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Full text of "Revue politique et parlementaire"

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7 


Revue 

Politique  et  Parlementaire 


xx 


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"1 
Revue 

Politique  et  Parlementaire 

PARAISSANT     LE     10     DE     CHAQUE     MOIS 


Directeur  :  Marcel  FOUBNIER 


Rédaction   :   Ëiue   de  T  Université    110 


SIXIÈME    ANNÉE 


TOME   XX 

AVRIL  —  MAI  —  JUIN 


PARIS 
Armand    Colln    &    0\    Éditeurs 

LIBRAIRES    DE    LA   SOCIÉTÉ    DES    QEN8     DE     LETTRES 

5,  rue  de  Mézières,  5 


1899 


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APR  2  8  1933 


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Revue  Politique  &Parlementaire 


LA  OVESTION  DE  TERRfi-NEVYE 


On  attribue  à  lord  Bacon  ce  mot  :  «  La  richesse  en  poissons 
de  Tîle  de  Terre-Neuve  est  supérieure  à  celles  des  mines  du 
Pérou.  » 

Authentique  ou  légendaire,  cette  appréciation  justifie  Tàpre 
concurrence  qui  s'est  exercée  depuis  quatre  siècles  autour  de 
Tile  poissonneuse  entre  les  pêcheurs  des  diverses  nations. 

Dès  le  XVI''  siècle  la  lutte  fut  vive,  mais  les  nations  ibériques 
cessèrent  promptemcntd'y  faire  figure  :  les  Français  et  les  An- 
glais se  trouvèrent  seuls  aux  prises. 

Il  paraît  hors  de  doute  qu'au  début  les  Malouins  régnèrent  en 
maîtres  à  Terre-Neuve.  Des  recherches  de  M.  Harvut,  membre 
de  la  Société  Archéologique  d'Ille-et-Vilaine,  dans  les  archives 
bretonnes,  il  résulte  que  l'exploitation  des  pêcheries  de  cette  île 
fut  antérieure  à  la  découverte  du  Canada  par  Jacques  Cartier. 
La  pêche  se  pratiquait  non  seulement  sur  la  partie  appelée  au- 
jourd'hui «  French  Shore  (rivage  français)  »  et  qu'on  nommait 
alors  «  côte  du  Petit  Nord  »,  mais  sur  toute  la  région  côtière  du 
Sud,  du  cap  Rouge  au  cap  Saint- Jean,  en  passant  par  Tcxtré- 
mité  méridionale,  c'est-à-dire  par  la  baie  de  Fortune  et  parla 
haie  de  Plaisance. 

II  est  important  de  mettre  ces  faits  en  lumière,  car  on  nous  a 
contesté  la  priorité  d'établissement  à  Terre-Neuve.  Or,  M.  Har- 
vut a  exhumé  des  lettres  patentes  de  Louis  Xlll,  dont  les  pre- 
mières lignes  sont  ainsi  conçues  (26  juin  1613,  archives,  série 
EE4): 

Les  Roy  s  nos  prédécesseurs  ayant  aprins  que  leurs  sttbjects 
nvaient  descouvert  les  pais  de  Terre  neufves^  abondants  en  la 
pesche  des  mollues ; 


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6  LA  QUBSnON   PC  TmC-VBUVE 

Ces  lettres  patentes  font  défense  d'abattre  les  échafauds  bastis 
en  cette  Isle  pour  la  dicte  pesche  et  prouvent  la  juridiction  fran- 
çaise sur  les  établissements  permanents  de  nos  pêcheurs.  La 
France  réglementait  la  pêche  et  les  mouillages  des  bâtiments 
dans  les  baies  et  havres  de  Tlle. 

Les  Maloiiins,  d'après  M.  Harvut,  avaient  dès  la  fin  du 
xvi^  siècle  une  sorte  de  monopole  pour  Texploitation  de  la  pêche 
de  Terre-Neuve.  Ils  placèrent,  A^ers  le  milieu  du  xvu*  siècle,  un 
navire  garde-pêche  sur  les  côtes  de  Tile.  Le  16  janvier  1647,  le 
Roi  de  France  délivra  des  lettres  patentes  autorisant  le  main- 
tien de  ce  bâtiment  entre  le  cap  du  Degras  et  le  cap  de  Saint- 
Jean.  En  1653  et  1654,  les  Anglais  tentant  de  nous  faire  con- 
currence à  coups  de  hache,  les  Malouîns  se  plaignirent  au  Roi  de 
France  des  déprédations  exercées  et  des  dommages  à  eux  causés 
par  nos  rivaux.  En  1655,  le  Roi  de  France  nomma  le  sieur  de 
Keréon  gouverneur  de  Terre-Neuve.  Le  29  avril  1659,  un  arrêt 
du  Parlement  de  Bretagne  condamnait  des  Anglais  habitant 
Saint-Malo,  pour  avoir  concerté  avec  des  gens  de  Jersey  le  pil- 
lage de  la  flottille  malouine  qui  se  rendait  à  la  pêche  des  morues. 
Les  arrêts  du  Parlement  breton  et  les  règlements  des  Malouîns 
approuvés  par  ce  Parlement  étaient  rendus  exécutoires  par  le 
Roi  de  France  dont  la  souveraineté  s'exerçait  ainsi  sur  Terre- 
Neuve  d'une  manière  continue  et  manifeste. 

D'après  Touvrage  de  Tauteur  anglais  Beckles-Willson,  in- 
titulé The  Tenth  Islande  trois  échecs  auraient  marqué  les  essais 
de  colonisation  anglaise  à  Terre-Neuve  à  la  fin  du  xvi'  et  au 
commencement  du  xvu*  siècle.  Les  tentatives  de  Humphrey 
Gilbert  (1597),  de  John  Guy  (1623)  et  de  lord  Baltimore  furent 
malencontreuses  et  malheureuses. 

M.  Beckles-Willson  reconnaît  que,durantlex\^i«siècle,  Terre- 
Neuve  ne  fut  considérée  en  Angleterre  que  comme  une  simple 
station  de  pêche  des  gens  de  De  von.  Des  lois  britanniques  inter- 
disaient aux  Anglais  de  s'établir  dans  l'Ile  et  leur  prescrivaient 
de  rentrer  en  Angleterre  à  la  fin  de  chaque  saison  de  pêche. 

C'est  en  1729  seulement,  suivant  le  même  auteur,  que  le  pre- 
mier gouverneur  anglais  se  serait  fixé  à  Terre-Neuve.  1729  ! 
soixante-quatorze  ans  après  la  nomination  du  gouverneur  fran- 
çais, M.  de  Keréon,  et  seize  ans  après  le  traité  d'Utrecht!  Le 
traité  d'Utrecht,  qui  mit  fin  à  la  guerre  de  succession  d'Espagne, 


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LA   QUESTION   I>£  TERRE-NEUVE  7 

malheureuse  pour  la  France,  réglait,  à  Farlicle  13,  la  situation 
de  Terre-Neuve  dans  les  termes  suivants  : 

Llsle  de  Terre-Neuve,  avec  les  isles  adjacentes,  appartiendront  désor- 
mais à  la  Grande-Bretagne... 

...  11  ne  leur  sera  pas  permis  non  plus  (aux  pêcheurs  français)  d'y  foiti- 
fier  aucun  Keu,  ni  d'y  établir  aucune  habitation  en  façon  quelconque,  si  ce 
n'est  des  écbafauds  et  cabanes  nécessaires  et  usités  pour  sécher  le  pois- 
son, ni  aborder  dans  ladite  isie  dans  d'autres  (emps  que  celui  qui  est 
propre  pour  pêcher  et  nécessaire  pour  sécher  le  poisson. 

Dans  ladite  isIe,  il  ne  sera  pas  permis  aux  dits  sujets  de  la  France  de 
pêcher  et  de  sécher  le  poisson  en  aucune  partie  que  depuis  le  lieu  appelé 
cap  de  Bonavista,  jusqu'à  l'extrémité  septentrionale  dft  ladite  isle,  et  de  là 
e  n  suivant  la  partie  occidentale  jusqu'au  lieu  appelé  Pointe-Riche. 

La  France  se  réservait  donc,  en  abandonnant  Terre-Neuve  à 
la  Grande-Bretagne,  un  droit  de  pèche  sur  la  côte  ainsi  déli- 
mitée qu'on  appela  «  French  Shore  ».  Ce  ne  fut  pas  TAngleterre 
qui  nous  octroya  une  faveur,  ce  fut  le  roi  Louis  XIV  qui  main- 
tint une  réserve  dans  la  cession  de  Tîle  ainsi  grevée  d'une  ser- 
vitude. Il  s'agit  donc  d'une  exception  et  non  d'une  concession. 
Tel  un  propriétaire  vend  sa  maison  en  gardant  un  usufruit.  Il 
conserve  sa  résidence  à  l'un  des  étages.  Il  ne  choisit  pas  le 
pire. 

En  1763,  après  la  guerre  de  Sept-Ans,  nous  perdions  le  Ca- 
nada, mais  l'Angleterre,  afin  de  faciliter  la  pèche  française  sur 
la  région  dite  «  Grand  Banc  »,  nous  attribuait  les  îles  de  Saint- 
Pierre  et  Miquelon,  sous  la  réserve  de  nepcis  les  fortifier. 

Ce  qui  prouve  que  aos  droits  sur  le  French  Shore  furent  bien 
considérés  comme  exclusifs,  c'est  qu'en  1764,  pour  permettre 
aux  sujets  britanniques  de  pêcher  dans  le  détroit  de  Belle-Isle, 
on  adjoignit  le  Labrador  à  Terre-Neuve. 

Le  droit  exclusif  de  la  France  découle  d'ailleurs  évidemment 
du  traité  conclu  à  Versailles  en  1783,  à  l'issue  de  la  guerre  d'In- 
dépendance des  Etats-Unis  du  Nord. 

Par  ce  traité,  la  France  acceptait  une  nouvelle  délimitation 
du  French  Sfaore.  Le  cessionnaire  usufruitier  changeait  d'étage, 
pour  complaire  aux  acquéreurs  de  l'immepble.  Nous  abandon- 
nions aux  Anglais  la  côte  située  entre  le  cap  Bonavista  et  le  cap 
Saint-Jean,  afin  d'éviter  le  renouvellement  d'anciennes  que- 
relles ;  le  French  Shore  devait  désormais  s'étendre  du  cap  Saint- 
Jean  au  cap  Raye.  Par  là  même  la  France  entendait  rester  af- 


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8  LA    QUESTION    DE   TERRE-NEUVE 

franchie  de  toute  concurrence.  Ce  point  a  été  parfaitement  élu- 
cidé par  un  savant  jurisconsulte  français,  M.  Fauchille,  au 
cours  de  Tenquêle  poursuivie  par  un  correspondant  du  J/o/vim^ 
Post  auprès  des  personnalités  françaises  capables  de  donner  un 
avis  compétent  sur  la  question  qui  nous  préoccupe.  Il  est  évi- 
dent, comme  le  démontre  M.  Fauchille,  qu'on  a,  en  1783,  sé- 
paré les  places  des  pêcheurs  anglais  et  des  pêcheurs  français.  Si 
on  avait  entendu  que  les  traités  de  1713  et  1763  autorisaient  les 
deux  nations  à  exercer  un  droit  concurrent  de  pêche  sur  le 
French  Shore,  la  répartition  eût  été  différente.  L'indivision 
équivalant  à  la  moitié  du  tout,  on  aurait  donné  à  la  France  une 
compensation  suffisante  en  lui  accordant  un  droit  exclusif  sur 
la  moitié  de  la  côte  antérieurement  désignée. 

Or,  nous  avons  acquis,  en  1783,  une  étendue  de  côte  égale  ou 
supérieure  à  celle  que  nous  abandonnions.  Notre  droit  exclusif 
élait  donc  antérieur  au  traité  de  Versailles. 

La  déclaration  signée  le  jour  même  de  la  conclusion  de  ce 
traité  définit  d'ailleurs  et  précise  ainsi  le  caractère  de  la  pêche  : 

Pour  que  les  pécheurs  des  deux  nations  ne  fussent  pas  naître  des  que- 
relles journalières,  Sa  Majesté  britannique  prendra  les  mesures  les  plus 
positives  pour  prévenir  que  ses  sujets  ne  troublent  en  aucune  manière 
par  leur  concurrence  la  pêche  des  Français  pendant  Texercice  temporaire 
qui  leur  est  accordé  sur  les  côtes  de  Tlle  de  Terre-Neuve  et  elle  fera  re- 
tirer à  cet  effet  les  établissements  secondaires  qui  y  seront  formés. 

M.  Fauchille  fait  très  justement  remarquer  que  les  termes 
«  troubler  par  leur  concurrence  »  n'équivalent  nullement  à 
«  troubler  dans  leur  concurrence  ».  Dans  le  premier  cas,  Tidéo 
de  concurrence  est  absolument  exclue. 

Les  mesures  prises  en  17>>6  par  l'amiral  anglais  Campbell 
contre  les  agissements  des  pêcheurs  britanniques  sur  le  French 
Shore  et  les  instructions  adressées  en  1788  par  Georges  III  au 
gouverneur  de  Terre-Neuve  ne  furent  que  l'application  de  la 
déclaration  annexe  au  traité  de  Versailles. 

Néanmoins,  sans  discuter  le  principe,  les  Anglais  avaient  pris 
soin  de  se  ménager  toujours,  suivant  une  coutume  chez  eux  fré- 
quente, une  porte  ouverte  aux  contestations. 

Tout  en  donnant  à  nos  ambassadeurs  les  assurances  les  plus 
satisfaisantes,  lord  Shelburne,  lord  Portland,  W.  Pitt  et  Fox, 
durant  les  négociations  relatives  à  la  conclusion  du  traité  do 


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LA    QUESTION   DE  TERRE-NECVE  9 

Versailles,  avaient  refusé  sans  cesse  d'inscrire  le  mot  exclusif 
comme  caractéristique  de  notre  droit,  se  bornant  à  des  termes 
plus  vagues,  sans  laisser  la  preuve  matérielle  de  leur  acquiesce- 
ment à  nos  idées. 

Après  le  traité  de  Versailles,  la  pleine  jouissance  de  notre  pri- 
vilège confirma  notre  droit  écrit. 

Mais  durant  les  guerres  delà  Révolution  et  de  TEmpire,  les 
pêcheurs  anglais  et  canadiens  supplantèrent  nos  compatriotes 
au  French  Shore.  En  1815,  le  gouvernement  anglais  offrit  au 
gouvernement  de  Louis  XVIII  l'abandon  de  Saint-Pierre  et  Mi- 
quelon  avec  les  pêcheries  de  Terre-Neuve  contre  la  cession  de 
Tile  de  France  appelée  «  Maurice  ».  M.  de  Richelieu  préféra  re- 
noncer à  File  Maurice. 

LesTerre-Neuviens  ne  se  résignèrent  pas  facilement  au  retour 
des  pêcheurs  français,  s'obstinèrent  à  leur  faire  concurrence  et 
leur  soulevèrent  mille  difficultés. 

Sir  Charles  Hamilton,  gouverneur  de  File,  fut  obligé  de  pu- 
blier, en  1822,  une  proclamation  rappelant  à  ses  adminstrés  nos 
droits  méconnus. 

Mais,  en  1832,  Terre-Neuve  obtenait  un  Parlement  àSaint-John 
ou  Saint-Jean,  sa  capitale;  et  les  réclamations  des  Terro-Neu- 
viens  trouvaient,  en  1835,  dans  le  Parlement  britannique  môme, 
un  écho  tel  que  le  ministère  anglais  résolut  de  déférer  la  ques- 
tion aux  jurisconsultes  de  la  Couronne. 

Ces  jurisconsultes,  Dodson,  Campbell  et  Rolfe,  par  leur  dé- 
claration du  30  mai  1835,  reconnurent  notre  droit  exclusif  de 
pêcher  sur  le  French  Shore  en  termes  absolument  nets  : 

Nous  pensons  que  les  sujets  français  ont  lo  droit  exclusif  de  poche 
sur  la  partie  de  la  côte  de  Terre-Neuve  spécifiée  dans  le  5*  article  du 
traité  définilif  signé  à  Versailles  le  3  septembre  1783. 

Tel  fut  le  texte  que  signèrent  MM.  Dodson,  Campbell  et 
Rolfe. 

Le  Gouvernement  anglais,  peu  satisfait  de  cette  consultation 
si  catégorique,  les  pria  d'examiner  de  nouveau  la  question  et 
d'émettre  un  second  avis,  autrement  dit,  on  les  invita  à  se  dé- 
juger. Ils  s'en  acquittèrent  avec  unegêne  que  traduit  l'obscurité 
de  leur  formule. 

En  1857,  à  l'époque  de  notre  intimité  avec  l'Angleterre,  lo 
moment  sembla  bien  choisi  pour  dissiper  toute  équivoque.  La 


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10  LA   Ql^^SSTION    DE   TERR&-KfiCVE 

convention  alors  conclue  établit  à  Tartiele  1"''  que  les  sujets 
français  auront  le  droit  exclusif  de  pêcher  et  de  se  servir  du  ri- 
vage pour  les  besoins  de  leur  pèche. 

Mais,  depuis  1854,  Terre-Neuve  jouissait  du  «^//-yot^^mm^n/. 

A  la  nouvelle  de  Tarrangement  de  1857,  une  véritable  sédition 
éclata  dans  Tîle.  On  traîna  dans  la  boue  Técusson  britannique. 

11  fut  impossible  de  faire  exécuter  la  convention  signée. 

En  1884,  on  aboutit,  après  de  longues  négociations  dont  le 
Gouvernement  anglais  avait  pris  l'initiative,  à  un  nouvel 
arrrangement. 

.  11  s'agissait,  non  pas  de  modifier  ni  d'interpréter  les  traités 
en  vigueur  en  ouvrant  aux  habitants  de  Terre-Neuve  la  pêche 
sur  le  French  Shore,  mais  de  leur  faciliter  le  développement 
agricole  et  minier  de  leur  colonie.  Le  gouvernement  français 
autorisait,  sur  certains  points  déterminés  du  littoral,  la  créa- 
tion d'établisements  nécessaires  à  Tagriculture  ou  à  l'exploita- 
tion des  mines. 

Une  fois  de  plus  on  se  heurta  à  l'opposition  des  Terre-Neu- 
viens.  L'arrangement  de  1884  demeura  lettre-morte. 

Faute  de  pouvoir  contester  valablement  nos  droits,  les  Terre- 
Neuviens  essayèrent  d'en  entraver  l'exercice  en  arrêtant  la  pêche 
à  l'origine  même  de  l'opération. 

Nos  pêcheurs,  en  arrivant  à  Terre-Neuve,  au  mois  d'avril, 
cherchent  à  se  procurer  la  boette  ou  appât  nécessaire  pour 
attirer  les  morues.  Les  harengs  employés  comme  boette  étaient 
vendus  aux  Français  par  les  habitants  de  la  partie  méridionale 
de  Tîle.  Un  bill  du  Parlement  de  Terre-Neuve,  en  date  du  6  mai 
1886,  prohibait  la  vente  de  l'appât  aux  pêcheurs  étrangers  à  par- 
tir du  31  décembre  1887.  Cette  loi  fut  en  vigueur  jusqu'en  1890. 

Ce  bill  de  la  boette,  destiné  à  atteindre  les  Français  dans  la 
jouissance  légitime  des  droits  garantis  par  les  traités,  frappait 
en  premier  lieu  la  partie  indigente  de  la  population  de  Terre- 
Neuve,  dont  la  principale  ressource  consistait  à  vendre  le 
hareng  à  nos  pêcheui's.  Ces  malheureux  Terre-Neuviens  virent 
tarir  d'un  seul  coup  la  totalité  de  leur  revenu  annuel,  que 
l'auteur  anglais  Beckles-Willson  évalue  à  800.000  francs  et  qui 
dépasserait  un  million  suivant  d'autres  auteurs. 

On  eut  peine  à  faire  entendre  à  ces  simples  pêcheurs  terre- 
neuviens  qu'il  était  de  leur  intérêt  d'éloigner  de  la  côte  d'Ouest 


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LA   QUEgnOIf   D£   TERHE-NEUVE  11 

de  l'île  leurs  clients  annuels.  Pour  convaincre  ces  gens  au  bon 
sens  récalcitrant,  il  fallut  employer  les  menaces.  On  répandit 
des  placards  formulés  en  un  style  extraordinaire  qui  donne  une 
singulière  idée  de  Tanimosité  qu'on  déploie  contre  nous  à 
Saint-John. 

M.  Beckles-Willson  a  bien  voulu  nous  en  fournir  quelques 
exemplaires  que  voici  : 

I.  The  fisherman  tvho  toould  sel  bote  lo  a  Frenchmofi,  would 
Steel  the  penny's  off  his  deadmother's  eyes. 

II.  Neivfoiindlander^  he  meni 

Slarve  if  y  ou  must  :  but  hang  on  ta  your  hemng  ! 

P.-S.  —  tf  you  sellbait  to  the  French  now^  you  arebouml  to 
starve  in  the  long  rtin. 

Tâchons  de  produire  une  traduction  de  ces  documents,  dans 
la  mesure  où  il  nous  est  donné  d'entendre  le  patois  de  Terre- 
Neuve. 

Les  premier  signifie  : 

Le  pécheur  qui  vendrait  de  la  boette  à  un  Français  volerait  un 
sou  dans  l'œil  de  sa  mère  morte. 

Et  le  second  : 

Terre-Neuviens,  sryez  des  hommes  ! 

Crevez  de  faim,  s'il  le  fmtt,  mais  ne  lâchez  pas  votre  hareng  ! 

P. 'S.  —  Si  vous  vendez  de  la  boette  au.r  FrançcUs  maintenant, 
vous  vous  condamnez  à  mourir  de  faim  plus  tard, 

M.  Beckles-Willson  a  découvert  une  statistique  montrant  la 
décroissance    de   l'exportation    de  l'île  de  Saint-Pierre  sous 
l'application  de  la  loi  de  1886  : 
En  1887,  Saint-Pierre  exportait  754.770  quintaux  de  morue. 

—  1888  —  594.529  — 

—  1889  —  299.272  — 

Mais  toute  la  morue  pochée  snr  le  banc  de  Terre-Neuve  et  sur 
le  French  Shore  ne- passe  pas  forcement  par  Saint-Pierre. 

On  sait  d'aileurs  que  nos  pêcheurs  ont  éludé  les  conséquences 
du  bill  de  la  boette  en  employant  comme  appât  le  hareng 
conservé,  le  hareng  de  première  saison  péché  dans  la  baie  de 
Saint-Georges,  sur  le  French  Shore,  et  un  coquillage  appelé 
«  bulot  »  qu'on  trouve  sur  le  banc  même. 

M.  Beckles-Willson  laisse  en  outre  entendre  que  la  loi  inter- 
disant la   vente  aux  Français  et  non  aux  Canadiens,  ceux-ci 


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12  LA    QUESTION    DE   TERRE-NEUVE 

pouvaient   servir  d'intermédiaires   pour   le   commerce   de   la 
boette. 

Interrogé  par  le  correspondant  du  Moming  Post^  M.  Riotteau, 
député  de  la  Manche,  dont  la  compétence  est  indéniable  au  sujet 
des  pêcheries  de  Terre-Neuve,  s'est  exprimé  ainsi  : 

Le  bill  de  la  boëtle  nous  a  causé  de  lourdes  pertes,  mais  la  population 
de  Terre-Neuve  y  a  perdu  uu  revenu  annuel  de  un  million,  et  en  outre 
cette  loi  coûte  à  la  colonie  700.000  francs  par  an  pour  les  frais  de  la  sur- 
veillance à  exercer  par  les  vapeurs  chargés  de  faire  obstacle  k  la  contre- 
bande. Et  ringéniosité  des  pêcheurs  français  s'en  est  trouvée  stimulro, 
car  la  nécessité  est  mère  de  l'invention.  Nous  avons  donc  pris  de  TappAt 
ailleurs  et  naturellement  sur  le  French  Shore,  où  nous  pouvions  on 
pécher.  La  mauvaise  action  a  nui  à  ses  propres  auteurs,  qui  ont  essayé  trop 
tard  de  revenir  sur  leur  décision.  Aujourd'hui,  nous  pouvons  à  nouveau 
acheter  la  boette  dans  les  ports  du  sud  de  Tile,  mais  il  faut  aller  Ty 
chercher,  car  les  Terre-Neuviens  no  sont  pas  autorisés  à  l'apporter  à  la 
flotte  de  pèche,  et  ce  sont  là  des  conditions  onéreuses. 

«  Le  hait-bill,  écrit  M.  Beckles-Willson,  eût  été  une  mesure 
efficace,  si  on  Tavail  appliqué  strictement.  Mais  en  1890  on  le 
rapporta  quand  survint  la  querelle  des  homards.  » 

Querelle  de  Terre-Neuviens,  s'il  en  fui  ! 

Sous  le  régime  du  bill  de  la  boette,  nos  pêcheurs  avaient 
essayé  de  tirer  parti,  comme  appât,  des  homards  du  French 
Shore.  Des  homarderies  se  fondèrent  concurremment  avec  les 
factoreries  où  les  habitants  de  Tîle  préparaient  des  conserves 
de  homards  sur  le  French  Shore  même.  On  nous  contesta  le 
droit  d'exercer  cette  industrie  : 

Les  traités,  disaient  les  Terre-Neuviens,  ne  visent  que  la  pèche  et  le 
poisson.  Or,  le  homard  est  un  crustacc  ;  on  ne  le  pèche  pas,  on  le  prend. 
Gomment  peut-on  confondre  pécher  et  sécher  avec  capturer  et  fairo 
bouillir? 

Une  telle  argumentation  fondée  sur  de  simples  jeux  de  mots 
se  réfute  facilement. 

Lesplénipotentiaircsd'lUrechtont  inscrit  le  mot  poisson  ei  non 
le  mot  morue  dans  le  traité.  II  s'agissait  donc  d'une  façon  géné- 
rale de  tout  ce  que  les  diplomates  et  les  naturalistes  entendaient 
par  poisson  en  1713  ;  et  nous  constatons  que  les  auteurs  de  cette 
époque  étendaient  ce  mot  à  tout  animal  vivant  dans  la  mer  sans 
en  exclure  les  crustacés. 

Quant  à  la  distinclion  entre  pécher  et  capturer,  to^vA  et  to 


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LA    QUESTION   DE   TERRE-NBOVB  13 

catch,  il  nous  est  bien  permis  de  remarquer  que  les  documents 
officiels  anglais  ne  se  sont  jamais  montrés  aussi  scrupuleux  sur 
la  propriété  d'exprcosion  qu'on  prétend  nous  enseigner.  Dans 
le  rapport  colonial  sur  Terre-Neuve,  distribué  au  Parlement 
britannique  en  janvier  1899,  sous  le  n°  256,  on  écrit,  à  la 
page  6  :  «  {oh^ie^v/ishery  et  herring  fishery  (pêcherie  de  homards, 
pêcherie  de  harengs).  » 

Allons  donc  à  la  pêche  aux  homards,  comme  on  va  à  la  pêche 
aux  écrevisses  ou  à  la  pêche  aux  moules. 

On  cherche  à  confondre  les  deux  droits  distincts  qui  nous 
sont  accordés:  1**  de  pêcher;  2**  de  sécher  le  poisson,  sur  le 
French  Shore.  Il  n'est  pas  dit,  dans  le  traité  d'Utrecht,  que  nous 
devions  sécher  tout  le  poisson  péché  le  long  du  French  Shore, 
ni  que  nous  devions  limiter  la  pêche  au  poisson  qu'on  conserve 
en  le  séchant.  11  est  spécifié  seulement,  dans  une  énumération 
purement  citative^  que  les  établissements  et  les  construclions 
destinés  par  les  Français  à  la  conservation  du  poisson  seront 
temporaires.  Cela  n'exclut  pas  l'idée  de  pêcher  sur  le  French 
Shore  des  homards  qu'on  fera  bouillir  à  Saint-Pierre. 

La  prétention  des  Terrc-Neuviens,  d'exercer  la  pêche  au 
homard  sur  le  French  Shore,  en  nous  l'interdisant,  n*est  que  la 
négation  pure  et  simple  des  traités,  Plusieurs  incidents,  qui  ont 
nécessité  l'intervention  des  autorités  maritimes  anglaises,  ont 
démontré  qu'en  capturant  le  homard  le  long  du  French  Shore, 
les  sujets  britanniques  entravent  notre  pêche  de  la  morue.  Or,  les 
traités  sont  formels  sur  ce  point.  Pour  donner  raison  aux  pré- 
tentions des  Terre-Neuviens,  il  faudrait  admettre  une  dernière 
hypothèse  absurde  :  celle  d'un  refuge  ouvert  par  le  traité 
d'Ulrecht  aux  homards,  qui  se  trouveraient  le  long  du  French 
Shore  à  l'abri  de  toute  hostilité  :  anglaise  ou  française.  Malgré 
ces  arguments,  les  gouvernements  français  et  anglais,  dans  un 
commun  désir  d'apaisement  et  de  conciliation,  convinrent 
en  1890  d'établirun  modtis  vivenr/i.  Nous  consentîmes  àadmettre, 
h  titre  provisoire,  la  pêche  parallèle  du  homard,  sans  cesser  de 
protester  contre  la  concurrence.  Nous  soutenions  et  soutenons 
encore  l'interprétation  la  plus  large  des  traités,  celle  qui  s'ap- 
plique à  tous  les  animaux  de  la  mer.  Mais  en  mars  1891,  sur 
l'initiative  du  Gouvernement  britannique,  on  résolvait  de  sou- 
mettre à  un  arbitrage  la  question  des  homarderies.  La  Commis- 


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14  LA   QUESTION   D£   TEAR^^EUVE 

sion  arbitrale  devait  se  composer  de  trois  jurisconsultes  étran- 
gers, chargés  de  trancher  la  question,  et  même,  le  cas  échéant, 
d'examiner  certains  problèmes  subsidiaires,  sans  mettre  en 
cause  la  validité  des  traités...,  mais  cette  Commision  ne  s'est 
jamais  réunie. 

Pour  que  les  décisions  de  l'arbitre  fussent  valables,  il  serait 
en  effet  nécessaire  que  les  vaisseaux  de  guerre  anglais  pussent 
exécuter  les  engagements  de  l'Angleterre.  Or,  c'est  là  ce  qu'ont 
contesté  le  Parlement  local  et  la  Cour  suprême  de  Terre-Neuve. 

Lord  Knutsford,  ministre  de  la  Marine,  présenta  au  Parlement 
britannique  un  bill  pour  obtenir  la  confirmation,  aux  officiers 
de  marine  anglais;  des  droits  que  le  Parlement  colanial  leur 
refusait.  Au  cours  de  la  discussion  de  ce  bill  à  la  Chambre  des 
Lords,  lord  Salisbury  fit  allusion  aux  tendances  séparatistes  de 
certains  Terre-Neuviens  disposés  à  considérée  leur  situation 
vis-à-vis  de  la  France  comme  le  résultat  de  la  souveraineté  de 
la  Grande-Bretagne  :  «  Les  droits  de  la  France  sur  ce  littoral, 
M  dit-il,  continueraient  à  être  appliqués,  quelle  que  fût  la  forme 
«  du  Gouvernement  de  la  colonie.  » 

Le  bill  de  lord  Knutsford  fut  voté.  Une  partie  de  la  population 
de  Terre-Neuve,  intéressée  à  entretenir  de  bcmnes  relations  avec 
les  pêcheurs  français,  avait  protesté  contre  l'attitude  qu'on 
observait  à  Saint-Jean.  M.  Carty,  député  de  la  baieSaint-Geoi^es, 
avait  exprimé  le  sentiment  de  ses  électears  dans  une  dépêche 
adressée  à  lord  Knutsford  :  «  Nous  acceptons  loyalement  la 
décision  relative  aux  droits  des  Français  »,  écrivait-il. 

Cependant,  le  Parlement  de  Saint-Jean  ne  voulut  s'engager 
que  pour  trois  saisons  de  pêche  et  prétendit  réserver  aux  tribu- 
naux locaux  le  soin  de  trancker  les  différends  résultant  de  l'in- 
terprétation des  traités. 

Le  gouvernement  français  protesta  contre  le  caractère  de  cette 
décision  et  déclara  qu'il  ne  voulait  avoir  affaire  qu'au  gouver- 
nement anglais  seul. 

L'événement  a  prouvé  le  bien-fondé  de  cette  protestation,  car, 
les  trois  saisons  écoulées,  le  Parlement  de  Saint-Jean  rejeta  le 
bill  présenté  par  le  gouvernement  local  d'accord  avec  le  Colonial 
Office  de  Londres.  Voici  comment  nos  pêcheurs  se  trouvent 
encore  à  Terre-Neuve  sous  le  régime  du  modus  vivemii  renouvelé 
d'année  en  année. 


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LA   QUESTiOIf   DE  TERRE-NEUVE  15 

Ce  provisoire  dure  encore.  Mais  si  la  situation  de  droit  est 
demeurée  la  même,  la  situation  de  fait  s'est  modifiée  quelque 
peu  depuis  4713; 

L'augmentation  progressive  de  la  population  de  Terre-Neuve, 
l'abondance  des  travailleurs,  l'ouverture  des  chemins  de  fer,  le 
développement  des  richesses  agricoles  et  minières  de  l'île  ont 
accentué  la  vivacité  des  revendications  des  Terre-Neuviens  et 
l'impatience  avec  laquelle  ils  supportent  notre  présence.  Un 
parti  politique  s'est  appuyé  sur  la  passion  de  nos  concurrents 
avides  d'obtenir  l'éviction  des  Français  et  il  a  tout  mis  en 
œuvre  pour  donner  une  ampleur  factice  et  démesurée  à  ce  trem- 
plin des  ambitions  locales. 

Derrière  les  politiciens  de  l'île  s'agite  et  agit  un  personnage 
dont  les  menées  et  les  appétits  rappellent  le  rôle  de  Cecil 
Rhodes  dans  l'Afrique  Australe. 

M.  Reid,  que,  dans  l'ouvrage  intituté  The  tenth  hland, 
M.  Reckles-Willson  présente  comme  le  véritable  propriétaire  de 
Terre-Neuve,  a  jadis  quitté  son  pays  natal  «as  a  penniless  scotch 
lad  »,  ce  qui  signifie  «  comme  un  gars  écossais  sans  le  sou  ». 
11  alla  chercher  fortune  en  Australie,  où  il  réussit,  dit-on;  puis 
il  se  rendit  au  Canada,  où  il  fit  métier  d'entrepreneur  et  cons- 
truisit une  partie  du  chemin  de  fer  canadien  du  Pacifique 
«  Canadian  Pacific  Railway  ». 

Le  Financial  News  de  Londres  nous  a  fourni  récemment 
des  œuvres  de  M.  Reid  à  Terre-Neuve  un  exposé  que  le  journal 
français  La  Liberté  résumait  le  29  janvier  dernier. 

Le  gouvernement  de  Terre-Neuve  a  cédé  à  M.  Reid  le  chemin 
de  fer  et  les  télégraphes  de  l'île,  le  bassin  de  construction  de 
Saint-Jean,  avec  une  propriété  importante  sur  les  bords  do 
l'eau,  des  terrains  houillers,  et  la  plus  grande  partie  des 
terres  boisées  ou  minières  de  Fîle,  pour  la  somme  brute  de 
1.325.000  dollars,  payable  par  termes.  Mais  il  faut  déduire  de 
cette  somme  100.000  dollars  pour  le  ballast  du  chemin  de  fer, 
autant  pour  le  remplacement  partiel  des  rails  de  la  voie,  autant 
encore  pour  la  construction  d'un  embranchement  jusqu'au 
bassin  de  construction  de  Saint-Jean,  propriété  de  M.  Reid,  et 
140.000  dollars  pour  le  pavage  de  Water  Street,  rue  destinée  à 
recevoir  une  ligne  de  tramways  électriques,  que  le  concession- 
naire doit  construire  lui-même.  Eln  sorte  que  cette  magnifique 


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16  LA    QUESTION    DE   TERRE-NEUVE 

propriété  lui  coûte  net  885.000  dollars,  soit  177.000  livres.  On 
peut  se  rendre  compte  de  Tétonnante  disproportion  de  ce  prix 
par  le  fait  que,  en  1897,  le  gouvernement  de  Saint-Jean  a  payé 
à  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Terre-Neuve  325.000  livres 
pour  un  seul  tronçon  du  chemin  de  fer  dont  M.  Reid  ne  paie  de 
175.000  livres  la  totalité  accrue  de  beaucoup  d'autres  choses. 

En  ce  qui  louche  les  terrains  donnés  à  M.  Reid,  la  plupart 
longeront  le  chemin  de  fer,  à  moins  qu'il  ne  préfère  les  choisir 
sur  tout  autre  point  de  l'île,  avantage  sensible  en  un  pays 
minier.  De  nombreux  citoyens  de  Terre-Neuve  ont  protesté 
contre  ces  concessions.  Le  mémorandum  de  leur  Comité  relève 
en  particulier  cette  clause  :  «  Si  le  chemin  de  fer  est  improduc- 
u  tif,  M.  Reid  n'aura  qu'à  en  cesser  l'exploitation.  » 

Il  n'en  aura  pas  moins  795.000  acres  de  terre,  exploitables 
sans  chemin  de  fer! 

On  attire  Tattention  sur  un  fait  suggestif  :  c'est  le  solicitor- 
conseil  de  M.  Reid,  un  certain  M.Morins,  qui  a  négocié,  comme 
ministre  des  Finances,  le  contrat  dont  il  s'agit,  et  en  a  arraché 
l'approbation  au  pouvoir  législatif  «  avec  une  hâte  indécente  », 
dit  le  Financial  Nexos, 

Vingt  mille  électeurs  sur  quarante-neuf  mille  ont  signé  la 
protestation  adressée  à  M.  Chamberlain. 

Sans  discuter  les  termes  du  contrat  qui  conférait  ainsi  à 
M.  Reid  la  propriété  des  terres  domaniales,  des  mines,  des  che- 
mins de  fer,  des  postes,  des  télégraphes,  des  communications 
locales  par  mer  et  des  docks  de  Saint-Jean,  sans  davantage  dis- 
cuter les  arguments  que  le  ministère  terre-neuvien  et  l'opposi- 
lion  ont  fait  valoir  pour  l'adopter  ou  le  rejeter,  le  ministre  des 
Colonies  s'est  borné  à  déclarer  qu'un  pareil  abandon  de  droits 
souverains  est  sans  précédent  dans  l'hisloire  et  que  la  concession 
de  ces  privilèges  équivaut  à  laisser  M.  Reid  maître  de  l'avenir 
de  la  colonie  sans  môme  donner  aux  colons  la  garantie  qu'assu- 
rerait la  possibilité  d'une  concurrence.  Mais  M.  Chamberlain 
ajoute  qu'il  serait  contraire  à  la  Constitution  des  colonies  se 
gouvernant  librement  que  le  représentant  du  pouvoir  central 
s'opposât  à  une  mesure  financière  locale,  sauf  si  elle  entraînait 
une  lésion  des  intérêts  de  l'Empire. 

I.e  Financial  News  conclut  en  ces  termes  :  «  Nous  en  avons  dit  assez 
pour  que  le   lecteur   anglais  soit  convaincu  que  sa  sympathie  pour  les 


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LA    QUESTION    DE   TERRE-NELVE  17 

infortunés  Terre-Neuviens,  victimes  des  troubles  duFrench  Shore,  s'égare, 
ou  du  moins  fera-t-il  bien  d'en  réserver  une  partie  pour  de  plus  grandes 
infortunes.  » 

Le  rapport  annuel  sur  Terre-Neuve  distribué  au  Parlement 
britannique,  pour  Texercice  1896-1897,  ne  représente  pas  la 
situation  de  la  colonie  à  cette  époque  sous  un  jour  très  favo- 
rable. Le  commerce  de  la  morue  y  rencontre  la  concurrence 
croissante  des  étrangers,  principalement  des  Français  auxquels 
les  primes  que  leur  sert  leur  gouvernement  donne  une  supério- 
rité écrasante. 

Cette  question  des  primes  est  l'un  des  griefs  qu'on  invoque  le 
plus  souvent  contre  nous  à  Terre-Neuve,  comme  si  un  Etal 
étranger  pouvait  attaquer  par  une  action  diplomatique  une 
mesure  d  ordre  intérieur  qu'il  a  longtemps  pratiquée  lui-môme 
quand  il  Ta  jugée  nécessaire,  sous  le  règne  de  Georges  III  no- 
tamment. 

La  poche  du  hareng  diminue  aussi  à  Terre-Neuve,  d'après  les 
données  du  rapport  officiel.  Les  autres  penches  sont  stationnaires.  ' 

Les  mines  se  trouvent  encore  dans  la  période  des  tâtonne- 
ments et  manquent  des  capitaux  que  les  syndicats  étrangers  ne 
font  encore  que  leur  promettre. 

Il  est  vrai  que  le  gouvernement  a  acquis  (pour  les  céder  à 
M.  Reid)  tous  les  droits  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de 
Terre-Neuve  sur  les  voies  ferrées  de  l'île  et  que  l'établissement 
d'une  ligne  de  paquebot  de  premier  rang  entre  l'île  et  le  conti- 
nent a  mis  le  réseau  ferré  colonial  en  communication  directe 
avec  les  grandes  lignes  canadiennes  et  américaines. 

Cependant  le  rédacteur  du  rapport  signale,  à  Theure  où  il 
publie  son  travail,  des  améliorations  sensibles.  Les  produits  de 
la  pêche  trouvent  maintenant  des  prix  plus  avantageux  sur  les 
marchés  étrangers,  les  mines  et  l'agriculture  se  développent  et 
l'intérêt  manifesté  par  le  Gouvernement  impérial,  notamment 
par  rinstitution  de  la  Commission  royale  pour  les  traités  avec 
la  France,  et  parla  désignation  du  premier  ministre  comme 
membre  de  la  Commission  siégeant  à  Washington,  donne  Tes- 
poir  de  voir  bientôt  la  colonie  entrer  dans  une  ère  de  prospérité 
florissante. 

Quelque  fondées  que  soient  ces  espérances,  l'essor  écono- 
mique nouveau  de  Terre-Neuve  ne  doit  pas  masquer  les  intérêts 
que  nous  y  avons  engagés  depuis  quatre  siècles. 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  2 


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18  iA    yUflSTIQN   BE   T€HtaB-îlECV£ 

L'impoFtanoe  de  ces  iBctépêbB'est'PecoiiiHie'par  uh  témoin  peu 
suspect.  Aux  polémistes  Imtanniques,  qui  trarteiït  (nnfimes  et 
de  négligeables  les  avantages  que  nous  tirons  encore  de  notre 
droitde  pêche,  nous 'pouveas  opposer  un  aiiiteur  anglak,  twne 
publication  officielle  éditée  par  le  Poi^eign  Olfice  au  mois  de 
février '189a,  le  rapport  de  AL  WaHerR.  Hearn,  oonaul  d'Angle- 
terre à  Jiordeaux,  intitulé  Report  on  tke  freiich  fidierhe^  on  the 
great  bank  ofNewfotmàlandand  off  Icelcmd. 

^Bordeaux  est  le  port  où  les  produits  de  nos  pêcheries  de 
TAtlantique  Ouest  et  Nord  sont  apportés,  pour  être  ensuite 
réexportés  en  graadetpartie  hors  de  J^rance.  Ij-ageaat  anglais 
dans  cette  ville  est  donc  bien  placé  -pour  donner  un  itaUeau 
d'ensemble  de  Tactivité  de  notre  industrie  de  la  grande  pèche. 

Il  constate  «que  ]b  nombre  des  bateaux  français  (employés  à  la 
pêche  de  Terre-Neuve  est  de  190  envirooa,  de  250  à 300  tonneaux 
chacun.  Ces  navires  sont  montés  par  13.000  hommes  d'équipage 
environ,  et  si  Ton  calcule  que  ces  marins  travaillent  dix  ans  en 
moyenne,  cela  constitue,  av^c  les  équipages  actifs,  pour  la 
marine  française,  une  excellente  réserve  qu'il  serait  impossible 
de  se  procurer  ailleurs. 

L'importation  de  la  morue  à  Bordeaux,  qui  n'était  que  de 
13.000  tonnes  en  1S75,  s'est  élevée  en  1897  à  plus  de 
35.000  tonnes  provenant  de  Terre-Neuve. 

Comment  ne  pas  reconnaître  qu'en  dehors  d'avantages  cer- 
tains pour  le  recruterhent  des  équipages  de  la  flotte,  la  grande 
pêche  est  pour  la  France  une  industrie  considérable  et  grandis- 
sante? 

Les  auteurs  anglais  s'efforcent  d'établir  une  distinction  entre 
la  pêche  sur  le  grand  banc  de  Terre-Neuve,  vers  lequel  la  morue 
s'est  portée  récemment,  et  la  pêche  du  French  -Shore.  On  fait 
ressortir  que  le  banc  de  Terre-Neuve  est  en  haute  mer,  domaine 
international  ouvert  aux  pêcheurs  de  toutes  les  nations,  et  que 
c'est  là  surtout  qu'on  rencontre  actuellement  le  poisson  en 
abondance  sans  avoir  besoin  d'invoquer  les  clauses  des  traités 
d'Utrecht  et  de  Versailles. 

La  Chambre  de  Commerce  de  Rouen,   en   rappelant  à  notre 
gouvernement  l'importance  qu'elle  attache  à  la  défense  des 
droits  de  la  France  h  Terre-Neuve,  a  répondu  à  cette  argumen- 
tation captieuse  : 
L'état  présent  dos  choses,  dit  le  mémorandum  de  cette  assemblée,  peut 


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LA  ^UBSTIOlî    m:    TERAE-NEUVE  19 

donner  h  croire  que  nos  pêclieurs  auraient  moins  à  perdre  aujourd'hui  h 
Tabandon  de  notre  privilège,  soit  parce  que  le  poisson  a  émigré  vers 
le  Grand  Banc,  soit  parce  que  Tappât  se  trouve  ailleurs  qu'au  French 
Shore.  Mars  ^  nouvel  appât,  heureusemeirt  découvert,  peut  venir  à 
manquer,  les  iRigraftioBs  de  la  morue  peuvent  se  faire  inversement,  et  il 
im perte  que  nos  .pécheurs  puissent  continuer  à  fréquenter  librement 
et  exclusivement  le  rivage  concédé  par  les  traités,  s'il  leur  faut  retourner 
dans  ces  parages  pour  y  chercher  soit  Tappàt  soit  le  poisson. 

Cela  importe  non  seulement  à  la  prospérité,  mais  à  Texistence  même 
des  populations  maritimes  de  plus  de  la  -mortié  des  côtes  françaises  et 
aussi  à  la  sécurité  générale  du  pays  qui  ne  retrouverait  pas  une  pareille 
école  de  marins. 

Cette  JiàigFation  ëe  la  inoriie,  en  sens  inverse,  que  prévoit  la 
Chambre  de  Commerce  de  Roaen,  ne  serait  pas  un   phénomène 
invraisemblable.  La  morue  aujourd'hui  se   rencontre  surtout 
sur  Je  Grand  Banc,  mais  qui  sait  si  dans  Tavenir  elle  ne  revien- 
dra pas  au  French  Shore,  où  on  la  prenait  jusqu'à  l'époque 
actuelle.?  La  cûte  Est,  depuis  longtemps  peu  poissonneuse,   a 
fourni  en  1896  ujie  pêche  extraordinairement  abondante  aux 
navires  français  qui  l'ont  visitée.  Chaque  coup  de  senne  pendant 
quelques  jours  donnait  de  15  à  20.000  morues.  Nos  nationaux 
ont  môme  dû  renoncer,  faute  de  moyens  suffisants,  à  emporter 
la  totalité  de  leurs  caj)tures.  Il  faut  éviter  de  céder,  pour  des 
cK>n^pensations  minimes,  des  avantages  d'une  valeur  réelle  et 
connue.  Le  recrutement  de  notre  marine  se  ressentirait  forcé- 
ment d'une  situation  ayant    pour   conséquence  d'écarter  de 
Terre-Neuve  les  ÏSjOOO  gens  de  mer  qui  y  exercent   actuelle- 
ment leur  industrie  :  ceux  du  Banc,  d'où  le  poisson  peut  dispa- 
raître, et  ceux  de  la  Côte,  où  nous  n'aurions  iplus  de  privilège. 
Pourquoi  la  France  .prendrait-elle  l'initiative  de  pourparlers 
avec  le  Cabinet  de  Londres,  en  se  montrant  prête  à  renoncer, 
moyennant  une  compensation,  aux  droits  que  nous  confèrent 
les  traités  à  Terre-Neuve?  11  appartient  à  l'Angleterre  d'ébran- 
ler par  une  offre  suffisamment  séduisante  notre  attachement  à 
nos  séculaires  privilèges.  En  1815,  nous  avons  refusé  l'Ile  de 
France,  la  perle  de  la  mer  des  hidcs,  dans  la  crainte  de  compro- 
mettre  l'avenir  de   nos  pécheurs  et  de  notre  marine.  11  est 
remarquable  que  la  politique  d'intérêt   Tait  emporté   une   fois 
en  France  sur  la  politique  de  sentiment. 

Nous  ne  sommes  pas  tentés  outre  mesure  par  l'idée   d'une 


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20  LA    QUESTION    DE   TERRE-NEUVE 

modification  en  notre  faveur  du  condominium  qui  s'exerce 
actuellement  aux  Nouvelles-Hébrides  de  manière  à  y  garantir 
suffisamment  la  sécurité  et  la  colonisation  de  nos  nationaux. 

Ce  n'est  pas  nous  qui  nous  plaignons  en  l'espèce  des  traités 
d'Utrecht  et  de  Paris.  C'est  sir  William  Whiteway  qui  écrit,  au 
nom  de  sujets  Terre-Neuvîens  :  «  Nous  avons  souffert  dans  tout 
«  le  passé  et  nous  luttons  aujourd'hui  sous  le  régime  des  trai- 
«  tés.  Je  puis  les  appeler  traités  infâmes...  » 

Il  est  piquant  d'entendre  des  sujets  britanniques  qualifier 
ainsi  les  actes  internationaux  qui  ont  cédé  Terre-Neuve  el  le 
Canada  à  l'Angleterre.  S'ils  désirent  revenir  sur  cette  double 
cession,  nous  écouterons  avec  empressement  leur  proposition. 
Nous  prêterions  même  une  oreille  amicale  à  des  propositions 
moins  étendues. 

Le  4  mai  1891,  lord  Salisbury  disait  avec  raison  à  la  Chambre 
des  Lords  :  «  Les  obligations  internationales  sont  supérieures 
«  à  tous  les  droits  des  habitants  de  Terre-Neuve.  Nous  ne  leur 
«  avons  pas  imposé  le  traité,  ils  sont  allés  dans  un  pays  où  le 
«  traité  existait  déjà  et  faisait  loi.  » 

Le  traité  n'a,  il  est  vrai,  abandonné  à  l'Angleterre  l'île  de 
Terre-Neuve  qu'en  la  grevant  d'une  servitude  et  cette  loi  semble 
dure  aux  Terre-Neuviens.  Nous  avons  fait  preuve  à  plusieurs 
reprises  de  l'esprit  le  plus  conciliant  dans  cette  affaire.  Mais  de 
telles  servitudes  s'expliquent  par  de  nombreux  exemples  de 
droit  international.  Nous  n'avons  obtenu  Saint-Pierre  et  Mique- 
lon  en  1763  qu'en  nous  engageant  à  no  pas  fortifier  ces  îles  où 
certains  Français  croient  utile  d'établir  aujourd'hui  un  point 
d'appui  pour  notre  flotte.  Quoi  qu'imagine  l'auteur  de  Thr 
tenth  Islande  nous  avons  scrupuleusement  observé  cet  enga- 
gement. 

Kncore  une  fois,  c'est  la  Grande-Bretagne  qui  doit  parler  la 
première,  dire  quel  est  son  prix  et  le  faire  raisonnable.  Que  les 
Terre-Neuviens  désirent  posséder  les  côtes  de  leur  île  sans  res- 
triction ni  réserve,  on  le  conçoit,  mais  pour  qu'ils  réalisent  leur 
désir,  les  traités  exigent  que  la  Grande-Bretagne  nous  sollicite, 
car,  pour  nous,  il  n'y  a  pas.de  question  de  Terre-Neuve. 

Un  Diplomate. 


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r 


LE  MOl]\EDIEI\T  FÉMll^lSTË  M  ALLEMAGNE 


(1) 


I.    —    L'ÉVOLLTION    DE   LA  QUESTION    FÉMINISTE. 

La  question  féministe  a  pris  partout  naissance  de  la  même 
manière.    Tandis    qu'aux  époques    de    civilisation    primitive 
rhomme  et  la  femme  étaient  égaux,  les  progrès  du  développe- 
ment économique  accrurent  sans  cesse  la  distance  qui  sépara 
bientôt  les  deux  sexes.  Les  intérêts  défendus,  les  fins  poursui- 
vies, les  luttes  soutenues  par  Thomme,  doué  d'une  force  phy- 
sique supérieure  et  affranchi  des  sujétions  de  la  vie  physiologi- 
que, amenèrent  entre  lui  et  la  femme,  tenue  de  rester  à  son 
foyer  et  de  soigner  ses  enfants,  une  séparation,  au  point  de  vue 
des  droits  et  de  la  culture  intellectuelle.  La  femme  ne  put  en 
ressentir  dès  l'abord  toute  l'importance,  car  les  soins  domes- 
tiques absorbaient  entièrement  son  activité,  et  les  conditions 
générales  de  la  vie  sociale  l'empêchaient  de  rien  voir  au  delà 
des  étroites  limites  imposées  à  son  sexe.  C'est  seulement  lorsque 
les  artisans  et  les  fabricants  se  furent  chargés  des  divers  travaux 
jusque-là  réservés  à  la  femme,  que  celle-ci  jouit  dans  la  classe 
aisée  de  plus  grands  loisirs  et  commença  à  s'apercevoir  du  vide 
de  son  esprit.  En  même  temps,  dans  les  classes  pauvres,  la 
femme  se  vit  chassée  de  l'enceinte  étroite  qui  l'avait  jusque-là 
protégée,  et  les  travaux  domestiques  furent  remplacés  par  un 
travail  salarié  accompli  hors  de  la  maison.  Comme  elle  avait 
élé  mise  dans  un  état  d'infériorité  vis-à-vis  de  l'homme,  au  point 
de  vue  économique  et  devant  la  loi,  il  lui  devint  fort  difficile,  et 
souvent  même  impossible,  de  faire  concurrence  à  celui-ci.  Les 
mêmes  causes  premières  ont  donc  amené  la  lutte  engagée  par 

(1^  Voir  les  éludes  précédemment  publiées  par  la  Revue  Volitique  et  Parlemen- 
taire, sur  le  même  sujet  : 

Le  Mouvement  Féministe  :  en  Angleterre,  par  Mme  G.  Fawcett  (août  1896)  ;  en 
France,  par  Mme  Marya  Cheliga  (août  1897j  ;  en  Italie,  par  Mme  Emilia  Mariani 
septembre  1697)  ;  en  Australie,  par  Mme  Wols^enholme  (mars  1898)  ;  aux  Etats- 
l'niji,  par  Mme  Hanson  Roblnson  (août  1898). 


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22  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

la  femme  pour  devenir  l'égale  de  l'homme,  soit,  d'une  part,  en 
recevai^t  la  même  cuRure,  soi^V  d'autre- papt^  en  oèiieiiani  les 
mi>mes  droits  sur  le  terrain  économiq^ue  el  jurMique. 

En  Allemagne,  les  témoignages  de  ces  luttes  ne  datent  que 
d'une  époque  relativement  récente.  Les  femmes  des  classes 
supérieures  reçurent,  surtout  au  commencement  du  moyen  âge, 
une  culture  plus  développée  proportionnellement  que  celle  dos 
hommes;  non  point  qu'on  voulût  par  là  les  distinguer,  mais 
parce  qu'on  estiimait  la  force  physitjue  bîxm  au-dessus  de  la 
valeur  intellectuelle,  et  que  l'on  voyait  dans  l'instruction  une 
source  de  faiblesse  pour  l'homme.  Les  dames  nobles  recevaient 
leur  instruction  des  ecclésiastiques  et  des  troubadours.  Ainsi 
s'explique  que  plusieurs  d'entre  elles  aient  été  en  état  de  lire 
des  langues  étrangères,  tandis  que  leurs  maris  connaissaient  à 
peine  celle  de  leur  pays.  Par  suite  des  guerres  et  des  éprd'émies 
incessantes  qui  enlevaient  les  hommes  par  milliers,  les  ctoîtres 
devinrent  de  plus  en  plus  le  refuge  des  nombreuses  femmes  qui 
se  trouvaient  seules  et  sans  appui  ;  elles  y  arrivèrent  souvent  à 
un  degré  de  culture  élevé,  et  plu«  d'une  snge  religieuse  devint 
la  conseillère  de  papes  et  de  rois.  Telle  fut  Hildegonde  de  Boc- 
kefheim,  abbesse  du  cloître  de  Rupprechtshausen,  qui,  à  côté 
de  légendes  des  saints,  écrivit  des  ouvrages  de  physique  et  de 
zoologie;  Ilrotswith  de  Gaudersheim,  qui,  à  l'époque  des  Othons, 
écrivit  des  poésies  latines,  acquit  une  réputatioTt  considérable, 
et  dont  les  comédies  religieuses  firent,  pendant  longtemps,  le 
ravissement  de  TAilemagne.  Un  nombre  considérable  de  nonnes 
s'occupait  à  copier  les  œuvres  classiques,  à  peindre  des^  initiales 
et  des  miniatures,  à  répandre  l'instruction  et  k  soigner  les  ma- 
lades. Ainsi  les  cloîtres  ont  en  partie  résolu  la  question  féministe 
telle  qu'elle  se  posait  au  moyen  âge,  en  offrant  aux  femmes 
seules  non  seulement  le  foyer  et  la  famille  qui  leur  manquait, 
mais  aussi  en  donnant  leur  accès  à  une  culture  intellectuelle 
plus  développée,  et  à  des  situations  indépendantes.  Mais  ils  ne 
furent  que  pendant  une  période  restreinte  un  véritable  bienfait 
pour  les  femmes,  car  dès  les  xi*»  et  xii*  siècles  commence  leirr 
décadence  morale.  Autrefois  asiles  de  l'érudition  et  du  travail,  les 
cloîtres  ne  servirent  bientôt  plus  qu'à  abriter  1a  paresse  et  l'in- 
différence intellectuelle.  Ces  refuges  fayorables  aux  pieuses 
médiitaLk>ns  et  à.  une  vie  de  puFeté  devinrent  te  théâtre  d'excès 
et  de  désordres  grossiers. 


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LE  MOUVBHE.TT   FÉMUSIffEB   JEU    AOlBMJkGI^B  23 

Là  Réforme  fit  place  nette,  mais,  dans  leur  zèle  aveugle,  les 
réforma tatMT»  oublièrent  de  séparer  Ti vraie  du  bon  grain,  et 
firent  par  là  d'autant  plus  de  mal  à  la  femme,  que  les  orages  de 
la  guerre  de  Trente  ans  et  la  décadenee  économique  générale  qui 
en  résulta,  la  poussèrent  plus-qne  jamais-  vers  la  prostitution. 
La  Réforme  a  exercé  de  môme  une  action  défavorable  sur  la 
culture  féminine.  Luther  déclara  à  plusieurs  reprises  que  la 
femme  n'avait  à  se  préoccupep  que  du  ménage  et  du  soin  de  ses 
enfants,  et  qu'elle  avait  été  créée  exclasivement  pour  l'homme, 
conception  qui  s'estd'ailleur&maintenue dans  Téglise  protestant** 
orthôdoxM?  jusqu'à  une  époque  récente.  On  en  trouve  l'expression 
la  plus  frappante  dan»  les  cinquante  et  une  thèses  par  lesijuelles 
les-réfbmwdeurs  de  Wittemberg  voulaient  prouver  que  la  femme 
n'est  pas  un  être  humain. 

En  même  temps  que  la  triste  situation  économique  du  peuple 
allemand»  et  Tincertitude  de  Te^istenoe,  le»  tendROces-  hostiles 
des  réformateurs  causèrent  cette  profonde  apatliie  dans  laquelle 
demeura  la  femme  en  i%Uemagne,  tandis  qu'à  la*  même  époque 
elle  preaait  en  Italie,  en*  Espagne,  en  France  et  en  Angleterre, 
une  part  active  à  la  vie  politique  et  intellectuelle. 

Les  femmes  restèrent  tout  d'abord  étrangères  à  la  renaissance 
de  Tanliquité  classique,  qïoi  exerça  une  si  profonde  influence 
sur  le  développement  intellectuel  de  TAllemagne. 

Ce  n'est  que  fort  lentement  que  l'esprit  nouveau  s'échappa 
des  cabinet»  de  travail  de»  savants  et  des  salles  d'Université 
pour  pénétrer  aussi  jusqu'à  eltes-. 

11  est  un  fait  qui  caractérise  bien  la  situation  de  1»  femme  en 
Allemagne  :  la  question  féministe,  telle  que  la  renaissance  itar 
lienne  l'avait  posée  en  donnant  aux  femmes  l'accès  de  la  culture 
classique^  ne  fut  discutée  en  théorie  que  par  des  hommes.  Tan- 
dis qu'en  France*  Christine"  de  Pisan,  en  Italie  Lucretia  Mari- 
nelli,  en  Angleterre,  bien  que  plus  tard,  Mary  Astell  se  sont 
faites  les  champions  du  droit  de  la  femme  à  une  certaine  ins- 
truction!, c'est  un  homme  qui,  en  Allemagne,  fat  le  premier  à 
lutter  en  faveur  de  la  «piestion  fi^ministe. 

Ce  fut  Cornélius  Agrippa  de  Nettesbeim,  le  singulier  philo- 
sophe chrétien  et  platonicien,  qui  publia  en»  1505  un  écrit  trai- 
tant d«  la  sirpériori  té  de  la  femme  sur  Thomme.  lly  fait  une 
violenie  satire  de  Féducation  des  jeunes  filles,  qui  les  habitue  à 
la  paresse,  et  déclare  que  si  les  femmes,  créées  les  égales  de 


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24  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

rhomme  par  la  nature,  ne  peuvent  développer  leurs  facultés  et 
montrer  leur  intelligence,  la  faute  en  est  à  elles  seules. 

Cet  écrit  provoqua  un  grand  nombre  de  pamphlets  et  de 
brochures  favorables  ou  hostiles  à  la  culture  supérieure  de  la 
femme.  La  controverse  engagée  autrefois  sur  la  question  de  sa- 
voir si  la  femme  est  un  être  humain  reprit  de  plus  belle. 

Des  savants  comme  Simon  Gedicke,  Andréas  Schoppius  et 
Balthazar  Wandel  défendirent  énergiquement  la  cause  fémi- 
niste, ce  qui  n'cmpôcha  pas  l'instruction  de  la  femme  de  demeu- 
rer, après  comme  avant,  limitée  aux  connaissances  les  plus  élé- 
mentaires, parce  que  les  femmes  elles-mêmes  restaient  indiflFé- 
rentes  à  cette  question.  Charitas  Pirkheimer.  qui  réunissait  au- 
tour d'elle,  à  Nurnbourg,  dans  la  maison  de  son  frère,  toutes 
les  sommités  de  Vart  et  de  la  science  en  Allemagne,  constituait 
alors  une  exception  des  plus  rares. 

C'est  au  xvn*^  siècle  seulement  que  la  situation  se  modifia. 
Mais,  précisément  à  cette  époque  où  la  science  de  Thomme  avait 
un  caractère  de  lassitude,  de  stérilité  et  de  décadence,  le  besoin 
enfin  ressenti  par  la  femme  d'une  instruction  plus  complète  ne 
pouvait  recevoir  entière  satisfaction.  Des  princesses,  des  filles 
de  savants  apprirent  les  langues  classiques,  des  enfants  pro- 
diges, comme  Anna-Marie  Kramer,  qui,  à  douze  ans,  triomphait, 
dans  la  discussion,  de  vieux  professeurs,  ne  furent  plus  une 
rareté;  quelques  femmes,  comme  l'astronome  Marie  Kunitz  et 
la  philosophe  Catherine  Erœleben,  atteignirent  à  une  telle  éru- 
dition que  des  flots  d'encre  furent  versés  pour  célébrer  leurs 
louanges.  Mais,  parmi  ces  femmes,  on  n'en  trouve  aucune  vrai- 
ment supérieure.  Leur  science  n'était  pas  fondue  assez  intime- 
ment avec  leur  être  tout  entier  pour  qu'il  en  pût  sortir  une  per- 
sonnalité vraiment  mûrie  et  qui  se  suffit  à  elle-même.  D'ailleurs, 
ne  s'attachant  qu'à  la  surface  des  choses,  elles  n'y  trouvaient 
point  elles-mêmes  une  entière  satisfaction.  On  en  a  un  exemple 
presque  topique  dans  l'histoire  d'Elisabeth  du  Palatinat,  la  fille 
de  l'infortuné  Frédéric  V.  C'était  une  femme  fort  instruite, 
élève  de  Descartes,  avec  qui  elle  correspondait;  cependant  elle 
finit  par  jeter  de  côté  toute  sa  science,  qui  n'apaisait  point  la 
soif  de  son  âme,  pour  entrer  dans  la  secte  mystique  des  Laba- 
distes,  dans  le  sein  de  laquelle  Anna-Marie  de  Schurmann,  la 
Hollandaise  autrefois  tant  admirée,  alla  également  chercher  un 
refuge. 


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LE  MOUVEMENT    FÉMIiNISTE   EN    ALLEMAGNE  25 

Pour  les  femmes  instruites  de  cette  époque,  l'écueil  auquel 
elles  se  brisèrent  fut  leur  impuissance  à  mettre  leurs  études 
scientifiques  en  harmonie  avec  les  besoins  de  leur  Jiature  fémi- 
nine. Le  fait  singulier  que  des  femmes  remarquables  de  la  Re- 
naissance italienne,  comme  Victoria  Colonna,  pour  ne  citer  que 
celle-là,  se  soient  fait  à  elles-mêmes  un  vœu  de  chasteté  s'ex- 
plique par  ce  que  nous  venons  de  dire.  De  là  aussi  provient  que 
toute  l'ambition  et  la  gloire  des  femmes  instruites  consistaient 
à  donner  à  leurs  ouvrages  un  caractère  de  virilité. 

Aussi  reconnut-on  de  plus  en  plus  la  nécessité  d^élever  le  ni- 
veau de  Tinstruction  de  la  femme  en  général,  et  non  pas  de  don- 
ner à  quelques  femmes  exceptionnelles  une  culture  intensive. 
De  toutes  parts  on  émit  des  projets  comportant  la  fondation 
d'universités  pour  les  femmes.  La  ^i  Hevue  morale  hebdoma- 
daire allemande  »,  au  xvui®  siècle,  discute  la  question  sous 
toutes  ses  faces.  Peu  s'en  fallut  qu'à  Hambourg  on  ne  créât  une 
Académie.  Bien  que  Gottsched,qui,  pendant  longtemps,  joua  le 
rôle  de  dictateur  littéraire,  s'en  fût  déclaré  partisan  et  célébrât 
dans  ses  poésies  les  femmes  instruites,  ce  projet  ne  réussit  pas. 
Les  femmes  ne  purent  donc  obtenir  une  éducation  générale  fé- 
conde, et  le  seul  résultat  auquel  arriva  le  xviii®  siècle  fut  de  pro- 
duire un  plus  grand  nombre  de  bas-bleus  à  l'esprit  étroit.  Les 
quelques  exceptions  que  Ton  peut  citer  sont  :  Dorothée  von 
Schlôzer,  qui  composa  une  histoire  des  monnaies  russes,  et  Ca- 
roline Herschel,  qui  découvrit  six  comètes  et  servit  de  digne 
collaboratrice  au  grand  savant  que  fut  son  frère. 

Malgré  le  jugement  défavorable  que  Ton  doit  porter  en  géné- 
ral sur  les  femmes  cultivées  du  xvi®  et  du  xvui*'  siècle,  il  ne 
faut  cependant  pas  oublier  les  services  qu'elles  rendirent  au 
mouvement  féministe  :  en  sortant  énergiquement  et  par  leur 
propre  initiative  du  cadre  ordinaire  de  l'existence  féminine, 
elles  posèrent,  les  premières,  la  question  de  la  culture  supérieure 
de  la  femme,  et  c'est  grâce  à  elles  que  la  première  tâche  qui 
incomba  au  mouvement  féministe  dans  la  bourgeoisie  alle- 
mande fut  de  chercher  à  résoudre  cette  question. 

Si  le  mouvement  féministe  a  pris  naissance,  il  n'en  faut  ce- 
pendant point  attribuer  le  mérite  aux  quelques  femmes  qui, 
grâce  à  leurs  dons  personnels  franchirent  les  limites  assignées 
à  leur  sexe  :  il  provient  bien  plutôt  de  la  situation  économique. 


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26  L»  MOUVEMENT    FÉMINISTE  EN    ALLEM'A<Î^:E 

La' preuve  en  est  fournie  par  Thistoire  des^  femmes  des  classes 
ouvrières. 

Au  commencement  du  moyen  âge,  les  femmes  serves  étaient 
les  bêtes  de  somme  de  la  société.  Non  seulement  dans  les  châ- 
teaux, les  cours-  et  les  cloîtres^,  elles  avaient  seules  la  lourde 
charge  de  faire  le  service  de  la  maison  de  leurs  maîtres  laïques 
ou  ecclésiastiques,  mais  elles  s'occupaient  aussi  des  travaux  des 
champs  et  de  l'élevage  du  bétail.  Elles  se  réunissaient  souvent 
par  plusieurs  centaines  dans  les  grands  ateliers  qui  apparte- 
naient à  leurs  maîtres,  pour  y  liler,  tisser,  coudre  et  broder. 
Le  maître  avait  sur  elles  des  dtoits  illimités,  et,  trop  souvent, 
l'appartement  des  femmes  où  logeaient  les  nombreuses  ser- 
vantes devint  un  harem  pour  les  chevaliers  et  les  princes.  Etre 
esclave  pour  faire  le  travail  et  procurer  le  plaisir,  tel  était  le 
sort  de  ce*  malheureuses. 

A  memire  que  les  artisans  s'emparèrent  de  la  confection  des 
articles  nécessaires  au  ménage,  le  nombre  des  ouvrières  travail- 
lant à  la  maison  se  réduisit  de  plu*  en*  plus.  Devenues  inutiles 
et  ne  trouvant  plus  de  travail,  elle* se  jetèrent  en  masse  dans  la 
prostitution,  ou  cherchèrent  à  avoir  accès  dans  les  métiers.  Tout 
d'abord,  les  corporation»  allemandes  refusèrent  absolument  de 
donner  entrée  aux  femmes.  Mais,  comme  les  maître*  arti^ns  se 
servaient  de  leurs  filles  et  de  Iteur*  servantes  pour  les  aider  dans 
leur  travail,  celles-ci  apprirent  te  métier,  et  un  nombre  d'entre 
elles  sans  cesse  croissant  se  rendit  indépendant  pour  pouvoir 
faire  concurrence  aux  corporations,  en  travaillant  à  meilleur 
marché.  Cette  situation  fâcheuse  prit  des  proportions  d'autant 
plu*  grandes  qne  le  nombre  de*  femme*  arriva  à  surpasser  de 
beaucoup  celui  des  homme*.  Or  les  cloître*  dan*  lesquels  se 
déversait  le  surplus  de  te  population  féminine^  avaient  été  ren- 
du* moins  nombreux  par  la  Réforme.  Au  xiv«  siècle,  on  comp- 
tait, par  exemple,  à  Fraccfort-sur-le-Mein,  1.000  hommes  pour 
1.100  femmes;  à  Nuremberg  1.000  hommes  faits  contre 
1.200  femmes.  En  présence  de  cette  situation,  les  artisans  se 
décidèrent  à  contraindre  les  femmes,  elles  aus*i,  à  entrer  dans 
des  corporations,  sans  cependant  leur  reconnaître  entièrement 
les  même*  df oits  qu'aux  hommes.  Il  étaât  rare  qu'une  femme 
eût,  par  exemple,  en  qualité  de  maîtresse  indépendante,  le  droit 
absolu  de  faire  de*  apprenties.  La  plupart  de*  femmes  travail- 


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LK  M0I!VBMERT    VÉaN«»TK   EI«^  A£EBMAGNK  27 

laient  dans  ie^^  iodustrie»  textile»  «u  le»  corporations  de  tis&iî- 
rand^v  En  Silésîe^  de»  le  xiv®  siècle,  le  nombre  des  tireuses  de  fil 
surpassait  celui  des  tireurs;  à  Brème,  Dortmund,  Dantzig,  Spire 
rim  el  Munidiv  le*  tisseuses  de  laine,  de  voiles  et  do  toile 
ayaiest  teut  pouvoir.  A  Cologne*  se  fondèrent  des  corporations 
exelusivementoooi^posées  de  feinoi6s>  qrat  formaient  des  appren- 
ties et  de»  Gompagiie»>  mai»  n'admettaient  pas  d'hommes.  Ce- 
pendant les  ouvrières  se  présentaient ea  nombre  depkis  en  plus 
grand.  I^^es  jeune»  filles  aJbandoBnèpeftt  les  campagnes  dévas- 
tées par  des  guerre»  cenèinoelle»  pour  se  réfugier  à  la  ville,  et 
la  défense  formelle  de  se  marier,  powr  les  compagnons  dans  les 
corporation»^  contribua  à  augmenter  le  nomAce  des  femmes  ré- 
duites, pour  vivre,  à  leuT»  propres  gaïkaa.  Par  suite  les  salaires 
des  compagnon»  de  métiers  baissaient,  et,  dans  ïe»  associations 
qu'ils  forskèreni,  certains  s'élevèrent  très  violemment  confci'e  le 
travail  corporatif  des  femmes.  Pour  l'ouvrier  salarié,  l'ouvrière 
salariée  était  l'ennemi  dont  il  fallait  triompher  pour  avancer.  On 
eut  recours,  pour  soutenir  la  latte,,  à  1»  garève  et  au  boycottage. 
C'est  ainsi  que  les  compagnons  de  la  corporation  des  ceinturon- 
nier»  de  Strasbourg  ânspeniliraïub  le  travail  pendant  deux  ans 
jusqu'à  ee  qu'ils  eussent  obtenu  l'oxA^lusiom  des  compagnons 
feflime».  Les  aiguiUetiers  de  Strasbourg  menacèrent  ceux  deNii- 
rembei^  de  djéclarer  ignorants  %i  déshoniiéte»  Ikhis  les  aiguille- 
tiers  qui  auraient  été  formé»  chez  eirx,  s'il»  contin^uaient  à 
admettre  de»  feœimes  comme  appceniiies.  Beaucoup  de  prescrip- 
tions de  société»  de  compagnon»  déclarèrent  infâmes  ceux  qui 
travaillaient  acifwrè»  d:'une  £emme.  A  la  suite  de  cette  lutte,  les 
femmes  ftirenit  e?ielaes  de»  corporations  ;  mais  la  joie  que  les 
ouvriers  ressentirent  de  leur  triomphe  ne  devait  pas  durer  long- 
temps, car  ce  n'était  pa»  pour  le  plaisir  de  leur  faire  concur- 
rence, mais  pour  obéûr  à  une  cruelle  nécessité  que  les  femmes 
se  livraient  à  de»  tiravatt»  salariés.  Elles  n'eurent  désormais 
plus  le  droit  de  travailler,,  comme  faisant  partie  de  la  corpora- 
tioDr  dans  l'atelier  du  maître,  mais  elles  travaillèrent  chez 
elles  pour  exécuter  le»  comma^ides  des  petits  commerçants  oii^ 
ipème  des  maJtresv 

Comme  ee gente  de  traivail  n.était  soumis  à  aucune  régle- 
mentatioik  QCiP]|ô#ative  et  constituait,  pour  les  commerçants  qui 
iaisaiejiidJB»- commande»  aux  femmes,  une  excellente  affaire,. 


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28  LE    MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

il  se  répandit  rapidement  jusque  dans  la  chaumière  la  plus  re- 
culée, et  la  majorité  des  femmes  fut  bientôt  occupée  à  ce  service 
de  manœuvre. 

Cette  nouvelle  sorte  de  travail  salarié  fit  tomber  une  partie 
de  la  population  de  plus  en  plus  sous  la  dépendance  constante 
des  capitalistes,  et  ces  malheureuses  tombèrent  dans  un  prolé- 
tariat qui  ne  leur  permettait  ni  d'amasser  quelque  avoir,  ni 
d'espérer  quelque  amélioration. 

Mais  pendant  ce  temps  s'était  préparée  une  autre  révolution 
économique  qui  devait  transformer  les  conditions  du  travail  en 
général,  et  du  travail  des  femmes  en  particulier  :  Tintroduction 
des  machines.  Elles  hâtèrent  la  dissolution  des  corporations 
d'artisans,  elles  enlevèrent  de  plus  en  plus  les  femmes  au  foyer 
domestique,  et  amenèrent  le  développement  de  la  grande  in- 
dustrie moderne,  qui  exigea  les  services  et  de  l'homme  et  de 
la  femme. 

U.  —  Le  mouvement  féministe  dans  la  bourgeoisie. 

Au  seuil  du  xix*^  siècle,  nous  trouvons  donc  d'une  part  la 
femme  du  prolétariat  dont  le  travail  est  l'objet  d'une  exploita- 
tion sans  scrupule,  et,  à  côté  d'elle,  la  femme  de  la  bourgeoisie, 
qui  n'a  pas  d'occupation,  et  dont  les  facultés  restent  incultes 
malgré  son  ardent  désir  de  les  mettre  en  œuvre. 

Dans  tous  les  pays  civilisés,  la  question  féminine,  avec  ses 
divers  aspects,  est  sortie  des  mômes  conditions.  La  preuve  en 
est  que  la  question  fut  formulée  pour  la  première  fois  d'une 
manière  théorique  à  la  même  époque  en  France,  en  Angleterre 
et  en  Allemagne  sans  qu'aucune  influence  ait  pu  être  exercée 
par  l'un  de  ses  pays  sur  les  autres.  Condorcet  publia  en  1787 
et  1789  ses  lettres  d'un  bourgeois  de  Newhaven  à  un  citoyen 
de  Virginie  et  son  travail  sur  «  Tadmission  des  femmes  au 
droit  de  cité  ».  L'ouvrage  sensationnel  de  Mary  Wollstone- 
craft  parut  en  1792,  et  l'œuvre  géniale  de  Théodore  Gottlieb 
von  Hippel  sur  «  l'amélioration  de  la  condition  civile  de  la 
femme  »  parut  à  Berlin  la  môme  année.  Le  défenseur  des  droits 
de  la  femme  en  Allemagne  était  le  plus  radical  des  trois.  U 
avait  attendu  de  la  Révolution  française  l'afl^ranchissement  de 
la  femme,  et  il  exprima  en  termes  très  vifs  sa  désillusion  de 


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LE  MOUVEMENT   FÉMINISTE    EN    ALLEMAGNE  29 

voir  qu'elle  avait  refusé  à  la  femme  les  mêmes  droits  qu'à 
rhomme  :  si  Tesclavage subsiste  dans  un  état  libre,  déclarait-il, 
ne  fût-ce  que  sur  un  seul  point,  la  liberté  et  Tégalité  ne  sont* 
plus  que  des  mots,  et  le  peuple  tout  entier  retombe  bien  vite 
dans  son  esclavage.  11  réfutait  toutes  les  objections  soulevées 
contre  l'émancipation  de  la  femme  avec  une  vigueur  et  un  don 
de  répartie  singuliers.  Une  institution  condamnable  doit-elle 
subsister,  disait-il,  môme  si  elle  existe  déjà  depuis  des  milliers 
d'années,  parce  que  sa  transformation  entraînerait  des  difficul- 
tées  et  parce  qu'on  suppose  qu'il  pourrait  en  résulter  de  graves 
conséquences  ?  On  doit  enfin  se  décider  à  reconnaître  la  femme 
comme  faisant  partie  de  la  nation.  11  est  vrai  qu*une  tout  autre 
éducation  serait  nécessaire  pour  rendre  les  femmes  aptes  à  leur 
nouveau  rôle;  car,  maintenant,  n'étant  dressées  qu'à  servir  do 
jouets  aux  hommes,  elles  ne  peuvent  que  mal  remplir  leurs  de- 
voirs :  que  l'on  forme  pour  l'Etat  des  citoyens,  sans  distinction 
de  sexe.  Hippel  demandait  que  l'on  donnât  aux  garçons  et  aux 
filles  une  éducation  commune  et  que  toutes  les  professions  fus- 
sent accessibles  aux  femmes.  Les  hommes  ne  conserveront  plus 
que  «  le  monopole  de  l'épée  »,  dans  le  cas  où  «  l'Etat  ne  saurait 
ou  ne  voudrait  pas  se  passer  de  bouchers  de  chair  humaine.  » 
Pour  rendre  plus  facile  l'éducation  physique,  il  conseillait  d'ha- 
biller garçons  et  filles  de  la  même  façon  jusqu'à  l'âge  de  douze 
ans,  car  pour  faire  disparaître  chez  la  femme  cette  timidité  qui 
résulte  aussi  bien  du  sentiment  de  sa  faiblesse  physique  que  de 
son  peu  d'intelligence,  il  ne  faut  négliger,  dans  l'éducation 
qu'elle  recevra,  aucun  côté  de  sa  nature.  11  est  absurde,  suivant 
lui,  d'objecter  que  les  femmes  passent  trop  de  temps  à  leur  toi- 
lette ;nesont-ce  pas  précisément  les  hommes,  dit-il,  qui  mettent 
(  j  Joute  l'existence  de  leur  âme  et  les  réduisent  aux  avantages 
corporels  ?  Maintenant  elle  n'ont  plus  d'autre  voie  à  suivre  que 
de  capter  les  hommes  par  leurs  charmes;  elles  feront  des 
merveilles  dès  qu'on  leur  ouvrira  d'autres  voies.  11  conteste 
également  que  la  femme  soit  faible  de  nature,  car  l'enfantement, 
que  l'on  cite  d'habitude  comme  preuve  principale  de  sa  faiblesse, 
constitue  au  contraire  un  témoignage  de  la  nature  en  faveur 
de  sa  force.  Il  attend  de  grands  résultats  de  la  participation  de 
la  femme  à  l'administration  de  l'Etat:  «  Assurément  nous  au- 
rions alors  moins  de  ces  tyrans  qui,  de  la  terre  ferme,  regardent 


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30  LE  MOUVEMENT   SÉMUMfiTE    EK    AA.LBMAGKE 

avec  plakir  les  efforts  idéseapérés  des  Baufragés,  ou  jettent  des 
brins  de  paille  à  ceux  qui  LHtient  avec  les  flots.  Nous  aurions 
-moins  de  ces  sangsues  qui  pr^odig^eiLt  «ans  hvtt  et  sans  mesure 
la  sueur  et  Je  san»  de  leurs  sujets-  » 

Ainsi  donc  Hippel  demaâdâii;  Taffrarnchissement  de  la  femme 
au  nom  du  bien  de  rËtat>ot  du  .progrès  de  TJiumanité. 

C'est  à  peine  si  Ton  fi  t  attention  à  cet  écrit.  L'Allemagne  était 
m  peu  mure  pour  oette  idée  de  Témancipation  de  la  femme, 
qu'il  ne  s'engagea  «pas  même  la  moÎAdre  controverse  au  mijet 
des  idées  exprimées  .par  Hiippel.  Seulement  le  «  Catéchisme  des 
femmes»,  que  publia  en  1798  le  tcélèbre  théologien  Sohileier- 
macher,  répondait  aux  idées  de  Hippel  sur  les  droits  et  les  de- 
voirs de  la  femme.  Le  10*  commandement  était  ainsi  conçu: 
«  Tu  dois  désirer  la  culture,  l'art,  la  sagesse  et  les  honneurs  qui 
sont  dévolus  à  l'homme.  »  Quand  le*;  femmes  prenaient  cons- 
cience du  vide  de  Jour  existence  et  en  gémissaient,  on  leur  di- 
sait de  se   tourner  vers  le  domaine  du  sentiment. 

L'influence  de  Kousseau,  qui  s'-est  fait  sentir  -en  Allemagne 
pendant  la  période  de  «.St«iaB4Uïd  Drang  »,  a  également  exercé 
ici  son  action.  Sans  provoquer  un  oMkttvement  féministe,  cette 
influejice  contribua  pour  uAe  grande  part  àra£&«nchissement 
de  la  femme.  Des  convefLfcionB  vides  de  sens,  des  HMeursd'cm 
autre  âge,  des  préjugés  sociaux  ^vaieBt  comprimé  ses  senti- 
ments naturels.  Maintenant  elle. corajuença  à  revivre,  car  l'éclat 
rayonnant  que  lançaient  ^Goethe  et  Schiller,  Jean-Paul  et  Lava- 
ter,  Ficlite  et  Schleiermacher  pénétra  jusq»e  dans  son  cachot. 

Désormais  les  femmes  consacrèrent  leur  existence  à  l'amour 
et  à  Tamitié  Elles  luttèrent  vaillamment  contre  l'esclavage  que 
constituent  les  mariages  sans  amour,  et  défendirent  les  droits 
de  la  passion,  cx>mme  parexemple  Caroline  Schlegel  et  Dorothéa 
Veit  ;  elles  s'acquirent  la  gloire  si  rare  d'ôtre  des  amies  pleines 
d'abnégation  comme  Charlotte  von  Stein,  Henriette  llerz  et 
Rahel  Vamhagen. 

L'amour  de  la  patrie  et  de  la  liberté  en  fit,  à  l'époque  ou  l'Al- 
lemagne se  leva  contre  Napoléon,  des  défenseurs  de  la  liberté 
par  la  parole  et  par  l'action,  comme  Bettina  von  Arnim,  Eléo- 
nore  Prohaska,  Dorothée  Sawosch  et  Caroline  Petersen.  Si  les 
femmes  n'avaient  pas  pris  part  à  ce  mouvement,  jamais  n'aurait 
pu  naître  un  enthousiasme  tel  que  celui  qui  a  régné  pendant 


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L£   MQDVëMEMT   FÉUiK»T£   EN   ALLEUAGhE  31 

Tcpoquc  des  guerres  d'indépendance.  Mais  rémancipationde  la 
femme,  au  point  de  Yoie  du  sentioient,  n'était  pas  dirigée  par 
un  développement  parallèle  et  plus  profond  des  facultés  intel- 
lectuelles. Aussi  lés  droits  de  la  passion  n'excusèrent  trop  sou- 
vent que  de  capricieuees  Quctuations  entre  plusieurs  passions 
nées  d'une  imagination  exaltée,  et  la  lutte  contre  le  mariage  de 
convention  se  transforma  en  une  campagne  contre  le  mariage 
proprement^L  C'est  pourquoi  aussi  l'enthousiasme  patriotique 
dos  femmes  s'épuisa  au  moment  critique  en  sacrifices  immenses, 
mais  ne  sut  j^as  se  transformer  en  un  intérêt  plus  calme  H  en 
une  activité  pratique  lorsque  la  paix  comonença  à  régner.  La 
plupart  des  femmes,  même  les  plus  avancées,  n'avaient  aucune- 
ment l'idée  d'une  question  féministe.  Seule  Rahel  Varnhagen 
■déplore  parfois  dans  ses  lettres  là  situation  qui  est  faite  à  son 
sexe  «  si  parfaitement  impuissant,  n'ayant  le  droit  que  de  rester 
assis  à  son  foytr,  et  s'attirant  Thostilité  générale  dès  qu'il 
essaye  de  franchir  les  limites  qui  lui  furent  tracées  ». 

Bien  que  la  femme  n'ait  retiré  de  toute  cette  période  aucun 
avantage  positif,  ce  fut  cependant  là  une  étape  nécessaire  à 
l'extension  du  mouvement  féministe.  Lorsqu'après  le  congrès 
de  Vienne  la  réaction  dépouilla  le  peuple  allemand  de  tout  ce 
qu'il  avait  conquis  avec  son  sang,  au  prix  de  luttes  et  de  sacri- 
ficet^,  larbre  de  la  liberté,  si  frêle  encore,  et  le  premier  que  la 
femme  eût  planté,  fut  abattu  du  même  coup.  Mais  ses  racines  en- 
core vivaces  lancèrent  de  nouveaux  rejetons  dès  qu'un  printemps 
nouveau  s'annonça.  Au  cours  des  mouvements  révolutionnaires 
de  1830  et  des  années  suivantes,  les  feounes  prirent  de  nouveau 
un  vif  intérêt  à  la  vie  publique.  Depuis  la  période  précédente 
elles  s'étaient  mûries  ;  Tintérôt  d'ordre  purement  sentimental 
s'était  transformé  chez  elles  en  réflexion  pratique,  car  le  déve- 
loppement économique  qui,  précisément,  tendait  à  appauvrir  de 
plus  en  plus,  à  cette  époque,  la  classe  moyenne,  força  un 
nombre  sans  cesse  croissant  de  femmes  et  de  jeunes  iilles  de 
cette  classe  à  se  livrera  un  travail  salarié.  En  se  mettant  en 
quête  d'un  travail  de  ce  genre,  elles  se  rendirent  pleinement 
compte,  pour  la  première  fois,  de  la  triste  situation  faite  à  la 
femme.  Elles  ne  voulaient  pas  tomber  dans  le  prolétariat,  mais 
presque  toutes  les  carrières  lucratives  leur  étaient  fermées,  et, 
même,  si  elles  leur  essent  été  ouvertes,  les  lacunes  de  leur  ins- 


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32  LE  MOUVEMENT    FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

truction  les  y  auraient  rendues  impropres.  Ces  raisons  d'ordre 
économique  provoquèrent  en  Allemagne  un  mouvement  fémi- 
niste qui,  pendant  longtemps,  n'eut  que  Tappui  de  la  classe 
moyenne,  et  dont  le  premier  défenseur  fut  Louise  Otto,  de  Leip- 
zig, en  1844.  Elle  publia  dans  une  revue  dirigée  par  Robert 
Blum,  qui  lutta  pour  la  révolution  de  1848  et  qui  fut  tué  à 
Vienne,  une  série  d'articles  dans  lesquels  elle  défendait  non 
seulement  cette  idée  de  l'indépendance  delà  femme,  mais  dé- 
clarait que  c'était  le  droit  et  même  le  devoir  de  la  femme  de  se 
préoccuper  des  intérêts  de  l'État.  Lorsque  la  Révolution  de 
1848  permit  à  tous  les  opprimés  de  respirer  librement,  et  gagna 
à  la  défense  de  sa  cause  un  grand  nombre  de  femmes,  le  mou- 
vement féministe  prit  lui  aussi  un  essor  considérable.  Il  se 
fonda  même  alors  des  associations  féministes  démocratiques  qui 
réclamaient  des  droits  égaux  pour  les  deux  sexes. 

Avec  cette  devise  :  «  Je  gagne  des  citoyennes  pour  le  royaums 
de  liberté  »,  Louise  Otto  publia  un  journal  féministe  dans  lequel 
elle  combattait  vaillamment  pour  la  cause  de  la  femme  et  insis- 
tait à  plusieurs  reprises  sur  la  nécessité,  pour  les  ouvrières,  de 
se  donner  une  organisation.  Dans  son  enthousiasme  à  défendre 
les  intérêts  de  la  Femme,  elle  s'adressa  au  comité  d'ouvriers  qui 
siégeait  alors  à  Dresde  en  les  exhortant  à  ne  pas  oublier  leurs 
compagnes  de  travail  dans  les  plans  d'organisation  qu'ils  établi- 
raient. Ce  n'est  qu'en  servant  la  cause  de  l'humanité  et  du 
socialisme  qu'il  est  possible,  déclarait-elle,  de  résoudre  la  ques- 
tion féministe. 

Mais  la  réaction  des  années  qui  suivirent  1850  vint  s'opposer 
aux  rapides  progrés  du  mouvement  féministe,  et  le  réprima  si 
violemment,  qu'aujourd'hui  même  c'est  à  peine  s'il  est  remis 
de  cette  épreuve.  Le  journal  féministe  cessa  de  paraître,  la 
police  déclara  les  associations  dissoutes.  Une  université  qui 
avait  été  créée  à  Hambourg,  pour  les  femmes,  fut  une  des 
victimes  de  la  réaction,  et  même  les  sociétés  fondées  en  vue 
d'établir  des  Jardins  Frœbel  et  organisées  par  l'amie  deFrœbel, 
M*"*^  de  Marenholtz  Biilovv,  furent  dissoutes,  comme  organisa- 
tions dangereuses  pour  l'Etat!  De  tout  ce  mouvement,  il  ne 
subsista  plus  que  des  journaux  de  modes,  des  sociétés  de  bien- 
faisance, et  les  associations  de  garde-malades  prostestantes  ou 
diaconesses,  que  le  pasteur  Fliedener  avait  organisées. 


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LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE  38 

Pour  comprendre  comment  la  femme  allemande  pouvait  faire 
preuve  d'une  inertie  et  d'une  résignation  pareilles  à  un  moment 
où,  en  Angleterre,  les  femmes  commençaient  une  campagne 
pour  obtenir  le  droit  de  vote,  et  où  elles  demandaient  depuis 
longtemps-,  en  Amérique,  à  être  les  égales  de  Thomme,  il  faut 
songer  que  nulle  part  la  femme  n'était  opprimée  autant  qu'en 
Allemagne,  et  privée  de  tous  rapports  avec  le  dehors.  Les 
quelques  femmes  dune  intelligence  remarquable  qui  donnaient 
le  ton  dans  de  petits  cercles  littéraires,  et  que  les  critiques 
superficiels  considéraient  souvent  comme  le  type  de  la  femme 
allemande  de  la  bourgeoisie,  ne  prouvent  en  réalité  rien  pour  la 
majorité  des  femmes.  En  général,  la  femme  de  la  classe  moyenne 
se  distinguait  par  sa  timidité  et  sa  réserve  inquiète,  parce  que 
le  sentiment  de  son  ignorance  et  de  sa  faiblesse  l'empêchait  de 
franchir  résolument  les  limites  qui  lui  étaient  fixées.  La  prolé- 
taire était  résignée  à  sa  misère,  sans  une  plainte,  comme  font 
toutes  celles  qui  souiîrent  durement.  La  femme  de  l'aristocratie 
ne  s'intéressait  qu'aux  mondanités  et  aux  potins  de  la  cour. 
Toutes  se  courbaient  plus  ou  moins  devant  les  enseignements 
de  l'Eglise  évangélique,  qui  sont  franchement  hostileis  à  tout 
effort  en  vue  de  l'émancipation  de  la  femme.  Dans  de  semblables 
conditions,  vingt  ans  bien  comptés  purent  s'écouler  depuis  l'ini- 
tiative prise  par  Louise  Otto,  sans  qu'il  se  manifestât  aucun 
indiced'un  nouveau  mouvement  féministe.  D'autre  part,  l'œuvre 
accomplie  dans  les  sociétés  de  bienfaisance,  les  seules  qui  furent 
permises  aux  femmes  de  la  bourgeoisie,  amenait  une  confusion 
qui  se  produit  encore  de  nos  jours  entre  des  efforts  de  cette 
rature  et  un  véritable  mouvement  féministe.  En  fait  les  deux 
choses  sont  entièrement  distinctes.  Le  mouvement  féministe  a 
pour  but  d'obtenir  que  la  femme  devienne  l'égale  de  l'homme 
au  point  de  vue  économique,  juridique  et  moral.  Aussi  la  bien- 
faisance, les  soins  et  l'éducation  donnés  aux  enfants  sont-ils, 
malgré  leur  importance  intrinsèque,  situés  complètement  en 
dehors  de  son  domaine. 

Il  est  caractéristique,  pour  le  mouvement  féministe  en  Alle- 
magne, que  ce  soient  encore  des  hommes  qui  aient  tiré  la  femme 
du  sommeil  dans  lequel  elle  demeurait  plongée,  comme  jadis  la 
Belle  au  bois  dormant. 

A  Berlin  existait,  depuis  1844,  une  société  composée  d'hommes 

HE  VUE  POLIT.,  T.  XX  3 


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34  .  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE  EN    ALLEMAGNE 

qui  cherchaient  à  améliorer  le  sort  des  classes  ouvri^res.  A  la 
suite  du  recensemeut  de  1861,  en  Prusse,  lequel  accusait  l'exis- 
lencc  de  700.000  veuves  et  femmes  restées  filles,  cette  société 
vint  à  se  préoccuper  de  la  situation  de  ces  femmes  qui  en  étaient 
réduites,  en  grande  majorité,  à  vivre  de  leurs  salaires.  Le  pré- 
sident, Adolphe  Lette,  homme  d'une  grande  intelligence,  pré- 
senta à  la  société,  en  1805,  un  mémoire  écrit  à  la  suite  d'une 
enquête  minulieuse  dans  lequel  il  demandait  qu'on  donnât  aux 
femmes  une  éducation  qui  leur  ouvrît  certaines  carrières  aux- 
quelles elles  conviennent  particulièrement.  11  citait  entre  autres 
u  Timprimerie,  la  reliure,  l'horlogerie,  la  cordonnerie,  la  con- 
fection de  vêlements,  la  comptabilité,  Temploi  de  caissière,  la 
vente,  la  librairie,  les  préparations  chimiques  et  microscopiques, 
les  instruments  d'optique,  les  postes  et  télégraphes,  la  distribu- 
des  billets  de  chemin  de  fer,  la  peinture,  la  sculpture,  les 
-fortes,  la  sculpture  sur  bois,  le  dessin  de  modèles,  la  mé- 
le  et  les  opérations  chirurgicales,  principalement  pour  les 
dies  des  femmes  et  les  soins  à  donner  aux  malades  ».  La 
té  se  fonda  sur  ce  mémoire  pour  demander  rétablissement 
c  école  d'études  complémentaires  pour  les  jeunes  filles  et 
ation  de  sociétés  de  femmes  qui  auraient  pour  but  de  pro- 
r  à  la  femme  de  nouveaux  débouchés  lucratifs  pour  son 
ité.  L'année  suivante,  fut  fondée  la  première  association  de 
snre  sous  la  présidence  de  M.  Lette,  qui  restreignit  aussitôt 
c  manière  sensible  le  domaine  de  ses  opérations  en  ne  se 
osant  plus  comme  objectif  que  de  faire  donner  aux  femmes 
classe  moyenne  une  éducation  qui  leur  ouvrit  les  profes- 
i  auxquelles  elles  sont  propres.  «  L'activité  de  notre  société 
étend  pas,  déclara-t-il,  aux  ouvrières  qui  travaillent  dans 
Fabriques,   aux  domestiques,  aux  blanchisseuses,  et  aux 
'S  femmes  de  ce  genre  ».  A  cette  restriction,  qui  déjà  don- 
i  tout  eu  mouvement  un  caractère  exclusivement  bourgeois^ 
ajoutait  une  autre,  capitale,  dont  le  président  Lette  avait 
m  principe  immuable  de  la  société  par   les  paroles  sui- 
3s  :  «  Ce  que  nous  ne  voulons  pas,  et  ne  désirerons  ni  ne 
îrcherons  jamais  fût-ce  môme  dans  les  siècles  les  plus  loin- 
,  c'est  rémancipation  politique  de  la  femme  et  l'attribution 
•oits  égaux  à  ceux  de  l'homme.  » 
pendant  la  société  Lette  déploya  dans  le  domaine  qu'elle 


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LE   MOCYEMENT   FÉMUSiSTE   EN   AffhEUAG^iE  35 

embrassait,  et  dans  lequel  il  y  avait  beaucoup  à  faire,  unç 
activité  infatigable.  Elle  organisa  successivement  des  écoles  où 
Ton  enseignait  le  commerce,  l'industrie,  la  cuisine,  la  télégra- 
phie et  la  typographie.  Elle  fonda  une  école  de  modelage  et  de 
travaux  manuels  artistiques  et  enfin  une  école  de  photographie. 
Cet  exemple  fut  imité  dans  beaucoup  dft  provinces  prussiennes 
et  de  petits  états  de  TAllemagne.  Dans  le  cercle  de  ses  tentatives, 
rentre  également  la  fondation  d'écoles  d'arboriculture  fruitière 
et  de  jardinage,  qui  n'ont  été  établies  en  différents  endroits  de 
TAllemagne  que  ces  dernières  années,  sur  Tinitiative  de 
Mlle  Elvira  Kastner.  Afin  de  pouvoir  établir  une  certaine  unité 
d'action  entre  les  différentes  associations,  futcrééeen  18G9,  sous 
la  direction  de  l'association  Lette,  une  union  des  sociétés  pour 
l'instruction  et  l'industrie  des  femmes.  Cette  union  tint  des 
conférences  régulières  et  eut  pour  organe  «  l'Avocat  des  femmes  » 
revue  dirigée  par  Mlle  Jenny  Hirsch. 

Le  but  que  poursuivait  le  mouvement  féministe  avec  des  ten- 
dances que  ces  associations  lui  avaient  imprimées  était,  en 
substance,  de  rendre  les  femmes  aptes  aux  travaux  salariés  qui 
leur  étaient  alors  accessibles.  Mais  le  mouvement  féministe 
bourgeois  poursuit  en  plus  un  autre  but,  qui  est  d'ouvrir  aux 
femmes  de  nouveaux  genres  de  travaux  lucratifs.  Cette  tendance 
était  représentée  par  l'association  féministe  allemande  générale^ 
qui  doit  aussi  son  existence  à  l'initiative  d'un  homme. 
^  En  186i,  le  capitaine  A.  Korn  fondait  à  Leipzig  le  «  Jourtial 
féministe  général  )>,  dans  lequel  il  menait  une  campagne  éner- 
gique pour  la  cause  féministe.  Il  demanda  à  Louise  Otto,  l'an- 
cienne révolutionnaire,  de  collaborera  sa  revue,  et  la  décida  k 
fonder  une  association  pour  l'instruction  de  la  femme. 

Il  partait  de  principes  plus  radicaux  qu'Adolphe  Lette,  car 
tandis  que  celui-ci  remettait  la  direction  des  associations  fémi- 
nistes entre  les  mains  des  hommes  et  n'admettait  les  femmes 
que  comme  collaboratrices,  Korn  voulait  que  ces  sociétés  ne 
fussent  dirigées  que  par  des  femmes.  Louise  Otto  se  mit  à  la 
tête  de  cette  nouvelle  association,  de  nom  du  moins,  car,  avec  le 
temps,  et  sous  le  poids  de  la  réaction  et  de  l'engourdissement 
général  delà  vie  politique,  elle-même  avait  perdu  son  énergie 
et  sa  netteté  de  vue.  Aussi  choisit-elle,  pour  diriger  en  fait 
l'association,  Auguste   Schmidt,  jusque-là  professeur,  femme 


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36  LE   MOCVfiMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

énergique,  prudente,  mais  à  Tesprit  étroit,  et  douée  dun  grand 
talent  d'orateur.  Elle  renonça  à  son  idéal  passé  en  le  laissant 
appeler  sans  protester  «  Tidéal  confus  d'émancipation  des  années 
autour  de  l8i-0  »,  et  dans  l'écrit  qu'elle  publia  en  1865  sur  «  le 
droit  des  femmes  au  travail  rétribué  »,  elle  permit  à  l'auteur  de 
la  préface,  Joseph  Heinrichs  de  faire  la  déclaration  suivante  : 
«  la  seule  émancipation  que  nous  ambitionnons  pour  nos 
femmes  est  l'émancipation  au  point  de  vue  de  leur  travail  ». 

Elle  s'inclina  avec  calme  devant  les  paroles  prononcées  par 
Auguste  Schmidt  a  la  séance  d'ouverture  de  l'association  pour 
l  instruction  de  la  femme  :  «  Tout  ce  que  nous  demandons,  c'est 
que  Ton  ouvre  également  aux  femmes  la  carrière  du  travail  », 
et  elle  demeura  complètement  sous  l'influence  de  cette  femme 
qui  devint  le  chef  du  mouvement  bourgeois. 

Son  premier  acte,  et  c'était  une  hardiesse  pour  l'époque,  fut 
de  convoquer  une  conférence  de  femmes  qui,  en  octobre  1865, 
amena  à  Leipzig  des  femmes  venues  de  toutes  les  parties  de 
TAllemagne.  On  devait,  dans  cette  conférence,  délibérer  sur  les 
moyens  d'élargir  la  sphère  d'activité  des  femmes.  De  là  sortit 
<t  l'Association  générale  des  femmes  allemandes  »  qui  s'était 
fixé  pour  tâche  de  «  contribuer  à  élever  le  n;  veau  de  la  culture 
de  la  femme  et  d'écarter  de  son  travail  tous  les  obstacles  ». 
Aujourd'hui,  elle  embrasse  un  grand  nombre  d'associations 
répandues  par  toute  l'Allemagne.  Elle  avait  pour  organe  les 
«  Voies  nouvelles  »  revue  publiée  par  Louise  Otto  et  Auguste 
Schmidt,  et  qui,  au  contraire  de  «  l'Avocat  des  femmes  »  sub- 
siste encore  aujourd'hui,  nvais  est  devenue  un  organe  d'associa- 
tion sans  importance  et  sans  influence. 

L'activité  de  l'Association  générale  des  femmes  allemandes  et 
les  délibérations  de  ses  assemblées  générales  représentèrent 
pendant  longtemps  tout  le  mouvement  féministe  dans  la  bour- 
geoisie. Son  premier  acte  fut  d'adresser  au  Reichstag  de  l'Alle- 
magne du  Nord  une  pétition  demandant  qu'on  employât  les 
femmes  dans  le  service  des  postes  et  télégraphes.  On  lui  refusa 
d'abord  satisfaction,  mais  ce  fut  là  une  première  impulsion  qui 
provoqua  une  étude  approfondie  de  la  question  et  fit  que,  plus 
tard,  on  accéda  à  cette  requête.  Mais  l'Association  employa  tous 
ses  efforts  à  mener,  par  la  parole  et  par  le  livre  une  campagne 
en  faveur  de  la  culture  supérieure  de  la  femme.  Dans  l'assemblée 


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LB   MOUVEMENT   FÉMINISTE    EN    ALLEMAGNE  37 

générale  de  1872,  on  réclamait  déjà  la  fondation  de  lycées  de 
filles,  et  l'admission  des  femmes  aux  études  littéraires  et  médi- 
cales; mais,  par  suite  d'une  prudence  et  d'une  réserve  exces- 
sives, ces  demandes  ne  dépassèrent  pas  les  limites  de  TAsso- 
ciation.  On  ne  se  hasarda  qu'à  adresser  des  pétitions  de  peu 
d'importance  pour  réclamer  un  nombre  de  postes  d'institutrices 
plus  considérable,  l'établissement  d'écoles  normales  en  1888; 
l'assocation  exerçait  donc  depuis  vingt  ans  son  activité,  qui  se 
résumait  en  une  agitation  insuffisante  et  se  bornait  à  réunir  les 
fonds  nécessaires  pour  constituer  aux  femmes  des  bourses 
d'études.  C'est  alors  qu'elle  se  décida  à  envoyer  aux  Gouverne- 
ments et  aux  Landtags  de  chacun  des  Etats  de  l'Allemagne  une 
pétition  couverte  de  milliers  de  signatures  dans  laquelle  elle 
demandait  que  les  femmes  fussent  autorisées  à  étudier  la  méde- 
cine à  l'université  de  l'Etat  dans  lequel  eîles  résidaient,  et  à  pren- 
dre part  aux  études  et  aux  examens  qui  permettent  aux  hommes 
d'exercer  dans  renseignement.  Mais  même  ces  pétitions  n'au- 
raient pas  eu  lieu,  s'il  ne  s'était  formé  de  nouvelles  recrues  plus 
jeunes,  plus  énergiques,  et  si  le  mouvement  féministe  n'avait 
progressé  en  dehors  de  l'Association  générale  des  femmes  alle- 
mandes. 

Dès  1869,  avait  été  fondé,  sous  la  protection  de  la  princesse 
royale  de  Prusse,  le  «  Victoria  Lyceum  »,  réservé  aux  femmes, 
et  dont  la  création  était  due  à  une  compatriote  de  la  princesse, 
miss  Archer.  Cet  établissement  pouvait  être  considéré  comme 
une  sorte  de  lycée  de  filles,  sans  cependant  qu'il  pût  faire  passer 
des  examens  c  u  conférer  dés  titres.  En  1878,  fut  créée  à  son  tour 
la  «  Huraboldt-Académie  »,  université  où  les  femmes  peuvent 
étudier,  et  où  on  les  prend  même,  depuis  quelques  années,  comme 
professeurs.  Mlle  Bluhm,  docteur  en  médecine,  Mme  Kempin, 
docteur  en  droit,  Mlle  Dazsinska,  docteur  en  sciences  économi  • 
qucs,  et  Mme  J.  Schwerin  y  ont  été  maîtresses  de  conférences. 

Les  c<  Voies  nouvelles  »,  qui  bien  souvent  ne  justifiaient 
guère  leur  titre,  avaient  trouvé  dans  le  Journal  des  Diênaghrs, 
fondé  en  1874,  par  Mme  Lina  Morgenstern,  une  publication 
rivale,  qui,  malgré  son  titre  inofTensif,  défendait  des  idées  rela- 
tivement radicales  sur  la  question  féministe.  On  sentait  que 
l'Association  générale  des  femmes  allemandes  pratiquait  trop 
scrupuleusement  la  vertu  tant  vantée  de  la  femme,  à  savoir  la 


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38  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

réserve;  aussi èe  mit-on  à  fonder  d'autres  associations  qui  adop- 
tèrent une  marche  en  avant  plus  rapide.  C'est  ainsi  qu'en  1888, 
Mme  Jenny  Ketteler  fonda  une  association  intitulée  :  «  Réforme 
de  Tinstruction  de  la  femme  »,  qui  se  mit  à  faire  aussitôt  une 
campagne  très  vive  en  faveur  de  l'établissement  de  lycées  de 
filles  et  de  l'admission  des  femmes  à  l'examen  du  baccalauréat. 
Elle  s'adressa  aussi  dans  ce  but  aux  gouvernements  par  voie  de 
pétitions  et  réunit  des  souscriptions  en  vue  de  fonder  un  lycée 
de  filles.  Presque  en  même  temps  naissait  à  Berlin  une  associa- 
tion intitulée  «  Le  Bien  des  femmes  »,  qui,  sous  la  direction  de 
Mme  Minna  Cauer,  est  avant  tout  une  association  agitatrice  et 
a  fait  naître,  un  peu  partout  dans  les  villes  d'Allemagne,  des 
sociétés  affiliées. 

A  son  instigation,  on  organisa  en  1889  les  premiers  cours 
d'enseignement  moderne  oh  les  jeunes  filles  pussent  se  préparer 
au  baccalauréat.  Ces  cours  étaient  dirigés  par  Mlle  Hélène 
Lange,  qui,  depuis,  est  un  des  chefs  les  plus  en  vue  du  mouve- 
ment féministe  bourgeois  et  a  soumis  aussi  à  son  influence 
vivifiante  l'Association  générale  des  femmes  allemandes. 

