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v.i ;_z^ ■
M»A»^ . c -^ cl C)
REVUE
NUMISMATIQUE
j
GolUboniCeart ëont les articlet om para dans te Bévue
(Doa^eUe série, 18M-1M3).
nique
MM.
AGY ( Ernpst d' ), à Villcrs-aux- Éra-
bles (Somme).
BARTHÉLÉMY (Anat. de), à Cha-
lons-sur-Marne.
BEULÉ (Eraest), à Paris.
BIGOT (A.), à Rennes.
BLACAS D'AULPS (Le duc de), à
Vérignon (Var).
BOILLEAU (L.), à Tours.
BOMPOIS (Ferd.), à Marzy (Nièvre).
BOUDARD , à Bezicrs.
BRETAGNE, à Nancy.
BRUGIÈRE DE LAMOTTE, à Mont-
luçOD.
CARPENTIN (A.), b, Marseille.
CAVEDONI (L'abbé C), à Modène.
CHARVET(J.), àParis.
COCHET (L'abbé), à Dieppe.
COHEN ( Henry ) , à Paris.
COLSON I Le docteur A. ), à Noyon.
CRAZANNES ( Le baron Cbaudruc
de 1 , à Castel-Sarrazin.
DAUBAN ( Alfred ), à Paris.
DELOCHE ( Maximin), à Parb.
DENIS LAGARDE , à Brest.
DESCHAMPS DE PAS (Louis), à
Saint-Oraer.
DEVILLE (Acliille), àParis.
DUPRÉ (Prosper) , à Montjay (Seine-
et-»Marne ).
EVANS (J.), à Londres.
FEUARDENT, à Montmartre.
GARRUCCI (R.), à Rome.
GAYRAUD DE SAINT-BENOIT, à
Saint-Benoît (Aude).
GÉRY ( R. ) , à Voiron ( Isère).
HUCIIER ( Eugène), au Mans.
HUILLARD-BRÉHOLLES ( A. ) , à
Paris.
HURON (,E.) , à Montoire-snr-Loir.
JUDAS ( L© docteur A. ) , à Paris.
KÔHNE (Le baron Bernard de), à
Saint-Pétersbourg.
LAGOY ( Le marquis de ) , à Aix
(Bouclies-du-Rhône ).
liAMBERT ( Edouard ) , à Bayeux.
LAPREVOTE, à Mirecourt (Vosges).
LA SAUSSAYE (Louis de), à Lyon.
LAURENT (Jules), à Épinal.
LELEWEL (Joachim ) , à Bruxelles.
LENORMANT ( Cbarles ) . à Paris.
LENORMANT ( François), à Paris.
MM.
LONGPÉRIER ( Adrien de), à Paris
LONGPÉRIER-GRIMOARD (Alfred
de), à Longpérier ( Oise ).
LUYNES (Le duc de), à Dampierre.
MALLET (Fernand), îi Amiens.
MANTELLIER,tt Orléans.
MASSAGLI ( D.), à Lucques.
MAXE- WERLY (Léon ), à Reims.
MILLER ( Emmanuel), à Paris.
MORBIO (Carlo), à Milan.
MORIN-PONS (Henri), à Lyon.
MULLER ( Louis), à Copenhague.
NAMUR , à Luxembourg.
PÉTIGNY (Jules de\ à Clénor (Loir-
et-Cher).
PFAFFENHOFFEN (Le baron Fraiii
de), à Donaueschingou.
PICHON (Le baron Jérôme), à Pari>.
POEY D'AVANT (F.), àMaillozai»
(Vendée).
PONTHIEUX (N.), àBeauvais.
PONTON D'AMÉCOURT (Gustave),
à Trilport (Seine et Marne).
PORRO (Comte Jules ), à Milan,
PROMIS (Chev. Dom. ), à Turin.
PROKESCII-OSTEN (Baron de), u
Constantinople.
RAUCII (Adolphe de),àBeriin.
RETHAAN MACARÉ(J. C. A.), a
Utrecht.
ROBERT (C. ), à Paris.
RONDIER, àMelle ( Deux-Sèvres ).
ROUCY (Albert de), à Compiègnc.
ROUYER (J.), àMézières.
SABATIER ( Jean ), à Montmartre.
SALIS(Comte J. F. G. de), à Londres.
SAULCY ( F. de ) , à Paris.
SAUVADET, à Montpellier.
SAUVAGEOT ( F. ), à Paris.
SORET (F.), à Genève.
TONINI(LeP.Pelegrino),âï'iorencr'.
TOULMOUCHE (D' ), à Rennes.
V ALLIER (Gustave), à Grenoble.
VASQUEZ-QUEIPO (V.), h Madrid.
VOGUÉ ( Le comte Melchior de ), au
Pezeau (Cher).
WADDINGTON (W. H.), à Bourne-
ville ( Aisne ).
WITTE ( J. do ), à Paris.
ZOBEL DE ZANGRONIZ (J.), à Ma
drid.
Pirif. — Imprimé par £. Thdnot et C*, Î6, nie R9cice, près de i'OJéon.
REVUE
NUMISMATIQUE
PUBLIEE
PAR
J. DE WITTE
kecbre de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux- Arts de Belgique,
Corrospondant de l'Institut
et de la Société impériale des Antiquaires de France ,
ADRIEN DE LONGPERIER
Membre de l'Institut et de la Société impériale des Antiquaires de France,
Associé étranger de l'Académie royale des Sciences de Belgique.
Oslendite mihi numisma census... Cujus
est imago h»c, et iupencriptio ?
ftUlTH., XXII, 19^30.
NOUVELLE SÉRIE. TOME HUITIÈME.
PARIS
AU BUREAU DE LA REVUE
11». CAHMLLB BOLLM KT VBVJlBDBUT
12, RUE VIVIENNE.
1803
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
NOTICE
UNE MÉDAILLE D'AMPHIPOLIS DE MACÉDOINE.
Il est admis en Dumisuialique que, parmi les petits sym-
boles ou autres objets accessoires figurés dans le champ et
accompagnant le type principal du revers d*une médaille
grecque, et dont le choix paraîtrait avoir été laissé au
caprice du graveur, il en est cependant qui ont assez sou-
vent un rapport direct et connu avec la divinité représentée
au droit. Tel est par exemple le petit trépied placé à côté
de la tête de lion , type principal , sur le revers de la mon-
naie des Léontins, ayant pour lype la lête d'Apollon, dont
le trépied est ici le symbole. Il serait facile de citer uu^
foule d'autres exemples analogues.
Mais lorsque cet objet accessoire se trouve au droit à
côté de la tête de la divinité et y occupant une place tout
1863.— 1. 1
2 MÉMoinK
à fait insolite, on est autorisé à en attribuer le choix et
l'emploi à un motif particulier, se rapportant directement
au mythe ou aux actes de la divinité. C'est ce que nous
allons tenter d'établir par la médaille de la ville d'Âmphi-
polis en notre possession , et dont nous pouvons donner
une description exacte.
Tête d'Apollon lauréc, vue presque de face, tournée légè-
rement à gauche et de haut relief, ayant un gros crabe,
les pinces et les pattes arrondies et appliquées sur le cou
même, sous l'oreille droite du dieu.
^ AM<1)1II0A1TEÎ2N , inscrit sur un carré plat, mais en
relief dans un autre carré creux. Au centre une torche allu-
mée. ifV.. 6.
Sur un autre exemplaire, à côté de la torche, on voit un
petit trépied en relation avec la tête, et confirmant ainsi
notre assertion précédente.
Ce qui frappe d'abord et attire l'attention, c'est la place
tout à fait exceptionnelle occupée par le crabe, adhérant,
sans intervalle aucun, au cou de la divinité. Par sa grosseur
et par la place qui lui est attribuée, il devient évident qu'il
n'est pas un accessoîi*e monétaire choisi au hasard pour une
relation éloignée et peu importante avec le dieu , mais bien
qu'il a une signification toute particulière et faisant allusion
directe à un acte mytlwlogique très-connu parmi ceux con-
cernant Apollon.
Quel peut-il être?
Nous présumons l'avoir trouvé dans la lutte célèbre du
trépied enlevé par Hercule, et nous voyons dans le crabe
un instrument actif de la haine, de la vengeance d'Apollon
exercée sur son adversaire.
On ne nous reprochera pas de prêter arbitrairement de
petites passions humaines aux divinités du premier ordre.
ET DISSERTATIONS. 3
Combien de fois, dans Tlliade, le maître de TOlympe n'in-
tervient-il pas pour rétablir le calme, Tharmonie parmi les
dienx , pour assoupir les rivalités de puissance parmi ceux-
ci, et d'amour-propre parmi les déesses ! Rien donc de plus
naturel qu'Apollon cherche à se venger d'Hercule et à lui
susciter des obstacles dans les grands travaux , source de
sa célébrité.
Mais, nous demandera-t-on , où trouverez-vous quelque
indice, quelque preuve que le crabe ait été Tennemi d'Her-
cule ou un instrument direct de l'inimitié occulte d'Apollon
en s* associant à sa vengeance?
Panyasis, dans son HéracUe S nous a transmis une tra-
dition que les monuments ont reproduite. Pendant la lutte
d'Hercule avec l'hydre de Lerne, un énorme crabe était sorti
du marais et était venu mordre Hercule au talon ; ce crabe,
écrasé par le héros, avait été placé par Junon dans le ciel,
où il était devenu un des signes du zodiaque, le Cancer.
Nous retrouvons le crabe sur une médaille de Phaestus
de Crète, dont voici la description :
OAIiTIiîN. Bœuf marchant à droite.
n) Hercule nu debout, tenant la dépouille du lion et sai-
sissant de la main gauche une des têtes de l'hydre; derrière
lui un crabe qui le mord au talon, action très-distincte sur
les exemplaires bien conservés *.
Ce crabe est donc l'ennemi d'Hercule, peut-être déjà
comme ami de l'hydre, mais aussi comme associé à la
rancune d^Apollon, dont il se fait le ministre, pour harce-
ler, contrarier Hercule dans l'un de ses travaux.
* Àp, Eratoathfln., Catafter., XI. — Cf. ApoIIod., Il, 5,2. — Hjgin., Pot.
Àitron.^ U, 23, — Sehol. ad Arat., Phaenom., 147. — SchoK German., 146v.
« MVonnet» t. II, p. 290, n* 252.
4 'MEMOIRES
C'est en celte qualité d'auxili.iire d' Apollon, et avec
une intention bien caractérisée qu'il est représenté adhérent
étroitement au dieu sur notre monnaie, et non comme le
serait un symbole monétaire d'une importance secondaire,
tels que le sont en général ceux placés sur les revers.
Nous trouvons encore sur les monnaies d'autres preuves
des relations du crabe avec Hercule et Apollon.
Sur les médailles d'argent de Grotone, le crabe se voit
à côté du trépied , circonstance bien favorable et bien re-
marquable à l'appui de notre opinion.
Sur celles de bronze de la même ville, le crabe est au
revers de la tête d'Hercule.
Le crabe est figuré sur un grand nombre d'autres mé-
dailles de villes grecques, comme symbole de la mer, dans
le voisinage de laquelle ces villes étaient situées. Ainsi le
crabe paraît sur les monnaies d'Amyntas, roi de Macédoine,
sur celles de Smyrne, d'Agrigente, de Syracuse, d'Adrana,
de Sinuessa, de Cumes, de Tarente, des Bruttiens, de l'île
de Cos, de Dyrrachium , etc. Sur quelques pièces frappées
par les Bruttiens le crabe est placé sur la tête d'une divinité.
Le crabe, comme auxiliaire de Fhydre, se rencontre
dans la nombreuse série des travaux d'Hercule sur les
vases peints.
Nous citerons d'abord une amphore à figures noires sur
fond rouge, conservée au musée de Berlin et publiée en
premier lieu par M. Roulez *. Le crabe y est représenté
* Bulletins de V Académie royale de Bruxelles , 18 iO, t. Vil . part. 2, p. 117 et
»uiv. — Les peintures principales do ce vnpe sont reproduites dnns les Monu-
ments inédits de V Institut archéologique , t III, pi. XVI , n» 1. — Cf. Welcker,
Awuiles de VInstitut archéol., t. XIV, 1842, p. 103.^£U. Gcrhnrd, Auserlesene
Ymstnlfildery t, II, p. 43 et notes.— Nsuencorbene antike Denkmàler des Kônigl.
ITiMMinM tu Berlin, Heft III, 1846. n* 1704.
ET DISSERTATIONS. d
comme sur la médaille de ÎMiœstus, au moment où il vient
mordre le talon d'Hercule.
Une petite amphore, également à peintures noires, con-
nue depuis longtemps et conservée au musée du Louvre,
montre aussi le crabe. Mais là c'est Minerve qui est sur le
point de le percer de sa lance, tandis qu'Hercule et lolas
combattent l'hydre'.
En résumé, nous pensons que, sans donner un sens forcé
aux rapprochements que nous venons de faire, nous pou-
vons conclure que la présence du crabe, sur la tête même
de l'Apollon d'Amphipolis, indique que dans cette ville exis-
tait une croyance tendant aie considérer comme un ministre
subalterne de la vengeance d'Apollon , et qu'il est admis sur
la monnaie, non comme simple symbole monétaire, mais
comme ennemi d'Hercule, et que, pour ne laisser aucun
doute, il y occupe une place tellement insolite, qu'à notre
connaissance un second exemple ne s'en est pas encore
offert dans la numismatique grecque.
La médaille, très-rare, acquiert ainsi un intérêt tout
I^rticulier ajouté à la perfection du travail de l'artiste qui
a gravé le coin monétaire.
Pr. Dcpré.
» Millin, Vases j>eintg,t, II, pi. LXXY . — Galerie wytU , CXXIV, 436 —
Cf. àion. inéd. dk Vlnst arr/i., t. III, pi. XVI, n» 5.
MÉMOIRES
LETTRE
ADX DIRECTEURS DE LA REVUE NUMISMATIQUE.
( PI. I et n. )
Messieurs les directeurs,
Pour répondre à l'aimable invitation que vous m*avez
adressée, je m'empresse de vous communiquer la descrip-
tion de quelques médailles romaines et de quatre poids
byzantins, que j'ai tout lieu de croire inédits, et dont vous
avez pensé que la publication pourrait intéresser les lec-
teurs de votre Recueil. Je serai heureux si vous voulez bien
y réserver une petite place à mon article , que je livre à
votre appréciation.
Médailles romaines.
Commode.
Commode est un des empereurs romains qui ont fait frap-
per le plus de médaillons de bronze ; tous les types connus ont
été naguère recherchés avec le plus grand soin par M. Cohen,
à qui nous devons la description de cent quatre exemplaires.
J'ai trouvé néanmoins, dans les cartons de M. Hoflmann , un
médaillon inédit, qu'il a signalé dans son Catalogue pério-
KT DISSERTATIONS. 7
dique^ n* 10, 15 janvier 1863, p. 106, et dent Yoici la des*
cription :
LAVRELCOMMODVS AVG.GERM.SARM.TR.P.III. Buste
lauré de Con)mode, à gauche, vêtu du paludamenlum.
$ IMP.II.COS.P.P. L'^empereur, en costume militaire ,
marchant à droite, un trophée sur Tépaule gauche et te-
nant dans la main droite une lance transversale. — M.
Médaillon, diamètre 40 millimètres (PI. I, n* 1).
Ce médaillon, sur lequel Commode est représenté avec
les traits de la jeunesse^ a été frappé en 178, deux ans
après que ce prince eut été associé à l'empire.
La figure de Mars imberbe, ou de Commode, représentée
en marche, fait allusion au départ de ce prince, qui accom-
pagna son père en cette année à la guerre contre les Ger-
mains, ainsi que nous l'apprend Lampride (cap. XII).
Gordien IIL
IMP.CAES M. ANT.GORDIANVS AVG. Buste lauré de Gor-
dien III, tourné à droite et vêtu du paludammtum.
A VIRTVS AVG. Mars casqué, debout à gauche, tenant
une branche d'olivier et la haste ; devant et à ses pieds un
bouclier. — AV. Rollin et Feuardent (pK I, n* 2).
M. Cohen, t. IV, p. 1A3, n* 161, décrit une monnaie
d'^argent de Gordien avec le type et les légendes semblables.
AURÉtIEIl.
IMP.C.L.DOM.AVRELIANVS AVG. Buste radié d'Aurélien,
à droite, et vêtu du paludamenlum.
^ APOLLINI CONS. Apollon à demi nu, debout à gauche,
sa main droite sur la tète et le coude gauche appuyé contre
8 MÉMOIRES
un auCét allumé et orné d'une guirlande de fleurs. — AV.
Hoffmann (pi. I, n"" 3).
DlOCLÉTIEN.
IMP.CG.VAL.DIOCLETIANVS P.F.AVG. Buste lauré de
Dioclétien, à droite, vêtu du paludamentum.
Si SOLI INVICTO. Le soleil radié, debout à gauche, le
bras droit levé et tenant le globe dans la main gauche.
— AV. Rollin et Feuardent (pi. I, n° 4}.
Maximien Hercule.
MAXIMIANVS AVGVSTVS. Tête laurée de Maximien, à
droite.
Rj lOVl CONSERVATORl. N< ï XG Jupiter nu , debout à
gauche, le manteau tombant des épaules et tenant un foudre
de la main droite, l'autre main appuyée sur la hasie. A
l'exergue, SMN. — AV. Hoffmann (pi. I, n" 5).
Cet aureus est remarquable surtout par les six lettres
qui terminent la légende du revers. Les deux premières,
NK, sont liées en monogramme; viennent ensuite un L et
un V superposés et suivis des lettres XC. Ces deux der-
nières doivent-elles être considérées comme numérales et
désignent-elles le nombre 00? c'est ce que je ne me per-
mettrai pas de décider, car j'avoue en toute humilité que
j'ai vainement cherché le mot de cette énigme, dont au
reste je trouve un second exemple sur un aureus à peu près
semblable, cité par Eckhel (t. VIII, p. 20), et que ce sa-
vant dit avoir figuré autrefois dans la collection de Joseph
de France ; voici la description qu'il en donne : « h lOVl
CONSERVATORl N.KX.Y.K.C. Jupiter, debout, vêtu du
ET DISSERTATIONS. 0
pallium^ tenant un foudre dans la main droite et la liaste
dans l'autre main; àTexergue, S.M.N. * » D'après Texem-
plaire bien conservé que j'ai sous les yeux, la description
d'Eckhel serait fautive; c'est pourquoi, me bornant à l'exem-
plaire de M. Hoffmann, j'ai pensé qu'on pourrait peut-
être voir dans le monogramme N< un sigle du mot NiKtj,
attendu que je trouve ce monogramme placé de la même
manière à la fin de la légende MARTI PATRI N<, sur le
revers d'un sou d'or de Constantin le Grand, du Cabinet
impérial de Paris , gravé et décrit par M. Cohen (t. VI ,
p. 104, pi. III, ir 74). En outre, ces deux lettres, mais
séparées, figurent également sur un aureus de Constance
Chlore, frappé à l'occasion des vœux décennaux, et qui a
pour revers l'inscription X.CONSTANTl.AVG dans une cou-
ronne de laurier, avec les lettres NK entre les feuilles d'en
haut *. Or, comme sur beaucoup de monnaies votives^ nous
voyons l'effigie de la Victoire, l' interprétation du mono-
gramme NSC , que je me permets d'émettre, ne serait pas
dénuée de tout fondement. Quant aux lettres XC, on les
retrouve sur un denier d'argent de Constance Chlore, que
Banduri et Eckhel signalent au Cabinet de Vienne, et ayant
pour revers : une couronne dans l'intérieur de laquelle
sont gravées les deux lettres XC , et à l'exergue, AQ.
Le Père Caronni' pense que N< pourrait être la marque
de Nic:ca ou Nicomedia^ mais je suis loin de partager cette
opinion.
^ La pièce grarëc dans l'ouvrage de Joseph de France {Nvmism, cimelii Cx-
$arei régit, pars. Il, tab. V, n*» 21) porte NC, ce «pii paraît une mauvaise copie
deMC.
« Mus, Hederrfir., t. II, p. 96 . n^ 601, ft ul). II , n« 33. — Colien, t. V,
p. 554, n* 12. — Cf. Kckhcl, R A\, VIII, p. 31.
• Mut. Hidervar., Idc. cit.
10 MÉMOIRES
CONSTA.^TJ.N LE GrAND.
COMIS CONSTANTINI AVG. Bustes accolés et tournés à
gauche du soleil radié, et de Gonstaotin dont la tète est
lamée. L*empereur, en costume militaire, Favant-bras
droit élevé et la paume de la main ouverte, tient le globe
dans la main gauche.
^ LIBERALITASXI.IMP.IIII.GOS.P.P.P. La Libéralité,
vêtue de la <(ofa, debout à gauche, tenant une tessèredans
la main droite, tendue en avant, et une corne d'abondance
dans l'autre main; à l'exergue, SMT. — AV. Hoffmann
(pi. l,n-6\
Ce sou d'or, d'une conservation parfaite et frappé l'an 315,
avant de passer dans la collection du Musée britannique,
où il figure maintenant, m'a été communiqué par M. Hoff-
mann. C'est, je crois, la seule des monnaies connues de
Constantin au type de la Libéralité. Le mot COMES est écrit
dans la légende COMIS.
11 n'est rien de plus commun que les monnaies de Con-
stantin portant ime image en pied du soleil avec la légende
SOLl INVICTO COMITI. Ici le buste du dieu a été associé
à celui de l'empereur, afin de rendre la pensée plus maté-
riellement claire encore. On connaît du reste des monnaies
de Postume, de Victorin , de Tétricus, de Probus, de Carau-
sius, de Constance Chlore, avec les légendes COMITI AVG.
COMES AVG.COMITES AVG.ET CAES.NNNN. épithètes qui
s'appliquent à Hercule, à la Victoire, à Mars, àPallas et aux
Dioscures.
L'échange des caractères E et I , dans les inscriptions
latines, est fréquent ; on en a d'ailleurs dans la numisma-
tique de Constantin un autre exemple , qui nous est offert
ET DISSERTATIONS. Il
par la légende bien connue : EQVIS ROMANVS (Musée de
Vienne) '.
CONSTANTINVS P.F.AVG. Tête laurée de Constantin,
à droite.
î$. FELIX PROCESSVS COS.IIII.AVG.N. L'empereur, en
toge et debout à gauche, tenant le globe dans la main
droite et le sceptre dans l'autre main. — AV. Rollin et
Feuardent (pL I, n* 7).
Sou d'or extrêmement rare, sinon unique, qui a aussi
été frappé Tan 315. 11 n'a jamais été gravé et n'est point
décrit dans l'ouvrage de M. Cohen , qui mentionne seule-
ment, d'après Mionnet, un sou d'or au même type (t. VI ,
p. 101, n"53). C'est pourquoi j'ai cru devoir le publier,
quoique Eckhel (t. VIII, p. 7 A) signale un autre sou d'or, à
peu près semblable, en ajoutant qu'il a fait autrefois partie
de la collection de Joseph de France. En outre, M. Cohen
(t VI, p. 101, n^ 5â) cite, d'après Caylus, un troisième
sou d'or, ayant au revers la légende FELIX PROCESSVS
COS.VI.AVG.N. et à l'exergue, SMT ou AQ; type dont un
exemplaire, d'après Eckhel , existait aussi de son temps, à
la collection du Cabinet impérial de Vienne.
Monnaies d'or sans types de revers.
Je ne sais de quel nom désigner les pièces d'or que je vais
décrire. Frappées d'un seul côté, sur des flans très-minces,
au diamètre ordinaire des sous d'or, mais d'un poids quatre
fois moindre, elles portent sur une face l'effigie de l'empe-
reur avec les légendes ordinaires, et elles ont été évidem-
ment frappées avec les coins monétaires ; le revers est uni,
» Eckhel, D. S., VIII, p. 83.
12 Mt-MOIllLS
OU du moins on n'y voit le plus souvent que des lettres
qui peuvent être considérées, dans certains cas, comme les
initiales des hôtels monétaires romains. D'après ces indices,
je suis induit à supposer que ces pièces d'or sont des essais^
exécutés peut- être dans le but d'être soumis préalablement
soit à de hauts employés de la monnaie, soit à l'empereur
lui-même, afin de pouvoir mieux juger de la ressemblance
des têtes et du degré de perfection de la gravure. Ces pièces
donc, comme je l'ai déjà dit, ne sauraient êtie confondues
avec de véritables monnaies, puisqu'elles n'en ont pas le
poids et qu'elles sont incomplètes dans ce sens qu'une seule
de leurs faces est occupée U est à présumer que chacun
des hôtels monétaires devait être tenu de fournir ces essais
et y appliquait, pour les distinguer, des lettres ou tout autre
signe particulier, ou même quelquefois sa marque monétaire
telle que nous la trouvons sur le numéraire de l'époque.
C'est ainsi que, parmi les onze exemplaires que j'ai pu
examiner, quatre d'entre eux portent les marques SIS.
{Siscia) M. TES. {Thcssaloniqtie) et TR. [Trêves).
Comme je suppose que dans les collections publiques ou
privées, il doit exister d'autres exemplaires de ce genre
dont la publication pourrait probablement contribuer à
nous en faire connaître la véritable destination, il serait
bon que les possesseurs les livrassent à la publicité par la
voie des revues ou celle des sociétés numismatiques. D'après
mes propres recherches, les essais que je connais ont été
frappés par Constantin le Grand ou par des membres de sa
famille : Crispus, Constantin U, Constant 1" et Constance 11.
Voici la description d'un exemplaire à l'eflîgie de Constan-
tin le Grand, appartenant à M. Uoflmann, dessiné sur ma
planche, et du reste déjà cité par M. Cohen, t. VI, p. 118,
n« 159.
f] DISSERTATIONS. 13
Constantin le Grand.
IMP.CONSTANTINVS PIVS F.AVG. Buste radié de Con-
stantin, à droite, avec le paladamentum.
Revers uni sans type ni légende; au centre, un point
ou globule. —AV. Poids, 1^',20 (pi. I, n" 8).
Il m'a paru utile de signaler aussi les dix autres exem-
plaires analogues que je connais.
IMP.CONSTANTINVS P.F.AVG. Buste diadème et cui-
rassé de Constantin , à gauche, avec le paludamentum.
Si V. dans le champ de la médaille (Cabinet impér. , Cohen,
t.Vl, p. d09, n-105).
Crispus.
CRISPVS NOB.CAES. Buste lauré de Crispus, à droite,
vêtu du paludamentum.
Revers uni. Poids, 1 gramme (Cabinet impér. de Paris);
exemplaire troué et muni d'une belière (Cohen, t. VI, p. 189,
0-18).
Constantin II le Jeune.
FL.CL.CONSTANTINVS P.F.AVG. Tète diadémée de Con-
stantin II, à droite.
U) SIS. dans le champ (Cohen, t. VI , p. 219, n° 40).
Cet exemplaire se trouvait autrefois au Cabinet de France;
ilestcitépar Eckhel,t. VHI,p.d08,et par Pellerin, Me-
langes^ 1, p. 169.
F.IVLCONSTANTINVSIVN.NOB.CAKS. Buste de Con-
stantin II, adroite, avec la cuirasse et un casque très-orné.
Revers uni. (Cabinet impér. de Paris); exemplaire troué
et muni d'une belière (Cohen, t. VI, p. 221, n" 55).
lA MÉMOIRES
Constant !"•
FLIVLCONSTANSP.F.AVG. Buste radié de Constant,
à droite.
^ MNES. dans le champ, (Colien, t. VI , p. 251, n» 40.)
Cet exemplaire faisait autrefois partie de la collection du
Cabinet de France,
FL.IVL.CONSTANS P.F.AVG. Buste diadème de Constant,
à droite, avec le paludamentum et la cuirasse
Hl SIS. dans le champ (Cohen, t. VI, p. 253, n' 51).
Poids, 0,95. Exemplaire troué et muni d'un reste de be-
lière. (Cabinet impér. de Paris.)'
FL.IVL.CONSTANS P.F.AVG. Tête radiée de Constant, à
droite.
Si TR. dans le champ. (Cohen , t. VI, p. 253, n* 54.)
Autrefois au Cabinet de France.
Constance II.
FL.IVL.CONSTANTIVS P.F.AVG. Buste diadème (et peut-
être aussi radié) , de Constance II , à gauche, avec le palu^
damenlum et la cuirasse.
^ MT.ES., dans le champ (Cohen, t. VI, p. 291, n* 91).
Collection de M. Duquenelle , à Reims.
Même lègeude. Buste casqué et cuirassé de Constance II ,
tourné à gauche et armé de la lance et du bouclier.
^ TR. dans le champ. (Tanini — Cohen, t. VI, p. 294,
n* 106.)
* Il est bon de remarquer que Pellerin et Eckhel décriTeot une rariété
portant SIS et une autre MT.ES et non pas MNES. Il est probable qu'il fal-
lait lire M. TES ( mounaie de Thes^salonique); MNES ne signifie rien.
tT DISST.RTATIOVS. J5
FL.IVL.CONSTANTIVSNOB.CAES. Buste radié de Con-
stance II , à gauche, avec le paludamentum.
Revers uoi, sauf un petit gVobuie au centre. (Cohen,
t. \1, p. 301, ii*»155.)
Cet exemplaire est aussi mentionné par Caylus, qui Ta
fait dessiner, pi. LIV, n*1105.
Poids byzantins dt cuivre.
On a déjà depuis longtemps fait connaître quelques poids
romains d'époques dilTérentes, échappés à la destruction ,
€t dont au reste on trouve encore d'assez nombreux spéci-
mens dans les collections; mais je ne pense pas qu'il en ait
été publié de semblables aux quatre exemplaires que je
vais décrire et dont je donne les dessins (pi. II). Leur style,
leur caractère particulier, aussi bien que la manière dont
ils sont travaillés, attestent bien , selon moi , une origine
byrantine, ce qui me paraît d'ailleurs démontré par l'in-
crustation de lamelles ou fdets d'argent, telle qu'elle se
pratiquait pour certains médaillons contorniales. Les sujets
représentés sur trois de ces poids peuvent aussi, jusqu'à
un certain point, nous aider à déterminer à peu près l'époque
où ils ont été fabriqués et employés, mais je ne saurais avoir
la prétention de préciser rigoureusement la date de leur
émission. Je vais les décrire dans l'ordre chronologique que
je leur attribue, en commençant par celui qui me paraît le
plus ancien.
1. — Poids de deux onces, de forme carrée (collection de
M. le duc de Blacas) . Longueur d'un côté, 27 millimètres ;
épaisseur, h millimètres; poids, 538',86 (ce qui donne
une livre un peu faible de 3236%16, mais la pièce étant
usée, il faut admettre qu'elle a dû perdre de son poids).
i^} Mi MOI lus
l'iaqiic carrée de cuivre, dont une face porte, en trois
li;:ne.s :
1" ligne, un signe indicateuret le chiffre ll,soitdeu:eo7iref.
2- — SOL, pour SOLIDI.
.V — XII.
Cette inscription, dont les lettres sont incrustées d'ar-
gent, s'explique d elle-même et signifie que ce poids de
deux onces est égal au poids de douze sous (d'or). Il a peut-
être été employé aussi comme exagium , et vu son travail
un peu grossier, comparativement aux autres, il date pro-
bablement des premiers temps où la dénomination de $olidu$
a été appliquée à la monnaie dor; je serais donc porté à
lui assigner pour origine Tépoque de Constantin ; le sou
indiqué par ce poids aurait été de â^%A89.
2. — Once, de forme carrée (Rollin et Feuardent). Lon-
gueur d'un côté, 18 millimètres; épaisseur, 3 millimètres;
poids, 2«fi%G0 (correspond à une livre de 3106%20).
Plaque carrée de cuivre, dont un côté offre les bustes
de deux Augustes, vus de face, vêtus du paluiamenlum et
ayant la tête lauréc. Sous les bustes, les lettres TA (33).
Ce poids a drt, lors de son émission, être incrusté de
lamelles d'argent qui ont disparu; je l'attribue à l'époque
des Valcntiniens. Il a perdu, par l'usage, un peu de son
poids primitif.
3. — Poids d'une once, de forme quadrilatérale (Cabinet
impér. de Paris] . Longueur du côté le plus long, 23 milli-
mètres; longueur du côté le moins long, 22 millimètres;
poids, 25s%12 (fournit une livre très-faible de 30l6'.ââ).
Le sujet gravé sur cette once nous rappelle le type
employé sur certains sous d'or de quelques empereurs de
la basse époque, jusqu'à Léon I", Léon II et Zenon, et
qu'on trouve même sur des sous de Justin I" et de Justinien.
ET DISSERTATIONS. 17
On y voit deux Augustes diadèmes, assis sous un portique
distyle, tenant d'une main le sceptre et de Tautre le globe ;
derrière, une Victoire ailée ; dessous et entre les jambes des
Augustes, les deux lettres FA (33), et à gauche, en bas, un
petit disque. Certaines lignes ou parties sont incrustées de
lamelles ou filets d'argent qui rehaussent le dessin et lui
donnent de la grâce et du style. Cet exemplaire, en bon
état de conservation , a été donné par M. Dupré au Cabinet
impérial de Paris. Je ne saurais dire ce qu'indiquent sur les
poids n** 2 et 3 les lettres TA, qui doivent très-probable-
ment être prises pour des lettres numérales.
4. — Livre byzantine (Musée britannique). Hauteur,
59 millimètres ; largem% 61 millimètres ; poids, 323<',76.
Plaque de cuivre quadrilatérale, sur laquelle sont
gravés deux saints nimbés, debout, en tenue militaire,
chaussés de brodequins et vus de face. Tous les deux sont
armés d'un bouclier ovale orné d' écailles, et tiennent de la
main droite une lance transversale dont la pointe est diri-
gée contre une panthère à tête fantastique, placée aux
pieds du saint de droite, et sous un arbre sans feuilles et
à cinq rameaux terminés par un fruit de forme ronde ; en
bas, sous les pieds des saints, la sigle "î A, qui indique le
poids d'une livre, Ihpi (xta. La figure, le cou , les poignets
jusqu'^aux doigts, les jambes des deux saints, la tète du
dragon et tes lettres sont incrustés et garnis de lamelles-
ou petites plaques d^argent. Tout le fond est pointillé d'un
petit semis formé de groupes de trois points.
Ce précieux monument, d'une conservation parfaitev a
passé des mains de M. Hoffmann dans la collection du
Musée britannique ; je pense qu'il a été fabriqué sous le
règne de Justinien, dont le sujet et le travail me paraissent
rappeler l'époque.
1863. —l. 2
18 iiÉMOinEs
Ces quatre exemplaires tirent une certaine importance
de leur pesanteur spécifique, qui vient confirmer matériel-
lement et d'une manière irrécusable, les inductions des
savants et des numismatistes concernant le poids réel et
précis de la livre romaine, poids représenté définitivement
et à très-peu près par 824 grammes.
Monnaie d'or byzaniine.
Jean ZiMtscÈs.
On me donne communication d'un sou d'or de Jean I''
Zimiscës omis dans mon dernier ouvrage \ en voici la
description :
4- 0€OTOC'.bOH0'.ltAj.i)eS0 * {Mère de Dieu protège le
seigneur Jean). Buste de face et diadème de l'empereur^
vêtu de la robe à carreaux et tenant le globe dans la main
droite; à sa gauche, la Vierge à mi-corps, de face et nim-
bée, porte la main droite au diadème de Zimiscès; entre
les deux têtes, une main divine.
î$ + IhS.XIS.ReX.RGGNANTlVM. Buste de face du Christ
Jiimbé, sur la croix, tenant le livre des Évangiles. — AV.
Rollin et Feuardent ( pi. II, n° 5 ).
Le type du droit se rapporte au culte que Jean Zimiscès
avait voué à la Vierge ; il diffère de celui des sous d'or
connus jusques ici, puisque l'empereur ne tient pas dans
sa main gauche une longue croix grecque, et que la main
divine y occupe une autre place. J. Sabatier.
1 Dencription générale des monnaie» byzantines^ t. Il, p. 141.
• Voir ma Dexc^iplitm générale âea monnaie» byzantine», t. I, p 101. La
IfUre 6 e^t une Icltro nnm<^rtile.
ET DISSERTATIONS. l9
TIERS DE SOU D'OR MÉROVINGIEN
FRAPPÉ A CHARROUX , DÉPARTEMENT DE LA VIENNE.
On a prétendu , dans ces derniers temps, que la petite
▼ille de Gharroux tirait son vocable des deux mots latins
Caro rubra. 11 n'est donc peut-être pas sans opportu-
nité de faire connaître le véritable nom latin de Gharroux
au moyen âge, et de fixer dans cette antique bourgade le
lieu d'émission d*un tiers de sou d'or du Cabinet des mé-
dailles de la Bibliothèque impériale , resté jusqu'ici sans
attribution. Voici d'abord la description de cette monnaie :
E AROFO V. Tête barbare à droite , casquée ; buste nu.
1^ AaiulVDO ^. {Avioludo^ Arioludo ou bien Àrtoaldo
fit, en voyant dans la deuxième lettre un R, et en renver-
sant la position des lettres de l'avant-dernière syllabe). Croix
à branches égales, haussée sur un degré, et cantonnée d'un
point au !•' et au ?• canton \ A raison de l'imperfection dn
dessin , cette pièce paraît appartenir au dernier tiers da
vn* siècle.
* Ott» pièce n'a pas été eoeorn éditée, da moins à ma connaissance :
mon confrère Anatole de Barthélémy (Manmel de numitmatique fnodeme, p. 189),
«t d*après I«î M. Cartier père ( Tabk générale iê» matièrtê iê la AectM iMimifina'
20 Mf.MOIRtS
Par un testament en date da 25 mai 785, le comte
Roger et son épouse Euphrasie cèdent et délèguent, pour
rétablissement d'une abbaye devant contenir douze moines,
certaines possessions situées en Poitou , au pays d^ Briou,
sur les bords de la Charente, et qu'ils nomment tour à tour
Karrofum ou Carrofum : a In loco nuncupato Karrofo in
« urbe Pictava % infra terminum Briosensem, prope fluvium
« Karantonae. » Plus bas les testateurs rappellent que
Charlemagne, d'après Tordre de qui ils ont fait construire
le monastère , et Louis le Pieux son fils , ont concédé cer-
tains biens ruraux à cette maison religieuse. « Hac perpe-
« tualiter possidenda tam ipse (Carolus) quam gloriosus
« filius ejus Ludovicus, eidem Carrofensi cœnobio dele-
t( gavit\ » Une charte de Tan 875, tirée des archives de
Charroux, appelle cette localité Carrofum et Carroftnse
tnonaslerium % et contemporain de Charlemagne, Tévêque
d'Orléans Théodulfe écrivait le vers suivant :
Est locus, hune vocîtant Carrof cognomine Galli ♦,
ce qui nous donne Taucien nom privé de sa désinence
tique, première série, p. 177 ), ont seulement iuscrit sur leurs listes la légende
Carofum sans indiquer aucune attribution ; Tun et l'autre étaient loin de soup-
çonner celle de Chammz , car ils plaçaient en ce Heu Tatelier de Charfiaco^
Ltudenui m. (Barthélémy, lœ, ct<.— Cartier, idiii., p. 178).
1 Led écrivains du moyen âge ont d'abord indiqué la situation des biens
donnés dans le territoire de la cité, m territorio urbit PictcMss^ ensuite tu ur6#
Pictavay puis aux ix* et x* siècles m urbe ou in orbe Pictavo ou Pictarente, dann
la cité ou territoire du Poitou.
' Mabillon, Annal, ord. S. Bened.^ t. II, append., p. 663-664. — Beslj, Uù-
toirt des comtet de Poitiers et ducs de Guyenne , dans rappeudicc.
* Mss. Bibiloth. impér., dépôt des chartes manuscrites, sub ann. 875.
• Mabillon, Annal, ord, S. Bawi., loc. cit., p. 233- 254.— L(*s auteurs du
nouveau Gallia christiana ^ qui ont aussi reproduit ce passage do Théodulfe,
out écrit Carroph (t. II, col. 1278 ).
ET DISSERTATIONS. 21
latine, et tel qu'il était peut-être prononcé dans le langage
vulgaire.
Depuis et pendant tout le moyen âge, ce nom a été
employé sous la même forme par les rédacteurs des actes^
où il est fait mention de Gharroux.
Or, on ne peut méconnaître 1 identité de ce vocable avec
celui du lieu inscrit en légende sur notre monnaie méro-
vingienne.
De plus^ il existe parmi les triens du Limousin une pièce
frappée à Potentum^ appelé depuis Castrum Potentiacum^
Chàteau-Ponsac, dans la région nord-ouest de cette pro-
vince , limitrophe du Poitou. Elle nous offre le buste nu et
le col allongé, qui se reproduisent au droit du triens de la
bourgade poitevine de Cbarroux située dans cette direc-
tion, sur les conflns des deux cités : c*est là une raison de
plus à l'appui de Tattribution que je propose.
Les annalistes, particulièrement Mabillon et les auteurs
du Gallia chriitiatia^ font mention de reliques données
par Gbariemagne à l'abbaye de Cbarroux, et nommément
d'un fragment de la vraie croix qui lui avait été adressé
par Thomas, patriarche de Jérusalem *. Mais les annalistes
ne disent rien de plus*.
Max. Deloghe.
t Ubi «npra.— -Adémar de CbmlMmaisi dan»» chronique écrite vers lo militu.
du xi*tiêcle, appelle Cbarroux Sanctum Carrofwn (apud Ph. Labbe, Nov.
btbkoth. msê., t. II ), à cause de la possession de. ce fragment de la croix, ot
Mabillon blftme nettement une telle qualification de la célèbre abbaye.
* Voir, sur la découverte du reliquaire de Qiarroux rn 1856, une nou'ce de
M. A. Bronillet, dans les BulUtim de la Société des aniiquairei dt TOtMi^ 185J.
p. 173 et snir.
22 MÉMOIRES
DISSERTATION SUR LES MONNAIES
FRAPPÉES A LUCQUES SOUS LES EMPEREURS DE GERMANIE
ET LES ROIS D^ITALIE DANS LES X% XI» ET XU« SIÈCLES.
(PL m.)
Une fois la question résolue que, même pendant la do-
mination des Francs, les principaux ateliers monétaires de
ritalie ne cessèrent jamais la fabrication des monnaies ;
après avoir examiné de quelle manière furent régies,
d'après les lois émanées de Cbarlemagne, toutes les offi-
cines situées en deçà des Alpes \ il serait à propos de
s'occuper des monnaies frappées à Lucques depuis qu*eut
cessé toute espèce de domination de la race carlovingienne
sur l'Italie. Msds le comte de San-Quintino, ce flambeau de
la numismatique italienne, ayant abordé cette question
avec son érudition habituelle, dans son remarquable mé-
moire intitulé : Suite monete degli antichi tnarchesi délia
Tùscana*^ je regarderais mon travail non-seulement
comme une chose vaine et inutile, mais encore comme une
injure à la mémoire et à la science de l'éminent numisma-
tiste piémontais, et je n'entreprendrais pas de traiter de
nouveau cette période historique de notre officine moné-
^ Voir Revue numiem.^ 1861, p. 429.
* Âili délia R. Àccademia Lucekêee, t. I, p. 193 teg.
ET D1SSERTATI0?9S. 2S
taire. Je vais parler cei)en(Jaut des monnaies frappées
par les empereurs, sur lesquelles on n'a que des notions
confuses dont le comte de San Quintino s'est contenté
dans la dissertation citée plus haut.
Vers la fin du x* siècle, l'empereur Otton !•• ayant, après
une longue anarchie, rétabli la tranquillité en Germanie
et en Italie, voulut rendre leur ancienne splendeur aux
ateliers monétaires des plus illustres de nos cités, en leur
restituant beaucoup de ces antiques privilèges dont elles
avaient été dépouillées après la conquête des Francs. Les
premières monnaies sorties de l'officine de Lucques, et qui
appartiennent à cette époque, sont quelques deniers d'ar-
geiit, qui tous portent des marques positives d' Otton I*' le
Grand et des deux autres princes du même nom qui mon-
tèrent après lui sur le trône. La collection de l'Académie de
Lucques possède quelques exemplaires de ces deniers; j'en
ai aussi quelques-uns dans ma collection particulière; tous se
ressemblent ; ils ont tous les mêmes légendes et les mêmes
types. Mon attention s'est d'abord arrêtée sur la différence
remarquable de poids qui existe non-seulement entre ces
pièces et celles de l'époque antérieure, mais encore entre
les exemplaires de la même espèce, quand on les compare
les uns avec les autres. On ne peut attribuer, si je ne me^
trompe, cette différence dans le poids qu'à l'abandon que
firent les empereurs portant le nom d'Ulton, non-seule-
ment du système gaulois du roi Pépin, mais encore du
système franc décrété par Cbarlemagne, pour revenir au
poids de la primitive livre nationale qui correspondait exac-
tement à la livre romaine. Les écrivains * nous appreiment,
* s. QuAtioOf Diturlaxiont tullt tnoneU dcgli anticlii Marchtti délia Toscana ,
p. 36.
2& MÉMOIRES
en effet, que la livre carloviDgienne De fut en usage chez
nous que pendant un siècle ; déjà, en effet, vers la fin du
IX* siècle on avait repris la livre du pays. Cette différence
de poids, qui varie constamment entre 20 et 28 grains tos-
cans, n'est pas une chose inexplicable ou invraisemblable,
si l'on songe à l'état de conservation plus ou moins grande
des pièces que j'ai eu occasion d'examiner et aux change-
ments introduits dans les lois monétaires par suite de Tavé-
nement successif des princes. Le titre du métal s'éloigne peu
de la pureté de l'argent employé par les marquis de Tos-
cane, et tout, dans ces pièces, est conforme aux monnaies
frappées à Lucques où résidaient à cette époque les princes
qui gouvernaient la Toscane. Ces pièces étaient restées
sans attribution certaine par suite de l'absence complète de
documents contemporains, et Muratori lui-même ne se
dissimulait pas les graves difficultés qui s'opposaient à
leur classification, à cause de leur res^mblance parfaite.
Aussi, dans ses Antiquités italiennes^ en parlant d'une mon-
naie de cette espèce, l'attribue-t-il indistinctement à l'un
des trois premiers princes du nom d'Otton : Ad ipsum vero
(Ottonem magnum) aut ad ejus fiUum Ottonem secundum^
aut ad tertium nepotem pertinere videlur \ L'hésitation de
cet homme éminent ne pouvait que m' exciter davantage à
me livrer à des recherches, il est vrai, très-difficiles, sur
les exemplaires que j'avais sous les yeux; cependant ces
recherches ont abouti à distinguer d'une manière plausible
les monnaies des trois Otton, frappées non-seulement à
Lucques, mais encore dans les autres principaux ateliers
monétaires d'Italie, comme Trévise, Pavie, Milan, car,
quoique identiques pour ainsi dire du côté du monogramme,
> Muratori, ÀntiquiiaUs UalicM, dissert. XXVII, p. 449, fig. YI.
ET DISSERTATIONS. '^O
on peut cependant déterminer toujours leur lieu d'émission
en analysant minutieusement toutes les parties de la légende
circulaire, souvent variée, et où l'on retrouve le nom de la
ville qui les a fait frapper *. Encouragé par ces prémisses,
je me suis livré à une étude plus approfondie, et je me suis
assuré qu'on doit donner à Otton I" les deniers d'argent
qui, semblables à tous les autres, portent du côté du mo-
nogranune le titre d'IMPERATOR, sans aucune mention de
dignité au revers, où se lit seulement le mot GIVITATE
(pi. III, n*l). Pour preuve de l'attribution des deniers de
cette espèce à Otton !•', il faut se rappeler que ce prince
fut couronné empereur et roi presque en même temps (961 ,
Ô62), qu'il ne faisait aucune dilférence entre ces deux
titres, prenant toujours dans ses diplômes celui d'empe-
reur comme le plus élevé, et par conséquent il faut ad-
mettre, sans crainte de se tromper, que sur la monnaie il
suivait le même système. Un indice pour moi bien certain
que cette pièce ne peut appartenir qu'à Otton I", c'est la
ressemblance parfaite qu'elle conserve avec les deniers des
marquis de cette époque ' qui, pour imiter le chef su-
prême, faisaient graver indistinctement sur leurs mon-
nsdes le mot GIVITATE, parce qu'ils tenaient à conserver
la plus grande ressemblance possible entre leurs monnaies
et celles de l'empereur, afin de mieux dissimuler la fraude
que l'ambition ou l'intérêt les portait à commettre contre
la volonté expresse du souverain. Ceci donc ajoute encore
du poids à nos observations, et prouve que la monnaie por-
tant le type en question qui contient tous les caractéristi-
' Cest à mon honorable et savant ami le chevalier D. Vincent Lazari , de
Venise, que je dois principalement les premières notions snr la distinction à
faire entre les monnaies portant le nom d'Otton.
' fifrac fMmiMiiiai.^ 1861, pi. XIX, n- 11 et 12.
26 MÉMOIRES
ques fournis par l'histoire , ne peut être qu une monnaie
frappée à Lucques, alors qu'Otton I", qui avait surmonté
les innombrables obstacles du commencement de son
règne, suscités par l'ambition des grands et l'ignorance do
peuple, prit d'une main résolue et énergique le sceptre et
reconstitua sur des bases solides l'empire d'Occident.
Maintenant la voie étant ouverte pour résoudre un pro-
blème qui paraissait insoluble, il sera bien plus facile de
rechercher la véritable attribution des autres pièces qui
étant très-nombreuses, nous fourniront plus de lumières,
et ainsi nous pourrons nous flatter de retrouver la vérité.
Telles senties monnaies que l'on doit attribuer à Otton II,
lesquelles ne diffèrent de celles décrites plus haut qu'en
ce que nous y voyons à côté du titre d'empereur celui de
roi, gravé au revers autour du nom de la ville de Lucques,
LVCA, et qu'en place du mot CIVITATE, on lit : OTTO PIVS
REX (pi. III, n* 2). Le poids de ces pièces varie entre 2:2
et2S grains; le titre du métal est bon, car parmi toutes
les pièces de ma collection, j'en ai trouvé peu qui s'écartent
de 10 onces de fin, preuve que ces pièces appartiennent à
une époque où l'on n'altérait pas le titre de la monnaie, ce
qui est le fait du règne d'Otton II; car plus tard, comme
nous le verrons, la monnaie fut altérée de plus en plus. Je
crois qu'il est donc impossible de refuser à cette pièce gravée
sous le n* 2 l'attribution que je lui donne, si l'on se rap-
pelle qu'Otton II avait obtenu le titre de roi en Germanie
et en Italie (961, 962\ plusieurs années avant de recevoir
la couronne impériale (973 — 983) ; car à peine revêtu du
titre d'empereur, voulut-il, dans ses actes et dans ses lois,
se qualifier de roi et d'empereur, ce qui, sans recourir à
des arguments subtils , explique suffisamment la double
qualification exprimée sur les monnaies que j'examine.
ET DISSERTATIONS. 57
En poursuivant l'étude de ces types, où le monogramme
atteste la dignité suprême des empereurs du nom
d'Otton,rien ne se trouve plus nettement déterminé quant
aux pièces qui appartiennent à Otton III. Ces monnaies
sont des plus rares, peut-être à cause de la courte durée
du règne de ce prince ; mais elles difièrent peu des autres.
Ainsi, là où sur les monnaies d'Otton II se montrait le titre
de roi, ici, comme sur celles frappées à Pavie sous les
mêmes lois, on lit d'une manière positive le chiiïre
TERGIVS '. Otton III suivait ainsi l'exemple de son prédé-
cesseur qui, vers les dernières années de son règne, s'inti-
tulait assez fréquemment dans ses actes Otio secundus.
Quant à l'altération du titre de l'argent, cela indique évi-
demment l'approche de la décadence de toutes les officines
monétaires de l'Italie, tant par rétablissement de nouveaux
ateliers dans la Péninsule que par la corruption qu'ame-
nèrent les malheureux événements politiques, conséquence
inévitable de troubles fréquents et remplis d'horreurs.
Ainsi nous obtenons une classification des monnaies des
trois empereurs du même nom qui régnèrent en Italie,
après les Francs, c'est-à-dire de l'an 961 à l'an 1002.
On ne doit regarder que comme de la fausse monnaie
certaines petites pièces de cuivre ou d'argent de bas aloi
(pi. m, n* 3) qu'on voit souvent dans les collections, et
qui, en tout semblables à celles décrites plus haut, si ce
n'est qu'elles sont plus mal frappées, semblent appartenir
pourtant à un des princes du nom d'Otton. Mais dans ces
temps, connue il résulte des recherches des nxunismatistes
les plus distingués, les fraudes monétaires étaient mises
* Duâêrtaiionê intomo ad akum montU dêl X e XI êtcolo irotate nri dinlorni
di Koma ml 1B4S, dans les Atti délia B. Àccademia di Torino.
28 MÉMOIRES
en pratique non-seulement par les faussaires proprement
dits, mais aussi par les fermiers chargés de la direction
des ateliers monétaires ; la seule différence consistait en ce
que ces derniers ne fabriquaient pas des pièces de cuivre
pur, mais se contentaient d'employer de l'argent au-des-
sous du titre légal. Une raison encore qui me paraît con-
cluante pour admettre des contrefaçons de cette espèce,
c'est qu'il n'est pas à présumer que l'autorité eût consenti
à faire fabriquer des monnaies d'un coin parfaitement
identique, mais en métal de peu de valeur, de manière
qu'on ne pût les distinguer des pièces d'un métal plus pur;,
car en admettant une telle supposition, on aurait aidé les
faussaires à faire passer ces sortes de pièces pour de la
bonne monnaie ; il aurait suffi pour cela d'argenter adroi-
tement la surface. On comprend facilement que si nos an-
cêtres avaient voulu fabriquer une monnaie plus petite ou
une fraction du denier d'argent, il leur aurait été bien fa-
cile d'introduire dans le type quelque différence qui indi-
quât la nature du métal et fournît le moyen de le recon-
naître. La monnaie d'argent était la seule connue, la seule
qui avait cours dans ces siècles où l'on n'avait pas besoin
comme aujourd'hui d'autant de valeurs diverses rendues
nécessaires et indispensables par le développement im-
mense de l'industrie et les vastes proportions du commerce
et du luxe. On doit donc admettre que les deniers d'argent
frappés à Milan et à Pavie ' étaient la monnaie de laquelle
on se servait parmi nous pour les transactions depuis
Charles le Chauve, que ces deniers étant en circulation
dans toute l'Italie devaient naturellement être acceptées
sans aucune distinction dans le commerce, comme l'atteste
* Cmrli, Dtli« mnnêta d'If lia, distert. III, § S.
tT DISSERTATfONS. 29
d'ailleurs la grande quantité qu*on en rencontre soit à
Lucques, soit dans les environs, ce qui, à mon avis, prouve
que ces pièces n'y ont pas été portées par le hasard, mais
qu'elles étaient la monnaie courante. Et en eiïet, leur res-
semblance est si grande que les types ne diffèrent que par
les sigles indiquant LVCA et PAPIA , ce qui fait voir que ces
pièces émanaient d'une seuie et même autorité, et ont été
frappées d'après les mêmes lois et les mêmes règlements.
Tout ceci explique les métaux frappés et destinés à faciliter
le commerce des denrées ; quant aux transactions par actes
la chose est différente , et j'ai pu m'assurer, en examinant
de vieux parchemins, que, dans cette période de temps, les
conventions avaient lieu en sous à' argent^ chacun desqueU
valait 12 deniers aussi d'argeuL Ainsi, dans une charte de
l'an 963, je trouve que a Conrad, évêque, cède par bail
n emphytéotique à Rodiland, fils de défunte Christine, une
« cour dans le territoire de Florence avec six maisons meu-
m blëes [ca^e massaricie)(i ans le lieu dit Braucoli dépendant
a de l'église de Saint-Silvesire pour argentum denarios bonos
« expendibiles solides decem, duodecim denarios per singulos
« 5o/tdos rationatos *. » Je pourrais citer beaucoup d'autres
documents contenant des dispositions analogues qui, pour
appartenir à des époques différentes, se rapportent cepen-
dant tous aux trois princes du nom d'Otton, et qui pour-
raient me servir dans le cas présent : mais pour abréger, je
me contente ici de n'en mentionner que les plus impor-
tants *.
On peut conclure de ce qui précède que les deniers d*ar-
* Mtmorit t dorumenh da êtrtire alla ttoria Ji Lucca , vol. V, parte 3, doc.
MCCCXCT t G 66.
» Mimorie e documenli cit., doc. MCCCCViii f-\ R 99. — Doc. mdxtiii ^ 94.
— Doc. MDCCXXIV j I L 13.
30 IIKMOIRKS
gent décrits plus haut sont Tunique monnaie frappée» sous
la domination des Otton , à Lucques, comme dans le reste
de l'Italie, alors que la Péninsule était soumise à la puis-
sance germanique.
A la mort d'Otton IIK Henri II de Bavière, après avoir
triomphé des obstacles suscités par ceux qui avaient
la prétention de lui disputer la couronne d'Italie, prit en
main les rênes du gouveinement en 1013, et se balade se
rendre en Italie en 1 01&. Là, il fit des actes de souversdneté
absolue, et, entre autres, il n'oublia pas de faire battre mon-
naie à son nom. On trouve assez fréquemment dans notre
pays des monnaies de cette espèce. Leurs types grossiers et
barbares nous donnent une idée de cette complète absence
de lumières qui plongea l'Italie dans les ténèbres pendant les
siècles qui suivirent le règne de Cbarlemagne. Ces mon-
naies portent un monogramme qui conserve assez bien les
formes du monogramme des Otton (pL III, n^ 4). Au lieu
d'OTTO PIVS REX, on lit ici simplement : ENRICVS. La
disposition du signe monétaire annonce une autre époque,
mais non un autre monogramme , les habitants de Lucques
ayant voulu conserver toujours celui d'Otton qui avait
tant fait pour leur atelier monétaire. En effet, les chroni-
queurs * racontent qu'en 962, Otton I" leur avait accordé
plusieurs privilèges au sujet de la monnaie, quoique à cette
époque on ne concédât que difficilement de tels privilèges.
Rarum hits temporibiLS decvs signandi argentei aurique po-
(eslatem concessiî.
Muratori est toujours dans la même incertitude quant
aux monnaies de cette période, et parlant des n" VII, VIII
et IX de ses planches, il ajoute : Ad quemnam e sex Enricis
1 Beverini, Annalium ab origine Lureensii urbi» vol. I, p. 132.
tT DISSERTATIONS. 31
Augu$ti$ sit Ute referendus non facile nemo décernât ^ Ces
monoaies, qui alors étaient la seule espèce fabriquée non-
seulement à Lucques, mais dans tous les ateliers moné-
taires d'Italie, ne se distinguent les unes des autres que
par le poids et la qualité du métal , les poinçons étant
tous semblables. Si nous voulons consulter T histoire de
cette époque, nous verrons bientôt que la monnaie est
toujours en rapport avec la prospérité plus ou moins
grande des peuples, et qu'elle subit les vicissitudes des
temps. Parmi les nombreux deniers d'argent de ce genre
que j'ai eu occasion d'examiner, j'en ai trouvé un bien petit
nombre qui, comme matière, eussent la même qualité que
ceux des Otton; j'y ai rencontré au contraire un tel abais-
sement de titre qu'on y reconnaît facilement à quelles con-
vulsions et à quels troubles furent en proie les règnes des
Henri. L'argent était alors fort rare en Europe, où il ne
commença à devenir plus commun que vers la fin du
siècle, quand par la voie du Nord il en arriva d'Orient ;
cette pénurie de l'argent devait avoir aussi une grande in-
fluence sur l'abaissement du titre de la monnaie. Ajoutez à
tout cela les abus introduits par l'avidité ou la fraude de
ceux qui étaient préposés aux officines monétaires; ils
étaient peu surveillés par les cités privilégiées, et ils alté-
nùent très-fréquemment les monnaies à leur profit ou bien
au profit des villes. Cependant en portant mon attention
sur chacun de ces divers exemplaires, analysant soigneuse-
ment chaque spécialité, j'ai pu m'assurer que les diffé-
rences extérieures, pour ainsi dire insignifiantes qu'on y
rencontre, n'altèrent en rien le caractère de la monnaie, car
la gravure, le module, la frappe, la forme du monogramme
' Muratori, Àntiquitatet italicae, dissert. XXVII.
S2 HÉMOIHES
et œlle des lettres sont en tout conformes aux moiuiaies
qu'on frappait pendant cette période dans toutes les oflS-
cines monétaires d'Italie. 11 me semble donc qu'on peut en
induire raisonnablement que tous les deniers d'argent por-
tant le nom de Henri, n'ayant qu'un seul et unique type,
ne peuvent appartenir qu'à un seul prince, et que ce prince
ne peut être que l'empereur Henri II.
Passant maintenant des monnaies frappées aux docu-
ments écrits, j'ajouterai que l'usage de compter en sous et
deniers d'argent continua sous le règne des empereurs du
nom de Henri. Dans une charte au nom de l'empereur
Henri II de l'an 1014 , conservée avec un grand nombre
d'autres dans les archives de l'archevêché de Lucques, on
lit : « Grimizzo, évoque, cède en emphytéose à Jean, fils de
« feu Benoît des seigneurs de Suggrominio, le tiers de ses
« biens et les dîmes de la paroisse de Saint- Paul, pour
uargentum dennrios bonos expendihiles triginta et duo ^.n
Ce qui mérite une attention particulière , c'est l'exemple
fourni par ce même document qne, dans les transactions
qui ne donnaient pas lieu au fait matériel de payer en
deniers comptants, comme par exemple quand il s'agissait
d'amendes, le métal était employé par masses ou au poids,
car après avoir stipulé le prix de la cession, je trouve que
pour obtenir une rigoureuse observance des conventions,
il est dit : Ego si a nos vobis hec omnia... spondeo ego q,
5. Joan una cum meis heredibus componere tibi, qui supra
Grimizzo episcopo vel ad posterisque successoribus suis
pennm argenli denari oplime libras decem.
Enfin, pour compléter la série des monnaies portant le
* Mtmorie e documtnti da s^rvire alla itoria di Lucea, doc mdcclxxz ^B
41.
ET DISSERTATIONS. 33
nom (le Henri, j'offrirai au public deux types jusqu'à ce
jour inédits, et qui, sans aucun doute, appartiennent à Tun
des empereurs du nom de Henri. La première de ces pré-
cieuses petites monnaies qui font un des principaux orne-
ments de mon médaillier est surtout remarquable parce
qu'elle diffère d'une manière sensible de toutes les autres
pièces de ce genre que j'ai vues (pi. 111, n** 5). On
aperçoit du côté du monogramme deux petits signes trian-
};ulaires superposés, et ayant un des angles dirigé vers le
centre. Au revers, le mot LVCA n'est pas gravé de ma-
nière à ce que les quatre lettres soient disposées autour
d'un point qui forme le centre comme dans les exemplaires
précédents, mais sont alignées horizontalement deux par
deux avec cinq besants ou globules. Cette pièce est re-
marquable par les singularités de son type et par sa grande
ressemblance avec les deniers portant le nom d'Otton ; le
métal est de 10 de fin , et la pièce pèse 2A grains d/8.
Je serais porté à regarder cette pièce comme une des pre-
mières frappées à Lucques au commencement du règne de
l'empereur Henri H.
La seconde pièce se fait remarquer par une différence
complète dans le type principal. D'un côté on voit une
croLx qui occupe tout le champ et dont les quatre branches
se prolongent jusqu'aux extrémités; entre les quatre,
branches on lit le nom HIRIGVS (sic) et au centre LVCA.
De l'autre côté est le monogramme ordinaire au centre et
autour la légende circulaire IMPERATOR (pi. III, n*» 6). Les
caractères sont moins grossiers que sur les pièces pré-
cédentes. Mais la différence de module, la forme, le
poids moindre et rinfériorité du titre sont des indices
qui annoncent des temps malheureux et remplis de
troubles. U résulte de tout cela que je serais porté à
1803.-1. 3
84 Mi:M()ini:s
attribuer cette pièce au dernier des empereurs du nom de
Henri.
A Henri H de Bavière succéda Conrad H de Franconic.
Mais ce dernier s'occupa à peine de ses possessions au
delà des Alpes. Après avoir réduit sous sa domination la
Péninsule italique, il voulut faire quelques actes de pou-
voir, entre autres us<ir du droit de battre monnaie que la
raison d* État et Tambition ne laissaient jamais de côté. Il
en fit usage à Lucques, où l'on frappa des monnaies qui
attestent l'activité toujours croissante de notre officine,
activité qui ne se ralentit pas dans la suite des temps et
continua sous les diverses dynasties qui gouvernèrent le
pays. S'il est facile de rencontrer des pièces au nom de
Henri (on peut dire que les coUeciions en sont encom-
brées) , il n'en est pas de môme de celles au nom de Conrad,
qui au contraire sont extrêmement rares ; car après plusieurs
années de recherches, je n'ai pu m'en procurer que deux
exemplaires. Ces pièces ne sont pas absolument semblables
à celles de Henri H, mais elles offrent cependant une grande
ressemblance avec ces dernières quant aux légendes. La
première (pi. 111, n** 7) a déjà été publiée par le savant cha-
noine Jules Mancini de Città di Castello *, qui l'attribue
avec beaucoup de sagacité à Conrad 1". Et comme à cet
égard je partage entièrement l'avis de cet érudit, il me
semble inutile de parler de nouveau de cette pièce. Seule-
ment, pour plus de clarté, il est bon d'ajouter qu'en appe-
lant ce prince Conrad 1", on doit entendre par là que Conrad
était le premier roi d'Italie de ce nom et le second Conrad
empereur. A l'époque de Conrad I*% les Italiens étaient
tout à fait indépendants, et n'étaient pas soumis à la domi-
t Attidell' Accademia deyli Arradi, Rom , 1826. vol. XXXII.
ET DISSERTATIONS. 35
Dation germanique, étant gouvernés par des rois de leur
nation, tels que Hugues, Lotbaire, Rodolphe, Bérenger, etc. ,
d'où il faut conclure que toutes les monnaies portant les
sigles de LVCA et le nom de CHVRADVS appartiennent indu-
bitablement à Tempereur Conrad II.
On doit donner au même prince la seconde pièce (pi. III,
n» 8) , car la différence d'orthographe CHVlNRADVS au lieu
de CHVRADVS, le poids qui est seulement de 18 grains
et le bas titre du métal, tout cela dénonce la décadence des
officines de F Italie, décadence qui s'aggrava de plus en plus
jusqu'au xiii* siècle, époque à laquelle on ne connut plus
aucune loi ni aucune règle pour la monnaie. Ainsi c'est à
Conrad II le Salique qui régna sur T Italie de l'an 1027 à
l'an 1039 qu'on doit attribuer cette seconde pièce et non à
un autre; car la légende INPERATOR sur les monnaies du
moyen âge, comme on sait, est un signe certain qui indique
une époque antérieure au xii* siècle. D'un autre côté la ra-
reté extrême des exemplaires de cette monnaie donnerait à
penser en quelque sorte que, dans ces temps, l'officine de
Lucques avait beaucoup perdu de son activité. Mais ceci se-
rait plutôt le résultat de la répugnance que les habitants
de Lucques éprouvaient ii fabriquer des monnaies de bas
aloi, système détestable auquel ils étaient forcés de se
c^mformer, parce qu'il était devenu général, et contre lequel
ils avaient longtemps protesté, parce qu'ils voyaient avec
déplaisir compromise la réputation de leur atelier où l'on
ne fabriquait constamment que de la bonne monnaie, ce qui
lui avait valu un grand crédit et un cours des plus étendus.
En effet, nos chartes constatent que la bonté de la monnaie
fabriquée à Lucques était reconnue non-seulement dans les
villes où étaient établies les plus anciennes officines moné-
taires, émules de la nôtre, comme Pavie, Trévise et Milan,
36 MÉMOIRES
mais encore dans plusieurs antres municipes et chez plu-
sieurs priuces, de sorte que les papes eux-mêmes recon-
nurent et augmentèrent leurs privilèges. Ainsi Adrien IV
en 1158 menaçait d'excommunication quiconque aurait fal-
sifié la monnaie lucquoise ^ Lucius III, notre concitoyen,
publiait une bulle par laquelle il autorisait le cours de notre
numéraire dans tous les États de TÉglise et avec tous les
privilèges accordés à la monnaie romaine. Henri VI , en 1 186,
alors qu'il était roi des Romains, dotait Lucquesd'un diplôme
des plus flatteurs, relatif au monnayage '. La commune de
Bologne déclarait en 1180, qu'on ne devait accepter sur son
territoire aucune autre monnaie étrangère que la monnaie
frappée à Lucques Le municipe de Rimini accueillait d'une
manière favorable nos monnaies, comme en fait foi une
bulle de Lucius II du 21 mai Hàà et un contrat emphy-
téotique fait dans cette ville le 9 juillet 1151. A Pistoie,
selon plusieurs écrivains ', les espèces de Lucques avaient
déjà cours dès l'an 1024, etàPadouedèsl095*. Enfin, pour
ne pas nommer un grand nombre d'autres villes d'Italie, je
dirai qu'à Florence et à Gênes notre monnaie avait cours
de 1089 à 1267 *. Quant aux contrats, on se servait, comme
il a été dit plus haut, de métaux pris en masse ou au
poids.
Nous savons que Béatrix, mère de notre illustre comtesse
Mathilde en 1055, après avoir subi un emprisonnement
de la part de Henri III, et passant par Pise, vendit son
* Ptolomoi, Luccensis Annahs, p 263.
* Mnzzaroéa, Storiadi Lucca, t. 1, p. 77.
' Fra Antonio ZjccariM, Anerdotorum medii œri coUectiOj Awfçust. Taurinor.,
175j, in-folio.
* Brnnacci , De nummaria Patavinorum^ Venezia, 1744.
* Tar^îioni e Gandolfi, Monela antica di (imoca, lib. IV, cap. IV.
ET DISSERTATIONS. 37
château de Porcati pour deux cmts livres émargent \ Je
pourrais citer une quantité d'actes de ce genre qui nous
renseignent sur I*empk)i de la monnaie à cette époque
tant par rapport aux métaux monnayés qu'aux valeurs
conventionnelles qui les représentaient dans les transac-
tions.
Je ne saurais dire comment il se fait qu'on n*a plus au-
cune monnaie sortie de l'atelier de Lucques après celles de
Henri et de Conrad jusqu'à Frédéric 1", à moins d'admettre
que l'abondance du numéraire frappé par ces princes ait
suffi aux besoins de l'époque, ou bien que si Ton continua à
en fabriquer, on se servit toujours des anciens coins. 11 est
certain que les pièces dont nous allons parler ont un aspect
barbare qui convient parfaitement à cette époque de déca-
dence. Cette période de notre numismatique n'est pas
exempte de bien des difficultés et nous offre un cadre assez
désagréable, parce qu'à aucune époque de l'histoire des
officines monétaires d'Italie, il n'y eut autant de fraude et
de falsification. C'étaient surtout les Pisans qui se livraient
à ces fraudes au grand préjudice de l'atelier de Lucques,
ce qui donna lieu à la promulgation de plusieurs lois que
nous pouvons citer ici et qui jettent un jour nouveau sur
les questions que nous avons à examiner. Frédéric I" fut
un prince sage et d'un caractère énergique^ mais orgueil-
leux et rusé; aussi, pour se concilier les peuples dont les
tendances ne lui annonçaient rien de bon, se montrai t-il par-
fois animé de sentiments de justice, ou de lui-même ou
par ostentation. 11 voulut donner une preuve de ces senti-
ments, irrité qu'il étaii des mauvais procédés des Pisans
par rapport aux contrefaçons monétaires. Après donc, selon
* FianccMO M. Fiorentini, Memorie deUa contessa Malilday p. 30 e s«g«
58 IlLMOIRLS
Ptolomeo, en 1155, avoir couflrmé les antiques privilèges
de la commune de Lucques relatifs à son monnayage,
« confirmavit Lucensibtis monetam eis concessam per suos
a aiiiecessores itnperatores » il prononça une sentence
contre les Pisans, leur défendant de frapper une monnaie
de la forme et du coin employés par les habitants de
Lucques : « anno MCLXX invenilur sentenlia lala per impe-
« ratorem Federicum contra. Pisanos de moneta non <ron-
'( denda ea forma et euneo qua etquoLucenses condere pos-
u 8unt '• » Mais cette sentence ne fut pas un remède
suffisant pour obvier à tous les abus; Frédéric, las de toutes
ces causes de litige, donna en 1176 un ban par lequel il
défendait aux Pisans de frapper de la monnaie conforme à
celle de Lucques : « Invenitur datum bannum Pisani per
a imperaiorem Federicum qui contra pacta fecerunt inter
« commune Luceme, et Pisanum^ de moneta cudenda eo
« modo et forma que Lucenses cudebant \ » £u égard à ces
documents fournis par les chroniqueurs, il me semble im-
possible de mettre en doute que certaines pièces souvent
citées et prônées comme sorties de l'officine monétaire de
Pise, sont bien plutôt le produit de l'officine de Lucques,
Ce ne sont pas là, du reste, les seules preuves fournies par
nos anciennes chartes, puisque nous avons sous les yeux un
acte d'accord célèbre entre les villes de Pise et de Lucques
fait en 1182, pour faire cesser les différends; j'en ai vu
l'original parmi les parchemins de la noble famille deRo-
selmini de Pise, et d'ailleurs cet acte a été reproduit plus
d'une fois '. C'est là peut-être le premier exemple d'un
* Ptolomei, Luccensis Annales^ p. 99.
• Opéra cHata^ p. 100 seg.
» Carli, Délia moneta d'italia, t. II, p. 162.
ET DrSSCRTATIONS. 39
accord fait entre les ateliers nionéiaires d'Italie. 11 prescri-
vait aux Pisans de fabriquer des monnaies d'une forme»
d'une grandeur et d'une couleur toutes différentes des
monnaies de Lucques. . . » e/ quod ipsa moneta Pisana de-
« beat major esse meneta Lucana in magniludine amphiu-
9 dinis et rottmditate, et coloria; ita quod aperte una ah
« altéra et ipsa majore amplitudine et rotunditate discer-
« nanlur *. » Il était prescrit également que l'on devait
inscrire sur la monnaie de Lucques le nom de Henri avec
la sigle Luca et sur celles de Pise, les noms de Frédéric et
de Conrad. Scillicet quod nomen Lxica vel Enrici in ea forma
et cuneo contineatur ; itnmo nominatim contincntur in mo-
neta quam Pisani fabricari debmt nomen Federici tel Cor-
radi, et t^men Pise *. Enfin, on établissait entre les deux
officines une communauté qui voulait que le produit, tous
frais déduits, fût partagé par moitié et d'une manière ri-
goureusement exacte, entre les deux municipes qui con-
tractaient ces engagements : « Salvo lamen quod medielas
0 Zucrt, introitus et redditus ipsius Lucensis moneta^ ad
« nos et Pisanum commune perpetuo debeat pervenire^. »
Maintenant prenant pour base ces documents, et les appli-
quant aux exemplaires delà monnaie, il me semble qu'on
peut en tirer les conclusions suivantes : !• que les mon-
naies dont nous venons de nous occuper, non-seulement
s'écartent en tous points par les caractères, la forme et la
grandeur des monnaies de Pise, mais encore qu'elles réu-
nissent au contraire tous les caractères propres aux mon-
naies de Lucques; S'^que la sigle de Lucques LVCA, quoique
* Op. cit., p. 154.
» Op, eit.^ ibid.
> Op. cil., p. 155.
gravée d'une manière barbare, nous offre la certitude que
la pièce sur laquelle elle figure ne peut être autre qu'une
monnaie de notre ville» car il ne semble pas à présumer que
les Pisans eussent voulu concéder aux habitants de Lucques
le droit de mettre le nom d'une autre cité sur une monnaie
frappée de leur autorité et avec leur privilège ; 3° que le
poids moindre et l'altération du titre de l'argent s'accordent
parfaitement avec les derniers deniers frappés à Lucques
portant le nom de Henri, et enfin que le module, les lettres,
l'orthographe et tous les autres accessoires sont d'accord
avec le caractère qu'offrent les monnaies frappées à Lucques
sous les empereurs précédents. Ainsi notre conclusion sera,
d'après ce que nous venons de dire, que ces monnaies
sont lucquoises, et que malgré la présence du monogramme
de Henri, elles appartiennent à Frédéric V\ Qu'on ne
vienne donc pas dire qu'elles ont été fabriquées à Pise et
que le nom de Lucqnes y a été inscrit uniquement pour
satisfaire l' amour-propre des habitants de Lucques, qu'on
continua à frapper des monnaies avec le nom de
cette ville, même après que les marquis de Toscane,
successeurs de Rabadone (1116), n'ayant plus séjourné à
Lucques, avaient transporté à Pise l'officine monétaire *,
et cependant je dis qu'à l'époque à laquelle remonte la
monnaie en question, Pise, comme nous l'avons vu, n'a-
vait plus d'officine propre d'après la volonté de Fré-
déric I". Je possède cinq pièces de cette espèce dans ma
série plusieurs fois citée de monnaies de Lucques; mais
toutes sont d'uiï travail grossier, de manière qu'il est né-
cessaire de les étudier avec attention pour pouvoir les dé-
chiffrer. Le comte de San-Qulntino, malgré son érudition,
> ^. Quintiuo, Dissertazione sopra le mfinele marchtsalt, nut. 3.
ET DISStnTATJOAS. ^l
a dû être induit en erreur par quelques pièces de mau-
vaise conservation, quand, en 1SA3, il publia ses belles
planches de monnaies lucquoises, et il crut distinguer dans
le n** 8 de la pL VI, un F, tandis que moi, plus favorisé que
lui, j'ai découvert un exemplaire sufTisamraent bien con-
servé (pi. III, n"9),oi le monogramme est évidemment
un H, en tout semblable aux lettres des autres empereurs
du nom de Henri. Cette pièce pèse 21 grains; son titre de
8 onces et demie d'argent fin, la met à la valeur voulue et
en parfaite harmonie avec les traités conclus entre les deux
oflTicines.
Maintenant que j'ai restitué à Lucques cette pièce dont
les types s'accordent parfaitement avec les documents cités
plus haut, je puis dire que c'est là un des exemplaires de la
monnaie frappée aussitôt après l'accord fait entre Lucques
et Pise, ce qui résulte d'un autre passage du même acte :
« ... et prefatam monelam facial laborare pullicœ in c/rt-
« laie Lucana, eo pondère, modo, boni'ate el quanlUate que
« ordinata fuerit consulum ulriusque civilaiis , etc. \ »>
Mais un tel argument peut être regardé comme hors de
propos, puisque toutes les marques distinctives indiquent
notre officine qui, en vertu des conventions, ne pouvait
changer ses matrices et ne voulait pas renoncer aux j)ri-
>iléges qui lui appartenaient de bon droit.
Avec le secours de ces documents appuyés par le rai-
sonnement et par les faits, cette période de notre nu-
mismatique me paraît suffisamment éclaircie pour pouvoir
affirmer que si l'antique officine monétaire de Lucques a
émis des pièces sous le règne de Frédéric I", cela ajoute
non-seulement un nouveau lustre à l'histoire métallique de
* Carlj, op. cil., t. 11, p 162.
42 MKMoinus
DOtre pays , mais eucore nous fournit un nouvel et irrécu-
sable témoignage de la suite non interrompue de ses
frappes; que la cité de Lucques, malgré ses divisions
intestines et ses querelles avec ses voisins, ne cessa jamais
de fabriquer de la monnaie, jalouse qu'elle était de
conserver intacts les privilèges dont jouissait son offi-
cine dès les temps antérieurs à la domination des Long-
bards.
Doif BNico Massagu.
KT DISSEnTATlO.NS.
II?^
GROS DE L'ÉVÊCnÉ DE LAUSANNE.
BARTHELEMY, ADMINISTRATEUR.
Quand on examine la série des monnaies de Lausanne
telle que nous la devons aux soins et aux recherches de
MM. Fréd. Soret et Rod. Blanche t, on reconnaît bien vite
à quel point sont rares les pièces de grand module fabri-
quées par des évêques du xv« siècle. On ne s'étonnera donc
pas de nous voir donner ici avec empressement la descrip-
tion d'un gros frappé, pendant une vacance du siège épi-
scopal , par un administrateur du diocèse.
Cette monnaie, que nous nous sommes procurée récem-
ment, porte les types suivants :
PVLCRA:VT:LVnA:EL6GTA:VT:S0L. (Belle comme la
lune, unique comme le soleil); écu chargé d'un soleil
au-dessus d'un croissant de lune, surmonté d'un buste
de la Vierge tenant l'enfant Jésus.
/îei?ers.+B.€PS.nlCl€n'.ADCniSTRATOR.LAVSA'. (Bar-
tholomeus episcopus Niciensis administrator Lausannae.)
Croix cantonnée de quatre roses. Poids, 2,18 grammes.
hà MÉMOIRES
Celle pièce oiïre une certaine analogie de style et de
type avec les gros des ducs de Savoie Amédée IX le saint
(1465-1472), Philibert (1472-82), Charles (1482-1489),
et avec les gros de Louis XI, beau-frère d' Amédée IX- — Nous
trouvons, au reste, dans les tables chronologiques dressées
pour la monnaie de Savoie par M. Promis, qu'en 1476 les gros
du duc Philibert sont égaux en poids à ceux de France \
Il y a, nous dit M. Blanchet, deux versions de la liste
des évêques de Lausanne; celle de Bernard Emmanuel de
Lenzburg, évêqiie de cette ville en 1782, et celle de Pellis,
auteur des Éléments de Thistoire de l'ancienne Helvétie;
voici le passage de cette double liste qui peul nous éclairer :
Diaprés Lenzburg. D'après Pellis.
1462. GuilUume de Varax. 1 162. Guillaume de Varax.
1 465. Jean de Michaôlis.
Pendant la vacance, le pape
nomme Barthélémy , évè-
que de Nice, administra-
teur de 1 evêché de Lau-
sanne. 1468. Jean de Michaëlis.
1473. Le cardinal Julien.
1477. Benoît de Montferrand.
1472. Le cardinal Julien.
1476. Benoît de Montferrand.
L'évêque de Nice dont il est question dans la liste de
Lenzburg est Barthélémy Choet, ou, comme les Italiens
récrivent, Guetti, di nazione, como si crede verisimilmenle^
francese, dit Gioffredo, l'auteur de l'histoire de la cité de
Nice*. Ge prélat occupa son siège de 1462 à 1501, pen-
dant que se succédaient sept ducs de Savoie.
* Montt9 di reali dei Savoia, t. II, p. 36-37.
* Éd. évs Mon. hi»t. pat., p. 1117.
ET OISSrRTATIONS. 4o
C'était un homme é|ninent. à tous égards, jouissant de
la confiance du duc Amédée le saint et de la duchesse
Yolande de France, animé d'une ardente charité, qu'il
prouva tout particulièrement pendant l'épouvantable peste
de 1166, pratiquant les arts , et montrant partout un esprit
élevé. Ce fut ce prélat que le pape chargea d'administrer le
diocèse de Lausanne, et c'est son nom que nous venons de
lire sur le précieux gros dont nous donnons ici le dessin.
Le gros de l'évèque Guillaume de Varax (1462) repré-
sente aussi un écusson surmonté du buste de la Sainte
Vierge, et la croix cantonnée de roses*. Mais sur celui
de Barthélémy, l'écu offre les figures d'une lune et d'un
soleil qui ont permis au rédacteur de la légende de faire
une allusion à la patronne de la ville.
Un petit denier, publié par M. Blanchet, porte aussi ce
même écu; la légende, fort altérée, laisse reconnaître
B.EPS.AV A. suivant l'auteur que nous citons. U^est pro-
bable qu'il faut y lire B.EPS.N.A. {Bartholomeus efnscopUÂ
Niciensis^ administrator) . Cest encore nne monnaie de
notre Barthélémy frappée pendant la vacance du siège.
Au reste, ce n'est qu'avec une grande hésitation que
M. Blanchet propose de l'attribuer à Benoît de Montfer-
rand *. La similitude des pièces placées dans les écus
du gros et du denier me paraît un argument très- propre
à trancher la question restée douteuse.
Feuardent.
Au moment où cet article va être tiré, M. Arnold Morel
Fatio communique à notre collaborateur une notice qui
* BlaDcliet^ Mém. nur le* mcmn, dé» pays roiêins du Léman, pi. VII, n* U.
* /6id.,pl. Vll.n- 10, p. 57.
ho ilLMOIRLS
vient d'être publiée à Lausanne par M. Adolphe Blanchel,
fils du numismatiste cité plus haut. Dans ce travail se
trouve la description d'un gros de Barthélémy, administra-
teur de Lausanne. Mais la pièce est mal consei-vée^ et
M. Blancbet n'a pu lire la légende Electa ut sol. Nous con-
servons donc l'article de M. Feuardent tel qu'il nous avait
été donné.
{ XoU des éditeurs. )
BULLETIN BIBLIOGRAPHIOUE.
Monuments des anciens idiomes gaulois , par H. MoNm ,
ancien élève de l'École normale. Textes. — Linguistique.
Paris, Durand; Besançon, 1861.
Je ne suis pas de ceux qui professent pour les opinions scien-
tifiques de nos devanciers un culte aveugle. Cependant en ma-
tière gauloise la circonspection est d'une bonne tactique et
surtout il faut se garder d'admettre une lecture avant d'avoir
vérifié soi-rnên>e. sur un nombre plus on moins considérable de
monuments identiques, si elle résiste à un examen approfondi.
La numismatique offre précisément cet avantage sur l'épigraphie
monumentale proprement dite, qu'il est presque toujours pos-
sible de comparer entre elles plusieurs médailles ayant les
mêmes légendes, tandis que les échantillons d'inscriptions tra-
cées sur les pieiTes,sur les bijoux ou sur les usten>iles, sont
restés jusqu'à ce jour si rares, qu'ici l'unité est la règle» et que
dès lors les tentatives de déchiffrement appliquées à ces textes
sont entachées d'une plus grande incertitude et exposées par
suite à plus d'erreurs.
Ces réflexions me sont suggérées par l'intéressant ouvrage de
M. Monin. Comment se fail-il que cet honorable celtiste, vou-
lant exposer un nouveau système d'interprétation embrassant les
quelques textes gaulois publiés jusqu'à ce jour et surtout les lé-
gendes des médailles, n'ait pas fait plus d*(fforls pour remonter
à la source même de ces légendes, c'est-à dire aux médailles
elles-mêmes?
AS BL'LLETIN lHULlOr.RAPniQCE.
\\ semble qtie les cellistesne devraient travailler que la main
sur le monument qu'ils veulent élucider, et ici je ferai d'autant
plus le procès de la méthode de M. Monin, qu'il s'est contenté
presque toujours «d* indications prises dans des ouvrages anciens.
La science de la numismatique gauloise a bien vieilli depuis
quelques années ; cette revue est préciséuient la confidente des
progrès les plus remarquables que le zèle de nos confrères lui
a fait faire, et malheureusement M. Monin n'a pas eu la Revue
à sa dispositron.
Ainsi, non-seulement il a fait son livre sans voir, sans toucher
les monuments qu'il interprète, mais encore il n'a pu compulser
la source la plus abondante et la pins pure de niatériaux. On
juge dès lors combien d'interprétations complètement erronées
ont dû se glisser dans son livre.
Il nous parait utile de signaler ici 1rs principales, afin de
mettre en garde, à l'avenir, les philologues, celli.stes ou autres,
contre cette trop grande facilité à adopter des Ictuies dont ils
n'ont pu contrôler suflSsamment Texaclitude
M . Nfonin commence l'examen des monuments numisniatiques
gaulois par la médaille de TOGIRIX; son article est des plus pi-
quants et témoigne une fois de plus qu'on ne peut parler sa-
vamment d'une science que lorsqu'on a longtemps scrute les
monuuïcnts qu'elle a pour objet d'éclairer, quelle que sort d'ail-
leurs rérudition générale qu'on puisse avoir. D'abord M. Monin,
moins généreux que tous les numismatistes qui ont parlé de
celte médaille, en fait un monument germain, et l'attribue, selon
toute probabilité, aux Toxandres. Jusqu'ici, connue cette mé-
daille s'est trouvée at>ondamment dans toute la France, on en
avait fait un monument gaulois. Grivaud de la Vincelle, entre
autres , M. de Saulcy ^ l'a rappelé dernièrement, a signalé une
agglomération considérable de ces niédailles découverte dans le
jardin du Luxembourg, à Paris. 11 est donc prudent de leur con-
server leur origine gauloise.
• Reçue numism., 1862, t. VU, îiouvpUc sério, p. 20.
BULUTIN BIBLIOGRAPHIQUE. 49
H. Monin voit ensuite une forme Totive dans la légende du
revers : TOGIRI, dont il fait un datif, et traduit ainsi : A ladée$se
Toghiré. Hais depuis les curieuses et fertiles recherches de
M. Adrien de Longpérier sur la forme de la lettre F ^ dans les
monuments antiques, il est permis de voir au contraire des gé-
nitifs dans les revers des médailles à deux noms lorsque ceux-ci
n'offrent pas très-évidemment le nom au nominatif; aussi notre
savant ami a-t-il émis Topinion dans une note de son article que
la forme TOGIRI semblait marquer un génitif TOGIRIGIS à l'i-
mitation de DOCIRIGIS^nom qui se lit sur deux patères d'argent
du trésor de Berthouville. M. de Saulcy a adopté cette interpré-
tation' en faisant toutefois quelques réserves à raison de Texis-
tçnce de la médaille Q.DOCI, forme évidemment abrégée de
Q.DOCIRIX. Peut-être pourrait-on aussi faire remarquer que les
Gaulois, pas plus que les autres peuples de l'antiquité^ ne por-
taient habituellement le même nom que leur père, et que M. Lam-
bert, dans son travail sur la numismatique du nord-ouest de la
Gaule ', a reproduit une médaille de ce personnage qui offre au
revers le même nom complet écrit au droit ; on sait qu'H existe
plusieurs médailles gauloises qui présentent la même particula-
rité*. Quant à la forme votive, si oa la trouve parfois dans la
numismatique romaine, elle n'existe pas dans les médailles gau-
loises; nous n^en connaissons pas d'exemple.
M Montn s'étonne ensuite de 1» diversité des légendes de
cette méd^Ue, il a conjecture qu'il y avait des marchands de
a médailles toutes nues qui se chargeaient d'ajouter les lé-
a gendes. »
Nous avons déjà souvent nous- même signalé la mobilité de
Ml., 1860, t. V, nouT. série, p. 175»
' Rnue num., 1862, t. VII, nouv. sério, p. 21.
»Pl.X.fig.22.
* EKCOD-ERœD; ROVECA-POOrlKA;i:EENOC-CnHKOC;DEIVTAÇ-
ACOH; PIXTILOS-PIXTILOS; SOLIMA-SOUMA; TÎEMO-REMO; ABVDOS-
AKVDS ; Q DOOI-Q.DOCI , €t*.» etc.
1861.-. 1. 4
60 BULLETIN nini.lOGRAPniQUE.
Talpliafaet gaulois, mais nous étions loin d'avoir pansé à cette
malice des marchands de bric-à-brac contemporains de Vercîn-
gétorix ; il nous avait paru que tout s'expliquait par Tépoqne
agitée, guerrière, pleine d'éventualités, pendant laquelle le mi-
méraire épigraphique a été frappé dans la Gaule.
M. Monin, préoccupé de ces irrégularités, ajoute : « Oh aura
a bientôt des exemples de variantes plus que bizarres ; lettres
« oubliées, transposées, couchées ou la tête en bas, trônent dans
a celte mimismalique; on est toujours disposé à la croire plus
« vieille que César. Les plus vieilles monnaies datées ne sont
0 pourtant que du règne de Tibère, et je crois qu'il pent y en
« avoir de postérieures à Constantin »
Où M. Moûin a t-il vu que Tirrégularlté du numéraire gaulois
était un signe d'antiquité? Il me semble que tous les numisma*
Ustes éclairés ont toujours dit le contraire; nous avons toujours
sotitenu que les plus belles médailles, les plus complètes, les
mieux ouvrées, se rencontraient au début de ce monnayage,
parce que ce début coïncidait avec I époque du plus grand épa-
nouissement de l'art givc dont les Gaulois se sont visiblement
inspirés.
Où M. Monin a-t-ii vu que les plus anciennes médailles
datées dans cette suite ne remontent pas au delà de Ti-
l>ère ?
Les monnaies signées des noms parfaitomcnl historiques de
Vercingétorix, de Divitiacus, de Tasget, de Dumnorix, de Lita-
vicus, de Duralius, de Luctère et de bien d'autres chefs ne por-
tent-elles pas leur date avec elles et ne prouvent-elles pas que
les Gaulois ont placé les noms de leurs chefs sur le numéraire,
juste au moment où, par une brusque dérogation aux usages
monétaires, les Romains eux-mêmes ont commencé à le faire,
c'est-à dire à l'époque de César?
Quant aux monnaies prétendues gauloises, postérieures à
Constantin, je pense que M. Monin s'est mépris sur leur déno-
min^tiou et qu'il veut parler des monnaies mérovingiennes;
BULLETm BIBLIOGRAPHIQUE. 51
mais c'est là un ordre d'idées bien différent; au-dessus de l'art
gaulois s'est stratiBé Fart gallo-romain qui ne lui ressemble pas^
puis par-dessus la barbarie franqne important chez nous un art
ou des rudiments d'art jusque-là inconnus : ce sont là des no-
tions qu'il ne faut pas confondre.
Médailles DVRNACOS-AVSCnOet DVRNAC-DONNVS. Suivant
M. Monin, la première de ces médailles aurait une légende gau-
loise, la seconde une légende latine. Nous sommes de son avis;
mais il eût dû rectifier la transcription de la seconde légende
qui est DVRNACVS-DONNVS, et il aurait bien fait de donner le
nom complet AVSCROGOS qui se trouve sur de très-rares mé-
dailles analogues à la première, lesqurlles, jusqu'ici, n'existent
que dans le cabinet de M Je duc deLuynes^ acquéreur, comme
l'on sait, de la collection de M. le marquis de Lagoy, et dans
le mien.
C'est M. Rouyer, mon ami et mon collaborateur dans l'histoire
du jeton^ qui a eu Thonneur de déchiffrer le premier le nom
AVSCROœS. 11 a rendu compte de sa découverte dans le^
Archives de la Sartke, publication éphémère tirée à petit nombre
et qui n'est guère connue. (Voir à la page 130 de ce volume pu-
blié uu Mans, chez Gallicnne, on 1848). Plus tard^ j'ai donné
dans la Revue la figure de cette médaille qui n'est passée que
postérieurement dans ma collection.
Du reste, M. Monin bien inspiré fuit observer que Donnos nous
reporte nécessairement vers ic pays qu'on a appelé Alpes Col-
liennesy bien loin par conséquent des Éburons où ce genre de
pièces avait été classé, d'un concert presque unanime, jusqu'à
ce que M. le marquis de Lagoy eût révélé, à ili verses reprise5y
la découverte, en masse, de monnaies identiques dans divers
lieux du midi de la France. C'est réellement à diitcr de celte
époque qu'on a o^é attaquer celte attribution avec quelque suc-
«:è$. Nous savions tous du reste^ par des témoignages véridiques^
» li#r«M num., 185», t. XVIII , p. §, et pi. I . n« 2.
62 BULLETi^ UIIUJOGKAPHIQUIi.
que ces monnaies ne se trouvaient pas dans le nord de la Gaule
ou ne s'y rencontraifnt qu'en unités.
Duchalais tout en voyant un nom de ville dans le mot
DVRNAGOS qu'il interprète par : /tabitation sur le bord d'une
rivière^ avait fait remarquer qu'il existe un Tornacum dans le
Maine (Tornacum in Cœnonianis], un autre dams la Dordogne
(la Dornac], un troisième dans le Haut-Rbifi (Dornacb), enfin un
quatrième dans la Nièvre (Dômes), il en avait conclu qu'il pou-
vait en exister un autre encore chez les Éburons. Si les pré*
misses de son raisonnement étaient bonnes, on conviendra que
sa conclusion laissait beaucoup à désirer.
Cette idée du Tornacum cœnomanense fut adoptée dans le
principe par M. Anatole de Bartbéleniy et par moi à raison de la
médaille EBVROV que, dès cette époque^ nous nous obstinions
à lire ainsi, et non EBVRON^ par le très- bon motif que M. le
marquis de Lagoy, qui tenait pour cette dernière lecture, avait
lui-même gravé sa planche eu plaçant un V à la fin du mot et
en indiquant une brisure à la place où Ton voulait voir le pre-
mier jambage de la lettre N '.
Ce point de vue était confirmé à nies yeux par la découverte
a Alonnes près le Mans, de plusieui*s médailles aux légendes
DVRNACOS.AVSCRO, DVRiNACVS.DONNVS, et surtout de celle
alors unique sur laquelle M. Rouyer et moi avions lu
AVSCROCOS.
On se rappelle que frappé de cette circonstance que ce numé-
raire> auquel on ajoutait alors ^ à tort, comme je l'ai démontré
depuis*, le prétendu DVRNOCOV.DVBNOREIX, ofl'rait trois
noms de chefs diflertnts avec un seul nom de localité, j'avais
proposé ' de voir dans UVRNACOS autre chose qu'un nom de
ville, c'est-à-dire un substantif analogue au mot communitas ou
« Rstai de «Kmoî/r., etc. Aix. 1847. pi. n* 18 ^ DVRNAC-EBVBOV)
* UUft à M. ée la Sauaaayf , rliins la Rêcyn num. de 1853, p. 6, pi. I, n* 1.
* SêCûnd suppUwient à Cessai »ur Us moiiiiai«« du Maine , dans la Bet%iê num.
dt IMS. p. SS2.
bULLETl!f ItlBUOCRAPniOt'E. bl
amfédiratifm^ à rimitation du moi umùavi us (client ou Sujet) des
moDuaies au bucrane.
J'avais donné pour soutien à cette opinion les mots tourne et
tmmaie usités^ de temps imnmémoriaU dans le tîaine^ pour si-
gnifier une chose commune, un territoire commun à deux diocèses^
Aujourd'hui de toutes ces opinions if ne reste plus que la
dernière qui vient d*étre rajeunie par notre maitre à tous, M. de
Saulcy, dans le premier numéro de la Itevue numiimatiqttè de
ISeS '. En effet le DVRNACVS.ESIANNI, découvert par lui dans
le trésor de Chantenay, rétablit les choses au point où elles étaient
lorsqu'on croyait que les monnaies de Dumnorix offraient aussi
un DVRNOCOS; c'est à dire qu'on aurait trois médailles au mémo
nom de ville ou de peuple, frappées presque au même moment,
par trois chefs différents. M. de Saulcy se demande alors avec
toute raison, si DVRNACOS ne serait pas un nom commun si-
gnifiant montagnards ou riverains des torrents on quelque chose
d'analogue.'
Il n'y a pas en effet à hésiter maintenant et il n'est plus pos-
sible depuis la trouvaille de Chantenay et la découverte d*une
monnaie signée de la légende incontestable EBVROV *, de don-
ner ces pièces à Tournay nr à un Domac quelconque et l'hypo-
thèse de M. de Saulcy, qur se rapproche beaucoup de la mienne,
paraîtra, nous Tespérous, à tout le monde une solution satis-
faisante.
Tel ne sera peut-être pas le sentiment de M. Monin. Ce sa-
vant voit en efiet dans DVRNiGOS l'équivalent de Minerve ; d'urr
autre côté RICAN qui, on le sait , se lit aussi sur des médailles^
de cette série est traduit par lui : aux deux reines, interprétations
qu'il fait suivre spirituellement des sigles : S. G. D. G. Je suis de-
son avis.
H faut, je crois, 6!re très-sobre d'interprétations de ce genre:.
< Utirê à M, Àd.éi Longpéritr, dans la Revus num, dt 1862, p. 9.
* Uttrê à If. Àd. de Longpériêr, dans la AeviM nrnn. de 1862, p. 10.
bà BULLETIN BinUOCaAPHIQDE.
si KAÂCT, AMBACTVS et DVRNACVS peuvcDt à la rigueur of-
frir un sens raisonnable^ tous ou presque tous les autres mots
qui composent les légendes des médailles gauloises sont très-
certainement des noms de chefs ou de peuplades ; quelques
uns de ville ou d'oppidum.
Nous passons aux médailles GARMANO COMIOS et ANDOB-
CARBfANO.
M» Monin lit GARHANO, et il n'a pas tort^ je crois. Ducha-
lais qui voulait voir dans ce mot un nom de lieu CARMANVM-
CASTRYM, Caraman^ n'a pas saisi le G initial dont j'ai constaté
la présence sur un très-bon exemplaire à fleur de coin*. Du
reste, inutile de dire que nous ne partageons pas l'opinion de
M. Monin quand il voit dans ANDOB-GARMANO la phrase : Aux
vainqueurs des Germains.
Arrivant ensuite aux Leuces, M. Monin s'exprinfie ainsi : a On
« attribue aux Leuces les médailles où Ton lit : avk (et où je
« lirais KAA, î. e. Caleti^ les Cauchois, autre peuple belge). »
M. Monin est bien en retard comme on le voit; il en est resté
sur cette question au premier mémoire de M. de Saulcy publié
dans cette Revue en i836* ; que de papier noirci depuis cette
époque! M. Monin aurait dû au moins avoir recueilli ce fait ca-
ractéristique que cette médaille très-commune dans tout l'est de
la France ne se rencontre guère dans l'ouest, et presque ja-
mais chez les Calètes.
Répétons ici ce qu'il importe de bien savoir : que AVK n'a jfi-
mais existé; que KAA n'existe pas isolé'; qu'on trouve sur les
1 Lelewel est dn même etîs, et il orthographie GARMAKOS dans plusieurs
eDdroitB de son livre , le plus précieux traTail à'ensemble qui ait été fait jus-
qu'à ce jour.
* Bitue num.y 1836, p. 166.
• On pourrait croire , d'après les exemplaires n^' 2, 3, et 7 de la pi. III , à
Tappui du mémoire de M. de Saulcy (Rêvus tium., 1836) , que les légendes
de ces médailles sont seulement KAAT; mais ce serait une erreur, je possède
cette variété à la rouelle , or sous cette rouelle on reconnaît sur run de mfs
BULLETIN BIBUOr.ttAPHif;yUE. &Ji
iiiéd<iiltes probahlemciil les pèas réceiiies, suivant la loi de la
dégénôrescenœ, les légendes tronqiiétps KAACDOr^ KAikiCàr, Vt
et le A tantAt en moDogranune tantôt soperposé^ , enfin que
sur les médailles à flans plats, c'est à dire traiaemblabtenieot
les plus anciennes, on Ut oertainenient la légende complète
KAACI€AOr, mot que M. de Saulcy a détxmposé très-heureuse*
ment en KàACr €AOr qu'il est autorisé par divers textes ancieae *
à traduire pat le&/)èirs Éduem. Tel est aujourd'hui l*6tBt d^ kl
question!.
MelitîiiDBQns encore Tél^nte intepprétatîon que wfAvé c\er
maître a deasée du mot œMV (Ckmvictolitanijf. qui se Ut anssy
sur des médaiHes qu'on peut rattacher à cette série *.
A Toccasion d'une inscription publiée dans le recueil d'Orellî
et trouvée chez les Leuci relatant le nom de SOLLIVS^ M. Moniu^
voit dans te légende SOLLOS le dieu éponyme de SOLLIVSu Si
Ton voulait chercher des noms de divinités dans^ les radicaux-
des noms de peuple ou de villes, on le pourrait à la rigueur, car
l'on sait par les exemples de Bibracte, dé Divona, de Nemausus,
de Vesone, etc., etc., qu^il existait presque partout dans les^
Gaulesdesdivinités topiques; l'observation de M. Bfonin n'est
donc pas invraisemblable, et dans Tespèce, en modiflant UU'
pe» sa portée, on pourrait dire que SOLLOS est la divinité to-
pique des Solltni, peuple auquel M. Adrien de Longpérier a
le pivniier attribué cette médaille danS' la description qu'ils à
donnée en 1843 des médailles de la collection Desaii^, attribu-.
tieû qu'à la vérité il regrette aujourd'hui- de voir si générale-
ment adoptée.
Passant ensuite à la monnaie ATEVLA-VLATOS, M. Monîn^
se demande «si ATEVLA qu'il accentue i4feoi//a semît AttiJa noi
czempli&jri?8 le iDonogramcne (X) renfermant un K et ud D, demauière à donner
toujours KAACor.
* JlfctM fMim., 18^, p. 281.
* Voir tettrt à M. Ad. di Longpétiet, dan* la Revue num. de 1861, où M. de'
Staley a donné la tranecripiion de la Irgcode COKV.
Wl BBIXBTIN «IBLlOtiRAPHfQUE.
c des HuD8 ; il en doute. » Nous avons reproduit dans sa forme
caractéristique ce passage de l'ouvrage de M. Monio, pour bien
accuser l'espèce d'archaïsme dont sont empreintes les opinîous
de cet honorable celtiste.
On sait que depuis le mémoire de M. de la Saussaye (Revue
mm., 1840, p. 178) et le beau travail de Lelewel {Type çauloiSy
pages 23 et 329) il n'est plus permis même de poser en doute
rancienne- attribution de cette 'médûlle à Attila. Âteula est un
nom de chef gaulois, comme Pa prouvé M. Adrien de Longpé^
rier en reproduisant dans le Catalogue Rousseau Tinscription si
satiéfaisante de Naix. Quant à VLATOS S M. Monin y voit un
adjectif verbal : c c'est, dH-il, notre Tarvos Trigaranus de Paris
a si Ton s'en rapporte à ee que Duchalais voit représenté sons
«VLATOS.»
M. Monin veut-il faire allusion ici à l'exergue dans lequel
Duchalais signale q un épi de blé dont la tige est brisée et re-
« courbée de gauche à droite? »
Je ne comprends pas bien quel rapport cette dernière circon-
stance peut avoir avec le taureau aux trois grues de Tautel des
Nauiœ parisiaci. Pour nous , le quadrupède est à la vérité un
bœuf ou un taureau, si l'on veut, quoiqu'il n'ait pas de sexe
apparent; mais là s'arrête la similitude. On sait que Lelewd
n'était pas de cet avis, mais l'illustre maître était dans Terreur
sur ce point. Mes trois exemplaires, à fleur de coin, offrent
plusieurs signes caractéristiques du ruminant, d'abord deux
cornes indépendantes des oreilles qui sont très -visibles, puis
un fanon très-accentué, enfin la queue longue et grêle du
bœuf.
J'arrive à l'épi brisé, qu'on peut rapprocher du sceptre brisé,
de la couronne rompue, de la médaille déjà citée de la gens
> M. G. Ponton d'Améconrt a attribaé cette médaille à Yonillen , Tillage
da pagut Partensis, qui a en «n roi da nom d*Atenla. Voir /Uvim fiuni., 1853,
p. 81 et 82.
eULUTlN blIiUO&RAMlOUC. 57-
Jmmmj ai diiiis4equel9 en oonséqiieDce, on peut voir une inten-
tion symbotique» l'idée ncme, ditolaHon, surtout en présence
de l'attitude de notre quadrupède.
Nous ne dirons rien de la médaille mal décfaiffirée OINO vel
OIAIO vel ONIO, que M. Monin interprète par : de HESVS. On
ne peut, raisonnablement, rien tenter de sérieux avec de tels
éléments.
Nous arrivons à la médaille DIAOTLOS. M. Monin y trouve
incontestablement la racine OVLOS et pense qu'il n'est pas
impossible d'attribuer cette médaille aux Diablintes.
Noos avons déjà (ait remarquer que cette attribution était
très-douteuse^ si elle n'était pas complètement erronée ^ Cette
médaille, enefiét, ne se trouve ni chez les Diablintes ni chez
les Cénomans leurs voisins; ces peuples n'ont probablement
pas eu de monnaies épigrapbiques, tandis que j'ai rapporté une
de ces médailles de Reims, où l'avait trouvée M. Duquenelle
qui a bien voulu en enrichir ma suite; mais ce qui est plus
convaincant, c'est que la trouvaille d6 Chantenay, si fertile en
résultats, contenait vingt et un exemplaires de cette pièce, dont
trois plus complets que les autres offraient très-distinctement la
légende OIASVLOS. Jusqu'à ce jour, par un singulier hasard,
la lettre placée entre l'A et le V était restée invisible. Ni Pellerin,
qui le premier a Tait connaître cette pièce , ni M. de Lagoy.
qui Ta donnée ensuite, ni ma gravure dans mon Essai sur les
numnaies du Maine^ d'après l'exemplaire du Cabinet des mé-
dailles, ni les reproductions de Lelewel, ni les trois exemplai-
res figurés par M. Lambert, ni enfin les deux médailles à cette
légende que j'ai pu placer dans ma suite , aucun de ces exem-
plaires ne donne cette lettre S toujours rompue dans la partie
supérieure et regardée, dès lors, pour le besoin de la cause,
comme étant un 0.
1 Bnm mMi., 1853, t. XVIII , p. 15. — Dès l'annét 1847, mon confrère
«C ami M. A. de Barthélémy avait attaqué cette attrilmtioo. Voir Htw^ mim.,
1847,1. XII, p. «0.
dtt BllLL£Ti?i BIBLIOGRAPHIQUE'.
U a fallu la découverte de \iugl et uu exeuipluires pour ar-
river à une Lpctura défioitive dont nous félicitons bien siacère-
ment M. deSaulry, qui croit d'ailleurs que cette médaille ap-
partient à une peuplade voisine des Arvernes.
Tout ce qui précède prouve combien l'interprétation des mé-
dailles gauloises^ au point de vue de la linguistique, est en ce
moment chose scabreuse.
U s'agit aujom^'hui seulement de bien tire ces médailles et
de tâcher de les localiser; plus tard oû saura dégager de leurs
légendes des racines, des affixes , des suffixes et tout le méca-
nisme du langage antique do nos pères^ et elles donneront tous
ces éléments divers avec bien plus de certitude que toutes les
autres inscriptions plus ou moins gauloises qui se produisent
depuis quelque temps.
M. Monin interprète ensuite les légendes d'une autre médaille
analogue à ATEVLA, SENODON.CALEDV par les mots : Le Sé-
nat à Caledos. Nous voyons encore reparaître ici la forme votive
que l'honorable celtiste parait affectionner. Nous aimons autant
voir dans SENODON le nom d'un chef comme l'a fait Ducha-
lais S et dans CALEDV le nom d'une bourgade du genre de
CALADVNVM, tout en rejetant complètement le CALADVNVM
des DiablinteS; qui, nous le répétons, n'ont pas eu de monnaies
épigraphiques, et chez qui Ton ne trouve pas celle pièce.
La. médaille REMO des Rémi , représentant trois bustes de
profil y suggère à M* Monin une idée que nous avons émise
avant lui * avec plus de force et d'autorité,, pensons nous, puis-
que l'autel représentant la divinité tricéphale, que nous avons
figurée dans notre article , avait été trouvé h Reims même, et
que nous avons fait remarquer que l'on y avait découvert pré-
cédemment trois autres autels du même genre en y compre-
' Voyez lo nom de Senodomna recneilli dans une inscription do Bordeaux
pftr M. de Longpérier, Bévue num., 1860, p. 188.
* Lettre à M, de la Saueeaye , dant la Hmme numiem. de 1853 , p. 16, et
pi. I, n* 6.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 5t)
nant celui que luon excellent collègue , M. Bretagne ^ in'a f«it
coDoaitre (Bev. num. 1854, p. Ii4); tandis que M. Moixin ne
conaatt et ne cite que Taulel de Dennery (Saône-et-Loire) et ce-
lui de Sainte- Pazanne ( Bretagne) ' .
A propos des médaiHes ViRO&VIROOS et VOVER.YER,
notre auteur revient sur la question des dieux topiques; il voit,
dans VIROS le nom du dieu, et dans YIROOS un nom d'homme,
qui en dérive. Cettt^ opinion peut se soutenir. Nous serons moins
facile à l'endroit de son interprétation de VOVER.VËR qu'il
lit : VOYERfffU; VERomaïu/tii.
Nous répugnons à trouver autre chose que des noms de chefs
ou de peuples dans les légendes des médailles gauloises, à pijus
forte raison n'admettons-nous pas les verbes. D'ailleurs il n'y
a pas VOVER.YER sur ces médailles ; mais bien du côté du che-
val VER;^ » (lie), et du côté du lion VE«G , et 10 suivant le
marquis de Lagoy, ou VO suivant Duchalais, de sorte qu'on y
pourrait lire : VEQGIO ou VEQCVO si le caractère 8 est un Q
comme semble l'indiquer la légende VERQ.
On voit que rattributioq aux Veromandui est très* hypothéti-
que; mais il reste un bon rapprochement fait par Duchalais.
entre cette médaille et celle des Rémi frappée au nom d'Atisios;
c'est absolument le même style, le même métal et^ la, niéme
structure du flan« 11 est donc probable quQ les deuK peuples
qui ont émis ces médailles sont très^vpisiqs l'un de l'autre.
Que dira M. de la Saussaye de l'opinion professée par M. Mo-
nin au sujet de la belle médaille de Tasget? Est-il possible au-
jourd'hui de soutenir, avec quelque chance de succès, que
Tasgetius VElkésovice est un dieu gaulois analogue à Bélénus,
lorsque tout vient se réunir pour faire du nom Tasgetius la trans-
cription latine la plus régulière du gaulois TAS^IITIOS.
* Voir les six aatels de Reims dans Tonvrage do M. Maxe Werly, Eê$a% «nr
la fmmùmatiipu rémoise j pi. DC, X, XI.
« Voir cetteforme du Qdansleslégeades AQVITANI A,QV£NT0VV1C, tic .
ém rnoonaÎM carlovin^eanet.
00 BULLETIN Dini.IOGRAPHIQUE.
il est une médaille sur laquelle on peut lire KAPONTOC
(voir la pi. ly n* H^ de la Description des médailles gauloises de
la Bibliothèque royale y par Duchalais), et que ce sarant classe
sous la rubrique principale KAPNITOG en l'attribuant dès lors^
avec certitude, aux Carnutes. Ici le doute est permis, et cepen-
dant, suivant M. Monin, a l'attribniiOD aux Carnutes est cer^
a taine. i
Nous croyons qu*il faut considérer cette lecture et ce classe-
ment comme laissant beaucoup à désirer; cette médaille porte
très-probablement au droit YIRICI ou VIRICO (comme les
n*' 8 et 9 de la pi. H) du môme style et de la même fabrique;
d'ailleurs l'initiale K, si nécessaire pour la lecture du nom^ est
tronquée.
M. Monin propose d'attribuer aux Sénons la médaillo
GIAMILOS.SHNV( qu'il traduit, toujours par la forme votive,
â Sénoué, déesse éponyme des Sénons.
Par les motifs que nous avons déjà souvent exposés, nous
ne pouvons souscrire à cette interprétation. GIAMILOS est, se-
lon toute vraisemblance» un nom de chef, et SIINVI le com-
mencement d'un nom de peuplade ou de localité. Je possède
une médaille jusqu'ici inédite à un type identique, sur laquelle
on lit SENV suivi d'un pentagone. Nous croyons SENV le
même mot que SIINVI, et il faut avouer que SENV nest
pas éloigné de SENONES. Mais de là à la certitude il y a un
abîme. Laissons donc encore cette médaille parmi les incer-
taines.
M. Monin a si mauvaise opinion des graveui's gaulois qui ne
savent, suivant lui, a distinguer leur droite de leur gauche, v
qu'il propose sincèrement de lire la médaille IIPOMIlAOS :
SOLEMORE. Nous ne voyons pas trop ce qu'on y gagnerait.
Arrivant aux monnaies des Éduens , M. Monin donne, d'a-
près G usseuie, la lecture fautive DVBNDCON.DVBNOREIX de
la médaille de Dumnorix. On sait que nous avons reconnu et
signalé pour la première fois dans cette Revue le nom DVBNO-
BVLLBTIN BIBLIOGRAPHIQUE; Cl
œv S dont on est bien tenté de fuire le génitif de DVBNOCOS,
depuis qu'on sait que les Gaulois mettaient souvent sur leurs
médailles le nom de leur père; cependant on n'oubliera pas
qu'on voit incrustée dans une des maisons duPuy, voisine de la
cathédrale, rinscription DVBNOCOVE *, qui donnerait à penser
que le mot DVBNOCOV des médailles n'est pas complet. Atten-
dons encore que la lumière se fasse sur ce point; M. de Saulcy
vient d'ailleurs de signaler la pièce DVBNORX.ANORBO qui est
un obstacle de plus à l'admission de cette interprétation.
M. Monin se demande ensuite si A VALLO est latin ou gaulois ;
on peut penser qu'il n'est ni l'un ni l'autre. Duchalais avait lu
ABaLLO, réformant à tort le vieux Bouteroùe qui avait bien
réellement vu un C initial sur une médaille de ce genre. M. de
Lagoy a vengé le docte conseiller en restituant la légende
CABALL08 d'après un fort bon exemplaire ' de sa collection.
M. de Lagoy a, du reste^ proposé de v(Mr dans le cheval de
charge figuré sur la médaille, le symbole parlant du nom de
la ville ou des habitants de Caballodunum (Chalon-sur-Saône )«
tandis que M. Peghoux tient pour les Gabali ^ parce qu'il croit
reconnaître dans le style de la médaille le faire marseillais; at-
tendons.
M. Monin ne met pas en doute que Pixtilos ait monnayé chez
les Éduens. Je ne puis partager cette opinion. Nous avons dé*
couvert nous- même, sur la route du Mans à Chartres, une
masse presque homogène de ces médailles ; et tout le monde a
été d'accord jusqu'à ce jour pour les attribuer au pays Char-
train.
Je sais bien que mon confrère et ami Anatole de Barthéleniy
s'est servi du bas-relief bourguignon sur lequel on lit :
< Uttrt à M. de la Sa%$tay9j dast la Bttw n«mù«i. de 18fi3, t. XYIII, p. 6.
* Publiée par Jorand, dans les Mémùires de la Société dêê anti^yiaiff de Francis
1829. t. VIIl, pi. 13. — Cf. Bewe num , 1854, p. 143.
» AmM fitim., 1855. p. 333, et pi. VIII, n* 4.
^ Estai êur Us monnaies dti Àrttmiy p. 26 et f>2.
62 BULLEtlN BIBLIOGRAPHIQUE.
DEOBE
MILVCIO
VI
pour tenter d'expliquer le type de Tune de ces médailles; mai^
ce rapprothertient, fûl-il fondé, ne suffirait pas pour faire attri-
buer ces médailles à une région si éloignée dé leurs gisements
ordinaires^ surtout en présence de la monnaie deTasget qui
offre précisément la tête d'Apollon h cheveux en hélices, type
de PixtiloSy et qui parait imitée des monnaies de la famille Cal-
purnia.
Ajoutons qu'il n'est pas exact de dire que le type constant
des monnaies de Pixtilos soit une Vénus. Nous croyons même
que le type de Vénus n'existe pas sur ces médailles, et que là
où Duchalais a trouvé une Vénus, par exemple dans la t)elle
médaille au griffon n*" 465 de son catalogue, il faut tout simple-
ment voir une tête de Diane, imitation lointaine de celles de
Marseille. Dans tous les cas, nous distinguons sur six de nos
PIXTILOS six têtes différentes, dont trois de femmes et autant
d'hommes.
Je passe plus rapidement sur les rapprochements impossibles
tentés entre ROVECA et les médailles pannoniennes.
ROVECA est, comme nous l'avons démontré M. de Long-
périer et moi, la légende d'une monnaie des Meldi dans laquelle
il faut chercher très-probablement un nom de localité, peut-
être Grouy.
M. Monin recule jusqu'à Marc-Aurèle pour expliquer le mot
TVOS des médailles SEQVANOIO TVOS ; il traduit ainsi cette
légende : Des Sequanes conservateurs ^ parce que Rlarc-Aurèle,
dit-il, avait mis fm à des troubles sérieux et invétérés en Sé-
quanie. Il y a là une erreur de deux siècles.
La légenie ATPILI r.ORGETORlX esltraduite par M. Monin :
A Atépilé [déesse) Orgétorix, parce qu'il ne connaît pas le cu^
rieux travail de M. Adrien de Longpérier sur la lettre F placée à
la fin de quelques légendes. ATPlLl est un génitif, et il faut
BULLETIN BIULIOGRAPIIIQLE. <^S
traduire : Orgétorix fila d'Ateptloft. Sur un de mes deux exem-'
plaines l'F (l) est trop caractérisé pour faire l'objet d'un doute;
sur Tanlre ORGETIRIX est écrit : ORETIR. M. de Saulcy a si-
gnalé, dans la trouvaille (te Chantenay, plusieurs autres variétés
de oette légende.
Nous ne dirons rien de la médaille ALABbOAltOS.NIDE qui
ne s'est plus retrouvée depuis longtemps et qui aura besoin
d*âtre étudiée sur plusieurs bons exemplaires. M. Monin voit
dans NIDE le nom d'une déesse; ce n>st pas notre avis. Nous
aimons mieux regarder ces deux syllabes comme le commence-
ment d'un nom de chef, si ALABbOAllOS signifie AUobroge.
La médaille SEGVSIAVS.ARVS est assurément une des plus
lielles et des plus intéressantes de la suite gauloise. D'où vient
que Duchalais, qui s'est appesanti sur les types de cette pièce^
ail glissé sur sa légende ? Sa gravure, très-soignée, ne donne
que SEGVSIA.S, tandis que son texte offre SEGVStA.V.S;
mais il n'explique pas davantage les deflx dernières lettres. Le-
lewel ne donne ni l'une ni l'autre dans sa gravure (PI. VIl!^
n* 5), tronquée à raison de Tinsuffisance du flan.
Sur mon exemplaire, qui est remarquable de conservation et
lie frappe, le V et l'S existent très-visibles; mais le fer de la
lance du personnage passe entre ces deux lettres et vient se*
souder à l'extrémité du coin de la lettre V de manière à faire
croire que le graveur a voulu représenter un earnyx. Cependant
je crois à l'existence des lettres V et 8. M. Monin a transcrit'
la leçon de Duchalais SEGVSIAV S» maïs sanà points et sans
donner le sens des deux lettres, qui ont été depuis longtemps
expliqueras par M. de Longpérier ^
Notre auteur prête ensuite à LVGOTTINA des médailles au
type de l'œil, le S'^ns de lumineuse et au SELISV en creux celui
de voyant. Ce sont là dt's hypothèses malheureusement en de-
» nevHt <U philologie, 1847, 1. llj p. 195.— Bevui mim., 1858, p. 333 — Cettw
upÎDion a àié adoptée par M. de Saulcv, Btvue mim., 186:^, p. 24.
0A BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
hors du point de vue où nous nous plaçons, et que nous n'aTons
pas à discuter.
M. Monin en est resté pour la médaille ROW-VOLVNT à
l'attribution aux Voconces donnée par M. de la Saussaye à Té-
poque où Ton croyait voir dans TL un C carré E (sic), et il la
maintient en l'expliquant.
Mais dès l'année \SA1, M. le marquis de Lagoy ruinait cette
séduisante attril)ution en produisant d'abord les médailles
CN. VOL , et ensuite celles où on lit plus complètement VOLVNT.
(n*** I à 8 de la planche à l'appui de son Essai de monographie
d'une série de médailles d'argent imitées des deniers consulaires
au type des Dioscures),
Vers le même temps, Dut balais citait des inscriptions dans
lesquelles il lisait ainsi le nom entier de ces médailles : VOLVN-
TILLVS précédé du prénom pompéien CNEVS ^ Enfin , tout
récemment M. Adrien de Longpérier a rectifié les transcriptions,
de Duchalais en démonipant que VOLVNT étant le commence-
ment d'un nom de famille, devait être restitué, VOLVNTILIVS
ou VOLVNTlLLIVSen redoublant PL, et non VOLVNTILLVS».
Je passe sur le Vercingétorix que M. Monin ne connaît que
par la pièce incomplète publiée d'ancienne date, et dont on a
aujourd'hui d'excellents spécimens portant le nom entier
VERCINGËTORIXS toujours terminé par un S. M. Monin pa-
rait n'avoir pas connu cette forme; mais la faute en est à Du-
chalais qui, en transcrivant cette légende (n"" 4 de son catalogue),
a supprimé, on ne sait pourquoi, la lettre terminale S qui existe
très-lisible sur la gravure placée en tête de l'article de la Bévue
numismatique de 1837, p. 161, dans lequel M. do la Saussaye a
eu l'honneur de signaler, pour la première fois> la médaille de
ce chef illustre et infortuné.
Ou reste, pour rendre à M. Monio toute la justice qui lui est
« Bévue num , 1647, p. 259.
* Rê9U$ num., 1860, p. 425.
BULLETIN .BIBLIOGRAPHIQUE. 65
(lue, disons qu'à la page 490/ après avoir donné la déclinaison
du mot gaulois RIX^ il s'exprime ainsi : «Le motRlX se trouve
« à la fin d'une foule de noms propres gaulois; nous Tavons vu
«ici au nominatif dans Vercingélorix, Orgétorix, Orcitirix,.
a Boiorix, Gantorix. A en juger par les auteurs grecs et latins^
• le radical est RIG et par conséquent le nominatif RIG'S. »
. Il semble que la forme RIXS donnée par la numismatique
confirme les données de M. Monin.
A propos des monnaies arvernes de Tépoque de Vercingélorix,
je trouve dans Touvrage de M. Peghoux une médaille du môme
style que celle que j'ai publiée dans cette Revue (année 1855,
çl. V, n* \)\ elle oflre, comme la mienne, un tableau carré
placé sur la croupe du cheval : c'est le tableau de la victoire;
mais au lieu d'être, chargé de quatre points, ce tableau porte la
croisette alaisée, si je puis dire, que j'ai signalée le premier ', je
crois, sur les monnaies de Durmius^ triumvir monétaire d'Au-
guste, espèce de notation du même genre que les quatre points
qui se rencontrent sur d'autres médailles du môme triumvir et
qui a évidemment pour seul but^ comme l'X non alaise des mé-
dailles armoricaines^ de marquer que le tableau triomphal est
chargé d'écriture.
M. Montn a suivi pour l'interprétation de la médaille DEIV....-
ACIon. le système de lectures admis pendant fort longtemps et
qui consistait à voir dans ces deux formes le commencement du
mot Divona. Mais depuis que j'ai eu le bonheur de déchiffrer sur
qne médaille de môme style le nom entier AClori^lA^'OC ', il
planait des doutes sérieux sur cette attribution h Divona faite
dans le temps par notre excellent confrère M. le baron Chaiidruc
de Crazannes.
Tous les doutes sont aujourd'hui levés depuis la découverte
que j'ai faite parmi diverses médailles qui m'avaient été com-
> Catalogue des médaille» fùmaine* trouvée» dans le jardin du collège du Mans.-
Le Mans, 1849, in-8*. — Cf. Revue numiem,, 1850, p. 63.
< Deuxième lettr» à H. de la Saustay», dans la Revue imminm. de >18M , p. 85v'
1863— \. Sf
(5(5 M7LLET1N BIBUOGRAPHlQOft.
muniquées par M. Lefebvre, de Meaux, d'un assez bon exem-
plaire de cette pièce sur lequel on lit d^un c6té très-distincte^
ment DEIVTA^ et de l'autre moins lisiblement ACIOIT. J'ai rendu-
oompte de ma découverte dans ma lettre à M. de Saulcy, insérée
dans cette Revue, année 1859> page 89.
L'une et l'autre médaille appartiennent à Divitiacus ; seulement
H. de Saulcy tient pour le Divitiacus roi des Suessions% tandis
que j'avais d'abord pensé au Divitiacus vergobret des Éduens;
j'ai exposé les motifs de ma préférence dans la lettre mentionnée
plus haut^ mais je suis tout prôt à m'incliner devant l'autorité de
notre cher maître^ me contentant du petit bonheur d*atoir si*
gnalé et déchiffré le premier ces deux intéressantes médailles,
dont Tune était complètement inconnue.
Je n'ai rien à dire de la médaille AVARICO ; c'est une pièce
malheureusement fort rare et qu'on n'a pas l'occasion d'étu-
dier.
M. Monin interprète CICIIDV.BI, légende donnée par Ducha-
lais^ parRIKEDOS le biturige. J'ai fait remarquer que la légende
complète de cette pièce était GlCUDV.BRl*. M. le marquis de
Lagoy croyait voir là : Cicedus le Breton par assimilation à
INDVTILLU-GERMANVS, Induiillius le Germain; mais depuis
lee observations de M. de Longpérier, relatives à l'F final» cette
version perd de sa probabilité.
M. Monin rapproche, comme tous les numismatistes, EPAD'
de HPAD qu'il traduit par Cavalcade, regardant comme inad-
missible queEPAD soit mis pour EPASnoc^tis; nous lui laissons,
bien entendu. la responsabilité de ces opinions tout à fait nou-
velles.
Notre auteur voit encore une forme votive : au Mercure gaulois.
* Lettre à M, Adr. dé tjùngpérûr^ dans la Aerue numism. de 1859, t. IV,
p. 313.
* Uttn à M,- li maniuiê d» la§oy iwr <• mim. goMhiti, dans U BiAUtkk ëê
l^SoeiéU ^agr.y uiêttcêê ttërUdêU Sttht, 1857, t. XIII, p. 116.
VtUrriM MBUOGRA^HIQDE. 67
dieu du change^ daas la légende CÂJMBOTRË de certaines mé-
dailles aqaitaniques, etdans cette autre VIRICIV di^crife par
Duchalais *.
Pour nous ces mots sont des noms de peuple, de ville ou de
chef; on a attribué jusquici la première aux Cambolectri A^si-
nates, tandis que la seconde rappelle une racine gauloise VIRt
ou VLR, très-commune, à ce qu'il paraît^ dans les noms de
chefs, de peuple et de bourgade. En effet, indépendamment des
VIRITIV et YIRICI donnés par Duchalais, je possède un
VIIRIGO^ et je connais un VIRICO dans la collection d'un de
mes correspondants. Attendons encore un peu avant de nous
prononcer.
A Toccasion de la médaille portant le nom SOLIMA, M. Monin
passe naturellement en revue les nombreux composés gaulois,
noms de peuples, de bourgade, de déesse et de personnage
masculin dans lesquels on retrouve le radical SOLIMA, sana
avancer la question d'attribution.
La médaille SANTONOS lui suggère l'idée que ce mot est a un
nominatif pluriel à peu près incontestable^ » parce que, sans
doute, cette légende n'est accompagnée au revers d*aucune autre.
Hais ne sommes-nous pas habitués à traduire la syllabe finale
03 par le VS des Latins ! témoin les noms Tasgetius, Litavicus,
Divitiacus, etc., et ne peut-on pas sous-entendre ici, comme on
l'a proposé souvent, un mot singulier masculin ayant la valeur
du mot grec démos ?
Les médailles TVRONOS-CANTORIX et TVRONOS-TRICœS
offrent à M. Monin, dans le type du droit, l'effigie d'Apollon
fc chanteur-roi, par allusion sans doute au nom CANTORIX, et
le motTRICCOS lui semble rappeler une divinité triple commç
Proserpine ou les Parques. Lelewel, on le sait, a poussé très-loin
la recherche dans ses interprétations des médailles gauloises; on
voit que M. Monin n'a rien à lui envier.
• t^neriptioit, n- 443 :\ 499.
(5^ BULLETIN BJRLIOGRAPHIQUK.
Je passe rapidement sur la médaille ANDECOMBOS qui lui-
présente le radical ANDE, ^ avant, et j'arrive à TAVURCO-
EBVROVICOM et à l'AVURCV dans lesquels M. Monin croit voir
deux formes différentes du génitif pluriel.
La dernière lettre d'EBVROVlCOM est le chiffre IV d'après
Buchalais * ; un Sou un M d'après M. A. de Barthélémy * ; enfin
un S suivant M. Lambert *.
Attendons donc prudemment pour discuter à ce sujet des
questions grammatic-ales.
La légende RATVMACOS se décompose, suivant M. Monin,
en ROTH, ce idole primitivement adorée à Rouen, et en MAC»,
« champ cultivé. »
Quant à SVTICCOS, ce savant y voit a un nom de famille ana-
a logue à Bonnemaison. »
Nous n'avons pas à nous expliquer sur ces appréciations étran-
gères au domaine de la numismatique.
Le texte si considérable de la médaille de CISIAMBOS n'ins-
pire h M. Monin aucune idée nouvelle autre que celle de voir
dans GISIAMBOS CATTOS deux noms dliommes différents et
dans VERGOBRETO un duel.
Au moment oii M. Monin publiait son livre^ M. de Sauky
écrivait dans cette Revue son remarquable article sur les mon-
naies des Lixoviates^ article si riche de faits et d'aperçus nou-
veaux. On sait que pour lui GAlTOSest le vergobret COTVS de
César, que les Lixoviates reconnurent pour chef suprême *.
Il est donc très-probable que VERGOBRETO est un nominatif
analogue h SANTONO ou même à LIXOVIO du revers.
Le n» 375 de Duchalais LlHO-Vl.VAGCA n'est sans doute pas
une monnaie des Lixoviates, mais bien une pièce de la série
* Revue niim., 1847, p. 243, art. postérieur h son rntnîoguc».
« nerue tiimi , 1847, p. 89.
5 Essai sur la num. yaul.^ pi. VIII , n" 22.
* Revue num., 1861, p, 105, et 1862, p. 177. Ces deux articles de M. de
Sttiilcy jettent une vive lumière sur le monnayngç des Lixoviates.
nULLETlN BIBLIOGRAPHIQUE. W
marseillaise y le n*" 400 de la pi. X de la Gaule Narix)nnaise do
M. delà Saussaye. Mon exemplaire porte très-lisiblement MACca.
Sous la rubrique : Gaulois transalpins, M. Monin décrit d'abord
le h*" 6 de Duchalais, la curieuse médaille VEROTÂL K Mais,
pour comble d'infortune, notre auteur lit à rebours la légende;
et la transcrit ainsi : LATOBII V, en traduisant : à Latobios. Il
rappelle à ce sujet qu'il existe chez les Latobici» peuples de la
Pannonie, un Dieu Latobius. Nous regrettons bien vivement que
M. Monin n'ait pas connu les études de M. de Longpérier* et
notre propre travail ' sur la médaille de Vérotal ; il aurait renoncé
à la bizarre interprétation qu'il propose. On sait que le classe-
ment de cette médaille à l'Aquitaine et notamment aux Pictavi
ou aux Santons , classement dont j'avais pris l'initiative dans
mon article, vient d'être ratifié par l'autorité si grave de M. de
Saulcy . à l'occasion de son examen du dépôt de Chantenay ^
Que dire de la déesse égyptienne Athyr évoquée par M. Mo-
nin au sujet de la médaille ABHOIAC-ATHIRIM, lorsque nous
voyons la prétendue légende ATHIRIM décliififrée si heureuse-
ment par M. de Saulcy et restituée: A. HIR. LMP., c'est-à-din^
Aulus Hirlius imperaior^. On sait qu'Hirtius, le lieutenant et
l'ami de César^ est aussi le rédacteur du huitième livre dtfs
Commentaires.
Ajoutons qu'ABHOlAG a été rapproché très-ingénieusement de
l'ATISIOS rémois par Lelewel et que ce rapprochement est
sanctionné par M. de Saulcy.
La légende YADNAIOS ® semble curieuse à M. Monin parce que,
dit-il, elle offre un radical qui signifie sang en cambrien. Mais
» Revue numiêm., 18ô3, p. IT.
• Revue num,f 1856, p. 74.
3 Revue uumism., 1860, p. 113.
• Revue wum., 1862, p. 27.
» Revue hum,, 1858, p. 444.
• >liooQet n'avait vu que VADNAIO; Lck'wel, qui n'avait pas de nouvel
exemplaire à examiner, a répété cette lecture. Duchalais a lu VADXAIOS ;
enfin nous avons donné la vraie leçon : VADNIILOS.
70 nvLîJEns &ibliogiuphiqu£.
VAONAIOS est encore une légende mal iue; j*di donné dans
cette Revue^ année 4855, page 365^ la monographie des rné^
dailles de Vendeuil et j'ai prouvé, en produisant un nombre assez
considérable d'exemplaires nouveaux, que la médaille lae jus-
qM/alors VAONAlOou VADNAIOS perlait en réalité VADNIIL08,
mot qui offre une permutation drs lettres D et N dans le génie
gaulois, et tient lieu de la légende mieux orthographiée
VANDilLOS que j'ai découverte sur un exemplaire plus pur de
style et probablement plus ancien.
il en cstde même d'iTNCLT que M. Moninsignale à cause desa dé-
sinence insolite. En effet, cette fin de mot m*avait toujours frappé
moi-même et le hasard ayant mis dans ma main deux exem-
plaires qui offraient précisément ititacte cette partie de la légende,
j'ai été assez heureux pour modi^er la fin de ce nom dans un
sens parfaitement satisfaisant. Mes deux exemplaires m'oni donné
pour fm de mot NCXTOC; restait le monogramme initial. €'esl
l^f. de Saulcy qui a eu l'honneur de le déchiffrer juste au mo-
ment où une inscription * venait lui révéler l'existence de la peu-
plade des Vennecti (PAGO VENNCCTI] désignée par la monnaie. Il
a démontré qu'il fallait voir VE dans le monogramme où j'avais
cru décbitiVer vnA; de sorte que le mot bizarre ïTNCLT se
trouve aujourd'hui lu avec la plus grande certitude possible :
VENeXTOC.
M. Monin conviendra que pour interpréter les textes gaulois
répandus sur les médailles, un bon linguiste a besoin d'être dou-
blé d'un numismatiste clairvoyant.
Nous ne dirons rien de la médaille lue ERGOD par Duchalais,
médaille rare et que je n'ai pas eu l'occasion de voir. Quant au
NINNO-MAVG on sait que j'ai publié dans ma lettre à M. le mar-
quis de Lagoy la fln du mot MAVC donnant probablement
> Cette belle et curieuse in&criptioa e^t reproduite en fac^iinile dans le
tome IV, année 1857 du Bulletin du Comité de la langue, dt Vhisioire et des orl$
ih la Frnnre^ p. 93R.
BULLETUI BIBU06RAPBIQUe« 71
KAVCAIOS ^ C'est une médaille finemeut gravée qu*cm ùù wt
où placer; maU tôt ou lard la lumière se fera à son égard.
ABVD03 est une pièce qui se trouve habituellement datf le
nord du Berry ; mes deux exemplaires viennent d'Issoudun, et
j*en ai vu un autre chez M. Lemaigre, ancien archiviste à Cbftteati-
roux, qui l'avait découvert lui-même à Levroux. C'est tout ce
que j'ai à dire de cette médaille .
M. Monin revient ensuite sur le prétendu DVRNOCOV-
DVBNOREX; et ici qu'il me soit permis de citer ses propres pa-
roles, p'iur déplorer une fois de plus Terreur profonde dans la-
<|ueUe cet estimable celtiste est tombé au sujet de l'infaillibilité
présumée de l'auteur de la Désert nit ion des médailles gauloises de
ia Bibliothèque royale.
« La supériorité de Ducbalais pour la lecture des légendes, le
« nombre des exemplaires à comparer qu'il a eus à sa di^posi-
« tion permettent de considérer son texte comme tout à fait
c pur, c'est donc un devoir de l'étudier. 0
Nous l'avons déjà dit, Duchalais n'a eu, au contraire, à sa dis-
position que des exemplaires en nombre restreint et qui tous
avaient déjà exercé la sagacité de ses devanciers. Aucune mé-
daille nouvelle n'est venue l'aider dans ses investigations. U a
fait, il le dit, tout ce qu'il a pu a feci quod potui, etc. 9 mais
ce n'était pas assez, il fallait pour servir efficacement les intérêts
de la ficieuce, qu*un vif amour de Tantiquité fit arriver dans une
mtaie main habile et dévouée toutes les médailles gauloises ré-
pandues dans les collections de France et des états voisins pour
les comparer entre elles et fixer ainsi, par une réunion nom-
breuse de types identiques, des lectures jusqu'alors appuyées
seulement sur un ou deux exemplaires souvent incomplets.
Pour en revenir au DVRNOCOV-DVDNOREX de Duchalais,
nous avons déjà signalé la fâcheuse erreur géographique causée
par cette fausse lecture. M. Monin tombe dès loi^s dans luie
autre erreur^ mythologique cette fois, lorsqu'il voit dans
» BnUetin Ha la Soriftê d'agric,^ «r, tt arts éê /a Snrihti^ 1857, t. XIII, p. 9î.
72 BULLETIN BlULlOGHAPHiQUE.
Dournocoos le surnom d'Apollon. Nous ne savons que dire de
son interprétation de DVBNOREX par roi des DubnoSy faisant de
DVBNO un ethnique au génitif pluriel. DVBNOREIX, car notre
exemplaire donne cette forme^ doit certainement être rapproché
de Dubnotaly Dubnocos ou Dubnocove...*.^ mais nous ignorons
complètement ce que signifie DVBNO.
Je quitte^ aussitôt que je le puis^ le sol brûlant de la linguis-
tique pour celui plus ferme de l'iconographie.
L'effigie de Dumnorix porte non pas un lituus ou bâton augu-
rai comme le croit M. Monin^ mais une trompette de guerre ap-
pelée carnyx par les Gaulois^ comme Ta démontré M • de Lagoy * ;
c'est une trompette de ce genre que les Romains nommaient liiuus^
employant le même mot que pour désigner le bâton augurai;
mais ce sont là des accessoires qu'il ne faut pas confondre.
M. Monin interprète la légende incorrecte CACLA.G. ClII par
le singulier texte: CAKILS KEI. J'ai eu le bonheur de déchif-
frer cette médaille, à la suite do ma monographie des médailles
de Vendeuil et j*ai démontré qu'elle devait être lue : CALïAGlllO
dont j'ai été bien tenté de faire Chailly {fievue mm., année 1855,
p. 381).
Il ne m'a pas fallu moins de six ou huit exemplaires de cette
médaille pour arriver à ce déchiffrement.
Je relève encore cette assertion de M. Monin qui pourrait
fourvoyer ses lecteurs : a On trouve, dit-il, toutes ces pièces,
a TEGCAIOS compris ( qui par parenthèse ne leur ressemble
« pas), dans le sud-ouest de là France, d C'est une erreur; on les
trouve à Vendeuil, près Beauvais, et mêlés aux Pixtiiosdans le
nord-ouest de la France.
Rappelons, au sujet de la médaille à la longue légende
CORIAICCOC LiiAvitiUVl, que son revers, déjà assez nettement
liccentué dans l'ouvrage de Lelewel *, a été défmitivement élrt-
* Hecfierches numisinatûiue» sur V armement et U» mttrumentê de guerre de»
(iauloia, Iu-4«. Aix, 1849.
■ Tyite gauloix, p. 226 et hIIh*, pi. VI, u'^ 3H.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 73
cidé par M. de Saulcy qui y a reconnu avec toute raison la lé-
gende déjà citée A.HIR.IMP. (Bev. num., 1858, page AAA).
Nous voici arrivé au ternne de la tâche que nous nous som-
mes imposée. Nous ne suivrons pas plus loin M. Monin dans
ses recherches; non que le sujet ne soit très-intéressant.
f/étude de la langue gauloise a déjà fait de grands progrès
grâce aux travaux de MM. Pictet, Dieffenbach, et surtout de
M. Zeuss dont la Grammatica celiica a ramené les questions
que cette étude soulève sur le véritable terrain de la critique.
Mais lorsque les philologues passent de l'appréciation des textes
à celle des monuments numismatiques, il leur faut apporter la
plus grande circonspection dans le choix des leçons , et n'ad-
mettre que celles qui ont été contrôlées sur des monnaies par-
faitement lisibles; ils ne doivent point oublier que les monnaies
ont une destination particulière qui détermine le sens des lé-
gendes qu'elles portent, légendes qui naturellement n'ont aucun
rapport avec les inscriptions tracées sur des stèles funéraires,
des autels ou des édifices publics.
M. Monin (la critique à laquelle je viens de me livrer le
prouve surabondamment) doit attendre pour continuer ses in-
vestigations philologiques que les numismatistcs aient dit leur
dernier mot sur toutes ces légendes aujourd'hui à l'élude.
D'ailleurs comme on Ta dit souvent, la science n'est pas pressée,
Me marche àpas lents; n'est-ce pas déjà un grand service rendu
à notre archéologie nationale que d'avoir, dans le cours de ces
vingt ou trente dernières années, redressé tant de lectures en
apparence inattaquables, consacrées qu'elles semblaient être
par l'autorité des noms les plus respectables et les plus res-
pectés?
E. HUCHER.
CHRONIQUE.
MONNAIES GAULOISES.
On vient de trouver à Sens 200 petits bronzes gaulois aux
types de la tête imberbe et de Toiseau tourné à gauche et accom-
pagné d'un rameau, avec les légendes VLLVCCI et GIAMILO —
SIINVl. On nous assure que dans le même dépôt se trouvaient
une pièce de la colonie de Nîmes et une de la colonie de Vienne.
Quelques pièces portent le type de l'oiseau accompagné d'un
vase et de la légende IN. Par les soins de M. G. Juillet^ la col-
lection de la Société archéologique de Sens vient de s'enrichir
d'une belle série de ces monnaies qui présentent à peu près
toutes les variétés réunies par M. le docteur Yoillemier dans la
planche II de son Essai sur les monnaies de Beauvais depuis la
période gauloise jusqu'à nos jours. Beauvais, i858, in S®. A. L.
CATALAUNI.
M. ManteJlier vient de faire entrer dans le médaillier de la
ville d'Orléans un petit bronze sur lequel on voit devant «ne
tête de femme tournée à droite, an Iteu de la légende G AT AL.
(Mionnet^ Lyonnaise y n'* âll . — Duchalais ^ Méd. gauL de la
BibL roy.y n* 551 .— Leiewel, Type guul. , atlas, pi. IX, n* 48) ,
un grand monogramme composé des caractères KTAL; au re-
vers, un lion. Cette pièce est remarquable par sa conservation
autant que par la bonté de son style. A. L.
Nos lecteurs auront remarqué la négligence avec laquelle
les journaux quotidiens traitent les questions de numismatique.
CHftONlQUE. 75
Celui de tous qui compte dans 6a rédaction le plus grand
nombre d'érudits, le Journal des Débats^ publie dans son numéro
du 27 octobre 1862 la nouvelle que voici :
a On vient de découvrir à Rome une monnaie d'or de Té-
poque de Géron, roi de Sicile. La face porte une tête de
Proserpine couronnée de feuillages et le revers un faiscemi
de foudres resserré au milieu dans un petit globe. Au-dessus^
on lit rinscription suivante en caractères grecs : ASILE.E,
et au-dessous 9 lERONIM.U. L'antiquité de cette uK>nnaie frap-
pée 473 ans avant la naissance de Jésus-Christ, son parfait état
de conservation^ la nature et le bel éclat du métal^ tout concourt
à ce que cette découverte fasse sensation dans le monde archéo-
logique. La monnaie est exposée dans Tatelier de sculpture du
professeur Galli^ où on peut la Toir. o
On comprend quMl s*agit en effet d*une pièce très-rare, d'une
monnaie d'or d'Hiéronyme , tyran de Sicile pendant les années
2i5 et 214 avant notre ère :
Droit. Tête de Cérès couronnée d*épis.
ii. BàSIAEOS lEPQNTMOr. Foudre ;
mais nullement d'un monument d'Hiéron I, comme le nom
italien Géron et la date 473 doivent le faire supposer. Lp nom
d'Hiéron estropié^ l'erreur de 260 ans, sont moins étonnants
que Tattribution à un roi de Sicile d'une monnaie d'or frappée
au commencement du v* siècle. A. L.
Voici d'autres nouvelles numismatiques , aussi peu exactes
que la précédente, également tirées du Journal des Débats.
Dans le numéro du 24 janvier 1863, on lit :
. o On écrit de Tourves (Var) :
a Un cultivateur de cette commune , en plantent la vigne
a dans le quartier dit Vautorade^ a trouvé te 12 de ce mois 816
« pièces de monnaies en argent anciennes, de la grosseur d'une
« pièce de 50 c, contenues dans un petit vase en cuivre en
«r forme d'un toupin de moyenne grosseur.
7(5 CHRONIQUE.
a Ces pièces, qui sont toutes à peu près sciiibiables et paiiai-
« tement conservées, représentent^ d'un côté , la tête d'une
« femme coiffée en cheveux, avec le diadème, et, de l'autre, un
« lion, au-dessus duquel on lit en caractères grecs le mot
«MASSA, et au-dessous celui de LIÈTON; d'autres portent
« seulement les initiales OA, au lieu de ce dernier mot. »
On comprend qu'il est question dans cette note de bémi-
drachmes d'argent de Marseille, pièces très -communes :
Tête de Diane, à droite ou à gauche,
ijl MASSAAIHTÛN. Lion à droite ou à gauche.
Le numéro du 4 février donne la nouvelle suivante :
a On lit dans le Journal de l'Ain :
«Ces jours derniers, un jeune pâtre de la commune de
« Ceffia gardait son troupeau de moutons sur la montagne,
a quand ses regards tombèrent sur un point brillant que le
« soleil faisait étinceler encore plus.
a II s'approcha du point lumineux, et ramassa tout joyeux
« une pièce de l'or le plus pur qu'il se hâta , rentré chez lui ,
« de donner à sa mère. Celle-ci, étant venue samedi à Bourg, la
tf vendit à un amateur de notre ville, qui la paya généreuse-
ce ment.
a Cette médaille est fort ancienne ; elle a pour le moins deux
« mille ans. Elle est large d'environ iS millimètres, pèse 25 fr.
(c d'or et est d'une conservation parfaite.
« Elle présente, d'un côté, une tète couronnée de laurier,
(c d'un beau relief; de l'autre, un char attelé de deux chevaux
(( lancés au galop. Cette particularité la fait classer dans la ca-
« tégorie des higes. Dans le second plan, au revers, on re-
c( marque une sorte de lampe à trépied, et tout à fait au-des-
« sous du char, le mot grec Philippoy ( de Philippe).
« Ce mot, rapproché du profil de la tête, ne permet guère de
<x douter de Torigine de la pièce. Elle est grecque assurément;
« mais de quel Philippe porle-t-ellc les traits ? Osl ce qu'il ne
CHRONIQUE. 77
a nous est pas donné de préciser. L'histoire nous apprend qu'il
« y eut cinq rois de Macédoine de ce nom ; le dernier vivait en-
<( viron deux cents ans avant Jésus-Christ. Il y eut aussi lui
« Philippe, roi de Syrie, qui mourut en l'an 6-4 avant notre ère,
^ et qui vit ses États réduits en province romaine.
a Nous serions portés à croire que c'est de ce souverain que
(c la médaille trouvée à Cefiia représente l'eiCgie. »
Qui ne voitqu'il est question dans cet article, non d'une mon-
naie frappée en Syrie et portant une effigie royale, mais d'une de
ces imitations gauloises des statères d'or de Philippe II , roi de
Macédoine (359—336 avant J.-C), pièces qu'on rencontre par-
tout et qui offrent la tête d'Apollon? Les Gaulois, après le pillage
du temple de Delphes en 279 avant Jésus-Christ, avaient rapporté
dans leur patrie d'immenses richesses , et parmi les monnaies
grecques dont ils s'emparèrent se trouvaient des masses de phi-
lippes d'or qui durent servir de modèle aux premières monnaies
d'or frappées dans les Gaules * . J. W.
SOUS D'OR DE MARSEILLE.
La Revue archéologique j dans son dernier cahier ( p. 270 ),
nous apprend que la Société des antiquaires de France avait
reçu d'un de ses membres communication d'un sou d'or de
Phocas, portant au revers une croix haussée, accostée des lettres
M A, indice de Marseille. Cette pièce, munie d'une belière, est fort
rare, mais elle n'était pas inconnue comme on l'a supposé. Il en
existe une autre au Musée britannique, qui a été décrKe par
M. de Salis dans le Numismatic chronicle de mars 1861 (p. 59).
Le savant antiquaire a été amené à parler de cette monnaie
précieuse à propos de la découverte de ([uatre autres sous d'or
qui décoraient im collier trouvé à Sarre, près Reculver (Kent),
« VoJrCh. Lenormant, Hetue ntim., IB5G, p. 303 ot suiv.— Voir le philippe
d'or publié aans cette Ueme, 1858, p. 289.
78 CHRONIQWS.
et qui est conservé aujourd'hui au département des antiquités
nationales do Musée britannique.
Deux de ces sous portent le nom de Maurice avec son bnstc
de profil; au revers MA et AR, indices de Marseille et d'Arles.
Les deux autres sont frappés à Marseille et offrent les effigies
d'Héraclius et de Glotaire. M. de Salis cite encore un tiers de
sou d'HéracUus, frappé à Viviers, semblable^ quant à la fabri*
que, à un tiers de sou marseillais de Glotaire II et appartenant
à la même collection. Ce n'est donc pas avec Phooas, en 640,
qne &iit le monnayage gallo-byzantin. Le nom d'Héracliiia doit
toe inscrit dans notre mimismalîquc, IL deSaii&afkitobsMvtft
que, suivant M. Lenormaot, Teffigie impériale avait subsisté a«r
notre monnaie d'or jusqu'au moment ott Glotaire II devint mattra
(lu midi de la France. L'existence des diverses pièces que noBa
venons de rappeler confirme pleinement le dire de notre regretté
confrère et collaborateur. M. Sabatier, dans sa récente Descrip^
iion générale des monnaies byzantines y n'a pas parlé des mon-
naies d'or de Phocas et d'Héraclius, émises à Marseille et à
Viviers, non plus que du denier de Basile frappé à Naples,
parce qu*il a considéré toutes ces pièces comme étrangères à la
série orientale ; c'est une raison de plus pour nous de les si-
gnaler à l'attention de nos lecteurs. A. L.
MONNAIES DU XFV SIÈCLE.
M. l'abbé Gochain, curé doyen de Moy de l'Aisne^ nous a
informé d'une découverte qui venait d'avoir lieu dans la com-
mune qu'il habite. Les fossoyeurs du pays ont déterré un petit
trésor composé de deux pièces d'or (un aignel de Philippe V et
un écu dû Philippe VI) et de soixante-douze pièces d'argent:
des gros tournois de Philippe le Bel^ une douzaine de gros au
Uon de Louis de Maie, comte de Flandre^ une douzaina de
grandes pièces d'argent de Guillaume Ut, comte de Hainaiit,
CUIU}3CIQtlK« 1^
frappées à ValencienDes, un gros blane à la couronne du roi
JeaUy des esterlings d'Edouard III, portant le nom de Loûdres et
de Lincoln. A. L.
OTHBERT, ÉVÊQUE DE STRASBOURG,
Lorsqu'en i857 [Revue, p. 319 et suiv.) nous avons cherché
^ donner aux monnaies de Strasboin^ une classification régu-
lière basée sur l'étude des textes anciens, sur l'appréciation du
style des monuments et sur Tinterprétation de certains détails
jusque-là négligés, nous n'avions pas trouvé de pièce porlani
les lettres caractéristiques d'un nom d'cvéque plus anclennr
que le denier de Godfried (913), contraiponua de Cbarlés Te
Simple.
M. le docteur H. GroCe, qat depais 1855 publie à Hanovre,
sous te titre de MûmoÊttdiei^ une nouvelle suite à son excellent
Joarmdrde wymiimaffque dont on regrettait Tinterruption, nous
GA connaître dans sa\T livraison (i86^} une obole de Charles
le Simple, portant les légendes + KIROLVS PIVS REX et AR—
PNIINA CIVïlS en deux lignes, et de phïs les caractères 0 — S
que M. le docteur Grote n'hésite pas à considérer comme re-
présentant le nom Odbertus. Cette précieuse obole de révoque
Olhbert précède immédiatement la monnaie de Godfried, et
doit avoir été fabriquée en 912 ou en 913. A. L.
MONNAIE ÉPISCOPALE DE NOVARE.
Dans la belle série des mémoires numismatiques dont notre
savant ami, M. le Chevalier D. Promis, enrichit le recueil de
l'Académie de Turin, se trouve, comme on sait, un chapitre
consacré à la monnaie de Novare *. M. Promis décrit cinq
^ Mfiultiel Pteimmt* iiudite o rarp. Toriiio, 185^.
80 CURONJQtfE.
pièces fabriquées aux xiii* et xiv* siècles; l'une d'elles porte^
d'un côté, une croix avec la légende NOVARIA, de l'autre, un.
G (initiale du nom de saint Gaudentius), entouré delà légende
IMPERATOR. Le docteur Pietro Caire a retrouvé dernièrement
un autre denier qui ne diffère de celui-là qu'en ce qu'on y lit
EPISCOPVS au lieu d'imperator, et il nous Ta fait connaître
dans une brochure imprimée à Novare (Di una moneta inedita
délia città di Novara) ; M. Pietro Caire pense que le G placé au
centre de la monnaie indique^ non pas le nom du patron de la
ville représenté sur les deniers d'Henri VI par les caractères
SCS. G. , mais bien le nom de Tévéque Guillaume. Torniello,
investi du domaine de la ville par diplôme impérial de 1155. Il
ne se dissimule pas toutefois qu'on peut chercher dans ce G le
nom de Ghérard, qui fut élu évêque en 1210; seulement, il
fait remarquer que' ce prélat paraît, d'après un acte du 16 mai
121 1 , avoir reçu l'investiture, non de l'empereur Otton IV, mais
du pape Innocent III, et il ajoute que les souverains pontifes
n'accordaient pas le droit de monnaie aux évoques.
On sait que Muratori avait tenté sans succès d'attribuer à un
autre membre de la famille Torniello, le denier qui porte les
caractères ST. G (Sanctus Gaudentius) ; nous ne savons si l'opi-
nion de M. le docteur Pietro Caire sera plus heureuse auprès de
ses compatriotes que celle de son illustre devancier. Au moins
s'appuie-t-elle sur une lecture correcte des légendes , et, d'ail-
leurs, la découverte d'une monnaie épiscopale de Novare, an-
térieure à celles de Jean Visconti , est \\n fait fort intéressant
qu'il est bon de consigner. A. L.
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
LETTRE A M. ADRIEN DE LONGPERIER
DEUX MÉDAILLES GRECQUES INÉDITES.
Mon cher ami,
Dans une de ses lettres numismatiques ' , lettres qui, pour
le dire en passant, sont devenues par leur rareté assez dif-
ficiles à réunir aujourd'hui, Sestini a publié une petite
monnaie de bronze sur laquelle il a cru lire XEP. , et qu'en
conséquence il a classée à la ville de Cherronesw de la
Cbersonèse de Tbrace. Quoique, de prime abord, une attri*
bution aussi naturelle ne paraisse pas devoir poulever
d'objection sérieuse, nous nous proposons néanmoins de la
combattre , nous espérons prouver que cet habile anti-
quaire s'est trompé, et que, faute d'un examen suffisant, il
u'a donné qu'une leçon erronée.
A coup sûr, et rien que sur l'autorité de son nom, nous
l'eussions acceptée de confiance et sans mot dire, si le
* Lttt, ê disstrt, fiumitm. Berlin, 1806, t. IX, p. 17.
1863.-2. * «
82 MÉMOIRF.S
hasard qui a fait tomber dernièrement en nos mains une
monnaie toute semblable à la sienne, ne fût venu éveiller
notre attention et nous ouvrir les yeux à cet égard.
A n'en juger que par le dessin qu'il a fait graver ' , dessin,
d'ailleurs, aussi pauvre que mal exécuté, on peut, sans trop
d'invraisemblance, supposer que l'exemplaire qu'il avait
sous les yeux n'était pas d'une conservation assez bonne
pour lui permettre de déterminer avec certitude la forme
exacte de la première lettre. C'est sur elle seule cependant
que repose, comme nous allons le faire voir, le sens vrai
de sa légende.
En effet, cette lettre qui n'a pas été figurée d'une gran-
deur égale aux deux autres, et qui semble, par cela même,
accuser chez le graveur une sorte d'hésitation à rendre un
caractère peu apparent, cette lettre se trouve placée si
près du bord extrême de la médaille, que, vu la petitesse
du module, tout autre à sa place aurait été assez embarrassé
pour en préciser la valeur réelle. Dans le doute, il eût été
sage de s'abstenir et d'attendre un exemplaire nouveau et
surtout plus explicite; mais, suivant son habitude, Sestini a
préféré y suppléer.
Sans vouloir ici porter atteinte à la juste renommée d'un
savant qui a tant fait pour la numismatique, il faiit pour-
tant bien reconnaître qu'il s'est permis plus d'une fois de
rétablir à sa manière des légendes incomplètes ou extrê-
mement douteuses, d'eu donner même qui n'existaient pas.
De là les nombreuses erreurs où il est tombé, et où il a dû
nécessairement entraîner ceux qui ont voulu se fier à sa pa-
role. Aussi, aujourd'hui que l'état plus avancé des connais-
sances ne permet plus qu'on se contente d'un à peu près,
1 Tab. I, fig. 23, loc. cit.
tT OISSEKTA'KONS. 83
mais exige avaut tout une exactitude et une fidélité rigou-
reuses, on convient généralement que ses ouvrages, malgré
leur mérite incontestable, ne doivent être consultés qu'avec
défiance ou tout au moins avec une extrême réserve. On
voudra bien nous pardonner cette petite critique d'un
bomme éminent, si Ton songe qu'en numismatique, il est
souvent nécessaire de ne s'en rapporter qu'à ses propres
yeux, et de ne pas croire implicitement que toujours le pa*
villon protège la marchandise.
Quoi qu'il en soit, nous maintenons qu il a mal lu, et
notre nouvelle médaille va servir à le prouver si, comme
nous l'espérons, on veut prendre la peine de l'examiner
attentivement et de la comparer avec son dessin. Ces deux
pièces sont tellement identiques, sauf la première lettre,
que décrire l'une c'est décrire l'autre. A la vérité la nôtre
n'est pas d'une conservation irréprochable ; toutefois elle
est dans un état excellent, et la parfaite netteté de la lé-
gende ne peut donner prise à la moindre ambiguïté. Ajou-
tons que la physionomie générale de cette monnaie taoos
rappelle d'une manière frappante celle du Cabinet Cousu
nér^^ que Mionnet* attribue à la ville de Cerasus du Pont :
ce serait donc manquer en partie le but de ce travail, si
nous ne la comprenions, comme les deux autres, dans notre
description. Cette attribution a été contestée par Sestini*,
avec toute raison, selon nous, car ni le style ni le type ne
peuvent convenir au Pont^ et de plus il n'est pas prouvé
que Cerasus ait jamais eu des monnaies autonomes. Mais ce
dernier auteur se trompe à son tour lorsqu'il prétend qu'elle
a été mal lue et qu'elle doit être restituée à Crilhoti de
* Descript. de méd, anl,^ t. II (corps d'ouvrage), p. 348, n* 101.
' Un. t diêiert, fiumûm. ootUimtoM., Fîrenze, 1820, t. Vil, p« 29.
8A MÉMOIRES
la Gbersonèse de Thrace. Or comme sa médaille est égale-
ment tirée du Cabinet Cousinéry^ indice précieux qu'il ne
faut pas oublier, et comme ses deux descriptions se res-
semblent par les termes, tout nous fait présumer que Ses-
tini et Mionnet n'ont eu en vue qu'une seule et même pièce
et, par conséquent, identique encore avec la nôtre. C'est
donc celle-ci qui doit trancher la question et prouver
qu'elles n'appartiennent ni à Crithoté ni à Cherronesus ,
encore moins à Cerasus.
Voici celle de Sestini :
Caput Cereris.
E
^ X P. Diota. Infra hordei granum. {E 3. Sestini,
tab. 1, fig. 23, nel MuseoCousineriano.)
Voici celle de Mionnet :
Tête de Cérès.
^ REP. Diota. Au-dessous, grain d'orge. (E 4. Cab.
de M. Cousinéry. — Mionnet, loc. cit.)
Voici maintenant la nôtre :
Tête de Gérés, tournée vers la droite. Les cheveux, re-
tenus par une bandelette sur le devant, sont réunis sur le
derrière en une touffe qu'enveloppe le reticulum.
E
]$ K P. Vase à deux anses , dessous un grain d'orge ; le
tout dans un champ légèrement concave. {E 3. Mon cab.)
Quoique Sestini, pas plus que Mionnet, n'aient jugé à
ET DISSEBTATIONS. 85
propos d'éteudre davantage leur description, tout le monde
reconnaîtra, nous en sommes persuadé, que leur médaille
est bien la même que la nôtre -, d'où ilsuit que si Ton ne peut
plus lire XEP., mais KEP., on doit renoncer à y voir les
initiales de Cherronesus, et, par conséquent, chercher ail-
leurs la ville qui a fait frapper ces monnaies.
Si nous connaissions au juste le lieu où notre pièce a été
trouvée, assurément un indice aussi précieux simplifierait
les recherches et rendrait notre tâche assez facile ; car
l'embarras est de démêler au milieu de plusieurs villes dont
le nom commence par KEP quelle est celle qu'il faut
adopter de préférence. On sait qu'en général, pour les mon-
naies de bronze, la provenance, lorsqu'il s^agit de^ les clas-
ser, devient un élément capital qu'on ne doit jamais né-
gliger et qui, à défaut d'autre, sert souvent seul à constater
le lieu d'émission, car il est hors de doute que ces petits
monuments, frappés uniquement pour un usage local ou
destinés à circuler dans un rayon assez borné, n'ont pas dû,
par suite de leur peu de valeur, s'éloigner beaucoup du
pays qui les a produits, comme c'est presque toujours le
cas pour l'or et pour l'argent.
Par malheur, cet indice nous manque, car nous ignorons
d'où notre médaille est venue, et nous n'avons d'autre res-
source que de nous appuyer sur l'aspect du style et les ca-
ractères de la fabrique. Si ce n'est pas un guide absolument
sûr, c'est du moins un élément dont on ne peut mécon-
naître l'importance et qui, à ce point de vue, mérite qu'on
en tienne compte.
La fabrique, nous le disons sans hésiter, est, à n'en pas
douter, macédonienne, et malgré tout ce que cette assertion
peut paraître avoir de présomptueux et de tranchant, nous
sommes persuadé que ceux qui ont eu en leur vie L'occa-
86 MÉMOIRES
sion de voir et de manier beaucoup de médailles» nous
comprendront parfaitement.
Savoir discerner les différentes fabriques, comme aussi
savoir prononcer sur Tauthenticité d'une médaille, constitue
une faculté particulière qui ne s'acquiert que par un exer-
cice continuel uni à un don naturel, mais qui ne dépend
nullement de l'érudition, et dont elle est loin d'être le pri-
vilège exclusif. Ce n'est pas que nous ayons un seul instant
la pensée de refuser aux savants et Texpérience et la con-
naissance pra^que des médailles; Dieu nous garde d'une
pareille injustice, car plus d'un que nous pourrions citer
en a donné et eu donne encore tous les jours des preuves
éclatantes; mais nous voulons dire, que cette connaissance
pratique, qui finit par devenir à la longue comme un sens
nouveau, peut seule expliquer pourquoi nous avons la té-
mérité d'avancer d'une façon qu'on pourrait taxer d'outre-
cuidante que notre monnaie est macédonienne.
On ne peut toutefois se dissimuler qu'il est souvent fort
difficile, pour ne pas dire absolument impossible, de déter-
miner avec certitude la patrie d'une médaille, sur les seuls
caractères de la fabrique, si cette médaille est privée de lé-
gende ou n'offre pas un type bien tranché. Cette difficulté
devient encore plus sensible lorsqu'il s'agit de choisir entre
deux contrées limitrophes auxquelles des besoins mu-
tuels ou des causes particulières ont pour ainsi dire imposé
un monnayage uniforme. Dans ce cas il faut attendre et la
laisser reposer paisiblement au fond de ces oubliettes de
toute collection qu'on appelle les incertaines.
 parler franchement et en toute rigueur, on pourrait
presque aussi bien songer à la Thrace, dont la fabrique pré-
sente peu de différence, et surtout en raison du type qui
s y rencontre quelquefois, notamment à Cypsela, Mais
ET D1SS£KTAT10NS. 87
les iiioDDaies de ce pays sont eu général d'un travail plus
sec et moins soutenu; elles semblent presque toujours se
ressentir un peu de la rudesse traditionnelle de ses habi-
tants qui, comme on le sait, sont restés, par suite de leur
situation éloignée, fort longtemps en dehors du mouvement
des arts et ne sont arrivés que bien lentement à une cer-
taine élégance. De plus, et c'est un motif détermmant, nous
ne trouvons dans la Thrace aucun lieu, aucune ville aux-
quels la légende KEP puisse convenir.
En Macédoine au contraire, nous avons Cerdylium qui
semble remplir nos conditions, et c'est en conséquence à
elle que nous proposons formellement d'attribuer notre mé-
daille.
Il est juste cependant de reconnaître qu^on trouve en-
core en Macédoine un autre lieu dont le nom commence
par KEP : c'est Cermorum mentionné par Pline % et que
cet auteur place sur le golfe Cermorique , entre Posidium
et Amphipoli$. Mais outre que cet écrivain est le seul qui
en parle, qu'il est même fort incertain si cette ville existait
à répoque qui nous occiq)e» mais que dans tous les cas, elle
ne parait pas avoir jamais été autre chose qu'une simple
bourgade, Cerdylium se lie trop étroitement à un récit de
Thucydide que nous rapportons plus bas, pour qu'on ne
soit pas tenté de faire pencher la balance en sa faveur.
D'ailleurs, l'historien grec ne parle pas de Cermorum; ce
qu'il n*eût sans doute pas manqué de faire si elle eût existé
de son temps, et il devait certainement connaître beaucoup
mieux que Pline un pays comme la Thrace et la Macédoine,
puisqu'il l'avait habité pendant de longues années et qu'il
y avait même passé une grande partie de son exil. Nous
» Plin., Uitt, mundiyVih. IV, cap. X^ 17.
88 IIÉMOiRES
avouerons aussi que ce silence de la pari d'un homme tel que
Thucydide a, dans ces circonstances, toute la force d'une
preuve positive et nous inspire plus de confiance que le témoi-
gnage contraire de l'écrivain romain, dont la source ne nous
est point connue, et dont l'autorité peut toujours paraître
plus ou moins suspecte. Au surplus, on est libre de choisir
entre Cermorum et Cerdylium , car nous n'émettons ici qu'une
opinion personnelle sans prétendre l'imposer à d'autres.
Cerdylium dont Cousinéry ' a positivement reconnu les
ruines et constaté l'emplacement, était située presqu'aux
confins de la Tbrace et de la Macédoine, dans le voisinage
immédiat d!Afnpkipoli$ et sur le territoire des Àrgiliens^
qui eux-mêmes étaient une colonie d'Andros *. Bâtie sur
une hauteur qui dominait les environs, ayant presqu'en
face d'elle Fionf , et appuyant sa gauche sur la rive droite
du Slrymon, celte ville, par sa position, devait être consi-
dérée dès cette époque comme un point stratégique de
grande importance. C'est aussi, il nous semble, ce qui ré-
sulte du récit de Thucydide.
En effet, le grand historien raconte que, dans la hui-
tième année de la guerre du Péloponnèse , Brasidas^ qui
convoitait Amphipolis, après avoir engagé dans son parti,
soit par force, soit par intelligence, les principales villes en-
vironnantes, s'en vint à la tête d'une forte armée de Spar-
tiates occuper les hauteurs de Cerdylium et y établir son
camp '. Ayant donné en même temps l'ordre à Clearidas
* Voyage dam laMacéd,^ t. I, p. 134. — CTest sans doute par inadrertaoce
qae Conaînéry écrit constamment Cerdili%»m , car la véritable orthographe est
certainement Cerdylinm. Voy. Thncyd.^ lib. V, pasêim,
« Thucyd., lib. V, c« VI.— Éort & (KepôuXtov) xb xwpfov toOto Àp^iVci^
iic\ petecopou, 'icëpav toO icotapoO, où icoXù àicé^ov xriç ÂpcpiicoXéuc, x. x. X.
* /Wd.,c.VI.— ToOtcov BpflwCSoïc plv l^wv èit\ KepSuX(cf> èxdBrjTO èç icevra-
xootouç xa\ x^Xtobc ol Ô^A^Xot iv Àji^tin^ei petà KXeotpCSou inxéx^^fo.
ET WSSEnTATIONS. 89
d*iûvestir avec un détâchemeot le côté opposé de la ville,
il put donc en toute sécurité, de l'endroit où il était placé,
observer les mouvements de l'ennemi, lui couper ses ap-
provisionnements et le tenir en échec. Serrés de près, les
gens d'Âmphipolis qui avaient encore le côté delà mer, dé-
pêchèrent en toute hâte vers Thucydide, général des Athé-
niens, alors retiré kThasoSi pour qu'il leur amenât de
prompts secours. Celui-ci, après avoir réuni rapidement
quelques galères qui se trouvsdent sous sa main, partit
aussitôt pour rassurer la place ; mais malgré sa diligence
il ne put que se jeter dans Eione, car Brasidas l'ayant pré-
venu à la faveur d'une marche de nuit, rendit sa présence
inutile, et entra sans coup férir dans la ville.
Ajoutons que cet échec, si sensible pour les Athéniens,
en ce qu'il leur fermait les portes de la Thrace d'où ils ti-
raient de grands revenus et une grande partie de leurs bois
de marine, fut une des principales causes qu'invoquèrent
plus tard les ennemis de ce grand homme pour le condam-
ner à l'exil, lorsque la faction de Cléon devint toute-puis-
sante et maltresse des aifaires.
Quoique rien n'assure que Cerdylium ait joui du droit
d'autonomie, rien non plus ne dit le contraire. Il n'est
donc pas trop hardi, si l'on raisonne par analogie, de sup-
poser que Cette ville a pu faire battre des monnaies pour
son usage, tout aussi bien que les autres petites peuplades
environnantes ^ Sa position voisine de la Thrace et de la
Macédoine peut justifier cette conjecture, et explique éga-
lement pourquoi elle a dû choisir un type qui parait avoir
été commun à ces deux contrées.
* Entre autres exemples , nous pourrions citer Traeliwn , ville d'ailleurs
complètement inconnue > et dont le nom ne nous a été révélé que par les mé-
dailles seules.
90 iiÉMOin£S
Sestini décrit la tête du droit comme étant celle de
Cérês. Nous ne le contredirons pas» mais lorsqu'il qualifie
simplement de Diota le vase singulier qui figure au revers,
nous prendrons la liberté de ne point être de son avis, vu
que le Diota avait une forme bien difiérente, et était affecté
à un tout autre usage.
Lorsqu'on parcourt les anciens catalogues, on est frappé
de Tabus étrange que leurs auteurs ont fait de ce nom
(Diota) , et Ton s'étonne de voir avec quelle légèreté la plu-
part l'ont appliqué indistinctement à des vases qui n'y
avaient aucun ra2)port. La raison de cette habitude routi-
nière vient, à n'en pas douter, de ce que le Diota étant un
vase à deux anses, comme son nom l'indique \ on s'est cru
autorisé à le donner par extension à tous ceux qui étaient
munis de ces appendices. Mionnet lui-même, si exact, si
scrupuleux d'habitude, a commis souvent cette méprise, et
nous ne serions pas embarrassé pour en signaler chez lui
de nombreux exemples. Il serait temps cependant d'appeler
enfin les choses par leur nom, chaque fois du moins qu'on
le peut faire, et d'en finir avec ces dénominations aussi va-
gues qu'élastiques de tête virile à droite, tête de femme à
gauche, etc. , dont le moindre inconvénient est de n'avoir
aucune signification précise.
Dans notre opinion, le vase qui figure sur le revers de
la monnaie en question n'est autre chose que le Cala--
thus ou une de ses formes qui aurait été particulière à cette
contrée. Le Calathus (xocXaGo^f comme nous l'apprend Athé-
née, droit, large à la base, fortement évasé vers l'orifice et
ressemblant assez à une corbeille d'osier, était destiné prin-
cipalement à contenir des plantes, des grains, des pois, des
* De 5\ç, deux, et Ooç, au gén. ciTb;, oreille.
ET DISSERTATIONS. Ol
lentilles, des fruits. Il servit également aux bergers pour
recevoir le lait qu*ils exprimaient des brebis, des chèvres
et des vaches, quelquefois même pour y verser du vin.
On donnait encore le nom de Calalhu% à cette espèce de
panier ou plutôt de Modius^ dont on voit la tête de Cérès
coiffée sur quelques monuments, et que Pline ^ compare à la
fleur de lis qui va toujours en s'élargissant « ab angustiis
in lalitudinem paulatim sese laxanlis effigie Calathi. »
D*après cela, nous sommes en quelque sorte autorisé à
croire que cet ustensile, qui devait jouer un certain rôle
dans le culte de Céris^ ne parait ici accompagné d'un grain
d'orge qu'avec l'intention bien manifeste d'exprimer d'une
manière plus significative et son but et son usage; par
conséquent, il devient superflu d'insister sur le rapport
intime qui unit les deux côtés de notre médaille , ses types
s'expliquant naturellement l'un par l'autre.
De tout ce qui précède et pour résumer, il résulte que
nous croyons avoir démontré d'une manière à peu près cer-
taine que Sestini s'est trompé en donnant à Cherronesus
une monnaie qui ne lui appartient pas, et comme corollaire
quellionnet, de son côté, en a faussement attribué une autre
à Cerasus qui ne lui appartient pas davantage. Si donc, en
les restituant ainsi que la nôtre à Cerdyltum, nous ne ren-
controns pas d'opposition sérieuse, nous nous estimerons
bien heureux et nous n'aurons plus qu'à nous féliciter du
hasard qui nous permet d'ajouter un nom nouveau à la
suite déjà si riche des villes de la Macédoine.
Néanmoins s'il subsistait encore quelques doutes sur ce
qae nous appelons l'erreur de Sestini, et si l'on se refusait
absolument à admettre nos conclusions, il resterait toujours
I Hùf. wmmdi, lib. XXI, cap. V, 11.
02 MÉMOIRES
à savoir ce qu'on doit faire de la médaille de Mionnet et de
la nôtre, qui alors seraient différentes de celle du docte
abbé. Dans ce cas nous nous récuserions, et comme on ne
peut raisonnablement les attribuer à Cerasus^ nous laisse-
rions à un plus habile et plus compétent le soin de déter-
miner à quel lieu les trois lettres KEP. peuvent convenir.
IL
Nous allons maintenant faire connaître une autre mé-
daille qui, bien que d'une nature différente, n'offrira pas
moins d'intérêt.
Ëphèbe à demi nu à droite, le chapeau thessalien (xdeuaca)
noué autour du cou et tombant sur le dos, saisissant par
les cornes un taureau lancé au galop, et dont on ne voit
que la partie antérieure. Entre les jambes de l'éphèbe, les
deux lettres 1* A et au-dessus de la tête du taureau la
lettre P rétrograde. Le tout entouré d'un grènetis.
^ KPANO («te). Partie antérieure d'un cheval au galopa
gauche, la bride flottante sur le cou ; derrière, un trident
Le tout au milieu d'un carré creux assez profond. {JR,. S.
Mon cab. ).
Si, comme nous le pensons, ce sont bien trois lettres
qu'il faut voir sur le droit de cette médaille, ces trois ca-
ractères ne peuvent, par la manière dont ils sont disposés^
être pris pour les initiales d'un nom de magistrat, on en
doit conclure que nous possédons ici la preuve certaine
d'une alliance contractée par Crannon avec une autre ville
ET DISSERTATIONS. t)3
de la Tbessalie. Tout se réduit donc à savoir quelle est
cette ville. Évidemment il faut opter entre Pharsah et
Pharcadon^ puisqu'il n'y a qu'elles deux dans cette contrée
dont le nom commence par $ÂP. Il est naturel d'être in-
décis sur le choix. Quant à nous, disons-le sans hésiter,
nous préférons de beaucoup Phareadon , et voici pour-
quoi :
D'abord, sur aucune des monnaies de Pharsale connues
jusqu'à ce jour, on n'a encore rencontré, que nous sachions,
Téphèbe terrassant un taureau, tandis qu'au contraire c'est
le type constant de Phareadon frappant en son nom seul.
Pour des motifs qu'il est difficile de pénétrer, mais qui tien-
nent peut-être au culte tout spécial dont Pharsale honorait
Minerve, sa divinité principale, cette ville parait s'être
toujours refusée à adopter des types exclusivement thessa-
liens. A la vérité ce n'est qu'une conjecture ; mais les mo-
numents numismatiques sont ici d'accord pour la con-
Grmer.
En second lieu, Phareadon était située au confluent du
Peneus et du Curalius^ et, par conséquent, beaucoup plus
rapprochée de Crannon que Pharsale. Il est donc assez
probable que ce voisinage et sans doute aussi une com-
munauté d'intérêts, une conformité d'idées politiques et
religieuses, ont dû porter tout naturellement ces deux
villes peu puissantes séparément, à contracter de bonne
heure une alliance intime, qui leur permit de s'entr'aider
et par suite de résister avec quelque succès aux envahisse-
ments de leurs voisins. De là un monnayage commun pour
leur usage réciproque.
Théopompe, cité par Etienne de Byzance, appelle cette
▼ille Pharcidon ; Strabon, de son côté, lui donne le nom de
Pharyeadwi. Ce sont là évidemment deux erreurs dues à
9k ^lÉMOlRES
quelque faute de copiste, puisque les médailles qui font foi
en pareil cas portent invariablement Pharcadon.
Quant à ce qui concerne Cranon, située à l'extrémité
de la vallée de Tempe et non loin du lac Bœbeis^ les tra-
ditions mythologiques s'accordent généralement pour en
attribuer la fondation à Cranon^ fils de Pelasgus^ qui lui-
même avait donné son nom à cette partie de la contrée ap-
pelée depuis Pélasgioiide. Cette ville ne semble pas avoir
affecté une bien grande fixité dans la forme et dans l'or-
thographe de son nom, car on le trouve indistinctement
écrit sur les médailles avec : KPANO. S KPANNO. \
KPANNfîNlON. ', KPANNiî. *, KPANNOT.E<I>ïP. • (pour
Cranni Ephyri), et KPANNOYNIOTN \ Les causes de cette
anomalie apparente ne nous sont point connues, et Ton ne
pourrait guëres à cet égard que hasarder timidement quel-
ques conjectures plus ou moins plausibles, comme par
exemple une nécessité absolue de concilier entre eux les
différents dialectes en usage dans la Thessalie, nécessité
qui se sera fait sentir particulièrement à Crannon^ et se
sera manifestée par degrés chez elle à chaque époque nou-
velle de son monnayage.
Suivant Etienne de Byzance, il y avait encore une autre
Crannon ou Cranon dans XAihamanie vers les sources de
YAchélous^ et dont la fondation était due à ce o^ëme hâros :
n Cranon urbs Thessaliœ Pelas^idis^ etc.. Est quoque alia
urbs Àthamaniœ a Cranone PeUugi filio, nomen habens. » Il
« Sestini, Leit. mm„ Berlin, 1904, t. VI, p. 28.
2 Haym, Tes. BHt,, t. II, p. 122.
»/W<i..p.68.
* Mionnct, t II, p. 10, n* 74.
8 Haym, loc. c</., p. 122.
« Mionnet, StippJ,, t. III, p. 281, n* 132,
tt DISSERTATIONS. 95
est presque inutile de faire remarquer que notre médaille
n'a aucun rapport avec elle , et ne peut par conséquent lui
convenir.
Avant d'aller plus loin, nous devons dire qu'il existe dans
le musée Hunier une médaille toute semblable à la nôtre
et que C. Combe, qui Fa publiée, classe à Larissa. Sa lec*
tore nous a paru fort contestable, et comme nous croyons
avoir, pour le démontrer, quelques raisons à faire valoir,
il devient nécessaire de la décrire ici :
Typus idem (id est : figura nuda ad. d. taurum do-
mans) sed tantum tauri pars anterior exsculpta est.
^ >AP. Equi pars anterior cum freno ad s., pone tri-
dens; in quadrato incuso. {JR.. D, tab. XXXII, fig. 11.)
Que l'on examine la gravure et qu'on veuille bien la
comparer avec sa description, on s'apercevra tout de suite
combien celle-ci y répond peu, et l'on se demandera pour-
quoi l'auteur n'a fait aucune mention des deux lettres lr Â
qui se trouvent sous l'éphëbe et qui pourtant sautent aux
yeux. Un pareil oubli de la part d'un homme d'ordinaire
aussi exact que C. Combe est inexplicable. A la vérité, on
serait tenté de prendre au premier abord, le $ pour une
espèce de fleuron, et c'est sans doute ce qui lui est arrivé ;
mais en tout cas, symbole ou lettre, il était de son devoir
de le signaler, ainsi que TA qui suit. Il s'agit donc de sa-
voir si l'objet figuré en avant de TA est bien une lettre ou
si ce n'est tout simplement qu'un de ces symboles qui se
rencontrent fréquemment sur les médailles et dont le but
allussif demeure presque toujoure à l'état d'énigme. Nous
dirons, quant à nous, qu'après avoir étudié la médaille de
Hunter ainsi que la nôtre, avec l'attention la plus scrupu-
leuse et à différentes reprises, et après y avoir mûrement
réfléchi, il en est résulté dans notre esprit la conviction
96 ii^:moires
bien arrêtée qu'il était impossible d'y .voir autre chose
qu'un ^, lequel, une fois admis, a l'avantage de donner un
sens aussi simple que naturel aux deux lettres AP qui sans
lui n'en auraient aucun. Sans nul doute nous serons con-
tredit, et même nous nous y attendons, car on ne man-
quera pas de nous objecter la forme singulière du signe
que nous persistons à prendre pour une lettre , et cela
pour être en droit de ne pas l'admettrie ; mais quelque
bizarre et inusitée que paraisse être cette forme, faut-il la
rejeter par la seule raison qu'on n'en aurait jamais vu et
qu'elle pourrait ressembler par hasard à une fleur 7 Évidem-
ment, non ; car nous ne pouvons nous flatter de connaître
assez bien toutes les variétés de caractères de l'ancien
alphabet grec pour être en droit d'assurer que tel monu-
ment est faux parce qu'il nous ofTi-e une pratique nouvelle.
Ce ne serait pas, d'ailleurs, la première fois que certaines
lettres considérées comme apocryphes auraient été accep-
tées plus tard par ceux même qui les avaient condamnées.
Nous en pourrions, au besoin, citer plusieurs exemples ap-
parus de nos jours, et qui par leur étrangeté, en contra-
riant quelques systèmes, ont amené des discussions assez
vives parmi les paléographes. Nous maintenons donc,
jusqu'à preuve contraire, que ce premier signe est un * et
qu'il faut lire 4>AP., ce qui nous autorise à voir dans la
médaille de Hunter une autre preuve d'alliance entre
Pharcadon et Larissa. Mais est-ce bien encore le nom de
Larissa qu'il y faut lire avec Combe ? Là est la question.
Ce qui contribue à faire naître quelques doutes dans
notre esprit, c'est d'une part la manière dont la légende
est distribuée, et d'autre part c'est la forme même des ca-
ractères, c'est la présence surtout du trident, enfin l'aspect
général qui sont exactement les mêmes sur notre médaille,
ET DISSERTATIONS. 97
£t pourraient les faire prendre l'une pour Tautre. Le P
placé transversalement (^ sic) , ressemble tellement par sa
physionomie et par sa position au K ( m) de la nôtre, qu'il
n'y aurait rien d'étonnant à ce que G. Combe les eût
confondus. De plus, si Ton admet qne le P qui devrait se
trouver dans l'angle droit supérieur du carré creux, a bien
pu ou ne pas être aperçu ou même disparaître complète-
ment par reflet seul du coup de marteau, il y aurait eu en
réalité KPA., initiales de Crannon. Ce que Combe prend
pour un F, ne serait à notre avis que les restes mutilés du
N fînal de la légende. Si donc on veut bien admettre notre
hypothèse sans trop de répugnance, il s'ensuit qu'il ne
faudrait plus voir sur la médaille de Hunter une concorde
entre Larissa et PharcadoUt mais bien entre Crannon et
Pharcadon. Toutefois, nous le répétons, ce n'est qu'une
hypothèse; comme nous n'avons point vu la pièce origi-
nale, et qu'après tout il est fort possible que la légende ait
été fidèlement reproduite, nous nous abstiendrons pru-
demment de prononcer, de crainte de nous engager dans
une fausse voie.
Pour en revenir à notre médaille, on remarquera que sa
fabrique est fort ancienne, et nous ne croyons pas être
loin de la vérité en fixant l'époque de son émission vers la
fin du V* ou, au plus tard, vers les premières années du
IV* siècle avant Jésus-Christ. C'est, en effet, à peu près
vers ce temps que Tusage du carré creux commence à
disparaître. D'ailleurs, la roideur encore sensible du style,
roideur à la vérité toute de convention et due, sans nul
doute, à un type consacré antérieurement, la forme
archaïque des lettres, la présence même de ce carré
creux, enfin un certain je ne sais quoi plus facile à
sentir qu'à e;[primer, sont pour nous des indices carac-
1863. —2. 7
98 ifÉsioiKes
téristiques qui semblent parfaitement d accord avec cea«
donnée.
Ces monnaies d'association pour une époque aussi re-
culée et pour VEurope en particuliers sont infiniment
rares, et quoique ce genre de pièces se soit multiplié plus
tard en Asie sous l'influence de la domination romaine,
nous n'en connaissons jusqu'ici pour la Thessalie que
quatre, y compris la nôtre. Nous ne prétendons cependant
pas dire par là que ces quatre médailles soient les seules
qui existent et par conséquent uniques chacune en ce qui
les concerne, car il se peut qu'on en trouve de semblables
dans différents musées, mais simplement que ce sont les
quatre seuls exemples que nous connaissions d'une alliance
bien constatée enti-e villes de la Thessalie. La premiëi*e dé-
crite plus haut comme faisant partie du musée Hunter et
qui donnerait le nom de Pharcadon et de Larissa^ si toute-
* Nous ne parlons ici, bien entendu, que de la Grèce proprement dite. Quant
à ee qui concerne ritalie, où ces monnaies d*alliance se rencontrent plnt M'
qvemment, comme notre intention est d*en pablier bientôt quelques-unes d*ii»4r
dites, nous la laisserons pour le moment de côté, sauf à y revenir en temps et lieu.
Toutefois, puisque Toccasiou s*en pri^sente, nous en profiterons pour dire dès à
présent notre pensée au sujet d^une certaine classe de monnaies qui portent d*an
•6té les lettres f . ^ 0 , et de l'autre TK, et que le docte A vcUino a attribuée à une
concorde entre Crotonê et Temeta, Cette opinion a été reproduite dans ces der-
niers Ufmps par M. G. Riccio ( Repert. num.); mais malgré la juste déférence
qui est due à ces deux savants, nous le disons à regret, elle nous paraît com-
plètement inadmissible. Nous préférons y voir une alliance entre Crotone et Tf-
rina i 1* parce que sur les rarissimes pièces qui nous sont restées de TemeMa,
cette ville a toujours signé TEM, tandis que les exemples ne manquent pas
pour prouver que Terina s'est bien souvent contentée des deux seules lettres
TE ; 2* il est plas naturel de croire à une alliance entre Crotone et Terina, m
Toiaine et, de plu», fondée par elle, qu'avec Temaa qui était plus éloignée^ et
dont Torigine , en outre , due à une émigration étolienne , et par conséquent
entièrement différente , devait en quelque sorte s'opposer à ces rapports in-
iSjHM ^ airiaiimt tonjowra «ne métropole avee m colonie.
rr DISSERTATIONS. 99
fois on regarde notre hypothèse comme trop hasardée;
une seconde publiée par Éd. de Cadalvëne \ avec les noms
de Phéres et de Larissa ; une troisième semblable, mais
d*uD module et d*un poids plus forts, laquelle, récemment
vendue à Londres avec la collectioo Huber, a été acquise
par le Musée britannique ; enfin la nôtre.
Assurément cette rareté doit avoir une cause, et il ne
serait pas sans utilité de la rechercher; aussi aurions-nous
désiré exprimer dès à présent notre pensée entière sur ces
alliances de villes, car malgré tout ce qui a été écrit, on
pourrait , ce nous semble , présenter encore quelques
considérations neuves et dignes d'intérêt. Mais outre que
cette recherche nous entraînerait trop loin , et que nous
n'avons ici ni le temps ni l'espace nécessaires , un pareil
sujet mérite une étude à part, et nous nous réservons
de la traiter une autre fois , avec tout le soin dont nous
sommes susceptible et avec les développements qu'il com-
porte.
Nous n'avons pas l'intention de nous étendre longue-*
ment sur les types de notre médaille ; assez d'autres et des
plus illustres ont pris soin de les expliquer de manière à
n'y plus revenir. Toutefois nous ne pouvons nous empê-
cher de faire remarquer avec quel art ingénieux, quelle in-
telligence profonde et surtout avec quelle rare fécondité,
les peuples grecs en général, dans quelque lieu qu'on les
suive, ont su choisir et varier leurs types monétaires, et
comme par la composition ils répondent merveilleusement
i leurs idées religieuses , à leurs mœurs, k leurs habitudes
en même temps qu'à leurs traditions locales. La présence
du cheval sur des monnaies de la Thessalie n'est-elle pas
^ lUriMtl di méd. gr, inid,^ p. 129, vign. n* 1, FarU, 1828^ in-i*.
100 JMÊMOIRES
Aussi naturelle que logique, puisque c est sur son sol que
la tradition le fait naître * ? et ses habitants ne se glori-
fiaient-ils pas également d'avoir inventé l'art de le dompter,
art si ancien chez eux qu'il se trouve souvent confondu
avec les fables? Si d'une part ils étaient habiles dans Té-
quitation, ils ne l'étaient pas moins non plus dans les com-
bats de taureaux qui ont reçu le nom de Taurocatbapsie
(Taupoxa9a\J.ea) \ exercices qu'une habitude contractée de
bonne heure leur rendait J'amiliers, et dans lesquels ils
se plaisaient à développer leur force et à montrer leur
adresse.
Le trident qui figure ici pour la première fois, et que
nous n'avions pas encore jusqu'à présent rencontré sur des
monnaies de la Thessalie, n'a été, ce nous semble, placé
là, derrière le cheval, qu'avec une intention bien mani-
feste et qui peut nous autoriser à y voir une double allu-
sion, d'abord et surtout au mythe relatif à la dispute si cé-
lèbre de Minerve et de Neptune, Bien que connue de tont le
monde, rappelons-la en quelques mots : Ces deux divinités
* t Schol. ad Pind. Py/A., I., 246. — Schol. ad SUt. Theb., FV. 43. - Serr.
etTtob. ad Virg. Gtorg,,!, 12.
. * Paimi les marbres antiques conservés à Oxford, il existe nn bas-relief de
traYail , du reste, assez médiocre^ représentant qnelqnM-nnes des principales
scènes de ces lattes célèbres, et qui peut en donner nne jnste idée. L^insorip-
tîon suivante, gravée sur le bord de la plinthe , en précise la signification :
TArPOKAeA^ÛN.HMEPA.B. < seconde journée des Taurocatbapsies). Il
semble résulter de cette inscription que les Taurocatbapsies devaient être,
considérées par les Thessaliens comme des fGtes éminemment natîouales reve-
nant à des époques fixes et déterminées, et, puisqu'elles se prolongeaient au
delà de plusieurs jours, leur célébration était sans nul doute accompagnée d»
cérémonies religieuses et entourée d'une grande pompe. — Voir Lareher
Mémoif «tir quelquis fétei des Grecs omiau par Cattellanui et Mevrtius, dan»
les MemoireM de V Académie des inscriptinns el belle* - lettres ^ t. XL VIII
p. 279.
ET DISSERTATI0:SS. 101
prétendaient chacune à l'honneur de donner un nom à la
ville bâtie par Cécrops. Les dieux assemblés décidèrent
que celle des deux qui ferait le présent le plus utile au
genre humain aurait l'avantage. Neptune frappe la terre,
et d'un seul coup de son trident en fait sortir le cheval;;
Minerve fait naître l'olivier, et triomphe.
Évidemment ces deux symboles, le trident et le cheval ,
associés ainsi et réunis dans un même cadre, rapprochement
qui n'échappera à personne, s'expliquent suffisamment et
sans effort. En second lieu, le trident, en tant qu'attribut
caractéristique du dieu des eaux, nous semble faire encore
allusion à la situation même de Crannon^ laquelle bâtie sur
le bord d'un fleuve qui traversait une grande partie de son
territoire, devait, comme toutes les villes riveraines en gé-
néral, se croire en quelque sorte sous la protection spéciale
de Neptune, et l'honorer par conséquent d'un culte parti-
culier.
Quelques antiquaires ont cru reconnaître dans l'épbëbe
nu arrêtant un bœuf, Bacchus lui-même enseignant l'art
de soumettre cet animal au joug, et apportant ainsi aux
hommes les premiers éléments de l'agriculture et de la
civilisation. D'autres y ont vu la lutte d'Hercule et d'Àchè-
lous. Malgré tout ce que ces opinions peuvent offrir d'ingé-
nieux, et bien qu'elles rentrent complètement dans les
idées que nous nous sommes faites sur les types monétsûres
des anciens, & savoir qu'ils sont, à peu d'exceptions près,
tirés exclusivement de la religion, nous nous en tiendrons
cependant à l'explication que nous avons donnée plus haut.
Outre que cette explication a le mérite d'avoir été en partie
celle de l'illustre EckheP, ce qui lui donne à nos yeux une
• p. .¥.. Jl,r. 133 et 140.
102 MÊMOIEES
force d'autorité que nul ne sera tenté de décliner, elle a
encore celui d*ètre aussi simple que naturelle, et de pou*
Toir concilier tout à la fois d'une manière conforme à l'esprit
de l'antiquité des habitudes locales avec des traditions his-
toriques et religieuses. .
Tout à vous de coeur, Ferd. Bompois.
^Êtaîf^ finitr 1869.
tt msSERTATlOM. 101
SUR DIVERSES
MÉDAILLES A LÉGENDES AKAMEENNES.
Pour les travailleurs sincèrement dévoués aux progrès
de la science, c'est une vive satisfaction que de voir péné-
trer successivement la lumière et Texactitude là où long^
temps avaient régné l'obscurité et Terreur, lors même que
ce mouvement renverse les opinions qu'ils avaient antérieu-
rement émises ou acceptées. Telle est l'impression produite
en moi par les développements qu'a pris l'étude des mé^
dailles à légendes sémitiques des rois Perses et des Sa-
trapes depuis la belle publication de M. le duc de Luynes
sur la numismatique des satrapies et de la Phénicie sous
les rois Achéménides. Ces développements sont dûs sur-
tout à MM. Blau et Waddington. Lorsque , avant ces au-
teurs, j'ai eu à m'occuper du même sujet, je partageais la
croyance généralement répandue que les légendes, à part
celles que M. de Luynes compare aux palmyréniennes,
étaient indistinctement phéniciennes. On a depuis avancé
qu'une partie seulement est phénicienne à proprement
parler, et qu'une autre partie, dont l'écriture est, en effet,
manifestement différente, est araméenne ; puis, dans cette
dernière écriture, on a assigné à une lettre prise alors pour
an eaph ou K, la valeur du tod ou LJ., ce qui a fait faire
tto pas décisif à la paléographie et amené une modificatioa
lOA ^ MÉMOIRES '^
profonde dans plusieurs interprétations. Je me range plei-
nement à ces idées dont les lecteurs de la Revue numisma-
tique ont remarqué sans doute l'exposition nette et la dé-
monstration convaincante dans le mémoire si intéressant
que M. Waddington à publié dans les cahiers de novembre-
décembre 1860, janvier-février 1861, et qu'il a reproduit
dans ses Mélanges de numismatique et de philologie^ pages
59 à 102.
Mais cette adhésion en elle-même n'aurait aucune im-
portance. Je désire lui donner une valeur, si faible soit-elle,
en apportant à mon tour quelques matériaux à l'édifice.
Mon travail roulera, 1*" sur une médaille de Phamabaze
que je crois inédite ; 2° sur une distinction d'attribution
qu'il y a peut-être à faire dans les médailles exclusivement
données au satrape Datame.
Toutefois, avant d'attaquer <îes points essentiels, je me
hftterai de me débarrasser d'une question qui n'a aucuù
intérêt scientifique, celle de la priorité pour la lecture dn
nom de la déesse Alergaio sur la médaille d'Abdhadad, pu-
T}lîée par M. le duc de Luynes.
I.
Ainsi que je l'ai avoué, les nouvelles appréciations
m'ont forcé à jeter par dessus bord, pour cette branché,
d'ailleurs restreinte, de mes études, une partie de mon
bagage. Comme il me reste peu de chose, on ne s'étonnera
pas, j'espère, que je m'y attache et que j'y tienne. Dans ce
cas se trouve la priorité de la lecture du nom Atergato. Je
dois croire que cette lecture n'est pas entièrement dénuée
de mérite, puisque M. de Longpérier la propose aux ai<-
ET DISSERTATIONS. lOS
cbèoldgues \ et que, après M. Blau, M. Waddington la si-
gnale d'une manière expresse dans le mémoire mentionné
ci-dessus, Revue numismatique^ année 1861, pages 9 et 10;
Or, dans la Revue archéologiqiAe^ septembre 18A7, pages AA6
et AA7, j'avais positivement proposé cette interprétation qui
À échappé à l'attention des trois antiquaires. J'en ai fait,
dans le temps, l'observation à M. de Longpérîer, et le savant
académicien s'est loyalement empressé de le reconnaître.
Je n'hésite donc pas à faire ici, sous son propre patronage^
une revendication pour laquelle je suis heureux d'avoir
d'avance son assentiment et, sans plus tarder, je passe à
des détails plus utiles.
II.
H. le duc de Luynes a fait ressortir l'étroite ressemblance
de ses monnaies 2, 3 et A de Pharnabaze (pi. I de son ou-
vrage), avec les n" 7, 8, 9 et 10 du satrape qu'il nommait
Demis (pi. II). Mais, à la planche III, nM , se montre le
dessin d'une médaille, attribuée avec raison au même per-
sonnage, médaille qui a une grande analogie de types avec
les précédentes; elle est de plus petit module : le module
ôorrespondant fait défaut dans la série de Pharnabaze^ telle
'que l'illustre antiquaire Ta publiée. M. Waddington, à là
page &35 de la Revue de 1860, déclare de son côté que touteè
les médailles de Pharnabaze ont été publiées par M. le dut
de Luynes et qu'il n'en a point de nouvelles à faire connaî-
tre. A la page &A2, au sujet du second satrape qu'il nomme
»
• m Une rare monnaie du cabinet de M. le dac de Luynes, ^ui porte d*uii côté
une figure debout dans un temple, aveo la légende Ebed Jdad^ et au revers un
Buste de la déesse accompagné de son nom Àlargatf qui, nous le pensons, u*a
pw encore été lu. » {htumal aiiafigue, Ô'jiérie, 1856, p. 428^) ^
106 MÉMOIRES
Datame au lieu de Vernis^ il dit : « Les monnaies de Da-
tame sont de trois types différents : l"" Tète virile casquée.
iQ. Tète de femme de face. Ces pièces sont entièrement par
reilles à celles de Phamabaze et n'en diffèrent absolument
que par la légende ; 2° etc. » Cette description du pre-
mier type me parait trop exclusive et l'assimilation aux
monnaies de Phamabaze trop absolue. D'une part, il y a,
comme je l'ai dit, dans les monnaies de Datame^ deux mo-
dules et| sur le petit module, la chevelure de la tète fémi-
nine de face n'est point éparse comme sur les grands mo-
dules ; d*une autre part , le petit module , avec le type
ainsi modifié , n'a pas été signalé dans la série de Phar-
nabaze.
Je me crois en mesure de remplir la lacune au moyen
d'une pièce que je possède et dont je donne ici le dessin.
On y remarque, au droit, la tète virile casquée et tournée
à gauche ; au revers, la tête féminine de face, comme an
n* 1, pi. III de M. le duc de Luynes; elle est en argent,
mesure 10 millimètres en largeur, 12 en hauteur, et pèse
en grammes 5,75. Ce qui la distingue, c'est qu'au droit,
devant le profil viril, la légende est -^Sn ou "jSd, probable-
ment la première forme dont l'initiale a été en partie em--
portée par le percement d'un trou; au revers, de chaque
côté de la tète féminine, en bas, est un poisson, savoir à
droite de la tète, un thon ou pélamide, à gauche un dau-
phin. Ces dernières marques rappellent celle du n* 5, pL I,
de M. de Luynes et c'est pourquoi j'attribue ma pièce à
ET DISSERTATIONS. l07
Pharnabaze. Mais alors se présente une observation grave.
Sur la médaille du Cabinet de France, rapportée par M. de
Luynes, la légende, en tant que grecque, est d'accord avec
la signification du pélamide que Ch. Lenormant a signalé
comme la marque propre de l'atelier monétaire de CyziquCt
opinion adoptée par M. Waddington ; sur ma pièce, la lé-
gende, écrite en caractères araméens et signifiant Cilicie^
ne présente plus cet accord ; la monnaie ne peut plus avmr
été frappée à Cyzique, car il y aurait dérogation à cette
judicieuse conclusion de M. Waddington que « la langue
dans laquelle est conçue la légende d*une médaille est tou-
jours celle de la province ou de la ville où la médaille a été
frappée et où elle est destinée à circuler. » Il me parait
donc probable qu'en émettant des monnaies en Cilicie, en
sa qualité temporaire de commandant en chef des troupes
perses dans cette province et dans les provinces voisines,
Pharnabaze a voulu simultanément rappeler sa satrapie
permanente.
M. le duc de Luynes (Op. laiid., page 10), sous le titre
BernéSy a décrit, au n* 12, un exemplaire du musée bri*
twmique en ces termes : h Légende illisible ; tète virile,
barbue, à gauche, coiffée du casque grec nommé crano8«
nrmonté d'un cimier, et la chlamyde boutonnée au cou.
^ Tête de femme diadémée, avec pendants d'oreilles et
collier; Tue de face. Auprès de la tète de femme, à
droite, un pmsson. » Il est à regretter que l'espèce de
poisson ne soit pas indiquée ; mais il y a liea de conjec-
Inr^ que c'est aussi un thon et qu'il s'agit d'une mé-
didU# primitivement semblable à la mienne, ce qui, si
je ne me trompe, doit la faire restituer à Pharnabaze.
lOS MÉMOIRES
III.
J'ai dit, en suivant l'opinion actuellemeni accréditéei
que, sur la petite médaille dont je viens de parler, la
transcription hébraïque de la légende composée de trois
consonnes est ^Sn, KALK, ou -jSa, KLK, orthographe sémi-
-tique du nom de la Cilicie ; mais j'ai ajouté que la leçon
réelle est probablement la première forme. En effet,
d'abord, l'étymologie donne *]Sn , malheureux^ ce qui
répond aux épithètes attachées par les Grecs et les Latins
à une partie notable de la Cilicie, savoir, par les premiers,
Trachée^ c'est-à-dire âpre^ rude^ raboteuse^ pierreuse^ par
les seconds, Aspera^ ce qui est équivalent; c'est ainsi»
mais en renversant les termes, qu'on opposait l'Arabie
heureuse à l'Arabie pétrie* En second lieu, les exemples
où on lit -|Sn sont incontestablement les plus nombreux:;
je n'en connais qu'un qui porte •]'5d, c'est la monnaie de
rPharnabaze du Cabinet impérial reproduite par M. de
Luynes au n*" 1. de sa planche I. M. Waddington cite un
cas emprunté au musée Hun ter, pi. V, n* 4, où, en
regard de la légende grecque (R)IAIKION, est un mot
araméen qu'il transcrit iho; mais sur le dessin qu'il rsr
produit, la première lettre, ainsi figurée H, est manifes-
tement un Khel comme à la fin de la légende dite d'Abdr
«ohar et sur un exemplaire de Pharnabaze (Luynes,
pi. I, n« 2).
M. Fr. Lenormant, dans le Catalogue de la collection
Mehr^ page 158, avait précédemment décrit le revers
d'une pièce, qu'il a crue alors inédite, en ces termes :
« Hercule et Sandon debout, l'un devant l'autre, s'adi-es-
« sent mutuellement la parole, sous une porte surmontée
ET DISSERTATIONS. fOO
-u d'acrotères et doot le chambranle et le linteau sont
« ornés de perles. Sandon est à droite, enveloppé d*un^
;i long manteau ; il élère sa main droite à la hauteur de
f« son visage, vers lequel ses doigts sont tournés. Her«^
M cule est à gauche, complètement nu, montrant la terre
« de sa main gauche et levant son bras droit étendu. Entre
«les deux personnages est un thymiatérium. Devant
« Sandon, entre lui et le thymiatérium , lann ; derrière
K Hercule (dans le coin inférieur du champ), *^S3. » Cette
médaille, acquise d'abord par M. Curt, est aujourd'hui
entre les mains de M. le général Fox, à Londres; j'en ai
obtenu, de l'obligeance de ce savant numismatiste et par
les soins extrêmement complaisants de M. Feuardent,
tjne empreinte très-nette dont je donne le dessin , parce
que c'est sur le revers précédemment décrit que porte la
question d'attribution que j'ai annoncée. M. Waddingtôn
)'a cité de cette manière : « -jSa icain. Deux figures
debout. » En jetant les yeux sur le dessin, on reconnaît
immédiatement que le mot écrit en trois lettres derrière
le personnage nu n'est point *]Sd, KLK; le premier et le
dernier caractères, qui sont identiques de Taveu commun,
présentent la lettre que j'ai dit avoir en effet été prise
d*abord pour un eaph ou K, mais qui a été depuis re-
connue pour un lod, I ou J, Le caractère intermédiaire ne
peut, de son côté, être un lamed ou L ; le droit de la pièce
liV llÉM(>iA£9i
représente Baal de Tarse avec la légende connue ; dans
cette légende, le lamed^ c'est-à-dire la troisième lettre de
droite à gauche, en mettant en haut le bord près duquel
la légende est tracée, le lamed, dis-je, a une forme très-
différente : il me semble tout à fait impossible qu*une
pareille disparate existe sur la même pièce ; d'ailleurs la
forme du lamed^ telle que la présente le droit, est con-
stante dans récriture araméenne des médailles. La letti*e
intermédiaire, dont nous nous occupons ne peut être, à
mon avis, qu'un noun ou un zaïn : en recherchant si Ton
peut se prononcer plus catégoriquement, nous attaquerons
directement enGn le problème que j'ai indiqué.
L'autre mot est lu de deux façons, comme on l'a vu, par
M. Fr. Lenormant et par M. Waddington. Le premier de
ces auteurs l'a transcrit Tiridamês^ mais il n'a pu justifier
historiquement, du moins à mon avis, ce nom supposé
d'un satrape. C'est ce mot que M. le duc de Luynes avait
lu d'abord w:in et rendu par DernéSy mais que M. Wad-
dington, en le transcrivant wain , a regardé comme le
nom de Datante^ ainsi que je l'ai dit précédemment, sub-
stitution qui est adoptée, je crois, par M. de Luynes.
Déjà, dans Y Essai sur la numismatique des satrapies^ etc. ,
l'éminent académicien avait indiqué comme possible l'at-
tribution au satrape Dalame^ en s'en tenant aux légendes
que l'on croyait alors phéniciennes. En rendant compte
de cet important ouvrage, dans l'article précité de la
Revue archéologique , page 442, j'avais déclaré ma ten-
dance à préférer cette traduction, en l'affectant, non au
satrape* fils de Camissarès, dont Cornélius Nepos il écrit
Fbistoire et que Diodore de Sicile a mentionné 1. XV,
cb. M, mais au dynaste homonyme de Gappadoce, fil$ et
successeur immédiat d'il napftoi suivant le même Diodore,
IT ABSBITATIONS. Ul
dans un fragment du 1. XXXI conservé par Pbotius ^ Ma
conjecture était alors fondée sur l'interprétation du type
et sur une transcription que m'avait fournie Fabricy * pour
le mot de trois lettres derrière le personnage nu» mot dont
je n'avais découvert alors d'indication que dans cet
ouvrage *.
H. le duc de Luynes voit dans les deux personnagcis
Hercule et Sardanapale. Celui-ci, vêtu d'un ample mantean
et faisant un geste moqueur, est figuré, pense-t-il, comme
* Ycj. Fréret, Mémoim dt t Académie dra itucript., in-12, t. XXX , p. lift
HMiiv.
' Gabriel Fabricy, Dt Johmmiê Byrcani Haimoruti, Judeorum tummi pontifeii,
kÊbnKhiamariiieo numo Borgiani Mtuei Yelitrh, plane anecdoio, Phcmicum Uili'
««riira, eujut f&nîéi primum inquiruntur, ilbàsirando rommtntarnu. Romf » in-8*.
Q n'a paru qne deux oba|dtret oa TolumeSy en 1803, sous ce titre spëdai :
Pais puma, Dt Uttêraturm phanici» fontibus. Cet oayragc, aujourd'hui extri*
nement rare , contient un texte courant développant une exposition générale
dont la plupart des propositions deviennent Toccasion d*uue multitude dénotes
aa baades pages, notes dans lesquelles toutes les interprétations de textes
phénîcieiis, oq réputés tels, alors connues sont successivement passées en
revue y examinées avec beaucoup d'impartialité et de jugement, et souvent
modifiées ; Tauteur fait connaître, chemin faisant, et explique plusieurs monu-
nents nouveaux, entre autres une médaille de Pliamabazê^ où il a lu ^îl^H ,
farmmboxo, nom d'homme, et la pièce dont nous nous occupons en ce moment,
où il a vu *ID23n , Tacnémo, reconnu aussi pour un nom d'homme, dans le
mot verticalement écrit devant le personnage drapé du revers (p. 620-623 ].
A la fin de chaque volume est une m6me planche contenant les dessins de
qninie médailles à légendes phéniciennes, araméennes et néo-puniques, no-
taamient an n* 2, celui de la pièce que nous étudions. En outre . dans le texte
du second volume ont été intercalées des copies des médailles puniques on
punico- siciliennes portant les légendes DITTHO et risnizn DV*
* Récemment encore , sur un conseil de M. de Longpérier, J'ai fait des re-
diarchet actives pour déeow rir une pièce au revers complet ; j'ai été aidé
pour les investigations à Londres par Tinfatigable complaisance de M. Fenar*
dent : je me suis convaincu qu'il n'en existe ni è notre Cabinet impérial ,
ai dans la riche collection de M. le doc de Luynes, ni an Musée britan-
nique.
ll!^ MÉMOIBES
•adorateur et disciple d'Hercule assyrien auquel il offre des
parfums dans le thymiatérion. Hercule l'initie au mépris
de la vie et à la mort qui purifie par les flammes en
plaçant l'homme au rang des dieux. M. Waddington est oh
ne peut plus réservé. Dans l'hypothèse de M. Fr. Lenor-
mant, on ne saisit pas ce que signifierait le geste de la
main droite de chacun des interlocuteurs* Pour moi, le
tableau représente une investiture, une consécration royale;
le geste du personnage de droite, consistant dans la rétm-
flexion de son bras droit et la direction de la main corres-
pondante, avec l'indicateur seul étendu, vers son front, est
semblable à celui de Partbamaspatès sur un grand bronze
où l'empereur Trajan pose un diadème sur la tête de ce
roi, avec la légende : REX PARTAIS DATVS, à celui d' Aché-
ménidès, sur un grand bronze aussi, avec la légende : REX
ARMENllS DATVS, où Antonin couronne ce prince, enfin
à celui de Soème sur des médailles d'or et de bronze de
L* Verus qui portent en exergue : REX ARMENIS DATVS.
Le geste direct et convergent de l'autre personnage est
parfaitement concordant ; c'est celui du collateur ou du
consécrateur de la dignité.
Avant de connaître l'exemplaire de M. le général Fox, je
trouvais une confirmation naturelle de cette manière de
voir dans le dessin de Fabricy, en le supposant exact, car
il fournissait, pour le mot écrit derrière le personnage nu,
N2N , soit ANA , qui, en regard de l'autre mot que je con-
sidérais comme le nom propre Datante^ me paraissdt
pouvoir être le commencement d!Anapha$^ nom du père
du dynaste de Gappadoce Datame; la scène du revers de la
médaijle était alors une allusion à la transmission héré^
ditaire de la royauté et des privilèges spéciaux qui y
étaient attachés, transmission dont étaient très-jaloux les
RT nf^ERTATIONS. 113
descendants à!Àfiaphas l \ Mais le dessin que nous donnons
d'après l'empreinte prise sur la pièce de M. le général Fox
démontre que le mot de trois lettres doit se lire n^ ou ^3%
IZI ou INI. La première transcription est, à mon avis, la
moins vraisemblable, car le Z, qui répondrait alors à la
lettre intermédiaire, est presque constamment figuré, dans
l'écriture araméenne dont il s'agit, par une ligne verticale
régulièrement droite et il a, en particulier, cette forme
sur la méddlle même dont nous nous occupons, savoir
dans le nom Tarz du droit.
La seconde leçon, dans laquelle la lettre intermédiaire
est un N, se justifie par les médailles de Pbamabaze où,
dans ce nom, le N a une forme absolument identique. Mais
' ««Anaphas U, père de Datâmes, était £l9 d'un autre Anaphas qui eut
" part, à ce qnedit Diodore, à la conspiration des seigneurs persans contre le
- mago qui occupait le trône de Perse sous le nom du prince Snierdis , frère
- de Cambyse... Le nom de cet Anapbas ne se trouve point dans la liste qu'Hé-
•• rodote nous donne des conjurés; mais on le trouve dans celle do Ctésias,
•• qui IVcrit Onophaê. On peut cependant soupçonner avec assez de foudement
- que cet Anaplias de Diodore et de Ctésias est celui qu'Hérodote appelle
- Otanës, et qu*il fait frère de Phaedime, femme de Cambyse et puis du mage
•• Smerdis... Otanès fut, suivant Hérodote , le premier auteur de la conspira-
•• tien, et qui eut le plus de part dans la conduite du projet. Le faux Smerdis
- ayant été mis à mort , Otanès proposa d*abolir le gouvernement monar-
» chique, du moins à ce que rapporte Hérodote, et , n*ayant pu persuader les
« antres conjurés, il déclara qu'il était prêt de renoncer au droit qu'il avait à
» la couronne, à condition que celui qui serait élu le laisserait jouir librement
- et tranquillement, lui et sa postérité, de ses possessions. Cette condition fut
" acceptée ; on lui accorda même plusieurs distinctions et plusieurs privilége%
c considérables qui passèrent à sa poitérité, et cette famille, dit Hérodote, est
" encore aujourd*bm la seule qui soit libre et indépendante; elle ne peut
• être contrainte d*obéir à aucun ordre particulier, et elle n'est tenue que
• d'observer les lois communes de la nation. Cette dernière circonstance ne
" peut s'appliquer qu'aux rois de Cappadoee dont parlent Polybe et Diodore,
- qui descendaient d'un des conjurés, et qui jouissaient d'une «vtont^ que
- les autres djnastes n'avaient point. » ( Fréret, mém, dté.)
