'hésite  encore  :  Judas  Aristobule,  à  son  avènement,  a  pris 
le  titre  de  roi  ;  c'est  Josèphe  qui  nous  le  dit;  il  est  vrai  qu'il 
est  de  mode  de  mettre  Josèphe  de  côté  toutes  les  fois  qu'on 
n'est  pas  d'accord  avec  lui,  mais  que  par  compensation  on 
fait  grand  cas  de  ses  dires  toutes  les  fois  qu'on  y  trouve 
un  semblant  de  preuve  de  ce  que  l'on  désire  établir. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le  texte  de  Josèphe  relatif  à  la 
royauté  de  Judas  Aristobule.  Il  est  difficile,  comme  on  va  le 
voir,  d'être  plus  explicite  et  plus  précis. 

TcXsuTTÎaavxo;  yàp  «utoT;  toû  Ttatxpo;,  ô  rpsoCuxaTOç  AptTcé^uXo; 
TTiV  àpji\^  £?;  PajtXîîxv  (jisxaOfjvat  SrSJaç  (sxpivîv  yàp  ouxw;)  $ixot^[jl2 
rpcÔTo;  è-ixiOexai  jjisxà  xîxpaxoalcov  àpiOfjiov  èxwv  xai  ^YOoiîxovxa  x«: 
évo;  xai  ur,vâ»v  xpiwv,  àcp  ou  x^ç  àiro  BxSuXtôvo^  oouXeia;  àraXXaYiU  à 
Xaoc  eU  xtjv  o'ixî(av  ÈTravr^XOs.  {Ant^  /wrf.,  XIII,  XI,  1.) 

Plus  loin  nous  lisons  encore  dans  le  même  ouvrage  : 

lou8q[  t<5j  xai  ApiTCo6otjXq> xal  yàp    8tâ87}[jia  TceptiOsxo  irpcûxo^ 

iouSa;  èviauxôv  Sva.  {Ant.  Jud.^  XX,  X,  1.) 

Si  ce  fait  sur  lequel  Josèphe  a  l'air  bien  fixé  puisqu'il  y 
revient  à  deux  fois,  si  ce  fait,  dis-je,  est  exact,  comment 
Judas  Aristobule,  si  pressé  de  prendre  le  titre  de  roi, 
ne  s'en  est-il  pas  servi  sur  les  monnaies  frappées  à 
son  nom  ? 

J'aitendrai  qu'on  me  rende  compte  de  ce  fait. 


f     '  ET   WSSERTATIONS.  381 

JcNATHÂH  Alexandre  Jannjëus. 

Les  monnaies  de  Jonathan  forment  quatre  groupes.  Le 
premier  et  le  deuxième  portent  mention  du  titre  de  grand 
prêtre  seulement,  avec  le  nom  du  pontife  écrit  jn:^  et  jn3nn\ 
Le  troisième  et  le  quatrième  groupes  sont  composés  des 
monnaies  bilingues  à  la  double  légende  "^Sdh  ^r)2%n>  et 
AAEEAN^POr  BAIIAEiîi,  accompagnées  d'une  fleur  ou 
de  l'ancre  des  Séleucides. 

Pour  les  pièces  bilingues  pas  Tombre  d'un  doute  possible, 
elles  sont  bien  d'Alexandre  Jannsus.  Mais  les  autres,  com- 
ment expliquer  encore  l'absence  du  titre  royal?  Voici  com- 
ment on  a  rendu  compte  de  ce  fait.  Pendant  six  années,  de 
92  à  86,  les  querelles  du  roi  Alexandre  et  des  Pharisiens 
ont  fait  naître  la  guerre  civile  ;  en  conséquence,  de  1  Oô  à  92, 
ce  prince  a  frappé  des  monnaies  simplement  pontificales; 
puis  des  monnaies  royales  bilingues  de  92  à  86,  et  enfin  de 
nouveau  des  monnaies  purement  pontificales  de  86  à  78. 
C'est  le  système  de  M.  Lévy. 

M.  Madden,  suivant  en  cela  la  classification  de  M.  Poole, 
admet  que  le  premier  système  de  monnayage  d'Alexandre 
Jannœus  comprend  les  pièces  bilingues,  dont  les  légendes 
grecques  auraient  pour  leur  part  motivé  l'animadversion 
des  Pharisiens.  Le  second  système  comprend  les  pièces 
pontificales  avec  la  double  forme  du  nom  de  Jonathan,  et  il 
aurait  été  émis  pour  céder  aux  exigences  des  Pharisiens. 

A  cela  il  y  a  une  grave  et  très-grave  difficulté,  et  c'est  la 
loi  de  succession  des  types  qui  la  soulève.  La  reine  Alexan- 
dra.  si  soumise  aux  Pharisiens,  a  frappé  des  monnaies 
bilingues  identiques  de  types  et  de  style  avec  celles  de 
son  mari  Alexandre.  La  reine  aurait  donc  repris,  elle  l'amie 

1864.  -  5.  26 


S82  MÉMOIRES 

des  Pharisiens,  le  ty|>e,  dont  l'emploi,  de  la  part  de  son 
njciri,  leur  avait  paru  nne  indignité,  et,  après  une  éclipse  de 
huit  années,  ce  type  aurait  reparu  sans  Tombre  de  modifi- 
cation, sans  la  moindre  opposition  ;  à  priori  c'est  difficile 
à  admettre,  et  pourtant  nous  serons  forcés  d'accepter  en 
partie  cette  classification. 

Si  toutes  les  monnaies  de  Jonaiban,  grand  prêtre,  re- 
viennent à  Alexandre  Jannseus,  quelques-unes  d'entre  elles 
sont  incontestablement  frappées  après  les  monnaies  bilin- 
gues à  la  fleur  et  à  l'ancre;  mais  de  toute  nécessité  aussi 
celles  àTétoile  ont  été  émises  jusqu'au  dernier  jour  de  son 
règne.  I.a  monnaie  de  la  reine  Alexandra  le  prouve  jus- 
qu'à l'évidence.  Je  sais  bien  que  c'est  là  un  argument  pu- 
rement numismatique,  et  qui,  s'il  est  sans  réplique  pour 
un  numismalistede  profession,  peut  paraître  peu  concluant 
}>our  qui  n'a  pas  fait  de  cette  science  l'étude  de  toute  sa 
vie.  Mîiis  comme  j'écris  pour  les  numismatisies,  peu  m'im- 
porte ce  qu'en  penseront  les  autres. 

La  teneur  de  la  légende  nominale  Jonathan  le  grand 
rolifu  et  le  kheber  (-»nn)  des  Juifs,  i)résente  toujours  quel- 
ques dilTicultés,  à  mon  avis.  J'ai  traduit  inn  par  «  l'ami,  v 
ce  mot  me  paraissant  faire  le  complément  des  attributs  de 
Jonathan  dans  la  phrase  courue  ainsi  ^ 

cn-HM  inn:  S*,-î5n  'jnsr.  jn:in^ 

On  a  proposé  de  voir  une  sorte  de  triade  désignée  dans 
cette  légende  :  Jonathan,  le  grand  prêtre,  et  le  sénat  des 
Juifs.  Mais  Jonathan  et  le  grand  prêtre,  c'est  tout  un  : 
il  n'y  a  donc  pas  de  distinction  à  faire  entre  le  roi  Jon<a- 
tban  et  le  grand  prêtre,  dès  lors  la  copulaiive  •:  m'a  bien 
l'air  de  désigner  un  second  qualificatif  du  personnage 
nommé.   Or  i^n,  c'est  l'ami,   l'associé;  il   est  vrai  que 


ET    DISSEKTATIONS.  383 

Î3^:n3iin,  dans  Osée  (VI,  9)  signifie  la  bande  des  prêtres, 
lin,  suiv.int  Sander,  signifiant  :  association,  ligue,  de  inn, 
être  lié,  attaché,  s\issembler.  Que  peut  signifier  la  ligue, 
Fassociation  des  Juifs?  Tout  bien  considéré,  j'abandonne  la 
traduction  que  j'avais  cru  ponvoir  accepter  et  je  reviens  au 
sens,  «  Taini  des  Juifs,  »  parce  que  je  le  crois  plus  probable. 

Alexandwa. 


La  seule  monnaie  connue  de  cette  reine,  passée  dans  les 
cartons  de  M.  Wigan,  est  celle  que  j'ai  publiée  ;  tout  le  monde 
-est  d'accord  sur  son  attribution.  Comme  elle  est  identique, 
i  la  légende  près,  avec  les  monnaies  bilingues  de  son  nïari, 
son  existence  prouve,  en  vertu  de  la  loi  de  succession  des 
types,  que  les  dernières  monnaies  émises  par  Alexandre 
Jannœus  sont  bien  les  pièces  bilingues  qui  se  voient  dans 
toutes  les  collections. 

Toute  la  période  qui  s'est  écoulée  de  l'an  69  à  l'an  /jO, 
époque  de  l'avènement  d'Antigone,  reste  à  trouver  nuuiis- 
maiiquement  parlant.  Il  est  bien  certain  qu'il  doit  exister 
des  monnaies  de  Hyrcan  II,  d'Aristobule  II.  et  de  l'oligar- 
chie, mais  où  sont-elles?  Je  ne  me  sens  pas  de  force  à  les 
déterminer  dans  le  chaos  des  petites  pièces  de  cuivre  bar- 
bares que  l'on  trouve  à  foison  à  Jérusalem,  et  sur  lesquelles 
on  voit  une  ancre  et  une  étoile,  comme  sur  les  bilingues 
d'Alexandre  Jannaeus  et  d'Alexandra.  Ces  pièces  sont  de 
très-petit  module  en  général,  et  d'un  poids  bien  inférieur 
à  celui  des  monnaies  des  deux  règnes  que  je  viens  de  men- 
tionner. J'en  décrirai  plus  tard  un  certain  nombre,  dans 
l'espérance  de  fournir  quelques  éléments  de  légendes  qui 
se  coujpléteront  quelque  jour.  Il  faut  maintenant  revenir 


384  MÉMOIRE» 

sur  certains  fuiis  matériels  qui  vont  éclaircir  la  numisnia^ 
tique  d'Alexandre  Jannœus. 

M.  Maddcn,  dans  son  beau  livre  (p.  66),  a  parlé  de  sur-, 
frappes  qui  ont  véritablement  un  très-grand  intérêt.  On 
sait  en  effet  tout  le  parti  que  Ton  peut  tirer  de  Tétude  des 
surfrappes,  pour  lixer  Tàge  relatif  des  types  superposés. 
M.  Poole,  en  étudiant  celles  des  deux  pièces  qui  sont  dans 
les  tiroirs  du  Britisk  muscum,  a  reconnu,  ditM.  Madden» 
quelques  traces  de  légendes  grecques  sous  les  légendes 
hébraïques  telles  qu'on  les  trouve  sur  les  monnaies  pon- 
tificales des  Asmonéens.  L'une  porte  encore  ANAP.T 
(AAKEANAPOV)  et  l'autre  EQl  (BAilAEiîL).  M.  Madde» 
ajoute  :  From  this  fact  it  is  certain  tbat  Dr.  Levy's  sugges^ 
lion  about  the  three  coinages  is  not  correct,  ant  that  we 
must  accept  the  arrandgment  given  by  M.  Poole. 

Je  ne  sais  si  je  me  trompe,  mais  il  me  semble  que  s*il  est 
une  fois  bien  établi  que  le  type  de  la  légende  grecque  est 
surfrappé  par  le  type  hébraïque  pur,  c'est  au  contraire  I» 
classification  de  M.  Lévy  qui  reçoit  une  confirmation  positive. 

Il  est  malheureusement  difficile  parfois  de  déterminer 
Tordre  de  succession  des  types  supei'posés,  et  de  dire  avec 
sûreté  :  celui-ci  a  précédé,  celui-là  a  suivi. 

J'ai  eu  moi-même  la  bonne  chance  de  trouver  à  Jéru- 
salem de  belles  pièces  surfrappées  dont  je  donne  les 
figures,  et  dont  l'une  iranche  définitivement  la  question. 
Sur  la  première,  d'un  côté,  je  lis  à  gauche  BAMAB 
«lutour  d'un  arc  de  cercle  bien  net,  et  à  droite,  je  vois  un 
fragment  d'ég.al  relief  de  la  couronne  qui  entoure  d'ordi- 
naire la  légende  pontificale,  dont  on  ne  perçois  que  les 
trois  dernières  lettres  «yA^Adu  mot  cn-.nt  (pi.  XVI,  iv  •). 

Au  revers  tout  est  confus,  et  Ton  ne  reconnaît  qu  une 
des  deux  cornes  d'abondance  du  type  asmonéen. 


ET    DISSERTATIONS.  385 

La  présence  du  cercle  intérieur  sur  lequel  s  appuie  la 
légende  grecque,  prouve  que  i'un  des  deux  types  est  celui 
des  bilingues  royales  à  la  fleur,  d'Alexandre  Jannaeus.  Mais 
quel  est  sur  cette  pièce  le  premier  des  deux  types  reçus 
par  le  flan?  Je  ne  me  sens  pas  de  force  à  le  dire.  Si  c'est 
te  type  hébreu  pontifical,  j*ai  raison  ;  si  c'est  le  type  grec, 
j'ai  tort  avec  MxVI.  Poole  et  Madden,  et  c'est  M.  Lévy  qui  a- 
raison,  même  contre  la  logique  des  lois  numismatiques. 
Heureusement,  je  le  répète,  la  seconde  de  mes  surfrappes 
donne  la  solution  du  problème  (pi.  XVI,  n*  4). 

En  voici  la  description.  La  pièce  est  un  Jonathan  écrit  |n3\ 
d'une  conservation  et  d'une  pureté  parfaites  sur  les  deux 
faces;  mais  à  droite  de  la  légende  pontificale  on  voit  très-dis- 
tinctement les  lettres. . . .  AES A du  nom  A AEE ANAPO V, 

et  dans  le  corps  des  lettres  hébraïques  de  la  légende  de 
Jonathan,  la  trace  du  cercle  au  centre  duquel  était  l'ancre 
des  Séleucides.  Au  revers,  sous  les  deux  cornes  d'abon- 
dance, on  aperçoit  encore  les  pétales  de  la  fleur:  donc 
cette  fois  plus  d'incertitude.  11  est  démontré  rigoureuse- 
ment que  le  groupe  pontifical  avec  le  nom  |n:^  a  été  sur- 
frappé sur  les  pièces  bilingues  à  la  fleur.  Comme  il  n'est 
pas  moins  démontré  que  les  bilingues  à  l'ancre  et  à  l'étoile 
ont  été  les  dernières  frappées  par  Alexandre  Jannœus,  té- 
moin  la  monnaie  de  la  reine  Alexandra,  nous  sommes  for- 
cément amenés  à  répartir  les  monnaies  d'Alexandre  Jan- 
naeus de  la  manière  suivante  :  1"  11  a  frappé  d'abord  des 
monnaies  pontificales  avec  le  nom  ^n:*in^ ,  ou,  ce  qui  me 
paraît  plus  probable,  il  a  suivi  l'exemple  de  Jean  Ilyrcan 
vi  émis  les  monnaies  bilingues  à  la  fleur.  2*  Il  a  fait  sur- 
frapper ces  monnaies  en  les  retirant  de  la  circulation,  et  en 
y  faisant  appliquer  le  type  pontifical  pur  avec  le  nom  ^n:\ 
Le  type  avec  la  forme  du  nom  p:in^  est-il  contemporain? 


386  MK.MOIllES 

c'est  probable,  puisque  les  deux  espèces  de  bilingues 
royales  offrent  constamment  la  forme  ]n:•;^^  3*  Enfin,  il 
a  émis,  après  avoir  fait  sa  paix  avec  les  Pharisiens,  les 
monnaies  royales  bilingues  à  Tétoile.  On  voit  que  tout  ce 
f|ue  j'avais  conservé  de  doutes  sur  la  bonne  attribution  des 
monnaies  de  Judas  Aristobule  s'évanouit,  puisque  sur  ses 
monnaies  pontificales,  Alexandre  Jannaeus  a  omis  volontai- 
''ornent  son  titre  de  roi  (pi.  XVI,  n'*'  1,  2,  3,  4  et  5). 

Disons  maintenant  quelques  mots  des  petites  pièces 
barbares  à  la  légende  AAEEANAPOV  BAlIAEiil.  A  leur 
sujet  M.  Madden  s'exprime  ainsi  :  «  The  small  bronze  coins, 
«  ascribed  by  de  Saulcy  to  Alexander  Jannaeus,  are  now 
«  attributcd  to  Alexander  II.  »  Je  voudrais  de  tout  mon  cœur 
que  cette  attribution  fût  indubitable.  Mais  remarquons 
cjueces  petites  monnaies  pullulent  à  Jérusalem,  et  en  pré- 
sence de  ce  fait,  mettons  l'histoire  d'Alexandre  11.  En  6(5, 
llyrcan  fut  obligé  de  céder  la  couroime  à  son  frère  Aristo- 
bule. En  63,  ce  prince,  fait  prisonnier  par  Pompée,  était 
emmené  en  captivité  à  Rome,  avec  ses  deux  fils  Alexandre 
et  Antigone  et  ses  filles.  llyrcan  fut  replacé  sur  le  trône 
en  57.  Alexîindre  réussit  à  s'évader  et  rentra  en  Judée,  où 
l'armée  de  ses  partisans  fut  immédiatement  battue  par 
Ciabimus  et  Marc-Antoine.  La  royauté  fut  enlevée  à  Hyrcan» 
qui  ne  conserva  que  le  souverain  pontificat  Alexandre  fil 
sa  soumission  et  fut  gracié,  l'oligarchie  fut  instituée  et  elle 
dura  de  57  à  47,  c'est-à-dire  dix  années.  Plus  tard,  lorsque 
Pompée  et  César  se  disputèrent  l'euipire  du  monde ,  César, 
pour  contrecarrer  les  desseins  de  Pompée,  rendit  la  liberté 
à  Aristobule  et  le  renvoya  en  Judée  sous  la  protection  de 
deux  légions,  mais  Pompée  fit  empoisonner  Aristobule  pen- 
dant son  voyage  (en  49).  Alexandre  s'était  hâté  de  lever 
des  trou p:?  pour  rejoindre  son  père.   Pompée  envoya  au 


ET    DlSStKÏATlONS.  387 

gouverneur  de  la  Syrie  Tordre  de  se  saisir  de  lui,  et  de 
renvoyer  à  Antioche,  où  il  fut  jugé  et  décapité. 

Maintenaut  je  serais  bien  reconnaissant  envers  celui  qui 
Hie  dirait  à  quelle  époque  Alexandre  II,  qui  n'est  probable- 
ment pas  entré  à  Jérusalem,  où  Hyrcan  se  maintenait,  aurait 
pu  frapper  dans  cette  ville  les  nombreuses  monnaies  qu'on 
y  trouve  et  qu'on  lui  attribue.  C'est  là,  hàtons-nous  de  le 
dire,  une  classification  inadmissible.  Et  pourtant  il  semble 
à  première  vue  assez  dillicile  d'admettre  que  ces  petites 
monnaies  barbares  reviennent  à  Alexandre  Jannseus.  Une 
fois  de  plus  nous  sommes  condanmés  à  nous  incliner  devant 
la  brutalité  d'un  fait  matériel. 

Antigone. 

M.  Madden  a  reproduit  dans  son  excellent  livre  une  belle 
pièce  d'Antigone  faisant  partie  de  la  collection  du  révérend 
Cliurcbîll  Babington,  et  publiée  par  lui  dans  le  Numhmalic 
Chronicle  (N.  S.,  vol.  II,  p.  64,  pi.  II,  n'*  1).  L'un  des  deu.v 
côtés  est  entièrement  fruste ,  mais  sur  l'autre  on  voit  une 
corne  d'abondance  à  côté  de  laquelle  on  lit  en  deux  lignes 
parallèles  les  mots  :  .AUX...  .NTI.ONO.  (BA2IAEi}:L 
ANTirONOlT).  C'est  là  une  très-heureuse  acquisition  pour 
la  numismatique  judaïque. 

Dynastie  des  IIérodes  ou  Iduméenne. 

Bon  nombre  de  types  nouveaux  et  intéressants  ont  été, 
^lepuis  l'apparition  de  mon  livre,  ajoutés  à  tous  ceux  que 
Ton  connaissait  déjà.  Comme  leur  classification  ne  présente- 
pas  de  diflicultés,  il  me  paraît  inutile  d'en  parler. 


388  M  ÉMOI  n  ES 

Ce  que  je  veux  néanmoins  faire,  c'est  revenir  sur  les 
petites  pièces  à  l'aigle,  et  à  la  légende  HPCOA.  BA^IA 
(pi.  XVI,  n-  6.  7  et  8)  dont  on  m'a  contesté  Fattribu- 
tion  à  Hérodes  le  Grand ,  aussi  bien  que  rinterprétation 
des  types.  La  présence  d'un  aigle  sur  une  monnaie  at- 
tribuée par  moi  à  Ilérodes  le  Grand,  a  fait  jeter  les  hauts 
cris  à  M.  Cavedoni ,  à  qui  tous  ceux  qui  se  sont  depuis 
occupés  de  numismatique  judaïque  ont  donné  raison,  en 
me  donnant  tort.  Et  pourtant  je  déclare,  sans  y  mettre 
plus  de  façon,  que  je  persiste  à  croire  que  c'est  moi  qui 
ai  raison  Voici  pourquoi.  Dans  la  collection  passée  au- 
jourd'hui entre  les  mains  de  M.  VV^igan,  i\  y  avait  trois  exen»- 
plaires  au  moins  de  cette  monnaie,  trouvés  tous  les  trois 
à  Jérusalem.  Dans  mon  voyage  de  l'an  dernier  j'en  ai  re- 
cueilli quatre  exemplaires  encore,  à  Jérusalem  même. 
J'ignore  ce  qu'en  possèdent  MM.  Babington  et  Reichardt, 
mais  j'affirme  à  tout  risque  qu'ils  en  ont,  comme  moi,  re- 
cueilli dans  la  ville  sainte ,  et  voilà  une  petite  pièce  de 
cuivre,  de  module  plus  petit  que  toutes  les  monnaies 
juives  connues,  dont  j'ai  moi  seul  trouvé  sept  exemplaires 
à  Jérusalem,  et  qui  n'aurait  pas  été  frappée  dans  cette  ville! 
Qu'on  se  rappelle,  j'en  conjure,  l'espèce  d'axiome  numis- 
matique concernant  l'invraisemblance  des  longs  voyages 
des  petites  monnaies  de  cuivre  d'une  valeur  aussi  médiocre, 
et  l'on  fera  immédiatement  justice  de  l'idée  mise  en  avant 
que  ces  pièces  sont  d'IIérodes  roi  de  Chalcis,  et  qu'elles 
ont  été  apportées  à  Jérusalem  par  des  pèlerins,  sujets  de  ce 
monarque.  Je  le  demande,  à  quoi  bon,  pour  des  pèlerins, 
emporter  en  abondance,  aussi  loin  de  chez  eux,  des  mon- 
naies sans  valeur  appréciable,  lorsqu'ils  négligeaient  d'em- 
porter les  grosses  monnaies  frappées  dans  leur  pays?  Qui 
donc  a  tiouvé  à  Jérusalem  un  seul  exemplaire  des  belles 


ET      DISSERTATIONS.  ZS9 

pièces  de  cuivre  d'Hérodes,  roi  de  Chalcis?  Pour  ma  part, 
je  n'eo  ai  jamais  vu.  D* autres  ont-ils  été  plus  beureux  que 
moi?  J'en  doute  fort.  Et  voyez  quelle  singulière  idée  pour 
des  pèlerins  :  ils  emportent  de  chez  eux  des  centimes,  moins 
que  des  centimes,  pour  les  semer  partout,  et  pas  un  d'eux 
n'a  ridée  d'emporter  un  gros  sou!  Franchement  l'attri- 
bution de  cette  petite  monnaie  au  roi  de  Chalcis  est  jugée 
par  ce  fait  seul. 

M.  Madden  fait  observer  que  les  deux  mots  de  la  légende 
sont  écrits  rectilignement,  et  que  ce  fait  prouve  que  la  pièce 
n'a  pas  été  frappée  à  Jérusalem,  où  cette  disposition  n'était 
pas  habituelle  pour  les  légendes d'Héi-odes.  Mais  M.  Madden 
oublie  que  quelques  pages  plus  haut  il  a  reproduit  le 
dessin  d'une  belle  monnaie  d'Antigone  à  légendes  rectili- 
gnes  et  parallèles  placées  à  droite  et  à  gauche  d'une  corne 
d'abondance;  cette  remarque  n'a  donc  pas  d'importance 
réelle.  Je  maintiens  purement  et  simplement  l'attribution 
de  ces  curieuses  petites  monnaies  à  Hérodes  le  (îrand. 

M.  Cavedoni  n'admet  pas  que  ce  soit  une  corne  d'abon- 
dance qui  figure  sur  cette  monnaie.  A  ce  sujet,  je  prie  en 
grâce  les  numismaiistes  anglais  de  vérifier  sur  un  des 
exemplaires  de  la  collection  Wigan,  exemplaire  que  je  ne 
possédais  pas  encore  lors  de  la  publication  de  mon  livre, 
si  ce  n'est  pas  une  corne  d'abondance  qui  s'y  trouve  figu- 
rée, avec  les  fruits  qui  la  surmontent  '.  En  attendant  qu'ils 
procèdent  à  cette  vérification,  je  me  fais  un  véritable  plaisir 
de  donner  la  figure  d'un  des  quatre  exemplaires  trouvés 
par  moi  à  Jérusalem  l'an  dernier  (pi.  XVI,  n*  8).  Ils  y  vcr- 

*  Voir  coinnM»  point  de  comparaison  la  corne  d'abondance  clinrgi'c  de  troi» 
fruiU  identiquement  diiipos^s  sur  dois  .««tatères  d'or  de  la  Grande-Bretagne 
(Evan»,  Anrient  Brili^th  roi/w,  pi.  XI V,  u"*  5  et  6),  et  mieux  encore  dans  VAtlaê 
du  Type  gaulois  dt-  Leiowol,  pi.  Vlll,  n*  43. 


390  MÉMOIRES 

ront  trois  gros  Truits  placés  au-dessus  de  la  bouche  de  la 
corne  d'abondance.  Voilà  donc  encore  une  questioD  jugée, 
et  je  Favoue,  je  crois  qu'en  numismatique  on  a  souvent 
tort  de  quintessencier  à  propos  des  types  dont  les  inven- 
teurs n'ont  pas  eu,  tant  s'en  faut,  les  idées  prétentieuses 
qu'on  leur  prête  gratuitement. 

Quant  à  l'impossibilité  de  la  présence  d'uu  être  animé  sur 
une  monnaie  d'un  prince  juif,  je  n'ai  qu'une  réponse  à 
faire,  c'est  que  tout  à  l'heure  je  donnerai  la  figure  d'une 
belle  monnaie  à  l'eUigie  d' Agrippa  I",  roi  des  Juifs,  et 
offrant  au  revers  le  jeune  Agrippa  II  à  cheval.  M.  Madden 
d'ailleurs  donne  une  excellente  figure  de  la  pièce  à  effigie 
d' Agrippa  I",  frappée  à  Césarée.  Si  le  petit  fils  d'Hérodes 
le  Grand  a  pu  se  permettre  cette  licence,  à  coup  sûr  le 
grand-père,  qui  avait  fait  placer  un  aigle  sur  la  porte  prin- 
cipale du  temple  de  Jérusalem,  a  pu  faire  figurer  Teuiblème 
impérial  sur  quelques  unes  de  ses  monnaies. 

Encore  un  mot  à  propos  des  monnaies  d'Hérodes.  iM.  (ia- 
vedoni  qui  voit  la  croix  ansée  dans  le  monogramme  formé 
des  deux  lettres  T  et  P,  me  donne  gratuitement  une  leçon 
de  grec  à  propos  des  mots  Tpt/aXxo;,  ùI/iIms  et/aXxo;.  J'avoue 
humblement  que  je  ne  suis  pas  un  grand  helléniste,  et  je 
le  regrette.  Quand  j'étais  au  collège,  il  y  a  cin(iuante  ans 
de  cela,  je  faisais  des  versions  grecques  avec  un  bon  vieux 
dictionnaire  que  j'ai  conservé,  ma  foi,  cl  dont  je  me  sers 
encore,  c'est  celui  de  Planche.  J'y  trouve  : 

Page  1120,  Tp'/aXy.o;,  o-j,  6,  petite  pièce  de  monnaie  qui 
faisait  la  quatrième  partie  de  l'as  rom<Vm. 

Puis  page  12U,  XaXxô;,  monnaie  de  cuivre. 

Et  enfin,  page  280,  A(/aXxov,  ou.  to,  la  quatrième  partie 

de  l'obole.  R.   oî;,yaXxô;. 

Je  passe  condamnation   à   M.  Cavedoni  sur  le  oi/<xXxo'» 


KT    DISSERTATIONS.  XOl 

mais  iï  condition  qu'il  me  rendra  la  pareille  sur  le  TptyaXxo;, 
elle  /iXx(5<;. 

Hàlons-nous  de  dire  que  M.  Madden  reconnaît,  par 
Texainen  des  monuments  mêmes,  que  le  monogramme  en 
question  ne  peut  être  la  croix  ansée.  Je  Yen  remercie  de 
tout  mon  cœur. 

Aguippa  I". 

M.  Madden,  à  propos  des  pièces  au  parasol  et  aux  trois 
épis  que  j*ai  restituées  à  Agrippa  I*%  se  range  sans  bésiler 
à  mon  avis,  et  j'en  suis  heureux.  Je  ne  suis  donc  plus  le 
seul  à  être  dans  le  vrai.  Frappé  de  l'assertion  d'Eckhel 
sur  l'existence  de  monnaies  identiques  portant  les  dates 
L  €,  Z,  0,  assertion  dont  j'ai  contesté  l'exactitude,  et  que 
M.  Cavedoni  a  pensé  devoir  maintenir,  M.  Madden  a  cru 
bien  faire  en  prenant  des  informations  partout  où  il  existe 
des  collections  de  monnaies  judaïques,  et  voici  en  quels 
termes  il  expose  le  résultat  de  son  en(|uéte  : 

It  is  worthy  of  remark  tliat  neither  at  (lopenhagen,  nor 
at  Vienna,  nor  at  Berlin,  is  tliere  a  pièce  of  Agrippa  with  a 
biglier  numéral  than  6,  nor  1  niay  add  eiiber  at  tbe  Britisli 
muséum,  or  in  tbe  collection  of  Mr.  Wigan.  llere  tbe  matter 
wonki  bave  rested,  bad  not  tbe  following  coin  been  recently 
publishcd  by  tbe  Rev.  H.  (1.  Reicbardt  as  forming  part  of 
bis  collection. 

2  Obv.  ArPin...  ty|Xî  oblitéra ted. 

Rev.  tbreeears  of  corn.  In  tbe  field,  to  rigbt  and  lefl  L.  H. 
(year  8) . 

Je  n'ai  aucune  raison  de  suspecter  la  loyauté  avec  la- 
quelle cette  lecture  a  été  accomplie;  mais  j'avoue  que  je 
voudrais  voir  la  piècn  pu  nature.  Il  est  si  facile  de  se  faii-c 


392  m(:moires 

illusion  quand  il  s  agit  du  décbiiïrement  d'une  médaille 
mal  conservée.  En  tout  cas,  s  il  existe  en  réalité  une  autre 
date  que  L.  Ç.  sur  les  monnaies  hiérosoly mitaines  d'A- 
grippa  I",  il  faut  avouer  que  j'ai  bien  du  guignon.  Eckbel 
trouve  au  cabinet  de  Vienne,  très-probablement,  des  date» 
€,  Z  et  0  qui  n'y  sont  plus,  et  dont  je  n'ose  pas  admettre 
Texistence  plus  que  je  ne  l'ai  fait  jadis;  dans  le  voyage 
que  je  viens  d'accomplir  je  ramasse  tout  ce  qui  se  présente 
de  monnaies  de  ce  genre;  j'en  rapporte  cinquante- cinq 
exemplaires,  et  il  n'y  en  a  pas  un  qui  ne  soit  de  Tannée 
Ç"  =  61  Quand  j'ai  publié  mon  livre,  j'avais  au  moins  exa- 
miné cinquante  autres  exemplaires  provenant  de  Jérusalenu 
En  voilà  donc  plus  de  cent  qui  me  passent  par  les  mains, 
et  tous,  sans  une  seule  exception ,  m'ont  toujours  présenté 
la  date  L.  Ç".  En  fin  de  compte,  je  croirai  à  une  autœ  date 
quand  je  l'aurai  vue,  de  mes  yeux  vue.  Jusque-là  je  fais^ 
plus  que  douter,  car  je  suis  bien  tenté  de  nier  *. 