Son  travail  sur  Tinstruction  de  la  femme,  dans  lequel  elle 
parle  avec  beaucoup  de  compétence  de  l'éducation  de  la  femme 
en  Angleterre,  la  fit  connaître  d'un  milieu  moins  restreint  et 
c'est  à  elle  que  la  femme  allemande  doit  de  n'avoir  pas  entière- 
ment échoué  dans  ses  efforts  pour  obtenir  une  culture  supé- 
rieure. Elle  avança  pas  à  pas  vers  ce  but,  avec  une  énergie 
tenace,  se  bornant  h  dessein  à  un  petit  nombre  de  points  de  vue 
et  ne  se  laissant  détourner  par  rien  de  sa  tâche.  Dans  la  cam- 
pagne qu'elle  mena  par  la  parole  et  par  le  livre,  elle  évita  avec 
soin  tonte  couleur  radicale,  afin  de  ne  pas  indisposer  contre  elle 
les  gouvernants.  Elle  montre  une  prudence  extrême  en  faisant 
la  critique  de  l'état  de  choses  actuel  en  Allemagne  en  tant  qu'il 
se  rapporte  à  la  question  de  l'instruction  de  la  femme,  et  c'est 
ainsi  qu'elle  a  réussi  à  réaliser  plusieurs  des  désirs  quelle  avait 
formés  dans  l'intérêt  de  la  cause  féministe.  L'Etat  a  établi  des 
cours  qui  permirent  aux  femmes  d'enseigner  dans  les  classes 
supérieures  et  les  cours  d'enseignement  moderne  se  sont  trans- 
formés en  cours  de  lycées  pour  jeunes  filles  dont  les  élèves 
eurent  le  droit  de  se  présenter  au  baccalauréat. 

Vers  la  même  époque,  en  1893,  Mme  Ketteler  fondait  à  Carls- 


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LE   MOUVEMENT    FÉMINISTE    EN    ALLEMAGNE  3<f 

ruhele  premier  lyc(?e  déjeunes  filles  du  duché  de  Bade  et,  un  an 
plus  tard,  TAssoeiation  générale  des  feramee  allemandes  se  dé- 
cidait à  fonder  à  Leipzig  un  lycée  dont  la  direction  fut  confiée  à 
Mlle  Catherine  \Vindscheid,qui  avait  le  titre  de  docteur.  Depuis, 
des  établissements  semblables  se  sont  fondés  à  Kônigsberg,  à 
Dantzig,à  Cologne  et  à  Hanovre,  mais  ce  ne  sont  laque  des  écoles 
privées  et  ils  n'ont  le  droit  ni  d'examiner  eux-mêmes  leurs  élèves, 
ni  de  leur  délivrer  un  dipl(^mc  de  bachelière.  Car,  malgré  toute  la 
prudence  dont  on  fit  preuve,  et  malgré  la  campagne  menée  en 
faveur  du  mouvement  féministe,  le  gouvernement  et  les  partis 
au  pouvoir,  lui  sont  demeurés  absolument  hostiles  et  ne  se  sont 
décidés  qu'à  grand  peine  à  faire  des  concessions  minimes.  Les 
premières  pétitions  présentées  par  l'Association  générale  des 
femmes  allemandes  reçurent  de  la  part  de  sept  gouvernements 
une  réponse  négative,  et  six  autres  ne  répondirent  même  pas  du 
tout  ;  lorsqu'on  fit  une  autre  pétition  pour  que  les  femmes  eussent 
le  droit  d'étudier  à  TUniversilé  de  l'Etat  dans  lequel  elles  rési- 
daient, chacun  de  ces  Etats  se  déclara  incompétent  et  renvoya 
les  pétitionnaires  au  Reichstag,  tandis  que  celui-ci,  de  son  côté, 
les  renvoyait  dans  leur  Etats  respectifs. 

Ainsi  malgré  l'existence  de  lycées  de  jeunes  filles  et  bien  que 
des  élèves  des  lycées  de  jeunes  filles  de  Berlin  aient  déjà  passé 
avec  succès  leur  examen  de  baccalauréat,  les  Universités  restent 
fermées  aux  femmes  officiellement.  On  les  admet  seulement  à 
titre  d'auditeur  avec  une  permission  spéciale  de  l'autorité.  A 
Berlin  par  exemple  dans  le  dernier  semestre  on  comptait  227  étu- 
diantes et  l'université  s'est  dernièrement  décidée  à  admettre 
une  femme,  Mlle  Eisa  Neumann  à  l'examen  du  doctorat  en 
philosophie.  Enfin  l'université  de  (iiessen  a  reconnu  aux  femmes 
étudiantes  le  môme  droit  qu'aux  hommes. 

La  façon  dont  les* gouvernements  et  les  partis  au  pouvoir  ont 
traité  la  question  des  femmes-médecins  caractérise  bion  leur 
attitude.  Comme  toutes  les  pétitions  demandant  d'une  façon 
générale  que  les  femmes  fussent  admises  à  recevoir  l'enseigne- 
ment supérieur  avaient  été  rejetées,  l<^s  femmes  se  bornèrent 
finalement  à  ne  demander  tout  d'abord  que  le  droit  d'étudier  la 
médecine.  Mais,  bien  qu'on  reconnût  de  toutes  parts,  la  néces- 
sité d'avoir  des  femmes-médecins,  dans  l'intérêt  des  personnes 
de  leur  sexe  ;  et  bien  qu'en  1894  on  eût  présenté  à  ce  sujet  au 


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40  LE   MOUVEMENT    FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

Reichstag  jusqu'à  1.269  pétitions  portant  plus  de  50.000  signa- 
tures, le  Reichstag  rejeta  cette  requête  en  .déclarant  que  ce 
n'était  pas  à  lui  à  décider  et  il  passa  là-dessus  à  Tordre  du  jour. 
M.  Rickert  lui-môme,  député  de  la  gauche  libérale,  appuya  cette 
décision,  bien  qu'il  eût  favorisé  jusque  là  le  mouvement  fémi- 
niste bourgeois.  Le  parti  socialiste,  au  nom  duquel  le  grand 
défenseur  de  la  femme,  Auguste  Rebel,  prit  la  paroje,  fut  seul  à 
défendre  les  pétitions  contre  le  gouvernement  et  la  majorité  du 
Reichstag.  Ici  nous  touchons  à  une  question  essentielle  pour  le 
mouvement  féministe  dans  la  bourgeoisie  allemande  et  qui 
explique  la  lenteur  de  ce  mouvement  ainsi  que  la  résistance 
qu'il  rencontra  chez  les  partis  au  pouvoir. 

Le  parti  socialiste  qui,  pendant  dix  ans,  eut  à  subir  loppres- 
sion  des  lois  d'exception  établies  contre  lui  et  fut  poursuivi  et 
flétri  comme  une  société  de  criminels  ;  ce  parti  qui,  aujourd'hui 
encore,  bien  qu'affranchi  de  cette  loi,  est  exposé  sans  cesse  à 
subir  le  martyr  et  s'entend  qualifier  par  la  bouche  de  l'Empereur 
de  «  bande  d'hommes  qui  ne  sont  pas  dignes  de  porter  le  nom 
d'Allemands  »,  ce  parti  socialiste,  disons-nous,  inscrivit 
dès  1874  dans  son  programme  l'égalité  des  deux  sexes,  question 
qui  n'avait  même  encore  été  disculée  sérieusement  par  aucun 
des  partis  de  la  bourgeoisie.  En  1891 ,  les  socialistes  élargirent  ce 
programme  en  demandant  expressément  pour  la  femme  l'égalité 
politique,  la  suppression  de  toutes  les  lois  qui  avantagent 
l'homme,  et  enfin  l'admission  des  femmes  dans  tous  les  établis- 
sements d'instruction  et  dans  toutes  les  carrières. 

Comme  le  parti  que  l'on  se  plaît  à  appeler  «  révolution- 
naire, »  était  le  seul  qui  revendiquât  dans  son  programme  les 
droits  de  la  femme,  tout  le  monde  féministe  fut  bientôt  discrédité 
auprès  des  partis  de  la  bourgeoisie  et  des  gouvernants.  Dès 
que  ce  mouvement  s'affirma  d'une  maiiicre  plus  énergique,  on 
le  soupçonna  d'avoir  un  caractère  socialiste.  C'est  pourquoi  les 
femmes  de  la  bourgeoisie,  avec  leur  circonspection  inquiète,  et 
la  dépendance  dans  laquelle  elles  se  trouvaient  vis-à-vis  de  leurs 
pères,  frères  et  maris,  tantôt  s'abstinrent  entièrement  d'y 
prendre  part,  bien  qu'en  elles-mêmes  elles  reconnaissaient 
comme  fondées  certaines  revendications  féministes  ;  tantôt  ne  s'y 
associèrent  qu'avec  la  prudence  d'une  Auguste  Schmidtet  d'une 
Hélène  Lange.  Seul  cetétatd'espritpentexpliquerdesfailscomme 


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LE   MOUVEMENT   FÉMlMISTi:    EN    ALLEMAGNE  41 

le  suivant  :  le  ministre  de  l'Instruction  publique  en  Prusse,  le 
D*"  Bosse,  refusa  d'autoriser  la  fondation  d'un  lycée  de  filles  mu- 
nicipal à  Breslau,  et  déclara  qu'il  avait  ainsi  étouffé  une  «  étin- 
celle »,  avant  qu'elle  ne  devint  une  «  flamme  puissante  ».  Dans 
d'autres  pays,  il  aurait  été  ridicule  à  jamais.  Voici  un  autre  fait  : 
en  i890  Hélène  Lange  fonda  une  association  de  femmes  dans 
l'enseignement  qui  compte  aujourd'hui  plus  de  10.000  membres, 
et  cependant  cette  puissante  organisation  ne  peut  à  peu  près  rien 
obtenir  pour  que  la  femme  devienne  l'égale  de  l'homme  en 
matière  d'enseignement.  Mme  Minna  Cauer  a  fondé  une  asso- 
ciation des  employées  de  commerce  qui,  à  Berlin  seul,  compte 
déjà  10.000  membres  ;  et  cependant  cette  association  n'a  pas  osé^ 
faire  usage  de  sa  propre  force  pour  obtenir  des  réformes,  quelque 
insignifiantes  qu'elles  soient,  comme,  par  exemple,  la  permis- 
sion de  s'asseoir  pour  les  vendeuses  dans  les  magasins.  Ces  faits 
témoignent  mieux  que  toute  autre  explication  de  la  crainte  que 
ressentent  les  femmes  de  se  rendre  suspectes  de  socialisme. 

Au  cours  des  longues  années  de  réaction  qui  suivirent  1818, 
les  partis  libéraux  allemands  perdirent  si  complètement  leur 
esprit  révolutionnaire  et  leurs  sentiments  démocratiques  qu  ils 
effacèrent  de  leur  programme  ceilaines  revendications,  au  début 
d'origine  libérale,  et  que  de  nos  jours  encore,  le  parti  libéral 
soutient  en  Angleterre;  or,  ces  revendications  furent  reprises 
par  le  parti  socialiste.  Le  mouvement  féministe  bourgeois  fît  de 
m^rae  :  il  renia  ses  origines  et  s'en  remit  aux  socialistes  du  soin 
de  défendre  celles  de  leurs  revendications,  comme  le  droit  de 
vote,  qui  sont  soutenues  en  Angleterre  aussi  bien  par  un  grand 
nombre  de  conservateurs  que  par  les  libéraux.  En  agissant 
ainsi,  il  perdit  dès  le  début  toute  son  importance  et  ne  put  la 
reconquérir  lorsqu'il  dut,  en  présence  des  progrès  du  mouve- 
ment féministe,  en  Amérique,  en  Australie  et  en  Angleterre, 
prendre  une  allure  plus  accélérée. 

Le  projet  de  la  rédaction  d'un  nouveau  code  civil  de  l'Empire 
allemand  vint  en  fournir  l'occasion.  Dès  1873,  Tune  des  per- 
sonnes les  plus  radicales  qui  étaient  à  la  tète  de  l'Association  gé- 
nérale des  femmes  allemandes,  Mme  Henriette  (îoldschmidt, 
proposa  d'adresser  au  Reischstagune  pétition  pour  demander  à  ce 
qu'on  modifiât  le  Code  civil  en  ce  qui  touche  à  la  situation  de  la 
femme  au  point  de  vue  juridique.  On  suivit  sou  impulsion,  et 


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4  2  LE  MOUVEMENT   FÉMINISTE    EIS    ALLEMAGNE 

Ton  envoya  en  1876  aux  représentants  de  la  nation  une  pétition 
couverte  de  12.000  signatures.  On  y  faisait  ressortir  combien  la 
femme  était  lésée  dans  ses  droits  au  point  de  vue  du  mariage  et 
de  la  tutelle  et  Ton  demandait  à  ce  qu'on  remédiat  à  cette  situa- 
tion. En  même  temps  les  «  Voies  Nouvelles  »  se  livraient  sur  ce 
sujet  à  des  discussions  juridiques  et  s'efforçaient  de  faire  con- 
naître cette  question  d'un  grand  nombre  de  personnes  ;  mais  ce 
fut  à  peu  près  tout  ce  qu'on  fit.  Il  ne  fut  d'abord  pas  question 
d'une  agitation  monstre.  Ce  n'est  qu'au  bout  de  16  ans  qu'on  se 
résigna  à  une  nouvelle  démarche  :  Mme  Emilie  Kempin  fut 
chargée  de  réunir  toutes  les  lois  concernant  la  femme  en  vi- 
deur dans  chaque  Etat  et  ce  devint  là  un  moyen  précieux  d'agi- 
tation. On  envoya  aussi,  mais  au  dernier  moment,  de  nouvelles 
pétitions,  principalement  à  l'instigation  de  la  société  berlinoise 
radicale  :  «  Le  bien  des  femmes  »  et  de  la  «  Société  pour  la  pro- 
tection juridique  de  la  femme  »,  établie  à  Dresde.  Mme  Sera 
Prôlss  et  Mlle  Marie  Ra«chke  opposèrent  dans  une  brochure  les  re- 
vendications de  la  femme  aux  projets  de  loi  établis  et  Ton  publia 
à  Dresde  une  brochure  du  même  genre, sous  la  direction.deMme 
Marie  Stritt.  On  y  demandait,  en  substance,  que  l'on  reconnut 
à  la  femme  mariée  le  droit  de  disposer  librement  de  son  gain  et 
de  sa  fortune,  que  l'on  admît  la  séparation  légale  des  biens,  le 
droitpour  la  femme  déjouer  elle  aussi  le  rôle  de  tuteur,  l'égalité 
entre  l'autorité  maternelle  et  celle  du  père,  et  que  l'on  amélio- 
rât le  sort  des  enfants  naturels.  Pour  appuyer  ces  réclamations, 
on  fit  une  campagne  d'agitation  telle  que  le  mouvement  fémi- 
niste bourgeois  n'en  avait  pas  connu  de  semblable  jusque-là. 
Des  femmes  prirent  la  parole  dans  de  grandes  réunions  pu- 
bliques pour  défendre  leur  cause,  môme  en  dehors  des  limites 
étroites  de  leurs  associations.  L'Union  des  associations  féini- 
ni  :cs  allemandes,  sur  la  fondation  de  laquelle  nous  revien- 
drons plus  tard,  s'occupa  de  ce  mouvement  et  fit  adresser  dos 
pétitions  au  Reichslag.  Le  résultat  de  tous  ces  efforts  fut  insi- 
gnifiant :  la  femme  eut  le  droit  de  conclure  en  toute  indépen- 
dance une  convention  relative  à  son  travail,  le  mari  ne  put  s'y 
opposer  qu'avec  Taide  du  tribunal,  et  c'est  elle-même  qui  géra 
le  rendement  de  son  travail.  Une  femme  non  mariée  put  devenir 
tutrice,  la  femme  mariée  ne  put  le  devenir  sans  l'autorisation 
de  son  mari.  En  revanche  on  rendait  le  divorce  plus  difficile  au 


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LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE  43 

liou  de  le  rendre  plus  aisé  ;  d'autre  part  la  fille-mère  et  les 
enfants  naturels  demeuraient  aussi  désavantagés  qu'aupara- 
vant. 

Bien  que  les  résultats  positifs  de  cette  campagne  eussent  été 
insignifiants,  elle  avait  cependant  donné  aux  femmes  une  con- 
fiance plus  vive  en  elles-mêmes  et  un  plus  grand  courage.  Elles 
s'étaient  faites  également  prendre  en  sérieuse  considération  par 
des  personnes  appartenant  à  des  milieux  tout  différents.  C'est 
pourquoi  la  fraction  radicale  du  féminisme  bourgeois  osa  convo- 
quer à  Berlin  en  1896  le  premier  congrès  féministe  interna- 
tional, qui  d'ailleurs  sous  la  direction  habile  de  Mme  Lina  Mar- 
genstern,  de  Mme  Jeannette  Schwerin  et  de  Mme  Minna  Cauer, 
eut  une  session  des  plus  brillantes,  à  en  juger  du  moins  par  le 
dehors.  Les  non  initiés  ne  remarquèrent  pas  en  effet  que  la 
majeure  partie  des  féministes  de  la  bourgeoisie,  c'est-à-dire 
l'Association  générale  des  femmes  allemandes  et  les  sociétés 
soumises  à  la  direction  de  Hélène  Lange  ne  prirent  pas  part  à 
ce  congrès  et  qu'un  petit  nombre  seulement  d'avocates  fémi- 
nistes, s'y  produisirent,  parmi  lesquelles  ne  se  trouvaient  que 
peu  des  femmes  de  la  bourgeoisie  allemande. 

On  ne  doit  d'ailleurs  se  faire  aucune  illusion  sur  la  situation 
générale  du  mouvement  féministe  dans  les  classes  bourgeoises 
en  jugeant  d'après  les  progrès  qu'il  a  accomplis  dans  certains 
sens,  d'après  les  nombreuses  réunions  publiques  populaires 
dans  lesquelles  il  se  produisit,  et,  enfin,  d  après  le  développement 
de  la  littérature  et  de  la  presse  féministes.  En  effet,  Mlle  Hélène 
Lange  publie  une  revue  mensuelle  intitulée  :  c<  La  Femme  »  et 
Mme  Minna  Cauer  un  journal  bi-mensuel,  «  Le  Mouvement  fé- 
ministe »,  que  j'ai  fondé  avec  elle  il  y  a  environ  quatre  ans. 

L'attitude  prise  parle  parti  dans  la  question  du  rôle  politique 
de  la  femme,  à  propos  du  droit  de  vote  en  particulier,  et  dans  la 
question  ouvrière,  ne  prouve  que  trop  son  indifférence.  Les  re- 
vendications formulées  par  Hippel  avaient  été  oubliées  depuis 
longtemps;  les  discussions  qui  s'engagèrent  en  Angleterre  au 
sujet  du  droit  de  vote  des  femmes  et  l'ouvrage  fameux  de  Mill 
n'exercèrent  pour  ainsi  dire  aucune  action.  Seules  deux  femmes 
luttèrent  en  faveur  de  l'égalité  politique  des  deux  sexes;  ce  fu- 
rent Fanny  Lewald-Stahr,  en  1869,  par  sa  brochure  intitulée  : 
«Pour  et  contre  les  femmes  allemandes  »,  et  Uedwig  Dohm,  qui 


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44  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

publia  en  1876  une  brochure  fort  spirituelle,  «  Nature  et  droits 
de  la  femme  ».  Le  mouvement  féministe  allemand  n'en  fut  nul- 
lement influencé  et  oublia  même  ses  défenseurs.  En  1877,  le 
célèbre  jurisconsulte  Franz  de  Holtzendorff  se  prononça  égale- 
ment en  faveur  du  droit  de  vote  des  femmes  et  il  déclara  que, 
s'il  leur  reconnaissait  ce  droit,  c'est  parce  qu'il  ne  voyait  là 
qu'une  conséquence  logique  et  nécessaire  de  l'établissement  du 
suflFrage  universel.  Sa  voix  ne  fut  pas  écoutée  davantage.  Aucune 
femme  n'osa  mener  une  campagne  publique  en  faveur  du  droit 
de  vote  pour  son  sexe.  Une  fois  seulement,  en  1881,  la  comtesse 
Guillaume-Scback  éleva  la  voix  en  faveur  de  cette  cause  à  TAs- 
semblée  générale  de  l'Association  des  femmes  allemandes,  mais 
cette  société  la  força  finalement  à  quitter  son  parti  pour  passer 
dans  le  camp  socialiste. 

Parmi  les  femmes  qui  dirigeaient  le  mouvement  féministe 
bourgeois,  il  yen  avait  bien  quelques-unes  qui  reconnaissaient 
en  elles-mêmes  comme  fondées  la  revendication  de  l'égalité 
politique,  mais,  quant  à  le  reconnaître  publiquement  ou  sur- 
tout à  faire  une  campagne  pour  cette  cause,  c'eût  été  s^  com  - 
promettre  à  tout  jamais  et  s'acquérir  la  réputation  d'adeptes  du 
parti  révolutionnaire. 

Ce  fut  de  nouveau  un  homme  qui,  par  son  exemple,  inspira 
aux  femmes  le  courage  de  défendre  aussi  leurs  droits  sur  ce 
terrain. 

Georges  de  Gizycki,  professeur  de  philosophie  à  TUniversité 
de  Berlin,  faisait  chaque  année  un  cours  d'éthique  sociale.  Il  y 
parlait  aussi  de  la  situation  des  deux  sexes  à  l'égard  l'un  de 
l'autre  et  à  l'égard  de  la  société,  et  il  osa,  le  seul  assurément  en 
Allemagne,  exposer  l'idée  de  l'égalité  des  droits  entre  l'homme 
et  la  femme,  en  la  fondant  sur  des  exigences  d'ordre  moral.  Il  y 
faisait  ressortir  que  l'obtention  des  droils  politiques  pouvait 
seule  permettre  d'arriver  à  une  solution  de  la  question  fémi- 
niste, et  que,  par  suite,  tous  nos  efforts  devaient  tendre  vers  ce 
but.  Parmi  les  auditeurs  de  M.  de  Gizycki  figuraient,  à  côté  des 
hommes,  un  certain  nombre  de  femmes  parmi  lesquelles  moi- 
môme,  sa  femme,  qu'il  convertit  à  la  cause  féministe.  Comme 
membre  de  la  Société  «  Le  Bien  des  femmes  »,  je  proposai  de 
commencer  une  campagne  d'agitation  en  faveur  du  droit  de  vote 
des  femmes  au  moyen  d'une  grande  réunion  publique  populaire. 


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LE  liODVEMENT   FÉMINISTE   EN    ÂLLeitfÂGNE  4  b 

A  ce  moment,  en  1894,  on  considérait  comme  inouïe  la  convoca- 
tion d'une  semblable  réunion  par  les  représentants  du  mouve- 
ment féministe  bourgeois,  etcene  fut  pas  choâe  facile  de  triom- 
pher de  la  résistance  etde§  inquiétudes  du  comité  de  direction. 
Je  finis  cependant  par  y  réussir.  Je  parlai,  à  Berlin,  devant  plu- 
sieurs milliers  d'auditeurs  en  faveur  de  Fégalité  politique  des 
deux  sexes,  en  opposant  à  Textension  rapide  que  cette  idée  avait 
prise  à  l'étranger,  la  lenteur  de  ses  progrès  en  Allemagne.  A 
mon  propre  étonnement,  je  ne  me  heurtai,  ni  auprès  du  public, 
ni  dans  la  presse,  à  une  résistance  sérieuse;  dans  d'autres  villes 
d'Allemagne  je  trouvai  également  des  gens  qui  me  comprirent 
et  les  femmes  les  plus  éclairées  me  donnèrent  leur  entière  appro- 
bation. 

Au  commencement  de  Tannée  1895,  la  nouvelle  tendance  ra- 
dicale trouvait  elle  aussi  sou  organe  dans  la  revue  fondée  par 
Mme  Minna  Cauer  et  par  moi  :  «  Le  Mouvement  féministe  ». 
Georges  de  Gizycki  publia  dans  les  premiers  numéros  une  étude 
approfondie  sur  le  droit  de  vote  de  la  femme,  laissant  ce  legs  à 
la  femme  allemande  ! 

Le  «  Mouvement  féministe  »,  la  société  «  Le  Bien  des  femmes  », 
et  des  associations  similaires  :  «  La  protection  de  la  jeunesse  », 
à  Berlin,  et  «  La  protection  du  droit  »  à  Dresde,  représentèrent 
désormais  la  tendance  radicale  du  mouvement  féministe  dans 
la  boui^eoisie.  Leurs  membres,  qui  formaient  un  cercle  res- 
treint, s'intéressèrent  vivement  aux  questions  politiques  du 
jour  et  sentirent  peser  lourdement  sur  eux  les  lois  allemandes 
sur  les  associations,  lois  tristement  célèbres,  qui  ne  laissèrent 
aux  femmes  que  des  droits  si  restreints.  Elles  décidaient,  en 
effet,  que  les  femmes  et  les  mineurs  n'avaient  le  droit  ni  d'être 
membres  d'une  société  politique,  ni  de  fonder  des  sociétés  poli- 
tiques composées  de  femmes.  Dans  certains  pays,  comme  ré- 
cemment en  Bavière,  les  femmes  ne  devaient  pas  non  plus  assis- 
ter aux  réunions  publiques  où  Ton  traitait  de  questions  poli- 
tiques. On  prit  aussitôt  parti  contre  ces  mesures  en  adressant 
des  pétitions  au  Reichstag  et  en  organisant  des  meetings  protes- 
tataires, mais  tout  ce  que  les  femmes  purent  obtenir  fut  d'être 
mieux  éclairées  sur  leur  situation. 

Les  partisans  «le  la  nouvelle  tendance  essayèrent  également 
de  comprendre  dans  leurs  discussions  d'autres  domaines  de  la 


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iô  LE   MOUVEMENT    FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

vie  publique.  Mais,  plus  elles  le  firent  plus  on  vit  clairement 
qu'elles  non  plus  n'étaient  pas  à  la  hauteur  de  leur  tâche. 
Elles  ne  pouvaient  s'affranchir  des  conceptions  arriérées  qu^ 
étaient  générales  dans  la  bourgeoisie  allemande;  mais  elles 
échouèrent  surtout  lorsqu'elles  se  mirent  à  discuter  la  question 
de  moralité.  Elhîs  reconnurent,  il  est  vrai,  que  la  misère  était 
la  principale  cause  de  la  prostitution,  mais,  dans  les  projets  ou 
les  vœux  destinés  à  la  combattre,  elles  essayèrent  uniquement 
de  rogner  les  branches  de  l'arbre  pernicieux  et  puissant,  au  lieu 
de  l'attaquer  à  la  racine.  Mme  Hanna  Bieber-Bohm,  chargée  de 
la  question,  et  celles  qui  s'unirent  à  elles,  partent  en  guerre, 
par  exemple,  avec  une  ardeur  plutôt  comique,  contre  les  théâ- 
tres de  V^ariétés,  contre  la  littérature  et  l'art  modernes  et  con* 
damnent  leurs  productions  les  plus  remarquables,  du  moment 
qu'elles  ne  sont  pas  écrites  pour  des  jeunes  filles.  Elles  vou- 
draient môme  que  la  police  interdît  leur  publication.  Dans  leurs 
pétitions  elles  demandent,  il  est  vrai,  la  «  suppression  de  la 
prostitution  »,  mais  sans  se  rendre  compte  qu'un  fait  de  ce 
genre,  qui  résulte  nécessairement  des  conditions  de  la  vie  éco- 
nomique et  sociale,  braverait  l'intervention  même  des  polices 
prussienne  et  allemande  malgré  la  toute  puissance  dont  celles- 
ci  jouissent  d'ordinaire. 

Le  mouvement  féministe  radical  a  fourni,  lors  des  dernières 
élections  au  Reichstag,  une  preuve  éclatante  de  son  incapacité 
à  constituer  une  force  agissante  et  vivante  au  service  du  progrès 
social.  LoDgiempâ  à  layanee,  lesehei»  do  parti  aTaieftt  fait  de  la 
propagande  en  faveur  de  la  participation  des  femmes  à  l'agita- 
tion électorale,  comme  cela  se  fait  en  Angleterre.  Peu  de  temps 
avant  les  élections,  Mme  Minna  Cauer  et  Mlle  Anita  Augspurg, 
docteur  en  droit,  lancèrent  une  proclamation  invitant  les 
femmes  à  présenter  aux  candidats  de  leurs  circonscriptions 
certaines  revendications  féministes,  et,  suivant  leur  réponse,  à 
faire  campagne  pour  ou  contre  leur  élection.  Quel  en  fut  le 
résultat?  Dans  aucune  des  nombreuses  réunions  publiques  les 
femmes  de  la  bourgeoisie  ne  se  produisirent,  pas  un  seul  des 
candidats  n'entendit  parler  d'elles.  Chose  assez  caractéristique, 
Ivs  deux  femmes  qui  avaient  rédigé  cette  proclamation  ne  firent 
nullement  exception  à  la  règle  ! 

Mais,  pour  compléter  ce  tableau  du  mouvement  féministe  en 


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LE  MOLVfiMENT   FÉMINISTE    EN    ALLEMAGNE  47 

Allemagne,  il  nous  faut  parler  de  son  attitude  vis-à-vis  de  la 
question  ouvrière. 

L'Association  générale  des  femmes  allemandes  essaya,  en 
1867,  dans  les  premières  années  après  sa  fondatinn  de  s'occu- 
per sérieusement  de  cette  question  en  demandant  au  Congrès 
ouvrier  de  Géra  que  le  travail  de  la  femme  fut  assimilé  à  celui 
de  rhomme  et  que  les  ouvriers  des  deux  sexes  eussent  une  or- 
ganisation commune.  Mais  à  mesure  que  Tinfluence  de  Louise 
Otto  s'effaçait  devant  celle  d'Auguste  Schmidt,  Tassociation 
s'intéressa  de  moins  en  moins  à  la  situation  de  ses  u  sœurs 
pauvres  w,  jusqu'à  ce  que,  en  1872,  Auguste  Schmidt  eût  dé- 
claré ouvertement  par  les  paroles  suivantes  en  quoi  consistait 
h  ses  yeux,  et  devait  consister  à  l'avenir  pour  l'association  la 
question  féministe  ;  «  L'instruction  est  le  point  capital  et  le 
centre  de  la  question.  »  Aussi  ce  fut  la  société  Lette  qui,  la  pre- 
mière, consacra  de  nouveau  son  attention  à  la  situation  des 
ouvrières,  lorsqu'on  commença  en  Allemagne  à  prendre  cons- 
cience, non  seulement  de  la  détresse  économique,  mais  aussi 
du  développement  intellectuel  de  la  classe  ouvrière.  Les  femmes 
voulurent  alors,  pour  conjurer  le  danger  menaçant,  regagner 
le  temps  perdu.  La  société  Lette  décida  de  ne  plus  limiter  son 
action  aux  femmes  des  classes  supérieures  ;  elle  fonda  des 
écoles  où  Ton  apprit  les  soins  du  ménage  et  elle  établit  4es  bu- 
reaux de  placement  pour  bonnes,  voie  dans  laquelle  la  suivit  la 
société  Pestalozzi-Frœbel.  Mais  cela  suffit  pour  tranquilliser  sa 
conscience. 

Quelques  années  plus  tard,  Mlle  Maiûanne  Menzzer  prononça, 
à  l'Association  générale  des  femmes  allemandes,  une  allocu- 
tion où  elle  faisait  un  tableau  détaillé  de  la  situation  des  ou- 
vrières au  point  de  vue  du  salaire  et  du  travail,  en  s'appuyant 
sur  les  données  officielles  de  la  statistique.  Pour  remédier  à 
leur  détresse,  elle  demaadait  la  fondation  d'associations  d'ou- 
vrières et  la  création  d'écoles  industrielles.  A  côté  de  cela,  et 
ceci  caractérise  bien  son  idéalisme  étroit,  elle  attendait  beau- 
coup de  «  l'influence  morale  »  que  les  femmes  de  la  bourgeoisie 
pourraient  exercer,  si  elles  voulaient,  sur  les  fabricants  et  les 
patrons.  A  son  instigation,  TAssociation  élut  une  commission 
chargée  de  faire  une  enquête  sur  les  salaires  des  ouvrières,  en- 
quête dont  Mlle  Menzzer  lui  fit  connaître  les  résultats  ;  à  cette 


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48  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

occasion,  elle  lui  présenta  seF  anires  projets  que,  dans  Tinter- 
valle,  elle  avait  considérablement  réduits.  Tout  ce  qu'elle  de- 
mandait désormais,  c'était  que  les  associations  féministes  don- 
nassent la  préférence  aux  maisons  dont  les  propriétaires 
payaient  bien  et  exactement  leurs  ouvrières,  et  que  Ton  insti- 
tuât un  bureau  de  renseignements  où  les  femmes  pauvres  rece- 
vraient gratuitement  des  informations.  Seule,  la  comtesse 
Guillaume  Schack  fit  ressortir  le  peu  de  portée  de  semblables 
mesures  et  la  nécessité  d'une  organisation  des  ouvrières  pour 
qu'elles  pussent  s'aider  elles-mêmes.  Le  résultat  des  délibéra- 
tions fut  l'établissement  à  Leipzig  d'un  office  central  pour  la 
protection  juridique  des  femmes.  L'association  générale  des 
femmes  allemandes  ne  sortit  plus  désormais  de  son  étroit  do- 
maine et  abandonna  à  elles-mêmes  les  ouvrières,  se  désintéres- 
sant de  leurs  luttes  et  de  leurs  efforts.  Le  mouvement  fémi- 
niste de  la  bourgeoisie  fut  arrêté  ici  aussi  par  la  crainte  du  so- 
cialisme, qui  peu  à  peu  était  resté  seul  à  défendre  les  intérêts 
des  travailleurs  des  deux  sexes. 

C'est  ce  qu'on  vit  clairement  lors  de  la  fondation  de  l'Union 
des  associations  allemandes  de  femmes.  L'idée  d'unir  entre  elles 
les  différentes  associations,  afin  qu'elles  pussent  se  renseigner 
l'une  l'autre,  agir  de  concert  dans  certaines  questions,  avait  été 
apportée  chez  nous  par  plusieurs  Allemandes,  et,  en  particulier, 
par  Mme  Bieber-Bôhm,  à  qui  elle  avait  été  inspirée  par  le  Con- 
grès féministe  international  tenu  à  Chicago  en  1893.  La  direc- 
tion de  cette  entreprise  fut  confiée  à  Mlle  Auguste  Schmidt,  car 
c'est  une  illusion  très  répandue  de  croire  que  l'exécution  d'idées 
nouvelles  doit  être  conférée  à  des  personnes  jouissant  d'une  au- 
torité déjà  ancienne.  En  mars  1894,  elle  inaugura  la  réunion  où 
fut  arrêtée  l'organisation  de  l'Union,  dans  laquelle  entrèrent 
aussitôt  quarante  associations  par  un  discours  où  elle  déclarait 
souhaiter  la  bienvenue  h  toules  les  associations  féministes,  à 
Texception  des  «  associations  d'ouvrières  notoirement  socia- 
listes. » 

Des  trente-six  déléguées  présentes,  quatre  seulement  protes- 
tèrent contre  ces  paroles,  qui  exprimaient  un  fanatisme  aveu- 
gle de  parti  ;  toutes  les  autres  se  mirent  du  côtéde  la  présidente. 
Lorsque  la  presse  se  livra  là-dessus  à  de  longues  discussions, 
Mlle  Schmidt  et  tout  le  comité  de  direction  de  l'Union  des 


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LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE  4  9 

associations  féministes  allemandes,  qui  se  sentaient  solidaires 
comprirent  enfin  quelle  lourde  faute  de  tactique  avait  été  com- 
mise, sans  parler  du  point  de  vue  moral,  en  exprimant  ouverte- 
ment Tanimosité  de  la  bourgeoisie  contre  la  classe  ouvrière, 
animosité  dissimuléejusque-là  par  mille  subterfuges.  Cherchant 
à  justifier  soâ  attitude,  le  comité  découvrit  un  moyen  qui  ne  fit 
que  trahir  aux  yeux  du  public  une  ignorance  grossière.  11  dé- 
clara être  obligé  d'exclure  les  associations  féministes  socialistes, 
parce  que  la  loi  défend  aux  sociétés  politiques  de  s'unir  entre 
elles;  mais  il  oublia  complètement  que  la  même  loi  défend  de 
fonder  aucune  association  de  femmes  ayant  un  caractère  politi  - 
que,  et  qu'il  n'existait  par  conséquent  aucune  association  socia- 
liste de  femme  à  exclure. 

Dans  la  suite,  l'Union  s'efforça  de  faire  oublier  un  début 
aussi  piteux  que  ridicule,  en  menant  une  campagne  énergique 
en  faveur  d'une  revendication  qui  intéresse  la  classe  ouvrière  : 
la  nomination  des  femmes  au  poste  d'inspectrices  de  fabrique. 
C'est  à  Mme  Jeannette Schwerin  qu'en  revientl'initiative.et  elle- 
même  mena  une  campagne  très  vive  dans  ce  sens.  On  envoya 
des  pétitions  à  tous  les  Etats  fédérés,  et  c'est  en  partie  grâce 
à  ce  mouvement  que  dans  la  Hesse,  le  duché  de  Saxe-Weimar  et 
la  Bavière  on  a  récrnnnWtit  essayé  d'employer  des  femmes  comme 
inspectrices-auxiliaires  dans  les  fabriques.  Pour  préparer  les 
femmes  à  ces  fonctions,  l'Union  établit  à  Berlin  et  Munich  des 
cours  d'enseignement  où  l'on  fit  des  leçons,  non  seulement  sur 
la  législation  protectrice  ouvrière,  sur  l'hygiène  dans  l'indus- 
trie, etc.,  mais  oix  l'on  mit  les  élèves  h  même  d'étudier  le  fonc- 
tionnement d'une  usi-ne,  sous  la  direction  de  personnes  com- 
pétentes.       .    • 

Une  institution  do  ce  genre  existe  d'ailleurs  à  Berlin  depuis 
plusieurs  années,  et  doit  également  à  Mme  Schwerin  le  dévelop- 
pement qu'elle  a  pris.  Elle  s'intitule  :  «  Groupes  de  femmes  et 
de  jeunes  filles  pour  aider  au  travail  social  ».  De  même  que  les 
futures  inspectrices  d'usines  dans  le  premier  établissement, 
les  futures  gardes  des  pauvres  (armenpflegen)  reçoivent  dans 
celui-ci  une  instruction  spéciale,  et  ainsi  le  travail  social  pra- 
tique se  substitue  au  sport  souvent  plus  nuisible  qu'utile  qui 
constitue  d'ordinaire  la  bienfaisance  ;  de  même  qu'une  connais- 
sance au  moins  approximative  de  la  détresse  ouvrière  remplace 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  * 


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50  LE  MOUVEMENT   FÉMINISTE    EN    ALLEMAGNE 

la  compassion  stérile  et  purement  sentimentale  que  l'on  éprou- 
vait pour  les  «  sœurs  pauvres  ». 

Le  premier  essai  dans  cette  voie  fut  tenté  par  un  petit  groupe 
de  femmes  défenseurs  des  droits  de  leur  sexe,  à  Toccaston  de  la 
grande  grève  des  ouvriers  en  confections,  qui  éclata  en  1896,  et 
dévoila  une  misère  si  terrible  que  même  les  plus*  aveugles  ne 
purent  y  jeter  un  regard  sans  être  saisis  d'horreur.  Mme  Schwe- 
rin  à  Berlin^  Gamper  et  Stritl  à  Dresde,  prirent  ouvertement 
parti  pour  les  grévistes,  et  les  aidèrent  en  leur  donnant  des  se- 
cours en  argent  et  en  agissant  sur  l'opinion  publique  qui,  pour 
la  première  fois  peut-être  en  Allemagne,  vit  dans  une  grève, 
non  point  une  révolte  politique,  mais  une  lutte  économique  en- 
gagée pour  le  pain  de  chaque  jour.  A  la  tète  de  ce  mouvement 
ne  se  trouvait  pas  seulement  une  partie  de  la  gauche  radicale  de 
rUnion  des  associations  féministes  allemandes,  mais  aussi  un 
groupe  féministe  qui  se  tenait  en  dehors,  groupe  doué^  semblait- 
il,  de  la  vigueur  de  la  jeunesse  :  c'étaient  les  socialistes  chré- 
tiennes qui  se  groupaient  autour  du  'pasteur  libéral  Naumani). 

Elles  avaient  pour  chef  Elisabeth  Guauck-Kuhne  qui^  dans 
rintention  d'étudier  par  elle-même  la  situation  des  ouvrières, 
avait  travaillé  comme  ouvrière  dans  une  fabrique  de  carton,  et 
joignait  à  cette  expérience  pratique  de  sérieuses  connaissances 
scientifiques.  Ainsi  armée,  non  seulement  elle  avait  réussi  par 
un  brillant  discours  qu'elle  prononça  au  Congrès  social  évangé- 
lique  de  1895,  à  gagner  à  ses  idées  les  membres  du  congrès  jus- 
que-là absolument  hostiles  au  mouvement  féministe,  mais  elle 
décida  un  nombre,  très  restreint,  il  est  vrai,  de  dames  d'opinions 
sans  cela  conservatrices,  à  s'intéresser  à  la  grève  et  à  la  soutenir. 
Comme  elle  l'avait  fait  par  son  activité  pratique,  elle  consacra 
ses  forces  au  service  de  la  cause  ouvrière  en  publiant  des  travaux 
scientifiques.  Elle  fit  paraître  une  étude  très  documentée  sur  la 
situation  des  ouvrières  dans  l'industrie  du  papier  à  Berlin,  et 
cet  exemple  poussa  Mlle  GertrudeDyrenfurth,  qui  partageait  les 
mêmes  opinions,  à  publier  un  travail  semblable  au  sujet  des 
couturières  en  costumes  de  femmes  et  en  tabliers.  Mais  l'espé^ 
rance  de  voir  cette  tendance  du  mouvement  féministe  bour- 
geois, qui  débutait  avec  tant  d'énerçie,  croître  chaque  jour  en 
influence  et  en  importance,  se  trouva  bientôt  n'être  qu'une  illu- 
sion. Le  cercle  auquel  elle  se  limitait  était  excessivement  res- 


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L£  MOUVEMEXY   FÉMimSTE   ER    ALLEHAOIVE  51 

treint,  et,  malgré  tonte  sa  bonne  Tolonté,  elle  ne  pouvait  rien 
faire  ;  d'aatre  part  Mme  Gmack-4iûhne,  qui  arait  créé  ce  mou- 
Tement  et  lui  a\Tiit  donné  aon  caractère,  se  retira  de  plus  en 
pins  de  la  vie  publique,  et,  au  lieu  de  déployer  une  activité 
croissante  dans  ses  travaux  scientifiques  on  dans  sa  propagande 
elle  n'écrit  plus  aujourd'hui  que  des  légendes  pessimistes  sans 
importance,  et  des  paraboles. 

Ainsi  donc  le  mouvement  féministe  bourgeois  nous  offre 
partout  le  même  spectacle  :  tout  essor  est  suivi  d'une  réaction 
presque  immédiate,  tous  les  efforts  vers  le  progrès  que  Von 
pouvait  s'attendre  à  voir  s'élargir  peo  à  peu  sont  tout  d'un  coup 
paralysés.  On  écrit,  on  parle,  mais  dès  qu'il  s'agit  de  passer  des 
paroles  ou  des  écrits  aux  actes,  adieu  tout  enthousiasme. 

Les  conflits  qui  s'élèvent  dans  les  rangs  mêmes  des  féministes 
contribuent  à  cette  situation.  Ils  se  manifestèrent  clairement 
lors  de  la  dernière  réunion  générale  de  l'Union  des  associations 
féministes  allemandes  à  Hambourg  et  s'exaspérèrent  jusqu'à 
devenir  une  véritable  déclaration  de  guerre  entre  conserva- 
trices et  radicales,  car  chacun  àe»  deux  partis  accusait  l'autre 
d'être  la  cause  de  tous  les  m>iux. 

En  fait,  lea  causes  sont  bien  plus  profondes  :  c'est  dans  la 
situation  politique  et  économique  intérieure  qu'il  faut  les 
chercher,  et  dans  l'existence  d'un  mouvement  féministe  qui  se 
tient  en  dehors  do  mouvement  féministe  bourgeois  et  marche 
en  avant,  croisant  fréquemment  ce  dernier  sur  sa  route,  mais 
sans  y  prendre  garde,  et  en  avançant  droit  vers  son  but. 


m.  —  Le  mouvement  fémIniste  prolétaire. 

A  mesure  que  la  classe  moyenne  s'appauvrissait  et  que 
devenait  plus  étroit  le  cercle  des  devoirs  domestiques  dont 
raceompUssement  atrsorbait  autrefois  toute  l'activité  de  la  mère 
et  de  ses  filles,  les  femmes  de  cette  classe  sociale  éprouvèrent  de 
plus  en  plus  le  besoin  d'un  travail  salarié  et  indépendant.  Leur 
trouver  ce  travail,  leur  ouvrir  et  leur  conquérir  de  nouvelles 
carrières,  telle  fut  en  substance  la  tiche  que  s'attribua  le  mou- 
vement féministe  bourgeois.  Aussi  se  trouva-t-il  dans  l'impos- 
sibilité de  s'intéresser  dans  la  même  mes^ire  aux  femmes  dont 


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52  LE  MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

les  souffrances  et  les  aspirations  résultaient  d'autres  causes  et 
tendaient  à  d'autres  buts.  Faire  rentrer  dans  le  cercle  de  ses 
préoccupations  la  situation  des  ouvrières,  n'était,  pour  ainsi 
dire,  que  dévier  de  la  voie  droite  et  nettement  tracée  qu'il 
avait  à  suivre.  Pour  étudier  à  fond  cette  face  de  la  question 
féminine  et  aboutir  à  une  solution,  il  fallait  concentrer  sur  ce 
seul  point  tout  un  ensemble  de  forces. 

Mais  les  ouvrii>res  ne  pouvaient  puiser  ces  forces  en  elles- 
mêmes  ;  leur  détresse  les  avait  rendues  trop  faibles  et  incapables 
d'énergie.  Pour  comprendre  toute  leur  misère,  il  leur  fallait 
une  impulsion  venue  du  dehors,  et,  pour  la  combattre,  l'aide 
des  hommes  qui  furent  leurs  compagnons  de  travail. 

Dès  1861  on  comptait  en  Prusse  plus  d'un  million  d'ouvrières 
dont  la  situation  excitait  la  pitié  des  cœurs  compatissants. 
Louise  Otto  fit  sur  ce  sujet,  à  Leipzig  et  à  Berlin,  des  confé- 
rences o?î  elle  insistait  en  particulier  sur  la  nécessité  de  fonder 
des  écoles  industrielles.  A  son  instigation,  des  dames  de  la 
bourgeoisie  fondèrent  en  18G9  une  association  d'ouvrières.  Mais, 
ignorant  complètement  de  quoi  leurs  protégées  pouvaient  bien 
avoir  besoin,  et  tout  empêtrées  dans  les  idées  du  mouvement 
féministe  bourgeois,  elles  ne  leur  offrirent  que  des  conférences 
amusantes  ou  instructives.  Mais  l'instruction  ne  constituait  pas, 
pour  les  ouvrières  «  le  centre  et  le  point  capital  de  toute  la 
question  féministe  ».  A  quoi  devait  leur  servir  l'instruction,  si 
la  misère  les  rendait  incapables  de  jouir  des  fruits  de  cette 
culture?  A  quoi  devait-elle  leur  servir,  si,  depuis  le  matin 
jusqu'à  une  heure  avancée  de  la  soirée,  elles  devaient  s'épuiser 
à  la  fabrique,  à  l'atelier,  derrière  la  machine  à  coudre,  et  s'il  ne 
leur  restait  plus  ni  le  temps,  ni  la  force  nécessaires  pour 
l'acquérir  ?  Obtenir  de  meilleures  conditions  au  point  de  vue  du 
salaire  et  du  travail,  tel  devait  être  le  point  de  départ  du  mou- 
vement féministe  ouvrier.  Sur  ce  point  les  femmes  se  rencon- 
trèrent avec  les  ouvriers  qui  commençaient  précisément,  à  ce 
moment,  à  se  grouper  afin  de  lutter  pour  leurs  droits  à  l'exis- 
tence. 

Tandis  qu'en  1848,  ils  voyaient  encore  dans  la  concurrence  de 
la  femme  un  danger  pour  eux  et  cherchaient  à  le  faire  dispa- 
raître par  la  force  ou  par  rinterveption  de  la  loi,  ils  apprirent 
peu  à  peu  à  comprendre  que  ce  n'est  pas  en  combattant  les 


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LE   MOUVEMENT   FÉMINCSTE    EN    ALLEMAGNE  53 

femmes,  mais  en  s'unissant  à  elles,  qu'ils  pouvaient  améliorer 
leur  propre  situation.  Au  congrès  ouvrier  de  Géra,  en  1867, 
furent  exprimées  par  la  bouche  de  Maurice  Millier  les  idées 
d'égalité  économique  entre  Thomme  et  la  femme,  et  le  congrès 
du  jeune  parti  socialiste,  tenu  à  Gotha  en  1875,  revendiqua 
dans  son  programme,  comme  nous  Tavons  vu,  l'égalité  des 
deux  sexes. 

Ainsi,  lorsque  des  ouvrières  de  Berlin  essayèrent  pour  la 
première  fois  de  fonder  une  association  sans  l'appui  des  dames 
de  la  bourgeoisie,  les  hommes  leur  vinrent  fortement  en  aide 
dans  Texécution  de  ce  projet.  C'est  ainsi  que  furent  créées  à 
Berlin  et  en  divers  endroits  de  TAlIemagne  des  associations  de 
femmes  et  de  jeunes  filles  ouvrières,  où  Ion  discuta  principa- 
lement des  questions  économiques.  Profitant  des  connaissances 
qu'elles  y  acquérirent,  les  membres  de  ces  associations  prirent 
bientôt  un  vif  intérêt  aux  questions  de  législation  et  reconnurent 
qu'il  était  abs«olument  de  leur  intérêt  d  avoir  au  Reichstag  des 
députés  ayant  promis  de  soutenir  les  revendications  de  la 
classe  ouvrière.  Elles  devinrent  alors  des  partisans  enthousiastes 
du  socialisme,  et,  en  1877,  elles  se  déclarèrent  ouvertement 
pour  les  candidats  socialistes,  non  seulement  en  faisant  cam- 
pagne en  leur  faveur  du  haut  de  la  tribune,  mais  en  cherchant  à 
se  rendre  utiles  en  distribuant  des  brochures  et  des  bulletins  de 
vote.  Ainsi,  ce  furent  des  femmes  de  la  classe  prolétaire  qui, 
firent  en  Allemagne  la  première  campagne  politique.  Un  état 
dirigé  par  la  main  de  fer  de  Bismarck  ne  pouvait  supporter 
pareille  chose.  Les  premières  associations  indépendantes 
d'ouvrières  furent  dissoutes  par  la  police  pour  avoir  trans- 
gressé les  lois  sur  les  associations  qui  défendent  aux  femmes 
toute  activité  politique  organisée.  Lorsque,  une  année  plus 
tard,  la  loi  sur  les  socialistes  ligolta  le  mouvement  ouvrier,  le 
mouvement  féministe  ouvrier  se  vit  privé,  lui  aussi,  de  toute 
liberté;  mais  c'est  justement  au  cours  de  ces  douze  années  qui 
suivirent,  pendant  cette  époque  de  luttes,  de  privations  et  de 
souffrances,  que  les  deux  partis,  au  lieu  de  se  laisser  abattre, 
devinrent  plus  puissants.  Ils  s'unirent  plus  étroitement;  ils 
apprirent  à  faire  des  sacrifices,  soit  pour  leur  cause,  soit  l'un 
pour  l'autre.  La  publication  du  livre  de  Bebel,  «  La  Femme  et  le 
Socialisme  »,  fut  un  événement  pour  le  mouvement  féministe 


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54  LE  JfOt'VEMEMT   FÉMINISTE  CN    ALLEMAGNE 

ouvrier.  Il  exposa  pour  la  première  fois  la  conjaexion  étroite  et 
nécessaire  de  ce  mouvemefit  avec  le  mouvement  social  général  ; 
il  fournit  à  l'agitation  un  aliment  précieux  et  gagna  à  tsa  cause, 
parmi  les  femmes,  un  grand  nombre  de  prosélytes 

Mais,  pour  provoquer  de  nouveau,  sous  l'oppression  des  lois 
d'exception,  un  mouvement  féministe  ouvrier  qui  eût  quelque 
publicité,  il  fallait  une  impulsion  venue  du  dehors, 

La  comtesse  Guillanme-Schack,  qui  n'avait  déjà  point  caché, 
dans  l'Association  générale  des  femmes  aUentandes,  ses  o{>inions 
radicales,  vint  à  Beriin  afin  de  répandre  les  idées  de  «  l'Union 
féministe  anglaise  »  qui  tendent  à  combattre  la  prostitution. 
Elle  s'adressa  d'abord  à  des  milieux  bourgeois  pour  obtenir 
leur  appui,  et,  malgré  le  peu  d'empressement  qu'elle  rencontra 
de  ce  côté,  elle  réussit  à  prendre  la  parole  dans  quelques 
réunions.  Mais,  au  lieu  de  provoquer  un  mouvement  considé- 
rable en  faveur  de  la  suppression  de  la  prostitution  sanctionnée 
par  l'Etat,  elle  ne  réussit  qu*à  fonder  trois  associations  qui 
avaient  pour  but  d'élever  les  petites  filles  abandonnées  à  elles- 
mêmes,  de  fonder  des  asiles,  etc.  La  comtesse  Schack  vit  qu'elle 
ne  pouvait  compter  ni  sur  le  mouvement  féministe  bourgeois, 
ni  sur  les  partis  que  composait  la  bourgeoisie,  et,  prenant  une 
résolution  énergique,  elle  se  tourna,  malgré  son  origine  aristo- 
cratique, malgré  les  graves  conséquences  que  cela  pouvait  avoir 
pour  elle,  vers  le  socialisme  qui  seul  la  comprit  et  lui  prêta 
avec  empressement  son  appui.  La  question  morale  l'avait 
conduite,  comme  tout  penseur  affranchi  de  préjugés,  à  la  ques- 
tion sociale  ;  elle  vit  dans  la  misère  la  cause  principale  de  la 
prostitution,  et,  pénétrée  de  cette  idée,  elle  marcha  au  eom bat 
la  main  dans  la  main  avec  les  ouvrières. 

Grâce  à  son  initiative,  se  fonda  à  Offenbach  une  caisse  de 
secours  destinée  à  payer  les  maladies  et  les  frais  d'enterrement 
pomr  femmes  et  jeunes  filles;  cette  caisse  existe  encore  aujour- 
d'hui. En  1885,  elle  dirigea  une  campagne  très  vive  contre 
l'augmentation  des  droits  sur  le  fil  à  coudre,  question  qui  occu- 
pait alors  le  Reichstag,  et  réussit,  non  seulement  à  faire  rejeter 
le  projet,  mais  à  attirer  Tattention  publique  sur  la  misérable 
situation  des  couturières.  Elle  créa  une  association  «  pour  la 
sauvegarde  des  intérêts  des  ouvrières  »,  dont  la  présidente, 
MmeHoffman,  était  passée  paiement  des  rangs  de  la  bourgeoisie 


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LE  MOUVEMENT    FÉMINISTE  EN    ALLEMAGNE  55 

dans  ceux  du  socialisme.  En  même  temps,  elle  fonda  une  revue 
féministe  :  «  La  Citoyenne  »,  où  la  question  féministe  était 
discutée  dans  tous  les  sens,  mais  où  l'on  faisait  passer  au  pre- 
mier rang  les  revendications  en  faveufdes  ouvrières. 

Le  mouvement  féministe  des  ouvrières  se  prit  à  revivre  dans 
toute  TAilemagne.  Partout  se  développèrent  les  associations; 
dans  toutes  les  réunions  publiques  populaires,  les  femmes  pri- 
rent énergiquement  parti  dans  les  questions  du  jour  en  fait  de 
politique  intérieure  et  extérieure.  C'étaient  presque  exclusive- 
ment des  ouvrières  qui  dirigeaient  ce  mouvement  :  Mmes  Bûge 
et  Krankemann  fondèrent  l'Association  des  couturières  en  man- 
teaux berlinoises,  qui  essayèrent  bientôt  de  se  mettre  en  grève, 
d'une  manière  indépendante,  afin  d'obtenir  (le  meilleurs  salaires. 
L'association  la  plus  solide  fut  celle  des  ouvrières  du  nord  de 
Berlin,  fondée  également  par  une  ouvrière,  Mme  Pôtting.  Un 
nombre  si  considérable  de  femmes  et  de  jeunes  filles  y  entrèrent 
que  la  présidente  put  entreprendre  de  diviser  les  adhérentes 
en  plusieurs  sections  dont  chacune  représentait  une  branche  de 
confection  spéciale  et  avait  sa  présidente.  En  môme  temps 
se  constitua  un  comité  spécial  d'agitation,  dans  lequel  Agnès 
Wabnitz,  une  des  socialistes  les  plus  connues  comme  agitatrices, 
déploya  son  talent  d'orateur.  Une  fois  cette  organisation  achevée, 
Mme  Pôtting  rédigea  un  questionnaire  qui  devait  indiquer 
brièvement  :  le  genre  de  travail,  la  situation  de  famille,  le 
nombre  des  enfants,  le  salaire  hebdomadaire  et  le  nombre 
d'heures  de  travail  par  jour.  Il  fut  répandu  par  milliers  d'exem- 
plaires. Les  résultats  de  cette  enquête  révoltèrent  même  la 
classe  bourgeoise.  On  découvrit  que  13  et  même  15  heures 
de  travail  par  jour  étaient  payées  4,  3  et  même  2  marks  par 
semaine.  La  lumière  éclaira  subitement  les  coins  les  plus  obscurs 
de  la  vie  de  la  femme,  provoquant  chez  les  ouvrières  une  vive 
agitation.  Elles  reconnurent  la  nécessité  de  s'organiser  et  de 
marcher  côte  à  côte.  Avec  l'aide  de  M.  Auguste  Bebel,  député 
au  Reichstag,  Mme  Pôtting  rédigea,  pour  le  mouvement  fémi- 
niste ouvrier,  un  programme  qui  devait  former  la  base  d'une 
campagne  d'agitation  menée  en  commun.  En  comparaison  des 
efforts  de  la  comtesse  Schack,  qui  avait,  comme  tous  les  défen- 
seurs des  droits  de  la  femme  en  Angleterre,  protesté  contre  la 
limitation  par  la  loi  du  travail  de  la  femme,  c'était  un  progrès. 


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56  LE   MOUVEMENT    FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

en  ce  sens  que  ce  programme  demandait  qu'on  interdît  aux 
femmes  le  travail  de  l'usine,  en  tant  que  celui-ci  présentait  du 
danger  au  point  de  vue  de  leur  sexe,  et  que  Ton  fît  des  lois  pour 
protéger  la  vie  et  la  santé  des  ouvrières.  L'égalité  politique 
des  deux  sexes  et  l'indépendance  dj  la  femme  au  point  de  vue 
économique,  tel  était  le  but  qu'il  fixait  à  ce  mouvement  au- 
quel semblait  réservée  une  grande  extension.  11  était  conduit 
par  des  femmes  énergiques,  et,  à  côté  des  brillantes  perpectives 
d'avenir  qui  enflammaient  les  courages,  on  mena  une  campagne 
pour  obtenir  des  réformes  pratiques  immédiates.  C'est  à  ce 
moment  déjà  que  commença  la  campagne  en  faveur  de  la  nomi- 
nation des  femmes  au  poste  d'inspectrices  de  fabrique,  campagne 
qui  fut  menée  par  le  mouvement  féministe  socialiste,  et  surtout 
par  Mme  Emma  Ihrer. 

Mais  un  semblable  mouvement  ne  pouvait  se  propager  long- 
temps en  liberté  dans  un  Etat  comme  la  Prusse,  où  l'armée  et 
la  police  jouent  un  si  grand  rôle.  En  1886,  un  an  à  peine  après 
leur  fondation,  toutes  los  associations  d'ouvrières  furent  dis- 
soutes par  la  police  et  leur  directrices  furent  mises  en  accusa- 
tion. Dans  Je  réquisitoire  que  l'on  prononça  contre  elles,  le 
mouvement  créé  par  les  associations  fut  qualifié  de  danger  pour 
TAllemagne.  «  Se  tenir  tranquille  est  le  premier  devoir  d'un 
citoyen  »,  enseigna- t-on aux  femmes;  «  souff*rir  sans  se  plaindre, 
supporter  en  silence  est  le  devoir  de  laïemme.  » 

On  essaya  désormais  de  continuer  la  campagne  au  moyen  de 
réunions  publiques,  puisqu'il  ne  fallait  plus  songer  à  la  propa- 
gande par  les  associations.  Mais  la  force  la  plus  brutale  de  l'Elut, 
la  police,  ne  manqua  pas  d'intervenir,  ici  aussi,  en  ne  permet- 
tant pas,  pour  les  motifs  les  plus  futiles,  que  ces  réunions  eus- 
sent lieu,  ou  en  forçant  à  lever  la  séance.  Pour  enlever  aux 
ouvrières  tout  lien  entre  elles,  la  revue  «  La  Citoyenne  »  fut 
également  interdite  par  la  police. 

Si,  d'une  part,  on  persécutait  le  mouvement  féministe  comme 
s'il  eût  été  la  personnification  de  tentatives  criminelles  contre 
la  sûreté  de  l'Etat,  on  était  obligé  d'autre  part  de  le  reconnaître 
comme  légitime,  ainsi  que  le  prouve  l'enquôtc  ordonnée  par  ie 
Reichstag,  en  présence  de  la  situation  ainsi  révélée,  sur  les  sa- 
laires des  ouvrières  employées  à  la  fabrication  du  linge  et  dans 
|a  confection.  Cette  enquête  ne  put  d'ailleurs  que  confirmer  et 


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LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE  57 

compléter  les  renseignements  donnés  précédemment.  Lorsque 
les  lois  d'exception  contre  les  socialistes  furent  abrogées,  on  vit 
bien  que  le  mouvement  féministe  ouvrier,  tout  ligotté  qu'il  fût 
alors,  ne  pouvait  être  détruit  :  les  associations  ouvrières  se  re- 
constituèrent, et,  à  la  place  de  «  La  Citoyenne  »  parut  «  L'Ou- 
vrière »,  journal  hebdomadaire  dirigé  par  Emma  Ihrer. 

La  triste  situation  des  filles  de  café,  qui  sont  absolument 
obligées  de  se  vendre,  car  ellcrs  ne  reçoivent  pour  la  plupart 
aucune  rétribution  et  n'ont  d  autres  ressources  que  la  géné- 
rosité de  ceux  qui  fréquentent  le  café,  provoqua  de  nouveau  un 
mouvement  considérable  dont  Agnès  Walbintz  et  Emma  Ihrer 
prirent  la  direction.  Ceci  amena  le  gouvernement  et  certains 
savants  à  s'occuper  de  la  situation  du  commerce  de  débit;  on 
publia  à  ce  sujet  toute  une  série  d'enquêtes  scientifiques  et  la 
commission  de  statistique  ouvrière  fut  chargée  de  procéder  à 
une  enquête  qui,  actuellement,  est  près  de  se  terminer  et  pro 
voquera  sans  aucun  doute  des  projets  de  loi  h  ce  sujet.  On  peut 
dire  du  mouvement  en  faveur  des  ouvrières  ce  que  le  prince  de 
Bismarck  disait  du  socialisme  en  général  :  le  peu  de  réformes 
sociales  à  présent  réalisées  n'existeraient  pas  sans  lui. 

L'iaitiative  prise  par  le  parti  féministe  ouvrier  eut  une  im- 
portance considérable,  parce  qu'il  n'est  pas  réduit  à  ses  propres 
forces,  comme  le  mouvement  féministe  bourgeois,  qui  ne 
compte  dans  les  corps  législatifs  que  des  amis  isolés;  il  a  au 
contraire  pour  le  soutenir  tout  le  parti  socialiste,  le  plus  nom- 
breux aujourd'hui  en  Allemagne  et  dont  les  représentants  s'en- 
tendent pour  défendre  en  corps  les  revendications  féministes, 
soit  au  Reichstag,  soit  aux  Landtags  des  états  autres  que  la 
Prusse. 

Lorsqu'on  remania,  en  1891,  le  programme  du  parti  socialiste, 
on  tint  particulièrement  compte  du  mouvement  féministe,  et 
le  congrès  socialiste  international,  tenu  à  Bruxelles,  décida  que 
l'égalité  de  droits  entre  l'homme  et  la  femme  serait  une  reven- 
dication commune  à  tous  les  socialistes  du  monde  entier.  Con- 
formément à  ce  principe,  les  femmes  jouirent  de  droit  égaux  à 
ceux  des  hommes  dans  les  organisations  créées  par  le  parti, 
autant  du  moins  que  la  loi  le  permettait.  Tandis  qu'aux  réunions 
des  partis  de  la  classe  bourgeoise  une  femme  n'est  admise 
qu'exceptionnellement,  dans  toutes  les  réunions  socialistes  l'élé- 


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58  LE   MOCVEMEBIT   FÉMnt»TE   ES    ALLEMAGNE 

ment  féminin  est  largement  représenté,  et,  aux  congrès  des 
partis  socialistes,  des  déléguées  femmes  siègent  à  côté  des  délé- 
gués hommes  et  jouissent  des  mêmes  prérogatives. 

Comme  les  femmes  se  préoccupaient  de  remédier  à  leurs 
besoins,  menaient  dans  ce  but  une  campagne  énergique  et  fai- 
saient aux  sessions  du  parti  socialiste  des  propositions  témoi- 
gnant d'une  mûre  réflexion,  la  fraction  socialiste  du  Reîchstag 
est  devenue  de  plus  en  plus  le  représentant  de  tous  les  intérêts 
féminins.  Ce  fut-elle  qui,  à  Tinstigation  des  femmes,  demanda 
la  première  au  Reichstag  l'extension  des  lois  de  protection 
ouvrière  à  Tindustrie  domestique,  la  nomination  de  femmes  au 
poste  d'inspectrices  de  fabrique,  l'attribution  aux  femmes  du 
droit  de  vote  pour  les  tribunaux  de  commerce  et  l'abolition  des 
prescriptions  honteuses  concernant  les  domestiques  qui  sont 
observées  dans  toute  l'Allemagne.  Elle  seule  fut  unanime  à  re- 
jeter, au  nom  de  la  femme  en  tant  qu'épouse,  mère  et  ouvrière, 
le  nouveau  code  de  législation  civile  de  TEmpire  allemand  et 
demanda  la  suppression  de  certaines  dispositions  de  la  loi  sur 
les  associations  qui  étaient  outrageusement  défavorables  aux 
femmes  et  les  livraient  à  l'arbitraire  de  la  police.  Enfin  ce  fut- 
elle  qui,  pour  la  première  fois,  déposa  au  Parlement  allemand 
un  projet  qui  reconnaissait  à  la  femme  la  jouissance  de  droits 
politiques.  Ce  fut  au  printemps  de  1895  que  Bebel  défendit  ce 
projet.  La  grande  majorité  du  Reichstag  ne  fit  qu'en  rire  et  le 
repoussa;  mais  on  obtint  cependant  ce  résultat  que  la  question 
du  droit  de  vote  pour  la  femme  devint  de  nouveau  en  Allemagne 
l'objet  de  sérieuses  discussions. 

Quelles  furent  les  publications  qui  firent  de  la  propagande 
parmi  les  ouvrières  elles-mêmes  ?  Nous  avons  déjà  vu  qu'en  1891 
des  associations  s'étaient  de  nouveau  formées.  Elles  déployèrent 
la  plus  vive  ardeur  à  discuter  les  conditions  du  travail  et  du  sa- 
laire, à  faire  des  conférences  d'un  caractère  scientifique  et  à 
s'exercer  à  la  discussion.  C'est  par  là  qu'elles  ne  cessèrent  d'in- 
téresser vivement  Tattention  des  autorités.  Pour  les  ouvrières, 
il  semblait  que  la  loi  sur  les  socialistes  n'eût  pas  été  abrogée  ; 
l'histoire  du  mouvement  féministe  ouvrier  est  en  môme  temps 
l'histoire  de  leur  persécution.  A  Munich,  par  exemple,  en  1891 , 
on  confisqua  tous  les  exemplaires  d'un  journal,  parce  qu'il  con- 
tenait... l'annonce  d'une  réunion  féministe  !    Au  cours  de  la 


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LE  MOUTEIdENT   FÉVIKUnTE  EK   ALLEMAGNE  59 

même  aanëe  les  associatioBS  d'ouTrières  ftireat  dissoutes  à 
Francfort  et  à  Halle,  et,  dans  l'une  des  deux  villes,  pour  ce  motif 
qu'un  des  membres  avait  demandé  qu'on  fit  la  lecture  des 
comptes  rendus  des  débats  4u  Reiokstag. 

Mais  plus  la  persécution  devenait  violente,  plus  le  mouve- 
ment devenait  puissant.  A  côté  des  anciens  chefs,  d^une  valeur 
éprouvée,  se  révélèrent  de  nouvelles  recrues,  dont  Mme  Clara 
Zetkin  est  la  plus  remarquable.  Douée  d'uîi  talent  de  parole  peu 
commtan^  d'un  caractère  irréprocbable,  d'une  culture  très  vaste, 
et  dévouée  à  la  cause  féministe  jusqu'au  sacrifice,  elle  effaça 
toutes  les  autres  femmes  allemamles  qui^léfendaient  publique- 
ment cette  ca«i«e.  La  place  qui  lui  revient,  était  et  est  encore,  à 
la  tête  du  mouvement  féministe  jMrolétai're  qu  elle  cherche  éga- 
lement à  développer  au  moyen  de  la  revue  «  l'Egalité  »,  qui 
remplaça  «  l'Ouvrière  »  et  dont  elle  est  directrice.  Elle  y  ex- 
prime son  opinion  sans  ménagement  aucun,  et,  dans  toutes  les 
questions  politiques,  elie  prend  position  à  l'aile  gauche  du  parti. 
Sous  son  influence,  le  mouvement  féministe  ouvrier  à  pris  un 
caractère  de  plus  en  plus  radical,  et  lorsque  M.  de  Kôller  de- 
vint ministre  de  l'Intérieur,  lorsque  la  réaction  triompha  bru- 
talement dans  tous  les  domaines,  le  mouvement  féministe  ou- 
vrier fut  au  nombre  des  victimes.  Dès  1894,  la  police  supprima 
les  associations  de  Nwremberg,  de  Munich  et  d'EIberfeld.  La 
petite  loi  contre  les  socialistes,  connue  sous  le  nom  de  «  Ums- 
turzvorlage  »,  (projet  de  loi  contre  les  révolutionnaires)  et  éla- 
borée sous  les  auspices  de  M.  de  Kôller,  menaçait  alors  d'anéan- 
tir le  mouvement  féministe  prolétaire  ^t  c'était  d'ailleurs  son 
but  avoué.  Lorsque  M.  de  Koller  défendit  son  projet,  en  jan- 
vier 1895,  il  émit  expressément  l'espoir  de  voir  la  loi  arrêter 
Tenvahissement  des  milieux  féminins  par  les  idées  socialistes. 
Contre  son  désir,  la  loi  proposée  fut  rejetée,  mais  l'esprit  qui 
Favait  inspirée  continua  à  agir.  Les  associations  pour  l'instruc- 
tion des  ouvrières,  établies  h  Berlin,  à  Charlottembourg,  à 
Weissensee  et  à  Friedrichsberg,  et  si  florissantes  à  ce  moment, 
furent  fermées  sous  prétexte  qu  elle  s'étaient  occupées  de  po- 
litique, et  lorsqiie  leurs  directrices  déclarèrent  devant  le  tri- 
bunal qu'elles  n'avaient  commis  aucune  contravention  à  la  loi 
sur  les  associations,  elles  reçurent  cette  réponse  stupéfiante  : 
*<  La  politique  est  tout  ce  qui  concerne  la  vie  publique  ». 


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60  LE   MOUVEMENT  FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

S'il  n'y  avait  en  Allemagne  qu'un  poids  et  qu'une  mesure,  il 
faudrait  également,  en  vertu  de  ce  verdict,  prononcer  la  disso- 
lution d:  toutes  les  associations  féministes  bourgeoises,  les- 
quelles s'occupent,  comme  nous  l'avons  vu,  de  questions  qui, 
au  jugement  de  ce  tribunal,  ont  sans  aucun  doute  un  caractère 
politique.  Mais,  si  les  ouvrières  avaient  encore  douté  que  l'éga- 
lité devant  la  loi  ne  fût  pour  elles  qu'une  phrase  vide  de  sens, 
elles  étaient  désormais  renseignées. 

Comme  il  était  défendu  aux  femme,s  par  la  loi  de  tonder  des 
associations  féministes  politiques  et  de  devenir  membres  d'une 
association  politique;  comme  d'autre  part  la  campagne  d'agita- 
tion politique  menée  parmi  les  femmes  avait  besoin  d'être  di- 
rigée, il  se  créa  dans  diverses  villes  d'Allemagne  ce  qu'on  appela 
des  comités  d'agitation,  de  chacun  5  à  7  membres  au  plus.  Ils 
rendirent  de  grands  services  en  convoquant  des  réunions  pu- 
bliques populaires  pour  y  prendre  position  dans  certaines  ques- 
tions de  la  politique  du  jour.  C'est  ainsi  que,  par  exemple 
en  1892,  le  comité  de  Berlin  dirigea  le  mouvement  de  protes- 
tation contre  la  loi  militaire  et,  l'année  suivante,  la  campagne 
des  ouvrières  en  vue  des  élections  au  Reichstag.  Quoique  ces 
comités  n'eussent  ni  présidents,  ni  statuts,  ceux  de  Dusseldorf, 
en  octobre  1894,  et  de  Berlin  en  février  1895,  furent  déclarés 
parles  autorités  constituer  une  association  et  la  police  prononça 
leur  dissolution  pour  s'être  occupés  de  politique.  Le  tribunal 
considéra  de  plus  les  comités  comme  une  sorte  de  comités  diri- 
geants d'associations  et  les  réunions  d'associations  !  Tous  ceux 
qui  étaient  impliqués  dans  l'affaire  furent  condamnés. 

Le  mouvement  féministe  prolétaire,  qui  se  trouvait  désormais 
privé  de  toute  organisation,  reçut  de  ce  fait  un  coup  sensible, 
et  môme  des  personnes  qui  se  désintéressaient  de  ces  questions 
sentirent  et  exprimèrent  tout  ce  qu'il  y  avait  d'injuste  dans  les 
poursuites  auxquelles  il  était  en  butte.  L'année  suivante,  la 
révision  du  droit  de  réunion  et  d'association  fut  inscrite  au 
Reichstag  à  l'ordre  du  jour,  et  lorsque  les  députés  socialistes 
dirigèrent  de  vives  critiques  contre  les  agissements  des  autorités 
vis-à-vis  du  mouvement  féministe  ouvrier  et  proposèrent  qu'on 
modifuit  également  le  droit  d'association  en  ce  qui  concerne  les 
femmes,  ils  furent  énergiquement  soutenus  par  quatre  dépu- 
tés libéraux.   Mais  celles  qui  protestaient  sans  cesse  de  leur 


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LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLE&IâGNE  61 

affection  pour  leurs  «  sœurs  pauvres  »,  c'est-à-dire  celles  qui 
défendaient  les  droits  de  la  femme  de  la  bourgeoisie,  se  tinrent 
coi  à  un  moment  où  elle  auraient  eu,  pour  une  fois,  l'occasion 
de  prouver  leur  affection.  Pas  une  seule  réunion  protestataire 
(et  elles  avaient  déjà  cependant  Thabitude  d'en  convoquer),  ne 
s'éleva  contre  les  actes  arbitraires  de  la  police  ;  nulle  part  elles 
ne  se  firent  publiquement  et  énergiquement  les  défenseurs  de 
Touvrière.  Et  cependant  c'était  à  elles  à  s'y  intéresser  les  pre- 
miers, car  personne  ne  pouvait  mieux  qu'elle  apprécier  l'in- 
justice des  mesures  prises  par  les  autorités,  puisque,  dans  l'opi- 
nion de  ces  mêmes  autorités,  elles  s'occupaient,  elles  aussi,  de 
politique  sans  que  d'ailleurs  il  leur  fut  advenu  pour  cela  le 
moindre  mal.  Leur  silence  fit  mieux  comprendre  que  toute 
autre  explication  que  l'abîme  infranchissable  séparait  le  mouve- 
ment féministe  prolétaire  et  le  mouvement  féministe  bourgeois. 
Aussi,  lorsque  les  femmes  qui  dirigeaient  le  congrès  féministe 
international  de  Berlin  invitèrent  les  chefs  du  mouvement  fé- 
ministe ouvrier  à  y  prendre  part,  le  refus  de  ces  dernières  ne 
fut  que  la  conséquence  de  l'attitude  prise  par  les  premières. 
Mais  pour  que  le  moindre  doute  ne  pût  s'élever  sur  la  position 
prise  par  le  mouvement  féministe  prolétaire  et  les  principes  qui 
le  dirigeaient,  on  convoqua  des  assemblées  populaires  aux- 
quelles on  invita  les  membres  du  congrès.  Dans  trois  séances 
qui  attirèrent  des  milliers  d'auditeurs,  si  bien  que  plusieurs 
centaines  de  personnes  ne  purent  trouver  de  place  dans  une 
salle  immense,  les  femmes  qui  menaient  campagne  en  faveur 
du  mouvement  féministe  ouvrier,  à  savoir  :  Mme  Clara  Zetkin, 
Mme  Marie  (ireifenberg,  Mme  Emma  Ihrer,  Mme  Martha 
Rohrlack,  Mlle  Ottilie  Baader  et  moi  (1),  firent  un  rapport  sur 
l'extension  de  ce  mouvement,  sur  le  but  qu'il  poursuivait  otsur 
la  nécessité  dans  laquelle  il  se  trouvait  de  se  séparer  du  mou- 
vement féministe  bourgeois.  De  cette  façon,  la  séparation  défi- 
nitive était  accomplie.  Mais  ceci  prouvait  également  qu'aucune 
violence,  qu'aucun  arbitraire  n'avaient  le  pouvoir  de  réprimer 

(1)  Reconnaissant  que  le  mouvement  féministe  daos  la  bourgeoisie  allemande 
n'était  pas  en  mesure  de  faire  aboutir  à  une  solution  la  question  féministe,  et 
que,  d'autre  part,  il  était  impossible  d'arriver  à  un  résultat  sans  rattacher  étroi- 
tement cette  question  à  la  question  sociale,  j'étais  entrée  depuis  une  aunée  drjà 
dans  le  parti  socialiste.  [Note  de  Vauteur). 


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62  LE  3IÛi:VEME3fT   FÉMINI&TK  £?»   AJ.LEMAONE 

le  mouvememt  féministe  ottyriejr,  wenàn  plit»  puisaant  et  plu» 
assuré  de  son  triomphe  par  toutes  ks  poursuites. 

L'organisation  ainsi  détruite  fut  remplacée  dans  les  ^andes 
villes  d' Allema^e  par  Tintervention,  dans  les  réunions  publi- 
ques, de  quelques  femmes,  spéeialemeitt  choisies^  —  ce  que 
Ton  appelle  des  personne  de  confiance,  chargées  de  diriger  le 
mouvement.  C'est  à  elles  que  s'adressent  les  ouvrières  quand 
elles  veulent  avoir  des  orateurs  pour  leurs  réunions.  Ces 
personnes  prennent  l'initiative  de  coavoqver  des  réunions 
quand  une  qu^estion  leur  parait  assez  importante  pour  mériter 
ladiâcussiodDi;  elles  organisent  tes  tournées  des  agitatrices  et  il 
n'y  a  pas  de  saison  où  plosieufs  d'entre  elles  n»e  soient  en  route, 
allant  souvent  pendant  un.  mois  d'endroit  en  endroit,  prenant 
la  parole  presque  to«s  les  jours,,  consacrant  toutes  leurs  forces 
à  cette  tâche.  Elles  vont  damsles  villages  et  dans  les  bourgs  aussi 
bien  que  dans  les  grandes  villes;  elles  ne  redoutent  aucune 
fatigue,  car  Tenthottsiasme  pour  la  cause  qu'elles  servent  les 
empêche  de  la  ressentir,  mais,,  pendant  tout  ce  temps,  elles  sont 
sons  la  surveillance  de  la  police  et  doivent  bien  souvent  se  rési- 
■  gner  à  voir  leurs  réunions  dissoutes  ou  à  se  voir  traduites  ea 
justice  pour  des  motifs  bien  souvent  futiles.  C'est  ainsi  que 
récemment,  en  Westphalie,.  sur  15  réunions,  Otiilie  Baader 
n'en  a  pu  tenir  sans  obstacle  qiM  deux  seulement  et  Mme  Grei- 
fenberg  s'est  vue,  en  Saxe  et  en  Silésie,  interdire  à  plusieurs 
reprises  la  parole^  quoiqu'elle  ne  traitât  que  des  questions 
d  ordre  économique. 

L'action  la  plus  décisive  que  le  mouvement  fénkiniste  onvrier 
ail  exercée  a  été  lors  des  dernières  élections  au  Reichstag.  Non 
seulement  ses  prosélytes  menèrent  campagne  dans  les  assena- 
blées  populaires  en  faveur  des  candidats  socialistes,  nuiis  elles 
excellèrent  à  agir  sur  chacun  en  particulier,,  allant  de  maison 
en  maison  pour  gagner  les  électeurs,  et  l«ir  parlant  individuel- 
lement, surtout  dans  les  quartiers  pauvres.  Elles  distribuèrent 
des  brochures  et  des  bulletins  de  vote,  établirent  des  listes 
d'électeurs  et,  le  jour  des  élections,  allèrent  chercher  elles- 
même  les  électeurs  négligents  pour  les  conduire  aux  urnes. 
Plus  d'un  candidat  déclara  qu'ail  n'aurait  pas  triomphé  sans 
l'aide  des  femmes,   et  il  est  hors  de  doute  que   l'extension 


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LE  MOL'VEMENT   FÉMUil&TB  EN    ALLEMAGNE  63 

énorme  prise  pdr  le  parti  socialiste  doit  être  attribuée,  et  non 
pour  la  moindre  part,  à  l'appui  fourni  par  les  femmes. 

Mais  le  mouvement  féministe  prolétaire  fait  preuve  d'une 
activité  incessante,  même  en  deliors  de  Tagitation  politique.  La 
bourgeoisie  libérale  anglaise,  ainsi  qu'une  fraction  du  mouve- 
ment féministe  bourgeois,  ont  cherché  à  favoriser  l'organisation 
des  ouvriers  en  sociétés  ;  la  bourgeoisie  allemande,  de  son  c6té 
a  montré,  en  fondant  les  associations  ouvrières  de  Hirsch-Dunc- 
ker,  qu'elle  s'intéressait  suffisamment  à  cette  question;  mais  le 
mouvement  féministe  bourgeois  n'est  pas  allé  au  delà  de  vagues 
déclarations  de  sympathie.  Il  a  abandonné  au  mouvement  fémi- 
niste ouvrier  la  lourde  tâche  d'organiser  les  ouvrières  en 
société.  Or,  cette  tâche  est  particulièrement  difficile  en  Alle- 
magne à  cause  des  lois  sur  les  associations  et  par  ce  fait  que  la 
majorité  des  sociétés  ouvrières  sont  suspectes  de  socialisme  et 
gênent  par  suite  les  autorités.  Un  grand  nombre  de  sociétés 
ouvrières  sont  déclarées  constituer  des  sociétés  politiques  et 
les  femmes  sont  exclues  a  priori.  Les  réunions  de  ces  sociétés 
ouvrières  subissent  trop  souvent  le  même  sort  que  celles  des 
sociétés  politiques,  en  particulier  dès  que  les  femmes  y  pren- 
nent la  parole.  Il  arriva  assez  récemment  qu'à  Nuremberg 
siégeait  un  congrès  composé  de  femmes  de  la  bourgeoisie 
auxquelles  le  maire  en  personne  avait  môme  souhaité  la  bien- 
venue, et  qui  discutait  sans  obstacle  des  questions  de  législa- 
tion, tandis  que,  peu  de  jours  plus  tard,  deux  ouvrières  étaient 
chassées  parla  police  d'une  réunion  ouvrière,  parce  que  l'ordre 
du  jour  portait  sur  Tinspeelion  industrielle.  Des  tournées  entre- 
prises pour  mener  campagne  en  faveur  des  sociétés  ouvrières 
furent  souvent  interrompues  parce  qu'on  craignait  que  les  ora- 
teurs ne  «  compromissent  la  sécurité  publique  ».  Malgré  cela, 
l'organisation  des  ouvrières  compte  à  son  actif  certains  progrès. 
Des  lattes  économiques  comme  celle  que  soutinrent  en  1896  les 
ouvrières  en  confection  éclairent  vivement  la  situation  des 
ouvrières  au  point  de  vue  du  salaire  et  amènent  toujours  aux 
sociétés  ouvrières  un  grand  nombre  de  membres.  C'est  par  là 
que  les  femmes  apprennent  la  valeur  de  l'union.  De  même  que 
le  mouvement  des  couturières  en  1886  et  celui  des  filles  de 
café  en  1891,  le  mouvement  des  ouvrières  en  confection  eut 
m^fi  conséquence  importante  que  le  gouvernement  fit  faire 


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64  LE   MOUVEMENT   FÉMINISTE   EN    ALLEMAGNE 

une  enquête  sur  leur  situation  et  apporta  au  moins  quelques 
modifications  à  la  loi.  L'association  en  sortit  plus  puissante  et 
le  comité  général  des  associations  ouvrières  d'Allemagne  insista 
davantage  encore  sur  rimportance  d'une  campagne  parmi  les 
ouvrières.  Jusqu'ici,  des  56  associations  qui  sont  sous  sa  direc- 
tion, il  n'y  en  a  que  49  dont  des  femmes  fassent  partie.  Or,  ces 
19  associations  comptent  en  tout  14.644  femmes  comme  mem- 
bres, tandis  qu'environ  800.000  ouvrières  travaillent  dans  les 
branches  d'industrie  correspondantes.  En  dehors  de  ces  organi- 
sations, il  y  en  a  quelques  autres  qui  ne  sont  pas  soumises  au 
comité  général,  ainsi  les  sociétés  ouvrières  de  Hirsch-Duncker, 
que  nous  avons  déjà  citées;  quelques  organisations  locales 
indépendantes,  un  petit  nombre  d'associations  ouvrières  catho- 
liques, et  quelques  associations  ouvrières  qui  n'ont  pour  ainsi 
dire  aucune  importance.  D'une  façon  générale,  les  femmes 
admises  dans  les  sociétés  qui  sont  sous  la  direction  du  comité 
général  peuvent  représenter  la  grande  majorité  des  ouvrières 
allemandes  organisées  en  associations.  Le  comité  général  compte 
lui-même  une  femme  parmi  ses  membres  :  Mme  Steinbach,  et 
bien  souvent  des  femmes  figurent  dans  les  comités  de  direction 
des  associations  et  d'autres  sont  envoyées  comme  déléguées 
dans  les  divers  congrès  d'associations  ouvrières,  au  même  titre 
que  les  hommes. 

En  dehors  des  réunions,  on  fait  de  la  propagande  parmi  les 
ouvrières  en  répandant  en  masse  certaines  brochures.  Mais 
l'entreprise  la  plus  importante  en  faveur  des  femmes,  dont  le 
comité  général  se  soit  dernièrement  chargé,  est  une  enquête  qui 
doit  renseigner  peu  à  peu,  au  moyen  de  questionnaires  et 
d'informations  recueillies  par  des  sortes  de  reporters  femmes, 
quelles  sont  l^s  conditions  de  travail  et  de  salaire  faites  aux 
femmes  dans  les  industries  où  elles  sont  en  majorité.  Cette 
enquête  doit  porter  sur  toute  TAUemagne.  On  doit  élaborer  et 
publier  les  documents  abondants  que  Ton  aura  réunis  de  cette 
façon,  afin  de  pouvoir  ofl'rir  à  l'agitation  en  faveur  des  associa- 
tions ouvrières  une  base  d'opérations  utiles. 

Une  autre  organisation  qui,  faute  de  femmes  inspectrices 
d'usines,  doit  servir  à  révéler  les  abus  dont  les  femmes  sont 
victimes  dans  les  fabriques  et  aider  à  les  faire  disparaître,  a  été 
établie  à  Berlin  par  les  associations  ouvrières.  Pour  chaque 


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LE  M0UVEMEI9T  FÉMINISTE    EN    ALLEMAGNE  65 

district  d'inspection  industrielle,  on  choisH  deux  femmes  qui, 
à  certains  jours  de  la  semaine,  reçoivent  les  plaintes  des 
ouvrières,  pour  les  faire  examiner  par  l'inspecteur  compétent. 
Un  cours  sur  la  législation  protectrice  ouvrière  et  le  droit 
ouvrier,  fait  en  1896,  a  préparé  ces  femmes,  la  plupart  ouvrières 
elles-mêmes,  à  remplir  le  poste  de  confiance  qu'elles  occupent. 
Une  feuille,  qui  a  été  répandue  jusqu'ici  à  200.000  exemplaires, 
appelle  Ujibstention  des  ouvrières  sur  toute  organisation  nou- 
velle, de  nature  à  les  protéger,  et  digne  d'être  bientôt  imitée 
dans  les  autres  villes. 

C'est  ainsi  que  le  mouvement  féministe  ouvrier  a  continué 
sans  faiblesse,  sa  marche  en  avant,  en  dépit  de  toutes  les  luttes 
et  de  tous  les  obstacles.  Il  se  sent  assez  fort  aujourd'hui  pour 
fonder  à  nouveau,  malgré  les  tristes  expériences  déjà  faites,  des 
associations  ouvrières  et  pour  activer  énergiquement  la  cam- 
pagne politique  qui  se  concentre  pour  le  moment  autour  des 
restrictions  menaçantes  que  Ton  veut  apporter  au  di'oit  de 
coalition.  Il  s'est  détaché  du  mouvement  féministe  bourgeois, 
dont  il  est  sorti  ;  il  voit  la  question  féministe  d'un  autre  point 
de  vue  et  n'en  attend  la  solution  ni  de  l'admission  des  femmes 
aux  carrières  supérieures,  ni  de  l'égalité  des  droits  judiriques 
et  politiques.  Les  ouvriers  se  rendent  compte  que,  bien  qu'au- 
cune loi  ne  les  exclue  des  universités  et  des  carrières  supé- 
rieures, leur  genre  d'existence  et  l'éducation  qui  en  résulte  leur 
en  interdisent  en  réalité  l'accès  ;  ils  comprennent  qu'en  dépit 
de  toute  égalité  politique  et  juridique,  ils  ont  à  souffrir  de  l'ar- 
bitraire et  de  l'oppression;  aussi  ont-ils  appris  par  là  qu'il 
fallait  lutter,  il  est  vrai,  pour  ces  droits,  parce  que  ce  sont  des 
moyens  pour  arriver  à  leurs  fins,  m^is  que  l'émancipation  de  la 
femme  ne  saurait  s'accomplir  que  par  l'émancipation  générale 
de  la  classe  ouvrière^ 

M"'°  LiLY  Braun-Gizvcki. 

Berlin. 


REVUE  POLIT.,  T.  XX 


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L4  SITUAim  FINANCIfiRE  DE  L  ESPAGNE 


DÉCLARATIONS  DE  M.  NAVARRO  REVERTER, 

Ancien  Minisire  des  Finances 


Madrid,  le  29  mars  i890. 

Il  n'est  pas  à  Theiire  actuelle  de  plus  grave  problème  en 
Espagne  que  le  problème  financier.  Faites -nous  de  bonnes 
finances,  disent  tous  les  hommes  d'Etat,  et  nous  ferons  de  bonne 
politique.  C'est  aussi  le  cri  de  tous  les  Espagnols.  Pour  étudier 
cette  question  capitale,  dont  en  Espagne  dépendent  toutes  les 
autres,  même  la  paix  publique r  nous  ne  pouvions  mieux  nous 
adresser  qu'à  M.  Navarro  Reverter,  l'ancien  ministre  des  Fi- 
nances du  cabinet  Canovas,  qui  est,  de  Tavis  général,  le  finan- 
cier le  plus  compétent  de  son  pays  et  qui  a  obtenu  durant  son 
passage  aux  Finances  des  résultats  exceptionnels. 

Sans  vouloir  pronostiquer  Tavenir  ni  indiquer  des  solutions 
qu'il  ne  croit  pas  encore  devoir  révéler,  M.  Navarro  Reverter 
a  bien  voulu  nous  donner  un  aperçu  très  exact  de  la  situation 
financière  actuelle.  On  lira  avec  intérêt  en  France,  où  les  fi- 
nances espagnoles  préoccupent  tant,  et  en  Espagne  où  il  est  bon 
de  dire  la  vérité,  les  chiflFres  et  les  déclarations  ci-dessous  : 

('  C'est  évidemment  le  patrimoine  des  races  latines  d'être  à 
l'excès  impressionnables  :  nous  le  sommes,  hélas  !  plus  encore 
en  Espagne  qu'en  France,  et  c'est  fort  gênant  pour  nous  rendre 
un  compte  exact  de  la  réalité  des  choses.  Il  y  a  un  an,  tout  le 
monde  croyait  ici  à  la  ruine  complète  de  l'Espagne  et  l'Exté- 
rieure, signe  régulateur  de  notre  crédit,  tombaitde  40  0/0.  Nous 


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LA   SITUATION   FINANCIÀICE   DE  l'eSPAONE  67 

avons  perdu  un  empire  colonial  plus  vaste  que  la  péninsule^ 
avec  dix  millions  d'habitants  et  un  mouvement  commercial 
considérable  avec  TAmérique  et  TExtrême-Orient.  Il  est  indé- 
niable que  notre  prestige  militaire  a  baissé  énormément  et  que 
notre  influence  comme  nation  se  cote  à  des  prix  très  bas;  mais, 
malgré  tout  cela.  Ton  se  figure  en  Espagne  que  Ton  est  plus 
riche  que  jamais  et  il  sera  difficile  de  détruire  cette  illusion  qui 
a  le  défaut  d'inspirer  une  confiance  qui  entretient  la  paresse  si 
chère  aux  habitants  de  notre  pays  gâtés  par  le  climat  et  les 
mœurs. 

«  Nous  ne  nous  proposons  pas  de  faire  une  étude  détaillée  des 
ressources  de  TEspagne  qui  sont  efifectivement  grandes  et  puis- 
santes, mais  auxquelles  manquent  pour  les  exploiter  et  les  ca- 
pitaux et  le  travail.  Nous  ne  prétendons  pas  davantage  résoudre 
les  profonds  problèmes  de  nos  finances  publiques  ;  qu'il  nous 
soit  simplement  permis  d'exposer  les  chiffres  les  plus  véridiques 
au  sujet  de  la  situation  actuelle. 

«  La  dette  publique,  avant  les  insurrections  de  Cuba  et  des 
Philippines  et  la  guerre  avec  les  Etats-Unis,  était  la  suivante  : 

En  millions  de  pesetas. 

ScTTiCcs  ws  inwrèts 
Dettes  Capital  nominal  et  amortissement 

Intérieure 2.274,51  90,98 

Extérieure 1.961,27  78,45 

Amortissable 1.515   »  99,60 

Flottante 378,84  18,94 

Diverses 558,29  23,38 

Totaux 6.687,11  311,35 

«  On  ne  connaît  pas  encore  complètement  les  dettes  contrac- 
tées pour  les  guerres  coloniales,  mais  leur  résumé  probable  est 
le  suivant  : 

En  millions  de  pesetas. 

InléréUel 
Chites  Capital  nominal  amortissement 

Emissions  des  douaaas 583,25  1 17,41 

Philippines Î98.30  13,10 

Flottante 193,38  9,67 

Délégations  (Bons  du  Trésor)...  225   »  11,25 

Intérieur  4  0/0 2.000   •  80   » 

Comptes  en  retard  des  Colonies.  398,67  17,93 

Cubas  6  0/0 585,75  39,34 

Cul)as50/0 852,80  43,64 

Totaux 5.011,95  334,34 


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68 


LA   SITUATION   FINANCIÈRE  DE  l'eSPAGNE 


«  Il  est  certain  que  les  dettes  de  Cuba  ne  sont  pas  reconnues 
comme  obligation  directe  du  gouvernement  espagnol, mais  elles 
ont  notre  garantie  complémentaire,  et  il  nous  faudra  en  recon* 
naître  une  partie,  surtout  après  les  déclarations  faites  par  le  mi- 
nistre actuel  des  Finances  ;  la  situation  se  résume  donc  ainsi  : 


En  millionB  de  pesetas, 

GapiUl  nomind 

Dettes  antérieures  k  la  guerre.  •  •       6.687,91 
Dettes  postérieures  À  la  guerre*       5.041,15 


Totaux 11.7«9,06 


InlérèU 

311,35 
334,34 

645,69 


«  C'est  là  le  triste  tableau  des  conséquences  de  la  guerre.  Les 
intérêts  de  la  dette  ont  augmenté  de  109  p.  100;  TEspagne  est- 
elle  actuellement  en  état  de  résister  à  cette  charge  ? 

Examinons  les  budgets  de  la  dernière  période  décennale  ;  en 
voici  les  chiffres  officiels  : 

Recettes  et  dépenses  de  V Espagne  durant    les  dix  dernières  années 
en  millions  de  pesetas. 


ReeetUt 

Noms  des  MiDislrcfl 

1888-89 

713,1 

854,5    —  141,4 

J.  L.  Puigcerver  et  V.  Gonzalez 

89-90 

752,9 

835,2    —    82,2  • 

•  V.  Gonzalez 

90-91 

753,9 

831,2    -    77,2 

M.  Eguilior 

91-92 

748,8 

825.5    —    74,6 

F.  Cos-Gayon 

92-93 

719,5 

767.9    —    48,3 

J.  de  la  Concha  et  G.  Gamazo 

93-94 

718,2 

712,2    -    5i,0 

Gamazo  et  Salvador 

94-95 

754,3 

779,6    -    25,2 

Salvador  et  Canalejas 

95-96 

766.» 

803,4    -    37,4 

Navarro  Reverter 

96-97 

791,8 

781,2    -f    10,5 

Navarro  Reverter 

97-98 

758,7 

810,7           52,0 

J.  L.  Puigcerver 

Totaux  : 

7.417.2 

8.059.4  -  581.8 

Hloyrnne  : 

747.7 

805.7  -   58.2 

«  Les  recettes  ont  suivi  une  progression  de  713  millions  du 
temps  de  M.  Puigcerver  en  1888-89  jusquV792  millions  sous 
mon  administration  en  1896-97.  Pépiais  lors,  sous  la  gestion  de 
M.  Puigcerver  en  1897-98,  elles  ont  diminué  jusqu'à  750  mil- 
lionSy  malgré  la  perception  des  iqipôts  de  g;uerre  et  les  réformes 
réalisées  par  ses  prédécesseurs.-  Il  sera  donc  difficile  et  peut- 
être  impossible  que  Ton  parvienne,  sans  uiie  réforme  totale  des 
impôts  ou  une  augmentation  d'un  grand  nombre,  ce  que  le  pays 


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LA    SITUATION  FINANCIÈRE   DE    l'eSPAGNE  69 

ne  parait  pas  disposé  à  accepter,  à  dépasser  les  800  millions  de 
recettes  réalisées  pendant  mon  passage  au  ministère  des  Fi- 
nances. 

M  Quant  aux  dépenses,  leur  moyenne  a  été  de  806  milions;  les 
résultats  des  dix  dernières  années  ont  donné  neuf  budgets  se  sol- 
dant par  un  déficit  et  un  seul  exercice  donnant  un  super avit  de 
10  millions,  ce  qui  est  un  résultat  extraordinaire  qui  n'a  été  dû 
qu'aux  énergiques  mesures  administratives  que  j^ai  prises  en 
1896-97.  On  peut  dire  que  le  terme  moyen  du  déficit  a  été  dans 
la  période  décennale  écoulée  de  58  millions  do  pesetas. 

«  Pour  établir  un  budget  équilibré,  il  faudrait  réduire  des  dé- 
penses à  800  millions  et  faire  monter  les  recettes  à  ce  chiffre. 
Mais,  dans  ces  dernières  années,  quelles  sommes  a-t-on  payé 
pour  les  intérêts  de  la  dette  publique?  Voici  ces  chiffres  : 

Dettb  Publique 

Dépenses  pour  le  service  des  intérêts^  amortissement^  change  etc.^ 

en  millions  de  pesetas. 

Années  économiques  Sommes  payées 

1888-89 286,4 

89-90 291,9 

90-91 264,3 

91-92 182,0 

92-93 274,7 

»94 199.8 

94-95 278,0 

95-96 280,0 

96-97 288,3 

97-98 307,2 

Total  :  2. 652.2 

«  Bien  que  le  terme  moyen  soit  de  265  millions,  nous  devons 
admettre  qu'il  faudra  dans  un  budget  de  800  millions  consacrer 
dorénavant 300  millions  au  service  de  la  dette  ;  mais  ces  300  mil- 
lions nécessaires  pour  payer  les  intérêts  des  délies  avant  la 
guerre  ne  font  même  pas  la  moitié  des  650  millions  qu'il  fau- 
drait payer  pour  servir  les  iniéi'êlsde  la  dette  publique  actuelle. 
Il  y  a  donc,  avant  tout  calcul,  un  déflcil  de  350  millions  de  ce 
chef.  Une  pareille  situation  n'est  ni  possible  ni  raisonnable.  , 
C'est  ce  que  sans  doute  n'ont  pas  encore  vu,  ni  les  rentiers  espa- 
gnols ni  les  hommes  d'Etat  de  notre  pays,  tous  très  sympathi- 
ques, mais  peu  versés  dans  ces  questions  financières  : 

<x  Les  moyens  de  sortir  de  cet  état  périlleux  sont  sufflsamment 


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70  LA    SITUATION   FlNA^'CIèRe  DE  l'sSPAGNE 

connus  et,  puisqu'il  est  évident  que  nous  ne  pouvons  payer 
cette  dette  intégralement,  il  faut  réduire  le  capital  ou  réduire  les 
intérêts  ou  réduire  les  deux  choses  à  la  fois  au  moyen  de  com- 
binaisons dissimulées  sous  les  noms  ronflants  de  conversion, 
unification^  arrangement  et  d'autres  encore.  Dans  quelle  pro- 
portion devra  peser  sur  les  rentiers  la  réduction  des  intérêts  et 
sur  les  contribuables  l'accroissement  des  impôts?  Voilà  le  pit>- 
blême  le  plus  difficile  à  résoudre.  Il  semble  que  les  porteurs  de 
titres  de  la  dette  aient  déjà  escompté  que,  sous  forme  d'impôt 
sur  la  rente  ou  de  combinaison  financière,  on  leur  fera  subir 
une  notable  réduction  de  leurs  intérêts.  Ce  qui  est  moins  clair, 
c'est  la  question  de  savoir  si  les  contribuables  seront  disposés  à 
payer  plus  d'impôts  !  » 

M.  Navarro  Reverter  s'est  borné  à  poser  aussi  le  problême, 
sans  nous  indiquer  quelle  serait  sa  solution  selon  lui.  L'ancien 
minisire  des  Finances  a  certainement  des  projets  qui  lui  sont 
personnels;  nous  espérons  pour  l'Espagne  que  le  ministre  ac- 
tuel M.  Villaverde  saura  résoudre  lui  aussi  ce  problème  si  dif- 
ficile et  si  important. 

Gaston  Routier. 


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JUSTICE  ADMINISTRATIVE 


NOTES  SUR  LA  RÉFORME  DES  CONSEILS  DE  PRÉFECTURE 


I 


Dans  leur  développement  historique,  les  institutions  judi- 
ciaires tendent,  d'une  manière  constante,  h  s'adapter  aux  idées, 
aux  mœurs  des  pays  qu'elles  régissent.  Mais  les  idées  se  modi- 
fient sans  cesse,  d'où  la  nécessité  fréquente,  non  pas  de  mettre 
en  question  le  principe  de  la  justice,  qui  reste  immuable,  mais 
de  rechercher,  pour  son  application,  l'organisation,  la  formule, 
qui  répond  le  mieux  aux  nécessités  du  moment.  Et  s'il  arrive 
qu'après  un  progrès,  un  changement  dans  les  mœurs,  l'an- 
cienne formule  s'applique  encore,  il  y  a  malaise  dans  le  corps 
social.  Des  plaintes  s'élèvent  contre  l'organisation  surannée.  11 
faut  la  modifier. 

Nous  voudrions  qu'il  nous  fût  permis  d'appliquer  ces  prin- 
cipes à  l'examen  de  nos  institutions  de  justice  administrative, 
et  principalement  en  ce  qui  touche  l'organisation  des  Conseils 
de  préfecture,  contre  laquelle  ont  été  dirigées  des  critiques 
ligitimes  et  souvent  réitérées. 

Nous  voudrions  examiner  s'il  y  aurait  lieu  de  supprimer  — 
comme  on  l'a  proposé  —  les  Conseils  de  préfecture,  ou  s'il  con- 
viendrait de  leur  enlever  leurs  attributions  judiciaires  ;  s'il 
ne  conviendrait  pas  mieux,  enfin,  de  conserver  ces  tribunaux, 
en  apportant  à  leur  oi^anisation  certaines  modifications  dont 
une  longue  expérience  a  démontré  la  nécessité. 

L^étude  de  ces  questions  nous  conduira  d'abord  à  constater 


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72  JUSTICE   ADMINISTRATIVE 

l'existence  de  juridictions  administratives  dans  la  plupart  des 
Etats  de  TEurope,  et  nous  pourrons  constater,  en  même  temps, 
une  tendance  générale  à  fortifier  ces  juridictions  là  où  elles  exis- 
tent, et  à  les  organiser  où  elles  n'existent  pas  encore. 

En  France,  on  a  toujours  reconnu  la  nécessité  de  donner  aux 
affaires  publiques  d'autres  juges  que  ceux  institués  pour  le 
règlement  des  intérêts  privés.  Sous  l'ancienne  monarchie,  du 
XIV*  au  xvu®  siècle,  les  affaires  concernant  le  domaine,  l'impôt 
et  la  comptabilité  étaient  soumises  à  des  juridictions  particu- 
lières. A  partir  de  l'époque  de  Louis  XIII,  et  malgré  l'opposition 
des  Parlements,  le  contentieux  administratif  s'étendit  à  des 
matières  très  diverses  qui  touchaient  à  l'administration  pu- 
blique. Au  xviii®  siècle,  la  juridiction  administrative,  fortement 
constituée,  s'exerçait  principalement  par  les  intendants  dont  les 
décisions  pouvaient  être  attaquées  devant  le  Conseil  du  Roi. 

La  Révolution  fit  disparaître  les  anciennes  juridictions  admi- 
nistratives et  fonda,  sur  le  principe  de  la  séparation  des  pou- 
voirs, une  organisation  nouvelle. 

«  La  Constitution  serait  violée  si  le  pouvoir  judiciaire  pouvait  se  minier 
des  choses  de  l'adminisl ration,  et  troubler,  en  quoi  que  ce  fût,  les  corps 
administratifs  dans  Texercice  de  leurs  fonctions.  Tout  acte  des  tribunaux 
et  des  cours  de  justice  tendant  à  contrarier  ou  à  suspendre  le  mouvement 
de  Tadministration,  étant  inconstitutionnel,  demeurera  sans  efîet,  et  ne 
devra  pas  arrêter  les  corps  administratifs  dans  f  ex(''rution  de  leurs  opéra- 
tions. »  (Instruction  législative  du  8  janvier  1790.) 

«  Les  fonctions  judiciaires  sont  distinctes  et  demeureront  toujours  sépa- 
rées des  fonctions  administratives  ;  les  juges  ne  pourront,  à  peine  de  for- 
faiture, troubler,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  les  opérations  des  corps 
administratifs,  ni  citer  devant  eux  les  administrateurs  pour  raison  de  leurs 
fonctions.  »  (Loi  des  16-24  août  1790.) 

La  Constituante  était  si  bien  pénétrée  de  la  nécessité  de  sous- 
traire l'administration  à  Tingérence  des  tribunaux,  qu'après 
avoir  posé  dans  la  loi  d'organisation  judiciaire  le  principe  de  la 
séparation  des  pouvoirs,  elle  voulut  qu'il  fût  inscrit  encore 
dans  la  loi  constitutionnelle  du  3  septembre  1791.  Ce  principe 
est  l'un  des  fondements  de  notre  droit  public. 

Préoccupés  avant  tout  de  consolider  TEtat  et  d'assurer  l'uiiité 
du  pays,  les  législateurs  de  la  Constituante  créèrent  une  admi- 
nistration fortement  centralisée  et  ne  voulurent  pour  elle 
aucun  autre  contrôle  que  celui  du  gouvernement.  Cette  législa- 


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JUSTICE   ADMINISTRATIVE  73 

tion,  excessive  dans  son  principe  et  trop  rigoureuse  dans  son 
application,  avait  soulevé  les  justes  réclamations  de  ceux  qui  se 
trouvaient  en  conflit  d'intérêts  avec  les  pouvoirs  publics, 
lorsque  les  lois  de  Tan  VIII,  en  instituant  nos  juridictions 
administratives,  donnèrent  enfin  aux  intérêts  privés  des  garan- 
ties sérieuses  en  même  temps  qu'elles  consacraient  le  principe 
de  la  séparation  des  pouvoirs  et  qu'elles  en  réglaient  l'applica- 
tion. Le  Conseil  d'Etat  «  chargé  de  résoudre  les  difficultés  qui 
s'élèvent  en  matière  administrative  »  juge  en  dernier  ressort, 
souverainement.  Les  Conseils  de  préfecture  sont  institués  juges 
du  contentieux  administratif  du  premier  degré. 

Les  lois  de  l'an  VIII  n'avaient  réglé  ni  la  composition  ni  la 
procédure  des  Conseils  de  préfecture  ;  mais  peu  à  peu  des  lois 
spéciales^  des  décrets  successifs,  ainsi  que  la  jurisprudence  du 
Conseil  d'Etat,  ont  comblé  les  lacunes  de  la  loi  organique, 
étendu  les  attributions  et  fixé  les  règles  de  la  procédure.  Les 
Conseils  de  préfecture  ont  maintenant  un  siècle  d'existence  et 
ils  remplissent  un  rôle  important  dans  l'organisation  de  la 
justice. 

Il 

A  diverses  époques  cependant,  depuis  la  création  du  Conseil 
d'Etat  et  des  Conseils  de  préfecture,  des  courants  d'opinion  se 
sont  manifestés  contre  ces  juridictions.  En  1872,  la  Commission 
de  décentralisation  avait  rédigé  une  proposition  de  loi  d'après 
laquelle  les  attributions  contientieuses  des  Conseils  de  préfec- 
ture étaient  transférées  aux  tribunaux  ordinaires.  Et  la  Com- 
mission ajoutait  : 

«  La  conséquence  forcée  de  la  suppression  des  Conseils  de  préfecture, 
c'est  la  suppression  du  Conseil  d'Etat  comme  juge  d*appel  de  leurs  déci- 
sions, et  ce  serait  probablement,  dans  un  prochain  avenir,  Tabolition  de 
toute  justice  administrative.  » 

Mais  pendant  que  ce  projet  était  élaboré  au  sein  de  la  Com- 
mission de  décentralisation,  l'Assemblée  nationale  votait,  le 
24  mai  1872,  la  nouvelle  loi  organique  du  Conseil  d'Etat  dont 
l'article  9  est  ainsi  conçu  : 

«  Le  Conseil  d'Etat  statue  souverainement  Fur  les  recours  en  matière 
contentieuse  administrative  et  sur  les  demandes  d'annulation  pour  excès 


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74  JUSTICE   ADMlKIStlUTlVG 

de  pouvoir  formées  contre  les  actes  des  diverses  autorités  administra- 
tives. »  - 

Ce  vote  impliquait  Tabandon  de  la  proposition  de  loi  que  nous 
avons  rappelée.  Elle  ne  fut  pas  discutée  par  TAssemblée  natio- 
nale. Mais  les  idées  de  la  Commission  de  1872  ont  conservé  des 
partisans  qui  n'ont  pas  renoncé  à  «  Tabolition  de  toute  justice 
administrative  »  et  qui  réclament  encore  la  suppression  des 
Conseils  de  préfecture. 