1663.^ 2. 8
il A MÉMOIRES
alors l'autre mot du même revers ne peut être ni Taknémo^
ni Tarneso, ni Tadnamo, ainsi que Font successivement
pensé Fabricy et MM. de Luynes et Waddington» car, avec
l'une ou l'autre de ces transcriptions, le N se présenterait
concurremment avec une forme bien différente de celle que
nous venons d'invoquer. Or, en effet, je pense qu'on doit
adopter, coraine transcription immédiate, celle de M. Fr.
Lenormant, TRDMO, mais sans accepter la traduction par
le nom inconnu Tiridamés ; selon moi, cette transcription
mène naturellement, régulièrement à Datame^ et, pour le
prouver, je crois ne pouvoir mieux faire que de citer un
passage du Lexique de Gesenius à la lettre i, savoir :
f( Praeterea notandum, pro litterageminatapassim litteram
«simplicem poni ante eara inserto i (R), maxime in
« Aramaismo et sequiore bebraismo, ut nd3, (KSSE) chald.
«MD1D (KRSE) solium, ptoQi (DMMSK') in Parilipp.
«ptoQlT (DRMSK') Damascus, Sns (KRBL) quadrilitt.
aortum ex pi. Sas (GBBL) ligavit; adde Ssid (SRBL),
«DD1D (KRSM), D-np (K'RDM) neque aliter explicanda
«sunt tîuitf (CHRBIT) sceptrum, i. q. laiTi^ (CHBT),
achald. NTiQia (GRMIDA) ulna,i. q. Toa (GMD), orta
«ex T3U\tf (GHBBIT), td:» (GMMID). etsi lia; formœ non
« amplius reperiuntur. » Ainsi TRDMO équivaut à TDDMO,
Taddamo^ d'où Tadamès^ Datâmes.
Toutes les médailles portant ce nom sont pour M. Wad-
dington indistinctement attribuées au satrape. Le savant
numismatiste paraît ne s'être point posé la question de
partage. Il fait bien allusion (Rev. num. de 1860,
page &42), à un ancêtre homonyme de la famille royale
de Cappadoce, mais ce n'est que très-indirectement, et,
autant qu'il me semble, sans aucune pensée de concours
pour la revendication d'une partie des médailles. Gepen-
£1 DISSEETATIONS. il6
daot, si mon explication du type des revers précité est
exacte, la solennelle investiture dont il s* agit ne peut en
aucune manière concemer le satrape ; dès lors, les pièces
distinguées par ce type et, par une analogie évidente,
oaUes qui sont cotées des n*"* 3, A, 5 sur la planche II de
M. le duc de Luynes, ne peuvent appartenir qu* à l'autre
Jtalamtf, au dynaste de Cappadoce. Il y a un caractère dis-
linfitif d'un autre ordre qui n'a cependant point échappé à
Ia84(ai^l4de M. Waddington ; il le signale ainsi:
« Lea monnaies de Datame sont de trois types diflTérents.
« !• Tfttft Tirllc casquée ; ^ Tête de femme de face.
a Ces pièc^sont entièrement pareilles à celles de Pbar-
• nabaze et ii*en diffèrent absolument que par la lé-
u gende.
b 2* Archer aaaia; i^Baal-Tars assis, le tout dans un cercle
« crénelé.
« Ces pièces sont d'un très-beau travail.
n i* Deux figures debout ; ^ Comme le précédent.
n Ces pièces paraissent un peu plus anciennes que les
«autres; quelques-unes présentent des traces de carré
«creux.»
La différence chronologique indiquée dans ce dernier
cas ne comporte-t-elle pas le partage d'attribution dont
j'^ parlé ? Si la première catégorie, à raison du synchro-
nisme et du rapport manifeste avec les médailles de
Phamaboze, appartient incontestablement au satrape con-
temporain d'abord, puis successeur de Pharnabaze, la
dernière catégorie dont le droit est d'ailleurs original, ne
peut-elle remonter au dynaste que M. Waddington recon-
naît avoir vécu contemporain de Camissarès ou seulement
un peu antérieur à celui-ci, père de l'autre Datame?
116 MÉMOIRES
Une considération grave, je l'avoue, a sans doute dé-
tourné M. Waddington de la pensée d'un partage d'attri-
bution en affectant les deux dernières catégories à un
prince de Cappadoce, c'est la présence de Teffigie du Baal
ou Jupiter de Tarse sur le droit des pièces de chacune de
ces catégories. Mais M. Waddington a lui-même, ce me
semble, réfuté cette objection par son heureuse lecture des
noms et du roi Ariarathe et du dieu Baal de Gazioura sur
d'autres médailles. Ariarathe I était aussi un dynaste de
Cappadoce; il était petit-fils de Datame. Cependant, d'un
côté, M. le duc de Luynes, juge si compétent, déclare que
la fabrique de ces pièces ne diffère en rien de celle de
Tarse ; d'un autre côté, Gazioura était une ville du Pont,
alors résidence royale. On en possède des médailles qui
présentent en effet, sur une face, l'image barbue et laurée
de Jupiter; sur l'autre face, l'aigle aux ailes éployées et
aux serres étreignant un foudi-e, emblème du même dieu.
Or M. Waddington dit avec raison : « Le Baal-Gazor doit
«être assimilé au BaahTars des monnaies ciliciennes:
« c'est la même divinité suprême, analogue au Zeus des
« Grecs, et adorée par toutes les populations sémitiques
« qui s'étendaient depuis l'embouchure de l'Ilalys jusqu'à
«celle du Cydnus. » Ce dieu reçoit le titre de Stratège ou
Conducteur du peuple sur des monnaies de la ville d' Amas-
tris. Placés entre les Cilicienset les habitants du Pont, avec
lesquels, ainsi qu'avec les Paphlagoniens, ils avaient une
même origine, les Cappadociens, dont plusieurs villes nous
ont en effet transmis sur leurs médailles l'attestation du
culte de Jupiter, ont pu très-naturellement assimiler leur
divinité principale tantôt à celle de Tarse, tantôt à celle
de Gazioura : c'était le commun archégète de la grande
famille ethnologique. En inême temps, de même qu'Aria-
ET DISSERTATIONS. 117
rallie, sur quelques*unes de ses médailles, a pris ud type
de Sinope, Datame en a pu emprunter un à Tarse. Au
surplus, ce dynaste, au rapport de Diodore, était un grand
guerrier. Avant de mourir sur le champ de bataille, pro-
bablement dans une des dissensions civiles que soulevèrent,
après la mort d*Artaxerxe I, les fils de celui-ci, il avait pu,
sous Artaxerxe, comme son aïeul sous Darius I, et comme
son père sans doute, ètie mis, par le souverain persan, à
la tète d'un corps d'armée et se trouver dans une condition
semblable à celles qui, plus tard, déterminèrent les sa-
trapes Pharnabaze et Datame à faire battre u)onnaie à
Tarse.
Ainsi, sans prétendre résoudre la question, je me crois,
par le fsdt seul du tableau d'investiture, autorisé à demander
si les médidlles que. ce type caractérise, et celles de la se-
conde catégorie de M. Waddington, ne doivent pas être,
pour l'attribution, séparées de ia première catégorie, bien
que les unes et les autres portent un nom semblable,
c'est-à-dire si celles des deux dernières catégories n'ap-
partiennent pas à Datame^ le dynaste deCappadoce, celles
de la première catégorie à Datame, le satrape ? Toutefois, il
y a lieu de compléter l'analyse des éléments du problème
en recherchant comment peut, ou non, concorder avec
cette hypothèse le mot écrit derrière le personnage nu,
savoir ^2) (INI) probablement, ainsi que je l'ai dit.
Les deux dernières lettres peuvent se lire na ; ainsi l'on
peut y supposer encore la seconde syllabe à'Anaphas.
Msds la première lettre ne donne que I, ou /a, Ja; Je, Je;
Ji; lo^ Jo : elle ne répond donc pas exactement à la syllabe
initiale A Toutefois il est à remarquer que, selon
Hérodote, Otane le conjuré, avec lequel doit être réelle-
ment confondu, si je ne me trompe, ilnapA(M I de Diodore,
lift MÉMOIBES
était achéméfiide. Cependant Anapkas est un mot pure*
ment grec ; c'est la forme dorique d*Ànaphi8 qui vent dire
intangible^ inattaquable^ etc. Il y a donc lieu de se rap-
peler ici les curieuses observations de Letronne dans sa
réponse à M. Botta» Rev. arehiol^ octobre ISA?» pages &67
àA73, sur les noms «tout grecs» rapportés comme persans
par les anciens auteurs, noms qu'il « faut supposer avoir
existé en Perse sous une autre forme qui avait une grande
analogie avec eux dans sa constitution essentielle, en sorte
qu'en leur faisant subir, selon leur usage, une modifi-
cation plus ou moins forte, les Grecs les auront amenés
facilement à des noms de leur propre langue. » Il n'y a
rien d'exagéré, je crois, à soupçonner qu' Anaphas est dans
ce cas. Ce nom, en persan, pouvait commencer par la con-
sonne que M. Oppert transcrit J S consonne que les Sé-
mites rendaient par leur tod, mais qui parait avoir répugné
à l'organe des Grecs, car ils la suppriment dans le corps
des mots qui la contenaient en persan, exemple : BARDI-J-A.
Jferdt-i, MARDUNI-J-A, Mardoni-as^ etc. En lisant donc
/anale groupe araméen en question, on peut admettre
qu'il présente les deux premières syllabes d'un second
nom d'homme que les Grecs ont transformées en Ana^ k la
fois par délicatesse d'organe et pour les accommoder à la
substitution d'un mot de leur propre langue, soit JANA
(VUS?), Anaphas\ Ma supposition me parait d'autant
1 Voir Bévue archéoL, décembre 1847, p. 631 et sniv.
' Fréret regarde Otanie comme un deuxième nom de chacun des JnapAai. Il
appuie cette conjecture sur des exemples qui ne manquent pas de force. Ca*
pendant l'application k deux personnages lui dte beaucoup , à mon avis , do
i](#i9amblance. Poçr moi. }h deux formes sont des variantea de pronoodation
d'iwçi seul nom persan. La consonne que j*ai rendue par J ne s*articulait pt»
probablement tout à fait comme cette lettre chez nous. Elle se trouve à la fin du
nom Ihmièvf^'a; les Grecs ici anui Tont supprimée en transorirant Kamh^eèê ,
£T DISSERTATIONS. ilO
moins forcée qu'une modificadon analogue se montre en
arabe et en éthiopien oix l'on voit commencer par un V ou
otiaou la plopart des mots qui, en hébreu, débutent par
un iod : ainsi les deux syllabes persanes auraient pu y être
transcrites Fana... ou Ouana
Je dois ajouter que, s'il s'agit réellement d'Anaphas^ ce
que je ne suppose cependant qu'avec hésitation, c'est,
dans mon opinion actuelle, non Anaphas II ou le père de
Datame, mais Anaphas I, car le caractère héroïque donné à
Teffigie du personnage me parait de préférence convenir à
rillustre fondateur de la dynastie privilégiée de Cappadoce.
A. Judas.
mils les Égyptiens Tont rendue en hiéroglyphes par Katnbudja et Kambuta» La
prononeiation approehait dono de celle du T. Les Qreos ont donc ^n tantOt
réUminer, taatfti la représanter aasti par T, ce qui * donné Tana (mm?),
puis, an contractant la terminuson comme dans Dareioi pour Darajavut^ on a
tu Tofioof, Ttmii, et enfin, par la prothèse d*an omicron, Otaniê,
120 XIÉMOlREd
TIERS DE SOU DE GRENOBLE*
Parmi les nombreuses monnaies mérovingiennes pu^*
bliées jusqu'à ce jour, il en est une seule qui porte le nom
de l'atelier monétaire de Grenoble , et je demande la per-
mission de reproduire ici la description qu'en donne
M. Cartier*.
« GRACIANOPOLI, Grenoble.— DOMNIGIVS. Cette pièce
« est tout à fait inédite. La croix est cantonnée des lettres
« G.R., et celle-ci se rattache aune petite croix ou à un X,
(c qui me ferait voir dans la première lettre l'initiale d'un
« nom royal. Ce pourrait être Contran , roi de Bourgogne,
« en 661. Cette interprétation s'accorderait même avec
« celle deGRatianopoliSy selon l'usage dont on aperçoit les
«traces sur les monnaies de Marseille, M. A.; Lyon,
« L.V., etc. »
Quelque ingénieuse que soit la leçon de M. Cartier, je ne
puis me ranger à son opinion sur la valeur des sigles G.R.
Je ne crois pas qu'on doive y voir la représentation d'un
* Betve numitm., 1836 , t. î, p. 405, et pi. XI, n» 6.— Voy. Conbroute^ Monét,
des roiê mérovingiênt, pi, XXVI, n" 4. La pièce porte GRACIANOrOLIS.
ET DISSERTATIONS. 4SI
nom royal par la raison qu'il en donne en signalant TX qui
se trouve sous l'R» d'abord parce que cet X n'est point
placé dans le champ de la pièce, mais bien dans la légende ;
la seconde raison, c'est que cet X a son pendant sous le G ;
suivant moi, ce sont deux croix, et l'on doit lire ainsi cette
légende: +DOMNICIVS + .
La deuxième croix n'a été placée à la suite du nom du
monétaire qu'avec l'intention d'ajouter un pendant à la
croix qui le précède et de remplir l'espace vide de la lé-
gende. Du reste, je ne puis consentir à voir dans les sigles
GR que la représentation du nom de G^atianopolis , de
même qu'on voit celle de Massilia et de Lugdurium dans
MA et LV, cités par M. Cartier, AG à Autun , G A à Châlon,
IS à Isernore, L£ à Limoges, etc., sans qu'on songe à y
trouver des initiales royales.
Cette rectification , si c'en est une , n'est pas très-consi-
dérable, et je n'aurais certes pas songé à écrire pour si peu,
si une occasion plus importante aidant, je n'avais eu l'idée
de la glisser en tête de cette note comme préambule.
Les tiers de sol d'or mérovingiens au nom de Grenoble
sont de la plus grande rareté, et si je ne me trompe , celui
que je viens de rappeler un instant d'après M. Cartier était
le seul connu jusqu'à présent. Je suis heureux d'en adresser
à la Revue un second que j'ai retrouvé, il y a deux ans, dans
les cartons du musée monétaire de Marseille , grâce à la
rare obligeance de M. Laugier, attaché au Cabinet des mé-
dailles, qui se fit un plaisir de me le signaler; et si je n'ai
pas communiqué plus tôt aux numismatistes une reproduc-
tion de cette rare pièce, c'est que le temps m'a manqué
pour le faire. Je viens aujourd'hui réparer le temps perdu
en mettant sous leurs yeux un dessin d'une exactitude
presque photographique.
122 MÉMOIRES
Je n'ai rien à ajouter à ce qu'ont écrit MM. Cartier et
Lenormant sur les monnaies de la première race. II faut
s'en rapporter au temps pour apprendre encore bien des
choses au sujet de ces rares monuments, de leur mon-
nayage, de la préférence donnée à Tor à cette époque, de
la singulière habitude d'omettre le nom du souverain et de
le remplacer par celui du monétaire, etc., etc..
Voici mon tiers de sol inédit :
+ GRACIA— NOPOLIS. Buste diadème .\ droite.
^ +FLAVINVS ( l'A et r Y Dés) MNT. Croix pattée dans
un grènetis.
Cette pièce, qui est d'une conservation magnifique, offre
deux particularités :
1** Le nom qui s'y trouve gravé au revers est tout à fait
nouveau parmi les monétaires mérovingiens , puisqu'il ne
se trouve pas dans le tableau qu'en a publié M. Cartier ^
J'aurais voulu lire avec, certitude FLAVINVS, comme plus
en rapport avec les noms latins connus, mais je ferai
observer que dans le monogramme qui représente AV on
pourrait chercher un N, ce qui au reste produirait le nom
Flaninuêj que personne ne voudrait accepter. On ne peut
non plus confondre ce nom avec celui de FLAVIANVS donné
par M. Cartier (comme figurant au revers du nom de
XIANVNIACO), le second N étant parfaitement gravé, et,
comme le premier, ne possédant pas la barre transversale.
Il parait plus probable que Flavinus rentre dans une des
deux séries signalées par M. de Longpérier (An?, num.,
1868, p. S37), et que c'est ou un nom romain à l'état
secondaire comme Jovinos , Probinus , Firroinus , Rufimis,
> iUvvf numiêm., t. XXI (tables;, p. 212.
ET mSSEETATlOKS. 12S
OU un nom franc, comme Nawinus, Hadvinus» Ovynus,
Nortvinus* etc.
2* La qualité du monétaire se trouve écrite MNT, forme
qui m'a paru nouvelle aussi ou du moins fort rare, puisque
M. Cartier, soit dans son article cité au commencement de
cette notice, soit dans ses tables de la Revue ^ ne donne , je
crois, que les leçons MONETARIVS, MONETA, HONETA,
MONET. MONITAR, MON, MOE, MO, MN et M.
G. Valuer.
iîh MË)IOtBE8
DENIER DE CnARLËMAGNE
PORTANT LA LEGENDE FLORENT.
Extrait d'un mémoire iuédit lu à l:i S>ciété colombarienne de Florence ,
le 3 mai 1862.
L*élude de la numismatique italienne proprement dite
me paraît, si je ne m'abuse, une des moins cultivées parmi
nous. Sans doute, Tliistoire monétaire nationale a compté
chez nous des adeptes passionnés, de savants investi-
gateurs qui. marchant sur les traces de l'infatigable Mura-
tori, se sont occupés de nos ateliers ; mais leurs efforts
n'ont pas été en rapport avec la tâche et n'ont i^as réussi
à produire un traité complet de notre numismatique du
moyen âge.
Jusqu'ici les esprits et les intérêts des Italiens étaient
divisés entre eux comme leur patrie, et chacun étudiait
pour son propre compte, ce qui nous a fait perdre les
avantages que procurent des efforts réunis dans une
action commune. Il faut dire aussi que la numismatique
£T DISSERTATIONS. 125
antique avait toutes les préféreoces. Hais sans analyser les
causes de cette disposition des esprits, je m'occuperai au-
jourd'hui d'une monnaie appartenant à un atelier italien.
Il s'agit d'un denier de Gharlemagne frappé, j'en suis
convaincu, à Florence.
La découverte de ce curieux monument historique est
due à un de nos confrères, H. Francesco Gamurrini,
d'Arezzo, qui en visitant le riche médaillier de Yolterra, a
trouvé cette monnaie parmi des deniers carlovingiens, et
m'a autorisé à la publier. Grâce à l'obligeance du savant
chanoine Filippo Gori, l'un des directeurs de ce musée,
j'ai obtenu l'empreinte que j'ai soumise à l'examen de la
Société, et j'ajoute que HM. Gori et Gamurrini garan-
tissent l'authenticité de la pièce, qui est d'argent pur et
bien frappée. Cette authenticité a également paru évi-
dente au savant docteur Marco Guastalla, qui connaît si
bien les monnaies carlovingiennes.
On pourrait cependant concevoir des doutes sur l'attri-
bution de ce denier à notre Florence, car d'autres loca-
lités portent un nom semblable; nous avons Firenzuola
entre Plaisance et Parme, «une autre Florentia en Istrie ;
en France, Florent, village de la Marne, et Florentia,
hameau du Jura; mais rien n'indique que ces derniers
existassent au viii* siècle, et ils n'ont jamais eu la moindre
importance historique.
Il s'agit donc d'examiner si Gharlemagne a régné sur la
Toscane et sur Florence, et si cette ville, au viir siècle,
pouvsdt jouir des droits monétaires, et avait quelques
titres à l'attention du grand successeur de Didier.
Je ne m'arrêterai pas à discuter les origines de Flo-
rence que Borghini et Lami croient de fondation étrusque ;
mais je ferai remarquer qu'il y a peu de villes ou de
120 MÈIIOltKS
pays doDt l'histoire soit plus négligée et plus oktnn arant
i'an mil que celle de notre cité. Son nom ne panA plMu
ou du moins ne parait que très-rarement entre Tacitfta^
Ammien Marcellin, c'est-à-dire de la seconde année du
règne de Tibère à Valentinien I, en un mot pendant on
laps de SiS années. Le dernier de ces auteurs rappelle que
Valens et Valentinien adressèrent un rescrit à un certiûo
Maxîmin, corrector Tuscix. Ce rescrit se termine par ces
mots : «Datum Remis, Accept. Florenti», Gratiano nob. cie.
Degneleifô cons. (an 866) . i> Godefroy, commentateur du
Code Théodoflien, a fait obsenrer qu'il résulte de ce texte
que Florence était la capitale de la Toscane \ 11 est vrai
qoe Sirroond a repoussé cette opinion; mais il n'en de-
meure pas moins certain que Maximin avait alors son
tribunal à Florence» et y promulgua le rescrit Plus tard,
au VI* siècle, nous voyons Totila, qui s*était mis à la tète
des Goths, envahir toute l'Italie, se jeter sur la Toscane
annonaria et assiéger Florence. Justin qui, au nom de
Bélisaire, défendait, la ville fut promptement secouru par
Bassus, Cyprien, et Jean qui alors occupaient Spolète,
Rome et Pérouse. Totila leva le siège, et se replia sur Mu-
gello, etc. ; de quorum ad ven tu (Bassi, Cypriani,.etIohanms)
per exploratores Gothi jam facti certiores, soluta obsi-
dione, in loco qui dicitur Mucîalla et diei via a Fl(Mrentia
distat, secedunt *.
Et je ferai observer ici combien Villani et Malespini
furent mal inspirés lorsqu'ils croyaient que Florence avait
été détruite par Totila, pmdant que notre Dante, trompé
par l'opinion populaire, attribuait cette destruction à Attila :
1 Cod. Theod.^ 1. ViU, lit. D9 accusatioriê.
< Piooop., Oe bello goth., 1. II, f. SS».
£T D15S£RTAT10r«S. 127
Que' chtadîn che poi la rifondarno
Sovr» U oen«r che d* Attila rhnasse
Avftlibn' fiitto Uvoran iodaroo.
(M., c. 13.)
A Bélisaire succéda Narsës qui défit l'armée de Totila près
du victis lacinus^ aujourd'hui peut-être le Castelh di
Poppi; et les Florentins rassurés l'accueillirent dans leur
cité: Florentini obviam progressif fide accepta, nihil sibi
nocivum in se suaque omnia sponte tradiderunt '•
La domination des Longbards eut peu d'influence sur
notre Toscane; à peine l'Italie fut-elle subjuguée qu'ils
créèrent trente ducs, et l'un d'entre eux gouverna notre
pays, ce qui dura jusqu'au temps de Luitprand et de
Didier. Ce dernier était duc de Florence lorsqu'il ceignit la
couronne royale *.
Didier ne sut pas se concilier l'affection de son peuple
qui, lassé de ses supercheries, commençaàsecouer le joug.
Enfin le pape Adrien I, ne sachant comment se délivrer,
lui aussi, des vexations et des usurpations de ce prince
et de ses Longbards, se tourna vers Charles, roi des Francs:
A Et invitavit gloriosum regem et Francos ejus pro divino
servitio, et justitia S. Pétri contra Desiderium regem et
Longobardos ' i». On sait comment Charlemagne répondit
à cette invitation. Le même chroniqueur dit encore :
Dominus vero Carolus rex.... Papiam obsedit et fortiter
cepit. Yeneruntque ibi omnes Longobardi de cunclis civi-
laiibtAs Italiœ et subdiderunt se dominio gloriosi régis
CarolL L'historien Ammirato pense qu'en 77A la ville de
* Agathias, De bello goth,, 1. 1.
^ Cos. délia Rena, Seris dêgli ont. ditchi di Tote.
' Monachua S. Eparcbi in v.'ta Carol. M.
as MÉMOIRES ■
Florence passa sous la domination des.FrîMics \ et cette
assertion se trouve confirmée par une charte de cette
même année 774, de laquelle il résulte qu'une certaine
dameRotrude, fille de feu Farao, donne àWildubrand,
fils de feu Gausind, des biens situés à Cersino, au lieu dit
Serviano, à peu près où se trouve aujourd'hui l'église de
Jérusalem (S. Andréa a Cersina),et, en cas d'éviction,
substitue des biens situés à Settimo et à Padule. La charte
se termine ainsi : uActum in loco Cersino finibus Florentise,
régnante Carolo divina favente clementia rege ; anno regni
ejiis in Italia primo ; die nono mensis Julii, indict. XIII. »
D'autres documents encore nous montrent la puissance
que le roi franc avait sur la Toscane et la dépendance des
ducs résidants à Florence. Par exemple une lettre du pape
Adrien I écrite en 785, document précieux qui indique
bien cette dépendance. Le pontife s'adresse à Charlemagnc
pour le prier de réprimer l'audace avec laquelle Gundi-
brand, duc de Florence, vexait et pillait le monastère de
Saînt-Hilaire de Gallicata et autres lieux saints *. On
trouve aussi dans Yllalia Sacra d'Ugbelli une donation faite
par trois frères, fils d'un certain Aribert, quondam excel-
lentissimi viri florentini, en faveur du monastère de Saint -
Barthélémy de Ripoli. La charte est de Tannée 790, et
commence ainsi : « In nomine Domirii régnante nostro
Carolo, et Pipino ejusque filio, viris excellentissimis
regibus, anno regnorum in Italia septimo decimo » ; et
se termine par ces mots : « Actum Florentiae, xiv die
mensis Julii, indict. XIII. »
En 786 Chàrlemagne, revenant de Bénevent pour ré-
1 Stor. fior.,1. VII, f. 21 c.
< Cosimo della Rona, Série de' duc, di Toscana^ p. 81.
ET DISSERTATIONS. 129
duîre le duc, célébra les fêtes de Noél à Florence : témoin
ces vers du poète Saxo :
....ItalicMft intrftverat nrbes
Ex qoibns est qtue'lam Florentia nornine diaU
If Virgînel partu» Borein veneratus
Christ! tacrificiam snpplex celebraverit ortom «.
Le moine de Saint-Éparque dit de môme a celebravit
natale Domini in Floreotia civitate. »
Si donc Florence a toujours joui d'une existence civile
plus ou moins glorieuse depuis le temps des Romains
jusqu'à l'époque des Carlovingiens, je ne suis pas étonné
que parmi d'autres prérogatives elle ait compté le droit
de battre monnaie.
Enfin je puis employer à bon droit l'argument dont
monseigneur Dionisi s'est servi pour démontrer l'existence
de la monnaie de Vérone au viii* siècle \ et dire : Si tous
les ducs et gouverneurs de provinces étaient égaux en
dignités, si dans chaque ville ducale se trouvait un palais
public, et si dans les palais publics existait un atelier
monétaire ; comme à Florence il y avait un duc et un
palais, il est àonc possible que dans cette ville on battit
monnaie au temps de Charlemagne.
Mais il me suffit d'avoir, comme c'était mon désir,
appelé l'attention sur une monnaie inédite, très-intéres-
sante pour l'histoire florentine. Elle présente d'un côté
le nom de CAROLVS dans la forme ordinaire adoptée par le
célèbre monarque. Au revers, on lit FLORENT en deux
lignes ; l'iN et le T sont liés. Des points sont répartis dans
* Saxo pœtn, In aun. Knr. M. npud Leibnitz. scriptor. Brunsw. T. II,
M 136.
> Zanetti, Sota raccoUa, t. IV, p. 217.
1863. — 2. 9
l^O- MÉMOIRES.
le champ. Ce denici' pèse 25 grains et demi, et il doit
avoir été fabriqué entre 774 et 800 comme l'indique le
litre REX. Le denier presque semblable frappé à Lucques,
et publié par M, Domenico Massagli pèse 24 grains et
demi * ; la différence est légère, et Ton en remarque de
plus considérables dans le poids de deniers frappés dans
upe même ville et retrouvés dans un même dépôt *. Les
numismatistes français ont décrit des monnaies carlovin-
giennes émises dans plusieurs centaines de villes appar-
tenant à la Gaule ou à la Germanie, bien que, la plupart
du temps, aucune charte ou aucun texte quel qu'il soit,
ne vienne justifier Texistence des ateliers monétaires. lien
est de même pour les deniers des Anglo-Saxons, et les
antiquaires les plus expérimentés de France, d'Allemagne,
de Belgique et do la Grande-Bretagne paraissent d'accord
pour croire que les anciens souverains des viii*, ix* et
x* siècles battaient monnaie partout où s'étendait leur domi
nation. Fr. Pellegrino Tonini »
de' Servi di Maria.
» Voy. «etii?nuw..lR6l, pi. XIX, u» 8.
* Voy. Herue »i«m., 1068, p. 20C ft î^uiv.
ET DISSERTATIONS.
431
REMARQUES
DES MONNAIES FRAPPÉES A MELLE.
Dans son Essai sur les monnaies frappées en Poitou \
M. Le Gointre-Duponi a publié un denier qui» comme celui
de notre vignette, a pour légende :
Au droit : CAROLVS REX FR. , autour d'une croix grecque.
Au revers: ' • en deux lignes dans le champ , avec
LLVM
un poiDt de centre qui tombe entre le T et TV de ce der-
nier mot.
Lequel des Charles de la deuxième race avait fait frapper
cette monnaie jusqu*alors unique? Telle est la question
que ne pouvait manquer de se poser ce savant numisma-
liste.
Il veiiait de décrire un denier de Louis le Débonnaire^
* Publié eu 1849^ et inséré dans les Mémoires de la Société des antiquaire* d'e
rOyt«l, p. 263 et suiv., et notamment p. 323, pi. YIII, n* 1*% ouvrage dont
M. Cartier a rendn compte dans la tUvue nimitm.f 1841 , p. 225>.
132^ lit:MoiAi:s
dont le revers est absolument pareil. Il pensa naturelle-
ment que sans doute le type adopté sous ce prince n'avait
pas été immédiatement abantlonué, et il attribua le rare
denier qui nous occupe aux premiers temps du règne de
son successeur immédiat^ à Charles le Chauve, qui n'aurait
pas tardé à faire substituer sur ses espèces le monogramme
cruciforme de son nom.
M. Le Cointre-Dupont n'avait alors à sa disposition que
le seul exemplaire qui de la collection de M» Briquet est
passé dans la mienne. Frappé de voir que ce denier élait
à bas titre et ne pesait que 1«',36 (plus exactement 1«',38),
il ajouta, en note, que Ton pourrait n'y voir qu'un des
premiers essais de la monnaie des comtes de Poitou , dont
il offre le type générateur, et que pour présenter une attri-
bution certaine, il faudrait avoir vu plusieurs de ces de-
niers, dont il no connaissait jusqu'alors que ce seul exem-
plaire.
Cette attribution, dont se sont occupés depuis d'autres
numismatistes S cessera, je Tespère, d'offrir la même in-
certitude, p«ir suite de la découverte récente des deux mon-
naies que représente la vignette.
Le denier a été trouvé en mai 1860, à Saint-Maixent, dans
les fondations d'une vieille maison et acquis aussitôt par
M. Alfred Richard, élève de l'École des chartes, qui le con-
serve dans sa collection. Cet exemplaire, que j'ai vu, est
d'argent; les lettres, le cordon, ainsi que le point centra)
du revers ont un fort relief et semblent indiquer qu'il a peu
circulé. Enfin, malgré la petite cassure que l'on remarque
à la partie supérieure, il pèse 1»',50, 10 centigrammes seu-
« M. Cartier, Revue numi$m., 1853, p 389 et 393. — M. B. Fillon, Éludes
numiêmaliquei, p. 144. — M. Poey d'Avant, Monnaie» féodale», t. II, p. 6.
ET DISSERTATIONS. ISS
MFTA
lement de moins que le denier à la légende ,j* de Louis
LLYM
le Débonnaire.
Le G de Carlus, qui est à peine formé sur le denier
publié par M. Le Gointre, est au contraire parfaitement
gravé sur le nouvel exemplaire du denier que je fais con-
naître aujourd'hui.
L'obole que je possède, et que je crois inédite, a été éga-
lement trouvée en 1860 dans les environs de Melle. Elle
offre, comme le denier, un point de centre au-dessus de TV
de META — LLVM, et quoiqu'elle présente une légère cas-
sure et qu'elle paraisse avoir souffert de l'oxydation , elle
pèse encore 70 centigrammes (deux seulement de moins
que l'obole de Charles le Chauve), ce qui répond à un
denier de 16^,40.
Je ne sais si je m'abuse \ mais il me semble que cette
nouvelle découverte lève tous les doutés, et confirme
l'attribution que M. Le Cointre-Duponl avait faite de cette
variété à Charles le Chauve, qui, dans les premiers temps
de son règne, aurait momentanément continué le type de
son père. Ce n'est pas la seule fois que mon savant confrère
a jeté la lunuère dans les ténèbres qui enveloppaient la
numismatique du Poitou.
RoNDiER (de Melle).
i'ià MÉMOIRES
L'HOMMAGE DE L'OBOLE D'OU A MOISSAC.
Les Éludes historiques sur la célèbre abbaye de Moissac,
que M. Lagrèze Fossat vient de publier dans le VI' volume
des Mémoires de C Académie impériale des sciences de Tou-
louse ont attiré mon attention sur un usage local qui nous
permettra d'expliquer Texistence de certains monuments
numismatiques , considérés comme des singularités.
Les comtes de Toulouse tenaient de Tabbé et du couvent
de Saint-Pierre de Moissac le château fort de la ville , et
à raison de cette possession , devaient offrir ou faire offrir
par leur bayle, chaque année, le jour de la fête du patron,
une obole ior sur Tautel dudit saint. Cet usage paraît
avoir pris naissance en 1063, sous Pons, (ils de Guillaume
Taillefer, alors que Fabbé Durand de Bredon (1053-1073)
céda, moyennant hommage, le château fort de Moissac
au comte.
Dans l'accord intervenu en 1210 entre Tabbé et Rai-
mond YI, on trouve le passage suivant :
« Quod castrum quod habebat in villa Moysiaci , quod
fuit quondam Duranni Mercerii tenebat de dicto domino
abbate et conventu Sancti Pétri Moysiacensis , et quod
debebat fidem facere quolibet anno , in festo Sancti Pétri,
unum obolum aureum qui débet reddi super altare ab ipso
domino vel a bajulo ejus *. »
* Mnn. de VAcad. im|). dt Toulouse, V"^ strie , t. VI , 1862, p. 360. — Bibl.
imp.y cartul. de MoissaCj fol. 100 et suiv. — i^rc/Mi'. de Vhotel de ville de .^oitsac^
fonds Andarandy, n* 118.
i:i DISSERTATIOÎ^S. 13r5
Deux aos plus lard, en 1212, Simon de Mbntfort, pre-
nant possession de la ville et de tous les droits du comte
de Toulouse, s^oblige à offrir chaque année l'obole d*or :
(c Castrum quod fuit Duranni Mercerii quod in villa
Moysiaci, debemus tenere de abbate et conventu ecclesi^
Sancti Pétri Moysiacensis, et Inde nos seu bajulus noster
debemus offerre obolum aureum, singulis annis, super
altare Sancti Pétri in festivitate ipsius ^ »
Mais bientôt les croisés de Simon de Montfort firent mai»
basse sur tons les bfens du monastère , soit au dedans,
soit au dehors ; l'abbé envoya auprès de Philippe-Auguste
un de ses moines porteur d'une lettre suppliante. Le roi
de France iniervint-il dans l'intérêt de l'abbaye? Cela est
probable, dit M. Lagrèze Fossat, puisque Simon de Montfort
consentit à soumettre les réclamations des religieux à l'ar-
bitrage de l'évêque de Toulouse, de l'abbé de Clairac, et
de Théodose^ chanoine de Sauve. La sentence fut prononcée
le 6 décembre 121 A, et les arbitres déclarèrent qu'indé-
pendamment de Yobote d'or due pour te château fort,
^moR offrirait encore ou ferait offrir deux autres oboles
d'or pour la possession d'une place située en avant 4ti
château sur laquelle étaient naguère deux maisons que le
comte avait fait démolir r
f( Item pro platea quae est ante castrum ubi domus des-
tructœ fuerant, dabit cornes vel nuntius ejus monaster îo,
in die apostolerum Pétri et Pauli, duos obolos aureos an-
nuatim, et tertinm obolum aureum pro Castro sicut in alia
cartula contïnctur*. »
* Ibid., p. 351. — Bibl. inip., cartul. de Moissar, r. 129, fol. 107 à 126.
Archivée de Cabbaye.
* Ihid,, p. 362. — An^hir, de l'hnlrl de ri7/f, Andur., n" 363«
186 MÉMOIRES
Lorsque le fils de Baimond VI rétablit, en 1221, l'auto-
rité de son père à Moissac, il n'ignorait pas que depuis 121 A
l'abbaye s'était montrée très-dévouée aux sires de Montfort,
et qu'elle considérait la fin de leur domination comme une
calamité. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner, dit avec beau-
coup de perspicacité M. Lagrèze Fossat , si dans cette cir-
constance le jeune Raimond ne rendit à l'abbé et au cou-
vent aucun des devoirs seigneuriaux que le traité de 1210
jeur avait garantis. Il persévéra dans cette ligne de con-
duite après qu'il eut succédé à son père sous le nom tie
Raimond VII; aussi, lorsqu'il fut mort, l'abbé Guillaume
de Ressens demandait que le nouveau comte fût condamné
à payer autant û'oboles S or qu'il s'était écoulé d'années
depuis que Raimond VI était rentré en possession de
la ville :
a Item petit dictus (abbas) quod sibi reddi faciatis
unum obolum aureum pro quolibet anno ex qûo villaiu
recuperavit dictus comes ^ »
nus tard, Alphonse II , après avoir en vain tenté de
s'affranchir de la redevance, consentit enfin à reconnaître
que l'abbaye avait droit à l'hommage de l'obole d'or, à
condition toutefois que l'abbé flt l'abandon des oboles qui
n'avaient pas été payées depuis 1221. La transaction de
1266 porte : o Item fuit ordinatum quod obulus aureus
qui debetur numasterio S. Pétri Moysiacensis, pro Castro
Hoysiaci, solvatur eidem nionasterio annuatim in futurum,
in festo beatorum Apostolorum P. et P. a bajulo nostro
super altare monasterii S. Pétri ; praeteritas autem solu-
tiones dicti abbatis in quibus cCssatum est, dictus abbas
nomine suo et conventus sui monasteni, nobis et dictas
1 /6i(i., p. 362 ÀTchw. dt Vabba^^
ET DISSfiATATIONS. IS7
comitissae nostris suisque successoribus omnino vertit et
qoittavit prasdecessores nostros penitus liberando *. »
Les rois de Fraoce, en succédant aux comtes de Toulouse,
acceptèrent la dette contractée envers l'abbaye. M. Lagrëze
Fossat cite des quittances constatant que les bayles de
Philippe IV en 1291, de Charles VI en 1 38 A, et de Louis XI
en 1A70, ont acquitté ce tribut. Au xvii* siècle, le juge
royal voulut s'y soustraire ; un procès s'ensuivit ; mais le
conseil privé du roi, par arrêt du 16 juin 16A3, décida que
le juge royal serait tenu de se trouver chaque année , le
29 juin, jour de la fête de Saint-Pierre et de Saint-Paul, à
la grand' messe de l'abbaye, et de déposer sur l'autel une
maille Sor ou une autre espèce de monnaie de la même
valeur, en signe d^honunage pour les choses que Sa Ma-
jesté tient dudit abbé en ladite ville et juridiction , sous
peine de 3,000 livres d'amende, dépens, dommages et
intérêts '.
L'hommage de l'obole d'or ne fut aboli que le 8 janvier
1671,
Ce récit m'a remis en mémoire les monnaies d'or de
Toulouse que notre savant ami M. C. Robert a trouvées à
Milan, et qui proviennent des environs de Nice, pièces qu'il
a déjà signalées dans ce recueil '.
> /Mtf., p. 363. — ÀrehM. âê VhàUl de vilU, Andar.* d« 232.
• /M., p. 352. — ircJUv. de CMUl de tilU, Andur.. n* 300. Nous ftvons in-
diqué tontes les iooreM où M. Lagrèse-Foosat a puisé , afin de faire Yoir qne
lOD rédt ropoM tar des documents bien positifs.
* AfviM nvmttm., 1860, p. 196.
138 UÉUOIRES
liais cil prenant de nou\ elles informations auprès de
notre collaborateur et de M. le chevalier Biondelli , direc-
teur du musée de Milan , j'ai appris que ces deux pièces
ne sont pas véritablement d'or ; elles sont d*argent forte*
ment doré. L'une pèse un gramme deux décigrammes ;
l'autre, un décigranime de moins. M. Biondelli m'écrit qu'il
n'y a pas de doute que la dorure de la pièce conservée à
Milan soit antique. M. C. Robert trouve à cette dorure un
aspect qui exclut l'idée d'une opération récente*; c'est
aussi l'opinion d'un babile commerçant en métaux que j'ai
consulté.
Si la dorure des deniers est ancienne, comme je le crois,
en m' appuyant sur toutes ces autorités, elle n'avait pas été
faite pour imiter des monnaies courantes d'or qui n'exis-
taient pas au XIV siècle. Mais elle avait pu servir à procurer
des oboles d'or symboliques, indispensables pour accouj-
plir lacté d'hommage. Ce n'était pas à une rente d'environ
3 fr. de notre monnaie que l'abbaye de Moissac pouvait
tenir au point d'eniamer et de suivre de longs procèâ;
c'était Thommage en lui-même qui avait toute Hmpor-
tance. Et d'ailleurs le prix de l'or pouvait être payé en
sus. On doit maintenant tenir compte de ce fait, bien clai-
rement établi : de 1063 à 1221, les comtes de Toulouse
firent déposer chaque année sur l'autel de Moissac une
obole d'or; à moins qu'ils n'eussent une collection de tiers
de sou mérovingiens, il leur eût été difficile de se procurer
les pièces nécessaires, alors que les rois de France ne frap-
paient pas de monnaie d'or. Voici un denier de Raimond \
(1148-1194) fabriqué pendant la même période et avec
(l) La perfionnc qui a trouvé ces pièces, dit M. Biondelli, n'en faisait pas le
moindn* cas et ne cherchait pa« à «»n tirer profit. Cett« circon.«tan''o écarte
tout 5oiipv'»ï^ ^^ >péculalion.
ET UlSïiEHTÂTlONS. 130
toute rapparence dti inétal spécifié par tant d'actes pur
blics; cette pièce doit avoir été faite pour acquitter une
redevance, tout comme l'obole d'or de Baix^lone au nom
de Déranger (1130-1162), que nous a fait connaître M. le
commandant Colson \ et qui a été prise à tort pour une
Sept mancuses pesaient une once, ce qui donnerait pour
le poids de chacune d'elles environ A*',38. Or, quelle que
soit l'épaisseur que l'on accorde à la petite pièce publiée
par M. Colson, elle ne saurait atteindre ce poids, qui dé-
passe de beaucoup celui d'un florin. Mais si cette petite
pièce n'est pas une mancuse, c'est du moins une obole d'or.
11 est fort probable qu elle a été fabriquée pour le service
d'une redevance.
On sait, du reste, que le nom de maille, synonyme
d'obole, s'appliquait à des monnaies d'un poids plus con-
sidérable que ce nom ne semble l'indiquer.
Nos contemporains se rappellent sans doute le premier
travail inséré par Duchalais dans la Ihvue vvmismaliqve^
travail consacré à la maille d'or de Beaugency Vil s'agis-
sait d'une monnaie frappée à l'aide de fers qui existent
encore et qui portent les types du florin de Florence ; on
appelait cette monnaie obolus auri florentini aussi bien
que ma t7/e d'or; elle pesait deux deniers dix-sepl grains,
et chaque année, le 13 février, jour anniversaire de l'In-
vention du corps de saint Firmin, évêque d'Amiens et pa-
tron de Beaugency, les écoliers de Picardie faisaient chanter
' [Mémoires de la ] Société agricole, scienti^ue et littéraire des Pyrénéen -
Orientales. Perpigimu , 1854 , pi. 1 , n" 9, p. 560 el 56. — Cette pièce a été rc
produite, d'après le dessin de M. Colson, par M. Popy d'Avant, Nonnme^ /> -
daUs, pi. LXXVII, n* 17.
* Revus numism., 183B, p. 54.
lAO MÉMOIRES
une messe en l'église de Saint-Pierre-Ie-Puellier d'Orléans,
pendant laquelle certains habitants de Beaugency devaient
se présenter eux-mêmes, ou envoyer deux députés chargés
de remettre au procureur de la nation de Picardie la maille
précitée.
Voilà une maille ou obole de redevance qui pesait
65 grains, c'est-à dire Z^^ià. La pièce de Toulouse
publiée par M. G. Robert ne pèse qu'un peu plus d*un
gramme ; il est donc bien permis, malgré son module, de
la considérer comme une maille de redevance. Obole d'or
dans la langue du moyen âge, n'implique pas d'ailleurs
une valeur déterminée; la Revne numismatique fournira
bientôt une preuve irrécusable de ce fait.
Ainsi se trouvera, je le crois du moins, expliquée et justi-
fiée l'existence de certaines pièces d'or exceptionnelles fa-
briquées à l'aide de coins gravés pour l'argent ou le billon;
II faut leur ouvrir un chapitre spécial dans les annales mo-
nétaires.
Adrien de Longpériir.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
€eber die sagenaonteD Regenbogen-Schûsselchen, par
Fr. Stbeber. Munich, 1860 et 18«1. In-A% 11 plan-
ches.
(PI. IVetV.)
Eckhel, tm le sait, n'a voulu admettre dans son traité ni les
monnaif^de ta Grande-Bretagne ni celles de la Germanie. Ce-
pendant, la niêmismutiquede la Grande-Bretagne a fait son che-
min, je ne dirai pas toute seule, mais grâce au zèle des anti-
quaires anglais. Los monnaies de la Germanie ont eu jusqu'en
ces derniers temps moins de bonheur ; la terre classique de Téru-
dition n'a pas été favorable à la recherche et à Tétudo de ces
curieux monuments entrevus par Dœderlin, Voigt, et quelques
autres.
Mais le temps perdu vient d'être regagné tout d'un coup, et
nous devons ce résultat à la sagacité, au zèle, à l'érudition de
M. Frantz Streber, conservateur du cabinet des médailles de
Munich. Il nous faut d'abord expliquer le titre de son ouvrage.
Une tradition populaire fort ancienne attribuait aux orages la
dispersion de petits lingots d'or concaves, pépites que les pay-
sans croyaient arrachées à la terre par les vents et déposées sur
le sol au moment où apparaissait l'arc en-ciel. De là le nom de
Regenbogen-SchûMclein f petites coupes de Tarc-en-ciel, ptitellx
Jridis comme on disait dans les dissertations latines. Cette cu-
rieuse fiction a son équivalent en France. Dans le canton de
Fère-Champenoise, existe une colline crayeuse (nommée le mont
142 BILLETLN BIBLIOGRAPHIQUE.
Août, mons Augusti), sur laquelle après des pluies abondantes
on trouve des rognons de fer sulfuré de grande dimension qui
laissent voir, lorsqu'on les brise, des rayons concentriques cou -
leur d'or. Les habitants du village voisin supposent que ces cris-
tallisations minérales sont tombées du ciel, au milieu des éclats
de la foudre et les nomment pierres-à tonnerre. Mais revenons
aux Regenbogen-Schusselein auxquelles on donne maintenant le
nom moins enfantin de Schmselchen. Ces pièces concaves étaient
à peine connues en France il y a quelques années. Lelewel en a
gravé une dans son Atlas du Type gaulois (pi. Ill, n^ 34) ; on en
trouve deux autres dans V Essai sur la numismatique gauloise de
M. Edouard Lambert (pi. L n' 26 et X^'n* 4); Mionneiet Du-
chalais en ont aussi décrit deux, de l'espèce la plus rudement
fabriquée, parmi les incertaines de la Gaule ou les imitations de
la monnaie jnacédonienne; M. Hucberen possède une dont l'ori-
gine est incertaine (Bev. num, 1852, pi. V,u'* 9, p. i83). On en
doit dire autant d'une pièce conservée au British Muséum, o tlie
a place .of ils discovery is not ktiown » (Ruding, Annals,L 11,
p. 407; t. m, pi. A, n» 76). Mais ces exceptions, qui s'expliquent .
facilement par les envois que fait le commerce des médailles,
n'ont guère d'autre effet que de montrer combien les pièces
d'or dont nous allons parler en détail sont étrangères à notre
territoire. M. Robert nous a fait remarquer que dans le nord de
l'Italie on trouve des pièces d'or concaves qui portent au revers
une sorte de croix sur laquelle nous reviendrons plus loin.
En regard de l'indigence relative que nous venons de constater
dans les collections françaises, mettons tout de suite le nombre '
de 695 pièces qu'a pu observer M. Streber et qu'il divise en 146
variétés, et nous ne douterons pas des droits que rAllemagne u
sur cette série particulière. Et encore n'est-ce point là tout ce
que le sol germanique a déjà restitué; les deux trouvailles de
Gagersetd'lrsching, au sud du Danube supérieur, n'onl-ellespas
fourni, l'une de 1400 à 1500, l'autre environ 4000 de ces pa-
telles d'Iris? N'est-ce pas encore un millier de ces pièces d'or
IVi;LLEil^ BIBLIOGRAPHIQUE. j^
quH^^ >*^^^1^^ ^ Podiiiokl en Bohême? Si l'on olijoclait que ces
grands dépois ont pu être abandonnés par des armées (|ui tra^^'
versaient l'Allemagne, ne ti'ouverait-on pas une réponse bien
concluante dans le tableau des localités nombreuses où des dé-^ '
couvertes partielles ont été faites? M. Strel)er cite outre, Irsching,
Gagers et Podmokl: Kremsnmnster, Polling, Freihalden, Mei--
ningen, Binswangen, Achborg, Aislingen, Neuburg, Ries, Gun-'
dremingen, Dùrr-Lauingen, Elwangen^ Calw^ Schrobenhuusen,
Druisheim, Donauwûrih, Hohenloe^Flozheim, Vilshofen, Amp-
fing» etc. Les Regenbogen Schâsselchen se rencontrent, comme
on lo voit ^ aux environs de la Saale, du Main, du haut Danube,
de rinn^ c'est-ii-dire en Saxe, en Wurtenberg, en Bavière d'une
part, eo Bohême de l'autre. Ces pièces tiennent^ sous le rap-
port de la fabrique, des statères d'or de la Pannonie, des Sa*
lasses, de la Grande-Bretagne» des Gaules; elles ressemblent
certainement plus à certaines monnaies d'Angleterre qu'à au-
cune de celles dont la fabrique gauloise est bien avérée (voy.
Ruding, Annals, pi. I^ n***! à 9; pi. Il, n**' 35 à 42, pK A^ suppl.
n** 87 à 100). Elles présententdonc^ on peut le dire, l'aspect que
l'on doit s'attendre à trouver aux œuvres de l'antique Germanie,
conséquence en quelque sorte nécessaire de la situation géogra-
phique des peuples qui vivaient à l'orient du Rhin. Le curieux
mémoire publié par Dôderlin^ en 4739^ nous montre à quelles
suppositions bizarres les Regenbogen-Schûsselchen avaient donné
lieu. Après ceux qui les croyaient formées au sein de la terre, il
faut compter encore les érudits qui les attribuèrent aux Byzan-^
tins, aux, Bourguignons, aux Francs, aux Siculo-Vandales, aux
Normands, aux Gotbs; M. Streber enregistre à son tour le nom
des auteurs qui les ont données aux Huns, aux Égyptiens, aux ^
Etrusques, aux Phéniciens. J'ai rappelé déjà {Rev. num. i86l, '
p« 338) comment on avait pris pendant longtemps les statères
d'or des Salasses pour des monnaies espagnoles ou carthagi-
noises. C'est que les idées simples ont toujours peine à se faire
jour et plus encore à se faire accepter déflnitivement. La repu-
ikh DL'LLETiN DIDUOGRAPBIQUE.
gnauce que tant de savants écrivains onl éprouvée à reconnaître
l'origine véritable des Begenbogen* Schûsselchen était entretenue
par la lecture de Tacite. Ce grand historien a dit en parlant des
Germains : a Les Dieux se sont-ils montrés propices ou déravo-
rables à ce peuple en lui refusant Tor et l'argent, je Tignore. Je
n'affirmerais pas cependant qu'il n'y ait en Germanie aucune
mine d'or ou d'argent; car qui s'en est assuré? Ils n'attachent
pas à la possession et à l'usage de ces métaux le même prix que
nous. On a pu voir que des vases d'argent oflTerts en présent à
leurs envoyés et à leurs chefs étaient aussi peu estimés que s'ils
eussent étéd*argile. Les plus voisins de nos frontières apprécient
l'or et l'argent, comme moyen de commerce, ils reconnaissent
et choisissent certaines de nos monnaies. Ceux de l'intérieur,
de mœurs plus simples et plus antiques, font le commerce par
voie d'échanges. Ils préfèrent les monnaies aux types anciens et
.connus dès longtemps, les deniers dentelés et les biges. Us re-
cherchent aussi l'argent plus que l'or, non par goût, mais parce
que la monnaie d'argent est d'un usage plus commode pour des
gens qui achètent des choses communes et de bas prix ^ b Mais
d abord ce passage ne s*applique qu'aux peuples qui vivaient au
nord du Danube ; et puis Tindifférence marquée par dos barbares
pour les métaux précieux a pu être un effet de leur politique.
Suivant Procope les rois perses n'auraient pas osé placer leur
effigie sur des monnaies d or. La série des monnaies d'or sassa-
mides ne s'en enrichit pas moins chaque année do quelque type
nouvean.
M. Slreber, examinant toutes les opinions qui ont été émises
ayant lui au sujet des Begenbogen-Schûsselchcn^ montre que ces
mormaies n'ont été fabriquées ni par un peuple germain con-
verti au christianisme, ni par les Alamanni du m* siècle, ni par
les habitants du Sintts imperii au iv* siècle, ni par le« Suèves
d'Ariovisteou \vs Marconians de Âlarbod. Il est convaincu que
' Di morib. Germ,. û.
BULLETIN IliBLlor.RAPHiQUfe. i^h
ces pièces sont celtiques et Tœuvrc des Tectosages, des Helvètes
et des Boii ; ces derniers ont, comme on sait, donné leur nom
à la Bohême. Mais, attendu qu'au temps où écrivait Jules-César
les Volces Tectosages étaient considérablement déchus de leur
puissance y et que Posidonius, écrivant en l'an 60 avant Jésus-
Christ, mentionne les Boii conime ayant jadis habité la Bo-
hême^ que lorsque César vint dans les Gaules, les Helvètes
avaient quitté leur ancien territoire pour s'établir entre le Jura,
le lac de Constance et le Léman^ M. Streber est conduit à penseV
que les Celtes du haut Danube^ de la Vindélicie ont frappé les
monnaies qu'il décrit à Tépoque de leui^ plus grande puissance,
c'est-à-dire au iv* et au v* siècle avant l'ère chrétienne. Il croît
les Regerthogen-Schûsselchen antérieures a(kx monnaies de la
Gaule, et indépendantes des types macédoniens. Leur poids,
suivant le saVant antiquaire, se rapporte non pas au statère de
Philippe, mais au cyzicène. II faut toutefois remarquer que ce
poids correspond à celui de l'aureus romain frappé pendant
les deux derniers siècles de la République. C'est là un fait
auquel M. Streber, préoccupé de la grande antiquité qu'il attri-
bue aux Schûsselchen, n'a pas accordé l'attention qu'il mérite.
Pour donner une idée exacte du système de classification
adopté par M. Streber, j'extrais de ses planches, qui contien-
nent cent seize variantes, trente pièces appartenant aux sept
groupes qu'il a établis, et je les reproduis dans le même ordre.
Cela suffit pour bien faire voir de quels monuments il s'agit;
mais le lecteur qui voudrait étudier de nouveau la question de-
vrait cependant avoir recours à l'ouvrage allemand; car lors-
qu'on cherche à déterminer l'origine des types* à discerner ce
qu'ils doivent à l'imitation de ce qu'ils peuvent offrir de natio-
nal, à reconnaître si des figures, plusieurs fois copiées avec des
altérations progressives, n'ont pas reçu plus tard une nouvelle
forme provenant de l'interprétation et de la régularisation d'élé-
ments incompris, les moindres nuances ont souvent une grando
valeur.
1863 — 2 10
1&6 BULLETIN UIULIOURAPHIQUE.
PI. IV. — Premiei' groupe.
N* i. Serpent courbé en forme d'anneau avec une tôle de lion
à oreilles pointues et crinière dorsale.
^ Hache dont le tranchant a la forme hémicirculaire. — Ca-
binet de Vienne. Or. Poids, 7",199.
N° 2. Même animal tourné à gauche et avec cornes de bélier.
ij Six points posés, 1 , 2 et 3 au centre d'un demi-cercle ter-
miné par deux boules. — Trouvé kGagers. (h\ Poids, 7'',883.
N* 3. Môme type.
^ Trois fleurons rapprochés par la base autour d'un point
central. — Trouvé à Irsching. Or. Poids, 7",588.
N* 4. Mômes types. Variantes dans les fleurons. — Trouvé à
Irsching. Or. Poids, 7",599. — Autre, 7'',606.
N* 5. Môme type. Quart de la précédente.*— Trouvé à Pol-
ling? Or. Poids, i«',875.
Deuxième groujie.
N« 6. Tôte d'oiseau tournée à gauche au milieu d'une cou-
ronne de feuillage.
1)1 Astre cruciforme surmonté de trois points; au-dessous, un
fleuron composé d'S. — Trouvé à Irsching. Or. Poids, 7's606.
N« 7. Môme tôte d'oiseau tournée à droite.
^ Six points posés, 1 , 2 et 3, au centre d'un demi-cercle ter-
miné par des boules; au-dessous, fleuron. — Trouvé à Irsching.
Or. Poids, 7«',550.
N* 8. Mômes types. Sans fleuron au revers. — Trouvé à
Irsching. Or: Poids, 6'',949.
No 9. Tôte d'oiseau tournée à gauche, entourée d'une cou-
ronne de feuillage.
ijt Six points et une petite rosace à l'intérieur d'un demi-
cercle. — Trouvé à Gagers. Or. Poids, 7",547.
N* 10. Môme type. La couronne se décompose en deux par-
ties, dont une prend la forme d'un arc.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 1A7
j} Six points sans rosace. — Trouvé à Gagers et à Irsching .
Or. Poids, 7'',520.
N* H. Même type. Deux points près du bec de l'oiseau.
I)) Cinq points. — Trouvé à Irsching. Or, Poids, 7'',440.
N« 12. Même type.
^ Quatre points. — Trouvé à Gagers. Or. Poids, 7*',570.
N* 13. Même type.
ijl Trois points. — Trouvé à Saint-Emmeran. Or. Poids, 7",470.
N* U. Même type.
^ Quart affaibli de la pièce précédente. — Trouvé à Calw.
Or. Poids, l-'jaS.
PI. V. — Troisième groupe.
N*i5. Demi-couronne de feuillage terminée par deux gros
points autour d'une élévation convexe.
H Six points au centre d*nn demi-cercle terminé par deux
boules. — Trouvé à Irsching. Or. Poids, 7«',540, 7'',520. —
Autres, 7«',6!2, 7''621, 7"'645.
N* 16. Mêmes types. Cinquième? de la pièce précédente. —
Trouvé à Elwangen. Or. Poids, l'',700.
N« 17. Même type.
^ Cinq points. — Trouvé à Druisheim et à Irsching. Or.
Poids, 7'',400. — Autre , 7«',753.
N* 18. — Môme type.
K Troispoinls. — Trouvé à Irsching, Or. Poids, 7*',340.
N* 19. Élévation convexe.
ijl Trois points au centre d'un defni-cercle. — Trouvée à Pol-
lingf Or. Poids, l^jOSO.
Quatrième groupe.
N* âO. Lyre couchée. Demi-couronne de feuillage.
^ Six points au centre d'un demi-cercle terminé par des
boules. — Trouvée à Irsching. Or. Poids, 7»*,520.
N* 21. Triquetra dans une couronne de feuillage.
148 BULLETIN mCLlOGRAPHIQUE. '^? 3
1]) Six doubles annelets posés^ 1, 2 et 3, dans un entourage
dentelé interrompu par deux annelets. — Trou\é h Donauwôri h.
Or. Poids, 7"042.
Cinquième groupe,
N* 22. Tête de cerf de face.
ij) Trois arcs réunis au centre de la pièce par une de leurs
extrémités. — Trouvé à Gagers. Or. Poids, 7",i02.
N« 23. Tête d'Apollon tournée à droite.
ijl Deux fleurons dont la pétale centrale forme croix avec deux
lyres. —Trouvé à Irsching. Or. Poids, 7'',622, 7",5I3, 7'%50(3,
7",475.
Sixième groupe.
No24. Disque convexe.
I)) Lyre au centre d*un anneau ouvert dont les deux extré-
mités sont terminées par des boules. — Trouvé près d'Hohenèoe.
Or. Poids, 7^856.
N* 25. Hache ou instrument à deux pointes,
ij) Point au centre d'un anneau ouvert. — Or. Poids, 2*S072.
N"* 26. Disque convexe orné d'un fleuron.
^ Fleuron composé de deux spirales et d'un boulon. Point.
^ Trouvé h Irsching. Or. Poids, 7»',6I5, 7",713.
N* 27. Élévation circulaire avec point au centre.
ij) Fleur à trois pétales et trois points. — Trouvé à Irsching,
Or. Poids, 7«',737.
N* 28. Disque en relief et lisse.
^. Astre cruciforme ou fleur à quatre pétales. — Trouvé à
Elwangen. Poids, i*',806.
N* 29. Disque lisse.
ig). Trois croissants. —Trouvé hAmpfing. Or. Poids, T*',5I0.
Septième grou^tc.
N* 30. Disque en relief.
^. Coquille avec rayons; trouvée ù Gagers. Or. Poids, 7",033,
l'SOOo, 6",99J, 6",9I8, 6",888, etc.
nULLETJN niBLlOGRAPllIOL'E. 1 4l>
A ces sept groupes il en faudrait joindre un huitième composé
des monnaies découvertes à Podmokl et particulières à la Bo-
hême. On pourra les trouver gravées, assez imparfaitement il
est vrai, dans Touvrage de Voigt intitulé : Beschreibung der bis-
her bekannien Bôhmischen Mûnzen (Prague, i77i), aux pages 47,
63 et 235 du premier volume. Ces pièces ont leur importance ;
plusieurs d'entre elles ( p. 47, n*** 4 et 6, p. 63, n* i) sont de
luéme module et portent le même type qu'un quart de statère
d'or publié par Neumann (Popul. et Reg. num. vet., T. I,p. i40),
monnaie sur laquelle on lit BIAT, et qui par conséquent se rat-
tache étroitement aux tétradrachmes pannoniens, postérieurs à
ceux de Philippe, offrant la légende BIATEC (Neumann, Op,
iaud. Tab. IV, n' 11.— Mionnet, T. Vï, p. 717, n«« 2 à 7. —
Duchalais, Descripi.des méd, gaul. Pannon., n"* 95 à 98). Voilà
déjà un premier indice chronologique.
J'en trouve un second dans le rapprochement que j'établis
entre les Begenbogen-Schùsselchen du second groupe (pi. iV,
n* 6) portant au revers de la tôte d'oiseau la figure cruciforme,
et un statère d'or de la collection du comte Wiczay, à Héder-
war en Hongrie (Mus. Hederv, num. an^,1814. Tab. XXX,
n' 670, p. 346).
11 est facile de voir comment, par suite de copies successives,
la tête d'Apollon des monnaies de Philippe a produit le type
i50 • EtLLETIN EIBUOGRAFHIQCE.
singulier du sUtère d^Héderwar, et comment celui ci a donné
Bûssanœ à la figure cruciforme surmontée d'un fleuron qui
B^esl qu'un dernier reste tout à fkit incompris et régularisé des
mèches de cliereux placées au-dessus de Foreille du dieu. Com-
ment une pareille transformation a>t-elle pu s'accomplir? c'est
ee qu'une étude intime de la numismatique des barbares peut
senle faire comprendre.
Mais le fait est évidei^ ; il suffit pour nons démontrer que
les Regemboffen-Sckisselckem qni se lient tontes les unes aux
antres par la &brk{iie^ par les types, par la proTcnance,
sont postérieures aux statères de PiliUppe, qu'elles sont même
plus modernes qne les imitations pannonienne»; et si l'on admet
q«e la dégénérescence a été un résultat de la situation géogra-
phique aussi bien qu^^une afiaire de temps, on saisira parfai-
tement la raison qui Eût que les Vindélicîens, et les habitants
de la seconde Rhétie ont émis des monnaies dimt le type s'é-
loigne plus du UK>dèle macé<fonien que celui de leurs TOtsins
orientaux. D'autres monnaies pannoniennes, un quart de sta-
tète d'or^ un tétradrachme copié de ceux de Philippe (Mus.
Btderv. «Mit. oft/. . Tàb. XXX» n** 6T5, 68T], offrent la tiquetra
qui se remarque encore sur les pièces d'or de la Germanie.
La tiqnetray et Tanimal symbolique que représente le statère
n* I (animal qui forme le type de qnekiiies skeattas anglo-
saxons; Rudiog» AmudSy pL U n^ 3&»36 ; Lelewel, type ^auL^
pi. Xll^ n* 6)> senrent de uioti& de décoration aux lames
d^or qui recouvrent le l)eau casque antique trouvé à Anfrerilie
eoL Normandie^ donné au musée du Louvre par M. Biaet. C'est
là on rapprochement qui pourra être utile à ceux qui voudront
éhKfierles Regenbogen-Sckàsselchen^ei qui concourt à montrer
que ces monnaies ont été^ comme Ta dit M. Slreber dans son
livre si rempli de recherches érudites, Eabrtquées (hnsune con-
trée où la race gauloise avait été prépondérante. Je ne suivrai
pastanleur dans le coifimentaire qu'il donne des <&rerses fi-
gures empreintes sur les monnaies concaves^ me bornant à
HLLLETIN lUDLIOGRAPUlQUE. 161
constater après lui que les points qui paraissent sur les revers
par groupes de trois, quatre, cinq, six ne peuvent se rapporter
à la valeur des monnaies, puisqu'on observe les mêmes combi-
naisons sur les statères et sur leurs divisions. Je crois qu'à pro-
pos du collier hémicirculaire ou torques qui figure sur un si
grand nombre de ces pièces, et qui par son analogie avec la
forme de Tarc-en-ciel a contribué à accréditer leur nom popu-
laire, il serait bon do rappeler une monnaie d argent publiée
par Lelewel {Type gauL , pi. VI, n© 25 ; — Bev. arch.^ 1844,
p. 123), monnaie sur laquelle on voit, dans une couronne de
feuillage tout à fait semblable à celle des liegenbogen-Schûssel-
cheriy un personnage tenant uu torques. C'est un monument à
ajouter à la série vindélicienne. Quoi qu'il en soit, nous récla-
mons dès à présent de Tauteur du premier Manuel de numis-
matique ancienne qui sera publié une place pour les monnaies
des Pannoniens, des Boii de la Bohême, des Vindéliciens et des
Salasses. C'est un accroissement de richesses auquel M. Frantz
Streber aura puissamment contribué.
Ad. de LOKGPÉRIBR.
CHRONtOUE.
M. Tablé Cavedoni {Revue, 1861, p. 483) a émis des doutes
sur raulhcnlicilé d'une rare médaille frappée k Apamée de
Bithynie, et portant les bustes et les noms des trois sœurs de
Caligula, Julie, Drusille et Agrippine. Au revers, on voit
Agnppine, leur mère, assise, à gauche. Cette médaille , exces-
sivement rare, et dont M. Coben ne connaissait qu'un seul
exemplaire conservé au Musée Britannique , a été gravée dans
i'ouvrage sur les Monnaies impériales romaines , t. l , pi. IX, et
décrite à la page 155.
Jeviensd'en voir un second exemplaire parfaitement authen-
tique dans les riches cartons de MM- Rollin et Feuardent, et je
crois qu'il n'y a pas lieu d'avoir de doutes quant à l'antiquité
de la médaille conservée au Musée Britannique, quoique la
couleur de la patine Tait fait suspecter par quelques nu-
mismatistes. (J. W.)
MONNAIES D'OR DU XVI« SIÈCLE
TROUVÉES A HOUDETOT (sEIWE-INFÉRIEURE ) EN 1802.
Le 18 avril 1862, trois ouvriers travaillant dans une ferme de
la commune de Houdetot (canton de Fontaine-le-Dun, Seine-
Inférieure) ont trouvé, à une légère profondeur du sol, trois
écus d'or du xvi" siècle, parfaitement conservés. Deux de ces
pièces étaient de François !•', et offraient entre les bras des
croix, Tune deux FF. couronnés; l'autre deux FF. non cou-
ronnés et deux fleurs de lis. La troisième pièce était de Henri \\\ ,
au millésime de 1578. Ces trois belles monnaies ont été ache-
tées par M. le curé de Fontaine-le Dun, qui les a placées dans
sa petite collection.
Le 2 mai suivant, les mêmes ouvriers ont encore rencontré,
au môme endroit, un écu d'or de Charles IX, à la date de 1562
et une pistole d'Espagne de Philippe II.
Ces nouvelles pièces ont encore été acquises par M. le doyen
de Fontaine. L'îibbé Cochet.
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
LETTRES A M. A. DE L0N6PÉRIER
LA NUMISMATIQUE GAULOISE.
Treizîôme article. — Voir Bévue, 1862, p. 325.
(PI. VI.)
XVII.
Gaule narbonnaise.
Mon cher Adrien ,
J'ai longtemps gardé le silence avec toi, parce que, d'tin
côté, j'avais de sérieux sujets de préoccupations toutes
différentes, et que, de Vautre, je n'étais pas fâché de
réunir le plus de nouveautés possible , avant de reprendre
notre correspondance sur la numismatique gauloise. Je
reviens donc avec bonheur à nos causeries, et je commen-
cerai par te communiquer certaines petites découvertes qui
me paraissent jeter une lumière toute nouvelle sur l'his-
toire monétaire de Marseille et des villes sur lesquelles,
glorieuse métropole , elle avait étendu sa suprématie.
Je n id pas besoin de te rappeler ici les magnifiques pièces
186S.— 3. H
ibi MÉMOIRES
que notre très-regretté ami M. le marquis de Lagoy a le
premier fait connaître au monde savant. Leur apparition
fut une véritable révélation, et de ce qu'il existait des mon-
naies de Glanum et des Caenicenses , on était pour ainsi
dire en droit de conclure qu'en cherchant bien on trouve-
rait des monuments analogues dans les diverses séries
monétaires jusqu'ici appliquées en masse aux Massaliètes.
C'est encore à Itf . de Lagey que nous devons la connais-
sance des monnaies des Sam nagé tes et des Tricorii. Notre
cher la Saussaye nous a fait connaître la rare monnaie des
Ségoviens ou des Ségobriges à la légende CGrOBI ' . Enfin
M. Hucher a proposé de reconnaître dans une petite pièce
de cuivre le nom d'Atbénopolis * ; probablement il a raison ;
mais cette attribution a besoin encore de confirmation, et
je ne doute pas que quelque trouvaille heureuse ne vienne
un jour lui fournir un excellent argument de plus dans la
présence de lettres grecques plus correctement dessinées.
Je n'ose te parler de la pièce des Anaiilii, dont la lecture
et l'attribution me semblent un peu hasardées '.
Je résume donc ainsi qu'il suit le catalogue des mon-
naies des Massaliètes ou des villes qui ont emprunté ou
8ul|i le tjfpe mofiétaire des Massaliètes :
Massaliètes. Tricoriens .
Gkftkliies; . Ségobiens.
Samnagenses. Avenio ?
Gsninçnses.
> Nfm, de la Gaule narbonn,, p. 121.» Cf. Lelewei, Type gauMe, p. 116.-»
L'attribution de cette pièce aux Ségobriges npparlient à M. Feantrier. Vot.
BêWê numiem.f V* série, 1842, p. 5.
* BetuânMniem., 1** série, 1865, p. 322.
s Revue muniMi., {'• série, 1847, p. S97.
ET DI?;S£RTAtlO:SS. Iftfi
Dans la Cisalpine :
Ricomagenses. \
Libecî. î Ligures.
Ojiybii. )
11 y a déjà plus de vingt ans que la Saussaye, à propw
de ces monnaies au type marseillais des Libeci et des Ri-
comagenses, déclarait qu'nne provenance habituelle bien
constatée pourrait seule mettre sur la voie pour arriver
à l'attribution certaine de ces imitations.
Aujourd'hui le doute n'est plus permis. C'est par cen-
talMs <pie ces monnaies se trouvent dans la Cisalpine ;
elles se ftucMtrent très-fréquemment aussi dans la Suisse
méridionale; eu Provence, jamais; ou du moins je n'en
connais pas une seule provenance certaine.
Voilà qui est donc indubitable et incontestable aujour-
d'hui: les monnaies des Libeci, des Ricomagenses et ded
Qzybii reviennent de plein droit à la Cisalpine.
Quant aux Tricorii et aux Segobii, j'ai bien de la peine
à croire que ces monnaies aient été frappées par des peu-
plades qui n'étaient pas dans le voisinage immédiat des
Massaliètes. Ainsi les Tricorii des médailles ne peuvent, à
mon avis du moins, être une peuplade montagnarde placée
dans la vallée du Drac, entre Gap et Grenoble. Numismati-
quemèût parlant, c'est impossible; mais si nous recou-
rons à Pline , âous trouvons les Tricorii placée dans le
voisinage de la Méditerranée, fort près de Marseille, et
alors je vois un accord des plus satisfaisants entre les
faits numismatiques et l'assertion du grand naturaliste.
De même pour le C€rOBI , je ne puis pas plus facilement
admettre que pareille monnaie ait été frappée par une
peuplade des montagnes qui constituaient le royaume de
1 56 MÉMOIRES
Donnus, auquel son fils et successeur Cottius transmit le
nom d'Alpes Cottiennes. Tout bien considéré, je préfère de
beaucoup T attribution aux Ségobriges des environs de
Marseille.
Poursuivons notre récension rapide des monnaies frap-
pées aux types massaliètes.
Si dans la suite si riche de ces monnaies il y en a des
centaines, j'allais dire des milliers qui doivent rester sans
conteste à Marseille , il y en a d'autres aussi qui me pa-
raissent devoir être distraites du bagage numismatique de
rillustre métropole phocéenne. Mais je ne m'occuperai pas
cette fois de faire cette distribution, qui demandera une
étude des plus sérieuses, étude que je compte bien faire
incessamment, et dont je te donnerai au plus vite les résul-
tats. 11 me suffira aujourd'hui de te dire que parmi les
I)etites oboles à la roue, il y eu a qui peuvent et doivent
être probablement attribuées à lléracléa Caccabaiia \ et à
Tauroentum. Ce que je me suis proposé en t' adressant
cette lettre , c'est de rectifier quelques lectures adoptées,
et que l'inspection d'exemplaires meilleurs que ceux qui
avaient fourni ces lectures nous force aujourd'hui d'aban-
donner.
Samnagétcs.
Tu te rappelles comment on a lu jusqu'ici la légende qui
accompagné là tête des rares monnaies dont il s'agit. Voici
ce qu'en dit la Saussaye {Num. de la Gauk nar6.,p. 100).
« M. de Lagoy nous fournit une heureuse explication de
la légende placée du côté de la tête d'Apollon, ACTIKO,
• C'est ainsi que »ur l'oboîe sur laquelle on a lu ArAA, il y a en réalitii
IIPAK ; ce qui laî?^p bien pou de doutes sur la véritable origine de la monnaie
^ui porte ce nom.
ET mSSKRTAT10^S. 167
^Ifuis doute pour À'7?(xd>, à celui qui habile dans la ville^
en supposant que « les Saninages pouvaient avoir attribué
« ce surnom à Apollon considéré comme protecteur rési-
ti dant dans leur métropole, qui devait être pour eux la
ti ville par excellence. »
H y a contre cette explication deux grosses difficultés ;
la première c'est qu'il n'y a pas de tête d'Apollon sur la
pièce en question , la deuxième c'est fju'on n'y lit pas non
plus la légende ACTIKO,
Deux magnifiques exemplaires de cette rai'e monnaie, se
complétant l'nti l'autre h mer\'eille, reposent dans mes
tiroirs. Tous les deux pioviennent de Bany, près Bolène
(Vaucluse). La têtedti droit est bien celle de Cérès, comme
sur les analogues des Massaliètes, et la légende entière
est 1. KAAA. KACriAO, c'est-à-dire Gains Claudius Cas-
gilus (pi. VI, n*** 1 et 2). Nous perdons une légende divine
d'Apollon, mais nous gagnons une légende nominale qui
nous fait connaître un personnage gaulois affilié à la gens
Claudia, et qui fut à la tête de la cité des Samnagètes. Je
ne puis donc me décider à regretter l'interprétation de
M. de Lagoy.
La Ciolat.
Voici maintenant une attribution un peu hardie que je
te soumets, mon cher Adrien , en te la livrant pieds et
poings liés. Fais-en à ton plaisir, et si tu trouves mieux,
rectifies mon hypothèse.
Tai acquis une jolie pièce de cuivre au type purement
massaliète, provenant de Barry, près Bolène, et offrant au
revers une double légende ainsi composée : au-dessus du
taureau comupè te M A22AA. ..; à l'exergue HAIKI. .. Je com-
plète ainsi cette légende, MA2ZAAIHTnN HAlKIflTflN,
1(6 MÉMOIRES
des Massaliètes contemporains (de la ville fondée par eux,
ou Frères?) (pi. VI, n* 3). Quel que soit celui de ces deux
sens que nous adoptions, l'attribution de la pièce en ques-
tion me paraît couler de soi. En effet la légende rappelle
immédiatement la Ciotat; bien qu'à quelques lieues de la
métropole, la Ciotat n'est à vrai dire qu'un arsenal maritime
des Marseillais ; est il possible que jamais cette bourgade ait
reçu le nom de Civitas, la Ciotat ? Je ne le crois guère ; mais
ce que je crois, c'est que parmi tant de mots grecs restés
dans le patois provençal \ le surnom IIAlKUïrAl se soit
également conservé , et soit devenu l'origine du nom mo-
derne de la Ciotat. Le Citharista Portus de l'Itinéraire Ma-
ritime est-il la Ciotat? C'est fort probable; mais il a dû
prendre son nom d'une bourgade ou petite ville voisine
dont il n'était que le port , et qui nous est indubitablement
représentée par le Crest.
Le Crest.
J'attribue, sauf meilleur avis, à cette importante localité
de rares monnaies de cuivre au type marseillais que j'ai
vues pour la première fois dans les cartons de M. Ricard, de
Montpellier. J'attends et j'attendrai trop longtemps encore,
je le crains, les empreintes qu'il a bien voulu me promettre
des deux beaux exemplaires qu'il possède de cette monnaie,
pour ne pas me décider à publier celui bien moins complet
qui est dans mes cartons (pi. VI, n"" A) ; la tète est d'assez
singulier style, et à coup sûr ce n'est pas celle de Cérès ;
au revers nous lisons KP1S2..., légende que, sauf plus
ample informé Je suis tenté de lire KPI220T(2N, et d'at-
> Comme o»iiitt«ou, oorbeUle, panier, «t tant d'autres.
ET DISSERTATIONS. 160
tribuer aux habitants du Crest. Les exemplaires de M. Ri-
card proviennent de Murviel, près Saint-Georges (Hérault).
Le mien provient de Barry, près Bolène ( Vaucluse).
ÀrUi??
Y aurait-il grand inconvénient à donner à Arles la pièce
qui, au-dessus du taureau cornupète, porte le très-grand
monogramme AP (pi. VI , n* 6 ) ? Je ne le pense pas , c'est
pourquoi je te propose d'examiner ce projet d'attribution.
Orange.
Voici encore une curieuse pièce qui mérite d'être étudiée
avec soin. Elle a été déterrée à Orange même , où je l'ai
acquise. Au-dessus du taureau comupète on lit : AOPA; et
je l'avoue, je suis bien tenté, malgré la forme Arausio, du
nom antique de la ville, de voir Arausio dans AOPA, d'au-
tant plus que dans le moyen âge ce nom s'est représenté
avec la forme initiale AVRA.... au lieu de ARAV.... (pL VI,
n*6).
Je termine cette lettre déjà bien longue, mon cher
Adrien, en appelant toute ton attention sur les deux pièces
au type marseillais qui complètent la planche (n** 7 et 8).
L'une , celle qui porte un trou énorme si malencontreuse-
ment placé , est-elle frappée en Provence? Je ne sais trop ;
si oui elle pourrait bien être d'AFAGA , Agde. L'autre est
encore lettre close pour moi, grâce à ce que le commence-
ment de la légende est tronqué. Si tu peux deviner l'ori-
gine de ces deux pièces, tu me rendras bien service.
Tout à toi de cœur. F. de Saulgv
169
MÉMOIBE»
NOTE
SUR LA TERMINAISON OS DANS LES LÉGENDES
DE QUELQUES MONNAIES GAULOISES.
Les antiquaires qui se livrent à l'étude des monnaies
gauloises ont remarqué la forme donnée sur ces monu-
ments aux noms de la seconde déclinaison, tels que :
ABVDOS.
ALABRODIIOS.
ANDECOMBOS.
AREMACIOS.
ARIVOS.
ATEPILOS.
ATISIOS.
AVLERCOS.
AVSCROGOS.
BELINOS.
BIRACOS.
BODVOS.
BPIINOS.
BRIGIOS.
GABALLOS.
GARSICIOS.
CATTOS.
GISIAMBOS.
COBROLOMAROS.
COIOS.
COMMIOS et COMIOS.
CONTOVIOS.;
DIARILOS.
DIASVLOS.
DVRNACOS.
EBVROVIGOS.
ECGAIOS.
EPENOS.
EPILLOS.
GIAMILOS.
IVLIOS.
LITAVIGOS.
LVGIOS.
LVXTIIRIOS.
MATVGENOS.
NONNOS.
ET DISSERTATIONS.
PICTILOS.
TATINOS.
PIXTILOS.
TRICCOS,
RATVMAGOS.
TVRONOS.
REMOS.
VANDIILOS,
SANTONOS,
VDIOS.
SIMISSOS PVBLICOS.
VERICOS.
SOLLOS.
VIRKDISOS.
STRATOS.
vmos.
SVTICOS.
VLATOS.
TASGIITIOS.
161
Cette forme diiïérente de celle que la grammaire clas-
sique nous enseigne les a frappés, et ils ont pensé que la
terminaison OS était gauloise , qu elle avait une origine
celtique. C*est là une opinion qu'on entend souvent émettre ,
mais elle n'est pas fondée ; la terminaison OS est ita-
liote aussi bien que gauloise : elle appartient essentielle-
ment à la vieille orthographe latine, et elle a été portée en
Afrique, en Asie, comme dans les Gaules. La terminaison
OS a précédé VS, et a survécu à l'adoption presque géné-
rale de cette seconde forme. Il y a chez tous les peuples
un temps où l'orthographe demeure flottante, et où l'o-
reille sert principalement de guide. Or le V et l'O ont été
pour les vieux Romains deux lettres tellement analogues,
([u'ils les ont échangées avec une exti'ème facilité soit h,
l'intérieur des mots , soit à la fin. En anglais, le pronom
pei*sonnel us et la terminaison des noms propres , tels que
Vûrgilius, Tacitus, Fabius, ont un son qui tient beaucoup
de rO très-bref. 11 en était évidemment de même en Italie,
où nous voyons par la quantité prosodique que l'VS de la
seconde déclinaison était bref; c'est à la faveur de cette
ressemblance que le V s'est introduit là où le cnractëre 0
Mi MÉMOIRES
avait d'abord été employé. Cependant dans les langues
néolatines, telles que l'italien , l'espagnol, l6 portugais,
ro a conservé sa prépondérance. Cela paraît être un effet
assez naturel de la réaction des provinces gardant tradi-
tionnellement les vieilles formes alors que la métropole
les a abandonnées. 11 est facile de voir par la figure des
caractères que portent les plus anciennes monnaies épigra-
phiques de la Gaule (tels sont les ^, les P (P), les II (E),
les r (F) , les G (G) ) , par l'emploi d'un seul caractère pour
représenter les consonnes doubles, par l'usage de TV pour
exprimer la syllabe VU, par l'addition d'un S après TX, que
les Gaulois ont appris à écrire pendant leui-s campagnes d'I-
talie aux IV* et III* siècles avant notre ère. Ils ont rapporté
chez eux toutes les habitudes de l'orthographe latine , et les
ont ensuite conservées avec l'alphabet que Rome laissait tom-
ber en désuétude. C'est ainsi qu'au Canada on parle de nos
jours encore la langue du siècle de Louis XIV, qui bientôt
malheureusement aura chez nous besoin d'interprètes.
Voyons comment, à Rome même, on écrivait au m* siècle
avant Jésus-Christ. Lisons sur le tombeau de Lucius Cor-
nélius Scipion : HONG OINO PLOIRVME COSENTIONT
R[omaî] DVONORO OPTVMO FVISE VIRO LVCIOM SCI -
PIONE. FILIOS BARBATI CONSOL, etc. (Hnnc unum p/u-
ritni consendunt Pomœ bonorum optimum fuisse virum Lu-
cium Scipionem. Filius Barbait^ consul. , etc. ) ; passons à
la célèbre inscription de la colonne rostrale, et remarquons
que Caius Duillius reçoit le titi-e de MAXIMOS MACISTRA-
TOS ; nous trouverons encore dans ce texte EXFOGIONT
(exfugiunt), NAVEBOS, CONSOL, PRIMOS, ARCENTOM
CAPTOM, POPLOM, etc. Vient ensuite Tépitaphe d'un autre
Scipion dans laquelle on lit : ... . MORTVOS. PATER REGEM
ANTIOCO SVBEGIT.
ET DISSERTATIONS. 16S
Quoi de plus connu que la belle ciste du musée Kircher,
qui nous montre une signature d'artiste suivie d'une dédi-
cace : NOVIOS PLAVTIOS MED ROMAI FECID — DINDIA
MACOLNIA FILEA DEDIT. Une autre dédicace, tout aussi
souvent reproduite, est ainsi conçue : M.MINDIOS.L.FI.P.
CONDETIOS.VA.fi AIDILES VICESMA PARTI APOLONES
DEDERl. 11 faut placer à côlé : G.PLACEi\TIOS.HER.F.
HARTE.SACROM; et celle-ci, copiée sur une plaque de
bronze découverte à Spolète : A APRVNNIVS.L.AORELIVS.
FAGIONDAM DEDERONT *. Les deux lettres 0 et V s'y
montrent , tandis que TO règne encore seul dans cette
autre, relevée sur une lame de plomb de Florence : PL.
SPECIOS MENERVAI.DONOM.PORT. Nous extrayons d'une
inscription de Vénusia cette phrase : AVT SACROM AVT
POVBLICOM ESE; une autre bien brève, recueillie à Pri-
vemum, APPIOS CONSOL, fournit le nom d'un membre de
la famille Claudia du ni' siècle.
Dans les lois de Numa, De opimis spoliis et De terminit^
on lit encore : CAPIVNTOR et TERMINOM, bien que nous
n'ayons pas le texte primitif Dans la loi Thoria nous rele-
vons : NEIVE IS AGER COMPASCVOS ESTO, et sur la table
de bronze portant le décret de délimitation entre les Gé-
nuates et les Veituriens , où se retrouve ce passage : QVEI
AGER COMPASCVOS ERIT, on remarque ces mots : INDE
DEORSVM IN FLOVIOM PORCOBERAM VBEl CONFLOVONT
FLOVI EDVS ET PORCOBERA.
Sur un miroir gravé du musée de Berlin , les figures de
Mercure et de Paris sont accompagnées du nom de ces per-
sonnages : MIRQVRIOS et ÂLIXENTROM. Sur un ustensile
^ On ft TQ pins hant, p. 159, la monnaie massaliote sur laquelle M. de Saulcy
a In le nom do lîeu AOPA , qui oflfre une permutation de voyelle îdentiquo
à celle qui se remarque dans AORELIVS.
16A MÉMOIRES
de même espèce conservé au collège romain , PoUux et la
Lune sont désignés par les noms POLOCES, LOSNA. Deux
autres miroirs appartenant au musée du Louvre, nous
montrent l'image de la déesse VËNOS.
Rappellerai-je ici tous ces vases à légendes latines sur
lesquels on lit : SAIITVRNI POCOLOM, — VOLCANI POCO-
LOxM, — SALVTES POCOLOM, — BELO LAI POCOLOM, etc. ;
qui ne connaît au moins une des dix variantes qui ont été
publiées?
Je n'ai voulu produire que des textes d'une antiquité
respectable, et d'ailleurs quelques exemples suffisent pour
donner une idée précise de tous ceux qu'on puise dans les
recueils épigraphiques. Je m'arrête donc, et aussi bien ai-
je à répondre d'avance à une objection qui pourrait m'être
adressée. «Les textes que vous citez, me dirait-on, con-
statent des fautes d'orthographe, »
On remarquera d'abord que je les emprunte à des mo-
numents publics, à des épitapbes de très-grands person-
nages, à des lois. On ne prétendra pas du moins que ce
sont des Gaulois qui ont été chargés de tracer des inscrip-
tions en l'honneur des Duillius, des Claudius, des Soi-
pions.
Mais je vais appeler en témoignage les grammairiens
de l'antiquité, et personne ne refusera d'admettre leur
déposition.
Quintilien d'abord : «Quare minus mirum, si in vetustis
operibus Urbîs nostrœ et celebribus templis legantur
Alexanter et Cassantra. Quid 0 atque V permutatœ invi-
cem? ut Hecoha et nofnop, Culchides et Pulixena scribun-
tur ; ac, ne in grœcis id tantum notetur, dederonl et pro-
baverovt.yy
ET DISSERTATIONS. 165
Cl Nostri praeceplores cefvtm sirvowque^ V et 0
literis scripserun t \ »
Puis viendra Priscien : « Y quoque multis Italiœ populis
in usu non erat, sed e contrario utebantur 0. Unde Roma-
tioriim quoque vel%A$lmimi^ in multis dictiouibus loco ejus
0 posuisse inveniuntur, pobUcum pro publicum , quod tes-
tatur Papyrianus de ortliographia, poUhrum pro pulcbruui,
cofpam pro culpam dicenles, et Hercolem pro Herculem; et
maxime digamma antécédente hoc faciebant, ut serves pro
servus, volgus pro vulgus, Davos pro Davus *. »
A son tour Velius Longus : « Apud nos quoque antiqui
ostendunt, quia œque confusas 0 et V literas habuere; nam
consol scribebant per 0, cum legerelur per V consul. Unde
in multis etiam nominibus variœ sunt scripturse ut fontes,
funtes ; frondes, frundes *. »
Marius Victorinus dit aussi : ci 0 non solum pro brevi et
longa; sed etiam pro V poni, ut pro populus, ibi jpopolus :
et ubi piaculum, ibi piacolum : sic et pro huic hoic : pro
funus fotiuSy item alia multa \ »
Enfin le savant Cassiodore : « Nec mirum est veteres V
littera pro 0 usos, nam et 0 pro V usi sunt. PobUcum
enim quod nos publicum , et quod nos culpam, illi colpam
dixerunt *. »
On ne s'étonnera pas maintenant de trouver sur les mon-
naies de Leptis minor et d'AchuUa, villes africaines : DIVOS
I VLIVS ; sur celles de Béry te de Pbénicie : DIVOS AVG VSTVS ;
> Quiatiliani Inst, oral., lib. I, cap. IV et Vil.
• PrisciaDÎ Gramm. Cœsariens., lib. 1, rf« voce, édit de Bâle, 1645, p. 21. —
Édit. PuUcb, 1605, col. 554.
> Tel. Longi De orthographiai édit. Putsch, col. 2216.
* Mar. Victorini De orthogr., édit. Putsch, col. 2468.
» Ca»siodori De orthogr,, édit Putsch, col. 2289.
105 MÉMOIRES
sur celles de Ptolémaïâ de Galilée : DIVOS CLAVD; tout
comQ\e on voit DIVOS TRAIANVS dans une inscription
de Macerata« Cette alliance du mot divos avec un nom
propre tenniaé en us a une raison d*être. Divos étant
BSk tim sacré àenk se perpétoer dass sa. vieille forose S
el rO précédé du digamma, ou de ce qve new
mons un Y consonne, avait plus de chance de durée,^!
que nous le fait entendre Priscien dans le passage cité plu»
haut. Aussi observons-nous dans diverses inscriptions :
C. PLIMVS GALVOS, — AVRELIVS CALVOS, — G. GORNE-
LIVS GALVOS. VIVOS.SIRI,— G RVSTIVS FLAVOS, de même
que nous trouvons assez souvent DVOMVIR. Le digamma
y était pour beaucoup, sans doute; mais le surnom de
famille avec son antique orthographe avait une apparence
aristocratique qui protégeait la voyelle 0. G'est ainsi que
le titre GONSOL, dans lequel le digamma n*a aucun rôle
survécut au naufrage de la terminaison OS*.
La tradition s* abrite toujours derrière les choses saintes ;
aussi tant qu'il a existé des frères Arvales, on a prononcé
ces paroles liturgiques : SEMVNIS ALTERNEI ADVOGAPIT
CONGTOS.
On le comprend, dans tout cela la Gaule et ses coutumes
particulières n'ont rien à prétendre.
Nos ancêtres se conformaient encore à l'usage de Rome
lorsqu'ils écrivaient VERGINGETORIXS. Je ne rapporterai
pas ici tous les exemples des mots LEXS, PAXS, FELIXS,
• Voy. le mot ditos dans Vairon, De ling. lat.^ lib. V, 66.
* Sar les monnaies des familles romaines on conserve aux snmoms lenr
forme antique, qui avait une apparence plus noble. Publicius est écrit
Pobliciuê; on voit reparaître sous Auguste Plotius , qui avait été écrit Phitius,
et nous trouvons encore sous la forme Accoltiuê le nom que Yarron écrit Ac-
calciuA, De ling, lat.^ lib. VT, 23,
ET DISSERTATIONS. IÔ7
ALEXSANDER, GONIVNXS et CONIVNCXS, MAXSIMVS,
DEXSONIA,PROXSlMVS,SAXSVM,etc., que nous offrent
les inscriptions et les médailles latines; mais je reviens au
sujet principal de cette note. Si l'on remarque dans les
célèbres tables de Claude DIVOM IVLIVM, ce n*est pas
parce que le texte qu elles portent a été gravé à Lyon, mais
parce qu'il est écrit en latin. 11 ne faut donc pas attribuer
à la Gaule , comme on Ta fait quelquefois, la monnaie de
bronze sans nom de lieu qui a pour type la tète de Met
César avec la légende DIVOS IVLIVS , pièce dont le style
est complément étranger à notre pays.
Les Gaulois, tout en gardant assez fidèlement le mode
d'écriture qu'ils avaient apprâr eo Italie, n'en firent pas
moins des concessions à Ymstge romain nouveau ; et nous
voyons sur leurs nonBues la temûnaison en VS dès l'épo-
que de César.
AWETVAWVS. DONNVS.
AMBACTVS. DVRNACVS. •
ARVS. GERMANVS.
AVLIRCVS. LISCVS.
....CINCOVEPVS. MAGVS.
KRACCVS. SEGUSIAVS.
Ce changement n'avait pas une très-grande importance,
car il parait qu'alors même que l'on employait encore de
préférence le caractère 0, on pouvait le prononcer comme
un V ; ce qui montre bien la parenté étroite qui unissait ces
deux lettres. Le grammairien Cassiodore nous dit : « Aliter
scribere et aliter pronuntiare vecordis est. Gum enim per 0
scribant, per V enuntiant \ » Mais tous les grammairiens du
* Cassîod., De orthogr., éd. rutscli., col. 2292.
l68 MÉMOIRES
Bas-Empire, excellents pour constater les faits, n*ont au-
cune autorité lorsqu'il s'agit de les expliquer. Quant à
nous, qui avons pendant si longtemps prononcé de la même
manière les trois diphthongues 01, AI, El, nous aurions
mauvaise grâce à faire le procès des Romains qui pronon-
çaient V en écrivant 0.
Résumons : 1* Les monnaies gauloises portent un grand
nombre de noms de la deuxième déclinaison avec la ter-
minaison OS. Cette forme orthographique n'a pas de carac-
tère national. Elle est commune à l'Italie et à la Gaule.
2*» L'emploi de cette terminaison a cessé d'être général
dans la Gaule à l'époque où de nouvelles relations avec
l'Italie ont fait connaître l'orthographe qui avait prévalu
au delà des monts. On a écrit ADIETVANVS et LISCVS sur
certains points; sur d'autres, TASGIITIOS et LITAVICOS.
3* De l'emploi de l'alphabet italiote, comme de l'accep-
tation des diverses variations de l'orthographe latine, on
doit conclure que la Gaule avait une grande propension à
se romaniser. ce qu'explique , du reste , la communauté
d'origine qui unissait la race italienne à la race celtique,
alors même qu'elles vivaient à l'état d'antagonistes.
Ad. de Longpériek.
ET DISSERTATlOr^S. IM
NOTE
DEUX ATELIERS MONÉTAIRES D'ALEXANDRE LE GRAND.
Parmi les monnaies d'Alexandre, on remarque une petite
série composée de sept variétés de drachmes et d'un sta-
tère*, où le symbole indicatif du lieu d'émission est la
figure d'un rat. La ville où ont été frappées ces pièces ap-
partient certainement h la Macédoine ou à la Tbessalie. car
on retrouve le même symbole sur les monnaies de Cas-
sandre*, roi qui ne posséda que ces deux pays en assez
pleine souveraineté pour y battre monnaie.
M. Millier * a déjà établi ce point, mais il n'a pas été plus
avant, et il a laissé les monnaies d'Alexandre au rat parmi
\es incertaines de la Macédoine et de la ThessaHe^ sans pro-
poser d'attribution précise. Nous croyons avoir été plus
heureux et pouvoir donner la solution de ce petit problème
numismatique.
Elle est fournie par un passage d'Héraclide de Pont *,
1 Miiller, Numianatiqw d^Alexandrt U Grande n'* 654-661.
> Ibid.^ atlas, p. xxziv.
» /6»d., texte, p. 201.
* Fragm. XLI, p. 22. éd. Kœler.
1863. — 3. 12
170 MÉMOIRES
conservé dans Etienne de Byzance *. « Les Thraces, y est-
« il dit, appellent le rat «syiîwo;, et c'est à cause de cela
« qu ils ont nommé Argilus une ville fondée par eux diaprés
« un oracle à l'endroit où un rat s'était montré à leurs re-
« gards, » Ap7().ov xov fxOv xa^oûai ©pâxec^ oS ocpQévTo; ttoXiv
xari yfiTtGuby ejcrtriav, x«î ApytXov oi)vof/.aaav.
Argilus était dans la partie de la Thrace qui , à partir du
règne de Philippe II , fut comprise dans la Macédoine % et
après la défaite de Persée constitua les deux premières pro-
vinces de ce nom '. Sa situation précise était sur une hauteur
de la rive droite du Strymon, en face d'Amphipolis*. Le co-
lonel Leake en a retrouvé l'emplacement '.
Cette ville , qui portait le même nom que le rat, et dont
cet animal avait indiqué le site futur aux premiers colons,
est évidemment la ville macédonienne désignée par un rat
sur les médailles d'Alexandre et de Cassandre. Aussi pro-
posons-nous avec une^ entière confiance d'ajouter le nom
d' Argilus à la liste des ateliers monétaires du conquérant
macédonien.
M. de Witte * a déjà fait voir les rapports qui existent
entre la légende de la fondation d' Argilus, rapportée par
Héraclide de Pont, et le culte d'Apollon-rat ou Sminthien,
auquel il a consacré dans ce recueil même une importante
étude.
II.
La, bipenne, dans la numismatique d'Alexandre, se pré-
« V« ÀpYiXoç.
• Voy. Forbiger, Handbuch der alUn Gtographie^ t. III, p. 1050.
» Tit.-Liv., XLV, 29.
♦ Herodot., VII, 115.— Thucyd., II, 99.
■ Travelsin Northern Gretce, t. III, p. 171.
« lievue numism,^ 1858, p. 15.
ET DISSERTATIONS. 171
sente comme marque du lieu de fabrication sur des pièces
de fabriques et de pays fort différents. M. Mûller a déjà
divisé en deux groupes principaux les monnaies qui por-
tent ce symbole.
Le premier groupe * appartient à une ville de la Carie,
trës-vraisemblablemeut Mylasa % près de laquelle s'élevait
le temple de Jupiter Labrandéen. On sait en effet que la.
hache à deux tranchants était l'attribut principal de ce
dieu', et qu'il la tient à la main sur les médailles des rois
de Carie de la dynastie de Mausole.
Le second groupe a été classé par M. Mûller ^ parmi
les incertaines de la Thrace , de la Macédoine et de la Thés-
salie. Mais ce groupe n'est pas homogène , et le savant
numismatiste de Copenhague a déjà reconnu qu'il devait
probablement à son tour être partagé entre deux villes.
Malheureusement, comme M. MiUler l'a fait i^marquer,
entre ces deux nouvelles divisions, a il est difficile de tracer
la limite, m
Cependant, s'il est des pièces au petit type de la bipmne
dont l'attribution sera toujours douteuse entre les diverses
' localités auxquelles on aurait le droit de les donner, nous
croyons qu'on peut arriver à établir avec certitude les deux
villes entre lesquelles doit être distribué le groupe qui,
dMïs l'ouvrage de M. Mûller, comprend les n*» 576 -585.
La première de ces localités est évidemment Ténédos,
Ile dont les monnaies ont pour type ordinaire la bipenne,
et à laquelle on a depuis longtemps proposé de donner une
i IdUlier, Num. dUUx.^n'^ 1128 1140.
> IMd„ p. 254 et luiv.
•Herodot., V, 119. — Strab., XIV, p. 659. — Plutarcb., Quaut,
grxc,, 45.
* P. 193, n*' 576-585 et atlas, p. XXXJI.
172 MÉMOIRES
partie des pièces d'Alexandre portant ce symbole *. Nous
n'hésitons pas à ranger à Ténédos les drachmes n°' 583-
585, sur lesquelles la bipenne est unie à IVpi, symbole
d'une ville de la côte de Macédoine qui est peut-être Tra-
gilus % le prétendu Traelium de tous les ouvrages numis-
matiques '. Les deux villes dont l'alliance est marquée sur
ces pièces devaient eue maritimes et liées par les rapports
d'un commerce fréquent. C'est là ce qui rend l'attribution
à Ténédos presque certaine, car une bien courte navigation
séparait cette île des cités de la côte de la Macédoine, avec
lesquelles elle était en relations continuelles. Pour la même
raison nous donnons à Ténédos le n* 582, où la bipenne est
unie à la couronne^ symbole d'une ville encore indétermi-
née, mais appartenant indubitablement au littoral de la
Macédoine \
Mais une partie des pièces à la bipenne ne peut pas ap-
partenir à Ténédos. On trouve cette marque d'atelier sur
un didrachme de Philippe II , père d'Alexandre ', et sous ce
prince Ténédos était aux mains des Perses, qui la tenaient
depuis la paix d'Antalcidas. Elle figure aussi sur les pièces
de bronze aux noms d'Alexandre et de Philippe Arrhidée,
frappées uniquement dans les provinces européennes, ainsi
que sur les monnaies de Démétrius II, qui n'a possédé que
la Macédoine, la Thessalie, et quelques villes du midi de
* Eokhel, Doet. num. vei.^ t. II, p. 103. — Mionnot.t. I, !ioU de Macédoine,
!»•• 282-283, et t. III, Suppl., i»»* 257-2C1.— Cli. Lcnorrninii, Xumhmatiquf drs
roii grecif ip. 22.
» Voy. Mullcr, p. 193.
' Cest le colonel Leake {Numiamata helltnica, II, European Greece^ p. lOB )
qui a rcBtitué à Tragihis les pièces macédoniennes à la légende TPAIAION.
données avant Ini à une ville de Trœlium purement imaginaire.
* Voy. Millier, p. 191.
» Miillcr. Philippe II, n* 251.
LT DISSERTATIONS. 173
la Tbrace *. Enfin la hache se montre comme symbole
accessoire sur les pièces de la ville de Philippes ', et les
alliances indiquées par les petits types du champ y appar-
tiennent exclusivement à la Macédoine, la Tbessalie et la
Tbrace.
Outre Ténédos, la hache à deux tranchants a donc dési-
gné F atelier monétaire d'une ville appartenant à l'une de
ces trois provinces. C'est à cette ville que, rejetant à la
Carte le tétradrachroe n" 580 qui lui appartient évidemment
par son style, nous donnons les stalères n*** 576 et 577, et
le quart de statère n*" 578, où la bipenne est accompagnée
de monogrammes de magistrats dont elle est également
accompagnée sur les petits bronzes d'Alexandre et de
Philippe Arrbidée, ainsi que le slatère n** 579, entièrement
semblable comme fabrique aux deux autres.
Nous arrivons à préciser la Tbessalie comme la contrée
où doit être cbercbée la ville dans laquelle ont été frappées
ces monnaies, si nous nous souvenons qu'une bipenne
exactement semblable se voit comme symbole accessoire
dans le cbamp de certaines monnaies d'argent d'Alexandre,
tyran de Phères '.. Sa présence sur ces derniers monuments
a été ingénieusement expliquée par M. Newton ^ à t'aide d'un
passage de Théopompe', où il est question du culte tout
particulier d'Alexandre de Phères pour le Baccbus adoré à
Pagass sous le surnom de hache ^ Tre/e/u; : 0£d7ropt7:6; cpr.'j^v
AXeÇavâpov ^ipodov Aiôwfjov rov iv IlayaGOft;, o; é/aXeTTo :://£-
> Millier, allas, p. xxsii.
* Mioonet, Supplément^ t. III. pi. VIII, n* 4.
* NumùnuUic Chronicley 1845, pi. de la p. 110, n» 1.— Rtxut nuint^in , 18ô9f
pi ni,n«i.
* JVum. Chron., 1845, p. 113.
* ip. Schol. ad Homer., Uiad. Û, v. 428.
I7i MÉMOIRES
xu;, Bvctoi^v dia(fopci>ç. M. de LoDgpérier * a donné à ce judi-
cieux rapprochement une approbation pour laquelle les
numismatistes doivent être d'accord.
Mais n'est-ce pas le symbole de ce Dionysus-kacAe qu'il
faut aussi reconnaître dans la bipenne des pièces d'Alexandre
le Grand marquées des n*» 676-679 dans l'ouvrage de
M. MûUer? Nous le croyons d'autant plus que la drachme
n* 681 , qui est certainement de la même ville , montre la
bipenne flanquée des deux lettres AI, initiales du nom du
dieu, Atovuaoç, servant sans doute à préciser la signification
de ce symbole, assez vague de sa nature. La bipenne^ sur
les monnaies incontestablement frappées dans les provinces
européennes, marquerait donc l'atelier monétaire de Pa-
gasœ, ville importante de la Magnésie thessalienne *, qui
donnait son nom au golfe Pagaséen , et dont les ruines
se voient encore aujourd'hui à côté de la moderne
Volo ».
D'après son surnom conservé par Théopompe, le Bac -
chuB-hache de Pagasse, Aïowao; 7:é>.e%uç, dont ne parle, du
reste, aucun autre écrivain de l'antiquité, était probable-
ment une vieille divinité pélasgique, adorée sous la forme
d'une hache plantée en terre. C'est ainsi qu'à Ghéronée on
rendait un culte divin à une lance (dopu). qui passait pour
le sceptre de Jupiter, et qui avait un prêtre spécial *. Les
Sabins adoraient également une lance sous le nom de cur
ou queir, et voyaient en elle la représentation d'une divmité
> AeciM fiumum.« 1859, p. 110.
« Herodot., VU, 193.— Scjl., PeripL, p. 25.— Strab., IX, p. 436.—
Pto!., m, 13, 17. — Apollon. Rhod., Argtmaut., I, v. 238, 318, 411 et 524.—
Pomp. Mel., II, 3, 6.— Plin,, Biêt. nat„ IV, 8, 15.
3 Leake, Tratelt in Northern Greece, t. IV, p. 369 et tniT.
^ Pau8aii.,IX, 40,6.
ET DISSËRTATIOISS. 175
belliqueuse analogue à TArès ou Enyalios des Grecs ^
Hérodote ' signale le même usage chez les Scythes, qui ado-
raient, dit-il, un glaive (ay.ivaxxç) nu, ce que Clément
d'Alexandrie répète des Sarmates'. M. de Longpérier a
publié un cylindre gravé assyrien qui représente un prêtre
faisant une offrande devant une bâche plantée sur un
autel *.
Le Baccbus de Pagasœ, honoré sous la forme d'une arme,
devait avoir bien de la parçnté avec le Dionysus Enyalios
dont parle Macrobe '. En même temps le symbole de la
bipenne révèlç, dans sa conception, l'idée d'un être an-
drogyne. Les deux tranchants de cette espèce de haclie^
unis en un même fer, sont en effet dans les religions anti-
ques l'emblème de l'union des deux sexes dans un même
être •. Au reste, les deux idées d'un dieu armé et belliqueux
et d'un dieu hermaphrodite, qui au premier abord semblent
dans une antinomie absolue , n'étaient pas aussi opposées
qu'on pourrait le croire dans les données religieuses du
polythéisme. Il est facile d'acquérir la conviction de ce
qu'elles ne s'excluaient pas l'une l'autre, en étudiant com-
parativement le Jupiter Labrandaeus de Mylasa de Carie et
le Jupiter Aréius d'Iasus dans la même contrée, si différents
dans leur forme extérieure et pourtant si voisins dans leur
conception fondamentale.
François Lenormant.
' Dionys. Halicarn., Ant, rom., ]« 67.
• IV, 50.
» Protrept., II, p. 16.
* U culte de la hache, BuUel. artheol. de VAtharmum franr.^ dcc 1865. p: 101 .
* Saturn,^ I, 19.
• Cb. LenormaDt, Nouvelle galerie mythologique ^ p. 62 et suiv.
176 MÉMOIRES
UN STATÈRE D'OR D'ATHÈNES.
Nous sommes loin du temps où Eckbel niait qu'on eût
frappé de la monnaie d'or à Athènes *. J'ai pu même, il y
a bientôt six ans, publier la série complète ' de l'or attique,
en indiquant les spécimens qui se trouvaient dans les di-
verses collections» et fixer le tableau suivant :
Poids normftl.
Ofarytas ou itatëre 8^60
Hémiohrysus 4,30
Tiers de sUtère (tritë) 2,88
Qaart de sUtère ( tétarté ) 2,15
Hekté (lixième partie du statère) 1,44
1/2 hekté . 0.72
a/S dTiekté 0,54
1/4 d'hekté 0,36
1/8 d'hckté 0,18
1/16 d'hekté 0,09
Par là s'établissait la corrélation , dans le rapport de 1
à 10, de la monnaie d'or à la monnaie d'argent Mais tous
les exemplaires d'or qui étaient venus à ma conuaissajice
paraissaient, par leur style, antérieurs au iv* siècle avant
notre ère , et l'on pouvait croire que les Athéniens n'en
avaient plus frappé sous les successeurs d'Alexandre et
sous la domination romaine. Aucune pièce, ni par le carac-
i Eckhel, 1X;V.,I1, p. 206.
* Mtonnam d'Athènti, p. 69 et imv.
n DISSERTATIONS. 177
tèredu travail , ni par les symboles, ni par les inscriptions
ne répondait à cette immense série de tétradracbmes , de
drachmes et de irioboles qui furent frappés pendant plus
de trois siècles, et dont les magistrats monétaires, nommés
en toutes lettres, permettent d'établir la ciassificaiion. Il
est vrai de dire que dans l'archéologie les lacunes ne sont
que provisoires et sont tôt ou tard comblées par des décou-
vertes précieuses.
Il y a quelques années, M. Postoiaka, conservateur du
cabinet des médailles à Athènes , eut l'obligeance de m* en-
voyer une empreinte de la pièce d'or dont voici le dessin :
D'un côté est la tête de Minerve , semblable aux tètes qui
sont gravées sur les monnaies d'argent de nouveau style ;
de l'autre « la chouette sur un diota; dans le champ, le
pharnace ou astre des rois de Pont et l'inscription A0E ,
BA21AE[r2] M10PAAATfl2 AP12TU2iN , le tout dans une
couronne d'oUvier. C'était la répétition exacte , en plus
petites proportions, du fameux tétradrachme que possède le
musée Britannique, et qui a été publié pour la première
fois dans le musée Hunter *. Si nous connaissions la drachme
d'argent frappée à la même époque, il est évident qu'elle se-
rait identique , par la composition et par le module. Ma
première impression, d'après l'empreinte, fut même qu'une
drachme d'argent de cette rare série avait pu être décou-
verte et surmoulée.
J'écrivis aussitôt à M. Postoiaka, pour le prier d'exa-
^ Page 49, en note.— Monnaéti d'Àthêntif p. 237.
178 MÉMOIRES
miner attentivement cette pièce d'or et de la peser ; mais
M. Postolaka en avait pris l'empreinte sans pouvoir Tache-
ter pour le cabinet d'Athènes , à canse du haut prix qu'on
en demandait. Déjà l'exemplaire avait disparu d'Athènes et
courait dans les mains des marchands. La pièce arriva ainsi
dans la collection du duc de Luynes ; elle est aujourd'hui
au Cabinet des médailles» depuis que le duc de Luynes a
fait à notre Bibliothèque et à son pays le magnifique pré-
sent que tout le monde admire.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce statère d'or si imprévu
est excellent; il pèse 8B',a5, ce qui est le poids affaibli
du statère attique , qui s'élevait à 8^,60 ; mais , de même
que les tétradrachmes de nouveau style pèsent moins que
les tétradrachmes d'ancien style, de même la monnaie d'or
a dû s'affaiblir dans une proportion égale. Aussi, en Grèce,
la monnaie ancienne était-elle à un change plus élevé que
la nouvelle \ ainsi qu'il arrive encore en Orient.
Quant aux symboles figurés sur le revers du statère , on
ne saurait assez s'étonner de les voir calqués sur ceux de la
monnaie d'argent; en général, les types de l'or et de l'ar-
gent offraient des variétés sensibles. Ici la ressemblance
s'explique par la révolution qui venait de bouleverser
Athènes, et par la tyrannie d*Aristion.
Ce fut l'an 88 avant Jésus-Christ que le statère qui nous
occupe fut frappé. Alors Athènes , révoltée contre les Ro-
mains, s'était jetée dans les bras de Mithridate. Aristion,
que les Athéniens avaient envoyé en ambassade auprès du
roi de Pont , était revenu avec les plus belles promesses,
s'était fait élire stratège au théâtre de Bacchus , et avait
usurpé la tyrannie. An commencement de Tannée 87, il se
» Xenophon, Depl xopwv, 111, 2.
ET SiJSSERTATlONS. 179
préparait vigoureusement à la guerre ; le roi envoyait des
lingots d'or et d'argent; on battait monnaie avec activité,
nous le constatons par Tabondance des têtradrachmes qui
forment la série d'Aristian et de PhiUm , avec le Pégase
s'abreuvant (87 av. J. C.) t et la série i'Apellicon et de
Gorgias avec le griffon (86 av. J. C. )• Mais au début de
la révolution, quand les noms de Mitbridate lui-même et
d' Aristion sont gravés sur la monnaie ( 88 av. J. C. ), le
numéraire est rare encore : c'est pourquoi l'on trouve si
peu de têtradrachmes de cette année. L'or fut plus rare
encore, et il n'est point douteux qu' Aristion n'en ait fait
frapper par ostentation , pour imiter les souverains de
l'Asie, de l'Egypte, de la Macédoine, et flatter son pro-
tecteur Mitbridate.
Beulé.
180 MÉMOIRES
LES
ASSYRIENS ONTHLS FAIT USAGE DE MONNAIES?
Une question numismatique d'^un grand intérêt a été sou-
levée récemment en Angleterre. M, Fox Talbol, savant dis-
tingué qui s'occupe avec ardeur du déchiffrement des in-
scriptions cunéiformes , a cru trouver la preuve qu'au
temps du roi Sargon, c'est à-dire au viir siècle avant l'ère
vulgaire (721-702\ on faisait usage de monnaûs frappées
portant le nom du prince.
Pour faire comprendre comment cette idée avait pu s'ac-
créditer dans l'esprit du philologue anglais « il est bon de
donner quelques détails sur le texte dans lequel il l'a puisée.
On sait qu'il y a quelques années M. Victor Place, consul
de France à Mossoul , reprenant et continuant les belles
recherches de son prédécesseur, M. P. E. Botta , acheva
l'exploration du château royal de Khorsabad, construit par
le roi Sargon, personnage que le prophète Isaïe (ch. XX)
représente comme le vainqueur de la Judée, de l'Egypte et
de l'Ethiopie. Dans les ruines de ce palais, M. Place décou-
vrit un certain nombre de polyèdres de terre cuite auxquels
on a donné le nom de barils^ et qui, sur leurs dix faces
courbes, présentent une série de 67 lignes de caractères
cunéiformes d'une finesse remarquable. Deux de ces barils
sont conservés au musée assvrien du Louvre ; le musée
FT DISSERTATIONS. 181
britannique en possède aussi un exemplaire. Le tfxle qu'ils
portent contient une chronique royale rédigée de façon que
Sargon parle à la première personne y comnfie les rois
d'Egypte dans les longs récits qu'ils ont fait graver sur les
murailles de leurs temples.
Ceci établi , nous devons croire encore que le lecteur de
la Revue sait que le déchiffrement des écritures cunéiformes,
bien que fort avancé et poursuivi par des érudits de diverses
contrées , présente cependant , comme celui de tous les
textes anciens, des difficultés considérables. Si l'interpréta-
tion des auteurs grecs, latins, hébreux, arabes, c'est-à-dire
de ceux qui ont écrit dans les langues le plus étudiées
depuis trois siècles, offre souvent de si grandes incertitudes,
si les Anglais hésitent sur l'explication de certains passages
de Shakspeare , on comprend à quel point il est naturel
que des textes assyriens, arrachés à la terre depuis dix ans
à peine, donnent lieu à des erreurs de traduction.
Voici comment M. Fox Talbot avait entendu les lignes 40
à 12 de l'inscription citée :
Il transcrit :
Ligne AO. Kima zigir >umi ya sha ana uassarikti u
miihari su, sotUhur hi Ukhi la kabalnl simbu mut lUHab'.
Ligne 41. Kaship asibiit ir shasu ki jn ummati sha
yamanU'SUy kaspa u likabar ana inni-isun wetaru.
Ligne 42. Assn rikkali la rustr^ sha kaship asibul la
Uibu : a.i!/ tnilihar a.ib akhcry panu sun attan swtuii.
Et il traduit :
«Ligne 40. De même que les grands dieux ont donné la
renommée à mon nom, qui est triomphant et victorieux, de
même ils m'ont donné le gouvernement des choses étran-
gères à la guerre et à la victoire. »>
iSi KÉMOIftES
a Ligne Al. La monnaie des habitants de cette ville
(suivant qu'ils ont décidé d'une voix unanime), je Tai re-
nouvelée à la fois en argent et en enivre, conformément à
leur prière. »
(f Ligne i2. Je fis des monnaies, mais point en or, mon-
naie que le peuple ne désirait pas. Et je les ai données aux
habitants pour le présent et pour l'avenir, en toute pro-
priété*. »
Un autre archéologue anglais, M. W. B. Dickinson , de
Leamington, étonné de renonciation d'un fait si insolite, a
examiné avec soin s'il était admissible, et s'est prononcé
pour la négative, puisant principalement sa conviction dans
Tétude des faits historiques '. Il passe en revue tous les
textes bibliques (antérieurs à 700) qui pourraient contenir
l'indication de monnaies, et dans lesquels il ne trouve
que des évaluations pondérales. Il fait remarquer qu'on
n'a recueilli ni eu Egypte, ni en Judée, ni en Assyrie de
monnaies du viii* siècle, et qu'à la vérité ces contrées n'ont
pas non plus fourni de lingots d'un poids gradué qui
aient pu servir pour les transactions. M. Talbot avait dé-
claré à M. Dickinson que par monnaie il n'entendait pas des
flans portant une empreinte, comme serait, par exemple,
une tête de lion , mais des morceaux d'argent marqués sui-
vant leur valeur. M. Dickinson répond par des considéra-
tions philologiques fort justes .
La question ainsi posée, il importait de savoir, non pas
si le texte assyrien produit par M. Talbot était bien réelle-
ment en contradiction avec les faits observés par les ar-
chéologues, mais s'il contenait eirectivement la mention
' New seriêt of the trannact. of the royal Soc. nf literat,, vol. VII,
« Sumismatic Chroniv.it ^ 1862, p. 123.
ET IHSSERTATIONS. 183
qu'on avait cru y voir. L'assyrien « comme Thébreu et
l'arabe , n'admet pas la ponctuation ; comme dans le grec
et le latin de Tantiquité, ses mots ne sont pas séparés les
uns des autres. 11 est donc facile de commettre , quand on
l'étudié, des erreurs de lecture. Chez M. Talbot, ces erreurs
naturelles se compliquent d'un système qui confond les
lettres de même classe, telles que les sifflantes ou les den-
Mes. Suivant cette méthode , on confondrait en français
toi et rot, lame et rame qui commencent par des liquides,
doux et touxy dort et tett qui ont des dentales pour initiales.
Aux fausses lectures viennent donc s'ajouter de vicieuses
traductions, alors même que les mots sont bien constatés.
Comment s' étonnerait-on de ce qu'un homme ingénieux
et chercheur comme l'est assurément M. Talbot se trompe
quelquefois dans ses interprétations, alors qu'il est si peu
sévère dans ses procédés lexicologiques?
Nous nous sommes adressé à M. Jules Oppert pour
obtenir de lui une opinion critique et raisonnée sur les
trois lignes de la chronique de Sargon. Le savant profes-
seur, avec son obligeance habituelle , nous a envoyé le
travail que voici, contenant la transcription du texte et sa
traduction :
Ligne 40. Kima zikir sumiya sa ana nasar kitti
Sjcut (est) appellatjo noininis mei quo ob ^ervatum fœdns
Il misarisu sutisur la bhi la habal imi inbu-
et pactum ejus, ob rcgnum «ne suporbia, sine injuria debiliuib iinTninaru>)t
tfint iluhi rabi.
me Du magni.
Ligne l^i. Kasap kidinni ir sasu ki pi dippati
Explicationem legnm urbjs illiu8 secundum taluîas
sa aimanisu kasap u zabar ana bilisunu uftr.
r»IigioiiU ejus, ex argento et a?re doniinis eorum attuli.
18A MÉMOIRES
Ligne h'I. Assu rijgati la rusië sa kasop
Prieteroa noiMiMS &iiit> iimuiguitatc, quae (est) explicatio
kidiiini la siba kidinni misary kidinni asar panusunu
legum sine urbitrio, legum justitis?, logum directionis facicmm eonim
addînsunulL
dedi illis.
Le roi Sargon parle de la ville qu il construit et à la-
quelle il donna son nom , et il explique ce nom qui veut
dire : roi légitime, s' exprimant ainsi :
Ci Ligne 40. Gomme c'est la signification de mon nom
que les grands dieux m'ont conféré parce que j'ai observé
la foi jurée et la justice, et que j'ai régné sans violence
et sans opprimer les faibles.
(( Ligne Al. J'ai communiqué aux chefs des habitants
l'explication (la révélation) des lois de cette ville, confor-
mément aux tables de la religion inscrites sur argent et
sur airain \
« Ligne 42. En outre , je leur ai donné des statuts
exempts d'ambiguïté, qui forment l'explication des lois
sans arbitraire, des lois de la justice, des lois qui les gui-
dent dans leurs actes. »
Ceux de nos lecteurs, et ils sont assez nombreux, qui sa-
vent seulement lire le texte de la Bible, saisiront aisément les
rapports qu'offre l'assyrien avec la langue hébraïque. Ils re
connaîtront comment le mot kasap, explicatio, lu kaship par
M. Talbot, a reçu le sens de monnaie, tiré, par extension ,
de iwn, compter, que le savant anglais croit provenir de
* On sait que ^î. Place, dans ses fouilles de Khorsabad, a recueilli des tables
d'or, d'argentf de bronze, d*un autre métal oxydé, qui est peut-être du zinc
(peut-être un mélange de plomb et d*antimoîne), et do plomb. Toutes ces ta-
bles, dont quatre sont au musée du Louvre, portent une inscription tracée par
rordre do Sargon.
KT DISSERTATIONS. 185
la même racine que s]DD, argent. Us pourront juger par ce
seul exemple du système de permutation entre lettres de la
même classe dont nous parlions plus haut. Le caractère
de notre Revue ne nous permet pas d'entrer ici dans de
plus amples détails philologiques, ni de reproduire les ob-
servations que nous a communiquées M. Jules Oppert , juge
si compétent en pareille matière; mais nous avons pensé
que notre recueil ne pouvait point passer sous silence une
discussion qui avait été portée par M. Dickinson devant
la Société de numismatique de Londres, et qui a pour objet
l'antiquité même de la monnaie. MM. Dickinson et Oppert
sont arrivés par des voies diiïérentes au même résultat ,
résultat négatif il est vrai , mais qu'il nous importe de
connaître; car les notions fournies par M. Fox Talbot,
consacrées par la critique , eussent donné un nouveau
point de départ à nos études.
Adrien de Longpérier.
1863—3. 19
IM UÊMOIRt:»
NOTICK
MONNAFRS INÉDITKS DR CHARLKS VIII KT DK FRANT.OIS T
AUX AKMSS DE FRANCE ET 1)B SAVOIE.
(PI. VII.)
11 y a déjà nombre d'années que le digne et regrettable
M. Norblin signalait à mon attention une pièce qu'il consi-
dérait comme une des curiosités de sa riche collection :
c'était un blanc de Charles VllI où , sous les armes de
France , on distinguait un petit écu de Savoie. Après la
mort de M. Norblin , quand son cabinet fut dispersé . j'eus
soin de recueillir cette rare monnaie; elle figure aujour-
d'hui dans mes cartons à côté de deux petits Karolus qui
offrent la même particularité héraldique. Commençons par
décrire exactement ces trois pièces.
N» 1. +:KAROLVS:FRA— nCORVM.REX. Un petit écu de
Savoie coupe la légende après les lettres FRA. Écu rie
France, accosté de deux fleurs de lis, et surmonté d'une
couronne fleurdelisée, le tout dans une épicycloïde à trois
lobes.
i^ +:SlT:nOMEN:DOMlNI:BENEDlCTVM. Croix pattée,
LT DISSERTATIONS. 187
eau tonnée de quatre fleurs de lis et comprise dans une épi*
cycloïde à quatre lobes.
Billon. Poids, 26%53. (PI. VII, n' 1.)
N« 2. +:K:FRAnC— ORVM.REX: L'écu de Savoie coupe
la légende après les lettres FRAnC. Dans le champ, un K
accosté de deux points ou besants.
^1 +:SIT:N:D:BENEDICTVM: Croix pattée, cantonnée de
quatre fleurs de lis.
Billm. Poids, 0«%80. ( PI. Vil , n- 2. )
N' 3 AROLVS:F— R Même type.
A -f:SIT:NOMEn:D:BENEDICTVM: Croix pattée, etc.
BiUon. Poids, 0^%93. (PI. VII, n» 3. )
Le 30 août l/i83, Louis XI descendait dans la tombe.
Son fils Charles VIII, né le 30 juin 1A70, avait déjà plus de
treize ans, et venait par conséquent d'atteindre l'âge fixé
par Charles V pour la majorité des rois de France. Aussi
Louis XI , ne croyant pas à la nécessité d'une régence,
s'était contenté de laisser la personne du jeune roi aux
soins de sa fille aînée, Anne, mariée au sire de Beaujeu. Ce
choix, qui excita plus tard toute une guerre civile, donna
lieu, dès la mort de Louis, à bien des réclamations; This-
toirc parle vaguement de celles qu éleva la veuve de
Louis XI , Charlotte de Savoie ; mais cette princesse ne
survécut que trois mois à son royal époux. Elle mourut
à Amboise le I" décembre 1483, âgée de trente-huit ans,
et le champ demeura ouvert à d'autres ambitions, qui ne
tardèrent pas à se faire jour.
C'est une pâle figure dans l'histoire que celle de Char-
lotte de Savoie. Médiocrement douée, elle n'eut pas le don
de régner sur le cœur de son époux, et resta sans influence
sur son esprit. Aussi la fidélité conjugale de Louis XI fut-
elle tardive ; et cependant , au dire de Commines , assez
1 88 uÉMOiRi:.^
méritoire , vu encore que la royne nestoit point de celles où
on devoil prendre grand plaisir, mais au demourant fort
bonne dame, Cliarlolte acheta bien clier l'honneur d'être
assise sur le plus beau trône du monde ; sa vie s'écoula
tristement près d'un époux fermé aux véritables affections
du cœur, loin d'un fils que la politique jalouse du lyran
dérobait aux embrassements maternels. 11 n'est pas sans
intérêt d'observer que le nom de la reine n'est pas
prononcé une seule fois dans les remarquables lettres que
Louis XI , se sentant près de mourir, adressait à son
héritier.
Pendant le peu de temps écoulé entre son veuvage et sa
mort, Charlotte de Savoie ne joua qu'un rôle secondaire,
conforme à sa destinée. Son testament, l'inventaire de ses
biens ne lui donnent aucun titre qui permette de la ranger
au nombre des régentes de France. Parmi les ordonnances
de Charles VIII antérieures au décès de sa mère, une seule
fait mention de cette princesse : ce sont les lettres du
22 septembre 1483, par lesquelles le jeune monarque con-
firme à Guillaume de Rochefort l'office de chancelier de
France : Adeo ut etiam carissima domina et genitrix nostra
hoc ip^um velit et cupiat vehementer. Cependant la faiblesse
du jeune roi, faiblesse de corps et d'esprit, était en contra-
diction avec les termes de la loi qui Témancipait préma-
turéoient On ne peut donc admettre que Charlotte de
Savoie n'ait pas songé à faire prévaloir ses droits, sinon à
la régence du royaume, au moins à la tutelle d'un enfant
encore incapable de gouverner, et à nos yeux l'écusson de
Savoie, que nous remarquons sur ces rares monnaies de
Charles VIII, est une preuve incontestable de ces préten-
tions plus ou moins réalisées. C'est donc à cette courte
période de trois mois écoulée entre la mort de Louis XI
£T OlSSERi AXIONS. 180
et celle de sa veuve que nous rapportons exclusivement
rémission de ces quelques pièces dont le type dénote évi-
demment une intention politique.
Plus tard, sous François ]•% nous retrouvons encore ce
mélange des fleurs de lis de France et de la croix de Savoie.
Voici également trois monnaies inédites à l'appui de cette
assertion.
N-4. .:-FBANGISCVS:I:D:G:— FRANCORVM:REX. Avant
FRANCORVM, le même écu de Savoie. Écu de France cou-
ronnée accosté à droite d'un annelet et surmonté d'un
soleil. Un point sous l'écusson.
i^ XPS:VINGIT:XPS:REGNA:XPS:1PERA. Croix ajourée,
avec une rosace au cœur, terminée par des fleurs de lis et
cantonnée aux premier et quatrième d'un F, aux deuxième
et troisième d'une fleur de lis.
ECU d'or. Poids, 3«%32. — Collection de M. le marquis
Costa de Beauregard. ( PI. VII , n*» 4. )
N* 6. Au droit, même type et même légende.
^ .:.XPS:V1NC1T:XPS:REGNAT:XPS:1MPERA- Croix sem-
blable à celle de la pièce précédente , mais cantonnée aux
premier et quatrième d'un lis, aux deuxième et troisième,
d'un F.
ECU d*or. Poids, 3«',05. — Collection de M, Charvet.
(PI. VII, n* 5.)
N* 6. FRANCISGVS:D:-G:FRANCO:REX.M. Même écu
de Savoie entre D et G. Buste du roi, d'apparence juvé-
nile, tourné à droite et couronné.
^ •S1T:N0MEN:D0MIIN {sic) :BENEDICTV.M. Écu de
France couronné, dans une épicycloïde à dix lobes.
Demi'îeston. Argent. Poids, 4«%27. ( PI. VII, n*» 6. )
Je dois cette pièce à l'obligeance de M. Rodolphe Blan-
chet, qui a bien voulu en enrichir ma collection.
190 AIÉMOIRËS
La lettre M qui termine chaque légende est à remarquer ;
elle fut affectée par l'ordonnance de 1539 à la ville de
Toulouse; mais, comme on va le voir, les monnaies que je
Yiens de décrire sont bien antérieures à celte date , et ne
peuvent pas avoir été frappées plus tard qu'en 1526. C'est
peut-être l'initiale de Montferrand ou de Montaigu, selon
l'ordonnance de 1420.
Pour les monnaies de François I", pins encore que pour
celles de Charles VIII, il est facile d'expliquer par des faits
précis et concluants la réunion des blasons de France et de
Savoie.
Le 15 juillet 1515, le roi, méditant la conquête du Mi-
lanais, confie à sa mère, Louise de Savoie, duchesse d*An-
goulème, la régence du royaume avec les pouvoirs les plus
étendus. L'année suivante, danslesderniers jours de jan-
vier, le roi revient de sa brillante expédition , et rejoint à
Lyon sa mère et la reine Claude.
Le 24 août 1524, François I", dont les affaires en Italie
ëtûent fort compromises , dispose une seconde fois de la
régence en faveur de sa mère. Il passe les Alpes vers le
milieu d'octobre. On sait les résultats de cette désastreuse
campagne. Le roi, fait prisonnier à la bataille de Pcivie,
est emmené à Madrid , et ne rentre en France qu'au mois
de mars 1526, pendant que ses fils François, dauphin de
Viennois, et Henri, duc d'Orléans, prennent le chemin de
Texil, et vont servir d'otages à la cour de Charles-Quint.
Les deux époques auxquelles doivent se rapporter les
monnaies de François I*' aux armes de France et de Sa-
voie se trouvent donc clairement définies et limitées par
les dates que nous venons de citer.
Louise de Savoie, au retour de son fils, cessa naturelle-
ment d'être régente \ mais son influence fut toujours très-
ET uissErrATioNS. loi
graûde : témoin la part qu'elle prit au traité de Cambrai
en 1529. Deux ans plus tard (22 septembre 15S1), elle
mourut à Gretz en Gàtinais. L'histoire, qui lui i^connalt
certaines qualités , ne lui pardonnera jamais sa conduite
envers le connétable de Bourbon.
Il est temps de signaler, mais pour la combattre , une
objection qui pourrait se faire contre l'attribution proposée
en faveur de Louise de Savoie.
En 1536, François I'" déclara la guerre à son oncle le
duc Charles de Savoie, qui perdit en quelques mois la plus
grande partie de ses Etals. La Bresse et le Bugey, la Sa-
voie, Turin et la plupart des villes du Piémont n'oppo-
sèrent qu'une faible résistance ; le duc ne conserva guère
qne Nice, Verceil et la vallée d'Aoste.
L'occupation française dura longtemps. Ni François !•',
mort en 15A7, ni le duc Charles, décédé en 1553, n'eu
virent le terme. Ce ne fut qu'en 1559 que la paix du Ca-
teau-Cambresis rendit à Emmanuel-Philibert les conquêtes
de François I".
Nul doute que pendant cette période de 1536 à 1559 les
ateliers monétaires que les Français trouvèrent installés
en Savoie et à Turin n'aient fonctionné plus ou moins ré-
gulièrement ^ Nous en avons la preuve dans l'ordonnance
de 1539, qui assigne à l'officine de Turin la lettre différen-
tielle Y. On pourrait donc se demander s'il ne serait pas
naturel d'attribuer à la domination française les monnaies
de François P' qui font l'objet de cette notice. Mais, en ad-
mettant cette hypothèse, comment expliquer la présence
' M. Delombardy, dans le Catalogue des monnaies de la collection de if. fit-
gnault^ attribue plusieurs pièces aux ateliers de Turiu et de Chaïubér}', entre
autres un sizain à In salumnndrc de Françoi^s I*% «jui fait aujourd'hui partie
de mon cabinet.
192 MÉMOIRES
du même écu de Savoie sur des pièces de Charles VIII , qui
n'a jamais possédé aucun domaine de cette maison , qui
n*y a jamais prétendu? La question est donc jugée.
Remarquons, avant de terminer, que cet écu presque
microscopique et modestement placé sous les lis de France,
était une manière bien humble de rappeler la régente d*un
grand royaume. En Savoie, la tradition était différente : les
noms et efiigies des duchesses régentes se retrouvent sou-
vent sur les monnaies de leurs fils, comme le prouvent
les belles séries publiées par M. Promis. En France , au
contraire, les officiers de la couronne semblaient prendre à
cœur de tout rapporter à la personne du roi ; l'unité fut
toujours leur but. Cette tendance exclusive se manifeste k
chaque page de nos annales monétaires, et, à cet égard, les
rares monnaies que je viens de décrire sont en quelque
sorte des exceptions qui confirment la règle.
Henri Morin-Pons.
LT DISSERTAI IONS.
193
MONNAIES
DE PFALZEL, DE THION VILLE, DE RÉMILLY
ET DE REMELANGE.
( VI. VIII )
Pfalzel.
Pfâlzel, Pfalz, était un palatiolum des environs de Trêves,
sur la Moselle, remontant, dit-on, à Constantin. L'évêque
saint Modoalde (622-640) y "construisit un couvent, qui
subsista jusqu'à ces derniers temps \
Les deux trientcs suivants appartiennent à Pfalz. Ils re-
produisent fidèlement le type, le style et les lettres boul-
letées des monnaies qui se frappèrent dans les ateliers
mérovingiens des bords de la Moselle, lorsque les bonnes
traditions de Tart antique s'y furent perdues '.
* Ge*ta Trecirorvm, c. 5(), t. 1, p. 129, édit. Wittenbach.— Clonet, Histoire
tcclégioêlique dt la protince de Trèces^ t. I, p. 530.
' Lettres du baron Marchant, 2* ëdit., 1R50, annotation» deM.de Long-
fH^rier, p. 126. — Voir le triens de Trêves décrit par M. B. FîUon , Uttru
tur quelques monnaies françaises, in-8«, 1853, pi. IV, fig. 19 •, lo triens que j*ai
donné à Yatz, Bulletin de la Société archéologique de la Moselle ^ et enfin les
monnaies mérovingiennes de Metz et de Scarpone gravées dans mes Études sur
une partie du nord-est de ta France^ pi. V et pi. VllI.
I9h MÉMOIRES
N" 1. PALACEOLO. Buste à gauche, la tète ceinte d'un
bandeau perlé.
^ DOMEGISELO M. Croix bouUetée et cantonnée des
sigles C et A.
Or de bon aloi ; 1 g8',23 ; exhumé en Lorraine ; collection
de M. Monnier, à Nancy. (PI VIII , nM. )
N*» 2. + PALACIOLO FITVR-f. Buste à gauche, la tête
ceinte d*un bandeau perlé.
g + DOMEGISELO. Croix pattée. .
Or pâle; 15\19; ma collection. (PL Vlll, n» 2.)
Une autre monnaie à peu près semblable , portant au
revers DOM LVS et attribuée jusqu'à ce jour à Palaiseau
( Seine-et-Oise ) \ me paraît devoir être rendue à Pfalz.
Quant à la monnaie sur laquelle on voit le nom de DOMO-
LENVS autour d'une croix ancrée, elle appartient évidem-
ment à un autre palais, car la croix ancrée, si commune à
une certaine époque dans d'autres provinces, est presque
introuvable en Austrasie.
Thionvillf.
Thionville, Theodonis r/Wa, Diedmhoftn ", moins ancienne
que Yutz, dont elle était séparée par la Moselle, n'est citée
dans l'histoire que sous Pépin, en 763 '; mais, à partir de
cette époque, elle prend de l'importance et devient rési-
dence impériale.
Aucune des monnaies carlovingiennes retrouvées jusqu'à
* Conbrouse, Mùnétairti des rois mérocingiens, pi. 35, fig. 1.
* Les tcrrei qni plissaient dans le domaine royal conservaient souvent la
nom de lenrs anciens proprii^taircs ; les actes de partage en font foi.
* Tcissicr, Histoire de ThiomriUe, p. 6.
ET DISSERTATIONS. 1U5
ce jour ne rappelle le nom de Thionville; on n'y forgeait
sans doute que des deniers anonymes portant MONETA
PALATINA ou XPISTIANA RELIGIO.
A la fin de la deuxième race, ce domaine, comme tout le
royaume de Lorraine, appartint à la maison de Saxe; en
968, il cessa de relever directement de l'Empire et passa à
Sigefroi , pour suivre le sort du comté de Luxeml)ourg jus-
qu'au xv" siècle *. En liââ, Thionville obéit à Philippe le
Bon, duc de Fourgogne, puis en 1482, à la maison de
Hapsbourg, et la même année, au roi d'Espagne. Enfin
elle fut française en 1646, et vit , dès 1666, circuler dans
ses murs les monnaies sorties de Talclier mytil d(î Metz.
Diverses monnaies ont été assurément frappées à Tbion-
Tille ou au nom de Thionville, de 963 à 1444, parles comtes
de Luxembourg, qui prenaient le litre de syres de ThionviUe.
Deux seulement ont été retrouvées jusqu'à ce jour.
N** 1. Cavalier à droite, la tête casquée, tenant Tépée
haute, et couvrant sa poitrine d*un écu, dont les emblèmes
ne sont pas visibles.
H -|- TION VILLE. Dans le champ, une croix pattée à
branches épaisses.
Argent; 08',60. (PL VIII, n^ i )
M. de Saulcy i-emarquant que ce petit denier présente le
type et le poids de ceux émis dans Talelier de Nancy, au
« Les comtes de Luxembourg sont : Sigefroi (963-998), Frédéric (998-1019;,
Giselbert (1019-1057), Conrad (1057-1086), Henri (10861096), Guillnumo
(1096-1128), Conrad II (1128-1136), Henri II (1136-1 196), Thibault (1196-1214^
Hcrmezinde et Valeran (1214-1226), Henri IH (1226-1275), Henri IV (1275-
1288), Henri V (1238-1309), Jean (1309-1346), Cliaries IV (1346-1333),
Wcnceslas I" et Jeanne (1353-1383), AVenceslas II (1383-1388), Joss© de
Moravie (13B8-1402), Lcuis , duc d'Oriéans (1402-1407), Jossc de Moravî«
(1407-1411), Antoine (1411-1415), Elisabeth de Gœrlitz U415-1418), Jean
de Bavière (liW-l 125), Elisabeth dcGoeriitz ( M?5-lii4:.
196 MÉ^ilOIRES
nom de Mathieu II, duc de Lorraine (1220-1261), Tavait
publié comme frappé par ce prince en qualité de mari
de Catherine de Limbourg, qui avait obtenu la seigneurie
de Thionville en survivance de sa mère Hermezinde K Mais
M. de la Fontaine ', ancien gouverneur du grand-duché de
Luxembourg, Ta classé, dans sa riche collection, au comte
Henri III (1226-1275), qui, avant la mort d'Hermezinde,
avait racheté les droits de sa sœur Catherine' et fait acte de
souveraineté à Thionville. Nous nous rangeons d'autant
plus volontiers de cet avis , qu'il est reconnu aujourd'hui
que bien peu de types ont été spéciaux à un comté ou à un
duché, et que d'ailleurs le comte Henri III a eu lui-même
des deniers analogues dans un autre atelier.
N»2. MONETA:FCA:LTEONIS:VILLA {Moneta fada in
Theonis villa) . Au centre, l'aigle biceps couronné, dans un
encadrement formé de courbes et d'angles alternatifs.
^ + MONETA :FCA:LTEONIS: VILLA et -f HiCOMES:
LVCEB. Au centre, une croix pattée, à branches épaisses.
Piedfort du gros à l'aigle. Argent bas; 58%25. (PL VIII,
n«4.)
Pièce inédite que M. de Wimes, de Saint-Omer, a bien
voulu nous communiquer, il y a quelques années.
* Saulcy, Hecherclies sur les monnaies des ducs de Lorraine, p. 20 et pi. II ,
fig. 5.
* M. de la Fontaine n écrit depuis longtemps la monogrnpliic monétaire du
grand-duché de Luxembourg. Son travail , accompagné de nombreuses plan-
ches déjà gravées, aura le plus grand intérCt. Les amis delà numismatiqu«)
regrettent seulement que Tautcur, dans le désir de rendre son <£nvre plus
complète, no se soit pas encore décidé à la livrer au public. Il n'appartient pas
aux travaux unroismatiques d'être complets 4 chaque description qui parait
fait sortir des collections de nouveaux types, et rend uu supplément néccë-
saîre.
> A'ïte d%>chnnge do 1236, le lundi devant la fcstc Saint-Luc.
ET DISSERTATIONS. 197
M. de la Fontaine , dans un catalogue de monnaies
luxenobourgeoises , publié en 1850, ne parle pas du gros
de Thionville, qui n'était pas encore connu. Cet antiquaire
attribuait indistincten^ent à Henri V et à ses deux prédéces-
seurs du même nom, un gros analogue frappé à Poil vache.
M. le comte Maurice de Robiano, dans un article qui a paru
à la même époque *, considère les gros de Poil vache comme
étant de Henri IV (1275-1288) ou de Henri V (1288-1309).
H est difficile de se prononcer.
D'après une note que je dois à l'obligeance de M. A.
Namur, M. Bohl, l'auteur de la Numismatique tréviroise^
aurait possédé un petit denier frappé à Thionville par l'ar-
chevêque Balduin de Luxembourg (1309-1354), à qui l'em-
pereur Charles IV, son petit-neveu, avait vendu cette ville,
son château et sa prévôté *.
Rèmilly.
Une intéressante notice sur Rémilly a été publiée par
M. Charles Abel '.
Remilly, situé dans le pays Messin, entre les comtés de
Moselle, de Seille et de Chaumontois, fut donné le 13 août
840, par l'empereur Lothaire à l'abbaye de Saint-Arnould ;
cette concession fut renouvelée par Charles le Chauve, par
Louis le Germanique et par Charles le Gros; mais, suivant
M. Abel, les religieux n'entrèrent pas en jouissance de leur
nouveau domaine, qui fut détenu par un certain Etienne,
puis, après lui, par un autre laïque du nom d'Engobert.
* Rev. ntim. ftW^e, t. V, première fôrie, p. 54, — Cf. ibid,, t. III, p. 296.
» Teiasier, /oc. cit., acte du 7 f^ivrier 1349.
• In-8* de 20 pngcf^, tirage à pnrt de la fierue (TAuitraiie,
193 MÉMOIRES
L'abbaye de Saint-Arnould céda, vers 990, ses droits sur
Remilly aux évêques de Melz, qui en firent leur résidence.
Vers 1100, la seigneurie de Remilly parait avoir été rendue,
en partie, aux chanoines de Saint-Araould.
+ VIAIADERVIX ou VIATADERAIX. Monogramme carlo-
vingien.
^ + RVViME VS. Croix à branches égales, cantonnée
de points (PI. VIII , n' 6. )
Ce denier, dont j'ai déjà parlé * et que M. Abel a indiqué
après moi ', a été trouvé dans les environs de Metz ; il fai-
sait partie de la collection de M. le comte de Chazelles de
Lorry, où je l'ai copié. Le dessin en est publié aujourd'hui
pour la première fois.
La légende du droit, quoique peu intelligible, laisse
distinguer les principales lettres des mots gratia Dei rex^
formule usitée sur les deniers du dernier type de Charles
le Chauve'. Si maintenant on remarque que la croix can-
tonnée de points a été très-fréquemment employée à Metz \
on est conduit à chercher tout d'abord le nom du lien dans
les environs de cette ville, et Ton s'arrête à Remilly, qui
satisfait à cette condition d'emplacement, et dont le nom '
se retrouve à peu près dans la barbare légende du revers.
A quelle époque cette pièce a-t-elle été frappée? Je la
plaçais en 1852, au règne de Charles le Gros, préoccupé
* Études immismatiqufs sur uvc jirrr/iV du nnr<l-e.<t •■■e ht France, p. 211.
' AK'l, Ik. cit,, p 4.
* Adr. de Loiigpérier, !<olire HuutseaUj royaume de Lorraine^ p. 223 et
jsuiv.
* Études numismntiques ëur une partie du nord-est de la France ^jt]. XIII ,
fig, 2, 3 et 8 ; pi. XIV, fig. 11 : pi. XV, fig. 3, et pi. XVn, «g. 1 et 2.
» Fbcum nostrum Uuineîiacuni , 13 août 840.— Nastrr.m villam llmne-
lincum, 2 mars 842. Cartulaire de Saint-Arnould , bibliothi-quc de la ville de
à!etz.
Kl hISSKRTATIONS. 190
que j'étais du style irrégulier de la pièce, qui ne convient
en aucune façon au temps de Charles le Chauve, où Tartde
la gravure avait encore quelque vigueur. M. Abel, envisa-
geant uniquement la question au point de vue historique, et
constatant que Charles le Gros n'a jamais possédé Rémilly,
donne au contraire à Charles le Chauve la monnaie qui nous
occupe. Depuis dix ans, la numismatique a fait de grands
progrès, et Ton sait aujourd'hui que le type du mono*
gramme carré avec GRATIA DI — REX, était encore em-
ployé au temps de la haute féodalité dans grand nombre
d'anciens domaines royaux , par les comtes et les maisons
religieuses. Otton le Grand avait lui-même donné comme
passe-port à ses deniers, en Lorraine, l'empreinte du mo-
nogramme carlovingien , et les Normands en avaient fait
autant après leurs conquêtes sur les côtes de la mer du
Nord.
Le denier qui nous occupe, s il est réellement de Rémilly,
peut donc avoir été frappéau x* siècle, soit à Rémilly, par les
maîtres véritables de ce domaine, soit à Metz, par l'abbaye
de Saint-Arnould , en vertu du droit que lui donnaient les
concessions royales. Mais, je le répète, le style et l'état de
la pièce ne permettent que des conjectures sur son attribu-
tion, et tout ce qu'on peut dire c'est qu'elle appartient,
par son type général, au royaume de Lorraine.
Remelange ?
Les monnaies suivantes ont toujours été classées à Ré-
milly; mais leur légende, RVMELINGIS, RVMILINGIS,
RYOMILIINGIS, RIMVLINGIS, convient mieux aux villages
du nom de Remelange qu'on rencontre dans le département
SOO MÉMOIRES
i\e la Moselle, l'un sur la frontière de Luxembourg, l'autre
à côté de l'ancien domaine royal de Florange. Je n'hési-
terais même pas à me prononcer en faveur de ces localités,
si elles avaient eu plus d'importance et si des souvenirs
historiques permettaient de supposer que l'Église de Metz
y a possédé un atelier monétaire. Quelques archéologues
pensent , il est vrai , que Rémilly, situé sur les confins
de la Lorraine allemande, a pu être désigné, en lan-
gage vulgaire, sous le nom de Rumelingen, d'où, par une
transcription en latin officiel, on aurait fait RVMELINGIS;
mais, en général , l'influence germanique ne s'est pas exer-
cée sur le nom des localités françaises, et, d'ailleurs, si
cette terminaison INGIS s'était introduite dans Tépigra-
phie monétaire, pourquoi les chartes ne l'auraient-elles
pas acceptée? Or, sous Etienne de Bar, évêque postérieur
à l'époque à laquelle appartiennent les types qui nous
occupent, on disait encore vosiram villam Komeliacum.
N» 1. RVOMILINGIS. Buste de saint semblable à celui
que présente le denier de l'évêquc Hériman (1073-1090).
1^ + METT S PET. Dans le champ, une croix pattée.
Argent; l^sOl; collection de la ville de Metz. (PI. VIII,
Ce denier, en admettant qu'il soit authentique, ce dont
son aspect général peut faire douter, serait au moins aussi
ancien que les monnaies, au même type, de l'évêque Héri-
man (1073-1090), dont les reliefs sont plus faibles et le
titre moins élevé, signes qui dénotent d'ordinaire un mon-
nayage d'imitation. Nous pensons donc qu'il est permis de
le faire remonter au milieu du xi* siècle, et de le donner à
Adalberon III (1046-1073\ comme l'a fait M. de Saulcy \
' Suppléiuent aux re:hprrhfs sur les tréfiues de Metz, p. 24, et pi. II, fig. 46.
i:t dissertations. 201
La légende du revers, qui me paraît inexplicable, porte :
METTVS PET, METTIS PET ou môme METTIS S PETRVS,
suivant la manière dont on interprète un caractère douteux
qui suit la quatrième lettre ^
Les quatre monnaies suivantes, dont la première et la
dernière étaient seules connues jusqu'à ces dernières an-
nées par des dessins assez incorrects de Dupré de Geneste
et de Mory d'Elvange, appartiennent à la série des petits
deniers qui se répandit à Metz au commencement du
XII* siècle; elles sont anonymes et portent le type habituel
de révèché, c'est-à-dire le buste de saint Etienne, avec la"
légende de S. Stephanus.
N* 2. S. STEPHANVS. Buste à droite.
i$ + RVMELINGIS. Dans le champ, METTIS.
Argent ; bon aloi ; 1 gramme. — Collection Monnicr.
(PL VIll, n-7.)
Le nom de la ville, écrit en trois lignes horizontales, dis-
positif ancien employé par les évêques dès la fin du x* siècle,
place la monnaie que nous venons de décrire avant les sui-
vantes, dans Tordre chronologique.
La pièce mal conservée que connaissait Dupré de Geneste
était évidemment la même; mais cet auteur prenant la
première partie de TN, seule visible, pour un A, et suppo-
sant que la huitième lettre et la neuvième, qui manquaient,
étaient un G et un V, avait proposé de lire RVMELIACVS *,
ce qui le ramenait tout naturellement à Rémilly.
> Il y avait à Metz uno collégiale placée aoue le vocable de saint Pierre ,
mais le patron de la cathédrale, saint Etienne, paratt seul sur let nombreuses
monnaies messines connues jusqu'à ce jour.
* Saulcy, Sujfpl, aux rcchenhes i»ur les évéques de Metz, p. 24, et pi. II, fig. 43.
1863. — 3. H
202 MÉMOIRES
N*3 STEPHANVS. Tête à droite.
^ + RVMELIN6IS. Croix pattée, avec une étoile dans
chaque canton.
Argent; bon aloi; Qfi'^Ql. ( PL VIII, n« 8. )
N- 4. + S. STEPHAN Buste à droite, la main élevée
devant le visage.
^ +RIMVLIGIS*, sans doute pour RVMILIGIS, Croix
pattée, avec une étoile au troisième canton ; grènetis coupé
par les branches de la croix, et régulièrement formé de
trois perles dans chaque segment.
i4r(/en(;0»%80. (Pl.VIII,n«9.)
Ce denier faisait partie d*un trésor exhumé en 1861 à
Dieulouart ( Meurlhe ) , et que son heureux possesseur,
M. Monnier, considère comme exclusivement composé de
monnaies de Brunon, archevêque de Trêves (HOl-1120),
d'Adalberon V et d'Etienne, évêques de Metz (1103-1163),
de Henri de Lorraine, évêque de Toul (1127-1168), et
enfin de Simon I*', duc de Lorraine (1115-1139) ^.
N* 5. S. STEPHANVS. Buste à droite, la main élevée.
^ +RVMIL1NG1S. Croix pattée et recroisettée , avec
deux étoiles et deux points dans les cantons.
Argent; 0«-,89. (PL VHI, n» 10.)
Le dessin de ce numéro et celui du n"" S se trouvent
depuis longtemps dans mon portefeuille des trois évèchés;
j'ai oublié à qui appartenaient les monnaies.
N* 6. S. STEPHANVS. Même type qu'au numéro précé-
dent , mais où la main est moins visible.
1 M. Monmer lit REIMVLI6IS, mais Tempreinte qn'il in*a envoyée ne laisse
▼oir qnHin I» tout en présentant Tespaee sufBsant pour nn £.
* Monnier, NoU tur «mu Ifouvaills de monnaies (aile prêt de Dieulouart. Bro-
chure in-8*y p. 6.
ET DISSERTAI IONS. 20S
^ + RVMELLNGIS. Croix pattée et recroisettée , avec un
point dans chaque canton.
Argent; 08',92; collection Monnier. (PL VIII, n» 11.)
Le dessin d*un denier semblable , dans Mory d'Elvange,
portait, par suite d'une mauvaise lecture, RVMELINGVS
au lieu de RVMELINGIS.
En résumé, si Ton tient compte du style général des
pièces qui précèdent et du point de repère que nous fournit
la présence du n*» 4 dans la trouvaille de Dieulouart, il est
permis de penser qu'elles ont été frappées sous Poppon et
sous Adalberon IV (1093-1115).
Charles Robert.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIOUE.
Description générale des monnaies de la république romaine,
communément appelées médailles consulaires, par H.
Cohen. Paris, Bollin, 1857. In-A% 75 planches.
Troisiëme et dernier article *.
Numonia, L'auteur m'attribue l'opinion suivante : que les
monnaies de G. Numonius Vaala ont été frappées en 7i4; il
aurait dû dire vers Tannée 706. Voyez Ragguaglio, p. 222.
Oppia. M. Cohen donne^ pi. LXI^ n*" 7 et 8, le dessin d'un
sesterce de M. Oppius Capito, M. OPPIVSCAPITOPRO.PR.
PRAEF. CLAS. F.C. avec les sigles HS. et A. Ce sesterce est
d'un module beaucoup plus petit que le triensdu môme préfet
de la flotte de Marc-Antoine, marqué de la sigle r placée près
de la triskèle ( cf. Morelli^ Oppia^ C, D. ), ce qui vient à l'ap-
pui de Topinion de Borghesi , qui pense que la réduction de
Tas semi-oncial au poids d'un quart d'once eut lieu à peu près
vers Tan de Rome 715. Voyez Cavedoni, Numism. BibL,
p. I2i.
11 est à regretter que l'auteur n'ait pas songé à indiquer le
poids de chacune des monnaies romaines de bronze.
Pinaria, n«» 10-12. Ailleurs (Appendice al Saggio, p. 135)
j'ai cherché à faire voir qu'il existait une allusion au surnom
de Scarpus dans la matVi ouverte^ parce qu'en grec le mot xsproc
1 VojM il«iiM numitm,, 1857, p. 184 et laiv. ; p. 346 et sniT.
BULLETIN BIBUOGRAPHIQUE. 205
signifie la paume de la mnin. Maintenant je serais plutôt dis-
posé à considérer la main ouverte et étendue comme un sym*
bole parlant de ce que fil L. Pinarius Scarpus^ après la bataille
d'Aciium, en se livrant lui et son armée d'Afrique à Octave (Dio
Cass., Hùt,^ LI, 5). Il est certain que le curieux type de la main
ouverte ne se voit que sur les monnaies de Pinarius Scarpus,
qui portent la légende : LMP. CAE3ARI DlVl F., et non sur
celles sur lesquelles on lit : AiNTONlO AVG. (cf. Borgliesi, An-
nales de VInst. arch., t. XI, p. 152).
Plœtorta, n" 6. Les deux symboles du prœfericulum et de la
totrhe ardente semblent se rattacher aux fonctions des édiles,
qui^ à Toccasion des jeux publics^ devaient faire éclairer la
ville. Cic, De Nat. Deorum, i, 9. Quid autem erat quod conçu-
pisceret Dcus mundum signis et luminibus tamquam œdiliê
omareîCÎ. Cavedoni^ Ragguaglioy p. 114. Les édiles devaient
aussi, à la même occasion^ faire des libations, comme nous
rapprend Cicéron [De Harusp. resp., 11) : Si xdilis verbo,
aut simpulo aberravit, ludi sunt non rite facti.
Plautia, n» 10, BACCHIVS IVDAEVS. C'est à tort que j'ai
émis la conjecture que le nom de Bacchius était d'origine hé-
braïque {Ragguaglio, p. i 15, not. 06). J'avais pensé que Bacchius
pouvait être le nom propre biblique Boccif Bocdau , de Silas,
tyran de Lysiade, qui aurait porté le nom grec l^aç et le
nom de Bocci ou Bacchi comme nom judaïque. Mais j'abandonne
cette opinion. Il est clair que c*est le nom grec Baxxeîoc, et ce nom
ne se rapporte à aucune forme hébraïque de cette époque.
L'aïeul de saint Justin, martyr, né à Néapolis de la Samaritide,
portait également le nom de Bacchius (BaxycToc). Apolog., I, 1;
Euseb., I/ist. eccL, IV, 12*.
^ Voyez ce que dit M. le dac de Luyoes (Rewa num., 1858, p. 384) de
BoccAiiM iitdmuê qu'il suppose être le grand prêtre, fils d'Alexandre Jannéf ,
Bommé Aristobule, dont le nom en hébreu aurait été Bueehi on Bueehiou»
Les historiens (Appian., Bell. Mithr., c. 117.— Plin., H. N., VU, 26) nous
i^iprennent que sa révolte appela sur lui la colère de Pompée, qui le fit pri-
20Ô BDLLETIiN BinLIOGRAPHIQUË.
Poblicia^ n<» 6. Tête laurée d'Apollon; derrière, un astre; des-
sou», ROMA.
^ ROMÂ. La déesse Rome assise sur un amas d'armes, tenant
la haste dans la main droite et le parazonium dans la gauche; la
Victoire, debout derrière elle, lui pose une couronne sur la tête.
Ce denier, que M. Cohen considère comme inédit, quoique
sa description ne s'accorde pas avec le dessin^ me paraît élre
un composé hybride, formé du droit d'un denier d'A. Postumius
Albinus et du droit également d'une pièce de C. Poblicius Mal-
lêolus, collègues comme triumvirs monétaires. Et cette idée me
semble se trouver confirmée par la répétition du nom de ROMA,
inscrit sur les deux faces.
Poblicia, n*" 9. M. Cohen, en raison de la grande analogie de
type d'un denier frappé par M. Publicius, lieutenant propréteur
do Gnéius Magims, avec celui d'un des trois deniers frappés
par M. Minatius Sabinus, proquesteur, préfère l'opinion de
ceux qui attribuent ce denier à un lieutenant de Gnéius, fils du
grand Pompée. Mais il n'aurait pas dit ceci s'il avait eu con-
naissance de la présence d'un denier de M. Publicius dans le
dépôt de Roncofrcddo; ce denier est nécessairement antérieur
à Tannée 682, et appartient par conséquent à Pompée le Grand
lui-même^ et non à son fils aîné. ( Voyez Cavedoni, JRaggua-
glio, p. 26-27, 205.) La palme que l'Espagne personnifiée pré-
sente à Pompée, sera le symbole de la victoire remportée dans
tine des deux grandes et terribles batailles livrées à Sucro et
à Turiaso. Acerrimis et maximis prxliis Sucronense et Turiensi
{Cic, ProBalbOyC. 2).
Pompeia, n« i. J'ai assigné comme date au denier de Sextus
Pompeius Fosilus et à celui de C. Rennius l'année 570 environ.
lonmer, le déposséda de ses États, TemmeDa à Rome et lui fit suivre son char
de triomphe. La médaille de la famille Plaatia, d'après M. le duc de Luynes,
représenterait, d*an côté, latdte de la ^lle de Jérusalem personnifiée; de
Vautre, Aristobale vaincu se livrant à Pompée et déposant son titre do roi.
J.W.
BULLETIN BIBUOGRAPHIQUE. 207
Mais M. Cohen ne trouve pas entre ces deux deniers cette res-
semblance de fabrique que j'avais cru apercevoir. Quoi qu'il en
soit Je sois tout disposé à faire descendre la fabrication d'un de
ces deniers d'une quarantaine d'années et plus , et de donner
celui qui porte les noms de Sextus Pompeius à l'aïeul de Pom-
pée le Grand, auquel Borghrsi l'a en effet attribué ( Voyez An-
fiales de Clnst. urch., t. XX, p. 239. )
Pomponiay u» 2. Au type de Numa Pompilius, représenté sa-
crifiant , s'appliquent d'une manière on ne peut plus heureuse
ces paroles de Fronton (Fer. Alsiens. epist. 3, éd. Rom. I) :
Numa senex sancltssimus nonne inier liba et décimas profanandas
et suovitaurilia mactanda œtatem egitf epulorum dictator, cenù"
rum libator^ feriarum promulgator? En effet, sur la monnaie
parait le pieux Numa dans l'action d'accomplir un sacrifice
(absolvere liba) sur un autel allumé.
Porcia. Les lettres ST ( et non séparées S. T. , comme les a
figurées M. Cohen ) sont , selon toute probabilité , les initiales
du mot STabilis, comme je Tai dit ailleurs ( Saggio^ p. 59 ), et
ceci se trouve confirmé par la réponse que fit le Sénat romain
aux ambassadeurs de Syracuse envoyés par le roi Hiéron :
Victoriam omenque accipere ^ sedemque se Divas dare, dicare
Capitolium, templum Jovis 0. M. in ea arce urbis Romse sacra^
taniyVolentem propitiamque, firmam, ac stahilem fore populo Ro-
mono (T. Liv., XXIl, 37). Sur les monnaies de M. Porcins Ca-
ton, les lettres ST sont placées entre les pieds du siège sur
lequel est assise la Victoire, et au droit de ces pièces est la tète
de Rome. Ainsi le rapprochement me parait aussi parfait que
concluant.
Rubria. Je ne sais si d'autres numismatistes ont cherché à ex-
pliquer V autel sur lequel est placée la cortine * autour de laquelle
* Je De sais pourquoi M. l'abbé Cavedoni se sert ici dn mot eorUnê povr in-
diqner le symbole de forme coniqae placé sur Tautel. Je crois que sur les m
de L. Rubrins Dossenus, aussi bien que sur ceux d'Eppius, c'est Vinnphalot de
208 nUUETIIS niRUOGHAPHIQl't.
s^enroule le serpent d'Esculape^ au rfvrrs de la douhle tête de
JantfSf sur les as de L. Rnbrius Dossenus et sur ceux d'Ep-
pius, lieutenant de Gn. Pompée Magnus le Jeune. Je pensi;
que cette particularité tout à fait remarquable se rapporte à la
fête d'Esculape^ qu'on avait V habitude de célébrer dans Vîle du
Tibre aux calendes de janvier* y auquel jour, qui était le premier
de Tan, avait été dédié le temple consacré à Esculape. Ovid.,
Fast,, I, 289 : Kalend. Prxnest. Cf. Bull, de VInst. arch., 1854,
p. XXXVIU. De plus, sur les as de Pompeius Magnus le fils,
le type d'Esculape rappelle peut-être le retour à la santé du
général, ce qui lui permit enfin de passer de Tîle d'Ébuse dans
la Bétique, et de prendre part à la guerre contre César (Dio Cass.,
Hist., XLIII, 30). M. Cohen a émis la conjecture que ces mon-
naies appartiennent au père de Rubrius^ qui fut un des huit pré-
fets préposés par César au gouvernement de Rome dans le temps
où il partait pour la guerre d'Espagne. Mais ce collège de huit
p}^fets est pour ainsi dire un rêve dû à l'imagination d'Haver-
camp. Dion Cassius ( Hist , XLlll, 28) atteste en effet que ces
préfets étaient plutôt au nombre de six que de huit , comme
d'autres Tout cru : et en effet jusqu'à ce jour on ne connaît les
monnaies que de cinq d'entre eux, c'est-à dire de L. Cestius,
â*A. Hirtius , de Z. Livineius Regulus. de Z. Munatius Plan-
eus et de C, Norbanus.
liustiaf Tï'* 3. On peut considérer comme inédit le remar-
quable aureus de la collection Wigan^ à Londres, publié par
M. Cohen et gravé dans son ouvrage avec le plus grand soin.
Le dessin donné par M. Riccio est un dessin imaginaire et ne
mérite pas de confiance. Voici la description de cet aureus :
Q, RVSTIVS. Deux têtes de femme placées en regard^ Vuno
casquée^ Vautre ornée d'une Stéphane : au dessous, YOKïV^kE,
Delphes qn^on a vonlu fignrer. Aux pieds de quelques statues d'Esculape est
placé i'Qmphalot, Voyez Clarao , Mvaét de sculptwre antique et moderne, pi. 549.
n» 1169, et pi. 650, n* 1161. —Cf. AmiaUs de VInst. archéotog , t. XIX,
p. 418, note 2. J. W.
KL'LLETIN BIBUOCiRAPHIQlJK. 209
R CAESARI AVGVSTO. W'HioWedemi'mie. aux ailes étendues,
qui pose sur un cippe carré un bouclier poitant les letlrcs SC.
Les deux têtes de fenuiie figuréos au droit sont celles des
Fortunes d'Antium (Fortunœ Antiatinœ)\ et celle qui a un
casque sans ornements, suivant Tusage romain, sera probable-
ment la Fm'tuna Fortis, (Voyez Visconti, Mus, Pio Clem., t. II,
tav. XI i. ) Au revers me paraît représentée la Victoire dans
l'action de dédier le bouclier du courage { Clipeum virtutis), dé-
cerné à César Auguste par un senatus -consulte; la déesse le
place sur Tautel de la Fortune {Fortunœ reducis), que le Sénat
avait également décrété à la même occasion. Cf. Annales de
VInst. arch., t. XXI, p. 206; t. XXII, p. 191 . Du reste M. Cohen,
peut-être par simple distraction, dit que la base sur laquelle po-
sent les bustes des deux Fortunes d'Antium (pi. XXXVI,
Jiustia^ 2) se termine en forme de télé de bouc; il aurait dû dire
tète de bélier. De même que les machines de guerre étaient ter-
minées par une tète de bélier^ de même, je pense, la base ex-
prime les idées rappelées par le Dante :
Che giova nella Fata dar di cozzo?
(/nr.,lX,97.)
Sempronia, n« 1 i . Au revers de la tête nue et barbue d'Octave,
fils du divin César, DlVl. F., on voit la Fortune debout avec un
gouvernail dans la main droite et une corne d*abondance dans la
gauche. Ce type d'un aureus de Ti. Sempronius Gracchus,
quatuorvir monétaire , en Tan 711, peut rappeler le fait de la
dédicace à la Fortune valeureuse, Forti Fortunœ ( Plutarch.y De
Fort, Bom,j 5) des jardins légués par Jules César au peuple ro-
main. La môme explication peut être proposée pour la Fortune
dans une pose semblable qui occupe le revers d'un quinaire de
P. Sepullius Macer, triumvir monétaire dans Tannée même de
la mort de César.
TurilUoy n« 1. Je crois que le prétendu as de M. Riccio,
avec le mot TVRIL. écrit sur la proue du vaisseau est un as
210 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
(Je Lucius Tiiurius, fils de Lucius, L. TITVRl. L. F., dont la
légende est défectueuse. M. Riccio dit que son as est à fleur de
coin; mais l'empreinte qu'il en a donnée dans son catalogue ne
le montre pas dans un état de conservation parfaite. L'ancien
graveur a pu écrire L. TITVRl. L., en supprimant la lettre F par
distraction et en précipitant son travail. Cf. Cavedoni, Appendice
alSaggio.p 186.
Valeria. M. Cohen n'a pas eu connaissance des dernières
explications que j*ai données des types figurés sur les monnaies
de L. Valerius Acisculus, Bull. arch. Non., anno \\\, nuova
série, p. 81-93.
Je crois avoir établi , au moyen des dépôts de Bologne et de
Modène, que les deniers de Valerius Acisculus ont été frappés
de Tan de Rome 705 à Tan 714. Cf. Appendice al Saggio,
p. 198; Hagguaglio, p 220.
Le triumvir monétaire Acisculus était, je crois, d'une famille
originaire d'Espagne, et je fonde cette opinion sur le nom du
saint martyr de Cordoue, Acisculus, célébré dans les vers de
Prudence (Peristeph., IV, 19. — Cf. Ph. A Tune, Mon, vet.
Antii^ p. 22j.
Je trouve d'ailleurs une grande ressemblance, quant à la fa-
brique, entre les deniers de L. Valerius Acisculus et les mon-
naies frappées en Espagne et particulièrement dans la Bétique.
Et quant aux types mythologiques d' Acisculus , sur lesquels on
a écrit beaucoup de choses, on peut également les retrouver sur
163 médailles de fabrique hispanique. Je renvoie pour ces rappro-
chements à mon travail inséré dans le Bulletin ofrhéologique de
JSaples K
1 M Tabbé Cavedoni, avec sa vaste érudition, a cherché à rattacher tous les
types des monnaies de L.Valorius Acisculus à TEspagne, et les exemples qu'il
cite ont une grande valeur. On peut comparer ce que le même savant a écrit
sur les types d'Acisculus dans son Saggio, p. 188. — Annales de VInst, arch.,
t. XI, p. 320.— Bull, de VInst, arehéol,^ 1845, p. ISS,— Raggxtaglio^ p. 139.—
Quant anx allusion» nû nom et au surnom de Valerius Acisculus qu'on trouve
BUr.LETlN BIBLIOGRAPHIQrE. 2 H
Veturia, J'ai déjà émis la conjecture { /iagguaglio, p. i94)
que M. Cipio, P. Silius Nerva et Tiberius Veturius étaient col-
lègues comme triumvirs monétaires^ vers l'an 650, et je fonde
ma conjecture sur la fabrique et le style des monnaies d'argent
qui portent les noms de ces trois magistrats. Maintenant mon
hypothèse se trouve confirmée, en voyant que ces monétaires
ont tous les trois fait frapper une série d'as d'un travail soigné,
comme est le qnadrans de la famille Silia que j'ai sous les yeux,
et comme doit être celui de la famille Veturia , que Borghesi dé-
signe sous le nom d'un petit quadrans [quadrantino). Voir les
Annales de VInst, arch , t. XI, p. 283.
Vibia, M. Cohen ne se rend pas aux raisons alléguées par
Borghesi, qui attribue à la gens Vibia les monnaies portant le
nom de G. Norbanus. Mais l'opinion de Borghesi se trouve cor-
roborée d'une manière formelle par l'inscription de Teanum
Sidîcinum^ dans laquelle il est question d'un G. Vibius Norba-
nus, fils de Gains. G. VIBIO.G. F. QVIR. NORBANO. Mommsen,
Inscript. Regni Nap.y n* 401 3.
Volieia, n'a. Sur toutes les monnaies de M. Volteius/on
remarque d'étroits rapports entre la tête du droit et le type du
revers^ comme sur les médailles de Gapoue, d'où il tirait peut-
être son origine (Gavedoni, Appendice al Saggio, p. 177). Gybèle
sur un char tiré par deux lions ^ est figurée au revers d'un buste
représentant un personnage jeune, l'épaule nue et la tête couverte
d'un casque entouré d'une couronne d olivier ou d'autre feuillage,
M. Gohen suit l'usage de reconnaître ici Pallas; mais comme
l'épaule nue ne convient guère à cette déesse, Eckhel avait déjà
émis Topinion que ce pouvait être le busle de Mars jeune.
dans les types de ses monnaies, on peut voir un remarquable article de CIu
Lenormaut dans les Nouvelles Annale* de VInst. arch., t. II, p. 142et8iiiv^,
et ce que j'ai écrit sur le géant Yalens, dans la Revue numism., première série,
t. XIV, 1849, p. 325 et suiv. Je crois que plusieurs de ces explications conter >
vent leur valeur, tout en acceptant les nouvelles considérations exposées dans
le dernier travail de M. l'abbé Cavedoui. J, W.
212 BLLLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Pour élahiir les rapports eiitro le lype du droit et celui du revers,
dont je parlais tout à Theure, je serais porté à considérer ce
buste comme celui d'un Corybante, et cette hypothèse se trouve
confirmée par un passage de Servius [ad Virg. yEn,, VU, 796),
dans lequel il est question d*un Corybante qui serait venu en llalie
et se serait établi dans \v voisinage de Rome : Dicunt quemdam
Corybantcn venisse ad Italiam , et tenuisse loca qux urbi vicina
sunt. Maintenant ce qui ne me semblait qu'une simple hypothèse
revêt le caractère de la certitude , si Ton rapproche le passage
de Servius que je viens de citer du vers suivant de Martial
(libA.epigr. 1\,v 40):
Qua Cybehi jïicto stat Corybante tholus.
J'aurais bien encore quelques rectilications à proposer pour
le beau livre de M. Cohen, surtout en ce qui regarde les endroits
où, d'après M. Riccio, il attribue à moi et à d'autres numisma-
tistes des choses que nous n'avons pas dites , mais cet article
critique a déjà dépassé de beaucoup les bornes d'un compte
rendu de recueil périodique. Je m'arrête donc et je pose la
plume.
C. Cavedoni,
CHRONIQUE.
RECTIFICATION NUMISMATIQUE.
En lisant rinléressanle lettre adressée par M. Sabatier aux
rédacteurs de la Revue^ et insérée dans le numéro de janvier,
p. 6-i8, on ne peut pas s'empêcher d'être frappé du chiffre 33
que ce savant croit avoir lu sur deux poids byzantins d'une once
(45 à 26 gr.) chacun. Quelle peut être l'unité qui correspond à
la 33* partie de l'once? Elle n'existe ni dans la série latine ni
dans la série grecque II y a donc ici évidemment une erreur
de lecture ou une erreur de gravure.
En effet, examinant attentivement ce poids (pi. H, n* 2), on
remarque d'abord que la seconde lettre n'est pas un A mais un
A, dont la barre Irès-reconnaissable sur le monument n'a pas
été reproduite sur la planche de la Revue : celte barre existe aussi
sur l'exemplaire du Cabinet de France (pi. Il, n» 3), et M. Dar-
del l'a légèrement indiquée. Il ne s'agit donc plus de chercher
la valeur du chiffre 33^ mais seulement la signification du r,
celle de l'A indiquant l'unité ne pouvant être douteuse.
Un examen plus minutieux du poids du Cabinet de France
(pi. Il, n* 3) permettra d'observer que le r est suivi d'un petit
zéroo [sic]^ qui a été omis sur la planche. Or, à la place même
qu'occupe ce point, nous voyons un 0 véritable sur un exagium du
même Cabinet pesant également une once (20 grammes) et sur
lequel les deux lettres sont séparées par une croix : r» f A. De
plus, nous trouvons sur d'autres poids également au Cabinet de
21 & CHRONIQUE.
France, la môme siglero accompagnée d'autres lettres numé-
rales; ainsi : Fo fB sur un exagium pesant 51 grammes (2 on-
ce») ; rot S sur deux poids de six onces {Mi et 459 grammes);
sur le revers du premier de ces poids on lit SOL XXXVI^ ce qui
correspond parfaitement avec Texagium de deux onces décrit
par M. Sabatier(pl. W, nM) et sur lequel on lit : H. Sol. XII '.
Fo est donc tout simplement la sigle grecque indiquant Ponce;
et correspond à ^qui indique la litra (pi. II, n° 4]9et si le point
ou Vq manquent sur Tonce n* 2, c'est évidemment un oubli
qui accuse la négligence ou l'ignorance de l'artiste byzantin.
(bailleurs cette sigle est souvent employée avec cette signification
dans les inscriptions grecques des bas temps', et M. Sabatier
n'aurait évidemment pas cherché dans les signes TA le chiffre
33; s'il avait eu te bonheur de tomber sur des poids mieux con-
servés ou phis soigneusement exécutés que ceux qu'il avait sous
la main. La comparaison du signe complet sur un exagium du
môme poids, et la (msence delà sigle To avec des lettres numé-
rales différentes sur d'autres exagiums, nous ont seules mis h
môme de relever cette erreur échappée à l'attention conscien-
cieuse jusqu'à la minutie que M. Sabatier apporte toujours à
l'examen des monuments dont il donne la description.
Blacàs d'Aulps.
MONNAIE ANDALOUSE TROUVÉE A CONTRES.
M. Yergnaud Romagnési a eu l'obligeance de me faire part
d'une découverte assez bizarre faite tout récemment dans le dé-
partement de Loir-et-Cher^ non loin de Blois. Un entrepreneur
* En effet, ëi 2 onces = le poids de 12 »(nis, 6 oncos = 36 sous.
• C'est à M. Momrnsen, que nons avons conpultô lors de son ptiseage à Pari»,
qae nous devons ce renseignement.
CHRONIQUE. 215
de maçonnerie voulant construire une maison an village de
Contres, sur la rouie qui mène à Celles, fit trancher une éléva-
tion composée de terres et de matériamc d'une nature fort sèobe
et y découvrit des tombes de pierre en forme de gatnes coaie-
nant dés squelettes très-bien conservés. Dans Tune se trouvaient
côte à côte un homme de haute taiUe sans tête, et une femme
encore jeune dont toutes les dents et même les cheveux avaient
résibtc à l'action du temps. Dans une autre tombe, on recueillit
une pièce de monnaie d'argent portant, disaient les gens du
pays, des lettres cabalistiques. M. Vergnaud Romagnési voulut
bien m'en envoyer une empreinte faite avec beaucoup de soin,
et quoiqu'elle fût réduite par la rognure aux trois cinquièmes de
son diamètre, j'y reconnus une pièce frappée par un des Om-
méiades d'Espagne dans VAndalouse, c'est-à-dire à Cordoue. Le
symbole religieux se lit, tracé en trois lignes sur une face, en
quatre lignes sur l'autre. La légende circulaire qui contenait le
nom de lieu et la date écrite en toutes lettres suivant l'usage est
tellement coupée qu'on n'aperçoit plus que Textréroité inférieure
des lettres à queues telles que le «m, le tV, le noun. Si le style de
la pièce n'était pas si parfaitement espagnol, on pourrait hésiter
sur son origine et la chercher dans le vaste domaine de Tlsla-
iiiisme au second siècle de l'hégire, mais le doute n'est pas per-
mis. Je vais plus loin, et malgré la mutilation de la légende cir-
culaire, j'y reconnais après le mot Andalous des traces, certaines
par l'observation des distances, des nombres un et soixante et
cent; lorsqu'on place cette pièce rognée sur une monnaie com-
plète de Tannée t6i, on voit facilement que la concordance des
traits est parfaite. Nous avons donc là un dirhem frappé en Tan-
née 161 de Thégire, c'est-à-dire en Tan 777 de Jésus-Christ. On
Ta taillé très-vraisemblablement pour lui donner le module des
deniers de Pépin et de Charlemagne parmi lesquels il circulait.
Les trouvailles de monnaies arabes sont fréquentes sur les rives
de la mer du Nord et de la Baltique; en France, on recueille de
temps à autre^ dans nos provinces méridionales, des monnaies
218 Mf:»01RF5
un astre et un croissant, même monograiiimo que sur les
pièces précédentes, et la lettre l.— Drachme. Poids, As',29.
(De ma collection, pi. IX, n** 3. )
Ces trois magnifiques pièce» proviennent d*une trouTaille
faite dans les environs d*Amasia, il y environ trois ans»
trouvaille sur la composition de laquelle nous donnerons
plus bas quelques détails.
Le tétradrachnie de Mithridate n'est pas une pièce nou-
velle; il en existait depuis phis d'un siècle deux exem*
.plaires au Cabinet de France , mais d'un autre coin et avec
d'autres monogramnjes que le nôtre ; il en existait égale-
ment un exemplaire dans une collection russe; le trésor
d'Amasia vient d'en fournir quatre ou cinq exemplaires»
tous d'une belle conservation, et présentant quelques va*
riétés dans les monogrammes du revers. L'importance de
la nouvelle trouvaille , indépendamment de la rareté des
pièces quelle renfermait, consiste priiKipalement en ceci,
qu elle permet de déterminer quel est le Mithridate dont ces
pièces reproduisent le portrait. En effet, outre Mithridate VI
Eupator et son père Mithridate V Évergète , quatre autres
souverains du même nom ont régné sur le Pont; nous
allons les passer en revue , en renvoyant pour les détails
€t pour les citations au travail de Clinton, dont nous sui-
vons la nomenclature et la chronologie, et qui a discuté
avec sa science et sa critique habituelles tous les faits
relatifs à la dynastie du Pont {Fasti Hellenici^ III, ap«
pend. 8).
Le Mithridate I" de la liste de Clinton était un satrape
héréditaire plutôt qu'an roi ; il mourut en 363, c'est-à-dire
longtemps avant la conquête d'Alexandre; s'il a battu
monnaie , elle devait ressembler à celles de son voisin et
contemporain Ariarathc de Cappadoce , que j'ai fait con-
Il DISSERTATIONS. 210
naître dans cette Revue ( 18(51, p. 2), et dont les légendes^
sont araméennes.
Mitliridate II, suniommé KuaxrtÇ ou le fondateur^ petit-
fils du précédent, commença à régner en 337, et fut mis à
mort par ordre d'Antigone en 302, à l'âge de quatre-vingt-
quatre ans ; il agrandit son royaume à la faveur des guerres
continuelles qui divisaient les successeurs d'Alexandre, et
fut le véritable fondateur de la dynastie. Son fils , Mithri-
date III , lui succéda , et régna obscurément jusqu'en 266.
C'est à un de ces deux princes qu'on a attribué jusqu'à
présent la médaille qui nous occupe ; il n'y a qu'une objec-
tion sérieuse à faire à cette attribution, c'est que le royaume
du Pont ne comprenait probablement à cette époque aucune
des villes helléniques du littoral, et que les habitants par-
laient des dialectes sémitiques; il est donc à supposer que
les légendes des monnaies royales étaient encore écrites en
aiaméei). Cependant l'objection n'est pas insurmontable, et
l'on peut très-bien adimeitre que ces deux princes , surtout
le dernier, aient frappé à&i monnaies à légendes grecques
pour les besoins du comaiefce, et concurremment avec les
tétradracbmes d'Alexandre et de ses successeurs, dont la
circulation était générale.
Mithridate IV, petit-fils de Mithridate III, régna environ
cinquante ans, suivant les calculs de Clinton; il était mineur
à la mort de son père, et mourut vers l'an 100; il assiégea
Sinope inutilement; ce fut son fils Pharnace qui s^en em-
para et qui annexa cette importante conquête à ses États
héréditaires. C'est à Mithridate IV qu'appartient notre mé-
daille; mais sans la trouvaille d'Amasia, il eût été impos-
sible de le démontrer; en efiet, il résulte de l'identité
complète des monogrammes sur les tétradracbmes de
Mithridate et de Pharnace, que ces deux pièces ont été
220 MÉMOlRt^S
frappées dans le môme atelier à des inlen'alles peu éloi-
gnés ; l'état de conservation est à peu près le même, plua
beau cependant pour le Pharnace ; enfin le père est repré-
senté vieux et ridé, tandis que le portrait du fils est jeune,
avec de légers favoris* C'est donc à Mithridate IV qu'appar-
tient la plus ancienne monnaie connue des rois du Pont,
et il est peut-être le premier de sa race qui ait fait frapper
des tétradrachmes attiques à son ^fTigje ; dans tous les cas,
il n'y en avait pas de plus anciens parmi les nombreuses
monnaies du trésor d'Amasia, et l'on remarquera qu'Aria-
ratbe>ni de Cappadoce, contemporain de Mithridate IV, est
également le preniier de sa dynastie qui ait frappé des
monnaies à légaides helléniques^ ce qui est parfaitement
d'accord avec l'état probable des populations de ces pro-
vinces à cette époque; car ce n'est que sous Ariarathe Y
Pliilipator (163-130) que la Cappadoce commença à être
hellénisée (Diod., XXXI. 28).
Les monnaies de Pharaace I*"", fils et successeur de
Mithridate IV, n'étaient pas non plus inconnues; la plupart
des anciennes collections, telles que celle des grands-ducs
-de Toscane, à Florence, ^t celle du comte de Pembroke^ en
Angleterre, possédaient de grandes pièces de Pharnace,
moulées en or oU en argent sur un original dont on avait
perdu la trace , et que j'ai retrouvé dans la collection
Hunter, à Glasgow. J'ai fait dessiner cette pièœ (pk IX,
n* 4) d'après l'empreinte que j'en ai prise il y a quelques
années; c'est un exemplaire fruste ^t troué, mais parfaite-
noent authentique, du tétradrachine de Phamace^, frappé à
une époque plus avancée de la vie de ce prince, et ne diffé-
rant du notre que par les monogrammes et par la présence
d'un foudre, placé dans le champ au-dessus de la tête de
la divinité. Dans le trésor d'Amasia il y avait quatre ou
ET DISSERTATIONS. 221
cinq exemplaires (lu télradracbme, tous très-beaux, et une
seule drachme à leur de coin.
La description donnée par Eckbel (/>. N. F., II. p. 363)
du revers de la médaille de Pharnace n'est pas exacte ;
ranimai aux pieds de la divinité est certainement une bicbe,
«t non une panthère, et la figure n'a d'ailes ni à la tête ni
aux pieds. Quant à la figure elle-même, c'est une divinité
panthée, à laquelle il serait diflicile d'assigner un nom ; en
effet, on ne peut guère y reconnaître avec Le Blond le Men
Pbarnace , dont il existait un temple célèbre à Cabira dans
le Pont; car cette divinité était sans doute semblable aux
autres dieux lunaires adorés sur tant de points de la pénin-
sule asiatique, et qui n'ont rien de commun avec la repré-
sentation de notre médaille.
On ne connaît pas de médaille certaine de Mithridate V
Évergète, fils et successeur de Pharnace I" ; Vaillant en a
publié une , tirée du cabinet du cardinal Massimo ; mais
personne ne l'a revue depuis , et la description qu'il en
donne étant loin de s'accorder avec la gra^re qui accom-
pagne son texte , on ne peut guère admettre sans réserves
l'authenticité de cette pièce. Mithridate Évergète a dû
cependant battre monnaie, comme ses prédécesseurs et
son successeur; espérons qu'une trouvaille nouvelle en
fournira bientôt quelques échantillons, et viendra compléter
eette intéressante série.
Les médailles de Mithridate IV et de Pharnace I*' ne sont
pas datées, ce- qui est d'autant plus regrettable qu'on ne
connaît pas exactement la durée de leurs règnes ; mais il
n'y a pas lieu de s'en étonner, car l'habitude d'inscrire sur
les monnaies les années d'une ère ne s'introduisit que plus
tard en Asie Mineure. En Syrie, l'usage était fort ancien;
u» grand nombre de dariques frappées en Phénicie portent
222 MÉMOIRES
des dates; sous les Séleucicles cela deviut la règle, et à
partir du règne d'Antiochus III , on trouve des dates d'une
ou plusieurs ères sur une foule de monnaies municipales et
royales ; il faut descendre jusqu'au règne de Démétrius V
toutefois pour rencontrer des dates sur les tétradracfames
royaux, et la plus ancienne connue est de Fan 168 de l'ère
des Séleucides (A. C. 15A}. En Asie Mineure, les rois de
Cappadoce se sont bornés à inscrire les années de leur règne
sur leurs monnaies; mais les derniers rois de Bithynie
et du Pont se sont servis sur leurs pièces d'or et d'argent
d'une ère commune aux deux provinces, qui commence
en 297 A. G., c'est-à-dire environ quinze ans après celle
des Séleucides. Nicomède II de Bithynie est le premier de
sa dynastie dont les tétradrachmes soient datés; le plus
ancien exemple connu est de l'an 150 (A. C. 1A7), d*où il
résulte qu'en Bithynie on ne fit que suivre l'exemple de la
monnaie des Séleucides. S*il en fut de même dans le Pont,
ce n'est que sous le règne de Mithridate V Évergète qu'où
pourrait s'attendre à trouver des dates sur les monnaies ;
toutefois, il est fort possible que cet usage n'sdt commencé
que sous Mithridate VI Ëupator ; car toutes les monnaies
de ce prince ne sont point datées ; je n'en connais pas
d'antérieure à l'année 202 du Pont (A. G, 95), et il y avait
alors vingt-cinq ans qu'il était monté sur le trône.
Il me reste à parler de la composition du trésor d'Amasia,
d'après les renseignements malheureusement incomplets
que j*ai pu recueillir. La masse consistait en tétradrachmes
d'Alexandre, au nombre de deux à trois cents; les autres
pièces qui m'ont été signalées étaient : 1"* des tétradrachmes
des premiers Séleucides et surtout d'Antiochus III (A. G. 223-
187), parmi lesquels se trouvait un exemplaire de la rare
pièc€i avec l'éléphant au revers (pi. IX, n" 5); cette mé-
ET DISSEUTATIOXS. 223
daille, qui faisait partie de la collection de JL le duc de
Luynes, est d'une belle conservation et n*a presque pas
circulé; 2* trois ou quatre tétradrachines d'Antioche sur le
^léandre, avec diiïémnts noms de magistrats ; j*en ai fai
dessiner un qui est entré dans ma collection (pi. IX, n* 6);
ces pièces avaient été quelque temps en circulation;
3** deux ou trois tétradrachmes de IVusias I*^, roi de
Bithyoie, qui mourut entre 133 et 179 A. G. (Clinton^ F.
H.^ III, Appcnd , 7); 4** enfin les pièces de Mithridate IV
et de Pharnace P', que nous avons décrites plus haut
L'enfouissement du trésor eut donc lieu dans les pre-
mières années du règne de Pliarnace ; les pièces de ce
prince étaient les mieux conservées de la trouvaille, et la
drachme n'a pas même été en circulation; comme Mithri-
date iV régna longtemps et mourut à un âge assez avancé^
son fils devait avoir au moins trente ans à son avènement,
ce qui est d'accord avec son portrait, tel que nous l'ofireni
les médailles.
CONFÉDÉnATtOX D£ QUELQUES VILLES DE L'ASIE MlNEUBC
ET DES Iles après la bataille de CNms (A.C. 39A).
( PI. X.).
I. IXîi. Hercule jeune étranglant les serpents,
^ 2A. Tête de lion de face. — Poids, H«%52. (Musée
Britannique. PL X, n*»l.) Un autre exemplaire de lacollec-
lion Northwick, d'une conservation parfaite, pesait ll«%â8,
et un troisième I de ma collection ^ moins bien conservé,
pèse ll*'rl8.
22A mémoibës
2. Même droit.
^ E<&.PE. Mouche; traces d'un cercle creux. — Poids,
ll^^àh. (Musée Britannique. PI. X, n* 2.) Il existe au
musée Hunter un exemplaire fruste de cette pièce.
3. Même droit.
i^ [K]NlMn[N]. Tête de Vénus à droite; dans le champ,
une petite proue de vaisseau ; traces d'un cercle creux. —
(Soufre communiqué par M. Lampros d'Athènes. PI. X,
n«â.)
à. Même droit, sans légende.
1^ PO. Fleur du balaustium; traces d'un cercle creux.
— Poids, 11»',35. (Collection de Luynes. PI. X, n« 3.)
Il y a dans le musée Hunter un exemplaire très fruste de
cette médaille.
Ces monnaies présentent d'un côté un type uniforme, de
l'autre les types bien connus de quatre villes situées sur la
côte de l'Asie Mineure et dans les lies adjacentes ; leur
poids, qui n'est en usage dans aucime des quatre villes, et
qui se rattache à un système particulier; le mot 2TN,
inscrit auprès d'une représentation de la force héroïque,
comme si l'on avait voulu dire «l'union fait la force;»
tout indique que nous avons sous les yeux les monuments
d'une confédération politique. Ces monnaies sont d'ailleurs
les seuls témoins d'une alliance que l'histoire a passée sous
silence , et nous allons examiner quelles sont les circon-
stances qui ont pu donner lieu à un rapprochement entre
des villes qui généralement étaient loin de suivre les mêmes
errements politiques.
Il est facile de réduire à d'assez étroites limites l'inter-
valle pendant lequel a pu avoir lieu l'émission de ces mon-
naies; elles ne peuvent être ni antérieures à l'année 406,
époque de la fondation de Rhodes, ni postérieures à la
ET DISSERTATIONS. 225
paix d'Autalcidas (387 A. C.)« qui repLiça définitivement
toutes les villes du continent asiatique sous la domination
du roi de Perse, et qui leur interdisait tout rôle politique*
Un coup d'œil rapide jeté sur les événements de ces vingt
années nous suffira pour déterminer exactement la date de
ralliaoce que ces pièces viennent révéler pour la première
fois.
La bataille d*iEgospotami, qui mit fin à la longue demi*
nation des Athéniens sur les côtes d'Asie et sur les Iles
de la mer Egée , avait été livrée vers le mois de sep-
tembre A05. A cette nouvelle, toutes les villes qui tenaient
encore pour Athènes se révoltèrent et chassèrent leurs
garnisons, à la seule exception de Samos. Les Samiens ,
craignant par-dessus tout le retour des oligarques exilés,
refusèrent de rendre leur ville aux officiers envoyés par
Lysandre, et ils allèrent mëme^ jusqu'à faire périr un
certain nombre des principaux citoyens soupçonnés de
comploter le renversement da la démocratie. Lysandre,
après avoir installé partout des harmostes lacédémoniens,
fit voile pour Athènes, dont il forma immédiatement le
siège; mais après la reddition de cette capitale, qui
eut lieu au printemps de Tannée suivante (AOA) , il re-
tint immédiatement à Samos pour éteindre le dernier foyer
de résistance en Asie. Bloqués par les forces du général
lacédéroonien, les Samiens capitulèrent au moment où l'on
allait donner Tassant; ils purent se retirer avec la vie
sauve, et n'emportant chacun qu'un seul vêtement. Ly-
sandre restaura les oligarques exilés , et leur livra la ville
avec tout ce qu'elle contenait; il y établit une décarchie
ou conseil de dix, comme dans les autres villes, et y laissa
en outre le Lacédémonien Thorax comme harmoste. A
partir de ce moment, il ne reste pas de ville hellénique
226 MÉMOiiiLS
sur la côte cl Asie et dans les îles qui ne fut soumise
à Tautorité de Sparte ; Éphèse et les villes rhodiennes
s'étaieut détacliées d' Athènes plusieurs années aupara-
Yant#
La suprématie de Sparte dura environ dix ans ; mais
rinsolence et les exactions des harmostes, la tyrannie des
décarchies, et surtout les réactions sanglantes amenés par
le retour des oligarques, ne tardèrent pas à dégoûter les
Grecs de leurs nouveaux maîtres, et à faire regretter la
domination athénienne, moins dure pour les villes tribu-
taires, et reposant presque partout sur des institutions
démocratiques ; ce furent Tbèbes , en Grèce, et Rhodes, en
Asie, qui donnèrent le signal de la révolte. Vers le com-
mencement de Tannée 395, le satrape Pbamabaze, alors en
guerre avec Agésilas et les Lacédémoniens , obtint pour
l'amiral athénien Conon le commandement d*une flotte
persane, qui alla croiser sur les côtes de la Carie, entre
Rhodes et Cnide ; profitant de sa présence dans leur voisi*
nage, les Rhodiens se soulevèrent, chassèrent Famiral
lacédémonien Pharax qui était dans leur port avec une
flotte, et appelèrent Gonon, qui fit de Rhodes la base de ses
opérations (Diod., XIV, 79). Pendant plus d'une année,
les choses en restèrent là; Conon , paralysé par les intri-
gues et les jalousies des officiers persans, ne pouvait rien
entreprendre. Finalement, & la suite d'un voyage qu'il fit
lui -même à la cour de Perse, il obtint du roi Artaxerce des
subsides considérables et l'énergique coopération du sa-
trape Phamabaze, A la tête d'une flotte nombreuse, les
deux commandants vinrent jeter l'ancre à Rhodes vers le
mois de juillet 39A, et peu de jours après ils attaquaient
en vue de Cnide la flotte lacédémonienne, commandée par
Pisandre ; ils remportèrent une victoire complète , la flotte
ET J)lSSLIirATlONS. 227
eunemie fut prise ou dispersée, et Pisandre fut tué jKîn-
dant l'action. A quelques jours de distance avait lieu, en
Béotie, la bataille de Coronée, où les Lacédémoniens rem-
portaient sur les Tiiébains et leurs alliés une victoire sté-
rile et chèrement achetée. Les conséquences de ces deux
batailles furent immenses. Phamabaze et Conon parcou-
raient les îles de la mer Egée et les côtes de TAsie , et pro-
clamaient l'autonomie de chaque ville; partout les har-
mostes lacédémoniens s'enfuyaient , sans même essayer de
résister, tellement ils se sentaient impopulaires et inca-
pables de tenir tète à la haine violente que leur tyrannie
avait suscitée contre eux. Cos, Nisyros, Chios, Samos et
Mytilène, parmi les îles, Éphèse, Erythrae et Téos, sur ]a
côte, sont mentionnées par les historiens, les unes comme
ayant déclaré leur neutralité, les autres comme ayant
embrassé le parti d'Athènes; toutes les villes asiatiques
suivirent cet exemple, à l'exception d'Abydos, qni, per-
sistant dans sa vieille haine contre Atliènes , devint bientôt
le refuge des Lacédémoniens et le centre de leurs opéra-
rations sous les ordres de Dercyllidas. (Xen., /7f/Ieti.,
IV, 8. — Diod.,XIV, 84, 07.)
Pharnabaze brûlait de se venger de Sparte et de lui
rendre chez elle les affronts qu'il en avait reçus. Au prin-
temps de l'année suivante (3tt3), il quitta THellespont avec
une flotte considérable, et alla débarquer sur les côtes de
la Laconie, qu'il ravagea pendant quelque temps; puis il
s'empara de l'île de Cythère, en chassa les Lacédémoniens,
et vint avec toute fa flotte à l'isthme de Corinthe, où était
rassemblée l'armée des États alliés contre Sparte. II leur
distribua des subsides, et les encouragea à persévérer; il
permit à Conon d'employer les équipages de la flotte à re-
lever les fortifications du Pirée et les murs qui rattachaient
228 MÉMOIRES
ce port à Athènes, sachant bien qu'il ne pouvait porter aux
Lacédémoniens de coup plus sensible; ayant ainsi goûté
les plaisii*s de la vengeance, il retourna en Asie. (Died.,
XIV, 8â, 85.— Xen., HelL, IV, 8.)
Gonon employa le reste de Tannée 393 à la tâche qu'il
avait entreprise; promenant sa flotte à travers la mer Egée
pour y lever des contributions, il rétablissait partout l'in-
fluence athénienne. Cette conduite excitait de vives alarmes
à Sparte, où Ton prévoyait déjà avec effroi le rétablisse-
ment de l'empire maritime d'Athènes; les éphores résc-
lurent alors de tarir une des sources de la puissance de
Gonon en le brouillant avec les autorités persases. Tiribaze,
ancien satrape d'Arménie , commandait à cette époque les
forces persanes en Asie, et gouvernait probablement en
même temps la satrapie de Sardes; c'est à lui que les
éphores s'adressèrent; leur envoyé Antalcidas était chargé
de lui démontrer que Gonon faisait les afiaires d'Athènes
beaucoup plus que celles du grand roi dont il recevait des
subsides , et il devait tâcher de négocier la paix avec la
Perse, sur la base de l'abandon du territoire asiatique et
de l'autonomie complète des lies et des autres villes hellé-
niques. Ces conditions étaient certainement de nature à
être acceptées par le roi de Perse, et Tiribaze, qui n'avak
pas, comme Phamabaze, des motifs particuliers de haine
contre Sparte, se montrait disposé à les accepter; mais îA
rencontra une opposition très-vive chez les envoyés d'Athè-
nes, de Thèbes et d'Argos, venus pour contrecarrer la mis-
sion d' Antalcidas. Ces derniers , avec Gonon à leur tête,
refusèrent absolument d'y souscrire; il leur répugnait d'a-
bandonner les Hellènes de l'Asie , et surtout d'accepter le
principe de l'autonomie complète de chaque ville , ce qui
^ût entraîné pour Athènes la perte de Lemnos. Imbros et
KT WSSERtATlOAS. 229
Scyros, et [>our Tbèbes celle de sa suzeraineté sur les au-
tres villes béotiennes. (Xen., HelL^ IV, 8.)
Tiribaze n*osa passer outre, mais il fournit sous main
des fonds à Antalcidas pour équiper une flot-te , et rendre
ainsi les Athéniens et leurs alliés plus trai tables ; en même
temps il prit sur lui d'arrêter Gonon et de renfermer à
Sardes^ soit qu'il crût aux accusations d* Antalcidas, soit
que le général athénien eût excité sa jalousie par ses
brillants succès et par Tinfluence qu'il exerçait sur Phar-
nabaze ; il se rendit ensuite à la cour de Perse pour rendre
compte de sa conduite et demander des instructions. La
mission d'Antalcidas et l'arrestation de Gonon eurent lieu
dans le courant de l'année 392. Tiribaze , dont la conduite
semble ne pas avoir été approuvée d'abord, fut retenu en
Perse, et Artaxerce envoya pour le remplacer à Sardes le
satn^ Struthas, qui avait été témoin des ravages commis
par Agésilas, et qui) par conséquent, était aussi hostile aux
Lacédémoniens que bienveillant pour les Athéniens. Voyant
alors qn'ils n'avaient rien «^ attendre des négociations , les
épbores résolurent de reporter la guerre en Asie ; depuis
que Gonon avait cessé de commander la flotte persane , la
mer Egée était libre ; Dercyllidas était toujours maitre de-
Sestos et d'Abydos, et il avait sans doute proflté des cir-
constances pour rétablir sur quelques points l'influence de
Sparte. Il est impossible d'établir exactement la chrono-
logie des événements maritimes, pendant les années qui
séparent la bataille de Gnide de la paix d'Antalcidas, mais
il semble que les Lacédémoniens ne firent aucun eflbrt se*
rieux du côté de l'Asie en 391, et qu'ils n'envoyèrent une
expédition sous les ordres de Thibron qu'au printemps de
l'année suivante. (Xen. , Hell , IV, 8.— Diod. , XIV, 85, 99.)
Thibron à son arrivée en Asie ne fut pas d'abord admis
230 MÉMOIKFS
dans les murs crÉphèse, les Épliésiens ayant été des pre-
miers à se révolter contre Lacédémone après la bataille de
Cnide. 11 se rendit maître d'abord d'Isinda, petite ville
d'Ionie, et alla prendre position sur le mont Coressus, qui
domine Éphèse; toutefois il ne tarda pas à pénélier dans
la ville de gré ou de force, et en fit son quartier général.
Il s'avança alors vers le Méandre, occnpa Priène et quel-
ques autres villes, et de là étendit ses ravages dans Tinté-
nenr; mais il ne tarda pas à être attiré par Strnthas dans
nue embuscade. Attaqué à Timproviste par la cavalerie
persane, Thibron fut tué dès le premier cboc; son camp
fut envahi et son armée détruite ou dispersée : un petit
nombre de soldats échappa à la poursuite de Tennemi et
se réfugia dans les villes voisines. ( Xen. , Uelf. , IV, 8. —
Diod.,XlV,9a)
Dîphridas, envoyé de Sparte pour remplacer Thibron,
rassembla les restes de l'armée battue, et réussit à protéger
les villes grecques qui avaient accueilli les Lacédémoniens ;
il obtint même quelques succès contre les Perses, mais il
n'accomplit rien d'important. Le vaisseau qui l'avait amené
à Éphèse faisait partie d'une petite escadre de huit navires,
sons les ordres d'Ecdicus, destinée à secourir le parti lacêdé-
monien dans l'île de Rhodes; en passant à Samos, Ecdicus
jf^rsuada aux Samiens de s'allier avec Lacédémone , puis
il alla relâcher à Cnide, où il paraît avoir été accueilli favo-
rablement ; mais il n'osa rien entreprendre contre Rhodes.
En effet, le parti démocratique était encore maître de l'île,
bien que les oligarques, partisans de Lacédémone, se fus-
sent relevés un peu depuis leur défaite en 395. Vers la
fin de l'année (390), l'amiral Téleuiias vint remplacer
Ecdicus; ayant augmenté son escadre de quelques vais-
seaux samiens, il fit voile pour Rhodes. A son arrivée , la
l-T mSSERTATlOXS. 2Sl
guerre civile éclata ; mais Téleutias et les oligarques fu-
rent vaincus, et ils durent se borner à occuper un poste
fortifié, sous la protection de la flotte lacèdémonienne,
tandis que leurs adversaires restaient iriaitres de la capi-
tale, ainsi que des anciennes villes , importantes par leur
position, et encore habitées bien qu elles eussent cessé de
former des communautés indépendantes. (Xen., Uell^ IV,
8. — Diod.,XlV, 97.)
Pendant que ces événements se passaient à Rhodes , les
Athéniens, inquiets de la réapparition â*une flotte lacédé-
monienne sur les côtes d'Asie, avaient décidé l'envoi d'une
flotte de quarante vaisseaux au secours des Rhodiens, et
en avaient confié le commandement à Tbraspyl>ule, le héros
dePbylé. Celui-ci, après avoir rétabli ta suprématie athé-
nienne dans la Propontide et à Lesbos, parut enfin dans
les eaux de Rliodes ; mais avant de commencer les opéra-
tions contre Téleutias, il voulut lever des contributions qui
lui permissent d'assurer pendant quelque temps la solde
de ses équipages. Après avoir commis à IIaliearn<issc et
ailleurs des exactions qui excitèrent plus tard une vive
réprobation à Athènes, il s'avança jusqu'à Aspendus, en
Pamphylie> et jeta l'ancre dans TEurymédon auprès do
la ville. Déjà il avait reçu des Aspendiens leur contribution,
lorsque quelques soldats se mirent à piller dans la cam-
pagne*, furieux de cet outrage, que le payement de la
contribution devait leur épargner, les Aspendiens attaquè-
rent pendant la nuit le camp athénien ; Thrasybule fut tué
dans sa tente, et les triérarques, saisis de frayeur, rem-
barquèrent leurs hommes en toute hâte, et amenèrent l'es-*
cadre à Rhodes. Mais les oligarques étaient maintenant
maîtres de la ville, soit qu ils l'eussent prise de vive force,
soit que la nouvelle de la mort de Thrasybule, devançant
232 MÉMOIRES
Tarrivée de Tescailre athénienne, eût jeté la conslernaiion
parmi les démocrates, et ces derniers étaient, à leur tour,
réduits à se défendre dans un poste retranché ; les Athéniens
se joignirent à eux, et les aidèrent dans leurs opérations
contre la ville : quelque temps après, Agyrrius arriva
d'Athènes pour remplacer Thrasybule, (Xen., Hell.^ IV, 8.
— Diod., XIV, 9â,09. — Lysias conf r. Ergoclem.)
De son côté, Téleutias avait dû quitter Bhodes pour aller
lever des contributions parmi les îles; vers la fin de 389,
il fut remplacé par Iliérax , qui se rendit à Rhodes avec
son escadre ; il y était encore lorsque les éphores nom-
mèrent Antalcidas pour lui succéder. Ce dernier vint prendre
le commandement à Éphèse , et , après avoir envoyé ses
vaisseaux à Abydos , il se mit en route pour la Perse , où
son ami Tiribaze se trouvait encore; il était chargé par son
gouveniement d'en finir avec Artaxerce, et de conclure
avec lui une alliance h tout prix. (Xen., IW/., V, 1.)
Nous n'avons pas à raconter les derniers incidents de
la lutte entre Sparte et Athènes; ils se passèrent princi-
palement sur les côtes de la Propontide, et Ton ne sait pas
comment se termina la guerre civile qui ensanglantait
nie de Rhodes. 11 nous suffira d'ajouter que vers la fin
de 387, la paix, imposée par Artaxerce et les Lacédémo-
niens au milieu de la lassitude générale » fut acceptée so-
lennellement par tous les États de la Grèce. D'après la
teneur de cet acte , connu sous le nom de paix d'Antal-
cidas, tout le continent asiatique, avec l'île de Gypre et
l'îlot de Clazomènes. était définitivement abandonné au
roi de Perse : toutes les autres villes helléniques, grandes
et petites, conservaient leur autonomie. .
11 résulte clairement de l'exposé que nous venons de
faire que les villes où furent frappées les monnaies dé-
ET DISSERTATIONS. 23îi
crites plus haut ne jouirent toutes et simultanément de
leur autonomie politique que pendant les premières an-
nées qui suivirent la bataille de Cnide. En effet, la vic-
toire de Gonon n'eut pas pour résultat le rétablissement de
la suprématie athénienne ; sans doute les villes délivrées
de la tyrannie des barmostes étaient favorables à la cause
athénienne, mais Athènes était encore trop faible pour re-
prendre son ancien rang à la tête d'une grande confédé-
ration maritiine, et elle ne le tenta que plus tard, quelques
années après la paix d'Antalcidas. Ce que Pharnabaze et
Corion assuraient aux villes helléniques, c'était la liberté,
et effectivement plusieurs d'entre elles ne se rangèrent
d'abord ni d'un côté ni de l'autre, et se déclarèrent neu-
tres. C'est évidemment à cette époque, et dans le but de se
garantir mutuellement leur liberté naissante, que Rhodes,
Samos, Éphèse et Cnide, et probablement d'autre villes,
formèrent l'alliance dont les monnaies frappées à un type
uniforuie sont les seuls monuments. Inaugurée dès la
fin de l'année 39A, et due peut-être à l'initiative des
Rhodiens, l'alliance ne subsista pas longtemps. Dès le
printemps de 390, les Lacédémoniens étaient maîtres d'É-
phèse ; dans le courant de la même année , Samos et Cnide
embrassaient de nouveau leur parti, tandis que Rhodes res-
tait fidèle à l'alliance athénienne ; mais dès le commence-
ment de l'année suivante la guerre civile éclata dans Tlle^
et dura jusqu'à la paix d' Antalcidas. Il n'y eut donc qu'une
période de trois ans et demi environ pendant lesquels les
quatre villes jouirent de leur autonomie complète, tout en
suivant une politique démocratique et favorable h la cause
athénienne ; c'est pendant cet intervalle, qui s'étend de la
fin de 39A au milieu de l'année 390, qu'eut lieu l'émission
des monnaies de la confédération.
1863. — 4. 16
23A MÉMOIRES
Les données numismatiques sont conformes à celte con-
clusion ; en effet, ces monnaies appartiennent par le style à
la meilleure époque de l'art, et les traces de creux qu'on
remarque sur le revers de quelques-unes d'entre elles
montrent qu'elles ont été frappées an commencement du
lY* siècle avant l'ère chrétienne , époque où l'usage du
carré creux venait de cesser dans cette partie du monde
ancien. (Voy. Rev. num., 1856, p. 61.)
Le type choisi par les villes alliées, Hercule jeune étran-
glant les deux serpents, répond parfaitement au but qu'elles
devaient avoir en vue en fondant leur confédération, c'est-
à-dire d'assurer leur indépendance en restant unies entre
elles et neutres vis-à-vis des deux puissances qui les
avaient tour à tour asservies, Athènes et Lacédémone. Ce
type était, vers la même époque, celui que les Thébains
employaient pour leurs monnaies {voy. pi. XI, 2, 3), et
cette circonstance influa peut-être sur le choix qu'en firent
les Rhodiens et leurs alliés; car ce fut Thèbes qui donna
le signal de la résistance à Sparte , et dès l'année 396 le
Rhodien Timocrate avait été envoyé en Grèce par le sa-
trape Tithrauste, avec des fonds considérables, destinés à
gagner l'adhésion des principaux chefs de Thèbes, d'Ârgos
et de Gorinthe *, en même temps que les affaires du satrape,
nmocrate faisait sans doute aussi celles de sa patrie.
(Xen., jETWI-, 111, 5.— Plut., Artaxerc, 20.)
Les ateliers monétaires de Lampsaque et de Cyzique, très-
actifs à cette époque , et habitués à s'approprier les types
les plus en vogue chez les peuples voisins , s'empressèrent
de frapper des monnaies au type de la confédération ; le fait
est certain pour Lampsaque , dont il existe des statères au
type d'Hercule et des serpents, frappés certainement à
cette époque ; quant à Cyzique, c'est moins silr,^ car le type
KT DISSERTATIONS. 235
nest pas parfaitement semblable (roj/. pi. X, 5, 6). Enfin
le même type se retrouve encore sur les médailles de
Grotone dans la Grande Grèce, et sur une pièce inédite de
Zacynthe, dont je dois la communication à l'obligeance de
M. Lamproè; cette dernière pièce paraît postérieure aux
monnaies des quatre villes alliées, ( Voy. pi. XI, n** 1.)
Il me reste à signaler le poids de ces monnaies , poids,
tout à fait insolite, et dont je ne connais pas d'autre
exemple en Asie Mineure ; il est intermédiaire entre celui
des didrachmes éginétiques, qui pèsent environ 12 gram-
mes, et celui des doubles dariques d'argent, qui varie de
il grammes à ll^^lO.
Orontas, satrape de Mysie et d'Ionie.
(PI. XI.)
1. Tête de Pallas à gauche.
^ OPONTA. Partie antérieure d'un Pégase, à droite.
~.ÏV. 3. Poids, 3«%13. (De ma collection. PI. XI, n* 4.)
2. Guerrier nu et coiffé d'un casque conique, le genou
droit en terre, et se cou\Tant de son bouclier; de la main
droite il tient une lance inclinée.
^ OPONTA. Partie antérieure d'un sanglier ailé à droite.
— yR. 3. Poids, 28',79. (De ma collection. PI. XI, n* 6.)
Il existe un autre exemplaire de cette pièce dans le cabinet
de M. Whittall, à Smyrne.
Le nom d' Orontas était commun chez les Perses; parmi
les personnages qui l'ont porté, il en est deux qui ont joué
un rôle considérable en Asie Mineure au n* siècle ; nous
allons rassembler tous les passages relatifs à ces deux sa-
236 MÉMOIRES
trapes, qiii ont généralement été confondus ensemble par
les historiens modernes, {Yoy. Rehdantz, Vita fphicratis^
p. 167. )
Dans son récit de la retraite des dix mille , Xénopbon
parle plusieurs fois d'un Orontas qui gouvernait la portion
orientale de T Arménie, tandis que Téribaze était satrape
de l'Arménie occidentale ; il prit part avec Tissapberne
à la poursuite des dix mille après la bataille de Cunaxa
(âOl A. C. ), et à cette époque il emmenait avec lui pour
l'épouser une fille du roi Artaxerce Mnémon (Xen.,
Ànab., Il, 4, 8; III, 6, 17; IV, 3. A). C'est le même Orontas
qui commanda les forces persanes contre Évagoras en
Cypre ; car il est appelé parent du grand roi par Diodore,
et Plutarque dit expressément qu'il avait épousé Rhodogune,
fille d' Artaxerce. Après l'expédition de Cypre, il tomba dans
une profonde disgrâce . Diod. , XV, 3, 11. — Plut., ArKixerc.,
27. — Plut., ilpop/i(Argi?i., p. 6). Toutes ces mentions se
rapportent évidemment au même personnage, et s'étendent
de l'année 401 à l'année 379.