Procurateurs  romains  de  Judée^ 

L^excellent  livre  de  M.  Madden  nous  donne  une  char- 
mante pièce  de  l'année  3  de  Tibère  (page  144) ,  déjà  dé- 
crite par  le  Rév*  Ueichardt  dans  le  Numismatic  ChronicU 
(  N.  S.,  vol.  11, p.  274) ,  et  par  mol-même  dès  1855,  dans  le 
Bulletin  archéologique  d«  /'  A  thhio'Um  /Vanfrtt*»  janvier  1 855, 
p.  5  et  6.  J'ai  eu  Theureuse  chance  d'en  trouver  deux 
exemplaires  à  Jérusalem,  pendant  mon  dernier  séjour.  La 
figure  donnée  jmr  M.  Madden  est  assez  bonne  pour  qu'il  soit 


'  AjoutonR  que  dans  los  cartons  de  MM.  Rollîn  rt  Fouardent  j'ai  vérifié  snr 
plus  do  CENT  «•xcmpîairc*  la  prôscncc  rxchisivo  et  con.-iante  de  la  date, 
l'an  VI. 


ET    DISSERTATIONS.  393 

absolumcQt  superflu  de  songer  à  en  donner  une  nouvelle. 
Quant  aux  monnaies  du  règne  d'Auguste  et  aux  dates 
qu'elles  portent,  je  me  rangerai  très-volontiers  à  Topinion 
de  M.  Mominsen  qui  y  voit  la  notation  des  années  des  Au* 
gustes,  au  lieu  des  années  de  Tère  actiaque,  aussitôt  que 
j'aurai  pu  constater  l'existence  des  monnaies  de  celte  classe, 
munie  des  dates  LF  et  L€.  J'ai  fait  prier  par  un  amiconmmn 
le  Rév.  Reichardt  de  me  gratifier  de  deux  bonnes  empreintes 
des  pièces  qu'il  possède  et  qui  portent  ces  deux  dates,  que 
j'ai  suspectées  jadis.  Je  les  attends  toujours;  mais  dès  que 
je  les  aurai  constatées,  je  m'empresserai  de  faire  amende 
honorable  sur  ce- point. 

Je  n'ai  plus  qu'un  mot  à  ajouter  à  propos  de  cette  série 
de  monnaies  frappées  à  Jérusalem,  c'est  que  M.  Madden 
donne  exactement  les  mêmes  que  moi ,  et  que  par  consé- 
quent le  soin  extrême  qu'il  a  mis  à  réunir  les  matériaux  de 
son  beau  travail,  prouverait,  quand  bien  même  il  ne  le  dî- 
mit  pas  fort  explicitement  parfois,  que  certaines  dates  aux- 
quelles je  me  suis  refusé  à  croire,  ne  sont  pas  plus  dignes 
de  créance  pour  lui. 

ilounaies  des  ttlrarqves  el  des  rois  de  la  dynastie  d  HérodeSy 
non  frappées  à  Jéru,^alein. 

Je  ne  m'occuperai  des  monnaies  de  cette  classe  que  pour 
adresser  mes  sincères  félicitations  à  M.  Madden  pour  le 
bel  ensemble  de  monnaies  dont  il  a  le  premier  réuni  les 
figures  dans  son  excellent  livre.  Il  a  produit  là  un  travail 
qui  manquait  encore  à  la  science,  et  nous  devons  lui  en 
savoir  un  gré  infini. 

Je  suis  heureux  d'être  à  même  de  fermer  une  lacune 
dans  la  série  dos  monuments  qu'il  décrit,  et  d'autant  plus 


39  A  MÉMOIRES 

heureux  qu'il  s  agit  cVune  pièce  des  plus  importaiites, 
ainsi  qu'on  va  le  voir.  A  la  page  111  du  livre  de  M.  Madden, 
je  lis  ceci  : 

Agrippa  I.  and  11. 

1.  Obv.  BAEIAEVE  AFPinn AE  head  of  Agi  ippa  I  with 
diadem. 

/ti?r.  AlPinilA  riOE  BAE  (iXsw;)  Agrippa  II  on  borse- 
back.  ^. 

«  This  coin  is  desciibed  by  Wise  (  Cataloffue  of  coins  in 
(he  noileian  library^  Oxford^  p.  H8)  who  saw  it  in  the 
hands  of  a  friend,  David  Bosanquet.  There  is  a  woodcut 
given  of  it,  and  it  somewhat  resembles  the  coins  of  Antio- 
chus  IV  Epiphanes,  King  of  Coniinagene,  on  wbich  his  two 
sons  (BASlAEiîi  YIOI)  Epiphanes  and  Callinicus  are 
represenled  on  horseback.  Agrippa  I  appears  to  bave 
treated  this  Antiocbus  and  otber  kings  with  entertainments 
at  Tiberias.  A  siniilar  coin  is  described  by  Mionnet 
(Suppl.,  vol.  Vin,  p.  36i  )  from  Sestini  and  attributed  to 
Agrippias  Anthedon.  Beneath  ihe  horsenian  on  the  reverse 
is  the  date  L  B  (year  2).  Thèse  coins  are  not  above 
suspicion,  and  I  am  not  aware  if  spécimens  now  exist.  » 

Cette  rare  monnaie,  je  Tai  retrouvée,  et  j'en  place  la 
figure  sous  le  n°  9  de  la  pi,  XVI.  C'est  bien  YIOV  que 
porte  la  légende  du  revers,  et  non  TlOE,  comme  l'avait 
cru  Sestini  \ 

liévolies  des  Juifs  conlre  les  Romains. 

Depuis  l'apparition  de  mon  livre,  la  plus  importante 
des  conquêtes  pour  la  classe  des  monnaies  se  rattachant 

*  Ultere  di  vmtin,^  i.  V,  p.   103. 


ET    DISSERTATIONS.  395 

aux  giieiTOs  dos  Juifs  contre  les  Romains,  cest  la  lecture 
(lu  nom  Éléazar  sur  des  uïonnaies  d'argent  et  de  cuivre  rpie 
M.  de  Vogué  a  le  premier  interprétées.  Depuis  lors  M.  Lévy 
a  cherché  à  débrouiller  le  chaos  des  monnaies  données 
en  masse  par  moi  à  Bar-Kaoukab  ;  ses  observations  sont  en 
général  très-fines  et  très-ingénieuses,  plus  ingénieust^s  que 
probantes  en  certains  cas,  mais  pour  moi,  bien  entendu! 

Les  surfrappes  jouent  nalurelleuient  un  très-grand  rôle 
dans  le  travail  de  classification  de  M.  Lévy  ;  c'était  tout 
naturel  ;  mais  je  crains  que  ce  savant  n'ait  été  un  peu  trop 
loin  en  n'attribuant  à  Simon-Bar-Kaoukab  que  ce  qui  est 
surfrappé  de  façon  à  forcer  cette  attribution,  et  en  repor- 
tant des  pièces  identi(|ues  aux  chefs  juifs  qui  ont  joué  un 
grand  rôle  dans  la  prenuère  révolte  qui  amena  le  siège  de 
Titus,  tels  que  Simon,  (ils  de  Gioras,  Simon,  fils  de  Gama- 
liel,  et  Ananus,  fils  d'Ananus. 

Vue  objection  peut  être  élevée  contre  ce  système.  Cont- 
ment  ne  pas  donner  la  même  origine  à  des  monnaies 
identiques,  je  le  répète,  de  types,  de  style,  de  taille,  de 
fabrique,  et  cela  pour  la  seule  raison  que  les  unes  ont  ét(V 
frappées  sur  des  flans  neufs  et  les  autres  sur  des  flans 
déjà  empreints  de  types  étrangers,  surtout  quand  entre 
l'émission  de  celles  que  l'on  considère  comme  les  plus  an- 
ciennes et  l'émission  des  dernières,  il  s'est  écoulé  soixante- 
cinq  îins  au  moins?  On  est  condamné,  pour  justifier  cette 
manière  de  voir,  à  admettre  ([ue  les  coins  primitifs  ont 
été  conservés  précieusement,  afin  de  ressei-vir  aussi  tard. 
J'avoue  que  j'ai  bien  de  la  peine  à  croire  cela,  et  je  ne  suis 
pas  le  seul;  car  dans  le  dernier  travail  de  M.  Cav.nloni,  jo- 
lis ceci  (pag.  28j  :  «Dubiio  peraltro,  che  il  ch.  Levy  abbia 
«  di  troppo  arricchita  la  série  délie  monete  délia  prima  ri- 
a  voltaa  discapito  di  quelle  dclla  seconda.  ')  Pour  mi  part,, 


39G  IILMOIRES 

je  n'ose  me  prononcer  encore  sur  ce  point   de  doclrine, 
et  je  me  borne  quant  à  présent  à  émettre  mes  doutes. 

Mais  à  propos  des  surfrappes,  toujours  si  intéressantes 
à  étudier,  je  dois  répondre  quelques  mots  à  MM.  Gavedoni 
et  Madden  qui,  sans  le  vouloir,  j'en  suis  bien  convaincu, 
me  prêtent  une  pensée  que  je  n'ai  jamais  eue,  ni  même 
jamais  pu  avoir,  moi  qui  ai  fondé  la  classification  des  mon- 
naies byzantines  précisément  sur  Tétude  attentive  des  sur- 
frappes. Au  sujet  des  monnaies  judaïques  on  me  fait  dire 
([ue  les  surfrappes  n  ont  aucun  intérêt;  mais  c'est  là  un 
reproche  tout  gratuit  et  que  je  suis  fort  loin  d'avoir  mérité. 
Je  vais  le  prouver. 

Quand  j'ai  publié  mon  livre  sur  la  numismatique  ju- 
daïque, j'ai  traité  la  question  si  importante  des  surfrappes, 
pages  11  et  suivantes,  et  j'en  ai  tiré  bon  parti,  je  crois, 
puisque  j'en  ai  conclu  ce  qu'en  avait  conclu  le  savant 
Kckhel,  bien  longtemps  avant  moi. 

Lorsque  M.  Cavedoni  publia  la  première  critique  de  mon 
travail,  il  signala  quelques  pièces  surfrappées,  offrant  des 
fragments  de  légendes  et  de  types  primitifs,  n'apprenant 
absolument  rien  de  plus  que  ce  que  nous  apprennent  les 
pièces  de  Vespasien,  de  Trajan  et  d'Hadrien  décrites  et 
figurées  par  moi.  Comme  c'était  de  la  numismatique  juive, 
et  non  de  la  numismatique  romaine  que  je  m'occupais,  un 
seul  fait  bien  établi  de  surfrappe  sudisait  amplement.  A 
quoi  bon  les  multiplier  et  qu'importait  que  telle  pièce  ou 
telle  autre  des  empereurs  précités  eût  reçu  l'empreinte  ju- 
daïque? Ce  qu'il  importait  d'établir,  c'est  que  l'événement 
qui  avait  fait  naître  ces  surfrappes  était  postérieur  à  l'avé- 
nement  d'Hadrien.  Or  les  pièces  mentionnées  par  M.  Cave- 
doni ne  nous  apprenaient  que  ce  que  nous  savions  déjà 
par  les  pièces  que  j'avais  publiées  et  figurées.  N'étais-je 


ET    ftlSbERTAtlONS.  %K>^ 

pas  dès  lors  en  droit  de  dire  ce  que  je  disais  {Rev.  num.^ 
1857,  p.  297  et  298)  :  «  En  énumérant  les  pièces  de  Simon 
u  Barcocébas,  M.  (lavedoni  en  cite  un  certain  nombre  qui 
«  ont  été  par  nioî.^..  omesse  o  dimeniicatt^.  Que  M.  Cave-. 
«  doni  veuille  bien  remarquer  que  CES  pièces  sont  presque 
ï«  toutes  distinguées  de  celles  que  j'ai  décrites  par  des 
fc  fragments  de  légendes  ou  des  types  surfrappés.  Comme 
w  CES  fragments  de  légende  n'apprennent  absolument 
t!  rien  d«  nouveau  pour  la  numismatique  judaïque,  lors 
H  même  que  j'eusse  vu  ces  pièces,  je  n'aurais  pas  cru  utile 
n  de  les  faire  figurer  dans  mes  planches.  Quant  aux  pièces 
te  offrant  des  combinaisons  nouvelles  des  types  connus,  je 
«  me  plais  à  reconnaître  que  M.  Cavedoni  a  rendu  un  véri* 
Xi  table  service  en  les  décrivant  dans  son  catalogue.  » 

Certes  je  ne  devais  pas  m'attendre  à  ce  que  ce  passage 
raisonnable  de  ma  réponse,  m'attirerait  la  tirade  suivante 
que  je  trouve  aux  pages  30  et  31  du  nouveau  travail  cri- 
tique de  M.  Cavedoni  :  'cNell'  Appf»ndîce  (p.  54,  not.  32)  io» 
«  le  descrissi  e  coutrosegnai  con  asterisco,  per  indicare 
«  che  furonoomesse  o  dimenticate  dal  ch.  de  Saulcy.  Egli. 
M  rispose  (jR^^r.  num,  fr.,  1857,  p.  297)  :  «  Ch*  io  dovea 
«  ben  rimarcare,  che  le  moïKîte  da  esso  lui  omesse  sono 
«  quasi  tutte  distinte  da  avanzi  di  epigrafi  o  lipi  reimpressi; 
«  e  che  siccome  COTALI  avanzi  non  ne  in^egnano  assoluta- 
f»  mente  nienle  di  nuovo  per  la  numismatîca  giudalcù , 
((  quand'  anche  egli  avesse  veduto  quelle  monetc,  non 
(«  avrebbe  punto  creduto  utile  di  farle  Hgurare  nelle  sue 
<(  tavole.  ))  Ma,  di  grazia,  corne  mai  poieva  egli  asserire, 
'<  che  quelle  traccc  di  motiele  latine  e  greche  récuse  non  ne 
u  insegnano  assolutamente  nulla  di  nuovo  per  la  numisma- 
<c  tira  giuda'ica,  quando  daesse  per  appunto  il  Barthélémy, 
«  riîckhel,  ed  ALTRI  arguirono,  clif»  una  paite  délie  moncte 


398  IlÉMOIRLS 

((  altribuite  in  prima  a  Simone  Asmonco  fu  indubitameote 
«  impressa  negli  anni  délia  seconda  guerra  giudaîca  sotto 
((  Adriano,  vale  a  dire  un  tre  secoli  più  tardi  di  quelle 
«  che  si  credeva?  Ed  ora  il  ch.  Levy  a  lutta  ragione,  rav- 
n  visa  il  criterio  più  certo  ed  évidente  per  discernere  le 
«  monete  délia  seconda  guerra  giudaîca  da  quelle  délia 
u  prima.  » 

Il  y  a  un  proverbe  italien  fort  sage  qui  dit  :  Tradutlore 
traditore.  M.  Cavedoni  aurait  dû  transcrire  textuellement 
mes  paroles  ;  il  n'aurait  pas  rendu  le  pronom  ces  se  rappor- 
tant aux  pièces  mentionnées  par  lui,  par  le  mot  colnli  qui  a 
un  sens  beaucoup  trop  général,  et  qui  a  été  introduit  dans  la 
phrase  écrite  par  moi,  pour  me  donner  un  tort  que  je  n'avais 
pas.  M.  Cavedoni  aurait  dû  se  souvenir  de  ce  que  j'avais 
écrit  dans  mon  livre,  aux  pages  11  et  suivantes^  il  aurait 
pu  au  lieu  du  mot  ALTRI  placé  à  la  suite  des  noms  de  Bar- 
thélémy et  d'Eckhel,  inscrire  mon  nom,  et  tout  aurait  été 
régulier.  Il  n'en  a  rien  été,  et  pour  appuyer  plus  sévère- 
ment encore  sur  une  critique  qui  n'était  pas  suflisamment 
justifiée,  M.  Cavedoni  a  oublié  ce  qu'il  avait  écrit  lui-môme 
trois  pages  plus  haut,  à  propos  de  la  nouvelle  classifica- 
tion de  M.  le  D'  Lévy,  pour  se  donner  à  lui-même  le  plus 
formel  démenti. 

Je  m'étonne  que  M.  Madden  (p.  204)  ait  accepté  l'as- 
sertion de  M.  Cavedoni,  et  qu'il  ait  écrit  la  phrase  suivante, 
qui  est  véritablement  injuste  : 

«  Thèse  re-struck  coins  weie  ihought  by  de  Saulcy  to  be 
«  of  little  value,  and  to  teach  nothing  new  in  référence 
«  to  Jewish  numismatic  {Rev.  fiwm.,  1857,  p.  298),  and 
(c  many  of  ihem  are  in  conséquence  omitted  by  him.  But 
«  it  is  by  thèse  re-struck  coins  that  Eckhel  and  otbers  hâve 
«  argued  that  a  part  of  the  coins  at  onc  time  attributed 


PT    IHSStKlAllONS.  390 

u  lo  Simon  Maccaba^us  werc  undoubietlly  struck  uuder 
«  Hadrian,  and  iiow  in  lliis  last  arrangement  of  Jewisli 
«  coins,  Levy,  in  thèse  fragments  of  legends  and  resuik- 
<«  ings,  finds  the  most  certain  critérium  to  distinguish  the 
<(  coins  of  the  second  Jewish  war  from  those  of  the  first.  »> 
(Cf.  Cavedoni,  Nuovi  sludi  aopra  le  mon.  ant.  giud., 
p.  30). 

Je  n'ai  pas  d'autre  réponse  à  faire  à  ce  passage,  qui  re- 
produit textuellement  celui  de  M.  Cavedoni,  que  celle  que 
j'ai  faite  tout  à  Thcure.  Elle  s  applique  parfaitement  en  effet 
à  l'un  et  à  l'autre. 

A  propos  de  la  grande  pièce  de  cuivre  de  Simon,  nas'i 
d'Israël,  placée  dans  les  tiroirs  du  Cabinet  impérial,  et  qui 
a  été  publiée  pour  la  première  fois  par  Bayer,  qui  Ta  fait 
graver  sur  le  titre  de  son  ouvrage,  M,  Madden  déclare  (lue 
la  lettre  )K  du  nom  pvctt?  est  fautive.  Il  a  parfaitement  rai- 
son. J'ai  été  au  Cabinet  des  médailles  m' assurer  du  fait,  et 
j'ai  reconnu  la  justesse  de  l'observation  importante  de 
M.  Madden. 

Monnaies  impérliles  coloniales  frappées  à  Jérusalem. 

M.  Madden  donne  la  description  de  neuf  variétés  qui 
m'étaient  inconnues  lorsque  j'ai  publié  mon  travail.  C'est 
une  excellente  acquisition.  Il  est  seulement  à  regretter 
r|u'il  ne  lui  ait  pas  été  permis  de  faire  graver  les  figures 
de  ces  rares  monnaies. 

Kn  résumé,  mon  cher  ami,  vous  voyez  que  la  science  des 
monnaies  judaïques  a  progressé.  Elle  progressera  encore, 
n'en  doutons  pas,  lorsque  les  numismatisles  qui  s'en  occu- 
pent regarderont  comme  p(u  d.gnes  d'eux  les  critiques 


AOO  MÉMOIRES 

malveillantes,  et  mettront  leur  amour-propre  de  côté,  pour 
faire  servir  leurs  efforts  à  Favanœment  de  la  science,  et 
non  à  leur  gloriole  personnelle. 

Dans  une  seconde  lettre  qui  suivra  bientôt  celle-ci,  je 
vous  soumettrai  un  certain  nombre  de  pièces  nouvelles  que 
j'ai  été  assez  heureux  pour  recueillir  pendant  mon  dernier 
voyage. 

Mille  amitiés.  F.  de  Saulcy. 

Pari.%  30  août  1864. 


ET   DISSERTATIONS.  ikOl 

NUMISMATIQUE  MÉROVINGIENNE. 

RECTIFICATIONS  ET  MONNAIES  INÉDITES. 


{V\.  XVII.) 

I 

Si  la  série  des  monnaies  mérovingiennes  peut  ofTrir  des 
éléments  nombreux,  et  en  quelque  sorte  authentiques,  pour 
l'étude  de  la  géographie  de  la  France  du  vi*  au  vjii*  siècle, 
il  faut  que  les  légendes  soient  déchiffrées  de  manière  à  ne 
pas  laisser  accréditer  d'erreurs.  11  y  a  donc  urgence,  dès  à 
présent,  de  reviser  avec  soin  les  listes  qui  ont  été  dressées, 
afin  de  faire  disparaître  certaines  lectures,  sans  cesse  re- 
produites, sources  d'erreurs  pour  les  érudits  qui  les  ac- 
ceptent de  confiance.  Je  vais  proposer  aux  numismaiistes 
quelques  rectifications  qui  me  paraissent  ne  pas  devoir 
soulever  d'objection  *. 

*  Il  est  de  toute  justice  de  signaler  les  rectifications  proposées  par  M.  Pon- 
ton d*Am<^conrt  dans  son  Essai  sur  la  numismatique  mérotingieime  comparée  ù  la 
Géographie  de  Grégoire  de  Tours  : 

Au  lieu  de  AGNETISICO  — VIPOLINO  =  AGRIGISILO  — VIDOCINO 
c         BARACILLO  —  DYOMOVRA  =  BARACILLO  —  VRADIOMO 
«         MADOBODVO— GATDVMO  =  GVNDOBODVS— MATOVALLO 
c  R  ANCIOF  —  CAiNOmOMO  =  FRANCIO  —  CAMDONNO 

«  FANILIO  —  MONOALDVS  =  ANICIO  —  MONOALDVS 

t  BAIOCAS  —  AVTmiVSO  =  BEOREGASCIV-  ANTIDIVSOMO 

c  ...DVNILS  — EVD0L1NVS=  LVGDUNJIS  — EVDOLINVS 

t        ,..DVN!SFIT  — ..,A'^:as=smvNisFiT  — 


A02  \i^:moiui:s 

I.  Bacaciaco,  Saraciaco.  Sons  le  n**  180  \  M.  (i.'irtier 
père»  d'après  le  cabinet  Dassy,  menlionne  un  triens  por- 
tant BACACIACO  —  BODONEMO,  en  raitribuant,  avec  le 
signe  du  doute,  à  Bavay  :  je  le  retrouve  dans  les  tables  gé- 
nérales de  la  Hevue  numismatique  sous  le  n**  173  ". 

Dans  ces  mêmes  tables,  sous  le  n"  952,  je  remarque  les 
légendes  SARACIACO  — DODO,  attribuées  à  Sarrazac  (Dor- 
dogne).  Cette  pièce  qui,  en  réalité,  porte  +  SARACIACO 

h  BODONE  MONEI,  a  été  publiée  par  M,  de  Long- 

périer  '  :  à  cette  oecasîoi)  mon  savant  ami  proposait  de 
considérer  Bagaciavo  comme  une  mauvaise  lecture  à  sup- 
primer.  Je  crois  cette  correction  incontestable,  et  si  Je  la 
rappelle  ici,  c'est  que  M.  Cartier  a  oublié  de  la  noter  lors- 
qu'il rendait  compte  de  l'ouvrage  auquel  je  viens  de  faire 
allusion  \ 

II.  Silvanectl^  Silaniaco.  Ces  noms  de  lieu  se  trouvent 
tous  deux  dans  les  catalogues  rédigés  par  M.  Cartier,  avec 
la  mention  du  monnoyer  Abundantius.  L'erreur  me  semble 
provenir  du  Catalogue  raisonné  des  monnaies  nationales  de 
France.  Dans  la  liste  des  Monneieries  ntérovingiennef, 
M.  G.  Conbrousc  s'exprime  ainsi  sous  le  n°731  6m  :  u  Senlis 
«  plutôt  que  Scignelay  :  TIIODAINAIIS,  croix  liaussée. 
«  —  ABVNDANTIVS  MO,  profil  gauche  casqué  (coll.  Car- 
et tier),  »  Quelques  lignes  plus  bas,  sous  le  n*  732,  je  lis  : 
«  Senlis  :  SILVANEC...  profil  gauche  —  ABVNDANTIVS  M, 
«  croix.»  La  collection  où  devait  se  trouver  ce  dernier  triens 
n'est  pas  indiquée,   et  je  no  sais  pas  trop  pourquoi  le 

«  Hnxtenum.,  IH-iO,  p.  2?1. 

*  Tabtrs  générales  et  raisonnèes  des  vingt  volumes  de  la  jtremiere  série^  p.  1CÎ> 
fet  200. 

'  Notice  xtir  la  coll.  Rousseau,  1847,  p.  79,  n«  183. 

*  Revu.'  num.j  1819,  p.  225  et  suiv. 


liT    DISSERTATIONS.  &03 

n*  732  est  coté  50  fr.,  tandis  que  le  n*  731  bis  n'est  estimé 
^(ue  35  fr. 

Le  triens  de  Silaniacum  a  été  publié  dans  la  Revue 
en  1839  (p.  439,  pi.  XVIII,  n»  25)  par  M.  Cartier  qui 
ne  proposait  pas  d'attribution  :  nous  le  retrouvons  dans 
la  Monographie  des  monnaies  mérovingiennes  du  Limousin^ 
par  M.  Deloche  (p.  229,  n*  97,  pi.  III )^  mon  confrère, 
après  avoir  rappelé  Salagnac  (Dordogne),  Silignac  (Ain), 
Seligny  (Indre-et-Loire),  propose  de  chercher  dans  l'Or- 
léanais le  lieu  d'émission  ^  —  En  tout  état  de  cause, 
il  faut  rayer  Abundantius  de  la  liste  des  monnoyers  de 
Senlis. 

m.  Auriaco^^  Gav..  .iaco,  Coraru.  Bouteroue  et  Le- 
blanc donnent  la  description  d'un  triens  aux  légendes 
GAV...IAGO  — ARIMVN>  :  Lelewel  rapproche  cette  pièce 
d'un  tiers  de  sou,  portant  le  nom  du  môme  monnoyer,  sur 
lequel  Pctau  (1049,  E,  11)  a  lu  AVR  +  lACOS.  Le  savant 
polonais,  en  combinant  ces  deux  légendes,  proposait  d'y 
voir  Gaurciaco^  pour  Gavarciaco^  Jarzay  en  Poitou.  A  la 
planche  XXXVII  de  son  atlas,  Lelewel  laisse  deviner  qu'il 
est  porté  à  rapprocher  ces  triens  de  celui  qui  offre  les  lé- 
gendes CORARIA  —  ARIMVND  dans  la  collection  Ducas.  Je 
crois  que  la  véritable  lecture  est  CORARIA  — ARIMVNDI 
que  je  lis  très-distinctement  sur  un  exemplaire  de  la  col- 
lection de  S.  A.  le  prince  de  Fnrstenberg,  et  que  l'on  doit 

*  11  y  a  lieu  peut-Être  de  rappeler  ici  le  Seliniacum  villa  mentionné  dans  la 
Chronique  de  Saint-Bénigne  de  Dijon,  h  propos  des  libéralités  du  roi  Contran  : 
M  Et  omniaqu»  nunc  usque  nd  possessionem  ]H?rliuent  liujus  loci,  a  ponte  Dî- 
vionis  nsque  Floriacu/n  villam  contulit  memoratus  princcps  sancto  martyr! 
Beniguo  :  in  Biciso  scilicet,  in  villa  Colonias  dicta,  in  Ploraberias,  in  Soli- 
nîaco  (vel  Siliniaco',  in  Sconsio,  in  Villnri,  in  Canipinîaco,  in  Lanterinnaro, 
in  Girone,  in  Corcella-î,  in  Flaviuiaco,  in  Prnnido,  in  Jussiaco,  in  Matriniaco, 
in  Barbiriaco,  etc.  »»  iSpidl,  iVArhery,  1370,\ 


renoncer  à  relrouver  les  légendes  Auriacos  et  Gai\..iarik 
(|)1.  XVII,  n»  15). 

IV.  Mavoso,  MosoMO.  Le  premier  de  ces  mots  est  donné 
l)ar  le  Catalogue  de  Rnncsse  :  cette  pièce  mal  lue,  au  nora 
du  raonnoyer  Teiédomarea^  n'est  autre  chose  qu'un  triens 
de  Mosomo  :  on  peut  le  déchiffrer  facilement  sur  le  dessio 
de  Conbrouse,  bien  qu'en  le  reproduisant,  le  dessinateur 
ait  été  évidemment  influencé  par  la  mauvaise  lecture. 

V.  Acenno  n'ri,  Agejïno  fiet.  Sous  le  n*  167  de  la  table 
générale  de  la  Revu^,  je  lis.  AVENNO  CIVI,  Avignon?  — 
HONNIRO.  Le  triens  figure  dans  les  planches  dçs  020  «»cv- 
vrtaires,  seulement  sur  le  revers  on  lit  plutôt  MOHHIL.v 
OUI.  La  véritable  leriure  est  AGENiNO  FIET  —  NO?tM- 
TOMONE.  11  ne  faut  pas  s'arrêter  h  la  leçon  avenno,  le  t\ 
placé  ici  inconsidérément,  n'est  que  le  bas  d'un  g  dont  la 
partie  supérieure  a  disparu. 

VI.  Atujus^tfduuiwi^  AusTA.  Le  monéiaiti'c  Santolus  doit 
être  retranché  (Je  la  série  des  tiers  de  sou  d'Autuo  :  il  y  a 
été  inscrit  sur  la  foi  de  Mader  qui  civait  attribué  à  l'ancienne 
Ihhracle  un  triens  incom])let  dont  nous  connaissons  aujour- 
d'hui un  exemplaire  bien  conscivé  au(|uel  il  ne  manque 
pas  une  lettre  :  il  porte  A\STA  FIT  —  SANTOLVS  MO- 
MAllIO.  M.  Fillon  a  déjà  signalé  cette  erreur  il  y  a  dix 
ans*,  et  cepcudanton  imprime  encore  aujourd'hui  la  lec- 
ture de  Mader. 

J'avoue  que  je  ne  puis  partager  l'ophiion  de  mon  savant 
ami  sur  l'attribution  de  ce  triens  qu'il  donne  à  la  cité 
d'Aoste  :  son  slyle  le  place  dans  la  Viennoise  ou  dans  la 
première  Lyonnaise,  et  je  préférerais  Aouste  (Drôme). 

VIL  Iriliavo,  (irialaco,  Hialaco.  11  existe  plusieurs  va- 

^  Lettres  à  J/.  Dnjisl  Mat'f'ux,  p.  47,  \A,  K  12. 


KT    mSSKKTATIO.NS.  A05 

riélés  du  inoniioyer  Launonumdus,  dont  le  nom  d'atolir'r  a 
été  lu  de  diverses  miuiières.  M.  Cartier  propose  IllALA- 
COCI  \  M.  Fillon  se  prononce  pour  IRILIACOFl  '  ;  d'autres 
numisniatisles  ont  lu  CIRIALACO.  Après  avoir  étudié  avec 
attention  plusieurs  exemplaires  de  coins  différents,  je  crois 
que  l'on  doit  s  arrêter  à  la  leçon  RIALACO,  tout  au  plus  si 
quelquefois  on  peut  lire  H1ALAC0<I,  pour  Rialaco  rtVo, 

VIII,  Baidedriio^  Obacteoht4,  Pontkpeirio.  Sous  le 
n"  144  de  son  catalogue,  M.  Cartier  père,  d  après  les  noies 
nianuscriies  de  Lelewel,  signale  un  tiers  de  sou  portant 
BERTERICO  MON!  —  RAME  +  DRITO;  cette  pièce  doit 
évidemnjent  être  rapprochée  d'une  pièce  du  Cabinet  de 
France  sur  laquelle  je  lis  BERTERICO  MOM  —  OBAYTE  + 
ORTI,  DAVTEORTIO  ou  ORTIOBAVTE  (pi.  XVII,  n«  12).  J'ai 
trouvé  dans  la  collection  de  M.  Gillct,  h  Nancy,  un  tiers 
de  sou  qui  offre  avec  ceux  que  je  viens  de  signaler  une  telle 
analogie,  qu'on  ne  peut  se  dispenser  d'en  parler  ici  : 

PONTE  PETRIO,  buste  diadéuié  à  droite. 

H'.  BERTERIGORONI.  Croix  cantonn<^e  de  quatre  points, 
dans  une  couronne  de  feuillage  :  grènetis  autour  de  la 
pièce,  ls%30  (pi.  XVU,  n»  13). 

Crégoire  de  Tours  parle  d'une  localité  à  laquelle  on 
peut  attribuer  le  triens  en  question  dont  le  style  austrasieu 
est  inconteetable.  C'est  le  lieu  où  Childebcrt  II  et  Contran 
se  rencontrèrent  pour  conclure  la  pai\  :  Post  hccc  Gunlchra- 
wnxia  rex  ad  Childeberium  ucputrm  suum  letjatos  miUit^  pa- 
ceni  pelens^  ac  difprecans  mm  vidnc.  Tune  ille  cum  proreri- 
Lus  suis  ad  eum  veuil  :  qui  ad  Pontem  qutin  Pctreum  vocUarU 
€Onjuficii  sunl  cons(i(ula,nli s  aiquc  invitem  osculanlcs  se\ 

«  Hecue  num.,  134r),  p.  231,  j.l.  XIV,  n«  17. 

'  Hêcue  num.,  1845,  p.  24. 