Quels  seraient  donc  les  avantages  de  cette  suppression?  On 
voudrait  faire,  sans  doute,  une  économie  dans  le  budget. 
Mais  les  affaires  soumises  aux  Conseils  de  préfecture  sont 
plus  nombreuses  qu'on  ne  le  croit  généralement,  et  nous 
verrons  tout  à  Theure  les  graves  intérêts  qui  s^y  rattachent. 
On  propose  de  porter  toutes  ces  causes  devant  les  tribunaux 
ordinaires,  et  Ton  semble  ignorer  que  la  plupart  de  ces  tribu- 
naux, déjà  trop  chargés,  encombrés  d'affaires  qui  souffrent  par- 
fois de  lenteurs  excessives,  seraient  dans  l'impossibilité  de  suf- 
fire à  la  tâche  nouvelle  qu'on  voudrait  leur  imposer.  11  faut  voir 
les  choses  comme  elles  sont,  et  reconnaître  qu'avant  de  suppri- 
mer les  Conseils  de  préfecture,  il  faudrait,  de  toute  nécessité, 
augmenter  le  nombre  des  juges  civils.  On  se  tromperait  donc 
en  escomptant  des  économies  budgétaires  qu'il  serait  impos- 
sible de  réaliser. 

Peut-être  espère-t-on  trouver  auprès  des  tribunaux  civils 
une  meilleure  justice  pour  le  contentieux  administratif?  Ce 
serait  encore  une  erreur.  Les  magistrats  des  tribunaux  ordi- 
naires ont  le  code  civil,  le  code  de  procédure.  Ils  appliquent  des 
textes  condensés  et  précis.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  tribu- 
naux ad  ninistratifs.  Le  droit  administratif  n'a  pas  été  codifié. 
Le  magistrat  chargé  d'en  faire  l'application  doit  y  être  pré- 
paré par  une  étude  particulière  des  lois  et  des  règlements 
très  nombreux  dont  ce  droit  s'est  lentement  formé.  Il  est  non 
moins  nécessaire  que  le  juge  administratif  ait  spécialement 
étudié  les  principes  du  droit  public  et  de  l'administration  et 
qu'il  ait  acquis,  par  une  pratique  et  des  recherches  continuelles 
une  connaissance  approfondie  de  la  jurisprudence.  Or,  on  ne 
nous  accusera  pas  de  faire  injure  aux  magistrats  des  tribunaux 
civils,  si  nous  hésitons  à  croire  qu'ils  aient  tous,  au  degré  néces- 
saire, cette  préparation  spéciale. 


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JUSTICE  AOMINISTBATIVE  75 

Mais,  dira-t-on,  le  droit  est  le  même  pour  tous.  Qu'importe  la 
qualité  des  parties?  Pourquoi  ladministration,  les  communes, 
FEtat^  ne  seraient-il  pas  jugés  de  la  même  manière  que  les 
simples  particuliers?  L'objection  paraît  pressante.  Qu'on  veuille 
bien  cependant  y  réfléchir  un  instant.  Lorsque  deux  intérêts 
sont  en  conflit,  le  juge  civil  ne  voit  que  les  faits,  et  il  applique 
la  loi  sans  tenir  compte  des  personnalités  en  cause.  Les  litiges 
de  Tordre  administratif  présentent  généralement  un  autre  carac- 
tère. D'un  côté,  en  effet,  se  trouve  l'instinct  privé,  l'intérêt 
d'un  seul,  et  de  l'autre  côté,  l'intérêt  de  la  collectivité  commu- 
nale, départementale  ou  nationale,  l'intérêt  public  en  un  mot. 
Or,  s'il  importe  que  les  particuliers  ne  soient  pas  lésés  dans 
leurs  droits,  il  n'importe  pas  moins  que  les  intérêts  généraux 
ne  soient  pas  compromis,  et  s'il  se  présente  parfois  des  cas  où 
rin térêt  général  ne  peu têtr«  sauvegardé  sans  qu'un  intérêt  privé 
ait  à  en  souffrir,  il  sera  donné  à  ce  dernier  toutes  garanties  et 
toutes  compensations  équitables,  mais  il  devra  céder  devant  l'in- 
térêt général.  Notre  législation  administrative  s'inspire  de  celte 
nécessité  d'ordre  supérieur,  et  c'est  avec  raison  que  Ton  a  voulu 
établir,  pour  juger  les  affaires  administratives,  une  juridiction 
spéciale  qui  fût  bien  pénétrée  de  l'esprit  de  cette  législation. 

On  a  pu  craindre,  sous  les  régimes  passés,  que  le  pouvoir 
administratif  ne  sacrifiât  trop  facilement  les  intérêts  privés  à 
l'intérêt  de  l'Etat.  Nos  institutions  actuelles  de  justice  adminis- 
trative n'autorisent  plus  semblable  crainte.  Et  si  quelques-uns 
invoquaient  encore  l'intérêt  des  justiciables  pour  demander  la 
suppression  des  Conseils  de  préfecture,  nous  les  engagerions 
à  lire  le  passage  suivant  d'un  avis  de  TOrdre  des  avocats  au 
Conseil  d'Etat  et  à  la  Cour  de  cassation,  qui  avait  été  consulté  à 
ce  sujet  : 

tf  Peut-être  la  justice  administrative  n'est  si  fort  attaquée  que  parce 
qu'elle  n'est  pas  assez  connue.  Ceux  qui  la  pratiquent  le  plus,  les  entrepre- 
neurs de  travaux  publics,  par  exemple,  ne  s'en  plaignent  pas,  et  si  on  les 
consultait,  ils  n'hésiteraient  pas  à  demander  le  maintien  de  Tétat  de 
choses  actuel.  » 

Non,  l'intérêt  des  justiciables  n'aurait  rien  à  gagner  à  la 
suppression  des  juridictions  administratives.  La  chose  publique 
au  contraire  et  la  justice  elle-même  seraient  très  exposées  à  en 
souffrir.   Nous  sommes  une  nation  centralisée,  et  l'Etat  est 


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76  JUSTICE   ADMINISTRATIVE 

chargé  de  services  publics  considérables.  A  un  pays  ainsi  cons- 
titué, il  faut  une  administration  forte  et  complètement  indépen- 
dante dans  la  sphère  d'action  qui  lui  est  propre. 

La  Révolution,  —  nous  Tavons  dit  plus  haut  —  s'était  inspi- 
rée uniquement  de  cette  idée  et  Tavait  appliquée  avec  une 
logique  trop  rigoureuse.  Mais  depuis  Tépoque  révolutionnaire, 
la  législation  et  la  jurisprudence,  sans  cesser  de  maintenir  au 
pouvoir  administratif  l'indépendance  qui  lui  est  nécessaire,  ont 
précisé  les  règles  et  la  limite  de  Faction  administrative.  Cette 
action  s'exerce  dans  toute  sa  plénitude,  sans  toucher  en  quoi  que 
ce  soit  aux  attributions  du  pouvoir  judiciaire,  et  nous  voyons 
maintenant  réalisé,  dans  une  harmonie  très  profitable  àTintérét 
public,  le  principe  institué  par  les  législateurs  de  la  Révolution. 
Mais  qu'on  ne  Toublie  pas,  ce  système  a  pour  fondement  et 
pour  garantie  nécessaire  Texistencc  d'une  forte  juridiction 
administrative,  et  Ton  frapperait  l'organisme  tout  entier  en 
portant  à  cette  juridiction  une  atteinte  imprudente. 


m 


Nous  avons  montré,  par  les  considérations  qui  précèdent, l'in- 
térêt qu'il  y  a  de  conserver  nos  institutions  de  justice  adminis- 
trative. Mais  il  ne  s'ensuit  pas  que  ces  institutions  nous  semblent 
parfaites  de  tous  points,  et  nous  croyons,  au  contraire,  qu'elles 
sont  susceptibles  de  recevoir,  notamment  en  ce  qui  touche  l'or- 
ganisation des  Conseils  de  préfecture,  de  très  utiles  modifica- 
tions. Nous  les  examinerons  rapidement. 

Nous  nous  arrêterons  premièrement  sur  l'article  5  delà  loi  de 
l'an  VI 11  qui  attribue  la  présidence  du  Conseil  au  préfet,  et  le 
fait  ainsi  juge  et  partie  dans  un  grand  nombre  d'affaires.  C'est 
l'une  des  dispositions  de  la  loi  qui  ont  été  le  plus  vivement  et  le 
plusjustement  critiquées.  On  peut  objecter,  à  la  vérité,  que  le 
préfet  ne  préside  pas  ordinairement  à  l'audience  et  qu'il  n'as- 
siste pas  au  délibéré.  11  n'en  reste  pas  moins  qu'il  est  le  prési 
dent  du  Conseil,  qu'à  ce  titre  il  a  autorité  sur  les  juges,  et  la 
réserve  la  plus  scrupuleuse  de  sa  part  n'empêchera  pas  que  le 
doute  ne  se  glisse  dans  l'esprit  dos  justiciables  au  sujet  de  l'im- 
partialité des.  jugements.  Ce  doute  assurément  ne  serait  pas 


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JUSTICE   ADMlNISTftATlYE  77 

fondé  ;  mais  c'est  trop  déjà  qu'il  se  puisse  produire.  La  justice 
doit  être  à  l'abri  de  toute  espèce  de  soupçon,  et  lorqu'une  insti- 
tution est  de  nature  à  inspirer  la  défiance  à  l'égard  des  juges, 
il  faut  la  réformer. 

L'administration  intervient  encore  auprès  du  Conseil  par  le 
secrétaire  général  de  la  préfecture,  chargé  des  fonctions  du 
ministère  public.  Gela  non  plus  n'est  pas  sans  inconvénient, 
et  Ton  peut  affirmer  que  la  voix  du  commissaire  du  gouverne- 
ment gagnerait  en  autorité  si  ce  magistrat  était  complètement 
indépendant  de  l'administration  départementale.  Il  faut  remar- 
quer, en  outre,  que  dans  les  départements  importants,  où  le 
contentieux  est  le  plus  considérable,  le  secrétaire  général,  retenu 
par  des  affaires  urgentes  et  nombreuses,  peut  difficilement 
suivre  les  audiences  du  Conseil  et  plus  difficilement  encore  étu- 
dier les  dossiers  qui  doivent  y  être  portés.  Il  arrive  ainsi  que 
l'institution  du  commissaire  du  gouvernement  près  les  Conseils 
de  préfecture,  excellente  par  elle-même,  remplit  très  imparfai- 
tement le  but  de  la  loi. 

En  décidant  que  la'présidence  du  Conseil  n'appartiendra  plus 
au  préfet,  et  que  le  commissaire  du  gouvernement  sera  pris  en 
dehors  de  l'administration  départementale,  on  augmentera  les 
garanties  d'une  bonne  justice.  C'est  par  laque  devra  commencer 
toute  réforme  sérieuse  des  Conseils  de  préfecture  (1). 

11  ne  suffirait  pas  d'ailleurs  d'avoir  affirmé  de  cette  manière 
Vindépendance  des  conseillers  de  préfecture,  s'ils  devaient  conti- 
nuer de  remplir,  en  dehors  de  leurs  attributions  judiciaires, 
certaines  fonctions  qui  en  font  les  collaborateurs,  et,  en  quelque 
mesure,  les  subordonnés  des  préfets.  On  sait,  en  efi*et,  que  les 
attributions  actuelles  des  Conseils  de  préfecture  ne  se  rattachent 
pas  toutes  au  contentieux  administratif.  Dans  nombre  de  cas, 
prévus  parles  lois,  le  conseil  est  appelé  à  donner  des  avis  tou- 
chant des  actes  d'administration  de  l'autorité  préfectorale.  Un 
membre  du  Conseil  fait  partie  du  Conseil  de  revision  présidé 
par  le  préfet.  Les  conseillers  de  préfecture  signent  par  déléga- 
tions les  mandats,  les  actes  administratifs  ainsi  que  les  pièces 
diverses  de  correspondance  et  de  comptabilité.  Enfin,  dans  la 

(1)  Le  Conseil  de  préfecture  de  la  Seine  a  une  organisation  particulière.  11  n'est 
pas  présidé  par  le  préfet,  et  les  fonctions  du  ministère  public  y  sont  remplies  pa  r 
des  commissaires  du  gouvernement  pris  en  dehors  de  l'administration. 


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78  JUSTICE   ABMnVISTRÂTIVB 

pratique,  ils  participent  d'une  manière  plus  ou  moins  intime  à 
l'administration  départementale,  soit  qu'ils  représentent  le 
préfet  auprès  des  commissions  nombreuses  qui  siègent  dans  le 
département,  soit  qu'ils  préparent  la  solution  de  telles  ou 
telles  questions  administratives  que  le  préfet  juge  bon  de  sou- 
mettre à  leur  examen. 

Nous  ne  voulons  pas  méconnaître  les  services  que  rendent 
ainsi  à  l'administration  les  conseillers  de  préfecture.  Il  n'est 
pas  douteux,  cependant,  que  pour  toutes  les  fonctions  non 
judiciaires  qu'ils  remplissent  actuellement,  il  peut  être  aisé- 
ment  suppléé  à  leur  intervention  par  les  fonctionnaires  de  la 
préfecture,  et  nous  voyons  un  intérêt  de  premier  ordre  à  sépa- 
rer complètement,  dans  la  pratique  aussi  bien  que  dans  la  doc- 
trine, l'administration  de  la  justice  (1). 


IV 


Dégagés  des  liens  de  subordination  à  l'égard  des  préfets  et 
des  occupations  diverses  dont  ils  sont  actuellement  chargés,  les 
conseillers  de  préfecture  pourront  suivre  d'une  attention  moins 
distraite  et  avec  une  autorité  plus  réelle  les  affaires  qui  jelèvent 
du  contentieux  administratif.  On  sait  que  ces  affaires  touchent  à 
des  intérêts  considérables.  Les  Conseils  de  préfecture  connais- 
sent de  toutes  les  difficultés  qui  s'élèvent  entre  les  administra- 
tions publiques  et  les  entrepreneurs  de  travaux  publics  sur 
le  sens  et  l'exécution  des  contrats  et  des  demandes  d'indemnité 
ayant  pour  cause  l'exécution  des  travaux.  Ils  jugent  les  procès 
en  matière  de  grande  voirie,  ceux  qui  touchent  au  domaine,  et 
les  réclamations  en  matière  de  contributions  directes.  Ils  con- 
naissent des  protestations  formées  contre  les  élections  munici- 
pales, des  conseils  d'arrondissement,  et  des  délégués  sénato- 
riaux. Ils  jugent  les  contestations  touchant  aux  associations 
syndicales,  et  certaines  questions  d'affouage.  Enfin  ils  véri- 
fient et  jugent  les  comptes  de  gestion  des  percepteurs  et  des 

< 

(1)  D'après  le  projet  de  loi  «ur  les  Conseils  régionaux  de  préfecture  présenté 
par  M.  ikirthou,  ministre  de  T Intérieur  (27  octobre  1896)  ces  conseils  auraient  des 
attributions  exclnsivament  judteiairet  et  ils  ne  seraient  plus  sous  la  présidence 
des  préfets* 


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JC8T1CS   ADMINISTRATIVK  79 

trésoriers  de  fabrique,  et  ils  statuent  sur  les  gestions  occultes  si 
fréquentes  dans  nos  communes. 

Il  s'agit,  on  le  voit  par  cette  énumération  d'ailleurs  incom- 
plète^ d'intérêts  considérables  aussi  bien  moraux  que  matériels, 
et  Ton  ne  doit  pas  s'étonner  que  l'opinion  se  soit  demandé  si 
l'organisation  des  Conseils  de  préfecture  donne  bien  à  ces  intérêts 
toutes  les  garanties  nécessaires.  Nous  ne  voudrions  pas,  sur  ce 
point,nousassocierà  toutes  les  plaintes  que  nousavons  entendues; 
mais  il  nous  faut  reconnaître,  cependant,  que  le  recrutement 
des  conseillers  de  préfecture  n'est  pas  à  l'abri  de  toute  critique. 
Pour  la  plupart,  ces  magistrats  sont  choisis  parmi  les  nouveaux 
licenciés  qui  se  destinent  à  l'administration  départementale. 
Pour  ces  jeunes  magistrats,  le  Conseil  de  préfecture  n'est  trop 
souvent  qu'une  sorte  de  stage  d'où  ils  sont  impatients  de  sortir, 
et  ils  ne  songent  nullement  à  s'attacher  à  des  fonctions  dont  l'in- 
dépendance n'est  pas  suffisamment  garantie  et  qu'ils  estiment, 
à  juste  titre,  trop  faiblement  rémunérées.  Un  tel  état  de  choses 
ne  saurait  être  maintenu  plus  longtemps.  II  faut,  par  de  sérieuses 
garanties  légales  et  par  des  traitements  suffisants,  assurer  aux 
magistrats  administratifs  une  carrière  désirable  pour  elle- 
même  et  vraiment  digne  de  leurs  efforts,  et  il  faut  d'autre  part 
que  par  l'étendue,  la  solidité  du  savoir  juridique,  autant  que 
par  l'intégrité  de  caractères,  ces  magistrats  soient  au-dessus  de 
toute  suspicion. 

Par  les  réformes  que  nous  avons  réclamées  plus  haut  touchant 
la  présidence  des  Conseils  et  les  fonctions  de  commissaires  du 
gouvernement,  on  fortifiera  l'indépendance  des  conseillers. 

Il  faudra  la  garantir  d'une  manière  plus  efficace  encore.  Une 
disposition  de  loi  portant  que  la  révocation  non  plus  que 
renvoi  dans  une  classe  inférieure  ne  pourront  être  prononcés 
par  le  ministre  qu'après  un  avis  conforme  du  Conseil  d'Etat, 
nous  semblerait  donner  sur  ce  point,  une  solution  satisfaisante. 

Enfin,  il  conviendrait,  à  notre  avis,  de  rattacher  au  ministère 
de  la  Justice  les  nouveaux  tribunaux  administratifs.  Le  ministre 
de  la  Justice  nomme,  ou  plus  exactement  il  propose  à  la  nomi- 
nation du  Président  de  la  République,  les  membres  du  Conseil 
d'Etat,  juridiction  du  second  degré.  11  n'y  a  pas  de  raison  pour 
qu'il  ne  nomme  pas,  de  la  même  manière,  les  membres  des  tri- 
bunaux administratifs  du  premier  degré,  et,  du  moment  que 


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80  JD8T1CE    ADMINISTRATIVE 

ces  magistrats  n'auront  plus  à  remplir  que  des  attributions 
judiciaires,  le  rattachement  que  nous  proposons  paraît  être  dans 
la  logique  des  choses. 

Quant  aux  traitements,  ils  doivent  être  en  rapport  avec  la  si- 
tuation sociale  des  magistrats,  et  avec  l'importance  des  fonc- 
tions qui  leur  sont  confiées,  et  nous  n'hésitons  pas  à  reconnaître 
qu'ils  devront  être  augmentés  dans  de  très  notables  proportions. 
Maisl'élévation  des  traitements  et  l'institution  des  commissaires 
du  gouvernement  vont  nécessiter  un  supplément  de  dépenses, 
et  il  n'est  nullement  certain  que  les  Chambres  consentent  à 
voter  les  crédits  nécessaires. 

Cet  obstacle,  heureusement,  n'est  pas  insurmontable,  et  la  ré- 
forme se  pourra  faire  sans  qu'il  en  résulte  de  chaînes  nouvelles 
pour  le  budget.  On  diminuera  le  nombre  des  Conseils  de  préfec- 
ture. La  juridiction  d'un  tribunal  administratif  s'étendra  sur  un 
certain  nombre  de  départements,  et  ce  tribunal  aura  son  siège 
à  la  préfecture  du  département  qui  sera  le  plus  au  centre  de  la 
circonscription  nouvelle  (1).  Nous  ne  croyons  pas  qu'aucun  in- 
convénient d'ordre  juridique  pût  être  invoqué  contre  cette  me- 
sure. Peut-être  une  objection  s'élèvera-t-elle  en  faveur  des  jus- 
ticiables qui  verront  s'éloigner  d'eux  les  tribunaux  administra- 
tifs. Mais  rien  n'empêchera  de  décider  que  des  audiences  pério- 
diques seront  tenues  dans  quelques  départements  qui  seraient 
par  trop  éloignés  des  nouveaux  tribunaux  de  région. 

Sans  doute  ces  changements  ne  s'accompliront  pas  sans  quel- 
ques difficultés.  De  vieilles  habitudes  en  seront  contrariées,  et 
quelques  intérêts  pourront  avoir  à  en  souffrir.  Mais  les  incon- 
vénients que  l'on  peut  prévoir  de  l'extension  des  circonscrip- 
tions des  Conseils  de  préfecture  sont  en  réalité  d'ordre  secondaire 
et  ils  seront  largement  compensés  si,  par  l'organisation  nou- 
velle et  par  le  choix  sévère  de  magistrats  intègres,  laborieux  et 
instruits,  on  a  mis  la  justice  administrative  au-dessus  des  cri- 
tiques légitimes  qui  tendent  à  diminuer  son  autorité. 

Les  nouveaux  tribunaux  pourraient  prendre  le  nom  de  Con- 

(1)  Aux  termes  du  projet  de  M.  Barthou,  que  nous  avons  déjà  cité,  les  Conseils 
régionaux  de  préfecture  seraient  au  nombre  de  dix-sept  pour  la  France  conti- 
nentale et  ils  siégeraient  dans  les  villes  suivantes  :  Lille,  Amiens,  Paris,  Nancy, 
Dijon.  Lyon,  Grenoble,  Marseille,  Montpellier,  Toulouse,  Bordeaux,  Limoges,  Poi- 
tiers, Bourges,  Angers,  Rennes,  Rouen.  —  Ce  nombre  de  tribunaux  administra- 
tifs ne  nous  paraîtrait  pas  tout  à  fait  suffisant. 


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JUSTICE    ADMINISTRATIVE  81 

seils  administratifs.  Ils  'seraient  composés,  selon  les  circons- 
criptions, de  trois  ou  quatre  conseillers  parmi  lesquels  le  Prési- 
dent, d'un  commissaire  du  gouvernement,  de  deux  ou  trois  sup- 
pléants et  d'un  greffier.  —  Les  coiiseillers,  les  suppléants  et  le 
commissaire  du  gouvernement  seraient  exclusivement  choisie 
parmi  les  licenciés  ou  les  docteurs  en  droit.  11  va  de  soi  que 
toutes  mesures  équitables  seraient  adoptées  pourrégler  la  situa- 
tion des  conseillers  qui  n'entreraient  pas  dans  les  conseils  réor- 
ganisés. 

Les  Conseils  administratifs  seraient  divisés  en  trois  classes  et 
les  traitements  pourraient  être  fixés  ainsi  qu'il  suit  :  ConseilJers 
de  troisième  classe,  quatre  mille  francs;  conseillers  de  deuxième 
classe,  cinq  mille  cinq  cents  francs  ;  conseillers  de  première 
classe,  sept  mille  francs.  Les  commissaires  du  gouvernement 
auraient  cinq  mille,  six  mille  cinq  cents  et  huit  mille  francs. 
Les  présidents  auraient  sept  mille,  huit  mille  cinq  cents  et  dix 
mille  francs.  Les  suppléants  ne  recevraient  point  de  traitement; 
mais  c'est  parmi  eux,  exclusivement,  que  seraient  pris  les  con- 
seillers. 

On  ne  saurait  faire,  dès  à  présent,  un  calcul  rigoureux  dont 
certains  éléments  manqueraient  de  précision.  On  peut  affirmer, 
cependant,  qu'avec  les  chiffres  que  nous  venons  d'indiquer,  la 
nouvelle  organisation  ne  coûterait  pas  plus  cher  que  l'organisa- 
tion actuelle.  Le  Parlement  pourra  donc  aborder,  en  dehors  de 
toute  considération  d'ordre  budgétaire,  cette  réforme  des  Conseils 
de  préfecture  qui  préoccupe  à  juste  titre  l'opinion  publique  et 
le  gouvernement. 

ALEXANDRE    BlI  ZET 


ILEVUE  POLIT.,  T.  XX 


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JUSTICES    DE    PAIX    RÉCNIES 


ET 


JIICIËS  DE  PAIX  DËLËGIlfiS 


Dans  la  presse,  et  même  dans  les  Chambres,  on  parle  depuis 
longtemps  de  créer,  entre  les  juges  de  paix  de  cantons  et  les 
tribunaux  d'arrondissement,  une  magistrature  mixte,  celle  des 
juges  de  paix  à  compétence  étendue;  mais,  jusqu'ici,  des  réfor- 
mateurs trop  bien  intentionnés  ont  essayé  d'aborder,  à  la  fois, 
et  de  régler  législativement  tous  les  détails  de  la  question  ; 
presque  aussitôt,  ils  se  trouvaient  arrêtés  par  des  difficultés 
d'application,  d'autant  plus  délicates  qu'elles  découlent,  pour 
la  plupart,  d'un  recrutement  défectueux  du  corps  des  juges  de 
paix  — les  traitements  alloués,  en  ce  moment,  à  la  magistrature 
cantonale  étant,  manifestement,   d'une  insuffisance  dérisoire. 

Cependant,  le  dernier  projet  du  Gouvernement  était  à  la  fois 
plus  modeste  et  plus  pratique.  Il  se  caractérisait  par  ces  deux 
traits  :  1®  Il  y  aura  réunion  permanente  et  définitive  de  plu- 
sieurs cantons  au  point  de  vue  judiciaire  ;  2*^  pour  chaque  cas, 
la  décision  devra  résulter  d'un  décret  rendu  en  Conseil  d'Etat. 

C'était  un  simple  essai,  restreint  à  un  petit  nombre  de  can- 
tons, mais  qu'on  se  proposait  d'étendre,  en  vertu  du  principe 
posé,  si  l'expérience  première  réussissait. 

Pour  suivre  et  développer  ce  plan  de  réforme,  il  aurait  fallu 
faire,  avec  attention  et  tact,  la  sélection,  dans  chaque  arrondis- 
sement, des  cantons  assez  rapprochés  géographiquement,  assez 
commodément  reliés  par  un  chemin  de  fer,  assez  analogues  par 
l'esprit  public  et  les  intérêts  locaux  pour  pouvoir  être,  d'une 
manière  définitive,  fondus  ensemble  et  desservis,  sans  préju- 
dice sérieux  pour  aucun,  par  un  même  juge  de  paix  résidant 


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JDSTIGBS  DE  PAIX  RÉUNIES  El*  JUGES  DE  PAIX  DÉLÉGUÉS     83 

dans  un  seul  des  cantons  intéressés  ;  mais  il  était  à  craindre 
qu'on  éveillât  aussitôt  les  susceptibilités  inquiètes  des  cantons 
en  dehors  desquels  le  siège  de  la  justice  de  paix  se  trouverait 
légalement  placé.  En  effet,  ce  serait  priver  la  commune  chef- 
lieu  de  canton  de  la  présence  du  principal  des  personnages  offi- 
ciels dont  la  réunion  constate  et  augmente  Timportance  d'une 
agglomération  cantonale.  Ce  serait,  en  quelque  sorte,  décou- 
ronner cette  capitale  au  petit  pied  ;  ce  serait  enfin  (et  le  point 
de  vue  est  bien  propre  à  toucher  des  députés  légitimement 
préoccupés  de  leur  réélection)  ce  serait  s'exposer  à  créer,  dans 
le  pays,  autant  de  centres  minuscules,  mais  actifs,  de  mécon- 
tentement et  d^opposition.  D'autre  part,  cette  espèce  de  «  bi- 
fuige  »  judiciaire,  consistant  à  faire  desservir  à  la  fois  plusieurs 
cantons  par  le  même  magistrat,  est  possible,  pratique  môme 
avec  tel  jiige  de  paix,  jeune,  intelligent,  instruit,  physiquement 
vigoureux  et  actif  ;  mais  le  service  cesserait  d'être  régulièrement 
assuré,  et  des  plaintes  fondées  s'élèveraient  de  toutes  parts,  . 
avec  tel  autre  titulaire  ne  réunissant  ]pas  les  mêmes  qualités  et 
ne  présentant  plus  les  mêmes  garanties  ;  or,  le  juge  de  paix  qui 
consentirait  à  faire  un  service  plus  lourd  prétendrait,  par  cela 
même,  à  un  avancement  plus  rapide;  de  là,  des  changements 
multiples  qui  désorganiseraient  à  bref  délai  tout  ce  qui  aurait 
été,  un  moment^  établi  sans  inconvénient. 

Quelle  conséquence  faut-il  tirer  de  là?  C'est  qu'il  sera  plus 
difficile  qu'on  n'avait  pensé,  c'est  qu'il  n'est  pas  pratique  du  tout, 
de  vouloir  fondre  ensemble,  réunir  d'une  manière  définitive  et 
permanente,  plusieurs  justices  de  paix. 

Recherchons  donc  s'il  n'y  aurait  pas  moyen  d'arriver  plus 
sûrement,  et  plus  vite,  au  but  désiré,  en  visant  encore  moins 
haut  que  ce  projet  gouvernemental,  et  en  se  contentant,  au  jour 
le  jour,  de  solutions  temporaires. 

Je  m'en  rapporte  volontiers,  pour  ma  part,  dans  des  cas  de  ce 
genre,  à  l'avis  autorisé  de  magistrats  d'expérience,  partant 
quelque  peu  désabusés  sur  les  promesses  et  les  velléités  de  ré- 
formes, qui  avortent  précisément  par  excès  d'ampleur,  parce 
qu'on  veut  poser  des  règles  trop  générales,  ou  descendre  dans 
trop  de  détails  réglementaires.  Eh  !  bien,  l'avis  de  ces  magistrats 
de  province,  recueilli  peu  à  peu,  et  à  dessein,  dans  les  conversa- 
tions   familières  de    la  chambre  du  Conseil,    serait    (il  m*a 


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84    JUSTICES  DE  PAIX  RÉUNIES  ET  JUGES  DE  PAIX  DÉLÉGUÉS 

semblé,  du  moins)  de  confier  le  règlement  annuel  de  la  question 
à  rinitiative  du  procureur  général  du  ressort. 

Les  procureurs  généraux,  par  suite  du  contrôle  journalier 
qu'ils  sont  appelés  à  exercer  sur  le  fonctionnement  de  la  magis- 
trature cantonale,  ont  nécessairement  une  connaissance  person- 
nelle des  aptitudes  diverses  de  chacun  des  juges  de  paix  de  leur 
ressort";  ils  en  savent  les  défauts,  s'ils  en  apprécient  les  qualités. 
Dès  lors,  que  se  passerait-il? 

Dès  la  rentrée,  le  procureur  général  proposerait  à  la  Cour 
d'appel,  réunie  dans  une  assemblée  générale,  déjà  prescrite 
par  la  loi,  de  désigner  les  juges  de  paix  qui,  pour  Tannée, 
seraient  chargés  de  desservir,  au  point  de  vue  judiciaire,  deux 
cantons  au  lieu  d'un,  et  la  Cour,  après  examen  et  discussion  des 
différents  mérites  signalés,  investirait,  par  sa  décision,  les 
juges  de  paix  présentés  à  son  choix,  d'une  compétence  plus 
étendue  au  point  de  vue  territorial. 

Les  avantages  de  la  combinaison  se  dessinent  à  Tinstant  :  le 
canton,  où  ne  résiderait  point  le  juge  de  paix  ainsi  désigné 
pour  une  seule  année,  ne  pourrait  voir  là  une  déchéance  locale 
permanente.  La  réunion  des  cantons  serait  remise  en  question 
avec  chaque  changement  du  titulaire  chargé  de  ce  double  ser- 
vice. Enfin,  le  traitement  de  la  justice  de  paix  restée  passagère- 
ment vacante,  mais  non  législativement  supprimée,  pourrait 
être  partagé,' entre  le  juge  de  paix  à  compétence  étendue  qui 
recevrait  ainsi  la  juste  rémunération  de  son  travail  supplémen- 
taire, et  l'État  lui-môme,  de  sorte  qu'il  (îu  résulterait  une  écono- 
mie budgétaire,  —  faible  sans  doute,  —  mais  d'autant  moins  à 
dédaigner  qu'il  est  toujours  plus  difficile  et  plus  rare  d'en 
réaliser. 

A  l'extension  territoriale  de  la  compétence  ordinaire,  ne 
pourrait-on  joindre  une  extension  logique  de  la  compétence 
pénale  des  juges  de  paix  ainsi  délégués? 

Puisque  j'en  suis  à  parler  des  sentiments  intimes,  librement 
exprimés  entre  collègues  confiants,  j'ai  constaté,  à  maintes 
reprises,  combien  certains  magistrats  des  tribunaux  de  province 
se  sentaient,  au  fond,  humiliés,  trouvaient  secrètement  au-des- 
sous de  leur  dignité  d'être  réunis  à  plusieurs  pour  statuer  en 
commun  sur  des  faits  qui,  par  leur  nature,  et  aux  termes  mêmes 
de  la  loi,  ne  sont  pas  susceptibles  d'une  délibération  véritable. 


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JUSTICES  DE  PÂ]X  RÉUNIES  ET  JUGES  DE  PAIX  DÉLÉGUÉS    85 

En  effet,  la  contravention  est  une  infraction  matérielle,  légale- 
ment punissable  sans  qu'il  soit  permis  au  juge  de  rechercher 
s'ily  a  eu  intention  coupable  de  la  part  de  celui  qui  Ta  com- 
mise; c'est  en  vain  que  Finculpé  arguerait  de  sa  bonne  foi  ;  le 
magistrat  violerait  la  loi  s'il  admettait  cette  excuse.  De  plus,  il 
y  a  souvent,  en  matière  de  contraventions,  des  procès-verbaux 
faisant  foi  jusqu'à  inscription  de  faux,  c'est-à-dire  qui  forment, 
par  eux-mêmes,  une  preuve  légale,  complète,  ne  pouvant  être 
détruite  par  des  preuves  contraires,  lesquelles  ne  sont  pas 
même  admissibles,  et  se  heurtent,  de  prime  abord,  à  une  fin  de 
non-recevoir  invincible.  Et  c'est  pour  cet  enregistrement  pur 
et  simple  de  procès- verbaux,  dictant  impérieusement  la  sen- 
tence à  rendre,  que  la  loi  sur  l'organisation  des  cours  et  tribu- 
naux rassemble,  au  moins,  trois  magistrats,  quand  un  seul  juge 
de  paix  suffirait  amplement  pour  une  vérification  exclusivement 
matérielle. 

Cette  anomalie  ne  peut  s'expliquer  qu'historiquement  :  La 
classification  des  compétences,  entre  les  tribunaux  correction- 
nels et  les  tribunaux  de  simple  police,  a  été  originairement 
établie,  non  d'après  la  nature  des  infractions,  mais  d'après  la 
quotité  des  peines  susceptibles  d'être  appliquées  par  chaque 
juridiction.  Ainsi,  l'article  464  du  code  pénal  énumère  limita- 
tivement  les  peines  de  police,  et  ces  peines  de  police  sont  les 
seules  que  puisse  légalement  prononcer  le  juge  de  paix. 

Or,  depuis  la  promulgation  du  Code  de  1810,  des  infractions 
nouvelles  ont  dû,  notamment  par  suite  des  progrès  de  l'indus- 
trie, être  prévues,  définies  et  réprimées,  —  infractions  qui,  par 
leur  nature,  auraient  dû  rentrer  dans  la  compétence  des  juges 
de  paix,  mais  qui,  par  la  quotité  de  la  peine  applicable,  dépas- 
saient la  limite  de  leurs  pouvoirs.  Ces  infractions Jiybrides  ont 
été  appelées  des  contraventions-délits  \  — contravention^  parce 
qu'elles  sont,  comme  les  infractions  de  police,  matérielles  et 
indépendantes  de  toute  bonne  foi  ;  délits^  parceque  la  répres- 
sion, qui  leur  a  été  appliquée  par  des  lois  spéciales,  de  dates 
plus  ou  moins  récentes,  rentre  dans  la  classe  des  pénalités 
réservées  mal  à  propos  à  la  seule  juriction  correctionnelle. 

N'y  aurait-il  pas  lieu,  dans  ces  conditions,  de  revenir,  le  plus 
tôt  possible,  à  la  loi  naturelle,  à  la  loi  du  bon  sens,  à  une 
répartition  plus  logique  des  compétences   d'après  le  caractère 


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86         JUSTICES   DE  PAIX   RÉUNIES   ET  JUGES  DE  PAIX  DÉLÉGUÉS 

propre  de  chaque  infraction,  au  lien  de  s'en  tenir  à  ce  signe^ 
matérialiste,  encore  plus  que  matériel,  de  la  peine  édictée  ?  Ici, 
encore,  la  ressource  serait  d'employer  des  juges  de  paix  àcompé- 
lence  étendue,  dont  les  pouvoirs  résulteraient  d'une  délégation 
de  la  juridiction  supérieure.  Ils  auraient  le  droit  de  statuer  sur 
les  faits  contraventionnels  qui  encombrent,  au  grand  détriment 
de  l'expédition  prompte  et  économique  des  affaires  plus  impor- 
tantes, le  prétoire  des  tribunaux  correctionnels. 

Pendant  que  la  dignité  des  magistrats  d'ordre  supérieur  rece- 
vrait cette  satisfaction,  le  sentiment  public  serait  soulagé  du 
malaise  instinctif  causé  par  ce  spectacle  scandaleux  :  un  rap- 
prochement, même  passager,  entre  le  très  galant  homme  qui, 
sans  qu'une  minute  il  puisse  être  soupçonné  raisonnablement 
d'avoir  voulu  voler  du  poisson,  a  commis,  par  exemple,  une 
simple  contravention  de  pèche,  et  le  cynique  souteneur  qui 
ajoute  le  produit  d'un  vol  spécial  aux  bénéfices  indirects  de  la 
prostitution.  La  comparution  successive,  sur  le  même  banc,  à 
la  même  audience,  de  ces  deux  prévenus,  séparés  par  tout  un 
monde  au  point  de  vue  moral,  n'est  propre  qu'à  salir  quelque 
peu  un  citoyen  sympathique,  en  réhabilitant,  dans  une  certaine 
mesure,  par  ce  seul  contact,  le  plus  ignoble  des  drôles. 

N'y  a-t-il  pas  là  (je  le  demande  à  tous)  un  spectacle  capable 
d'abaisser  le  niveau  des  mœurs  dans  notre  pays?  D'autre  part, 
n'est-ce  pas  infliger  une  peine  inattendue,  supplémentaire, 
vraiment  exorbitante,  an  prévenu  qui  attend  silencieusement 
son  tour  de  comparution  que  de  faire  défiler  d'abord  devant 
lui  les  habitués  des  prisons,  à  la  liste  desquels  son  nom  se 
trouve  ajouté  par  la  plus  infamante  des  accolades?  Il  serait  — 
on  en  conviendra  —  plus  naturel,  plus  conforme  à  l'idée  que 
chaque  homme  de  bon  sens  se  fait  à  lui-même  de  la  gravité 
relative  des  manquements  divers  à  la  loi  pénale,  plus  logique, 
en  un  mot,  de  restituer  aux  juges  de  paix  ce  qui  eût  dû  être, 
dès  l'origine,  dans  leur  compétence,  c  est-à-dire  le  jugement 
de  tous  les  faits  contraventionnels  et  l'enregistrement  pur  et 
simple  des  procès-verbaux  faisant  preuve  jusqu'à  inscription 
de  faux. 

L'attribution  de  cette  compétence  étendue  n'aurait  aucun 
danger,  et  cela  pour  deux  raisons  :  d'abord  la  faculté  d'appel 
permettrait  aux  magistrats  supérieurs  de  juger,  non  plus  alors 


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JUSTICES  DÉ  FAIX  RÉUNIES  ET  JUGES  DE  PAIX  DÉLÉGUÉS    87 

le  fait  lui-même,  mais  le  jugement  déjà  rendu,  —  décision 
toujours  susceptible,  celle-là,  d'une  délibération  digne  de  ce 
nom  ;  ensuite,  les  juges  de  paix  à  compétence  étendue  seraient 
comme  on  dit,  hnés  sur  le  volet ^  puisqu'ils  auraient  passé  par  un 
double  contrôle  :  proposés  par  le  Procureur  général  et  investis 
finalement  par  une  délibération  spéciale  de  la  Cour  d'appel 
en  assemblée  générale . 

Je  me  résume  ainsi  : 

I.  — Ne  pas  réunir,  d'une  manière  permanente  et  définitive, 
deux  cantons,  en  paraissant  sacrifier  Tun  ou  l'autre,  mais  éta- 
blir un  modus  vivendiy  tout  temporaire,  qui  se  justifierait,  de 
lui-même,  par  les  qualités  personnelles  du  juge  de  paix  momen- 
tanément chargé  d'un  double  service. 

II.  —  Etendre  la  compétence  de  ces  sortes  de  juges  de  paix 
délégués  par  arrêts  de  Cours  d'appel,  non  seulement  au  point 
de  vue  territorial,  mais  aussi  au  point  de  vue  pénal  — du  moins 
quant  aux  contraventions-délits. 

Cet  essai  limité,  prudent,  pratique,  amènerait  peu  à  peu  Texten- 
sion  légale  de  la  compétence  des  juges  de  paix  pour  les  matières 
civiles,  en  permettant  de  la  préparer  par  la  sélection  judicieuse 
du  personnel,  —  personnel  actuellement  au-dessous  de  la  tâche 
trop  large  que  certains  voudraient  lui  confier  sans  transition, 

CORENTIN    GUYHO, 
Ancien  Député^  Conseillet^à  la  Cour  de  Paris, 


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LA  PARTICIPATION  DES  OUVRIERS  Al]  RÉHICË 

DANS  L'INDUSTRIE  (1). 


Trois  facteurs  concourent  à  la  fabrication  de  tout  objet  :  Tin- 
telligence,  le  capital  et  le  travail.  La  justice  parfaite  consiste- 
rait à  évaluer  rigoureusement  la  valeur  de  chacun  de  ces  con- 
cours et  à  lui  attribuer  sa  part  exacte  en  argent. 

Cette  appréciation  serait  relativement  aisée,  si  le  produit  de 
la  vente  de  Tobjet  était  égal  à  la  somme  des  valeurs  des  trois 
facteurs  de  la  production. 

Toutefois,  il  ne  suflit  pas  de  fabriquer  un  objet  pour  pouvoir 
le  vendre,  ni  de  totaliser  les  peines  des  agents  de  production 
pour  déterminer  le  prix  marchand  :  le  prix  de  l'objet  est  soumis 
à  la  loi  de  Toffre  et  de  la  demande.  Cette  loi  ne  fixe  pas  seule- 
ment le  prix  de  Tobjet  entier  ;  elle  détermine  aussi  la  valeur  des 
différents  concours. 

11  y  a  aussi  dans  la  production  des  risques  à  courir.  Qui  les 
assumera?  Ce  seront  généralement  la  direction  ou  Tintelligence, 
et  le  CLipital.  La  première  se  passe  quelquefois  de  rétribution,  le 
second  de  dividende;  ils  disent  tous  deux  au  travail:  «Nous  pre- 
nons sur  nous  les  risques,  les  chances  bonnes  et  mauvaises, 
moyennant  allocation  à  l'ouvrier  de  sa  part  du  produit  éventuel, 
sous  la  forme  d'un  forfait,  le  salaire.  » 

Mais  ce  salaire  lui-même  est  soumis  à  la  môme  loi.  On  con- 
sidère le  travail  comme  une  marchandise  sujette  à  la  fluctua 
tion  des  cours.  L'ouvrier,  vendeur  de  travail,  s'efl*orce  d'avoir 


^1)  Voir  à  ce  sujet  :  Le  Métayage  et  la  Participation  aux  Bénéfices,  par  Ro^er 
Merlin,  avocat,  élève  diplômé  de  l'Ecole  des  Sciences  politiques.  Ouvrage  cou- 
ronné par  le  Musée   social.  —  Chez  Arthur  Rousseau,  14,  rue  Soufllot.   Paris, 

1898. 


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LA    PARTICIPATION    DES   OUVRIERS    AUX    BÉNÉFICES  89 

le  prix  le  plus  élevé  de  l'entrepreneur;  il  y  a  débat  sur  le  salaire- 
marchatu/ise.  Cependant,  une  assimilation  complète  est  impos- 
sible. Si  rhomme  était  une  machine  dont  le  rendement  est  connu 
d'avance,  la  règle  serait  entièrement  vraie;  or,  l'homme  est  une 
volonté,  qui  restreint  ou  augmente  sa  production  suivant  sos 
forces,  variables  d'un  individu  àTautre,  et  suivant  l'élévation  de 
sa  rétribution. 

L'entrepreneur  a  donc  tout  intérêt  à  régler  cette  rétribution, 
de  façon  à  obtenir  de  l'ouvrier  le  travail  le  plus  utile  dans  un 
temps  donné,  comme  quantité  et  comme  qualité. 

En  second  lieu,  l'entrepreneur  est-il  tout  à  fait  quitte  vis-à- 
vis  de  son  ouvrier,  quand  il  lui  apayé  son  salaire?  S'il  emplo  yait 
une  machine,  ne  devrait-il  pas  tenir  compte,  dans  ses  frais 
généraux,  de  son  usure  et  de  son  remplacement?  Doit-il  traiter 
la  vie  humaine  moins  bien  qu'une  chose  ?  Ne  doit-il  pas  aussi 
comprendre  dans  ces  mêmes  frais  généraux,  une  somme  repré- 
sentant l'usure  et  le  remplacement  de  la  vie  humaine  et  payable 
à  son  ouvrier  ou  à  sa  famille  ? 

J'ai  parlé  tout  à  l'heure  des  risques.  Comme  le  dit  admirable- 
ment M.  Ch.  Robert,  l'apôtre  de  la  participation,  l'ouvrier  ne 
peut-il  dire  au  patron  :  «  Vous  avez  les  risques  de  mévente  des 
marchandises,  j'ai  aussi  les  miens  :  le  chômage,  les  maladies  et 
les  accidents  professionnels,  la  mort  même  causée  par  mon  tra- 
vail et,  dans  tous  les  cas,  la  vieillesse,  après  une  vie  de  labeur  à 
votreservice.  L'équité,  le  droit  naturel,  demandent  qu'en  échange 
de  mon  travail  vous  me  garantissiez  contre  ces  tristes  éventua- 
lités. » 

Ces  demandes  ont  été  reconnues  légitimes  :  nous  n'en  vou- 
lons pour  preuve  que  les  innombrables  institutions  de  bienfai- 
sance et  de  prévoyance  créées  par  les  industriels  sur  toute  la  sur- 
face des  contrées  civilisées.  Elles  répondent  à  cette  partie  de  la 
rétribution  de  l'ouvrier  que  nous  appellerons,  avec  Cobden,  le 
salaire-assuran  ce . 

Ce  salaire-assurance  est  en  train  d'acquérir  droit  de  cité  parmi 
nous.  Quand  il  sera  devenu  incontestable,  ne  peut-on  espérer 
que  le  droit  sur  le  salaire-marchandise  perdra  quelque  peu  de 
son  âpreté?  Là  où  l'ouvrier  se  contentera  d'un  gain  immédiat 
moins  élevé,  c'est  qu'il  aura  la  perspective  d'une  assurance 
plus  complète.  Il  y  aurait  ainsi,  entre  les  deux  genres  de  salaires, 


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90  LA   PARTICIPATION    DES   OUVRIERS  AUX   BÉNÉFICES 

une  sorte  de  compensation  ;  il  s'établirait  entre  eux  un  niveau 
moyen  qui  faciliterait  Tentente. 

Le  salaire  n'est  pas  appelé  à  disparaître  prochainement;  nous 
allons  examiner  les  améliorations  qu*on  peut  lui  apporter. 

Parmi  ces  dernières  nous  trouvons,  à  titre  de  complément  du 
salaire,  les  diverses  institutions  patronales  actuellement  en 
vigueur  et  destinées  à  contribuer  au  bien-être  des  ouvriers. 

Ces  créations  sont  alimentées  par  des  sommes  prélevées  par 
les  industriels  sur  leurs  frais  généraux  ou  sur  leurs  bénéfices. 
Comme  ces  prélèvements  affectent  toujours  le  prix  de  revient 
des  produits,  c'est  toujours  le  bénéfice  total  qui  en  est  diminué. 
Ces  libéralités  peuvent  être  considérées  aussi  comme  une  parti- 
cipation  collective  des  ouvriers  aux  bénéfices. 

Cette  participation  devient  individuelle  quand  le  salaire-assu- 
rance est  constitué  par  une  participation  individuelle  avec  l>éné- 
ficesy  sans  participation  aux  pertes,  et  sans  qu'il  y  ait  engage- 
ment de  la  part  du  patron  à  garantir  à  louvrier  un  tant  pour 
cent  déterminé  du  profit. 

Elle  revêt  enfin  le  caractère  d'un  véritable  contrat,  quand  le 
quantum  de  la  participation  est  réglé  d'avance  entre  les  deux 
parties. 

Historiquement,  la  participation  est  sortie  des  institutions 
patronales,  octroyées  par  le  maître  à  ses  ouvriers  comme  une 
charte,  pour  revêtir  ensuite  la  forme  d'une  convention. 

Il  convient,  par  conséquent,  dans  un  exposé  rationnel,  d'exa- 
miner d'abord  les  divers  aspects  d'une  participation  collective. 


I.  —  Participation  collective  aux  bénéfices. 

Toute  somme  destinée  au  bien-être  des  ouvriers  est  une  par- 
ticipation collective  :  elle  affecte  en  effet  le  bénéfice  net  du 
patron,  que  celui-ci  la  compte  dans  ses  frais  généraux  ou  la 
déduise  du  revenu  de  ses  produits.  On  ferait  des  volumes  de  la 
description  des  crèches,  écoles,  économats,  lavoirs,  bains,  mai- 
sons ouvrières,  secours  en  cas  de  maladies  ou  d'accidents, 
sociétés  de  secours  mutuels,  caisses  d'épai^ne,  retraites  ou- 
vrières, assurances,  prêts  gratuits,  i>oniûcations d'intérêt,  insti- 
tués par  les  industriels.  Il  est  déjà  loin  le  temps  où  le  patron  se 


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DANS   L  INDUSTRIE  91 

figurait  être  quitte  envers  son  ouvrier,  quand  il  lui  avait  soldé 
exactement  sa  paie  !  Les  patrons  alsaciens  furent  les  premiers  à 
donner  l'exemple  de  fondations  créées  en  faveur  de  leur  per- 
sonnel. 

Dans  une  étude  (1)  sur  l'épargne,  les  institutions  de  pré- 
voyance et  la  participation  aux  bénéfices,  M.  Frédéric  Engel- 
Dollfus,  le  grand  industrielalsacien,  a  établi  la  théorie  définitive 
(le  la  participation  collective  : 

n  II  in*est  aassi  difficile  d'admettre  rexistence  d*an  établissement  manufactarier 
sans  caisse  de  secours,  sans  caisse  de  retraite,  sai&s  de  nombreuses  annexes  de 
toute  sorte  en  faveur  de  la  classe  ouvrière,  qu'il  me  serait  possible,  par  exemple, 
de  concevoir  le  grand  commerce  extérienr  sans  l'assurance  maritime  ou  toute 
grande  exploitation  industrielle  sans  Tassurance  contre  le  feu. 

«  Le  principe  naturel  de  la  participation  n'est  autre  que  l'équité  dans  Texer- 
cice  d'un  devoir...  Il  faut  à  la  participation  ouvrière  ou  à  ses  équivalents,  quelle 
que  soit  leur  forme  du  moment,  un  mobile  plus  élevé  que  llntérèt  ou  la  peur; 
ce  mobile,  c'est  l'équité,  qui  a  sa  source  dans  des  sentiments  plus  nobles,  et  qui 
demande  instamment  qu'après  avoir  établi  expérimentalement  la  théorie  des 
institutions  de  prévoyance  et  de  secours,  on  en  passe  désormais  à  l'application  la 
plu9  étendue. 

«  La  formule  sera  toujours  la  même  pour  le  manufacturier,  et  se  résumera  en 
ces  quelques  mots  : 

«  Donner  non  par  charité  fraternelle,  mais  par  esprit  d'équité. 

«  Donner  beaucoup,  c'est-à-dire  le  plus  qu'on  peut,  selon  ses  moyens  et 
donner  avec  discernement,  c*e8t-à-dire  sous  la  forme  et  à  Tépoque  les  plus  pro- 
pices à  la  réalisation  effective  du  but  d'assistance  immédiate  ou  différée  qu'il 
s'agit  d'atteindre. 

M  II  est  certain  qu'il  n'y  a  pas  pour  l'ouvrier  de  droit  à  la  partiùpalion  ;  je 
dirai,  par  contre,  tout  aussi  catégoriquement,  qu'il  y  a  pour  les  patrons  des 
devoirs  qui  ne  se  discutent  plus  :  de  ce  nombre  est  celui  de  fonder,  d'une  façon 
inébranlable  et  définitive,  les  institutions  de  prévoyance.  » 

Quel  est  le  montant  de  la  somme  que  M.  Engel-Dollfus 
estime  nécessaire  pour  établir  cette  participation  collective? 
C'est  10  p.  100  des  salaires,  qui  se  répartiront  dans  une  propor- 
tion à  déterminer,  entre  les  ouvriers  d'une  part,  et  les  patrons, 
sur  frais  généraux,  d'autre  part.  Ce  prélèvement  doit  représenter 
les  institutions  en  faveur  de  Tenfance,  le  logement,  les  secours 
aux  malades  et  aux  femmes  en  couches,  les  assurances  en  cas 
d'accidents  et  les  pensions  de  retraites.  Il  doit  être  opéré  avant 
l'abandon  à  l'ouvrier  de  toute  espèce  de  salaire  supplémentaire 
ou  de  participation  aux  bénéfices  en  espèces. 

fl  Le  système  tend  à  faire  admettre,  dît  M.  Gh.  Robert,  que  le  minimum  mora- 
lement obligatoire  de  la  rémunération  légitime  du  travail  humain  comprend 
nécessairement,  h  la  fois,  le  pain  quoditien  d'abord,  puis  la  prime  des  assurances 
sociales  (maladies,  accidents,  vieillesse).  La  jouissance  régulière  et  normale  de» 

(1)  Extrait  du  Bullelin  de  la  Société  industrielle  de  Mulhouse. 


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92  LA   PARTICIPATION    DES  OUVRIERS   AUX   BÉNÉFICES 

institutions   dont  il  parle  devient,  pour  cpiiconque  entre  dans  la  maison,  une 
partie  intégrante,  un  élément  essentiel  du  contrat  de  travail.  » 

La  maison  Dollfus-Mieg,  de  Mulhouse,  a  mis  en  pratique 
ridée  d'un  de  ses  patrons.  Elle  affecte  140.000  francs  environ  de 
ses  bénéficesà  alimenter  chaque  année  ses  institutions  ouvrières. 
Cette  participation  collective  consiste  :  1"  dans  les  intérêts 
à  4  p.  100  d'un  fonds  spécial  appelé  «  compte  de  réserve 
ouvrière  »,  et  dont  le  solde  créditeur  était  au  30  juin  1889, 
de  786.000  fr.  ;  2®  dans  un  prélèvement  fixe  sur  les  bénéfices  de 
l'entreprise;  ce  prélèvement  représente  7  p.  100  des  salaires, 
ceux-ci  se  montant  à  2  millions  par  exercice. 

Cette  participation  fait  d'abord  face  aux  assurances  obliga- 
toires contre  la  maladie  et  les  accidents  du  travail,  subven- 
tionne les  ouvriers  qui  veulent  s'assurer  sur  la  vie,  leur  facilite, 
au  moyen  d'une  assurance  collective,  l'assurance  contre  l'incen- 
die, fait  à  ces  mômes  ouvriers,  quand  ils  sont  méritants,  l'avance 
nécessaire  à  l'acquisition  d'une  maison,  subventionne  une  société 
d'encouragement  à  l'épargne,  bonifie  aux  déposants  de  la  caisse 
d'épargne  un  intérêt  de  5  p.  100,  et  fait  un  versement  annuel 
de  4.000  francs  à  la  Société  de  maternité  de  Mulhouse  pour  les 
femmes  en  couches. 

Ce  même  fonds  de  participation  alimente  encore  la  salle 
d'asile,  se  répartit  ensuite  en  distributions  de  pain,  viande,  vin, 
aux  malades  et  ouvriers  nécessiteux,  en  fourniture  de  combus- 
tible pendant  les  grands  froids,  en  distribution  de  boissons 
rafraîchissantes,  en  pensions  extraordinaires  et  secours  spéciaux 
donnés  de  la  main  à  la  main,  en  bourses  au  collège,  en  saisons 
d'eaux. 

Enfin  il  fait  marcher  un  magnifique  réfectoire  construit 
en  1886  et  dans  lequel  les  ouvriers  peuvent  faire  chauffer  leurs 
aliments,  une  salle  de  récréation  et  un  grand  jardin,  des  ves- 
tiaires, une  chambre  pour  les  malades,  des  lavoirs,  des  salles 
d'attente,  etc. 

J'ai  visité,  il  y  a  deux  ans,  cette  création  fort  originale  d'un 
bâtiment  dans  lequel  les  ouvriers  peuvent  venir  prendre  leur 
repas  de  midi.  Les  ouvriers  apportent  eux-mêmes  leurs  ali- 
ments, qui  sont  cuits  gratuitement  sur  des  plaques  chauffées  à 
la  vapeur.  Tout  y  est  reluisant. de  propreté. 

L'assurance  du  mobilier  des  ouvriers  par  l'entremise  de  la 


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DANS    L  INDUSTRIE  93 

maison  paraît  l'une  des  créations  originales  de  la  société.  Les 
ouvriers  en  sont  satisfaits.  Deux  fois  par  an  est  conclu  un  con- 
trat collectif  entre  la  maison  et  la  compagnie  d'assurances.  Des 
avenants  peuvent  être  faits  dans  Fintervallc. 

Il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  cette  étude  de  faire  la  nomen- 
clature de  tous  les  établissements  industriels  de  plus  en  plus 
nombreux,  qui  affectent  une  certaine  somme  aux  institutions 
en  faveur  de  leur  personnel  :  nous  n'avons  pris  la  maison 
DoUfus-Mieg  qu'à  titre  d'exemple.  L'Alsace  avait  donné  l'éveil. 
Le  Nord,  la  Normandie,  les  Vosges,  toute  la  France,  l'ont  suivie. 
Il  existe  actuellement  peu  d'industriels  ayant  une  certaine 
surface  qui  ne  puissent  inscrire  à  leur  actif  moral  une  somme 
appliquée  à  une  fondation  sociale. 

Le  Congrès  international  de  la  participation  aux  bénéfices, 
tenu  à  l'Exposition  de  1889,  a  vivement  recommandé  la  partici- 
pation collective.  La  quinzième  résolution  de  ce  congrès  porte 
en  effet  que  : 

«  dans  les  établissements  où  la  répartition  entre  tous  ne  donnerait  à  chacun 
qu'une  très  faible  somme,  et  où  le  personnel  est  stable,  la  participation  collec- 
tive affectée  à  des  services  de  mutualité,  de  secours,  d Instruction  ou  à  des 
avances  pour  maisons  ouvrières,  est  préférable,  en  principe,  à  la  participation 
individuelle  ». 

En  effet,  là  où  la  main  d'œuvre  n'entre  que  pour  une  faible 
part  dans  la  dépense  générale,  là  même  où  elle  constitue  une 
part  importante  de  cette  dépense,  mais  où  les  convives  sont  trop 
nombreux  pour  avoir  une  large  part  au  banquet  des  bénéfices, 
il  faut  établir  la  participation  collective  et  s'y  maintenir.  La 
participation  individuelle  ne  serait  qu'un  leurre  si  elle  aboutis- 
sait à  n'accorder  à  chacun,  en  fin  d'exercice  qu'un  ou  deux  pour 
cent  par  exemple.  Réservé  au  contraire  pour  la  vieillesse  ou 
mis  à  part  pour  les  maladies  ou  les  accidents,  ce  tantième  réuni 
aux  autres  permettra  la  fondation  d'utiles  prévoyances. 

Nous  irons  même  plus  loin,  en  conseillant  aux  industriels 
qui  pourraient  le  faire,  de  ne  pas  décréter,  dès  le  début  de  leur 
industrie,  une  participation  individuelle.  Celle-ci  exige,  de  la 
part  de  Touvrier  qui  la  reçoit,  une  éducation  économique  et 
morale  préalable  lui  permettant  de  faire  un  bon  emploi  des 
fonds  qui  lui  seront  versés  en  espèces,  ou  d'apprécier  à  sa  juste 
valeur  l'épargne  qui  lui  sera  constituée.  Or,  au  commencement 
de  toute  entreprise,  le  chef  ne  connaît  pas  encore  ses  ouvriers 


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94  LA    PARTICIPATION    DES   OUVRIERS    AUX   BÉNÉFICES 

d'une  façon  suffisante  pour  savoir  quelles  sont  les  relations  qu'il 
peut  avoir  avec  eux.  Si  leur  esprit  est  mauvais,  les  largesses  ne 
seront  pas  appréciées,  et  Tindustriel  ne  pourra  faire  appel  à 
leur  collaboration  dans  la  formation  de  leur  salaire-assurance  ; 
il  devra  se  borner  à  y  pourvoir  d'une  façon  collective.  Leclaire 
tout  le  premier  a  commencé  par  la  simple  gratification  d'un 
patron  autoritaire.  Ce  n'est  que  peu  à  peu,  et  dans  une  sorte 
d'ascension  progressive,  que  le  patron  pourra,  si  les  circons- 
tances sont  favorables,  constituer  à  l'ouvrier  l'épargne  indivi- 
duelle. 

Cette  dernière  paraît  ainsi,  dès  l'abord,  limitée  à  un  certain 
nombre  d'industries,  et  parmi  elles,  aux  industries  ayant  déjà 
une  certaine  durée. 

Est-ce  à  dire  que  la  participation  collective,  là  où  elle  est  défi- 
nitive, doive  toujours  revêtir  le  caractère,  dont  nous  parlions 
plus  haut  d'une  charte  octroyée  par  la  munificence  du  chef 
d'industrie,  ou  d'une  administration  oii  devra  régner  son  bon 
plaisir  seul? 

Nous  ne  le  pensons  en  aucune  façon.  Si  l'éducation  économi- 
que et  morale  de  l'ouvrier  est  à  faire,  si  l'harmonie  du  Capital 
et  du  Travail  doit  être  achetée  par  cette  collaboration  obliga- 
toire et  permanente  des  deux  facteurs  de  la  production  qui 
multiplient  leurs  points  de  contact  pour  mieux  se  connaître, 
colto  harmonie  ne  se  trouvera  pas  dans  un  supplément  de  salaire 
sous  forme  d'assurance  gérée  par  le  patron  seul,  mais  bien  dans 
une  série  d'institutions  où  patron  et  ouvrier  se  sentiront  les 
coudes  et  discuteront  ensemble  d'intérêts  qui  leur  sont  com- 
muns. Il  faut  créer  à  l'un  et  aux  autres  des  raisons  de  se  voir 
pour  se  mieux  connaître.  L'usine  n'est  pas  une  caserne,  elle  est 
trop  grande  pour  être  une  famille,  il  faut  qu'elle  devienne  une 
société  constituée.  Le  patronat  ne  peut  être  militaire,  il  ne  peut 
plus  être  familiaU  il  doit  être  autre  chose  :  que  les  uns  l'appel- 
lent libéral,  les  autres  statutaire,  nous  préférons  l'appeler  social, 
parce  que  nous  voulons  lui  imprimer  précisément  ce  caractère 
d'association  des  deux  forces  vives. 

Le  devoir  du  patron  est  ainsi  tout  tracé  :  abandonner  peu  à 
peu  à  ses  ouvriers  s'il  les  sent  capables  de  le  gérer  et  quand  il 
aura  fait  leur  éducation,  leur  salaire-assurance  :  au  lieu  de  leur 
donner  des  secours  pour  maladies,  provoquer  la  formation  de 


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DANS   L  INDUSTRIE  95 

société  do  secours  mutuels  administrées  par  eux;  au  lieu  de 
leur  construire  des  habitations,  leur  faire  des  avances  rembour- 
sables par  annuités,  pour  qu'ils  puissent  construire  à  leur  gré 
leurs  maisons;  remplacer  l'économat  patronal  toujours  soup- 
çonné de  faire  des  bénéfices  au  détriment  des  ouvriers,  par  la 
société  ouvrière  de  consommation. 

Le  rapport  présenté  en  1889,  à  l'exposition  d'économie  sociale, 
par  MM.  Jules  Chagot  et  Cie  à  Blanzy,  indiquait  la  transforma- 
tion nécessaire  que  cette  puissante  maison  avait  fait  subir  à  ses 
institutions  sociales,  et  l'heureux  résultat  qui  en  était  découlé. 

tt  On  apprécie  généralement  assez  peu  ce  qui  ne  coûte  aucune  peine,  disait  ce 
document;  on  s'habitue  à  considérer  les  faveurs  comme  des  droits  :  volontiers  on 
s'imagine  que  ceux  qui  font  le  bien  sont  poussés  par  l'intérêt.  II  y  a  pis  encore  : 
lorsqu'une  espèce  de  providence  pourvoit  à  tous  ses  besoins,  sans  exiger  de  lui 
aucun  effort,  l'ouvrier  cesse  de  compter  sur  lui-même;  il  perd  le  goût  de  la  pré- 
voyance, de  l'économie,  parce  qu'il  n'en  sent  plus  la  nécessité;  son  initiative 
s'éteint,  sa  dignité  s'amoindrit;  il  est  mûr  pour  le  socialisme. 

«  Ces  effets,  qui  sont  la  conséquence  d'un  patronage  trop  développé,  commen- 
çaient à  se  faire  sentir  à  Montceau,  il  y  a  quelques  années.  D'autre  part,  par  une 
espèce  de  réaction  bien  naturelle,  l'esprit  d'association  se  réveillait.  Des  sociétés 
coopératives  de  boulangerie,  des  sociétés  de  secours  mutuels,  des  syndicats,  se 
formèrent  dans  le  pays.  A  la  vérité  le  mouvement  nouveau  était  dirigé  dans 
un  sens  socialiste  révolutionnaire  plutôt  que  philanthropique;  mais  enfin  il  exis- 
tait, il  dénotait  un  certain  état  d'esprit  avec  lequel  il  était  prudent  de  compter. 

«  La  compagnie  de  Blanzy  comprit  la  situation  ;  tout  en  conservant  ses  insti- 
tutions patronales  qui  toutes  avaient  de  sérieuses  raisons  d'être,  au  moins  jusqu'à 
ce  qu'elles  fussent  remplacées  par  autre  chose,  file  résolut  d'utiliser  ce  mouve- 
ment d'association,  de  l'encourager,  de  le  diriger  dans  la  mesure  du  possible. 
Depuis  ({uelques  années,  elle  est  entrée  dans  une  voie  toute  nouvelle  qui  est  cer- 
tainement la  bonne.  Elle  n'est  d'ailleurs  pas  seule  à  l'avoir  suivie. 

«  Susciter  l'initiative  de  l'ouvrier;  faire  son  éducation  économique,  l'habituer 
à  compter  pins  sur  lui  et  moins  sur  le  patron  ;  lui  apprendre  à  gérer  ses  propres 
affaires,  voilà  qui  est  préférable  à  cette  espèce  de  tutelle  sous  laquelle  on  est  porté, 
par  pure  bienveillance,  d'ailleurs,  à  tenir  l'ouvrier,  comme  s'il  était  incapable  de 
comprendre  ses  intérêts. 

«  Le  patron  ne  doit  pas  hésiter  à  recourir  à  l'association  quand  c'est  possible. 
Avec  ce  système,  il  n'est  pas  responsable  du  bonheur  de  ses  ouvriers.  Ceux-ci, 
étant  associés  à  ses  efforts,  partagent  la  responsabilité  avec  lui,  et  en  assument 
même  la  plus  grande  partie...  » 

Pour  terminer  ce  rapide  aperçu  de  la  participation  collective, 
il  convient  de  remarquer  que  tout  le  monde,  amis  et  adversaires 
de  la  participation  individuelle,  est  partisan  de  la  première,  ce 
patronage  moderne,  même  M.  Ernest  Brelay,  qui  l'appelle  la 
«  mock  participation  »  par  allusion  à  la  «  mock  turtle  soup  »  ou 
fausse  soupe  à  la  tortue  des  Anglais.  Or,  c'est  déjà  un  progrès 
sur  ridée  régnante  d'il  y  a  trente  ans,  qui  n'admettait  que  le 
salaire-marchandise.  Le  siècle  prochain  pourrait  bien  voir 
d'autres  transformations. 


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90  LA    PARTICIPATION    DES   OUVRIERS    AUX    BÉNÉFICES 

IL  —  Participation  individuelle  avec  bénéfices. 

La  participation  devient  individuelle,  quand  la  somme  mise  à 
part  par  le  patron  pour  compléter  le  salaire  de  ses  ouvriers  est 
divisée  par  lui,  en  fin  de  l'exercice,  entre  ces  travailleurs,  au  lieu 
de  rester  à  Fétat  de  masse.  Mais  ici  encore,  cette  participation 
n'est  qu'une  simple  libéralité  ;  elle  n'accorde  à  l'ouvrier  aucun 
droit,  ne  lui  ouvre  aucune  action  pour  réclamer  son  dû  à  la  fin 
de  Tannée.  Elle  consiste  pour  le  patron  à  donner  à  chacun  de 
ses  collaborateurs  une  certaine  somme  dont  il  reste  seul  juge, 
et  qui  n'a  aucune  relation,  du  moins  apparente,  avec  l'inventaire 
ou  avec  le  total  des  bénéfices.  Il  n'y  a  là  aucun  contrat,  ni  aucun 
débat  préalable,  comme  il  y  en  a  un  pour  le  salaire.  C'est  ce 
qu'on  appelle,  en  droit,  une  condition  protestative,  dépendante 
de  la  seule  volonté  du  patron,  et  inefficace  à  créer  une  cause  à 
l'obligation. 

Beaucoup  de  maisons — M.  Trombert(l)  en  fait  l'énuméra- 
tion  —  appliquent  ce  système,  qui  leur  permet  de  ne  pas  indi- 
quer le  chiffre  de  leur  bénéfices,  d'établir  leur  inventaire  comme 
bon  leur  semble,  notamment  au  point  de  vue  des  réserves  et  des 
amortissements,  et  de  rester  entièrement  libres  vis-à-vis  do 
leurs  ouvriers. 

Dans  le  tableau  dressé  par  M.  Trombert,  en  1892,  et  qui  com- 
prend, si  notre  addition  est  exacte,  289  établissements  français 
ou  étrangers,  72  n'annonceraient  d'avance  aucun  quantum. 

Plusieurs  maisons,  en  fait,  se  fixent,  à  part  elles,  un  tant  pour 
cent,  mais  ne  l'annoncent  pas.  Quelques  patrons  nous  ont  dit 
qu'ils  opéraient  ainsi. 

Toutefois  les  règles  formulées,  dans  ces  établissements,  pour 
la  destination  des  fonds,  sont  généralement  très  précises  ;  elles 
sont  analogues  à  celles  des  industries  qui  pratiquent  la  partici- 
pation contractuelle.  Nous  les  étudierons  à  la  suite  de  ce  dernier 
mode. 

Mais  si  cette  participation  parait  au  premier  abord  avanta- 
geuse pour  le  patron,  elle  laisse  subsister  tous  les  inconvénients 

(1)  Guide  pratique  pour  rapplication  de  la  participation  aux  bénéfices,  par  ÂU)ert 
Trombert,  1892.  Les  applications  de  la  participation  aux  bénéfices,  par  le  môme, 
1896. 


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DANS   L  INDUSTRIE  9  7 

du  salaire  pur  et  simple,  notamment  la  rivalité  d'intérêt  entre 
les  deux  parties. 

L'ouvrier  peut  croire,  en  recevant  en  fin  d'année  une  somme 
supplémentaire,  à  un  gain  du  patron  beaucoup  plus  grand  que 
celui  de  la  réalité,  et  ce  supplément  n'aura  quelquefois  d'autre 
résultat  que  de  l'inciter  à  réclamer  une  hausse  du  salaire 
normal. 

Quel  est  clans  ce  système  l'intérêt  de  l'ouvrier  à  travailler  da- 
vantage ?  Il  est  bien  mince.  Il  ne  saura  jamais  si  un  supplément 
d'efforts,  de  sa  part,  correspondra  au  bout  de  l'année  à  un  sup- 
plément de  gratifications  et,  dans  l'ignorance,  il  aura  raison  de 
s'abstenir. 

En  somme,  le  but  de  la  participation  :  identifier  l'intérêt  de 
louvrier  et  celui  du  patron,  ne  paraît  pas  atteint. 

Dans  l'intéressant  rapport  que  M.  Buisson,  directeur  de  l'as- 
sociation ouvrière  «  le  Travail  »,  a  présenté  le  28  octobre  1896, 
au  deuxième  Congrès  de  l'alliance  coopérative  internationale 
siégeant  à  Paris,  sur  le  «  rôle  de  la  coopération  et  son  application 
pratique  »,  il  faisait  ressortir  nettement  le  caractère  uniquement 
charitable  de  la  participation  sans  fixation  de  quantum,  ou  tout 
au  moins  le  considérait  comme  une  annexe  du  régime  du  sala- 
riat. Envisageant  ensuite  la  participation  contractuelle,  il  y 
voyait  «  un  acheminement  nécessaire  vers  la  coopération  par 
étapes  successives,  que  les  mœurs,  l'éducation  et  la  conscience 
peuvent  seules  aider  à  franchir  ».  Et  le  Congrès  sanctionnait 
cette  manière  de  voir  en  votant  la  résolution  suivante  : 

««  H  convient  de  déclarer  que  les  systèmes  vraiment  coopératifs  d'associations 
de  production  et  de  participation  contractuelle  sont  ceux  qui  —  donnant  des 
garanties  à  tous  les  intérêts  et  à  tous  les  droits,  —  cherchent,  dans  un  esprit  de 
justice,  à  répartir  la  valeur  des  produits  du  travail  proportionnellement  au  con- 
cours apporté  par  les  divers  facteurs  dans  l'œuvre  de  production,  en  tenant 
compte  des  risques  financiers  et  corporels  courus  par  chacun  d'eux.  » 

Nous  sommes  ici  en  présence  d'une  bifurcation  :  de  Tancien 
chemin  connu  du  salariat  amélioré  par  tous  les  «  condiments  » 
que  l'intelligence  des  patrons  a  pu  inventer  pour  augmenter 
la  production  de  leurs  ouvriers  ou  que  la  conscience  de  l'em- 
ployeur a  organisés  pour  assurer  son  employé  contre  les  risques 
de  la  vie,  se  détache  maintenant  une  voie  nouvelle,  qui  aboutit 
d'abord  à  la  participation  contractuelle,  et  que  des  esprits  hardis 
mais  nullement  chimériques,  veulent  prolonger  jusqu'à  la  coo~ 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  7 


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98  LA    PARTICIPATION    DES   OUVaiEBd   ADX    BÉNÉFICES 

pératioa  de  production.  Dès  que  la  question  du  tant  pour  cent 
sur  les  bénéfices,  annoncé  d*avance  aux  ouvriers,  est  posée,  les 
théoriciens  et  les  pratiquants  de  Tancien  syatème  se  séparent  de 
ceux  qui,  sans  renoncer  au  salaire  considéré  comme  une  avance 
à  l'ouvrier,  estiment  que  l'antagonisme  entre  les  facteurs  de  la 
production,  ne  sera  évité  d'une  façon  sûre  que  par  leur  union 
intime,  et  qu'à  côté  du  mode  ancien  il  y  a  place  pour  des  combi- 
naisons nouvelles  dues  à  la  force  de  Tassociation  et  dont  la 
liberté  de  nos  temps  moderikes  doit  faciliter  la  création. 

On  voit  dès  lors  quel  est  Tintérét  qui  s  attache  à  l*étude  de 
cette  participation  contractuelle,  qu  on  la  considère  comme  une 
solution  définitive,  avantageuse  à  tous,  ou  qu'on  la  regarde  seu- 
lement comme  une  étape  au  bout  de  laquelle  apparaît  Tasso- 
ciation  complète  entre  producteurs. 


III.  —  Participation  conthacttiellb. 


J'examinerai  d'abord  le  contrat  enlni-mênie.  J'indiquerailes 
différentes  manières  de  fixer  le  quantum.  Je  traiterai  ensuite  — 
et  tout  ce  qui  suit,  sauf  le  contrôle  des  comptes,  s'applique  éga- 
lement à  la  participation- libéralité — les  divers  modes  de  ré- 
partition ;  j'exposerai  ensuite  les  règles  adoptées  pour  l'emploi 
des  fonds,  la  liquidation  des  comptes  et  les  clauises  de  déchéance. 
La  création  de  les  différentes  organisations  conduira  à  recon- 
naître la  nécessité  d'un  conseil  consultatif  patronal  pour  les  ad- 
ministrer. La  fixation  d'un  quantum  de  bénéfices  aboutit^  sauf 
clause  contraire  inséréedans  les  statuts,  au  contrôle  des  comptes 
par  les  ouvriers  ou  leur  délégué,  la  direction  industrielle  du 
patron  restant  entière. 

Caractère  juridique  du  contrat  de  participaiion.  —  On  l'a  con  • 
testé.  Cette  allocation  —  a-t-on  dit — en  fin  d'exercice  d'un  tant 
pour  cent,  n'est  qu'une  simple  libéralité,  dépenidant^e  la  seule 
volonté  de  l'industriel  :  la  clause  <c  si  potuero  »  ne  peut  donner 
naissance  à  une  obligation,  car  il  dépend  du  patron  seul  défaire 
ressortir  ou  non  un  bénéfice  annuel  dans  l'inventaire.  L'ouvrier 
n'aura  donc  aucune  action  pour  réclamer  son  dû  ;  il  n'y  a  pas  là 
un  contrat  nouveau.  L'objection,  a^ale4-on,  devieut  d  autant 


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DANS  L  INDUSTRIE  99 

plus  forte  dans  les  cas  où  Touvrier  renonce  par  clause  spéciale 
à  contrôler  l'inventaire. 

A  cela  il  est  facile  de  répondre  qu'il  n'y  a  pas  ici  de  condition 
purement  potestative;  qu'il  ne  dépend  pas  de  la  seule  volonté 
de  Tindustrielde  supprimer  la  répartition  légitimement  due,  que 
pour  ce  faire,  il  devrait  nier  tout  bénéfice,  qu'il  ne  se  dégagerait 
pas  par  là  librement  de  son  obligation,  mais  qu'il  s'y  soustrairait 
par  la  fraude,  ce  qui  est  tout  l'opposé.  Si  l'employé  s'en  remet  à 
la  parole  de  son  débiteur,  il  y  a  là  un  nouveau  cas  d'engagement 
verbal,  comme  il  y  en  a  beaucoup  d'aaalogues,  dans  lesquels  la 
parole  du  débiteur  est  acceptée  comme  preuve  et  règle  le  sort  du 
con tract.  Celui-ci  est  un  contrat  de  bonne  foi,  fréquent  dans 
notre  droit 

Mais  on  insiste,  et  l'on  dit  que  toute  participation  aux  béné- 
fices suppose  foi*cément  une  participation  aux  pertes  et  que  l'ou- 
vrier est  incapable  de  supporter  ces  dernières. 

C'est  méconnaître  le  caractère  véritable  du  contrat  de  partici- 
pation. Ce  contrat  n'est  pas  une  association.  C'est  un  mode  de 
rémunération,  dans  lequel  un  tant  pour  cent  supplémentaire 
vient  s'ajouter,  s'il  y  a  bénéfice,  au  salaire.  Au  cas  de  perte,  l'ou- 
vrier est  réduit  à  son  simple  salaire. 

Dans  une  affaire  industrielle,  disait  M.  Gonse  en  1889  au  Con- 
grès de  la  participation,  il  arrive  souvent  qu'une  part  de  la  rému- 
nération promise  à  la  direction  consiste,  outre  un  fixe,  dans 
une  part  possible  des  bénéfices  de  Tentrepo^ise.  Pourquoi  vou- 
drait-on interdire  à  l'ouvrier  un  contrat  qu'on  admet  parfaite- 
m^it  quand  il  s'agit  de  l'entrepreneur?  Le  capital  ne  peut-il 
accorder  au  travail  un  bénéfice  qu'il  alloue  à  l'intelligence  ? 

La  participation  étant  reconnue  un  eontrat  licite,  nous  en 
emprunterons  la  définition  à  M.  Ch.  Robert  : 

•»  La  participation  aux  bénéfices  est  une  libre  convention,  expresse  ou  tacite, 
«vivant  les  cas,  par  laquelle  un  patron,  industriel,  commerçant  ou  agriculteur, 
individu  ou  société  quelconque,  ciTiie,  commerciale  ou  coopérative^  —  donne  à 
son  ouvrier^  à  son  employé,  en  sus  du  salaire  normal,  une  part  dans  les  béoético^; 
sans  participation  aux  pertes.  » 

Différentes  mamères  de  fixer  le  quantum,  —  Nous  retrouvons 
ici,  au  moment  où  nous  voulons  faire  la. part  de  cbaque  produc- 
teur dans  le  bénéfice  annuel,  la  même  difficulté  que  nous  cons- 
tations au  début  de  cette  étude,  quand  nous  essayions,  dans  le 


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100  LA    PARTICIPATION   DES   OUVRIERS   AUX   BÉNÉFICES 

prix  de  vente  d'un  seul  objet,  de  faire  la  part  de  chacun  des  trois 
collaborateurs.  C'est  en  etfet  qu'il  ne  peut  y  avoir  aucune  com- 
mune mesure  arithmétique  entre  le  capital-argent  et  le  capital- 
humain.  Si  cette  commune  mesure  existait,  le  problème  socio- 
logique que  nous  cherchons  à  résoudre  se  réduirait  à  un  simple 
calcul  de  proportion  ou  à  une  équation.  La  même  difficulté  d'ap- 
préciation du  concours  existe  pour  la  direction,  qui,  elle  aussi, 
est  un  capital-humain.  Si  Ton  cherche  à  évaluer  en  argent  la 
valeur  marchande  du  capital-humain,  on  se  heurte  à  une  ques- 
tion insoluble  ;  deux  éléments  de  cette  valeur  nous  échappent  : 
les  risques  d'accident  et  de  mort,  et  la  liberté  humaine,  qui 
permet  au  travailleur  de  rompre  presqueàtout  instant  le  contrat 
de  travail.  Les  risques  échappent  encore  actuellement  aux  tables 
de  mortalité,  et  l'esclavage  est  aboli.  Cette  même  liberté  peut 
décupler  la  somme  de  main-d'œuvre  fournie  par  l'ouvrier,  si  ce 
dernier  y  apporte  toute  sa  bonne  volonté. 

Voici  quelques-unes  des  solutions  qui  ont  été  proposées  (1)  : 

M.Huet,  ingénieur  civil  à  Delft,  offrait  la  suivante  en  1869  : 
Après  avoir  calculé  à  5  p.  100  les  intérêts  duu  capital  des  action- 
naires »,  on  le  déduit,  à  titre  de  salaire  du  capital,  du  bénéfice 
qu'aura  donné  l'entreprise.  Vous  aurez  ainsi  le  profit  net.  Capi- 
talisez les  salaires  annuels  du  personnel  h  un  taux  convenu 
d'avance  (10  p.  100  par  exemple),  et  nommez  «  Capital  du  per- 
sonnel »  le  chiffre  ainsi  obtenu,  le  profit  net  sera  divisé  entre 
les  actionnaires  et  le  personnel  de  l'entreprise,  en  raison  des 
deux  capitaux  indiqués  ci-dessus. 

A  la  papeterie  coopérative  d'Angoulême,  après  prélèvement  de 
l'intérêt  à  5  p.  100  du  capital  social,  et  de  5  p.  100  des  immeubles 
et  du  matériel  pour  un  fonds  général  d'amortissement,  on  donne, 
depuis  longtemps,  25  p.  100  du  bénéfice  net  comme  dividende 
au  capital,  et  75  p.  100  au  travail  et  à  l'intelligence. 

Dans  rimprimerie  coopérative  de  Delft,  M.  Van  Marken  paie 
aux  ouvriers  leur  salaire,  au  capital  une  rétribution  de  6  p.  100 
représentant  l'intérêt  et  la  prime  du  risque  couru.  Voici  com- 
ment il  répartit  ensuite  l'excédent  :  il  refuse  tout  dividende  au 
capital,  instrument  passif,  qu'il  juge  suffisamment  rémunéré 
par  l'intérêt  ;  il  attribue  la  moitié  du  bénéfice  net  aux  travail- 

(1)  Voir  à  cet  égard  la  «  Préface  »  écrite  par  M.  Gli.  Robert,  du  Guide  pratique 
de  la  Participation  aux  bénéfices  (1892). 


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DANS   L  INDUSTRIE  101 

leurs,  un  quart  à  la  direction,  le  dernier  quart  à  diverses  affec- 
tations. 

D'autres  systèmes  ont  été  mis  en  avant.  Au  système  générale- 
ment en  vigueur  actuellement,  qui  refuse  tout  droit  direct  à  la 
main  d'œuvre,  en  restreignant  cette  dernière  au  salaire,  on 
oppose  ainsi  celui  de  MM.  Van  Marken  et  Leclaire,  qui  refusent 
tout  dividende  au  capital,  après  allocation  du  simple  intérêt. 
Ce  sont  deux  méthodes  simples  et  radicales. 

Le  rapport  remarquable,  de  M.  Buisson,  déjà  cité,  déclarait, 
qu'on  ne  peut  donner  une  formule  unique  pour  fixer  le  mode  de 
répartition,  qu'elle  a  été  cherchée  en  vain  par  d'autres  plus  com- 
pétents, que,  dans  chaque  cas,  les  éléments  jouent  un  rôle  diffé- 
rent et  que  chacun  des  trois  facteurs  doit  être  appelé  à  débattre 
ses  intérêts  en  toute  liberté. 

C'est  en  somme  à  cette  liberté  des  conventions  qu'il  faut  taire 
appel  pour  fixer  le  quantum  de  la  main-d'œuvre  dans  les  béné- 
fices. La  seule  chose  à  souhaiter  pour  le  bonheur  de  l'ouvrier 
c'est  que,  par  son  éducation  économique,  il  soit  misa  même  de 
traiter  à  égalité  avec  le  capital  et  l'intelligence  directrice. 

Divers  modes  de  répartition  du  quantum  attribué  à  la  main- 
d'œuvre,  —  Le  taux  du  salaire  a  paru  la  base  normale  de  la 
répartition  :  elle  est  l'indice  du  concours  apporté  par  l'ouvrier 
dans  la  production.  Toutefois  ce  mode  de  procéder  laisse  en 
dehors  un  élément  de  succès  qui  n'est  pas  à  négliger:  la  stabilité 
du  personnel.  Aussi  un  grand  nombre  de  maisons  font-elles 
entrer  en  ligne  de  compte  les  deux  coefficients  :  le  salaire  et 
l'ancienneté.  D'autres  combinent  les  salaires  avec  l'importance 
des  fonctions,  ou  l'ancienneté  et  l'importance,  ou  encore  les 
salaires,  l'ancienneté  et  l'importance.  Viennent  ensuite  : 
salaires,  ancienneté  et  mérite,  —  production  individuelle, 
chiffre  des  versements  faits  par  les  participants  dans  une  caisse 
d'épargne  ou  de  dépôts,  —  seule  appréciation  du  patron. 

Règles  adoptées  pour  remploi  des  fonds,  —  Une  fois  le  quan- 
tum alloué  à  l'ouvrier,  que  va-t-on  faire  des  fonds?  Il  y  a  trois 
modes  principaux  d'emploi  :  1**  le  paiement  comptant;  2®  la 
conservation  des  fonds  pour  l'avenir  ;  3®  leur  transformation  en 
parts  du  capital. 

L'Angleterre  et  l'Amérique  pratiquent  généralement  le  paie- 
ment comptant  :  tantôt  on  y  considère  ce  mode  comme  un  sti- 


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102  LA    PARTICIPATION   DBS  OUVRIERS   AUX   BÉNÉFICES 

mulant  au  travail  et  à  Téconomie  de  productian  ;  tantôt  on 
estime  que  c'est  à  l'intéressé  à  garantir  lui-même  son  avenir, 
au  moyen  de  cette  rémunération  supj^mentaire  qu'il  peut 
appliquer  à  Tassuranceet  à  l'épargne,  qu'au  surplus  il  ne  faut 
pas  avoir  Tair  de  retenir  d'une  main  ce  que  Ton  donne  de 
l'autre  :  cette  tutelle  serait  contraire  à  la  dignité  de  l'ouvrier. 

Tout  en  reconnaissant  les  bons  résultats  donnés  par  le  ver- 
sement immédiat  (papeterie  coopérative  d'Angoulême,  Nelson 
à  Saint-Louis  du  Missouri,  atelier  de  broderies  Nayrolles,  maison 
Leclaire),  les  partisans  de  la  conservation  des  fonds  pour  l'ave- 
nir affirment  qu'il  faut  voir  les  choses  telles  qu'elles  sont,  que 
sans  doute  ce  serait  à  l'ouvrier  à  constituer  son  épai^e,  mais 
qu'en  l'état  actuel,  il  manque  le  plus  souvent  des  qualités  de 
prévoyance  qui  lui  seraient  nécessaires,  que  l'œuvre  sociale  du 
patron  doit  tendre  à  les  lui  faire  acquérir,  et  que  ce  dernier  doit 
employer  le  produit  de  la  participation  à  lui  garantir  ses  vieux 
jours  plutôt  (jue  de  lui  distribuer,  en  fin  d'année,  une  somme 
d'argent  bientôt  dissipée  entre  ses  mains.  Cetteopinion  a  prévahi 
auprès  de  la  plus  grande  partie  des  maisons  françaises. 

Mais  il  y  a  plusieurs  moyens  de  conserver  les  fonds  pour 
l'avenir  :  il  y  a  la  capitalisation  des  fonds  sur  livrets  ou  comptes 
individuels,  la  constitution  de  pensions  viagères,  la  transfor- 
mation en  parts  de  capital. 

M.  de  Courcy  (1)  est  le  promoteur  bien  connu  du  système  de 
la  capitalisation  des  fonds.  On  est  généralement  d'accord  pour 
le  trouver  bien  préférable  à  celui  de  la  rente  viagère.  Celle-ci  ne 
constitue  un  droit  acquis  au  titulaire  qu'après  un  nombre 
déterminé  d'années  de  service  et  un  certain  âge.  Vient-il  à  dis- 
paraître aufmrarant,  tous  les  versements  faits  en  son  nom  sont 
perdus  pour  sa  famille.  Au  contraire  la  rente  que  crée  le  patri- 
moine est  perpétuelle.  Dès  que  les  infirmités  l'empêchent  do 
travailler,  l'ouvrier  peut  entrer  en  possession  de  son  capilal^ 
qu'il  voit  croître  tons  les  ans  par  les  inscriptions  faites  à  son 
compte,  et  dont  il  a  le  double  sur  son  carnet. 

La  transformation  en  parts  de  capital  es*  tantôt  facultative, 
tantôt  obligatoire.  La  première  alternative  est  réalisée  par 
Laroche-Joubert  et  Cie  à  Angouldme,  le  Bon  Marché,  les  manu- 

(1)  Vdir  rinsiitution  des  caisses  de  prévoyance  des  fonctionnaires,  employés 
et  ourmrs. 


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DANS  L  INDUSTRIE  103 

fact^Tes  de  laine  Rossi  àSchio  (Italie),  la  fabrique  Van  Marken 
de  levure  et  d'alcool  à  DeWt,  Leclerc,  fabrique  de  lits  et  meubles 
en  fer  à  Saint-Dizier  (Haute-Marne),  Nayrolles,  ateliers  de  bro- 
deries à  Paris.  La  seconde  alltîrnative  se  retrouve  au  Familis- 
tère -de  Guise,  à  rîraprimerie  Van  Marken  à  Delft,cliez  Redouly 
et  Cic  (ancienne  maison  Leclaire),  Thomson  et  fils,  fabricants  de 
draps  à  Woodhouse  Mills,  HuddersfieW  (Angleterre),  Génevoix 
et  fils  à  Poggio-Reale,  près  de  Naples,  Nelson  à  Saint-Louis  du 
Missouri  (Etats-Unis). 

Ce  dernier  mode  a  pour  but  et  pour  résultat  de  transfomaer 
rîndustrie  au  borrt  d''un  temps  pl-as  ou  moins  long,  en  associa- 
tion coopérative  de  production.  La  participation  aux  bénéfices 
serait  ainsi  pour  Tourrier  Técoîe  primaire  de  Tassociatron  coo- 
pérative, puisqu'elle  I^aurait  initié  aox  difficultés  et  aux  aléas 
qu«  tîoraporte  temte  entreprise. 

Liquidation  des  comptes.  Clames  4e  détkéance.  —  L'ouvrier 
a-t-il  une  propriété  immédiate  et  irrévocable  sur  l«s  fonds  qui 
lui  proviennent  de  la  participation,  ou  bien  n« jouit-il  que  d'une 
propriété  sons  condition  suspensÎTe  ou  résolutoire? 

D'après  la  théorie  pure  que  nous  avons  admise  au  commence- 
ment 4e  ce4te  étede,  et  qui  consiste  à  envisager  le  produit  4e  la 
participation  eowrme  devant  Ô<re  affecté  au  salaire-assurance, 
il  semblerait  que  ce  salaire  ne  d#t  être  acquis  qu'au  moment  où 
rittcapacité  de  travail,  l'âge  ou  Tinsnffisance  des  forces  oblige- 
raient le  travailleur  à  se  reposer,  ou  ne  fût  versé  à  la  famille 
qu'au  cas  de  mort  de  l'ouvrier.  Mais  y  a4-il,  en  pratique,  des 
contrats  de  travail  qui  durent  vingt-cinq  et  trente  ans? 

Eh  bien!  ce  safaire-assuranee  qui  n'est  acquis  h  l'homme 
qu'au  bout  de  tant  d'années  de  service  ne  l'empôchera-t-îl  pas 
de  rompre  un  contrat  qu'il  trouve  onércfux?  La  crainte  de  le 
perdre  ne  sera-t  elle  pas  une  entrave  à  octte  précieuse  liberté? 

C'est  à  l'ouvrier  à  se  constituer  son  épargne  ;  il  le  pourra  en 
se  servant  des  différents  produits  partiels  de  la  participation 
qu'il  aura  accumulée  xlans  son  existeace  ouvrière. 

D'«o  autre  eAté,  si  ¥*<m  considère  ia  •partieipati'Qn  comme  un 
supplément  de  salaire,  correspondant  à  un  supplément  de  tra- 
vail, la  retenue  delà  participation  pendant  toute  une  existence 
se  comprend  moins  encore  :  elle  devient  tout  simplement  une 
injustice. 


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104  LA    PARTICIPATION    DES    OUVRIERS    AUX    BÉNÉFICES 

Conseils  consultatifs.  Maintien  intégral  de  la  direction  an 
patron,  —  A  quelle  administration  va  être  confiée  la  gestion 
des  fonds  de  la  participation  contractuelle? 

Est-ce  au  patron  seul,  ou  à  la  direction  s'il  s'agit  de  société, 
ou  bien  est-ce  à  un  comité  présidé  sans  doute  par  le  chef  de 
l'entreprise,  mais  qui  s'adjoint  des  membres  pris  au  sein  du 
personnel  et  choisis  par  lui? 

Nous  avons  déjà  soulevé  cette  question  à  propos  de  la  parti- 
cipation collective;  elle  se  retrouve  encore  plus  pressante  quand 
il  s'agit  de  la  participation  individuelle  :  ici  plus  encore  il  est 
de  l'intérêt  etde  la  sécurité  du  patron  de  communiquer  la  gestion 
de  ces  parts  individuelles. 

Un  grand  nombre  d'établissements  ont  créé  des  comités  ou 
conseils  consultatifs  que  certains  ont  baptisé  du  nom  de  conseils 
de  famille  et  qui  en  jouent  effectivement  le  rôle,  en  prévenant 
les  conflits  ou  en  les  apaisant.  Par  là  même,  leur  action  s'étend 
dans  un  cercle  beaucoup  plus  grand  que  la  simple  gestion  des 
sommes  qui  leur  sont  confiées. 

Cette  tendance  à  se  décharger  du  soin  de  ces  questions  se 
dénote  de  plus  en  plus  dans  la  grande  industrie.  M.  Trombert 
indique  dans  son  ouvrage  une  vingtaine  de  maisons  qui  ont 
pratiqué  cette  abdication  volontaire,  et,  depuis  1892,  leur 
nombre  a  certainement  augmenté. 

La  justice  demande  en  effet  que  les  fonds  soient  gérés  par 
ceux  à  qui  ils  appartiennent.  Le  patron  se  bornera  à  entre- 
mettre ses  bons  offices.  Ce  sera  pour  lui  le  plus  grand  des  soula- 
gements. 

Si  la  direction  abandonne  ainsi  à  ses  collaborateurs  l'admi- 
nistration de  leurs  intérêts  particuliers,  elle  doit  conserver 
absolument,  que  ce  soit  un  individu  ou  une  société,  le  droit 
d'admettre  ou  de  congédier  ses  ouvriers,  sans  consulter  les 
comités  dont  nous  venons  de  parler.  Sinon,  ce  serait  l'anarchie 
industrielle  organisée. 

«  Le  conseil,  dit  le  règlement  de  la  compagnie  d'assurances  générales,  se  réserve 
expressément  la  plénitude  de  son  action  et  de  son  autorité  sur  les  employés  de  la 
compagnie,  notamment  en  ce  qui  concerne  les  destitutions  dont  il  demeure  arbitre 
Souverain,  sans  Atre  tenu,  dans  aucune  circonstance,  de  déduire  les  motifs  de  ses 
décipions.  » 

«  Le  patron,  affirme  M.  Moutier,  ne  reconnaît  à  personne  le  droit  de  critiquer 
sa  gestion,  ceux  qui  ne  Tapprouvcront  pas  étant  libres  de  se  retirer  ou  de  ne  pas 
entrer  chez  lui.  » 


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DANS    L  INDUSTRIE  105 

Mêmes  déclarations  chez  MM.  Monduit,  Mozet  et  Delalonde. 

Chez  tous  les  industriels  où  lés  règlements  sont  muets,  cette 
clause  est  expressément  sous-entendue  et  toujours  appliquée, 
comme  si  elle  était  clairement  formulée.  Les  patrons  qui  sont 
les  plus  fervents  partisans  de  la  participation  sont  les  plus  jaloux 
de  leur  autorité. 

Contrôle  des  comptes.  —  Si,  dans  le  contrat  de  participation, 
il  est  dès  lors  hors  de  conteste  que  la  direction  du  personnel 
appartient  à  la  gérance  ou  au  patron  au  même  titre  que  la 
direction  technique  ou  industrielle,  il  faut  également  leur 
maintenir  sans  partage  la  direction  commerciale,  et  cette 
direction  entraîne,  par  un  enchaînement  logique  ce  que 
MM.  Ch.  Robert  et  Trombert  ont  appelé  fort  justement  la  «  liberté 
de  l'inventaire,  » 

Le  patron  seul  doit  avoir  la  volonté  de  fixer  les  réserves,  les 
amortissements,  les  prévisions  pour  une  transformation  de 
Toutillage,  l'estimation  des  créances  douteuses,  rétablissement 
du  compte  de  profits  et  pertes.  Il  est  clair  que  l'évaluation  du 
montant  de  ces  différents  comptes  aura  une  grande  influence  sur 
le  bénéfice  net  et  par  conséquent  sur  la  répartition  aux  ouvriers  ; 
leur  donner  le  droit  de  discuter  Tinventaire,  pour  en  faire 
ressortir  un  profit  plus  grand,  c'est  mettre  enjeu  l'avenir  com- 
mercial de  l'affaire,  empiéter  sur  le  facteur  intelligence  et 
amener  ainsi  la  confusion  des  pouvoirs. 

Le  droit  de  discuter  l'inventaire  appartient  à  un  associé,  et 
1  ouvrier  participant —  il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  les  prin- 
cipes —  n'est  pas  un  associé,  il  est  un  salarié  d'une  espèce  spé- 
ciale :  c'est  pour  cela  —  nous  l'avons  dit  —  qu'il  ne  participe 
pas  aux  pertes. 

Quel  est  donc  son  droit?  De  pouvoir  constater  s'il  a  reçu  tout 
son  salaire.  Celui-ci  se  décompose  en  deux  parties  :  une  somme 
fixe  et  un  tant  pour  cent  sur  les  bénéfices  ;  pour  vérifier  cette 
dernière  part,  il  doit  pouvoir  contrôler  quel  est  le  montant  de 
ces  bénéfices  et  au  besoin  si  le  patron  lui  refuse  de  l'exercer,  il 
doit  pouvoir  également  faire  valoir  ce  droit  en  justice,  non  point 
pour  contester  le  résultat  de  l'inventaire,  mais  pour  vérifier  si 
le  tant  pour  cent  réparti  correspond  bien  au  bénéfice  réalisé,  et 
par  conséquent  s'il  a  reçu  complètement  le  salaire  promis. 

Les  tribunaux  ont  reconnu  le  droit  de  vérification  du  parti- 


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106  LA    PARTICIPATION   OE8  OUVRIEE8    AUX    BÉNÉFICES 

cipant.  11  est  vrai  que,  dans  les  cas  qui  ont  été  jugés,  et  <tont  il 
serait  trop  long  d'indiquer  ici  tout  le  détail,  il  s'agissait  de 
commis  intéressés,  mais  aucune  raison  ne  permet  d  admettre 
que  la  jurisprudence  n'accorderait  pas  le  même  droit  à  l'ouvrier 
participant.  Le  droit  de  vérification  admis  par  la  justice  dépasse 
même  celui  qui  consiste  à  lire  simplement  au  bas  de  l'inventaire 
le  total  des  bénéfices  nets  ;  il  permet  même  au  participant  — 
par  lui  ou  par  mtindataire,  peu  importe  —  de  rechercher  s'il 
n'y  a  pas  eu  mauvaise  foi  dans  la  confection  de  l'inventaire  et 
par  là  d'en  discuter  les  éléments. 

Une  telle  extension  du  droit  de  contrôle  nous  semblerait  bien 
grave  si  ce  droit  était  exercé,  non  plus  par  un  commis  intéressé, 
mais  par  l'un  quelconque,  ou  partons,  les  uns  après  les  autres, 
des  nombreux  ouvriers  d'une  grande  affaire.  Ce  serait  le  gâchis 
organisé.  11  y  a  même  là  une  impossibilité  matérielle. 

Aussi  la  plupart  des  personnes  qui  ont  admis  la  participation 
ont-eltes  inséré  dans  les  règlements  y  relatifs  ou  sous-enten- 
dent,  dans  tous  les  cas,  l'interdiction  du  droit  de  contrôle  pour 
les  ouvriers.  Cette  clause  doit  donc  absolument  faire  partie  du 
contrat  de  participation,  quand  il  y  a  un  quantum  déterminé 
qui  ci^  un  droit  corrélatif  pour  les  ouvriers  de  yérifier  Tin- 
ventaire,  et  que  l'industrie  refuse  le  contrôle. 

D'autres  maisons,  peut-être  plus  soucieuses  de  satisfaire  les 
droits  différents  du  maître  sur  la  confection  de  son  inventaire 
et  de  l'ouvrier  sur  le  contrôle  de  son  bénéfice  —  ont  cherché, 
au  li<;u  de  refuser  tout  droit  à  l'ouvrier,  soif  des  moyens  pra- 
tiques d'accorder  aux  travailleurs  un  certain  contrôle  par  délé- 
gation, soit,  ce  qui  est  peut-être  plus  juridique  encore,  de  con- 
fier à  Tarbitrage  d'un  tiers  la  conciliation  de  ces  droits  con- 
traires. 

Voici  quelques  établissements  qui  admettent  un  contrôle  par 
délégation. 

L'article  9  de  lacté  social  de  la  maison  Leclaire  l'organise  de 
la  feçon  suivante  : 

«  Pour  garantir  les  droits  des  ouvriers  et  employés  intéres- 
sés, et  bien  que  la  comptabilité  soit  tenue  par  ces  derniers  et 
établie  de  manière  à  fixer  régulièrement  les  parts,  deux  com- 
missaires sont  délégués  chaque  année,  dans  la  réunion  annuelle 
des  ouvriers  et  employés,  conformément  à  l'article  14  du  règle- 


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DANS   L  INDUSTRIE  107 

ment  de  la  maison^  et  seront  adjoints  an  président  de  la  société 
de  secours  mutuels,  afin  d'examiner  avec  lui  le  résultat  du  bilan 
et  de  constater  si  la  répartition  des  bénélices  a  été  opérée  con- 
fonaément  à  ce  qui  a  été  indiqué  à  l'article  15  des  présents 
statuts.  » 

M.  Marquot  disait  devant  la  commission  d'enquéie  extra-par- 
lementaire instituée  en  1883  au  ministère  de  Tlntérieur  pour 
étudier  l'association  aux  bénéfices  : 

»  Nos  éeritures  sont  coatiôiées  chaque  année  par  deox  délégués  nommés  pour 
vérifier  TinTentaire.  Ils  examinent  les  chiUres  pour  s'assurer  que  les  50  p.  100 
ont  bien  été  répartis,  que  l'inventaire  a  bien  été  dressé  conformément  aux  pres- 
criptions de  Facte  social.  Cette  Térific&tion  est  faite  de  concert  par  les  délégués, 
avec  la  gérance.  Mais  les  délégués  n'ont  pas  à  nous  demander  compte  de  la  ma- 
nière dont  les  bénéfices  ont  été  obtenus  ;  ils  n'ont  pas  de  questions  à  nous  poser 
sur  ce  point  D'ailleurs,  nous  n  avons  jamais  eu  de  difficultés  avec  les  délégués 
des  ouvriers;  leur  confiance  a  toujours  été  entière.  » 

Sans  qu'elle  soit  du  reste  exprimée,  cette  délégation  s*exerce 
la  plupart  du  temps  par  la  force  defe  choses,  lorsque  le  comp- 
table lui-même  est  intéressé.  Si  la  propoiiion  des  bénéfices  qui 
lui  revient,  et  qui  revient  par  voie  de  conséquente  forcée  aux 
autres  participants,  n'était  pas  respectée  par  le  patron,  le  comp- 
table aurait  vite  fait  de  se  plaindre  et  de  faire  résonner  de  ses 
dénonciations  Tatelier  lui-même. 

C'est  ce  que  me  disaient  plusieurs  industriels  que  j'étais  allé 
voir,  et  auxquels  je  posais  spécialement  la  question  du  contrôle 
des  comptes.  Ainsi  M.  Buttner-Thierry,  imprimeur,  qui  ne  veut 
absolument  pas  entendre  parler  de  ce  contrôle,  me  dit  qu'en 
fait,  les  comptables  étant  eux-mêmes  intén»ssés,  exercent  par- 
faitement ce  droit.  A  la  maison  Tuleu,  on  me  déclare  qu'il  n'y  a 
aucune  ingérence  indiscrète  des  ouvriers  dans  les  comptes,  les 
comptables  de  la  maison  étant  eux-mêmes  intéressés  aux  béné- 
fices et  pouvant  contrôler  toutes  les  opérations.  M.  Masson,  li- 
braire-éditeur, ne  voit  aucun  inconvénient  à  ce  que  ses  comp- 
tables connaissent  le  chiffre  des  ventes  ;  au  contraire  quand  la 
vente  baisse,  il  avertit  ses  employés  et  les  presse.  C'est  en  effet 
le  tant  pour  cent  sur  le  chiffre  de  la  vente  qui  est  en  vigueur 
chez  lui.  Même  s'il  pratiquait  la  participation  aux  bénéfices,  il 
n«  verrait  que  des  avantages  à  ce  que  ses  employés  connaissent 
ces  derniers.  A  la  maison  NayroUes,  ateliers  de  broderies,  Tin- 
ventaire  se  fait  chaque  année  avec  le  concours  de  deux  ouvrières 
élues  parleurs  compagnes.  C'est  le  seul  contrôle  des  comptes  et 


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108  LA    PARTICIPATION    DES    OUVRIERS    AUX    BÉNÉFICES 

il  n  y  a  jamais  eu  de  difficultés  sous  ce  rapport.  MM.  Piat,  fon- 
deurs en  fer,  n'admettent  aucun  contrôle.  Cependant  Tun  de  ces 
messieurs  me  disait  qu'il  n'y  verrait  pas  grand  inconvénient. 
J'ajoute  néanmoins  que  la  maison  Piat  amortissant  son  outil- 
lage en  cinq  ans,  s'il  fallait  le  faire  figurer  dans  l'inventaire 
pour  fixer  le  quantum  de  la  participation,  il  risquerait  de  ne 
pas  y  avoir  grand  bénéfice  et,  par  conséquent,  grande  participa- 
tion pour  l'ouvrier.  A  la  maison  Baille-Lemairc,  les  livres  sont 
communiqués  à  un  conseil  consultatif  de  contre  maîtres. 

Cette  enquête  sommaire  corrobore  une  constatation  déjà  faite 
par  M.  Ch.  Robert  devant  la  commission  d'enquête  extraparle- 
mentaire. M.  Robert  déclarait  que  c'étaient  ks  théoriciens,  les 
économistes  qui  jetaient  les  hauts  cris,  dénonçant  la  participa- 
tion comme  hétérodoxe  et  funeste,  tandis  que  les  industriels  qui 
pratiquent  le  système  déclarent  unanimement  que  le  danger 
n'existe  pas. 

Il  reste  à  examiner  le  contrôle  des  comptes  par  voie  d'arbi- 
trage. L'origine  de  ce  système  provient  d'Angleterre.  Il  a  été 
employé  pour  la  première  fois  en  1870  par  MM.  Fox,  Head  et 
Cie.  Cette  maison  décida  de  former  une  commission  d'experts- 
comptables  (public  accountants)  régulièrement  accrédités  (of 
recognized  position)  ;  «  ces  commissaires  prendront  connaissance 
chaque  année  des  comptes  de  la  maison,  et  feront  un  rapport 
sur  ce  sujet,  ledit  rapport  constatant  si  les  présentes  stipulations 
ont  été  dûment  observées,  s'il  y  a  là  un  bénéfice  net  à  partager, 
et,  en  cas  d'affirmative,  le  chiffré  de  ce  bénéfice  net.  »  Ces  experts 
avaient  qualité  pour  trancher  les  contestations  qui  pouvaient 
s'élever  entre  MM.  Fox  Head  et  Cie  et  leurs  employés  ou 
ouvriers. 

Le  «  public  accountant  »  est  en  Angleterre  un  comptable-juré 
qui  remplit  les  fonctions  attribuées  par  notre  loi  de  1867  sur  les 
sociétés  aux  commissaires-vérificateurs. 

Ces  experts  contrôlent  et  révisent  les  conflits  et  inventaires 
des  établissements  qui  s'adressent  à  eux.  Ils  procèdent  avec 
autorité  et  discrétion. 

MM.  Barbas  et  Cie,  entrepreneurs  de  couverture  et  plomberie, 
à  Paris,  furent  en  France  les  premiers  à  faire  intervenir  dans 
cette  matière  un  arbitre-expert.  Le  rapport  dressé  par  l'arbitre 
de  cette  maison  constate  :  1"  si  l'inventaire  a  été  fait  conformé- 


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DANS   L  INDUSTRIE  J09 

ment  aux  prescriptions  de  Tacte  social  ;  2®  si  la  participation  de 
5  0/0  dans  les  bénéfices  nets  de  cet  inventaire  a  bien  été  appli- 
quée au  personnel  participant,  suivant  les  statuts. 