Dix-sept ans plus tard, en 362, à l'occasion de la grande
révolte des satrapes contre Artaxerce Mnémon , il est de
nouveau question d'un Orontas qui y joua un rôle considé-
rable, et c'«st là que les difficultés commencent. Deux histo-
riens ont parlé de cette révolte, Diodore et Justin, ou plutôt
Trogue Pompée ; dans le sommaire du dixfëme livre de ce
dernier, on lit : « Comment Artaxerce attaqua les satrapes
révoltés de l'Asie, d'abord Datame, satrape de Papblagonie,
ensuite Ariobarzane, satrape de l'Hell^spont, ensuite en
Syrie Oronte, satrape d'Arménie; et comment, après les
avoir tous vaincus, il mourut, laissant le trône à son fils
Ochus. » 11 paraît évident que Trogue Pompée a voulu
parler d' Orontas^ satrape d'Arménie, le même qui était
ET DISSERTATIONS. 237
gendre d'Artaxérce et qui avait encouru sa colère après la
campagne de Cypre ; la mention de la Syrie , lieu de sa dé-
faite, ne laisse aucun doute à cet égai^d.
De l'autre côté, Diodore, qui entre dans quelques détails
au sujet de la révolte de 362, la présente d'une tout autre
façon ; selon lui , le chef de la rébellion était Orontas , sa-
trape de Mysic, qui, après avoir reçu de ses complices de
fortes sommes pour lever des troupes, se tourna contre
eux , trahit la cause commune , et reçut pour prix de
ses services le gouvernement de la satrapie maritime de
TAsie Mineure, qui embrassait à cette époque Une grande
partie des côtes occidentales de la péninsule (Diod., XV»
90, 91). Il est impossible de concilier les deux récits;
rOronte de Trogue Pompée ne peut être le même que celui
de Diodoré ; l'un est un satrape d'Arménie, mentionné pré-
cédemment par plusieurs historiens; à la fin d'une assez
longue carrière, il est vaincu en Syrie par Artarxerce, et
{lerdit sans doute alors la vie; l'autre est un satrape de
Mysie, qui joue un rôle tout différent, qui reçoit en récom-
pense de sa trahison un gouvernement dont il reste en pos-
session pendant les «innées suivantes, ainsi que l'attestent
les textes que nous allons citer.
En effet, en 354 on le trouve giierroyant contre le roi de
Perse, de concert avec Artabaze, le satrape révolté de
Dascylium (Demosth., De Symmor., p. 186); et lorsque ce
dernier, abandonné par ses alliés grecs, fut contraint de
quitter l'Asie, Orontas réussit à se maintenir dans sa satra^
pie. Son principal adversaire parait avoir été Autophradate,
probablement satrape de Sardes, sur lequel il remporta
plusieurs avantages, notamment à Cymé en iGolie et dans
les environs de Sardes CPolyœn., VII, là). En 348 il était
encore maître de sa satrapie, et il était déjà depuis quelque
238 MÉMOIRES
temps allié des Athéniens, qui lui décernèrent une couronne
d'or et le titre de citoyen, en récompense des services qu'il
leur avait rendus ; c'est ce que nous apprend une inscription
d'Athènes, datée de l'archoutat de Gallimaque (A. G. 349/S.
Yay. Rhangabé, Anliq. Hell, II, n°' 397, 398). A partir
de cette époque, Orontas n'est plus mentionné-, mais l'ar-
rivée du Rhodien Mentor, qui , peu de temps après , fut
nommé satrape des provinces maritimes, et chargé en
même temps par Ochus de continuer la guerre contre les
révoltés, dut changer la face des affaires, car Ton sait que
Mentor ne tarda pas à réduire tous les rebelles à l'obéis-
sance. (Diod.,XVl, 52.)
Les deux médailles que nous publions ne peuvent appar-
tenir qu'au second Orontas , le satrape de Mysie et de la
satrapie maritime ; aussi bien leur style est celui du milieu
du IV* siècle, et elles portent l'une le pégase de Lampsaque,
l'autre le sanglier ailé de Clazomènes. Le guerrier age-
gouillé qu'on voit sur la seconde de ces pièces et qui est
reproduit souvent sur les monnaies de bronze de la Cherso-
nèse Taurique, a été regardé par les numismatistes comme
une représentation d'Achille ou d'Ulysse» et je suis loin de
contester cette explication ; mais ne pourrait^n pas aussi
y trouver une allusion à la grande réforme opérée peu
d'années auparavant dans la tactique de la phalange par
le célèbre général athénien Chabrias? Il avait appris à ses
soldats, lorsque l'ennemi allait charger, à mettie un genou
en terre et à tenir leurs lances en arrêt, en se couvrant du
bouclier appuyé contre l'autre genou. Ce changement avait
fait grand bruit, et Chabrias s'était fait représenter par les
sculpteurs dans cette attitude. (Diod., XV,82.— Polyiœn.,
11,1, 2.— Nepos, Chabrias, I.— Cf. Rehdantz, VUa IphicraL,
p. 63. )
ET DISSERTATIONS, 239
La médaille d'Orontas frappée à Glazoniènes a déjà été
publiée' plusieurs fois, notamment par Mionnet, qui donne
la légende HPONTH, mais qui ne parait pas avoir vu la
pièce (5uppl., IX, p. 240, n*» 91), et par Koehne, qui la
décrit exactement d* après un exemplaire du musée de
THermitage ( Beitràgen zur Geschichte Cherronesos in Tau-
rierij p. 38, pi. III, n* 30). Koehne s'étonne avec raison de
trouver un type particulier à Glazomènes sur une monnaie
attribuée par les auteurs à la Chersonèse Taurique, et
sans doute il n'aurait pas admis cette attribution s'il n'eût
été induit en erreur par Sestini. Ce dernier, en effet, a
publié une médaille {ex museo régis Bavariœ) semblable
à la nôtre, mais où il prétend avoir lu de plus la légende
XEP. écrite de droite à gauche ( Lettere Continuai, , IV,
p. 10). Je me suis adressé à M. Streber, conservateur du
musée de Munich , pour obtenir une empreinte de cette
pièce, et ce savant ne la trouvant pas dans la collection
confiée à ses soins, a bien voulu faire quelques recherches
à ce sujet; il m'a écrit qu'elle ne figure sur aucun dés
catalogues et n'a certainement jamais fait partie du Cabinet
royal de Bavière. Je crois que la pièce signalée par Sestini
est la même que Mionnet publie comme faisant partie de
la collection Chaudoir, et qui de là a passé au musée de
l'Hermitage; personne n'en a jamais vu d'autre exemplaire,
et je suis convaincu que Sestini, avec sa légèreté habi-
tuelle, trouvant sur l'argent un-type de la Chersonèse déjà
connu sur le bronze , a cru voir ou a imaginé les lettres
XEP; ce procédé, tout étrange qu'il paraisse, est beaucoup
plus répandu parmi les archéologues qu'on ne le suppose
généralement; à force de se persuader qu'une légende doit
exister sur une pièce, on finit souvent par croire qu'elle
s v trouve en toutes lettres.
2A0 IlÉMOIRKS
Kktriporis, dynastk de l\ Thrace.
1. Tète de Bacchus barbue et couronnée de lierre.
^ KETPIP0PI02. Diota; dans le champ, un thyrse et
un croissant. — M. à. (Cabinet de France, trois exemplaires.
PI. XI, n- 6.)
2. Même tète.
i^ KETPI. Diota ; dans le champ, un thyrse et un croissant.
— £. 1. (Cabinet de France. PI. XI, n* 7. )
L'attribution que nous proposons pour ces pièces repose
uniquement sur la forme du nom propre qu'on y lit; en
effet, le nom Kétriporis est formé de la même manière et
doit appartenir au même pays, que les noms bien connus de
Rhescuporis et de Gépaepyris ; il me semble très-probable,
bien que l'histoire soit muette à ce sujet, que Kétriporis est
un de ces nombreux chefs qui ont régné dans différentes
parties de la Thrace pendant la deuxième moitié du
IV* siècle et pendant le siècle suivant. La fabrique des
pièces qui portent son nom est très-bonne, et rappelle celle
des monnaies de Thasos et de Maronée. Kétriporis n'est
pas le seul prince de la Thrace que l'histoire ait passé sous
silence; M. le baron de Prokesch a publié dernièrement
un tétradrachme d'un roi du même pays, imité des tétra-
drachmes d'Alexandre et portant la légende BA1IAE(2£
KEP2IBATA.. {Tneditameiner Sammlung. Vienne, 1859,
p. 5 ); j'ajouterai que j'en ai trouvé un second exemplaire,
présentant quelques légères différences, parmi les incer-
taines de la collection de la Banque d'Angleterre. M. de
Prokesch émet la conjecture que Kersibaulos était le suc-
cesseur de Seuthès III, roi des Odryses et contemporain de
ET DISSERTATIOISS. 2A1
Lysimaque, et l'opinion du savant diplomate nous parait
très-probable.
Les monnaies de Kétriporis étaient autrefois attribuées
à nie de Céos (Mionnet, II, p. 313, n" 8, 9; Suppl, IV,
p. 374, n*^' 55, 56); inutile de dire qu'elles ne ressemblent
nullement aux monnaies certaines de cette lie.
W. H. Waddington.
242
JdÉMUIRES
DOMITIA LUCILLA,
MERE DE MARC-AURÈLE.
Z^^?^*^^^
L'iconographie romaine, étudiée depuis le xvr siècle par
tant de savants ingénieux , et de nos jours encore par des
antiquaires si laborieux, si éminents, n'est cependant pas
un sujet épuisé. Pour le démontrer, je suis heureux d'avoir
à présenter aujourd'hui le portrait authentique de la femme
qui donna Marc-Aurèle à Thumanité.
La monnaie dont je place le dessin en tète de cette
notice a pour légendes , au droit : AOMITI AOYKIAAAN
NEIKAIEIC, et au revers : M.AYPHAIOC. OTHPOC.
KAICAP. Elle a été frappée à Nicée de Bithynie.
Le surnom de Lucille , rapproché des noms de Marc-
Aurèle, pourrait donner lieu de croire, après un examen
superficiel, que nous avons sous les yeux une image de la
CUe de cet empereur, de la femme de Lucius Vérus. Mais il
est très-facile de prouver que cette princesse n'a aucun
droit à l'attribution de la belle médaille des Nicéens.
AOMITI serait, on le reconnaîtra, un singulier «abrégé de
ET DISSERTATIONS. 343
AOMITIÀ ; mais c'est un abrégé très-régulier de AOMITI AN
avec suppression d'une syllabe; la fin de la légende nous
montrant que les noms sont à Taccusatif. Le plus ordluai-
rement dans leurs légendes monétaires , les Grecs arrêtent
les abréviations sur une voyelle. Aussi voyons-nous sur
leurs monnaies, non*seulement A0E pour AOxvaiW et AWA
pour À/xf iiroXirécoy, lYPl pour ^upion/, etc. ; mais ce qui est
bien plus caractéristique, 2H pour IxoTtwv, SA pour Eov-
OiW, 2EBA pour I^SaoToç, ^T pour $ou>.&oç, système
d'abréviation dans lequel on abandonne une consonne
appartenant à la syllabe conservée. On trouve encore sur
des monnaies de Domitien et d'Adrien @E TI pour 3eov
vîo;. Après ce demier exemple, on ne saurait hésiter sur
la manière dont il faut compléter AOMITI, en lisant notre
médaille.
AOHITI ne peut être un prénom , il n'y en a pas de cette
forme, et d'ailleurs on n'en donnait pas aux femmes;
AOHiTI ne peut pas être un surnom ^ comme serait JDomt-
tiUai parce que Lugilla qui suit ce mot en est un , et que
nous ne pouvons pas en trouver deux de même ordre;
nous ajouterons, en employant ici des paroles du comte
Borghesi : «Imperoccbe entrambe quelle voci hanno la
terminazione vezzeggiativa , che non solcva adoperarsi se
Bon in queir unico nome per cui una donna chiamavasi più
comunemente; onde fra i marmi che ci sono rimasti di
femine polionime niun' altro eserapio se ne ritrova \ »
AOMITI ne peut donc représenter qu'un nom de famille,
c'est-à-dire Domilia. Nous sommes à la première moitié
du second siècle, époque à laquelle les barbares n'ont pas
encore altéré la coutume romaine.
* Giornale Àrcadico, mars 1819, p. 366.
2AA MÉMOIRES
Lucille, fille de Marc-Aurèle, était de la famille Annia,
Par suite de l'adoption de son père par Antonin , elle aurait
pu s'appeler ilurelia '. Marc-Aurèle, à la vérité, sans doute
pour donner une preuve de respect à sa mère, a nommé
une de ses filles DOMITIA FAVSTINA *; mais l'aînée de la
famille, Lucille, femme de Vérus, n'a pas porté un nom
d'adoption. Les monnaies frappées en son honneur à
Byzanceen font foi; on y lit ANNIA AOYKIAAA.
Donc la monnaie de Nicée n'a point été fabriquée pour
elle.
J'ajoute que les traits du visage, la coiffure, n'appartien-
nent pas à cette jeune, à cette seconde Lucille dont le profil
et l'ajustement sont fort connus des antiquaires, et que
nous montre en de si grandes et si belles proportions le buste
colossal de marbre, trouvé en 18A7 à Carthage, et donné
au musée du Louvre par M. Delaporte, consul de France ',
buste qui a été pris, bien à tort, pour une image de la Junon
ou déesse céleste carthaginoise.
La coiffure que nous voyons sur la monnaie de Nicée
nous fait remonter au temps d'Antonin le Pieux, et nous
allons voir qu'en effet c'est bien sous le règne de cet empe-
reur que la monnaie a été frappée, comme son style le
ferait déjà supposer.
J'avertis ici que je laisse entièrement de côté la Domitia
Lucilla, prétendue femme d'^Elius Venis, sortie de l'imagi-
1 De même que ses frères, morts jeunes , se nommaient Aurélius. Aurélia
Sabina, qui survécut à Septime-Sévère , comme le prouve une inscription de
Calama, et que ce dernier appelait sa sœur, est indiquée comme étant fille du
divin Marcus. Gruter, 852-8. — Orelli, 869. — Henzen , 5473. — Ànn, de la
Soc, de Conatantint, 1855, p. 53. — Bulletin arch, franc,, 1856, p. 74.
* Mabillon, Vett. Analecta^ p. 363. Inscript, de Rome.
» Voy. Rev. arch., 1852, pi. 184, p. 88.
I:T OISSERTAflONS. 2&Ô
nation d'Occo au xvi* siècle, acceptée par Mezzabarba, et
mfiine, snr leur parole, par quelques écrivains modernes:
Ni les textes historiques ni les monuments épigraphiques
ne nous ont révélé le nom de la fîlle de Nigrinus qu'iEIius
avût épousée.
Que représente le revers de la monnaie de Nicée? Marc-
Aurèle jeune, imberbe, à cheval, tenant une lance'. Puis
ses nonis:H.ArPHA10C.OrHPOC.KAIGAP, tels qu'il les
portait encore lorsqu'il fut honoré pour la première fois
du titre de consul en Tan lAO : témoin l'inscription :
M.AVRELIO VERO CAESARE COS, etc.
découverte à Tindari, en Sicile, et conservée au musée de
Païenne*, — tels aussi qu'ils se lisent sur des monnaies de
Nicomédie et de la communauté des treize villes d'Ionie '.
La médaille ne donne pas au jeune prince le titre de
consul. Elle a donc dû être gravée en 139, alors qu'âgé de
dix-huit ans il n'était que consul désigné. Il est figuré à
cheval, soit que les Nicéens aient voulu rappeler ce cheval
entretenu aux frais du fisc qu'Adrien lui avait décerné
quand il n'était âgé que de six ans : « Qui ei honorem equi
publici sexenni detulit» (dit Capitolin*), soit, ce qui pa-
-^ Exactement comme Alexandre le Grand sor Bacépliale, tel que le repré-
sentent les monnûes de la Macédoine romaine. Voy. C. Combe , Jfvt. Huntir,
tab. 34, n*' 14, 15, 20, et particulièrement le u« 16.
> BulUt. dêlV Intt, arch., 1845, p. 57, n* 5.
* Yoy. les pièces de Nicomédie, dans Mionnet, t. II, p. 470, u* 328, et t. Y,
SnppL, p. 183,11* 1073; celle d'Ionie, dans le même anteur, t. III, p. 62,
n*4. — Sur ces monnaies, le césar M. Aurèle est représenté imberbe. — Voyez
rinscription copiée en Espagne dans laquelle paraissent les noms d'Antonin
le Pieux, de Marcus Aurelius Verus Csesar et de Ceionius Commodns ( c'est-
à-dire Lucins Vems ). Doni, Irucr. antiq.j class. II, n* 74,
^ M, Anton, philotop.y IV.
2AG MÉMOIRES
ralt plus probable, que la médaille ait été frappée au mo-
ment où, déjà consul désigné, le jeune César était mis par
Antonin à la tète d'un des six escadrons de chevaliers ro*
mains : « Adhuc Plus Marcum Caesaris appellatione do-
navit; et sevirum turmis equitum romanorum jam coilsu-
lem designatum creavit '• u
Annia Lucilla, femme de Lucius Yerus, qu'elle épousa
en 164, paraît, et c'est l'avis de Tillemont et d'Eckhel, être
née en 1A7, l'année de la première puissance tribunitienne
de Marc-Aurèle : « Post hase Faustinam duxit uxorem, et,
suscepta filia , tribunitia potestate donatus est *. » Notre
médaille doit être d'environ huit ans antérieure à la nais-
sance d' Annia Lucilla. Cette considération a bien sa valeur,
si Ton hésite entre la grand'mère et la petite-fille.
La première Lucille , Domitia Lucilla , la mère de Marc-
Aurèle. n'a pas la célébrité à laquelle il nous semble qu'elle
a des droits incontestables. Si son portrait avait été re-
connu et signalé plus tôt, son nom, inscrit dans les traités
d'archéologie et de numismatique, discuté par des hommes
tels que Barthélémy , Winckelmann , Eckhel , Visconti ,
Letronne, serait devenu populaire.
Combien de personnages sur lesquels l'histoire a gardé
le silence, et dont cependant le nom est sans cesse répété,
grâce à l'existence de quelque buste ou de quelque médaille
retrouvé parles antiquaires, et reproduit dans cent ou-
vrages !
Domitia Lucilla, nommée deux fois par Jules Capitolin,
une fois par Spartien ', une fois dans les œuvres de son
» /wd., VI.
• Ibid., VI,
• Didias Jaliannffedncatus e»t npud thmilMm-LunUam tnRtrem Marci im-
pprntoria. JFA. Spart., Did. Jul. I.
ET DISSERTATIONS. 247
fils S a fourni à un grand érudit le sujet d*un mémoire plein
d*intérèt. M. Le comte Boighesi, à l'aide des marques de
fabricants imprimées sur un certain nombre de briques
romaines, a reconstruit, avec cette admirable critique et
cette lucidité particulière qui distinguent ses travaux, la
généalogie de la mère de Marc-Aurële.
Mais son article, inséré en 1819 dans le Giornale Areor-
dîco*, recueil peu répandu, s'adressait à l'intelligence d'un
petit nombre de gens studieux et non aux regards du public
qu'un portrait frappe plus directement; en sorte que la
mère de Marc-Aurèle n'a pas pris dans l'opinion des mo-*
demes le rang qui lui appartient.
Cette noble femme avait épousé Annius Vérus , frère de
Faustine la mère, qui mourut préteur, fils d' Annius Yérus,
trois fois consul et préfet de Rome. Elle était fille de Publius
Galvisius Tullus et de Domitia Lucilla. Demeurée veuve, en
Tan 123 très-probablement ', alors que le jeune Marcus ne
comptsût encore que deux annnés, Lucilla s'appliqua avec
un soin tout particulier à diriger l'éducation de ce précieux
enfant; son intelligence nous est révélée par le choix des
maîtres auxquels elle confia l'instruction de son fils.
Marc-Aurèle avait présente à l'esprit la bonne réputation
de son père, il voulait rendre hommage à sa mémoirOf
comme il le dit Ini-mëme , en imitant sa màle vertu :
Ilapà xHi 36$if]ç x«i ^riiir,<;f t^; îcepî toO ytwifitscivxoq^ ro
* Marci Ant. imp., Comment., lib. VllI, 25. — M. Aarèle, dans ses lettres à
Fronton, parle de sa mère, mais n'a pas écrit son nom.
s Mars 1819, p. 359 et suir.
* La première marqne de briqnetier où nous voyions paraître le nom de la
mère de Marc-Anrèle est oelle-ci : OP.DOL.EX.PR.DOM P.F LVCILL.
PAETINO ET APRON OOS, Opus doUare ex prsdiis Domitis Pablii filiis
Lncill». P»tino et Aproniano consulibu» ( an 123). Orelli, n" 856.
2A8 MÉMOIRES
aUni^ov yLOLi apf»eyixov ; mais c'est à sa mère quil reporte
l'honneur de lui avoir enseigné la piété et la libéralité, de
lui avoir appris non-seulement à s'abstenir de faire le mal ,
mais à ne pas même en concevoir la pensée, à se contenter
d'une nourriture frugale , à fuir le faste et le luxe : Tîapi
r^C fA7]Tpo;, ro SeoaeSs; xxi yLtxadoztMv' %cà Icpevcrtxov ov
fiovov roû KaKOTroisTy, dXXà xaî roO ini Iwoiaç yivea9dei rocavîTiÇ.
Ett 3s TO XtTov xarà xriv Holixolv xac Troppw t>7ç 7rXou<jra)t:5ç
^cgryaiy:^^ \ La tendresse maternelle, la sollicitude de Do-
mitia Lucilla nous sont encore démontrées ))ar le genre de
calomnie auquel elle était en butte à la cour d*Antonin.
Quoiqu'elle fût aussi belle que sa belle-sœur Faustine (la
médaille de Nicée nous montre des traits fins et réguliers) ,
on ne s'attaquait pas à ses mœurs, suivant l'usage romain ,
mais on l'osait accuser de faire des vœux pour que la mort
de l'empereur hâtât le moment où son fils jouirait de la
puissance souveraine. Un jour qu*elle priait dans un jardin,
un courtisan, Valerius HomuUus (probablement celui qui
fut consul en 152) , la montrait à l'empereur en disant à
voix basse : « La voilà qui demande ta mort et l'avènement
de son fils. » Mais, ajoute Gapitolin à qui nous devons ce
récit, Antonin fut peu touché de cette remarque; la pro-
bité et la modération de Marcus étaient pour lui de trop
sûrs garants des vertus de Lucille :
«Erat autem in summis obsequiis patris Marcus, quamvis
non deessent qui aliqua adversum eum insusurrarent, et
prœ cœteris Valerius Omulus : qui quum LÙcillara matrem
Marci in viridario venerautem simulacrum Apollinis vi-
disset, insusurravit : /lia nunc rogai ui diem tuum claudas
> Marc. Ant. imp., Comment,^ lib. I, 2 et 3. Quant an paragraphe 16, qni
commence par ces mots : Ilapà toO icotp^, il est facile de roir, en le lisant,
qu'il se rapporte tout entier à Antonin.
ET DISSERTATIONS. S&9
et filius imperet ; quod omnino apud Pium Dihil valuit :
tanta erat Marci probitas, et tanta in imperatorio princi-
patu modestia V»
Au culte de Lucille pour Apollon peut se rattacher une
inscription gravée sur un cippe trouvé à Rome, près de
la porte Portuense , monument dont la copie nous a été
conservée par Doni et Muratori '.
APOLLINI
SANGTO
SAGRVM
DOMITIAE
LVCILLAE
ACTOR DD.
Quoi qu'il en soit, Domitia Lucilla ne vit pas régner son
fils. Borghesi a d'abord pensé qu'elle avait cessé de vivre
en Tan 155 ; car la plus récente des estampilles de brique-
tiers établis dans ses domaines qu'eût retrouvées Marini ',
OPVS DOL.EX PR LVCILL
VER SEVERO ET SAB GOS
se rapporte au consulat de G. Julius Severus et de M. Ju-
nius Sabinianus.
Mais, quatorze ans plus tard, M. 0. Kellermann ayant
trouvé l'estampille suivante * :
Ex pr.Domiiix LVGILLAE OPVS DOL DIO
nysiVS SER SILVAN ET Aug.cos,
« Jul. Capit. M. Anton, phil., VI.
« Donî, Inscr. antiq., cl. VII, n* 203. — Murat., Nov. TKm., XXIII, 12.
> Fr. Areal., p. 331 b, 349, 486 b, 667.
* BuUel. Inst. areh., 1833, p. 120.
1863.— 4. 17
250 MÉAIUIRES
datant du consulat de M. Ceionius Sylvanus et de C. Serius
Augurinus, Téminent antiquaire de San-Marino écrivit à
son élève que cette inscription le conduisait à allonger
d'une année la durée assignée par lui à l'existence de Do-
mîtia Lucilla. Nous ne pouvons prévoir ce que les décou-
vertes archéologiques nous réservent; mais on comprend
que si, en 161, lorsque la mort d'Antonin laissa Tempire
à son fils adoptîf, D. Lucilla eût été vivante, le sénat eût
fait placer son effigie sur la monnaie de Rome , et qu^u
lieu de quelques rares exemplaires d'une riiédaille fabri-
quée dans une ville de l'Asie Mineure*, nous aurions pour
nous conserver le portrait de la mère de Marc-Aurèle une
série de pièces de tous métaux comparable à celles des
deux Faustine.
Une grande partie des monnaies de ces impératrices a
été frappée après leur apothéose, et Domitia Lucilla, qui
n'avait pas été Auguste, ne fut pas mise au rang des dieux.
Nous devons cette dernière remarque ii la sagacité de
Vîsconti, qui l'a consignée dans son commentaire des
inscriptions triopéennes *. Le poète Marcellus , tandis qu'il
donne à Faustina senior le titre de déesse céleste, se borne
à placer la mère du César Marc-Aurèle à la tête des pre-
mières demi-déesses ou héroïnes, en compagnie de Sémélé
et d'Alcmène, mères de Bacchus et d'Hercule.
Adrien de Longpéuier.
* Le département des médailles de la Bibliothèque impériale en possède un
exemplaire acheté de M. H. P. Borrell, de Smyrnc.
• OpêTi varie f édît. de Milan, 1827, t. !•% p. 276, v. 56 et sniv , p. 284 et 356.
tT DISSEBTATIOXS. 251
SDR
LE HEAUME D'ARGENT OU GROS HEAUME,
MONNAIE ROYALE DE FRANCE INÉDITE.
( PI. XII. )
DaDS des fouilles faites à Paris en mai i 863 ^ on a trouvé
quatre pièces d'argent, et une autre mutilée d'environ 1/6%
qui nous révèlent nn type de monnaie royale inconnu
jusqu'ici.
Cette monnaie, que nous appellerons le heaume d'argent
ou le gros heauméy est à un titre ' fort élevé. Son diamètre
est de 26 millimètres, et son poids de 2«',75.
Les quatre pièces entières et celle mutilée que j'ai toutes
acquises ' de M. Forgeais, connu par ses travaux sur les
plombs historiés , paraissent avoir été enfouies ou plus
probablement perdues peu de temps après avoir été frap-
pées. La monture de la bourse gothique, en étain plaqué
d'or, qui les contenait sans doute \ était placée auprès
^ M. Forgeais m'assnre que c*e8t dans le quartier du Temple.
' On n*en a pas fait essai , mais Tune de ces pièces ayant été reculte a
rapporté un feu extrêmement vif qui aurait fondu une pièce au-dessous de
11 deniers passés ou 910 à 950 millièmes environ.
* Une de ces pièces a passé au Cabinet impérial et une autre chez MM. Rollin
et Feuardent, toutes deiuypar suite d'échanges. M. Voillemier de Senlis pot-
nhde aujourd'hui cette dernière.
• Elle est gravée ici, voir pi. XII, n* 3.
252 MÉMOIRES
d'elles. Elles étaient très-noires, très-oxydées ; et cette
altération, jointe à quelque pression accidentelle, paraît
avoir amené la rupture de la cinquième pièce, rupture
ancienne puisque la tranche de la partie brisée est aussi
noire que la surface.
Le droit du heaume d'argent représente Técu de France
placé bien verticalement comme dans le heaume d'or, et
non penché comme dans le blanc de Provence de Char-
les VIII '. Il est surmonté d'un heaume de profil ayant une
fleur de lis pour cimier et recouvert d'un chaperon dé-
coupé', qui se termine en lambrequins. La légende est
KAROL:FR— AGORV:REX. Le bord de l'écu, comme la
double bordure qui entoure la légende, est formée par un
perlé ou grènetis. La pointe de l'écu coupe la légende entre
l'R et TA de FRAGORV, et la fleur de lis du cimier montant
dans la légende en marque le commencement comme le
font d'ordinaire les croix et les couronnes, etc. Un point
secret est placé sous l'e de Rex.
Le revers porte au centre une croix, dite resarceîée en
termes de blason, cantonnée de quatre points : entre les
deux courbures de chaque resarcelure^ est une pomme de
pin. La légende, entourée en dedans et en dehors d'un
grènetis, est +SIT:N0ME:DNI:BENED1CTV. Un point se-
cret est placé sous le c de benedictu '.
« Hetue numism., 1862, pi. XI, n»8.
« M Cest des ancieua chaperons qui se portaient sur les casques qu'est venu
M rnsage des lambrequins. •* (Menestrier, Origine des ornements des arm.
p. 32. ) Nous ayons bien ici la représentation de la transition du chaperon au
lambrequin.
* Ainsi le point secret est au droit sous la quatorzième lettre et an revers
sous la dix-septième. — Voyez, dans le Numismatic Chronicle (1850, p. 16), le
mouton d'or de Charles VU décrit par M. de Longpérier. Cette pièce offre au
droit un annelet sons les troisième et diz-huitièn)e lettres, et an revers un an-
ET DISSERTATIONS. 2M
Auquel de nos rois devons-nous attribuer cette monnaie?
L'aspect italien de la croix et le blanc de Provence de
Charles VIII ont d's^rd fait penser à ce prince, mais la
position verticale et non penchée de Técu, le chaperon
découpé comme dans le heaume â!or de Charles VI, qui,
dans la pièce de Charles VIII pour la Provence est rem-
placé par un lambrequin, la forme de TL de KAROL. et
enfin le style si franchement gothique du droit, semblent
devoir assigner à notre heaume ^argent une date anté-
rieure.
Un manuscrit de Jean Bouvier dit Berry, héraut d* armes
de Charles VII etauteur d'une chronique longtemps attribuée
4 Alain Cbartier, manuscrit qui, grâce aux dignitaires qui
y sont nommés et représentés a date certaine de 1&56 à
1&58, donne comme timbre du roi un heaume ' à peu près
identique de forme et d'ornementation à celuiquiest ici placé
sur l'écu de France. Cette circonstance , jointe à la diffé-
rence radicale de forme entre notre casque et celui de l'écu
heaume, de ce heaume carré de tournois aussi large à sa
base qu'à son sommet ', m'avait d'abord à peu près décidé
nelet sous la quatrième lettre, — Le point secret n'a point été , suivant moi,
fixé une fois pour toutes pour chaque atelier monétaire. Je suis convaincu
qu'il a varié ; il a servi quelquefois à marquer des pièces altérées secrètement
par ordre supérieur.
' Il est gravé ici, vo/. pi. XII, n'2.
* C'est le casque que les Anglais appellent tiliing heltnet, casque de joute.
On en voit un beau spécimen sur la tombe de sir Edw. de Thorpe, dans l'église
d'Asweltborpe (comté de Norfolk). — Voir Planché, Hitt. of Brilish coffiitiM,
1834, p. 184. — Cette forme explique bien le passage suivant d'un ouvrage
manuscrit sur les tournois cité par le Père Mcnestrier. « Sous ledit heauma
•* doit avoir une ronde chapeline d'acier pour ce que quand le gentilhomme
•• vondroit prendre son haleine il jette le heaume hors de sa teste, qui est
H attaché aune chaisnctte de fer à sa poitrine. » [Orig, des ornement* det arin.
à attribuer notre gros heaume à Charles VII. Mais, outre
qu'il ne paraît pas très-probable qu'un casque non couronné
ait été placé sur Técu de France après qu'on l'aurait d'abord
timbré d'un casque surmonté de la couronne royale, l'as-
pect italien de cette croix, qu'on ne retrouve sur aucune de
nos monnaies d'aucune époque, ne convient guère à ce
règne, où l'on ne voit de rapports entre la France et l'Italie
que lorsque les troupes conduites par Jean de Loiraine
occupèrent Gênes pendant trois ans (11 mai 1468 à
juillet 1461).
J'ai parlé de l'aspect italien de la croix. M. de Longpé-
rier, à qui l'archéologie et la numismatique françaises sont
redevables de tant de découvertes et de si excellents travaux*
m'a signalé l'identité complète de cette croix avec celle qui
se trouve sur une monnaie d'argent et surtout sur plusieurs
petites pièces de cuivre de Jean Galéas Visconti, comte de
Vertus, seigneur de Milan, décrites dans son curieux travail
sur les monnaies de ce personnage \ Or tout le monde sait
la part active que le duc Louis d'Orléans , gendre de Jean
Galéas, prit au gouvernement de notre pays, de 1895 à
1407, année de sa mort ; on sait également quels rapports
fréquents il eut avec l'Italie, où son mariage lui donnait
l'éventualité d'un étabrisscment important *, et quelle part
« Revue numiêm., 1859, p. 380. Voy. pi. XVII, n- 10, 11 ; pi. XVIII. n" 20.
21 , 22. Ces monnaies sont frappées entre 1378 et 1395,
■ 11 fit en 1390 un voyage en Lombardie ( Aimé Champollîon, Charles et
Louiê, dues d'Orléans^ p. 5^) , et en 1393 il y avait une négociation entamée
entre le roi et le pape Clément d'Avignon pour faire au duc d'Orléans un
royaume en Italie des terres de T Église occupée» par son compétiteur à la
papauté (ibid.y p. 7); enfin dès 1394 le siro de Coucy s'emparait pour lui
de Savonc, et négociait avec les Génois. Plusieurs Italiens étaient à cctto
époque en France et servaient dans l'armée. On voit , dans Th. Carte^ un
grand nombre d'Italiens prisonniers des Anglais en 1416, évidemment par
«uite de la bataille d'Azincourt.
ET DISSERTATIONS. 265
il dut avoir à Toccupation de Gênes par Boucicant, en 1896,
enfin Y Apparition de Jean de tteun et les chroniques nous
ont conservé la mémoire de l'affection qu* avait inspirée
Valentine de Milan à Charles VI, et des motifs stupides
qu'attribuait l'opinion populaire (cette opinion qu'on a osé
appeler la Yoix de Dieul ) à cette affection ; ces considéra-
tions, jointes à la forme des lettres et surtout à celle de l'L
de Karolus, au rapprochement qui se fait de soi-même
entre l'écu heaume, seule monnaie d'or où les armes
de noa rois soient surmontées d'un casque, et le gros
heaume, ne doivent-elles pas faire supposer que cette
monnaie ou cet essai de monnaie sont dus à l'inspiration,
soit du duc d'Orléans, soit de Valentine de Milan? A cette
époque et beaucoup plus tard encore, les graveurs, comme
aussi les maîtres des monnaies , sortaient le plus souvent
des rangs des maîtres orfèvres. La croix lombarde des
monnaies de Jean Galéas a bien pu passer d'un bijou du
duc ou de la duchesse d'Orléans sur une monnaie royale.
Peut-être la forme inusitée de cette croix et la simplicité
du casque incouronné (simplicité qui existe aussi sur cinq
monnaies de Jean sans Peur pour la Flandre, pièces qui
offrent dans la forme du casque une grande analogie avec
le heaume d* argent*) auront-elles empêché la mise en cir-
culation de cette monnaie, de même qu'en 1368 la forme
étrangère du florin d*or en fit demander la suppression par
es États. Ajoutons que cette monture de bourse en itain
plaqué d'or indique plutôt un objet destiné à briller d'un
éclat temporaire qu'à servir usuellement, et l'absence de
toute autre pièce contemporaine, k côté des cinq heaumes
1 tUvue numism,^ 1861. pi. X, n*' 26 à 29; pi. XI, n* 30. — Toutet cet piécei
H)nt aotérieures à 1419, date de la mort de Jean, et c'est le dao de Bour-
gogne qui naturelkment doit venir après le roi.
2Ô6 MÉMOIRES
d'argent, confirmerait la pensée que c* était là une bourse
contenant des pièces d'essai présentées comme spécimen à
quelque personnage important.
Quant à la forme du casque , je suis loin de me dis-
simuler l'objection que fait naître la vue du heaume du
manuscrit de Jean Bouvier, dit Berry, heaume qui, à la vé-
rité, est beaucoup plus aigu que celui de la monnaie. Mais
remarquons d'abord que sur les monnaies de Jean sans
Peur, comme comte de Flandre, la forme du casque offre
la plus grande ressemblance avec celle que nous observons
sur notre nouvelle monnaie '.
Ajoutons que la monnaie de Frédéric III, évêque d'Utrecht
(1393-1&20), qui porte la date de 1410 inscrite au revers,
a pour type deux écus surmontés d'un heaume à col étroit,
serré, terminé par un gorgerin saillant.
On en trouve un semblable sur le tombeau de Louis de
ttàle, comte de Flandre, mort en 138& ( Montfaucon , Mon.
de la mon. française^ t. III, pi. 29). Mous citerons encore
le casque à profil saillant de Raoul de Goetquen (1397) que
nous a fait connaître dom Morice {Hist. de Bretagne^ t. Il,
preuves, pi. 37).
Rappelons-nous ensuite que si les casques ont changé
d'aspect suivant les époques, comme tout ce qui est et a
été à l'usage des hommes, il a cependant existé simulta-
nément des formes différentes. Le Père Ménestrier, dans
son Traité des ornemenls des armoiries ^ cite, d'après
Gbifflet, un héraut d'armes qui comptait neuf sortes de
timbres ou heaumes. Parmi eux figure le timbre de hurle.
' Un tscalin et unep(aque<(0 de Jean de Hciuiberg, évèque de Liège, noasi
montrent bumî an heaume à col étroit ( voy. Renesse, A^ttffiMm. de Liégn,
pi. XI, 4 et &) ; mais cet évêqae ayant siégé de U19 à 1456, ses monnaies ns
fournissent pas d*argument déoisif.
ET DISSERTATIONS. 257
C'était celui, dit le Père Ménestrier, qui était affili en pointe
par-devant pour faire que les coups glissassent. Cette des-
cription conyient bien au heaume qui est représenté sur les
gros nouvellement trouvés.
Quant au poids de cette monnaie , qui varie de 2s%65 à
2>',75, il indique 89 pièces au marc : cette taille a très-bien
pu être effectuée ou projetée, puisqu'il y a des gros de
Charles VI (je ne parle que de ceux à haut titre — 11 de-
niers passés) de 96, de 84 7/12 et de 86 1/4 au marc. Cette
dernière taille donne par pièce seulement 8 centigrammes
de différence avec le gros heaume.
Si Ton admet ces raisonnements, il faudrait en conclure
que le heaume d'argent ou gros heaume , fait ou projeté
vers 1395 ou 1400, a donné Tidée des blancs de Flandre de
Jean sans Peur, et plus tard, en 1417, celle du heaume
d'or. Seulement, on aura donné au heaume de la pièce d'or
une forme plus solennelle , celle du timbre de tournois ou
d'acclamation^ comme l'appelait le héraut cité plus haut :
on Ta couronné et recouvert d'un large chaperon envelop-
pant Técu avec autant de grâce que de majesté.
Telles sont les réflexions que m'a suggérées la vue dn
heaume d'argent. 11 est probable qu'on trouvera ultérieure-
ment d'autres renseignements qui permettront de déter-
miner positivement la date de cette belle et curieuse pièce.
Le baron Jérôme Pighou,
De la Société des bibliophiles français»
20 J4iin 1863.
258 MÉMOIRES
MONNAIES DE PROVENCE.
(Pl.XllL)
N" !• Tête de profil tournée à gauche, avec une cou-
ronne de feuilles, dans un grènetis.
^ NIFIDIVS en légende circulaire. Au centre, un rameau.
Argent. Poids, 1 gr. ( pi. XIII, n» 1 ). — Collection de
M. le comte de Clapier.
Dans le sixième volume de la Revue, j'ai publié en 1861
une jolie monnaie d'argent mérovingienne frappée à Mar-
seille *. L'état de la pièce ne m'avait pas permis d'inter-
préter les deux lettres AN du revers; aujourd'hui, plus
heureux, et grâce à l'obligeance de M. Morel-Fatio, qui
paraît posséder un exemplaire plus complet, je puis indi-
quer ces caractères comme le commencement du nom
d'Anténor.
L'année suivante ', et dans le même recueil , j'ai dé-
crit, sans oser lui donner d'attribution . un tiers de sol
d'or au nom de Syrus. Cette monnaie n'est plus douteuse
aujourd'hui : elle appartient à Marseille, et la légende du
revers doit être complétée ainsi : VICTVRIA PATrtcu.
Childebert, roi de Paris, et Théodebald, roi d'Austrasie.
étant morts sans enfants, l'empire franc se trouva réuni
» Rêcue numitm., nouvelle Bérie, 1861, U VI, p. 404, pi. XVII, n* 10.
• Bévue nvmitm., nouvelle si'rio, 1862, t. VII, p. 279, pi, XI, n" 1.
ET DISSERTATIONS. 259
sur la tête de Clotaire I , pour être de nouveau divisé en-
suite entre ses quatre fils. Sigebert, l'un d'eux, eut en
partage l'Austrasie et la province marseillaise qui com-
prenait les diocèses de Marseille, d'Avignon et d'Aix. Con-
tran, son frère, eut la Bourgogne avec la province d'Arles.
Ils firent, l'un et l'autre, gouverner leurs états du Midi par
des palrices ou recteurs^ magistrats importants, dont la
dignité prenait rang immédiatement après l'autorité royale.
Nous trouvons dans Grégoire de Tours que cette charge
était exercée, dans Marseille, à cette époque, par Dyna-
mius * pendant la rivalité de ces deux princes pour l'en-
lière et exclusive possession de cette ville , dont un traité
avait rendu le port commun à leurs deux souverainetés^
Déjà les monnaies de Mummolus, revêtu, & Lyon, de la
même dignité, avaient été retrouvées; il est donc impor-
tant de rechercher ce système, et d'y rattacher les deux
noms d'Anténoret de Syrus, l'un évidemment d'origine
grecque, et l'autre sans doute d'origine romaine, et, plus
heureux aujourd'hui, nous ajoutons à cette liste si res-
treinte le quatrième nom de Nymfidius.
L'absence du mot usuel ntonetarius ^ ou même de la
lettre H à la suite du nom, viendrait indiquer un per
sonnage d'un ordre plus relevé qu'un simple monétaire,
directeur ou fabricateur de la monnaie, quand mémo nous
n'aurions pas quelque monument pour nous révéler leur
qualité. Nous voyons dans Guesnay, et, après lui, dans Mu-
ratori, Ruffi, Grosson, etc., qu'un fragment considérable
d'une pierre tumulaire fut trouvé dans le port de Marseille.
« In portu Massiliensi fragmentum cippi marmorei fortuito^
If repertum, quod, et erosis aquâ litteris jactatum fuisse^
• Uiêt. ecclts. Fraiicor., VI, 7, Il j IX, 11.
2ô0 MÉMOIRES
« et pulsatuin assidue marinis fluctibus coUigi potest^..))
Voiei r inscription de ce monument telle qu elle est donnée
successivement par les auteurs que je viens de citer et qui
se sont tous copiés servilement :
HIC REQVISCET IN P
NYxMFIDIVS EX PRA
QVI VIXIT ANNOS I
RECESSETVni KALEN....
PRO BINO ET EVSEBE....
Cet épltapbe peut se lire de plusieurs façons lorsqu'on
cherche à la compléter : « Hic requiescit in pace Nymfi-
«dius ex-praefectus (ou ex-praeses, ou ex-praepositus ) qui
«vixit annos Recessit YIII kalendariun, Probino et
« Eusebio consulibus. »
Guesnay, qui a fourni la première copie, a été imité par
tous ceux qui sont venus après lui. Le mot PRA.... qui
termine la seconde ligne se trouve sur le bord de la cas-
sure et est resté incomplet. Quelle signification lui donner?
Si nous consultons la Noiilia dignilatum Imperii^ nous
trouvons le prœfectus militum musculatiorum Massiliae
grsecorum, le prœpositus thesaurorum Arelatensium , le
prxses Narbonnensis primae et Narbonensis secundœ. Dans
l'opinion de dom Bouquet {Hisi. de Fr., t. II, p. 331,
note), les patrices étaient appelés tantôt recteurs^ tantôt
préfets *. En fait de patrices de Marseille, les historiens
1 R. P. Joannis-Baptistse Guesnay, Provincix Mauilientit , ac reliqtue pho-
etniiê annalts^ Lugdani^ MDCLVII, p. 78.
* Papon, Hiti. gén, de Provence^ t. I, p. 24. « La ville de Marseille avait les
mêmes officiers que les colonies romaines et les municipes ; Memmius Ma-
crinus y avait été questeur et y avait exercé la préfecture. » Et plus loin,
après avoir rapporté l'inscription de Nymphidius ; « Je lis ex-praefectus, et je
ne crois pas qu'on puisse lui substituer une leçon plus vraisemblable. ^
ET DISSERTATIONS. 2(51
nous ont conservé quelques noms, tels que Dynamius*
Ratharius, Nicetius, Bodegisilus , Syagrius, Desiderius,
Elonus, Ilictor, etc. '; mais il ne nous ont parlé ni d' An-
ténor, ni de Syrus , ni de Nymfidius. Ce dernier est bien
plus ancien que les rois des Bourguignons, maîtres de la
Provence, puisqu'il est mort sous le consulat de Probinus
etd'Eusebius (le premier, en Orient; le second, en Occi-
dent), c*est-à dire en 489, sous le règne de Zenon, et
alors que Glovis ne possédait pas encore Marseille.
Maintenant nous sera-t-il permis de chercher le nom de
ce Nymfidius sur notre monnaie qu il faut considérer comme
un monument encore tout romain ?
La tête que porte ce denier d'argent ne diffère pas sen-
siblement de celle de Zenon qui se voit sur les monnaies
de bronze frappées à Rome à une époque très-voisine de la
mort du Nymphidius mentionné par Tépitaphe. Le rameau
qu'entoure le nom de Nymfidius est un type gallo-romain
connu sur les plombs d'Alise et de Perthes publiés dans-
cette Revue '. Enfin les caractères de la légende sont en-
core d'une pureté qui convient mieux au v* siècle qu'aux
suivants.
Nymphidius, qui avait cessé de remplir ses fonctions
lorsqu'il mourut, en 489, pouvait alors être un ex praofeclus
comme cet Albinus , à qui Dynamius fit donner l'évêché
d'Uzès *.
Une célèbre inscription de Terracine , publiée par Gruter
(CLII, 8) , et qui est précisément du temps de Théodoric,
contient les noms de Basilius Decius vir clarissimus et in-
* Voy., sur le» patricps dc« rois Bourguignon», l'ftrticle au Glosgairt de
du Cange.
* 1861, p. 253, et 1862, p. 167.
* Greg. Turon., Bist, eecl. Franc. ^ VI, 7.
262 MÉMOIRES
hister^ exprspfectus Urbi, êxprxpositus, exconsul oràinafius,
patricius.
Ruiïï nous a conservé, dans son Histoire de Marseille
(t. I9 p. 322) une autre inscription de JuHus Honoratus
ex p. prœsid. Alpium marilimarum.
Il serait facile de citer beaucoup de textes relatifs à ces
fonctions. Il nous suffira de faire remarquer, quant à Tor-
tbograpbe de notre denier, que Gruter a publié une inscrip-
tion (DCGGXII, 2) dans laquelle Nymphidius est écrit
NYPHIDIVS, et que notre tiers de sol d'or à la légende
VICTVRIA PAT. porte SIRVS pour Syrus.
L'épitaphe de Nymphidius a été depuis longtemps cor-
rectement interprétée, et si nous rappelons que Grosson
trouvait dans le nom consulaire PRO BINO l'indication que
le tombeau avait été construit pour deux personnes, c'est
simplement pour faire remarquer qu'à la même époque»
en Italie, une idée aussi ridicule ne serait venue à l'esprit
d'aucun écrivain.
N» 2 DN IVSTINYS PI AVG. Buste diadème à droite.
^ VICTORIA AVGVSTORV. Croix sur un globe, avec les
lettres AR indiquant l'atelier monétaire d'Arles A l'exer-
gue, CONOl-
• Or. Poids, I^IS. (PI. XIII, n'» 2.)
Cette pièce est indiquée dans Mionnet (tome II, page A02} ,
au nom de Justin I", et il la cote 12 fr.
M. Sabatier la cite également d'après Mionnet, mais il ne
l'a pas vue en nature. Il n'en dit rien de particulier et ne
change rien à la cote. Il continue à la donner à Justin I*^ '.
M. Lenormant, dans sa dernière lettre sur les plus anciens
monuments numismatiques de la série mérovingienne,
> Sabatier, Desrript. gén, des monn, byzantines, 1. 1", p. 160.
KT DiSSERrATlONS. 268
adressée à M. de Saulcy et publiée par la Betue numisma-
tique \ ne fait pas mention de cette pièce. Parlant des mon-
naies au nom de Maurice Tibère, avec les différents MA —
AR«— VI, il adopte Thistoire de Gondowald telle qu'elle se
trouve dans le mémoire de Bonamy % et il pense que les
premières pièces correctes ont dû être frappées k Constan-
tinople pour le compte du prétendant franc'. Les espèces
barbares et incorrectes l'auraient été par le prétendant lui*
même dans les diverses villes qu'il soumettait à sa puis*
sance. Plus tard, certaines de ces pièces auraient été émises
par ou pour le patrice Syagrius : mais, d'accord avec Du-
chalais, M. Lenormant voit une ligne de démarcation bien
tranchée entre les pièces frappées pendant l'expédition de
Gondowald et celles qui l'ont été postérieurement. Cette
différence se manifesterait par le poids, qui aurait été beau-
coup plus fort avant et pendant l'invasion de ce prince, et
qui devint plus faible après lui.
M. Lenormant croit en outre que le nom de Maurice étant
peu sympathique aux populations, elles monétaires natio-
naux n'ayant pas encore adopté le système purement franc,
ceux-ci continuaient l'émission des espèces au nom de
quelque empereur que ce fût ; et comme les noms de Justi-
nien et de Justin avaient acquis une certaine popularité
dans les provinces franques, par suite de relations fré^
quentes sous le règne de ces deux princes, ils les ont
choisis de préférence à celui de Maurice, qui avait importé
cette monnaie avec la croix au lieu de la Victoire , et avec
* Btvue numiêtn,, 1854, p. 305 et sniv.
* Mémoires de V Académie dee inicriptions et belles -Ultrei, t. XX.
* Uhistoire de Gondowald occupe une grande plnci dans les récits de Gré-
goire de Tours, Bist. eccl. Francor., lib. VI, 24,26; liK VII, 10 à 38;
lib. IX , 28.
2Ô& MÉMOIRES
les lettres MA, et la valeur monétaire XXI et Vil. Enfin, et
toujours d'après le même numismatiste , des pièces aux
noms de Justin et de Justinien, à légendes altérées, auraient
été frappées pour 1* Armorique ; mais il ne parle pas de la
Provence. Et cependant la pièce que nous produisons au-
jourd'hui, sortie de Tatelier d'Arles, est d'une très-bonne
fabrique : ses légendes sont aussi nettes et aussi correctes
que celles des plus belles momiaies frappées au nom de
Maurice, et ce spécimen , qui , s'il eût été fabriqué posté-
rieurement à Gondowald devrait , d'après le système de
M. Lenormant , offrir une altération de poids, pèse 1«',90,
c'est-à-dire précisément autant que les pièces de la bonne
époque. Cette monnaie me paraît donc avoir été frappée
par Gondowald lui-même.
Maintenant, pour expliquer comment le nom de Justin I",
mort en 527, reparaît sur une monnaie en 584, et pour re-
chercher le motif qui a pu porter Gondowald à le substituer
à celui de Maurice, on peut consulter une lettre de M. le
baron Marchant, qui rappoite un fait à peu près analogue
dans la numismatique des rois goths. « Baduela, dit-il, était
contemporain de Justinien, et quoiqu'on guerre avec cet
empereur, il émettait des espèces au nom de ce dernier,
ainsi qu'il y était obligé par ses traités. Mais lorsque les
événements eurent fait de leur dissension une question de vie
et de mort entre l'empire d'Occident et le royaume d'Italie,
il fit fabriquer ses monnsûes toujours au titre de l'empire,
mais au nom d'Anastase, qui était mort cependant avant
son accession au trône. » Et si , au sujet de la pièce qui
nous occupe, on accepte l'opinion que Maurice Tibère aban-
donna Gondowald pour trai^r avec Gontran , son ennemi,
on peut croire que le prétendu fils de Clotaire, à l'imitation
du roi goth , aura pu continuer l'émission de ses espèces
ET DISSl-UTATIONS. 2()5
monnayées au titre de l'empire d'Orient, comme il s'y était
engagé , mais en effaçant le nom de Maurice , qui l'avait
trahi, pour le remplacer par celui de Justin.
N* ». D N F03V1IS P«aT AVG {perpeluus Àugtislus).
Buste diadème de Focas tourné à droite.
^ VICORIA AVCGV; à l'exergue, CONOB. Croix pomme-
tée, cantonnée des lettres MA, sous lesquelles on lit XXI.
5owdV (pi. XIII, n» 3 ).
M. de Longpérîer a déjà parlé de ce précieux sou d'or
dans la Revue ^ Depuis il a obtenu pour nous une em*
preinte de la pièce, grâce à l'obligeance de M. le comte de
Salis, qui a généreusement donné ce monument au Musée
Britannique avec toute sa collection.
La tête de l'empereur diffère à peine de celle de Maurice.
Les Marseillais, trës-fidèles à la tradition gouvernemen-
tale, connaissaient toutefois fort peu les traits de leurs
souverains d'Orient.
Le sou d'or de Focas a dû être fabriqué entre les an-
nées 602, date de la mort de Maurice, et 610.
N* 4. eRACIDIiNI. Buste d'Héraclius tourné à droite.
^ V....VRIV AGVSOX... Croix potencée sur un globe,
accostée des lettres MA, au-dessous desquelles on lit XXI;
le tout dans une couronne surmontée d'un nœud.
Sou d'or {ipl XIII. nȉ).
Cette pièce , trouvée à Sarre, près Reculver ( comté de
Kent ), orne, avec trois autres sous d'or de Maurice et de
Clotaire frappés à Arles et à Marseille, un collier qui ap-
partient au Musée Britannique. Nous en devons la connais-
sance à M. de Salis '.
« Voy. plus haut, p. 77.
* Numiêmatic CAronic/e , nouvelle série, 1861, t. I, pi. III.
1863.-4. la
26(5 MÉMOIRES
N* 5. DN GRACLIVS. Buste d'IIéracliusà droite.
1^ OAOR AVTIAN; à Texergue, GINOB. Croix pommelée
accostée des lettres VIVA, au-dessous desquelles on lit Vil.
Tiers de sou d'or. (PI. XllI, n*» 5).
C'est encore de la bonté de M. le comte de Salis que
nous tenons l'empreinte de cette charmante pièce, dont il
-a fait présent au Musée Britannique.
On voit que jusqu'au moment où Clotaire II devint
Bialtre de la Provence, l'effigie impériale fut conservée sur
la monnaie. Notre série comprend jusqu'à présent Zenon,
Justin, Maurice, Focas et Héraclius.
Les monnaies provençales d'Héraclius ont dû être émises
entre 610, époque de la mort de Pbocas, et 613 environ.
Les ^ous et tiers de sou de Clotaire frappés à Marseille, à
Arles, à Viviers, leur succèdent immédiatement. Viviers se
trouve toujours , par sa monnaie , étroitement rattaché à
Marseille et h Arles. Dans l'acte de partage entre Louis et
'Charles le Chauve, en 870, partage dans lequel était com-
pris le royaume laissé à Lothaire pair son frère Charles de
Provence, on voit encore Viviers figurer à la suite de Lyon
et de Vienne.
N* 6. Tète barbare diadèmée à droite.
^ Dans le champ , MA en monogramme. Autour, SILIA ,
complément de la légende ; le tout surmonté d'une croi-
sette.
Argent. Poids, 1«%06. (PI. XUl, n» 6).
<!ette pièce vient encore enrichir la série des rares mon-
naies mérovingiennes de Marseille , et ces petits monu-
ments présentent un trop grand intérêt pour que je ne
m'empresse pas de les faire connaître aux lecteurs de la
RevtM au fur et à mesure qu'ils me tomberont entre les
mains.
r:r dissertations. 267
X* 7. +GARLVS MX. Croix.
^ +ALPEA G1VIS+ (pour Arela). Monogramme de
Karolus.
Argent. (PL XIII. n* 7. )
Voilà un denier qui, à mon avis, peut être attribué à
Charles de Provence. Je ne voudrais pas trop insister sur
Tabsence de tout nom de peuple à la suite du titre; car,
d'une part, le plus grand noHibre de deniers de Gbarle-
magne n'en offre pas non plus, et, d'autre part, une des
conséquences de la loi salique était le partage du titre de
roi des Francs entre tous les frères issus d'un souverain.
Baluze, qui a étudié si profondément l'bistoire et les monu-
ments écrits des Garlovingiens, a dit {Capit. , t. II, col. 757) :
Omnes enim Franeorum reges appellabantur.
L'empereur Lotbairc, en 855 , donna la Provence à son
troisième fils Gbarles, qui fit de Lyon sa capitale. Ce prince
mourut vers 863. Ses frères partagèrent ses domaines. En
870, la portion de Lotbadre fut encore divisée entre Louis
le Germanique et Charles le Chauve, qui eut Lyon, Vienne S
Dzès, ainsi que le constate un acte bien connu. Jusqu'au
15 octobre 879, époque de l'élection de Bozon , rhistoire
de la Provence est des plus obscures. Peut-être continuâ-
t-on dans Arles la fabrication des deniers au nom de Charles
de Provence. Celui que nous publions porte un nom de
ville trës-altéré; tandis que sur des monnais de Louis III,
de Carl(Miian et de Charles le Gros avec le titre impérial
(88i-887), on lit ARELA. Or, l'altération des noms est un
des caractères de la monnaie posthume.
Ruffi, Gaufridi, Papon et tous nos historiens s' accordent à
^ Looîa II possédait YieBiie en 859, ainsi que ncms le tojo&s par des di-
pldmes. En 868, cette tille appartenait encore à Charles de Proyenoe.
2(58 MÉMOIRES
dire que Charles le Chauve posséda la Provence. Le fait est
qu'il lui donna pour gouverneur son beau-frère , le comte
Bozon \ et que ce fait implique la souveraineté. Malheu-
reusement les chartes de cette époque nous font défaut,
précisément à partir du moment où, en vertu du traité de
partage , Charles le Chauve devint maître des villes que
SOD neveu avait reçues de l'empereur Lothaire.
Dans tous les cas, notre denier, frappé pendant la se-
conde moitié du ix* siècle, comme l'indique bien son style,
et la forme CIVIS pour civitas , nous paraît une pièce très-
digne d'être signalée à l'attention des numismatistes.
N* 8. +REGnA....EI. Dans le champ REX, sous une
couronne coupant la légende (Regnatus gracia Dei rex).
^ +COMES PVL... E POR (Comes Provincix et Forçai-
qMfii). Croix pâtée à chaque extrémité, cantonnée de
quatre lis.
Billon à bon titre. (PI. XIII, n» 8. )
Les couronnats de René n'avaient pas encore, je crois,
été retrouvés. M^ Poey-d' Avant ne les cite pas dans son
ouvrage sur les monnaies féodales. Les deux exemplaires
tombés en notre possession sont malheureusement usés :
mais l'un et l'autre offrent une conservation suffisante pour
qu'il ne puisse pas y avoir d'erreur dans la lecture de leurs
légendes. Quant à moi, je suis heureux de voir la numisma-
tique de Provence s'enrichir de jour en jour de pièces qui,
sans même avoir une grande importance, n'en viennent
pas moins concourir à la formation d'une série qui em-
brasse tant de siècles, et qui nous rappelle tant de faits
marquants, tant de personnages célèbres.
^ Ce ne fut qu'après la mort de Louis le Bègue que Bozon s'empara de la
ProTeneei ainsi que du Dauphmé , dit Papon, Hitî. gén. de Provence, t. II,
p. 534.
ET DISSERTATIONS. 269
N* 9. Us couronné. LVDOVIGVS:D:G:F:REX:PVINCIE:
COMES P.D, ces deux dernières lettres en monogramme*
î^ XPS:VlNCIT:XPS:REGi\AT:XPS:IMPERA.P. Croix fleur-
delisée.
ECU ior de Louis XII pour la Provence» (PL XIII, n« 9.)
Cette pièce serait, sans contredit, très-ordinaire, si ce
n'étaient les deux lettres P.D. entrelacées à la suite du mot
cornes^ et qui, pour moi, ne sauraient avoir d'autre signifi-
cation que celle de Pedemontis. Ce serait pour la dernière
fois que ce titre, pris par les comtes de Provence sur de rares
pièces, et entre autres sur un demi-carlin de Robert et sur
une monnaie de Jeanne, dont j'ai parlé dans un précédent
article \ se trouverait inscrit sur des espèces fabriquées au
nom de princes français. Au reste, il était naturel que
Louis XII, entrant en Italie, reprit un titre qu'il pouvait
revendiquer et par droit Ae conquête et comme béritier
des comtes de Provence, et notre écu d*or en est une rare
et curieuse preuve.
A. Carpentin.
* Hm>u4 niimUm., Id60, t. Y, p. 217.— Cf. p.
221.
270 lilÉMOlRËS
NOTE
SUR QUELQUES POIDS MONÉTAIRES-
(PI. XIV et XV.)
Depuis quelques années rattention des amateurs de
numismatique s'est portée sur les poids monétaires,
connus aussi sous le nom de dénéraux. Ces petits monu-
ments sont en effet on ne peut plus intéressants par leur
empreinte, qui est un souvenir des mpnnaûes dont ils
servaient à contrôler le poids, et en forment ainsi un corn*
plément, je dirais presque indispensable. Malheureuse-
ment ceux qui nous sont parvenus ne remontent pas à une
époque assez éloignée pour nous renseigner sur les mon-
naies, en nombre assez considérable, qui sont mentionnées
dans les ordonnances des souverains, et qui ont disparu
de bonne heure de la circulation* Leur invention paraît
avoir eu pour but de faciliter les opérations des changeurs,
et de permettre au public peu instruit de s'assurer, sans
avoir besoin de recourir à ces ofQciers, si les monnaies
avaient le poids nécessaire pour circuler légalement.
Pour ceux qui se livrent aujourd'hui à l'étude de nos
anciennes monnaies, l'existence des dénéraux pourrait
servir à renseigner sur le poids véritable que devaient
avoir ces monnaies, poids que le frai résultant d'une
ET DISSEBIATIONS. 271
longue circulation a singulièrement diminué. Mais les poids
monétaires, tels que nous les rencontrons, sont souvent
diminués par un long usage , et ne peuvent plus fournir
de renseignements exacts sous ce rapport. 11 est vrai que
souvent ils portent à leur revers un nombre indiquant la
quantité de pièces au marc qui devait être fabriquée, et
que, par suite, une simple division peut faire connaître le
poids de la monnaie. Mais ici se présente encore une autre
difficulté. En Tabsence des documents monétaires, quel est
le marc auquel on doit se rapporter? Est-ce celui de Paris
ou celui de Troyes, qui différait avec le précédent de
21 grains en plus, ou un autre? On conçoit, sans que j'aie
besoin de m' appesantir là dessus, de combien de difficultés
peut être entouré le contrôle des poids des monnaies par
celui des dénéraux qui nous sont parvenus : aussi je con«
sidère comme une véritable bonne fortune de pouvoir
mettre sous les yeux des amateurs une série de poids mo*
nétaires qui n'offre aucun des inconvénients signalés. Elle
a été rencontrée par moi dans les archives municipales de
S^nt-Omer, au nombre de dix-neuf^ renfermés dans une
enveloppe portant pour titre : Poix S or. Chaque petit poids
était lui-même entouré d'un papier, sur lequel est inscrit le
nom de la monnaie auquel il correspond. Ils sont en cuivre
rouge, et presque tous sont encore aussi brillants que s'ils
sortaient des mains de i*ouvrier. Quelques-uns sont un peu
noircis à la surface , pour avoir été maniés quelquefois.
C'est dire assez qu'ils ont encore exactement le poids qu'on a
voulu leur donner. A ce titre, ils sont doublement intéres-
sants.
Aucune date n'est indiquée sur l'enveloppe. L'écriture
paraît de la fin du xv* siècle. La comparaison que j'ea ai
faite avec celle de la copie de l'ordonnance monétaire du
272 MÉMOIRES
8 décembre 1499, émanée de Philippe le Beau, archiduc
d'Autriche, copie existant aussi aux archives de Saint-Omer,
me porte à penser qu il y a une corrélation intime entre
ladite ordonnance et les poids en question. L'étude à la-
quelle je vais me livrer achèvera, je Tespère, de démontrer
ce que j'avance.
Avant de passer à la description des dessins qui accom-
pagnent cette note, je dois donner quelques détails sur le
document du 8 décembre 1499, dont je viens de parler.
C'est tout à fait une ordonnance de police, fixant le nombre
et la valeur des monnaies ayant cours, et contenant en
outre une série d'articles concernant les changeurs , parmi
lesquels on remarque, comme toujours, l'obligation de
cisailler immédiatement les mauvaises monnaies qui se-
raient présentées au change, et de les envoyer immédiate-
ment aux hôtels des monnaies. Un passage est surtout relatif
au sujet qui nous occupe. Je le transcris textuellement.
a Item , pour éviter plusieurs erreurs qui porroyeut
a sourdre entre le poeuple pour raison des justes poix
u desd. deniers d'or deffendus, que nul de quelque estât
n ou condicion qu'il soit, ne s'avance ou entremette de
« faire ou vendre aucun poix desdits deniers, sinon du
« sceu, aveu et consentement de ceulx des loix desd. villes
« et lieux où ilz les voudront vendre, affin que iceulx poix
<( soient justifiées aux pati*ons des poix que lesd. des loix
ce auront vers eulx, et seront tenus iceulx vendeurs desd.
u poix faire serment de non vendre ni aliéner aucun desd.
0 poix qu'ils ne soient justifiiez ausd. patrons comme dit
a est, sur paine d'en estre pugnis arbitairement. »
On peut tirer de ce passage les conclusions suivantes.
Pour avoir de l'uniformité dans l'adoption des mesures
qu'il prescrivait, le souverain fit fabriquer un certain nom-
ET DISSERT ATlOiNS. 273
bre de poids correspondant exactement aux monnaies dont
il admettait la circulation dans ses États, et dut en envoyer
une série à chacune des villes de sa domination pour servir
d'étalons destinés à contrôler ceux dont la vente devait
être autorisée. La série que nous avons sous les yeux et
que j'ai retrouvée dans une boîte des archives de Saint-
Omer aurait donc été, suivant moi, adressée au magistrat
de cette ville dans ce but. Cela expliquerait comment ils
nous sont parvenus aussi intacts, leur usage ne devant pas
être très-fréquent, puisqu'ils servaient à vérifier seulement
les poids dont les changeurs devaient faire emploi.
J'ai besoin également de faire connaître l'énumération
des monnaies dont le cours était autorisé par l'ordonnance
de 1499, et les prix pour lesquels elles devaient courir.
De U monnaie de FUndre.
La toison d*or de liiu au marc • Tiii s. m d.
Le grand réal d^Ostrice de xvi 1/2 au marc xxtii s. vi d.
Les demis dMceulz de xxxiii au marc xiii s. ix d.
Les quarts à Tadvenant.
Les nobles Henricus de xxxvi au marc xii s. vx d.
Les nobles de Flandres de xxxvi au marc xii s.
Les demis d'iceulx à l'ad venant.
L'angelot d'Angleterre de xlyiii au marc ix s. v d. i esterlin.
Les demis à radyenant.
. Le lyon d'or de lix au marc. . . . • vi s. m d.
Les deux parts et le tiers à l'advenant.
Le riddre d'or de lxx au marc • vi s. ti d.
Les escus an soleil de lxx au marc ri s. i d.
Le ducat de Hongrie de lxix au marc vi s. vi d.
Les ducats d'Italie de lxii au marc ti s. m d.
Le saltft de lxxii au marc • ti s. m d.
Le Guîllelmus de lxxii au marc un s. x d.
Les viez escus aux couronnes de lxxii au marc. • . t s. xi d.
Le Scutkin de Lxxiii au marc t s. xi d.
Le Johannea de Lxxin au marc iiii s. ii d.
Le florin Philippns que l'on forge maintenant de
Lxxiui au marc. iiii s. ix d.
27i MÉMOIRES
De U monnaie de Flandre.
Le flo; -kl à In jcroix de saint Andrieu de Lxxxiii au
Bunrc iiii s. X d.
Le riddre de Ghtldres de lxxiiii au marc iiii s.
Le florin David d*Utrecht de lxxyi au marc. . . . iiii s.
Le olincquart Philippus de lxxyi au mare m s. ti d.
Lft Illettré de Louvain de lxxyi au marc ixii s. m d.
Le florin Frédéricus et de Bavière de lxxyiii au marc, m s. y d.
Le florin Arnoldus de iiii"xii au marc ii s, v d.
Les postulatz de Bourbon et ceulz qui se nomment
Ropertus an chat de iiii^i au marc ii s. ix d.
Les flourins du Rin des électeurs de lxxy au marc
et nuls autres iiii s. yiii d.
Nous ne possédons pas dans la collection des poids que
je mets sous les yeux des lecteurs de la Retme ceux de
toutes les monnaies dont il est question dans Ténuméra*
tion précédente. Y en a-t-il eu d'égarés? La chose est pos-
sible. Quoi qu'il en soit, on doit s'estimer heureux d'en
posséder encore la plus grande partie. Dans la description
que je vais en donner, je suivrai l'ordre indiqué dans le
placard.
1. — La toison d'or, telle qu'elle figurait suspendue au
collier de cet ordre célèbre.
^ LIIII dans un entourage de cintres.
. Pesée, 4^50. (PI. XIV, nM.)
Poids affecté à la monnaie portant le nom de toison éTor;
le nom indiqué sur le papier d'enveloppe est simplement
toison. Les toisons d'or portent deux types différents. L'un
d'eux se compose d'un écu à cinq quartiers, couronné, en-
touré d'un collier de la toison d'or et soutenu par deux
lions, avec la légende +PHS,DEI.GRA.ARCH1D.AVST.DV.
BG.CO.FLA. ^ Croix ornée portant au centre une fleur
de lis entourée de la légende DILIGITE.IVSTIT1AM.QVL
IVDICATIS.TER.; l'autre, d'un écu comme le précédent,
posé sur une croix, mais sans le collier; légende : PHS«
ET DlSSERTATiONS. 275
ARCHlD.AVSTRI.U.B.GO.FLAiN. h, Deux lions affi-ontés sou-
tenant la toison d'or, entourés de rinscription DIUGITE.
IVSTITIAM.QVI.1VD1GATIS.TERRAM. Le type de notre poids
parait emprunté à cette dernière monnaie.
Le chiffre inscrit au revers indique le nombre de pièces
que l'on devait avoir au marc, en sorte que l'on aurait
pour le poids moyen de chacun, â»%55. Ce chiffre se rap-
proche beaucoup de celui que l'on trouve par la })esée
directe» Il est probable qu'en donnant à l'étalon un poids
inférieur, on avait voulu fixer le poids minimum que les
pièces tolérées ne devaient pas dépasser. Nous voyons en
effet dans l'ordonnance de 1 499 une prescription qui semble
venir à l'appui de ce que je viens de dire» 11 y est dit que
eonune lesdits deniers d'or ne sont pas égaux exactement
en poids, ils pourront avoir cours quoique étant plus légers
de deux asquins ' ; et les demi-écus, quarts de nobles et
autres n'auront, dans les mêmes conditions, qu'un asquin
de remède. Quant aux pièces excédant le poids légal , on
sera tenu de les porter à la monnaie pour être cisailléeSf
si Ton veut en avoir la valeur.
2. — Vaisseau accosté à droite de la lettre H.
^ XXXVI dans un entourage de cintres.
Pesée, 68',70. (PI. XIV, n* 2. )
Noble Henricus ou de Flandre.
Je n'ai pas besoin de décrire le type des nobles, il est
assez connu. Celui de notre poids est emprunté au droit de
cette monnaie. I>' après la taille de 36 au marc, le noble
pèse 6^,81 ; et môme devrait-il peser un peu plus, car la
taille réelle est de 35 1/A , ainsi qu'on le trouve mentionné
< Le marc se partageait en 8 onces ; l'once en 20 estcrlins , et l*esterlin
en 32 as. En conséquence, Tas ou asquin équivalait à peu près à 0^,05,
276 MÉMOIRES
dans les instructions monétaires, ce qui donnerait environ
7 grammes. Je ne reviendrai plus désormais sur ce que
j'ai dit à propos du poids précédent, le même fait se re-
présentant pour presque tous, mais pas dans les mêmes
proportions.
On désignait sous le nom de noble Henricus, les nobles
d'Angleterre avec un H au centre de la croix du revers.
De même les nobles de Flandre sont ceux frappés aux
armes de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, avec un P au
centre de la croix. Quoique le poids de ces deux pièces
fût le même, l'alliage était différent. Ainsi, dans le placard
de 1633, les premiers sont dits à 23 carats 8 grains et
demi de fin, tandis que les seconds ne sont qu'à 22 carats
9 grains et demi. Aussi leur évaluation est-elle diffé-
rente.
Il est une autre monnaie analogue qu'il est étonnant de
ne pas voir figurer dans l'énumération des pièces ayant
cours, que j'ai rapportée précédemment : je veux parler du
noble à la rose^ dont il existait un poids étalon danis la
collection trouvée aux archives de Saint-Omer^ et dont
voici la description :
3. — Vaisseau avec une rose sur le devant.
^ XXXU dans un entourage de cintres.
Pesée, 7^70. (PI. XIV, n». 3.)
Au reste, l'omission que je viens de signaler dans l'exem-
plaire de l'ordonnance de 1&99, conservé aux archives de
Saint-Omer, parait être due au copiste ; car je me suis
assuré que dans la pièce qui repose aux archives de la
chambre des comptes de Lille, on lit cette mention :
Le noble à la rose de xxxii au marcq xii s. ii d. gros.
Les demi et quartz à l'avenant.
ET DISSERTATIONS. 277
Le poids résultant de la taille de trente-deux pièces au
marc est de 7k',68. J'ignore à quoi attribuer cette diffé-
rence en plus, qui est donnée par des pesées très-exactes,
tandis que pour les autres pièces, la différence est en
moins. Peut-être y a-t-il eu quelque maladresse lors de
la fabrication ; peut-être celui qui aura donné les coups
de cisaille se sera-t-il trompé. Ce qui me porterait à le
croire, c'est l'existence dans le même papier des poids des
demis et quarts de nobles, qui ne pèsent que 3«%80 et
1^,90, ce qui donnerait pour le poids entier 76',60, lequel
alors rentrerait dans la catégorie des précédents. Ces divi-
sions du poids du noble à la rose figurées sous les n" 4 et 5
(pi. XIV ) ne portent que d'un côté une empreinte faite
avec le même coin que le n* 3, mais sur des flans plus
petits et plus minces. Cette particularité me semble bonne
à Doter.
6. — Lion assis, tourné à gauche, sous un portique d'ar-
chitecture gothique, accosté de deux briquets.
^ LIX dans un entourage de cintres.
Pesée, 4«',20 (PL XIV, n* 6.)
Type emprunté au droit du lion d'or de Philippe le Bon *.
Puisque l'on taillait cinquante-neuf pièces de cette sorte
au marc, le poids moyen de chacune devait être 4«',166,'
ce qui est inférieur à celui que donne notre poids. Mais si
nous remarquons que la véritable taille du lion d'or était
de 57 1/2 au marc *, on trouve que chaque pièce devait
peser, en moyenne, 4«%27. Nous devons donc en conclure
que, sans s'arrêter au chiffre porté au revers du n* 6, le
poids qu'il donne à la pesée directe correspond bien, dans
1 B£ffuê numism,^ nouvelle série, 1861, pi. XXI^ n«* 51, 52, 53.
* Bévue nwnitm.. nouvelle »érie, 1862, p. 121.
278 MÉMOIRES
les limites que j'ai indiquées pour les autres, au Té-
ritable poids que devaient présenter les monnaies ayant
cours.
Le lion d'or se subdivisait en deux tiers et en tiers. Je
donne sous le n"" 7 le poids correspondant à la première
subdivision ; il pèse ^fiO, ce qui est exactement les deux
tiers du n** 6. Son empreinte est faite avec le même coin que
celui-ci, sur im flafi plus petit et plus mince, mais il n'y
a pas de revers.
8. — Écu couronné, portant une figure empruntée aux
écus au soleil; c*est le petit astre qui surmonte l'écu de
Fraoee.
^ LXX dans un entourage de cintres.
Pesée, Si'^AO. (PL XIV, n* 8,)
Le papier d'enveloppe de ce poids portait l'indication
écu à la rose et ridder : celui qui Fa inscrite s*eat trompa
sur la figure que porte l'écu, que l'on trouve sur les écos
d'or de Charles VIII et de Louis XL Quant au ridder, ce
n'est autre que le cavalier d'or émis en 1A33 par Philippe
le Bon, duc de Bourgogne ^ Le poids moyen résultant du
nombre de pièces au marc que l'on devait avoir, est de
8«',60, ce qui est bien analogue à ce que nous avons trouvé
jusqu'ici.
Bien que l'ordonnance de 1A99 ne fasse pas mention de
divisions de ces monnaies, notre collection de dénéraux en
contenait un qui était relatif au demi-ridder ou au demi-
écu. Son type est identique au précédent; mais cette fois
^ Le ridder avait quelquefois son poids spécial; j'en donne un sons le
n* 20 (pi. XV )f qui représente le cavalier figuré sur ces monnaies et portant
en exergue le mot FLAD. Son poids est de 3<',35. Il est assez usé, et n*offre
aucune empreinte au revers. (H appartient à M. Loir, à Arras») (Cuivre
jaune.)
ÏT DISSERTATIONS. 279
on voit que le coin a été gravé spécialement pour lui , et à
son revers il porte l'indication CXL (pi. XIV, n* 9), c'est-
à-dire que la taille au marc était double du nombre indiqué
pour l'entier. Son poids est de 1«%70.
10. — Le ducat de Hunguerie. Saint Ladislas debout.
^ LXIX dans un entourage de cintres.
Pesée, 3«',50. (PL XIV, n« 10.)
Type emprunté aux ducats de Hongrie, portant d'un côté
saint Ladislas, avec la légende S. LADISLAVS. REX, et au
revers le nom du roi régnant , autour de la Vierge tenant
l'enfant Jésus dans ses bras.
Le poids moyen des pièces, déduit de la taille, est
de 3»',56.
11. — Fleur de lis trës-omée.
i^ LXXn dans un entourage de dntres^.
Pesée^ S-'^O. (PI. XIV, m 11. )
Ge^poids servait à peser les ducats d'Italie, dont le plus
connu était le florin de Florence , auquel il a emprunté
son type.
Ce même poids était encore applicable aux monnaies
suivantes, mentionnées dans l'énumération donnée plus
haut : h salut, le Guilklmus^ le$ viez esctis aux couronnes^
qui étaient aussi tous à la taille de 72 au marc. Le salut est
la monnaie d'or fabriquée par Henri VI d'Angleterre,
comme roi de France, et ayant pour type la Salutation
angélique. Le Guillelmus est une monnaie d'or de Hollande
représentant le type de la chaise, entouré de la légende
+ GVILLELM.DVX,COM.HOLLAN.ET.ZE., et au revers
la croix fleuronnée et ornée, avec l'inscription XPS,
REGNAT, etc., etc. Quant aux vieux écus aux couronnes,
ce sont les monnaies d'or de Charles VIII offrant l'écu de
France couronné, et accosté de deux fleurs de lis également
280 MÉMOIRES
couronnées, ainsi quil est représenté sur notre n° 12
(pi. XV) , indiqué comme étant le demi des ducats de YtaKe\
lequel porte au revers le chiffre CXLIIIl, marquant que
les pièces devaient peser moitié moins ; ce qui est , du
reste, justifié par la pesée directe, qui donne pour ce
poids Is'jTO.
Le calcul moyen du poids des ducats d'Italie et des
autres pièces désignées comme taillées au même nombre,
dans un marc, donne 38',41,
13. — Navire avec un personnage debout tenant Tépée
de la main droite, et de la gauche, le globe crucifère.
^ LXXIII dans un entourage de cintres.
Pesée, 38',30. (PI. XV, n° 13. )
Type emprunté au noble de Hollande^ forgé par les
ordres de Maximilien et de Philippe le Beau, et ayant pour
légende M.D'.G.RO.REX.ET.PHS. ARCHIDVCES. AV. BG. CO.
HO. Cette monnaie s'appelait souvent scutquin ou scutkin^
mot qui provient de la représentation figurée sur la pièce.
C'est ce nom qui lui est donnée, comme on Fa vu, dans
rénumération en tête de l'ordonnance de 1499. On l'appelle
aussi parfois dans les placards, barque. Or scut, vieux mot
flamand \ qu'on retrouve dans nos anciens titres, et qui est
resté dans les environs de Saint-Omer sous la forme escute^
appliquée à de très-petits bateaux, a précisément la signi-
fication de petite barque; c'est un diminutif comme
schifjchen en allemand.
Outre cette monnaie, le poids n° 13 était aussi appli-
cable à une autre appelée Johannes , qui me paraît devoir
* Le demi de ces pièces, quoique existant, n'est pas indiqné dans rénamé-
ration des pièces autorisées.
• Aujourd'hui les Flamands disent schuyt , bateau, barque, et schip, vaîs-
seiiu, J. W.
ET DISSERT AT10>JS. 28 J
être celle désignée dans les placards sous le nom de a florin
Johannes de Hollande. »
C'est toujours le type de la chaise avec la légende
+IOHS.BAVA.DVX-RILI.HOLAND.Z.ZEL., avec le revers si
connu, +XPS.VING1T.XPS., etc., etc.
Le poids, calculé d'après la taille, est de 3«%87.
li. — Saint Philippe debout la tète nimbée, tenant une
croix de la main droite.
^ LXXIIII. Au-dessous, une croix de Saint-André.
Pesée, S8',30. (PL XV, n» là.)
Ce poids était applicable au florin Philippt^s , que Ton
forgeait en ce moment, au florin à la croix de Saint- André
et au riddre de Gheldres. Son type est emprunté à la pre-
mière de ces monnaies, qui portait au droit saint Philippe
représenté de la même manière, avec la légende S.PHE.
INTERCEDE. PRO.NOBIS, et au revers une croix fleuronnée
cantonnée des écus de Flandre, de Bourgogne, d'Artois et
d'Autriche, entourée de la légende PHS.ARCHID.AVST.
DVX.BVR.CO.FLA. Le florin à la croix de S^nt-André est
celui dont j'ai parlé dans mon travail sur les monnaies des
comtes de Flandre de la maison de Bourgogne, émis par
Philippe le Bon , Charles le Téméraire et Marie. Seulement,
comme ces monnaies devaient être, d'après les instruc-
tions, à la taille de 72 au marc, il en résultait une petite
différence de poids. Quant au riddre de Gheldres , c'est le
cavalier de Charles le Téméraire, semblable à celui fabriqué
pour la Flandre par Philippe le Bon, mais forgé pour le
comté de Gueldre.
Le poids du florin Philippus, d'après la taille de 7 à au
marc, devait être moyennement 8«%32.
15. — Évêque assis, mitre en tête, bénissant de la main
droite, & la manière latine, et tenant de la main gauche une
1363. — 4. 19
282 MÉMOIRES
croix. Il est accosté de deux petits clochetons. Sous les
pieds, un écu chargé d'une croix.
^1 LXXVI dans un entourage de cintres.
Pesée. â«%20. ( PI. XV, n» 15. )
Le papier d'enveloppe de ce poids portait l'inscription
Obole du tret^ et j'étais assez embarrassé de deviner à
quelle monnaie il pouvait avoir rapport C^ n'est qu'en
cherchant parmi les figures données dans les placards,
édictés par les ordres des souverains des Pays-Bas, que j'ai
pu retrouver le type en question , entouré de la légende
SANGTVS MARTINVS EPS, que portent les florins d'Utrecht,
Une fois mis sur la voie, et le chiffre du revers aidant, j'ai
pu conclure que c'était le poids qui s'appliquait aux mon-
naies désignées dans l'énumération en tête de l'ordonnance
de 1A90, sous le nom de /lortn^ David d'Utrecht, clincquart
Philippus et piètre de Louvain.
Le florin David d'Ctrecht est la pièce frappée par David
de Bourgogne, comme évèque de cette ville (1A66-1A06),
et empruntant son nom à la représentation du roi-prophète
qui est au-dessus de l'écu, écartelé aux armes d'Utrecbt
et de Bourgogne, avec cette légende : MEMENTO.DOM.
DAVID».
Le clincquart Philippus est la monnaie fabriquée par
Philippe le Bon, figurée sous le n* 39 des planches des
monnaies des comtes de Flandre de la maison de Bour-
gogne.
Quant au piètre de Louvain , c'est une monnaie frappée
également par Philippe le Bon pour le Limbourg, représen-
tant d'un c6té saint Pierre en buste, au-dessus de l'écu,
* On aura préféré probablement le type le plus ordinaire des florins
d'Utrecht parce qu*il était plus généralement connu que Tautre.
ET DISSERTATIONS. 28S
avec cette légende: +PHS.DVX.BVRG.BRAB.LIMB., et au
revers une croix fleuronnée entourée de l'inscription
+PAX.XPLMANEAT.SEMPER.NOBISCVM.
Le poids de ces pièces , calculé d'après la taille, devait
être de 3»',23.
16. -r Écu à l'aigle éployé, cantonné de quatre petits
écussons.
^ LXXYIII surmonté des lettres BA , dans un entourage
de cintres.
Pesée» 3»',10. (PL XV, n» 16. )
La monnaie que ce poids était destiné à vérifier est le
Fridèricus de Bavière, portant d'un côté S. lOANNES.
BAPTISTA, autour de saint Jean-Baptiste debout, et de
l'autre FRIDRIGVS DVX BAVARIE, entourant des armoiries
disposées comme au droit du n** 16.
Le poids moyen de ces florins devait être de 38%15,
étant à la taille de 78 au marc.
Les deux lettres BA, inscrites au revers au-dessus du
chiffre» indiquent vraisemblablement le mot BAVARIE, et
devaient servir à ne pas confondre ce poids avec le suivant,
qui a le même aspect.
17. — Type analogue à celui du n" 16, excepté que l'écu
central porte deux lions affrontés au lieu d'un aigle.
^ LXXXIL Au-dessus les deux lettres AR., le tout dans
un entourage de cintres.
Pesée, 2«%65. (PL XV, n- 17.)
Ce type est emprunté à la monnaie désignée dans les
placards sous le nom de « florin montant de Gueldre; » la
légende qui dans ces monnaies est inscrite autour de ces
armoiries, est +DVX. ARNOLD. GEL. Z. IVL. Z. COM. Le re-
vers porte le même type que le Frédéricus de Bavière, un
saint Jean-Baptiste. On voit donc bien le motif qui a fait
28â MÉMOIRES
inscrire au revers de ce poids les lettres AR, comme au
revers du précédent celles BA.
Le nom inscrit sur le papier d'enveloppe de ce poids est
obole Amoldus.
Le poids qui résulterait de la taille de quatre-vingt-deux
pièces au marc , serait 2«%99 , ce qui fait une différence
beaucoup plus considérable que pour les précédents, et
hors de toute proportion. Nous pouvons donc supposer
qu'il y a erreur dans la gravure du coin , un X oublié. En
effet, rénumération des monnaies cidmises dont j'ai déjà
parlé plusieurs fois, donne pour la taille du florin Ar-
noldus, 92 pièces au marc, ce qui indique un poids moyen
de 2«',66.
18. — Écu portant une grande croix, chargée en cœur
d'un petit écu.
Sj LXXXl. Au-dessus, les lettres POS; le tout dans un
entourage de cintres.
Pesée, 28',95. (PI. XV, n« 18.)
L'enveloppe de ce poids porte l'inscription : Post. au cal
et Borbon. Il est applicable aux monnaies désignées dans
l'ordonnance de 1499 sous le nom de Postulatz de Bourbon
et ceulz qui se nomment Roperlus au chat. Le postulat de
Bourbon, désigné dans le placard de 1575 : aDen postulaet
van Borbon^n porte d'un côté saint Martin debout bénis-
sant, avec la légende SANCTVS MARTIN. EPISGOP. ; et de
l'autre, un écu semblable à celui de notre poids et avec le
même entourage ; mais le petit écu du centre porte les
armes de Bourbon, qui sont celles de France, brisées d'une
bande : la légende est +M0N.R0D0LP'.EP1SG'.TRAIEC-
TVM. C'est probablement ce petit écusson du centre qui a
fait donner à cette pièce le nom de postulat de Bourbon.
J'ignore, du reste, pour quelle raison il figure là, à moins
ET DISSERTATIONS. 285
qu*il n'existât dans les armes de Rodolphe de Diepbout,
évèque d'Utrecht (1A33-1A55). Quant au postulat au chat :
u Den poslulael met h$t Catken^ » il ne diffère du précédent
que par le petit écu central, portant en chef un lion pas-
sant et en pointe une fleur de lis. Le lion , qui ressemble
«n effet à un chat, paraît avoir été l'origine de cette désî-
goation. Mais je n'ai pu retrouver pourquoi dans l'ordon-
nance on l'avait indiqué avec le nom Ropertus au chaU
A cette époque nous connaissons , il est vrai , Ruprecht von
derPfalz, archevêque de Cologne (1A63-1A80), dont le nom
est écrit Ropertus sur ses monnaies. Mais si nous avons la
mention de ses florins d'or à la taille de 76 au marc, nous
ne savons pas s'il a fabriqué des postulais du poids adopté
pour ceux de Rodolphe d'Utrecht; car les postulats qui
ont été émis par les évêques de Liège, de Groningue, les
ducs de Glëves, de Juliers, etc. , sont plus légers.
19. — Globe surmonté d'une croix dans un entourage
formé de trois arcs de cercle et de trois angles.
1^ LXXV dans un entourage de cintres.
Pesée, 3«',26. (PLXV,n-19.)
Le papier d'enveloppe de ce poids porte l'inscription :
Obole des quatre électeurs \ Son type est emprunté à celui
des florins d'or de Saxe, dont l'un porte d'un côté le globe
crucifère, entouré de la légende +ALBERTVS.D.G.DVX.
SAXONIE. , et au revers saint Jean avec la légende MON.
AVREA.LIPCENSSIS. Au-dessous de saint Jean est l'écu de
Saxe. L'énumération des monnaies dont le cours était au-
torisé, donne pour leur désignation « les flourins du Rin
' On a vu précédemment des oboUi d'Utrecht et ds Gneldre, et il s^agit de
pièces d'or pesant 3»' ,20, 3«^26 et 2«',65. Il faut rapprocher cet emploi du
mot o^o/« de celui qui a été signalé pour Moissac et pour Baugency. Voy. plus
haut, p, 1S9.
286 MÉMOIRES
des électeurs. » Les quatre électorats auxquels ce poids
paraît devoir s'appliquer, sont : Bavière, Saxe, Cologne et
Trêves, Les types sont excessivement variés.
Le poids, calculé d'après la taille de 75 au marc, serait
de 3«',28.
Telle est la série de poids qui existait aux archives de
Swnt-Omer. On peut voir, par la description que j'en ai
donnée, que j'avais raison de supposer qu'ils avaient été
envoyés au magistrat, ainsi qu'ils durent l'être aux autres
villes, en conséquence des prescriptions de l'ordonnance
de 1A99. Cependant, ce qui pourrait faire hésiter à admettre
cette conclusion, c'est qu il manque dans cette collection
plusieurs poids de pièco. mentionnées dans ladite ordon-
nance, savoir :
Le grand réal d'Autriche,
L'angelot d'Angleterre
et leur divisions. Quoi qu'il en soit , si l'on ne peut leur
attribuer certainement cette date, je crois ne pas me trom-
per en leur assignant pour époque d'émission les premières
années du xvi» siècle.
Il y a encore une autre conclusion à tirer de l'examen
auquel je me suis livré : c'est que les poids résultant de la
pesée directe ne correspondent pas exactement à ceux que
les pièces devraient avoir moyennement d'après la taille,
mais que généralement ils leur sont inférieurs, et qu'il est
probable qu'ils représentent ainsi le poids minimum au-
dessous duquel les monnaies devaient être retirées de la
circulation. En est-il de même de tous les dénéraux qui
nous sont parvenus? C'est ce que je ne voudrais pas aflBr-
mer, la généralisation me paraissant dangereuse à ce point
de vue. Quoi qu'il en soit, j'ai cru utile de donner tous les
KT DISSERTATfONS. 287
renseignements contenus dans cette note, espérant quMls
pourront servir à ceux qui s'occupent de métrologie, les
pesées que je donne étant exactement celles qu avaient ces
petits monuments lorsqu'ils sortirent des mains des mon-
nayeurs» puisqu'ils ne portent aucune trace d'altération,
et que les inscriptions placées au revers excluent toute
idée d'une diminution opérée de ce côté par le frotte-
ment.
L. Deschamps de Pas.
CHRONIOUE.
Dai)s sa séance publique du 3i juillet^ rAcadémie des inscrip-
tions et belles-lettres de l'Institut a décerné le prix de numis-
matique fondé par Allier de Hauteroche à M. Frantz Streber,
membre de l'Académie royale des sciences de Bavière et
conservateur du Cabinet des médailles de Munich^ pour son
ouvrage intitulé : Ueher die sogenannten Begenbogen-Schûsselchen^
in-4\
PLOMBS ANTIQUES.
Depuis l'impression de la notice du père R. Garrucci sur quel*
ques plombs antiques (Revue^ 1862, p. 402 et suiv., et pL XV
et XVI) , le savant archéologue m'a fait l'honneur de m'adresser
quelques nouvelles observations.
P. 410. L'auteur insiste pour attribuer à Himéra le plomb
gravé pi. XY; n* 5, en faisant observer que sur aucune mon-
naie ancienne^ si ce n'est sur celles d'Himéra, on ne voit le type
du coq accompagné de globules. Il appelle de nouveau l'atten-
tion du savant père Romano sur ce plomb et sur le passage
d'Aristote cité par Pollux (Onomast., IX, 6^ 81), où il est ques-
tion des habitants d'Himéra, qui donnaient le nom de chalque
à l'once; leur demi-livre contenait 6 onces; par conséquent, la
CHRONIQUE 289
livre en contenait 1^; ils donnaient à cette livre le nom
d'obole.
P. 412, note % J'avais émis des doutes sur Tauthenticité de
la trouvaille de treize monnaies puniques de plomb et de bronze
aux environs de Viterbe. M. Lovatti, qui a acquis ces monnaies
du propriétaire de Viterbe i dans les terres duquel a eu lieu
cette trouvaille, aflSrme qu'on ne saurait avoir le moindre doute
sur Tauthenticité de cette découverte.
P. 420. L'auteur cite un plomb publié par Ficoroni^ sur lequel
on lit : TIFAVGLB. Tito Flavio Augusti liberto. On vient de
trouver un plomb à peu près semblable qui confirme l'interpré-
tation du père Garrucci; on y lit: T.FAVG.L.F. Au revers
sont figurées une palme et une couronne.
J. W.
— Notre savant ami M. le baron de Saulcy vient d'enrichir
son incomparable collection de monnaies gauloises d'une pièce
de la plus grande rareté. 11 ne s'agit de rien moins que du trio-
bole des Csenicenses, connu jusqu'ici par l'unique exemplaire
dont la publication a contribué à établir la réputation de M. le
marquis de Lagoy ^ et qui y après la mort de ce dernier^ fut
acheté par M. le duc de Luynes , et donné à la Bibliothèque
impériale.
COINS ANTIQUES.
On lit dans le Moniteur universel du 3 août :
• Nous empruntons au Journal de Saône-et-Loire la no-
290 CHRONIQUE.
tice archéologique suivante, qui lui est adressée par l'abbé
Guclierat :
a Une bien rare découverte vient d'avoir lieu à 2 kilomètres
de Paray, dans un champ qui avait fait partie jusqu'à Tan der-
nier de la forêt voisine. La bêche qui le fendait pour la pre-
mière fois a rencontré 9 à 30 centimètres environ^ un large
fragment de tuile romaine , et sous cette tuile romaine la main
de l'ouvrier a recueilli des coins métalliques ayant servi à fabri-
quer de la monnaie romaine.
a La matière est un alliage de divers métaux dont le produit
est excessivement dur et cassant. L'un de ces coins est brisé en
plusieurs morceaux et se prête ainsi à l'observation. Je n'ai
point les données suffisantes pour déterminer les éléments de
cette composition, où je crois pourtant reconnaître du cuivre et
de l'acier fondu (1).
« La forme de ces coins n'est pas absolument la même. Les
uns ressemblent à des cônes tronqués^ ayant 45 millimètres de
hauteur, 35 millimètres de diamètre à la base, et 20 millimètres
au sommet où le coin est gravé.
a Les autres coins , plus petits , sont renflés vers le milieu , ce
qui leur donne la forme de petits tonneaux.
0 Les sujets gravés sur ces coins sont les empereurs Tibère^
Caligula et Claude. Les légendes en font foi aussi bien que la
i*essemblance de l'image.
a On lit autour de Tibère :
TI (LESAR DIV. AVG. F, AVGVSTVS.
Tiberius Cxsar divi Augusti fiUus, Augustus.
« Autour de Caligula :
C. CiESAR AVG. G. FRA...
Caius Cxsar Augustus j Germcmicm fra... (2).
CUUOMQL'E. 291
<K ËnHn, autour de Claude :
T. C. CiESAR AVG. ROM.E TR. POT. lll. COS. IIL
Tiùerius Claudius Cœsar Augustus, Bornas tribunitià
potestate functus tertio, consul tertio (3).
c Le troisième tribunal^ comme le troisième consulat de
l'empereur Claude , se rencontraient la môme année , qui était
la 796' de Rome.
a Le coin de Tibère est double^ mais Tun est aussi gâté que
l'autre est beau.
a Ces trois Augustes sont couronnés de lauriers sur le dia-
dème, dont les extrémités pendent derrière la tète (4).
a Mon cinquième coin représente une déesse assise, avec cette
légende verticalement gravée à droite : JVNO.J.. . (5).
ail y avait là sept coins en tout; deux sont aux mains d'un
amateur qui m'a devancé; je n'en ai que les empreintes. Ils ne
paraissent pas avoir eu jamais d'inscription. Mais au type encore
plus qu'à la présence de ses trois successeurs , je n'ai pu me
défendre de reconnaître là Tempereur Auguste. Ce coin repré-
sente une grande et belle figure, non plus avec la couronne de
laurier, mais avec la couronne radiée à cinq pointes, réservée
aux empereurs divinisés. Deux étoiles, formées de six rayons,
s'étalent à k naissance du cou, l'une en avant, Tautre en
arrière (6).
a Le septième coin était le revers de celui-ci. Il porte un
bélier informe, emblème des sacrifices offerts à la divinité
d'Auguste (7).
a Mais ces coins sont-ils authentiques? et alors comment se
sont-ils trouvés là? La fidèle reproduction des types si connus
et la présence d'une tuile romaine, épaisse et à rebord, ne per-
mettent guère de mettre en doute l'authenticité de ces coins.
a Quant au reste, on sait que les Romains battaient monnaie
jusque dans leurs expéditions militaires. Rien n'empêche de
292 CHRONIQUE.
supposer au centre des Aulerci Brannovices de César le passage
de leurs armées^ qui ont tant sillonné notre Gaule avant Con-
stantin. Ainsi remontons-nous tout naturellement à l'origine du
trésor que nous signalons. x>
Cette nouvelle a été reproduite dans le Journal des Débats, le
Constitutionnel y la Patrie du 4.
Nous avons déjà eu roccasion de faire remarquer avec quelle
négligence les journaux traitent tes questions de numisma-
tique.
En voici un nouvel exemple. La découverte de coins antiques
est fort intéressante; mais la description qu'on vient de lire
laisse grandement à délirer. Sans avoir vu ces objets précieux,
nous pouvons déjà faire quelques remarques au sujet des inter*
prétations fournies par le Journal de Saôné-et-Loire.
(i) Les journaux auraient dû consulter un chimiste avant de
nous parler d'une pareille combinaison.
(2) Lisez : C. CAESAR AVG GERM. Le mot FRA ne peut se
trouver sur une monnaie de Caligula.
(3) Lisez : C. CAESAR AVG. PONT. M. TR. POT. Ill COS lll.
Il s'agit d'une pièce de Caligula de Tan 793 de Rome ( 40
deJ.C).
T^ qui n'existe certainement pas sur cette pièce, serait l'abré-
viation de Titus et non pas de Tibère. Les Romains avaient
des règles très -positives à cet égard.
C. ne peut pas représenter Claudius.
(4) La couronne de laurier est nouée à l'aide de rubans ou
lemnisques. Les empereurs romains ne portaient pas le diadème,
qui était le symbole de la royauté « et qui leur eût donné le ca-
ractère de tyrans ou de princes barbares.
(5) Retournez la légende, et au lieu de fONAf» lisez PONTIF
[MAXIM], revers bien connu de Tibère.
(6) C'est, sans aucun doute, le revers d'une monnaie d'or de
CHRONIQUE. 29S
Calîgula qu'on peut voir gravée dans les Numismata aurea de
Caylus, pi. V, n^ 78; revers en effet sans légende.
Il ne faudrait pas dire que la couronne radiée est réservée
aux empereurs divinisés. Cela ne peut s'appliquer qu'à Auguste.
Néron, et presque tous ses successeurs l'ont portée de leur vivant.
(7) Vraisemblablement, il s'agit là du capricorne faisant allu-
sion à la naissance d'Auguste. Ce n'est pas le revers de la tête
qui précède.
A. L.
— La législature du Pérou vient de doter cet État d'une
nouvelle loi monétaire qui a de grands rapports avec celle qui
nous régit. L'unité monétaire sera la pièce en argent dite soleil,
du poids de 25 grammes et au titre de 900 millièmes de fîn, ce
qui lui donnera la valeur exacte de la pièce de 5 fr. En outre,
il sera frappé au même titre de 900 millièmes des pièces d'ar-
gent d'un demi-soleil, d'un cinquième, d'un dixième et d'un
vingtième de soleil, qui seront par le fait des pièces de 2 fr. 50 c. ,
de 1 fr., de 50 c. et de 25 c. Les pièces d'or seront de 1, 2, 5
10 et 20 soleils; soit de 5, iO, 25, 50 et iOOfr. Les pièces de 5,
10, 50 et i 00 fr. seront la reproduction des nôtres en poids,
titre et dimensions.
Encore une nation qui comprend l'immense utilité de l'unité
universelle des monnaies. En adoptant le système décimal basé
sur le mètre, le Pérou ne craint pas de manquer de patriotisme.
Ce système, en effet, qui est le résultat d'une opération mathé-
matique et ne se rattache à aucune tradition historique, n'ap-
partient pas plus à la France qu'à la Belgique, à la Suisse ou
à ritalie.
294 CHRONIQUE.
NÉCROLOGIE.
L'Italie vient de perdre un homme aussi distingué qu'infati-
gable, et qui nous appartient par ses études sur la numisma-
tique ancienne, le sénateur comte Albert Ferrero délia Marmora,
mort à Turin le 18 mai dernier. Né dans cette ville en 1789,
oflScier d'infanterie sous Napoléon !•' en 1807, il fit les cam-
pagnes d'Italie et d'Allemagne, et^ après la bataille de Bautzen,
il fut décoré de la Légion dlionneur par l'empereur même.
De retour dans sa patrie en 1814^ la Marmora prit du service
dans l'armée sarde. Ses opinions libérales le firent destituer
en 1821, et il reçut le conseil de voyager pour quelque temps
dans rile de Sardaigne. Rentré dans l'armée en 18â5^ il fut^
dix ans plus tard (1835)^ nommé colonel dans le corps d'état-
major général. En 1840^ avec le titre de major général ^ il prit
le commandement de l'École royale de marine à Gènes, où il
resta jusqu'en iSAS, époque à laquelle le roi Charles- Albert
renvoya à Venise; mais revenu en Piémont après la capitula-
tion de Milan en août 1849, avec le grade de lieutenant général,
il resta jusqu'à la fin de 1851 commissaire et commandant mi-
litaire de la Sardaigne. Il obtint alors sa retraite après plus de
cinquante ans de service, compris les campagnes.
Homme savant et tout dévoué au travail , pendant son exil
en Sardaigne il étudia profondément cette île au point de vue
scientifique et archéologique, et, à l'aide de ses connaissances
en mathématiques et en géodésie, seul et à ses frais, il en fit
la triangulation, et en publia une magnifique carte à Paris
en 1845.
En attendant, il avait commencé, sous le titre de Voyage m
5ar(/(7t^n«, la publication historique, archéologique, géogra-
phique et géologique de ce pays jusqu'alors très-mal connu.
Cet ouvrage, qu'il acheva à Turin en 1857, forme six volumes
CHRONIQUE. 295
in-8*, accompagnés de trois atlas. Dans le tome V de la partit'
géographique, on trouve les dessins et la description de deux
monnaies coloniales inédites frappées en Sardaigne vers la fin
de la république romaine : l'une ( p. 333) est de Metalla, l'autre
(p. 463) &DselU8, deux villes qui ne figurent dans aucun ma-
nuel de uumismatique.
Outre ce grand ouvrage, le général délia Marmora publia en-
core beaucoup d'autres travaux scientifiques et littéraires et le
dernier peu de jours avant sa mort; ils parurent principalement
dans les Mémoires de r Académie royale des sciences de Turin ^
dont il était vice-président.
Dans le tome XXXVIII*, nous trouvons un écrit intitulé :
Saggio sopra alcune moneie Fenicie délie isole Baleari (1834),
où il prouve qu'un certain nombre de pièces de bronze attri-
buées à l'île de Cossura (aujourd'hui Pantellaria ) , pièces qui
ont pour type un Cabire de face , et portent au revers une lé-
gende punique , doivent être restituées aux Baléares. Cette rec-
tification ayant été contestée par Gésénius (Scriptur. ling. g.
Phœn. mon., \S31, p. 298)^ le savant la Marmora défendit son
opinion dans un volume de son Voyage en Sardaigne, publié en
4840 (II* partie^ Antiquités, p. 540). M. de Saulcy a repris cette
question (Mém. de l'Acad. des inscr.^ t. XV, 1845, p. 177), et,
tout en restreignant l'attribution à l'île d'Ebusus en particulier,
il a pleinement confirmé les observations du général sur la
proveuance et la patrie réelle de ces monnaies. Nous ferons
remarquer que c'est à ce dernier que nous devons de connaître
les trois monnaies à légendes bilingues sur lesquelles on lit
INS.AVG, pièces si utiles pour l'étude de toute la série; il
les a fait dessiner dans la planche jointe à son Saggio
de 1834.
En 1844, M. délia Marmora a aussi inséré dans la Bévue nu-
mismatique une notice fort intéressante sur la précieuse mon-
naie de Guillaume II de Narbonne, juge d'Arborée en Sardaigne.
En expliquant l'origine de cette pièce , qui se rattache à la fois
290 CHRONIQUE.
à rhistoire de France et à l'histoire dltalie, notre éminenl
confrère a discuté avec talent divers points chronologiques, et
montré qu'aucune des parties de Thistoire de sa chère île de
Sardaigne ne lui était restée étrangère.
M. le général Albert délia Marmora a fait à diverses époques
d'assez longs séjours en France, où Ton avait apprécié, comme
en Italie, la loyauté de son caractère, son ardeur pour Tétude et
Taménité de ses manières. D.
— Nous apprenons, avec de vife reçrets, la mort de M. Do-
menico Spinelli, prince de San-Giorgio, directeur du musée de
Na(>Ies, président de l'Académie royale Ercolanèse, antiquaire
distingué, dont le caractère aimable était hautement apprécié
Kr tous ceux que leurs études archéologiques appelaient dans
talie méridionale.
Avant d'être à la tête de l'administration des musées « ce
savant avait formé une très-belle collection de médailles, et
nous lui devons, entre autres travaux , les publications dont
voici le titre :
1821. Deacrizione di alcune monete urbiche inediie del museo
del principe di S. Giorgio e délia collezione del canonico de
Jorio, ln-4°, 2pl.
1842. Ricerche sul tempo nel quale si cessa di coniare le monete
denominate incuse. In-4°.
— Indagine sull' epoca in cui 8*incomincio a coniare monete di
bronzo. In-A**.
— Sulla impropria denominazione di Ms grave data a tutta la
moneta fusa. In-4*.
— Ricerche intomo ail* età delV iEs flatum comunemente deno-
minaio Ms grave. In^«.
1844. Monete enfiche battute da principi Lcngobardi Normanni
e Suevi nel regno délie due Sicilie Petit in-fol., 30 pi.
Cet ouvrage, souvent cité dans la Revue numismatique, est
indispensable à ceux qui s'occupent des monnaies du moyen
âge.
1849. Investigazione del significato délia N che trovasi suite mo-
nete di bronzo di gran modulo di Tiati e di Venoza. ln-4".
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
DEUXIEME LETTRE A M. DE SAULGY
LA NUMISMATIQUE GAULOISE.
(PI. XVI.)
La RenaidiJire, près le Mans, le 10 juillet 1863.
Cher et irès-bonoré maître,
Vous vous rappelez encore ce jour heureux pour moi,
où, admis dans votre studieuse intimité, je pus passer
rapidement en revue votre splendide collection de mon-
naies gauloises, véritable monument au fronton duquel
vous avez le droit d'inscrire Gïorise majorum , car vous
avez dans vos mains les incunables de notre histoire na-
tionale.
Dans cette trop courte visite et pendant que des milliers
de monnaies se succédaient sous mes yeu:K, vous avez bien
voulu me communiquer quelques-unes de vos observations
sur des points encore obscurs de notre numismatique
gauloise, véritables révélations dont il serait indiscret à
moi de transmettre la confidence au public, si, par un
1863. - 5, 20
298 MÉMOIRES
bonheur providentiel, je ne me trouvais en mesure de cor-
roborer vos présomptions par la publication d*un monu-
ment d'une grande valeur, que j'ai découvert au Cabinet
de la Bibliothèque impériale le lendemain de notre en-
tretien.
Monnaies du ttmps de VercingHorix.
§ I. Médaille de Camulogcnt) , général en chef des Gaulois réunis à Paris.
En examinant vos monnaies d'or arvernes contempo-
raines de celles de Vercingétorix, j'ai été frappé à la vue
de deux beaux spécimens qui offrent, au revers d'une tète
de divinité, le cheval en course avec le tableau armoricain
au-dessus de la croupe, et je vous ai rappelé que je possé-
dais moi même une médaille de ce genre formant avec vos
deux types déjà différents une troisième variété très-
accentuée; vous m'avez dit alors que depuis quelque
temps ces médailles vous occupaient, et vous avez émis
l'opinion que tous ces aurei pourraient bien être des mo-
nel3P castrensrs.
En effet, ces monnaies offrent im aspect qui les distingue
des médailles de toutes les époques de l'autonomie gau-
loise; pendant que les anciens statères armoricains, céno-
mans, baiocasses et namnètes, c'est-à-dire les monnaies
des peuplades les plus étrangères en apparence auz pra-
tiques de l'art grec, sont frappés sur des flans légèrement
iqiphaiexy visiblement travaillés au marteau avant ta
frappe, de manière à en amincir industrieusement les bords
et à les écrouir pour éviter leur gerçure, les aurei du temps
de Vercingétorîx ont l'apparence d'une monnaie rudimen-
laire, frappée sans aucune préparation, Fur un globule
i:r DisstuTATiONS. 299
d'or qui, en s' écrasant entre les deux coins, se déchire
quelquefois jusqu'au centre du flan, ce qui donne à ce
numéraire, d'un bon dessin cependant, un caractère hâté
et même grossier, et permet de l'assimiler à ces monnaies
de nécessité frappées pendant les sièges des villes, en de-
hors des conditions ordinaires.
D'un autre côté, une circonstance très-remarquable dis-
lingue encore ce numéraire; on sait, en effet, qu'il offre
des symboles extrêmement variés, soit au-dessus, soit au-
dessous du cheval libre. On y remarque l'aigle éployée, le
bucrane,le sanglier, le dauphin, la roue cantonnée de points
ou de croissants, la lyre , la cigogne dépeçant un serpent,
la fleur de lis ou le tripétale, la triquètre, le diota, le as,
le rameau , enfin le tableau de la Victoire que j'appelle
armoricain, parce qu'on ne le rencontre guère que chez les
peuples limitrophes de l'Océan.
Or, tous ces symboles se retrouvent aux é|)oques pré-
cédentes, comme emblèmes ou symboles de nationalités
sur les monnaies de peuples très-difiÇrents et très-éloignés
les uns des autres.
Comment admettre que lors du soulèvement général de
la Gaule, les Arvcrnes, rompant brusquement avec la tra-
dition d'un monnayage antérieur relativement très-soigné
et très-limité dans le choix de ses symboles, aient été
frapper des monnaies aux types de tous les peuples qui
apportaient leur contingent à la cause commune? N'est-il
pas beaucoup plus rationnel de penser que ces aureij que
je demande la permission d'appeler des monnaies de néces-
sité, ont été émis à cette époque mémorable par les diffé-
rents chefs investis d'un commandement supérieur, soit
dans les camps, soit dans les oppida, sous le couvert de ce
que nous savons être des marques de nationalité, de ces
SOO Mf:MoiRi-s
symboles monétaires qui de temps immémorial distin-
guaient le numéraire des diiïérents peuples gaulois.
Ma médaille au tableau que j'ai publié dans la Revue nu-
wismalique^ année 1855, pi. V, n** 1", a été trouvée dans le
Poitou ou chez les Santons; elle oflre sur la croupe du
cheval ce tableau transformé quelquefois en édicule, qui
se retrouve sur les VIREDISOS, les VIP. T, les SACTiNOS,
les DVRATIVS, monnaies à des types essentiellement ar-
morico-aquitains ; tandis que sous le cheval on voit très-
distinctement la lyre ou la crotta bardique qui rappelle
encore TArmorique.
Si Ton voulait examiner attentivement les autres aarei
de ce genre, on y trouverait de nombreux points d'attache
à des types déjà localisés.
Je ne me rappelle pas quels sont les symboles qui accom-
pagnent le tableau sur vos deux médailles, mais je crois
devoir insister, en revanche, sur la manière précise dont ce
tableau y est caractérisé. Sur l'une, la croix est alaisée ;
c'est-à-dire que ses extrémités ne rejoignent pas le tableau.
Voire exemplaire est, je crois, celui figuré par M. Peghoux .
dans son Essai sur Us mtwnaics des ArvirnU pi. II9 n* 2à
bis.
Sur l'autre médaille de votre suite, la croix n'est pas
alaisée, et le tableau reproduit identiquement le quadrila*
tère que nous voyons flotter devant la tète du cheval andro-
céphale sur les beaux avrei des Aulerces-Cénomans.
Est-ce à dire que précisément cette dernière médaille
ait été frappée par les Aulerci réunis aux autres contin-
gents gaulois? Non, sans doute, et il y aurait témérité
aujourd'hui à circonscrire dans des limites aussi étroites,
une question aussi neuve ; mais il y a toute raison de pen-
ser que ces symboles si diiïérents et si caractéristiques sgr
tr nissiRTATiONS. 501
des monnaies ofl'ranl le même style, le mèuie art, la même
n^ligence de frappe, décèlent nécessairement un numé-
raire ouvré, pour ainsi dire, dans la même ofllcine, ou au
moins sous l'empire des mêmes circonstances . par des
peuples différents, jaloux de leur nationalité comme nous
savons que Tétaient les Gaulois.
Il est arrivé ainsi que la monnaie des Armoricains de
cette époque mémorable ne diffère ni d'aspect ni de style
de celle des Arvernes, des Cabales ou de tout autre peuple
de Test de la Gaule.
Cette conclusion à laquelle vous a conduit votre tact
numismatique, je viens aujourd'hui la corroborer aussi
couïplétement qu'il est possible de le faire, en produisant
deux monnaies à légendes, d'une part un très-curieux
aureus de Camulogène , généralissime aulerke , dont le
nom parait pour la première fois dans la numismatique
nationale, et d autre part une pièce d'or déjà connue, mars
inexpliquée, et que je crois pouvoir attribuer aux Cabales
La monnaie d'or de Camulogène existe dans la collection
de France : on a tenté, mais sans succès, un commence-
ment de déchiffrement qui a abouti au nom CAETVLO ou
CAIETVLO-, lecture que je ne puis admettre (PI. XVI,
Au premier examen de cette médaille, j'ai constaté
qu'elle porte incontestablement le nom CAMVLO, racine
gauloise excellente, qui, considérée intrinsèquement, suffi-
rait à elle seule à assurer ma lecture. On connaît, en effet,
le dieu Camulus, la ville capitale de Cunobelinus, Camulo-
dunum, et le général en chef Camulogcnus '.
• Voyez A. Maury, Jîecherrhes sur ta lUvinitc mentionnée dans les tâsrrrp-
tiom laitues sous le nom Je Camulus^ d:iii» Ic^ Mém. Je la Soc, Jis oiilf./tMrrM Js
France, 1849, t. IX. p. 15.
S02 IlÉMCIUiiS
Tous les efforts qu'on a faits jusqu'à ce jour pour trouver
sur les monnaies des noms de divinités, n'ont abouti à rien
de certain; je dégage donc ce premier point de vue, et je
n'ai plus à hésiter qu'entre un nom de ville bretonne et un
nom de chef gaulois contemporain de Yercingétorix. Mais
ici le style et la fabrication dominent la question ; nous
nous trouvons en présence d'une de ces monnaies déchi-
rées, à frappe bâtée, couverte de symboles variés.
Ces caractères irrécusables avaient fait classer cette mé-
daille au milieu de celles provenues d'Orcines et de Pionsat,
qu'on regardait jusqu'à ce jour comme étant exclusivement
arvernes; la monnaie est donc gauloise et non bretonne,
et elle est gauloise contemporaine de Yercingétorix. Tout
cela circonscrit beaucoup nos recherches, et ne permet*
pas de donner à notre pièce une autre attribution que celle
de Camulogëne, qui fut élu général en chef des Gaulois
confédérés, réunis momentanément à Paris, et y exerça
quelque temps le pouvoir souveraiil, pendant que César
combattait chez les Arvernes.
Vous avez pensé avec toute raison dans votre lettre à
M. Adrien de Longpérier, sur les monnaies des Lixo-
viates % que les Aulerkes formaient le noyau de l'armée
de Camulogëne, et que cette circonstance avait sans doute
influé sur le choix du général en chef.
Ce point admis, il n'y a plus de difficultés à attribuer
aux Aulerci ou à tout autre peuple de la confédération ar-
moricaine les curieuses monnaies de votre collection et de
la mienne, offrant sur la croupe du cheval le tableau qua-
drilatère de la Victoire, qu'on ne trouve aux époques anté-
rieures que chez les peuples armoricains. A cette occasion,
* [icvue numi»m , 1862, p. 185.
Kl DIbbl-RTATJnNS. 308
permettez-moi, je vous prie, de rappeler uue remarque
importante qui a été faite avant moi par M. Amédée Thierry,
et que j*ai renouvelée en m' appuyant sur les monuments
numismatiques, c'est que par Armoricains il faut entendre,
non pas seulement les peuples de la presquile qui a formé
plus tard la province de Bretagne, mais encore les peuples
qui y confinaient, comme les Aulerces-Cénomans, les Andes,
et jusqu'aux Pictons et aux Santons.
On voit que le champ des présomptions est vaste ; mais
nous avons fait déjà un pas immense en sortant de l'Ar-
vemie ; tôt ou tard la question se localisera encore davan-
tage. C'est assez aujourd'hui d'avoir franchi ce premier pas^
) II. Monnaies des Cabales.
Vous connaissez parfaitement ceux de ces aurei trouvés
à Orcines et à Pionsat, sur lesquels on a lu jusqu'à ce jour
CAS, sans tentative d'attribution quelconque. (PI. XVI,
B*2.)
En examinant dernièrement au Cabinet impérial deux
bons exemplaires de cette pièce, sur lesquels les légendes
sont complètes, j'ai été surpris de ce que personne avant
moi n'eût reconnu dans l'initiale la lettre G, qui, sans
ôtre peut-être aussi caractérisée que dans TOGIRIX ou
AGOriGIAGOC, l'est cependant assez complètement pour
qu'on ne puisse la méconnaître. ( Voy» PL XVI, n*i)
Si nous dégageons maintenant le S, espèce de symbole
propre à TArverine et à sa clientèle très- probablement,
il reste les deux lettres GA, dans lesquelles il me répugne
de voir les initiales d'un nom de chef ordinairement fort
long, tandis qu'à l'imitation de MA pour Massilia, de NEM
pour Nemausus, de AP pour APOYEPNfiN, j'y trouve le
ZOà MÉMOIRES
commencement d'un nom de peuple G ABALI, les Cabales,
les premiers clients et les plus proches voisins des Arvemes.
M. Peghoux, dans son Esnai sur les monnaiet des Àr-
vemes^ livre qui ne manque pas de bonnes observations,
mais qui a le malheur d'être accompagné de planches mé-
diocres, a cherché à doter les Cabales d*une monnaie de
bronze bien connue sur laquelle on lit CABALLOS. Les
motifs qu'il donne à l'appui de son opinion sont un peu
vagues : il n'a pas assez insisté sur l'épigraphie de cette
médaille. Qu'il me soit permis de faire remarquer ici que
chez les Gaulois le G et le G permutent très-certainement -,
que nous avons GARMANO— COMMIOS et CARMANOS—
COMMIOS, AeiOriGIAGOC et Divitiac^ts, RATVMACOS et
Rothomagus; on peut se demander pourquoi dès lors
CABALLOS ne serait pas pour CABALLOS. Ceci est une
question de linguistique; mais à côté de celle-ci surgit
tout de suite la question numismatique avec ses exi-
gences de style; le faire du CABALLOS ressemble , d'après
vos propres observations, à celui des médailles des Car-
nutes; attendons donc encore pour prendre un parti à
l'égard de cette médaille.
J'ajouterai, pour fortifier votre opinion sur les monetœ
ccutrenses^ si elle en avait besoin, que M. Peghoux a donné
des détails intéressants sur la découverte faite d'ancienne
date, à Corent, et sommairement annoncée dans la Retue^
de deux coins monétaires gaulois, dont l'un était destiné à
reproduire une monnaie d'argent de style aquitain, le n"* 6
de la pi VHI de la Berne de 1836.
Je sais bien qu'on pourrait dire que les coins trouvés à
Corent étaient des instruments de faussaires, d'après le
grand nombre de médailles gauloises fourrées habilement
faites qui existent dans nos collections ; mais la circulation
LJ DlSStRTATlOÎSS. 305
des monnaies gauloises était généralement circonscrite à la
région même pour laquelle le numéraire était émis, grave
motif pour un faussaire de ne pas frapper monnaie en
Arvernie avec un coin des Cambolectri-Agesînates. Que si
Ton objectait que les enfouissements des monnaies contem-
poraines du soulèvement de Vercingétorix dérogent sou-
vent à la loi que nous venons de poser, et qu'on y voit
mêlées des monnaies d'origine très-diverse, je répondrais
que ce mélange prouve précisément ce que nous cherchons
à établir, que le numéraire n'a pu offrir subitement une si
remarquable variété que grâce à la concentration des ate-
liers des différents peuples , dans les camps ou dans les
oppida, derniers refuges des compagnons de Vercingélorix.
Le type de la monnaie des Cabales que nous publions
sous le n"" 2 offre, sous un cheval libre, le haut seulement
d'un symbole caractéristique : une cigogne ou un oiseau
aquatique au long bec dévorant un serpent, qui se voit
mieux sur d'autres pièces de la même série.
Le Romain, qui fait irruption dans la patrie commune,
n'est-ce pas le serpent qui s'introduit dans le nid de l'oi-
seau? Ce type paraît avoir été créé pour la circonstance :
on a également sur des pièces muettes des symboles pro-
bablement contemporains de la conquête : l'aigle dévorant
un serpent.
Au-dessus du cheval est une véritable fleur de lis héral-
dique moderne renversée la tête en bas; est-ce la fleur de
t espérance dans une position qui annoncerait la déchéance,
le deuil 7 Ces questions de symbolisme ne sont pas du goût
de tout le monde, nous le savons, aussi serons-nous très-
réservé sur ce point. Cependant il est bon de les poser ;
lorsqu'on nous aura prouvé que le bœuf des monnaies
d'ATEVLA VLATOS et des TVRONOS n'a pas une pose qui
306 MÉ.MOiRi:s
dénote raflliclion ; lorsqu'on aura établi que c'est par pur
hasard que Tépi brisé sur lequel marche le bœuf de ces
ATEVLA a été représenté ainsi par le graveur, alors nous
renoncerons à mettre les Gaulois au rang des peuples de
l'antiquité qui affectionnaient le symbolisme ; mais jusque
là nous ferons à nos ancêtres Thonneur de les croire en
communauté d'idées sur ce point avec les Grecs, les maîtres
à tous en fait d'art et d'ingénieuses fictions.
Médaille des Aulerces-Eburovices avec la légende IBRVIX.
Mon examen rapide des médailles gauloises du Cabinet
impérial ne m'a pas empêché de m'appesantir sur certaines
pièces qui, de tous temps, ont défié la sagacité desérudits.
Parmi celles-ci, je citerai comme m'ayant particulièrement
occupé la monnaie à la légende IBRVlX.
Permettez-moi, je vous prie, de vous faire part de quel-
ques observations qui m'ont été suggérées par l'analyse de
chacun des éléments de cette curieuse légende.
Pour moi, toute la partie antérieure du mot constitue un
vaste monogramme qui finit seulement à l' avant-dernière
lettre; de sorte que l'aspect de cette légende est bien cer-
tainement celui-ci :
B»
L'initiale 1 semblerait détachée de la partie monogram-
matique du nom ; mais depuis que, grâce à notre cher et
ingénieux directeur nous savons que l'E gaulois est souvent
exprimé par deux I , rien n'empêche d'admettre ici que TE
d'EBVROVIX est composé de l'I initial et du premier jam-
bage verlical du B, et qu'il se rattache ainsi à la partie mo-
ET DISSËRTATJOI^S. 307
nogramma tique de la légende. Le B ne donne lieu à aucune
observation, si ce n'est qu'à la boucle inférieure est soudé
le premier jambage de TV. Cette lettre est très visiblement
formée de ce premier jambage et de la basle de la lettre R,
laquelle a ainsi une position inclinée très-caractéristique.
Mais le R sert encore à former avec sa queue très-serrée
pour ce motif contre la haste , la lettre 0 qui adhère au V
par sa partie supérieure ; les deux dernières lettres isolées
n'offrent rien de remarquable.
Les lettres effacées, si je puis dire, et méconnues par
tous ceux qui se sont occupés de cette pièce, sont donc TE
initial, TV et TO, c'est-à-dire les voyelles; le graveur, en
les sacrifiant, a donné aux maires kctionis une valeur pré-
dominante qui a trompé nos devanciers.
Ducbalais n'a pas soupçonné la forme monogrammatique
de cette légende, et s'est bonié à dire : « Les mots IBRVIX
a et EBVROVIX ont tant de rapports entre eux, qu'il serait
fc déraisonnable de ne pas les rapprocher, d
Voici donc encore une médaille enlevée aux incertaines,
et classée avec toute la rigueur désirable.
Médailles portant les légendes SENV et KOIIAKA.
Deux médailles appartenant au même peuple ou à des
peuplades bien voisines l'une de l'autre viennent de paraître
sur l'horizon numismatique; l'une est entrée dans les car-
tons de la Bibliothèque impériale, et a déjà été mentionnée,
je crois, dans la Rrvue archéologique; l'autre fait partie,
depuis six mois, de ma suite. (PI. XVI, n"" 5. )
Toutes deux offrent le symbole qu'on voit sur les mon-
naies connues d'ancienne date sous les rubriques SllNVI
et VLLVCCI : un oiseau picorant sous des rameaux; mai£^
303 MÉMOIKES
le volatile de la nouvelle monnaie du Gabifiet semble pico-
rer dans une coupe ou dévorer un serpent, dont la tête
serait représentée par Tannelet.
Vous avez bien voulu me faire connaître que vous pos-
sédiez un magnifique exemplaire de cette pièce offrant la
lecture irrécusable ROIIAKA, sans trace aucune du vase ou
du serpent existant sur l'exemplaire du Cabinet.
La tête rude et grossièrement systématique est coiffée
de quatre grosses mèches plaquées le long des joues et
jusque dans la nuque.
Quant à la légende de l'autre médaille SENV, suivie
d'une étoile ou d'un pentagone, elle me paraît être iden-
tique avec celle qui offre le mot anciennement connu
SIINVI, qui se trouve au revers de la médaille GIAMILOS.
et elle serait l'évidente confirmation du système de lecture
de notre savant directeur, si ce système avait besoin d'être
fortifié. (PI. XVI, no â.)
Que signifie SENV et SENVI? Faut-il, à l'imitation de
M. Lenormant, qui voyait BELLOVAGCI dans YLLYGCI , in-
tercaler un 0 entre le N et le V, et y trouver le commence-
ment du nom SENOVIR? Ces licences épigraphiques m'ef-
fraient. M. Lenormant s'était, je crois, autorisé de la
légende IBRVIX, dans laquelle il fallait, selon lui, interca-
ler un V et un 0 pour arriver à la vraie lecture EBVROVIX ;
mais j'ai démontré plus haut qu'il n'est pas besoin de faire
d'interpolations de ce genre pour lire correctement le mot
EBVROVIX; dès lors, ce système de lettres intercalées me
paraît bien risqué, et je renonce prudemment à l'appliquer
à la légende SENV, qui restera encore pendant quelque
temps une énigme.
Ajoutons toutefois que ce genre de médailles s étant
trouvé récemment en masse homogène sur le territoire des
i:t /)issi:riTATio\s. 300
Senones, le mot SENV y semble avoir dès lors un rapport
jii.stifié avec rethoique de ce peuple '.
Nédaille à la légende ALLIIGORIX.
Voici encore une médaille inédite à légende malheureu-
sement incomplète, qu'on ne sait comment expliquer. Elle
appartient à M. le comte de Clermont-Gallerande, qui a
bien voulu m'en envoyer une empreinte et me pennettre,
avec une obligeance parfaite, de la publier dans cette
lietue; qu'il veuille bien agréer ici l'expression de toute
ma gratitude.
Le droit offre une tète jeune diadémée, avec un commen-
ceuient de légende AM, FM lié à la lettre suivante. Le
revers représente un cavalier brandissant un long javelot,
type que je serais tenté de croire aquitain. On lit à l'entour
la fin d'un nom sans doute assez long, ALLIIGORIX
(pi. XVI, n* G) . Je ne suis sûr ni de l'A ni de l'X, de sorte
qu'on pourrait même lire VCILIICORI. Par suite de cette
incertitude, on serait assez embarrassé pour invoquer le
nom de chef ou de peuplade auquel ce fragment de légende
peut convenir. On a, par exemple, la regio CAMATVLLI-
CORVM de Pline, sur les cotes méridionales de la Gaule;
mais le style de la médaille n'a rien de méridional. De
plus, l'ethnique de ce peuple est, au nominatif , CAMA-
TVLLICI , et nous perdons ici la fin de notre légende, à
moins de supposer, ce que nous ne faisons pas, que cette
légende offre un génitif pluriel. Si l'X de la fin du mot
existe, on aurait plutôt un nom de chef; mais lequel?
Classons donc encore cette médaille parmi les pièces à
> Kêtue numiâm., IMC3, p 74.
s 10 Mf:MOIRKS .
«Hiidier ; le temps se chargera de nous donner le mot de
Ténigme, qui nous échappe aujourd'hui.
Médaille portant VIRIGIV.
M. le comte de Clermont a bien voulu me transmettre
l'empreinte d'une autre médaille rare de sa collection , sur
laquelle on lit sans la moindre incertitude VIRICIV au-des-
sus d'un cheval sanglé. Le revers offre une tête très-fruste.
(PI. XVI, n° 7.)
Duchalais avait publié une série de médailles du Cabinet
impérial sous la même rubrique VIRICIV. La lecture de la
légende est donc incontestable. Que représente ce mot?
est-ce un nom de chef? Vous avez émis devant moi l'idée
que ce nom, complété de la syllabe finale, pouvait donner
VIRICIVIX et offrir la même construction que VIRIDOVIX et
VIREDISOS; dans tous les cas, notons la provenance d'une
dizaine d'exemplaires de votre admirable suite, tous trouvés
chez les Bellovaques. notamment à Vandeuil-Caply ; on ne
peut donc songer au Viritium de Ptolémée.
Médaille de DivUiacus.
On s'étonne aujourd'hui qu'on ait été si longtemps à
découvrir les médailles de Divitiacus. Depuis la mise en
lumière de mon exemplaire, qui m'a permis de révéler le
nom gaulois A^^IOTIGIAGOC, latinisé sous la forme Divi-
tiacus par Cicéron et par César, il est entré dans votre
collection trois ou quatre médailles sur lesquelles la lecture
de ce nom est incontestable \ J'ai signalé, d'un autre côté,
« Heru* rmmùm., 1859, pi. XIII, p. 313.
ET DIS'^KnTATIONS. 3 H
les exemplaires des collections Lefebvre et Boilleau ; en-
fin, voici qu anjourd huî une bienveillante amitié me per-
met de publier, comme m' appartenant, un nouvel exem-
plaire de la très-rare et très-curieuse variété sur laquelle
on a lu pendant longtemps A6I0YIN, avec la décevante
attribution à Divona des Cadurci et que vous et moi avons
restitué à Divitiacu^', par la raison que la légende du revers
nous a présenté un nom qui offrait une similitude fort
grande avec celui donné par César au roi des Suessions et
au Vergobret des Éduens : AEIVTAC , suivant moi*, et
AEIVFAC d'après votre planche '.
L'exemplaire que je publie aujourd'hui vient heureuse-
ment suppléer à l'indécision de quelques-uns des carac-
tères de l'exemplaire Lefebvre. J'avais cru voir un T
avant le V là où vous avez rétabli un caractère que vous
avez dû interpréter régulièrement par la lettre G, et nous
allons voir que vous étiez dans le vrai ; d'un autre côté,
j'avais plus correctement représenté la dernière lettre, mé-
connue cependant, puisque je l'ai prise comme vous pourC,
tout en lui donnant une ligature avec l'A, qui aurait dû
m' autoriser à y voir un G.
La nouvelle pièce qui est entrée dernièrement dans mes
cartons me donne, sans équivoque possible,
AEIVIGAG
et elle coupe court à toute incertitude, puisqu'enlre ce mot,
visiblement abrégé , et celui plus complet de l'autre type,
AeoriGlIAGOS ou AeoriGIAGOS ou AGIOriGIACOC,
• Araue numûm., 1859, pi. II, n* 9.
« Reçue numism., 1H59, pi. XIII, u*> 1.
•U2 M/- MOIRES
— car nos médailles offrent ces trois variantes, — il n'y a
pour le linguiste et pour le numismatiste aucune différence.
(PI. XVI, n» 8.)
Malheureusement le petit module de ma médaille n*a
permis à aucune lettre de la légende que nous savons exister
du côté de la tête, de s'empreindre sur le flan; mais en
revanche, quelques détails d'ornementation peuvent facile-
ment être saisis derrière la tête du personnage, et l'on voit
parfaitement que son col est orné d'un torques; Duchalais
avait déjà, du reste, signalé cet ornement.
Médmlle aux Ugendes COUMIOS— GARMANO.
M. le comte de Glermont possède un superbe échantillon
de la rare et importante médaille de l'Atrébate Gommius,
avec le nom GARMANO écrit par un G du côté de la tête.
(PI. XVI, n« 9.)
La leçon GARMANO donnée par Mionnet et Duchalais est
conforme d'ailleurs, je m'en suis assuré aux légendes des
pièces du Gabinet ; l'initiale est un G, sans aucune trace de
l'appendice qui peut en faire si facilement un G.
Du reste, il ne faut pas s'étonner qu'on retrouve sur
d'autres exemplaires un G bien caractérisé; Lelewel a pu-
blié ^ un exemplaire formant une variété bien tranchée avec
celui de M. le comte de Glermont qui offrait également un 6,
et l'illustre et regretté savant n'a jamais manqué, dans le
coms de son ouvrage, d'interpréter cette légende par
GARMAN ou GARMANVS.
Cette permutation des lettres G et G est donc aujourd'hui
* AtiAî» tlii type gnulois, pi. UI, n" 50.
ET DISSERTATIONS. ^l^
un point bien établi dans l'i^pigrapbic antique ^ Si elle
l'eût été du temps de Ducbalais, notre honorable confrère
ne se serait pas efforcé, sans motif, d'attribuer ces médailles
à une petite ville du midi de la France, Caraman ; il aurait
vu dans GARMANO un nom de chef du genre d'Arminius ou
d'Hermann en langage tudesque, ou peut-être encore un
adjectif qualificatif se rapportant à COMMIOS, et ainsi il
n'auraii pas été conduit à enlever au roi Commius une mé-
daille qui lui appartient, suivant toute apparence.
Sans doute cette médaille est belle et soignée comme une
monnaie de la Narbonnaise ; mais est-ce bien le cas d'in-
voquer la loi du style, lorsque nous voyons qu'il s'agit
d'une pièce de la dernière période pendant laquelle nous
savons que les styles des diverses provinces tendaient à se
rapprocher, et pour ainsi dire à se confondre ?
Commius put frapper monnaie jusqu'en l'an 52 , époque
où tout le numéraire de la Gaule subit cette transforma-
tion, qui lui fit perdre sa physionomie locale; ne nous éton-
nons donc pas si ses monnaies ressemblent à celles de la
Narbonnaise ou de l'Aquitaine : pour ma part, je serais bien
plus surpris de trouver le nom COMMIOS sur les anciens
types du Belgium offrant le dieu à la riche chevelure bou-
clée des temps antiques ou même le cheval à gorge four^
cAue d'une époque relativement plus moderne, mais anté-
rieure très-probablement à la conquête.
£. HCCBER.
* Je remarque uoe observation concordante de M. L. Renier k propos du
mot PIGTOR pour PICTOR , k la page 208 da tome II du Bvlletin du Comité
de la lanfguêy de Vhittoire et dê9 artt de la France. Du reste , dit le savant épi-
graphiste , Torthographe da mot PIGTOR est curieuse , en ce qu'elle repro-
duit probablement une particularité de la prononciation gauloise.
1863.-5. 21
31 A xir.MoinKS
RESTITUTION A PERGAME
DE QUELQUES MONNAIES ATTRIBUÉES A MYTILÈNE
(ILE DE LESBOS).
Dans la numismatique, comme dans la plupart des
sciences qui ne sont point positives et procèdent plus de
Térudition que d'une exactitude rigoureuse, il n'est pas
rare de rencontrer de ces points obscurs ou restés indécis,
qu'un examen plus attentif permet de concevoir sous un
jour nouveau, et par conséquent d'expliquer d'une manière
entièrement différente. Les monnaies dont nous donnons
plus bas la description, sont tout à fait dans ce cas. Bien
que connites depuis longtemps, si nous les publions dere-
chef, c'est que l'attribution qui en a été faite jusqu'ici nous
a paru des plus contestables et mériter, au moins, la peine
d'être discutée, pour décider si elle doit être conservée ou
rejetée d'une manière définitive.
Deux têtes de veau avec le cou. en reganl Tune de
n DISSKRTATIONS. 315
l'autre et sép.nrées par une lige chargée de feuilles et de
fruits.
^ Aire en creux de forme carrée, régulière et sans di-
visions dans l'intérieur. {Arg. bas, mod. 5, ma collection.)
Leur histoire peut se résumer en quelques lignes qui,
nous osons l'espérer, ne seront pas jugées hors de propos.
Très-rares il y a vingt-cinq ans à peine, ces monnaies
sont devenues tout à coup excessivement communes par
suite de plusieurs découvertes récentes, et nous ne croyons
pas exagérer en affirmant qu*il existe bien peu de cabinets,
publics ou particuliers, qui n'en possèdent aujourd'hui
quelqu'une. La première dont on se souvienne, unique
alors, faisait partie de la riche collection de M. Prosper
Dupré, qui l'avait jugée assez curieuse et assez importante
pour y figurer avec honneur. Un peu plus tard, deux ou
trois autres exemplaires furent signalés sans qu'on songeât
encore à leur donner un nom. Depuis cette époque, les
dépôts successivement njis au jour ont pu, en les multi-
pliant, dimirmer considérablement leur valeur, tombée au-
jourd'hui, il faut le dire, presque à rien, mais ils n'en ont
point pour cela fait disparaître l'intérêt. Ajoutons que
faute d'avoir, dès le principe, constaté le lieu précis de ces
dépôts, on s'était créé une difficulté de plus et fermé en
même temps la voie la plus sûre comme la plus dirette
pour arriver à découvrir leur véritable patrie. On doit re-
gretter que cette ressource, si précieuse par elle-même et
d'un si puissant secours, ait été négligée. Quoi qu'il en soit
de cette indifférence on finit par s'en occuper, et comme il
fallait, bon gré mal gré, leur trouver une place, quelques-
uns pensèrent à l'île de Lesbos {in gentre), d'autres à My-
tièlne, sa ville principale. Il est juste cependant de recon-
naître que déjà, vers 18â9, on avait proposé Métbymna
31(5 m(^:moirrs
pour une pièce semblable de la collection Max. RorrelP;
mais cette attribution ne paraît pas avoir été accueillie avec
beaucoup de faveur, puisque personne ne Ta suivie de-
puis. Le rédacteur du catalogue la présente avec cette
note : de bas argent, du plus haut degré de rareté, inédite
et remarquablement belle. Prix : 3 livres 3 shillings.
Il est de règle dans les sciences que toute classification,
quand elle est sérieuse et ne résulte pas du caprice ou de
la fantaisie, implique nécessairement une raison d'être. Or,
le motif sur lequel on s'est fondé pour celle-ci nous est in-
connu, personne n'ayant jugé à propos de le formuler-,
nous ne savons pas davantage à qui revient l'honneur de
cette première attribution à Lesbos {in génère) , que rien à
notre avis ne justifie ; mais ce qu'il y a de certain, c'est
qu'aucune réclamation ne s'est élevée pour la combattre,
qu'au contraire tous les numismatistes se sont à l'envi
empressés de l'enregistrer, sans même se demander sur
quelle base elle reposait et ce qu'elle pouvait présenter
d'arbitraire ou de plausible. Cette opinion s'est si bien en-
racinée avec le temps, qu'aujourd'hui elle est en quelque
sorte passée à l'état de chose jugée. Tous les catalogues
publiés dans ces dernières années sont là pour en faire foi*.
^ Mazimilien Borrell , Catalogue of an extensive colUction of ancimt and mo^
tUm coins, London, 1849, p. 32, n* 409.
* SoDS vouloir ici multiplier les exemples, ce qui serait très-facile, nous
nous bornerons aux suivants : Cab. Mestre de Lyon, de Werlbof , Fr. Mar-
gaie, etc., où ces pièces sont décrites à la rubrique des Lesbos (m génère).
M. François Lenormant est le premier, à notre connaissance, qui ait pensé à
Mytilène ( Catal, des méd. de M, le baron Behr, 1857, n° 54B), mais sans donner
aucune raison de son choix. Il se borne à indiquer que la pièce est inédite,
c*est-à-dire non publiée par la gravure , quoique déjà à cette époque elle fut
devenue assez commune pour que nous ayons pu en réunir jusqu'à quatre
dans notre seule collection. Son opinion, adoptée depuis, a fait abandonner
Lesbos (ïn génère) pour Mytilène.
i:t I)lssERTATio^s. 317
Bien que personnellement nous ayons toujours eu quelques
doutes, ne pouvant trouver mieux, alors, faute de point
d'appui et d'examen suiTisants, nous avons comme les au-
tres suivi le courant.
Il est difficile à cette heure de revenir sur une question
qui doit paraître tranchée; aussi n'est-ce pas sans une cer-
taine timidité que nous abordons de nouveau un pareil
sujet qui, dans l'état actuel des choses, peut devenir pour
nous une tache assez délicate. Toutefois et quoi qu'il arrive,
nous dirons avec franchise ce que nous pensons. Si à notre
tour nous sommes contredit, loin d'en être froissé, nous
aurons plutôt à nous féliciter d'avoir provoqué indirecte-
ment une autre enquête, d'où ne pourra manquer de sortir
toute la vérité. D'ailleurs lorsqu'on a la ferme convictioni
qu'une attribution est mauvaise, quelle que soit celle qu'on
propose de lui substituer, c'est un devoir pour tout homme
honnête et consciencieux de le proclamer hautement. Le
respect de la science le commande.
Ces monnaies ont subi, comme tant d'autres dans le
même cas, le sort réservé à toutes celles qui sont privées
de légende, que rien en apparence ne rattache à un type
connu, ou que leur nouveauté même destine par avance à
rester un temps plus ou moins long sans place ou sans dé-
signation convenables ; en d'autres termes on les a données
par conjecture à File de Lesbos qui n'y avait aucun droit,
et sans doute aussi faute de mieux.
11 n'est pas inutile de faire remarquer en passant, com-
bien jusqu'ici la numismatique de Lesbos (m genrre), semr
ble avoir été peu favorisée. Celte île qu'on a voulu si libé-
ralement et à différentes reprises doter de monnaies
autonomes, en est encore aujourd'hui complètement dé-
pourvue (nous ne parlons pas de ses villes, bien entendu).
818 MLMOIIILS
et par une bizarre fatalité, tous les eflbrts tentés à cet égard
depuis près cTun siècle sont restés sans succès et sans ré-
sultat. On n a pas, que nous pensions, perdu la mémoire
de toute cette classe de monnaies à types libres dont Pelle-
rin, voire même le grand Eckhel, avaient gratifié cette tle
avec tant de complaisance, mais que Sestini le premier, en
ceci mieux avisé ou plutôt mieux servi, a judicieusement
restituée à Lete, aux Orestse et à Thasos de la Macédoine.
Forte d'une pareille autorité, basée d*ailleurs sur une suite
d'observations et une lecture surtout mieux entendue, cette
restitution ne devait souffrir aucune difficulté ; aussi a-t-
elle été admise sans contestation. Aujourd'hui se présente
un cas à peu près analogue et qui, pour le même pays, va
reproduire les mêmes résultats. C'est une série d'un autre
genre il est vrai, mais qui lui a été donnée également et que
nous nous proposons de lui enlever de nouveau, bien qu'on
soit fondé à croire qu'elle lui est légitimement acquise,
puisqu'elle a recula sanction du temps et l'approbation de
savants recommandables. Cependant, si loin que nous noua
trouvions du mérite d'hommes tels que Sestini, nous avons
l'espoir qu'on ne repoussera paa notre restitution, si Ton
juge toutefois que les raisons déduites ne sont pas sans va-
leur, malgré la forme très imparfaite dont nous les pré-
sentons.
Avant de passer sur ce terrain, un coup d'œil rapide jeté
sur le style, la fabrique et l'âge tant soil peu approximatif
de ces médailles, devient dès ce moment non-seulement
nécessaire mais indispensable. Outre qu'il pourra nous
fournir sur elles plus d'un renseignement utile, c'est aussi
par l'examen comparatif de leurs divers éléments que nous
arriverons mieux et plus sûrement à éclairer la qiies*
tion.
ET DISSERTATIONS. 31 9
Ce qui frappe au premier abord lorsqu'on les étudie avec
atteotiou, c'est d'uoe part la nature singulière du métal,
si fortement mélangé qu'on serait tenté de le prendre pour
du potin ; d'autre part c'est la forme globuleuse , le mode
particulier de fabrication, le style en un mot qui dans le
rendu, bien qu'affectant un air d'archaïsme prononcé,
semble au contraire déceler Tinfluence d*un art relative-
ment assez avancé et par conséquent plus apparent que
réel. L'aspect général de ces pièces a une ressemblance
tellement étroite, un si grand air de famille avec certains
cyzicënes, leur tournure, s'il est permis d'employer ce mot,
a quelque cbose de si voisin que nous n*hésitons pas à les
croire émanés du même système; système bizarre et $ui
generis que feu Ch. Lenormant a, dans son beau travail sur
la matière, démontré clairement ne pus être, à beaucoup
près, aussi ancien qu*on l'avait supposé jusqu'à lui. Pour
s'en convaincre on n'a qu à examiner, sans prévention ni
parti pris, la compositioji de ce type et la manière dont il
est traité, se rappeler en même temps tous les exemples qui
restent de monuments archaïques d'imitation, et l'on ne
pourra de bonne foi se refuser à admettre que l'hypothèse
exprimée ici, n'a rien en elle-même de trop forcé ni de
trop problématique ; que loin de contrarier en quoi que ce
soit les idées acquises sur l'art antique, elle ne fait que les
conGnner et que ce type conserve dans son exécution, sauf
les modifications nécessitées par un si petit cadre, tout
l'ensemble de caract^^res généraux qu'on peut raisonnable-
ment exiger.
En premier lieu, les deux têtes de veau que sépare l'ar-
bre chargé de fruits sont modelées a\cc cette intelligence
qui dénote, comme nous l'avons dit, une pratique de l'art
assez avancé et q^ui ne peut, sous aucun prétexte, êtie le
220 MEMOIRES
fait d'une antiquité très-reculée. Il est évident que l'ar-
tiste qui a gravé le coin a voulu donner à son travail
l'aspect d'une production de l'ancien style, mais qu'a-
mené malgré lui à dépasser son but, il n'a pu réussir à
dissimuler complètement l'babileté d'une main aussi souple
qu'exercée. Ces pièces, il est vrai, et surtout dans la forme,
présentent une apparence de rudesse, mais cette rudesse
même n'est pas le résultat de l'inexpérience. On y trouve
bien plutôt toutes les qualités qui distinguent les mon-
naies de la grande époque et qui appartiennent essentiel-
lement aux plus beaux temps de l'art. Les tètes finement
dessinées quoique avec une grande simplicité, d'un relief
aussi ferme que facile expriment juste ce qu'elles veulent
dire ; le cou rendu sans roideur et accentué dans le senti-
ment vrai de la nature, loin d'être exécuté par petites
masses séparées et formées de grossiers globules, est au
contraire indiqué par des lignes symétriques et onduleuses
imitant les plis de la peau ; l'arbre lui-même est tracé avec
toute l'élégance et la sobriété de détails qui conviennent;
enfin, dernier caractère qui n*est pas sans importance, le
carré creux du revers est net, tranchant, parfaitement régu-
lier, sans ces inégalités ou érosions informes qui se rencon-
trent d'ordinaire sur les monnaies primitives, résultat iné-
vitable de procédés maladroits ou imparfaits. En second
lieu, la nature particuli^e du métal lui-même, envisagé sé-
parément, semble plaider encore en notre faveur, car il est
bien difficile d'admettre que dans un âge reculé, alors que
tout ce qui tient aux connaissances métallurgiques devait
être dans l'enfance, on ait déjà songé à altérer le titre des
monnaies et à émettre une matière aussi mélangée, aussi
appauvrie. L'expérience, d'accord en cela avec les monu-
ments qui nous restent, prouve d'une manière formelle que
ET DISSERTATIONS. 32]
les médailles dites primitives sont toujours, or ou argent,
à l'état très-pur, et bien qu'on trouve assez fréquemment
dès le berceau de l'art une certaine quantité de pièces four-
rées, on n'en peut tirer contre nous un argument bien so-
lide, car entre les pièces fourrées et les nôtres aucune com-
paraison ne saurait s'établir; c'est tout un abîme. Les
premières sont œuvre de faussaires, tout gouvernement les
poursuit; tandis que les autres sont altérées à dessein, il
est vrai, mais légalement autorisées. Aussi croyons-nous
pouvoir affirmer, sans crainte d'être démenti, qu'on trou-
vera dans une époque très ancienne une moyenne bien
moins considérable de numéraire contrefait, que dans un
temps relativement assez récent^ car s'il faut en croire cer-
tains moralistes, les instincts de la duplicité et de la fraude
sont toujours infiniment plus développés cbez un peuple
avancé en civilisation que cbez le même peuple simple,
naïf, et encore près de son berceau.
D* après ce qui précède, si l'on a un peu suivi ce que
nous avons dit et qu'on veuiUe tenir quelque compte de^
considérations que nous avons émises tant sur le style que
sur le travail, le mode ou les procédés de fabrication de nos
monnaies, il doit résulter que les caractères qu'elles pré-
sentent étant essentiellement asiatiques, et par suite ana-
logues à ceux du cyzicène, ne peuvent plus, sous aucun
rapport, convenir à l'île de Lesbos, laquelle paraît toujours
avoir pratiqué un système entièrement différent, ce qui
conduit pour conséquence à repousser cette localité comme
tout à fait incompatible et à en chercher ailleurs une autre
qui veuille s'y mieux prêter. Et de ce que Mytilène nous a
laissé plusieurs monnaies où figure une tête de veau, on
ne saurait davantage en conclure que ce fait détruit notre
raisonnement, car chacun sait qu'un sujet aussi ordinaire
322 MÉMOIUES
qu'une tète de veau est de petite cooséqueuce, et qu*il peuC
se rencontrer à Mytilëne, comme partout ailleurs, sans
qu on en induise forcément qu*il est spécial à telle ou telle
ville. Au surplus une attribution quelle qu'elle soit, ne re-
pose pas tout entière et uniquement sur le type ; il existe
d'autres caractères d'une importance pour le moins aussi
capitale qu'on ne peut se dispenser, quand on y réfléchit,
de faire entrer en ligne de compte. Évidemment si le type
était tout on devrait, dans l'espèce, se hâter de rendre 4
Mytilène les trioboles si communs qu'on donne habituelle-
ment à la Colchide, par ce motif qu'ils portent, eux aussi,
une tète de veau. Une pareille manière d'envisager la nu-
mismatique ne nous paraît pas soutenable.
Si l'on nous demande maintenant ce que nous préten*
dons faire de ces médailles, et à quelle ville ou quel peuple
nous avons l'intention de les attribuer, la réponse sera fa-
cile, sans hésiter nous répondrons : à Pergame de Mysie.
Voici pourquoi : il existe dans la numismatique de cette
ville, ceci n'est ignoré de personne, une classe assez noni*
breuse de pièces de bronze ayant pour type deux tètes de
bœuf en regard, au revers d'une tête casquée de Minerve,
deux desquelles ont été gravées et publiées depuis long-
temps l'une par Pellerin*, l'autre par Ch. Combe ^ Ses-
tini *, Taylor Combe ^, pour ne citer que les principaux en
ont de leur côté fait connaître plusieurs autres, et si nous
ne craignions de dépasser ici les limites imposées à uo
simple article de revue, nous ne serions pas embarrassé
> Recueil de méd., «to., pi. L, n* 47. Celle-ci diffère <le celle de Hunier en
oe qu'au lieu d'avoir au droit une tête de Minerve, cVst une tête d'ApulIo».
* Numituniàm tel., etc.,, qui in museo Hvvnter, pi. 42, n* 13.
• Mut, Hedercarian,^ parte soc, p 114, n* 13.
*i/ii#. Brit., p. i»J3, n-n.
ET DISSERTATIONS. 323
pour eo signaler une certaine quantité d'autres apparues
depuis '. Ces médailles, par suite sans doute de leur mince
valeur intrinsèque, ont toujours été négligées ou regardées
comme de peu d'importance. On s'est contenté de les décrire
ti l'occasion, mais personne jusqu'ici ne leur a fait l'hon-
neur de les expliquer. Sans vouloir rechercher les causes
d'une aussi injuste défaveur, ce qui est étranger à notre
sujet, il suffira de faire remarquer de quel secours puis-
sant seraient souvent en pareil cas les médailles de bronze,
soit parce qu'elles portent habituellement des inscriptions,
soit comme reproduisant parfois des types plus anciens, et
combien en général elles pourraient être utiles en fournis-
sant, par leur rapprochement avec celles de métal pré-
cieux, un moyen aussi sûr que solide de donner plus de
certitude aune attribution embarrassante.
Le type tout spécial de deux têtes de bœuf en regard
et qu'on ne rencontre nulle part ailleurs dans de sem-
blables conditions, a une ressemblance si étroite avec
celui de nos médailles, qu'on ne peut sans prévention
se refuser à y voir une composition due au même ordre
d'idées et procédant de la même inspiration. Nous ne
pouvons toutefois nous dissimuler, et l'on ne manquera
pas sans doute de nous Tobjecter, que ces monnaies de
bronze présentent deux têtes de bœuf bien caractérisées
et non pas deux têtes de veau. A cela nous essayerons de
répondre que si l'origine nous paraît commune l'âge est
évidemment fort diiïérent, et que par ce motif, si l'on force
il est vrai la pensée, on peut s'autoriser d'une similitude
aussi parfaite d'aspect et de composition dans le sujet,
pour en induire que Pergame a bien pu émettre, à une
* MM. Rolliii el KcuardtMit, dans leur nouveau catalojnie, i'D ont ]>ul)]i^
trois «iitreb ^oue les u** 47 17, 4B, 49.
32& MÉMOIRES
époque reculée, des rnoonaies avec deux têtes de veau pour
leur substituer plus tard deux têtes de bœuf, par suite
sans doute de quelque circoustance particulière ou siaiple-
ment par fantaisie. Une modification semblable, bien que
grave en apparence, n'a pas à nos yeux toute l'importance
qu'on pourrait lui supposer pour être en droit de la re-
pousser, et nous avons la faiblesse de croire qu'elle n'altère
en rien l'idée fondamentale qui a dû présider au choix
d'un type aussi identique.
Quant à leur époque, il est diflicile d'émettre sur le^
premières autre chose qu'une opinion conjecturale et tout
au plus approximative, puisqu'on manque du critérium
nécessaire; mais nous espérons démontrer dans un instani
qu'on ne peut guère la faire remonter plus haut que le
commencement du iv** siècle avant J. G. ni la faire descen-
dre plus bas que le règne d'Alexandre le Grand. Si au con-
traire on examine avec soin celles de bronze dont nous-
nous appuyons ici comme point de comparaison, elles dé-
notent certainement pour tout numismatiste exercé, un
temps dégénéré et de décadence tel qu'il a dû se produire
sous l'influence de la domination romaine; aussi, bien
qu'autonomes pour tous les caractères extérieurs , oi>
peut avec assez de vraisemblance, les reporter jusque là
et admettre ce point comme à peu près acquis. L'identité
si remarquable que l'on est bien forcé de constater entre
ces deux classes de monnaies, malgré la différence de mé-
tal et abstraction faite des modifications de style qu'un in-
tervalle de trois siècles a dû nécessairement apporter, ne
saurait être purement fortuite et accidentelle, mais à n'en
pas douter intentionnelle, d'où nous conclurons que si
Rome, par une tolérance dont il y a des exemples, a pu
laisser à Pcrgame, comme capitale de l'Asie proconsulaire,
ET DISSERTATIONS. 325
une apparence J'autononiie, les magistrats de celle ville
n'ont eu en vue en choisissant un pareil type, que Tidée
bien naturelle de faire revivre une dernière fois celui qui
de tous rappelait le mieux à la nation asservie une époque
sans cesse regrettée de splendeur et de liberté.
Nous avons avancé que nos monnaies ne pouvaient guère,
par les caractères généraux qu'elles présentent, remonter
plus haut que le commencement du iv** siècle avant J. C,
mais qu'en tous cas leur limite extrême ne devait pas dé-
passer le règne d'Alexandre. Cette assertion qui semblera
sans doute un peu trop absolue, a besoin d'être justifiée et
c'est dans l'histoire même de Pergame que nous irons pui-
ser l'aide et les raisons nécessaires.
L'origine de cette ville célèbre, que Pline * qualifie si
justement de clarissimum Asiœ Pergamum^ remonte à une
époque très-reculée. Elle était déjà connue du temps d'Ho-
mère. Ses habitants prétendaient descendre des Arcadiens,
qui passèrent dans cette partie de l'Asie avec Telephus fils
d*Hercule. Esculape à la tête d'une seconde colonie de
Grecs vint, dit-on, s'y établir et y exercer la médecine. A
sa mort, les Pergaméniens reconnaissants lui rendirent les
plus grands honneurs; ils lui donnèrent le titre de dieu sou-
verain, dieu sauveur, lui érigèrent un superbe temple que
tous les peuples de l'Asie s'empressaient de visiter; enfin
ils établirent pour lui des jeux publics sur le modèle de
ceux de la Grèce, et qu'on célébrait toujours avec une
grande magnificence précédée de sacrifices solennels. Quoi-
qu'il règne sur ces premiers temps une grande obscurité,
et qu'il soit bien difficile d'y faire pénétrer la lumière faute
de documents assez précision croit généralement que Per-
> Plin.'Jib.. V, XXXIV. 31.
326 MI-MOIRES
game était indépendante de toute autre puissance, et goi»-
vemée seulement par ses propres magistrats. Elle fut
ensuite sous la domination des rois de Lydie, d*où elle
passa bientôt sous œlle des rois de Perse. Après la mort
d'Alexandre, elle fut soumise successivement à Antigone,
puis à Lysimaque. Ici s'arrête pour nous la partie de son
histoire qu'il importe de connaître, et nous n*avons point
à nous préoccuper pour le moment de ce qu'elle devint
plus tard.
Il est évident d'abord que nos monnaies ne peuvent ap-
partenir à l'époque reculée de sa première autonomie ; l'art
de graver sur métaux n'étant point encore inventé. Quant
à celle des rois de Lydie et au commencement de la domi-
nation persane, non*seulement le style et la fabrique s'y
opposent formellement, mais davantage encore s'il se peut
l'essence même des principes qui constituaient la base de ces
deux gouvernements. Il est bien difficile, en effet, decroire
que des princes despotes et absolus, habitués dès leur en-
fance, par l'éducation comme par la flatterie, à se considé^
rer presque à l'égal des dieux, qui de tous temps passèrent
pour si jaloux des moindres privilèges attachés à leur ait»
tocratie, il est bien difficile de se persuader qu'ils eussent
bénévolement consenti à laisser ainsi empiéter sur leuFS
droits en tolérant, dans une ville telle que Pergame, on
acte aussi marqué d'indépendance, et qui, par lui-même,
devait porter une atteinte aussi grave h l'idée qu'on se fai-
sait alors du roi des rois. Si l'on peut citer quelques exem-
ples de satrapes dont le nom se rencontre sur certaines
BQonoaies, ces exemples, d'ailleurs assez rares, ne aéraient
pas encore selon nous une preuve irrécusable en faveur de
Pergame, qui alors n'était point autonome. Ils résulteraient
d'un concours de circonstances particulières, qui auraient
ET I>ISSKRTATIO^S. S27
peimis à ces officiers de se croire momentanément assez
puissants et assez forts pour braver impunément les ordres
tout aussi bien que la colt^re du grand roi ; d'ailleurs les
monnaies dont on pourrait s'appuyer et qui portent les
noms de Tiribaze, Pharnabaze, Datâmes, etc., sont posté-
rieures au temps dont nous parlons et rentrent précisément
dans l'âge que nous prétendons assigner nous-roëme à
celles qui sont ici en question. On ne peut donc pas davan-
tage songer à cette seconde époque. Mais il est permis
d'admettre comme tr^s-probable, qu'à la faveur des trou-
bles qui arcompagntîfpnt la révolte insensée du jeune Cy rus,
la ville de Pergame profita ainsi que bien d'autres de l'é-
branlement causé à la monarchie par ces événements, et
du commencement de dissolution qui se manifesta à la
suite, pour secouer un joug qui lui pesait, et se rendre
entièrement indépendante*.
Or, le propre de tout gouvernement nouveau n'est-il pas
d'abord de s'affirmer? Et le moyen le plus prompt comme
le plus efficace, n'est-il pas de frapper monnaie? Il n'est
donc pas douteux que par suite de son changement de po-
sition, elle ne dût s'empresser de le mettre immédiatement
à exécution, afin de consacrer par cet acte souverain qu'elle
rentrait en pleine possession d'elle-même, et montrer à ses
voisins qu'en reprenant toute son autonomie, elle entendait
jouir des privilèges qui en découlent, privilèges dont le
* On sut, etctfci cotifimit^rttit notre ophiion, qu'iiprèH la bataille de CnidCf
gagnée snr les Lacédomoniens, un des premiorH actes d»* Conon fut de publier
un décret qui rendait aux ville» grecques d'A»ie toutes leurs imnmnit*''», an
mnnbre desquelles était la liberté de se gouverner par leur» propres, lof». Cet
aete d'vne politique aussi sage qu'habibt, en détruisant la prépondérance de
Sparte, arait l'avantage de créer du môme coup des alliés sûrs et dévoués pour
Atbènes.
32S MÉMOIRES
droit de monnayage était certainement F un des plus pré-
cieux et des plus enviés.
Si donc et pour résumer, on veut bien ne pas considérer
comme sans valeur l'ensemble des prémisses que nous ve-
nons d'exposer, on sera conduit forcément à admettre que
les conclusions qui en sont la conséquence, acquièrent dès
à présent tout le degré de certitude désirable, d'où il suit
que notre restitution à Pergame demeure bien et dûment
fondée, et, ainsi que nous l'avons déjà dit, qu'on ne peut
plus songer désormais à Mytilëne.
Maintenant que la question d'attribution et d'époque
doit paraître à peu près résolue, il nous reste à faire con-
natti-e une autre médaille du même genre dont tous les ca-
ractères extérieurs offrent avec les précédentes une si par-
faite analogie, qu'il est plus que probable qu'elle est
également sortie du même atelier.
Tète de Méduse de face, couronnée de serpents en-
roulés.
^ Carré creux très-régulier et sans divisions dans l'in-
térieur. {Bas arg., mod. 5, ma collection.)
Cette médaille doit être fort rare; c'est du moins la
seule que nous ayons vue jusqu'à présent et dans tous les
catalogues que nous avons pu consulter, on ne la trouve
mentionnée qu'une seule fois, c'est à savoir dans la col-
lection James Whittall de Smyrne, où elle est décrite sous
ET DISSERTATIONS. 329
le n° 433. Le rédacteur de ce catalogue, fiappé sans doute
comme nous de son extrême ressemblance avec les pièces
aux deux têtes de veau, et suivant en ceci l'opinion alors
reçue, n'a pas cru pouvoir faire mieux que de la placer
avec elles, c'est-à-dire <\ Mytilêne. Cette conformité de \iies
dans l'appréciation du style, donne une très-grande force à
Topinion que nous développons plus bas ; car si Ton admet
comme démontrée la restitution des premières à Pergame,
il en résulte que celle-ci devra lui être également rendue.
En ne tenant compte que du sujet seul et faisant ab-
straction de ses autres caractères, il est certain qu'on
])ourrait rattribuer avec quelque vraisemblance soit à Aby-
dos, soit à Parium donc on connaît depuis longtemps un
assez grand nombre de monnaies analogues. Mais sauf la
différence du type, tout le reste, forme globuleuse, matière,
poids, carré creux, jusqu'à sa couleur sont tellement iden-
tiques avec les précédentes qu'il faudrait être dépourvu de
toute expérience numismatique pour ne pas le reconnaître.
Assurément une concordance aussi parfaite, aussi uniforme
entre deux monuments dissemblables en apparence, ne
peut être due au hasard, mais nous donne presque la cer-
titude qu'elle est le résultat d'un même ordre d'idées et des
mêmes procédés mécaniques. Ce que nous avons dit du
prétendu archaïsme des deux têtes de veau peut s'appli-
quer ici avec la même vérité. La Gorgone est bien mode-
lée et les détails qu'elle contient n'ont pu être traités sans
une certaine habileté de main. Les yeux saillants en dehors
de l'orbite, les oreilles larges et plates, la bouche grima-
çante et armée de dents ou plutôt de défenses qui se croi-
sent, tout cet ensemble dénote évidemment un graveur
maître de son sujet et à coup sûr très-exercé. Gé D'est
donc pas, à notre avis, dépasser les bornes d'une appré-
1863.— 5. 22
3S0 MÉMOIRES
ciation raisonnable que de placer encore celle-ci avec se»
congénères, c'est-à-dire à Pergame.
Si Ton objecte la tête de Gorgone afin d'en induire que
notre attribution est inadmissible, nous répondrons qu'une
représentation aussi commune et aussi familière à l'art an-
tique n'a point lieu de surprendre ; que cet argument n*a
pas non plus par lui*même une valeur assez rigoureuse ni
assez absolue pour mériter qu'on s'y arrête, ni pour qu'on
le préfère à celui tiré des caractères signalés plus haut,
quand surtout ces caractères viennent par leur accwd pres-
que unanime nous fournir des éléments si propres à con-
firmer notre manière de voir.
Le complément obligé, indispensable de tout travail
numismatique est à notre avis et devrait naturellement être
ici, l'explication du type curieux et intéressant de nos mé-
dailles; aussi aurions-nous vivement désiré pouvoir être en
mesure de donner quelques éclaircissements à cet égard.
Mais ne nous trouvant point suffisamment préparé et pres-
sentant d'ailleurs des difficultés de plus d'une sorte, nous
devons aux lecteurs comme à nous-mëme d'avouer avec
franchise que l'intention mystérieuse du sujet, ainsi que le
mythe auquel il se rattache, sont pour nous lettre close
et nous échappent complètement. Il est toujours plus sage
et plus prudent de laisser une question indécise, faute de
preuves, que d'essayer de la résoudre à Taide de supposi-
tions arbitraires ou forcées dont, en dernière analyse, le
résultat ne saurait être que négatif. La science y gagne
plus qu'elle n'y perd. Un autre d'ailleurs sera sans doute
plus heureux.
Toutefois, afin de ne rien omettre, et pour ceux des no-
mismatistes dont l'école encore assez nombreuse persiste à
voir dans les types monétaires, non la traduction presque
1:T DlSSIiRTAHONS. 381
constante des pratiques du culte et des traditions reli-
gieuses mais une application plus ou moins directe de cer-
taines habitudes locales, ou une allusion à des faits parti-
culiers de la vie ordinaire, à des phénomènes naturels, à
la fertilité, au commerce comme aux productions maté-
rielles du sol ; pour ceux-là on pourrait risquer l'explication
suivante : Pergame a joui, dès les temps anciens, de la ré-
putation méritée d'avoir donné naissance à un genre d'in-
dustrie ingénieux et devenu célèbre, lequel consistait dans
le tannage des peaux de veau, et leur préparation en une
sorte de parchemin destiné à tenir lieu de papier chez les
modernes. La richesse de son temtoire. qui s'étendait sur
une plaine vaste, fertile et arrosée par deux rivières, avait
dû l'engager de bonne heure à pratiquer en grand l'élevage
des bestiaux, et par suite lui donner la facilité de trouver
chez elle-même la matière première et les ressources indis-
pensables à cette industrie. Plus tard, grâce aux encoura-
gements et à l'intelligente protection des Attalides, ce com-
merce finit par prendre des proportions considérables,
qu' «augmenta bientôt la fabrication des étoffes et des ta-
pis précieux dont parlent avec éloge Pline et Gicéron. Si
donc on se met à ce point de vue qui n'est pas le nôtre, on
pourrait s'en autoriser pour admettre que le type de nos
médailles y fait une allusion directe. Resterait à connaître
la signification de l'arbre chargé de fruits, lequel on assi-
milerait alors à un de ceux dont la piété et la vénération
des villes consacrait quelquefois le simulacre en bronze à la
porte des temples ou sur les places publiques, comme on
en a un exemple à Métaponte, exemple qu'Hérodote lui-
même a pris soin de consigner \
» Herodot., IV, 15.
332 MÉMOIRES
Mais nous le répétons, la première partie de cette expli-
cation ne saurait nous convenir, car nous ne pouvons sans
quelque répugnance voir ici une allusion à un motif aussi
vulgaire qu'un tannage de peaux de veau et un commerce
de parchemin, surtout lorsqu'on réfléchit au génie toujours
si sévère, au goût si épuré des Grecs et à la scrupuleuse
attention qu'ils n'ont jamais cessé d'apporter dans le choix
de leurs diiïérents types monétaires.
Ferdinand Bompois.
Marzy, septembre 1863.
tT DISSERTATIONS.
3S3
MÉRÉDATE,
ROI DES OMANES.
En publiant la description des médailles antiques réunies
à Héderwar par le comte Wiczay, Sestinî a classé aux
Arsaces incerli une grande pièce de bronze portant au droit
la tête d'un roi barbu, coiffé d'une tiare; au revers, une
tête de femme, à Tentour de laquelle le savant abbé voyait
ceci :
a Epigraphe confusa vel BAEIAIEr.HE TPY<^HNEE
....MEEAAOr AIXAIO REPEA, vel €PEAA APCAKOT
cMAEAAN \ »
II fallait assurément bien de l'imagination pour décou-
vrir tant de choses dans une légende confuse, et puisque
Sestini se donnait carrière , il aurait pu , sans qu'il lui en
coûtât davantage, proposer pour ses légendes grecques
une forme moins incorrecte.
* Mui. Hedtrv., t. III , pi. XXXII, n« 15, p. 139.
33& UÉUOIBES
Le baroD de Cliaudoir crut bien faire eD restituant cette
même monnaie à Arsace XXVII, Vologëse II, dans ses cor-
rections et additions à Touvrage du chevalier Dominique
Sestini sur quelques médailles de son cabinet (Paris, 1835,
p. 100, et 22 du SuppL ). Mais il avoue qu'il ne peut re-
garder cette attribution que comme une hypothèse hasar-
dée. Cette monnaie, ajoute-til, peut appartenir à quelque
autre souverain voisin des Par thés.
En 1837, Millingen publiait un nouvel exemplaire de la
médaille en question, faisant un grand pas, à la vérité,
puisqu'il y lisait le nom d'un roi Mérédate^ mais comme
Sestini, voyant au revers le portrait d'une reine à laquelle
il donne un nom fort étonnant , qu'on nous permette cette
expression, car il n'appartient à aucune langue connue \
La reine Viphoba, après tout, n'était probablement pas de
l'invention de notre savant ami Millingen , dont on connaît
la sage critique; elle paraîtrait plutôt lui avoir été indiquée
par M. John Robert Stuart, qui lui a fourni une longue
note sur la provenance de la médaille. Ce deraier, rédi-
geant le catalogue d'une petite partie de sa collection,
dont il se défit au mois de juillet 18A1, y inséra, sous le
n* 460, les noms de Mérédate et de Viphoba.
A son tour, M. le conseiller de Werlhof a, dans son
Manuel de numismatique ^ publié à Hanovre en 1850, donné
l'hospitalité à la reine Viphoba (p. 249), qui, suivant lui,
aurait vécu à une époque inconnue.
Cependant, tous les exemplaires de la monnaie de Méré-
date recueillis jusqu'à présent portent la date TNA (454),
date signalée par M. de Chaudoir et par Millingen en-
suite, et qui se rapporte ccrtaineuienl à Turc des Séleu-
' Sylhgc nf anc, uncJ. ronii, p 86, j-l. IV, ii' 67
ET mSSERTATJONS. 335
cides, comme toutes celles que nous offrent les médailles
des Arsacides et des rois de la Gharacëne, à la suite des-
quels il faut sans doute ranger Mérédate ; notation qui
correspond par conséquent h Tan 142 de notre ère. Cette
année est la cinquième du règne d'Antonin le Pieux.
Le milieu du second siècle est une des époques dont
rhistoire est le plus obscure. Les écrivains nous font dé-
faut -, les monuments nous permettent de combler quelques
lacunes ; mais pour savoir ce qui s'est passé dans le monde
pendant le règne d'Antonin , nous sommes obligés de pro-
céder comme s'il s'agissait du siècle des Thoutmès.
Nous avons dit que la médaille porte le nom de Mérédate,
reconnu par Millingen. En effet, on y lit BA BACIA
M€P€AAT, c'est-à-dire BaaiXev; SaatXéwv Mtptidvnq.
Ce nom est perse , comme le titre de roi des rois, qu'a-
vait pris Miibridate P', et que portèrent tous les princes
parthes, à partir de Phraate III.
Un passage de la cbronographie de Jean Malala, qui s'ap-
puie sur Arrien, écrivain du second siècle, nous apprend
qu'un peu avant l'expédition de Trajan en Orient (114 de
J. C), le roi des Perses Méberdote, de la race parthe,
frère d'Osdroès, roi des Arméniens, faisait la guerre aux
Romains avec de grandes forces. Il se tua en tombant de
cheval pendant qu'il désolait les bords de TEuphrate. J'ai
retrouvé la monnaie de ce prince, que j'ai appelé Mithri-
date V pour employer la forme latine*, car on sait que
Mithradate , Méherdate et Mérédate ne sont que des états
divers d'un même nom, comme Bertechramnus, Bertramnus
et Bertrandus. Quoi qu'il en soit, le prince cité par Malala
d'après Arrien, était mort au temps de Trajan, et ne peut
* Mém, mr la rhronol. tt i'tconngr. det rois parlhcs Anacidet^ 1B53, p. 140,
336 MÉMOIRES
être en aucune façon coufondu avec celui qui frappait moir-
naîe en 142. Les bronzes de Mérédate connus jusqu'à ce
jour, ne présentent que cette seule date; ils paraissent,
si on examine attentivement leur patine, provenir d'un
même terrain. M. John Robert Stuart dit qu'ils ont été dé-
couverts aux environs de Bassorah. Sur les sept exem-
plaires que possède la Bibliothèque impériale, trois avaient
été rapportés en 1826 par Cadalvène, qui n'en a pas indi-
qué la provenance; les quatre autres ont été achetés en
1836 de M. Vidal, consul de France à Bagdad. M. Stuart
nous apprend aussi que plusieurs de ces monnaies sont
surfrappées , et que sous le type de Mérédate on distingue
la tète d'un Attambilus, roi de la Gliaracëne. C'est ce qu'on
peut vérifier sur les exemplaires recueillis par Cadalvène,
ei sur quelques autres que possèdent en ce moment
MM. RoUin et Feuardent.
Le buste de femme pris pour un portrait de reine et qui a
successivement porté les noms de Tryphène et de Viphoba,
est surmonté de tourelles. C'est une ville, une Tiijyri TrôÀtco:,
comme on en voit sur de belles monnaies imi)ériales frap-
pées à Antioche, k Séleucio, à Laodicée, à Bostra, à Césaréo
du Liban, à Anthémusiade Mésopotamie, etc., pendant les
règnes d'Adrien et de ses successeurs *, type que les Partîmes
> Voyez I«8 monnuictt de Bo»«tra uroe lu lêgeude TVXU BOCTPÛN et TrXIl
NEAC TPAl^HC DOCTPAC et celle» d AUruapurtant TVXII AAPAllNQN dtiiiH
Mioonet, t. V, p. 578, et t. Vlll, suppl., p. 383 et 384 — An suj.'t des Fut-
funej d» ttifft, le lecteur consultera avec friiît nn mémoire de M. Ch. Leiior-
mant, intitulé Èhtde sur la religion phrygienne de Cybile^ dans les Aour. ann. de
Clntt. arckéol,, 1836, 1. 1, p. 242 et 260.
On peut voir dans le XI* livre de la Chrononraiihie de «loan Malala connueiit
Trajun, aprèu avoir immolé pour l'expiation d'Autio'lii.' une jouik* lillc nom-
mée Calliopc, lui éleva dans le théâtre une statue de Inonze don- nui la ro-
prcft«*Dt&it avec les attributs de Tùyr^ co/.ibs.
ET DISSERTATIONS. 337
ont adopté pour leurs mounaies de cuivre dont j'ai pu
former une série datée, qui s'étend de Tan 86 à Fan 127
de notre ère.
Ceci posé, il est temps d'aborder Texanien de cette partie
de la légende dans laquelle on a trouvé le nom de Viphoba.
Outre la date TNA, et les mots BA BACIA MGPGAAT déjà
indiqués, la monnaie porte encore trois lignes. Au-dessous
de M6P6AAT se trouve BACIA€YC, et devant le buste de
femme, r)\f am- C'est à l'aide du groupe de quatre carac-
tères le plus rapproché du visage, uni à la syllabe BA,
abrégé de B^<7iAei;, qu'on a conjposé Viphoba, ce nom si
singulier. Les quatre derniers caractères restaient sans
emploi, et comme non avenus. 11 est vrai qu'ils sont sou-
vent assez maltraités par le temps.
Avec un peu d'attention, il n'est cependant pas fort
difficile de voir que les deux lignes, comprenant huit let-
tres, opposées par le sommet et constituant une sorte de
loustrophêdon, ne forment qu'un seul mot : ()MANO<I>IA.
Le roi Mérédate s'intitule donc BACLVGTC OMANOcpIAOC,
le roi aimé des Omani *.
La légende, prise dans son ensemble, est disposée dé
façon à former autour du buste de la Tyché une sorte dé
* Je traduis aiusi , et non pas aime du dieu Omanus, parce que le nom do
cette divinité des Cappadocicns s'écrit ûiiavo'c iStrah., Geogr., XI, p. 511;
XV, p. 733), et que Vomicron initial est certain sur les médailles do Mérédate.
D'ailleurs la provenance habituelle des monnaies de ce prince nous fournit
une indication d'une valeur irréfragable, — Eugène Burnouf s'exprime ainsi :
- On est fondé ù retrouver Vasu-manas dans le cappadocîen Osmana et , par
f-uite, dans le nom du dieu l^fiivo^ qui était adoré en C'appadoce , et qui n'est
ainsi autre que le Bahman des Persans modernes et le Tu/tu manu des textes
zeuda. • ( Jouni. des savanlSy 1B37, p 330. ) Ou voit d'après cela à quel point
même il <;»t douteux que la foim»- c>ntraL-têc et altérée Ûaavo; ait pu être
employée chiz les Tailbi >.
3S8 MÉMOIRES
petit œdicule , une arcade supportée par quatre colonnes,
rappelant le type que nous montrent des monnaies de
Tripolis de Phénîcie *.
Ici, il devient indispensable de citer le passage de Pline
qui concerne les Omani, peuple dont l'histoire est peu
connue.
« A Petra incoluere Omani ad Gharacem usque , oppidis
quondam claris a Semiramide conditis , Abesamide et So-
ractia. Nunc sunt solitudines. Deinde est Oppidum quod
Gharacenorum régi paret, in Pasitigris ripa, Forath nomine
in quod a Petra conveniunt. Gbaracemque inde XII M pas-
suum secundo œstu navigant '• »
G'est à ces Ornant de la rive occidentale du Tigre qu'il
faut , je crois, nous arrêter, en laissant de côté et les peu-
ples d'Oman d'Arabie, et la ville d'Omana, située à l'entrée
du golfe Persique.
Les monnaies de Mérédate se rencontrent dans les envi-
rons de Bassorab, ville située près de l'emplacement de
Foratb; plusieurs d'entre elles ont été frappées sur des
flans qui portaient Tempreinte d'un roi de la Gharacène.
Pline nous dit que Foratb, ville des Ornant, obéissait au
roi de cette contrée (Pline est mort soixante-trois ans
1 Nwm, muê, Arig,, 1. 1, num, imp. graec,^ tab. 114, n" 164.— Sestini, Uiter,
tmrn., contin. t. VI, pi. II, n" 11.— San Clémente, Num, m{., t. III, pi. XXVII,
u*251.
* Hitt, nal., VI, XXXII, 4. Les Omani occnpont tont le pays qui s^étend
de Pëtra à Charaz, il est évident que Forath, sitnée entre ces deux villes,
était dans le territoire des Omani, bien que sous la domination du roi de
Charaz, an temps do Pline.
Ce u'étnit pas seulement de Pétra que Ton se rendait à Foratb; une
inscription copiée par Wood à Palmjre nous montre que des caravanes par-
ties de cette dernière ville allaient ausâ y faire le commerce. NcTvi AXâ
ToO KcTT) toO ÀXâ Toû ^e^éXou toO Xpi97éou 9Vvo6ix^)(v\v ol 9Uvava6xvT(ç {ut*
ET DISSEBTATIONS. 3Si)
avant la fabrication de la monnaie de Mérédate ; il vivait à
l'époque des Attambilns). On est donc tout naturellement
conduit à penser que le SaaiXeù; Ôfxayo(fi>.o; régnait à
Foratb, dont les habitants lui avaient décerné ce surnom
comme un gage de leur soumission. Le nom de Mérédate,
son titre de rot des roi$^ la tiara recta qu'il porte, et jus-
qu'aux traits de son visage indiquent une origine parthi-
que. Le surnom Ôaavocpe^vo; convient bien à un prince dont
les Omanes recherchent les bonnes grâces. Si Mérédate
avait été leur allié, au lieu d'être leur souverain, il eût
pris le titre de ^iXoaavo;. C'est ainsi que le roi d'Edesse
Mannus , qui plaçait son nom au revers des deniers d'ar-
gent d'apparence romaine portant l' effigie de Marc-Aurële,
de Faustine, de Lucius Yérus, de Lucille, s'intitule 4>iXo-
pcijua»; (Bayer pense qu'il a régné de l'an 153 M' an 188).
A la même époque, les habitants de Carrhœ en Mésopo-
tamie prenaient le titre de (piXopcop^xioi, comme le prouvent
des monnaies à 1* effigie de Marc-Aurèle , de Lucius Vérus,
de Commode.
aùtoû {{iicopot dic6 <^opd6ou %ï Ô).oy9i7iÂ8o(, Teiiif,; xs\ eùx^piTrcCaç Kvcxev.
ÉTOo; rwr, iiYiv6< Saveixoû. (Wood, Bud, Palmyr., p. 27, !'• pi., n» 6, édit.
de 1753. — Bœckh, Corp, intcr,, n« 4489.)
M. Bœckh s supposé qu*il s^ugissait de TEuphrate ; mois on voit que le ré-
dacteur de rinscription, tracée en Thonneur du protecteur des carnvanes*
mentionne de la même façon deux villes situées du même côté du fleuve ,
Forath et Vologéfiias. Ou remarquera que Tinscription est datée d» l'an 468,
c'est-jkdire qu^cllo est antérieure d'une année à la monnaie de Mérédate.
— Au sujet do Foratli , on peut consulter le mémoire de d*Anvillc , intitulé
VEuphraU et le Tigre , 1779, p. 139. — Saint-Martin , Becherches sur la Métènt
et la Characine , 1838, p. 44. L'auteur parait n'avoir pas compris le passage
de Pline relatif à cette ville. — Une note sur Forath par M. Qnatremère est
insérée dans le Journal asiat. de 18G1, t. XVII, p. 154. — M. Reinaud, Jf^i.
*ur le commencement et la fi't '/u myaume de la Mtsfne, «?lc., 1861 (Journ. aeiat,,
1. XVIII, p. 190, 2(Y.\).
3A0 MÉMOIRES
Ils renouvelaient ainsi une manifestation d'amitié dont
deux siècles auparavant Ariobarzane, roi de Cappadoce, et
Brogitaire, roi de Galatie, avaient donné l'exemple; car
on sait que le titre de <pcXopod/jLaio; se lit sur les monnaies
de chacun de ces personnages. Le cpiXo; placé à la fin des
noms composés a une valeur passive, et tous ceux qui s'occu-
pent de l'antiquité ont présentes à l'esprit les remarques sa-
vantes, les considérations profondes que ce fait a inspirées
à Letronne, et que notre illustre maître a consignées dans
son excellent mémoire sur les noms propres grecs *.
Les monnaies de Mérédate nous paraissent donc frap-
pées, non pas à Charax par un prince allié des Omanes,
mais par les Omanes eux-mêmes en l'honneur de leur
maître, peut-être de leur conquérant*. L'émission dut être
considérable , car tous les exemplaires que nous avons pu
examiner dans les collections publiques ou particulières
sont de coin différent. C'est ce qui explique peut-être
pourquoi elles ne portent qu'une seule date. Cette circon-
stance peut aussi être attribuée à la brièveté du règne de
Mérédate. Les Omanes se seraient hâté de faire disparaître,
à l'aide d'une surfrappe qui est bien constatée, l'effigie des
« Mém, de l*Acad, des ifijcri;;*., t. XIX, p. 1.
* II 8*e8t écoulé trente-deux ans entre l'époque où paraît la wonuaio de
Mérédate et celle à laquelle avait été frappée la monnaie du roi de Characèno
Théonnésès , appelé d'abord Monnesès. Il peut n'être pas sans intérêt de dire
ici comment j'ai été amené à modifier ce dernier nom. Kn 1841, j'avais trouvé
en Angleterre, parmi les incertaines do la collection appartenant à la compa-
gnie des Indes, une pièce qui porte la légende 6£0NNH..CÛTnP. J'en rap-
portai une empreinte & M. Lenormant, qui la fit graver, et m'autorisa à in^scrire
le nom do Théonnésès dans le médaillier de la Bibliothèque, où il se voit en-
core écrit de ma main. Plus tard, je donnai une empreinte de cette monnaie
à M. le comte de Chirac, et, on 1844, mon savant ami et prédécesneur a puUi<^
le portrait de Théonnésès dans son Iconographie , pi. 1039, n» 3>)81. La mv-
daillo est d«'crite dans 1p texte, t. VI, p. 89.
tT DISSERTATIONS. 3ât
rois de Charax, anciens maîtres de Foralli. On conçoit
qu'en présence de tant d'obscurités nous n'insistions pas.
Du moins, nous espérons avoir démontré que la reine
Viphoba est aussi imaginaire que la reine Tryphène; et
nous pensons que ce résultat, qne la lecture correcte du
mot jusqu'à présent si mal interprété ne sont pas indignes
de l'attention des archéologues.
Adrien de Longpérïer.
3i*2 MÉMOIRES
MONNAIES MÉROVINGIENNES.
AGAUNE, AUXERRE, ORLÉANS, FAMARS, METZ, BELLANGE,
TOUL, MAYENCE, BEAUCÉ, LIEIJVILLERS, JlJBLEINS^
(PI. xvn.)
N« 1. AGAVNO ^lOnaslerio. Buste à droite, la tête ceinte
cVun bandeau.
î^ IN HONORE SCI MAVRIGI MARTI. Dans le champ,
une croix avec les caractères V et II, indiquant le tiers
de sou composé de 21 deniers.
La légende du revers présente un double sens ; on peut
y voir soit une dédicace où honore est mis pour honorem :
in honorem sancti Mauricii marlyrls ; soit une désignation
locale, dans laquelle ce mot a déjà le sens de fief qu'il
a eu plus tard au moyen âge : in honore sancti Mau-
ricii marlyris. La première leçon me paraît la meilleure.
Eq effet, si les dédicaces ne se rencontrent plus dans les
légendes des trientes mérovingiens , il faut remarquer que
la monnaie qui nous occupe est, ainsi qne nous allons le
* Les monnaies décrites dans cet article, à l'exception dn tHena de Tonl ,
dont il existait un mauvais dessin, sont entièrement nouvelles* Je les destine
à une publication d'ensemble sur les sous, les tiers de son et les deniers méro-
vingiens, pour laquelle mon ami Anatole de Barthélémy m*a demandé une
collaboration qui n'a guère consisté jusqu'à ce jour que dan» l'exécution de
dessins fidèlc.«.
ET DISSERTATIONS. 3A3
faire voir, de la fin du v ou du vi* sièclo, et qu'à cette
époque les usages épigraphiques de l'antiquité n'étaient
pas encore perdus. Quant à la seconde hypothèse je crois
devoir la repousser, non que l'emploi du mot honor^ dans
le sens de fief, me paraisse impossible à cette époque recu-
lée, surtout en parlant des possessions d'un monastère
formées en général de donations et de legs •, mais parce
que la désignation locale se trouve déjà écrite au droit,
et que l'on n'aurait sans doute pas ajouté marlyris , s'il
se fût agi, non du saint lui-même, mais de son patrimoine.
Cette pièce d'or, dont l'exécution correcte et élégante
décèle la haute antiquité, faisait partie de la collection de
l'abbé de Jobal, si souvent citée, au dernier siècle, dans les
travaux manuscrits de Dupré de Geneste et de Mory d'El-
vange. Elle appartient aujourd'hui à M. le comte de Lam-
bertye, petit-neveu de l'abbé de Jobal, qui a bien voulu me
la communiquer.
Agaune, lieu témoin du supplice de la légion thébéenne,
possédait un monastère célèbre placé sous le vocable de
Saint-Maurice. Ce monastère construit ou reconstruit
en 516 ', imposa, vers la fin du xv siècle, son nom à
Agaune, aujourd'hui Saint-Maurice en Valais.
Il existe de nombreux irienUs frappés à Agaune par di-
vers monétaires. M. d'Angerville en décrit onze au nom de
la ville et trois au nom du monastère \ sans compter la
monnaie de Dagobert 1" (628-631) que M. Adrien de Long-
> Honor, legs. Quiiitilien.
' Grégoire de Tours dit positivement qae Saint-Maarlce a été fondé par
Gandebaud : Monasterium Agaunense sallerticvra domibus basiliciaque xdificavit,
III, V. — M. d'Angerville connidëre ce monn^tère comme plus ancien : Sum,
rallaiiannc, brochure in-4». Genève, 1R61.
s Sum, ra{/ai>., pnMim,
m lILUOinLâ
périer a fait coimaiire en 1S47* ei dont j'ai îait gra\er.
en IS5I, un exemplaire mieux consent «.
En comparant le iriens encore tout romain du cabinet de
Jobal avec celui de Dagobert I", on reconnaît qu'il est
beaucoup plus ancien et Ton admet que s'il n'est pus con-
temporain des monnaies bien connues de Gundebaud et de
Sigismond (i03-52A}, il appartient tout au moins à l'é-
poque où les Bourguignons reconnurent pour roi le Méro-
vingien Childebert (53i).
V 2, + AVTISIODERO. Tète à droite, dénotant une basse
époque.
K Monogramme dans lequel on peut lire LANDVLFVS,
nom du monétaire ; à gauche une croisette et une sorte de
fleur.
K* 3. AVR écrit de gauche à droite et RAX de droite à
gauche; entre ces deux mots une croisette et deux points;
au centre un buste d'homme tourné à gauche, la tête
ceinte d'un bandeau.
f^ Tête byzantine de face, accostée de deux croisettes.
Bon or; 1*%40; fait partie de ma collection, grâce à
M. Dancoisne, d'Hénin-Liétard, qui a bien voulu s'en des-
saisir en ma faveur.
Ce curieux triens^ frappé pour circuler à Taide du type
byzantin, est évidemment sorti de Tatelier d'Orléans. Main-
tenant doit-on lire RAX, comme nous venons de le faire
ouRA, en supposant quau lieu d'un X, il y ait une croi-
sette? Cette dernière leçon ne me paraît pas acceptable
parce que la troisième lettre est liée aux premières et que
* Notice de la collection Rousseau, p. 32 et pi. I^ n« 97.
• JfotmaiM mérovingiennes de la collection Benault , de Vaucouleurs, p, 22 et
pi. 1, fig. 5.
ET DISSERTATIONS. 3â5
sa forme ne permet pas de la confondre avec les croisetles
à branches pattées que présente la pièce. Au reste, qu'il
y ait RAX ou simplement RA, il faut voir dans ces abrévia-
tions le mot RATIO' que l'on écrivait aussi RAXNIIO* et
dont la présence dans les légendes des tiers de sou d'or
s'explique par le caractère spécial de la monnaie à l'époque
mérovingienne '.
N° 4. FALMARTIS. Buste à droite.
H) MADELINVS. Croix plantée sur un degré que sup-
portent trois globes. Deux points et deux appendices verti-
caux occupent les cantons de la croix.
Or 1«%30; exhumé dans le département du Nord ; ma
collection.
Le revers reproduit le type et le nom de monétaire que
présentent les tiers de sou de Maestricht et de Dorestadt.
On reconnaît dans la légende du droit une des formes
par lesquelles est passé le nom de l'antique FanumMarliSy
avant de devenir Famars *.
N^ 6. METTIS CIVETATI. Buste à droite, une étoile sur
l'épaule.
Ki + GODECNVS MONET. Croix longue, bouUetée, ac-
costée d'un C et d'un A.
Ce triens appartient à une époque où le monnayage»
' Ration, jyortion, Adrien de LoDgpérier, Notice de la collection Rotustai0,
p. 81.
* Catal. des trientes méroriiigicnB. A. de Barthélémy, Manuel de numigma-
tique du moyen âge.
* Cf. mes Coneidératione eur la monnaie à V époque romane, p. 38 et suiv.
* Fanomarteime pagus ( donation du comte Humhert à l'abbaye de Ma-
roille, 671). — Falmart (titre de l'abbaye d'Anclun, 1103^. — Fanmar» ( car-
tolaire de Tabbaye de Saint-Amand, 1174 ). — Faumars [ titre du monastère
de Saint-Sauve, 1196 ), etc. ^ Cf. Étudee aur lee nom» deë rt7/M, bourg» et til-
lagêi du département du Sord. par £. Mannier.
1853. — 5.. 23
3i6 MÉMOIRES
sur les bords de la Moselle et dans le bassin de la Seille«
était devenu très-actif et s'était caractérisé par des lettres
bouUetées et par un buste d'bomme bien connu dans les
collections austrasiennes. Le nom du monétaire GODECNVS
est nouveau.
N-6. +IBILLACO VIGO. Buste à droite.
^ + BERTEIRICVS MONET. Croix longue ; dans le champ
les lettres G et A. Le nom du monétaire offre quelque incer-
tertitude à partir de la septième lettre ; au lieu de IRI on
lit plutôt lAJ, ce qui« en supposant que ces trois lettres
ont été poinçonnées à rebours sur le coin, donnerait BER-
TELAIGVSt autre forme de la même famille de noms. Nous
connaissons d* ailleurs le nom de GODILAIGYS sur un
denier d'argent de Poitiers, et AVDOLAICVS sur un denier
du Mans.
Trieni de bon or; collection de Jobal; appartenant par
son type au même pays et au même temps que le précé-
dent, mais dont le lieu exact est encore à trouver. Peut-
être IBILLAGVM répond-il en allemand à IbiUingen^ Ihling
et en français à Êblange ? On peut aussi remarquer que
ce nom, en ne tenant pas compte de la voyelle initiale
qui a pu se perdre, n'est autre chose que BILLAGVM, Bel-
lange, canton de Ghât eau-Salins, localité à laquelle le type
de la pièce convient à merveille *.
N* 7. TVLLO GIVETAT. Buste à droiie.
^ + LVDO ou LVPO MONEA. Croix boulletée, canton-
née des lettres G et A.
Cette pièce de Toul n'est pas nouvelle et déjà il m'a été
* Voyet lo trimii portant BILVCO VICO FIT, Billy ? dont le type ^'.st k pou
prêt le mèroe , dans mes ÉtwI. num. iur uru partie du nord-est dt la France,
p. IMeipl. VII],fig.3.
ET DISSERTATIONS. 347
donDé de la publier ' ; mais je D*avais à uia disposition
qu'un assez mauvais dessin de Mory d*Elvange, qui n'en
faisait pas ressortir le caractère tout austrasien.
N* 8. MOGONGIACO CIV. Buste à droijie.
1^ + GAROALDO MON. Croix avecle chiffre indicatif de
la valeur du tiers de sou ; collection de Jobal.
On connaît déjà un monétaire du nom de Garoaldus à
Marsal et à Moyen- Vie.
N* 9. BELCIACO. Buste à droite.
^ WADARDO ou WADRADO. Croix longue sur une
base circulaire. Collection de Jobal.
N* 10. BELCIACO. Tête à gauche, très-petite et complè-
tement entourée par la légende.
^ ROLEVDO MVN ou plutôt LEVDOMARO. Croix longue.
Or de bon titre ; l8',06; trouvée en 1861 dans les envi-
rons de Briey (Moselle) ; ma collection.
Bouteroue (p. 3A2, n" 5) donne à Beaugency un tiers de
sou présentant d'un côté un personnage assis, une croix à
la main, avec la légende BALCIACO; de l'autre une sorte
de temple avec PRODVLFS. Il est probable que BELCIACO
et BALCIACO désignent la môme localité. Duchalais* dé-
montre qu'on ne peut trouver autre chose dans BALCIACO
que Baugue, Baugy, Baiigé ou Baucé et se prononce pour
Baugé (Maine -et-Loir) parce que le type du personnage
assis se rencontre dans quelques ateliers de la troisième
Lyonnaise. Le Blanc (monétaire if 13) avait déjà relevé
l'erreur de Bouteroue et proposé Baugy (Cher) village plus
ancien, cité dès 855 dans un diplôme de Charles le Chauve
pour Fabbaye de Saint-Étienne de Bourges '. Il y a encore
« Ib., id , p. 161 et pi. IX, fig, 5.
< Revue numiem., 1839, p. 204 et saiv.
' D. Bouquet, t. VIII, p. 543, B.
iàS XIÉMOIRES
Beaugé (Côte-d'Or), Beaugy (Saône et-Loire) et Baugé
(Oise) ; mais les deux trienle$ que Ton vient de décrire ont
avec ceux de Nantes, de Rennes, de Vendel et de Cambon •,
un air de famille assez prononcé pour entraîner la balance
en faveur de Beaucé (llle-et- Vilaine) .
N* H. LOCI VELACORVM.Dans le champ une tête de
loup.
R + LEODOGISELO. Le G et le I sont liés. Dans le
champ un grènetis circulaire avec un lozange au centre.
Cette curieuse monnaie m'appartient; elle a été trouvée
à Lieuvillers, arrondissement de Clermont (Oise) ; elle est
en. or d'assez bon titre, avec alliage d'argent, elle pèse
1«',15. Si l'on remarque Tétroite analogie qui existe entre
Locus relacorum et Lieuvillers, on peut en conclure que
la pièce a été exhumée là même où elle avait été frappée,
soit que LOCVS VELACORVM soit la traduction latine d'un
nom de lieu préexistant, soit que le nom français soit au
contraire formé du mot latin.
La forêt de Compiègne s'étendait sans doute jadis jus-
qu'à Lieuvillers; aussi la tête de loup qui figure au droit
doit elle être un emblème parlant : Velacorutn ou Blacorum
de J5Im,loup'.
N* 12. + DIABLENTAS. Dans le champ un petit qua-
drupède.
A + GVNBERTO. Croix longue accostc'^e de deux points ;
denier d'argent; 1«^'.08; nia collection \
^ Longpérier, Notice de Ja collert, Rousseau ^ p. 49, 51. — Conbrong»*, Monét
mirooing,, pi. XX , 6. 8; pi. XXXIII , 3 ; pi. XLVII , 15. — Bigot , Essai sur
les monnaies de Bretagne , pi. I, if 2, 6, 12, 14; pi. II, n» 9 ; pi. III, n*^ l, 2, 6.
* IHcUonn. breton^ Legonidoc et de la Villemarqué,
* M. le marquit de Lagrange possède nn denier à peu près semblable,
moatioaaé dans la Revue num., avec la légende DIABLENTIS, 1851, p. 26.
ET OISSI-KTATIO.NS. 349
Ce curieux denier, dont la légende rappelle par sa forme
celle du (n>ii5 d'Avranches, Abrcnlitan, a été frappé à lu-
bleîns où Tabbé Lebœuf et d'Anville ont reconnu Tantique
iNœdunuDfi ' qui, à la chute des Ronfiains, reprit le nom du
{)euplc gaulois dont il avait été la capitale : Oppidum Via-
blentis juxia ripam Arœnx fluvioli *. Déjà on avait tenté
d'attribuer à Jubleins ' une monnaie portant TVFELIVBVCO,
TiifeL diable, et Bugwn pour Burgum, bourg, Bourg-du-
Diable, Diablintes. C'est une lecture difficile à admettre et
qui devra être reprise sur l'original.
Charles Robert.
Paris, le 15juillot 1863.
* Ptoiem., Geogr., liv. II, c. 8.
» Testament de l'évoque saint Beriiar<l , mort en 623. — Cf. Walcknaer,
Gfogr. de» Gaules, t. I*', p 388.
* Revve nnmism. belgey 3* série, t. IV, p. 133 et suiv., article diB M. le pro»
ffeseur A. Namur.
SiO MLWMLÎS
wczkns DE Lons xnt
(FL XVUL )
Qoefaiaes mnDismaâstes poiseot qn'oo doîi aiariboer aox
partisaiis de Louis de Ccmdé, oocle d*Henri IT, li ialinca-
ûoû de certaîm doozaîi» de style barlnre et de imiiTab
akM, dont on troarera phxâeors i^ariéi» rnimes snr notre
pL XTUL
Ces monnaies, qui n*oat été décrites ni par Le Bbnc ni
par MIL Gonbroose et Delombardy, poorraient passer pour
des imitations grosâères do donzain de Oiarles IX. EDes
n offrent aucane date.
Loois de Gondé, frère d'Antoine de Bourbon, fnt tné,
comme on le sait, à la bataille de Jamac, en 1369.
Le Blanc avait tu à Londres on écu d*or qui portait Feffi-
pede ce prince arec le nom de Louis XIll , et le titre de
TciL On doit reconnaître qoe l'existence de cette monnaie
semble foomir on argument puissant en faveur de Fattri-
botion des douzains au même personnage.
Grâce à Pdiligeance de M* Jarr\% de M. Tabbé Desnoyers
qw (mi formé à Orléans de si précieuses collections nu-
mismatiques, de MIL RoUin et Feuardent, nous pouvons
mettre sous les yeux de nos lecleurs la figure des pièces
dont voici la description :
ET DISSERTATIONS. 351
1. — X LVGOOVIGVa XIll DV NOM ROI DE. Écu de
France timbré d'une couronne et accosté de deux L.
Revers X DVNIARENON. Croix cantonnée de deux
fleurs de lis d'un côté , et de deux couronnes de l'autre.
(Collection de M. Jarry.) Poids, 2«%89.
2. — LVCDOVIC V NOM ROI. Même type.
S :X: SIT NOME. DOMINE BEN. Croix cantonnée de
quatre fleurs de lis. ( Collection de M. l'abbé Desnoyers.)
Poids, 28',60.
3. — X LVCDOVICV XIII DV NO. Même type.
^ SIT DOMINE BEDI. Deux fleurs de lis et deux
trèfles entre les bras de la croix. ( Collection de M. l'abbé
Desnoyers.) Poids, 2fi%81.
4. — LVD0VIGV2 XIII D. Même type.
i^ X SIT NOMEN X DOMINE BEN. Croix cantonnée de
quatre couronnes. (Collection de M. Feuardent.) Poids,
3«%12.
5. — LVDOVICVS XIII D. IIOM. V. A.H. Même type.
^ NOMN DN.... NEDICTVM. Croix cantonnée de quatre
couronnes. Poids, 3»', 06.
On remarquera qu'au commencement des légendes la
croisette est remplacée par un X. Ce détail persistant ne
laisse pas que d'être singulier.
Nous joignons aux quatre premières pièces le dessin (n*5)
d'une monnaie qui nous appartient, et sur laquelle on lit :
LVDOVICVS XIII D.. NOM. VA.H. On voit facilement que
cette pièce de cuivre saucé a été surfrappée sur un double
tournois. Du coté de Técu, on aperçoit encore +DOVBLE.
TOVR. et du côté de la croix, un buste lauré entouré de ces
mots : LOVIS XIII. R. DE FRAN. L'.empreinte du douzain,
postérieure à celle du double tournois de cuivre , ne peut
appartenir au temps de Charles IX.
cette «^<>««!:f;er d'î^'^tUowe V»^^' tJ, ^
ET DISSERTATIONS. 353
DISSERTATION
OÙ l'on examine s'il est yrai qu'il ait été frappe pendant la
VIE DE LOUIS I, PRINCE DE CONDÉ, UNE MONNAIE SUR LAQUELLE
ON LUI AIT DONNÉ LE TITRE DE ROI DE FRANCE.
Quelque temps après la mort de M. le Duchat, qui s'était
fait un nom dans la république des lettres par ses recher-
ches sur notre ancienne langue et sur nos antiquités, et par
l'étude profonde qu'il avait faite de nos monuments histo-
riques composés pendant le xw siècle, on a imprimé dans
la Bibliothèque germanique', un mémoire trouvé dans ses
papiers, qui roule en partie sur la monnaie qui fait l'objet
de cette dissertation. M. le Duchat y prouve, par un rai-
sonnement solide, que jamais le prince de Condé n'a pu
former le projet d'usurper la couronne ; mais il paraît porté
à croire qu'il a existé une monnaie sur laquelle on a donné
à ce prince le tiire de roi de France, et quelle a été fabri-
quée par les ennemis de la maison de Bourbon^ et du prince
de Condé en particulier.
Le Mémoire de M. le Duchat m'a donné occasion de re-
voir plusieurs passages que j'avais extraits de différents
auteurs, et qui ont du rapport à cette monnaie. En les
examinant et en les comparant ensemble, je me suis cru
en état de prouver que cette monnaie, que le Blanc dit
avoir vue à Londres, n'a point été frappée pendant la vie
du prince de Condé : j'ai même trouvé quelques passages,
dont je me servirai pour tâcher de découvrir quelle a été
* TomeXXXVI, p. Ul.
354 Mf:MoiKi:s
Torlgine de la fausse Iradition qui s'est répandue sur cette
monnaie. La discussion de ces passages fera la matière de
cette dissertation.
Le frère de Laval, historien catholique et catholique
très-zélé, a écrit ' que pendant le séjour d'environ six mois
que le prince de Condé fit à Orléans en 1562, au commen-
cement de la première guerre de religion, les huguenots y
fabriquèrent (sous ses ordres) de la monnoie d'or et d'ar-
gent, au coin du Roy. Ce fait pourrait faire présumer que
dans la suite, ce prince qui, depuis son départ d'Orléans
jusqu'à la fin de cette première guerre et pendant les deux
suivantes, a presque toujours été à la tête de son armée,
n'a point eu l'intention ni le loisir de faire fabriquer de la
monnaie en son nom : mais comme ce raisonnement n'est
pas concluant, je ne m'y arrêterai point.
Dès que le prince de Condé se fut déclaré chef des hu-
guenots et qu'il eut pris les armes en 1562, il se répandit
des bruits vagues et incertains qu'il portait ses vues am-
bitieuses jusqu'au trône. Au commencement de la seconde
guerre de religion, lorsqu'au mois d'octobre 1567 il se fut
emparé de la ville de Saint- Denis, non-seulement ces bruits
se renouvelèrent, mais on articula des faits positifs, et J' ou
affirma qu'il s'était fait couronner roi dans cette ville. l\
serait facile de prouver qu'on l'assurait sans fondement, et
même contre toute sorte de vraisemblance. Qnand on sup-
poserait à ce prince des projets ambitieux qu'il n'a certai-
nement point formés ; jamais il ne fut moins en état de
hasarder ce coup d'éclat, et de le soutenir. Il n'avait au-
près de lui qu'un petit nombre de troupes ramassées à la
hâte et presque sans armes : Paris, au contraire, était
• Tcmicl.l. 3, fol. 151.
LT DISSERTATIONS. 355
templi de troupes réglées, sans compter la milice bour-
geoise qui était armée ; et Ton ne comprendra jamais com-
ment la petite armée du prince ne fut pas entièrement
écrasée à la bataille de Saint-Denis, qui se donna quelque
temps après, La blessure mortelle que le connétable de
Montmorency reçut dans le combat fut la principale, et
peut être Tunique cause du salut de ce prince. Cependant,
ce que Ton disait de son couronnement trouva facilement
créance dans les esprits de ceux à qui il faisait la guerre,
et donna lieu à quelques écrits qui furent publiés dans le
temps même.
Le poète Jean Daurat fit à ce sujet une épigramme latine
qui se trouve dans le recueil de ses poésies \ avec ce titre:
De principe Condœo salutato apud D. Dionysivm. Un autre
poète, ou pour mieux dire un faiseur de vers, Dt imprimer
en français, sur ce prétendu couronnement, un assez grand
nombre de fort mauvaises stances. On pourra juger du
caractère de l'ouvrage par le titre que voici : la Grande
trahison et volerie du roi Guillot^ prince et seigneur de tous
les larrons^ bandoliers^ sacrilèges^ vulturs et brigands du
royaume de France. L'auteur n'a pas nommé le prince de
Coudé : il ne parle pas même positivement de son couron-
nement; mais il est facile de reconnaître qu'il y fait allu-
sion en plus d'un endroit ; et si l'on en voulait douter, je suis
en état d'en donner la preuve. J'ai un exemplaire de ce
libelle, sur le frontispice duquel il y a une note qui est
d'une écriture fort ancienne; et suivant les apparences,
elle y a été mise dans le temps même, peut-être par celui
qui a possédé le premier cet exemplaire. Cette note paraît
avoir été faite pour donner la clef de l'ouvrage : car elle
» Pari8,1686, in-«-,p. 40.
356 hémojres
contient ces tnots : le prince de Coudé se fu prodamer roi
dans Saint-Denis^ en octobre iàd7.
Daurat et le faiseur de stances n'ont point parlé de
oionnaie. Cependant dans le même temps qu'on publiait
que le prince de Condé s'était fait couronner à Saint-
Denis, on ajoutait que par une suite de ce premier attentat,
il avait fait frapper une monnaie sur laquelle on lui don-
nait le titre de roi de France. C'est Brantôme qui nous
l'apprend dans un passage qui se trouve dans la vie du
prince de Condé ' ; et c'est le témoignage le plus précis et
le plus circonstancié que puissent alléguer ceux qui pré-
tendent que cette monnaie a été frappée en 1567. En voici
les termes : Tl (le prince de Condé) devint en telle gloire f
qu^il fit battre monnaie d*argen(^ avec cette inscription à
Ventour^ comme un souverain: Louis XII l*^ roi de France;
laquelle monnoie M. le connestable (Anne de Montmorency)
* Vie des grande capitainee français, t. III , Leyde, 1666, p. 215, et t. Vlir,
la Haye, 1740, p. 239. Uanonyme qui a donné l'édition des OEwres de Bran-
tâme imprimée à la Haye en 1740, a fait snr un autre passage de cet écrivain
une remarque que je transcrirai ici, parce qu'elle me fournit une nouvelle
preuve du sentiment que je soutiens. Voici le texte de Brantôme ( t. VIII,
p. 259 ) : u II ( Briquemaut ) étoit un fort homme de bien et qui ne combattoit
que pour sa religion, ainsi que j*ay oay raconter à un gentilhomme qui avoit
été nourry son page ^ que trois ou quatre jours avant la bataille de Jamac,
il avoit été blessé en une jambe, et ainsy que M. le Prince et M. l'admirai
l'allërent voir en son lict, et y tenir le conseil, à M. le Prince il eschappa
quelque mot de régner. <« Monsieur (lui dit M. de Briquemaut), il semble
M par vostre dire, que vous tendez plus à l'ambition qu'à la religion. Je vous
« quitte si venez là. Prenons le party de Dieu ; autrement je me retire. «
L'éditeur a fait sur ce passage la remarque suivante :
««Cétoit en 1569. Or la monnoie d'argent prétendue, de la page 239 étolt,
dit-on, de l'année 1567. Si donc sur quelque mot de régner, qui en 1569
échappa au prince de Condé, Briquemaut menaça de le quitter, Briquemaut
auroit-il attendu jusque-là, supposé, « omme on le veut, que dès l'année 1667
ce prince su fût qualifié roi do France danb la monnoie frapi>ée à son coin ? »•
ET DISSKRTATIOXS. 357
tout en colère, représenta à une assemblée générale qui fui
faite au conseil du Roy , tan 1567, le 7* jour d'octobre,
après midi, au Louvre : on en détesta fort et la monnoie et
Tinscription. Je ne xçai s il est vrat, mais il s* en disait prou
en la chambre du Roy et de la Reine, voire en la Rasse-
Court. Brantôme n'affirme point le fait : je ne sçay s'il est
vrai, dit-il. Il est du moins certain qu il n'a jamais vu cette
monnaie : car il n'aurait pas manqué de le dire.
On sait que les Mémoires de Brantôme ont été imprimés
pour la première fois en 1666, longtemps après sa mort ;
et le premier livre * que je connaisse, où il soit parlé du
couronnement du prince de Condé et de la monnaie, est
celui de Natalis Comes. qui a composé en latin Tllistoire
universelle de son temps, imprimée à Venise, sa patrie,
en 1581 '. Il raconte, sous Tannée 1567, qu'on disait que
le prince de Condé avait été couronné roi à Saint-Denis
par les huguenots, et qu'ils avaient fait frapper une mon-
naie d'or avec cette inscription: Ludovicus XÏIJ,Dei gratia
Franrorum rex, primus christianus.
* Henri Sponde , évêque de Pamiers (Annalium card. Baronii continua Ho.
Pari», 1669, in-fol., t. II, p. 694, col. 2), cite pour garant de ce» faite qu*il
rappone non-»en1einent Natalis Comes, maie encore les Commentaire» histftri-
qw* de Snrius. Je n'ai point trouvé ces faits dans Surin», et il n'est pas mên»e
possible qu'il en ait parlé, puisqu'il finit son histoire avec l'année 1565. Ces
faits ne se trouvent point non plus dans la continuation de l'histoire de Su-
nus qu'Estonmean a ajoutée à la traduction qu'il en a faite. Cette continuation
▼a jusqu'en 1578.
Sponde cite aussi Isselt, etc. C'est apparemment le livre intitulé Michatht
o6 léieli de Bello Coloniensi^ etc., imprimé à Cologne en 1684, in-8». J'ai par-
couru ce livre, et je n'y ai rien trouvé qui ait rapport à ces faite.
• Dicti sunt ( Ugonoti ) in eo looo (fano sancti Dionysii) Ludovicum Borbo-
niura Condsum regem coron avisse, monetamque auream impressisse, in quft
«?rat inscriptio : Ludovicus XIII Dei gratia Francorum rex, primus ehristutnus,
Natalis CoiniiÏ!», Univ. hiet. eui temp. Venetii», 1581, in-fol., p. S94.
358 MÉMOIRES
Il est certaiD par Tépigramme de Daurat et par le pas-
sage de Brantôme, qu'au mois d'octobre 1567, il y avait en
France un certain nombre de personnes qui étaient bien
persuadées que le prince de Condé s'était fait couronner
roi à Saint-Denis, et qu'il avait fait frapper de la monnaie
à son nom.