'  U.vjr.  Tur.  liist.,  V,  IB.  —  Aiiuoîu  mon.  f.#.i-  .  III,  27.  —  Chron.  djeSa4ut- 


AOO  MÉMOIRES 

Pontpierre  est  une  commune  du  département  de  la  Mo- 
selle, canton  de  Faulquemont;  je  préfère  ce  lieu  à  ses  ho- 
monymes, mêrae  à  Pompierre  des  Vosges,  canton  de  Neuf- 
château  *.  Reste  à  déterminer  l'autre  trions  de  Berîericus^ 
qui  doit  se  retrouver  dans  le  voisinage. 

IX.  Theudcberciaco-Lhadu1fo*;Tieudeherciac(hChadulfo  m'; 
Teudemciaco-Onarulfo^  ;  Teodeherciaco-Chadulfo  mo.  Il  faut 
lire  TnEUDEBERGiACO  et  Teudericiaco;  pour  tontes  ces  piè- 
ces le  nom  du  monnoyer  est  Chadulfus. 

Je  ne  sache  pas  que  Ton  ait  encore  pensé  à  rectifier 
franchement  la  légende  Teudemciaco  que  M.  Cartier  a  po- 
pularisée en  cherchant  à  plusieurs  reprises  à  Fattribuer  à 
Ghâteauneuf  en  Thimerais,  Theodomerense  castrum;  Cha- 
ditlfus  a  été  transformé  en  Onarulfus.  Par  son  type  cette 
pièce  doit  être  rapprochée  d'un  triens  de  Briou  où  un  mon- 
noyer du  nom  de  Chadulfus  a  signé  de  nombreux  tiers  de 
sou.  Cette  analogie,  d'ailleurs,  a  déjà  été  entrevue  par 
M.  Fillon». 

La  légende  Tieudeherciaco  est  due  à  ce  que  la  lettre  H 
qui  suit  le  T,  est  quelquefois  liée  à  l'E. 

X.  Valavo-Fracsus;    Balaovo^    tctraeguselo  ;   Balavo, 

Dcuis,  III,  18  :  ».  Gontrams  li  rois  d*Orliens  manda  ci  Bon  ucvcii  le  roi  Oiîl- 
^  delM^rt  le  roi  de  Metz  que  il  venist  encontre  lui  paisiblement  eu  la  marche 
"  des  dui  roijiumes  en  ung  leii  qui  est  appelez  Ponz  Perrouz.  « 

*  On  trouve  des  Pontpierre  dans  l'Ardèche,  Indre-et-Loire,  le  Loiret;  de» 
Pompierre  dans  l'Aisne,  le  Doubs,  Seine-et-Marne;  Pompiery  dans  les  BaKse»- 
Alpes  ;  Pierr«pon(  dans  rAisne,  les  Ardennes,  le  Calvados,  la  Manche,  la  Mo- 
selle, l'Oise,  la  Somme,  les  Vosges;  Pont-de- Pierre  dans  l'Aisne,  ln<'ôte-d'Or,la 
Loire,  le  Loiret,  la  Marne,  TOise,  le  Pas-de-Calais,  le  Puy-de-DGine,r Yonne. 

*  Revue  num.,  1840,  p.  232,  u«  551  ;  1856,  p.  303,  n*  1046. 

*  Monétaires  de  Duby. 

*  Rerue  ntim  ,  t.  1,  p.  406,  pi.  11;  t.  II,  p.  373;  t.  XI.  p.  122,  pi.  Vil; 
t.  XXI,  p.  201,  n"  1050. 

*  EtH.Ies  numisnialique.i,  p.  31. 


ET    DISSKinATIONS.  407 

fraeguseiom'.  Ces  (lifTérenles  lectures  sont  prises  sur  la 
même  pièce,  attribuée  tantôt  au  Puy-en-Velay,  tantôt  à 
Baillou  (Loir-et-Cher).  Lelewel,  qui  avait  vu  +  BALAOVO, 
pensait  que  le  nom  du  monnoyer,  dont  les  lettres  avaient 
été  transposées,  était  Traequ$elOy  ou  Guselo  [monetario)  '. 
Sur  Texemplaire  du  musée  de  Metz,  celui-là  même  que  le 
savant  polonais  a  été  à  môme  d'étudier,  je  ne  puis  lire  que 
BALAVO-FRAEGVSEIO  M, 

XI,  Orareaiio'-DRAVERNO.  Ce  triens,  jadis  conservé  au 
musée  de  l'hôtel  des  monnaies  de  Paris,  fait  aujourd'hui 
partie  des  collections  du  cabinet  de  France.  Son  attribution, 
qui  ne  peut  laisser  de  doute,  a  été  récemment  indiquée  par 
M.  d'Amécourt*.  Dravrrtium  estDravel,  près  de  Villeneuve- 
Saint-Georges  (Seine-et-Oîse) .  Dans  un  fragment  du  testa- 
ment de  Dagobert  I*%  en  635,  document  dont  l'authenticité 
est  contestée  par  Valois  et  Lccointe,  et  défendue  par  Ma- 
billon,  on  lit  que  ce  roi  donnait  à  l'église  Saint-Pierre  do 
Paris,  «VillamDravernumin  Briegio*.  »  J'ai  vu  mentionner 
aussi  un  triens  qui  aurait  porté  Avefano-Landericusw^  qui 
n'est  autre  chose  très-probablement  que  la  pièce  de  Dravel, 
dont  je  m'occupe  en  ce  moment. 

XII.  Domnirac^  Botwwacio,  Domim  ou  Domnibagio.  Dans 
le  catalogue  de  M.  Cartier,  publié  en  18iO,  je  remarque 
sous  len**  02  un  triens  qui  d'après  la  note  de  M.  Lambert, 
son  possesseur,  portait  AVNVLFO  — DOMNACIO  :  cette  pièce 
doit  être  rapprochée  de  celles  qui  sont  décrites  et  dcssi- 

»  Heruenum.,  1840 ,  p.   227  et  229,  n-»*  31*3  ot  456:    1856,  p.  170  et    207, 
îi-  187  et  1135. 

•  Aum.  du  moyen  âge,  p.  71,  pi.  IV,  23. 

•  MoDc^t aires  do  Duby. 

•  Oj).  laud.j  p.  7  <*t  (>2. 

'  Ilec.  t/t«  historifii.t  îles  Cmu/es,  lil,  p.  133,  note. 


/|0S  MÉMOIRES 

nées  dans  les  920  monétaires^  avec  les  légendes  RACfO- 
DOMINl  — AV.N.VL-FO,  dans  Le  Blanc  {n^  14),  et  Bou- 
teroue  (n*»  20) ,  avec  les  légendes  +D0MN1RAC— LAVDILFO- 

XIII.  11  y  a  un  triens  qui  a  eu  la  chance  d'être  lu  de  trois 
manières  différentes,  et  cependant  le  même  exemplaire  a 
passé  sous  les  yeux  des  numismatistes  qui  ont  cherché  à 
interpréter  sa  légende  :  je  me  hâte  d'ajouter  que  les  des- 
sins donnés  dans  la  Revue  numismatique  en  18A2  (pi.  XX, 
5)  et  en  1845  (pi.  I,  19)  sont  loin  de  se  ressemhler  : 
c'est  malheureusement  uu  argument  contre  la  confiance 
que  l'on  peut  avoir  quelquefois  dans  les  planches  des  ou- 
vrages les  plus  sérieux  :  le  graveur,  influencé  par  la  lec- 
ture qui  lui  est  indiquée,  ne  peut  s'empêcher  de  laisser 
paraître  celle-ci  plus  que  ne  le  permet  la  réalité.  Je  pour- 
rais citer  des  exemples  de  ces  erreurs  de  bonne  foi  dont 
nos  maîtres  les  plus  estimés  sont  quasi-coupables  :  il  me 
semble  que  dans  les  lectures  qui  peuvent  donner  lieu 
à  contestation ,  on  doit  prendre  pour  règle  de  laisser  le 
dessinateur  représenter  les  pièces  telles  qu'elles  sont,  sans 
aider  au  déchifjremenl.  Sur  le  tiers  de  sol  qui  nous  occupe 
en  ce  moment,  il  n'y  a  ni  NASARI  ni  FIANAME  ;  je  n'ai  pu 
y  voir  que  +IANA.  .,,  et  il  faut  s'abstenir  de  restitution 
et  par  conséquent  d'attribution  jusqu'à  ce  qu'un  heureux 
hasard  ait  fait  découvrir  un  exemplaire  plus  complet. 

XIV.  Bicfiia,  Icetu  ou  Icegia.  Le  catalogue  des  légendes 
des  monnaies  mérovingiennes  mentionne  un  tiers  de  sol 
portant  les  légendes  Bicclia  fit  cas —Maurus  mont.  Cette 
monnaie,  dessinée  dans  les  900  monétaires,  pi.  XXllI,  n«l, 
permettrait  presque  de  lire  plutôt  Dicetia.  Sur  une  eai* 
preinte  très-nette  du  seul  exemplaire  connu  qui  fait  partie 
de  la  collection  de  S.  A.  le  prince  de  Furstenberg,  je  lis 
ICeTlAFlTO  ou  ICGGIAFITC- Toutes  les  autres  lettres  sont 


ET    DISSERTATIONS.  409 

des  traits  empruntés  au  buste  de  l'efligie,  et  dans  lesquels 
on  a,  par  erreur,  voulu  voir  des  parties  de  la  légende. 

XV.  Turonus^  Tubnnus.  Nous  trouvons  ce  trions  dessiné 
par  M.  G.  Robert  dans  la  description  de  la  collection  Re- 
nault, n»  10;  l'exemplaire  du  cabinet  porte  TVFllNAS  :  je 
dois  faire  observer  que  la  lettre  que  je  rends  ici  par  un  F  a  une 
forme  tout  à  fait  insolite  :  c'est  plutôt  un  L  renversé  avec  un 
demi-cercle  attaché  à  la  haste  F  ;  c'est  sans  doute  ce  qui  fit 
lire  Tubnas  (R«i?Meimm.,  1838,p.273,pl.  X)  :  il  est  évident 
qu'il  faut  choisir  entre  Turonus,  Tufi:nas  et  Tubnas,  puis- 
qu'il s'agit  du  même  triens.  J'ai  constaté  dans  la  collection  de 
S.  A.  le  prince  deFurstenberg  un  exemplaire  d'une  très-belle 
conservation  sur  leqnel  on  lit  sans  hésitation  TVBNNAS  :  ce 
tiers  de  sol  est  d'autant  plus  important  qu'il  donne  la  va- 
leur de  la  lettre  bizarre  qui  est  gravée  sur  l'exemplaire  du 
cabinet  de  France.  En  tout  cas,  Laurufus  doit  être  retranché 
de  la  liste  des  monnoyers  de  Tours. 

XVI.  Avixia  ei  fit,  Auxia  ci  fil,  Tola...  saca,  Calolma 
Alisia  cas.  Nous  trouvons  la  seconde  leçon  dans  la  Table 
alphabétique  des  monnaies  mérovingietines  sous  le  n"  15.5,  la 
troisième  sous  le  n*  1070,  la  quatrième  sous  le  n*»  384.  J'es- 
time que  le  même  triens  a  donné  naissance  à  toutes  ces 
interprétations  et  qu'il  s'agit  là  de  la  pièce  d'Alise  Sainte- 
Reine,  que  j'ai  publiée  dans  la  Revue  archéologique^  et  que 
je  reproduis  ici.  Cette  rectification  est  utile  puisque,  dans 
l'estimable  ouvrage  de  M.  Ponton  d'Amécourt,je  remarque  la 
légende  AVXIA  attribuée  sans  hésitation  à  la  ville  d'Auch. 


»  fier,  arch,^  nouv.  série,  t.  VIIl,  p.  379. 


iilO  MÉMOIRES 

XVII.  Tufeliubuyo^  Aletia  pago,  ^\,  le  D'  Nainiir,  en 
1860,  a  publié  un  triens  du  poids  de  23  grains,  qu'il  a  at- 
tribué au  pays  des  Aulerques  *  :  depuis,  il  a  eu  Textrôme 
obligeance  de  me  communiquer  une  empreinte  de  cette 
pièce  curieuse,  et  j'ai  pu  constater  combien  était  exact  le 
dessin  qui  accompagnait  la  dissertation  du  savant  conser- 
vateur du  musée  de  Luxembourg.  Je  diffère  complètement 
d'opinion  avec  M.  Namur  sur  la  manière  de  déchiffrer  le 
tiers  de  sou  en  question  :  les  numismatistes  jugeront  (Voyez 
pi.  XVII,  n»  17). 

M.  Namur  lit  TVFELIVBVGO  :  dans  ce  mot,  il  retrouve 
une  racine  allemande  Jti/e/,  Tuifely  diable,  et  bugo,  pour 
ùurgo^  bourg  :  où  était  situé  le  bourg  du  diable,  sinon  à 
Jublains,  capitale  des  peuples  appelés  Diablinles  à  Tépoque 
gauloise?  Un  monnoyer  d'origine  allemande^  ihtbgauitu^ 
ouvrant  à  Jublains,  aurait  donc,  en  souvenir  de  son  pays 
natal,  gravé  Teufelsburg,  traduction  tudesque  de  Tancien 
ethnique  Diablenlœ. 

Une  solution  plus  simple  m'est  suggérée  par  une  lecture 
toute  différente  du  nom  de  lieu  et  du  nom  de  monnoyer  : 
dernièrement,  d'ailleurs,  M.  Ch.  Robert  ne  faisait-il  pas 
connaître  un  denier  mérovingien  sur  lequel  le  mot  DIA- 
BLENTAS  est  gravé  en  toutes  lettres'? 

En  prenant  la  légende  telle  qu'elle  a  été  dessinée  sous 
les  yeux  de  M.  Namur,  je  propose  -fALETlAPAGO  et 
...AEGVLFOMO  :  de  cette  manière  le  nom  du  monnoyer 
prend  une  forme  norniale,  et  nous  avons  un  nouveau 
pagus  à  ajouter   à    la   liste  des    pièces   mérovingiennes 

*  lierue  iium.  heltje,  3'  série,  t.  IV,  p.  139  et  fruiv.  .îe  croi^*  cpic  ce  iricii>, 
npr.  savt)ir  appartenu  n  M.  Vauncni!?.  jujr.-  à  Luxeinl;our»r,  a  eu-  acquit  pur 
le  musée  de  cette  \illc. 

»  lUcue  num,,  IBr>3,  p.  310, 


ET  DISSERTATIONS.  Ail 

qui  portent  Tindication  de  cette  circonscription  territoriale. 

J'avoue  que  je  n'ose  proposer  encore  d'attribution  à  cette 
monnaie  :  naturellement  on  pense  au  pagus  d'Alise  ;  mais 
la  fabrique  et  l'orthographe  ne  permettent  pas,  je  crois^ 
cette  supposition,  quelque  séduisante  qu'elle  soit.  Il  y  a 
aussi  le  pagus  aletensis^  Saint-Malo,  connu  au  moyen  âge 
sous  le  nom  de  Poalet^  Pou-Alet^  Poulet  :  l'Alsace,  Alesatia^ 
Alisalia^  Alexacis,  pagus  Alesalium^  mais  ces  conjectures 
ne  me  satisfont  pas  :  il  faut  attendre  une  interprétation 
plus  convenable. 

La  traduction  de  Jublains  en  allemand  par  un  nionnoyer 
allemand  d'origine  me  semble  une  hypothèse  aussi  forcée 
que  la  forme  de  Bertunis  donnée  au  nom  de  la  ville  de 
Verdun.  Je  profite  de  cette  occasion  pour  noter  ici  que  je 
ne  puis  admettre  cette  opinion  admise  par  MM.  Jacobs  et 
Ponton  d'Amécourt,  l'un  au  point  de  vue  de  la  géographie 
mérovingienne,  l'autre  au  point  de  vue  numismatique'. 

L'n  texte  de  Grégoire  de  Tours  mentionne  Btrhmis  *,  et 
ce  texte  est  corroboré  par  un  triens  publié  jadis  par  M.  de 
Reichel  '  :  il  n'y  a  donc  là  ni  erreur  de  copiste  ni  erreur 
de  monuoyer  :  j'ajouterai  que  les  personnes  les  mieux 
placées  pour  connaître  l'histoire  de  Verdun  dans  ses  détails 
les  plus  minutieux,  se  sont  accordées  pour  m'allîrmer  que 
dans  la  cité  de  Verdun  on  n'avait  jamais  ouï  parler  du 
maityre  de  saint  Mallosus  placé  par  Grégoire  de  Tours  dans 
l'oppidum  Berluuix. 

*  Ponton  d'Amécourt,  Ess.  sur  la  num,  mérov.^  p.  1H3  —  A.  Jacobb,  Grogr, 
de  Grégoire  de  Tours  et  de  Fréde'gaire^  2*  édition,  p.  107. 

'  »  Quum  faraa  ferrct  *anctuin  Mallosum,  apud  IkTluncnse  op|»idinn  mar- 
«  tyriuni  consumasse  ..  diaconus  quidam  mettensi^  per  visuin  ductus,  ubi 
«  martyr  «luiesccret  est  fdoctu&.  ••  {(iloria  Mart,,  I,  63.) 

5  Mèm.  de  la  Soc.  imjt.  d\irch,  de  Saint-Pèlerfbourg ,  l.  V,  p.  1  vt  buiv.  — 
Berue  nwn  ,  l^'  ««Tir»,  t.  XVII,  ]Hry2.  ]^.  k'16,  pi.  Vlll,  n-  4. 


A12  MÉMOIRES 

IL 

Le  travail  que  je  viens  de  soumettre  aux  lecteurs  de  la 
Revue  est  très-aride;  aussi  je  veux  leur  faire  oublier,  s'il 
est  possible,  la  fatigue  qu*ils  ont  éprouvée  en  le  parcourant  : 
le  meilleur  moyen  est  de  leur  signaler  quelques  pièces  qur 
n'ont  pas  encore  été  publiées  et  qui  offrent  un  certain  in- 
térêt. 

Je  compte  bien  continuer  mes  errata  des  légendes  moné- 
taires mérovingiennes,  et  chaque  fois  je  terminerai  celte 
nomenclature  ingrate,  mais  utile,  par  la  publication  de 
monuments  importants.  J'ai  essayé  sur  la  plancbe  d'adopter 
un  ordre  chronologique. 

I.  HINIANGONSVLE  ou  VLE-liNIANGONS.  Buste  diadème 
il  droite. 

1^  Croix  à  branches  égales  dans  une  couronne  de  laurier  : 
à  rexergue  0110,  débris  deCONOB  (pi.  XVII,  n»  I). 

Voici  un  triens  dont  une  partie  de  la  légende  permettrait 
(le  supposer  qu'il  s  agit  ici  d'une  monnaie  conmlaire.  Son 
type  parait  pour  la  première  fois  sous  Placidie  \  il  se  con- 
tinue sous  Jean,  Valentinien  III,  Honorins,  Avitus,  Majorien- 
Sévère  III,  Anthemius,  Olybrius,  Glycère,  Julius  Xei>os,  Au- 
gustule ,  Théodose  II ,  Eudocia ,  Marcianus ,  Pulcherie  , 
l^on  I,  Aelia  Verina,  Léon  II  et  Zenon,  et  ne  semble  pas 
avoir  été  employé  «au  delà  des  dernières  années  du  v«  siècle*. 

J'estime  qu'il  faut  attendre  avant  d'affirmer  si  le  triens 
qui   nous  occupe  en  ce  moment  est  une  de  ces  pièces 

*  Cf.  Cohen,  Descript.  de*  monu.  de  Vemp.  rom.^  U  VI.  p.  491  :  il  cite  nn 
petit  bronze  de  Procope. 

»  Idom,  p.  501,  507,  508,  511,  512,  516.  519,  524,  526,  528,  531,  533.  - 
î^abaticr,  Vo/i.i,  hyzanl.,  t.  I,  p.   116,  120,  125,  132,  1*1,  136,  139 


ET    DISSERTATIONS.  41  S 

frappées  à  Toccasion  des  solennités  qui  accompagnaient  la 
promotion  au  consulat  \  ou  si  nous  avons  là  une  monnaie 
de  transition  indiquant  simplement  un  consulat  comme 
date'. 

Cette  pièce  qui  me  paraît  appartenir  à  la  Gaule  porte  les 
débris  du  nom  de  Valeniinien  III,  et  je  suis  tenté  de 
rapprocher  la  légende  de  celle  que  je  lis  sur  un  tiers 
de  sou  publié  par  Bouterone,  et  que  M.  Deloche  classe  à 
Argentat  (Corrèze)'  :  lAllANICOS.  Contrairement  à  l'opi- 
nion de  mon  savant  confrère,  j'attribuerais  volontiers  co 
dernier  triens  à  la  province  de  Trêves,  en  considération  de 
la  place  que  la  lettre  M  occupe  à  Texergue  (pi.  XVII,  n'  2). 

2.  Le  triens  suivant  porte  au  droit,  très-lisible,  le  nom 
de  Viviers,  VIVARIO  Cl  :  la  légende  du  revers  est  confuse, 
peut-être  était-ce  le  nom  d'un  monnoyer  :  la  croix  est,  sui- 
vant le  système  marseillais,  accostée  des  initiales  VI V  :  or- 
dinairement il  y  a  VIVA  sur  les  monnaies  de  cette  cité 
(pi.  XVII,  n' 3). 

8.  LOSONNA  FI.  Tète  barbue  de  face. 

Hj  GAPAVGVS  MVMT.  Croix  haussée  sur  deux  degrés 
accostée  des  chiffres  VII  (pi.  XVII,  n'4). 

Ce  superbe  triens  montre  quelle  était  dans  Toriginn  la 


*  Voy.  Berut  num.,  1857.  p    247  et  i-iiiv.  ;  1860,  p.  129  et  suiv. 

*  M.  Edm.  Leblant  a  constaté  que  diins  les  dates  d'inscriptions  on  trouve 
assez  souvent  le  nom  de  Tempereur  suivi  de  la  seule  qnalification  de  conttul,  sans 
AVG.  —  M  de  Pétigny  {Berue  ntim..  1852,  p.  106)  a  d<^jà  cité,  d'après  les 
Bollandistes,  ce  passage  de  la  vie  de  saint  Treverius  mentionnant  une  dato 
consulaire  au  vi*  siècle  dans  les  Gaules  :  «  Eo  tcmpore  Gallia  sub  imperii 
-  jure  Justini  consulis  oxstitit.  »» 

*  Berue  nwn.,  1862,  p.  410  —  howXcrouQ,  Becherches  curintses  dfê  monnaies  de 
France,  p.  184.  Un  heureux  hasard  m*a  fait  retrouver  dans  la  collection  dn 
Cabinet  dn  Frnnc»  c»-  ticM-s  Tio  «ol  qn*»  M.  Deloche  n'a  connn  que  par  le  dessin 
de  Bouteroue. 

1P6I.  —  G  28 


4.1  &  MÉMOIRES 

tète  de  face  qui  parait  sur  plusieurs  uionnaies  inérovin* 
giennes,  particulièrement  dans  le  territoire  soumis  aux 
Burgundes. 

Cette  effigie  barbue  et  à  longue  chevelure  n'est  pas  sans 
analogie  avec  les  tètes  qui  sont  gravées  sur  plusieurs  mon- 
naies byzantines  du  vu'  siècle,  par  exemple  sous  Phocas, 
Héraclius,  Constant  11, Constantin  Pogonat,  Justinien  II,  etc. 
11  y  a  une  variété  du  monétaire  Gapaugus^  beaucoup  plas^ 
barbare,  dans  la  collection  du  prince  de  Furstenberg ;  elle 
porte  LAVSONNA.  On  sait  que  vers  le  commencement  du 
vir  siècle,  le  siège  épiscopal  d'Avancbes  fut  transféré  à 
Lausanne,  et  que  Ton  a  un  triens  d*Avancbes  portant  éga- 
lement une  tète  de  face  ' . 

A.  VIEN  FËT.  Buste  diadème  adroite,  au^essus  quatre 
globules. 

^  LAVBENTi...  Croix  haussée  accostée  des  lettres  CE  MA 
(pi.  XVII,  n»  5)*. 

Le  nwnétaire  Laurent  est  déjà  connu  à  Vienne  par  la 
pièce  au  noui  de  Maurice  Tibère  qui  porte  VIENNA  DK 
OFFICINA  LAVRKNTl  :  celle-ci  est  im  peu  postérieure  :  le» 
lettres  MA  sont  une  imitation  des  monnaies  de  Marseille  : 
quant  aux  lettres  CE  qui  se  trouvent  aussi,  d*après  M.  PontQa 
d*Amécoun,  sur  un  triens  de  Lausanne,  je  propose,  sauf 


I  Sur  la  table  de  l'eu  iuger  on  lit  Lo$anneiiéi*  locu*;  lausanna  dans  TAno- 
iivine  de  Ravoniic;  la  Notice  des  provinces  ne  parle  pus  de  Laufaune.  —  Cf. 
Guérard,  Estai  iur  U  systèmt  dit  divition*  territoriaUt  dt  la  Gauh, 

s  Ce  triena  fairait  partie  d'aoe  découverte  împortanto  faite  en  Boorgogne 
dont  quelques  empreintes  m*oni  été  communiquées  par  M.  FiUon  :  on  y  re- 
marquait doa  pièces  d'Autun,  Dijon,  Mftcon,  Lyon,  Aliae-Sainte- Reine, 
Besançon,  Ton],  Maastricht,  Troyes,  Rodez,  Usé»,  Taraiitaise  :  on  y  remar- 
quait aussi  les  triens  LINGVEN1..ESM0N1TA  —  AYDIGILYS  MO  ettrihué 
à  tort  à  Langres,  «don  moi,  par  M.  ^'Améconrt:  CALAACIAS:  BVRBVL- 
KKCAS:  VIRÏLlACO,<tc. 


ET    DISSERTATIONS.  A 15 

meilleur  avis,  d'y  voir  Tabréviation  du   mot    CivUaiE. 

5.  ALBENNOFET.  Buste  diadème  à  droite. 

1^  CELESTVS  MVN Croix  chrismée  dans  un  grènetis, 

accostée  des  initiales  VI  (pi.  XVII,  n°  6). 

On  connaît  déjà  un  triens  d'Albenno^  publié  par  Ducha- 
lais  '  qui  le  donn^wt  avec  quelque  hésitation  à  Albon  (Drôme)  : 
M.  Ponton  d'Amécourt  adopte  franchement  cette  attribu- 
tion, qui  me  paraît  très-contestable  jusqu'à  ce  qu'on  ait 
trouvé  un  texte  qui  vienne  la  corroborer.  En  tout  cas  il 
appartient  aux  archéologues  de  la  province  de  Vienne  de 
retrouver  Albennum*.  L'exen)plaire  de  la  collection  royale 
de  Munich  que  je  publie  aujourd'hui  donne  le  nom  du 
monnoyer  très  -  lisible  :  c'est  sans  doute  sur  une  pièce 
moins  bien  conservée  que  M.  d'Amécourt  a  pu  seulement 
déchiffrer ATVSMV^ETARI. 

6.  BETORECAS.  Buste  diadème  à  droite. 

â  +  MVMMOLO  MON.  Croix  haussée  sur  un  degré  et  sur 
un  globe,  entourée  d'un  grènetis  et  accostée  des  lettres  BE 
(pi.  XVII,  n«  7). 

Le  monnoyer  Mummolus,  dans  lequel,  jadis,  on  a  voulu 
voir  le  patrice  Mummole,  n'était  connu  jusqu'ici  que  par 
des  triens  et  des  deniers  de  Chalon-sur-Saône.  11  est  cu- 
rieux de  retrouver  ce  nom  à  Bourges  sur  un  tiers  de  sou 
dont  le  style  bourguignon  est  incontestable.  L'histoire  jus- 
tifie l'apparition  d'un  type  particulier  à  la  première  Lyon- 
naise dans  cette  partie  de  l'Aquitaine,  et  l'on  trouvera  très- 
probablement  le  souvenir  d'autres  localités  de  la  civilas 
Biturigenais  sur  des  triens  que  leur  fabrique  a  fait  classer 
dans  l'ancien  royaume  de  Bourgogne. 

1  Rnw  num„  1847,  p.  109,  pi  V,  n*  11. 

*  Ettai  *ur  la  numitm,  mérot.,  p.  35.  J«  rapp«lerai  ici  hpngut  Albanentit 
qui  tirait  son  nom  d'Ail  ans  en  S..voie,  à  cinq  lieues  de  Chnmlêry. 


A  1(5  MÉMOIRES 

Depuis  la  conquête  de  FAquitaine  sur  les  Wisigotbs  par 
Clovis  vers  507,  jusqu'à  la  mort  de  Caribert  en  667,  le 
Berry  fut  réuni  aux  états  des  rois  de  Paris  :  à  cette  dernière 
date,  il  passa  à  Contran,  roi  de  Bourgogne,  mort  en  693, 
à  Cbildebert  II,   fils   de  Sigebert.  roi  d'Austrasîe  (598- 
696),  à  Thierry  II,  second  fils  du  précédent  (596-613), 
eïifin  à  Dagobert  I",  roi  de  Paris.  On  voit  que  pendant  une 
période  de  près  d'un  demi-siècle,  les  monnaies  mérovin- 
giennes frappées  en  Bcrry  purent  avoir  un  certain  air  de 
famille  avec  celles  qui  étaient  émises  dans  le  royaume  de 
Bourgogne.  Celte  observation  pourra  ultérieurement  être 
utile  lorsqu'il  s'agira  de  dater  approximativement  toute 
une  série  de  pièces  mérovingiennes. 

7.  AVNACO.  Buste  chaperonné  à  droite. 

\i  ILDEBICO  MON  Croix  posée  sur  une  sorte  de  fleur  ou 
de  calice  placé  sur  deux  degrés  (pi.  XVII,  n**  8). 

Je  ne  me  permettrai  pas  d'attribuer  ce  joli  triens,  qui 
ne  restera  pas  longtemps  très-probablement  sans  être 
classé.  Il  y  a  un  assez  grand  nombre  de  localités  du  nom 
iVAunac\  mais  elles  sont  situées  dans  le  midi,  et  le  tiers 
de  sou  dont  je  m'occupe  en  ce  moment  appartient  plutôt 
à  la  seconde  ou  à  la  quatrième  Lyonnaise  '. 

8.  Voici  un  triens  qui  nous  donne  le  nom  d'une  cité  qui 
n'a  pas  encore  été  signalée  par  les  numismatistes  à  l'épo- 
que mérovingienne  : 

TABOANNA,  étoile.  Buste  diadème  à  droite,  surmonté 
d'une  croix. 

Si  BOSOTTO  ou  OTTOBOS.  Croix  haussée,  surmontée  de 
deux  points  (pi.  XVII,  n^  9). 

»  D.ins  rArrk'ge,  rAveyroii,  la  Cliarentc,  Tarn-ct- Garonne. 
•  A  Piiris  et  à  Baveux,  on   remarque  do8  trifinn  snr  losqui^ls  la  croix  e»t 
posée  lur  un  calice. 


ET    DISSERT/.TIONS.  417 

A  deux  reprises  Grégoire  de  Tours,  en  parlant  des  habi- 
tants de  la  cité  de  Térouenne,  les  nomme  Tarabannemes^ 
Taravannenses  \  La  légende  de  saint  Treverius  parle  du 
«  pagas  Tarocvanuensis,  »  de  ul'urbs  Tarowannica,»  et  ce 
qui  est  plus  concluant  pour  la  question  qui  nous  occupe 
en  ce  moment,  j*y  relève  ce  passage  :  «  Duo  pueruli  no- 

II  mine  Radigniselus  et  Salsufur  de  pago   Dombensi 

«  juxta  Taroannam  civitatem  abducti  fuei  unt  '.  » 

Les  monnaies  carolingiennes  portent  TARVENNA  CIVIT» 
postérieurement  à  Charles  le  Chauve.  11  me  semble  que 
Ton  peut  donner  à  Térouenne  un  denier  de  Pépin  qui  a 
été  attiibué  à  Arras  :  au  lieu  d'y  lire  CIVARORAT  ',  je  crois 
pouvoir  y  déchiffrer  TAROAANCI,  qui,  avec  une  simple 
transposition  de  lettre,  donne  TAROANACI,  légende  sem- 
blable à  celle  du  tiers  de  sou  que  j'ai  eu  la  bonne  fortune 
de  retrouver. 

9.  SPIRA.  Buste  à  droite. 

r)  BADVM.  Croix  sur  un  globe  haussée  sur  un  degré 
(pLXVII,nMO). 

10.  GAIDO  MO.  Buste  à  droite. 

^  SPIRA  FIT.  Croix  haussée  sur  un  petit  degré;  dessou«, 
un  îinnelet  (pi.  XVII,  n"  11) . 

Ces  deux  triens  appartiennent  évidemment  à  la  cité  à% 

«  Greg.  Tur..  édit.  de  1699,  col.  228  et  578. 

*  Bolland.,  16  jan.  Notous  aussi  les  formes  suivantes  :  Tarvana,  dans  )o 
moine  de  Flenry  et  les  Act.  ord.  S.  Bened,^  I,  »sec  3,  p.  29  et  45.  —  Tarvanna, 
id.,  ixc,  2,  p.  534,  108,  1048;  sxc.  3,  p.  304. —  Tercanente  opfndum,,  id., 
4aee   2,  p.  116,  659  ;  ««c.  3,  p.  295. 