Dans  la  visite  que  j'ai  faite  à  la  maison,  l'un  des  associés 
actuels,  M.  Balas,  me  disait  que  ce  contrôle  continuait  à  fonc- 
tionner parfaitement,  que  jamais  les  ouvriers  n'avaient  envie 
de  pénétrer  plus  avant  dans  les  secrets  de  la  maison.  «  Au  fond, 
ajoutait-il,  les  ouvriers  sont  de  grands  enfants  et  pour  peu  qu'on 
les  traite  paternellement  et  avec  justice,  qu'on  leur  témoigne  de 
la  confiance,  on  réussit  toujours.  Du  reste,  les  comptables  eux- 
mêmes  sont  participants  et  sont  les  premiers  à  contrôler  la  sin- 
cérité des  opérations. 

On  remarquera  que,  dans  le  règlement  adopté  par  la  maison 
que  nous  citons,  la  mission  de  l'expert  ne  consiste  pas  seulement 
a  constater  si  le  tantième  a  bien  été  appliqué  au  personnel  ;  elle 
s'étend  aussi  au  J)oint  de  savoir  si  l'inventaire  a  été  dressé  con- 
formément au  pacte  social  déterminant  notamment  les  prélève- 
ments et  les  réserves. 

Cette  tache  est  facile,  comme  ici,  quand  l'acte  de  société  en 
commandite  énonce  certaines  règles  de  confection  d'inventaire  ; 
il  en  serait  de  même  pour  une  société  par  actions.  L'opération 
devient  beaucoup  plus  délicate  quand  il  s'agit  d'un  industriel, 
maître  de  dresser  cet  inventaire  comme  il  Tentend,  et  auquel 
on  ne  peut  appliquer  aucune  règle  préalable. 

Faudrait-il  aller  jusqu'à  dire  qu'un  patron,  qui  établit  la  par- 
ticipation contractuelle  et  le  contrôle  de  l'inventaire,  devrait, 
dans  le  règlement  qui  constituerait  la  charte  du  travail,  déclarer 
à  ses  ouvrieri  qu'il  mettra  chaque  année  :  tant  à  la  réserve, 
tant  à  l'amortissement  de  l'outillage,  tant  à  l'intérêt  du  capital 
engagé,  et  qu'il  autorise  l'expert  à  vérifier  s'il  s'est  conformé  à 
la  loi  qu'il  se  serait  donnée  à  lui-même?  Ce  serait  une  exigence 
bien  hardie  du  droit  nouveau.  Il  est  indiscutable  toutefois  que 
toute  société  anonyme  ou  en  commandite,  qui  voudra  établir 
dorénavant  la  participation,  devra  prévoir  des  règles  de  ce. 
genre  vis-à-vis  du  capital  et,  par  cela  même,  faire  porter  sur  ces 
points  la  vérification  des  comptes.  Le  vérificateur  mandataire 
des  bailleurs  de  fonds  pourrait  s'adjoindre  sans  grand  inconvé- 
nient le  vérificateur  mandataire  des  ouvriers. 

Eh  !    bien  dans   la  transformation  toujours  plus  rapide  des 


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110  LA    PARTICIPATION    DES   QCVlUEfiS   AUX    BÉNÉFICES. 

industries  patronales  en  industries  anonymes,  l'industriel  isolé 
sei'a  peut-être  forcé,  pour  lutter  contre  ce  courant,  de  chercher 
dans  une  organisation  intérieure  du  travail  plus  nouvelle,  dans 
une  cohésion  plus  intime  avec  sa  main  d'œuvre,  un  moyen  de 
résister  victorieusement  à  des  groupements  nouvaux  dont  les 
sociétés  par  actions  lui  donneront  elles-mêmes  l'exemple. 

Nous  ne  nous  dissimulons  pas  que,  dans  ce  domaine,  nous 
anticipons  sur  l'avenir,  mais  le  but  d'une  étude  de  ce  genre  est 
précisément  de  prévoir  dans  quel  sens  se  développera  le  con- 
trat de  participation,  alin  d'aider  à  en  poser  les  r^les  futures 
d'éviter  les  tâtonnements  et  de  jalonner  la  voie.  Nous  sommes 
persuadés  que,  si  le  contrôle  des  comptes  doit  prendre  de  l'exten- 
sion, il  aboutira,  certainement  à  la  piroclaination  de  certaines 
règles  d'inventaire  qui  deviendront  de  style  et  s'imposeront 
même  aux  récalcitrants. 

Voici  comment  M.  Alfred  Rivière,  architecte-expert  près  les 
tribunaux,  chargé  du  contrôle  de  la  maison  Barbas,  caractéri- 
sait le  rôle  de  l'arbitre-expert,  au  banquet  annueldu  18  mars  1886 
de  la  société  de  participation  aux  bénéfices. 

«  H  ne  8  agit  pas  d'un  oommisBaire-vèrificateuràfaire  oonuner,  par  des  actioiuui  - 
res  qui,  étant  véritablement  les  propriétaires  du  fonds  social,  ont  le  droit  de  con- 
trôler à  re^stres  ouverts  tout  ce  qui  a  été  fait,  dans  l'année,  par  les  administra- 
teurs et  directeurs.. .  L'ariaitre  des  comptes  ne  sera  c#ntr6lé  par  pervonme,  rendra 
son  verdict  sans  ajouter  aucune  autre  explication  que  celles  qu'il  croira  devoir 
donner,  et  il  devra  n'en  donner  que  fort  peu,  parce  que  les  livres  et  les  écritu- 
res, qui  sont  mis  sous  ses  yeux,  devront  n'être  ouverts  que  par  lui,  et  qu'il  ne 
faut  pas  que  les  participants  puissent  entrer  dans  Tétude  et  dans  la  connaissance 
des  affaires  de  la  maison.  C'est  là  un  rôle  très  beau,  mais  très  lourd,  car  pour  les 
consciences  hautes,  à  mesure  que  le  contrôle  (Mminue,  le  poids  de  la  responna- 
bilité  s'a^rave.  » 

L'article  7  du  règlement  de  participaiion  de  la  maison  Mozet 
et  Delalonde,  entrepreneurs  de  maçonnerie,  porte  que  sur  la 
demande  des  participants  il  pourra  être  procédé,  et  par  eux,  au 
scrutin  secret  et  à  la  majorité  des  voix,  à  la  nomination  d'un 
arbitre-expert  accrédité  près  le  tribunal  de  commerce,  qui  sera 
chargé  du  contrôle  des  comptes  avec  le  comptable  et  les  patro&s. 

Le  rapport  dressé  par  l'arbitre  aura  pour  objet  de  constater  si 
les  écritures  ont  été  régulièrement  tenues,  et  si  la  participation 
de  10  p.  100  dans  les  bénéfices  nets  de  l'inventaire  a  bien  été 
appliquée  au  personnel  participant  suivant  le  présent  règle- 
ment. 

Nous  n'aimons  pas  beaucoup  cette  consultation  préalable  des 


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DANS    L  INDUSTRlfi  j 1 1 

ouvriers  sur  le  poiiàt  de  savoir  si  Ton  fera  appel  au  concours 
dun  arbitre.  Tant  que  les  travailleurs  auront  confiance  dans 
le  patron,  ils  ne  voudront,  ni  n^oôeroiit  invoquer  cette  dau&e. 
Au  cas  contraire  cette  simple  demaMle  préjudicielle  sera  déjk 
un  signe  de  soupçon. 

La  maison  Tbuillier  frères  a  adopté,  vers  la  même  époque 
que  la  maison  Barbas  rajrbitrage  d'un  expert. 

Quel  que  soit  Tavenir  qui  s'ouvre  au  contrôle  des  comptes 
établi  de  cette  manière,  il  est  évident  que  la  plupart  des  indus- 
triels qui  pratiquent  actuellement  la  participation  y  sont  bos~ 
iiles.  L'insertion  dans  les  statuts  d'une  clause  contraire  au  con- 
trôle est  absolument  légale.  Aussi  les  maisocis  qui  repoussent 
le  contrôle  feront-^lles  bien  de  l'insérer  pour  éviter  la  juris- 
prudence contraire  des  tribunaux.  M.  Gh.  Robert  le  déclarait 
déjà  en  1885  devant  la  commisôion  extra-parlementaire,  qui 
s  inspira  de  son  projet  dans  la  rédaction  des  articles  relatifs  à 
la  participation  qu'elle  proposa  au  gouvernement  de  déposer  à 
la  Chanal^re.  Ces  articles  n'ont  pas  été  modifiés  pendant  les 
nombreux  trajets  qu'ils  ont  faits,  en  compagnie  du  reste  de  la 
loi,  relative  à  la  coopération,  entre  les  deux  branches  du  Par- 
lement, qui  n'en  ont  point  encore  voté  le  texte  d'une  façon  dé- 
finitive. 

D'après  ces  articles,  la  renonciation  doit  être  expresse  pour 
être  valable.  Dans  le  cas  contraire  le  contrôle  est  établi  de  deux 
façons  ;  ou  par  la  convention,  ou  par  la  loi  à  défaut  de  conven- 
tion. Si  c'est  par  la  loi,  la  vérification  est  faite  par  un  expert 
amiablement  choisi,  ou,  en  cas  de  désaccord,  désigné,  selon  les 
cas,  soit  par  le  président  du  tribunal  civil,  soit  par  le  président 
du  tribunal  de  commerce .  Sh,  d'après  les  statuts,  tout  ou  partie 
du  bénéfice  anniid  distribué  est  conservé  dans  l'établissement 
et  donne  droit  h  une  nouvelle  part  dans  les  bénéfices,  les  par- 
ticipants à  moins  de  stipulations  contraires  n'ont  droit  à  la  vé- 
rification qu'au  moyen  de  l'expert* 


IV.  —  CONCXUSION. 

Le  cadre  de  cette  étude  ne  me  permet  pas  de  résumer,  même 
soBimaireflient,  les  réponses  des  industriels,  qui  pratiquent  le 


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U2  LÀ   PARTICIPATION    DES   OUVRIERS   AUX   BÉNÉFICES 

système,  au  questionnaire  que  je  m'étais  permis  de  leur  envoyer. 

Toutefois  de  cette  enquête  et  des  enquêtes  antérieures,  on 
peut  tirer  une  appréciation  assez  équitable  de  la  participation. 

La  participation  complète  le  salaire  :  elle  atténue  ce  que  ce 
dernier  peut  avoir  de  rigoureux  et  d'injuste,  inhérent  plus  ou 
moins  à  tout  forfait.  L'augmentation  du  salaire  enrichit  rare- 
ment l'ouvrier  ;  elle  le  pousse  à  la  dépense  et  amène  souvent  le 
renchérissement  des  objets  de  première  nécessité.  La  participa- 
tion, au  contraire,  évite  ces  inconvénient  et  pousse  l'ouvrier  à 
l'épargne,  à  l'assurance  contre  les  éventualités  de  la  vie.  La 
somme  touchée  en  fin  d'exercice  à  titre  de  participation  a  ra- 
rement été  mal  employée  ;  elle  a  une  influence  favorable  sur  la 
situation  sociale  et  morale  du  travailleur  ;  il  n'est  plus  un  simple 
salarié,  une  machine,  mais  un  intéressé,  presque  un  associé, 
lié  solidairement  aux  intérêts  de  son  patron.  Cette  union  change 
son  caractère.  Autrefois  il  ne  songeait  qu'à  son  propre  avantage  ; 
il  y  songe  encore  maintenant,  mais  comme  l'avantage  du  patron 
est  devenu  le  sien,  il  évite  de  gâcher  la  matière  première,  de 
perdre  son  temps,  de  mal  faire  l'ouvrage  ;  il  devient  facilement 
économe  et  rangé.  Il  fait  la  police  de  l'atelier  et  gourmande  les 
camarades  négligents.  La  part  du  patron  peut  devenir  ainsi 
supérieure  aux  gains  que  lui  rapportait  son  établissement  avant 
l'application  du  système.  Quand  il  y  a  des  difficultés,  l'ouvrier 
sera  plutôt  disposé  à  augmenter  qu'à  interrompre  son  travail 
journalier.  Si  le  chef  de  l'entreprise  est  tenu  à  une  comptabilité 
plus  rigoureuse,  il  aura  une  surveillance  beaucoup  moindre  à 
exercer.  «  Mes  ouvriers,  a  déclaré  M.  Billon  à  la  Chambre  de 
commerce  de  Genève  en  1873,  sauraient  défendre  leur  fabrique 
au  môme  titre  que  des  actionnaires,  si  jamais  à  Genève  les  idées 
communistes  venaient  à  menacer  notre  propriété.  » 

C'est  dire  que  le  participant  évitera  la  grève  :  il  se  ferait  du 
tort  à  lui-même. 

Les  participants  supportent  avec  plus  de  courage  les  crises 
économiques.  L'enquête  nous  l'a  montré  pour  les  années  où  au- 
cune répartition  n'a  été  faite. 

Quant  au  droit  de  contrôle  sur  la  comptabilité,  nous  avons  vu 
combien  cette  objection  théorique  disparaît  devant  la  pratique 
du  système  :  les  comptables  participant  au  môme  titre  que  les 
ouvriers  et  étant  les  vérificateurs  nés  de  cette  comptabilité  qui 


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DANS    L INDUSTRIE  113 

devrait  rester  cachée  à  toutes  les  investigations  et  que  certains 
chefs  m'ont  déclarée  pouvoir  être,  quant  au  résultat  annuel,  dé- 
voilée sans  inconvénients  à  tous  les  collaborateurs. 

Toutefois,  pour  que  la  participation  puisse  réussir,  elle  doit 
trouver  un  milieu  social  favorable.  Nous  l'avons  déjà  fait  pres- 
sentir à  propos  de  la  participation  collective,  et  nous  tenons  à  le 
répéter  d'autant  plus  qu'il  s'agit  ici  de  la  participation  contrac- 
tuelle. 

L'exercice  de  cette  participation  exige  chez  les  'deux  parties, 
patron  et  ouvriers,  la  possession  de  qualités  morales  préalables. 
Ce  mode  nouveau  n'est  pas  une  plante  que  l'on  puisse  accli- 
mater partout.  Si  le  patron  ne  vise  qu'à  gagner  le  plus  vite 
possible  le  plus  d'argent  qu'il  peut  et  par  tous  les  moyens, 
vous  lui  conseillerez  vainement  do  l'adopter.  Quel  que  soit  le 
résultat  total  d'un  grand  nombre  d'exercices,  l'industriel  a  ce- 
pendant, au  début,  un  sacrifice  à  faire.  Esprit  d'abnégation  pour 
l'établir,  patience  pour  la  poursuivre  ;  l'avantage  ne  se  montre 
peut-être  même  pas  au  bout  de  plusieurs  années.  Enlin  bonne 
volonté  et  pour  tout  dire  amour  pour  ses  travailleurs  ;  le  con- 
tact va  être  fréquent;  le  contrat  y  pousse  par  sa  nature,  11  ne 
peut  fonclionner  que  par  l'accord  des  volontés.  Si  le  chef  ne 
voit  dans  l'ouvrier  que  l'instrument  de  sa  fortune,  l'homme-ma- 
chine,  s'il  ne  sent  pas  qu  il  lui  doit  une  administration  sérieuse, 
qu'il  a  charge  d'âmes,  que,  de  son  zèle  ou  de  sa  négligence  dé- 
pond le  pain  des  vieux  jours  de  tous  ses  employés,  il  fera  mieux 
de  s'en  tenir  au  salaire  normal,  il  jouerait  d'un  instrument 
qu'il  n'a  pu  apprendre. 

Voyons  maintenant  quelles  qualités  morales  doivent  exister 
chez  les  travailleurs.  Les  échecs  qu'a  fait  ressortir  notre  en- 
quête disent  en  somme  à  peu  près  la  même  chose  :  «  Nous  es- 
périons, écrivent  les  industriels,  que  la  participation  améliore- 
rait le  caractère  de  nos  ouvriers  ;  nous  nous  sommes  trompés.  » 
Sans  doute,  et  nous  l'avons  affirme  tout  à  l'heure,  la  participation 
développe  chez  le  travailleur  des  qualités  d'épargne,  de  pré- 
voyance et  de  fidélité.  Mais  encore  faut-il  qu'il  y  ait  chez  l'ou- 
vrier quelques  germes  de  ces  qualités.  Si  elles  n'existent  abso- 
lument pas,  nous  ne  croyons  pas  que  la  participation  ait  la  vertu 
magique  de  les  développer;  aussi  l'industriel  doit-il  être  doublé 
d'un  psychologue,  s'il  veut  établir  la  participation  avec  chance 

RJSVUE  POLIT.,  T.  XX  8 


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114  LA    PARTICIPATION   DES   OUVRIERS    AUX    BÉNÉFICES 

de  succès.  Les  qualités  morales  ne  sont  pas  tout  chez  1  ouvrier, 
llfautrintelligence  pour  comprendre.  Et  cette  intelligence  ne 
se  développera  que  par  une  certaine  éducation  économique,  que 
Fécole  pourrait  peut-être  donner  d'une  façon  très-sommaire. 

Nous  ne  pouvons  donc  pas  conseiller  à  un  industriel,  qui 
fonde  de  toutes  pièces  une  usine  nouvelle  avec  des  ouvriers  re- 
crutés un  peu  partout  et  dont  il  ne  connaît  ni  le  caractère,  ni  les 
antécédents,  d'introduire  d  emblée  la  participation,  sans  étude 
préalable  du  inîlieu  où  il  opère.  Il  doit  d'abord  faire  l'éducation 
morale,  intellectuelle,  économique  de  ses  travailleurs.  Godin, 
Leclaire,  Laroche-Joubert  n'ont  pas  procédé  autrement.  La  par- 
ticipation et  plus  tard  l'association  coopérative  de  production, 
n'ont  été  dans  leurs  entreprises  que  le  couronnement  d'œuvres 
de  prévoyance,  qui  ont  été  pour  leurs  ouvriers  un  apprentissage 
économique.  Ils  se  sont  fait  à  eux-mêmes  leur  classe  ouvrière, 
par  la  sélection  et  l'hérédité.  Les  caisses  de  secours  et  de  re- 
traites, gérées  d'abord  par  les  patrons,  doivent,  à  notre  avis,  être 
les  lisières  dans  lesquelles  on  doit  laisser  grandir  l'enfance  so- 
ciale de  l'ouvrier;  la  participation-libéralité  viendra  ensuite,  et 
la  participation  contractuelle  marquera  sa  majorité  ;  nous  avons 
vu  que  ce  développement  est  légitimé  par  l'histoire.  Il  doit  se 
reproduire  dans  une  industrie  qui  représente  souvent  en  rac- 
courci les  phases  de  cette  histoire. 

Roger  Merlin. 


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VARIÉTÉS 


DEAK  ET  KOSSUTH 

Si^  pour  iDieox  tesMie  coAnaltre,  oa  veut  oieUre  €Q  parallèle  ces 
étuK  ^auds  patriotes  ou^gyars,  par  une  ironie  da  sort  il  faut  les 
placer  se  (ouraaDila  tèle^  c'eit-^dire  de  manière  à  imiter  le  symbole 
bicéphale  de  TempÀre  germano  ajatricàten  qu'ils  ont  combattu  avec 
tant  lie  coudrage  et  àe  persévéreace  Hmie  leur  vie  duranL  Car  ce  sont 
justement  ks  antithèses  du  génie  polkîqae  de  la  Hongrie  à  la  fois 
très  dynastique  et  très  indépeodant^  très  aristocratique  et  très  éga- 
lîtaixe,  très  eonservateur  et  très  progressiste  qui  s'incarnent  en  Deàk 
et  Ko6Sulh,  seulement  —  chose  curieuse —  non  pas  dans  un  partage 
symétrique  ei  eta  faisant  de  chacun  d'eux  le  champion  des  qualités 
du  même  ordre,  mais  en  se  combinant  le  plus  diverseaeftt  possible 
et  en  passant  saccessivement  de  Tun  à  Tautre  pour  se  trouver  tou- 
j(mrs  em  oppesition  ouverte  ou  déguisée,  pour  se  mesurer  saas  in- 
terruption direeiement  oo  par  voies  détournées  :  spectacle  du  plus 
haut  intérêt  dont  Tétude  s'impose  aussi  bien  à.  rhistorien  qu'au  phi- 
ksophe;  spectacle  am  (dus  haut  degré  instructif,  pendant  l'analyse 
duquel  on  rencontre  forcément  les  plus  illustres  parmi  Leurs  con- 
temporains et  os  aiMH*de  toutes  les  questions  ayant  agité  leur  temps  ; 
spectacle  auquel  le  caractère  magyar  et  les  mœurs  de  la  Hongrie 
presque  inconnues  à  l'étranger,  fournissent  un  cadre  particulier  et 
eapëvant,  et  qui  ne  peut  que  réconforter  et  réjouir  puisqu'il  se  ter- 
mine par  l'apothéose  de  la  liberté  constitutionnelle,  et  par  la  glo- 
rification de  ses  deux  s^viteurs  également,  quoique  difiëremment 
dévoués. 

Parler  de  Deék  et  de  Kossuth  reste  donc  toujours  et  partout  une 
actualité,  méritant  l'attention  de  tous  ceux  pour  qui,  de  même  que 
pour  les  dieux  de  l'Olympe,  assister  à  la  lutte  des  âmes  bien  trem- 
pées contre  l'adverûté,  constitue  l'action  principale  du  drame  inter- 
minable joné  par  l'Homme  sur  la  vaste  scène  du  monde. 


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116  DEAK    ET   KOSSUTU 

I 

Gomme  la  Nature  au  sortir  de  Thiver,  encore  tout  engourdie  de 
froid,  encore  dépourvue  de  sa  parure  végétale,  immobile  et  silen- 
cieuse, agissant  secrètement  au  fond  des  sillons  et  sous  Técorce  des 
arbres,  ayant  ses  mamelles  gonflées  de  sève  et  ses  poumons  remplis 
de  souffles  printaniers  et  viyiûants  :  telle  nous  apparaît  la  Hongrie 
au  début  de  ce  siècle,  où  naquirent,  à  quelques  mois  de  distance, 
Louis  Kossuth  et  François  Deâk  (1803).  Il  fallait  qu'elle  pût  tra- 
verser une  longue  période  de  repos  depuis  la  reprise  de  Bude  sur 
les  Turcs  (1686)  et  depuis  le  traité  de  paix  de  Szalmar  (1711),  mettant 
fin  à  la  dernière  guerre  civile,  pour  refaire  ses  forces,  pour  se  re- 
mettre à  sa  tâche,  pour  s'occuper  de  son  avenir.  Ses  forces  c'étaient 
le  courage  militaire  sur  le  champ  de  bataille  et  le  courage  civique 
dans  les  discussions  législatives,  à  la  diète  ou  dans  les  conseils  dé- 
partementaux où  l'universalité  de  la  noblesse  des  départements  éli- 
sait l'administration  —  le  préfet  excepté  —  et  les  députés;  sa  tâche 
c'était  reconquérir  la  place  qu'elle  avait  occupée  jadis  avec  honneur 
dans  le  rang  des  nations  civilisées;  son  avenir  c'était  devenir  le  dé- 
positaire des  libertés  constitutionnelles  et  du  progrès  en  Orient.  Et 
tout  cela  dans  quelles  conditions,  avec  quels  faibles  moyens  hélas  ! 
Si  eUe  perdait  le  plus  précieux  de  son  sang  à  l'appel  de  ses  rois,  elle 
servait  des  intérêts  étrangers  aux  siens,  et  toute  son  éloquence  et 
son  savoir  de  légiste  se  dépensaient  infructueusement  dans  la  dé- 
fense incessante  de  ses  droits  menacés.  Si  elle  faisait  des  eflForts  pour 
se  développer  intellectuellement,  pour  cultiver  les  sciences,  les  arts 
et  la  littérature,  elle  ne  pouvait  nullement  compter  sur  le  gouverne- 
ment composé  d'étrangers,  nourrissant  le  désir  plus  ou  moins  caché 
de  la  transformer  à  la  première  occasion  en  une  province  allemande. 
Et  si  elle  rêvait  à  des  jours  meilleurs  et  si  elle  voulait  hâter  leur  ar- 
rivée, elle  se  heurtait  contre  le  dénuement  moral  et  matériel  de  la 
majorité  de  ses  habitants,  contre  les  plaies  hideuses  du  servage,  et 
se  senlait  arrêtée  à  chaque  pas  par  des  considérations  nationalistes 
et  religieuses  qui  se  greffaient  multiples  et  irritantes  sur  les  con- 
trastes sociaux  entre  la  noblesse  toute  puissante  et  les  castes  non- 
privilégiées  et  sacrifiées. 

Fier  de  l'ancienneté  de  sa  race,  quoique  n'ayant,  h  ce  sujet  que  des 
présomptions  instinctives,  noyé  dans  sa  graisse  quoique  trop  indo- 
lent pour  exploiter  judicieusement  les  richesses  incalculables  du  sol 
hongrois,  tout  en  dégénérant  à  vue  d'œil,  le  «  gentry  »  magyar,  la 
fraction  la  plus  importante  de  la  nation,  ne  cessait  de  croire  à  la  vé- 


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DEAK    ET   K0S8CTH  117 

racilé  de  Taxiome  :  Extra  Hungariam  non  est  xnta  (On  ne  vit  pas  en 
dehors  de  la  Hongrie).  Et  ayant  Torgueil  du  Chinois  de  pouvoir  se 
suffire,  il  était  séparé  de  cet  «  en  dehors  de  la  Hongrie  »  par  une 
grande  muraille  aussi,  la  grande  muraille  de  son  idiome  qui  n'a  au- 
cune parenté  avec  les  autres  langues  européennes  et  qui,  est  consé- 
quemment,  très  difficile  à  apprendre  pour  tout  le  monde. 

Cette  auto-séquestration  de  la  Hongrie  n'était  pas  faite  pour  dé- 
plaire aux  classes  dirigeantes  autrichiennes.  Habituées  à  un  despo- 
tisme bénin,  ayant  sous  les  yeux  la  Pologne  démembrée  et  la  Hongrie 
arriériée  malgré  leurs  libertés,  elles  désiraient  continuer  Tapplica- 
tion  des  théories  de  Joseph  H  concernant  Tamélioration  de  la  justice, 
le  développement  et  le  perfectionnement  de  Tagriculture  et  de  Tin- 
dustrie,  la  diffusion  de  l'instruction  publique,  la  protection  des  arts 
et  du  commerce.  Elles  n'avaient  retenu  de  la  Révolution  française 
que  ses  tendances  unitaires  et  la  centralisation  à  outrance  de  l'em- 
pire, bien  entendu  au  profit  du  pangermanisme  alors  éclos,  ainsi  qu'à 
leur  propre.  De  là  leur  aversion  contre  le  constitutionnalisme  hon- 
grois non  seulement  à  cause  de  ses  imperfections  incontestables  bien 
que  corrigibles,  mais  surtout  parce  qu'il  pouvait  éveiller  aussi  le  dé- 
sir d'en  avoir  un  pareil  dans  les  pays  héi:éditaires  des  Habsbourg. 

Cette  léthargie  de  la  Hongrie,  ce  cordon  sanitaire  tiré  autour  d'elle 
par  la  politique  autrichienne,  n'échappait  pas  à  la  perspicacité  de 
Télite  de  la  nation  magyare.  Des  poètes  tels  que  Daniel  Berzsenyi  les 
signalèrent  et  les  flagellèrent,  tandis  que  les  comtes  François  Szé- 
cbenyi  et  Georges  Festelics  firent  des  tentatives  nombreuses  pour  y 
remédier.  Mais,  pour  rompre  le  charme  fatal,  pour  donner  l'impul- 
sion définitive,  il  fallait  des  mains  plus  puissantes  et  une  voix  plus 
autorisée.  Napoléon  les  eut  en  pénétrant  jusqu'à  Gyôr  (Raab)  à  la 
suite  de  son  armée  (1809),  après  avoir  lancé  sa  fameuse  proclamation 
à  la  nation  hongroise,  une  des  plus  belles  qui  soient  sorties  de  sa  plume. 
Ce  choc  violent,  cet  appel  tombé  de  telles  lèvres,  fit  en  Hongrie  une 
impression  indescriptible,  non  pas  au  point  de  vue  de  son  effet  immé- 
diat, car  aucun  Hongrois  ne  pensait  à  commettre  une  félonie  à  l'égard 
de  la  dynastie  en  détresse,  mais  parce  qu'au  contact  avec  les  Fran- 
çais, apportant  dans  les  plis  de  leurs  drapeaux  les  idées  les  plus  gé- 
néreuses de  la  Révolution,  on  comprit  enfin  que,  pour  pouvoir  vivre 
dans  l'atmosphère  du  monde  nouveau  en  voie  de  formation,  il  fallait 
créer  une  organisation  politique  et  sociale  nouvelle,  et  parce  que  les 
paroles  de  Napoléon  rappelant  la  grandeur  passée  de  la  Hongrie, 
servaient  de  témoignage  irrécusable  en  faveur  de  sa  vitalité. 

Dès  ce  moment-là  les  aspirations,  jusqu'alors  vagues  des  patriotes 
magyars,  prennent  une  forme  précise  :  on  admettra  dans  les  retran- 


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118  DEAK   El"   KOSSCTH 

chements  de  la  constitution  tous  les  sujets  du  royaume,  a»qi]«l  ob 
rendra  son  caractère  primitif  en  y  réunissaiit  la  Transylvanie  et  les 
confins  militaires.  Quant  à  la  langue  de  Fétat,  elle  ne  pourra  être 
que  le  magyar,  car  iï  seratt  ridicule  qu'un  état  moderne  se  servît 
encore  du  latin  et,  d'autre  part,  c'est  la  race  magyare  qui  est  la  plus 
nombreuse  et  la  plus  civilisée  parmi  les  nationalités  diverses  habi- 
tant le  pays,  sans  même  tenir  compte  de  ses  préro^trves  de  con- 
quérante. 

Dès  ce  moment-ïà  on  entre  en  pleine  renaissance  hongroise.  Un 
groupe  considérable  de  poètes,  de  littérateurs  et  de  savants  surgit 
alors  annonçant  sur  la  lyre,  dans  une  prose  flexible  et  sonore,  par 
des  travaux  consacrés  à  toutes  les  brancbes  du  savoir  l'approche  des 
temps  meilleurs,  la  ve»ue  d^ua  Messie  national.  Et  «  le  plus  grand 
des  Magyars  »,  le  jeune  comte  Etienne  Széchenyi  —  fils  du  comte 
François  pliïs  haut  cité  —  apparaft  en  effet,  devenant  pour  son  coup 
d'essai  le  fontfateur  de  l'Institut  hongrois,  ravivant  par  son  exempte 
le  patriotisme  de  Faristocratie  et  faisant  sortir  de  sa  toi^peur  la  no- 
blesse par  ses  écrits.  Les  besoins  les  plus  pressants  de  Féconomie 
politique,  de  Fagriculture,  de  Findustrie  et  du  comnaerce  hongrois, 
son  génie  les  devine  un  à  un  pour  les  satisfaire  avec  son  activité 
infatigabfe,  tandis  que  les  séparations  qui  semblaient  s'élever  infran- 
chissables parmi  les  différentes  classes  de  la  population,  il  tes  apla- 
nit en  créant  partent  des  centres  sociauix,  foyers  du  progrès  el  de  la 
civilisation. 

Mais  aussi,  dès  ce  nooment  là,  on  vit  changer  ia  tactique  de  la  réac- 
tion. Au  lieu  de  se  poser  plus  longtemps  en  défenseur  des  opprimés, 
afin  de  combattre  les  libertés  inhérentes  à  la  Constitution,  elle  se 
mit  hardiment  à  travers  Les  eiTorts  de  la  Hongrie,  tentés  en  vue  ée 
son  développement  intellectuel  et  matériel  et  précisément  à  Favan- 
tage  dtes  non-prÎTilégiés.  Un  tel  illogisme  n'était  pas  fait  pour  arrê- 
ter le  prince  de  Mettemich  q^and  il  s'agissait  de  soutenir  les  soi- 
disant  principes  conservateurs  ii  Faide  desquels  il  régentait  les  sou- 
verains de  l'Europe,  depuis  le  Congrès  de  Vienne.  Et  comme  il 
sentait  parfaitenorent  que  les  moyens  plus  ou  moins  légaux  et  plus  ou 
moins  coerci tifs  ne  suffisaient  pas  pour  barrer  le  ehen^in  au  mou- 
vement ascensionnel  de  la  Hongrie  renaissante,  il  chercha  des  alliés 
parmi  les  nationalités  en  excitant  leur  jalousie  et  en.  lewr  faisant 
entrevoir  le  mirage  d'un  avenir  pompeux,  mais,  de  fait,  irréalisable. 
Ce  fut  dans  ce  sens  là  qu'il  encouragea  directement  i'illyrisme  croate 
de  Louis  Gay,  le  panslavisme  slovaque  de  Palatzky,  le  pangerma- 
nisme des  Saxons  de  ta  Transylvanie,  et  indirectement,  par  te  canal 
deFinflnence  religieuse  de  la  Russie  orthodooce,  le  daco^roumanisaie, 


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&BA&  J5T   KOSSUTH  119 

quoiqu  ils  soient  autaat  d'éléments  révolutionnaires  et  même  atten- 
tatoires à  rintégrité  de  la  monarchie. 

11 

La  rencontre  des  intérêts  aussi  diamétralement  opposés  ne  pou- 
vait aboutir  tôt  ou  tard  qu'à  une  collision  sanglante.  Szécheayi  la 
prévit  et  en  devint  de  plus  en  plus  troublé,  préparant  ainsi  sa  folie 
ultérieure.  Mais  la  Hongrie  n'en  poursuivit  pas  moins  son  relèvement 
inattendu  et  rapide  grâce  à  Fenthousiasme  patriotique  d'une  généra- 
tion exceptionnelle,  dans  les  rangs  de  laquelle  on  remarquait  déjà 
alors  les  personnalités  saillantes  deDeéketdeKossuth.Députéà  peine 
majeur  du  département  de  Zala  à  la  diète  de  1831,  le  premier  y 
éveilla  Tatteiktion  du  monde  politique  hongrois  par  la  précocité  de 
sa  maturité  intelleeiueBe,,  par  retendue  de  son  savoir  de  juriste  joint 
à  une  modestie  naturelle,  à  ime  réserve  respectueuse  à  Tégard  de  ses 
aSnés  dans  la  carrière  politique,  Torateur  Paul  de  Nagy,  le  philo- 
sophe Kôlcsey.  Si  ses  discours  consacrés  à  la  défense  des  idées  libé- 
rales les  plus  nobles,  se  recommandaient  par  la  clarté  de  leur  lan- 
gage et  la  logique  de  leur  argumentation^  ses  rapports  envoyés  à  ses 
mandants  sur  Tétat  des  travaux  de  la  législature  étaient  de  vrais 
chefs-d'œuvre  de  style  et  de  composition  qui  remplissaient  d'admira- 
tion non  seulement  son  département  mais  tout  «  l'au-delà  du  Da- 
nube »,  comme  on  a|^>eUe  en  Hongrie  la  contrée  située  sur  la  rive 
droite  du  grand  fleuve  et  comprenant  une  quinzaine  de  départe- 
ments. Ces  heureuses^  dispositions  de  légiste  et  d'écrivain  étaient 
chez  lui  l'effet  de  l'atavisme  d'ailleurs,  car,  comme  l'indiquent  son 
nom  formé  du  moClatin  a  diaconus  »  et  st^iûant,  en  hongrois  usuel 
scribe  ou  jeune  homme  faisant  ses  études,  ainsi  que  ses  armes  par- 
lantes —  dextre  tenant  une  plume  et  appuyé  sur  un  livre^  —  ce  sont 
à  cause  de  quelques  mérites  littéraires  ou  juridiques  que  sa  famille 
a  dû  recevoir  ses  pardiemins  au  xn*  siècle. 

Malgré  sa  généalogie  remontant  à  la  fin  du  xui*  siècle,  Louis  Kos- 
sulh  ne  pouvait  se  prévaloir  de  débuts  aussi  brillants  et  aussi  flat- 
teurs. La  situation  précaire  de  ses  pcu^ents  le  força  à  chercher  un 
gagne-pain,  à  peine  sorti  du  collège  protestant  de  Saros-Patak,  où,  à 
l'occasion  d*nne  mutinerie,  son  professeur  nommé  Kôvi  lui  prédit 
ime  partie  de  son  avenir  en  déclarant  qu'il  «  deviendrait  certaine- 
ment un  perturbateur  de  la  paix  publique  du  pays.  »  Ayant  obtenu 
le  diplôme  d'avocat  il  fut  envoyé  à  la  diète  en  1832  comme  représen- 
tant d'un  magnat  absent  {absentium  aUegatus),  En  cette  qualité  il 
putasfflster  à  toutes  les  séances  des  Càambres,  naturellement  sans 


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120  DEAk    ET    K0S8CTB 

avoir  le  droit  de  prendre  la  parole  ou  de  voter,  el  faire  des  comptes- 
rendus  complets  pour  son  mandant,  car  les  journaux  hon^çrois  peu 
nombreux  n'en  publiaient  pas  encore.  Les  siens  eurent  tant  de  suc- 
cès qu'il  lui  vint  l'idée  de  les  autographier  à  Tusage  de  quiconque 
s'intéressait  aux  débats  de  la  diète.  C'était  faire  connaître  son  nom 
dans  les  cercles  politiques,  mais  aussi  le  désigner  à  la  haine  de  Met- 
ternich  qui  ne  tenait  nullement  à  une  divulgation  pareille  des  dis- 
cours des  députés  libéraux,  ne  pouvant  tourner  qu'au  profit  de  la 
cause  hongroise.  Pour  sévir  contre  le  jeune  publiciste  il  attendit 
cependant  la  fin  de  la  diète  qui  se  prolongea  jusqu'en  1836  et  ne  le 
fit  arrêter  et  condamner  à  trois  ans  de  prison  qu'en  1837  sous  pré- 
texte de  la  perversité  d'une  nouvelle  publication  similaire,  mais  cette 
fois  ayant  trait  aux  discussions  des  conseils  départementaux.  Or 
celte  incarcération  illégale  eut  un  double  avantage  pour  Kossuth  : 
elle  lui  conquit  d'une  part  Jes  sympathies  de  toute  la  nation  ma- 
gyare et  de  l'autre  elle  lui  procura  des  loisirs  pour  l'achèvement  de 
son  instruction  au  moyen  de  lectures  utiles  étendant  son  horizon  in- 
tellectuel el  le  familiarisant  avec  les  langues  occidentales  et  leurs 
littératures. 

Après  avoir  purgé  sa  condamnation,  il  se  vit  placé  par  la  force 
des  choses  à  la  tête  de  Topposition,  dont  il  fut  dès  lors  le  porte-voix 
le  plus  autorisé  aussi  bien  dans  le  journalisme  que  dans  les  affaires 
publiques  en  général.  Comme  tel,  il  eut  à  soutenir  les  attaques  les 
plus  violentes  de  Széchenyi,  redoutant  la  fougue  avec  laquelle  Kos- 
suth poursuivait  la  réalisation  du  programme  libéral  sans  se  préoc- 
cuper de  la  tempête  qu'il  allait  déchaîner  sur  la  Hongrie.  Ce  fut 
îLvec  un  tel  tact  que  ce  dernier  sut  se  défendre  à  cette  occasion,  qu'il 
réussit  à  mettre  de  son  côté  l'opinion  publique.  Et,  à  ce  succès,  il  en 
ajouta  d'autres  non  moins  éclatants  en  sa  qualité  d'orateur  dans  le 
conseil  départemental  de  Pesth,  ainsi  que  ceux  rapportés  sur  le  ter- 
rain de  l'économie  politique  en  secondant  les  efforts  tentés  par  le 
comte  Casimir  Batthyàny  en  vue  de  la  création  d'une  industrie 
nationale,  succès  qui  le  grisaient  d'autant  plus  qu'ils  flattaient  aussi 
énormément  l'orgueil  de  sa  femme,  à  l'influence  de  qui  il  faut  attri- 
buer une  grande  partie  de  ses  résolutions  les  plus  graves. 

Pendant  cette  période  de  la  popularité  grandissante  de  Kossuth 
dont  Metternich  comprit  toute  l'importance,  Deâk  resta  complète- 
ment à  l'écart,  par  suite  de  sa  mâle  résolution  de  ne  pas  accepter  un 
mandat  législatif  que  des  rixes  homicides  avaient  ensanglanté  (1843), 
attitude  pleine  de  dignité  que  le  département  de  Zala  récompensa 
noblement  en  ne  pourvoyant  pas  à  son  remplacement  pendant  toute 
la  législature  et  qui  lui  valut  une  auréole  de  respect  aux  yeux  de 


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DEAK   ET   KOSSUTH  121 

toute  la  Hongrie.  De  sorte  que,  quand,  à  la  fin  de  1847,  la  diète  s'as- 
sembla à  Pozsony  (Presbourg)  Deék  et  Kossuth,  déjà  députés  du  dé- 
partement de  Pesth,  y  entrèrent  comme  chefs  incontestés  des  deux 
fractions  égales  de  Topposilion  en  majorité  :  de  la  modérée  et 
de  la  radicale  :  équilibre  passager  que  la  nouvelle  foudroyante  de  la 
révolution  de  Février  a  immédiatement  rompu  en  faveur  de  la  der- 
nière. 

Sûr  de  Tapprobation  du  plus  grand  nombre,  Kossuth  prit  alors 
TiniJiative  —  qui  lui  garantit  la  reconnaissance  de  la  Hongrie  —  de 
proposer  en  bloc  ces  lois  de  1848  destinées  à  rajeunir  d'un  seul  coup 
Tantique  constitution  du  pays,  en  partie  vermoulue.  C'était  abolir  les 
privilèges,  la  servitude  et  la  dîme;  c'était  admettre  tous  les  sujets  du 
roi  apostolique  aux  emplois,  aux  honneurs;  c'était  donner  des  droits 
politiques  à  tout  le  monde  pouvant  se  targuer  d'un  certain  avoir,  de 
certaines  capacités.  Personne  ne  sera  plus  exempté  ni  de  l'impôt  du 
sang,  ni  des  contributions  et,  la  censure  disparaissant,  on  laissera  en- 
tière liberté  aux  manifestations  de  la  pensée  et  l'on  répandra  l'ins- 
truction à  profusion  et  Ton  protégera  l'art  avec  prodigalité.  Entouré 
d'un  ministère  complet,  le  Palatin  —  dans  l'espèce  le  jeune  archi- 
duc Etienne  succédant  à  son  père,  le  vénéré  archiduc  Joseph  —  gou- 
vernera un  véritable  royaume  indépendant,  d'un  caractère  magyar 
nettement  accusé,  ayant  son  armée  et  ses  finances  particulières  et 
n'étant  rattachée  aux  pays  héréditaires  des  Habsbourg  que  par  un 
ministre  «  a  latere  »,  résidant  à  Vienne,  afin  d'y  représenter  et  sur- 
veiller les  intérêts  hongrois  I 

Et  ce  ne  fut  pas  tout  encore.  Dans  son  discours  du  3  mars  Kossuth 
invita  la  diète  à  intercéder  aussi  auprès  de  la  Couronne  en  faveur  de 
l'octroi  d'une  constitution  libérale  pour  l'Autriche  elle-même.  Certes 
dans  sa  pensée,  l'accomplissement  de  ce  vœu  ne  devait  que  mieux 
garantir  les  libertés  hongroises,  mais  pour  les  exaltés  de  la  capitale 
impériale,  il  fournit  ainsi  la  formule  fatidique  destinée  à  mettre 
l'étincelle  aux  poudres.  Ses  paroles  enflammées,  lues  à  Vaula  de 
l'Université  de  Vienne,  y  provoquent  des  troubles  balayant  le  pou- 
voir de  Metternich,  et  quand  Kossuth  arrive  faisant  partie  d'une 
députation  de  la  diète  pour  obtenir  de  Ferdinand  la  sanction  de  la 
constitution  hongroise  rajeunie,  il  y  est  reçu  en  triomphateur.  Fina- 
lement la  cour  entre  elle-même  en  pourparlers  avec  lui,  rehaussant 
sa  personnalité  au-dessus  du  Palatin  dont  il  se  fait  l'avocat  devant  le 
souverain  et  à  qui,  en  rentrant  en  Hongrie,  il  décerne  un  brevet  de 
patriotisme,  et  au-dessus  de  la  Chambre  nommée  selon  les  nouvelles 
lois  électorales,  au-dessus  du  ministère  nouvellement  formé  sous  la 
présidence  du  comte  Louis  Batthyâny. 


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122  l>EAK    £T   KOSSLTH 

Széchenyi  et  Déak  y  obtinreni  des  portefeuilles  aussi,  mais  ils  s  y 
fireut  éclipser  soit  à  cause  de  la  précipitation  des  éyénements  qui  les 
prit  à  rimproviste  et  les  stupéûa,  soit  à  cause  de  leurs  pressenti* 
menls  sombres  concerDant  Tissue  fatale  de  la  voie  dans  laquelle  on 
s'était  engagé.  Quant  à  Kossuth,  devenu  ministre  des  finances,  il  se 
jeta  tète  baissée  dans  la  tourmente,  enlevant  les  masses  par  son 
éloquence  et  entraîné  par  le  courant  patriotique  et  libéral  qui  sortait 
impétueux  et  irrésistible  des  forces  vives  de  la  nation  magyare. 

<«  Je  me  prosterne  devant  la  grandeur  de  la  patrie  !  »  s'écria-t-il 
avec  une  émotion  saisissante,  après  avoir  obtenu  de  la  Chambre  le 
vote  d'une  armée  de  deux  cent  mille  hommes  pour  la  défense  du 
pays.  Des  phrases  semblables  lui  gagnèrent  tous  tes  cœurs  et  tout  le 
dévouement  d'un  peuple  enthousiasmé. 

m 

A  cinquante  ans  de  distance  on  comprend  aisément  la  méfiance 
qoe  la  constitution  hongroise  rajeunie  pouvait  inspirer  à  la  cour  de 
Vienne.  Quoique  n'omettant  pas  de  mentionner  la  Pragmatique 
Sanction,  elle  était  muette  sur  les  questions  qui  se  rapportaient  à  la 
monarchie  dans  son  ensemble  :  dettes  publiques,  armée  et  dipkNnatie. 
Relativement  à  la  première,  le  parlement  hongrois  se  montra  intran- 
sigeant, ne  voulant  pas  reconnaître  les^  emprunts  d'un  caractère  pure- 
ment autrichien;  relativement  à  la  seconde,  il  ne  promit  son  concours 
que  sous  certaines  conditions,  tandis  qu'il  se  désintéressa  delà  troi- 
sième avec  une  insouciance  coupable.  D'ailleurs,  il  avait  à  s'occuper 
de  la  répression  des  soulèvements  nationalistes  :  serbes,  roamains, 
croates  et  slovaques,  fomentés  évidemment  par  la  camarilla* 

Donc  si  à  Vienne  on  se  crut  joué  par  Kossuth^  à  qui  on  attribua 
des  sentiments  séparatistes  sinon  républicains^  à  Festb  on  découvrit 
journellement  des  nouvelles  iH>euves  de  la  duplicité  de  la  cour.  Pour 
faire  cesser  cette  équivoque,  il  aurait  fallu  des  explications  pleines 
de  franchise  de  part  et  d'autre  ;  car,  d'après  la  constitotioB^  la  tota- 
lité des  droits  n'appartient  séparément  ni  à  la  couronne  ni  an  par- 
lement, conséquemment  leur  étroite  mton  est  une  nécessité  absolue, 
une  condition  sine  qua  non  du  bonheur  du  pays. 

Afin  de  sortir  de  Tembrouillement  inextricable,  on  s'imagina  alors 
à  Vienne  que  séparer  la  cause  de  la  Hongrie  de  celle  de  Kossuth 
amènerait  une  scission  dans  les  rangs  du  monde  politique  hongrois  ; 
mais  on  se  pri  t  d'une  manière  si  odieuse  et  si  ridicule  à  l'exécution  de 
ce  plan  tardif,  qu'il  tourna  à  la  confusion  de  ses  auteurs  sans  pro- 
duire à  Pesth  un  effet  appréciable.  On  y  confia  ao  contraire  la  prési- 


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D£JK  BT  KÛ8SUTH  123 

dence  d«  comité  de  la  défense  natiowde  am  député- tribua  aittsi 
déooiieé  comme  perturbatem^  pubik,  la  nature  généreuse  des  Hon- 
grois n'adaiettant  pas  la  poesÀbilité  d'un  lèche  abandon.  Reste  à 
saroir  si  Koasath  n'aurait  pas  mieux  £ait  de  s'offrir  en  holocauste  à  la 
réaction  et  éviter  par  là  reffwoa  d'un  torrent  de  sang.  En  tout  cas. 
lui  conOer  des  povvairs  iUetatorîaux  était  une  provocation  patente  à 
Tadresse  de  la  couronne,  qmi  y  trouva  esfta  «ne  raison  plausible  pour 
passer  de  Tiiostilité  déguisée  à  Tbostililé  ouverte.  On  Ut  abdiquer 
Ferdinand,  lié  par  sott  serment  au  maintien  de  la  constitution  nou- 
velle; on  lai  donna  pour  soccessenr  scia  neveu  javénile,  Tarchiduc 
François-Joseph,  n'ayant  encore  contracté  persoAneUei&eBt  aucune 
obligation,  et  oa  laissa  ^ivahir  la  Uoogrie  de  loot  c^té,  comme  un 
pays  ennemi,  par  rarnée  de  Windisch-Gtaetx. 

ÂyaDt  vainement  tesié  un  suprême  effort  en  faveur  de  la  paix 
auprès  de  ce  commandant  en  chef  des  forces  impériales,  Deik  se 
relira  du  théâtre  de  Taction  le  o«ur  brisé,  comprenant  que  les 
juristes  n'oot  plus  rien  à  dire  et  se  réservant  ainsi  instinctivement 
pour  son  r^e  utt^^ewr.  Ce  fui  au  contraire  à  ce  moment  là  que 
Kossuth.  déploya  le  phis  d'activité  après  s'être  installé  à  Debreczen, 
avec  le  parleonent  très  tnmqué  en  vérité  et  un  nouveau  ministère, 
pour  y  organiser  la  résistance  ou  plus  exactement  le  triomphe;  car, 
grâce  à  r habileté  d'mte  vingtaine  de  généraux,  en  partie  improvisés, 
et  à  rbérolsme  des  «  honvéds  »  v(^ntaires,  à  la  fin  du  mois  d'avril 
1S49  il  n'y  avait  presque  phis  d'Autrichiens  sur  le  territoire  hon^çrois. 

Grisé  par  ces  succès  militaires,  dont  il  pouvait  incontestabiement 
s  attribuer  une  large  part  comme  organisateur,  et  voulant  riposter 
aux  illégalités  contenues  dans  la  eonstitolion  impériale  du  5  mars  — 
(BQvre  des  oottseiliers  peu  scrapuleux  du  ieune  soaverain  —  Kossuth 
fit  prodamer  la  déchéance  de  la  dynastie  (14  avril)  et  se  plaça  ainsi 
ineonsidérémaat  sur  le  terrain  de  la  révolution.  Faute  politique 
immense  pédant  la  benne  rcoonmée  de  la  Hongrie  aux  yeux  de 
l'Eivope  redevemie  réactionnaire  après  l'insurrection  de  juin,  et  que 
la  faute  stratégique  de  consacrer  un  mois  à  la  reprise  de  Bude  rendit 
plus  irrémédiable  encore.  Elle  eut  pour  contre  coup  fatalement  Tin- 
tervention  russe  à  l'aide  de  laquelle  les  Aotrichieiis  purent  aisément 
vaincre  l'armée  bongrotse,  privée  de  sa  base  d'opération. 

S'il  était  humaia  de  ne  vouloir  confier  les  pouvoirs  militaires  à 
aacun  général  daus  les  temps  prospères,  il  était  plus  humain  encore 
de  s'e»  décharger  an  moment  dos  convulsions  finales.  Investi  alors 
du  titre  de  générai  en  chef  par  Kossuth,.  a  gouverneiv  de  la  Hongrie  » 
depuis  la  si^pressinnde  la  royauté,  Arthur  <jî>orgey  ne  put  s'en  ser- 
vir que  pour  signer  avec  le  prince  Paschkievitck,  généralissime  de 


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124  DEAK   ET   KOSSDTH 

Tarmée  russe,  la  capitulation  de  Vilàgos.  C'était  sauver  le  peu  de 
vitalité  qui  restait  dans  la  race  magyare  après  sa  prise  d'armes  glo- 
rieuse, tout  en  la  livrant  momentanément  au  courroux  de  la  cour  de 
Vienne,  mais  c'était  aussi  semer  les  germes  de  la  discorde  entre 
TAutricbe  et  la  Russie,  devenues  jalouses  Tune  de  l'autre  et  préparer 
par  là  une  nouvelle  orientation  de  la  politique  générale. 

Elle  eut  un  nouveau  changement  de  direction  à  subir  aussi  quand 
à  propos  de  la  non-extradition  de  Kossuth  et  des  autres  réfugiés 
hongrois,  la  Turquie  reçut  les  ultimatum  les  plus  comminatoires  des 
deux  empires  du  Nord.  L'Angleterre  et  la  France  s'unirent  dès  cette 
époque  pour  la  défense  de  «  l'homme  malade  »,  de  sorte  que  Ton 
doit  regarder  le  dénouement  de  la  guerre  constitutionnelle  de  la 
Hongrie  sur  la  terre  étrangère  comme  le  prologue  de  la  guerre 
d'Orient,  qui  n'éclata  en  réalité  que  quatre  ans  plus  lard. 

Avec  son  organisation  toute  féminine,  proie  de  l'impulsion  de  ses 
sentiments  intenses,  Kossuth  se  montra  sous  un  double  aspect  pen- 
dant le  restant  de  son  existence  passée  en  Occident.  Inspiré  par  son 
amour  inextinguible  de  patriote  sincère,  il  s'y  employa  d'abord  pour 
faire  une  propagande  des  plus  actives  en  faveur  de  la  Hongrie,  éton- 
nant et  enthousiasmant  l'Angleterre  et  les  Etats-Unis  par  ses  discours 
enflammés  et  prononcés  en  anglais,  à  l'aide  desquels  il  réussit  à 
contrebalancer  efficacement  les  calomnies  répandues  par  l'Autriche 
sur  le  compte  de  son  pays  et  à  lui  gagner  les  sympathies  des  cinq 
parties  du  monde.  Les  conjonctures  devenant  meilleures  par  suite  de 
la  politique  extérieure  de  plus  en  plus  libérale  de  Napoléon  III, 
Kossuth  se  consacra  plus  tard  au  culte  exclusif  de  sa  haine  aveugle 
contre  la  maison  de  Habsbourg,  admettant  et  acceptant  toutes  les 
combinaisons  qui  la  visaient,  fussent-elles  même  dangereuses  pour 
le  sort  de  la  Hongrie  ou  désavantageuses  pour  sa  propre  réputation. 
Faire  essuyer  à  la  couronne  de  Saint-Etienne  l'humiliation  d'un  refus 
de  la  part  du  prince  Jérôme-Napoléon,  sacrifier  l'indépendance  de 
la  Hongrie  au  profit  d'une  confédération  danubienne,  se  donner  la 
satisfaction  puérile  de  fabriquer  en  gros  du  papier  monnaie,  hypo- 
théqué sur  ses  exploits  futurs,  lui  semblaient  être  choses  naturelles 
parce  qu'elles  pouvaient  inquiéter,  froisser,  menacer  Vienne.  Impru- 
dences compromettantes,  quoique  inoffensives,  démontrant  à  l'envi, 
que  la  nation  hongroise  ne  devait  pas  chercher  son  salut  au  dehors, 
comme  les  revers  de  la  guerre  d'Italie,  entraînant  l'effondrement  du 
funeste  système  absolutiste,  avaient  également  révélé  à  François- 
Joseph  que  traiter  la  Hongrie  en  quantité  négligeable  était  une 
erreur  qui  pouvait  devenir  fatale  aussi  bien  pour  l'avenir  de  la  dy- 
nastie que  pour  celui  de  la  monarchie  tout  entière. 


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r^Tï^ 


DEAK    ET    KOSSIJTH  125 

IV 

La  réconciliation  entre  la  couronne  et  la  nation  magyare  ayant  été 
reconnue  une  nécessité  impérieuse  de  part  et  d'autre,  on  se  décida  à 
Vienne  à  un  changement  de  politique  dans  le  sens  libéral.  Ce  fut  évi- 
demment une  avance  considérable,  mais  suspecte,  faite  àla  Hongrie, 
car  elle  permit  aux  centralistes  allemands  de  tenter  un  dernier  eflFort 
encore  pour  réaliser  leur  rêve  d'unification  et  de  germanisation  de  la 
monarchie.  Ils  persuadèrent  donc  à  l'empereur  qu'il  suffisait  de  créer 
—  au  moyen  de  diplômes  et  de  lettres-patentes  —  une  constitution 
octroyée  à  tous  ses  peuples  pour  faire  échec  à  celle  de  la  Hongrie  et 
d'obtenir  ainsi  le  résultat  vainement  poursuivi  par  l'absolutisme. 
Au  surplus  dans  le  cas  difficilement  imaginable  où  les  Magyars  mon- 
treraient de  la  mauvaise  volonté  pour  l'accepter,  on  pourrait  au  moins 
démasquer  l'hypocrisie  de  leur  libéralisme  et  prouver  qu'ils  ne  le 
mettaient  en  avant  que  pour  mieux  tyranniser  les  autres  nationa- 
lités. 

D'après  les  dispositions  de  cette  constitution  des  centralistes  libé- 
raux, la  Hongrie  devait  envoyer  des  députés,  nommés  par  la  diète  de 
Pesth,  au«  Reichsrath  (Conseil  de  Tempire)  élargi  »  de  Vienne,  pour 
y  discuter  les  intérêts  généraux  de  la  monarchie,  tandis  que  les 
questions  de  moindre  importance  se  discuteraient  dans  les  diètes 
i(  provinciales  »,  parmi  lesquelles  on  rangea  celle  de  la  Hongrie 
aussi. 

Contradiction  bizarre  !  elle  fut  convoquée  pour  Pesth  et  élue  d'après 
les  dispositions  de  la  constitution  de  18481  C'était  avouer  que  l'on 
ne  pouvait  pas  ignorer  son  existence  en  voulant  rester  sur  le  terrain 
de  la  légalité  ;  c'était  la  ressusciter,  attirer  sur  elle  l'attention. 

A  vrai  dire,  la  fraction  la  plus  importante  et  modérée  de  la  Hongrie 
y  pensa  toujours.  Deék,  son  chef  incontesté  depuis  la  catastrophe 
de  1849,  en  fit  l'objet  principal  de  ses  méditations  les  plus  appro- 
fondies, car,  ayant  connu  le  loyalisme  et  le  libéralisme  de  ses  auteurs, 
il  ne  pouvait  comprendre  comment  elle  avait  pu  être  si  mal  inter- 
prétée tant  à  Vienne  que  dans  les  camps  des  nationalités?  Recherches 
qui  devaient  lui  coûter  d'autant  plus  d'eflForts  que  finalement  il 
s'aperçut  que  le  résultat  funeste  produit  ne  pouvait  être  nullement 
imputé  à  ce  que  contenait  l'œuvre  généreuse  de  la  diète  de  1848,  mais, 
au  contraire, à  ce  qui  y  manquait,  c'est-à-dire  aux  dispositions  réglant 
Ja  situation  de  la  Hongrie  à  l'égard  des  pays  héréditaires  de  la  maison 
des  Habsbourg  au  point  de  vue  diplomatique,  militaire,  financier 
et   commercial  :  représentation  à  l'étranger,  armée,  dette  publique 


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i«6  D£A&   £T   KOSSLTH 

el  douanes.  Quiconque  connaît  l%&  sentiments  royalistes  innés  des 
magyars  comprendra  que  ce  ne  pouvait  être  ^'uae  omission  invo- 
lontaire, aussi  aisément  explicable  parla  hâte  ft^iee  laquelle  on  a 
procédé  à  la  eoneeptioa  de  la  coosiiluiioii  nouvelle  que  ^eSevieat 
réparable.  La  cowr  où  oq  ne  s'était  jamaisdoBiiè la  peme  de  s'occupât 
impartiaieiiaeQt  de  Télal  d'àme  de  ia  Hooiprie^  s'ea  iDéQa  cependant 
d'autant  plus  que  la  diète  plaida  le  coBâlitutioAnalisaie  pour  T  Autriche 
aussi,  par  la  bouche  de  Kosautb  et  à  Vieaoe  mème^  qui  plus  est  : 
méfiance  que  Ton  sut  faire  partager  par  les  nationalités,  habituées 
à  recevoir  le  Biot  d'cMrdre  de  la  camariUa. 

Après  avoir  découvert  ainsi  le  aœud  de  la  difficulté»  Deâk  com- 
prit qu  il  y  avait  moyen  de  s'entendre  sans  abandonner  le  terrain  de 
la  continuité  du  droite  le  seul  qui  donne  de  sérieuses  garanties  de 
durée  aux  institutions  d'un  peuple.  Ce  fut  sous  TinHuence  de  cette 
conviction  qu'il  rédigea  sa  fameuse  «  Adresse  de  la  diète  de  1861  », 
dans  laquelle  il  proposa  d'une  part,de  jeter,  le  voile  sur  les  actes  illé- 
gaux commis  depuis  1848,  et,  de  l'autre,  de  remettre  en  vigueur  la 
constitution  sanctionnée  dans  cette  même  année  par  Ferdinand,  en 
lui  faisant  subir  des  changements  conforma  à  l'esprit  de  la  Sanction 
Pragmatique,  proposition  qu'il  fit  avec  d'autant  plus  d'assurance  que 
l'une  des  conditions  du  fonctionnement  de  la  constitution  de  1848 
était  déjà  remcplie,  puisque  l'Autriche  avait, à  ce  moment,  un  gouver- 
nement constitutionnel  aussi.  Mais  le  «  Reicbsrath  j»  fraîchement 
installé  n'était  pas  d'huaiettr  à  renoncer  aux  utopies  des  centra- 
listes et  repoussa  superbement  toute  transaction,  sous  prétexte  que 
les  droits  de  la  Hongrie  étaient  annulés  par  le  fait  de  son  écrasement 
*  efk  1849.  Béluter  cette  théorie  absurde  ne  coûta  pas  beaucoup  de 
peine  à  un  légiste  de  la  force  de  Deàk  ;  aussi  sa  réplique  constitue- 
t-elle  un  des  monuments  les  plus  considérables  de  la  dialectique 
parlementaire.  Son  effet  fut  inmiense  en  Hongrie  et  elle  rallia  sous 
un  seul  drapeau  loote  la  diète,  fortement  saturée  cependant  par  les 
partisans  de  l' indépendance,  que  Kossuth  dirigea  du  dehors.  Le  clie- 
valier  de  Schmerling,  auteur  de  la  nouvelle  constitution  autrichienne, 
y  répondit  comme  ministre-président,  par  la  phrase  fameuse  : 
«  Nous  pouvons  attendre  !  »  après  avoir  fait  dissoudre  la  diète.  Alors 
commença  oette  résistance  passive  recommandée  par  Deàk  imposant 
à  quiconque  tenant  à  la  réputation  de  patriote,  le  refus  du  paiement 
des  impôts  directs  et  le  boycottage  des  employés  de  l'Ëtat  et  prépa- 
rant ainsi  par  ricochet  la  défaite  de  Sadowa. 

On  commettrait  une  injustice  insigne  si,  en  parlant  de  l'effet  pro- 
duit par  ce  mouvement  patriotique,  on  ne  soulignait  pas  que  son 
efficacité  était  singulièrement  aiccrue  grâce  à  l'intervention  puissante 


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DEAK  ET    KOSSCTH  127 


et  continue  en  favecur  de  la  Hongrie  de  l'aagasie  wti^g de  Lnccbeni, 
de  rimpératrice-retne  Elisabetti.  Mue  par  une  sympathie  providen- 
tielle pour  toat  ce  qni  est  hongrois,  —  langue,  coutumes,  histoire, 
Httératare,  —  elle  ne  cessa  jamais  de  plaider  la  cause  du  royaume  de 
Saint-Etienne  auprès  de  François-Joseph,  à  vrai  dire,  fortement 
impressionné  de  son  c6té  par  les  arguments  de  Deàk,  et  en  face  de 
lacomr  incorrigible  dans  sa  haine  contre  la  patrie  de  Kossu^h,  Téier- 
nel  foyer  de  la  réroiution.  Mais,  comme  la  situation  à  TeKiérieiir  de 
la  monarchie  devenait  de  jour  en  jour  plus  critique  par  suite  de 
Tattitude  de  plus  en  plus  menaçante  de  la  Prusse  et  de  Tltalie,  les 
revendications  de  la  Hongrie  paraissaient  cependant  de  moins  en 
moins  exorbitantes  en  haut  lieu.  Pour  faciliter  Tentente  définitive, 
on  suspendit  donc  la  constitution  de  février  1861  au  mois  de  sep- 
tembre 1865  et  on  convoqua  la  diète  hongroise  pour  le  mois  de 
novembre  suivant  «  pour  soumettre  à  un  mûr  examen  »  tes  dipli^mes 
et  patentes  ayant  inauguré  en  Autriche  le  consUtutioMialisme. 

L'adresse  de  la  diète  fut  encore  une  œuvre  de  i)eàk.  Il  y  renouvela 
ses  déclarations  antérieures,  relativement  au  rétablissement  de  la 
constitution  de  1848,  en  ajoutant  toutefois  que  les  remaniments 
exigés  par  une  union  avec  l'Autriche  constitutionnelle  conforme  h 
à  Tesprit  de  la  Pragmatic[ue  Sanction  ne  pourraient  être  discutés 
qu'au  cas  où  ce  serait  un  ministère  responsable  hongrois  qui  les 
soumettrait  à  la  diète  hongroise.  Ce  ne  fut  pas  rinsuecès  des  cen- 
tralistes autrichiens  constitutionnels  qui  ewuMRagea  Deâlc  à  faire 
une  proposition  pareille.  Après  Tissue  si  désastreuse  de  la  guerre  de 
1866  pour  la  monarchie  des  Habsbourg,  il  la  répéta  verbalement  à 
François-Joseph  dans  une  entrevue  secrète,  sans  abuser  de  la  situation 
précaire  de  TAutriche,  parce  qu'en  son  àme  et  conscience  la  Hongrie 
n  avait  réellement  droit  qu'à  sa  position  politique  actudie. 

L'impression  que  Deék  fit  à  cette  occasion  surTempcreur,  fut  telle- 
ment profonde  qu'il  accepta  toutes  ses  propositions  et  le  traita  doré- 
navant comme  le  représentant  véritable  de  la  Hongrie  tout  entière. 
On  peut  donc  affirmer  que  Texistenoe  de  T Autriche-Hongrie,  conune  on 
la  connaît  aujourd'hui,  date  de  cet  entretien  mémorable  (le  19  juillet 
1866).  Si  la  nomination  d'an  ministère  hongrois  responsable  n'eut 
lieu  que  le  17  février  1867,  et  le  couronnement  de  François^oseph 
comme  roi  de  Hongrie  que  le  8  juin  suivant,  Thistoire  n'impute  ce 
retard  ni  au  souverain  bien  intentionné,  ni  à  l'auteur  du  compromis, 
mais  aux  conseillers  autrichiens  et  aux  conservateurs  hongrois 
irrités  de  voir  échapper  de  leurs  mains  le  pouvoir  po«r  toujours. 
Finalement  Tempereur  envoya  son  nouveau  ministre,  le  baron  Beust, 
le  célèbre  antagoniste  de  Bismark,  directement  chez  Deàk  pour  ter- 


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128  DEAK    ET    KOSSUTU 

miner  les  négociations.  Alors  ce  furent  du  côté  de  Kossuth  que  sur- 
girent les  difficultés;  la  plus  sérieuse  était  une  lettre  ouverte, 
adressée  quelques  jours  avant  le  couronnement  et  publiée  dans  le 
journal  du  parti  de  Tindépendance.  Deàk  n'y  répondit  pas  parce 
qu'elle  était  aussi  outrageante  pour  lui  que  pour  l'empereur,  en 
suspectant  leur  bonne  foi.  D'ailleurs  il  avait  la  confiance  de  la 
majorité  de  la  nation  et  l'attachement  inébranlable  d'une  phalange 
d'hommes  tels  que  le  comte  Jules  Ândrassy,  romancier-philosophe,  le 
baron  Joseph  Eôtvos,  le  baron  Wenkheim,  Horvâth,  etc. 

Sa  tâche  n'était  pas  terminée  par  le  rétablissement  complet  de  la 
constitution  et  par  la  création  du  dualisme  ;  il  lui  fallait  encore  long- 
temps intervenir  à  chaque  instant  dans  les  débats  de  la  chambre 
pour  soutenir  soit  le  gouvernement,  soit  le  compromis.  Il  prononça 
son  derniers  discours  important  le  28  juin  1873  en  indiquant  au 
parlement  hongrois  les  réformes  les  plus  urgentes  à  introduire  en 
Hongrie  :  le  mariage  civil,  la  transformation  de  la  Chambre  des 
Magnats  et  même  la  séparation  de  l'Eglise  et  de  l'Etat. 


Ce  fut  de  dix-huit  ans  que  Kossuth  survécut  à  Deàk.  Affaibli  par 
l'âge,  absorbé  par  la  rédaction  de  ses  mémoires,  il  devint  d'année  en 
année  un  oppositionnel  de  plus  en  plus  platonique  pour  se  rallier 
finalement  au  gouvernement  au  sujet  des  lois  politico-religieuses. 
Quelles  qu'aient  été  les  raisons  qui  l'avaient  fait  agir  ainsi,  le  vérité 
est  que  sans  son  concours  il  eût  été  impossible  de  faire  triompher  les 
projets  libéraux  du  ministère  Wekerlé.  On*  peut  donc  hardiment 
affirmer  qu'il  s'est  acquis  par  cette  intervention  indispensable  un 
nouveau  titre  à  la  reconnaissance  de  la  nation  hongroise.  Mais  il  ne 
faut  pas  oublier  non  plus  que  son  intervention  n'était  avantageuse 
qu'à  cause  du  caractère  subsidiaire  qu'avait  eu  son  activité  d'avant 
1848  aussi.  Car  Kossuth  ne  possédait  pas  le  don  des  conceptions 
originales  viables  ;  celles  dont  il  pouvait  réellement  revendiquer  la 
paternité,  ne  tournaient  jamais  au  profit  de  la  Hongrie.  Si,  dans  ses 
écrits,  il  en  rend  responsable  tout  le  monde  avec  un  aplomb  qui 
impose  d'abord,  on  s'aperçoit  très  bien  ensuite  que  leurs  échecs  ne 
sont  dus  qu'aux  faiblesses  de  sa  nature  brillante,  enthousiaste  et 
charmeuse,  mais  incapable  de  supporter  la  fatigue  de  la  méditation 
approfondie,  d'écouter  les  conseils  du  bon  sens  et  de  se  soustraire  à 
l'influence  de  son  entourage.  Or  cette  dernière  lui  était  d'autant  plus 
nuisible  qu'étant  très  dévoué  et  très  fidèle  aux  siens  et  à  ses  amis,  il 
en  recevait  des  torrents  de  flatteries  convaincues  qui  eussent  grisé 


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DEAK   ET   KOSSCTH  129 

incontesiablemeot  les  plus  forts.  Gependant  le  faire  passer  pour  un 
ambitieux  ou  un  orgueilleux  serait  injuste,  car  il  croyait  dans  la 
protection  constante  de  la  Providence  et  en  faisait  découler  Fexpli- 
cation  des  incidents  les  plus  divers  de  sa  vie  si  aventureuse  avec  une 
naïveté  presque  enfantine.  Par  contre  on  pourrait  citer  une  foule  de 
cas  qui  démontrent  clairement  que  sa  vanité  n'avait  pas  de  bornes  et 
concernait  aussi  bien  son  physique  d'ailleurs  très  agréable,  que  ses 
aptitudes  intellectuelles.  Son  talent  de  journaliste  et  d'orateur  avaient 
le  même  cachet  de  préciosité  facile,  arrivant  k  donner  du  relief  aux 
idées  tombées  dans  le  domaine  public  ou  à  celles  lui  appartenant, 
mais  généralement  peu  pratiques  sinon  dangereuses,  auxquelles  son 
style  imagé  et  la  saveur  de  ses  expressions  heureuses  ajoutaient 
d'autre  part  beaucoup  d'éclat.  Quant  aux  qualités  les  plus  indispen* 
sables  aux  gouvernants  :  sang  froid,  connaissances  des  hommes  et 
expérience  dans  les  affaires,  point  de  vue  élevé  avec  un  horizon 
ouvert  de  tontes  parts,  elles  lui  manquaient  naturellement  à  cause  de 
la  rapidité  de  son  avènement  au  pouvoir  dictatorial.  Si,  au  milieu 
d'événements  considérables,  la  première  place  lui  est  échue,  il  n'a 
pas  le  droit  d'en  revendiquer  la  gloire  à  son  génie,  car,  n'ayant  jamais 
pu  faire  naître  des  circonstances  favorables,  il  faut  croire  que  ce  sont 
elles  au  contraire  qui  en  ont  fait  une  figure  historique  au  moment 
de  ses  triomphes.  Mais  comme  il  les  a  si  chèrement  payés  pendant 
son  exil  involontaire,  il  serait  cruel  de  les  lui  reprocher.  Qu'il  reste 
donc  le  représentant  d'un  épisode  magnifique  de  l'histoire  de  la 
Hongrie,  personnage  épisodique  très  attrayant  lui-même  que  la 
légende  et  la  tradition  populaire  déifieront  encore  longtemps. 

Dire  de  Deàk  qu'il  fut  un  grand  homme,  ne  serait  pas  exact.  Une 
appréciation  pareille  accuserait  trop  son  individualité,  qu'il  ne  vou- 
lait pas  avoir.  Il  était  une  incarnation  du  génie  légiste  de  son  pays 
voilà  tout,  un  de  ces  êtres  qui  n'ont  rien  d'humain,  pour  confirmer 
par  l'exception  les  faiblesses  de  l'homme;  ses  compatriotes  subjugués 
par  la  grandeur  de  son  âme,  par  la  droiture  de  son  caractère,  par  la 
force  de  sa  logique,  lui  ont  donné  le  titre  de  «  sage  de  la  patrie  » 
et  avec  une  certaine  raison,  car  sa  sagesse  fut  extrême.  Mais  un 
sage  est  en  dehors  et  au-dessus  du  monde  ;  il  fait  fonction  d'ensei- 
gner la  vérité,  de  conseiller,  de  sermonner,  de  critiquer,  lui  le  plus 
fort,  le  plus  intelligent  en  face  de  ses  concitoyens  vulgaires  et  igno- 
rants; ileslforcémentsententieux,quelquefoispédant,  toujours  singu- 
lier. Chez  Deàk  pas  l'ombre  d'une  altitude  semblable  :  c'est  le  pre- 
mier venu  aussi  bien  dans  ses  faits  et  gestes  que  dans  ses  écrits  et 
ses  discours  ;  c'est  le  simple  «  vieux  seigneur,  »  comme  il  y  en  a  un 
dans  toutes  les  familles  des  nobles  can\pagnards  de  la  Hongrie.  Seu- 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  9 


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130  DEAK   ET    KOSSCTU 

lemeDt  c'est  un  avocat  à  qui  l'on  confie  successivement  toutes  les 
causes  —  celles  d'un  département,  d'un  ministère,  d'un  pays  — 
parce  qu'il  les  gagne  successivement  en  rendant  son  argumentation 
de  plus  en  plus  irréfutable.  Pour  lui  les  droits  nesont  pas  desabstrac- 
tions ;  il  les  traite  en  entités  avec  lesquelles  il  procède  à  des  démon- 
strations empruntées  ;\  la  méthode  des  mathématiciens.  Quand  il 
parle  il  ne  veut  ni  entraîner,  ni  même  convaincre  :  il  ne  fait  qu'ex- 
poser ses  réflexions,  les  résultats  de  ses  recherches  au  sujet  d'une 
question  quelconque  ;  le  contredire  c'est  lui  fournir  l'occasion  de 
s'expliquer  plus  amplement,  l'attaquer  c'est  lui  permettre  d'être  in- 
dulgent. Cependant  il  est  brave,  qu'il  s'agisse  d'affronter  le  cour- 
roux théâtral  du  prince  de  Windisch-Graetz  ou  de  parlementer  avec 
des  brigands  qui  envahissent  nuitament  sa  maison  à  la  campagne, 
ou  de  recevoir  des  lettres  de  menaces.  Ce  qu'il  fait  et  ce  qu'il  dit  lui 
paraissent  être  des  devoirs  à  remplir  envers  sa  conscience  :  aussi 
repousse-t-il  avec  violence  toute  idée  de  récompense  royale  ou  na- 
tionale. François-Joseph  ne  peut  faire  accepter  par  lui  que  sa  photo- 
graphie signée  de  sa  main  et  une  couronne  posée  personnellement 
par  l'impératrice-reine  Eli3abeth  sur  le  catafalque  de  Deâk  témoigne 
seule  de  sa  vénération  inOnie  pour  le  créateur  du  dualisme.  Céliba- 
taire, vivant  modestement  d'une  rente  viagère  insignifiante  et  de  ses 
appointements  de  député,  celui-ci  n'avait  rien  à  demander  au  pou- 
voir qu'il  a  toujours  refusé  et  qui  ne  subsistait  cependant  que  grâce 
à  son  concours.  Aussi  tient-il  à  la  fois  d'un  saint  et  d'un  prophète  par 
suite  de  son  désintéressement,  de  son  impartialité  et  de  sa  tolérance 
alliés  h  l'activité  la  plus  infatigable,  à  la  vigilance  la  plus  constante  et 
à  la  sollicitude  la  plus  inquiète,  s'il  s'agit  du  bonheur  de  son  pays. 

Kossuth  c'est  l'intransigeance  immobile,  Deàk  le  dévouement  in- 
ventif ;  le  premier  conserve  soigneusement  ses  impressions  de  jeu- 
nesse, le  second  son  avidité  de  progrès  ;  l'un  ne  cesse  jamais  d'ana- 
thêmatiser,  l'autre  de  pardonner. 

..^  Dans  le  premier  volume  de  son  «  Empire  libéral  »  M.  Emile 
Ollivier  rapporte  la  phrase  suivante,  prononcée  par  Kossuth  lors  de 
la  visite  qu'il  lui  a  faite  après  1870  à  Turin  :  «  M.  Deàk  a  sauvé  mon 
peuple  !  >>  Eloge  qui  fait  autant  d'honneur  à  son  auteur  qu'à  celui  à 
qui  il  est  adressé. 

Il  y  a  en  réalité  peu  de  peuples  pour  avoir  des  antagonistes  po* 
li tiques  d'une  telle  envergure  ! 

A.  DE  Bertha. 


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TRAITEMENT   DES   PRISONNIERS   POLITIQUES  13i 


II 


LE  SYSTÈME  CELLULAIRE 
ET  LE  TRAITEMENT  DES  PRISONNIERS  POLITIQUES 

J'ai  écrit  cet  article  comme  Hollandais  et  je  Tai  fait  parce  que  j'es- 
père qu'en  indiquant  dans  une  revue  d'un  caractère  général  les  vesti- 
ges barbares  des  temps  passés  qui  subsistent  encore  dans  certains  pays 
comme  la  Hollande  —  ces  restes  de  cruauté  que  nous  avons  vu  se 
manifester  récemment  avec  tant  de  véhémence  en  Espagne  et  en 
Italie  —  on  peut  faire  rougir  tout  ceux  qui,  par  routine,  laissent  per- 
sister, ou  favorisent  même  une  situation  arriérée. 

Un  article  comme  celui-ci  pourra  donc  avoir  sa  valeur,  à  ce  qu'il 
me  semble ,  pour  tous  les  pays,  où  Ton  traite  les  prisonniers  poli- 
tiques comme  des  criminels  de  droit  commun,  ou  pire  encore,  et  où 
Ton  n'accorde  pas  aux  prisonniers  politiques  au  moins  quelques  pri- 
vilèges comme  cela  se  fait  par  exemple  en  France  ou  en  Allemagne. 
En  général  je  considère  le  régime  cellulaire,  qui  règne  partout  à 
notre  époque,  comme  un  système  de  torture  affreux,  qui  ne  devrait 
pas  être  appliqué  par  un  homme  à  un  autre,  quel  que  soit  le  délit 
qae  re  dernier  ait  commis,  quels  que  soient  les  actes  anti-sociaux 
dont  le  pouvoir  sodal  croit  devoir  se  venger. 

Comme  agitateur  politique  j'ai  eu  l'occasion  de  parler  avec  un 
assez  grand  nombre  de  personnes  ayant  subi  une  punition  cellulaire 
de  quelques  semaines,  de  quelques  mois  ou  même  de  quelques  an- 
nées. Tous  considèrent  le  système  cellulaire  comme  meurtrier  et 
indigne  de  l'homme  civilisé. 

Aussi  peut-on  admettre,  je  crois,  que  le  remplacement  de  la  pri- 
son —  non  seulement  du  système  cellulaire  mais  de  la  prison  en 
général  —  par  la  colonie  agricole  ne  saurait  être  qu'une  question  de 
temps. 

On  ne  peut  pas  parler  avec  le  système  de  punition  actuel  —  qu'il 
s'agisse  de  la  prison  ordinaire  ou  du  régime  cellulaire  —  de  la  pos- 
sibilité d'améliorer  et  de  corriger  moralement  Thomme,  qui  a  com- 
mis un  acte  anti-social. 

On  n'en  peut  pas  parler,  par  cette  raison  même,  que  le  système  de 
punition  par  la  prison  est  le  seul  remède  (sauf  l'amende  pour  les 
petits  délits),  qui  est  appliqué  pour  tous  les  actes  anti-sociaux  à  tous 
les  condamnés  sans  distinction  de  caractère,  de  constitution,  d'âçe 


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132  LE   SYSTÈME   CELLULAIRE 

OU  de  sexe.  Dans  chaque  pays  il  n'y  a  qu'un  seul  médicament  dans 

la  pharmacie  gouvernementale  contre  lous  les  actes  anti-sociaux 

Cest  la  prison,  qu'on  subisse  la  punition  soit  en  commun,  soit  seul 
dans  la  cellule. 

Que  dirait-on  de  nos  jours  d*un  médecin  qui  aurait  l'habitude  de 
donner  le  même  médicament  contre  n'importe  quelle  maladie  :  rhu- 
matisme, phtisie,  variole  :  «  Un  litre  de  telle  médecine  (toujours  la 
même)  et  quinze  jours  d'hôpital;  si  vous  n'êtes  pas  guéri  au  bout  de 
quinze  jours,  vous  serez  mis  à  la  porte.  »  C'est  de  la  même  façon 
qu'on  agit  avec  le  système  de  punition  actuellement  en  vigueur  : 
Un  voleur  :  deux  ans  et  demi  de  prison,  un  assassin  quinze  ans,  etc. 

Une  injustice  flagrante  est  commise  notamment  vis-à-vis  du  meurt- 
de-faim,  qui,  victime  des  circonstances  sociales,  se  révolte  contre  la 
loi.  Il  faut  applaudir  au  bel  exemple  donné,  il  y  a  quelques  mois, 
par  le  tribunal  de  Château-Thierry,  en  acquittant  cette  pauvre  femme, 
qui  avait  dérobé  un  pain  après  être  restée,  elle  et  sa  mère,  36  heures 
sans  manger. 

Ce  jugement  caractéristique  a  fait  naître  et  mis  à  l'ordre  du  jour 
en  France  la  question  de  savoir  si  la  faim  qui  pousse  quelqu'un  à 
s'approprier  des  vivres,  peut  être  comprise  comme  un  cas  de  «  force 
majeure  »,  tombant  ainsi  sous  Tarticle  64  du  Code  pénal.  Cette  préoc- 
cupation est  la  preuve  d'une  marche  en  avant  faite  en  France  dans 
la  direction  de  la  civilisation  ;  d'une  modification,  d'une  révolution 
dans  l'opinion  publique  vis-à-vis  tant  de  gens  qui,  de  nos  jours,  sont 
encore  punis  comme  criminels  tandis  qu'ils  devraient  être  regardés 
plutôt  comme  des  victimes  d'une  mauvaise  organisation  de  la  société 
humaine'et  par  conséquent  comme  dignes  de  pitié  dans  leur  détresse. 

Dans  le  courant  de  l'année  passée  ces  questions  ont  été  mises  à 
l'ordre  du  jour  aussi  en  Hollande  par  une  enquête  commencée  dans 
ce  pays  par  une  revue  littéraire. 

«  C'est  ému  d'indignation,  écrit  ces  jours-ci  un  collaborateur  d'un 
des  grands  journaux  libéraux  hollandais,  qu'un  homme  de  cœur 
assiste  au  spectacle  d'un  cheval  fourbu,  qu'en  rosse  de  coups  de  fouet 
et  de  coups  de  pied  parce  qu'il  est  incapable  de  trafner  en  haut 
d'une  côte  un  lourd  fardeau.  «  La  rosse  se  f...  de  ça!  »  crie  le  char- 
retier dans  sa  cruauté  imbécile.  Souvent  la  société  n'est  pas  plus 
sage  ni  moins  cruelle  qu'un  bourreau  de  cheval  presque  saoul.  Le 
cheval  de  charrette,  surmené,  fourbu,  jamais  bien  dressé,  qui  s'ap- 
pelle prolétaire,  parce  qu'il  est  né  des  hommes,  ne  peut  pas  toujours 
rester  droit  daus  l'attelage  de  la  loi.  Il  bronche,  tombe,  cause  quel- 
que dommage  au  fardeau  social.  «  La  rosse  se  f...  de  ça!  »  et  on 
l'enferme  dans  un  cachot.  » 


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ET  LE   TRAITEMENT   DES   PRISONNIERS   POLITIQUES  133 

Oui,  on  renferme  dans  un  cachot,  seul  ou  avec  d'autres;  mais  il 
s'en  faut  de  beaucoup  qu'on  agisse  envers  lui  avec  autant  de  sagesse 
qu'un  directeur  du  Jardin  zoologique^  avec  ses  prisonniers.  Dans  le 
jardin  zoologique  on  ne  laisse  pas  dépérir  un  animal  faible  en  l'en- 
fermant avec  un  autre  animal  ayant  une  maladie  épidémique.  Quand 
il  s'agit  d'hommes  ayant  des  maladies  morales  le  directeur  de  prison 
est  contraint  par  la  nécessité  de  le  faire.  11  est  placé  à  la  tète  d'un 
hôpital,  dans  lequel  un  malade  à  la  première  période  de  la  phtisie 
doit  partager  son  lit  avec  un  autre,  qui  se  trouve  dans  la  période  la 
plus  avancée  et  la  plus  dangereuse  pour  les  autres.  C'est  cela  qu'on 
appelle  l'hygiène  sociale  I 

Le  directeur  d'un  jardin  zoologique  ne  laisse  pas  seuls  dans  un 
cachot  les  animaux  qui  ne  peuvent  pas  supporter  la  solitude.  Tous 
les  membres,  les  visiteurs,  la  Société  protectrice  des  animaux  s'op- 
poseraient à  une  telle  mesure.  Mais  le  directeur  d'une  prison  cellu- 
laire, par  ordre  d'une  autorité  supérieure,  doit  exposer  des  hommes 
aux  pires  périls,  que  l'on  peut  s'imaginer.  Que  le  condamné  devienne 
fou...  cela  n'importe  :  il  faut  qu'il  soit  seul  dans  son  cachot.  Que  la 
solitude  puisse  en  faire  un  être  encore  plus  antisocial,  on  ne  s'en 
inquiète  pas.  Qu'il  devienne  enragé,  c'est  indifférent,  à  ce  qu'il 
semble.  Et  l'opinion  publique  ne  se  prononce  pas,  ou  bien,  si  elle  se 
prononce,  c'est  pour  pousser  des  lamentations  indignes  de  l'huma- 
nité, que  les  prisons  coûtent  trop  cher,  qu'elles  sont  trop  belles  et 
qu'on  traite  les  détenus  d'une  manière  trop  douce.  Les  mêmes 
hommes  qui  prodiguent  leur  pitié  aux  chameaux,  aux  cerfs,  aux 
hyènes  se  montrent  les  prisons  d'un  air  aigre.  Elles  ressemblent 
bien  à  des  panoramas I  Elles  ressemblent  bien  à  des  palais!... 

Mais  voyons  un  peu  de  près  ce  système  de  prison  cellulaire  en  par- 
ticulier, qui  me  semble  bien  la  manière  la  plus  raffinée  de  torturer 
les  hommes. 

Personnellement  j'ai  eu  l'occasion  de  subir  cette  sorte  de  punition 
et  bien  que  la  durée  de  ma  détention  n'ait  été  que  d'une  dizaine  de 
jours,  cela  a  suffi  pour  me  convaincre  que  le  système  cellulaire 
mérite  de  disparaître  de  la  terre  aussi  vite  que  possible. 

Pas  de  système  plus  scientifiquement  féroce  que  celui-ci  !  Après 
2  ou  3  jours  de  séjour  dans  la  cellule  je  pouvais  déjà  comprendre  ces 
beuglements,  ces  hurlements  des  prisonniers  au  milieu  de  la  nuit 
silencieuse,  qui  m'avaient  tant  étonné  la  première  nuit  ;  et  je  peux 
aussi  comprendre  maintenant  pourquoi  nombre  de  prisonniers  sont 
transportés  de  la  prison  à  l'hôpital  des  fous.  Le  prisonnier  révolté 
contre  la  société  actuelle  trouve  une  cellule  soigneusement  blanchie 
à  la  chaux,  toute  tache,  qu'il  s'amuserait  à  faire  sur  les  murs,  serait 


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194^'  LE   SYSTÈME   CELLULAIRE 

bientôt  aperçue.  11  trouve  un  pavé  bien  cimenté,  un  calorifère,  qui 
répand  une  chaleur  tiède  pendant  l'hiver;  l'ancien  poêle  pouvait 
encore  de  temps  en  temps  refuser  de  brûler,  avec  l'installation  mo- 
derne, il  est  impossible  que  cela  arrive  et  voilà  écartée  la  plus  petite 
chance  de  distraction.  Lorsque  le  crépuscule  tombe  on  passo  au  dé- 
tenu par  un  petit  guichet  carré,  pratiqué  dans  la  porte  de  la  cellule, 
une  chandelle  allumée,  qui  sert  à  faire  jaillir  la  flamme  dansante 
d'un  bec  de  gaz  ;  plus  de  possibilité  de  se  distraire  comme  autrefois 
lorsque  l'antique  lampe  pouvait  exhaler  de  la  fumée;  maintenant 
tout  est  «  scientifiquement  »  en  ordre.  La  flamme  du  gaz  danse  et 
danse,  fatiguant  les  yeux  avec  sa  lueur  vacillante.  La  fenêtre  elle- 
même  est  garnie  de  verre  dépoli  et  opaque  afin  que  le  prisonnier  ne 
voie  pas  l'azur  du  ciel  ni  les  nuages  qui  passent,  distraction  qui  pour- 
rait peut-être  le  préserver  de  l'hébétement  ou  de  la  folie.  Parfois  on 
ne  trouve  pas  cette  mesure  suffisante  et  on  place  au-dessus  de  la 
fenêtre  treillagée  un  écran  qui  plonge  la  cellule  dans  une  demi-obs- 
curité. Imaginez  encore,  après  tout  cela,  une  direction  scientifique 
thérapeutique  qui,  au  moyen  de  la  chimie  fixe  la  quantité  des  ali- 
ments, strictement  nécessaire  au  prisonnier  pour  prolonger  sa  vie, 
mais  non  pour  apaiser  la  douleur  rongeante  de  la  faim.  Je  peux  dire 
que  j'ai  aussi  entendu  la  nuit  des  cris  de  faim. 

Voilà  le  système  de  prison  sous  sa  forme  moderne  et  humanisée  l 

L'invention  de  cette  forme  raffinée  de  punition  est  l'œuvre  de  la 
science.  C'est  celte  même  «  science  »  qui  procure  aux  ouvriers  de  nos 
jours  le  café  artificiel^  le  thé  artificiel^  le  beurre  artificiel  et  qui  leur 
fournit  des  aliments,  des  habits  et  des  meubles  au  meilleur  marché 
possible  mais  de  la  fabrication  la  plus  défectueuse. 

Vraiment,  je  ne  peux  pas  m'étonner  qu'à  la  fin  de  notre  siècle  on 
se  soit  sérieusement  demandé  si  la  science  n'avait  pas  fait  banque- 
route pour  l'humanité. 

C'est  Ferdinand  Brunetière  qui,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  (l), 
disait  un  jour  des  promesses  de  notre  science  moderne  :  «  Voilà,  je 
pense,  des  promesses  !  qui  vont  un  peu  plus  loin  que  l'ambition  du 
chimiste  ou  du  physicien  ;  et  ce  sont  des  promesses  auxquelles  on 
prétend  que  la  science  aurait  fait  banqueroute.  »  Lorsque  je  lisais 
ces  critiques,  je  me  suis  écrié  :  «  Oui,  c'est  une  banqueroute,  mais 
ce  n'est  pas  la  banqueroute  de  la  science  elle-même,  c'est  celle  de  la 
science  mise  entre  les  mains  du  capitalisme  moderne  l  » 

S'il  y  a  quelque  chose  qui  témoigne  en  faveur  de  cette  opinion, 
c'est  bien  le  perfectionnement  raffiné  du  système  de  punition  de 
notre  siècle,  c'est  le  système  cellulaire  dans  toute  sa  cruauté. 

(1)  Livraison  de  la  Hevue  des  Deux  Mondes  du  !«'  janvier  1896. 


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ET   LE   TRAITEMENT    DES   PRISONNIERS    POLITIQUES  13.5 

Mais  cette  prison  cellulaire,  si  inhumaine  en  général,  n'est-elle  pas 
terrible  pour  les  prisonniers  politiques  et  pour  eux  doublement 
lourde?  Ce  sont  les  vaincus  de  la  puissance  gouvernante  qu'on 
traite  ainsi  en  Hollande,  c'est-à-dire  qu'on  traite  dans  ce  pays  exac- 
tement comme  un  criminel  de  droit  commun,  comme  un  incendiaire 
ou  un  assassin,  ce  sont  ces  vaincus  qu'on  torture  même  dans  lès 
pays  soi-disant  civilisés  comme  TEspagne. 

Prenons  la  situation  en  Hollande  :  Pas  de  nourriture  convenable  ; 
pas  de  livres,  pas  d'encre,  ni  de  papier  ;  pas  d'autorisation  à  recevoir 
les  visites  des  amis  ou  des  camarades  ;  une  fois  par  mois  seulement 
la  famille  du  détenu  est  admise  dans  la  prison  pour  un  quart  d'heure, 
ou  au  plus  pour  vingt  minutes.  Dans  divers  pays,  comme  en  France 
le  prisonnier  politique  peut  au  moins  voir  ses  amis  et  même  recevoir 
sa  femme  dans  sa  cellule. 

Comme  une  fois,  pendant  ma  captivité  en  Hollande,  je  me  plaignais 
en  cachette  à  Tun  des  geôliers  de  la  nourriture,  vraiment  imman- 
geable, celui-ci,  en  homme  raisonnable,  me  répondit  :  «  Il  faut 
prendre  en  considération.  Monsieur,  que  la  nourriture  n'est  pas  faite 
pour  vous.  Si  elle  était  bonne,  si  nous  mettions  plus  de  lait  dans 
l'eau  chaude,  ou  de  beurre  dans  les  aliments,  les  prisons  seraient 
encore  plus  remplies  que  maintenant  et  nous  ne  pourrions  même  pas 
loger  tous  les  prisonniers...  » 

Mais  c'est  précisément  pour  cette  raison  que  je  trouve  doublement 
injuste  de  donner  aux  prisonniers  politiques  la  même  nourriture 
qu^aux  gens  condamnés  pour  vol,  assassinat,  incendies,  etc.,  eux  qui 
en  général  sont  plus  accoutumés  k  manger  des  aliments  si  mal  pré- 
parés. Ce  n'est  donc  pas  même  un  traitement  égal,  une  punition 
égale,  c'est  une  grande  inégalité  dont  souilï'ent  les  condamnés  poli^ 
tiques.  Pour  moi  —  je  parle  toujours  des  prisons  hollandaises  —  je 
n*ai  jamais  pu  supporter  la  nourriture  qui  m'était  donnée,  tellement 
elle  était  indigeste.  Les  repas  devaient  être  préparés  de  mauvaise 
grai.sse  ;  je  devais  à  chaque  fois  les  mettre  de  côté.  Dans  le  coin  de 
ma  cellule  les  morceaux  noirs  d'un  pain  dur  s'entassèrent  comme 
des  briques  :  et  néanmoins  tout  ce  que  j'ai  pu  consommer,  ce  fut 
quelques-uns  de  ces  gros  morceaux  de  pain  après  les  avoir  trempés 
dans  Teau  tiède,  qu'on  apporte  le  matin  mélangée  avec  un  peu  de 
lait  et  le  soir  dans  un  breuvage  amer,  que  le  geôlier  prétendait  être 
du  café.  Lorsque  je  quittai  la  cellule  au  bout  de  dix  jours  je  n'avais 
pas  pour  ainsi  dire  mangé.  Et  néanmoins  la  durée  si  courte  de  ma 
prison  me  faisait  un  peu  privilégié.  J'étais  à  l'abri  des  humiliations 
du  genre  de  celles  qui  furent  infligées  à  mon  ami  DomelaNieuwenhuis, 


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136  LE   SYSTÈME   CELLULAIRE 

le  socialiste  hollandais  si  connu,  à  qui  on  rasa  les  cheveux  et  la 
barbe  et  qu'on  obligea  à  porter  des  sabots  (il  resta  en  cellule  pen- 
dant huit  mois).  On  ne  m'a  pas  menacé  comme  M.  Walburgh 
Schmidt,  le  médecin  de  la  prison  d'Amsterdam,  le  fit  au  littérateur, 
M.  Alexandre  Cohen,  qui  avait  fait  une  réclamation,  «  de  lui  donner 
des  douches  jusqu'à  l'apoplexie.  » 

J'appelle  un  tel  traitement  des  prisonniers  politiques,  une  injus- 
tice et  un  traitement  barbare,  d'abord  parce  qu'on  Fexerce  sur  des 
prisonniers  de  guerre  de  la  puissance  gouvernante,  ensuite  parceque 
les  personnes  qui  le  subissent  se  trouvent  dans  une  situation  parti- 
culière de  cœur  et  d'esprit. 

C'est  seulement  chez  les  peuples  les  plus  barbares  qu'on  a  cou- 
tume de  tuer,  de  scalper,  de  torturer  les  prisonniers  de  guerre.  On 
peut  mesurer  en  partie  d'après  la  façon  dont  sont  traités  ces  prison- 
niers, le  degré  de  développement  de  la  civilisation  dans  lequel  se 
trouve  un  peuple  belligérant.  Au  degré  de  développement  qui  corres- 
pond à  celui  qui  est  commun  aux  états  modernes,  on  n'infligera  pas 
d'autre  peine  aux  prisonniers  de  guerre,  aux  hommes  vaincus,  les 
armes  à  la  main,  que  de  leur  enlever  leur  liberté,  de  les  mettre  hors 
de  combat  ;  et  même  la  privation  de  la  liberté  leur  est  rendue  aussi 
douce  que  possible. 

Dans  le  combat  des  partis  politiques  il  faudrait  agir  de  la  même 
manière  que  dans  la  guerre  proprement  dite.  Malheureusement  ce 
n'est  pas  toujours  ainsi  ! 

Lorsque,  en  Espagne,  de  nos  jours  on  a  pu  commettre  dans  la  for- 
teresse de  Montjuich,  sous  le  niinistère  de  M.  Canovas,  des  cruautés 
comme  celles  qui  ont  été  constatées  par  des  médecins  connus  ;  ou 
lorsque  en  Italie,  après  les  révoltes  de  l'année  passée  on  a  pu  jeter 
les  prisonniers  politiques  dans  des  cachots  humides  et  obscurs  où  ils 
se  trouvaient  dans  une  situation  lamentable  cela  ne  prouve  que 
l'état  arriéré  de  la  civilisation  dans  lesdits  pays.  Et  lorsqu'en 
Hollande  on  traite  les  prisonniers  politiques  comme  des  criminels  de 
droit  commun,  cela  prouve  encore  une  fois  que  les  égards  qui  sont 
dus  aux  prisonniers  politiques  comme  aux  prisonniers  de  guerre 
sont  encore  méconnus  dans  le  degré  de  civilisation  où  se  trouve  ce 
pays. 

Et  pourtant  les  partis  politiques  au  pouvoir  aujourd'hui,  peuvent 
succomber  demain  et  avoir  besoin  de  réclamer  à  leur  tour  d'être 
raités  d'une  manière  plus  noble. 

va  sans  dire  que  sur  le  chapitre  du  traitement  des  prisonniers 
oiitiques  aussi  bien  que  sur  la  question  générale  de  ce  qu'on 


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ET   LE  TRAITEMENT   DES   PRISONNIERS  POLITIQUES  137 

appelle  «  les  prisonDÎers  politiques»,  les  gouvernants  actuels  pensent 
el  écrivent  tout  autrement  qu'on  ne  le  fait  parmi  les  partis  politiques 
d'opposition. 

En  Hollande  toutes  ces  tendances  se  sont  manifestées  clairement 
dans  une  enquête,  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  enquête  commencée  il 
y  a  peu  de  temps  par  la  rédaction  de  la  revue  littéraire.  De  jonge 
Gids  (le  Jeune  Guide).  La  rédaction  de  cette  revue  s  clait  adressée 
premièrement  à  diverses  personnes  connues,  ayant  subi  une  peine 
de  prison  cellulaire.  Deuxièmement  à  des  juristes  et  des  psychiatres 
de  renom  ainsi  qu'à  quelques  personnes  d'esprit  large. 

On  peut  comprendre  que  les  réponses  des  personnes  de  cette 
seconde  catégorie  étaient  d'une  grande  diversité,  en  même  temps 
qu'elles  étaient  tout  différentes  de  celles  des  prisonniers  politiques  et 
que  même  une  partie  de  ces  personnes-là,  surtout  les  «  personnes 
officielles  »,  les  «  magistrats  »  ne  daignèrent  même  pas  répondre.  11 
en  serait  de  même,  je  crois,  si  une  enquête  semblable  était  entre- 
prise par  exemple  en  France.  On  a  cru  en  Hollande,  parmi  les  jeunes 
littérateurs,  que  peut  être  cela  tenait  un  peu  à  l'esprit  de  clocher  qui 
règne  dans  la  petite  Hollande,  où  «chacun  connaît  son  voisin  ». 

Je  ne  veux  pas  l'admettre  :  je  suppose  que  les  magistrats  ne 
diffèrent  pas  beaucoup. 

Du  moins  les  réponses  des  personnes,  condamnées  autrefois  pour 
des  délits  politiques,  étaient  embarrassantes  pour  le  gouvernement 
hollandais.  Elles  ont  eu,  et  elles  auront  dans  l'avenir^  leur  valeur.  Elles 
vaudront  aussi  pour  les  prisonniers  de  droit  commun,  parce  que  si 
les  condamnés  politiques  peuvent  exprimer  leurs  idées  et  savent  le 
faire,  les  prisonniers  de  droit  commun  ne  le  peuvent  pas.  Le  pour- 
raient-ils, que  cela  ne  servirait  à  rien.  Est-ce  qu'on  peut  écouter  des 
idées  exprimées  par  des  scélérats! 

«  A  mon  avis,  écrit  un  de  ces  criminels  politiques,  dont  l'opinion 
fut  sollicitée,  le  système  cellulaire  est  excessivement  cruel  et  inhu- 
main. Quelqu'un  qui  subit  une  longue  détention  doit,  comme  il  me 
semble,  nécessairement  devenir  tout  à  fait  hébété...  »  «  Cela  ne  peut 
se  décrire,  répondit  un  autre.  Lorsque  le  ge<Mier  montre  la  cellule, 
on  ressent  quelque  chose  d'indescriptible.  On  tremble,  on  frissonne 
de  tout  son  corps,  et  les  premiers  jours  de  mon  séjour  là-bas  ont  été 
pour  moi  les  plus  tristes  de  toute  ma  vie.  On  ne  se  sent  plus  homme, 
le  cerveau  est  obscurci;  un  torrent  de  larmes,  voilà  le  seul  signe  de 
vie.  Le  système  de  prison  ne  peut  pas,  à  mon  avis,  être  plus  criminel... 
Le  système  cellulaire  est  affreux  et  meurtrier!...  »  Un  troisième 
ajouta  :  «  C'est  un  sépulcre  qui  tue  l'esprit,  et  d'où  le  soi-disant 
criminel  reparaît  plutôt  empiré  qu'amélioré.  » 


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J38  LE   SYSTÈME   CELLULAIRE 

Et  de  même  écrirenlles  autres. 

A  cette  époque-là,  ces  réponses  occasionnèrent  tout  de  suite  une 
vive  discussion  dans  le  parlement  hollandais.  Le  député  Yander 
Zwaag  demanda  au  ministre  de  la  Justice  si  le  temps  n'était  pas 
venupourle  gouvernement  aussi  d  entendre  de  «  vrais  experts  »,  «des 
gens  ayant  été  dans  la  cellule  »  pour  rassembler  ainsi  des  c<  données 
concernant  le  système  cellulaire.  »  11  croyait  que  le  ministre  serait 
bientôt  convaincu  avec  lui  qu'une  révision  de  la  loi  sur  les  prisons 
était  urgente,  afin  que  les  prisonniers  ne  fussent  plus  «  torturés  par 
ce  système  d'une  manière  barbare  »  et  il  insistait  au  reste  sur  une 
distinction  dans  l'avenir  entre  les  personnes  condamnées  pour  un 
délit  politique  et  les  autres  prisonniers. 

Que  répondit  le  ministre  de  la  Justice,  M.  Cort  van  der  Lioden  ? 
Il  répondit  comme  auraient  vraisemblablement  répondu  tous  les 
magistrats  dans  tous  les  pays  du  monde  :  «  Je  puis  assurer,  dit  le 
ministre  dans  une  des  séances  de  la  deuxième  chambre,  qu'il  n'y  a 
pas  lieu  de  parler  de  torture  des  prisonniers  et  pas  le  moins  du  monde 
de  torture  barbare.  Le  traitement  subi  dans  la  cellule  est,  dans  sa 
rigueur  même,  aussi  humain  que  possible,  et  peut-être  pourrait-on 
dire  :  il  est  trop  humain.  » 

Voilà  une  réponse  comme  l'exige  le  style  officiel.  Ah!  ce  style 
officiel! 

Avec  tout  cela  les  journaux  hollandais  des  divers  partisse  mêlèrent 
à  la  dispute  et  la  rédaction  d'un  journal  calviniste  anti-révolution- 
naire témoigna  par  exemple  qu'elle  avait  entendu  plus  qu'une  fois, 
de  la  part  de  certains  membres  de  la  «  Société  pour  Tamélioration 
morale  des  prisonniers  »,  que  «  la  prison  cellulaire  rend  les  gens 
fous...  »  que  u  souvent  les  fonctionnaires  subalternes  (pourquoi 
subalternes?)  tourmentent  et  intriguent  d'une  manière  ignoble  »,  etc. 

Mais  y  a-t-il  des  criminels  politiques  ?  C'est  ce  qui  est  souvent  nié 
par  une  partie  de  la  presse  de  tous  les  pays. 

Moi  je  dis  :  Oui,  il  y  en  a  dans  chaque  pays  et  il  y  en  aura  des 
criminels  politiques,  aussi  longtemps  qu'il  y  a  des  partis  politiques, 
quoi  qu*.  n  disent  les  gens  au  pouvoir  et  quoi  que  déclarent  leurs 
représentants  dans  les  conférences  internationales. 

J'ajouterai  encore  quelques  mots  pour  indiquer  la  situation  men- 
tale tout  exceptionnelle  dans  laquelle  se  trouve  le  prisonnier  poli- 
tique ;  ce  sera  une  preuve  de  plus  que  dans  ce  sens  aussi  le  prisonnier 
subit  une  double  punition. 

Le  prisonnier  politique  est  arraché  subitement  à  la  vie  si  agitée 
qu'il  mène  pour  être  jeté  dans  l'isolement  le  plus  absolu.  Tandis  que 
ses  pensées  l'emmènent  loin  des  murailles  de  sa  cellule  vers  les 


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ET   LE   TRAITEMENT    DES    PRISONNIERS    POLITIQUES  139 

réunions  publiques,  les  meetings  en  plein  air,  les  demeures  de  ses 
camarades  de  lutte,  il  se  trouve  à  chaque  instant  retiré  du  monde 
des  illusions  dans  lequel  il  rôde  et  repoussé  dans  la  réalité.  A  chaque 
instant  cette  réalité  lui  rappelle  de  nouveau  ce  qu  il  avait  oublié  déjà, 
qu'il  est  enfermé  comme  un  loup  féroce.  A  chaque  instant  il  se  sent 
de  nouveau  en  proie  à  une  douleur  mentale  toujours  vivante,  à  une 
douleur  que  certainement  un  loup  ne  sentira  pas  la  torture  d'un 
ennui  démesuré.  Ah!  c*est  bien  assez  pour  devenir  fou! 

Vraiment,  traiter  delà  sorte  ses  adversaires  politiques, ses  prison- 
niers de  guerre  comme  la  puissance  gouvernante  le  fait  en  Hollande 
et  dans  tant  d'autres  pays  arriérés,  c'est  peut-être  pratique,  mais  ce 
n'est  pas  moins  barbare. 

J'espère  vivement  pouvoir  aider  un  peu  au  développement  d'autres 
idées  et  d'une  conceptioii  plus  humaine  sur  le  système  de  prison  en 
général  et  cela  dans  tous  les  pays  modernes  où  on  pratique  le  régime 
cellulaire.  Puissé-je  au  moins  aider  à  une  amélioration  du  sort  des 
prisonniers  politiques,  partout  où  ces  prisonniers  sont  traités, 
comme  en  Hollande,  d'une  manière  si  barbare. 

Une  revue  aussi  générale  que  celle-ci  pourra  surtout  avoir  une 
certaine  influence  politique  et  sociale.  Dans  chaque  pays  il  y  a 
nombre  de  gens  qui,  dans  leur  indolence  sont  toujours  disposés  à  se 
taire  et  à  suivre  la  vieille  ornière  qu'ont  suivie  les  ancêtres  jusqu'au 
moment  où  ils  se  voient  accuser  d'oublier  leurs  devoirs  et  de  tenjr 
une  conduite  indigne  d'hommes  civilisés. 

Puisse  cette  petite  étude  contribuer  à  les  éveiller! 

Christian  Cornélissen. 


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REVIS  DES  QUESTIOM  POUTIQUES  GONTEMPORAlSiES 


I.  —  REVUE  DES  QUESTIONS  OUVRIÈRES 
ET  DE  PRÉVOYANCE 

Sommaire.  —  Conditions  du  travail  dnns  les  travaux  publics.  —  Organisation 
syndicale  (France  et  Angleterre).  —  Assurances  contre  les  accidents  du  travail. 