Le P. Jean Machaut, jésuite, qui a parlé de ces deux
faits dans les observations critiques qu'il a publiées en
i61i sur l'Histoire de M. de Thou, sous le nom de Jobannes
Baptista Gallus, leiu* donne aussi la même époque ^ J'en
conclurai qu'Antoine Arnauld, avocat au parlement de
Paris, s'est trompé lorsqu'il a dit dans le plaidoyer* qu'il
fit en 159A pour l' Université de cette ville, que c'était 1»^
P. Bibadeueira, jésuite, qui, dans la vie de saint Ignace,
avait publié le premier en France que le prince de Condé
1 Aut allquem ( nommum) cedo, ex ils qui aute annos qnadragiiita e San-
Bionysiano oppido , oum id in potestate esset Ludovic! Condsi , prodierant ,
oam illa rebellionis indice épigraphe : Ludovicut XIII , rtx Fraw^mm, Thvom
hitt; Londini, t. VU, p. 58 des notes de Gallus. Il n'y a pas d'apparence que
Machaut ait tiré ces faits de Ribadeneira, comme l^insinue M. le Puehat dans
son mémoire (page 114); car ces deux auteurs rapportent la légende de la
monnaie d'une manière différenieu
* Paris, 1594, fol. 17. — <« Et de faict, qui ett-œ qui pour rendre exécrable
et abominable à tous les François la raoe de M* le prince de Condé Lois de
Bourbon en laquelle consiste la plus £prande partie de M" les Princes du
Sang, a publié entre nous qu'il se fût fait eouronner roy de France, ainou les
Jésuites qui ont été si impudens et si effrontés en une chose notoirement
fkulse, que d'écrire en la Vie d'Ignact (p. 162) que M. le Prince avoit fait
battre de la monnoie d'or en laquelle estoit cette inscription : Ludovicus XUI
Dei gratiâ Francorum rex, primus ohristianus. Quw inscripiio artùgaïUiisima
têt ( disent-ils ) et m omnes chriêticmtëimoê Fra*ciae rege* tf^vr iota. Ils ne di-
sent pas esset comme d'une chose douteuse , mais est comme d'une ehost*
certaine. » Cette critique me parait une pure chicane. M. le Duchat a encore
enehéri sur la faute d'Antoine Arnauld , lorsqu'il a avancé ( Ihêcaliana^
p. dÙ2) que cet avocat a reproché aux Jésuites, dans son plaidoyer, d'avoir
cnx-mtmes fabriqué cette monnaie.
ET DISSERTATIONS. 359
s*était fait couroDDer roi et avait fait frapper de la monnaie
d'or avec cette légende : LudoeicxAs XIII ^ Dei gralia Fran-^
corum rex, prtmii5 christianus. Antoine Amanld n'a pas
nommé Bibadeneira : mais il rapporte un passage qu*il dit
être à la page 162 de la vie de saint Ignace ' ; et ce pas-
sage se trouve à la même page dans la seconde édition de
la vie de ce saint par Ribadeneira, imprimée à Anvers
en 1587 ; car il n'est pas dans la première édition faite h
Naples en 1572.
Si les faits rapportés par Ribadeneira dans un ouvrage
imprimé en 1587 étaient dès le mois d'octobre 1567
regardés comme vrais en France par un certain nombre de
personnes, ce n est donc pas lui qui les a publiés le
premier. D'ailleurs il ne les assure point, et il se contente
de dire que quelques auteurs les ont écrits : Ut snt
qui lUleris prodiderinl^ etc. Il cite même à la marge son
garant : c'est Natalis Cornes^ dont j'ai rapporté plus haut le
passage. Ce garant n'a pas paru snflisaut à un protestant
allemand, qui a fait des notes sur l'ouvrage de Ribade-
neira '. II traite Natalis Comes de conteur de fables. Mais
si l'on peut accuser Antoine Aruauld d'inexactitude dans
le reproche qu'il fait à Ribadeneira, c'est du moins un
témoin, et un témoin de poids, qui dépose que ces deux faits
* ... Ut sint qui ad sempiternam eorum (hugonotorum) ignomiiiiam lit-
tcrâ prodiderint, eos Ludovicum Borboninm Condscum regem coronasse, itmh
netamque auream illam imprcssisse, in qua baec erat inscriptio : Ludoricus XIII
Dei gratta Francorum rex, primus christianiu. Qqib inscriptio arrogantissima
eut, et in omnes cbristianissimos FrancisB reges injuriosa.
' Natalis Comes qux Mcribit de Condso et moneta aurea , debebnt inserere
sais (ivOsXoyCoiic. Aliud e3t fabnla^ scribere , aliud bistoriara. Vita Ignatii
Jjnfolst a Petro Ribadeneira, scholiis illustrata a Chrisiiano Simone Litho Mi-
seno, 1698, in-12, p. 100.
^iyO MfcMOIRKS
ue sont pas vrais : c'est une chose notoirement faulse^
dit-il dans cet endroit de son plaidoyer.
En effet l'illusion ne régna pas longtemps : elle se dis-
sipa peu à peu ; et Ton reconnut que Ton avait ajouté foi
trop légèrement à des bruits qui ne devaient leur nais-
sance qu'à un esprit d'animosité et de parti. Il est du
moins certain que dix-neuf ans et vingt-trois ans après
Tannée i 567 un écrivain qui a eu deux fois une occasion
naturelle de parler du couronnement et de la monnaie et
qui avait grand intérêt que ces faits fussent regardés
comme vrais, non-seulement n'en a rien dit, mais même a
écrit des choses dont je crois qu'on peut tirer une espèce
de démonstration de leur fausseté.
Pendant la ligue, la France fut comme inondée par un
nombre inflni de petits ouvrages et de libelles, dans les-
quels les deux partis se déchiraient mutuellement. Un li •
gueur que Ton croit être le fameux Louis d'Orléans \
avocat au parlement de Paris, et depuis avocat général
du parlement delà Ligue, fit imprimer en 1586 un livre
intitulé : Àvtrtifsement des catholiqties anglois aux Fran-
çois catholiques^ du danger où tis sont de perdre leur reli-
gion s* ils reçoivent à la couronne un roi qui soit hé-
rétique. Cet écrivain dit à la page 80 en parlant des
huguenots: On a vu les jetons portant la figure d'un de
leurs chefs avec cette inscription : AU ROI DES FIDÈLES.
On ne peut douter que ce chef ne soit le prince de
Condé; mais d'ailleurs il est désigné plus clairement
dans un ouvrage imprimé en 1590 et que l'on attribue
au même Louis d'Orléans '. L'auteur y dit la même chose
> Voy. la BibbUoth. hisl. da P. Leiong, n* 7994.
» /tW.,n-8247.
ET DISSERTATIONS. 36l
avec quelques différences que je discuterai dans la suite?.
Cet écrivain ne parle plus d'une monnaie sur laquelle on
ait donné le titre de roi de France au prince de Condé»
mais seulement d'un jeton où il est qualifié rot des fidèles^
Faire fabriquer de la monnaie sans l'autorité du souverain,
c'est un crime qui mérite la mort; usurper sur une
monnaie le titre de roi, c'est un crime de haute trahison,
que les supplices les plus affreux peuvent à peine expier;
faire frapper un jeton à l'honneur d'une personne à laquelle
on est attaché par des sentiments de tendresse, de respect
ou de reconnaissance, c'est une chose permise à tous les par-
ticuliers, pourvu qu'il n'y ait ni dans les figures du champ
ni dans l'inscription rien qui soit contraire au respect dt à
la religion et au souverain, ou qui blesse les bonnes mœurs.
Le titre de rot des fidèles^ donné sur ce jeton au
prince de Condé, n'attaquait point les droits de la ma-
jesté royale. Anciennement, dans notre langue» le mot
roi ne rappelait pas toujours l'idée d'un souverain *, et il
signifiait quelquefois le principal^ le premier^ le chef. Dans
presque tous les corps, dans les communautés, dans les
compagnies et les sociétés, on donnsdt le titre de rai au
premier officier, au chef. On disait le rot des merciers, le
rut des arbaln'ricrs, le rot de la Bazoche^ et si Ton en
veut croire un auteur anonyme *, qui fit imprimer il y a
quelques années un mémoire assez curieux sur cette juri-
diction des clercs des procureurs du parlement de Paris, ce
fut Henri III qui, effrayé du grand nombre de clercs qui
étaient dans cette ville, défendit qu'aucun de ses sujets
prit dorénavant le titre de roi.
* Voy. le Glossaire de du Cange^ aa mot Rex, au bas do la col. 1427.
» Mvrcure de France, juin 1738, yoI. II. p. 1442,
1863. — 5. 24
302 MI^IMOIRES
Quoi qu'il en soii, le mot roi^ pris dans le sens de chef,
s'est conservé dans l'usage présent de notre langue, et
pour me borner à un seul exemple, le premier et le chef
des hérauts d*armes se nomme encore aujourd'hui le floi
d'armes. On a donc pu sans crime donner au prince de
Condé le titre de roi des /îdèfes, parce que ce mot pouvait
signifier alors la personne la plus distinguée entre celles
qui professaient la religion P. R. , ou si Ton veut même le
chef: et tout au plus pouvait-on soupçonner celui qui avait
fait frapper ce jeton de s'être servi de la double signifi-
cation du mot rot pour faire sentir, je ne dirai pas l'espé-
rance, mais le désir qn'il avait que ce prince devînt roi,
afin qu'il pût faire monter sur le trône avec lui la reli-
gion qu'il avait embrassée.
Après cette courte digression que j'ai crue nécessaire
pour expliquer les diOTérentes significations du mot roi y
je reviens aux deux passages du ligueur.
Il était fort instruit de ce qui s'était passé durant les
trois guerres de religion, et il nous apprend sur ces évé-
nements des circonstances qui ne se trouvent point
ailleurs. Il n'a donc pn ignorer qu'on avait publié en 1567
que le prince de Condé s'était fait couronner roi, et qu'il
avait fait frapper de la monnaie en son nom : des faits si
singuliers et si importants n'ont pu lui échapper. Il dé-
chire les huguenots dans ses écrits, et n'oublie rien pour
les rendre odieux. Quels reproches plus sanglants pouvait-
il leur faire que de rappeler un crime de lèse-majesté
commis par leur chef? Ce qu'il a dit du jeton devait, pour
ninsi dire, le remettre sur Iav(»e, et le faire ressouvenir de
la monnaie s'il avait pu l'oublier. Il n'a pas respecté les
personnes sacrées de nos Rois et leur auguste sang; s'il a
vomi les injures les plus grossières et inventé les calomnies
tT DISSERTATIONS. 86Î
les plus alroccs contre Henri IV et contre la reine de Na-
varre sa mère, on peut juger que le prince Louis de Condé
et Henri son fils n*ont point été à couvert de ses traits.
H faut donc conclure du caractère de cet écrivain et de
l'esprit qui l'animait que puisqu'il n'a point parlé du
couronnement du prince de Condé, c'est qu'il était per-
suadé, avec toute la France, que ce fait avait été publié
sans fondement. S'il n'a osé rappeler le souvenir de la
monnaie, c'est qu'il vivait dans un temps où l'on recon-
naissait généralement qu'elle n'avait point été frappée, et
qu'il craignait de se décrier lui-même et de se faire
passer pour un calomniateur. S'il a été réduit à reproclier
aux huguenots un jeton que l'on pouvait tout au plus
regarder comme une indiscrétion, et auquel il a tâché de
donner une interprétation criminelle, c'est qu'apparemment
le jeton était alors commun, ou que du moins il était en
état de prouver ce qu'il avançait en le représentant; car
je suis fort porté à croii'e que ce jeton a été frappé. S'iP
n^avait point existé, quelle apparence que cet écrivain eût
voulu inventer une calomnie dont il ne pouvait pas tirer
un grand avantage contre ses adversaires*. Duplessis
Mornay et quelques autres écrivains qui ont répondu au
premier avertissement, n'ont rien dit sur l'endroit de ce
libelle où il est parlé du jeton; et leur silence peut faire
présumer qu'ils reconnaissaient qu'il avait été véritable-
ment frappé.
J'ai dit plus haut qu'il y avait quelque dilfêrence entre
les deux passages qui ont sem de fondement aux raison-
nements que je viens de faire. Je vais en rendre compte.
* Mém, fie Duplessis Mornay, vol. I, p. 619, Cet ouvrage est nussi iiiipriiDo
dau> les àfétnoire.s tir ta Lifjue^ t.T, p. IM.
86i MÉMOIRES
Le second passage est tiré d*uD ouvrage imprimé en 1590
et qui est intitulé : Second averlissemenl des catholiqiM
anglais aux François catholiques, etc. L'auteur du Second
avertissement, après avoir insinué que le prince de Condé
a aspiré au trône, ajoute : Et encore ne peul-on 5t bien dissi-
muler^ quon ne fit battre montioiesous le nom et le portrait
du roi des fidèles ^ Cet auteur, daos son premier ouvrage,
parle d'un jeton, et dans le second, d'une monnaie. Je ne
sais si c'est par inadvertance, ou pour aggraver le reproche
qu'il fait aux huguenots qu'il s'est servi du mot de monnaie
dans le Second avertissement ; mais il me parait que ce qu'il
dit ne peut convenir qu'à un jeton, et qu'il faut expliquer
le second passage par le premier. Si cet auteur varie sur la
qualité de la pièce de métal qui a été frappée, il rapporte
d'une manière uniforme les mots qui étaient gravés dessus :
Au roi des fidèles. Or ces mots conviennent fort bien pour
l'inscription d un jeton, et ne sont nullement propres pour
servir de légende à nos monnaies parc« qu'ils sont trop
éloignés de ceux qui depuis très-longtemps sont consacrés
pour cet usage'.
* Fol. 52, vo.
' En lisant oe qui précède le passage que j'ai tiré du Second arerti^itment
des catholiques anglois, on ne peut douter que Tauteur n^ait cru on n'ait Toula
faire croire que le jeton dont il parTe n*ait été fabriqué en l'honneur du prince
de Condé ; mais peut-être ce fait n'est-il pas certain , et voici la raison sur
laquelle ce soupçon peut être fondé.
Un anonyme huguenot répondit à VÂvertisietnent des catlioliquês anghfs par
une brochure intitulée : RéfkOfUêà «n ligueur masqué du nom de eatholique anglais ^
par un vrai catholique bon françois, 1587^ in- 12. Voici ce qu'on y lit à la page 69:
*• Il n*e8t pas qae vous ne repreniez jusques aux jettons de la chambre des contes
du roy de Navarre, que vous dites porter ceste inscription : Au roy des fidelles.
Je ne sai si en cela vous mentez comme ou la pluspart do tout le reste : mais
quand ainsi seroit , estimez vous que telles choses si particulières se facent
avec advîi ou cuna«il d'un Roy? et pourquoy tirez vous cela hors les limites
ET DISSERTATIONS. 305
rajouterai à ce que j*ai déjà dit pour prouver que
cette monnaie n'a point été frappée pendant la vie du
prince de Condé, que les écrivains qui en parlent va-
rient sur le métal : les uns disent qu*elle était d*or, et
les autres qu'elle était d'argent. Ils ne rapportent pas la
légende d'une manière uniforme ^
des pays desquels il est Seigneur et Boy et où et dont les si^ets s'appellent
fideUes, pour avoir reça la religion, laquelle seule ils tiennent potur véritable.*
L'anonyme, sans s'arrOter à reprocher à Louis d'Orléans qu'il s'est trompé
lorsqu'il a attribué au prince do Condé un jeton qui avait été frappé pour le
roi de Navarre, parle de ce dernier fuit comme d'une chose constante. Il
faut convenir que le témoignage de ce huguenot a plus de poids que celui de
Louis d'Orléans, catholique trës-zélé qui avait peu de commerce avec ceux
de la religion P. R., et il n'y a guère d'apparence qu'on ait frappé avec la
même légende deux jetons, l'un pour le prince de Condé et l'autre pour le
roi de Navarre. Si le jeton n'avait été fait que pour la chambre des comptes
de ce roi, la preuve que j'en tire tomberait d'elle-même. Quoi qu'il en soit
ce mémoire en renferme plusieurs autres qui me paraissent suffisantes pour
appuyer le sentiment que j'entreprends de soutenir.
^ Le bruit de cette monnaie prétendue passa de la France dans les pays
étrangers, mais avec cette inexactitude qui altère presque toujours les nou-
veUes, même celles qui sont les plus certaines. Eu voici la preuve dans des
fragments de deux lettres dont j'ai les copies entre les maini^. Elles ont été
faites à Besançon sur les recueils de pièces rassemblées par feu M. Tabbé Boizot
(il y a à la marge de ma copie : Grandvelle, t. XXV, p. 803). Dans la pre-
mière est une traduction d'une lettre espagnole écrite de Bruxelles, le 26 d'oc-
tobre 1567, au cardinal do Grandvelle, qui était alors à Kome. Voici ce qu'on
Ini mandait : «* H (le prince de Condé) se fait appeler Ludoticus undecimus
frimut^ rex Evangelistarum ejui »omtn«, Louis onze , roy des Evangélistes;
et il a fait battre monnoyo sur laquelle il a fait mettre aussi le nom
de Louis onze , roy des Evangélistes ; et un gentilhomme de la maison de
l'archevêque de Cambray m'a assuré avoir veu lesdites monnoyes, et il l'a
assuré aussi à notre archevêque. •« Dans une autre lettre aussi traduite de
l'espagnol (il y a à la marge : Chantonay^ t. IV, p. 134 verso), et datée de
Bruxelles, le 14 d'octobre 1567, on lit : *< Comme on a vu du temps du prince
de Condé, lequel se faisoit appeler Louis onze par le peuple de Saint-Dcnys, et
il 6t battre aussi monnoye, et autres choses semblables , comme me l'a écrit
plus amplement Dum France, etc. •»
366 UiJÊ'jinws
la argameiit eo&are ptns fort, c'esc .pi'^uica:: des htàuj-
riens fraaraiâ cootemporalos n'a parlé de <:ecte mocDase,
qu'il D'eo est rien dit dans It» écriis (âlzs oxiir» (e prince
de 0>ndé et contre son parti en lâôT. et pendant la seconde
goerre de reiigioD, e: qae les décLvradcos da roi données
contre ce prince qui lui faiâaîc la guerre* n'en font poinf
mention. Ce qu'on en a publié n*a été adopté que par un
historien étranger, très-imparfaîtenient instruit de ce qui
se passait en France, e: qui ne le rapporte même que
comme un bruit populaire. Si )L de Thon en a parié \ ce
n*est que dans Textrait qu'il a donné de TouTrage d'An-
toine Amauld que j* ai cité plus haut ; et puisque cet hbto-
rien, averti de ce qu'on en avait écrit par le plaidoyer de
ce fameux avocat, n'a pas jugé à propos d'en faire mention
dans le livre où il raconte les événements de l'année 1567,
j'en conclus qu'il le regardait comme une imputation ca-
lomnieuse, et comme une fable qui ne méritait pas de
trouver place dans son histoire.
Henri Sponde,évéque dePamiers, qui avait pesé le témoi-
gnage des auteurs qui ont parlé de ces faits, rapporte,
dans sa continuation de Baronius, ce qu'en a écrit Natalis
Comes qu'il cite; mais il ajoute : a Quand le respect que
j'ai pour la mémo'ure de ce prince ne ni'empècheroit pas de
les croire, je ne pourrois y ajouter foi, parce qu'aucun de
nos auteurs ne les ont aRîrmés*.
Toutes ces raisons réunies me paraissent former une
CHpèce de démonstration. A l'égard du jeton, j'ai déjà dit
que je penchais à croire qu'il avait été réellement frappé.
Si ce fait était bien prouvé, pourrait-on douter que le jeton
• Tniducît. franv-, t. XII, p. 2ô(>.
ET DISSERTATIONS. 807
n'eût donné lieu à tout ce qui a été dit et écrit sur la mon-
naie? En admettant Texistence du jeton, on pourra, à une
circonstance près, adopter tout ce qui se lit dans le passage
de Brantôme que j'ai rapporté plus haut. Le connétable de
Montmorency aura véritablement présenté au conseil du roi
un jeton frappé sous le nom du prince de Condé; le bruit
s* en sera aussitôt répandu à la cour, à la ville, par toute la
France et dans les pays étrangers ; et il n*aura pas fallu beau-
coup de temps pour métamorphoser en une monnaie char-
gée de la légende ordinaire, un jeton sur lequel on avait
donné le titre de roi à celui en l'honneur de qui il avait été
frappé. A toutes les raisons qui contribuent à chîinger, à
altérer, et à déguiser les faits qui volent de bouche en bou-
che, se sera joint le motif puissant de rendre odieux un
parti contre lequel on était fort animé.
Je remarquerai en finissant qu'à rexccption de le Blanc,
personne n'a écrit qu'il eût vu cette monnaie. Il dit clans
son Traité des monnaies* qu'étant à Londres il a vu, entre
les mains d'un orfèvre, un écu d'or qui avait d'un côté la
tête du prince de Condé, et de l'autre l'écu de France avec
cette inscription : Ludorirus Xllf, Dei (jralia Francorum
ux^ primus chrisliauua, « Cet Anglois, ajoute-t-il, faisoit
si grand cas de cette piice, que je ne pus jamais l'obliger
à s'en défaire, quoique je lui offrisse une sopime considé-
rable pour cela. » Le témoign.'igp de le Blanc ne jieut être
suspect, et il doit demeurer pour constant qu'il a vu cett<;
monnaie. Mais est-il certain qu'elle a été frappée en 1507,
et n'est-elle pas plutôt l'ouvrage d'un faussaire qui l'aura
fabriquée dans l'espérance de la vendre bien cher à quel-
que curieux peu connai>«ifur? On «ait jusqu'à quel \mui
5G8 iiLmoires
se sont multipliées dans Tantique les médailles fausses on
altérées. Ces sortes de fraudes seraient aussi communes
dans le moderne si elles étaient aussi lucratives, et qu il
fût aussi difiicile de les découvrir. Elles ne sont cependant
pas sans exemple , et il serait aisé d'en fournir plus d*un.
N'a-t-on frappé qu'une seule pièce de cette monnaie? Si
Ton en a frappé plusieurs, comment ne s'en est-il conservé
qu'une? Enfin, une pièce unique, et du moins suspecte,
suflTira-t-elle pour anéantir des raisons qui prouvent évi-
demment que pendant la vie du prince de Condé, il n'a
point été frappé de monnaie sur laquelle on lui ait donné
le titre de roi de France?
C'est cependant sur le fondement de la monnaie vue par
le Blanc que le P. Daniel * et M. l'abbé le Gendre * ont cru
qu'elle avait été véritablement frappée en 1567. Mezerai,
qui a écrit avant le Blanc, avance qu'il y a des auteurs
qui disent qu'ils ont vu cette monnaie '. Je ne connais point
ces auteurs, u Si leurs yeux ne se sont pas trompés,
ajoute cet historien , je veux croire qu'elle avait été fabri-
quée par les ennemis du prince de Condé. »
J. F. Secousse.
4infirft 1741.
> Hist. de France, t. VIII, p. 664.
» Hiêt. de France^ in- fol., t. I, p. 697.
* Htit, de France, in-fol., t. III. p. 409.
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
ESSAI
D'ATTRIBUTION DE QUELQUES MONNAIES IBÉRIENNES
A LA VILLE DE SALACIA.
(PI. XIX.)
Parmi les monnaies incertaines de l'Espagne antique, on
distingue une série , assurément fort énigmatique , connue
sous le nom de monnaies d'Odacisa, en raison de la légende
latine que présente une des pièces qui la composent.
Quelques numismatistes ont supposé que ce mot dési-
gnait le nom de la ville où les monnaies ont été frappées.
D'autres, ne sachant que faire de cette légende, s'attachè-
rent aux types et attribuèrent les monnaies en question à
certaines villes dont les types offrent une grande ressem-
blance avec ceux dont nous allons bientôt parler.
D'autres enfin, plus timides, laissèrent la série au rang
des incertaines. Nous croyons devoir maintenant étudier
dans son ensemble la suite monétaire dite A'Odacisa^ et
faire voir, étant reconnu qu'elle est espagnole, à quelle
région de l'Espagne et à quelle cité elle appartient.
Les monnaies que nous nous proposons d'examiner sont
18«3. — 6. 25
370 MÉMOIRES
toutes de cuivre, des modules communément dits moyen et
petit bronzes. Voici leur description :
N* i. Tête imberbe d'Hercule couverte de la dépouille
du lion, tournée à gauche; derrière, une massue.
^ Légende ibérienne ^ U1 4 ^ , entre deux thons tour-
nés vers la droite. Dans le champ, en tête de la légende, un
globule dans un croissant. — JE. 25 millimètres. (PI. XIX,
n* 1.)
Eckhel {Doctr, num., t. I, p. 20) décrit cette monnaie
parmi celles de Gadès, considérant sa légende comme phé-
nicienne; Saulcy (3Ionn. aut. de V Espagne y lég. 186);
Lorichs {Rech. num.^ pi. LXXVl, 11); M. Joseph Gaillard
( CaL Gaillard^ n* 177, et pi. I, n*» 4) a placé le revers en
sens inverse de celui qu'on aurait dû adopter. Cet exem-
plaire a été trouvé à Tavira en Portugal. Perez Bayer, dans
la Relation du voyage qu'il fit pendant Tannée 1782 en
Andalousie et en Portugal (voy. l'extrait manuscrit con-
servé à la bibliothèque de l'Académie de l'histoh-e à Madrid ;
— cf. Hubner dans les Monalsberichle de TAcad. de Berlin,
1860, p. 329), décrit une monnaie semblable qu'il vit à
Séville, et qu'il a fait dessiner (au fol. 227).
J*ai vu un exemplaire de cette monnaie au Cabinet nu-
mismatique de la Bibliothèque nationale de Madrid , un
autre dans la collection de don Antonio Delgado, un troi-
sième dans celle de M. Hciss, qui, de même que notre savant
collaborateur, habite Madrid.
N'2. Tête d'Hercule imberbe, couverte de la dépouille
du lion et tournée à gauche. Derrière, une massue; devant,
la légende latine ODAGIS-A.
i^ Légende ibérienne ^ D t^ *i 4 » entre deux thons tour-
nés à droite ; dans le champ» croissant et globule. — JE.
24 millimètres. (PI. XIX, n» 2.)
ET DISSERTATIONS. 371
J/us- Pembroke, 11, pi. LXXXIX, 1. — Eckhel, Num. vet.
anecdotiy p. 3, pi. 1, 2, et Cat. mus. cœs.^ p. 2, Gades, 2 ;
Doclr. num.^ 1, p. 20, Gades, 2. — Sestini, 3Ied. hpan^
p, 36* — Jos. Gaillard, Cat. Gaillard, revers renversé;
exemplaire trouvé à Béjâ en Portugal. — J'ai vu de cette
monnaie deux exemplaires au Cabinet national de Madrid,
un dans la collection Ueiss, un autre au musée Britannique ;
celui-Iàest le mieux conservé, on y lit la légende latine
très-clairement.
N* 3. Têtedllercule imberbe tournée à gauche; derrière,
massue.
Si Thon tourné à droite; au-dessus, légende ibérienne
semblable à celle du n® 2; au-dessous, la légende latine à
demi effacée ....BLAS on ....BIAS — ^E. 18 millimètres.
{PL XIX, n<> 3.)
Lorichs, Rech. ntim., pi. XIII, n"* 7. C'est la copie d'un
exemplaire consente au Cabinet national de Madrid ; je n'en
connais pas d'autre. Cette monnaie représentait probable-
ment en valeur la moitié de celle qui précède.
N^ 4. Tête barbue et laurée à gauche. Devant, une lé-
gende latine.
^ Entre deux thons, légende ibérienne semblable à celle
du n"* 1 , avec les deux derniers caractères liés. Dans le
champ, un globule dans un croissant. — JE. 25 millimètres,
(PL XIX, n*» 4.)
M. J. Gaillard {Cat. de La Torre, n' 555), décrit cette
monnaie ainsi : Tête laurée de Jupiter à droite ; devant, lég.
en caractères latins dont l'arrangement n'est pas ordinaire ;
on y lit ...ONIESISCR. — Éji Deux poissons avec croissant,
légende effacée. Cet exemplaire fut acheté par feu Lorichs.
La tête laurée est tournée à gauche, ainsi que j'ai pu m'en
assurer au moyen d'un dessin exécuté avec beaucoup de
372 MÉMOIRES
soin par M. Sensi, aujourd'hui en la possession de M. Del-
gado, et reproduit dans notre planche sous le n* 5. On y
lit : Q\4 î>IIL-SISC/? K. On voit que cette pièce est njal con-
servée. Aussi M. Delgado {Cat. /.oric/ïs , n'» 539 ) y a-t-il
lu : Q /PA/IESISG/P F. Le seul exemplaire que j*aie vu est
conservé à la Bibliothèque impériale de Paris. La légende
latine» qui n'est évidemment pas la même que celle des
monnaies précédentes, donne clairement SISBESISGRA-f^
(ou F) . Je reproduis aussi ( pi. XIX, n^ 6 ) la copie du droit
d'une monnaie dessinée par Ferez Bayer dans sa Relation de
voyage, folio 156. Ce savant avait lu : Q. .SISCR T, et l'exem-
plaire était conservé à Malaga.
N* 5. Tète d'Hercule imberbe coiffée de la dépouille de
lion, tournée à gauche; derrière, une massue; devant, une
légende ?
â Légende ibérienne semblable à celle du n** 2, entre
deux dauphins tournés vers la gauche; dans le champ, un
globule dans un croissant. — ^E. 25 millimètres. (PI. XIX,
n*7.)
De cette monnaie je ne connais que deux exemplaires :
Tun , conservé au Cabinet national de Madrid , est en très-
mauvais état; l'autre, un peu moins maltraité parle temps,
se trouve au Cabinet royal de Berlin. J'en donne le dessin
d'après une empreinte communiquée par le savant M. Julius
Friedlœnder, conservateur de cet établissement.
N» 6. Tête d'Hercule imberbe ceinte d'une couronne de
laurier, tournée à droite. Devant, légende latine effacée.
i^ Légende ibérienne comme au n"* 2, entre deux dau-
phins tournés vers la gauche. Dans le champ, globule dans
un croissant. —JR. 25 millimètres. (PI. XIX, n*» 8.)
Le dessin que je publie a été fait d'après un exemplaire
de la collection de M. Heiss. On voit sur cette pièce, devant
KT l)lssKnrATlo^s. .^73
la lôtc (VHercule, des traces d'une légende latine. Un autre
exemplaire se trouve dans la collection de M. Estebanez
Calderon à Madrid. La légende latine a porté en dehors du
flan. 11 est probable que c'est la même variété dont nous
donnons le droit (pi. XIX, n° 9) d'après un dessin de
Bayer puisé dans son récit de voyages déjà cité ( f* 249 v.).
Le savant antiquaire avait vu cette médaille mal conservée
dans la collection du célèbre Cenaculo, alors évêque de
Béjâ en Portugal, qui lui en fit présent. Bayer y avait pu
lire SISVC. Cette monnaie était coulée de même que le sont
les deux autres conservées aujourd'hui à Madrid.— Compa-
rez la tête à celle que porte une monnaie de Baelo (Lorichs,
Rech. nuw., pi. XLII, 9), qui montre, au-dessus de la dé-
pouille du lion, un épi de blé.
N' 7. Tête barbue laurée, tournée vers la droite ; devant,
un rameau.
itj Thon à gauche, entre deux légendes effacées. — JE,
19 millimètres. (PI. XIX, n' 10.)
Je décris ici cette monnaie à cause de la grande ressem-
blance qu'elle présente, sous le rapport du type et de la
fabrique, particulièrement du côté du revers, avec la pièce
classée sous le n"* 3 , que je considère comme ayant valu la
moitié de celle qui la précède. J'établis ce rapprochement,
bien que les légendes des deux exemplaires uniques que
j'ai vus au Cabinet national de Madrid soient presque com-
plètement effacées.
Ces pièces, qui paraissent de fabrique espagnole, et qui
cependant ne portent pas les types des monnaies connues
jusqu'à présent, peuvent fort bien être considérées comme
des divisions des n*** 4, 5 et 6 de la pi. XIX.
Après avoir donné la description de toutes les variétés
que nous avons pu réunir, nous devons nous efforcer de
37A MÉMOIUES
découvrir à quelle ville elles appartieuneut. Sestini, le pre-
mier, voulut voir dans la légende ODAGISA le nom d'une
ville qu il crut bon de placer dans l'Espagne citérieure.
M. Joseph Gaillard a pensé aussi qu'il a existé une ville
appelée ODAGISA, située, suivant son opinion, à cause de
la ressemblance des types avec ceux de Gadès, Sex et
Abdéra, dans l'Espagne ultérieure. Il cite à l'appui une
inscription conservée à Lora del Rio (Miu*atori, 1065, 4),
relative à une femme nommée ComeUa Lucii filia Ruslica
Oduciensis. Ce même nom de ville se trouve aussi mentionné
dans l'inscription de Gruter (3A5, A), consacrée par les
Unlrarii Canamenses^Oducienses^Naevenses (une autre con-
tenant le même nom est fausse ; voy. Ilubner dans le Bhein.
Mus. fur Philol, t. XVII, p. 228 et suiv.).
M. Hûbner identifie l'antique Oducîa avec le village de
Tocina {Monalsber. der Akad. zu Berlin, 1860, p. 103).
Mais Oducia n'est pas Odacisa. Je ne crois pas même que
la légende ODAGIS-A représente un nom de ville, puisqu'il
existe des variétés certainement sorties du môme atelier
que les monnaies sur lesquelles nous lisons cette légende,
et qui néanmoins en offrent une toute différente.
En examinant toutes les pièces que nous avons rappelées
ou décrites, on y reconnaît sans difficulté quatre légendes,
les variantes de chacune provenant de la façon dont elles
ont été lues.
1. ODAGISA.
2. BIAS ou BLAS.
3. 0MES1SGR-? (Gaillard);— QVADIIL-SISGy^h (Sensi) ;
— Q\ff A/IE-SISG/? F (Delgado);-.Q SISGR F (Bayer) ;
— SISVG (Bayer).
i. SISBESISGRA F.
Ces quatre légendes représentent sans doute des noms
ET DISSERTATIONS. i7b
de magistrats de la ville dont le nom, en caractères ibé-
riques, est toujours le même sur le revei-s. On connaît quel-
ques autres exemples de noms de personnages romains
réunis à des légendes géographiques espagnoles.
Dans les légendes 8 et 4 il y a un point au milieu ; elles
contiennent donc deux noms. Dans SISGRA,les deux derniers
caractères sont tantôt en monogramme, tantôt séparés;
mais la légende n** 4 indique bien comment le nom doit être
lu. Le caractère F qui le suit doit signifier filius. Sisgra
serait donc un nom paternel au génitif. M. Hiibner (dans
les Monatsberichle de Berlin, 1861, p. 96) a publié une
inscription assez ancienne qui existe dans la ville d'Alcald
del Rio, et qui contient le nom d'un indigène appelé
VRGHAILATITTA-F-GHILASVRGVN. La terminaison A au
génitif n'est donc pas inadmissible. Je crois que les noms
contenus dans les légendes transcrites plus haut sont pure-
ment espagnols-celtiques, comme on en trouve un si grand
nombre dans les régions occidentales et septentrionales
de la Péninsule, offrant quelquefois des formes bien plus
extraordinaires que celles dont nous nous occupons. Quant
à la lecture de la troisième sorte de légendes, je m'attache
de préférence à celle qui a été proposée par M. Delgado
dans son Gatalogue de la collection Lorichs.
Le nom de lieu ne pourra donc pas être trouvé dans les
légendes latines. Mais si celles-ci varient d'une monnaie à
l'autre, il n'en est pas de même de la légende ibérique
qu'on retrouve sur toutes les pièces, et c'est elle assuré-
ment qui renferme le nom de la ville ou du peuple.
J'ai appelé cette légende ibérique et non pas phénicienne,
bien qu'au premier coup d'œil on reconnaisse qu'elle se
dirige de droite à gauche, parce qu'il n'est pas rare de
rencontrer ce mode de direction dans les écritures ibériques
370 MÉMOIRES
d'une certaine région et de quelque ancienneté, et aussi
parce qu'elle contient des lettres qui ne sont pas phéni-
ciennes.
M. Joseph Gaillard, en renversant tout le revers, donne
ainsi la légende : |^. ViWl D C^ . Mais le troisième caractère,
si fréquent dans les écritures ibériennes, presque tou-
jours tourné à droite ( quelquefois aussi vers la gauche,
comme dans la légende qui nous occupe) , suffirait à lui seul
pour montrer en quel sens on doit présenter la légende.
Quelques numismatistes ont considéré à tort comme une
première lettre le croissant placé au commencement de
cette légende. Cependant il paraît n'avoir pas existé sur la
pièce n* 3, et c'est d'ailleurs un symbole très-fréquent sur
les monnaies de l'Espagne, tant dans la région ultérieure
que dans la région citérieure. Restent donc cinq caractères.
Le premier est un des plus usités dans l'alphabet ibé-
rique. Il apparaît ordinairement tourné à droite ; c'est le
hé des Phéniciens.. TE des Grecs et des Romains, Le second
pourrait être considéré comme un N dérivé du noun phé-
nicien ; mais il me paraît plus probable que c'est le carac-
tère initial de la légende H ^ KtK H » c est-à-dire (Velaz-
quez, Ensayo., p. 56. — Saulcy, Mon. ati/., lég. 117) le V
consonne romain , dérivé du vav phénicien.
Le troisième caractère est sans doute équivalent à l'I ro-
main, une forme retournée de l'tod phénicien et hébraïque.
Le quatrième et le cinquième se trouvent liés sur quel-
ques variétés ( voy. la description des monnaies n°' 1 , 4 ) ;
mais ce sont deux lettres bien distinctes, ainsi qu'on peut
s'en assurer par l'examen de nos monnaies n" 2, 3, 5, 6.
Nous avons quelques autres exemples de ligatures dans
l'écriture ibérique. Ainsi sur quelques variétés de la mon-
naie publiée par Daniel Lorichs [Rech, num. , pi. XXVIII, n* 7)
ET DISSERTATIONS. 377
les deux lettres ^ et X apparaissent fondues en un seul
groupe K (pl. XXVIII, n*»« 8 à 10). Sur une variété inédile
du moyen bronze ordinaire de Segobrica ( Lorichs , Rech,
tiuiw., pl. XL, n*' 7, 18) , les caractères ^ et ^ sont liés
ainsi ^ . On observe encore d'autres exemples de ce fait
sur les monnaies de Saguntum et d'Obulco, et dans quel-
ques inscriptions de l'Andalousie et du Portugal.
La quatrième lettre de notre légende est vraisemblable-
ment la môme que celle que nous voyons en tête de
□ ^ f ^4^» c'est-à-dire, suivant M, Delgado,unB. La der-
nière ne se retrouve que sur une monnaie dont la légende
se dirige de gauche à droite, et où elle remplace un autre
caractère que le même savant a reconnu pour un M. On
pourrait donc lire sur nos monnaies : EVIBM; mais mal-
heureusement ce mot n'offre aucun rapport avec aucun
des noms de peuple ou de ville dont l'antiquité nous
ait transmis la connaissance.
Puisque le déchiffrement de la légende ne nous fournit
pas la solution cherchée, rappelons-nous ce fait numisma-
tique si généralement établi que les monnaies d'une même
région offrent des rapports de types bien caractérisés, et
cherchons parmi les monnaies connues de l'Espagne quelles
sont celles qui ont le plus de ressemblance avec la série
que nous avons décrite.
A la vérité, la tête d'Hercule et les deux thons se ren-
contrent à l'occident (Gadès) et à l'orient (Sex) du détroit;
mais il faut considérer notre série dans son ensemble, et
comparer le tout à d'autres médailles qui nous sont bien
connues.
Quant à la chronologie, je dois dire que nos monnaies
me paraissent avoir été fabriquées à peu près dans l'ordre
qui leur est assigné sur la planche XIX. r4elles qui portent
378 MÉMOIRES
seulement la légende inexpliquée me semblent plus an-
ciennes que les autres sur lesquelles nous remarquons des
noms de magistrats romains; elles sont aussi plus épaisses
et plus pesantes et de bonne fabrique. Bayer reconnaît
que Tune d'entre elles présentait quelque chose du style
grec.
Je crois que les plus modernes sont les pièces à la tête de
Jupiter lauré, qui portent aussi deux dauphins au lieu de
thons, non-seulement parce que leur fabrique est moins
bonne , mais parce qu'elles sont frappées sur un flan plus
mince, et par conséquent plus léger.
Que ces monnaies aient été émises par une ville située à
une grande distance des autres ateliers monétaires, c'est
ce qui parait évident si l'on fait les réflexions sui-
vantes :
!• Malgré leurs types, elles ne peuvent provenu- des en-
virons de Cadix, puisque, dans ce cas, elles eussent porté
une légende en caractères semblables à ceux qu'off'rent les
monnaies que j'ai publiées dans le Journal asiatique alle-
mand^, monnaies frappées à Asido, Baelo, Iptuci, Lascuta,
Oba, Turrigena, Vesci.
2» Par la même raison, elles ne peuvent avoir été frap-
pées dans aucune des colonies phéniciennes de la côte
orientale, puisque leurs légendes diflérent sensiblement
des légendes phéniciennes inscrites sur les monnaies de
Malaca, de Sex, d'Abdéra, etc.
3* Leurs types, comme leurs légendes, ne les rattachent
ni à la contrée située au sud du Bétis, ni au voisinage de
l'embouchure de ce fleuve, puisque ces types, comme ces
1 Spanisehê Munzin mit bUher untrklârttn Àufêchriflen, Leipsîg, 1863 , 5 plan-
ches.
ET DISSERTATIONS. 379
légendes, n'ont aucun rapport avec ceux d'Acci (?), de
Gastulo, d'Iliturgi, d'Iliberris. Les caractères de la légende
ne peuvent pas non plus être identifiés à ceux de Tinscrip-
tion ibérique d'Alcalâ del Rio.
4"* Au nord du fleuve Bétis habitaient des peuples gros-
siers et à peine mentionnés par la géographie antique, et
nos monnaies doivent avoir été, à ce qu il nous semble,
frappées dans une ville importante et civilisée, qui,
bien qu'éloignée de la côte, devait être située dans
un pays en contact immédiat avec l'influence phéni-
cienne.
5** Enfin elles n'ont pas été frappées non plus dans la
contrée située entre les fleuves Bétis et Anas, puisqu'elles
différent sensiblement des médailles qui proviennent de
cette région.
Il faut encore remarquer que presque toutes les villes de
l'Espagne ultérieure qui frappèrent des monnaies auto-
nomes, employèrent plus tard, sous la domination romaine,
les légendes latines, ainsi que le démontrent de «ombreux
exemples fournis par le numéraire de colonies phéniciennes.
Quoique la série que nous étudions se trouve encore exclue
de la classe des monnaies d'attribution certaine, il ne laisse
pas cependant que d'être probable que la ville où elles ont
été frappées en a émis d'autres sur lesquelles le nom de
lieu était écrit en caractères latins.
Si donc les monnaies postérieures et à légendes latines
reçurent des types semblables à ceux des pièces autonomes
qui les avaient précédées, il est bien à croire que ces types
étaient ceux-là môme que nous montrent les monuments
les plus modernes de notre série, c'est-à-dire la tête de
Jupiter lauré et la légende entre deux dauphins.
Or, entre tous les ateliers monétaires de l'Espagne, un
380
MÉMOIRES
seul nous fournit des monnaies latines à ce type, et c'est
Salacia'.
Cette ville était non-seulement éloignée de tous les ate-
liers connus de l'époque républicaine (car les médailles de
Pax Julia sont, autant qu'on peut s'en assurer, des falsifi-
cations du siècle dernier ' ) , mais encore située dans une
région où , comme dans toute la partie méridionale du
Portugal, le culte et le commerce des Phéniciens s'étaient
implantés dès les temps les plus reculés.
Je finirai par l'argument le plus puissant, à savoir que
les médailles portant l'inscription ^ Q *>1 'i^ ne se trouvent
qu'en Portugal ou dans les provinces d'Espagne qui confi-
nent à la partie méridionale de ce royaume.
t La seconde de ces monnaies, celle qui porte la légende IMP-SÂLAC', est
une pièce unique de la bibliothèque nationale de Madrid.
s Je dois dire cependant qne i*ai vu au musée de Berlin une monnaie
unique de Pax Julia frappée sous Auguste, et analogue aux pièces latines de
Salacia. Cest un moyen bronze au flan mince, portant d*un côté la tête
d* Auguste, nue, tournée à droite, et au revers PAX'IV.., entre deux ligues
horizontales. Le style de la gravure et la façon dont la légende est disposée
conviennent bien à cette région.
ET DISSERTATIONS. 381
Bayer en a vu un exemplaire à Malaga, un antre à Séville,
tous deux probablement de provenance portugaise, et un
troisième à Béjâ.
Les monnaies de la collection Delgado viennent de la
province frontière de Huelva. Sur deux exemplaires que
possédait M. J. Gaillard, l'un avait été, à ce qu il dit, re-
cueilli à Tavira , Tautre à Béjâ.
M. le docteur Ilubner, de Berlin, écrivait de Lisbonne à
M. Delgado qu'il avait vu deux exemplaires d'une monnaie
inédite d'Odacisa avec type gaditain, mais non bilingue, à
ïroya, que Ton croit ôtre le site de Tantique Cœtobriga, en
face de Sétubal\
11 pourrait se faire que ce ne soit pas Salacia, mais
CîEtobriga qui ait frappé les monnaies en question. Les
deux villes n'étaient éloignées Tune de Tautre que de neuf
lieues. Je préfère cependant les attribuer à Salacia pour les
deux motifs que voici :
Premièrement, nous ne connaissons aucune monnaie
frappée à Gaetobriga ; mais nous en avons de Salacia d'une
époque postérieure à celle des pièces que j'ai décrites; ce
* M. E. llUbner (dans les Monatsber, der, K, Acad. der U'i>«. xu Berlin,
1861, p. 745) donne les renseignements suivants que je traduis en français :
« Csetobriga : la position de Troya et les ruines qu'on y voit , surtout les restes
*• remarquables d'établissements pour les salines et la trouvaille de monnaies
«< frappées d'après le système monétaire et aux types de Gadès, avec des lé-
• gendes en caractères inconnus, font présumer qu'il a dû exister en cet en-
M droit une ancienne ville qui fut abandonnée pcut-Otre à Pépoque de la do-
«« mination romaine, comme les anciens établissements situés sur les côtes
•• méridionales de la Péninsule. »• — £t plus bas à la môme page, en parlant
de la position de Salacia, il njoute : « A trois lieues sud-ouest d'Alcacer doSal,
" dans la direction do Béjà, au territoire de Ferreira et au sud de l'endroit dit
M 0 Torrâo, entre les rivières Sadâo et Xarama, est une vieille église, Santa-
r^ Margarida do Sadâo, où se trouvaient du temps d'André de Resende six
M inscriptions dans lesquelles paraît le nom de Salacia. n
382 MÉMOIRES
qui nous permet de supposer que si Salacia a joui sous les
Romains du droit de battre monnaie , elle rayait possédé
dès auparavant.
Secondement, le nom de Cœtobriga est, à n'en pas douter,
indigène, et devrait se reconnaître dans notre légende ibé*
rienne, ce qui n'a pas lieu.
Au contraire , le nom de Salacia parait latin et peut bien
être d'introduction romaine. Ce nom aurait été substitué au
nom antique de la ville que nous voyons sur les médailles
de fabrique primitive , accident assez fréquent dans l'Es-
pagne antique.
J. ZODEL DE ZaNGRONIZ.
Madrid, septembre 1B63.
ET DISSERTATIONS. 383
MONNAIES GALLO-GRECQUES
DE MARSEILLE ET D'ANTIBES.
(PI. XX.)
N*» 1. Tête (l'Apollon à gauche.
S) Les lettres MAS et trois points surmontés d'un an-
nelet dans les rayons de la roue. — Argent. Poids, 08',5.
(Planche XX, n* 1.)
Dans un ai'ticle précédent \ j'avais signalé, parmi plu-
sieurs variétés, trois exemplaires d'oboles gallo-grecques
de Marseille portant dans l'un des cantons formés par le
rayon de la rouelle du revers, l'un une fleur, l'autre un
point, et le troisième un croissant. Aujourd'hui nous voilà
en présence d'une variété plus caractérisée encore. Pour
moi je ne doute pas que la seconde lettre ne soit un A,
bien qu'elle aflecte, comme nous la rencontrons quelque-
fois, la forme d'un A. La pièce est donc bien massaliote.
Mais ce qu'elle offre d'étrange, ce sont ces trois points et
cet annelet insolite qui en font une variété nouvelle à classer
en attendant que la lumière se fasse sur cette quantité de
signes et de sigles que nous offre ce monnayage.
Sous la rubrique deuxième type de Diane, M. de la Saus-
1 Revui numismatique f 1861, p. 400 et suiv.
38A M^IMOIRES
saye, dans la yumismatique de la Gaule narbonnaiscy donne,
à partir du n" 54 jusqu'au n" 115, la description de di-
verses drachmes qui, selon moi, auraient dû être soumises
au moins à une subdivision. Je me croirais très- mal venu
à critiquer l'ouvrage du patient et érudit explorateur des
monnaies gallo-grecques de nos contrées; c'est donc une
simple observation que je demande la permission de lui
soumettre.
Arrivant à la discussion historique qui forme sa sixième
époque, M. de la Saussaye dit avec raison : « Mais tandis
« que la puissance de Massalie s'accroît encore, l'art perd,
« comme dans tous les États grecs, de sa force et de son
« éclat.... Les médailles 38 à â4, 59, 70 à Hâ, 116 à 152
« nous offrent un exemple de la décadence progressive de
« l'art, dont quelques-unes, toutefois, conservent encore
(( d'assez beaux souvenirs. Elles ont, au surplus, perdu de
a leur poids comme de leur style ; les oboles sont des-
« cendues de 75 centigrammes à 60 et au-dessous; les
« drachmes, de 3«',77 à 2s%65, qui resteront le poids
c( le plus ordinaire jusqu'à la fin du monnayage. » Eh
bien ! c'est cette dernière observation , si judicieusement
faite, que j'invoque à l'appui de la division que je pro-
pose.
En parlant de la cinquième époque, l'auteur, par de no-
bles et poétiques paroles, nous dépeint cette période où la
beauté de Cœuvre égalait la majesté du dieu. Le caractère
divin d'Apollon, dit-il, n'est indiqué que par les traits de l'a-
dolescence dans sa plus grande beauté. Diane Éphésienne ne
porte d'autre attribut qu'une couronne formée des feuilles
de Tarbre dont le premier rejeton, rapporté avec la statue de
la déesse sur le navire de Protis, avait été l'une des sources
de richesse de la colonie.
ET DISSERTATIONS. 386
Oui, c'est bien là indubitablement le point de départ de
ce beau type monétaire où Tart se révèle avec une si gran-
diose simplicité. Les Phocéens, en cela, ont procédé d'après
Tusage resté commun de laisser d'abord à la monnaie sa
régularité primitive de dessin et de ne la surcharger de
signes particuliers ou d'ornements parasites qu'au fur et
à mesure qu'on procédait à de nouvelles fabrications, et
pour distinguer les émissions successives. Dès lors je crois
qu'on doit admettre seulement dans la première division
au type de Diane, celles des drachmes où la déesse est
représentée sans autre ornement que les petites branches
d'olivier dans les cheveux, les pendants d'oreille et le col-
lier de perles; car évidemment l'apparition de l'arc et du
carquois appartient à une fabrication postérieure. J'en dirais
autant des symboles du caducée, du croissant, du tri-
dent, etc. , qu'on trouve entre les pattes du lion au revers,
et je ferais de ces pièces, sinon une classe à part, du moins
une division en dehors du caractère primitif, servant de
transition entre la première émission dégagée de tout signe
et de tout ornement étranger, et le type commençant au
n* 116 de M. de la Saussaye.
Ce que je viens de dire est justifié par une autre circon-
stance plus frappante encore : celle du poids; car il n'est
pas possible de confondre dans la même fabrication des
pièces qui, parties de 36%77, descendent même au-dessous
de 2«',60. Cet abaissement dénote que , dans des émis-
sions successives et dans un but facile à comprendre, on a
démonétisé les drachmes pesantes pour les soumettre à la
refonte afin d'en obtenir numériquement une plus grande
quantité sans augmenter la masse du métal en circu-
lation, ainsi que l'a reconnu M. de la Saussaye lui-même
dans son article publié en 1860, avec un tableau rectifica-
J863.— 6. 26
S86 HLMOIBES
tî^^ Daos sa dégéoéresceDce le type de Diase n'en restait pas
moiiis immobilisé; mais il subissait une altération considé-
rable sous le rapport de la valeur intrinsèque en même temps
que pour le caractère du dessin. Je pense donc que la série
des dracbmes pesantes doit être classée à pan comme for-
maDt ime émission spéciale. Ce n'est pas. je le répète, un
bouleversement que je propose, car, pour moi, il y a dans
les drachmes au type de Diane quatre divisions principales
bien distinctes. La première, celle comprenant la tête de la
déesse et au revers le mot MASIA avec ou sans symbole
sous le lion au flanc très-recourbé. La seconde, le buste
pharéîré^ toujours avec le seul mot MAHA au revers et
des lettres numérales (?) , sous le lion passant au flanc
plein. La troisième avec le buste analogue et le mot
MAIIAAIHTQN en deux lignes au-dessus et au-dessous
du lion en arrêta tourné soit à droite, soit à gauche. La
quatrième enfin, avec ce buste amoindri et amaigri au
revers duquel figure un lion d'un mauvais dessin qui
semble porter une fraise à trois rangs. Je ne veux pas
parler de quelques variétés exceptionnelles, telles que les
n** 60, 68 et 69 de la planche II de M. de la Saussaye qui
n'appartiennent pas à Marseille et qui ne sont que des imi-
tations grossières de la monnaie, émise sans doute par
quelque peuplade ou quelque colonie voisine. Mais je crois
que, m'en tenant aux quatre classifications générales dont
je viens de parler, on doit, dans la première, accorder un
rang à part et une place spéciale aux drachmes pesantes
c^mme formant une série bien tranchée et appartenant à
une émission distincte. En outre, je n'hésiterais pas à resti-
tuer aux types postérieurs les n"* 70, 71 et 77 de la
» Rttue num.f nouv. iwtrie, t. V, 18f>0, p. 485 à 490.
ET DISSERTATrONS. 387
planclrc II de la ?i^umismatique de la Gaule narbonnaise ;
la Diane pharétrée, le lion, les légendes et les lettres de
Vexergue ne sauraient, selon moi, appartenir à la division
dans laquelle ils sont placés.
Depuis longtemps j'étais préoccupé de ces observations
lorsqu'elles ont été récemment confirmées par la découverte
de sept grandes drachmes qui se trouvaient ensemble et
dont nous avons fait l'acquisition. Ce petit trésor porte à
onze le nombre de celles que nous possédons aujourd'hui,
et cette quantité, malgré la rareté des pièces de ce poids
et de ce module, vient indiquer d'une manière positive une
époque réeUe dont la refonte et la démonétisation n'ont pas
pu effacer Texistence, La planche II de la Numismatique
de la Gaule narbonnaise ne donnant qu'un petit nombre de
dessins et le texte ne citant qu'une série restreinte de va-
riétés, je crois être agréable aux lecteurs de la Revue en
décrivant quelques-uns des exemplaires qui se trouvent
dans nos cartons, et qui s'écartent plus ou moins des spé-
cimens dessinés dans l'ouvrage de M. de la Saussaye qui
continuera de nous servir de guide.
Planche XX, n* 2. Poids, 3«',68. Variété plus légère de
la pièce dessinée sous le n"" A, planche XYII de la Revue
(1861).
W 3. Poids, S^,7b. Très-belle pièce, variété du n* 84.
planche II de la Gaule narbonnaise^ et un peu plus pe-
sante.
N" 5. Poids, 3«',68. Un croissant et un point derrière la
tête. M. de la Saussaye donne, sous le n* 56, une pièce avec
la même sigle. La sienne est beaucoup plus lourde; mais
l'aspect de la nôtre révèle un flan incomplet.
N» 6. Poids, 3«',66. N*7. Poids, 8»',63. Ces deux variétés,
dont les têtes diffèrent essentiellement entre elles pour le
388 m^:moires
dessin et pour l'ampleur, sont nouvelles en ce sens qu'elles
portent au revers 1AI1^. au Heu de MA22A, et que Tini-
tiale M est remplacée par un 1.
N* 8. Poids, 3«%65. Légende entièrement inédite. Le
nom MA22A est remplacé par les lettres 2A, assez séparées
entre elles pour faire voir qu'elles n'ont pas été précédées
par d'autres. La conservation de cette monnaie, qui est à
fleur de coin, et l'état complet du revers ne laissent aucun
doute à cet égard. Le travail, est d'une grande finesse et
la manière dont le lion est ressorti à la frappe est presque
exceptionnelle.
Le poids de ces pièces, inférieur à 3«%77, vient nous
prouver que si elles ont suivi de près la première émission,
du moins n'est-il pas certain qu'elles lui appartiennent.
Au moment où je terminais cet article une nouvelle
drachme vient de m'ètre apportée.
N* 4. Tête de Diane à droite : un croissant derrière le
cou de la déesse.
^ Lion passant à droite, mal venu à la frappe. —
Argent. Poids, 36%70. (Planche XX, n* â.)
La présence du croissant est une chose nouvelle sur les
pièces de cette époque. Elle forme variété avec le signe qui
se trouve placé au môme endroit sur le n* 5 de notre
planche. Heureusement, malgré l'irrégularité du flan qui
a nui au revers, le côté de la tète est beau et à fleur de
coin.
Sous les n" 123, 124 et 125 de sa nomenclature, M. de
la Saussaye décrit trois drachmes avec le monogramme M
placé devant le buste ; et sous le n** 1 38 le même mono-
gramme inscrit NV. Jusqu'à présent ce signe, se confondant
avec la multitude de lettres inexpliquées placées de la même
manière, je n'y avais pas apporté d'attention. Mais je viens
ET DISSERTATIONS. 380
d'être mis en possession d'un petit bronze à fleur de coin,
frappé à Arles au nom de Constant fils de Constantin, et
portant dans le champ le même monogramme. Pour mettre
le lecteur à même d'en juger, je donne le dessin des deux
pièces, (Planche XX, n** 9 et 10.)
Notre petit bronze ne saurait avoir été frappé à Marseille,
puisqu'il n'existe aucune pièce émise dans cette ville par
les Romains; nous voyons dans la Notilia dignitalum im--
péril romani que l'ancienne colonie phocéenne ne figure^
pas au nombre des officines monétaires de la Gaule. Quant
à notre pièce, les lettres PARL à l'exergue indiquent le pre-
mier atelier d'Arles.
Je livre le dessin de ces deux pièces à l'examen des
numismatistes, et je serais heureux que l'interprétation d&
ces monogrammes ainsi rapprochés pût jeter quelque jour
sur le sens des nombreuses lettres isolées ou groupées qui
se trouvent sur nos monnaies gallo-grecques.
Planche XX, n" H, 12. Voici deux monnaies minuscules
que je crois être entièrement nouvelles, en raison de leur
module. M. de la Saussaye n'avait connu, je crois, que des
petits bronzes au type de Marseille, et nous nous trouvons
en présence d'oboles véritables.
Le n" 12 se trouve dans nos cartons. Le n» 11 appartient
à M. le comte de Clapiers.
Dans sa brochure publiée récemment sur la numisma-
tique de 1859 à 1861, M. Anatole de Barthélémy veut bien
me faire partager avec quelques-uns de nos maîtres de la
science des éloges que je ne saurais accepter, surtout à côté
des noms illustres en numismatique qu'il cite. Mais il dit
avec raison qu'aujourd'hui que l'archéologie gauloise est
explorée avec une faveur marquée, il sera bientôt admis
par tout le monde que ces pauvres Gaulois, si longtemps
390 MÉMOIRES
considérés comme des espèces de sauvages, étaient au moins
aussi civilisés que les nations limitrophes qui, plus heu-
reuses qu'eux, ont eu la chance d'avoir des historiens con-
temporains. La première de mes petites monnaies semhle
venir exprès à l'appui de cette observation. Il est impossible
de trouver chez quelque peuple que ce soit un travail
d'une grâce plus exquise et d'une plus grande iinesse de
burin. Ce petit bijou est, Dieu merci, arrivé jusqu'à nous
à fleur de coin et dans un état de pureté qui permet d'en
admirer le travail, surtout lorsqu'il se produit sur un flan
aussi mince. L'exemplaire de la bibliothèque de Marseille
est tellement loin d'en approcher sous tous les rapports
que je n'oserais pas le faire figurer ici s'il ne s'agissait pas
d'établir l'existence d'un module nouveau dans le mon-
nayage gallo-grec, point d'autant plus essentiel à établh*
que, lorsqu'il s'aghra de donner des limites à cette fabri-
cation, il pourra servir de comparaison et de rapprochement
avec les oboles de même métal frappées à une époque
avancée de l'empire d'Occident et au conunencement de
l'empire d'Orient.
Les monnaies gallo-grecques d'Antibes sont assez rares
et se rencontrent difficilement. Dans sa dissertation sur
leur caractère, M. de la Saussaye exprime * le regret de
ne pouvoir donner le dessin d'une pièce empruntée par
Mionnet au Catalogue du roi de Danemark, qu'il ne connaît
ni en nature ni par empreinte. C'est la médaille portant
la légende PAIM qu'il croit avoir été tronquée ou mal lue.
Je suis heureux de pouvoir combler cette petite lacune en
publiant aujourd'hui cette pièce de bronze qui se trouve
dans nos cartons, et qui doit se lire AAIM (planche XX,
* ^um, de la Gaule narbonnaittf p. 113.
ET DISSERTATIONS. 391
n'ii), c est-à-dire AOYKIOS AMIMOI, Lucius .Emilius.
Le savant numismatiste a déterminé Tépoque précise du
monnayage d'Autibes qui se trouve limitée entre Tannée hh
et l'année &2 avant Jésus-Christ. Cette fabrication n'a donc
duré que de deux à trois ans au plus, sous le gouverne-
ment de Lépide. L'absence du surnom AEIII sur notre
pièce, comme sur plusieurs de celles décrites par M. de la
Saussaye, provient évidemment, comme il le fait fort bien
ob8er\'er, de ce que le flan n'a pas reçu toute son extension
lors de la frappe. Et si l'on accepte l'opinion émise par
l'auteur de la Gaule narbonnaiscj il y aurait à chercher dans
les lettres AAUVI le nom d'un magistrat monétaire, plutôt
que la dégénérescence de la légende I^iAHM ou I2AIM
inscrite sur les pièces d' Antipolis décrites sous les n»* 2
et 3. Le triumvir Lépide se nommait Marcus ^milius et le
Lucius i£milius rappelé par la monnaie pouvait être son
parent ou son client.
Les variétés données par M. de la Saussaye sont au
nombre de huit. La nôtre, qui avait été citée par Mionnet,
devient la neuvième. Le monnayage a été de courte durée
s'il n'a pas dépassé le gouvernement de Lépide; mais nous
savons à quel point les anciens multipliaient les coins et
variaient les types. La numismatique consulaire en fournit
d'abondantes preuves. M. de la Saussaye repousse l'opinion
de Lelewel qui proposait le nom de Canidius pour la lé-
gende de la pièce qui porte le mot KAN , et qui croyait
pouvoir l'attribuer à P. Canidius Crassus, consul en l'an 40
avant Jésus-Christ. Mais, sans prétendre me ranger à l'opi-
nion du savant polonais quant au nom inscrit sur cette
monnaie, je ferai seulement remarquer que l'attribution à
un personnage exerçant des fonctions consulaires en Tan 40
rapproche déjà l'époque où la fabrication aurait cessé, et
392 MÉMOIRES
que dès lors Lelewel n'était pas aussi cerlain ni aussi aflir-
matif que M. de la Saussaye sur ce point important. Il est
évident que les monnaies d' Antipolis portent des inscrip-
tions dans lesquelles l'auteur de la Numismatique de la
Gaule narbonnaise a vu des noms propres romains qui lui
paraissent s'appliquer pleinement à des magistrats moné-
taires. Si, à réj)oque de Lépide, on a adopté dans la Nar-
bonnaise l'usage de Rome, nous pourrions nous attendre à
rencontrer sur les monnaies d'Antibes de six à Luit noms
pour deux ou trois ans ; et nous sommes encore loin d'avoir
atteint ce chiffre.
Ad. CàRPENTlN.
tl DISSËllTATIONS. S9S
NIGÉPHORË lUÉLISSÈNE,
PRÉTENDANT AU TRÔNE DE BYZÂNGE.
(1080—1081.)
W? [0YJ. Buste de face et nimbé de la Vierge, le»
mains élevées ; le tout dans un grènetis.
Si [KbBOHeei] NIRH^OPco AGCnOTIITco MGAI-
CHNco, en cinq lignes ; le tout dans un grènetis.
Cette médaille a été frappée à une époque où l'empire
de Byzance approchait rapidement de sa fln ; déchiré par
les rivalités des différents prétendants au trône, il devenait
la proie de plus en plus facile des hordes seldjoukides, La
grande défaite de Romain IV Diogène à Manzikert (1071)
avait déflnitivement ouvert les frontières orientales de
Tempire aux invasions des Turcs, et les traités ouéreux
que chaque nouvel empereur, ou chaque prétendant se
bâtait de conclure avec les envahisseurs, achevaient de
fixer dans les plus belles provinces de l'empire les bandes,
qui jusqu'alors n'y avaient fait que des ravages tempo-
raires.
30A MÉMOIRES
Le règne de Michel YII Ducas, successeur de Romain,
lie fut qu'une série de désastres; la révolte des Bulgares,
celle de Nestor et des Paizinaques sur le Danube, celle de
Philarétus en Commagëne, et du chef normand Oursel en
Galatie; un traité abandonnant à Soliman, fils de Koutoul-
niich, chef des Seldjoukides d'Anatolie, plusieurs provinces
de l'Asie Mineure ; enfin la rébellion de Nicéphore Bryen-
nius, qui vint ravager les faubourgs de Constantinople,
voilà les principaux événements de ce triste règne. Une
autre révolte vint y mettre fin : Nicéphore Botaniate, com-
mandant des troupes impériales en Asie Mineure, enhardi
par l'exemple de Nicéphore Bryennius, résolut de renverser
le faible Michel VIL Après s'être assuré, au prix de nou-
velles concessions territoriales, l'appui d'un chef turc
nommé Chrysoskoulos, il quitta la Phrygie où ses troupes
étaient cantonnées, marcha sur Kicée, où il fut accueilli
par les habitants avec enthousiasme, et bientôt après il
recevait la nouvelle que Michel avait été déposé, et s'était
retiré dans le monastère de Studion, à la suite d'une in-
surrection générale de la population de la capitale; Nicé-
phore fut couronné à Sainte-Sophie, le 13 avril 1078.
Son premier soin en montant sur le trône fut d'envoyer
Alexis Comnène, qui avait embrassé son parti, contre Ni-
céphore Bryennius, qui avait pris le titre d'empereur et qui
se maintenait dans la Thrace. Les deux armées s'étant ren-
contrées près de Kalabrya, celle de Bi7ennius fut mise en
déroute, et son chef fait prisonnier; Botaniate lui fit crever
les yeux. Un second prétendant, Basilacius, qui s'était
rendu maître de Thessalonique, fut également batlu par
Alexis et subit le même sort que Bryennius. Tranquille
désormais du côté de l'Europe, grâce aux talents militaires
d'Alexis Comnène, l'empereur tourna ses eflbrts vers l'Asie
£T DISSERTATIONS. 395
Mineure, où son autorité était loin d'être généralement re-
connue. Il eut facilement raison de Constantin Ducas, père
de Michel VII, que les troupes avaient proclamé empereur,
mais qui se montra si peu digne de la pourpre que ses
propres partisans le livrèrent à Botaniate ; celui-ci se con-
tenta de lui faire prendre l'habit monacal et l'enferma dans
un monastère des lies. Mais à peine était-il débarrassé de
ces trois concurrents, qu'il s'en éleva un quatrième, dont
il ne put venu* à bout, et dont la révolte dura jusqu'à la fin
de son règne; c'était Nicéphore Mélissénos.
La famille des Méllssènes était une des plus anciennes
et des plus puissantes de l'empire; c'est d'elle qu'était
issue l'impératrice Eudoxie, troisième femme de Constan-
tin V Copronyme, et sœur de Michel Mélissénos, dont le
fils, Théodotos Kassiteras, fut nommé en 815 patriarche
de Constantinople. Léon et Theognostus Mélissène prirent
part à la révolte de Phocas contre Basile II, vers 987 (Ce-
drenuSj p. &A5). Un autre Mélissène figure pendant le
règne de Constantin Porphyrogénète {Genesius^ p. 88), et
une branche de la famille portait, vers le milieu du ix*
siècle, le surnom de Lydiatès {Vita S. Nicolai Slvditx^
apiidCombefis. Hist. Monothelit. p. 9â3).
Nicéphore avait épousé, vers la fin du règne de Con-
stantin XIII Ducas (1059-67), Eudoxie Comnène, nièce de
l'empereur Isaac I Comnène, et sœur de Manuel , qui fut
curopalate et général des troupes asiatiques sous Romain
Diogène, et d'Alexis Comnène, qui succéda à Nicéphore
Botaniate sur le trône de Byzance. Bien qu'il ne soit dési-
gné que sous le nom de Mélissénos, il ne descendait pro-
bablement que par les femmes de cette famille illustre; car
Bryennius dit expressément que du côté paternel il des-
cendait des Mortii ou Bourtzii, race dont l'illustration
396 MÉMOIRES
égalait presque celle des Mélissènes (Nie. Bryen. 1, 6; lil,
15). 11 est mentionné pour la première fois en 1070, à l'oc-
casion de la bataille de Sébasté, où son beau frère Manuel
Gomnène fut battu et fait prisonnier par le Turc Chrysos-
koulos; Nicéphore et son autre beau-frère Michel Taronite,
qui avait épousé Marie Gomnène, tombèrent aussi au pou-
voir au vainqueur, qui ne tarda pas du reste à changer de
politique, se révolta contre son suzerain le sultan Alp Ars-
lan, et se ligua avec les Byzantins {Nie. Bryen. I, 11).
Huit ans plus tard, lorsque Botaniate leva l'étendard de la
révolte contre Michel Vil, il n'y eut parmi les chefs in-
fluents de l'Asie Mineure que deux hommes qui refusèrent
de se joindre à lui, et qui restèrent fidèles à l'empereur ;
c'étaient Georges Paléologue et Nicéphore Mélissène, dont
la résidence habituelle était Dorylée {Nie. Bryen. 111, 15;
Cinnamus^ Vil, 2). 11 ne chercha pas d'abord à résister
ouvertement à Botaniate, mais il se retira dans l'Ile de Cos
ou dans le voisinage, et entama des négociations avec les
Turcs d'iconium; dès que leur appui lui fut assuré, il ne
balança plus ; il chaussa les souliers de pourpre, insignes
de la dignité impériale, et se mit à parcourir l'Anatolie
accompagné par les troupes de ses nouveaux alliés. Par-
tout les villes lui ouvraient leurs portes et le reconnais-
saient comme empereur, tandis que lui les remettait, bien
à regret, dit l'historien, aux Turcs; de sorte qu'en très-
peu de temps ces derniers se trouvèrent maîtres sans coup
férir de l'Asie proconsulaire, de la Phrjgie et de la Gala-
tie; Nicéphore s'établit avec ses auxiliaires à Nicée, et
se prépara à marcher sur la capitale. Botaniate eut alors
recours encore une fois à Alexis Gomnène, et le chargea de
conduire une armée contre le rebelle; mais le prudent
Alexis déclina cette tâche; il n'avait qu'une médiocre con-
ET DISSERTATIONS. 397
fiance dans la loyauté et la reconnaissance de l'empereur,
et il prévoyait que, si son armée était battue, les courtisans
attribueraient sa défaite h une entente avec Mélissène qui
était son beau-frère. Sur son refus, Botaniate donna le com-
mandement des troupes à Teunuque Jean, titulaire de la
charge de protovestiaire {Nie. Bryen. IV, 31). Ce dernier, qui
n'avait aucune des qualités d*un général, s'avança jusqu'à
iNicée, et résolut d'en entreprendre le siège , malgré l'avis
de Georges Paléologue et de ses meilleurs officiers ; mais au
lieu de le poursuivre avec vigueur, il entra en pourparlers
avec les habitants, donna aux auxiliaires turcs le temps
d'arriver, et fut réduit à décamper précipitamment; atta-
qué pendant la retraite par la cavalerie ennemie, il ne dut
son salut qu'à la valeur de Paléologue (ibid. IV, 32-36).
Ces événements se passaient vers la fin de Tan 1080; au
commencement de l'année suivante, Mélissène se prépa-
rait à marcher sur Constantinople, lorsqu'une révolution
de palais vint déjouer tous ses calculs; il paraît avoir
compté sur la neutralité d'Alexis Comnène, lorsque tout
à coup celui-ci fut contraint de se révolter pour sauver sa
vie ; cette nouvelle candidature au trône de Byzance devait
nécessairement rejeter dans l'ombre les prétentions de
Mélissène.
Alexis Comnène, qui avait rendu de grands services à
Botaniate, avait trop d'influence et de popularité pour ne
pas exciter la jalousie des ministres de l'empereur, les
Esclavons Borilas et Germanus, et la prise récente de Cy-
zique par les Turcs allait lui donner une nouvelle occasion
de mettre en relief ses talents militaires; car on ne pouvait
confier qu'à lui seul le commandement des forces destinées
à secourir cette place importante. Ils proposèrent donc de
l'arrêter et de lui crever les yeux; mais Alexis, informé du
308 MÉMOIRES
complot qui se tramait contre lui, s'échappa de la capitale
avec son frère Isaac, Georges Paléologue et Jean Ducas, se
rendit à Tannée qui le salua par acclamation du titre d'em-
pereur, et revint bientôt devant Gonstantinople, dont il
commença le siège {Ànn. Comn. II, 1-7).
Au même moment Mélissène atteignait avec ses troupes
les rives du Bosphore, et campait à Damalis auprès de
Ghalcédon. Il se hâta d'entrer en négociation avec son
beau-frère; il lui proposait de réunir leurs forces contre
Botaniate, et une fois la capitale prise, de partager l'em-
pire: à lui les provinces asiatiques, à Alexis celles de l'Eu-
rope; tous les deux devaient porter le titre d'empereur et
les insignes impériaux. Alexis, qui se sentait maître de la
situation, après avoir fait attendre quelques jours les en-
voyés de Mélissène, offrit d'abord de lui concéder le titre
et le rang de césar, avec la ville de Thessalonique pour
apanage ; puis sous prétexte de préparer la bulle d'or qui
devait contenir ses promesses, il retint les envoyés jusqu'au
moment où il allait pénétrer dans la ville, et finalement les
congédia avec des assurances générales qu'on s'entendrait
facilement après la victoire {ibid. II, 8-10). De son côté,
Botaniate entamait aussi des négociations avec Mélissène,
et envoyait à la flotte l'ordre de traverser le Bosphore et
d'embarquer les troupes qui campaient sur la rive opposée.
Mais déjà les soldats de Comnène s'étaient répandus dans
la ville, et Georges Paléologue, jeune officier entreprenant
et énergique, s'était jeté dans une barque et faisait force de
rames pour atteindre l'endroit où stationnait la flotte ; il
monta seul et sans armes sur une des galères , harangua
l'équipage, qui bientôt acclama Alexis, et peu d'instants
après toute la flotte s'était déclarée pour le nouvel empe-
reun Avant la fin du jour Alexis était maître du palais et
Kl DISSLHTATIONS. 399
de la capitale, et Botaniate était relégué dans un mona-
stère; c'était le 1" avril 1081, et le jour suivant, qui était un
vendredi saint, Alexis fut couronné à Sainte-Sophie {ibid.
II, 11-12). Mélissènc ne fit aucune opposition au nouvel
ordre de choses, et huit jours après le sacre d'Alexis il
recevait lui-même le titre de césar et Tapanage qui lui
avait été promis {Arm. Comn. III, 4; Zonar. XVIII, 21);
depuis lors il n'est plus question de lui ; on sait seulement
qu'il mourut le 17 novembre 1104 (Ducange, Familise
August. Brjzant. p. 173).
Les descendants de Nicôphore Mélissène continuèrent à
jouer un rôle important à Constantinople, et ensuite dans
le Péloponnèse, où ils possédèrent des fiefs considérables ;
forcés de s'expatrier à la suite de la conquête ottomane, ils
se réfugièrent, les uns à Naples, les autres à Céphalonie, où
la famille s'est perpétuée jusqu'à nos jours. Quelques-uns
d'entre eux méritent une mention particulière. Théodore
Mélissène Gomnène, arrière-petit-fils de Nicéphore, épousa
Marie Gomnène Paléologue, et fut père d'Alexis, surnommé
Stratégopoulos, qui fut créé césar, et qui reprit Constanti-
nople à Baudouin II, en l'261. Son arrière-petit-fils Léon
était seigneur de Messénie et métropolitain d'Andrinople.
Nicéphore, fils de Léon, fut sébastocrator, seigneur d'Ithôme
et de presque toute la Messénie, et métropolitain d'Andri-
nople; sa sœur Marie épousa, vers 1400, Antoine Acciaiuoli,
duc d'Athènes, et lui apporta la Tzaconie en dot ; son fils aîné
Nicolas, chassé par les Ottomans, se réfugia en 1462 à
Candie, et alla ensuite s'établir à Céphalonie; c'est de lui
que descendent les Mélissènes actuels. Son fils cadetGeorges
resta en Morée, et fut père de Théodore, despote de Mes-
sénie, qui souleva le Magne en 1572, à l'approche de don
Juan d'Autriche; mais abandonné par la ligue des princes
àOO MÉMOIRES
chrétiens, il dut s'enfuir avec tous les membres de sa fa-
mille; les exilés se fixèrent à Naples, où leur branche s'é-
teignit à la génération suivante. Mais il était resté des M6-
lissènes dans la Morée, ainsi que l'atteste la relation de la
singulière tentative du duc de Nevers, qui, en 1618, cher-
cha, comme représentant des Paléologues, à faire valoir ses
droits sur la Morée; en effet, parmi les signataires d'une
adresse de dévouement qui lui fut envoyée par les princi-
paux habitants, on trouve le nom de Kicétas Mélissénos.
(Voyez, pour de plus amples détails, Buchon, Nouvelles
recherches sur les principautés françaises de Morée ^ vol. I,
!'• partie, p. 173, 242-245; Berger de Xivrey, Mém. Acad.
Inscript. 2" série, t. XV; Georgii Phrantzœ Annales^ II,
2, etc.) Enfin il ne faut pas omettre le moine Grégoire Mé-
lissénos qui joua un rôle assez important au concile de
Florence, fut nommé patriarche de Gonstantinople en 1446,
et mourut à Rome en 1459 {Phrantza, II, 2, 12, 15; III, 1;
Lequien, Oriem Chrisiianus, I, p. 309).
La monnaie de Nicéphore Mélissène est entièrement sem-
blable à celle de ses contemporains Botaniate et Comnëne.
{Voyez Sabatier, Monnaies byzantines^ pi. LI, 17; pi. LU,
9-12.) Espérons que de nouvelles découvertes nous feront
retrouver celle des autres prétendants à la pourpre impé-
riale, Nicéphore Bryennius et Basilacius.
W. H. Waddington.
ET DISSERTATIONS.
&0-1
LE PRINCE CROISÉ BAUDOUIN.
A M. ADRIEN DE LONGPÉRIER.
Mon cher ami,
Tous les lecteurs de la Revue connaissent une pièce de
cuivre au nom de Baudouin, représentant un guerrier coiffé
d'un casque conique, vêtu d'une cotte de maille et tenant
à la main une petite croix. Cette pièce avait d'abord été
décrite par M. Cousinéry, qui l'attribue à Baudouin II, roi
de Jérusalem (U18-1131), dans sa Notice sur les monnaies
des princes croisés, insérée à la fin du V* volume de Y Histoire
des croisades de Micliaud. Puis elle a été reproduite par le
baron Marchant et donnée par lui à Baudouin I", empereur
français de Gonstantinoplc (1204-1221) *. Une pièce moins
bien conservée a été placée par Lelewel dans son atlas de la
Numismatique du moyen âge (pi. XVI, n» 21). Ce savant
l'attribue à Jérusalem et s'exprime ainsi : « On lit dans la
* Lettre à M. Cattaneo. Paris, 1829; deuxième «édition des Lettres du
Marchant sur la numismatique , 1851, p. 442 et Miiv.
1863.— 6. 27
402 MÉMOIRES
légende : CnC BATA, 'jTaupo; Ba/.ootv. Le premier mot
signiûe la croix, et il est marqué près de la croix que tient
le roi Baudouin. » (Tome II, p. 27.) Un autre exemplaire
de la même monnaie a élé décrit par notre savant ami
M- de Saulcy , qni , dans son Essai de classification des
suites monétaires byzantines, le rangeait aussi à l'empereur
latin, opinion qu'il rectifiait plus tard dans sa Numisma-
tique des croisades, en restituant les deux pièces connues à
Baudouin II, comte d'Édesse (1100-1118) ^
De son côté, Buchon a conservé l'attribution à l'empe-
reur Baudouin I", dans ses Éclaircissements historiques et
numismatiques sur la principauté française de Morée (1840,
p. 17, pi. I, n** 1).
Enfin, M. Jules Friedlànder a inséré la première pièce
dans un chapitre de ses Numismata inedita consacré aux
imperatores byzantini, et l'attribue comme Marchant à
Baudouin de Constantinople '.
Non Dostrum inter vos tantas cornpoDere lltes ,
dirai-je ; car il ne s'agit pas ici de mon opinion sur la véri-
table attribution de cette pièce : il ne s'agit que de la lec-
ture de sa légende, ou pour mieux dire de ce que je crois
lire sur l'exemplaire que j'ai en mains, exemplaire un peu
mieux conservé peut-être que ceux qui ont été décrits par
mes prédécesseurs.
Cette pièce, faisant partie du cabinet du prince de
Fttrstenberg, où elle est classée à Baudouin II, comte
d*Édesse , provient de la vente Wellenheim , à Vienne.
Elle avait été mal lue; le rédacteur du catalogue de cette
* Num. de» croùadet, p. 40, pi. VI , ii«» 1 et 2.
« Num. ined. Berlin, 1840, p. 46.
i:r DISSKRTATIONS. 40S
vente y voyait BAFAOINOC AO— I— TAOCTV, et la clas-
sait au règne de Baudouin I", de Constantinople \
Le baron Marchant avait cru devoir compléter la légende,
et dans les caractères GTAV. CT qu'il pensait reconnaître à
la suite du nom, il trouvait Tabrévation de CTATPO$OPflN
CTPATAPXOC, chef ou commandant supérieur des croisés,
et il s'attachait à justifier cette lecture par des considéra-
tions fort ingénieuses.
Sur la pièce dont je vous adresse le dessin, je lis à mon
tour : BAFAOINOC AOYAOCTAÏ— , que je complète
ainsi : BAFAOINOC AOrAOC CTATPOY, Baudouin ser-
viteur de la croix. Le sigma ^ dernière lettre de 3oOXoç, sert
d'initiale au mot nrauGoO ; c'est un fait analogue à celui que
vous avez signalé pour la légende AVEMARISTELLA des
jetons de Tournai ', et dont l'épigraphie nous offre d'autres
exemples. Le T et l'A sont réunis en monogramme. Le trait
horizontal qui suit CTA Y, et qui se voit si distinctement aussi
sur la monnaie placée par M. de Saulcy sous le n* 2 de sa
pi. VI, indique que le mot est abrégé.
Baudouin serviteur de la croix; ne pensez-vous pas que
ce titre bien simple convient parfaitement à un prince chef
des croisés, véritable serviteur de la croix, en effet? Malgré
ce que cette formule a d'inusité en numismatique, je crois
que cette lecture doit être adoptée, car le mot 3oO).o:,
bien complet et très-clair sur l'exemplaire de la monnaie
.nppartenant au prince de Furstenberg, exige un complé-
ment, et il me paraît difficile d'en trouver un meilleur que
« Première partie, 1844, p. 310. n» 16521.
* Revue num., 1860, p. 393. — Pour ne citer qu'un texte cëlèbre, nous ren-
voyons aux lois des Douze Tables, dans les copies antiques desquelles on
trouve : AeternAuctorilaa pour jEterna auctoritas; DeoruManium pour Deorum
Manium; ForiiVEFertur pour Forisve efferlur^ etc.
A04 MÉMOIRES
atovpo;, d'autant plus que la première syllabe CTAY est
aussi parfaitement lisible. L'attitude respectueuse du guer-
rier vêtu de la cotte de maille et coiffé du casque conique,
qui élève la croix de la main droite, répond parfaitement au
titre qu'il prend.
Sans vouloir, ainsi que je l'ai déjà fait observer, trancher
une question d'attribution discutée par de si habiles nu-
mismatistes , je ne puis cependant m'empôcher de faire
observer que l'armure de Baudouin ne saurait convenir à
un personnage du xiii* siècle, ce qui exclut tout naturelle-
ment du concours l'empereur de Constantinople.
Il est bon de remarquer que Baudouin II du Bourg, comte
d'Édesse (1100-1118), et Baudouin II, roi de Jérusalem
(1118-1131), ne sont qu'un seul et même individu, en
sorte que l'empereur de Constantinople se trouvant écarté,
il n'y avait plus en présence que l'opinion de Cousinéry et
celle de M. de Saulcy ; autrement dit, la question se rédui-
sait à savoir si la monnaie de Baudouin du Bourg a été
fabriquée en Palestine ou en Mésopotamie.
Il me semble qu'en s' appuyant sur l'existence des pièces
qui portent le titre de comte^ notre excellent ami, avec sa
sagacité ordinaire, a écarté la difficulté en faveur d'Édesse.
DonanesobiDgeD, novembre 1863.
Fr. de PFAFFENnOFFEN.
t r DISSERTATIONS. àOÔ
PROVENCE.— MONTÉLIMART.
MONNAIES DU XIV- SIÈCLE.
(PI. XXI.)
Une découverte importante de monnaies du xiv* siècle,
dont l'enfouissement doit avoir eu lieu sous le pontificat
de Clément VII, pape d'Avignon, mort en 1394 , a été faîte
dans le département des Basses-Alpes * au mois de sep-
tembre dernier (1863) . Ces pièces, apportées à Marseille,
ont été acquises immédiatement, sauf quelques-unes
d'entre elles, qui sont restées entre les mains de l'inventeur,
et que je n'ai pas pu voir.
L'immense majorité de ces monnaies ayant été frappée
parles papes du Comtat-Vénaissin, j'assigne comme date
l'époque de Clément VII, parce que leur émission commence
à l'homonyme de ce pontife, sixième du nom, régnant en
13â2, pour s'arrôter à lui, bien qu'il ne s'y trouve qu'un
seul carlin qu'il puisse revendiquer.
Voici, au reste, dans son entier, la composition de ce
trésor, dont la plus grande valeur numismatique consiste
principalement dans la découverte de six monnaies, toutes
1 C'est dn moins ce qui a été affirmé par le vendeur, qui peut avoir en des
raison» particulières pour indiquer cette origine.
de type dîfféreijt. Hes Hugues Acib^fîtar. f^I^Tieurs 'îr Mon-
iéUifiart.
9J
ÏMnutr aa r^T-pr* ?9»e« rnw»uu. — P<*t c'ATin:. r.* \'»53 1
Aii»«» 'de&i'Tf . — r.^ 4'.c*5 -
IXXOCEXT VI 1352.1302^^.
îhaâer an tjrpe rr/me* rYiwjmi, eo:* d^riz 2
URBAIX V 13621370 .
Denier.— Po»T d'AraDt, n* 4173 6'"»7
GRÉGOIRE XI 1370-13:8;.
C«rUB.— P«T d'Avant, n*4ia3.pUcebe XCIV, r* 4 1
Denier. — ii*4186 1
CLÉMEXT VII ;1378-13Î4:.
CarlÎD.— Poejr d'Av*ut, f 4199, pUnche XCIV, l- 8. 1
Total des pièce» des papes 617
SB
ROBERT '1309-1343).
Donbles deniers. ~ Saint' Vincens, planche V, n« 10 21
Soif cooronnata. ~ planche V, n* 8 5
JEANXE (1343-1382,.
Petîta sols coaronnats.— Saint-Vincensy planche VI, n* 7 5
Soif coaronnau. — planche VI, n* 9 2
Carlini ou demi-lys, pour le Piémont * 4
Deniers eouronnats (non déchta pour Jeanne seule) 3
Doubles deniers.— Poej d'ATant, n* 4027, planche XC, n* 21 4
1 Httve numism,, 1860, pi. X, n* 9.
ET DISSERTATIONS. 407
LOUIS ET JEANNE (1347-1382).
Dcuiers couronnats.— »^aint-Vincens, planche VII, n« 3 6
Autres deniers. — Poey d'Avant, n« 4037 (il y a erreur dans la planche). 6
Total des monnaies de Provence 65
HUGUES ADHÉMAR (MONTÉLIMART).
Six pièces variées 6
Je ne renvoie pour ces monnaies à aucun auteur. Elles
font l'objet d'une description spéciale, et sont toutes des-
sinées sur la planche XXI, jointe à cet article.
Enfin ce trésor contenait un couronnât seul et inédit,
semi-royal du Dauphiné, appartenant à Charle V ou à
Charles VI, et, comme les monnaies de Hugues Adhémar,
imité de celle de Provence. Je ne veux pas m' occuper de
cette pièce, qui est aujourd'hui entre les mains de M. Henri
Morin, à qui je l'ai remise pour lui laisser la satisfaction
de la publier dans le Supplément de son ouvrage sur la
Numismatique du Dauphiné.
C'est donc en tout, en y comprenant ce dernier cou-
ronnât, 679 pièces, auxquelles il convient d'en joindre
19 fracturées, toutes papales ou provençales, et n'offrant
rien de particulier. En comptant ces débris, la portion
totale du dépôt qui m'a été soumise monte donc au chiffre
de 698.
Pour suivre Tordre dans lequel je viens de placer lea
diverses séries de cette découverte, je ferai d'abord quel-
ques courtes remarques sur les monnaies des papes qui s^y
rencontrent, et qui toutes sont communes. Cependant je
n'ai pas trouvé dans l'ouvrage de M. Poey-d' Avant, sur les
monnaies féodales , la variété du denier de Clément VI,
inscrite Venesini, non plus que celle de son successeur,
à03 MLMOir.ts
Innocent VI, portant le même mot. Quant à Urbain V, fcs
deniers offrent à peu près par moitié, deux différences
légères, consistant en ce que les trois lettres mises sous la
tiare, initiales des mots Urbanus papa^ sont placées tantôt
sur une même ligne, PVP, tantôt en groupe triangulaire,
PP. A ce sujet je dois faire remarquer que M. Poey-
d' Avant, dans la description de cette pièce (n"" A173) , a omis
la lettre V, qui se trouve cependant invariablement sur les
six cents exemplaires que j'ai examinés. Cela tient sans
doute à ce que le patient auteur des Monnaies féodales de
France aura vu un spécimen fruste ou mal venu à la frappe.
D'après le sage conseil de M. de Longpérier, je me suis
livré à des pesées comparatives que permettait le grand
nombre de deniers d'Urbain V. Après les avoir placés
d'abord en groupes de cent pièces, je les ai subdivisés par
25, puis par 10, et enfin par pièces isolées. Enfin, après
avoir recherché la plus légère et la plus lourde, j*ai trouvé
pour Tune 1«%19, et pour l'autre l8',50. Le tableau, que je
place à la fin de l'article , fera juger de la différence et de
l'irrégularité qui existaient dans la taille à cette époque.
Les monnaies de Provence ont fourni, dans cette décou-
verte, quelques pièces intéressantes, au nombre desquelles
il faut surtout placer les quatre demi-lis de Jeanne frappés
pour le Piémont. Je renvoie le lecteur à un article anté-
rieur, publié en 1860 *, ainsi qu'aux observations qu'a bien
voulu y ajouter mon ami M. de Longpérier. C'est une
bonne fortune pour nous que d'avoir pu enrichir de cette
pièce curieuse et rare la collection de la ville de Marseille,
qui ne la possédait pas.
Par suite d'une erreur, qui doit être sans doute attribuée
1 Revfu fiwniffn., 1860, p. 217, pi. X, n« 9.
ET DISSERTATIONS. 409
au graveur plutôt qu'à l'auteur du texte, les dessins n»' i
et 7 de la pi. XCI de Touvrage de M. Poey-d* Avant ne sau-
raient se rapporter à la description qu'il donne , sous le
n" 4037, d'un petit sol couronnât de Louis et Jeanne. J'ai
sous les yeux de très-bons exemplaires de la monnaie dé-
crite et non dessinée, et j'en complète la légende que l'au-
teur des Monnaies féodales n'avait pas retrouvée entière.
L:ET:I:IhR:ET:SlGL:REX. i$ COMES ET COMT PVCE. Très-
bon billon; poids, 06',95. J'ai en outre retrouvé ce même
petit sol frappé au nom de Jeanne seule. Je suis heureux
de pouvoir compléter le travail de M. Poey-d'Avant en
donnant le dessin de ces deux pièces. (PL XXI, n** 7
et 8.)
Le double denier de Jeanne {Monnaies féodales, pi. XC,
n** 21 ) est rare : nous ne le possédions pas encore. Nous
en avons trouvé quatre exemplaires dans notre trésor.
Arrivons enfin à la partie sérieusement intéressante de
cette découverte.
N* 3. Croix cléchée en tête de la légende : hV GO ADE
MARII : grande couronne fleurdelisée dans le champ, dont
les deux extrémités coupent la légende. Au dessous, le
mot SEX.
Sj Croisette simple : DOMinVlS [sic) MOnTlLII. Croix
pâtée, cantonnée de quatre lis.
Argent. Poids, Ik',30. (PI. XXI, n'» 1.)
M. Poey-d'Avant parle des rares monnaies de Monléli-
mart dans son troisième volume, page 25 et suivantes, et
décrit plusieurs spécimens au nom de Gaucher et de Hugues
Adhémar. Il n'avait d'autres renseignements historiques
que ceux qui sont fournis par Duby dans son Traité, tome II,
p. 304, et quelques dates puisées dans l'histoire des comtes
de Valentinois d'André Duchesne.
A 10 MÉMOIRES
M. Carlier donnait, en IS/jl \ communication d'uno
note de M. Lecamus dans laquelle, sous le n*» 4, se trouvait
décrite une pièce de Hugues Adhémar. Il avait ajouté à
cette note une vignette représentant une autre monnaie de
ce seigneur, ou plutôt d'un personnage de la même famille,
que nous allons retrouver tout à Theure.
C'étaient là les seuls renseignements que j'eusse rencon-
trés jusqu'à ce jour sur ce rare monnayage.
Ainsi que le dit M. Poey-d'Avant, et qu'il est facile de le
voir à la plus simple inspection , la pièce dont nous nous
occupons maintenant, ainsi que les deux suivantes, sont
une copie presque servile des sols couronnais de Louis et
Jeanne de Provence (1347-1382). Le mot SEX qui se trouve
au-dessous de la couronne n'est là que pour remplacer le
titre REX qui se voit sur les pièces de Provence et rendre la
similitude plus parfaite. M. Poey d'Avant se demande quelle
peut être la signification de ce mot, dans lequel il ne peut
pas reconnaître l'indication ordinale du nom du seigneur.
Sa manière de voir paraît justifiée par ce fait seul que ce
même mot se reproduit indistinctement sur les pièces de
Gaucher Adhémar et sur celles de Hugues, et qu'il ne sau-
rait être attribué indifféremment à chacun de ces deux
barons. Il est donc probable que nous ne sommes pas ici en
présence d'un adjectif numéral. Mais il ne s'ensuit pas non
plus que ce mot soit placé là pour exprimer une valeur mo-
nétaire. Je combattrai cet avis, quoique ce soit celui de
M. Henri Morin , parce que je trouve qu'il serait bien éton-
nant que le nombre six servît à compter des fractions ;
il faudrait supposer qu'il représente six demt-deniers,
et encore faudrait-il arriver à établir que le couronnât
I Rttut numi«m., 1B41, p. 210.
i:t disseutatjons. 4 1 1
est en rapport exact avec trois deniers. Faute de mieux , je
serais donc disposé à dire avec M. Poey-d'Avant qu'il ne
faut voir là qu'un simple trompe-rœil destiné à faire cir-
culer ces pièces avec celles de Provence, qui avaient alors
un cours très-étendu; maisj'attends une autre solution.
N«* 4 et 5. Croisette hUGO ADEMARII. Dans le champ,
MO-NT en deux lignes.
î^ Croisette DOMinVS MOnTILlI croix cantonnée de
deux croisettes cléchées, pour le n° 4, aux premier et troi-
sième; pour le n" 5, aux deuxième et quatrième.
Bdlou. Poids, 1 gramme. Planche XXI, n" 5 et 6.
Voici, avec une variété dans les cantons, la pièce re-
produite par la vignette de M. Cartier^ et citée par M. Poey
d'Avant pour Gaucher Adhémar sous le n** 4759, et pour
Hugues, sous le n** suivant. Nous retombons dans l'imita-
tion provençale du double denier de Robert et de celui
de Jeanne dont nous avons retrouvé quatre exemplaires
confondus avec ceux-ci. Seulement, nous ferons remar-
quer que le graveur des monnaies féodales de France a
commis une légère inexactitude dans la reproduction des
croisettes (n" 2 et 3 de la planche CV) qui doivent être
cléchées.
Les deux monnaies que nous donnons ici sont les moins
bien conservées de la trouvaille. Elles ont beaucoup cir-
culé et peut-être sont-elles les plus anciennes; mais ce-
pendant leur état est tel que nous sommes à l'abri de
toute erreur, soit dans leur description, soit dans leur
dessin exécuté par notre excellent dessinateur et ami,
M. Laugier, connu pour son exactitude dans ce genre de
reproduction.
* i<fruf numi>m., 1841, p. 212.
M. Cartier, en décrivant celte monnaie, pense que les
lettres MONT qui se trouvent dans le champ signifient
monela ou montilium. La dernière de ces deux versions
n'est pas pour moi douteuse, puisqu'il s'agissait ici de
copier et de reproduire le double denier de Robert et de
Jeanne, sur lequel les lettres PUIE, placées de la même
manière, sont l'abréviation de Provincial. Après les mots
Hugo Adewarii^ le nom monlilium vient indiquer ration-
nellement le lieu d'émission. Ce qu'il y a de remarquable,
c'est, d'après la note de M. Lecamus, l'analogie qui existe
entre la découverte publiée en 18âl * et celle de 1863;
toutes deux, sauf les pièces papales, sont composées des
mêmes monnaies, y compris la Jeanne, pour le Piémont, et
l'exemplaire isolé de Charles V, dauphin de Viennois.
Ainsi nous voyons que sur six pièces faisant partie de
notre trésor, frappées au nom de Hugues Adhémar, cinq
sont la copie à peu près servile des monnaies de Provence,
et la sixième une imitation en quelque sorte plus forcée
encore d'un pape contemporain qui siégeait à Avignon.
N^ 6. Croisette simple hVGOnVS ADEMARII. Type du
n*3.
1^ Croisette cléchée DOminVS DE mOnTILI. Croix
cantonnée de quatre fleurs de lis.
Argent. Poids, 1«',15. (Planche XXI, n» 2.)
Sauf la variété des légendes et l'interversion des croi-
settes simples et cléchées, cette pièce est semblable au sol
couronnât décrit sous le n"* 3 , quoique son poids soit sen-
siblement plus léger. Lorsque je parlerai de la maison Adhé-
mar de Monteil, à la fin de cet article, je tenterai d'expli-
* Ce petit trésor avait été trouvé assez loin de la Provence, à Laroche, entre
Loabeyrat et Manzat, àpea de distance de cette dernière localité, chef-Iicn
de canton de rarrondissement de Riom.
n hlSSKRTATIONS. A 13
quer d'où provient ce système d'adoption du type
provençal qui se rattache à son origine.
N<» 7. Croisette simple. hVGOnVS ADEMARII. Même type
que le précédent, sauf que le lis du milieu de la couronne
est remplacé par la croix cléchée des Adhémar.
H DOminVS DE mOnTILII. La croisette de la légende
est cléchée, et la croix est cantonnée par quatre autres
croisettes semblables qui remplacent les lis des deux nu-
méros précédents.
Argent. Poids, l^sâO. (Planche XXI, n« 3).
Toutes ces pièces étant dans un excellent état de conser-
vation, on peut, comme pour la pièce d'Urbain V, juger
de la différence de leur poids et de l'irrégularité de la
taille que j'ai déjà signalée ; car tout, dans la forme, le
dessin et le métal, doit faire présumer que ces trois cou-
ronnats représentaient la même valeur.
On a pu remarquer que sur les monnaies n**' 3, A, 6 le
nom du seigneur était écrit Uugo, tandis que nous trou-
vons le diminutif Hugonns sur les pièces qui suivent. Cette
particularité peut s'expliquer par l'usage adopté par les
Adhémar, comme par beaucoup d'autres en ces temps, et
qui consistait à modifier légèrement le nom de baptême
pour établir des distinctions entre plusieurs membres de
la même famille. Ainsi, pour ne pas sortir de celle qui nous
occupe, nous ferons remarquer qu'on y trouve Giraud, Gi-
raudet et Giraudonet; Hugues, Huguet et Hugonet.
Nous pensons donc que Hugonus n'est pas le même per-
sonnage que Hugo et nous y reviendrons plus loin.
M. de Longpérier avait été autorisé, en 18âl, à conser-
ver un croquis de la monnaie unique d'Hugues Adhémar
que M. I.ecamus a décrite sous le n* à de sa note, et que cet
amateur se proposait de publier quelque jour. Mais M. Le-
c.imus est mort depuis plusieurs années sans avoir mis son
projet à exécution, et mon obligeant ami a cru pouvoir
enrichir mon travail d*un précieux élément qu'il est bon
de mettre enfln sous les yeux du public studieux.
Voici la description de celte monnaie :
N» 8. hVGOnV AD'mA. Hugues couronné d'un chapel de
roses, assis sur un siège orné de deux figures de lion, te-
nant de la main droite une croix cléchée, et delà gauche
un sceptre.
Si mOnET mOnTILLIl. Croix évidée coupant la lé-
gende, et cantonnée de quatre petites croix cléchées.
Argent, l «%51. (Planche XXI, n" 10.)
Cette pièce offre la plus grande analogie avec la
monnaie d'Orange qui a été frappée pour Raymond IV
(4840-189») .
N" 9. hVGOnVS ADKmARII. Dans le champ, un casque
surmonté d'une croisette cléchée qui forme le point de
départ de la légende. Au dessous les lettres hVG.
^ Croisette simple. IX>mlnVS DEmOniILI. Croix can-
tonnée nu premier et au quatrième d'une croisette clé-
chée, et d'un casque au deuxième et au troisième.
Argent. Poids, l6%25. (Planche XXI, n'A.)
Ici nous quittons l'imitation du dessin provençal pour
tomber aussi servilement dans celle du type des deniers
d'Urbain V qui formaient la presque totalité de notre dé-
couverte. En confrontant notre dessin avec les n°' 3 et 10
de la planche XCIV des Monnaies féodales de France et la
description de la pièce contemporaine de Hugues, que
donne M. Poey-d'Avant, sous le n* 4173, on verra que le
casque dans le champ affecte, à s'y méprendre, la forme
de la tiare papale ; et, pour rendre l'imitation plus com-
plète encore, les trois premières lettres du nom de Hugues,
Kl DISSKUTATIONS. 415
IIVG, viennent se substituer, dans une position identique,
au PVP d'Urbain, exactement comme REX avait été rem-
placé par SEX sur les couronnats. Cette imitation s'étend
également au revers par l'emploi des mêmes casques à la
place des tiares, et des croix cléchées, qui semblent mieux
iûîiter les clefs croisées que tout autre signe (1).
C'est sans doute cette pièce que M. Poey-d'Avant a
cherché à décrire de mémoire sous le n" 4764 dans sou
troisi(>me volume, et dont il regrette que l'empreinte se
soit effacée, d'autant plus que l'original est égaré. Je suis
dès lors doublement heureux d'en avoir retrouvé un exem-
plaire et de pouvoir en donner un dessin exact.
Je ne dois pas omettre non plus d'indiquer que le florin
d'or de Gaucher Adhémar, ainsi qu'un couronnât de ce
seigneur au mot SEX, existent dans lu précieuse collection
de M. Henri Morin, où je viens de les voir.
Et maintenant si, en dehors des relations de voisinage
et, pour ainsi dire, de circonscription monétaire, nous re-
montons aux motifs qui ont pu porter les barons de Montil-
Adhémar à se rapprocher, dans leur monnaie, du type et
du dessin du système financier de la Provence , nous en
trouvons une raison toute simple et toute naturelle dans
l'origine môme de cette maison. Tous les historiens pro-
vençaux sont d'accord sur son illustration, et rapportent
qu'elle a donné des vicomtes à Marseille, qui fut son ber-
ceau.
Je n'ai nullement l'intention de faire ici l'histoire de la
1 Le 24 octobre 1383, Giraud Adhémar X, baron de Grignan et d*Aps,
échangea le quart de la seigneurie de Montélimart contre le bourg de Grillon
et une somme d'argent que lui cAùa le pape Clément VII. Celui-ci, dont le
I^rédécesscur, Grégoire XI, avait déjà acquis la souveraineté de Montélimart,
y établit un gouverneur au nom de l'Kglise romaine.
410 MÉ.MOIUES
maison (rAdhémar, ni de publier sa généalogie au complet.
Je veux seulement citer quelques points qui appartiennent
à l'histoire ou à la chronique écrite, pour venir à Tappui
de cette phrase de La Chcnaye des Bois * : « La maison
« d'Adhémar fut maintenue dans ses droits de souveraineté
« par une ratification de l'empereur Frédéric I". La charte,
tt scellée en lacs de soie rouge et de la bulle d*or de Tem -
« pereur, se conserve dans les archives du château de
« Grignan. »
Malheureusement tous les auteurs qui se sont occupés
de cette célèbre famille n'ont pas procédé avec la même
critique. La passion des généalogistes a souvent pris le
dessus. Ainsi on n'a pas manqué de chercher, à l'aide
d'une ressemblance de nom, une origine carlovingienne
aux Adhémar. Voici ce qui avait donné lieu à cette pré-
tention.
On lit dans Éginhard {Annales Francorum sub anno
806) :
(( Eodem anno (806) in Gorsicam insulam contra Mauros
qui eam vastabant classis de Italia a Pippino missa est,
cujus adventum Mauri non expcctantes abscesserunt-, unus
tamen nostrorum Hadumarus comes civitatis Genuœ, im-
prudenter contra eos dimicans occisus est. »
Or, on sait qu'un comte du temps de Gharlemagne était
un commandant ou magistrat amovible qui ne possédait
aucune seigneurie, et comme on n'a aucune donnée sur la
descendance du comte de Gênes tué par les Sarrazins, ce
n'est que pour plau:e à de grands personnages du xvi* siècle
et du xvii% qu'on leur a trouvé une parenté avec le Carlo-
vingien Hadumar.
* DiciionfMxrt de la nobUttty aa nom Adhi^mar.
ET DISSERTATIONS. 417
Comme je l'ai dît plus haut, M. PoQy-d' Avant n'a ajouté
aux documents publiés par Duby et André Duchesne aucun
renseignement nouveau , et il s'est trouvé dans l'impossibi-
lité d'accorder les faits chronologiques qu'il connaissait
avec l'existence des monnaies qu'il avait décrites.
J'ai partagé un instant son embarras-, mais je me suis
adressé à M. de Longpérier, qui m'a indiqué l'ouvrage de
Pithon-Curt intitulé : Histoire de la noblesse du Comlat
Venaissin^ d'Avignon, et de la principauté d'Orange, dressée
sur les preuves \ et j'ai trouvé dans cet excellent livre ce
que j'avais vainement cherché ailleurs. Pithon-Curt pro-
cède de la façon la plus sûre ; il a compulsé les archives,
et ne cite que des dates appuyées par des pièces authen-
tiques; il fait tout d'abord justice des inventions des généa-
logistes: «Je reviens, dit-il (p. 14), à la maison d'Adhé-
mar, dont il n'est pas possible de prouver la descendance
avant le xi* siècle. C'est à cette époque qu'il faut nécessai-
rement se fixer. Quelque grande et illustre que soit celte
maison , je ne crois pas qu'on puisse s'en rapporter sur sa
filiation ni à Jacques de Bergame , suivi par Nostradamus
et par François Rebatu, conseiller à la sénéchaussée d'Arles,
cité par Louvet dans son Histoire abrégée de Provence^ ni à
THermite de Souliers, copié par le Père Robert dans son
État de la Provence^ ni à Guy Allard, ni à Honoré Bouche. »
Puis il passe en revue les chimères de ces auteurs.
M. de Longpérier m'a encore signalé deux points impor-
tants pour nos recherches numismatiques. D'abord, la sei-
gneurie de Monteil était possédée (comme celle d'Orange)
en pariage par plusieurs membres de la même famille.
Ensuite, les armes des Adhémar étaient d'or à trois bandes
• 1750, in-4«, t. IV. p. 7 et sniv.
1863. ^ 6. 20
âl8 MÉMOIRKS
d'azur, et c'était la branche des barons de la Garde, cosei-
gneurs de Monteil, qui portait d'or à trois croix cléchées,ces
croix que nous observons sur toutes nos monnaies. C'est
en eiîet dans cette branche des barons de la Garde que je
trouve les personnages auxquels se rapportent les légendes
des monnaies. Voici son origine :
Giraudet Adhémar, troisième fils de Giraud, seigneur de
Grignan, de Monteil, de la Garde, etc., eut par le paitage
qu'il fit avec ses frères, le 26 décembre 1096, la moitié de
Monteil, la seigneurie de la Garde, etc.
Il épousa, le 18 avril 1104, Alix de Polignac.
Son fils, Guillaume Hugues Adhémar, épousa Laure de
Genève, et transigea avec son frère en HâO.
Il eut, entre autres fils, Lambert Adhémar, qui épousa
Tiburge de Baux.
A Lambert succéda son fils, Hugues Adhémar, qui était
déjà coseigneur de Monteil en 1216, et fit son testament
en 1268. Il épousa Alix de Belvèze.
Leur fils, Lambert Adhémar II, épousa Méraude Adhémar
de Rochemaure; on a des actes de lui de 1271 et 1290.
Leur fils, Hugues Adhémar II, fut marié à Mabille de
Méoillon ; on a des actes de lui de 1292 à 130i.
Leur fils, Hugues Adhémar III, dit aussi Hugonet^ fut
fiancé, en 1280, du vivant de son aïeul, à Constance de
Poitiers, et épousa en secondes noces Étienette de Baux. On
connaît des actes de Hugues III de 1291 à 1336.
Us eurent entre autres enfants :
Lambert Adhémar III, — Gaucher Adhémar, — Hugonet
Adhémar.
Ce dernier, qui n'avait pas d'enfants, fit donation de ses
biens à son frère Gaucher le 17 avril 1360.
Gaucher, qui n'eut point non plus d'enfants, fit son tes-
ET DISSERTATIONS. A19
tament, le 9 novembre 1360, en faveur d'Hugues, fils de
son frère Lambert ^ .
Hugues Adhémar IV, fils de Lambert HI, héritier de ses
deux oncles, et dont on connaît des actes de 13âO à i3Â9,
ne vivait plus probablement en 1372 , puisque son fils
Lambert Adhémar IV, fit cette même année hommage au
pape Grégoire XI pour la ville de Monteil, dont il s'était
emparé à main armée. Lambert IV mourut vers 1424.
Il faut remarquer que les dates qui viennent d'être rap-
portées n'indiquent pas les avènements et les décès, mais
des actes écrits.
Maintenant voici les données chronologiques que nous
fournissent les types de nos monnaies.
Les doubles deniers sont imités des monnaies de Robert
ou de Jeanne de Provence (1 309 à 1343).
Les sols couronnats avec SEX, de la monnaie de Louis et
de Jeanne (1347-1382).
La cadière, de la monnaie de Raimond IV d'Orange
(1340-1393).
La pièce au casque, de la monnaie d'Urbain V (1862-
1370).
On pourrait supposer que le sol couronnât et les doubles
deniers portant le nom HVGO ont été frappés pour Hu-
gues III, qui, fiancé encore enfant en 1280, pouvait fort
bien exister en 1347.
Son fils Gaucher a continué les deux types.
Les sols couronnats portant le nom HVGONVS et la ca-
* Gancher Adhémar était en 1335 et en 1339 à Metz, près de son frère Té-
vêque; il ne prenait alors que le titre de miUs, chevalier, ainsi que le prouvent
deux chartes conservées aux Archives de Tempire. Sur le sceau que porte
l'une d'elles, on lit : Gawherii de Montilio tnilitis : dans ]q texte : Je Gauchiers
tlûu MontiL rhfralier».
/i20 MÉMOIRES
dière au type d'Orange peuvent avoir été fabriqués pa-
rallèlement aux monnaies de Gaucher par son frère Hu-
gonet.
La pièce au casque appartiendrait à Hugues IV, fils de
Lambert IIL
Ce ne sont là que des conjectures qui devront être exami-
nées de nouveau lorsque la série des monnaies de Monteil
sera devenue plus abondante.
Ce qui avait jusqu'à présent causé les confusions dans
lesquelles les antiquaires sont tombés au sujet des monnaies
de Monteil, c'est qu'on n'avait pas établi de distinction entre
les diverses branches de la famille des Adhémar, et qu'on
n* avait pas reconnu que ces monnaies sont frappées par des
coseigneurs de la branche cadette.
Quant à la branche aînée dans laquelle le nom de Giraud
a été en usage pendant quatre siècles , son histoire se lie
intimement à celle de Marseille (voir la généalogie com-
plète dans l'ouvrage de Pithon-Curt, tome IV, p. 7 ).
C'est Giraud Adhémar IV, coseigneur de Monteil, qui,
en 1164, reçut de l'empereur Frédéric l'investiture des
domaines de sa maison.
Pithon-Curt pense que c'est mal à propos que Nostra-
damus a prétendu dans son Histoire de Provence que
Giraud avait fait hommage à Béranger II, comte de Pro-
vence. Pithon-Curt ne parle pas du droit de monnaie qui,
suivant Longuerue S aurait été maintenu à Giraud IV.
Enfin Papou cite Bertrand de Monteil au nombre des
chevaliers qui eurent la plus grande part à la conquête
de Naples avec Charles 1"'. En 1289, ce même Bertrand
* Dêicription de la Frana^ part. I'*, p. 376.
9 Hi»t. de Prov,^ t. III, noxoenclmture des ohevaliers.
ET DISSERTATIONS. 421
de Monteil eut l'honneur de servir d'otage pour la déli-
vrance de Charles II, comte de Provence, fait prisonnier
dans un combat naval contre les Siciliens et les Aragonais,
le 5 juin 1284, alors qu'il n'était encore que prince de
Salerne *, et qui ne rentra en France qu'après la mort de
son père, et au bout de quatre ans de captivité.
A défaut de monnaies de la branche aînée, que nous n'a-
vons pas encore retrouvées, nous pouvons citer quelques
sceaux ou bulles de plomb.
Le plus ancien que nous connaissions est celui qui porte
d'un côté la figure d'un cavalier avec la signature MATEVS
ME FEGIT, et de Tautre SIGILLVM GERALDI ADEMARI
en quatre lignes. Il a été publié par M. Deloye dans la
Revue archéologique.
Ruffi, dans son Hisloire de Marseille ', nous a conservé
le dessin de deux sceaux de cette famille. L'un remonte
au xm* siècle et porte le nom de Géraud. L'autre est celui
de Lambert. Quant à la croix cléchée qui appartient à
cette famille, le même auteur la fait remonter aux vicomtes
de Marseille et explique sa présence sur les armes de Tou-
louse par l'établissement d'une branche de cette maison
en Languedoc, dans la personne de Lambert de Monteil
Adhémar, qualifié de seigneur et baron de Lombers, en
Albigeois, vers 1235 '.
La généalogie de la maison d' Adhémar rapporte plu-
sieurs sceaux d'après une histoire de Provence imprimée
à Aix, en 1676 (page 602, in-12) *. Le premier avait
« Hisl.de Pror.,t. III, p. 89.
' Édition de Marseille, 1696. p 83.
' Rnffî, lien cité.— La CLeoavc des Bois.— Voir au nom Lambtrt de Monteil
Adhémar.
^ Abrégé de la généalogie de la maiton d'Adhémaff p. 16 et 17.
&22 MÉMOIRES
pour légende : SIG. GERALDl ADEMARl, et au revers,
MASS. V. G. MITIS. Le second : SIGILL. GERALDl ADE-
MARI, et au revers : VICE COMITIS MASSILIiE, avec un
demi-château ou tour carrée jointe à un pan de mur. C'est
à peu près le revers des gros et des menues marseillaises
qu'auraient pu faire frapper les vicomtes de Marseille dans
la partie inférieure de la ville, en vertu de la charte du
17 janvier 1218, accordée par Raymond Déranger IV *• Ce
document existe encore aujourd'hui dans les archives de
l'hôtel de ville de Marseille, et peut-être la maison d'Adhé-
mar pourrait-elle, à son titre vicomtal, réclamer quel-
ques-unes de ces pièces qui se distinguent de celles de
Charles I" par Tabsence de nom et d'initiale, et inscrites
au revers, CIVITAS MASSILIE. Il reste, sur ce point, à
approfondir ce que dit Duby '.
Honoré Bouche ' donne la succession de plusieurs vi-
comtes de Marseille du nom d'Adhémar. Cette maison prit
plus tard son titre, son nom, et ses armes du comté de
Grignan qui lui appartenait, et qu'elle a continué de por-
ter. Plusieurs sceaux nous sont conservés sous le double
nom. L'un, celui cité par Bouche, et qui était tombé en
la possession de M. de Peiresc chez qui il l'a vu, portait
cette légende : SIGILLVM ADHEMARII DE GREINHANO. Le
second qui existe encore dans les archives de la préfecture
à Marseille, est rapporté, planche XXIV, n** â, dans l'im-
portant ouvrage de mon studieux et savant ami, M. Blan-
card *. Ce sceau qui porte en légende S. ADEMARI DE
GRAINNA, est celui d'Adhémar de Grignan, frère de Giraud,
t Duby, t. II, p. 92.
• /6td.
s Seoiioii IX, comté de Grignan.
^ Iconographie dêt actaux tt bulUt det BouchêS'du-Hhénef p. 47.
KT DISSERTATIONS. 423
vicomte de Marseille et est attaché à une charte datée du
12 des calendes de septembre 1244.
Quant à la seigneurie de Montélimart, où nos seigneurs
obtinrent le privilège de faire frapper monnaie, ce furent
eux qui lui donnèrent leur nom : Monteil-Adhémar^ ou
Monteïlr Aymar, en latin AlonUlium-Àdhemarii, par corrup-
tion Montélimart.
Dans un article antérieur * j'avais parlé d'un rare teston
des abbés de Lérins. Aujourd'hui je ne peux pas résister
au plaisir de publier une fraction de cette pièce. Le type
est identiquement le même, sauf que les caractères des
légendes sont proportionnellement plus grands et que le
millésime n'est pas le même (16(>7 et 1668).
Argent. Poids, l8',92. (Planche XXI, n 9).
Je tenais d'autant plus à faire connaître cette monnaie
que la différence du module et du poids viennent prouver
qu'il s'agit ici d'une monnaie réelle avec ses subdivisions,
et non pas d'un simple jeton, comme quelques personnes
paraissaient, tout à fait à tort, portées à le croire. C'est la
confirmation du privilège de battre monnaie accordé aux
abbés.
Tableau des pesées des deniers d* Urbain V.
GROUPES DE 100 PIÈCES.
Pesée n« 5.
Pesée n» 6.
Pesée n» !.
Pesée n« 2.
Pesé« no 3.
Pesée n» 4.
136,30
137,00
136,00
136^^10
137,00
pr-
130,75
* Bévue numism,^ 1860, pi. III , n" 15.
Ces §793p» fi'w: p2S àcciA bfie zn-z/ôt àdkg^aMoe
tïïstn t'jz ; is&SiS elle a été plus gen^rle C2X:S jes scbâ-
YiàMk^ pau" 2d ptêoes. cal o£.i procizî: pocr ks q^a^rs; pr^
Uf t.
Usfî-
Usf I.
Lf 3f4.
^10
zuso
M»
rr.
1 ^/JJ
116^
135,SO
1 nT,T5
vnso
La légère difiereDce eotre le total des pesées partielles
et celles en groape aniqoelles elles se rapportent provîeot
de rioflexion on peu moins accentuée de la balance.
ecwumsios
PTÈCES PE5Ér.- l^î.nfFTT. 9
de b ytiét t," 4.
K*
«rr.
rr. . CT p.
J.
13^
1,35 1,25
1,46
2.
13.90
1,43 1^7
1.45
3.
13^
1.37 1,22
1.38
4.
13,65
1,42 1^
1.37
6.
13.40
1,35 1,44
1,41
6.
13.85
1,40
1,15
1,36
7.
13,45
1,41
1,42
1,26
8.
13,50
1,36
1,40
1,31
9.
13,70
1,42
1,34
1,30
10.
13,35
1,36
1,34
1.38
135,90
13.87
13,39
13,68
La pièce la plus légère que j'ai trouvée pesait l^,!^-
La plus lourde , 1^,50.
A. CâBP£KTI1«î.
ET DISSERTATIONS. &25
JETONS COMPOSÉS PAR SULLY.
(PI. xxn.)
Lorsque nous avons à expliquer les légendes des mé*
daiUes et des jetons du xvi* siècle, nous pouvons craindre
de nous montrer trop ingénieux, de trouver parfois à
l'âme et au corps des devises un sens auquel les contem-
porains n'avaient pas songé. Parfois aussi nous pouvons
reculer devant la signification recherchée que semblent
nous indiquer des inscriptions d'un tour obscur accompa-
gnant des images compliquées. C'est au xvi® siècle même
que nous devons, je le pense, demander la lumière qui
nous manque pour éclairer un sujet difficile. Si nous pou-
vions, par une opération rétrospective, assister aux déli-
bérations de ceux-là qui ont conçu l'idée des types qui
nous embarrassent et fait exécuter les monuments qui les
portent, le problème ne serait-il pas résolu; n'aurions-nous
pas le meilleur des guides ? Je m'adresse donc au xvr siècle
à titre d'essai, et je suis étonné de n'avoir pas été devancé
dans cette voie, lorsque j'entreprends de mettre sous les
yeux de mes confrères des extraits que j'ai depuis long-
temps le projet de réunir aux dessins de quelques jetons
d'Henri IV. Les passages des Œconomie$ roy ailes d' Estât
qu'on va lire nous montrent Sully composant des mé-
426 MÉMOIRES
dailles historiques, à une époque où, suivant Texpression
des cardinaux de Joyeuse et du Perron, a il se rencontrait
rarement des personnes de qualité qui s'adonnassent aux
gentillesses des lettres. »
Nous y voyons aussi comment le grand roi Henri, à qui
le brave et honnête La Gaucherie avait enseigné plus de
morale pratique que de latin, indiquait à son ministre le
sens qu'il fallait donner aux devises de Tannée, son con-
tentement lorsqu'il reconnaissait que Sully avait bien
réussi à exprimer sa pensée. « Il faut que je confesse, di-
sait-il, que nuls de tous ceux qui se meslent d'en faire ne
rencontrent point si heureusement et selon mon gré comme
vous faites. » Et en parlant de la sorte le roi Henri n'avait
pas tout à fait tort. Sans doute M. de Rosny avait le goût
des allusions un peu trop raflinées et des emblèmes un peu
trop précieux pour l'intelligence du vulgaire. Il fallait pour
comprendre le sel de ses devises, le rapport du corps avec
l'âme, savoir plus d'histoire sacrée et profane, plus de
mythologie que cela n'était donné communément en ces
temps de guerres et de troubles. Mais cependant nous
devons admirer les principes sur lesquels il se fondait pour
composer des jetons qui sont de véritables monuments
historiques. Il serait à souhaiter que ceux qui de nos jours
président à la confection des médailles voulussent bien se
pénétrer de ces principes, et choisir surtout pour légendes
« de belles et briefves paroles qui ayent une bonne ca-
dence. » C'est un point important, souvent mis en oubli.
On sait que Sully avait fait imprimer dans son château,
sous la rubrique d'Amstelredam, un récit de tous ses actes
jusqu'en l'année 1605. Ces premiers mémoires forment
deux volumes in>folio. La suite ne fut publiée qu'en 1662.
C'est dans ces recueils intitulés : Mémoires des sages et
ET DISSERTATIONS. A 27
royalles OEconomies (ï Estât, domestiques, politiques et mili-
taires de
Henry le Grand Vexemplaire des Roys,
Le prince des vertus , des armes et des loix,
Et le Père en effet de ses peuples François,
et des servitudes utiles, obéisssances convenables et adminis-
trations loyales de Maximilian de Béthune, Vun des plus
confidens, familiers et utiles soldats et serviteurs du grand
Mars des François, que j'ai puisé rexplication assurément
bien authentique de quelques beaux jetons.
César, dans ses Commentaires, parle de lui-même à la
troisième personne. Sully fait parler ses secrétaires qui lui
rappellent tout ce qu'ils sont sensés avoir vu ou entendu,
ou plutôt ce qu'il leur avait rapporté. C'est de cette façon
que nous apprenons comment le célèbre ministre travaillait
pour les numismatistes de l'avenir.
Chaque année, au premier jour de janvier, Sully offrait
au roi et à la reine des bourses de jetons qu'il leur portait
de bon matin, et il s'ensuivait des petites scènes dont le
récit naïf est véritablement fort amusant.
Le roi ne voyait dans les légendes de ses jetons que le
sens politique; il voulait s'en servir comme d'avertisse-
ments à l'adresse des partis qui divisaient le royaume ou
des étrangers qui le menaçaient. C'est là un fait avéré, et
cette circonstance donne un très-haut prix aux instruments
numismatiques de la politique d'un si grand prince.
Sully, tout en se conformant aux vues d'Henri IV, son-
geait à déployer son érudition, et administrait de temps en
temps la preuve de son savoir classique. 11 se plaisait à
montrer qu'il avait lu Hérodote, Pline, Dion, Virgile, Ho-
race, Plutarque et môme Julien.
A28 liLlfOIB£5
Quoique protestant, il use modérément du texte de la
Bible; les grands écrivains de l'antiquité lui tenaient au
cœur, car il avait fait d'assez fortes études , et peut-être
aimait-il à se rappeler cette robbt descolier qui lui avait
sauvé la vie au 2Â août 1572.
Armé des renseignements qu'il nous fournit, j'ai voulu
relire les auteurs qui Pavaient inspiré. J'ai noté les pas-
sages auxquels se rapportent les légendes de jetons, et il
m'a semblé que quelques-uns de nos confrères en numis-
matique voudraient bien accepter le résultat de ce petit
travail.
Malheureusement, sur les vingt et un jetons composés par
Sully je n'en ai encore pu retrouver qu'une dizaine. J'es-
père toutefois que la publication de ces pièces si peu nom-
breuses contribuera à faire découvrir le reste.
A la suite des passages extraits des OEconomies rùyalles^
j'ai intercalé entre parenthèses mes obsen^ations person-
nelles. J'en avertis ici le lecteur soigneux de son temps qui
pourra laisser de côté im commentaire peu récréatif, et
suivre en toute liberté le cours de la bonne vieille prose
mieux fûte pour le captiver.
Recueil des devises baillées au Roy pour mettre dans ses
jetions en chacune année ^ depuis Vannée lbS9 jusques en
la présente J601 (1).
« Premièrement, sur la fin de Tannée 1589, à cause que
le Roy avoit esté recognu pour tel sur une montagne attri-
buée à un sainct , en faisant allusion à ce qui est dit au
(I) CBcùmmiti royallti d^Eilat, t. II , p. 6.
KT DISSERTATIONS. 429
second Pseaume touchant David figure de Jésus-Curist,
vous baillastes à sa Majesté en corps de devise pour Tan-
née 1590 un haut mont sur lequel il tombait du Ciel une
Couronne et pour ame ces paroles : CONSTITVTVS REX
SVPER SION. n
(Allusion à un passage du Psaume II, v. 6 : Ego autem con-
stxtutus svm rex ab eo super Sion moniem sanctum ejus, Henri IV
avait été salué roi à Saint-Cloud, au moment où Henri III venait
d'expirer. Le château est, comme on sait , situé au sommet
d'une colline. Un sonnet, publié en tête du second volume des
Œconomies royalles contient un parallèle d'Henri IV et de
David :
En David et Henry Dieu s'est choisi deux Roy»
Tous deux selon son cœur.
Je n'ai pas encore retrouvé le jeton de 1590, ni ceux des quatre
années suivantes.)
1591. « Plus à la fin de Tannée 1590, à cause des grandes
oppositions que le Roy avoit trouvées à son commencement
et des combats qu'il luy avoit fallu faire et des batailles
qu'il avoit gagnées, vous luy baillastes en corps de devise
pour Tannée 1591 une espée Royale environnée de branches
de Lys et de Palmes, et pour ame ces paroles prises du même
second Pseaume : IN VIRGA FERREA CONFRINGVNTVR. »
(La devise est encore empruntée au Psaume II (v. 9) : Reges
€08 in virga ferrea^ et tanquam vas figuli confringes eos. La lé-
gende du jeton fait entendre que la promesse du Seigneur est
accomplie. )
1592. <c Plus à la fin de Tannée 1591, à cause que le Roy
publioit à haute voix qu'en tous ses heureux succez il estoit
conduit de Dieu, vous luy baillastes en corps de devise pour
Tannée 1592 une estoi Ile brillante faisant allusion à celle
A30 MÉMOIRES
qui apparut aux trois Roys d'Orient qui vindrent adorer
Jésus-Christ, et pour ame ces paroles : DVCTVS REGVM. »
(Saint Matthieu, II, i, 2, 7, 9: Magi ab oriente venerunt lero^
solymam.,, et ecce stelia quant viderant in Oriente antecedebat
eos. Il est assez singulier que Sully ait accepté la tradition étran-
gère au texte de TËvangile, qui donne le titre de rois aux trois
mages qui vinrent saluer Jésus-Christ. Il n'a sans doute pas
voulu comparer son maître à un mage, et a fait passer les com-
mentateurs avant le livre.)
1593. « Plus à la fin de l'année 1692, à cause de tant de
contradictions que le Roy avoit trouvées en icelle, chacun
s'émancipant aux moindres mauvais succez, à faire le Roy ;
et faisant allusion à ce qui apparut sur les tentes de Octa-
vius César, Antonius et Lepidus, lorsqu'ils s'assemblèrent
pour diviser le monde entr'eux, vous baillastes à sa Majesté
pour corps de devise en l'année 1593, trois soleils dont les
deux estoient fort pasles et blafarts , et celuy du milieu
infiniment rouge et brillant, et pour ame ces paroles:
AFFVLGET CESARI NOSTRO. »
(Le miracle romain n'est pas exactement rapporté; ce n'est pas
au moment où les triumvirs se réunirent pour se pai-tager le pou*
voir souverain qu'il eut lieu ; c'est lorsque Octave vint à Rome
pour y recueillir l'héritage paternel, sous le consulat d'Hirtius et
de Pansa ( an 43 av. J. C), suivant Dion Gassius, et sous M. An-
toine et Dolabella (an 44), suivant Julius Obsequens. Dion s'ex-
prime ainsi : T6, te cpîô; toû i^kio^j èXaxTOÛaOaf te xai oSivvuoOat,
totI 81 Iv Tpial xuxXotç cpavxàÇeaOai Ï^6azi • xai eva yt auTwv orâcpavoç
ora^^uwv -up(o57)ç irspiio^sv [lib. XLV, 17].
Jul. Obsequens emploie les mêmes termes : a Soles très ful-
serunt, circaque solem imuin corona spicse similis in Urbem
emicuity et postea in unum circulum sole redacto, multis men-
sibus languida lux fuit» [Deprodig., 128].
tT DISSI-RTATIONS. 431
Suétone n'avait pas parlé des trois soleils ; il dit seulement :
a Ingrediente eo Urbem, repente liquido ac puro sereno,
circulus ad speciem cœlestis arcus orbem solis ambiit »
[Oc/., 95].
Pline [lib. Il, 28, 31 ] mentionne et la couronne d'épis et les
trois soleils : aGernuntur et stellte cum sole totis diebus; ple-
romque et circa solis orbem, ceu spiceas coronœ et versicolores
circuli : qualiter Augusto Caesare in prima juventa Urbem in-
irante, post obitum patris , ad nomen ingens capessendum
Trinos soles antiqui saepius videre : sicut.... M. Antonio, P.
Dolabellacoss.)
1694, « Plus à la fin de Tannée 1593, à cause que le Roy
se relevoit de courage, plus les difficultez à pacifier son
Royaume sembloient se multiplier, vous luy baillastes en
corps de devise pour Tannée 1594 un feu allumé sur une
haute montagne soufflé des quatre vents du Ciel, et pour
ame ces paroles, AGITATVS GRESCO. »
1595. « Plus à la fin de Tannée 1594, à cause de tant de
Villes qui se remirent en Tobeyssance du Roy, nonobstant
les menées du Roy d'Espagne et de la Ligue, vous luy bail-
lastes en corps de devise pour Tannée 1595, une mer tem-
pestueuse, battue des vents, lesquels faisoient eslever ses
ondes iusques aux nues, et pour ame ces paroles : TVRRANT
SED EXTOLLVNT. (PL XXII, n« 1, Ribliothèque impériale,
et collection de M. d'Affry de la Monnoye.)
1596. « Plus à la fin de Tannée 1595 à cause de tant de
pertes de villes et d'actions glorieuses entremeslées dans
cette année 1595, vous baillastes au Roy en corps de de-
vise pour Tannée 1596 une flame de feu au milieu de la
mer, laquelle jettoit des estincelles fort luisantes, non-
obstant Tagitation des ondes, et pour ame ces paroles :
RERVM IMMERSABILIS VNDIS. »
A32 MÉMOIRES
( Horace, parlant d'Ulysse [I Epist.. II, v. 22], dit :
Asperamulta
Pertuilty adversis rerum immersabilis undis.
Les collections quo j'ai pu examiner ne renferment ni le jeton
de 1596, ni ceux des trois années suivantes. )
1597. <{ Plus à la fin de 1596 à cause que nonobstant
toutes les pertes des années passées le Roy avoit remis ses
affaires, estably un bon Conseil, assemblé quelque argent
et faisoit des préparatifs pour faire florir ses armes dans
l'Artois et assiéger Arras vous luy baillastes en corps de
devise pour Tannée 1597 une lance entortillée d'un Lys,
faisant allusion à celle que Cadmus et ceux de sa race por-
taient emprainte à la cuisse, et pour ame ces paroles :
GENERIS INSIGNIA NOSTRI. »
(C'est l'empereur Julien qui dans son second discours [édi-
tion Spanheim, 1696, p. 81 ] nous a conservé la tradition que
Sully a utilisée. Voici les paroles de ce grand écrivain : AdYx^i
81 Xi^s'cat iispl Ti?lv BoiuiTiav toT; SirapTtoi; èvTurcoôiJvoti irapà -niç
TexQuoT^ç, xaî Ope^afiivT); aÙToù^ ptoXou* xal to èvxeûOev ït:\ iroXvi
8ta7Ci)B7;vai toûxo Ttj) -^fivst ffujxêoXov,
On voit avec quelle adresse Maximilien de Béthune savait
présenter les faits, a Cadmus et ceux de sa race d ont tout à fait
grand air. Tandis qu'il eût été fort inconvenant de dire tout
simplement les choses , et de comparer la maison de Bourbon à
des Béotiens. )
1598. « Plus à la fin de Tannée 1597, à cause de la re-
prise glorieuse d'Amiens et que le Roy contreignit TArchi-
duc de se retirer honteusement et que ces heureux succez
furent cause que Ton commença de toutes parts à recher-
cher sa Majesté de paix, vous luy baillastes pour corps de
devise en Tannée 1598 une plante de Laurier couronnée de
ET DISSERTATIONS. 433
branches d'Olivier tombant du Ciel, et pour anie ces paroles
PAX IN ARMIS. »
1599. « Plus à la fin de 1598, à cause que le Roy ayant
conquis toute la Bretagne et réduit le Roy d'Espagne à faire
paix avec luy, il projetta de se marier, de restablir son
Royaume, de délivrer le peuple de toutes oppressions et le
soulager des excessives impositions tolérées à cause des
guerres. Vous luy baillastes en corps de devise pour
Tannée 1599, un chesne signifiant les sujets et citoyens,
tout parsemé de couronnes de branches de Laurier et
d'Olivier entremeslées, faisant allusion à ce que le Peuple
Romain fit envers Auguste, lors qu'il eut pacifié l'Empire, et
pour ame ces paroles : SALV VS POPVLI MlHI LAVRVS (sic) . »
( C'est en vertu d'un décret de Tan 727 de Rome que des
lauriers furent placés devant le palais d'Auguste^ et qu'une
couronne de chénc fut suspendue au faite de sa demeure.
Suivant Dion, cet honneur était rendu a au vainqueur perpétuel
des ennemis, au sauveur des citoyens» [lib. LUI, 16] :
Kal "^àp téy Ts xà; oàovaç rpo twv ^paaiXtfwv auTOÛ irpOTtOs^ôat,
xal zb TÔv oré'^avov xiv cpuivov onep auTcâv àprâffOsi , iCxt ot,
cb< xal izl TO"j; xz iroXejxtou; vtxûivxi xa? tou; TtoXiTa^ cu)Çov:i,
è(|/T|Cpl70T].
Pline [lib. XVI, 3] dit; a Dédit hanc Augustus coronam
[rostratam] Agrippa? : sed civicam a génère humano accepit
ipse. )
1600. (( Plus à la fin de l'année 1599, h cause que par
le bon ordre estably par le Roy ( en quoy vostre soin et
travail à le faire observer et en tirer les utilitez désirées
estoient admirables) toutes sortes d'allégresses et seuretez
de condition se multiplioient de jour à autre, vous bail-
lastes à sa Majesté pour corps de devise en l'année 1600,
un Arc en Ciel faisant allusion sur celuy donné de Dieu h
1863. - 6 29
A3A MÉMOIRES
Noé pour scureté contre toutes innoudations et pour amc
ces paroles : SOLVVNT FORMIDINE TERRAS. »
( Légende empruntée à la IV' églogue de Virgile [vers 14] ••
Irrita perpetna solvent formidine terras.
L'arc-en-ciel donné à Noé est mentionné dans la Genèse ^ IX,
13, 14. Je ne trouve pas le jeton de Tan 1600 avec la légende
indiquée; elle se lit sur une pièce de 16011 (pi. XXII^ n^^)^
dont plusieurs exemplaires sont conservés à la Bibliothèque
impériale^ chez M. d'Âffry de la Monnoye et chez M. Duleau.
On a des exemples de légendes reproduites pendant plusieurs
années; et d'ailleurs il me manque jusqu'à présent tant de
pièces qui ont évidemment existé^ qu'il me parait prudent, au
lieu de hasarder une conjecture, d'attendre que tes antiquaires
aient cherché à leur tour les jetons de Sully. )
1601. (c Plus à la fin de Tannée 1600 à cause que Mon-
sieur de Savoye lors que voulant profiter des troubles de
la France eut pris le Marquisat de Saluées, choisit pour
devise un Gentaui'e foulant aux pieds une Couronne Royale
avec ces paroles. Opportune, et que le Roy eut conquis la
Bresse et la Savoye, vous lui baillastes pour corps de devise
de Tannée 1601 un Hercule renversant un Centaure et
relevant une Couronne et pour ame ces paroles : OPPOR-
TVNIVS. (pi. XXI, n' 3, Kbliothèque impériale).
Huict jours après que vous eustes présenté au Roy les
jettons de Tannée 1601, vous receustes une lettre de Mon-
sieur deBiron u
(Charles-Emmanuel, duc de Savoie, avait fait frapper en
1588 un grand écu sur lequel on voit, au droit, le buste de ee
prince en armure, accompagné de la légende : CAR.EM.D.G.
DVX.SAB.P.PED. et au revers, un centaure lançant une flèche;
dans le champ, une couronne qui tombe, et au-dessus, le mot
ET DISSERTATIONS. A35
OPPORTVNE [Promis, Heali di Savoia.i, H, pi. XXXI, n* 27).
La riposte de Sully était fort légitime; mais le jeton de 1601 est
un de ceux que la postérité aurait eu le plus de peine à expliquer
si l'auteur même n'avait point pris soin de nous donner le
mot de l'énigme.)
« En commençant nostre second livre nous luy donne-
rons entrée par vos emplois tous pacifiques qui furent,
qu'ayant dès la fin de Tannée 1600 dressé cinq projets des
Estats généraux dependans de vos charges ;
a A savoir, etc.
« Tous lesquels projets d'Estats ayant fait voir au Roy
dès le mois de décembre de Tannée 1600 vous les lui
vinstes apporter mis au net dans des livres bien reliez lors
que le premier jour de Tannée 1601, suivant la coutume,
vous luy apportastes pour ses cstrenes et à la Reine aussi à
chacun deux bourses de jettons, dont les uns estoient d'or
et les autres d'argent avec les devises de sa Maiesté telles
qu'il vous avoit donné le sujet de les devoir faire, de la-
quelle devise le corps estoit un nid d'AIcions qui avoient
tranquilisé la mer pour y eslever leurs petits et avoit pour
ame ces paroles : NOSTRI DANT OTIA TERRIS , laquelle
devise nous ayant fait ressouvenir que nous avions oublié
d'insérer en nostre premier livre toutes les autres que le
Roy avoit prises chacune année depuis son advenement à la
couronne, nous avons estimé que vous ne trouverriez point
mal à propos ny ceiLX qui liront ces recueils que nous vous
les représentions icy telles que nous les avons pu recou-
vrer et qu'elles s'ensuivent. » [OEc, R.^ t. II. p. 6.)
( Nous venons de voir que le jeton de iCOI avait pour légende
A3ô MÉMOIRES
OPPORTVNIVS, et voici qu'au commencement du second tonu>
des Œconomies royalles nous trouvons la description d'un autre
type que nous ne rencontrons pas dans les collections. Il y a là
uno contradiction que des découvertes ultérieures feront sans
doute disparaître.
Les anciens croyaient que les flots de la mer se calmaient au
moment de la naissance des jeunes alcyons.
Tbéocrite l'assure :
X* àXxu(5vsc oTopEOEuvTi xà xii[j.aTa^ àv xs OàXad (xaiv ,
T(5v TS Ndxov, xdv T* Eupov.
[Idyll. VII, v. 57-58. ]
i£lien le dit plus clairement encore : Kuouffrjç 81 àXxu<5voc loraxai
(jîkv Ta iceXap), elpi^vr^v 81 xai (piXiav £;(ou9iv avejjLoi. [ De onimaLf 1,
36. —Cf. lib. IX, 17.]
Pline [II, 47,] le répète à son tour : a Ante brumam autem
septem diebus totidemque postea sternitur mare balcyonum
fœturae., unde nomeu hi dies traxere. i> )
1602. « Nous commencerons ces mémoires de l'année
1602 par le bon iour et le bon an que vous allastes don-
ner au Roy le matin du premier iour de Janvier, pour por-
ter à luy et à la Reme leurs bourses de jettons d'or, dont
vous aviez formé la devise sur ce que le Roy voyant les
broûilleries qui se minutoient par aucuns des plus grands
du Royaume, et discourant d'icelles avec vous, lorsqu'il
fut question de résoudre Testât des gens de guerre à la
campagne, vous dit : Ne me parlez point de rien retran-
cher à mes Régimens entretenus, ny à mes garnisons, ny
aux compagnies de cavallerie, car tant s'en faut que j'es-
time mes affaires en Testât de le pouvoir faire que je suis
résolu de demander une levée de six mille Suisses, que
nous ne ferons néantmoins marcher si le besoin ne s'en
offre, si bien que cela nous coustera peu ; les succez des
Kl DISSERTATIONS. tfil
affaires et diverses expériences inayant appris que comme
par les armes, les Empires se forment, que sans icelles
aussi nulles Dominations ne se sçauroient bien maintenir,
surquoy je veux que vous me dressiez une devise pour
l*année mil six cens deux, à quoy vous aviez satisfait au
moins mal que vous aviez pu, le corps d'icelle estant un
dard fiché en terre, lequel y ayant pris racine, reverdissait
et jettait des branches faisant allusion à celuy de Romulus,
lequel ayant jette un dard de Cormier de dessus le Mont
Palatin tant qu'il avoit pu pour désigner la grandeur en
circonférence de la Ville qu'il vouloit bastir, dont le lieu où
il estoit devoit estre le centre* ce dard s estant iiché en
terre y prit racine, verdoya et devint arbre qui a duré
iusques sous Caligula, et le tenoit on comme pour Tune des
fatalilez à la grandeur de l'Empire, et pour ame à ce corps
ces paroles : NI VIGEANT ARMA LABITVR IMPERIVM. »
« Le Roy trouva cette devise assez bien et selon son
intention, la monstra à ceux de qualité ou de sçavoir qui
vindrent à son lever et leur en fit cas. » {Œc. H., t. II,
p. 39.)
( Plularque, dans la Vie de Romulus [ XX, 9 à i3], rapporic
rhistoire du dard de cormier qui, lancé par le fondateur de
Rome et fiché en terre^ se couvrit de feuillage et ne périt qu'au
temps où des ouvriers y reparant par ordre de Caius Caesar les
degrés de Tenceinte qui protégeait cet arbre précieux y mirent
ses racines à découvert.
Ce jeton manque aux collections que j'ai pu consulter. )
1603. « Suivant l'ordre que nous avons tenu les der-
nières années passées, nous commencerons le premier
Chapitre de celle cy par la devise que vous fistes apposer
aux jettons d'or que vous portastes au Roy le premier iour
428 MÉSIOUES
de iamrier, fondée sur ce que Toolant donner une édoca-
tioD Trayment Royale à ses enfants; il en Touloit prendre
le loisir par le moyen d'une iwnne Paix qu'il cultiroit soi-
gneusement, tant pour le dehors que pour le dedans de
son royaume. Estant bien résolu d'acherer d'estouffer
tontes semences de troubles et mouTemens qui pou-
T<Ment encore rester, par le moyen de ceux qui ayoient
trempé dans la faction du Duc de Kron, ne restant plus
que Messieurs de la Trimoûille et de Bouillon qui fussent
en quelque sorte considérables. Le Corps de cette detise
donc fut un nid d'Alcyons au milieu de la mer, lesquels
ont cette vertu de la tenir tranquille pendant qu'ils cou-
vent et nourrissent leiu*s peths, ou bien la cognoissance
que de sa nature elle doit estre telle en cette saison là, et
pour ame y mistes ces paroles : NOSTRI DANT OTIA
TERRIS. » (OEc. R. t. II, p. 62.)
( On a déjà vu plus haut que la légende Nostri dcaU oiia
terris était attribuée à Tannée 1601. D'un autre cdté, nous
trouvons dans le médaillier de la Bibliothèque impériale un
jeton représentant des alcyons et portant la date de 4603. N'en
doitron pas conclure qu'H y a confusion causée par l'analogie
des types? La légende HALCYONIYM AB ARMIS ne s'accorde-
t-elie pas mieux avec le dessein qu'avait le roi A'achever d^i*
touffer les semences de troubles, que la simple promesse de
paix, nostri dant otia terris? J'ai fait graver [pi. XXÏI, n* 4]
le jeton de 4603 qui me parait fournir un moyen de résoudre
la question. Il ne semblera pas probable que Sully ait été assez
à ^urt d'invention pour employer la même légende à deux
reprises. )
160A. « Jetions d'or portez au Boy aux Estreines et propos
tenus sur la devise d'iceux.
... Commençant cette année mil six cent quatre par le
LT DISSERTAI IONS. iS9
premier iour du mois de lauvier que vous vous en allastes
dès le matin donner le bon iour et le bon an au Roy et à la
Reine, lesquels Vous trouvastes encor tous deux au lict. Et
comme vous entriee dans la chambre (car à toute heure
que vous arriviez les portes vous estoient ouvertes) le Roy
oyant faire des révérences tira le rideau* demanda qui c' es-
toit, et vous ayant apperçeu, dit à la Reine : — Mamie
voicy Rosny, lequel ie m'asseure nous vient apporter nos
Estreînes. — 11 est vray, Sire, dites vous, mais celles cy
sont un peu plus belles que les ordinaires du passé, car
outre les bourses des jettons d'argent, ie vous en apporte
à chacun deux bourses d'or. — Ces jettons devroient
estre beaux, monsiew, dit la Reine au Roy. — Je le crois,
mamie (dit-il), mais Rosny vous serez vous souvenu d'y
approprier une devise sur le sujet que je vous dis en pré-
sence de Monsieur de Mont-pensier et du Cardinal de
Joyeuse, lors qu'ils me parloient des broiiilleries de Mes-
sieurs de Bouillon, de la Trimouille et de leur séquelle que
nous cognoissons tous dont l'on bruyoit lors et bruit on
encores à présent et que je leur respondis que mes sujets
avoient grand tort de vouloir ainsi ti*averser mon règne
d'inquiétudes, veu que je n'avois nul plus grand désir que
de leur faire du bien à tous et d'estre aussy aymé de tous,
et vous ordonnay d'essayer à me faire une devise qui spé-
cifiast tout cela, car il faut que je confesse que nuls de
tous ceux qui se meslent d'en faire ne rencontrent point
si heureusement et selon mon gré comme vous faites. —
Ouy, Sire, respondites vous, je m'en suis fort bien souvenu,
encore que ce ne soit pas chose facile que de bien expri-
mer tant de conceptions, donner un corps agréable qui en
signiGe une partie, soit par sa figure, sa nature et ses pro-
priétez, en réservant le surplus à de belles et briefves pa^
AAO MÉMOJRES
rôles qui ayent une bonne cadence, dequoy je m'estois ac-
quitté le mieux qu'il m'avoit esté possible : mais les louanges
que vostre Majesté me vient de donner me mettent en plu»
de peine et d'appréhension que je n'estois auparavant, tant
j'ay de peur de luy faire perdre cette bonne opinion qu'elle
a tesmoigné d'avoir conceiie de moy. — Or bien, bien dit
le Roy, cette discrétion ne vous est que bien séante : mais
voyons un peu ce qui en est afin d'en dire nos advis. — La
simple veuë ne vous en sçauroit assez instruire ny suffisam-
ment satisfaire . Sire , luy dites vous , encor qu'à mon
advis le corps n'en soit pas trop laid ny les paroles mal
agréables, y ayant une Grenade ouverte qui monstre une
grande quantité de ses grains de rubis, car je les ay fait
bien esmailler et ces mots à l'en tour : TOT VOTA MEORVM.
mais j'estime que l'histoire vous en plaira encor davantage
et que vous la trouverez rencontrer assez bien sur l'amour
d'un Roy envers ses Sujets et d'eux envers luy, et lors vous
racontastes l'histoire du Monarque Darius et de son loyal
serviteur Zopirus, laquelle pour estre trop longue et assez
commune nous ne réciterons point icy, mais dirons seule-
ment que depuis cette prise de Babilone comme quelques
uns magnifiassent une si haute conqueste, l'empereur res-
pondit : J'aymerois mieux mon Zopirus sain et entier que
la possession de vingt Babilones. Et une autre fois ayant
cueilly une grosse Grenade dans ces magnifiques jardins de
Sémiramis, laquelle comme celle de vostre devise. Sire
(dites vous au Roy) monstroit grande quantité de grains de
rubis et que ses familiers luy eussent demandé de quelles
choses il desireroit avoir autant qu'il y avoit de grains en
cette Grenade, il respondit : Autant de Zopims. Mais au
lieu de ce nom j'ay mis Vola meorum , qui signifie d'a-
mour et de vœux de vos Suiets ainsy que V. Maiesté m' avoit
ET DISSERTATIONS. hài
dit estre le plus grand de ses désirs. — 11 est vray, dit le
Roy, et je trouve cette devise dautant meilleure que This-
toire en exprime aussi le cas qu'un bon maistre doit faire
d'un excellent serviteur qui s'expose à tous périls pour luy,
ce que peut estre n'y avez vous pas mis sans penser à vous.
Il se passa ensuitte plusieurs autres discours sur ce sujet
entre le Roy, la Reine, Vous et Messieurs de Roquelaure,
Frontenac et laVarenne qui entrèrent en mesmes temps
dans la Chambre, lesquels seroient trop longs à reciter.
Le lendemain le Roy vous envoya pour vos Estreines une
boëte de diamans où estoit son portraict : la Reine une
chesne de parfum enrichie de diamans et des bracelets fort
riches à iMadame vostre femme. » (QBc. /?., t. II, p. 189.)
(Le jeton de i604 existe on argent à la Bibliothèque impé-
riale, en cuivre chez MM. d'Affry de la Monnoye et Dulcau
[pi. XXII, n° 5]. Malheureusement nous ne connaissons pas
Texemplaire d'or émaillé.
On trouve des jetons de deux métaux ; j'ai vu aussi un piéfort
du xiv* siècle soigncusemenl émaillé. Mais la grenade aux grains
couleur de rubis nous manque.
Voilà assurément un type et une légende qui ont besoin,
pour être bien compris, des révélations de leur illustre inven-
teur. Si, à défaut d'une pareille autorité, un antiquaire proposait
de faire intervenir Zopyre et Darius dans rexplicalion de la gre-
nade d'Henri IV, que de voix s'élèveraient pour lui reprocher
sa trop ingénieuse et abusive érudition!
Le dévouement de Zopyre, fils de Mégabyse , est raconté en
détail par Hérodote [lib. III, io3 à i58]; et c'esl aussi à cet
auteur que Sully devait le mot de Darius, déclarant qu'il eût
mieux aimé voir Zopyre intact que de prendre vingt Babylone,
car Diodore a écrit dix Babylone [X, 19, 2. — Comparez la
mention faite par Lucien, XLIV, Jup, trayœd., 53. ]
L'anecdote relative à la grenade est aussi rapportée par lié-
4A2 MÉMOIRES
rodote, qui ne dit point que la scène se passa à Babylone , et
qui^ d'ailleurs, ne nomme pas Zopyre en cel endroit. La grati-
tude exprimée par Darius s'appliquait à Mégabaze: AapeTo< SI
eTne Ms^aSà^^ouc ^v ol toffotSxouc d:piO[jiàv Y^vlvOat ^tSXeoQai (jlsXXov
fidiv ÉXXccoa ôniixoov [lib. IV, 143].
Peut-être Sully ne Tavait-il pas oublié, et avait-il cette raison
de substituer vota meorum au nom de Zopyre, tout en désirant
raconter au roi Tbistoire d'un serviteur dévoué qui ne s'était
point épargné pour le service de son souverain, et que celui-ci
appréciait avec tant de gratitude. Henri lY, qui était très-tin,
avait facilement saisi l'allusion. )
1605. « Nous commencerons ce deuxiesme chapitre de
l'année 1605, suivant nostre ordre accoustumé par les es-
trennes de iettons d'or que vous portastes au Roi le pre-
mier iour de l'an, et vous ramentevrons comme le Roi vous
ayant entretenu sur la fin de l'année 1604 du bon ordre
qu'il vouloit continuer de mettre à ses affaires, tant pour
bonifier son Royaume, rendre ses peuples riches et en re-
pos, et faire provision de toutes sortes d'armes et muni-
tions nécessaires pour l'exécution de plusieurs hauts et
magnifiques desseins, sur les particularitez desquels il
vous fit de grands discours conformes à ce que nous
estions près de voir esclorre en l'année 1610, s'iln'eust
esté malheureusement assassiné, vous lui baillastes en
ces iettons, pour corps de devise, une plante de lys,
ayant deux branches fleuries, et au bout de l'une d'icelles,
une estoille, signifiant le Pôle Septentrional, et au bout de
l'autre branche une autre estoille signifiant le Pôle Austral,
et pour ame ces deux paroles : HI FINES, pour tesmoigner
l'espérance qu'il avoit de donner pour bornes à sa reputa-
tion et renommée et celle des fleurs de lys, tout le rond de
la terre. Geste devise fut trouvée très excellente par le
ET DISSERTATIONS. AAS
Roi et par tous ceux qui la virent tant en son corps, qu'en
son intelligence exprimée en si peu de mots, n ( Œc, R, »
t. II, p. 319.)
(Ce jeton n'a point encore été retrouvé; je n*ose pas dire
qu'il était resté à Tétat de projet; mais ce qui est certain, c'est
que pour cette même année 1605 nous avons la devise Hoc mihi
plebis amor, que les Œconomies royalles attribuent à l'année
suivante [vofj. pi. XXÎÎ, n®6].)
1606. a Parlans des choses de l'année 1606, nous vous
dirons comme le premier iour du mois de Janvier, vous
fustes dès le matin donner le bon jour et le bon an au Roy
et à la Reine, et leur porter leurs bourses de gettons ac-
coustumées, desquels les deuises estoient une targe ou
bouclier d'or sur une touffe de lauriers verdoyans avec ces
paroles alentour : MIHI PLEBIS AMOR , suivant ce que le
Roy vous avoit dit estre de son intention, pour montrer que
nonobstant tant de conspirations des malins, l'amour de
ses peuples qu il s'estoit entièrement concilié, seroit son
asseurée defence. Vous vous en allastes au Louvre menant
avec vous trois de vos secrétaires dont j'estois l'un, et nous
baillastes à chascun un grand sac de velours à porter. Dans
celui de l'aisné Arnaut, il y avoit trois bourses de gettons
d'or, et dix bourses de gettons d argent. Dans le sac du
jeune Arnaut, il y avoit vingt-cinq bourses de gettons
d'argent, et dans le troisième sac, que l'un de nous deux
qui faisons ces Mémoires portoit, il y avoit trente sacs de
cbascuu cent escus en demi francs tout neufs faits au mou-
Un. Et outre cela vous aviez laissé dans vostre caresse, à
la garde du Gendre, deux grands sacs de dousains tout
neufs faits au moulin. Lorsque vous vinstes en la grande
chambre du Roy, Lozeray et Armagnac vous dirent
hhà MÉMOIRES
qu'il n'avoit point quasy dormy de toute la nuit, et qu'à
présent il étoit couché avec la Reine dans sa chambre, où
à leur advis ils dormoient encore tous deux. Ce qui ne
vous empescha pas de continuer vostre voyage pour en
apprendre davantage de nouvelles de la Renoulliere ou de
Catherine ; mais si tost que vous commençastes à gratter
tout doucement à la porte, deux voix toutes ensemble vous
demandèrent qui c'estoit : a quoy leur ayant respondu et
dit vostre nom, vous ouïsles ces mêmes voix respondre :
— Sire, c'est monsieur le Grand Maistre : et lors vous ayant
ouvert, vous vistes que c'estoient Messieurs deRoquelaure,
de Frontenac et Beringuen qui avoient parlé, et aussi-tost
vous entendistes la voix du Roy vous criant : — Venés,
venés Rosni, venés, car je me doute bien que vous ne
manquerés pas de dire que je suis bien paresseux
Mais en attendant que tant de gens soient sortis, voyons
un peu en leur présence tout ce que vous nous apportez .
pour nos estrennes, car je voy que vous avés là trois de
vos secrétaires avec des sacs de velours. — Cela est vray,
Iny repondistes vous. Sire, car me souvenant que la der-
nière fois que je vous ay veus vous et la Reine ensemble,
vous estiés tons deux en merveilleusement bonne et gaye
humeur, et moy croyant que je vous trouverois encore,
sur l'espérance d'avoir bien tost encore un fils, je vous estois
venu apporter diverses sortes d' estrennes pour vous faire
rire de la joie en laquelle entreront ceux et celles aus-
quelles je les feray distribuer en vostre nom — uOr
bien, dit le Roy, je vous entends à demy mot, comme vous
montrés quelquefois de faire moy ; mais voyons vos pré-
sens sans plus parler de ce que vous entendes. »
— Sire, rcspondites vous lors, en premier voilà Arnaut
laisné qui a mon sac des papiers du Conseil, dans lequel
ET DISSERTATIONS. 445
il y a trois bourses de gettons d'or à la devise de voslre
asseurance en Texquîse amour qu'en général tous vos
peuples vous portent véritablement dont Tune est pour
vous, l'autre pour la Reine, et l'autre pour monsieur le
Dauphin, mais qui seroit pour Menmenga (1) si la Reine
ne la retenoit point comme elle l'a tousjours fait. Il y a
aussi huit bourses de gettons d'argent à la mesme devise,
deux pour vous, deux pour la Reine, et quatre pour la
Renouillière, Catherine Selvage, et telle autre qu'il vous
plaira qui couche en la chambre de la Reine. Voila un
autre sac que porte le jeune Arnaut, dans lequel il y a
vingt-cinq bourses de gettons d'argent pour distribuer à
monsieur le Dauphin, madame de Montglat, madame de
Dron, mademoiselle Piolant, les nourrices et autres femmes
de chambre de vos enfans, et filles de la Reine. Et dans le
troisième sac que porte le Gendre il y a trente sacs de
cent escus chascun tous en demi francs tous neufs faits au
moulin^ et si larges qu'ils paraissent des francs entiers pour
bailler les estrennes à toutes les filles et femmes de cham-
bre de la Reine et des enfans de France, suivant ce que
vous m'auez ordonné. Et puis dans mon carrosse où j'ay
laissé un autre de mes gens, il y a deux grands sacs de
dousains aussi tous neufs et faits au moulin de chascun
cent escus qui font douze mille sols pour estre distribués
en estrennes aux pauvres invalides qui se trouveront sur
les quais de la rivière, proche du Louvre, qui en sont à ce
que l'on m'a dit desja quasi tous remplis, où j'ay envoyé
douze hommes de la Ville des plus aumosniers pour les
faire ranger et leur distribuer en conscience, et démènent
tous ses pauvres gens et les filles et femmes de chambre de
' M"* de Montglas, gouvernante du jcuuo dauphin Louis.
446 MÉMOIRES
la Reine plus de joye de ces petites estreiines de villages
en pièces toutes neuves, que vous ne sçtauriés croire, di-
sans tous ne pas le faire tant pour la valeur du don que
pour ce que c'est un tesmoignage que vous vous souvenez
d'eux et les aymés. {OEc. roy. T. III, p. 1.)
(J'ai déjà fait observer que le jeton Boc mihi plebis amor
porte la date i605. — On remarquera le passage relatif aux
demi-francs si larges qu'ils paraissent des francs entiers. Ce
sont là des pièces de plaisir précieuses pour les collectionneurs,
car on saurait exactement à quelle occasion elles ont été frappées.
Notons ce fait en passant. ]
1607. a Sa Majesté vous envoya quérir ce nous semble
par monsieur de la Varenne un jour si matin que vous la
trouvantes encore au lict, mais sitôt qu elle fut habillée,
elle vous prit par la main et vous dit (car nous y étions
présents) — mon amy, j'ay bien des choses d'importance
à vous conter, et partant allons nous en au cabinet des
livres où ie vous entretiendray tout au long..... »
Henri IV se plaint des menées de ses ennemis, et il jure
s'ils le pressent davantage par pratiques dans son royaume
de leur faire maudire l'heure d'avoir voulu troubler son
repos. Il ajoute :
« Et partant préparez y toutes choses le plus que vous
pourrez, et surtout abondance d'armes, artilleries, muni-
tions et argent qui est celuy qui donne vigueur aux au-
tres, d'autant que pour le surplus je m'en charge. Et voyez
si pour cette prochaine année 1607 vous me pourriez point
trouver une devise qui exprimast quelque chose de ce que
nous avons discouru, car au lieu qu'ils nous font la guerre
en renards, nous la leur ferons en lyons.
«Vous sortistes d'avec le Roy ayant le visage et l'humeur
ET DISSERTATIONS, 447
toute gaye, clcquoy nous ayans demandé la cause, vous
nous contastes tout ce que nous vous remettons icy en
mémoire, au moins s*il nous en est bien souvenu. Tant y a
que nous vous vismes toujours depuis plus soigneux de
bonifier tous les revenus du Roy, et d'augmenter ses tré-
sors et ses magasins, et que le premier jour de Tannée pré-
sente estant venu, vous luy portastes à Taccoustumée des
bourses de gettons d'or qui avoient pour corps de devise
un Temple de Janus avec une plante de lys à la porte qui
le tenoit clos, et pour âme ces trois paroles CLAVSI CAVETE
RECLVDAM, pour signifier par la closture de ce temple
qu'il avoit donné la paix et que l'on prist garde par l'ou-
verture d'iceluy qu'il ne déclarast la guerre; laquelle de-
lise le Roy trouva fort bien inventée pour expliquer son
intention. » {OEc. roy., t. III, p. 76, 77.)
(Le jeton à la légende Clausicavete, recludam offre la date
4606 [pi. XXII, n"" 7], peut-être a-t-il reçu^ comme le précédent,
l'indication de l'année vers la fin de laquelle il fut fabriqué.
On ne voit point sur cette pièce la plante de lis qui tenait
clos le temple de Janus ^ et ce temple est un édifice de fantaisie
qui n'est ni Varc de Janus gravé par B. Cellini au revers d'une
médaille du pape Clément VII 11534], ni le temple véritable tel
que nous le montrent les monnaies de Néron ^ et tel que J. P.
Poggini Tavait avec beaucoup d'intelligence représenté au re-
vers d'une médaille de Philippe II, roi d'Espagne [1559]. Nous
avons donc encore besoin ici du témoignage de Sully pour ex^
pliquer un type si peu conforme aux idées reçues. )
i608 « Et commencerons cette année 1608 ainsi que
nous avons fait quelques unes des précédentes, par la de*
vise des gettons d'or que vous présentastes au Roy le pre^
mier jour de l'An, de laquelle suivant le dessein que le Roy
à la fin de Tannée dernière VQU9 avoit dit de vouloir imiter
hhS MÉMOIRKS
Auguste lorsqu'il eut mis le monde en paix, qui fut de ré-
gner non plus par la force mais par Tamour, le corps estoit
un exaîm d'abeilles en l'air avec leur Roy au milieu sans
aiguillon, et pour ame ces mots : iEQVlTATE NON AGVLEO.
Vous le trouvastes comme il entroit dans sa petite gallerie
pour passer à la grande, et de là aux Thuilleries où il vous
mena promener. Nous n'avons point sceuce qu'il vous dit
sur cette devise d'autant qu'en vous baillant les bourses de
gettons, vous nous renvoyastes à l'Arsenac quérir vostre
sac de velours. » {OEc. R.y t. II, p. 180. )
(Le jeton de 1608 que possède la Bibliothèque impériale
[pi. XXil, n» 8] présente bien exactement le type indiqué; mais
la légende AMORE NON TERRORE n'est qu'une traduction de
celle qui vient d'être mentionnée. Il est fort possible que la lé-
gende adoptée définitivement ait paru de meilleur goût ; mais
que le premier projet, demeuré dans les archives de SuUy^ aura
servi de guide à ses secrétaires. )
1609. « Nous vous ramentevrons la devise des jettons
du Roy pour cette année laquelle vous ayant faite aussi
bien que celles des précédentes par commandement du
Roy, selon le sujet qu'il vous avoit proposé, le corps estoit
une plante de lys ayant plusieurs branches de fleurs, sur
chascune desquelles il tomboit du Ciel une couronne d'o-
live, dont toute la terre se trouvoit après couverte, avec ces
paroles au dessus : C.ïLVM LILIO LILIVMQVE TERRIS. Et
avoit le Roy pris le sujet de cette devise sur ce qu'il estoit
intervenu quasi comme arbitre en la composition des dif-
férends d'entre le Pape et les Vénitiens, le Roy d'Espagne,
les Ai'chiducs et les Provinces unies, et plusieurs autres
princes, peuples et potentats, tant en la Chrestienté que
hors icelle, voulant dire que comme le Ciel luy avoit donné
i:t dissektatio.ns. * 4/|9
la paix il en rempiissoit le monde. Lorsque vous luy ap-
portastes ces gettons cVor où estoit cette devise, après
quelques propos sur icelles et autres choses communes,
il vous tira un peu après à part dans le creux de la fenestre
de sa chambre. » Œc. B.,i . III, p. 271 (Voy. pi. XXII, n« 9.
Bibliothèque impériale ) .
1610. « Nous commencerons donc cette année 1610 ainsi
que plusieurs des précédentes, par le bon jour et le bon
an que vous allastes donner au Roy, en lui portant des
bourses de jettons d'or, avec leur devise sur le sujet qu'il
vous avoit prescrit, qui estoit d'un globe terrestre se sous-
tenant en l'air par sa propre gravité, sans s'ébranler au
milieu des vents et des vagues, comme faisoit sa Majesté
entre tant de traverses et d'affaires diverses par sa seule
vertu, y ayant ces mots escrits sur le corps de la devise :
SVO SE POiNDERE FVLCIT, laquelle ayant trouvée fort à son
gré, et très bien exprimant ses conceptions, il mit une
couple de ses jettons dans sa pochette et l'après disnée les
fit voir à Messieurs le Comte de Soissons, Cardinaux de
Joyeuse et du Perron qu'il trouva ensemble en son cabinet
des livres au sortir de table, lesquels louèrent fort vostre
esprit et vostre jugement, disant qu'il se rencontroit rare-
ment des personnes de qualité, intelligens aux affaires,
propres à la guerre, et qui s'adonnassent aiLx gentillesses
des lettres. » Œc. R.,t. III, p. 453 (Voy. pl. XXII n*» 10.
Bibliothèque impériale ) .
Il est à regretter que Sully ne nous ait fait connaître le
nom d'aucun des artistes auxquels il confiait la gravure de
ses jetons. Ceux-ci ne portent pas de signature. Mais ils
18C3. — 6. 30
IxbO MÉMOIRES
n'en présentent pas moins un intérêt singulier. On com-
prend leurs types avec certitude ; on sait dans quelle in-
tention ils ont été frappés ; ils deviennent en quelque sorte
des moniteurs et des pierres de touche pour l'interpréta-
tion des monuments du môme temps ; leurs types et leurs
légendes ont été le sujet des entretiens de deux de nos
plus grands hommes d'État.
Quel est l'ami de notre histoire, de nos souvenirs na-
tionaux, qui ne serait pas heureux de posséder la série
des jetons composés par Sully 7
Ad. de Longpébiee.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Recherches sur les anciennes monnaies de l'Italie méri-
dionale, par L. Sambon. Naples, 1863, in-â".
Premier article.
Les monnaies anciennes de l'Italie méridionale^ comme le
fait observer Tauteur dans une courte préface qui donne le plan
de cet ouvrage^ ont déjà été Tobjet de nombreuses publications.
M. Sambon a naturellement profité des travaux de ses de-
vanciers y et sans passer sous silence le Docirina nummorum
veterum d'Eckhel, auquel on doit nécessairement recourir
quand il s'agit de Tétude des monnaies anciennes, il a consulté
les ouvrages de Millingen, de M. Tabbé Gavedoni, de M. Julius
Friedlsender, et spécialement ceux des archéologues napolitains
dont les écrits se trouvaient le plus à sa portée.
M. Sambon, tout en rendant pleine justice aux beaux travaux
publiés sur la numismatique si riche, si variée, si remarquable
sous le rapport de Tart, de Tltalie méridionale, fait observer
que plusieurs questions importantes n'ont pas été éclaircies et
laissent beaucoup à désirer. Faute de données exactes sur le
poids de ces monnaies, on n'est pas parvenu à établir d'une
manière sûre leur valeur, et par conséquent à déterminer les
noms à donner aux fractions de la drachme et de Tobole. C'est
par suite de cette absence de renseignements d'une rigoureuse
exactitude qu'on a commis bien des erreurs en voulant recon*
stituer et fixer les divers systèmes de monnayage établis dans
452 BULLETfN RIRLIOCRAPHJQUK.
la Grande Grèce. Ce sont probablement les mêmes causes qui ont
donné lieu à interpréter d'une manière inexacte les variations
de poids qu'offrent les pièces d'une même et égale valeur.
Quant à la classification chronologique, à part les recherches de
Millingen dans ses Considérations sur la numismatique de Van^
cienne Italie, et quelques éclaircissements dus à feu Charles
Lenormant (Bévue num.^ 1844, p. 470 et suiv.), on la trouve
encore réduite à des données générales. Les règles tracées à cet
égard par Eckhel n'ont reçu qu'une application peu étendue.
On n'a pas eu recours à l'histoire, qui toujours doit nous servir
de guide et de flambeau dans ces sortes de recherches^ comme
l'a fait voir avec tant de raison Tillustre numismatiste de Mo-
dène^ M. l'abbé Cavedoni.
Sans avoir la prétention de combler toutes les lacunes signa-
lées ici d'après M. Sambon^ l'auteur a cherché à en diminuer
lefiombre et à rendre moins pénible la tâche de ceux qui se-
raient tentés de faire de nouvelles recherches et de suivre la
voie ouverte par M. l'abbé Cavedoni.
Voici Tordre dans lequel l'auteur a disposé les matières dont
il traite. D'abord dans les considérations préliminaires sont
exposées les notions générales sur la classification^ la nomen-
clature, les distinctions. Suivent des documents sur diverses
trouvailles de monnaies. Une notice historique précède la
description des monnaies de chaque pays et de chaque ville.
Toutes les pièces déjà connues et un grand nombre d'autres
encore inédites y sont indiquées avec leur poids et leurs déno-
minations. Les considérations qui suivent traitent des types et de
leur époque probable. A la fin du volume de M. Sambon se trouve
un sonmiaire des faits historiques mentionnés dans le corps de
l'ouvrage; ce sommaire, divisé en trois sections, se rapporte
aux faits qui se sont passés depuis l'an 800 avant l'ère chré-
tienne jusqu'à l'an 8i dans la Campanie et le Samnium , de-
puis Tan 708 jusqu'à Tan 90 dans TApuIie et la Calabre, et
depuis l'an 720 jusqu'à l'an S6 dans la Lueanie et le Brutium.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 453
À la suite de ce sommaire sont placées des tables indiquant
le poids des monnaies de la Grande Grèce. Après vient une
classification chronologique 5 et enfin un tableau donnant le
prix approximatif des médailles chez les marchands de Naples.
La classification par ordre géographique est la seule qui est
adoptée dans toutes les descriptions des anciennes monnaies
de l'Italie méridionale. Cependant on pourrait encore diviser ces
monnaies en trois classes^ d'après la langue employée dans les
légendes, les grecques^ les oique$ et les latines. On y reconnaît
deux systèmes monétaires, celui des Grecs et celui des Ro-
mains, ce qui donne lieu à deux divisions, les gréco-italiques et
les italiques.
Le système romain a pour base Pas de bronze et ses fractions;
mais une particularité distinctive que l'auteur signale,c'estqueles
divisions de l'as italique sont fixées d'après le système décimal
et non d'après le système duodécimal en usage à Rome.
Le système grec se fonde sur la drachme et ses divisions;
car les pièces d'argent, dans Tordre chronologique, sont la plus
ancienne monnaie chez les Grecs. Dès l'époque de Solon, c'est-
à-dire tout au commencement du vi« siècle, la monnaie d'argent
existait déjà chez les Athéniens, et avec la destruction de Sybaris,
en 510 avant Jésus- Christ, a dû cesser le monnayage des pièces
incuses de cette ville, ce qui fait remonter les plus anciennes
monnaies frappées dans Tltalie méridionale aux premières an-
nées du vi« siècle. Les oboles globuleuses et anépigraphes
de Tarente précédèrent sans doute le système des monnaies
incuses. Les pièces d'or ont pour unité le jip^<Jb<i ou statère d'or ;
les pièces de bronze le chalque, yolIixà^.
Parmi des remarques très- judicieuses sur la fabrique, le style,
les légendes, les lettres, les types, les signes de valeur, les
poids, etc., je trouve que l'auteur rejette l'opinion des savants
qui prétendent fixer l'abandon des caractères archaïques, et
l'introduction des lettres nouvelles au siècle de Périclès. On ne
doit pas s'en tenir aux règles générales dont on s'est trop pré-
hbà BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
valu; les lettres longues H et û ont été en usage^ surtout chez
les Ioniens, avant Tarchontat d'Ëuclide (403 ans av. J. C.)^
époque de leur introduction dans l'écriture officielle d'Athènes.
J'aime à trouver ces excellentes remarques dans un livre fait
avec soin comme Test celui de M. Sambon. Tous les jours les
monuments anciens viennent confirmer ces foits, qu'on a trop
souvent méconnus.
Quant au style, Fauteur fait observer que les plus anciennes
monnaies italiques^ comparées aux monnaies romaines de la
même époque^ ont une telle supériorité ^ qu'il est facile de s'en
convaincre au premier coup d'œil. Cette différence si marquée
tient à l'influence que les colonies grecques, établies dans
l'Italie méridionale^ exercèrent sur l'art dès le vi* siècle avant
notre ère.
Le style des monnaies gréco-italiques est plus beau , plu» sé«
duisant que celui des monnaies de la Grèce, ce qui tient proba-
blement à ce que les artistes établis dans l'Italie méridionale
purent se livrer plus librement que les graveurs d'Athènes aux
inspirations de leur génie. Aussi ^ dès le v* siècle, les monnaies
de la Grande Grèce atteignirent-elles le haut degré de perfection
qu'on admire à juste titre.
Dans un second article^ je me propose de présenter quelques
observations sur les types des monnaies de la Grande Grèce
et sur les appréciations historiques et chronologiques de
M. Sambon. J. W.
Description générale des monnaies byzantines frappées
sous les empereurs d'Orient depuis Arcadius jusqu'à la
prise de Constantinople par Mahomet II, par J. Sabatier.
2 vol. in-8». Paris, 1862, 70 pi. gravées.
En 1862; dans ce recueil méme^ j'annonçais le premier vo*
lume dont je viens de transcrire le titre, et je m'engageais, lors-
BULLETIN BIBUOGRAPHIQUE. &55
que le second tome serait publié , à consacrer un article à l'ou*
vrage dans son ensemble. Il n'est que temps de remplir ma
promesse \ je serais même confus de ne l'avoir pas fait plus tôt^
si jo ne savais que rappréciation des niunismatistes les plus
autorisés n'était déjà très-favorable à M. Sabatier. Au moment
où l'ouvrage est entre les mains des hommes spéciaux, la cri-
tique ne peut plus être soupçonnée ni de partialité ni de mal-
veillance; elle ne peut être accusée de vouloir prévenir en fa-
veur du livre^ pas plus que de chercher à lui préparer un accueil
désobligeant
M. de Saulcy, il y a bientôt vingt-sept ans , faisait paraître
VEssai sur la classification des suites monétaires byzantines , et
cette belle monographie laissait bien loin en arrière tous les
travaux publiés jusqu'à lui, même ceux du baron Marchant.
Plus tard quelques savants, dans une édition faite avec soin et
qu'on ne saurait trop consulter^ mirent les travaux du baron
Marchant au courant de la science; néanmoins jusqu'à M. Sa-
batier, l'Essai de classification ^ dû à M. de Saulcy, était le seul
livre qui put servir de guide au milieu des difficultés multipliées
que présente la numismatique byzantine. Nous avons aujour-
d'hui un catalogue méthodique et de belles et nombreuses
planches qui, sans enlever le mérite attaché aux recherches du
savant académicien , font connaître les conquêtes dues aux tra-
vaux de ceux auxquels M. de Saulcy a ouvert la voie. En dédiant
son livre à notre ami et collaborateur, M. Sabatier reconnaît
avec une grande courtoisie les bons enseignements qu'il a re-
cueillis dans V Essai de classification,
M. de Saulcy avait proposé un cadre dans lequel devaient se
ranger toutes les monnaies byzantines connues au moment où
il s*en occupait^ et celles qui se révéleraient. M. Sabatier, avec
son respectable contingent de pièces qu'il a la bonne chance de
faire connaître le premier, prouve implicitement combien le
système de M. de Saulcy était juste et bien prévu , surtout en
ce qui concerne l'empire de Constantinople : on a aujourd'hui
4.V> ErLL£Tî:Ç BIBLI«>;aAPti.«:'CE.
fme foiiLe (Ut monnaîf» byzantines d»Mic Teustenoe était sijup-
CDontfîii et prédite par M. de Sanky : bien mieux, on en connaît
anxqndles ii n'avait pas penié. et qui viennent encore consolider
!ion système de classification.
Bû*Q qn^ les premiers noms qui frappent les yeux en ouvrant la
f/etrhpiion générale soient cecx de tjratien et de Valentinien U,
M. Sabatter reconnaît que la numismatique byiantine commence
véritabiement an règne d'Anastase i*', à la fin du t« siècle : il y
ent en effet à cette époque ane réforme monétaire qui. en réalité,
était réta^ilissement d'un système nouveau. Si donc on voit
mentionner ici des empereurs d^Occident, c'est qu*il y avait lieu
de faire connaître quelques exagium , ou poids des monnaies
d'or. Comme M. Sabatier n'avait à s'occuper que de l'empire
d'Orient, pour mettre plus d^ordre dans son livre y il eût peut-
être dû placer dans l'introduction tout ce qui a rapport aux
exA^'iim, et commencer franchement le catalogue des mon-
naies byzantines à Arcadius. M. Cohen^ en effet, s'est strictement
limité à l'empire romain ; M. Sabatier devait prendre pour
point de départ la division de l'Empire^ qui arriva en 395, à
la mort de Théodose V\ Le système monétaire byzantin com-
mence sous Anastase, mais la numismatique de l'empire
d'Orient remonte à Arcadius. Je me hftte d'ajouter cependant
que mon observation porte sur la forme plutôt que sur le fond.
La série des monnaies impériales d'Orient comprend plusieurs
subdivisions qui sont indiquées par Thistoire même.
D'al>ord l'empire de Gonstantinople, qui dura de 395 à 4204,
époque à laquelle Alexis V Ducas fut renversé par les croisés et
Baudouin de Flandre. L'empire de Byzance fut restauré en i261
par Michel Paléologue, et dura jusqu'en i453, date de l'intrusion
des Turcs en Europe.
L'empire lutin, de 1^4 h 1261.
L'empire grec de Nicée, fondé en 1206 par Théodore Ducas
Lasc^ris, gendre de l'empereur Alexis lil, aux dépens du duché
de Nicée et de Bilhynie, que les croisés déclinaient à Louis de
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. àb7
Blois. Par le fait, l'empire de Nicée fut la continuation de l'em-
pire grec de Constant! nople : il ne cessa que lorsque les croisés
ayant été chassés de Byzance^ Michel Paléologue rétablit dans
celle ville le siège de son gouvernement.
L'empire de Thessalonique, qui dura une dizaine d'années, et
fut réuni à celui de Nicée en 1234.
L'empire de Trébizonde, qui, avec les rives de TEuxin, la
Paphiagonie et laPropontide, représentait à peu près l'ancien
royaume de Pont. Gréé en 1^4 par le petit-fils de l'empereur
Andronic I^ Comnène, il fut détruit par les Turcs en 4461 .
Excepté pour l'empire latin, M* Sabatier a tenu à cataloguer
tous les monuments monétaires de ces souverains, grands et
petits, qui se décoraient de la couronne impériale : la série des
successeurs de Baudouin de Flandre et de Pierre de Ck)urtenay
aurait parfaitement figuré là ; M. Sabatier sans doute a pensé
qu'il ne devait pas s'approprier un des chapitres les plus impor-
tants de la a numismatique des croisades » : à sa place je n'au-
rais pas hésité : il y était autorisé par les digressions qu'il s'est
laissé imposer, par l'Afrique et l'Italie. — L'empire franc ou
latin de Constantinople nVt-il pas le droit d'être annexé à la
suite monétaire byzantine, au même titre que le royaume des
Vandales, dont le système paraît n'être ni romain ni byzantin?
N'est-il pas aussi opportun de s'occuper des croisés établis dans la
capitale de l'empire d'Orient, que des Ostrogoths qui, en Italie,
avec le type et le système romain reproduisaient les eflSgies
d'Anastase, de Justin et de Justinien? Je me demande pourquoi
M. Sabatier, en abordant les monnaies frappées par les barbares
en Italie aux types impériaux, n*a pas jugé à propos de faire
une pacifique invasion en Gaule , où il aurait trouvé à Arles , à
Marseille, à Vienne, à Javouls, etc., les efiigies de Justin, de
Justinien, de Maurice Tibère, deFocas et d'Héraclius. Il est vrai
que ces digressions, que nos bons voisins de Belgique décorent
du nom d'annexions, entraînent quelquefois bien loin.
Dans la série do Tempire grec de Constantinople, M. Sabatier
A68 BULLETIN BIRLIOGRAPHIQUL.
fait connaître assez de pièces nouvelles pour que la simple énu-
opération puisse remplir une page de ce recueil. Signalons prin-
dpalement ce qui concerne Eudoxia^ femme d'Arcadius,
Justin P', Tassociation de Justin et de Justinien; Justin et
Euphémie, auxquels on enlève une monnaie d*Antioche pour
leur en attribuer une autre qui leur appartient très-vraisem«
blablement; la nouvelle classitication des monnaies de Léon II ;
les paragraphes relatifs à Constantin V, Léon lY ; les foUis
d'Irène et de Léon l'Arménien, le sou d'or de Nicéphore
Logothète, et le demi-sou de Michel 11. Les pages consacrées à
Ck>nsUntin VIl^ Théophile et Michel lU, Romain II et Basile I!»
Michel IV, Michel VI, Jean II et Alexis Comnène, Manuel, Alexis
et Agnès de France , offrent des détails curieux et importants
pour la question des monnaies byzantines.
Le baron Marchant avait proposé d'attribuer à l'empire de
Trébizonde des monnaies d'argent que M. de Saulcy revendiqua
ensuite en faveur des Gomnène de Byzance. Plus tard^ M. le
baron de Pfaffenhoffen a déterminé une partie de la numisma-
tique de Trébizonde par Tétude de textes irréfutables inconnus
à M. de Saulcy, et qu'il puisa principalement dans la chronique
de Michel Panaretos. M. de Pfaffenhoffen, en s'occupant exclu-
sivement des pièces d'argent, acnrps, put répartir plus de cent
monnaies entre onze souverains. M. Sabatier, le premier, publie
les monnaies de cuivre de ces petits empereurs : c'est une série
toute nouvelle qui, jointe aux aspres comnénats restés inédits»
se rattache à dix-sept souverains. Quelques règnes forment en-
core des lacunes qui peu à peu doivent être comblées.
Quant à l'empire de Thessalonique, il s'agit de feuilleter la
monographie de M. de Saulcy pour constater combien il était
pauvrement représenté dans les médailliers : quatre pièces de
cuivre dont la moitié était contestable. M. Sabatier a eu la bonne
chance de réunir onze monnaies dont deux sous d'or : il donne
ainsi une certaine importance à cette série , qui se composera
très-probablement toujours de raretés.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. &69
La numismatique de Tenipire de Nicée ^ n'était guère plus
riche : là encore les monnaies sont rares^ même les plus humbles
follis. M. Sabatier donne trente-cinq pièces, dont quelques-unes
en or. Je remarque qu'à l'exemple de M. de Saulcy, Tauteur
de la Description générale constate une lacune après le règne de
Théodore Vatatzes. Il me semble qu'il n'est pas impossible
d'attribuer des monnaies à Jean^ fils de Théodore. — Jean avait
neuf ans lorsque son père mourut : le grand domestique Michel
Paléologue, qui devait restaurer le trône grec de Byzance,
s'empara de la tutelle du jeune prince^ se fit bientôt proclamer
son collègue, puis après l'avoir fait priver de la vue^ le relégua
dans une forteresse. Je proposerais d'attribuer à l'intervalle pen-
dant lequel Michel exerça de force la régence les deux cuivres
anonymes au type de saint Théodore, que M. Sabatier a classés
à la fin du règne de Théodore III. Si ces pièces n'ont pas été
frappées par ordre du tuteur, ce sont au moins des monnaies
de circonstance, émises à l'occasion des troubles qui agitèrent
alors Tempire de Nicée.
M. Sabatier a donc complété dans une large proportion la
suite des monnaies de Fempire de Ck)nstantinople ; il a recon-
stitué la numismatique de Trébizonde et de Thessalonique^ et
presque créé celle de Nicée.
J'ajouterai qu'il a rendu un service véritable à tous ceux qui
ont à s'occuper de l'histoire byzantine par le soin avec lequel il
a su résumer les faits les plus remarquables et les dates des évé-
nements contemporains de chaque règne. Le long séjour de
M. Sabatier en Russie lui a permis de puiser à des sources pré-
cieuses et de consulter des ouvrages peu connus en France. Le
prix même que j'attache à ses recherches érudites me fait un
devoir de lui signaler deux erreurs qui lui ont échappé. —
^ Les monnaies de ces empereurs étaient restées inconnues jusqu'en 1841|
époque à laquelle une trouvaille de Cadalvène, faite aux environs de Brousse,
et publiée par M. Rollin pèrci vint nous les révéler. Voir Rew$ nwniitn,,
!'• série, t. VI, 1841, p. 171 et fuiv.
A60 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Romain Lacapène fut le beau-père de Constantin X , et non ^n
gendre, puisqu'il avait pour fille Hélène, femme de cet empereur
(t. Il, p. 125). — A propos du règne de Théophile (t. Il, p. 88),
je lis que ce prince «continua à sévir contre les catholiques et
a les adorateurs d'images. » Il y eut une secte des iconoclastes
ou destructeurs des images saintes qui , au concile de Gonstan-
tinople en 730, fut approuvée, grâce à l'intervention impérieuse
de Léon Tlsaurien (on sait les tristes résultats, surtout dans
cette circonstance , de Timmixtion des souverains de Byzance
dans le domaine spirituel), mais je ne sache que, en dehors
du paganisme, il y ait eu des adorateurs d'images.
Pendant que j'en suis à critiquer Je me permettrai de faire ob-
server à M. Sabatier que ses épreuves n'ont pas toujours été revues
avec le soin méticuleux que Ton doit apporter à la correction
d'un catalogue méthodique. Ainsi^ dans le texte il y a des des-
criptions qui ne concordent pas exactement avec les planches :
je ne parle que du tome 1", dont je pensais trouver Verratum
au tome II*. T. I, p. 103, n*» i8 d'Arcadius; p. i25, n* 8 de
Marcien; p. 13i, n*» 6 de Léon !«'; p. 100, n« 2 de Justin !•';
p. 192, n" 1 de Théodoric; p. 231, n* 1 et 3 de Tibère ÎI;
on cherche inutilement la description du n° 17 de la pi. IV,
ainsi que la mention des pièces d'or d'Eudoxie à la légende
VICTORIA AVGGG, et de Léon 1" au chrisme avec SALVS
REIPVBLICAE-COMOB. Je n'insiste pas, parce que M. Sabalier
donnera certainement un supplément, à Texemple de M. Cohen
qui, pour Tempire romain, fait déjà appel au concours des nu-
mismatistes : seulement je saisis cette occasion de rappeler à
tous ceux qui ont le courage d'entreprendre des travaux de la
valeur de la Description générale des monnaies byzantines, qu'ils
ne sauraient apporter trop d'exactitude à la définition des types,
et à la reproduction des légendes. Une lettre, un symbole, une
syllabe oubliés, peuvent donner naissance à de graves erreurs ^
* Ainsi sur le n* 1 do Justin II, dont le dessin (pi. XXI) ne semble pas
BULLETIN mBMOGRAPIUQUE. 461
J'ai déjà, en \S6% signalé aux lecteui^s de la Bévue toute la
valeur de l'introduction mise en tête de Touvrage de M. Saba-
tier : on ne saurait trop louer ces pages^ qui réunissent sous la
main des travailleurs une foule de renseignements inédits ou
épars dans de nombreux ouvrages déjà publiés : c'est un véri-
table manuel de numismatique byzantine ^ Et maintenant, je
terminerai par un vœu adressé aux érudits qui rédigent des
ouvrages analogues à \r Description générale: k^.SahBixeVy
comme à M. Ck)hen, comme à M. Poey-d' Avant.
Pourquoi négliger de faire la collection de tous les textes
contemporains des monnaies? Les catalogues ne sont pas sim-
plement destinés aux négociants et aux amateurs qui se com-
plaisent uniquement à bien classer leurs suites monétaires : ce
sont des livres à Fusage des savants. Pourquoi donc ne pas
réunir les lois, les règlements ^ les extraits des historiens ? ces
pièces justificatives, j'en suis convaincu, en même temps
qu'elles offriraient un intérêt que je crois inutile de prouver,
assureraient aux ouvrages un placement plus général.
Anatole de Barthslemt.
très-exact, n'est-ce pas Rome, ou plutôt Constantinople, qui est assise sur un
trône, au lieu de la Victoire? — Le n» 7 de Marcien sur lequel M. Sabatier
lit VICTORIA AVGGG, avec une Victoire assise, tenant sur ses genoux un
bouclier sur lequel il y a XV - XX ou XX—XXX, et derrière une petite figure
debout, me paraît devoir être ainsi décrite : VICTORIA AVGG , chrisme;
Victoire assise sur une cuirasse, à droite, tenant un bouclier sur lequel est
écrit XV — XXX ; derrière , un sceptre terminé par une étoile, à Texergue
CONOB.
1 J'aurais aimé à voir M. Sabatier consacrer un paragraphe à Tbistoiro de
radmioistratîon et de la fabrication des monnaies sous les empereurs byzan-
tins. Je suis convaincu que lui-même reconnaîtra cette lacune, et qu'il y
avisera un jour. Personne mieux que lui ne peut aborder ce sujet d'autant
plus intéressant qu'il se rattache certainement à Torganisation mon<!taire des
états formés plus tard aux dépens de l'empire romain.
CHRONIQUE.
DENIERS D'ARGENT ROMAINS TROUVÉS DANS
LA FORÊT DE COMPIÈGNE.
Les directeurs de la Revue ont pensé que je pourrais inté«
resser ses lecteurs en leur faisant part des trouvailles numisma-
tiques auxquelles donnent lieu, de temps eu temps, mes explo-
rations archéologiques dans la contrée que j'habite. J'ai dû me
rendre à leur désir exprimé en termes si obligeants, et faire au
moins acte de bonne volonté.
Pour ne pas être trop rétrospectif, je ne remonterai pas au
delà des derniers mois de Tannée 1861^ époque à laquelle se
place une découverte que je me bornerai^ pour cette fois, à
signaler ici.
Entre autres emplacements antiques que j'ai étudiés dans la
vaste forêt de Compiègne, il en existe un au canton de la Ga-
renne-du-Roi ^ lieu dit la Garrière-du-Roi, que traversait une
voie romaine, dans la direction du nord-est au sud-ouest, ou
de Boissons à Senlis.
Sa situation^ au bas de deux versants à pente rapide^ indique,
sans qu'il soit besoin de relever d'autres circonstances signifi-
catives pour le démontrer, que ce devait être une station, un
point d'arrêt pour les voyageurs et les courriers d'alors. J'y ai
déblayé des ruines d'habitations, avec de belles caves, le long
de la voie, ainsi qu'un petit établissement de bains qui devait
être fort apprécié par des gens fatigués, couverts de la poussière
des routes. Çà et là on a rencontré des monnaies isolées, de
grand, moyen et petit bronze , ainsi que quelques autres.d'ar-
CHRONIQUE. 463
gent : toutes ces pièces^ à rexception d'une gauloise en trop
mauvais état pour recevoir une attribution certaine , apparte-
naient à l'époque impériale romaine^ et embrassaient une pé-
riode de plus de quatre siècles^ depuis Auguste jusqu'à ffonorius
inclusivement. Aucune d'elles^ d'ailleurs^ n'offrait un degré
d'intérêt suffisant pour en faire mention spéciale.
Les points de notre emplacement, qui semblaient le plus
propices aux heureuses découvertes avaient déjà été fouillés et
explorés sans fournir aucun dépôt monétaire plus ou moins
considérable, lorsqu'au centre d'un petit carré formé de maté-
riaux grossiers^ misérable dépendance de quelque habitation,
la pioche des ouvriers rencontra un vase de bronze rempli de
monnaies impériales d'argent.
Ce vase avait la forme d'une gourde allongée à col étroit; sa
hauteur, de l'orifice à la base, mesurait 24 centimètres , et sa
largeur, ou plutôt son diamètre, à sa partie la plus renflée,
41 centimètres.
Quant aux monnaies qu'il contenait, toutes étaient d'argent,
module du denier. En voici sommairement l'inventaire :
2 Néron.
2 Galba.
i Othon.
i Yitellius.
33 Vespasien.
5 Titus.
5 Domitien.
7 Nerva.
62 Trajan.
il7 Hadrien.
9 Sabine.
3 iGlius Cœsar.
479 AntoninPie.
73 Faustine mère.
488 Marc-Aurèle.
83 Faustine jeune.
37 Lucius Vérus.
29 Lucille.
433 Commode.
49 Crispine.
2 Pertinax.
3 Albin (tête nue).
7 Septime-Sévère.
4 JuliaDomna.
4 Caracalla.
4 Maximin I*'.
4 Gordien d'Afrique père.
Totalt mille quatre piec^, doot les plus anciennes étaient
sensiblement fatiguées par l'usage.
La perle de la trouvaille était^ sans contredit, le Gordien
d'Afrique p^re^ pièce d'une consenration exceptionnelle ^ tout à
fait à fleur de coin. Die offre an revers l'empereur debout, en
t^e, élevant un rameau de la main droite, et tenant une haste
renversée de la main gauche, avec la légende P.M.TR.P.COS.
P.P. (Cohen, t. VI, p. 107, n» 2\
Les deux deniers de Pertinax ont un revers identique, dont
la légende est celle-ci : LAETITIA .TEMKjR.COSJL
La seule particularité intéressante à noter dans le reste de la
trouvaille, c'est la présence de deux pièces à légendes grecques.
Au droit de la première, on lit, autour de la tête de l'empereur
Hadrien, aït.kai.tpa.aapianoc CEB.n.n.rn.r. — Son revers
présente un capricorne entre une corne d'abondance, au-dessus,
et les lettres numérales P2A (164), au-dessous, avec la légende
circulaire AMicor EAErOEPAC — ETOrc (Eckhel, Doct. ntim., II,
p. 348.— Mionnet, IV, Suppl., p. 439, rareté 4).
Cette pièce, frappée pendant le troisième consulat d'Hadrien,
à Amisus, ville de l'Asie Mineure, dans l'ancien royaume de
Pont, comment s'cst-elle rencontrée dans un dépôt composé de
monnaies latines et enfoui au nord de la Gaule? Aurait-elle
servi à payer l'écot de quelque voyageur d'alors, à la station de
la voie romaine? n'aurait-elle pas plutôt été rapportée d*Asie
par quelque légionnaire? Amisus avait dû son affranchissement
à l'empereur Auguste, et c'est à cette circonstance que fait allu-
sion le capricorne, symbole de la naissance de cet empereur.
La date indiquée par les lettres numérales PS A (164) se rap-
porte, en effet, à l'ère de son indépendance.
L'autre pièce, qui ne peut suggérer que des observations ana-
logues, présente, au droit, la tête de Lucius Vérus, avec la légende
incomplète AiT.K. a.atp.OVHPOC, et au revers la Fortune debout,
avec une corne d'abondance et un gouvernail reposant sur un
globe, et la légende rncP NIKHC TQN KrPiQN CCBA (Eckhel, Doct.
CHRONIQUE. 466
num.y m, p. 520.— Mionnel, V, p. 639, rareté 3). Elle est beau-
coup plus fatiguée que la précédente, et parait avoir subi une
longue circulation. Elle appartient à la série des monnaies frap-
pées en Mésopotamie en l'honneur des Ântonins.
Il semble démontré^ par la composition môme du dépôt,
qu'il a dû être enfoui Tan 238 de notre ère^ soit sous le règne
si court de Gordien d'Afrique père , dont nous avons signalé le
beau denier, soit aussitôt après, sous celui bien rapide aussi des
empereurs Balbin et Pupien; car, si l'enfouissement avait eu
lieu après la date que nous fixons , la trouvaille eût bien proba-
blement compris des deniers du troisième Gordien ou Gordien
Pie, pièces si répandues, qu'elles sont, pour ainsi dire, inévita-
bles dans tous les dépôts postérieurs à son règne, ou même
contemporains.
Si ces premiers et simples détails offrent le moindre intérêt
aux lecteurs de la Revue ^ je m'en estimerai très-heureux et me
ferai un véritable plaisir de leur rendre compte, ultérieurement,
de mes autres découvertes numismatiques.
Albbrt db Rouct.
Compiègne, 24 décembre 1863.
DOMITIA LUCILLA.
En publiant le grand bronze de Domitia Lucilla ( voy. plus
haut, p. 242), j*ai insisté sur le style de cette monnaie qui me
paraissait la devoir faire ranger au règne d'Antonin le Pieux.
A ce sujet, notre collaborateur M. Henry Cohen a eu l'obli-
geancc de me signaler un oubli que je m'empresse de ré-
parer.
La Bibliothèque impériale possédait, dans sa collection de
monnaies incertaines grecques, un grand bronze d'Antonin dont
le revers est identique à celui de Dom. Lucilla. M. Cohen n'hé-
site pas, en conséquence, à restituer cette pièce à Nicée do
1863.— 6. SI
'46(5 CHRONIQUE.
Biihynie^ et il la considère comme une nouvelle preuve à
l'appui de l'opinion que je me suis permis d'émettre.
J'ajouterai que la médaille d'Antonin est décrite par Miormet
au chapitre des incertaines ( t. VI, p. 702, n** 60i ), ainsi qu'il
suit :
Antoninus Pi'us et Marcus Aurelius,
AAPIANOC ANTûNEi Tête laurée d'Antonin le Pieux,
à droite, avec la chlamyde sur l'épaule gauche.
ijl M.ArPHAlOCOrHPOC.KAlCAP. Marc-Aurèle k cheval, armé
d'une lance et allant au galop^ à droite. M. 8.
Le type du revers est exactement le môme que celui dont
j'ai donné la gravure. Il a été frappé avec le même coin. 11 est
évident qu'il a été employé à la même époque pour la fabrica-
tion» dans un même lieu, des monnaies de la mère de Marc-
Aurèle et de son père adoptif.
Comme la légende du droit de la pièce d'Antonin est mal
conservée, on pourrait supposer que le surnom de l'empereur
s'arrête à la seconde syllabe antû , et que nei appartient au
nom des Nicéens ; mais je ne crois pas que ce nom fût tracé
sur la monnaie, il sous-entendrait un verbe dont l'empereur
serait le régime {les Nicéens honorent l empereur César Adrien
Antonin). Or i8p(avo<;, étant au nominatif, ne peut être un ré-
gime ; donc il n'y a point de verbe sous-entendu , et partant
pas de sujet comme serait NEiKAlEiC. A, L.
— La Monnaie de Strasbourg vient de terminer une opération
considérable, la fabrication de 8 millions en monnaie de bronze
pour le gouvernement italien. Cette opération, qui a duré moins
de dix mois , a nécessité le frappage de plus de 81 millions de
pièces, chiffre qui n'avait, dit-on, jamais été atteint jusqu'à
présent par aucun établissement monétaire en France ou à l'é-
tranger.
CHRONIQUE 467
Ce grand travail na pas enjp<^ché la Monnaie de Strasbourg
de mener de front la fabrication des pièces françaises. Pendant
ces dix mois^ elle a livré à la circulation une valeur de 94 mil-
lions en pièces d'or et 200,000 francs en pièces divisionnaires
d'argent
En ce moment méme^ où la Banque de France a des besoins
plus pressants de numéraire, la Monnaie de Strasbourg vient de
reprendre avec une grande activité la fabrication des pièces
d'or pour cet établissement : les ateliers sont en mesure d'en
fournir pour 2 millions par jour.
Toutes les fois que nous apprenons qu'une nation fait fabri-
quer sa monnaie dans une contrée étrangère, nous signalons
ce fait qui a une grande portée en numismatique; car il n'est
pas probable qu'il ne se soit produit que dans les temps mo-
dernes.
— On assure que le gouvernement prussien ne s'oppose plus
à l'introduction du système métrique pour les poids et mesures.
Les autres gouvernements allemands étant partisans de cette
réforme» il est probable que le système métrique sera établi
sous peu dans toute TAUemagne. Ce qui a surtout contribué à
modifier l'opinion du gouvernement prussien, ce sont les avis
des chambres de commerce et corporations de négociants qui
se sont prononcées sans exception pour l'adoption du système
métrique {Gazette de Voss). Il faut espérer que nous ne tarde-
rons pas à voir adopter en Allemagne la monnaie décimale mé-
trique qui a cours en France, en Belgique^ en Suisse, en Italie,
au Pérou, et^ l'on peut le dire, en Espagne aussi, où la pièce
de 5 francs forme le fond du numéraire en circulation. On sait
qu'il n'y a que les malhonnêtes gens qui aient intérêt à con-
server la diversité des systèmes monétaires, source de fraude et
d'escroquerie dont il n'est pas un voyageur qui n*ait éprouvé le
funeste effet.
468 CHHONIQLE*
NÉCROLOGIE.
La science a perdu^ il y a à peine trois mois^ un homme
éminenty complètement oublié du monde, et je dirais presque
des savants eux-mêmes; car depuis nombre d'années il vivait
dans une retraite absolue, ne communiquant pour ainsi dire
avec personne^ à l'exception de quelques amis avec lesquels il
avait continué d'entretenir des relations de correspondance.
L'abbé Greppo de Montellier (Jean-Gabriel-Honoré) était né
à Lyon le 3 septembre 4788. Entré dans les ordres, il fut ap-
pelé à Bourg à diriger une école spéciale destinée à former de
jeunes prêtres. Vers la lin de 1813^ il fut nommé vicaire à
Saint-Paul à L^on. Un peu plus tard, il accepta le ministère
d'aumônier dans le 17' régiment de chasseurs à cheval. Il fut
ensuite, pendant trois ans^ à partir de 48^20, curé de la paroisse
de Saint-Just, dans sa ville natale. Au rétablissement du siège
épiscopal de Belley, en 4823, M. Dévie, qui appréciait ses
hautes qualités » appela auprès de lui l'abbé Greppo et le
nomma son vicaire général. Pendant trente ans il exerça les
fonctions de cette charge. M. Dévie était Agé et soufiFrant, et
c'était l'abbé Greppo qui administrait le diocèse. Mais l'état
déplorable de sa propre santé l'obligea à résigner ces fonctions
peu de temps avant la mort du prélat.
Vers la fin du règne de Charles X, en 4829, quand M. Feu-
trier^ évéque de Beauvais^ condisciple de l'abbé Greppo au
séminaire de Saint-Sulpice^ et son ami^ était ministre des
affaires ecclésiastiques^ le siège épiscopal de Dijon, vacant par
la mort de M. de BoisviUe, fut proposé au vicaire général de
Belley; mais l'humble et pieux ecclésiastique refusa cette haute
dignité.
L'abbé Greppo était aussi aimable qu'il était instruit, a Nature
a essentiellement sympathique et expansive , dit un de ses
0 amis^ M. l'abbé Martigny % il était avant tout un homme
1 Journal dt VAin^ n** 121, vendredi 9 octobre 1863.
CIIROMQCE. 46Ô
« social^ et la facilité de son commerce, Taménité de ses ma-
ot nières, la franchise de ses allures y la charmante bonhomie
a de son caractère, » le faisaient aimer de tout le monde. Aussi
comptait-il des amis dans toutes les classes, dans tous les rangs.
C'est Tabbé Greppo qui le premier, en France, a mis en
honneur Tétude des antiquités chrétiennes, si florissante au
delà des Alpes. Tous ses ouvrages sont écrits avec une rare
élégance de style qui bannit de ces recherches sérieuses et
graves la sécheresse et Taridité. Comme on Ta dit, a personne
a mieux que lui ne savait concilier les délicates exigences de !à
a foi avec les droits d'une saine critique *. »
L'abbé Greppo, ses ouvrages l'attestent, était aussi versé
dans la connaissance des antiquités payennes qu*il Tétait dans
celle des monuments figurés et écrits des premiers chrétiens.
Le 7 février 4840, l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
appréciant les beaux travaux d'érudition de l'abbé Greppo, l'ad-
mit au nombre de ses correspondants.
Plusieurs autres sociétés savantes, entre autres les Académies
de Turin, de Lyon et de Dijon, se trouvaient honorées de comp-
ter le savant ecclésiastique parmi leurs associés et leurs cor-
respondants.
C'est le 22 septembre 1863 que cet homme de bien, si vénéré
de tous ceux qui ont eu le bonheur de l'approcher et de le con-
naître, s'est éteint, après une vie de longues et cruelles souf-
frances, supportées avec une résignation toute chrétienne.
L*abbé Greppo avait réuni une belle et nombreuse collection
de médailles grecques qui a été vendue aux enchères publiques
à Paris en 1856 *.
La Revue numismatique doit à l'abbé Greppo plusieurs articles :
1" Lettres à M. le marquis de Pina, sur deux médaillons con^
tomiatesde son cabinet, Revue 1840, p. 89 et suiv.,p.200 et suiv.
< M. l'abbé Martignj, dans rartlcle déjà cité du Journal dt VAin,
s Le catalogue, rédigé par Tauteur de cette notice, forme un volume in-8*,
accompagné de 3 planches.
470 i:HROMnit.
La seconde de ces lettres a fourni à feu Charles Lcnormant
quelques observations ingénieuses^ Kevie 4840. p. 309.
2* Lettres mtmismatiques à M. de Witte, sur deux médailles
de Affjra \ Revce i8i9, p. 418 et suiv.
En tenninant celte courte notice consacrée à la mémoire d'un
ami dont le souvenir m'est cher et précieux, j'ajoute ici la liste
par ordre de date de tous les ouvrages de Tabbé Greppo; la
plupart n'ont été tirés qu*à un très-petit nombre d'exemplaires^
plusieurs même à 100 ou 125 exemplaires seulement.
Ouvrages de M. Vabbé Greppo.
Description d'une médaille inédite de Pescennius Niger. Sans
indication ni de lieu ni de date. Brochure in-8'' avec une
vignette^ de l'imprimerie de Didot le jeune.
Essai sur le système hiéroglyphique de M. Champollion le jeune,
et sur les avantages qu'il offre à la critique sacrée. Paris, 1829,
i vol. in-8\
Recherches sur les temples portatifs des anciens, à l'occasion
d'un passage des Actes des Apôtres. Lyon, 1834, in-8'.
Dissertation sur les Laraires de l'empereur Sévère*Alexandre.
Belley, 1834, in.8\
Examen de deux passages du livre de l'Ecclésiastique, où il est
question du choléra. Lyon, 1835, in-8\
Notice sur des inscriptions antiques tirées de quelques tombeaux
juifs à Rome. Lyon, 1835, in-8'.
Notice historique sur les bibliothèques des Hébreux. Belley,
1835, in-8».
Recherches historiques sur les loteries des Romains. Belley,
1835, \n%\
Explication d'un passage des Proverbes, recherches sur l'usage
des boissons glacées chez les Hébreux, les Grecs et les Ro-
mains. Belley, 1836, in-8\
* Voir mon Cotnlngttf de la collection cl»- 31. lat^h'.' l»ropi'o, n' 1063.
ciiRONiQUi:. 471
Esquisse de l'histoire de la monnaie chez les Hébreux. Belley^
1837, in-8".
Lettre à M. le docteur Labus sur une inscription funéraire du
Musée de Lyon qui parait avoir appartenu à une femme chré-
tienne. Lyon, 1838, in-8<' avec une planche lilhographiée.
Notice sur le corps de Saint-Exupère, martyr, donné par Sa
Sainteté Grégoire XYI à Tœuvre de la Propagation de la Foi.
Lyon, 1838, in 8*" avec une planche lithographiée.
Observations sur un autel votif à Jupiter Depulsor.
Remarques sur une lettre de Pline à Geminius où il est ques-
tion des bibliopoles lyonnais.
Essai sur le commerce des vins à Lugdunum et dans les Gaules,
à l'occasion de quelques inscriptions antiques.
Notice sur le monument funèbre d'un esclave librarius.
Ararica et Rhodanica, archéologie des deux fleuves de Lyon.
Ces cinq dernières dissertations in-8'* sont des articles im-
primés dans la Revue du Lyonnais , t. IX, février 1839; t. XI,
janvier 1840; t. XIII , juin 1841 ; t. XIV, août 1841 ; t. XVI ,
octobre 1842.
Trois mémoires relatifs à l'histoire ecclésiastique des premiers
siècles. — 1. Les chrétiens de la maison de Néron. — 2. Les
chrétiens de la famille de Domitien. — 3. Essais de christianisme
de quelques empereurs. Belley et Paris, 1840, 1 vol. in-8*.
Notes historiques, biographiques, archéologiques et littéraires
concernant les premiers siècles chrétiens. Lyon, 1841, 1 vol.
in -8%
Mémoire sur les voyages de l'empereur Hadrien et sur les mé-
dailles qui s'y rapportent. Belley et Paris, 1842, 1 vol.
in.8'' (1).
Dissertations relatives à l'histoire du culte des reliques dans l'an-
tiquité chrétienne. — 1. Sur le culte des reliques dans les
premiers siècles de l'Église. — 2. Sur l'usage des cierges et des
* Voyez le compte rendu de cet ouvrage par M. de la Saussaye, dans la
Rtvuf, 1843, p. 150 et et 301.
hTl CHRONIQUli.
lampes dans les premiers siècles de Téglise. — 3. Sur les reli-
ques profanes, anciennes et modernes. Lyon, 1842, in-8*.
Ces trois dissertations ont été imprimées comme annotations
dans la traduction des œuvres choisies de saint Jérôme par
M. Collombet.
Dissertations sur quelques particularités des anciens cultes payens.
— 1. Sur la coutume de porter la main à la bouche, en signe
d'adoration.— 2. Sur le signe de la croix dans les monuments
payens. — 3. Sur le culte de la déesse Cloacina, de la Peur,
de la Pâleur et de la Fièvre. — 4. Sur Epona, déesse des écu-
ries chez les Romains. Lyon, 1843, in-8\
Ces quatre dissertations, tirées à petit nombre, accompagnent
l'édition de Minucius Félix, dont voici le titre :
UOctavius de Minucius Félix, traduction avec le texte en regard
et des notes par Antoine Péricaud, bibliothécaire de la ville
de Lyon, 2« édition, revue, corrigée et augmentée du dis-
cours d'Hermias contre les philosophes et de quatre disserta-
tions de M. Tabbé Greppo, vicaire général de Belley. Lyon,
1843, 1 vol. in.8\
Sur le prétendu culte rendu par les anciens Égyptiens à quel-
ques légumes, mémoire lu à la Société royale académique de
Savoie, dans sa séance du 11 août 1842. Ghambéry, '1843,
in-S". (Extrait des Mémoires de la Société royale académique
de Savoie, tome XL)
Études archéologiques sur les eaux thermales ou minérales de
la Gaule, à l'époque romaine. Belley et Paris 1846, 1 vol. in-S*».
L'abbé Greppo a laissé quelques travaux manuscrits. Espérons,
dans l'intérêt de la science, que les héritiers du digne et savant
ecclésiastique les feront publier. J. de Wittk.
TABLE
MÉTHODIQUE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LA REVUE NUMISMATIQUE.
ANNÉE 1863.
NOUVELLE SÉRIE. TOME HUITIÈME.
M UMlSBlATIgUB AWGIEBniS.
Médailles des Peuples, Villes et Bols.
Essai d'attribution de quelques monnaies ibériennes
à la ville de Salacia ^ par J. Zobgl de Zângroniz
(pi. XIX et vignettes) 369—382
Lettres à M. Adr. de Longpérier sur la numisma-
tique gauloise. XVII. Gaule narbonnaise, par F.
DE Saulci (pi. VI) 153— i59
Deuxième lettre à M. de Saulcy sur la numisma-
tique gauloise. Temps de Vercingétorix. — Ga-
bales. — Éburovices. — SENV et COIIAKA. —
ALLIICORIX. — VIRICIV.— Diviciacus.— Corn-
mius^parE. Hucher (pi. xvi) â07— -313
A7i TABLE MiTUObU^lE I>L< UlTIEELS.
Monnaies galio-grecqoes de Marseille et d'Antibes,
par A. CAarc5Ti5 (pi. xx' 383—392
Note sor la terminaison OS dans les légendes de
quelques monnaies gauloises, par A. di Lo5gpé-
WEa. 160— I6ï^
Lettre à M. Adr. de Longpérier sur deux médailles
grecques inédites, — Cerdylium, Crannon et
Pharcadon, par Ferd. Bovpois (vignettes) . . . . 81— lOS
Notiœsurune médaille d'Amphipolis de Macédoine,
parPr. DcraÉ (vignette; I — 5
Note sur deux ateliers monétaires d'Alexandre le
Grand, par Fa. LE50RiiA?rr 169 — 175
Un statère d'or d'Athènes avec le nom de Mithri-
date, par E. Betlé (vignette) 176 — 179
Monnaies des rois de Pont. — Trouvaille d'Amasia.
— Confédération de quelques villes de TAsie-
Mineure.— Orontas, satrape deMysie etd'lonie.
— Cétriporis, dynastc de la Thrace, par W. H.
Waddikgton (pi. IX, X, xi) 217 — 2il
Restitution à Pergame de quelques monnaies attri-
buées à Mytilène, par Ferd. Bosipois (vignettes). 314 — 332
Mérédate, roi des Omanes, par A. de Lokgpérier
(vignette) 333—341
Sur diverses médailles à légendes araméennes, par
A. Judas (vignettes) 103—119
Les Assyriens ont -ils fait usage de monnaies? par
A. DE LOKGPÉRIER 180 — 185
Monnaies dé Mameille, 76. — Triobole des Caeoicenses^ 289.
— Monnaies gauloisos trouvées à Sens , 74. — Monnaies des
Catalauni , 74. — Monnaie d*or gauloise, imitation des Philippes
de Macédoine, 77.^ Monnaies d'or de la Rhétie, de laVindé-
licie, lU-151, pi. IV et V. — De laPannonie, 149, vignette.
— Monnaies duritalic méridionale, 451-454. — Monnaie d'or
d'Hiéronyme, 71. — Médaillon d' A panure, 152. — Plombs anti-
mites d'Afriqu**, 2HR.
TABLE 3UÉTH0DIQUE DES MATIÈRES. &7Ô
Médailles romaines et byzantines.
Domitia Lucilla, mère de Marc-Aurèle, par A. de
LoNGPÉRiER ( vignette ) î242— 250
Lettre aux Directeurs de la Revue numismatique
(médailles romaines, poids byzantins, monnaie
byzantine), par J. Sabatier (pi. letn) 6 — 18
Nicéphore Mélissène^ prétendant au trône de By-
zance (1080-i081), par W. H. Waddington (vi-
gnette) 393-400
Médailles de la république romaine, 204-212. — Monnaies
d'argent impériales trouvées à Compiègne, 462-465. — Coins
antiques du Haut Empire, 289>293.'Domitia Lucilln, addition,
465-466.
Description générale des monnaies byzantines, 455-461. —
Sols d'or de Focas et d'IIéraclius, 77-78. — 265, pi. XIII ,
II®* 3, 4 et 5. — Poids byzantins ; rectification, 213-214.
miBIISMATIfUB DU MOTE» AGB.
Monnaies françaises.
PREMIERE RACE.
Monnaies mérovingiennes (Agaune, Auxerre, Or-
léans, Famars, Metz, Bellange, Toul, Mayence,
Beaucé, Lieuvillers, Jubleins), par Ch. Robert
(pi. xvii) 342—349
Tiers de sou d'or de Grenoble, par Gustave VALLnER
(vignette) 120—123
Tiers de sou d'or mérovingien, frappé à Charroux
(Vienne), par Max Deloche (vignette) 19— 2i
Sous d or do Marw^ille, 77-78. — 265, pi. XllI , n«» 3, 4. —
Denier do Marseille, 266, [A, XI II, n" 6. — Tiers de bou de Vi-
viers. 2*^6, pi. Xm, n" ô,
i76 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES.