'  Bist,  monét.  de  la  procince  d'Artoit,  par  Al.  Hermand,  p.  67.  —  Mader^ 
IV,  n"  3,  p.  5.  —  Fougères  et  Conbronse,  Descript,  compl.,  p.  36,  n«  276.  — 
Vn  triens  de  la  collection  de  feu  A.  Hermand  portait  TAROAKNA  ;  il  est 
r#»prettable  que  c«  uumismatiste  nVn  fiit  pns  dunnô  la  description. —  Cf.  Bittit 
num.Mg€,  IV-  ?ério.  t.  IT,  p.  32. 


ÀlS  SIÉMOIKES 

Spire  :  je  crois  que  c'est  par  erreur  que  l'un  a  essayé  de 
classer  à  Épinal,  Spina^  le  n""  9.  Je  n'ai  pas  besoin  de 
faire  remarquer  la  diiïérence  de  date  indiquée  par  les 
types  :  le  n*  9  est  une  dégénérescence  des  monnaies  ro- 
maines du  Bas-Empire;  le  nMO  est  purement  mérovingien. 

Le  nom  de  Spire,  dérivé  de  celui  de  la  rivière  qui  tra- 
verse-cette ville,  est  connu  depuis  le  milieu  du  vir  siècle  : 
Cigebert  II  donnait  à  cette  époque  à  l'évêque  des  Nèmétei 
Cl  décimas  omnium  victualium  ta  agro  Spirensi  provenien- 
u  tium  quae  antea  Régi  dari  consueverant  \  w  II  y  a  bien 
un  document  du  commencement  du  v  siècle,  la  Notice  des 
provinces  j  qui  mentionne  Nemetum  ié  est  Spira;  mais  i) 
faut  remarquer  que  les  nombreux  manuscrits  de  la  «  Notice» 
ne  remontent  pas  au  delà  du  ix'  siècle  :  de  plus,  les  uus 
disent  simplement  Nemetum^  les  autres  Nemetum  id  est 
Sptra,  d*oû  il  est  permis  de  conclure  que  cette  seconde 
leçon  est  un  commentaire  .ajouté  postérieurement  par  quel- 
ques copistes  au  texte  primiiif.  A  la  même  époque,  d'ail- 
leurs, ou  à  peu  près»  saint  Jérôme',  mentionne  dans  une 
de  ses  lettres,  parlant  des  cités  dévastées  par  les  Huns, 
N€met3L\  sans  ajouter  le  nom  de  Spire.  C'est  au  milieu  du 
viii'  siècle  que  des  actes  du  pape  Zacharie  notent  «  David 
episcopus  Spironensis  »  et  la  «  civitas  Spiratia.  »  La  tradi- 
tion voulait  que  Dagobert,  vers  610,  ait  rétabli  Tévêché  de 
Spire,  confirmé  vers  CAO  par  les  libéralités  de  Sigebcrt. 

H.  +GAMB1AC0.  Buste  diadème  à  droite. 

^.  CLAROMVN.  Croix  à  branches  égales  (pi.  XVII,  n*  14). 
L'attribution  de  ce  triens  me  semble  établie  par  ce  texte 
qui  a  rapport  à  la  donation  faite  par  Clovis  à  Euspicius,  oncle 


«  Gall.  Christ.,  t.  V,  col.  715;  in»tr.,  col.  41S. 
*  Epùt.  ad  Gerontiam  dt  monogatnia .. 


CT    DISSERTATIONS.  klO 

de  saint  Maximin  :  <i  Sedem  suam  Miciacum,  quo  proptér 
u  delicias  piscium  et  venatuuin  immorari  consueverat^  ei 
«  jure  bereditario  condonaret,  siroul  et  Cambiacum  et  Li- 
«  tiniacuin  ^  » 

Cambiacum  est  Chaiagy  (Loiret,  cautoo  et  arrondisse- 
ment d'Orléans). 

12.  SCI  MAXIMINI.  Buste  diadème  adroite. 

1^  +  LEODVLFO  M.  Croix  accostée  des  lettres  L  K 
(pi.  XVII,  n'  16).  L'origine  limousine  de  ce  tiers  de  son  ne 
laisse  aucun  doute;  c'est  une  pièce  nouvelle  à  ajouter  Jb 
kl  monographie  publiée  par  M.  Deloche.  Le  monétaire 
Leodulfus  est  déjà  connu  dans  cette  cité  à  Cabanisio^  Cba- 
banais  '.  M.  Maurice  Ardant  m'a  signalé  l'ancienne  paroisse 
de  Magnac- Laval  (Haute  Vienne)  comme  mentionnée  dans 
les  pouillés  sous  le  vocable  de  saint  Maximin. 

12.  CIOEROVICO.  Buste  diadème  à  droite,  devant  le  vi- 
sage une  croisette. 

i^  +RAGOLENOMO,  grand  A  dans  un  grènetis,  sur- 
monté d'une  croix  et  accosté  de  deux  (leurs?  (PI.  XVII,. 
«•  18.) 

Voici  un  trions  dont  je  n'ose  déterminer  l'attribution? 
quant  à  présent.  Je  le  publie  néanmoins  à  cause  du  type 
intéressant  qu'il  révèle.  Le  droit  a  un  caractère  qui  le  rat- 
tache aux  cités  de  Lyon  et  de  Vienne;  par  le  revers,  ce 
tiers  de  sou  rappelle  toute  une  série  de  deniers  d'argent 
sur  lesquels  paraît  un  grand  A  aussi  surmonté  d'une 
croix  :  cette  série  n'est  pas  encore  classée;  parmi  les 
exemplaires  qui  la  composent,  il  se  trouve  des  pièces  qui 
sont  données  à  la  seconde  Belgique  et  d'autres  à  la  Pro- 

•  Aet.  8*.  ord.  S.  Bened,,  in  append.,  ssec.  1,   j».  5'10  et  599.  Ex  Libromi^ 
raeul.  S.  Maximini^  abb.  àficiacenMit. 

'  Revue  numism.,  1"  s.tîc.  lH3*i,  ]•!.  M,  h"21.| 


A20  MtMOIRCS 

vonce  *  :  il  se  pourrait  que  ratiribulion  définitive  du  tiers 
de  sou  de  Cioerum  mit  sur  la  voie  de  la  solution  du  pro* 
blême  et  aidât  à  trouver  la  signitication  de  l'initiale  qui 
forme  le  type  du  revers. 

13.  NAMNI.  Buste  à  droite. 

Hf  Monogramme  dans  lequel  on  retrouve  les  initiales  M  E, 
attachées  aune  croix  doublement  chrismée  (pi.  XVII»  n*  19). 

M.  B.  Fillon  a  publié  un  tiers  de  sou  analogue  à  celui-ci 
d'après  un  exemplaire  qui,  de  la  collection  de  M.  Tabbé  de 
Béchillon,  a  passé  dans  celle  de  M.  Ch.  Bobert,  puis  enfîn 
dans  la  magnifique  suite  de  M.  Ponton  d'Amécourt  *.  —  Sur 
le  triens  de  Fancienne  collection  de  Béchillon,  il  semble,  à 
moins  de  supposer  un  défaut  de  frappe,  que  Ton  |>eut  lire, 
au  revers,  les  lettres  VE  :  ce  serait  Vannes,  si  l'on  admet 
que  la  pièce  que  je  publie  aujourd'hui  est  de  Nantes,  et 
nous  aurions  là  deux  exemplaires  d'un  type  breton  qui 
n'avait  pas  encore  été  déterminé.  J'ajouterai  que,  si  mon 
hypothèse  est  admise,  il  ne  faudrait  plus,  comme  l'indi- 
quait M.  Fillon,  chercher  le  lieu  d'émission  de  ces  mon- 
naies dans  le  midi  des  Gaules,  plus  bas  que  le  Rouergue 
et  le  Gévaudan. 

Je  crois  cette  pièce,  en  raison  de  l'absence  du  nom  du 
monnoyer,  d'une  époque  relativement  récente  :  le  buste 
représenté  au  droit  n'est  pas  sans  analogie  de  style  avec 
celui  des  triens  du  monnoyer  MEBTO,  que  l'on  classe  pro- 
visoirement à  Bouen.  Je  dis  provisoiremmty  parce  que 
M.  de  Longpérier,  depuis  longtemps,  a  reconnu  que  les 
tiers  de  sou  de  Merlo  pouvaient  appartenir  à  la  cité  de 
Tours.  Je  reviendrai  plus  lard  sur  cette  question. 

*  B.  Fillon,  Lettre»  à  M.   Dugaat-àlatifrvx  fur  qmelq%n's   monnaie*   françmiees 
tnédUe$,  pi.  X,  n"»  17  à  20. 

'  Étude."  numitmatiques,  p.  37,  pi.  II.  n"  2. 


ET    DISSERTATIONS.  42 1 

14.  Je  termine  cet  article  par  la  reproductiou  d'un  denier 
d'argent  qui  n'est  pas  inédit,  mais  que  l'on  connaît  seu- 
lement par  un  dessin  très-inexact  donné  par  Bouteroue 
d'après  l'exemplaire  conservé  dans  la  collection  de  Harlay  : 
c'est  le  denier  attribué  par  Adrien  de  Valois  et  Lelewel  à 
Leudeville  (Seine-etOise),  LVDEDISVICO*  (pi.  XViI,n«20\ 

Anatole  de  Barthélémy. 

• 

>  Bouteroue,  319.— Leblanc.  J#one/.  inr.,  IV,20.— Duhy,  Monrt.,  \lll, 
10  —Lelewel,  111,  46. 

Le  n*  9  de  la  pi.  XVII,  m'appartient  ;  les  n"»  2,  4,  12  et  15  sont  au  Cabinet 
de  France;  les  n"»  3,  16  et  18  au  musée  de  Saint- Pétcrsbour;; ;  les  n"*  6  et  1 1 
au  musée  de  Munich  ;  les  n*«  7  et  14  à  M.  le  chevalier  Thomsen,  de  Copen- 
ha^e  ;  le  o*  8  au  musée  impérial  de  Vienne  (Autriche  )  ;  les  n**  10  et  13  à 
M.  Gillet,  à  Nancy;  le  n*  17  au  musée  du  Luxembourg*,  le  n*  l9  à  M.  Pa- 
renteau,  de  Nantei»;  le  n*  20  oxi^te  «ux  Cabinets  de  France  et  do  Saint- IV- 
ter^bours. 


A22  MÉMOIRES 


MOiNNAIES  DE  LUGQUES. 

III-  PARUE. 
DE  LA  RÉFORME  MONÉTAIRE  DE  FRÉDÉRIC  11, 

ET  DES  TYPES  AïX)PTÉS  A  LUCQUES  PENDANT  LE  XIII*  SIÈCLE  ' 
(PI.  XVIII.) 


Parmi  les  avantages  obtenus  à  la  suite  du  grand  mou- 
vement social  qui  se  manifesta  en  Europe  vers  la  fin  du 
xii*  siècle  et  au  commencement  du  xiii',  par  les  croisades,, 
on  ne  peut  guère  passer  sous  silence  celui  qui,  dans  Téco- 
nomie  politique,  rend  de  grands  services  à  un  peuple  bien 
constitué  et  régulièrement  organisé;  aussi  ce  ne  fut  pas 
une  des  dernières  préoccupations  de  celui  qui,  à  cette 
époque,  présidait  aux  destinées  de  Tltalie  que  d'aviser  à  la 
réorganisation  complète  des  officines  monétaires  de  ce  pays 
et  de  mettre  (in  à  des  abus  sans  nombre  dont  on  se  plai- 
gnait depuis  longtemps. 

Les  habitants  de  Lucques  avaient  cherché,  mais  en  vain, 
à  mettre  un  terme  aux  contrefaçons  monétaires  et  à  Talté- 
ration  des  métaux,  par  la  convention  faite  entre  les  deux 


*  Voir  Hevue  numism.,  1861,  p.    129  et  suiv.;  Rente  numfm  ,  1863»  p.    22 
«t  Buiv. 


£T   UlSSERTATIoriS.  A2S 

officines  de  Lucques  et  de  Pise  \  conveotioii  daus  laquelle 
étaient  fixés  le  poids,  le  titre  et  les  formes  déterminées  des 
monogrammes  des  deux  cités  ;  mais  tout  cela  n'apporta  pas 
de  remède  au  mal.  Les  Vénitiens  d'abord,  sous  Tadminis- 
tration  du  doge  Henri  Dandolo,  en  1200,  furent  les  pre- 
miers qui  parvinrent  à  mettre  une  barrière  aux  fraudes,  en 
substituant  à  la  monnaie  courante  le  Maiapan  ou  gros  d'ar- 
geni  d'un  poids  déterminé  et  d'un  titre  élevé.  La  sage  me- 
sure adoptée  par  la  République  de  Venise  fut  favorablement 
accueillie  dans  divers  pays  de  Tltalie,  et  la  réforme  moné- 
taire devint  bientôt  générale  dans  toute  la  péninsule.  Les 
effets  de  cette  mesure  durent,  à  mon  avis,  se  faire  sentir 
également  dans  la  fabrication  des  monnaies  de  Lucques, 
car  vers  la  moitié  du  xiii**  siècle  avaient  cours  à  Lucques 
des  gros  d'argent  fabriqués  sur  le  modèle  du  Matapan,  non 
par  rapport  au  type,  mais  comme  poids  et  titre  du  métal', 
de  même  que  peu  de  temps  après  parurent  ailleurs  les  gros 
d'Aquilée,  de  Gênes,  de  Bologne,  de  Ravenne  et  ceux  du 
Pape.  Malgré  ces  données,  il  est  assez  difficile  de  fixer  d'nne 
manière  précise  la  réorganisation  de  notre  officine,  parce 
que  les  documents  contemporains  nous  manquent  complè- 
tement, les  archives  diplomatiques  de  l'époque  ayant  été 
brûlées  dans  les  tristes  événements  des  premières  années 
du  xiv*  siècle  et  ensuite  dispersées  sous  le  gouvernement 
tyrannique  des  Pisans.  La  grande  rareté  des  documents 
qu'on  possède  sur  nos  monnaies  à  cette  époque,  et  jusqu'à 
la  reconstitution  politique  de  l'Italie,  ne  doit  donc  sur- 
prendre personne. 

>  Carli,  tktU  Ztcche  cTItatin,  t.  Il,  p.  150.  ~  Voir  Berue  numUm.,  1863, 
p.  38  et  saiv. 

•  Bancoli,  Del  ta  tore  di  nlcune  monete  italiane  net  secolo  XVl,  p.  14,  Lucq.. 
1843. 


h2k  MÉMOiRi:s 

Eu  faisait  des  recherches  dans  les  archives  de  l'arclie- 
vêché,  j'ai  eu  le  bonheur  de  retrouver  quelques  anciens 
actes,  écrits  sur  parcheofiin,  des  années  12A2,   1244  et 
1249.  Les  valeurs  de  convention  s'y  trouvent  marquées  en 
deniers  gros  d'argent,  Denarios  grossos  Lucanos  argenti  ^  « 
d'où  l'on  peut  conclure  que  ces  monnaies  étaient  déjà  en- 
trées dans  la  circulation  quelque  temps  auparavant.  Ainsi, 
on  peut  conjecturer  avec  quelque  probabilité  que  ce  fut 
environ  à  cette  époque  que  pai-urent  les  nouvelles  mon- 
naies   frappées  sous   l'influence    des   lois  les    plus    ré- 
centes. 

En  effet,  la  mort  inattendue  de  Philippe  de  Souabe,  laissa 
Otton  IV  sans  compétiteur  en  Italie,  et  lui  fournit  le  moyen 
d'exercer  la  souveraine  autorité  à  Lacques.  Pour  gagner 
l'affection  des  habitants  qui  exerçaient  une  assez  grande  in- 
fluence dans  les  affaires  de  la  péninsule,  il  se  montra  disposé, 
lors  de  son  passage  par  cette  ville  en  1209,  à  leur  .-ic- 
corder  un  grand  nombre  de  privilèges,  sans  aucune  appa- 
rence de  vasselage  et  parmi  ces  privilèges  il  leur  octroya 
le  droit  de  battre  moimaie.  Je  suis  d'autant  plus  porté  à 
adopter  la  date  rappelée  ci-dessus  qu'elle  se  trouve  indiquée 
par  l'élégant  écrivain  des  Annales  de  Lucqucs  *,  qui  dit 
positivement  que  ce  monarque  n'avait  pas  oublié  la  fabri- 


*  De  Nobili  Danicllo.-^Mflmiscritâcon^i^rvés  dan»  ]h  BibIiothéi]ue  publique 
de  Lucqnes.  —  Document  XXVII  de  l'an  1249,  où  on  lit  que  quatre  livres  ««b 
bons  deniers  de  Lucques  [lihraê  q%tatwiT  bonorum  denariorum  Lucenaium)  avaient 
été  payés  en  deniers  gros  d'argent  ayant  cette  même  valeur  [denarios  groêtù$ 
argenti  tanlum  va/ento«).— Dans  un  acte  sur  parchemin  marqué  n*  50,  appart«- 
nant  à  la  noble  famille  Fiorentini.  aujourd'hui  éteinte,  se  trouve  le  compte 
d'achat  d*une  pièce  de  terre  pour  libra»  Irecentum  et  eexaginta  et  novem  et  $oiido$ 
tredecim  qwu  recipit  in  denarios  grossos  Lucanos  argenti  et  mille  autres  choses 
semblables. 

•  Bfverini,  AnnaUs  ab  vrifjine  Lurensis  urbis,  t.  I,  p.  2^. 


i:t  dissertations.  A25 

cation  de  la  inonnaie.    Condendae  quoque  monetœ  jus  ah 
Olhone  Lucensibns  Uerum  concessum. 

Cette  concession  ainsi  formulée  laisse  toutefois  quel- 
ques doutes  sur  sa  mise  à  exécution.  Je  ne  voudniis  cer- 
tainement pas  me  trouver  en  contradiction  avec  l'opinion 
de  l'illustre  historien  que  je  viens  de  citer,  opinion  émise 
avec  une  si  juste  autorité,  en  objectant  que  l'empereur 
Otton  n*avait  pas  eu  en  vue  l'acte  matériel  de  battre 
monnaie ,  puisqu'il  est  suffisamment  démontré  que  la 
fabrication  des  espèces  n'avait  jamais  cessé  chez  nous, 
mais  que  plutôt  par  son  diplôme  royal  donné  à  Felsina, 
en  1209  \  il  n'avait  eu  en  vue  que  de  confirmer  les  fran- 
chises déjà  accordées  par  Otton  I"  à  l'olTicine  de  Lucques. 
Je  veux  dire  qu'il  avait  laissé  à  perpétuité  le  profit  à 
tirer  de  la  frappe  des  métaux  à  la  conmïune  de  Lucques, 
ce  ([ui,  du  reste,  est  prouvé  clairement  par  quelques  types 
dont  nous  aurons  occasion  de  parler  et  qui  sont  accom- 
pagnés des  légendes  :  Communi  et  Populi  ou  Populus  Li> 
CANUS.  Que  telle  ait  été  l'intention  du  législateur,  ceci  mo 
semble  résulter  des  expressions  mêmes  dont  se  sert  le  chro- 
niqueur cité  plus  haut.  Le  mot  ilentm,  si  je  ne  me  trompe, 
se  rapporte  à  un  privilège  dont  l'exercice  a  pu  être  aban- 
donné peut-être,  mais  qui  existait  préalablement  comme 
concession  d'une  autre  époque.  J'ajoute  une  circonstance 
rapportée  par  l'histoire,  c'e.^t  qu'après  qu'Otton  IV  eut 
consolidé  son  pouvoir  en  Italie,  il  suscita  plus  d'une  fois 
des  diflicultés  aux  habitants  de  Lucquus,  d'où  il  est  à  pré- 
sumer qu'il  ne  se  fiit  pas  montré  aussi  généreux  envers 
eux,  jusqu'au  point  de  leur  accorder  Téminenle  préroga- 
tive de  battre  monnaie,  si  depuis  très-longtemps  ils  n'en 

i  Muzzuro.HH,  Sloria  di  ixwUy  vol.  I,  p.  R4. 


A-20  MÉMOIRES 

«ivaient  été  en  possession.  Seulement  il  me  sera  permis  de 
faire  observer  que  la  volonté  du  prince  par  cet  acte,  éten- 
dait le  privilège  à  la  faculté  de  refondre  et  de  frapper  de 
nouveau  la  monnaie,  privilège,  il  est  vrai,  qui  avait  cessé 
dès  le  commencement  du  ix*  siècle,  comme  je  l'ai  dé* 
montré  ailleurs  \  non-seulement  chez  nous,  mais  encore 
dans  toutes  les  officines  monétaires  situées  de  ce  côté-ci  des 
Alpes,  et  cela  en  vertu  des  lois  imposées  à  cette  époque  à 
r Italie  par  les  princes  sous  la  domination  desquels  était  le 
pays,  à  Texception  des  officines  des  Deux-Siciles,  où  Ton 
continua  toujours  de  frapper  des  monnaies  d'or,  même  sous 
les  Sarrasins  et  les  Normands.  Je  crois  que  cette  manière 
d'envisager  la  question  ne  peut  que  difficilement  être  con- 
testée, quand  on  songe  que,  dans  la  longue  et  non  inier- 
rompue  série  des  monnaies  de  Lucques  que  nous  connais- 
sons, nous  ne  trouvons  plus  aucune  trace  des  espèces  d*or, 
après  les  pièces  fabriquées  sous  Charlemagne,  et  que  c  est 
seulement  à  Tépoque  dont  nous  parlons  que  Ton  voit  repa« 
raîire  ce  métal  employé  pour  la  fabrication  de  quelques  gros 
d'or'  frappés,  à  ce  qu'il  paraît,  peu  de  temps  après  les 
gros  d'un  métal  moins  précieux.  Si  nous  recherchons  quels 
ont  pu  être  l'état  et  les  vicissitudes  de  la  monnaie,  il  ne  faut 
pas  être  surpris  que  le  système  monétaire  de  l'époque  ait  ai- 
tiré  l'attention  d'Otton  IV;  car  alors  on  donnait  les  officines 
monétaires  comme  un  appât  ;  système,  il  faut  le  dire,  peu 
honnête.  Ainsi  donc  pour  obvier  aux  abus  trop  fréquents  et 
qui  paraissaient  comme  enracinés,  tels  que  l'altération 
des  métaux,  et  l'imitation  des  types,  le  fondateur  des  pe- 
tites républiques  italiennes  eut  à  cœur  de  prescrire  de  nou- 

*  Voir  Revue  numinm.,  1861,  p.  429  et  suiv.,  un  travnil  SQr  les  monnaies  d« 
Lucqnes  frappées  sous  la  domination  des  Francs. 

•  ï^.  Qiiintino,  p'.  VIT',  fip.  20  et  30. 


KT    hlSSKRTATIONS.  M>7 

voiles  règles  pour  empocher  les  fraudes  ;  il  confia  donc  la 
fabrication  des  monnaies,  affaire  des  plus  importantes,  aux 
villes,  comme  étant  plus  intéressées  que  les  particuliers  eux- 
mêmes  à  la  bonne  admini^^tration  de  cette  branche  peu  fa- 
cile d'économie  politique.  Ainsi  quel  que  soit  le  sens  ri- 
goureux que  Ton  doive  attribuer  aux  expressions  de  l'ancien 
chroniqueur  que  nous  avons  cité,  ces  expressions  viennent 
ix  Tappui  de  la  thèse  <|ue  je  cherche  à  soutenir.  11  est  incon- 
testable que  dans  cette  période  de  temps  Toflicine  de  Luc- 
ques  reprit  non-seulement  son  ancienne  et  pleine  liberté  et 
son  ancien  lustre  par  sa  renommée,  son  activité  et  la  ri- 
chesse des  métaux  qu'elle  employait,  mais  encore  qu'en 
adoptant  de  nouvelles  règles  et  de  nouveaux  types,  dans 
des  temps  très-difliciles  et  au  milieu  d'innombrables  di* 
visions,  elle  sut  conserver  tes  caractéristiques  de  son  au- 
tonomie. 

Les  premières  monnaies  qui  furent  émises  à  Lucques 
M)us  Tinfluence  du  nouveau  régime  établi  par  Otton  IV, 
sontdes  deniers  d argent  ou  (/roji  dont  quelques  exemplaires 
sont  conservés  dans  la  collection  de  l'Académie  royale  de 
Lucques  et  aussi  quel(|ues  autres  dans  ma  collection  par- 
ticulière. Tous  sont  semblables  les  uns  aux  autres;  seule* 
ment  quoique  la  gravure  n'offre  que  de  légères  différences, 
ils  se  distinguent  tous  par  des  signes  ou  marques  particu- 
lières. Les  légendes  en  caractères  assez  grossiers  sont  celles 
de  l'époque  où  dans  les  monuments  on  se  rapprochait  déjà  du 
goût  gothique.  Le  travail  du  burin  quoique  barbare,  si  on 
le  compare  à  celui  des  monnaies  d'une  époque  plus  rap- 
prochée de  nous,  offre  déjà  des  traits  d'une  bonne  fornic 
et  une  expression  toute  nouvelle.  De  même  le  titre  du  mé- 
tal répond  aux  nouvelles  prescriptions,  étant,  comme  il  est 
facile  de  s'en  assurer,  de  onie  douzièmes  d'argent  fin  et 


42S  MtMOinr.s 

rarement  au  dessons.  On  peut  en  dire  autaqt  du  poids  qui 
est  presque  toujours  d'environ  30  grains  toscans,  ce  qui 
pour  moi  est  un  signe  certain  d'un  travail  bien  combiné 
et  fait  sous  Tempire  de  lois  justes  et  équitables.  La  forme 
enfin  du  monogramme,  malgré  les  modules  divers  des 
nouvelles  pièces,  se  rapproche  encore  du  groupe  ressem- 
blant à  un  II  qui  se  voit  sur  les  monnaies  de  l'époque  pré- 
cédente. Mais  la  différence  dans  la  fabrication  de  ces  pièces 
est  sensible  et  révèle  le  changement  dans  l'ait  qui  se 
montre  constamment  dans  les  œuvres  de  deux  âges  qui 
vont  toujours  s'éloignant  davantage  l'un  de  l'autre.    Les 
habitants  de  Lucques  ne  purent  émettre  ces  nouvelles 
monnaies,  quoique  frappées  de  leur  pleine  et  entière  au- 
torité, sans  montrer  que  leur  pays  était  en  quelque  sorte 
dévoué  à  l'Empire.  C'est  pour  cela  qu'on  y  voit  le  mono- 
gramme d'Otton.  Mais  d'un  autre  côté,  comme  pour  faire 
paraître  leur  indépendance  municipale,  ils  mii*ent  pour  la 
première  fois  sur  leur  monnaie  la  face  du  Christ,  le  Volio 
SanfOj  qui  est  l'image  la  plus  vénérée  à  Lucques,  iniitant 
en  cela  ces  empereurs  d'Orient  qui,  par  esprit  de  piété, 
firent  placer  sur  leurs  pièces  d'or  l'image  du   Sauveur, 
par  exemple  Basile  1*'  et  aussi  Jean  Zimiscès. 

Sur  le  premier  des  gros  de  Lucques,  on  voit  la  face  <lu 
Christ,  le  VoUo  Santo  (pi.  XVIII,  n"  1),  sous  la  protection 
duquel  notre  ville  est  placée.  Il  était  donc  naturel  que  cette 
effigie  parût  de  préférence  à  toute  autre  image  sacrée  sur 
les  monnaies  que  Lucques  faisait  fabriquer.  La  sainte  face 
est  accompagnée  de  la  légende  S.  VVLT'  DE  LVC A  ;  et  au 
revers  paraît  le  monogramme  d'Otton  entouré  de  la  lé- 
gende :  OTTO  REX. 

Ces  pièces,  tant  par  la  nouveauté  des  types  que  par  la 
prodigieuse  quantité  des  coins  qu'on  en  connaît,  ont  Tavan- 


ET    DiSSKftTATIONS.  629 

iage  de  fotirnir  des  lumières  précieuses  ù  rhi>toire  au 
sujet  des  réformes  monétaires  qui  eurent  lieu  dans  ce 
siècle;  car  cetl€  émission  est  le  point  de  départ  d*une  des 
périodes  les  plus  brillantes  de  Taclivité  de  notre  officine, 
depuis  la  domination  des  Longbards.  On  connaît  aussi  des 
pièces  d'or  au  même  type,  pièces  qui  furent  fabriquées  peu 
après  les  gros  d'argent. 

Un  autre  gros  d'argent  (pi.  XVHI,n'*  2)  presque  semblable 
au  précédent,  ne  peut  guère  avoir  été  frappé  que  du  temps 
d'Otton  IV,  vu  qu'il  offre  dans  son  aspect  extérieur  toutes 
les  conditions  exigées  par  les  règlements  de  l'époque.  Le 
poids  et  le  titre  du  métal  sont  constamment  les  mêmes;  les 
exemplaires  qui  ont  le  moins  souffert  dépassent  30  grains 
toscans,  et  le  titre  en  est  de  onze  douzièmes;  les  types  et 
les  lettres  ne  permettent  pas  d'hésiter  sur  l'origine  de  cette 
monnaie.  On  ne  peut  guère  objecter  que  le  droit  aussi  bien 
que  le  revers  où  se  voit  le  monogramme  diffèrent  comme 
exécution  des  gros  décrits  plus  haut;  car  il  est  nécessaire 
d'observer  qu'à  cette  époque  déjà  les  tendances  de  Tart 
commençaient  à  se  diriger  vers  la  régularité  et  la  grâce,  et 
de  plus,  je  suis  porté  à  croire  que  la  différence  que  l'on 
remarque  dans  ces  coins  ne  provient  pas  seulement  de  ces 
progrès  dans  l'exécution,  mais  encore  a  pour  but  de  dis- 
tinguer les  gros  de  la  seconde  émission  de  ceux  de  la 
première,  parce  qu'alors  le  gros  fut  nommé  bolognino 
(gros  de  Bologne)\  Je  m'explique  :  après  l'an  1180,  le  gou- 
vernement de  Lucques  par  réciprocité  des  bons  procédés 
de  celui  de  Bologne,  ordonna  que  les  gros  de  deux  sols 
qu'on  se  proposait  de  fabriquer  seraient  nommés  bolon- 


'  BrnncoH,  Sut  tahre  di  alcune  mnnefc  italianf  rerso  la  meta  de\  secnlo  XVI, 
p.  15,  en  iiotfi.  Lucjj,,  1843. 

1864.  —  6.  29 


430  MÉMOIRES 

nais.  Et  on  ne  peut  guère  douter  de  la  justesse  de  cette 
interprétation,  puisqu'à  l'appui  de  ma  manière  de  voir,  se 
présente  plus  d'une  preuve;  je  me  contente  de  citer  un  do- 
cument de  1299  dans  lequel  on  stipule  la  vente  d'une 
redevance  de  cinq  boisseaux  de  grains,  fèves  et  millet 
au    prix  de  :   triginta  unum   et  soUdos    quinque  in   de- 
nariorum  Lucanorum  grossorum^  seu  Bolognis  grossis  de 
argfn(o\   Quoiqu'il  en  soit  de  cette  différence  dans  les 
coins,  nous  ne  pouvions  pas  la  passer  sous  silence  en  lais- 
sant de  côté  d'autres  petits  détails,  parce  que  cette  re- 
marque est  utile  à  la  science  tt  à  l'histoire,  de  même  que 
k  nomenclature  et  te  classement  méthodique  des  mon- 
naies seront  fort  utiles  pour  décrire  la  série  suivante  que 
BOUS  étudierons  après  celle  du  xiii*  siècle. 