I.  Les  <:onditions  du  travail  dans  les  marchés  de  travaux  publics,  —  A 
la  Chambre  des  députés,  dans  la  séance  du  3  mars  1899,  M.  Pierre  Baudin, 
au  nom  de  la  Commission  du  Travail,  a  déposé  un  important  rapport  sur 
les  conditions  du  travail  dans  les  marchés  de  travaux  publics.  Le  projet 
auquel  s^est  rallié  la  Commission  est  assez  différent  des  propositions  qui 
lui  avaient  été  renvoyées  :  propositions  Vaillant,  Dansette,  Hollz,  Castelin; 
différent  aussi  de  celle  qui  accompagnait  l'intéressant  rapport  de  M.  Lavy, 
déposé  à  la  fîn  de  la  précédente  législature  ;  mais  il  est  très  voisin  des  dis- 
positions votées  par  le  Conseil  supérieur  du  Travail  dans  sa  séance  de  dé- 
cembre 1897.  Voici,  en  effet,  l'économie  de  la  proposition  de  loi  à  laquelle 
s'est  ralliée  la  Commission  du  Travail  : 

lo  Obligation  du  repos  hebdomadaire  dans  tous  les  travaux  exécutés 
pour  le  compte  de  l'Etat,  des  départements  et  des  communes;  2"  obliga- 
tion de  limiter  le  nombre  des  ouvrieri  étrangers  dans  les  mêmes  travaux, 
sans  que  la  limite  soit  indiquée  par  la  loi  :  elle  est  laissée  à  l'appré- 
ciation des  ministres  et  des  préfets;  3©  obligation  pour  l'Etat  d'intro - 
duire  dans  ses  cahiers  des  charges  une  clause,  par  laquelle  l'entrepreneur 
s'engage  à  se  conformer  au  taux  des  salaires  et  à  la  durée  du  travail  con  - 
sidérés  comme  normaux  et  courants  dans  la  ville  ou  la  région  où  le  travail 
est  exécuté  ;  4»  faculté  pour  les  départements  et  les  communes,  sur  déli- 
bération des  Conseils  généraux  et  des  Conseils  municipaux,  d'appliquer  à 
leurs  travaux  cette  clause  relative  au  salaire  courant  et  à  la  durée  couram- 
ment en  usage. 

La  Commission  du  Travail  de  la  précédente  Chambre  avait  eu  pour  prin- 
cipal but  de  rendre  aux  départements  et  aux  communes  le  droit,  contesté 
par  le  Conseil  d'Etat,  d'introduire  dans  les  cahiers  des  charges  de  travaux 
publics  les  clauses  i*elativesau  salaire  normal  et  courant  ainsi  qu'à  la  durée 
normale  et  courante  du  travail  journalier.  La  proposition  actuelle  stipule 
en  outre,  pour  l'Etat,  l'obligation  d'insérer  ces  clauses.  C'est  à  peu  près  le 
vœu  du  Conseil  supérieur  du  Travail  qui,  lui,  comportait  l'obligation  pour 
l'Etat  et  les  départements,  la  faculté  pour  les  communes. 

Le  principe  de  la  réforme  —  et  c'est  là  un  point  très  intéressant  du 
rapport  de  M.  Pierre  Baudin  —  semble  avoir  conquis  l'adhésion  du  Gou- 
vernement. Nous  trouvons  en  effet  cet  extrait  des  procès-verbaux  de  la 
Commision  du  Travail  : 


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REVUE   DES   QUESTIONS   OUVRIÂBES   ET   DE  PRÉVOYANCE  Ui 

«  M.  Delombre,  ministre  du  Commerce ,  dit  que  le  vœu  du  Conseil  sapé- 
»  rieur  du  Travail  présente  beaucoup  de  souplesse  et,  peut-être,  pourrait 
«  fournir  la  solution  do  problème  que  beaucoup  de  bons  esprits  cherchent 
«  depuis  longtemps. 

«  Au  lieu  de  ne  rien  faire,  comme  le  demandent  les  partisans  de  la  pre- 
i<  mière  doctrine,  ou  de  vouloir  tout  réglementer,  comme  le  proposent 
«  les  partisans  de  la  seconde,  ne  seraitril  pas  plus  simple  —  en  matière 
(<  d'adjudication  de  travaux  publics  —  de  regarder  quels  sont  les  salaires 
»  normaux  de  manière  à  ne  pas  abaisser  le  salaire  au-dessous  de  ce  qu'il 
«  doit  être? 

«  L*orateur  dit  qa*en  ce  qui  le  concerne,  il  serait  disposé  à  se  rallier  à 
«  une  solution  de  ce  genre,  consistant  à  constater  le  salaire  normal  et  la 
<c  durée  normale  de  la  journée  de  travail,  pour  appliquer  ce  salaire  et  cette 
«  durée  de  travail  aux  ouvriers  employés  dans  les  travaux  publics 

«  L'Angleterre  n*a  pas  fait  fixer  le  salaire  par  TEtat;  elle  s'est  con- 

»  tentée  d'enregistrer  le  salaire  normal,  c'est-à-dire  élimination  faite  du 
«  salaire  des  vieillards  ou  des  hommes  trop  jeunes.  Sur  ce  point,  Torateur 
«  admet  qu'on  impose  Tobligation  à  l'Etat  et  qu'on  laisse  la  faculté  aux 
M  communes. 

<c  M.  Charles  Dupuy,  Président  du  Conseil^  dit  que  M.  le  ministre  du 
•  «  Commerce  vient  d'exposer  la  pensée  du  Gouvernement 

u  Il  admet  la  faculté  pour  les  communes,  à  cause  de  la  variété  qui 

«  existe  entre  les  diverses  communes,  mais  il  demande  l'obligation  pour 
«  l'Etat,  parce  que  l'Etat  doit  donner  l'exemple.  » 

On  le  voit  donc,  11  ne  s*agit  plus  seulement  de  détruire  par  une  loi  les 
effets  de  la  jurisprudence  du  Conseil  d'Etat,  qui  se  résume  dans  l'arrêt  du 
25  janvier  1895  et  qui  avait  inspiré  déjà  plusieurs  décrets  d'annulation  : 

(<  Considérant  que  s'il  appartenait  au  Conseil  municipal  de  déterminer, 
«  dans  l'intérêt  de  la  ville,  les  conditions  de  ces  adjudications,  il  ne  pou- 
«  vait,  sans  sortir  de  ses  attributions,  substituer  une  réglementation  im- 
«  posée  à  l'effet  légal  des  conventions  entre  patrons  et  ouvriers  et  faire 
«  obstacle  à  l'application  de  l'ordonnance  du  14  novembre  i  837,  qui  oblige 
«  les  communes  à  donner  les  entreprises  pour  travaux  et  fournitures  avec 
«  concurrence  et  publicité...  » 

Le  Gouvernement,  qui  s'était  montré  opposé  en  général  aux  essais  de 
la  Ville  de  Paris,  suit  aujourd'hui  le  Conseil  supérieur  du  Travail  bien  au- 
delà  des  limites  qu'il  n'osait  alors  franchir.  Il  accepte  non  seulement  de 
rendre  aux  communes  la  faculté  qu'elles  avaient  perdu  de  par  la  loi  ou  la 
jurisprudence,  il  accepte  pour  l'Etat  une  obligation  ferme  dont  le  manque 
de  souplesse  est  de  nature  à  entraîner  parfois  de  sérieuses  difficultés  d'ap- 
plication. Que  s'est  il  donc  passé  dans  l'intervalle?  L^Angleterre,  la  Bel- 
gique, d'autres  pays  encore  ont  donné  l'exemple,  les  résultats  ont  été  satis- 
faisants, et,  en  même  temps  les  conditions  pratiques  de  la  réforme  se  sont 
précisées. 

Il  serait  trop  long  d'analyser  la  note  substantielle  établie  par  TOfflce  du 


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142         REVUE   DEÔ   ÔUESTIONS  OUVRIÈRES  ET   IXE   PRÉVOYANCE 

Travail  sur  le  min  imam  de  salaire  dans  les  travanx  publics  en  Angleterre^ 
en  Belgique,  en  Hollande,  en  Suisse,  aux  Etats-Unis  et  en  France.  On  la 
lira  en  annexe  dans  le  rapport  de  M.  Baudin.  Elle  est  tout  à  fait  impar- 
tiale, ne  conclut  point,  et  a  fourni  des  arguments  pour  et  contre  la  réforme. 
Il  semble  cependant  que  les  arguments  favorables  aient  eu  plus  de  poids 
que  les  autres,  et  expliquent  révolution  qui  s'est  faite  dans  les  opinions 
de  M.  le  Président  du  Conseil  des  ministres. 

En  Angleterre,  175  villes  ou  districts  sanitaires  urbains  (y  compris 
Londres),  renfermant  près  de  13  millions  d'habitants,  ont  inséré  dans  les 
cahiers  des  charges  de  leurs  travaux  publics  des  clauses  relatives  aux 
conditions  du  travail.  L'ensemble  des  autres  districts  urbains  d'Angleterre 
et  du  pays  de  Galles  ne  renferme  que  8  millions  d'habitants.  —  164  dis- 
tricts fy  compris  Londres  i,  renfermant  encore  12.500.000  personnes,  ont 
inséré  des  clauses  relatives  au  paiement  des  salaires  courants  locaux 
dans  tous  les  travaux  exécutés  pour  leur  compte.  L'Etat  a  accepté  Vobliga- 
(ion  d'insérer  ces  clauses,  pour  donner  l'exemple  aux  autorités  locales. 
L'obligation  n'est  pas  inscrite  dans  une  loi  ;  elle  résulte  de  la  Résolution 
de  1891  à  l'exécution  de  laquelle  la  Chambre  des  Communes  veille  par  des 
enquêtes. 

«  Dans  l'opinion  de  la  Chambre,  il  est  du  devoir  du  Gouvernement  de 
«  prendre  des  mesures,  dans  tous  les  contrats  qu'il  passe,  contre  les  maux 
«  récemment  révélés  devant  la  Commission  d'enquête  sur  le  swealîng- 
«  System,  d'insérer  des  clauses  destinées  à  prévenir  les  abus  qui  résultent 
«  des  sous-entreprises,  et  de  faire  tous  ses  efforts  pour  assurer  le  paiement 
4  de  salaires  égaux  à  ceux  qui  sont  généralement  acceptés  comme  cou- 
«  rants,  dans  chaque  métier,  pour  les  ouvriers  compétents.  » 

La  formule  est  heureuse  ;  le  devoir  du  Gouvernement  est  tracé  et  cepen- 
dant on  lui  laisse  pour  les  cas  d'espèce  une  certaine  liberté  d'appréciation. 
Mais  un  tel  vœu  n'est  point  compatible  avec  la  pratique  administrative  fran- 
çaise, et  l'on  a  essayé  ici  d'obtenir  le  même  résultat  en  faisant  ressortir 
dans  le  texte  de  la  loi  les  exceptions  à  prévoir.  Il  n'est  pas  mauvais,  d'ail- 
leurs, dans  une  démocratie,  que  la  loi  soit  toujours  au-dessus  du  pouvoir. 

Le  21  juillet  1897,  la  Commission  anglaise  d'enquête  parlementaire  sur 
l'application  du  minimum  de  salaire  dans  les  travaux  de  l'Etat  a  donné, 
dans  son  rapport  final,  des  conclusions  favorables  aux  applications  déjà 
faites  et  confirmé  de  sa  haute  autorité  l'expérience  concordante  des  dis- 
tricts sanitaires  urbains  (2). 

«  Si  la  Commission  a  bien  compris  la  résolution,  il  n'a  jamais  été  ques- 

<(  tion  de  faire  fixer  le  taux  des  salaires  par  l'Etat,  mais  seulement  de 

<f  reconnaître  et  de  garantir  le  taux  minimum  courant  des  salaires  dans 

<c  les  divers  métiers  et  les  diverses  régions. 

«  Cette  résolution,  appliquée  depuis  six  ans,  ne  paraît  pas  avoir  eu 

(1)  Voir  Bulletin  de  l'Office  du  travail,  mai  189B,  p.  355  et  suivantes. 

(2)  Voir  Note  de  l'Office  du  Travail  sur  le  Minimum  de  Salaire  (Imp.  Na- 
tional, 1897,  dernier  tirage'  et  Rapport  Pierre  Baudin,  annexes,  p.  189  et  «li- 
vantes. 


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REV€E   DES   QUESTIONS   OUVRIÈRES  ET   DE   PRÉVOYANCE  143 

ff  dinflaence  fâcheuse  sur  les  rapports  entre  employeur  et  employés  ;  au 
«  contraire,  elle  paraît  avoir  contribué  à  faire  conclure  des  conventions 
«  entre  patrons  et  ouvriers  sur  le  taux  des  salaires  et  sur  les  conditions 
«  du  tra\'ail.  Dans  Tensemble,  les  entrepreneurs  ne  soulèvent  d'objection, 
«  ni  contre  la  résolution,  ni  sur  la  manière  dont  elle  a  été  appliquée  ;  et 
«  les  plaintes  des  ouvriers  sur  les  violations  de  la  résolution  ne  sont  plus 
«  aussi  fréquentes  qu'autrefois... 

«  Tous  les  représentants  des  administrations  publiques  se  sont  déclarés 
a  en  faveur  du  principe  même  de  la  résolution,  et  ont  exprimé  le  désir 
«  de  la  voir  appliquée  à  la  fois  dans  son  esprit  comme  dans  sa  lettre...  » 
Venons  à  la  Belgique.  Huit  administrations  provinciales  sur  neuf,  et 
51  communes  de  plus  de  8000  habitants  sur  87  avaient,  en  1897,  inséré  des 
stipulations  relatives  à  un  minimum  de  salaire  dans  les  cahiers  des  charges 
de  leiu^  travaux  publics.  Cest  le  rt'^sultat  de  leur  expérience  qui  a  conduit 
le  ministre  des  Travaux  publics,  M.  de  Bruyn,  à  insérer  a  titre  d'essai  les 
mêmes  clauses  dans  les  cahiers  des  charges  des  entreprises  de  TEtat. 
f/essai  a  été  fait  du  2  juillet  1896  au  31  décembre  1897.  Depuis  cette  date, 
les  clauses  ont  été  maintenues.  M.  Morisseaux,  directeur  de  TOffice  du 
Travail  de  Belgique,  dit  à  ce  sujet  au  début  de  1899  : 

t  L'essai  auquel  il  a  été  procédé  par  le  Département  de  TAgriculture  et 
«  des  Travaux  publics  était  limité,  par  la  circulaire  du  23  juin  1896,  aux 
ff  ma«:ons,  terrassiers  et  paveurs...'  » 

(On  sait  que  pour  les  travaux  des  provinces  et  des  communes,  les  clauses 
et  conditions  se  sont  étendues  à  beaucoup  d'autres  professions  et  à  des 
fournitures  fabriquées  dans  les  ateliers  privés.) 

M.  Morisseaux  poursuit  ainsi  :  «  Les  ré&ultats  obtenus  sont  satisfaisants 
«  en  ce  sens  que  \e$  infractions  constatées  sont  extrêmement  rares;  depuis 
«  la  mise  en  vigueur  dont  il  s'agit,  on. n'en  pas  constaté  plus  de  deux  ou 
"  trois.  La  surveillance  est  pourtant  active.... 

«  Les  ingénieurs  en  chef  consultés  par  M.  le  ministre  de  l'Agriculture  et 
«  des  Travaux  publics  ont  déclaré  que  la  fixation  d'un  salaire  minimum 
»  n'avait  pas  provoqué,  en  général,  la  majoration  des  prix  soumissionnés; 
"  par  contre,  ils  ont  signalé  la  tendance  des  adjudicataires  à  éloigner  de 
»'  leurs  chantiers  les  ouvriers  peu  capables  ou  inaptes  à  raison  de  l'ége  ou 
«  des  infirmités.  » 

Sous  le  bénéfice  de  cette  dernière  observation,  qui  oblige  à  prévoir  une 
certaine  proportion  de  demi-ouvriers  payés  au-dessous  du  salaire  courant, 
ainsi  qu^il  a  été  fait  à  l'article  5,  paragraphe  4  du  projet  Baudin,  les  con- 
clusions sont  favorables  aux  essais  tentés,  en  Angleterre  comme  en  Bel- 
gique. 

La  proposition  de  loi,  qui  va  être  discutée  par  le  Parlement  français, 
définit  assex  rigoureusement  les  travaux  auxquels  elle  s'applique.  C'est 
une  conséquence  de  l'obligation  stipulée  pour  TEtat.  Les  départements  et 
les  communes  ont  la  faculté  de  ne  pas  insérer  les  clauses  lorsque  les  diffi- 
cultés d'application  leur  paraissent  trop  grandes;  la  m<^me  faculté  n'est 
point  laissée  à  l'Etat.  Aussi  les   Ministères  consultés  ont-ils  présenté  ua 


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144  REVUE  DES   QUESTIONS   OUVRIÈRES   ET   DE   PRÉVOYANCE 

assez  grand  nombre  de  cas  qui  leur  semblaient  embarrassants  sous  le  ré- 
gime deTobligation  (1). 

Les  objections  peuvent  se  ramener  à  ceci  :  On  voit  facilement  comment 
serait  appliquée  la  loi  sur  les  chantiers  de  TEtat;  Tapplication  en  sera 
déjà  plus  difficile  lorsque  les  travaux  prévus  au  cabier  des  charges  seront 
exécutés  non  dans  des  chantiers  mais  dans  des  usines  privées;  Tapplica- 
tion  en  sera  impossible  si  les  conditions  du  travail  doivent  s*étendre  aux 
fournitures  courantes  achetées  pour  les  adjudicataires  ou  même  directe- 
ment par  FEtat. 

Pour  répondre  à  ces  objections,  le  rapport  et  la  proposition  de  loi 
disent  expressément  qu'il  s'agit  des  travaux  mis  en  adjudication  (2)  et 
dont  Yexécufion  prévue  et  détaillée  au  cahier  des  charges  incombe  à 
Tadjudicataire  (art.  7)  :  «  Les  clauses  et  conditions  prévues  par  la  présente 
«  loi  ne  s'appliquent  qu'aux  travaux  qui  doivent  être  exécutés  par  l'entre- 
«  preneur  aux  termes  de  son  marché  et  non  aux  matières  et  fournitures 
«  qu'il  trouve  couramment  dans  le  commerce.  »  Autrement  dit,  le  fournis- 
seur n'est  visé  que  quand  il  est  sous-entrepreneur,  quand  il  se  substi- 
tue à  l'adjudicataire  et  entreprend  une  partie  des  travaux  dont  la  façon, 
prévue  au  cahier  des  charges  incombait  expressément  à  celui-ci.  Dans  ce 
cas,  dit  l'article  8,  le  sons-entrepreneur  doit  être  agréé  par  l'administra- 
tion. Il  y  a  donc  un  fait  matériel,  indiscutable,  qui  désigne  les  sous-traitants 
soumis  à  la  loi.  Si  l'on  veut  bien  se  rejiorter  aux  clauses  et  conditions  de 
la  fourniture  des  draps  pour  l'armée  (Rapport  Baudin,  note  p.  39  et  sui- 
vantes), on  verra  avec  quelle  netteté  l'Administration  de  la  Guerre  dis- 
tingue un  fabricant  d'un  marchand  et  désigne  les  travaux  (teinture  par 
exemple)  dont  la  cession  constitue  une  sous-entreprise  de  fabrication  sou- 
mise à  autorisation.  On  constatera  aussi  que  les  clauses  et  conditions  nou- 
velles dont  elle  surveillerait  l'application  sont  infiniment  moins  com- 
plexes que  les  conditions  de  fabrication  auxquelles  elle  veille  déjà.  D'ail- 
leurs, il  s'agit  ici  des  intérêts  directs  du  'personnel  ouvrier,  et  il  appar- 
tiendra à  celui-ci  de  veiller  lui-même,  dans  les  cas  difficiles,  au  respect 
des  dispositions  qui  le  protègent.  Dans  d*assez  nombreuses  usines,  en 
Angleterre,  on  est  ainsi  obligé  d'attendre  la  plainte  des  ouvriers;  et  c'est 
en  somme  ce  que  prévoit  l'article  6  du  projet  Baudin,  lorsqu'il  n'est 
point  possible  de  faire  autrement. 

Examinons  maintenant  les  conditions  de  travail  posées  par  le  projet. 
Du  repos  hebdomadaire,  rien  à  dire;  il  est  dans  les  mœurs  et  le  projet 
prévoit  les  exceptions  indispensables.  Sur  l'emploi  des  ouvriers  étrangers, 
je  me  bornerai  à  dire  que  les  Anglais  sont  plus  logiques  en  limitant  aussi 
le  nombre  des  ouvriers  étrangers  au  district  où  se  font  les  iravaux  :  leur 
embauchage  a  en  efTet  les  mêmes  résultais,  bons  ou  mauvais,  que  celui 
d'ouvriers  de  nations  étrangères.  De  plus,  on  évite  aiosi  les  difficultés  in- 
ternationales, en  raison  desquelles  le  projet  laisse,  en  somme,  le  Gouver- 

(!)  Voir  Rapport  Baudin,  Annexes  p.  67  et  suivantes. 

(2)  Voir  l'article  l*""  de  la  proposition  :  Travaux  exécutés  par  les  entrepreneura 
ou  fabricants  adjudicataires. 


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REVUE   DES   QUESTIONS    OUVRIÈRES    ET   DE   PRÉVOYANCE  145 

nement  maître  en  dernier  ressort  de  trancher  la  questron.  (Voir  articles 
1  et  2  da  projet.) 

En  ce  qui  concerne  le  salaire  et  la  durée  du  travail,  on  a  spécifié,  et  les 
termes  sont  très  expircites,  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un  taux  théorique,  résul- 
tant d'hypothèses  sur  l'organisation  future  des  sociétés  et  le  partage  équi- 
table des  bénéfices.  Il  s'agit  simplement  de  taux  courant,  et  la  réforme  se 
réduit  à  ceci  : 

A  tort  ou  à  raison,  on  accuse  l'Etat,  les  départements,  les  grandes 
villes  de  peser  automatiquement  sur  le  marché  du  travail  tant  par  leur 
système  d'adjudication,  au  rabais,  que  par  leur  formidable  puissance 
comme  clients.  L'Etat  dit  :  «  Je  ne  veux  point  qu'il  en  soit  ainsi,  je  ne  veux 
pas  troubler  brusquement  les  cours  et  les  usages  par  mes  marchés  de 
travaux.  Je  respecterai  le  salaire  courant  de  chaque  profession,  dans 
chaque  localité.  Si  c'est  à  tort  que  l'on  me  prête  une  influence  déprimante, 
mon  intervention  ne  changera  rien;  si  c'est  avec  raison,  elle  supprimera 
les  inconvénients  que  je  faisais  naître  moi-même.  La  rareté  ou  l'abon- 
dance des  travaux  continueront  à  agir  sur  le  taux  général  des  salaires  ; 
mais  je  n'aurai  plus  l'influence  due  auT  conditions  spéciales  de  mes 
marchés.  » 

Il  semble  que,  réellement,  une  telle  manière  de  faire  soit  conforme  aux 
droits  et  aux  devoirs  de  l'Etat,  et  ne  préjuge  en  rien  l'organisation  des 
sociétés  futures  qui  est  le  secret  de  l'avenir.  Ce  n'est  point  une  manière 
détournée  d'introduire  la  question,  autrement  complexe,  du  minimum  de 
salaire.  «  Nous  nous  efforçons  seulement,  dit  le  rapport,  de  réaliser  une 
«  réforme  pratique,  mûre,  qui  est  compatible  avec  l'organisation  actuelle 
«  de  la  société,  et  qui  est  adaptée  aux  besoins  révélés  par  l'expérience.  » 

Un  dernier  point  est  important  :  Comment  connaîtra-t-on  les  taux  cou- 
rants, et  par  suite  normaux,  en  une  localité  déterminée,  et  pour  les  pro- 
fessions intéressées?  Le  projet  fait  appel  ici,  autant  que  possible,  aux  accords 
entre  syndicats  patronaux  et  ouvriers,  à  l'intervention  syndicale  qui  doit 
être  le  trait  dominant  d'une  organisation  libre  du  travail.  Le  Conseil  supé- 
rieur du  Travail  avait  dit  : 

«  Que  les  pouvoirs  publics  et  la  fégislation  secondent,  par  tous  les 
«  moyens,  le  développement  des  associations  professionnelles,  auxquelles 
«  il  appartient  de  déterminer  les  conditions  du  travail  par  l'accord  des 
«  patrons  et  des  ouvriers.  » 

Mais  à  défaut  de  syndicats  réels  et  puissants,  les  clauses  prévues  ne  sau- 
raient rester  lettre  morte,  et  le  projet  confie  à  une  commission  composée 
mi-partie  des  délégués  des  patrons,  mi-partie  de  ceux  dos  ouvriers  inté- 
ressés, le  soin  d'indiquer  à  l'administration  le  taux  courant  des  salaires  et 
la  durée  courante  du  travaiL  La  décision  de  l'administration  est  d'ailleurs 
susceptible  d'appel  devant  la  juridiction  administrative. 

Les  salaires  courants,  les  heures- de  travail  courantes  sont  autant  que 
possible,  d'après  le  projet,  constatés  par  un  bordereau  officiel  ;  nous  avons 
déjà  dit  qu'en  cas  d'impossibilité  le  bordereau  n'était  pas  dressé,  et  qu'il 
appartenait   alors  aux  ouvriers  de  faire  valoir  leurs  droits.    Mais,  et  c'est 

REVUE  POLIT.,  T.    XX  ^^ 


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146         REVUE   DS&  QUESTIONS  ODVRlà&ES  ET   IXB  PRÉVOYàMCE 

\k  que  le  projet  nous  parait  a^oir  saisi  la  diflérence  entre  un  salaire  cou- 
rant et  la  fixation  administrative  des  salaires,  ce  bordereau  ne  fait  point 
partie  de  l'adjudication,  ni  du  marclié.  C'est  un  renseignement  annexé. 
L'administration  n'impose  pas,  ne  garantit  ^as  le  niaintien  des  mêmes 
salaires  pendant  la  durée  des  travaux.  Le  bordereau  est  toujours  révisable, 
dès  que  la  preuve  est  faite  que  les  cours  ont  changé. 

Nous  avons  exposé  les  traits  saillants  de  la  proposition  de  loi.  Quelques 
mots  suffiront  à  indiquer  celles  des  dispositions  de  détail  qui  n'ont  point 
été  indiquées  en  passant.  Les  établissements  publics  de  l'Etat,  des  dépar- 
tements et  des  communes  sont  traités  comme  les  services  publics  de 
r£tat,  des  départements  et  des  communes.  Les  sons-traités  doivent  être 
autorisés  par  l'administration  compétente,  ce  qui  permet  d'exclure  prati- 
quement les  sous-traités  de  main-d'œuvre,  le  marcbandage.  L'autorité 
administrative  peut  supprimer,  en  cas  d'absolue  nécessité,  le  repos  hebdo- 
madaire et  approuver  des  heures  supplémentaires  :  ces  travaux  extraor- 
dinaires doivent  être  payés  à  un  taux  supérieur  au  taux  normal.  Les 
pénalités  prévues  sont  celles  appliquées  pour  les  infractions  à  la  loi  sur 
le  travail  des  femmes  et  des  enfants.  De  plus,  une  retenue  doit  être  faite 
par  l'administration  sur  les  sommes  dues  aux  adjudicataires  qui  n'auraient 
point  payé  le  salaire  normal»  aûn  que  les  ouvriers  pui&sent  être  indem- 
nisés par  elle  des  sommes  qui  leur  auraient  été  indûment  soustraites. 

II.  Mouvement  syndical.  «->  Le  «  Labour  Department  »  vient  de  faire 
paraître  son  rapport  sur  la  situation  des  Trade-Unions  à  la  fin  de  iS97 
{Report  by  the  Chief  Labour  Correspondent  on  Trade-unions  4897).  A 
cette  date,  on  comptait  1.287  unions  ouvrières  englobant  1.610.000  mem- 
bres, dont  120.000  femmes;  fin  18%>  les  unions  ne  comptaient  quel. 491. COO 
membres.  Ces  1.287  unions  comprenaient  13.3;fô  branches  ou  sections 
locales.  Le  plus  fort  groupe  d'unioniî^tes,  317.500  membres,  appartenait  à 
la  métallurgie  et  aux  constructions  maritimes.  Venaient  ensuite  les  mines 
(282.000  membres),  le  bâtiment  (219.000),  les  textiles  (217.000),  les  trans- 
ports et  docks  (183.00U).  Ces  cinq  groupes  représentent  donc  les  ti'ois 
quarts  des  ujuionistes. 

Dans  l'ensemble,  on  compte  1.250  membres  en  moyenne  par  union, 
tandis  qu'en  France,  on  ne  compte  en  moyenne  que  190  membres  par  syn- 
dicat ouvrier.  La  différence  de  puissance  s'accentuerait  encore  si  l'on  pou- 
vait comparer  les  fonds  disponibles  des  unions  dans  les  deux  pays;  mais 
ils  restent  inconnus  en  France.  Les  groupes  professionnels  les  plus  cea- 
tralisés,  ceux  dont  le  nombre  de  membres  par  union  dépasse  la  moyenne 
de  1.250  sont:  les  manœuvres  5.800,  les  mineurs  et  carriers  4.400,  les 
hommes  des  dockâ  et  des  transports  2.800,  les  ouvriers  du  bâtiment,  les 
ouvriers  du  vêtement  1.000.  Dans  le  travail  du  boie,  chaque  union  ne 
groupe  moyennement  que  330  individus. 

Si  l'on  évalue  à  6  millions  le  nombre  des  ouvriers  et  employés  adultes 
en  dehors  de  l'agriculture,  et  à  1  million  le  ibombre  des  femmes  employées 
dansl'industne  et  susceptibles  de  se  syndiquer,  la  population  des  ouvriers 


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REVUE   DES   QUESTIONS   OUVRIÈRES    ET   DE    PRÉVOYANCE  147 

et  ouvrières  faisait  partie  d'une  Trade-Union  peut  s'établir  respectivemeot 
à  25  p.  100  et  12  p.  100  du  total.  En  France,  la  proportion  des  employés 
et  des  aurriers  mâles,  adultes,  faisant  partie  des  syndicats,  est  de  11  p.  100, 
par  rapport  à  la  population  mâle  adulte  des  employés  et  ouvriers  du  com- 
merce et  de  l'industrie. 

Les  plus  puissantes  des  unions  anglaises  sont  celles  qui  se  sont  fait  enre- 
gistrer, et  qui,  publiant  annuellement  leurs  comptes,  ont  acqais  le  droit 
àm  posséder.  Il  y  a  567  de  ces  miioes  groupant  1.190.000  sociétaires.  Le 
noMbre  moyen  des  membres  des  unions  enregistrées  atteint  2.100  par 
union.  Cinq  do  ces  unions  absorbent  ensemble  341.000  adhérents. 

Les  comptes  des  iÛD  principales  unions  enregistrées  (1.060.000  membres) 
sont  fournis  en  détail  par  le  rapport  du  Labour  department.  Le  total  des 
recettes  (cotisations  et  revenus),  qui  était  de  36.400.000  francs  en  1899, 
s'est  éleré  en  1897  à  49.500.000  francs;  et  la  moyenne  des  cotisations  ftar 
membre  a  passé  dans  la  même  période  de  36  à  41  francs.  Les  dépenses  ont 
suivi  une  marche  parallèle  et  ont  passé  de  32^.500.000  francs  à  47.400.000 

Pendant  les  six  années  1802  à  1^97,  plus  de  230  millions  ont  été  dépen- 
sés par  les  unions,  dont  55  millions  de  francs  environ  en  secours  de  grèves. 
Voici  d'ailleurs  en  p.  100  la  répartition  de  ces  dépenses  et  secours: 

Grèves,  20,3;  chômage,  27,3  ;  maladie  et  accident,  15,9;  retraite,  8,:J; 
décès,  10,9;   frais  d'administration,  17,*  ;   divers,  20,3;    total  :  100. 

Sur  ces  230.00O.000  francs,  92  millions  ont  été  dépensés  par  les  unions 
de  la  métallurgie  et  des  constructions  navales,  qui  comptent  environ 
318.000  BMmbres  actifs. 

Les  Trades  Councils,  qui  correspondent  à  peu  près  à  nos  Bourses  du  tra- 
vail, étaient  au  nombre  de  150,  groupant,  à  fin  1897,  700.000  unionistes. 
En  France,  nous  avons  50  bourses  de  travail,    groupant  170.000  membres. 

La  plus  importante  des  bourses  de  travail  françaises  est  celle  de  Paris  (1). 
Elle  groupait,  en  octobre  1898,  231  syndicats,  à  qui  elle  offre  105  bureaux. 
152  chambres  syndicales  (au  lieu  de  100  l'année  précédente)  ont  organisé 
des  permanences  ;  117  d'entre  elles  s'occupent  du  placement  gratuit  de 
leurs  membres  ;  9^  ont  été  subventionnées  pour  ce  service,  et  90  ont  fourni 
l'état  de  leurs  placements  qui  s'élèvent  h  32.000  (16.000  à  demeure  et  16.000 
en  extra] .  La  subvention  moyenne  par  permanence  a  tHé  d'environ 
1.000  francs  pour  l'année  1898;  elle  a  varié  de  200  à  2..'>00  francs.  Chaque 
placement  ressortirait  en  moyenne  à  2  fr.  50  ou  3  francs  de  subvention, 
avec  de  fortes  différences  d'un  syndicat  à  l'autre.  Le  nombre  total  des  réu- 
nions corporatives  a  été  de  2.525  ;  en  dehors  de  ces  réunions,  les  salles 
ont  été  utilisées  pour  les  cours  et  conférences  dans  324  séances.  La  biblio- 
thèque contient  plus  de  3.500  volumes.  Du  10  août  1896  au  31  octobre  1897, 
soit  pendant  une  période  de  quinze  mois,  3.403  volumes  ont  été  lus  sur 
place  et  507  ont  été  prêtés  à  domicile.  Les  matières  les  plus  en  faveur  ont 
été  :  l'économie  politique  et  sociale  (931  volumes),  la  littérature  (695  vo- 

(1;  Compte  rendu  des  travaux  du  31  octobre  1897  au  31  octobre  1898.  Extrait 
do  Bapp&rt  moral  présenté  an  ConêeU  municipal  de  Paris  par  la  Commission 
contuUalive  de  la  Bourse  du  travail. 


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148  REVUE   DES   QUESTIONS    OUVRIÈRES    ET   DE   PRÉVOYANCE 

lûmes),  Thistoire  et  la  géographie  (577  volumes),  les  encyclopédies,  dic- 
tionnaires (298  volumes),  les  romans  (124  volumes),  etc. 

Les  Bourses  de  travail  françaises  sont  fédérées  ;  la  Fédération  des 
bonnes  de  travail  est  assez  bien  organisée  et  fait  preuve  d'activité  En  regard 
de  cette  fédération,  qui  groupe  des  unions  locales  de  syndicats  divers, 
nous  trouvons  en  France  la  Confédération  générale  du  travail,  qui  doit 
grouper  les  unions  nationales  de  chaque  profession.  Le  Congrès  de  Hennés 
(septembre  1898)  a  montré  que  cette  féd^ration-ci  était  moins  puissam- 
ment organisée  que  la  première.  La  Confédération  générale  du  travail 
correspondrait  à  peu  près  au  comité  du  Congrès  des  Trade-Unions. 

Ainsi  donc  se  dessine  peu  à  peu  en  France  une  organisation  puissante, 
logique  et  complète.  Chaque  syndicat  est  attiré  dans  les  Unions  locales  des 
divers  métiers,  ou  bourses  de  travail,  par  les  avantages  quelles  offrent  pour 
la  constitution  des  services  syndicaux  :  placement,  bibliothèques,  cours 
professionnels.  Chaque  syndicat  est  attiré  dans  les  unions  nationales  d'un 
même  métier  par  les  avantages  qu'elles  offrent  pour  le  succès  des  reven- 
dications de  la  profession.  Les  unions  locales  sont  fédérées  ;  les  unions  de 
métiers  sont  fédérées;  et  les  deux  organes  centraux  cherchent  actuellement 
un  modus  vivendi  qui  assure  l'unité  de  vues.  De  leur  côté,  les  patrons 
s'organisent  en  unions  générales,  moins  symétriques,  mais  très  cohérentes. 
Actuellement,  les  états-majors  font  plus  de  bruit  que  les  cadres  ne  font 
de  besogne.  Il  n'en  est  pas  moins  temps  de  songer  à  assurer  des  contacts 
réguliers  entre  les  forces  ouvrières  et  les  forces  patronales  si  l'on  veut 
éviter  des  luttes  formidables.  Il  est  temps  de  songer  aux  Conseils  du 
Travail  ou  à  quelque  autre  organisation  professionnelle  générale. 

m.  Assurances  contre  les  accidents.  —  1*  France.  —  Les  décrets  prévus 
par  la  loi  du  9  avril  1898  sur  la  responsabilité  des  patrons  en  cas  d'accidents 
4u  travail  ont  pàrn  an  Journal  officiel  dM  1^'mars  1899  (1).  La  loi  deviendra 
donc  exécutoire  à  partir  du  1*""  juin  1899.  Lne  certaine  agitation  continue 
à  se  manifester  dans  les  milieux  patronaux;  on  y  redoute  les  conséquences 
de  la  loi  ;  on  y  met  en  lumière  certains  inconvénients  réels  du  texte  actuel, 
et  aussi  quelques  inconvénients  fictifs  ou  minimes.  Nous  avons  insisté  plu- 
sieurs fois  sur  le  fait  que  les  charges  résultant  de  la  loi  nouvelle  n'étaient 
pas  très  différentes  de  celles  qu'ont  assumées  l'Allemagne,  l'Autriche, 
l'Angleterre,  l'Italie,  et  que  vont  prochainement  accepter  la  Belgique  et  la 
Suisse.  Nous  avons  dit  combien  avait  été  exagéré  le  /m  minime  avantage 
offert  h  l'emploi  des  célibataires  par  le  mode  d'indemnisation  des  acci- 
dents mortels,  quels  risques  bien  plus  considérables  d'accroissement  des 
s^ilaires  courrait  l'industriel  qui  voudrait  se  composer  un  personnel  de 
célibataires;  nous  avons  dit  aussi  que  les  Compagnies  d'assurances  appli- 
queraient les  mômes  primes  aux  hommes  mariés  et  aux  célibataires, 
comme  aussi  d'ailleurs  aux  étrangers  dont  on  semble  encore  redouter 

(1}  On  consultera  avec  fruit  le  très  méthodique  et  complet  commentaire  qui 
vient  de  paraître  chez  Rousseau  :  De  la  responsabililé  en  matière  d'accidents  du 
travàd^  par  M.  Maurice  Bellom. 


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REVUE   DES    QUESTIONS    OUVRIÈRES   ET   DE   PRÉVOYANCE  14d 

rinvasion.  Nous  avons  reconnu  toutefois  que  la  loi  avait  été,  dans  son 
principe,  une  loi  d'assurance  obligatoire,  de  solidarité  générale,  et  que 
le  manque  d^organisation  générale  entraînerait  sans  doute  des  difficultés 
et  des  faux-frais.  A  notre  avis,  l'assurance  libre  coûtera  plus  cher  que  l'as- 
surance obligatoire.  Mais  sur  tous  ces  points,  moins  importants  que  l'on 
ne  paraît  croire,  il  faut  maintenant  laisser  l'expérience  départager  les 
opinions  adverses. 

Des  trois  décrelà  promulgués  le  l**"  mars,  le  premier,  du  25  février  1899, 
règle  les  conditions  dans  lesquelles  les  victimes  d'accidents  ou  leurs  ayants 
droit  seront  admis  à  réclamer  le  paiement  de  leurs  indemnités,  en  cas  de 
relard  dans  ce  paiement  du  patron  ou  de  l'assureur  débiteurs.  C'est  le 
maire  qui  reçoit  la  plainte;  il  «'occupe  de  rédiger  une  déclaration  conforme 
aux  indicàtion<)  du  décret  et,  dans  les  24  heures,  il  la  transmet  avec 
les  pièces  Jointes  à  la  Caisse  nationale  des  retraites.  Dans  les  48  heures 
de  la  réception,  la  Caisse  adresse  le  dossier  au  juge  de  paix  du  domicile 
du  débiteur.  Celui-ci  est  invité  d'Urgence,  par  le  juge  de  paix,  às'acquitter 
de  sa  dette  par  l'envoi  d  un  mandat-carte.  S'il  ne  le  peut,  ou  s'il  conteste  la 
dette,  le  dossier  est  envoyé  à  la  Caisse  des  retraites.  Quand  la  réclamation 
est  légilime,  celle-ci  fait  immédiatement  le  paiement  aux  ayants-droit; 
sinon,  elle  fait  inviter  les  plaignants  à  agir  contre  la  personne  dont  ils  se 
prétendent  créanciers  conformément  aux  règles  du  droit  commun.  I.ors- 
qu'elle  a  payé  aux  lieu  et  place  du  débiteur,  la  Caisse  nationale  des 
retraites  exerce  son  recoure  contre  lui  ou  contre  l'assureur  qu'il  s'est 
substitué.  Le  même  décret  règle  l'action  de  la  Caisse  en  cas  de  faillite  du 
débiteur,  en  cas  de  cession  de  son  établis? emeiit;  enfin,  il  organise  le 
fond»  de  garantie. 

Le  décret  du  28  février  1899  règle  les  conditions  générales  de  fonction- 
nement des  Compagnies  d'assurances  à  primes  fixes,  des  mutuelles,  et  des 
syndicats   de  garantie. 

L'article  26  de  la  loi  du  9  avril  1898  a  stipjlé  :  «  En  cas  d'assu- 
rance du  chef  d'entreprise  (la  Caisse  nationale  des  retraites)  jouira,  pour 
le  remboursement  de  ses  avances,  du  privilège  de  larticle  2102  du  Code 
civil  sur  l'indemnité  due  par  l'assureur  et  n'aura  plus  de  recours  contre  le- 
chef  d'entreprise.  »  Cette  disposition  entraîne  une  surveillance  de  l'Etat 
sur  les  compagnies  d'assurances  mutuelles  et  à  primes  fixes;  sinon,  des 
Sociétés  intentionnellement  ou  accidentellement  mal  constituées  vien- 
draient sans  cesse  grever,  parleurs  faillites,  le  fonds  de  garantie  levé  sur 
l'ensemble  des  industriels  assujettis  à  la  loi.  On  a  donc  prévu,  par  l'ar- 
ticle 27  de  la  dite  loi,  que  les  compagnies  d'assurances  mutuelles  ou  à 
primes  fixes  contre  les  accidents,  françaises  ou  étrangères,  sont  soumises 
ù  la  surveillance  et  au  contrôle  de  l'État  et  astreintes  à  constituer  dos 
réserves  ou  cautionnements  dans  les  conditions  déterminées  par  un  règle- 
ment d^admiuistration  publique.  Ce  règlement  est  celui  précité  du  28  fé- 
vrier 1899.  11  (\xe  les  bases  du  calcul  de  la  réserve  mathématique  destinée  à 
faire  faoe  aux  pensions  en  cours;  il  prévoit  le  fonctionnement  d'un  corps 
de  contrôleurs;  enfin  il  donne  mission  au  Comité  consultatif  des  accidents 


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150         REVUE    DES   QUESTIONS    OUVRIÈRES  ET  DE   PRÉVOYANCE 

du  travail  de  régler  le  montant  des  cautionnements  déposés  à  la  Caisse 
des  dépôts  et  consignations.  La  loi  n'a  pas  permis  de  prévoir  la  liquidation 
d'office  des  sociétés  qai  ne  se  conformeraient  point  aux  prescriptions  da 
décret;  elle  n'a  pas  édicté  de  pénalités,  c'est  ane  lacune.  La  seule  sanction 
grave  et  vraiiment  efficace  à  rinobserratioo  de  ia  loi,  est  énoncée  à  l  ar- 
ticle 18  du  susdit  décret  du  28  février  :  «  Chaque  année,  avant  le  l*'  dé- 
»(  cembre,  le  Ministre  du  Commerce  arrête,  après  avis  du  comité  consul- 
«  latif,  et  publie  au  Journal  Officiel ^  la  liste  des  sociétés  mutuelles  ou  à 
«  primes  fixes,  françaises  ou  étrangères,  qui  fonctionnent  dans  les  condi- 
«  tions  prévues  par  les  articles  26  et  27  de  la  loi  du  9  avril  1898  et  par  le 
«  présent  décret.  »  C'est  dire  que  seules  les  compagnies  mentionnées  sur 
cette  liste  déchargent  le  patron  débiteur  de  sa  dette.  Il  est  donc  probable 
que,  en  pratique,  la  publication  dune  ielle  liste  supprimera  la  clientèle  des 
sociétés  irrégulières,  n'ayant  point  les  réserves  jugées  mathématiquement 
nécessaires.  Les  dites  sociétés  irrégalières  .se  trouveraient  d'ailleurs  dans 
l'impossibilité  d'exiger  de  leurs  adhérents  le  versement  de  leurs  primes.  — 
Nous  signalerons,  enfin,  que  parmi  les  clauses  obligatoires  des  polices, 
l'article  il  du  décret  fait  figurer  celle-ci  :  «  Les  contrats  se  trouveraient 
«  résiliés  de  plein  droit  dans  le  cas  où  la  société  cesserait  de  remplir  les 
u  conditions  fixées  par  la  loi  et  le  présent  décret.  » 

Appelé  à  déterminer  les  cautionnements,  le  comité  consultatif  des  assu- 
rances contre  les  accidents  du  travail  a  émis  l'avis  suivant  :  Montant  du 
cautionnemant,  2  0/0  du  total  des  salaires  ayant  servi  de  bas*;  aux  assu- 
rances pendant  la  dernière  année.  Ou  bien,  si  la  société  n^assure  que  des 
ouvriers  de  professions  présentant  un  risque  identique,  une  fois  et  de- 
mie la  valeur  des  primes  brutes  à  verser,  ces  primes  brutes  étant  au 
moins  égales  au  minimum  de  prime  fixé  par  le  ministre  pour  la  catégo  - 
rie  de  risques  en  question.  Minimum  du  cautionnement  unsi  calculé, 
400.000  francs;  maximum,  200.000  francs.  Le  cautionnement  est  de 
moitié  du  montant  ci-dessus  et  son  minimum  peut  être  réduit  à  200.000 
francs  pour  Us  mutuelles  dont  les  adhérents,  appartenant  tous  k  une 
même  catégorie  de  professions,  s'engageraient  en  cas  de  déficit  à  payer 
une  contribution  annuelle  pouvant  atteindre  :  le  triple  de  la  prime  par- 
tielle déterminée  par  le  ministre  du  Commerce,  pour  les  mêmes  profes- 
sions et  pour  les  risques  de  mort  et  d'incapacité  permanente,  le  double  de 
la  prime  totale  ûxée  par  leurs  contrats  pour  l'ensemble  des  risques  assu- 
ré». —  En  outre,  lorsque  les  statuts  des  sociétés  stipulent  que  les  capitaux 
constitutifs  de  toutes  les  rentes  prévues  par  la  loi  du  9  avril  [1898  doivent 
être  immédiatement  versées  à  la  Caisse  nationale  des  retraites,  les  cau- 
tionnements ci-dessus,  pleins  ou  réduits  déjà  de  moitié,  peuvent  être 
encore  diminué  de  moitié.  —  Le  minimum  de  cautionnement  peut  donc 
s'abaisser  pour  certaines  mutuelles  à  400.000  francs.  Ce  chiffre  n'est  pas 
très  élevé  pour  des  sociétés  qui  ne  devraient  fonctionner  normalement 
ou  avec  plusieurs  milliers  d'ouvriers  assurés.  H  est  très  inférieur  au  chiffre 
yidiqué  par  le  règlement  italien  pour  le  cautionnement  des  sociétés  pri- 
vées  d'assurance  contre  les  accidents.  Mais  nous  savons  qu'il  suffira,  en 


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REVUE   DES   QUESTIONS   OUVRIÈRES    ET   DE   PRÉVOYANCE  151 

général,  à  empêcher  la  constitution  de  mutuelles  fictives  ou  trop  peu  nom- 
breuses. 

Quant  aux  syndicats  de  garanlie,  on  leur  impose  de  comprendre  au 
moins  5.000  ouvriers  assurés  et  40  chefs  d'entreprise  adhérents,  dont 
5  ayant  au  moins  chacun  30il  ouvriers.  On  peut  être  étonné,  au  premier 
abord,  que  Ton  ait  songé  à  réglementer  des  syndicats  liant  solidairement 
tous  leurs  adhérents  pour  le  paiement  des  rentes  et  indemnités.  En  effets 
il  est  évident  que  de  tels  syndicats  laissent  chaque  adhérent  responsable 
devant  le  Fonds  tle  garantie  et  ne  lui  confèrent  aucune  immunité.  Mais, 
en  fait,  un  autre  décret  du  28  févrie)  4899  dispense,  en  cas  de  cession 
d'établissement,  du  versement  des  capitaux  constitutifs  des  rentes  prévu 
par  Farticle  28  de  la  loi,  les  patrons  ayant  constitué  certaines  cautions 
et,  entre  autres,  ceux  qui  se  sont  affiliés  à  un  syndicat  de  garantie  liant 
solidairement  tous  ses  membres  pour  le  paiement  des  pensions.  Il  est 
naturel  dès  lors  que  des  conditions  de  fonctionnement  et  de  solvabilité 
soient  imposées  aux  syndicats  de  garantie  jouissant  de  ce  privilège. 

2o  Allemagne.  —  Le  numéro  de  janvier  des  AmtHche  Nachrichten  des 
Reichsversickerungsamts  contient  le  compte  rendu,  pour  1897,  des  assu- 
rances allemandes  contre  les  accidents. 

17.957.000  personnes,  dont  6.043.000  ouvriers  de  l'industrie,  ont  été 
assurés  en  1897  contre  les  accidents.  On  a  indemnisé  91.171  accidents 
dont  41 .746  dans  Tindustrie.  —  Pour  les  corporations  industrielles,  on  a 
compté  4.252  cas  de  mort  {0,70  par  1.000  assurés),  625  cas  dincapacité 
permanente  totale  (0,10),  21.247  incapacités  permanentes  partielles  (3,52). 
et  15.622  incapacités  temporaires  (2,59).  —  Le  risque  de  mort  se  maintient 
depuis  1886  aux  environs  de  0.70.  La  mort  étant  le  seul  accident  parfaite- 
ment défini,  la  constance  de  ce  chiffre  indique  la  constance  réelle  du  dan- 
ger d'accident  depuis  la  mise  en  application  de  la  loi  d'assurance.  —  Le 
risque  d'incapacité  permanente  totale  a  décru  de  0,44  à  0,10,  simplement 
parce  que  le  sens  des  mots  était  au  début  :  incapacité  de  plus  de  six  mois, 
et  est  réellement  aujourd'hui  incapacité  permanente. 

Le  risque  d'incapacité  permanente  partielle  s'est  développé  (1,09  à  3,42) 
de  1886  à  1891  avec  la  notion  elle-même  d'incapacité  partielle,  notion  très 
complexe.  Depuis  1891,  le  même  risque  est  stationnalre  et  doit  être  évalué 
entre  3,5  et  3,6.  —  Le  risque  d'incapacité  temporaire  parti  de  0,57  n'a  pas 
cessé  de  croître  et  est  monté  à  2,59.  Il  s'agit  des  incapacités  de  plus  de 
treize  semaines.  Les  raisons  probables  de  l'accroissement  sont  ici  :  déclara- 
tion plus  exacte  des  accidents,  tendance  des  ouvriers  à  prolonger  un 
chômage  qui  est  rémunéré,  développement  des  appareils  mécaniques, 
lesquels  produisent  surtout  des  accidents  légers,  et  enfin  une  certaine 
négligence  des  précautions  lorsque  le  danger  n'est  pas  grand.  Cette  der- 
nière cause  n'est  heureusement  pas  grave  ;  elle  n'a  pas  de  conséquences 
permanentes  pour  la  santé  des  ouvriers,  elle  s'allie  à  un  accroissement  du 
rendement;  elle  est  sans  influence  notable  sur  le  coût  total  de  l'assu- 
rance. Ce  n'est  donc  point  à  son  sujet  qu'il  y  aurait  lieu  d'incriminer  les 


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152  REVUE   DES   QUESTIONS   AGRICOLES 

tendances  de  Touvrier  allemand^  ou  de  son  patron.  Le  prolongement  du 
chômage  indemnisé,  voilà  sans  doute  la  difficulté  réelle  des  nouvelles  lois 
sur  la  responsabilité  en  matière  d'accidents,  que  les  nations  de  l'Europe 
votent  Tune  après  l'autre  depuis  quinze  ans. 

ARTHUR  FOSTAINE. 


II.  -  REVUE  DES  QUESTIONS  AGRICOLES 

Le  morcellement  de  la  propriété  foncière  et  les  remaniemeats  collectifs. —Elude 
de  M.  Voitellier.  —  Le  Crédit  agricole  au  Sénat.  —  La  répartition  des  avances 
et  redevances  mises  à  la  disposition  du  gouvernement  par  la  Banque  de 
France. 

I 

Nous  venons  de  recevoir  une  brochure  consacrée  à  l'étude  d'une  ques- 
tion d'économie  rurale  dont  la  solution  présente  un  grand  intérêt  :  Le 
morceilement  de  la  pi  opriété  foncière.  L'auteur  de  l'étude  dont  nous  par- 
lons, M.  Voitellier,  signale  avec  raison  les  inconvénients  du  morcellement 
excessif. 

Sans  doute,  il  ne  faut  point  exagérer  et  l'on  ne  souffre  pas  partout  des 
excès  du  morcellement,  ou  de  ce  que  l'on  a  appelé  Vende tlement  du  sol. 
En  revanche,  on  ne  saurait  nier  que,  dans  beaucoup  de  départements 
français  et  dans  l'est  notamment,  l'extrême  division  du  territoire  et  l'é- 
parpillement  des  parcelles  cullurales  appartenant  au  même  propriétaire 
ne  constituent  une  gêne,  un  danger,  un  obstacle  sérieux  à  la  bonne  et 
lucrative  exploitation  du  sol. 

M  Voitellier  signale  quatre  groupes  d'inconvénients  :  Le  premier  com- 
prend uniquement  ceux  qui  rendent  plus  difficile  et  moins  rémunératrice 
la  mise  en  valeur  du  territoire.  Le  second  tous  les  obstacles  aux  améliora- 
tions dont  l'exploitation  du  sol  est  susceptible.  Le  troisième  comprend  les 
inconvénients  qui  entravent  les  améliorations  foncières  par  opposition  aux 
améliorations  cullurales. 

Le  quatrième  groupe,  enfin,  est  constitué  par  les  dommages  causés  ù  la 
propriété  par  la  réduction  de  sa  valeur,  la  difficulté  des  ventes,  des 
échanges,  etc.,  etc. 

Dans  le  premier  groupe  on  peut  citer,  notamment,  les  pertes  de  temps 
pour  se  rendre  d'uue  pièce  k  l'autre,  lorsque  le  morcellement  a  eu  pour 
conséquence  l'éparpillement  des  lopins  de  terre  ;  les  pertes  de  temps  dans 
les  travaux  de  labour,  d'ensemencement  et  de  récolte  ;  les  enclaves  forçant 
à  suivre  l'assolement  des  voisins  et  causant  indirectement  des  dégAts. 

Dans  le  second  groupe  on  peut  signaler  :  la  difticulté  d'employer  des 
instruments  perfectionnés  tels  que  les  semoirs,  les  faucheuses  et  les  mois- 
sonneuses ;  rimpossibilité  d'enclore  des  pâturages  .. 

Dans  la  troisième  catégorie  d'inconvénients  figurent  les  obstacles  oppo- 


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REVUE   DES    QUESTIONS    AGRICOLES  153 

ses  au  drainage  ou  à  l'irrigation  ;  la  multiplication  exagérée  des  chemins 
d'exploitation  servant  à  desservir  des  parcelles  trop  nombreuses,  etc.,  etc. 

Enfin,  dans  le  dernier  groupe,  M.  Voitellier  range  l'exagération  des 
droits  de  mutations  par  suite  de  l'énormité  des  droits  fixes  quand  la  valeur 
des  parcelles  est  très  modique  ;  l'augmentation  des  frais  de  bornage  ;  la 
diminution  du  revenu  provenant  de  la  location  du  droit  de  chasse,  etc. 

Celle  énuméralion  est  un  peu  longue  bien  qu'elle  soit  incomplète  encore, 
mais  il  ne  nous  déplaît  pas  de  Tinfliger  au  lecteur  pour  insister  sur  les  très 
réels  et  très  graves  dangers  du  morcellement. 

Nous  n'ignorons  pas  que  des  palliatifs  fort  ingénieux  diminuent  ou  atté- 
nuent quelque  peu  ces  dangers.  Il  n'est  pas  impossible  —  puisque  cela  se 
fait —  de  cantonner  les  cultures.  C'est  ainsi  que  dans  l'est  le  territoire  des 
communes  est  généralement  divisé  en  quatre  cantons  ou  régions,  la  pre- 
mière réservée  aux  céréales  d'hiver,  la  seconde  aux  céréales  de  printemps 
ou  aux  prairies  artificielles,  la  troisième  aux  plantes  industrielles  ou  aux 
prairies  naturelles,  la  quatrième  enfin  aux  jardins  et  aux  habitations. 

Les  cultivateurs  exécutent  à  peu  près  au  même  moment  et  dans  le 
même  canton,  les  semailles,  les  opérations  culturales  ou  la  récolte.  De 
cette  façon  l'on  se  gène  moins  ;  on  ne  risque  pas  de  passer  sur  des  terres 
en  culture,  de  répandre  de  l'avoine  sur  le  champ  d'orge  ou  de  blé  du  voi- 
sin, etc.,  etc. 

A  la  rigueur,  les  cultivateurs  pourraient  s'entendre  pour  moissonner  en 
même  temps  avec  une  seule  machine  20,  30,  ou  400  parcelles  contiguës, 
ou  les  semer  avec  un  semoir. 

Le  morcellement  est  néanmoins  gênant;  l'éparpillement  des  champs 
cause  des  pertes  de  temps  très  notables,  les  chemins  d'exploitation  trop 
nombreux  diminuent  le  territoire  productif  de  la  commune,  etc.,  etc. 

Le  temps  employé  pour  exécuter  un  labour,  un  hersage,  un  semis  en 
lignes  avec  semoir,  augmente  démesurément  quand  les  parcelles  sont  pe- 
tites parce  qu'il  faut  s'arrêter  au  bout  de  chaque  raie,  tourner  et  reprendre 
sa  marche  en  sens  inverse.  La  perte  de  temps  peut  devenir  énorme  quand 
la  surface  d'une  parcelle  s'abaisse  à  50  ares  ou  à  25  ares.  —  M.  Voitellier 
a  fait  le  calcul  de  ces  pertes  de  temps.  —  Il  démontre,  par  exemple,  qu'il 
faut  4  heures  25  minutes  de  plus  pour  semer  (au  semoir)  20  pièces  de 
5  ares  qu'une  pièce  de  un  hectare. 

En  véiité,  il  nous  semble  inutile  de  multiplier  les  exemples.  On  peut 
dire  que  les  inconvénients  du  morcellement  et  de  l'éparpillement  des  par- 
celles culturales  sont  visibles  pour  tous  ceux  qui  ont  étudié  celte  question 
sur  place. 

Comment  faire  disparaître  ces  inconvénients?  C'est  là  un  problème  très 
difficile  à  résoudre,  parce  que  l'on  se  trouve  en  présence  d'intérêts  prises 
et  surtout  parce  que  l'on  redoute  de  porter  atteinte  au  droit  de  propriété. 
Ce  dernier  argument  est  celui  qui  est  le  plus  souvent  invoqué  pour  s'op- 
poser à  toute  modification  de  noire  législation  et  à  toute  contrainte.  11 
semble  dangereux  de  faire  le  bonheur  des  gens  malgré  eux,  et  de  les 
forcer  à  grouper  leurs  parcelles  pour  constituer  des  champs  plus  étendus. 


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154  REVUE  DES   QUESTIOUS    âORI€OLES 

Ob  parle  Tolontiers  de  rattachement  profond  et  respectable  du  paysan 
français  au  champ  paternel,  de  Texaspération  redoutable  de  ceux  qu'on 
tenterait  de  déposséder  pour  arrondir  le  petit  domaine  de  chacun.  «  Les 
fusils,  dit-on,  partiraient  tous  seuls,  le  jour  où  Ton  loucherait  au  lopin  du 
petit  propriétaire.  »  Ce  sont  là,  à  notre  avis,  des  exagérations.  Mettons,  s'il 
se  peut,  les  choses  au  point. 

En  premier  lieu,  il  ne  s'agit  pas  de  réunir  en  une  seule  toutes  les  par- 
celles éparpillées  sur  le  territoire  d'une  commune  et  appartenant  an 
même  propriétaire.  Tous  les  cantons  d'une  commune  n'ont  point  les 
mêmes  aptitudes  cuUuratet  et  il  serait  impossible  d'obliger  les  proprié- 
taires à  se  contenter  d*un  grand  champ  constitué  dans  l'un  de  ces  cantons. 

Voici,  une  région  spéciale,  une  vallée  irrigable  qui  convient  à  merveille 
à  rétablissement  de  prairies  naturelles;  voici  des  coteaux  que  Ton  doit 
utiliser  presque  exclusivement  en  y  constituant  des  vignobles  ;  voici  des 
terres  de  parcours  et  des  pâlures  que  l'on  ne  peut  songer  à  transformer  en 
terres  de  labour. 

Fopcera-t-on  un  propriétaire  à  abandonner  son  lot  de  prairies,  sa  vigne 
de  coteaux,  son  terrain  de  pâtures  pour  recevoir  uniquement  une  surface 
de  valeur  équivalente  prélevée  sur  les  terres  labourables  de  la  Commune? 

Assurément  non!  Personne  n'a  songé  ni  ne  songe  à  dépouiller  un  pro- 
priétaire des  terrains  ayant  des  aptitudes  culturales spéciales  pour  le  forcer 
à  cultiver  exclusivement  des  céréales,  des  racines,  ou  à  se  contenter  d'un 
lot  de  prairie,  d'un  vignoble,  etc.,  etc.  Il  va  de  soi  que  l'on  respecterait  la 
réparlilion  na^urc/Ze  des  domaines  entre  diverses  parcelles  situées  dans 
chacune  dos  zones  spéciales,  zone  au  région  de  prairies,  région  des  terres 
à  céréales,  région  des  terres  à  vignes,  etc.,  etc. 

Ce  que  Von  demande,  c'est  de  grouper  les  parcelles  éparses  dans  chaque 
zone  ou  région  eullurale.  Au  lieu  d'avoirS,  10  ou^  parcelles  de  vignes,  de 
prairies  ou  de  terres  labourables,  le  cultivateur  aurait  simplement  1,  2  ou 
3  parcelles  dans  chaque  région  du  territoire  communal. 

On  tiendrait  compte,  enfin,  des  circonstances  de  fait.  11  ne  saurait  être 
question  un  moment  de  forcer  un  cultivateur  propriétaire  à  abandonner 
tel  coin  de  vignes,  si  ce  lopin  produit  un  crû  coté  et  particulièrement 
estimé. 

L'intérêt  du  propriétaire  ne  peut  ni  ne  doit  être  sacrifié  à  une  vaine 
symétrie,  à  un  rêve  dangereux  d'uniformité  et  de  régularité,  à  une  égalité 
apparente  de  traitement  qui  dissimulerait  mal,  parfois,  les  plus  criantes 
injustices. 

Ce  que  l'on  souhaite,  c'est  donc  uniquement  de  grouper  des  parcelles  qui 
peuvent  être  utilement  réunies  et  cela  dans  l'intérêt  du  plus  grand  nom- 
bre. Ne  l'oublions  pas,  en  effet,  il  s'agit  du  plus  grand  nombre. 

Une  transformation  comme  celle  de  la  réunion  des  parcelles  éparpillées, 
enclavées,  morcelées,  etc.,  ne  saurait  être  imposée  qu'à  une  minorité  de 
dissidents  ou  d'indifférents  au  nom  des  intérêts  de  la  majorité.  Qui  ne 
voit  dès  lors,  que  cette  œuvre  d'intérêt  public  est  justifiée  par  les  mêmes 
considérations  que  toutes  les  expropriations  ou  tous  les  travaux  d'intérêt 


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REVUE  DfiS  QCSSnOKS   AGRiCOLBS  155 

coHecUfqai  imposent  aux  propriéiairesdes  diarges,des  servitudes, etc.,  etc. 

Quelles  personnes  seraieiit,  d*«iileiii^,  cliarg<^s  de  se  prononcer  snr 
le  caractère  d*iitilité  publique?  Ce  ne  serait  ni  les  Chambres,  ni  le  Conseil 
général,  ni  les  Gouseils  manicipajax  ;  ce  serait  les  intéressés  enx-mémes. 
On  pourrait  certainentent  appliquer  aux  Rememkremenis  collectifs,  les 
dispositions  de  notre  loi  de  1865  sur  les  Associations  Syndicales.  Il  suffirait 
de  réunir  une  majorité  en  nooabre  et  en  intérêts  pour  contraindre  les 
opposants  à  se  soumettre. 

M.  Yoitellter  pente  que  cette  solution,  très  satisfaisante,  au  premier 
abord,  ne  pemeltralt  pas  d'obtenir  de  sérieux  résultats.  —  Son  opinion 
mérite  d'être  prite  an  sédeuse  coasidération,  A  ses  yeux,  outre  la  dispro- 
portion des  droits  fix^s  d«  mutation  rendant  le  prix  de  revient  des 
échanges  absolument  exagéré,  le  plus  grand  obstacle  à  des  réunions 
de  parcelles,  par  voie  d'échange,  réside  dans  l'existence  d'inscriptions 
hypothécaires  légaks  ou  conventionnelles.  Tout  immeuble  grevé  dliypo- 
tbèque,  constitue  un  obstacle  au  rememfbremtnt.  Les  frais  que  nécessite 
le  transfert  d'une  hypothèque  sont  trop  considérables,  pour  qu'on  ait 
recours  à  cette  méthode  qui  aurait  pour  effet  d'affecter  une  parcelle  nou- 
velle au  remboursement  de  la  créance  ayant  pour  gage  l'ancienne  parcelle 
échangée. 

Et  voici  le  tabloau  que  M.  Voitellier  a  dressé  : 

FbAIS  POUH  UN£  OBUGÂTION  de  l.ÛOO  FRANCS 

1**  Acte  pQur  prendre  hfgpothèque, 

Droiu 
Hoaoraires         du  Trésor 

Fr.  c.  Fr.    c. 

Timbre  minute »  «  1  20 

Tinabres  de  la  grosse  (titre  du  créancier) »  »  3  60 

Earegi«treoieiit  (1  25  0/0) »  »  1«  50 

Honoraires  du  notaire  (l  0/0/. 10  »  »    » 

Rôles  de  la  grosse  (4  à  2  fr.) 8  »»  »    » 

Timbre  de  2  bordereaux »  »>  »    » 

Dressé  des  bordereaux B  »  »    » 

Total 21    »  17  30 

2»  ifyfothèque  proprement  dite. 

Salaire  du  Droits 

Conservateur        da  Trésor 

Fr.    c.  Fr.    c. 

Droit  hypothécaire  (1  25  0/OOj «    »  .125 

Salaire: 

Dépôt  (Droit  fixe) 0  20  »    • 

Inscription  (Droit  fixe) 1    »  »    » 

Timbre  : 

Eulletin  (Droit  fixe) »    »  0  ÛO 

Dép6t  (Droit  fixe) •»    »  0  24 

Inscription  (suivant  le  copiste) «»  4» 

Total 22S0  «3  39 


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156  REVUE   DES   QUESTIONS   AGRICOLES 

En  totalité»  les  droits  perçus  s'élèveraient  à  45  fr.  59  pour  une  obliga- 
tion de  1.000  francs.  Il  y  aurait  nsème  lieu  d'ajouter  à  ces  frais  ceux  de 
bornages,  car  les  échanges  nécessitent  fort  souvent  des  opérations  de  ce 
genre,  soit  parce  que  les  bornes  n'existent  pas,  soit  parce  que  le  cadastre 
qui  n'a  aucune  valeur  juridique  au  point  de  vue  des  limites  d'une  propriétt^, 
ne  donne  même  pas  d'indications  précises. 

M.  Voitellier  ajoute  :  «  S'il  existe  quelques  communes  dans  l'Est,  où 
l'on  a  opéré  l'abornement  de  toutes  les  parcelles,  créé  des  chemins, 
échangé  un  certain  nombre  de  parcelles,  et  révisé  le  cadastre,  il  y  a  lieu 
de  remarquer  que  les  associations  syndicales  qui  ont  exécuté  ces  travaux 
avaient  plulôt  en  vue  Tabornement  général  de  toutes  les  parcelles  que  le 
remembrement,  c'est-à-dire  la  réunion  des  îlots  de  propriétés  appartenant 
à  chaque  personne,  le  nombre  des  échanges  ayant  été,  en  définitive,  tou- 
jours restreint  ». 

Le  problème  posé  est-il  donc  insoluble?  L'auteur  que  nous  avons  cité 
ne  le  pense  pas.  —  Sans  doute,  il  est  impossible  de  supprimer  tous  les 
droits  fixes  de  mutation  et  de  transfert  d'hypothèques,  puisque  ces  droits 
alimentent  le  budget.  D'autre  part,  l'Etat  qui  représente  des  intérêts  géné- 
raux ne  saurait  perdre  l'occasion  de  contribuer  au  développement  de  la 
richesse  publique,  en  facilitant  les  remembrements.  —  H  faut  adopter  des 
mesures  locales  et  transitoires,  au  lieu  de  procéder  par  voie  générale.  On 
pourrait,  sans  obérer  le  Trésor,  créer  une  situation  spéciale  et  temporaire 
aux  communes  les  plus  morcelées.  Il  suffirait  d'y  ouvrir,  à  cet  eiîet,  une 
PMode  de  Remembrement,  durant  laquelle  les  droits  de  mutation  et  de 
transfert  (en  matière  hypothécaire)  seraient  réduits  à  un  taux  infime. 

Voici  quelles  seraient,  en  définitive  les  conclusions  de  M.  Voitellier  : 

1"  Faire  en  sorte  que  les  échanges  et  même  les  ventes  à  l'amiable  des 
propriétés  non  bâties,  effectués  entre  propriétaires  d'une  même  commune 
et  n'ayant  pas  pour  résultat  d'augmenter  leurs  propriétés  respectives  de 
plus  de  dix  hectares,  soient  exonérés  de  tous  le^  droits  de  transcription, 
de  mutation  et  de  timbre,  à  la  perception  desquels  donne  ordinairement 
lieu  la  rédaction  des  actes,  leur  engistrement  et  leur  transcription. 

2<»  Stipuler  que  dans  les  cas  d'échange,  et  pour  les  propriétés  non  bâties 
exclusivement,  le  transfert  des  hypothèques,  quelle  que  soit  leur  nature, 
puisse  avoir  lieu  d'office,  s'il  était  reconnu  équitable  par  une  Commission 
compétente  ou  la  Commission  de  délimitation  prévue  à  l'article  4  de  la  loi 
du  18  mars  1898. 

3"  Exonérer  de  tout  droit  d'enregistrement  ce  transfert  d'hypothèques. 

4°  Obliger  les  propriétaires  qui  auraient,  à  la  fin  de  la  période  de  remem- 
brement,un  excédent  de  dix  hectares, à  acquitter  les  droits  de  transcription 
de  mutation  et  de  timbre,  à  la  perception  desquels,  la  vente  à  l'amiable 
de  cet  excédent  donnerait  lieli/  d  après  un  tarif  préalablement  fixé. 

5**  Exempter  pendant  cette  période  les  procès-verbaux  de  bornage  et  les 
engagements  préalables  qui  lient  les  parties,  de  tous  droits  d'enregistrement 
et  de  timbre,  en  leur  donnant  toutefois  une  valeur  juridique  par  la  recon- 
naissance officielle  du  cachet  et  du  vi^a  de  chaque  Commission  de  délimi- 
tation. 


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REVUE   DES   QUESTIONS    AGRICOLES  157 

Et  Tauleur  termine  en  disant  : 

«  Dans  ces  conditions,  rien  ne  s'opposerait  à  la  réalisation  des  remem- 
brements par  les  associations  syndicales.  En  vingt  ans  on  faciliterait  Taccès 
de  tous  les  progrès  agricoles  sur  plus  de  cinq  millions  d^hectares.  On 
livrerait  à  la  culture  un  domaine  actuellement  en  friche  d'un  million 
d'hectares.  On  augmenterait  par  conséquent  la  valeur  de  la  propriété 
foncière  non  bâtie  dans  des  proportions  considérables  et  le  moindre  résul- 
tat ne  serait  pas,  d'avoir  rendu  identique  et  également  rémunérateur,  le 
travail  de  ceux  qu'on  appelle  par  opposition,  les  petits  et  les  gros  cultiva- 
teurs. » 

Les  conclusions  de  l'auteur  ne  pourraient,  d'ailleurs,  être  acceptées  que 
si,  au  préalable,  on  avait  spécialement  autorisé  les  propriétaires  d'une 
commune  à  constituer  des  associations  syndicales  ayant  pour  objet  les 
remaniements  ou  remembrements  collectifs.  Il  faudrait,  enfin,  qu'une  loi 
spéciale  permît  d'échanger  les  biens  des  mineurs,  des  interdits,  des 
femmes  mariées  sous  le  régime  dotal. 

Ce  sont  là,  malheureusement,  des  questions  dont  l'élude  et  la  solu- 
tion demanderont  bien  du  temps.  En  outre,  la  solution  proposée  par 
M.  Voitellier  comporte  une  étude  relative  aux  sacrifices  que  le  Trésor 
devrait  consentir... 

11  nous  a  paru,  en  tous  cas,  intéressant  de  signaler  les  idées  nouvelles 
émises  à  propos  d'une  vieille  question. 

Il 

C'est  aussi  une  vieille  question  vingt  fois  discutée  que  cel'e  du  crédit 
agricole  dont  on  a  parlé  tout  dernièrement  au  Sénat  à  propos  des  sommes 
mises  à  la  disposition  du  Couvernement  par  la  banque  de  France,  sommes 
qui  doivent  être  réparties  entre  les  Caisses  de  crédit  agricole. 

Cette  répartition  est  évidemment  une  œuvre  délicate.  Deux  solutions  se 
présentent  : 

l*»  Créer  un  organe  spécial —- la  Caisse  régionale  de  crédit  agricole  — 
chargée  de  procéder  à  cette  répartition  en  dotant  les  caisses  locales  sans 
que  lEtat  ait  besoin  d'intervenir; 

2'»  Opérer  directement  la  répartition  en  autorisant  le  ministre  compé- 
tent à  doter  individuellement  les  institutions  locales  créées  conformément 
à  la  loi  du  5  novembre  1894.  ' 

M.  Milliès-Lacroix  a  préconisé  cette  dernière  solution  dans  un  excellent 
discours  plein  de  faits,  éclairé  par  un  rare  bon  sens  et  une  solide  connais- 
sance du  sujet  qu'il  traitait.  Le  principal  défaut  des  caisses  régionales  de 
crédit  agricole  mutuel  c'est...  de  ne  pas  exister.  Nous  ne  connaissons 
encore  que  des  caisses  locales.  C'est  donc  à  celles-là  qu'il  faut  accorder 
des  subsides,  quHte  à  doter  également,  quand  elles  auront  été  fondées, 
les  caisses  cC arrondissement,  de  déparlement  ou  de  région. 

«  Mais, dira-t-on,  la  répartition  directe  par  l'Etat  est  très  dangereuse; 
c'est  une  forme  du  socialisme  d'Etat!  Il  faut  répudier  ce  système;  il  faut 
repousser  l'intervention  de  l'Etat  en  matière  économique  !  » 

En  réalité  cette  objection  ne  porte  pas.  M.  Millièa  l'a  dit   et   répété   en 


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158  REVUE   DES   QUESTION»  AGRICOLES 

fort  bons  termes  :  «  Je  suis  contraire,  en  priocipe,  à  T intervention  deTEtat 
en  naUère  de  crédil  agneet»  ■bêmbL  ieswis  telicment  hostile  à  Fint^- 
vention  deTEtat  que  dans  la  discussion  sur  te  rfouTettifient  d«  privilège 
de  la  Banque  de  France,  j'ai  fait  conoaitre  mon  sentiment  à  cet  égaté  em 
disant  que  TElat  devait  renoncera  organiser  le  crédit  agricole  au  moyen 
de  l'avance  de  40  okillions  et  de  la  redevance  annuelle. 

«  Mais  je  me  trouve  en  présence  d'un  fait  accompli.  Quelle  que  soit 
Topinion  que  chacon  de  nous  professe  dans  la  doctrine  qui  a  prévalu  dans 
la  législation  nouvelle,  nous  n'avons  qu'à  nous  incliner  devant  les  faits,  il 
ne  nous  reste  plus  qu'à  nous  appliquer  de  notre  mieux  à  faire  passer  les 
soLulions  acquises  du  domaine  de  la  théorie  sur  le  terrain  de  la  pratique  et 
de  la  réalité.  >» 

11  s'agit  uniquement  de  répartir  d'une  fa^^n  ou  d'nne  autr^  les  sommes 
très  importantes  (près  de  {20  millions  avec  les  redevances)  que  la  Banque 
de  France  met  à  la  disposition  dé  l'Etat. 

Or,  répartir  ces  avances  soit  directement,  soit  par  l'intermédiaire  d'une 
caisse  centrale,  soit  par  l'intermédiaire  de  caisses  régionales,  c'est  tou- 
jours prêter,  à  des  Associations  privées,  l'appui  financier  de  l'Etat.  Ce  sont 
les  formes,  les  modalités  qui  diffèrent,  mais  au  fond,,  pour  tout  homme  qui 
ne  se  paie  pas  de  mots,  l'intervention  de  l'Etat  est  manifeste. 

La  question  posée  était»  en  somme,  la  suivante  :  «  Fant-il  dès  à  présent 
faciliter,  on  pourrait  même  dire  imposer,  la  formation  de  caisses  régio- 
nales qui  n'existent  pas  encore?» 

C'est,  en  effet,  l'utilité  et  le  rôle  de  ces  caisses  qui  ont  fait  l'objet  de  la 
discussion.  Elles  doivent  servir,  dit-on,  à  faciliter  l'escompte  du  papier 
agricole  émis  par  les  petites  sociétés  locales.  A  cela  M.  Mil  liés -Lacroix  ré- 
pond avec  raison  :  «  Eu  l'état  actuel  du  développement  de  nos  établisse- 
ments financiers  il  n'est  pas  exact  de  dire  qu'il  soit  indispensable  d'éta- 
blir au-dessus  des  petites  sociétés  de  crédit  mutuel  agricole,  communales 
ou  cantonales,  des  établissements  intermédiaires  destinés  à  négocier  le  pet- 
pier  agricole  à  la  Banque  de  France. 

«  Les  sociétés  locales  bien  organisées  peuvent  parfaitement  fonctionner 
sans  le  secours  d'aucun  intermédiaire.  Je  citais  tout  à  l'heure  les  compte- 
rendus  et  les  bilans  des  sociétés  de  crédit  mutuel  agricole  existantes.  Il 
suffit  de  parcourir  les  documents  pour  être  convaincu  de  ce  que  j'avance. 

«  Je  pourrais  citer  un  très  grand  nombre  deces  caisses  mutuelles  comme 
celles  de  (Uiartres,  de  Montpellier,  de  Pamiers,  de  Poligny,  de  Pouilly-en- 
Auxois,  et  bien  d'autres  encore  pai^faitement  connues,  dont  le  papier  est 
non  seulement  admis  mais  encore  recherché  par  la  Banque  de  France 
comme  papier  de  premier  ordre,  et  souvent  supérieur  à  certain  papier 
commercial.  » 

U  est  certain,  en  effet,  que  les  escompteurs  se  font  aujourd'hui  con- 
currence et  qu'ils  acceptent,  dans  des  conditions  très  favoraUes  aux 
emprunteurs,  le  papier  portant  des  signatures  honorables.  Si  les  engage- 
ments acceptés  et  garantis  par  les  sociétés  locales  de  crédit  agricole  mu- 
tuel ont  une  valeur  sérieuse,  on  ne  saurait  admettre  que  U  troisième  si- 
gnature leur  soit  refusée;  si  ce  papier  est  mauvais,  si  le  débiteur  ne  doit 


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R£VII£  DES   QUESTIONS   AGRICOLES  i&9 

pas  s'acquitter  à  Véchéance^  on  ne  voit  pas  pourquoi  une  caisse  régionale 
de  crédit  Faccepterait.  Sans  doute,  la  caisse  locale  est  intéressée  à  ne  pas 
garantir  par  sa  signature  la  valeur  du  mauvais  papier;  mais  cette  respon- 
sabilité est  aujourd'hui  effective  et  dangereuse  parce  que  l'escompteur  est 
un  banquier  ordinaire  ou  une  société  de  crédit^  qui  fait  valoir  ses  capitaux 
et  défend  ses  intérêts.  Le  jour  où  la  caisse  régionale  dotée  par  l^Etoire»- 
placerarescompteur  privée. est-il  bien  certain  qu'elle  se  nootrera  aussi 
sévère,  aussi  vigilante  ;  n'hésitera- 1- ou  pas  à  readre  effective  la  responsa- 
bilité de  la  caisse  locale  puisqu'il  ne  s'agira  plus,  en  somme,  d'intérêts 
priiés?  Qui  ne  voit  dès  lors  le  danger  ?  La  société  locale  sera  tentée  de  ne 
plus  vérifier  avec  autant  de  soin  U  valeur  du  papier  qui  leur  sera  présenté. 

Que  sera,  d'ailleurs,  ie  pilier  agricole  ;  à  guelfes  opérations  poui^a-t-ii 
correspondre  ?  Toute  la  question  du  crédit  agricole  (ou  baptisé  tel)  est  ré- 
sumée dans  cette  phrase.  On  confond  toujours  —  chose  à  peine  croyable 
—  les  opérations  qui  donnent  naissance  au  papier  commercial  et  indus- 
triel, arec  les  opérations  agricoles.  Elles  sont  pourtant  bien  différentes  les 
unes  des  antres. 

Un  commerçant  achète  pour  revendre.  Les  actes  de  commerce  habituels 
consistent  dans  un  achat  à  terme  suivi  d'une  vente  au  comptant  ou  à 
terme.  Rien  de  plus  naturel,  dans  ces  conditions,  que  de  créer  du  papier 
représentant: 

l»La  valeur  des  marchandises  vendues  à  terme  au  commerçant  débiteur . 

2^  La  valeur  de  ces  mêmes  marchandises  vendues  ù  terme  par  le  corn- 
merçant  créancier  k  un  autre  commerçant  on  à  une  autre  personne. 

Cette  double  création  de  papier  est  logique.  Elle  est  expliquée  par  la 
nature  des  opérations  qui  sont  des  ventes  à  terme.  --  Si  une  vente  est  faite 
au  comptant, 'û  est  clair  que  ni  le  vendeur  ni  l'acheteur  n'ont  de  papier  à 
émettre,  puisque  l'on  n'escompte  pas  une  opération  au  comptant 

Que  se  passe-t-il  en  agriculture  ? 

Nos  cultivateurs  achètent-ils  des  marchandises  à  terme  pour  les  revendre 
à  terme  ? 

Non,  mille  fois  non  !  En  premier  lieu,  l'agriculteur  vend  toujours  au 
comptant.  Dès  lors  il  n'a  pas  de  papier  à  créer  en  tirant  sur  son  acheteur. 
En  second  lieu  l'agriculteur  achète  des  denrées  non  pas  pour  les  revendre 
telles  qu'il  les  a  reçues,  mais  pour  les  transformer.  Les  engrais,  les  ali- 
ments destinés  au  bétail,  les  semences  sont  des  matières  prerkières.  Le  bé- 
tail maigie  qui  sera  vendu  gras  ;  l'animal  jeune  que  l'on  achète  pour  le  re- 
revendre plus  tard  ne  sont  pas  des  matières  premières,  mais  des  agents  de 
transformation,  des  machines  destinées  à  utiliser  les  fourrages  de  l'exploi* 
tation  rurale. 

Les  opérations  agricoles  dîCTèrent  donc  essentiellement  des  opérations 
commerciales.  La  suppression  de  la  vente  à  terme  est  déjà  caractéristique. 
Quand  il  s'agit.de  transactions  entre  agricuLteurSy  et  notamment  quand  il 
s'agit  des  ventes  et  achats  de  bétail  autre  que  le  bétail  de  boucherie^  toutes 
les  opérations  se  font  au  comptant. 

Il  n'y  a  donc  pas  de  papier  à  créer. 

Mais,  dira-t-on,  puisque  l'agriculteur  vend  au  comptant,  pourquoi 
n'achèteralt-il  pas  à  terme  en  signant  du  papier  créé  par  son  vendeur?  Le 


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160  REVUE   DES    QUESTIONS    AGRICOLES 

marchand  d'engrais,  de  semences,  d'instruments,  etc.,  etc.,  lui  vendrait  à 
crédit.  Soit,  mais  constatons  immédiatement  que  les  opérations  de  ce 
genre  sont  très  limitées  et  n'ont  plus  du  tout  le  caractère  commercial. 

Il  s  agit  d'opérations  industrielles. 

Mais  ici  encore  les  dififérences  sont  profondes  entre  les  opérations  indus- 
trielles proprement  dites  et  les  opération»  agricoles  analogues.  Un  indus- 
triel achète  à  terme  et  vend  à  terme  les  matières  premières  qu'il  trans- 
forme. Le  papier  créé  à  cette  occasion  ne  se  rapporte  qu'à  cette  circulation. 
Un  industriel  ne  se  procure  jamais  par  Tescomp te  le  capital  nécessaire  au 
paiement  de  ses  ouvriers,  à  l'achat  de  ses  machines  ou  de  son  outillage,  à 
la  construction  ou  à  la  location  de  son  usine  et  de  ses  ateliers.  Ce  capital 
est  fourni  par  l'industriel  lui-même,  ses  associés  ou  ses  commanditaires. 
Voilà  la  vérité. 

Or,  que  propose-t-on  de  faire  aujourd'hui  pour  l'agriculture?  Il  ne  s'agit 
pas  seulement  de  lui  permettre  d'acheter  à  terme  mais  de  se  procurer  des 
capitaux  qui  serviront  à  acquérir  des  machines  et  des  animaux  domes- 
tiques, à  réparer  des  bûliroents,  à  exécuter  des  drainages,  des  irrigations, 
à  répandre  des  engrais  qu'une  seule  récolte  n'absorbe  pas  et  qui  restent 
en  réserve  dans  le  sol  comme  la  chaux  ou  les  phosphates. 

Le  crédit  agricole  tel  qu'on  le  comprend  est  donc  tout  différent  du  cré- 
dit industriel  ;  il  ne  lui  ressemble  en  aucune  façon.  Si  l'on  crée  du  papier 
agricole  en  représentation  des  prêts  consentis  à  des  agriculteurs  par  des 
caisses  locales,  ce  papier  n'aura  pas  la  moindre  ressemblance  avec  une 
lettre  de  change  qui  représente,  dans  l'industrie,  la  valeur  d'une  marchan- 
dise vendue,  livrée,  mais  payable  seulement  à  deux  ou  trois  mois  de  date. 

Ainsi  donc,  pas  de  ventes  à  terme  de  la  part  des  agriculteurs,  tandis  que 
les  industriels  observent,  au  contraire,  cette  règle  dans  leurs  opérations. 

Voilà  une  première  différence  fondamentale. 

En  outre,  on  a  la  prétention  bizarre  de  procurer  à  l'agriculteur,  par  l'es- 
compte d'un  papier  suigeneriSy  des  capitaux  que  Tindustriel  ne  se  procure 
jamais  que  par  des  emprunts  ayant  le  caractère  d'un  contrat  d'association 
ou  d'une  commandite. 

Voilà  pourquoi  l'on  dit  que  les  prêts  à  l'agriculture  sont  des  prêts  à  long 
terme. 

Si  Ton  avait  l'intention  de  commanditer  des  industriels  pour  leur  per- 
mettre de  se  procurer  des  machines  ou  d'agrandir  leurs  ateliers,  il  est  clair 
que  les  prêts  consentis  devraient,  eux  aussi,  être  des  prêts  à  long  terme  et 
non  pas  de  simples  opérations  d'escompte  à  90  jours. 

Toutes  les  fois,  au  contraire,  que  l'on  se  trouve  en  présence  d'une  trans- 
formation agricole  analogue  aux  transformations  industrielles,  la  création 
d'un  papier  à  court  terme  est  parfaitement  possible.  Voici,  par  exemple, 
un  engrais  h  action  rapide  tel  que  le  nitrate  de  soude,  voici  des  aliments 
destinés  au  bétail.  Ce  sont  là  des  matières  premières  que  Ton  peut  acheter 
à  crédit  et  payer  rapidement. 

Est-il,  d'ailleurs,  nécessaire,  comme  on  le  croit,  d'attendre  pour  rem- 
bourser la  valeur  d'un  engrais,  d'un  aliment  ou  même  d'un  animal,  que 
cet  engrais  ait  été  payé  par  une  récolte,  que  l'aliment  ait  servi  à  engraisser 
un  animal,  que  cet  animal  lui-même  ait  été  revendu  ? 


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REVUE   DES    QUESTIONS    AGRICOLES  161 

En  aucune  façou.  Nous  l'avons  dit  et  répété  bien  des  fois,  ici  même,  ou 
dans  notre  Revue  du  Journal  des  Df^bats^  les  receltes  d'une  ferme  sont 
successives.  Les  animaux  vendus  jeunes  ou  engraissés,  les  produits  de  la 
vacherie,  de  la  porcherie,  des  jardins  ;  les  vins,  les  cidres,  les  animaux  de 
basse-cour,  les  fourrages,  les  céréales  ou  les  plantes  industrielles  ne  sont 
pas  portés  sur  le  marché  au  même  moment. 

M.  Milliès-Lacroix  n'a  probablement  jamais  lu  une  ligne  de  ce  que  nous 
avons  écrit  sur  ce  sujet,  mais  il  est  homme  d'affaires  clairvoyant  et  il  s'est 
donné  la  peine  de  réfléchir. 

Son  opinion  confirme  la  nôtre  et  nous  en  sommes  fort  heureux.  «  Je 
suis,  dit-il,  le  premier  à  reconnaître  que  s'il  s'agit  d'emprunts  destinés  à 
constituer  de  toute  pièce  un  matériel  agricole,  à  acheter  même  des  ani- 
maux de  trait  et  de  ferme,  et  les  approvisionnements  nécessaires  à  une 
exploitation,  en  un  mot  tout  l'outillage  agricole,  je  reconnais,  dit-il,  qu'il 
y  a  là  des  emprunts  forcément  à  long  terme  et  qui  ne  peuvent  s'adapter  à 
la  banque  et  à  l'escompte.  Mais  j'ajoute  que  ce  sont  des  emprunts  d'une 
nature  qui  n'est  pas  spéciale  à  l'agriculture.  On  les  pratique  dans  toutes 
les  industries;  ce  n'est  point  par  des  avances  ordinaires  que  l'on  y  fait 
face  ;  ces  avances  sont  du  ressort  de  la  commandite  et  non  du  crédit 
mutuel.  > 
Et  plus  loin  l'orateur  ajoute  : 

«  Lorsqu'un  cultivateur  achète  des  engrais  ou  des  semences,  il  a  pour 
les  payer  autre  chose  que  la  récolte  pour  laquelle  il  prépare  sa  terre, 
sinon  il  est  dénué  de  toute  ressource.  L'agriculteur  solvable,  digne  de 
crédit  a,  en  outre,  les  produits  divers  de  sa  ferme  et  de  sa  basse-cour,  dont 
il  perçoit  le  prix  presque  quotidiennement  et  au  moyen  desquels  il  lui  est 
loisible  de  proportionner  et  d'échelonner  ses  payements  d'une  manière  très 
sage  et  très  certaine.  ♦ 

Est-il  donc  certain  qu'il  faille  recourir  à  la  création  de  caisses  régionales 
pour  escompter  un  papier  qui  peut  fort  bien  n'être  pas  à  long  terme?Nous 
en  doutons. 

S'agit-il  de  commanditer  en  France  500.000  propriétaires  cultivateurs, 
petits  fermiers  ou  métayers? 

Il  est  clair  alors  que  les  subsides  promis  aux  caisses  régionales  sont  in- 
suffisants. Nous  sommes  convaincus  que  le  seul  prêteur  capable  de  donner 
aux  petits  fermiers  et  aux  métayers  les  capitaux  dont  ils  ont  besoin  c'est 
le  propriétaire  foncier  lui-même. 

Quant  aux  petits  propriétaires-cultivateurs  ils  ne  peuvent  que  s'aider 
mutuellement  au  moyen  du  crédit  agricole  mutuel  dont  les  services  peu- 
vent être  très  sérieux  bien  qu'on  en  exagère  habituellement  Timportance. 
Le  Sénat  n'a  pas  donné  raison  à  M.  Milliès-Lacroix  et  le  projet  de  la 
commission  comportant  la  création  de  caisses  régionales  dotées  par  l'Etat 
a  été  adopté. 

II  y  aura  lieu  d'ici  quelques  années  d'étudier  les  résultats  de  cette  orga- 
nisation. 

D.   ZOLLA. 
REVUE  POLIT.,  T.  XX  H 


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LA 

m  POLITIQUE  ET  PmËMfimiRE  4  L  ETRMER 


I.    -    ETATS-UNIS 

Par  M.  MONROE-SMITH,  Professeur  au  Columbia  CoHege 
et  Directeur  de  la  «  Poliiical  Science  Quarterly  ». 

i»  Chronique  politique  et  paiiementaire. 

Les  préliminaires  de  la  paix  avec  l'Espagne,  signés  à  Washington  le 
12  août,  ne  déterminèrent  rien  au  sujet  des  dettes  afférentes  aux  île.s  . 
cédées  ou  abandonnées  par  TEspagne,  et  laissèrent  à  la  décision  des  com- 
missaires chargés  de  conclure  la  paix,  la  situation  future  des  Philippines. 
Sur  ces  deux  poijits,  les  commissaires  discutèrent  pendant  deux  mois  à 
Paris.  Les  commissaires  espagnols  s'efforcèrent  de  persuader  aux  commis- 
saires américains  d'accepter  la  cession  de  Cuba.  Les  Américains  refusèrent 
d'accepter  la  cession  ou  d'assumer  la  souveraineté  de  Cuba  au  prodt 
des  Etats-Unis.  En  rejetant  la  souveraineté,  ils  refusèrent  d'assurer  la 
charge  de  la  dette  du  Cuba. 

Quand  les  Espagnols  demandèrent  que  la  dette  fût  reconnue  comme  une 
dette  du  futur  souverain,  la  république  de  Cuba,  les  Américains  refusèrent 
de  prévoir  par  anticipation  la  décision  de  ce  souverain.  Ils  exprimèrent 
néanmoins  cette  opinion,  qu'une  dette  contractée  pour  des  opérations 
militaires  contre  Cuba  n'était  point  une  dette  que  le  peuple  de  Cuba  fût 
en  devoir  de  payer. 

La  conséquence  finale  d'un  tel  débat  fut  que  les  commissaires  lais- 
sèrent la  question  dans  l'état  où  ils  l'avaient  trouvée.  L'Espagne  a 
renoncé  à  sa  souveraineté,  les  Etats-Unis  ne  Tout  point  assumée  ;  la  sou- 
veraineté de  Cuba  reste  indéterminée,  et  l'on  ne  voit  pas  à  qui  les  créan- 
ciers doivent  s'adresser  pour  être  payés,  si  l'Espaigne  ne  veut  point  ré- 
pondre des  dettes  contractées  pour  le  compte  de  Cuba. 

On  a  appris  que  dès  les  premiers  jours  de  novembre,  avant  que  le  traité 
final  eût  été  signé,  le  gouvernement  français  a  fait  parvenir  au  gouver- 
nement américain  un  rapport,  montrant  quelle  portion  de  la  dette  cu- 
baine se  trouve  entre  les  mains  de  citoyens  français.  Il  n'est  point  question 
que  le  gouvernement  français  ait  formulé  aucune  demande,  mais  aux 
Etats-Unis  on  suppose  que  cette  démarche  a  été  faite  pour  servir  de  base 
à  des  déclarations  possibles  ultérieurement,  et  qui  pourront  être  adressées, 
soit  à  la  République  cubaine,  soit  aux  Etats-Unis,  en  tant  que  puissance 
exerçant  jusqu'à  un  certain  point  son  infiuence  à  Cuba. 

Dans  lés  préliminaires  de  paix,  l'avenir  des  Philippines  a  été  expressé- 


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ÉTATS-UNIS  163 

ment  réservé  et  ne  devait  être  décidé  que  dans  le  traité  final.  Au  moment 
où  j*écris  ces  lignes,  il  y  a  six  mois  que  cette  résolution  a  été  adoptée, 
parce  que  le  gouvernement  américain  n'avait  point  encore  arrêté  sa  liKne 
de  conduite  sur  ce  sujet. 

Le  Président  et  ses  conseillers  n'étaient  point  certains  que  les  Philip- 
pines eussent  une  valeur  pour  les  Etats-Unis  ;  ils  ne  savaient  point  si  ie 
contrôle  de  Tarchipel  par  les  Etats-Unis,  serait  accepté  on  repoussé  par  les 
indigènes  et  il  leur  répugnait  de  se  prêter  aune  action  aussi  contraire  aux 
traditions  américaines,  que  le  gouvernement  d*un  peuple  éloigné,  d'une 
race  différente  et  d'une  ciyilisation  inférieure.  On  n'était  pas  mieux  fixé 
sur  ce  que  désirait  le  peuple  américain. 

Vers  la  fin  d'octobre,  le  gouvernement  s'était  formé  une  opinion.  Il  sem- 
blait hors  de  doute  que  Tautorité  espagnole  ne  potirrait  être  rétablie, 
qu'au  moyen  d'une  longue  et  sanglante  lutte.  On  pensa  qu'il  était  incon- 
venant d'exposer  les  Philippins,  qoi  s'étaient  comportés  dans  une  certaine 
mesure  comme  des  alliés,  aux  inconvénients  d^nn  pareil  conflit.  D  autre 
part,  on  .jugea  qu'il  était  impossible  de  les  laisser  à  eux-mêmes,  parce  que, 
jus(fu'ici,  ils  ne  semblaient  point  capables  de  former  et  de  maintenir  un 
gouvernement  apte  à  protéger  les  vies  et  les  propriétés  des  commerçants 
européens  et  américains.  Cette  opinion  était  au  moâns  celle  ([u'expri- 
maient  les  résidents  anglais  et  allemands  et  même  un  certain  nombre  de 
Philippins. 

Puisque  nous  avions  détruit  la  puissance  espagnole  aux  Philippines,  il 
semble  qu'il  était  de  notre  devoir  de  l'y  remplacer  par  un  gouvernement 
ordonné. 

Au  point  de  vue  de  l'intérêt,  on  n'était  point  persuadé  que  la  possession 
de  ces  lies  fut  un  véritable  avantage.  On  fut  d'avis  néanmoins  que  les 
avantages  indirects,  pour  notre  commerce  en  Orient,  seraient  considé- 
rables. 

Finalement,  bien  que  l'opinion  aux  Etats-Unis  fut  sérieusement  divisée, 
ie  président  Mac-Kinley  en  vint  à  condure  que  la  majorité  de  notre  peu- 
ple désirait  conserver  les  Philippines. 

En  conséquence,  quand  vers  la  fin  d'octobre,  les  commissaires  pour  la 
paix  abordèrent  la  question  des  Philippines,  les  Américains  réclamèrent 
la  cession  de  tout  l'archipel.  Le  fait  même  que  la  question  était  restée  ou- 
^«rte  avait  fait  espérer  aux  Espagnols  une  demande  beaucoup  moins  ra- 
dicdb».  Néanmoins,  leur  opposition  basée  sur  le  fait  qu'aux  termes  des  pré- 
liminaimdKtrail^  de  paix,  une  telle  demande  était  inadmissible  était  à 
peine  défendable^  la  dÎKUSsion  porta  principalement  sur  la  signification 
des  mots  «  contrôle  >»  «  disposition  »  et  «  gouvernement  y>,  dans  les 
textes  du  traité.  Assoréœml,  ce  mot  <c  contrôle  »  a  une  signification  plus 
faible  en  français  que  «  coatrol  »  en  anglais;  mais  les  deux  au- 
tres mots  sont  assez  élastiques  dans  les  deux  langues.  L»  pouvoir  do 
disposer  est  le  plus  ample  des  pouvoirs.  D>iprès  les  Américains  ces  mot'^ 
impliquaient  tons  les  arrangements  possibles,  Kôme  le  transfert  de  la 
souveraineté  ;  et  la  correspondance  échangée  par  Itstemédiaire  de  M.  Gam- 


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164  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE    A    l'éTRANGER 

bon,  montre  que  les  Espagnols  s'en  rendaient  compte  et  qu'ils  s'efîor- 
cèrend  avant  la  signature  des  préliminaires  de  paix,  d'obtenir  une  inter- 
prétation plus  restrictive,  mais  sans  aucun  succès. 

Le  débat  se  poursuivit  sans  concession,  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre,  jus- 
qu'au 21  novembre,  quand  les  Américains  formulèrent  un  ultimatum.  Ils 
réclamèrent  la  cession  de  toutes  les  Philippines,  refusèrent  d'accepter  la 
charge  de  la  dette  des  Philippines,  mais  offrirent  de  payer  à  l'Espagne 
20.000.000  de  dollars.  Ils  promirent  en  outre  que  le  commerce  espagnol 
aux  Philippines  serait  placé  sur  le  môme  pied  que  le  commerce  américain 
pendant  vingt  ans;  enfin,  ils  déclarèrent  que  chaque  gouvernement  devrait 
abandonner  tout  droit  à  de  futures  réclamations  au  nom  de  ses  nationaux 
;ontre  l'autre  gouvernement,  se  rendant  ainsi  lui-même  responsable  vis- 
î-vis  de  ses  citoyens,  pour  toute  équitable  satisfaction  à  donner  à  leurs 
prétentions. 

Le  28  novembre  les  commissaires  espagnols  acceptèrent  l'ultimatum, 
tout  en  protestant  avec  dignité,  qu'ils  ne  cédaient  qu'à  la  force. 

Entre  le  21  et  le  28,  les  commissaires  espagnols  soumirent  alternative- 
ment aux  Américains  trois  contre-propositions  qui  furent  rejetées. 

Il  est  assez  probable  qu'une  de  ces  contre-propositions  aurait  été 
acceptée  par  les  Américains,  si  elle  eût  été  faite  avant  la  remise  de  l'ulti- 
matum. Cette  proposition  avait  pour  but  la  cession  de  la  partie  septen- 
trionale et  centrale  des  Philippines,  sans  indemnité  d'argent  à  TEspa^^ne, 
plus  l'adhésion  à  un  arbitrage  neutre,  qui  déciderait  la  question  de  savoir 
quelle  portion  des  dettes  de  Cuba  et  des  Philippines,  pouvait  être  en 
bonne  justice  imputée  à  ces  îles. 

Pour  bien  comprendre  les  termes  de  l'ultimatum,  il  est  bon  d'observer 
que  si  l'offre  de  20.000.000  de  dollars  ne  répondait  directement  à  aucune 
difficulté  particulière,  cette  somme  constituait  précisément  l'équivalent 
de  la  valeur  en  or  de  la  dette  des  Philippines.  Il  convient  également  de 
ne  point  perdre  de  vue,  que  les  réclamations  des  citoyens  américains 
contre  l'Espagne,  auxquelles  le  gouvernement  américain  s'est  chargé  de 
répondre,  s'élèvent  dans  leur  forme  présente  à  près  de  30.000.000  de 
dollars. 

La  décision  publiée  à  Paris  fut  aussi  désagréable  aux  insurgés  philippins, 
qu'aux  commissaires  espagnols. 

Aguinaldo  et  ses  partisans  s'attendaient,  apparemment,  à  ce  que  les 
Etats-Unis  les  traiteraient  de  la  même  manière  que  Cuba  et  se  chargeraient 
seulement  du  protectorat  des  Philippines.  Il  est  certain  que  cette  espé- 
rance a  été  encouragée,  par  les  propos  indiscrets  et  non  autorisés  des 
consuls  américains  à  Singapour  et  à  Hong-Kong. 

Le  désaveu  infiigé  à  ces  propos  par  le  gouvernement  américain  et  le 
soin  avec  lequel  l'amiral  Dewey  et  le  général  Otis  évitèrent  toute  recon- 
naissance du  gouvernement  des  insurgés,  disposèrent  les  Philippins  à  se 
méfier  des  Américains  et  de  leurs  intentions,  et  amenèrent  la  situation 
tendue  que  nous  avons  décrite  dans  notre  dernière  lettre.  Quand  on 
annonça  que  le  gouvernement  américain  réclamait  la  cession  des  Philip- 


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ÉTAÏS-LNIS  165 

pines,  le  gouvernement  des  insurgés  protesta  en  déclarant  que  TEspagne 
avait  perdu  sa  souveraineté  et  n'avait  plus  rien  à  céder. 

Dans  le  courant  du  mois  de  janvier,  des  négociations  eurent  lieu  h 
Manille,  entre  des  envoyés  d'Aguinaldo  et  des  officiers  délégués  par  le 
général  Otis.  Il  en  résulta  avec  évidence  que  les  Philippins  ne  désiraient 
nullement  la  retraite  des  Américains  :  ils  voulaient  que  les  Américains 
restassent  et  protégeassent  les  Philippines  ;  mais  ils  refusaient  d'accepter 
le  contrôle  de  leurs  protecteurs  sur  le  gouvernement  indigène.  Ce  gouver- 
nement devait  être  complètement  indépendant.  Lors  du  traité  ds  Paris,  les 
Etats-Unis  avaient  promis  de  s'interposer  pour  obtenir  la  libération  des 
prisonniers  espagnols  au  pouvoir  d'Aguinaldo.  Mais  Aguinaldo  refusa  de 
rendre  ces  prisonniers,  avant  qu'un  arrangement  eût  été  conclu  concernant 
le  gouvernement  des  Philippines. 

Des  hostilités  provoquées  par  les  Philippins,  mirent  fin  aux  négociations 
le  4  février. 

On  a  pensé  que  leur  intention  était  de  détruire  les  forces  américaines, 
avant  l'arrivée  des  renforts  partis  de  San  Francisco  et  qui  étaient  en  route 
pour  Manille.  On  a  également  suppos<^  qu'ils  espéraient  intimider  le  Sénat 
américain,  alors  engagé  dans  la  discussion  sur  le  traité  de  Paris.  Toutefois, 
il  est  probable  que  les  chefs  philippins  ont  été  contraints  à  l'action,  par 
1  impatience  de  leurs  partisans  ignorants. 

Les  insurgés  furent  repoussés  avec  de  grandes  pertes  :  une  tentative 
pour  faire  éclater  une  insun^ection  dans  la  ville  de  Manille  fut  déjouée  et 
les  lignes  américaines  furent  portées  en  avant,  aussi  loin  que  les  forces 
dont  disposait  le  général  Otis  pouvaient  le  permettre.  Après  l'arrivée  des 
renforts,  il  est  probable  que  l'armée  des  Philippins  sera  complètement 
défaite  et  dispersée,  mais  1  n'est  point  du  tout  improbable  qu'une  guerre 
d'embuscade*  (guerillo),  pourra  être  continuée  pendant  longtemps  encore 
dans  l'île  de  Luçonl  Le  il  février,  le  général  Miller  a  occupé  Ilo-Ilo,  sans 
rencontrer  de  sérieuse  résistance. 

Dans  les  premiers  jours  de  mars,  des  bataillons  américains  ont  pris 
possession  sans  coup  férir  de  Cebu  dans  Tîle  du  même  nom,  de  Bocolod 
dans  l'île  Negros,  ainsi  que  des  iles  de  Samar  et  de  Leyte. 

La  question  de  la  libération  des  prisonniers  espagnols,  retenus  par  les  Phi- 
lippins, semble  devoir  amener  des  complications.  Au  commencement  de 
février,  le  gouvernement  espagnol  fit  savoir  au  gouvernement  de  Washing- 
ton que  vu  l'échec  des  Américains  dans  leur  action  ayant  pour  but  d'ob- 
tenir la  libération  des  prisonniers  espagnols,  ce  qui  semblait  le  plus  conve- 
nable à  Madrid  était  de  négocier  directement  avec  les  insurgés,  les  Etats- 
Unis  restant  responsables  pour  les  dépenses.  Au  début  du  mois  suivant  le 
général  Otis  avertit  les  commissaires  espagnols  qu'au  point  de  vue  mili- 
taire il  serait  obligé  de  protester  contre  tout  arrangement,  aux  termes 
duquel  des  sommes  d'argent  seraient  versées  aux  insurgés,  cet  argent  ne 
pouvant  que  faciliter  leur  résistance. 

Vers  le  milieu  de  janvier  environ,  le  président  Mac-Kinley  nomma  une 
commission,  ayant  pour  but    de  faire  une  enquête  détaillée  sur  tout  ce 


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166  LA    VIE   POLITIQUE   ET    PAM-EBIENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

qui  c<mcerBe  la  situation  aux  Philippines.  Les  membres  de  cette  commis- 
sion sont  :  MM.  Schnrm«n  de  TUniversité  de  Cornell,  président,  le  colonel 
Charles  Denhy,  qui  fat  pendant  hien  des  années  ministre  américain  en 
Chine  et  le  professeur  Worcester  de  rUniversité  de  Michigan,  un  natura- 
liste qui  séjourna  plusieurs  années  aux  Philippines  et  qui  a  écrit  un  ou- 
vrage très  instructif  sur  ces  îles  et  leurs  habitants. 

Aux  termes  du  protocole  de  Washington,  des  commissaires  se  rencon- 
trèrent à  la  Havane  et  à  San-Juaa  de  Porto-Rico  le  i2  septembre  pour 
prendre  les  arrangements  nécessaires  pour  Tévacuatian  de  ces  îles.  Les 
commissaires  de  Porto-Rico  terminèrent  rapidement  leur  tâche  et,  dès  le 
18  octobre,  le  contrôle  de  Tile  fut  remis  aux  autorités  militaires  des  Etats- 
Unis.  Les  commissaires  de  Cuba  se  trouvèrent  en  présence  d'une  tÀcbe 
plus  difficile,  attendu  que  Tarmée  espagnole  de  Cuba  s'élevait  au  chiffre 
de  120.000  hommes.  U  fut  impossible  de  transférer  Je  contrôle  de  Vile  aux 
Elats-Unis  avant  le  l**"  janvier.  Même  alors,  plus  de  40.000  soldats  espa- 
i^nols,  qui  n'avaient  pu  être  transportés  en  Espagne,  se  trouvaient  encore 
dans  l'île  et  les  derniers  rapatriés  ne  le  furent  que  dans  les  premiers  jours 
de  février.  D'après  les  dispositions  arrêtées  par  les  commissaires,  ces 
soldats  furent  traités  sur  le  pied  d'une  année  étrangère  en  pays  ami  :  leurs 
baraquements,  etc.,  étant  considérés  comme  s'ils  se  trouvaient  sur  un  autre 
territoire.  Aussitôt  après  la  retraite  des  autorités  espagnoles,  les  deux  îles 
furent  placées  sous  l'autorité  du  gouvernement  militaire  américain. 
A  Porto-Rico,  le  général  Brooke  remplit  les  foncti<»ns  de  gouverneur  mili- 
taire jusqu'au  l"**  janvier;  il  fut  alors  désigné  pour  occ«per  la  même  posi- 
tion à  Cuba  et  le  général  Henry  hii  succéda  à  Porto-Rico. 

Dans  les  deux  tles,  l'administration  a  été  organisée  sur  le  même  pied. 
Le  gouvernement  militaire  choisit  un  cabinet  composé  de  résidants  de 
nie,  et  des  juges  indigènes  rendent  la  justice  dans  les  tribunaux  ordi- 
naires. L'administration  provinciale  est  confiée  à  des  officiers  américains, 
mais  le  gouvernement  local  est  exercé  autant  que  faire  se  peut  par  des 
autorités  indigènes.  Les  forces  de  police  dans  la  campagne  et  celles  desti- 
nées aux  villes  sont  recrutées  et,  dans  une  large  proportion,  commandées 
par  des  résidants  de  Pile.  Mais,  pour  les  affaires  importantes,  la  décisioti 
définitive  reste  entre  les  mains  du  gouvernement  militaire.  Jusqu'ici,  les 
résultats  de  l'administration  antéricaine  sont,  dans  leur  ensemble,  satis* 
faisants  pour  la  population  de  ces  îles.  A  Cuba,  un  petit  parti  réclame 
l'indépendance  immédiate  et  à  Porto-Rico  un  parti  plus  considérable  désire 
le  prompt  établissement  da  gouvernement  civil.  Mais  l'on  n'aperçoit  aucnn 
symptôme  d'une  révolte  en  préparation.  Dans  quelques  cas  exceptionnels,  la 
conduite  des  soldats  américains  a  donné  lieu  à  des  plaintes;  mais  ces 
plaintes  ont  cessé  après  le  départ  des  volontaires  et  leur  remplacement  par 
des  troupes  régulières. 