SECONDE RACE.
Denier de Charlemagne portant la légende FLO-
RENT, par le R. P. PellecrIno Tonini ( vignette). 124— i30
Remarque sur des monnaies frappées à Melle, par
RowDiER (vignettes) 131—133
Charles de Provence à Arles, 267, pi. XIII, n» 7. — Denier
de Rcmilly, 197. pi. VUI, n» 5.
TBOISIEME RACE.
Sur le heaume d'argent ou gros heaume, monnaie
royale de France inédite, par le Baron J. Pichon
(pi. xn) 251—257
Notice sur des monnaies inédites de Charles VIII et
de François I«^ aux armes de France et de Sa-
voie, par H. MoRiN-PoNS (pi. vu) 186 — 192
DouzainsdeLouisXIII,parA.deLoNGPÉRiER(pl.xviii). 350 — 352
Dissertation où Ton examine s'il est vrai qu'il ait
été frappé pendant la vie de Louis I , prince de
Condé, une monnaie sur laquelle on lui ait donné
le titre de roi de France, par J. F. Secousse. . . 353 — 368
Monnaies du xiv* siècle, 78. — Monnaies d'or du xvi* siècle,
162.
Monnaies provinciales.
L'hommage de l'obole d'or à Moissac, par Adr. de
LoNGPÉRiER (vignette) 134 — 140
Monnaies de Provence, par A. Carpentin (pi. xiii). 258—269
Monnaies du XIV* siècle. Provence, Montélimart,
par A. Carpentin (pi. xxi) . 405—424
Monnaies de Pfalzel, de Thionville, de Remilly et de
Remelange, par Ch. RoHERT(pl. vin) 193—203
Othbert, évoque de Strasbourg. 79. — Gros de Louis de Maie,
comte de Flandre, et de Guillaume III, comte de Hainaut, 78.
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. A77
Monnaies étmnfèret.
Gros de Tévéché de Lausanne; Barthélémy, admi-
nistrateur, par Feuardent (vignette) 43 — 46
Dissertation sur les monnaies frappées à Lucques
sous les empereurs de Germanie et les rois d'Ita-
lie, dans les x", xi« et xu° siècles, par D. Massagli
(pi. ni) 22— 42
Le prince croisé Baudouin, par Fr. de Pfaffenhof-
FEif (vignette) 401—404
Monnaie cpiscopalo de Novare, 79-80. — Système décimal en
Allemagne, 467. — Monnaie arabe andalouse trouvée à Contres,
215. — Monnaies décimales au Pérou, 293. — Monnaies de
bronze frappées à Strasbourg pour le gouvernement italien,
466-467.
Poids et letont.
Note sur quelques poids monétaires , parL. Des-
champs DE Pas (pi. XIV et XV ) 270 — 287
Jetons composés par Sully, par A. de Lomgpérier
(pi. xxn) 425—450
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Monuments des anciens idiomes gaulois, par H. Mo-
nin. (Article de M. E. Hucher. ) 47— 73
Ueber die sogenannten Regenbogen-Schûsselchen,
par Fr. Streber. (Article de M. de Longpérier
( pi. IV et V, et vignettes ) 441—151
Recherches sur les anciennes monnaies de T Italie
méridionale, par L. Sambon. (Article de M. J. de
Witte) 451-454
Description générale des monnaies de la république
romaine, communément appelées médailles con-
A78 TABLE MÉT1I0])I<;»IE J^tS MATiÈR£S.
salaires , par Henry Cohen . ( Article de M . l^abbé
Cavedoni. ) 204—212
Description générale des monnaies byzantines, par
J. Sabatier. (Article de M. A. i»e Barthélémy.]. . 455—461
CHRONIQUE.
Prix de numismatique 288
Monnaies gauloises trouvées à Sens. 74
Gatalauni 74
Triobole des Caenicenses 289
Monnaies de Marseille, monnaie d*or gauloise, imi-
tation desphilippes de Macédoine. (J. W.). . . 75 — 77
Monnaie d'or d'Hiéronyme 74 — 75
Médaillon d'Apamée. ( J. W. ) 152
Plombs antiques 288—289
Coins antiques du Haut-Empire. ( A. L.) 289—293
Monnaies d'argent romaines trouvées dans la forêt
de Compiègne. ( Alb. de RoucY. ) 462—465
DomitiaLucilla; addiUon ( A. L.) 465—466
Rectification numismatique. (Duc deBLACAS.).. . . 243— 2i4
Sous d'or de Marseille 77 — 78
Découverte de monnaies du xiv* siècle 78
Monnaies d'or du xvi« siècle. (L'abbé Cochet.). . . 452
Othbert, évéque de Strasbourg 79
Monnaie épiscopale de Novare 79— 80
Monnaie arabe andalouse trouvée à Contres. . . . 245 — 246
Système décimal en Allemagne 407
Monnaies décimales au Pérou 293
Monnaies de bronze frappées par la Monnaie de
Strasbourg pour le gouvernement italien 466 — 407
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. 479
NÉCROLOGIE.
Le comte Alberto délia Marmora 294—296
Le prince San Giorgio Spinelli 290
L'abbé Greppo 468— i72
ERRATA
DE LA REVUE NUMISMATIQUE.
«sus.
Page 45, ligne 5, pratiquant les arts, lisez protégeant les arts.
Ajoutez à V errata de 1862.
Page 501^ lignes 4 et 5, au lieu de 1838, p. 334. Remarques sur les symboles
et les noms propres que l'on voit sur les drachmes
de Dyrrachium, litez 1838, p. 338. Médaille inédite
do Germanicus.
Paris. — Imprimé par E. TiiuxoTel C, rue Racine , SO.
REVUE NUMISMATIQUE
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1863.
REVUE NUMISMATIQUE
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1853.
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REVUE NUMISMATIQUE
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(Doa%clle Mène , 18M— IMfe).
MM.
ACY (Ernest d'), à Villcrà-aux-Era-
bles (Somme).
BARTHÉLÉMY (Anat. de), à Clia-
loDS-sur-Marne
BEULÉ (Ernest), à Paris.
BIGOT (A.), à Bennes.
3LACAS D'AULPS (Le duc de), à
Vérignon (Var).
BLANCAKD (L.), à Marseille.
BOILLEAU (L.), à Tours.
BOMPOIS ( Ferd.), à Marzy (NièvreJ-
BOUDARD , à Beziers.
BRETAGNE, à Nancy.
BRUGIÈRE DE LAMOTTE, à Mont-
luçon.
CAMPANER (Alvaro). à Barcelone.
CARPENTIN (A.), à Marseille.
CAVEDONI (L'abbéC), à Modène.
CHARVET ( J. ), à Pans.
COCHET (L'abbé), à Dieppe.
COHEN (Henry), à Paris.
COLSON (Le docteur A. ). à Voyon.
COURTOIS (Alfred do ), à Vabres
(Aveyroni.
CRAZANNES (Le baron Cbaudrue
d« ) , à Castel-Ôarrazin.
DAUBAN ( Alfred ), à Paris.
PELOCHE ( Maxîmin), à Paris.
DENIS LAGARDE . à Brest.
DESCHAMPS DE PAS (Louis), à
Saint-Omer.
DEVILLE (Achille), à Paris.
DUPRÉ (Prosper) , à Montjay (Seine-
et-Marne ).
• EVANS (J.). à Londres.
FEU ARDENT, à Montmartre.
GAILLARD (Joseph), à Cursan (Gi-
ronde).
GARRUCCI f R. ), à Rome.
GAYRAUD DE SAINT-BENOIT, à
Saint-Benoit ( Aude).
GAULTIER D^MOTTAY, à Plérin
rCôtes-d'u-Nbi^)^
GERY CR.)»^^>'<» (Isère).
GILLET(M.),*^ancy.
BUCHER ( £iig:iSne)^ au Mans.
HUILLARD-BRÉHOLLES ( A. ) , à
Paris.'
HURON f E.) , à Montoire-snr-Loîr.
JUDAS (Le docteur A. ) , à Paris.
KÔHNE (Le baron Bernard de), k
Saint-Pétersbourg.
LAGOY (Le marquis de), à Aix
( Bouches-dU'Rh&ne ) .
LAMBERT ( Edouard ) , à Baveux.
LAPREVOTE, à Mireoourt (Vosges).
LA SAUSSAYE (Louis de), à Lyon.
MM.
LAURENT (Jules), à Épinal.
LELEWEL f Joacbim ) , à Bruxelles.
LENORMANT ( Charles ) . à Paris.
LENORMANT ( François), à Paris.
LONGPÉRIER ( Adrien de), à Paris
LONGPÉIUER-GRIMOARD (Alfred
de ). à Longpérier ( Oise ).
LUYNES { Le duc de) , à Dampierre.
MALLKT (Fernand), à Amiens.
MANTKLLIER.à Orléans.
MASSAGLI ( D.), à Lucques.
MAXE-WERLY (U^on), à Reims.
MILLER ( Emmanuel ) . à Paris.
MORBIO (Carlo), à Milan.
MORIN-PONS (Henri), à Lyon.
MÛLLER ( Louis )^ à Copenhague.
NAMUR , à Luxeml>ourg.
PÉTIGNY (Jules de^, à Clénor (Loir-
et-Cher).
PFAFFENHOFFEN (Le baron Franx
de), à Di^naueschinecn.
PICHOX (Le hnron Jérôme), à Paris.
POE Y D'AVANT ( F. ) . à MaiUezais
(Vend.'-e).
PONTHIEUX (N. ), à Beauvais.
PONTON D'AMÉCOURT (Gustave),
à Trilport (Seine et Marne)«
PORRO (Comte Jules), à Milan.
PROMIS (Chev. Dom. ). à Turin.
PROKESCH-OSTEN (Baroude), à
Constantinople
RAUCH (Adolphe de), à Berlin.
RETHAAN MACARÉ(J. C. A.), à
Utrecht.
ROBERT (C. ), k Paris.
RONDIER, à Molle (Deux-Sèvres).
ROUCY (Albert de), à Compiègne.
ROUYER IJ.), àSiézières.
SABATIER (Jean ), à Montmartre.
SALIN AS (Antonino), à Palerme.
SALIS(Comte J. F. G. de). à Londres.
SAULCY (F. de), à Paris.
SA UVADET. à Montpellier.
SAUVAGEOT ( F. ), à Paris.
SORET(F.), à Genève.
TONINI (LeP.Pelegrino^àFlorence.
TOULMOUCHE (D' ), à Rennes.
VALLIER (Gustave), à Grenoble.
VASQUEZ-QXJEIPO (V.). à Madrid.
VATTEMARE (Alexandre), à Paris.
VOGUÉ ( Le comte Melchîor de ), au
Pezeau (Cher).
WADDINGTON (W. H.), à Bournc-
ville ( Aisne ).
WITTE(J.de). àParîs.
ZOBEL DE ZANGRONIZ (J.). k Ma-
drid.
Paris. — Imprimé par E. Tionot et G*, M. me Ractnf . près de l'Odéon.
REVLE
NUMISMATIQUE
PUBLIÉE
i. DE WITTE
Ktobri de rinstitnt tt d« l'Académi* royale des Sciences, des Leures et des Betox-ATU
de Belgique,
CorrespondtDt de la SociéU impériale des Antiquaires de France ,
ADRIEN DE LONGPERIER
Alembre de l'iDStllut et de la Société impériale des Antiquaires de France,
Associé étranger de l'Académie royale des Sciences de Belgique.
Odtendita nihi munlsma cenrai.. Cajos
Ml imago Imbc, ei superscripiio?
HàTTH., XXII, 10*90.
NOUVELLE SÉRIE. TOME NEUVIÈME.
PARIS
CHBB n».
AU BUREAU DE LA REVUE
CAMILLE KOLLin BT VBVABliBli'r
12, BUB TITIBNNB
I86(k
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
STATÈRES INÉDITS DE CYZIQUE.
(PI. I.)
En publiant aujourd'hui les dessins de dix statëres de
Cyzique dont j'avais pris en 1860 les empreintes à Athènes
chez M. Paul Lambros, et dont deux (les n"* 5 et 6) font
maintenant partie des collections du Cabinet des médailles,
je n'ai pas la prétention de revenir sur la question de
l'origine et de la date de cette curieuse série monétaire ,
si complètement étudiée par mon père dans la Revue nu-
mismatique de 1856.
Mon père a établi que la masse principale des cyzicènes
avait été frappée entre la fin de la guerre du Péloponnèse
et le temps d'Alexandre. Au moment où cette monnaie
apparut en grande quantité sur les marchés, on ne frappait
d'or nulle part, excepté dans la Lycie et la Carie, et dans
ces deux pays en très-petite quantité. Depuis la fin du
règne de Xerxès, si ce n'est pendant un très-court moment
sous Artaxerce Longue-Main, les rois de Perse avaient cessé
de fabriquer des dariques. L'émission des anciens statères
d'or des cités de l'Asie Mineure, probablement interrompue
après la défaite des révoltés de l'Ionie sous Darius fils
1864 - l 1
1 MLM0[Ri:5
d'Hyslaspe, n'était plus qu'un souvenir. Athènes, qui avait
frappé des monnaies d'or au temps de sa grande splen-
deur S avait cessé d'en émettre pendant la guerre du
Péloponnèse, ou du moins n'avait plus que des statères à
si bas titre qu'ils sont traités de fausse monnaie dans un
des inventaires des offrandes du Partliénon *. Les gens de
Cyzique s'étaient donc trouvés les maîtres exclusifs du
marché, du moment où ils avaient commencé à y répandre
leurs monnaies d'or, et ils demeurèrent dans cette situation
jusqu'au jour où Philippe de Macédoine fit frapper ses
beaux statères qui eurent un cours si étendu. Aussi abu-
saient-ils de leurs avantages en donnant une monnaie très-
faible de poids et d'un titre plus que médiocre.
Au reste, quand même l'opération que faisaient les gens
de Cyzique eût été faite avec une rigoureuse conscience,
les bénéfices en eussent été prodigieux. Le rapport de va-
leur de l'or à l'argent était à Athènes de 12 à 1 au temps
de Platon ', et il avait dû se produire un écart de valeur
plus grand encore après les derniers désastres de la guerre
du Péloponnèse. En Asie, le même rapport était de 13 à 1
quand vivait Hérodote ^, et quand le poids de la darique
d'or avait été fixé. Il n'avait certainement pas diminué,
comme le prouve le témoignage de Xénophon *. Les mar-
chands cyzicéniens allaient chercher l'or à Panticapée, où
affluaient les produits des mines de TOural et où l'or ne
valait que sept fois le prix de l'argent, comme le prouvent
' Beulé, Le» Monnaies d'Àthènetf p. 59 et suiv.
* Bœckh, StaatshauihaU, der Athen., Suppl., p. 258 et 277.
* Hipparch,, p. 231.
* III, 95.
* Ànabas.t I, T, 18. — Cf. Vasquez Qneipo, Essai sur Us sysihnes mêlriqves
et monétaires des anciens peuples, t. II, p. 304 et suiv.
ET DISSERTATIONS. 3
le poids des statères de Panticapée comparé à celui des
pièces d'argent de la même ville % et le chiffre de
28 drachmes attiques donné par Démosthène " pour le
cours du cyzicène de 16 grammes au Bosphore Cimmérien*.
Cyzique gagnait donc 38 23/50 p. 100, sans compter le
bénéfice illégitime tiré de l'alliage trop considérable de
ses pièces, en répandant sur les places de commerce de
son voisinage, où il était accepté sur le pied de la propor-
tion treizième avec l'argent. For qu'elle tirait d'un pays où
elle le prenait sur le pied de la proportion septième. A
ce métier, la ville des statères * acquit une richesse dont on
voyait encore les restes sous les Romains, plusieurs siècles
après qu'elle avait cessé de fabriquer ses monnaies d'or.
Le choix fait par les gens de Cyzique du poids de
16 grammes pour leurs monnaies d'or, au lieu de 17 gram-
mes, qui serait le taux normal et régulier d'un distatère
du système attique, administre une preuve de plus du
rapport que nous pensons avoir existé entre l'or et l'argent
sur les marchés où circulaient les cyzicènes, et du chiffre
des bénéfices qui étaient tirés de la fabrication de ces
pièces. En effet, en posant la proportion de 13 à i entre
les deux métaux, on trouve qu'un cyzicène d'or repré-
sentait 208 grammes d'argent, c'est-à-dire exactement
48 drachmes attiques au taux normal de 46',250, 56 drach-
mes phéniciennes du taux fort de 3«',714 ', qu'on leur don-
nait dans le nord de l'Asie Mineure et dans la série d'argent
de Cyzique même , 59 drachmes phéniciennes du taux de
* Ch. Lenormant, dans nos Monnaie» des Lagides^ p. 133.
* Pro Phorm., p. 914.
* Ch. Lenormant, Rnue num.f mars-avril 1856.
^ Eupol. ap, Meineke, Frag, comic. grwc, t. II, p. 508 et 510.
' Avec une inexactitude de 0«',16 seulement.
8»',525 qu'on leur donnait en Phénicie, enfin Ô4 drachmes
asiatiques de 3*%250. De cette manière, le cyzicène d'or
pouvait circuler sur toutes les places des bords du Pont-
Euxin, de l'Hellespont et de la mer Egée, en représentant
une valeur exacte des différents systèmes monétaires, qui,
dans cette région, prédominaient dans les diverses villes.
Les rapports : : 10 : 1 : : H : 1 et : : 12 : 1 entre Tor et
l'argent ne fourniraient pas cette coïncidence si frappante
du poids de 16 grammes d'or avec des valeurs monétaires
exactes dans quatre systèmes différents. L'hecté de 2«',650
avait également une valeur exacte dans les quatre systèmes :
elle valait 8 drachmes attiques, 9 drachmes et 1 diobole
du i)oids phénicien fort au taux de 3^,714, 9 drachmes et
6 oboles du poids phénicien normal , et 10 drachmes
8 oboles 1/2 du poids asiatique *.
On ne peut douter que Cyzique ne fût le principal auteur
de la combinaison que nous venons de décrire. Outre les
nombreux textes qui désignent les statères de 16 grammes
80US le nom de q/zicènes^ l'immense majorité de ces statères
et de leurs hectés portent pour symbole accessoire la figure
du pélamide^ marque particulière de l'atelier de Cyzique.
Mais en même temps on observe que Cyzique, sur les statères
qui portent son signe distinctif, ne se borne pas à ses types
nationaux, et qu'elle en introduit qui sont en quelque sorte
la propriété d'autres villes assises sur les côtes de l'Asie
I n y B dans ce dernier rapport nne inexactitude de un soixantième de
drachme que présente en sns comme valeur l'hecté d'or. Cette différence pou-
vait se payer exactement en donnant pour l'hecté^ outre 10 drachmes 3 obo-
les 1/2 d'argent , une de ces drachmes de bronze dont nous avons , dans un
autre travail {Etsai sur la monnaie dans V antimite, p. 76), constaté Texistence
à Byzance , dans un des pays où circulaient le plus abondamment les cyzi-
cènes.
ET DISSERTATIONS. 5
Mineure, le sphinx de Ghios \ le griiïon de Téos% le san^
glier de Métbymna ', le sanglier ailé de Clazomëne \ le
limier de Colophon % le demi-Pégase de Lampsaque ', le
lion de Milet \ etc. On doit conclure avec certitude des
pièces qui portent ces types que nombre de villes de l'Asie
Mineure, voyant les profits énormes que Cyzique tirait de
son opération monétaire , se confédérèrent avec cette ville
pour expédier en commun Tor hyperboréen, et, si Ton peut
ainsi parler, prirent des actions dans la grande entreprise
des Cyzicéniens.
Ce n'est pas tout. Les mêmes villes et quelques autres
de la même région ne se bornèrent pas à s'associer avec
Cyzique. Elles entrèrent librement et par voie d'imitation,
en concurrence avec elle sur le même marché et par les
mêmes moyens. Il existe beaucoup de pièces d'or de la
même coupe que les cyzicènes , du même or, gravées par
les mêmes artistes, avec la marque accessoire d'autres
cités, telles que Phocée et Samos, ou dont l'attribution ne
peut se tenter qu'au moyen des types principaux , qui les
rapportent à Lampsaque •, Parium de Mysie •, Pergame'*,
Abydos de Troade", Mytilène de l'île de Lesbos", d'autres.
< Revue num.. 1856, pi. I, n" 5 et 8.
• Sostini, Detcritione di staUri anltc/ii, pi. IX, n'* 1-4-
» /Wd., pi. IV, n»*27 et 28.
• /6id., pi. VIII. n-l.
• /6irf.. pi. Vlll,n- 13-16.
• Ibid., pi. VI, n* 14.
' Ibid,, pi. IV, u*» 13-2L
» fbid., pi. VI. n*« 3-10.
• Jbid.^ pi. MI, no* 1-2.
»o Ibid., pi. Vil, n" 4-6.
" Ibid., pi. VII, n- 10, 11 et U.
«* Ibid., pi. Vil, n^' 17-21.
6 MÉMOIRES
cités de la même île \ Erythras d'Ionie « Glazomène', etc.
Il est à remarquer, du reste, que nous ne connaissons jus-
qu'à présent que des hectés de ces différentes villes, excepté
de Lampsaque '. De plus, le monnayage de chacune d'elles,
même de Phocée, où il a été le plus considérable, n'a eu
que peu d'étendue comparativement à celui de Gyzique.
Probablement leurs pièces étaient reçues avec moins de
faveur sur les marchés, parce que ces villes voulaient exa-
gérer à leur profit les bénéfices que Gyzique avait su réali-
ser, en émettant un or à plus bas titre encore que celui de
cette ville. Le fait est du moins incontestable pour Phocée *.
D'après ces observations, il nous semble que dans l'infinie
variété des types que l'on rencontre sur les statères et les
hectés de Gyzique, il faut distinguer trois séries différentes :
!• Les types des cités confédérées avec Gyzique ;
2* Les types historiques;
3" Les types relatifs au culte de la ville et aux traditions
locales.
Parmi les cyzicènes que nous publions aujourd'hui , au-
cun n'appartient à la deuxième série, la moins nombreuse,
dont mon père a cité quelques exemples dans son travail
de 1856. En revanche, la première série est représentée
par trois échantillons.
* Sestiiii, DescrixioHB di stateri antichi, pi. VlII, u** 18-23.
« Ibid., pi. Vm, no 17.
' Les inscriptions d* Athènes prouvent que Phocée frappait aussi des statères
dans le temps de la grande circulation des cyzicènes. Le cahinet royal de
Munich renferme, en effet , une pièce d*or de Phocée du même poids que les
statères de Gyzique (Sestini, Descrizione di stateri antichi, pi. I, n® 1] ; mais
elle est bien antérieure aux plus anciennes monnaies de la cité de la Pro-
pontide.
♦ Hesych., <^(l>xatç, xb xdxioTOv xf^>^v.— Voyez dans la Revue ftumisma-
tique de 1856, p. 89, l'analyse d'une hecté de Phocée.
ET DISSERTATIONS. 7
Le cheval libre en * course que nous offre le n" 1 est le
type ordinaire des monnaies de Maronée de Thrace \ Jus-
qu'à présent on n'avait relevé que des villes d'Asie Mineiu^e
parmi celles qui s'étaient unies à Cyzique pour ses opéra-
tions de monnayage. Mais ne soyons pas surpris de voir
apparaître avec elles une ville de la Thrace. Xénophon,.
dans son Anabase^, nous montre en effet les cyzicènes
comme circulant dans toute la Thrace et étant la seule
monnaie d'or qu'on y connût à l'époque de la retraite des
dix-mille. Ajoutons que dans les admirables collections de
M. le duc de Luynes on remarque un statëre de Cyzique*
encore inédit, portant une tête de Jupiter Ammon, dans
laquelle il est bien difficile de méconnaître le symbole
constant de la cité macédonienne d'Aphytis '.
Un statère semblable à notre n° 2 existe dans le cabinet
royal de Munich, où il est entré avec la collection Cousinéry.
11 a été publié par SestiniV Mais le dessin qu'en a donné
ce numismatiste est si mauvais que nous avons cru utile
de faire graver de nouveau la pièce d'après un autre exem-
plaire. Le type de l'aigle qui la décore est revendiqué par
Abydos de Troade '. Ainsi cette ville, avant d'émettre des
hectés pour son propre compte en concurrence avec Cyzi-
que, avait commencé par s'associer au monnayage et aux
opérations de la grande cité commerciale de la Propontide.
La tête de Pan couronnée de lierre, au profil scythique,
qui se remarque sur le n' 3, est celle qui décore le droit des
1 Eckhel, Doclr. num. vet.y t. II, p. 34.
« VIII, 3, 10.
a Voy. Miiller, A'umwma/ique d'Alexandre,^. 77, — Cf. Pau^un., 111, 18, 2.
Piutarch., Lysandr.., 20.
^ Detcrisione di stateri anlichit pi. VII, n" 12.
> EckhH, Voctr. num, vet., t. II, p. 473.
8 UÉMOIRES
monnaies de Panticapée *. La présence d'un lype propre à
cette ville dans la série des cyzicènes est un fait que Ton
pouvait prévoir à Tavanceavec cerlilude. C'est en effet àPan-
ticapée que les gens de Cyzique allaient chercher l'or dont
ils fabriquaient leurs espèces. Le discours de Démosthène
pour Phonnion nous représente le cyzîcène comme la mon-
naie qui constituait le fond de la circulation dans la capitale
du royaume du Bosphore. Les cyzicènes se rencontrent
encore aujourd'hui fréquemment et en grand nombre dans
les tombeaux antiques de Kertch. S'il est une ville qui ait
eu naturellement et pour ainsi dire forcément part à l'en-
treprise des Cyzicéniens, c'est sans contredit Panticapée.
Dans la série des types historiques, il en est un qui se rap-
porte à la même contrée. C'est celui d'une tête virile,
barbue, coiffée d'une tiare conique ceinte de lauriers'.
M. Stéphani • y a très-ingénieusement reconnu la tête d'un
roi du Bosphore Cimmérien, coiffée de la tiare propre à ces
princes, dont on a retrouvé les débris dans la sépulture
royale du Koul-Oba.
Le type de notre n* 4 est celui de Chios. Ainsi que nous
l'avons dit plus haut, on a signalé le sphinx de cette ville
sur des cyzicènes. Mais ici nous ne rencontrons pas le péla-
mide signe de l'atelier de Cyzique. Notre pièce a donc été
frappée à Chios même. On connaît déjà des statères d'or de
cette ville * ; mais ils sont de très-ancien style et taillés
d'après le poids de la drachme phénicienne de 3e',525. La
pièce que nous publions est de style plus récent, du poids
> B. de Kôhne, Mutée du prince Basile Kotchoubey, t. II, p. 334-355.
• Sestini, Descriiione di stateri antichi, pi. VI, n» 2. — La mémo tôte m re-
tronve snr nn statëre de Lampsaqao, Sestini, pi. VI, u* 3.
* Ànti^téi du Boephore cimmérien f t. I, p. 17.
^ Bévue num.^ 1856, pi. Il, n* l.
JfcT DISSERTATIONS. S^
des cyzicënes et présente au revers le même carré creux. Il
faut en conclure qu'après sa première émission de statères
au poids phénicien, antérieure à la révolte des villes d'Ionie
contre Darius, Chios ne fut pas seulement une des cités en
confédération monétaire avec Cyzique , mais une de celles
qui suivirent son exemple pour leur propre compte, et
qu'avec Lampsaque et Phocée elle fut la seule à frapper des
statères *. Au reste, Sestini * avait déjà publié deux hectés
du système des cyzicènes, appartenant au cabinet royal de
Munich, lesquelles offrent le sphinx de Chios sans le signe
additionnel du thon de Cyzique.
Après ces pièces je range celles dont les types se rap-
portent aux traditions religieuses et héroïques de Cyzique.
Elles comprennent les n*^» 5-10.
Ici, pour être bref et ne pas m'étendre dans des considé-
rations qui demanderaient trop de développements, je
prierai le lecteur de se reporter au beau travail de Panofka
sur la religion de Cyzique, publié dans les Annales de
l* Institut de correspondance archéologique* à l'occasion de
monnaies tirées du célèbre cabinet Fontana de Trieste. La
principale légende de cette ville est celle des amours de
Dionysus avec la nymphe Aura *, dans laquelle l'illustre
• Notre pièce de Chios est même, avec celle de Phocée publiée par Sestini,
le seul staière exactement semblable aux cyzicènes frappés dans une autre ville
que Cyzique. Les statères de Lampsaque sont en efiet imités des doubles da-
riques d'Artaxerce Longue-Main plutôt encore que des cyzicènes; ils sont du
même or, plus jaune que celui que l'on monnayait à Cyzique, et ils ont le même
poids, taillé sur l'étalon d'une drachme attique déjà affaiblie, mais cependant
plus forte que celle des cyzicènes. Il en est de même d'un statère d'Abydos
que me signale mon ami M. Waddington.
• Descrisione di ttateri antichi, pi. IX, »•' 9 et 10.
» Tome V, 1833, p. 272-286.
• Etym. Magu., v* A(v8u|iov <fpo<. — Nonn., Dionys , XLVJII, sub fin.
10 mi^:moires
archéologue prussien a montié une forme héroïque du
mythe fondamental de la religion locale, de l'union de
Dionysus Soter avec la Coré Sotira représentée au droit des
tétradrachmes d'argent de Cyzique, ou, sous d'autres noms,
de Dionysus Éleuthérius avec l'Éleuthéria figurée sur uu
célèbre cyzicène que Millingen a le premier fait connaître *.
Bacchus était donc le grand dieu de Cyzique ', comme Pro-
sei'pine en était la déesse principale '. C'est la tête de ce
dieu, jeune et couronné de lierre, tel qu'il était lorsqu'il
séduisit Aura, que retrace notre n° 5. Un cyzicène encore
inédit du cabinet de France le représente enfant, assis à
terre et jouant avec son tliyrse.
Panofka a reconnu de la manière la plus ingénieuse, mais
cependant avec certitude, une expression allusive et symbo-
lique de la surprise d'Aura par Bacchus, de l'union mêlée de
violence de Dionysus Soter avec Coré Sotiia, dans le type
d'une monnaie de bronze de Cyzique frappée à l'époque im-
périale romaine, sur laquelle, au revers de la tête de Pro-
serpine, on voit Éros tenant à la main un lièvre pris vivant à
la course *. Nous croyons distinguer une allusion de la même
nature dans le sujet représenté sur le droit de notre n** 6. Le
pélamide, désignant l'atelier de laviiledes statères, n'est
pas ici comme d'ordinaire un simple symbole additionnel
placé dans le champ de la pièce; de même que sur quel-
ques autres cyzicènes*, il est disposé de manière à se
combiner avec le type principal et à en faire partie inté-
grante. L'aigle pêcheur, figuré de face et volant, fond sur
' ÀficUnt coint of Greek ciliés aiui kinys^ pi. V, n" 1 1 .
2 Voy. Eckbel, Doctr, num, rf^, t. II, p. 451.
> Appian., Bell. Mithrid,, 75.
^ Mon. inéd, de Vinst. arch., 1. 1, pi. LVII B, u" 5.
• Sestini, Descrisione di Btateri antichi, pi. V, n"* 8-12.
ET DISSERTATIONS. i \
ce poisson, et ses serres sont prêtes à le saisir. C'est par le
groupe presque semblable d'un aigle enlevant un dauphin
que sont symbolisées sur les monnaies de Sinope les amours
de Jupiter avec la nymphe locale. Mon père a consacré à
ce type une longue étude * à laquelle je dois encore ren-
voyer le lecteur, pour éviter de trop étendre cet article et
de reproduire des rapprochements mythologiques exposés
déjà d'une manière complète. Il y verra comment la figure
d'un oiseau de proie enlevant un animal pour lui donner
la mort peut exprimer d'une manière allusive l'enlèvement
amoureux d'une nymphe ou d'une déesse, les idées d'amour
et de lutte, de mort et de renaissance, de destruction et de
génération étant adéquates dans les doctrines religieuses de
l'antiquité. Le caractère sombre et funèbre indiqué par le
type de notre n"" 6 est clairement marqué dans Tunion
mystique qui sert de fondement à la religion locale des Cyzi-
céniens, car Dionysus Soterou Éleuthérius est un person-
nage essentiellement infernal *. Aussi son union avec Goré
Sotira n'est-elle en réalité qu'une autre forme du mythe si
connu et si important de l'enlèvement de la fille de Déméter
par Hadès, fait auquel certaines traditions donnaient Cyzi-
que pour théâtre •. Cette dernière indication permet de
rapprocher le type de notre cyzicène à l'aigle pêcheur fon-
dant sur le pélamide, de celui des monnaies d'Agrigente,
où l'enlèvement de Proserpine par Pluton est symbolisé par
l'image d'un aigle enlevant et déchirant un lièvre *. Panofka
avait déjà montré les rapports de ce dernier type avec celui
' NoutelU galerie mythologique , p. 28 et suiv.
• Panofka, lies Samiorum, p. 64. — Ann. de VInsL arch,y t. V, p. 282. —
Ch. Lenormùni, Nouvelle galerie mythologique j p. 37-40.
» Appian., Bell, Mithrid,, 75.
* Ch. Lenormaiit, Nouvelle galerie mythologique, p. 36 et suiv.
12 XIÉMOIRES
<1e la médaille de (iyzique du cabinet Fontana, représentant
Éros avec le lièvre à la main.
Je le répète, je ne fais qu'indiquer en passant ces idées,
qui demanderaient à elles seules un long mémoire. Mais
on en trouvera les développements et la justification eu
lisant le travail de Panoïka que j\ni cité, ainsi que les
articles du Jupiter de Sinope et du Jupiter d' Agrigente àdius
Ia Nouvflte galerie mythologique,
Panofka n'a pas manqué de faire ressortir les rapports
étroits et évidents que la religion de Cyzique offre avec celle
d'Eleusis. Aussi ne devons-nous pas être surpris de voir
apparaître sur notre n*» 7 la tête de Neptune ceinte d'algues
marines, avec le trident, dont l'extrémité se montre derrière
l'épaule du dieu. Neptune est en effet le compagnon que la
mythologie donne à Cérès, et à Eleusis il était adoré à côté
d'elle dans un temple spécial sous le nom de Père *. Il se
montre également comme le roi de cette cité célèbre dans
le récit conservé par Apollodore', où il sauve les débris
des Centaures en leur donnant un refuge sous la colline de
l'Acropole d'Eleusis. Ainsi se révèle le lien des traditions
éleusiniennes , qui servaient de base aux mystères, avec
les vieilles légendes pélasgiques de l'Arcadie, dans les-
quelles l'enlèvement de Coré par Hadès était remplacé par
l'entreprise violente de Posidon sur Déméter '.
Au reste, une autre raison justifie encore la présence de
la tête de Neptune sur les statères d'or de Cyzique. Le dieu
des flots passait en effet pour l'auteur mystique de la race
des Dolopes, premiers fondateurs de cette ville *.
< Pausan., I, 28, 6.
«U.5,4.
» Pausan., VIII, 25, 6 et 42, 1.
* Apollon. Rhod., Àrgonaut.^ I, v. 952.
ET DISSERTATIONS. 13
Apollon, vêtu (l'une longue robe, assis sur Tomphalos
ou sur un rocher, tenant à la main la cithare et le pleclrum,
est représenté, de même que sur le statère n" 8, sur les tétra-
drachmes d'argent de Cyzique de Tépoque la plus récente '.
D'après quelques traditions ce dieu était père du héros
éponyme Cyzicus'. Il était donc une des divinités les plus
importantes de la ville, et son culte dans une cité où le
premier rang était tenu par Bacchus n*a rien que de très-
naturel. Les liens sont très-étroits, en effet, entre le fils de
Latone et celui de Sémélé. Euripide, cité par Macrobe*,
invoque en ces termes un seul et môme dieu :
On adorait à Athènes un Apollon Cisseus*, qui possédait
une partie des attributs de Bacchus, et en même temps un
Dionysus Melpoménos •, qui offrait bien de la ressemblance
avec l'Apollon citharède. Homère • donne comme attribut
à Bacchus le laurier, qui appartient d'ordinaire à Apollon;
mais, par contre, quelques auteurs ornent de lierre Apollon
et les muses \ M. Gerhard • a remarqué que sur les vases
peints le fils de Latone est très-souvent accompagné de
deux femmes, muses ou nymphes, qui portent des branches
de lierre. A Delphes, on célébrait avec une grande solen-
nité les fêtes de Bacchus aussi bien que celles d'Apollon *.
• Sestini, Deacrixiorudi atateriantichi^p],!!!, n*** 9 et 10.
' Conon., Narrât, 41. — Schol. ad Apollon. Rhod., Argonaut.^ I, v. 94B.
« Saturn., I, 18.
• ^schyî. ap. Macrob., ï6irf.
» Pausan.,!, 2, 4 et 31. 3.
■ Hymn, in Bacch.t XXX, v. 9.
7 Martian. Capell., 1, 10, p. 38, éd. Kopp.
• AuserUiene VasenbUder, t. I, p. 90.
» Pausan., X, 32, 5. — Macrob., Satvrn., 1 . 18. (T. Gerhard, Ann. J#
lA MÉMOIRES
Des traditions donnaient à entendre qu* Apollon avait été
enterré sous le trépied pythique * ; d'autres disaient que
Dionysus avait reçu la sépulture sous Tomphalos de Del-
phes*, et cet omphalos, attribué d'ordinaire à l'Apollon
Pythien, est placé comme symbole caractéristique auprès
des pieds de la statue d'Antinous en laccbus, que j'ai dé-
couverte dans mes fouilles d'Eleusis '.
Le cyzicène gravé sous le n** 9 nous montre Hercule assis
et se reposant, sa massue auprès de lui. D'autres pièces de
la même série représentent le dieu dans son enfance étouf-
fant les sei*pents envoyés par la colère de Junon contre son
berceau, tandis que le petit Iphiclès, épouvanté, appelle à
grands cris ses parents *, la tête d'Hercule % le fils d'Alc-
mène étouffant le lion de Némée % ou bien agenouillé, tenant
l'arc et la massue \ Les traditions de Cyzique racontaient
qu'Hercule y était venu avec les Argonautes; certains récits
ajoutaient même qu'après avoir reçu l'hospitalité du héros
Vlnêt. crcfc., t. V, 1833, p. 188. — Lobeck, Àglaopham., t. I, p. 79 et
80. — Ch. Lenonnant et J. do Witte, Élite des monn. céramogr,^ t. II, p. 18, 24
et 38.
» Porphyr., Vi«. Pythagor., 16.
* Philochor. op. Johnn. Maîal., Chronic, II, p. 45. — Cedren., Compend,,
1. 1, p. 43. — Syncell., t. I, p. 36, éd. de Bonn. —Cf. J. do Wîtte, Swr.
ann, de VIrut. arch.f t. II, p. 330.
> Voy. nos Recherches archéologiques à Eleusis, p. 254 et suiv.
* Seatini, Descrizione di stateri antichi, pi. VI, n* 12.
Au reste, ce tjpe est sans doute à retrancher de la catégorie des repré-
sentations purement religieuses pour être reporté parmi celles qui font allu-
sion à des faits historiques. M. Waddington {Revus num.f 1863, p. 223-235)
a en effet établi qu*Hercule étouffant les serpents nvait été le type allégo-
rique adopté par les villes de TAsie Mineure confédérées , après la bataille
navale de Cnide, pour résister à la fois à Athènes et à Sparte.
* Inédite. Cabinet de France.
* Inédite. Cabinet de France,
^ Inédite. Cabinet de Franco.
LT DISSERTATIONS. 15
Cyzicus, il Tavtait tué dans un combat de nuit causé par
une erreur des Dolopes qui avaient pris les compagnons de
Jason pour leurs ennemis, les Pélasges de la côte voisine \
Notre planche se termine par un statère (W 10) dont
le type retrace une scène importante des légendes héroï-
ques de THellespont. C'est Phrixus qui, arrivant sur la côte
d'Asie , immole en Thonneur de Jupiter Phyxius ou La-
phystius* le bélier à la toison d'or sur lequel il traversait
les flots avec sa sœur Hellé, lorsque celle-ci tomba dans la
mer qui reçut son nom '.
François Lenormant.
1 Apollon. Rhod., Argonaut, I, v. 948 et seq. — Orpli., Aryonoui., \, 496
et seq. — Apollodor., I, 9, 18. — Valer. Flac, II, v. 637.
• Schol. ad Apollon. Rhod., Argonaut. II, v. 653. — Paiisan., I, 24, 2.
• Apollodor., I, 9, 11. — Apollon. Rhod., Argonaut. II, v. 1140 et seq.
— Diod. Sic, TV, 47. — Tzetz. ad Lycophr., Ca$sandr.,v. 22. — Hygin.
Fab., 1-3.
10 MÉMOIRES
APOLLON CILL^US.
tt Dans le territoire d'Adramyttium sont et Chrysa et
« Cilla. Aujourd'hui on trouve près de Thébé un lieu
« nommé CtUa, où est le temple d'Apollon Cillœus (attoX^wv
« KtXXaTo;), et près duquel coule le fleuve Cillus (KtXXoç),
« qui descend de Tlda C'est encore de cette ville de
« Cilla que tire son nom le Cilleum ( KiXXeov ) , dans l'île de
« Lesbos. Il y a aussi une montagne nommée Cillœufn
c(KtXXaïov), entre Gargara et Antandrus. Daès de Colones
« dit que le temple d'Apollon Cillxus a été bâti d'abord à
« Colones par les Éoliens arrivés par mer de la Grèce. On
« prétend qu'il existe aussi à Chrysa un Apollon Cillceus
« sans qu'on puisse dire s'il est le même que le Smintheus
« ou si c'est un autre On ne voit nulle part dans le
(( territoire d'Alexandrie, ni un lieu nommé Cilla^ ni un
«temple d'Apollon Cillvus^ tandis qu'Homère rapproche
« ces lieux (Chrysa et Cilla) :
•« 6; XpÛTHv àj&9i<Sé6t^x3c
{fliad.. A, 37-38.)
(c Toi qui protèges Chrysa et la divine Cilla.
ET DISSERTATIONS. 17
CI Près du temple d'ÀpoUon (iilrus^ il y a un
« grand tertre; c'est le tombeau de Cillus^ qui, à ce qu*on
« prétend, était l'aurige de Pélops et qui commandait dans
« cette contrée. Peut-être est-ce lui qui a donné son nom
« à la Cilicie, à moins cependant qu'il ne Tait reçu d'elle. •
C'est à Strabon * que nous devons ces renseignements,
et il résulte du texte du géographe grec que le culte
d'Apollon , surnommé KiXXoîo^, se trouvait associé dans la
Troade à un autre culte beaucoup plus célèbre, celui
d'Apollon SfxNetoc ou Sfxtvôsuc. Ceci résulte également des
vers d'Homère cités par Strabon. Ces vers font partie de la
prière que le prêtre Chrysès, outragé par Agamemnon,
adresse au redoutable Sminthien.
«Sur toute la côte (d'Asie )# ajoute Strabon* dans un
If autre passage, Apollon est en giande vénération; on Ty
« honore, soit sous le nom de Smintheus, de Cillœus ou de
« Grj^neus, soit sous quelque autre dénomination. »
J'ai taché, il y a quelques années ', de rassembler les
traditions éparses qui sont parvenues jusqu'à nous sur le
culte d'Apollon, surnommé Sminthien, dieu rat et en même
temps destructeur des rats qui dévastent les champs.
Mais quel peut être cet Apollon Kîklaîoç associé au culte
de l'Apollon SinvôstS;, et qui semble pourtant différent de ce
dernier? Le mot xiXXoç en grec , comme nous l'apprenons
de Pollux, a, chez les Doriens, la même signification que
celui d'ovoç, et désigne un âne *.
Les lexicographes fournissent d'autres noms pour îndî-
» XIII, p. 612 et 613.
« XIII, p. 618. — Cf. Stoph. Byzant. c. Hxa-nJvvr.wi.
' Revue num., 1858, p. 1 et sniv. — Cf. A. de Longpérier, Kevue num, ,
1859, p. 115 etsuiv. ^
* Pollux , Onomast., VU, 13, 56. — Hcsycl-. v. Kl^^oç et RCX^ai.
1864.— l. 2
18 MÉMOIRES
quer Tàne ; îtavOwv, xavQcç, xovOifiXKx;, xa»ôuXo<; *, et Panofka * a
fait observer depuis longtemps que le mot xiX?.(6x<:, (répied \
peut désigner également quelquun monté iur un âne^
xOXoc.
Ceci fait souvenir du héros Àslrabacm, honoré chez les
Lacédémoniens et au sujet duquel Hérodote ^ nous a con-
servé un récit très-singulier.
Gléomène, un des rois de Sparte, animé par des senti-
ments de vengeance, cherchait, par tous les moyens pos-
sibles, à perdre son collègue Démarate, fils d'Ariston, et afin
de le forcer à quitter la royauté , il contestait la légitimité
de sa naissance , et , d'accord avec Léotychide qui ambi-
tionnait de devenir roi, il faisait répandre le bruit qu'il était
le fils d'un ftnier (ôvcKpop&ic). Un mot imprudent prononcé
par Ariston, devant leséphores, au moment de la naissance
de Tenfant, prêtait aux suppositions les plus étranges et
favorisait les desseins des ennemis de Démarate. Or la mère
du roi, interrogée par son fils au sujet de sa naissance et
suppliée de dire la vérité, lui avoua que la troisième nuit
après son mariage, elle avait reçu la visite d'un fantôme,
ayant la forme et les traits d' Ariston , qui lui avait posé
des couronnes sur la tête. Plus tard on sut que ces cou-
ronnes avaient disparu de l'édicule d'Astrabacus , héros
indigène, et les devins, consultés à ce sujet, déclarè-
rent que le fantôme n'était autre que le héros lui-même.
« Ainsi, ajouta la mère de Démarate, tu es le fils d'un héros,
• et Astrabacus est ton père, ou bien tu es le fils d' Ariston.
1 Snidat, Photius et Hesychlus, iub verbis.
• ÀfmaUs d$ Vlntt. arch., t. II, 1830, p. 204.
* Hetych. V. KiXi6dvTt«. — Snid. v. KiXX(6avTcç. — Pollux , Onomatt,, X,
37, 168; Vil, 28, 129. — Schol. ad Aristophan., Acham.^ 1121.
« VI, «8 et 69. •
ET DISSERTATIONS. 19
« Laissons en partage à la femme de Léotycbide et aux
« femmes de tes ennemis qui répandent ces odieux bruits,
(f d'avoir des enfants d'âniers. »
Pausanias\ à son tour, raconte qu' Astrabacus , fils
d'irbus, et son frère Alopécus, avaient trouvé la statue
à'Artémis Orthia^ divinité en grande vénération chez les
Spartiates, et qu'à la suite de cette découverte Astrabacus
avait perdu la raison.
Le mot àrcpi&ri eu grec, signifie bêle de somme ^ âne^
mulet * ; de là le jeu de mots entre Àorpàgxxoc et ôvocpopS^c,
d'autant plus facilement amené qu'il n'y a qu'une légère
différence entre àorpi^xoc et àorpàCaYoc, muletier ^ conducteur
d'ânes *.
Mais à côté à* ifrzpi^axoç les lexicographes donnent la
forme i(rzp6^xoç \ qui semble impliquer un sens sidéral.
Rechercher l'origine et l'étymologie du mot xiXXo; et de
l'adjectif xiXXaTo; dans les anciens idiomes de la Troade, de
la Mysie, de la Phrygie et de la Carie serait, je crois, une
recherche vaine et oiseuse , car on sait trop peu de chose
de ces divers idiomes pour oser se flatter d'y trouver une
étymologie raisonnable et quelque peu satisfaisante. On en
est donc réduit, du moins jusqu'à ce que de nouvelles dé-
couvertes permettent de hasarder des rapprochements, à
se contenter de l'étymologie forgée par les Grecs. Tout ce
que l'on peut dire, c'est que les noms de Cillus, Cillas,
« III, 16, 6 et 6. — Cf. Clem. Alex. Protrept., p. 36, éd. Potter.
* Harpocrat. et Suid., sub verb. — Cf. Hellad. ap, Pbot., BibUoth,, p. 533,
ed« Bekker.— Anecdota grœca^ éd. Bckk., p. 455. AaTpaSTiXdn^c , dvi)XitT)ç.
* Voir une curieuse dissertation de Creuzer sur le héros Àstrabaeui, daus
ses Cùmmentationes Hérodote», II, $ 21, p. 241 et seq. — Cf. Symbolik, t. III,
p. 787, 4» édit., «t K. O. Muller, Dorier, I, p. 886.
^ Soid, et Zonar. «. iax^éSaoïo^, ô dvTpovdfbo;.
20 MÉMOIRES
Cilla (K.'X/.oc, K{XXa<, K(XXa) se rencontrent dans les pays où
nous voyons établi le culte d*Apollon KiXXaTo;. Nous avons
déjà constaté que Taurige de Pélops portait le nom de
CUlus\ et que le tombeau de ce personnage héroïque se
trouvait dans le voisinage du temple d'Apollon Cillœus.
Kustathe • et le Scboliaste d'Homère' entrent dans quelques
détails ; mais ces détails, du reste, ne jettent pas un grand
jour sur le personnage nommé Cillusou Cillas. Tandis que le
premier, d'accord avec Strabon, place le tombeau de l'au-
rige de Pélops dans la Troade aux environs d'Adramyttium,
le Scboliaste d'Homère, d'après l'autorité de l'historien
Théopompe, raconte que Cillus mourut dans l'île de Lesbos,
que Pélops, après avoir célébré ses funérailles avec pompe,
lui éleva un tombeau, et que d'après un avis reçu en songe,
il offrit des sacrifices à Apollon Cillaeus, qu'il nomma ainsi en
mémoire de Cillus mort inopinément, et fit bâtir un temple
en l'honneur de ce dieu. Strabon*, en effet, mentionne le
Cillœum de Lesbos. Cillus, après sa mort, protégea Pélops
dans ses entreprises, et le fit triompher à la course à Olym-
pia, où il vainquit OEnomatis.
Cilla , comme on Ta vu , est le nom d'une petite ville de
la Troade ' ; mais Eustathe ajoute , dans le passage relatif à
l'aurige de Pélops, que vers la Judée on trouve une autre
ville de Cilla dont les habitants portent le nom de CilieLr
ou Cillani.
> Cf. Pans., Vy 10, 2. Le nom de Taurige de Pélops dans Pausanias est
KCXXoç; dans Suidas {iubverbo) KCXXt^c
* Ad Homer. Iliad., A, p. 33.
> Àd niad.t A, 38.
* Xin.p. 612.
* Herodot., I, 149. — Sophocl. ap. Steph. Byzant. r. XpÙTt^, — Strab.,
XIII, p. 612. — Hesych. r. KCXXa, m(Xi(, Ivta lep6v A'^r^Xcûvoç.
ET DISSERTATIONS. 2*
Cilla est le nom d'une fille de Laomédon * et aussi d'une
sœurd'Hécube '. On trouve encore dans la Mysieune plaine
nommée KiXXâviov it&8(ov % et dans TAttique une montagae
et une fontaine portant le nom de KiXXeuz \
J'ajoute qu'on fait venir le mot xO^Xoç, de xaXw, courir^
aller vite. Il y a aussi xCco, aller ^ qui aurait été inventé par
les grammairiens pour expliquer xiov, xfotjit, xiwv, formes
poétiques pour tbv, uatixt, Iwv, d'eV, aller. Dans la poésie,
on le sait, on conserve généralement de vieilles formes à
côté de formes plus modernes •.
En sanskrit, comme me le fait observer mon savant
collaborateur et ami M. Adrien de Longpérier, le verbe khâi
signifie al/er, pénétrer^ et le mot khara^ qui au nominatif
fait kharas^ est le nom de Y âne '.
Serait-il permis de rapprocher de l'Apollon KiXXaTo: l'A-
pollon o^olM ou ÔYxaiaiTjç de l'Arcadie '? Le verbe ôYxdtojiai
signifie crier y braire^ et le mot d-ptTjxTJc est employé dans une
épigramme grecque pour désigner l'âne *. Oncus est un fils
d'Apollon qui donne son nom à une contrée de l'Arcadie,
Onciumy OYxeiov, aux environs de Thelphusa*. C'était là
qu'étaient les cavales oncéennes, parmi lesquelles se cacha
Cérès changée en cavale pour échapper aux poursuites
de Neptune **. iwoc, ^wo;, y'^^^^:» ^st un poulain, le produit
» Apollod.. III, 12, 3.
* Tzetz. ad Lycophr., Cassatulr., 224, 315.
» Strab.,XIII, p. 629.
* Hesych., tub verb.
" Cf. Hesych. v, KiXdpux, ô lîXioç.
* Voir Bopp, Glo9sarium sanscriticum^ p. 54. Berlin, 1830.
7 Pau8., VIII, 25, 5 et 6.
" Antholog, Palat., IX, 30i, 1, et la note de Jacobs, vol. III, p. 525/
'' Pans., VII l, 25, 3. — Steph. Byzant., tttb verb.
'« Pan».» VIII, 25, 3, 4 et 5.
22 UrMOIRES
du cheval et de Fànesse S en latin hinnus^ hinnulus^ et la
source dans laquelle Midas fait verser du vin pour enivrer
et surprendre Silène porte le nom d*fvva, comme qui di-
rait la source du poulain '. Sous la protection d'Épona, la
déesse des écuries , étaient placés les ânes aussi bien que
les chevaux '. Mais je me hâte d'ajouter qu'on ignore la
véritable étymologie de Tadjectif ô-yxoio;, qui pourrait bien
être d'origine orientale, si on le rapproche d'ô^xa, surnom
de Minerve à Thèbes * et d'o^^riTzi^, épithète sous laquelle
Neptune recevait un culte dans la ville d'Onchestus en
Béotie ••
Dans quelques contrées de la Grèce, l'âne était consacré
à Apollon. On sacrifiait des ânes à l'Apollon Hypeiboréen *,
mais les sacrifices d'ânes étaient loin d'être admis et en
usage partout , et du récit d'Antoninus Libéralis , qui avait
puisé les fables qu'il rapporte dans plusieurs auteurs, et
celle de Clinis et des ânes ofierts en sacrifice à Apollon dans
les ouvrages de Bœus et de Simmias le Rhodien, il résulte
clairement que le culte d'un Apollon auquel on immolait
des ânes était un culte -étranger à la Grèce , et qui avait
été importé de l'Asie et des contrées habitées par les bar-
bares.
• Hesych., *ub rerWi.
' Theopompus ap, Athen,, II, p. 45, C.
» Minnciu» Félix, Octav., XXVIII, p. 289 et 290, éd. GronoT.
• iEschyl., Sept, contr. Thêb,^ 601. — Paus., IX, 12, 2. — Schol. ad Eu-
ripid.y Pluxnisê.f 1062. — Hesych. v, Ô-f^* et ». Ôyxaç. — Steph. Byzant. v.
Ôyxaîai. — • Tzetz. adLycophr., Cassandr,^ 1225.
» Homer., Iliad., B, 500. — Pans., IX, 26, 3.- Steph. BvMnt. r. 6rxyiTto<;.
— Cf. Ch. LenormaDt, Nouvelle galerie my th., p. 56.
• Pindar., Pyth., X,49, et SchoI. — Gallimnch., Fragm. 188. — Autonin.
Liboralis, XX. — Clem. Alex.. Protrept., p. 25, éd. Potter. — Eustath ad
Humer., Iliad,j A, p. 36.
ET DISSERTATIONS. 2S
Et cependant à Delphes, dans le sanctuaire le plus vénéré
d'Apollon, on sacrifiait des ânes, comme le prouve une
inscription grecque conservée au musée du Louvre *.
Apollon, dans certaines traditions, passait pour être le
fils de Silène ', et cette origine du dieu du jour nous met
sur la voie des rapports qui peuvent exister entre Tâne et
Apollon, et bientôt nous verrons se dégager de ces rapporta
le caractère et la nature de TApolIon Cillœus. L'illustre
auteur de la Symbolique^ Creuzer ', regarde l'âne comme
tellement identifié avec Silène, qu il n'hésite point à recon-
naître dans cet animal Silène lui-même. Les traditions
mythologiques nombreuses, variées et très-curieuses qur
racontent l'histoire de Midas nous font connaître les rap-
ports intimes qui existent entre Silène et le roi de Phrygie;
Midas devient lui-même un satyre ^ ou est changé en âne '.
Il serait trop long de rapporter ici les formes diverses sous-
lesquelles on racontait les aventures de Midas, roi des
Brigiens ou des Phrygiens, de ses relations avec Silène , de
sa métamorphose ou partielle ou totale ; car la plupart dea
« Bœokh, Corp, irucr. gr., n« 168S. — Clarac, pi. XLIV, n*463. —Cf. Ift
note de Bœckh, 1. 1 , p. 809.
• Clem. Alex., Protrept,, p. 24, éd. Potter.— Porphyr., Vit. Pythagor,, 16.—
Cf. l'Apollon Tpdfioc adoré à Naxos. Steph. Byzant. v. TpaYoïCa.— Voyez aussi
Panofka, Mutée Blaeaty p. 27. — On sacrifiait des boucs à Apollon Hélins.
Pans., X, 11, 4« — Clément d'Alexandrie ( /. ct(.) donne à Apollon , fils d*
Silène, le samom de Nd(&io<. C'est le quatrième Apollon, d'après Cicéron (Dt-
Nat. Diorum, III, 23), né en Arcadie, quem Arcades Nomium apptUemt.'-^ Cf. 1»'
note de Crenzer, p. 615. — L'Apollon cornUy Aic^Vdv Kcpcdraiç, de Manti-
née n'est antre qn'un Apollon bonc. Pans., V1II« 34, 8.
> Symbolik^ t. IV, p. 51, quatrième édition, et dans les Btligiom de Tanfi-
qvitéy trad. de M. Gnigniaut, t. III, p. 162.
* Philostrat., Vit. Àpoll. Fyon., VI, 27.
■ Eudocia, fio/antim, p. 290, éd. Villoison. — Schol. ad Aristopban. Plut.
887. — Suid. r. M(«it;.
2 A MÉMOIKE.S
récits donnent à entendre qu'en punition de sa témérité,
Bacchus ou Apollon avait donné seulement des oreilles
d*âne à Uidas.
Dans les Eleusinies un âne portait les vases sacrés, ce
qui avait donné lieu au proverbe, ovo< 07» |iooxT;pia , l'âne
conduil Ut mystères \
Aux fêtes de Vesta, qui se célébraient chez les Romains
aux ides de juin, des ânes ornés de couronnes et de bande-
lettes ouvraient la pompe sacrée *.
Ecce, coronatiê partis dependet atellU ;
Et vêlant scabras florida strta moloê,
Ovid.. fiul. VI, 311-312.
L'âne était consacré à Gybèle; les Galles plaçaient la
statue de la déesse sur un âne et la promenaient ainsi de
bourgade en bourgade pour recueillir les offrandes des dé-
vots, comme le rapporte Lucien' avec des détails très-
circonstanciés.
Le rhéteur Aristide * raconte que quand Bacchus voulut
forcer Vulcain à retourner dans l'Olympe, il l'avait fait
placer sur un âne. Kal jxiîiv xaî ti?jV Hpav Xi^ow^iv db; jx^vo; Oswv
X(f>^6i£T StiiXXaÇe xo(x(ffac tôv H^paiorov axovxa eîçTÔv oûpavôv, xotÎTftûxdt
yt àvaOsT; ovqi.
Dans les nombreuses peintures de vases qui montrent
le retour de Yulcain à l'Olympe, le dieu est presque tou-
jours figuré à cheval sur un mulet ou sur un âne, la plupart
^ SchoL ad Aristophan. Ran., 159. — Suid. «t Photias^ sub verb.
' J. Lydus, De Mtntibus, p. 107^ éd. Schow.— Les lampes soDt quelquefois
décorées de têtes d'âne. MiUln, GaUr. myth.^ LXXIX , 331*. — Clarac, Musée
dû scuipt, ant, et mod,, pi. 171.
• Asin,t 35 et seq. — Cf. Phsdr.» III, Fab. 20. — Anecdota grxca,, éd.
Bekker, 1. 1, p. 222. Bdbci}^;, ô xatà 6eoû (&t|viv àicoxoic<K.
* Orat. in Bacckum, p. 49, éd. Dindorf.
ET DISSEIIXATIONS. 25
du temps itliyphallique \ Quelquefois aussi on voit sur les
vases peints une jeune fille dans le costume d'une ménade,
montée sur un mulet et accompagnée de satyres et d'un
cortège bachique. Lors de la guerre des dieux et des géants,
les satyres, les silènes, Bacchus et Vulcain étaient montés
sur des ânes*. Ces animaux s' étant mis à braire, avaient
jeté l'épouvante parmi les adversaires des dieux de l'O-
lympe, et par reconnaissance Jupiter, après avoir rem-
porté la victoire, les avait mis au rang des astres. Hygin '
raconte à son tour que Bacchus, rendu furieux par Junon
et voulant aller consulter l'oracle de Dodone , deux ânes
vinrent à son secours et l'aidèrent à traverser un marais.
Délivré de sa fureur, à la suite de sa consultation à Dodone,
il donna aux ânes une place parmi les astres. L'âne encore
avait eu une dispute de vanité personnelle avec Priape, et
le dieu, pour se venger, avait tué sou adversaire*. L'âne
se trouve de nouveau en opposition avec Priape dans une
autre circonstance. Quand ce dernier veut faire violence à
Yesta, c'est grâce aux cris de l'âne que la déesse échappe
aux poursuites de Priape '.
Les habitants de Lampsaque sacrifiaient des ânes à
* Quelquefois une couronne ou une œnochoé est suspendue à Tanimal.
« Hygin., Poet. astr., II, 23. — Eratosthen., Catasteritm., XI. — Schol. ad
Arat.. Phsenom,, 147. — Schol. ad German., Aratea^ p. 61, éd. Biihlc.
« Poet. astron., 11,23.
* Hygin., /. cit, I toque posUa eum cum Priapo de natura contendiete et victum
ab eo interfectwn. — Cf. Lactant., Div, Inêtit,^ I, 21. — Schol. ad Gennan,,
Àratea, p. 61, ed, Biihle. — Voir aussi Élite det monumtnt* céramograpMqueSt
t. I, p. 129, où tous les passages relatifs à cette dispute sont cites textuelle-
ment. ^ On se rappellera à cette occasion de quelle maniëro Tâne est désigné
dans récriture hiéroglyphique.
» ÛYid., Fast. VI, 331-348. - Lactant., Div. Inelit,; I, 21. — J. Lydus
De Mensibw^ p. 107, éd. Schow.
26 MÉMOIRES
Priape \ et chez les Égyptiens, l'âne, à cause de la couleur
rousse de son pelage dans les contrées de TOrient, était
immolé à Typhon. C'est Plularque qui nous indique ce
culte dans son traité d*Isis et d'Osiris', et il ajoute qu'on
confectionnait des gâteaux sur lesquels étaient représentés
des ânes ayant les quatre membres liés. Chez les Perses, si
l'on en croit le témoignage de Strabon', l'âne était immolé
à Mars.
Nous avons déjà vu l'âne mis en rapport avec Bacchus.
Cet animal était particulièrement consacré à ce dieu , sui-
vant le témoigns^e de Cornutus \ C'était un âne qui en
rongeant un cep de vigne, lui avait fait produire plus de
raisins, et avait appris ainsi aux hommes la culture et la taille
de la vigne. Aussi les habitants de Nauplie pour rappeler
ce bienfait avaient-ils fait représenter un âne en pierre *. Les
vases peints montrent l'âne ou le mulet dans le thiase de
Bacchus', et il n'est pas rare dans les monuments de
l'époque romaine de rencontrer Bacchus ou Silène monté
sur cet animal. C'est également la monture de Xanthias,
l'esclave de Bacchus dans la comédie des Grenouilles.
* Ovid., Fatt. VI, 346. — Lactant., /. cit.
« T. VII, p. 432-434, éd. Reiske. — Cf. Bochart, Hierozoïcony p. I, IW.II.
cap. 12.
» XV, p. 727.
* De Nat, Deorum, XXX. — Lucian., Bacchus, 2 et 4. — Nonn., Diofiyttac.,
XIV, 256.
• Paui.. II, 38, 3. — Cf. Hygin., Fab. 274. — On plaçait des crânes d'âne
aux limites des champs et dans les jardins.
Hinc eaput Arcadici nudum cute ferlur aselli
Tyrrhênus fixisse Tages in limite rtrri*.
Columelia, Dt cuUu hortorum, X, 344-346.
Cf.Pallad.,I,36,16.
• Tischbeîn , Vaees de Hamilton, l. II , pi. XLII , éd. de FloTence , et t. I ,
pi. LIV, éd. de Paiis. — Millingen, Vasee d€ tir Coghill , pi. XLÎ.
ET DISSERTATIONS. 27
Od attribuait aux Juifs le culte de l'âne, et l'on racontait
plusieurs fables à ce sujet, mais c'était par mépris et par
dérision que ce culte était attribué aux Juifs *. Eustathe,
je l'ai déjà dit ', mentionne une ville de Cilla en Judée, et
Pausanias ' rapporte qu'on montrait le tombeau d'un Silène
chez les Hébreux.
C'était aussi par mépris et par moquerie qu'on disait des
premiers chrétiens qu'ils adoraient un âne ou un dieu à
tête d'âne *.
Dans la numismatique l'âne ou le mulet paraît sur les
médailles de Mendé, dans la Macédoine ; Silène est monté
sur l'animal ou marche à côté de lui ; quelquefois un cor-
beau, oiseau consacré à Apollon, est posé sur la croupe du
mulet, et semble chercher à becqueter sa queue *.
Sur une pièce d'argent attribuée à Cassera , ville de Ma-
cédoine, située au pied du mont Athos, on retrouve le
type du mulet ; au-dessus est placé un vase ^
Sur les monnaies de la ville de Nacona, en Sicile, parait
Bacchus tenant le thyrse et le canthare, monté sur un âne \
• Tacit., Hiêt., V, 4. — Diodor. Sicul., Excerpt. XXXIV, t. II, p. 525, éd.
Wesseling. — Joseph., Contr» Apionem^ II, 7. — Cf. Bocbart, Hierosotcon^
p. I, lib. II, cap. 18.
• Supra, p. 20.
» VI, 24, 6.
k Tertullian., ^po/offfl., XVI. - Minucius Félix, Oclac, XXVIII, p. 289,
éd. Gronov. — Cf. R. Gamicci^ Un crocifisio graffito da mano pagana mlla cota
dti Cttari. Roma, 1856 et 1857, în-8», estratto dalla Ctrt7ia caitolica.
» Eckhel, D, iV., I. p. 72. — Mionnet, I, p. 477, et lU, Suppl., p, 82.
• Mionnet, III, Suppl., p. 59, n« 383. — L'attribution de cette pièce à Cas-
sandrea est impossible ; elle est de fabrique très-ancienne et porte au revers
le carré creux, divisé en quatre ailes de moulin, avec les lettres KA. Cassan-
drea, ville Ivâtie sur les ruines de Potidée, devait aon nom à Cnssandrc. roi
de Macédoine ( 816-298 av. J.-C), dont le règne est certainement très-posté-
rieur à Tépoque on cette médaille a été frappée.
» Mionnet, I, p. 261, n" 437.
2S lltlIOIRES
Une monnaie gauloise d argent, imitation des pièces
d'Emporium, montre au revers de la tète d'Apollon un àue
et un cheval.
Sur les médailles de Tbyatire de Lydie, frappées sous la
domination romaine, on voit Apollon Hélius, la tète radiée
et tenant la bipenne, monté à cbeval \ absolument comme
Vulcain sur le mulet dans les nombreuses peintures de
vases qui retracent le fait mythologique du retour de
Vulcain à VOlympe.
J*ai placé en tète de cet article une drachme frappée
à Rhodes et dont voici la description :
Tête radiée d'Apollon Hélius à droite.
â «MAoKPATHi. Rose. Dans le champ, Po, et à gauche tète
d'âne vue de face. — .K. (Mionnet, t. III, p. 416, n*lS7) *.
A Rhodes existait le culte de TApollon Sminthien, comme
le prouvent les textes * et les médailles ; un des mois de
l'année chez les Rhodiens portait le nom de Zf^vOtoc ^ Le
culte de l'Apollon EiXXoîo^ paraît, comme on l'a vu, avoir
été étroitement lié à celui de l'Apollon, destructeur des
rats. Ce dernier animal est représenté sur les drachmes
frappées à Rhodes ', exactement à la munie place qu'occupe
la tète d'âne sur la pièce que nous publions.
Je rattache au culte d'Apollon Cillaeus la tète d'âne figurée
» Mionnet, IV, p. 160, n» 916. — Des types aualogues sont figurés sur les
médailles d'Euménia de Phrygie (Miounet, IV, p. 294, n* 571) et d*Hiéra-
polia da même pays. Mionnet, IV, p. 298, n* 592; p. 303, n* 622; Vil, Sappl.,
p. 568, n* 374 et p. 571, n* 386.
' Mionnet s'est trompé en reconnaissant ici nn crâne de bœnf.
» Philodem., ap Athen.. IH, p. 74. F et X. p. 445, A. — Strab., X. p. 486.
— Apollon., Lex. v, ZiuvOeû.
^ Voir les anses d'amphores portant Iv nom de ce mois, dans la Rcfna num,p
1858, p. 33 et sniv.
■ AertM nwn.y 1858, p. 30.
Ki' DISSFRTATIO-NS. 29
sur les médailles de Rhodes, et comme Apollon Hélius, le dieu
protecteur des Rhodiens était invoqué aussi bien en Grèce
que dans TAsie Mineure sous un grand nombre d'épithètes,
il n*y a rien d'invraisemblable à mettre ensemble à Rhodes,
comme dans la Troade , Apollon Sp-ivOsuc et Apollon KiXXaToç.
Apollon recevait un culte sous le nom de A£X?p(vto^ dans
plusieurs localités \ et notamment à Rhodes, où, à côté de
la rose et au revers de la tête d'Apollon Hélius, on voit sur
les pièces d'argent un ou deux dauphins '. Cependant les
écrivains anciens qui nous ont laissé des détails sur les
divinités honorées par les Rhodiens ne parlent ni d'Apollon
AsXcp(vio; ni d'Apollon KiXXaTo<;. A côté du Sminthien, ils nom-
ment Apollon Ao({jLto; le dieu qui envoie la peste et détourne
ce fléau '. Et c'est ce dieu redoutable que le prêtre Chrysés
invoque dans Y Iliade.
Comme le dieu Soleil est l'auteur de la reproduction des
êtres, aussi bien des plantes que des animaux, qu'il préside
à la génération, ne serait-il pas possible que TApollon
RiXXaîoc, ayant pour animal symbolique l'âne, animal lascif
(66pi(mi<;), se soit confondu à Rhodes avec l'Apollon ÀeiY&v-
vi5tt)(; , adoré à Camirus * ? Voici l'explication de cette der-
nière épithète, donnée par Macrobe : Aià to aûx6v -^i^^na^ai
nùX àil Ysvvâv, qtwd scmper exoriens gignitur^ quodque ipse
gênerai universa^ seminando, fovendOj producendo^ alendo^
augendoque.
Un dieu qui renaît chaque jour, qui produit et engendre
toutes choses peut bien avoir pour animal symbolique l'âne
» Tzetz. ad Lycophr., Cassandr., 208. — Paus., I, 19, 1. — Plnlarch. m
Thés., 14. — Strab., IV, p. 179. — Schol. ad Pindar., Netn,, V, 81.
' Mionnet, HT, p. 419, n*» 177, 178.
» Macrob., Saltim., I, 17. — Cf. Heffter, Gôtterdienut aufRhwius.lUy p. 40.
* Macrob., l. cit. — Cf. Heffter, /. cit., p. 39.
30 MÉMOIRES
qui entre en lutte avec le lascif Priape. Maintenant ce qui
au premier abord pourrait n'être pris que pour une simple
hypothèse, devient certain, si Ton rapproche du passage de
Macrobe le vers suivant de Pindare * :
AicMuùy
Xa(pe, YtXqi 6'ôpcôv 06piv ô^OCsv xvcD^^aiv.
Et le Scholiaste ajoute : d; tîûv ovwv ôpôtwvrwv.
Un dieu qui se rejouit à la vue de Tardeur des ânes est
bien TApollon KtXXaioc qui a pour symbole Tâne, xfXXoc uSpta-
•nj^. Et Ton comprend en même temps pourquoi Tâne, qui
est cher au dieu du jour, lui est immolé dans certaines con-
trées. Servius' nous apprend que Ton choisit les victimes
pour les offrir aux dieux, soit à cause de Taflinité qu elles
présentent avec la divinité, soit à cause de l'aversion
qu'elles leur inspirent. Yictimœ numinibus aut per simiWu'
dinem atU per conlrarielem immolabantur^
On trouve chez les habitants de la Troade le culte d'un
Apollon iiptaTcaioc ' qui se rapproche singulièrement du dieu
de Lampsaque, et dans le Pont on adorait une Artémis
upiaicivTj *. Plusieurs archéologues, et entre autres mon sa-
vant ami M. Éd. Gerhard ^ rappellent à Toccasion d'ÀTn^XXwv
DpNiicaioc l'Apollon À^uieu^*, c'est-à-dire sans jambes, en
forme de hermès, de cône ou de colonne. J'ai déjà rappelé,
> Pyth., X, 56. — Cf. sur Texprc^ûon dpOo< , Aristophan , Lytiêtrat., 995 :
6p9à AaxcÔQitULcov 'jcss. — VoirBœckb, Eaj)l. ad Pindar. Pyth.y p. 335.
« ÀdY\rg.,Qeorg., 11.380.
• Tzets. ad Lycophr., Caagandr,^ 29.
• Plutarch. in LucuU., 13.
• GrUckUcheMyth..%30^, 7.
• Demosthen. adv, Midiam, p. 631, éd. RoUke. — Paus., VIII, 53, 1. —
Sohol. ad Horat.» Carm., IV, 6, 28. — Macrob., Saîurn,, 1, ?. — Cf. Gerbard,
Hyp^rh. riimi$cKê Sht^Her, t. Il, p. 274 et Miiv. Berlin, 1852, in-8-.
ET DISSEItTATlONS. 31
d'après Strabon * que les Éolieiis avaient établi le culte
d'Apollon KtXXacoc à Colones dans la Troade *. Or cette
localité, nommée KoXâ>vai, nous fournit Tidée de tertre^
hauteur^ colline, tombeau^ nous rappelle le tombeau de
Ct{/u5, Taurige de Pélops, et nous renvoie directement au
culte de TAphrodite Ka>X(aç , divinité sur laquelle j*ai publié
ailleurs • une étude assez développée.
L'Artémis Orthia , qui se trouve en rapport avec Astra-
bacus, est une déesse Lune qui dans les religions orientales
se présente sous la forme mâle du dieu Men * ; cette déesse
a donc un caractère androgyne; la Lune était regardée
comme le dépôt de tous les germes de la nature *. On se
rappellera que la monture ordinaire de la Lune est un
mulet •.
Cilluson Cillas, c'est-à-dire Vâne, x(XXoc, est le nom de
> Xni, p. 612.
* On eite denx localités da nom de KoXôyvai, Tane près de Lampsaqae en
MjTtie, l'antre dans la Troade. Strab., XIII, p. 589. — Arrian,, De ExTped.
AUX., 1, 12. — Strab., XIII, p. 604. — Paus., X, 14, 2. — Tlmcyd., I. 131.
• Nouvtllet Annales de l*Institut arch,, 1. 1, p. 75 et suîv. — KcdXyi, xb al^tov.
Schol. ad Aristophan., Nub., 989. — Cf. Artémis KoXatv(c, dans I*Attiqne
( Pans., I, 31, 3), et rArtémis KoXoIvtj, en Lydie. Strab., XUI, p. 626. — La
fable de la descente de Baccbus aux enfers, sa rencontre avec Prosyrnnus qui
Ini montre le cbemin , doivent être rapprocbés de ce culte , comme l'indique
clairement Clément d'Alexandrie, Protrept.^ p. 29 et 30, éd. Potier. — Cf.
Amob. adv. Gentes, V,26.— Tzetz. ad Lycophr., Cassandr,, 212.— Pbavorin.,
•. Évdpxi^Ç- — Voir aussi Panofka, Annales de VInst. arch., t. I, 1829, p. 309
et suiv.
* Strab., XII, p. 577. — Spartian., Caracalla, 7.
• Macrob. in Samn. Scipionis, 1, 11. — Plutarch., De ïsid, et Osirid., t. VII,
p. 452, éd. Reiske. — Porphyr., De Antro A'ymp/i., XVIII.
c Pans., V, 11, 3. — Cf. Gerhard, Griechische Myth,, § 340, 2. —Panonta.
Musée Blacas, p. 50 et 52. — Les médailles de Pherie de Thessalie et de Patras
montrent Diane-Lune à cheval. Voir Streber, Numismata nonuulla §rseca rar
J/ii«eo régis Bavarite^ tab. II, n''* 1 et 3.
«^^2 MÉMOIRKS
Faurige de Pélops; Astrabacus est assimilé à un âiu'fr,
ôvo'fop64; , et c'est Bacchus qui reconduit à l'Olympe Vulcain
monté sur un âne. Donc Bacchus devient ici un véritable
conducteur d'ânes^ 6vo(pop&S(;\ Astrabacus perd la raison en
trouvant la statue d'Artémis Orthia, Bacchus est en fureur
quand des ânes viennent à sa rencontre ". Dans les reli-
gions anciennes de la Grèce, le ministre ou l'acolyte d'un
dieu et le dieu lui-même ne sont qu'un seul et même être ;
le nom de l'acolyte n'exprime qu'une des qualités du dieu.
Comme dans le retour de Vulcain à l'Olympe on reconnaît
un sens astronomique, que ce retour du dieu du feu indique
le renouvellement de l'année au solstice d'hiver, on saisit
le caractère du héros appelé aussi bien AorpaSaxcx; que
ÀorpcJêaxoç. L'âne et son conducteur sont le dieu Phospho-
ro5, «poxKpofx^c» qui précède le char lumineux du Soleil ; mais
on comprend de suite que le personnage qui apporte la
lumière devienne le dieu Soleil lui-même , qui préside à la
reproduction de tous les êtres et au renouvellement de
toutes choses. Dans la gigantomachie , Hélius avait reçu
sur son char Héphestus fatigué du combat '.
Nous avons vu plus haut que le héros Cillus fit triom-
pher Pélops à Olympie, que l'ânier est un personnage
de bon augure. Plutarque * et Suétone ' racontent qu'au
moment de livrer la bataille d'Actium, Octave rencontra
un âne accompagné de son conducteur; l'homme s'appelait
Euiychus et l'âne Nicon. Après la victoire, en vue de ces
* Cf. Ba6Q0CTi(Cy épîthëte do Bacchus. Cornutus, De Nat. Deorum, XXX.
» Cf. Creuzer, Comment, Herodot., p. 251-260, et Symbolik,t. III , p. 638,
qnntrième édition.
» ApoU. Rhod., Argùn,, III, 230 seq.
* In Jf. Ànion.^ 66.
8 In AugusU, XCVI, 6.
ET DISSERTATIONS. 33
deux noms de bon augure, Octave fit élever une statue
de bronze en Tbonneur d'Eutychus, oii l'ànier était repré-
senté sur sa monture.
Le culte d'Apollon au promontoire d'Actium était cé-
lèbre*.
Les Ambraciotes avalent dédié dans le temple de Delphes
un âne de bronze qui, à ce qu'il parait, n'était pas placé
loin d'une statue d'Apollon, oiïrande des habitants de Lin-
dus dans l'île de Rhodes. Cet âne de bronze était destiné à
rappeler une victoire des Ambraciotes sur les Molosses, qui
la nuit avaient dressé une embuscade pour surprendre
leurs ennemis, lorsque les cris d'un âne avaient subitement
jeté la terreur parmi eux, et avaient donné l'éveil aux habi-
tants d'Ambracie qui avaient taillé en pièces les Molosses '.
J. DE WiTTE.
« Strab., VII, p. 325.
» Pau8., X, 18, 3,
1864. - l.
u
MbMOlKES
ECU Dm INÉDIT
DU CARDINAL DE BOURBON, CHARLES X.
ROI DE LA Lir.UE.
La pièce, dessinée ici a pour légende au droit les mots
CAROLVS.X.D.G.FRANC.REX.L.A. Entre la première et
la dernière lettre de cette légende se voit un soleil;
dans le champ, Técu de France aux trois fleurs de lis
surmonté de la couronne royale; au revers, on lit les
mots SIT.NOMEN.D BENEDICTVM. et le chiffre 1590,
une petite croix pattée sépare ce chiffre du commen-
cement de la légende; dans le champ, croix ornée d'un
fleuron à chacun de ses quatre bras terminés, en outre, par
des fleurs de lis. Au milieu de la croix la lettre monétaire L.
Poids, 62 grains = 38%30, même poids que Técu d'or ordi-
naire au soleil de Charles X et que celui des Politiques,
Mais ce qui différencie cet écu de ceux qui sont connus et
décrits, ce sont d'abord les deux lettres L. A. de la légende
du droit et la lettre monétaire L. qui se trouve au milieu
ET DISSERTATIONS. .^0
(les bras de la croix du revers. Il est évident que les deux
lettres L. A. sont Tabrégé du titre de légat d'Avignon que
le cardinal de Bourbon a porté sous les papes Pie IV, Pie V,
Grégoire XIII , et en dernier lieu sous Sixte V, en 1590.
Jusqu'ici Ton ne connaissait pas d'écu d'or du cardinal avec
le titre de roi de France et de légat d'Avignon; aussi
avons-nous cru devoir publier la rare pièce qui fait le sujet
de cette notice, et dont trois ou quatre exemplaires seule-
ment sont connus, sans avoir été décrits ou publiés jusqu'à
présent.
Il faut remarquer que cette pièce extraordinaire présente
au revers, non pas la légende Christus vincit affectée à l'or,
mais SU nomen Domini benedictum^ comme sur les espèces
d*argent. La forme de la croix, type du revers, est toutefois
bien celle que nous montrent les écus au soleil de ce temps,
en sorte qu'il est impossible de supposer qu'on a par erreur
fait usage d'un coin destiné à frapper des douzains.
La légende SU nomen Domini benediclum se lit bien en-
core sur un écu d'or de 1562, plusieurs fois décrit par
M. Lecointre-Dupont ; mais sur cette pièce elle remplace
le nom royal du côté de Técu, et le revers porte autour de
la croix la légende habituelle, Chrislus régnât vincU et
imperat\
Quant à la lettre monétaire L du revers, elle indique cer-
tainement Bayonne.
On sait que c'est le duc de Mayenne, chef de la ligue, qui
fit proclamer roi, en novembre 1 589, le cardinal de Bourbon»
qui est connu dans l'histoire sous le nom de Charles X et
de roi de la ligue, mais que sa royauté n'a été qu'une fic-
• Voyez Revue ntim., 1843, t. VIII, p. 300. — Lettrée mr Vhiat. de la Nor-
mandie et du Perche . 1846, p. 87 et 90. — Bullet. de la Soc. des antiq. de Ncr-
manJtf, t. II, I8C3, Notice sur deux demi-ttstofn de Charlet IX.
36 MÉMOIRES
tion, que c'était enfin un fantôme de monarque n'ayant
jamais régné , si ce n*est dans la prison de Fontenay en
Poitou, où Henri IV avait eu la précaution de le tenir en-
fermé. C'est là qu'il mourut de la gravelle, dit-K)n, le 9 mai
i590. Tous les auteurs du temps, Létoile entre autres, et
tous les écrivains postérieurs sont d'accord sur cette date
de la mort du cardinal de Bourbon, excepté pourtant
Leblanc, qui fixe sa mort au 9 mai i 593 ; mais c'est là
évidemment une erreur *.
D' A. COLSOM.
Noyon, le 10 jaoTier 1864.
> Voir Leblanc, Traité dê$ tnonnayet de France^ édition de Paris, 1703, in-4*,
p. 371 ; édition d* Amsterdam^ 1692, p. 293.
ET OISSERTATIOXS, 37
MONNAIES DU MOYEN AGE
DÉCOUVERTES A ÉLELSIS.
Dans le volume que j*ai consacré aux inscriptions-
d'ÉleusisS j'ai signalé les traces du moyen âge français
que présentent les ruines de l'antique cité des mystères.
Un donjon carré, bâti vers le xiir siècle sous les ducs
d'Athènes de la maison de la Roche, s*élève encore à
l'extrémité occidentale de l'acropole, et une bulle de
plomb trouvée par un paysan m'a offert la croix à double
croisette du patriarcat latin de Gonstantinople. Hais une
découverte toute récente me permet aujourd'hui d'appor-
ter de nouvelles preuves de l'importance du bourg d'Eleusis
sous le régime des seigneuries françaises fondées à la
suite de la IV* croisade.
Dans l'automne de i 862, un paysan du vills^e de Lepsina
(qui a succédé à l'ancienne Eleusis), labourant son champ,
situé dans la Plaine Rharienne, non loin du puits où la
tradition antique racontait que Gérés, sous la forme d'une
vieille femme, avait été rencontrée par les filles de Ce-
léus, brisa du soc de sa charrue un pot de terre grise et
grossière, dont les flancs laissèrent échapper 1,075 pièces
d'argent et de billon, et une seule de cuivre. Une portion
< R€ch9rchei archéologique» à Éleutis, JUcutil du intcriptiont^ p. 86a.
38 m:.moi:u:s
de cette trouvciille a été dispersée ^ mais, visitant pour la
troisième fois Eleusis dans le mois de septembre de Tannée
dernière , j'ai pu étudier encore plus de 500 des pièces
ainsi découvertes, conservées actuellement entre les mains
du médecin du village.
Il n*est plus besoin d'insister sur Timportance numis-
matique et historique de l'étude d'un trésor aussi considé-
rable d'anciennes monnaies. C'est un point reconnu de
tous les savants. Aussi crois-je faire une chose utile et de
nature à intéresser les lecteurs de la Revue en enregistrant
avec soin les diverses pièces que contenait la trouvaille
d'Eleusis.
Fhance.
Philippe le Bel.
175 gros tournois au type ordinaire.
Ces pièces avaient donné lieu , de la part du médecin
possesseur des restes du trésor, à une méprise amusante.
Il avait su y lire les mots PHILIPPVS REX, et voyant en
même temps une croix, il m'annonça, en m'invitant à
aller voir ses médailles, qu'il avait des pièces byzantines
de Philippe de Macédoine , KcovGTavTcyata $cX«nrou toû Ma-
xcJciyo;. Ne rions pas trop, du reste, de sa naïve erreur;
DOS journaux quotidiens sont de la même force lorsqu'ils
enregistrent des découvertes numismatiques.
La présence d'un grand nombre de monnaies d'argent
de Philippe le Bel dans la trouvaille d'Eleusis est un fait
important. C'est en effet par ce roi que Thibault de Cépoy,
amiral de France , fut envoyé à la cour de Gui II de la
Roche, duc d'Athènes, pour y traiter les intérêts de Charles
de Valois, empereur de Constantinopic, qui désirait sub-
IT hISSKRTATIONS. W
stituer une possession réelle à sa possession nominale de
Fempire. Le spirituel chroniqueur catalan Ranion Muntaner
raconte en détail les incidents de la mission de l'amiral
français. Il resta plus d'un an à la cour brillante des sei-
gneurs bourguignons qui régnaient alors sur la ville de
Thésée, et nous savons par ses comptes, conservés aux
Archives dans les registres de l'ancienne Chambre des
Comptes S qu'il y fit de très-fortes dépenses. Son séjour
dut donc répandre dans le duché d'Athènes beaucoup de
monnaies du roi de France semblables à celles qui ont été
découvertes à Eleusis.
Sicile.
Frédéric t^ d*Aragot}.
100 grandes pièces d'argent au type de l'aigle. 11 n'y en a
plus que deux parmi les monnaies possédées par le médecin
de Lepsina.
Les monnaies du premier roi aragonais de la Sicile
durent être introduites dans le duché d'Athènes par la
Grande Compagnie catalane, qui vint en effet de Sicile en
Grèce sous le règne de ce prince. On sait que les aventu-
riers catalans conquirent Athènes en 1310, après avoir tué
dans une bataille le duc Gautier de Brienne. Nous établirons
plus loin que ce fut lors de cette invasion que dut être
enfoui le trésor d'Eleusis. Mais nous apprenons par la
chronique de Ramon Muntaner qu'une portion de la Grande
Compagnie catalane était venue quelques années aupara-
1 Des extraits considérables en ont été publiés par Buchon, à la p. 467
de ^on édition à deux colonnes de liamon Muntaner.
AO MÉMOIRES
vant à Athèues, eu se mettant au service du duc Gui II de
la Roche. Ce dut être alors qu'ils firent entrer dans la cir-
culation des monnaies de leur roi, qu'ils avaient sans doute
apportées avec eux de la Sicile.
Pr1N€£S croisés.
Les deniers et oboles des princes et seigneurs français
de la Grèce étaient au nombre de 800 dans le trésor
d'Eleusis. N'ayant pu examiner qu'une moitié de ce trésor,
je ne saurais dire d'une manière exacte quelle était la
proportion de chaque espèce de monnaies sur la masse
totale. Je me bornerai donc à décrire les diverses variétés
que j'ai pu relever parmi les pièces demeurées entre les
mains du médecin d'Eleusis.
Principauté d'Aghaïe.
Guillaume de Yillehardouin.
1. G.PRING€Pco. Croixpattée.
1^ CLARGNTIA. Chastel des deniers tournois de saint
Louis. — Billon. Denier. (F. de Saulcy, Numismatique des
croisades, pi. XIV, n" 8 et 9. )
2. +G.PRINGe.ACh. Croix.
^ CLAReNTIA. Chastel.— Billon. Denier. (F. de Saulcy,
Numismatique des croisades, pi. XIV, n" 13-16.)
Charles d* Anjou.
+ K.R.PRlNC.ACh. Croix.
^ CLARENTIA. Chastel.— Billon. Denier. (F. de Saulcy,
pL XIV, n" 18-20.)
F.T UISSEBTATIONS. AI
Florent de Hainaut.
+ K.R.FLOR€NS.P.ACh. Croix.
]$ DeCLARCNCIA. Ghastel. — Billon. Denier. (F. de
Saulcy, pi. XV, n' i.)
Philippe de Savoie.
+ PhS D. SAB. P. AGh€. Croix.
â De CLAReNCIA. Chastel, surmonté d'une étoile.—
Billon. Denier. (F. de Saulcy, pi. XV, n"6-8.)
Gui de la Roche.
+ GVI DVX ATeNeS. Croix.
R D€ CLAReNTIA. Chastel. — Billon. Denier. (F. de
Saulcy, pi. XVII, n* 18.)
Philippe de Tarenle.
+ PhS. P.ACh:TAR. Croix.
v^ De CLARCNCIA. Chastel. — Billon. Denier. ( F. de
Saulcy, pi. X, nMO.)
Duché d'Athènes.
Gui 1".
GVI. DVX. ATENES. Croix.
RlThEBANI CIVES. Chastel. — Billon. Denier. (F. de
Saulcy, pi. XV, 11-5.)
a ui.uoir.Ls
(Juillaume.
1. + G. DVX AT€N€S. Croix.
RTfBAM CIVIS. Chastel. — Billon. Deoier. ^F. de
Saulcy, pi. XVH, n* 6. )
2. + : G. DVX. AT€N€S. Croix.
k Th€Be CIVIS: Chastel. — Biilon. Denier. {F. de
Saulcy, pi. XVII, n'8. ).
3. -f- G. DVX AT€MS. Croix.
k TheBe. CIVIS. Chastel. — Biilon. Denier. (F. de
Saulcy, pi. XVII, n'9.)
Gui II.
+ GVI.DVX.AT€NtS. Croix.
il Th€BANI CIVIS. Chastel. — Biilon. Denier. (F. de
Saulcy, pi. XVII, n" 16, 17 et 19. )
Gautier de Brienne.
+ VACTGR. D€. B. Dans le champ un S.
iv TeBA. CIVIS. Croix.— Biilon. Obole. (F. de Saulcy,
pl. XVI, n» 16, )
Dans les pièces que nous avons examinées, il n'y avait
(ju'un seul exemplaire de cette rare monnaie. Encore
n'était-il pas entre les mains du médecin , mais dans celles
d'un paysan du village.
Despotat d'Kpire.
Mainfroi.
-t-MAYNFRIDVS.R.SlClLie. Aigle éployée.
ii 6TD0M1NVS ROMANIG. Croix pattée, ornée de trois
F/J DISSJ-IITATIONS. 43
globules à chacune des extrémités de ses branches et eau-
tonnée de quatre étoiles. — Cuivre. (F. de Saulcy,pl. XVIII,
«« h. )
C'est la seule pièce de cuivre que renfermât le trésor,
objet de notre étude.
Levante.
Philippe de Tarente.
1. +PhS. P.TAR.DeSP. Croix.
ùNePANTI GIMS. Chastel. — Billon. Denier. (F. de
Saulcy, pi. \V, n»ll.)
2. + PhS. P. TAR. DGSP.A. Croix.
id NePANTI. CIVIS. Chastel. —Billon. Denier. (Variété
inédite, )
La présence de ces pièces dans le trésor d*Éleusis, dont
l'enfouissement, comme nous le ferons voir plus loin, ne
peut être postérieur à l'année 1310, prouve qu'elles ont
été frappées pendant la première époque du pouvoir de
Philippe de Tarente en Orient. Il était alors marié avec
Ithamar, sœur de .Thomas l'Ange Coranène, despote d'Épire
et d'Étolie. « Le despot , dit le Livre de la ConqueHe \ dona
« lors ou prince Philippe , pour le mariage de sa fille,
« quatre chastiaux des meillors de son pays, c'est assa-
avoir : le rèal chastel de Nepant*, de Blecola', Gello-
ct Castro *, et la Bondonice *, qui est sur mer, avec toutes
« p. 322 et 8UÎV. de Tédition de Buchon,— Cf. Pachymer., t. II, p. 202,
éd. de Paris.
* Lépante.
* Vrachoii.
* Angelocastron.
^ Vonitza.
A A MÉMOIRES
« leurs appaiienances. Et affermèrent leurs convenances
(( ainsi : que se Thomas, le fils du despot, nioroit, que li
a princes de Tharante fust sire et despot de toute la des-
« potée ; et se Thomas vivoit après le despot son père, et
« venoit en parfait eage que il fust sires et despot, que il
tt tenist son pays dou prince, et que li princes eust le chastel
« de saint Donat * , ou toute la Vagenetie ' et apparte-
« nances. » La légende de la variété nouvelle que nous
avons enregistrée sous le n** 2, semble indiquer que Philippe
de Tarente avait pris alors le titre de « despote d'Acar-
nanie, » nom antique qui n'était pas entièrement tombé en
désuétude au commencement du xiv« siècle, puisqu'on le
trouve plusieurs fois dans les auteurs byzantins de cette
époque.
Le mariage de Philippe et d'Ithamar ayant eu lieu en
1294 ', rémission de ces deniers dut commencer dès lors
et se continuer jusqu'en 1310. Quant aux deniers du même
prince frappés à Clarentza, M. de Saulcy * a très-bien établi
la distinction de leurs deux époques. Ceux à la simple lé-
gende PhS P.ACh.TAR. datent de la première possession
.de la principauté d'Achaïe par Philippe de Tarente, de
1308 à 1310; ceux à la légende PhS.P.AGh.TAR.D.R.
datent de la seconde possession, de 1324 à 1332. Sur
ces derniers, en effet, le titre de Despotes Romanie in-
dique les prétentions de Philippe à la couronne impé-
riale de Gonstantinople , prétentions qui lui venaient de
son second mariage, en 1312, avec Catherine de Valois,
^ Localité que mentionne aussi Jean Cantacnzène (c. I, p. 510, éd. de Paris).
* Vagenetia.
• Voy. Buchou, Nouvtllet recherches sur la princijiauté de Morée^ t. I, part. I,
p. 321.
^ Numismatique d€t Croiiadett p. 147.
El DISSKHTATJONS. ^5
héritière des Courtenai et de leurs droits à l*empire par sa
mère, Catherine de Courtenai, femme de Charles de Valois.
Les conclusions du docte académicien sont pleinement con-
firmées par la trouvaille d'Eleusis, où la première pièce
existe seule.
Méopatras.
Jean VAnge Comnène.
+ ANGELVSSAB. C. Croix.
^ DELLA PATRA. Chastel. — Billon. Denier. (F. de
Saulcy,pl. XVIIl,n«2.)
Il n'est peut-être pas une seule monnaie latine frappée
dans les contrées de la Grèce qui ait donné lieu à plus de
divergences pour son attribution.
M. de San-Quintino * suppose que le prince qui a frappé
ce denier n'est autre que celui que l'empereur Jean Canta-
cuzène envoya pour gouverner la Thessalie, lorsque cette
province eut été reprise aux Catalans, qui s'en étaient
emparés après la bataille dans laquelle Gautier de Brienne,
duc d'Athènes, perdit la vie. A cette époque la Valachie
Thessalienne ou Blaquie (l'ancienne Phthiotide) reçut le
nom de duché de Néopatras, et les Catalans en firent hom-
mage aux rois aragonais de Sicile. Ils restèrent maîtres
de ce pays pendant une trentaine d'années, après lesquelles
ils se virent contraints de l'abandonner. La Thessalie ren-
tra sous la domination impériale , et Jean Cantacuzène en
confia le gouvernement, en 1342, à son cousin et serviteur
fidèle Jean l'Ange. C'est celui-ci que M. de San-Quintino
reconnaissait dans Y Angélus de la légende du droit, en dé-
* Ltzioni inlorno ad argomenti numiamaUci^ p. 26.
4(5 MKMOIKES
clarant inexplicables les mots abrégés SAB. C. qui la ter-
minent.
Bucbon \ expliquant ces abréviations par Sabaudie Co-
rnes^ les attribuait à Âimon, comte de Savoie. ccAimoD^
« (lit-il, épousa, en 1330, Yolande, fille de Théodore Ange
« Comnène Paléologue, marquis de Mont ferrât, du droit de
(I sa mère qui éîait de cette maison, et second fils de l'em-
« pereur Andronic. Le droit de dévolution, en absence de
« mâles de la branche Paléologue , fut accordé aux mâles
« de la maison de Savoie, et ce fut sans doute pour con-
a stater ce droit qu Aimon adopta sur cette monnaie grecque
« un des noms de famille de sa femme, Àngelus. » Restait
à expliquer comment Aimon de Savoie avait pu frapper
monnaie à Néopatras, ville qu'il ne posséda jamais. C'est
ce que n'a pas fait Buchon.
M. de Saulcy ' a rejeté les deux attributions de M. de
San-Quintino et de Buchon, à cause du style du denier qui
indique une date antérieure. Et la critique du savant acadé-
micien est confirmée par la trouvaille d'Eleusis. Mais, lisant
à son tour Sabaudie Cornes^ M. de Saulcy ne parvenait à pro-^
|)oser aucune attribution à la place de celles qu'il rejetait.
Pour nous, nous repoussons absolument cette lecture et
nous proposons pour la pièce en question un nouveau clas-
sement, sur lequel nous ne conservons plus de doutes de-
puis qu'à notre dernier voyage à Athènes nous avons vu
que nous nous étions complètement rencontré sur ce point,
avec M. Paul Lambros, si expert en matière de numisma-
tique des Princes croisés.
Nous remarquons d'abord que le denier litigieux n'a pas
* Alla* des nouveîles recherches sur la principauté de Jfore'e, texte relatif nu
n» 5 de la planche XXXIX.
' Numiitmatique des Croisadu^ p. 165 et suif.
ET DISSEUTATIONS. ^7
été battu, comme le croyait M. de San-Quintino, dans une
localité du nom de Lapater, laquelle n'a jamais existé \
mais bien certainement à Néopairas (Tancienne Hypate),
aujourd'hui appelée Patradjik , qui dans le Livre de la
conqueste est toujours désignée par le nom de « la Pâtre. »>
DELLA PATRA indique Tatelier monétaire de Néopatras,
exactement de la même manière que la légende DELLA
SOLA indique Tatelier de Salona dans la Phocide , sur les
deniers encore inédits des comtes de cette ville, que ren-
ferme l'admirable collection de M. Lambros. On sait qu'une
variante des deniers à la légende ANGELVS.SAB.C. ( F. de
Saulcy, pi. XVIII, n" 1) porte au revers le mot Latin
NEOPATRIE.
Ceci étant, nous attribuons ces pièces au prince même
qui « ferma le bel chastel de la Pâtre , qui est au chief de
la Blaquie % » prince désigné dans le Livre de la conquesie
sous le nom de « li Angele de la Pâtre '. » Cette désignation
correspond exactement à V Angélus,., délia Patra de nos
monnaies. Tous ceux qui se sont occupés de l'histoire des
croisés en Grèce savent que la chronique française de Morée
appelle ainsi Jean l'Ange Comnène, fils bâtard de Michel,
despote d'Épire, lequel se révolta contre son frère Nîcé-
phore, avec l'appui de l'empereur Michel Paléologue, et se
fit une souveraineté d'une part de l'héritage paternel dans
la Thessalie ou Blaquie. Jean l'Ange avait marié sa fille
Hélène à Guillaume de la Roche, duc d'Athènes % et lors-
' La mention que M. de San-Quintino avait cru en trouver dans V Histoire
de l'empire de Conttanlinopie tous la domination française de Du Cange, eet le
résultat d'une faute d'impression pour La Patro (Néopatras).
* Litre de la conqueste, p. 98 d** l'édilion de Buclion.
* P. 405 et suiv.
* Livre de la conqueste, p. 267 et 406.
Â8 MÉ]tfOIRES
qu'il mourut il laissa la tutelle de son fils mineur, Nice-
phore, au duc Gui II , fils de son gendre Guillaume \ Ces
relations étroites avec les seigneurs francs expliquent com-
ment il fit frapper à leur imitation des deniers tournois à
légendes latines.
Dans l'attribution que nous proposons, nous lisons la
légende énigmatique du droit : ANGELVS SKBastocrator
Cotnnenus. Jean FAnge Gomnëne avait en effet reçu de
l'empereur ^MicheP, lorsqu'il se déclara indépendant, le
titre de seboftocrator. On lit à se sujet dans le Livre de la
conqueste*. aQuir Michailli Paleologo Tempereorle recueilli
(f moult liement, et lui fist grant bonour, et lui donna une
(f office , et le fist appeler sevastocratora. » De même dans
la Chronique grecque de Morée ' :
£e6aaT0xpdTopa t6v Imr^xev ÔXtiç tti; Pov}Mcv(ac.
Revenant une autre fois sur ce prince, le Livre de la
conquesie l'appelle «li sevastocratora, li frère bastard
Cl dou despot de l'Arte ^. » 11 est vrai que la forme sabasto-
crator pour sebaslocrator ne s'est pas encore rencontrée ;
mais elle est dans la nature des altérations que l'on faisait
alors subir aux mots grecs pour les transcrire en latin , et
elle n'a rien d'assez extraordinaire pour pouvoir nous
arrêter
Les époques auxquelles ont été frappées les différentes
* Livre de la conqwsît, p. 407, 408 et 422.
* P. 99.
» V. 1780.
* P. 267.
KT DISSERTATIONS. 40
monnaies de la trouvaille d*Éleusis s'échelonnent chrono-
logiquement de la manière suivante :
Gui I" de la Koche 1224—1264
Guillaume de Villehardouin 1246—1277
Mainfroi 1258—1266
Guillaume de la lloche 1276—1285
Charles d'Anjou 1278—1285
Jean l'Ange Gomnène 1278—1301 >
Gui II de la Roche 1285—1308
Philippe le Bel 1285—1307 «
Florent de Hainaut. 1291—1297
Philippe de Tarente 1294—1310
Frédéric I'' d'Aragon 1296- (1331) ^
Philippe de Savoie 1301—1304
Gautier de Brienne 1308—1310
Tout s'arrête, on le voit, à 1310.
Si nous examinons maintenant l'état de conservation des
pièces, nous y voyons que :
Les pièces de Gui I" de la Roche, Guillaume de Villehar-
douin et Mainfroi, sont presque effacées par le frai;
Les deniers de Guillaume de la Roche, Charles d'Anjou
et Jean l'Ange Gomnène sont moins usés, mais encore d'une
conservation médiocre;
Les deniers de Gui II de la Roche sont en partie usés
par une circulation prolongée, en partie d'une bonne con-
servation ;
' Nous avons marqué comme première date possible de rémission des de •
nîers latins du despote de Néopatras Tëpoque du mariage de sa fille avec
Guillaume de la Roche.
* La limite que nous assignons à la fabrication des monnaies de Philippe
le Bel trouvées à Eleusis est celle de l'ambassade de Thibault de Cépoy.
* Frédéric I*' ne mourut qu'en 1331, mais les monnaies de ce prince qui
faisaient partie du trésor d'Eleusis avaient dû être frappée:* en Sicile avant le
départ de la Grande Compagnie catalano, en 1305.
19«4-1. 4
50 MÉMOIRES
Le gros tournois de Philippe le Bel, les pièces de Frédéric
d'Aragon, ainsi que les deniers de Florent de Hainaut, de
Philippe de Tarente et de Philippe de Savoie sont encore
d'une grande fraîcheur ;
L'obole de Gautier de Brienne est à fleur de coin ; elle
venait évidemment d'être frappée lorsqu'à eu lieu l'enfouis-
sement.
A l'aide de ces données, nous pouvons déterminer avec
certitude la date et la circonstance historique dans les-
quelles furent cachées en terre les 1,076 monnaies du
moyen âge composant le trésor découvert à Eleusis. L'an-
née 1310 marque en effet une date décisive dans l'his-
toire du duché d'Athènes, celle de la fin du pouvoir des
seigneurs d'origine française.
Gautier de Brienne venait d'arriver de son comté de
Lecce, dans le royaume de Naples, pour prendre possession
du duché qui lui était échu en héritage de Gui II de la
Roche. La Grande Compagnie catalane, conduite par Roger
de Flor au secours de l'empereur Andronic, avait perdu
son chef, s'était déclarée en guerre avec l'empereur et tout
l'empire, avait dévasté les campagnes qui entourent Galli-
poli, et s'était mise en route par la vallée de Tempe et la
Thessalie pour aller chercher un établissement dans des
provinces moins épuisées ou plus disposées à l'accueillir.
Elle s'approchait de la Béotie et de TAttique, domaines de
Gautier. Celui-ci, qui redoutait leur indiscipline, refusa
Don-seulement.de les prendre à son service, mais même
de leur livrer passage , et se porta à leur rencontre sur les
bords du lac Copaîs, près d'Orchomène, à la tète de ses
chevaliers. De même qu'à Crécy, à Poitiers, à Azincourt,
la bravoure imprudente des chevaliers français entraîna
leur perte. Les archers catalans, qui les attendaient sur le
ET DISSERTATIONS. f) l
terrain humide où ils s'étaient témérairement engagés, les
accablèrent de leurs flèches sans qu'ils pussent avancer \
Gautier de Brienne périt dans la bataille avec sept cents che-
valiers, c'est-à-dire presque tous les barons de son duché *,
et la Grande Compagnie catalane devint maltresse du
territoire dépendant d'Athènes, qui resta entre ses mains
pendant quatre-vingts ans.
La crainte causée par l'arrivée de ces envahisseurs ra-
paces, qui se conduisaient partout en véritables barbares,
fut évidemment la cause qui fit enterrer par un habitant
d'Eleusis, peut-être par la famille du châtelain, la somme,
considérable pour l'époque, que le soc de la charrue d'un
cultivateur a rendu cinq cent cinquante-deux ans après à
la lumière, en brisant le vase qui la renfermait.
Nous attribuons à la même époque et à la même circon-
stance l'enfouissement d'un autre trésor d'environ 400 de-
niers des Princes croisés de la Grèce, découvert il y a
quelques années par M. Scarlatos Soutzos dans sa propriété
de Tatoy (l'antique Décélie ) '. En effet, dans cette dernière
découverte, les monnaies des princes d'Achaïe s'arrêtaient à
Philippe de Tarente, et celles des ducs d'Athènes à Gui II
de la Roche, mort deux ans avant la bataille d'Orchomène.
Nous terminerons en invitant les antiquaires de la Grèce,
et surtout M. Paul Lambros, si bien placé et si compétent
' Voy., BOX la découverte d'armes provenant de cette bataille, faite en 1840
à l'hôpital militaire de Chalcis , Bnchon , La Grèce continentale et la Morée^
p. 134-146.
* Ramon Mnntaner, chap. 240.
* Décélie avait gardé nne certaine importance aux xui" et xit* Biècles.
Cette localité est mentionnée , sous le nom de Ducheleos , parmi les villages
dont la seigpieurie avait été donnée à l'archevêque latin d'Athènes, dans une
bulle d'Innocent III en date de 1208. — Bullar. magn,, t. III , p. 132. — Ba-
luze, Epiit, Innocent ill, t. II, p. 267.
5*2 Mf:MOIRLS
pour dos recherches de ce genre, à ne pas so borner à re-
cneillir isolément les variétés nouvelles des monnaies des
seigneurs francs de leur pays, mais à y ajouter des notices
précises et détaillées sur tous les trésors des monnaies du
moyen âge, que des circonstances fortuites feront décou-
vrir dans le royaume hellénique. L'exemple du trésor
d'Eleusis montre, croyons-nous, l'intérêt très-considérable
que peut présenter l'analyse exacte et soigneuse d'une
trouvaille de cette nature, lors même qu'elle ne contiendrait
que des pièces déjà connues.
François Lf.normant.
n niNSKUlATIONS.
MONNAIE BILINGUE DE TANGER.
11 est souvent bien difficile d'expliquer une monnaie
lorsqu'on n'en connaît qu'un seul exemplaire. Aussi ne
saurions-nous trop engager les administrateurs de collec-
tions publiques à rechercher, à défaut de pièces eu état
parfait de conservation, les monnaies dont les légendes,
dont les types se complètent les uns par les autres.
Voici un exemple à l'appui de ce principe, après mille
autres qu'on pourrait citer.
M. le commandant Carpentin avait eu l'obligeance dé
m'envoyer de Marseille le dessin fait avec beaucoup de
talent par M. Laugier d'une monnaie de cuivre sur laquelle
on lit très-facilement une légende arabe tracée en trois
lignes : Au nom de Dieu^fels (monnaie de cuivre) frappé
à Tanger.
Au droit, nous voyons une tête grossièrement gravée,
autour de laquelle une légende en caractères latins se
trouve interrompue vers le centre; et cette intcmiption
rend tout à fait incertain le sens '[ue Ton pourrait propo-
5Â Ai^:.MOjni:s
ser pour ce qui subsiste. Avec ce seul exemplaire, toute
explication serait véritablement imprudente.
D'un autre côté, M. le marquis de Lagoy m'avait donné,
il y a une vingtaine d'années, l'empreinte d'une pièce à
peu près semblable qui offrait aussi une légende tronquée
par suite d'un ressaut des coins, et que je n'aurais pas osé
publier.
Je place ici l'une au-dessous de l'autre les légendes des
deux monnaies, en commençant par celle de la pièce de
Marseille, qui, depuis la communication de M. Carpentin,
est entrée dans la collection de la Bibliothèque impériale.
DNe D2 qVl L..I 2IMILI2
2 qvi TIBI 2IM1LI
11 eu résulte que la légende complète doit se lire :
DNE DS QVI TIBI SIMILIS, c'est-à-dire :
Domine Deus, quis tibi similis!
Qui pour quis est une faute évidente qui se comprend
de la part d'Africains du viir siècle; car ces monnaies, de
style encore tout antique, ont été certainement fabriquées
au moment de la conquête du Magreb el acsa (ou occident
le plus reculé) par les Arabes.
Ce qui paraît d'abord plus difficile à expliquer qu'une
faute de latin , c'est la présence simultanée d'une légende
arabe et d'une formule biblique.
Qui ne connaît le cantique d'actions de grâce chanté par
Moïse et les enfants d'Israël lorsqu'ils venaient d'échapper
aux troupes du Pharaon, Quis similis lui in fortibus Do-
mine? {Exod., XV, 11.)
Parmi les dernières paroles de Moïse à Aser, on trouve :
Uratus es tu Israël : quis similis lui populo^ peu après ce
KT OISSERTATJONS. 55
passage : Non est Deus alius ut Deus reclissimi [Deuter.^
XXXlll, 26, 29) que Mahomet a imité.
Dans la prière de la dédicace du temple, Salomon s'écrie :
Domine , Deus Israël , non est similis lui Deus in cœlo
(III Reg., VIII, 23. — 11 Para/., VI, A).
David aussi avait dit : Domine non est similis lui^ et non
est alius Deus absque te ( I ParaL^ XVII, 20).
Jérémie répète à son tour : iVon est similis lui Domine
(X, 6), et Michée, reprenant le mouvement adopté par
Moïse, dit : Quis Deus similis fut? (VIII, 18).
Mais c'est surtout dans les psaumes que nous rencontrons
le plus souvent la formule interrogative.
Domine^ quis similis tibi (XXXIV, 10).
Deus, quis similis tibi (LXX, 19).
Deus, quis similis erit tibi (LXXXII, 2).
Domine Deus virtutum , quis similis (t6t (LXXXVIII, 9).
Au revers des deux exemplaires de la monnaie que nous
décrivons, on voit, au-dessus de la légende arabe, l'étoile
à cinq pointes connue des Orientaux sous le nom de sceau
de Salomon. C'est un symbole qui était commun aux juifs,
aux chrétiens et aux musulmans, en sorte que sa présence
ne peut en aucune façon nous servir à déterminer à quelle
religion appartenaient les auteurs de nos pièces de cuivre.
Mahomet, dans le GXII' chapitre du Coran ou 5oura/e du
Salut, a bien dit : Dieu est unique, Dieu est éternel...,, il na
pas de pair; mais, dans ce passage capital comme dans les
autres que je puis me rappeler, on ne trouve pas la forme
interrogative : Quis similis tibi?
Elle ne se rencontre pas davantage dans les Évangiles ;
ce n'est donc pas sans raisons que j'ai attribué une origine
biblique à la légende des monnaies de Tanger.
56
MÙIOIUES
Cet empruDt à la Bible doit être rapproché d'un fait ana-
logue qui ressort de Texamen de trois inscriptions antiques
recueillies à Sétif par feu M. le commandant Delamare,
membre de la Société des antiquaires de France.
Ces trois inscriptions sont ainsi conçues :
EXVRGE
DOMINE
DEVS EX
ALTETVR
MANVS TVA
RESPIGE
ET EXAVDI
ME DOMINE
DEVS ME
VS
ET NON IV
CVNDASTI
INIMICOS
MEOS SVP
ERME
(]e qui donne :
Exarge Domine Deus^ exallelur îiianus lua (Psaume X,
12).
Respice et exaudi me^ Domine Deus meus (Ps. XIII
[lat. XII], 4).
El non jucundasU inimicos w.os super me ( Ps. XXX
[lat. XXIX],2).
M. de Clarac, en publiant ces textes, a dit : «On peut
réunir ces trois inscriptions en une seule. Ce sont des invo-
cations adressées à Dieu par un chrétien \ » Mais notre sa-
vant prédécesseur ne paraît pas avoir reconnu Torigine
biblique de ces versets.
M. de Clarac pensait que les trois inscriptions de Sétif
appartiennent au m" siècle; elles seraient donc, si cette
conjecture était fondée, plus vieilles d'un siècle que la
Vulgate. On pourrait, pour soutenir cette thèse, s'ap-
puyer sur la variante el non jucundasti qui se lit sur la
1 Muaée de sculpture anlique et moderne^ t. Il, iUll, p. 1324, et pi. LXXXIX,
11- 142, 142 A, 142 B.
LT DISSERTA no.NS. 57
troisième pierre au lieu du nec delectasli que dous lisons
dans nos éditions de la Vulgate. Cependant le caractère
des inscriptions qui sont conservées au Musée du Louvre,
quoique encore assez beau , ne me parait pas antérieur au
siècle de saint Jérôme.
Ce que d'ailleurs il importe de constater ici, c'est l'emploi
de phrases bibliques dans les monuments publics de la
Mauritanie Sitifienne à une époque fort ancienne et certai-
nement antérieure à l'émission des monnaies de Tanger.
Lorsque les conquérants arabes parvinrent à l'extrémité
occidentale de l'Afrique, la Tingitane chrétienne apparte-
nait aux Wisigoths.
Le célèbre Mousa ben Nocéir, ouali d'Afrique pour le
khalife Oualid, fils d'Abdelmalek, s'empara de Tanger, de
Tétouan ; mais il ne put vaincre la résistance de Ceuta, où
commandait le comte Julien, qui bientôt après cependant
devint son allié.
La garnison de Tanger se composait en grande partie de
cavaliers berbères, qui n'étaient pas tous musulmans. Aux
Sabéens qui existaient encore parmi eux, pouvait convenir
le type de l'étoile que nous remarquons sur nos monnaies
de cuivre.
La formule au nom de Dieu qui se lit en tête de la lé-
gende arabe, au-dessous de l'étoile, est très-fréquemment
employée par les musulmans ; elle se trouve au commen-
cement de tous les chapitres du Coran, sur les monnaies
des khalifes d'Orient et d'Occident. Mais ce symbole pa-
raît dans les légendes monétaires des cinq derniers rois
wisigoths (673-713), du règne de Wamba à celui de Ro-
deric, si je ne me trompe: la formule au nom de Dieu
existait donc sur la monnaie des chrétiens du Magreb lors-
que les musulmans devinrent maîtres de cette contrée.
ÔH MLMOIBLS
On doit se le rappeler aussi, les généraux arabes qui
s'emparèrent des villes d'Espagne en confiaient parfois la
garde aux juifs qui paraissent avoir embrassé avec un cer-
tain empressement le parti des vainqueurs. On peut rap-
procher de ce fait, attesté par les historiens, l'existence
d'une monnaie d'or de la collection de Don Antonio Delgado,
pièce du module héraclien adopté par les premiers conqué-
rants arabes de l'Afrique et de l'Espagne, et sur laquelle se
voit au centre d'une légende latine circulaire , une ligne de
lettres hébraïques.
C'est qu'il entrait dans la politique des Arabes, d'abord
relativement peu nombreux au milieu des populations chré-
tiennes, juives et berbères, de ménager les croyances de
chacun. Il parait donc probable que les monnaies bilingues
de Tanger portant un type romain, avec une légende latine
biblique de nature un peu vague et propre à satisfaire
toutes les croyances, auront été fabriquées, soit sous le
gouvernement de Tharek ben Zéiad , soit sous le gouverne-
ment de Mérouan, fils de Mousa ben Nocéir, qui lui succéda
lorsqu'il partit pour l'Espagne.
Adrien de Longpérier.
ET l)i!>5£KTÂT10NS. 50
NUMISMATIQUE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE.
PIÈCES TARACTIQCES.
(PI. II et m.)
Parmi les monnaies et médailles américaines que j'ai
rapportées des États-Unis et dont j'ai offert une collection
à la Bibliothèque impériale de Paris, on remarque certaines
pièces fort singulières qui , tout en représentant le module
et le poids des cents (ou centièmes de dollar) ^ nous mon-
trent des types très-différents de ceux qu'on peut s'attendre
à trouver sur des monnaies légales.
Je veux parler des pièces taracliques (TtxpaxTcxoç, (ur6u-
lentus) , dont j'ai réuni le dessin dans les planches II et III.
Plusieurs de ces monnaies satiriques se rencontrent dans
les collections des numismatîstes d'Europe qui cherchent
en vain à les expliquer. Les détails que nous allons fournir
leur seront sans doute agréables. Ils serviront d'ailleurs
de réponse à des questions qui nous ont été souvent adres*
On sait qu'en Angleterre , vers la fin du dernier siècle,
des négociants, pour obvier à la pénurie des monnaies de
cuivre, émirent sous le nom de token (bon) des penni/et
des half-penny portant des types très-variés. En France,
les frères Monneron imitèrent cet exemple ; mais les belles
r>0 MKMOlKbS
pièces qu'ils fabriquèreul portent des types sérieux et dont
rexplication ne soulève aucune difficulté.
Dans TAuiérique du Nord, malgré la prescription de l'ar-
licle 10 de la constitution, qui interdit d'une manière
absolue le monnayage de pièces d!or et d'argent en dehora
de Faction du gouvernement fédéral , le cuivre n'étant pas
mentionné, des particuliers, prenant la loi à la lettre , ont,
à diverses reprises, frappé des pièces de ce dernier métal,
principalement à Tépoque de la crise financière résultant
de la suppression par le président André Jackson (1829-
18S(5) de la Banque des États-Unis en 183A Pendant cette
crise, qui dura de 183& à 18Â1, c'est-à-dire pendant la
seconde présidence de Jackson et pendant celle de Martin
Van Buren, son successeur (1837-1840), la pénurie moné-
taire était telle, que les transactions commerciales s'opé-
raient par voie d'échange des produits industriels. Des
particuliers émirent un papier-monnaie qui reçut plus tard
par dérision le nom de shin plasler (papier chimique pour
les maux de jambes), et il fut frappé et lancé dans la circu-
lation un certain nombre de pièces taraciiques dont les
figures, les légendes, les devises, d'une sanglante ironie,
exprimaient les sentiments qu'avait suscités la grave mesure
prise par Jackson.
Fabriquées un peu partout, surtout dans la manufacture
de boutons de Waterburg (État de Connecticut ) , elles équi-
valaient nominalement à un cent; mais elles étaient vendues
par le fabricant au taux de 100 pièces pour 00 cents. La
collection offerte à la Bibliothèque impériale comprend
10 variétés de ces monnaies taractiques que nous allons
décrire.
Le surnom tiré du grec et presque pédant qui a été donné
à ces pièces de circonstance n'est pas de notre invention.
Kl DISSEUTATIO.NS. 61
Kii Amérique, comme en Allemagne et en Angleterre, les
termes techniques d'une forme un peu bizarre sont facile-
ment acceptés.
Présidence de Jackson.
N° 1. Jackson dans un coffre-fort, tenant une bourse
d'une main et une épée de l'autre. Légende : I TARE
THK RESPONSIBILITY (J'assume la responsabililé).
H Un âne sur le flanc duquel on lit LL.D. (Docteur en
droit). Au-dessous le mot VETO; au-dessus, ROMAN
FIRMNESS (Fermeté romaine). Légende : THE CONSTI-
TUTION, et à l'exergue, AS I UNDERSTAND IT (La consti-
tution comme je la comprends). — Module, 28 millimi^tres,
cuivre. (PL II,nM.)
L'un des principaux «ictes de Tadministration de Jackson
(septième président, élu en 4829, réélu en 1833) fut d'ap-
poser son vélo au bill passé par le congrès, en 1832, pour
le renouvellement de la concession de la Banque des États-
Unis ; et ce bill n'ayant pas reçu les votes des deux tiers
des membres des doux chambres, l'expiration du privilège
eut lieu forcément en 1836. De plus, dans son message
annuel (décembre 1832), le président recommanda le re-
trait, de la Banque, des fonds publics qui y étaient légale-
ment déposés. Par un vote décisif, le congrès refusa d'au-
toriser ce retrait ; et Jackson, sous sa propre responsabilité,
ordonna au ministre des finances de prendre tous les dépôts
et de les placer dans les Banques de certains États.
Ces actes, ainsi que quelques autres dénotant une hOvSli-
lité systématique contre la Banque, eurent pour résultat
une véritable panique financière et, par suite, une grande
détresse commerciale. Tout le pays s'en émut, et ceux qui,
62 MÉMOIRES
jusque-là, avaient cru devoir appuyer la politique inté-
rieure du président, se rangèrent, en grande psutie, dans
l'opposition.
Dans le sénat, Clay, Webster etJCalhoun, firent adopter
(26 voix contre 20) un vote de censure, lequel toutefois
fut rayé du journal du sénat, le 28 mars 1837, sur la mo-
tion de Benton.
Jackson était doué d'une volonté inébranlable^ et porta
au pouvoir les passions de l'homme de parti, en même
temps qu'une certaine dose d'immoralité et de mépris pour
la légalité.
Van Buren, vice-président des États-Unis, successeur de
Jackson et son aller ego^ participa, dans une grande me-
sure, aux réformes financières. Deux mois après son instal-
lation, les faillites, dans la seule ville de New-York, avaient
atteint une somme de 100 millions de dollars (500 millions
de francs) • Presque toute la durée de son mandat fut con-
sacrée à combattre cette crise terrible, et à créer, au moyen
d'actes législatifs, une circulation monétaire. On lui doit
l'établissement d'un Trésor indépendant {sub Dreasury)
pour la garde des fonds publics, mesure très-critiquée
tout d'abord, mais fort appréciée dans la suite. Malgré ces
louables efforts pour conjurer la crise financière, c'est à
son administration qu'elle fut en partie attribuée.
Ces observations expliquent suffisamment la portée et le
sens des caricatures empreintes sur les monnaies tarac-
tiques.
N* 2. Jackson debout, tenant une bourse percée d'où
s'échappent des pièces de monnaie. Légende : A PLAIN
SYSTEM VOID OF POMP (Système simple et sans pompe).
^ Un âne rétif, sur les flancs duquel sont inscrites les
initiales L.L.D. (Docteur en droit); au-dessus, ROMAN
LT DISSERTATIONS. 63
FIRMNESS (Fermeté romaine). Légende : THE CONSTI-
TUTION AS I DNDERSTAND IT (La consdtulion comme je
la comprends) ; à Fexergue, 1884. — Module, 28 milli-
mètres, cuivre. (PL II, n» 2. )
Lors de la visite présidentielle du général Jackson dans
la Nouvelle-Angleterre, T Université d'Harvard (Cambridge,
Massachusetts) lui fit hommage d'un diplôme de docteur
en droit. L'ignorance de Jackson était notoire, et ses adver-
saires ne pouvaient manquer de tourner en dérision ce titre
honorifique.
Les admirateurs du président l'avaient surnommé u le
dernier des Romains» à cause de la fermeté de son carac-
tère, tandis que ses ennemis politiques alSirmaient que ce
trait principal de son caractère n'était que l'obstination de
Tâne. D'où l'âne rétif flanqué des initiales L.L.D. expli-
quées plus haut.
N* 5. Buste de Jackson en uniforme; au-dessous, MY
EXPERIMENT, MY CURRENCY, MY GLORY (Mon essai, ma
monnaie, ma gloire). Légende : MY SUBSTITDTE FOR THE
U.S. BANK (Ce que j'ai substitué à la Banque des États-
Unis).
^ Un sanglier courant; sur ses flancs, MYTHIRD HEAT
(Mon troisième coup d'essai). Au-dessus, MY VICTORY
(Ma victoire). Au-dessous, DOWN WITH THE BANK (A bas
la Banque). Légende : PERISH CREDIT, PERISH COM-
MERCE (Mort au crédit, mort au commerce). A l'exergue,
1884. —Module, 28 millimètres, cuivre. (PI. II, n« 3.)
Le triple usage de l'adjectif possessif mon essai, ma
monnaie, ma gloire, stigmatise l'orgueil et l'égoïsme de
Jackson. Les phrases a mort au commerce, mort au crédit»
sont extraites d'un discours de M. Bradesly, dont l'idée
était qu'il valait mieux voir périr le commerce et le crédit
t\H Mt.MMlRtS
(selon l'opiuiou des auti-jacksonieiis) que d* octroyer une
nouvelle charte à la Banque des États-Unis.
Le sanglier ou cochon courant personnifie non-seulement
l'entêtement, mais encore Timpureté. Les mots my ihird
beat signifient mon troisième coup d'essai ; allusion h l'ex-
pression to run a heat employée dans les courses.
Présidence de Van Buren,
N" h. Au droit, même typp qu'.nu n' 1 : Jackson dans un
coffre-fort, etc.
K L'n vaisseau désemparé portant écrit sur la lisse EXPE-
RIMENT (Essai). Légende : VAN BLREN METALLIC CVR-
RENCY (Espèces métalliques de Van Buren) ; à l'exergue,
1837. — Module, 28 millimètres, cuivre. (PL II, n» 4. )
Le vaisseau désemparé et prêt à sombrer indique l'état
fébrile du public et ses craintes sur l'avenir financier du
pays, en conséquence des expériences faites sur le Trésor
des États-Unis.
N* 6. Un àne au galop. Inscription : I FOLLOW IN THE
STEPS OF MY PREDECESSOR (Je marche sur les traces de
mon prédécesseur).
î^ Tortue portant un coffre-fort sur lequel est inscrit :
SUB TREASURER (Sous-trésorier); au-dessous, 1887.
FISCAL AGENT (Agent fiscal). EXECUTIVE FINANCIERING
(Système financier de l'exécutif). — Module, 28 millimètres,
antre. (PI. II, n- 5.)
Satire contre la fondation du Trésor indépendant.
L'animal au galop, c*est tàne qui, suivant l'expresâon
de la légende américaine, marche sur les pas du sanglier
plus ou moins domestique qui court sur la monnaie n* 8.
KT DISSERTATIONS. OÔ
La tortue symbolise la lenteur attribuée aux opérations
du sub'treasurer institué par le président Van Buren.
N** 6. Tête de femme laurée. En légende , treize étoiles
et E PLURIBCS UNUM (Tous n'en font qu un).
^ Dans une couronne de laurier, MINT DROP (Pastille
de menthe). Légende : BENTOMAN CURRENCY (Monnaie
deBenton); exergue, 1837. — Module, 28 millimètres;
cuivre. (PL II, n«6.)
Le colonel Benton , du Mississipi , célèbre homme d'État
qui occupa pendant trente ans un siège au congrès fédéral,
était un chaud partisan du système financier de Jackson
et de Van Buren, système qui, suivant ces derniers, devait
substituer dans la circulation Tor et Targent au papier.
Benton chercha à faire ressortir tous les avantages de ce
système.
Pour comprendre le sens de la légende du revers, il faut
se rappeler que mint est le nom de la menthe (plante), et
le terme qui sert à désigner un hôtel des monnaies; drop
signifie goutte et pastille. 11 s'ensuit que par mint drop on
peut entendre pastille de menthe ou goutte (parcelle) de la
monnaie. On sait que les calembours sont intraduisi-
bles.
N* 7. Un phénix. Légende : SCBSTITUTE FOR SHIN
PLASTER (Pour remplacer le [papier chimique pour les
maux de jambes]). Exergue, NOV* 1837 (novembre 1837).
^ Dans une couronne de chêne : MAY TENTH 1837 (dix
mai 1837). Légende : SPECIE PAYMENTS SUSPENDED
( Suspension des payements en espèces). — Module, 28 mil-
limètres, cuivre. (PL 111, n*7.)
Nous avons déjà dit plus haut qu'on avait comparé par
dérision le papier monnaie au papier à faire des emplâtres;
ce terme méprisant équivaut à la dénomination d' «onguent
1861. — 1. 5
6(5 lltMOiRKS
pour la brûlure,» par laquelle nous désignons les choses
inutiles ou inefficaces. Shin bone est le nom du tibia.
La monnaie de cuivre était destinée à remplacer ( subsli-
tute) le papier-monnaie tombé dans le discrédit.
N» 8. Uaigle américaine. Légende : U. S. STANDARD
WEIGHT AND VALUE (Poids et valeur de la monnaie type
des États-Unis); àTexergue, 1837.
h; Dans une couronne de laurier, IIALF CENT WORTIl
OF (Valeur d'un detni-cenl); à Texergue, PURE COPPER
(cuivre pur). Treize étoiles. — Module, 24 millimètres,
cuivre. (PI. III, n«8.)
N** 9. Vaisseau voguant à toutes voiles portant inscrit
sur la lisse: CONSTITUTION. Légende : WEBSTER CREDIT
CURRENT (Webster, monnaie de circulation ) ; àTexergue,
1841.
n, Dans une couronne d'étoiles, NOT ONE CENT FOR
TRIBUTE; en légende circulaire, MILLIONS FOR DEFENCE.
— Module, 28 milimètres, cuivre. (PI. III, n** 9.)
Daniel Webster, sénateur pour le Massachusetts au con-
grès des États-Unis, était un puissant et éloquent antago-
niste du parti de Jackson et de Van Buren. Il s'opposa de
toutes ses forces au système financier de ces présidents, et
le rétablissement de Téquilibre fut attribué par son parti
(whig) à ses efforts.
Le vaisseau voguant à pleines voiles sur une mer calme
indique Tobéissance à la constitution, violée par Jackson,
et le retour de la prospérité publique.
N» 10. La Bourse de New-York. Légende : MERCHANT'S
EXCIIANGE, WALL ST. N.YORK (Bourse, rue Wall, New-
York); exergue, BUILT, 1827; BURNT, 1835 (Construite
en 1827, brûlée en 1835).
a Dans une couronne de laurier : NOT ONE CENT FOR
El DISSERTATIONS. 07
TRIBUTE (Pas un denier pour Tiiûpôt). Légende: MILLIONS
FOR DEFENCE ( Des millions pour nous défendre). — Mo-
dule, 28 millimètres, cuivre. (PI. III, n* 10.)
Afin de combler le déficit du trésor fédéral, il fut question,
en 1836, de lever un impôt national ; la seule pensée de cet
impôt créa une grande effervescence populaire, dont le sou-
venir fut perpétué par la pièce ci-dessus.
N* 11. Tête de femme laurée. En légende, treize étoiles,
et E PLURIBUS UNUM (Tous n'en font qu un). Exergue,
1837.
k) Dans un cercle, un édifice public^ au-dessous là***
WARD, N.YORK (14* arrondissement, New-York). Légende :
CENTRE JURKET (Marché central). Exergue, AGGOMODA-
TION (Appropriation à l'usage public). — Module, 28 mil-
limètres, cuivre. (PI. II, n° 11.)
Cette pièce rappelle la construction du marché central
de New-York.
N» 12. Tête de femme comme au n- 6 (PI. II). 1837.
VI MAY TENTH, comme au n» 7 (PI. III).— Module,
28 millimètres, cuivre,
N** 13. Môme tête, comme au n° 6. 1837.
S) NOT ONE CENT, comme au n« 10 (PI. III).— Module,
28 millimètres, cuivre.
N*» là. Tète de femme laurée, E PLURIBUS UNUM, guir-
lande de rose au lieu d'étoiles, 18A1. (PI. 111, n*» 12. )
Ê MINT DROP, comme au n° 6 (PI. 11). — Module,
28 millimètres, cuivre.
N*» 15. Même tête et même légende (PI. III, n» 12). 1841.
iif NOT ONE CENT, comme an n<» 10 (PL III).- Module,
28 millimètres, cuivre,
N* 16. Vaisseau désemparé, comme au n° A (Pi. II).
1837.
()8 MÉMOIRES
il Vaisseau voguant à pleines voiles, comme au n* 9
(pi. III). 1841. — Module, 28 millimètres, cuivre.
Il y a ici dans l'emploi de deux coins d'époques diffé-
rentes ime intention d'exprimer une opposition entre l'état
financier de 1837 et celui de l'année 1841.
N* 17. Armes de l'État de New-York; à l'exergue, 1837.
^ Dans une couronne de laurier : THREE CENTS (trois
cents). Au-dessus et au-dessous, une rose et deux étoiles.
Légende : FECGHTWANGER'S COMPOSITION (Alliage de
M. Feuchtwanger). — Module, 25 millimètres, maiUechort.
(PI. III,nM3.)
Cette pièce , frappée par M. Feuchtwanger, est un essai
qui devait être soumis à l'adoption du congrès comme métal
intermédiaire entre l'argent et le cuivre.
Alexandre Vâttemâre.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE,
Collection de plombs historiés trouvés dans la Seine et
recueillis par Arthur Forgeais. Troisième série. Variétés
numismatiques. 1864. In-8 *.
Il a deux ans, nous annoncions la première partie de l'ou-
vrage dans lequel M. Forgeais a entrepris de décrire tous les
objets curieux de plomb que l'on trouve dans le lit de la Seine.
Cette première partie était, on se le rappelle, consacrée aux
raéreaux des corporations de métiers.
Si nous n'avons rien dit ici du second volume, étranger à la
numismatique et contenant un recueil d'enseignes de pèleri-
nages ou images destinées à être attachées à la coiffure des
pèlerins, nous avons eu l'occasion de rendre ailleurs justice au
soin intelligent avec lequel Tauteur a expliqué une série de pe*
tits monuments tout à fait intéressante, et l'Académie des inscrip^
tiens et belles-lettres a ratitié notre jugement en décernant à
M. Forgeais la troisième mention très-honorable au concours
des antiquités nationales, où un grand nombre de bons livres
était présenté.
M. Forgeais comprend dans sa troisième série :
Les méreaux capitulaires,
Les méreaux de confréries ,
Les méreaux des offices de la maison du roi.
Enfin des enseignes politiques.
Disons d'abord qu'à part toutes les inductions qu'on tire de
* Paris, chez Tautcur, 64, quai des Orfèvres, et chez Aubry, 16, rue Dau-
phine.
70 BULLETIN iniiL OCiRAPHIQLll-.
Texanien des types figurés sur ces plombs, on a niaîntenant une
raison déterminante, bien claire, pour leur donner le nom de
méreau. Elle nous est fournie par la légende d'une pièce trou-
vée au pont au Change en 1850.
Nous reviendrons plus loin sur le sens de l'inscription me-
relli ad semidupluiiiy dont nous nous bornons d'abord à signaler
le premier mot.
M. Forgeais a si bien expliqué l'usage des méreaux capitu-
laires que nous ne pouvons résister à la tentation de transcrire
ici quelques passages de son livre.
(( Avant tout, il faut savoir que le bréviaire^ à la récitation
duquel tous les prêtres sont encore tenus, se chantait et se
psalmodiait publiquement dans les monastères et les cathédra-
les. C'était ce qu'on appelait roflTice divin; et pour la messe,
par exemple, beaucoup de simples chrétiens tenaient à l'en-
tendre chaque jour, non pas seulement récitée, mais chantée.
a Quant aux heures de roflice, c'est-à-dire aux diverses sec-
tions du bréviaire, il était absolument reçu qu'elles devaient
être chantées chaque jour dans tous les chapitres soit canoniaux
(communautés régulières d'hommes ou de femmes, chapitres
épiscopaux), soit collégiaux (c'est-à-dire d'un moindre nombre
de prêtres attachés à une église qui n'était pas cathédrale]. l.e
goût des fidèles pour cette célébration quotidienne avait occa-
sionné la fondation d'un grand nombre de collégiales qui entre-
tenaient chacune un certain nombre d'ecclésiastiques chargés
de cette fonction, aussi bien que de célébrer tous les jours la
messe à des heures marquées Le chanoine n'était prébende
ou bénéficiaire (pourvu d'une rente payable ad hoc] qu'à la con-
RULrKTIN nillLIOGRAPHIQUE. 71
di(ion bien connue de prendre purl à ce service divin tous les
jours.
a Ces fondations avaient d'abord paru toutes simples, puis-
que l'on savait à quoi Ton s'engageait en les acceptant. Mais il
arriva, comme toujours, que les donataires trouvèrent bon, peu
à peu, de garder le bénéfice tout en écartant la charge. Un don-
nait de bonnes ou de mauvaises raisons pour se dispenser d'as-
sister à Toflice, en tout ou eu partie, mais très-spécialement
quand il s'agissait de se lever la nuit et de passer une ou deux
heures dans l'église pendant l'hiver Ce fut seulement vers le
m* ou le xni* siècle, je crois, que l'expérience suggéra de
prendre les gens par l'intérêt, qui est malheureusement une
meilleure garde que la conscience toute pure. En, conséquence,
une bonne partie de la pension canoniale ne fut plus touchée
que sur la constatation de la présence à TofTice ^
« Communément, on imagina de ne pointer le nom des arri-
vants qu'à mesure qu'ils se présentaient au chœur, et passé un
certain instant, il y avait diminution ou retenue complète de la
quote-part afférente à cette partie de Toffice Si Ton faisait
le payement à l'arrivée de chacun, moyennant qu'on n'arrivât
pas trop tard, on établissait évidemment dans l'église une sorte
de bureau dont l'inconvenance sautait tout de suite aux yeux.
Enfin l'on trouva les jetons de présence, dont l'invention nous
paraît aujourd'hui toute simple; dès lors, il suffisait que Tofh-
cierchargé de ce soin se trouvât à la porte du chœur pendant le
temps prescrit pour l'arrivée opportune, et fît à chacun la re-
mise de son méreau, comme on distribue aujourd'hui des
jetons de présence aux membres de plusieurs corporations ou
réunions scientifiques, financières, etc Généralement, le
* Si nous en croyons Pierre Janvier, curé d'une paroisse Ue Meaux au
xvii* siècle, la rétribution était impuissante h produire rcffct qu'on en avait
attendu : • Le peu d'assiduité, dit-il , que font les chanoynes h l'église, contro
leur serment et foy, leur ont fait ostec les méreaux. •» Yoy. lUvuê numism.t
1840, p. 150.
72
BULLETIN r.IBLIO<;KAPHIQLE.
terme de tolérance pour Tarrivée au chœur ne dépassait pas, à
la messe^ le Kyrie ou, à Tofiice, la fin du premier psaume.
a L'oflSce, dont se compose la tâche quotidienne du bréviaire,
se divise en plusieurs sections qui peuvent souvent et même
doivent élre séparées. C'est ce qu'on appelle des heures^ parce
que le moment de leur récitation normale correspond à certaines
parties du jour.
a II y a Matines et Laudes, communément comprises toutes
les deux sous la dénomination de Matines. D'après ce nom, on
voit que leur véritable moment est le matin ; mais à vrai dire le
grand matin, le chant du coq. L'usage s'introduisit peu à peu
d'anticiper (comme on dit) les Matines en les récitant la veille
au soir ; mais les chapitres un peu sévères n'admirent pas ces
adoucissements. L'abbé Lebeuf témoigne que, de son temps, les
chanoines de Paris célébraient encore les Matines vers le milieu
de la nuit, b
Le méreau des Matines qu'on voit ci- dessus a été trouvé au
Petit-Pont, en i86i. C'est au même endroit de la Seine qu'on a
recueilli en 1862 cette seconde pièce, qui appartient au siècle
suivant (1611). Toutes deux paraissent avoir été fabriquées pour
l'église métropolitaine de Notre-Dame de Paris. Les lettres MA
qui se trouvent placées dans le champ, près de la figure de la
Vierge, peuvent se traduire par Matines ou par Maria,
nULLKTl.N BllJL10(iUAPHIQL'E. 73
M. Forgeais se demande si ces méreaux ont été fabriqués
pour les chanoines ou pour les membres laïques de la confrérie.
Il fait appel, pour éclaircir cette question^ au zèle des personnes
qui étudient les anciens textes que recèlent les archives.
Sur ce niéreau, trouvé au Font-Neuf en 186i, on lit Prime,
la première heure du jour, parce que les Matines devaient être
terminées avant le lever du soleil et que Prime se chantait à six
heures du matin quand on ne réunissait pas celte partie de Tof-
fice à quelqu'une des suivantes.
Tierce (troisième heure) se chantait à neuf heures. Ce méreau,
trouvé au pont Notre-Dame en 4862, porte une indication VI.D
qui doit le faire attribuer aux chanoines de la cathédrale, car
six deniers pour Tierce seule représentent une valeur considé-
rable qui ne devait même être applicable qu'aux fêtes du pre-
mier ordre. L'orthographe de TIERSE étonne un peu au premier
abords puisque ce mot vient de tertia. Mais notre forme moderne
tierce n'est pas meilleure, et se trouve en désaccord avec le
masculin tiers.
Ce méreau, trouvé près du pont Notre-Dame en 1863 et qui
triLlll-^
•.li?Hr"C£.
pv eic«ptioo qcK M. F^'/'staH l î aiisi"» dins sa coUection de
Là roew> eapitolaire rajootait duqu« j^>ur lui heures de
VfÂSkecànfHï'uïi ruaii ia cbaraue VI ?>i deniers? que porte
cMtf: ^Hf:rP: indiqua: ar«e rétribation de grande f«^ie.
Lortiur de Sexle sixii'aritî heure» se chantait à midi. Le nié-
reaii de n>OH, trou-.é au pont d'Arcole en I8t>2. appartieut à la
*éric qui nous a déj:i fuuriii le niéreau de Tùixe. Il a la même
%aleur de six deniers et donne litu aux mêmes obîervaiions.
Ohii de .Varie, recueilli près du Pont-Nenf en 18('>3. est plus
ancien <•! k* nombre de deniers qu'il représentait demeure in-
certain. L'oflice de IVone (la neuvième heurr; était récilé de deux
H trois heures du soir. Ensuite venaient l<^s Vêpres dont le nom
se lit sur une pièce de plomb fabriquée en 1032 et retrouvée
deux C(*nt trente; ans plus tard près du pont au Change-.
iHMil
Sur plusieurs des pièces dont on vient de reproduire le dessin,
la <lnte est disposée de telle fnçon que le millésime ! est isolé à
BLU.l-TlN CmLlOGIlAPHIQUE. y il
la partie supérieure du revers. M. Forgeais s'est demandé si par
là on n*avait pas eu Tintention d'indiquer vn denier. Mais il faut
considérer que sur les pièces de tierce ei de sexte on a inscrit,
près de la fij^ure de la Vierge, tenant Tenfant Jésus, la marque
VLD qu'il serait bien hardi d'expliquer par Virgo et Dominvs,
et dans laquelle on ne peut guère voir autre chose que six deniers.
Dès lors, les marques tracées sur les deux faces de la même
pièce présenteraient une contradiction. M. Forgeais, d'ailleurs,
publie encore un méreau pour la messe et les vêpres (p. 42) sur
lequel la date i582 est coupée en deux ; le chiffre 15 isolé à la
partie supérieure ne peut indiquer quinze deniers puisqu'on
voit au revers : Vlll DT. (huit deniers tournois).
a L'exactitude à matines, dit l'auteur, ayant particulièrement
besoin d'être stimulée, on le conçoit sans peine, la rétribution
pour cette partie de l'office avait été portée plus haut que pour
aucune des autres. Généralement d'ailleurs afin de propor-
tionner équitablement la rétribution, à chaque heure de l'ofticc
correspondait une rémunération pécuniaire distincte. C'est pour-
quoi nous voyons les méreaux désigner habituellement la partie
de l'office à laquelle on avait assisté, le droit que conférait un
jeton de Prime ou de Vêpres étant autre chose que celui de
Matines. 0
Le méreau dont le dessin a été inséré au commencement de
ce compte rendu porte la légende merelli ad semiduplum, mé-
reaux pour les semi-doubles.
a Le rang des fêtes non solennelles est caractérisé encore
aujourd'hui, dans le bréviaire, par les deux grandes divisions de
Double et de Simple. Les Doubles se subdivisent en Double-
majeur, Double de première classe, etc., et les Semi-Doubles
sont comme le degré inférieur de cette série. Ainsi les offices
des semi-doubles occupent l'avant-dernier rang parmi les fêtes.»
On peut consulter à ce sujet le tableau de distribution des
méreaux de la Sainte-Chapelle publié par M. Jules Rouyer
(//-?i\niim., 1862, p. 483).
/n BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Après la série de pièces qui paraissent appartenir à Notre-
Dame de PariS; parmi lesquelles on voit figurer le méreau du
machicot, M. Forgeais place les jetons de présence des autres
églises: la Sainte-Chapelle , Saint-Germain-l'Auxerrois^ Saint-
Jean-le-Rond, Saint-Thomas, Saint-Étienne, Saint-Merry, Saint-
Honoré, Saint-Nicolas, Saint-Gervais, Saint-Marcel, Sainte-
Madeleine, etc.
Puis viennent les méreaux de confréries qui sont en général
d'assez grandes dimensions et portent des types intéressants.
Notre savant collaborateur, M. Eugène Hucher, en a publié un
certain nombre dans cette Revue (1858, p. 338-350, pi. XVII).
Nous en placerons un ici qui a été recueilli depuis, en 1862,
près du pont Notre-Dame.
M. Forgeais pense qu'il représente saint Louis et saint Remî,
désignés par les caractères S. L. et S. R. qui se voient dans le
champ, a Le plomb, dit-il, s'expliquera suffisamment si Ton
suppose qu'il aura été destiné à fêter le sacre d'un roi de
France. » Nous devons avouer que cette opinion nous parait peu
satisfaisante et que nous préférons celle que l'auteur émet dans
un paragraphe suivant : a Cependant, comme le§ Quinze-Vingts
avaient saint Louis pour fondateur et saint Rémi pour patron de
leur chapelle, il faut peut-être ici voir le méreau d'une asso-
ciation fondée dans l'hôpital, soit pour les habitants de la maison,
soit pour quelque confrérie attachée à l'établissement. Ou bien
encore ce serait une pièce destinée à être distribuée aux visi-
teurs do la chapelle le jour de saint Rémi on do saint Louis pour
BULLETIN BinLIOGRAPHIQUE. J l
y attirer raffliience des fidèles^ et partant les aumônes en faveur
de l'établissement, d
Après les méreaux du clergé et des confréries, M. Forgeais a
formé une classe pour ceux qu'il attribue aux offices de la maison
du Roi et de la maison de la Reine; TÉcurie, la Fourrière, la
Cuisine, la Boutillerie, la Cordonnerie, les Bâtiments.
Nos collaborateurs MM. Jules Rouyer et Eugène Hucher,
dans leur remarquable Histoire du jeton au moyen âge^ ont pu-
blié des méreaux de cuivre extrêmement curieux appartenant à
cette série, pièces dont les légendes, dont les types, bien com-
mentés par ces antiquaires, servent maintenant de guide pour
l'intelligence des méreaux de plomb qu'il eût été difficile de
classer sans ce précieux secours.
En voici un, par exemple, qui porte au revers d'une Heur de
lis, un fer de cheval qui n'est qu'un type abrégé; il a été trouvé
au pont Saint-Charles en 4802. D'autres offrent le cheval même.
Sur un jeton de cuivre frappé pour Charles de France, comte de
la Marche, on voit deux fers de cheval [Hist. du jeton, pi. XI,
n«95,p. ii8).
Cet autre, recueilli en 1863, près du pont Saint-Michel, porte
la figure d'une civière qui le rattache soit à l'Écurie, soit à la
Fourrière.
Cet office avait pour objet le chauffage et les approvisionne-
ments. La civière, on le comprend, représente le transport du
foin, du bois et des substances de toute nature qui peuvent être
nuLLtTiN inniJor.RAPHiQUE.
iMHployées dans une grande maison. C'est là ce qui explique
rhésitalion de M. Forgeais. Il n'éprouve pas le même embarras
au sujet de la pièce trouvée encore au pont Saint-Michel
en 1863; on y voit la coignée et Tarbre qui peuvent faire tout
simplement allusion à Tapprovisionnement de bois, a Mais,
ajoute M. Forgeais, les branches garnies de feuilles paraissent
signifier qu'il s'agit ici de la feuillée pour former un abri, avec
des rameaux verts, contre le soleil ou la rosée bien plus que
contre la pluie. Si je ne me trompe, on employait aussi les
feuilles comme jonchée et comme garniture des lits, soit pour
le prince, soit pour ses gens. L'ordonnance de l'Hôtel publiée
par Jayme II, roi de Majorque* à l'article Fourrier (If, 17),
mentionne le soin qu'il doit prendre de procurer des branches
vertes en été pour le logis du roi, et de la paille avec du bois
de chauffage en hiver. »
La cuisine est représentée par quelques pièces à marmite
comme celle dont nous plaçons ici le dessin, et qui a été trouvée
près le pont au Change en 1860.
Elle doit, pour être comprise, être rapprochée du curieux
jeton de Pierre de Mante, premier queux du roi Jean le Bon :
lETOmS. PIERRE. DE MATE PR QVEVS LE ROLl, jeton dont le
type est une marmite*.
* Acla .«anc/or. Mai, tome IV.
« Ronyrr .'t Iluolufr, lîht. du jeton, pi. XVII, n" 148, p. 71.
m'M.l-TIN lUlîLIOGKAPHK^Ut. 79
D'autres niéreaux représentent un poisson, un tonneau, etc.
Les jetons de cuivre ont servi à compter; mais après s'êlre
demandé quel pouvait être dans la maison royale Tusage des
méreaux de plomb, M. Forgeais arrive par une série d'induc-
tions à cx)nclure que a pour tout ce qui n'était point solde hel)-
domadaire d'un emploi constant et bien défini, il était assez
simple d'avancer au chef d'office un certain nombre de pièces
qui le rendaient responsable de toute dépense, et qui pourtant
étaient de nulle valeur hors du bureau de riiôlel. »
Nous avons dit ailleurs avec quel soin MM. Rouyer et Hucher
avaient recherché le nom des princesses dont les armoiries se
remarquent sur de très-anciens jetons*. M. Forgeais a suivi la
voie tracée par ses devanciers, el il attribue à quelques reines
des méreaux du service de l'Écurie. Deux pièces portant des
armes, parti de France et de Navarre, lui paraissent fabriquées
pour la maison de Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Hel.
Une autre, trouvée au pont au Change en i860, et sur laquelle
on voit, d'un côté une fleur de lis et un lion avec les carac-
tères lA, et de l'autre deux balles de foin enfermées dans des
filets, lui rappellent Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe
le Long.
Un dernier méreau nous montre, au droit, un coq, au revers,
des armes, que l'auteur croit seulement parti de France et
de Castille, qu'il n'ose cependant pas, dit-il, attribuer à Blanche,
mère de saint Louis, et qu'il est tenté de donner à Philippe le
Long, alors que ce prince n'était que comte de Poitou. Mais il
faut remarquer que tous les frères de saint Louis portèrent des
armes semblables à celles que M. Forgeais décrit, et que, d'ail-
» Heruenum., 1859, p. 11^9 et Miiv.
SO BULLETIN CIBLIOGRAPHIQUE.
leurs, le niéreau offre, au-dessous du château de Castille^ un
quartier malheureusement peu distinct qui pourrait contenir les
armes de Navarre, car on y voit des points. Louis le Hutin,
Charles le Bel, lorsqu'ils étaient rois de Navarre, Jeanne, femme
de Philippe d'Évreux, auraient aussi des droits à notre sou-
venir.
Le dernier chapitre du volume publié par M. Forgeais est
consacré aux enseignes politiques. Trois médaillons au type du
noble-à-la-rose anglais, et un au type de Vécu d^or de Charles VII,
se rattachent encore à la numismatique ; mais des pièces sem-
blables ont déjà été publiées par M. Constant Leber dans
rintroduction qu'il a placée en tête de l'ouvrage du docteur
Higollot, intitulé : Monnaies inconnues des évêques des innocents
et des fous, et par conséquent sont bien connues des archéolo-
gues. La forme des autres enseignes, fort curieuses du reste, les
sépare tout à fait de la numismatique, et nous devons nous ar-
rêter là.
Les vignettes que contient ce compte rendu ne fournissent
qu'une idée incomplète des cent quarante-deux dessins dont
M. Forgeais a orné son ouvrage, car les enseignes et les mé-
reaux de confréries ont de plus belles dimensions que les petits
méreaux capitulaires dont il nous a toutefois paru utile de réunir
ici une série.
La louable persévérance de M. Forgeais nous donne lieu
d'espérer qu'il nous fera cormaître prochainement les nouveaux
résultats que ses patientes recherches ne peuvent manquer de
produire encore. A. L.
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
LETTRE
A M. L'ABBÉ PROFESSEUR GREGORIO UGDULENA
sua
DEDX PIÈCES DIRGEM PORTAIT LE ROI MUM niïtU
ET LES TYPES DE ZANCLE ET D'AGRIGENTE.
Monsieur Tabbé,
Je ne saurais partager avec personne mieux qu'avec vous
la joie d'une découverte que je viens de faii-e au sujet
d'une monnaie qui offre le nom phénicien d'une ville de
Sicile. Vons nous avez en effet, monsieur l'abbé, donné,
dans le mémoire qui a été accueilli avec tant de faveur
par le monde savant*, la première numismatique phéni-
cienne de la Sicile que nous possédions. Mais par la nou-
veauté de certains détails obtenus d'une manière tout à
fait inespérée, ce travail remarquable a plutôt, il faut
l'avouer, étonné que convaincu certains numismatistes.
> Sullê monit9 pumco'iicult, Palermo, 1857.
1864.— 2.
82 MÉMOIRES
Parmi les résultats heureux de vos recherches, il faut
certainement placer en première ligne la lecture du nom
phénicien d'Himère, la.
D'abord, en reconnaissant ce nom dans les trois lettres
phéniciennes k^m, dont Texistence avait été remarquée par
le Père Romano sur des pièces de bronze avec le type du
coq et six ou trois globules au revers, vous avez déterminé
l'origine locale de ces pièces, et vous avez permis d'y ratta-
cher la riche série de monnaies d'argent qui jusqu'à vous,
avaient subi les attributions les plus diverses.
J'ai été heureux de pouvoir vous fournir alors deux
pièces uniques de ma collection ' qui ont achevé de con-
stater votre découverte; car l'une, avec le coq et la poule
dans un carré creux, montre la légende lATON très-dis-
tincte, et l'autre présente une femme sacrifiant devant un
autel, ainsi que les débris d'une inscription dans laquelle
on peut lire ...TOA, tandis qu'au revers nous voyons un
cavalier et la légende IMEPAION rétrograde.
Depuis la publication de votre ouvrage, j'ai trouvé les
mêmes lettres phéniciennes sur certaines pièces de bronze
qui avaient été attribuées à Taormine', pièces qui, par la
tète de femme ornée d'une haute Stéphane couronnant une
chevelure riche et flottante , se rapprochent des monnaies
d'argent de Therme ', et, par le type du taureau à £ace
humaine du revers, se rattachent aux nombreuses oboles
qui portent le nom d'/a \
> Ugdnlena, loc. cit., pi. II, 2, 5.
* Appendice alla memoria aulle monete puniro'Sicule delV Ab. (ir. Uqdulena.
Palermo, 1868, pi. n» 8.
* CastelU, Sidlim vett. ftwmi, pi. XC, 3, 4. — Forcelln, Sumismnla ah'qvol
Sirulùt pi. II, 5.
* Ugdnlena, l. cit.^ pi. II, Ifi, 21.
KT DISSERTATIONS. 8Z
Voici que maintenant je me présente à vous avec une
tnonnaie oiTrant encore ce nom dla, dont nous vous devons
Texplication. Elle lui emprunte tout son intérêt, et tout en
nous fournissant un nouveau témoignage d'exactitude, elle
nous offre une page entière d'histoire sur une bien petite
surface de métal.
En parcourant les riches séries du Cabinet impérial des
médailles afin d'y prendre , grâce à l'extrême obligeance
des conservateurs, les notices qui me sont nécessaires
pour mon travail sur les monnaies siciliennes, j'aperçus à
la suite des monnaies d'Agrigenteune petite pièce d'argent
en très-bon état de conservation, et sur laquelle je trouvai
tout de suite les trois lettres phéniciennes n^m. Comme
vous le voyez par le dessin, d'un côté il y a un aigle, tourné
à droite et courbant la tête pour déchirer un lièvre qu'il
tient dans ses serres ; au-dessus de ce groupe les carac-
tères N^N (/a). Au revers un dauphin, à droite, sous lequel
se ti'ouve la coquille pecten; dans la partie supérieure du
champ sont rangés cinq globules; le tout entouré d'un
grènetis.
Il faut d'abord mentionner une circonstance très-impor-
tante; cette monnaie provient de Sicile, car elle a été
acquise, en 1843, de M. Francesco Gambino, négociant
à Palerme.
Les caractères sont parfaitement reconnaissables ; seule-
ment, comme ils touchent à la tranche, les aleph sont ré-
duits à l'état de simples traits verticaux ne laissant plus
voir les lignes obliques qui coupent la haste, ou qui, plus*
SA MÉMOIRES
ordinairement dans les pièces d'Ia, y sont attachées du côté
droit, et qui étant très-souvent fort déliées, sont difficiles
à reconnaître. La forme du iod est au contraire extrêmement
précise ; on voit la ligne courbe et le point placé au-des-
sous dont il se compose *.
Le type du revers , le dauphin et la coquille, rappelle
immédiatement les médailles si antiques de Zancle. Le dau-
phin forme, comme on sait, le type du droit, et le pecten,
s'il ne se trouve pas sur la même face, se voit du moins au
revers au centre du carré creux divisé en plusieurs sections.
Ce dauphin et ce pecten reparaissent plus tard, placés
au-dessous d'un lièvre sur les tétradrachmes et les oboles
de la même ville frappés au nom des Messéniens' ; mais
tandis que sur ces pièces ils deviennent simples acces-
soires, nous les voyons reproduits sur la monnaie d'une
colonie de Zancle.
En effet, il est attesté par divers témoignages concordants
des anciens historiens qu'Himéra a été fondée par les Zan-
cléens, partis de Zancle même, comme le dit Thucydide ',
ou, selon le récit de Strabon,qui a paru préférable à
M. Raoul-Rochette, venus de Mylae, colonie de Zancle, fon-
dée, suivant Scymnus de Chîo, avant Himéra V
^ Il est vrai qu'une inscription de trois lettres à peu près semblables à celles
d7a se remarque sur des monnaies phéniciennes de Sicile , dont la véritable
attribution est peut-être encore à chercher. Cette légende ttits, T^ï, que
M. de Saulcy a quelquefois confondue , à ce que je crois, avec celle d'Ia, ne
me parait pas pouvoir se lire dans les lettres de notre inscription *, leur proxi-
mité est telle , qu'il semble difficile d'admettre que l'espace eût suffi pour
tracer des tmde au lieu à'aleph, Voy. Mémoires de VAcad, des inscript. ^ 1845,
t. XV, p. 46.
« Castelli, pi. XLVII, 1, 12, et patsim.
» Thucyd., VI, 5.
* Voye? Faoul-Rochette, Hist. des col. yrerq., t. III, p. 319, et Brunet de
Tresle, Bechtrchea svr les e'tahliss. des Grecs en Sicile, p. 97.
ET DISSERTATIONS. 85
Le type de Taigle dévorant un lièvre , type tout à fait
agrigentin, semblerait au premier abord étrange sur une
pièce d*Himéra; mais il perdra ce caractère, si vous voulez
bien vous rappeler que les deux tyrans d'Agrigente, Théron
etThrasydée, ont, pendant plus de trois lustres, exercé
leur pouvoir sur cette ville.
Théron s* étant emparé du pouvoir à Agrigente dans la
première année de Tolympiade LXXIII (488 av, J. G.)»
pour se venger de Térillus, tyran d'Himéra, qui donnait asile
à Hippocrate et à Capys, ses compétiteurs, le vainquit et
donna le gouvernement de cette dernière ville à son fils
Thrasydée '. La manière cruelle dont celui-ci gouvernait
irrita les habitants d'Himéra , et quand Hiéron se préparait
à la guerre contre Théron, pour le punir d'avoir donné Thos*
pitalité à Polyzèle, les Himéréens envoyèrent des ambassa-
deurs à Hiéron pour dénoncer les mauvais traitements qu'ils
avaient à souffrir de la part de Thrasydée, et pour lui offrir
la soumission de la ville et leur appui dans la guerre '.
Mais Hiéron, voulant se réconcilier avec le tyran d* Agri-
gente, lui fit connaître les offres qui lui avaient été faites
par les Himéréens, de sorte que Thrasydée prit et fit mourir
tous ceux qui lui avaient été contraires. Le nombi*e des
habitants d'Himéra, ainsi sensiblement diminué, il y amena
des Doriens et des individus appartenant à d'autres peuples,
auxquels il fit donner le titre de citoyens'. C'est par ce
fait que Raoul-Rochette explique le mélange de nationalités
dorîenne et chalcidienne dont parle Thucydide. Suivant
Diodore *, ces nouvelles populations eurent part pendant
» Herodot., VII, 175. — Brunet de rrc&lc, /. f»7., p. 125.
2 Diod. Sicul., XI, 48.
•^ Diod., XI, 49.
• Diod., ibid, ^
80 ML.MOinLS
cinquaute-huit ans à radmiuistration de la ville, jusqu'au
moment où les Carthaginois la détruisirent.
Après seize ans de règne, Théron mourut dans la pre-
mière année de la LXXVII» olympiade (472 ans av. J. C.) *.
Son fils Thrasydée lui succéda et se montra, ce qu'il avait
toujours été, violent et sanguinaire. Voulant faire la guerre
aux Syracusains, il enrôla les Agrigentinset les Himéréens;
mais il fut défait par Hiéron, s'échappa, et fut mis à mort
chez les Mégariens (Nyséens?) '. Agrigente ayant recouvré
le gouvernement démocratique, conclut la paix avec Hiéron,
et il est probable qu'il en fut de môme pour Himéra ; d'au-
tant plus que Pindare , dans la douzième olympique , célé-
brant la victoire d'Ergotélès d'IIiméra, commence par une
invocation à Jupiter Libérateur '.
Je crois que dans la monnaie qui vient si heureusement
accroître la série grecque et phénicienne d'IIiméra, nous
avons un document de la domination agrigentine dont la
durée se trouve comprise entre les années 488 et 472
avant Jésus-Christ, ou un peu plus tard. Vous voyez donc,
monsieur, de quelle importance est cette petite pièce, non-
seulement comme souvenir historique, mais plus encore
comme document comparatif pour le classement des séries
I Diod., XI, 53.
* Selon Diodore,ravëuemeut de Thrasydée uu pouvoir, bou expêditiou et »a
défaite sont arrives dans In inômc année , ce que M. Brunet de Presie (/. cit.,
p. 145 (3) ) a de la peine à accepter ; mais, en tous cas , cette domination
agrigentine à Himéra n*a pas pn se prolonger benucoup an delà des seize
nos dn règne de Théron. La parabole de Stésichore sur l'homme et le
cheval, de laquelle, du reste, nous avons bien des versions différentes
(V. Brunet de Fresles, l. cit.^ p. 17 (1), paraîtrait indiquer que Phalarir
avait anssi possédé Himéra, mais nons manquons à cet égard de renscigno-
ments précis.
* Brunet de Presie, /. cir., p. 145 [V.
ET DISSERTATIONS. 87
de monnaies portant le nom d*Ia, et pour établir leur rap-
port avec les pièces grecques d'Himéra.
Il y a là encore un travail à faire ; mais ce qui dès à
présent me paraît certain, c'est que, comme vous l'avez
soupçonné S le nom phénicien était antérieur ou au moins
contemporain du nom grec de cette ville. Un argument de
grande valeur, qui n'a pas encore été proposé, c'est que le
poids de la belle pièce d'argent de ma collection portant
au droit le coq avec l'inscription lATON , et au revers la
poule dans le carré ', est parfaitement identique à celui
des pièces sur lesquelles on voit la syllabe HI, et que par
conséquent c'est aussi une drachme éginétique *.
Plus tard, nous voyons ce système monétaire abandonné;
et toutes les monnaies grecques d'Himéra plus récentes, y
compris le didrachme de ma collection aux deux légendes
TOA et IMEPAION (rétrograde), sont toujours conformes
au système attique. C'est encore suivant ce système que
sont frappées toutes les pièces avec la légende phéni-
cienne la, qui pour la plupart doivent être, en raison de la
beauté de leur style, considérées comme postérieures à
celles qui portent le nom grec d'Himéra.
Quant à la médaille du Cabinet impérial , elle n'appar-
tient ni à l'un ni à l'autre de ces deux systèmes. Elle
pèse 0»%85, et nous devons y reconnaître une véritable
litra sicilienne dont le poids normal , dixième partie du
didrachme attique, doit être de 08%87 *.
> Ugdalena, l. ct<., p. 34.
' Ugdulena, L cit., pi. Il, 2.
' Cet argument est en eflFet décisif pour prouver que cette pièce doit appar-
tenir à une ville chalcidienne.
* Mommsen, Geschichte des rômischen Mmstceanf, p. 79.— Hultsch, Gritch,
und rômische Mttrologie^ p. 291.
88 MÉMOIRES
La lUrCj Xlxpa, cette monnaie particulière de la Sicile
qui dans plusieurs villes de cette lie et jusqu'à Corinthe
remplaça Tobole, même dans les temps où les pièces d'ar-
gent d'une valeur plus élevée étaient frappées suivant le
système attique S n'est du reste pas nouvelle dans le mon-
nayage d'Hiroéra*, ni dans celui de quelques villes phéni-
ciennes de la Sicile '.
Pour ce qui regarde la valeur des cinq globules placés
au-dessus du dauphin , je crois, en raison de la manière
dont ils sont disposés, qu'on peut bien admettre que le
coin en portait un de plus du côté où le flan a fait défaut.
Ces globules exprimeraient alors six hextam^ ce qm serait
l'équivalent de douze onces, divisions de la litra sici-
lienne *.
J'avais écrit les lignes qui précèdent, lorsqu en exami*
nant au Cabinet impérial des médailles les monnaies
phéniciennes qui proviennent de la collection donnée
par M. le duc de Luynes, j*ai trouvé une autre pièce
presque semblable à celle que j'ai décrite plus haut;
elle n'en diffère que par des flots qui se voient sous le
dauphin , et par la place donnée à la légende, qui, au lieu
d'être tracée sur le droit, se lit à la partie inférieure du
revers.
> Mommsen, /. cit,, p. 92.
* La preuve qu^Himéra frappa dei litreë nous est fournie par une pièce à
fleur de coin du Cabinet des médailles, avec le monstre et le jeune homme
iur le bélier, et qui pèse 0«^,85. M. Mommscn, l. ci*., p. 92 , n'ayant connu de
cette monnaie que des poids pris sur des exemplaires très-usés qui ne pesaient
plus que 0i*,73, doutait si elle était une litre ou une obole.
s Mommsen, l, cit., p. 88, 27.
* Pollux, IV, 174 : Év ôl ijjiepoftov iroXiteCx çr,a(v ( Avistotelcs) côç ol
ZixcXiôynit xoù; |Akv ôwo x«^xoO; éÇâvTct xa>»oÛ3i, t6v èï Iva oOyxfav. —
Cf. Mommien, f. cit., p. 78, 2. — Hnltscb, /. cit., p. 290.
ET DlbSEUTATIONS. 89
Cette seconde pièce nous est fort utile, car elle nous
permet de corriger un dessin et une attribution de Castelli.
Sous le n* 2 de la pi. XCIV de son ouvrage, il donne la
figure d'une monnaie parfaitement semblable à celle que
M. le duc de Luynes avait recueillie ; mais seulement, sui-
vant son habitude *, il a changé les trois caractères phéni-
niciens en MÎ2I, ajoutant que cette monnaie maximx rari-
tatis faisait partie de sa collection % et que, bien que le
type qu'elle porte au droit convienne à Agrîgente, il a cru,
à cause du revers et des lettres qu'on y voit encore, devoir
la ranger parmi les liparitaines.
EckheP et Mionnet* ont douté de la justesse de l'attri-
bution de monnaies d'argent à Lipara.
Votre dévoué, A. Saunas,
Paru, février 1864.
* Voy., par exemple , les mômes lettres pliéuîciennes changées eji IM ,
pi. XIX, 10, et les célèbres tétradracbmes de Deoys, pi. C, 2.
* Donc nous avons uu troisième exemplaire de cette pièce, à ce qu'il parait
le mieux conservé des trois, et peut-être restc-t-il inobservé dans quelque
collection particulière anglaise.
» Doctr, JN'um., I, p. 270.
* Descript., I, p. 344.
00 MKMOIRLS
MÉDAILLES D'AMPHIPOLIS.
f PI. IV.
En 1859, on trouva dans le sud de la Macédoine» aux
environs de Salonique. un dépôt de cinquante-deux pièces
d'argent frappées à Amphipolis, toutes d'une grande beauté
et d'une conservation parfaite. On sait combien étaient
rares jusqu'à ces derniers temps les tétradrachmes d' Am-
phipolis, colonie athénienne établie aux embouchures du
fleuve Strymon. Peu de mois après la découverte, une
douzaine de ces pièces passa dans les mains de M. RoUin.
Plus tard, une circonstance heureuse mit M. Hoffmann
en possession d'une grande partie de ce trésor, et c'est
pour conserver le souvenir de la trouvaille de Salonique
que nous donnons dans la Revue la belle planche qui offre
les types variés de ces admirables médailles,
11 paraît que les trois tétradrachmes d'Amphipolis décrits
par M. le baron de Prokesch-Osten, dans lu Revue de 1860,
p. 268, faisaient partie de ce môme dépôt.
Voici maintenant la description des dix pièces, huit tétra-
drachmes et deux drachmes gravées dans la pi. IV :
.N° i. Tête laurée d'Apollon, de face, à cheveux courts,
légèrement tournée à droite.
A M
k j^j. Au centre, une torche alhimée, le tout dans une
couronne de laurier, — .R. Tétradrachmc.
liT DISSEKTATIONS. 9l
N* 2. Môme tète d'Apollon de face, à cheveux longs tom-
bant le long des joues, légèrement tournée à gauche.
i) AM*inOAITEfiN, inscrit sur un carré plat, en relief,
dans un autre carré creux. Au centre une torche allumée.
— iîV. Tétradrachme.
Une pièce à peu près semblable se trouve dans la collec-
tion de M. le duc de Luynes, aujourd'hui au Cabinet des
médailles de la Bibliothèque impériale, et une autre au
Musée Britannique '.
N' 8. Même tête d'Apollon, de face, légèrement tournée
à droite.
fi AMtPinOAITEQN, inscrit de la môme manière. Au
centre une torche allumée, et à côté une mouche.. — .iV. Té-
tradrachme.
Des pièces semblables se trouvent au Cabinet des mé-
dailles de la Bibliothèque impériale, au Musée Britannique',
et dans la collection de M. le baron de Prokesch-Osten
{Revue num., 1860, p. 268).
N' 4. Même tête d'Apollon , de face , légèrement tournée
à gauche. Sous l'oreille droite, un crabe.
Sj AMOinOAITEfiiN , inscrit de la môme manière. Au
centre une torche allumée. — ^1\. Tétradrachme.
Cette pièce est semblable à celle qui a été publiée par
M. Prosper Dupré dans la Revue de 1863, p. 1.
N* 5. Môme tête d'Apollon, de face, légèrement tournée
à droite.
fi AMî>inOAITEfiN, inscrit comme sur les pièces précé-
dentes. Au centre une torche allumée, accompagnée d'un
trépied. — .fV.. Tétradrachme.
* Éd. de (.'adulvcne, MédatUcs inedileSj p. 58.
* Paync Knight, A'wm. let., \). 68.
9-2 MÉMOIRtS
i\* (5. Même lète, également inclinée à droite.
Rj AM4>inOAITE(îN, comme sur les pièces précédentes.
Au centre une torche allumée, accompagnée d'un trépied.
— iîV. Tétradrachme, aujourd'hui dans la collection de M. de
la Salle.
Une pièce semblable se trouve dans la collection de M. le
duc de Luynes, aujourd'hui au Cabinet des Médailles de la
Bibliothèque impériale ^ une autre dans la collection de
la Banque d'Angleterre ': une autre encore dans la collec-
tion de M. le baron de Prokesch-Osten {Revue num. ^IS60,
p. 268).
N° 7. Môme tête, légèrement tournée à droite.
H) AMOinOAITEfîN. Torche et A. — AV. Tétradrachme.
N» 8. Même tête.
vi AM*inOAITEiîN. Torche et A, comme au numéro pré-
cédent. — iîv. Tétradrachme.
Un autre exemplaire, au Cabinet des médailles, porte
dans le champ la lettre P.
N* 9. Même tète d'Apollon de face, légèrement tournée
à gauche.
AM
a ^|. Au centre une torche. Le tout dans une cou-
ronne de laurier. — .H. Drachme.
N' 10. Même tête d'Apollon, de face, légèrement tournée
à droite.
Si AM^inOAITEîîN, inscrit en relief sur un carré plat,
dans un autre carré creux. — ^fV. Drachme.
Cette dernière pièce ne faisait pas partie de la trouvaille
de Salonique. Elle est tirée de la célèbre collection Fon-
tana, à Tricstc.
» Aum, t7iromr/f, t. 111, p. 134, n** 2.
LT DISSERTATIONS. 93
Toutes les médailles qui portent le nom d'Amphipolis
ont été frappées postérieurement à Tannée â37 avant notre
ère (Olympiade LXXXV, 4). Ce fut dans le cours de cette
année que les Athéniens envoyèrent vers les embouchures
du fleuve Strymon, en Thrace, une colonie à la tête de
laquelle se trouvait Agnon, fils de Nicias, qui donna le
nom d'Amphipolis à la ville connue jusqu'à cette époque
sous la dénomination d'Éwéa 6So(, les Neuf Voies. Amphi-
polis dut son nouveau nom à sa position entre la mer, le
lac Cercinitjs et le fleuve Strymon \
Les Athéniens avaient cherché bien des fois à s'établir
dans la Thrace, et dès l'expédition de Cimon, fils de Mil-
tiade, en 476, ils avaient voulu se fixer aux embouchures
du Strymon*. Mais les expéditions des Athéniens anté-
rieures à l'établissement d' Agnon, la colonie d'Aristagoras
de Milet, en 497, qui voulait se soustraire à la colère
de Darius', une colonie athénienne, en 465, qui subit une
rude défaite à Drabescus *, toutes ces expéditions, dis-je,
n'ont rieu à faire avec la numismatique d'Amphipolis, dont
le nom ne remonte pas plus haut qu'à l'année 487.
On a cru trouver la tête d'Agnon ceinte du diadème, eu
qualité de fondateur, xtiott,^, àpyri^ivri^, sur les pièces d'argent
et de bronze de la colonie athénienne '. Mais si l'on compare
cette tête à cheveux courts et ornée du diadème avec cer-
taines petites pièces d'argent et de bronze de Philippe II, roi
» Thucyd., IV, 102. — Diodor. Sical., Xll, 32 et 68. — Schol. ad ^schin.,
de Falsa Leg., p. 755, éd. Reiake.
* Thucyd., I, 98. — Plutarch., Cimon, 7. — Cornelins Nepos, Cimon, 2.
» Herodot., V, 126. — Thucyd., IV, 102.
* Thucyd., I, 100; IV, 102.— Diodor. Sicul., XII, 68.— Cf.PauB.,1, 29, 4.
» Mionnet, dans la table des matières de w)n ouvrage , t. IX , p. 222, dit :
Aunon meliut Apollon.
9/| Mt.MOmtS
de Macédoine \ on arrive h y reconnaître la tète d* Apollon.
M. le duc de Luynes* a tâché de fixer l'époque à laquelle
les nations grecques les plus civilisées adoptèrent presque
simultanément la tête de face de haut relief comme type
monétaire. Ce fut celle où vivait Alexandre, tyran de
Plîères , qui s'empara de Tautorité souveraine en 369, et
périt assassiné quelques années après. Ce prince fit frapper
un magnifique tétradrach'me avec la tête de Diane vue de
face*. Dans le même siècle, si Ton en juge par le style, un
grand nombre de villes grecques firent représenter leurs
divinités tutélaires de face sur leurs monnaies. On peut
citer Larissa de Thessalie. Amphipolis, iEnus, Aphytis de
Macédoine, Clazomène d'Ionie, Rhodes, Lampsaque de
Mysie, Sigée de Troade, Thèbes de Béotie, Vélia, Crotone,
Héraclée, Pandosia, Métaponte, Hyrina en Italie, Syracuse
et Catane en Sicile, Barcé dans la Cyrénaïque, sans compter
un grand nombre d'autres villes moins importantes et les
monnaies frappées aux noms des rois de Carie, Mausole,
Hidrieus, Pixodare, Othontopates, et enfin celles d'Audoléon,
roi de Péonie, contemporain d'Alexandre le Grand.
Ce qui confirme ces données chronologiques quant à
l'adoption des têtes de face sur la monnaie, c'est l'obser-
vation qu'on peut faire au sujet des magnifiques médaillons
de Syracuse portant les signatures de Cimon et d'Euclide.
Ces deux artistes, qui vivaient à l'époque de Denys le Tyran
(406-367), ont également gravé la tête d'Arélhuse et celle
de Minerve de face*.
* L. Millier, Numismatique d'AUiandre le Gravd^ pi. XXIII, n"* 14, 15, 23.
- Ânn.deVInst.arch., t. XIII, 1841, p. 158.— Cf. /?«. num., 1843,p. 8, note 1.
» Sum. Chmn., 1845, vol. VII, p. 110.— Hevue num., 1859, pi. III, »• 1.
^ Voir duc <îe Lnynos, Bnve num.^ 1843, p. 0. — Raoul Kochett*^, Lettre à
3f. Srhom, spcnndp édition, p. 86 et 87.
ET DISSEnTATIONS. 95
Mais on conçoit facilement à quelle détérioration étaient
exposées des médailles d'un aussi haut relief, et dès le
temps d'Alexandre le Grand si ce système ne fut pas complè-
tement abandonné, du moins un grand nombre de villes
en revinrent aux têtes de profil. Les têtes de face ou de
trois quarts ne reparurent sur la monnaie que sous l'empire
romain , vers le m* siècle de notre ère , mais ce fut surtout
à l'époque du Bas-Empire que l'effigie de l'empereur fut
représentée de cette manière. Quant aux villes grecques,
les médailles de Rhodes semblent indiquer par leur style,
un usage plus prolongé des têtes de face ou de trois quarts.
Cette observation est confirmée, si l'on compare les médailles
autonomes et celles au nom d'Alexandre frappées à Rhodes,
même postérieurement à la mort du conquérant macédo-
nien, et sur lesquelles on lit des noms de magistrats. En
effet, les noms d'AINHTiîPS d' API^TOBOTAOl % de
AAMATPI02 », de 2TA::ill2N * sont inscrits sur les mé-
dailles portant la tête de face du Soleil, aussi bien que sur
des tétradrachmes au nom d'Alexandre frappés à Rhodes,
comme l'indiquent les lettres PO et la rose ^ Mais les noms
tfAPIITOBOïAOS, de AAMATPI02 et de iTAIUîN se
lisent également sur des pièces autonomes qui ont pour
type la tête de profll du Soleil \
Ce changement de type sur la monnaie des Rhodiens
fixerait ainsi la dernière limite des têtes de face. Mais il est
possible que même après le siège de Rhodes par Démétrius
« Mionnet, HI, p. 417, n~ 150-152; VI, Suppl., p. 696. n«' 249, 2ôO.
« Idem, VI, Snppl., p. 591, n- 201, et p. 594. n* 233.
' rdem, ibid., p. 592, n» 207.
* Idem, III, p. 419, n»* 175 et 170.
8 Mionnet, I, p. 532, n*' 271, 272, 274. — L, Miiller, Sumifmrttiqiie
d'AUxandrt le Grand, p. 260.
'^ Mionnet, IIl, p. 414, n"* 112, 117, H p. 416, n» 13.>.
DO MÉMOIRES
Poliorcète, en 303, on ait continué de faire figurer sur
la monnaie la tète de face de la divinité tutélaire de
l'île \
Mais si le règne d'Alexandre, tyran de Phères» estrépo-
que approximative de l'adoption des têtes de face sur la
monnaie, comme l'a si judicieusement observé M. le duc
de Luynes, il convient pourtant de remonter un peu plus
haut pour trouver le point de départ de cette innovation
artistique, car les têtes de trois quarts se voient déjà sur
les monnaies frappées sous l'autorité de Phamabaze, qui
jouit d'un pouvoir très-étendu comme satrape du Grand
Roi de l'an A13 à l'an 37A avant Jésus-Cbrist '•
Les têtes de face adoptées comme type monétaire étaient
l'application à cette branche des arts de l'innovation que
Cîmon de Cléones venait de faire dans la peinture, en re-
présentant le premier des têtes de face, de trois quarts et à
profil perdu, que Polygnote et Micon eux-mêmes n'a-
vaient pas osé aborder. Or, Gimon de Cléones florissait
vers la LXXX* olympiade, ou quelques années plus tard ',
et le rapprochement que je fais ici entre l'art du peintre
et celui du graveur de monnaies a été fait avant moi par
* On a cru lire des uoms de magistrats dans la composition desquels entre-
rait le sigma lunaire C sur des pièces où la tôte du Soleil est figurée tantôt de
luce, tantôt do profil ; AnCTONOMOC (Mionnet, III, p. 417, n» 159, et p. 418,
n» 160 ) , AIONTCIOG {Idem., VI, Suppl., p. 592, n- 209), HPArOPAG {idem,
VI, Suppl., p. 690, n» 186), «WAOCTPAT (idem, III, p. 416, n» 138). Ces lec-
tures ne sont pas fondées, ii l'exception d'une seule, comme j'ai pu m*en as-
surer au Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale. La pièce qui, au
droit, montre la tCte radiée du Soleil de profil à droite, porte réellement au
rovers le nom de «WAOCTPAT {sic).
' Duc de Luynes, Monnaies des Satrapies^ pi. I, n*>* 2-4.
' Voir Cb. Lenormant, Mémoire sur Us peintures que Polygnote avait sxécuiées
dans la Ltsché de Delphes^ dans les Mémoires de V Académie royale des sciences
de Belgique, t. XXXIV, p. 36 et suiv.
ET DISSERTATIONS. 97
Charles Lenormant*. Les admirables vases peints, en-
richis de dorures , trouvés à Kertch et récemment publiés
par les soins de la Commission impériale d'archéologie de
Saint'PéiersbourQj montrent des personnages représentés
de face ou de trois quarts, et ces vases, comme le style le
démontre, appartiennent au iv* siècle avant notre ère,
c'est-à-dire au plus grand développement de Tart hellé-
nique •.
Pour en revenir aux médailles d'Amphipolis, je ferai
observer d'abord que les pièces d'argent ont dû être frap-
pées dans l'espace de moins d'un siècle. En eiïet, la date
de la fondation de cette colonie athénienne est fixée d'une
manière positive à la quatrième année de la LXXXV* olym-
piade, sousTarchonlat d'Euthy mènes, 437 ans avant Jésus-
Christ. Philippe, roi de Macédoine, s'empara d'Amphipolis
en 358 ', et depuis cette époque cette ville resta sous la
domination macédonienne. Ainsi le monnayage autonome
ne dura guère que pendant une période d'environ soixante-
dix-neuf ans.
Je place à l'époque la plus ancienne et très -voisine de
la fondation d'Amphipolis , l'obole d'argent dont voici la
description :
Tête d'Apollon à cheveux courts et diadémée à droite.
AM
â jt . Poisson, le tout dans un carré creux, formé par
^ Dans le mémoire cité à la noto précédente , p. 34 et sniv. — Cf. François
Lenormant, Gaxetle du beaux'arts, octobre 1863, p. 340.
* Voir le merveilleux vase de la naissance d'Iacchns, 1859, pi. I et II ; 1860,
pi. I, et surtout le vase désigné sous les noms d*Admitê et à*Alc€sti, très-
difficile à expliquer, où Ton voit un Jupiter assis représenté de trois quarts,
dont la tête est comparable à celles des plus beaux camées, pi. II; 1861,
pi. I et V.
» Diodor. Sicnl., XVI, 8.— Polyien., Stratagm,, IV, 2, 17.
1864. — 2. • 7
9S MÈMOIHES
quatre lignes. — .^. 1 12. Mionnet, Suppl., III, p, 18,
n» 118 \
Peu après cette pièce vient le tètradrachme gravé sous
le n* 1 de la pi. IV, sur lequel la tète d'Apollon a encore
quelque chose de rude et de sévère qui sent Tarcbiasme;
AM
au revers la légende boustrophédon j^ est semblable à
celle inscrite sur l'obole.
J'ajoute ici la gravure d'un autre tètradrachme de la
collection de M. Prosper Dupré. Il faisait partie du dépôt
de Salonique.
Tête d'Apollon laurée de face, à cheveux longs, légère-
ment tournée à droite.
A j^. Au centre une torche allumée, le tout dans une
couronne de laurier. — J^. Tètradrachme.
Comme on le voit, la tète d'Apollon est différente de
celle que nous offre la pièce de la pi. IV, n' 1. Ici c'est un
Apollon à cheveux longs et d'un caractère moins archaïque,
tandis que celui gravé dans la pi. IV, n*" 1 est l'Apollon ma-
cédonien à cheveux courts, adoré à Ichnae dans la Piérie \
Après ces premiers tétradrachmes se rangent toutes les
^ Sestini, StaUri anf., tav. I , n* 4 et Lettêre nwnitm, di continuasùmê , IV,
tab. I, n* 13. — Cousinéry, Voyage m Macédoine, t. II , pi. VI , n« 18. — Dn-
mersan, Dttcription des me'dailles antiques du cabinet de M, Allier de Hauteroeht,
pî. IV, n» 16.
* lIerodot.,VlI.123. — Hesych., v. îxvatr.v. — Siiid., c. l/vatr,. — Stepli.
Byxant., v. ï/_vii.— Cf. Fr. Lenormant, Revue num,^ 1862, p. 401.
ET DISSERTATIONS. 99
pièces de la pi. IV, sur lesquelles l'etbnique est écrit
AMWnOAITEiîN ; car les nuances de style qu'on observe
entre ces différentes pièces tiennent à la main des artistes
qui ont gravé les coins monétaires, et ne sauraient consti-
tuer des différences de date de plus de vingt ou vingt-cinq
ans. La pièce n"* 6 est sans aucun doute une des plus belles
médailles de la série autonome grecque, et indique le plus
haut degré de perfection auquel Tari du graveur pent
atteindre.
Voici encore un autre tétradrachme de la trouvaille de
Salonique. Il fait partie aujourd'hui de la collection de
M. Gréau, à Troyes, qui nous a permis avec la plus grande
obligeance de le publier dans la Revue.
Tète d'Apollon laurée de face, à longs cheveux, légère-
ment tournée adroite. Sur l'épaule droite, un chien lévrier.
^ AMWnOAITEflN , écrit sur un carré plat en relief
dans un autre carré crenx. Au centre, une torche allumée
et la lettre A. — JR. Tétradrachme.
Un exemplaire semblable existe dans la collection de
M. le duc de Luynes, donnée au Cabinet des médailles ; un
troisième a été décrit par M. le baron de Prokesch-Osten
(Revue ntim. , 1860, p. 268).
Quant aux deux tétradrachmes du Cabinet des mé-
dailles de la Bibliothèque impériale , décrits par Mionnet ^
« I, p. 462, n** loi et 102. - Cf. III, Suppl., p. 19, n» 120. — Le premier
100 MÉMOIRKS
et gravés à la pi. V» n" 1 et 2 du troisième volume du
Supplément à son ouvrage, Tun et Tautre portent la lé-
gende AM^inOAlTiiN; Fun a dans le champ, à côté de
la torche, un épi (cf. Rerueil de planches, pi. XLIX, n* 6*),
l'autre un bouclier béotien *. La présence du bouclier béotien
nous fournit un point de repère pour connaître Tépoque
de rémission de cette pièce. C'est sous Tinfluence de l'hé-
gémonie thébaine que ce tétradrachme a été frappé, lors-
qu'Épaminondas eut porté la puissance des Thébains à
son apogée par les victoires de Leuctres en 371, et de
Mantinée en 362. Ce serait donc dans cet intervalle de
dix ans qu'on aurait émis les pièces avec la légende
AM<I)inOAIT£iN. Et cependant ce n'est que par conjec-
ture que je propose de mettre les deux tétradrachmes à
la légende AM$inOAITfiN après ceux qui portent AM*I-
nOAlTEfîN. Qui sait si les habitants d'Amphipolis u ont
pas repris, après quelques années d'interruption , la lé-
gende AM<I>inOAITE12N ? ce qui ne semble pourtant
pas probable, la forme AM4>inOAITîîN étant contractée
d'AM4>inOAITEîîN, forme évidemment plus ancienne. U
n'est guère possible de dire quelque chose de certain ou de
satisfaisant sur le dialecte parlé à Amphipolis. Bcnckh, en
publiant un décret des habitants de cette ville de la fin de la
CV" olympiade ', fait observer que le dialecte dans lequel
dessin de Tan de ces tétradrachme» a été gravé dans le recueil de Pellerin,
reuple$ tt villes, I , pi. XXX , n" 21 .
* Un tétradrachme portant Tépidansle champ, à côté, de la torche, ^
trouvait dans la collection Gossollin. Voir le Catalogue, n« 8X.
* Un tétradrachme avec le bouclier dans le champ et la légende AM4>inO-
AITON faisait partie de la collection de lord Nortwich, vendue en 1859. Voir
le Catalogue, n* 570. — Cf. Revue num., 1860, p. 88,
* Corpui imcript, pr., n* 2008.
FT DISSERTATIONS. ICI
est coDçu ce décret n'est pas le dialecte athénien. Thucy-
dide S ajoute l'illustre épigraphisle, dit en termes formels
cpie lors du siège d'Amphipolis, en 424, par les Lacédé-
moniens, commandés par Brasidas, il se trouvait dans la
ville un petit nombre d'Athéniens auxquels s'étaient joints
des gens de plusieurs contrées; c'était un ramassis
d'hommes venus de tous les points de la Grèce, Spayu ^à^
^QT)vttfo>v EfXTcoXixeûov^ Tè lï TrXeTov (ufAfiixxov. €e qui ajoute à
l'incertitude où l'on est sur la langue en usage à Amphi-
polis, c'est qu'en plusieurs circonstances cette ville changea
de maîtres. Ainsi, en 424, Brasidas s'empara d'Amphi-
polis*; en 422, les Athéniens, sous le commandement de
Cléon, voulurent reprendre cette ville, mais ils échouèrent
dans leur entreprise'; en 359, Amphipolis fut déclarée
ville libre par Philippe *, qui à peine un an après s'en
empara pour ne plus s'en dessaisir *.
Maintenant quant aux pièces de bronze de tout module
frappées à Amphipolis la série en est très-nombreuse; toutes
portent indifféremment l'ethnique AM^inOAlTiîN ou
AM*inOAEITf2N •, et cette dernière forme se retrouve
jusqu'à la fin de la série impériale romaine; on lit
AM4)inOAGITa)N et AM<I)iriOAeiTnN sur les pièces de
bronze des règnes de Commode, de Caracalla, de Valérien
» IV, 106. — Cf. Diodor. Sicul., XII, 32.
« Thucyd., IV, 102.
» Thucyd., V, 6-10.
* Diodor. Sicul., XVI, 3.
» Diodor. Sicul., XVI, 8. — Polysen., Slratag. IV, 2, 17.
* Cadalvèno (Médailles inédites^ p. 53. Paris, 1828, in-l") décrit un tétra-
drachme portant dans le champ la mouche à côté de la torche , conservé h
la banque d'Angleterre, et sur lequel on lit : AM<I»inOAEITÛN. C'est évidem -
ment une erreur, à moins que cet exemplaire no soit un coin moderne ; il
nzist« un coin faux de la belle pièce d* Amphipolis.
102 MÉMOIRES
et de Gallieu. Presque toutes les pièces de brouze émises
au nom d'Ampbipolis , pour ne pas dire toutes, appar-
tiennent à l'époque qui a suivi la conquête romaine,
108 avant Jésus-Christ. D* abord il convient d'observer
que plusieurs de ces pièces portent les marques de l'as et
de ses divisions , et puis qu'on y voit l'empreinte de la
double tête de Janus \ Le style d'ailleurs de toutes les
pièces de bronze dénote une époque relativement récente,
et si dans le nombre il s'en trouve quelques autonomes,
il est à croire que leur émission doit remonter à l'époque
antérieure à la conquête macédonienne.
J. DE WiTTE.
» Mionnot, I, p. 465, n« 140 ; IH, Suppl., p. 26, n» 87.
ET DISSERTATIONS. 103
SUR LA LÉGENDE D'UNE MONNAIE DE 60RTYNE
DE CRÈTE.
M. le général Fox * a publié le dessin d'une précieuse
monnaie de sa collection , frappée à Gortyne , dans l'Ile de
Crète, et du style le plus archaïque. On y voit d'un côté
Europe sur le taureau, et de l'autre, dans un carré creux,
une tête de lion de face qu'entoure l'inscription
A^ÎA30T/VVOV%VT40A
Quel est le sens de cette légende, plus longue que celles
qui se lisent d'ordinaire sur les monnaies grecques archaï-
ques? C'est ce que nous voulons essayer d'établir.
Il n'y a qu'une lettre douteuse, la onzième, et c'est sur
cette seule lettre que roule la difficulté du problème. Les
autres se transcrivent en caractères ordinaires et en réta-
blissant la direction adoptée définitivement plus tard pour
l'écriture :
rOPTÏNOi; TO . AIMA
Le colonel Leake % qui seul jusqu'à présent a tenté d'in-
terpréter cette inscription, a vu un 2 dans le caractère 9,
* Engrating ofunedited or ran Greek coi»w, pi. X, n* 109.
» ?(umiimata helleuica, Intular Grtecff p. 18.
104 MLMoints
et a lu roptuvo; -zt wjxa. 11 considère aaTjia coaiiue une forme
dialectique pour <r^(ia, et traduit en conséquence : le signe^
le symbole ( est celui ) de Gorlyne. Mais si Ton a pu relever
quelques exemples de l'emploi des lettres lunaires remon-
tant au III' siècle avant Jésus-Christ, on n'en connaît pas de
plus anciens, et pour quiconque a étudié la paléographie
monumentale de l'alphabet grec, il est impossible d'admet-
tre que le o- ait été figuré C à l'époque. à laquelle remonte
la médaille possédée par M. le général Fox.
On était, du reste, en mesure d'afDrmer déjà, lorsque
parut la publication du savant amatem* anglais, que le
signe 0 ne pouvait être qu'un tz ou un ç, d'après la légende
d'une très-ancienne monnaie de Phœstus, où le nom de
cette ville, également crétoise, était écrit
V\o4iTAAIAD *
Aujourd'hui le doute n'est plus possible. M. Thenon,
ancien membre de l'École française d'Athènes, a publié
dans la Rctue archéologique ' une inscription archaïque,
qu'il a rapportée des ruines mêmes de Gortyne au musée
du Louvre, et qui semble être le fragment d'une loi sur les
testaments et les successions. Le signe 3 y est employé
quinze fois, dans des exemples qui lui assignent la valeur
certaine de -n. C'est 7, le »] phénicien, plus rapproché de
sa figure originaire que dans aucune autre des variétés de
l'alphabet grec primitif. Il faut donc transcrire la légende
de notre médaille : ropxuvo; to TroijjLa, et nous nous trouvons
ainsi en présence d'un mot, iiat|ia, évidemment spécial au
» Mionnet, pL XXXV, u" 145. — Pinder, Die Antiken Munsen des Kanigli-
ehen Jfuieumt ( Berlin, 1851), pi. I, n«5.
« Nouv. f«r., t. VIII, p. 441-447. pi. XVI.
ET DISSERTATIONS. 105
dialecte de la Crète, dont il s's^it de déterminer la signi-
fication.
La première idée qui s'est présentée à notre esprit a été
d'y reconnaître une forme locale du substantif 7iQê(ia, dont
on ne connaît que deux exemples dans les auteurs classi-
ques S mais dont il est dit dans les célèbres Scbolies de
Venise sur Homère * : nàfiaxa xsXsTtsi irapà Acopteûai Ta xmJfAOtta
xal icàaaaOat xh xTiJ^a^Oai, ixxsivo(iivou xoû a. De même que
XpiS{JuzTa en était venu à désigner spécialement l'argent , il
nous semblait possible à admettre que Trajxa, après avoir
signifié toute espèce de possession^ de bien, aurait reçu le
sens spécial et restreint de monnaie. Mais nous avons dû
bientôt abandonner cette conjecture. Le sens que nous
étions disposé à reconnaître au substantif irâixa était bien
détourné et bien peu vraisemblable ; de plus, dans tous les
mots que nous connaissons du dialecte crétois, pai-mi les-
quels sont plusieurs dérivés de la racine iràw , on ne voit
jamsds apparaître le changement de l'a en la dipthongue at,
formellement contraire au génie ultra-dorique de ce dia-
lecte.
Ceci étant, il n'y a qu'une seule explication possible du
mot iiaTjia : c'est d'y voir un substantif dérivé du verbe «aktv,
qui a toutes les acceptions de notre français frapper '. Le
verbe irateiv, dans les formes régulières de la langue, produit
le substantif x^jjta , dont notre irjxïjjLa ne diffère que par la
substitution de ai à rj ; or cette substitution d'un son vocal
à un autre est conforme aux habitudes propres du dialecte
* Theocrit., FUlul,, v. 12. — Doaiad. in Anthol, Palat., XV, 25, v. 5. —
Cf. Valckenaër, Animadv, in Ammon,^ p. 189.
' Ad Iliad., A, y. 433. — Cf. Henr. Stcphon., Thei. Ung, gratc.t cd. Didot,
*• ^*
* Cf. Henr. Steph., Thit. ling. graec.^ éd. Didot, i. «.
106 MÉMOIRES
Cretois, et le colonel Leake radmettait déjà quand il pro-
posait de lire <j(xt[xa pour of^iia. Seulement TnSjxa, dans l'usage
ordinaire des écrivains classiques, ne se rencontre qu'avec
l'acception métaphorique de coup de la Fortune , malheur ^
mal, et tout au contraire dans la légende de la médaille de
Gortyne, r.£iiui est doué du sens matériel et direct de coup,
frappe, et plus exactement encore la chose avec laquelle ori
frappe^ que l'on frappe sur un autre objet, c'est-à-dire, en
matière de monnaies, le type. Mais -aT|xa peut passer pour
un analogue exact de xuiroç, car si le premier dérive de
icdiUiv, le second, dont le sens originaire est coup \ puis im-
pression*, sort du verbe xiSirreiv, qui signifie également
frapper.
La légende roptuvoc to tzcû^ol correspond donc à ce que
serait dans la xoiv^ SiàXexToc grecque ropxuvo<; 6 xunoc, et signi-
fie : le type (est celui) de Gortyne. On voit qu'en serrant
de plus près la lecture et l'analyse philologique , nous
arrivons au même sens que le colonel Leake. C'est en effet
le seul que Ton puisse attribuer à cette curieuse légende.
Quelque étrange, du reste, qu'elle paraisse au premier
abord, elle n'est pas unique de son genre dans la nu-
mismatique grecque. Nous devons la rapprocher de celle
qui se lit sur une monnaie de Seuthès I" : ZErOÂ komma,
qu'explique si bien une autre pièce du même prince por-
^ Herodot., I^ 67 : ÉvB' &ve|U>i TcveCousi Su(i> xpatTC^Ti; 6ic' dvd^peric, xaX xOiroc
&vT(tuic(K XA^ ICTIH^' iic^ initiaTt xeltat. ~ Ce passage est aussi le seul dans toute
la littérature classique qui emploie, comme on le voit, icruioi dans le sens
matériel de coup , ce qui justifie pleinement notre interprétation du mot
• Sophocl., Phœuiss., v. 29. — Euripid., Troad., v. 1196. - Athen., XIII,
p. 686. — Evrtngel. S. Johan., XX, 26. — Paul. Silentiar. i« Anthol. Palat.,
VI, 67, V. 5.
tT DISSERTATIONS. 107
tant lEveA APrrpiON *. On sera frappé de l'analogie des
expressions x(5tx|ia et irfîfxa employées sur des monuments
appartenant à une période reculée du monnayage grec.
Aussi croyons-nous que l'existence de la légende zetoa
KOMMA donne à notre interprétation de roPTTNOS to oaima
une confirmation suffisante pour la faire accepter des plus
difficiles.
François Lenormant.
1 L'nne de ces pièces est publiée par M. le duc de Luynes, Ettai sur la nu-
mittn. dit Satrap.^ 1846, pi. VI, p. 45; la seconde par M. Samuel Birch, Nu-
mitmatic Chronicltt 1860, vol. XX, p. 151.
lOS MÉMOIUES
MONiNAIE INÉDITE DU CÉSAR NUMÉRIBN.
La immisiuatique romaine est inépuisable : à peine les
grands recueils en ont-ils, à diverses époques, signalé les
raretés qu'on en voit apparaître d'autres qui viennent
raviver l'attention des antiquaires.
M. IL Cohen a terminé à peine son grand catalogue des
médailles impériales que déjà plusieurs pièces ont été
ajoutées aux séries qu'il avait complétées avec tant de soin.
Voici encore un petit bronze qui ne figure pas dans son
travail et dont il m'a, le premier, signalé l'intérêt. Avant
de passer entre mes mains , cette pièce appartenait à
M. BouUey, habitant et sous-préfet de Sens sous le pre-
mier empire , et elle avait été , selon toute probabilité,
trouvée dans cette ville.
D'un côté elle porte : M.AVR.NVMERIANVS NOB.G.
autour de la tête radiée de Numérien ; au revers : ORIEiNS
AVGG. Buste radié du Soleil tourné h droite, les épaules
couvertes d'un paludamentum.
Ce buste est tout à fait semblable à celui qui occupe la
place d'honneur sur la médaille à deux têtes portant pour
ET DISSERTATIONS. 109
légende DEO ET DOMINO CARO IKVIC.AVG ; semblable
aussi à celui qui se voit sur les monnaies de Septime
Sévère, de Caracalla et de Postume offrant la légende
PACATOR ORBIS; de Postume, portant la légende CLARITAS
AVG. ; enfin sur les monnaies de Victorin avec la légende
INVIGTVS. On trouve encore un buste semblable associé aux
effigies impériales de Victorin, de Probus et de Dioclétien.
Toutes ces pièces représentent le buste du Soleil comme
Taureus de Trajan à la légende PARTHICO, et celui d'Adrien
à la légende ORIENS. 11 ne faut donc voir là le portrait
particulier d'aucun prince.
Carus, père des césars Carin et Numérien, proclamé
empereur en 282, après la mort de Probus, partit en 283
pour faire la guerre au roi des Perses, le sassanide Vara-
rane II, qu'il vainquit plusieurs fois. Il mourut vers le
20 décembre, après un règne d'environ dix-sept mois. Ses
fils, déclarés césars en août 282, lui succédèrent en 28A.
Ces dates sont certaines ; mais ce qui reste obscur, c'est
la question de savoir à quelle époque précise les deux fils
de Carus furent associés à l'empire, car il est difficile de
mettre d'accord les témoignages fournis par les monnaies,
les inscriptions et les intitulés des lois.
Eckhel a déjà (t. VU, p. 517) discuté les motifs qui ont
pu conduire à inscrire sur les monnaies de Carin et de son
frère le pluriel AVGG. Des monnaies de Carus, de Numé-
rien et de Carin nous montrent la légende VIRTVS AVGGG.
qui se rapporte aux trois princes. Mais il faut ajouter à ce
chapitre diverses pièces que le savant jésuite n'avait point
connues, notamment le beau médaillon d'or du musée de
Vienne, sur lequel on lit la légende : IMPP.CARVS ET
CARINVS AVGG. qui semble indiquer une association de
Garinus à l'empire.
110 MÉMOIRES
La monnaie que nous publions est contemporaine de
l'expédition de Perse, à laquelle elle fait certainement allu-
sion. Gomme elle ne donne à Numérien que le titre de
césar tout en marquant l'existence simultanée de deux
augustes, elle paraîtrait justifier Topinion de ceux qui
pensent que Carin, mis par Garus à la tète du gouverne-
ment de l'Occident, reçut d'abord de son père le titre
d'auguste. Les deux frères n'auraient donc pas été associés
en même temps à l'empire, et Numérien ne serait devenu
auguste que dans la seconde année du règne de Garus,
c'est-à-dire postérieurement au mois d'août 283.
Mais il faut remarquer que si nous trouvons des mon-
naies de Numérien avec le titre de césar du côté de la tête,
et l'indication de deux augmles au revers, nous pouvons
constater le même fait sur des monnaies de Garin. Ainsi
donc, pendant que chacun des deux fils de Garus était
encore césar, on reconnaissait deux augustes.
Gette singularité peut déjà être signalée à l'époque de
Trajan Dèce. Des monnaies de ses deux fils Herennius et
Hostilien, donnant à chacun de ces princes le titre de
césar, offrent les légendes GONGORDIA AVGG. PIETAS
AVGG., etc. Eckhel a dit en parlant du premier : n Etsi
Gaesar tantum esset, tamen ex Augusteo patris titulo ho-
norem participât.» (T. Vil, p. 3A9.) Il en faut dire autant
du second.
Avant ce temps, au règne de Maximin, ce prince et
son fils, Maxime, qui n'eut jamais que le titre de césar,
sont désignés sur un médaillon de bronze où ils sont figurés
l'un et l'autre par la légende MAXIMINVS ET MAXIMVS
AYGVSTl GERMANICI. Une autre pièce également de bronze
porte au droit, autour du buste nu de Maxime, la
légende MAXIMVS CAES.GERM., et au revers VIGTORIA
ET DISSERTATIONS. 111
AVGVSTORVM. Eckhel (t. VII, p. 298) fait l'observation
suivante : « In hoc Maximus nonnisi per consortium cum
pâtre dicitur Augustus, quo ipse honore ornatus nunquam
fuit, ut Tel ex praesente numo apparet, in quo capite nudo
proponitur. Sic et in numo Cibyrae Phrygiae : AY.K.r.I.
OTH.MAS6IM6INOC K.r.I.OYH. MASIMOC KAICAP
C6BB. etsi to G€BB. utrumque complectatur, tamen solus
pater est capite laureato, fiUus, quia Gaesar tantum fuit,
nudo. »
D'un autre côté, il existe au musée Britannique un petit
bronze portant les deux bustes de Carus et de Garin en-
tourés de la légende GARVS ET GARINVS AVGG. tandis
qu'au revers on lit PAX AVG. ce qui ne se rapporte qu'à
un seul auguste.
Toutefois cinq monnaies différentes attestent l'associa-
tion, comme empereur, de Garin avec son père Carus, et
l'on n'a pas encore retrouvé une seule pièce présen-
tant en même temps les noms de Garus et de Numérien
avec le titre d'augustes.
Quant à la monnaie qui fait le sujet de cette note, ap-
portée probablement d'Asie à Sens, trouvée sans qu'elle ait
attiré l'attention, puis, oubliée pendant cinquante ans au
fond d'un tiroir, elle en sort un beau jour pour être pu-
bliée par un homme qui s'occupe habituellement beaucoup
plus d'histoire que de numismatique, mais qui croit devoir
offrir aux antiquaires un document de nature à les inté-
resser.
Ih:iLLARf)-BRÉHOLLES.
112
MÉMOIRES
LETTRE A M. LODIS DE LA SAUSSAYE,
Mcnbre de rrostitit, recteu de l'Acadéoiie de Ljoi,
srn
UN MÉDAILLON DE CONSTANTIN LE GRAND.
Mon cher ami ,
Lorsqu'il y a quatorze mois vous trouviez et commentiez
d'une façon si intéressante le magnifique médaillon de
Dioclétien et Maximien qui représente le Rhin et la ville
de Mayence, vous avez bien voulu m* adresser votre travail,
en m' autorisant à le publier dans cette Revue ^ où il y a,
hélas! bien près de trente ans je faisais, sous votre direc-
tion, mes premières armes numismatiques.
Permettez-moi aujourd'hui de vous dédier quelques re-
marques inspirées par l'examen d'un autre médaillon un
peu moins ancien, qui vient d'être acquis par MM. RoUin et
Feuardent. Il représente, à ce que je crois bien , la Moselle
ET DISSERTATIONS. 113
devant Trêves. Mon fleuve est plus petit que le vôtre-, le
module de la pièce d'or sur laquelle il roule ses flots est
aussi fort inférieur à celui du beau monument de Mayence;
cette double difl*érence n'exprime-t-elle pas assez exacte-
ment le rapport de la bienfaisante obscurité dans laquelle
s'écoule mon existence de travailleur, avec votre situation
considérable et méritée ? Mais entre nous la vieille et sincère
aflection égalise tout. D'ailleurs, cette Moselle en miniature
aiura encore pour vous le mérite de rappeler le temps où
nous allions visiter à Metz notre cher et savant Saulcy,
alors qu'il inaugurait par quelques essais excellents cette
longue suite de travaux qui a illustré son nom.
Quod si tibi, dia Mosella,
Sniyrna suum vatem^ vel Mantua clara dedisset,
Cederet Ilîacis Simois memoratus in oris,
Nec prœferre »ao8 naderet Tibris honores.
Ces versd'Ausone me reviennent à la mémoire en con-
sidérant le médaillon de Constantin, dont l'origine me
semble parfaitement indiquée par la marque P.TRE. C'est
bien dans la première officine de Trêves qu'il a été frappé,
et l'enceinte que nous avons sous les yeux est celle de la
ville à laquelle le poëte aquitain donnait le quatrième rang
dans une autre composition consacrée aux plus nobles
villes de l'Empire :
Imperii vires quod alit quod vestit et arnaàt.
Lata per extentum procurruut mœnia coUem.
Largns tranquillo prselabitur amne Moselia.
Vous le savez, mon cher ami. Trêves conserve encore
parmi ses ruines une magnifique porte monumentale, ornée
de deux tours à quatre étages décorés de colonnes. La
18C1.-2. B
m xii.Moinr.s
porta Nigra est célèbre, et Ton serait tenté de la chercher
sur le médaillon de Constantin. Mais depuis qu'elle a été
déblayée par les soins du gouvernement prussien, nous en
connaissons l'ordonnance, et nous savons qu'elle présente
deux larges baies comme la porte d'Auguste à Ntmes \ Ce
n'est pas là ce que nous voyons sur le médaillon.
Les monnaies d'argent des archevêques Dietrich (965-
075) et Ludolf (994-1008) , publiées par notre vieil ami
Bohl ', offrent encore l'image d'une porte de ville à une
seule baie, flanquée de deux tours à coupoles. Mais la mon-
naie de Ludolf a pour légende PORTA ALBA. Or Brower,
dans ses Antiquités de Trêves , nous apprend que la porta
Alba était construite à l'orient de la ville, c'est-à-dire du
côté opposé à la Moselle. Continuant l'énumération des
portes, voici ce que cet auteur ajoute : « Quarta occidentem
versus ad Mosellae allabentis litus excitata porta erat qus
illustri specie artis , et magnificentia operis , cœteras longe
superabat ; ut ab ipsa structuras elegantia, porta Inclyta
diceretur. Hœc porta aureis sidenim figuris exornata, et
nocturno succensa ac late coruscans lumine, navigantibus
phari loco proposita ipsum quoque urbis portum grata
luce coUustrabat'.»
Cette fois, nous avons une indication complètement sa-
tisfaisante, et nous sommes autorisés à croire que l'enceinte
de la ville gravée sur le médaillon se présente à nous du
côté de la porta Inclyta. Malheureusement, dès le xvii* siè-
• Voy. Alexandre de Laborde, Us Monumentê de la France, t. !•», pi, XCII,
deuxième vue do Trêves. — C. W. Schroidt, Baudenkmale der rbmi$chen
Période und deê MittelaUerê, Trêves, 1843.
• Die Trieriechen Mùnsen. CoblenU, 1823-37, pi. 1.
• Brower et Masen, Anliquitatum et Annaiium Trevirensium libri XXV.
LWgê. 1670, F-, p. 98.
ET DISSERTATIONS. 116
cle il n'existait plus de vestiges de cet édifice, et nous ne
pouvons pas contrôler l'exactitude de l'artiste employé
dans Tatelier de Trêves. Quand on examine le médaillon à
la loupe, on reconnaît les étages des tours, les colonnes et
les entablements , qui se rapportent d'une manière frap-
pante à l'architecture de la porta Nigra ; mais on voit en
même temps un pont à deux arches, et nous savons que le
pont antique construit sur la Moselle , à l'ouest de la cité,
en avait huit. Je n* oserai pas décider si la statue de Con-,
stantin était érigée au-dessus de la porte même, ou si elle
s'élevait sur quelque place de la ville. La perspective du
IV* siècle laisse beaucoup à désirer. Quant aux deux per-
sonnages accroupis qui flanquent l'enceinte de Trêves, l'un
coiffé d'un bonnet recourbé, l'auti'e à l'épaisse chevelure
retombant sur le front, ce sont des barbarei symboliques,
comme on en voyait sur les arcs de triomphe ^ Ils expri-
ment l'idée de l'Orient et de l'Occident vaincus , du monde
entier soumis, de la gloire impériale en un mot, GLORIA
AYGG, comme le dit la légende. Cette légende vient nous
aider à circonscrire l'espace de temps pendant lequel le
médaillon a pu être frappé.
Le pluriel AYGG nous fait voir que l'empire n'avait plus
que deux chefs, Constantin et Licinius. Maximin Daza était
mort vers la fin de 813.
On sait par la date de plusieurs lois que Constantia
habita Trêves en 313, en 31A, en 316. £n 315 nous voyous
apparaître des aureus de Constantin frappés à Trêves
(SMT., P TR) avec l'indication du IV consulat, et la figure
1 On A troQTé à TrèTcs , et Ton conservait il y a quelques années dans la
eour du eomto de Kesselstadt, un bas-relief représentant un de ces barbares
coiffé d'nn bonnet recourbé. Voy . Roach-Smith , Coilfctaikta dn<tfiia, vol. Il ,
1850, p. 77.
116 MfMoir.is
de l'empereur tenant un globe d'une main et un parazo-
nium de Vautre *.
Licinius fut tué en 324, et Constantin demeura seul
maître du monde, comme on disait alors. Il est à remar-
quer toutefois que le titre Maximus que nous connaissons
sur des petits bronzes de 315 ne figure pas sur le médail-
lon d'or, et cependant les habitants de Trêves avaient lieu
de rendre tous les honneurs imaginables au prince qui
avait fait de leur ville une capitale.
u Trêves eut une large part à ses libéralités administra-
tives; nous savons qu'en 311 il y faisait construire en
même temps un forum , des basiliques et un prétoire pour
la justice ; ce prétoire, dont nous pouvons encore aujour-
d'hui contempler les restes , n'était pas achevé quand Eu-
raène le vit; mais il promettait, suivant le mot de l'orateur
gaulois, d'être digne du ciel dont il était déjà le voisin'»
Trêves , en reconnaissance et par une flatterie délicate,
voulut confondre l'anniversaire de sa fondation avec celui
du principat de Constantin, qui tombait à peu près à la
même époque, et les célébra tous deux dans une même fête,
à laquelle furent conviés les représentants des cités trans-
alpines. Afin de donner tout l'éclat possible à une solen-
nité où l'éloquence tiendrait une grande place. Trêves em-
prunta à la ville d'Autun son spirituel panégyriste , le
Pline du iv* siècle. Eumêne était peut-être le seul à qui Ton
pût confier la tâche délicate de parler en de telles circon-
stances, le lendemain d'événements si tragiques '.d
» Eckhel, Doct. .Vum., t. VIII, p. 74.
' Video circnm maximum, œmalum , credo, llomano ; video basilicas et
fornm, opéra regia, sedemque justitiœ in tantam altitudinem sascitarifnt so
tideribus et cœlo dîgna et vicina promittant. Enmeni, Paneg. Const,, 22.
' Hûtoire de la Gauh août V administration romainef t. III, p. 164.