Malgré  la  paix  conclue  entre  les  cités  de  Lucques  et  de 
Pise»  grâce  à  la  médiation  de  l'empereur  Frédéric  II  et  du 
pape  Lucius  III,  noire  concitoyen,  les  dissensions  conti- 
nuèrent. Les  Pisans  ayant  bientôt  entrepris  de  contrefaire 
la  monnaie  de  Lucques,  il  en  résulta  de  nouvelles  contes- 
tations et  des  désordres  de  la  dernière  gravité.  Le  désac- 
cord qui  ensuite  s'éleva  entre  le  pape  Honorius  III  et  le 
même  Frédéric  fut  de  quelque  avantage  pour  les  habitanis 
de  Lucques,  car  le  nouvel  empereur,  cherchant  à  consolider 
sa  domination  en  Italie,  rechercha  l'amitié  des  villes  de  la 
Toscane,  en  leur  accordant  certains  privilèges  et  franchises. 
Lucques,  que  l'empereur  se  plaisait  à  distinguer  parmi  les 
autres  cités  italiennes,  ne  fut  pas  la  dernière  à  profiter  de 
ces  faveurs.  Ses  habitants,  encouragés  par  les  bonnes  dis- 
positions du  prince,  s'efforcèrent  de  donner  une  nouvelle 
extension  aux  émissions  de  leur  atelier  monétaire,  et  ainsi 

1  Àrchu'fg  Je  la  noble  famille  Fiorentmi  à  I.ucques,  parchemin  II,  102. 


l-T    DlSSl-RTATIONS.  431 

la  réforme  de  la  monnaie ,  de  nouveau  inaugurée  par 
Otton  IV,  arriva  à  produire  son  entier  effet  sous  Frédéric  IL 
Les  habitants  de  Lucques  songeant  pour  lors  à  se  pourvoir 
d'un  numéraire  suffisant,  ce  ne  fut  pas  sans  intention,  pour 
favoriser  le  commerce  des  denrées  de  menue  valeur  qu'ils 
jugèrent  à  propos  de  frapper,  après  les  gros  et  les  pièces 
dites  bolognini^  une  monnaie  plus  petite,  qui,  représentant 
la  douzième  partie  du  gros,  devenait  par  sa  nature,  quoique 
la  dernière  des  fractions,  une  monnaie  normale  pour  faciliter 
les  calculs  les  plus  minimes.  Ainsi  parurent  les  pièces  dites 
utbuli  (petits  blancs)  (pi.  XVlH,n"  3)  aussi  nommées  re/br- 
ziati  *  ;  ces  monnaies  n'étant  pas  de  cuivre  pur,  mais  alliées 
(renforcées)  d'une  petite  quantité  d'argent.  J'en  ai  fait 
l'essai  en  les  faisant  fondre  au  creuset;  elles  pèsent  intégra- 
lement 14  grains,  dont  2  i/7  d'argent  fin.  A  l'exception 
du  module  et  de  la  nature  du  métal,  je  n*ai  rien  à  dire  ni 
sur  le  type,  ni  sur  la  forme  des  caractères;  la  légende,  le 
monogramme  sont  semblables  à  ceux  que  l'on  voit  sur  les 
gros  que  j'ai  décrits  plus  haut.  C'est  pourquoi,  sans  crainte 
de  me  tromper  et  sans  entrer  dans  d'autres  considérations, 
je  pense  pouvoir  ranger  ces  monnaies  parmi  celles  qui 
furent  frappées  à  Lucques  par  ordre  de  l'habile  réforma- 
teur des  officines  monétaires  de  l'Italie.  Et  d'ailleurs  cette 
attribution  ne  saurait  plus  être  mise  en  doute,  depuis  que 
le  célèbre  Guido  Antonio  Zanetti  a  fourni  à  l'appui  un 
témoignage  tiré  d'un  document  presque  contemporain 
dans  lequel  on  lit  :  Unus  DenaritLS  Lucensis  rel  duodecim 
AlbuH\ 
Les  heureux  effets  ressentis  dans  le  petit  commerce  par 

^  s.  Qnintino,  Indice^  tnv.  VIII. 

•  (i.  A.  Zanetti,  \vora  rarcolta  dtUe  n.nnele  €  zrcche  d'Kaliay  t.  II,  p.  401, 


j32  MÉMOIRES 

la  mise  en  circulation  de  ces  oboles  blanches  {atbufi)  donna 
naturellement  occasion  à  nos  ancêtres  de  penser  que  d'au- 
tres avantages  semblables  pouvaient  résulter  de  la  fabri- 
cation  d'une  monnaie  beaucoup  plus  forte,  ce  qui  fit  que 
l'apparition  du  double  gros  {grossove)  ne  se  fit  pas  long- 
temps attendre.  Au  moyen  de  cette  monnaie  les  transactions 
d'objets  d'un  prix  élevé  se  faisaient  plus  facilement.  A  vrai 
dire,  cette  dernière  pièce  est  singulière,  en  ce  qu'elle  re- 
présente, à  ce  que  je  pense  et  non  sans  foftdement,  deux 
bolognini;  son  module  et  son  poids  de  56  grains  en  four- 
nissent la  preuve  certaine.  La  différence  marquée  du  coin 
indique  clairement  la  succession  régulière  des  poinçons  ; 
car  les  empreintes  nous  avertissent  que  ce  type  n'appartient 
plus  à  une  époque  d'ignorance,  ou  pour  le  moins  de  grande 
simplicité  artistique  (pi.  XVIIl,  n*  à).  Le  perfectionnement 
dans  le  dessin  est  tel,  surtout  du  côté  où  est  gravé  le  mo- 
nogramme, qu'on  se  demande  d'abord  si  vraiment,  avec 
des  ornements  et  des  détails  pareils,  on  a  tenu  à  conserver 
le  chiffre  d'Otton,  emblème  systématique  désormais  sur 
notre  monnaie;  mais  l'illustre  Muratori  nous  en  donne  la 
certitude  dans  ses  Antiquités  italiennes,  où  il  reproduit  un 
exemplaire  tout  à  fait  semblable  de  cette  pièce  en  ajoutant 
les  mots  suivants  :  Allamfn  si  contenf^as  monogramma  O/- 
tonis  ibi  designari  non  repugnabo,  qucmquam  eadem  sig'a 
occnrrat  in  uummis  Ueuricii Augusti  ',  etc.  Le  type  du  droit 
ne  laisse  pas  que  de  démontrer  une  origine  différente  de 
la  date  assignée  au  gros  précédent  frappé  sous  le  règne 
d'Otton,  car  pour  la  première  fois  le  Vollo  Santo  ne  se 
présente  plus  de  face,  mais  de  trois  quarts  ;  puis  le  titre 
du  métal,  la  légende,  la  gravure,  la  forme  des  lettres,  en 

*  Moratori,  AntiquHates  itnlirae  medii  aeti,  vol.  V,  p  452. 


i:r  DissEUTAiioNS.  A33 

se  conservant  sans  alléraiion,  sont  bien  là  les  caradtéris- 
tiques  qui  conviennent  à  ces  pièces  où  Ton  reconnaît  le 
produit  d'une  émission  monétaire  qui  se  rapporte  aux  lois 
et  <iux  règlements  récemment  proclamés  et  mis  en  vigueur. 
Nonobstant  tout  cela,  on  serait  quelque  peu  embarrassé  en 
étudiant  la  numismatique  de  notre  ville,  parce  que  les  types 
de  ces  monnaies  sont  tout  à  fait  ceux  adoptés  par  rem|)e- 
reur  Otton  et  non  ceux  de  Frédéric,  qui  avait  accordé  de 
nombreux  privilèges  à  roflicinc  de  Lucques^;  mais  heu- 
reusement G.  A.  Zanetti,  que  nous  avons  déjà  cité,  en  dé- 
crivant quelques  monnaies  de  Pise  *,  fait  observer  que  Fré- 
déric I*'  avait  décrété  que  les  monnaies  de  Pise  devaient 
porter  son  nom  et  celles  de  Luc(]ues  conserver  celui  d'Otton. 
Ainsi  Ton  comprend  que  le  nom  d*Otton  a  été  conservé, 
même  sur  les  monnaies  de  l'époque  de  Frédéric  II.  Le 
burin  annonce  d'ailleurs  un  perfectionnement  et  un  pro- 
grès se  rapprochant  de  ces  temps  qui  furent  si  propices 
pour  la  renaissance  des  beaux-arts  en  Italie;  et  ceci  con- 
court à  mettre  en  évidence  que,  quoique  ces  monnaies 
portent  encore  le  chiffre  d'Otton,  elles  appartiennent  néan- 
moins à  Tempereur  Frédéric  II. 

Les  habitants  de  Lncques  ne  se  bornèrent  pas  à  frappen 
<les  espèces  monétaires  d*une  importance  secondaire;  ils 
voulurent  aussi  frapper  le  gros  «for,  belle  monnaie  du- 
poids  de  72  grains,  au  titre  de  carats  23,19,  ce  qu'on  ap- 
|)elle  vulgairement  or  vierge'*  Ce  fut  sur  ce  pied  que  les. 
Vénitiens  firent  plus  tard,  à  ce  qu'il  paraît,  fabriquer  leun 


*  ncverini.  Op.  cit.,  vol.  I,  p.  330. 

«  Zauetti,  Op.cU.,  t.  H,  p.  401  et  417,  note. 

3  Gêuéralement  on  croit  que  Tor  des  gros  de  Lucques,  aussi  bien  que  celui- 
du  florin  de  Fiorence,  est  de  24  carnt8.  Cependant  l'essai  démontre  que  ca» 
u'est  que  23,19,  ce  qui  est  aussi  le  tiiif  du  ccièbrc  scquin  de  Venise. 


m  MÉ5I01RES 

ducat  {dogato^  ducala)  d'or  en  1284.  C'est  le  comte  de  S, 
Quintino,  déjà  cité  nombre  de  fois,  qui  nous  a  fait  con- 
naître, par  un  excellent  dessin,  celte  monnaie  de  Lucques, 
le  gros  d'or,  aujourd'hui  de  la  plus  grande  rareté;  cette 
pièce  prouve  d'une  manière  des  plus  heureuses  ce  que  je 
cherche  à  démontrer,  parce  que  si  l'on  analyse  avec  soin  ce 
nouveau  type,  on  s'aperçoit  combien  il  a  de  rea«emblance 
avec  ceux  que  j'ai  précédemment  décrits  sous  les  n**  1,  2, 
3  et  A  t  le  monogramme  étant  identique  à  ceux  dans  lesquels 
nous  avons  reconnu  celui  d'Otton  et  celui  du  temps  de  Fré- 
déric II  (pi.  XVIII,  n*  5), 

Maintenant,  après  une  étude  sévère,  j'ai  pu  me  con- 
vaincre que  la  fabrication  de  ces  monnaies  a  duré  assez 
longtemps,  et  qu'elles  avaient  cours  hors  des  limites  de 
notre  petit  État.  On  peut  en  juger  par  les  formes  qui  sont 
propres  à  ces  temps  et  en  tenant  compte  du  caractère  de 
la  gravure,  qui  accuse  le  style  barbare  des  âges  précé- 
dents, et  aussi  en  trouvant  une  grande  diversité  dans  les 
coins,  ce  qui  fait  que  presque  tous  les  exemplaires  offrent 
des  variétés. 

Si  le  comte  de  S.  Quintino  *  assure  que  ces  sortes  de 
gros  avaient  déjà  cours  à  Lucques  dès  l'an  12â6,  cette 
assertion  se  trouve  confirmée  d'une  manière  solide  et  posi- 
tive par  un  savant  de  Lucques  qui  écrivant  vers  le  milieu 
du  xvir  siècle  *,  et  parlant  d'une  charte,  dit  dans  les  termes 
les  plus  explicites  qu'en  1264  vingt-neuf  livres  treize  sols 
et  trois  deniers,  librarum  vigemi  worem  soUdorum  trede- 
dm  et  denarios  tres^  avaient  été  stipulés  et  payés  en  autant 
de  petits  deniers  et  huit  gros  d'or  avec  autant  de  gros 

«  PI.  VIII,  n'-  2  et  3. 

*  De  Xohili  Daniello,  E^tratlo  ddV  arrhuto  d;  Servi,  \tttr chemin  164, 


€T   JMSSKRf  ATiONS.  435 

cVargent,  in  toi  lietianis  ininutii^  et  octo  (/nmsis  de  auro^ 
cam  aliquot  grossis  argenltis. 

De  tout  ceci  il  est  peraûs  de  conclure  que  janisds  Tatelier 
de  Lucqiies  ne  resta  en  arrière,  et  que  même  par  la  frappe  de 
Tor  il  se  distingua  parmi  les  autres  ateliers  de  la  péninsule, 
qui,  dans  le  même  espace  de  temps  et  avec  le  consentement 
de  Frédéric  H,  continuèrent  chacun  à  émettre  des  espèces 
monnayées. 

Le  gros  d'or  de  Lucques.  à  cause  de  son  titre  élevé, 
avait  cours  partout;  son  poids  surpassait  de  quelques 
grains  le  célèbre  florin  de  Florence  \  qui  était  reçu  avec 
ime  grande  faveur,  de  sorte  que  les  Lucquois  ne  virent 
aucun  inconvénient  à  continuer  rémission  de  cette  mon- 
naie. 

On  frappa  encore  une  autre  pièce  du  poids  du  florin 
qui  était  fabriqué  à  Florence,  sans  altérer  en  aucune  façon 
le  titre  du  métal,  qui  conserva  toujours  sa  pureté;  nos  an- 
cêtres, pour  se  conformer  à  l'usage  de  Tépoque,  et  aussi 
pour  favoriser  les  transactions  commerciales  avec  les  villes 
voisines,  lui  donnèrent  le  nom  de  florin,  ne  se  niettant  nul- 
lement en  peine  de  prendre  pour  exemple  et  ri^'gle  ce  qui 
se  faisait  dans  un  atelier  voisin ,  bien  inférieur  à  leur 
officine,  puisque  les  habitants  de  Florence  n'eurent  un 
atelier  qui  leur  fût  propre  qu'à  partir  de  l'an  1252  ';  dès 
L18&,  les  Florentins  envoyaient  des  lingots  d'argent  à 
Lucques  pour  y  être  monnayés  au  type  de  notre  ville  ;  il 
n'y  avait  alors  en  Toscane  d'autre  monnaie  que  celle  fabri- 
<iuée  à  Lucques. 

L'apparition  du   florin  de  Lucques  fut  un  grand  évé- 


•  Tlorghini  Vicenzo,  nella  moneta  finrnilina,  p.  213, 
'  <^*arli,  Deila  énstituzione  ilette  zcnhe  'CItalia,  t.  II. 


A3ô  MÉMOIRES 

nemeiît  dans  les  annales  des  officines  monétaires  d'I 
attendu  la  nouveauté  du  coin  ;  il  se  distinguait  tout 
des  autres  pièces,  et  s'éloignait  de  tout  type  étrange 
y  avait  placé  des  deux  côtés  les  images  sacrées  des 
tecteurs  et  patrons  de  notre  cité.  Les  Italiens,  qui  jus 
lors  montraient  qu'ils  supportaient  avec  la  plus  grande  i 
gnance  la  domination  des  étrangers,  profitèrent  du  mo 
où  s'opéraient  de  grands  changements  dans  les  lois  rela 
à  leurs  différentes  officines  monétaires  pour  s* empan 
droit  d'imprimer  à  leurs  monnaies  un  caractère  religi 
et  ainsi,  sans  offenser  directement  l'Empire,  éloigni 
de  leurs  monnaies  toute  espèce  d'idée  de  servage.  En  eff< 
l'on  vient  à  examiner  les  produits  en  assez  grand  nombn 
officines  de  ces  temps,  on  y  reconnaît  l'apparition  coi 
instantanée  de  tout  un  système  dont,  avant  cette  époqi 
ne  s'était  offert  aucune  trace.  Par  exemple,  Pise  plaçait 
ses  monnaies  l'image  de  la  Vierge,  Florence  saint  h 
Baptiste,  Arezzo  saint  Donat,  Bologne  saint  Pétrone,  M 
saint  Ambroise,  et  ainsi  de  suite.  On  peut  donc  dire 
l'atelier  de  Lucques  marque  une  époque  mémorable  < 
l'histoire  des  officines  monétaires  de  l'Italie  en  introdui 
cet  usage.  Ce  fut  là  la  première  monnaie  qui  rappelle 
temps  où  la  ville  de  Lucques  commença  à  jouir  des  ei 
d'une  liberté  raisonnable,  qui  malheureusement  n'eut 
de  durée  par  suite  des  dissensions  intérieures  et  des 
cordes  du  dehors,  excitées  par  l'ambition  des  hommes  e 
fureur  des  factions. 

Le  florin  d'or  de  Lucques,  d'un  or  pur,  pèse  68  grai 
Son  extrême  rareté  aujourd'hui  fait  présumer  que  pai 
valeur  intrinsèque  il  était  très-recherché  dès  le  moment 
il  parut  ;  les  seuls  et  uniques  exeuiplaii-es  qui  en  cxist 
sont  ceux  qui  se  trouvent  dans  ma  collection  ;  je  n'en 


.nL 


ET   DISSERTATIONS.  AS7 

pas  VU  d'autres,  et  cependant  j* ai  fait  des  recherches  dam^ 
les  collections  étrangères.  Au  droit  est  le  VoUo  Satito 
des  trois  quarts  légèrement  tourné  à  gauche.  Autour 
on  lit  :  S  VVLT.  D'  LVdA.  Au  revers  on  voit  un  guerrier 
à  cheval  à  gauche,  avec  la  visière  du  casque  abaissée 
et  Toriflamme  dans  la  main  droite.  La  légende  gravée 
autour,  S.  MARTIN.  (PI.  XVIll,  n«»  6),  fait  connaître 
d'une  manière  positive  que  ce  guerrier  est  saint  Martin, 
un  des  plus  illustres  patrons  de  la  cité  de  Lucqnes.  C'est 
donc  sous  la  double  protection  de  Dieu  et  du  saint  évèquc 
que  nos  ancêtres  avaient  voulu  mettre  la  plus  belle  mon- 
naie du  pays.  Depuis  ce  temps  le  florin  d'or  fut  non-seule- 
ment la  monnaie  courante  et  usuelle  à  Lucques,  mais  encore 
il  fut  adopté  dans  les  actes  et  contrats  tant  publics  que 
privés,  enfin  partout  où  il  était  question  d'indiquer  des 
valeurs  en  numéraire  Ainsi  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer 
dans  notre  histoire  *  les  ventes  et  les  achats  ainsi  que  les 
payements  considérables  indiqués  en  florins  d'or.  11  en  est 
de  même  des  impôts  dont  nous  grevaient  si  souvent  les 
prétendus  protecteurs  de  l'Italie,  qui  se  montraient  si  bien- 
veillants quand  l'or  leur  arrivait  à  pleines  mains  ou  quand 
une  nouvelle  portion  de  territoire  leur  était  cédée,  nous 
accordant  la  plupart  du  temps  une  protection  uniquement 
nominale,  pour  mieux  faire  peser  sur  nous  la  tyrannie  et  la 
misère.  Aussi  dans  les  actes  notariés  concernant  les  aflaires 
de  corporations  et  de  particuliers,  presque  tous  de  la  même 
teneur,  par  exemple  dans  un  acte  de  cette  espèce  de 
Tannée  1265,  je  lis  :  Bonaparte  de  Matraja  vend  une  pièce 
de  terre  boisée  au  couvent  de  Saint-Augustin  pour  le  prix 
de  9  florins  d'or  {Buonaparte  da  Malraja  vende  un  pezzo 

*  Mazzurooa,  Sloria  di  Lucca,  t.  I. 


A3S  MÉMOIRES 

di  terra  selvala  al  conveuto  di  S,  Agosliuo  per  il  prezzo  di 
9  fiorini  d*oro  *).  On  pourrait  en  dire  autant  d'autres  actes 
extrêmement  nombreux  •  que  je  passe  sous  silence  pour  ne 
pas  tomber  dans  des  redites  trop  fréquentes  Je  ferai  ob- 
server seulement  que  dans  ces  actes  où  éventuellement  se 
trouve  mentionnée  une  autre  espèce  de  monnaie,  le  florin, 
comme  valeur  ayant  cours  et  universellement  reconnue,  est 
constamment  indiqué  à  côté  des  autres  espèces.  Ainsi, 
je  me  contente  de  citer  ici  un  seul  acte  de  Tan  1292, 
que  je  trouve  dans  les  papiers  du  notaire  Jules  Castracane, 
et  dont  voici  la  teneur:  Lihras  trecentum  denariorum  Am- 
eensium  argenli  ad  ratioriem  Floreni  axtrei  de  solidis  tri- 
ginla  et  oclo  et  denariis  $ex  pro  quolibet  Floreno  *.  Quand 
on  voulait  mentionner  des  amendes  destinées  à  garantir 
l'observance  rigoureuse  des  contrats,  et  là  où  n*avait  pas 
lieu  un  payement  matériel  en  espèces,  il  est  permis  de 
croire  qu'on  s'en  tenait  à  l'ancien  usage,  c*esl-à  dire  à 
évaluer  les  métaux  au  poids.  Je  ne  citerai  ici  qu'un  seul 
exemple,  lequel  je  choisis  dans  un  grand  nombre  d'actes 
que  je  pourrais  produire  ;  il  suffit  à  l'objet  de  ce  travail, 
et  par  son  origine  et  par  l'époque  à  laquelle  il  appar- 
tient, il  nous  fournit  un  renseignement  utile.  Dans  un 
parchemin  de  l'an  1242,  je  trouve  une  confirmation  de 
privilèges  que  l'empereur  Frédéric  II  accorde  à  la  fa- 
mille des  Garsagnini,  punissant  d*une  forte  amende  celui 
qui  oserait  les  enfreindre  *...  Quod  qui  prêrsunserii  contra 
prœsem  privilrgium  uostrum  indignatioms  culminis  nos^tri 

>  Archtrei  des  moineé  de  Saiiit'AHg'Miiny  arnioii'e  II,  cfl»e  n*  25. 
*  Archives  de  la  cour  des  commerçants  de  turques. 

^  De  Nobili  I)ai.ii>!]o.  —  Mumiscrit.**  coiittervi'»  à  lu  Uibliotlicquc  n»yalu  do 
I.ucqucti. 

^  Pacclii  Doraciiico,  Iticherchr  storirhe  suUa  Guarsagnana,  p.  221,  dttc.XXlV. 


ET   DISSERTATIONS.  A39 

se  voveril  ihcursurum^  et  quintfungiiua  lihras  auii  probi  et 
optimi  pro  pœna  composUurum.  Ou  ne  trouve  jamais  des 
exemples  de  cette  espèce  dans  les  conventions  d'un  autre 
genre,  surtout  quand  il  s  agit  de  choses  d'une  importance 
secondaire,  et  où  la  valeur  était  trop  peu  considérable 
pour  en  faire  mention  spéciale  dans  les  actes  publics.  Tou- 
tefois on  ne  peut  pas  mettre  en  doute  que  Tofllcine  de  Luc- 
ques,  même  dans  les  moments  les  plus  orageux,  ne  fût  en 
grande  activité,  parce  que,  outre  les  florins  d'or  dont  j'ai 
parlé,  on  a  encore  d'autres  pièces  de  monnaie  de  cette  épo- 
que, pièces  qui,  quoique  d'une  moindre  valeur,  ont  été 
frappées  à  Lucques,  comme  on  peut  s'en  convaincre  au 
premier  coup  d'œil.  Si  dans  l'étude  d'une  série  de  mon- 
naies appartenant  à  un  peuple,  il  arrive  quelquefois  qu'une 
simple  variété  peut  donner  lieu  à  de  profondes  médi unions 
de  la  part  de  ceux  qui  s'appliquent  à  décrire  et  à  déchif- 
frer les  médailles,  il  conviendra  d'autant  plus  de  tenir 
compte  de  certains  exemplaires  ayant  des  types  spéciaux 
qui  pouvant,  d'une  manière  sûre,  être  attribués  à  une  épo- 
que déterminée  ou  à  un  prince,  cependant  par  leur  type 
spécial,  obligent  Térudit  à  rechercher  la  véritable  cause 
de  ces  changements.  J'espère  donc  faire  une  chose  agréable 
aux  numismatistes  en  publiant  ici  pour  la  première  fois  une 
pièce  tout  à  fait  inédite  que  je  ne  trouve  décrite  ni  dans 
les  documents  relatifs  à  notre  histoire,  ni  même  dans  les 
ouvrages  où  les  numographes  les  plus  distingués  ont  fait 
graver  un  nombre  considérable  de  pièces  italiennes  dé- 
crites avec  le  plus  giand  soin  et  la  plus  profonde  science. 
Ces  monnaies  sont  une  preuve  de  la  splendeur  et  de  la  ri- 
chesse dont  peut  s'enorgueillir  à  juste  titre  l'histoire  des 
anciens  municii)es  de  l'Italie.  Cette  dernière  pièce  ne  porte 
pas  de  monogramme  d'un  prince  étranger,  c'est  un  gros 


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AAO  MÉ^roiREs 

d'argent  qui  ressemble  beaucoup,  qu 
(ojjfntni  décrits  un  peu  plus  haut,  et 
une  preuve  de  plus  à  ce  que  je  chei 
changement  opéré  dans  le  type  fait 
nière  indubitable  que  notre  atelier  a  i 
Tactivité  qui  l'avait  toujours  disting 
montre  une  fois  de  plus  la  pièce  en  qi 
aussi  à  cette  même  époque,  personne 
y  reconnaît  de  la  manière  la  plus  évi 
laquelle  se  complaisaient  alors  nos  anc 
graver  même  sur  les  monnaies  de  moi 
d'un  pays  libre.  Ainsi  d'après  les  us 
droit  parait  l'image  du  Volto  Sanlo  (p 
pagnée  de  la  légende  ordinaire  :  S-  V^ 
revers,  au  lieu  du  monogramme  impéi 
cupe  tout  le  champ.  Autour  on  lit  : 
de  ce  gros  est  de  34  grains  et  le  titre  d 
d'après  l'essai,  à  onze  douzièmes  de 
que  cette  attribution  ne  peut  être  conU 
La  gravure,  les  caractères,  le  module, 
indique  une  époque  précise  d'après  lei 
et  concourt  à  prouver  de  la  manière  la 
grès  du  système  des  emblèmes  signi 
l'indépendance  non-seulement  de  la  m 
qui  la  faisait  frapper;  de  sorte  qu'il 
d'insister  d'avantage;  la  précieuse  pi( 
dans  ma  collection  est  un  document  p 
lui-même  son  origine. 

Malgré  les  guerres  et  les  troublei 
croissant,  qui  déchiraient  nos  contrée 
temps  qui  précède  le  gouvernement 
laine  Castruccio  dcgli  Antelminellî,  et 


// 


FT    DISSFRTATIONS.  441 

factions  des  Guelfes  et  des  Gibelins  se  faisaient  la  guerre  ou* 
vertement,  la  fabrication  des  Hionnaies  ne  se  ralentit  pas. 
Nous  avons  en  effet  sous  les  yeux  une  nouvelle  pièce  à  la- 
quelle ne  nf>anque  aucun  des  caractéristiques  qui  distinguent 
les  monnaies  émises  à  cette  époque  par  notre  officine.  C'est 
un  autre  florin  d'or  à  un  titre  élevé  et  du  poids  de  48  grains^ 
Cette  pièce  n'indique  pas  une  origine  diverse  du  florin  dé- 
crit plus  haut.  D'un  côté  par  le  type  du  droit  où  est  figuré 
le  VoUo  Santûy  il  Uii  ressemble  tout  à  fait;  mais  le  revers 
diffère  complètement;  on  y  voit  la  figure  debout  de  Tapôtr© 
S.  Pierre,  accompagnée  de  la  légende  S.  PETRV  APOSTOL' 
(pi.  XVIII,  n*»  8).  Je  crois  ne  pas  m'écarter  de  la  vérité  eiï 
attribuant  à  ce  type  un  âge  un  peti  postérieur  au  florin  dé- 
crit précédemment.  L'apparitioB  d'une  nouvelle  figure  (|ui 
(ainsi  que  nous  le  montrent  les  sceaux  et  les  armoiries), 
ne  fut  guère  adoptée  que  vers  la  première  moitié  du 
XIV'  siècle;  plus  encore,  la-  manière  dont  est  dessiné  le 
type  de  saint  Pierre,  concourent  à  me  le  persuader;  car  si 
l'on  reconnaît  encore  dans  cette  figure  la  sévérité  du  siècle 
précédent,  elle  s'éloigne  déjà  du  style  byzantin.  Dans  nos. 
contrées  on  rencontre  toujoHis  un  style  proprement  italien, 
de  manière  que  l'on  peut  soutenir  avec  raison  que  la  Re- 
naissance des  arts  parmi  nous  ne  fut  pas  uniquement 
l'œuvre  des  Grecs.  Maintenant,  si  nous  voulons  considérer 
ce  qui  constitue  seulement  le  matériel  de  la  monnaie,  nous 
trouvons  que  la  forme  des  lettres,  Tonb^graphe,  le  module, 
la  gravure  du  coin,  tout  en  un  mot  est  conforme  à  ce  que 
aous  voyons  sur  les  monnaies  frappées  dans  cette  période 
de  temps  dans  tous  les  ateliers  monétaires  de  l'Italie.  Le» 
exemplaires  de  ces  monnaies  nous  ont  souvent  servi  et  aidé 
dans  l'étude  de  certains  types  dont  l'analyse  serait  restée 
bien  incomplète  sans  ce  secours^  à  cause  de  la  dbette  de  do^- 


AA2  %iÊ]dOiR£S 

cuments  qui  aujourd'hui  ont  disparu  dans  la  nuit  du  passe. 
Si  nous  examinons  maintenant  en  particulier  chacun  de  ces 
florins,  il  est  évident  que  si  nos  ancêtres,  pour  se  conformer 
aux  exigences  du  temps,s'éludiaientàchanger  souvent  leurs 
types,  d'un  autre  côté  il  ressort  de  cet  examen  qu'ils  ne  vou- 
laient cependant  jamais  s'écarter  trop  des  règles  prescrites 
pour  les  monnaies  que  l'on  avait  frappées  auparavant.  Et 
il  est  hors  de  doute  que  l'usage  de  stipuler  en  florins  d'or 
dans  les  contrats  dura  pendant  une  longue  période  d'an- 
nées, parce  que,  outre  les  exemples  nombreux  que  je  pour- 
rais rapporter  encore,  nous  rencontrons  si  souvent  ces  es- 
pèces citées  dans  les  actes  du  gouvernement  (qui  en  somme 
sont  toujours  la  règle  des  actes  privés'),  et  ceci  indique 
de  la  manière  la  plus  évidente  que  l'on  continua  à  se  servir 
du  florin  d'or  dans  les  actes  publics  jusqu'à  ce  que  les 
événements,  changeant  les  usages  et  les  lois,  amenèrent  à 
Caire  usa^e  du  srquin  (zecchino),  monnaie  qui,  comme 
nous  le  verrons  dans  la  suite,  ne  jouit  pas  d'une  moindre 
célébrité  dans  l'histoire  métallique  de  notre  pays  que  les 
autres  espèces  qui  l'avaient  précédée. 

Il  est  bien  à  regretter  que  pour  toutes  les  époques  de 
notre  histoire  on  ne  puisse  pas  se  vanter  de  posséder  des 
documents  semblables  relatifs  aux  variétés  des  monnaies 
que  j'ai  décrites  précédemment,  car  les  écrivains  de  ce 
temps  ne  nous  ont  laissé  aucune  indication  sur  les  opéra- 
tions monétaires,  de  manière  que  l'on  ne  trouve  plus  au- 
cune trace  de  coins  après  ceux  de  Frédéric  II,  comme  si 
tout  d'un  coup  on  avait  cessé  de  battre  monnaie.  Il  n'y 
aurait  donc  pas  d'impossibilité,  vu  le  grand  nombre  de 
coins  tous  identiques  que  l'on  retrouve  encore  aujourd'hui, 

*  Arrhire»  df  la  cour  des  rommfrçuntt  de  LvcqvfSy  13(>0, 


ET    DISSKKTATIOXS.  443 

que  Ton  dut  attribuer  cette  répétition  de  coins  à  ce  qu'ils 
furent  reproduits  non-seulement  à  Tépoque  même,  mais 
encore  employés  au  delà  du  temps  qui  avait  réclamé  un 
changement  dans  le  type.  Ainsi  Ton  comprendrait  pourquoi 
sous  les  divers  gouvernements  qui  se  succédèrent  par  suite 
des  événements  politiques,  il  y  a  une  si  grande  pénurie  de 
monnaies  décorées  de  nouveaux  types.  En  effet,  plusieurs 
de  ces  monnaies  eurent  cours  à  Lucques  jusqu'à  ce  que 
nous  eûmes  recouvré  notre  liberté,  grâce  à  ren)pereur 
Charles  IV,  c'est-à-dire  vers  la  seconde  moitié  du  xiv*  siècle. 
C'est  donc  une  véritable  gloire  pour  notre  atelier  moné- 
taire si  l'on  rencontre  fréquemment  les  espèces  qui  en  sont 
sorties,  soii  sous  leur  forme  originale,  soit  dans  les  nom- 
breuses contrefaçons  qui  en  furent  faites;  ce  sont  là  des 
témoignages  qui  font  autorité  dans  les  annales  de  notre 
officine  et  des  autres  officines  de  l'Italie;  l'historien  dans 
des  recherches  difficiles  et  épineuses  peut  y  trouver  un 
riche  arsenal  de  matériaux  au  moyen  desquels,  et  pour 
démêler  la  vérité,  il  peut  établir  des  faits  que  la  seule  cri- 
tique ne  suffirait  pas  à  fixer;  enfin  ces  monnaies  nous  four- 
nissent des  données  sûres  pour  juger  de  la  grande  richesse 
de  notre  pays  au  xnr  siècle. 

DOMENICO   MaSSAGU, 


bhh  MÉMOIRES 


NOTES 


CO!«CEK!*IABIT 


DES  MKREAUX  ET  D'AUTRES  PIÈGES  DU  MÊME  GENRE. 


MKREAUX  FISCAUX. 

ENSEIGNES  POLITIQUES  OU  PRÉTENDUES  TELLES. 

DENIERS  DE  MARIAGE,  ETC. 

(PI.  XIX.) 