La  tAche  la  plus  urgente,  h  laquelle  dut  se  consacrer  l'administration 
américaine  à  Cuba,  fut  de  préserver  les  habitants  de  la  famine.  Avant  la 
fin  de  la  guerre,  on  savait  que  le  nombre  des  personnes  ayant  à  souffrir 
du  manque  d'aliments  s'était  considérablement  accru,  et  que  même    les 


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ÉTATS-LXIS  167 

soldats  insurgés  étaieat  aux  prises  avec  la  faim.  Aussitôt  après  le  débar- 
quement des  forces  américaines  à  Daiqairi,  ies  opérations  de  secoure 
iuterronipaes  au  début  de  la  guerre  furent  reprises  ;  et  après  Toccupation 
de  Santiago,  le  ravitaillement  fut  complètement  organisé,  dans  la  partie 
tH-ienlale  de  Cuba.  Après  le  transfert  de  Tîle  à  Taotorité  américaine  à  la  fin 
de  Tannée,  le  ravitaillement  dans  ies  autres  parties  de  Cuba  fut  organisé 
par  un  commissaire  spécial,  M.  Charles  W.  Gould. 

La  lâche  la  plus  importante,  après  celle  du  ravitaillement,  fut  Tamélio- 
ration  des  conditions  sanitaires  dans  les  villes  des  deux  Iles.  Le  plus 
grand  succès  a  été  obtenu  par  le  général  Wood,  qui  est  un  savant  médecin 
autant  qu'un  soldat  et  qui  a  transforma  la  ville  de  Santiago.  D*un  trou 
pestilentiel,  il  a  fait  une  des  villes  les  plus  salubres  de  Tîle.  De  grands  pro- 
grès out  aussi  été  faits  au  point  de  vue  des  conditions  sanitaires  à  la 
Havane  et  à  San-Juan.  Mais  le  problème  le  plus  difficile,  en  face  duquel 
se  trouvèrent  les  Américains  à  Cuba,  fut  l-*existenoe  d'un  gouvernement 
d'insurgés  et  d'une  armée  dlnsurgés.  Le  10  novembre,  le  président  cubain 
Masso  et  son  cabinet  offrirent  leur  démission  à  l'Assemblée  cubaine. 

L'Assemblée  assuma  le  pouvoir,  nomma  un  conseil  exécutif  et  aussi  une 
commission  dirigée  par  le  général  Garcia  et  chargée  de  négocier  avec  les 
autorités  de  Washington,  relative  ment  au  licenciement  de  Tarmée  cubaine. 
Naturellement,  les  Cubains  demandaient  une  somme  beaucoup  plus  forte 
que  celle  que  Je  gouvernement  américain  était  disposé  à  accorder. 

La  mort  du  général  Garcia^  le  il  décembre,  occasionna  la  suspension 
des  négociations  à  Washington.  Au  mois  de  janvier,  Je  gouvernement  amé- 
ricain laissant  de  côté  l'Assemblée  cubaine  et  ses  commissaires,  ouvrit  de 
nouvelles  négociations  avec  le  général  Gomez,  commandant  en  chef  de 
l'armée  cubaine,  et  il  fut  convenu  avec  lui  que  3.000.000  de  dollars 
seraient  avancés  par  le  gouvernement  américain,  dans  le  but  de  venir  en 
aide  aux  soldats  cubains,  et  qu'aussitôt  après  la  distribution  de  cette 
somme,  l'armée  cubaine  serait  licenciée. 

Cet  arrangement  fut  déclaré  nul  par  l'Assemblée  cubaine,  et  au  moment 
où  nous  terminons  cette  lettre,  l'Assemblée  a  accusé  de  trahison  le  général 
Gomez  et  l'a  déclaré  déchu  du  poste  de  commandant  en  chef.  Mais  comme 
l'Assemblée  n'a  Jamais  été  reconnue  par  le  gouvernement  américain  et 
qu'elle  est  complètement  dépourvue  de  puissance;  comme  d'autre  part  le 
sentiment  des  Cubains  semble,  dans  une  large  mesure,  favorable  au  géné- 
ral Gomez,  l'opposition  de  l'Assemblée  n'aboutira  probablement  à  aucun 
résultat  importanL 

L'enseignement  principal  qui  découle  de  cette  querelle,  c'est  que  le 
peuple  cubain  est  actuellement  divisé  en  treii  partis,  au  lien  de  deux  qui 
existaient  auparavant,  et  qu'il  existe  une  nouvelle  preuve  que,  jusqu'à 
présent  au  moins,  le  maintien  du  contrôle  américain  est  essentiel  à  la 
paix  de  File. 

De  nouveaux  droits  de  douane,  basés  sur  une  soigneuse  étude  des  con- 
ditions économiques  des  îles,  sont  entrés  en  vigueur  à  Cuba  le  1*^  janvier 
e(  à  Porfco-Rico  le  l*'  février. 


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168  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

Dans  la  plupart  des  cas,  les  droits  établis  à  Porto-Rico  sont  légèrement 
plus  bas  que  ceux  établis  par  le  tarif  cubain. 

Dans  Tune  et  Tautre  île,  les  taxes  sont  beaucoup  plus  basses  que  les 
moindres  taxes  du  tarif  espagnol. 

Les  plaintes  concernant  la  direction  administrative  de  la  guerre 
déterminèrent  en  septembre  le  président  Mac-Kinley  à  nommer  une 
commission  d'enquête,  composée  principalement  de  civils,  mais  com- 
prenant un  certain  nombre  d'officiers  de  Tarmée  régulière  en  retraite  et 
des  officiers  des  volontaires.  Un  grand  nombre  de  témoignages  furent 
reçus  à  Washington  et  dans  les  divers  camps  des  États-Unis,  ainsi  que 
dans  les  principales  villes,  et  dès  le  commencement  de  février  les  com- 
Uâissaires  firent  leur  rapport.  Us  ne  trouvèrent  aucune  preuve  de  mal- 
honnêteté, mais  ils  trouvèrent  bien  des  choses  à  critiquer.   • 

La  plus  grande  partie  des  maux  qu'ils  signalèrent  eurent  selon  eux 
pour  cause,  le  fait  que  tous  les  départements  administratifs  de  Tarmée 
n'étaient  point  préparés  pour  la  guerre,  ce  qui  était  imputable  à  la  parci- 
monie du  Congrès.  Il  fut  établi  cependant  que  l  organisation  de  l'armée 
était  imparfaite  sous  bien  des  rapports,  et  la  méthode  routinière  de  l'ad- 
ministration de  plusieurs  départements  fut  déclarée  de  nature  à  rendre 
presque  impossible  une  prompte  expédition  des  affaires.  Ce  rapport,  bien 
que  correct,  selon  toute  probabilité,  dans  ses  conclusions  essentielles,  ne 
causa  que  fort  peu  de  satisfaction,  parce  que  l'opinion  publique  insistait 
pour  qu'une  responsabilité  fut  attribuée  à  une  ou  plusieurs  personnes. 
On  le  jugea  également  insuffisant  pour  ce  qui  regarde  la  question  spé- 
ciale de  la  qualité  du  bœuf  fourni  aux  soldats,  vu  que  le  général  Miles, 
commandant  en  chef  de  l'armée,  avait  déclaré  cette  viande  impropre  à 
l'usage  auquel  elle  était  destinée.  Le  9  février  le  président  Mar-Kinley 
nomme  une  autre  commission  d'enquête,  toute  militaire  celje-là,  pour 
examiner  les  allégations  du  général  Miles.  Cette  Commission  a  déjà  en- 
tendu bien  des  témoignages,  tendant  à  servir  de  bases  aux  accusations  du 
général  Miles,  mais.elle  n'a  pas  encore  terminé  son  travail. 

Les  élections  générales  pour  le  Congrès  ont  eu  heu  le  8  novembre.  Dans 
le  plus  grand  nombre  des  Etats,  les  gouverneurs  et  les  législatures  furent 
élus  en  même  temps.  Les  républicains  l'emportèrent  dans  beaucoup  û'é- 
tats  de  l'Est,  dont  l'esprit  était  douteux  et  obtinrent  des  succès  dans  le 
moyen  Ouest  et  dans  le  Nord-Ouest. 

Toutefois,  par  suite  de  pertes  danslEst  et  dans  le  Sud,  la  Chambre  des 
représentants  reste  républicaine,  mais  avec  une  petite  majorité  seulement. 
Mais  une  grande  majorité  républicaine  est  assurée  dans  le  prochain  Sénat. 
Ce  résultat,  si  différent  pour  les  deux  Chambres,  est  dû  premièrement  au 
fait  que  les  sénateurs  ne  sont  point  désignés  par  le  peuple,  mais  par  les 
législatures  d'Etats,  et  deuxièmement  au  fait  que  les  sénateurs  arrivés  h  la 
fin  de  leur  mandat  avaient  été  élus  il  y  a  six  ans,  tandis  que  la  Chambre 
des  représentants  est  complètement  reU'iuvelée  tous  les  deux  ans. 

Dans  les  élections  de  sénateurs  qui  suivirent,  il  n'y  eut  pas  moins  de 
({uatre  législatures  d'Etats  qui  ont  été  incapables  jusqu'ici  de  réunir  une 


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ÉTATS-UNIS  169 

majorité  sur  un  candidat.  Ce  résultat  singulier  a  donné  plus  de  force  au 
projet  d'un  amendement  à  la  Constitution  fédérale,  qui  permettrait 
Télection  de  sénateurs,  par  le  vote  populaire  direct. 

Le  Congrès  s'est  léunije  5  décembre  ;  mais  non  le  Congrès  élu  un  mois 
auparavant;  ce  fut  le  Congrès  élu  il  y  a  deux  années  :  aux  termes 
de  notre  Constitution,  Tancien  Congrès  subsiste  encore  plusieurs  mois, 
après  la  nomination  de  celui  qui  doit  le  remplacer.  Le  message  du  président 
fut  surtout  consacré  aux  négociatiouj  avec  FEspagne,  avant  les  hostilités, 
et  aux  circonstances  de  la  guerre.  Au  sujet  des  territoires  conquis  il 
déclara  qu'on  ne  pouvait  utilement  discuter  sur  leur  gouvernement,  tant 
que  le  traité  de  paix  n'était  point  définitivement  conclu  et  ratifié.  Cepen- 
dant pour  ce  qui  regarde  Cuba,  il  déclara  que  ce  serait  le  devoir  du  gou- 
vernement américain  d'aider  le  peuple  cubain  à  former  un  gouvernement 
pour  lui-même,  déclaration  qui  fut  accueillie  avec  beaucoup  de  satisfaction 
par  les  patriotes  cubains.  Il  eut  soin  d'ajouter,  pourtant,  que  jusqu'à  ce 
qu'une  complète  tranquillité  ait  été  rétablie  dans  l'île  et  qu'un  gouverne- 
ment stable  y  eût  éfé  inauguré,  l'occupation  militaire  serait  continuée. 

Parmi  les  objets  les  plus  importants  signalés  par  le  Président  à  l'attention 
du  Congrès,  il  faut  noter  la  construclion  par  les  Etats-Unis  d'un  canal 
inter-océanique  et  l'accroissement  de  larinée  ainsi  que  de  la  marine  de 
guerre,  afin  de  correspondre  aux  intentions  de  l'autorité  des  gouverne- 
ments des  principales  puissances  maritimes,  en  vue  de  l'exemption  de 
toute  propriété  privée  en  mer,  ne  pouvant  être  considérée  comme  contre- 
bande de  guerre,  d'hostilités  pouvant  entraîner  la  capture  ou  la  destruction 
de  la  part  des  puissances  belligérantes. 

Peu  de  temps  après  l'ouverture  du  Congrès,  le  Président  se  trouva  en 
mesure  de  transmettre  au  Sénat,  pour  le  faire  ratifier,  le  traité  de  paix 
avec  TEspagne.  Une  forte  opposition  se  manifesta,  particulièrement  au 
sujet  de  l'annexion  des  Philippines.  Le  vote  sur  la  question  de  la  notifi- 
cation fut  reculé  jusqu'au  6  février. 

Les  adversaires  du  traité  proposèrent  alors  un  amendement,  déterminant 
que,  l'Espagne  au  lieu  de  céder  les  Philippines,  abandonnerait  simplement 
la  souveraineté,  et  que  les  Etats-Unis  assureraient  provisoirement  le  con- 
trôle de  l'archipel  seulement.  Au  vole,  cet  amendement  fut  repoussé  par 
33  voix  contre  30  Ce  premier  essai  des  forces  en  présence  fit  penser  que 
la  ratification  du  traité  était  douteuse,  attendu  que,  d'après  la  constitution, 
une  majorité  des  deux  tiers  est  nécessaire  en  pareil  cas.  Cependant, 
quand  on  arriva  au  vote  définitif,  trois  démocrates  et  un  républicain  qui 
avaient  voté  pour  l'amendement  se  rallièrent  à  la  majorité,  et  le  traité  fut 
ratifié  avec  une  voix  de  plus  que  le  nécessaire,  57  contre  27. 

Quelques  jours  après,  le  Sénat  adopta  une  résolution  affirmant  que,  par 
la  ratification  du  traité,  il  n'avait  pas  ou  l'intention  d'établir  que  les  îles 
faisaient  partie  intégrante  des  Etats-Unis,  mais  bien  d'y  instaurer  un  gou- 
vernement approprié  aux  besoins  des  habitants,  afin  de  les  préparer  à  la 
formation  d'un  self-gouvernement  local.  On  essaya  d'obtenir  l'expression 
d'une  opinion  semblable  de  la  part  de  la  Chambre  basse,  mais  on  n'y  réus- 
sit point. 


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170  LA   VIE    POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

Les  plus  importantes  questions  présentées  au  Ck)ngrès,  à  part  la  ratifi- 
cation du  traité,  furent  raccroissement  de  Tarmée  et  de  la  marine  et  la 
construclion  du  canal  de  Nicaragua. 

La  principale  opposition  aux  bilis  relatifs  aux  armées  de  terre  et  de  mer 
provient  du  Sénat.  Après  une  longue  lutte  entre  les  deux  chambres,  les 
projets  de  loi  furent  adoptés  autorisant  Taugmentation  de  Tarmée  régu- 
lière, portée  à  65.000  hommes,  et  l'enrôlement  de  35.000  volontaires. 
Toutefois,  chacune  de  ces  mesures  est  provisoire,  elles  resteront  en  vigueur 
jusqu'au  l*^'^  juillet  1901,  seulement. 

Pour  ce  qui  concerne  la  marine  de  guerre,  les  recommandations  de 
Tadministration  furent  admises,  de  manière  h  autoriser  la  construclion  de 
12  nouveaux  vaisseaux.  Toutefois,  la  loi  limite  le  montant  des  sommes  à 
dépenser,  par  tonne  d'acier  pour  cuirasser  les  navires,  de  telle  sorte  qu'à 
ce  prix  les  navires  ne  peuvent  être  cuirassés. 

Quant  au  canal  de  Nicaragua,  le  Sénat  adopte  un  Mil  autorisant  la  cons- 
truction du  canal  par  les  Etats-Unis,  au  prix,  qui  ne  doit  pas  ^tre  dépassé, 
de  115.000.000  de  dollars.  Toutefois,  la  Chambre  basse  se  montra  hostile  à 
cette  prop'>sition.  Juste  avant  la  clôture  de  la  session,  on  introduisit  un 
compromis  aux  termes  duquel  1.000.000  de  dollars  étaient  consacrés  à  de 
nouvelles  études  sur  les  routes  les  plus  convenables  à  travers  Tisthme. 
Parmi  les  mesures  proposées  au  Congrès  et  qui  ne  furent  point  adoptées, 
il  faut  noter  un  bill  pour  donner  plus  d'essor  à  la  marine  américaine,  au 
moyen  do  subsides  :un  bill  autorisant  rétablissement  d'un  câble  entre  les 
Etats-Unis  et  Honolulu,  et  ^un  autre  bill  pour  établir  une  forme  territo- 
riale de  gouvernement  aux  îles  Hawaï.  De  même,  le  Congrès  ne  put  arrêter 
aucune  mesure  relativement  à  la  réforme  monétaire,  mais  on  s*en  est 
occupé,  au  moins  de  manière  à  préparer  un  bill  qui  serait  présenté,  à  Fou- 
ver  ture  du  prochain  Congrès. 

Le  plus  important  résultat  peut-être  des  luttes  de  ce  Congrès,  c'est  que 
le  parti  républicain  s'est  trouvé  plus  ouvertement  immiscé  qu'il  ne  l'avait 
été  auparavant,  à  la  politiciue  d'expansion,  tandis  que  le  parti  démocra- 
tique s'est  plus  fortement  uni,  en  se  prononçant  contre  les  lointaines  en- 
treprises coloniales.  A  la  fin  de  la  session  eut  lieu  une  réunion  de  repré- 
sentants du  parti  démocratique,  où  ils  se  déclarèrent  irrévocablement 
opposés  à  rétablissement  par  les  Etats-Unis  d'un  gouvernement,  sans  le 
consentement  du  peuple  à  qui  ce  gouvernement  est  réservé.  Ils  déclarèrent 
également  que  les  Etats-Unis  ne  devaient  exercer  aucune  souveraineté 
sur  les  Philippines,  mais  qu'après  y  avoir  institué  un  gouvernement  indé- 
pendant, ils  devaient  transmettre  à  ce  gouvernement  tous  les  droits  qu'ils 
tiennent  de  la  cession  faite  par  l'Espagne. 

liC  seul  changement  dans  le  cabinet,  pendant  la  période  qui  nous 
occupe,  a  été  la  nomination  de  M.  EUian  A.  Hitchcock,  précédemment 
ambassadeur  en  Russie,  au  poste  de  secrétaire  d'Etat  ;i  rintéricur.  Le  poste 
devenu  vacant  à  Saint-Pétersbourg,  par  le  déplacement  de  M.  Hitchcock,  a 
été  occupé  par  M.  Charlemagne  Tower,  qui  de  Vienne  où  il  était  aupara- 
vant, a  été  transféré  en  Russie.  En  même  temps  M.  G.  Harris  était  nommé 
ministre  en  Autriche-Hongrie.  Au  mois  de  janvier,  le  poste  d'ambassadeur 


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ÉTATS-INIS  171 

près  de  la  cour  de  Saint-James  devint  vacant,  par  la  nomination  de 
M.  Hoy  aux  fooctioBs  de  secréfaire  d'Etat,  et  fut  occupé  par  M.  Joseph  H. 
Ghoate,  avoci^  important  de  New- York. 

Pour  ce  qui  est  des  relations  extérieures,  les  principaux  iWénements 
dignes  d'être  notés  sont  les  suivants  : 

La  commission  anglo-américaine  qui  s'est  r^nie  à  Québec  au  mois 
d'août  et  ensuite  à  Washington  au  mois  de  novembre  a  été  ajournée  en 
février,  jusqu'au  milieu  de  Tété  prochain. 

Il  a  été  constaté  que  cette  commission  était  dans  l'impossibilité  d'amener 
aucun  arrangement  eiitre  le  Canada  et  les  Etats-Unis,  soit  sur  la  question 
des  frontières  d'Alaska,  soit  relativement  au  traitement  commercial  réci- 
proque. 

Les  autorités  impériales  allemandes  se  sont  donné  beaucoup  de  peine 
pour  démontrer  les  sentiments  amicaux  réels  des"  Allemands  envers  les 
Etats-Unis,  et  pour  dénoncer  comme  autant  d'inventions  les  rapports 
mentioonant  des  frotseements  entre  les  officiers  de  marine  allemands  et 
américains  à  Manifle.  Des  •concessions  ont  été  faites  aux  Américains,  faci- 
litant rimportation  en  Allemagne  de  produits  alimentaires,  et  des  négo- 
ciations ont  été  commencées  dans  le  but  d'améliorer  réciproquement  la 
situation  commerciale  entre  les  deux  pays. 

La  domination  à  trois  exercée  conjointement  par  la  Grande-Bretagne, 
l'Allemagne  et  les  Etats-Unis  sur  les  îles  Samoa,  n'a  point  amené  de  bons 
résultats. 

Des  troubles  ont  eu  lieu  dans  ces  îles,  à  propos  de  l.'éleotion  du  succes- 
seur du  roi  Malietoa.  Aux  termes  du  traité  de  Berlin  en  1889,  le  roi  est  élu 
par  les  chefs  indigènes  ;  mats  toutes  les  difficultés  pouvant  résulter  d'une 
élection  doivent  être  soumises  à  un  magistrat  «  chief  justice  >%  nommé 
par  les  trois  puissances  protectrices.  Dans  les  premiers  jours  de  décemi)re, 
les  chefs  indigènes  élevèrent  à  la  dignité  royale  avec  une  grande  majorité, 
le  chef  Matoafaa.  Les  partisans  d'un  antre  candidat,  Malicetoa  Tanus,  pro- 
testèrent en  observant  que  Matoafa  n'était  pas  éligible. 

Le  «  chlef  justice»  Ghambers,  un  citoyen  américain^  prit  une  décision  le 
M  décembre,  où  il  ne  se  bornait  point  à  soutenir  cette  protestation,  mais 
où  il  déclarait  élu  Malietoa  Tanus. 

Cette  décision  était  en  partie  basée  sur  la  fait,  qu'un  des  articles  du 
traité  de  Berlin  établissait  que  les  Allemands  avaient  protesté  contre  la 
possibilité  d'une  candidature  de  Motoafa  au  trône  des  Samoa. 

Or,  comme  Matoafa  est  précisément  aujourd'hui  le  candidat  des  Alle- 
mands, tandis  que  Malietoa  Tanus  est  le  candidat  des  Anglais  et  des  Amé- 
ricains, la  position  assumée  par  le  magisUat  représentant  les  trois  puis- 
sances, provoqua  en  même  temps  l'irritation  et  les  risées.  Une  telle  déci- 
sion est  difficilement  justiftabl»^,  mais  la  conduite  du  consul  allemand  à 
Samoa  et  celle  du  président  allemand  du  conseil  municipal  d'Apia  sont 
telles,  qu'il  est  tout  à  fait  impossible  d'en  prendre  là  défense. 

Le  consul  allemand  refusa  de  reconnaître  la  décision  du  «  chief  justice  », 
et  les  partisans  de  Malietoa  Tanas. 


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172  LA    VIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE   A    l'ÉTRANGER 

Malieloa  à  la  guerre  fut  vaincu  et  se  n'îfugia  à  bord  d'un  vaisseau  anglais. 
Le  «  chief  justice  »,  sous  la  menace  de  se  voir  opposer  la  force,  se  mit 
également  sous  la  protection  du  drapeau  britannique  et  un  gouvernement 
provisoire  fut  formé,  ayant  à  sa  tête  le  président  allemand  du  conseil 
municipal.  Ce  gouvernement  déclara  aussitôt  (6  janvier),  que  la  fonction 
de  «  chief  justice  »  était  vacante  et  que  jusqu'à  nouvel  ordre  {pro  tempore) , 
cette  fonction  serait  remplie  par  le  président  M.  Raffel.  Le  jour  suivant,  le 
capitaine  du  navire  anglais,  accompagné  des  consuls  anglais  et  américain 
et  d'une  force  militaire  composée  de  marins,  envafîit  le  palais  de  la  Cour 
suprême,  hissa  au  faite  les  drapeaux  anglais  et  américain  et  réinstalla 
M.  Ghambers,  dans  la  situation  de  «  chief  justice  ». 

Actuellement,  les  trois  consuls  ont  convenu  de  reconnaître  le  gouverne 
ment  provisoire,  comme  gouvernement  de  fait,  et  en  revanche,  ce  gou- 
vernement a  reconnu  le  «  chief  justice  »  Ghambers,  comme  occupant  tou- 
jours la  fonction  à  lui  confiée.  Il  est  extrêmement  improbable  que  les 
trois  puissances  protectrices  permettent  que  leb  maladresses  commises 
par  leurs  représentants  diplomatiques  puissent  troubler  les  relations 
amicales  qui  existent  entre  elles. 

Par  conséquent,  il  faut  espérer,  dans  l'intérêt  des  habitants  de  Samoa, 
qu'une  forme  de  contrôle  mieux  appropriée  à  la  situation,  que  celle  qui 
résulte  du  traité  de  1889,  sera  appliquée  désormais. 

2""  Principaux  actes  et  résolution  du  Congrès. 

Session  1897-98 

Phoques  à  fourrare.  —  Actes  du  29  décembre  1897,  interdisant  de  les  tuer, 
dans  le  nord  de  l'Océan  Pacifl(|ue. 

Navigation.  —  Acte  du  16  février  1898,  modifiant  les  lois  sur  la  navigation. 
(Interdisant  aux  vaisseaux  étrangers  de  transporter  des  marchandises  ou  des 
passagers,  d'un  port  des  Etats  Unis  à  un  autre). 

Armée  amérioaine.  —  Acte  du  9  mars,  pourvoyant  à  d'urgentes  nécessités 
d'ordre  militoire,  mettant  cinq  millions  de  dollars  à  la  disposition  du  Président, 
pour  la  défense  nationale). 

Cuba.  —  Double  résolution  du  2  avril,  demandant  que  le  gouvernemenl  espa- 
gnol abandonne  son  autorité  à  Cuba  et  (|u'il  retire  ses  forces  de  terre  et  de  mer 
de  Cuba  et  des  eaux  cubaines,  et  en  niAme  temps  autorisant  le  Président  des 
Etals-Unis  à  employer  les  forces  de  terre  et  de  mer  des  Etats-Unis,  pour  faire 
entrer  ces  résolutions' dans  le  domaine  des  faî's. 

Armée  américaine.  —  Acte  du  22  avril  pourvoyant  à  Taccroisseuîent  tempo- 
raire des  forces  militaires  armée  de  volontaires).  —  Acte  du  26  avril  visant 
l'amélioration  de  l'organisation  de  l'armée  régulière.  —  Acte  du  7  mai  affectant 
les  .sommes  nécessaires,  pour  des  travaux  de  fortification.  -  Acte  du  11  mai  dé- 
cidant l'enrôlement  d'une  force  additionnelle  de  10  000  hommes,  habitués  au 
climat  des  tropiques. 

Marine.  —  Double  résr)lution  du  26  mai  pourvoyant  à  l'organisation  d'une 
force  navale  auxiliaire. 

Commissionnaires  de  commerce.  —  Acte  du  l^r  juin  sur  les  commission- 
naires s'occupant  de  commerce  d'un  Etat  à  l'autre,  et  leurs  employeurs  ^pour- 
voyant à  un  arbitrage  en  cas  de  difficultés.) 

Incapacité  de  droits  politiques.  —  .Vcte  du  6  juin  abolissant  Tincapacité 
imposée  par  la  section  3  du   quatrième  amendement  à  la  Constitution   .rétablis- 


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HONGRIE  173 

sèment  des    anciens  confédérés  du  Sud,  dans  la  plénitude  de  leurs  droits  poli- 
tiques). 

Corps  :_:3pUa::or3  de  la  marine.  —  Acte  du  17  juin  décidant  l'organisation 
d'un  corps  hospitalier  de  la  marine. 

Territoire  Indien.  —  Acte  du  28  juin  relatif  à  la  protection  du  peuple  sur  le 
Territoire  Indien. 

Banqueroute.  —  Acte  du  1*'  juillet  établissant  un  système  uniforme  de  ban- 
queroute. 

Session  1898-99. 

Marins  américains.  —  Acte  du  21  décembre  modifiant  la  législation  relative 
aux  marins  américains. 

Papiers  négociables.  —  Acte  du  12  janvier  relatif  aux  papiers  d'affaires  né- 
gociables, dans  le  district  de  Colombie. 

Armée  américaine.  —  Acte  du  2  mars  relatif  à  l'augmentation  de  la  puis- 
rance  de  l'armée. 

Droits  de  route.  —  Acte  du  2  mars  relatif  à  l'acquisition  de  droit  de  route 
par  (les  compagnies  de  chemins  de  fer,  à  travers  les  réserves  indiennes. 

Traité  hispano-américain.  —  Acte  du  2  mars  affectant  les  sommes  néces- 
saires  à  l'exécution  des  obligations  du  traité  conclu  avec  l'Espagne  le  10  décem- 
bre }89S.  (20.000.000  de  dollars^  —  Acte  du  2  mars  créant  la  dignité  d'amiral  de 
la  flotte. 

Recensement.  —  Acte  du  3  mars  pourvoyant  au  douzième  recensement. 

Exposition  Pan-Américaine.  —  Acte  du  3  mars  ayant  pour  but  d'encou- 
ra^t-r  la  tenue  d'une  Exposition  Pan- Américaine  à  la  frontière  du  Niagara,  dans 
l'Etat  de  New- York,  pendant  l'année  1901. 

Personnel  de  la  marine.  —  Acte  du  3  mars  réorganisant  le  personnel  de  la 
marine. 

Code  de  procédure  criminelle.  —  Acte  du  3  mars  définissant  et  punissant 
les  délits  dans  le  district  d'Alaska  et  pourvoyant  à  la  création  d'un  Code  de  pro- 
cédure criminelle,  pour  cette  contrée. 


II.  —   HONGRIE 

Par  M.  A.-E.  HORN. 

10  Chronique  politique   et  parlementaire. 

Sommaire.  —  L'obstruction  parlementaire.  —  Les  arrangements  éventuels  avec 
l'Autriche.  —  Le  nouveau  ministère  Széll.  —  Le  baron  Bânffy. 

Tout  est  relatif  dans  la  vie.  —  A  l'appui  de  cette  vérité'  bien  vieille,  je 
demande  à  citer  les  trois  lignes  ci-après,  par  lesquelles  débute  la  corres- 
pondance de  Belgique  insérée  dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue: 
<•  L'œuvre  législative  accomplie  par  les  chambres  belges  —  y  est-il  dit  — 
de  novembre  à  fin  janvier,  est  probablement  la  plus  mince  que  trois  mois 
de  session  aient  jamais  été  employés  à  accomplir.  »  A  l'appui  de  quoi  votre 
honorable  correspondant  énumère  le  petit  nombre  de  lois  votées  dans  cet 
espace  de  temps.  Combien  son  opinion  se  modifiera  cependant,  lorsqu'il 
aura  la  que,  du  o  septembre  au  l*""  mars  dernier,  soit  dans  l'espace  de  six 
mois,  sans  avoir  cessé  de  siéger,  le  Parlement  hongrois  n'a  pas  volé  une 


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174  LA    VIE    POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

seule  loi,  pas  ane  seule  si  nous  exceptons  celle  portant  u  consécration 
législative  de  la  mémoire  de  la  reine  Elisabeth  »,  la  malheureuse  souve- 
raine, tuée  à  Genève.  C'est  peu  et,  en  le  constatant,  j'ai  déjà  signalé  toute 
la  misère  législative  par  laquelle  nous  venons  de  passer  et  qui,  j'ai  hâte 
de  l'ajouter,  vient  de  prendre  fln  à  la  suite  du  remplacement  du  cabinet 
Bânffy  par  le  cabinet  Széll. 

En  vous  parlant,  il  y  a  six  mois,  de  la  douloureuse  émotion,  produite  par 
l'attentat  de  Lucheni  et  de  l'appel  à  l'entente  des  peuples  de  la  monarchie 
et  des  partis  politiques  qui  l'avaient  suivie,  j'exprimais  des  doutes  sur 
l'efficacité  de  cet  appel.  Mon  pessimisme  n'était  que  trop  justiOé.  Pas  plus 
en  Autriche  que  chez  nous,  il  n'y  a  été  donné  suite.  Notre  opposition,  au 
contraire,  s>st  mis  en  tête  d'empêcher  toute  action  législative,  toute  dis- 
cussion parlementaire,  tant  que  le  baron  Bâufîy  resterait  à  la  tête  du  pou- 
voir et,  comme  nous  n'avons  pas  de  dôture,  elle  y  a  parfaitement  réussi, 
le  serais  très  sobre  quant  aux  détails  de  cette  campagne  de  six  mois.  Elle 
a  été  très  attristante  et  très  humiliante  à  la  fois.  Pendant  des  mois,  les 
séances  n'ont  été  occupées  que  par  des  interpellations  el  des  votes  sur  les 
procès-verbaux,  lesquels,  eux-mêmes,  ne  contenaient  absolument  rien.  Le 
prétexte  était  le  suivant.  On  exigeait  du  gouvernement  qu'il  fit  connaître  le 
texte  des  arrangements  conclus  avec  le  cabinet  Gisleithan  en  vue  du  renou- 
vellement du  pacte  décennal,  prétexte  futile,  car  tout  le  monde  connaissait 
ces  arrangements.  Mais  comme  ils  stipulaient  aussi  bien  pour  le  cas  où  le 
Reichsrath  voterait  le  renouveltement  du  pacte  qu'en  vue  de  Téventualité 
contraire,  et  que  cette  dernière  assemblée  s'était  enfin  laissé  attendrir  et 
discutait  ce  renouvellement,  il  y  avait  un  certain  déconim  à  observer  et 
mieux  valait  ne  pas  proclamer  comme  une  menace  ce  qui  se  passerait  dans 
le  cas  où  le  Reichsrath  ne  voterait  pas  avant  le  31  décembre  le  dit  arrange- 
ment. Notre  obstruction  ne  portait  pas  seulement  sur  le  vote  des  lois  de 
TAusgleich;  elle  refusait  «wsi  de  dkeuter  le  budget,  le  contingent  mili- 
taire et  même  des  crédits  provisoires,  pour  que  le  pays  puisse  payer  les 
impôts  et  fournir  des  recrues.  Bref,  on  arrivait  à  la  fin  de  Texercice,  saas 
aucune  espèce  de  législation  en  matière  financière  et  militaire,  et  c'est 
grave,  car  nos  lois  ne  permettent  ni  perception  d'impôts,  ni  recrutement 
sans  vote  parlementaire. 

C'est  alors  que  les  députés  de  la  majorité  signèrent  en  décembre  une 
«  déclaration  »,  portant  qu'en  présence  de  l'obstruction  de  la  minorité,  le 
pays  reconnaissait  au  gouvernement  le  droit  de  continuer  sa  perception 
des  impôt;?,  en  rejetant  la  responsabilité  sur  les  intransigeants.  Cette 
déclaration,  que  naturellement  on  ne  pouvait  songer  à  faire  voter  par  la 
Chambre  et  qui,  dès  lors,  n'était  qu'une  simple  «  manifestation  »>,  pro- 
duisit cependant  une  scission  dans  la  majorité;  une  vingtaine  de  ses 
membres  se  détachèrent;  dans  le  nombre,  le  président  et  le  premier  rice- 
président  de  la  Chambre  basse,  MM.  de  Srilagyi  et  de  Lang,  tandis  que  le 
second  vice-président  était  malade  ;  le  fauteuil  présidentiel  fut  alors 
occupé  par  le  doyen  d'âge,  M.  Jo>eph  de  Madarasz.  Il  devait,  à  ce  litre, 
faire  procédera  la  constitution  d'un  nouveau  bureau;  mais  telle  était  la 


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HONGRIE  175 


I 
.1 


Yiolence  de  Tobstraction  que  cette  opération  ne  put  se  faire,  et  que  M.  de 
Madarasz  dut  rester  à  la  présidence  jusqu'après  la  constitution  du  minis- 
tère Széll,  c'est-à-dire  pendant  plus  de  deux  mois  et  demi.  Je  ne  crois  pas 
m'écarler  de  mon  sujet,  en  introduisant  auprès  des  lecteurs  de  la  Revue, 
ce  président  improvisé  de  la  Chambre  des  Députés  de  Hongrie. 

M.  Josef  de  Madarasz  a  85  ans.  L'été  dernier  il  a  célébré  le  cinquan- 
tenaire de  son  mandat  législatif,  car  il  a  siégé  dans  le  Parlement  de  1848 
et,  pour  lui  qui  appartient  à  Textréme  gauche  et  pour  lequel  la  suspension 
de  1848  à  1867  n'existe  qu'à  titre  d'acte  illégal,  la  continuité  du  mandat 
de  1848  ne  faisait  pas  de  doute.  CTest  un  républicain  rigide  et  puritain, 
d'une  extrême  simplicité  de  vie,  un  puriste  dans  le  langage  qui  n'em- 
ploie jamais  un  mot  «  étranger  »;  il  est  toujours  le  premier  dans  la  salle 
des  séances  qu'il  ne  quitte  qu'après  la  clôture.  11  était,  depuis  des  années, 
le  doyen  d'âge  de  l'assemblée,  mais  il  n'avait  jamais  occupé  le  fauteuil 
présidentiel  et  voici  pourquoi  :  c'est  qu'au  lendemain  de  nouvelles  élec- 
tions, les  Chambres  se  rendent  au  Palais-Royal  de  Bude,  pour  entendre 
de  la  bouche  du  souverain  le  discours  du  Trône.  Or,  tout  républicain  qu'il 
est  (et  il  Ta  encore  prouvé  en  prononçant  le  discours  de  circonstance  à  la 
mort  de  M.  Félix  Faure).  M.  Madarasz  s'incline  devant  les  lois  du  pays  et 
respecte  la  dynastie.  Mais,  en  ce  jour  solennel  de  l'ouverture  de  la  ses- 
sion, le  Palais-Royal  porte  à  côté  de  la  tricolore  hongroise  le  drapeau 
jaune  et  noir  de  la  famille  de  Habsbourg.  Or,  ce  drapeau  est  conâdéré  par 
l'extrême  gauche  comme  n'étant  pas  à  sa  place,  et  M.  de  Madarasz  n'en- 
tendait pas  s'incliner  devant  cet  emblème.  Voilà  pourquoi  il  a  toujours 
refusé  le  fauteuil.  Cette  fois,  aucune  présentation  à  la  cour  n'étant  à  pré- 
voir, il  s'y  est  installé  et  il  a  vaillamment  fait  son  devoir  pendant  une  soixan- 
taine de  séances  —  de  pur  formalisme,  il  est  vrai.  Tous  les  partis  ont  rendu 
hommage  à  la  correction,  au  tact  de  ce  vieillard  inébranlable  dans  ses 
opinions  et  si  souple  à  la  fois,  et  des  remerciements  unanimes  lui  ont 
été  finalement  votés.  Croyez  bien  que  durant  la  longue  tristesse  de  cette 
interruption  de  la  vie  parlementaire,  cette  apparition  d'un  civis  antique, 
avait  quelqae  chose  de  consolant 

A  peine  la  sécession  s'était-elle  produite,  que  plusieurs  de  ses  mem- 
bres les  plus  émiaentSy  MM.  le  comte  Csaky,  le  comte  Jules  Andrassy  et 
l'ex-président  M.  de  Szilagyi,  tous  anciens  ministres,  entreprirent  de  réta- 
blir la  paix  et  cela  non  seulement  au  sein  de  l'ancienne  majorité,  mais 
encore  avec  les  fractions  de  l'opposition  pour  rendre  la  reprise  du  travail 
parlementaire  possible.  De  longues  négociations  eurent  lieu  ;  le  gouverne- 
ment et  la  majorité  exigèrent  des  garanties  contre  le  retour  de  l'obstruc- 
tion et,  avant  tout,  la  révision  du  règlement  ;  la  minorité  réclamait  des 
gages  en  vue  de  la  pureté  de  futures  élections,  et  à  cet  effet,  la  reprise  du 
projet  de  loi  voté  en  1896  par  la  Chambre  basse,  mais  repoussé  par  les 
magnats  qui  tend  à  déférer  à  la  Cour  de  Cassation  les  mandats  législatifs 
contestés  pour  empêcher  ainsi  la  majorité  de  faire  oeuvre  de  parti  dans 
la  vérification  des  pouvoirs.  Vous  vous  rappelez  peut-être  que  la  Chambre 


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176  LA    VIE   POLITIQUE    ET    PARLEMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

haute  avait  repoussé  cette  loi,  il  y  a  trois  ans,  à  cause  de  l'article  qui  ten- 
dait à  réprimer  Tabus  de  la  chaire  de  la  part  des  prêtres  lors  des  élec- 
tions. D'autres  exigences  étaieut  encore  formulées  de  part  et  d'autre,  et 
c'est  ainsi  que  l'opposition  avait  inscrit  dans  ses  desiderata  l'introduction 
du  sufTrage  universel.  «  D'innombrables  procès-verbaux  furent  rédigés,  les 
délégués  des  partis  et  les  trois  négociateurs  ci-dessus  nommés  n'arrivèrent 
pas  à  se  mettre  d'accord.  Cela  n'avait  rien  d'étonnant;  au  fond,  l'opposi- 
tion ne  restait  unie  que  dans  la  négation.  Le  baron  Banfîy  avait  depuis 
longtemps  manifesté  l'intention  de  se  retirer,  pourvu  que  T  «  indemnit«M> 
pour  les  crédits  employés  depuis  le  !«''  janvier  et  un  arrangement  provi- 
soire avec  l'Autriche  fussent  votés;  l'opposition  s'y  refusa  et  la  majorité 
n'avait  aucun  moyen  de  lui  arracher  ces  votes. 

Dans  un  des  nombreux  voyages  qu^il  fit  à  Vienne  pour  rendre  compte 
au  souverain  de  la  situation,  M.  de  BanfTy  amena  M.  Koloman  de  Széll,  et 
dès  lors  tous  les  yeux  se  tournèrent  vers  cet  homme  d'Etat  qui,  depuis 
vingt  ans,  avait  à  plusieurs  reprises  décliné  l'appel  de  rentrer  au  pouvoir 
qui  lui  avait  déjà  été  fait.  En  dernier  lieu,  il  obtint  du  souverain  et  accepta 
le  mandat  d'  «  assainir  »  —  comme  on  dit  chez  nous  —  la  situation  parle- 
mentaire et  il  y  réussit  assez  promptement.  De  part  et  d'autre,  on  secoua 
à  peu  près  les  neuf  dixièmes  du  bagage  dont  on  avait  chargé  les  négocia- 
teurs bénévoles  de  la  sécession  et  le  23  février  la  paix  fut  enfin  signée  entre 
les  délégués  de  tous  les  partis  et  M.  de  Széll,  «  désigné  »  pour  la  prési- 
dence du  Conseil.  H  y  était  4it  que,  aussitôt  après  l'arrivée  au  pouvoir  du 
nouveau  cabinet,  les  partis  oppositionnels  n'empêcheront  pas  l'élection  du 
président  et  des  vice-présidents;  que,  tout  en  restant  fidèles  à  leurs  prin- 
cipes, il  n'empêcheront  pas  le  vote  d'un  bill  d'indemnité  de  quatre  mois, 
de  la  loi  du  recrutement,  d'un  règlement  provisoire  d'un  an  avec  l'Autriche 
ainsi  que  du  bill  d'indemnité  pour  les  deux  mois  passés.  Ils  n'empêcheront 
pas  non  plus  le  vote  de  la  loi  financière  de  1899,  de  la  loi  sur  la  juridiction 
de  la  Cour  de  cassation  en  matière  électorale,  la  révision  du  règlement  de 
la  Chambre  («  sans  clôture  »,  cela  reste  entendu);  Vausgleich  avec  TAu- 
Iriche  jusqu'à  la  fin  de  1903  et  respectivement  1904  et,  au  cas  où  une  entente 
douanière  serait  conclue  avec  l'Autriche  dans  les  voies  légales,  cette  pro- 
messe est  applicable  aussi  à  la  dite  entente...  Je  m'abstiens  d'entrer  dans 
des  d«Hails  quant  au  règlement  de  la  Chambre;  l'accord  intervenu  formule 
la  certitude  que,  tout  comme  par  le  passé,  il  ne  sera  jamais  nécessaire 
d'appliquer  l'article  205  qui  autorise  le  président  à  prononcer  l'exclusion 
d'un  député,  mais  que,  si  cependant  pareil  casse  produisait,  tout  membre 
se  soumettrait.  On  a  ainsi  écarté  la  proposition  BanlTy,  qui  voulait  pour 
ce  cas  mettre  la  force  armée  à  la  dispQsition  du  président.  Cet  arrangement 
vaut  ce  qu'il  vaut.  Nous  savons  que  les  règlements  de  toute  assemblée 
valent  ce  que  vaut  cette  assemblée  et  ce  que  valent  ceux  qui  la  dirigent. 
Espérons  donc  que  le  Parlement  hongrois  n'aura  jamais  à  employer  l'ar- 
ticle 20S  et  encore  moins  à  regretter  d'avoir  repoussé  l'amendement  pro- 
posé par  le  cabinet  BanfTy. 

Pour  ce  qui  est  de  la  loi  sur  la  compétence  de  la  Cour  de  cassation  en 


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HONGRIE  ftl 

matière  électorale,  elle  doit  être  vot^e  dans  le  courant  de  cette  aunée  et 
elle  contient  certaines  dispositions  nouvelles  aussi  bien  en  ce  qui  concerne 
la  répression  des  abus  et  pressions  administratifs  lors  des  élections  que 
de  nouveaux  cas  d'incompatibilités,  par  exemple  Tinterdiction  à  de  certains 
fonctionnaires  de  poser  leurs  candidatures  dans  des  circonscriptions  par 
eux  administrées.  Gela  tend  à  rendre  Télection  plus  indépendante.  Nous 
avouons  être  beaucoup  moins  partisan  de  la  compétence  dévolue  à  la  Cour 
suprême.  11  y  a  toujoiurs  péril  à  immiscer  la  justice  dans  les  luttes  polit'ques 
et  de  partis.  On  ne  voit  guère  ce  que  la  politique  y  peut  gagner;  on  saisit 
aisément  ce  qu  y  perdrait  la  justice  en  considération  et  en  impartialité.  Le 
lecteur  français  comprendra  à  demi-mot.  Mais  nous  avons  souvenir  aussi  de 
la  déconsidération  que  valut  à  la  Cour  de  cassation  (Obertribuual)  de  Prusse 
son  immixtion  dans  les  conflits  politiques  de  ^862  à  1866  et  la  manière  dont 
le  gouvernement  sut  s'y  prendre  pour  introduire  dans  cet  aréopage  des 
juges  supplémentaires  {Bilfsfichter)  plus  souples  que  les  membres  inamo- 
vibles. C'est  un  expédient  dangereux  auquel  le  législateur  ue  devrait  pas 
exposer  les  hommes  ou  le  parti  au  pouvoir. 

A  la  date  du  !•'  mars,  M.  de  Széll  s'est  présenté  au  Parlement  à  la  tète 
de  son  ministère,  dans  lequel  il  a  conservé  la  plupart  des  membres  du 
cabinet  démissionnaire.  11  n'y  a  de  remplacé  que  le  ministre  de  l'Intérieur, 
M.  Perîzel,  dont  M.  Széll  a  assumé  le  portefeuille.  M,  le  baron  Daniel  au 
commerce  qui,  a  eu  pour  successeur  M.  de  Hegedus,  un  écrivain  de  grand 
mérite  et  qui,  depuis  près  de  vingt  ans,  est  le  rapporteur  général  du  budget 
à  là  Chambre  basse,  et  M.  de  Lukaes  est  remplacé  comme  garde  des  sceaux 
par  M.  Alexandre  Plosz,  ancien  professeur  et  en  dernier  lieu  secrétaire 
d'Etat  au  même  département. 

Le  nom  du  nouveau  chef  du  pouvoir  hongrois  figure  aujourd'hui  pour 
la  première  fois  dans  les  colonnes  de  cette  Revue.  Il  sera  donc  nécessaire 
d'en  dire  quelques  mots,  avant  de  passer  à  son  programme.  Ce  n'est  pas 
que  M.  de  Széll  soit  un  Giorno  nowi^.  Lorsque,  en  1875,  la  majorité  déakiste 
fusionna  avec  le  centre  gauche  et  que  le  chef  de  ce  parti,  M.  Koloman  de 
Tisza  arriva  au  pouvoir,  la  fusion  avait  surtout  été  jugée  nécessaire  par 
suite  de  l'état  désastreux  des  finances,  de  la  permanence  du  déficit.  M.  de 
Széll  qui  était  de  la  majorité,  prit  le  portefeuille  si  lourd  des  ûnances  et 
en  trois  années  d'un  labeur  incessant,  ce  tout  jeune  ministre  (il  avait 
32  ans)  avait  réussi  sinon  à  faire  disparaître  totalement  le  déficit,  du  moins 
à  remettre  de  l'ordre  dans  les  finances  et  à  nous  ramener  la  confiance  du 
monde  des  affaires,  de  l'étranger  notamment.  Survint  en  1878  le  congrès 
de  Berlin,  qui  nous  «  confia  »  la  Bosnie  et  l'Hei-zégowine,  cadeau  très  peu 
populaire  à  cette  époque  dans  les  deux  moitiés  de  la  monarchie.  M.  de 
Széll  vit  dès  lors  ses  efforts  en  vue  de  la  restauration  des  finances  com- 
promis et  il  se  retira;  pendant  les  vingt  ans  qui  se  sontécoulés  depuis,  il 
n'a  cessé  de  faire  partie  de  la  Chambre,  mais  il  avait  décliné  tout  porte- 
feuille et  avait  consacré  toute  son  ardente  activité  à  deux  établissements 
de  crédit  fondés  par  lui  en  1680  et  à  fagriculture.  Cette  fois  cependant  il 
n'a  pu  se  refuser  à  l'appel  du  monarque,  d'autant  que  cet  appel  était 
appuyé  par  tous  les  partis  sans  exception.  Aussitôt  sa  nomination  promul- 

REVCE  POLIT.,  T.  XX  12 


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i78  LA    VIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

guée,  le  centre  gauehe  cm  parti  national,  aTec  le  camtc  Apponyi  à  sa  tèle, 
a  fusionné  avec  la  majorité  ministérielle  et  k  gauche  extrême  eKe-mème 
(Kessnth)  a  annoncé  Tonloir  s'abstenir  de  tonte  obstruction,  tout  en  con- 
servant son  programme,  celui  de  la  séparation  politique  et  militaire  com- 
plète avec  rAutriche,  la  dynastie  seok  restant  commune. 

Quant  au  progronme  exposé  dans  la  séance  du  1^  mars  et  renouvelé 
depuis  dans  phisietirs  dtso^mrs,  il  est  à  la  vérité  celui  du  parti  libéral, 
appliqué  par  la  main  babile,  la  main  de  velours  de  M.  de  Széll,  se  substi- 
tuant à  la  maÛB  quelque  pcfu  rude  du  baron  ftanffy.  Au  point  de  vue  de 
rarrangement  avec  T Autriche,  il  est  expressément  affirmé  que  notis  dési- 
rons maintenir  Funion  douanière  et  que  nous  la  prolongerons  pour  un  délai 
de  dix  ans,  comme  par  le  passé,  éhs  que  le  Reiehsrath  autrichien  sera  en 
mesure  de  le  voter  à  son  tour  et  s'il  consenet  à  ce  vote.  D'ici  là,  nous  lais- 
sons la  porte  largement  ouverte  à  ce  rôle,  en  stipulant  motu  proprio  que 
le  pacle  actuel  sera  prolongé  jusqu'au  1**  janvier  1903,  date  où  expârent 
nos  traités  de  commerce  avec  l'étranger  et  même  une  année  au-delà.  Que 
si,  d'ici  là,  l'Autriche  demeure  impuissante  à  nous  offrir  un  pacte  adapté 
par  sa  représentation  nartionale  ou  si  ceiie-ci  s'y  refuse,  nous  aurons  le 
temps  d'aviser  à  la  création  d'un  régime  dovanier  avlonome^  tout  en  lais- 
sant la  porte  toujours  ourerte  k  un  retour  à  la  communauté  économique 
vivement  désirée  chez  nous.  C'est  agir  selon  l'esprit  de  k  législatioo  de 
1867. . .  Je  ne  m'arrêterai  pas  aux  autres  points  de  l'exposé.  Le  programme 
étant  resté  celui  du  parti  libéral  et  l'application  seule  devant  se  ressentir 
du  changement  survenu,  il  n'y  a  pas  lieu  d'entrer  dans  les  détails.  Ce  qai 
est  certain,  c'est  que  rarement  un  chef  de  cabinet  aura  dans  un  pays  par- 
lementaire été  accueilli  avec  une  telle  abondance  de  confiance  que  M.  de 
Széll  Ta  été  chez  nous  et  tout  porte  à  espérer  qu'il  saura  justifier  cette 
confiance. 

Et  depuis  lors,  les  travaux  parlementaires  marehent  d'un  pas  accéléré. 
Déjà,  la  loi  du  recrutement  et  le  budget  provisoire  ont  été  volés  et  d'ici 
peu  de  jours  la  loi  financière  de  4899  aura  à  son  tour  été  adoptée.  A  propos 
du  budget  provisoire,  un  incident  s'est  produit  qui  mérite  d'être Televé. 
Aucune  M  financière  n'ayant  été  votée  au  i«'  janvier,  aucun  percepteur 
ne  pouvait  exiger  un  versement  de  la  part  des  contribuables.  Cependant  un 
grand  nombre  de  ces  derniers,  pour  témoigner  combien  l'obstruction  était 
odieuse,  avait,  dans  les  mois  de  janvier  et  de  février,  mis  un  empressement 
significatif  à  se  présenter  aux  guichets,  au  point  que  les  rentrées  étaient 
pins  fortes  que  d'habitude  :  mais  une  fois  la  paix  faite  et  la  loi  provisoire 
de  quatre  mois  admise,le  gouvernement  y  fit  insérer  une  clause  infligeant 
aux  retardataires  les  amendes  (intérêts)  réglementaires.  A  la  Chambre 
haute,  l'archevêque  Mgr  Samassa  fit  fort  justement  ressortir  l'injustice, 
voire  Tillégalité  de  C/ette  pénalité,  attendu  que  les  contribuables  ne  pou- 
vaient, ne  devaient  même  pas  verser  avant  le  vote  du  budget.  Cette  objec- 
tion ne  fit  pas  impression.  Singulière  anomalie  dam  un  pays  où  1'  «  in- 
surrection »  est  inscrite  dans  la  loi  au  cas  où  la  loi  serait  violée  par  le 
monarque  ou  en  son  nom. 

La  Chambre  basse  a  aussi  procédé  dès  le  2  mars  à  l'élection  de  son 


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p^ 


HONGKIE  179 


bureaa.  Ce  ne  soat  pas  les  démissionnaires  de  décembre  qui  ont  été  nom- 
més. La  présidence  a  été  confiée  à  M.  de  Pérezel  qui  venait  de  quiUer  le 
ministère  de  rinftérieur,  et  les  denx  vice-présidents  font  aussi  partie  de  la 
vieille  majorité.  Ceile-ci  a  vouhi  ainsi  s^afârmer.  Mais  il  est  fort  probable 
que  la  session  de  189^  devant  être  prochainement  close  et  celle  de  1890 
anssitôt  ouverte,  la  nouvelie  formation  du  bureaa  à  laquelle  il  sera  alors 
procédé,  tiendra  compte  de  la  fusion  accomplie,  que  M.  de  Szilagyi 
remontera  «u  fiauteiiil  et  que  Tun  de  ses  adjoints  au  moins  sera  pris  dans  le 
groupe  du  oenrlre  gauciie.  Je  crois  encore  que  d'ici  peu  de  temps  ce 
groupe  aura  réussi  à  se  pfaboer  au  sein  même  du  gouvernement,  car  des 
bommes  de  ki  capacité  du  ci^mte  Apponyi,  de  M.  de  Horanszky,  de 
M.  Hodossy  n'&mèaettt  pas  leurs  partisans  au  sein  de  la  ma)«irité,  après 
vingt  ans  d^op^iosition,  sans  compter  avec  raison  y  occuper  une  place 
active.  Et  M.  de  Sxéll  sait  conEOient  se  font  les  fixions;  il  a  eu  déjà  sa  part 
active  dans  celle  de  1^75. 

Dans  les  débats  cpii  se  ponrsBÎTent  depuis  vingt  joufs  à  la  Ghambare,  il  a 
eu  à  se  faire  entendre  à  de  nombreuses  reprises  et  il  a  ainsi  complété 
l'exposé  de  sa  pensée.  Je  ne  retiendrai  qu'un  passage  du  discours  du 
20  mars,  répondant  à  un  orateur  de  la  gauche  qui  réclamait  une  large 
extension  du  droit  de  vote,  quelque  chose  comme  le  sufTra^  universel. 
M.  de  Sxéll  s'est  borné  à  déclarer  que  la  question  demcindait  ujie  bien 
grave  étude  et  qu'elle  se  com^iquait  chez  ii^us  de  considérations  natk»- 
nalesd'un  inté-rét  soprème;  il  a  rappelé  que  dans  plus  d'un  pays  on  serait 
heureux  si  Ton  pouvait  reireair  sur  l'introduction  trop  précipitée  du  droit 
de  suffrage  trop  étendu,  mais  que  des  droits  une  fois  accordés  ne  peuvent 
plus  être  retirés.  Voilà  pourquoi  une  extrême  prudence  s'impose. 

il  Ta  de  sel  que  la  réforme  de  l'administration  déjà  inscrite  sur  le  pro* 
gramme  de  tant  de  cabinets,  ûgure  aussi  dans  celui^du  iM>iiveau  ministère. 
Il  s'agit  surtout,  nos  lecteurs  le  savent,  d'enlever  aux  comitats  l'élection 
d'un  certain  nonxfare  de  fonctionnaires  administratifs  pour  la  conûer  au 
pouvoir  central.  C'est  ici  surtout  qu'il  importerait  pour  l'avenir  du  pays  que 
M.  de  SzéU  ait  la  main  heureuse.  Sans  doute,  rien  de  plus  absurde  que  de 
voir  toute  l'administration  d'un  pays  livrée  tous  les  cinq  ans  au  sort  du 
scrutin  et  admirer  Fimpéritie  qui  préside  si  souvent  à  la  gestion  de  ces 
éhis.  Témoin  les  récentes  constatations  de  détournements  de  fonds  d'orphe- 
lins et  autres  dans  différents  comitats,  remontant  à  de  longues  années 
sans  qu'on  ait  trouvé  le  moyen  de  s'en  apercevoir,  tant  le  contrôle  de  ces 
organes  électif^  était  paterne,  disons  familial.  Mais  de  là  à  dépouiller  les 
organes  électifs  de  toute  autorité  pour  en  revêtir  des  fonctionnaires  nom 
mes  à  vie  par  FËtat,  —  il  y  a  un  immense  pas  et  il  s'agirait  de  ne  pas  le 
franchir.  Sous  ce  rapport,  il  y  a  bien  des  enseignements  à  retenir  du  dis- 
cours prononcé  le  16  mars,  lois  de  la  discussion  du  budget  à  la  Chambre 
des  députés,  par  le  comle  Etienne  Tisza.  Knumérant  les  dépenses  du  cha- 
pitre des  chemins  de  fer,  l'orateur  a  montré  que  le  «  fonds  mort  des  dé- 
penses bureaucratiques  >»  tend  à  s'y  accroîtrai  et  il  a  exprimé  l'avis  que  nous 
laissions  se  développer  un  bureaucratisme  formaliste  qui  s'attache  à  tous 


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180  LA    VIE    POLITIQUE    ET    PARLEMENTAIRE    A   l'ÉTRANGER 

les  organes  des  fondions  de  l'Etat  et  qu'il  y  a  lieu  d'aviser.  Certain  magnai 
visitant  un  de  ses  biens,  dit  h  son  inspecteur  :  <«  Les  bœufs  ne  sont  pas 
aussi  gras  qu'il  y  a  un  an  »,  à  quoi  l'inspecteur  de  répondre  :  «  Ah  I  oui, 
depuis  que  nous  les  nourrissons  de  paperasse  et  les  abreuvons  de  l'encrier, 
le  diable  a  emporté  le  beau  bétail  ».  Cette  anecdote,  M.  de  Tisza  l'a  appli- 
quée à  bien  des  branches  administratives  et  aux  abus  qui  s'y  commettent 
au  nom  de  l'infaillibilité  bureaucratique  et  du  formalisme...  Ehl  bien, 
chez  nous,  ces  choses  se  sentent  encore,  parce  qu'elles  sont  neuves  et  que 
la  bureaucratie  elle-même  est  de  date  assez  récente.  Sa  tendance  envahis- 
sante est  partout  la  même  et  les  exemples  cités  par  l'orateur  se  rencontrent 
sans  doute  ailleurs  et  même  à  un  degré  plus  puissant.  Seulement,  puisque 
nous  sommes  encore  en  état  de  nous  en  apercevoir  et  de  nous  en  plaindre, 
il  serait  à  souhaiter  que  la  réforme  administrative,  lorsque  M.  de^zéll  se 
mettra  à  la  faire  voter,  nous  préserve  du  bureaucratisme  et  de  ses  excrois- 
sances immanquables.  Une  erreur,  une  faute,  un  abus  même  issus  de  l'ad- 
ministration autonome  sont  moins  dangereux  pour  le  développement 
d'un  peuple,  pour  ses  libertés  et  son  caractère,  que  les  excès  de  la  tutelle 
administrative.  Quiconque  a  pu  observer  cette  dernière,  en  conviendra 
indubitablement. 

Laissez-moi  terminer  par  quelques  mots  sur  la  destinée  assez  curieuse 
dévolue  au  dernier  chef  du  cabinet.  Il  y  a  sept  ans,  lors  des  élections  géné- 
rales de  1892,  le  baron  Banffy  entra  dans  la  Chambre  avec  le  mandat 
d'une  circonscription  de  Transylvanie.  Le  pays  ne  le  connaissait  guère. 
Tout  ce  qu'on  en  savait  dans  le  monde  administratif,  c'est  que,  ayant  été 
préfet  (Obcrgespann)  d'un  coroitat  dont  la  population  est  en  majeure  partie 
roumaine,  il  avait  su  y  briser  l'opposition  de  cette  nationalité.  Notre 
Chambre  était  présidée  depuis  une  douzaine  d'années  par  M.  Thomas  de 
Péchy,  un  ancien  mertbre  du  cabinet  Tisza,  auquel  la  majorité  en  voulait 
de  ses  tolérances  et  complaisances  envers  l'opposition  turbulente  et  obs- 
tructionniste. Le  ministère  Szapary  proposa  de  le  remplacer  par  le  baron 
Banffy,  considéré  comme  l'homme  à  poigne,  nécessaire.  Ce  qui  fut  /ait. 
Survint  en  1894  la  mort  de  Kossuth,  dont  les  cendres  furent  ramenées 
solennellement  de  Turin.  Toute  la  Chambre  assistait  aux  funérailles,  M.  de 
Banffy  seul  était  absent  sous  prétexte  qu'il  avait  à  présider  à  Klausenbourg 
le  consistoire  protestant.  Cela  lui  lit  une  première  bonne  note  à  la  cour 
et,  lorsque,  huit  mois  après,  le  roi  voulut  absolument  se  séparer  du  cabi- 
net Weckerlé-Szilagyi  et  que  la  majorité  se  refusait  à  admettre  le  can- 
didat de  la  cour,  le  comte  Khuen-Hedervar),  on  tomba  d'accord  sur  le 
baron  Banffy.  On  se  souvient  de  l'immense  popularité  que  lui  valut  son 
conflit  avec  Mgr  Agliardi,  le  nonce  du  Pape  à  Vienne  et  la  démission  du 
comte  Kainoky  qui  s'en  suivit  On  sut  gré  aussi  au  baron  Banffy  d'avoir 
dissipé  les  méQances  qui  avaient  prévalu  à  la  cour  aussi  bien  à  la  suite  de 
cet  incident  que  des  honneurs  rendus  à  Kossuth.  En  1896,  pendant  le  Mil- 
lénaire, le  roi  et  la  reine  vinrent  à  plusieurs  reprises  à  Budapest  et  les 
élections  générales  de  l'automne  de  la  même  année  donnèrent  au  minis- 
tère une  immense  majorité. ..Et  tout  cela  n'a  pas  empêché  que,  peu  à  peu. 


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HONGRIE  1  8  1 

il  y  ait  eu  désaffecUon  dans  le  pay.*?.  Certains  procédés  choquaient  nos 
habitudes  très  libérales  et  si  la  majorité  a  refusé  pendant  ces  derniers  mois 
de  se  séparer  du  baron  Banffy,  c'est  qu'elle  n*entendait  pas  se  laisser 
imposer  cette  séparation  par  une  minorité  turbulente.  Cela  n'empêche  que 
Favènement  du  cabinet  Széll  apparaît  à  tous  comme  un  grand  soulage- 
ment. 

Le  baron  BanfTy  Yient  d'être  appelé  aux  fonctions  de  grand-maître  des 
cérémonies  à  la  cour  C'est  ce  qu'on  appelle  un  enterrement  de  première 
classe.  Il  fait  désormais  partie  de  la  Chambre  des  magnats  et,  son  mandat 
législatif  étant  devenu  vacant,  ses  anciens  électeurs  viennent  de  le  confier 
sans  concurrents  M.  dHJgron,  le  chef  d'un  groupe  de  la  gauche  que  Tex- 
président  du  Conseil  avait  réussi  à  faire  échouer  aux  élections  générales 
de  i896.  Sic  transit.  Et  Tironie  de  l'histoire  se  montre  celte  fois  encore  : 
appelé  naguère  au  faîte  des  honneurs  parlementaires  pour  faire  cesser  les 
velléités  obslructionnistes,  c'est  h  ces  dernières  qu'il  a  succombé  au 
bout  de  sept  ans.  Il  est  «  tombé  haut  »,  tout  près  du  trône;  mais  il  ne 
paraît  pas  que  d'ici  longtemps  il  puisse  songer  revenir  à  la  vie  active  de 
la  politique. 

2**  Lois  promulguées. 

XVin.  —  Imposition  des  spiritueux.  —  Introduction  de  la  loi  du  9  juillet 
1898,  en  Croatie-Esclavonie. 

XIX.  —  Le  régime  forestier  et  les  attributions  de  l'Etat  dans  la  sur-^ 
▼eillance  de  Texploitation  des  forêts.  —  Loi  du  9  juillet. 

XX.  —  Crédits  accordés  à  Tagriculture.  —  Loi  du  10  juillet,  modifiant  cer- 
taines dispositions  de  la  loi  de  1895  pour  augmenter  ces  crédits  de  1  million  de 
florins  (3  au  lieu  de  2   en  1898,  et  de  1  million  (2  au  lieu  d'un^  en  1899. 

XXL  —  Soins  à  donner  aux  malades.  —  Loi  du  10  juillet  sur  la  couverture 
des  dépenses  résultant  de  ce  chef,  l'Etat  assumant  une  lar^e  part  dans  les 
dépenses  communales  et  départementales. 

XXI IL  —  Création  d'associations  de  crédit  agricole  et  industriel.  —  Loi 
du  11  juillet  1898. 

XXIl,  XXIV  et  XXIX.  -  Lois  d'intérêt  local. 

XXX.  —  Mémoire  de  la  Reine  Elisabeth,  tuée  en  septembre,  à  Genève. 
—  Loi  du  12  octobre. 

XXXL  —  Pèlerinage  à  la  Mecque  et  le  golfe  de  Perse.  —  Convention 
internationale  échangée  à  Paris,  le  26  juin  1898,  sur  les  mesures  à  prendre  en  ce 
les  concerne. 

XXXll.  —  Convention  commerciale  avec  le  Japon,  conclue  le  5  décembre 
1897.  —  Loi  du  7  décembre  1898. 

1.  —  Douzièmes  provisoires.  —  Loi  du  17  mars  1899.  accordant  les  crédits 
provisoires  pour  les  quatre  premiers  mois  de  l'année. 

Il  et  111.  —  Contingent  militaire.  —  Loi  du  17  mars,  accordant  le  contingent 
militaire  pour  1899,  et  ordonnant  le  recrutement. 


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182  LA    VIE   POLITIQUE   ET    PARLEBOENTAIRE    A   l'ÉTRANGER 


111.— CHINE 

NOTES    ÉCONOMIQUES    ET    COMMERCULES 

I.  —  L*£mpire  Chinois. 

L'Elmpire  Chinois  a  une  superficie  d'environ  onze  millioDs  de  kilomètres 
carrés.  Il  est  difAcile  de  connaître  exactement  le  ohiffre  de  sa  popolatioD 
qu*on  évalue  de  4^  à  430  millions  d^habitants.  Certaines  régions  sont  très 
peuplées;  d'antres  parmi  lesquelles  les  Etats  tributaires  le  sont  beaucoup 
moins. 

Kn  dehors  des  18  provinces  qui  forment  la  Chine  proprement  dite, 
lEmpire  du  Milieu  comprend  des  territoires  qui,  bien  que  d'une  étendue 
beaucoup  phisgrande^  sont  d'une  importance  moindre.  Ces  territoires  sont 
le  Thibet,  le  Turkestan  chinois^  la  Dzonngarie  (au  point  de  vue  de  Tadmi- 
iiij^ratioD  chinoise  le  Turkestan  et  la  Dsoungarie  sodod  réunis  sous  le  nom 
crili).  En  plus  de  ces  pays  qui  constituent  les  Etats  tributaires  de  la  Chine 
se  trouve  la  Mandchourie  qui  ne  peut  être  rangée  sous  la  même  dénomi- 
nation, puisque  c'est  de  Mandchourie  qu'est  originaire  la  famille  qui  règne 
actuellement  sur  toute  la  Chine  après  l'avoir  conquise  et  que  c'est  ce 
pays  qui  a  assujetti  la  Chine  (certaines  provinces  doivent  même  fournir 
des  subsides  à  la  Mandchourie  pour  l'entretiett  de  ses  troopeft). 

Pays  situés  en  dehors  de  la  Chine  proprement  dite.  —  Thibe?.  —  Le- 
Thibet  est  compris  entre  l'Himalaya  et  les  monts  Kouenloun;  la  capitale 
Lhassa  résidence  du  Dalaï  lama,  est  le  quaiHier  général  du  Boudhîsme.  Les 
Thibétains  réticent  une  grande  quantité  de  laine  de  leurs  montons  et  de 
leurs  chèvres,  ils  en  font  des  tissus,  des  couvertures,  des  tapis.  L'or  et  les 
pierres  précieuses  provenant  des  montagnes  servent  à  la  fabrication  d'orne- 
ments d'un  goût  assez  artistique.  Les  objets  d'or  et  d'argent  constituent 
un  important  article  du  commerce  avec  ta  Chine.  On  exporte  également 
en  Chine  de  la  poudre  d*or,  des  pierres  précieuses,  de  Tasa  fiBtida,  du 
muscades  tissus  de  laine  et  des  pelleteries;  les  Thibétains  reçoivent  en 
échange  des  soies^  du  thé,  de  la  porcelaine,  du  tabac.  Le  commerce  se  fait 
par  Sinmg  fou  dans  le  Kamsou  et  Batang  dans  le  Isetcbouan.  —  L'étain,le 
sel  gemme,  les  lainages  sont  aussi  exportés  du  TYirbct  au  l.adak,  au  Houian 
et  dans  l'Inde. 

Le  Thibet  est  formé  de  deux  provinces  :  Le  TMbet  antérieur  et  le  Thibet 
ultérieur.  —  Le  Thibet  antérieur  comprend  les  subdivisions  de  Wei  et  de 
Khan  qui  se  partagent  en  8  cantons  et  39  comnranes  féodales.  La  capitale 
du  Thibet  antérieur  est  Lhassa;  le  gouvernement  est  entre  les  mains  du 
Dalaï  lama  et  de  ses  bonzes,  sous  la  surveillance  d'un  résident  chinois.  — 
Le  Thibet  ultérieur  est  formé  des  subdivisions  de  Tsoung  et  de  Nari  et  a 
Shigatse  pour  capitale.  Cette  province  est  gouvernée  par  le  Teshou  lama 
assisté  d'un  résident  venu  de  Pékin. 

Turkestan  Chinois.  —  Le  Turkestan  chinois  situé  au  Nord  du  Thibet  a 
pour  villes  principales  Kachgar,  Yarkand  et  Aksou.  Il  est  en  partie  habité 


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pu^Jlj.' 


CHINE  18.? 


par  des  peuplades  noaiiades.  Quoiqu'on  trouTe  des  déserts  au  Turkestas, 
le  sol  est  fertile  en  beaucoup  d*eadroits  et  nourrit  de  nombreax  chevaux 
sauvages,  des  bœufs,  des  chameaux  et  une  espèce  de  moutoas  dits  argalis. 
La  culture  des  céréales  est  asset  répandue  et  le  sésame  se  plante  pour 
rhuile  que  Ton  en  extrait. 

Rien  que  les  montagnes  recèlent  de  Tor,  de  Targest,  des  pierres  pré- 
cieuses, du  cuivre,  les  raines  sont  teUemeat  peu  exploitées  que  leur 
rendement  est  inférieitr  au  produit  da  commerce  des  sels  ammoniacaux, 
du  salpêtre,  du  soufre,  de  Tasbeste  qui  proviennent  des  régions  voica- 
miques  situées  à  Test  de»  Moais  Célestes.  Les  plus  belles  espèces  de  jade, 
cette  pierre  qoe  les  Chinois  apprécient  tant,  se  trouvent  dans  le  Tur- 
kestan. 

11  convient  de  citer  comme  objets  manufacturés  ks  cotonnades,  l«s 
soieries,  les  draps  d'or  et  d'argent,  les  tapis  de  Kach^r  très  renommés  ea 
GUne. 

DzocBVGAAiE.  —  La  Dzoungarie  dont  U  capitale  est  Kouldja  est  au  Nord 
dm  Tnrkeetan.  C'est  on  pays  également  très  riche  en  mines  variées  qui 
Be  sont  pas  e»core  expieitées.  Le  sol,  assaz  bien  aailivé  sur  certains 
pomla,  donne  principalement  da  blé,  de  Torge,  du  riz,  du  millet  et  aussi 
du  tabac,  mais  pas  en  quantité  considérable.  —  L*élevage  est  très  en  bon- 
neor  et  les  chameaux,  les  chevaux,  le  bétail  constituent  une  des  rich^îsses 
de  la  région. 

Au  point  de  vue  de  Tadministration  chinoise,  le  Tarkestan  et  le  Dzoungarie 
sont  renais  sous  le  nom  d'Ili.  L'Ili  comprend  deux  circuits  :  le  circuit 
Nord  ou  Dzoungarie,  le  circuit  Sud  ou  Turkestaa  Oriental.  —  Le  circuit 
nord  comprend  trois  subdivisions  :  Tlli,  capitale  Kouldja;  le  Kourkara 
Ousou,  capitale  Kourkara  Ousou;  le  Tarbagatai,  capitale  Soui  tsin^  Ching. 
Ce  circuit  est  administré  par  un  Gouverneur,  deux  conseillers  et  vingt- 
quatre  résidents  dans  les  villes.  Ces  résidents  sont  placés  sous  d'autres 
résidents  d'un  rang  plus  élevé  qui  relèvent  du  Gouverneur.  —  Le  circuit 
sud  ou  Turkestan  Oriental  se  divise  en  dix  villes  :  Harachar,  Koutche, 
Sairtm,  Bai  Oushi^  Skson,  Khoten,  Kachgar,  Yangi,  Hissar  et  Yarkand. 
Chaque  ville  est  gouvernée  par  un  résidezU  qui  r^ve  du  Gouverneur  d'Ili 
et  par  des  chefs  indigènes* 

MojïGouE.  —  La  Mongolie  est  située  entre  la  Sibérie  au  nord;  la  Mand- 
chourie  à  Test;  les  provinces  duTcheli,  du  Chansi  ou  Chensi,  du  Kansou 
et  le  Thibet  au  Sud;  le  Turkestaa  et  la  Dzoungarie  à  TOuest.  Le  climat  est 
excessivement  froid  pour  la  latitude.  Le  désert  de  Gobi  est  compris  dans 
le  territoire  de  ht  Mongolie.  La  ville  principale  est  Ourga,  au  croisement 
de  différentes  routes  notamment  celle  des  caravanes  qui  se  rendent  en 
Russie  par  Kakta,  transportant  le  thé  noir  connu  sous  k  nom  de  thé  de 
caravane.  La  boisson  des  Mongols  est  le  thé;  il  est  fabriqué  en  Chine  pour 
cette  consommation  une  sorte  de  tourteaux  de  thé  connus  sous  le  nom  de 
briques.  Ces  briques  dans  certains  endroits  rempUicent  la  monnaie  ;  elles 
se  morcellent  en  parcelles  plus  ou  moins  grandes  selon  l'importance  des 
paiements  à  effectuer. 


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184  LA   \1E   POLITIQUE    ET    PARLEMENTAIRE   A    l'éTRA>GER 

Les  troupeaux  sont  nombreux  dans  les  parties  qui  ne  sont  pas  dépour- 
vues de  végétation,  et  les  nomades  se  transportent  avec  eux  d'un  point  à 
un  autre  dans  les  limites  assignées  par  les  Chinois  à  chaque  tribu.  Les 
peaux  de  mouton,  loup,  renard,  zibeline  sont  l'objet  d*un  revenu  impor- 
tant, bien  que  les  pelleteries  de  valeur  telles  que  les  zibelines  traquéej  par 
un  nombre  chaque  jour  grandissant  de  chasseurs  deviennent  plus  rares. 
Aussi  l'exportation  de  cette  fourrure  en  Chine  a-t-elle  diminué. 

Le  sol  recèle  des  mines,  notamment  de  charbon  et  de  cuivre,  dont 
Pexploitation  n'a  jamais  été  que  très  rudimenlaire. 

La  Mongolie  se  divise  en  quatre  provinces  :  la  Mongolie  intérieure,  la 
Mongohe  extérieure,  le  Kokonor  etTOuliasoulai.  —La Mongolie  intérieure 
est  divisée  en  six  corps  subdivisés  en  vingt-quatre  tribus  et  quarante- 
neuf  bannières.  Il  n'y  a  pas  de  capitale  commune  ;  chaque  tribu  a  à  sa 
tête  un  chef  ou  général  et  est  administrée  parle  «  Li  Fan  Yuen  »  bureau 
spécial  dont  le  siège  est  à  Pékin.  —  La  Mongolie  extérieure  se  divise  en 
quatre  Kanats.  Toutchetou,  Sainnoin,  Tsetsen  et  Dsassaktou.  La  capitale 
est  Ourga  ou  Kouroun.  La  province  est  gouvernée  par  quatre  Kans  qui 
relèvent  du  Koutoukton.  Le  Eoutouktou,  incarnation  de  la  Divinité 
(appelé  couramment  Boudha  vivant)  réside  k  Ourga.  Pour  cette  raison 
cette  ville,  dans  la  doctrine  des  Lamas,  occupe  après  Lhassa  le  second 
rang  en  sainteté.  —  Le  Kokonor  se  divise  en  29  bannières  et  est  administré 
par  un  Président  mandchou  qui  siège  en  dehors  du  Kokonor  à  Simng 
dans  le  Kansou.  —  L'Ouliasoutai  comprend  le  département  de  Cobdo  qui 
a  il  tribus  et  31  bannières,  et  celui  d'Oulianghai  dont  les  tribus  se 
partagent  en  21  groupements. 

II.  —  La  Mandchourie. 

La  Mandchourie  se  trouve  entre  la  Mongolie  et  la  province  du  Petcheli  à 
'Ouest,  le  golfe  du  Petcheli  et  la  mer  de  Corée  au  Sud,  la  Corée  et  le 
territoire  russe  à  l'Est,  et  le  fleuve  Amour  qui  la  sépare  de  la  Sibérie  au 
Nord.  C'est  le  plus  fertile  des  territoires  situés  en  dehors  de  la  Chine 
proprement  dite;  son  climat,  quoique  très  froid  en  hiver,  est  sain.  Des 
Chinois  venus  surtout,  les  uns  du  Chantoung,  les  autres  du  Foukien  y  ont 
formé  des  colonies;  les  premiers  s'adonnent  aux  travaux  du  sol,  tandis 
que  le  commerce  est  entre  les  mains  des  seconds. 

Les  forêts,  les  chevaux,  le  bétail,  les  grains,  les  minerais  sont  parmi  les 
richesses  de  cette  contrée.  Les  forêts  se  trouvent  sur  les  parties  élevées. 
Mieux  exploitées  elles  seraient  la  source  de  bénéfices  sérieux.  Le  terrain 
des  vallées  est  assez  fertile  pour  pouvoir,  en  certains  endroits,  donner 
jusqu'à  deux  récoltes  par  an.  Le  sorgho,  le  millet,  l'orge,  le  maïs.  1  indigo, 
le  chanvre  constituent  les  principales  cultures.  Le  chanvre  de  Mandchourie 
est  le  chanvre  commun  «  Cannabis  sativa  »;  on  en  rencontre  de  vastes 
champs  dans  les  environs  de  Kirin.  Le  chanvre  se  vend  de  5o  à  65  tiaos  (1) 

(1)  Le  tiao  vaut  environ  13  cents. 


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CHINE  185 

par  picul  (1);  on  n'emploie  aucune  machine  pour  séparer  les  fibres  de  la 
tige;  on  se  contente  d'un  travail  manuel.  —  Il  faut  mentionner  le  pavot 
qui  se  cultive  chaque  jour  davantage  en  raison  du  prix  élevé  qu'obtient 
son  produit  :  Topium.  —  Le  tabac/plus  spécialement  cultivé  dans  la  parlie 
Sud  de  la  Mandchourie,  est  planté  en  mai  et  récolté  en  octobre.  En  1897  il 
en  a  été  exporté  en  feuilles  2.586  piculs  représentant  une  valeur  de 
18.56.3  taels  (2).  Le  fçinseng  et  la  rhubarbe  sont  récoltés  par  des  détache- 
meuts  militaires  préposés  à  ce  soin  ;  il  en  a  été  exporté  en  1897  de  Nieout- 
chouang  dans  les  divers  ports  chinois  1.402  piculs  ayautune  valeur  de 
138.558  taels.  —  Le  ricin  est  très  cultivé,  particulièrement  le  long  des 
routes  où  on  le  plante  pour  former  de»  haies. 

Les  animaux  à  fourrure  (ours,  loups,  tigres,  chèvres,  chiens,  chats,  etc.) 
sont  nombreux  et  leurs  peaux  sont  un  des  éléments  du  commerce  d'expor- 
tation. Un  échange  important  de  marchandises  se  fait  entre  la  Mandchourie 
et  la  Corée.  La  Mandchourie  fournit  des  peaux  de  chien,  de  chat,  des 
pipes,  des  cuirs,  des  cornes  de  cerf,  du  cuivre,  des  chevaux,  des  mules, 
des  fines,  et  reçoit  en  échange  des  paniers,  des  ustensiles  de  cuisine,  du 
riz,  du  blé,  des  porcs,  du  papier,  des  nattes,  des  bœufs,  des  chevaux  d'une 
petite  race  spéciale. 

Dans  la  province  méridionale  de  Shingkhing  ou  Foungtien  ge  trouve  la 
région  qui  produit  la  soie.  Le  ver  à  soie  de  Mandchourie  se  nourrit  de 
feuilles  de  chêne,  principalement  des  feuilles  du  «  Quereus  Mongolica  » 
ou  «  Quereus  Robur  ».  Il  y  a  deux  récoltes  par  an  :  une  de  soie  belle  et 
fine  au  printemps,  une  seconde  de  soie  plus  brune  et  plus  dure  en 
automne.  C'est  cette  dernière  qui  est  exportée.  —  Le  mûrier  pousse  égale- 
ment en  Mandchourie,  mais  le  ver  du  mûrier  ne  produit  qu'une  quanlifé 
de  soie  peu  importante.  —  Les  plantations  de  chênes  paient  une  taxe 
annuelle  de  35.000  tiaos  par  24  mous  (le  mou  équivaut  aune  superficie  de 
240  pas;  le  pas  ou  pou  représente  lui-même  l  mètre  c  60).  En  Mandchourie 
le  picul  de  cocons  valait  autrefois  de  55  à  65  taels.  Dès  1891  il  atteignait 
de  100  à  110  taels. 

Les  fèves  alimentent  le  commerce  de  l'exportation  ;  il  en  est  expédié  en 
grande  quantité  de  Nieoulchouang.  Les  fèves  sont  aussi  employées  pour 
faire  de  l'huile.  Elles  servent  encore  à  la  fabrication  de  tourteaux  dont 
l'exportation  à  Hong-Kong  et  surtout  dans  les  ports  chinois  s'est  élevée 
en  1897  à 2.374.462  piculs  représentant  une  valeur  de  M.  K.  Taels  :  4.-n7.035. 
La  façon  spéciale  et  primitive  de  préparer  ces  tourteaux  et  cette  huile 
donna  l'idée,  lorsque  le  port  de  Nieoutchouang  fut  ouvert  aux  Européens, 
d'avoir  recours  à  des  moyens  plus  perfectionnés.  Une  machine  fut 
commandée  en  Angleterre,  mais,  après  essai,  l'huile  ne  fut  pas  extraite 
aussi  complètement  qu'avec  la  méthode  indigène  et  Ton  revint  au  système 
employé  précédemment.  Les  fèves  sont  écrasées  par  des  meules  en  pierre 
et  mises  ensuite  dans  des  sacs  de  toile  que  l'on  place  un  quart  d'heure 
environ  au-dessus  de  la  vapeur  d'eau,  puis  on  forme  des  tourteaux  avec 

(1)  Le  picul  équivaut  à  60  kilogrammes  454. 

(2)  Le  Hackoman  tael  vaut  3  fr.  73. 


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186  LA   VIE  POLITIQUE   ET   PAilLEMENTAlRE   A   l'ÉTKA>GER 

la  pâte  de  fèves  et  Ton  presse  ces  tourteaux  pour  en  exprimer  Thuile. 
Maintenant  un  moulin  iastailé  depuis  i896pardes  ADgiaisàNieoutchouang 
peut,  avec  les  presses  qui  lui  sont  adjointes  fournir  environ  30.000  tonnes 
d'huile  par  an. 

En  Mandchourie  on  distille  le  millet  pour  en  retirer  une  eau  de -vie 
appelée  saïushou  ;  il  faut  en  moyenne  12  piculs  de  millet  pour  obtenir 
5  piculs  d*alcool. 

Sur  les  côtes  la  pèche  des  huîtres  perlières  est  assex  rémunératrice  pour 
qu'un  grand  nombre  d'indigènes  s'y  adonnent.  1^  sel  employé  est  obtenu 
par  révaporation  de  l'eau  de  mer;  il  est  frappé  d'une  taxe. 

Des  montagnes  riches  en  minerais  on  retire  du  cuivre,  du  plomb,  de 
l'argent.  Dans  le  Nord,  près  de  la  frontière  russe,  ee  trouvent  les  mines 
d'or  de  Moko.  Ces  mines  qui  n'ont  vraiment  coœmeiàcé  à  fournir  de 
revenu  qu'en  1896  donnent  actuellement  300.000  Uels  par.  Elles  seront 
vraisemblablement  exploitées  par  des  Européens,  quand  le  Transsibérien 
sera  terminé. 

Au  Sud  le  terrain  carbonifère  couvre  une  vaste  étendue.  On  extrait  de 
la  houille  à  Liao  Yang,  Ouest  Thin  tcheou,  Foutchou  et  dans  la  vallée  du 
Yalou.  L'on  n'a  pas  de  machines  pour  pomper  l'eau  qui  envahit  les  puits 
et  les  mine^  de  charbon  sont  abandonnées  avant  que  l'on  ait  pu  atteindre 
une  profondeur  qui  donnerait  de  bons  rendements. 

Du  soufre  est  obtenu  dans  Le  voisinage  de  Hsin  Yen  Tchao  par  la  cakina- 
tion  du  fer  sulfuré. 

11  convient  de  mentionner  Texistence  à  Kirin  d'une  manufacture  de 
pondre  et  de  munitions  dirigée  par  dies  Chinois;  ses  produits  sont,  dit-on, 
de  bonne  qualité. 

Tout  le  commerce  de  la  Mandchourie  se  fait  par  le  portouvertde  Nieoui- 
chouang;  les  importations  étrangères  les  plus  importantes  sont  les  coton- 
nades, principalement  celles  d'Amérique,  les  ûlés  de  coton  indiens  et  Le 
pétrole  américain  et  russe.  Dans  l'ensemble,  les  importations  étrangères 

se  sont  élevées  en  1897  à  la  somme  de 8.995  92tf  ta^ 

Les  importations  chinoises  à , 3.554.130    — 

Les  produits  indigènes  exportés  à  l'étranger  à 5.542  838    — 

Les  produits  indigènes  exportés  dans  les  ports  chinois  à..      8.265. 774    — 

Total  du  commerce  du  port â6.^8.67i  taeb 

Le  mouvement  de  la  navigation  s'est  réparti  ainsi  entre  les  divers 
Pavillons  : 

BATEAUX  A  VAPICtB 

bilrées  el  aoilies 
PaviUoiM  >(«aifcrc  Tonaes 


Anglais 

AUenand 

llollaydaû 

Su^>dou»  norvi^gicn. 

RusAT 

Japonais 

(>bioois 


m 

350.368 

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II4.74S 

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lui 

85.951 

154 

I08.i4i 

Tout  des  bateaux  à  vapeur.  8â8  Tll.Sii 


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CHINE  187 

HAIFAIX   A   V01LK8 

Anglais ifi  13.554 

AaK-ricain «>  i.HGi 

Allemand «»  i.TiO 

Total  des  balcanx  à  %oilcs..  38  IO.I4:i 

Total  général 8«6  730.964 

Les  lignes  de  chemin  de  fer  concédées  el  qui  relieront  Xieoutchouang  à 
Moukden  et  Mouicden  à  Tientsin  dérelopperont  le  commerce  de  la  Mand- 
chonrie.  Actuellement,  par  suite  de  la  difficulté  des  communications^  beau- 
coup de  produits  qui  pourraient  être  exportés  doivent  se  consommer  sur 
place  ou  même  se  perdre. 

Les  opérations  de  banque  sont  entre  les  mains  de  la  Hong-Kong  Bank 
et  de  la  Banque  Russe  chinoise,  ces  deux  établissements  de  crédit  ayant 
des  succursales  à  Nieoulchouang.  — La  maison  d'exportation  qui  voudrait 
faire  des  affaires  à  Nleoutchouang  devrait  se  soumettre  aux  coutumes  de  la 
place,  c'est-à-dire  accepter  en  échange  de  ses  produits  un  crédit  placé  à 
son  nom  dans  Tune  des  banques  locales,  à  moins  de  consentir  à  un 
1  à  5  p.  100.  L'importateur  doit  donc  être  presque  toujours  également 
exportateur. 

Au  point  de  vue  administratif,  la  Handchourie  se  divise  en  3  provinces  : 
1"  la  province  de  Shing  King  ou  de  Moukden  ou  encore  de  Fougtien,  qui 
englobe  la  vallée  du  Liao  et  la  péninsule  de  Liaotoung;  la  province  de 
Kirin  entre  les  rivières  Oussouri  et  Soun^jari  ;  3°  la  province  de  r.Vmour 
(Hoh  Lang  Kiang,  rivière  du  Dragon  Noir)  comprise  entre  l'Amour  et  le 
Soungari. 

La  province  de  Shingking  se  partage  en  2  départements.  15  districts  et 
13  jrarnisons;  la  capitale  est  Moukden  ou  Foungtien.  Moukden  est  la  ville 
sainte  dans  les  environs  de  laquelle  se  trouvent  les  tombeaux  des  ancêtres 
des  empereurs  de  la  dynastie  actuelle. 

La  province  de  Kirin  est  formée  de  3  départements  et  8  garnisons.  La 
capitale  est  Kirin. 

La  province  de  TAmour,  capitale  Tsitsigar  a  six  commanderies  placées 
sous  l'autorité  de  six  généraux. 

Les  généraux  à  la  tête  des  garnisons  et  des  commanderies  dépendent 
de  trois  maréchaux  tartares  qui  résidant  dans  les  préfectures.  Le  maréchal 
tartare  de  Moukden  est  aussi  à  la  tête  du  pouvoir  civil  de  la  Mandchourie. 

III.  —  La  Chine  proprement  dite. 

La  Chine  proprement  dite  est  comprise  entre  la  mer,  la  Mandchourie  et 
les  Etats  tributaires  qui  la  séparent  du  continent  asiatique,  si  ce  n'est  au 
Sud  où  elle  confine  à  nos  possessions  d'Jndo-Chine  et  à  la  Birmanie. 

La  Chine  se  divise  en  18  provinces.  Ces  provinces  forment  8  gouverne- 
ments généraux,  relevant  d'un  Vice-Roi  et  comprenant  une  ou  plusieurs 
provinces. 

Chaque  province  est  administrée  par  un  gouverneur  provincial  à  l'excep- 
tion du  Tcheli,  du  Ssetchouan  et  du  Kausou  qui  sont  administrés  directe- 


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188 


LA    VIE    POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE    A    L'ÉTRANGER 


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CHINE  189 

ment  par  un  Gouverneur  Général  ou  Vice-Roi.  —  Le  Chanloung,  le  Chansi 
et  le  Houan  ne  relèvent  pas  d'un  gouverneur  général. 

Les  provinces  se  partagent  en  lao  (circuils).  Le  tao  comprend  des  fou 
(préfectures  de  premier  rang)  ;  des  tcheou  (préfectures  de  second  rang)  ;  les 
tcheou  relèvent,  les  uns  du  taotai,  les  autres  directement  de  la  capitale  de 
la  province;  des /m^  (autre  catégorie  de  préfectures  relevant  comme  les 
tcheou  indépendants  de  la  capitale  provinciale);  rf«5  kien  (sous-préfec- 
tures). 

Le  tableau  ci-contre  indique  le  groupement  des  provinces  ainsi  que  le 
nombre,  pour  chacune,  des  subdivisions  administratives. 

En  plus  des  fonctionnaires  correspondant  aux  circonscriptions  adminis- 
tratives se  trouvent  dans  chaque  province  des  trésoriers,  des  juges,  des 
fonctionnaires  de  Tadministration  de  la  gabelle,  des  douanes,  du  transport 
des  grains  (certaines  provinces  doivent  envoyer  des  grains  à  Pékin),  de  la 
surveillance  des  digues,  qui  ne  dépendent  pas  de  Fadministration  provin- 
ciale. Il  existe  aussi  dans  quelques  provinces  un  délégué  de  l'administra-  * 
tion  des  mines  qui  relève  directement  de  TEmpereur. 

A  la  tête  du  Gouvernement  Central  se  trouve  TEmpereur.  Un  (irand 
Conseil  (Kînn  Ki  tchou)  examine  les  affaires  de  TElat  et  lui  présente  des 
rapports.  L'Empereur  accepte  ou  rejette  les  projets  proposés. 

Les  Vice-Rois  nommés  par  le  Gouvernement  central  et  relevant  de  lui 
sont  dans  la  pratique  ù  peu  près  indépendants. 

Le  Tsong  li  Yamen  est  un  bureau  établi  par  décret  du  29  janvier  1864 
et  qui  est  chargé  des  relations  «  avec  les  étrangers  ». 

Les  Ministères  sont  au  nombre  de  six  : 

Le  Ministère  de  Tlntérieur Li  pou. 

—  des  Finances Hou  pou. 

—  des  Rites ...     Li  pou. 

—  de  la  Guerre Ping  pou. 

de  la  Justice Hing  pou. 

—  des  Travaux  Publics Kong  pou. 

Le  li  Fan  Yuen  est  une  administration  chargée  des  relations  avec  la 
Mongolie. 

La  cour  des  Censeurs  (tou  tcha  Vueu)  a  un  rôle  de  surveillance  et  de 
dénonciation. 

La  police  et  l'entretien  de  Pékin  relèvent  du  (iouverneur  militaire  de 
cette  ville  qui  est  toujours  un  Mandchou. 

Le  Préfet  de  Pékin  dont  les  focntions  sont  administratives  a  sous  lui 
deux  soiî'î-préfectures  qui  forment  la  préfecture  de  Chouen  tien  fou. 

Le  Directeur  Général  des  chemins  de  fer  chinois,  dénommé  Délégué 
impérial,  relevait  directement  de  l'Empereur  avant  le  2  août  1898.  A  cette 
date  un  Décret  impérial  a  institué  une  Administration  générale  des  mines 
chemins  de  fer  qui  devra  connaître  de  toutes  les  questions  et  des  rela- 
tives à  l'exploitation  des  mines  et  à  l'établissement  des  voies  ferrées. 

L'armée  se  compose  de  troupes  mandchoues  sous  le  commandement  de 
maréchaux  tartares  résidant  dans  la  capitale  de  certaines  provinces  et  de 
troupes  chinoises.  (A  suivre) 


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LA 

m  POLITIOIIE  ET  PARLEttËWAIRE  £.^  fUMî 


I.  —    LA  POUTUIIIB  fiXTÉRISURE  DU  MOIS 

Paris,  le  l*^'  avril  1899. 

Le  conflit  anglo-français  peut  être  considéré  comme  réglé,  après  avoir 
dominé  la  politiqoe  internationale  pendant  près  de  six  mois.  Provoqué  par 
la  rencontre  du  commandant  Marchand  et  du  sirdai'  Kitchener  à  Fachoda, 
au  m  )is  de  septembre  1898,  il  a  vu  sa  période  aiguë  terminée  par  la  déci- 
sion de  notre  gouvernement,  prise  le' 4  novembre  suivant,  de  rappeler  la 
mission  française  établie  sur  le  Nil;  mais  cette  solution  n'était  que  partielle 
et  n'avait  qu'un  caractère  négatif,  puisque  ks  spbères  d'influence  des 
deux  puissances  restaient  non  délimitées.  C'est  donc  en  vue  d'aboutir  à 
une  solution  défînitive  que  les  deux  gouvernements  sont  entrés  en  négo- 
ciations, par  l'entremise  de  lord  Salisbury  et  de  M.  Paul  Gambon,  et  qu'ils 
ont  conclu  la  convention  du  21  mars  1899,  signée  à  Londres  par  notre 
ambassadeur  et  le  premier  ministre  anglais.  Ces  négociations,  contrai- 
rement à  ce  qui  avait  été  d'abord  annoncé,  n'ont  porté  que  sur  la  question 
du  Nil;  cette  circonstance  rendait  une  entente  plus  aisée  que  s'il  eût 
fallu  prendre  en  considération  l'ensemble  des  griefs  de  l'Angleterre,  en 
particulier  en  ce  qui  concerne  Terre-N«uve,  le  Siam  et  Madagascar. 

Pour  saisir  la  portée  exacte  de  la  Convention  du  21  mars,  et  surtout 
pour  comprendre  en  quoi  elle  ne  nous  est  pas  absolument  défavorable,  il 
faut  remarquer  dès  le  début  que  la  question  du  haut  Nil  a  été  combinée 
avec  celle  de  l'Afrique  Occidentale,  à  tel  point  que  l'arrangement  qui  vient 
d'être  conclu  ne  sera  qu'un  complément  de  l'article  4  de  la  Convention 
anglo-franraise  du  14  juin  1898,  laquelle  n'a  pas  encore  été  ratiflée  par 
notre  Parlement.  Par  cette  convention,  dite  du  Niger,  la  France  et  l'Angle- 
terre avaient  délimité  leurs  possessions  réciproques  dans  la  boucle  du 
Niger;  en  outre,  sur  la  rive  gauche  de  ce  fleuve,  l'ancienne  ligne  droite  de 
Say  à  Barronx,  qui  séparait  la  Nigeria  anglaise  du  Sahara  français,  avait 
été  remplacée  par  une  ligne  sinueuse,  dont  le  tracé  nous  était  plus  avan- 
tageux. Cependant,  le  rQste  du  bassin  du  Tchad  n'était  pas  délimité,  en 
particulier  dans  la  direction  de  l'Est,  vers  le  Nil;  en  sorte  que  la  puissance 
qui  dominait  sur  ce  dernier  fleuve  pouvait  à  volonté,  théoriquement  du 
moins,  prétendre  à-étendre  son  pouvoir  jusqu'à  la  rive  orientale  du  Tchad. 
Ainsi,  il  y  avait,  en  réalité,  deux  questions  bien  difl'ét entes,  qui  ont  été, 
moins  encore  combinées,  que  réglées  simultanément  :  celle  du  haut  Nil, 
que  nous  avions  soulevée  on  allant  à  Fachoda  ;  puis  celle  du  Tchad,  qui 


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LA    POUTIQUE   BXTÉRIEURÏ   MI   MOIS  191 

était  ouverte  depuis  longtemps,  mais  qu'il  était  logiqoe,  ménae  inériUble, 
de  régler  en  même  temps  que  la  première.  Or^  sans  bous  lÎTrer,  comme 
d'autres  Totrt  fait,  à  certaines  argumentatîoDS  subtiles,  qui  avaient  pour 
but  d'atténuer  la  brutalité  des  flaifcj,  nous  avouerons  franchement  ce  qui 
nous  semble  être  la  réalité  :  à  savoir  que  nous  avoms  été  battus  sur 
la  première  question,  celle  que  nous  avions  vi»ulu  régler  h  notre 
profit  par  l'envoi  de  la  mission  Marchand  sur  le  Nil  ;  nMÛs  que,  d'autre 
part,  nous  avons  obtenu  gain  de  <^use  sur  la  question  du  Tchad.  C'est  un 
avantage  considérable,  sans  doute,  mais  qui,  cependuit,  a  quelque  chose 
de  relatif,  puisque  les  pajs  qui  nous  sont  abandoDnés  ne  nous  étaient  pas 
très  sérieusement  contestés.  Ne  nous  adressant  pas  au  commun  des  le<vteurs 
de  journaux  quotidiens,  dont  îl  peut  être  bon  de  ménager  les  susceptibilités 
patriotiques,  mais  à  un  public  plus  éclairé,  qui  vent  se  rendre  un  comrple 
exact  des  cboses,  nous  préférons  parler  sans  fard  que  d'obscurcir  la  réalité 
par  des  subterfuges. 

Vu  l'importance  de  la  convention,  ou  plus  exactement  de  la  déclaration 
du  21  mars,  nous  en  reproduisons  plus  bas  le  texte  intégral  (i).  Comme 

(1)  Les  soussignés,  dikmeiit  autorisés  à  cet  effet  par  leurs  gouvernements,  ont 
signé  la  déclaration  suivante  : 

L'article  4  de  la  convention  du  14  juin  1898  est  complété  par  les  dispositions 
suivantes  qui  seront  considérées  comme  en  faisant  partie  intégrante  : 

1.  Le  gouvernement  de  la  Républicfoe  française  s'engaiçe  à  n'acquérir  ni  terri 
toire  ni  infhience  politique  à  Test  de  la  ligne  frontière  déûnie  dans  le  paragraphe 
suivant,  et  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  Britannique  à  l'ouest  de  cette  môme 
ligne. 

2.  La  ligne  frontière  part  du  point  où  la  limite  entre  l'Etat  libre  du  Conf^o  et 
le  territoire  français  rencontre  la  ligne  de  partagades  eaux  coulant  vers  le  Nil  de 
celles  qui  s'écoulent  vers  le  Congo  et  ses  affluents.  Elle  suit  en  principe  cette 
ligne^partage  des  eaux  jusqu'à  sa  rencontre  avec  le  11«  parallèle,  de  latitude  Nord. 
A  partir  de  ce  point,  elle  sera  tracée  jusqu'au  15*  parallèle  de  façon  à  séparer  en 
principe  le  royaume  de  Ooadaï  de  ce  qui  était  en  1882  la  province  de  Darfour  ; 
mais  son  tracé  n^  pourra,  en  aucun  cas.  dépassera  l'ouest  le  21*  degré  de  longi- 
tude Est  de  Grecnwich  (18o40  Est  de  Paris;  ;  ni  à  l'Est  le  23»  degré  de  longitude 
Est  de  Greenwich  (20o40  Est  de  Paris). 

3.  Il  est  entendu  en  principe  qu'au  nord  du  Î5«  parallèle  la  zone  française  sera 
limitée  au  Nord-Est  et  à  l'Est  par  une  ligne  qui  partira  dn  point  de  rencontre  du 
Tropique  du  Cancer  avec  le  16*  degré  de  longitude  Est  de  Greenwich  (l3o  40'  Est 
de  Paris),  descendra  dans  la  direction  du  Sud-Est  jusqu'à  sa  rencontre  avec  le 
24«  degré  de  longitude  Est  de  Greenwich  (2lo  40  Est  de  Paris^  et  suivra  ensuite  le 
24«  degré  jusqu'à  sa  rencontre  au  nord  du  15«  parallèle  de  latitude  avec  la  frontière 
du  Darfour  telle  qu'elle  sera  ultérieurement  fixée. 

4.  Les  deux  gouvernements  s'engagent  à  désigner  des  commissaiires  qui  seront 
chargés  d'établir  sur  les  Ueux  une  ligne  frontière  conforme  aux  indications  du 
paragraphe  2  de  la  présente  déclaration.  Le  résultat  des  travaux  sera  soumis  à 
l'approbation  de  leurs  gouvernements  respectifs. 

II  est  convenu    que   les   dispositions  de  l'article    IX  de    la    convention   du 
U  juin  1898  s'appliqueront  également  aux  territoires  situés  au  sud  du  14°  20  de 
laUtude  Nord  et  an  nord  du  5-  degré  de  latitude  Nord   entre  le  14o  20   de  longi- 
tude Est  de  Greenwich  (l2o  Est  de  Paris)  et  le  cours  du  haut  Nil. 
Fait  à  Londres  le  21  mars  1891). 

[l.  S.)  Signé  :  Paul  Cambon. 
(L.  S.)  Signé  :  Salisbury. 


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192  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE 

on  peut  s'en  rendre  compte,  la  ligne  générale  de  démarcation  formée 
par  l'ensemble  des  deux  lignes,  celle  du  paragraphe  2  et  celle  du  para- 
graphe 3,  sépare  le  bassin  du  Nil  de  ceux  du  Congo  et  du  Tchad,  d'abord, 
puis  du  Sahara,  en  attribuant  à  la  région  du  Nil  tout  le  désert  de  Libye. 
Comme  l'Angleterre  s'engage  à  n'acquérir  ni  territoire,  ni  influence  poli- 
tique à  l'ouest  de  la  ligne  définie  au  paragraphe  2,  c'est-à-dire  jusqu'au 
15*^  parallèle,  elle  nous  reconnaît  ainsi  le  bassin  du  Tchad;  il  est  vrai  qu'elle 
y  aura  peut-être  un  pied,  puisque  la  limite  du  Darfour  n'est  pas  encore 
exactement  fixée  ;  mais  il  ressort  du  texte  de  la  Déclaration  que  les  pré- 
cautions nécessaires  ont  été  prises  pour  que  cette  limite  occidentale  du 
Darfour  ne  s'avance  pas  trop  vers  le  Tchad.  Comme,  d'autre  part,  nous 
nous  imposons  à  l'Est  de  la  ligne  de  démarcation  du  paragrapge  2,  c'est- 
à-dire  jusqu'au  15*  parallèle,  la  mt^rae  réserve  que  l'Angleterre  s'impose  à 
l'ouest,  nous  reconnaissons  à  cette  dernière  la  possession  de  la  vallée  du 
haut  Nil,  jusqu'au  15*  parallèle.  Il  importe  de  faire  remarquer  un  fait  très 
important  :  c'est  que  la  question  d'Egypte  elle-même  n'est  en  rien  affectée 
par  la  Déclaration  du  21  mars,  puisque  la  ligne  de  démarcation  prévue  au 
paragraphe  2  part  vers  le  Nord,  de  l'extrémité  méridionale  de  la  Tripoli- 
laine,  c'est-à-dire  d'un  parallèle  au  nord  duquel  se  trouve  toute  l'Egypte 
proprement  dite.  En  outre,  nous  ne  nous  imposons  pas  la  même  réserve  à 
l'est  de  la  ligne  du  paragraphe  3  qu'à  Test  de  celle  du  paragraphe  2.  C'est 
donc  une  erreur,  sincère  ou  intentionnelle,  de  prétendre,  comme  on  l'a 
fait  en  Angleterre,  que  la  France  reconnaît  désormais  la  domination  de 
l'Angleterre  en  Egypte.  Cela  n'est  pas  exact.  Non  seulement,  donc,  la  ques- 
tion d'Egypte  reste  entière;  mais  il  y  a  plus  :  si  cette  question  .venait  à  se 
poser  d'une  manière  pratique,  et  que  le  gouvernement  khédivial  revendi- 
quât la  possession  du  Soudan,  la  France,  quoique  ayant  renoncé  pour 
elle-mêm'e  à  une  partie  déterminée  de  cette  région,  ne  terait  pas  obligée 
pour  cela  de  s'abstenir  de  prêter  son  concours  à  ce  gouvernement,  seule  ou 
de  concert  avec  d'autres  puissances.  .\!alheureusement,  pour  le  moment 
du  moins,  cette  réserve  n'a  qu'un  caractère  très  académique. 

Outre  la  délimitation  des  territoires,  la  déclaration  du  21  mars  contient 
une  clause  d'ordre  commercial  assez  importante.  Elle  étend  aux  régions 
situées  entre  le  Tchad  et  le  Haut  Nil  les  dispositions  par  lesquelles 
l'art.  10  de  la  convention  franco-anglaise  du  14  juin  1898,  garantissait 
aux  ressortissants  des  deux  puissances  contractantes,  le  régime  de  l'éga- 
lité du  traitement.  Dans  la  note  officieuse  qu'il  a  communiqué  à  la  presse, 
notre  gouvernement  explique  qu'il  a  atteint  ainsi  le  but  que  l'on  s'était  pro- 
posé en  envoyant  l'expédition  Marchand  àFachoda,  but  qui  était  de  fournir 
à  nos  possessions  du  Haut  Oubanghi,  très  éloignées  de  l'Océan  par  la  voie 
du  Congo,  un  débouché  plus  aisé  sur  le  Nil.  Eiïectivement,  par  la  clause 
finale  de  la  déclaration  du  21  mars,  le  cours  du  Nil  est  ouvert  à  notre 
(  ommerce  sur  un  développement  de  près  de  800  kilomètres,  à  savoir  de 
Lado,  sur  le  5«  parallèle,  jusqu'à  un  point  situé  un  peu  au  sud  de  Khar- 
toum,  à  savoir  à  l'endroit  où  le  fleuve  rencontre  le  14<'20'  de  latitude  nord. 
Il  est  vrai  que  les  avantages  qui  nous  sont  ainsi  accordés  dans  la  sphère 


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LA    POLITIQUE  EXTÉRIEURE   DU   MOIS  193 

Anglai8e,sont  aussi  reconnas  aux* Anglais  dans  la  sphère  française  jusqu'au 
Tobad,  au  Chari  et  au  Cameroun  allemand,  en  tant  que  ces  régions  sont 
situées  au  nord  du  2«  parallèle.  Il  est  môme  probable,  étant  donnée  la 
torpeur  de  notre  monde  commercial,  que  les  Anglais  tireront  de  cette 
clause  un  meilleur  parti  que  noas-mêmes.  Mais  ce  sera  notre  propre  faute 
et  nous  n'aurons  à  nous  en  prendre  qu*à  nous. 