ET DISSERTATIONS. 117
J'ai pensé, mon cher ami, que je ne pouvais terminer
celte lettre d'une façon qui vous fût plus agréable qu'en
citant ces paroles de votre savant condisciple, de notre
bienveillant confrère M. Araédée Thierry. Elles résument
parfaitement toutes les causes qui durent exciter la grati-
tude des Tréviriens, et pourraient à elles seules servir
d'explication au médaillon d'or. Je n'ai plus qu'à vous de-
mander de me pardonner la longueur des considérations
qui précèdent.
Ad. de Longpérier.
13 mars 1864.
P. S. Au moment de mettre sous presse, j'apprends que
le médaillon de Constantin vient d'entrer dans la riche
collection de M. Gustave d'Amécourt, qui possède déjà
tant de précieuses raretés.
lis MÉMOIRES
MARSEILLE.
MONNAIES DES PATRICES.
( Fi. V. )
Dans le sixième volume de la Retue, j'avais publié en
1861 une monnaie d'argent mérovingienne de Marseille
dont la légende ne laissait lire que les deux premières
lettres d*un nom, AN, nom que, d'après M. Morel Fatio,
j'ai pu heureusement compléter comme étant celui d' An-
ténor *.
En 1863, et dans le même recueil, je retrouvais Fattri-
bution, pour moi jusque-là incertaine, d'un tiers de sol
d'or au nom de Syrus', et dont j'avais déjà parlé".
Enfin, et dans le même travail, j'avais donné la des-
cription et le dessin d'une pièce d'argent au nom de Nym-
phidius, appartenant à la collection de M. le comte de
Clapiers *.
Le nouvel article que je publie aujourd'hui n'a pas seu-
lement pour objet la reproduction de neuf variétés de de-
niers du patrice Nymphidius, dont nous allons parler tout
* Betue num,, nouvelle »i*rie, t. VI, p. iOl, pi. XVII, u* 10.
* Ibid., t. VIII, p. 258.
» Ibid., t. VII, p. 279, pi. XI, n« 1.
* /Wd., t. VIII, p. 258, pi. XIII, n» 1,
ET DISSERTATIONS. 1 19
à rbeure, et dout je donne les dessins aux lecteurs de la
Revue : il soulève une question beaucoup plus sérieuse,
celle de l'époque réelle à laquelle ces monnaies ont été
émises et du personnage auquel elles appartiennent avec
certitude.
Dans la notice précédente, décrivant la pièce de M. le
comte de Clapiers, je cherchais à rattacher le nom de NIFI-
DIVS qu elle porte à Tancien prœfecius ou prœposHm, dont
je citais l'épitaphe d'après les anciens auteurs provençaux,
et mort en A80, sous le règne de Zenon. J'avoue que la
conformité du nom, en l'absence de tout autre document,
m'avait séduit dans cette attribution à un personnage
mort à Marseille après y avoir exercé une haute dignité :
mais cependant je n'étais pas entièrement satisfait , et,
obligé de remonter à une époque aussi éloignée, j'écrivais
cette phrase dubitative : Nous sera-t-il peimis de recher-
cher le nom de ce Nymphidius sur notre monnaie, qu'il
faut considérer comme un monument encore tout romain 7. . .
L'aspect de cette pièce que j'avais sous les yeux, son poids,
son galbe, semblaient devoir me faire incliner pour une
attribution de l'époque mérovingienne, qui ne pouvait pas
s'accorder avec la date A89 ; cependant cette date précise
était là dans l'inscription pour entretenir ma perplexité,
s'il n'y avait pas erreur ou confusion dans l'individualité
du fonctionnaire dont je tenais le nom écrit d'une manière
irréfutable. Les saïgas ou les deniers d'argent qui se rap-
prochaient de ma monnaie ne pouvaient pas remonter si
haut, et pourtant j'avais un nom sur la pierre comme sur
ma pièce, et une date certaine dans l'histoire.
Depuis la publication de mon dernier article, nous avions
été assez heureux pour faire l'acquisition de six autres
deniers d'argent qui, malgré leur variété, appartiennent
120 Mr.Moiurs
au personnage objet de ma première attribution. Au mo-
ment où je les étudiais de nouveau et où je me demandais
encore s'il était possible de les faire remonter jusqu^au
V* siècle, il m'est échu une bonne fortune inespérée.
M. l'abbé Albanès, bien connu en Provence pour sa grande
expérience des documents historiques, me parla d'une
charte faisant partie du cartulaire de Saint-Victor de Mar-
seille, datée de l'an 780, et qui mentionne d'un seul coup
quatre patrices de la ville, ÀrUenot\ Nemfidius^ Aletratwet
Abbo *. Nemfidius y est d'abord nommé sans son titre de
patrice, mais vers la fin on le lui donne, et l'on y mentionne
sa veuve Adalirudis et ses trois enfants. Une autre charte
de l'an 1048 parle aussi de ce patrice et de sa fa-
mille '.
Voici au reste les passages de la charte n"* 31, concernant
nos quatre personnages.
d Sed quomodo ipsa carta ibidem ante ipsos relicta
(( fuisset, sic in postmodum alium relatum ibidem osten-
(f didit, quod Abbo pa^ncitcs ' juxta legis ordinem, de in-
tttercicione cartarum, inscribere in publico, vel coram
<( bonis sacerdotibus atque illustribus personis, sicut lex
a est roborata, ostendidit, de ipsas cartas, quas Anlener
u patricius ^ malo ordine et inique ingenio, de ipsa charta
u Sancti Victoris abstraxerat , et incendere ordinavit, hoc
a est cartas quas Gotricus et jom dicta Adaltrudis, vel quas
tt plures alie persone ibidem condonaverunt ad ipsam ca-
* Cartularium Sancti Victoris, charte n» 31, t. I"", p. 43 à 46.
» ibid., t. II, charte 737, p. 83.
' AbttOf patricius, ctijus testamentum anuo 739, non scmel typis mundatuni ;
itenim a nobia edetur in chartul. Sancti llugonis.
* Hanc Antenerum eumdem fuisse qui Antherius , provinciarum patriciui in
ft'ia charta dicitur, non immerito conjecit du Gange.
ET DISSERTATIONS. 121
« sam dei Sancte Marie , vel gloriosissimo Sancto Viclore
« Massiliense »
« .... Sic omnes affirmaverunt ipsam pro beneficio, Me-
u iranoy qui fuit pairicius in Provincia, pro causa 3lassi-
« liense , ipsam villam Caladium , ipsius ia beneficium,
«cessisset; et in postmodum Abbo patricins quondam^
« similiter pro causa Massiliense , Sancte Marie et Sancti
(I Victoris in beneficium concessit ..., »
«.... Testimoniaverunt Taurinus et Sanctebertus , per
(( interpositionem sacramenti , quod ipsa villa Caladius
« propria fuisset Nem/idii , patricii condam et habuisset
u uxorcm Adaltrudem, ex qua babuit filios très, et quod
« ipse Nenifidius et Adaltrudes et filii ipsam villam , per
a Cartulam cessionis ad ipsam casam dei Sancte Marie et
u Sancti Victoris delegassent »
« .. .. Actum est enim die Mercoris, VIII kalendas mar-
« cias , anno Xil , régnante domino nostro Karolo, indi-
u cione II. »
On comprend de quelle importance étaient ces documents
pour la question qui nous occupe. Ils nous fixaient non-seu-
lement sur Nempbidius, mais aussi sur l'émission monétaire
d'Anténor et sur l'époque précise de ce monnayage, puis-
que Tun des quatre patrices cités avait fait son testament
en 739. C'est donc du commencement jusqu'au milieu du
viir siècle qu'il faut placer la fabrication dont nous nous
occupons aujourd'hui, date qui , selon moi , concorde bien
mieux que la fin du v* avec le système que nous avons sous
les yeux. Aucun de nos lecteurs ne s'arrêtera à la différence
qui existe entre le nom Antener^ écrit dans la charte, et la
version Antenor^ qui m'avait obligeamment été donnée par
M. Morel Fatio, non plus que sur les différentes manières
d'écrire celui de Nymfidius. Ces variations sont trop corn-
1 22 MLMOIBLS
munes sur les niounaies et dans les chartes de cette époque
pour mériter attention. Ce que nous pouvons constater.
c*est que, selon toute apparence, Antenor, Nemfidius \ Me-
trano et Abbo ont été à Marseille quatre patrices vivant à
des époques voisines, et si nous rapprochons les uMmoaies
que nous possédons pour les deux premiers, des saïgas de
la fin de la première race, nous trouverons que, par le fait,
elles ont beaucoup plus de rapport avec l'époque méro-
vingienne qu'avec toute autre. D'ailleurs, le rapproche-
ment comme patrices des noms d' Antenor et de Nymfidius
vient lever tous les doutes sur l'attribution à faire an second
de ces personnages. Il en ressort que deux Nymphîdius
ont occupé un haut rang à Marseille ou en Provence , l'un
au V* siècle comme prœfectus ou prapasitus : c'est celui
mentionné dans l'épitaphe gravée sur la pierre tumubdre
que nous avons reproduite ', et l'autre , comme revêtu du
palriciat.
Nous voilà donc, quant à présent, avec trois noms de
patrices qui ont frappé monnaie : Syrus , Antenor et Nem-
pbidius, et je vois s'évanouir le regret que j'exprimais der-
nièrement de ne pas les trouver au nombre de ceux cités
par les historiens. Les chartes de Saint-Victor comblent
cette lacune.
Une fois arrivé à ce point, j'ai dû rechercher si, parmi
les pièces incertaines publiées, je n'en trouverais pas quel-
ques-unes qui puissent se rattacher à ce système. Dans ses
Mélanges numismaliques^ publiés en 18A5 ', le marquis de
< J*emploie moi même yolontairement les divenes formes de ce nom.
3 Rnue num., nouvelle série, 1863, t. VIII, p. 260.
* Aiz, 1845, in -4", p. 31 et pU I, u" 14. La pièce est reproduite par le même
nntiqnmire dans ses Rtcherches tur Verplicationdes monogrammu de quetqvei mé-
HatUtê médite$. Ais, 1836, in-4*, n* 13.
ET DISSERTATIONS. 12S
Lagoy, de si regrettable mémoire, et que je voudrais en-
core avoir près de moi pour m'éclairer de sa haute science,
décrivait ainsi une petite monnaie d'argent ayant, sous
tous les rapports, la plus grande analogie avec celle dont
nous nous occupons.
MASSILIA. Buste à droite ^ devant, un point.
^ ...ERTAROS. Croix pâtée, haussée : le pied posé sur
une marche *, denier ou saïga d'argent.
Aujourd'hui je ne doute plus que ce soit là encore une
monnaie des patrices de Marseille. Je trouve dans Grégoire
de Tours et dans Frédégaire des noms de fonctionnaires
revêtus de cette dignité, qui, avec une légère interprétation
de lecture et sans avoir rien de forcé, pourraient se rap-
porter à celui inscrit sur cette pièce. Mais j*aime mieux ne
pas mettre en avant une opinion hasardée, et attendre que
de nouvelles découvertes viennent justifier mes prévisions,
et me permettre de faire une attribution certaine. Quant à
présent, je me borne à prendre acte de la similitude du
type et du mot MASSILIA, inscrit comme nous allons le
voir tout à Theure sur une pièce de Nemphidius.
A la pièce d'Antenor, que j'avais décrite d'après un
exemplîûre imparfait, je dois substituer celle que M. le
marquis de Lagoy nous a fait connaître en 1839, et sur
laquelle il croyait pouvoir lire AMTENOM * (voy. pi. V,
n"" 3), ce qui lui donnait le nom du monétaire Antenus. A
cette monnaie » il faut rattacher les quatre deniers gravés
dans le même mémoire sous les n<" 6, 7, 9 et 11. ( PI. V,
n'A.)
J'y ajouterai un denier que ce savant a fait graver en
* Description de qutlquti monnaies merotingiennee de'couveTtei m Provence^
n^ 33, p. 28.
12/i MÉMOIRES
1845, mais qu'il n*a pas expliqué*. Voici ce qu'il en
dit :
« Dans ma description de quelques médailles mérovîn -
gieunes, j'ai déjà publié et fait graver (n"* 17 et 18) deux
deniers d'argent découverts à Saint-Remi, et qui sont pres-
que semblables à celui-ci. Je ne crois cependant pas inutile
de faire connaître ce nouvel exemplaire appartenant au
musée de Marseille , et dont la conservation ne laisse rien à
désirer. On aperçoit de plus ici, et très-distinctement, la
lettre T, dont la barre sur mes exemplaires est tout à fait
détachée et suspendue dans le champ comme serait un
simple trait d'abrévation. La connaissance de cette nouvelle
lettre peut avoir quelque importance pour faire parvenir à
déchiffrer le nom contenu et caché dans cette énigme mo-
nétaire. »
L'énigme cessera d'embarrasser maintenant ceux qui
voudront bien examiner le monogramme déchiffré par M. de
Longpérier. Le nom d'Anténor s'y lit si clairement, que le
doute est impossible (pi. V, n** 5).
Il ne s'ensuit pas pour cela que ce nom doive aussi se
trouver dans les deux deniers auxquels M. de Lagoy fait
allusion, et qui ne sont que des imitations du denier d' An-
ténor produites sous un autre patrice, c'est-à-dire Nem-
phidius.
Pour en revenir aux monnaies de ce dernier patrice que
je vais décrire tout à l'heure, je dois faire remarquer d'a-
vance la variété bien tranchée qui existe dans la manière de
tracer son nom, d'abord en légende circulaire et en toutes
lettres (n* 6 de la pi. V), puis avec des points abréviatifs
(n' 7), ensuite par une sorte de monogramme allongé sur
* Mélanges it numxtmaitqut ^ n** lî, p. 33.
LT DISSERTATIONS. 125
une seule ligne (n* 8 ) , en monogramme cruciforme (n*' U,
10, 11).
Après les monnaies conservées dans notre collection de
la ville de Marseille, je donnerai la description de deux
deniers dont il a déjà été question plus haut lorsque j'ai
parlé d'Anténor.
Il s'agit des pièces trouvées à Saint-Remi par M. de La-
goy, et que ce savant a fait graver dans sa dissertation de
1839 (n*»» 17 et 18).
Le graveur avait placé les monogrammes le haut en bas;
mais nous les rétablissons (voir pi. V, n°' 12 et 13). Le
nom de Nemfidius s'y reconnaît aisément. C'est bien une
barre d'abréviation qui surmonte le groupe , ainsi que
M. le marquis de Lagoy l'avait fort justement remar-
qué. On a voulu conserver l'apparence générale du mono-
gramme d'Anténor, et toutefois écrire Nemfidius, ce à quoi
on a parfaitement réussi en changeant 1*0 en D.
Si nous voulons rapprocher ces pièces des monnaies
connues, nous leur trouvons la plus grande affinité avec
celles attribuées à Marseille par M. Conbrouse, sous la
qualification de dégradation sigébertine \ 11 est même re-
marquable que le n* 8 de notre planche s'y trouve repro-
duit sous le n' 5, légèrement altéré dans le dessin, et écrit
de droite à gauche au lieu de l'être naturellement. Cette
variété a été empruntée par M. Conbrouse à M. de Lagoy.
C'est donc aussi un Nymphidius, celui des chartes conser-
vées à l'abbaye de Saint- Victor. Je suis heureux de pouvoir
me rectifier moi-même sur cette attribution, et d'adresser
tous mes remercîments à M. l'abbé Albanès, dont la com-
munication m'a mis, j'espère, dans la bonne voie. Passons
' Monnaies de France, atla^, pi. 158,;,
420 MÉMOIRES
maintenant à la description des pièces qui appartiennent à
a collection de la ville de Marseille.
N"* 1 . Tète demi-barbare à droite , avec une couronne
d'olivier?... nouée par derrière. Le tout dans un grënetis.
1^ NI.FIDVS en légende circulaire entouré d'un rameau
trifolié, semblable à celui de la pièce précédemment dé-
crite *.
Argent. — Poids, 1 gramme. (PI. V, u* 6. )
On voit que cette pièce a la plus grande analogie avec
celle décrite en 1863. La tête est seulement un peu plus
barbare ; mais le symbole du rameau et la couronne sont
les mômes.
N° 2. Tête à droite : couronne et grènetis.
î^ N.F.I.D.S placé circulairement autour du rameau tri-
folié.
ilrgcnr. — Poids, 1 «',08. (PI. V,n'7.)
La légende s'altère, et le nom n'est plus complet.
N* 3. Buste avec une croisette derrière la tête, sans grè-
netis.
rI nef sur une seule ligne; croisette au-dessus et au-des-
sous ; le tout dans un grènetis.
Argent. — Poids, 06',95. (PI. V, n* 8. )
Sur cette pièce, comme sur les suivantes, le grënetis a
disparu du côté de la tête pour passer au revers.
N" à. Buste tout à fait barbare à droite.
î^ NFDS en monogramme cruciforme. Grënetis.
^rgenf. —Poids, 1«',10. (PL V, n- 9.)
N* 6. Buste barbare; croisette derrière la tête.
« Revue num.^ 1B63, pi. XIII, n" 1. Cett^î pièce, dont nous ne donnons pa*
de nouveau le dessin, constitue notre première variété ; le nom est écrit »anp
interponctuation.
ET DISSERTATIONS. J 27
£ Monogramme disposé de la même manière.
Argent.— Voids, 1«%10. (PI. V, n« 10. )
N"6. Buste grossier à droite. Appendice de croisette?
derrière la tête.
^ Monogramme cruciforme.
Argent. — Poids, 1 gramme. (PI. V, n» il.)
N» 7. Tête fruste et mal venue à la frappe tournée à
gauche. Devant, H.
^ Croisette commençant la légende MASILII écrit circu-
lairement. Champ fruste ou plutôt non sorti à la frappe.
Argent. — Poids, i gramme. (PI. V, nM4.)
La lettre qui se trouve devant la tête doit être l'initiale
du nom du patrice; et si l'on considère qu'à cette époque
on employait indistinctement la forme H et la forme N
avec la même signification , si enfin on examine l'ensemble
de la pièce, je ne crois pas qu'on puisse hésiter à la donner
à Nymphidius. Sur les n" 6, 7 et 8 de notre planche, cette
initiale est écrite H, ^t ce qu'il y a de remarquable c'est
que cette forme, sur les deux premiers numéros, se pré-
sente alors que le nom est écrit en entier ou à peu près.
Si j'insiste sur cette observation, c'est à cause de l'impor-
tance capitale que cette pièce acquiert par le nom de Mar-
seille, qui, inscrit au revers, lève toute espèce de doute
sur l'attribution locale. Ainsi donc nous voilà, quant à pré-
sent, avec un exemplaire qui, comme celui d'.4w Wnor,
vient à l'appui de la charte de Saint-Victor pour faire, par
leur similitude, de ces deux patrices, sinon des contempo-
rains, du moins des fonctionnaires qui se sont suivis de
près dans leur dignité.
Ceci exposé, on consentira sans doute à voir avec nous
le nom du patrice Metrano sur la monnaie suivante, qui
est conservée dans le médaillier de Marseille.
i?.S MÉMOIRES
Tête tournée à droite ; devant, une petite croix.
rI meta en monogramme.
Argent. — Poids, 1 gramme. (PI. V, n* 16. )
Nous croyons pouvoir encore attribuer au môme person-
nage le denier que M. le marquis de Lagoy avait pensé de-
voir classer à Avignon * (voy. pi. V, n** 15). Cette proposition
demeure, il est bien entendu, subordonnée à l'examen d'au-
tres exemplaires de la même monnaie qui pourront venir
compléter un type que nous n'avons pas dans son état
bien entier.
Et maintenant, en possession d'un monnayage aux noms
de Syrus , d'Anténor et de Nymphidius ; au moment de
trouver une attribution à la pièce ...ERTAROS de M. de
Lagoy, je serai heureux d'appeler l'attention des numis-
matistes sur la série des patrices de Marseille.
Ainsi se confirme petit à petit l'opinion de M. de Long-
périer, qui, il y a dix-sept ans, disait, à propos de la mon-
naie d'Ébroïn : « On retrouvera sans doute des monnaies
frappées au nom d'autres maires du Palais; il est probable
que, de même que celle-ci, elles seront d'argent'. »
Après la découverte des petites monnaies patriciennes
dont nous venons de nous occuper, une autre bonne fortune
nous était réservée. Grâce au zèle que veut bien déployer en
notre faveur un mandataire obligeant, nous avons pu faire
l'acquisition d'un sol d'or frappé à Marseille au nom de
Focas, et dont voici la description :
N" 8. DN FOCAS PCPP AVG. Busle diadème de l'em-
pereur tourné à droite. La légende circulaire est inscrite
à rebours.
* Description de quelques monn. nicrov. Aix, 1839, n*» 14.
* Notice de la collection Housseau^ p. 30— Voir aussi la nouvelle édition dos
Uttresdu baron Marchant, 1850, p. 124.
ET DISSEKTATIONS. j^9
i^ Croix au-dessus d'un globe et cantonnée des lettres MA,
sous lesquelles on lit le chiffre XXI. Légende : VICTORIA
AVGGV ; à rexergue, CONOB.
Sol d'or. — Poids, 8«',80. (PI. V, n*» 1.)
J'ai parlé dans un numéro récent de la Revue à!uï\ autre
exemplaire au nom du même empereur, et également
frappé à Marseille *, pièce qui diffère de la nôtre et pour le
type de la tête et pour la légende. Mais je ne pouvais
alors donner que le dessin pris sur l'empreinte que je te-
nais de l'obligeance de M. le comte de Salis. Aujourd'hui,
plus heureux encore, j'ai sous les yeux notre précieux
spécimen, d'une admirable conservation, et qui a dû faire
partie d'un collier, ainsi que l'indique la belière qui y a
été soudée. Cette pièce intéressante à un si haut degré
désormais ne sortira plus de nos cartons, où elle a trouvé
sa place naturelle. Pour ne pas tomber dans des redites, je
^renvoie les lecteurs à la dissertation que j'ai citée çn
commençant.
Nous n'avons pas été aussi heureux pour un sol d'or de
Dagobert, frappé à Arles, pièce unique jusqu'à présent, et
dont je regrette de n'avoir pu faire l'acquisition. Cepen-
dant, comme elle n'a pas encore été publiée et que je l'ai
eue entre les mains, j'en puis donner avec exactitude la
description et le dessin , toujours grâce au talent de notre
brave ami Laugier.
N"» 9. DAGOBERTVxR. Buste à droite diadème de Da-
gobert.
^ Le nom royal également en légende. Croix à pied,
fourchée, sur un globe, et cantonnée des lettres A R.
Sol d'or. (PI. V, n«»2.)
» Rtvuê fiurn., nonvoUe série, 1863, p. 265, et pi. XUI, n» 3.
1864. -2. 9
130 MÉMUlKES
Le nom du roi inscrit du côté de la tête et répété iden-
tiquement au revers, est une particularité assez remar-
quable, sans être un fait exceptionnel.
Nous connaissons en eflet depuis longtemps des tiers de
sou d'or de Clotaire frappés à Marseille sur lesquels le nom
du roi est deux fois répété ( Le Blanc, p. 62, édit. d'Amst.
— Conbrouse, Monn, nat mérot\, p. 22, n® S25. — Cata-
logue de la collection Gossellin, 186A, n"* 1539).
Il existe d'ailleurs dans le médaillier de la Bibliothèque
impériale un beau sou d*or de Clotaire frappé à Arles,
comme notre Dagobert, et qui reproduit aussi deux fois le
nom royal*.
La monnaie de Dagobert à Marseille était, sinon com-
mune, du moins bien connue. Il est k regretter que le sol
d'or d'Arles ne soit pas venu accroître la collection pro*
vençale qui depuis quelques années a pris une véritable
importance, et devient digne de la grande cité qui la pos-
sède.
Ad. Garpentin.
* Longpérier, Soticê de la cQllection Bousuau^ p. SO, pi. I, n* 93.
tl UrSSERTATIONS. 131
NOTICE
QUELQUES MONNAIES DES ANCIENS ROIS D'ESPAGNE.
iPl. VI.)
La monnaie de l'Espagne au moyen âge a été tellement
négligée , que c'est à peine si les savants d'Europe en ont
pu concevoir une idée approximative.
Lorsque l'illustre Lelewel écrivait le livre qui a fait une
sorte de révolution dans nos études, il en était réduit,
pour traiter le chapitre relatif à la Péninsule, aux maigres
renseignements que lui fournissait Mahudel , et de la sorte
nous sommes à jamais privés des aperçus ingénieux que le
savant polonais n'eût pas manqué de nous livrer s'il avait
eu sous les yeux une série de monnaies quelque peu an-
ciennes, et comparable à ce qu'il connaissait pour les
autres contrées.
J'ai pensé qu'il serait agréable aux lecteurs de la Revue
de voir les dessins de quelques-unes des pièces que j'ai
recueillies pendant mon long séjour en Espagne, pièces
pour la plupart fort rares, et dont quelques-unes se ratta-
chent, par le style comme par le type, à des monnaies frap-
pées dans les provinces méridionales de la France.
132 UÉMOIRES
Je n'ai pas la prétention, on le comprend bien, de donner
ici une série complète ; ce sont des échantillons de ma col-
lection particulière que je publie, et c'est pour cela que je
place en tète quelques monnaies des rois goths que je me
suis procurées non sans peine , car on les rencontre diffici-
lement en Espagne. C'est là un fait qu'ont déjà dû fiEure
pressentir les catalogues des collections Garcia de la Torre
et Lorichs. On se convaincra mieux encore de son exacti-
tude lorsque les collections espagnoles seront plus connues,
pour notre avantage à tous.
SwJNTHiLA (622-632).
1. +SYINTH1L REX. Tête de face.
i^ + IVSTVS TViCI. Tête de face. — Or. ( PI. VI, n- 1 )
Cette pièce a été frappée à Tucci , dans la Bétique.
On peut remarquer que le nom de la ville est coupé par
des points, ainsi que cela se voit sur diverses monnaies.
Les mots coupés par des points se rencontrent aussi dana
les inscriptions antiques et du moyen âge. On en peut voir
des exemples instructifs recueillis par M. de Longpérier
dans les Mémoires et dans le Bulletin de la Société des
antiquaires de France \
Quant à la ligne de trois points, en particulier, elle divise
le nom VGO sur la monnaie d'une antre ville d'Espagne
publiée par M. Géry *.
Ervigius (681-687).
2. I.A.I.NMERVGIVSRX. Tète de face. {In Dei mmine.)
• Memoiref, t. XX, 1850, p. 27 et suiv, — Bulletin, 1859, p. 147.
« Rfvttf niim., 1860, p. 382.
ET DISSERTATIONS. 433
ni +*ISPALI PIVS. Croix sur trois degrés. —Or. (PI. VI,
n' 2.)
La monnaie a été frappée à Séville, l'antique Hispalis^
que les Arabes nommaient Ischbilia et parfois Schébilia, ce
qui a conduit à la forme actuelle.
Cette ville fut prise Tan AU par les Vandales, qui en
firent la résidence de leurs rois ; elle devint ensuite la ca-
pitale desGoths jusqu'à Léovigilde, qui, en 579, transféra
le siège de la royauté à Tolède.
Egica (688-695).
3. +1 D.I NM EGICA RX. Buste diadème tourné adroite,
tenant une croix, (/n Dei nomine. )
^ + TOLETO PIVS. Croix sur trois degrés. — Or, (PI. VI,
n«3.)
Tolède, devenue, comme nous l'avons dit, capitale des
rois goths, tomba ensuite au pouvoir des Arabes, qui la
gardèrent l'espace de 37A ans (de 711 à 1085). A peine
cette ville fut-elle reconquise sur les Arabes, qu'elle reprit
le premier rang aux yeux des chrétiens, et elle le conserva
jusqu'en 1560, époque à laquelle le roi Don Philippe trans-
porta sa cour à Madrid, qui n'avait été jusqu'alors qu'une
petite ville sans importance.
WiTizA (696-708).
4. -flK D-NME. VVITZ RX. Buste tourné adroite. {In
. Dei: nomine. )
■ i^ + TOLETO PIVS. Croix sur trois tlegrés. — Or.
(PI. VI, n" 4.)
t3à MÉMOIRES
AlPHO.NSK V, ROI DE LÉON (999-1027;.
5. ADEFONSVS. Croix.
S) LEONI en une ligne sur un bandeau accompagné de
quatre têtes de lion. — Billon. (PI. VI, n'» 5.)
Les lions sont les armes parlantes du royaume de Léon.
Adefonsus est la forme de nom adoptée par Alphonse V
dans ses actes. Voyez les actes des années 1050, 1065 de
Tère (1012, 1017 de J. C. ), ainsi que les canons du concile
de Léon, tenu en Tan 1020, et la chronique de Lucas de
Tuy. Son épitaphe est ainsi conçue : Hic jacet rex Adefonsus
qui populavit Legionem, etc.
La numismatique des rois qui ont porté le nom d'Alphonse
est fort peu étudiée ; elle se complique de questions histo-
riques et paléographiques. C'est surtout pour les princes
de Castille que le classement des monnaies est difficile.
L*essai que nous présentons ici , non sans réseiTe , pourra
donner lieu à quelques observations. Mais il ne faudrait
pas se hâter de repousser nos attributions, avant d'avoir
étudié les nombreuses variétés de deniers dont nos dessins
ne donnent qu'une idée fort incomplète.
Vérémund m, ROI DE Léon (1027-1037).
6. + VREM REX. Croix.
R LEONIS. Croix à pied entre deux étoiles. — Billon.
(PI. V], n«6.)
Les rois Vérémund sont aussi appelés Bermude par les
modernes Mais la forme la plus ancienne est bien établie
par divers textes.
i:t nissEiiTATioxs. 1S6
Des actes de 1017, 102 porteut la signatuœ de Vere-
niudus, fils de Vigila.
Le moine de Silos, dans sa chronique, dit, en parlant
d'Alphonse V : a Sagitta percussus est; ex quo vulnere ad
extrema perductus, superstitibus liberîs Yeremundo et
Sanctia puella... » Et Pelage d'Oviedo s'exprime ainsi :
« Geniiit duos filios, Veremundum et Sanciam. »
On trouve dans Escalona (Hisiaria deSahagun^ append.,
p. 438) un acte à la date du 11 mars 1030, où on lit :
(( Régnante rex Sancius in Castilla et rex Veremundus in
Legione. »
Vérémund III est le dernier du nom; on ne peut donc
faire descendre la monnaie que je publie ici à une époque
plus récente. C'est un jalon très-important dans la série des
monnaies espagnoles.
Alphonse VI, noi de Léon (1066-1109).
7. AiNFVS REX. Croix cantonnée d'un croissant.
^ TOIL. Cavalier au galop, à droite, tenant une palme.
^BiUon. (PL VI, n" 7.)
Ce n'est qu'à partir de la mort de son frère Sanche le
Fort (1070) qu'Alphonse, exilé à Tolède chez le roi arabe
£1 Mâmoun, fut élu par les Castillans et les Navarrais. Il
prit possession de ses trois royaumes en 1073.
Après la mort de son allié El Mâmoun, Alphonse chercha
à s'emparer de Tolède; il assiégea longtemps cette ville,
et finit par y entrer le 26 mai 1085.
L'émir Yahia et ses principaux officiers sortirent de la
ville et se retirèrent à Valence , emportant avec eux leurs
plus précieux trésors.*
Ce n'est donc qu'à la vingtième année du règne d'Alphonse
13() ^lÉMOJRES
qu'il est possible d'attribuer le denier que nous venons de
décrire.
Le cavalier tenant une palme représente le roi vainqueur,
en même temps qu'il fait revivre un vieux type celtibérien.
Tolède avait appartenu aux Arabes pendant trois cent
soixante-quatorze ans.
8. -TOLETAS. Croix.
Fjl Cavalier à droite; sous le cheval, une étoile. — Billeti.
(PI. V],n''8.)
Après la mort d'Alphonse te Brave , ses domaines passè-
rent à sa fille Urraca, qui avait épousé Alphonse le Batail-
leur, roi d* Aragon. Les dissentions qui ne tardèrent pas à
éclater entre la princesse , héritière du royame de Castille,
et son mari, produisirent de grands troubles, et il parait
bien probable que les habitants de Tolède, à un certain
moment, ne voulant pas se prononcer entre Urraca et Don
Alphonse , frappèrent une monnaie anonyme , représentant
seulement le cavalier, non plus portant la palme, signe de
la victoire, mais conservant cependant l'apparence géné-
rale d'un type auquel on était accoutumé.
Henri de Bourgogne, petit-fils de Robert I", duc de
Bourgogne (1052-1075), ayant épousé Thérèse, fille d'Al-
phonse VI le Brave, fut fait comte de Portugal en l'an 1094
ou 1095.
Alphonse VI épousa en troisièmes noces Constance, fille
du même duc Robert de Bourgogne, qui fut mère d' Urraca,
mariée en 1090 à Raymond, comte de Galice, fils de Guil-
laume le Grand , comte de Bourgogne.
Mahaut, fille d'Alphonse !•% roi de Portugal, et petite-
fille d'Alphonse VI de Castille et Léon, épousa, en 119A,
Eudes III, duc de Bourgogne.
Je cite ces faits pour montrer les relations qui existèrent
tr hiSSERTATlONS. 137
pendant les xi' et xu' siècles entre la Péninsule et la Bour-
gogne.
Urraga, reine de Léon et Gastille (1109-1126?).
f). VRRACA RûG. Croix. (Urraca regina).
a LEO CIVITAS. Deux alpha et deux oméga. — BiUon.
(PL VI, n» 9.)
Le règne d'Urraca fut un temps de guerres et de troubles.
Suivant le droit espagnol , elle était reine de Castille et de
Léon ; et son mari , descendant comme elle de Sanche le
Grand , n'était que roi d'Aragon. Mais Alphonse le Batail-
leur assiégea et prit un grand nombre de villes dans les
États de sa femme, qu'avait en vain défendue Henri de
Bourgogne. En 1114 , par les soins du pape Pascal II, un
concile , tenu dans la ville de Palencia, décida que le degré
de parenté qui existait entre Don Alphonse et Urraca était
un obstacle à la validité de leur mariage.
En 1116, plusieurs villes de Léon, de TEstramadure, de
la Gastille et Tolède même reconnurent pour roi Alphonse,
fils d'Urraca et du comte Raimond, qu'elle avait épousé en
premières noces. Le royaume resta partagé pendant trois
ans entre la mère et le fils. Enfin Urraca se retira dans la
ville de Léon, où elle ne tarda pas à être assiégée par les
partisans d'Alphonse. La ville fut prise, et la reine perdit
le reste d'autorité qu'elle exerçait encore. La date de sa
mort reste douteuse.
10. VRRACA RûG. Croix.
œSR ANTONINI. Deux alpha et deux oméga. — ^îMoii.
(PI. VI, n« 10.)
Après que la reine Urraca eut été obligée de sortir de
Léon, on ne sait pas exactement où elle se i-etira; peut-être
138 MEMOIRES
fut-ce dans un monastère de saint Antoniu, dont le nom se
voit sur notre denier.
11 existait à Médina del Cauipo, Tancienne Metbymna
Campestris , non loin de Zamora , un monastère dédié à
San Antolin, dont faisait partie l'église collégiale gothique
qui s'y voit encore.
Une autre Urraca, fille de Don Fernand et par conséquent
tante de la reine, avait possédé Zamora après la mort de
son père; mais malgré le voisinage des localités, ce n'est
pas à cette sœur d'Alphonse le Brave qu'il faut attribuer
le denier de San Antolin. Cette pièce, par son type et sa
légende, est inséparable du denier frappé à Léon, ville qui
n'appartenait ])as à la fille de Don Fernand. D'ailleurs la
fabrique des deniers nous reporte au xii' siècle.
Pierre ]•', noi d'Aragon (1094-H04).
IJ. PETRVS REX. Tête tournée à gauche.
^ 'ARAGON en ligne horizontale. Croix entre deux ra-
meaux, — JBi(/on. (PI. VI, n» 11.) '
Lelewel décrit ( Numismatique du moyen âge , t. II , p. 6,
pi. XVI, n« 2) une pièce de Sanche I*' (1063-1094), père
de Pierre I". Cette monnaie offre un type identique à celui
du denier que je publie.
Ce Sanche dit Ramirez (c'est-à-dire fils de Ramire) était
en même temps, à partir de 1076, roi de Navarre, et c'est
à lui qu'il faut encore attribuer le denier au type de la croix
longue entre deux fleurons qui présente NAVAR au lieu
d'Aragon.
* Nous avons décrit un denier semblable sous le n* 6199 du Caiahgw de la
rfiîlecUon de D. Joié Garcia de la fot rf, publié à Madrid en 1852.
Kl DlSSbRTAl IONS. 130
Alphonse Mil, roi de Léon et de Castille (1126-1137).
12. ANFVS REX. Croix.
k + TOLETVM. Deux annelets et deux étoiles. — Billom.
(PI. VI, n' 12.)
Ce type rappelle les deux annelets et les deux étoiles qui
se voient sur les deniers de Béziers frappés au nom de
Roger, de Bernard Hatton et de Roger Trencavel (1130-
1150).
13. -f AMFVS REX. Croix cantonnée de quatre annelets.
^ + SOCOVIA CIE. Crosse entre deux fleurs de lis cou-
chées. — Billon. (PI. VI, n^ 13. )
Ce denier a été frappé dans la ville de Ségovie.
14. AiNFVS REX. Croix.
^1 TOLETO CIVI. Crosse entre deux petites croix à pied.
— BilUm. ( PI. VI , n» 14. )
La classification de ce denier est difficile et doit encore
être étudiée, comme celle du précédent. Ce n'est que par
la comparaison d*un grand nombre de pièces du même
temps que Ton peut arriver à un résultat certain etsatisfai-
s<int. En publiant la figure de ces deux deniers, j'ai voulu
surtout fournir le moyen de connaître deux types curieux
sur lesquels, plus tard, je pourrai revenir avec de plus
amples détails.
Alphonse 111, roi de Castuxe (1158-1214;.
15. ANFVS REX. Busle couronné d'Alphonse tourné à
gauche.
1A0 MÉMOIRES
H CASTE LV. Château surmonté d'une croix. — Billon.
(PI. VI,n<'15.)
16. ANFVSREX. Croix.
RI CASTELV. Château surmonté d'un buste royal. —
Billon. (PI. Vl,nM6.)
Le buste placé ici au-dessus du château est exactement
semblable à celui qui se voit sur le denier précédent. Ce
sont les deux types du droit et du revers du denier n"" 15
qui ont été réunis et combinés.
Joseph Gaillard.
Cursan (Uironde), le 15 janvier 1804.
£T DISSERTATIONS, 11 1
CONJECTURES
SUR UNE MONNAIE DE L'ÉPOQUE D'ALPHONSE VIII.
DE CASTILLE.
La numismatique de l'Espagne du moyen âge se trouve
malheureusement aujourd'hui dans un triste état de retard
et d'abandon. La manie de borner les recherches archéolo-
giques à l'étude des temps de la domination romaine a
trouvé chez nous un refuge assuré et durable, et compte
toujours de fanatiques partisans, au jugement desquels les
investigations numismatiques relatives au moyen âge ne
peuvent pas produire le moindre résultat utile pour l'his-
toire. A ce mépris, ou tout au moins à cette indifférence,
on doit attribuer principalement la perte de tant de milliers
de monnaies livrées au creuset du fondeur, perte qui a
privé la science d'une multitude de faits et de renseigne-
ments qui, sans aucun doute, eussent été d'une grande
utilité.
Aujourd'hui enfin il existe quelques collectionneurs dis-
tingués qui, ayant banni de si injustes préoccupations, re-
cherchent avec ardeur les monnaies espagnoles du moyen
âge, les arrachant à la destruction pour en former des
séries chronologiques plus ou moins complètes.
En outre, l'étude et la classification exacte de ces mon-
naies est, pour certaines périodes, assez difficile par suite
du manque continuel de documents contemporains aux-
quels on puisse recourir en cas de doutes. En sorte que
le numismatiste, en étant réduit à l'examen et à la compa-
raison de pièces qui très-sonvent ne fournissent que des
indications faibles et confuses, s épuise l'esprit en conjec-
tures, sans obtenir toujours un résultat satisfaisant an point
de vue historique et chronologique. Les œuvres de Velazquez
et de Florez sur les monnaies des Wisigoths, celles de Saez
et de Cantos Benitez relatives à la valeur des monnaies
castillanes pour quelques règnes, les écrits de Lastanosa,
de Salât, de Bover et d'autres sont très-estimables, et
peuvent nous servir comme ciment pour la construction
de l'édifice à venir; mais elles se trouvent, par suite des
sujets restreints et particuliers auxquels elles sont consa-
crées, insuffisantes pour nous servir de guides et de doc-
trine.
Par ces motifs, et considérant que plus grand sera le
nombre des pièces sur lesquelles portera l'examen compa-
ratif, plus grande aussi sera l'abondance de données sur
lesquelles les recherches pourront s'appuyer, je pense qu'il
conviendrait que chacun fît d'abord connaître les pièces
inédites qu'il possède ou qu'il a pu observer.
En attendant quune œuvre consciencieuse et étendue
vienne réunir dans un ordre systématique et clair toutes
les variétés qui composent les séries de monnaies espa-
gnoles du moyen âge, je crois devoir faire part au lecteur
de quelques observations qui m'ont été suggérées par une
petite monnaie castillane du précieux cabinet de don
Manuel Vidal Ranîon, de Barcelonne.
L'époque la plus obscure pour la numismatique des
tT DISSERTATIONS. ihi
royaumes de Castille et de Léon est cet espace compris
entre le règne d'Alphonse VI à qui l'on attribue les pre-
mières monnaies, et celui de Ferdinand III le Saint.
Pendant cette période on connaît avec certitude diffé-
rentes monnaies de Urraca offrant son nom ; on en attribue
logiquement d'autres portant le titre Imperator à Al-
phonse VII, et quelques-unes encore à Sanche III et à
Henri I". Mais dans la multitude de deniers qui nous mon-
trent le nom d'Alphonse, comment devons-nous faire la
part des Alphonse VI, VII, VIII et IX? Il est certain qu'Al-
phonse VIll régna seulement en Castille et Alphonse IX en
Léon. Toutefois leurs monnaies se confondent avec celles
d'Alphonse VI et d'Alphonse VII, qui possédèrent ces deux
royaumes réunis. Ces monnaies se confondent d'autant
plus que les caractéristiques qu'elles présentent se rédui-
sent au nom du prince et à celui du lieu d'émission, sans
date ni autre indice déterminant. En Espagne, cependant,
comme dans toutes les contrées de l'Europe, les monnaies
d'une même série offrent entre elles des variations, des
différences de style qui ne sont pas, dans chaque série, à
l'avantage des pièces les plus récentes.
La médaille que je vais décrire est extrêmement digne
d'attention, et, à mon avis, elle peut aider à résoudre cer-
taines difficultés que présente la classification des mon-
naies des Alphonse , étant la seule, à cette époque, qui
porte une date, bien qu'elle omette le nom du monarque.
En comparant son style à celui d'autres pièces, on peut
donner plus de force aux conjectures.
Au droit on lit :
4- ERA MCClIll autour d'une croix à bras égaux ter-
minés chacun par un croissant , laquelle est cantonnée de
quatre annelets.
ihh MÉMOIRES
Au revers :
+ TOLETUM, croix à pied ornée de fleurons. La légende
n'occupe pas toute la circonférence de la pièce et se trouvç
séparée de la croix par un demi-cercle de grènetis. Billon ;
module, 14 millimètres.
En examinant attentivement cette pièce, on y reconnaît
au premier coup d'oeil un certain degré de pureté dans les
formes qui n'est pas commun à cette époque.
La croix, gravée au droit, n'est pas semblable à celles
que l'on voit ordinairement sur les monnaies contempo-
raines ; l'addition de croissants à l'extrémité de chacun des
bras lui donne un aspect entièrement nouveau.
La croisette, haussée sur une tige ornée de fleurons,
n'apparait sur aucune monnaie de Castille; mais je la
trouve tout à fait semblable sur un denier d'Alphonse Vil,
frappé à Léon, dont voici la description.
+ REX ANFVS IN-RATOR. Buste de face avec la cou-
ronne impériale.
1^ LEGIO GIVITAS. Croisette sur une tige ornée de fleu-
rons; module, 18 millimètres; billon.
11 est à remarquer que la légende du revers est disposée
comme celle de la monnaie qui fait le sujet de cet artic ,
c'est-à-dire qu'elle forme un demi-cercle au-dessus de la
croix dont le pied touche au bord de la médaille.
Mais ce qui est plus remarquable, et ce qui donne à la
monnaie de don Manuel Vidal Ramon une véritable impor-
tance numismatique, c'est la légende du droit, ERA
MCGIIII, date qui peut faire naître des considénilions in-
téressantes.
En eflet, cette année de Vère d'Espagne écrite si nette-
ment et unique (à ma connaissance) dans la numismatique
hispano-chrétienne du moyen âge, a du être indiquée sur
LT DISSEnTATIONS. 143
cette monnaie par suite de quelque grand événement, ou
pour de puissants motifs. Afin de s'en rendre compte, il
devient nécessaire de consulter l'histoire et de rechercher
les faits accomplis en cette année 1166 de Jésus-Christ
correspondant à Vannée 120/i de Y ère de César ou espa-
gnole ^
Les troubles qui agitèrent la minorité du roi don
Alphonse VIII de Castille sont bien connus de tous ceux
qui se sont appliqués à l'étude de notre histoire nationale.
On sait que leur cause principale fut l'antagonisme bouil-
lant des factions des Lara et des Castro qui se disputèrent
longtemps la régence du royaume et la tutèle du monarque
enfant.
Celui-ci avait été confié par son père , le bon roi don
Sanche III, à la garde de don Guttiere Fernandez de Castro
qui, pour éviter sans doute les fatales conséquences de ces
discordes, céda cette mission à don Garcia de Aza, frère
utérin des Lara. Il fut facile à don Manrique de Lara
d'obtenir de la faiblesse d'Aza la tutelle du jeune Alphonse,
et fier de son succès il persécuta ciiielleraent les Castro et
leurs partisans. Ceux-ci furent obligés de demander aide
au roi de Léon, Ferdinand, frère du roi Sanche, qui accé-
dant à cette prière obligea les Lara à lui remettre son
neveu.
Nous n'avons pas à consigner ici minutieusement les
péripéties de cette lutte; il me suffira de déterminer
l'événement auquel notre monnaie me paraît devoir son
origine.
> L'ère d'Espagne commence avec Tan 716 de Rome, trente-hoit ans ayant
rire vulgaire. Son origine fut la complète soumission de la péninsule par
Auguste ; elle fut en usage en Espagne, en Afrique et dans les provinces mé-
ridionales de France régies par les Wisigoths.
1864.— 2. 10
liô MÉMOIHtS
Infatigables dans leur désir ardent d'exterminer leurs
adversaires, les Lara tentèrent de s'emparer par surprise
de Tolède que gouvernait alors don Femand Ruiz de Castro,
neveu de feu don Guttiere. Ils formèrent des relations se-
crètes avec un chevalier de Tolède nommé don Estevan
Illan qui, avec une grande adresse, parvint, sans que le
gouverneur en eût la moindre connaissance, à introduire
dans la cité l'enfant royal, en sorte que Castro n'apprit
cette entrée que par les vivats et les acclamations de la
foule, et en voyant, à sa stupéfaction, l'étendard royal
flotter sur la tour de l'église de San Roman. Il n'eut d'autre
ressource que de prendre la fuite avec un petit nombre des
siens et de se retirer sur les domaines des musulmans.
Ce fait, si célèbre et si fécond en conséquences, eut lieu,
suivant les annales de Tolède, un vendredi 26 d'août 120A
de l'ère (H66). A partir de cette date on put considérer
comme certain le triomphe des Lara, et comme anéantis
les plans du roi de Léon. Depuis lors aussi on voit le jeune
Alphonse figurer dans l'histoire, non plus comme un pupille
soumis à la tutelle, mais comme un véritable roi gou\'er-
nant par lui-même *. Il était né le 11 novembre H55.
Ceci posé, je n'ai pas le moindre doute que notre mé-
daille n'ait été frappée par suite de cet événement, afin de
perpétuer la mémoire d'une action digne d'être inscrite
dans les fastes de la Castille. La présence de la date espa-
gnole, 1204, unie au nom de Tolède, ne permet guère
de chercher une autre explication, et la rareté extraordi-
naire de la pièce peut nous faire supposer qu'il n'en fut
émis qu'une seule fois pour célébrer l'entrée d'Alphonse VIII.
On sait que l'Espagne est encore dans l'usage de frapper
* Lnfusnte, Bût, général de Espafta, t. V, p. 133.
ET DISSERTATIONS. 147
dans toutes ses villes des médailles de procIamatioD. Et,
à ce sujet, je ne puis résister au désir de consigner ici
une conjecture relative à la monnaie léonaise d'Al-
phonse VII dont j'ai parlé plus haut. On a remarqué l'iden-
tité complète du revers de cette pièce et de celui du denier
que nous discutons. Or, si l'on admet avec nous que la
monnaie d'Alphonse YIll était destinée à rappeler la sur-
prise de Tolède, ne doit-on pas aussi penser que le denier
de Léon avait eu une origine analogue? En 1135, Al«
pbonse VII (aïeul du jeune Alphonse VIII) fut proclamé
empereur et depuis lors prit ce titre dans tous ses actes
et sur ses monnaies. Celle que j'ai décrite et sur laquelle
on voit la couronne impériale ferait allusion à la procla-
mation solennelle du fils altier d'Urraca de Castille et de
Léon.
En présentant si franchement mon opinion aux anti-
quaires, mon intention est d'appeler leur examen sur des
monuments fort curieux et fort dignes d'être discutés. Je
serais heureux de voir les idées que je viens d'exposer
donner lieu à quelques obseiTations savantes qui tourne-
raient au profit de la science.
Alvaro Caiipanér.
San Feliu do Llobrcgat; Barcelona, 8 février 1864.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
M. John Ëvans vient de faire paraître son travail intitulé :
The coins of the ancient Britons , monnaies antiques de la
Grande-Bretagne. Nous rendrons compte de cet ouvrage; mais
nous avons cru devoir le signaler immédiatement à nos lecteurs,
car c*est une œuvre fort estimable^ très-étudiée et grandement
utile. Vingt>six belles planches gravées par M. Fairholt^ membre
de la Société des antiquaires de Londres, et des vignettes inter-
calées dans le texte donnent la reproduction d'environ 380 mon-
naies, dont à peu près 240 portent des légendes. Parmi celles-ci,
il en est qui se font remarquer par un très-bon style. Le soin
avec lequel M. J. Evans a fait imprimer son savant ouvrage en
fait un ornement pour nos bibliothèques. A. L.
Essai pour servir à l'histoire des monnaies de la ville de
Soissons et de ses comtes, par M. le docteur Voillemieb.
Amiens, 1863, in-8, 5 pi. grav.
Un des doyens de la numismatique et l'un de ceux qui ont
le plus fait pour soutenir et encourager par leur exemple la
recherche des monnaies françaises, M. le docteur Voillemier,
résume depuis quelques années ses longues études, et en publie
le résultat sous forme de monographies très-intéressantes.
Après un mémoire sur la monnaie de Beauvais depuis la période
gauloise jusqu'à nos jours, voici un travail sur la numismatique
de Soissons au temps des Gaulois , sous les rois mérovingiens,
RLLLET1^ KIBLIOGRAPHIQUK. 1^9
cariovingiens , el sous les comtes des xu% xin* et xiV siècles..
Cinq planches soigneusement gravées donnent la figure des
principales variétés qu'ofifrent les monnaies de Soissons^ parmi
lesquelles ne figurent pas celles de l'abbaye de Saint-Médard.
M. le docteur Voillemier adopte l'opinion de M. de Saulcy
touchant l'attribution au Divitiacus des Suessions des monnaies
sur lesquelles M. Hucher a déchiffré le nom ACloriGlAGOC.
Il donne les figures et la description du denier et de Tobole
d*Ëudes provenant de la découverte faite en i854 à Choisy-au-
Bac. Ces pièces expliquent parfaitement^ comme Ta fort bien
dit M. Voillemier, l'existence du denier à type dégénéré qui a
été publié dans la Revue numismatique de 1859 ( pi. XXI^ n" i ),
et que depuis on a voulu attribuer à Saint-Médard par suite
d'une confusion avec un autre denier gravé dans la même
planche.
On lira avec intérêt dans cette monographie tout ce qui a
trait au monnayage des comtes contemporains des premiers
rois de la troisième race. C'est là un sujet difficile sur lequel la
découverte de monnaies faites à Creil en i841 jette quelque jour.
Nous espérons que M. le docteur Voillemier continuera à
nous donner des preuves de la profitable activité que nous
sommes heureux de constater chez l'antiquaire qpi nous guidait
par ses excellents conseils il y a plus de trente ans.
A. L.
CHRONIQUE.
DÉCOUVERTE DE MONNAIES HUMAINES EN BRETAGNE,
Le W mars i863^ un cultivateur de la commune de Trévenenc
s'occupait à enclore un champ près du village de Ville-Quinio.
Pour donner à sa clôture plus de développement, il avait enlevé,
sur une longueur de 5 à 6 mètres, un talus on terre pour le
reporter un peu plus loin sur un nouvel alignement. Après
cette opération il s'était mis à niveler le sol que recouvrait l'an-
cien talus, lorsqu'au bout de quelques instants, ayant lieurté
avec sa pioche un objet qui présentait de la résistance, il s'aper-
çut qu'il venait de briser un vase de terre rempli de vieilles
monnaies couvertes de vert-de-gris, qu'il prit pour des lîards.
11 fit part de sa découverte aux laboureurs qui travaillaient
dans les champs voisins, et il commençait à leur offrir quelques-
unes de ces monnaies , auxquelles il n'attachait pas d'impor-
tance, quand un habitant de la commue d'Ëtables, M. de Ker-
saint-Gilly, qui chassait dans les environs, arrivant à son tour
sur les lieux et pensant que ces vieux liards, qui n'étaient autre
chose que des monnaies romaines de petit bronze du m* siècle,
au nombre de près de 3,000 pièces, pouvaient avoir quelque
valeur historique, les fit recueillir ainsi que les débris du vase
qui les contenait, afm de les soumettre à l'examen d'un numis-
matiste.
La moitié au moins de ces monnaies porte l'effigie de Po^-
iume (258 à 267 ). Les plus anciennes ont été frappées sous le
règne de Sévère-Alexandre (22! h 235) ; les plus récentes sous
CIIRO.MQIE. 151
celui de Probus (27 6-28:2). Voici les noms des empereurs que
j'ai reconnus^ avec l'indication du nombre de revers différents i
Sévère-Alexandre. . 2 Postume 38
Gordien III 9 Lélien A
Philippe père. ... \ Victorin 9
Trajan Dèce I Marins .']
HereHnia Etruscilla. 2 Tétricus père. ... 7
Trébonien Galle. . . 7 Tétricus flls i
Volusien 2 Claude le Gothique. 29
Valérien. 15 Quintille 9
Mariniaua 1 Aurélien 12
Gallien 56 Tacite i
Salonine 22 Florien L
Salonin 5 Probus 4.
En 4849 , on trouva à Plourhan , même canton d'Ëtablës,
une quantité considérable de pièces romaines de la même épo-
que. Elles furent portées en grande partie chez un chaudron-
nier, qui les Bt fondre. Trois ans plus tard on découvrit h
Uftiniac, dans le fond de la baie de Saint- Orieuc, plusieurs
centaines de pièces de la même espèce.
Gaultier du Mottat.
Nous devons faire remarquer que de Sévère-Alexandre à
Volusien, les monnaies indiquées doivent être d'argent plus ou
moins altéré^ et non de petit bronze. H arrive assez firéquem^
ment ^ et c'est sans doute ici le cas, que les pièces d'argent
recouvertes d'une couche d'oxyde vert ou noir sont prises
pour du cuivre. Il est même probable que le plus grand nombre
des pièces de ce dépôts depuis Valérien jusqu'à Probus, sont
des monnaies de billon ou de cuivre saucé.
( Les Éditeun. ]
15^ CUKOXIQIK.
VENTE DE LA COLLECTION DE M. GOSSELLIN.
La collection de M. Gossellin, qui vient d'être vendue aux
enchères le 7 mars dernier et jours suivants, jouissait d'une
grande célébrité. Elle renfermait^ outre quelques rares médailles
grecques, la plupart d'une fabrique très-ancienne, mais ne for-
mant aucune série, une nombreuse et riche suite de médailles
romaines, surtout impériales.
Raoul- Rochette avait publié en 1830 une intéressante notice
sur cette collection, qui devait être mise en vente le il janvier
i83i; la vente n'eut pas lieu.
Nous donnons ici les prix des plus curieuses pièces de cette
collection. En général les exemplaires laissaient h désirer sous
le rapport de la conservation, et ce sont principalement les
pièces bien conservées que les amateurs recherchent aujour-
d'hui. Plus de la moitié de la collection a été achetée par
MM. Rollin et Feuardent; nous ajoutons aux prix de la vente,
y compris les frais à V^ pour iOO, les noms des acquéreurs,
quand nous avons pu les connaître.
Kaméros. fr. c.
22. Tburium. Tète casquée de Pallas. — ^ eorPÏÛN.
Taureau comupète; dessous, poisson. Arg. 8. . 123 90
38. Catane. HPAKAEUAS. Tête laurée d'Apollon de face.
— 1} KATANAIÛN. Quadrige. Arg. 7 736 -
Torremuzza, tab. XX, 1 et 2.
Mionnet, 1. 1, p. 226, n" 151.
( M. de la Salle. )
47. Messana. Tête de lion de face. — ij MES£EN10N.
Tête de veau à gauche. Arg, 6 698 25
Torremuzza, tab. XLV, 7 et 8.
Mionnet, t. I, p. 253, n* 372.
58. Médaillon de Syracuse, portant la signature d'Évenète,
ETAINE. Arg. 11 472 50
78. Acanthus. Lion dévorant un taureau. — »} Carré
creux. Arg. 8 189 -
CHKONIQUE. 153
Nuiuërofl. fr. c.
79. Autre pièce d'Acunthiis, portant an revers la légende
AKAN01UN. Arg. 7 315 ».
81. Amphipolis. Tête d'Apollon de face. — ij AM<l'inO-
ATTÛN. Torche et un petit épi 388 50
Mionnet, III, Suppl., pi. V, n* 1.
123. Double statère de Cjzique. Tôte de chèvre à gauche ;
derrière, pélamide. — ij Carré creux. Or 5 404 25
146. Tétradrachme attribué par Raoul-Rochette à Cymé
d'Eolie. Partie antérieure d'un cheval à droite. —
li FJeur épanouie. Arg, 6 110 25
149. Phasélis de Lycie. Achéloûs sous la forme d'un tau-
reau à face humaine, marchant à droite , et saisi
par Hercule. Dans le champ, 8 ou 4». — 4 Proue
de vaisseau; au-dessous, un dauphin. Le tout
dans un carré creux. Arg. 5 425 25
(M, Waddington.)
162. Aspendus. Guerrier combattant à droite; une tortue
entre ses jambes. — ij ES. Triquetra au milieu
d'un carré creux. Arg, 5 152 25
(M. Waddington.)
156. Cypre. Taureau debout à gauche, surmonté du disque
ailé; devant, la croix ansée. — i) Oiseau volant à
gauche dans un carré creux. Arg. 6 233 10
Duc de Luynes, Monnaies cypriotes, pi. III, n" 10.
157. Cypre. Taureau à face humaine, agenouillé à droite,
se retournant à gauche; dessous, la croix ansée;
au-dessus, le globe ailé. Arg, 6 483 «
Duc de Luynes, loc. cit., pi. VI, n* 2.
( Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale. )
159. Lycie. Deux poissons en sens contraire; dessous, tête
de bélier. Le tout au milieu d'un carré creux indi-
qué par quatre lignes. — li Triquetra au milieu
d'un carré creux. Arg. 6 157 50
Variété de la pièce publiée par Fellows, Coins ofan--
cienl Lycia^ pi. VIII, n" 8.
f M. Waddington.)
15A CHROMgi'E.
Numéro». fr.
160. Lycie. Cavalier à gauche; dessous, une tête d^aigle. —
i) Archer un genou en terre ; dans le champ , tète
d*aigle et croix ansée. Le tout dans un carré creux.
Jr^. 6 252
(M. Waddington. )
Monnaies de la république romaiiie.
220. Junia. Restitution 178 50
Cohen, pi. XLV, n« 4.
222. Memmia. Restitution 104 *•
223. Rubria. Restitution 215 15
Cohen, pi. XLV. n' 11.
Monnaies impériales,
232. Pompée. CN.MAGN.IMP.F.— ij M.MINAT.SABIN.
PR.Q. Pompée fils débarquant et donnant la main
à une femme tourrelée, debout sur des armes . . . . 178 50
Cohen, Impériales, U I, p. 2, n« 5.
235. Idem, — i} Même légende. Pompée fils debout entre
une femme tourrelée qui tient un caducée et une
femme portant un trophée qui le couronne 225 75
Cohen, p. 2, n* 7.
240 bis. MAG.PIVS.IMP.ITER. Tête de Pompée à droite.
i{ PRAEF.CLAS.ETOR.MARIT. Anapias et Amphi-
nomus portant leurs parents. Au milieu, Neptune.
Autour on lit : IMP.CAES. TRAIAN. AVG.GER.
DACP.P.REST. 519 75
Pièce restituée par Trajan.
Cohen, p. 5, n* 19.
(Cabinet des médailles.)
242. DIVOS IVLIVS DIVI F. Têtes affrontées de Jules
César et d'Auguste. — i*. M.AGRIPPA COS.
DESIGN, écrit dans le champ 99 75
Cohen, p. 16, n" 3.
CHRONIQUE. 155
Kunu^os. fr. c.
263. BRVT\- S IMP. L. PLAET. CEST. Tête nue à droite,
i) EID.MAR. Bonnet de \% Liberté entre deux poi-
gnards 167 ••
Coben, p. 18, n* 4.
(M. Jarry, à Orléans.)
278. Marc-Antoine. M.ANTONIVS AVG. IMP. lUI COS.
TERT. m V.R.P.C. Tête nue à droite. — * D.
TVR. en monogramme. Victoire 18 40
Pièce fourrée.
Ck)hen, p. 27, n» 56.
298. Caïus Antoine. C.ANTONIVS M.F.PRO.œS. Tête
coiffée de la causia macédonienne à droite. —
ij PONTIFEX. Vases et hacbe 283 50
Cohen, p. 38, n' 1.
312. Auguste. Tête nue à droite. — i) CAESAR DIVI F.
ARMEN.CAPT.IMP.Vni. Arménien debout. ... 84 ».
Cohen, p. 51, n* 79.
329. Idem. CAESAR. AVGVSTVS. Tête laurée à droite.—
i) PAX. Deux mains jointes tenant un caducée et
deux cornes d'abondance (inédite] 84 ^
330. Idem. DIWS AVG.P.P. Môme tête. — ij Semblable
à celui du numéro précédent (inédite) 78 75
Ces deux pièces, achetées par le Cabinet des
médailles, ne se trouvent pas dans l'ouvrage do
M. Cohen.
366. Idem. — 4 M.DVRMIVS UI VIR. Sanglier percé
d'une flèche.
Autre ayant pour type un lion dévorant un cerf. . . 30 45
Cohen, p. 79, n" 332 et 333.
(M. le baron d'Ailly.)
375. Idem.-^i. CMARIVS CF. TRO. III VIR. Auguste
et Agrippa debout 138 60
Cohen, p. 80, n' 342.
3bO. Ide?n. — Cippe sur lequel on lit : IMP.CAES.AVGV.
COMM.CONS 120 75
Cohen, p. 81, n* 350.
402. fdem. AVGVSTVS. Tête nue d'Auguste à droite. —
156 CHRONIQUE.
Numéros. fr. c
1^ IMP.CAES.TKAIAN. AVG. GER. DAC. REST.
Statue équestre sur un cippe 420 •*
Denier de la famille Comelia, restitué par Trajan.
407. Idenu AVGVSTVS DIVI F. Tôte nue, - 1^ C.MARIVS
TRO. III VIR. Tête de Julie entre celles de Oaïus
et de Lucius 315 »»
Cohen, p. 116, n® 2.
(M. le duc de Blacas.)
482. Poppée et Néron . NCPONOC CCBACTOY. Tête de Poppéc
et NCPÛN KAICAP CCBACTOC. Tète de Néron. ... 157 50
486. L.CLODI MACRI CARTHAGO S.C. Buste tourrelé
de Carthage. — ij SICILIA. Triquetra, avec la télé
de Méduse au centre 409 50
Cohen, p. 217, n" 8.
L. Millier, Numismatique de Vancieiine Afrique ^
t.n, p. 171, n' 381.
( M. le duc de Blacas.)
401. TRES GALUAE. Têtes des trois Gaules. — f) Galba
à cheval 267 75
Cohen, p. 219, n' 8.
(Cabinet des médailles. )
544. Vitellius. Tête à droite. — i) L.VITELLIVS COS.IH
CENSOR. Tôte de Vitellius père à droite; devant,
une aigle romaine 207 00
Cohen, p. 270, n* 2.
584. DomiUUe.-iJFORTVNAAVGVST.LaFortunedebout. 225 75
Pièce fourrée.
Cohen, p. 338, n' 3.
585. Idem. — ij. PIETAS AVGVST 128 10
Cohen, p. 338, n^ 4.
633. Domitia. DOMITIA AVGVSTA IMP. DOMIT. Buste
à droite. — ij CONCORDIA AVGVST. Paon. . . 116 -
Cohen, p. 459, n* 3.
636. Idem. DOMITIA AVGVSTA IMP. DOMIT. Buste h
droite.— iil DIVVS CAESAR IMP. DOMITIANI F.
Enfant nu assis sur un globe. . 189 ••
Cohen, p. 459, n* 6.
CHHONIQUE. J57
Numéros. fr. c.
La même médaille décrite sous le n** 635 était un
exemplaire très-fruste et n'a été vendu que 43 05
654 ter, Trajan. IMP. TRAIANO PÎO FEL. AVG. P. P.
Buste lauré de Trajan à droite , sous les traits de
Gordien III. — b) VIA TRAJAN A. Femme couchée
à gauche, un fouet dans la main droite, le bras
gauche appuyé sur une roue. Billon 421 »
Cohen, t. II, p. 87, n* 553.
656. Plotine. — li ARA PVDIC. écrit à l'exergue. Autel
devant lequel est assise la Pudeur 141 85
Cohen, p. 91, n* 6.
(M. leducdeBlacas. )
660. Marciane. — b) COS. III. Aigle sur un foudre. . . • 278 25
Cette pièce fourrée n'est pas décrite dans l'ouvrage
de M. Cohen.
661. Matidie. DIVA AVGVSTA MATIDIA. Tête à droite.
— ij CONSECRATIO. Aigle 178 60
Cohen, p. 95,n<»3.
(M. le duc de Blacas.)
662. Idem. - fJ PIETAS AVGVST. Matidie debout pla-
çant ses mains sur les têtes de Sabine et de
Matidie jeune « 136 50
Cohen, p. 96, n' 6.
703. Tête d'Hadrien. — i^ SABINA AVGVSTA. Tête de
Sabine 73 50
Cette pièce n'est pas décrite dans l'ouvrage de
M. Cohen.
740. Galère Antonin. M.rAAEPIOC. Buste nu. — ij eCA
<I>ArCT€INA. Tête voilée de Faustine mère. Moyen
bronze 184 80
Cohen, p. 453, n* 2.
756. Marc-Aurèle et Commode. M. ANTONINVS AVG.
GERM,TR.P.XXIX. Tête laurée. — ij COMMODVS
CAES. AVG. FIL. GERM. Tête nue 168 n
Cohen, p. 576, n* 1.
( Musée Britannique. )
1ÔB CHRONIQUE.
Numéros. fr. c.
809. Dîdius Julianus. — i^ P.M.TR.P.COS. La Fortune
debout 157 50
Ck)hen, t. III, p- 208, n* 5.
811. ManliaScantilla.-iJ IVNO REGIN A. Junon debout 189 «
Cohen, p. 210, n" 2.
812. Didia Clara. - t^ HILAR, TEMPOR. L'Allégresse
debout 172 20
Cohen, p. 211, n* 2.
815. Pescennius Niger. — ij BONI EVENTVS. La Fidé-
lité debout 199 50
Cohen, p, 214, n" 6.
817. Idem, — ij. CERER.FRVG. Cérès debout 240 75
Cohen, p, 214, n' 9.
D'autres pièces de Pescennius Niger, frustes, ont
été vendues 40, 42, 36, 72 -
821. Idem. — i} MONETA AVG 130 20
Cohen, p. 218, n' 36.
843 bis. Septime Sévère. — i^ RESTTTVTORES VRBIS.
Tète de Rome casquée 138 60
Cohen, p. 276, n» 350.
977. Julia Mœsa. -^ i) CONSECRATIO. Msesa assise sur
un paon 115 50
Cohen, p. 558, n* 2.
1007. Gordien d'Afrique père. — ij P.M.TR.COS.P.P. L'em-
pereur tenant un rameau et un sceptre 115 50
Cohen, t. IV, p. 107, n* 2.
Une autre pièce deGordien d'Afrique père a été vendue 78 75
1011. Gordien d'Afrique fils.
ij VICTORIA AVGG. Victoire 105 ^
Cohen, p. 111, n* 5.
(M. Ch. Asselin, à Cherbourg.)
D'antres pièces à l'effîgie de cet empereur ont été
vendues 99 75 et 42 -.
1034. Tranquilline. — i^ CONCORDIA AVGG. La Concorde
assise 472 50
Cohen, p. 171, n' 1.
CHRONIQUE. 159
Numéros. fr. c.
1048. MarinuB. eEû MAPINû. — k *IAinnonOAlT41N KO-
AÛNIAG. Minerve ou Rome debout 524 -
(M. le duc deBlacas.)
1049. Pacatien. — ij PAX AEl'ERNA. La Paix debout. . 456 85
Cohen, p. 230, n* 6.
1085. Cornelia Supera, — ij VESTA. Vesta debout .... 389 65
Cohen, p. 310, n' 4.
U12. Gallien. -- ij SISaA AVG 70 35
Cohen, p, 414, n' 522.
(Cette pièce, jointe aux n'* 1111, 1113, 1114. Re-
vers. PIET.SAECVLI— lOVI CRESCENTI— VICT.
GAL.AVG.III.— VICT.GAL.AVG. (Cohen, p. 400,
n' 422 ; p. 377, n« 226; p, 419, n- 659 et 560 ), a
été achetée par le Cabinet des médailles. }
1173. Postume.—i^INVICTOAVG. Buste radié et cuirassé. 262 60
Cohen, t, V, p. 24, n** 74.
( Musée Britannique. )
On attache une grande importance à cette pièce,
parce que Mionnet et d'autres numismatistes ont cru
pouvoir attribuer la tôte radiée du revers à Postuine
le fils. Mais cette attribution n'est nullement fondée ,
car il existe des pièces d'or, de billon et de bronze
qui au droit et au revers portent l'effigie variée de
Postume, tantôt avec la tête nue ou laurée ou radiée
au droit, et avec la tête nue ou casquée au revers.
Voir la pièce décrite au n« 1177. Comp. la note de
M. Cohen, t. V, p. 24, note 2, et Revue numum.,
1859, p. 434 et suiv.
1174. Postume. Têtes de Posturae et d'Hercule à droite.
— iH FELICITAS TEMP. Galère 179 55
Banduri, t I, p. 286. — Cohen, p. 18, n* 30.
( M. Hoffmann. )
1176. Postume. Mêmes têtes. — i^ HERCVLIINVICTO.
Hercule enlevant la ceinture de l'Amazone 157 50
Reme num., 1844, pi. VIIT, n^ 9.
Cohen, \\ 21, n' 55.
1(50 ClIROMnii:.
Numëios. fr. c.
1177. Postume. Buste radié. — 1$ Même buste 53 55
Coben, p. 23, n* 69.
1202. Vabalathe. — ij lOVI STATORI. Jupiter 262 50
Cohen, p. 169, n" 3.
( Musée Britannique. )
J208. Tétricus père et fils. Bustes en regard. — i( P.M.TR,
P.COS.III P.P. Les deux empereurs sacrifiant, l'un
couronné par la Victoire 78 75
Cohen, p. 181, n* 10.
On ne connaît que deux exemplaires de cette pièce ;
Tun est au Cabinet des médailles.
1248. DEO ET DOMINO CARO. Bustes affrontés de Carus
et de Carin. — ij FELICITAS REIPVBLICAE. La
Félicité debout (inédite) 85 05
1260. Nigrinien. — i^CONSECRATIO. Aigle 74 55
Cohen, p. 368, n* 2.
1261. Julien, tyran.— 1{ PANNOMAE AVG. Les deuxPan-
nonies 156 45
Cohen, p. 370, n» 3.
(M. le duc de Blacas. )
1262. Idem. ^ H VICTORIA AVG. La Victoire 111 30
Cohen, Ibid,, n* 4.
( M. Jarry, à Orléans. )
1284. Carausius.— ij CONCORDIA MI LITVM. Deux mains
jointes. Arg 126 »
Cohen, p. 603, n' 8.
1285. Idem,--- ^ RENOVAT. ROMAND. Louve avec les en-
fants, Arg 126 ..
Cohen, p. 607, n* 32.
1300. Hélène. — ^ FL.HELENA AVG. S.MANT.B. c'crit
dans le champ. (Inédite.) 105 »
( Musée Britannique. }
1312. Maxence.— ijCONSERVATORVRBLS SVAE. Rome
assise dans un temple. Arg Ih6 90
Coben, t. VI, p. 27, n*» 2.
1316. Alexander. — i^ INVICTA ROMA FELIX CAR-
THAGO 178 50
CHRONIQUE. 151
Numérof. tr. e.
Coben, p. 47, n* 7.
( M. le duc de Blacas. |
1323. Martinien.— ij lOVI CONSERVATORI. Jupiter de-
bout ; à ses pieds, un aigle et un captif 110 25
Coben, p. 86, n* 1.
( M. Jarry, à Orléans. )
1361. Népotien. — i} VRBS ROMA. Rome assise 147 «
Cohen, p. 322 , n* 3.
1362. Vetranio. — i} VICTORIA AVGVSTORVM. Victoire.
Arg 264 »
Cohen, p. 324, n* 3.
( M. Jarry, à Orléans. )
1377. Julien II. DEO SERAPIDI. Buste de Sérapis, de
face. — i) VOTA PVBLICA. Fleuve couché. ... 73 50
(Cabinet des médailles.)
1378. Idem. Même légende. Bustes de Sérapis et d'Isls. —
i) Deux personnages coiffés d'une peau d'éléphant
et tenant des enseignes. VOTA PVBLICA 111 30
( Cabinet des médailles. }
1388. Procope. — i) VOT.V. dans une couronne de lau-
rier. Arg. • 152 45
Cohen, p. 423, n* 4.
( M. Jarry, à Orléans. )
1409. Constance in.— ij VOT.V MVLTIS X. dans une
couronne. Arg 225 75
Cohen, p. 487, n* 4.
( Cabinet des médailles. }
1411 . Galla Placidia. — 4 SALVS REIPVBLICAE. Victoire
assise, écrivant sur un bouclier. Arg 158 55
Cohen, p. 489, n* 5.
1412. Idem, — 4 Monogramme du Christ dans une cou-
ronne. Arg, 147 »
Cohen, p. 490, n' 13.
1418. Sébastien.— 1} VICTORIA AVGG. Rome assise, ^rg. 326 50
Cohen, p. 496, n* 1.
(M. Jarry, à Orléans.)
1864.— 2. U
162 CHRONIQUE.
Nam^roi. tr. e.
1421. Johannes. — i) VRBS ROMA. Rome assise. Arg. . . 241 «
Cohen, p. 601 , n* 7.
1426. Grata Honoria.— ^ SALVS REIPVBLICAE. Mono-
gramme du Christ dans une couronne. Or 210 *•
Cohen, p. 610, n« 2.
(M. Jarry, à Orléans. )
1427. PetroniusMaximus.-i}. VICTORIA AVGGG» Uem-
pereur foulant aux pieds un ennemi. Or 38S 60
Cohen, p. 611, n* 1.
1428. Avitus. — i) VRBS ROMA. Rome assise. Arg. ... 216 25
Cohen, p. 613, n* 3.
1436. Romulus Augustule. Croix dans une couronne. Qui-
naire dor 199 50
Cohen, p. 633, n' 3.
1463. Justin IL — i} FELIX RESPVBL. Arg. 84 «
Sabatier, Monnaies byzantines, 1. 1, p. 224, n* 3.
1466. Maurice Tibère. Buste de face. — i} SALVS MVNDI.
Croix. A l'exergue, le monogramme du Christ.
Arg, (inédite). Cette pièce a été vendue avec le
n' 1464, Tibère H 106 »
1466. Focas. Buste de face. — ^ Monogramme du Christ
accosté des lettres A et û. Le tout au milieu d'une
couronne. Arg. (inédite) , et 1467, VICTORIA
AVGVE. Or 38 86
1478. Théodose III , sa femme et son fils. Bustes de face de
l'impératrice et de son fils; au milieu, une longue
croix. Arg 186 90
Sabatier, t. H, p. 42, n*" 8.
1480. Irène. Buste de face. Or 288 75
Sabatier, p. 70, n' 1.
(M.G.d'Amécourt.)
1481. Idem. Indic. M. Bronze 89 25
Sabatier, p. 71, n* 2.
(Cabinet des médailles. )
CHROMQUE. 103
Numéros. tr. c.
1488. Léon VI. Buste de face de la Vierge, au i^evers du
buste de l'empereur. Or • 257 25
Sabatier, p. 113, n* 1.
(M. Jarry.)
1507. Richiarus, roi des Suèves. D. N. HONORFVS P. F.
AVG. Buste diadème d*Honorius à droite. —
1} rVSSV RICHIARI REGES {sic) autour dune
couronne au milieu de laquelle est une croix
accostée des lettres B. R. Arg.
Cette pièce unique, gravée dans l'ouvrage de
Mionnet sur les médailles romaines, t. II, p. 347,
au règne d'Honorius , et dans Patlas de la NuinU--
maiique du moyen âge de Lelewel, pi. I, n* 15, a
été acquise par le Cabinet des médailles au prix de
1,156 i\\ Elle est cotée par Mionnet 260 fr., quoique
l'auteur en signale l'extrême rareté et qu'elle soit
jusqu'à présent restée unique. Le même prix est
répété dans l'ouvrage de M. Coben, t. VI, p. 477,
nM2.
1538. ClovisU.CHLODOVICAS. ~ i) AVRILIANIS FIT-
VR. Croix. Tiers de sou d'or. 1471 n
( M. Gustave d'Amécourt. )
1539. Clotairc I ou U. CHLOTARIVS REX. — ij CHLO-
TARIVS. Croix baussée accostée des lettres M. A.
Tiers de sou d^or. 241 60
1540. Théodobert V. D.N.TOEODEBERTVS R. - b) VIC-
TORIA A COS. CAL Victoire. Tiers de sou dor. 294 »
1541. Autre tiers de sou d^or du même prince 293 ..
1555. Léon VIII, pape. D.N.LEONI PAPE en trois lignes.
— 4 SCS. PRS. Buste de saint Pierre de face.
Denier d'argent 147 m
( M. Promis» directeur du Cabinet du roi, à Turin. )
1556. Éléonore de Fauquembergues. ELIENO en deux
lignes dans le champ; autour, en légende circu-
laire, COMITISSA D., précédé d'une tour. —
16A CQRONIQL'E.
Muiniro». fr. c.
ti FAVCONBERGA. Croix. Obole, pié/ort de
billon. 316 60
(M. de Vismes, à Saint-Omer. )
Le produit total de la vente s'est élevé à la somme d'envi-
ron 52,000 francs.
J. W.
NÉCROLOGIE.
M. le chevalier Joseph Calasanz Arneth est mort àCarIsbad,
le 31 octobre dernier^ âgé de soixante-treize ans. Il était
membre de l'Académie de Vienne^ directeur du Cabinet impé-
rial de médailles et d^antiquités et de la collection du château
d'Ambrass^ professeur de numismatique et d'archéologie à
l'Université de Vienne^ associé correspondant de la Société
impériale des antiquaires de France.
M. Arnetby pendant les longues années qu*il a consacrées à
la direction du musée de Vienne^ a toujours fait preuve de la
plus grande bienveillance envers les antiquaires. De toutes les
parties de l'Europe les érudits s'adressaient à lui pour obtenir
des renseignements sur les précieux monuments confiés à sa
garde, et ce n'était jamais en vain.
Voici les titres des principaux ouvrages qu'il a publiés :
Geschichte des Kaûerthums Oestetreich. 18:27, in-8".
Synopsis numorum grœcorum qui in Museo C\ /?. p^indob. adser-
vantur. 4837, in-4'.
Katalog der k.k. Medaillen-Stàmpel- Sammhmg. 1839, in-4*.
Ueher das Tauben-Orakel von Dodona, 1840, in -i'.
CURONLQL'E. 105
Synopsis numorum romanorum qvi in Mmeo C, B. Vindob.
adserv. 1842, in-4*.
Zwôlfrëmische Militâr-Diplome. 1843, in-4*, 25 pi.
Das Niello-Antipendium von Klosier-Neuburg^ 1844, in-8'.
Das k,k. MunZ'Und'Antiken-Cabinet. Deux éditions, 1845 cl
1854, in-8<' avec 4 pi.
Beschreiàung der zum k.k, Mûnz-vnd Antiken Cnhinette fjehOrigen
Statuen^ Bûsterij Beliefs, InschriftenyMosaikm, 1850, 4" édi-
tion; 1856, 6* édition, in-8*.
Die antiken Cameen des k.k. Munz-und-Antiken-Cabinettes.
1849, in-foi. avec 25 pi.
Die antiken Gold-und Silber-Monumente des k.k, Mûnz-und-
Antiken-Cabineites. 1850, avec 41 pi. On y trouve les grands
médaillons d*Qr découverts à Szilûgy Soiniyo en Transyl-
vanie.
Die cinque-cento Cameen und Arbeiten des Benvenuto Cet Uni und
seiner Zeitgenossen im k.k, Mûnz-und-Antiken-Cahinette zu
Wien. 1858, in-fol. avec 23 pi.
Aï. Arneth a, en outre, publié divers articles dans les Mé-
moitiés de l'Académie de Vienne et dans le Journal de la Com-
mission impériale pour la conservation des monuments d'archi-
tecture : entre autres, à propos d'une inscription découverte à
Enns en 1851, des recherches sur la famille Barbia à laquelle
appartenait l'impératrice Orbiana, et, en 1856, une dissertation
sur rinscription de Trajan tracée près des Portes de fer sur le
Danube.
Le 29 décembre mourait à Paris, dans sa quati-e-vingt-^ep-
tième année, M. Hennin, homme excellent, qui a passé une
grande partie de sa vie à étudier les antiquités et les beaux-arts.
M. Hennin, fils de Pierre-Michel Hennin, associé de TAca-
166 CHRONIQUE.
demie des inscriptions et t)elles-lettres en 1785, avait rempli de
hautes fonctions administratives dans le royaume d'Italie près-
du prince Eugène, que plus tard il suivit en Bavière. Il parta-
geait son temps entre Paris et Munich , et a formé la plus belle
collection de gravures historiques qu'un particulier ait possédée.
Cette collection, généreusement léguée à la Bibliothèque impé-
riale, sera conservée intégralement.
M. Hennin avait publié à Paris, en 1826, un ouvrage qui est
célèbre :
Histoire numismatique de la Révolution française ^ ou Des-
cription raisonnée des médailles, monnaies et autres monuments
numismatiques relatifs aux affaires de la France, depuis l* ou-
verture des états généraux jusqu'à l'établissement du gouver-
nement consulaire. 2 vol. in-4*, dont un de planches fort soigneu-
sement gravées.
Quelques années plus tard, en 4830, il fit paraître chez
Merlin un Manuel de numismatique ancienne en deux vo-
lumes in-8, ouvrage fort utile, épuisé depuis longtemps, et
qui a été imité en Angleterre et en Allemagne.
M. Hennin laisse inachevé le grand travail qu*il publiait depuis
plusieurs années sous le titre de : Les Monuments de l'histoire
de France, catalogue des productions de la sculpture, de la pein-
ture et de la gravure relatives à l'histoire de France et des Fran-
çais, dont neuf volumes in-8* ont paru.
Après avoir parlé de la perte de vénérables numismatistes
qui ont fourni une longue carrière, nous avons le regret d'an-
noncer la mort prématurée d'un antiquaire dont nous attendions
encore de nombreux travaux. M. Vincenzo Lazari» à la suite
d'une cruelle maladie, vient d'être enlevé à la science. Il était
conservateur du musée Gorrer de Venise, et nous avons eu déjà
Toccasion de signaler quelques-uns de ses écrits. Nous plaçons
CHRONIQUE. 107
ici les titres de celles des publications de M. Lazari qu'il nous a
été donné de connaître.
Le Monete dei possedimenti veneziani di oliremare e di terra-
ferma. Venezia, i85i. In-8, \A pi.
Délia zecca di Sora e délie monete di Piergiampaolo Cantelmi.
Firenze, 1856. In-8.
Délia raccolta numismatica délia libreria di San Marco ^ in for-
mazione. Vienna, 1858. In-8.
Zecche degli Abruzzi net bassi tempi, illustrate e descritte.
Venezîa, 1858. In-8 avec 6 pi.
Medaglie e monete di Nicole Marcello doge di Venezia. Venezia^
1858. In-4, pi.
Notizia délie opère d'arte e d* antichità délia raccolta Correr di
Venezia. Venezia, 1859. In-8.
L'ouvrage sur les monnaies des Abruzzes est éminemment
utile aux numismatistes qui s'occupent du moyen âge français.
On y trouve de belles monnaies de la maison d'Anjou et des
pièces frappées au nom de Charles VIH et de Louis Xll. Il
montre tout le soin que M. Lazari apportait dans ses labo-
rieuses recherches^ et suffit pour lui assurer une place hono-
rable parmi les bons antiquaires de notre temps.
Notre collaborateur M. Alexandre Yattemare est mort à Paris^
le 7 avril 1864, à Tftge de soixante-sept ans. Depuis plus de
vingt-cinq ans il donnait des soins infinis à Tapplication d'une
idée utile : rechange international des livres et d'autres objets
de collections scientifiques. Nos établissements français lui
doivent la possession d'un très-grand nombre de livres impri-
îMA à ïiinùger, et priocipakaient eo Amériqse. Grlee à ses
paUenfet recherches aussi, le Cabinet des médatlles dt la Bî-
Ukàbèqœ impériale s'est enrichi d'à ne série, sans ëçale sar le
oDntineot, de monnaies et médailles américames. Il éÈût par-
Tenu à la former pendant son long séjour aux £lats-Uiiîs« en
mettant à profit Fenthoasiasme ponr les œavres otilcs qnll avait
le don de faire naître. Tout récemment encore il avait en qoel-
qoes semaines fondé à Saint-Malo un masée dans lequel les
habitants du pays^ sous Tinfluence de son active prédication
apportaient environ 4,000 objets de curiosité.
M. Vattemare a publié, en i 861, un volume intitulé : Collée^
tùm de numnaiei et médaille$ de r Amérique du Nord de 1652 à
IH58, offerte à la Bibliothèque impériale tant au nom du go^r^^
fument fédéral et des citoyens des divers États de fCnicn amê^
ricainequ^en son nom yrojjre^ par A. V.
Il laisse une magnifique collection des papiers-monnaies de
l'Amérique.
A. L.
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
LETTRES A M. A. DE LONGPÉRIER
SUR
LA NUMISMATIQUE GAULOISE.
Quatorzième article. — Voir Re9ut, 1803, p. 163.
XVIIl.
I^ chef ÀtAScrocus,
Mon cher Adrien,
Voilà bien près d'une année que je semble avoir aban-
donné l'étude de la numismatique gauloise; mais tu ssûs à
merveille que ce temps d'arrêt ne résulte pas d'une déser-
tion ni d'une négligence. J'ai dû consacrer dans l'intérêt de
la science, mon temps et mes peines à d'autres sujets; j'ai
été revoir la Terre Sainte et y chercher des armes nouvelles
pour résister à la croisade toute amicale d'ailleurs, je me
plais à le reconnaître, que l'on avait entreprise contre mes
idées sur l'âge des monuments de la Jérusalem antique.
Ces armes j'ai eu le bonheur de les trouver sur le terrain,
et plus abondantes peut-être encore dans le propre arsenal
18«4 — 3. - 12
170 m^:moires
de mes contradicteurs. Patience, à cliaque jour suflit sa
peine! Aujourd'hui je viens d'enrichir ma suite gauloise
d'une monnaie assurément bien rare, et dont je suis forcé
de rectifier l'attribution. Je laisse donc en repos à leur tour,
les antiquités judaïques, et je reviens pour quelques in-
stants à nos antiquités nationales.
Feu le marquis de Lagoy, notre savant et honoré con-
frère, publiait en 1834 une belle brochure intitulée : Des-
cription de quelques médailles inédites de Massilia^ de Gla-
fium, des Cœnicenses et des Auscii. Aix, Pontier fils aîné,
183A. A la page 32 nous lisons ceci :
(( Ausci vel Auscii nunc Auch.
(c N» 22. Tête imberbe à gauche (il semble qu'on aperçoit
c( devant les vestiges de la légende AV.. ..).
« fi. AVSG. dans les compartiments formés par deux
« traverses qui se croisent à angle droit. Arg, 1. F. o.
« r . . .
(( Je ne crois pas qu'il puisse y avoir d'incertitude siu*
M l'attribution de cette médaille d'argent inédite qui a été
« découverte il y a peu de temps en Languedoc, dans les
t( environs d'Alais. La légende AVSC. désigne parfaitement
u les Auscii, et elle n'a de rapport avec le nom d'aucun
<i autre peuple. Le type présente une si grande analogie
« avec les petites médailles d'argent de Massilîa, avec les-
« quelles on serait tenté de confondre cette médaille au
« premier aspect, quil est évident qu elle a été frappée à
<f leur imitation. La grande quantité de médailles de Mas-
« silia que l'on découvre journellement dans tout le midi
a de la France est une preuve certaine que les monnaies de
c cette ville puissante, étaient accréditées dans une grande
#
ET DISSERTATIONS. 171
(( partie de la Gaule. II n'est donc pas étonnant que d'autres
(( peuples aient cherché à faire jouir leur monnaie du
(( même avantage, en lui donnant la plus grande confor-
(( mité avec les types privilégiés. Les Auscii ne sont pas
(( les seuls qui se sont livrés à cette imitation, que les Mar*^
(( scillais pouvaient avoir autorisée et sanctionnée eux-
« mêmes, en échange de quelques avantages commerciaux.
c( M. du Mersan a publié, dans la catalogue d'Hauteroche,
(( une médaille d'argent inédite des Volcae Arecomici
« (voy. le n" 23 de la pi.), qui ne diffère de celle-ci, ainsi
(i que des petites médailles de Massilia, que par la légende
(( VOLC, au lieu de AVSG ou MA. La médaille de M. d'Hau-
« teroche a été découverte il y a déjà plusieurs années,
(( dans la ville de Nîmes, ancienne capitale des Volcœ Are-
« comici ; depuis qu elle est en ma possession j'ai remarqué
(( que le monogramme qu'on aperçoit du côté de la tête
M est formé des lettres AR, ce qui confirme encore plus
« l'attribution de M. du Mersan. »
Je ne dirai pas que l'attribution aux Auscii m'avait tou-
jours semblé avoir besoin de nouvelles preuves, parce que
Auch était bien loin de Nimes. J'aurais trop l'air de chercher
à m'attribuer un frîenjtiofé rétrospectif. Je me bornerai donc
à déclarer, et ceci, personne n'en doutera, je pense, que
j'avais le plus grand désir de retrouver cette rare monnaie,
comme j'avais déjà retrouvé celle des Caenicenses. Tout
vient à point à qui sait attendre, et ces jours derniers j'ai
eu le bonheur d'acquérir notre précieuse obole, provenant
des fouilles de Barry, près Orange.
Adieu l'attribution aux Auscii ! Mais consolons-nous en
en rencontrant une autre qui vaut mieux, puisqu'elle éclaire
^ d'un nouveau jour une série toute entière des monnaies de
nos ancêtres.
172 UÉMOIBLS
Tu n'as pas oublié, je l'espère, que je me suis vu forcé
aussi bien par l'iDstinct, par cet insÛDCt Dumismatique que
nous doDue l'expérieDce d'une cinquantaine d'années et
qui ne trompe guère, que par des considérations bistori*
qoes, d'attribuer à des peuplades du midi, et des régions
Alpines voisines de la Durance, toute la famille des pièces
d'argent au type du cavalier que l'on attribuait jadis à
Tournai. Parmi ces pièces il y en a un grand nombre qui
portent d'un côté la légende géographique DVRNAGOS, et
de l'autre le nom du chef AVSCROCOS ou AVSCRO; d'autres
encore DVRNACVS— DONNVS, ou DVRNACVS— EBVROV.
Or j'avais deviné juste, en attribuant ces monnaies aux
peuplades des Alpes et des bords de la Durance, car la pré-
tendue monnaie des Auscii porte au droit, devant la figure,
la légende DVRN. Son poids est de 0^,17. Il n'en faut pas
plus pouf restituer cette monnaie à son auteur légitime. C'est
AVSC[rocoj] qu'il faut lire au revers comme DVRN[acosJ au
droit. Il serait tout à fait superflu de s'évertuer à justifier
une attribution et une lecture qui se justifient d'elles-mêmes I
Si le chef Anscrocus a frappé des oboles pour ainsi dire
identiques avec celles des Volkes Arécomikes, c'est qu'il était
leur proche voisin. Voilà tout ce que je tenais à dire. Donc
il devient aujourd'hui très-probable qu'Auscrocus, ainsi
que je l'ai supposé, a été le père de Donnus, pèredeCotus.
Cette obole est contemporaine de l'obole des Volkes; celle-
ci est immédiatement antérieure aux jolies oboles de Nîmes
devenue colonie romaine. Les deniers au cavalier d'Aus-
crocus certainement frappés postérieurement à l'émission
des oboles du même personnage, peuvent donc être à peu
ET DISSERTATIONS. 17S
près contemporains de Térection de Ntines en colonie.
Enfin l'existence d'une monnaie émise par ce personnage
qui fut le grand-père d'un roi reconnu par les Romains,
avant la constitution de la ligue contre les Germains dont
j'ai essayé de débrouiller la numismatique, me porte à
croire aujourd'hui qu'Auscrocus fut le principal instigateur
de cette ligue et du parti qu'elle prit de frapper des mon-
naies à un type uniforme, afin de se procurer les bénéfices
certsdns inhérents à la fabrication des espèces courantes.
Aussitôt que j'ai été en possession de mon petit bijou
numismatique, j'ai été revoir la pièce du marquis de Lagoy,
et dans ses cartons j'en ai trouvé deux au lieu d'une. Sur
la première qui fut publiée par lui il y a trente ans, on
voit bien la tète de toutes les lettres de la légende DVRN,
dans laquelle il avait cru démêler la répétition du mot
AVSC. Quant au second exemplaire, le revers est superbe,
mais le droit est complètement effacé.
Une seconde pièce venant également de Bari7 mérite
que je te la signale. Elle est du même personnage et appar-
tient au monnayage de la ligue. Seulement on n'^y lit pas
AVSCROGOS ou AVSCRO, comme d'ordinaire, mais bien AVS.
et rien de plus. Elle est peut-être fourrée et pèse i^^ih.
Voilà, mon cher Adrien, que je t'ai tenu la promesse de
reprendre la publication des nouveautés de la uumismati -
que gauloise ; j'en suis heureux puisque cela m'a fourni l'oc-
casion de te rappeler ma vieille amitié. F. de Saulgy.
Parie, 19 mai 18(>4.
174
MÉMOIRES
SANÉ DE MACÉDOINE.
La précieuse monnaie d*ai*gent que nous publions au-
jourd'hui fût depuis fort longtemps partie des collections
du Cabinet des médailles, où elle est demeurée classée
parmi les incertaines. Le carré creux que l'on voit au revers
eut dû cependant servir à déterminer au moins le pays
auquel appartenût cette pièce, car il rentre d'une manière
incontestable dans les formes employées sur les monnaies
les plus anciennes des colonies grecques de la côte tbraco-
macédonienne.
Au droit on voit une tête de femme coiffée du cécryphale
ej; ceinte d'une bandelette perlée. Cette tête est traitée dans
le style du plus vieil art hellénique et rappelle d'une ma-
nière frapjiante, par la forme allongée et pointue du nez,
par le front fuyant, par l'emploi de Tœil de face dans un
profil, enfin par le modelé étrange des joues, les pièces
globuleuses d'Athènes à la tête de Minerve et à la chouette,
hV DISSERTATIONS. 175
que 1*00 doit considérer, bien qu'en ait dit M. Beulé\
comme les premiers en date des monuments numismati-
ques de cette ville* On peut sans exagération rapporter
au commencement du \r siècle avant Tère chrétienne la
fabrication delà monnaie que nous éditons.
Derrière la tète est une légende qui paraît avoir jusqu'à
présent échappé à l'attention des numismatistes et qui dé-
termine l'attribution de la pièce d'une manière positive.
Elle est composée de trois lettres, MAN. Nous la lisons
^N , et dans cette légende, guidé par la forme du
carré creux pour fixer la contrée dont les villes peuvent
prétendre à la possession de la monnaie, nous reconnais-
sons le nom de Sané de Macédoine '.
Sané était située sur l'isthme qui réunit au continent la
péninsule du mont Athos ^ Elle avait été fondée vers l'an
7Â0 avant J.-C par ime colonie d'Andriens et de Chalci-
diens\ Ce fut à la hauteur de cette ville qu'en &80 Xerxès
fit creuser le fameux canal destiné à faire passer sa flotte
sans contourner l'Athos". A la fin des guerres médiques.
les succès de Gimon contre les troupes du Grand Roi, dans
la contrée sise entre la Macédoine et la Thrace, et particu-
lièrement la prise de l'importante place d'Éion, déterminè-
rent les gens de Sané à se soumettre à l'hégémonie d'Athè-
nes. Leur cité est douze fois mentionnée dans les listes de
' Uê Monnaie* (TAthènes^ p. 33 et suiv.
* Il faut forcément lire £av, car dans la région où, diaprés la forme de son
carré crenz, cette pièce a été frappée aucun nom de ville ne commence par
Motv.
» Herodot., VI, 22.— Thucyd., IV, 109.— Scyl. in Hudaon, Geogr. min.t.
1. 1 , p. 26. — Steph. Byz., s, r.
^ Plutarch., Qwest, grxc.^ 30.
■ Horodot., VII, 22.
176 MÉMOIRES
tribus découvertes à l'Acropole. * En A2A, Thucydide* nous
la fait voir résistant victorieusement aux attaques de Bra-
ffldas et demeurant Gdële à la cause des Athéniens. A dater
de cette époque il n'est plus question de Sané dans l'his-
toire, msds on est en droit de supposer qu'elle fut au
nombre des trente-deux villes de la confédération chalci-
dienne que Philippe détruisit de fond en comble avec
Olynthe, Méthone et ApoUonie '.
La monnaie de Sané est la seule, dans toute la série pri-
mitive des colonies helléniques situées entre l'Axius et le
Strymon, où se trouve employé le zàv dorien, dérivé du w
des Phéniciens et dont le son devait être différent de celui
du £TY(ia\
Il est vrai que les pièces aussi anciennes de la même
série sont toutes, sans exception, anépigrapbes, et que,
par une circonstance curieuse, le nom d'aucune des villes
voisines dont nous avons des monnaies à légendes, plus
récentes, mais encore de date ancienne, ne contient de
fflfflante. La numismatique des peuplades barbares et in-
dépendantes de la même contrée, des Bisaltes, des Édoniens
et des Oresciens ou Satrse, ne connaît pas l'emploi du mv.
Mus l'alphabet de ces monnaies, comme celui dont on se
servait à Samothrace *, est emprunté àTIonie; il offre tous
les caractères distinctifs de récriture ionienne, l'existence
d'une seule sifflante, le vTyka, celle de I't) voyelle et celle
1 Rhangabé, Antiquités helléniquis , n- 134, 142, 151, 165, 169, 180, 181,
198, 201^ 202, 821 et 223.
« IV, 109.
* Demofth., /// PhiUpp., p. 117 ; cf. De fait, hg., f. 424.
^ Atlien., XI, p. 467.
■ Corp, intcript. gr.^ n" 40.
ET DISSERTATIONS, 177
ue Fo)*. Dans les colonies grecques de la côte l'écriture
devait être différente. Selon toutes les probabilités, en
Macédoine comme dans tous les autres pays où les Grecs
avaient fondé des cités, chacune suivait, en matière d'al-
phabet, l'usage qu'elle avsdt apporté de la métropole. Or
Ghalcis, métropole de Sané, était au nombre des pays où
florissait récriture éolo-dorienne, dont le vàv était une
des lettres essentielles.
François Lenormant.
I Sur C08 caractères distinctifii. de l'écriture ionienne, voy. Franz, £/emffifa
êpigraphicti graecm, p. 23 et suir.
17S MÉMOIRES
MÉDAILLES GRECQUES INÉDITES.
(PI. VII.)
Tirynthe \
1. Tète laurée d'Apollon à gauche. — vii T — I. Palmier
entre une lyre et une grappe de raisin. £. 3 1/4 (échelle
de Mionnet). (PI. VII, n^ 1.)
2. Même tête à droite. — ^ T— I. Palmier. JE. 2.
(PL VII, n- 2.)
3. Autre. — i^ IT. Palmier ; dans le champ, pétoncle.
JE. 12/3. (PI. VII, n» 3.)
4. Autre. — î^ TIRï. E. 2. (PI. VII, n» 4. )
4 bis. Autre. — î^ ^fl- ^- '^•
5. Autre. — î^ TIRIN. JE. 1 3/4. (PL VII, n» 6.)
6. Autre. — î$ MYflIT. JE. 2. (PL VII, n^ 6.)
6 bis. Autre. —1^ TIPY...0I1ÎN. JE. 2.
* Les n"* 1, 2, 3, 5, 6 et 8 m'appartiennent. Lo Cabinet national des médailles
d'AtbèneB possède une suite semblable, et, en outre, les n<*" 4, 4 bis, 6 bis et
7 qui la complètent, et dont les empreintes m'ont trèsK>bligeammcnt été com-
muniquées par M. Achille Postolacca, l'aimable et savant conservateur de ce
cabinet. Je suis heureux de lui en témoigner ici ma gratitude, et do le re-
mercier tn môme temps des indications qu'il no refuse jamais à ceux qui font
appel & sa science si sûre, et dont, pour ma part, j'ai largement pro6té.
ET DISSERTATIONS. 170
7. Autre. — î$ TlPYNOIftN. M. 2. (PI. VU. n» 7. )
8. Autre. — ij TIPYNQIiîN. M. 2. (PI. VII, n' 8.)
Tirynthe {Palxa-Nauplia) ^ ville de TArgolide, s'élève
sur un rocher bas et oblong, au sud de rHerœum, à quatre
milles d'Argos et à douze stades de Nauplie , qui était le
port d'Argos.
La tradition, car l'histoire écrite ne dit pas un mot de
Torigine de Tirynthe, attribue sa fondation au héros
Tiryns, fils d'Argus, qui lui donna son nom. Elle resta
comprise dans le royaume d'Argos jusqu'au jour où les fils
jumeaux d'Abas ' se disputèrent les armes à la main l'hé-
ritage paternel. Un combat décisif eut lieu près de la ville
de Tirynthe , dont Proetus s'était préalablement emparé *.
Il la conserva dans le lot qui lui fut fait à la suite, en y
adjoignant Herœum, Midée, et toute la portion de l'Argo-
lide avoisinant la mer '• Prœtus fit entourer Tirynthe de
murs* et construire son Acropole* par les Cyclopes qu'il
appela de Lycie , et que certains auteurs modernes ont
considéré comme des ouvriers phéniciens •. Ces Cyclopes bâ-
tirent également pour Persée les murs de Mycènes lorsque
1 Descendant d*ArgU8.
• M En allant d'Argos à Épidanre, non loin du lieu où se livra le combat
entre Prœtus et Acrisios an sujet de la couronne, vous trouverez les ruines de
Tirjnthe. » (Pausanias, U, 25, 7. )
» Pans., II, 16, 2.
^ *• Les murs de Tirynthe, dit Pansonlas (U, 25, 7), sont construits do pierres
brutes, toutes d'une telle dimension que deux mulots attelés n'ébranleraient
môme pas les plus petites. Ils no sont pas moins dignes d'admiration^ dlt-il
ailleurs (IX, 36^ 3), que les pyramides de Memphis. »— Ces murs existent de
nos jours (ceux de l'Acropole du moins) à peu près tels que les vit Pausanias,
et frappent encore le voyageur d'étonnement.
s Strabon (VHI, p. 373) appelle cette acropole Lycimna.^
^ Voy. la traduction française do Strabon, liv. VIII, p. 234 , note 3 , et
Pouqucville, Voyage de Grèce, t. V, ch. 18, p. 215, éd. de 1827.
180 MÉMOIRES
ce héros, devenu roi d'Ârgos par la mort de son grand-père
Acrisius, qu'il tua involontairement, et ennuyé des discours
qu'on tenait dans cette ville sur ce meurtre, échangea le
trône d'Argos contre celui de Tiryntbe avec son cousin Me-
gapenthès, fils de Prœtud.
Hercule, descendant de Persée par Amphitryon, le mari
de sa mère, fut, selon les uns, élevé à Tirynthe, d'où son
surnom de Tirynthien ^ ; selon d'autres, il n'y vint demeu-
rer que sur l'ordre de l'oracle, après le massacre des trois
enfants qu'il av^dt eus de Mégare.
C'est à Tirynthe, s'il faut en croire Apollodore, qu'Her-
cule tua Iphitus, son hôte, pour s'emparer des douze mules
et des douze juments que ce dernier ramenait avec lui *.
En expiation de ce meurtre. Hercule fut vendu comme
esclave à Omphale; Pausanlas, sans mentionner Iphitus,
dit simplement qu'Hercule fut chassé de Tirynthe par
Eurysthée *.
Homère cite Tirynthe dans le dénombrement des viUes
grecques qui prirent part à l'expédition contre Troie ; il
l'appelle Ttpovc wx^tvw (Tirynthe fortifiée)^. Mais au
sortir des temps héroïques, sa trace se perd complètement.
Les Tirynthiens, dit Théophraste", étaient les gens les plus
gûs de la Grèce, et leur hilarité les détournait des affaires
sérieuses. Cet auteur rapporte assez plaisamment leur ten-
tative inutile pour être guéris de cette maladie de rire. Ils
« ÂXhK ftp* lipoxXii); Tipuv6ioç oùy(\ Kav(i>6c6c. ( Paus., X, 13, 4. )~ Ovido
donne à Alcmène Tépithète de Tirynthia.
t Homère (Oiy<j., XXI, 22-30) raconte ce meortro avec les mômes cir-
constances, mais sans indiquer le lieu où il fat commis.
» Paus., Vm, 14, 2.
^ Iliad., II, 559.
» Al. Athen., VI, p. 261, D,
ET DISSERTATIONS. 181
vécurent heureux sans cloute, riant de tout et à propos de
tout, et comme les gens heureux , s'isolant et ne faisant
point parler d'eux \ Les Argiens, qui étaient moins gais,
détruisirent Tirynthe *, dépouillèrent ses temples ' et for-
cèrent ses habitants à venir repeupler Argos \ Ainsi finit
cette ville que l'histoire a dédaignée, et dont les ruines sem-
blent n'être parvenues jusqu'à nous que pour rendre la
mythologie croyable.
On ne connaissait pas jusqu'ici de monnaies de la ville
de Tîiynthe. Celles que je publie comblent cette lacune ;
elles permettront d'inscrire à l'avenir un nom de plus dans
la géographie numismatique , et de rendre à Tirynthe ce
qui est à Tirynthe. Ces monnaies ont été, à l'exception du
n"* 1, trouvées avec plusieurs autres, au mois de mai 1863,
dans l'Argolide, à une heure et demie de Cranidi, non loin
de Castri, l'antique Hermione. Elles étaient renfermées
dans un vase de terre.
Les exemplmres de ma collection et ceux qui appartien-
nent au Cabinet national des médailles d'Athènes sont en-
tièrement semblables comme métal, module, fabrique,
types et symboles. Leur conservation est remarquable. Le
rV" 3 est particulièrement beau. Toutes les pièces provenant
de cette trouvaille ont été^ aussitôt découvertes, transpor-
tées à Athènes. Le Cabinet, usant tout naturellement de
son droit, a fait parmi elles le choix du seigneur. Je ne
^ Hérodote cependant (1X^ 23) compte quatre cents Mycénieni et Tiryn-
thiens parmi les Grecs qni combattirent à Platées.
* A peu près à répoqne de la destruction de Mycènes (468 avant J.-C).
* M De mon temps, il y avait encore à Argos les statues enlevées par les
Argiens à Tirynthe ; l'une^ qui est en bois de poirier, se voit auprès de Jnnon,
et l'autre dans le temple d'Apollon Eléen. > ( Fnus., VIII, 46, 2, et II, 17, 5.)
* Paus., Il, 25, 7. — Cf. Herodot., VI, 83.
182 MÉMOIRES
suis venu qu'après, mais la difTérence entre mes exem-
plaires et les siens est insignifiante. Les uns et les autres
sont en bronze.
Plusieurs de ces monnaies (xï^ 6 bis^ 7, 8) , offrant en en-
tier le nom de Tiryntbe et les autres ses premières lettres,
il ne peut y avoir aucun doute sur leur attribution. Nous
sommes ici en présence d'une certitude que rendriaent plus
complète encore, s'il n'y avait déjà évidence, le type et les
symboles représentés sur ces monnaies. Au droit est figu-
rée uniformément la tête laurée d'ÂpoUon , et le revers a
pour type un palmier. Sur le revers de l'une d'elles ce-
pendant (n** 3) , on remarque aussi un pétoncle dans le
champ ^
La présence de la tête d'Apollon peut étonner tout
d'abord. Il semblerait plus naturel de rencontrer l'image
de Junon ou celle d'Hercule. Junon était la protectrice de
l'Argolide, et la fontaine Canathus ', où elle venait se bsd-
gner une fois l'an, coulait non loin de Tirj-ntbe, qui, du
reste, rendait un culte particulier à cette déesse. La plus
ancienne statue érigée à Junon se voyait dans cette ville*.
Quant à Hercule, il habita Tirynthe, et c'était pour elle un
souvenir important à évoquer et à perpétuer. Quoi qu'il en
soit, les monnaies que nous avons de cette ville repro-
duisent constamment la tête d'Apollon, et je ne vois pas de
meilleure explication de la présence de ce dieu que celle
donnée de la représentation du loup sur les pièces d'Argos.
< AUosion sinon à la situation maritime de Tirynthe, tout au moins à son
voisinage de la mer. Hérodote raconte ( VII, 137) que « Auariste, fils de Speiv
thias, voguant avec un vaisseau de transport monté par un nombreux équi-
page, avait pillé les pêcheries de Tirynthe. »
< Paus., U, 38, 2.
> M La plus ancienne de toutes les statues de Junon est celle en bois do poirier
ET DISSERTATIONS. J 83
((Les SicyoDiens, ditPausanias', racontent que les loups
(( se jetaient sur leurs troupeaux , de sorte qu'ils n'en
« tiraient plus aucun profit : le dieu (Apollon) leur indi-
« qua l'endroit où était un certain tronc d'arbre sec, en
(( leur disant d'en prendre Técorce, de la mêler à la viande
<( qu'ils jetteraient aux loups. Ceux-ci périrent aussitôt
« qu'ils eurent mangé de cette écorce. » Apollon devint
ainsi le protecteur effectif et le sauveur de toute la contrée.
Il n'y a rien de surprenant à ce que Ton ait, en reconnais-
sance du bienfait, reproduit sur les monnaies l'image du
bienfaiteur, quoique le fait ne fût pas précisément per-
sonnel à Tirynthe. C'est donc Apollon Lycien , le destruc-
teur des loups , qu'il faut voir sur les médailles de cette
ville *, et le type principal décidant l'attribut, le palmier
du revers, doit se rapporter à la tradition, qui fait venir au
monde Apollon et Diane sous un arbre de cette espèce *.
Le n*" 1 ne fait point partie de la trouvaille signalée ci-
dessus. Cette monnaie est connue depuis longtemps et a
été publiée en 1851 par M. L. MQllerS qui la classe à
sauvage qui avait été érigée dans Tiryntlie par Priosus, fîls d'Argus, et que les
Aryens, après avoir détruit cette ville, transportèrent dons le temple de
Junon. » ( Paus., II, 17, 5. )
* II, 9. 6.
* Ainsi que sur une monnaie , décrite par Mionnet ( Suppl., t. IV, p. 238 ,
n* 12}, qui a au revers un loup. Cette monnaie, attribuée autrefois à TAchalo,
a été depuis restituée à Argos de TArgolide.
' Le palmier croit encore dans la plaine de Tirynthe, et Ton pourrait ex-
pliquer sa présence sur les monnaies do cette ville, comme on l'explique pour
les monnaies de Carthage, par la production locale. Je m'en tiens, pour ma
part, h la première opinion que me parait soutenir le palmier que Ton voit sur
les médailles d'Éphèse et sur certaines pièces de TEubée, lieux où le culte
de Diane était en honneur.
* Ducript. dê9 monnaki antiqua du mutét Thorwaldten. Copenhague , in-8*,
p. 127, pi. XI, n» 804.
18A MÉMOIRES
Uélos. Le A placé devant la tête d*Apollou sur Texemplaire
qu'avait sous les yeux le savant numismatiste et qui a
dû causer son erreur fort excusable, n'existe pas sur la
monnaie que je possède, non plus que sur celle du Cabinet
d'Athènes. Comparées aux monnsdes trouvées en 1863, leur
module est supérieur, la tète d'Apollon est à gauche, le
champ du revers présente une lyre et une grappe de rai^n \
Ces différences sont de peu de valeur : ces trois médailles,
ainsi que les exemplaires semblables répandus dans les di-
verses collections, offrent, avec celles trouvées dans TAr-
golide une identité de type et de symbole trop absolue
pour ne pas être reconnues appartenir à Tirynthe, et doré-
navant classées à cette ville. La légende T — ^I. du revers,
autrefois inintelligible *, et qui aujourd'hui se lit couram-
ment, me semble en outre donner gain de cause à Topinion
que j'émets et devoir clore le débat. Le A qui a trompé
M. Millier désigne sans doute un nom de magistrat
Il reste à examiner à quelle époque ces monnaies ont pu
être frappées. L'histoire, on le sait, est sur Tirynthe d'un
mutisme désolant, et les annales mythologiques ne ren-
seignent à son sujet qu'imparfaitement. Force est donc de
^ La lyre est Tattribut , général jusqu^à la banalité, d* Apollon; la grappe
de raisin a trait aux vignes nombreuses dans la contrée. Épidaure, voisine de
Tirynthe » est appelée par Homère d{iitcXdevT* ÉirCSaupo;, fertile en vignes
( Jliad., II, 661 ). Paasanias ajoute (II, 38, 3 ) que la taille de la vigne fat
primitivement mise en pratique à Nanplie, antre voisine de Tirynthe.
* Pas Uratefois pour M. Paul Lambros, le marchand de médailles d'Athènes,
dont la connaissance des médailles grecques est si complète. Cette monnaie
n* 1 (Texemplaire que je publie et qu'il m'a cédé) avait été, bien avant la
découverte décisive , reconnue par lui appartenir à Tirynthe : c'est d<nio à
M. Lambros que revient Thonnenr de cette heureuse dassificaUon , qu'il avait
tenue inédite, et dont il avait seulement parlé à quelques personnes, entre
autres à M. Postolacca, de qui je tiens le fait.
ET DISSERTATIONS. 185
supposer qu après avoir subi les diverses fortunes de TAr-
golide, Tirynlhe devint tributaire d'Argos, ou fit partie de
l'oligarchie argienne établie en 821. Sa destruction par les
Argiens n'invalide pas cette double conjecture. Il résulte
du récit de Pausanias que les Argiens, lorsqu'ils s'empa-
rèrent de Tirynthe , avaient moins en vue sa conquête que
celle de ses habitants, et que s'ils la détruisirent ce fut
surtout pour ôter aux Tiryntbiens destinés à repeupler
Argos la possibilité de retourner chez eux.
Libre ou soumise, Tirynthe ne fut et ne put être qu'une
ville très-secondaire. Le voisinage d' Argos mettait à son
développement un obstacle que l'insouciance traditionnelle
des Tiryntbiens eût seule suffi à créer. Les. monnaies que
nous avons de Tirynthe sont, par leur métal et leur module,
un signe de son peu d'importance, que confirme le silence
de l'histoire. Ce seraient des monnaies frappées vraisembla-
blement pour l'usage particulier de Tirynthe, et dont la cir-
culation devait être restreinte à son propre territoire ou s'é-
tendre dans l'Argolide. Il y a là une indication, si le mot
preuve est trop fort, de l'état de dépendance de Tirynthe
envers Argos, si longtemps la métropole du Péloponnèse,
preuve ou indication que me paraît appuyer encore la pré-
sence sur ces monnaies d'un type, sinon identique aux loups
d' Argos, du moins se rapportant au même fait.
La destruction de Tirynthe eut lieu vers 468 (av. J. C).
On serait porté tout naturellement à croire que les monnaies
de cette ville ont été frappées antérieurement à cette date.
Le contraire paraît difficilement admissible. Cependant la
fabrique, le style, la présence de la lettre fi déclarent un
âge de beaucoup postérieur. D'autre part, on trouve sur
plusieurs d'entre elles (n'» 4, 4 ftîs, 5 et 6) le rho grec ayant
la forme de l'R latin, indice d'une haute antiquité que con-
1864. — 3. 13
186 MÉMOIRES
tredisent l'absence d'aire en creux sur tous les exemplaires
connus, la présence de l'û, enfin le métal même des pièces.
Il est vrai que Yù se rencontre seulement sur les monnaies
où se lit la légende complète TIPïNeUlN et où paraît le
rho grec ordinsdre ; mais ce dét^ qu'il éUût nécessaire de
signaler, ne décide pas suffisamment la question, et les di-
verses pièces figurées sur la planche Vil ont entre elles une
ressemblance si parfaite quant au style et à la fabrique
qu'il est à peu près impossible de ne pas leur asMgner à
toutes une même époque d'émission. Ces pièces ont pu être
frappées postérieurement à Alexandre le Grand, comme
simple souvenir historique, et alors qu'il n'y avidt plus
d'inconvénient à rappeler aux Tirynthiens devenus depuis
longtemps citoyens d'Argos leur patrie première. On au-
rait conservé sur quelques-unes au rho sa forme primitive,
soit par caprice d'artiste soit par pur amour pour l'ar-
chaïsme. Quelques exemples viennent à l'appui de cette
hypothèse, que je donne du reste pour ce qu'elle vaut et
à défaut d'une explication plus satisfaisante. L'on a, en
effet, des monnaies de quelques localités insignifiantes de
laTroade, mentionnées par Homère, entre autres Theba,
patrie d'Andromaque S et un certain nombre de petites
monnaies de bronze portant les noms de plu^urs villes
de la Mysie et de l'Éolie, les unes et les autres, M. Gh.
Lenormant l'a établi avec autorité ', fabriquées à une épo-
que où ces villes n'avaient plus la moindre importance ou
avaient même cessé entièrement d'exister.
* Mionnet, V, Suppl., p. 582.
* Bevw fium., 1866, p. 40.
ET DISSERTATIONS. 187
Uothone {nnnc Modon).
Figure masculine en attitude de combattant ( Neptune).
— îj MO. M. Sl/2.
De ma collection. (PI. VII , n- 9. )
Motbone, Tune des ailles maritimes de la Messénie^
primitivement Pédase, ne prit le nom de Motbone qu'au
retour de l'expédition de Troie, de Motbone, fille d'CEnée,
tradition locale que Pausanias*, contre son babitude, n'ac^
cepte pas, étant d'opinion que le nom de la ville vient du
rocber Motbon qui en forme le port. Après la prise d'Ira,
les Mothonéens, les Pyléens et tous les babitants des côtes,
désespérant de leur patrie et peu jaloux d'être répartis
parmi les bilotes, prirent la mer au plus vite et se rendirent
à Cyllène, d'où ils envoyèrent proposer aux Messéniens ré-
fugiés en Arcadie d'émigrer avec eux. Ils allèrent, comme
on sait, s'établir en Sicile et y greffer Messène sur Zancle.
Les vainqueurs se partagèrent la Messénie par la voie du
sort, et les Naupliens ayant été cbassés de leur ville par
les Argiens pour leur attacbement & la cause de Sparte, les
Lacédémoniens leur donnèrent Motbone, dont les Messé-
niens, reconstitués en nation par Épaminondas, ne reven-
diquèrent pas la possession. Trajan enfin accorda la liberté
aux Motbonéens et leur permit de se gouverner d'après
leurs propres lois '.
1 M Isthmîas, fils de GlaneuB, fut père de Dotadas, qui, bien que la Me»-
Bénie eût déjà d'antres ports, fit construire Mothone. » ( Paus., IV^ 3, 6. )
• IV, 35,1.
* Je borne là cet inventaire, n'ayant à m'occuper que de l'ancienne Mothone.
Le lectenr cnrienz de la moderne Modon tronyera dans le Voyage dt la Grèce,
de Ponqneville (t. VI, p. 69 et sniy.), tontes les informations désirables comme
18S ML.MOlHi-S
Pausanias ' mentionne deux temples à Mothone : le temple
de MineiTe Anémotide, ainsi nommée pour avoir fait cesser
des vents violents qui désolaient le pays, et celui de Diane,
qui renfermait un puits dont Teau, mélangée de résine,
rappelait la couleur et le goût du baume de Cyzique.
On n'a classé jusqu'à ce jour à Mothone que des mon-
naies impériales frappées sous le règne de Septime Sévère
et de sa famille. La pièce n"* 9, que je n'hésite pas à lui attri-
buer et qui a été trouvée dernièrement dans le Péloponnèse,
est peut-être l'unique monnaie autonome, et, en tout cas,
la première que l'on publie de cette ville. La légende MO,
qui se lit très-distinctement sur le revers, me paraît auto-
riser cette attribution , et la différence de grandeur qui se
remarque entre TM et l'omicron conclut à l'antiquité de cette
pièce, qui, par son peu d'épaisseur et son travail assez
ordinaire, rappelle les monnaies de même métal que l'on a
de la Messénie. Je ne pense pas cependant qu'il y ait lieu
de reconnaître Jupiter Ithomatès, leur type habituel^ dans
la figure masculine en attitude de combattant qui décore
celle-ci. Je proposerais plutôt d'y voir Neptune avec son
trident, dont la présence se justifie ici par la situation de
Mothone et par cette circonstance que Pjlos, autre ville
maritime de la Messénie et peu distante % a constamment
reproduit sur ses monnaies le type et les attributs de ce
dieu.
La conservation malheureusement défectueuse du droit
n'en permet quune explication par induction ; mais la lé-
histoire , statistique , agricoltore , même une liste des évêqnes latins et des '
év(^ques grecs dont cette ville fut le siège.
» Pau8..1V,36, 6.
• n y n tout au plus cent stades de Mothone ou promontoire de Corypha-
»ium, sur lequel Pylos est située. (Pans., IV, 36, 1.)
ET DISSERTATIONS. 189
gende parfaitement intacte du revers me semble devoir
éloigner toute incertitude sur l'attribution à Mothone de
cette pièce intéressante.
Êrélrie d'Eubée.
Tète de bœuf vue de face. — h) Aire en creux. AI, 1/2.
De ma «élection. (PI. VII, n« la. )
On n'ignore pas combien sont rares les monnaies d'or
autonomes de l'ancienne Grèce. A cet intérêt s'ajoute pour
celle-ci une certaine difficulté de classification. L'absence
de légende et la représentation d'un type commun à i'Eubée
et à la Phocide entr'ouvrent en effet la porte aux conjec-
tures. Je crois pouvoir toutefois écarter la Phocide, car si
les monnaies d'argent de cette contrée offrent à la vérité
une tète de bœuf vue de face semblable à celle de la pièce
qui nous occupe, les pièces archaïques montrent toujours
une tête de femme, celles d'une époque plus rapprochée
la tète d'Apollon , et les unes et les autres des légendes,
toutes indications certaines de leur origine \ Je n'ai donc
qu'à établir les motifs qui me font attribuer de préférence
à Érétrie d'Eubée la jolie petite pièce gravée sous le n* 10.
Le bœuf, par allusion soit au nom même de l'Ëubée, soit
à ses nombreux troupeaux, est constamment reproduit,
dans des attitudes diverses, tant sur les monnaies ayant
cours dans l'île entière que sur les monnaies frappées par
chacune de ses villes, excepté Chalcis. Ce symbole général
convenait particulièrement à Érétrie, dont le nom primitif.
' La pièce d*or du Cabinet de Vienne, décrite par Eckhcl (Docf. num, vet.,
t. II, p. 193), np diffère pas de celles d'argput.
i90 HÉM0IRE5
Àporpts '« rappelait la fertilité de ses campagnes propres au
labourage, et il était si bien adopté par les Érétriens*
qu'ayant à faire une oiTrande à Jupiter ils lui dédièrent dans
son temple d'^Œympie un bœuf d'airain, ceurre de Philésius,
citoyen d'Érétrie *. Ce n'est pas, du reste, spécialement sur
cette dédicace que je fonde ma classification , car les habi-
taot» de Carysto, après leur yictoire sur les Perses, consa-
crèrent à Apollon un bœuf d'airain '. Mais parmi les monnaies
d'argent d'Ërétrie qui nous sont parvenues, quelques-nnes
représentent une tête de bceuf vue de face à laquelle la tête
figiu'ée sur la {Nëce n"" 10 est entièrement s^nblable ^» Cette
identité si manifeste du type et de sa représentation ; le fait
que de toutes les villes de l'Eubée, Ërétrie est la seule qiû
ail frappé sur quelques-unes de ses monnaies une tète de
Jbttuf vuedeface; ces circonstances me paraissent rendre
incontestable l'attribution à Ërétrie de la pièce que je publie
aujourd'hui.
J'ajouterai que cette monnaie a été trouvée dans l^ubée.
Sa conservation est irréprochable ; l'aire en creux du revers
et les trois globules placés sur le front du bœuf et figurant
sa crinière lui assignent une haute antiquité.
Alfred de Courtois.
I Enstatli. adUomer.r Hiad., II, p. 280.
aPatti., V.27.6.
s Idem,, X, 16« 3.
^ Les autres représentent i»n boeuf debout se grattant, et le plua souTent
AU revers un polype.
ET DISSERTATIONS. 101
ATTAMBILUS IF,
ROI DE LA CHARACÈNE.
Dans la série monétaire des rois de la Characène, telle
qu'elle a été établie par Visconti et par Saint-Martin , on
remarquait une longue lacune entre Adinnigaûs, dont Tuni-
que monnaie porte la date de l'an 333 de l'ère des Séleu-
cides, et Théonnésès\ dont la pièce est marquée de l'an
&22. M. Postolaccas, conservateur du Cabinet national des
médailles à Athènes, a récemment* prouvé qu'il fallût
placer dans cette lacune, que sans doute son règne ne rem-
plit pas tout entière, un second roi du nom d'Attambilus,
dont cet érudit a publié * une pièce avec la date TS^, 369,
conservée dans la collection confiée à ses soins. En visitant
l'automne dernier à Corfou le riche cabinet de M. Wood-
house, j'y ai rencontré une nouvelle pièce du même prince,
portant une autre date, celle de l'an 371 des Séleucides.
Avec les habitudes soupçonneuses qui le caractérisent,
M. Woodhouse n'a pas voulu me laisser prendre une em-
preinte de sa précieuse médaille ; mais j'ai pu du moins en
noter sur mon carnet de voyage une description exacte et
détaillée.
1 Sur lu véritable nom de ce roi, voy. Longpéricr, Revue niim., 1863, p. 340^
^ Àntialeê de Vlnat, arch., 1861, p. 355.
» Ibid,, pi. Q, n- 6.
192 MÉMOIRES
Tête imberbe et juvénile à droite, ceinte du diadème, les
cheveux calamistrés.
^ dcTTAMBiAou en trois lignes, dont deux devant et une
aOJTHpoc
derrière le type.
Hercule assis à gauche sur un rocher, sur lequel il s'ap-
puie de sa main gauche, tandis que de la main droite il tient
sa massue sur son genou ; à l'exergue, TOA (371). Potin. 7.
L'intérêt historique de cette pièce, qui confirme l'exis-
tence du roi Attambilus II et fournit une date nouvelle de
son règne, nous a décidé à en publier la simple description,
quoique nous ne puissions pas y joindre le dessin. C'est un
document que nous signalons aux savants qui s'occupent
de l'histoire de cette partie de l'Asie.
Les effigies des deux Attambilus sont faciles à distinguer.
Celle du premier montre un homme d'âge mûr, à la barbe
longue et pointue ; celle du second un homme tout jeune
et sans barbe , au moins sur les deux pièces du Cabinet
d'Athènes et de la collection Woodhouse.
Fbânçois Lenormant.
ET niSSERTATIONS. 193
MONNAIES MÉROVINGIENNES.
DENIER DE B0G6IS,
DUO D*AQU1TA1NB.
La monnaie d'argent que représente la vignette a été
trouvée en 1838, à 8 kilomètres de Melle, dans la com-
mune de Sompt, dont le territoire borde la voie romaine
de Saintes à Poitiers.
Croyant que cette monnaie ne rentrait pas dans la spé-
cialité de ma collection qui embrasse seulement le Poitou
et l'Aquitaine, je la cédai à notre savant et regretté direc-
teur, M. Cartier, qui la publia dans la Revue numismatique
(an 1839, p. 441, pi. XVII, n» 15), en faisant observer,
avec le signe du doute, que les lettres du droit pourraient
être le reste du nom de DAGOBertus.
Plus t:ird, j'appris combien les monnaies mérovingiennes
d'argent sont précieuses pour l'histoire ^ Je me reportai
au dessin de ma pièce et n'hésitai pas à y lire le nom de
Boggis, admis jusque-là et sans conteste comme duc d'A-
quitaine. 11 est vrai que l'S final manque ; mais combien
' Adr. de Longpérier, Not, da monnaies de h rollect. Boutseau^ 1847, p. 76.
19A MÉMOiies
d'autres lettres plus împortaDtes oDt disparu par la rogotffe
sur les monnaies mérovîDgieDDes!
récrivis alors à M. Cartier qui me répondit qu'il ne se
rappelait plus à qui il avait cédé ce denier et j'ignore en-
core aujourd'hui qui en est rbeoreux possesseur. Enfin ud
nouveau fait est venu me mettre en mémoire la mcmnaîe
absente, et raviver mes regrets.
M. UenriMartin,dansles premières éditions de soaHiUaire
de France^ avait, comme Dom Vsûssette, Faoriel, Sismondi
et M. Hicbelet, admis les documents fournis par la charte
d'Alaon, et reconnu, comme fils et successeurs de Haribert,
roi d'Aquitaine, Boggis, père du célèbre Eude, et Bertrand,
père de saint Hubert. Mais dans la &* édition de son œuvre
(t. 11, p. 137, notes), il rejette comme n'étant qu'un vaste
roman historique forgé par un érudit espagnol duxvu'siècle,
cette charte dont la supposition a été, dit-il, démontrée par
IL Rabanis, dans son judicieux Essai historique et critique
sur les Mérovingiens ^Aquitaine. Il reproche à Fauteur de
cette charte apocryphe d'avoir rattaché par un lien com-
mun une foule de personnages et de faits, les uns authen-
tiques, les autres imaginaires, et d'avoir ainsi inventé
toute une dynastie de Mérovingiens. Enfin (p. 169, notes)
il ajoute que « la prétendue charte d'Alaon fait de Eude
un Mérovingien, fils de V imaginaire Boggis. »
Ému de voir ainsi notre Aquitaine dépouillée d'un doc
que lui avaient attribué des documents autres que la charte
d'Alaon, je me suis reporté à l'ouvrage de M. Rabanis :
j'ai été frappé, je dois le dire, du haut savoir qu'il y dé-
veloppe, et j'ai été heureux de voir, du moins dans la
2' édition de 1856, la seule que j'ai pu me procurer, qu'il
ne fait pas un mythe de notre Boggis, qu'il lui accorde le
titre de duc des Aquitains , mais que seulement il le fait
ET DISSERTATIONS. 195
vivre un siècle et demi plus tôt que la charte d'Alaon.
Voyons donc si la défiance que lui inspire cette charte ne
l'aurait point fait tomber dans une erreur.
M. Rabanis, après avoir représenté (p. 52) les légen-
daires, les bagiograpbes et les martyrologes « comme
sources les plus suspectes au point de vue de là chrono-
logie et des événements politiques et sociaux, » et notam«
ment comme telles les légendes de saint Hubert et sainte
Ode, cite avec loyauté ce passage de la vie de saint Hubert
où il est dit que ce dernier, fils lui-même d*un duc d'Aqui*
taine, nommé Bertrand, aurait été suivi dans sa retraite
par sa tante Oda, veuve de Boggis, autre duc des Aqui-
tains, qui était mort récemment ^
licite ensuite Sigebert de Gemblours, écrivain belge qui,
ditnil, savidt par cœur et transcrivait littéralement les
actes de sainte Ode et lui a consacré cette mention : « £n
l'année 711, florissait, dans la Gaule, sainte Oda, veuve de
Boggis, duc des Aquitains, laquelle enrichit par sa muni*
ficence les églis^ de Dieu et qui repose, depuis sa mort,
dans la paroisse de Liège'. »
n Jusqu'ici, ajoute-t-il, tout va le mieux du monde pour
M la charte (d'Alaon)« Mais écoutons un témoignage bien
tt autrement authentique, bien autrement grave, celui de
tt la vieille chronique de saint Martin de Tours, antérieure
tt de tontes façons et à la rédaction des actes de sainte Ode
u et à la chronologie de Sigebert. L'an VI du règne de
* Page 56 : Adhcrebat ill! , quasi cornes individna ; amita sna Oda quse
extitit BoggU, Aqnitanomm dods^ recens defancti, Tidaa.
' Page 57 : Anno 711, Sancta Oda ; uxor Boggis, Aquitanorum ducîs floret
in Gallla , que eocleiias Dei sua ditavit munificencia et moriens in Leodi-
censi qnievit parochia. — C'est sans doute par erreur que M. Rabanis a tra-
duit le mot uxor par celui de retirer.
196 MÉMOIRES
« Justin II, florissait dans la Gaule sainte Oda, femme de
<t Boggis, duc des Aquitains, laquelle a enrichi un grand
(f nombre d'églises et repose, depuis sa mort, dans la pa-
« roisse de Liège * . »
De prime abord, on est étonné de voir M. Rabanis mettre
en opposition deux textes presque littéralement pareils;
mais on s'aperçoit bientôt que c'est la date qui établit entre
eux une énorme différence. En effet, tandis que Sigebert in-
dique l'année 711, la chronique de Tours, en se reportant
à la VI' année du règne de l'empereur Justin II, remonte à
l'an 671. Différence 140 ans!
M. Rabanis prévoit bien (p. 58) que l'on pourrait ob-
jecter que c'est par suite d'une erreur de copiste que la
chronique de Tours porte le nom de Justin II, au lieu de
celui de Justinien II dont la sixième année de règne corres-
pond juste à l'année 711 donnée par Sigebert. Mais cette
date de l'an 711 pourrait venir à l'appui de la généal(^ie
donnée par la charte d'Alaon que ses plus habiles défen-
seurs, dit-il, p. 212, n'acceptent que sous bénéfice d'inven-
taire, mais que lui n'accepte pas du tout. Il se met partout
en quête des rares personnages qui, avant le vir siècle, ont
porté les noms plus ou moins estropiés d'Oda ou de Boggis.
licite la chronique de saint Vincent de Metz qui donne une
Oda pour épouse à son Buotgisus-Amaldus, mais reconnaît
que, par distraction sans doute, Albéric des Trois-Fontaines
la lui donne pour mère !
Il comprend que si le Boggis de la chronique de Tours
vivait avant Tan 711, Grégoire de Tours, son contemporain,
ce père de notre histoire, n*aura pas oublié de nous parler
* « Auno Justini II. VI saucta Oda, uxor Boggis duci» Aquitanorum floret
in Gallia, quae occlesias muUas ditavit, et moriens in Leodiceusi parochia
qniovit. »
ET DISSERTATIONS. 1ft7
de ce Boggis, duc d'Aquitaine, lui qui entre dans des dé-
tails si circonstanciés sur les événements et les personnages
de son temps. Aussi, tout en disant, p. 61, que Boggisus
et Bodegesilus, c'est le même nom, ce qu'on ne saurait
accepter sans faire de fortes réserves, nous présente-t-il
conmie le Boggis de la chronique de Tours un Bodegesilus,
sans doute celui qui, fils de Mummolenus de Soissons, fut
l'un des ambassadeurs envoyés par Childebert à l'empe-
reur Maurice et fut assassiné à Carthage vers l'an 58A \
Il est vrai que rien ne constate que ce Bodegesilus, de-
venu Boggis, fut le mari de sainte Oda de Liège, à laquelle
il aurait survécu, et qu'étant décédé en 584, il ne peut être
le même que le Bodegesilus-Amaldus, évêque de Metz en
Tan 599, et mari d'une autre sainte Oda. N'importe, pour
M. Rabanis (p. 02), « l'époque de l'Aquitain Boggis et
« celle d'Oda, sa fpmme, ne semblent pas l'objet du moindre
u doute. Le calcul de la chronique de saint Martin de Tours
a est rigoureusementexact et la date de Sigebert est fautive. »
J'aime à croire que ce savant, que malheureusement la
mort nous a enlevé, eût modifié ses conclusions relativement
à Boggis et à Oda dont il admet l'existence, établie indépen-
damment de la charte d'Alaon, s'il eût connu la monnaie
que représente notre vignette , trouvée, comme je l'ai dit,
près la voie romaine de Saintes à Poitiers, dans cette Aqui-
taine où elle devait avoir cours.
Il aurait lu sur cette pièce le nom de Boggis tel qu'il
est orthographié et sans variantes, dans la vie de saint Hu-
bert, dans celle de sainte Oda et même dans sa chronique
préférée de saint Martin de Tours.
• Gr«*g. Tur., //û<., lib. X, cap. II.— Lebenu, Histmre du Bas-Empire, édit.
Saint-Martin, t X, p. 221.
IfM UÉMOIBES
Sachant que les deniers mérovingiens d'argent n*ont
apparu que vers le milieu du vu* siècle S il aurait comjHÎs
que notre monnaie de ce métal ne pouvait donner le nom
d'un personnage qui aurait été déjà duc d'Aquitaine plus
d'un siècle auparavant; qu'ainsi c'était par suite d'une
transcription fautive qu'au lieu du règne de Justinîen II , la
chronique de Tours indiquait celui de Justin II, comme
l'époque où florissait dans la Gaule sainte Oda, épouse de
Boggis, duc des Aquitains.
Il eût pu remarquer que le B cursif du nom de Boggis est
reproduit trois fois dans celui du monétsdre bObbOLO sur
un tiers de sol d'or frappé à Agen, suivant M. de Longpé-
rier, à Ajain, département de la Creuse, suivant M. Delo-
che, l'une et l'antre localités de la Gaule méridionale; il eut
pu trouver l'O carré ou cruciforme de notre monnaie sur
plusieurs de celles frappées dans les provinces de la rive
gauche de la Loire.
En lisant sur notre denier le nom seul de Boggis, sans au-
cune qualification, il y aurait vu la confirmation de l'opi-
nion de M. de Longpérier qui, dès 18A7 ', disait que a les
recherches qu'il avait faites sur ce sujet lui permettaient
de croire que les noms d'un assez grand nombre de maires
et de ducs mérovingiens sont inscrits sur les monnaies sans
la qualification de monétaires, » fait que démontre le der-
nier travail de M. le commandant Carpentin sur les patrices
de Marseille.
Je suis le premier à le reconnaître, le rapprochement de
ces différents faits et circonstances ne prouve pas que
notre Boggis fût fils de Haribert. Mais si, comme je le crois.
> M. de Pétigny, Bevuê wum., 1854, p. 402.
* Notiet des nwnnaùi de la collect, Rousseau, p. 42.
ET DISSERTATIONS. 199
la monnaie qui porte son nom est du vu* siècle, elle rajeu-
nirait de près de cent ans son mariage avec Oda et il pour-
rait paraître moins invraisemblable que de cette union fût
né le prince Aquitain Eude, dont le nom n'est pour ainsi
dire que l'écho de celui de Oda, sa mère, et que le vieil
Eude, comme le qualifie M. Henri Martin {ibid., p. 208),
eût vécu jusqu'en l'an 735, vingt-deux ans seulement après
sa mère, et huit ans après saint Hubert, son cousin ger-
main...., graves questions que je ne suis pas de taille à
aborder.
Que Ion me pardonne d'être entré dans d'aussi longs
détails. En ma qualité d'Aquitain, j'ai été entraîné à res-
tituer à notre patrie un prince dont on avait fini par faire
un personnage imaginaire, bien que la condamnation de
la charte d'Alaon n'implique pas du tout, comme je l'ai
fait voir, celle de l'existence de Boggis. La résurrection du
denier portant le nom de ce personnage est venue provo-
quer mon zèle et me rappeler combien les monnaies d'ar-
gent de l'époque mérovingienne sont précieuses pour l'his-
toire.
Fasciné en quelque sorte par cet amour de la patrie, me
serais-je trompé en lisant le nom de Boggis sur le denier
qui nous occupe ? C'est ce que sa reproduction que je sol-
licite pourra démontrer, et alors, si je lis mal, ce sera sur
moi que retombera l'erreur que j'attribue à M. Rabanis.
RONDIER.
Melle, jura 1864.
•20U MÉMOIRLS
MONNAIES
FRAPPÉES A GÈNES SOCS CHARLES VII.
Le catalogue de la remarquable collection de M. Gouaux
qui fut vendue en 1857, contenait sous les n*' 488, 489 et
490 l'indication d'une pièce d'or et de deux pièces d'ar-
gent annoncées comme frappées à Gènes sous Charles VIIL
MM. Rollin et Feuardent, dans leur catalogue de la col-
lection Rousseau, publié en 1861 \ ont également annoncé
sous les n"' 966, 967 et 968 trois pièces d'argent avec la
même indication.
Enfin M. Conbrouse cite, p. 40 du tome !•' de ses Mon-
naies nationales de France, n* 490 (règne de Charles VIII) ,
une obole de billon pesant dix grains et appartenant alors
à M. Rollin , pièce portant dans le champ un K gothique
avec lANVE D ( Januœ dominus ) , et au revers une croix.
Ayant acquis de M. Charvet, postérieurement à la pu-
blication du catalogue de la vente Rousseau, un gros d'ar-
gent dont l'empreinte est ici gravée, et qu'on attribuait
également à Charles VIII, je pensai que ce prince n'ayant
jamais été possesseur de Gènes, puisqu'il échoua dans la
tentative qu'il fit en i 495 pour s'en emparer, cette pièce
* Catalogué d$s tnonnaies nationaUt de France ; collection de M, J. Rou9seau en
rente à Vamiable aux prix marqués, 1861, în-8*.
ET DISSERTATIONS. 201
devait être attribuée, non pas à lui, mais à Charles VI ou à
Charles VII.
En effet, Gènes fut sous la domination de la France de-
puis 1396 qu'elle se donna à Charles VI jusqu'en 1A09,
puis de 1&58 à 1&61. On peut voir àsinsYArt de vérifier lei
dates le résumé succinct de tous les événements qu'amena
dans cette république l'inconstance naturelle des Génois \
et dont le souvenir était sans doute présent à l'esprit de
Louis XI, quand il les donnait au diable, si toutefois le mot
qu'on lui attribue a été réellement prononcé par lui.
M. de Longpérier, à qui je montrai mon gros d'argent et
à qui je fis part de mes remarques sur l'attribution faite
jusqu'ici de cette pièce à Charles VIII, avait depuis long-
temps la même opinion, et il eut la bonté de me donner la
raison qu'il y avait d'attribuer avec toute sûreté ma pièce
à Charles VII.
Cette pièce porte d'un côté le portail génois accosté de
deux fleurs de lis et autour entre deux grènetis IHS: G :
REX. FRA : COR : D : lAN : {Jésus ; Carolus rex Franco-
mm, dominus Janux)^ au revers une croix pattée et entre
deux grènetis : CODRAD : REX : RO : P : {Conradus rex
Romanorum) % elle pèse 3k',260.
* On eu trouvera le récit détaillé dans VHistoirt dei républiquti Ualiennei,
de Simonde de Sismondi, t. X, p. 70 et suiv.
* D*après la description du Catalo(fue de la collection Rousseau le mono-
1864.^3. 14
202 MÉMOIRES
M. de Longpérier m'apprit que Gandolfi, dans son traité
Délia moneta antica di Genovaj décrivait (t. II, p. 33) une
pièce d'argent du doge Pietro Campo Fregoso (Ii50-1A58)
qui était la première de toute la série génoise sur la-
quelle paraissait le monogramme IHS, que ce mono-
gramme sacré, dont l'usage fut introduit en 1&23 par saint
Bernardin de Sienne S se retrouvait encore sur la monnaie
de Ludovico Fregoso qui fut doge après le départ des
Français (1&62) , et disparaissait enfin des monnaies de
Gènes pendant le gouvernement de Paolo Fregoso, élu doge
en 1&63.
La domination de Charles \I1 concordant avec l'époque
où il était d'usage de mettre sur les monnaies génoises le
monogramme de Jésus-Christ (1&50-1&63), il était donc
évident que cette pièce, portant le nom du roi Charles,
devait nécessairement avoir été frappée de lAôS à iA61.
Depuis, par les conseils et sous les auspices de M. de
Longpérier, je me mis en rapport avec M. Luigi Franchini,
antiquaire distingué de Gènes. lime communiqua, avec une
obligeance et une courtoisie parfaites dont je suis heureux
de le remercier publiquement, des empreintes de cinq su-
perbes sequins d'or, savoir : trois de Charles VI et deux de
Charles VII, et de deux petites pièces d'argent de ce der-
nier prince, qui font partie de sa collection. Il m'apprit
que les lettres M-L, R-S, V-B et B, sans doute initiales de
monétaires, désignaient les pièces frappées sons Charles VI,
et les lettres A et P celles frappées sous Charles VII ; et en
effet on remarquera que mon gros d'argent que le mono-
gramme IHS se trouverait nu revers de la pièce annoncée et non an droit, et
le portail ne serait pas accosté de deux fleurs de lis.
• Voy. Bêove num.^ 1860, p. 393, 394, les renseignements donnés an snjet de
ce monogramme et du sens qui lui était attribué.
ET DISSERTATIONS. 203
gramme IHS fait sûrement classer au règne de ce dernier
prince porte la lettre P.
Les pièces de M. Franchini devant être publiées dans un
recueil italien, je ne crois pas pouvoir me permettre d'en
parler davantage.
Tout récemment j'ai acquis de M. Feuardent une pièce
évidemment de la même nature que celles annotées aux
n"^ 967 et 968 du catalogue Rousseau de 1861 , mais que je
n'ose qualifier de 1/2 gros, car le gros pèse 3<%250, et
cette petite pièce ne pèse pas l»*,! 25. Elle porte d*un côté
+ K. REX (F)D lANVE. A. {Carolus rex Francorum dominvs
Januœ), et au milieu un écusson parti d'une fleur de lis
au l** et du portail génois au 2^ Je ne vois pas de lettre
sous l'écussonS mais cette partie de mon exemplaire est
assez fruste pour qu'on ne puisse pas affirmer qu'il n'en
existe pas. Au revers est une croix pattée et autour on lit :
+ CONRADVS : REX : R : A. La pièce est un peu ébréchée, et
cette circonstance pourrait expliquer comment son poids
n'est pas égal à la moitié de celui du gros : mais M. Fran-
chini, qui possède deux pièces de Charles VI d'un aspect
identique, sauf que la lettre du monétaire est différente,
m'annonce que le poids de Tune est de ls',120 et celui de
l'autre de 1«',320, ce qui ne donne pas la moitié de 3«^,250.
< Les demi-gros du Catalogue Rousseau sont Annoncés portant Tnn B.lt.,
Vantre G. sonsl'écu.
20& MÉMOIRES
Peut-être est-ce à des afTaiblissements monétaires qu'il faut
attribuer la faiblesse de poids de ces petites pièces.
Avec toute la déférence que je dois aux renseignemeots
que je tiens de Tobligeance extrême de H. FranchiDi^ et
avec toute résen^e, je dirai que cette dernière monnaie me
parait d'un aspect bien plus gothique que le gros de
Charles VII ; les A sont d'une forme beaucoup plus an*
cienne, et je me demande si cette pièce, bien que portant
la lettre A, ne doit pas être attribuée à Charles VI plutôt
qu'à Charles VU. La publication des pièces de M. Franchini
ne peut manquer d'éclaircir notablement ce point si inté-
ressant et si peu connu jusqu'ici de notre histoire moné-
taire.
Le Baron JérAme Pighon ,
De la Société det bibliophiles français.
28 avril 1864.
El DISSERTATIONS. 206
MONNAIES DES ROIS DE FRANGE
FRAPPÉES A SAVONE.
(PI. VIII et IX.)
M. le chevalier Dominique Promis vient de doter la nu-
mismatique d'une série nouvelle et tout particulièrement
importante pour nous. Il m'a semblé qu'au moment où
notre savant collaborateur M. le baron Jérdme Pichon pu-
bliait les monnaies de Charles VII fabriquées àGënes» il était
presque indispensable de parler ici des monnaies de Savone
qui manquent encore dans tous nos traités, manuels et
catalogues spécialement consacrés à la numismatique des
rois de France.
M. D. Promis, avec cette persévérance qui n'est pas
moins remarquable que son érudition, poursuit depuis
douze ans la publication de ses mémoires Sulk monete del
PiematUe; il en est arrivé au sixième qu'il a consacré à
la Zecca de Savone, dont les produits étaient demeurés
dans l'ombre la plus épaisse.
Cette jolie ville maritime, admirablement située, est pla-
cée trop près de Gènes pour que son histoire n'ait pas été
absorbée par celle de sa puissante voisine. Aussi les critiques
modernes n'ont-ils pu constater qu'un nombre fort restreint
de faits relatifs à cette ville. Une mention dans Tite-Live,,
20C MÉMOIRES
une autre dans Frédégaire, c'est tout ce qu'on trouve avant
la fin du X* siècle.
C'est en 1327 que Savone obtînt de l'empereur Louis de
Bavière le droit de battre monnaie ^ I^a charte de con-
cession existe dans les archives de la ville, et M. Promis
a retrouvé les espèces dont elle autorise la fabrication.
Msds Savone n'a pas immobilisé sur sa monnaie le nom de
Louis comme Gènes le fit pour celui de Conrad, et nous
voyons les légendes changer tout aussi bien que les types,
à diverses reprises.
C'est l'examen des variantes quelquefois légères dans les
types qui a guidé le savant bibliothécaire du roi d'Italie
en plusieurs occasions, car au xvi'' siècle le nom du roi de
France ne parait plus, même réduit à une lettre initiale,
sur la monnaie de Savone qui ne montre qu'une fleur de
lis comme signe de l'autorité qui la faisait émettre.
En 1391 , les habitants de Savone s'éuUent révoltés contre
les Génois leurs dominateurs *, et en 139A Enguerrand de
Goucy s'empara de la ville au nom de Louis d'Orléans,
frère de Charles VL
Un compte de 1306 mentionne l'achat d'armes fournies
tt aux archers de Monseigneur au temps que Maître Antoine
Adome, duc de Gènes, faisait tenir le siège devant la ville
de Savone '• »
Les Génois s' étant donnés en 1396 au roi de France, qui
fit prendre possession du pays, le 18 mars 1807, par Wa*
leran de Luxembourg, comte de Ligny, et par Pierre Fres-
nel, évêque de Meaux, le duc Louis céda Savoneàson frère.
' Promis, Uonete deUa zecca di Savonaf docmneDti, p. 89.
* Agostino Gmstiniauo, Caitigatistima armali délia refmblieadi Oenova, 1687,
lib. rV M. — Foglietta, DeW istoria di Oenova, 1697. p. 363.
* Aimé CbampollioD Figete, loin'* et Chartes d'Orliant, 8* ptrtie, p. S2.
ET DISSERTATIONS. 207
Toutefois les gens de Savone ne se rendirent au gouverneur
de Gènes que le 27 avril.
Mais la peste de 1308 effraya Waleran qui s'en retourna
à Paris, laissant la direction des affaires à Tévêque de Meaux
et à son neveu, Borlée de Luxembourg \
Le 31 octobre l&Ol, le maréchal de Boucicaut vint
prendre le commandement de Gènes et pays circonvoisins.
Charles VI (1397-1410).
1. + K:R6X:F:DnS:SA0ne {Karolus rex Francorum
domintis Saonœ). Champ divisé en deux parties, contenant,
l'une trois fleurs de lis, l'autre l'aigle impériale couronnée.
Î9 +a)0N€TA:SA0N6: Croix.
Patacchina de billon. (PI YIII, n' 1.)
2. + K R€X F DnS SAONG. Aigle couronnée.
^ + mON€TA SAONG. Croix cantonnée de deux fleurs
de lis.
Detnt-pa/accfttfia, billon. (PL VIII, n« 2.)
S. Autre ; au revers, croix pattée, cantonnée de deux fleurs
de lis, aux 2« et à\ (PL VIII, n* 8.)
A. + COmVniS SAOne. Aigle couronnée tournée à
droite.
^ Fleur de lis mOnETA SAOnG. Croix pattée.
Obole, billon. (PL VIII, n- 4.)
5. Autre; l'aigle est tournée à gauche. (PL VIII, n« 6.)
Telles sont les monnaies que M. Promis a retrouvées pour
le règne de Charles VI. En 1410, Savone retomba de nou-
* Dom Toussaint Duplessis^ Hiti, dt Végliêi d€ Meaux ^K, I»p. 285.—
Giastiniano, lib. Y S.
208 MÉMOIRES
veau au pouvoir des Génois, après que Boucicaut fut retourné
en France.
Savone fut prise en 1421 par le duc de Milan Philippe-
Marie Yisconti, qui y battit des monnaies dont nous n'avons
pas à nous occuper ici.
En 1&Ô8, Savone revint aux Français avec Gènes.
Charles YII, à la sollicitation du doge Pietro Fregoso, en-
voie Jean de Lorraine pour gouverner le pays.
Melcbiorre Zocca était alors maître de la monnaie de
Savone, ainsi que cela résulte de divers actes cités par
M. Promis qui, malgré ses patientes recherches, n'a pu
encore retrouver de pièce émise sous Charles Vil.
Il est vrai que les deux petites monnaies figurées ici
dans notre pi. VIll sous les n""* A et 5, pièces dont la légende
diffère de celle qui se lit sur les trois premières, pourraient
peut-être convenir à Charles VII aussi bien qu'à Charles VI.
Mais c'est là une question fort difficile fi résoudre,
Louis XI (1461-1464).
6. + L.RGX.FRAnCORVm.DnS.SAOne. champ écar-
telé portant, aux premier et quatrième, une aigle; aux
deuxième et troisième, une fleur de lis.
Si + mOneiA.ClVITATlS SAOne. Croix pattée.
Grosso, billon. (PL VIII, n* 6.)
7. Fleurde lis, CIVITATIS.SAOn. Aigle tournée à gauche.
^ Fleur de lis. COCOVniS SAOIIE, Croix accompagnée
d'une fleur de lis.
Denier, billon. (PL VIII, n» 7).
8. ClVITATlS.SAOnG. Mêmes types.
Obole, billon. (PL VllI, n* 8.)
11 est à remarquer que le nom de Savone parait d'abord
ET DISSERTATIONS. 209
seul ; que vers la fin du xiv* siècle les monnaies portent
ComunU Saône et que dans la seconde moitié du siècle
suivant on voit apparaître la légende Civilas Saône qui a
été conservée jusqu'à la fin du monnayage. Savone est un
siège épiscopal et a droit au titre Civitas.
Cette ville fut cédée en 1A6A au duc de Milan François
Sforce, auquel succéda son fils Galeaz Marie qui la conserva
jusqu'en 1178, époque à laquelle elle passa aux Génois qui,
à leur tour, la possédèrent jusqu'en 1A87. Alors Savone
revint au duc de Milan Jean Galeaz, appartint ensuite à
Ludovic Marie Sforce, dont tous les États furent conquis en
l&d9 par Louis XII.
Louis XII (1499-1610).
9. +VIRGO.MARIA.PROTEGE. La Vierge tenant l'en-
fant Jésus assise de face. Dans le champ, deux fleurs de lis.
û Fleur de lis, CIVITATEM SAVONAE. Aigle couronnée.
Double ducalo largo. Or. (PI. VIII, n» 9. )
10. Mêmes types.
Dueato. Or. (PL VIII, n* 10.)
11 . VIRGO MARIA PROTEGE. La Vierge assise entre deux
fleurs de lis.
^ Fleur de lis, CIVITATEM SAVONAE. Écu aux armes de
Savone; écu chargé d'un pal, au chef cousu de l'empire.
Dans le champ, S. M.
Testone ou pièce de 8 gros. (PI. VIII, n« 11. )
12. Fleur de lis, VIRGO MARIA PROTEGE. La Vierge en
buste, de face, posée sur un croissant.
^ Fleur de lis, CIVITATEM SAVOiNAE. Ecu de la ville
accosté des lettres S. M. Dans le champ, une rose.
Demi-testone ou pièce de 4 gros. (PI. IX, n* 1.)
210 MÉMOIRES
15. Mêmes légendes. La Vierge assise.
^ L'aigle et la fleur de lis.
Deux grossi. (PL IX, n* 2. )
lA. Fleur de lis, CIVITATIS SAONE. Aigle couronnée.
^ Fleur de lis, GOMVNIS SAONE. Croix pattée can-
tonnée de quatre fleurs de lis.
Patacchina ou pièce de 6 deniers. (PI. IX, n* S.)
On voit que sur les grandes monnaies d'or et d'argent la
légende du revers est le complément de celle du droit, et
qu'il faut lire en une seule phrase : Virgo Maria protège
civUatem Savons.
Les caractères S. M et M. S signifient, à ce que pense
H. Promis, Savons moneta. L'interversion de ces lettres ne
servait pas à distinguer les coins des monnaies de diffé-
rentes valeurs, puisqu'on trouve la même disposition sur
des testons et des demi-testons^ et un arrangement différent
pour des pièces de même poids.
En 1610, la ligue formée par le pape Jules II parvint à
déposséder les Français, et ce ne fut que cinq ans plus
tard que Savone, un instant libre puis retombée au pouvoir
de Gènes, fut cédée à François I" par le doge Ottaviano
Fregoso.
François P' (1516-1628).
16. + VIRGO MARIA PROTEGE. La Vierge assise.
^ Fleur de lis, CIVITATEM.SAVONAE. Écu de la viUe
accosté des lettres M. S.
Teslone. Argent.
16. Mêmes légendes. Mêmes types. L'écu est accosté des
lettres S. M.
Demi'testone. Argent. (PL IX, n» A. )
ET DISSERTATIONS. 211
17. Mêmes légendes. La Vierge à cheval galopant à
droite ; au-dessous, une étoile.
â Écu de la ville accosté des lettres S. M. Fleur de lis en
tète de la légende.
Cavallotto ou pièce de S gros. Argent. (PI. IX, n<» 5).
18. Mêmes légendes. Mêmes types. Sans étoile dans le
champ du droit; écu de la ville accosté des lettres M. S.
Cavallotto. Argent.
19. Fleur de lis, GOMVNIS SAONE. Écu de la ville.
^ Fleur de lis, GIYITATIS SAONE. Croix fleurdelisée.
Patacchina. (PL IX, n» 6.)
Ce qui distingue le testone et le demi-teslone de Fran-
çois P' (pi. IX, n* A) de la monnaie de Louis XII (pi. VIII,
n"* 11), c'est que l'on n'y voit plus de fleurs de lis dans le
champ près de la figure de la Vierge.
De 1522 à 1527, la possession de Gènes fut longtemps
disputée entre la France et l'Empire, et en 1528, par suite
de l'abandon d'André Doria, qui se mit au service de
Charles-Quint, François I*' perdit définitivement Savone.
Animés d'une implacable jalousie, les Génois détruisirent
ses murailles et comblèrent son port^ Ainsi finit l'exis-
tence poliUque de cette ville , dont les monnaies compte-
ront désormais parmi les monuments les plus intéressants
de notre histoire nationale.
Adrien de Longpériei.
* Monum. Aûl. patrùe, scriptor. t. Il, 1889; Gioffredo, Stor. delU Âlpi marU.,
col. 1273, 1283, 1289.
212 MÉMOIRES
DES MONNAIES
FRAPPÉES EN SICILE, AU XIIP SIÈCLE, PAR LES
SUZERAINS DE PROVENGE.
1.
Les roid de Sicile, suzerains de Provence, dont je vais
étudier les monnaies siciliennes, sont :
Frédéric II, empereur d'Allemagne;
Charles I", roi de Sicile.
Sous Frédéric II, la Provence, quoique régie par des
comtes particuliers, Ildephonse II et Raymond Bérenger V,
était sous la suzeraineté de l'emperear (1). C'était à Fré-
déric I" que les Raymond Bérenger avaient demandé, au
siècle précédent, et c'était de lui qu'ils avaient obtenu
rinféodation du comté de Provence. Sous Frédéric II, une
puissance rivale de celles des comtes provençaux, l'arche-
vèque d'Arles, tenait toute sa force et tout son prestige de
son titre de vicaire de l'empereur. Celui-ci savait, à l'oc-
casion, faire valoir ses droits et ses prérogatives suprêmes
en convoquant autour de lui le ban et rarrière-ban de la
province.
* Voir au sujet des monnaies d'Orange portant le nom des empereurs
Henri VI et Frédéric, rarticlc de M. Gcry, Recu9 num., 1861, t. VI, p. 308.
ET DISSERTATIONS. 213
Très-certainement et sans l'ombre d*un doute» les rap-
ports de Frédéric II» surtout avant son excommunication,
sont avec la Provence d'un souverain vis-à-vis d'une pro-
vince de son empire, et ceux des comtes de Provence vis à-
vis de l'empereur présentent les caractères les plus essen-
tiels du vasselage.
Hais Charles P' vsdnquit Mainfroi et Conradin dans les
plaines de Sicile, et tandis qu'il faisait mettre à mort le
dernier héritier de Frédéric II, le trône de ce prince était
occupé par Richard d'Angleterre, beau-frère du comte de
Provence.
Certes Charles !•' était alors plus fort que l'empereur, et
ses États plus florissants que l'empire d'Allemagne. Il ré-
gnait en maître et sans reconnaître aucune suprématie que
celle dont aucun prince ne pouvait en ce temps là s'affran-
chir, la suzeraineté du Saint-Siège.
Cet état de choses dura jusqu'en 1280. Alors Rodolphe
de Habsbourg était solidement assis sur le trdne d'Alle-
magne; ses armées étsdent victorieuses, son influence mo-
rale immense. Rodolphe se souvint de ses droits de suze-
rain de Provence. Il aurait pu les soutenir les armes à la
main ; il n'en eut pas besoin, et d'un accord commun, la
Provence fut inféodée par l'empereur au comte légitime, le
roi de Sicile.
Frédéric II et Charles I*' sont les seuls rois de Sicile qui
aient été en même temps suzerains de Provence (car je
ne puis regarder comme tel Conrad IV qui n'a jamais joui
ni de la couronne ni des prérogatives impériales).
Ces deux princes sont donc les seuls dont je me propose
d'étudier les monnaies.
Il y a eu au xiii* siècle d'autres suzerains de Provence,
Guillaume de Hollande, Richard d'Angleterre et Rodolphe
21A MÉMOIRES
de Habsbourg; mais leurs monnaies n'ont jamais pénétré
en Provence. Il est par conséquent tout à fait superflu de
s'en occuper à propos de numismatique provençale.
Mais qui ne comprendra tout de suite qu'il doit en être
autrement des monnaies siciliennes de Charles I*'? Le siège
du gouvernement de ce roi était en Sicile» et c'est de là
que ses ordres furent presque toujours expédiés dans
toutes les provinces du royaume. La Provence ne pourait
pas se soustraire à la domination centralisatrice, et quoi-
qu'elle fût État à part, avec ses coutumes, ses lois et ses
monnaies particulières, il n'en existait pas moins entre
elle et le gouvernement de Sicile des rapports obligés et,
comme conséquence, la Provence, dut sinon s'assujettir
tout à fait aux lois et aux usages de Naples, du moins en
subir l'influence et en acquérir la connaissance forcée.
Tous ces eflets sont surtout à signaler sous Charles II et
ses successeurs ; mais les causes en sont contemporaines
de l'établissement de la race d'Anjou en Sicile.
Et à côté de ces rapports officiels du gouvernement du
roi avec ses officiers et son peuple de Provence, n'y ar-t-U
pas les rapports du comte de Provence avec ses sujets de
Sicile, n'y a-t-il pas les rapports internationaux du comte
de Provence au sujet du royaume de Naples, avec les papes,
par exemple?
Pour préciser un fait de cette dernière nature qui nous
ramènera entièrement vers l'objet particulier de cette
étude, n'y a-t-il pas l'inféodation du royaume de Sicile
en faveur de Charles 1*% exprimée en monnaies du pays à
conquérir?
Charles I" n'était pourtant alors que comte de Provence,
et ce furent les Provençaux qui fournirent au souverain
ambitieux les premiers fonds à payer au pape, comme ils
ET DISSERTATIONS. 216
vinrent plus tard au secours de ses successeurs pour li-
quider les arrérages de cette terrible rente.
Les monnaies siciliennes de Charles I*% qui furent aussi
celles de ses successeurs directs, ont donc besoin d'être
rattachées à la numismatique provençale.
Il en est de même de celles de Frédéric II. D'abord elles
ont un puissant intérêt pour nous; la plupart des monnaies
de Charles I*' n'en sont que les suites et l'imitation, mais
ce n'est point tout. Il n'en était pas des monnaies impériales
de l'Allemagne comme des monnaies impériales de Sicile :
celles-là venant par monts et par vaux n'arrivaient pas
jusqu'au bord du Rhône; celles-ci traversaient la Médi-
terranée sans rencontrer ni fourneaux de fonte ni obstacles
politiques.
Aussi étaient-elles fort connues sur les côtes de Provence,
et les banquiers recherchaient telles de ces monnaies, celles
d'or, par exemple, pour en faire l'objet de nombreuses
transactions et parfois de spéculations véritables.
Gela est si vrai que les statuts de Marseille de 1228 con-
sacrent un article à nous faire connaître le change de l'once
de Sicile en monnaies marseillaises, et que l'once figure
plus d'une fois dans les rares contrats commerciaux qui
nous restent de cette époque.
Il est donc utile d'étudier les monnaies siciliennes de
Frédéric comme étant :
l" Celles d'un suzerain de Provence ;
2*" Les types de plusieurs des monnaies de Charles I";
8* Des espèces très-connues et parfois très-recherchées
sur les côtes de la Provence.
Je tenais à prouver qu'une étude ayant pour titre celui
de cet article et pour objet celui que je viens de tracer,
était véritablement un travail de numismatique provençale.
216 MÉMOIRES
Ceci démontré, j'aborde ce qui fait le sujet de cette étude.
Les monnaies siciliennes des suzerains de Provence doi-
vent se diviser d'abord, suivant leur matière, en monnaies
d*or et d'argent.
Les monnaies d'or sont :
!• L'once S j , , i j- • •
^ , ,. et leurs subdivisions.
2» Le carlm )
Les monnaies d'argent sont :
1" Les deniers de Frédéric II \
2'' Le carlin au salut et ses subdivisions.
L'étude de l'once formera le premier chapitre de ce tra-
vail. L'once, en effet, fut trouvée en Sicile par Frédéric II.
Elle a donc la priorité sur le carlin qui, comme l'indique
son nom, est de la création de Charles I".
Le deuxième chapitre sera consacré à l'histoire des di-
verses émissions des deniers siciliens de Frédéric IL
Dans le troisième chapitre, je traiterai à la fois des car-
lins au salut d'or et de ceux d'argent, dont les types et les
légendes sont semblables, et que Charles I" et son succes-
seur Charles II ont rarement séparés dans leurs ordon-
nances monétaires.
II.
De Vonce.
Sous Frédéric II et Charles I", il existait en Sicile deux
sortes d'onces qui, bien qu'ayant une même valeur, se
> L*once est une monnaie de compte formée de 4 angustales on de
30 tarins, pièces effectives d'or.
ET DfôStRTATlONS. 517
distinguaient Tune de Tautre par les différences de poids
et de titres. C'étaient :
!• L'once d'augustales;
2* L'once de tarins.
§ i. Onee d'augustales. — L'augustale est une pièce d'or
qui rappelle les monnaies des empereurs romains. D'un
côté est la tête ou plutôt le buste du souverain ; de l'autre,
l'aigle impériale, et c'est en ceci surtout qu'elle est de son
époque. La légende des premières augustales, c'est-à-dire
de celles de Frédéric II, est tout à fait romaine : César Am-
gH$tu$ impercUor Romanorum Fridericus. Ces pièces tirent
leur nom, conmie on le voit, du deuxième mot de cetie lé-
gende. On frappa aussi des demi-augustales.
L'augustale, d'après le témoignage de Richard de Saint-
Germain, était le quart de l'onceV L'once d'augustales avait
la même valeur que l'once de tarins, car l'augustale,
d'après Jean Villani *, valait 1 florin 1/4 et je prouverai que
l'once de tarins égale 5 florins.
Le titre de l'augustale, d'après les documents officiels de
l'époque ', est de 0/7 d'or pur. Le dernier septième est
formé d'un alliage de 3 parties d'argent et d'une partie de
cuivre.
* M MCCXII, xnense junii^ quidam Tliomas de Bardo, civis scalenais, uovam
*• roonetam auri que augustalis dicitur, ad sanctum Germanum detulit distri-
" buendam per totam abbatiam et per sanctum Germanum, ut ipsa moneta
•< utantnr hominea în emptionibua et venditionibus suis, juxta valorem ei ab
M Imperatore constitutum, ut quilibet nummus aureus recipiatur et expen*
« datur pro quarta uncia, sub pena personarum et rerum in Imperialibus
« litteris. » (Riccardo di San Germano, cité par Ugbelli, Jtalia sacra, t. III,
col. 1016, et par Vergara, Monete di Napoli^ p. 16.)
* L'agostaro d'oro valea, l'uno, la valuta d*uno florino e quarto d'oro.
(Jean Villani, Biitor., 1. 6, cap. 21.)
' Voir le» pièces justificatives, n* 1 , k la fin de cet article.
1864.— 3. 15
21^ 1lliU./!ftL=
l/rs aoeoscab^ Ai Fr^«rric II sont coinmiiMs dass les
cabine» poblir^ et particuliers; leur poids« en moyeiiae»
De« trois exemplaires^ de l'angnstaie de Charles I*" dont
noos avons le poids*, l'an, celui de Vienne, pèse S^'^lô : il
Iais4>e à désirer sous le rapport de la conserratioo ; le
deuxième, celui de Paris, pèse b^,20: le troiâème. celai
de Marseille. 5»',22. Quelque bien conserrées que soient
ces deux dernières pi^^ces, elles n'ont pu venir à oous avec
leur poids primitif. L'exemplaire de Marseille, très-beau
certainement, a ses arêtes un peu émoussées. Il en est de
même des plas belles angustales de Frédéric II. On peut
évaluer à 1/100 du poids actuel la quantité de poids
perdu par le fait du frottement ou par toute autre caose, et
ce 1/100 du poids actuel ajouté à ce poids donne une
somme de 5»\27.
L'once d'or d'augustales, formée de quatre de ces {Hèces,
pesait donc Sl^'^OS, dorft 18 grammes d'or pur, 2«',31 d'ar-
gent pur et 0«',77 de cuivre.
Je dois déclarer que j'entends par augustales, non-seu-
lement les pièces frappées à la légende de César Augustus,
par l'empereur Frédéric II, mais encore celles émises par
Charles I*'. L'exposé historique qui suit des émissions di-
verses d'augustales fera connaître les motifs de cette même
dénomination attribuée aux pièces d'or des deux princes.
lies premières augustales et 1/2 augustales d'or avaient
déjà cours en 1212, comme le prouve le passage cité plus
haut de Richard de Saint-Germain, qui nous donne dans
son Chronicon la date précise d'une des émissions posté-
* Un quatrième exemplaire exista à Meanx, daus la eollection de feu
M. Daity, qui , comme on »nit , ent devenue inacoeosible depuis 1S42, époque
do ]ti mort de cet antiquaire si obligeant.
ET DISSERTATIONS. 219
rieures de ces monnaies. En décembre 1231, dit-il, ces
pièces d'or que l'on appelle augustalcs furent frappées par
ordre de l'empereur dans les deux ateliers de Brindes et de
Messine ^ D'après ce même auteur, ces espèces étaient
usuellement employées dans les transactions commerciales
des Siciliens.
Tous les auteui-s anciens qui ont traité des monnaies d'or
du moyen âge en général et de celles de l'empire ou de
Naples en particulier, ont donné des représentations de ces
augustales de Frédéric *.
Je vais parler maintenant de celles de Charles I".
Suivant une opinion généralement accréditée en Italie et
on France, et dont M. Carpentîn, malgré sa sagacité et sa
science éprouvées, devait se faire l'écho, car elle avait été
émise par des auteurs spéciaux dont l'autorité fait foi jus-
qu'à preuve du contraire, Charles I*' aurait fait frapper des
augustales d'or pendant un an (1266) ; puis il leur aurait
substitué les réaies et demi-réales '.
Les pièces au buste de Charles 1" des cabinets de Vienne,
Paris et Marseille seraient, toujours d'après la même opi-
nion, non pas des réaies, mais des augustales d'or.
Quant aux réaies, on les chercherait vainement encore.
Eh bien! tout cela me paraît inexact, et voici les faits
d'après les documents du lemps :
* Mense decembris 1231, nummi aurei qui vocantur augustales, de mandato
Imperatorifl in utraque sida BrunduBÎi etMessanse cuduntur ut ipsa moneta
utantar in emptionibuB et venditionibus suis, juxta valorem ei ab Imperatore
constitutnm, ut quilibet nummus aureus recipiatur pro quarta uncia. (Rie. a
S. Germ., Ckronicon.^ a* 1231. )
« Voir Vergara, Monets del regno di Napoli, 1715, p. 15, n*" 6 et 7. — Mura-
tori, dans le recueil d'Argelati, t I, 1750, tab. XXVII, n*' 8 et 9.
> Rsvuê num., nouvelle série, t. V, 1860. Qutlqust monnaitê des princes de la
maison d'Anjou, par M, Carpentin, p. 214 et suiv , pi. X, n» 5.
220 .m^:moires
lin y apas à proprement parler d'angustale de Charles !•',
car ce prince substitua les réaies aux augustales dès son
avènement réel au trône, et les registres cotés 1280 C (f* 6)
et 1276 A (f* 106) des archives de Naples prouvent jusqu'à
la dernière évidence que dès le 15 novembre 1266 on
avait commencé à frapper des réaies à l'atelier de Barletta
et vers le même temps à celui de Messine *.
En eiTet, aux monnaies d'un roi le nom de royales ou
réaies convient seul, et celui d'augustale ne peut désigner
que les pièces d'un empereur.
Mais de même que journellement on applique la déno-
mination, ancrée dans l'usage, de louis aux pièces de
20 fr. de Napoléon, qu'on devrait appeler des napoléons^
de même au xiii* siècle, la nouvelle appellation de réale
ne prévalut pas sur celle d'augustale, et ce dernier nom
servit à désigner indifféremment les sous d'or de Frédéric II
et de Charles 1".
Cet abus de locution se glissa même dans les chartes
officielles émanées de la cour d'Anjou. Je citerai notam-
ment la défense faite par Charles II d'exporter de Sicile
l'or et l'argent en lingots ou monnayés autres que les au-
gustales et carlins*.
Je me souviens aussi d'avoir, dans un diplôme de Jeanne,
vu la mention des augustales de Charles I", et du vivant
' Syllabw membranarum^ t. I, p. 15, note 3. Cette uotc seule rendrait inad*
missible la critique qu'a taiU le prince San Giorgio Spinelli des travanx de
Fuaco et de Gen" Chiarito ayant pour but de fixer à 1266 la date de Tordon-
nance de fabrication des réalcs, et l'hypothèse émise par le même savant
qn*uno émission à*augu9talei'Caroïines dut avoir lien on 1266, et que ces pièces
cessèrent d*9tro fabriquées en 1267 ponr faire place aux réaies. — Voir M<meU
cuficht, etc., p. 211.
• Archive» dt-s Bouches du- Rhfine, B. 146. —Voir aux pièces justiicatîves,
n-2.
ET DISSERTATIONS. 221
même de ce roi, ses réaJes étaieut appelées auguslales par
ses propres officiers, coumio le prouve une charte de 1278
des arcliives de la cour des comptes de Naples \
Nous pouvons donc très-bien nous conformer à l'usage
de ce temps-là, consacré par les documents les mieux in-
formés, et continuer à appeler les réaies de Charles I", des
auguslales^ tout comme celles de Frédéric II.
Il est probable que Charles I" cessa de faire frapper ses
auguslales vers 1278, loi*squ'il commença à émettre des
carlins et des 12 carlins d'or.
^' 2. Once de tarins. — L'once de tiirins on ad pondus
générale^ n'a pas été mentionnée dans les comptes, seule-
ment sous Frédéric II et Charles I", mais aussi sous les
successeurs de ce prince.
Son titre était de 16 carats 1/3 ou de 49/72, c'est-à-dire
d'un peu plus de 2/3 d'or pur. Le troisième tiers était un
alliage de 3 parties d'argent et d'une partie de cuivre.
Son poids, d'après une ordonnance royale adressée au
directeur de l'atelier monétaire de Naples % était celui de
8 carlins d'argent.
1 Voici Tanalyse do cette charte, d'après le Syllabuê membratiarum, t. I,
p. 170 : Rex mandat Guidoni de Alamania, jostitiario Capitanatie, ut de pretio
novae denariomm monetœ solvat Martino de Dordano et Johanni Pinzastro,
statntis super officio graffi hospitii sui uncias auri 300, cxhibendo cîs augut-
taUs, " 29 octobre 1278.
** Diodati, qui a écrit des choses vraies sur les onces de tarins et dont les
opuscules de numismatique sont aujourd'hui encore trës-cstimés en Italie, a
publié deux ordonnances royales de Charles I*' relatives à la fabrication de
tarins dans les ateliers de Messine et de Barletta. — Ces ordonnances, adres-
sées aux directeurs des deux ateliers^ sont toutes les deux de Tan 1267. £lle»
se trouvent dans le mémoire intitulé : IllustrasioM délie monete che si nominano
nelle costitusioni dell» Due Sicilien inséré dans les Actes de l'Académie royale
des sciences et lettres de Naples, depuis sa fondation jusqu'en 1787. —^Naples,
1788. — !•' vol , p. 330.
222 5!£A10IRE^
Le carlÎD d'argent est commun dans les cartons des du*
mismatistes provençaux. Quand il est bien conservé, il pèse
au plus 3b%20, auxquels il faut additionner le J /lOO de ce
poids forcément perdu par reffet de l'usure.
Le poids du carlin neuf eût donc été de 3«',23.
Celui de l'once est par conséquent de 25«',85\ dont
17«',60 d'or pur, 6»%20 d'argent et 26%05 de cuivre.
Sous Charles II, les mandements royaux de payement
des traitements et pensions des ofiiciers du roi en Provence,
furent pour la première fois exprimés en onces. Le tréso-
rier de la cour royale d'Aix ne connaissait, par hasard, en
fait de monnaies d'or, que les florins de Florence; il ne
savait comment payer en florins une somme exprimée en
onces. Le roi fixa, et ce taux fut dès lors invariablement
adopté, le taux du change de l'once à 5 florins de Florence.
Le florin de Florence, bien conservé, pèse actuellement
tout au plus 3»',52, auxquels il faut joindre le 1/100 du
poids enlevé par l'usure. Son poids vrai est donc de 3^',55.
Son titre est à 2& carats. Les ô florins contenaient donc
178',75.
Le roi gagnait au change environ la 60* partie de l'once,
en donnant des florins de Florence au lieu de tarins pour
représenter cette monnaie royale de compte.
§ 3. — En résumé, et en adoptant pour base de mes
opérations les chifl*res des tarifs ofiiciels français du 6 juin
1803, du 1" juillet 1835 et du 1" octobre 1849, d'après
lesquels,
1" Le kilogramme d'or pur vaut en monnaies françaises
et actuellement : 3,A/iâ fr. AA c. ;
« 3,23X8 = 25,84.
ET DISSEKTATiOiNS. 223
2' Le kilogramme d'argent pur vaut 222 fr. 22 c, je
dois fixer les valeurs des ouccs d'augustales et de tarins,
ainsi qu il suit :
!• Once d'augustales,
Les 18 grammes d'or pur valent 62 fr. «
Les 2«%31 d'argent pur — 0 51
Les 0«',77 de cuivre — 0 004
Total. ... 62 fr. 614
L'once d'augustales vaudrait donc aujourd'hui en mon-
naies françaises 62 fr. 50 c.
2* L'once de tarins se compose :
De 17B',60 d'or pur valant. . . 60 fr. 62
De 6«',20 d'argent pur valant. 1 37
De 2»',06 de cuivre — 0 012
Total. ... 62 fr. 002
L'once de tarins vaudrait donc aujourd'ui en monnaies
françaises 62 fr., c'est-à-dire 0'%50 de moins que l'once
d'augustales.
Cette différence tient à ce que l'argent valait alors à
Naples, dix fois moins que l'or, tandis qu'il ne vaut aujour-
d'hui eu France que quinze fois moins environ.
Pour obtenir le chiffre vi*ai de la valeur absolue de Tune
et de l'autre onces, il faut ajouter aux chiffres obtenus ci-
dessus de 62'', 50 et 62 fr., la plus-value au xiii* siècle de
leur alliage d'argent, soit 0'',25 à la valeur actuelle de
Fonce d'augustales qui contient 0^',51 d'argent, et 0^%68
à celle de l'once de tarins qui contient l'',37 d'argent.
On aura donc pour la première once 62^% "6, et pour la
deuxième (tarins) 62^',68.
La diOereuce exacte eutre U^ valeurs réelles des deux
onces, aa ii ir siècle, D'étah par conséqoest que de 0^»09*
3 &' — H me parait opportoo, comme conclusioD prnti*
que , de dire ce que je pense du rang à domier dans le st$>
tème monétaire des onces, à trois petites pièces d*or de
notre cabinet de médailles de Marseille, qui se rattachent
évidemment i ce sjstème.
La première, désignée jusqu'à ce jour par les nnmisma-
tistes, même les plus compétents \ sous le nom de faro,
pèse A'', 10. On voit qu elle a perdu une partie de son poids,
20 c. peut-être, car la lime a délicatement effleuré le relief
des extrémités de son grand K (karolus) . Il suffit de Texa-
miner pour reconnaître que son or est d'un titre peu élevé.
La deuxième, de même apparence et ornée du même
grand K, pèse 1^,70. Elle est bien conservée. La Revue
mimismatique l'a publiée sous le nom de demi-taro.
La troisième, de facture française, c'est-à-dire plate et
telle que nos monnaies ordinaires du moyen âge (tandis que
les deux autres sont des globules d'or aplatis) , est en parfait
état de conservation, et pèse deux fois moins que la
deuxième et cinq fois moins que la première, considérée
comme ayant un poids primitif de &i^,30, au lieu de son
poids actuel de â*',10-
Elle pèse donc 0»',86, c'est-à-dire qu'elle a le trentième
du poids de l'once de tarins.
Cette pièce, qui n'a pas reçu de nom spécial dans les di-
verses publications qu'on en a faites et qui logiquement
> Voir Bivue num,, 1860, t. V, p. 214, et pi. X, n"» 1 à 7.— Prince San
Giorgio SpiuoUi, Momit dei principi Longobardi Sormanni e Suevi^ p. 2Jf2 et
•uiv.
ET DISSERTATIONS. 225
devait y être nommée quarto di taro^ esi tout simplement
Tunité du système oncial, le tarin \
La médaille pesant l6',70 est un double tarin et non un
mezzo tara.
Enfin le spécimen pesant à^AO et anciennement, sui-
vant toute probabilité, 4^,30, n'est pas un taro^ mais une
pièce de 5 tarins.
l*» Pièce de 5 tarins
2*» Pièce de 2 tarins ou double tarin } de Charles I*'.
3« Tarin
Tels sont les valeurs et les noms des fractions d'once
existant au cabinet de médailles de Marseille.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
I. De moneta que laboratur in siclis (Sicilic).
S 1. — Aurum tarenorum quod laboratur tam in sicla
Brundisii quam in sicla Messane, est de caratis xvj et ter-
cia, ita quod quelibet libra auri unciarum duodecim, tenet,
de puro et fino auro, uncias octo, tarenos quinque ; reli-
que vero uncie auri très et tareni viginti quinque sunt in
quatema parte de ère et in tribus partibus de argento
novo.
S 2. — Augustales auri qui laboraiiLur in predictis si-
clis fiunt de caratis viginti et medio, ita quod quelibet
libra auri in pondère tenet, de puro et fino auro uncias x,
> Le Cabinet impérial des médailles possède un <artn, moins bien conservé
que celui de Marseille, et dont le poids est de 0*',85.
220 MÉMOIRES
tarenos vij ; reliqua vero uncia una et lareui xxij et médius
sunt in quarta parle de ère et îd tribus partibus de argeoto
fino, sicut in tarenis.
§ 3. — Consuevit autem curia recipere, pro qualibet
uncia tam tarenorum quam augustalium qui labora[Q]tur
in predictis siclis gr. xv 1/2. Verumtamen mercator qui
facit laborari aurum suum in siclis ipsis, prêter gr. xv 1/2,
débet solvere alia grana quatuor et médium pro qualibet
uncia quam laborari facit in siclis, pro expensis que fiunt
in labore uncie cujuslibet. Servatur tamen sibi electio an*
velit dare curie predicta grana auri quatuor et médium^
pro expensis, et tune curia facit expensas, an velit ipsas
expensas de suo proprio facere in labore uncie ipsius, et
tune non débet curie quatuor predicta grana et médium,
sed XV gr. 1/2 tantum, pro qualibet uncia, et mercator ipse
facit expensas de suo proprio.
S 4. — Marcum argenti, secundum quod in regno utimur,
est pondus unciarum octo ad unciam argenti, que uncia
pondérât plus quam uncia auri in décima parte, et sic quod
libet marcum * argenti quod pondérât uncias viij, ad uncias
argenti, pondérât et tarenos xxiiij ad rationem uncie
auri.
( Formulaire d'ordonnances à l'usage des rois de
Sicile. — Arch. desBouches-du-Rliône, série B,
n« 269, fol. 61, r.)
* Par erreur le manuscrit porte ac.
' Au lieu de quodlibel marcum ^ le manuscrit porte par erreur queltiet
uncia.
ET DISSERTATIONS. 227
II. Défense par Charles II d'exporter de Sicile tout lingot et
toute monnaie d'or et d'argent autre que les augusiales et les
carlins»
Karolus, etc., — tali, etc.
De fide, prudencia et legalitate tua confisi te magistrum
passuum Aprucii, mortuo nuper tali^ olim magistro ipso-
rum passuum, usque ad nostrum beneplacitum, duximus
statuendum. Fidelitati tue mandamus quoi
Preterea, cum in siclis nostris monetas aureas et argen-
teas, bonas, légales, rectas et expendibiles pro statuto et
consueto valore ipsarum fieri et cudi faceremus, quibus
mercatores et alii ad exponendum eas in mercacionibus et
aliîs eorum negociis uti possint et debent se raerito repu-
tare contentos in quibus cudendis et fieri Taciendis, ut mer-
catores et alii eas cum argento et auro eorum cambire vo-
lentes, copiam ipsam monetarum habere possint, sicut de
mandato nostro continue diligenter et studiose procederet,
diligentem curam facimus adlnberi; propter quod per
omnes et singulas terras tocius regni nostri Sicilie publice
fecimus per justiciarios nostros, voce preconia inhiberi et
arcius interdici quod nullus mercator scu quilibet alius,
cujuscunque condicionis existât, aliud aumm et argentum
laboratum seu non laboratum, sive in virgis aut placlis^
dupplis florenis vel qualibet alîa specie seu manerie, per
mare vel per terram, nisi tantum Carolenses nostros aureos
et argentées, et medaleas ipsorum et Augusiales extrahere
quoquomodo présumant, sub pena amissionis tocius alte-
rius auri et argent! quod extrasserit {sic) contra ipsius
nostre prohibicionis edictum , nostro erari applicanda ;
quocirca volumus et districte tibi precipiendo mandamus
228 MKMOIRES
quod omues et singulos passus predictos sic fideliter et
diligenter custodias et facias custodiri quod, contra iuhibi-
cionetn predictam, ut dictum est, nullum aliud aurum et
argentum laboratun vel non laboratum, sive in virgîs, aut
plactis, duplis florenis autqualibet alia specie aut manerie,
nisi tantum predicti CarolenseSi et Augustales et medaleas
ipsorum per passus predictos ab aliquibus quomodo lîbet
extrahantur. — Et si aliquos ipsius inhibicionis nostre con-
tigerit intercipi transgressores, totum aurum et argentum
ipsum prohibitum extrahendum per eos et intercipiendum
apud quoscumque laboratum, exceptis tamtum predictis
Carolensibus nostris aureis et argenteis eimedaleis ipsorum
et Auguslalibu$i pro parte Curie nostre recipias et ad ca-
meram nostram Gastri Salvatoris ad mare de Neapoli, prout
illud ceperis, debeas destinare cum litteris tuis continen-
tibus, vice qualibet, quantitatem et qualitalem, speciem et
maneriem ipsius argenti et auri quod miseris, ac ubi et
a quibus fuerit interceptum et nichilominus illud idem ma-
gistris racionalibus magne Curie nostre per tuas licteras,
vice qualibet, destinabis. Datum, etc.
(Formulaire d'ordonnances des rois de Sicile. —
Arch. des Bouches-du-Rhône , série B , n* 269,
fol. 10, V'. )
III. Lettres patentes de Charles II établissant Véquivalent de
Vonce monétaire d'or de Sicile en carlins d'argent et en florins
doTy pour V usage dit trésorier^ dans le payement des gages des
offiders de ce pays.
KAnoLUS SEGUNDUs, Dci gracia rex Jérusalem et Sicilie,
ducatus Apulie et Principatus Capue , Provincie et For-
calquerii cornes, Raynaldo de Lecto^ militi, senescallo
LT DISSERTATIONS. 22^
comilaiuiiin Provincie et Forcalquerii, et PhUif^po de Roca-
maura, receptori et expensori fiscalis pecunie in comita-
tibus supradictis, familiaribus et fidelibus suis, graciam
suam et bonam voluntatem.
Ex insinuatione judicis Santori de Boconto primarum
appellacionum judicis in comitatibussupradictis, familiaris
et fidelis nostri, accepimus quod vos, in solucione gagiorum
ipsius, prout babetis per alias nostras litteras in noandatis,
difficultatem ingeritis, in dubium revocando ad quam ra-
cionem de moneta currenti in partibus ipsius uncia debeat
computari, pro eo quod per litteras ipsas gagia exprimun-
lur ad uncias, Vosque propterea utimini mandato nostro
pridem vobis directo super solucionibus pecunie faciendis
quibuslibet ad litteras nostras, in quo continetur quod si
littere ipse dirigende propterea simpliciter exprimant uncias
auri ponderis generalis, solvere debetis, pro qualibet un-
cia, de pecunia in partibus ipsis currenti quantum contingit
pro valore carolensium argenti LX, sicut in hiis partibus
similiter curia nostra solvit, cum predicli carolenses LX
valeant et facianl quamlibet unciarum ipsarum; quare vo-
lumus et mandamus, ut predicto nostro mandato seu quo-
libet alio contrario nonobstante, gagia predicti judicis pro
preterito tempore quo debentur et in antea* pro futuro,
intelligatis fore solvenda et solvere debeatis ad racxonem
de V florenis auri per unciam^ vel valorem florenorum
ipsorum prout communiter in ipsis partibus expenduntur
(sic). Mandamus insuper ut eidem judici pro cuidam {sic)
duorum equorum suorum mortuorum in serviciis nostris,
iter Janue prosequendo, uncias auri octo predicti ponderis,
qualibet uncia computata pro florenos auri quirkqne vel va-
1 Le manuscrit porte aucta.
230 MEMOIRES
lorc ipsorum , de quacumquc fiscali pecunia que est vel
erit per manus vestras, reraotis dilationis et occasionis an-
fractibus, cuni integritate solvatis, apodixam exinde recep-
turî, mandato aliquo in contrariura nonobstante. In solu-
tione autem gagiorum predicti judicis laliter Vosprocedere
volumus, videlicet : quod usque per totum mensem novem-
bris proxime preterituni indictionis preseotis, gagia ad
racioDeiu quam déclarant alie littere quas habetis pro eo,
et de primo decembris proxime preterîti usque nunc et in
antea, ad racionem de unciis auri sexaginta ponderis ge-
neralis, per annum, compulatis quinque floreiUs vel valore
ipsorum, pro uncia^ ut prefertur, de predicta fiscali pe-
cunia solvere procureris, apodixas exinde recepturi. Datum
Neapoli, per magistros racionales magne curie nostre,
anno Domini S^CCC'*!", die xvij julii, xiiij* indictionis,
regnorum nostrorum anno septimo decimo.
(Ordonnances des rois de Sicile. — Arch. des
Bouches-du-Rhône, série B, n» 264, p. 31.)
Louis Blângârd.
( La sxiUc à une prochaine livraison.)
CHRONIQUE.
Ucux dépôts monétaires ont été découveris , il y a peu <le
u dans le canton de Saint-Aignan (Loir-et-Clier).
premier était composé de plus de GOO de ces deniers, si
tus, deGîen et de Déols, qui formaient la presque totalité
it dépôt plus considérable, décrit dans la Ifcvue munisma-
^ve de 1839, p. 129 à 1 i2. Ils ont été attribués à Geoffroy III,
k^nrur de Gien et de Donzy, el aussi de Saint-Aignan (1120-
iOO), H à Raoul Vil, prince de Déols, seigneur de Chàteau-
iioiil ou ChAteauroux (M6I-1176). On sait combien le mon-
ùiyage de ces deux grands feudataires fournit de découvertes
^liumismatiques qui le signalent comme un des plus actifs de
rëpoque féodale.
Le dépôt dont nous nous occupons aujourd'hui a été trouvé
dans le domaine de Saint-Lazare^ conmume*de Noyers^ qui ap-
partient à l'hospice de Saint-Aignan et était une ancienne mala-
drerie, comme l'indique son nom. La chapelle, édifice intéres-
rcssant du xi' siècle, subsiste encore et sert de grange mainte-
nant. Les monnaies étaient renfermées dans un pot do terre
commune, sans vernis, enfoui sous le seuil d'une |)orte do com-
mimication, depuis longtemps murée, appartenant à la maison
de radministrateur-bénériciaire, ou commandataire de la mala-
drerie. C'était peut-être alors tout l'argent monnayé de Tétablis-
8ement,etilavait été probablement caché vers la fin du m' siècle,
lorsque les Français et les Anglais se disputaient la possession
des villes du Beri'y, qui relevaient du duché d'Aquitaine.
Ce dépôt est conservé, presque en entier, à l'hospice de Saint-
Aignan; M. A. Péan a fait le catalogue des monnaies qu'il con-
tenait et n'y a trouvé aucune variété nouvelle. Il rappelle celui
232 CHRONIQUE.
dont nous avons donné ladescriptiondnns la /?et;2/e de 1839; mais
il ne s'y est pas trouvé de ces curieuses pièces de Richard-Cœur-
de-Lion frappées à Issoudun et de Philippe-Auguste^ frappées h
Déols qui enrichissaient le trésor découvert à Châtillon-sur-Cher.
Le deuxième dépôt présente un peu plus d'intérêt, en ce qu'il
nous aide à fixer la date des monnaies de Saint-Aignan, au type
chartrain, qui sont toutes anonymes. 11 a été découvert à Saint-
Aignan même, dans les ruines d'une maison de la rue de la
Championnerie; il se composait de 12 de ces deniers sans nom
de prince^ très-bien conservés, et d'un treizième, au nom de Phi-
lippe!", roi de France (1060-1108). Ce denier, à fleur-de-coîn,
frappé à Orléans, est semblable à celui qu'a figuré Le Blanc au
n" 12 de la pi. de la page 156, ce qui donnerait à nos deniers
anonymes la seconde moitié du xr siècle pour l'époque de leur
émission. Ils auraient donc été frappés sous Geoffroy II, de
Donzy, seigneur de Saint-Aignan, de 1056 à 1112; cependant
comme ils ont un peu plus de frai que le denier de Philippe,
rien ne s'oppose à leur attribution à Hervé P' (1037-1055), pré-
décesseur de Geoffroy IL Cartier pensait que les premiers deniers
de Saint-Aignan avaient pu être frappés par Geoffroy I" (1020-
1037), pressé de jouir du droit de monnayage qui lui avait été
concédé sans doute, avec son château, par Eudes II, comte de
Blois^ Mais, comme il le remarque, ces monnaies paraissent
presque toutes de la même époque*.
Dans le dépôt monétaire découvert à Châteaurenaud, en 1831 ,
et recueilli par nous, trois deniers de Philippe P% frappés à Or-
léans , furent aussi trouvés mêlés aux deniers anonymes des
comtes de Blois, qui formaient le surplus de la trouvaille'.
L. D. L. S.
* C'est par erreur que Cartier et M. Poey d'Avant, qui l'a suivi, ont dit
Thibault II au lieu de Eudes II.
* Cf. la Thaumassière, Hist, de Btrry, p. 678. — Cartier, Bévue nuwi., 1845,
p. 367. — Poey d'Avant, Monn, féod. de France, t. I, p. 292.
* Voy. Revue num.y 1845, p. 123.
CHRONIQUE. 233
Arrêté du suprême Conseil d'État du royaume de CorsCf fixant la
valeur des monnaies en usage dans l'île , traduit de Titalien et
publié |)ar MM. Alexandre Grassi et Henri âlxapitaine.
M. Ë. Cartier a publié dans ce recueil % il y quelques années»
une notice détaillée sur les monnaies frappées en Corse par le
roi Théodore (baron de Neuhof), et le gouvernement présidé
par le général Pascal Paoli. Nous n'avons pas à revenir sur ce
mémoire très-exact au point de vue numismatique, mais auquel
on peut reprocher diverses erreurs historiques et des apprécia-
tions souvent erronées au moins en ce qui concerne le caractère
du législateur Paoli. Ces erreurs» hâtons- nous de le dire, tiennent
surtout à ce que Thonorablc M. Cartier n'avait pu consulter
les sources originales et avait emprunté ses jugements aux ou-
vrages les plus passionnés de l'époque. Il nous a paru intéressant
de compléter le mémoire de ce savant numismatistc par la pu-
blication du document suivant, émané du suprême Conseil d*État
d u royaume de Corse *, qui fixe la valeur des monnaies ayant
alors cours dans Tile. Cette décision du Conseil suprême nous
parait laver compléten^ent Paoli du reproche qui lui a été fait
d'avoir cherché à s'enrichir par le change des monnaies natio-
nales avec les pièces étrangères, et d'avoir, au moyen de ce
trafic, « volé plus de cent mille écus '. »
A tous égards, c'est une pièce curieuse pour l'histoire numis-
matique de la Corse.
1 Bévue num,, 1B42, p. 193 et suiv.
' Paoli avait créé un conseil d*Etat qu'il appela conseil suprême de la na-
tion ( Coi\8igUo supremo del regno di Corsica ), Ce conseil était chargé de faire
les règlements d'intérêt public et de traiter les questions politiques; il déci-
dait quelquefois en dernier ressort , mais dans des cas graves seulement , les
causes civiles ou criminelles.
' Les registres manuscrits des dépenses et correspondances quotidiennes
de Paoli que nous avons sous les yeux attestent au plus haut degré la pro-
bité et l'amour du bien de ce grand citoyen, qui eut pour but exclusif Tin-
dépeniiance de sa patrie.
1864.— 3. 16
23A CHRONIQUE.
Cet arrêté consiste en une feuille grand in-octavo^ imprimée
d'un seul côté^ afin de pouvoir être affichée et portant au milieu
du titre la tête de Maure aux yeux bandés^ armoiriedu royaume
corse. Elle est fort rare^ car nous n'avons pu^ malgré toutes
nos recherches, nous en procurer qu*un seul exemplaire.
Traduction.
(( Le suprême Conseil d'État du royaume de Corse ^
a Ayant été chargés par le congrès général réuni dans cette
ville les 26, 27, 28 et 29 du dernier mois de décembre, de fixer
la valeur des monnaies étrangères : attendu que sur le continent
ces monnaies n'ont pas la même valeur que dans cette ile ; nous,
après avoir recueilli les renseignements les plus exacts et les
plus certains sur les cours des places de commerce, et spécia-
lement de Livourne, pour nous conformer aux instructions du
susdit congrès général, avons définitivement jugé opportun et
indispensable de prescrire et fixer aux susdites monnaies le
cours suivant, c'est-à-dire
Litres. S«« r-n>jtr».
Ecu8 d^ France = sept livres quatre sous 7 4
Louis d'or = vingt-huit livres douze sous 28 12 >•
Louis d*or double = cinquante-sept livres douze sous 57 12
Franctschino d'argent * = six livres treize sous quatre deniers. G 13 4
Pièces d'Espagne d'argent = six livres six sous 6 r>
Petite pièce d'Espagne d'or = six livres quatre sous G 4
Double pièce d'Espagne d'or = vingt-trois livres 23
Sequin romain =r treize livres 13 »
Sequin génois =: treize livres 13
Sequin florentin = treize livres six sous huit deniers 13 6 H
Sequin vénitien = treize livres treize sous quatre deniers. . . 13 13 1
Once de Sicile = quinze livres 15
Onco de Sicile double =: trente livres 30
Buspwie florentin = quarante livres 40
Lisbonina de Portugal =. cinquante livres 50 «
(c Ordonnons et commandons qu*à l'avenir ces monnaies
* Franctschino^ petit Fran«;ais.
CHRONIQUE. 235
soient cotées^ données et reçues suivant la valeur fixée dans le
présent tarif; nous prévenons pourtant que quiconque voudra
se défaire avec plus de facilité et sans aucune perte des susdites
monnaies^ pourra les porter à la Monnaie du royaume^ où elles
seront acceptées pour la valeur et prix courant, pourvu qu'elles
soient déposées dans l'espace de deux mois, à partir du jour de
la publication des présentes *. A celui qui les déposera chez notre
intendant et chez le caissier de la monnaie, il sera donné en
échange autant de pièces nationales d'argent formant la même
somme que les monnaies qu'il aura déposées avant que cet édit
ait été publié. Et afin qu'on ne puisse prétendre et alléguer l'i-
gnorance de ces présentes, nous voulons qu'elles soient lues
dans les formes usitées aux lieux habituels, publiées dans cette
ville et dans tout autre lieu de résidence de chaque magistrature
provinciale comme aussi dans chaque juridiction du Hoyaunie.
De même qu'elles soient affichées auxdits endroits et qu'il en
soit laissé copie.
M C'est ainsi.
c( Donné à Corlo, le ^0 mai 17(54.
« Doii PiETfio Jean Thomas DoÈaio .
Pro-clinncelicr du royaiinu'.
\x \ Campoloro, par Sébastien François, imprimeur crm/e?-
rale *. »
' Ou voit ijuc les intCTÔU des dvleiiteurs vtaient feuuvegardês , et ijuc W.
^ouvenieinent corse, pas plus que le général l'aoli, ne pouvaient dti la j-ortt-
l'aire trafic sur le change de ces monnaies.
* Canipoloro, grand et beau couvent auprès de la petite vill<' de C^'r^'ion^^
CM était (tablie l'imprimerie national»;.
236 CHRONIQUE.
NÉCROLOGIE.
La numismatique vient de faire une perte qui excitera les re-
grets de tous les amateurs. M. Monnier est mort à Saint-Quentin
le G mai, après quelques jours de cruelles souffrances et avec une
résignation toute chrétienne. Ses restes mortels ont été ramenés
à Nancy, où il était né, et le 10 du même mois, un concours
nombreux de fonctionnaires publics et d*amis, lui a rendu les
derniers devoirs.
Dès sa jeunesse^ M. Monnier avait montré, par diverses pu-
blications scientifique?, les aptitudes d'un esprit actif et cultivé.
En 1830, il apportait à TAcadémie de Stanislas le concours de
ses connaissances en histoire naturelle et en agronomie, et
depuis lors, il prit part aux travaux de cette société, en lui com-
muniquant de savantes dissertations sur la géologie.
Dans les dernières années de sa vie, M. Kfonnier s'était livré
à Tétude de la numismatique provinciale. Ses débuts, comme
amateur, avaient été des plus heureux. Son cabinet s'était en-
richi des monnaies de la Lorraine ducale et de celles des Trois
Evéchés, qu'avaient recueillies M. le baron de Vincent, ancien
ambassadeur d'Autriche en France, et M. le comte de Gastaldi.
Plus tard, il amassa les pièces frappées par les ducs bénéfi-
ciaires et par les rois d'Austrasie. Ses recherches, ses études et
sa fortune l'aidèrent puissamment à créer cette belle collection
que depuis longtemps les connaisseurs ont déclaré être la plus
riche et la plus complète de toutes celles qui jusqu'ici ont pu
être formées des monnaies du pays.
En 1862, iM. Monnier a publié un Mémoire sur les monnaies
des ducs bénéficiaires de Lorraine. Ce travail, auquel la critique
pourrait peut-être trouver à reprendre, n'en fut pas moins ac-
cueilli avec intérêt. Nul autre que lui peut-être ne pouvait en-
treprendre et exécuter un travail de ce genre, car lui seul en
avait recueilli, avec une patiente intelligence, les éléments rares
et dispersés.
M. Monnier était bon, simple, d'un commerce facile et sur. Il
était estimé par tous, aimé par tous. M. Gillit.
MÉMOIRES ET DISSERTATIO\S.
ATTUIBUTIOX
D'UNE MONNAIE INEDITE A SERPA
(ESPAGNE ULTÉRIEX'RE).
Dans le cabinet numismatique de la Bibliothèque Natio-
nale de Madrid , existe, parmi les numi incerli Hispanis
ulterioris^ une monnaie de bronze de grand module et pe-
sante; mais malheureusement si fruste qu'elle semble
n'être qu'un disque de métal sur lequel, au premier coup-
d'œil, on ne distingue rien. Cependant lorsqu'on l'éclairé
d'une certaine façon on y voit apparaître sur l'une et l'autre
face des types et des caractères d'un travail fort grossier,
et tels qu'on en rencontre peu dans la numismatique espa-
gnole. D'un côté, un dauphin tourné à droite; au-dessus,
un trident, au-dessous un croissant; de l'autre, entre deux
lignes parallèles horizontales, une légende latine de six ou
sept lettres dont les trois dernières ....ENS peuvent seules
d'abord être lues avec certitude. Au-dessous, une étoile à
cinq rayons. Module 35 millimètres. Poids, 28p',8.
Si la légende entière était lisible, nous y reconnaîtrions,
sans aucun doute, le nom de la ville qui a émis la monnaie.
1864.^ 4. 17
238 ^!k:M()iRns
Le désir de résoudre ce problème a conduit divers érudil?,
et entre autres le s«avant Don Antonio Delgado, à examiner
cette monnaie, il y a longtemjvs déjà, lorsqu'elle faisait
partie de la riche collection de Don Joaquin Rubio, de
Cadix. M. Delgado en envoya une description à feu M* Lo-
richs, ministre de Suède à Madrid, et parmi les papier!?
numismatiques de ce dernier j'en ai rencontré un intitulé :
« Documents numismatiques que m'a fournis Delgado de
Iluelva h avec une note au feuillet 7 ainsi conçue : « Cro-
quis d*nn bronze du module 1 J que possède M. Rubio, de
Cadix; poisson ou dauphin à droite; au-dessus, trident;
au-dessous, croissant; revers ....PENS; au-dessous étoile
à cinq rayons.
Plus tard, la monnaie étant entrée dans le cabinet na-
tional, M. Delgado eut l'occasion de Tétudier de nouveau
et crut y distinguer le mot VRCENS. De mon côté, j'ai eu
plusieurs fois l'occasion de soumettre cette médaille à un
scrupuleux examen, et je puis assurer que la lettre R est
certaine. Mais j'ajoute que je crois distinguer d'une manière
suffisamment claire la lettre suivante comme un P romain
de forme antique et un peu incliné. Mais le commencement
de la légende résista à tous mes efforts. Le dessin que je
place ici est la copie fidèle d'une empreinte prise sur Tori-
ginal.
Cependant, avec tout cela, ma lecture n'était pas suffi-
ET DISSERTATIONS. 239
santé pour fournir le nom de la ville qui a frappé la mé-
daille en litige, et il était nécessaire pour parvenir à ce
point de prendre une autre voie.
Les monnaies et particulièrement celles qui ont été
émises avec la plus grande liberté autonomique présentent
un phénomène qui peut être défini sous forme de règle de
la manière que voici.
La réunion des signes caractéristiques de chaque mon*
naie, tels que types, symboles, fabrique, formes paléogra-
phiques, etc., est d*autant plus semblable à celle d*autres
monnaies que la distance chronologique et géographique
qui les sépare sera plus petite.
Cette règle étant appliquée aux monnaies de TEspagne
Ultérieure (c'est-à-dire la partie de la péninsule qu*en
l'an 1±1 de Rome on divisa en Baltique et Lusitanie), on
reconnaît que la diiïérence chronologique qui peut exister
entre elles n*est pas considérable; car à l'exception de deux
petits groupes, l'un d'ancien style» émis dans le vi* siècle
ou au commencemeTit du vu' de Rome» et l'autre plus ré-
cent, composé de pièces frappées dans les dernières années
(le la République et sous l'Empire, presque toutes furent
fabriquées à peu près durant le court espace d*un siècle,
c'est-à-dire depuis le commencement du vir siècle jusqu*au
commencement <lu vin*. Mais plus grande et plus impor-
tante fut par cela même l'influence produite par la distance
matérielle entre les ateliers monétaires, et par la différence
de leur situation topographique respective.
D'un côté, on ne peut nier que les monnaies frappées
dans les contrées planes, peuplées d'agriculteurs, et arro-
sées par de grandes rivières propres à la navigation inté-
rieure, celles qui ont été émises dans les montagnes âpres
et peu cultivées , ou chez de pauvres populations de pé-
2A0 IIÉMOIRK^
cheurs isolés sur une plage déserte, diffèrent beaucoup
de celles qui étaient fabriquées dans de riches ports de
mer, continuellement exposés au frottement civilisateur
des navigateurs et des marchands étrangers; d'un autre
côté la ressemblance des monnaies émises par des villes
voisines est considérable, et cette ressemblance est tou-
jours d'autant plus grande que la proximité ou le contact
mutuel entre les villes et les peuples sont plus immé-
diats.
Appuyé sur ce principe d'étude comparative, tout nu-
mîsmatiste à qui une monnaie se présentera pour la prenaière
fois, pourra indiquer non-seulement le pays auquel elle .
appartient; mais encore la province et la subdivision de
territoire où elle a été frappée.
Les numismatistes français qui, depuis trente ans, appli-
quent la loi du type local à Tétude de leurs monnaies du
moyen âge me comprendront facilement.
Dans le cas que j'examine, par exemple, j'avance que la
patrie de la monnaie dont j'ai donné plus haut la descrip-
tion doit se trouver dans la partie sud du Portugal ou peut-
être dans la portion occidentale de l'Andalousie comprise
entre cette contrée et la zone du Guadalquivir.
Je dis cela, 1° parce que les monnaies de la région que
je viens de désigner sont les seules qui ne portent pas de
tète au droit où elle se trouve remplacée par d'autres types
ou svmbole8\
* Je <\h les seules parce qno les monnnîes suivantes, sans buste au droit, ap-
partiennent toutes à la région tartésiqut : celles d'Acinipo (Flores, Medalla» dt
Eipafia^ tab. III, 5 à 14) ; deux d'Asido ( Spanischê Mûnzen mit bisher vner-
kliirten Auf.ichriften , dans le Deutsche Morgenlàndische Zeitvng, Leipsig, lb63,
Affido, 4 à 7 ) ; deux de Baelo {ibid.j Baelo, 1, et Lorichs, fiech. nvm„ pi. VIII,
9) «t la pièce unique de Bnesippo (J. Z. Z , Àrle en f^pa^o, Madrid, 1863,
ET DlSSEaTATlONS. 241
2* Parce que presque toutes offrent au revers une lé-
gende horizontale traversant tout le champ, et placée
entre deux objets correspondants, deux épis, deux ra-
meaux de pin, deux poissons, ou deux minces lignes pa-
rallèles.
3" Parce qu'on y remarque aussi des petits types acces-
soires tels qu une étoile, un croissant, la lettre A et le
signe numérique X , les deux dernières marques indiquant
probablement la valeur de Tas ou la dixième partie du
denier*.
Or notre monnaie présente les trois caractéristiques in-
diquées. On n'y voit point de buste ou tête humaine, elle
porte au revers une légende entre deux lignes horizontales^
et elle a pour signes accessoires , une étoile et un croisr-
sant.
Afin de faire mieux apprécier la distribution des types de
cette région que j'appellerai cello-turdèfaitie, je placerai ici
le tableau de ses principaux monuments numismaiiques
qu'on pourra comparer immédiatement avec la carte gra-
vée dans la planche II de Y Allas numismatique de Mionnet;.
portion comprise entre le ?• et \e 12* degrés de longitude,
le 36* et le 39* degrés de latitude nord.
p. 24), et qu'on n*en doit pa« tenir coinpt<*, soit à cause de leur petit nombre,
soit parce qu'elles ont été émises dans le voisinage d« la réjçion dont nous
nous occupons.
1 II est vrai que cela serait contraire à la contumo établie, suivant la-
quelle on indique l'as par le chiffre I et le denier par X. Sur l'usage du signe
X au lieu de XVI , pendant la seconde moitié du vil* siècle et à Koroé
mAme, vuir l'explication do M. Mommsfn ' Gesch, de* rtim. Mtinzuftens,
p. 379 .
242
MEMOIRES
Espagne Ultérieure.
Quatrième groupe. — CtUo-lurdâtain.
SiARUM. Tête d'Hercule.
Callet, Tête (1* Hercule.
Carmo. Tête d'Hercule.
— Tête de Mercure.
— Tête de Mars.
Caura. Tête de Mar&.
Lastigi. Tête de Mars.
— Tète barbare d* Her-
cule.
Onuba. Tête de Mars.
— Tête barbare d'Her-
cule.
Orippo. Tête barbare d'Her-
cule.
Oloniigi. Tête barbare d'Her-
cule.
— Tête barbare d' Her-
cule.
Laelia. Tête de Mercure.
û SEAHO entre deux lignes
et deux épis,
r^ CALLET entre deux ligne»
et deux épis.
k CARMO entre deux lignes
et deux épis.
^1 CARMO entre deux lignes
et deux épis,
lî CARMO entre deux lignes
et deux épis.
Hj CAVRA entre deux lignes
et deux épis,
à LÂSTIGl entre deux lignes
et deux épis.
Hi LASTGI entre deux thons.
Si OMVBA entre deux épis.
Hj OiNVBA entre deux épis.
K ORH^EiNSE entre deux li-
gnes.
Hj OLONT. Pomme de i>in.
w Légende phénicienne ^ ca-
valier,
a LAELIA. Branche de pin.
LT DISSERTATIONS.
2^3
Laelia. Cavalier.
— Cavalier.
Ilipula. Cavalier.
Itlci. Cavalier. lïVCI.
OsTUtt. Porc. OSTVR.
— Gland. OSTVR.
— (ïlaiid.
Ilipa. Épi.
.Myrtilis. Epi.
Djpo. Tète barbare.
EsuRi. jNoins de magistrats
romains..
OssoNORA. Barque.
û L\EL1A entre un rameau
et un épi.
K LAELIA entre deux palmes»
Hi ILIPLA entre deux lignes
et deux épis.
\\ Deux lignes et deux épis.
H Gland entre deux branches.
a Deux branches ou deux
épis.
ûi OS-VR entre deux épis.
K ILIPENSE entre deux li-
gncfv.
û xMYR ou MYRTIL entne
deux lignes,
ib DIPO entre deux lignes.
uj ESV'RI entre deux lignes.
R OSViNOBA entre deux thons.
La ville de Salacia appartenait encore au même groupe
numismatique, mais elle se trouvait si écartée des autres
et si voisine de la côte portugaise occidentale très-fréquen-
tée par les marchands phéniciens, que ses produits moné-
taires, quoiqu'ils rappellent aussi ceux du groupe celto-
tiirdHain semblent se rattacher à ceux de quelques ports
phéniciens comme Gadès et Sex *.
Salacia Tête d'Ilrrciilc.
K Légende ccltibérienne en*
tre deux thons.
' V. Heiuc /iu«n., loiia, p. 3ri9, E>ia\ tTaUributiuu ilt quelquct monn,ib€f
à Stilaria,
2&A MÉMOIBES
Salagu. Tête de Jupiler. a Légende celtibérienne en-
tre deux dauphins.
— Tête de Jupiter. a IMP.SAL ou SALAC entre
deux dauphins.
La troisième variété est postérieure aux deux autres ef
probablement frappée peu de temps avant TEmpire. A cette
même époque tardive appartient aussi la monnaie de Pax
Julia.
PaxIulia. Têtebarbared'Au- k PAX IVL entre deux li-
guste (?). gnes.
Cette pièce conservée au musée de Berlin est la seule
authentique de cette ville que j'aie vue*. Les autres mon*
* S,îstini en u tlécrit une i Med. Isp,, 16) qui pourrait être le même exem-
plaire. Les autres, avec le revers de la femme assise , tenant un caducée et
une corne d*abondance^ sont ( du moins toutes celles que j'ai pu voir tant en
Espagne qu'à Tétranger ) des falsifications comme, au moyen d'acides, on eu
fabriquait vers la 6n du siècle dernier à Madrid et à Grenade.
Pour donner une idée du grand nombre de monnaies fausses dont il faut
débarrasser le terrain avant d'entreprendre une nouvelle numismatique hispa-
nique, je crois pouvoir placer ici l'indicMtioii de celles qui, à ma connaissance,
ont été attribuées à la Lui^itanie. et que je divise en deux classes.