Il  a  déjà  été  plusieurs  fois  question,  dans  la  Revue,  des 
méreaux  de  plomb  que  les  découvertes  faites  à  Paris  dans 
le  lit  de  la  Seine  fournissent  fréquemment  aux  investiga^ 
tions  des  antiquaires. 

Plus  on  a  Toceasion  d'examiner  ces  modestes  témoins 
d'usages  à  demi  oubliés,  moins  on  est  surpris  de  voir  dis- 
paraître quelques  préventions  qui  s'étaient  d'abord  élevées 
à  leur  sujet.  Malheureusement,  l'obscurité  règne  encore 
sur  beaucoup  de  points  dans  cette  branche  d'études,  et  il 
est  à  craindre  qu'elle  ne  soit  pas  de  si  tôt  dissipée.  Pen- 
dant que  l'on  arrive,  en  dehors  des  séries  reconnues,  à 
classer  quelques  pièces,  le  nombre  des  incertaines  se  mul- 
tiplie par  de  nouvelles  trouvailles. 

L'article  que  nous  donnons  aujourd'hui  n'est  spécial  à 
aucun  métal  ;  mais  le  hasard  vent  que  les  plombs  retrouvés 


ET   DISSERTATIONS.  445 

dans  la  Seine  y  occupent  une  large  place.  Nous  espérons 
qu'il  n'en  sera  pas  accueilli  avec  moins  d'indulgence.  Nous 
devons  dire,  au  surplus,  que  nous  nous  proposons  plutôt 
de  faire  connaître  quelques  singularités  que  de  les  accom- 
pagner d'un  texle  bien  en  règle,  pour  lequel  nous  ne 
sommes  nullement  préparé. 

Mèreaux  fiscaux. 

Par  ces  mots  mèreaux  fiscaux,  nous  entendons  désigner 
les  signes  ou  marques  dont  on  se  servait,  au  moyen  âge, 
pour  constater  le  payement  ou  l'exemption  de  l'un  de  ces 
impôts  nombreux  qui  étaient  perçus,  sous  différents  noms 
et  différentes  formes,  sur  les  personnes  et  les  marchan- 
dises :  droits  de  maltote,  de  tonlieu,  d'assis,  d'entrée,  de 
guidages,  de  travers,  déchaussées,  de  rivages,  de  bar- 
rières, et  bien  d'autres  \  Nous  n'aurons,  du  reste,  à  nous 
occuper,  pour  cette  fois,  que  des  droits  auxquels  étaient 
soumises  les  marchandises  pour  leur  introduction  dans  les 
villes  ou  pour  leur  exposition  dans  les  foires,  halles  et  mar- 
chés, et  de  ceux  que  devaient  acquitter  les  voiiuriers  et 
convoyeurs  pour  la  circulation  de  leurs  chars  et  des  objets 
par  eux  transportés,  sur  les  chaussées,  ponts,  bacs,  etc.  V 

'  Voir  sur  ces  impositions,  dont  les  noms  variaient  suivant  les  provinces , 
la  préface  du  tome  XVI  des  Ordonnances  des  roii  de  France. 

*  Les  raédaillefl  des  monnayeurs  dites  laiêsex-pataer^  dont  la  plupart  des 
exemplaires  retrouvés  ne  sont  pas  antérieurs  au  xvi'  siècle,  étaient  un  reste 
des  méreaux  fiscaux,  puisqu'elles  étaient  destinées  à  Tnire  reconnaître  Tim- 
munité  de  ceux  qui  en  étaient  porteurs.  Elles  ne  laissent,  par  leurs  Icgendos 
plus  ou  moins  estropiées  ou  abrégées,  aucun  doute  sur  leur  objet  :  barriers, 
péagiers^  pontonniers,  laissex  passer  les  monnoyers,  —  (Voy.  Constant,  Traité  de 
la  Cour  des  monnayes ^  p.  70  à  72.  —  Bévue  numismatique  année  1B39,  p.  216, 
article  di*  M.  de  Longpérier,  etc.) 

1864—6.  30 


AAO  MÉMoinH 

Du  Gange  dit  positivement  que  < 
vrés  dans  les  foires  en  signe  d'ac 
(les  marchandises  :  u  In  nundinis 
num  soluti  prelii  pro  mercibus  exf 
traduit  d'une  façon  malheureuse 
fini  le  méreau  :  «  Un  signe  que  le 
teur  pour  prouver  que  la  march 
et  plusieurs  auteurs  modernes  o 
erreur. 

En  ce  qui  concerne  les  droits  d 
titres  abondent  pour  prouver  qu 
méreaux,  mot  quelquefois  tradu 
signa  et  d'insignia.  Les  extraits  si 
tes  commentaires  : 

Charte  de  1204,  de  Tévèque  d€ 
privilèges  de  commerce  accordés  <i 
u  Eisdem  curribus  veî  carrucis^ 
curru  denarium  et  de  carruca  oboli 
eis  signum  dabil ^  )> 

Cartulaire  de  Champagne,  titre 
iala  ad  partUiones  colidianas  in  dû 
rina  propria  singulorum^  libère^  si 
sine  aligna  coniradictiove  ^  jure  i 
derel  honestatem  clrricaleni  intro 
censem*.  » 

Us  de  la  vicomte  de  TEau,  en  N( 
à  aucun  le  merel  en  enseigne  qi 
chandise  en  la  vîcomté  de  l'Eau, 
perde. . .  .  '  » 


>  Messager  des  sciences  ds  la  Belgique^  année 
•  Du  Cango,  verbo  litreHur, 
■  76  i. 


ET    DISSF.RTATIONS.  447 

Lettres  de  Charles  V,  roi  de  France,  du  16  août  1300: 

<(  Charles,  etc ,  oye  Tumble  pelition  de  nos  bien  amez 

«t  feauls  les  Religieux,  Abbôet  Couvent  de  Sainte-Trinité 
au  Mont-Sainte-Katerine ,  dessus  Rouen,  contenant  que 
ja  soit  ce  que  euls  et  leurs  prédécesseurs  depuis  la  création 
de  leurdit  moustier,  ou  «iu  moins  de  tel  et  si  lont  temps 
qu'il  n'est  mémoire  du  contraire,  eussent  et  aient  acous- 
tumé,  tant  par  vertu  de  leurs  Chartres  et  privilèges  comme 
autrement,  d'acheter  en  la  Ville  de  Rouen  quelconques 
vivres  et  marchandises  pour  la  nécessité  de  euls  et  de  leur 
hostel,  faire  passer  et  repasser  par  euls,  leurs  gens,  ser- 
viteurs et  familiers,  par  ladicte  Ville  et  destroys  d'icelle, 
leurs  biefs,  vins,  chars*,  poissons,  bestaiU  chevaux,  char- 
rettes et  quelconques  autres  leurs  choses,  franchement  et 
quitiemcnt,  sans  destourbier  ou  empeschement  d'aucun,  et 
sans  ce  qu'ils  en  fussent  ne  soient  tenus  payer  aucun  ac- 
quit, coustnme,  péage,  rente  ne  redevance  aucune,  ne  pour 
ce  aller  prandre  congié,  deprys  ne  franc  merel  à  nostrc 
Viconté  de  TEaue  de  Rouen ,  ne  aus  gens  ne  ofBciers  qui 
pour  Nous  exercent  icelle  Viconté,  soient  fermiers  ou  au- 
tres, mais  tant  seulement  le  dire  aux  barriers  qui  pour  et 
au  nom  de  Nous  sont  establis  et  commis  aux  portes  et  pas- 
sages de  ladicte  Ville,  pour  recouvrer  les  mereaux  de  ceux 
qui  passent  et  recevoir  aucuns  droits  qui  deuz  Nous  sont; 
en  faisant  foy  par  eulx,  leurs  gens,  serviteurs  ou  familiers, 
en  la  main  desdiz  barriers,  se  ils  le  demandoient  ou  en  fai- 
soieni  aucun  doubte,  que  les  vivres,  marchandises  ou  autres 
choses  qu'ils  feroient  ainsi  passer  seroient  et  fussent  leur, 
pour  eulx  et  leurs  nécessitez  de  leurdit  moustier •  » 


'  Clinîr!»,  viande?». 

'  Ordnnnanrcs  des  rois  de  France,  t.  V,  p.  216. 


/i48  mi^:moires 

Arrêt  du  Parlement  de  Paris,  de  1403  :  «  Diclus  affora- 

(jialor insiyuium  de  dictis  vinis  Itvandis  Iradere  ac 

permillere  debebat\  » 

Nous  sommes  loin,  et  nous  l'avons  déjà  dit  ailleurs  *,  de 
vouloir  affirmer  que  les  méreaux  fiscaux  aient  constamment 
été  en  métal  et  puissent  tous  se  rattacher  aux  études  nu- 
mismaliques.  Pour  en  revenir  aux  méreaux  des  foires,  on 
voit  môme  qu'à  Paris,  dans  celle  de  Saint-Lazare,  au  xi\* 
siècle,  la  marque  qui  était  remise  aux  marchands  en  témoi- 
gnage de  l'acquit  du  droit  d'étalage  était  un  morceau  de 
cire  portant  l'empreinte  d'un  cachet  déterminé  '.  Mais  il  ne 
nous  paraît  pas  moins  certain  (|ue  d'autres  acquits,  soit  de 
droits  dans  les  foires,  soit  de  tonlieu,  etc.,  consistaient  en 
une  marque  de  plomb,  dans  le  genre,  notamment,  des  deux 
que  voici  ; 


Ces  deux  plonïbs,  que  nous  croyons  du  xiv*  siècle,  ont 
été  retrouvés  dans  la  Seine  et  font  partie  de  la  collection  de 
M.  Forgeais.  Ils  sont  unifaces  et  présentent  cette  particu- 
l.arité  qu*ils  ont  été  frappés,  alors  que  la  très-grande  ma- 
jorité des  plombs  connus  .sont  le  résultat  du  moulage.  On 

*  Du  Cange,  vi*rh.  fnsiyniuin 

*  Reçue  num.,  année  1B49,  p.  357  et  360. 

'  Depping,  notes  à  In  suite  du  Livre  de$  métiers^  d'Éiicnne  Boileau,  p.  43B  : 
M  Des  droits  de  la  foire  Saint-Ladre.  —  Item,  nura  ledit  prevost  (fermier  de 
la  foire)  ou  ses  commis  pour  Iny  ung  signet ,  dont  il  sera  tenu  buillic  l'an- 
princte  en  cire  aux  homes  qui  le  pnnront  (paieront)  de  ce  qu*ilz  lui  deve- 
ront;  laquelle  emprincte  ilz  garderont  durant  lu  fuirc^  pour  monsitrer  et  eulx 
en  aider  si  besoing  en  est.  » 


tT    DISSERTATIONS.  449 

y  lit,  autour  d'une  fleur  de  lis,  sur  le  premier:  LESdO 
LIBERKS  {Cécot  libérv) ,  et  sur  le  secoud  :  AQVITE  SVI 
(acquitté  suis)'.  La  fleur  de  lis  de  ce  dernier  méreau  est 
peut-être  accompagnée  d'un  autre  type  placé  au-dessous 
d'elle,  mais  dont  nous  ne  nous  expliquons  pas  le  sujet. 
Quant  aux  légendes,  elles  répondent  à  peu  près  à  la  même 
idée  toutes  les  deux.  L'ancien  mot  escot^  synonyme  de  part 
ou  portion,  restreint  peut-être  un  peu  plus  le  sens  de  celle 
dans  laquelle  il  se  trouve,  mais  il  ne  suflit  malheureusement 
pas  pour  déterminer  avec  précision  l'usage  auquel  étaient 
aflectées  nos  deux  pièces,  dont  l'origine  fiscale  n'est,  du 
reste,  douteuse  en  aucun  cas. 

Il  existe,  disséminés  dans  les  collections,  de  rares  mé- 
reaux  de  cuivre  d'un  genre  que  nous  ne  croyons  pas  avoir 
encore  été  particulièrement  signalé,  bien  que  l'un  d'eux 
ait  d'ailleurs  été  publié*.  Ils  n'ont  été  frappés  que  d'un 
seul  côté,  mais  le  côté  lisse  porte  généralement  en  contre- 
marque une  fleur  de  lis. 

Des  méreaux  que  nous  connaissons  de  cette  série,  l'un 
présente,  sur  un  champ  ponctué,  un  râteau  entre  deux 
fleurs  de  lis*.  Un  autre  a  pour  type  une  hache  surmontée 

'  Nous  ne  rappelontt  que  ponr  ne  point  paraître  trop  incomplet  que  M.  de 
Fontenay  [Manuel ,  p.  65)  lisait  :  Je  sut  de  laiton  mériau  aquité  t^ur  un  Jeton 
qu'il  considérait  comme  un  méreau  fiscal ,  mais  dont  la  légende  se  termine  en 
réalité  par  mériau  à  conte,  c*est-à-dire  de  compte  on  à  compter.  L'abréviation 
qui  exista  dans  le  mot  conte  a,  du  reste,  donné  lieu  à  une  autre  lecture  encore, 
mais  qui  n'altère  en  rien  le  véritable  sens  :  Je  sut  Je  laiton  mériau  à  yeter.  (JVo- 
tice  sur  une  découverte  de  monnaies  jnrardes,  pnr  MM.  Mallet  et  Rigollot,  IB41 ,  . 
p.  64.) 

•  C'est  le  n*  1  de  notre  planche.  M.  Vanhendc  en  a  attribué  un  exemplaire 
à  Lille,  à  cause  de  la  fleur  de  lis,  ce  qui  ne  paraîtrait  peut-ôtre  plus  aujour- 
d'hui à  notre  confrère  un  argument  suffisamment  concluant.  (  Sumismatiqué. 
(iHoise,  p.  234.  ) 

*  Notre  collection. 


A50  MÉMOIRES 

d*une  fleur  de  lis  et  accostée  de  feuilles  d'arbre  '.  lu 
siëme  *  oiïre  les  armoiries  de  Marie  de  Brabant,  femm 
Philippe  le  Hardi,  telles  qu'elles  figurent  sur  un  j 
de  cette  reine  que  nous  avons  publié  avec  M.  Hucb 
Vu  quatrième^  est  empreint  de  Técu  du  coaate  i 
tois. 

Ces  quatre  méreaux  que  nous  pensons  être  tous  d 
fin  du  xni«  siècle,  se  rapportent  évidemment  aux  offices 
maisons  du  roi,  de  la  reine  et  d*un  prince  du  sang, 
qu  on  les  attribue  à  l'exercice  du  droit  de  prise,  soit  qi 
aient  été  employés  comme  une  sorte  de  reçus  que  les  { 
des  ofiices  remettaient  aux  fournisseurs   de   Tbôtel 
échange  des  denrées  et  autres  objets  de  consomma 
livrés  par  ces  derniers,  reçus  que  ceux-ci  dexaient 
suite    rapporter   à   l'appui    de  leurs  coonptes    ou 
moires  *. 

Nous  reviendrons  sans  doute,  quelque  jour  à  Tétudi 
ces  quatre  méreaux,  que  nous  avons  dû  indiquer  ici  m 
à  cause  de  leur  usage,  auquel,  pourtant,  la  fiscalité  m 
peut-être  pas  étrangère,  que  comme  points  de  compan 
avec  les  deux  suivants  : 

1.  Type  de  la  sainte  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus,  a 
sur  un  trône  et  accostée  de  deux  fleurs  de  lis.  Cbamp  p 
tué.  Le  revers,  uni,  est  contremarque  d'une  fleur  d 
(PL  XIX,  fig.  1). 

2.  Les  quatre  lettres  S'IVL'  {sanctus  Julianu»)  posé< 

>  Collection  de  M.  d'Affry. 

•  Notre  collection. 

»  Histoire  du  jeton  au  mojftn  dye,  pi.  VI,  lig.  4». 

*  Collection  de  M.  Duleau. 

»  M.  Forgi^ais  (  Plombs  historiés,  3»  ftôrie)  a  publié  toute  «ne  coHect 
méreaux  (jui  parai«i*ent  avoir  t*u  cette  destination.  Voir  A«tnie  ntim.,  1864 
Cl  suiv. 


;j.^i 


ET    DI5SEKTAT10N5.  451 

forme  de  croix.  Revers  uni,  contremarque  d'une  fleur  de  lis 
(PI.  XIX,  fig.  2). 

Ces  deux  dernières  pièces  n'ont  rien  de  con:mun  avec  les 
offices  royaux,  et  elles  sont  d'un  faire  et  d'une  époque  qui 
ne  permettraient  pas  aisément  de  voir  en  elles,  nonobstant 
leurs  emblèmes  de  dévotion,  de  véritables  méreaux  ecclé- 
siastiques ayant  servi  au  payement  des  offices  religieux. 
Nous  pourrons  paraître  aventureux  dans  notre  attribution, 
mais  nous  serions  fort  tenté  de  les  considérer  comme  des 
méreaux  de  foires  tenues  sous  une  certaine  dépendance 
du  pouvoir  royal,  comme  l'indiquerait  la  fleur  de  lis  placée 
en  contremarque  au  revers. 

Le  premier,  au  type  de  la  Vierge,  qui  ne  nous  paraît  pas 
postérieur  aux  commencements  du  xiv*  siècle,  pourrait 
bien  être  de  Paris  Plusieurs  foires,  au  moyen  âge,  y 
avaient  lieu  au  Parvis  Notre-Dame^  Ainsi  s'expliquerait 
la  représentation  de  la  Vierge. 

Le  second  méreau,  marqué  du  nom  de  Saint  Julien,  est 
moins  ancien  que  l'autre,  et  nous  ne  le  croyons  pas  an- 
térieur au  règne  de  Philippe  de  Valois.  Ce  roi,  par  son 
avènement  au  trône,  avait  réuni  à  la  couronne  le  comté  du 
Maine,  dont  la  capitale  avait  son  ancien  évêque  saint  Julien 
pour  patron.  Peut-être  ne  serait-il  pas  hore  de  toute  raison 
de  rapporter  notre  méreau  à  la  ville  du  Mans,  où  une  foire, 
dont  nous  ignorons  la  date  de  première  institution,  se  tient 
encore  chaque  année  le  jour  de  la  fête  de  saint  Julien,, 
c'est-à-dire  le  27  janvier.  De  mieux  renseignés  que  cous 
décideront  la  question. 

*  :>«•  la  Mare,  Traite  de  la  police. 


^  "^1 


452 


MÉMOIRES 


De  qtAelques  objets  publiés  sous  la  dénc 
ou  enseignes  poliliqu 


.1  ', 


C'est  à  M.  Leber  que  nous  devons  h 
ches  un  peu  suivies  sur  Tétude  des  et 
politiques  considérées  dans  les  rappoi 
avoir  avec  la  numismatique. 

Il  était  tombé  entre  les  mains  de  ce 
plombs  dont  les  types  lui  ont  particuli 
factions  qui  se  disputèrent,  à  Paris, 
des  luttes  des  Armagnacs  et  des  Bourg 
rentier  rétablissement  de  Tautorité  de 
voir  dans  sa  dissertation  même  '  avec 
su  tirer  parti  de  sa  découverte,  en  s' ai 
i-essortir  l'intérêt,  de  toutes  les  ressour 
disposition  une  connaissance  approfon 
Tépoque. 

Les  trois  plombs  dont  il  s* agit  sont  d 
ronde,  marquées  d'un  seul  côté  et  gai 
broche  au  revers,  comme  certaines  ens( 
bien  connues,  ce  qui  permettait  de  les 
L'une  est  au  type  de  l'écu  à  trois  flei 
d'une  couronne  royale  non  fermée.  Sur 
le  roi  d'Angleterre  à  mi -corps,  sur  u 
sième  représente  une  croix  dont  le  o 
sange,est  orné  d'une  fleur  de  lis;  cette 
de  deux  fleurs  de  lis  et  de  deux  lions. 

Ces  trois  plaques,  qui  ont  toutes  la  i 


*  Introduction  aux  Recfurchtâ  du  docteni*  Rigollc 
quea  des  Innocents  et  des  Fous,  Paris,  1837. 


f, 
ti 


ET    DISSERTATIONS.  459 

MARIA  GRACIA  PLENA,  rappellent  chacune  le  type  d'une 
monnaie.  C'est  d'abord  l'écu  d'or,  frappé  sous  Charles  VI 
et  ses  successeurs  ;  puis  la  monnaie  anglaise  dite  noble 
d'or  ;  la  troisième  offre  cette  particularité  que,  au  lieu  d'être 
la  copie  du  côté  armorié  du  double  gros,  dit  vierlanderf 
monnaie  de  bas  argent,  que  le  duc  de  Bourgogne,  Philippe 
le  Bon,  faisait  fabriquer  dans  ses  possessions  flamandes, 
c'est  le  revers  de  cette  monnaie  qui  y  est  reproduit.  Cha- 
rjue  type  ayant  été  considéré  par  M.  Leber  comme  la  per- 
sonnification d'un  parti,  on  reconnaît  aisément  celui  qu'il  a 
attribué  aux  Armagnacs  comme  ceux  qu'il  a  donnés  aux 
Anglais  et  aux  Bourguignons. 

Nous  poserons  en  principe  qu'il  y  a  eu  des  enseignes 
politiques  en  plomb.  M.  Vallet  de  Viriville  *  et  M.  Forgeais  ' 
ont  fait  connaître  quelques-uns  de  ces  signes  de  ralliement 
que  personne  ne  contestera  provenir  du  parti  bourguignon 
durant  les  dernières  années  du  règne  de  Charles  VI;  mais 
il  faut  avouer,  d'autre  part,  qu'ils  n  ont  aucune  analogie 
avec  les  plaques  publiées  d'abord  par  M.  Leber,  et  remises 
depuis  partiellement  en  évidence  avec  leur  attribution 
primitive  par  M.  Vallet  de  Viriville  et  M.  Forgeais  égale- 
ment. 

Nous  pensons,  en  dehors  de  toute  prévention,  que  ces 
plaques  appartiennent  plutôt  par  leur  objet  à  quelque 
usage  de  nos  anciens  changeurs  qu'aux  dissensions  politi- 
ques. On  ne  peut  déjà  plus  les  examiner  isolément,  car  il  en 
a  été  trouvé  d'autres  du  u)6me  système,  mais  sur  lesquelles 
l'histoire  de  nos  guerres  civiles  n'a  rien  à  revendiquer  bien 
sérieusement.  C'est  ainsi  que  le  docteur  Rigollot,  dans  un 


*  B:frti€  archéologique  y  année  1861,  mai,  p.  380  et  suiv. 
»  Plomb»  hiatoriéf,  3'  série,  1861,  p.  181  à  189. 


AÔA  MÉMOIRES 

supplément  terminant  le  volume  même 
sertation  i\e  Leber,  a  publié  une  quai 
jours  avec  la  légende  AVE  MARIA,  etc. 
type  le  revers  de  certains  gros  d'arg 
d'Avesnes,  comtesse  de  Ilainaut,  faisa 
ciennes  vers  le  milieu  du  xis*  siècle, 
retrouvé  sur  une  plaque  du  même  gi 
blions  pi.  XIX,  fig.  3,  le  type  princif 
d'argent,  également  du  Hainaut,  attril 
au  comte  Guillaume  11,  frère  et  prédéce 
(1337-1345).  On  remarque  sur  cette  de 
une  bordure  d'oves  fleurdelisés,  le  mi 
naut  entouré  de  quatre  lions  comme  s 
quatre  lettres  HAYN  qui  sont  sur  ce  d 
cées  sur  la  plaque  par  AVE  M. 

Si  Ton  tenait  toujours  à  considérer  c( 
politiques  toutes  les  plaques-agrafes 
question,  et  dont  Torigine  commune  n' 
faudrait  admettre  que  le  système  s'en 
le  moins  dès  la  première  moitié  du  xn 
naut,  pour  se  retrouver  ensuite  en  fave 
forme  absolument  identique  près  d'un 
serait  un  exemple  d'une  tradition  bien 
ticulièrement  extraordinaire  entre  genî 
sur  ce  chapitre  que  pouvaient  l'être  le 
les  émeutiers,  surtout  lorsque  Ton  a 
enseignes  politiques  employées  à  Paris 
du  règne  de  Charles  VI  n'avaient  aucun* 
nos  plaques-agrafes.  Personne,  sans  d 
térieures  à  Charles  VII  les  plaques  que  3 


*   Bcvhcrrhiê  4wr  les  monnaie»  'Uf  comtes  de  Hainau 


''f. 


ET    DISSERTATIONS.  A  55 

L'une  d'elles,  dans  tous  les  cas,  celle  qu'il  considère  comme 
provenant  du  parti  bourguignon,  ne  peut  remonter  au  delà 
de  1433,  puisqu'elle  est  la  copie  du  revers  des  vierlanders 
de  Philippe  le  Bon,  dont  la  frappe  a  tout  au  plus  tôt  com- 
mencé en  cette  même  année.  On  se  demande  en  outre  à 
quel  propos  le  parti  bourguignon  aurait  pu  prendre  pour 
emblème  ce  revers  de  monnaie,  lequel  porte  la  croix  droiie, 
au  lieu  du  sautoir,  dit  croix  de  saint  André,  qui  caracté- 
risait ce  parti,  ou  des  armoiries  mômes  du  duc  de  Bour- 
gogne qui  se  trouvaient  justement  sur  le  côté  opposé  des 
vierlanders.  Comment  enfin  expliquer,  en  restant  dans 
l'hypothèse  des  enseignes  politiques,  la  plaque  ci-dessous', 
dont  on  ne  saurait  méconnaître  la  parenté  avec  les  précé- 
dentes? 


Sur  cette  dernière,  il  est  vrai,  nous  n'avons  plus  pour 
légende  les  premiers  mots  de  la  salutation  angélique;  mais 
l'aspect  général  est  le  môme,  et  le  type  du  lion  assis  sous 
un  dais  est  encore  emprunté  à  une  monnaie  fort  commune 
de  Philippe  le  Bon ,  le  lion  d'or,  dont  la  première  émis- 
sion ne  date  que  de  1A5A.  Il  y  avait  alors  dix-huit  ans  que 
Paris  était  rentré  sous  l'obéissance  de  Charles  VII,  ce  qui 
nous  jette  bien  en  dehors  de  l'époque  des  luttes  entre  les 
Bourguignons  et  les  Armagnacs.   La  légende  lE  S VI  LK 


•  Trouvée  <ian»  In  Soine.  —  ('••liociù»n  d*'  M.  F(»rfr»'aif4. 


A50  MÉMOIRES 

LION  CKOVl^ANT  se  rapporte  tout  siuipletuent  au  tyjx 
la  position  accroupie  dans  laquelle  le  lion  est  figuré.  C 
en  même  temps  un  moyen  de  désigner  la  monn.iie  n 
sentée,  lion  crotipant,  afin  d'éviter  la  conrusion  avec  i 
très  monnaies  d'or  flamandes  plu&  anciennes,  telles  q 
lion  rampant  et  le  lion  heaume,  frappées  du  lemp 
Louis  de  Maie. 

Nous  pensons,  en  dernière  analyse,  que  les  plaq 
agrafes  à  des  types  monétaires  n'étaient  autre  chose 
des  espèces  d'étiquettes  dont  les  changeurs ,  après  a 
fait  le  tii  par  catégories  et  par  sacs  des  monnaies  qui  j 
saient  par  leurs  mains,  se  servaient  pour  distingue 
contenu  de  chaque  sac.  Le  type  remplissait  le  but  dés 
sans  qu'il  fût,  en  général,  besoin  d'autre  indication 
voilà,  sans  doute,  pour  quelle  raison  la  légende  des  j 
ques  était  si  souvent  étrangère  aux  monnaies  représenta 
Les  premiers  mots  de  la  salutation  angélique  faisaient 
plus  souvent,  les  frais  de  cette  légende,  par  l'habitude 
l'on  était  de  les  inscrire  presque  partout,  jusque  sur 
jetons  et  même  sur  des  ustensiles  de  ménage  et  de  toilei 

L'opinion  que  nous  venons  de  développer  sur  Tu» 
des  plaques-agrafes  à  des  types  monétaires,  nous  Tavit 
déjà  émise  en  1859^;  mais  nous  avions  dû  nous  borne 
l'indiquer,  manquant  alors  d'une  partie  des  renseig 
ments  qu'il  nous  fallait  pour  pouvoir  essayer  de  la  fa 
partager  par  nos  lecteurs. 

Nous  devons  revenir  ici  sur  une  erreur  dont  nous  sonin 
l'auteur,  et  qui  a  malheureusement  eu  l'honneur  de  la 
production  dans  ï Histoire  de  France  de  MM.    Bordier 
Charton. 

*  Hetuf  nunusmntiqne  belge,  3'  sôric,  t.  II,  note  iiiâéri-?  aux  pRg:**^  45  vt  4i 


r.T    DISSEIUATIONS.  457 

A  une  époque  ou,  plein  de  confiance  dans  le  savoir  jus- 
tement apprécié  de  M.  Leber,  nous  n'avions  pas  eu  la 
pensée  que  son  attribution  des  plaques-agrafes  aux  trou- 
bles politiques  du  XV  siècle  pût  être  l'objet  d'un  doute,  nous 
avons  nous-même  découvert,  au  milieu  de  vieux  débris 
retirés  de  la  Seine,  une  plaque  de  plomb  qui  nous  parais- 
sait avoir  une  origine  analogue.  Celte  dernière,  également 
circulaire,  mince  et  estampée  d'un  seul  côté,  portait  au 
revers  des  rudiments  que  nous  avions  cru  pouvoir  prendre 
pour  les  restes  d'un  crochet  ;  mais,  au  lieu  d'un  type  mo- 
nétaire, on  voyait  sur  la  face  le  nom  d' Arras  entouré  de  rats, 
accompagnement  emprunté  aux  armoi;ies  de  cette  ville,  ou 
plus  exactement  de  la  cité,  qui  en  était  la  partie  la  plus  an- 
cienne. Nous  nous  étions  cru  autorisé  *  à  considérer  notre 
plaque  comme  provenant  de  la  milice  communale  d'Arras, 
dont  les  archers  avaient  joui  de  quelque  célébrité  dans  les 
guerres  de  l'époque  de  Philippe  le  Bon.  Nous  nous  trom- 
pions lourdement,  et  nous  n'avions  affaire,  en  réalité,  qu'à 
un  plomb  de  marchandise  incomplet.  Nous  en  avons  depuis, 
avec  l'assistance  de  M.  Forgeais,  recueilli  huit  à  peu  près 
tous  dans  le  môme  état,  c'est-à-dire  n'ayant  conservé,  des 
deux  plaques  superposées  et  originairement  rivées  l'une 
dans  l'autre  dont  se  composait  chaque  plomb,  que  celle  sur 
lîiquelle  est  inscrit  le  mot  ARRAS.  Mais  il  existe  quelques 
plombs  entiers  qui  ne  laissent  aucune  indécision  sur  leur 
véritable  objet,  et  nous  pouvons  aujourd'hui  en  publier  un 
dont  nous  devons  l'obligeante  communication  à  M.  Duleau 
(PI.  XIX,  fig.  8).  Celui-ci  est  d'un  plus  beau  travail  que 
celui  que  nous  avions  imparfaitement  fait  connaître,  et  Ton 
y  distingue,  du  côté  qui  manque  ordinairement,  un  rat  sur- 

*  Hnuf  /lu m.,  îi II ruM"  IRlî»,  j».  37i>. 


AÔS  lllUOlRCS 

monté  «riine  fl»^ur  de  lis.  Il  existait 
lettre  dont  il  ne  reste  que  quelques 
vait  être,  pensons-nous,  un  T.  Sur  i 
appartient  aussi  à  M.  Duleau,  le  T  < 
Peut-être  cette  marque  variable  éta 
visiteur  des  étofles  que  nos  plombs  et 
et  qui  ne  devaient  être  autre  chose  ( 

Les  draps  d*Arras,  au  moyen  âge 
s* en  faisait  un  commerce  étendu,  no 
un  règlement  royal  du  xiv*  siècle, 
percevoir  à  Paris  sur  certaines  ma 
étaient  taxés  à  18  deniers  parisis  pai 
de  villes  voisines,   comme  Monirei 
Tétaient  qu'à  12  deniers.  Plus  tard, 
plus  à  Arras  que  des  draps  commun: 
brication  du  drap  était,  du  reste, 
décadence  dans  tout  lArtois  et  s  été 

Aucun  des  plombs  que  nous  c 
d* Arras  ne  nous  paraît  antérieur  au  x^ 
le  type  des  plombs  fut  changé,  au 
lorsque  ce  roi,  après  s'être  emparé  c 
voulu,  en  1481,  lui  faire  perdre  son 
tilier  de  celui  de  Franchise,  qu'elle 
trois  ou  quatre  ans  '.  Il  nous  est  toi 

'  VorJonnance  de»  couitumes  de  Pari»;  combitfi 
fuiier  de  péage.  Pi^ce  sun!»  date  insériH*  dnnA  un  an 
des  compte»,  actuelloniont  k  1h  Bibliotlièque  ir 
fonds  français. 