Si,  maintenant,  nous  considérons  la  valeur  des  territoires  acquis  de 
part  et  d'autre,  nous  constaterons  que  notre  part  n'est  pas  la  plus  mau- 
vaise. Le  Babr-el-6|iazal,  qui  était  l'objet  principal  du  litige,  et  qui  est 
attribué,  en  fin  de  compte,  à  la  sphère  anglaise,  est  une  contrée  naturel- 
lement très  ingrate,  marécageuse  et  malsaine,  d'une  mise  en  valeur  très 
difficile.  Du  reste,  les  immenses  difficultés  qu'y  a  rencontrées  l'expédition 
Marchand  sont,  par  elles-mêm^,  un  indice  du  caractère  peu  hospitalier 
du  pays.  Le  Darfour,  qui  va  aussi  à  la  sphère  anglaise,  n'a  guère  plus  de 
valeur;  en  outre,  il  a  été  ravagé  par  des  guerres  civiles  pendant  plusieurs 
années.  Par  contre,  les  régions  dont  la  possession  nous  est  reconnue  sont 
infiniment  plus  riches.  Le  Kanero,  le  Ouadaï  et  le  Baghirmi,  qui  entou- 
rent le  Tchad,  sont  plus  riches  et  plus  utilisables  que  le  Darfour  et  le 
Bahr-el-Ghazal.  Quant  à  la  partie  du  Sahara  qui  nous  est  reconnue,  elle 
comprend  les  oasis  montagneuses  de  Borkou  et  de  Tibesti,  puis  celle  de 
Bilma,  qui  constituent  Vhinierland  économique  de  la  Tripolitaiue,  et 
dont  la  possession  nous  sera  nécessaire  si  nous  voulons  construire  un  jour 
le  transsaharien  aboutissant  au  Tchad.  En  outre,  la  délimitation  arrêtée 
présente  l'immense  avantage  de  constituer  en  un  tout  compact  nos  pos- 
sessions du  nord-ouest  de  l'Afrique.  Ainsi,  à  considérer  les  choses  à  un 
point  de  vue  simplement  matériel,  nous  pouvons  nous  tenir  pour  satis- 
faits, étant  donné,  surtout,  que  nous  avons  commercialement  un  accès 
sur  le  Nil. 

Est-ce  à  dire  que  les  critiques  que  nous  avons  formulées  contre  notre 
politique,  à  propos  de  l'affaire  de  FachoJa,  perdent  de  leur  valeur?  Il  n'en 
est  rien.  Nous  trouverions  très  mauvais,  au  contraire,  que  la  solution  rela- 
tivement satisfaisante  à  laquelle  on  vient  d'aboutir  fît  oublier  les  erreurs 
commises,  et  atténuât  la  portée  do  l'nmère  leçon  que  les  événements  nous 
ont  infligée.  Sans  doute,  la  sauvegarde  de  nos  intérêts  matériels  au  centre 
de  l'Afrique  est  une  chose  éminemment  respectable.  Mais  cela  est  de  peu 
de  poids,  cependant,  auprès  de  notre  prestige  politique  général.  Or,  ce 
dernier  a  été  durement  atteint  par  le  fait  que,  devant  la  menace  d'une 
guerre,  nous  avons  cédé  à  l'Angleterre.  Voilà  ce  qu'il  ne  faut  pas  oublier. 
Nous  maintenons  donc  ce  que  nous  avons  dit  :  à  savoir  que,  par  une  poli- 
tique imprévoyante,  et  surtout  incohérente,  —  en  ce  sens  qu'elle  a  été  le 
fait  de  ministres  différents,  —  nous  sommes  allés  frivolement  au  devant 
d'un  échec  qui  était  si  certain  d'avance,  que  les  gens  avisés  désiraient 
presque  que  l'expédition  Marchand  n'arrivût  pas  à  son  but.  Mais  nous 
avons  reconnu  aussi  que  le  gouvernement  actuel  n'était  pas  responsable 
de  la  situation  en  présence  de  laquelle  il  s'était  trouvé;  nous  avons  reconnu 
également  que  la  solution  à  laquelle  il  s'était  arrêté,  en  abandonnant  Fa 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  13 


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194  LA    VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN    FRANCE 

choda,  était  la  seule  possible;  nous  reconnaissons  enûn,  ai^ourd'hui,  qu'il 
a  tiré  de  la  situation  le  meilleur  parti  possible.  Après  notre  échec  diplo- 
matique du  4  novembre,  nous  ne  pouvions  pas  obtenir  plus  que  ce  qui 
nous  est  reconnu  par  la  déclaration  du  21  mars.  Aussi,  les  protestations 
qui  se  sont  élevées  dans  certains  milieux  coloniaux  français  nous  parais- 
sent aussi  vaines  que  les  efforts  faite,  d'un  autre  côté,  pour  exagérer  Tira- 
portance  de  nos  gains.  Autant  ces  efforts  nous  font  Telfet  de  procéder  de 
gens  peu  sincères,  qui  veulent  donner  le  change  a  Topinion,  autant  ces 
protestations  nous  paraissent  dénoter  l'incapacité  où  sont  leurs  auteurs 
de  discerner  entre  ce  qui  est  possible  et  ce  qui  ne  l'est  pas.  Nous  croyons 
donc  qu'il  faut  savoir  gré  à  M.  Delcassé  du  résultat  auquel  il  est  parvenu, 
et  nous  estimons  que  notre  Parlement  commettrait  une  grave  erreur,  s'il 
se  laissait  persuader  par  quelques  fanatiques  de  refuser  sa  sanction  à 
l'œuvre  du-  gouvernement. 

Maintenant  que  tout  danger  de  guerre  entre  la  France  et  l'Angleterre 
semble  être  définitivement  écarté,  nous  croyons  qu'il  est  du  devoir  des 
hommes  politiques  et  des  publicistes  des  deux  pays  de  faire  disparaître  la 
tension,  les  préventions  réciproques  auxquelles  avait  donné  naissance  la 
crise  qui  vient  de  prendre  fin.  Nous  ne  sommes  pas  de  ceux,  en  effet,  qui 
croient  que  la  France,  devenue  puissance  coloniale,  doit  fatalement  être 
Tennemie  de  l'Angleterre.  C'est  là  un  raisonnement  simpliste  que  nous 
tenons  pour  très  malfaisant.  Il  y  a  place,  dans  le  monde,  pour  deux  puis- 
sances coloniales,  étant  donné,  surtout,  que  notre  colonisation  est  si  peu 
agressive  et  si  peu  encombrante.  Sans  doute,  il  y  aura  encore  entre  les 
deux  pays  des  froissements  inévitables  ;  mais  nous  tenons  pour  très  possible 
d'éviter  tout  conflit  sérieux,  pourvu  que  nous  fassions  preuve,  à  l'avenir, 
de  plus  de  circonspection  que  dans  l'affaire  de  Fachoda.  Du  reste,  il 
semble  bien  que,  de  part  et  d'autre,  on  se  mette  déjà  à  l'œuvre  pour  réta- 
blir l'ancienne  harmonie.  Le  7  mars,  à  Londres,  à  l'occasion  du  banquet 
de  la  Chambre  de  Commerce,  des  discours  très  cordiaux  ont  été  échangt!S 
entre  les  invités  français,  dont  notre  ambassadeur,  M.  Paul  Cambon,  et 
leurs  hôtes  anglais.  M.  Cambon  a  insisté  sur  l'avantage  qu'il  y  a  pour  les 
deux  pays  à  vivre  en  bons  termes,  et  sur  la  facilité  d'y  arriver  par  un  res- 
pect réciproque.  Il  semble,  d'autre  part,  que,  dans  les  milieux  politiques 
anglais,  on  se  rende  compte  que  la  politique  de  T Angleterre  est  parfois 
trop  provocante  et  envahissante.  Le  nouveau  clief  du  parti  libéral,  sir 
Henry  Campbell-Bannerman,  parlant  à  Hull,  a  prononcé  cette  phrase  si- 
gnificative :  «  Nous  répudions  cet  impérialisme  vulgaire  et  bâtard  fait  d'ir- 
ritation, de  provocation  et  d'agression,  cet  impérialisme  qui  consiste  à 
nous  livrer  à  des  tours  (tricks)  et  à  des  manœuvres  habiles  contre  nos  voi- 
sins, et  à  mettre  la  main  sur  tout,  même  quand  nous  n'en  avons  aucun 
besoin.  »  Sans  doute,  cène  sont  laque  des  manifestations  oratoires  ;  mais 
elles  sont  d'un  bon  augure.  Il  reste  encore,  il  est  vrai,  quelques  questions 
délicates  à  régler  entre  la  France  et  l'Angleterre,  en  ce  qui  concerne  en 
particulier,  les  intérêts  britanniques  à  Terre-Neuve  et  à  Madagascar.  Mais, 


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|j.  -W'-  - 


LA    POUTIQUE   EXTÉRIEURE  DV   MOIS  19b 

si  la  question  du  haut  Nil^  la  plus  grave  de  toutes,  a  été  réglée  par  la  voie 
diplomatique,  il  serait  surprenant  qu^il  n*en  fût  pas  de  même  des  autres. 

Quanta  rincident  de  Maâcate,  dont  nous  avons  parl^  dans  notre  dex^ 
nière  chronique,  alors  que  nous  n'avions  encore  que  la  vei^ion  officielle 
anglaise,  il  peut  être  considéré  comme  clos.  La  version  officielle  fran- 
çaise, qui  a  été  fournie  h  notre  Parlement,  a  ramené  les  choses  au  point, 
réduisant  à  d'assez  nu)de8te8  proporlions  une  affaire  qu'on  avait  un  peu 
grossi.  La  controverse  roulait  sur  une  sorte  de  mal-entendu.  Par  un 
traité  conclu  en  18^2,  la  France  et  l'Angleterre  se  sont  engages  à  respecter 
l'intégrité  du  sultanat  d'Oman,  dont  la  capitale  est  Mascate.  Or,  le 
7  mars  1898,  —  c'est-à-dire  sous  le  ministère  de  M.  Hanotaux,  -^  notre 
agent  à  Mascate  conclut  avec  le  Sultan  un  arrangement  qui,  d'après  le 
gouvernement  anglais,  portait  atteinte  au  traité  ;  eu  effet,  s'il  faut  en  croire 
la  déclaration  faite  par  M.Brodrick  aux  Communes,  le  7  mars,  il  s'agissait 
de  la  concession  à  la  France  d'une  portion  de  territoire  qui  devait  êtie 
employé  comme  dépôt  de  charbon,  et  où  nous  aurions  eu  le  droit  de 
hisser  notre  pavillon  et  de  construire  des  fortifications.  Celte  interpréta- 
tion es4  contestée  officieusement  par  notre  gouvernement.  L'Angleterre, 
selon  IL  Brodriok,  avait  donc  le  droit  de  protester;  efifectivement  son  agent 
à  Mascate  avait  obtenu  l'annulation  de  l'arrangement  du  7  mars  1898. 
Cependant,  si  l'Angleterre  s'opposait  à  ce  qu'une  concession  de  territoire 
nous  fût  faite,  elle  admettait  que  nous  eussions,  comme  elle-même,  un 
simple  dépôt  de  charbon.  De  cette  manière,  les  deux  puissances  seraient 
mises  sur  pied  d'égalité.  Or,  à  la  séance  de  la  Chambre  des  députés  du 
6  mars,  M.  Delcassé,  répondant  à  une  question  de  M.  tirunet,  a  déclaré 
que  la  France  s'était  bornée  à  demander  un  dépôt  de  charbon,  en  sorte 
qu'elle  obtenait  gain  de  cause,  puisque  le  gouvernement  britannique  ne 
lui  contestait  pas  ce  droit.  Ainsi,  ou  bien  l'agent  français  à  Mascate  avait 
outre-passé  ses  instructions  en  demandant  plus  qu'un  dépôt  de  charbon  ; 
ou  bien  Tagent  anglais  s'était  abusé  sur  la  valeur  des  avantages  que  nous 
avions  obtenus  ;  telles  sont  les  deux  hypothèses  qui  se  présentent  quant 
àl'origine  du  différend.  Pour  ce  qui  est  de  sa  solution,  elle  est  acceptable, 
puisque  laFrcuioe  et  l'Angleterre  auront  chacun  leur  dépôt  de  charbon. 
Voilà  pour  le  fond  de  l'affaire;  mais  il  y  avait  aussi,  on  s'en  souvient,  une 
question  de  forme,  ou  de  procédé.  Le  nouveau  vice-roi  des  Indes,  lord 
Curion,  avait  envoyé  à  Mascate  une  escadre  anglaise,  dont  le  commandant 
avait  menacé  le  Sultan  d'un  bombardement  s'il  ne  consentait  pas  à  l'aonu- 
lation  de  l'arrangement  du  7  mars  1898.  C'est  surtout  ce  procédé  qui  nous 
avait  déphi,  et  qui  avait  motivé  les  observations  de  M.  Paul  Cambon  à  lord 
Salisbury.  Or,  d'après  la  déclaration  de  M.  Delcassé,  du  6  mars,  le  gouver- 
nement anglais  avait  désavoué  les  procédés  de  lord  Curzon,  et  nous  avait 
exprimé  ses  regrets.  Il  est  vrai  que,  le  lendemain,  aux  Communes, 
M.  Brodrick  s'efforçait  d'atténuer  cette  déclaration  du  ministre  français, 
en  disant  que  lord  Salisbury  avait  effectivement  informé  l'ambassadeur  de 
France  «  qu'il  aurait  préféré  une  autre  façon  d'agir  ».  Quoi  qu'il   en  soit 


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196  LA  VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

des  paroles  exactes  de  lord  Setlisbury,  il  n*en  est  pas  moins  vrai  que  le 
procédé  par  trop  brusque  de  lord  Cnrzon  a  été  désapprouvé  par  le  gouver- 
nement anglais.  Gela  nous  suffit.  L'incident  peut  donc  être  considéré 
comme  réglé  ;  mais  il  doit  être  pour  nous  un  nouvel  exemple  de  la  pru- 
dence qu'il  faut  apporter  dans  toutes  ces  affaires  coloniales. 

Sivis  pacem,  para  bellurn.  C'est  sans  doute  pour  se  conformer  à  ce  vieil 
adage  que  divers  gouvernements  poussent  activement  leurs  armements, 
au  moment  même  où  Ton  commence  à  s'occuper  sérieusemenment  de  la 
Conférence  du  désarmement,  que  le  tzar  a  convoquée,  et  qui  doit  se  réunir 
à  la  Haye,  le  18  mai.  Ce  sont  surtout  TAngleterre  et  TAUemagne  qui,  du- 
rant le  mois  écoulé,  nous  ont  fourni  l'exemple  de  cette  fièvre  mili- 
taire. 

En  Angleterre,  le  sous-secrétaire  d'Etat  à  la  guerre  a  présenté  aux 
Communes,  à  la  séance  du  2  mars,  un  budget  accusant  une  forte  augmen- 
tation, en  particulier  au  chapitre  de  Tartillerie  de  campagne,  laquelle  est 
portée  de  45  à  54  batteries.  Il  a  fait,  à  cette  occasion,  une  déclaration 
intéressante,  disant  que,  abstraction  faite  de  la  protection  des  colonies, 
Tarmée  devait  être  prête  à  toutes  les  éventualités  d'une  grande  guerre,  y 
compris  les  risque^  d'invasion  ;  cela  prouve  que  l'Angleterre  commence  à 
se  rendre  compte  que  sa  politique  ambitieuse  l'expose  à  des  dangers  aux- 
quels elle  ne  se  sent  plus  en  état  de  faire  face.  Ne  vaudrait-il  pas  mieux 
adopter  une  politique  plus  modeste,  plutôt  que  d'exposer  les  finances  du 
pays  au  péril  presque  certain  du  déficit?  C'est  ce  que  pense  le  chef  de 
Topposition  libérale  aux  Communes,  sir  H.  Campbell-Bannerman,  qui  a 
rendu  la  politique  du  gouvernement  actuel  responsable  de  l'augmenta- 
tion constante  des  charges  militaires  et  nouvelles.  Il  a  ajouté  que  si  l'An- 
gleterre prétendait  accroître  chaque  année  son  empire,  il  lui  faudrait 
aussi  augmenter  sans  cesse  ses  dépenses.  La  même  thèse  a  été  soutenue 
à  la  séance  suivante,  le  3,  par  M.  Labouchère,  qui  a  proposé,  à  titre  de 
protestation,  une  réduction  de  4.340  hommes  sur  le  contingent.  Il  a  fait 
remarquer  que,  par  ses  perpétuelles  acquisitions  de  territoires,  l'Angleterre 
finirait  par  perdre  les  avantages  qui  résultent  pour  elle  de  sa  situation 
insulaire;  il  a  même  parlé  de  la  nécessité  possible  de  la  conscription,  cette 
institution  pour  laquelle  les  Anglais  ont  une  véritable  aversion.  La  propo- 
sition du  député  libéral  a  été  repoussée  par  188  voix  contre  54,  après  un 
discours  de  M.  Balfour,  qui,  parlant  au  nom  du  gouvernement,  a  déclara 
que  l'augmentation  des  dépenses  militaires  était  indépendante  de  telle  ou 
telle  politique,  et  qu'elle  était  inévitable,  si  l'Angleterre  voulait  avoir  la 
part  qui  lui  revient  dans  le  partage  du  monde.  Une  discussion  à  peu  près 
analogue  s'est  déroulée  quelques  jours  plus  tard,  à  l'occasion  du  budget 
de  la  marine,  que  M.  Goschen,  premier  lord  de  l'Amirauté,  a  présenté  aux 
Communes,  le  9  mars.  Ce  budget  est  aussi  en  augmentation  sur  le  précé- 
dent; mais  le  gouvernement  assure  que  ce  sont  les  progrès  maritimes  des 
autres  puissances  qui  forcent  l'Angleterre  à  marcher  dans  la  même  voie, 
sous  peine  de  se  laisser  distancer.  Le  premier  lord  de  l'Amirauté  a  fait,  à 


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LA    POLITIQUE   EXTÉRIEURE   DU    MOIS  197 

ce  propos,  une  déclaration  intéressante;  il  a  dit  que,  si  les  autres  grandes 
puissances  navales  se  montraient  disposées,  à  la  Conférence  de  La  Haye, 
à  diminuer  leurs  constructions  maritimes,  TAngleterre  serait  prête  à  mo- 
difier les  siennes.  Cette  assurance,  généreuse  en  apparence,  n'a  rien  qui 
nous  surprenne.  Il  ne  pourrait  s*agir,  en  effet,  pour  les  divers  Etats,  que 
d'une  diminution  proportionnelle;  or,  comme  TAngleterre  s'est  assuré 
jusqu'ici  une  préséance  maritime  incontestable,  elle  aurait  la  certitude  de 
conserver  sa  supériorité  actuelle  sans  nouveaux  Si^crifices  trop  considé- 
rables. Quant  aux  autres  puissances,  auxquelles  Tétat  de  leurs  finances  ou 
de  leur  industrie  permettrait  d'atténuer  l'avance  que  l'Angleterre  a  sur 
elles,  elles  seraient  mises  dans  l'impossibilité  d'y  parvenir.  Pour  reprendre 
un  exemple  que  nous  avons  déjà  cité,  si  l'emploi  des  sous-marins  était 
interdit,  TAngleterre  n'aurait  pas  à  se  préoccuper  de  la  question  soulevée 
par  la  construction  du  Gustave  Zédé,  et  elle  serait  assurée  de  conserver 
la  domination  de  la  mer. 

En  Allemagne,  la  question  militaire  s'est  posée  sous  une  forme  à  la  fois 
plus  importante  et  plus  grave  ;  elle  a  failli  provoquer  une  crise  politique, 
qui  aurait  eu  pour  point  de  départ  la  dissolution  du  Reichstag.  Le  projet 
de  loi  soumis  à  cette  assemblée,  dont  on  s'occupait  depuis  près  de  quatre 
mois,  et  dont  nous  avons  déjà  parlé  dans  une  précédente  chronique,  avait 
donné  naissance,  entre  les  députés  et  le  gouvernement,  à  un  de  ces  con- 
ilits  qui  se  produisent  assez  régulièrement  quand  le  gouvernement  de- 
mande au  pays  de  nouveaux  sacrifices,  et  qui,  plusieurs  fois  déjà,  ont 
abouti  à  la  dissolution  du  Parlement.  Il  s'agissait,  cette  fois-ci,  d'un  non 
veau  «  quinquennat  7,  c'est-à-dire  de  la  fixation,  pour  une  nouvelle  pé- 
riode de  cinq  ans,  de  l'efifectif  de  l'armée  sur  pied  de  paix.  Le  projet  de 
loi  du  gouvernement  avait  un  double  caractère  ;  il  avait  d'abord  pour  but 
d'apporter  certaines  modifications  dans  la  disposition  des  forces  existantes, 
ce  qui  entraînait  de  nouveaux  sacrifices  financiers  ;  puis  il  prévoyait  une 
augmentation  des  effectifs,  en  ce  sens  que  le  gouvernement  devait  être 
mis  à  même  d'incorporer  une  partie  de  l'excédent  annuel  de  30.000  re- 
crues, dont  l'insuffisance  des  crédits  accordés  ne  lui  permet  pas  de  tirer 
parti.  Sur  ce  premier  point,  le  Reichstag  ne  faisait  aucune  opposition 
sérieuse  malgré  les  sacrifices  financiers  à  prévoir.  Quant  à  l'augmentation 
des  effectifs,  la  majorité  était  disposée  à  Paccorder  en  partie,  mais  sans 
aller  aussi  loin  que  le  voulait  le  gouvernement.  C'est  à  propos  de 
7.006  hommes  que  le  conflit  éclata.  Le  projet  du  gouvernement  portait 
que,  à  partir  du  l*'  octobre  1899,  l'effectif  de  paix  serait  augmenté  pro- 
gressivement, de  manière  à  atteindre,  dans  le  courant  de  l'année  budgé- 
taire i902,  le  total  de  502.506  hommes.  Or,  la  commission  du  Reichstag 
n'en  accordait  que  495.500,  soit  7.006  de  moins  ;  en  outre,  elle  substituait 
l'année  1903  à  1902.  Le  Reichstag  ayant,  dans  sa  séance  du  14  mars,  donné 
tort  au  gouvernement,  on  crut  à  une  dissolution  imminente.  Cependant, 
il  semble  que  des  princes  confédérés,  entre  autres  le  roi  de  Saxe,  soient 
intervenus  auprès  de  Guillaume  II,  pour  le  dissuader  de  recourir  à  cette 


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lî>8  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EK    FRANCE 

extrémité.  Effectivement,  du  14  au  iê  mars,  wi  trouva  la  base  d'un  com- 
promis ;  le  gouvernement  acceptait  la  rédaction  de  la  commission  ;  mais 
en  vertu  d'un  amendement  de  M.  Lteber,  chef  du  centre  catholique,  il 
ôtait  entendu  que,  si  Texpérience  prouvait  FinsufOsance  des  concessions 
du  Reiohstag  et  la  nécessité  de  Tadoption  des  projets  primitifs  du  gouver- 
nement, celui-ci  serait  autorisé  à  faire  de  nouvelles  propoeitions  au 
Heichstag  avant  l'expiration  du  «  quinquennat  »,  c*e»t-à-dire  avant  1904. 
Comme  il  est  presque  certain  que  le  gouvernement  fera  usage  de  cette 
autorisation  le  plus  tôt  possible,  on  a  pu  dire  avec  raison  qu^l  Tavait  em* 
porté  sur  le  fond,  tandis  que  le  Reiohstag  n'avait  eu  le  dernier  mot  qu'au 
point  de  vue  de  la  forme.  Mais,  grâce  à  ce  compromis,  on  a  évité  une 
crise. 

Ainsi,  en  1005,  l'armée  allemande  atteindra  un  effectif  de  paix  de 
49S.500  hommes,  non  eompns  la  m  portion  permanente  »  composée  des 
officiers,  sous-officiers,  etc.  En  ce  qui  concerne  l'inf^mterie,  le  gouver- 
nement avait  surtout  pour  but  de  renforcer  les  bataillons  stationnés  aux 
frontièi^es;  quanta  la  ea^^alerie,  10  escadrons  nouveaux  sont  créés.  Mais 
c^est  surtout  l'artillerie  de  campagne  qui  bénéficiera  de  la  nonrelle  loi, 
qui  prévoit  la  création  de  hù  batteries.  Quant  aux  cons^uences  financières 
de  la  loi,  on  estime  à  150  millions  de  fitmcs  la  dépense  extraordinaire  et 
non  permanente,  qui  en  résultera,  et  à  30  millions  Taugmentation  an« 
nuelle  du  budget  de  la  guerre.  Telle  est,  àSxne  manière  très  générale,  la 
portée  de  la  loi  que  le  Reiohstag  a  votée,  le  it  mars,  par  292  voix 
contre  132  (1).  Au  point  de  vue  de  la  politique  allemande,  llntérôt  qu'a 
présenté  cette  crise  avortée  consiste  en  ce  qu'elle  a  fait  voir  de  nouveau, 
d'une  part  le  peu  de  scrupules  de  Guillaume  11  à  l'égard  de  la  représen*- 
tation  nationale,  puisqull  était  disposé  à  la  dissoudre  pour  7.006  hommes 
de  plus  ou  de  moins  dans  l'effectif  de  son  armée,  et,  d'autre  part,  l'utilité 
d'un  frein  moral  imposé  aux  tendances  absolutistes  du  jeune  empereur 
par  rintervention  officieuse  d'autres  souverains  confédérés,  plus  Agés, 
plus  expérimentés  et  plus  pondérés  qu'il  ne  l'est.  Au  point  de  vue  de  la 
politique  internationale,  on  ne  peut  tirer  de  ce  qui  vient  de  se  passer  en 
Allemagne,  comme  en  Angleterre,  que  des  conclusions  peu  optimistes  en 
ce  qui  concerne  le  sort  réservé  aux  projets  humanitaires  du  tsar.  EnOn, 
à  un  point  de  vue  plus  particulièrement  fhinçsis,)e  vote  de  U  loi  militaire 
allemande  coïncidant,  à  quelques  jours  d'intervalle,  avec  le  discours  de 
M.  de  Freycinet,  montre  combien  notre  ministre  de  la  Guerre  a  raison 
quand  il  insiste  sur  la  nécessité,  pour  nous,  de  suppléer  par  la  qualité  à 
la  supériorité  du  nombre,  qui  va  toujours  en  s^accentuant  du  côté  de  l'Al- 
lemagne, grâce  à  l'augmentation  constante  de  sa  population,  tandis  que 
l'état  de  84.aguatioB  où  se  trouve  la  nôtre  rend  presque  impassible  un  ac-^ 
oroisseraent  sérieux  de  no6  effeetife. 

En  Autrtche*Uoagrie,  la  solution  de  la  crise  ptarleiAexvtaire  hongroise, 

1)  Voir,  pour  plus  de  détails,  l'étude  de  M.  Chartes  Malo  dan»  le  Jottmai  des 
^béttsy  du  2&  mars  189». 


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LA   POLITIQUE  EXTÉRIBCRE  DtJ   MOIS  199 

intervenue  en  février,  et  dont  nons  avons  parlé  dans  notre  dernière  chro- 
nique, a  eu  pour  conséquence,  durant  le  mots  écoulé,  de  faire  cesser 
rétat  illégal  et  inconstitutionnel  dans  lequel  se  trouvait  le  royaume  depuis 
le  \^  janvier.  On  se  souvient  que  le  renouvellement  provisoire.  Jusqu'au 
31  décembre  1899,  du  compromis  austro-hongrois,  avait  été  décrété,  à 
Vienne,  en  vertu  du  paragraphe  14  de  la  constitution  autrichienne,  mais 
que  ce  procédé  n'avait  pu  être  imité  à  Budapest,  la  constitution  hongroise 
ne  contenant  aucune  clause  analogue  au  paragraphe  en  question.  Or,  la 
diète  hongroise  n*ayant  pas  pu,  elle  non  plus,  voter  le  renouvellement, 
par  suite  de  Tobstruction  parlementaire,  le  comproinis,  qui  est  nécessaire 
à  l'existence  même  du  pays,  tel  qu'il  est  constitué  actuellement,  avait  été 
simplement  maintenu  en  fait,  en  dépit  de  la  constitution.  Cet  état  de 
choses  ne  pouvait  durer.  Aussi  la  formation  du  nouveau  ministère,  présidé 
par  M.  Kaloman  de  Ssell,  ayant  mis  fin  à  la  crise  parlementaire^  la  Diète 
s'est  empressée  de  voter  le  renouvellement  provisoire  du  compromis.  On 
va  donc  pouvoir  recommencer  à  négocier,  d'un  bord  à  l'autre  delà  Leitha, 
sur  le  renouvellement  régulier  du  pacte  d'union  entre  les  deux  moitiés  de 
la  monarchie. 

A  Budapest,  la  crise  une  fois  passée,  les  partis  se  sont  hâtés,  après  le 
combat,  et  Ton  a  vu  s'accentuer  une  métamorphose  que  nous  faisions  pré- 
voir le  mois  dernier  :  à  savoir  une  fusion  d'une  fraction  du  parti  national, 
qui  avait  été  l'instigateur  de  la  crise  parlementaire,  avec  le  parti  libéral. 
Ce  dernier  sort  donc  de  la  tempête  presque  plus  fort  qu'auparavant, 
malgré  qu'il  y  ait  perdu  son  chef  respecté,  le  baron  Bauflfy.  Un  autre  évé- 
nement est  à  signaler.  Nous  voulons  parler  d'un  discours  que  le  comte 
Tisfa  a  prononcé  à  la  Chambre,  et  dans  lequel  on  peut  voir  un  symptôme 
d'une  prochaine  volte-face  de  l'opinion  hongroise,  en  ce  sens  que,  dans  le 
conflit  des  nationalités  en  Autriche,  elle  cesserait  de  prendre  parti  pour 
les  Allemands,  comme  elle  l'a  fait  jusqu'ici,  et  épouserait  la  cause  des 
Slaves  et  du  fédéralisme.  Ce  discours  du  comte  Tisza  est  d'autant  plus 
remarquable,  qu'un  autre  politique  hongrois  très  en  vue,  M!  Louis  Lang, 
ancien  vice -président  de  la  Chambre,  s'est  déjà  livré  à  une  manifestation 
analogue,  en  publiant,  dans  la  Revue  Politique  et  Parlementaire  (octobre 
1898),  un  article  très  curieux  dans  lequel  il  soutenait  une  thèse  identique. 
Ce  commencement  d'évolution  des  Hongrois  s'explique  facilement  par  ce 
fait  qu'ils  voient  l'hégémonie,  en  Autriche,  passer  des  Allemands  aux 
Slaves,  et  qu'ils  jugent  prudent  de  se  mettre  du  côté  du  plus  fort.  C'est 
donc  un  symptôme  intéressant.  En  outre,  si  cette  évolution  s'accentuait, 
elle  pourrait  même,  dans  une  certaine  mesure,  faciliter,  en  Autriche,  le 
triomphe  prévu  du  slavisme. 

En  Espagne,  une  crise  ministérielle  a  éclaté,  le  i**  mars,  le  ministère 
Sagasta  ayant  présenté  sa  démission  à  la  reine-régente.  Le  motif  de  cette 
démission  étant  un  vote  du  Sénat,  qui,  en  discutant  la  question  des  Phi- 
lippines, n'avait  repoussé  qu'à  deux  voix  de  majorité  un  amendement 
combattu  par  le  gouvernement,  on  pouvait  supposer  que  celui-ci  se  lais- 


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200  LA    VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE 

serait  persuader  de  revenir  sur  sa  décision.  Il  n'en  a  rien  été,  cependant. 
Le  ministère  libéral  persistant  à  vouloir  se  retirer,  —  sans  doute  parce 
qu'il  estimait  que,  de  toute  manière,  le  moment  de  sa  chute  était  proche, 
à  cause  de  Tissue  malheureuse  de  la  guerre,  —  la  reine-régente,  suivant 
la  coutume  constante,  a  confié  le  pouvoir  au  parti  conservateur.  L'ancien 
chef  de  ce  parti,  M.  Canovas,  ayant  été  assassiné  dans  le  courant  de  Tété 
de  1897,  on  sait  que  cet  événement  tragique  avait  jeté  une  grande  confu- 
sion parmi  les  conservateurs.  Il»  étaient  restés  quelques  mois  encore  au 
pouvoir,  avec  le  ministère  de  transition  du  général  Azcarraga  ;  mais,  leurs 
rangs  se  désorganisant  de  plus  en  plus,  ils  avaient  cédé  la  place  au  minis- 
tère libéral  de  M.  Sagasta.  Celui-ci  eut  à  conduire  contre  les  Etats-Unis 
une  guerre  depuis  longtemps  considérée  comme  inévitable  et,  en  vue  de 
laquelle  Tadministration  précédente  s'était  trop  mal  préparée  pour  qu'on 
pût  espérer  un  succès.  Quoi  qu'il  en  soit  des  responsabilités,  c'est  au  parti 
conservateur  qu'incombe  aujourd'hui  la  lourde  tâche  de  relever  l'Espagne, 
ou,  jpour  le  moins,  de  l'empêcher  de  tomber  plus  bas.  Son  nouveau  chef 
est  M.  Silvela,  qui  s'était  séparé  autrefois  de  M.  Canovas,  pour  former  un 
groupe  dissident,  mais  qui,  après  la  mort  de  son  ancien  compagnon 
d'armes,  avait  rallié  autour  de  lui  toutes  les  forces  conservatrices.  M.  Sil- 
vela est  un  homme  qui  a  de  grandes  qualités  personnelles,  et  qu'on  dit 
plein  de  bonnes  intentions.  Il  faut  donc  espérer  qu'il  ne  sera  entravé  ni 
par  les  hommes,  ni  par  les  circonstances.  Malheureusement,  on  n'est  pas 
sans  inquiétude  à  ce  double  point  de  vue.  On  sait  qu'il  est  dans  les  usages 
des  partis  espagnols  de  s'assurer  16  concours  de  quelque  personnalié 
militaire  importante,  l'armée  ne  restant  jamais  étrangère  à  la  politique. 
M.  Silvela  s'est  donc  adjoint,  comme  ministre  de  la  guerre,  le  maréchal 
Polavieja,  tandis  que  les  libéraux  ont  attiré  à  eux  le  général  Weyler.  Or, 
il  semble  qu'il  y  ait  déjà,  entre  le  président  et  le  ministre  de  la  guerre  du 
nouveau  cabinet,  un  antagonisme  assez  prononcé,  qui  inspire  des  craintes 
quant  au  maintien  de  la  cohésion  du  ministère  Silvela-Polavieja.  D'un 
autre  côté,  le  programme  même  de  M.  Silvela  pourrait,  par  ce  qu'il  a 
d'excessif,  provoquer  des  complications  s'il  était  appliqué  dans  un  esprit 
trop  absolu.  En  effet,  dans  un  discours  prononcé  peu  de  jours  avant  la 
démission  de  M.  Sagasta,  M.  Silvela  a  insisté  sui*  deux  traits  essentiels  de 
la  politique  conservatrice  :  à  savoir,  le  régionalisme  et  le  cléricalisme.  Si 
le  gouvernement  conservateur  tient  à  ne  pas  déchaîner  une  opposition  qui 
pourrait  le  renverser,  il  faudra  qu'il  borne  son  régionalisme  à  une  décen- 
tralisation plus  ou  moins  accentuée,  et,  d'autre  part,  qu'il  n'aille  pas  trop 
loin  dans  la  voie  des  concessions  à  l'Eglise.  M.  Silvela  semble,  du  reste, 
avoir  compris  le  danger,  et,  dans  un  discours  prononcé  ultérieurement,  il 
a  cherché  à  atténuer  les  inquiétudes  qu'avaient  fait  naître  ses  premières 
déclarations.  Au  demeurant,  il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  sur  ce  que 
pourra  être  la  politique  du  nouveau  ministère,  tant  qu'on  ne  connaîtra  pas 
les  résultats  des  élections  qui  vont  commencer  prochainement.  Effective- 
ment, les  corlès  ont  été  dissoutes,  selon  la  règle  assez  généralement 
suivie  en  cas  de  changement  de  gouvernement,  et  M.  Silvela  —  contraire- 


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LA    POLITIQUE  EXTÉRIEURE  DU   MOIS  201 

ment  aux  coutumes,  ceci  soit  dit  à  sa  louange  -*  a  manifesté  la  ferme 
volonté  d'empécher  qu*aucune  pression  officielle  ne  soit  exercée  sur  les 
électeurs. 

En  Italie,  la  Chambre  a  consacré  un  assez  grand  nombre  de  séances  à 
Texamen  des  projets  de  loi  de  sûreté  publique,  que  nous  avons  analysés 
dans  notre  dernière  chronique.  Mais  elle  s'est  ajournée  jusqu'après  les  va- 
cances de  Pâques,  après  avoir  renvoyé  les  projets  en  question  à  une  com- 
mission, d'où  ils  sortiront  probablement  très  amendés,  selon  nos  prévi- 
sions. Nous  aurons  donc  à  revenir  sur  cette  question. 

Du  reste,  c'est  une  autre  affaire  qui,  en  ce  moment,  passionne  Topinion 
au-delà  des  Alpes,  à  savoir  une  nouvelle  aventure  coloniale,  qui  a  la  Chine 
pour  théâtre.  On  a  appris  avec  une  vive  surprise  que  l'Italie  voulait,  elle 
aussi,  avoir  sa  part  dans  le  vaste  empire  que  les  puissances  sont  en  train 
de  se  partager,  et  qu'elle  avait  jeté  son  dévolu  sur  la  baie  de  San-Moun, 
dans  Ja  province  de  Tché-Kiang,  qui  pouvait  être  considérée  désormais 
comme  la  future  sphère  d'influence  italienne.  D'abord  favorablement  im- 
pressionnée et  flattée  dans  son  amour-propre,  l'opinion  publique  n'a -pas 
tardé  à  montrer  de  l'inquiétude.  Il  s'est  produit,  en  premier  lieu,  un  contre- 
temps très  f&cheux,  et  presque  ridicule.  Le  ministre  d'Italie  à  Pékin,  M.  di 
Mai-tino,  ayant  mal  exécuté  ses  ordres,  et  ayant,  par  suite  d'une  erreur, 
remis  au  gouvernement  chinois  un  ultimatum  qui  aurait  pu  compliquer 
la  situation,  il  a  été  rappelé  par  le  cabinet  de  Rome  au  milieu  même  des 
négociations  en  cours.  En  quittant  son  poste,  il  a  confié  les  intérêts  de 
ritalie,  c'est-à-dire  la  suite  des  négociations,  au  ministre  d'Angleterre,  sir 
Claude  Macdonald,  lequel,  lui-même,  partait  en  congé  quelques  jours 
après  !  De  cette  manière,  la  solution  du  différend  italo-chinois  est  ajournée 
jusqu'à  l'arrivée  du  nouveau  ministre  d'Italie  à  Pékin.  En  attendant,  l'opi- 
nion publique  s'inquiète,  et  il  se  produit,  dans  la  presse,  dans  les  milieux 
politiques,  et  même  dans  le  public,  une  opposition  croissante  contre  une 
entreprise  qu'on  craint  de  voir  se  terminer  aussi  peu  glorieusement  que 
Faventure  africaine.  En  même  temps,  on  exprime  des  doutes  au  sujet  de 
la  bonne  foi  de  l'Angleterre,  qu'on  soupçonne  d'avoir  attiré  l'Italie  dans  un 
mauvais  pas,  pour  en  tirer  profit  elle-même.  Quant  à  la  France,  elle  ne 
saurait  voir  avec  défaveur  l'établissement  de  l'Italie  en  Chine;  car,  plus 
les  copartageants  seront  nombreux,  moins  il  sera  possible  à  l'un  d'entre 
eux  d'abuser  de  sa  force  pour  se  tailler  la  part  du  lion.  C'est  donc  sans 
arrière -pensée  que  nous  souhaitons  bonne  chance  à  l'Italie.  Mais  nous  ne 
pouvons  nous  défendre  de  quelque  scepticisme  quant  à  la  réalisation  de 
nos  vœux;  car,  d'une  part,  le  gouvernement  chinois  semble  bien  décidé  à 
ne  rien  vouloir  céder,  et,  de  l'autre,  l'appui  de  l'Angleterre  paraît  bien 
problématique,  puisque  cette  puissance  a  fait  comprendre  qu'elle  n'inter- 
viendrait en  faveur  de  l'Italie  que  si  celle-ci  ne  recourait  pas  à  l'emploi  de 
la  force. 

Alcidb  Ebrat. 


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202  LA    VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

II.  —  CHRONIQUS  POLITIQUE  INTÉRIEURE 

La  Chambre  a  poursuivi  et  enfin  achevé  Texamen  du  budget  de  1899. 
On  avait  espéré  un  instant  que  les  sénateurs  consentiraient  à  expédier  en 
une  semaine  la  besogne  que  les  députés  ont  mis  environ  cinq  mois  à 
accomplir.  Le  Sénat  n'ayant  point  paru  disposé  à  cet  empressement  plein 
d'abnégation,  il  a  fallu  voter  deux  nouveaux  douzièmes  provisoires.  Puis 
les  parlementaires  sont  entrés  en  vacances,  les  sénateurs,  jusqu'au  9  mai, 
les  députés  jusqu'au  2. 

Ceux-ci  n'auront  pas  occasion  de  se  montrer  ûeis  lorsqu'ils  comparaî- 
tront devant  leurs  électeurs.  Sans  doute,  Texpédient  des  douzièmes  proYi- 
soires  ne  compromet  pas  sensiblement  la  rentrée  des  recettes.  Le  contri- 
buable paie  toujours  et  les  lenteurs  de  ses  représentants  ne  l'obligent  pas  à 
payer  beaucoup  plus  cher.  Toutefois  si  le  rendement  des  impôts  n'est  pas 
en  cause,  le  vote  tardif  du  budget  est  une  preuve  de  désordre  dans  le  tra* 
vail  législatif.  L'œuvre  nécessaire  est  accomplie,  mais  hors  de  son  temps  et 
sans  excuse  légitime.  Sur  sept  mois  de  session  effective,  la  Chambre  en 
gaspille  cinq  à  une  besogne  qu'elle  pourrait  aussi  bien  terminer,  avec 
un  peu  d^activité,  en  deux  ou  trois  mois.  C'est  autant  qu'elle  perd  pour  les 
réformes  sérieuses,  qui  ne  manquent  guère,  et,  à  défaut,  pour  la  trau- 
quillité  du  pays,  qui  voudrait  des  sessions  mieux  remplies  ou  plus 
courtes. 

Encore  si  la  tâche  ne  laissait  rien  à  désirer  !  Ce  n'est  pas  le  cas  du  bud- 
get de  i899.  Grâce  aux  relèvements  de  crédits,  les  citoyens  auront  à  payer 
une  douzaine  de  millions  de  plus.  L'an  dernier,  nous  avons  eu  un  budget 
de  séduction  électorale.  C'était  l'œuvre  des  candidats.  Cette  fois,  la  recon- 
naissance des  élus  s'est  manifestée  par  des  amendements  sans  nombre, 
dont  plus  d'un  a  triomphé  des  efforts,  souvent  peu  convaincus,  de  la  com- 
mission et  du  Gouvernement.  Ces  faveurs,  qui  vont  h  quelques  catégories 
de  petits  fonctionnaires  influents,  surchargent  la  masse  des  contribuables, 
masse  débonnaire  qui  se  laisse  leurrer  par  le  mirage  des  dégrëTements 
toujours  promis  et  toujours  attendus. 

Eu  vérité,  le  parti  radical  qui  disposait  de  la  majorité  dans  la  conmisr- 
sion  du  budget^  ne  peut  tirer  vanité  de  cette  campagne  financière.  Malgré 
son  avidité  de  réformes ,  il  ne  peut  se  vanter  d'en  avoir  réalisé  aucune. 
Et  si  ou  l'excuse  de  n'en  pas  avoir  proposé,  dans  les  conjonctures  pré- 
sentes, ou  peut  lui  demander  compte  de  la  manière  plutôt  insuffisante 
dont  il  s'est  acquitté  de  ta  mission  dont  le  hasard,  comme  aussi  la  négli- 
gence des  répuWcains,  l'avait  investi  cette  année. 

U  faut  cependant  noter,  pour  être  exact,  un  amendeneut  de  Klotz  qui 
réduit  à  13.000  francs  de  traitement  des  trésafiers-payenrs  généraux. 
C'est  peu,  snriirat  si  on  réfléchit  que  ee  vote  restera  platonique. 

♦ 

Il  serait  fastidieux  d'entrer  dans  le  détail  de  cette  discussion  financière, 
coupée  par  les  incidents  devenus  classiques.C'est  un  fait  normal  de  voir  un 


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CHRONIQUE  POUTIOUE  INTÉRIEUKB  203 

socialiste  intervenir,  dans  le  badget  de  la  gnerre,  pour  demander  le  désar- 
mement, on  un  radieal,  pour  proposer  la  suppression  des  vingt-huit  jours. 
Le  chapitre  des  aumôniers  de  la  marioe  proToque  un  amendement  aussi 
obligatoire  que  les  crédits  de  Tambassade  au  Vatican,  des  fonds  secrets  ou 
des  commissaires  spéciaux.  €'ett  un  vieux  jeu  qui  ne  lasse  jamais  ;  une 
manière  de  lieu  commun,  qui  tente  toiyours  la  verve  des  orateurs,  qui  comp- 
tent qu'on  en  pariera  lè*bas,  dans  les  cafés  de  leur  petite  ville  ou  dans  les 
débits  de  leur  faubourg.  Cette  année  Pingéniosité  de  ces  députés  pé- 
rorant par  les  fenêtres,  a  trouvé  le  moyen  d'ajouter  aux  thèmes  anciens 
et  jamais  usés^  quelques  formules  nouvelles.  Un  socialiste  s^est  élevé  Ion* 
guement,  à  propos  du  budget  des  monnaies  et  médailles,  sur  la  devise 
séculaire  :  Dieu  protège  la  France,  Ce  n'est,  certes,  pas  la  dernière  fois 
que  nous  entendrons  cet  air^là. 

Une  antre  question,  passionnante,  et  qui  a  remué  la  Chambre  plus  peut- 
être,  qu'elle  n'aurait  voulu  le  laisser  voir,  a  ^té  la  proposition  de  relève- 
ment de  lindemnité  parlementaire.  H  fallait  uq  certain  xourage  pour 
prendre  Finiliative  d'une  telle  meanre,  non  qu'elle  ne  répondit  pas  au 
sentiment  secret  de  la  majorité,  mais  ponr  l'impopularité  qu'elle  risque 
d'entraîner.  M.  Oras  (de  la  Drôme)  s'est  dévoué  et  a  accepté  cette  tâche 
ingrate.  Par  un  amendement  au  chapitre  LU  de  la  loi  de  finances,  il  a 
proposé  de  porter  de  9,000  à  15.000  firancs  l'émolument  touché  par  les 
sénateurs  et  les  députés.  C'était  une  dépense  de  5.280.000  francs. 

Auasttût  après  le  dépôt  de  cet  amendement,  la  Chambre  a  été  saisie  de 
deux  motions  préjudieiellea.  La  première,  de  M.  l'abbé  temire,  demandait 
la  nomination  d'une  commisf^ion  chargée  de  préparer,  préalablement  i 
l'augmentation  de  l'indemnité  parlementaire,  un  projet  de  réduction  du 
nombre  des  députés.  La  seconde,  de  M.  Caillaux,  proposait  le  renvoi  à 
une  commission  chargée  de  rechercher  les  moyens  d'augmenter  l'indem- 
nité pariemantaire  sans  imposer  aucune  nouvelle  charge  an  pays. 
M.  Lemire  a  pris,  le  premier,  la  parole;  puis  M.  Dejeante  a  lu,  au  nom  de 
placeurs  de  ses  collègues  socialistes,  une  déclaration  rappelant  que  les 
candidats  sa  sont  bien  gardés  d'agiter  la  question  devant  le  corps  élec- 
toral. Il  a  ajouté  :  «  Que  le  pays  ne  comprendrait  pas,  en  présence  du 
chômage  et  des  iniquités  que  subit  patiemment  la  classe  ouvrière,  en 
présenee  de  TeChrayanto  misère  dont  souffre  une  quantité  considérable  de 
vieillards,  de  femmes  et  d'enfants  sans  asilo  et  sans  pain,  tous  attendant 
en  vain  de  la  République  le  vote  de  lois  humaines  et  protectrices  de  leur 
droit  à  la  rie,  que  la  première  et  unique  réforme  importante  qae  cette 
Chambre  accomplirait,  fut  au  profit  exclusif  des  députés;  —  «Que  l'adop- 
tion d'une  telle  proposition,  avant  toute  autre  réforme  attendue  du  pays, 
serait  auasô  impopulaire  qu'impoli  tique  et  serait  en  même  temps  consi- 
dérée comme  un  véritable  défi  porté  à  tous  cenx  qui  sonffkrent  des  iniquités 
sociaks»  autant  que  de  l'impuissance  parlementaire.  »  Cette  opinion 
sévère  n'a  pas  été  partagée  par  tous  les  socialistes.  M.  Antide  Boyer  a 
soutenu  f  aBienëement  en  invoquant  les  souvenirs  personnels  d^un  procès 
où  il  fut  impliqaé.  On  se  serait  servi,  contre  hui,  devant  le  tribunal,  de  cet 


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204  LÀ   VIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE 

argument  que  rindemnité  parlementaire  était  insufOsante  pour  garantir 
rindépendaûce  du  député.  Après  un  long  débat  la  motion  préjudicielle 
de  M.  Lemire  a  été  repoussée  par  259  voix  contre  199.  Celle  de  M.  Caillaux 
a  été  retirée.  L'amendement  de  M.  Gras  a  été  rejeté  au  scrutin  public, 
par  346  voix  contre  105.  M.  Breton,  de  la  Seiue-Inférieure,  n'a  pas  été 
plus  heureux  en  sollicitant  une  augmentation  plus  modeste,  qui  aurait 
porté  rindemnité  à  12.000  francs.  Quant  à  M.  Guyard,  qui  se  contentait 
de  6.000  francs,  mais  avec  la  franchise  postale,  il  s'est  dérobé  avant  le 
vote.  Seul  M.  Tourgnol  a  tenu  bon  au  milieu  de  cet  écroulement  de 
projets. Il  a  demandéla  réduction  de  tous  les  gros  traitements  à  12.000 fr., 
mais  pour  le  budget  de  1900  seulement.  Non  sans  peine,  le  ministre  des 
finances  a  fait  comprendre  à  la  Chambre  que  le  budget  de  1900  n'était 
pas  encore  déposé,  et  le  budget  de  1899,  pas  encore  terminé. 

Dans  cette  discussion  quelque  peu  troublée,  il  a  été  dit  pourtant  des 
choses  fort  sensées.  Il  est  hors  de  doule  que  depuis  cinquante  ans,  la  valeur 
de  l'argent  a  diminué;  et  d'autre  part,  les  dépenses  de  toute  nature, 
représentées  par  l'indemnité  parlementaire,  ont  au  contraire  augmenté 
considérablement.  Il  serait  donc  équitable  de  relever  le  chiffre  de  cette 
indemnité,  du  moment  que  le  principe  en  est  admis.  D'un  autre  côté, 
comme  Ta  fait  observer  M.  Charles  Ferry,  la  mesure  serait  impopulaire, 
car  elle  serait  la  rupture  du  contrat  d'après  lequel  les  députés  ont  été 
nommés. 

La  vraie  solution  a  été  indiquée  par  M.  Lemire  :  elle  est  dans  la  réduction 
du  nombre  des  député».  C'est  une  idée  qui  se  fait  jour,  de  divers  côtés,  et 
qui  finirait  par  prévaloir,  tant  elle  est  raisonnable,  si  on  pouvait  demander 
aux  députés  de  se  sacrifier  eux-mêmes.  Mais,  n'est-ce  pas  exiger  beaucoup 
de  leur  grandeur  d'âme  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Gerville-Réache  a  soulevé  la  même  question  dans 
une  proposition  de  revision  de  la  Constitution  qu'il  a  récemment  déposée. 
Les  idées  du  représentant  radical  de  la  Guadeloupe  sont  des  plus  modérées. 
11  réduit  le  nombre  des  députés  à  400  et  celui  des  sénateurs  à  200.  Il 
demande  le  renouvellement  des  Chambres  par  fractions  ;  l'organisation  de 
la  responsabilité  ministérielle  en  vue  de  donner  plus  de  stabilité  au  pouvoir 
exécutif;  la  réglementation  de  la  discussion  et  du  vote  du  budget;  l'inter- 
diction de  proposer  une  dépense  nouvelle  sans  indiquer  une  ressource 
correspondante  ;  la  création  d'une  procédure  pour  solutionner  les  conflits 
entre  les  deux  chambres.  Voilà  un  projet  de  revision  qui  semble  suscep- 
tible de  rallier  bien  des  suffrages.  Il  y  a  gros  à  parier  que  la  réduction  du 
nombre  des  parlementaires  sera  Técueil  où  viendront  buter  toutes  ces 
bonnes  intentions. 

Il  faut  mentionner,  pour  en  finir  avec  le  budget  de  1899,  deux  propo- 
sitions qui  ont  pour  objet  de  porter  remède  aux  retards  périodiques  qjae 
subit  le  vote  de  la  loi  de  finances.  L'une,  dont  M.  Fleury-Ravarin  est 
l'auteur,  dispose  que  le  budget  de  l'exercice  1900  sera  présenté  aux  Cham- 
bres immédiatement  après  la  promulgation  de  la  loi  de  finances  de  l'exer- 
cice 1899.  Les  prévisions  de  dépenses  et  de  recettes  seront  établies  confor- 


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CHRONIQUE  POLITIQUE   INTÉRIEURE  205 

mément  aux  crédits  accordés  et  aux  impôts  autorisés  pour  1899.  L'appli- 
cation de  Tarticle  30  de  la  loi  du  16  septembre  1871,  prescrivant  le  vote  du 
budget  par  chapitre,  serait  suspendue  pour  l'exercice  1900.  Exceptionnel- 
lement, les  crédits  seraient  votés  en  bloc.  De  son  côté,  M.  Boudenoot 
demande  que  la  discussion  générale  du  budget  et  la  discussion  particu- 
lière des  budgets  de  chaque  département  n'aient  lieu  que  tous  les  deux 
ans.  Le  renvoi  à  la  commission  a  été  ordonné. 

Voilà  où  conduit  le  lamentable  gaspillage  des  sessions  dont  la  Chambre 
donne  depuis  trop  longtemps  le  spectacle.  Elle  devra  choisir  entre  Taban- 
don  partiel  d'une  de  ses  prérogatives  les  plus  essentielles  ou  l'impuissance. 

* 
•  « 

Malgré  sa  hâte  d'en  finir,  malgré  les  séances  du  matin  où  une  quaran- 
taine de  représentants  zélés  votent  pour  cinq  cents  collègues,  la  Chambre 
a  trouvé  le  temps  d'écouter  plusieurs  questions  ou  interpellations.  De 
presque  toutes,  l'utilité  n'apparaissait  guère.  M.  Cochin  a  récriminé  sur  les 
travaux  de  l'Esplanade  des  Invalides,  critiqué  la  perspective  du  Pont 
Alexandre  III  et  Testhétique  des  nouveaux  palais  des  Beaux-Arts.  Le 
moindre  défaut  de  ces  doléances  est  de  venir  trois  ans  trop  tard.  M.  Al- 
lard  n'encourra  pas  le  même  reproche,  et  sa  question  sur  l'explosion  de  la 
poudrière  de  Toulon  était  au  moins  prématurée,  puisque  le  ministre  a  dû 
répondre  qu'il  en  était  h  rechercher  les  causes  du  sinistre.  A  propos  d'une 
décision  du  tril)unal  de  Château-Thiery,  qui  prend  l'habitude  de  mettre  des 
thèses  sociales  dans  ses  jugements  comme  certains  dramaturges  en  posent 
dans  leurs  pièces,  M.  Sembat  a  fait  le  procès  de  notre  législation  sur  la 
mendicité.  Beaucoup  d'excellentes  choses  ont  été  dites  par  MM.  Lebret, 
Cruppi  et  Goujon  ;  mais  ce  n'est  point  par  une  interpellation  qu'on  remé- 
diera à  cette  plaie  de  notre  société. 

Au  Sénat,  quelques  escarmouches,  sans  importance,  à  propos  de  Va/faire  : 
M.  Joseph  Pabre  a  interrogé  le  gouvernement  sur  les  agissements  de  la 
Ligue  de  la  Pairie  française^  et  M.  Trarieux  s'est  inquiété  de  savoir  pour- 
quoi il  n'était  pas  compris  dans  les  poursuites  contre  la  Ligue  des  droits  de 
r homme.  De  ce  côté,  au  moins,  il  s'est  fait  une  accalmie  depuis  le  vote  de 
la  loi  de  dessaisissement.  Pour  combien  de  temps  ? 

* 
«  « 

Le  Sénat  a  nommé  un  président  en  remplacement  de  M.  Loubet.  M.  Fal- 
lières  a  été  élu  au  deuxième  tour  de  scrutin  par  151  voix  contre  85  à 
M.  Coustans,  18  à  M.  Franck-Chauveau  et  1  à  M.  Peytral.  M.  Fallières 
appartient  au  Parlement  depuis  1876,  il  a  été  plusieurs  fois  ministre  de 
1880  à  1892.  Depuis  cette  époque,  il  avait  pris  une  attitude  très  effacée. 

L'importante  loi  sur  les  caisses  régionales  de  crédit  agricole,  déjà  votée 
par  la  Chambre,  a  été  adoptée  par  le  Sénat.  Elle  consacre  au  crédit  agri- 
cole les  ressources  mises  à  la  disposition  de  l'Etat  lors  du  renouvellement 
du  privilège  de  la  Banque  de  France.  Il  faut  souhaiter  que  la  loi  nouvelle 
donne  une  impulsion  vigoureuse  au  développement  des  banques  locales 
qui  pourraient  rendre  tant  de  services  aux  cultivateurs. 

FéLix  Roussel. 


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206  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEHENTAIfΠ  EN   FRANCE 


UI.  —  Uk  Vi£  PARJJSMENTAIRB 

I.  —  laOïBy  DéoretS)  Axrètéft»  Ciitmlalitii»  ato. 

l»»"  mars.  —  Responsabilité  des  accidenh  du  ttxivaiL  —  Décrets  portaot  règle- 
ment d'administration  publique  pour  rexécution  des  articles  26,  27,  28  de  la  loi 
du  9  avril  1898  concernant  les  responsabilités  des  accidents  dont  les  ouvrier»  sont 
victimes  dans  le  travail  (p.  1397  à  1401). 

2  mars.  —  Codé  dHmlrètclion  criminille.  —  Loi  modifiant  l'article  445  (p.  1517). 
-^  Tarif  général  des  douanes.  —  Loi  modifiant  le  tableau  A  du  tarif  (tissus  de 

soie  pure)  (p.  1420). 

•-M  Tissuê  de  soie,  •—  Décrets  relatifs  au  régime  des  titeus  de  toie  pure  origi- 
naire de  la  Chine  et  du  Japon  (p.  1421^. 

-^  Colis  postaux.  —  Décret  organisant  un  service  de  colis  postaux  de  5  à 
10  kilog.  entre  la  France  et  la  Corse  (p.  1421). 

^-  Accidentn  du  travail.  —  Arrêté  instituant  un  comité  consultatif  dee  awo- 
rances  contre  les  accidents  du  travail  (p.  1422). 

*—  Classe  i898.  —  Cire,  et  décrets  relatifs  À  la  formation  (p.|1423). 

-^  Marque  et  vérification.  —  Relevé  des  objets  d'or  et  d'argent  présentés 
(p.  1437). 

—  Chemins  de  fer  algériens  et  tunisiens,  —  Résultats  de  l'exploitation  1897-1898 
(p.  i438), 

^-»  Avis  commerciaux  sur  Malte  et  la  Russie  (p.  1437). 

3  mars.  —  Naturalisation.  —  Rapport  et  décret  sur  la  naturalisation  en 
Tunisie  (p.  1459). 

—  Banque  de  France.  ^  Décret  autorisant  la  Banque  do  France  à  admettre 
au  service  des  avances  sur  titres  les  obligations  émîtes  ouI&  émettre  par  le  gou- 
vernement général  de  Tlndo-Chine  (p.  1460). 

— ^  Port  de  Tréguier,  —  Décret  autorisant  la  Chambre  de  commerce  de  Saint- 
Brieuc  à  contracter  un  emprunt  et  à  percevoir  un  péage  au  port  de  Tréguier 
fp.  1466). 

•—  Conseils  de  guerre,  *—  Rapport  et  décret  modifiant  la  marobe  et  la  répar- 
tition des  conseils  de  guerre  à  Madagascar  (p.  1465). 

4  mars.  —  Inspections  d'armée.  —  Rapport  et  décret  relatif  aux  inspections 
d'armée  (p.  1487). 

^—  Tableaux  de  classement.  —  Rapport  et  décret  relatif  h  l'établibsement 
des  tableaux  cumuels  de  classement  (p.  1488). 

5  mars.  —  Pièces  d'or.  —  Décret  fixant  le  type  des  pièces  d'or  de  20  francs 
(p.  1506). 

— ^  Crédits  supplémentaires,  —  Décret  portant  ouverture  de  crédits  (p.  1506}. 

6  mars.  —  Surveillance  et  repeuplement  des  cours  d'eau.  —  Arrêté  instituant 
une  commission  pour  l'étude  de  ces  questions  (p.  1521). 

7  mars.  —  Convention  Franco-Libérienne.  —  Loi  portant  approbation  de  la 
convention  d'extradition  du  5  juillet  1897  (n»  1537). 

•—  Convention  Franco-Equotorienne.  —  Loi  portant  approbation  de  la  conven- 
tion du  9  mai  1898  pour  la  garantie  réciproque  de  la  propriété  littéraire  et  artis- 
tique (p.  1537). 

^—  Greffiers  des  justice»  de  paix.  —  Décret  fixant  leur  émolument  pour  l'assis- 
tance aux  actes  de  notoriété  et  pour  les  actes  de  la  procédure  réglée  par  la  loi  du 
9  avril  1898  sur  les  respoosabilités  dont  les  ouvriers  stmt  victimes  dans  leur 
travail  (n»  1538). 

—  Académie  de  France  à  Rome.  —  Rapport  sur  les  envois  des  pensionnaires 
(p.  1543). 

—  Chemins  de  fet  français.  Tramways.  —  Situation  le  31  déeemlrre  189i 
p.  1546). 


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LA    VIE   POUTIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE  207 

—  Avis  agricoles  sur  l'Allemagne,  la  Hollande,  la  Hongrie,  Tinde,  la  Ruwie 
(p.  1554). 

8  mars.  —  Crédit  supplémentaire,  —  Décret  d'ouverture  (p.  1565). 

—  Cantonniers  —  Décret  portant  fixation  du  maximum  de  la  rente  viairère 
totale  à  laquelle  les  cantonniers  pourraient  avoir  droit  (p.  1556). 

—  Traites  de  la  marine,  —  Rapport  concernant  la  réduction  du  délai  de  naie- 
ment  de  ces  traites  (p.  1586).  '^ 

—  Inspection  générale,  —  Cire,  relative  à  l'inspection  générale  de*  troupes 
d  infanterie  et  de  gendarmerie  de  marine  (p.  1586). 

9  mars.  —  Relégation.  —  Rapport  sur  l'appUcation  de  la  loi  de  relégaUon 
pendant  les  années  1896-1897  (p.  1301).  ^ë^^vn 

10  mars.  —  Caisse  dépargne.  —  Situation  décembre  1898  (p.  1631). 

Avis  commerciaux  sur  l'Espagne,  l'Angleterre,  la  Russie,  la  Suisse,  l'Italie 

(p.  1632). 

11  mars.  —  Navigation  intérieure,  -  Tableaux  des  mouvements,  décembre  1898 
{p.  1652). 

12  mars.  —  Recouvrement  des  contributions.  Crédits  provisoires.  —  Situation 
1"  mars  1899  (p.  1671).  *uauuii 

—  Commerce  de  la  France.  —  Janvier- février  1894  (p.  1678). 
^  CaUses  d'épargne  ordinaires.  —  Situation  1898  (p.  1671). 

13  mars.  —  Caisse  nationale  d'épargne.  —  Rapport  1897  (p.  1685). 

•^  Personnel  des  ponts  et  chaussées  et  mines,  —  Rapport  et  décret  modifiant 
la  solde  de  parité  d'office  de  ce  personnel  aux  colonies  (p.  1728). 

^  Chemins  de  fer  français  dHntérét  local.  Tramways.  —  Résultats  comoa- 
ratifs  de  l'exploitation  (p.  1730). 

•^  Avis  agi'icoles  sur  la  Belgique,  le  Japon,  le  .Mexique,  la  Roumanie,  la 
Russie,  la  Suède  et  la  Suisse  (p.  1775). 

14  mars.  —  Ecole  nationale  de  céramique.  ~  Concours  d'admission  (p.  1789). 
16  mars.  —  Sucres  indigènes.  —  Production  et  mouvement  (p.  1812). 

—  Marchandises  tunisiennes.  —  Situation  février  1899  (p.  1821). 

16  mars.  — Associations  ouvrières  de  production  et  de  crédit.  —  Arrêté  concer- 
nant les  membres  de  la  Commission  chargée  de  préparer  la  répartition  du  crédit 
ouvert  au  budget  de  1899  pour  allocations  à  ces  associations  (p.  1830). 

^  Pointeurs  de  canonage,  —  Rapport,  arrêté  et  circulaires  relatifs  à  la  créa- 
tion d'une  catégorie  de  pointeurs  dans  la  spécialité  du  canonage  (p.  1833). 

^  Office  colonial.  —  Rapport  et  décret  portant  création  d'ua  office  colonial. 
Arrêtés  divers  (p.  1837). 

17  Mars.  —  Officiers  mécaniciens,  —  Arrêté  modifiant  l'arrêté  ministériel  du 
21  janvier  1899  relatif  au  service  de  ces  officiers  (p.  1850). 

^—  Gouvernement  général  de  Madagascar.  —  Rapport  et  décret  fixant  le  traite- 
ment du  secrétaire  général  (p.  1852). 
^  Combustibles  minéraux.  —  Tableaux  de  production,  1898  (p.  1855). 
^—  Caisses  des  dépôts  et  consignations.  —  Bilan  (p.  1866). 
^—  Caisse  des  retraites.  —  Etat  de  développement  (p.  1868). 

18  mars.  —  Indemnités  de  résidence,  —  Décret  modifiant  le  tableau  A  annexé 
ao  décret  du  31  décembre  1897  relatif  aux  indemnités  de  résidence  dues  au  per- 
sonnel enseignant  de  nos  écoles  primaires  publiques  (p.  1881). 

— •  Mandats-poste.  —  Décret  portant  fixation  de  la  taxe  supplémentaire  de 
change  établie  sur  les  mandats-poste  émis  en  Algérie  à  destination  de  la  France 
et  des  colonies  (p.  1881). 

—  Ecoles  nationales  d'arts  et  métiers.  —  Programme  de»  épreuves  écrites 
(p.  1885). 

— •  Ecole  nationale  de  Cluny.  —  Programme  du  concours  (p.  1885). 

19  mars.  ~  Ecole  coloniale.  -^  Arrêté  fixant  les  programmes  des  matières  du 
concours  (p.  1899). 

—  Caisse  des  retraites.  —  Opérations  (Février  1899)  (p.  1902). 

20  mars.  —  Institut  agronomique.  —  Arrêtés  supprimant  et  créant  des 
chaires  (p.  1913). 


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â08  LA  VIE   POLITIQUE   ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

^—  Avis  agricoles  sur  les  États-Unis  et  le  Chili  (p.  1924). 

22  mars.  ~  Explosifs.  —  Décret  autorisant  la  régie  des  contributions  indi- 
rectes à  mettre  en  Tente  un  nouvel  explosif  de  mines  du  type  C.  désigné  sous 
le  numéro  1  bis  et  fixant  le  prix  de  Texplosif  de  mine  du  type  G  numéro  1  bis. 

^—  Caisêe  d'épargne.  —  Opérations  Février  1899  (p.  1953). 

23  mars.  —  Matériel  de  la  marine.  —  Rapports  sur  les  résultats  constatés 
par  la  commission  supérieure  de  Tinventaire  du  matériel  jde  la  marine  (p.  1965 

—  Nacre.  —  Rapport  et  décret  établissant  un  droit  de  sortie  sur  la  nacre  dans 
les  établissements  français  de  l'Iode  (p.  1972). 

—  Marque  ou  vérification.  —  Relevé  des  objets  présentés  (p.  1974). 

—  Avis  commerciaux  sur  FAllemagne,  la  Russie  d'Asie,  la  Suède  *et  la  Nor- 
vège, l'Egypte  (p.  1975). 

24  mara.  —  Colis  postaux.  Convention  franco -luxembourgeoise.  —  Décret  pro- 
mulguant la  convention  du  7  octobre  1898  pour  l'échange  des  colis  postaux  du 
poids  de  5  à  10  kilos  (p.  1986). 

—  Remises  d'amendes.  —  Décret  portant  extention  de  la  délégation  du  pou- 
voir de  statuer  sur  les  demandes  de  remises  d'amendes  conférée  aux  directeurs 
départementaux  d'enregistrement  (p.  1986). 

—  Ecoles  supérieures  de  commerce.  —  Arrêtés  fixant  la  dite  et  le  programme 
d'examen  (p.  1987). 

^—  Réservistes  de  la  manne.  —  Circulation  relative  à  l'appel  (p.  1993). 
^—  Gendarmerie  coloniale.  —  Rapport  et  décret  portant  règlement  sur  la  con- 
cession des  congés  au  personnel  de  la  gendarmerie  coloniale  (p.  1994). 

—  Tanf  général  des  douanes.  —  Rapport  et  décret  modifiant  le  décret  du 
27  août  1898  relatif  aux  exceptions  du  tarif  général  des  douanes  à  la  Martinique 

p.  1995). 
^—  Caisse  des  retraites  —  Reconstitution  de  la  commission  supérieure  (p.  2002;. 

25  mars.  —  Protection  des  vignobles,  Algérie.  —  Loi  complétant  les  lois  des 
21  mars  1883  et  28  juillet  1886  sur  les  mesures  à  prendre  pour  la  protection  des 
vignobles  d'Algérie  (p.  2013}. 

^—  Disponibilité  des  officiers  généraux.  —  Rapport  et  décret  (p.  2016). 
^—  Commerce  des  armes,  Madagascar.  —  Rapport  et  décret  (p.  2017). 
^—  Alcools.  —  Production  et  mouvement  (p.  2021). 
^—  Ministère  du  commette.  —  Concours  pour  l'emploi  de  rédacteur  (p.  2019). 

26  mars.  —  Transport  de  marchandises.  —  Loi  approuvant  la  convention 
additionnelle  à  la  convention  internationale  du  14  octobre  1890  (p.  2029). 

^—  Juridiction  des  mahakmas.  —  Décret  portant  modifications  de  territoire 
(p.  2030). 

—  Médailles  commémorât ives y  Ordres  coloniaux.  —  Décret  autorisant  les  gé- 
néraux commandant  en  chef  en  Indo-Chine  et  à  Madagascar  à  suspendre  provi- 
soirement les  sous-officiers,  soldats  ou  marins  titulaires  de  médailles  commémo- 
raUves  ou  décorés  d'ordres  coloniaux  ou  étrangers  (p.  2030). 

—  Inspecteurs  adjoints  des  services  de  la  marine.  —  Rapport,  décret,  arrêté  et 
circulaire  (p.  2034  et  2036). 

^—  Sucres  et  glucoses.  —  Rendement  et  relevé' des  comptes  (p.  2044). 
^—  Voies  navigables.  —  Tableaux  des  chômages  autorisés  en  1899  sur  ces  voies 
ip.  20:i9). 

—  Magasinier  des  Colonies,  —  Arrêté  réglant  les  conditions  du  concours 
(p.  2036). 

^—  Avis  commerciaux  sur  la  Belgique  (p.  2038). 

27  mars.  —  Colis  postaux.  —  Décret  fixant  les  taxes  à  percevoir  entre  la 
France,  la  Belgique.  Luxembourg  et  la  Suisse  pour  l'affranchissement  des  colis 
postaux  (2057). 

^—  Avis  agncoles  sur  l'Angleterre,  la  Hollande  et  la  Suisse  (p.  2070». 

28  mara.  —  Testament  olographe.  —  Loi  portant  modification  de  Tarlicle  1007 
du  Code  civil  (p.  2073). 

29  mars.  —  Réservistes,  Territoriaux.  —  Circulaire  relative  aux  appels 
(p.  2091). 


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LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEM£1«(TA1R£  EN   FRANCE  209 

— —  Juges  suppléants^  Cochinchine,  —  Rapport  et  décret  portant  suppression 
de  postes  de  juges  suppléants  >.  2095). 

—  Justice  de  paix  à  compétence  étendue,  -  Rapport  et  décret  créant  une  de 
ces  justices  à  Tourane  (p.  2095). 

30  mars.  —  Caisse  d^ épargne,  —  Janvier  1899  (p.  2117). 

^—  Atfis  commerciaux  sur  les  Etats-Unis,  Cuba,  Porto-Rico,  l'Ile  Maurice 
(p.  2117). 

31  mars.  —  Crédits  provisoires,  —  Loi  portant  ouverture  de  crédits  provisoires 
explicables  aux  mois  d'avril  et  mai  1899  (p.  2125).  -^^ 

—  Crédits  supplémentaires,  —  Lois  ouvrant  des  crédits  supplémentaires  appli- 
cables aux  dépenses  de  la  Chambre  des  députés  (p.  2143)  et  au  service  des  pensions 
civiles  (p.  2143). 

^»  Budget  de  1898.  —  Loi  concernant  l'ouverture  et  Tannulation  de  crédits 
sur  l'exercice  1896  (p.  2143). 

^—  Frontière  douanière  de  la  France,  —  Loi  modifiant  le  décret-loi  du 
12  juin  1860  relatif  au  tracé  de  la  frontière  douanière  de  la  France  en  Savoie 
(p.  2147). 

^»  Inspecteur  des  Colonies.  —  Circulaire  notifiant  l'annonce  d'un  concours 
(p.  2150). 

II.  —  Débats  parlementaires. 

1*  SÉNAT 

l*r  mars.  —  Suite  de  la  discussion  du  projet  de  loi  modifiant  l'article  445  du 
Code  d'instruction  criminelle.  {Procédure  de  révision.)  —  Rejet  des  amende- 
ments de  MM.  Bernard,  Théodore  Giraud  et  Demôle.  L'ensemble  de  la  loi  est 
adopté  par  158  voix  contre  131. 

3  mars.  —  Scrutin  pour  l'élection  du  Président.  Après  2  tours  de  scrutin 
M.  FaUières  est  élu  par  151  voix.  M.  Constans  obtient  85  voix,  M.  Franck-Chau- 
veau  18,  M.  Peytral  1. 

7  mars.  —  Allocution  de  M.  Fallières,président  du  Sénat.  —  2«  délibération  et 
adoption  du  projet  relatif  au  casier  judiciaire. 

10  mars.^  Scrutin  et  nomination  de  deux  membres  de  la  commission  supé- 
rieure de  la  caisse  nationale  des  retraites  pour  la  vieillesse.  —  Discussion  et 
adoption  d'un  projet  relatif  à  la  protection  du  vignoble  algérien.  —  Suite  de  la 
discussion  en  2«  délibération  du  projet  de  loi  relatif  à  la  nouvelle  évaluation  des 
propriétés  bâties. 

14 mars.  —  Suite  et  adoption.  —  2«  délibération  sur  le  projet  de  loi  relatif 
au  recrutement  des  candidats  notaires.  —  l^'  délibération  sur  le  projet  de  loi 
relatif  aux  caisses  de  crédit  agricoles. 

16  mars.  —  Suite. 

17  mars.  ~  Communication  du  décès  de  M.  Rrantz.  —  Question  de  M.  Bo- 
dinier  sur  le  dépôt  de  poudre  d'Angers.  —  Adoption  d'un  projet  de  loi  approuvant 
une  convention  internationale  sur  le  transport  des  marchandises  par  chemin  de 
fer.  —  Interpellation  de  M.  Joseph  Fabre  sur  l'embauchage  d'officiers  par  l'asso- 
ciation politique  dite  de  la  Patrie  française  et  sur  les  compromissions  de  cette 
ligue  avec  d'autres  ligues  constituant  les  cadres  de  la  guerre  civile.—  Suite  de  la 
discussion  et  adoption  du  projet  de  loi  e^ur  les  banques  locales  du  crédit  agricole 
mutuel. 

21  mars.  —  Retrait  de  l'interpellation  de  M.  Joseph  Fabre  sur  l'embauchage 
d'officiers  par  la  ligue  de  la  Patrie  française  et  question  sur  le  môme  sujet  — 
lr«  délibération  sur  une  proposition  relative  à  la  responsabilité  civile  des  mem- 
bres de  l'enseignement. 

23  mars.  —  1"  délibération  et  adoption  d'un  projet  de  loi  approuvant  une 
convention  entre  la  France  et  la  Russie  relativement  à  l'exemption  mutuelle  de 
la  caution  Judicatumsolvi.  2«  délibération  et  adoption  d'une  proposition  relative 
À  la  police  sanitaire  des  animaux . 

14 


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210  Xâ   vie   politique  "Bt  PÀftlEUENTÀIRE  EN   PflÂNGfi 

t7  mskta.  ^  Question  de  M.  TrarieuK  sur  l'instruction  judiciaire  «nga^ée  contre 
un  certain  nombre  de  membre  du  comité  directeur  de  la  Ugue  française  pour  la 
défense  des  droits  de  Thomme  et  du  citoyen.  -^  l^'  délibération  sur  la  propo- 
sition tendant  à  modifier  les  articles  300  et  302 -du  Gode  pénal  (Infanticide).  ^ 
Dépôt  et  lecture  d'un  rapport  concernant  les  douvièmes  provisoires.  —  Dis- 
cussion et  adoption  d'un  projet  de  loi  relatif  À  ces  domièmeis  applioe3>le8  aux 
mois  d'avril  et  mai  1899. 

28  mar*.  -^  DifiCQsBion  et  adoption  d'une  proposition  tendant  à  nnlfler  les 
pensions  proportionnelles  'des  sous-ofBciers,  caporaux  et  soldats  rengagés  et 
comtnissionnés.  --  Adoption  d'un  projet  de  loi  relatif  &  une  convention  «ntre 
TEtat  et  la  Ck)mpagnie  Paris -Lyon-Méditerranée.  (Modification  du  compte  d'ex- 
ploitation partielle).  —  Adoption  d'un  projet  de  loi  ouvrant  un  crédit  ponr  les 
pensions  civiles  des  Instituteurs.  —  Adoption  d'un  projet  relatif  à  nne  sorte  de 
convention  de  droit  international  privé  entre  la  France  et  divers  Etats  d'Eu- 
rope. —  Discussion  et  adoption  d'un  projet  ouvrant  des  crédits  extraordinaires 
pour  secours  aux  victimes  de  la  catastroplrê  de  Toulon.  —  Discussion  et  adoption 
d'un  projet  de  loi  portant  ouverture  et  annulation  de  crédits.  —  Adoption  d'une 
proposition  de  loi  tendant  à  modifier  l'article  71  de  la  loi  du  10  août  1871. 

30  mars.  —  Discussion  et  adoption  d'un  projet  ouvrant  un  crédit  supplémentaire 
pour  les  dépenses  de  la  Chambre  des  députés.  —  Discussion  et  adoption  du  projet 
concernant  les  crédits  provisoires alFértnts  «ux  moied' avril  et  mai  1899.—  Discus- 
?ion  et  adoption  d'un  projet  relatif  à  des  travaux  à  effectuer  dans  le  port  du  Havre. 

—  Discussion  et  adoption  d'un  projet  de  loi  relatif  à  des  crédits  supplémentaires. 

—  Discussion  et  adoption  d'un  projet  de  loi  relatif  au  tracé  de  la  frontière  doua- 
nière de  la  France  en  Savoie.  Question  de  Mw  Strauss  sur  le  retard  apporté  àTap- 
probation  des  trataux  d'adduction  d'eau  poiaMe.  —  Adoption  -d'un  projet  de  loi 
concernant  les  officiers  auxiliaires  de  la  marine» 


2"  Cbambbe  des  députés 

l«*inà».  —  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  l'exenclce  1^90  (Inslmction 
publique.  Beaux-Arts). 

i^  mlàfB.  —  Question  au  ministre  de  l'Agriculture  sur  les  alnis  de  pMf^^r  aux- 
quels a  donné  lieu  et  peut  encore  donner  lien  le  service  d*lnspefïtlon  sianltaire  ées 
animaux.  —  Demandes  d'interpellations  de  M.  Ounéo  dHDimano  «mr  les  non^- 
breuses  violations  du  droit  d'association  cotittnlses  par  les  agents,  et  de  M.  G.Bei^ 
nard  sur  les  perquisitions  opérées  au  siège  de  la  ligue  antisémititpie  ;  de  M.  Mnr^ 
cel  Sembat  sur  la  façon  dont  te  Président  du  Conseil  entend  la  délteii»e  <le  la 
Uépublique  contre  les  menées  césariennes.  —  Adoption  d*un  projet  de  lei  relatif 
aux  actes  de  l'état  civil  et  aux  testaments  faits  aux  wmées.  *-  Adoption  d'un 
projet  de  loi  portant  modification  de  l'article  1007  du  Code  civil.  Balte  et  -la  dis- 
cussions du  budget  de  lîJ9d.  iIPleAux-Arts  et  Justice). 

3ttiate.— Admission  de  M.  tbomson,  député  deConstfcnttne.  — 'SuRie  ^  la 
discussion  du  budget.  (Juitice). 

4  nUitt.  —  Suite.  —  Question  de  M.  Morinaud  sur  les  crédits  relatil^  aux  tra- 
vaux Iwdrauîîques. 

^  maiTft.  —  Question  de  M.  Louis  ferunel  sur  l'incident  dte  Maswate.  *-»  ^nite  de 
la  discussion  du  budget. 

7  mars.  —  Suite. 

%  mars.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  l'exercice  lï?99.  (Guerre). 

9  mars.  —  (Deux  séances  .  Suite. 

10  mars.  —  Suite.  Questions  de  MM.  Isnard  et  Ijaroche-Joubert  snr  ie  dépla- 
cement des  poudrières  de  Brest  et  d'Aogoulème. 

11  mars.  *-  Proposition  de  résolution  ayant  pour  objet  la  publication  au 
Journal  Officiel  des  noms  des  députés  présents  &  ces  séances.  —  Stftte  de  la  dis- 
cussion du  budget  de  l'exerclùe  1899.  (Guerre). 

13  mars.  —  Question  de  M.  Maurice  Allard  sur  Ta  catastrophe  *e  Toulon.  — * 


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LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN   FRANCE  tH 

Discussion  de  Tînterpellation  de  MM.  Benys  Cochin,  Pierre  Bau  ïin  et  Dujardin- 
Beaumetz  sur  les  travaux  de  l'Exposition  de  1900  à  Paris.  —  Adoption  de  l'ordre  du 
jour  pur  et  simple.  —  Question  de  M.  d'Aulan  sur  Teffectif  réglementaires  des 
cadres  des  officiers  de  Tannée  de  réserve.  -  Suite  de  la  discussion  du  budget  de 
l'exercice  1899.  (Guerre). 

14  mars.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  1699  (Postes  et  Télégraphes). 

15  mars.  —  Suite.  Adoption  d'un  projet  concernant  une  avance  offerte  par  la 
Chambre  de  Commerce  du  Havre  poor  les  travaux  du  port. 

16  mars.  —  Question  de  M.  Ghenavaz  sur  une  délibération  du  Conseil  nmni- 
cipal  de  Rives.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  1899.  (Postes  et  Télégraphes , . 

17  mars  —  (Deux  séances).  Suite  de  la  discussion  du  budgret  de  1899  (Postes 
et  télégraphes).  —  Admission  de  M.  Lemasson  ;  député  de  Baugé.  —  Discussion 
d'une  interpellation  de  M.  Marcel  Sembat  sur  les  conditions  dans  lesquelles  a  été 
interjeté  appel,  par  le  ministère  public,  d'un  jugement  du  tribunal  de  Château- 
Thierry.  —  Adoption  de  Tordre  du  jour  pur  et  simple  par  343  voix  contre  91.  — 
Suite  de  la  discussion  du  budget.  (.Marine.  —  Discours  de  M.  Lockroy). 

18  mars.  —  (Suite).  —  Adoption  d'un  projet  sur  le  code  rural.  (Bail  emphy- 
téotique). 

20  mars.  —  (Deux  séances).  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  1899.  (Marine). 
—  Fixation  après  Pâques  de  la  discussion  des  interpellations  relatives  à  TAlgérie. 
^  Question  au  ministre  de  la  Guerre  sur  les  accidents  survenus  à  l'école  de 
pyrotechnie  de  Bourges.  —  Adoption  d'un  projet  de  loi  tendant  à  compléter 
l'artiole  170  du  Code  civil.  (Mariage  4  l'étranger  entre  un  Français  et  une  étran- 
gère.) 

21  mars.  —  Adoption  d'ira  prpjet  ouvrant  des  crédits  extraordinaires.  (Catas- 
trophe de  Toulon).  —  Adoption  d'un  projet  modifiant  l'ariiicle  2  de  la  loi  du 
8  décembre  IB97.  -*-  Présentation  d'un  projet  portant  ouverture  de  crédits  provi- 
soires. ^-  Ajdoption  de  M.  Peignot,  député  d'Epemay.  —  Suite  de  la  discussion  du 
budget.  (Marine.) 

2Z  mars. —  Adoption  d'an  projet  de  loi  concernant  ime  convention  entre 
VEJUA  et  la  Cîompagiiie  de  Paris  à  Lyon  et  à  la  Méditerranée.  —  Question  de 
M.  Golliard  au  ministère  de  l'Intérieur  sur  une  demande  de  crédit  en  favear  d«« 
dernières  inondûAlens.  —  Adoption  d'un  crédit  supplémentaire  applicai>le  aux 
dépenses  de  la  Chambre  des  dépotés.  —  Suite  de  la  diseussiosi  du  budget  de 
l'eiereiee  UB99.  (Marine.) 

28  man.  —  CSommimication  de  la  mort  de  M.  Goillemin.  —  Suite  de  la  dis- 
cussion du  budget  de  l'exercice  1899.  (Marine.  Ministère  des  finances)  —  Adoption 
d'un  projet  portant  ouverture  et  annulation  de  crédits  snr  l'exercice  1898. —  Dis- 
cussion d'mi  projet  portant  oaverture  de  ci^édits  proviBOvœ  applicables  aux 
mois  d'avril  et  de  mai  1899. 

M  mars.  —  Adoption  d'un  projet  de  loi  approuvant  une  conventUm'int^iia- 
tionale  de  droit  international  privé.  —  Suite  de  la  discussion  <hi  budget  de  1^99. 
(Pensioas  civiles.)— Amendements  divers  relatifs  à  une  augmentation  de  Ilndem- 
nité  des  sénateurs  et  députés. 

SSmars.  —  Suite  de  la  discussion  du  bsdget.  -  Adoption  d'un  projet  ouvrant 
en  crédH  supplémentaire  po^r  le  service  des  pensions  civiles.  —  Dépôt  d'une 
proposition  de  loi  relative  aux  incompatibilités  parlementatres. 

Z7  mars.  —  Adoption  d'an  projet  de  loi  conoeroant  un  crédit  pour  secours  aux 
victimes  de  sinistres.  —  Présentation  de  divers  projets  de  loi  relatifs  à  diverses 
conventions  franoo-anglsises.  —  Dépôt  et  lecture  d'une  proposition  de  loi  de 
M.  Boudenoot  tendant  à  ne  procéder  que  tous  les  deux  ans  à  la  discussion  géné- 
rale du  tmdget.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  l'exercice  1899. 

28  mars.  —  (Deux  séances).  Adoption  d'un  projet  relatif  à  la  frontière  doua- 
Bière  ^e  la  France  en  Savoie.  —  Suite  de  la  discmssion  du  budget  de  1S99.  — 
Dépôt  du  rapport  et  adoption  du  projet  de  loi  coDcemant  les  crédits  provisoires 
appficables  aux  mois  d'avril  et  mai  1899. 

29  mars.  —  (Deux  séances).  Suite  de  la  discussion  du  budget  de  l'exercice  1899« 


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212  LA  VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANGE 

(Loi  de  finances.)  —  Admission  de  M.  Ferroul,  député  de  Narl>onne.  —  Adoption 
d'un  projet  modifié  par  le  Sénat  relatif  à  des  crédits  supplémentaires. 

30  mars.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget  et  adoption  du  projet  de  loi.  — 
Discussion  du  rapport  sur  les  «pérations  électorale  de  la  première  circonscription 
de  Pontivy.  —  Admission  de  M.  de  Lanjuinais. 


III.  —  Distribution  de  documents  parlementaires. 

l^  Sénat. 

1*'  mars.  —  Rapport  sur  la  proposition  relative  aux  effets  de  commerce 
échéant  le  23  février  1899  (n«  50). 

—  Rapport  sur  le  projet  portant  ;  1»  ouverture  sur  l'exercice  1899  des  crédits  pro- 
visoires applicables  au  mois  de  mars  1899  et  montant  à  273.010.834  francs; 
2**  autorisation  de  percevoir  pendant  le  même  mois  les  impôts  et  revenus  publics 
(no  51). 

7  mars.  —  Projet  de  loi  approuvant  la  convention  intervenue  entre  la  France 
et  la  Russie  relativement  à  Fexemption  pour  les  Français  en  Russie  et  les 
Russes  en  France  de  la  caution  judicatum  solvi  {n?  54). 

— -  Rapport  sur  la  proposition  modifiant  Tarticle  60  de  la  loi  du  22  frimaire 
an  VII  sur  Tenregistrement  (n*  60). 

— —  Avis  sur  la  proposition  modifiant  Tarticle  de  la  loi  du  19  juillet  1889  mo- 
difiée par  la  loi  du  25  juillet  1893  relative  aux  traitements  des  instituteurs  (no  58). 

^—  Avis  sur  la  proposition  relative  à  la  responsabilité  civile  des  membres  de 
renseignement  public  (no  59). 

10  mars.  —  Allocution  de  M.  Fallières,  président  du  Sénat  (n*  61). 

^»  Rapport  sur  le  projet  tendant  à  modifier  les  articles  40  et  42  de  la  loi  du 
15  juillet  1889  (service  militaire)  (n»  62). 

14  mars.  —  Rapport  sur  le  projet  ayant  pour  objet  l'approbation  de  la  con- 
vention additionnelle  à  la  convention  nationale  sur  le  transport  de  marchandises 
par  chemin  de  fer  (n©  63). 

17  mars  —  Rapport  sur  la  proposition  tendant  à  modifier  Tarticle  71  de  la 
loi  du  10  août  1871  sur  les  conseils  généraux  (n"  65). 

^»  Rapport  supplémentaire  sur  la  proposition  tendant  à  unifier  les  pensions 
proportionnelles  des  sous-officiers,  caporaux  etsoldats  rengagés  etcommissionnés 
(n-  66). 

21  mars.  —  Rapport  sur  le  projet  approuvant  une  convention  intérieure 
entre  la  France  et  la  Russie  relativement  à  Texemption  pour  les  Français  en 
Russie  et  les  Russes  en  France  de  la  caution /ue/tca/um  solvi  (no  69). 

27  mars.  —  Projet  de  loi  approuvant  une  convention  entre  TEiat  et  la  Com- 
pagnie P.  L.  M.  (modification  du  compte  d'exploitation  partielle  (no  72). 

— —  Proposition  de  loi  ouvrant  un  crédit  supplémentaire  applicable  aux  dé- 
penses de  la  Chambre  des  députés  (n*  74). 

^*  Rapport  sur  l'article  I2i  distrait  du  projet  de  loi,  portant  fixation  du  bud- 
get général  des  dépenses  et  des  recettes  de  l'exercice  1898.  (Dessèchement 
d'étangs  dans  le  département  de  TAin)  (no  68). 

28  mars.  ~  Projet  de  loi  portant  ouverture  et  annulation  de  crédits  (budget  de 
1899)  (n-  78). 

^—  Projet  de  loi  relatif  à  une  convention  internationale  de  droit  international 
privé  (no  87). 

— —  Rapport  sur  un  projet  de  loi  portant  ouverture  et  annulation  de  crédits 
(budget  de  1898)  (n*  78). 

^*  Rapport  sur  un  projet  tendant  à  modifier  les  articles  61  et  63  de  la  loi  du 
10  août  1871  sur  les  conseils  généraux  (no  374). 

30  mars.  —  Projet  de  loi  portant  ouvjerture  de  crédits  provisoires  pour  avril 
et  mai  1899  et  autorisation  de  percevoir  (n»  75)  et  rapport  (n»76). 


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LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE  213 

-»-  Projet  de  loi  ouvrant  un  crédit  extraordinaire  pour  secours  aux  victimes 
des  inondations,  grêles,  etc.  (n*91). 

— •  Projet  de  loi  ayant  pour  objet  l'acceptation  d'une  avance  de  1. 000 .000 
par  la  Chambre  de  Commerce  du  Havre  en  vue  de  Texécution  des  travaux  du 
port  du  Havre  (n»  96). 

^  Projet  de  loi  modifiant  le  décret-loi  du  12  juin  1860  relatif  au  tracé  de  la 
frontière  douanière  de  la  France  en  Savoie  (n*  97;  et  rapport  (n*  98). 

—  Proposition  de  loi  relative  à  la  réglementation  des  débits  de  boisson  (n*  86). 
^—  Rapport  sur  la  proposition  ouvrant  un  crédit  supplémentaire  applicable 

aux  dépenses  de  la  Chambre  des  députés  (exercice  1896)  (n^  80). 

—  Rapport  sur  le  projet  de  résolution  portant  règlement  définitif  du  compte 
des  recettes  et  des  dépenses  du  Sénat  pour  Texercice  1897  (n»  81). 

—  Rapport  sur  le  projet  de  résolution  portant  :  !•  fixation  du  budget  des 
dépenses  du  Sénat  pour  Texercice  1899;  2«  évaluation  des  recettes  de  la  caisse 
des  retraites  des  employés  du  Sénat  (n«  82). 

^—  Rapport  sur  le  projet  concernant  :  1*"  les  officiers  auxiliaires  de  divers  corps 
de  la  marine,  les  mécaniciens  du  commerce  et  les  maîtres  au  cabotage  ;  2**  l'en- 
gagement volontaire  pendant  la  durée  de  la  guerre  de  diverses  catégories  du 
personnel  de  la  marine  (n<>  90). 

2^  Chambre  des  députés 

1er  mars.  —  Projet  de  loi  relatif  au  classement  des  ouvrages  de  fortification 
de  la  défense  de  terre  de  la  France  (n»  IS?). 

—  Proposition  de  loi  déférant  ao  juge  de  paix  la  réclamation  en  cas  de  perte 
avarie,  spoliation  et  retard  dans  la  livraison  des  colis  postaux  (n®  764). 

-»-  Proposition  de  loi  tendant  à  étendre  le  bénéfice  de  la  dispense  prévue  au 
titre  de  rengagement  décennal  par  Tarticle  23,  §  1«'  de  la  loi  du  15  juillet  1889 
aux  instituteurs  affectés  aux  établissements  pénitentiaires  (n"  765). 

^—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  garantir  leur  travail  et  leurs  em- 
plois aux  réservistes  et  aux  territoriaux  appelés  à  faire  leur  période  d'instruction 
militaire  (n«  770). 

—  Rapport  supplémentaire  sur  le  projet  de  loi  portant  fixation  du  budget 
général  de  l'exercice  1899.  (Convention  de  1883  (n"»  767). 

2  mars.  —  Proposition  de  loi  tendant  à  la  suppression  de  la  mendicité 
{n«  .60). 

3  mars.  —  Projet  de  loi  relatif  h  la  construction  d'un  hôtel  des  Postes  à  Tou- 
lon (no  766). 

^  Projet  de  loi  relatif  à  la  protection  de  la  propriété  industrielle  pour  les 
objets  admis  à  l'Exposition  Universelle  de  1900  (no  768). 

— •  'Proposition  de  loi  modifiant  la  loi  du  29  juillet  1881  en  vue  d'établir  la 
responsabilité  effective  de  la  presse  (n®  769). 

4  mars.  —  Pn^et  de  loi  tendant  à  compléter  l'article  170  du  Gode  civil  en 
conférant  aux  agents  diplomatique  et  aux  consuls  le  droit  de  procéder  à  l'étranger 
à  la  célébration  du  mariage  entre  un  Français  et  une  étrangère  (no  758). 

—  Projet  de  loi  relative  à  la  publicité  du  nantissement  des  fonds  de  com- 
merce (n»  759). 

—  Projet  de  loi  portant  affectation  des  inscrits  maritimes  aux  batteries  de 
côté  (n»  771). 

——  Proposition  de  loi  tendant  à  créer  dans  les  régiments  d'infanterie  un 
emploi  d'adjudant  premier  secrétaire  du  trésorier  (n"  774). 

^»  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  modifier  les  traitements  aliénés  aux 
membres  de  la  Légion  d'honneur  et  aux  médailles  militaires  (n*"  775). 

—  Rapport  sur  la  proposition  de  loi  relative  au  régime  des  aliénés  (n*  579). 
6  mars.  —  Proposition  de  loi  établissant  un  impôt  sur  le  revenu  (n»  509). 

—  Projet  de  loi  concernant  l'ouverture  et  l'annulation  de  crédits  sur  l'exer- 
cice 1898  et  au  titre  des  budgets  annexes  (n»  772). 


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214  LA.  VIE  POUTIQUE  ET   PAKLEMENTAIRË  EN   FRANCE 

—  Proposition  de  loi  sur  rorganisation  de  la  défease  des  côtes  et  ruiilisation 
des  inscrils  maritimes  (n°  7*73). 

—  Rapport  sommaire  sur  la  proposition  tendant  à.  compléter  la  loi  du 
8  août  1893,  relative  au  séjour  des  étrangers  en  France  (n"  761). 

7  mars.  —  Projet  de  loi  sur  la  répressioD  des  fraudes  dans  la  vente  de»  mar- 
chandises et  des  talsifieations  des  denrées^  alimentaires  et  produits  agricoles 
(n-  76J). 

«»  Projet  de  loi  portant  création  d'enseignes  de  vaiaseau  et  d'aspirants  auxi- 
liaires {n"  717). 

— -  Proposition  de  loi  ayant  pour  but  d'attribuer  k  Tindustrie  française  sous 
forme  de  primes  de  fabrication  le  produit  des  droits  de  douane  sur  les  sulfiateade 
cuivre  étrangers  (n«  753). 

<«—  ProposUion  de  loi  tendant  à  attribuer  aux  tribunaux  ordinaires  l'af  préda- 
tion des  difficultés  qui  peuvent  s'élever  entre  Tadministration  des  chemina  dfi 
fer  de  l'Etat  et  ses  employés,  à  l'occasion  dm  contrat  de  travail  (nP  779). 

—  Proposition  de  loi  pour  assurer  uae  retraite  aux  travailleurs  des  deux  sexes 
âgés  de  60  ans  (n»  780). 

8  mars.  —  Projet  de  loi  concernant  l'organisation  administrative  des  arse- 
naux et  le  régime  comptable  des  approvisionnements  de  la  Marine  (n®  778). 

—  Proposition  de  loi  relative  à  la  vente  à  réméré  en  Algérie  (n"  787). 

9  mars.  —  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  modifier  la  loi  du  29  juin 
1894  sur  les  caisses  de  secours  et  de  retraites  de»  ouvriers  mineurs  (n'»  786). 

10  mars.  ■—  Projet  de  loi  portant  ouverture  au  ministre  des  Finances  sur 
rexercke  1899  d'un,  crédit  supplémentaire  d'inscription  de  l.'iOD.OOO  franeë  peur 
le  service  des  pensions  civiles  (n"  783). 

^*  Rapport  supplémentaire  sur  le  projet  de  loi  portant  fixation  du  Budget 
général  de  l'exercice  1899  (n«»  792). 

11  mars.  —  Proposition  de  loi  relative  au  régiiBe  des  mais^.rlE,.  brieures  de 
rÎE  et  dari  (n*  731). 

—  Proposition  de  loi  tejidaait  à  compléter  l'article  21  de  la  loi  du  15  juillet 
1899  sur  le  recrutement  4e  l'année  (n»  794). 

13  mars.  —  Projet  de  résolution  tendant  à  réglemenier  l'initiative  des  dépu- 
tés en  matière  de  dépenses  (n**  796). 

— —  Projet  de  résolution  ayant  pour  obj,et  la  publication  au  Journal  Officiel  à 
la  suite  du  compte  rendu  des  séances  de  la  Chambre  des  noms  des  députés  pré- 
sents à  ces  séances  (n**  804L 

—  Proposition  de  loi  sur  la  protection  de  la  mère  et  de  l'enfant  nouveau-né 
(no  789). 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  créer  une  croix  ou  médaille  dite  du  zèle  mili- 
taire (n«  795). 

—  Proposition  de  loi  tendant  4  autoriser  les  départements  et  les  communes 
k  insérer  dans  les  cahiers  des  charges  des  travaux  mis  en  adjudication  l^ebliga- 
tion  pour  les  entrepreneurs  de  payer  aux  ouvriers  le  salaire  courant  de  chaque 
métier  (no  800). 

^—  Rapport  sur  le  projet  relatif  à  la  police  municipale  dans  les  communes 
d'Alger,    Mustapha,  Saiot-Eugène  (n©  781). 

«—  Rapport  sur  Le  projet  relatif  à  l'acceptation  d'une  avance  offerte  par  la 
Chambre  de  Commerce  du  Havre  en  vue  de  l'exécution  des  travaux  du  port  du 
Havre  (n»  788). 

^—  Rapport  résumant  les  documents  soumis  à  la  Commission  de  l'impôt  sur 
le  revenu  (n-  803). 

14  mars.  —  Rapport  sur.  diiférentes  propositions  relatives  aux  droits  de 
douane  et  d'entrée  sur  les  sulfates  de  cuivre  (n<»  794). 

—  Rapport  supplémentaire  sur  le  projet  de  loi  relatif  an  Code  rural  \no  799  . 
^»  Rapport  supplémentaire  sur  le  projet  de  loi  portant  fixation  du  budget  gé- 
néral de  l'exercice  1899    (n"  80S). 

15  mars.  —  Projet  de  loi  ouvrant  des  crédits  extraordinaires  pour  secours  ou 
indemnités  aux  victimes  de  la  catastrophe  de  Toulon  (n^  797} . 


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LA   Vl«    POLITIQUE  BT   PARIiEMENTAlRfl   EN   FRANCE  815 

«x-»  Rft|>pori  sur  le  projet  4e  loi  porUot  fixation  du  budget  général  de  Texer- 
cice  1899  (Caisse  nationale  d'épargne!  (n<»  499). 

^«>  Rapport  sur  les  conditions  du  travail  dans  les  marchés  de  Travaux  pu- 
blic» (n«  776). 

16  nurs.  —  Projet  de  loi  modifiant  la  loi  du  4  février  1899  approuvant  une 
Convention  internationale  de  droit  international  privé  (n»  806). 

—  Propomtion  d«  loi  relative  à  l'ori^aaiialion  des  retraites  et  la  création  des 
services  de  Prévoyance  sociale  (n©  257). 

^^  PrùgHmUen  de  lai  ayant  pour  objet  de  modiOer  la  loi  de  1838  en  naatière 
de  donunage»  causés  par  le  gibier  avx  produits  du  sol  (n'  801), 

••«•  Ppopwilion  de  /oi  tendant  à  instituer  une  procédure  e:iceptionnelle  par  le 
vole  du  budget  de  l'exercice  19CK)  (n©  810). 

17  mars.  -*  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  modifier  la  loi  du  29  juin 
1894  sur  la  caisse  de  retraites  des  ouvriers  mineurs  (n*798;. 

«>-»  Rapport  sur  te  projet  relatif  au  classement  des  ouvrages  de  fortification  ilc 
la  déisnse  de  terre  de  la  France  (n°  813). 

18  mars.  —  Proposition  de  loi  tendant  à  transporter  au  Panthéon  les  restes 
mortels  et  Turgot  (n«*  109  et  819). 

^—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  modifier  Tarticle  %l  de  la  loi  orga- 
nique mililaire  des  ]5>n  juillet  1989  (Dépenses  militaires)  (n*"  8i8). 

^  Rapport  sur  le  projet  portant  règlement  déônitiXdu  budget  de  l'exercice 
1888  (no  731), 

"—  Rapport  sur  le  projet  tendant  à  compléter  Tarticle  170  du  Code  civil  en 
conférant  aux  age&ta  diplomatiques  et  aux  consuls  le  droit  de  procéder  à 
l'étranger  à  la  célébration  du  mariage  entre  un  Français  et  une  étrangère 
{n«  817). 

20  mars.  —  Projet  de  loi  approuvant  la  conventÂaft  eonclue  à  Paris  le  29  oc- 
toiire  1898  entre  la  France  et  la  Belgique  pour  régler  le  service  de  la  correspon- 
dance, téléphonique  entre  les  deux  pays  (n"  ^11). 

^m,  Pr^poêition  de  ^t  relative  au  régime  des  eaux.  Irrigations.  Liv.  U,  titre  V 
du  Code  rural  (n"  565). 

^—  Rapport  sur  les  diverses  propositions  tendant  à  rétablisseaaaentd'im  impôt 
sur  le  capital  et  le  f^em»  (a*"  809). 

^^•m^  Ba|>port  SUT  le  projet  ayaat  pour  objet  d'approuver  une  Convention  entre 
l'Etat  et  la  Cie  de  P.-L.-M.  (Modification  du  compte  d'exploitation  pajtielJe 
(n«823). 

%\  ma».  •«-««  Proiei  de  loi  sur  Ves  contravention»  aux  règkmcftU  sur  les  ap- 
paieite  i  preasiioii  (i«  vapeur  cm  de  gaz  {n^  756). 

—  Proposition  de  loi  modifiant  l'article  'iO  de  la  loi  du  5  juillet  1844  sur  les 
iMrenats  d'ia^rantûm  (n»  812). 

—  Rapport  conijernant  l'ouverture  d'uft  crédit  au  pplénientaire  applicable  ausc 
dépcttMS  die  la  CKamJ^e  des  députas  pour  l'exercice  189d  (n*  82())« 

23  mars.—  Projet  de  loi  portant  ouverture  sur  l'exercice  1899  des  crédits  pr^ 
visoire»  appticables  aAix  mcM.  d'avril  et  de  omi  et  autorisation  de  percevoir  pen- 
dant c«s  mêmes  wcis  les  impôts  et  revenus  (nr  828). 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  modifier  le  Gode  de  justice  nûUtaire  à  fixer  le 
résine  des  compa^iies  de  discipline^  à  réoi^niser  les  services  pénitentiaires  de 
ramée  et  à  traBsIcniMr  toa  bataillons  d'infanterie  lég(>re  d'Afrique  en  réginiente 

23  mars.  —  Projet  de  loi  ayant  pour  objet  de  comprendre  les  sous-directeurs, 
«geftjbs  oomiitohlff  d«s  haras  et  dépôts  d'étalons  daaa  hi  aomenclature  du  ta- 
bleau  B  annexé   à   la    loi   du    15  juillet  1889  sur  le  recrutement  de  l'fi^rm^e 

— -  Projet  de  «^sWuHo»  teadant  à  la  natiimalisatfeoa  des  voies  ferrées  (n*"  831). 

«-«  Pr«^pomti0m  ayaat  pour  objet  l'élude  chimique  et  bactériologii^u^  des  eaux 
des  Deuves  et  des  rivières  de  la  France  (n®  835). 

«-«  Bapj^ri  sur  u»  projet  approuvant  une  Convention  i&t^nsuitioaale  réglant 
plusieurs  matikères  de  dr^it  intematioaai  priyé  (a^  8SU). 


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216  LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

— -  Rapport  sommaire  sur  une  proposition  de  résolution  ayant  pour  objet  la 
revision  des  lois  constitutionnelles  (n**  d'SO), 

^»  Rapport  sommaire  sur  la  proposition  ayant  pour  objet  d*indemniser  les 
personnes  poursuivies  à  la  requête  du  ministère  public  et  non  condamnées,  de- 
vant les  cours  d'assises»  les  tribunaux  de  police  correctionnelle  et  -de  simple 
police  (no  838). 

24  mars.  —  Proposition  de  loi  tendant  à  relever  le  tarif  minimum  des  douanes 
sur  les  tissus  de  soie  pure  (n»  815). 

^»  Proposition  portant  établissement  d'une  subvention  annuelle  destinée  au 
m^ntien  et  au  développement  des  petits  ateliers  de  famille  (n*  816). 

^*  Proposition  de  loi  tendant  à  modifier  l'article  61  du  Code  pénal  et  Tarticle 
136  de  la  loi  du  5  avril  1884  (n*  827). 

— —  Proposition  de  loi  portant  modification  de  la  loi  du  8  juillet  1890  sur  les 
délégués  à  la  sécurité  des  ouvriers  mineurs  (n*  ^36). 

^*  Proposition  de  loi  tendant  à  porter  à  0.25  par  100  kilos  le  tarif  minimum  à 
appliquer  à  toutes  les  chaux  hydrauliques  en  poudre  et  en  pierres  quel  que  soit 
leur  mode  d'expédition  (n»  841). 

— —  Rapport  sur  le  projet  de  loi  portant  création  d'enseignes  de  vaisseau  et 
et  d'aspirants  auxiliaires  (n»  837). 

25  mars.  —  Projet  de  loi  portant  fixation  définitive  des  taux  des  primes  d'ex- 
portation des  sucres  pour  la  campagne  1898-1899  (n**  832). 

— — >  Proposition  de  loi  tendant  au  rachat  des  réseaux  des  Compagnies  de  l'Ouest 
et  du  Midi  (n«  805). 

^»  Proposition  de  loi  tendant  à  établir  un  impôt  de  consommation  sur  la  sac- 
charine (no  822). 

— —  Proposition  de  loi  tendant  à  réglementer  la  répartition  des  rentes  entre  les 
membres  des  sociétés  civiles  de  retraites  (n®  843). 

— —  Proposition  de  loi  abrogeant  l'article  3  du  sénatus  consulte  du  14  juillet 
1865  sur  la  naturalisation  en  Algérie  (n»  848). 

—  Rapport  sur  la  proposition  ayant  pour  objet  d'ajouter  un  n*  264  bis  au 
tarif  général  des  douanes  (produits  chimiques)  à  l'effet  de  taxer  le  permanganate 
de  potasse  (n»  833). 

—  Rapport  sur  le  projet  de  loi  :  1»  concernant  l'ouverture  et  l'annulation  de  cré- 
dits sur  l'exercice  1898  ;  2»  l'ouverture  et  l'annulation  de  crédits  au  titre  des  bud- 
gets annexes  (n»  845)' 

^»  Rapport  sur  le  projet  de  loi  portant  ouverture  sur  l'exercice  1899  des  cré- 
dits provisoires  applicables  aux  mois  d'avril  et  de  mai  1899  et  montant  à 
638.016.005  francs.  L'autorisation  de  percevoir  pendant  les  mômes  mois  les  impôts 
et  revenus  publics  (n«  846). 

— i-  Rapport  sur  le  projet  ouvrant  un  crédit  supplémentaire  d'inscription  de 
1J200.000  francs  pour  lé  service  des  pensions  civiles  (n«  849). 

27  mars.  ~  Projet  de  loi  tendant  à  modifier  les  articles  423,  424,  439  et  532 
du  Code  d'Instruction  criminelle  (n*  821). 

*»  Proposition  de  loi  sur  les  incompatibilités  parlementaires  {n?  855). 

^»  Rapport  sommaire  sur  la  proposition  relative  à  la  réforme  de  la  prisée  et 
de  la  vente  des  gages  au  Mont-de-Piété  de  Paris  ^n«  839). 

— i-  Rapport  sommaire  sur  la  proposition  relative  aux  attribution  des  commis- 
saires priseurs  et  des  courtiers  de  marchandises  assermentés  aux  tribunaux  de 
commerce  ed  matière  de  marchandises  vendues  judiciairement  aux  enchères  pu 
bliques  (n«  840). 

2S  mars.  —  Projet  de  loi  portant  ouverture  de  crédits  provisoires  applicables 
aux  mois  d'avril  et  mai  1899  (n»  862). 