I'* CLA88E. Monnaies authentiqiies mal lues» — Deux des quatre pièces que
Sestini attribue à une ville imaginaire qu'il nomme Coero ( Med. !sp., p. 5 ,
D®' 1 et 2 ). Elles appartiennent, comme Ta déjà dit M. Deigado {Cat. Lo-
riehs, p. 9, note), à Dipo. La troisième est une monnjtie de Gadès avec quel-
que surfrappe, probablement mal lue. La quatrième, portant une tête virile
laurée et la légende COERIENS ; au revers, une proue de navire, un trident
etQ.LOVC; au-dessous, Q.VERAN. M. 2, re5?te pour moi sans attribution.
Les cinq pièces que le même auteur classe à Palsa ( p. 3, n"' 2 à 6) sont .
comme celles publiées par Florez (pi. LVII, 11 et 13), par Lorichs {Rêck,
num., pi. 32, n- 10; pi. 58, n«»* 5 à 12; pi. 59, n" 3 et 4 ), et par M. Del-
gadc (Catal. de la coUect. Lorirhs, n*» 530 à 534, 510), probablement des semis
ET DISSERTATIONS. 245
naies de cette région sont toutes des dernières années de
la République ou des premières de TEmpire.
Si maintenant nous comparons les médailles de cette ré-
gion avec la situation géographique des ateliers monétaires
nous verrons que l'absence de tête, l'augmentation du mo-
dule et l'épaisseur de flan progressent à mesure que l'on se
rapproche du territoire portugais. Ainsi nous reconnaîtrons
que les pièces les plus antiques d'Ilipula, de Laelia, d'Ostur,
d'Onuba, d'Ituci, toutes celles de Dipo, d'Ossonoba et de
Myrtilis sont grandes et pesantes comme notre monnaie en
discussion, et qu'il existe en outre une ressemblance spé-
ciale entre cette dernière pièce et celles de Myrtilis, tant
pour la fabrique que pour le métal.
Il fallait donc chercher près de xMyrtilis le site de la
ville sur la monnaie de laquelle nous lisons certainement
..RPENS; ville dont le nom pouvait se terminer par ...RPA,
d'ObuIco. Une autre nionnuie qn»» Ses'.iiii ]»!ucc aussi à Biilsa [\). 3, 1 } f«t
déjà mentionnée à Baesippo.
Pellerin {Recueil, t. I, p. 8, pi. 2, n* 18) a attribué à Norba Csesarina un
petit bronze de Oarthago Nova avec la légende C.V.I.N.
La médaille attribuée par M. Vincent Salgado (Conjecturas iobre huma me-
dalha, etc.) aux Vettones est quelque pièce de Sagonte. Sur des exemplaires
bien conservés, on lit autour de la tête de Rome : L.SEMPK[onitt*] VETTO
MVN[icif««mj SAG[iin/tntiml.
II* CLASSE. Monnaies fausses. — Le bronze du module 3, publié par Ses-
tîiii ( Med. Isp., p. 4, pi. I, n'" 7), avec tôte et légende de Caligula, et au re-
vers un aigle avec l'inscription MVNICIP. BALSA..., est faux, comme l'indi-
querait déjà la tête d'un empereur qui ne se rencontre jamais sur les monnaies
de l'Espagne Ultérieure, et comme le dit suffisamment l'auteur : ♦« E rittoc-
catanelle lettere, perquanlo pare, da mano moderna. »♦
La monnaie de Mirobriga publiée par Florez (pi. LXIII, u" 10) est une
pièce ibérienne d'Urci (Saulcy, Mon. aut.de rE«j9a(;n«, légende 117, variante
inéd.) dont la légende a été détruite et remplacée, au moyen d'aoides, pur
MIUOBRIGA.
J'ai déjà parlé précédemment de celle» de Fax Iulia.
2A6 MÉMOIKES
RPO, ou RPI, puisque nous connaissons les ethniques
ILIPENSE, ORIPENSE, ILOITVRGENSE dérivés des noojs
de villes lUpa^ Oripo et Iliturgi.
Une des villes antiques les plus considérables du Por-
tugal, placée précisément dans le site que nous avons dé-
terminé pour le type de notre monnaie, est Serpa^ qui
porte encore aujourd'hui le même nom, et qui se trouve
sur la rive gauche du puissant fleuve Anas (Guadiana), eutre
Myrlilis (Merida) et la colonie césaréenne (mais postérieure
à la pièce en discussion) Pax Julia, aujourd'hui Béja. Serpa
figure dans l'itinéraire d'Antonin, sur la voie d'Ossonoba à
Pax Julia, et son ethnique se retrouve dans l'inscription
funéraire de FABIA PRISGA SERPENSIS*.
En examinant maintenant de nouveau la légende tracée
sur le grand bronze, il me semble y reconnaître un S dans
la lettre initiale. Et comme la seconde paraît être un I
plutôt qu'un E, le tout donne SIRPENS. L'échange de
voyelles de même nature est très-fréquent sur les médailles
espagnoles, spécialement sur celles de la province Cité-
rieure. Gependant cette particularité se présente aussi sur
les monnaies de l'Espagne Ultérieure. Par exemple SEARO
pour Siarum, CARBALA pour Carbula, MART pour Myr-
tilis, ILOITVRGENSE, ILVTVRGI et l'ibérien ILYTVRCA
pour Iliturgi, OLONT et OLVNT, OSVNOBA pour Osso-
noba.
Il est utile d'attirer l'attention sur les types du dauphin
et du trident, lesquels (de môme que pour la monnaie de
Salacia qui les réunit tous deux)' sont empruntés au re-
vers des monnaies ph<^.niciennes do Gadès, et fournissent
> Urutcr., Thcs. Ih*ci., DCLXXXll, 7.
• Dun» \tfs deux vignette» des inoiinaîcs de ^iilucia pubiiiics duua cette
Pfi'Uf (IRfi.l. |>. 3îio) on voit d<irri«Tu lu tOto î;ar)me un scop're. J'ai peiuc
ET DISSE RTATlOrCS. 247
une nouvelle preuve de Tinfluence phénicienne qui ré-
gnait sur toute la région sud- ouest de la péninsule hispa-
nique.
Finalement, je mentionnerai une autre monnaie de cui-
vre, qui paraît aussi appartenir au Portugal , et qui n*e8t
pas sans parenté avec celle de Serpa. Elle appartient à
M, Sanchez, amateur de Séville, et M. Delgado en a pris
un croquis que j'ai copié. C'est une monnaie de 28 milli-
mètres de diamètre. Au droit elle offre un cheval galopant
vers la gauche, au-dessus duquel est un croissant. Le re-
vers porte la légende CILPE entre deux lignes et deux épis.
Comme, ainsi que me Ta dit M. Delgado, la légende n'est
pas très-distincte, il se pourrait bien qu elle fût en réalité
SIRPENS et non CILPE, auquel cas la pièce serait le setnii
correspondant à la monnaie dont j'ai parlé auparavant.
Mais je ne parle de cette seconde pièce que d'une manière
tout à fait accessoire , carie savant antiquaire qui me Fa
fait connaître n'a pu l'examiner à loisir et n'en a pas d'em-
preinte.
Mon dessein en publiant l'attribution du grand bronze à
Serpa, est de rappeler aux numismatistes un des nom-
breux avantages que la classification naturelle offre sur la
classification artificielle.
Les monnaies étant divisées suivant de grandes périodes
chronologiques, et celles-ci à leur tour en groupes géogra-
phiques, nous pouvons eu déduire avec ime très-grande
clarté le rapport mutuel des faits historiques , l'extension
des races et des populations, les relations Internationales,
les liens commerciaux, les systèmes monétaires, le culte,
qu'il r avait là uu trident. Il se pourrait donc que les tètcë Imrbuei^ qui bo
voient sur ces piècL'>^ ausbi bien que celles qui sont graYrr."» dall^ 1m pi. XIX
( ii«» 4, 5, 6), rftpr^s^'ntapBHut Neptune et non pas Jupiter.
SAS MÉMOIRES
le degré de civilisaiion , les produits de chaque région,
le progrès ou la décadence de Tari.
C'est dire que non-seulement on y trouve une source
vive, un livre ouvert pour Thistorien, l'ethnographe, le
linguiste, le paléographe, l'économiste, le métrologue,
l'artiste, etc., mais encore un avantage qu'on doit citer
avant tous les autres, celui de permettre au numismatiste
pratique de faire disparaître immédiatement la classe si
incommode des monnaies incertaines.
Pour ma part je regrette de voir tant de collections qui,
bien que placées entre les mains de personnes savantes en
histoire, nous montrent encore des monnaies de peuples
et villes classées par ordre alphabétique, et par suite de cet
usage des pièces, qui ont été frappées par des populations
très-éloignées les unes des autres, rapprochées, tandis que
des groupes de types semblables se trouvent divisés et
disséminés. En môme temps on voit des monnaies de la
République romaine frappées en la même année, séparées
pour le seul motif que les noms des employés monétaires
qu'elles portent ne commencent pas par la même lettre.
Je n'ai pas ici, on le comprend, à proposer un nouveau
système *de classification et ne me reconnais pas l'autorité
nécessaire pour l'établir, mais je ne puis m'empêcher
d'exprimer le désir que j'éprouve de voir adopter le plus
tôt possible une réforme sur ce point élémentaire de la nu-
mismatique, afin que cette science cessant d'exister seule-
ment pour elle-même parvienne à offrir la plus grande
somme d'utilité pour l'avancement de l'histoire.
Jacobo Zobel de Zangronik.
Madrid, Itijuin 18Hi.
ET OISSCKTAYIOnS. 249
LETTRES A M. A. DE LONGPÈRIER
LA NUMISMATIQUE GAULOISE.
•Quinzième article. — Voir Aenie, 1864, p. 169.
XIX,
Tasgèce, roi des Carndtes \
Mon cher Adrien,
Publier une monnaie inconnue des nnmismatistes est un
grand plaisir sans doute, uiais ce plaisir surpasse-t-il celui
de rectifier une attribution erronée et de remettre à sa vé-
ritable place un monument important dont la mauvaise
conservation a fait méconnaître l'origine ? Je ne saurais
véritablement le dire. Dans le doute, je veux me donner
aujourd'hui ces deux plaisirs à la fois, avec la certitude
* De Vegetius, on a fait en français Végèce; do Liicretios, Lucrèce; de Boë-
tius, Boècê. Je crois que ces exemples suffisent pour m'autoriser à ëcrire
Tnsgèce, bien que l'usage «oit en faveur de Tasget , qui n'aurait de raison
(l'être que si César avait dit Tungetus, comme on disait Cletus , Agapetns,
Anicetus, tous noms grecs. Ceux là sont bien en français Ciet, Agapet,
Anicet; mais c'eot précisément leur existence qui nous oblige à adopter
pour Tasgetius une terminaison française indiquant bien nettement la
différence des deux formes latines.
250 MKMOIKFS
que tous les amis de notre numismatique nationale me sau-
ront gré de la rectification et de la publication nouvelle
que je mets aujourd'hui sous ta protection dans les co-
lonnes de notre chère Revue.
Tu as certainement fort présente à Tesprit la belle et
rare médaille que La Saussaye a fait figurer dans sa A^a-
mhmalique de la Gaule Nnrbonname, Planche XXII, en l'at-
tribuant à Ccetia, IJzès. Voici ce qu'il en disait, d'après
Tunique exemplaire qu'il avait sous les yeux (page 177 et
suivantes) :
« (V)CCETIO. Tête laurée d'Apollon, à droite. Hi Lion?
((marchant à gauche; dans le champ, un rameau. Ma
(. suite, Br. 3 1/2. R*. F. o.
(c Rien ne s'oppose à croire qu'à l'époque où les Gaulois
« frappèrent des monnaies, h l'imitation des peuples avec
<( lesquels les progrès de la civilisation ou les invasions de
(( territoire les mettaient en contact, il n'y ait eu une mon-
« naie locale k Ccetia. Quoiqu'il soit beaucoup plus aven-
(( tureux de restituer le commencement que la fin d'une
« légende incomplète, il y a un rapprocliement si sensible
«entre le mot ...CGETIO et le nom antique de la ville
(( d'Uzès, qu'il m'a été impossible de ne pas proposer cette
« attribution, tout en regrettant que la provenance, qui
c ne m'est pas connue, ne vienne pas donner de la force à
(( ma conjecture. Le point de départ de la légende, près du
(( cou de la divinité figurée sur la médaille, ne permet pas
(( de supposer plus d'une lettre en avant de la première
(C de celles qui subsistent aujourd'hui.
(( L'état fruste de cette médaille empêche de reconnaître
a parfaitement la couronne de laurier de l'effigie du droit
((•et la tête du quadrupède du revers; mais certains carac-
« tères rappellent beaucoup d'un côté l'effigie de l'Apollon
Ll DISSERTATIONS. 251
« des petits bronzes de Massilia, et de l'autre le lion des
« drachmes de la VI' époque monétaire de celte vil e. Le ra-
« nieau est un symbole assez fréquent sur les monnaies de
« la Gaule Narbonnaise. »
Aujourd'hui il n'est plus possible de conserver la moin-
dre incertitude sur Tattribution légitime de cette monnaie.
J'ai eu tout récemment le bonheur d'acquérir un magni-
fique exemplaire dont l'état de consen-^aiion ne laisse rien
à désirer : la légende qui est placée devant Tefligie du droit
se lit sans la moindre hésitation possible : TASGETl..
Nous avons donc là une belle monnaie du fameux roi
des Carnutes dont César nous a conservé la mémoire, et
dont la première monnaie connue jusqu'à ce jour a été
pour la première fois décrite par La Saussaye lui-même.
Plus que personne, j'en suis assuré, il se réjouira de cette
nouvelle conquête pour la science qu'il a tant aimée et
qu'il a cultivée avec tant de zèle et de goût. Ce qu'il avait
pris pour une couronne de laurier n'est qu'un bandeau de
cheveux.
L'animal qui se voit au revers de cette pièce de cuivre
n'est certainement pas un lion : le corps, les pattes et la
queue appartiennent évidemment à un loup. Quant à la
tête, elle est mal dessinée , et ressemble plus à une tête de
porc qu'à une tète de loup. Le rameau placé dans le champ,
au-dessus de l'animal, rappelle très bien le rameau des pe-
tites pièces d'argent que j'ai attribuées justement, je crois,
aux chefs des Sénons, voisins immédiats des Cari)utes.
252 MliMOlRES
J*ai reconnu par un nombre infini d'exemples que la nu-
mismatique de chaque peuplade gauloise empruntait pres-
que toujours le type de quelque peuplade limitrophe, pour
en faire un accessoire du type particulier à la nation qui
émettait la monnaie. C'est ce qui a eu lieu pour notre belle
monnaie de Tasgèce. Le loup est le type des Camutes, ha-
bitant spécialement le pays de Blois * ; cela ne saurait plus
être le sujet d'un doute depuis la publication faite par ton
frère Alfred du précieux denier, unique jusqu'ici, du pre-
mier comte de Blois qui s'est attribué les droits monétaires *.
De la réunion du type du loup, type essentiellement car-
nute, et de celui du rameau, qui appartient aux Sénons,
est né le type complexe de notre belle monnaie, destinée
peut-être à rappeler une étroite alliance des deux nations,
pendant le règne éphémère de Tasgèce.
Notre regrettable ami Duchalais ne pouvait se décider à
admettre la persistance des types monétaires gaulois remis
en usage pendant la période du moyen âge, par les des-
cendants de ceux qui les avaient adoptés et employés les
premiers*. Je n'hésite pas à croire que, sur ce point, Du-
chalais avait complètement tort.
Reste à te faire connaître la provenance de cette belle
médaille : elle a été trouvée au camp d'Amboise, au mois
d'avril dernier. Légende et provenance sont donc une fois
de plus parfaitement d accord.
Je passe maintenant à la charmante pièce inédite qui
vient d'entrer dans mon médaillier, et sur l'attribution
1 La Saassnye. B$we ntiw»., attribution nn Blësois de médailles de bron^o à
tête de loup, 1837, t. II, p. 243. Voir la pi. VU, ii»« 2, 3, 4.
s Retm$ num,, 1859. t. IV, p. 242.
* Description dit médailles gnuloises de la Bibliothèque royale^ 1846, p. 288. —
Cf. ce qu'a dit à ce sujet Lelewel. Études numtsm., type gaulois^ p. 417 et fuiw.
ET DISSERTATIONS. 25S
(le laquelle je n'ai niaUieureiisement rien à te sou-
mettre.
11 s'agit encore d'une pièce de cuivre à légende, qui a été
trouvée, il y a quelques années, à Saumur, et dont je n'ai
jamais vu d'autre exemplaire. En voici la description :
ANDVGOVONI (ou ANVDGOVOM); il y a incertitude sur
la vraie leçon. Tôte à droite, coiffée d'un casque avec ci-
mier ressemblant fort à un serpent.
Ri Personnage au galop brandissant un javelot. Les deux
lettres 1 S? paraissent dans le champ derrière la croupe du
cheval. Il semble évident que le personnage du revers est
une femme, et les seins proéminents qui le distinguent ne
permettent pas d'hésiter sur ce point.
Quel fut ce chef Andugovonius ou Anudgovonius, je n'en
sais en vérité rien, et je me contenterai de te faire remar-
quer la ressemblance singulière qu'il y a entre ses traits et
ceux du chef lixovien Gisiambus.
Le flanc de la pièce est plat, comme celui des monnaies
ordinaires de Tasgèce. Ge caractère et la fabrique générale
de la monnaie me portent à lui attribuer une origine qui
la rapproche des provinces occidentales de la Geltique. Je
voudrais bien que tu fusses plus heureux que moi, et qu'il
te fût possible de découvrir quelque chose sur le compte de
ce précieux petit monument.
Tout à toi de vieille amitié. F. de Saulcy.
Pari», 7 juill*»t 1861.
1864. — 4. 18
25& MEMOIRES
REMARQUES
LES MONNAIES D'ARGENT DE L'ILE DE RHODES
ET SUR CELLES DE BRONZE D'AMPHIPOLIS.
J'ai lu avec tout le soin qu'elle réclame et dont elle est
digne à tous égards, 1 intéressante dissertation consacrée
par M. J. de Witte aux médailles d* Amphipolis. Parnai le
petit nombre des personnes qui se livrent plus spéciale-
ment à l'étude de la numismatique grecque, il n'en est pas
une assurément dont le suffrage ne soit désormais acquis
à ce travail, qui offre le rare mérite, à mon avis, d'avoir su
résumer en peu de pages, tout ce qu'on a dit jusqu'ici de
plus juste et de meilleur sur le monnayage de cette ville :
aussi , pour ma part , y apporterais-je une adhésion sans
réserves, s'il ne s'y rencontrait deux passages ou plutôt
deux points de détail qui m'ont paru , sinon manquer de
toute l'exactitude désirable , du moins être de nature à
appeler quelques observations, et que je demanderai à
M. de Witte la permission de lui soumettre.
Après avoir établi avec toute raison, selon moi, que les
médailles d'argent qui portent le nom d'Amphipolis n*ont
pu Cire frappées avant la LXXXV* olympiade (437 av. J. C.) ,
date de la fondation de cette colonie athénienne, ni plus
LT DlSStRTATIONS. 255
tard que ran «358 avant Jésus-Christ, époque où Philippe
de Macédoine s'en empara ; après avoir très-ingénieusement
fait ressortir toute Tinflucnce que dut exercer sur le choix
du type à tête de face Tinnovation introduite alors dans la
peinture pai* Cimon de Ciéones, le savant antiquaire amené
par son sujet à s'occuper des monnaies de Rhodes, qui pré-
sentent une figure analogue, incline à penser que ces der-
nières (( semblent indiquer un usage plus prolongé des
têtes de face, et qu'il est môme possible qu'après le siège
de cette ville par Démétrius Poliorcète (303 av. J. C ), on
ait encore continué de faire figurer sur la monnaie la tête
de face de la divinité tutélaire de l'île, »
J'ai quelque peine, je l'avoue, à partager cette manière
de voir; car si j'en juge d'après mes propres observations,
je dois dire que dans le nombre très-considérable de pièces
de cette espèce que j'ai vues et maniées, je n'en ai encore
jamais rencontré dont la fabrique fût de nature à pouvoir
être légitimement placée après le commencement du
m* siècle avant Jésus-Christ-, toutes, au contraire, accu-
saient une origine contemporaine d'Alexandre le Grand
plutôt que postérieure à ce prince, et je parle des moins
anciennes. A la vérité l'on peut m'objecier qu'un raisonne-
ment basé sur une suite d'observations personnelles et par
cela même toujours un peu restreintes, n'autorise pas suffi-
samment à conclure qu'il est impossible de trouver parmi
les tètes de face quelques exemplaires comparativement
récents, ou offrant des caractères de décadence bien accu-
sés. Car il est évident que dès deujain peut-être une dé-
couverte ou un monument dont je n'ai pas connaissance,
viendra me donner à cet égard un démenti formel. C'est
pourquoi je dois m'exprimer ici avec beaucoup de réserve.
On peut m' objecter encore qu'il existe au cabinet impérial
266 MLMornl-s
une médaille de Rhodes où Ton voit en surfrappe la tête Jr
Pan \ des tétradraclnnes d'Antigone fionatas, et que cette
médaille, envisagée d*nne certaine nianière. pourrait à la
rigueur servir d'argument contre moi. Mais je répondrai
que cette surfrappe, loin de prouver que la monnaie a été
émise entre 276 et 243 avant Jésus-Christ, comme on serait
tenté de le supposer, démontre, à mon sens, précisément
tout le contraire. D'ailleurs, en substituant, comme on le fit
plus tard, la tête de profil à celle de face, il me semble
bien probable que l'introduction do cette nouvelle mode
dut avoir pour résultat presque immédiat de faire dispa-
raître Tancienne, et qu'une fois adoptée il n'y avait plus
de motif plausible pour revenir à un système abandonné à
cause de son usage incommode, et que ce système dut par
cela même tomber rapidement en désuétude-
A l'époque où Mionnet publiait sa Ikscription des m^-
dailles grecquefi, on était encore très-généralement imbu
de cette idée, que les monnaies de Rhodes à tête de profil^
par cela seul qu'elles portent un carré creux au revenu,
sont d'une fabrique plus ancienne que celles à tête de face.
Cette idée, qui en réalité ne reposait pas sur un examen
assez approfondi du style de ces diverses monnaies, a
été abandonnée. .C'est également pour ce motif qu'on
était disposé, il n'y a pas longtemps encore, à considérer
les nombreux statères de Cyzique, comme remontant
au premier âge de l'art monétaire, erreur grave que le
savant et regrettable M. Charles Lenormant* a eu l'hon-
neur de ruiner de fond eu comble, et que moi-même,
si j'ose me nommer après un homme aussi éminent, j'ai
* Mionnet, Descript. des méd grecques, 111, p. 417, u" 15U.
• Btvve num.^ 1H56, p. 7 et 88.
KT DlSbtllTATIONS. 257
eu récemment l'occasion de constater encoj'e uwe fois".
Aujourd'hui donc que la présence du carré creux ne
peut plus faire préjuger une ([uestion subordonnée à
Tétude du style plutôt qu'à l'appréciation souvent trom-
peuse des procédés mécaniques, j'inclinerais à penser que
les pièces de Rhodes à tête de profil, portant au revers un
carré creux plat, sont dues, abstraction faite des types, à
l'influence directe de la confédéraiion lycienne, dont les
monnaies d'argent olfrent les mêmes caractères, et quelles
n'ont été émises comme certaines autres de Cos et de Stra-
tonicée, toutes villes à proximité de la Lycie, qu'en vue de
les faire accorder avec le système adopté par cette ligua
célèbre. A moins que, retournant l'hypothèse, on ne pré-
fère attribuer la priorité à Rhodes , qui aurait ainsi fourni
à la ligue le prototype de ce genre de monnaies.
Quoi qu'il en soit, je reviens au sujet de mes observations.
Dans la note qui accompagne le passage cité plus haut,
M. de Witte fait remarquer que «ou a cru lire des noms
de magistrats dans la composition desquels entrerait le
sigma lunaire Cl, sur des pièces où la tête du Soleil est
figurée tantôt de face, tantôt de profil (APICTONOMOC.
AIONVCIOC, HPArOPAC, (tIAOCTPAT.) , et que ces lec-
tures ne sont pas fondées, à Texception d'une seule. »
Je dois dire qu'à cette pièce, considérée par M. de Witte
comme un exemple isolé, je puis en ajouter au moins une
autre tirée de ma propre collection, et dont la superbe con-
servation permet de distinguer le sigma lunaire d'une ma-
nière parfaitement nette. Voici la desci iption de cette mon-
naie, qui, du reste, est d'un style excellent et nullement de
la décadence.
* Berve num , 1863 p. 310.
258 MÉMOIRES
Tête du Soleil, vue de face.
Hf PO. Fleur du balaustium, avec sa feuille et son bou-
ton. A gauche, dans le champ, bouclier ovale sur lequel est
posée une massue. Au-dessus, ANAZANAPOC. Le tout
dans un champ légèrement concave. — Argent 5.
Les lettres de cette médaille sont d'une belle forrae, et
les types, droit et revers, d'un très-haut relief. Mionnet en
a publié une entièrement semblable, tirée du cabinet Cou •
sinéry (t. III, p. 416), mais avec cette différence qu'on y
lit le nom du magistral OPNAEANAPOI. Bien que je n'aie
point vu cette médaille en nature, j'ai tout lieu de suppo-
ser qu'elle a été mal déchiffrée. Ce nom, que Pape n'a en-
registré dans son Wôrterluch der griechischen Eigennamrn
qu'avec un point de doute, me paraît si singulier et en
même temps si inusité, que je n'hésite pas à le proscrire
pour y substituer celui d'ANASANAPOC, autorisé à la
fois par l'histoire et par la grammaire.
En outre, j'ai possédé deux pièces d'argent à la tête de
profil, avec les noms HPArOPAC et CTPAT.QN ; je ne les
ai plus; toutefois, je crois pouvoir donner cette lecture
comme certaine, attendu que je retiouve ces deux leçons
inscrites sur mon catalogue particulier, où j'ai toujours
eu l'habitude de consigner les légendes de mes médailles
telles que je les avais sous les yeux.
Donc , puisque j'en possède une et que j'en ai possédé
d'autres avec le sigma lunaire, est-il trop téméraire de
supposer qu'il en doit exister ailleurs? Du moins celle du
cabinet de la Bibliothèque impériale, que cite M. de Witte,
cesse d'être une exception, mais autorise désormais à croire
que cette forme de lettre n'était point tout à fait inusi|,ée
sur la monnaie d'argent de l'île de Rhodes.
Je n'entreprendrai pas de discuter ici la question qui
ET DISSERTATIONS. 259
vxsssort naturellement de la présence du sigma lunaire sur
des pièces que leur fabrique, aussi bien que leur style,
doit faire rapporter à une époque très-voisine d'Alexandre
le Grand ; mais je profiterai de l'occasion pour faire con-
naître une médaille inédite de ma collection frappée à
Stratonicée de Carie, ville peu éloignée de Rhodes, et qui
offre cette particularité singulière de l'emploi simultané
dans la même légende, du sigma lunaire C et du sigma à
lignes brisées 1, En voici la description :
Tète de Jupiter à droite.
Fj ST. dans te champ. Aigle éployé vu de trois quarts ; à
ses pieds une petite chouette ; au-dessus, KAEiîC0Ei>lH[C?J ;
le tout dans un carré creux plat. — Argent 3.
Parmi toutes les médailles de Stratonicée qui ont été
décrites ou gravées, je ne connais qu'un seul exemple de
l'emploi simultané des deux formes de sigma sur la même
pièce qui soit dans des conditions identiques à la mienne ;
c'est celui que nous fournit Mionnet (t. III, p. 376,
n*» 426).
Tête laurée de Diane surmontée d'un croissant.
^ CT. Victoire marchant, tenant une couronne de la
main droite et une palme de la gauche; au-dessus, NIKI —
MIAIIl; dans le champ, à droite, ZGA; à gauche, 12; le
tout dans un carré creux plat. — Argent 3 1/2.
(Cabinet Cousinéry.)
Il est inutile de faire ressortir la différence qui existe
entre ces deux pièces; tout le monde la saisira.
Quant aux autres médailles de Stratonicée, lesquelles
paraissent toutes être de même fabrique comme de même
époque, elles suivent une règle à peu près invaria-
ble : c'est-à-dire que si le nom de la ville commence
par un C, cette forme graphique se retrouve dans le
260 MÉMOIRES
nom du magistrat qui y coiiespoud, et réciproquement
pour le 1.
Qu'au m' et au ii' siècles avant Jésus-Christ on ait em-
ployé parallèlement deux manières différentes d'écrire Je
sigma, c'est ce dont on ne saurait douter maintenant;
mais il me semble bien difficile, lorsqu'il s'agit de classer
un monument de cette époque, de tirer quelque in-
duction chronologique appréciable de la présence de ce
caractère sous l'une ou l'autre de ces deux formes. C'est
pourquoi, sans me préoccuper autrement d'une question
qui avant tout intéresse l'épigrapbie, laisserai-je à de plus
habiles et plus compétents que moi le soin de rechercher
et d'expliquer les causes de cet usage.
Je passe au paragraphe relatif à la monnaie de bronze
d'Amphipolis.
M. de Witte pense que « presque toutes ces pièces, pour
ne pas dire toutes, appartiennent à l'époque qui a suivi la
conquête romaine Plusieurs de ces pièces portent la
marque de l'as et de ses divisions, et puis on y voit l'em-
preinte de la tête de Janus. »
Malgré toute ma déférence pour l'opinion d'un homme
aussi légitimement autorisé que Test M. de Witte dans la
science, je regrette de ne pouvoir entièrement partager sa
manière de voir sur ce point, car sa proposition , formulée
d'une manière un peu trop générale , ne me semble point
tenir assez de compte de la série de monnaies de bronze
qui portent au droit une tête laurée d'Apollon, et au revers
une torche accompagnée delà légende AM<1>1*. Cette lé-
gende, écrite tantôt en boustrophédon , tantôt dans l'ordre
« Mionnet, t. I, p. 463. — Id., Suppl., t. III, p 19. - C. Comhc, JI^m*.
Hwtter, tftb. 4. n- 20 «»t 21.
tT DISSERTATIONS. 2(5 1
plus moderne , au milieu (Vun carré indiqué par quatre
lignes, ne saurait sous aucun prétexte se. rapporter à l'é-
poque de la domination romaine, mais appartient plutôt,
j'en ai la conviction , à celle qui suivit imuîédiatement la
première période autonomique de la ville. Aussi M. de
Witte a-t-il dû certainement faire la part de celles-ci dans
les rares exceptions qu'il admet.
Cependant, et bien que je ne conteste pas que parmi
les autres médailles de bronze d'Amphipolis, un très-grand
nombre n'appartiennent à l'époque romaine, avec ou sans
les marques de Vas, je me permettrai de faire observer
qu'il en existe encore beaucoup d'autres dont la fabrique,
sans être de la première période, présente des caractères si
différents et en même temps si tranchés , qu'il est impos-
sible, à mon avis, de songer sérieusement pour elles à
l'une ou à l'autre de ces deux catégories.
Telles sont les suivantes :
1. Tête d'Hercule jeune, à droite.
A AM*I. Cheval courant, à droite. — /E. A.
2. Môme tête d'Hercule jeune.
hI AM^IPO. Lion à droite. — /E. 3. ( Combe, Mm.
Hunier, pi. IV, n» lA. )
3. Tète de Jupiter, adroite.
Ki AM4»irOAITl>N. Massue couchée, ANT en mono-
gramme et la lettre 1. Le tout dans une couronne de
chêne.— .«. A 1/'^- (Mionnet, t. I, p. 463, n» 108. )
A. Même tête de Jupiter, à droite.
îà AMWnOAlTiiN. Cheval au pas, à droite; dans le
champ, deux monogrammes. — ;£. 3.
5. Tête d'Apollon, à droite.
ïl\ AM4>IPOAm2N. Taureau comupète.—yt;. 4. (Combe,
pi. IV, nM5.)
202 MÉMOIRES
0. Tête de Ptrsée, avec un casque ailé, à droite.
S) /iM<l>lI*0AITi2N en deux lignes, dans une couronne
de chêne. — E. à 1/2. (Mionnet, t. I, p. A65, n* 135. )
7. Môme tête de Persée.
Kl AM<I)IP0A1T12N. Aigle de face, les ailes éployées. —
M. 4. (Mionnet, Suppl., t. III, p. 25, n- 184.)
Toutes pièces, et j'en pourrais citer un plus grand
nombre, que leur type, leur fabrique, la contexture des
monogrammes, comme aussi la forme du P qui figure dans
leurs légendes, doivent faire évidemment classer avant
l'occupation romaine.
Des types si essentiellement macédoniens, et qui se re->
trouvent si fréquemment sur les monnaies de bronze des^
derniers rois , me paraissent bien plutôt appartenir au
temps qui s'est écoulé depuis le commencement du règne-
de Cassandre jusqu'à la chute définitive de la monarchie.
Le n* 3, dont le monogramme peu compliqué rappelle à
s'y méprendre celui d'Antigoue Gonatas, les deux dernières
surtout qui portent la tête du héros Persée, ce héros pro-
tecteur du malheureux adversaire de Paul-Émile, ressem-
blent si complètement aux monnaies de ce prince, qu'elles
semblent fournir une preuve a<isez convaincante de ce que
j'avance Je crois, en outre, en trouver la confiruiatiorr
,dans l'histoire môme d'Ainphipolis.
Lorsqu'à son avènement Philippe II s'en saisit, loin de la
traiter avec la dernière rigueur, comme il fit dans la Chai-
cidice pour les trente-deux villes de la ligue olynthienne,
dont la plupart furent si bien détruites que le nom s'en est
perdu, il évacua volontairement la ville, renonça pour un
temps à sa possession, et lui laissa son autonomie *. Même
' Diod.Siful., XVi,3.
ET DISSERTATIONS. 263
après ravoir prise d'assaut deux ans plus lard, il ne lui
enleva aucun de ses privilèges, mais se contenta d'exiler
ceux qui étaient mal disposés pour lui \ Sous les pre-
miers successeurs d'Alexandre, comme sous les derniers
Antigonides, le rôle d'Amphipolls s élargit encore, et ses
habitants avaient si bien conservé toute leur indépendance
municipale , qu'ils refusèrent d'ouvrir leurs portes à Lu-
cretius, envoyé romain , dont ils redoutaient l'avarice '.
Persée lui-même, vaincu et fugitif, bien qu'il fût encore
roi, ne reçut pas d'eux un meilleur accueil, puisqu'ils ne
craignirent point de lui adresser cette dure apostrophe : .4 6«7(?
/è/r?c, ne qtii pauci sttpermmuSy proplervos pereamus '.
Je crois donc qu'on peut conclure de tout ceci, avec
assez de vraisemblance, que le monnayage de bronze
d'AmphipoHs, lequel a dû commencer peu après l'émission
des premiers tétradrachmes , s'est toujours continué de-
puis cette époque, sauf peut être quelques rares interrup-
tions qu'il est aussi difficile de prouver que de nier dans
l'état actuel de nos connaissances, et qu'il faut conséquem-
ment faire la part plus large à la fabrication antérieure
à la conquête romaine.
J'ose espérer que M. J. de Witte voudra bien accueillir
ces remarques, destinées à remettre en lumière deux i)oints
de détail qui m'ont paru avoir leur utilité.
Ferdinand noMPois.
Marry.
« Diud , XVI, 8.
* Tit.-IJv.,XLIlI,7.
* Tit.-Liv.,XLIV,45.
26A MLMOIRkS
QUINCUSSIS DE BItONZE DE FORME CARRÉE.
; IM. XetXI.)
Epée nue avec le pommeau orné d'une tête de bélier, et
la garde en forme de c/:.
^ NROMANOM. Fourreau d'épée.—./E. Poids, I488«%92.
(Ma collection. )
La pièce singulière dont nous donnons ici le dessin nia
été cédée il y a quelques années par MM. RoUin et Feuar-
dent, à qui elle avait été envoyée d'Italie. Quelque étranges
que paraissent sa forme et sa légende, elle n'en offre pas
moins des preuves matérielles d'une authenticité incontes^
table et les amateurs les plus difficiles ne sauraient la ré-
voquer en doute ; car les praticiens les plus expérimentés
assurent que la patine est d'une nature imi)ossible à obtenir
par la contrefaçon. Nous doutons fort d'ailleurs qu'aucun
faussaire eût inventé de couler une pièce aussi éloignée
de la forme ordinaire de Wvs gravvy et eut osé risquer une
légende aussi peu semblable à celle des autres as de forme
carrée.
A côte de ces preuves négatives, nous ferons remarquer le
style original et vraiment fort antique de la garde de Tépée,
et surtout de la tète de bélier qui lui sert de pommeau, ainsi
que la facilité avec laquelle la légende senîble avoir été
KT UISStRTATrONS. 2(55
tracée par une main exercée et hardie qui a laissé courir
Tébauchoir sur le modèle en argile.
Caronni parle d'un quincussis h peu près semblable au
nuire qu'il avait vu chez son ami Tabbé Minervino à
Naples \ et qu il avait acheté plus tard aux héritiers de ce
savant. Sur le dessin qu il en donne, le glaive ressemble à
celui qui se voit sur notre pièce, mais il y a de plus dans
le champ du côté du glaive un foudre tracé en creux. La
légende du revers a beaucoup d'analogie avec la nôtre,
mais l'N initiale manque, soit que ce caractère n'ait pas
existé sur l'original , soit qu'il ait été oublié par le gra-
veur.
Ces différences donnent, si c'est possible, un degré d'au-
thenticité de plus à notre monument, puisqu'elles prouvent
qu'il n'est pas une des trois copies que Caronni nous dé-
nonce comme ayant été fabriquées à Rome par un faussaire
nommé Giuseppe Sinistri. Le quincussis dont parle Caronni
* Bagquaglio del viaggio rowpendioso di un dilettante antiquario rondotto in
liart>eria ( sans nom d'auteur). .Milano. 1805, in-8*. t. II, p. 183, pi. XIII.
Voici en quel» termes il s'exprime : - Co poids antique apparti nait à la mi-
perbe collection d« ffu TahW Minervino de Napl<'«, éditeur du savant livre
de monte VuUure, si souvent cité par Eckhel ; il le cachait avec tant de soin et
on était si jaloux que j'avais obtenu comme une haute faveur, peu de temps
avant sa mort, la permission d*en prendre un de>sin. Avec ce dessin à la
main, je me présentai cet automne à son héritier, qui h ma pressante sollici-
tation et après de soigneuses recherches le découvrit, et enfin me le vendit.
D'un côté, on voit un poignard et liu-desHus un tondre; de l'autre, le fourreau
ou parazouium, avec l'inscription UOMANOM. Il pè«e 46 onces Est-ce une
monnaie ou un poids? c'est ce que n*a pa* mi dérider Kckhel lui-mOme, qui
rependant, avec beaucoup do raison, suppose que cette pièce appartient à
l'Italie méridionale plutôt qu'à Rome môme (voy. Ff, iV., t. V, p. 50 et
nilleurs ). Je dois avertir les amateurs qu'il existe trois copies faites sur
ce modè'.o par un faussai e romain nommé Giuseppe Sinistri, dont j'aurais
cept*ndant tu lo nom si lui-même no s'était publiquement vanté en ma pré-
sence de cette supercherie. -
200 MÉMOIRES
était plus léger que le nôtre, puisqu'il ne pesait que
46 onces (1,288 grammes).
Le regrettable M. Arneth' et M. Seidl* donnent l'un et
l'autre la description d'un quincussis du même type avec
la légende ROMANOM qui se trouve au Cabinet impérial
des antiques de Vienne. Ces deux savants doutent fort de
son authenticité. En passant par Vienne, il y a un an, j'ai
pu, grâce à l'obligeance de M Arnetb, examiner cette
pièce et l'étudier avec attention; l'apparence, en effet,
n'est pas satisfaisante \ les lettres de la légende sont plus
régulières que sur la pièce de ma collection; elles se
rapprochent davantage de la forme ordinaire des lettres
latines, mais elles sont grêles et barbares sans être ar-
chaïques, on pourrait les croire retravaillées au burin.
La lettre initiale N ne s'y trouve pas, et un foudre ailé
est gravé en creux dans le champ à côté du glaive. Eu
un mot, je ne serais pas étonné que cette pièce fût une
des trois copies du faussaire Sinistri. Le quincussis de
Vienne pèse 1309»', 39'.
Nous pouvons citer encore plusieurs autres pièces car-
rées ayant un type analogue. Carelli en donne une pi. XL,
mais le lingot est un quadrilatère plat assez régulier; il n'y
a pas de légende, Tépée est l'épée romaine ordinaire. En
un mot, cette pièce n'offre aucune analogie avec la nôtre,
ni avec celle qui a été décrite par Caronni *. Enfin on con-
naît celle du musée Wiczay avec la légende ROMANO, mais
' Synopsis numorum Romanorum qui in museo Cjcsareo Vind(^>onensi adser^
rantur. Vienne, 1842, iu-4».
* Das altitaliêche Schwergeld in k.k. AiUnz tind Antiken Cahinette zu Wien,
1854, in- 8».
t 74«oil»,i975, diaprés Arnetli. loc, cit., et 76loih,17, d'après M. Seidl, p. 64.
^ Voyez Mommsen, Getchichte des rotnischm Mûnzwesens, p. 229 et 230.
ET DlSSKnTATION». 207
lÏHlitcur lui-môme la donne comme douteuse et relie du
musée Borgia (1008^% 14), avec la légende ROMANOir.
Nous ne nous permettrons ici aucune conjecture, ni sur
Tépoque à laquelle notre quincussis appartient ni sur
Tatelicr dans lequel il a été coulé; mais nous avons pensé
qu'il serait agréable aux numismatistes d'avoir connais-
sance de ce monument et de tout ce qui plaide en faveur
<le son authenticité. Ceux qui s'occupent spécialement de
Vœs grave trouveront probablement l'occasion de faire des
rapprochements curieux et instructifs.
Blacas d'Aulps.
* Avellino, Monete incerte delV Etruria del Lasio e di altre regioni d'Ftalia,
travail inséré dans le second voinrae des Annali di numismaiica pubblicati du
G. Fiorelli, Napl., 1851, in-4*. Cataloyo de uunnni unciali del museo Borgiano^
p. 99.
•208 SILMOIRLS
DEUX BULLIÎS DE PLOMB BYZANTIXES.
:n. XII.)
J'ai reçu dernièrement d'un marchand d'antiquités d'A-
thènes, nommé Sotiris Laphazanis, les deux bulles de plomb
dont on trouvera le dessin à la pi. XII. Ce sont les plus
grandes jusqu'à présent connues; l'intérêt historique en
est considérable, et, au point de vue de l'art, elles sont
plus belles que ne le sont généralement les monuments du
même genre. Telles ont été les raisons qui m'ont déterminé
à en entretenir les lecteurs de la Revue nwinsmatique. Ce
ne sont pas, il est vrai, des monuments qui rentrent tout à
fait dans le cadre strict de ce recueil; mais j'ai déjà pour
me justifier quelques précédents. La Revue numismatique
a plusieurs fois ouvert ses colonnes à la publication de
bulles de plomb byzantines.
La première de celles qui sont gravées dans ce cahier
présente sur sa face principale l'image de la Vierge, nimbée,
assise sur un trône, et portant son divin enfant assis sur
ses genoux. Des deux côtés, dans le champ, sont tracés les
deux mots abrégés qui, 'depuis le concile d'Éphèse. accom-
pagnent la figure de Marie sur tous les monuments du
christianisme oriental : Mi^xr^p escû, « la Mère de Dieu. » Au
revers, après une petite croix grecque placée en tète, on
lit rioscription suivante, disposée en sept lignes : ntopYtoc,
ET DISSERTATIONS. 269
i\kt^ Oiou dip^isnbxonoc Ku)V9TavTivouirAe(i>c, Nâa< Ptu[XT)c, kolI olxou-
Iievix6<; noxpiapyrr,;. a George, par la miséricorde de Dieu,
H archevêque de Constantinople , nouvelle Rome , et pa-
« triarche œcuménique. »
Il n'a été publié jusqu'à présent que deux autres bulles
de patriarches de Constantinople. L'une * porte le nom d'un
des cinq Nicolas qui occupèrent le siège depuis le ix* jus-
qu'au XII* siècle^ l'autre , donnée par le seul M. Sabatier *,
a été évidemment mal lue ; le nom NINATOC qu'on y a vu
n'est celui d'aucun patriarche et n'est pas même grec \ il
faut sans doute y substituer NIKHTAC, nom du personnage
qui fut expulsé en 1190, après trois ans de pontificat, par
Isaac l'Ange, de la dignité suprême de l'Kglise grecque '.
Parmi la série des patriarches de Constantinople, on
n'en rencontre que trois du nom de George. Le premier
occupait le siège dans la seconde moitié du vir siècle, et
c'est sous son pontificat, en 680, qu'eut lieu le concile
(Ecuménique de Constantinople *. Le second date de la fin
du xii* siècle •; enfin le troisième * n'est autre que le fameux
George Scholarius ou Gennadius, qui, intmédiatement après
la prise de Constantinople par Mahomet 11, détruisit l'union
signée à Florence entre les deux Églises d'Orient et d'Oc-
cident, et rétablit le schisme pour servir à la fois son ambi-
tion personnelle et la politique des Osmanlis. Le premier
est trop ancien, le troisième trop moderne pour pouvoir
* Ficoroni, Piombi anhchi^ pi. XVII, n* l. — Sabatier, Iconograjihie d'um
collection demédailhs. Plombs, pi. II, n*2l, — Corpus inscriptionum graecarum^
n* 9036.
* Iconographie. Plombs, pi. II, n* 22.
* Le Quien, Oriens Christianus^ t I, p. 273.
* Ibid., p. 232.
» /feiVf., p. 275.
« /6fVf., p. 312 et suiv.
1864. - 4. 19
270 MÉMOIRES
prétendre à Tattribution de notre bulle ; reste donc le se-
cond, auquel nous rapportons ce monument avec certitude^
d'autant plus que le style de la représentation de la face '
et la forme des lettres du revers conviennent parfaitemeDt
à la fin du xn* siècle.
Le patriarche George II s appelait Xipbilin de son nom
patronymique, et avait été SxsuocpoXst^, ou gardien des vases
sacrés de la Grande Église, avant d'être appelé au siège de
saint Jean Chrysostome. La liste patriarcale publiée par
Leunclavius dans le livre IV de son Ju$ graecoromanum
lui donne six ans et dix mois d'autorité, celle de Callistus,
six ans neuf mois et vingt-sept jours. Son pontificat fut
marqué par la lutte contre Tbérésie des Sidicites, qui pré-
tendaient que le corps de Jésus-Cbrist était corruptible
dans les espèces eucharistiques '. Leunclavius ' publie un
décret synodal de lui, daté du 14 février 1197. 11 mourut
dans le cours de Tannée 1199, cinq ans avant la prise de
Constantinople par les Latins *.
La bulle désignée par le n* 2 sur notre planche est encore
plus belle comme art que la première. D'après la compa-
raison du style des figures et de la forme des lettres de la
légende avec ce qui se voit sur les médailles, nous croyons
qu'il faut la faire dater d'un siècle plus tôt, au temps
d'Alexis 1" Comnène.
On y voit un saint et une sainte debout en face l'un de
l'autre, nimbés et vêtus des ornements impériaux. Ce sont
• La Vierge de notre bulle offre une ressemblance frappante avec celle de la
l)ul!o de Théodora, femme de l'empereur Michel VIII Paléologue, publiée par
M Sabatier, Iconographie^ Byzantines, pi. XXV, n"* 16 et 17.
' Nioet. Choniut., Alex. Comneu., III, 3.
' Juê graeco-rom., l. IV, p, 283.
* Le Quien, Orieiis Christ ianus^ t. I, p. 275.
ET DISSERTATIONS. . 271
Constantin et Hélène, fondateurs et protecteurs de l'Église
de Constantinople. A ce titre ils soutiennent une petite église
à coupole, dont la silhouette rappelle d'une manière frap-
pante celle de Sainte-Sophie ; et c*est en effet cet édifice que
Tarliste a voulu représenter, comme le prouve Finscription
tracée au-dessous, dont les lettres sont disposées en co-
lonne verticale, ainsi qu'il arrive souvent sur les monnaies
et dans les peintures byzantines : H à'^loL lo^la. Autour est
disposée une légende, qui se continue en sept lignes sur
l'autre face : Vmpv^loL esot^xs po^JOst — toT; OeoaîCcaxaTOK icpsa-
Cuxipot; xaî bcxXT,<ji> xaî u Très-sainte Mère de Dieu, viens
u au secours des très-pieux prêtres, de l'Église et de.... »>
C'était donc le sceau du clergé de Sainte- Sophie.
On sait combien ce clergé de la Grande Êgli$e^ qui joue
un rôle si important dans l'histoire de l'empire de Constan-
tinople, était nombreux, riche et puissant \ Justinien en
avait déterminé la composition par sa vingt-troisième No-
velle, de la manière suivante : 60 prêtres, 100 diacres,
40 diaconesses, 90 sous-diacres, 110 lecteurs, 25 chantres
et 100 portiers. C'étaient de beaux chiffres, mais on ne fut
pas longtemps à s'y tenir. Sous Héraclius, le nombre des
membres du clergé de Sainte-Sophie était devenu tel que
cet empereur dut décider, par une constitution spéciale ',
que l'on procéderait par voie d'extinctions jusqu'à ce qu'on
en fût arrivé au chiffre de 80 prêtres, 150 diacres, 40 dia-
conesses, 70 sous-diacres, 160 lecteurs, 25 chantres et
75 portiers. Sous les empereurs iconoclastes, le clergé de
la Grande Église fut complètement désorganisé, les prêtres
1 Du Cange y a consacré un chapitre de sa Constatttiiiopolis chtistiura,
1. III, p. 71.
• Publiée par Lcuncltvius dan» le livre 11 de sou Ju$ graeco-romanum.
272 MÉMOiRES
persécutés, les biens qui servaient à leur entretien confis-
qués par le pouvoir civil. On en vint au point d'avoir si peu
de prêtres, que l'on ne pouvait plus célébrer l'office divin
que le samedi et le dimanche. Constantin Monomaque, au
milieu du xi* siècle, très-peu d'années avant l'époque à la-
quelle nous attribuons notre bulle, rétablit les choses dans
leur état ancien, dota de nouveau le clergé de Sainte-Sophie,
et fit reprendre la célébration quotidienne du saint sacri-
fice '. Cette pieuse conduite fut célébrée par des vers que
cite Du Gange * :
OUX f,V 6 XOtlOV TYiV SXlàv Jllv TOO VOJIO'J
<t>ëpetv fiirafjaTOv xij) Bi^ Xetxoopvfav ,
TyoXîiç xt xGupèv TT V àXi^Oeiav pXéiteiv,
Ô x«\ xaTOpOot fieiTroTT.ç ô Movojii^^o;.
Cl 11 n'était pas convenable que ce ne fût plus que l'ombre
« de la loi qui présentât à Dieu une prière incessante et que
« la vérité connût des temps d'interruption ; c'est ce que
« remet dans l'ordre l'empereur Mononiaque. »
Après la prise de Constantinople par les Croisés, on éta-
blit à Sainte-Sophie un chapitre de chanoines latins', qui
procéda à l'élection du patriarche Thomas Morosini. Ces
chanoines furent expulsés par Michel Paléologue quand les
Grecs eurent repris la ville, et il est probable qu'alors le
clergé de la Grande Eglise fut réorganisé sur le pied de
son ancienne splendeur. L'impression que ce clergé si
nombreux et si magnifique produisait sur les imaginations
populaires, est marquée dans un chant contemporain de la
^ Cedren.t Compend.^ p. 790, édit. de Paris.
* Con$tantinopolit christiana, 1. III, p. 72.
> Baluze, Epitt. Innocent Ut, 1. IX, ep. 100 et 130. — Cf. Le QnieD, Ortm*
Christiawu^ t. III, p. 796.
ET DISSERTATIONS. 273
chute définitive de Byzance sous les coups de Maliomet II«
qui s* est conservé parmi les pâtres de la Grèce :
nTipav xa\ rf.v dyià Sofià, t6 (jiYfli (JLOvaatr,pif
IloO^e Tpiaxwia aTiîi.«'/Tpa x' é^,vta Ôu6 xajiitiv;*
Kd6c xsiiiciva X2\ itzicô;, xdOc icxicô^ xai\ Siixoç.
£i(&à va' pvoOv T^ 5^1», X* à ^aaïkiÔL^ toû xd^^iou,
«^covj^ Toù; ^px' è; oOpavoO dYTî^t»>v àii* xb 9Xfi\i7.'
« Àefjx' ovT?i T?;v ^3>ka(i>^i^, vi ^apiT^Xtà^Gw x* fi^ta*
Ka\ aTetXxe ^yo oti?jv <^psYXi^, viprouvg va xi md^ouv,
Nà irdpouv x6v XP^*^ oxaup6 xa\ x' ây^® ^^ ?3[TT^^io,
Ka\ T^jV àY^a xpizcÇa, va ji^j x^iv d(jLo)iûvouv. i»
^âtv X* &xou7ev V) A<9i;o'.v3, SaxpO^ouv 1^ £lxove;-
• ZtàioLTt, xupà Aéoroiva, ji^v xXatYO?» H-"^. î»xpO^{iç-
IldXc {il xp^^^^y H^ xaipo6c, ledXc 8ixd 9a; etvs *. h
« Ils ont pris Gonstantinople; ils Vont prise ; ils ont pris
Salonique. Ils ont pris Sainte-Sophie, le grand monastère,
qui avait trois cents simantras ' et soixante-deux cloches,
et pour chaque cloche un prêtre, et pour chaque prêtre un
diacre. Au moment où le saint sacrement, où le roi du
monde sortait du sanctuaire, une voix vint du ciel par la
* Passow, Popularia carmina Graeciae recentioriSt n° 194.
Il y a deux autres chants analogues sur le même sujet (Fassow, n** 195 et
196), mais ils portent l'empreinte de Texagération populaire. On y attribue
à Sainte-Sophie trois cents religieuses et mille moines.
nc&yci xpiaxdffiatc xaXoYPtalt xal x^^^C xa)kOYipo\Jc.
Dans le chant que nous citons, au contraire, les chiffres doivent être
exacts, car il donne juste le nombre de prptres établis par lu Novellc de Jus-
tinien, à laquelle Michel Faléologue se conforma sans doute quand il réor-
ganisa le clergé de la Grande Église.
* Instrument composé d'une plaque do i'cr sur laquelle on frn]>pe avec un
maillet ; il remplace la cloche dans certaines cérémonies de TEglise grec-
que, comme chez nous la crécelle pendant les derniers jours do la Semaine
Sainte.
274 MÉMOIRES
bouche des anges : «Cessez cette psalmodie, déposez les
(( saintes espèces sur l'autel , et envoyez un message au
« pays des Francs, pour que ceux-ci viennent prendre le
« saint sacrement, prendre la croix d'or, et le saint Évangile,
« et la table de l'autel, afin qu ils ne la profanent pas \ »
Quand la Vierge l'entendit, ses images pleurèrent : « Restez
« en silence, madame la Sainte-Vierge, ne pleurez pas, ne
(( versez pas de larmes; avec les ans» avec le temps, tout
» cela sera vôtre de nouveau. >
François Lenormant.
* lletnarquez l'urt infini avec lequel lu poète populaire ûvite de noniint-r les
Turcs. Fauriel, qui a traduit le chant avant nous, n'a pas sai^i cette dvlic:i-
tesse.
ET DISSERTATIONS. 275
MONNAIES INÉDITES DES CROISADES.
(PI. Xl!l et XIV. ^
Vingt ans ne se sont pas écoulés depuis la publication
de rexcellent livre de M. de Saulcy, et déjà le nombre des
monnaies des princes croisés s'est beaucoup accru : Tatten-
tioD des numismatistes s'est portée de ce côté, la terre
d'Orient a été mieux fouillée, chaque année nouvelle a
apporté son contingent de trouvailles, et chaque trouvaille
a fourni, soit une variété intéressante , soit une pièce iné-
dite : il y aura donc lieu, dans un temps peu éloigné, de
donner une seconde édition, «considérablement augmen-
tée, » de là Numismatique des croisades. Néanmoins, le
jour n'est pas encore venu : d'importantes lacunes existent
encore, les découvertes se succèdent rapidement; il con-
vient donc d'attendre que les principales séries soient plus
complètes : pour hâter ce moment et provoquer la publi-
cation des pièces inconnues qui se trouvent entre les mains
des collectionneurs, je donne aujourd'hui la liste de tous
les types inédits que mon dernier voyage en Orient m'a
permis de recueillir.
Rois DE Jérusalem et ue Chypre.
La série qui s'est le plus enrichie est celle des rois de
Jérusalem et de Chypre : c'est aussi la plus intéressante.
276 MLMOIRtS
puisqu'elle appartient aux célèbres dynasties, françaises
d'origine, dans les^iuelles se personnifie et se résume toute
l'histoire des croisades. Pourtant les premiers souTcrains
ne se sont pas retrouvés : le plus ancien document métal-
lique que j'aie rencontré est un sceau ou bulle de plomb
du roi Amaury 1*% qu'à défaut d'autre nouveauté numis-
matique je demande la permission de reproduire.
AiiAUiY !•' (H62-4173).
+ AHALRICVS DEI GRACIA REX lERYSALEM. Roi aasb
sur un trône, vêtu d'une dalmatique jetée par-dessus une
longue robe, tenant de la main droite un long sceptre sur^
monté d'une croix, et de la gauche un globe crucîgére. La
couronne est effacée.
î$ GIVITAS REGIS REGVM OMNIVM. Jérusalem repré-
sentée par une porte de ville au-dessus de laquelle on voit
les trois principaux monuments de la cité sainte : le Saint^
Sépulcre, la Tour David et le Temple. (PI. XllI, n* 1.) .
Le Saint Sépulcre et le Temple sont représentés comme
sur les monnaies, le premier par le toit ouvert de la célèbre
rotonde, le second par la coupole de la mosquée d'Omar.
La Tour David, ouvrage du moyen âge bâti sur les restes
antiques de la Tour Phasaël, est couronnée par deux petites
guettes : deux pennons, arborés au sommet, portent la
croix : c'est la première fois, je crois, que sur un monu-
ment contemporain des croisades on rencontre la figure
des u étendards de la croix. » L'identification de cet édifice
avec la « Tour David » est démontrée par la petite pièce
de cuivre (Saulcy, Num. des crois., IX, 1) sur laquelle il
est accompagné de son nom : en voici une variété inédite :
ET DISSERTATIONS. 277
T.V.R.R.I.S. La Tour David« surmontée de deux petites
guettes comme sur le sceau d'Âmaury.
i^ +D.A.V.I.T. Étoile. (PI. Xlll,n»2.)
M. de Saulcy place rémission de cette monnaie dans les
dernières années du xii* siècle, et rien jusqu'à présent
n'est venu modifier cette opinion. L'orthographe du mot
DavU est tout à fait française, et témoigne, une fois de
plus, de la prédominance de l'esprit français dans tout ce
qui se rapporte aux croisades.
Les deux monuments qui, sur le sceau, accostent la
a Tour David, » sont le Saint-Sépulcre et le Temple ; il
ne peut y avoir de doute à cet égard. J'ai déjà dé-
montré dans cette Revue (1856, p. 127) que le pre-
mier était toujours représenté par un petit édifice cou-
ronné par un tronc de cône, et le second par une coupole ;
pour la plupart des soldats de la croix, le Qottbbet
ei Sdkhrah (mosquée d'Omar) était le temple même
des Juifs; c'est pourquoi on l'avait transformé en église:
une croix dorée avait remplacé le croissant au som-
met de la coupole, et fut renversée par Saladin en 1 187 * :
cette croix figure sur le sceau d'Amaury 1*'.
Le type avec la légende CIVITAS REGIS REGVM OMNIVM
parait avoir été commun à tous les rois de Jérusalem, même
aux souverains nominaux qui ne furent pas en même temps
rois de Chypre. Le P. Seb. Paoli a grossièrement dessiné
un sceau tout semblable de Baudouin III, appendu à une
charte de 1160, un autre d'Amaury I" de 1169 ». Les
archives de Marseille en renferment de Baudouin IV, de
Guy de Lusignan et de Jean de Brienne ', la forme des
> Ibn-al- Athyr. Voyez notre Ttmpli di Urvtaltm, p. 78.
s Codtcf Diplomalico dell. ord. Hierosol.^ pi. II, 17, et III, 26.
* Les empreinte!* m'ont été commaniqudes par Tobligeant intermédiaire de
278 MÉMOIRES
lettres, le style de la gravure distinguent facilement, de
ces sceaux plus modernes, celui dont je donne la figure, et
empêchent qu on ne l'attribue à Amaury II ; mais les sujets
représentés sont identiques, la seule petite différence est
dans la forme altérée des guettes, et Tabsence des pennons
au sommet de la w Tour David. »
On trouve en assez grand nombre à Jérusalem des de-
niers d'argent et de billon, avec la légende AMALRICVS
REX. DE lERVSALEM et le type du Saint-Sépulcre (Saulcy,
pi. IX, 6, 7) : M. de Saulcy les attribue au roi titulaire
Amaury 11, souverain de Chypre : il est vrai que dans le
même ouvrage (p. 99) M. de Rozière repousse cette attri-
bution à cause de l'absence du nom de Chypre sur les mon-
naies : M. de Saulcy appuie son opinion sur la ressemblance
du type avec celui de la grande pièce de Jean de Brienne :
mais nous venons de voir par les sceaux que les mêmes
types peuvent avoir été en usage pendant longtemps, et
que la figure du Saint-Sépulcre avait déjà reçu sa forme
conventionnelle à l'époque de Baudouin 111 : rien ne s'op-
pose donc à ce que les deniers en question soient restitués
à Amaury 1^'. 11 me paraît plus simple d'admettre cette
attribution que de supposer que ces pièces aient été frap-
pées par Amaury II, roi de Chypre, depuis son avènement
honoraire au trône de Jérusalem, et pour l'usage seulement
de ce royaume. On s'expliquerait difficilement que dans un
même règne toutes les pièces au nom du roi de Chypre
aient disparu, et que celles au nom du roi de Jérusalem
aient été conservées en grand nombre : j'ajouterai que
parmi les deniers il en est beaucoup d'argent pur et bien
M. Laugicr. Voyez le sceau de Gui de LuBiguan appendu à un acte de 1190,
dans r/cono(;r. des sceaux et but les des Àrchiv, des Douches -du-Bhâtie , par L.
BlancnH, p. 111, I" édit., pi. 34 W«, n- 2; et II' édit.,pl. 61, n« 3.
ET DISSERTATIONS. 279
monnayé, tandis que les deniers d'Aniaury II comme ceux
de son frère et prédécesseur Guy, frappés à une époque
de grande pénurie, devaient être de cuivre presque pur.
Baudouin IV (H73-H85).
Aux deniers connus de ce roi (Saulcy, IX, 2, 3) j'ajou-
terai la maille d'argent de même type.
1. •. • BALDVINVS RG. Croix pattée.
î$ +D€ leRVSALeM. Tour David. (PI. XIII, n- 3.)
On remarquera dans les légendes de cette monnaie les
petits annelets qui décorent le B, les A et les D.
Gui de Lusignan (1185-1192).
Gomme roi de Jérusalem, on ne connaît encore de lui
que les mauvais deniers de cuivre décrits par M. de Saulcy
(IX, 4, 5).
2. + ReX GVIDO D. Tète de face.
^ + G. ieRVSAL€M. La coupole du « Temple. »
La numismatique des derniers rois titulaires de Jérusa-
lem, Conrad de Montferrat, Henri de Champagne, Amaury II,
Jean de Brienne, ne s'est enrichie d'aucune nouvelle pièce,
si ce n'est le denier au nom de Jean frappé à Damiette en
1219 *. Mais j'ai recueilli de nouveaux exemplaires de
toutes les monnaies publiées par M. de Saulcy : j'ai aussi
retrouvé les pièces frappées par Gui de Lusignan comme
roi de Chypre (1192-1194).
3. + ReX GVIDO. Étoile.
^ 4- DG CIPRO. Croix pattée cantonnée de quatre be-
* rnb]i«» par M. A. df» Bnrtln^lemy, «•«*? mtm., 1P59, t. IV, p. 371.
280 MÉMOIRES
sants. Un point secret entre le P et l'I. Billon de très-bas
titre; presque cuivre pur. (PL XIII, n' 4.)
à. + R6X GVIDO. Croix cantonnée de deux besants et
de deux croissants.
^ + D€ CIPRO. Sorte de chàtel semblable à celui du
n*" 8 de notre planche, avec une étoile dans le centre. Point
secret comme dans la pièce précédente.
L'Ue de Ciiypre n'ayant pas encore été érigée en royaume.
Gui ne pouvait se dire a roi de Chypre; » mais comme sou-
verain nominal de Jérusalem , il avait le titre royal : les
chroniqueurs l'appellent Rex Guida, Dominus Cipri : les
monnaies, on le voit, ne font pas la même distinction.
Amaurt II (1194-1206).
Les monnaies frappées à Chypre par le frère et succes-
seur de Gui de Luslgnan n'ont pas été retrouvées : j*ai
déjà, comme on Ta vu plus haut, proposé d'enlever à ce
souverain et de restituer à Amaury 1" les pièces frappées
à Jérusalem au type du Saint-Sépulcre.
Hugues 1" (1205-1218).
6. .HVGO Rex. CVPRI. Le roi debout en empereur
byzantin, le manteau relevé sur le bras gauche, tenant de
la main droite un long sceptre crucigère , et de la main
gauche un globe surmonté d'une croix byzantine à double
traverse.
^ IC. XC. Le Christ assis, avec le nimbe crucifère bénis*
sant à la manière byzantine. Or très-pâle. (PI. XIII, n* 6.)
6. HVGO... CYPRl. Mêmes types que la pièce précé-
dente : la croix du globe n*a qu'une seule traverse.
ET DISSERTATJONS. 281
^ Même revers. (PI. XIII, n» 6.)
Ces deux pièces sont des variétés du nummus scyphalm
déjà connu, frappé à Fimitation des monnaies d'or de Con-
stantinople, mais avec un alliage dans lequel l'or entre
pour une quantité à peine appréciable.
7. 4- HVGO R6X. Croix cantonnée de deux croissants,
d'un fer de lance et d'une étoile, dans un cercle de grè-
netis.
i$ + : CYPRI. Châtel. Billon. (PI. XllI, n- 7.)
8. Variété du denier précédent : la croix est cantonnée
de deux croissants et de deux annelets. (PI. XIII,
n'>8.)
Ces deux deniers sont frappés dans le système français :
on voit donc qu'il n'y a aucune comparaison à établir
entre les espèces d'argent et celles d'or : les unes sont
faites à l'imitation des monnaies indigènes, les autres sui-
vant le système des conquérants : cette observation est gé-
nérale et s'applique à tous les établissements d'outremer:
il existe même, suivant M. Lavoix, des pièces d'or frappées
par les premiers rois de Jérusalem à l'imitation des dinars
arabes. Nous verrons, par la suite de ce travail, que cette
distinction s'est maintenue pendant longtemps; je suis
même persuadé que les pièces d'or des derniers Lusignan,
si elles se retrouvent, offriront des types byzantins, tandis
que le monnayage d'argent suit les variations du mon-
nayage occidental : c'est ainsi que l'on voit les sequins de
Rhodes, de Venise, de l'ordre de Malte, les ducats de Hol-
lande, etc. , conserver jusqu'à une époque rapprochée de
nous, des types très- archaïques. Le monnayage de cuivre
proprement dit, dans les établissements croisés, a subi la
même loi : les pièces frappées par les comtes d'Édesse et
d'Antioche sont byzantines : je ne comprends pas dans cette
282 MÉ1101R£S
catégorie les deniers latins de Gui, d'Amaury, les deniers
de Tripoli, de Sidon et tant d'autres, quoique faits de cuivre
presque pur : ces pièces sont en billon de mauvais aloi,
émises pour de Targent, malgré Tabsence presque com-
plète du métal précieux.
Henri 1- (1218-1253).
9. HGiNRlCVS R€X CYPRI. Le roi debout en empereur
byzantin.
â IC-XC. Le Christ bénissant. Or pâle. Concave.
10. HeNRlCl (sic) R6X CYPRL Variété du précédent.
Hi Même revers. Or pale. (Pl.XHl, n°9.) Danslechamp»
trois points comme sur les pièces de Hugues I" ; la croix qui
surmonte le globe est tantôt à une, tantôt à deux traverses.
Je n'ai rien à ajouter aux pièces d'argent recueillies par
M. de Rozière (Saulcy, Numismatique des croisades^ pL X),
si ce n'est quelque variété sans importance : les types des
deniers et des doubles deniers sont latins : les premiers
sont presque identiques à ceux de Hugues P% les seconds
rappellent les pièces de la république de Gènes, avec la
légende HENRICVS REX.
Henri I n'était âgé que de quelques mois lorsqu'il monta
sur le trône. Pendant sa longue minorité, la régence fut
exercée par la reine mère Alix, assistée de ses deux oncles,
Philippe et Jean d'Ibelin : il est probable que selon la
coutume chypriote, il y eut des monnaies frappées au nom
des régents; elles se retrouveront quelque jour.
Hugues II (12531267).
Mort en bas âge. il n'exerça jamais en son nom la sou-
ET DISSERTATIONS. 283
veraineté royale : ses monnaies, si elles se retrouvent,
devront porter le nom de la reine Plaisance d'Antiocbe,
régente jusqu'en 1261, ou celui d'Hugues d'Antioche, qui
lui succéda dans cette fonction. Avec Hugues II s'éteignit
la branche directe des Lusignan.
Hugues III (1267-1284).
Cousin-germain du feu roi par sa mère, qui était iille
d'Hugues I", et régent du royaume, Hugues d'Antioche
monta sur le trône : il prit les nom et armes de Lusi-
gnan.
M. de Roziëre attribue à ce prince les monnaies d'or
concaves à la légende H:Rei:D....MeD'HIP (Saulcy, X, 8,
9), mais je ne puis partager son avis, par la raison que
la légende est en français comme celle des monnaies de
Henri II et de ses successeurs immédiats. Or la langue des
monnaies parait avoir suivi une loi déterminée : latine au
début, puis française, elle redevient latine sous les der-
niers Lusignan. La pièce inédite de Jean I*', qui suit, étant
latine, je pense que celles de Hugues III devaient être
dans le même cas.
Jean I" (1284-1285).
11. lOh' RfelIRLM e GYPR. Le roi debout vêtu d'une
longue robe brodée de pierreries, avec un manteau royal
bordé de perles agrafé sur l'épaule droite et relevé sur le
bras gauche , dans la main droite un sceptre dont on ne
voit que la croix, dans la gauche le globe crucigëre : la
couronne est à trois fleurons fleurdelisés. Dans le champ,
une étoile.
28/i mLmoirfs
^ IG-XC. Le Christ bénissant. Or pâle. Concave. (PI. Xlli,
n-10.)
Les types de cette rare monnaie, quoique byzantins comme
ceux des monnaies d'or précédentes, sont plus latinisés :
la couronne du roi est française, rajustement de son man-
teau moins archaïque, les traits plus réguliers. Je ne con-
nais pas de monnaies d'argent de ce prince, qui n'a régné
qu'une année.
Henri II (1286 132A).
12. b R6I DIHR GD' hIP. Le roi debout, etc. Dans le
champ, une croix pattée. Or blanc. Concave.
^ IG-XC. Le Christ bénissant. (PI. XIV, n*» l. )
18. hRei D'IRL'M GDhIP. Mêmes types. (PL XIV,
n» 2.)
M. de Rozière a publié deux pièces semblables (Saulcy, X,
8, 9), avec cette seule différence que les trois premiers
mots de la légende sont séparés par des points , et que
la marque monétaire, au lieu d'être une croix, est une
rosace.
Le roi de ces monnaies n'étant désigné que par son
initiale, il y a incertitude entre Hugues III, Henri II et
Hugues IV. J'ai écarté le premier à cause de la langue de
la légende et de la grande ressemblance qui existe entre la
tête du personnage et celle des rois Henri II et Hugues IV
sur les pièces d'argent : l'ajustement des cheveux, la forme
de la couronne sont les mêmes. Les couronnes des rois
antérieurs à Jean I" sont bien différentes : nos dessins sont
là pour le prouver : on ne peut comparer les fig. 2 et 3 de
notre planche sans être frappé de l'air de famille des deux
têtes. La difficulté commence lorsqu'il faut choisir entre
ET DISSERTATIONS. 286
les lieux derniers rois, dont les espèces d'argent sont iden-
tiques, au nom propre près, et dont les espèces d'or ont,
par conséquent, pu être semblables entre elles. Je pense,
en effet, que les scyphates à l'initiale H appartiennent aux
deux règnes, de même que les gros tournois au nom de
Philippe appartiennent iudistinctement, au premier coup
d'œil, à Philippe le Hardi, Philippe le Bel ou Philippe le
Long. Pour classer les uns et les autres, il faut avoir re-
cours aux petits détails; ici le titre des espèces ne peut
servir d indication, les monnaies étant toutes également
falsifiées, et l'or n'entrant que pour mémoire dans leur
composition; les marques monétaires pourront servir de
guide : ce sont elles qui m'ont conduit à attribuer à Henri II
les quatre pièces décrites plus haut. En effet, la croix pattée
et la rosace que j'y ai signalées se retrouvent également
sur deux des besanls d'Henri II, reproduits dans les plan-
ches de M. de Saulcy {Num. des croisades, X, 10, 12).
Les monnaies d'argent de Henri 11 sont très-connues : ce
sont des besants et des demi-besants frappés à l'imitation
des carlins ou des lis d'artjevi des princes de la maison
d'Anjou, comtes de Provence et rois de Naples. On sait que
les pièces provençales, en faveur sur toutes les côtes de la
Méditerranée, furent très-imitées, non seulement en France,
comme par un évêqne de Valence et de Die et par un
comte de Valentinois, les princes d'Orange, les dauphins de
Viennois, etc , mais encore en Orient par les rois de Chypre,
les grands-maîtres de Rhodes, et jusque par un prince
seldjoukide d'Asie Mineure, Saroukhan, émir de Magnésie '.
Sans doute le carlitio de Charles II a pu servir de modèle
1 A. de Lonjrpv'-iicr. liemr num., 180O, t. V, p. 59, et 1859, t. IV, p. 213.—
Voy. les remarques do M. Dominique Pj-omii», Rcrw num., 1830, p. 272.
1861 —4. 20
286 Ml- MOIRES
à quelques monnaies des princes de la Méditerranée; maiâ
c est surtout, je le crois, le grande abondance des gigiiati
de Robert qui a propagé le type de la figure assise. Cette
circonstance placerait après Tannée 1309, date de l'avé-
nement de Robert, les dilTérentes émissions de besants an
nom d'Henri II : elles se rapportent donc à la seconde
partie du règne de ce monarque. On sait que pendant six
ans (1304-1310) le pouvoir royal fut usurpé par Amaury,
prince de Tyr, frère du roi, qui régna avec le titre de gou-
verneur. Pendant toute cette période, la monnaie fut frap-
pée au nom de l'usurpateur et dans un système différent.
Voici une de ces pièces , que j*ai trouvée dans l'île de
Chypre.
14. Lég. ext. : AMAL.TIRENSIS.DOMINVS. (Âmalricus
Tiren$is dominvs. ) — Lég. int. : GVff NATO' E' RFTOR
CIPRI {Gubernator et rector Cipri). Lion rampant.
^ +1RLM.ET.CIPRI.REGIS.FILIVS. Écu parti de Jérn-
salem et de Lusignan , c'est-à-dire d'une part : à la croix
potencée cantonnée de quatre croisettes, et d'autre part
burelé de six pièces au lion rampant brochant sur le tout.
Cette pièce est imitée du gros tournois; de même les
monnaies d'argent de Foulques de Villaret frappées à
Rhodes (1310-1319) sont des gros\ A cette époque les
carlins n'avaient pas encore pénétré en Orient : les pièces
de Henri II, antérieures à l'usurpation d'Amaury, doivent
donc aussi être frappées dans le même système.
Le gros d'Amaury est très-intéressant : l'usurpateur
n'osant prendre le titre royal, mais pourtant désirant prou-
ver une sorte de légitimité, rappelle sa qualité de fils du
roi de Jérusalem et de Chypre, c'est-à-dire de Hugues III :
» /cet Vf tiiim., IB59, t. IV, p. 212.
ET DISSERTATIONS. 287
en même temps il frappe aux armes royales que son père,
quoique descendant indirect des Lusignan, avait adoptées.
La pièce du même personnage publiée dans la Numisma-'
tique des croisades est un peu différente ; M. de Rozière a
cm y lire le nom d*Henri; mais il n'avait entre les mains
qu'une empreinte défectueuse d'un exemplaire mai con-
servé. Je n'ai pas vu l'original, mais je crois qu'il contient,
comme le gros, la légende REGIS. IRLM E.CIPRI FILIVS :
je lis le mot FILIVS, même sur le dessin de M. Cartier
( Saulcy, Num, des crois., pi. XI, 1 ). Quant à la rare mon-
naie que je publie, elle est à fleur de coin et la lecture est
indubitable.
Henri II , remonté sur le trône en 1310,. frappa les be-
sants et demi-besants aujourd'hui si communs qui repré-
sentent d'un côté le roi assis sur un siège sans dossier,
et de l'autre la croix de Jérusalem.
Voici des monnaies du même prince, beaucoup plus rares :
15. H6NRI R(:.I D€. Roi assis sur un trône àhaut dossier,
avec la couronne et le sceptre fleurdelisés et le globe cru-
cigère.
^ + IGRVSAL'M eD'ChIPR. Lion rampant des Lusignan.
Dans le champ, trois points. Argent. Besant. (PI. XIV, n'S.)
16. Mêmes types. Demi-besant.
17. + H6îSRI:Rei:De. Croix.
^ + IRL'ro €D'ChIPR'. Lion rampant. Denier de bîUon.
(PL XIV, n» 4.)
Hugues IV (1324 — 1358).
Les monnaies d'or de ce roi, je l'ai déjà dit, devaient être
pareilles à celles de son oncle et prédécesseur. Quant aux
nombreuses monnaies d'argent frappées pendant ce règne
288- u1^:mo[ri^s
long et relativement prospère, elles «oui nl)?olument s^eiii-
blables, au nom près, à celles de Henri II Le besant au
lion est le seul qui n'ait pas été retrouvé ; mais j'ai re-
cueilli et je publie ( pi. XIV, n» 5 ) le denier au lion pa-
reil à celui de Henri II.
18. +hVGVe:R€I:De. Croix.
H) IRL'M:€D'ChIPR. Lion rampant. Billon.
Quant aux besants et demi-besants à la croix de Jéru-
salem, ils sont trop connus pour que j'aie à m'en oc-
cuper ici.
Pierre I (1858-1,^69).
Ce règne, le plus glorieux de toute la dynastie des
Lusignan, n*est représenté que par deux espèces de mon-
naies, les besants et demi-besants aux types ordinaires
(Saulcy, XI, Revue num,, 18<50, t. V, p. 37î^). La Tabrique
est un peu différente de celle des monnaies précédentes :
le roi porte tantôt un sceptre, tantôt une épée; à côté de
lui se trouve son écu chargé d*un lion rampant; la légende,
comprise entre deux grènetis, est en caractères plus mo-
dernes. Cette légende, sauf quelques variantes d'ortho-
graphe, est toujours en français et ainsi conçue :
19. + PI6RG PAR LA GRAC6 DG DIG RGI.
a +DG I6RVSALGM 6 DG ChIPRG.
Pierre II (1369. 1382).
Jusqu'à présent on classait indistinctement aux deux
Pierre les pièces à légende française que j'attribue toutes
au roi précédent: je propose de donner à PieiTe II un be-
sant de ma collection dont la légende est latine :
20. + PÔTRVS:DGI:GRA:RGX. Le roi :issis, tenant
KT DISSERTATIONS. 280
Tépée clune main et le globe crucigèrc de 1* autre; à sa
gauche, son écu.
ïç + IGRVSALP-Mre ChlPRl. Croix de Jéf usalem. Argent.
(PI. XIV. n* 6.)
Jacques 1" (1382-13P8).
Je ne connais pas de monnaies de ce prince.
Janus (1398-1432).
M. de Rozière a relevé Terreur de plusieurs historiens
qui ont confondu le nom de Jatius avec celui de Jean; il a
montré que le nom de Janus avait été donné au fils de
Jacques I" parce qu'il était né pendant la captivité de son
père à Gênes : cette opinion est confirmée par les médailles.
21. 4- lANVS PAR m D16V. Roi assis, tenant le
sceptre et le globe; à côté du trône, h gauche, écu écartelé
de Jérusalem et de Lusignan.
R ...1 D IfeRVSALeM DChlPR(7€.... Croix de Jérusalem.
Besant.
Le type de cette pièce est celui des besants des deux
Pierre : la légende du revers renfermait à la fin le titre de
roi d'Arwênie qui appartenait aux rois de Chypre de-
puis 1393. Aussi c'est à tort que M. de Rozière a attribué
à Janns la pièce figurée pi. XU. 1 (Numism. des crois., do
M. de Saulcy), qui omet le litre de roi d'Arménie, et dont
le type est absolument celui des monnaies de Jean H.
Jla^ Il (l/i32-lA58j.
Les pièces de ce roi font exception à la loi de contiuuité^
des types : elles sont frappées à l'imitation des premiers
besants de Chypre. M. de Mas-Latrie a expliqué cette ano*
200 IMÉMOIRES
malie en disant que les Génois exigeaient le payeaient du
tribut qui leur était dû en anciennes espèces, et que pour
les tromper on avait copié les monnaies de Hugues IV et
d'Henri II. Cette ingéniense explication est confirmée par
les pièces trouvées depuis qu'elle a été proposée ; presque
toutes sont faites à l'imitation des besants de Henri II ; pour
que la ressemblance fût plus complète on a été jusqu'à
supprimer le titre de roi d'Arménie ; sans la forme des let-
tres et la langue des légendes on serait tenté de les attri-
buer à Jean I" ; mais de ce côté la confusion n'est pas
possible *, les légendes sont en caractères gothiques allongés»
et même en capitale romaine de la fin du xv* siècle. Quant
à la langue, tandis que sur les monnaies antérieures on ne
voit qu'un seul idiome par règne, soit le latin, soit le ro-
man, soit le français, ici on rencontre les trois dialectes
simultanément employés.
22. 10AN:ReX:D:. Type des besants ordinaires de
Henri II. Dans le champ, un objet indéterminé.
$ + leRVSAL'MieiDrChlPRG. Croix de Jérusalem. Ar-
gent. (PL XIV, n» 7.)
23. Mêmes types. IOHANSG;DGI GRA.
Rj + HIRLM:f:T:ClPRI R6X en lettres romaines.
24. Mêmes types. iGhAN ROI.
f^ -1-IGRVSALGMD'hlPRG.
25. Mêmes types. IGhANRGlD.
^ +IGRVSAL6M 6D ChlPR.
26. Mêmes types. 1 AN R...
^ PAR LA GRAC6 D6 1)16. Demi-besant, variété de la
pièce reproduite dans Touvrage de M. de Saulcy (XII, 1) et
qui porte réellement IHN PA+R LA GRAC6 D6 Die ROI.
La pièce suivante se rapproche plus des pièces du temps,
c'est-à-dire des monnaies de Janus.
ET DISSERTATIONS. 20l
27. + IGhAN PAR-LA.GRACe.DG.I)l€V. Le roi assis
avec le sceptre et le globe ; à gaucbe du trône, Técu chargé
du lion rampant.
â +W: lÊRVSALeM.f: UG ChlPae. Croix de Jérusalem.
Besant.
Louis DE Savoie (1&58-1A63).
Ce prince, devenu roi de Chypre par son mariage avee
Charlotte, fille de Jean II» reprit le type complet des Pierre
et desJanus» c'est-à-dire le roi sur un trône à dossier avec
Técu des Lusignaii, et la légende entre deux grènetis : la
langue latine est la seule qu'il ait employée.
28. +LVDOV GRAClA.RdX. Type décrit.
ii + leRVSALGM ClPRl GT ARMGNie. Argent (PI. XIV,
n* 8.)
M. A. de Barthélémy a publié dans cette Revue^ deux
pièces de Louis de Savoie sans écu : ces pièces grossière-
ment frappées appartiennent sans doute à Tépoque des
luttes malheureuses soutenues par le roi contre son beau-
frère naturel Jacques, qui devait lui succéder.
Jacques II (14ôO-lâ73).
On recueille en grande quantité dans Tlle de Chypre^
les pièces de cuivre frappées par Jacques U « avec les
chaudrons d'airain qui estoient aux baings publics. » Les
planches de M. de Saulcy en reproduisent un certain nom-
bre; d'autres variétés, sans grande importance, ne méri-
« Tome Vil, p. a09. — Dans ce travail, très-bon d'aiileurs», notre savant
collaborateur émet sur la langue de» légendes et la présence de reçu, quel-
ques ûbscrtions qu'il n'aurait pas maintenues s'il avait pu counaltre lo» pièces
qnc nous publions aujourd'hui.
202 a; 1 MOIRES
tent pas d'être décrites. Mais on a trouvé en outre de fort
belles pièces d'argent émises sous l'influence italienne qui
chaque jour grandissait dans le royaume, et s'augmenta
encore par le mariage du roi avec la vénitienne Catherine
Coraaro.
29. :IA:GOBO:DGI:G:. Le roi à cheval; à droite, cou-
ronné, l'épée à la main. Sous la tête du cheval, R.
fti +:R:I6RVSALGM:CIPm:eT:A: (Armeniœ). Croix de
Jérusalem couverte de stries parallèles. (PI. XIV, n*9.)
30. Même type. lACOB.Dil.GRA
H R.lGRVS.CIPRl.tT.ARM...
31. lACOB D6I.G.R. Tête du roi de prolil, à gauche,
couronnée.
^ +R.ieRVS.CIPRI.eT.ARMlA. Croix de Jérusalem.
Ces pièces sont imitées des monnaies frappées à Naples
par les rois aragonais\ La dernière ressemble beaucoup
au coronato de Terdinancl 1" (1458-lâPâ). On sait que
l'usage de placer des eiligies sur la monnaie n'a jamais
cessé complètement d'exister pendant le moyen âge. Après
les carlovingiens, les souverains d'Allemagne, d'Angleterre,
d'Espagne, de Naples se sont fait représenter sur leurs
monnaies, chacun d'une manière particulière. Quant au
testone, par exemple, adopté par Jean Galéaz Visconti, duc
de Milan en Italie, et comte de Vertus en France (1305-
1402)*, il passa à son arrière-petit-fds, Louis d'Orléans,
alors seigneur d'Asti (1465), qui l'importa en France lors-
qu'il monta sur le trône sous le nom de Louis XU.
Mais c'est au coronato de tapies qui avait succédé au
gigUato ou lys d' argent, qu'il faut comptuer la monnaie n* 31 ,
* Vergara, Monete del regno rfi AVj/ïo/i, édit. do 1715, tHh. XXIU, p. 71, _
Mader, Kritisch» Beytmje fur J/unsk,, t. V, pi. 4.
• A. do Longpéricr, Hciuf ni/w., 1859, t. IV, p. 391.
ET DlSSERTATiO^S. 293
tandis que le type du roi à cheval , parait emprunté au
cavallotlo de l'Italie septentrionale. La croix ombrée du re-
vers de toutes ces pièces apparaît pour la première fois sur
des monnaies de Ferdinand de Naples. On voit par tout ce
qui précède que la numismatique chypriote suit avec une
grande fidélité les variations de la numismatique occidentale.
Catherine Cornaro et Jacques 111 (1 473-1 â7o).
M. de Mas-Latrie avait attribué à la régence de Catherine
une pièce de cuivre (Saulcy, Xll, 15) que M. de Rozière a
justement restituée à Jacques 11 : mais voici un écu d'ar-
gent qui appartient incontestablement à la régente et dont
j*ai rencontré en Chypre plusieurs exemplaires :
32. CAT.D G.R.... Écu écartelé de Jérusalem et de Lu-
signan.
^ lACOB'.D.G A.r. Croix de Jérusalem.
Cette pièce a été nécessairement émise pendant les deux
années de la vie éphémère de Jacques III. Catherine régna
encore après la mort de son fils jusqu'en 1489 : on D*a pas
de monnaies de cette période. A cette époque elle céda le
royaume de Chypre à la république de Venise qui battit
monnaie dans file au nom de ses doges jusqu'à ce que la
prise de Famagouste (juin 1571) ait définitivement fait
passer le pays sous la domination ottomane.
M. DE Vogué.
i9h MKMOIRK.S
DES MaNNAIES
FRAPPÉES DANS LES DEUX SICILES, AU XIII» SIÈCLE,
. PAR LES SUZERAINS DE PROVENGE.
I>euxième article. — Voir p. 212.
III.
Deniers de Frédéric II.
Si la monnaie d'or de Sicile était, au xiii* siècle, malgré-
son titre peu élevé, recherchée avec empressement parles
marchands de Provence et notamment de Marseille, il n'eu
était pas de même de la monnaie d'argent de cette île. En
effet, Frédéric II avait inondé tous les marchands de de-
niers d'un titre si faible qu'ils avaient valu à ce prince,
d'après des témoignages contemporains, le surnom de faux
monnayeur : « Sed alios nummos (nummos argentées) de-
« terioris materiœ, îmmo falsos, Fridericns II procudisse
« dicitur in vitaGregorii IX, papae (tom. III, Rer. /talicar.^
(1 p. 58A). En verba: Noim moneLv faharius^ dum œra
« cudit diverso characlere argenti tenui superinducta cuti-
(( cula. })
Le chroniqueur a raison. Nous lisons dans un document
officiel et authentique du Formulaire de la chancellerie de
Naples (recueil souvent cité ici d'ordonnances des rois de
ET DISSERTATIONS. 296
Sicile), que Frédéric II fit en ce royaume cinq émissions de
deniers. La première fut au titre de 1/& d'argent fin ; la
deuxième, au titre de 1/6; la troisième, au titre de 1/8; on voit
que le prince devenait de plus en plus habile négociant. A
chaque émission, le titre change, mais de telle façon que le
bénéfice du prince augmente. II est vrai d'ajouter que,
mercantilement, Frédéric ne pouvait plus faire accepter ses
deniers de 1/8 d'argent au prix de ceux de 1/4, mais il trou-
vait des accommodements soit avec ses scrupules, soit avec
les exigences du commerce. Ainsi, tandis que pour 1 tarin
d'or il donnait d'abord 16 deniers, lors de la première
émission, il en porta le nombre successivement à 18 à la
deuxième émission, et à 20 à la troisième. Ses bénéfices
furent considérables. L'auteur du document officiel auquel
nous empruntons ces citations, quelque maître rational,
sans doute, a soin de nous les faire exactement connaître ^
La première émission de deniers, dit-il, fut d'une valeur
de 6,000 onces d'or; on en distribua et l'on en échangea
contre de l'or pour A, 600 onces, et ces opérations donnè-
rent un bénéfice de 1,300 onces d'or (valeur intrinsèque :
81,260 francs).
Les bénéfices des opérations suivantes furent plus fortes :
1,600 onces d'or, à la suite de la deuxième émission.
3,300 onces d'or, après la troisième.
Les quatrième et cinquième émissions eurent lieu au titre,
l'une de 1/12, l'autre de 1/16 d'argent*. De la monnaie
d'argent à 1/16, d'argent et 15/16 de cuivre!! Il y avait
vraiment là matière à calomnier Frédéric et à le qualifier
de faux monnayeur!
* Voir aux pièces jiisti ficutiv es le document n* IV,
• Le manuscrit se tromp<»: le lihe de la cinquième «niisaiou n'cbt pus à 1/20,
mais à 1/16.
2^ MÉMOIRES
Le maître ratioiial trouve la chose toute naturelle, et pas
un mot pour la juger. Ce u*était pas sou droit ; et puis les
premières émissions devaient lui faire trouver les dernières
fort rationnelles et fort logiques.
La somme des bénéfices de ces deux dernières affaires
fut de pins de 3,400 onces d*or.
Le document contient en outre des notions très-satisfai-
santes sur les prix de revient de la fabrication de cette
monnaie d'argent et sur les prix de convention fixées par
ordonnance de l'Empereur.
Je ne citerai que deux extraits, ayant trait aux émissions
extrêmes.
Tout d'abord, quand on fabriqua des espèces d^argeut
au titre de 1/â d'argent, la livre de poids coûta à la Cour,
de façon et d'achat de l'argent et du métal d'alliage
(cuivre), 15 tarins d'or et 1 grain. A ce compte, 1 tarin
d'or produisait 23 deniers 1/2. L'Empereur fit l'émission à
16 deniers seulement en échange d'un tarin d'or. Par cha-
que tarin d'or, il y eut donc 7 deniers 1/2 de bénéfice net.
Plus tard, lors de la fabrication au titre dérisoire de 1/16
d'argent et 15/16 de cuivre, l'achat de ces deux métaux et
la façon coûtèrent, par livre de poids, 5 tarins. Chaque
tarin représeiit^iit donc intrinsèquement 6 sous. Le béné-
fice fui, en cette occasion, un véritable vol, car, des 6 sous,
l'Empereur en garda h et I denier pour lui, et il émit sa
monnaie à raison de 23 deniers en échange du tarin d'or.
11 y eut, après le départ de l'Empereur et par son ordre
une nouvelle émission de monnaies cYargent. C'est la der-
nière que mentionne notre document. Elle se fit par les
soins de personnages dont l'acte ne rapporte pas les noms«
mais qu'il qualifie de seigneurs, qu'ils fussent princes ou
commissaires impériaux.
ET DISSKKTATIONS. 297
11 semblait que Frédéric avait atteint les dernières li-
mites de Tarbîtrairc et du supportable, sinon du licite, en
matière d'absolutisme monétaire. 11 n'en fut pourtant pas
ainsi, et ses représentants parvinrent, en allant plus loin,
à fonder solidement la réputation de faux monnayage de
leur chef.
Cette sixième émission de monnaies d'argent fut faite au
titre de 7/360 d'argent et de 353/360 de cuivre. La livre de
poids ne coûta d'achat d'argent et de cuivre, et de façon de
monnaies que 1 tarin 3/4. Chaque tarin produisit donc
20 sous! et pourtant en échange de ce tarin qui valait
20 sous, on ne livra au peuple que.... 2 sous!
Il y eut donc 18 sous de bénéfice net par tarin !
La valeur intrinsèque du tarin d*or était 2^',08. On lui
donnait en échange 0'',20!
Voici le tableau comparatif de la valeur réelle et de la
valeur convenue que Frédéric attribua ou fit successive-
ment attribuer au sou de xii deniers ;
Taleir ri^llc TaUir •ri—**
tflSM. d« IM.
fr. c. ff. c.
Première t'iriission 1,00 1,53
Pouxième émisRion 0,92 1,.36
Troisième émission 0,55 1,02
Quatrième t*mi-sit»ii 0,44 1,02
riiiquième émission 0 34 0,K9
Sixième émission O.IO 1,04
La différence entre ces deux valeurs constitua le bénéfice
net du gouvernement sicilien sur chaque sou émis.
298 M^.MOlRllS
IV.
Des carlins d'or fi d'argent,
S I. Du carlin d'or. — Cette très-jolie monnaie, connue
aujourd'hui sous le nom de salut d'or que ne lui donnent
jamais les textes du temps, a succédé en 1278 à Taugns-
taie de Charles I". En cette année Charles 1*' chargea
François Formica de Florence de cette nouvelle fabrication
qui eut lieu à Naples\ Le florentin apporta dans son œuvre
les bonnes traditions monétaires de sa ville natale. Aussi le
carlin d'or est-il d'un or aussi pur que le florin, c'est-à-dire
à 24 carats de titre.
Sa valeur était du quart de Fonce. On donnait indiffé-
remment pour une once d'or, h carlins ou h augustales
d'or. J'en trouve la preuve dans un mandat d'assignation
royale émané de la chambre des comptes de Charles I**. En
voici le texte : « De caméra nostra fecimus assignari vide-
licet... in karolenses auri et augustales, uncias cj^xsv ad
rationem de is karolenses et augustales (sic) perunciam^. »
Mais rarement on payait en carlins d'or des sommes
exprimées en onces. Je n'ai trouvé qu'un seul exemple de
pareil payement dans les trois volumes du Syllabus; c*est
une autorisation donnée par le Roi, le 2A juin 1308, au
* «< Qncmdam Franciscum Formicani de Florentia super opère nove monete
aari que de mandato oostro fit et cud*tur in Castro Capnano de Neapoli ,
duximus statoendum. »» ( Ej arch. reg, Neap., ex reg. 1278 A, f» 97 et
M27.)
« Ejc arch. reg, Ntap., ex reg. tignnto 1280 C, f» 43, cd, ap. Syllab., t. III ,
f 206.
LT DISSERTATIOXS. 299
connétable de Saint-Séverin, de rembourser au trésor
une certaine somme d'onces en monnaies d'or carolines, à
raison de à carlins par once*.
Le poids du carlin d'or est actuellement de 4*', 40 en
moyenne; il faut y joindre le 1/100 de ce chiffre, enlevé
par Tusure, pour obtenir le poids vrai de rémission. On a
donc 4*^,44, qui, multipliés par 4, produisent 17«',76 d'or
pur. C'est bien là la valeur réellement équivalente d'une
once d'or.
On frappa aussi des demi-carlins d'or. Le cabinet de
Marseille en possède un exemplaire qui est, si je ne me
trompe, le seul connu. 11 pèse 2«',20, et a été publié dans
la Revue numismatique de 1862, p. 279, pi. XI, n"" 2.
Les carlins d'or au salut ne furent frappés que sous
Charles !•' et son fils Charles II. (Voy. Rev. wtim., 1860,
p. 47 et pi. II, n*» 5.)
m
S 2. Du carlin d'argent. — Cette monnaie (vulgairement
appelée salut d'argent) aux type et légende du carlin d'or
a été également émise pour la première fois sous la direc-
tion de François Formica, et dans l'atelier monétaire de
Naples.
Les lettres patentes par lesquelles Charles I" en ordonna
la fabrication donnent des détails sur le module du carlin
et de la maille ou demi-carlin d'argent et sur les propor-
tions de leur émission. Le carlin d'argent, y est-il dit, doit
être d'une circonférence un peu plus grande que celle du
carlin d'or, et la maille d'argent un peu plus large que le
demi-carlin d'or*.
• Ibid , fasc. 55, n* 9.
* Voir le texte de cette ordonnance aux pièce? justificatives n» V.
302 MÉMOIRES
C'est à peine s'ils donnaient une once en échange de 80 de
ces pièces, et ce cours abusif n'empêchait pas les carlins
d'affluer chez eux et de s'y convertir en lingots qui pre-
naient le chemin de la prime étrangère.
La nouvelle ordonnance mit ordre à ce fâcheux état de
choses, et le carlin remonta légalement à 10 grams, et valut
ainsi la 60* partie de l'once. C'était là le taux normal du
carlin. C'est aussi celui qui s'est le plus longtemps main-
tenu, et cela devait être, car la monnaie usuelle de tout un
royaume ne pouvait pas être soumise aux fluctuations im-
posées par les marchands et les spéculateurs, fluctuations,
du reste, sans cause réelle. Je puis émettre cette opinion
non-seulement parce que les analyses chimiques de quel-
ques-unes de ces pièces m'ont toujours donné le même titre
(11 deniers, 1 obole), et les pesées le même poids (à quel-
ques centigrammes près, à la condition d'une bonne con-
servation), mais parce que toutes les ordonnances assignent
au carlin un poids minimum de 3 tarins, 1& grains 1/2 (elles
toléraient avec raison que le poids de l'émission eût perdu
im demi-grain par le fait de l'usure) , et qu'à la fin de 1301
Charles 11 affirme que depuis l'époque de sa fabrication,
sous Charles P', le carlin n'a jamais varié de titre.
En 1 302 il y eut une nouvelle émission de carlins {au
salut). Ce fut la dernière. Elle eut lieu au cours de 60 car-
lins par once. Par conséquent les anciens poids et titres
furent conservés. A cette occasion, les carlins vieux éprou-
vèrent une baisse. Ils ne valurent plus d'abord que 1/75,
puis 1/76 de l'once. J'en trouve la preuve :
l*" Dans une autorisation donnée par le Roi à son justi-
cier de la Terre de Labour de payer au trésor 115 onces en
carlins vieux à raison de 75 par once, et 35 onces en car-
lins neufs à raison de 60 par once. 19 mars 1303.
ET DISSERTATIONS. 303
2'' Dans une déclaration faite par le Roi au même justi-
cier que désormais les carlins vieux ne doivent plus avoir
qu'une valeur de 8 grains. & janvier 1303 \
3» Dans l'envoi par le Roi à ses justiciers d'une certaine
somme de carlins neufs à distribuer au peuple h raison de
60 par once, avec ordre de réduire à 8 grains le cours des
carlins vieux. Même date '.
à* Dans un ordre adressé par le Roi au justicier de la
Basilicate d'exiger désormais 76 carlins vieux pour 1 once
d'or. 16 juillet 1303'.
5» Dans un mandement de même signification et de
même date *•
< Voici le U^xte de cette déclaration, d'après le Syllabus memb., t. III,
p. 88:
M Scriptum est eidem justîtiario, etc. Per consilia deliberata provisio proutad
te credimus pervenissef quod nova argent! moneta firmiyaloris et pretii cudatur
in regno de cetero expendenda, cessante priori, statuimos at ne prior ipsa mo-
neta videlicet caroleni argentei que , alia snperveniente nova^ cèdent in nsn et
forma solita expendenda prêter justum et debitum fortasse vilescant^ expen-
dantnr et recipiantnr in antea tam pro Curia et per Curiam nostram qnam
pro privatis et per privatos singnlos regni nostri ad rationem do granîs viij
per qnemlibet eommdem. Tue itaquc fîdolitati mandamus ut, statim rcceptis
prescntibns, per singulas terras et loca décrète tibi provincio divalgari hoc
pnplice facias et efficaciter observari, provifto quod tn ab eo die in antea usqne
in qnem illam recepisti peouniam quam ad aliud mandatnm nostnim atl
nostram habuisti Cameram destinare, carolenses ipsos veteres non aliter quam
pro pranis viij pro Curia nostra recipias et expondas. Datum apud Tarrim
Sancti Herasmi prope Capuam, per Bartholomeum deCapun, etc., die iiij ja-
nuarii prime indictionis. >*
( Arch. reg. Seap. , ex rt»g. sign. 1302 F, fol. 179.)
* Les analyses de ces documents sont au Syllabuty t. III, p. 88.
^ Même recueil, p. 92, t. III.
^ m Tiic Bdelitati firmiter t>t expresse precipimus quatenns omnem fiscale m
pccnniam qnnm in karolcnsibu» nrgc'nti vcteribns te rocolligcro et reciperc
pro Curie noî^tn; parte contingot nd rationem de Ixxvj knrolensibnn ipsis pro
30& MÉMOIRES
6* Dans une autorisation royale pour J. de Busca, de
payer un certain nombre d'onces au trésor, en versant soit
des carlins neufs à raison de 60 par once, soit des carlins
vieux à raison de 76. & décembre 1303 \
C'est peu après cette année que furent, pour la première
fois, frappés les gillats [gigliati, lis) , ou carlins de majesté
(ainsi nommés parce que le roi y est représenté assis sur son
trône) , qui ont été presque simultanément émis en Provence
et à Naples avec les mêmes types, mais avec quelque diffé-
rence dans les légendes.
Je n'ai pas à m'occuper ici des gillats de Sicile. Si j'ai
traité des carlins au salut de Charles II, c'est qu'ils étaient
une imitation et une continuation de ceux de Charles I*'.
Mais les gillats n'ont paru que dans les dernières années
de Charles II. J'en parlerai autre part.
Les carlins de 1302 purent faire place à la nouvelle mon-
naie d'argent, mais ils ne paraissent pas avoir perdu de
leur valeur; car en 1309, le maître des ports, forêts et ga-
belles du royaume de Naples affermait les revenus de l'État
en indiquant encore le change de 60 carlins vieux par once *.
Les demi-carlins sont plus rares que les carlins dans les
collections publiques et particulières de France. L'ordon-
nance de 1278 nous apprend en effet que l'émission de ces
fractions fut alors quatre fois moins forte que celle de
leurs unités monétaires.
qaalibet uncia , juxta ordinationcm Curie inde factam^ exigas et recîpiis a
qnibuscumquc illani solventibus, et non ultra, etc. »
{Ex Arch. reg. Neap., reg. 1302 F, fol. 215 à t».— Ap. Sy/2a6.,
fol. 92, t. III.)
Ce texte prouve qu'il y avait une ordonnance de la cour royale qui avaH
fixé légalement le change de carlins vieux à 76 par once.
« Môme recueil, p. 97, t. III.
» I-es analyses do trois de ces baux h ferme sont au Syllab., t. Ht, p. 187.
ET DISSERTATIONS. 305
PIECES JUSTIFICATIVES.
IV. Demoneta denariorum [Frederici II].
. § 1. Tenula de argento fino^ unciarum iij. — Quando
Imperator (Fridericus II) venit in Regnum, fecit monetatn
denariorum continentem :
Pro qtAalibel libra ponderis^ — uncias iij de argento puro. —
Et libra ipsa (ponderis) continebat, in numéro, sol. XXX. —
Et qualibet libra (ponderis) constabat Curie, inter argentum,
erem (sic) et laboraturam» — lar. XV et gran. Vil, sicui
coBStaban t ipsi denarii , pro quolibet tareno, den . XXIII i /2.
Et dominus Imperator faciebat distribuere monetam
ipsam per Regnum^ juxta voluntatem hominum, ana de-
narios XVI, pro tareno auri uno, que accidunt libre ij
denariorum ipsorum pro uncia una, — fere uncias v" et
habebat de lucro de distributione îpsarum unciarum iii"
minus ii^ et lucrabatur de cambio ipsius monete fere un-
ciarum M, iiii^, et sic erat totum lucrum : unciarum MCGC.
S 2. Tenula de argento fino, unciarum ij. — Item post
fecit monetam unciarum ij pro qualibet libra. Ipsa
continebat in numéro solidos triginta. Constabat Curie
nostre — [inter] — argentum, erem et laboratura, — qua-
libet libra, — tarenos xiij et médium ; — veniebant pro qua-
libet tareno denarii xxvj et dimidius*, — et Dominus Im-
perator faciebat distribuere monetam per Regnum, videlicet
a Porta Roseti citra, juxta voluntatem hominum, ana de-
narios decem et octo pro lareno auri tino, quod (sic pro que)
* Lu mannscrit porte par erreur iiij au lieu de xxrj 1/2.
•H06 MÉMOIRES
accidunt libre ij et v ' solidi pro qualibet uDcia, — fere
uncias v"*, ethabebat de lucro pro distribuere ipsas un-
cias iiîj^, et de cambio ipsius monete unciarum auri iîîj", v^'
— et sic erat totum lucrum, in summa, unciarum M, vj^ *.
S 8. Tenuta de argento puro^ uncie 1 1/2. — Item,
post, fecit laborare [ monetam ] continentem pro qualibet
libra, de argento puro , unciam unam et mediam et libra
ipsa continebat in medio numéro solidos xxx, et consta-
bat Curie , in argentum , erem et iaboraturam , qualibet
libra tarenos viij» que veniebant, pro quolibet tareno,
solidi iij, denarii viij; et dictus Imperator faciebat distri-
buere monetam ipsam per Regnum, videlicet a porta Roseti
citra, juxta voluntatem hominum, — ana denarii xx pro
tareno, quod accidit libre ij et solidi x per unciam, — fere
uncias vi", et habebat de lucro de distributions ipsa un-
ciarum iiij", v^ et lucrabatur de cambio unciarum t^, et
sic erat totum lucrum unciarum iij", iij^ '.
S à. Tenuta , de argento finot uncie untus. — Item ,
post» fecit laborare monetam continentem, pro qualibet
libra, de argento unciam j et grannnu — Et libra
ipsa continebat in numéro solidi (sic) xxx et constabat Cu-
rie — inter argentum et erem et Iaboraturam, — quolibet
libra, tarenos vj 1/2 ; — que veniebant pro quolibet tareno,
solidi iiij et denarii vij,et dominus Imperator faciebat dis-
tribuere monetam ipsam per Regnum, a porta Roseti citra,
juxta voluntatem hominum, — ana denarii [xx] pro tareno
* Le manuscrit a oublié le quantum des sou».
* I^ manuscrit porte par «rreur vjc,
* Lo manuscrit porte par erreur v^.
* Lo manuscrit porto par erreur iiij". v<'-.
" L«» manuscrit porte par erreur v<^.
ET DISSERTATIONS. 307
uno, quod accidunt libre ij, solidi x pro uncia, — fere un-
cias iij" et habebant de lucro , de distributione ipsa un-
ciarum M, ix*^ et lucrabatur de cambio unciarum vi^ et sic
erat totum in summa [lucrum] unciarum M et v^.
§ 5. Tenuta, de argento fino^ tarenorum xxij 1/2 *. —
Item, post, fecit laborare monetam continentem pro qua-
libet libra, de argento puro unciam unam ; — et libra con-
tinebat in numéro solidi (sic pro solidos) xxx, et constabat
Curie, inter argentum et erem et laboraturam, qualibet libra
tarenos v ; que veniebat, pro quolibet tareno solidi[s] vj. —
Et faciebat Dominus Imperator distribuere monetam ipsam
per Regnum, videlicet a porta Roseti citra, juxta volun-
tatem hominum, — ana denarii xxiij pro tareno j, quod acci-
dunt libre iij per unciam, fere uncias xv"*; — et habebat
de lucro de • distributione ipsa unciarum vij" iij^, et de
cambio lucrabatur unciarum fere v". Et sic erat totum lu-
crum, in summa [plus] unciarum viij".
S 6. Tenula , de argento puro , tarenorum vij. —
Item, post Dominum Imperatorem, alii domini fecerunt
monetam continentem, pro qualibet libra de argento puro,
tarenos vij. — Et libra continebat in numéro xxxv solides,
et constabat Curie, inter argentum et erem et laboraturam,
tarenum j et xv* granos, qualibet libra, — que veniebat
pro quolibet tareno soldi[s] xx. — Et ipsi domini faciebant
distribui monetam ipsam per Regnum , videlicet : a porta
Roseti citra, juxta voluntatem hominum, ana denarii xxiiij
^ Le mannserit porte par erreur tarenorum vij au lieu do tarenortm xsij 1/2.
• Par erreur, le manuscrit porte x* au lieu do xv".
• Par erreur^ le manuscrit porto et au lieu de de.
• Par erreur, le manuscrit porte v au lieu de xv.
308 MKMOIRKS
pro tareno j, quod accidunt libre iij pro uncia, — fere duo-
(lecim millibus [unciisj et Iiabebat de lucro de distributione
uncianim xij" ij^. Et de cambio lucrabatur uDciaram
viij^ — summa [totius lucri) uncianim, vi".
(Formulaire d'ordonnances à l'usage des Rois de
Sicile, Archives des Bouches-du-Rliône « sé-
rie B,n« 269, f* 65 V).
V. Charles I" ordonne la fabrication de carlins et de niaiites
ou demi-carlins d'argent.
Karolus, etc....,
Angelo de Vico, etc.,
De fide, prudencia et legalitate tua plenain fiduciam ob-
tinentes, Te magistrum sicle nostre argent! castri nostri
capuanensis de Neapoli usque ad nostrum beoeplacitum,
Duximus statuendum, tue fidelitati mandantes quod îpsum
officium ad honorem et fidelitatem nostram diligenter et
fideliter exercendo, — de argento assignato et assignando
tibi per thesaurarios Camere nostre castri Salvatoris ad
mare de Neapoli, vel quoscumque alios de mandato nostrOt
continue laborari et cudi facias monetam novam nostram
carolensium argenti et medalearum ipsorum, que sunt me-
diformes et tenute illius que tibi per alias nostras litteras
declarantur, et sint ponderis infrascripti, videlicet quilibet
ipsorum carolensium vel due medalee pondèrent très ta-
renos et grana xv, ad pondus Curie générale, — ita quod
singuli octo ipsorum karolensium, vel sedecim medalee
pondèrent unciam auri unam de libra ad idem générale
pondus. — Et omnes karolenses et medalee ipst sint bene
aflilati et karolenses ipsi sint illius cunei cujus sunt aut
esse debent alii carolenses argenti laborati et facti per te»
ET DISSERTATIONS. 300
de mandato nostro in sida predicta et medalea ipsorum sit
quantitatis, forme et cunei illius et illius ponderis et tenute
cujus esse debent proporcionaliter pro quantitate carolensis
argent!, — ita quod medalea ipsa sit minor carolensi auri
et major quam medalea carolensis auri^ — et de singulis
octo marris argenti facias laborari in carolensibus marcas
septem et in predictis medaleis marcam unam.
Super cujus argenti proba facienda et extrahenda esse
volumus Philippum Soladinum de Messana quem ad hoc,
usque ad nostrum beneplacitum, duximus ordinandum.
Et quia tu et Franciscus Formica, una cum Philippe et
Jacobo Soladino, fratre ejus, ac quibusdam aliis de fide-
libus nostris in hiis expertis, coram Majestate Nostra pré-
sentes extima^is, asseruistis et dixistis necessaria ac sufTi-
ciencia esse grana auri x ad plus, — tam pro expensis om-
nibus faciendis in fudenda, laboranda et cudenda qualibet
marca argenti in ipsis carolensibus et medaleis, quam pro
exfrido ipsius, — Volumus et Mandamus quod expensas
Imjus modi propter ea in omnibus oportunas et pro exfrido
predicto, — ad racionem predictam — tantum facere de-
beas ad plus et ad utilitatem Curie nostre computes, nec
plus in tuo computo admictatur ; — et si minores expensas
propter ea facere poteris, illas minores facias et utilitatem
Curie nostre in hiis quantumcumque plus fieri poterit
studetis procurare, ut ex affectu operis tuam solerciam et
diligenciam sciamus et videanms, et te juxta ipsius effica-
ciam commendemus.
Ad majorem tamen Curie cautelam, Volumus quod omnes
cunei cum quibus cudentur predicti carolenses et medalee^
statim quod cusi fuerint, reponantur et serventur in pre-
dicto Castro capuani, donec, pro cudenda moneta ipsa,
oportuni fuerint, in una archa que liabeat très claves,
310 MÉMOIRES
quarum unam, dicti thesaurariî, — aliam, predictus Phi-
lippus custodiant — et terda remaneatur pênes te. In qua
eciam arcba, omnes ipsi carolenses et medalee sicut suc-
cessive cudentur et fient, et reponantur et conserventur,
quousque per predictum Philippum fiât proba et assa-
gium; quibus factis, totam qnantitatem ipsorum carolen-
sium et medalearum quam successive cusam babebis, pre-
dictis tbesaurariis assignare procures, ut per ipsos de
moneta ipsa utilitas Curie nostre procuretur, — facturas
dictis tbesaurariis, de biis que tibi assignaverunt et recep-
turus de biis que ipsis assignanda duxeris, apodixas ydo-
neas ad cautelam. Quantitatem autem argenti quam ab
eisdem tbesaurariis recepisti, et recipies successive, cum
quantitate que in biis carolensibus et medSieis de die in
diemcusa fuerint et expensas omnes quas propter ea fece-
ris et ad quam racionem et quantitatem totam predictoram
carolensium et medaliarum quam eisdem tbesaurariis assi-
gnaveris in quaterno reddigi facias particulariter et dis-
tincte, cujus transumptum, quolibet mense donec in par-
tibus Terre laboris et Principatus et singulis tribus partibus
quousque in Apulia, duce Deo, fuerimus, sub sigillo tuo
celsitudini nostre mictas.
Datum, etc.... {sic).
(Arcb. dép. des B.-du-Rh., B, 269. Formulaire des or-
donnances des Rois de Sicile. Cbarles I*', fol. 9 v* et 1 0 v*) .
VI. Charles lijixe à 60 par once le change des carlins (Tun poids
minimum de 3 tarins^ 14 grains 1/2, et à 66 par once^ le
change des carlins d'un poids moindre, — 5 août 1300.
Rarolus secundus, Dei gratia, Rex Jérusalem et Sicilie,
Ducatus Apulie et Principatus Capue, Provincie et Forcal-
querii Cornes,
ET DISSERTATIONS. 311
Justitiârio Principatus citra serras MoDtorii fideli suo,
gratiam et bonam voluntatem.
GomiEUDe bonum nostrorumque fidelium advertentes
super expendendis caroleosibus argenti, — quorum cursus
hue usque per refragationes varias extitit multipliciler
impeditus, ex quo negotia rerumque commercia prepedia
plurima Curia nostra nostrique fidèles incomoda grayia
sensisse noscuntur, — ut cursus îpsorum carolensiuin in-
tegretur absque nostro et nostrorum dispendio subjectorum*
edicto présent! valituro in posterum, cassatis aliis dudum
per Curiam nostrain factis, consulta deliberatione duxi-
mus statuendum quod carolenses argenti tam novi quam
veteres^ quorum quilibet $U ponderis tarenorum III ^ grano^
rum XIV 1/2 ad minus^ — ad ralionem de LX per unciam;
et alii minoris ponderis existentes^ ad rationem de LXVI per
undam (dummodo non înveniantur hominis ingenio frau*
dolenter incisi vel aliter dimiuuti) ubique per Regnum
communiter expendantur et si aliquis contrahens, ex quo-
cumque contractu, dictos carolenses novos vel veteres dicti
ponderis tarenorum iij, granorum xiv et 1/2 et alios minoris
ponderis, ad raciones predictas refutare presumpserit, —
ab uncia una infra, taliter refutata» ad penam tarenorum
auri sex, — et si eamdem summam excederet, pro qualibet
uncia sîmiliter refutata, tarenos auri vj solvere teneatur,
fisci nostri commodis applicandos.
Statuimus insuper quod nulli de Regno vel exteri, cujus
cumque status et conditionis existant, de regno ipso caro-
lenses argenteos extrahere quoquomodo présumant, nisi
tantum pro expensis eis necessariis usque ad locum quo
per sacramenta eorum magistris seu custodibus passuum
dicti Regni prestanda que per îpsos recipi volumus ab eis-
dem dixerint se ituros.
312 MÉMOIRES
Si vero contra bujusmodi inhibitionem nostram quisquis
extrahere carolenses ipsos de predicto Regno presumet,
illos quos sic deferet carolenses amittat nostre Curie ap-
plicandos.
Quocirca fidelitati tue sub obtentu gratie nostre districte,
precipimus quatenus statim receptis presentibus , predicta
statuta nostra per terras famosas juridictionis tue publiée
facias divulgari ut nullus ignorantie causam pretendat,
mandans et faciens ipsa inibi tenaciter observari, penam
predictam pro parte nostre Curie ab hiis qui in eam incide-
rint exacturus ad nostram cameram destinandam, facturHS
fieri de publicatione statutorum bujusmodi cum forma pre-
sentium publica instrumenta magistris rationalibus magne
nostre Curie Neapoli residentibus destinanda et nihilominus
de die receptionis presentium nobis et dictis magistris ra-
tionalibus tuas mittas litteras responsales.
Datum Neapoli per magistros rationales magne Curie
nostre, anno Domini MCCC, die v augusti, xiij* indictioniSt
regnorum nostrorum anno xvj*.
(Ex archiva Neapoliiano, reg. sign. 1300 B, f» 86.)
VII. Charles II fixe à 8 grains 1/2 d'or la valeur du carlin
d'argent du poids de 3 tarins et 14 grains au minimum. —
1" juillet 1301.
Karolus secundus, etc. — Juslitiario terre Ydronti, etc.
Serenitatis nostre cura sollicita remediis invigilat sub-
jectorum, et sic eorum compendia ex affectu perquirimus
ut ipsa fréquenter nostris comodis publicis preponamus.
Sane in auditorio nostro frequens et assidua quedam que-
rela perstrepuit et murmur querulum fatigatos laxavit
anditus quod karolenses argentei, nostro titulo percusa
ET DISSERTATIONS. 31 S
pecunia, per minoratum argent! valorem in propria sub-
stantialitate deficiens, sic sni minoralitate decreverat quod
ex nostre auctoritatis indicto, prevalente forma rectitudini
speciei, in emendo ac vendendo pari ter aliisque commerciis
altemis vicibus subjectonim nostrorum diversa sequebantur
incomoda et implicationibus yariis jurgia sepius intricat.
Nos igitur, ex benigna cura regentis populos, cupientes
interne ipsorum vitare dispendia [et] profectas augere,
quanquam ex cusione dicte pecunie sicla nostra Neapolis
compendia pauqua {sic) reciperet, juribus nostris libenter
detraximus ut eorum dimminutionis tediavitaremus. Ideo-
que consulta nuper ordinatione, prescripsimu$ quod karo-
tenus argenteusy non inci^js, nostra superscriptione for-
matus, statuti ponderis^ scilicet tarenoivm auriiij et xiv
granorum ad minus^ ac speciei probe, sit albus aut niger
yel camellini coloris, quod erroris opinio abusiva quadam
nominatione produxit, pro granis auri viij et dttntdto, exti-
malione communia solummodo expendaiur. — Quod si quis
ausu improbovelpresumptioue proterva, karolenumipsum,
in quamcumque {sic pro quocumque) numéro ejusdem
speciei fuerit solvenda pecunia, pro extimatione jamdicta
refutare temptaverit ex quavis causa vel obligatione, con-
tractu incerto vel certo ipsius pecunie sit solutio facienda,
ex culpa contemptus et violationis edicti, in illam quanti-
tatem quam repudiare presumpserit teneatur ad penam
fisci nostri compendiis applicandam. Ediximus etiam utili-
tatis puplice privateque ratione pensata, ut nemo, mer-
cationis causa, pecuniam ipsam argenteam congregare
présumât, nisi prout eam ex contractibus licitis haberi con-
tinget; et qui contra fecerit, in tota sic pecunia congregata
multetur ejusdem fisci comodis perventura; et ut eo promp-
tius contra transgressores in talibus delator appareat quo
31iSl MÉMOIRES
deferenti gratius premium delationis accedet, statuimus ut
in publicum deferens violatores présent! edicti quartam
partem applicande pêne fisco nostro propterea consequa-
tur Datum Neapoli, per Bartbolomeum de Gapua, etc.,
die l"" julii, quarte décime indictionis.
{Ex archive Neap.^ reg. sign. 1301 B, {• 48. )
VIII. Charles II rétablit Vancien cours de 10 grains Sor
pour chaque carlin d'argent du poids minimum de 3 tarins,
14 grains 1/2.
Karolus secundus, etc., — justitiaro terre Ydronti, etc.
Ad subjectorum nostrorum clamosam instantiam de ca-
rolenis argenteis qui in sicla nostra cuduntur Neapoli«
proponentium dampnum sustinere non modium $i expenr-
derentur pro x granis per quemlibet^ secundum cansuetum
eursum eorum^ cum diceretur argenii materiam de qua
ctiduntur esse solito viliorem, licet essent ejtisdetn lige^ pon-
deris et tenute cujus fuerunt quando primum^ tempore dive
memorie dotnini patris nostri^ cvdi ceperuni^ eomuUe
pridem providimus ad viij grana et médium unumquemque
eorum expendi debere ac in valore tanti fore in cursa et
comuni comercio argenteum carolenum, non curantes de
utilitate quam proinde Guria nostra in presenti guerrarum
perdebat discrimine, de qua non parum proveniebat sub-
sidium militantibus sumptibus qui circa pecuniam non
aguntur comodum, subjectorum more regio nostrum esse
proprium extimantes. Sedper hec ^ campsorum et mereth-
torum (precipuum qui, ut sibi lucra comerciorum acqué-
rant excogitatis artibus, pecuniam nostram cujus valor esse
débet prêter * vultus etemabiles , uniformis avaricie ceci-
* Est-ce erreur de rancicn copiste ou du nouvel éditeur? Toi^ionrs est- il
ET DISSERTATIONS. 316
tate vilificant), non est obslrusa malitia per quam ad
vij grana carolenus est fere redaclus in cursu , et sic valor
ejus inimiDuitur et decrescit, ut si per ignis liquefactionem
argentea materia caroleni reduceretur ad massam, lique-
factum argentum ipsius procul dubio plus valeret uon-
nullis mercatoribus, vilificatione carolenorum sicut pre-
dicitur, eorum fraudibus et machinationibus procurata ,
extrahentibus de regno nostro carolenos quos emebant ad
ocluaginta per unciamy magnum pro se questum exinde
facienlibus extra regnum; et jam carolenorum ipsorum
tantam quantitatem extraxerant quod ad paacos dies caro-
leni ad expendendum in communi usu vix fuissent inventi,
in subjectorum nostrorum et nostre Curie lesionem. Cla-
mantibus itaque subditis nostris et assiduis populomm
querulis petitionibus inclinai dicentium intoUerabilem
propterea dampnum pati, ad eorum instantiam impor-
tunam, in anliquum et solitum cursum x videlicet granorum
auri per quemlibet reduximus carolenos ; volentes ut pro
X granis quilibet carolenus ponderis tarenorumiu etxiy gra-
norum ad minus , arle vel ingenio hominis non incisus^
communiler eoqpendalur; pénis adjectis quas inreraisi-
biliter a transgressoribus exigi volumus prout subsé-
quentes nostre tîbi littere declarabunt. De variatione autem
statutorum hujusmodi super immutato valore pecunie
non mireris, quia multis natura undique novitatibus utitur
et ad variationem negotii variantur et leges quas *, ubi
est evidens, utilitas publica jubet a jure recedere quod
equum et bonum dîutius visum erat. Et ut que sunt pro
que le texte publié par A. di Aprea porte ici jtropter qui e«t inexplicable, tandis
que le mot prêter, par-dewus, au-dessus de, est exigé par le sens.
• L'rdition du Syllahus donne qve au lieu de qva$. C\*st une «'rreur de
lecture.
316 MÉMOIRES
comuni bono disposita per nos serveDtur in nostris nego*
tiis, sicut ea volumus ubique per regnum a nostris subditis
et quibuslibet exteris in regno babitantibus vel contra-
hentibus tenaciter observari, fidelitati tue, sub obtentu
gratie nostre, districte precipimus quatenus pecuniam ge-
neralis subventionis in décréta tibi provincia pro anno
presenti per Guriam nostram impositam et omnem fiscalem
et Curie nostre pecuniam, ad predictam rationem de k ca-
rolenis per unciam, pro x granis caroleno quolibet cotnpti-
lato dicU ponderis^ non tnctso, recolligas et recolligere
studeas Datum Neapoli, etc. , anno Domini M*CCC*I*,
die XIX* septembris, XV* indictionis, regnorum nostrum
anno xvij*.
( Ex archivo regio Neapol. , ac ex registro signato
1301, 1, fol. 212. Cette charte et les deux pré-
cédentes ont été publiées dans le Syllabus mem-^
branorum, t. III. Naples, 1845, p. 20, 58 et 63.)
Louis Blangaro.
ET DISSERTATIONS. 317
MÉREAUX DE I/ÉGLISE DE VIENNE
EN PAITHINK.
Les méreaux d'une époque un peu ancienne dont l'ori-
gine géographique est bien déterminée sont toujours très-
précieux C'est ce qui m'engage à décrire ici une pièce
que j'ai acquise avec une partie de la belle collection du
feu prince Théophile Gagarine, et que je n'ai trouvée dans
aucun des recueils que j'ai pu consulter. Ce méreau de
cuivre, d'une fabriq<ae soignée, porte d'un côté, une tète
de saint Maurice de face, ceinte d'une grande couronne
fleurdelisée ; autour, la légende VIGnne ; de l'autre, une '
croix pattée accompagnée de quatre roses placées à l'extré-
mité des bras, et autour ces mots : LI:PR€BITeRORVM (sir).
D'autres méreaux beaucoup plus modernes, nous prou-
vent qu'il faut lire ici , en commençant par le revers , IJhra
presbyieromm Vienne.
Au droit, nous voyons la tête de saint xMaurice avec la
couronne du martyre transformée, suivant les idées du
moyen âge, en couronne royale. Sur les pièces du xvr siècle,*
le même saint est représenté en buste de profil, avec l'ar-
1864. - 4. 22
SIS IIÊMOI&ES
rangement des portraits de Louis XII. La couroune a changé
de forme, mais elle est toujours fleurdelisée.
Pour comprendre la légende de mon méreau , pièce fort
rare dont je ne connais qu'un autre exemplaire entré dans
le médaillier de la ville de Lyon avec toute la coUectioD
de M. Henri Morin, il est i>écessaire de se reporter aux
méreauY de même origine qui ont été publiés.
J*en vais donner une description aussi brève qne possible.
!• + SANGTVS MAVRICIVS MARTIR. Saint Maurice à
cheval. 1539.
î$ LIRRA GANONICORVM V1EN^E. Croix de saint Mau-
rice, ou tréfilée avec une étoile dans le deuxième cantoo.
M. de Fontenay, qui a publié deux fois le droit de ce
méreau {Nouvelle étude dejetotif^ 1850, p. 168, et Manvel
de X amateur de jetons. 185â, pw 78), nen a pas indiqué
la date et n'en a point fait connaître le revers. Mais la
pièce existe au Cabinet des médailles de Paris, et j'en puis
rétablir la description complète.
2* SANCTVS MAVRICIVS M. Saint Maurice debout appuyé
sur une lance; dans le champ, 1539. (M. de Fontenay a
lu 1559. )
ig LIERA CANOiNIGORVM VIENNE. Croix de saint Mau-
rice tréfilée.
(Cbarvet, Uiêt. de t Église de Vienne^ p. S70. — Mém.
de la Société Êduenne^ 18A5, pi. VI, n* 14. — Fontenay,
Tiouv.ilvdedeîetom^ p. 169. — Man. deVamat. dé jeiaus^
p. 77).
3« SANGTVS MAVRICIVS MARTIR. Buste de saint Itauric»
tourné à gauche ; la tète ceinte d*une couronne fleurdelisée.
î$ L».PRESBITERORVM VIENNE. Croix de saint Maurice
cantonnie de quatre ebiffres formant la date 1639. Gsand
module. Bibliothèque impériale.
ET DISSERTATIONS. H9
h"" Autre. Dans les bras de la croix, la date 1597. Biblio-
thèque impériale.
{Mém. de la Soc. Êduenne^ pi. VI, n* 15. )
6» SANCTVS MAVRIGIVS MAR. Buste du saint à gauche.
1569?
1^ LIERA PSBITERORVM VIENNE. Croix de saint Maurice.
Petit module.
(Man. de Camal, de jetons, p. 77. — Aowr. élude, p. 169.)
Il en existe au Cabinet des médailles de Paris un exem-
plaire avec la date 1597.
Il est facile, en examinant les pièces portant la date
1597, de reconnaître que cette date a été gravée après coup
sur les coins de 1539. Trois des chiffres ont été refaits,
et le 9 seul subsiste avec son relief primitif. Quant à la
date 1559 fournie par M. de Fontenay, elle se trouve en
désaccord avec le texte de Thistorien de l'Église de Vienne,
qui indique 1539.
Il faut encore remarquer que le saint Maurice, en pied, et
à cheval, nous offre des imitations des pièces de 3 gros et
des eornuti de Savoie fabriqués pendant les trente-deux
premières années du xvr siècle ^ Tandis que ces types
avaient cessé d'exister non-seulement en 1569 sous le duc
Emmanuel Philibert, mais même dans les dernières années
du règne de son prédécesseur Charles II.
On devra encore tenir compte de la mode qui a prévalu
pour les monnaies du commencement du xvi* siècle^ et
dont on peut se faire une idée en jetant les yeux sur les
pi. XXV et LXX du Traité de Duby, qui nous montrent les
saints Constance et George à pied, et à cheval représentés
1 Promis, RmU di Savùia^ pi. XIT, u* 3, et pi. XVII, n** 28 et 29. Text«,
t, l,p. 173. 174, 176.
990 Mb:M01R£5
sur des monDaics de Trivulce et de Salnces antérieures à
1518 et à 1537.
Les figures des saints Maurice, Alexandre, Théoneste et
Julien à pied et à cheval desnionnaies de Dezana, frappées
par Louis Tizzone, François Mareuil et Pierre Berard, sont
antérieures à 1530*.
Il en faut dire encore autant des monnaies de Monferrat,
qui nous montrent saint Théodore à pied et à cheval. Elles
sont du marquis Boniface II. mort en 1530 *.
Ces types appartiennent donc bien au commencement du
xvi* siècle; mais lorsqu'en 1597 on a voulu faire à Vienne
une nouvelle émission de méreaux, on a retouché les coins:
et afin de conserver le 9 de la date 1539, on a changé le
point de départ de la date inscrite entre les bras de la
croix.
Nous ne voulons pas faire ici l'histoire des inéreaux de
la ville de Vienne, et ne dirons rien des pièces qui repré-
sentent saint Pierre et saint Sévère. Mais pour déterminer
le sens qu'il faut donner à la légende Lihra prpsbyteroruw.
je dois rapporter les renseignements fournis par Charvei,
rhistorien de TÉglise de Vienne, qui les avait extraits d'un
manuscrit des archives de Tl^lglise ( Duby, Timiê des monn, ,
t. II, p. 2(55).
Suivant le tarif qu'il donne :
Le méreau au cavalier représente la livre des chanoines^
valant le quart de sept liards, égale. . . 7 deniers.
Le méreau au saint debout est la demi-livre
des chmwines, valant le huitième de sept
liards, égale 3 1/2 deniers.
> Promj^^ ÀloitfU délia Zecca di Dezana, pi. I et 11.
• Promit, Mon. dêi Paliologi marchesi di Monferrato, pi. VI.
ET DISSERTATIONS. 321
Le méreau à la tête représente la livre des
prêtres^ valant le quart de cinq liards,
égale 5 deniers.
On voit que la pièce que je publie appartient à la der-
nière catégorie; sa légende et son type s'accordent tout
aussi bien avec le tarif que la légende et le type des mé-
reaux de 1639 et de 1597 ; c'est donc la représentation de
cinq deniers qui devaient être remboursés aux prêtres de
la cathédrale.
Baron R. de Koëhne.
S22 MÉMOIBES
NONNAIES DES &1ARQUIS DMNCISA.
A M. Adrien de Longpérier.
Mon cher aaû ,
Parmi quelques pièces singulières que je voua ai com-
muniquées I*an passé pendant mon court séjour à Paris ,
et que vous avez bien voulu étudier avec moi, se trouvait
un denier matapan des marquis d'Incisa.
Comme cette pièce inédite est fort rare, il me senable
qu'elle pourrait intéresser les lecteurs de votre Revue.
Je n'ai pu trouver de notices sur cet ancien marquisat
d'Incisa, éteint maintenant, que dans un article de feu
M. l'abbé Costanzo Gazzera, imprimé dans le 37* volume
des Mémoires de V Académie des sciences de Turin. Cet article
est intitulé : u Discorsi inlorno aile Zecche e ad alcune rare
« monete degli antichi marchesi di Cevo, d Incisa^ e del Car-
V rettOj del professore Costanzo Gazzera, letti nelle adu-
« nanze degli 19 Gennaro, 9 febraio e 3 maggio 1852.»
L'histoire et la généalogie des anciens marquis d'Incisa
sont assez obscures; M. l'abbé Gazzera les fait descendre
d'Alledran ou Alleran, premier marquis de Montferrat,qui
ET DISSERTATIONS. 8St
obtint «n 988, de Hugues, roi d'Italie, et de Lothaire, son
fils, des biens considérables dans la haute Italie. En M7
Tempereur Otton confirma cette dotation en y ajoutant de
nouvelles terres. Un de ses successeurs, un marquis Boni-
face de Wasio, fils d'un marquis Tété-Thétis-Théotone-
Oitone, laissa une nombreuse descendance, huit fils sans
compter les filles, à chacun desquels par son testament du
6 octobre 1125 il légua un marquisat, excepté toutefois à
l'aîné qu'il deshérita : ces sept marquisats étaient Saluzzo,
Busca, Glavesona, Ceva, Cortemîglia, Savone, etWasto-Lo-
reto. Le fils aîné, qui se nommait aussi Boniface, devint'
marquis d'Incisa:BoniracîusIncixiœ. Était-ce par héritagOr
sa mère étant une fille de la maison d'Incisa, ou par dot, s'il
épousa une fille de cette famille, on n'en sait rien. Quoi-
tpi'il en soit, héritage de sa mère ou dot de sa femme, il pa-
rait qu'il devint la souche des marquis d'Incisa qui nous
occupent. Ce marquis Boniface d'Incisa mourut vers la
moitié du xii* siècle, laissant un fils Albert, que M. Gazzera
nomme le premier marquis d'Incisa. D'autres prétendent
que le marquis Boniface ne laissa pas de postérité, et que
les marquis d'Incisa, à commencer par Albert I", provien-
nent d'une autre souche. Sans donc pouvoir affirmer que le
marquis Albert, qui, dans divers actes, est nommé Figliolo
di un Bonifacio, soit le fils du marquis Boniface de Wasto»
il est certain que les temps concordent et sont favorables à
l'opinion qu'Albert était de la race d'Aleran. Si doncBoni-^
face était le fils aîné du marquis de Wasto et né comme il
paraît vers 1079, il n'est pas étonnant qu'il fût en état de
commander une armée dans les premièi-es années du siècle
suivant, à Tâge de vingt-quatre ans, et qu'il fût mort avant
4161, en quelle année nous voyons un Albert marquis d'ini
cisa qui filius quondam Bonifacii, fit acte de souveraineté..
32â MÉ.MOIRES
Rien ne peut donc nous ompèclier, dit M. Gazzera de croire
que le marquis Boniface, père d'Albert, fut le fils déshérité
du marquis de Wasto.
Le marquis Albert mourut vers 1190, année dans laquelle
sa femme Domisella est dite : Domisella quondaai uzor
Alberti marchionis. Albert laissa six fils de soo mariage
avec cette Domisella: au partage des biens en 1203, le
marquisat d'Incisa devint riiéritage des fils d'Albert II, fils
d'Albert I", lequel était mort avant ce partage. Ces fils
héritiers du marquisat d'Incisa, étaient Henri, Guillaume,
Raimond et Jacques. Castrum Incisae cum Castronovo de
Bergamasco, et Carentino et Cereda et Wallibus, etc. Les
deux autres frères, Manfred et Pagano, héritèrent de
Castrum Rupecule et Castrum Montaldi. Par cette division
il y eut deux marquisats d'Incii^a. Les descendants de
Manfred et de Pagano se nommèrent de Rupecula (Ro-
chetta) .
De Manfred, premier marquis de Rupecula, naquit un
Henri. La vie de ce Henri dut être courte, car succédant à
son père en 1267, il jura fidélité à la commune d'Astî pour
le fief de Rochetta, et il était déjà mort en 1269, dans la-
quelle année son fils Albertinus de Rochetta Marcbio est
dit filius quondam domini Uenrici de Rochetta Marchionis,
dans l'acte où lui aussi rend hommage à la commuue d'Asti
pour ce même fief. C'est à ce marquis Albert ou Albertino
que M. Gazzera donne le sceau portant l'inscription :
Sigilium Alberti de liupecula Marchionis Fncisie,
Dans le même temps que cet Albertino délia Rochetta,
vivait un autre Albert, marquis d'Incisa, qui, avec son frère
Manfred et ses deux cousins Raimond et Jacques, par acte
de l'année 1292, se déclarent citoyens d'Asti. Cet Albert et
ses cousins se nomment marquis de Heucisia.
ET DISSERTATIONS. 325
En janvier 1305, la fauiille d'IncLsa ou Accisa se déter-
mina à céder au marquis Jean de Monlferrat toutes ses
villes et châteaux d'Iucisa, Castelnovo, Bergamasco, Ca-
rentino e valli, etc., pour le prix de 40,000 livres de bonnes
monnaies d'Asti.
Cette vente n'a pas dû les empêcher d'exercer les droits
souverains, puisqu'en 1310 nous voyons que les marquis
d'Incisa, non-seulement frappaient monnaie, mais imi-
taient ou contrefaisaient les monnaies de leurs voisins, et
même les monnaies impériales, si bien, qu'eu cette même
année 131.0 l'empereur Henri VII fut forcé de leur faire
défendre toute émission de monnaies dans leurs divers
ateliers monétaires: Quod admodo nullus. etc., etc., qui
de cetero audeat, nec praesumat dare, nec recipere, nec
portare impériales factos in Clavisio, in Iporeya, in Incisa
et in Ponzono, in Antcmilia, etc., etc. La monnaie dont je
vous envoie le dessin me paraît avoir été émise dans ces
temps de contrefaçons.
M. Gazzera n'a pu trouver par qui et quand le droit de
battre monnaie fut concédé aux marquis d' Incisa avant
1310. Toutefois il n'y a aucun doute qu'ils usèrent large-
ment de ce droit. La défense de l'empereur Henri VII le
prouve assez.
Plus tard, en 1364, l'empereur Charles IV, à l'intercession
de Guido, des marquis d' Incisa, évêque d'Acqui, cassa la
sentence dont Henri Vil avait frappé leurs ancêtres, et
rendit aux marquis d'Incisa leurs privilèges et préroga-
tives, en y ajoutant le droit de battre monnaie. « Ceterum
(( auctoritate impérial!, ipsis marchionibus et eorum haere-
H dibus ex speciali gratia concedimus et favorabiiiter in-
b dulgenms, ut in suis castris, terris et locis licite auri,
« argenti et alterius metalli monetam bonam et legalem ,
320 MÉMOIRES
« quse debiiis pondère et inateria non fraudetur, sub pro-
<( priis suis signis, caracteribus et figuris cudere, seu codi
i( facere, absque aliorum praejudicio libère valeaot in fu-
« tnnim. » (Moriundo, vol. I, col. 332.)
Il paraît que les monnaies des marquis d' Incisa devinrent
fort rares. M. l'abbé Gazzera dit qu'il n'y en avait, quand
il écrivait, en 1832, que deux pièces connues. Tune ap-
partenant au comte Eugène Rasponi de Ravenne, vue par
le chevalier de San Quintino, et l'autre qui, du cabinet de
M. Promis, passa dans la collection privée de S. M. le roi
de Sardaigne. C'est probablement cette dernière qui est dé-
crite par le professeur Gazzera, puisqu'il dit l'avoir eue ca
mains. C'est une petite pièce de bas argent : Di bassa lega
di grani 13 torinesi. Droit, MARC— HIONV— ACISE {mar-
chionum AciStT) en trois lignes; en haut, une petite croi«
entre deux étoiles; en bas, une étoile entre deux plus
petites.
Si Une croix. Dans un des angles, une étoile à huit
rayons (armes antiques des marquis d'Incisa). A Tentour,
+ SIGNVM CRVCIS.
Cette pièce est aussi une imitation des monnaies impé-
riales de Milan. Il est évident qu'elle offre une complète
similitude de type avec le denier d'Oddo, marquis del Ca-
relto (1283-131 3) \ et celui de Théodore !•' de Montferrat
(1307-1338), et cette circonstance fait bien comprendre à
quelle époque elle appartient.
Je passe maintenant à la description de la pièce que je
vous présente, et qui fait maintenant partie du médaillier
du prince de Fûrstenberg.
Droite deux figures debout; à gauche, le marquis; à
< Gaizera, ouvrage cité , p. 49, n* 2.
ET DISSERTATIONS. 327
droite, le saint nimbé; les deux ligures tiennent entre
elles la lance avec le petit drapeau. Derrière le marquis,
MONETiAC. Derrière le saint, S.IOHANES. Le long du bâton
de la lance : MCb en ligne verticale [Moneta AvUe mar-
chionum) .
^ IC — XC. Le Christ nimbé assis de face sur un trône,
la main droite contre la poitrine.
C'est, comme vous voyez, une imitation servile des de-
niers matapans de Venise et de Serbie'.
Il est très-possible que les marquis d' Incisa aient été des
copistes de seconde main, et qu'ils aient cherché à repro-
duire en général le type vénitien, sans doute, mais particu-
lièrement la contrefaçon de leur voisin Théodore I", mar-
quis de Montferrat. M. le chevalier Promis, qui a publié le
denier matapan de ce seigneur', n'a rien affirmé touchant
sa date, mais nous pouvons le considérer comme antérieur
à l'inhibition de 1310. Or le marquis Théodore, qui a inscrit
sur la monnaie SMARTINVS pour imiter S.M.VENETVS, a
fait placer le long de la hampe du drapeau les lettres ca-
ractéristiques de son titre MCh (roarchio). La légende
S.IOHANES d'incisa s'éloigne déjà un peu du type véni-
tien, et me parait indiquer un second état d'imitation. Ce
nom de Saint-Jean pouvait aussi être destiné à rappeler le
denier au type vénitien fabriqué à Turin ; car tous les mo-
numents monétaires de ces temps s'enchaînent et se lient
étroitement.
Tout à vous, mon cher ami, Fr. de Pfaffenhoffen.
Donaiieâchingen, juillet 1864.
* Voy. N. F. Znnetti, De nummis regum Uysiit seu Baurisc ad Vemtos typoi
pêrcutsiê. Venise, 1750.
* Vonet9 dei PaUologi marcheti di Monferralo. Tarin, 1858, p. 12, et pi. I,
n- 1.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Beschreibung der in der Schweiz aufgefundeneu Galliscben
Mûnzen ( Description des monnaies gauloises trouvées
en Suisse), par le docteur H. Meyer, oirecteur du Ca-
binet des médailles. Zurich. 1863, in-â% 3- pi. lith.
Notre collègue le docteur Meycra eu certainement une excel-
lente idée, et il Ta appliquée avec beaucoup d'intelligence et
de soin. On s'aperçoit bien vite de la conscience avec laquelle
il a étudié nos monnaies et tous les écrits qui s\ rallachent. On
peut dire qu'il a lu les moindres travaux relatifs à la numisma-
tique des Gaules.
Au début de son mémoire^ nous remarquons le uessin vi la
description d'un monument extrêmement curieux, un coin gau-
lois. Cet obji't si rare a été trouvé par M. Caspari, conservateur
du musée d'Avenches, dans la terre qui avoisine lamphithéâtrc
romain de Tanlique Avenlicum. Il se coni|M)se d'un cylindre de
fer <le 42 millimètres de diamètre et de 10 millimètres d*cpais-
seur, taillé en biseau à la partie supérieure, dans lequel est in-
crusté un disque de bronze portant en creux une tétc d'Apollon,
imitation déjà éloignée <lu type des statères de Philippe de
Macédoine. Le module de la monnaie d'or que ce coin était
destiné à fabriqiier est de 28 millimètres.
Les pièces gauloise s décrites par M. Mayer ont été recher-
chées par lui dans toutes les collections de son pays. On peut
donc considérer leur ensemble comme une représentation
exacte du numéraire en circulation pendant les siècles voisins
de l'ère chrétienne.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 3*29
On rom«irf|iio qiiolqnfs iiinlaiioiis iiialfûnes des monnaies
(l'argent de Marseille, puis des pièces séqnan«'s, arvernes,
tectnsafres, édnennes, turones, pietaves. On ne trouve là aucune
monnaie de l'Armorique.
M Meyer devait naturellement arrèîer tout particuliiNrement
son attention sur les monnaies d'Orgôtorix , chef des Helvètes,
quoique jusqu'à présent ces pièces n'aif^nt été recueillies que
dans la contrée occupée autrefois par les Scquanes et les
Éduens. Il s'est demandé si les têtes représentées sur les mon-
naies d'argent qui portent les légendes COÏOS et ATPFLl.F re-
présentent une divinité ou le portrait des chefs de la ligue.
Après avoir fait reuiarquer que les monnaies des ligues grec-
ques et romaines offrent des images de divinités, et que le sen-
timent qui dirigea le choix de ces types dût être partagé par
les Gaulois, M. Meyer conclut en émettant l'opinion que sur les
monnaies au nom d'Orgétorix nous ne devons pas chercher des
portraits de personnages historiques.
Il est bon de remarquer que M de la Saussaye considère la
tête qui se voit sur les monnaies de la ligue des Helvètes comme
une imitation de la Diane des trioboles de Marseille {Rev, num,^
1860, p. 10^).
M. Meyer a fait dessiner sous les n"* 149, XoO et 151 trois
stalèns d'or découverts dans le territoire badois au pied du
Schwarzw.dd. La première de ces pièces, de module assez
restreint, a p îur type un grand œil, et elle appartient a la série
que I/elrWt»l appelle belge nmbiane (voy. son atlns du tyjx*
gaul.. p!. in, n" 39^ - pi. IV, n*» 19 h 23; —pi. VII, n" 55 ,
et que Duchalais a classée sous les n" 4U0 et suiv. dans sa
Descrip, des méd, gauL (voy. Éd. Lambert, Num, gauL du
nord ouest, pi. VU, n" 17, 18, 19). On sait que Bouleroiie avait
proposé de voir dans la légende LVCOTIO qui se lit sur une
de ces monnaies le nom des anciens Parisiens ( Rech. cur, ,
p. 49) . Cette opinion ne s'est pas fait accepter . mais nous
devons noter comme une coïncidence remarquable que les deux
530 BULLCT13I ttlBUOGBAFHIQOC.
au!res inonnait.*» I.V) el IM fie M. Meyer sont de ces s!at«>rei
de lrè»-granJ niixiiile portant au revers un cheval au-desM»
duquel pjrnit un ohj«*t forme de lignes croisées que Ton a com-
paré à un filet de pi^rheiir. Or ces sfatères se Irouveot le piits
souvent dans le sable de la Seine, à la poinU* de la Ciiéâe Paris *.
A la suite de son liavaiU M. Meyer a inséré deux appendices
fournis par le professeur llt-inri* h Sihreiber.
La Ironvaille faite à Burwein de monnaies d'argent imitcr«
des trioboles de Marseille, pnrmi lesquelles on di&t inique qiiel^
ques^m^'S de ces pièces sur lesquelles M. de la Saussaye pro-
posait de lire le nom des Libeci Pirukof suivant M. Mommsenj,
donne à M. Sehreib^r Toccasion de faire observer que Ton peut
voir sur une de ces pièces la légende OVXIDIOI rétrograde, et
qu'il exiïte encore aujourd'hui près de Lausanne un lieu nomme
ruichi. Mais cette remarque ingénieuse i c peut avoir toute sa
valeur que si l'on produit le nom antique d'Ouchi sous une foniie
qui se ra[)proclie de la légende monétaire , et c'est ce que l'au-
teur a négligé de faire.
Dans un s»cond chapitre, M. Schreiber passe en revue toutes
les c»p»nions qui ont été émises au sujet des monnaies d'argent
qui portent les légendes KAA et KAACTCAOr.
A. L.
* Il 6tt à refn«rqaer que Panl Petaa, qui formait sa collection à Paria, a
fait graver ensemble les n.£n>es monDaies : VtUr. mimmor. ywApt^fy ^ p| q^
B^SiilO.
CHRONIOUE.
Dans sa séance publique du 6 août, présidée par M. de
Saiilcy, rAcadémie des inscriptions et belles-lettres de Tlnstitui
a décerné le prix de numismatique fondé par Allier de Haute •
roche à M. Maximin Deloche pour son ouvrage intitulé : Des-
cription des monnaies mérovingiennes du Limousin. 1 vol. in-8\
Elle a décerné aussi la seconde médaille du concours de:»
antiquités nationales à M. Arthur Forgeais pour son ouvrage
intitulé : Collection de plombs historiés trouvés dans la Seine;
Mérenvx des corporations de métiers, <802; Enseignes de pèle-
rinages, 1863; Variétés numismatiques^ 1864, 3 vol. in-8*.
— Nôtre collaborateur M. Antonino Salinas prépare la publi-
cation d'un recueil général de sceaux byzantins. Son travail
comprendra les sceaux impériaux > ceux des magistrats on
dignitaires de l'Empire^ des autorités ecclésiastiques, et enfin
ceux des simples particuliers. Un appendice sera consacré aux
monuments sigillographiques des contrées occidentales qui ont
fait usage de la langue grecque et du type byzantin, tels que
les bulles des ducs de Naples, des juges de Sardaigne, des
rois de Sicile, etc.
M. Salinas est parvenu à réunir les empreintes d'environ
ÎK)0 bulles, et de cette réunion même, placée sous les yeux
d*un antiquaire exercé et pénétrant, naît un système de classi-
fication méthodique qui augmentera encore l'utilité déjà bien
reconnue des bulles byzantines.
Nous espérons que les archéologues qui possèdent quelques
332 CHROMQLK.
sceaux apparlcnant aux catégories indiquées plus haut, vou-
dront hif'n en faire parvenir des empreintes à M. Salinas. Nous
faisons ap[)el à ItMir zèlt^ pour la science historique On peut
adresser ces enjpreintes au bureau de la Revue numismatique,
\% rue Vivienne.
NÉCROLOGIE.
M. Faustin Poey d'Avant, correspondant de la Société impé-
riale des antiquaires de France, et Tun de nos collaborateurs.
est m(»rt à Fontenay (département de la Vendée j le 3 juillet, à
l'âge de soixante-douze ans.
Si. Poey d'Avant était né dans la môme ville le 14 mai 1792.
Il a publié en 1825 un petit volume intitulé : itinéraire df
Henri I V dans la Vendée ; en 1853, la Description des ntanuaiex
seigneuriales françaises com/wsant la collectif m de Al, Poey
d'Avant^ ovpc an essai de classifications \ vol. in -4*, son meil-
leur <»uvrage et qui lui valut une mention très-honorable dans
le concoure des antiquités nationales de rAcadéinie des iiiscrii»-
tions et belles-lellres.
Kn 1855, iM. Poey d'Avant imprimait son Catalogue de» mon-
naies françaises et êtranijhes composant la collection de A/. Xor-
blin; puis en 1858, 18G0 et 1862, 1rs trois volumes in 4*
portant pour litre : Monnaies féodales de France.
Il a ptiblié en outre dans la /{evuc numismatique :
1836. Une note sur des méreaux de cuir.
1837. Mémoire sur des moules de médailles romaines trouves
fi Lyon,
1841 . Sur nne fabrique de t riens mérovingien?.
1844. i\otice sur une découverte de monnaies du fnof/m âge é
Mareuil { V< ndée).
1845. Note sur les cntnptes rendus dt's découvertes de monnaies.
1854. Sur une monnaie de Souvigny.
1837. Article sur l'ouvrajze de M. Rod. Blanchet inlitulé ;
Monnaies de la Bourgogne Trunsjurane.
Quelques semaines avaut sa mort, M. Poey d'Avant, malgré
son grand ûge et la cruelle maladie qui l'a emporté, lisait dans
un congrès scient.tiquc un travail sur les faux monnayeurs ro •
mains, à propos des moules trouvés par M. l'abbé Baudry dans
les fouilles du Bernard. j^^ L
MÉMOIRES ET DISSERTATIONS.
DE L'ANOUSVARA
DANS LA NUMISMATIQUE GAULOISE.
II a été plus d'une fois dans cette Revue fait mention de
YAnousvara * ; mais, nous devons en convenir, aucune dé-
finition, aucune explication de cette antique expression
grammaticale n'a été donnée dans notre recueil ; et nous ne
saurions être étonné des questions qui nous ont été adres-
sées au sujet d'un mot que Ton chercherait vainement dans
les dictionnaires français, bien qu'il exprime une particu-
larité orthographique qui se retrouve dans une foule de
livres et d'inscriptions de toute nature, appartenant à toutes
les époques de notre histoire.
Prenons, par exemple, un évangéliaire du x* siècle, et
lisons ce passage de saint Matthieu (XVIII, 0) :
— Bonû tibi est unû oculû habentê in \îtâ intrare qua
duos oculos habentem mitti in gehennâ ignis.
Ou ce passage de l'Apocalypse de saint Jean (V, 6),
— et in medio seniorû agnû stantê tanquâ occisum habentc
cornua septé et oculos septê.
« V. noUmment 1856, p. 76, 87 ; 1868, p. 23.
1864.— 6. 99
S3& MÉMOIRES
Nous prononcerons sans hésitation : Bonum iibi estunum
oculumhabenlem^ etc.; m medio seniomm agnutn slantem
tanquam occtstim, etc.
Ouvrons au hasard les actes du concile de Trêves impri-
més au x\* siècle ; si nous trouvons :
— Ac deiceps ânis singulis in ppetuû î suis synodis
eadê statuta provîncialia recômêdari faciat ;
Nous ne serons en aucune façon arrêtés par Tabsence
d'une partie des N et des M, et nous prononçons :
Deinceps annis singulis in perpetuum in suis synodis
eadem slatvta provîncialia recommendari faciant.
Descendons à la fin du xvi* siècle, et jetons les yeux sur
un livre imprimé, par exemple les Singularités de Pierre
Belon, du Mans, nous relèverons à chaque page des phrases
comme celles-ci :
f( Ne naviguët q durât l'inôdatiô, et ne descëdêt point
plus bas » (p. 231) ; ou bien encore : « Les milas aussy y
font leurs nids au t^ps qu'ils sont absés de nostre régiô •
fp. 239).
Nous n'éprouvons aucune difficulté, et nous prononçons
naviguent^ descendent^ milans^ temps ^ abseng^ inondation^
région.
Qu'on nous présente un parisis d'Henri YI à la l^ende
HERI.FRAGORV.Z.AGL.REX; cette légende nous caosera-t-
elle le plus léger embarras, et n'y lirons-nous pas coivam-
ment : Henricus Francorum et Anglise rex?
Il n'est pas nécessaire pour cela d'avoir fait de longues
études paléographiques; il suffirait d'avoir cbanté à un
lutrin de village à l'aide d'un antiphonaire un peu ancien
comme il en existait encore en si grand nombre^ il y a
quelques années, dans nos églises.
Or ce complément des syllabes terminées par un N ou
ET DISSERTATIONS. SS5
un M, cette prolongation du son, c'est Yanousvara, Nous
sommes obligé de lui conserver son non indien, puisque
nos tribus, en émîgrant de TAsie, ont emporté cette fa-
culté singulière de prononcer ce qui n'est pas écrit, et ne
nous ont point légué un nom européen pour désigner un
usage qui a traversé tant de siècles.
Vanousvara n'a jamais cessé d'exister depuis qu'on écrit
les langues indo-européennes. La suppression des N et
des M n'est donc ni un accident produit par la négligence
des scribes ou des graveurs d'inscriptions de l'antiquité, ni.
une invention des copistes du moyen-âge ou des impri-
meurs de la Renaissance pour épargner l'espace.
La grammaire sanscrite seule en donne l'explication. Les
Grecs et les Romains étaient (du moins au temps où ils écri-
virent des traités) trop privés de toute notion philologique
et de renseignements sur leurs origines pour avoir pu ap-
précier sainement un détail orthographique qui cependant
avait attiré leur attention.
Voici ce que dit le grammairien Velius Longus :
« Sequenda est nonnunquam elegantia eruditorum quod
quasdam literas levitatis causa omiserunt, sicut Gicero qui
foresia et megalesia et hortesia sine N litera libenter dice-
bat; et ut verbis ipsius utamur, postneridianas quoque
quadrigas^ inquit, libentius dixerim quam postmeri"
dianas^. n
On voit quelle confusion s'établit entre la supprei^sion
orale d'une consonne dure telle que le T dans une articu-
lation (STM) incommode pour le discoui*s, et l'omission de
UN dans l'écriture. On remarquera, en outre, que UrfaXitnv
' Vcl. Long., D« orlhogr.^ rd. Potscli, p. 2237.
880 MÉMOIRES
est un mot grec qu'il faut séparer d'horlensia et deforensia.
QuÎDtilien n'a pas roieux compris la question :
(( Et illa Gensorii Catonis Dice hanc aeque M littera in E
mollita: quœ in veteribus libris reperta mutare imperiti
soient, et dum librariorum insectari volunt inscientiam,
suam confitentur, atque eadem illa littera (M) quoties ul-
lima est, et vocalem verbi sequentis ita contingit ut in eam
transire possit, eliamsi scribitur, tamen parum exprimitur;
ut tnu/tum tile, et quantum erat. Adeo ut pêne cujusdam
novae litteras sonum reddat; neque enim eximiiur^ sed
obscuratur*. >»
Les imperiti du temps de Quintilien avaient sans doute
tort d'accuser les librarii d'ignorance ; mais le grammai-
rien ne se montre guère plus habile, lorsqu'il confond un
archaïsme orthographique avec Télision prosodique qui ne
modifiait en rien la forme écrite des mots, ainsi qu'il le
reconnaît lui-même.
Cassiodore avait été frappé de cet état d'anarchie gram-
maticale dans lequel semblaient se complaire les savants
de son temps.
(( Animadverti quosdam eruditos etiam M litteram, nec
ubî opporteat dicentes, nec ubi opporteat supprimentes.
Hoc ne fiât, hinc observari poterit, si simul snbjiciam, si
quid ad rectam scripturam pertinet, et ad divisionem
syllabarum. Igitur si duo verba conjunguntur, quorum
prius M consonantem novissimam habeat, posterius a voca-
libus incipiat; M consonantem perscribitur quidem ; cœte-
rum in enuntiando durum et barbarim sonat. At si poste-
rius verbum quamlibet consonantem habuerit, vel vocalem
positam loco consonantis R, sen^at M litterse sonum ^ par
1 /«Ml. oral., lib. IX« 4, 40.
ET DISSERTATIONS. 887
enim atque idem vitium, ita cuin vocali sicut cum conso-
Dante M litteram exprimere '• »
Il ne s'agit là que de Télision d'une consonne finale. Le
phénomène de la consonne omise dans l'écriture, à l'inté-
rieur des mots, et cependant prononcée à la lecture demeure
à l'état de mystère.
Le mot sanscrit Ancmsvara se compose de la préposition
Anou (après) et de Svara (son) ; littéralement son^après.
Dans la langue indienne ce son postérieur est toujours la
nasale que demande la consonne suivante, qu'elle fasse ou
ne fasse pas partie du même mot. S'il n'y a pas de con-
sonne après Yanousvara il a ordinsdrement la valeur de H.
La tradition s'est si bien conservée, quoique la notion
généalogique fut perdue, que lorsque pendant le moyen âge
on marquait Yanousvara au moyen d*un petit trait hori-
Eontal, c'était, comme on l'a vu par les exemples cités plus
haut (âr)t5, recomëdari)^ sur la voyelle qu'était placé le
signe et non sur la consonne qui devait être doublée.
Ainsi donc Yanousvara est le son nasal (N ou M) qui s'at-
tache à une voyelle ; ou qui vient après pour compléter la
syllabe, et qui la prolonge.
Les Indiens l'indiquent actuellement au moyen d'un point
en haut. Sur les médailles indo-grecques du roi Pantaléon
(probablement le successeur d'Agathoclès) nous trouvons
deux anousvara marqués à l'aide d'un point posé après la
syllabe : Pa.tdlava.iay qui se lit Pantalavanta*.
* D8 orthogr., éd. do Venise, 1729, t. II, 575.
* Les inscriptions de Tlndo , en caractères semblables à ceux des médailles
d*AgatbocIès et de Puntaléon, nous montrent Vanoustara indiqué par un point
après la syllabe qu'il prolonge. Par exemple, dans le nom dn roi Séleneide
Antiocbus, i.liyalco, AMyakoêay qui âgure dans l'édit du roi Aiolui (vers £05
AT. J. C). Inscript, de Gimar dans le Goa^jerat, 2* tablette. Jûurn, af ihê
338 MÉMOIRES
Mais chez les Bactriens Yanousvara perd son signe gra-
phique, et nous voyons sur les médailles bilingues des rois
Ménandre, Antimacims, Antialcidës, Amyntas» les ncmisde
ces princes au génitif sons la forme Minadasa, Aiimaka$tÊ^
Àtialikadasa^ Âmitasa. La lecture leur rendût leur vëri*
table son : Minandasa^ Antimakasa^ Aitiialikadasa^ ilmtn-
tasa.
Nous ne parlerons ici ni des inscriptions cunéiformes
perses S ni des inscriptions lyciennes qui nous fournissent
des exemples d'anousvara sans ponctuation « sans aucun
signe qui avertisse le lecteur.
Mais les belles monnaies d'argent au type des deux lut-^
teurs, si longtemps attribuées à Selgé de Pisidie, ont droit
à une mention particulière.
On sait que Pellerin avait proposé de les restituer 4
Aspendus de Pamphylie, en s*appuyant sur le passage de
PoUux, qui nous apprend que les Aspendiens représentaient
les lutteurs sur leur monnaie; et Ton ne comprend pas
pourquoi Eckbel, qui apportait à l'appui de cette opinion
de si bons arguments, n'a pas tout simplement classé ces
pièces à la ville pamphylienue.
Auriût-il hésité s'il avait connu l'existence de Yanous-
vara? Nous ne le pensons pas. En effet, à l'aide de cette
notion, la légende E^TFEAIIVi^ fut devenue pour le sa-
Aêiat, Soc, of Bengal, t. YU, p. 166 et 219, pi. X et XI. — Cf. Tinsoription du
rocher de Khandgiri, près Cuttaçk , même recueil, t. VI, p. 1080, pi. LVIU.
— Voy, encore t. VI, p, 790, pi. XLII.
1 On peut constater Tusage do Vanou4vara au temps des Achéménide* en
examinant les mots ahania, abaranta, bandaka, etc., les noms CamdHjlyo,
Vindafranùf Zaranga, Hindou, Gandatava, Gandara, J. Oppert^ In^cripi. cmnéif.
du Àchémén,, \861.— Cf. J. Oppert, Dat Lautsyttem du AUperêiêch^n^ BotIîh,
1847, ia-8'», p. 16 et 45 : *< Dor AnusvBra iii dor Mitte des Wortet wird nickt
gesohriebeu, wohl aber aufigcsprochon. m
ET DISSERTATIONS. 839
vant vieuuois E2TFËNAIITI, ce qui lui eût permis de
l'identifier plus complètement avec le nom d'Aspendus *•
Nous avons déjà recueilli ailleurs un certain nombre
d'exemples de Yanousvura dans les noms propres grecs
tracés sur les vases peints'. Nous ne les reproduirons pas
ici avec détails ; mais il est utile de faire remarquer que,
rapprochés de plusieurs autres exemples bien clairs fournis
par des inscriptions et des monnaies, ils établissent que la
tradition indienne était vivante cbes les Hellènes à l'époque
de leur plus grand développement politique et intellectuel '.
D'autre part, il est évident que Yanousvara se retrouve
dans les écritures latines de tous les temps. Témoin cette
loi de Numa : PELEX ASAM IVNONIS NE ÏÎGITO \ ou ces
lignes extraites des épitaphes des Scipion : TAVRASII,
CISAVNÂ, SAMNIO CEPIT, SYBIGIT OMNË LOVGANÂ.
—HONG OINO PLOIRVME COSENTIONT R[omai] DVO-
NORD OPTVMO FYISE VIRO LVGIOM SCIPIONE.... CEPIT
CORSIGÂ ALERIÏQVE VRBE.
— AIDILES, COSOL, GESOR.
1 Annuaire d€ la Soc, dtê anftf . ii France^ procès-verbal de Is séance du
29 dëcerobro 1852, p. 199.
> Mém, de la Soc. det antiq. de France, t. XXI (1852), p. 371. On troiUM
entre antres : ATAAATE ponr ÂxaMvni, TIMAAPÀ ponr T(|Aav2^» EKEAA40S
pour Ëvxé^^;, NI4»AI ponr vCiJ^ai, AADON pour Adi&icov. Il faut ajouter
<I»ITIA£ pour 4»(rasc« Mue. étrueq, de Canino, 1829^ n« 551, et A4»IAPE0£
pour XpupcâpTiO^, sur un vase publié par J. de Witte, Annal, delf Inei. mrch.,
1863, t. XXXV, p. 233, tav. G.
' J'ai déjà présenté quelques observations au sigei des monnaies d*Alexan-
dria-Troas qui portent £M16EÛS ponr Z^uvOid»;. Il faut mentionner encore un
tétradrachme athénien de la collection Palin, sur lequel est gravé ZQSAAPO,
le nom du magistrat Sosandrc bien connu des numisroatistes. Cf. Beulé, Mom-
naiee d'Athènes, p. 281. — Un tétradrachme de vieux style frappé à Sélinonte
porte ZEAINOTION. Mionnct, 1. 1, p. 287, n» 674, pi. XXXIV, n" 120. La lé-
gende reproduite par Sestiui, Classtt gen,, tab. III, n* 31.
* Aulu5. Gcll., Noct., lib. IV, cap. 8.
3A0 MÉMOIBES
— RE6EM ANTIOCD SVBEGIT; ou bien ce fragment d^
la loi agraire : PROPIOREM DlEEXAGTVM ERIT *.
Nous choisissons à dessein des textes latins d'un âge
imposant et dans lesquels on ne sera pas tenté de chercher
des traces de décadence.
Pourquoi offrent-ils tant de mots incomplets, en appa-
rence du moins?
Voici des épitaphes consacrées aux plus illustres, aux
plus puissants d'entre les Romains; l'une d'elles est tracée
sur un sarcophage d'un style admirable, les autres sont de
diverses mains et d'époques différentes.
Comment des circonstances si frappantes ne feraient-
elles pas naître dans l'esprit des philologues quelque expli-
cation sérieuse? Comment, alors même qu'on étudierait ces
documents isolés de tous autres, ne pas chercher, pour
rendre compte de l'état dans lequel ils se présentent , une
autre raison que la perpétuelle défaillance attribuée aux
lapicides?
C'est à cette même époque qu'appartient l'abréFiation
COS pour consul, laquelle, bien entendu, se prononçait
comme si l'N avait été écrit, et qui subsista jusqu'au Bas-
Empire; forme vénérée en raison de sa noble antiquité,
mais abandonnée quelquefois pour CONS , principalement
à la fin du m* siècle et pendant le iv% par des graveurs
qui s'attachaient à reproduire le son des mots. Que l'on
remarque donc bien ce fait : l'omission de l'M et de m
dans l'écriture latine n'a aucune lidson avec l'altération
de la langue. C'est, au contraire, soit un indice d'anti-
quité, soit un archaïsme.
1 J'ai msrquô Tanoasvara par aae barre placée snr la voyelle, «fia d« U
signaler sans tranicrire chaque mot.
ET DISSERTATIONS. ZM
Si, en nous tenant toujours au temps de la République,
nous interrogeons les monnaies, nous trouvons sur un de-
nier de la famille Vibia le nom de Jupiter Anxurus écrit
lOVIS AXVR ( cf. A%Çiop, dans Diod. de Sic. , XIV. xyi, 5. —
Jupiter Anxurus, Virg., jEn.^ VII, 799) * ; sur ceux de la
famille Plautia, les deux variantes PREIVER GAPTV et
PREIVER CAPTVM sont des équivalents exacts.
On ne peut méconnaître dans les légendes ROMA RE-
NASCES et ROMA RESYRGES, inscrites sur des monnaies
de Galba et de Vespasien , les participes présents renascens
et resurgenst ainsi que l'a judicieusement aifirmé Eckbel,
malgré le sentiment de Havercamp, qui y trouvait la se-
conde personne du futur. Toutefois, le célèbre numisma-
tiste de Vienne n'a pas su à quelle origine se rattache
l'omission de la lettre N dans ces deux mots. Mais il avait
pour guides sa parfaite connaissance de la bonne latinité ',
et la variante RENASCENS que présente une des monnaies
de Galba.
Les inscriptions latines de toutes les époques dans les-
quelles on peut relever des exemples d'anousvara sont très-
nombreuses. Cependant, s'il est indispensable d'en rappeler
ici l'existence , que les archéologues pourront facilement
* Xv^cop, Anxur est le nom antique de Tarracina. Anjurus en dérive, que
ce soit une forme adjectivale ou un antique génitif, comme CeremSf Ka»toruê,
Vtnerus, An v* siècle après notre ère, on avait trouvé une étymologie grecque
pour ce surnom ftvey ^upoO, AÇwpo; (qui n'est pas rasé), parce que le Jupiter
d* Anxur était représenté imberbe (Servius, ad -<Cn«d.). Dans ce système,
intonsus signifierait chauve. Anxur ne peut pas 6tre séparé dos autres noms
de lieux Anxa, Anxantum et Ànxamim, qui appartiennent aussi à Tltalie,
et dans lesquels le grec n'entre pour rien.
* Mira snne oratio qufc turpcm solecismum in mnnctam romnnam înTchit,
eum scribcndum fuisse UKNASCERIS vel tirones norint. Doctr, mim., VI,
p. 297.
3A2 MÉMOIRES
constater, il ne conviendrait pas d'en faire rénumération,
qui nous entraînerait trop loin '• U est bien temps de nous
occuper des monnaies gauloises.
I.
En 1763, Pellerin, lisant sur une monnaie d'argent de
son cabinet : REX AALETYQNVS, avait reconnu là, en
dépit de cette mauvaise lecture, le nom du chef des Sotiates
dont César a mentionné la défaite {Bell. GalL^ L. III,
c. 21, 22). Dans son IV* Supplément, imprimé en 1767, il
rectifiait cette première leçon à l'aide d'une autre rnoonaie
que lui avait envoyée de Toulouse l'abbé Audibert, et pro-
posait REX ADIETVANVS (p. 21, pi. II, n» 8).
En 1792, Eckhelf'^qui paraît n'avoir pas connu le Sup-
plément publié par Pellerin, se contenta d'enregistrer la
première légende fournie par l'antiquaire français sans
donner à la monnaie son rang géographique. Mionnet
n'osa pas s'écarter du plan tracé par Eckhel ; mais du
moins il inséra la bonne légende dans son recueil (I, p. OA,
nM21)».
L'attribution de Pellerin ayant été reprise en 1837 par
1 L'M omit9um a été indiqué dans les index de plusieurs recueiU êpigr»»
I>bique8. — On y trouvera Abatcâtus, AntiocêsiB, castrêttis, olemês, pndêf,
crcioês, infâs, oxêplum, Olypus, ardente luoernaxn, exterû corpus, Iktôt
monnmentû, roarmoreû , juvénile figuram, ot un« foule d'autres caa sem-
blables qu'il est tout aussi impossible d'attribuer à Tétat de la langue qti*à
une aberration particulière des graveurs de tant do contrées et de tant de
siècles.
' Les anr.otntcurs du César do Lemaire n'ont connu ni le Supplément de
PoUerin ni lu description de Mionnet (1806). Treise ans après la pnblieation
de la JkicripUon des médailUi, ils ont inséré cette note après avoir cité quel-
ques variantes des nmiiuscrits : Malirn tnmen lcg<»re ex nummo snp.citato,
ET DISSERTATIONS. SiS
M. de Lagoy, fut bientôt généralement adoptée ' ; et le noia
du roi Adietuanus paraissait bien fixé.
Nous demandons cependant la permission de l'examiner
encore.
La forme de ce nom varie beaucoup dans les différentes
copies manuscrites des œuvres de César. On le trouve écrit
Adcantuannus , Adcantuunnus , Adiatonnus, Adiatonus,
Adiatuunus, Adiamtonnius , Adiantonninus , Aliatunnus,
Adiaterinus.
C'est la forme Adcantuannus qui a été préférée par les
anciens éditeurs, sans doute à cause de l'autorité des ma-
nuscrits qui la fournissaient *. Elle a été adoptée par Le-
maire et Achaintre, par M. Amédée Thierry dans son JETtf-
ioire des Gaulois^ par M. J. C. Zeuss dans sa Grammatiea
celtica.
En présence de la légende monétaire, il n'est pas
possible de défendre le C qui figure au troisième rang dans
le nom du chef des Sotiates; jnais nous croyons que l'N
qui précède le T doit être conservé; et nous pouvons nous
appuyer encore sur l'inscription d'Augst, D.M.ADIANTONl
TOVTl F. Nous proposerons , en conséquence , d'admettre
l'anousvara dans les leçons fournies par les monnaies ou
par les manuscrits qui portent Adiatonnus, Adialuunus^ et
de lire en définitive Adientuannm. Cette forme rendrait
Dahtwmus, — Dan» la récente tradoction de César (1867), M. Ch. Louandre
adopte la forme Adiatunus, — On aurait lien d'être étonné de ce qn*an cri-
tique tel que M. Schneider n'a connu , en fait de témoignage numismatique»
que la légende AALETVÛNVS citée par Oberlin ( Halle, 1840, t. I , p. 277) , si
Ton ne savait à quel point malheureusement les philologues négligent les se-
cours que les monuments pourraient leur fournir.
* Akeman, A numitm, manual, 1846. — Werlhof, Handlturh der (priech,
J\iim., 1850, etc.
* Leidensis primus, Cu|jncianns (d'aprfes Oudendorp).
ihh MÉIIOIBES
compte de toutes les variantes que foamisseDt les ma-
nuscrits '.
II.
Tous les numismatistes connaissent ces monnaies de
bronze d'assez grand module qui pendant longtemps ont
été attribuées aux rois de Galatie, et qui appartiennent à
la Gaule méridionale. Deux de ces pièces^ conservées au
cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale, avaient
été classées par Mionnet sous le nom des rois laticns et
Vanticus, et en 1839 M. le marquis de Lagoy avait proposé
de les restituer au prince qu'une belle monnaie de sa col-
le6tion l'autorisait à nommer Riganticus ou Briganticns '.
Le fait est que les deux monnaies de la Bibliothèque impé-
riale portent lirANTIKO et IFATlKOr, légendes boriion-
taies plus ou moins altérées aux deux extrémitéa. Ces deux
pièces appartiennent bien manifestement au même person-
nage, celui dont le nom est écrit PIFANTIKOT sur la mé-
dsdlle publiée par M. de Lagoy. La variante Pir ATIKOT se
complète par Yanousmra.
On nous dira peut-être que la lettre N a été oubliée par
le graveur; c'est l'ancienne et commode manière d*expli-
quer Tabsence de ce caractère. Mais il faudrait du moins
reconnaître qu'il y aurait quelque chose de miraculeux
dans ce défaut de mémoire qui se serait manifesté, toujours
1 M. Glliok, dans son mémoire intitulé iDUbti /. CauiMr vorkommêndtn
etUitchin Namen (Munich, 1857), compare le nom d'Adiatonnua (ce ftavaiit
paraît n'avoir pas connu la véritable légende de nos monnaies) avec le nom de
lieu Àntunnacum {Itin. d^Ànt., table théod.f Amm. Marcell., XVIII, 8, 4), et
cet ingénieux rapprochement l'autorise à admettre le double N.
* Bmruênum. 1839, p. 17.
ET DISSERTATIONS. 8A6
à l'occasion des lettres M et N, pendant une période con-
statée de bien plus de vingt siècles.
Une autre pièce appartenant à la même série était classée
au roi Psamytus depuis le temps où elle a été décrite par
Bimard de la Bastie. Si l'on se contentait de travailler à
l'aide des descriptions imprimées, et de présenter de sa-
vantes conjectures, on pourrait dire que le premier carac-
tère est le résultat d'une erreur de graveur, et que le reste
de la légende AMYTOT est le nom d'Amyntas, que com-
plétait un anousvara.
Mais, il y a plus de vingt ans, nous avons examiné avec
un grand soin l'exemplaire décrit par Mionnet (t. IV,
p. 406, n* 17), et nous avons reconnu que la légende, de
nature à causer une illusion, est en réalité KAIANTOA.
Depuis, M. Cb. Lenormant, lorsqu'il a retiré de l'Asie, pour
la transporter à l'Auvergne, toute la série à laquelle appar-
tient cette monnaie, a réuni le prétendu Psamytus aux
bronzes de Gseantolus.
III.
Parmi les tétradrachmes attribués aux Gaulois de la Pan-
nonie, il en est un qui porte d'un côté une tête imberbe
laurée, et de l'autre un cavalier galopant à gauche au-
dessous duquel on lit : COCESTIVS *.
La ressemblance des types a fait rapprocher de cette
monnaie d'autres pièces de même module sur lesquelles on
lit CONGE. (Lelewel,7Vpegfau/., p. 277.— Duchalais, Méd.
gfaul., p. 39A.) Mais là s'est arrêté l'effort des antiquaires,
et ils n'ont pas pensé à comparer les légendes. Lelewel
I Lelewel, Type gaul., atlas, pi. VU, n* 38.
SAO MÉMOIRES
attribue les monnaies portant la légende CONGE à Gongen-
tiacus, fils de Bituitus, chef des Arvernes, et dit en outre :
« La médaille inscrite COGESTIVS est d'un chef qu'on ne
retrouve pas dans les narrations bistoriqnes. » (P. 281.)
Duchalais décrit les mêmes monnaies sous la rubrique
Coceslius et Congé sans commentaire.
Ces savants, il est vrai, n'ont pas cx)nnu la monnaie qui
existait dans la collection de Tôchon d'Annecy, sur laquelle
on voit CONGES *.
Cette pièce nous prouve qu'il faut rattacher les unes aux
autres les légendes CONGE et COGESTIVS, et lire CONGES-
TIVS avec anousvara. La fabrique de ces tétradracbmes ne
convient en aucune façon à l'Auvergne.
Le nom Congestius appartient à la même famille que
Congentiacus ou Congentiatus (T.-Liv. , Epit. , LXI) , Camgen-
nieui (Inscript, de Narbonne), Congennicia (Inscript« de
Nîmes), Cangidius (Inscript, de Modène).
Nous avons eu déjà occasion de rappeler qu'à une époque
ancienne le G était exprimé à l'aide de la forme G. Quant à
l'emploi simultané des deux formes, il est aussi avéré.
Nous citerons, comme exemple, après les monnaies aux
légendes ORGETIRIX-ORCITIRIX, le monument funéraire
érigé par Marcus Congenetiiti Justinus à son père Marcus
Congeneîius Marcellinus, stèle du musée de Vérone, dôni
Maffei a publié un fac*siinile'. Il nous suffira de repro-
duire les quatre premières lignes de l'indeription qu*elle
porte:
« Cat. éet médaillti de la eolliction Tôchon d'Annecy, 1858, n*213. Cette pi^ce
est ropri^sentée sous le n* 8 de la X* des planches qne Tôchoh avait fait gfra-
ver, et dont les cuivres sont en la possession de M. J. de Witte.
» Muteum Veronenst, p. 47. — Cf. index, pi. I, 606.
ET DISSERTATIONS. 3^7
D M
M COiNCENETI
MARCELLINl M
CONG.IVSTINVS
Maffei a cru qu'il s'agissait d'unConcenetus et d'un Con-
gius, ne voyant pas apparemment que le père et le (ils
ayant chacun sou prénom et son surnom, avaient droit à un
nom de famille, et que ce nom devait être le même pour
tous deux.
Congenelius est encore un nom du même genre quf Vion-
gestius.
IV.
Un autre beau tétradrachme, bien plus rare que ceux
dont il vient d'être question, offre au revers de deux têtes
accolées, un lion courant au-dessous duquel se trouve une
légende que Mionnet transcrivait; SOBBOVOAAL..RV, et
Welzl de Wellenheim : COBISOVO.RV.
Duchalais proposait de lire sur le tétradrachme
COBtf OVOMARYS ou SOBISOVOMÂRV& Il suffit d^examiner
la monnaie, même pendant quelques instants, pour recon-
naître que la première de ces deux formes est la seule qui
soit réelle. Le quatrième caractère parait être un R renversé
(peut-être un B ouvert] . Il est très-probable que le sixième
est un A renversé aussi ; dans ce cas l'inscription reconsti*
tuée donnerait COBROAOMARVS ou COBBOAOMARV&
Un spécimen bien curieux de l'emploi de caractères ren-
versés avec intention nous est fourni par une inscription de
Mynydd Margan dans le Glamorganshire :
BODAOC HIC IVCIT
FI\1AS CVTOTIS
SÂ8 MÉMOIRES
Boduoc hic jacit filius Catotis. On sait que le nom Boduoc
se lit sur des monnaies d*or et d'argent de la Grande
Bretagne *.
Tite-Live parlant des affaires d'Asie (an de R. 563, av.
J. G. 189) s'exprime ainsi : « Certiora postea Oroanden-
sium legati attulerunt : Tolistoboiorum civitatem Olympum
montem cepisse; diversos Tectosagos alium montem, qui
Magaba dicatur, petisse; Trocmos, conjugibus ac liberis
apud Tectosagos depositis, armatorum agmine Tolisto-
boiis statuisse auxilium ferre. Erant autem tune trium
popui*.iim reguli Ortiagon, et Combolomarus et Gau-
lotus*. )i
On voit donc qu'Ortiagon était roi des Tolistoboïens,
Combolomarus roi des Tectosagcs, et Gaulotus roi des
Trocmes,
Nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher le nom
fourni par Tite-Live et la légende inscrite sur la médaille,
légende dans laquelle nous ferons encore intervenir Ya-
nousvara en sorte qu'elle se prononcera Combrolomarm^
ou Combbolomarus. Nous rappellerons à ce sujet le chef
gaulois Gombutis cité par Pausanias ', le Gombulius d'une
inscription de Salone; les noms Andecom&os et YercomAo-
gius; mais en outre et tout particulièrement le nom de
GOMBAROMARVS inscrit sur le manche d'un simpulum
d'argent qui fait partie du célèbre trésor découvert à Ber-
thouville. L'R et l'L sont deux lettres du même ordre, deux
liquides qui s'échangent dans une foule de cas. On peut
donc considérer les noms inscrits sur le tétradracbme et
* Lclcwel, Typ9 gaul,, atlas, pi. VII, n- 18 et 19. — Àkennan, itncienl
eoinê, pi. XXIV, n*» 19 et 20. — J. Erani, British coins, pi. I, n- 1, 2, 8.
• Lîb. XXXVIII, c. 19.
•X,22,3.
ET DISSERTA r IONS. 340
sur le simpulum, le nom du roi des Tectosagcs, comme
des DuaDces d'un même thème.
V.
A côté du tétradrachme dont nous venons de mentionner
k légende vient se placer une demi-drachme oflrant aussi
deux têtes accolées au droit, et un lion au revers, avec une
légende dont la fin, comme sur le tétradrachme, est placée
dans le champ de la médaille. La légende de cette monnaie
a été lue de diverses façons. Mais la découverte de Chan-
tenay si profitable ment commentée par M. de Saulcy % nous
a permis de lire enfin très-clairement sur l'exemplaire de
la Bibliothèque impériale: IIPOMIIDVOS; c'est-à-dire
Epomeduos,
On sait que l'Itinéraire d'Antonin et la Table ihéodo-
sienne placent sur la voie qui de Besançon conduit vers le
Rhin une localité nommée Epamanduodurum ; or M. Pictet,
de Genève, qui a fait de si belles études sur les langues
celtiques, traduit ce nom géographique par arx d'Epa-
manduus. Le nom d'homme ainsi habilement dégagé du
nom de lieu, il nous devient facile de le comparer à celui
qui est gravé sur la médaille, et ce dernier nous oserons
le prononcer Epomenduos avec anousvara à la troisième
syllabe.
On pourra faire cette remarque que parmi les nom-
breuses variantes que présentent les manuscrits de Tltiné-
raire, il n'en est pas une seule qui donne Epomenduodurum.
Maûs dans les manuscrits de^ Commentaires de César on n'a
encore relevé aucune variante qui nous montre un E dans
^ Renunum.f 1862, p. 22.
1864. — 5. 24
350 Mt-MOIUES
le nom du roi des Suliates Adieninannus, et cet Ë n'eu esi
pas moins bien nettement tracé sur la monnaie que ce
prince faisait fabriquer. On sait que le Bom du chef des
Helvètes est écrit tautôt Orgétorix» tantôt Orgélirix ou même
Orcitirix. Nous venons de mettre en regard les noms de
Combolomarus et de CoiobaroBiarus. L'échange des voyelles
dans les monuments gaulois est manifeste. Les noms gaur
lois qui contiennent Tétëment tpo sont a5^ez nombreui« et
pour la plupart asses connus^ pour que notre lecture soil
acceptée sans trop de peine.
De ce qui précède il nous paraît résulter ceci :
1* Les caractères M et N,. omis dans récriture chex les.
Gaulois, doivent être prononcés de même qu'on les pro-
nonçait en lisant les mots indiens, perses, grecs et la-
tins, dtiBS le corps desquels ces caractères n'étaient point
tracés..
^ On peut concilier un peu plus facilement qu'on ne l'a
cru les divers témoignages fournis par les textes classiques
et par les monuments^ ea ce qui coneerne les noms
d'hommes et de lieux.
S"" Vanousvara tient aune faculté organique particulière
que les peuples de la race kido-européenne ont conservée
en commun et traditionnellement, bien qu'ils aient ignoré^
cette communauté, de même qu'ils ignorèrent l'origine des
idiomes qu'ils parlaient.
h"" L'existence de Vanousvara chez un peuple est un in-
dice dé son extraction. Les constatations que nous venons
de faire peuvent être considérées comme un nouveau lien
qui rattache les Gaulois à la famille indo-européenne.
AW. DE LOUGPÉRIEB.
ET DISSERTATIONS. 35t
EXAMEN
QDELQUES CONTREFAÇONS ANTIQUES DES TÉTRADRACHHES
DE SYRACUSE,
ET DU PRÉTENDU NOM DE GRAVEUR EUMÉLUS.
(PI. XV.)
Je me souviens d'avoir vu» il y a quelques années, chez
le professeur Ugdulena, à Palerme, Tempreinte d'une mon-
naie qu'un savant archéologue de Naples lui avait envoyée»
croyant y reconnaître une inscription phénicienne, et même
le nom de la ville de Catane. Il s'agisssdt d'une pièce aux
types ordinaires des tétradrachmes de Syracuse d'ancien
style» avec la tète de femme entourée de dauphins» et au
revers le quadrige couronné par une Victoire. Seulement
la forme des figures était extrêmement curieuse ( la tête
de Taurige surtout était d'une grandeur extraordinaire ) ;
antoor de la tête et entre les dauphins» se trouvait la
légende mystérieuse.
Ayant pu voir l'original de cette médaille, qui apparte-
nadt à mon ami H. Sambon» de Naples» je m'aperçus que
la pièce était fourrée» bien qu'elle fût d'une antiquité in-
contestable*. Cette circonstance me montra dans quelle
* 3% dois à roblîgaance de M. Jale8 Sambon nn deuin de cette monnaie
qu'il • bien TOalu exéoater à mon intention (pi. XV, n* 4). Elle ett rent-
362 MÉMOIRES
erreur étaient ceux qui croyaient y reconnaître des lettres
phéniciennes, ou d'un alphabet sicilien antéhellénique ;
et en même temps cela m'expliqua d'une manière parfai-
tement claire pour moi la raison de la forme étrange des
figures et de la légende.
Plus tard, j'ai trouvé dans différentes collections des
pièces de Syracuse à peu près semblables à celle dont je
parle, et j'ai pu en faire une petite série '. Je crois qu^il
ne sera pas sans intérêt d'of&ir ici le dessin et la descrip-
tion de quatre des monnaies de ee pays et de cette espèce^
que j'ai trouvées -dans le Cabinet royal de Munich.
N"" 1. 26 milKxnètres. Tète de femme à droite, les che-
veux retenus par une couronne de perles, le cou décoré
d'un collier^ autour, quatre poissons; entre ceux-ci et la
tète, une inscription dont quelques lettres sont grecques.
^ Figure sur un quadrige ' à droite, une Victoire ailée
pli» de cuivre rouge kTint^rieur, a 25 millimètres de diamètre et pëee 14F', 27,
Elle est aujonTd*liu! conservée au Musée Britannique. Quoique qneIqoe»-iiAes
des lettres de la légende soient de forme étrange, cependant rimitaiion dn
miot £rRAK0£I0N est évidente.
1 II peut paraître singulier que certaines grandes collections, comme,, par
exemple, le Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale, n*offrent pas
de pareilles monnaies de Sjracuse ; mais on sait combien antrefbis, et peut-
être encore plus ^ présent, les amateurs tieanent peu compte dea aéria»
grecques communes et qui n'offrent pas de beaux types,
« Torremuxza, Sic. vett, ntimi, tab. LXXV et LXXVII, Eckhel (D. N., I,
p. 242), Mionnet {Deteript,, I, p. 292, n** 720 et suiv.), Mttller {Dtnkmâhr,
2* éd., I, pi. XVI, n» 78, p. 12), et bien d*amtrea nnmJtmatiitet et archéolo;nM»
s« sont laissés induire en erreur à propos du type du rereri des Utradraebme»
arcbalquet de Syracuse, dans lequel ils ont reconnu des biges et des triges,
sans tenir compte des doubles profils indiqués de têtes et de jambes. M. le duo
de Lnynes a d^à fait observer cette erreur dans son excellent article aor 1»
Numitmatiqw di Syracute (Revue num,, 1843, VIII, p. 12), et moi-même, par nis
examen attentif d'un très-grand nombre de cet pièces, j*ai pu me convaiiies»
qii'il n'y en a pa« une seole lyant pour type un bige ou un trige.
ET DISSERTATIONS. 358
ti vêtue couronne les chevaux ; le tout dans un grënetis.
Poids, lô",!». (PI. XV, nM.)
N"* 2. 22 millimètres Droit comme pour la pièce précé*
dente; la tête a une boucle d'oreille en forme de croix
ansée; entre les poissons et la tète, SVUAKOIION {sir).
Le caractère R est renversé.
^ Comme la pièce précédente: Faurige, barbu, tient une
baguette de la main droite. Poids, i3s',75. (PI. XV, n* 2. )
N* 3. 25 millimètres. Tète de femme à droite, le cou
orné d'un collier. Autour, quatre poissons; entre la tête
et les poissons, la légende IVRYKO^ION [$k).
ii Gomme la pièce précédente. Poids, 17«',20.(P1. XV,n*îr:)
N* 4. 25 millimètres. Tête de femme, les cheveux rete-
nus devant et derrière par un bandeau; au cou, une petite
tête d'animaP liée par un fil; autour, quatre poissons;
en haut, l'inscription 2VPAK0210N en lettres irrégu-
liêres; derrière la tête, EVMHAOV.
A Figure casquée sur un quadrige au galop i gauche,
couronnée par une Victoire ailée et vêtue. Poids, 12>',562.
Fourrée. (PI. XV,n«5.)
On voit tout de suite que nous avons affaire à des con-
trefaçons, et qu'on ne doit pas prendre au sérieux l'irrégu^
larité dans les types et dans les légendes des monnaies qui
*' M. Streber, dans un mémoire dont il sera bientôt question, p. 20, appelle
cet objet an fnrit, mais ayoe an signe de doate. Mionnet ( Diêc^ t. T, p. 294,
n* 744) dit : « Sar la gorge ane tête de lion. •* Je n*hésile nallement à croi^
qa'il y ait ici ane maavaise îmiution des têtes d'animaux, et particulière'
ment de lions, qui' se trouvent sur plusieurs autres médailles de Syracuse.
( Raoul -Kochette, Lettre à M. le dm: dt Duynefy pi. II, n«« 12 et 16.) Ces têtes
n'étaient pas seulement des ornements, mais elles servaient en même temps db-
eassolettes à parfums. Dans la nécropole de Kertch, on a trouvé plosieurt
de ces capsules en or exactement de la forme de celles que Ton r«>marque sur
h'A médailles 8yrncbHaiDe>«; elles sont vides et s*ouvrent par derrière. Anti^
'juilr.i du Botphore Cimmi^rien, pi. XXIV, n" 20; pi. XXXII, W 12; 1. 1, p. 162,
ibà MÉuoints
viennent d'être décrites. Les deux premières pièces mon*
trent par leur poids qu'elles doivent être fouirées, bien
qu'extérieurement elles n'en laissent pas apercevoir de
traces. En effet, cette fourrure se manifeste dans plusieurs
autres exemplaires moins bien conservés, et entre autres
dans un de la collection impériale de Vienne, qui pèse
15^,00. Quant à la pièce n"" S, en raison des fautes de
l'inscription et du style de la gravure, elle doit être aussi
considérée comme une contrefaçon, quoique son pends soii
celui qu'ont ordinairement les tétradrachmes attiques.
Le procédé employé par les faussaires, qui consiste à*
recouvrir d*une feuille de métal précieux un flan de métal
plus vil, s'est transmis depuis la plus haute antiquité jus-
qu'au moyen âge% et même on peut dire jusqu'à nos
jours'. On ssdt en quel nombre prodigieux on trouve de
pareilles pièces romaines ; et pour ce qui regarde la nurni»-
matique grecque, bien qu'Eckhei' n'en ait cité que deux
seuls exemples, nous pourrions en compter hu nombre
très-considérable de chaque pays \
* J*ai trouvé plasienrs pièces byzanliDM* et même des pièoes des roi»
nonnands de Sicile, aux légendes oafiqnes, avee aue miooo oouelio d*OT appli-
ga^ sar un llan de cuivre rouge.
' Le procédé des faussaires modernes est en vérité différent de ctloi dos
anciens, car ils ne soumettent pas la pièce à Taction du coin , mais ils la crao-
•ant à Taide d'un tour, et ensuite la remplissent d*un autre métal ; oa bien
encore iU prennent Tempreinte d'une monnaie avec des feuillea trèa-mîncea
d'argent, et les soudent sur un flan préparé.
Au Cabinet impérial des médailles, il y a une pièce d'jlgatkocle en plomb^
couverte d'une feuille de papier d'argent. La finesse de ce papier, les trous
qui montrent que Tftme en plomb a été coulée avant d'ôtre recouverte d'ar-
gent, tout enfin montre que cette pièce est l'œuvre d*un faussaire moderne,
quoique Miounet {Detcript,, 1. 1, p. 333, n" 51) Tait mentionnée sans ancone
remarque.
» I>. N., I, p. cxiii.
^ Très-»ouvent j*ai trouvé d^ pareilles pièces coupées par la moitié, ce qui
ET DISSERTATIONS. 865*
Quant aux pièces comme celles du n^" 3 (pi. XV, n** 3)^
qui sont massives et ont le poids voulu , elles sont de véri*
tables imitations faites par des villes ou peuples étrangers,
bien plutôt que l'ceuvre des faussaires. Ces imitations sont
un fait dont la numismatique grecque, romaine, byzantine
et gauloise nous fournit des exemples très-nombreux, et
sur lesquels on a fait même des travaux spéciaux *.
J'avais cru utile, en montrant ces contrefaçons de pièces
syracusaines dans une séance de la Société archéologique
de Berlin •, de faire remarquer leur importance pour Tétude
critique de Fhistoire de Fart et de la philologie ; car on
conçoit combien l'on pourrait être abusé par de pareilles^
monnaies si on établissait des tliéories sur leurs formes,,
si 1*00 tentait de créer de nouve«iux alphabets à Taide de
leurs légendes, et si Ton recourait aux langues orientales
pour interpréter des caractères mal imités, au lieu de se
donner la peine d'examiner plus attentivement la nature
des monuments sur lesquels se fonderaient de semblables
résultats. L'inconvénient que je redoutais n'a pas été
complètement évité par un savant antiquaire, M. Streber»
conservateur du Cabinet royal des médailles à Munich, le
Cabinet où se trouvent réunies, comme je l'ai dit, le plus-
grand nombre de ces contrefaçons que j'avais même signa-
proavu qu'anciennement on avait le même usage qui te pratique encore à
préttciit, c'est-à-dire celai de couper des pitees semblables pour qn*eiïes ne
puissent plus être mises dans la circulation.
> Kohne, BerHmr Blettir fUr Mùnskundê, IV Heft» p. 8.— Quant k la numis-
viatique grecque de In Sicile, je suis parvenu , principalement en travaillant
au Musée Britannique, à rassembler nne nombreuse classe de monnaies d'ar*
gent, qui imitent plus ou moins grossièrement les types de plusieurs villes de la.
Sicile. Ces monnaies ont évidemment été fabriqué<M par les peuples phéniciens-
établis dans cette lie.
* Voj. Ànkmlnffiachf Zeilung, Anzeiiffr)^ Idfï:?, p. 369.
lées à rattentioû de ce numismatiste quand, avec une
extrême obligeance, il m'ouvrait les trésors de la collec-
tion qu'il administre. Dans une publication faite Tannée
passées il publie deux intéressants tétradrachmes inédits
de Syracuse portant les noms des artistes Phrygillus et
SosionS et de plus une pièce d'un nouveau graveur,
i Di$ Syracutanitchen Slêmpêltcknnder Phrygilloê^ Sor ion une Emm$loê f Hn
Bntriig swr Gnchichte der griechitchen Stempelichneidekuntt, von Franz Streber.
Mnnichi 1863. (Extrait des Mémoire* de V Académie royale de Bavière.)
< Dans cette dissertation, qui est intéressante aussi bien par ses révaltart
négatifs qne par ses résultats positifs , M. le professeur Streber a publié ntf
beaa tétradrachxne du Cabiuet des médailles de Muuicb qui montre au droit
une tête de femme ceinte d'un bandeau sur lequel, en très- petits caractères^ est
tracé le mot q^ . Le savant numismatiste supplée un iota et lit : £OSlÛTi. Cette-
lecture est parfaitement exacte, comme il est facile de s'en assurer en compa-
rant un tétradrachme de la collection Northwick, qui offre une seule différence
pour le revers : Taurige tient une baguette dans la main droite, et à Texergur
Bont deux dauphins. Ce dernier tétradrachme a déjà été publié par Noehden
( Â eeUcdon of anctent coine , pi. XIV, p. 49). Bien que cet auteur n'ait la sur
le bandeau que les deux lettres £0, il propose toutefois de lire Soaùm, lecture
à laquelle Raoul Rochette {Lettre à M. le duc de Luyneef p. 28) substitue mal à
propos le nom de XO£l£ , en se fondant sur une monnaie de Syracuse sur
laquelle il dit qu'on Ut cette légende. M. H. Bruna {GeechicKtê der griechischê
Kûnstler, vol. II, p. 489) place dans son catalogue de graveurs les noms de
XÛ£Û et de £Û£IS, tout en manifestant, et avec raison, des doutes sur
l'exactitude du dernier nom , et en recommandant un nouvel examen de la
pièce sur laquelle on a cru lire le nom de Soeie. En effet, il ne doit pas être
tenu compte de cette pièce, qui évidemment n'est qu'une pièce fausse de fa-
brique moderne. Cette prétendue pièce du tyran Sosistrate, ayant au droil
une tête d'homme et au revers un lion et à l'exergue la légende £û£l£, est
tirée des affreux dessins de la collection Pembroke (Pars 2, tab. 8). Torra»
muzxa {l, cil. tab. Cil) l'a reproduite avec changement du métal, bronie au
lieu d'argent. Mais ni Torremuzza ni les antres savants qui en eut parlé n'ont
jamais vu cette pièce, qui ne figure pas non plus dans le catalogue de la vente
Pembroke, rédigé par Burgon en 1848. De plus, sur l'exemplaire de» planche»
de la collection Pembroke, conservé au Musée Britannique, Burgon a de aa main.
marqué comme fausse la monnaie en question. Cette pièce a évidemment
été coulée ou copiée sur le5 monnaies de bronze, assez communes de Syracuse,
HT DiSSbRTATlUNS. 357
qu il croit avoir découvert, et dont le nom serait Eutnélu»,
La pièce sur laquelle il se fonde est celle que j'ai décrite
sous le n"" à. Examinant l'empreinte de la monnaie con-
servée à Munich S M. Streber commence par noter la sin-
gularité de la forme dans l'exécution des types et de» lé-
gendes, et particulièrement l'inscription EVMHAOV, qur
ne se rencontre sur aucune autre monnaie de Syracuse.
Comme on le sait, il y a beaucoup d'autres tétradrachmes
de Syracuse exactement identiques, excepté pour le revers,
et qui portent le nom Euménus % écrit tantôt EVMENOV,
et tantôt EVMHNOV '.
qui offrent le même type, et quelquefois à Texergue les lettres £Û que j'ai
vues sur un exemplaire apparte;)8nt à M. le professeur Aradas à Catane. Ce
sont ces deux lettres qui ont fourni Tldée de forger une médaille du tyran
Sosistrate.
M. Streber, en parlant du tétradrachme de la collection North-wick, leoite
d'après Noefaden, qui n'y lisait que les lettres £0, tandis qu'on y distingue de
la manière la plus nette la légende £Û£ION, comme on l'indique dans le Ca»
taloguê de la vente Northwick^ p. 36, n* 356, et comme j'ai pu m'en assurer
moi-même sur l'original qui se trouve aujourd'hui dans la belle collection de
M. le général Fox.
' M. Streber avait déjà parlé de cette médaille duns le Kunttblott de
Tannée 1822, n* 42, p. 162.
* Lotronne {Ricue arch.^ t. Y, 1848, p. 118) a déjà remarqué la faute com-
mise par Raoul -Rochette , de transcrire ce nom par Eaméuès, observant que
si le nom eût été Eù\itn\^, il n*aarait pas pu s'écrire par un H ; outre que son
génitif à l'époque de ces médailles aurait été EOpévouç. Il conclut que le
véritable nominatif de ce nom , qui se trouve toujours au génitif ^ur leM
monnaies syracusaiues, a dû être EO|jlt^voç. Raoul-Rocbotte a donné ce nom
comme celui d'un artiste, mais Lotronne le croyait celui d'un magistrat.
Outre que le style particulier de cette monnaie signée du nom d'Lumène
montre évidemment, selon moi, qu'il s'8git ici d'un artiste, malgré les doutes
émis par M. Bmun {Geschichte der griechiic/u Kûnêtler, t. II, p. 429), il est à
remarquer que sur un superbe tétradrachme du Musée Britannique le nom
d'Eumène, ErSfHNOr, est tracé sur le bandeau qui entoure la tète de
femme.
» Torremuzza, iiir. vel. num., tab. LXXII, n'^6,8, 11; tab. LXXVIII, n- 11
358 MtMOiniis
Quant à la pièce en question , M. Streber trouve très-
curieux qu elle soit gravée d'une manière particulière
{eigenthûmlieh); et en la confrontant avec les astres*
pièces portant la légende ETMHNOV, il trouve qu'elle en
diiïëre beaucoup sous le rapport du style, quoiqu'elle
s'en rapproche certainement sous d'autres rapports \ Ei»
ce qui concerne l'inscription, l'auteur convient que fat
première idée qui se présente à l'esprit est qu'elle doit
être lue EVMHNOV, surtout si on la eompare au tétra-
drachme dessiné dans le Recueil des médailles du musée
Hunter (pi. LUI, fig. 1); mais après un examen très-dé-
taillé de la gravure de ces deux pièces , il fait remarquer
que celles qui portent la légende EVMHNOV ont toujours
un relief très-prononcé, même dans les lettres, tandis
qu'ici le relief est très-peu marqué, et les lettres très irré-
gulières. Il en conclut qu'il est impossible que cette mé-
daille soit une œuvre d'Euménus, mais qu'il est probable
qu'un autre graveur, nommé Eumélus, avait sous les
yeux et tâchait d'imiter de son mieux les œuvres d'Eu-
ménus.
En conséquence, l'auteur se croit complètement autorisé
à ajouter dans la liste des graveurs de monnaies siciliens
Eumélus à côté d'Euménus. Tout en reconnaissant ce que
cette opinion a d'ingénieux, je crois pouvoir me permettre
et 12. — 1" supplém., tah. VU, n* 4. — Raoul-Rochette, Lettre à M, te due de
Luynei «vr h$ yraceurê de monn, gr,^ pi. II, n°* 11, 13, 14. — Coinbe« Muê,
Hunter, pi. LU, n« 17 ; pi. LUI, n« 1, 20.
' Voici les expreMions einploycei dans Toriginal , et qui daoi latraduetion
peuvent paraître un pi*u étranges : Sie ( la monnaie) schemt mir aber^ wét
fniigtn nun yneer Augenmerk zutiàchtt nur aufdie Aufechriflen oder auf die
kûMtlerischê Bthandlung der Typen riclUen, so eigtnthumlich und, teenn wér êie
mit terwandten Stfmpeln xertjteichfn, von densclben to eehr atwHchené Hi%d met
thnen dennoch wirder eo uberttmlimmtni. ,.t p. 20-21.
ET DlSSEniATIONS. 359
d'en contester l'exactitude , et je me fonde sur les raisons
suivantes :
La pièce en question est d'ancienne fabrication ; en l'exa-
minant il y a deux ans, je l'ai notée comme fourrée.
L'auteur ne fait pas attention à cette particularité , et il
n'explique pas même le phénomène très-curieux qui se ma-
nifeste dans son poids. Une circonstance qui au premier
abord semblerait soutenir l'opinion de M. Streber, mais
qui réellement la détruit, c'est que je peux citer encore
deux autres pièces semblables avec le nom d'Eumélus :
Tune dans la collection de M. le duc de Blacas avec la
légende EVMHAO, fourrée, et pesant 13s%10, et l'autre
dans la collection de Luynes. Cette dernière porte les lé-
gendes 2VPAR et EVMHAOV, et pèse 13^,95 '. Elle ne me
parait pas fourrée, mais en quelques endroits elle a de
l'oxyde rouge et vert, qui manifeste la présence du cuivre,
soit comme âme, si la pièce est fourrée, soit comme un mé-
lange, si elle est massive et d'un métal inférieur. Ces deux
pièce» sont frappées sur des flans de module très-restreints,
mais sortent du même coin que celle de Munich. — Un
exemplaire conservé au musée Britannique est aussi fourré
et pèse 14»',42.
Je me réserve de parler une autre fois de ({uelques tétra-
drachmes de Naxos et de C^marina, qui doivent être regar-
dés comme des contrefaçons antiques. Ils sont massifs,
mais toujours cou verta^ d'un oxyde rougeâtre, dû à la qua-
lité inférieure du métal; le bas titre du métal produit
les exfoliations de la surface. La gravure des types est peu
* Sur le carton qui nccuinpagnc cette f i^cc rinscriptioii en eopiée ainsi :
EVMHNOV, mais cela n'est qu^imo éqaivoqiie, puisque sur la pièce ou voit
très-bien un A au lien d'un N. Pareillement le poids de 16", 90 qui y e*t indi-
qui^ n'est p«» exact.
960 MÊMOIUES
élégante et d'une nature tonte particulière, lin de ces tè-
tradrachmes de Camarina de la collection de Luynes, porte
k légende KAMAPINAOIN {$ic).
Après avoir examiné sur quatre exemplaires la nature
des monnaies au nom d'Eumélus, voyons quelle foi on doit
ajouter à des pièces contrefaites, imitant en tout, excepté
en quelques détails du revers, les monnaies qui portent la
légende EVMHNOV; d*autant plus que, comme on le voitv
ici toute la question que M. Streber examine très-longue^
ment et avec une extrême patience, se réduit à Toubli qu'a
fait le faussaire d*une seule haste^ qui change le N en A. Je
me borne à faire observer que déjà Eckhel' avait noté
quam copiose (in numis subaeratis) qnatn prate pfe-
rumqae peccatum sit, quamque adeo fùltax sit eorum
in philologiêe causis auctoritas; et il dit que si un der-
nier d'empereur n'était pas d'accord avec la chronolo*
gie,en l'examinant, il découvrait tnrpem intus animam
abscondere.
De la sorte, je crois qu'on ne doit pas accepter le
nouveau nom d'artiste Eumélus, proposé par M Stre-
ber, et que dans la pièce en question nous avons tout
simplement l'imitation d'un des tétradrachmes peu rares
avec la légende d'Euménus (ce qui, selon le numis*
matiste de Munich, n'aurait pu être admis que par
un observateur superficiel^ ein flûchtiger Beobachter),
et qu'il s'agit ici tout simplement d'une copie incor-
recte.
Après avoir démontré l'importance de ces pièces pour lar
critique philologique, qu'il me soit permis de rappeler leur
importance pour celle de Thisloire de l'art ^ car, ainsi que
* />. s ,\, p. ex vil.
ET DISSERTATIONS. 361
Ta déjà noté Eckhel \ ces contrefaçons grossières peuvent
donner un spécimen de Fart chez les Barbares, mais non
chez les Grecs ou les Romains.
Un autre point digne de remarque dans l'étude de ces
pièces, et qui du temps d'Eckhel ne pouvait guère être
observé, c'est leur poids. D'autant plus qu'à présent
que la métrologie est devenue non-seulement une étude ,
rakis même une mode très-répandue, il y a beaucoup
de métrologues qui, sans avoir une médaille originale,
relèvent dans des ouvrages numismatiques seulement
le chiffre du poids , en négligeant la description des
pièces.
M. Streber, dans la description qu'il publie, a donné
rindication des poids. 11 s'ensuit que tandis que les autres
tétradrachmes au quadrige pèsent, l'un 17*^285 et l'autre
17«',02, celui au nom d'Eumélus pèse seulement 126',662,
L'auteur appelle, en conséquence, les deux premières pièces
des tétradrachmes^ mais pour cette dernière il ne trouve
pas d'autre qualification que celle de monnaie d'argent^
Silbermûnze. Cela prouve l'embarras dans lequel il s'est
trouvé à cause de ce poid.s; mais n'ayant pas eu soin de
signaler cette irrégularité et ne s'étant pas aperçu que la
pièce est fourrée, il en résulte qu'un de ces savants qui font
de la métrologie numismatique avec des chiffres sur le pa-
pier, au lieu de la faire sur les monnaies mêmes, en exami-
nant d'un œil critique les monnaies usées, les fausses, les
fourrées; un de ces mélrophiles, dis-je, s'emparerait avec
empressement de ce poids de 12»%562 fourni par la pièce
au prétendu nom d'Eumélus ; et loin d'imiter la réserve de
M. Streber en l'appelant .seulement une monnaie d'argent^
* /). .Y., I, p. rxxxiv.
362 MÉMOIRES
il y découvrirait la grande rareté d'un tridrachme attique,
ou, ce qui serait encore plus surprenant, il nous révélerait
l'existence d'un didrachme éginétique frappé à Syracuse!
Voilà quels résultats pourrait amener la manie de discuter
et d'employer à l'appui de ses théories des documents
qu'on n'a jamais eus sous les yeux.
A. Salinas.
Nota. Les médailles de Camarina, gravées pL XV, n" 6
et 7, feront l'objet d'un travail particulier de M. A. Sa-
linas, que la Revue publiera prochainement.
ET DISSEHTATJOS. 363
LETTRE A M. ADRIEN DE LONGPÉRIER
LÀ LÉGENDE D'UNE MONNAIE DE GORTYNE
DE CRETE.
Cher monsieur,
Permettez-moi de vous adresser cette lettre, destinée à
compléter une explication numismatique à laquelle vous
avez bien voulu donner votre approbation. Il s'agit de la
curieuse légende d'une monnaie de Gortyne de Crète appar-
tenant à M. le général Fox, que j'ai essayé d'interpréter
dans le numéro de la Revue de mars-avril. J'ai eu le tort
alors de négliger une des particularités les plus impor-
tantes de la légende en question , et c'est cette lacune que
je viens combler aujourd'hui.
Vous vous souvenez que la monnaie archaïque de Goriyne
porte les mots :
Fopruvoc xà itatfia.
Ces mots, considérés au point de vue de la métrique, don-
nent le résultat suivant :
- w - 1 w - >»
c'est-à-dire un vers composé de trois trochées successifs,
avec une césure dans le second. Or cette mesure est exac-
tement celle d'un des anciens vers de la poésie grecque,
3t5A MÈMOIBES
tombé d\issez bonne heure en désuétude, celle du vers dit
ithyphallique \ Les deux principaux exemples qu'en aient
conservés les grammairiens antiques, l'un d'Archiloque ',
l'autre de Siuionide %
Zfûïov xdxtoTov,
ont juste la même coupe que notre légende de Gortyne.
Faut-il voir dans ce fait autre chose qu'une coïncidence
purement fortuite? Je serais assez disposé à le croire. Mais
reconnaître l'emploi du mètre poétique dans une légende
monétaire est une idée toute nouvelle , dont la nouveauté
même étonnera beaucoup au premier abord et qui, sans
doute, rencontrera plus d'un incrédule, sinon plus d'un
contradicteur. Il est donc nécessaire de la justifier par
quelques considérations et par d'autres exemples.
Chez tous les peuples la poésie a précédé la prose ; les
premiers essais de culture du langage ont tendu à lui don-
ner une mesure et un rhythme. Chez les Grecs ce fait est
peut-être plus manifeste que partout ailleurs, et il se reflète
dans l'épigraphie. II est dans cette science un principe que
je n'ai pas besoin de vous rappeler, mais que connussent
sans doute moins bien une partie des lecteurs de la Revue
numismatique. Ce principe a été posé par l'illustre
M. Bœckb, et la justification complète s'en trouve dans
le premier volume de son Corpus. C'est celui-ci : Toutes les
inscriptions grecques archaïques, sans exception, lors-
qu'elles contiennent plus qu'un simple nom propre, sont
• Voy. Hennann, De metrii, p. 183.
• Ap. Hephaest. Enchirid, VI, p. 38, éd. Gaisford.
• Ap. Etym. Majm. v" 7u>8iov.
KT mSSEUTATIONS. Mb
«létriques; le mètre y est souvent rude, irrégulier, c est à
peine s il mérite le nom de vers, mais Fintention d'y asser-
vir le texte est toujours incontestîible.
Les légendes monétaires onl-elles dans leur nature mùme
quelque chose qui se refuse à l'application de cette règle
générale? Il ne me semble pas qu'il existe de raisons qui
obligent à le croire. Mais ceci est surtout une question de
fait. Ce sont les légendes elles-mêmes qu'il faut interroger
pour savoir si celles d'époque primitive qui ont un déve-
loppement insolite, et constituent une phrase complète, ré-
vèlent oui ou non le caractère métrique. Car tous les rai-
sonnements abstraits que Ton pourrait étayer dans un sens
ou dans l'autre ne peuvent avoir aucune valeur à côté de
faits bien constatés.
La légende de la monnaie de Gortyne fournit une pre-
mière présomption ; mais, si elle demeurait isolée, ce serait
une base bien fragile pour s'y appuyer. L'observation
qu'elle m'a suggérée a donc besoin d'être corroborée par
l'étude d'autres inscriptions monétaires d'une nature et
d'un développement analogues. Heureusement les légendes
archaïques formant une phrase entière sont très-rares sur
les monnaies grecques. Il me sera donc facile, sans donner
une bien grande étendue à cetle lettre, de passer en revue
toutes celles qui sont jusqu'à présent connues, et d'exa-
miner si l'on y reconnaît la trace de l'emploi d'un mètre
plus ou moins régulier.
Je commencerai par les inscriptions des deux célèbres
monnaies de Gétas, roi des Édoniens \ L'une porte :
râxa paaiXitt)^ Hcwvav,
' Millingon, Syllogc t>( gretk coins, pi. I, !.'• 15 et \<i. — Ch. Lpnoriniîut,
SuminvMlique àes rois tpers^ pi. IX, !»"• 7 ol 9.
nci— 5. 25
l'autre :
I/einploi, dans le mùaie p.iys, à l.a même époque et sur les
monnaies du môme prince, de deux formes appartenant à
des dialectes différents, Tune dorique et i'auire ionique,
pour exprimer le génitif de l'ethnique, est un fait des plus
étranges et que Ton ne peut guère expliquer que par Tin-
tcnlion d'asservir ces deux légendes à des mètres ou du
moins à des tentatives de mètres.