'  Voir  les  intéressantes  recherches  publii^es  i 
champs  de  Pas,  dans  le  XXXV*  volume  des  Mé 

'  TTurduin,  Me'moirei  pour  gerrir  a  Vhistoire  de 
ltrb%  Ferry  d<?  Locre»,  un  iirrOt  du  parlement  de 
Nujui'l  la  vill*'  d'Arrn«j  est  oppolôe  Chitai  Uberti 


ET    Iil5SEUTATI0NS.  459 

plomb  avec  ce  dernier  nom  (PI.  XIX,  fig.  9).  rare  souvenir 
des  dures  années  d'épreuves  auxquelles  était  alors  soumise 
la  capitale  de  TArtois.  On  ne  voit  pas  de  rats  sur  le  plomb 
de  Franchise,  ce  qui  n*a  rien  de  surprenant  puisque  les 
armoiries  de  la  ville  avaient  été  changées  en  même  temps 
que  son  nom*.  Malheureusement,  noire  exemplaire  un 
conservé  que  Tune  de  ses  faces;  espérons  qu'une  nouvelle 
découverte  nous  apprendra  quelque  jour  ce  que  représen- 
tait l'autre.  Nous  en  avons  dit  assez  sur  un  sujet  qui  ne 
rentre  qu'à  demi  dans  le  cadre  de  la  Revue, 

Deniers  de  mariage. 

w  Vous  lisez  dansidace  et  Frédégaire  que  Clovis  p:e- 
mier,  cspousant  Glothe,  niepce  de  Gonibault,  roy  de  lionr- 
gongne,  lui  fit  offrir  un  sold  et  un  denier  par  son  ambassa- 
deur et  paranimfe,  pour  observer  (ainsi  qu'il  est  croyable) 
la  coustume  des  peuples  soptentrionnaux  qui  portoient  à 
leurs  espouses  certaines  sommes  d'argent  avant  de  les 
mener  en  leur  maison.  Dont  possible  vient  nostre  coustume 
que  le  mary  présente  treize  deniers  au  prestre.  Et  dans  h  s 
lois  bourguignonnes  cela  s'appelle  pretivm  pueHj*,  le  prix 
de  la  fille.  »  (Fauchet,  les  AntiquIUs  et  Histoires  gauloises 
et  françoises.) 

La  coutume  de  faire  bénir  par  le  prêtre  et  d'offrir  à  la 
mariée,  dans  la  solennité  nuptiale,  une  somme  de  deniers, 
variable  suivant  les  localités,  est  incontestablement  trèi^ 

»  D*aprè8  uno  déclaration  de  Louis  XI  du  20  août  1481,  les  armes  de  Fran- 
chiii  devaient  être  "  d'azur,  semé  de  fleurs  de  lis  d*or,  à  Timage  de  saint  Déni» 
portant  son  chef  entre  les  mains.  •»  Lo  roi  av  it  ordonné  que  ces  armes  fussent 
gravées  sur  les  sceaux  de  la  ville.  (Dom  Drvienno, //w/oirf  d'Artois,  3»  partie, 
p.  Ufî.  ) 


liiiH 


160  MEMOIRES 

ancienne.  11  n'est  pas  douteux  que  '. 
mencé  par  donner  de  véritables  mor 
un  temps  où  Ton  fit  des  pièces  de  fanta 
constance.  Aux  x\i*  et  xvir  siècles,  on 
nombre,  le  plus  souvent  en  argent  ot 
légendes  DENIER  TOVRNOIS  POVR 
POVR  EPOVSER,  DON  D'AMI,  et  ai 
cites*. 

Nous  ne  faisons  pas  l'histoire  deî 
Nous  devons  cependant  rappeler  qu 
du  xiv«  siècle  portent  la  légende  par 
sans  les  considérer  tous  comme  ayai 
servir  de  pièces  de  mariage,  nous  pei 
des  amateurs  qu'ils  en  servaient  parfo 
souvent. 

Dans  ses  Monuments  de  la  Maison 
brouse  a  publié,  pi.  XVI,  un  jeton 
châtel  tournois,  avec  la  légende,  au  r 
SVI    DOVNE;    nous   en    possédons 
laiton. 

Voici  maintenant,  pi.  XIX,  fig.  4, 
du  XI v*  ou  du  XV*  siècle ,  que  nous  c 
sèment  de  M.  A.  de  Barthélémy.  Le  t 
nois,  quelque  peu  défiguré,  y  est  er 
AVE  MARIA  GRACIA,  inscrite  à  reb 
sente  deux  mains  l'une  dans  l'autre 
lerait,  en  termes  de  blason,  une  foi; 


1  Congrèi  archéologique  de  France^  session  de  18<l 
de  M.  de  Fontenay  sur  la  numismatique  litnrgiqt 
les  deniers  de  mariage. 

•  Quelques  deniers  de  mariage  des  xvi*  et  xvi 
des  deux  mains  l'une  dans  l'autre,  quelquefois  si 


ET  DISSERTATIONS.  /|6l 

n'était  pas  encore  assez  significatif,  on  Ta  accompagné,  en 
dessous,  d'une  tête  chevelue  d'un  dessin  trop  grossier  pour 
être  bien  caractérisée,  mais  trop  petite  par  rapport  aux 
mains  pour  n'être  pas  une  tête  d'enfant,  ce  qui  réunit  dans 
une  même  allégorie,  passablement  matérielle,  la  foi  jurée 
et  le  but  du  mariage.  Nous  avons  donc  sous  les  yeux  un 
denier  d'épousailles,  bien  que  le  métal  prête  assez  peu  de 
prime  abord  à  l'idée  de  cette  attribution.  Mais  l'exemple 
d'une  pièce  de  mariage  en  plomb  n'est  pas  unique;  nous 
pouvons  en  citer  un  treizain  au  type  des  écus  d'or  de 
François  !•%  retrouvé  dans  la  Seine  renfermé  dans  une  cap- 
sule également  de  plomb.  Il  fallait,  en  définitive,  des  de- 
niers de  mariage  pour  toutes  les  classes  de  la  société,  et  les 
personnes  à  qui  leur  bourse  ne  permettait  pas  de  s'en 
munir  chez  Torfévre  en  achetaient  chez  le  bimbelotier. 

Nous  ne  saurions  non  plus  quelle  meilleure  attribution 
faire  qu'aux  épousailles,  de  certaines  bractéates  en  laiton, 
que  l'on  retrouve  de  temps  à  autre,  et  qui  simulaient  assez 
bien,  du  côté  en  relief,  lorsqu'elles  étaient  neuves,  tantôt 
l'écu  d'or  de  François  I"  ou  de  Henri  II,  tantôt  l'angelot  du 
roi  d'Angleterre,  Henri  VHP.  Nous  publions  trois  de  ces 
bractéates  (PI.  XIX,  fig.  5,  6  et  7).  Les  légendes  VIVE: LE 
NOBLE  :  ROI:  FRANÇOIS  :LD(é?)  C(e)  N(om),  —  V1VE:LE 
NOBLE:ROY:HENRY:SE(cond)  B{e)  C[e)  N(om),  ne  nous 
paraissent  à  relever  que  comme  indiquant  l'époque  ap- 
proximative de  la  frappe.  Quant  à  la  légende  qui  entoure 
le  type  de  l'angelot,  elle  est  celle  de  la  monnaie  représen- 
tée, mais  avec  un  petit  barbarisme  dans  le  nom  du  roi.  La 
bractéate  à  ce  type  nous  paraît  d'ailleurs  d'origine  fran- 

1  D*aatre8  bractéates  ont  également  servi  de  deniers  de  niAringe.  Voir  celles 
en  argent  et  à  l'effigie  de  saint  Martial,  de  Limoges,  que  M.  lili.uiicc  Ardaiit 
u  publié  dans  la  fifruf  numismatique,  1851»  p.  223. 

lB4i4.  —  t».  Si 


A()2  MÉMOIRES 

çaise  comme  les  deux  autres  et  sans  aucune  signification 
politique.  Les  angelots  étaient  très-répandus  en  France,  où 
leur  cours  était  même  légalement  autorisé. 

Nos  bractéates  étaient  sans  doute  offertes  par  treizains. 
L'usage  de  ne  donner  qu'une  seule  pièce,  une  médaille  en 
argent  ou  même  en  or,  qui  a  prévalu  à  Paris,  où  il  est  en- 
core suivi,  ne  paraît  pas  être  très-ancien.  On  sait,  toute- 
fois, qu'il  existait  au  moins  dès  l'époque  de  Louis  XV.  La 
preuve  s'en  tirerait,  au  besoin,  des  Mémoires  du  rêgimetit 
iie  la  Calotte  \  Nous  la  trouvons  également  d'ailleurs  dans 
un  manuel  ecclésiastique  imprimé  en  1769  ',  où  la  céré- 
monie de  la  bénédiction  des  arrhes  matrimoniaux  est  inti- 
tulée :  ((  Benedîctio  nummi  vol  mtmmorunu  » 

Plomb  au  type  des  royaux  d'or. 

Nous  donnons  sur  notre  pi.  XIX,  et  pour  la  compléter 
(fig.  10),  le  dessin  d'un  ancien  plomb  que  nous  tenons 
de  M.  d'Affry,  et  dont  Tusage  nous  est  tout  à  fait  in- 
connu. On  y  voit,  au  droit,  un  roi  sous  un  dais  gothique. 
C'est  le  type  des  royaux  d'or,  de  Charles  le  Bel  à  Jean  le 
Bon.  Au  revers  est  une  croix  fleurdelisée,  entourée  de 


*  Voir,  sur  les  siiiguîîers  mémoires  de  Ta^ROciation  de  manvai*  plai^nnts  qni 
prenait  ce  titre,  le  BuUetin  du  bibliophile,  2*  série,  p.  355  et  356,  etc.  La  pre- 
mière édition  est  de  1725.  La  pièce  dans  laquelle  il  est  question  de  la  mé< 
daille  des  EMOoiés  comme  ayant  un  jour  servi  de  médaiUe  de  mariage,  ce  qui 
n'est,  au  surplus,  qu'une  fiction,  est  insérée,  dans  Tédition  de  1752,  à  U 
page  168  de  la  première  partie  :  elle  est  intitulée  :  •*  Brevet  qm  diclare  Im  en- 
fàns  de  Daubergvê  enfant  nié  du  Bégiment,  » 

Iji  médaille  du  régiment  de  la  calotte  a  été  publiée  dans  la  Berne  numitma- 
tiitue  belge,  1~  série,  t.  HI,  pi.  XIII,  et  expliquée  t.  FV,  p.  296  et  suiv. 

*  Manuale  Àbrincence,  p.  170. 


¥.T   DISSERTATIONS.  A6S 

quatre  cintres  et  de  cette  légende  :  +  lE  SVI  VNS  ROIAVS 
DOR. 

Nous  avons  plusieurs  denéraux  de  cuivre  au  type  des 
royaux,  et  avec  les  légendes  POIS  DE  REODOR;  P. DE 
REAIL;  REAL  DE  FRA'CE;  le  marquis  de  Lagoy  et  M.  de 
Longpérier  on  ont  publié  d'autres  sur  lesquels  on  lit:  POIS 
DE  REAL  et  LE  ROIAL  ^  ;  mais  notre  plomb  n'est  pas  un 
denéral,  car  il  pèse  5«^80,  et  ce  poids  ne  se  rapporte  à 
celui  d'aucun  royal  d'or.  Bien  des  suppositions  pourraient 
être  faites  ici;  comme  il  ne  nous  en  vient  pas  une  qui  nous 
satisfasse  franchement,  nous  laissons  tout  entier  le  pro- 
blème à  résoudre ,  nous  bornant  à  appeler  l'attention  sur 
une  pièce  qui  nous  parait,  par  sa  bizarrerie,  mériter  au 
moins  d'être  signalée. 

J.  Router^ 

*  Bévue  num„  Année  1858,  pi.  XIX. 


BULLETIN  BlBLfOi 


Ueber  eine  galliscbe  Silberinûnze 
Bilde  eines  Druideo,  von  Frai 
1863.  In-4%  vignettes. 

M.  Franz  Streber,  auteur  d'un  ouvr 
en  4863,  par  T Académie  des  inscriptio 
de  consacrer  un  mémoire  de  vingt-se| 
d*une  monnaie  gauloise  dont  se  sont  oc 
I^lewel  •,  Duchalais  *  et  l'auteur  du  ( 
Reichcl  *. 

Des  matériaux  très-curieux  sont  ac 
mais  leur  agencement  dénote  de  la  pa 
gination  que  de  critique.  L'analyse  ( 
chaque  chapitre  et  les  considérations 
trorons  ensuite,  justifieront  la  sévérité 

Les  figures  empruntées  par  M.  Strc 


1  Uebtr  dit  togenatmttn  R»(fenbogen-Schûiielcht 
'  Defcrtpl.,  Sappl.,  t.  I,  MédaiU.  incert.  des  ' 

>  Études  tur  le  type  ganhU^  p.  271. 

«  DticHpt.  deifnédaiU,  Qaul.,  p.  299,  n*  701, 

>  P.  5,  n*  42.  Les  principaux  chapitres  du  ( 
cbel  sont  Tœuvre  de  M.  de  Koebne  ;  la  partie  r 
H  été  rédigée  par  le  docteur  Fietiker. 


nULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE.  A65 

lewel  et  de  Duchalais  laissant  à  désirer  sous  le  rapport  des  dé- 
tails, nous  avons  reproduit,  en  tôte  de  cet  article,  deux  spéci* 
niens  de  la  monnaie  en  question,  qui  font  partie  de  la  collection 
de  M.  deSaulcy  ^ 

Analyse  du  mémoire, 

ÏNTRODccTiON.  —  Dans  l'introduction  Tauteur  discute  et  rectifie 
heureusement  les  descriptions  antérieures.  Mionnet  voyait  à  tort 
un  autel  à  côté  du  personnage  assis;  Duchalais  avait  pris  la  tôta 
du  serpent  pour  un  gland  de  chéne^  et  le  bras  gauche  de  la 
figure  humaine  pour  un  V,  M.  Pietzker  pensait  que  cette  figure 
était  couchée. 

Lelewel  s'exprimait  ainsi  ^  page  271  :  a  Mannequin  ^  Druide 
«  de  Senodon  difforme,  assis,  décoré  d'une  longue  tresse  (de 
«  cheveux).  Certes  c'est  une  monnaie  locale^  et  Ton  ne  contes- 
«  tera  pas  aux  Remois  et  aux  Trévires  l'appropriation  qu'ils^ 
a  s'en  sont  faite,  puisqu'elle  se  trouve  dans  leur  pays,  »  et,  plus 
loin,  page  359  :  a  Mannequin  acariâtro  d*un  Druide  assis,  ayant 
a  sur  ses  genoux  un  rameau  de  gui.  d  M.  Strcber  va  nous  dire,, 
au  chapitre  I"^  ce  qu'il  pense  de  l'avis  du  savant  polonais. 

Chap.  I^.  —  On  ne  saurait,  suivant  Tauteur,  voir  au  droit  ni 
im  prince  ni  un  personnage  historique;  la  pose  oA  T habitas 
de  la  figure  assise  contredisent  cette  hypothèse.  L'opinion 
de  Lelewel,  séduisante  au  premier  abord ,  lui  parait  inadmis- 
sible, parce  que  le  |)ersonnâge  est  nu,  tandis  que  le  Druide, 
investi  des  plus  hautes  fonctions  de  la  société  gauloise,  devait 
|)orter  habituellement  un  ample  manteau,  et,  dans  tous  les  cas, 
prendre  la  peine  de  se  vêtir  pour  le  moment  où  il  avait  devant 
lui  (sur  ses  genoux,  suivant  l'expression  de  Lelewel)  le  rameau 
sacré;  M.  Streber,  qui  tient  à  cette  remarque,  cite  le  passage  de 

*  M.  de  Saalcy  possède  plasicnrs  do  ce»  pièces,  achetées  dans  les  ventes. 
II  ignore  où  elles  ont  été  trcavées  ;  leur  poids  mnjen  est  dVnviron  l^^SS. 


iôQ  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE. 

Pline  011  il  est  dit  que  le  prêtre  gaulois  se  couvrait,  pour  couper 
le  gui,  d'un  vêtement  blanc^  candida  veste. 

L'auteur  ne  croit  pas  se  tromper  en  avançant  qu'il  s'agit 
d*un  béios  ou  d'un  dieu  particulièrement  honoré  chez  les  Jtemi 
ou  les  Treveri.  Cette  idée  lui  est  suggérée  par  l'usage  où  Ton 
était  dans  Tantiquité  classique  de  représenter  sur  les  monnaies 
les  fondateurs  des  villes,  les  chefs  des  dynasties,  tels  qu'Ajax, 
Achille,  Hector^  Ulysse,  etc.  Mais  quel  est  ce  héros  ou  ce  dieu? 
Après  s'être  posé  cette  question  embarrassante,  il  avoue  que  le 
culte  des  Gaulois,  et  en  particulier  celui  des  Rémi  et  des  7Ve- 
veri,  est  trop  peu  connu  pour  founûr  les  éléments  d'une  solu- 
tion directe,  lors  même  que  l'image  gravée  ne  serait  pas  si  in* 
forme  et  laisserait  au  moins  distinguer  si  elle  représente  un 
homme  ou  une  femme.  Il  ne  perd  cependant  pas  courage,  et, 
appelant  à  son  secours  un  accessoire  du  type  |»rincipal,  il  cher- 
che à  tirer  des  conséquences  de  la  présence  de  l'arbre. 

Chap.  II.  — M.  Streber  commence  ce  chapitre  par  une  inté-» 
fessante  et  savante  dissertation  sur  les  arbres  à  l'existence  des- 
quels on  attachait  le  sort  des  états,  dt^s  castes  et  des  individus; 
il  rappelle  l'olivier  d'Athènes,  l'arbre  de  Mégare  et  le  figuier  de 
Rome  ;  le  myrte  des  patriciens  et  le  myrte  des  plébéiens  ;  le 

laurier  d'Auguste^  etc.,  etc puis,  abandonnant  Tantiquité 

classique,  il  décrit,  avec  Quilzmann  ^  et  Mone  ',  le  caractère 
analogue  que  la  légende  du  Nord  donne  au  frêne  et  au  poirier. 

Il  déclare  ensuite  formellement  que  l'arbre  ou  le  rameau 
gravé  dans  un  coin  de  la  pièce  doit  avoir  une  signification 
psirticulière  en  rapport  avec  les  croyances  du  peuple.  Mais  quel 
est  cet  arbre?  Est-ce  un  gui,  connue  le  supposait  Lelewel?  Non, 
puisque  le  personnage  est  nu  et  ne  peut  être  un  Druide.  D'ail- 
leurs, un  rameau  formé  de  brandies  syntétriques  par  rapport  à 
la  tige,  représenterait  mal  cette  plante.  —  Est-ce  un  palmier. 


'  Vit  heiduitcht  Religion  dn  Baitcaren,  p.  50. 

•  Geêchivhle  det  UeidefUhuma  im  nàrdl.  Europa.  t.  II,  p.  87. 


BULLETIN    DlBLlOGRAPlllOlE.  467 

comme  1  adineitait  l'auteur  du  catalogue  de  la  c(»llectiou  Reicliel? 
Non  encore^  car  les  Rémi  et  les  l'revef^i  n'avaient  aucun  motif 
|H)ur  représenter  sur  leurs  monnaies  une  plante  qui  ne  croissait 
pas  en  Gaule,  et,  d'autre  part^  ils  n'avaient  assurément  pas  em- 
prunté ce  type  aux  monnaies  puniques^  car  de  tels  emprunts 
n'ont  guère  lieu,  ajoute-t-il,  qu'entre  peuples  ayant  la  même 
mythologie.  —  En  résumé,  M.  Strcber  est  obligé  d*avoucr 
que  la  petitesse  et  l'imperfection  de  l'image  monétaire  rendent 
tout  aussi  impossible  de  reconnaître  à  priori  l'arbre  que 
le  personnage,  et  renonçant  pour  le  moment  à  exposer  les 
conséquences  qu'il  devait  tirer  de  la  présence  de  Tun  pour  la 
détermination  de  l'autre,  il  se  rejette  sur  le  second  accessoire 
du  type  principal,  c'est-à-dire  sur  le  serpent  qui  se  chargera  de 
ré|H)ndre. 

Chap.  m.  —  Lorsqu'une  monnaie  présente  h  la  ft)is  un  arbre 
et  un  serpent,  on  est  fondé,  dit  l'auteur,  à  admettre  une  corréla- 
tion entre  ces  deux  images.  Quelle  est  cette  corrélation?  Indi- 
que-telle  un  sentiment  d'affection?  Non,  car  s'il  s'agissait  du 
serpent  gardien  de  l'arbre,  on  le  verrait  enroulé  sur  le  tronc  '. 
Loin  de  là,  le  reptile  occupe  un  bord  de  la  pièce  et  l'arbre  un 
autre,  ce  qui,  assurément,  dans  la  pensée  du  graveur,  indiquait,, 
entre  les  deux  symboles,  un  sentiment  de  répulsion  ou  d'antago- 
nisme Gegensatz,  Feindschaft,  Cette  ob>ervation,  et  j'insiste 
Jà -dessus,  est  la  clé  de  voûte  du  système  d'interprétation  de 
M.  Streber.  Il  va  établir  maintenant  quel  est,  parmi  les  arbres, 
Tennemi  du  serpent. 

Cet  ennemi  bien  connu  est  le  frêne,  auquel  les  traditions  de 
t')us  les  peuples  et  de  tous  les  temps  ont  attribué  une  action 
sur  les  reptiles.  — Le  serpent  reste  immobile,  dit-on,  quand  on 
femprisonne  dans  un  cercle  formé  de  branches  de  frêne,  eè 
meurt  lorsqu'on  le  touche  avec  une  baguette  de  frêne  ;  il  fuit 
même  l'ombre  de  cet  arbre. 

*  BOtticher,  Dtr  Baumcultus  der  f/f/K-nm,  p.201. 


A6S  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

On  guérit  avec  le  suc  du  frêne  les  morsures  des  serpents,  eU 
sur  les  bords  deTOhio^  les  chasseurs  en  emploient  les  feuilles  pour 
éloigner  ces  dangereux  visiteurs.  Les  Grrcs  mêmes  croyaient  à  la 
vertu  du  frêne  et  lui  attribuaient  l'absence  de  reptiles  dans  le  bois 
d'Apollon  Clarios\  Des  citations^  dont  je  ne  rapporte  qu'une 
partie,  établissent  par  conséquent  que  le  serpent  doit  ou  fuir  le 
frêne,  ou  se  soumettre  à  sa  puissance.  Or  Tauteur^  au  contraire, 
prétend  un  peu  plus  loin  que  le  reptile  de  la  monnaie  a  une  pose 
agressive;  il  lui  faut  donc  chercher  encore  et  trouver  quelque 
part  un  serpent  moins  timide  osant  prendre  sa  revanche.  La 
légende  du  Nord  le  lui  offre,  dans  le  serpent  Nidhôggr,  qui 
menace  les  racines  du  frêne  Yggdrasill^  l'arbre  magique,  l'arbre 
de  vie>  dont  les  rameaux  symboliques  couvrent  le  monde. 

Chap.  IV.  —  Après  avoir  consacré  un  chapitre  à  chacun  des 
deux  accessoires  du  type  principal,  M.  Strebcr  revient  à  ce  type, 
c'est-à-dire  à  la  figure  assise.  Adoptant  l'opinion  de  l'auteur  du 
catalogue  de  la  collection  Reichel,  il  suppose  que  l'arbre  sort  des 
flancs  du  personnage^  et,  insistant  sur  le  dispositif  des  branches 
opposées  deux  à  deux^  il  en  conclut  que  l'on  a  sous  les  yeux 
l'arbre  généalogique  de  la  race,  et  dans  la  figure  assise,  l'image 
du  chef  de  cette  race.  Pour  appuyer  son  hypothèse ,  il  rappelle 
que  l'antiquité  a  souvent  transformé  l'arbre  en  homme,  et  que 
les  Eddas  font  descendre  du  frêne  la  troisième  race  humaine. 
Il  cite  Jérémie,  raillant  les  infidèles  qui  disaient  à  l'arbre  :  Tu  es 
mon  père;  Pénélope  demandant  à  son  hôte  s'il  descend  du  chêne 
ou  du  rocher;  Jésus-Christ,  dans  une  tradition  de  la  Bohême,, 
visitant  cette  contrée  déserte  avec  saint  Pierre  et  changeant  un 
tronc  d'arbre  en  homme,  etc.,  etc. 

Voici  la  conclusion  du  chapitre  :  Les  Bemi  ou  les  Treveri^ 
qui  ont  frappé  la  monnaie,  ont  représenté  par  la  figure  as- 
sise le  chef  de  leur  race,  et,  par  larbre  qui  lui  sort  du 
corps,  liiir  race  toute  entière.    Ainsi  que  l'auteur    l'a  in- 

*  Xicandcr,  Frngm.  XX. 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  A69 

diqué  au  chapitre  III ,  l'arbre  lui  semble  être  non«seu1e- 
meiit  un  frêne  ordinaire^  mais  le  frêne  Yggdrasill  ;  quant  au 
reptile,  c'est  le  serpent  Nidhôggr.  Seulement^  ne  pouvant  atta- 
quer directement  les  racines  de  l'arbre ,  comme  le  veut  la 
légende,  le  reptile  s'en  prend  aux  talons  de  l'aïeul^  qui,  en  reti- 
rant ses  jambes  et  en  élevant  le  bras  droite  comme  par  un  mou- 
vement nerveux,  krampfkaftj  exprime  la  douleur  qu'il  ressent, 
tandis  qu'en  tournant  la  tête  et  en  portant  la  main  gauche  vers 
ses  talons^  il  indique  le  point  où  il  vient  d'être  mordu.  Le 
serpent  replié  en  anneaux  ^  la  tête  haute  et  tournée  vers 
l'homme,  justifie^  par  sa  pose,  le  rôle  qui  lui  est  prêté. 

Chap.  V.  —  Il  ne  reste  plus,  pour  terminer  l'interprétation 
du  sujet ,  qu'à  dire  enfin  quel  est  le  personnage,  quel  est  le 
chef  de  la  race. 

M.  Streber,  fidèle  au  principe  en  vertu  duquel  tout  se  lierait, 
tout  s'enchainerait  dans  le  type  monétaire,  est  ramené  à  l'exa- 
men du  cheval  du  revers,  dont  il  n'a  pas  encore  parlé.  Ce  che- 
val déterminé,  il  en  conclura  ce  que  peut  être  la  figure  du  droit. 
Or,  le  cheval,  évidemment  symbolique  suivant  lui,  a  la  tête  for* 
mée  de  deux  globes  et  le  cou  d'un  croissant;  à  ces  images  cé- 
lestes et  à  d'autres  signes,  l'auteur,  rappelant  une  doctrine  qu'il 
a  développée  ailleurs,  n*hésite  pas  à  reconnaître  le  coursier  de 
la  lumière.  La  figure  du  droit  représente  donc  un  héros  de  la 
lumière  chanté  et  divinisé  après  sa  victoire  sur  les  (énèbres  ;  ici 
un  mot  du  serpent  comme  emblème  des  ténèbres.  —  Une  der- 
nière diflUculté  se  présente;  quel  est  le  héros  de  la  lumière 
choisi  par  le  graveur  gaulois  pour  type  principal  de  sa  mon- 
naie, pour  souche  de  la  race?  C'est  Hercule,  que  les  Germains 
invoquaient  en  allant  au  combat,  et  dont  les  Celtes  préten- 
daient descendre. 


A 70  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Examen  du  mémoire. 

Le  lecteur  connaît  maintenant  le  mémoire  de  M.  Streber,  et 
a  pu  juger  son  système  d'hypothèses  et  d'inductions. 

Les  temps  gaulois^  antérieurs  à  César^  sont  des  plus  obscurs; 
on  en  sait  juste  assez  sur  cette  époque  pour  désirer  en  con- 
naître davantage.  L'absence  de  monuments  lapidaires  figurés 
ou  écrits»  le  laconisme  des  écrivains  grecs  et  latins^  les  conjec- 
tures qu'on  peut  faire  sur  la  puissance  d'organisation  d*uiie 
race  qui  a  longtemps  dominé  l'Europe,  les  dogmes  druidiques 
dont  on  sonde  à  peine  les  profondeurs.  le  culte  plus  mystérieux 
encore  des  habitants  de  la  Gaule  d'origine  germaine,  Tigno- 
rance  où  Ton  est  de  la  manière  dont  le  polythéisme  grec  et  latin 
se  transforma  après  avoir  pénétré  successivement  sur  notre  sol 
par  les  colonies,  par  le  commerce  et  par  la  guerre;  tout,  en  un 
mot)  contribue  h  exciter  la  curiosité  des  explorateurs  du  passé, 
et  à  laisser  le  champ  libre  à  leur  imagination. 

Les  monnaies  sont  à  peu  près  les  seuls  souvenirs  palpables 
laissés  par  nos  pères,  au  sud  du  Danube,  sur  quelques  points 
de  la  Germanie,  dans  la  Gaule  de  César  et  dans  Tile  de  Bre- 
tagne. Recherchées  seulement  depuis  quelques  années,  elles 
dénotent  déjà  par  leur  nombre  un  monnayage  très-riche  et  très- 
varié,  surtout  dans  ces  deux  dernières  contrées.  Particulièrement 
communes  pour  les  derniers  temps,  lorsque  les  légendes  se  furent 
multipliées  ^  elles  ne  laissent  pas  de  jalonner  assez  largemrnt  les 
siècles  précédents,  en  remontant  jusqu'à  l'expédition  de  Delphes. 

On  comprend  dès  lors  avec  quelle  avidité  ces  précieux  monu- 
ments sont  interrogés  et  par  les  numismatistes  de  profession,  et 
par  tous  les  archéologues;  mais  cette  étude  ne  doit  pas  se  faire 
avec  des  idées  préconçues  ;  il  ne  faut  pas  s'attendre  à  rencontrer 

'  Les  monnaies  paraissent  avoir  été  incroyablemeDt  nombreuses  dans  notre 
France  (tendant  les  derniers  temps  do  rautonoraic  gauloise,  pendant  la  lutt^* 
contre  César,  et  tant  que  la  domination  d'Auguste  a  conservé  la  Tomie  d'un 
|>rotcctorat.  Klles  ont  duic  en  Angleterre  jusqu'à  la  conquête,  sous  Claude, 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  A71 

toute  une  révélation  historique  ou  religieuî^e  sur  chaque  petit 
morceau  de  métal  monnaye  que  nous  rend  la  pioche  ou  la 
charrue. 

Les  Gaulois  ont  emprunté  leurs  images  monétaires  à  la  Ma- 
cédoine'; les  types  grecs  ont  d*abord  été  reproduits  assez 
fidèlement  par  les  premiers  statères  émis  dans  notre  Gaule^  et 
par  les  tétradrachmes  frappés  au  sud  du  Danube;  puis  ils  ont 
été  en  s'altérant  f t  se  sont  successivement  chargés  d'accessoires 
qui  tantôt  distinguaient  chaque  peuple  gaulois,  tantôt,  au  con- 
traire, servaient  de  lien  à  deux  monnaies  appelées  à  circuler 
sur  les  mômes  marches.  Ainsi  dans  les  derniers  temps,  la  mon- 
naie d'un  peuple  participe  fréquemment  à  la  fois,  par  le  droit 
et  par  le  revers,  des  monnaies  de  deux  autres  peuples.  GVst 
toujours  une  question  de  circulation,  de  cachet  conunercial  ;  il 
fallait  donner  à  sa  marchandise  ras|HCt  extérieur  d'une  autre 
marchandise  déjà  connue  et  i*eclier<;hée  par  tous.  Un  fiit  ana- 
logue s'est  produit  sous  les  Méro\ingiens,  tpii  ont  consiamuient 
imité  le  triens  byzantin,  et  dans  les  siècles  suivants  où  certaines 
monnaies,  telles  que  celles  de  Louis  le  Di^bonnaire  et  de  s^iint 
Louis,  oct  été  contrefaites  de  tous  côtés.  Ce  n'est  guère  que 
dans  les  temps  modernes^  chez  les  peuples  où  le  gouvernement 
est  centralisé  et  le  crédit  solidement  établi,  que  la  monnaie, 
perdant  son  caractère  de  marchandise,  a  pi  is  celui  de  signe 
d'échange  et  a  pu,  forte  de  la  signature  du  souverain,  s'affran^ 
chir  de  l'imitation  et  prendre  de  suite  place  dans  la  circulation 
générale^  quel  que  soit  son  type. 

Les  observations  qui  précèdent  m'ont  paru  nécessaires  pour 
replacer  la  question  dans  le  vrai,  et  détruire  les  illusions  aux- 
quelles M.  Streber  n'est  pas  le  seul  qui  se  laisse  entraîner  dès 
qu'il  s'agit  de  la  période  gauloise.  J*ajouterai  que  les  artistes» 
étrangers  ou  indigènes,  attachés  aux  ateliers  monétaires  dans 

*  Ce  n'est  guère  qu'après  l'occupation  de  lu  Provence  qui;  les  di'nîcre  ro- 
nMÛns  ont  été  copiés  chez  quelques  peuples  voisins. 


A72  BULLETIN   BIDUOGRAPHIQCE. 

les  Gaules,  étaient  obligés  de  changer  fréquemment  leur  coin 
pour  combattre  les  fausses  monnaies^  cette  plaie  de  Tantiquité 
et  du  moyen  ftge,  et  demandaient  tout  naturellement  au  règne 
animal  ou  au  règne  végétal  des  poinçons  variés,  ce  qu'on  a  ap- 
pelé depuis  des  différents  monétaires.  Mais  certes,  ces  artistes 
ne  se  croyaient  pas  la  mission  de  suppléer  au  silence  de  l'his- 
toire et  de  révéler  aux  générations  futures,  par  un  symbolisme 
étudié,  les  mystères  de  la  religion  ou  la  filiation  des  races.  Ce 
n'est  pas  à  dire  pour  cela  que  le  symbolisme  n'ait  absolument 
rien  à  faire  dans  les  monnaies  gauloises  et  qu'aucune  idée 
abstraite  ne  soit  cachée  sous  leur  type;  mais  il  faut  être  exces- 
sivement sobre  d'hypothèses  et  n'accepter  les  explications  my- 
thiques des  objets  représentés  que  lorsqu'elles  sont  au  moins 
plausibles. 

Revenons  maintenant  au  travail  de  M.  Streber. 

Cet  auteur  dit  que  les  pièces  qui  nous  occupent  se  rencontrent 
fréquemment  entre  Reims  et  Trêves,  et  s'appuyant  exclusive- 
ment sur  cette  prétendue  provenance,  il  les  attribue  indifférem- 
ment aux  Rémi  et  aux  Treveri,  Pour  être  logique,  il  eût  dû  en 
offrir  également  la  paternité  aux  Veruni  ou  Veroduni  et  aux 
Mediomairidy  que  l'on  rencontre  sur  la  route  de  Reims  à  Trêves, 
Mais  il  faut  remarquer  que  le  passage  emprunté  à  la  p.  271  de  Le- 
lewelest  mal  cité;  le  voici  textuellement  :o  En  traversant  le  pays 
<K  des  Remois,  vers  les  frontières  des  Trevires,  on  rencontre  une 

«  quantité  considérable  d'une  petite  monnaie  blanche > 

Ailleurs  (atlas,  tableau  n"*  1  et  tableau  n""  i  J ,  note),  le  célèbre 
numismatiste  ajoute  :  t  Cette  pièce  se  retrouve  des  deux  côtés 
a  des  Ârdennes,  dans  le  Luxembourg  et  dans  le  nord  de  la 
a  Champagne.  »  Enfin,  dans  sa  carte  des  types,  si  finement 
exécutée,  il  place  fort  bien  le  personnage  assis  à  droite  de  la 
Meuse  et  assez  au  nord,  c'est-à-dire  tout  à  fbit  hors  du  terri- 
toire des  Rémi.  La  monnaie,  d'après  le  témoignage  des  pro- 
venances, tel  que  Lelewel  le  formule,  appartiendrait  donc  aux 
Treveri  plutôt  qu'aux  Rémi.  J'ajouterai  que  je  recueille  depuis 


BULLETIN    lUBLlOGRAPIIIQUE.  A75 

plus  (le  vingt  ans  les  monnaies  gauloises  qui  se  rencontrent 
dans  le  nord-est  de  la  France,  et  que  jamais  la  pièce  d'argent  à 
la  figure  assise  ne  m'a  été  présentée.  Si  elle  n'appartient  pas 
aux  Treveri,  elle  doit  être  revendiquée  par  quelque  peuplade 
gauloise  des  environs  du  Rhin ,  car  elle  est  du  petit  nombre  des 
pièces  dont  parlent  les  ouvrages  allemands  ^  Le  faire  de  la 
pièce  est  d'ailleurs  tout  différent  de  celui  dos  monnaies  assez 
communes  des  Rémi  et  des  Mediomatrici. 

La  présence  d*une  figure  assise  au  droit  n'a  rien  d'insolite. 
Ce  type  appartient  à  quelques  Gaulois  du  Danube,  qui  l'avaient 
peut-être  emprunté  aux  monnaies  d'Alexandre;  les  figures 
assises  sont  d'ailleurs  assez  fréquentes  dans  les  monnaies  des 
divers  peuples  de  la  Gaule  proprement  dite.  Remarquons  en 
passant  que  M.  Streber  n'a  signalé  ni  la  haste  verticale,  ni  l'arc 
de  cercle,  tantôt  boulleté,  tantôt  recourbé  à  ses  extrémités,  que 
nos  dessins  accusent  si  nettenaent. 

Quant  à  l'arbre  et  au  serpent,  ce  sont  des  images  également 
familières  aux  graveurs  de  coins  gaulois.  Comme  type  principal^ 
l'arbre  ou  le  rameau  se  voit  sur  les  monnaies  des  ^enones  et 
des  NetDii;  comme  accessoire,  chez  un  grand  nombre  de  piMi- 
ples,  soit  au  revers,  près  du  cheval,  soit  au  droit,  devant  ou 
derrière  le  visage  humain.  Le  serpent  est  fréquent  sur  des  mon- 
naies que  M.  Streber  lui-même  nous  a  fait  connaître';  il  se 
rencontre  quelquefois  dans  la  Gaule  de  César  associé  à  d'autres 
animaux  et*à  divers  objets  du  règne  végétal.  Qui  supposera  que 
tous  ces  poinçons  si  variés  et  combinés  diversement  dans  les 
espaces  vides  du  coin,  aient  eu  entre  eux  une  con*élation  obli- 
gée, et  aient  été  le  symbole  d'autant  de  mythes  plus  ou  moins 
compliqués? 

*  Cf.  Jahrbericht  de$  hiêtorischm  KreiêrtreinM  von  Schwaben  und  Neuhurg  fur 
diê  Jahrt  1839  und  1840,3**  Tafel.—  Taschenbuch  fiàr  GMchichlê  und  Altherthum 
in  Sfuideultchland^  herausgegeben  von  Dr.  Heinrîch  Schmber.  Freiburg  im 
Breisgan,  1841. 

*  Ueber  dk  fogenannten  Begenbogen-Schûêtelchen,  Erstc  Cruppe.  Munclicii,, 
1880. 


A7A  BULLETIN    BinLlOGRAPHIQUfi. 

Le  cheval  est  un  reste  du  bige  ou  un  souvenir  du  cheval 
des  prototypes  de  l'antiquité  classique;  il  se  montre  soit 
libre^  soit  avec  un  conducteur  ou  un  cavalier^  au  revers  de 
presque  toutes  les  monnaies  gauloises^  aussi  bien  au  sud  du 
Danube  qu>n  Gaule  et  en  Bretagne.  Celte  remarque  suffît  pour 
faire  comprendre  qu'il  n'a  pu  exister  une  relation  spéciale  en're 
ce  type  perpétuel leiuent  reproduit  au  revers,  et  les  objets  si 
variés  qui  se  montrent  au  droit  des  nombreuses  monnaies  frap- 
pées par  les  Gaulois. 

Le  système  d'interprétation  de  M.  Streber  repose  principale- 
ment, nous  Tavons  dit,  sur  l'idée  d'antagonisme  que  le  graveur 
aurait  voulu  exprimer  en  plaçant,  comme  il  l'a  fait,  d'un  côté 
le  serpent,  de  l'autre  le  rameau  ou  plutôt  le  personnage  servant 
de  souche  à  ce  rameau,  idée  qui  serait  confirmée  par  les  signes 
de  douleur  que  manifesterait  ce  personnage.  Mais,  comment 
peut' on  reconnaître  des  signes  de  douleur  dans  une  figure  si 
petite  et  si  grossière,  de  l'aveu  de  l'auteur,  qu'il  est  impossible 
de  savoir  à  priori  ce  qu'elle  représente,  ni  même  si  elle  appar- 
tient à  un  homme  ou  à  une  femme?  Ce  personnage  est  assis,  il 
est  donc  tout  simple  qu'il  ait  les  jambes  légèrement  repliées,  et 
il  est  inutile  de  chercher,  pour  expliquer  cette  position,  l'hypo* 
thèse  d'une  morsure.  Enfin  la  position  du  serpent,  toute  na« 
turelle«  n'est  ni  plus  ni  moins  agressive  que  celle  des  autres 
reptiles  représentés  sur  les  monnaies  de  la  Gaule  Ce  prétendu 
antagonisme  n'est  donc  qu'une  supposition  parfaitement  gra- 
tuite et  quelque  peu  puérile. 

Le  second  argument  serait  fourni  par  ce  fait  que  Tarbre  ou 
le  rameau  sort  des  flancs  du  personnage.  Mais  la  solution  de 
continuité  qui  existe  entre  sa  tige  et  le  corps  de  l'homme  est 
imrfaitement  visible  dans  la  plupart  des  exemplaires  que  j'ai  eus 
sous  les  yeux  ;  les  dessins  de  Lelewel  et  de  Duchalais,  reproduits 
par  M.  Streber,  l'accusent  également.  Un  rameau  a  été  poin- 
çonné sur  cette  pièce  pour  remplir  l'espace  vide  qui  se  trouve 
entre  le  bras  et  la  jambe  de  l'homme;  un  rameau  analogue  se 


Bl'U.ETIN    BIBU0(;KAPIII(}UE.  475 

voit  sur  des  aurei  belges  bien  connus  fntre  le  corps  du  cheval  et 
son  cou  tourné  vers  sa  croupe.  Était-ce  un  emblème  adopté  par 
lo  peuple  ou  un  simple  différent  monétaire*?  Il  est  difficile  de  le 
savoir;  mais  assurément  ce  n'était  pas  un  arbre  généalogique. 
L'auteur  sent  lui-même  tout  ce  qu'd  y  a  d*insoIite  dans  son 
assertion;  aussi  cherche-t-il  à  l'élayer  en  citant  les  légendes 
qui  font  naître  Thonmie  de  Tarbre;  mais  un  arbre  générateur 
n*est  pas  un  arbre  généalogique;  de  l'existence  de  l'un  on  ne 
peut  conclure  à  celle  de  l'autre. 

Pour  reconnaître  Hercule  dans  Tinforme  figure  assise, 
M.  Strebcr  s'appuye  sur  le  prétendu  caractère  symbolique  du 
cheval  du  revers;  mais  le  cheval  fût-il,  comme  il  le  prétend, 
formé  d*aslres  et  de  lunes,  et  cet  assemblage  dùt^il  en  faire  le 
coursier  de  la  lumière,  s'ensuivrait*il  que  la  figure  du  droit  fût 
nécessairement  le  cavalier  de  ce  cheval?  Enfin,  ce  dieu  de  la  lu- 
mière, vainqueur  des  ténèbres  représentées  par  le  serpent,  n'a 
guère  Tair  d'un  triomphateur,  mordu  qu'il  est  par  son  ennemi, 
et  exprimant  par  ses  gestes  la  douleur  qu*il  ressent.  Tacite,  dont 
M,  Strel)er,  produit  le  témoignage,  dit,  il  est  vrai,  que  les  Oer- 
mains  invoquaient  Hercule  en  allant  au  combat,  mais  il  ne  faut 
pas  oublier  que  cet  historien  éciivait  à  une  époque  postérieuio 
à  celle  de  notre  monnaie,  et  où  les  Germains  des  environs  du 
Rhin,  depuis  longtemps  en  contact  avec  les  légions  romaines, 
avaient  fait  des  emprunts  à  TOlympe  latin,  ou  latinisé  quelques- 
uns  de  leurs  anciens  dieux,  de  môme  que  les  légionnaires  d'a- 
bus siicriiiaient  déjà  à  plus  d*une  divinité  indigène.  Mais  uu 
peuple,  en  prenant  les  armes,  peut  invoquer  un  héros  illustre, 

'  L'auteur  veut  que  co  soit  un  frêne,  et  repousse  Topinion  de  M.  Pietzker, 
qui  en  fuit  un  palmier.  J'aimerais  mieux  cette  seconde  hypothèse ,  qui  «st  eu 
rapport  avec  la  pen.sée  du  burin  ;  il  n'est  pas  exact  de  dire  que  les  Gaulois 
n*aient  jamais  adopté  des  emblèmes  exotiques;  ils  ont  pris  souvent  le  lion, 
qui  ne  vivut  pas  plus  dans  leur  climat  que  le  palmier;  ils  ne  se  sont  pas  non 
plus  préoccupés  de  n'emprunter  leurs  types  monétaires  qu'à  des  peuples  ayant 
la  même  mythologie,  puisqu'ils  ont  copié  les  monnaies  de  Mact^doine,  au  plus 
beau  temps  du  druidismr. 


A7(5  BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE. 

le  dieu  même  des  combats ,  sans  prétendre  en  descendre.  Si 
M.  Streber  avait  lu  le  passage  tout  entier  de  Tacite^  il  y  aurait 
trouvé,  au  contraire,  un  argument  contre  sa  filiation,  car  il  est 
dit  un  peu  plus  haut  que  les  Germains  prétendaient  descendre 
de  Tuist,  fils  de  la  Terre,  père  du  premier  homme  Mann  '. 

Je  ne  parle  pas  de  la  fable  d'Hercule,  père  de  Celtus;  Torigine 
des  Celtes  n'a  rien  à  faire  dans  la  question  qui  nous  occupe,  car 
M.  Streber  a  lui-même  prévenu  son  lecteur  que  les  peuples 
auxquels  il  attribue  la  monnaie  étaient  du  nombre  des  Belges 
qui  se  vantaient  d'une  origine  germaine.  C'est  même  pour  cela, 
ajoute-t-il,  qu'il  s'est  cru  permis  d'invoquer,  dans  la  discus- 
sion du  type,  le  témoignage  de  la  mythologie  du  Nord. 

En  résumé,  M.  Streber  est  un  érudit  consommé;  il  prouve, 
par  une  profusion  de  citations,  qu'il  est  particulièrement  fa- 
miliarisé avec  la  mythologie  de  tous  les  peuples;  mais  il 
oublie  le  caractère  spécial  et  limité  des  monnaies,  et,  voulant 
absolument  retrouver  sur  ces  petits  morceaux  de  métal  des 
mythes  en  action,  il  se  laisse  aller  à  son  imagination,  et  sans 
s'en  douter,  fait  un  petit  roman. 

Charlbs  Robert. 

<  Célébrant  cannînibus  antîqiiis  (quod  UDvm  apad  illos  memoriœ  et  «dda- 
liuni  genus  est)  Tuistonuin  Dcum  Terra  editam  et  filium  Maunum,  originem 

gentis  couditoresque Fuisse  apud  eos  Herculem  memoranty  primnm- 

que  oiDDium  vtroriun  fortiam  tturi  in  prflelia  canunt.  Tacit.,  Gtrm,  II. 


BULLETIN    BIBLlOGRAPniQCE.  477 

Sceau  et  monnaies  de  Zuenlibold,  roi  de  Lorraine;  monnaie 
de  son  successeur  Louis,  par  Cu.  Robert.  (Extrait 
des  3Iômoires  de  la  Société  d'arch.  et  d'hist.  de  la  Mo- 
selle, 1843,  in  8^) 

Voici  une  nouvelle  preuve  de  la  prudence  avec  laquelle  il  est 
bon  d*aborder  les  questions  relatives  à  la  numismatique  en  gé- 
néral et  à  la  numismaliqjiie  de  l'époque  carolingienne  en  p.<r- 
ticulier;  il  faut  souvent  attendre  qu'un  heureux  hasard  ait  fait 
découvrir  une  pièce  imprévue,  avant  d'admettre  comme  défi- 
nitive une  conjecture,  quelque  probable  qu'elle  puisse  sembl<T. 
n  y  a  quelques  années,  dans  son  bel  ouvrage  sur  la  Numisma- 
tique du  nord  est  de  la  France,  M.  Charles  Robert,  notre  colla- 
borateur, constatait  Tabsence  complète  des  monnaies  auto- 
nomes royales  en  Lorraine  pendant  les  treize  dernières  années 
du  IX*  siècle  :  pour  cette  période,  on  ne  connaissait  que  le  de- 
nier du  roi  Zuentibold,  frappé  à  Cambrai,  d'après  un  dessin  du 
savant  abbé  Mutte,  doyen  du  chapitre  métropolitain.  M.  C. 
Robeit  avait  quelque  droit  d'en  conclure  que  depuis  la  déposi'^ 
tion  de  Charles  le  Gros  jusqu'à  l'avènement  de  Louis  l'Enfant, 
les  monnaies  lorraines  avaient  conservé,  immobilisés,  les  noms 
de  Louis  ou  de  Charles.  H  y  avait  bien  un  denier  de  Saint-Dié 
sur  lequel  M.  Laurent,  conservateur  du  musée  d'Épinal,  croyait 
lire  le  nom  de  Zuentibold;  mais  la  légende  est  tellement  diflicile 
à  déchiffrer,  que  l'interprétation  en  est  peut-être  contestable. 

Voilà  que  dans  une  collection  jadis  formée  par  M.  de  Jobal, 
M.  Robert  a  retrouvé  un  superbe  denier  de  Zuentibold,  frappé 
à  Trêves  :  la  même  collection  lui  a  révélé  une  pièce  curieuse 
de  Louis  l'Enfant,  de  Tatelier  de  Metz,  identique  (mais  d'une 
meilleure  fabrique)  aux  monnaies  de  Henri  TOiseleur.  Espérons 
que  la  série  lorraine  du  ix*  siècle  s'enrichira  encore  :  auprès  de 
ces  deniers  se  place  celui  du  roi  Arnould,  frappé  à  Toul,  et  dont 
l'existence  n*est  connur  que  depuis  peu  de  temps. 

1864.  —  6.  32 


4 


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il 


ciiroiNIQuh;. 


LÉPIDA,  FEMME  DE  GALBA,  EST-ELLE  REPRÉSENTÉE 
SUR  UNE  MONNAIE? 

Dans  VArchàologische  Zeitung,  publiée  par  M.  Éd.  Gerhard, 
on  trouve  la  figure  (pi.  XXI^  n"*  8)  et  la  description  (année  IS-ii, 
p.  338]  d'une  monnaie  de  moyen  bronze  sur  laquelle  se  voient; 
au  droite  une  tête  de  fennne  en  face  d'une  tète  d'homme,  avec 
la  légende  FAABA  CC[BA]CTOG,  et  au  revers  une  Pallas  avec  le 
mot  lAI  (ectfv). 

M.  le  baron  de  Prokesch-Osten,  en  publiant  celle  monnaie 
dTlium  qui  lui  appartient,  se  demande  s'il  faut  voir,  en  face  de 
la  tête  de  Galba,  le  portrait  de  sa  femme  Lépida»  morte  long- 
temps avant  qu'il  parvint  à  Tempire,  ou  celui  d'une  seconde 
femme  dont  l'histoire  n'aurait  pas  parlé.  Enfin  M.  Edouard 
Gerhard  proijose,  dans  une  note  ajoutée  à  la  description,  le 
nom  de  Livie  protectrice  de  Galba  (Sueton.,  Galb.,  V). 

M.  l'abbé  Cavedoni  (môme  recueil,  18 IG,  p.  375)  se  déci«Ie 
pour  Livie,  se  fondant  sur  l'arrangement  de  la  coiffure. 

Il  est  évident  que  la  coiffure  de  la  fennne  représentée  en  fare 
de  la  tête  de  Galba  est  celle  de  Livîe.  Mais  Lépida,  contempo- 
raine de  cette  impératrice,  devait  suivre  les  mêmes  modes. 

Ce  qui  paraît  plus  décisif,  c'est  la  place  prépondérante  donnée 
au  buste  féminin ,  place  qui  convient  à  un  personnage  auquel 
Galba  voulait  témoigner  sa  reconnaissance  (voy.  licv.  num,, 
1859,  p.  145).  La  remarque  de  M.  Gerhard  a  donc  une  grande 
valeur.  Dans  tous  les  cas,  nous  croyons  utile  de  signaler  l'exis- 
trncc  d'une  monnaie'  qui  nost  ir.entionnéo  dans  la  Description 


480  CHRONIQLE. 

historique  des  monnaies  frappées  sous  l'empire  romain,  publiée 
par  M.  H.  Cohen,  ni  à  l'article  de  Livie,  ni  à  celui  de  Galba. 

La  question  que  nous  soulevons  ici  est  plutôt  historique 
qu'iconographique;  car,  si  nous  nous  en  rapportons  à  la  litho- 
graphie publiée  à  Berlin,  la  monnaie  d'Uium  donne  un  portrait 
de  Galba  si  peu  ressemblant  que  nous  ne  devons  pas  attendre 
grande  lumière  de  celui  qui  l'accompagne.  A.  L. 


—  M.  Aubey,  capitaine  au  83*  régiment  de  ligne,  a  donné  le 
10  mai  1864  au  musée  archéologique  de  Philippeville  (Algérie) 
une  monnaie  d'argent  trouvée  dans  une  fouille  à  Carthage, 
et  à  laquelle*  en  conséquence,  on  attribuait  une  origine  pu^ 
nique. 

Cette  pièce  est  gauloise;  elle  porte  d'un  côté  une  tête  cas- 
quée avec  la  légende  BRI ,  et  de  l'autre  un  cavalier  avec  la 
légende  CO[MA].  Un  dessin  exécuté  par  M.  Joseph  Roger, 
conservateur  du  musée,  nous  a  été  communiqué  par  notre  col- 
laborateur M.  le  docteur  Judas. 

Le  quinaire  d'argent  à  la  légende  BRI-— COMA  est  assez  rare. 
Une  variété  de  cette  pièce  a  été  figurée  dans  les  Recherches 
curieuses  de  Bouteroûe  (p.  52),  une  autre  dans  l'atlas  du  Type 
gaulois  de  Lelewel  (pi.  III,  n»  49);  on  la  trouve  aussi  décrite 
par  Mionnet,  Suppl.,  Chefs  gaulois,  n""'  28,  29  et  30,  et  par 
Duchalais,  Catat.  des  médailles  gauloises,  p.  271,  n""  646;  enfin 
ees  diverses  variétés  ont  été  confrontées  par  M.  le  marquis  de 
Lagoy  dans  son  Essai  de  monographie  d'une  série  de  monn,  gaul. 
d'argent  (4847,  p.  12  et  suiv.).  —  H  faut  noter,  au  moins 
à  titre  de  rapport  curieux,  qu'il  existe  une  série  de  monnaies 
de  la  Grande-Bretagne  sur  laquelle  on  lit,  au  droit  des  pièces,. 
VERICA;  au  revers,  COMMI  F.  ou  COM.F. 

La  découverte  d'une  monnaie  gauloise  en  Afrique  est  un  fati 
qtii,  pour  n'être  pas  sans  précédents,  n'en  est  pas  moins  fort 
rare  et  digne  d*être  mentionné. 


CHRONIQUE.  A81 

Il  y  a  quinze  ans  environ,  M.  Gaillard^  sous-intendant  mi- 
litaire, nous  apporta  une  monnaie  d*or  rouge  trouvée  près 
d*Oran,  et  cette  pièce^  de  fabrique  évidemment  gauloise,  avait 
pour  types  :  au  droit,  une  tète  imberbe^  tournée  à  gauche^  avec 
cheveux  disposés  en  grosses  boucles. 

Au  revers,  un  bige  galopant  à  gauche,  conduit  par  une 
Victoire  dont  la  tête  est  démesurément  grosse,  et  dont  Taiie 
droite  s'étend  au-dessus  des  chevaux.  Cette  pièce  se  rapproche, 
pour  le  style,  de  celles  qui  portent  la  légende  ABYDOS. 

Une  découverte  plus  extraordinaire  nous  est  signalée  par 
M.  E.  Egger,  membre  de  l'Institut ,  un  grand  bronze  de  Maxi- 
min  le  Goth  :  ^ 

IMP.MAXIMINVS  PIVS.  Duste  lauré. 

^  FIDES  MILITVM.  Femme  tenant  deux  enseignes,  S.C., 
déterré  dans  un  campement  de  troupes  françaises  près  de 
Mytho  ^  eu  Cochinchine ,  a  été  rapporté  par  M.  Botet,  capitaine 
d'infanterie  de  marine. 

De  fréquentes  et  quelquefois  de  très-importantes  trouvailles 
de  monnaies  romaines  ont  été  faites  dans  Tlnde.  Le  savant 
James  Prinsep  en  a  indiqué  un  certain  nombre  dans  le  Journal 
de  la  Société  a$iatiqtie  de  Calcutta^  et  il  en  a  été  formé  des  col- 
lections spéciales;  mais  le  Maximin  de  M.  Botet  est  la  pre- 
mière pièce  antique  qui,  à  notre  connaissance,  ait  été  recueillie 
à  une  aussi  grande  distance  de  l'Occident.  A.  L. 


*  Ville  de  4,000  habitants,  capitale  de  la  seooade  province  française  de  la 
basse  Cochinchine. 


TABLE 

MÉTHODIQUE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES 

DANS  LA  REVUE  NUMISMATIQUE. 

ANNÉE  1864. 

NOUVELLE  SÉRIE.    TOME  NEUVIÈME. 


BVUMISMATIQUE  AlVCIEiniE. 
Médailles  des  Peaples.  Villes  et  lois. 

Attribution  d'une  monnaie  inédite  à  Serpa  (Es- 
pagne ultérieure),  par  J.  Zobel  de  Zangroniz 
(vignette) 237—248 

Lettres  à  M.  A.  de  Longpérier  sur  la  numismatique 
gauloise^  par  F,  de  Saulcy.  —  XVIH.  Le  chef 
Auscrocus  (vignettes) 169 — 173 

—  XIX.  Tasgèce,  roi  des  Carnutes  (vignettes  ).  .  .     249—253 

De  TAnousvara  dans  la  numismatique  gauloise,  par 

Adr.  de  Longpérier 333 — 350 

Lettre  à  M.  Tabbé  professeur  Gregorio  Ugdulena 
sur  deux  pièces  d'argent  portant  le  nom  phénicien 
d'Himéra  et  les  types  de  Zancie  et  d'Agrigente, 
par  A.  Saunas  (vignettes) 81 —  89 


TABLE   MÉTHODIQUE    DES   MATIÈRES.  485 

Examen  de  quelques  contrefaçons  antiques  des  lé- 
tradrachnies  de  Syracuse,  et  du  prétendu  nom 
de  graveur  Eumélus,  par  A.  Saunas  (pi.  xv).  .     35i — 302 

Médailles  d'Amphipolis^  par  J.  de  Witte  (pi.  iv 
et  vignettes).    . 90—102 

Sané  de  Macédoine^  par  Fr.  Lbiioriiant  (vignette).     il\ — 177 

Médailles  grecques  inédites,  Tirynthe,  Ërétrie 
d'Eubée,  par  Alfred  de  Courtois  (pi.  vu).  .  .  .     178—190 

Sur  la  légende  d*une  monnaie  de  Gortyne  de  Crète^ 
parFa.  Lenormant 103—107 

Lettre  à  M.  Adr.  de  Longpérier  sur  la  légende  d'une 
monnaie  de  Gortyne  de  Crète,  par  Fr.  Lenor- 
MANT 363—369 

Staières  inédits  de  Cyzique ,  par  Fr.  Lenorhant 
(pi.  i) 1—15 

Apollon  CillœuSy  par  J.  DE  WiTTE  (vignette) 16 —  33 

Remarques  sur  les  monnaies  d'argent  de  l'ile  de 
Rhodes  et  sur  celles  de  bronze  d'Ampbipolis , 
par  F.  BoMPois 254—263 

Nouvelles  observations  sur  la  numismatique  ju- 
daïque^ à  propos  du  livre  intitulé  :  Bistory  of 
Jewish  coinagey  de  Frédéric  W.  Madden.  Lettre 
à  M.  J.  de  Witte,  par  F.  de  Saulcï  (pi.  xvi).  .  .     370-400 

Attambilus  11^  roi  de  la  Cbaracène,  par  Fr.  Lenor- 
MAirr 191  —  19-2 

Monnaies  gauloises  trouvées  en  Baisse,  328.  —  En  Afrique, 
480.  — Monnaie  gauloise  représentant  un  Druide,  464-476.  — 
Monnaies  des  anciens  Bretons,  148.  —  Médailles  grecques  de 
la  collection  Gossellin,  152-154. 

Il«daniea  romalDea  et  byiantlDca. 

Quincussis  de  bronze  de  forme  carrée^  par  le  duc 
de  Blacas  (pi.  X  et  xi) 26i-!2G7 


TABLE   MÉTHODIQUE    DES   MATIÈRES.  486 

Monnaies  des  rois  de  France  frappées  à  Savono, 
par  Adr.  de  Loncpérier  (pi.  viu  et  ix) 205—211 

ECU  d'or  inédit  du  cardinal  de  Bourbon,  Charles  X, 
roi  de  la  ligue,  par  le  docteur  Â.  Colson  (vign.).      34—  36 

Deniers  de  Philippe  I*'  frappés  à  Orléans»  232.  ~  Monnaies  de  Pliilippc-le- 
Bel,  38. 

MoDiiales  proTlnctalei. 

Monnaies  du  moyen  âge  découvertes  à  Eleusis,  par 
Fr.  Lrnormant 37—  52 

Monnaies  de  la  ville  de  Soisson»  et  de  ses  comtes,  148.  — 
Deniers  de  Gicn,  de  Déols  et  de  Sunt-Aignan,  231.  —  Des 
comtes  de  Blois,  232.  —  Monnaies  en  usage  dans  le  royaume 
de  Corse,  233-235. 

Monnaies  étninseres. 

Monnaie  bilingue  de  Tanger,  par  Adr.  de  Loncpé- 
rier (vignettes) 53—  58 

Notice  sur  quelques  monnaies  des  anciens  rois  d'Es- 
pagne, par  Joseph  Gaillard  (pi.  vi] i3i~140 

Conjectures  sur  une  monnaie  de  Fépoque  d'Al- 
phonse VlU,  de  Castille,  par  Alvaro  Gampaner 
(vignette) Ul— 147 

Des  monnaies  frappées  en  Sicile  au  xiii*  siècle  par 
les  suzerains  de  Provence,  par  Louis  Blancard. 

212—230,    294—316 

Monnaies  inédites  des  croisades,  par  Melchior  de 
Vogué  (pi.  xni  et  xiv) 275—293 

Monnaies  des  marquis  d'Incisa,  par  le  baron  F.  de 
Pfaffbnhoffen  (vignette) 32-2—327 

Monnaies  de  Lucques.  IIP  partie.  De  la  réforme 
monétaire  de  Frédéric  II,  et  des  types  adoptés  à 


TABLE   MÉTHODIQUE    DES   MATIÈRES.  AS7 

Ck)llection  de  plombs  historiés  trouvés  dans  la  Seine 
et  recueillis  par  Arthur  Forgkais  (vignettes). 
(  Article  de  M.  Aor.  de  Longpùuir.  ] 69 —  SO 


CHRONIQUE. 


Prix  de  numismatique 331 

Monnaies  gauloises  trouvées  en  Afrique 480 

Découverte  de  nK)nnaies  romaines  en  Bretagne. 

(Gaultier  du  MortAT.) iSO — 151 

Vente  de  la  collection  Gossellin.  (J.  W.) i52— lai 

Lépida^  femme  de  Galba,  est-elle  représentée  sur 

une  monnaie?    (A.  L.) 479 — 480 

Médaille  de  Maiimin  le  Goth,  trouvée  près  de  Mytho 

en  Cochinchine.  (A.L.) 481 

Recueil  de  bulles  byzantines^  par  A.  Saunas.  ...  331 
Dépôts  de  monnaies  du  moyen  ftge  découverts  à 

Saint-Aignau  (Loir-et-Cher).  (L.  D.  L.S.),  .  .  .  231-232 
Arrêté  du  suprême  Conseil  d'État  du  royaume  de 

Corse^  traduit  de  Titalien  et  publié  par  MM.  A. 

Grassi  et  H.  AucAPiTAiNE 233-235 


NÉCROLOGIE. 


Le  chevalier  Joseph  Arneth 164 — 165 

Hennin 165—166 

Vincenzo  Lazari 166—167 

Alexandre  Vattemare 167 — 168 

Monnier 236 

Fauslin  roe\  d'Avant 33-2 


ERRATA 
DE   LA   REVUE   NUMISMAT 


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Page  115,  ligne  26,  ConstaotU,  tues  Constantin. 
~    158,  n*  977.  La  médaille  de  Jolia  Ucsa  a  été  acheta 
à  Cherbourg.  •     ' 

—  242,  ligne  17,  LASTGI,  U$$z  LASTIGI. 

—  290,    -    21.  lOHANSC,  lûtx  lOHAXCS. 

—  294,    —     11,  Frédéric  II  avait  inondé  tons  le»  marc 

déric  II  avait  inondé  tooB  les  marchéa. 

—  295,    ~    22,  fortes,  iisex  forts. 

Ajoutez  à  r errata  de  1863. 

Page  423  an  bas  de  la  fHige.  Pesée  n*  6,  130f^,75,  lietx  136** 
->    424,  oolonne  4,  ligne  3,  30f%10,  liées  34«'ylO. 

—  424,  colonne  4,  ligne  6,  132i',00,  tues  136»',00. 


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PL  VIII. 


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