Kt en effet, si on les scande, on trouve que la première
est un vers iambique dimètre \ avec sa césure placée de la
façon la plus normale,
|--
et présentant seulement cette irrégularité que le dernier
pied est un spondée, au lieu d'un iambe ou d'un tribraque.
Mais les irrégularités de ce genre sont fréquentes dans les
inscriptions, surtout quand elles datent des temps primi-
tifs. Celle-ci même a été renouvelée par plusieurs poètes
d'époque plus récente, lille «avait dans le langage des
grammairiens un nom spécial, qui a été tout récemment
révélé par un manuscrit de la Bibliothèque impériale';
on appelait, en effet, ôXo(nc6vo£to^ ou spondaïque le vers iam-
bique terminé par un spondée, lors même que dans ses
pieds antérieurs il comprenait d'autres mètres.
Quant à la seconde légende des monnaies de Gétas, il
est évident que le génitif liSwviwv y a été introduit parce
que ùob)/ôjv ou Qoiovâv, — ce dernier génitif étant celui qui
S3 lit sur l'autre pièce et le plus conforme au caractère
* lliMniann, De metrix, p. 141.
* Voy. Cari.' WfsnluT, Herue arc/ir'o/., novembre 1864^ p. 352.
ET DiSSEKTATlONS. 5rt7
dorieu du dialecte grec usité dans la Macédoine, — n*aurait
fourni aucune mesure régulière, du moment qu'on se dé-
cidait à placer le titre royal après le nom du peuple. Telle
qu elle se présente à nous, c'est un vers glyconien, le vers
employé de préférence à tous les autres dans les chœurs
des tragiques et que la variété des formes dont il est sus-
ceptible avait fait surnommer polyschematisius. Sur la pièce
macédonienne le vers glyconien rentre dans le type bien
connu ^ qui a pour base un bacchius et pour terminaison
un choriambe :
Prenons maintenant l'inscription qui se lit sur une pré-
cieuse médaille de Métaponte ' :
ÂOXov kyîkoio.
On ne saurait douter que ce ne soit une simple erreur du
graveur qui y ait fait écrire iytloio pour i-ytUoio^ forme im-
périeusement commandée par le nominatif ÀyéXooç, seul
connu des poètes et des prosateurs anciens. Dès lors, si
Ton veut scander cette légende, il faut y compter une
syllabe de plus :
Ici encore, comme dans la légende de la monnaie de
Goriyne, nous avons affaire à un vers ithyphallique, mais
beaucoup moins régulier. Cependant les irrégularités qu'il
renferme sont justifiables aux yeux de la métrique et ne
peuvent donc pas empêcher de reconnaître la nature du
vers. On rencontre quelquefois des ithyphalliques sans
1 Hermnnn, De melris, p. 223 pt ruiv.
' Duc de Luynes, JJétajHnUf, pi. I. ii" 3. -- Millingcn, Ancient coing (.[fjfrk
rities, 1831, pi. I, n'* 21.
308 .\I(.M<»IKES
ci'îsurc régulière au second pied * ; quant à la substitution
d'un tribraque au second trochée, on n'en connaît pas
d'exemples; mais, comme il est de règle que cette substi-
tution peut s'opérer dans tous les pieds des vers tro-
chaïques, Ilermann ', dont Tautorité fait loi en pareille
matière, a admis théoriquement qu elle était possible en
un cas semblable à <^elui qui nous occupe.
Je n*ai encore cité que quatre exemples et me voici déjà
au terme de ma revue, tant les légendes archaïques dé-
veloppées constituent une rare exception dans le monnayage
grec. Reste encore la médaille d'argent de Ségeste, pu-
bliée par M. Salinas', sur laquelle on lit :
lM3aiIAT?a33$
Mais la légende de cette pièce peut-elle ùtre considérée
comme vraiment grecque? 11 semble bien qu'elle se ter-
mine par le mot l^\, d'après l'habitude, si multipliée dans
les inscriptions primitives de la Grèce, qui donne la pai'ole
k l'objet lui-même ; mais SErEXTAZlB n'est pas une forme
grecque et contient una désinence qui» se retrouvant dans
d'autres légendes monétaires de la Sicile, doit être» comme
l'a supposé M. Salinas, empruntée à l'idiome des indigènes
de cette contrée. Au reste, si l'on voulait la tenir pour grec-
que, bien loin d'apporter démenti à mon opinion, elle
viendrait la confirmer, car elle donnerait à celui qui vou-
drait la scander
et correspondrait ainsi d'une manière exacte à Tune des
* Hcmianii, Dr wi^/ri>, p. 131.
* Eiiîtome doctririae metricar^ p. 45.
' Aii\temîice alla àf'-moria sulle monete puniro-sinile dtlf abate Or. t^gtiuieun
u' y. — Cf. Milliiiir«'n, Sylloye of anvient niins, 1837, pi. I, n" 12.
i:t dissertations. 360
formes régulières chi vers clochmiaqiie ou antispasle l)y|>er-
catalectique, à celle dans laquelle la longue finale est rem-
placée par deux brèves \
De ces divers exemples, assez nombreux pour que Ton^
ne puisse pas considérer comme purenynt fortuite la coïn-
cidence de toutes les légendes que je viens de citer avec
des formes de vers connues, il me semble que je suis ea
droit <Je conclure une loi, qui D*a pas encore été formulée
eu numismatique, mais qui est exactement conforme à ce
que présentent les autres branches de Tépigraphie :
Toutes les fois que, sur les monnaies grecques archaïques,
la légende ne se borne pas à un simple nom propre de
l)eupleou d'homme, soit entier, soit abrégé, mais constitue
une phrase complète, elle est métrique et Ton doit chercher
à quel type ancien de vers elle se rattache plus ou moins,
régulièrement.
Je le répète, l'opinion que j'éniets ici est assez neuve et-
assez inattendue pour que je n'ose pas oie flatter d'amener
du premier coup tous ceux qui s'occupent de numismati-
<iue ancienne à uia manière de voir. Mais je la soumets à
voire haute expérience et je suis heureux de soulever cette
question dans votre recueil, aOn de provoquer ainsi la pu-
blication de nouveaux exemples de légendes grecques pri'^
natives d'un développement insolite, qui permettent da
juger plus complètement si je me suis trompé ou si j'ai,
rencontré juste dans mes conjectures.
François Lenormant.
* ncrniAnn, De meîhs, p. 243 vt .«uiv. — Epitome doctrinae mctrivne, y. 02.
370 «fCMOIDES
NOUVELLES OBSERVATIONS
LA NU31ISMATIQUE JUDAÏQUE,
A PROPOS DU LIVRE INTITULÉ : History of Jetci^h coinagr^
DE M. Frédéric W. Maddem. Londres, 1864.
(PI. XVI. i
Lettre à M. J. de WUtf.
iMon cher ami ,
Depuis la publication de mon travail sur la numisma-
tique judaïque, plusieurs ouvrages touchant le même sujet»
ont vu le jour successivement, et je les ai lus avec d'au-
tant plus de plaisir qu'il n'en est pas un seul où je n'aie
trouvé beaucoup à apprendre. MM. Cavedoni, Reichardt, de
Vogiié, Lévy et Madden sont des hommes trop sérieux et
trop instruits, pour que leurs recherches ne doivent pas
être forcément fructueuses. Je leur sais donc le plus grand
gré pour les efforts qu ils ont tous faits, af*n d'éclaîrcir
des questions numismatiques souvent très-difficiles à ré-
soudre, et sur le compte desquelles j'ai pu me tromper.
Il est rare que ceux qui créent une branche d'études
Kl nissturAiiu.NS. 371
ne commettent pas de fréquentes erreurs; il en est de
même pour ceux qui, comme je l'ai fait après Bayer et
Eckliel, reprennent cette étude ab ovo^ et y apportent tout
leur amour et tous leurs soins; ils peuvent aussi faire par-
fois fausse route, mais ils ont au moins un mérite qu'on ne
me refusera pas, j'espère, c'est de publier une série de
monuments assez étendue pour que Ton soit toujours obligé
d'y puiser largement. C'estdonc une très-grande satisfaction
pour moi de voir calquer et reproduire mes dessins de
monnaies judaïques dans tous les ouvrages qui traitent de
la matière.
J'avais formé la plus belle collection connue jusqu'alors
de monnaies judaïques; cette collection, j'ai dû la sacrifier
lorsqu* après la publication de mon livre, j'ai voulu m'oc-
cuper de la numismatique gauloise , et je crois être sûr
qu'elle est devenue en entier la propriété de M. Wigan ; on
peut donc toujours vérifier dans les cartons de cet hono-
rable numismatiste, la légitimité de mes lectures.
L'an dernier, j'ai fait un second voyage en Judée; j'ai
passé plusieurs mois à Jérusalem et dans les environs.
Voulant faire tourner mon séjour au profit de la science
numismatique à laquelle je me suis voué depuis plus de
cinquante ans, j'ai acquis tout ce qui m'a été offert de mon-
naies judaïques, et j'ai réuni une seconde collection mal-
heureusement moins considérable que la première. Chemin
faisant quelques pièces nouvelles, mais en très-petit
nombre, se sont présentées à moi, et j'ai pensé qu'il se-
rait intéressant de les décrire pour les lecteurs de votre
excellente Revue, C'est sous vos auspices, mon cher ami,
(|ue je place cette modeste publication.
. Avant tout je tiens à jeter un coup tVœW sur l'ensemble
de cette branche de la nuuiiî^nintifiue, telle qu'elle est main-
372 MÉMOIRES
tenant constituée. Je veux aussi essayer de justttier uioo
entêtement en certains cas, et proclamer moi-même les
erreurs de classification que j'ai pu commettre, et que Yon
m'a parfois reprocliées avec une sévérité qui frisait l'ina-
politesse. 11 est certain que ceux qui ne font rien par eux-
mêmes, ont seuls la chance de ne pas se tromper ; quant aux
autres, ils sont tous exposés à se tromper parfois. A ce
compte l'indulgence doit être de mise pour tous ceux qui
ont traité le même sujet que moi. Je ne sais trop comment
il se fait que depuis plus de trente ans on a pris l'habitude
de me traiter un peu en écolier qui commence sa carrière
scientifique. Je voudrais bien qu'on eût raison, hélas! mais
malheureusement ce sans-façon ne peut m'ôter ni une ride,
ni un jour. 11 est vrai que par manière de compensation,
il ne m'ôtera pas non plus une parcelle de mon expé-
rience numismatique, en laquelle, je le confesse, j'ai quel-
que confiance» C'est de l'orgueil, sans doute ; mais pourquoi
me faire plus humble que je ne le suis? Je n'en ai en vérité
nulle envie. Mais en voilà assez sur ce sujet; passons donc
à l'étude des monuments.
Avant tout répétons l'énoncé de deux principes qui. en
numismatique, valent des axiomes de géométrie.
l"" Dans une série numismatique quelconque la loi de
succession des types est tellement rigourense que n'en pas
tenir compte, est pour ainsi dire insensé. Cette loi s'ap-
plique de même à la fabrique, à la taille et au style.
2^* Les petites monnaies de cuivre voyagent peu, et là
où elles se rencontrent exclusivement, là elles ont été frap-
pées.
Cela posé j'entre en matière»
ET DISSERTATIONS. 373
Skies et demi-sic'es d'argent.
J'ai prétendu que les monnaies de cette classe avaient
une toute autre origine que le droit monétaire accordé à
Simon TAsmonéen par Antiochus Sidétès, fils de Démé-
trius Soter, Tan 173 des Séleucides (lAO av. J.-C.) (I, Macc. ,
XV, 6). Kal iirâffTpe^'a jot iroÏTjaat x6{x;jia îSiov v^(At9(jLx t^ yj^?^ ^'^^'
Et permitto tibi facere percussuram proprii numismatis in
regione tua.
Je ne chercherai pas à étayer l'opinion que j'ai émise et
à laquelle je tiens plus que jamais, sur les innombrables
exemples de concessions monétaires faites pour avoir l'air
d'accorder ce que l'on ne pouvait pas empêcher. La numis-
matique du moyen âge fourmille de faits analogues. La
permission octroyée par Antiochus n'a donc pas en réalité
la moindre valeur à mes yeux.
Métal, types, style, légendes, fabrique, tout est en op-
position flagrante avec l'attribution à Simon l'Asmonéen
des sicles et demi-sicles que tout le monde connaît. Com-
parer ces belles monnaies aux chétives pièces de cuivre
de Jean Hyrcan, c'est plus qu'il n'en faut pour séparer
l'émission de ces deux classes de monnaies, par un iuler-
valle de près de deux siècles.
Je voudrais de tout mon cœur me rendre à l'opinion que
je suis forcé de combattre; mais mon instinct numismati-
que ne me le permet pas. Entre l'âge de ces monnaies, je
le répète, il y a évidemment plus d'un siècle d'intervalle.
Et puis, je désire qu'on m'explique pourquoi Jean Ilyrcan,
le successeur immédiat de Simon, ne fr(]^)pe plus que du
cuivre de valeur infime, mais avec son nom, tandis que pen-
dant trois ans, Simon ne frappe que de l'argent, en se gar-
37/i Mï-MOinES
daiit bien d'y inscrire son nom, Ini à qui son suzerain,
accorJe le droit de faire... percassuram proprii nuiui»-
matis.
Les successeurs de Jean Hyrcan inûtent servilement le
système monétaire inventé par lui ; pas un ne songe au
système créé par le premier qui a possédé le droit moné-
taire, et qui Ta mis en pratique. Tous copient Hyrcan ; tous
rejettent les exemples fournis par la prétendue numisma-
tique de Simon. N'y a-t-il pas là véritablement une impos-
sibilité matérielle? J'en fais juge tout numismatiste sans
parti pris.
La paléographie au moins vient-elle me donner tort?
Comparons, et pour cela faire dressons le tableau das let-
tres fournies par les légendes des sicles et par les monnaies
de Jean Hyrcan et de ses successeurs. Ce tableau que j'ai
dressé avec le plus grand soin me semble instructif; je n'ose
pas dire qu'il donne raison à la classification que j'avais
proposée^ on nje jetterait la pierre! J'aime mieux, sur ce
point, laisser le lecteur se faire son opinion lui-même.
(Voir le tableau placé en regard de la page.)
Revenons donc aux faits matériels purs, et cherchons à
les comprendre, si faire se peut.
Évidemment nous ne connaissons aucune monnaie d'at-
tribution certaine de Simon l'Asmonéen, du prince auquel
a été faite par Anliochus Sidétès la concession du droit de
battre monnaie. Remarquons en passant que Simon devait
se soucier médiocrenjent de cette concession, lui, troisième
prince d'une dynastie juive, qui n'avait de raison d'ôtre que
la guerre à outrance déclarée par clic à la dynastie des
Séleucides. Mais admettons qu'il ait fait grand cas de cette
concession; il est clair alors qu'il n'a eu pour elle qu*nn
amour platonique, puisqu'il n'a pas signé une seule mon-
REVUE NUMISMATIQUE .18 6f P. 374.
ALPHABETS DES MONNAIES JUDAÏQUES.
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ET DISSERTATiOMS. 375
naie émise par son ordre, proprium mimisma, dit le livre
des Maccabées. Puis voilà que le successeur immédiat de
Simon, Jean Hyrcan inonde la Judée de petites monnaies à
légende nominale, qui inauguraient un système monétaire
exclusivement adopté par les successeurs de Jean Hyrcan,
et cela à l'exclusion absolue du système qui aurait été créé
par Simon lui-même, le premier concessionnaire du droit
njonétaire. Tout cela n'est-il pas parfaitement invraisem-
blable? On a si souvent argué de Tarchaisnie patriotique
avec lequel les souverains juifs s'opiniâtraient à reprendre
les types et récriture de leurs prédécesseurs, que je puis
bien me permettre de retourner cet argument à ceux qui
ne partagent pas mon opinion sur la classification des mon-
naies juives, et en conséquence je deujanderai qu'on m'ex-
plique comment, parmi ces princes successifs, il ne s'en est
pas trouvé un , je dis pas un seul, qui ait cru bon de co-
pier le système créé par le premier souverain juif qui ait
joui du droit monétaire, en vertu d'une concession régulière
émanée du bon vouloir d'un roi Séleucide. Explique cela
(|ui le pourra! Pour moi, je ne m'en charge pas, car je
comprends bien que je n'aurais pas une seule raison, je ne
dis pas une bonne raison, à donner, pour justifier ce fait
étrange. Quoi qu'il en soit dressons la liste des souverains
Asmonéens avec les dates correspondantes à leurs règnes.
Judas 167 à IGl
Graud-prôtre en 164.
Jonathan 161 à 1 13
Grand-prêtre en 153,
Simon 143 à 135
Jean Hyrcan 135 a 100
( Antiochns Sidétès frappe des monnaies à
Jéruf^Icm dans les années IHl et 182 de
l'éro do* Si'-k-u ides (132-131 av. J. C.,.:.
376 MÉMOIRES
Judas Aristobule et Amtioonb 106 à 105
Jadns prend le titre de roi à sou avènement.
AlUXASDRE-JoNÀTUAM on jAKNiEUS 105 à 78
Il prend le titre de roi dès 105.
11 y a gaerre civile entre 92 et 86.
AXJBXAlfI>RA-SALOMé 78 à 69
Hyrcan 69 à 66
Batta par son frère, il lui cède la royauté et
le souverain pontificat en 66.
Aristobule 66 à 63
Htbcan, rétabli 63 à 57
La monarchie est remplacée par Toligarchic. . 57 à 47
Aristobule, rétabli en 49.
Il partage la puissance souveraine nomi-
nale avec son fils Alexandre.
Htrcan, rétal)li 47 à 40
Antioonb , fils d'AristobuIe 40 à 37
Voyons maintenant ce que nous apprend cette lisle, et ce
qu elle nous révèle de possibilités et d'îni possibilités nu-
mismatiques.
C'est eu Tan 140 que Simon a reçu le droit de frapper
monnaie. Son règne a fini en 135. 11 a donc pu exercer son
droit nouveau pendant cinq années.
Les monnaies qu'on persiste à lui attribuer ne représen-
tent que quatre années, dont les trois premières sont men-
tionnées exclusivement sur des espèces d'argent destinées
apparemment au service religieux. La quatrième, grâce à la
belle découverte d'un sicle d'argent de Tannée à, publié
par M. Reichardt, offre identiquement le système des trors^
années précédentes ; mais tout d'un coup la monnaie d'ar-
gent disparaît, et elle fait place à une monnaie de cuivœ,
offrant des divisions bien régulièrement taillées, quant au
module.
Quel est révénemcnt f[ui a pu motiver ce changement de
système monétaire? Nous n'en savons rien. Où sont les
I:T hlSSKIlTATÏONS. 377
monnaies de la 5* année de Simon? Nous ne les connais-
sons pas. Simon fut assassiné à Jéricho par Ptolémée, son
gendre, au moment même où des succès militaii-eë rem-
portés sur les Syriens, dont l'empire divisé par l'usurpation
de Tryphon était loin d*ètre florissant, semblaient avoir
accru la puissance de la nationalité juive. Autant de faits
que je ne me charge pas de faire concorder, avec l'attribu-
tion à Simon des sicles et demi sicles d'argent et de cuivre.
Comme je n'ai pas envie de faire des réticences, je me fais
un devoir d'ajouter que toujours, à part moi, j'ai trouvé
que les monnaies de cuivre de l'année 4, comme style et
comme fabrique ne s'accordaient pas sulTisamment bien à
mon gré avec les belles monnaies d'argent connues sous le
nom de sicles et de demi-sicles. C'est là une affaire d'in-
stinct, de flair, si l'on veut, mais si l'instinct se trompe
rarement, je n'entends pas dire qu'il soit infaillible. Je
maintiens donc, ne pouvant faire autre chose, en un seul
groupe le système des monnaies d'argent et de cuivre, et
ce groupe je l'attribue toujours à l'autonomie obtenue
d'Alexandre par le grand-prêtre laddous, parce que je ne
vois aucune possibilité de l'attribuer au principat de Simon.
Encore un mot. Il serait extrêmement intéressant do
découvrir l'origine de la légende ]vy îiSnsS, que portent
exclusivement les monnaies de cuivre de l'année A. Je
laisse à ceux qui ont le privilège de tont expliquer, le soin
de trouver dans l'histoire de Simon, pour l'année 136, le
fait qui a pu njotiver l'adoption et l'usage de cette légende.
Monnaiea no'minaUs de cuivre des princes Asmonéefis,
Il n'y a pas de doutes possibles sur l'attribution des mon-
naies de Jean Hyrcan, aux types do la légende hébraïque
^7H MÉMOIKES
nominale inscrite dans une couronne, et des deux cornes
d'abondance. La connaissance de ces monnaies est le pivot
sur lequel roule forcément la classification de toutes les
autres monnaies nominales du système identique. Or nous
en avons d'un Judas et d'un Jonathan, et nous avons deux
princes Asmonéens portant chacun un de ces deux noms.
Judas Maccabée et Judas Aristobule successeur de Jean
Hyrcan.
Jonathan successeur de Judas Maccabée, et Jonathan
Alexandre, autrement dit Alexandre Jannœus.
Comment choisir entre eux?
S*il s* agit sur nos monnaies des deux premiers Judas et
Jonathan, l'absence des monnaies identiques de Simon, est
inexplicable. Car la loi de succession des types est là avec
toutes ses exigences. Je renoncerai donc volontiers à attri-
buer des monnaies à Judas Maccabée, et à Jonathan son
successeur, en adoptant la classification proposée par ceux
qui se sont occupés après moi et avec les monuments que
je leur ai fait connaître, de cette suite si importante des
monnaies judaïques.
Et cependant que de difficultés encore, pour ne pas dii^
d'impossibilités! énumérons-les.
Dans ce système des petites monnaies nominales de
cuivre, système éminemment propre à la dynastie Asmo-
néenne, Simon, le concessionnaire du droit monétaire, ne
figure pas; et suivant toute apparence aujourd'hui il ne
figurera pas, car depuis dix ans on a recueilli les monnsdes
judaïques avec tant d'avidité, que s'il existait des monnaies
nominales de Simon aux types des monnaies de Jean Hyr-
car), on en aurait retrouvé quelqu'une, ne fût-ce qu un
exemplaire. Donc il faut admettre que Simon n'a eu nul
souci (le frapper des monnaies à son nom, proprium nu-
KT l)|SSKRTATi()>S. 371»
misma^ en vertu de la concession dérisoire qui lui était
faite par un prétendu suzerain, dont sa famille depuis
vingt-sept ans, n'avait d'autre pensée que d'ébranler et de
renverser la puissance.
Ainsi pas de monnaies nominales de Simon ; ceux qui
lui attribuent les sicles, en dépit de la loi de succession des
types, sont bien forcés d'admettre ce fait étrange et plus
que gênanu
Jean Hyrcan.
Jean Hyrcan est incontestablement le créateur du système
nominal de cuivre, dans Thypothèse où Judas Maccabée et
Jonathan n'ont droit à aucune monnaie dans la série asmo-
néenne. Jean frappe donc les jolies petites monnaies que
tout le monde connaît, et sur l'une d'elles il introduit
déjà une fraction de légende grecque, un simple A, c'est
vrai ; mais l'abîme est franchi, et désormais un prince
Asmonéen s' autorisant de l'exemple du souverain Pontife
Jean Hyrcan, pourra se permettre d'introduire des légendes
grecques sur ses monnaies.
Judas Aristobulf.
On donne à ce prince les monnaies sur lesquelles se lit
le nom de Judas suivi du titre de grand-prêtre (Sn:n insn)
ou de (lohec illustre (SiS:i). Ou m'a contesté cette dernière
leçon; on aurait peut-être mieux fait, avant de me déclarer
coupable d'une lecture d'imagination pure, de recourir à la
monnaie elle-même qui m'a présenté ce mot. On aurait eu,
il est vrai, la ressource de déclarer que si ce n'est pas moi,
c'est le graveur du coin qui ne savait pas écrire sa langtie.
380 MÉMOIRES
Je le veux bien ; mais je fais appel aux numismatistes sans
parti pris. Qu'ils prient M. Wigan de leur laisser lire et
transcrire la légende de la pièce en question, et j'ai la con-
viction que ce n'est pas moi qui serai pris en faute.
Maintenant est-ce bien à Judas Aristobule que revien-
nent ces monnaies? Voilà qui n'est pas encore démontré
pour moi, bien que l'absence des monnaies nominales de
Simon, me porte aujourd'hui à l'admettre. Voici pourquoi
j'hésite encore : Judas Aristobule, à son avènement, a pris
le titre de roi ; c'est Josèphe qui nous le dit; il est vrai qu'il
est de mode de mettre Josèphe de côté toutes les fois qu'on
n'est pas d'accord avec lui, mais que par compensation on
fait grand cas de ses dires toutes les fois qu'on y trouve
un semblant de preuve de ce que l'on désire établir.
Quoi qu'il en soit, voici le texte de Josèphe relatif à la
royauté de Judas Aristobule. Il est difficile, comme on va le
voir, d'être plus explicite et plus précis.
TcXsuTTÎaavxo; yàp «utoT; toû Ttatxpo;, ô rpsoCuxaTOç AptTcé^uXo;
TTiV àpji\^ £?; PajtXîîxv (jisxaOfjvat SrSJaç (sxpivîv yàp ouxw;) $ixot^[jl2
rpcÔTo; è-ixiOexai jjisxà xîxpaxoalcov àpiOfjiov èxwv xai ^YOoiîxovxa x«:
évo; xai ur,vâ»v xpiwv, àcp ou x^ç àiro BxSuXtôvo^ oouXeia; àraXXaYiU à
Xaoc eU xtjv o'ixî(av ÈTravr^XOs. {Ant^ /wrf., XIII, XI, 1.)
Plus loin nous lisons encore dans le même ouvrage :
lou8q[ t<5j xai ApiTCo6otjXq> xal yàp 8tâ87}[jia TceptiOsxo irpcûxo^
iouSa; èviauxôv Sva. {Ant. Jud.^ XX, X, 1.)
Si ce fait sur lequel Josèphe a l'air bien fixé puisqu'il y
revient à deux fois, si ce fait, dis-je, est exact, comment
Judas Aristobule, si pressé de prendre le titre de roi,
ne s'en est-il pas servi sur les monnaies frappées à
son nom ?
J'aitendrai qu'on me rende compte de ce fait.
f ' ET WSSERTATIONS. 381
JcNATHÂH Alexandre Jannjëus.
Les monnaies de Jonathan forment quatre groupes. Le
premier et le deuxième portent mention du titre de grand
prêtre seulement, avec le nom du pontife écrit jn:^ et jn3nn\
Le troisième et le quatrième groupes sont composés des
monnaies bilingues à la double légende "^Sdh ^r)2%n> et
AAEEAN^POr BAIIAEiîi, accompagnées d'une fleur ou
de l'ancre des Séleucides.
Pour les pièces bilingues pas Tombre d'un doute possible,
elles sont bien d'Alexandre Jannsus. Mais les autres, com-
ment expliquer encore l'absence du titre royal? Voici com-
ment on a rendu compte de ce fait. Pendant six années, de
92 à 86, les querelles du roi Alexandre et des Pharisiens
ont fait naître la guerre civile ; en conséquence, de 1 Oô à 92,
ce prince a frappé des monnaies simplement pontificales;
puis des monnaies royales bilingues de 92 à 86, et enfin de
nouveau des monnaies purement pontificales de 86 à 78.
C'est le système de M. Lévy.
M. Madden, suivant en cela la classification de M. Poole,
admet que le premier système de monnayage d'Alexandre
Jannœus comprend les pièces bilingues, dont les légendes
grecques auraient pour leur part motivé l'animadversion
des Pharisiens. Le second système comprend les pièces
pontificales avec la double forme du nom de Jonathan, et il
aurait été émis pour céder aux exigences des Pharisiens.
A cela il y a une grave et très-grave difficulté, et c'est la
loi de succession des types qui la soulève. La reine Alexan-
dra. si soumise aux Pharisiens, a frappé des monnaies
bilingues identiques de types et de style avec celles de
son mari Alexandre. La reine aurait donc repris, elle l'amie
1864. - 5. 26
S82 MÉMOIRES
des Pharisiens, le ty|>e, dont l'emploi, de la part de son
njciri, leur avait paru nne indignité, et, après une éclipse de
huit années, ce type aurait reparu sans Tombre de modifi-
cation, sans la moindre opposition ; à priori c'est difficile
à admettre, et pourtant nous serons forcés d'accepter en
partie cette classification.
Si toutes les monnaies de Jonaiban, grand prêtre, re-
viennent à Alexandre Jannseus, quelques-unes d'entre elles
sont incontestablement frappées après les monnaies bilin-
gues à la fleur et à l'ancre; mais de toute nécessité aussi
celles àTétoile ont été émises jusqu'au dernier jour de son
règne. I.a monnaie de la reine Alexandra le prouve jus-
qu'à l'évidence. Je sais bien que c'est là un argument pu-
rement numismatique, et qui, s'il est sans réplique pour
un numismalistede profession, peut paraître peu concluant
}>our qui n'a pas fait de cette science l'étude de toute sa
vie. Mîiis comme j'écris pour les numismatisies, peu m'im-
porte ce qu'en penseront les autres.
La teneur de la légende nominale Jonathan le grand
rolifu et le kheber (-»nn) des Juifs, i)résente toujours quel-
ques dilTicultés, à mon avis. J'ai traduit inn par « l'ami, v
ce mot me paraissant faire le complément des attributs de
Jonathan dans la phrase courue ainsi ^
cn-HM inn: S*,-î5n 'jnsr. jn:in^
On a proposé de voir une sorte de triade désignée dans
cette légende : Jonathan, le grand prêtre, et le sénat des
Juifs. Mais Jonathan et le grand prêtre, c'est tout un :
il n'y a donc pas de distinction à faire entre le roi Jon<a-
tban et le grand prêtre, dès lors la copulaiive •: m'a bien
l'air de désigner un second qualificatif du personnage
nommé. Or i^n, c'est l'ami, l'associé; il est vrai que
ET DISSEKTATIONS. 383
Î3^:n3iin, dans Osée (VI, 9) signifie la bande des prêtres,
lin, suiv.int Sander, signifiant : association, ligue, de inn,
être lié, attaché, s\issembler. Que peut signifier la ligue,
Fassociation des Juifs? Tout bien considéré, j'abandonne la
traduction que j'avais cru ponvoir accepter et je reviens au
sens, « Taini des Juifs, » parce que je le crois plus probable.
Alexandwa.
La seule monnaie connue de cette reine, passée dans les
cartons de M. Wigan, est celle que j'ai publiée ; tout le monde
-est d'accord sur son attribution. Comme elle est identique,
i la légende près, avec les monnaies bilingues de son nïari,
son existence prouve, en vertu de la loi de succession des
types, que les dernières monnaies émises par Alexandre
Jannœus sont bien les pièces bilingues qui se voient dans
toutes les collections.
Toute la période qui s'est écoulée de l'an 69 à l'an /jO,
époque de l'avènement d'Antigone, reste à trouver nuuiis-
maiiquement parlant. Il est bien certain qu'il doit exister
des monnaies de Hyrcan II, d'Aristobule II. et de l'oligar-
chie, mais où sont-elles? Je ne me sens pas de force à les
déterminer dans le chaos des petites pièces de cuivre bar-
bares que l'on trouve à foison à Jérusalem, et sur lesquelles
on voit une ancre et une étoile, comme sur les bilingues
d'Alexandre Jannaeus et d'Alexandra. Ces pièces sont de
très-petit module en général, et d'un poids bien inférieur
à celui des monnaies des deux règnes que je viens de men-
tionner. J'en décrirai plus tard un certain nombre, dans
l'espérance de fournir quelques éléments de légendes qui
se coujpléteront quelque jour. Il faut maintenant revenir
384 MÉMOIRE»
sur certains fuiis matériels qui vont éclaircir la numisnia^
tique d'Alexandre Jannœus.
M. Maddcn, dans son beau livre (p. 66), a parlé de sur-,
frappes qui ont véritablement un très-grand intérêt. On
sait en effet tout le parti que Ton peut tirer de Tétude des
surfrappes, pour lixer Tàge relatif des types superposés.
M. Poole, en étudiant celles des deux pièces qui sont dans
les tiroirs du Britisk muscum, a reconnu, ditM. Madden»
quelques traces de légendes grecques sous les légendes
hébraïques telles qu'on les trouve sur les monnaies pon-
tificales des Asmonéens. L'une porte encore ANAP.T
(AAKEANAPOV) et l'autre EQl (BAilAEiîL). M. Madde»
ajoute : From this fact it is certain tbat Dr. Levy's sugges^
lion about the three coinages is not correct, ant that we
must accept the arrandgment given by M. Poole.
Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que s*il est
une fois bien établi que le type de la légende grecque est
surfrappé par le type hébraïque pur, c'est au contraire I»
classification de M. Lévy qui reçoit une confirmation positive.
Il est malheureusement difficile parfois de déterminer
Tordre de succession des types supei'posés, et de dire avec
sûreté : celui-ci a précédé, celui-là a suivi.
J'ai eu moi-même la bonne chance de trouver à Jéru-
salem de belles pièces surfrappées dont je donne les
figures, et dont l'une iranche définitivement la question.
Sur la première, d'un côté, je lis à gauche BAMAB
«lutour d'un arc de cercle bien net, et à droite, je vois un
fragment d'ég.al relief de la couronne qui entoure d'ordi-
naire la légende pontificale, dont on ne perçois que les
trois dernières lettres «yA^Adu mot cn-.nt (pi. XVI, iv •).
Au revers tout est confus, et Ton ne reconnaît qu une
des deux cornes d'abondance du type asmonéen.
ET DISSERTATIONS. 385
La présence du cercle intérieur sur lequel s appuie la
légende grecque, prouve que i'un des deux types est celui
des bilingues royales à la fleur, d'Alexandre Jannaeus. Mais
quel est sur cette pièce le premier des deux types reçus
par le flan? Je ne me sens pas de force à le dire. Si c'est
te type hébreu pontifical, j*ai raison ; si c'est le type grec,
j'ai tort avec MxVI. Poole et Madden, et c'est M. Lévy qui a-
raison, même contre la logique des lois numismatiques.
Heureusement, je le répète, la seconde de mes surfrappes
donne la solution du problème (pi. XVI, n* 4).
En voici la description. La pièce est un Jonathan écrit |n3\
d'une conservation et d'une pureté parfaites sur les deux
faces; mais à droite de la légende pontificale on voit très-dis-
tinctement les lettres. . . . AES A du nom A AEE ANAPO V,
et dans le corps des lettres hébraïques de la légende de
Jonathan, la trace du cercle au centre duquel était l'ancre
des Séleucides. Au revers, sous les deux cornes d'abon-
dance, on aperçoit encore les pétales de la fleur: donc
cette fois plus d'incertitude. 11 est démontré rigoureuse-
ment que le groupe pontifical avec le nom |n:^ a été sur-
frappé sur les pièces bilingues à la fleur. Comme il n'est
pas moins démontré que les bilingues à l'ancre et à l'étoile
ont été les dernières frappées par Alexandre Jannœus, té-
moin la monnaie de la reine Alexandra, nous sommes for-
cément amenés à répartir les monnaies d'Alexandre Jan-
naeus de la manière suivante : 1" 11 a frappé d'abord des
monnaies pontificales avec le nom ^n:*in^ , ou, ce qui me
paraît plus probable, il a suivi l'exemple de Jean Ilyrcan
vi émis les monnaies bilingues à la fleur. 2* Il a fait sur-
frapper ces monnaies en les retirant de la circulation, et en
y faisant appliquer le type pontifical pur avec le nom ^n:\
Le type avec la forme du nom p:in^ est-il contemporain?
386 MK.MOIllES
c'est probable, puisque les deux espèces de bilingues
royales offrent constamment la forme ]n:•;^^ 3* Enfin, il
a émis, après avoir fait sa paix avec les Pharisiens, les
monnaies royales bilingues à Tétoile. On voit que tout ce
f|ue j'avais conservé de doutes sur la bonne attribution des
monnaies de Judas Aristobule s'évanouit, puisque sur ses
monnaies pontificales, Alexandre Jannaeus a omis volontai-
''ornent son titre de roi (pi. XVI, n'*' 1, 2, 3, 4 et 5).
Disons maintenant quelques mots des petites pièces
barbares à la légende AAEEANAPOV BAlIAEiil. A leur
sujet M. Madden s'exprime ainsi : « The small bronze coins,
« ascribed by de Saulcy to Alexander Jannaeus, are now
« attributcd to Alexander II. » Je voudrais de tout mon cœur
que cette attribution fût indubitable. Mais remarquons
cjueces petites monnaies pullulent à Jérusalem, et en pré-
sence de ce fait, mettons l'histoire d'Alexandre 11. En 6(5,
llyrcan fut obligé de céder la couroime à son frère Aristo-
bule. En 63, ce prince, fait prisonnier par Pompée, était
emmené en captivité à Rome, avec ses deux fils Alexandre
et Antigone et ses filles. llyrcan fut replacé sur le trône
en 57. Alexîindre réussit à s'évader et rentra en Judée, où
l'armée de ses partisans fut immédiatement battue par
Ciabimus et Marc-Antoine. La royauté fut enlevée à Hyrcan»
qui ne conserva que le souverain pontificat Alexandre fil
sa soumission et fut gracié, l'oligarchie fut instituée et elle
dura de 57 à 47, c'est-à-dire dix années. Plus tard, lorsque
Pompée et César se disputèrent l'euipire du monde , César,
pour contrecarrer les desseins de Pompée, rendit la liberté
à Aristobule et le renvoya en Judée sous la protection de
deux légions, mais Pompée fit empoisonner Aristobule pen-
dant son voyage (en 49). Alexandre s'était hâté de lever
des trou p:? pour rejoindre son père. Pompée envoya au
ET DlSStKÏATlONS. 387
gouverneur de la Syrie Tordre de se saisir de lui, et de
renvoyer à Antioche, où il fut jugé et décapité.
Maintenaut je serais bien reconnaissant envers celui qui
Hie dirait à quelle époque Alexandre II, qui n'est probable-
ment pas entré à Jérusalem, où Hyrcan se maintenait, aurait
pu frapper dans cette ville les nombreuses monnaies qu'on
y trouve et qu'on lui attribue. C'est là, hàtons-nous de le
dire, une classification inadmissible. Et pourtant il semble
à première vue assez dillicile d'admettre que ces petites
monnaies barbares reviennent à Alexandre Jannseus. Une
fois de plus nous sommes condanmés à nous incliner devant
la brutalité d'un fait matériel.
Antigone.
M. Madden a reproduit dans son excellent livre une belle
pièce d'Antigone faisant partie de la collection du révérend
Cliurcbîll Babington, et publiée par lui dans le Numhmalic
Chronicle (N. S., vol. II, p. 64, pi. II, n'* 1). L'un des deu.v
côtés est entièrement fruste , mais sur l'autre on voit une
corne d'abondance à côté de laquelle on lit en deux lignes
parallèles les mots : .AUX... .NTI.ONO. (BA2IAEi}:L
ANTirONOlT). C'est là une très-heureuse acquisition pour
la numismatique judaïque.
Dynastie des IIérodes ou Iduméenne.
Bon nombre de types nouveaux et intéressants ont été,
^lepuis l'apparition de mon livre, ajoutés à tous ceux que
Ton connaissait déjà. Comme leur classification ne présente-
pas de diflicultés, il me paraît inutile d'en parler.
388 M ÉMOI n ES
Ce que je veux néanmoins faire, c'est revenir sur les
petites pièces à l'aigle, et à la légende HPCOA. BA^IA
(pi. XVI, n- 6. 7 et 8) dont on m'a contesté Fattribu-
tion à Hérodes le Grand , aussi bien que rinterprétation
des types. La présence d'un aigle sur une monnaie at-
tribuée par moi à Ilérodes le Grand, a fait jeter les hauts
cris à M. Cavedoni , à qui tous ceux qui se sont depuis
occupés de numismatique judaïque ont donné raison, en
me donnant tort. Et pourtant je déclare, sans y mettre
plus de façon, que je persiste à croire que c'est moi qui
ai raison Voici pourquoi. Dans la collection passée au-
jourd'hui entre les mains de M. VV^igan, i\ y avait trois exen»-
plaires au moins de cette monnaie, trouvés tous les trois
à Jérusalem. Dans mon voyage de l'an dernier j'en ai re-
cueilli quatre exemplaires encore, à Jérusalem même.
J'ignore ce qu'en possèdent MM. Babington et Reichardt,
mais j'affirme à tout risque qu'ils en ont, comme moi, re-
cueilli dans la ville sainte , et voilà une petite pièce de
cuivre, de module plus petit que toutes les monnaies
juives connues, dont j'ai moi seul trouvé sept exemplaires
à Jérusalem, et qui n'aurait pas été frappée dans cette ville!
Qu'on se rappelle, j'en conjure, l'espèce d'axiome numis-
matique concernant l'invraisemblance des longs voyages
des petites monnaies de cuivre d'une valeur aussi médiocre,
et l'on fera immédiatement justice de l'idée mise en avant
que ces pièces sont d'IIérodes roi de Chalcis, et qu'elles
ont été apportées à Jérusalem par des pèlerins, sujets de ce
monarque. Je le demande, à quoi bon, pour des pèlerins,
emporter en abondance, aussi loin de chez eux, des mon-
naies sans valeur appréciable, lorsqu'ils négligeaient d'em-
porter les grosses monnaies frappées dans leur pays? Qui
donc a tiouvé à Jérusalem un seul exemplaire des belles
ET DISSERTATIONS. ZS9
pièces de cuivre d'Hérodes, roi de Chalcis? Pour ma part,
je n'eo ai jamais vu. D* autres ont-ils été plus beureux que
moi? J'en doute fort. Et voyez quelle singulière idée pour
des pèlerins : ils emportent de chez eux des centimes, moins
que des centimes, pour les semer partout, et pas un d'eux
n'a ridée d'emporter un gros sou! Franchement l'attri-
bution de cette petite monnaie au roi de Chalcis est jugée
par ce fait seul.
M. Madden fait observer que les deux mots de la légende
sont écrits rectilignement, et que ce fait prouve que la pièce
n'a pas été frappée à Jérusalem, où cette disposition n'était
pas habituelle pour les légendes d'Héi-odes. Mais M. Madden
oublie que quelques pages plus haut il a reproduit le
dessin d'une belle monnaie d'Antigone à légendes rectili-
gnes et parallèles placées à droite et à gauche d'une corne
d'abondance; cette remarque n'a donc pas d'importance
réelle. Je maintiens purement et simplement l'attribution
de ces curieuses petites monnaies à Hérodes le (îrand.
M. Cavedoni n'admet pas que ce soit une corne d'abon-
dance qui figure sur cette monnaie. A ce sujet, je prie en
grâce les numismaiistes anglais de vérifier sur un des
exemplaires de la collection Wigan, exemplaire que je ne
possédais pas encore lors de la publication de mon livre,
si ce n'est pas une corne d'abondance qui s'y trouve figu-
rée, avec les fruits qui la surmontent '. En attendant qu'ils
procèdent à cette vérification, je me fais un véritable plaisir
de donner la figure d'un des quatre exemplaires trouvés
par moi à Jérusalem l'an dernier (pi. XVI, n* 8). Ils y vcr-
* Voir coinnM» point de comparaison la corne d'abondance clinrgi'c de troi»
fruiU identiquement diiipos^s sur dois .««tatères d'or de la Grande-Bretagne
(Evan», Anrient Brili^th roi/w, pi. XI V, u"* 5 et 6), et mieux encore dans VAtlaê
du Type gaulois dt- Leiowol, pi. Vlll, n* 43.
390 MÉMOIRES
ront trois gros Truits placés au-dessus de la bouche de la
corne d'abondance. Voilà donc encore une questioD jugée,
et je Favoue, je crois qu'en numismatique on a souvent
tort de quintessencier à propos des types dont les inven-
teurs n'ont pas eu, tant s'en faut, les idées prétentieuses
qu'on leur prête gratuitement.
Quant à l'impossibilité de la présence d'uu être animé sur
une monnaie d'un prince juif, je n'ai qu'une réponse à
faire, c'est que tout à l'heure je donnerai la figure d'une
belle monnaie à l'eUigie d' Agrippa I", roi des Juifs, et
offrant au revers le jeune Agrippa II à cheval. M. Madden
d'ailleurs donne une excellente figure de la pièce à effigie
d' Agrippa I", frappée à Césarée. Si le petit fils d'Hérodes
le Grand a pu se permettre cette licence, à coup sûr le
grand-père, qui avait fait placer un aigle sur la porte prin-
cipale du temple de Jérusalem, a pu faire figurer Teuiblème
impérial sur quelques unes de ses monnaies.
Encore un mot à propos des monnaies d'Hérodes. iM. (ia-
vedoni qui voit la croix ansée dans le monogramme formé
des deux lettres T et P, me donne gratuitement une leçon
de grec à propos des mots Tpt/aXxo;, ùI/iIms et/aXxo;. J'avoue
humblement que je ne suis pas un grand helléniste, et je
le regrette. Quand j'étais au collège, il y a cin(iuante ans
de cela, je faisais des versions grecques avec un bon vieux
dictionnaire que j'ai conservé, ma foi, cl dont je me sers
encore, c'est celui de Planche. J'y trouve :
Page 1120, Tp'/aXy.o;, o-j, 6, petite pièce de monnaie qui
faisait la quatrième partie de l'as rom<Vm.
Puis page 12U, XaXxô;, monnaie de cuivre.
Et enfin, page 280, A(/aXxov, ou. to, la quatrième partie
de l'obole. R. oî;,yaXxô;.
Je passe condamnation à M. Cavedoni sur le oi/<xXxo'»
KT DISSERTATIONS. XOl
mais iï condition qu'il me rendra la pareille sur le TptyaXxo;,
elle /iXx(5<;.
Hàlons-nous de dire que M. Madden reconnaît, par
Texainen des monuments mêmes, que le monogramme en
question ne peut être la croix ansée. Je Yen remercie de
tout mon cœur.
Aguippa I".
M. Madden, à propos des pièces au parasol et aux trois
épis que j*ai restituées à Agrippa I*% se range sans bésiler
à mon avis, et j'en suis heureux. Je ne suis donc plus le
seul à être dans le vrai. Frappé de l'assertion d'Eckhel
sur l'existence de monnaies identiques portant les dates
L €, Z, 0, assertion dont j'ai contesté l'exactitude, et que
M. Cavedoni a pensé devoir maintenir, M. Madden a cru
bien faire en prenant des informations partout où il existe
des collections de monnaies judaïques, et voici en quels
termes il expose le résultat de son en(|uéte :
It is worthy of remark tliat neither at (lopenhagen, nor
at Vienna, nor at Berlin, is tliere a pièce of Agrippa with a
biglier numéral than 6, nor 1 niay add eiiber at tbe Britisli
muséum, or in tbe collection of Mr. Wigan. llere tbe matter
wonki bave rested, bad not tbe following coin been recently
publishcd by tbe Rev. H. (1. Reicbardt as forming part of
bis collection.
2 Obv. ArPin... ty|Xî oblitéra ted.
Rev. tbreeears of corn. In tbe field, to rigbt and lefl L. H.
(year 8) .
Je n'ai aucune raison de suspecter la loyauté avec la-
quelle cette lecture a été accomplie; mais j'avoue que je
voudrais voir la piècn pu nature. Il est si facile de se faii-c
392 m(:moires
illusion quand il s agit du décbiiïrement d'une médaille
mal conservée. En tout cas, s il existe en réalité une autre
date que L. Ç. sur les monnaies hiérosoly mitaines d'A-
grippa I", il faut avouer que j'ai bien du guignon. Eckbel
trouve au cabinet de Vienne, très-probablement, des date»
€, Z et 0 qui n'y sont plus, et dont je n'ose pas admettre
Texistence plus que je ne l'ai fait jadis; dans le voyage
que je viens d'accomplir je ramasse tout ce qui se présente
de monnaies de ce genre; j'en rapporte cinquante- cinq
exemplaires, et il n'y en a pas un qui ne soit de Tannée
Ç" = 61 Quand j'ai publié mon livre, j'avais au moins exa-
miné cinquante autres exemplaires provenant de Jérusalenu
En voilà donc plus de cent qui me passent par les mains,
et tous, sans une seule exception , m'ont toujours présenté
la date L. Ç". En fin de compte, je croirai à une autœ date
quand je l'aurai vue, de mes yeux vue. Jusque-là je fais^
plus que douter, car je suis bien tenté de nier *.
Procurateurs romains de Judée^
L^excellent livre de M. Madden nous donne une char-
mante pièce de l'année 3 de Tibère (page 144) , déjà dé-
crite par le Rév* Ueichardt dans le Numismatic ChronicU
( N. S., vol. 11, p. 274) , et par mol-même dès 1855, dans le
Bulletin archéologique d« /' A thhio'Um /Vanfrtt*» janvier 1 855,
p. 5 et 6. J'ai eu Theureuse chance d'en trouver deux
exemplaires à Jérusalem, pendant mon dernier séjour. La
figure donnée jmr M. Madden est assez bonne pour qu'il soit
' AjoutonR que dans los cartons de MM. Rollîn rt Fouardent j'ai vérifié snr
plus do CENT «•xcmpîairc* la prôscncc rxchisivo et con.-iante de la date,
l'an VI.
ET DISSERTATIONS. 393
absolumcQt superflu de songer à en donner une nouvelle.
Quant aux monnaies du règne d'Auguste et aux dates
qu'elles portent, je me rangerai très-volontiers à Topinion
de M. Mominsen qui y voit la notation des années des Au*
gustes, au lieu des années de Tère actiaque, aussitôt que
j'aurai pu constater l'existence des monnaies de celte classe,
munie des dates LF et L€. J'ai fait prier par un amiconmmn
le Rév. Reichardt de me gratifier de deux bonnes empreintes
des pièces qu'il possède et qui portent ces deux dates, que
j'ai suspectées jadis. Je les attends toujours; mais dès que
je les aurai constatées, je m'empresserai de faire amende
honorable sur ce- point.
Je n'ai plus qu'un mot à ajouter à propos de cette série
de monnaies frappées à Jérusalem, c'est que M. Madden
donne exactement les mêmes que moi , et que par consé-
quent le soin extrême qu'il a mis à réunir les matériaux de
son beau travail, prouverait, quand bien même il ne le dî-
mit pas fort explicitement parfois, que certaines dates aux-
quelles je me suis refusé à croire, ne sont pas plus dignes
de créance pour lui.
ilounaies des ttlrarqves el des rois de la dynastie d HérodeSy
non frappées à Jéru,^alein.
Je ne m'occuperai des monnaies de cette classe que pour
adresser mes sincères félicitations à M. Madden pour le
bel ensemble de monnaies dont il a le premier réuni les
figures dans son excellent livre. Il a produit là un travail
qui manquait encore à la science, et nous devons lui en
savoir un gré infini.
Je suis heureux d'être à même de fermer une lacune
dans la série dos monuments qu'il décrit, et d'autant plus
39 A MÉMOIRES
heureux qu'il s agit cVune pièce des plus importaiites,
ainsi qu'on va le voir. A la page 111 du livre de M. Madden,
je lis ceci :
Agrippa I. and 11.
1. Obv. BAEIAEVE AFPinn AE head of Agi ippa I with
diadem.
/ti?r. AlPinilA riOE BAE (iXsw;) Agrippa II on borse-
back. ^.
« This coin is desciibed by Wise ( Cataloffue of coins in
(he noileian library^ Oxford^ p. H8) who saw it in the
hands of a friend, David Bosanquet. There is a woodcut
given of it, and it somewhat resembles the coins of Antio-
chus IV Epiphanes, King of Coniinagene, on wbich his two
sons (BASlAEiîi YIOI) Epiphanes and Callinicus are
represenled on horseback. Agrippa I appears to bave
treated this Antiocbus and otber kings with entertainments
at Tiberias. A siniilar coin is described by Mionnet
(Suppl., vol. Vin, p. 36i ) from Sestini and attributed to
Agrippias Anthedon. Beneath ihe horsenian on the reverse
is the date L B (year 2). Thèse coins are not above
suspicion, and I am not aware if spécimens now exist. »
Cette rare monnaie, je Tai retrouvée, et j'en place la
figure sous le n° 9 de la pi, XVI. C'est bien YIOV que
porte la légende du revers, et non TlOE, comme l'avait
cru Sestini \
liévolies des Juifs conlre les Romains.
Depuis l'apparition de mon livre, la plus importante
des conquêtes pour la classe des monnaies se rattachant
* Ultere di vmtin,^ i. V, p. 103.
ET DISSERTATIONS. 395
aux giieiTOs dos Juifs contre les Romains, cest la lecture
(lu nom Éléazar sur des uïonnaies d'argent et de cuivre rpie
M. de Vogué a le premier interprétées. Depuis lors M. Lévy
a cherché à débrouiller le chaos des monnaies données
en masse par moi à Bar-Kaoukab ; ses observations sont en
général très-fines et très-ingénieuses, plus ingénieust^s que
probantes en certains cas, mais pour moi, bien entendu!
Les surfrappes jouent nalurelleuient un très-grand rôle
dans le travail de classification de M. Lévy ; c'était tout
naturel ; mais je crains que ce savant n'ait été un peu trop
loin en n'attribuant à Simon-Bar-Kaoukab que ce qui est
surfrappé de façon à forcer cette attribution, et en repor-
tant des pièces identi(|ues aux chefs juifs qui ont joué un
grand rôle dans la prenuère révolte qui amena le siège de
Titus, tels que Simon, (ils de Gioras, Simon, fils de Gama-
liel, et Ananus, fils d'Ananus.
Vue objection peut être élevée contre ce système. Cont-
ment ne pas donner la même origine à des monnaies
identiques, je le répète, de types, de style, de taille, de
fabrique, et cela pour la seule raison que les unes ont ét(V
frappées sur des flans neufs et les autres sur des flans
déjà empreints de types étrangers, surtout quand entre
l'émission de celles que l'on considère comme les plus an-
ciennes et l'émission des dernières, il s'est écoulé soixante-
cinq îins au moins? On est condamné, pour justifier cette
manière de voir, à admettre ([ue les coins primitifs ont
été conservés précieusement, afin de ressei-vir aussi tard.
J'avoue que j'ai bien de la peine à croire cela, et je ne suis
pas le seul; car dans le dernier travail de M. Cav.nloni, jo-
lis ceci (pag. 28j : «Dubiio peraltro, che il ch. Levy abbia
« di troppo arricchita la série délie monete délia prima ri-
a voltaa discapito di quelle dclla seconda. ') Pour mi part,,
39G IILMOIRES
je n'ose me prononcer encore sur ce point de doclrine,
et je me borne quant à présent à émettre mes doutes.
Mais à propos des surfrappes, toujours si intéressantes
à étudier, je dois répondre quelques mots à MM. Gavedoni
et Madden qui, sans le vouloir, j'en suis bien convaincu,
me prêtent une pensée que je n'ai jamais eue, ni même
jamais pu avoir, moi qui ai fondé la classification des mon-
naies byzantines précisément sur Tétude attentive des sur-
frappes. Au sujet des monnaies judaïques on me fait dire
([ue les surfrappes n ont aucun intérêt; mais c'est là un
reproche tout gratuit et que je suis fort loin d'avoir mérité.
Je vais le prouver.
Quand j'ai publié mon livre sur la numismatique ju-
daïque, j'ai traité la question si importante des surfrappes,
pages 11 et suivantes, et j'en ai tiré bon parti, je crois,
puisque j'en ai conclu ce qu'en avait conclu le savant
Kckhel, bien longtemps avant moi.
Lorsque M. Cavedoni publia la première critique de mon
travail, il signala quelques pièces surfrappées, offrant des
fragments de légendes et de types primitifs, n'apprenant
absolument rien de plus que ce que nous apprennent les
pièces de Vespasien, de Trajan et d'Hadrien décrites et
figurées par moi. Comme c'était de la numismatique juive,
et non de la numismatique romaine que je m'occupais, un
seul fait bien établi de surfrappe sudisait amplement. A
quoi bon les multiplier et qu'importait que telle pièce ou
telle autre des empereurs précités eût reçu l'empreinte ju-
daïque? Ce qu'il importait d'établir, c'est que l'événement
qui avait fait naître ces surfrappes était postérieur à l'avé-
nement d'Hadrien. Or les pièces mentionnées par M. Cave-
doni ne nous apprenaient que ce que nous savions déjà
par les pièces que j'avais publiées et figurées. N'étais-je
ET ftlSbERTAtlONS. %K>^
pas dès lors en droit de dire ce que je disais {Rev. num.^
1857, p. 297 et 298) : « En énumérant les pièces de Simon
u Barcocébas, M. (lavedoni en cite un certain nombre qui
« ont été par nioî.^.. omesse o dimeniicatt^. Que M. Cave-.
« doni veuille bien remarquer que CES pièces sont presque
ï« toutes distinguées de celles que j'ai décrites par des
fc fragments de légendes ou des types surfrappés. Comme
w CES fragments de légende n'apprennent absolument
t! rien d« nouveau pour la numismatique judaïque, lors
H même que j'eusse vu ces pièces, je n'aurais pas cru utile
n de les faire figurer dans mes planches. Quant aux pièces
te offrant des combinaisons nouvelles des types connus, je
« me plais à reconnaître que M. Cavedoni a rendu un véri*
Xi table service en les décrivant dans son catalogue. »
Certes je ne devais pas m'attendre à ce que ce passage
raisonnable de ma réponse, m'attirerait la tirade suivante
que je trouve aux pages 30 et 31 du nouveau travail cri-
tique de M. Cavedoni : 'cNell' Appf»ndîce (p. 54, not. 32) io»
« le descrissi e coutrosegnai con asterisco, per indicare
« che furonoomesse o dimenticate dal ch. de Saulcy. Egli.
M rispose (jR^^r. num, fr., 1857, p. 297) : « Ch* io dovea
« ben rimarcare, che le moïKîte da esso lui omesse sono
« quasi tutte distinte da avanzi di epigrafi o lipi reimpressi;
« e che siccome COTALI avanzi non ne in^egnano assoluta-
f» mente nienle di nuovo per la numismatîca giudalcù ,
(( quand' anche egli avesse veduto quelle monetc, non
(« avrebbe punto creduto utile di farle Hgurare nelle sue
<( tavole. )) Ma, di grazia, corne mai poieva egli asserire,
'< che quelle traccc di motiele latine e greche récuse non ne
u insegnano assolutamente nulla di nuovo per la numisma-
<c tira giuda'ica, quando daesse per appunto il Barthélémy,
« riîckhel, ed ALTRI arguirono, clif» una paite délie moncte
398 IlÉMOIRLS
(( altribuite in prima a Simone Asmonco fu indubitameote
« impressa negli anni délia seconda guerra giudaîca sotto
(( Adriano, vale a dire un tre secoli più tardi di quelle
« che si credeva? Ed ora il ch. Levy a lutta ragione, rav-
n visa il criterio più certo ed évidente per discernere le
« monete délia seconda guerra giudaîca da quelle délia
u prima. »
Il y a un proverbe italien fort sage qui dit : Tradutlore
traditore. M. Cavedoni aurait dû transcrire textuellement
mes paroles ; il n'aurait pas rendu le pronom ces se rappor-
tant aux pièces mentionnées par lui, par le mot colnli qui a
un sens beaucoup trop général, et qui a été introduit dans la
phrase écrite par moi, pour me donner un tort que je n'avais
pas. M. Cavedoni aurait dû se souvenir de ce que j'avais
écrit dans mon livre, aux pages 11 et suivantes^ il aurait
pu au lieu du mot ALTRI placé à la suite des noms de Bar-
thélémy et d'Eckhel, inscrire mon nom, et tout aurait été
régulier. Il n'en a rien été, et pour appuyer plus sévère-
ment encore sur une critique qui n'était pas suflisamment
justifiée, M. Cavedoni a oublié ce qu'il avait écrit lui-môme
trois pages plus haut, à propos de la nouvelle classifica-
tion de M. le D' Lévy, pour se donner à lui-même le plus
formel démenti.
Je m'étonne que M. Madden (p. 204) ait accepté l'as-
sertion de M. Cavedoni, et qu'il ait écrit la phrase suivante,
qui est véritablement injuste :
« Thèse re-struck coins weie ihought by de Saulcy to be
« of little value, and to teach nothing new in référence
« to Jewish numismatic {Rev. fiwm., 1857, p. 298), and
(c many of ihem are in conséquence omitted by him. But
« it is by thèse re-struck coins that Eckhel and otbers hâve
« argued that a part of the coins at onc time attributed
PT IHSStKlAllONS. 390
u lo Simon Maccaba^us werc undoubietlly struck uuder
« Hadrian, and iiow in lliis last arrangement of Jewisli
« coins, Levy, in thèse fragments of legends and resuik-
<« ings, finds the most certain critérium to distinguish the
<( coins of the second Jewish war from those of the first. »>
(Cf. Cavedoni, Nuovi sludi aopra le mon. ant. giud.,
p. 30).
Je n'ai pas d'autre réponse à faire à ce passage, qui re-
produit textuellement celui de M. Cavedoni, que celle que
j'ai faite tout à Thcure. Elle s applique parfaitement en effet
à l'un et à l'autre.
A propos de la grande pièce de cuivre de Simon, nas'i
d'Israël, placée dans les tiroirs du Cabinet impérial, et qui
a été publiée pour la première fois par Bayer, qui Ta fait
graver sur le titre de son ouvrage, M, Madden déclare (lue
la lettre )K du nom pvctt? est fautive. Il a parfaitement rai-
son. J'ai été au Cabinet des médailles m' assurer du fait, et
j'ai reconnu la justesse de l'observation importante de
M. Madden.
Monnaies impérliles coloniales frappées à Jérusalem.
M. Madden donne la description de neuf variétés qui
m'étaient inconnues lorsque j'ai publié mon travail. C'est
une excellente acquisition. Il est seulement à regretter
r|u'il ne lui ait pas été permis de faire graver les figures
de ces rares monnaies.
Kn résumé, mon cher ami, vous voyez que la science des
monnaies judaïques a progressé. Elle progressera encore,
n'en doutons pas, lorsque les numismatisles qui s'en occu-
pent regarderont comme p(u d.gnes d'eux les critiques
AOO MÉMOIRES
malveillantes, et mettront leur amour-propre de côté, pour
faire servir leurs efforts à Favanœment de la science, et
non à leur gloriole personnelle.
Dans une seconde lettre qui suivra bientôt celle-ci, je
vous soumettrai un certain nombre de pièces nouvelles que
j'ai été assez heureux pour recueillir pendant mon dernier
voyage.
Mille amitiés. F. de Saulcy.
Pari.% 30 août 1864.
ET DISSERTATIONS. ikOl
NUMISMATIQUE MÉROVINGIENNE.
RECTIFICATIONS ET MONNAIES INÉDITES.
{V\. XVII.)
I
Si la série des monnaies mérovingiennes peut ofTrir des
éléments nombreux, et en quelque sorte authentiques, pour
l'étude de la géographie de la France du vi* au vjii* siècle,
il faut que les légendes soient déchiffrées de manière à ne
pas laisser accréditer d'erreurs. 11 y a donc urgence, dès à
présent, de reviser avec soin les listes qui ont été dressées,
afin de faire disparaître certaines lectures, sans cesse re-
produites, sources d'erreurs pour les érudits qui les ac-
ceptent de confiance. Je vais proposer aux numismaiistes
quelques rectifications qui me paraissent ne pas devoir
soulever d'objection *.
* Il est de toute justice de signaler les rectifications proposées par M. Pon-
ton d*Am<^conrt dans son Essai sur la numismatique mérotingieime comparée ù la
Géographie de Grégoire de Tours :
Au lieu de AGNETISICO — VIPOLINO = AGRIGISILO — VIDOCINO
c BARACILLO — DYOMOVRA = BARACILLO — VRADIOMO
« MADOBODVO— GATDVMO = GVNDOBODVS— MATOVALLO
c R ANCIOF — CAiNOmOMO = FRANCIO — CAMDONNO
« FANILIO — MONOALDVS = ANICIO — MONOALDVS
t BAIOCAS — AVTmiVSO = BEOREGASCIV- ANTIDIVSOMO
c ...DVNILS — EVD0L1NVS= LVGDUNJIS — EVDOLINVS
t ,..DVN!SFIT — ..,A'^:as=smvNisFiT —
A02 \i^:moiui:s
I. Bacaciaco, Saraciaco. Sons le n** 180 \ M. (i.'irtier
père» d'après le cabinet Dassy, menlionne un triens por-
tant BACACIACO — BODONEMO, en raitribuant, avec le
signe du doute, à Bavay : je le retrouve dans les tables gé-
nérales de la Hevue numismatique sous le n** 173 ".
Dans ces mêmes tables, sous le n" 952, je remarque les
légendes SARACIACO — DODO, attribuées à Sarrazac (Dor-
dogne). Cette pièce qui, en réalité, porte + SARACIACO
h BODONE MONEI, a été publiée par M, de Long-
périer ' : à cette oecasîoi) mon savant ami proposait de
considérer Bagaciavo comme une mauvaise lecture à sup-
primer. Je crois cette correction incontestable, et si Je la
rappelle ici, c'est que M. Cartier a oublié de la noter lors-
qu'il rendait compte de l'ouvrage auquel je viens de faire
allusion \
II. Silvanectl^ Silaniaco. Ces noms de lieu se trouvent
tous deux dans les catalogues rédigés par M. Cartier, avec
la mention du monnoyer Abundantius. L'erreur me semble
provenir du Catalogue raisonné des monnaies nationales de
France. Dans la liste des Monneieries ntérovingiennef,
M. G. Conbrousc s'exprime ainsi sous le n°731 6m : u Senlis
« plutôt que Scignelay : TIIODAINAIIS, croix liaussée.
« — ABVNDANTIVS MO, profil gauche casqué (coll. Car-
et tier), » Quelques lignes plus bas, sous le n* 732, je lis :
« Senlis : SILVANEC... profil gauche — ABVNDANTIVS M,
« croix.» La collection où devait se trouver ce dernier triens
n'est pas indiquée, et je no sais pas trop pourquoi le
« Hnxtenum., IH-iO, p. 2?1.
* Tabtrs générales et raisonnèes des vingt volumes de la jtremiere série^ p. 1CÎ>
fet 200.
' Notice xtir la coll. Rousseau, 1847, p. 79, n« 183.
* Revu.' num.j 1819, p. 225 et suiv.
liT DISSERTATIONS. &03
n* 732 est coté 50 fr., tandis que le n* 731 bis n'est estimé
^(ue 35 fr.
Le triens de Silaniacum a été publié dans la Revue
en 1839 (p. 439, pi. XVIII, n» 25) par M. Cartier qui
ne proposait pas d'attribution : nous le retrouvons dans
la Monographie des monnaies mérovingiennes du Limousin^
par M. Deloche (p. 229, n* 97, pi. III )^ mon confrère,
après avoir rappelé Salagnac (Dordogne), Silignac (Ain),
Seligny (Indre-et-Loire), propose de chercher dans l'Or-
léanais le lieu d'émission ^ — En tout état de cause,
il faut rayer Abundantius de la liste des monnoyers de
Senlis.
m. Auriaco^^ Gav.. .iaco, Coraru. Bouteroue et Le-
blanc donnent la description d'un triens aux légendes
GAV...IAGO — ARIMVN> : Lelewel rapproche cette pièce
d'un tiers de sou, portant le nom du môme monnoyer, sur
lequel Pctau (1049, E, 11) a lu AVR + lACOS. Le savant
polonais, en combinant ces deux légendes, proposait d'y
voir Gaurciaco^ pour Gavarciaco^ Jarzay en Poitou. A la
planche XXXVII de son atlas, Lelewel laisse deviner qu'il
est porté à rapprocher ces triens de celui qui offre les lé-
gendes CORARIA — ARIMVND dans la collection Ducas. Je
crois que la véritable lecture est CORARIA — ARIMVNDI
que je lis très-distinctement sur un exemplaire de la col-
lection de S. A. le prince de Fnrstenberg, et que l'on doit
* 11 y a lieu peut-Être de rappeler ici le Seliniacum villa mentionné dans la
Chronique de Saint-Bénigne de Dijon, h propos des libéralités du roi Contran :
M Et omniaqu» nunc usque nd possessionem ]H?rliuent liujus loci, a ponte Dî-
vionis nsque Floriacu/n villam contulit memoratus princcps sancto martyr!
Beniguo : in Biciso scilicet, in villa Colonias dicta, in Ploraberias, in Soli-
nîaco (vel Siliniaco', in Sconsio, in Villnri, in Canipinîaco, in Lanterinnaro,
in Girone, in Corcella-î, in Flaviuiaco, in Prnnido, in Jussiaco, in Matriniaco,
in Barbiriaco, etc. »» iSpidl, iVArhery, 1370,\
renoncer à relrouver les légendes Auriacos et Gai\..iarik
(|)1. XVII, n» 15).
IV. Mavoso, MosoMO. Le premier de ces mots est donné
l)ar le Catalogue de Rnncsse : cette pièce mal lue, au nora
du raonnoyer Teiédomarea^ n'est autre chose qu'un triens
de Mosomo : on peut le déchiffrer facilement sur le dessio
de Conbrouse, bien qu'en le reproduisant, le dessinateur
ait été évidemment influencé par la mauvaise lecture.
V. Acenno n'ri, Agejïno fiet. Sous le n* 167 de la table
générale de la Revu^, je lis. AVENNO CIVI, Avignon? —
HONNIRO. Le triens figure dans les planches dçs 020 «»cv-
vrtaires, seulement sur le revers on lit plutôt MOHHIL.v
OUI. La véritable leriure est AGENiNO FIET — NO?tM-
TOMONE. 11 ne faut pas s'arrêter h la leçon avenno, le t\
placé ici inconsidérément, n'est que le bas d'un g dont la
partie supérieure a disparu.
VI. Atujus^tfduuiwi^ AusTA. Le monéiaiti'c Santolus doit
être retranché (Je la série des tiers de sou d'Autuo : il y a
été inscrit sur la foi de Mader qui civait attribué à l'ancienne
Ihhracle un triens incom])let dont nous connaissons aujour-
d'hui un exemplaire bien conscivé au(|uel il ne manque
pas une lettre : il porte A\STA FIT — SANTOLVS MO-
MAllIO. M. Fillon a déjà signalé cette erreur il y a dix
ans*, et cepcudanton imprime encore aujourd'hui la lec-
ture de Mader.
J'avoue que je ne puis partager l'ophiion de mon savant
ami sur l'attribution de ce triens qu'il donne à la cité
d'Aoste : son slyle le place dans la Viennoise ou dans la
première Lyonnaise, et je préférerais Aouste (Drôme).
VIL Iriliavo, (irialaco, Hialaco. 11 existe plusieurs va-
^ Lettres à J/. Dnjisl Mat'f'ux, p. 47, \A, K 12.
KT mSSKKTATIO.NS. A05
riélés du inoniioyer Launonumdus, dont le nom d'atolir'r a
été lu de diverses miuiières. M. Cartier propose IllALA-
COCI \ M. Fillon se prononce pour IRILIACOFl ' ; d'autres
numisniatisles ont lu CIRIALACO. Après avoir étudié avec
attention plusieurs exemplaires de coins différents, je crois
que l'on doit s arrêter à la leçon RIALACO, tout au plus si
quelquefois on peut lire H1ALAC0<I, pour Rialaco rtVo,
VIII, Baidedriio^ Obacteoht4, Pontkpeirio. Sous le
n" 144 de son catalogue, M. Cartier père, d après les noies
nianuscriies de Lelewel, signale un tiers de sou portant
BERTERICO MON! — RAME + DRITO; cette pièce doit
évidemnjent être rapprochée d'une pièce du Cabinet de
France sur laquelle je lis BERTERICO MOM — OBAYTE +
ORTI, DAVTEORTIO ou ORTIOBAVTE (pi. XVII, n« 12). J'ai
trouvé dans la collection de M. Gillct, h Nancy, un tiers
de sou qui offre avec ceux que je viens de signaler une telle
analogie, qu'on ne peut se dispenser d'en parler ici :
PONTE PETRIO, buste diadéuié à droite.
H'. BERTERIGORONI. Croix cantonn<^e de quatre points,
dans une couronne de feuillage : grènetis autour de la
pièce, ls%30 (pi. XVU, n» 13).
Crégoire de Tours parle d'une localité à laquelle on
peut attribuer le triens en question dont le style austrasieu
est inconteetable. C'est le lieu où Childebcrt II et Contran
se rencontrèrent pour conclure la pai\ : Post hccc Gunlchra-
wnxia rex ad Childeberium ucputrm suum letjatos miUit^ pa-
ceni pelens^ ac difprecans mm vidnc. Tune ille cum proreri-
Lus suis ad eum veuil : qui ad Pontem qutin Pctreum vocUarU
€Onjuficii sunl cons(i(ula,nli s aiquc invitem osculanlcs se\
« Hecue num., 134r), p. 231, j.l. XIV, n« 17.
' Hêcue num., 1845, p. 24.
' U.vjr. Tur. liist., V, IB. — Aiiuoîu mon. f.#.i- . III, 27. — Chron. djeSa4ut-
AOO MÉMOIRES
Pontpierre est une commune du département de la Mo-
selle, canton de Faulquemont; je préfère ce lieu à ses ho-
monymes, mêrae à Pompierre des Vosges, canton de Neuf-
château *. Reste à déterminer l'autre trions de Berîericus^
qui doit se retrouver dans le voisinage.
IX. Theudcberciaco-Lhadu1fo*;Tieudeherciac(hChadulfo m';
Teudemciaco-Onarulfo^ ; Teodeherciaco-Chadulfo mo. Il faut
lire TnEUDEBERGiACO et Teudericiaco; pour tontes ces piè-
ces le nom du monnoyer est Chadulfus.
Je ne sache pas que Ton ait encore pensé à rectifier
franchement la légende Teudemciaco que M. Cartier a po-
pularisée en cherchant à plusieurs reprises à Fattribuer à
Ghâteauneuf en Thimerais, Theodomerense castrum; Cha-
ditlfus a été transformé en Onarulfus. Par son type cette
pièce doit être rapprochée d'un triens de Briou où un mon-
noyer du nom de Chadulfus a signé de nombreux tiers de
sou. Cette analogie, d'ailleurs, a déjà été entrevue par
M. Fillon».
La légende Tieudeherciaco est due à ce que la lettre H
qui suit le T, est quelquefois liée à l'E.
X. Valavo-Fracsus; Balaovo^ tctraeguselo ; Balavo,
Dcuis, III, 18 : ». Gontrams li rois d*Orliens manda ci Bon ucvcii le roi Oiîl-
^ delM^rt le roi de Metz que il venist encontre lui paisiblement eu la marche
" des dui roijiumes en ung leii qui est appelez Ponz Perrouz. «
* On trouve des Pontpierre dans l'Ardèche, Indre-et-Loire, le Loiret; de»
Pompierre dans l'Aisne, le Doubs, Seine-et-Marne; Pompiery dans les BaKse»-
Alpes ; Pierr«pon( dans rAisne, les Ardennes, le Calvados, la Manche, la Mo-
selle, l'Oise, la Somme, les Vosges; Pont-de- Pierre dans l'Aisne, ln<'ôte-d'Or,la
Loire, le Loiret, la Marne, TOise, le Pas-de-Calais, le Puy-de-DGine,r Yonne.
* Revue num., 1840, p. 232, u« 551 ; 1856, p. 303, n* 1046.
* Monétaires de Duby.
* Rerue ntim , t. 1, p. 406, pi. 11; t. II, p. 373; t. XI. p. 122, pi. Vil;
t. XXI, p. 201, n" 1050.
* EtH.Ies numisnialique.i, p. 31.
ET DISSKinATIONS. 407
fraeguseiom'. Ces (lifTérenles lectures sont prises sur la
même pièce, attribuée tantôt au Puy-en-Velay, tantôt à
Baillou (Loir-et-Cher). Lelewel, qui avait vu + BALAOVO,
pensait que le nom du monnoyer, dont les lettres avaient
été transposées, était Traequ$elOy ou Guselo [monetario) '.
Sur Texemplaire du musée de Metz, celui-là même que le
savant polonais a été à môme d'étudier, je ne puis lire que
BALAVO-FRAEGVSEIO M,
XI, Orareaiio'-DRAVERNO. Ce triens, jadis conservé au
musée de l'hôtel des monnaies de Paris, fait aujourd'hui
partie des collections du cabinet de France. Son attribution,
qui ne peut laisser de doute, a été récemment indiquée par
M. d'Amécourt*. Dravrrtium estDravel, près de Villeneuve-
Saint-Georges (Seine-et-Oîse) . Dans un fragment du testa-
ment de Dagobert I*% en 635, document dont l'authenticité
est contestée par Valois et Lccointe, et défendue par Ma-
billon, on lit que ce roi donnait à l'église Saint-Pierre do
Paris, «VillamDravernumin Briegio*. » J'ai vu mentionner
aussi un triens qui aurait porté Avefano-Landericusw^ qui
n'est autre chose très-probablement que la pièce de Dravel,
dont je m'occupe en ce moment.
XII. Domnirac^ Botwwacio, Domim ou Domnibagio. Dans
le catalogue de M. Cartier, publié en 18iO, je remarque
sous len** 02 un triens qui d'après la note de M. Lambert,
son possesseur, portait AVNVLFO — DOMNACIO : cette pièce
doit être rapprochée de celles qui sont décrites et dcssi-
» Heruenum., 1840 , p. 227 et 229, n-»* 31*3 ot 456: 1856, p. 170 et 207,
îi- 187 et 1135.
• Aum. du moyen âge, p. 71, pi. IV, 23.
• MoDc^t aires do Duby.
• Oj). laud.j p. 7 <*t (>2.
' Ilec. t/t« historifii.t îles Cmu/es, lil, p. 133, note.
/|0S MÉMOIRES
nées dans les 920 monétaires^ avec les légendes RACfO-
DOMINl — AV.N.VL-FO, dans Le Blanc {n^ 14), et Bou-
teroue (n*» 20) , avec les légendes +D0MN1RAC— LAVDILFO-
XIII. 11 y a un triens qui a eu la chance d'être lu de trois
manières différentes, et cependant le même exemplaire a
passé sous les yeux des numismatistes qui ont cherché à
interpréter sa légende : je me hâte d'ajouter que les des-
sins donnés dans la Revue numismatique en 18A2 (pi. XX,
5) et en 1845 (pi. I, 19) sont loin de se ressemhler :
c'est malheureusement uu argument contre la confiance
que l'on peut avoir quelquefois dans les planches des ou-
vrages les plus sérieux : le graveur, influencé par la lec-
ture qui lui est indiquée, ne peut s'empêcher de laisser
paraître celle-ci plus que ne le permet la réalité. Je pour-
rais citer des exemples de ces erreurs de bonne foi dont
nos maîtres les plus estimés sont quasi-coupables : il me
semble que dans les lectures qui peuvent donner lieu
à contestation , on doit prendre pour règle de laisser le
dessinateur représenter les pièces telles qu'elles sont, sans
aider au déchifjremenl. Sur le tiers de sol qui nous occupe
en ce moment, il n'y a ni NASARI ni FIANAME ; je n'ai pu
y voir que +IANA. .,, et il faut s'abstenir de restitution
et par conséquent d'attribution jusqu'à ce qu'un heureux
hasard ait fait découvrir un exemplaire plus complet.
XIV. Bicfiia, Icetu ou Icegia. Le catalogue des légendes
des monnaies mérovingiennes mentionne un tiers de sol
portant les légendes Bicclia fit cas —Maurus mont. Cette
monnaie, dessinée dans les 900 monétaires, pi. XXllI, n«l,
permettrait presque de lire plutôt Dicetia. Sur une eai*
preinte très-nette du seul exemplaire connu qui fait partie
de la collection de S. A. le prince de Furstenberg, je lis
ICeTlAFlTO ou ICGGIAFITC- Toutes les autres lettres sont
ET DISSERTATIONS. 409
des traits empruntés au buste de l'efligie, et dans lesquels
on a, par erreur, voulu voir des parties de la légende.
XV. Turonus^ Tubnnus. Nous trouvons ce trions dessiné
par M. G. Robert dans la description de la collection Re-
nault, n» 10; l'exemplaire du cabinet porte TVFllNAS : je
dois faire observer que la lettre que je rends ici par un F a une
forme tout à fait insolite : c'est plutôt un L renversé avec un
demi-cercle attaché à la haste F ; c'est sans doute ce qui fit
lire Tubnas (R«i?Meimm., 1838,p.273,pl. X) : il est évident
qu'il faut choisir entre Turonus, Tufi:nas et Tubnas, puis-
qu'il s'agit du même triens. J'ai constaté dans la collection de
S. A. le prince deFurstenberg un exemplaire d'une très-belle
conservation sur leqnel on lit sans hésitation TVBNNAS : ce
tiers de sol est d'autant plus important qu'il donne la va-
leur de la lettre bizarre qui est gravée sur l'exemplaire du
cabinet de France. En tout cas, Laurufus doit être retranché
de la liste des monnoyers de Tours.
XVI. Avixia ei fit, Auxia ci fil, Tola... saca, Calolma
Alisia cas. Nous trouvons la seconde leçon dans la Table
alphabétique des monnaies mérovingietines sous le n" 15.5, la
troisième sous le n* 1070, la quatrième sous le n*» 384. J'es-
time que le même triens a donné naissance à toutes ces
interprétations et qu'il s'agit là de la pièce d'Alise Sainte-
Reine, que j'ai publiée dans la Revue archéologique^ et que
je reproduis ici. Cette rectification est utile puisque, dans
l'estimable ouvrage de M. Ponton d'Amécourt,je remarque la
légende AVXIA attribuée sans hésitation à la ville d'Auch.
» fier, arch,^ nouv. série, t. VIIl, p. 379.
iilO MÉMOIRES
XVII. Tufeliubuyo^ Aletia pago, ^\, le D' Nainiir, en
1860, a publié un triens du poids de 23 grains, qu'il a at-
tribué au pays des Aulerques * : depuis, il a eu Textrôme
obligeance de me communiquer une empreinte de cette
pièce curieuse, et j'ai pu constater combien était exact le
dessin qui accompagnait la dissertation du savant conser-
vateur du musée de Luxembourg. Je diffère complètement
d'opinion avec M. Namur sur la manière de déchiffrer le
tiers de sou en question : les numismatistes jugeront (Voyez
pi. XVII, n» 17).
M. Namur lit TVFELIVBVGO : dans ce mot, il retrouve
une racine allemande Jti/e/, Tuifely diable, et bugo, pour
ùurgo^ bourg : où était situé le bourg du diable, sinon à
Jublains, capitale des peuples appelés Diablinles à Tépoque
gauloise? Un monnoyer d'origine allemande^ ihtbgauitu^
ouvrant à Jublains, aurait donc, en souvenir de son pays
natal, gravé Teufelsburg, traduction tudesque de Tancien
ethnique Diablenlœ.
Une solution plus simple m'est suggérée par une lecture
toute différente du nom de lieu et du nom de monnoyer :
dernièrement, d'ailleurs, M. Ch. Robert ne faisait-il pas
connaître un denier mérovingien sur lequel le mot DIA-
BLENTAS est gravé en toutes lettres'?
En prenant la légende telle qu'elle a été dessinée sous
les yeux de M. Namur, je propose -fALETlAPAGO et
...AEGVLFOMO : de cette manière le nom du monnoyer
prend une forme norniale, et nous avons un nouveau
pagus à ajouter à la liste des pièces mérovingiennes
* lierue iium. heltje, 3' série, t. IV, p. 139 et fruiv. .îe croi^* cpic ce iricii>,
npr. savt)ir appartenu n M. Vauncni!?. jujr.- à Luxeinl;our»r, a eu- acquit pur
le musée de cette \illc.
» lUcue num,, IBr>3, p. 310,
ET DISSERTATIONS. Ail
qui portent Tindication de cette circonscription territoriale.
J'avoue que je n'ose proposer encore d'attribution à cette
monnaie : naturellement on pense au pagus d'Alise ; mais
la fabrique et l'orthographe ne permettent pas, je crois^
cette supposition, quelque séduisante qu'elle soit. Il y a
aussi le pagus aletensis^ Saint-Malo, connu au moyen âge
sous le nom de Poalet^ Pou-Alet^ Poulet : l'Alsace, Alesatia^
Alisalia^ Alexacis, pagus Alesalium^ mais ces conjectures
ne me satisfont pas : il faut attendre une interprétation
plus convenable.
La traduction de Jublains en allemand par un nionnoyer
allemand d'origine me semble une hypothèse aussi forcée
que la forme de Bertunis donnée au nom de la ville de
Verdun. Je profite de cette occasion pour noter ici que je
ne puis admettre cette opinion admise par MM. Jacobs et
Ponton d'Amécourt, l'un au point de vue de la géographie
mérovingienne, l'autre au point de vue numismatique'.
L'n texte de Grégoire de Tours mentionne Btrhmis *, et
ce texte est corroboré par un triens publié jadis par M. de
Reichel ' : il n'y a donc là ni erreur de copiste ni erreur
de monuoyer : j'ajouterai que les personnes les mieux
placées pour connaître l'histoire de Verdun dans ses détails
les plus minutieux, se sont accordées pour m'allîrmer que
dans la cité de Verdun on n'avait jamais ouï parler du
maityre de saint Mallosus placé par Grégoire de Tours dans
l'oppidum Berluuix.
* Ponton d'Amécourt, Ess. sur la num, mérov.^ p. 1H3 — A. Jacobb, Grogr,
de Grégoire de Tours et de Fréde'gaire^ 2* édition, p. 107.
' » Quum faraa ferrct *anctuin Mallosum, apud IkTluncnse op|»idinn mar-
« tyriuni consumasse .. diaconus quidam mettensi^ per visuin ductus, ubi
« martyr «luiesccret est fdoctu&. •• {(iloria Mart,, I, 63.)
5 Mèm. de la Soc. imjt. d\irch, de Saint-Pèlerfbourg , l. V, p. 1 vt buiv. —
Berue nwn , l^' ««Tir», t. XVII, ]Hry2. ]^. k'16, pi. Vlll, n- 4.
A12 MÉMOIRES
IL
Le travail que je viens de soumettre aux lecteurs de la
Revue est très-aride; aussi je veux leur faire oublier, s'il
est possible, la fatigue qu*ils ont éprouvée en le parcourant :
le meilleur moyen est de leur signaler quelques pièces qur
n'ont pas encore été publiées et qui offrent un certain in-
térêt.
Je compte bien continuer mes errata des légendes moné-
taires mérovingiennes, et chaque fois je terminerai celte
nomenclature ingrate, mais utile, par la publication de
monuments importants. J'ai essayé sur la plancbe d'adopter
un ordre chronologique.
I. HINIANGONSVLE ou VLE-liNIANGONS. Buste diadème
il droite.
1^ Croix à branches égales dans une couronne de laurier :
à rexergue 0110, débris deCONOB (pi. XVII, n» I).
Voici un triens dont une partie de la légende permettrait
(le supposer qu'il s agit ici d'une monnaie conmlaire. Son
type parait pour la première fois sous Placidie \ il se con-
tinue sous Jean, Valentinien III, Honorins, Avitus, Majorien-
Sévère III, Anthemius, Olybrius, Glycère, Julius Xei>os, Au-
gustule , Théodose II , Eudocia , Marcianus , Pulcherie ,
l^on I, Aelia Verina, Léon II et Zenon, et ne semble pas
avoir été employé «au delà des dernières années du v« siècle*.
J'estime qu'il faut attendre avant d'affirmer si le triens
qui nous occupe en ce moment est une de ces pièces
* Cf. Cohen, Descript. de* monu. de Vemp. rom.^ U VI. p. 491 : il cite nn
petit bronze de Procope.
» Idom, p. 501, 507, 508, 511, 512, 516. 519, 524, 526, 528, 531, 533. -
î^abaticr, Vo/i.i, hyzanl., t. I, p. 116, 120, 125, 132, 1*1, 136, 139
ET DISSERTATIONS. 41 S
frappées à Toccasion des solennités qui accompagnaient la
promotion au consulat \ ou si nous avons là une monnaie
de transition indiquant simplement un consulat comme
date'.
Cette pièce qui me paraît appartenir à la Gaule porte les
débris du nom de Valeniinien III, et je suis tenté de
rapprocher la légende de celle que je lis sur un tiers
de sou publié par Bouterone, et que M. Deloche classe à
Argentat (Corrèze)' : lAllANICOS. Contrairement à l'opi-
nion de mon savant confrère, j'attribuerais volontiers co
dernier triens à la province de Trêves, en considération de
la place que la lettre M occupe à Texergue (pi. XVII, n' 2).
2. Le triens suivant porte au droit, très-lisible, le nom
de Viviers, VIVARIO Cl : la légende du revers est confuse,
peut-être était-ce le nom d'un monnoyer : la croix est, sui-
vant le système marseillais, accostée des initiales VI V : or-
dinairement il y a VIVA sur les monnaies de cette cité
(pi. XVII, n' 3).
8. LOSONNA FI. Tète barbue de face.
Hj GAPAVGVS MVMT. Croix haussée sur deux degrés
accostée des chiffres VII (pi. XVII, n'4).
Ce superbe triens montre quelle était dans Toriginn la
* Voy. Berut num., 1857. p 247 et i-iiiv. ; 1860, p. 129 et suiv.
* M. Edm. Leblant a constaté que diins les dates d'inscriptions on trouve
assez souvent le nom de Tempereur suivi de la seule qnalification de conttul, sans
AVG. — M de Pétigny {Berue ntim.. 1852, p. 106) a d<^jà cité, d'après les
Bollandistes, ce passage de la vie de saint Treverius mentionnant une dato
consulaire au vi* siècle dans les Gaules : « Eo tcmpore Gallia sub imperii
- jure Justini consulis oxstitit. »»
* Berue nwn., 1862, p. 410 — howXcrouQ, Becherches curintses dfê monnaies de
France, p. 184. Un heureux hasard m*a fait retrouver dans la collection dn
Cabinet dn Frnnc» c»- ticM-s Tio «ol qn*» M. Deloche n'a connn que par le dessin
de Bouteroue.
1P6I. — G 28
4.1 & MÉMOIRES
tète de face qui parait sur plusieurs uionnaies inérovin*
giennes, particulièrement dans le territoire soumis aux
Burgundes.
Cette effigie barbue et à longue chevelure n'est pas sans
analogie avec les tètes qui sont gravées sur plusieurs mon-
naies byzantines du vu' siècle, par exemple sous Phocas,
Héraclius, Constant 11, Constantin Pogonat, Justinien II, etc.
11 y a une variété du monétaire Gapaugus^ beaucoup plas^
barbare, dans la collection du prince de Furstenberg ; elle
porte LAVSONNA. On sait que vers le commencement du
vir siècle, le siège épiscopal d'Avancbes fut transféré à
Lausanne, et que Ton a un triens d*Avancbes portant éga-
lement une tète de face ' .
A. VIEN FËT. Buste diadème adroite, au^essus quatre
globules.
^ LAVBENTi... Croix haussée accostée des lettres CE MA
(pi. XVII, n» 5)*.
Le nwnétaire Laurent est déjà connu à Vienne par la
pièce au noui de Maurice Tibère qui porte VIENNA DK
OFFICINA LAVRKNTl : celle-ci est im peu postérieure : le»
lettres MA sont une imitation des monnaies de Marseille :
quant aux lettres CE qui se trouvent aussi, d*après M. PontQa
d*Amécoun, sur un triens de Lausanne, je propose, sauf
I Sur la table de l'eu iuger on lit Lo$anneiiéi* locu*; lausanna dans TAno-
iivine de Ravoniic; la Notice des provinces ne parle pus de Laufaune. — Cf.
Guérard, Estai iur U systèmt dit divition* territoriaUt dt la Gauh,
s Ce triena fairait partie d'aoe découverte împortanto faite en Boorgogne
dont quelques empreintes m*oni été communiquées par M. FiUon : on y re-
marquait doa pièces d'Autun, Dijon, Mftcon, Lyon, Aliae-Sainte- Reine,
Besançon, Ton], Maastricht, Troyes, Rodez, Usé», Taraiitaise : on y remar-
quait aussi les triens LINGVEN1..ESM0N1TA — AYDIGILYS MO ettrihué
à tort à Langres, «don moi, par M. ^'Améconrt: CALAACIAS: BVRBVL-
KKCAS: VIRÏLlACO,<tc.
ET DISSERTATIONS. A 15
meilleur avis, d'y voir Tabréviation du mot CivUaiE.
5. ALBENNOFET. Buste diadème à droite.
1^ CELESTVS MVN Croix chrismée dans un grènetis,
accostée des initiales VI (pi. XVII, n° 6).
On connaît déjà un triens d'Albenno^ publié par Ducha-
lais ' qui le donn^wt avec quelque hésitation à Albon (Drôme) :
M. Ponton d'Amécourt adopte franchement cette attribu-
tion, qui me paraît très-contestable jusqu'à ce qu'on ait
trouvé un texte qui vienne la corroborer. En tout cas il
appartient aux archéologues de la province de Vienne de
retrouver Albennum*. L'exen)plaire de la collection royale
de Munich que je publie aujourd'hui donne le nom du
monnoyer très - lisible : c'est sans doute sur une pièce
moins bien conservée que M. d'Amécourt a pu seulement
déchiffrer ATVSMV^ETARI.
6. BETORECAS. Buste diadème à droite.
â + MVMMOLO MON. Croix haussée sur un degré et sur
un globe, entourée d'un grènetis et accostée des lettres BE
(pi. XVII, n« 7).
Le monnoyer Mummolus, dans lequel, jadis, on a voulu
voir le patrice Mummole, n'était connu jusqu'ici que par
des triens et des deniers de Chalon-sur-Saône. 11 est cu-
rieux de retrouver ce nom à Bourges sur un tiers de sou
dont le style bourguignon est incontestable. L'histoire jus-
tifie l'apparition d'un type particulier à la première Lyon-
naise dans cette partie de l'Aquitaine, et l'on trouvera très-
probablement le souvenir d'autres localités de la civilas
Biturigenais sur des triens que leur fabrique a fait classer
dans l'ancien royaume de Bourgogne.
1 Rnw num„ 1847, p. 109, pi V, n* 11.
* Ettai *ur la numitm, mérot., p. 35. J« rapp«lerai ici hpngut Albanentit
qui tirait son nom d'Ail ans en S..voie, à cinq lieues de Chnmlêry.
A 1(5 MÉMOIRES
Depuis la conquête de FAquitaine sur les Wisigotbs par
Clovis vers 507, jusqu'à la mort de Caribert en 667, le
Berry fut réuni aux états des rois de Paris : à cette dernière
date, il passa à Contran, roi de Bourgogne, mort en 693,
à Cbildebert II, fils de Sigebert. roi d'Austrasîe (598-
696), à Thierry II, second fils du précédent (596-613),
eïifin à Dagobert I", roi de Paris. On voit que pendant une
période de près d'un demi-siècle, les monnaies mérovin-
giennes frappées en Bcrry purent avoir un certain air de
famille avec celles qui étaient émises dans le royaume de
Bourgogne. Celte observation pourra ultérieurement être
utile lorsqu'il s'agira de dater approximativement toute
une série de pièces mérovingiennes.
7. AVNACO. Buste chaperonné à droite.
\i ILDEBICO MON Croix posée sur une sorte de fleur ou
de calice placé sur deux degrés (pi. XVII, n** 8).
Je ne me permettrai pas d'attribuer ce joli triens, qui
ne restera pas longtemps très-probablement sans être
classé. Il y a un assez grand nombre de localités du nom
iVAunac\ mais elles sont situées dans le midi, et le tiers
de sou dont je m'occupe en ce moment appartient plutôt
à la seconde ou à la quatrième Lyonnaise '.
8. Voici un triens qui nous donne le nom d'une cité qui
n'a pas encore été signalée par les numismatistes à l'épo-
que mérovingienne :
TABOANNA, étoile. Buste diadème à droite, surmonté
d'une croix.
Si BOSOTTO ou OTTOBOS. Croix haussée, surmontée de
deux points (pi. XVII, n^ 9).
» D.ins rArrk'ge, rAveyroii, la Cliarentc, Tarn-ct- Garonne.
• A Piiris et à Baveux, on remarque do8 trifinn snr losqui^ls la croix e»t
posée lur un calice.
ET DISSERT/.TIONS. 417
A deux reprises Grégoire de Tours, en parlant des habi-
tants de la cité de Térouenne, les nomme Tarabannemes^
Taravannenses \ La légende de saint Treverius parle du
« pagas Tarocvanuensis, » de ul'urbs Tarowannica,» et ce
qui est plus concluant pour la question qui nous occupe
en ce moment, j*y relève ce passage : « Duo pueruli no-
II mine Radigniselus et Salsufur de pago Dombensi
« juxta Taroannam civitatem abducti fuei unt '. »
Les monnaies carolingiennes portent TARVENNA CIVIT»
postérieurement à Charles le Chauve. 11 me semble que
Ton peut donner à Térouenne un denier de Pépin qui a
été attiibué à Arras : au lieu d'y lire CIVARORAT ', je crois
pouvoir y déchiffrer TAROAANCI, qui, avec une simple
transposition de lettre, donne TAROANACI, légende sem-
blable à celle du tiers de sou que j'ai eu la bonne fortune
de retrouver.
9. SPIRA. Buste à droite.
r) BADVM. Croix sur un globe haussée sur un degré
(pLXVII,nMO).
10. GAIDO MO. Buste à droite.
^ SPIRA FIT. Croix haussée sur un petit degré; dessou«,
un îinnelet (pi. XVII, n" 11) .
Ces deux triens appartiennent évidemment à la cité à%
« Greg. Tur.. édit. de 1699, col. 228 et 578.
* Bolland., 16 jan. Notous aussi les formes suivantes : Tarvana, dans )o
moine de Flenry et les Act. ord. S. Bened,^ I, »sec 3, p. 29 et 45. — Tarvanna,
id., ixc, 2, p. 534, 108, 1048; sxc. 3, p. 304. — Tercanente opfndum,, id.,
4aee 2, p. 116, 659 ; ««c. 3, p. 295.
' Bist, monét. de la procince d'Artoit, par Al. Hermand, p. 67. — Mader^
IV, n" 3, p. 5. — Fougères et Conbronse, Descript, compl., p. 36, n« 276. —
Vn triens de la collection de feu A. Hermand portait TAROAKNA ; il est
r#»prettable que c« uumismatiste nVn fiit pns dunnô la description. — Cf. Bittit
num.Mg€, IV- ?ério. t. IT, p. 32.
ÀlS SIÉMOIKES
Spire : je crois que c'est par erreur que l'un a essayé de
classer à Épinal, Spina^ le n"" 9. Je n'ai pas besoin de
faire remarquer la diiïérence de date indiquée par les
types : le n* 9 est une dégénérescence des monnaies ro-
maines du Bas-Empire; le nMO est purement mérovingien.
Le nom de Spire, dérivé de celui de la rivière qui tra-
verse-cette ville, est connu depuis le milieu du vir siècle :
Cigebert II donnait à cette époque à l'évêque des Nèmétei
Cl décimas omnium victualium ta agro Spirensi provenien-
u tium quae antea Régi dari consueverant \ w II y a bien
un document du commencement du v siècle, la Notice des
provinces j qui mentionne Nemetum ié est Spira; mais i)
faut remarquer que les nombreux manuscrits de la « Notice»
ne remontent pas au delà du ix' siècle : de plus, les uus
disent simplement Nemetum^ les autres Nemetum id est
Sptra, d*oû il est permis de conclure que cette seconde
leçon est un commentaire .ajouté postérieurement par quel-
ques copistes au texte primiiif. A la même époque, d'ail-
leurs, ou à peu près» saint Jérôme', mentionne dans une
de ses lettres, parlant des cités dévastées par les Huns,
N€met3L\ sans ajouter le nom de Spire. C'est au milieu du
viii' siècle que des actes du pape Zacharie notent « David
episcopus Spironensis » et la « civitas Spiratia. » La tradi-
tion voulait que Dagobert, vers 610, ait rétabli Tévêché de
Spire, confirmé vers CAO par les libéralités de Sigebcrt.
H. +GAMB1AC0. Buste diadème à droite.
^. CLAROMVN. Croix à branches égales (pi. XVII, n* 14).
L'attribution de ce triens me semble établie par ce texte
qui a rapport à la donation faite par Clovis à Euspicius, oncle
« Gall. Christ., t. V, col. 715; in»tr., col. 41S.
* Epùt. ad Gerontiam dt monogatnia ..
CT DISSERTATIONS. klO
de saint Maximin : <i Sedem suam Miciacum, quo proptér
u delicias piscium et venatuuin immorari consueverat^ ei
« jure bereditario condonaret, siroul et Cambiacum et Li-
« tiniacuin ^ »
Cambiacum est Chaiagy (Loiret, cautoo et arrondisse-
ment d'Orléans).
12. SCI MAXIMINI. Buste diadème adroite.
1^ + LEODVLFO M. Croix accostée des lettres L K
(pi. XVII, n' 16). L'origine limousine de ce tiers de son ne
laisse aucun doute; c'est une pièce nouvelle à ajouter Jb
kl monographie publiée par M. Deloche. Le monétaire
Leodulfus est déjà connu dans cette cité à Cabanisio^ Cba-
banais '. M. Maurice Ardant m'a signalé l'ancienne paroisse
de Magnac- Laval (Haute Vienne) comme mentionnée dans
les pouillés sous le vocable de saint Maximin.
12. CIOEROVICO. Buste diadème à droite, devant le vi-
sage une croisette.
i^ +RAGOLENOMO, grand A dans un grènetis, sur-
monté d'une croix et accosté de deux (leurs? (PI. XVII,.
«• 18.)
Voici un trions dont je n'ose déterminer l'attribution?
quant à présent. Je le publie néanmoins à cause du type
intéressant qu'il révèle. Le droit a un caractère qui le rat-
tache aux cités de Lyon et de Vienne; par le revers, ce
tiers de sou rappelle toute une série de deniers d'argent
sur lesquels paraît un grand A aussi surmonté d'une
croix : cette série n'est pas encore classée; parmi les
exemplaires qui la composent, il se trouve des pièces qui
sont données à la seconde Belgique et d'autres à la Pro-
• Aet. 8*. ord. S. Bened,, in append., ssec. 1, j». 5'10 et 599. Ex Libromi^
raeul. S. Maximini^ abb. àficiacenMit.
' Revue numism., 1" s.tîc. lH3*i, ]•!. M, h"21.|
A20 MtMOIRCS
vonce * : il se pourrait que ratiribulion définitive du tiers
de sou de Cioerum mit sur la voie de la solution du pro*
blême et aidât à trouver la signitication de l'initiale qui
forme le type du revers.
13. NAMNI. Buste à droite.
Hf Monogramme dans lequel on retrouve les initiales M E,
attachées aune croix doublement chrismée (pi. XVII» n* 19).
M. B. Fillon a publié un tiers de sou analogue à celui-ci
d'après un exemplaire qui, de la collection de M. Tabbé de
Béchillon, a passé dans celle de M. Ch. Bobert, puis enfîn
dans la magnifique suite de M. Ponton d'Amécourt *. — Sur
le triens de Fancienne collection de Béchillon, il semble, à
moins de supposer un défaut de frappe, que Ton |>eut lire,
au revers, les lettres VE : ce serait Vannes, si l'on admet
que la pièce que je publie aujourd'hui est de Nantes, et
nous aurions là deux exemplaires d'un type breton qui
n'avait pas encore été déterminé. J'ajouterai que, si mon
hypothèse est admise, il ne faudrait plus, comme l'indi-
quait M. Fillon, chercher le lieu d'émission de ces mon-
naies dans le midi des Gaules, plus bas que le Rouergue
et le Gévaudan.
Je crois cette pièce, en raison de l'absence du nom du
monnoyer, d'une époque relativement récente : le buste
représenté au droit n'est pas sans analogie de style avec
celui des triens du monnoyer MEBTO, que l'on classe pro-
visoirement à Bouen. Je dis provisoiremmty parce que
M. de Longpérier, depuis longtemps, a reconnu que les
tiers de sou de Merlo pouvaient appartenir à la cité de
Tours. Je reviendrai plus lard sur cette question.
* B. Fillon, Lettre» à M. Dugaat-àlatifrvx fur qmelq%n's monnaie* françmiees
tnédUe$, pi. X, n"» 17 à 20.
' Étude." numitmatiques, p. 37, pi. II. n" 2.
ET DISSERTATIONS. 42 1
14. Je termine cet article par la reproductiou d'un denier
d'argent qui n'est pas inédit, mais que l'on connaît seu-
lement par un dessin très-inexact donné par Bouteroue
d'après l'exemplaire conservé dans la collection de Harlay :
c'est le denier attribué par Adrien de Valois et Lelewel à
Leudeville (Seine-etOise), LVDEDISVICO* (pi. XViI,n«20\
Anatole de Barthélémy.
•
> Bouteroue, 319.— Leblanc. J#one/. inr., IV,20.— Duhy, Monrt., \lll,
10 —Lelewel, 111, 46.
Le n* 9 de la pi. XVII, m'appartient ; les n"» 2, 4, 12 et 15 sont au Cabinet
de France; les n"» 3, 16 et 18 au musée de Saint- Pétcrsbour;; ; les n"* 6 et 1 1
au musée de Munich ; les n*« 7 et 14 à M. le chevalier Thomsen, de Copen-
ha^e ; le o* 8 au musée impérial de Vienne (Autriche ) ; les n** 10 et 13 à
M. Gillet, à Nancy; le n* 17 au musée du Luxembourg*, le n* l9 à M. Pa-
renteau, de Nantei»; le n* 20 oxi^te «ux Cabinets de France et do Saint- IV-
ter^bours.
A22 MÉMOIRES
MOiNNAIES DE LUGQUES.
III- PARUE.
DE LA RÉFORME MONÉTAIRE DE FRÉDÉRIC 11,
ET DES TYPES AïX)PTÉS A LUCQUES PENDANT LE XIII* SIÈCLE '
(PI. XVIII.)
Parmi les avantages obtenus à la suite du grand mou-
vement social qui se manifesta en Europe vers la fin du
xii* siècle et au commencement du xiii', par les croisades,,
on ne peut guère passer sous silence celui qui, dans Téco-
nomie politique, rend de grands services à un peuple bien
constitué et régulièrement organisé; aussi ce ne fut pas
une des dernières préoccupations de celui qui, à cette
époque, présidait aux destinées de Tltalie que d'aviser à la
réorganisation complète des officines monétaires de ce pays
et de mettre (in à des abus sans nombre dont on se plai-
gnait depuis longtemps.
Les habitants de Lucques avaient cherché, mais en vain,
à mettre un terme aux contrefaçons monétaires et à Talté-
ration des métaux, par la convention faite entre les deux
* Voir Hevue numism., 1861, p. 129 et suiv.; Rente numfm , 1863» p. 22
«t Buiv.
£T UlSSERTATIoriS. A2S
officines de Lucques et de Pise \ conveotioii daus laquelle
étaient fixés le poids, le titre et les formes déterminées des
monogrammes des deux cités ; mais tout cela n'apporta pas
de remède au mal. Les Vénitiens d'abord, sous Tadminis-
tration du doge Henri Dandolo, en 1200, furent les pre-
miers qui parvinrent à mettre une barrière aux fraudes, en
substituant à la monnaie courante le Maiapan ou gros d'ar-
geni d'un poids déterminé et d'un titre élevé. La sage me-
sure adoptée par la République de Venise fut favorablement
accueillie dans divers pays de Tltalie, et la réforme moné-
taire devint bientôt générale dans toute la péninsule. Les
effets de cette mesure durent, à mon avis, se faire sentir
également dans la fabrication des monnaies de Lucques,
car vers la moitié du xiii** siècle avaient cours à Lucques
des gros d'argent fabriqués sur le modèle du Matapan, non
par rapport au type, mais comme poids et titre du métal',
de même que peu de temps après parurent ailleurs les gros
d'Aquilée, de Gênes, de Bologne, de Ravenne et ceux du
Pape. Malgré ces données, il est assez difficile de fixer d'nne
manière précise la réorganisation de notre officine, parce
que les documents contemporains nous manquent complè-
tement, les archives diplomatiques de l'époque ayant été
brûlées dans les tristes événements des premières années
du xiv* siècle et ensuite dispersées sous le gouvernement
tyrannique des Pisans. La grande rareté des documents
qu'on possède sur nos monnaies à cette époque, et jusqu'à
la reconstitution politique de l'Italie, ne doit donc sur-
prendre personne.
> Carli, tktU Ztcche cTItatin, t. Il, p. 150. ~ Voir Berue numUm., 1863,
p. 38 et saiv.
• Bancoli, Del ta tore di nlcune monete italiane net secolo XVl, p. 14, Lucq..
1843.
h2k MÉMOiRi:s
Eu faisait des recherches dans les archives de l'arclie-
vêché, j'ai eu le bonheur de retrouver quelques anciens
actes, écrits sur parcheofiin, des années 12A2, 1244 et
1249. Les valeurs de convention s'y trouvent marquées en
deniers gros d'argent, Denarios grossos Lucanos argenti ^ «
d'où l'on peut conclure que ces monnaies étaient déjà en-
trées dans la circulation quelque temps auparavant. Ainsi,
on peut conjecturer avec quelque probabilité que ce fut
environ à cette époque que pai-urent les nouvelles mon-
naies frappées sous l'influence des lois les plus ré-
centes.
En effet, la mort inattendue de Philippe de Souabe, laissa
Otton IV sans compétiteur en Italie, et lui fournit le moyen
d'exercer la souveraine autorité à Lacques. Pour gagner
l'affection des habitants qui exerçaient une assez grande in-
fluence dans les affaires de la péninsule, il se montra disposé,
lors de son passage par cette ville en 1209, à leur .-ic-
corder un grand nombre de privilèges, sans aucune appa-
rence de vasselage et parmi ces privilèges il leur octroya
le droit de battre moimaie. Je suis d'autant plus porté à
adopter la date rappelée ci-dessus qu'elle se trouve indiquée
par l'élégant écrivain des Annales de Lucqucs *, qui dit
positivement que ce monarque n'avait pas oublié la fabri-
* De Nobili Danicllo.-^Mflmiscritâcon^i^rvés dan» ]h BibIiothéi]ue publique
de Lucqnes. — Document XXVII de l'an 1249, où on lit que quatre livres ««b
bons deniers de Lucques [lihraê q%tatwiT bonorum denariorum Lucenaium) avaient
été payés en deniers gros d'argent ayant cette même valeur [denarios groêtù$
argenti tanlum va/ento«).— Dans un acte sur parchemin marqué n* 50, appart«-
nant à la noble famille Fiorentini. aujourd'hui éteinte, se trouve le compte
d'achat d*une pièce de terre pour libra» Irecentum et eexaginta et novem et $oiido$
tredecim qwu recipit in denarios grossos Lucanos argenti et mille autres choses
semblables.
• Bfverini, AnnaUs ab vrifjine Lurensis urbis, t. I, p. 2^.
i:t dissertations. A25
cation de la inonnaie. Condendae quoque monetœ jus ah
Olhone Lucensibns Uerum concessum.
Cette concession ainsi formulée laisse toutefois quel-
ques doutes sur sa mise à exécution. Je ne voudniis cer-
tainement pas me trouver en contradiction avec l'opinion
de l'illustre historien que je viens de citer, opinion émise
avec une si juste autorité, en objectant que l'empereur
Otton n*avait pas eu en vue l'acte matériel de battre
monnaie , puisqu'il est suffisamment démontré que la
fabrication des espèces n'avait jamais cessé chez nous,
mais que plutôt par son diplôme royal donné à Felsina,
en 1209 \ il n'avait eu en vue que de confirmer les fran-
chises déjà accordées par Otton I" à l'olTicine de Lucques.
Je veux dire qu'il avait laissé à perpétuité le profit à
tirer de la frappe des métaux à la conmïune de Lucques,
ce ([ui, du reste, est prouvé clairement par quelques types
dont nous aurons occasion de parler et qui sont accom-
pagnés des légendes : Communi et Populi ou Populus Li>
CANUS. Que telle ait été l'intention du législateur, ceci mo
semble résulter des expressions mêmes dont se sert le chro-
niqueur cité plus haut. Le mot ilentm, si je ne me trompe,
se rapporte à un privilège dont l'exercice a pu être aban-
donné peut-être, mais qui existait préalablement comme
concession d'une autre époque. J'ajoute une circonstance
rapportée par l'histoire, c'e.^t qu'après qu'Otton IV eut
consolidé son pouvoir en Italie, il suscita plus d'une fois
des diflicultés aux habitants de Lucquus, d'où il est à pré-
sumer qu'il ne se fiit pas montré aussi généreux envers
eux, jusqu'au point de leur accorder Téminenle préroga-
tive de battre monnaie, si depuis très-longtemps ils n'en
i Muzzuro.HH, Sloria di ixwUy vol. I, p. R4.
A-20 MÉMOIRES
«ivaient été en possession. Seulement il me sera permis de
faire observer que la volonté du prince par cet acte, éten-
dait le privilège à la faculté de refondre et de frapper de
nouveau la monnaie, privilège, il est vrai, qui avait cessé
dès le commencement du ix* siècle, comme je l'ai dé*
montré ailleurs \ non-seulement chez nous, mais encore
dans toutes les officines monétaires situées de ce côté-ci des
Alpes, et cela en vertu des lois imposées à cette époque à
r Italie par les princes sous la domination desquels était le
pays, à Texception des officines des Deux-Siciles, où Ton
continua toujours de frapper des monnaies d'or, même sous
les Sarrasins et les Normands. Je crois que cette manière
d'envisager la question ne peut que difficilement être con-
testée, quand on songe que, dans la longue et non inier-
rompue série des monnaies de Lucques que nous connais-
sons, nous ne trouvons plus aucune trace des espèces d*or,
après les pièces fabriquées sous Charlemagne, et que c est
seulement à Tépoque dont nous parlons que Ton voit repa«
raîire ce métal employé pour la fabrication de quelques gros
d'or' frappés, à ce qu'il paraît, peu de temps après les
gros d'un métal moins précieux. Si nous recherchons quels
ont pu être l'état et les vicissitudes de la monnaie, il ne faut
pas être surpris que le système monétaire de l'époque ait ai-
tiré l'attention d'Otton IV; car alors on donnait les officines
monétaires comme un appât ; système, il faut le dire, peu
honnête. Ainsi donc pour obvier aux abus trop fréquents et
qui paraissaient comme enracinés, tels que l'altération
des métaux, et l'imitation des types, le fondateur des pe-
tites républiques italiennes eut à cœur de prescrire de nou-
* Voir Revue numinm., 1861, p. 429 et suiv., un travnil SQr les monnaies d«
Lucqnes frappées sous la domination des Francs.
• ï^. Qiiintino, p'. VIT', fip. 20 et 30.
KT hlSSKRTATIONS. M>7
voiles règles pour empocher les fraudes ; il confia donc la
fabrication des monnaies, affaire des plus importantes, aux
villes, comme étant plus intéressées que les particuliers eux-
mêmes à la bonne admini^^tration de cette branche peu fa-
cile d'économie politique. Ainsi quel que soit le sens ri-
goureux que Ton doive attribuer aux expressions de l'ancien
chroniqueur que nous avons cité, ces expressions viennent
ix Tappui de la thèse <|ue je cherche à soutenir. 11 est incon-
testable que dans cette période de temps Toflicine de Luc-
ques reprit non-seulement son ancienne et pleine liberté et
son ancien lustre par sa renommée, son activité et la ri-
chesse des métaux qu'elle employait, mais encore qu'en
adoptant de nouvelles règles et de nouveaux types, dans
des temps très-difliciles et au milieu d'innombrables di*
visions, elle sut conserver tes caractéristiques de son au-
tonomie.
Les premières monnaies qui furent émises à Lucques
M)us Tinfluence du nouveau régime établi par Otton IV,
sontdes deniers d argent ou (/roji dont quelques exemplaires
sont conservés dans la collection de l'Académie royale de
Lucques et aussi quel(|ues autres dans ma collection par-
ticulière. Tous sont semblables les uns aux autres; seule*
ment quoique la gravure n'offre que de légères différences,
ils se distinguent tous par des signes ou marques particu-
lières. Les légendes en caractères assez grossiers sont celles
de l'époque où dans les monuments on se rapprochait déjà du
goût gothique. Le travail du burin quoique barbare, si on
le compare à celui des monnaies d'une époque plus rap-
prochée de nous, offre déjà des traits d'une bonne fornic
et une expression toute nouvelle. De même le titre du mé-
tal répond aux nouvelles prescriptions, étant, comme il est
facile de s'en assurer, de onie douzièmes d'argent fin et
42S MtMOinr.s
rarement au dessons. On peut en dire autaqt du poids qui
est presque toujours d'environ 30 grains toscans, ce qui
pour moi est un signe certain d'un travail bien combiné
et fait sous Tempire de lois justes et équitables. La forme
enfin du monogramme, malgré les modules divers des
nouvelles pièces, se rapproche encore du groupe ressem-
blant à un II qui se voit sur les monnaies de l'époque pré-
cédente. Mais la différence dans la fabrication de ces pièces
est sensible et révèle le changement dans l'ait qui se
montre constamment dans les œuvres de deux âges qui
vont toujours s'éloignant davantage l'un de l'autre. Les
habitants de Lucques ne purent émettre ces nouvelles
monnaies, quoique frappées de leur pleine et entière au-
torité, sans montrer que leur pays était en quelque sorte
dévoué à l'Empire. C'est pour cela qu'on y voit le mono-
gramme d'Otton. Mais d'un autre côté, comme pour faire
paraître leur indépendance municipale, ils mii*ent pour la
première fois sur leur monnaie la face du Christ, le Volio
SanfOj qui est l'image la plus vénérée à Lucques, iniitant
en cela ces empereurs d'Orient qui, par esprit de piété,
firent placer sur leurs pièces d'or l'image du Sauveur,
par exemple Basile 1*' et aussi Jean Zimiscès.
Sur le premier des gros de Lucques, on voit la face <lu
Christ, le VoUo Santo (pi. XVIII, n" 1), sous la protection
duquel notre ville est placée. Il était donc naturel que cette
effigie parût de préférence à toute autre image sacrée sur
les monnaies que Lucques faisait fabriquer. La sainte face
est accompagnée de la légende S. VVLT' DE LVC A ; et au
revers paraît le monogramme d'Otton entouré de la lé-
gende : OTTO REX.
Ces pièces, tant par la nouveauté des types que par la
prodigieuse quantité des coins qu'on en connaît, ont Tavan-
ET DiSSKftTATIONS. 629
iage de fotirnir des lumières précieuses ù rhi>toire au
sujet des réformes monétaires qui eurent lieu dans ce
siècle; car cetl€ émission est le point de départ d*une des
périodes les plus brillantes de Taclivité de notre officine,
depuis la domination des Longbards. On connaît aussi des
pièces d'or au même type, pièces qui furent fabriquées peu
après les gros d'argent.
Un autre gros d'argent (pi. XVHI,n'* 2) presque semblable
au précédent, ne peut guère avoir été frappé que du temps
d'Otton IV, vu qu'il offre dans son aspect extérieur toutes
les conditions exigées par les règlements de l'époque. Le
poids et le titre du métal sont constamment les mêmes; les
exemplaires qui ont le moins souffert dépassent 30 grains
toscans, et le titre en est de onze douzièmes; les types et
les lettres ne permettent pas d'hésiter sur l'origine de cette
monnaie. On ne peut guère objecter que le droit aussi bien
que le revers où se voit le monogramme diffèrent comme
exécution des gros décrits plus haut; car il est nécessaire
d'observer qu'à cette époque déjà les tendances de Tart
commençaient à se diriger vers la régularité et la grâce, et
de plus, je suis porté à croire que la différence que l'on
remarque dans ces coins ne provient pas seulement de ces
progrès dans l'exécution, mais encore a pour but de dis-
tinguer les gros de la seconde émission de ceux de la
première, parce qu'alors le gros fut nommé bolognino
(gros de Bologne)\ Je m'explique : après l'an 1180, le gou-
vernement de Lucques par réciprocité des bons procédés
de celui de Bologne, ordonna que les gros de deux sols
qu'on se proposait de fabriquer seraient nommés bolon-
' BrnncoH, Sut tahre di alcune mnnefc italianf rerso la meta de\ secnlo XVI,
p. 15, en iiotfi. Lucjj,, 1843.
1864. — 6. 29
430 MÉMOIRES
nais. Et on ne peut guère douter de la justesse de cette
interprétation, puisqu'à l'appui de ma manière de voir, se
présente plus d'une preuve; je me contente de citer un do-
cument de 1299 dans lequel on stipule la vente d'une
redevance de cinq boisseaux de grains, fèves et millet
au prix de : triginta unum et soUdos quinque in de-
nariorum Lucanorum grossorum^ seu Bolognis grossis de
argfn(o\ Quoiqu'il en soit de cette différence dans les
coins, nous ne pouvions pas la passer sous silence en lais-
sant de côté d'autres petits détails, parce que cette re-
marque est utile à la science tt à l'histoire, de même que
k nomenclature et te classement méthodique des mon-
naies seront fort utiles pour décrire la série suivante que
BOUS étudierons après celle du xiii* siècle.
Malgré la paix conclue entre les cités de Lucques et de
Pise» grâce à la médiation de l'empereur Frédéric II et du
pape Lucius III, noire concitoyen, les dissensions conti-
nuèrent. Les Pisans ayant bientôt entrepris de contrefaire
la monnaie de Lucques, il en résulta de nouvelles contes-
tations et des désordres de la dernière gravité. Le désac-
cord qui ensuite s'éleva entre le pape Honorius III et le
même Frédéric fut de quelque avantage pour les habitanis
de Lucques, car le nouvel empereur, cherchant à consolider
sa domination en Italie, rechercha l'amitié des villes de la
Toscane, en leur accordant certains privilèges et franchises.
Lucques, que l'empereur se plaisait à distinguer parmi les
autres cités italiennes, ne fut pas la dernière à profiter de
ces faveurs. Ses habitants, encouragés par les bonnes dis-
positions du prince, s'efforcèrent de donner une nouvelle
extension aux émissions de leur atelier monétaire, et ainsi
1 Àrchu'fg Je la noble famille Fiorentmi à I.ucques, parchemin II, 102.
l-T DlSSl-RTATIONS. 431
la réforme de la monnaie , de nouveau inaugurée par
Otton IV, arriva à produire son entier effet sous Frédéric IL
Les habitants de Lucques songeant pour lors à se pourvoir
d'un numéraire suffisant, ce ne fut pas sans intention, pour
favoriser le commerce des denrées de menue valeur qu'ils
jugèrent à propos de frapper, après les gros et les pièces
dites bolognini^ une monnaie plus petite, qui, représentant
la douzième partie du gros, devenait par sa nature, quoique
la dernière des fractions, une monnaie normale pour faciliter
les calculs les plus minimes. Ainsi parurent les pièces dites
utbuli (petits blancs) (pi. XVlH,n" 3) aussi nommées re/br-
ziati * ; ces monnaies n'étant pas de cuivre pur, mais alliées
(renforcées) d'une petite quantité d'argent. J'en ai fait
l'essai en les faisant fondre au creuset; elles pèsent intégra-
lement 14 grains, dont 2 i/7 d'argent fin. A l'exception
du module et de la nature du métal, je n*ai rien à dire ni
sur le type, ni sur la forme des caractères; la légende, le
monogramme sont semblables à ceux que l'on voit sur les
gros que j'ai décrits plus haut. C'est pourquoi, sans crainte
de me tromper et sans entrer dans d'autres considérations,
je pense pouvoir ranger ces monnaies parmi celles qui
furent frappées à Lucques par ordre de l'habile réforma-
teur des officines monétaires de l'Italie. Et d'ailleurs cette
attribution ne saurait plus être mise en doute, depuis que
le célèbre Guido Antonio Zanetti a fourni à l'appui un
témoignage tiré d'un document presque contemporain
dans lequel on lit : Unus DenaritLS Lucensis rel duodecim
AlbuH\
Les heureux effets ressentis dans le petit commerce par
^ s. Qnintino, Indice^ tnv. VIII.
• (i. A. Zanetti, \vora rarcolta dtUe n.nnele € zrcche d'Kaliay t. II, p. 401,
j32 MÉMOIRES
la mise en circulation de ces oboles blanches {atbufi) donna
naturellement occasion à nos ancêtres de penser que d'au-
tres avantages semblables pouvaient résulter de la fabri-
cation d'une monnaie beaucoup plus forte, ce qui fit que
l'apparition du double gros {grossove) ne se fit pas long-
temps attendre. Au moyen de cette monnaie les transactions
d'objets d'un prix élevé se faisaient plus facilement. A vrai
dire, cette dernière pièce est singulière, en ce qu'elle re-
présente, à ce que je pense et non sans foftdement, deux
bolognini; son module et son poids de 56 grains en four-
nissent la preuve certaine. La différence marquée du coin
indique clairement la succession régulière des poinçons ;
car les empreintes nous avertissent que ce type n'appartient
plus à une époque d'ignorance, ou pour le moins de grande
simplicité artistique (pi. XVIIl, n* à). Le perfectionnement
dans le dessin est tel, surtout du côté où est gravé le mo-
nogramme, qu'on se demande d'abord si vraiment, avec
des ornements et des détails pareils, on a tenu à conserver
le chiffre d'Otton, emblème systématique désormais sur
notre monnaie; mais l'illustre Muratori nous en donne la
certitude dans ses Antiquités italiennes, où il reproduit un
exemplaire tout à fait semblable de cette pièce en ajoutant
les mots suivants : Allamfn si contenf^as monogramma O/-
tonis ibi designari non repugnabo, qucmquam eadem sig'a
occnrrat in uummis Ueuricii Augusti ', etc. Le type du droit
ne laisse pas que de démontrer une origine différente de
la date assignée au gros précédent frappé sous le règne
d'Otton, car pour la première fois le Vollo Santo ne se
présente plus de face, mais de trois quarts ; puis le titre
du métal, la légende, la gravure, la forme des lettres, en
* Moratori, AntiquHates itnlirae medii aeti, vol. V, p 452.
i:r DissEUTAiioNS. A33
se conservant sans alléraiion, sont bien là les caradtéris-
tiques qui conviennent à ces pièces où Ton reconnaît le
produit d'une émission monétaire qui se rapporte aux lois
et <iux règlements récemment proclamés et mis en vigueur.
Nonobstant tout cela, on serait quelque peu embarrassé en
étudiant la numismatique de notre ville, parce que les types
de ces monnaies sont tout à fait ceux adoptés par rem|)e-
reur Otton et non ceux de Frédéric, qui avait accordé de
nombreux privilèges à roflicinc de Lucques^; mais heu-
reusement G. A. Zanetti, que nous avons déjà cité, en dé-
crivant quelques monnaies de Pise *, fait observer que Fré-
déric I*' avait décrété que les monnaies de Pise devaient
porter son nom et celles de Luc(]ues conserver celui d'Otton.
Ainsi Ton comprend que le nom d*Otton a été conservé,
même sur les monnaies de l'époque de Frédéric II. Le
burin annonce d'ailleurs un perfectionnement et un pro-
grès se rapprochant de ces temps qui furent si propices
pour la renaissance des beaux-arts en Italie; et ceci con-
court à mettre en évidence que, quoique ces monnaies
portent encore le chiffre d'Otton, elles appartiennent néan-
moins à Tempereur Frédéric II.
Les habitants de Lncques ne se bornèrent pas à frappen
<les espèces monétaires d*une importance secondaire; ils
voulurent aussi frapper le gros «for, belle monnaie du-
poids de 72 grains, au titre de carats 23,19, ce qu'on ap-
|)elle vulgairement or vierge'* Ce fut sur ce pied que les.
Vénitiens firent plus tard, à ce qu'il paraît, fabriquer leun
* ncverini. Op. cit., vol. I, p. 330.
« Zauetti, Op.cU., t. H, p. 401 et 417, note.
3 Gêuéralement on croit que Tor des gros de Lucques, aussi bien que celui-
du florin de Fiorence, est de 24 carnt8. Cependant l'essai démontre que ca»
u'est que 23,19, ce qui est aussi le tiiif du ccièbrc scquin de Venise.
m MÉ5I01RES
ducat {dogato^ ducala) d'or en 1284. C'est le comte de S,
Quintino, déjà cité nombre de fois, qui nous a fait con-
naître, par un excellent dessin, celte monnaie de Lucques,
le gros d'or, aujourd'hui de la plus grande rareté; cette
pièce prouve d'une manière des plus heureuses ce que je
cherche à démontrer, parce que si l'on analyse avec soin ce
nouveau type, on s'aperçoit combien il a de rea«emblance
avec ceux que j'ai précédemment décrits sous les n** 1, 2,
3 et A t le monogramme étant identique à ceux dans lesquels
nous avons reconnu celui d'Otton et celui du temps de Fré-
déric II (pi. XVIII, n* 5),
Maintenant, après une étude sévère, j'ai pu me con-
vaincre que la fabrication de ces monnaies a duré assez
longtemps, et qu'elles avaient cours hors des limites de
notre petit État. On peut en juger par les formes qui sont
propres à ces temps et en tenant compte du caractère de
la gravure, qui accuse le style barbare des âges précé-
dents, et aussi en trouvant une grande diversité dans les
coins, ce qui fait que presque tous les exemplaires offrent
des variétés.
Si le comte de S. Quintino * assure que ces sortes de
gros avaient déjà cours à Lucques dès l'an 12â6, cette
assertion se trouve confirmée d'une manière solide et posi-
tive par un savant de Lucques qui écrivant vers le milieu
du xvir siècle *, et parlant d'une charte, dit dans les termes
les plus explicites qu'en 1264 vingt-neuf livres treize sols
et trois deniers, librarum vigemi worem soUdorum trede-
dm et denarios tres^ avaient été stipulés et payés en autant
de petits deniers et huit gros d'or avec autant de gros
« PI. VIII, n'- 2 et 3.
* De Xohili Daniello, E^tratlo ddV arrhuto d; Servi, \tttr chemin 164,
€T JMSSKRf ATiONS. 435
cVargent, in toi lietianis ininutii^ et octo (/nmsis de auro^
cam aliquot grossis argenltis.
De tout ceci il est peraûs de conclure que janisds Tatelier
de Lucqiies ne resta en arrière, et que même par la frappe de
Tor il se distingua parmi les autres ateliers de la péninsule,
qui, dans le même espace de temps et avec le consentement
de Frédéric H, continuèrent chacun à émettre des espèces
monnayées.
Le gros d'or de Lucques. à cause de son titre élevé,
avait cours partout; son poids surpassait de quelques
grains le célèbre florin de Florence \ qui était reçu avec
ime grande faveur, de sorte que les Lucquois ne virent
aucun inconvénient à continuer rémission de cette mon-
naie.
On frappa encore une autre pièce du poids du florin
qui était fabriqué à Florence, sans altérer en aucune façon
le titre du métal, qui conserva toujours sa pureté; nos an-
cêtres, pour se conformer à l'usage de Tépoque, et aussi
pour favoriser les transactions commerciales avec les villes
voisines, lui donnèrent le nom de florin, ne se niettant nul-
lement en peine de prendre pour exemple et ri^'gle ce qui
se faisait dans un atelier voisin , bien inférieur à leur
officine, puisque les habitants de Florence n'eurent un
atelier qui leur fût propre qu'à partir de l'an 1252 '; dès
L18&, les Florentins envoyaient des lingots d'argent à
Lucques pour y être monnayés au type de notre ville ; il
n'y avait alors en Toscane d'autre monnaie que celle fabri-
<iuée à Lucques.
L'apparition du florin de Lucques fut un grand évé-
• Tlorghini Vicenzo, nella moneta finrnilina, p. 213,
' <^*arli, Deila énstituzione ilette zcnhe 'CItalia, t. II.
A3ô MÉMOIRES
nemeiît dans les annales des officines monétaires d'I
attendu la nouveauté du coin ; il se distinguait tout
des autres pièces, et s'éloignait de tout type étrange
y avait placé des deux côtés les images sacrées des
tecteurs et patrons de notre cité. Les Italiens, qui jus
lors montraient qu'ils supportaient avec la plus grande i
gnance la domination des étrangers, profitèrent du mo
où s'opéraient de grands changements dans les lois rela
à leurs différentes officines monétaires pour s* empan
droit d'imprimer à leurs monnaies un caractère religi
et ainsi, sans offenser directement l'Empire, éloigni
de leurs monnaies toute espèce d'idée de servage. En eff<
l'on vient à examiner les produits en assez grand nombn
officines de ces temps, on y reconnaît l'apparition coi
instantanée de tout un système dont, avant cette époqi
ne s'était offert aucune trace. Par exemple, Pise plaçait
ses monnaies l'image de la Vierge, Florence saint h
Baptiste, Arezzo saint Donat, Bologne saint Pétrone, M
saint Ambroise, et ainsi de suite. On peut donc dire
l'atelier de Lucques marque une époque mémorable <
l'histoire des officines monétaires de l'Italie en introdui
cet usage. Ce fut là la première monnaie qui rappelle
temps où la ville de Lucques commença à jouir des ei
d'une liberté raisonnable, qui malheureusement n'eut
de durée par suite des dissensions intérieures et des
cordes du dehors, excitées par l'ambition des hommes e
fureur des factions.
Le florin d'or de Lucques, d'un or pur, pèse 68 grai
Son extrême rareté aujourd'hui fait présumer que pai
valeur intrinsèque il était très-recherché dès le moment
il parut ; les seuls et uniques exeuiplaii-es qui en cxist
sont ceux qui se trouvent dans ma collection ; je n'en
.nL
ET DISSERTATIONS. AS7
pas VU d'autres, et cependant j* ai fait des recherches dam^
les collections étrangères. Au droit est le VoUo Satito
des trois quarts légèrement tourné à gauche. Autour
on lit : S VVLT. D' LVdA. Au revers on voit un guerrier
à cheval à gauche, avec la visière du casque abaissée
et Toriflamme dans la main droite. La légende gravée
autour, S. MARTIN. (PI. XVIll, n«» 6), fait connaître
d'une manière positive que ce guerrier est saint Martin,
un des plus illustres patrons de la cité de Lucqnes. C'est
donc sous la double protection de Dieu et du saint évèquc
que nos ancêtres avaient voulu mettre la plus belle mon-
naie du pays. Depuis ce temps le florin d'or fut non-seule-
ment la monnaie courante et usuelle à Lucques, mais encore
il fut adopté dans les actes et contrats tant publics que
privés, enfin partout où il était question d'indiquer des
valeurs en numéraire Ainsi il n'est pas rare de rencontrer
dans notre histoire * les ventes et les achats ainsi que les
payements considérables indiqués en florins d'or. 11 en est
de même des impôts dont nous grevaient si souvent les
prétendus protecteurs de l'Italie, qui se montraient si bien-
veillants quand l'or leur arrivait à pleines mains ou quand
une nouvelle portion de territoire leur était cédée, nous
accordant la plupart du temps une protection uniquement
nominale, pour mieux faire peser sur nous la tyrannie et la
misère. Aussi dans les actes notariés concernant les aflaires
de corporations et de particuliers, presque tous de la même
teneur, par exemple dans un acte de cette espèce de
Tannée 1265, je lis : Bonaparte de Matraja vend une pièce
de terre boisée au couvent de Saint-Augustin pour le prix
de 9 florins d'or {Buonaparte da Malraja vende un pezzo
* Mazzurooa, Sloria di Lucca, t. I.
A3S MÉMOIRES
di terra selvala al conveuto di S, Agosliuo per il prezzo di
9 fiorini d*oro *). On pourrait en dire autant d'autres actes
extrêmement nombreux • que je passe sous silence pour ne
pas tomber dans des redites trop fréquentes Je ferai ob-
server seulement que dans ces actes où éventuellement se
trouve mentionnée une autre espèce de monnaie, le florin,
comme valeur ayant cours et universellement reconnue, est
constamment indiqué à côté des autres espèces. Ainsi,
je me contente de citer ici un seul acte de Tan 1292,
que je trouve dans les papiers du notaire Jules Castracane,
et dont voici la teneur: Lihras trecentum denariorum Am-
eensium argenli ad ratioriem Floreni axtrei de solidis tri-
ginla et oclo et denariis $ex pro quolibet Floreno *. Quand
on voulait mentionner des amendes destinées à garantir
l'observance rigoureuse des contrats, et là où n*avait pas
lieu un payement matériel en espèces, il est permis de
croire qu'on s'en tenait à l'ancien usage, c*esl-à dire à
évaluer les métaux au poids. Je ne citerai ici qu'un seul
exemple, lequel je choisis dans un grand nombre d'actes
que je pourrais produire ; il suffit à l'objet de ce travail,
et par son origine et par l'époque à laquelle il appar-
tient, il nous fournit un renseignement utile. Dans un
parchemin de l'an 1242, je trouve une confirmation de
privilèges que l'empereur Frédéric II accorde à la fa-
mille des Garsagnini, punissant d*une forte amende celui
qui oserait les enfreindre *... Quod qui prêrsunserii contra
prœsem privilrgium uostrum indignatioms culminis nos^tri
> Archtrei des moineé de Saiiit'AHg'Miiny arnioii'e II, cfl»e n* 25.
* Archives de la cour des commerçants de turques.
^ De Nobili I)ai.ii>!]o. — Mumiscrit.** coiittervi'» à lu Uibliotlicquc n»yalu do
I.ucqucti.
^ Pacclii Doraciiico, Iticherchr storirhe suUa Guarsagnana, p. 221, dttc.XXlV.
ET DISSERTATIONS. A39
se voveril ihcursurum^ et quintfungiiua lihras auii probi et
optimi pro pœna composUurum. Ou ne trouve jamais des
exemples de cette espèce dans les conventions d'un autre
genre, surtout quand il s agit de choses d'une importance
secondaire, et où la valeur était trop peu considérable
pour en faire mention spéciale dans les actes publics. Tou-
tefois on ne peut pas mettre en doute que Tofllcine de Luc-
ques, même dans les moments les plus orageux, ne fût en
grande activité, parce que, outre les florins d'or dont j'ai
parlé, on a encore d'autres pièces de monnaie de cette épo-
que, pièces qui, quoique d'une moindre valeur, ont été
frappées à Lucques, comme on peut s'en convaincre au
premier coup d'œil. Si dans l'étude d'une série de mon-
naies appartenant à un peuple, il arrive quelquefois qu'une
simple variété peut donner lieu à de profondes médi unions
de la part de ceux qui s'appliquent à décrire et à déchif-
frer les médailles, il conviendra d'autant plus de tenir
compte de certains exemplaires ayant des types spéciaux
qui pouvant, d'une manière sûre, être attribués à une épo-
que déterminée ou à un prince, cependant par leur type
spécial, obligent Térudit à rechercher la véritable cause
de ces changements. J'espère donc faire une chose agréable
aux numismatistes en publiant ici pour la première fois une
pièce tout à fait inédite que je ne trouve décrite ni dans
les documents relatifs à notre histoire, ni même dans les
ouvrages où les numographes les plus distingués ont fait
graver un nombre considérable de pièces italiennes dé-
crites avec le plus giand soin et la plus profonde science.
Ces monnaies sont une preuve de la splendeur et de la ri-
chesse dont peut s'enorgueillir à juste titre l'histoire des
anciens municii)es de l'Italie. Cette dernière pièce ne porte
pas de monogramme d'un prince étranger, c'est un gros
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AAO MÉ^roiREs
d'argent qui ressemble beaucoup, qu
(ojjfntni décrits un peu plus haut, et
une preuve de plus à ce que je chei
changement opéré dans le type fait
nière indubitable que notre atelier a i
Tactivité qui l'avait toujours disting
montre une fois de plus la pièce en qi
aussi à cette même époque, personne
y reconnaît de la manière la plus évi
laquelle se complaisaient alors nos anc
graver même sur les monnaies de moi
d'un pays libre. Ainsi d'après les us
droit parait l'image du Volto Sanlo (p
pagnée de la légende ordinaire : S- V^
revers, au lieu du monogramme impéi
cupe tout le champ. Autour on lit :
de ce gros est de 34 grains et le titre d
d'après l'essai, à onze douzièmes de
que cette attribution ne peut être conU
La gravure, les caractères, le module,
indique une époque précise d'après lei
et concourt à prouver de la manière la
grès du système des emblèmes signi
l'indépendance non-seulement de la m
qui la faisait frapper; de sorte qu'il
d'insister d'avantage; la précieuse pi(
dans ma collection est un document p
lui-même son origine.
Malgré les guerres et les troublei
croissant, qui déchiraient nos contrée
temps qui précède le gouvernement
laine Castruccio dcgli Antelminellî, et
//
FT DISSFRTATIONS. 441
factions des Guelfes et des Gibelins se faisaient la guerre ou*
vertement, la fabrication des Hionnaies ne se ralentit pas.
Nous avons en effet sous les yeux une nouvelle pièce à la-
quelle ne nf>anque aucun des caractéristiques qui distinguent
les monnaies émises à cette époque par notre officine. C'est
un autre florin d'or à un titre élevé et du poids de 48 grains^
Cette pièce n'indique pas une origine diverse du florin dé-
crit plus haut. D'un côté par le type du droit où est figuré
le VoUo Santûy il Uii ressemble tout à fait; mais le revers
diffère complètement; on y voit la figure debout de Tapôtr©
S. Pierre, accompagnée de la légende S. PETRV APOSTOL'
(pi. XVIII, n*» 8). Je crois ne pas m'écarter de la vérité eiï
attribuant à ce type un âge un peti postérieur au florin dé-
crit précédemment. L'apparitioB d'une nouvelle figure (|ui
(ainsi que nous le montrent les sceaux et les armoiries),
ne fut guère adoptée que vers la première moitié du
XIV' siècle; plus encore, la- manière dont est dessiné le
type de saint Pierre, concourent à me le persuader; car si
l'on reconnaît encore dans cette figure la sévérité du siècle
précédent, elle s'éloigne déjà du style byzantin. Dans nos.
contrées on rencontre toujoHis un style proprement italien,
de manière que l'on peut soutenir avec raison que la Re-
naissance des arts parmi nous ne fut pas uniquement
l'œuvre des Grecs. Maintenant, si nous voulons considérer
ce qui constitue seulement le matériel de la monnaie, nous
trouvons que la forme des lettres, Tonb^graphe, le module,
la gravure du coin, tout en un mot est conforme à ce que
aous voyons sur les monnaies frappées dans cette période
de temps dans tous les ateliers monétaires de l'Italie. Le»
exemplaires de ces monnaies nous ont souvent servi et aidé
dans l'étude de certains types dont l'analyse serait restée
bien incomplète sans ce secours^ à cause de la dbette de do^-
AA2 %iÊ]dOiR£S
cuments qui aujourd'hui ont disparu dans la nuit du passe.
Si nous examinons maintenant en particulier chacun de ces
florins, il est évident que si nos ancêtres, pour se conformer
aux exigences du temps,s'éludiaientàchanger souvent leurs
types, d'un autre côté il ressort de cet examen qu'ils ne vou-
laient cependant jamais s'écarter trop des règles prescrites
pour les monnaies que l'on avait frappées auparavant. Et
il est hors de doute que l'usage de stipuler en florins d'or
dans les contrats dura pendant une longue période d'an-
nées, parce que, outre les exemples nombreux que je pour-
rais rapporter encore, nous rencontrons si souvent ces es-
pèces citées dans les actes du gouvernement (qui en somme
sont toujours la règle des actes privés'), et ceci indique
de la manière la plus évidente que l'on continua à se servir
du florin d'or dans les actes publics jusqu'à ce que les
événements, changeant les usages et les lois, amenèrent à
Caire usa^e du srquin (zecchino), monnaie qui, comme
nous le verrons dans la suite, ne jouit pas d'une moindre
célébrité dans l'histoire métallique de notre pays que les
autres espèces qui l'avaient précédée.
Il est bien à regretter que pour toutes les époques de
notre histoire on ne puisse pas se vanter de posséder des
documents semblables relatifs aux variétés des monnaies
que j'ai décrites précédemment, car les écrivains de ce
temps ne nous ont laissé aucune indication sur les opéra-
tions monétaires, de manière que l'on ne trouve plus au-
cune trace de coins après ceux de Frédéric II, comme si
tout d'un coup on avait cessé de battre monnaie. Il n'y
aurait donc pas d'impossibilité, vu le grand nombre de
coins tous identiques que l'on retrouve encore aujourd'hui,
* Arrhire» df la cour des rommfrçuntt de LvcqvfSy 13(>0,
ET DISSKKTATIOXS. 443
que Ton dut attribuer cette répétition de coins à ce qu'ils
furent reproduits non-seulement à Tépoque même, mais
encore employés au delà du temps qui avait réclamé un
changement dans le type. Ainsi Ton comprendrait pourquoi
sous les divers gouvernements qui se succédèrent par suite
des événements politiques, il y a une si grande pénurie de
monnaies décorées de nouveaux types. En effet, plusieurs
de ces monnaies eurent cours à Lucques jusqu'à ce que
nous eûmes recouvré notre liberté, grâce à ren)pereur
Charles IV, c'est-à-dire vers la seconde moitié du xiv* siècle.
C'est donc une véritable gloire pour notre atelier moné-
taire si l'on rencontre fréquemment les espèces qui en sont
sorties, soii sous leur forme originale, soit dans les nom-
breuses contrefaçons qui en furent faites; ce sont là des
témoignages qui font autorité dans les annales de notre
officine et des autres officines de l'Italie; l'historien dans
des recherches difficiles et épineuses peut y trouver un
riche arsenal de matériaux au moyen desquels, et pour
démêler la vérité, il peut établir des faits que la seule cri-
tique ne suffirait pas à fixer; enfin ces monnaies nous four-
nissent des données sûres pour juger de la grande richesse
de notre pays au xnr siècle.
DOMENICO MaSSAGU,
bhh MÉMOIRES
NOTES
CO!«CEK!*IABIT
DES MKREAUX ET D'AUTRES PIÈGES DU MÊME GENRE.
MKREAUX FISCAUX.
ENSEIGNES POLITIQUES OU PRÉTENDUES TELLES.
DENIERS DE MARIAGE, ETC.
(PI. XIX.)
Il a déjà été plusieurs fois question, dans la Revue, des
méreaux de plomb que les découvertes faites à Paris dans
le lit de la Seine fournissent fréquemment aux investiga^
tions des antiquaires.
Plus on a Toceasion d'examiner ces modestes témoins
d'usages à demi oubliés, moins on est surpris de voir dis-
paraître quelques préventions qui s'étaient d'abord élevées
à leur sujet. Malheureusement, l'obscurité règne encore
sur beaucoup de points dans cette branche d'études, et il
est à craindre qu'elle ne soit pas de si tôt dissipée. Pen-
dant que l'on arrive, en dehors des séries reconnues, à
classer quelques pièces, le nombre des incertaines se mul-
tiplie par de nouvelles trouvailles.
L'article que nous donnons aujourd'hui n'est spécial à
aucun métal ; mais le hasard vent que les plombs retrouvés
ET DISSERTATIONS. 445
dans la Seine y occupent une large place. Nous espérons
qu'il n'en sera pas accueilli avec moins d'indulgence. Nous
devons dire, au surplus, que nous nous proposons plutôt
de faire connaître quelques singularités que de les accom-
pagner d'un texle bien en règle, pour lequel nous ne
sommes nullement préparé.
Mèreaux fiscaux.
Par ces mots mèreaux fiscaux, nous entendons désigner
les signes ou marques dont on se servait, au moyen âge,
pour constater le payement ou l'exemption de l'un de ces
impôts nombreux qui étaient perçus, sous différents noms
et différentes formes, sur les personnes et les marchan-
dises : droits de maltote, de tonlieu, d'assis, d'entrée, de
guidages, de travers, déchaussées, de rivages, de bar-
rières, et bien d'autres \ Nous n'aurons, du reste, à nous
occuper, pour cette fois, que des droits auxquels étaient
soumises les marchandises pour leur introduction dans les
villes ou pour leur exposition dans les foires, halles et mar-
chés, et de ceux que devaient acquitter les voiiuriers et
convoyeurs pour la circulation de leurs chars et des objets
par eux transportés, sur les chaussées, ponts, bacs, etc. V
' Voir sur ces impositions, dont les noms variaient suivant les provinces ,
la préface du tome XVI des Ordonnances des roii de France.
* Les raédaillefl des monnayeurs dites laiêsex-pataer^ dont la plupart des
exemplaires retrouvés ne sont pas antérieurs au xvi' siècle, étaient un reste
des méreaux fiscaux, puisqu'elles étaient destinées à Tnire reconnaître Tim-
munité de ceux qui en étaient porteurs. Elles ne laissent, par leurs Icgendos
plus ou moins estropiées ou abrégées, aucun doute sur leur objet : barriers,
péagiers^ pontonniers, laissex passer les monnoyers, — (Voy. Constant, Traité de
la Cour des monnayes ^ p. 70 à 72. — Bévue numismatique année 1B39, p. 216,
article di* M. de Longpérier, etc.)
1864—6. 30
AAO MÉMoinH
Du Gange dit positivement que <
vrés dans les foires en signe d'ac
(les marchandises : u In nundinis
num soluti prelii pro mercibus exf
traduit d'une façon malheureuse
fini le méreau : « Un signe que le
teur pour prouver que la march
et plusieurs auteurs modernes o
erreur.
En ce qui concerne les droits d
titres abondent pour prouver qu
méreaux, mot quelquefois tradu
signa et d'insignia. Les extraits si
tes commentaires :
Charte de 1204, de Tévèque d€
privilèges de commerce accordés <i
u Eisdem curribus veî carrucis^
curru denarium et de carruca oboli
eis signum dabil ^ )>
Cartulaire de Champagne, titre
iala ad partUiones colidianas in dû
rina propria singulorum^ libère^ si
sine aligna coniradictiove ^ jure i
derel honestatem clrricaleni intro
censem*. »
Us de la vicomte de TEau, en N(
à aucun le merel en enseigne qi
chandise en la vîcomté de l'Eau,
perde. . . . ' »
> Messager des sciences ds la Belgique^ année
• Du Cango, verbo litreHur,
■ 76 i.
ET DISSF.RTATIONS. 447
Lettres de Charles V, roi de France, du 16 août 1300:
<( Charles, etc , oye Tumble pelition de nos bien amez
«t feauls les Religieux, Abbôet Couvent de Sainte-Trinité
au Mont-Sainte-Katerine , dessus Rouen, contenant que
ja soit ce que euls et leurs prédécesseurs depuis la création
de leurdit moustier, ou «iu moins de tel et si lont temps
qu'il n'est mémoire du contraire, eussent et aient acous-
tumé, tant par vertu de leurs Chartres et privilèges comme
autrement, d'acheter en la Ville de Rouen quelconques
vivres et marchandises pour la nécessité de euls et de leur
hostel, faire passer et repasser par euls, leurs gens, ser-
viteurs et familiers, par ladicte Ville et destroys d'icelle,
leurs biefs, vins, chars*, poissons, bestaiU chevaux, char-
rettes et quelconques autres leurs choses, franchement et
quitiemcnt, sans destourbier ou empeschement d'aucun, et
sans ce qu'ils en fussent ne soient tenus payer aucun ac-
quit, coustnme, péage, rente ne redevance aucune, ne pour
ce aller prandre congié, deprys ne franc merel à nostrc
Viconté de TEaue de Rouen , ne aus gens ne ofBciers qui
pour Nous exercent icelle Viconté, soient fermiers ou au-
tres, mais tant seulement le dire aux barriers qui pour et
au nom de Nous sont establis et commis aux portes et pas-
sages de ladicte Ville, pour recouvrer les mereaux de ceux
qui passent et recevoir aucuns droits qui deuz Nous sont;
en faisant foy par eulx, leurs gens, serviteurs ou familiers,
en la main desdiz barriers, se ils le demandoient ou en fai-
soieni aucun doubte, que les vivres, marchandises ou autres
choses qu'ils feroient ainsi passer seroient et fussent leur,
pour eulx et leurs nécessitez de leurdit moustier • »
' Clinîr!», viande?».
' Ordnnnanrcs des rois de France, t. V, p. 216.
/i48 mi^:moires
Arrêt du Parlement de Paris, de 1403 : « Diclus affora-
(jialor insiyuium de dictis vinis Itvandis Iradere ac
permillere debebat\ »
Nous sommes loin, et nous l'avons déjà dit ailleurs *, de
vouloir affirmer que les méreaux fiscaux aient constamment
été en métal et puissent tous se rattacher aux études nu-
mismaliques. Pour en revenir aux méreaux des foires, on
voit môme qu'à Paris, dans celle de Saint-Lazare, au xi\*
siècle, la marque qui était remise aux marchands en témoi-
gnage de l'acquit du droit d'étalage était un morceau de
cire portant l'empreinte d'un cachet déterminé '. Mais il ne
nous paraît pas moins certain (|ue d'autres acquits, soit de
droits dans les foires, soit de tonlieu, etc., consistaient en
une marque de plomb, dans le genre, notamment, des deux
que voici ;
Ces deux plonïbs, que nous croyons du xiv* siècle, ont
été retrouvés dans la Seine et font partie de la collection de
M. Forgeais. Ils sont unifaces et présentent cette particu-
l.arité qu*ils ont été frappés, alors que la très-grande ma-
jorité des plombs connus .sont le résultat du moulage. On
* Du Cange, vi*rh. fnsiyniuin
* Reçue num., année 1B49, p. 357 et 360.
' Depping, notes à In suite du Livre de$ métiers^ d'Éiicnne Boileau, p. 43B :
M Des droits de la foire Saint-Ladre. — Item, nura ledit prevost (fermier de
la foire) ou ses commis pour Iny ung signet , dont il sera tenu buillic l'an-
princte en cire aux homes qui le pnnront (paieront) de ce qu*ilz lui deve-
ront; laquelle emprincte ilz garderont durant lu fuirc^ pour monsitrer et eulx
en aider si besoing en est. »
tT DISSERTATIONS. 449
y lit, autour d'une fleur de lis, sur le premier: LESdO
LIBERKS {Cécot libérv) , et sur le secoud : AQVITE SVI
(acquitté suis)'. La fleur de lis de ce dernier méreau est
peut-être accompagnée d'un autre type placé au-dessous
d'elle, mais dont nous ne nous expliquons pas le sujet.
Quant aux légendes, elles répondent à peu près à la même
idée toutes les deux. L'ancien mot escot^ synonyme de part
ou portion, restreint peut-être un peu plus le sens de celle
dans laquelle il se trouve, mais il ne suflit malheureusement
pas pour déterminer avec précision l'usage auquel étaient
aflectées nos deux pièces, dont l'origine fiscale n'est, du
reste, douteuse en aucun cas.
Il existe, disséminés dans les collections, de rares mé-
reaux de cuivre d'un genre que nous ne croyons pas avoir
encore été particulièrement signalé, bien que l'un d'eux
ait d'ailleurs été publié*. Ils n'ont été frappés que d'un
seul côté, mais le côté lisse porte généralement en contre-
marque une fleur de lis.
Des méreaux que nous connaissons de cette série, l'un
présente, sur un champ ponctué, un râteau entre deux
fleurs de lis*. Un autre a pour type une hache surmontée
' Nous ne rappelontt que ponr ne point paraître trop incomplet que M. de
Fontenay [Manuel , p. 65) lisait : Je sut de laiton mériau aquité t^ur un Jeton
qu'il considérait comme un méreau fiscal , mais dont la légende se termine en
réalité par mériau à conte, c*est-à-dire de compte on à compter. L'abréviation
qui exista dans le mot conte a, du reste, donné lieu à une autre lecture encore,
mais qui n'altère en rien le véritable sens : Je sut Je laiton mériau à yeter. (JVo-
tice sur une découverte de monnaies jnrardes, pnr MM. Mallet et Rigollot, IB41 , .
p. 64.)
• C'est le n* 1 de notre planche. M. Vanhendc en a attribué un exemplaire
à Lille, à cause de la fleur de lis, ce qui ne paraîtrait peut-ôtre plus aujour-
d'hui à notre confrère un argument suffisamment concluant. ( Sumismatiqué.
(iHoise, p. 234. )
* Notre collection.
A50 MÉMOIRES
d*une fleur de lis et accostée de feuilles d'arbre '. lu
siëme * oiïre les armoiries de Marie de Brabant, femm
Philippe le Hardi, telles qu'elles figurent sur un j
de cette reine que nous avons publié avec M. Hucb
Vu quatrième^ est empreint de Técu du coaate i
tois.
Ces quatre méreaux que nous pensons être tous d
fin du xni« siècle, se rapportent évidemment aux offices
maisons du roi, de la reine et d*un prince du sang,
qu on les attribue à l'exercice du droit de prise, soit qi
aient été employés comme une sorte de reçus que les {
des ofiices remettaient aux fournisseurs de Tbôtel
échange des denrées et autres objets de consomma
livrés par ces derniers, reçus que ceux-ci dexaient
suite rapporter à l'appui de leurs coonptes ou
moires *.
Nous reviendrons sans doute, quelque jour à Tétudi
ces quatre méreaux, que nous avons dû indiquer ici m
à cause de leur usage, auquel, pourtant, la fiscalité m
peut-être pas étrangère, que comme points de compan
avec les deux suivants :
1. Type de la sainte Vierge tenant l'enfant Jésus, a
sur un trône et accostée de deux fleurs de lis. Cbamp p
tué. Le revers, uni, est contremarque d'une fleur d
(PL XIX, fig. 1).
2. Les quatre lettres S'IVL' {sanctus Julianu») posé<
> Collection de M. d'Affry.
• Notre collection.
» Histoire du jeton au mojftn dye, pi. VI, lig. 4».
* Collection de M. Duleau.
» M. Forgi^ais ( Plombs historiés, 3» ftôrie) a publié toute «ne coHect
méreaux (jui parai«i*ent avoir t*u cette destination. Voir A«tnie ntim., 1864
Cl suiv.
;j.^i
ET DI5SEKTAT10N5. 451
forme de croix. Revers uni, contremarque d'une fleur de lis
(PI. XIX, fig. 2).
Ces deux dernières pièces n'ont rien de con:mun avec les
offices royaux, et elles sont d'un faire et d'une époque qui
ne permettraient pas aisément de voir en elles, nonobstant
leurs emblèmes de dévotion, de véritables méreaux ecclé-
siastiques ayant servi au payement des offices religieux.
Nous pourrons paraître aventureux dans notre attribution,
mais nous serions fort tenté de les considérer comme des
méreaux de foires tenues sous une certaine dépendance
du pouvoir royal, comme l'indiquerait la fleur de lis placée
en contremarque au revers.
Le premier, au type de la Vierge, qui ne nous paraît pas
postérieur aux commencements du xiv* siècle, pourrait
bien être de Paris Plusieurs foires, au moyen âge, y
avaient lieu au Parvis Notre-Dame^ Ainsi s'expliquerait
la représentation de la Vierge.
Le second méreau, marqué du nom de Saint Julien, est
moins ancien que l'autre, et nous ne le croyons pas an-
térieur au règne de Philippe de Valois. Ce roi, par son
avènement au trône, avait réuni à la couronne le comté du
Maine, dont la capitale avait son ancien évêque saint Julien
pour patron. Peut-être ne serait-il pas hore de toute raison
de rapporter notre méreau à la ville du Mans, où une foire,
dont nous ignorons la date de première institution, se tient
encore chaque année le jour de la fête de saint Julien,,
c'est-à-dire le 27 janvier. De mieux renseignés que cous
décideront la question.
* :>«• la Mare, Traite de la police.
^ "^1
452
MÉMOIRES
De qtAelques objets publiés sous la dénc
ou enseignes poliliqu
.1 ',
C'est à M. Leber que nous devons h
ches un peu suivies sur Tétude des et
politiques considérées dans les rappoi
avoir avec la numismatique.
Il était tombé entre les mains de ce
plombs dont les types lui ont particuli
factions qui se disputèrent, à Paris,
des luttes des Armagnacs et des Bourg
rentier rétablissement de Tautorité de
voir dans sa dissertation même ' avec
su tirer parti de sa découverte, en s' ai
i-essortir l'intérêt, de toutes les ressour
disposition une connaissance approfon
Tépoque.
Les trois plombs dont il s* agit sont d
ronde, marquées d'un seul côté et gai
broche au revers, comme certaines ens(
bien connues, ce qui permettait de les
L'une est au type de l'écu à trois flei
d'une couronne royale non fermée. Sur
le roi d'Angleterre à mi -corps, sur u
sième représente une croix dont le o
sange,est orné d'une fleur de lis; cette
de deux fleurs de lis et de deux lions.
Ces trois plaques, qui ont toutes la i
* Introduction aux Recfurchtâ du docteni* Rigollc
quea des Innocents et des Fous, Paris, 1837.
f,
ti
ET DISSERTATIONS. 459
MARIA GRACIA PLENA, rappellent chacune le type d'une
monnaie. C'est d'abord l'écu d'or, frappé sous Charles VI
et ses successeurs ; puis la monnaie anglaise dite noble
d'or ; la troisième offre cette particularité que, au lieu d'être
la copie du côté armorié du double gros, dit vierlanderf
monnaie de bas argent, que le duc de Bourgogne, Philippe
le Bon, faisait fabriquer dans ses possessions flamandes,
c'est le revers de cette monnaie qui y est reproduit. Cha-
rjue type ayant été considéré par M. Leber comme la per-
sonnification d'un parti, on reconnaît aisément celui qu'il a
attribué aux Armagnacs comme ceux qu'il a donnés aux
Anglais et aux Bourguignons.
Nous poserons en principe qu'il y a eu des enseignes
politiques en plomb. M. Vallet de Viriville * et M. Forgeais '
ont fait connaître quelques-uns de ces signes de ralliement
que personne ne contestera provenir du parti bourguignon
durant les dernières années du règne de Charles VI; mais
il faut avouer, d'autre part, qu'ils n ont aucune analogie
avec les plaques publiées d'abord par M. Leber, et remises
depuis partiellement en évidence avec leur attribution
primitive par M. Vallet de Viriville et M. Forgeais égale-
ment.
Nous pensons, en dehors de toute prévention, que ces
plaques appartiennent plutôt par leur objet à quelque
usage de nos anciens changeurs qu'aux dissensions politi-
ques. On ne peut déjà plus les examiner isolément, car il en
a été trouvé d'autres du u)6me système, mais sur lesquelles
l'histoire de nos guerres civiles n'a rien à revendiquer bien
sérieusement. C'est ainsi que le docteur Rigollot, dans un
* B:frti€ archéologique y année 1861, mai, p. 380 et suiv.
» Plomb» hiatoriéf, 3' série, 1861, p. 181 à 189.
AÔA MÉMOIRES
supplément terminant le volume même
sertation i\e Leber, a publié une quai
jours avec la légende AVE MARIA, etc.
type le revers de certains gros d'arg
d'Avesnes, comtesse de Ilainaut, faisa
ciennes vers le milieu du xis* siècle,
retrouvé sur une plaque du même gi
blions pi. XIX, fig. 3, le type princif
d'argent, également du Hainaut, attril
au comte Guillaume 11, frère et prédéce
(1337-1345). On remarque sur cette de
une bordure d'oves fleurdelisés, le mi
naut entouré de quatre lions comme s
quatre lettres HAYN qui sont sur ce d
cées sur la plaque par AVE M.
Si Ton tenait toujours à considérer c(
politiques toutes les plaques-agrafes
question, et dont Torigine commune n'
faudrait admettre que le système s'en
le moins dès la première moitié du xn
naut, pour se retrouver ensuite en fave
forme absolument identique près d'un
serait un exemple d'une tradition bien
ticulièrement extraordinaire entre genî
sur ce chapitre que pouvaient l'être le
les émeutiers, surtout lorsque Ton a
enseignes politiques employées à Paris
du règne de Charles VI n'avaient aucun*
nos plaques-agrafes. Personne, sans d
térieures à Charles VII les plaques que 3
* Bcvhcrrhiê 4wr les monnaie» 'Uf comtes de Hainau
''f.
ET DISSERTATIONS. A 55
L'une d'elles, dans tous les cas, celle qu'il considère comme
provenant du parti bourguignon, ne peut remonter au delà
de 1433, puisqu'elle est la copie du revers des vierlanders
de Philippe le Bon, dont la frappe a tout au plus tôt com-
mencé en cette même année. On se demande en outre à
quel propos le parti bourguignon aurait pu prendre pour
emblème ce revers de monnaie, lequel porte la croix droiie,
au lieu du sautoir, dit croix de saint André, qui caracté-
risait ce parti, ou des armoiries mômes du duc de Bour-
gogne qui se trouvaient justement sur le côté opposé des
vierlanders. Comment enfin expliquer, en restant dans
l'hypothèse des enseignes politiques, la plaque ci-dessous',
dont on ne saurait méconnaître la parenté avec les précé-
dentes?
Sur cette dernière, il est vrai, nous n'avons plus pour
légende les premiers mots de la salutation angélique; mais
l'aspect général est le môme, et le type du lion assis sous
un dais est encore emprunté à une monnaie fort commune
de Philippe le Bon , le lion d'or, dont la première émis-
sion ne date que de 1A5A. Il y avait alors dix-huit ans que
Paris était rentré sous l'obéissance de Charles VII, ce qui
nous jette bien en dehors de l'époque des luttes entre les
Bourguignons et les Armagnacs. La légende lE S VI LK
• Trouvée <ian» In Soine. — ('••liociù»n d*' M. F(»rfr»'aif4.
A50 MÉMOIRES
LION CKOVl^ANT se rapporte tout siuipletuent au tyjx
la position accroupie dans laquelle le lion est figuré. C
en même temps un moyen de désigner la monn.iie n
sentée, lion crotipant, afin d'éviter la conrusion avec i
très monnaies d'or flamandes plu& anciennes, telles q
lion rampant et le lion heaume, frappées du lemp
Louis de Maie.
Nous pensons, en dernière analyse, que les plaq
agrafes à des types monétaires n'étaient autre chose
des espèces d'étiquettes dont les changeurs , après a
fait le tii par catégories et par sacs des monnaies qui j
saient par leurs mains, se servaient pour distingue
contenu de chaque sac. Le type remplissait le but dés
sans qu'il fût, en général, besoin d'autre indication
voilà, sans doute, pour quelle raison la légende des j
ques était si souvent étrangère aux monnaies représenta
Les premiers mots de la salutation angélique faisaient
plus souvent, les frais de cette légende, par l'habitude
l'on était de les inscrire presque partout, jusque sur
jetons et même sur des ustensiles de ménage et de toilei
L'opinion que nous venons de développer sur Tu»
des plaques-agrafes à des types monétaires, nous Tavit
déjà émise en 1859^; mais nous avions dû nous borne
l'indiquer, manquant alors d'une partie des renseig
ments qu'il nous fallait pour pouvoir essayer de la fa
partager par nos lecteurs.
Nous devons revenir ici sur une erreur dont nous sonin
l'auteur, et qui a malheureusement eu l'honneur de la
production dans ï Histoire de France de MM. Bordier
Charton.
* Hetuf nunusmntiqne belge, 3' sôric, t. II, note iiiâéri-? aux pRg:**^ 45 vt 4i
r.T DISSEIUATIONS. 457
A une époque ou, plein de confiance dans le savoir jus-
tement apprécié de M. Leber, nous n'avions pas eu la
pensée que son attribution des plaques-agrafes aux trou-
bles politiques du XV siècle pût être l'objet d'un doute, nous
avons nous-même découvert, au milieu de vieux débris
retirés de la Seine, une plaque de plomb qui nous parais-
sait avoir une origine analogue. Celte dernière, également
circulaire, mince et estampée d'un seul côté, portait au
revers des rudiments que nous avions cru pouvoir prendre
pour les restes d'un crochet ; mais, au lieu d'un type mo-
nétaire, on voyait sur la face le nom d' Arras entouré de rats,
accompagnement emprunté aux armoi;ies de cette ville, ou
plus exactement de la cité, qui en était la partie la plus an-
cienne. Nous nous étions cru autorisé * à considérer notre
plaque comme provenant de la milice communale d'Arras,
dont les archers avaient joui de quelque célébrité dans les
guerres de l'époque de Philippe le Bon. Nous nous trom-
pions lourdement, et nous n'avions affaire, en réalité, qu'à
un plomb de marchandise incomplet. Nous en avons depuis,
avec l'assistance de M. Forgeais, recueilli huit à peu près
tous dans le môme état, c'est-à-dire n'ayant conservé, des
deux plaques superposées et originairement rivées l'une
dans l'autre dont se composait chaque plomb, que celle sur
lîiquelle est inscrit le mot ARRAS. Mais il existe quelques
plombs entiers qui ne laissent aucune indécision sur leur
véritable objet, et nous pouvons aujourd'hui en publier un
dont nous devons l'obligeante communication à M. Duleau
(PI. XIX, fig. 8). Celui-ci est d'un plus beau travail que
celui que nous avions imparfaitement fait connaître, et Ton
y distingue, du côté qui manque ordinairement, un rat sur-
* Hnuf /lu m., îi II ruM" IRlî», j». 37i>.
AÔS lllUOlRCS
monté «riine fl»^ur de lis. Il existait
lettre dont il ne reste que quelques
vait être, pensons-nous, un T. Sur i
appartient aussi à M. Duleau, le T <
Peut-être cette marque variable éta
visiteur des étofles que nos plombs et
et qui ne devaient être autre chose (
Les draps d*Arras, au moyen âge
s* en faisait un commerce étendu, no
un règlement royal du xiv* siècle,
percevoir à Paris sur certaines ma
étaient taxés à 18 deniers parisis pai
de villes voisines, comme Monirei
Tétaient qu'à 12 deniers. Plus tard,
plus à Arras que des draps commun:
brication du drap était, du reste,
décadence dans tout lArtois et s été
Aucun des plombs que nous c
d* Arras ne nous paraît antérieur au x^
le type des plombs fut changé, au
lorsque ce roi, après s'être emparé c
voulu, en 1481, lui faire perdre son
tilier de celui de Franchise, qu'elle
trois ou quatre ans '. Il nous est toi
' VorJonnance de» couitumes de Pari»; combitfi
fuiier de péage. Pi^ce sun!» date insériH* dnnA un an
des compte», actuelloniont k 1h Bibliotlièque ir
fonds français.
' Voir les intéressantes recherches publii^es i
champs de Pas, dans le XXXV* volume des Mé
' TTurduin, Me'moirei pour gerrir a Vhistoire de
ltrb% Ferry d<? Locre», un iirrOt du parlement de
Nujui'l la vill*' d'Arrn«j est oppolôe Chitai Uberti
ET Iil5SEUTATI0NS. 459
plomb avec ce dernier nom (PI. XIX, fig. 9). rare souvenir
des dures années d'épreuves auxquelles était alors soumise
la capitale de TArtois. On ne voit pas de rats sur le plomb
de Franchise, ce qui n*a rien de surprenant puisque les
armoiries de la ville avaient été changées en même temps
que son nom*. Malheureusement, noire exemplaire un
conservé que Tune de ses faces; espérons qu'une nouvelle
découverte nous apprendra quelque jour ce que représen-
tait l'autre. Nous en avons dit assez sur un sujet qui ne
rentre qu'à demi dans le cadre de la Revue,
Deniers de mariage.
w Vous lisez dansidace et Frédégaire que Clovis p:e-
mier, cspousant Glothe, niepce de Gonibault, roy de lionr-
gongne, lui fit offrir un sold et un denier par son ambassa-
deur et paranimfe, pour observer (ainsi qu'il est croyable)
la coustume des peuples soptentrionnaux qui portoient à
leurs espouses certaines sommes d'argent avant de les
mener en leur maison. Dont possible vient nostre coustume
que le mary présente treize deniers au prestre. Et dans h s
lois bourguignonnes cela s'appelle pretivm pueHj*, le prix
de la fille. » (Fauchet, les AntiquIUs et Histoires gauloises
et françoises.)
La coutume de faire bénir par le prêtre et d'offrir à la
mariée, dans la solennité nuptiale, une somme de deniers,
variable suivant les localités, est incontestablement trèi^
» D*aprè8 uno déclaration de Louis XI du 20 août 1481, les armes de Fran-
chiii devaient être " d'azur, semé de fleurs de lis d*or, à Timage de saint Déni»
portant son chef entre les mains. •» Lo roi av it ordonné que ces armes fussent
gravées sur les sceaux de la ville. (Dom Drvienno, //w/oirf d'Artois, 3» partie,
p. Ufî. )
liiiH
160 MEMOIRES
ancienne. 11 n'est pas douteux que '.
mencé par donner de véritables mor
un temps où Ton fit des pièces de fanta
constance. Aux x\i* et xvir siècles, on
nombre, le plus souvent en argent ot
légendes DENIER TOVRNOIS POVR
POVR EPOVSER, DON D'AMI, et ai
cites*.
Nous ne faisons pas l'histoire deî
Nous devons cependant rappeler qu
du xiv« siècle portent la légende par
sans les considérer tous comme ayai
servir de pièces de mariage, nous pei
des amateurs qu'ils en servaient parfo
souvent.
Dans ses Monuments de la Maison
brouse a publié, pi. XVI, un jeton
châtel tournois, avec la légende, au r
SVI DOVNE; nous en possédons
laiton.
Voici maintenant, pi. XIX, fig. 4,
du XI v* ou du XV* siècle , que nous c
sèment de M. A. de Barthélémy. Le t
nois, quelque peu défiguré, y est er
AVE MARIA GRACIA, inscrite à reb
sente deux mains l'une dans l'autre
lerait, en termes de blason, une foi;
1 Congrèi archéologique de France^ session de 18<l
de M. de Fontenay sur la numismatique litnrgiqt
les deniers de mariage.
• Quelques deniers de mariage des xvi* et xvi
des deux mains l'une dans l'autre, quelquefois si
ET DISSERTATIONS. /|6l
n'était pas encore assez significatif, on Ta accompagné, en
dessous, d'une tête chevelue d'un dessin trop grossier pour
être bien caractérisée, mais trop petite par rapport aux
mains pour n'être pas une tête d'enfant, ce qui réunit dans
une même allégorie, passablement matérielle, la foi jurée
et le but du mariage. Nous avons donc sous les yeux un
denier d'épousailles, bien que le métal prête assez peu de
prime abord à l'idée de cette attribution. Mais l'exemple
d'une pièce de mariage en plomb n'est pas unique; nous
pouvons en citer un treizain au type des écus d'or de
François !•% retrouvé dans la Seine renfermé dans une cap-
sule également de plomb. Il fallait, en définitive, des de-
niers de mariage pour toutes les classes de la société, et les
personnes à qui leur bourse ne permettait pas de s'en
munir chez Torfévre en achetaient chez le bimbelotier.
Nous ne saurions non plus quelle meilleure attribution
faire qu'aux épousailles, de certaines bractéates en laiton,
que l'on retrouve de temps à autre, et qui simulaient assez
bien, du côté en relief, lorsqu'elles étaient neuves, tantôt
l'écu d'or de François I" ou de Henri II, tantôt l'angelot du
roi d'Angleterre, Henri VHP. Nous publions trois de ces
bractéates (PI. XIX, fig. 5, 6 et 7). Les légendes VIVE: LE
NOBLE : ROI: FRANÇOIS :LD(é?) C(e) N(om), — V1VE:LE
NOBLE:ROY:HENRY:SE(cond) B{e) C[e) N(om), ne nous
paraissent à relever que comme indiquant l'époque ap-
proximative de la frappe. Quant à la légende qui entoure
le type de l'angelot, elle est celle de la monnaie représen-
tée, mais avec un petit barbarisme dans le nom du roi. La
bractéate à ce type nous paraît d'ailleurs d'origine fran-
1 D*aatre8 bractéates ont également servi de deniers de niAringe. Voir celles
en argent et à l'effigie de saint Martial, de Limoges, que M. lili.uiicc Ardaiit
u publié dans la fifruf numismatique, 1851» p. 223.
lB4i4. — t». Si
A()2 MÉMOIRES
çaise comme les deux autres et sans aucune signification
politique. Les angelots étaient très-répandus en France, où
leur cours était même légalement autorisé.
Nos bractéates étaient sans doute offertes par treizains.
L'usage de ne donner qu'une seule pièce, une médaille en
argent ou même en or, qui a prévalu à Paris, où il est en-
core suivi, ne paraît pas être très-ancien. On sait, toute-
fois, qu'il existait au moins dès l'époque de Louis XV. La
preuve s'en tirerait, au besoin, des Mémoires du rêgimetit
iie la Calotte \ Nous la trouvons également d'ailleurs dans
un manuel ecclésiastique imprimé en 1769 ', où la céré-
monie de la bénédiction des arrhes matrimoniaux est inti-
tulée : (( Benedîctio nummi vol mtmmorunu »
Plomb au type des royaux d'or.
Nous donnons sur notre pi. XIX, et pour la compléter
(fig. 10), le dessin d'un ancien plomb que nous tenons
de M. d'Affry, et dont Tusage nous est tout à fait in-
connu. On y voit, au droit, un roi sous un dais gothique.
C'est le type des royaux d'or, de Charles le Bel à Jean le
Bon. Au revers est une croix fleurdelisée, entourée de
* Voir, sur les siiiguîîers mémoires de Ta^ROciation de manvai* plai^nnts qni
prenait ce titre, le BuUetin du bibliophile, 2* série, p. 355 et 356, etc. La pre-
mière édition est de 1725. La pièce dans laquelle il est question de la mé<
daille des EMOoiés comme ayant un jour servi de médaiUe de mariage, ce qui
n'est, au surplus, qu'une fiction, est insérée, dans Tédition de 1752, à U
page 168 de la première partie : elle est intitulée : •* Brevet qm diclare Im en-
fàns de Daubergvê enfant nié du Bégiment, »
Iji médaille du régiment de la calotte a été publiée dans la Berne numitma-
tiitue belge, 1~ série, t. HI, pi. XIII, et expliquée t. FV, p. 296 et suiv.
* Manuale Àbrincence, p. 170.
¥.T DISSERTATIONS. A6S
quatre cintres et de cette légende : + lE SVI VNS ROIAVS
DOR.
Nous avons plusieurs denéraux de cuivre au type des
royaux, et avec les légendes POIS DE REODOR; P. DE
REAIL; REAL DE FRA'CE; le marquis de Lagoy et M. de
Longpérier on ont publié d'autres sur lesquels on lit: POIS
DE REAL et LE ROIAL ^ ; mais notre plomb n'est pas un
denéral, car il pèse 5«^80, et ce poids ne se rapporte à
celui d'aucun royal d'or. Bien des suppositions pourraient
être faites ici; comme il ne nous en vient pas une qui nous
satisfasse franchement, nous laissons tout entier le pro-
blème à résoudre , nous bornant à appeler l'attention sur
une pièce qui nous parait, par sa bizarrerie, mériter au
moins d'être signalée.
J. Router^
* Bévue num„ Année 1858, pi. XIX.
BULLETIN BlBLfOi
Ueber eine galliscbe Silberinûnze
Bilde eines Druideo, von Frai
1863. In-4% vignettes.
M. Franz Streber, auteur d'un ouvr
en 4863, par T Académie des inscriptio
de consacrer un mémoire de vingt-se|
d*une monnaie gauloise dont se sont oc
I^lewel •, Duchalais * et l'auteur du (
Reichcl *.
Des matériaux très-curieux sont ac
mais leur agencement dénote de la pa
gination que de critique. L'analyse (
chaque chapitre et les considérations
trorons ensuite, justifieront la sévérité
Les figures empruntées par M. Strc
1 Uebtr dit togenatmttn R»(fenbogen-Schûiielcht
' Defcrtpl., Sappl., t. I, MédaiU. incert. des '
> Études tur le type ganhU^ p. 271.
« DticHpt. deifnédaiU, Qaul., p. 299, n* 701,
> P. 5, n* 42. Les principaux chapitres du (
cbel sont Tœuvre de M. de Koebne ; la partie r
H été rédigée par le docteur Fietiker.
nULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. A65
lewel et de Duchalais laissant à désirer sous le rapport des dé-
tails, nous avons reproduit, en tôte de cet article, deux spéci*
niens de la monnaie en question, qui font partie de la collection
de M. deSaulcy ^
Analyse du mémoire,
ÏNTRODccTiON. — Dans l'introduction Tauteur discute et rectifie
heureusement les descriptions antérieures. Mionnet voyait à tort
un autel à côté du personnage assis; Duchalais avait pris la tôta
du serpent pour un gland de chéne^ et le bras gauche de la
figure humaine pour un V, M. Pietzker pensait que cette figure
était couchée.
Lelewel s'exprimait ainsi ^ page 271 : a Mannequin ^ Druide
« de Senodon difforme, assis, décoré d'une longue tresse (de
« cheveux). Certes c'est une monnaie locale^ et Ton ne contes-
« tera pas aux Remois et aux Trévires l'appropriation qu'ils^
a s'en sont faite, puisqu'elle se trouve dans leur pays, » et, plus
loin, page 359 : a Mannequin acariâtro d*un Druide assis, ayant
a sur ses genoux un rameau de gui. d M. Strcber va nous dire,,
au chapitre I"^ ce qu'il pense de l'avis du savant polonais.
Chap. I^. — On ne saurait, suivant Tauteur, voir au droit ni
im prince ni un personnage historique; la pose oA T habitas
de la figure assise contredisent cette hypothèse. L'opinion
de Lelewel, séduisante au premier abord , lui parait inadmis-
sible, parce que le |)ersonnâge est nu, tandis que le Druide,
investi des plus hautes fonctions de la société gauloise, devait
|)orter habituellement un ample manteau, et, dans tous les cas,
prendre la peine de se vêtir pour le moment où il avait devant
lui (sur ses genoux, suivant l'expression de Lelewel) le rameau
sacré; M. Streber, qui tient à cette remarque, cite le passage de
* M. de Saalcy possède plasicnrs do ce» pièces, achetées dans les ventes.
II ignore où elles ont été trcavées ; leur poids mnjen est dVnviron l^^SS.
iôQ BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Pline 011 il est dit que le prêtre gaulois se couvrait, pour couper
le gui, d'un vêtement blanc^ candida veste.
L'auteur ne croit pas se tromper en avançant qu'il s'agit
d*un béios ou d'un dieu particulièrement honoré chez les Jtemi
ou les Treveri. Cette idée lui est suggérée par l'usage où Ton
était dans Tantiquité classique de représenter sur les monnaies
les fondateurs des villes, les chefs des dynasties, tels qu'Ajax,
Achille, Hector^ Ulysse, etc. Mais quel est ce héros ou ce dieu?
Après s'être posé cette question embarrassante, il avoue que le
culte des Gaulois, et en particulier celui des Rémi et des 7Ve-
veri, est trop peu connu pour founûr les éléments d'une solu-
tion directe, lors même que l'image gravée ne serait pas si in*
forme et laisserait au moins distinguer si elle représente un
homme ou une femme. Il ne perd cependant pas courage, et,
appelant à son secours un accessoire du type |»rincipal, il cher-
che à tirer des conséquences de la présence de l'arbre.
Chap. II. — M. Streber commence ce chapitre par une inté-»
fessante et savante dissertation sur les arbres à l'existence des-
quels on attachait le sort des états, dt^s castes et des individus;
il rappelle l'olivier d'Athènes, l'arbre de Mégare et le figuier de
Rome ; le myrte des patriciens et le myrte des plébéiens ; le
laurier d'Auguste^ etc., etc puis, abandonnant Tantiquité
classique, il décrit, avec Quilzmann ^ et Mone ', le caractère
analogue que la légende du Nord donne au frêne et au poirier.
Il déclare ensuite formellement que l'arbre ou le rameau
gravé dans un coin de la pièce doit avoir une signification
psirticulière en rapport avec les croyances du peuple. Mais quel
est cet arbre? Est-ce un gui, connue le supposait Lelewel? Non,
puisque le personnage est nu et ne peut être un Druide. D'ail-
leurs, un rameau formé de brandies syntétriques par rapport à
la tige, représenterait mal cette plante. — Est-ce un palmier.
' Vit heiduitcht Religion dn Baitcaren, p. 50.
• Geêchivhle det UeidefUhuma im nàrdl. Europa. t. II, p. 87.
BULLETIN DlBLlOGRAPlllOlE. 467
comme 1 adineitait l'auteur du catalogue de la c(»llectiou Reicliel?
Non encore^ car les Rémi et les l'revef^i n'avaient aucun motif
|H)ur représenter sur leurs monnaies une plante qui ne croissait
pas en Gaule, et, d'autre part^ ils n'avaient assurément pas em-
prunté ce type aux monnaies puniques^ car de tels emprunts
n'ont guère lieu, ajoute-t-il, qu'entre peuples ayant la même
mythologie. — En résumé, M. Strcber est obligé d*avoucr
que la petitesse et l'imperfection de l'image monétaire rendent
tout aussi impossible de reconnaître à priori l'arbre que
le personnage, et renonçant pour le moment à exposer les
conséquences qu'il devait tirer de la présence de Tun pour la
détermination de l'autre, il se rejette sur le second accessoire
du type principal, c'est-à-dire sur le serpent qui se chargera de
ré|H)ndre.
Chap. m. — Lorsqu'une monnaie présente h la ft)is un arbre
et un serpent, on est fondé, dit l'auteur, à admettre une corréla-
tion entre ces deux images. Quelle est cette corrélation? Indi-
que-telle un sentiment d'affection? Non, car s'il s'agissait du
serpent gardien de l'arbre, on le verrait enroulé sur le tronc '.
Loin de là, le reptile occupe un bord de la pièce et l'arbre un
autre, ce qui, assurément, dans la pensée du graveur, indiquait,,
entre les deux symboles, un sentiment de répulsion ou d'antago-
nisme Gegensatz, Feindschaft, Cette ob>ervation, et j'insiste
Jà -dessus, est la clé de voûte du système d'interprétation de
M. Streber. Il va établir maintenant quel est, parmi les arbres,
Tennemi du serpent.
Cet ennemi bien connu est le frêne, auquel les traditions de
t')us les peuples et de tous les temps ont attribué une action
sur les reptiles. — Le serpent reste immobile, dit-on, quand on
femprisonne dans un cercle formé de branches de frêne, eè
meurt lorsqu'on le touche avec une baguette de frêne ; il fuit
même l'ombre de cet arbre.
* BOtticher, Dtr Baumcultus der f/f/K-nm, p.201.
A6S BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
On guérit avec le suc du frêne les morsures des serpents, eU
sur les bords deTOhio^ les chasseurs en emploient les feuilles pour
éloigner ces dangereux visiteurs. Les Grrcs mêmes croyaient à la
vertu du frêne et lui attribuaient l'absence de reptiles dans le bois
d'Apollon Clarios\ Des citations^ dont je ne rapporte qu'une
partie, établissent par conséquent que le serpent doit ou fuir le
frêne, ou se soumettre à sa puissance. Or Tauteur^ au contraire,
prétend un peu plus loin que le reptile de la monnaie a une pose
agressive; il lui faut donc chercher encore et trouver quelque
part un serpent moins timide osant prendre sa revanche. La
légende du Nord le lui offre, dans le serpent Nidhôggr, qui
menace les racines du frêne Yggdrasill^ l'arbre magique, l'arbre
de vie> dont les rameaux symboliques couvrent le monde.
Chap. IV. — Après avoir consacré un chapitre à chacun des
deux accessoires du type principal, M. Strebcr revient à ce type,
c'est-à-dire à la figure assise. Adoptant l'opinion de l'auteur du
catalogue de la collection Reichel, il suppose que l'arbre sort des
flancs du personnage^ et, insistant sur le dispositif des branches
opposées deux à deux^ il en conclut que l'on a sous les yeux
l'arbre généalogique de la race, et dans la figure assise, l'image
du chef de cette race. Pour appuyer son hypothèse , il rappelle
que l'antiquité a souvent transformé l'arbre en homme, et que
les Eddas font descendre du frêne la troisième race humaine.
Il cite Jérémie, raillant les infidèles qui disaient à l'arbre : Tu es
mon père; Pénélope demandant à son hôte s'il descend du chêne
ou du rocher; Jésus-Christ, dans une tradition de la Bohême,,
visitant cette contrée déserte avec saint Pierre et changeant un
tronc d'arbre en homme, etc., etc.
Voici la conclusion du chapitre : Les Bemi ou les Treveri^
qui ont frappé la monnaie, ont représenté par la figure as-
sise le chef de leur race, et, par larbre qui lui sort du
corps, liiir race toute entière. Ainsi que l'auteur l'a in-
* Xicandcr, Frngm. XX.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. A69
diqué au chapitre III , l'arbre lui semble être non«seu1e-
meiit un frêne ordinaire^ mais le frêne Yggdrasill ; quant au
reptile, c'est le serpent Nidhôggr. Seulement^ ne pouvant atta-
quer directement les racines de l'arbre , comme le veut la
légende, le reptile s'en prend aux talons de l'aïeul^ qui, en reti-
rant ses jambes et en élevant le bras droite comme par un mou-
vement nerveux, krampfkaftj exprime la douleur qu'il ressent,
tandis qu'en tournant la tête et en portant la main gauche vers
ses talons^ il indique le point où il vient d'être mordu. Le
serpent replié en anneaux ^ la tête haute et tournée vers
l'homme, justifie^ par sa pose, le rôle qui lui est prêté.
Chap. V. — Il ne reste plus, pour terminer l'interprétation
du sujet , qu'à dire enfin quel est le personnage, quel est le
chef de la race.
M. Streber, fidèle au principe en vertu duquel tout se lierait,
tout s'enchainerait dans le type monétaire, est ramené à l'exa-
men du cheval du revers, dont il n'a pas encore parlé. Ce che-
val déterminé, il en conclura ce que peut être la figure du droit.
Or, le cheval, évidemment symbolique suivant lui, a la tête for*
mée de deux globes et le cou d'un croissant; à ces images cé-
lestes et à d'autres signes, l'auteur, rappelant une doctrine qu'il
a développée ailleurs, n*hésite pas à reconnaître le coursier de
la lumière. La figure du droit représente donc un héros de la
lumière chanté et divinisé après sa victoire sur les (énèbres ; ici
un mot du serpent comme emblème des ténèbres. — Une der-
nière diflUculté se présente; quel est le héros de la lumière
choisi par le graveur gaulois pour type principal de sa mon-
naie, pour souche de la race? C'est Hercule, que les Germains
invoquaient en allant au combat, et dont les Celtes préten-
daient descendre.
A 70 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Examen du mémoire.
Le lecteur connaît maintenant le mémoire de M. Streber, et
a pu juger son système d'hypothèses et d'inductions.
Les temps gaulois^ antérieurs à César^ sont des plus obscurs;
on en sait juste assez sur cette époque pour désirer en con-
naître davantage. L'absence de monuments lapidaires figurés
ou écrits» le laconisme des écrivains grecs et latins^ les conjec-
tures qu'on peut faire sur la puissance d'organisation d*uiie
race qui a longtemps dominé l'Europe, les dogmes druidiques
dont on sonde à peine les profondeurs. le culte plus mystérieux
encore des habitants de la Gaule d'origine germaine, Tigno-
rance où Ton est de la manière dont le polythéisme grec et latin
se transforma après avoir pénétré successivement sur notre sol
par les colonies, par le commerce et par la guerre; tout, en un
mot) contribue h exciter la curiosité des explorateurs du passé,
et à laisser le champ libre à leur imagination.
Les monnaies sont à peu près les seuls souvenirs palpables
laissés par nos pères, au sud du Danube, sur quelques points
de la Germanie, dans la Gaule de César et dans Tile de Bre-
tagne. Recherchées seulement depuis quelques années, elles
dénotent déjà par leur nombre un monnayage très-riche et très-
varié, surtout dans ces deux dernières contrées. Particulièrement
communes pour les derniers temps, lorsque les légendes se furent
multipliées ^ elles ne laissent pas de jalonner assez largemrnt les
siècles précédents, en remontant jusqu'à l'expédition de Delphes.
On comprend dès lors avec quelle avidité ces précieux monu-
ments sont interrogés et par les numismatistes de profession, et
par tous les archéologues; mais cette étude ne doit pas se faire
avec des idées préconçues ; il ne faut pas s'attendre à rencontrer
' Les monnaies paraissent avoir été incroyablemeDt nombreuses dans notre
France (tendant les derniers temps do rautonoraic gauloise, pendant la lutt^*
contre César, et tant que la domination d'Auguste a conservé la Tomie d'un
|>rotcctorat. Klles ont duic en Angleterre jusqu'à la conquête, sous Claude,
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. A71
toute une révélation historique ou religieuî^e sur chaque petit
morceau de métal monnaye que nous rend la pioche ou la
charrue.
Les Gaulois ont emprunté leurs images monétaires à la Ma-
cédoine'; les types grecs ont d*abord été reproduits assez
fidèlement par les premiers statères émis dans notre Gaule^ et
par les tétradrachmes frappés au sud du Danube; puis ils ont
été en s'altérant f t se sont successivement chargés d'accessoires
qui tantôt distinguaient chaque peuple gaulois, tantôt, au con-
traire, servaient de lien à deux monnaies appelées à circuler
sur les mômes marches. Ainsi dans les derniers temps, la mon-
naie d'un peuple participe fréquemment à la fois, par le droit
et par le revers, des monnaies de deux autres peuples. GVst
toujours une question de circulation, de cachet conunercial ; il
fallait donner à sa marchandise ras|HCt extérieur d'une autre
marchandise déjà connue et i*eclier<;hée par tous. Un fiit ana-
logue s'est produit sous les Méro\ingiens, tpii ont consiamuient
imité le triens byzantin, et dans les siècles suivants où certaines
monnaies, telles que celles de Louis le Di^bonnaire et de s^iint
Louis, oct été contrefaites de tous côtés. Ce n'est guère que
dans les temps modernes^ chez les peuples où le gouvernement
est centralisé et le crédit solidement établi, que la monnaie,
perdant son caractère de marchandise, a pi is celui de signe
d'échange et a pu, forte de la signature du souverain, s'affran^
chir de l'imitation et prendre de suite place dans la circulation
générale^ quel que soit son type.
Les observations qui précèdent m'ont paru nécessaires pour
replacer la question dans le vrai, et détruire les illusions aux-
quelles M. Streber n'est pas le seul qui se laisse entraîner dès
qu'il s'agit de la période gauloise. J*ajouterai que les artistes»
étrangers ou indigènes, attachés aux ateliers monétaires dans
* Ce n'est guère qu'après l'occupation de lu Provence qui; les di'nîcre ro-
nMÛns ont été copiés chez quelques peuples voisins.
A72 BULLETIN BIDUOGRAPHIQCE.
les Gaules, étaient obligés de changer fréquemment leur coin
pour combattre les fausses monnaies^ cette plaie de Tantiquité
et du moyen ftge, et demandaient tout naturellement au règne
animal ou au règne végétal des poinçons variés, ce qu'on a ap-
pelé depuis des différents monétaires. Mais certes, ces artistes
ne se croyaient pas la mission de suppléer au silence de l'his-
toire et de révéler aux générations futures, par un symbolisme
étudié, les mystères de la religion ou la filiation des races. Ce
n'est pas à dire pour cela que le symbolisme n'ait absolument
rien à faire dans les monnaies gauloises et qu'aucune idée
abstraite ne soit cachée sous leur type; mais il faut être exces-
sivement sobre d'hypothèses et n'accepter les explications my-
thiques des objets représentés que lorsqu'elles sont au moins
plausibles.
Revenons maintenant au travail de M. Streber.
Cet auteur dit que les pièces qui nous occupent se rencontrent
fréquemment entre Reims et Trêves, et s'appuyant exclusive-
ment sur cette prétendue provenance, il les attribue indifférem-
ment aux Rémi et aux Treveri, Pour être logique, il eût dû en
offrir également la paternité aux Veruni ou Veroduni et aux
Mediomairidy que l'on rencontre sur la route de Reims à Trêves,
Mais il faut remarquer que le passage emprunté à la p. 271 de Le-
lewelest mal cité; le voici textuellement :o En traversant le pays
<K des Remois, vers les frontières des Trevires, on rencontre une
« quantité considérable d'une petite monnaie blanche >
Ailleurs (atlas, tableau n"* 1 et tableau n"" i J , note), le célèbre
numismatiste ajoute : t Cette pièce se retrouve des deux côtés
a des Ârdennes, dans le Luxembourg et dans le nord de la
a Champagne. » Enfin, dans sa carte des types, si finement
exécutée, il place fort bien le personnage assis à droite de la
Meuse et assez au nord, c'est-à-dire tout à fbit hors du terri-
toire des Rémi. La monnaie, d'après le témoignage des pro-
venances, tel que Lelewel le formule, appartiendrait donc aux
Treveri plutôt qu'aux Rémi. J'ajouterai que je recueille depuis
BULLETIN lUBLlOGRAPIIIQUE. A75
plus (le vingt ans les monnaies gauloises qui se rencontrent
dans le nord-est de la France, et que jamais la pièce d'argent à
la figure assise ne m'a été présentée. Si elle n'appartient pas
aux Treveri, elle doit être revendiquée par quelque peuplade
gauloise des environs du Rhin , car elle est du petit nombre des
pièces dont parlent les ouvrages allemands ^ Le faire de la
pièce est d'ailleurs tout différent de celui dos monnaies assez
communes des Rémi et des Mediomatrici.
La présence d*une figure assise au droit n'a rien d'insolite.
Ce type appartient à quelques Gaulois du Danube, qui l'avaient
peut-être emprunté aux monnaies d'Alexandre; les figures
assises sont d'ailleurs assez fréquentes dans les monnaies des
divers peuples de la Gaule proprement dite. Remarquons en
passant que M. Streber n'a signalé ni la haste verticale, ni l'arc
de cercle, tantôt boulleté, tantôt recourbé à ses extrémités, que
nos dessins accusent si nettenaent.
Quant à l'arbre et au serpent, ce sont des images également
familières aux graveurs de coins gaulois. Comme type principal^
l'arbre ou le rameau se voit sur les monnaies des ^enones et
des NetDii; comme accessoire, chez un grand nombre de piMi-
ples, soit au revers, près du cheval, soit au droit, devant ou
derrière le visage humain. Le serpent est fréquent sur des mon-
naies que M. Streber lui-même nous a fait connaître'; il se
rencontre quelquefois dans la Gaule de César associé à d'autres
animaux et*à divers objets du règne végétal. Qui supposera que
tous ces poinçons si variés et combinés diversement dans les
espaces vides du coin, aient eu entre eux une con*élation obli-
gée, et aient été le symbole d'autant de mythes plus ou moins
compliqués?
* Cf. Jahrbericht de$ hiêtorischm KreiêrtreinM von Schwaben und Neuhurg fur
diê Jahrt 1839 und 1840,3** Tafel.— Taschenbuch fiàr GMchichlê und Altherthum
in Sfuideultchland^ herausgegeben von Dr. Heinrîch Schmber. Freiburg im
Breisgan, 1841.
* Ueber dk fogenannten Begenbogen-Schûêtelchen, Erstc Cruppe. Munclicii,,
1880.
A7A BULLETIN BinLlOGRAPHIQUfi.
Le cheval est un reste du bige ou un souvenir du cheval
des prototypes de l'antiquité classique; il se montre soit
libre^ soit avec un conducteur ou un cavalier^ au revers de
presque toutes les monnaies gauloises^ aussi bien au sud du
Danube qu>n Gaule et en Bretagne. Celte remarque suffît pour
faire comprendre qu'il n'a pu exister une relation spéciale en're
ce type perpétuel leiuent reproduit au revers, et les objets si
variés qui se montrent au droit des nombreuses monnaies frap-
pées par les Gaulois.
Le système d'interprétation de M. Streber repose principale-
ment, nous Tavons dit, sur l'idée d'antagonisme que le graveur
aurait voulu exprimer en plaçant, comme il l'a fait, d'un côté
le serpent, de l'autre le rameau ou plutôt le personnage servant
de souche à ce rameau, idée qui serait confirmée par les signes
de douleur que manifesterait ce personnage. Mais, comment
peut' on reconnaître des signes de douleur dans une figure si
petite et si grossière, de l'aveu de l'auteur, qu'il est impossible
de savoir à priori ce qu'elle représente, ni même si elle appar-
tient à un homme ou à une femme? Ce personnage est assis, il
est donc tout simple qu'il ait les jambes légèrement repliées, et
il est inutile de chercher, pour expliquer cette position, l'hypo*
thèse d'une morsure. Enfin la position du serpent, toute na«
turelle« n'est ni plus ni moins agressive que celle des autres
reptiles représentés sur les monnaies de la Gaule Ce prétendu
antagonisme n'est donc qu'une supposition parfaitement gra-
tuite et quelque peu puérile.
Le second argument serait fourni par ce fait que Tarbre ou
le rameau sort des flancs du personnage. Mais la solution de
continuité qui existe entre sa tige et le corps de l'homme est
imrfaitement visible dans la plupart des exemplaires que j'ai eus
sous les yeux ; les dessins de Lelewel et de Duchalais, reproduits
par M. Streber, l'accusent également. Un rameau a été poin-
çonné sur cette pièce pour remplir l'espace vide qui se trouve
entre le bras et la jambe de l'homme; un rameau analogue se
Bl'U.ETIN BIBU0(;KAPIII(}UE. 475
voit sur des aurei belges bien connus fntre le corps du cheval et
son cou tourné vers sa croupe. Était-ce un emblème adopté par
lo peuple ou un simple différent monétaire*? Il est difficile de le
savoir; mais assurément ce n'était pas un arbre généalogique.
L'auteur sent lui-même tout ce qu'd y a d*insoIite dans son
assertion; aussi cherche-t-il à l'élayer en citant les légendes
qui font naître Thonmie de Tarbre; mais un arbre générateur
n*est pas un arbre généalogique; de l'existence de l'un on ne
peut conclure à celle de l'autre.
Pour reconnaître Hercule dans Tinforme figure assise,
M. Strebcr s'appuye sur le prétendu caractère symbolique du
cheval du revers; mais le cheval fût-il, comme il le prétend,
formé d*aslres et de lunes, et cet assemblage dùt^il en faire le
coursier de la lumière, s'ensuivrait*il que la figure du droit fût
nécessairement le cavalier de ce cheval? Enfin, ce dieu de la lu-
mière, vainqueur des ténèbres représentées par le serpent, n'a
guère Tair d'un triomphateur, mordu qu'il est par son ennemi,
et exprimant par ses gestes la douleur qu*il ressent. Tacite, dont
M, Strel)er, produit le témoignage, dit, il est vrai, que les Oer-
mains invoquaient Hercule en allant au combat, mais il ne faut
pas oublier que cet historien éciivait à une époque postérieuio
à celle de notre monnaie, et où les Germains des environs du
Rhin, depuis longtemps en contact avec les légions romaines,
avaient fait des emprunts à TOlympe latin, ou latinisé quelques-
uns de leurs anciens dieux, de môme que les légionnaires d'a-
bus siicriiiaient déjà à plus d*une divinité indigène. Mais uu
peuple, en prenant les armes, peut invoquer un héros illustre,
' L'auteur veut que co soit un frêne, et repousse Topinion de M. Pietzker,
qui en fuit un palmier. J'aimerais mieux cette seconde hypothèse , qui «st eu
rapport avec la pen.sée du burin ; il n'est pas exact de dire que les Gaulois
n*aient jamais adopté des emblèmes exotiques; ils ont pris souvent le lion,
qui ne vivut pas plus dans leur climat que le palmier; ils ne se sont pas non
plus préoccupés de n'emprunter leurs types monétaires qu'à des peuples ayant
la même mythologie, puisqu'ils ont copié les monnaies de Mact^doine, au plus
beau temps du druidismr.
A7(5 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
le dieu même des combats , sans prétendre en descendre. Si
M. Streber avait lu le passage tout entier de Tacite^ il y aurait
trouvé, au contraire, un argument contre sa filiation, car il est
dit un peu plus haut que les Germains prétendaient descendre
de Tuist, fils de la Terre, père du premier homme Mann '.
Je ne parle pas de la fable d'Hercule, père de Celtus; Torigine
des Celtes n'a rien à faire dans la question qui nous occupe, car
M. Streber a lui-même prévenu son lecteur que les peuples
auxquels il attribue la monnaie étaient du nombre des Belges
qui se vantaient d'une origine germaine. C'est même pour cela,
ajoute-t-il, qu'il s'est cru permis d'invoquer, dans la discus-
sion du type, le témoignage de la mythologie du Nord.
En résumé, M. Streber est un érudit consommé; il prouve,
par une profusion de citations, qu'il est particulièrement fa-
miliarisé avec la mythologie de tous les peuples; mais il
oublie le caractère spécial et limité des monnaies, et, voulant
absolument retrouver sur ces petits morceaux de métal des
mythes en action, il se laisse aller à son imagination, et sans
s'en douter, fait un petit roman.
Charlbs Robert.
< Célébrant cannînibus antîqiiis (quod UDvm apad illos memoriœ et «dda-
liuni genus est) Tuistonuin Dcum Terra editam et filium Maunum, originem
gentis couditoresque Fuisse apud eos Herculem memoranty primnm-
que oiDDium vtroriun fortiam tturi in prflelia canunt. Tacit., Gtrm, II.
BULLETIN BIBLlOGRAPniQCE. 477
Sceau et monnaies de Zuenlibold, roi de Lorraine; monnaie
de son successeur Louis, par Cu. Robert. (Extrait
des 3Iômoires de la Société d'arch. et d'hist. de la Mo-
selle, 1843, in 8^)
Voici une nouvelle preuve de la prudence avec laquelle il est
bon d*aborder les questions relatives à la numismatique en gé-
néral et à la numismaliqjiie de l'époque carolingienne en p.<r-
ticulier; il faut souvent attendre qu'un heureux hasard ait fait
découvrir une pièce imprévue, avant d'admettre comme défi-
nitive une conjecture, quelque probable qu'elle puisse sembl<T.
n y a quelques années, dans son bel ouvrage sur la Numisma-
tique du nord est de la France, M. Charles Robert, notre colla-
borateur, constatait Tabsence complète des monnaies auto-
nomes royales en Lorraine pendant les treize dernières années
du IX* siècle : pour cette période, on ne connaissait que le de-
nier du roi Zuentibold, frappé à Cambrai, d'après un dessin du
savant abbé Mutte, doyen du chapitre métropolitain. M. C.
Robeit avait quelque droit d'en conclure que depuis la déposi'^
tion de Charles le Gros jusqu'à l'avènement de Louis l'Enfant,
les monnaies lorraines avaient conservé, immobilisés, les noms
de Louis ou de Charles. H y avait bien un denier de Saint-Dié
sur lequel M. Laurent, conservateur du musée d'Épinal, croyait
lire le nom de Zuentibold; mais la légende est tellement diflicile
à déchiffrer, que l'interprétation en est peut-être contestable.
Voilà que dans une collection jadis formée par M. de Jobal,
M. Robert a retrouvé un superbe denier de Zuentibold, frappé
à Trêves : la même collection lui a révélé une pièce curieuse
de Louis l'Enfant, de Tatelier de Metz, identique (mais d'une
meilleure fabrique) aux monnaies de Henri TOiseleur. Espérons
que la série lorraine du ix* siècle s'enrichira encore : auprès de
ces deniers se place celui du roi Arnould, frappé à Toul, et dont
l'existence n*est connur que depuis peu de temps.
1864. — 6. 32
4
\l
il
ciiroiNIQuh;.
LÉPIDA, FEMME DE GALBA, EST-ELLE REPRÉSENTÉE
SUR UNE MONNAIE?
Dans VArchàologische Zeitung, publiée par M. Éd. Gerhard,
on trouve la figure (pi. XXI^ n"* 8) et la description (année IS-ii,
p. 338] d'une monnaie de moyen bronze sur laquelle se voient;
au droite une tête de fennne en face d'une tète d'homme, avec
la légende FAABA CC[BA]CTOG, et au revers une Pallas avec le
mot lAI (ectfv).
M. le baron de Prokesch-Osten, en publiant celle monnaie
dTlium qui lui appartient, se demande s'il faut voir, en face de
la tête de Galba, le portrait de sa femme Lépida» morte long-
temps avant qu'il parvint à Tempire, ou celui d'une seconde
femme dont l'histoire n'aurait pas parlé. Enfin M. Edouard
Gerhard proijose, dans une note ajoutée à la description, le
nom de Livie protectrice de Galba (Sueton., Galb., V).
M. l'abbé Cavedoni (môme recueil, 18 IG, p. 375) se déci«Ie
pour Livie, se fondant sur l'arrangement de la coiffure.
Il est évident que la coiffure de la fennne représentée en fare
de la tête de Galba est celle de Livîe. Mais Lépida, contempo-
raine de cette impératrice, devait suivre les mêmes modes.
Ce qui paraît plus décisif, c'est la place prépondérante donnée
au buste féminin , place qui convient à un personnage auquel
Galba voulait témoigner sa reconnaissance (voy. licv. num,,
1859, p. 145). La remarque de M. Gerhard a donc une grande
valeur. Dans tous les cas, nous croyons utile de signaler l'exis-
trncc d'une monnaie' qui nost ir.entionnéo dans la Description
480 CHRONIQLE.
historique des monnaies frappées sous l'empire romain, publiée
par M. H. Cohen, ni à l'article de Livie, ni à celui de Galba.
La question que nous soulevons ici est plutôt historique
qu'iconographique; car, si nous nous en rapportons à la litho-
graphie publiée à Berlin, la monnaie d'Uium donne un portrait
de Galba si peu ressemblant que nous ne devons pas attendre
grande lumière de celui qui l'accompagne. A. L.
— M. Aubey, capitaine au 83* régiment de ligne, a donné le
10 mai 1864 au musée archéologique de Philippeville (Algérie)
une monnaie d'argent trouvée dans une fouille à Carthage,
et à laquelle* en conséquence, on attribuait une origine pu^
nique.
Cette pièce est gauloise; elle porte d'un côté une tête cas-
quée avec la légende BRI , et de l'autre un cavalier avec la
légende CO[MA]. Un dessin exécuté par M. Joseph Roger,
conservateur du musée, nous a été communiqué par notre col-
laborateur M. le docteur Judas.
Le quinaire d'argent à la légende BRI-— COMA est assez rare.
Une variété de cette pièce a été figurée dans les Recherches
curieuses de Bouteroûe (p. 52), une autre dans l'atlas du Type
gaulois de Lelewel (pi. III, n» 49); on la trouve aussi décrite
par Mionnet, Suppl., Chefs gaulois, n""' 28, 29 et 30, et par
Duchalais, Catat. des médailles gauloises, p. 271, n"" 646; enfin
ees diverses variétés ont été confrontées par M. le marquis de
Lagoy dans son Essai de monographie d'une série de monn, gaul.
d'argent (4847, p. 12 et suiv.). — H faut noter, au moins
à titre de rapport curieux, qu'il existe une série de monnaies
de la Grande-Bretagne sur laquelle on lit, au droit des pièces,.
VERICA; au revers, COMMI F. ou COM.F.
La découverte d'une monnaie gauloise en Afrique est un fati
qtii, pour n'être pas sans précédents, n'en est pas moins fort
rare et digne d*être mentionné.
CHRONIQUE. A81
Il y a quinze ans environ, M. Gaillard^ sous-intendant mi-
litaire, nous apporta une monnaie d*or rouge trouvée près
d*Oran, et cette pièce^ de fabrique évidemment gauloise, avait
pour types : au droit, une tète imberbe^ tournée à gauche^ avec
cheveux disposés en grosses boucles.
Au revers, un bige galopant à gauche, conduit par une
Victoire dont la tête est démesurément grosse, et dont Taiie
droite s'étend au-dessus des chevaux. Cette pièce se rapproche,
pour le style, de celles qui portent la légende ABYDOS.
Une découverte plus extraordinaire nous est signalée par
M. E. Egger, membre de l'Institut , un grand bronze de Maxi-
min le Goth : ^
IMP.MAXIMINVS PIVS. Duste lauré.
^ FIDES MILITVM. Femme tenant deux enseignes, S.C.,
déterré dans un campement de troupes françaises près de
Mytho ^ eu Cochinchine , a été rapporté par M. Botet, capitaine
d'infanterie de marine.
De fréquentes et quelquefois de très-importantes trouvailles
de monnaies romaines ont été faites dans Tlnde. Le savant
James Prinsep en a indiqué un certain nombre dans le Journal
de la Société a$iatiqtie de Calcutta^ et il en a été formé des col-
lections spéciales; mais le Maximin de M. Botet est la pre-
mière pièce antique qui, à notre connaissance, ait été recueillie
à une aussi grande distance de l'Occident. A. L.
* Ville de 4,000 habitants, capitale de la seooade province française de la
basse Cochinchine.
TABLE
MÉTHODIQUE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LA REVUE NUMISMATIQUE.
ANNÉE 1864.
NOUVELLE SÉRIE. TOME NEUVIÈME.
BVUMISMATIQUE AlVCIEiniE.
Médailles des Peaples. Villes et lois.
Attribution d'une monnaie inédite à Serpa (Es-
pagne ultérieure), par J. Zobel de Zangroniz
(vignette) 237—248
Lettres à M. A. de Longpérier sur la numismatique
gauloise^ par F, de Saulcy. — XVIH. Le chef
Auscrocus (vignettes) 169 — 173
— XIX. Tasgèce, roi des Carnutes (vignettes ). . . 249—253
De TAnousvara dans la numismatique gauloise, par
Adr. de Longpérier 333 — 350
Lettre à M. Tabbé professeur Gregorio Ugdulena
sur deux pièces d'argent portant le nom phénicien
d'Himéra et les types de Zancie et d'Agrigente,
par A. Saunas (vignettes) 81 — 89
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. 485
Examen de quelques contrefaçons antiques des lé-
tradrachnies de Syracuse, et du prétendu nom
de graveur Eumélus, par A. Saunas (pi. xv). . 35i — 302
Médailles d'Amphipolis^ par J. de Witte (pi. iv
et vignettes). . 90—102
Sané de Macédoine^ par Fr. Lbiioriiant (vignette). il\ — 177
Médailles grecques inédites, Tirynthe, Ërétrie
d'Eubée, par Alfred de Courtois (pi. vu). . . . 178—190
Sur la légende d*une monnaie de Gortyne de Crète^
parFa. Lenormant 103—107
Lettre à M. Adr. de Longpérier sur la légende d'une
monnaie de Gortyne de Crète, par Fr. Lenor-
MANT 363—369
Staières inédits de Cyzique , par Fr. Lenorhant
(pi. i) 1—15
Apollon CillœuSy par J. DE WiTTE (vignette) 16 — 33
Remarques sur les monnaies d'argent de l'ile de
Rhodes et sur celles de bronze d'Ampbipolis ,
par F. BoMPois 254—263
Nouvelles observations sur la numismatique ju-
daïque^ à propos du livre intitulé : Bistory of
Jewish coinagey de Frédéric W. Madden. Lettre
à M. J. de Witte, par F. de Saulcï (pi. xvi). . . 370-400
Attambilus 11^ roi de la Cbaracène, par Fr. Lenor-
MAirr 191 — 19-2
Monnaies gauloises trouvées en Baisse, 328. — En Afrique,
480. — Monnaie gauloise représentant un Druide, 464-476. —
Monnaies des anciens Bretons, 148. — Médailles grecques de
la collection Gossellin, 152-154.
Il«daniea romalDea et byiantlDca.
Quincussis de bronze de forme carrée^ par le duc
de Blacas (pi. X et xi) 26i-!2G7
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. 486
Monnaies des rois de France frappées à Savono,
par Adr. de Loncpérier (pi. viu et ix) 205—211
ECU d'or inédit du cardinal de Bourbon, Charles X,
roi de la ligue, par le docteur Â. Colson (vign.). 34— 36
Deniers de Philippe I*' frappés à Orléans» 232. ~ Monnaies de Pliilippc-le-
Bel, 38.
MoDiiales proTlnctalei.
Monnaies du moyen âge découvertes à Eleusis, par
Fr. Lrnormant 37— 52
Monnaies de la ville de Soisson» et de ses comtes, 148. —
Deniers de Gicn, de Déols et de Sunt-Aignan, 231. — Des
comtes de Blois, 232. — Monnaies en usage dans le royaume
de Corse, 233-235.
Monnaies étninseres.
Monnaie bilingue de Tanger, par Adr. de Loncpé-
rier (vignettes) 53— 58
Notice sur quelques monnaies des anciens rois d'Es-
pagne, par Joseph Gaillard (pi. vi] i3i~140
Conjectures sur une monnaie de Fépoque d'Al-
phonse VlU, de Castille, par Alvaro Gampaner
(vignette) Ul— 147
Des monnaies frappées en Sicile au xiii* siècle par
les suzerains de Provence, par Louis Blancard.
212—230, 294—316
Monnaies inédites des croisades, par Melchior de
Vogué (pi. xni et xiv) 275—293
Monnaies des marquis d'Incisa, par le baron F. de
Pfaffbnhoffen (vignette) 32-2—327
Monnaies de Lucques. IIP partie. De la réforme
monétaire de Frédéric II, et des types adoptés à
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. AS7
Ck)llection de plombs historiés trouvés dans la Seine
et recueillis par Arthur Forgkais (vignettes).
( Article de M. Aor. de Longpùuir. ] 69 — SO
CHRONIQUE.
Prix de numismatique 331
Monnaies gauloises trouvées en Afrique 480
Découverte de nK)nnaies romaines en Bretagne.
(Gaultier du MortAT.) iSO — 151
Vente de la collection Gossellin. (J. W.) i52— lai
Lépida^ femme de Galba, est-elle représentée sur
une monnaie? (A. L.) 479 — 480
Médaille de Maiimin le Goth, trouvée près de Mytho
en Cochinchine. (A.L.) 481
Recueil de bulles byzantines^ par A. Saunas. ... 331
Dépôts de monnaies du moyen ftge découverts à
Saint-Aignau (Loir-et-Cher). (L. D. L.S.), . . . 231-232
Arrêté du suprême Conseil d'État du royaume de
Corse^ traduit de Titalien et publié par MM. A.
Grassi et H. AucAPiTAiNE 233-235
NÉCROLOGIE.
Le chevalier Joseph Arneth 164 — 165
Hennin 165—166
Vincenzo Lazari 166—167
Alexandre Vattemare 167 — 168
Monnier 236
Fauslin roe\ d'Avant 33-2
ERRATA
DE LA REVUE NUMISMAT
i
3
.4
Page 115, ligne 26, ConstaotU, tues Constantin.
~ 158, n* 977. La médaille de Jolia Ucsa a été acheta
à Cherbourg. • '
— 242, ligne 17, LASTGI, U$$z LASTIGI.
— 290, - 21. lOHANSC, lûtx lOHAXCS.
— 294, — 11, Frédéric II avait inondé tons le» marc
déric II avait inondé tooB les marchéa.
— 295, ~ 22, fortes, iisex forts.
Ajoutez à r errata de 1863.
Page 423 an bas de la fHige. Pesée n* 6, 130f^,75, lietx 136**
-> 424, oolonne 4, ligne 3, 30f%10, liées 34«'ylO.
— 424, colonne 4, ligne 6, 132i',00, tues 136»',00.
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