^»  Proposition  de  loi  tendant  à  la  suppression  des  cautionnements  exigés  des 
comptables  de  deniers  publics  et  des  officiers  ministériels  (n*"  842). 

—  Proposition  de  loi  tendant  A  réduire  le  traitement  des  fonctionnaires 
(no  851). 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  d'interdire  aux  membres  du  Parlement 
de  faire  partie  à  un  titre  quelconque  des  sociétés  financières  (n<»  852). 


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LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE  217 

«—  Annexe  au  rapport  sur  le  projet  de  loi  portant  fixation  du  Budget  général 
de  l'exercice  1899  (n*  592). 

29  man.  —  Proposition  de  loi  tendant  h,  modifier  la  loi  du  2  juin  1891  (courses 
de  chevaux)  (n*  854). 

«—  Proposilion  de  loi  tendant  à  ne  procéder  que  tous  les  deux  ans  à  la  dis- 
cussion générale  du  budget  et  aux  discussions  générales  des  budgets  de  chaque 
ministère  (n*  858). 

— i-  Proposilion  de  loi  tendant  à  compléter  l'article  41  du  Code  rural  et  à  mo- 
difier Tarticle  2  de  la  loi  du  2  août  lï'84  sur  la  police  sanitaire  des  animaux 
(n-»  865). 

— —  Rapport  sur  la  proposition  de  loi  portant  établissement  du  régime  des  al- 
cools dénaturés  (n^  856)  (annexe  au  rapport  le  30  (n®  856). 

80  man.  —  Documents  diplomatiques.  ~  Déclaration  additionnelle  du 
21  mars  1899  à  la  Convention  franco-anglaise  du  14  juin  1898. 

— -  Projet  de  loi  tendant  à  modifier  les  articles  423,  424,  439  et  532  du  Code 
d'Instruction  criminelle  (n^  ^21). 

—  Proposition  de  loi  sur  les  incompatibilités  parlementaires  (n<»  855). 

— i—  Proposition  de  loi  tendant  à  modifier  Tarticle  529  du  Code  d'Instruction 
criminelle  (règlement  de  juges)  (n»  862). 

— —  Rapport  sommaire  sur  la  proposition  relative  à  la  réformç  de  la  prisée  et 
de  la  vente  des  gages  au  Mont-de-Piété  de  Paris  (n«  839). 

^«>  Rapport  soomiaire  sur  la  proposition  relative  aux  attributions  des  com> 
missaires-priseurs  et  des  courtiers  de  marchandises  assermentés  (n«  840). 

^—  Rapport  sur  la  proposition  relative  à  la  publication  au  Journal  Officiel  des 
noms  des  députés  présents  aux  séances  (n«  850). 

^—  Rapport  sur  le  projet  relatif  aux  crédits  provisoires  pour  avril  et  mai  1899 
(n-  869). 

^—  Rapport  sur  le  projet  portant  ouverture  et  annulation  de  crédits  (exercices 
1896-1898-1899  (n»  816). 


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euRdM^iE  mmm  etrakore  et  mpisi 


Chronologie  pollti({uo  étrftngôfe 

Allemagne.  —  5  mars.  —  A  rassemblée  générale  de  TAssociation  de  la 
Tenre-Saînte,  à  Francfort,  Mgr  Schmiti,  archeréque  de  Col'ogne,  prononce  un 
discours  pour  revendiquer  le  droit  de  protection  de  TAlleina^e  anr  ses  sujets 
catholiques  en  Orient. 

IL  -—  Au  Reich^tag,  M.  de  Bùlow  prononce  un  discours  où  il  donne  à  entendre 
que  l'Allemagne  négocierait  arec  FEspagne  pour  l'acquisition  des  Garolines. 

13.  —  Guillaume  U  acccorde  une  audience  à  M.  Cecil  Rhoées,  venu  en  Alle- 
magne pour  négocier  le  passage  k  travers  TAfrique  orientale  attemande,  du 
chemin  de  fer  et  du  télégraphe  du  Cap  au  Caire.  Le  bruit  court  que  M.  Rhodes 
a  réussi  en  ce  qui  concerne  le  télégraphe,  mais  non  en  ce  qui  a  trait  au  chemin 
de  fer. 

14.  —  Le  Reichstag  repousse  le  projet  militaire  du  gouvernement;  on  craint 
une  dissolution. 

16.  —  Le  gouvernement  et  le  Reichstag  se  mettent  d'accord  sur  un  compromis^ 
la  loi  militaire  est  votée  par  222  voix  contre  132,  telle  que  l'avait  élaborée  la 
Commission. 

Angleterre.  —  2  mars.  —  Aux  communes,  M.  Brodriok  décfàre,  au  sujet  des 
affaires  de  Chine,  que  le  gouvernement  anglais  insiste  auprès  du  gouvernement 
chinois  pour  quMl  respecte  les  clauses  du  traité  passé  entre  lui  et  la  Banque 
anglaise  de  Hong-Rong  et  Changhaï,  pour  la  construction  du  chemin  de  fer  de 
Niou-Tchouaug,  traité  contre  lequel  proteste  la  Russie.  —  On  apprend  peu  après 
que  la  Russie  aurait  retiré  sa  protestation. 

7.  —  Aux  communes,  M.  Brodrick,  répondant  au  discours  prononcé  la  veille, 
à  Paris,  par  M.  Delcassé,  expose  le  point  de  vue  du  gouvernement  sur  l'incident 
de  Mascate.  —  Banquet  de  la  Chambre  de  commerce  de  Londres;  M.  Paul 
Canibon,  ambassadeur  de  France,  y  prononce  un  discours  pacifique  sur  les 
relations  franco-anglaises. 

9.  —  Aux  Communes,  M.  Brodrick  annonce  que  l'incident  de  Mascate  est  réglé 
en  principe.  M.  Goschen  présente  le  budget  de  la  marine  et  explique  la  nécessité 
d'augmenter  los  dépenses  navales. 

13.  —  Aux  Communes,  sir  U.  Kay-Shuttleworth,  au  nom  de  l'opposition  libé- 
rale, prononce  un  discours  contre  le  budget  de  la  marine. 

14.  -—  Publication  d'un  Livre  Bleu  sur  les  affaires  de  Chine. 

20.  —  Aux  Communes,  M.  Chamberlain,  faisant  allusion  à  un  discours  antérieur 
du  Président  Rriiger,  fait  comprendre  que  les  promesses  faites  à  nouveau  par  ce 
dernier  aux  Nitlanders  ne  peuvent  plus  être  prises  au  sérieux  par  l'Angleterre. 

21.  —  Lord  Salisbury  et  M.  Paul  Cambon  signent  la  Déclaration  anglo-française 
réglant  la  question  du  haut  Nil,  soulevé  par  l'incident  de  Fachoda. 

Autriche-Hongrie.  —  l*"*  mars.  —  A  la  Chambre  hongroise,  M.  Roloman  de 
Szell,  le  nouveau  chef  du  ministère,  prononce  un  discours-programme.  11  insiste 
sur  l'importance  du  compromis  qui  doit  régler  les  rapports  de  l'Autriche  et  de  la 
Hongrie. 

2.  —  M.  Perczel  est  élu  président  de  la  Chambre  hongroise  ;  MM.  Tallian  et 
Daniel,  vice-présidents. 

10.  —  La  Chambre  hongroise  vote  le  compromis  provisoire  avec  l'Autriche. 
Belgique.   —  29  mars.   —    Le   gouvernement  ayant  expulsé    de    Belgique 

M.  Victor  Charbonnel,  sujet  français  qui  y  faisait  des  conférences  cléricales,  les 
libéraux  l'interpellent  et  l'attaquent  violemment  à  la  Chambre.  La  suite  de  la 
discussion  de  l'interpellation  est  ajournée  au  18  avril. 


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CHKOKOiAGIE  fCHLITIQCE  21» 

Espagne.  —  !•'  mars.  —  Le  ministère  libéral,  présidé  par  M.  Sagasta,  donne 
sa  démission  à  la  reine-régente,  parce  qu'il  n'a  obtenu  que  deux  voix  de  majo- 
rité au  Sénat,  sur  la  question  des  Philippines. 

4.  —  Constitution  (Tun  noir'eaa  ministère,  formé  par  le  parti  conservateur  : 
M.  Silvela,  présidence  et  affaires  étrangères  ;  M.  Dato,  intérieur;  M.  Duran,  jus- 
tice ;  général  Polavieja,  guerre  ;  marquis  Pidal,  travaux  publics  et  colonies  ; 
amiral  6omez  Imaz,  marlAe. 

6.  —  Prorogation  des  Cortés^  le  gouvernement  a^aoi  décidé  de  procéder  à  de 
nouvelles  éleclLans. 

17.  —  La  retne-régente  ratifie  le  traité  de  pwx  hispano-américain. 
Staii-Unis.  —  2&  mars,  —  Aux  Philippines,  les  hostilités  entre  Américains  et 

Philippins,  qui  duraient  depuis  quelque  temps  déjà,  prennent  une  intensité  nou- 
velTe,  les  Américains  voulant  s'emparer  de  Malolos,  siège  du  gouvernement  indi- 
gène* 

26,  27,.  28,  29,  30.  —  Continoation  des  hostilités,  les  Philippine  résistant  avec 
achamemant. 

31.  —  Les  Américains  s'emparent  de  Malolos,  qi*e  les  Pbili4;>pins  ont  évacué 
après  y  avoir  mis  le  feu.  La  marche  en  avant  des  Américains  subit  un  temps 
d'arrêt. 

Italid.  —  l"'  mars.  —  Une  dépêche  de  Pékin  apprend  au  public  que  ITlalie  a 
demandé  au  gouvernement  chinois  la  cession  à  bail  de  la  baie  de  San-Moun, 
dans  la  province  de  Tché-Kiang. 

3.  —  A  la  Chambre,  Tamiral  Canevaro  confirme  queTItalie  demande  la.  cession 
de  San-Moun. 

4.  —  La  Chambre,  discutant  les  projets  de  loi  de  sûreté  publique  du  général 
PelToux,  volé,  par  310  voix  contre  98,  le  passage  à  la  seconde  lecture,  le  gouver- 
nement ayant  posé  la  question  de  confiance. 

5.  —  On  apprend,  par  une  dépèche  anglaise,  que  la  Chine  repousse  les  demandes 
de  ntalie. 

13.  —  A  la  Chambre  des  Communes,  M .  Brodrlck  déclare  que  Vltalie  a  agi,  en 
Chine,  de  sa  propre  initiative,  mais  que  l'Angleterre  est  sympathique  à  son 
entreprise. 

14.  —  A  la  Chambre  italienne,  l'amiral  Canevaro  fait  un  exposé  de  l'action  de 
ritalîe  en  Chine,  et  de  Tétat  des  négociations  en  cours. 

18.  —  Au  Sénat,  l'amiral  Canevaro  fait  de  nouveau  Texposé  rfe  la  situation  en 
Chine. 

Samoa.  —  15  mars,  —  Les  navires  anglais  et  américains  bombardent  Apia,  et 
contiauent  le  bo«ib«i>deinent  pendant  plusieurs  Jours.  Cette  action,  précédée  par 
la  dissolution  du  gouvernement  provisoire,  a  pour  but  de  restaurer  sor  le  tr6»* 
Malietoa-TasMi,  candidat  des  Anglo-Amérioains,  qui  se  le  voit  disputé  par 
Mataafa,  candidat  des  Allemands.  Le  consul  d'Allemagne  prend  parti  povr  le 
gonTemement  provisoire,  dissous  par  les  Angles Américaina.  Ces  troubles  décident 
les  trois  gouvernements  de»  Btate-Unis,  d'Angleterre  et  d'Allemagne  à  ouvrit  dea 
négociatkms  pour  régler  la  question  des  Samoa,  les  trois  pttissancf  s  ayant  des 
intérêts  divergents  dans  rarehlpel. 

Trans¥Mil.  —  24  nwr».  —  M .  Krilger  prononce,  à  Prustenbourg,  en  réponse 
aux  déclaration  de  M.  Chamberlain  aux  Communes,  le  20,  un  discours  sur  lequel 
il  insista  sur  le  caractère  sérieux  des  réformes  qu'il  compte  proposer  en  faveur 
des  nMIanders.  —  Le  même  jimr,  21.000  Anglais  font  parvenir  une  pétition  à 
l'agent  britannique  de  Pretoria,  pour  se  plaindre  de  la  situation  intolérable  qui 
est  fiite  aux  étrangers. 


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220  CHRONOLOGIE  POLITIQUE 


Chronologie  politique  française 


1er  man.  ~  Des  perquisitions  sont  ordonnées  et  exécutées  chez  les  différentes 
notabilités  des  partis  royaliste,  bonapartiste,  et  au  siège  de  la  ligue  française  pour 
la  défense  des  droits  de  Thomme  et  du  citoyen  de  la  Patrie  française. 

— -  Echange  de  témoins  entre  MM.  Quesnay  de  Beaurepaire  et  Bérenger,  à  la 
suite  du  discours  de  ce  deroier  au  Sénat  lors  de  la  discussion  sur  la  loi  de  des  • 
saisissement.  Les  témoins  ne  parvenant  pas  à  s'entendre,  la  rencontre  n'a  pas 
lieu. 

«—  M.  Lucipia  est  élu  président  du  Ck)nseil  municipal  de  la  Seine.  Après 
cette  élection,  MM.  John  Labusqmère  et  Adrien  Veber  ont  été  élus  vice-prési- 
dents. MM.  Desplas,  Vivien,  Le  Grandet  et  Rozier,  secrétaires.  M.  Bellan  a  été 
maintenu  par  acclamation  dans  les  fonctions  de  syndic.  Les  bureaux  et  commis- 
sion restent  constitués  comme  précédemment. 

t  mars.  —  Examen  de  l'affaire  Picquart  à  la  Chambre  criminelle  de  la  Cour  de 
cassation  au  sujet  de  la  demande  en  règlement  de  juges. 

—  Le  gouvernement  fait  savoir  que,  par  les  différentes  perquisitions  opérées, 
il  a  eu  en  vue  de  faire  constater  Fexistence  illégale  des  différentes  ligues  en  fonc- 
tion et  d'en  provoquer  ainsi  la  dissolution. 

3  mars.  —  M.  Falliéres  est  élu  président  du  Sénat. 

— —  Publication  par  M.  Quesnay  de  Beaurepaire  d'un  ouvrage  sur  le  Panama. 

—  Arrêt  de  la  Cour  de  cassation  dans  l'affaire  Picquart.  Elle  renvoie  Picquart 
et  Leblois  devant  la  chambre  des  mises  en  accusation  pour  faux,  usage  de  faux 
communication  des  dossiers  Dreyfus  et  Esterhazy,  «  attendu,  dit-eUe,  que  la 
connexité  légale  existe  entre  ces  divers  faits.  ».  Mais  elle  déclare  n'y  avoir  lieu 
à  règlement  de  juges  pour  l'affaire  des  pigeons  voyageurs  et  celle  du  dossier 
Boulot,  pour  lesquelles  la  juridiction  militaire  reste  saisie,  «  attendu  qu'il  n'y  a 
pas  connexité  l*^gale.  » 

4  mars.  —  Esterhazy  commence  dans  le  Daily  Chronicle  À  Londres  une  série 
de  révélations  sur  l'affaire  Dreyfus. 

5  mars.  —  Terrible  catastrophe  à  Toulon.  Explosion  d'une  poudrière.  51  morts 
et  100  blessés. 

6  man.  —  Première  sortie  officielle  du  Président  de  la  République.  *-  Visite 
au  Concours  agricole. 

-«i-  Le  Comité  d'entente  socialiste,  composé  de  délégués  des  cinq  écoles  so- 
cialistes de  France,  vient  d'adresser  à  toutes  les  organisations  socialistes  et  ou- 
vrières connues  une  circulaire  pour  les  inviter  à  se  faire  représenter  à  une  confé- 
rence ayant  pour  but  de  préparer  le  congrès  international  qui  doit  se  réunir  à 
Paris  en  1900.  Cette  conférence  aura  lieu  à  Bruxelles,  entre  le  20  et  le  90  mai  pro- 
chain. Elle  devra  s'inspirer  des  principes  suivants  :  l'action  législative,  la  socia- 
lisation des  moyens  de  production  et  d'échange  et  l'entente  internationale  des 
travailleurs. 

—  M.  Ballot-Beaupré,  président  de  la  Chambre  civile  en  remplacement  de 
M.  Quesnay  de  Beaurepaire  est  nommé  rapporteur  dans  l'affaire  de  revision  du 
procès  Dreyfus. 

—  Discours  d'ouverture  de  M.  Lucipia  le  nouveau  président  du  Conseil  mu- 
nicipal. 

7  mars.  —  Sur  l'invitation  de  la  Social  démocratie  fédération  d'Angleterre 
M.  Jaurès  se  rend  à  Londres  au  meeting  organisé  par  cette  association  en  faveur 
de  la  Paix  du  Monde. 

8  mars.  —  Discours  de  M.  Méline  au  banquet  de  l'association  de  l'industrie  et 
de  l'agriculture  françaises. 

9  mars.  —  Mort  de  Mgr  Clari,  nonce  en  France. 


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CHRONOLOGIE   POLITIQUE  221 

10  mars.  —  La  Chambre  criminelle  de  la  Ck)ur  de  cassation,  présidée  par 
M.  Lœw,  conformément  aux  conclusions  de  M.  le  conseilleur-rapporteur  Acca- 
rias,  9t  de  M.  l'avocat  général  Mérillon,  rejette  la  requête  en  suspicion  légitime 
formée  contre  M.  le  juge  d'instruction  Bertulus,  par  le  commandant  Esterhazy. 

11  mars.  —  M.  Charles  Dupuy  sur  la  demande  de  M.  Ribot  président  de  la 
Commission  de  renseignement  de  la  Chambre  des  députés  décide  de  soumettre  à 
Texamen  prochain  des  conseils  généraux  un  questionnaire  relatif  à  renseigne- 
ment, et  qu*il  adresse  h  tous  les  préfets. 

1%  mars.  —  Elections  législatives,  —  Eure.  —  {Arrondissement  de  Louviers). 
—  Inscrits  :  16.589.  —  Votants  :  12  02S.  M.  Riberpray,  conseiller  général  républi- 
cain, 3.794  voix;  M.  Picard,  conseiller  général,  radical,  3.466  ;  M.  Develle,  ancien 
ministre,  républicain,  2.96'7  ;  M.  Quentin,  avocat,  1.484.  ~  {Ballottage),  —  II 
8*agissait  de  remplacer  M.  Thorel,  élu  sénateur,  le  18  décembre  dernier.  Le 
8  mai  1898,  M.  Thorel,  député  depuis  1889,  avait  été  réélu  par  7.549  voix  contre 
2.532  à  M.  Berthemet,  propriétaire  radical  ;  2.297  à  M.  Haudos,  avocat,  radical- 
socialiste,  et  145  h  M.  Haize,  républicain. 

14  man.  —  M.Urbain  Gohier  est  acquitté  par  le  Jury  de  la  Seine  devant  le- 
quel il  avait  été  traduit  pour  la  publication  de  son  livre  :  L'Armée  contre  la  na- 
tion. 

16  man.  —  Ouverture  à  Troyes  de  l'assemblée  régionale  des  cercles  catholi- 
ques. 

17 man.  —Mouvement  judiciaire. 

18  man.  —  Visite  officielle  h  l'Elysée  du  corps  diplomatique.  Echange  de  dis- 
cours entre  l'ambassadeur  d'Autriche-Hongrie  et  le  Président  de  la  République. 
Meeting  socialiste  organisé  par  le  Comité  d'entente  socialiste  â.  l'occasion  de  l'an- 
niversaire de  la  Commune.  Discours  de  M.  Jaurès. 

20  man.  —  Constitution  à  Paris  sous  la  présidence  de  M.  Casimir-Périer  de  la 
Société  des  amis  de  l'Université  de  Paris. 

21  man.  —  M.  Mornard  au  nom  de  Mme  Dreyfus  présente  une  réquête  en 
récusation  des  conseillers  Crépon,  Petit  et  Lepelletier. 

^—  Déroulëde  adresse  au  Président  du  conseil  une  lettre  pour  protester  contre 
certaines  assertions  de  M.  Fabre  lors  de  son  interpellation  contre  la  ligue  de  la 
Patrie  française. 

22  man.  —  Discours  de  M.  Casimir-Périer  au  banquet  de  TEcole  des  sciences 
politiques. 

24  man.  —  Les  Chambres  réunies  de  la  Cour  de  cassation,  malgré  le  réqui- 
sitoire de  M.  Manau,  adoptant  les  conclusions  de  M.  Ballot-Beaupré,  rapporteur 
décident  que  la  requête  en  récusation  de  Mme  Dreyfus,  contre  MM.  les  con- 
seillers Petit,  Lepelletier  et  Crépon  doit  être  rejetée. 

—  Réunion  sous  la  présidence  de  M.  Méline  de  plusieurs  notabilités  du  parti 
progressiste  en  vue  d'étudier  les  meilleurs  moyens  à  employer  pour  la  réorga- 
nisation sur  de  larges  bases  et  avec  des  cadres  solides,  du  parti  républicain  pro- 
gressiste dans  les  deux  Chambre  et  dans  le  pays.  Allocution  de  M.  Méline. 

^—  Assemblée  générale  de  la  ligue  maritime  française. 

26  man.  —  Déclaration  et  exposé  de  principes  par  le  groupe  républicain,  so- 
cialiste indépendant  de  la  Chambre.  Ce  groupe  est  ainsi  composé  :  Président  : 
Alphonse  Humbert,  député  de  Paris  ;  vice-présidents  :  Albert  Chiche,  député  de 
Bordeaux;  Girou,  député  de  Paris;  secrétaires:  Stanislas  Ferrand,  Paul  Bernard, 
députés  de  Paris. 

26  man.  —  Elections  législatives.  —  Eure.  {Arrondissement  de  Louvier).-^ 
Scrutin  de  ballottage.  Inscrit  :  16.492  votants  :  12.008.  —  MM.  Riberpray,  répu- 
blicain modéré,  6.329  élu;  Picard,  radical  4.439;  Louis  Georges,  indépendant 989. 
U  s'agissait  de  remplacer  M.  Thorel,  républicain,  élu  sénateur  le  18  décembre 
dernier.  Au  premier  tour,  le  12  mars  les  voix  s'étaient  ainsi  réparties  :  MM.  Ri- 
berpray, 3.731  voix,  Picard,  3.357,  Develle,  républicain,  ancien  ministre,  2.949,  et 
Quentin,  nationaliste,  1.458.  Dans  l'intervalle  des  deux  scrutins,  M.  Develle  s'était 
retiré,  ainsi  que  M.  Quentin. 


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222  CHRONOIiOGEE  POLmOUE 

27  man.  —  ClôtHre  de  l'enquête    sar  renseignement  ;ëeoottdaire  jMir  la  com- 
mission parleinealaire. 
Du  17  jenvier  au  27  mtiB  i*  coDHnisMen  a  kna  BB  eétnces  et  reçm  196  dépoai- 


88  nàKM.  —  MM.  Léon  liMirgeeis,  d'Esieumelles  et  fiânaud  processeur  à  la 
faculté  de  droit  sont  désignés  oojKnaae  4ék;gués4e  la  France  à  la  eo&férefifle  inter- 
nationale du  désarmement  qni^eit  se  séuair  à  laila^e  le  IS  mm. 

30  mars.  —  Prorogation  des  Chambres  àaat  la  rentrée  est  ficée  le  2  maifUMir 
la  Chambre  et  le  9  pour  le  Sénat.  La  commission  des  ^nances  du  Sénat  commen- 
cera ses  travaux  le  2  miii. 

31  mars.  ->Le  Figaro  publie  les  premiers  documenta  du  premier  volume  de 
lenquète  faite  par  la  Chambre  criminelle  de  la  Cour  de  cassation.  Ces  premiers 
documents  concernent  exclusivement  la  comparution  du  commandant  Esterhazy 
devant  un  conseil  d'enquête,  au  .mois  d'août  I89i<.  Le  conseil  des  miniâ.ti)e  décide 
que  des  recherches  seront  faites  au  sujet  de  cette  puiiUcation  ailn  que  des  pour- 
suites soient  exercées. 


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BlBllOliaiPllli 


BotCrON  Jaoqtjbs),  Cent  fftrs  de  hxiit  siociale  :  la  léf^iBlilion  de   l'enfance  1789- 

1894,  2*  édition,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  Guillaumin  et  Cie. 
BorTMT  <E.),   Le  baccalatiréat  et  TewseiiffieiBieiA  iiMMleme,  1  ▼oL  in-^,   Paris 

1899,  A.  Colin  et  Cie. 
BnAïLKAWT  (C),  €(WiveWti<ms  de  H  f^mtmmtie  avec  Im  autres  Etats  mt  le  com- 
merce et  les  marques  de  fabrique,  1  vol.  i»*,  B»owrett  1899,  OaroJ  Gobe. 
Brisson  (Adolwib),  Portrafts  Intimes,  4«  «ôrie,  1  veà.  iin-18,  P«ris  1899,  A,  Colin 

et  Cie. 
Brooks  Adam$,  La  loi  de  ta  crrilisckHon  4e  la  décaèeiiœ,  1  voL  ùi-S,  Pwris  1899, 

f^ix  Alcan. 
Cattin  (Edmond),  Le  cabaret  du  Diable  vert,  1  vol.  in-8,  Paris  1899,  ht  Sondier. 
Chuquet  (Arthur),  1*  Jerniesse  àe  Napietéoti  !•'.  111  :  T^Emloa,  d  vel.  in*8,  Paris 

1899,  A.  Colin  et  Cie. 
^OLXN    (Maoricb),    QaehTCies  ff^^oM  algérie]Me&,    1   vol.  iana,   P«ii«  1899, 

L.  Larose  et  Cie. 
CosfBOTHïiuit  fK.  §.),  la  coHeej^oD  Jwridi^r^  «le  TEtal,  1  voL  iti*8,  ^H»  1899, 

L.  Larose  et  Cie. 
D«dVfeAtTs  (L.),  Les  grèves  Ae  "ohemtes  de  iee^eu  Franoe  et  à  fBtitanger,  1  iw)L  i»-8, 

Paris  1899,  Marc/hal -rt  Mlard. 
BtGNES  (L.),  lies  voliK  de  l^espril,  1  -vol.  ta48,  «Parte  1899,  E.  FTÉMamarion. 
Fatoixot  (ïhîmit^,  Ociide  polKicfOc^  PttKt<jivîl,  1  voL  m-lB,  P&ns  1880,  Giard 

et  Brière. 
FiRMiN-DiDOT  (Georges),  Pages  d'bistoire,  1  vol.  i»-18,  Jhcris  i89&,  Fimiift^idot. 
FoKTEKfiLU:  ^  T.),  iies  miui-ubau  ^rt  i»  «otI,  1  voU  itt^^Puw  lâ89,  âcbleicher 

fnètet. 
GoRTROWSRi  (BAB0K)^9e  ëêTîM  à  JÉ0xéoo  paries  £tat»4Jnts,  1  vol.  in-18,  Paris 

1^99,  £.  V.  Stock. 
Giîros'  (Yvss^  Lié9(^«bition  ^olitiQue  «t  .sociale  de  l'Espagne,  1  vol.  in-IS»  Paris 

ia99,  £.  Fafl^fveUe. 
Uvrza  (F>aAN£).  'Qaiiital  ^  travail  de  3a  réorganisation  delà  société,  trad.  par 

4.  B.  W«^pfick«  1  ^'Bl.  in-8,  Paris  lâ9Sl,  L.  Larose  et  Cie. 
HoiJsa4Y£  (ttsNRv),  1815  :  Waterloo,  1  voL  in^8,  Paris  1899,  Penïn  et  t!ie. 
IJIBRIOLA  (▲.),    Socialnne  «et  i>hilosoikkie,  1    vol.    in-18,  Paris  1899,  Giard  et 

•rière. 
Le  Courtois  (M.),  Des  actes  de  gouvernement,  1  vol.  in-8,  Paris  1899,  L.  Larose. 
Lbgbr  {UmiA^  AiMM€B  et  Slaves  :  3«  série,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  Hachette  et 

€ie. 
lAeRAs^JtLSS),  fia  ôibécie,  1  vioL  Ja-18,  J^aris  1899,  A.  Colin  et  Cie. 
Leur  ^Brnbsit^  Le  saarii^,  le  divorce^ la  s^pairalion  de  corps  dans  les  princi- 

paBXpiiyt  civiliséa,  il  vol,  in-8,  Paris  1899.,  L.  Larose. 
UoN^SÉfi»&^  Vohftey  1757-1800^  suivi  du  pan^phlet  de  Volney  :  La  sentinelle  du 

peuple,  l  vol.  in«tô,  Paris  1899,  £.  Lecb«valier. 
LoMBBOSOiCasABB),  L*«Bt»éDûiisBi&,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  Caard  et  Brière. 
Ma^uard  (rE.  fifl),  Etudes  d'-économie  sociale,  1  vol.  in-12,  Paris  1«91,  Tîsch- 

Ma8«on  (BlmàBàuG),  4o»4pliine,  impératrice  et  reine,  1  vol.  in-8,  Paris  1899,  Paxil 

Olleadorff. 
Mark('R;ABiL>,  Salaires,  .prix,  profits,  1  br.  in-18,  Paris  1899,  Giard  et  Brière. 
MiCBELET  (J.),  L'Etudiant,  précédé  d'une  étude  de  M.  L.  Laisne,  1  vol.  in-18, 

Paris  1«99,  CalwaMi  Lé vy.  ^        a 

-MiaPouiiBT  ^(L.  *,),  La  vie  paplemantaine  à  Home  sous  la  Hépublique.  Essai  de 


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224  BIBUOGRAPHIE 

reconstitution  des  séances  historiques  du  Sénat  romain,  1  vol.  in-8,  Paris 
1899,  Albert  Fontemoing. 

Pegh  db  Laglausb  (P.))  L'impôt  direct  et  les  rentes  sur  l'Etat,  1  vol.  in-8,  Tou- 
louse 1899,  V.  Rivière. 

PoiNSARD  (LÉON),  Vers  la  Russie,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  A.  L.  Charles. 

PoTOCKA  (C.  Anna),  Voyage  d'Italie  (1886-1827),  1  vol.  in-18, 1>aris  1899,  Pion  et 
Nourrit. 

Quesnat  de  Bbaurepaire,  Le  Panama  et  la  République,  1  vol.  in-18,  Paris 
1899,  F.  Juven. 

RoDOCANAGHi  (E.),  Bonaparte  et  les  îles  Ioniennes  (1797-1816),  1  vol.  in-8,  Paris 
1899,  F.  Alcan. 

Salefranqub  (L.),  Le  régime  fiscal  des  valeurs  mobilières  en  France,  1  vol. 
broché  in-8,  Paris  1898,  Imprim.  Nat. 

Saussure  (Léopold  de).  Psychologie  de  la  colonisation  française  dans  ses  rap- 
ports avec  les  sociétés  indigènes,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  E.  Alcan. 

Sat  (Léon),  Les  finances  de  la  France  sous  la  troisième  république,  T.  II  : 
M.  Léon  Say  au  ministère  des  Finances,  1  vol.  in-8,  Paris  1899,  C^lmann 
Lévy. 

Seilhag  (Léon  de),  Les  congrès  ouvriers  en  France  (1876-1897),  I  vol.  in-18,  Paris 
1899,  A.  Colin  et  ae. 

Seulesco  (Michel),  Le  régime  fiscal  des  successions,  1  vol.  in-8,  Paris  1899, 
Giard  et  Brière* 

SiMOND  (G.  Emile).  Le  capitaine  La  Tour  d'Auvergne,  1  vol.  in-8,  Paris  1899, 
Charles-Lavauzelle. 

Trombert  (A),  Les  institutions  de  prévoyance  des  grandes  compagnies  de  che- 
mins de  fer,  1  vol.  broché  in-8,  Paris  1899,  Chaix  et  Cie. 

Turquan  (V.),  Essai  de  recensement  des  employés  et  fonctionnaires  de  l'Etat 
suivi  d'une  statistique  des  pensionnaires  de  l'Etat,  1  vol.  in-8,  Paris  1899. 

Vassart  et  Nouvion-Jagquet,  La  loi  du  9  avril  1898  sur  les  accidents  industriels, 
1  vol.  in-8,  Paris  1899,  L.  Larose. 


M.  Henri  Sghuhler,  docteur  en  droit,  L'Impôt  sur  le  revenu  en  Prusse. 

1  vol.  in-8.  Paris,  Giard  et  Brière,  1898. 

La  question  de  l'impôt  sur  le  revenu  reste  une  de  celles  qui  préoccupent  le 
plus  les  esprits  dans  le  Parlement  et  au  dehors.  Les  partisans  d'une  réforme 
financière  qui  prendrait  pour  base  de  l'impôt  le  revenu  global,  peuvent  s'autoriser 
de  l'exemple  donné  peir  certaines  législations  étrangères.  Tout  le  monde  a  en- 
tendu parler,  au  cours  de  la  dernière  période  électorale,  de  l'impôt  sur  le  revenu 
à  la  prussienne  ou  à  Vanglaise.  Beaucoup  de  personnes  en  parlent,  d'ailleurs, 
qui  n'en  savent  que  fort  peu  de  chose.  Il  faut  savoir  gré  à  M.  Henri  Schuhler 
d'avoir  consacré  une  étude  complète,  très  claire  et  très  documentée,  à  l'impôt 
sur  le  revenu  en  Prusse. 

L'auteur  s'est  attaché  à  ét€J)lir  que  cet  impôt  avec  tarif  progressif,  n'est  pas 
une  nouveauté  dans  la  monarchie  prussienne.  Il  fait  remonter  l'origine  de  ce 
régime  fiscal  à  la  réforme  du  27  octobre  1810  qui  établissait  un  impôt  de  capita- 
tion,  et  il  suit  toutes  les  évolutions  du  système  jusqu'aux  deux  lois  capitales  du 
24  juin  1891,  sur  Timpôt  sur  le  revenu,  et  du  14  juillet  1893  ,sur  l'impôt  complé- 
mentaire sur  le  capital.  Bl.  Schuhler  expose  en  détail  le  fonctionnement  de  ces 
lois  et  leurs  résultats  d'après  la  statistique  et  les  documents  officiels. 

L'impartialité  la  plus  scrupuleuse  distingue  le  travail  de  M.  Schuhler.  L'auteur, 
cependant,  n'a  pas  voulu  se  borner  *k  une  étude  purement  objective.  Il  a  tenu  à 
examiner  dans  quelle  mesure  le  système  prussien  était  susceptible  d'être  étendu 
à  notre  pays.  Il  signale  la  gravité  des  conséquences  d'une  imitation  de  ce  genre. 
C'est  aussi  la  conclusion  de  M.  Stourm,  lorsqu'il  a  présenté,  dans  les  termes  les 
plus  flatteurs,  à  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  l'ouvrage  do 
M.  Henri  Schuhler. 

VImpûl  sur  le  revenu  en  Prusse  sera  consulté  avec  fruit  par  tous  ceux  qui  étu- 
dient le  problème  si  difficile  à  résoudre  de  notre  législation  finaneière.  On  y  trou- 


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BIBLIOGRAPHIE  225 

vera  des  éléments  précieux  pour  les  discussions  qui  ne  manqueront  pas  de  se 
produire  dans  un  avenir  prochain.  Le  livre,  d'ailleurs,  a  déjà  été  utilisé  dans  les 
travaux  de  la  Chambre  des  députés,  et  les  renseignements  qu'il  contient  ont 
trouvé  une  place  honorable  dans  d'importants  documents  parlementaires. 

Maurice  Bbllom,  ingénieur  au  corps  des  Mines.  De  la  responsabilité  en  ma- 
tière d'accident  du  travail.  Commentaire  de  la  loi  du  9  avril  1898  et  des  dé- 
crets du  2S  février  ISQ9 portant  règlement  d administration  publiique  pour  Vexé' 
cution  de  cette  loi.  Paris,  Arthur  Rousseau,  1899.  1  vol.  in-18.  —  Prix  :  6  francs. 
La  quesiion  des  accidents  du  travail  est  trop  actuelle  et  trop  connue  des  lec- 
teurs de  la  Revue  politique  et  parlementaire  pour  qu'il   semble  nécessaire  d'in- 
sister sur  l'intérêt  que  présente  un  commentaire  de  la  législation  sur  la  matière. 
Cette  question  a  fait,  dès  le  !•'  numéro  de  la  Revue^  Pobjet  d'un  article  dû  À  l'au- 
teur même  du  commentaire  que  nous  signalons  aujourd'hui. 

La  législation  résulte  d'ailleurs,  non  seulement  de  la  loi  du  9  avril  1898,  mais 
aussi  de  trois  décrets  du  28  février  1899  dont  la  publication  était  nécessaire  à 
Tei^trée  en  vigueur  de  la  loi.  Le  livre  de  M.  Maurice  Bellom  commente,  —  et 
c'est  l'un  des  caractères  essentiels  qui  le  distinguent  des  ouvrages  similaires 
déjà  parus  —  non  seulement  la  loi,  mais  encore  les  règlements  d'administration 
publique,  dont  les  dispositions  n'exigent  pas  moins  d'explications  que  celles  du 
texte  législatif. 

Les  développements  relatifs  à  cette  partie  de  la  réglementation  ne  constituent 
pas  toujours  la  seule  originalité  de  ce  commentaire.  On  y  trouve  condensés  dans 
une  remarquable  ordonnance  tous  les  éléments  parlementaires  ou  extra-parle- 
mentaires qui  se  rapportent  h,  la  question,  avec  référence  à  la  page  même  du 
journal  officiel  ou  du  document  dont  ils  émanent. 

A  la  lumière  de  ces  éléments,  l'auteur  dégage  la  solution  pratique  des  diffi- 
cultéç  que  soulève  l'application  de  la  loi,  sans  hésiter  à  répondre  aux  critiques 
qu'a  déjà  provoquées  l'œuvre  législative,  ni  à  constater  les  lacunes  qu'elle  pré- 
sente.. Il  mpntre  également  les  relations  qui  unissent  la  loi  sur  les  accidents  à 
d'autres  lois  sociales,  telles  que  la  loi  de  1898  sur  les  sociétés  de  secours  mutuels 
ou  à  d'autres  textes  réglementaires,  tels  que  le  décret  do  1868  sur  les  sociétés 
d'assurance.  Il  indique  ou  suggère  de  la  sorte  des  combinaisons  susceptibles 
d'améliorer  les  rapports  dii  capital  et  du  travail,  et  il  apporte  jusque  dans  la 
définition  des  termes  la  netteté  des  distinctions  que  la  similitude  de  certaines 
expressions  no  ««nihUit  pas  comporter. 

Deux  tables,  l'une  analytique,  Tautre  alphabétique,  facilitent  et  abrègent  les 
recherches. 

En  un  mot,  l'auteur  a  voulu  faire  un  ouvrage  pratique,  un  vade-mecum  à  con- 
sulter. Il  s'est  proposé  de  guider  sur  ce  terrain  nouveau  tous  ceux  qui  sont 
amenés  à  s'y  aventurer,  et  il  l'a  fait  sans  prétentions,  sans  dogmatisme  hautain, 
en  complaisant  cicérone  qui  connaît  parfaitement  le  chemin  et  auquel  on  peut 
se  fier  en  toute  sûreté. 

Yves  Gutot,  L'Evolution  politique  et  sociale  de  l'Espagne.  1  vol.  in-8.  — 
Prix  :  3  fr.  50.  Paris  1899.  E.  Fasquelle. 
Pour  bien  comprendre  les  événements  de  la  guerre  hispano-américaine  et 
ceux  qui  se  préparent,  il  est  indispensable  do  lire  :  «  L'évolution  politique  et 
sociale  de  l'Espagne  »,  de  M.  Yves  Guyot  qui  vient  de  paraître  chez  l'éditeur 
Fasquelle  en  un  volume  de  la  bibliothèque  Charpentier.  C'est  l'histoire  rapide 
mais  détaillée  des  généraux,  des  prononciamentos  et  des  ruines  morales  et  maté- 
rielles auxquelles  ils  l'ont  conduite. 

Comtesse  Anna  Potocka,  Voyage  dltalie  (1826-1827),  publié  par  Casimir 
Stryienski.  Un  vol.  Jn-18.  E.  Pion,  Nourrit  et  Cie,  10,  rue  Garancière,  Paris. 
—  Prix  :  3  fr.  50. 

La  comtesse  Anna  Potocka  a  fait  en  1826-18c7  un  Voyage  d'Italie,  que  M.  Casi- 
mir Stryienski  vient  de  publier  à  la  librairie  Pion.  Cet  amusant  «  itinéraire  >» 
contient  des  pages  de  critique  tout  à  fait  curieuses  sur  les  œuvres  d'art  et  les 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  15 


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226  BIBLIOGRAPHIE 

monuments;  des  traits  de  mceurs  italiennes  saisis  sur  le  vif;  des  portraits  histo- 
riques, de  plusieurs  princesses  Bonaparte  alors  en  exil,  notamment  de  la  mère 
de  Napoléon,  de  Caroline,  d'Hortense,  etc.  Quelques  lettres  inédites  de  la  rcine  de 
Naples,  de  Catherine,  reine  de  Wcstphalie,etc.,  accompagnent  ce  Voyage  d'Italie, 
dont  le  ton  enjoué,  plein  de  verve,  de  brio  et  d'imprévu,  obtiendra  certainement 
le  plus  vif  succès.  Ce  volume  captivant  aura  autant  de  lecteurs  que  les  Mémov^es 
de  la  spirituelle  comtesse,  publiés  il  y  a  deux  ans  par  le  même  éditeur. 

Jules  Legras,  En  Sibérie.  1  vol.  in-18  jésus  avec  gravures  et  carte,  Armand 
Colin  et  Cie,  éditeurs,  5,  rue  de  Mézières,  Paris,  broché.  —  Prix  :  4  francs. 
Les  étonnants  progrès  du  Transsibérien  donnent  un  intérêt  de  haute  actualité 
au  curieux  récit  que  M.  Jules  Legras  nous  fait  de  son  dernier  voyage  en  Sibérie. 
L'auteur  de  Au  paysrusse^  auquel  tous  les  spécialistes  et  les  Russes  eux-miMnes 
ont  décerné  le  brevet  de  véracité,  nous  montre  cette  fois,  dans  un  récit  suivi, 
plein  d'animation,  d'anecdotes  et  de  bonne  humeur,  la  physionomie  de  l'Asie 
russe.  Sa  connaissance  de  la  langue  Ta  mis  à  même  de  pénétrer  partout  et  de 
nous  rapporter  aussi  bien  les  confidences  d'un  matelot,  d'un  paysan  et  d'un  ga- 
lérien que  les  idées  d'un  Gouverneur.  Ce  mélange  d'impressions  si  variées  :  ren- 
contres affligeantes  ou  grotesques,  aventures,  incidents  de  toute  espèce,  donne 
à  En  Sibérie  un  intén'-t  vivant  qui  place  ce  volume  à  côté  de  son  aîné  Aupays  rnsse. 

Antonio  Labriola  (professeur  à  l'Université  de  Rome),  Socialisme  et  Philo? 
Sophie,  1  vol.  in-18,  V.  Giard  et  E.  Brière,  éditeur  (Bliothèque  socialiste  in- 
ternationale, V.),  1899,  Paris.  —  Prix2fr.50. 

Le  nouvel  ouvrage  du  savant  professeur  à  l'Université  de  Rome  peut,  dans  une 
certaine  mesure,  servir  de  complément  et  d'éclaircissomont  à  ses  Essais  sur  la 
conception  matérialiste  de  Vhistoire,  publiés  il  y  a  deux  ans.  Dans  un  de  ses 
chapitres  il  donne  un  modèle  de  ce  que  peut  ôtre  le  matérialisme  historique 'dan« 
son  application  à  une  question  historique  déterminée,  l'histoire  du  chriitia-  , 
nisme,  tandis  que,  dans  d'autres  parties  de  l'ouvrage,  il  a  essayé  d&- construire 
la  philosophie  que  suppose  et  nécessite  la  conception  historique  de  Marx.  On  y 
trouve  un  exposé  succinct  et  très  précis  de  cette  dialectique  historique,  pour  tant 
de  gens  si  mystérieuse. 

L'édition  française  de  ce  livre  n'est  pas  une  simple  traduction,  mais  ime  véri 
table  nouvelle  édition,  plusieurs  parties  ont  été  modifiées  ou  refondues  ;  olle 
contient  d'ailleurs  tout  un  chapitre  nouveau  cuuîsacré  à  la  qucstiou  si  actuelle 
de  la  prétendue  crise  du  ïiiarxisme.  Il  a  lumineusement  démontré  cpie  chez  ces 
soi-disant  novateurs  il  y  a  plus  d'incompétence  et  de  vanité  littéraire  qu'effort 
véritable  pour  le  progrès  de  la  doctrine. 

Adolphe  Lacan,  Etude  théorique  et  pratique  sur  les  Chemins  de  fer 
d'Intérêt  local,  les  tramways  et   autres  voies  ferrées  secondaire*. 

1  vol.  in-8.  Rousseau. 

M.  L.acan  étudie  tour  à  tour  les  questions  administratives  et  financières  rela- 
tives aux  chemins  de  fer  d'intérAt  local  et  aux  tramways.  11  fait  rentrer  dans  le 
cadre  de  son  travail  lés  chemins  de  fer  miniers  et  industriels  et  les  voies  ferrées 
des  quais  et  des  ports.  Il  explique  et  prouve,  c'est  là  sa  conclusion,  comment 
aujourd'hui,  grâce  à  tous  ces  chemins  de  fer  locaux,  et  au  grand  développement 
de  l'industrie  qui  en  est  résulte,  beaucoup  de  régions  ont  vu  leur  prospérité 
s'accroître,  pour  le  bien  du  pays  en  général.  —  Nous  signalons  en  annexe  de  eet 
ouvrage  une  intéressante  bibliographie  du  sujet  traité. 

Charles  Wiener,  La  République  Argentine.  1  gros  vol.  in-4°.  Paris  1899, 

Cerf. 
Le  ministère  des  Affaires  Klran^a-res  continue  la  publication  des  rapports 
détaillés  et  munitieux  que  lui  adressent  les  différentes  missions  commerciales 
accréditées  un  peu  partout  en  livrant  au  public  un  volume  très  curieux  et  très 
complet  sur  la  République  Ar^^ontine.  Dans  une  première  partie,  l'auteur 
M.  Charles  Wiener,  donne  i\(^  nombreuses  uionographies  des  produits  indigénee 


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BIBLIOGRAPHIE  tSY 

et  étudie  les  questions  financières  et  administratives  du  pays  ;  il  décrit  en  un 
mot  les  éléments  dirers  qui  constituent  Tactif  et  le  passif  de  la  nation.  La  se- 
conde partie  renferme  des  notices  sur  chaque  unité  territoriale,  ce  qui  permet  de 
voir  quelle  est  aujourd'hui,  dans  ses  grandes  lignes  lu  situation  économique  et 
sociale  de  la  République  Argentine.  Le  but  de  l'auteur  était  de  rechercher  les 
moyens  de  reconquérir  notre  ancien  rang  sur  le  marché  de  Buenos-Ayres .  Il  y  a 
dans  cet  ouvrage  une  foule  d'indications  précieuses  et  de  nature  à  éclairer  ragri" 
culteur,  le  financier,  Tinduslriel  et  le  commerçant. 

L'éduoation  au  point  de  Tue  sociologique.  H.  Le  Soudier,  174,  boulevard 
Baint-Germain,  Paris.  ln-8o,  838  pages.  —  Prix  :  5  francs. 

L'éducation  des  enfants,  de  nos  jours,  est  une  œuvre  de  formation  accomplie 
sous  Taction  directe  de  Tinfluence  de  l'éducateur.  Cette  conception  est  contraire 
aux  lois  du  développement  physiologique  et  psychologique  de  l'enfant  :  c'est  ce 
que  l'auteur  démontre  dans  cet  ouvrage,  en  établissant  les  bases  d'une  éducation 
rationnelle,  d'une  éducation  de  l'enfant  par  l'enfant,  accomplie  avec  l'aide  de 
l'éducateur. 

Vwt  semblable  thèse  doit  évidemment  sembler  audacieuse  encore  à  notre 
époque,  parce  qu'on  sent  bien  que  les  circonstances  sociales,  dont  dépend  né- 
t'»sîwtlrement  l'éducation,  n'en  permettent  pas  l'application.  Aussi,  l'auteur  a-t-ll 
vvulu  montrer,  en  considérant  la  question  au  point  de  vue  sociologique,  qu'elle 
répo'id  aux  tendances  évolutionnalres,  et  qu'ainsi  les  lois  naturelles  de  la  vie  de- 
vant un  jour  se  confondre  avec  les  nécessités  sociales,  elle  mérite  de  préoccuper 
les  éducateurs. 

L'ouvrage  est  écrit  avec  talent,  rempli  d'aperçus  nouveaux,  témoignant  d'un 
grand  esprit  d'observation,  et,  à  ce  titre,  il  sera  lu  avec  intérêt  et  profit,  par 
ceux  mômes  qui  ne  partagent  pas  toutes  les  convictions  de  l'auteur. 

Paul  Gc^llot,  avocate  la  Cour  d'appel,  Les  assurances  ouYvièt es  (GuiUaumtn  et 
Obaix  éditeurs).  Assurances  centra  les  accidents,  la  maladie,  la  vieilleiie  et  le 
ohômage.  —  Législation  française.  <•*  Législation  étrangère.  —  Projets  de  ré- 
fbrme. 

If.  Paul  Guillot  étudie  d'une  façon  plus  complète  la  situation  faite  aux  ouvriers 
victimes  d'accidents  ou  atteints  par  la  maladie,  la  vieillesse,  l'Invalidité  ou  le 
dkômage. 

11  examine  successivement  la  législation  française,  les  projets  de  réforme,  les 
*»<îorls  faits  par  l'initiative  privée  et  les  goluUoDs  données  par  les  pays  étrangers 
i  ces  graves  questions . 

Partisan  du  risque  professionnel  limité  aux  cas  fortuits  ou  de  force  majeure, 
Û  conclut  à  l'assurance  qu'il  admet  obligatoire  avec  facultés  pour  le  patron  de 
choisir  son  assureur. 

Il  combat  toute  création  de  caisse  d'Etat  et  préconise  la  fondation  de  caisses 
professionnelles  ou  régionales,  soumises  à  la  surveillances  de  l'Etat  qui,  moyen- 
nant des  primes  différentes  payées  par  les  ouvriers  et  les  patrons,  fixées  d'aprè« 
des  statistiques  sérieusement  établies,  pourraient  assurer  les  ouvriers  contre  les 
accidents,  les  maladies,  l'invalidité,  la  vieillesse  et  le  chômage. 

Reconnaissant  le  progrès  du  mutuallsme  en  France,  Il  voudrait  voir  ces  locié' 
lés  pratiquer  d'une  façon  absolue  le  principe  de  la  dsrégation  des  primes  et  des 
risques. 

LÉON  PoiNSARD,  Vors  la  ruine.  1  vol.  in-18.  A  Charles,  8,  rue  Monsieur-le- 
Prince,  et  chez  tous  les  libraires,  Paris.  —  Prix,  franco  :  3  fr. 

Le  premier  mérite  de  ce  livre  c'est  son  extrême  clarté.  11  met  à  la  portée  de 
tout  le  monde  la  substance  d'une  montagne  de  documents  officiels,  que  peu  de 
personnes  sont  en  état  de  consulter  avec  profit.  L'auteur  nous  présente  ainsi  un 
tableau  saisissant   de   la  situation  financière,   politique,   administrative  de  la 


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!^28  BIBLIOGRAPHIE 

France.  Ce  tableau  n'est  certes  ni  gai,  ni  rassurant,  Mais  il  faut  connaître  son 
mal  pour  le  soigner  et  le  guérir,  et  nous  ne  saurions  blâmer  ceux  qui  s'effor- 
cent de  nous  révéler  les  causes  de  ruine  qui  agissent  incessamment  sur  notre 
corps  social.  Le  mieux  que  nous  ayions  à  faire,  c'est  de  tAcher  de  supprimer  ces 
causes.  Du  reste,  M.  Poinsard  n'est  pas  un  pessimiste.  Il  a  confiance  dans  l'ave- 
nir, et  il  indique  résolument  les  réformes  qu'il  considère  comme  utiles  et  fai- 
sables. Ses  avertissements  et  ses  indications  méritent  qu'on  y  prête  attention. 

Henri  Fatollet,  secrétaire  de  mairie,  1899,  Guide  pratique  de  l'état  oiyil. 
L'Assistance  judiciaire  Le  Casier  judiciaire,  ouvrage  destiné  aux  secré- 
taires de  mairie.  1  vol.  in-18.  V.  Giard  et  E.  Brière,  éditeurs,  Paris.  —  Prix  : 
1  fr. 

La  pratique  de  Tétat  civil  n'appartient  qu'à  quelques  rares  personnes,  quoique 
la  nécessité  de  cette  connaissance  se  fasse  sentir  journellement.  L'auteur  expose 
d'une  manière  simple  et  concise  tous  les  renseignements  sur  les  actes  de  l'état 
civil.  Tous  les  cas  généraux  sont  traités  avec  les  règles  particulières  à  certains 
cas  spéciaux. 

Les  secrétaires  de  mairie,  et  tous,  en  général,  trouveront  dans  cet  ouvrage  mis 
à  la  portée  de  tout  le  monde  un  guide  siïr,  leur  épargnant  des  recherches  sou- 
vent longues  et  difficiles  dans  certains  ouvrages  spéciaux  trop  volumineux  et 
trop  savants. 

Les  lecteurs  y  trouveront  aussi  ce  qui  concerne  l'Assistance  judiciaire  et  le 
Casier  judiciaire  qu'il  est  si  utile  de  connaître. 

Emile  Fagoet,  Questions  poUtiques.  1  vol.  in-18  jésus.  Armand  Colin  et  Cie, 
éditeurs,  5,  rue  de  Mézières,  Paris,  broché.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Sous  ce  titre  :  Questions  politiques,  M.  Faguet  a  réuni  quatre  études  de  diverse 
étendue,  l'une  sur  les  vœux  de  la  France  en  1789  d'après  les  Cahiers  ;  —  l'autre 
sur  la  Décentralisation  administrative  et  intellectuelle  ;  —  l'autre  sur  le  Socia- 
lisme contemporain;  —  l'autre  enfin  sur  la  marche  générale  du  xix< siècle  et  sur 
ce  que  l'on  peut  augurer  du  siècle  prochain.  Ces  études  très  méditées  et  très 
consciencieuses,  absolument  impartiales,  comme  on  peut  le  croire,  puisqu'elles 
viennent  d'un  homme  qui  n'appartient  à  aucun  parti  et  qui  examine  en  philo- 
sophe la  marche  des  événements,  ne  peuvent  être  que  d'un  sérieux  profit  et  en 
tout  cas  d'un  grand  intérêt  pour  tout  homme  qui  est  soucieux  des  problèmes 
du  temps  présent. 

Paris-Hachette. 

Paris  pour  tous  et  à  la  portée  de  tous  I  Quel  rôve,  quel  projet  irréalisable  à 
première  vue  I  Ce  miracle,  notre  siècle  l'aura  accompli  ;  et  il  s'appelle  le  Paris- 
Hachette.  C'est  la  merveille  de  la  typographie  moderne  ;  le  dernier  cri  du  bon 
marché.  Toute  une  bibliothèque,  une  bibliothèque  de  15  à  20  volumes,  a  été  dis- 
tillée, concentrée  en  ces  2600  pages  parfaitement  claires  et  lisibles  sur  leurs  trois 
colonnes,  et  pour  le  prix  modique  de  3  fr.  75.  Le  volume  ne  tient  presque  pas 
de  place,  et  cependant  il  renferme  tout  ce  qu'un  Parisien  et  un  étranger  doivent 
savoir  de  Paris. 

D  ivisé  en  4  parties  formant  un  groupement  rationnel,  le  Paris-Hachette  de 
1889  donne  un  dictionnaire  des  professions,  une  liste  alphabétique  ,de  140.000 
adresses  de  commerçants  et  d'industriels  parisiens  ;  la  liste  de  toutes  les  rues  de 
Paris  ;  les  adresses,  avec  jour  de  réception  et  villégiatures,  de  toutes  les  notabi- 
lités mondaines.  1159  portraits  et  quantité  de  statistiques  interprétées  par 
l'image,  ornent  ce  volume  auquel  est  joint  un  grand  plan  de  Paris. 

Le  Directeur-Gérant  :  M.  FouRNiia. 

Pans.    -  Typ.  A.  DAVY,  52,  rue  Madame.  —  léUphone. 


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Revue  Politique  &Parlementaire 


L'ÉPARGNE  VRAPiOAISE 

ET  LA 

Énm  DES  PORTEORS  DE  VALEURS  Mmvm  ' 


L'un  des  faits  les  plus  saillants  de  Thistoire  économique  cl 
financière  de  la  seconde  moitié  de  ce  xix®  siècle  est  certainement 
l'abondance  des  capitaux  que  quelques-unes  des  nations  de  la 
vieille  Europe  ont  mis  au  service  de  pays  moins  bien  partagés, 
ou  chez  lesquels  le  développement  de  la  civilisation  matérielle 
imposait  la  nécessité  de  concours  étrangers. 

Comme  Ta  écrit  M.  Leroy  Beaulieu  :  «  Les  vieilles  contrées, 
TAngleterre,  la  France,  la  Belgique,  la  Hollande,  plus  récem- 
ment l'Allemagne,  sont  de  gigantesques  fabriques  de  capitaux. 
Tous  ceux  qu'elles  forment,  elles  ne  peuvent  les  employer  chez 
elles;  les  principales  œuvres  productives,  chemins  de  fer,  ca- 
naux, docks,  magasins  généraux,  installations  urbaines  d'éclai- 
rage et  d'eau  y  étant  sinon  complètement  achevées,  du  moins 
très  avancées,  il  en  résulte  que  l'emploi  très  rémunérateur, 
dans  les  pays  même  d'origine,  de  toutes  les  épai^nes  que  pro- 
duisent les  habitants  du  vieux  monde,  n'est  plus  possible;  la 
baisse  énorme  du  taux  de  l'intérêt  dans  ces  temps  récents  eif  est 
la  preuve  (2).  » 

(1)  V.  Les  emprunts  de^  Etats  étrangerSy  Becker,  Paris,  1886.  —  Les  emprunts 
tCBtats  en  droit  intemationaly  Politis,  Paris,  1894.  —  La  protection  des  capilaujc^ 
Lewandowski,  Paria,  .1896. 

(2)  Leroy-Beaulieu,  préface  de  l'ouvrage  de  M.  Lewandowski* 

REVUE  POLIT. ,  T.  XX  16 


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230  l'épargne   française 

Il  y  aurait  une  étude  fort  intéressante  à  faire  sur  les  causes 
de  cet  exode  de  capitaux,  sur  son  importance,  sur  ses  effets, 
tant  à  l'égard  des  pays  créanciers  que  des  pays  débiteurs.  Notre 
but  n'est  pas  de  nous  y  livrer,  il  est  cependant  difficile  de  n'en 
pas  dire  quelques  mots. 

La  raison  principale  qui  attire  nos  capitaux  à  l'étranger,  c'est 
l'attrait  d'une  plus  forte  rémunération.  Nos  fonds  d'Etat  ont 
conquis  des  cours  de  plus  en  plus  élevés,  au  point  qu'aujour- 
d'tiui  ils  ne  donnent  plus  à  leurs  détenteurs  qu'un  intérêt  mi- 
nime, qui,  à  une  époque  où  les  besoins  sont  grands  efde  plus  en 
plus  coûteux  à  satisfaire,  paraît  à  beaucoup  d'une  insuffisance 
manifeste.  Qui  n'a  jeté  parfois  les  yeux  sur  ces  tableaux  publiés 
périodiquement  par  divers  journaux  et  par  divers  établissements 
financiers,  présentant  l'échelle  progressive  des  revenus  annuels 
produits  par  telle  ou  telle  valeur,  suivant  les  cours  cotés  en 
Bourse?  Il  serait  inutile  d'en  reproduire  un  ici;  il  suffira  de 
mettre  en  regard  les  taux  de  capitalisation  pour  quelques  fonds 
d'Etat  appartenant,  les  uns  à  la  catégorie  des  producteurs  de 
capitaux,  les  autres  à  celle  des  emprunteurs. 

Cour$  du  3  avril  1899. 

Consolidés  anglais 2.40 

3  0/0  français 2.90 

30/0  belge 2.93 

Emprunts  russes 3.88  à  3.94 

Consolidés  italiens 4. 16 

Obligations  ottomanes 4.97  à  5.26 

Extérieurs  espagnols 7 .28 

Les  établissements  de  crédit  ont  singulièrement  favorisé  ces 
tendances.  Ne  voit-on  pas  les  plus  importants  d'entre  eux,  dédai- 
gnant les  émissions  d'un  chiffre  modeste,  donner,  pour  des 
raisons  faciles  à  compi*endre,  la  préférence  aux  grandes  opéra- 
tions de  crédit  qui  portent  en  une  seule  fois  sur  des  millions 
par  centaines  et  qui  leur  assurent  les  importantes  et  fructueuses 
commissions,  d'où  résultera  le  plus  clair  de  leurs  bénéfices 
annuels? 

C'est  ainsi  que  Tépargne  française,  alléchée  par  les  sédui- 
santes perspectives  d'un  revenu  élevé,  sollicitée  par  les  pros- 
pectus et  les  assurances  des  maisons  d'émission,  accepte  trop 


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ET   LA   DÉFENSE   DES   PORTEURS   DE  VALEURS   ÉTRANGÈRES      231 

souvent  de  confiance  et  sans  le  moindre  examen  personnel  des 
valeurs  de  toute  nationalité,  pourvues  de  garanties  souvent  in- 
suffisantes, parfois  illusoires. 

Il  s'en  faut  d'ailleurs  de  beaucoup  que  les  titres  étrangers 
soient  proportionnellement  répartis  dans  les  portefeuilles  des 
capitalistes  des  diverses  nationalités;  il  y  a  pour  chacune  de 
ces  dernières  des  préférences  ou  des  habitudes  qui  ne  subissent 
que  de  lentes  modifications.  Ainsi,  en  France,  se  trouvent  en 
quantité  les  fonds  d  Etat  et  les  valeurs  industrielles  Russes 
et  Espagnoles  ;  en  Angleterre,  les  fonds  d'Etat  de  TAmérique  du 
Sud  et  les  nombreux  titres  des  chemins  de  fer  américains  ;  en 
Belgique,  des  valeurs  du  Brésil  et  de  l'Argentine,  ainsi  qne 
des  chemins  de  fer  espagnols;  le  marché  des  mines  d'or,  de* 
fonds  Ottomans  et  Egyptiens  est  à  Londres  et  à  Paris;  le  mar- 
ché de  la  rente  Italienne,  à  Paris  et  à  Berlin,  etc. 

L'importance  des  capitaux  placés  à  l'étranger  n'est  suscep- 
tible que  d'une  évaluation  sans  grande  précision.  Pour  nous  en 
tenir  &  la  France,  nous  sommes  en  présence  d'appréciations  fort 
diverses,  émanées  des  économistes  et  des  financiers.  Les  chiffres 
varient  d'ailleurs  constamment,  soit  à  raison  des  prêts  nouveaux, 
soit  à  raison  des  conversions  ou  des  faillites  totales  ou  partielles 
qui  anéantissent  une  partie  des  capitaux  prêtés,  soit  enfin  à 
raison  des  arbitrages  qui  s'opèrent  entre  les  grandes  places 
financières  de  l'Europe.  Il  paraît  incontestable  que  le  chiffre  de 
25  milliards  doit  être  considéré  comme  un  minimum  et  qu'il 
est  très  probablement  inférieur  à  la  réalité  (1). 

Les  effets  de  cet  exode  des  capitaux  méritent  d'appeler  la 
plus  sérieuse  attention. 

Il  est  très  fréquent,  dans  certaine  école  économique,  de  le 
qualifier  sévèrement;  peu  s'en  faut  qu'on  ne  le  considère 
comme  un  acte  anti-patriotique  ;  les  capitaux  envoyés  à  réi{ran- 
ger  seraient  en  quelque  manière  dérobés  à  la  xiation  française; 
ils  devraient  être  réservés  au  développement  de  notre  sol  et  ée 
notre  industrie  nationale;  en  permettant  la  mise  en  valeur  de 

(1)  Ce  chiffre  est  d'ailleurs  en  progression  incessante  et  rapide  :  En  1875, 
M.  Léon  Say  Tévaluait  à  10  ou  12  milliards  ;  en  1880,  M'.  Leroy  Beaulieu  le  por- 
tait &  12  ou  15  milliards  ;  en  1888,  M.  de  Foyille  donnait  une  appréciation  de 
18  milliards  et  M.  Nejrmark  de  20  inilliards  ;  M.  Edmond  Théry  (Les  valeurs  mo- 
bUières  en  France^  Paris,  1897),  à  la  suite  d'une  étude  minutieuse,  accepte  le 
chiffre  de  26  milliards  proposé  par  M.  R.  G.  Levy,  dans  un  travail  inséré  dans  la 
Berne  des  Deux  Mondes  (15  mars  1897). 


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332  l'épargne   française 

toutes  les  richesses  du  pays,  ils  assureraient  sa  grandeur  et  sa 
prospérité  ! 

Si  tout  n'est  pas  inexact  dans  ces  appréciations^  il  faut  cepen- 
dant reconnaître  leur  exagération.  Il  est  trop  fréquentque  ce  ne 
soient  pas  les  capitaux  qui  se  dérobent  aux  emplois  réellement 
fructueux  qu'ils  pourraient  recevoir  dans  leur  pays  d'origine  ; 
mais  c'est  souvent,  au  contraire,  aux  capitaux  à  la  recherche 
d'un  emploi  qu'une  utilisation  avantageuse  fait  défaut. 

A  tout  prendre,  d'ailleurs,  les  placements  effectués  à  l'étran- 
ger présentent  des  avantages  incontestables.  N'a-t-il  pas  été 
clairement  établi  que  c'est  à  eux  qu'est  due,  pour  la  plus  large 
part,  la  facilité  avec  laquelle  la  France  a  réagi  contre  les  consé- 
quences financières  et  économiques  de  1870-71  ?  Si  nous  avons 
pu  à  cette  époque  payer  en  or,  ou  en  remises  sur  les  places 
étrangères,  les  cinq  milliards  d'indemnité  de  guerre,  sans  que 
nous  ayons  eu  &  constater  et  à  subir  la  moindre  crise  moné- 
taire, c'est  certainement  parce  que  nous  étions  alors,  comme 
aujourd'hui,  créanciers  des  nations  étrangères  à  concurrence  de 
sommes  bien  supérieures;  c'est  ce  qu'a  démontré  M.  Léon  Say 
dans  une  publication  bien  connue  (1). 

Les  placements  à  l'étranger  ont  également  contrebalancé  les 
effets  que  l'on  eût  pu  redouter  de  la  balance  commerciale  qui, 
pendant  de  longues  années,  s'est  soldée  chaque  année  par  de 
très  fortes  différences  à  notre  débit;  ils  contribuent  efficacement 
à  maintenir  en  notre  faveur  un  change  favorable,  et  ils  ont  pu 
s'effectuer  et  s'accroître  sans  amoindrir  notre  stock  en  numé- 
raire d'or,  ainsi  qu'en  font  foi  les  bilans  hebdomadaires  de  la 
Banque  de  France  (2). 

II 

Après  avoir  reconnu  et  proclamé  les  avantages  qui  résultent 
des  placements  en  valeurs  étrangères,  nous  devons  nous  occu- 
per des  inconvénients  et  des  dangers  qu'ils  présentent.  Le  plus 
grand  de  tous  est  leur  insécurité. 

(1)  Rapport  de  M.  Léon  Say,  au  nom  de  la  commission  du  budget  de  1875,  sur 
le  paiement  de  Findemnité  de  guerre  et  sur  les  opérations  de  change  qui  en  ont 
été  la  conséquence.  V.  aussi  Leroy-Beaulieu,  Traité  de  la  Science  des  finan'^es,  11, 
chap.  II. 

(2)  Voir  Edmond  Théry,  La  crise  des  changes^  Paris,  18^  et  Les  valeurs  mobi- 
lières jn  France,  Paris,  1897. 

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ET  LA  DÉFENSE  DES  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   233 

La  liste  serait  longue  des  déboires  et  des  pertes  qu'ont  eu  à 
subir  les  capitalistes  français  ;  elle  serait  encore  bien  plus  éten- 
due si  nous  faisions  aussi  cette  recherche  pour  les  places  an- 
glaises, belges,  etc.  Dans  son  rapport  annuel,  le  Councilof  fo- 
reign  bondholders  fournit  des  renseignements  intéressants  à  ce 
point  de  vue  ;  nous  ne  voulons  relever  dans  cette  publication 
qu'un  chiffre,  c'est  celui  relatif  aux  emprunts  des  Etats  de  TA- 
mérique  centrale  et  de  l'Amérique  du  Sud  :  à  la  fin  de  l'exer- 
cice 1895,  le  montant  des  capitaux  menacés  y  figure  pour  la 
somme  de  53.898.424  liv.  st.  et  les  intérêts  arriérés,  dont  le 
paiement  était  en  souffrance,  à  26.085.468  liv.  st.,  au  total,  en 
chiffres  ronds  :  deux  milliards. 

Les  valeurs  industrielles  étrangères  ne  sont  guère  mieux 
partagées.  Il  en  est  ainsi  notamment  des  nombreuses  valeurs 
de  chemins  de  fer  portugais  et  espagnols.  Leur  histoire,  il  y  a 
quelques  années,  comportait  déjà  une  trop  longue  liste  de  con- 
venio,  disons  de  faillites  partielles;  Ton  pourrait  se  croire  à  la 
veille  de  voir  la  reprise  de  ces  errements  fâcheux  ;  sans  mieux 
rappeler  en  détail  la  situation  des  chemins  de  fer  portugais,  des 
chemins  de  fer  de  l'Ouest  et  du  Sud  de  l'Espagne,  ne  voyons- 
nous  pas,  à  l'heure  actuelle,  deux  des  plus  importantes  compa- 
gnies (Nord  de  l'Espagne,  Andalous)  ne  plus  payer  les  coupons 
de  leurs  obligations  dans  la  monnaie  stipulée  et  vivre  sous  un 
régime  provisoire,  ou  modus  Vivendi^  conclu  avec  leurs  créan- 
ciers, et  poursuivre  le  mirage  d'un  arrangement  définitif,  de 
nature  à  leur  donner  une  satisfaction  plus  ou  moins  complète  ? 
La  troisième  (Madrid-Saragosse),  quoiqu'elle  soit  dans  une  bien 
meilleure  situation,  bien  qu'elle  paraisse  plus  respectueuse  de 
ses  engagements,  n'est-elle  pas  aussi  obligée,  tout  au  moins,  à 
suspendre  sine  die  l'amortissement  promis  à  ses  obligataires? 

11  serait  inutile  de  multiplier  ces  exemples,  une  plus  longue 
énumération  ne  donnerait  pas  plus  de  force  à  notre  argumenta- 
tion. L'ms^am/^  ^5^ /^^ra/w/mc^  des  placements  des  capitaux 
effectués  à  rétrangei\  Si  Ton  parvenait  à  la  restreindre  dans 
d'étroites  limites,  le  résultat  obtenu  serait  très  digne  d'atten- 
tion, plus  encore  de  la  plus  haute  importance,  au  regard  des  re- 
lations financières  internationales  et  des  intérêts  de  notre  pays. 

Il  faut  d'abord  se  demander  d'où  provient  celte  insécurité. 


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2a4  l'épargne  française 

Elle  n'est  sûrement  pas  la  même  pour  les  placements  de  toute 
nature  et  il  convient  de  faire  porter  successivement  Texamen 
d'une  part,  sur  les  entreprises  privées,  subventionnées  ou  non, 
en  établissant  entre  elles  une  distinction  enixe  les  actionnaires 
et  les  obligataires  ;  d'autre  part,  sur  les  emprunts  d'Etat,  entre 
lesquels  il  faut  aussi  faire  une  distinction  suivant  qu'ils  cons- 
tituent une  dette  intérieure  ou  une  dette  extérieure.  Nous  al- 
lons dire  quelques  mots  de  chacune  de  ces  catégories. 

I.  ACTIONS  DES  Sociétés  commerciales.  —  La  réglementation 
des  sociétés  commerciales,  d'après  les  diverses  législations,  est 
loin  d'être  uniforme.  Mais  quel  est  le  capitaliste  qui,  avant  de 
souscrire  ou  d'acheter  des  actions,  a  cherché  tout  d'abord  à  se 
rendre  compte  de  ces  différences,  et  même  à  étudier  de  près 
les  statuts  de  la  Société  ?  Il  se  contente  de  considérer  l'admis- 
sion à  la  cote  comme  une  présomption  de  la  régularité  extérieure 
des  actes  constitutifs  et  il  ne  se  préoccupe  que  d'un  seul  point, 
les  dividendes  déjà  distribués,  la  confiance  que  méritent  les 
promoteurs  de  l'émission. 

Sans  doute,  toutes  les  législations  ont  fait  reposer  les  garan- 
ties dues  aux  intérêts  sociaux  sur  des  assemblées  générales  où 
sont  admis,  sans  distinction  de  nationalité,  tous  les  actionnaires 
qui  remplissent  les  conditions  imposées  par  les  statuts.  Mais, 
par  la  force  des  choses,  et  grâce  surtout  à  la  négligence  dos 
intéressés,  dans  la  plupart  des  sociétés  importantes,  les  assem- 
blées générales  ne  réunissent  qu'un  petit  nombre  d'actions,  en 
dehors  de  celles  qui  appartiennent  aux  administrateurs  et  à  leur 
groupe.  On  peut  considérer  ces  réunions  comme  n'étant  guère 
que  de  simples  formalités;  elles  se  bornent  le  plus  souvent 
à  ratifier  des  nominations  faites  par  voie  de  cooptation  et  des 
mesures  prises,  sans  autre  contrôle,  par  le  conseil  d'administra- 
tioiu 

C'est  à  peine  si,  dans  quelques  cas  rares,  l'on  voit  un  parti  se 
former  contre  les  administrateurs,  dans  un  but,  et  plus  souvent 
sous  un  prétexte  d'intérêt  social  :  des  individualités  remuantes 
battent  le  rappel  auprès  des  actionnaires,  arrivent  à  en  repré- 
senter un  certain  nombre,  parfois  à  constituer  une  majorité,  de 
manière  à  imposer  l'entrée  dans  le  conseil  de  quelques  person- 
nalités de  leur  choix;  après  quoi,  comme  fatigués  d'un  tel  effort^ 


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ET  LA  DÉFENSE  DES  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   23b 

les  actionnaires  s'empressent  de  retomber  dans  leur  isolement 
et  dans  leur  incurable  apathie. 

II.  Obligataires.  —  Les  porteurs  d'obligations  émises  par  les 
sociétés  commerciales  sont  encore  plus  dépourvus  que  les  action- 
naires de  tous  moyens  de  sécurité  ;  ils  n'ont  pas  même  la  faible 
ressource  de  pouvoir  assister  aux  assemblées  générales  person- 
nellement ou  par  mandataires.  Nous  ne  pouvons  pas  nous  plaindre 
à  cet  égard  des  législations  étrangères,  car  Ton  sait  que  nous  ne 
sommes  pas  parvenus,  dans  notre  législation  nationale,  à  réaliàer 
un  mode  de  représentation  des  obligataires,  malgré  les  nom- 
breuses propositions  qui  ont  été  faites  et  les  avis  à  peu  près 
unanimes  des  écrivains  spéciaux,  économistes  ou  juriscon- 
sultes. 

Tant  que  les  affaires  sociales  marchent  à  peu  près  bien,robli- 
gataire  touche  régulièrement  ses  coupons.  Mais  la  situation 
devient  pour  lui  fort  périlleuse  lorsqu'elles  périclitent  et  ses 
intérêts  sont  facilement  compromis  d'une  manière  définitive, 
sans  qu'il  ait  même  pu  se  défendre.  Tantôt  il  s'agit  d'une  liqui- 
dation et  d'un  sacrifice  partiel  ;  sous  des  noms  divers,  morato- 
rium,  concordat,  convenio,  Ton  fera  subir  une  amputation  au 
passif  obligataire,  on  jettera  .du  lest  à  la  mer,  afin  que  la  barque 
allégée  puisse  continuer  à  flotter  ;  tantôt  ce  sera  une  faillite 
complète,  la  réalisation  des  épaves  et  la  distribution  aux  créan- 
ciers d'un  dividende  trop  souvent  dérisoire  ;  dans  les  deux  cas, 
ce  sera  pour  l'obligataire  le  même  rôle  passif.  Très  insuffisam- 
ment renseigné,  dépourvu  de  tout  moyen  d'action,  comprenant 
l'inanité  de  ses  efforts  et  reculant  devant  les  dépenses  excessives 
qu'exigerait  de  lui  tout  essai  de  faire  représenter  et  défendre 
ses  intérêts  en  péril,  il  subira  le  sort  que  lui  réserveront  la 
loyauté  et  l'habileté  d'un  liquidateur  qu'il  n'aura  pas  choisi. 

S'il  s'agit  d'émettre  son  vote  sur  des  propositions  concorda 
taires,  il  se  verra  pris  dans  un  dilemme,  que  l'on  aura  d'ailleurs 
soin  de  mettre  en  relief  &  ses  yeux,  oli  accepter  une  transaction 
qu'il  ne  peut  pas  discuter  et  à  laquelle  il  ne  peut  même  pas 
demander  la  moindre  modification,  ou  courir  le  risque  d'une  fail- 
lite encore  plus  désastreuse.  Son  vote  mécontent  et  contraint 
sera  acquis  à  ces  propositions,  à  moins  qu'il  ne  préfère  se  réfu- 
gier dans  une  abstention  qui  n'améliorera  pas  son  sort. 


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236  l'épargne   française 

Nous  devons  ajouter  une  réflexion  relative  à  Taction  judiciaire 
qui  peut  être  intentée,  en  vue  de. faire  proclamer  les  droits  des 
obligataires  et  de  leur  fournir  une  sanction. 

Les  obligataires  dont  les  droits  sont  méconnus  ont  théorique- 
ment le  droit  d'assigner,  à  leur  choix,  la  société  récalcitrante 
devant  les  tribunaux  étrangers  ou  devant  les  tribunaux  français. 
L'article  14  du  Code  Civil  donne  à  nos  tribunaux  le  droit  de 
statuer  sur  les  diflTérends  soulevés  entre  Français  et  étrangers; 
il  existe  de  nombreux  exemples  de  décisions  de  cette  nature. 

En  réalité  cette  faculté  n'est  que  de  médiocre  importance,  car 
les  sentences  des  tribunaux  français  sont  rarement  en  ce  cas 
accompagnées  d'une  sanction  effective.  Si,  le  cas  est  fort  fré- 
quent, la  Société  débitrice  n'a  aucun  bien  en  France,  elle  ne 
peut  subir  qu'à  l'étranger  des  mesures  coercitives  efficaces,  sai- 
sies, déclaration  de  faillite,  etc.  L'autorité  des  jugements  ne 
dépassant  pas  les  limites  du  territoire  dans  lequel  ils  ont  été 
rendus,  le  créancier  doit  saisir  les  tribunaux  étrangers  par  voie 
de  demande  d'exéquatur  ou  par  action  nouvelle  principale. 

Il  arrive  très  fréquemment  que  des  difficultés  nombreuses, 
une  connaissance  imparfaite  des  législations  étrangères,  les  dé- 
lais et  enfin  les  dépenses  à  engager  (quelquefois,  notamment  en 
Angleterre,  elles  sont  exorbitantes),  détourne  les  obligataires  de 
l'idée  d'engager  un  procès;  trop  souvent  on  doit  les  considérer 
comme  étant  à  la  merci  de  la  bonne  foi  de  leurs  débiteurs. 

III.  Fonds  d'Etat. — Dettes  intérieures.  —  Les  emprunts  d'Etat 
peuvent  revêtir  un  double  caractère  :  on  les  classe  en  dettes  inté- 
rieures et  en  dettes  extérieures.  La  dette  intérieure  est  celle  qui 
a  été  contractée  à  la  suite  d'une  émission  faite  dans  l'intérieur 
même  du  pays  emprunteur,  sans  qu'il  y  ait  d'ailleurs  lieu  à 
distinction  selon  que  les  souscripteurs  sont  des  nationaux  ou 
des  étrangers.  La  dette  extérieure  est  celle  qui  a  été  publique- 
ment émise,  soit  en  totalité,  soit  en  partie,  sur  les  marchés 
financiers  étrangers  ;  il  n'est  d'ailleurs  pas  rare  non  plus  de  voir 
une  partie  de  la  dette  extérieure  d'un  Etat  détenue  par  ses 
propres  sujets.  Quelques  autres  circonstances  peuvent  intervenir 
pour  modifier  ce  caractère  originaire  ;  il  en  est  ainsi,  par  exemple, 
au  cas  oii  une  nation,  établissant  un  traitement  différentiel  (par 
voie  d'impôt,  de  réduction  ou  autre)  pour  ses  nationaux  et  pour 


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ET  LA  DÉFENSE  DES  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   237 

les  étrangers,  a  institué  la  formalité  de  Vaffidavit,  grâce  à 
laquelle  la  nationalité  du  porteur  actuel  sera  connue  ;  de  même 
la  formalité  de  l'estampillage  arrive  à  attribuerune  situation 
plus  favorable  à  ceux  des  titres  émis  qui,  à  un  moment  donné, 
étaient  la  propriété  d'étrangers;  de  la  sorte,  Ton  peut,  suivant 
les  cas,  envisager  la  qualification  de  dette  intérieure  ou  exté- 
rieure à  un  double  point  de  vue  :  Tun  objectif,  suivant  la  na- 
tionalité du  détenteur  actuel,  l'autre  subjectif,  attribué  défi- 
nitivement à  une  catégorie  de  titres,  quelles  que  soient  les 
mains  entre  lesquelles  il  passera  désormais. 

Il  est  de  principe  que  les  Etats  sont  complètement  libres  de 
statuer  législativement,  suivant  les  règles  de  leur  régime  consti- 
tutionnel, sur  leurs  dettes  intérieures.  Que  les  titres  appartien- 
nent à  des  nationaux  ou  à  des  étrangers,  peu  importe  ;  ces  der- 
niers, en  se  rendant  acquéreurs  de  titres  de  cette  nature,  se 
soumettent  implicitement^en  ce  qui  les  concerne, à  la  législation 
édictée  ou  à  édicter  dans  le  pays  débiteur.  Une  seule  réserve 
serait  à  faire  :  elle  s'applique  au  cas  où  la  législation  nouvelle- 
ment promulguée  aurait  pour  effet  d'appliquer  aux  nationaux 
et  aux  étrangers  un  traitement  différentiel,  préjudiciable  aux 
intérêts  de  ces  derniers.  Cette  violation  du  principe  d'égalité 
pourrait  entraîner,  par  voie  de  réciprocité,  des  représailles  qui 
mettraient  les  diverses  nations  dans  un  état  d'hostilité  écono- 
mique et  financière,  de  nature  à  entraîner  des  conséquences 
graves.  Aussi  les  Etats  s'abstiennent-ils  presque  toujours  de 
mesures  aussi  dangereuses  que  blâmables.  Nous  pourrions 
cependant  citer  des  exemples  contraires,  notamment  celui  du 
Portugal,  qui  a  assujetti,  sous  des  prétextes  pris  du  cours 
des  changes,  les  créanciers  étrangers  à  une  retenue  beau- 
coup plus  forte  que  celle  qu'il  a  imposée  à  ses  nationaux.  L'ef- 
fet de  cette  mesure  a  d'ailleurs  été  loin  de  lui  être  favorable  : 
l'atteinte  portée  au  crédit  de  la  nation  a  été  si  profonde  qu'au- 
jourd'hui elle  se  trouve  dans  l'impossibilité  d'opérer  soitune  con- 
version, soit  un  nouvel  emprunt;  si  bien  qu'elle  est  depuis  plu- 
sieurs années,  avec  ses  créanciers,  en  négociations  à  chaque 
instant  entravées  et  suspendues,  sans  qu'il  soit  encore  possible 
de  prévoir  pour  elles  un  résultat  avantageux. 

IV.  Dettes  extérieures.  —  Pour  cette  catégorie  d'emprunts 


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238  l'épargne  française 

d'Etats,  la  situation  des  créanciers  paraît,  en  théorie  tout  au 
moinS)  bien  plus  favorable.  C'est  réellement  un  engagement, 
international  qui  a  été  contracté;  il  donne  donc  aux  Etats,  dont 
les  nationaux,  sur  la  foi  d'un  tel  engagement,  ont  souscrit  ou 
acheté  des  titres,  le  droit  d'intervenir  diplomatiquement  pour 
que  ces  engagements  reçoivent  leur  complète  exécution. 

En  pratique,  cet  important  avantage  se  trouve  considérable- 
ment amoindri.  D'abord,  en  pareil  cas,  les  intéressés  n'ont 
même  pas  la  faculté  (que  nous  avons  reconnue  aux  obligataires) 
de  saisir  leurs  tribunaux  nationaux  :  c'est  en  effet  une  règle  de 
notre  droit  privé,  proclamée  à  plusieurs  reprises  par  la  Cour  de 
Cassation  (1),  que,  nonobstant  la  généralité  des  termes  de 
l'art.  14  du  Code  civil,  les  gouvernements  étrangers  ne  peuvent 
pas  être  traduits  devant  les  tribunaux  français;  on  voit  là 
une  conséquence  directe  du  principe  de  la  souveraineté  des 
Etats  et  de  leur  indépendance  réciproque.  Bien  que  cette  théorie 
puisse  paraître  contestable  lorsqu'un  Etat  étranger  a  conclu  un 
contrat  de  droit  civil  privé,  elle  doit  être  considérée  comme 
faisant  partie  des  règles  généralement  admises  en  droit  inter- 
national. Quant  à  l'intervention  des  tribunaux  de  la  nation 
débitrice,  elle  serait  également  impossible  et  inefficace,  il  n'est 
pas  besoin  d'y  insister  et  d'en  donner  les  raisons. 

Quel  appui  peuvent  donc  espérer,  dans  leurs  réclamations,  les 
créanciers  lésés  dans  leurs  droits  ?  Il  n'en  est  qu'un  :  la  possibi- 
lité d'une  intervention  diplomatique  s'exerçant  en  leur  faveur. 
La  protection  n'est  guère  efficace  ;  car,  d'une  part,  il  est  admis 
par  tous  les  auteurs  que  cette  intervention  est  facultative  pour  le 
gouvernement  sollicité  et  que  «  l'individu  n'a  pas  le  droit  de 
demander  à  la  collectivité  de  transformer  en  incident  d'ordre 
public,  avec  toutes  ses  conséquences  dangereuses,  le  fait  d'un 
tort  causé  à  sa  bourse  »  ;  d'autre  part,  les  résolutions  du  gou- 
vernement en  pareille  matière  sontgénéralement influencées  par 
des  considérations  touchant  à  la  politique  générale  et  aux  rela- 
tions internationales,  en  face  desquelles  les  intérêts  privés, 
quelle  que  soit  leur  importance,  doivent  s'incliner  et  s'ils  ne 
sont  même  considérés  comme  négligeables. 

Sans  doute  un  Etat  peut  se  trouver,  comme  un  particulier,  dans 

(1)  Voir  notamment  les  arrêts  de  la  Cour  de  Cassation  du  27  Janvier  1849, 
D.  49.1.5  et  du  5  mai  1885,  D.  85,  1,  341. 


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ET  Là  Défense  des  porteurs  de  valeurs  étrangères    239 

rimpossibilité  réelle  de  faire  face  à  ses  engagements,  mais  il 
échappe  aux  règles  de  droit  privé,  protectrices  des  créanciers, 
soit  quant  à  la  reconnaissance  de  cette  impossibilité,  soit  quant 
au  mode  de  liquidation  et  aux  principes  qui  régissent  la  matière 
des  faillites  et  des  concordats. 

Les  économistes,  en  effet,  n'ont  pas  hésité  à  proclamer  le  prin- 
cipe qu'un  Etat  est  seul  juge  des  charges  qu'il  peut  imposer  à  ses 
sujets  pour  faire  face  à  sa  dette,  d'où  résulte  cette  conséquence 
qu'il  est  aussi  seul  maître  des  réductions  qu'il  convient  d'imposer 
à  ses  débiteurs  (1).  Ce  principe  peut  paraître  excessif,  au  moins 
lorsqu'il  s'agit  de  dettes  extérieures,  mais  il  est  à  peine  besoin 
de  dire  qu'il  présentait  trop  d'avantages  pratiques  pour  que  les 
débiteurs  obérés  n'eussent  hâte  de  s'en  emparer;  nous  en  avons 
cité  plusieurs  exemples  et  il  serait  aisé  d'en  augmenter  la  liste. 

L'on  a  vu  plus  encore  ;  l'on  a  vu  les  Etats  conférer  à  leurs 
créanciers  des  gages  précis  sur  certaines  sources  de  revenus  et, 
de  leur  autorité  privée,  par  une  mesure  purement  arbitraire, 
retirer  les  garanties  précédemment  concédées  et  imposer  de 
nouvelles  conditions  à  leurs  créanciers,  en  les  privant  de»  tout 
droit  sur  les  gages  précédemment  constitués. 

Une  telle  violation  de  la  foi  des  contrats  ne  reste  pas  long- 
temps impunie.  La  sanction  résulte  de  l'amoindrissement  ou  de 
l'anéantissement  du  crédit  des  Etats  dont  la  mauvaise  foi  appa- 
raît aux  yeux  des  nations  civilisées,  celles  seules  qui  peuvent, 
quand  le  besoin  s'en  fait  sentir,  les  aider  à  sortir  d'embarras. 
Alors,  en  effet,  ne  pouvant  offrir  une  garantie  morale,  que  les 
prêteurs  considéreraient  comme  insuffisante,  ils  n'obtiendraient 
de  nouveaux  prêts  qu'à  la  charge  de  consentir  des  mesures 
coercitives  et  humiliante,  l'organisation  de  commissions  de 
contrôle  extérieures,  la  mise  en  ferme  de  leurs  principales  sour- 
ces de  revenus,  afin  que  la  compagnie  fermière  acquitte  direc- 
tement les  intérêts  de  la  dette  au  moyen  des  sommes  per- 
çues, etc...  L'on  sait  que  tel  est  le  régime  actuel  de  plusieurs 
puissances,  la  Turquie,  TEgypte,  la  Grèce,  etc.. 

(1)  «  La  constitution  actuelle  des  sociétés  veut  qu'un  Etat  soit  seul  juge  de  sa 
solvabilité  »,  Leroy  Beaulieu,  Timlé  de  la  Science  des  finance*^  II,  chap.  XI.—  Il 
est  vrai  que  Téminent  économiste  ajoute  :  «  Il  n'y  a  qu'un  abime  insondable  de 
misère  qui  puisse  excuser  des  modifications  au  contrat  primitif.  »  Les  Etats  obérés 
se  sont  emparés  volontiers  du  principe,  mais  Ils  n'ont  tenu  aucun  compte  de 
la  réserve  qui  le  limitait,  sans  sanction  il  est  vrai. 


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240  l'épargne   française 

Aussi  une  pratique  tend-elle  à  se  généraliser  de  plus  en  plus, 
celle  qui  tend  à  substituer  à  la  décision  arbitraire  du  gouverne- 
ment débiteur  une  entente  survenue,  après  discussion  préalable, 
avec  ses  créanciers.  Cette  nécessité  s'impose  au  point  que  nous 
voyons  à  Theure  actuelle  certains  Etats,  après  avoir  imposé  de 
leur  propre  autorité  diverses  réductions  à  leurs  créanciers,  obli- 
gés d'en  venir  à  des  pourparlers  avec  eux  pour  obtenir  la  ratifi- 
cation des  mesures  déjà  prises  à  une  époque  plus  ou  moins  an- 
cienne et  l'adhésion  aux  conversions  projetées  pour  rétablir  des 
financescompromises.N'eùt-il  pas  été  préférable  de  commencer 
par  ces  négociations  plutôt  que  de  ne  les  entamer  que  lorsque 
les  esprits  ont  déjà  été  aigris  par  des  réductions  iiçposées  arbi- 
trairement, sans  qu'une  discussion  loyale  et  préalable  en  ait 
démontré  l'absolue  nécessité? 

Nous  aurions  voulu  pouvoir  donner  à  nos  lecteurs  des  rensei- 
gnements exacts  sur  les  pertes  subies  dans  ces  derniers  temps 
par  l'Epargne  française,  à  raison  de  ses  placements  en  valeurs 
étrangères.  Un  travail  de  ce  genre  ne  nous  a  pas  paru  possible, 
notamment  parce  que  l'on  ne  sait  pas  suffisamment  à  concur- 
rence de  quelles  sommes  le  portefeuille  français  est  engagé  dans 
tel  ou  tel  titre  étranger.  Nous  devons  donc  nous  en  tenir  à  cet 
égard  à  des  indications  moins  précises  que  nous  ne  l'eussions 
désiré,  relatives  seulement  aux  titres  émis  par  quelques-unes 
des  nations  européennes. 

a.  L'Espagne  a  suspendu  le  paiement  des  intérêts  de  sa  dette 
en  Î874;  la  situation  a  été  liquidée  par  une  loi  du  27  juillet  1876, 
imposant  aux  porteurs  une  réduction  au  tiers  de  la  créance  pri- 
mitive. La  dette  espagnole  représentait  alors  en  intérêts  annuels 
334  millions,  en  capital  plus  de  10  milliards.  On  apprécie  à 
plus  du  tiers  la  part  des  portefeuilles  français  dans  une  perte 
qui  se  chiffre  par  près  de  7  milliards. 

b.  C'est  aussi  en  1876  que  la  Turquie  s'est  mise  en  état  de 
faillite  partielle  ;  elle  a  porté  sur  un  capital  de  six  milliards  en- 
viron et  sur  une  annuité  de  400  millions  ;  une  grande  partie  de 
ces  valeurs  étaient  également  placée  en  France. 

c.  La  dette  totale  du  Portugal  était  d'environ  deux  milliards, 
lorsqu'une  loi  du  20  mai  1893  a  réduit  les  arrérages  à  30  p.  100. 
non  compris  un  prélèvement,  jusqu'à  présent  minime,  sur  le 
produit  des  douanes  quand  il  dépassera  un  chiffre  déterminé. 


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ET  LA  DÉFENSE  DES  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   241 

rf.  Il  convient  de  mettre  sur  le  même  pied  la  retenue  de 
20  p.  100  que  Tltalie  a  imposée  à  ses  créanciers,  bien  qu'il  ait 
été  prélevé  sous  le  nom  d'impôt.  Lorsqu'en  effet  un  impôt 
atteint  une  proportion  aussi  élevée  et  qu'il  n'est  assis  que  sur 
certaines  valeurs,  l'on  ne  peut  le  considérer  que  comme  une 
conversion  forcée.  Le  total  de  la  dette  italienne,  à  la  fin  de 
1896,  n'était  pas  inférieur  à  12  milliards  en  capital  et  à  600  mil- 
lions en  intérêts  annuels. 

L'on  voit  que,  sans  parler  de  divers  petits  Etats,  tels  que  la 
Serbie,  la  Grèce,  etc.,  non  plus  que  des  valeurs  industrielles,  et 
à  ne  prendre  que  les  emprunts  des  quatre  nations  européennes 
dont  nous  venons  de  parler,  si  l'on  suppose  que  les  capitaux 
français  étaient  intéressés  à  concurrence  d'un  tiers,  la  perte 
qu'ils  auraient  subie  serait  de  cinq  à  six  milliards. 

L'on  connaît  les  préoccupations  que  donnent  en  ce  moment 
aux  financiers  français  les  valeurs  espagnoles;  nous  voulons 
espérer  qu'elles  ne  donneront  pas  à  leurs  porteurs  de  nouveaux 
et  aussi  graves  déboires  qu'en  1896.  Il  nous  parait  toutefois 
intéressant  de  montrer  à  quel  degré  la  fortune  de  la  France  est 
engagée  dans  ces  valeurs;  d'après  l'étude  de  M.  Théry,  ce  serait 
à  concurrence  de  3.600.000.000  en  capital  (1). 


III 


Si  le  mal  est  ainsi  clairement  défini,  quel  en  peut  être  le 
remède  ?  De  nombreux  économistes  se  sont  posé  la  question  et 
il  n'apparaît  pas  qu'elle  soit  de  solution  facile,  à  en  juger  par  le 
caractère  vague  ou  inefficace  des  moyens  proposés. 

Pour  les  émissions  d'actions  ou  d'obligations  faites  par  les 
entreprises  privées,  on  s'est  borné  à  proposer  certaines  modifi- 
cations aux  législations  civiles  ou  commerciales  des  diverses 
nations.  On  a  préconisé  en  faveur  des  obligataires  le  droit  d'as- 
sister aux  assemblées  générales,  un  droit  de  contrôle,  parfois  de 
veto  limité.  L'on  a  aussi  proposé  l'institution  de  commissions 
qui  auraient  pour  mandat  de  vérifier  la  validité  et  la  capacité 
légale,  suivant  la  loi  étrangère,  de  la  société  qui  fait  appel  aux 
capitaux,  de  l'existence  et  de  la  réalisation  possible  des  garan- 
ti) Edm.  Théry,  Les  valeurs  mobilières  en  France^  Paris,  1897. 


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242  L^ÉPARGNE  FRANÇAISE 

tîes  concédées,  et  qui  serait  chargée  de  requérir  les  inscriptions 
hypothécaires  au  profit  des  créanciers.  Ces  précautions  seraient 
encore  insuffisantes,  s'il  n'y  avait  acceptation  expresse  de  la 
juridiction  des  tribunaux  du  pays  dans  lesquels  l'émission  se 
fait  et  si  les  jugements  par  eux  rendus  n'étaient  exécutoires, 
sans  nouvelle  procédure,  dans  celui  où  la  société  aurait  été 
constituée.  Sans  doute  la  faculté  d'émission  et  d'admission  se- 
rait refusée  aux  sociétés  qui  ne  se  soumettraient  pas  à  ces  con- 
ditions; mais  il  n'en  faudrait  pas  moins  une  modification  sé- 
rieuse des  législations  actuelles:  on  ne  pourrait  l'attendre  que 
d'un  accord  international  fort  difficile  à  réaliser. 

En  ce  qui  touche  les  émissions  de  titres  d'Etats,  la  difficulté 
est  encore  bien  plus  grande.  L'on  a  aussi  proposé  pour  ce  cas 
diverses  mesures  préventives,  que  M.  Lewandewski  résume  de 
la  manière  suivante  : 

!•  Que  le  contrat  d^emprunt  ne  sera  définitif  qu'après  avoir  été  autorisé 
par  le  gouvernement  du  pays  où  a  lieu  rémission  publique  et  avoir  été 
Tobjet  entre  les  deux  Etats  d'une  convention  diplomatique,  lui  donnant  le 
caractère  d'un  traité  international  et  investissant  ainsi  le  ministre  des 
Affaires  étrangères  du  droit  d*intervenir  pour  la  défense  des  porteurs  de 
titres. 

2^  Que  la  clause  compromissoire  sera  acceptée  par  TEtat  emprunteur  ; 

30  Que  Temprunt  sera  garanti  pendant  une  certaine  période  par  le  Syn- 
dicat d'établissements  financiers  qui  aura  fait  rémission  (1). 

Le  tribunal  arbitral  ainsi  constitué  serait  appelé  à  statuer 
non  seulement  dans  le  cas  où  les  porteurs  de  titres  se  plain- 
draient de  la  violation  ou  de  la  non  exécution  du  contrat^  mais 
toutes  les  fois  qu'il  s'agirait  d'opérations  dé  consolidation,  de 
conversion,  de  modifications  aux  garanties  précédemment  con* 
cédées,  d'émission  d'un  nouvel  emprunt  gagé  sur  des  ressources 
spéciales,  de  création  d'impôt  sur  des  titres  précédemment  émis 
et  surtout  sur  les  réductions  que  Imsuffisance  des  ressources 
de  l'Etat  débiteur  l'obligerait  à  faire  subir  à  ses  créanciers. 

La  sanction  du  tribunal  arbitral  ne  serait  pas  seulement  mo- 
rale :  on  la  rendrait  effective  en  lui  mettant  en  mains  des  moyens 
pacifiques,  mais  énergiques,  «  tels,  que  la  fermeture  générale 

(1)  Les  deux  premiers  termes  de  cette  proposition  avaient  déjà  été  soumis  par 
M.  Gariéau  Congrès  international  de  la  paix  tenu  à:  Berne  en  1892.  lis  furent  pris 
en  considération  et  renvoyés  à  Fétude  d'une  commission,  mais  ce  projet  n'a  pas 
eu  d'autre  suite. 


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ET  LA   DÉFENSE  DBS   PORTEURS   DE  VALEURS   ÉTRANGÈRES       243 

des  marchés,  la  radiation  de  la  cote  de  la  Bourse,  la  suspension 
des  traités  de  commerce  et  par  suite  l'isolement  absolu  pour 
TEtatqui  résisterait  ;  ce  serait  une  sorte  de  quarantaine,  un  in- 
terdit international  ».  Il  est  facile  de  prévoir  lopposition  que  de 
semblables  mesures  provoqueraient  dans  le  monde  des  affaires  et 
chez  les  grands  établissements  de  crédit  qui  considèrent  déjà 
comme  un  obstacle  au  développement  du  marché  financier  les 
mesures  fort  anodines  auxquelles  est  soumise  aujourd'hui  l'ad- 
mission à  la  cote  des  valeurs  étrangères  (1).  En  tout  cas  l'en- 
tente internationale,  sans  laquelle  les  mesures  proposées  reste- 
raient irréalisables,  est  sûrement  encore  fort  éloignée,  si  tant  est 
qu'elle  doive  jamais  se  produire. 

La  Chambredes  députés  en  France,  la  Chambre  des  communes 
en  Angleterre  ont  été  à  diverses  reprises  saisies  de  cette  impor- 
tante question. 

En  1877,  sur  la  proposition  de  M.  Pascal  Duprat  et  le  rapport 
de  M.  Dréo  (2),  malgré  l'opposition  de  M.  Lockroy  qui  prétendait 
que  le  projet  n'avait  rien  de  pratique,  la  Chambre  adopta  une 
résolution  chargeant  une  commission  «  de  faire  une  enquête 
sur  les  emprunts  d'Etats  étrangers  négociés  en  France,  depuis  le 
commencement  de  l'Empire,  sur  les  pertes  que  ces  emprunts 
ont  fait  subir  aux  capitaux  français  et  sur  les  mesures  qui  pour- 
raient être  prises  pour  sauvegarder  l'épargne  nationale,  sans 
porter'  atteinte  à  la  liberté  du  marché  ».  La  dissolution  de  la 
Chambre^  qui  survint  peu  de  temps  après,  rendit  la  proposition 
caduque  ;  elle  n'a  pas  été  reprise  depuis  cette  époque. 

De  son  côté,  la  Chambre  des  communes  a  fait  procéder  à  une 
enquête  ;  le  rapport,  à  la  date  du  29  juillet  1875,  après  avoir  fait 
mention  des  diverses  mesures  restrictives  proposées,  aboutit  à 
la  conclusion  suivante  :  «  La  commission  a  été  d'avis  que  le 
meilleur  remède  contre  le  retour  de  pareils  maux  consistait 
non  pas  tant  dans  des  mesures  législatives,  que  dans  celles  des- 
tinées à  éclairer  le  public  exactement.  La  commission  exprime 
l'espoir  que  la  publication  du  rapport  rendra  les  prêteurs  plus 
circonspects  à  l'avenir  et  mettra  un  frein  aux  actes  peu  scrupu- 
leux des  négociations  d'emprunts  étrangers.  » 

(1)  Ordonnance  du  12  novembre  1823.  Lettre  ministérielle  du  l*''  novembre  1825. 
Rèîglement  d'administration  publique  du  6  février  1880. 

(2)  Séance  du  23  Janvier  1977. 


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244  L*ÉPARGNE   FRANÇAISE 

Une  nouvelle  commission  nommée  dans  les  mêmes  condi- 
tions, quelques  années  après,  aboutit  à  une  conclusion  ana- 
logue :  «  La  commission  exprime  la  conviction  que  la  meil- 
leure garantie  contre  le  retour  du  mal  signalé  se  trouve  moins 
dans  Faction  du  législateur  que  dans  les  lumières  du  public.  » 
L'on  voit  qu'en  Angleterre,  comme  en  France,  Tétude  de  la 
question  a  conduit  à  l'aveu  d'impuissance  de  l'action  du  légis- 
lateur (1). 

IV 

Devons-nous  rester  sous  le  poids  de  cette  conclusion  négative 
et  reconnaître  que  nous  n'avons  qu'à  courber  la  tête  sous  la 
menace  de  dangers  contre  lesquels  nous  n'aurions  aucun 
moyen  de  nous  prémunir  ?  Cette  attitude  résignée  jusqu'à  la 
désespérance  ne  saurait  nous  convenir.  Il  y  a  sûrement  des 
moyens  d'améliorer  la  situation  actuelle  ;  pour  être  d'un  effet 
moins  héroïque  que  ceux  dont  le  caractère  pratique  a  été  con- 
testé, peut-être  à  juste  raison,  ils  ne  paraîtront  cependant  pas 
dénués  de  toute  efficacité. 

De  l'exposé  que  nous  avons  fait,  nous  croyons  pouvoir  con- 
clure que  les  plus  graves  des  inconvénients  signalés  ont  leui 
source  dans  les  deux  causes  suivantes  :.!**  le  défaut  de  rensei- 
gnements suffisants  ;  2*»  la  faiblesse  des  efforts  individuels  résul- 
tant de  l'isolement  des  intéressés.  Chacun  de  ces  inconvénients 
peut  être  notablement  atténué  et  le  remède  semble  indiqué  par 
la  nature  même  du  mal.  Au  défaut  de  renseignements,nous  oppo- 
serions la  création  d'une  institution  assez  largement  dotée  pour 
qu'elle  puisse  réunir  et  classer  tous  les  actes,  tous  les  docu- 
ments, tous  les  renseignements  de  nature  à  éclairer  les  capita- 
listes et  à  projeter  une  vive  lumière  sur  la  situation  des  so- 
ciétés industrielles  étrangères  et  sur  celles  des  Etats  emprun- 
teurs ;  — à  l'isolement  des  porteurs,  nous  opposerions  leurgrou- 
pement  permanent,  ou  tout  au  moins  la  constitution  de  cadres 
dans  lesquels  ils  viendraient  se  ranger,  quand  il  y  aurait  lieu 
pour  eux  d'exercer  un  effort  commun. 

A,  —  Le  premier  besoin  a  déjà  été  senti.  L'Institut  intema- 

(1)  V.  Annuaire  de  légUlalion  élrangète,  1876,  p.  13;   1877,  p.  8;  1878,  p.  67: 
1879,  p.  W. 


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ET  LA  DÉF£NS£  DES  PORTEURS  DB  VALEURS  ÉTRANGÈRES   245 

tional    de    statistique  a  adopté  un  programme  tendant  aux 
recherches  suivantes  : 

Quels  sont  les  Etats,  les  muoicipalités,  les  provinces  qui  ont  manqué  à 
leurs  engagements  ;  quels  sont  ceux  qui  ont  spolié  leurs  créanciers  et  qui 
échappent  à  tout  recours  de  la  part  de  ceux  qui  leur  ont  confié  leurs  capi- 
taux? 

A  quel  chiffre  s'élèvent  les  pertes  subies  par  les  capitaux  prêteurs,  soit 
comme  capital,  soit  comme  intérêts,  du  fait  des  défaillances  de  ces  Etats 
qui  empruntent  aux  capitalistes  et  rentiers  des  autres  Etats? 

Quelles  mesures  peut-on  recommander  et  employer  pour  empocher  de 
semblables  manquements  aux  engagements  contractés  ? 

A  un  autre  point  de  vue,  n*est-il  pas  nécessaire  d^établir  un  droit  public 
financier  international?  IS*y  a-t-il  pas  toute  une  législation  internationale 
à  créer  sur  la  question  de  la  fortune  mobilière  ? 

Cette  statististique  rétrospective  serait  d'un  grand  intérêt  ; 
ajoutons  qu'elle  ne  serait  pas  sans  utilité  pratique,  au  cas  où 
les  débiteurs  visés  se  risqueraient  à  solliciter  à  nouveau  le  crédit 
public;  mais  au  point  de  vue  spécial  qui  nous  occupe,  elle 
serait  insuffisante.  Ce  n'est  pas  lorsque  le  mal  est  fait,  lorsque 
la  suspension  de  paiements  ou  la  faillite  partielle  sont  devenues 
fait  accompli  qu'il  s'agit  de  se  mettre  au  courant  de  la  situation 
économique  et  financière  de  l'État  emprunteur  ;  il  faut  le  suivre 
dans  toutes  les  fluctuations  qu'il  subit,  seul  moyen  de  prévoir 
l'avenir  qu'il  peut  réserver  à  ses  créanciers  et  la  sécurité  des 
appels  qu'il  peut  faire  au  crédit. 

Cette  œuvre  d^information  et  de  vigilance,  s'étendant  non  seu- 
lement aux  Etats,  mais  aux  grandes  compagnies  industrielles 
et  commerciales  qui  ont  recours  à  des  émissions  à  l'étranger, 
demande,  pour  être  complète,  une  vaste  organisation  ayant  des 
correspondants  sur  les  principales  places  de  l'étranger  et  dispo- 
sant d'un  budget  élevé. 

B.  —  Quant  au  groupement  des  porteurs  lorsqu'ils  sont 
menacés  dans  leurs  intérêts,  ce  n'est  pas  non  plus  chose  abso- 
lument nouvelle  :  tout  le  monde  a  eu  connaissance  des  comités 
de  défense  qui  se  sont  constitués  en  plusieurs  occasions,  parfois 
sous  forme  de  société  civile  ou  de  syndicat,  plus  souvent  sous 
celle  d'association  libre.  Ces  comités  ont  rendu  des  services  in- 
contestables ;  pour  l'établir,  il  suffit  de  citer  ceux  qui  se  sont 
occupés  des  chemins  de  fer  portugais  et  des  chemins  de  fer  espa- 
gnols. Leur  action  n'en  est  pas  moins  insuffisante.  Constitués 

REVUB  POLrr.,  T.  XX  17 


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246  L  ÉPARGNE   FRANÇAISE 

au  dernier  moment,  par  Tinitiative  individuelle,  sans  mandat 
bien  défini,  ils  manquent  tout  à  la  fois  d'archives  constituées 
antérieurement,  de  fonds  suffisants  à  faire  face  aux  dépenses  de 
toute  nature  et  aux  frais  à  exposer  et  enfin  de  l'autorité  morale 
qui  résulterait  d'une  organisation  permanente,  mise  au  service 
d'une  œuvre  d'intérêt  général.  Par  suite,  ces  essais,  quelque 
méritoires  qu'ils  fussent  et  quelque  utilité  qu'ils  aient  pu  pré- 
senter, se  sont  produits  dans  des  conditions  manifestes  d'insuf- 
fisance. Nous  croyons  avoir  suffisamment  démontré  qu'une 
organisation  ne  produira  tous  les  heureux  résultats  que  l'on 
serait  en  droit  d'en  espérer,  que  si  elle  est  permanente,  si  elle  se 
livre  à  l'accomplissement  d'une  œuvre  de  longue  haleine,  et  si 
elle  a,  à  sa  disposition,  un  budget  assez  gros  pour  subvenir  aux 
nombreuses  dépenses  qui  doivent  lui  incomber. 

C'est  ainsi  que  ]es  Anglais  l'ont  compris  :  depuis  1873  fonc- 
tionne chez  eux  une  institution  telle  que  nous  la  désirons,  sous 
le  nom  de  Council  (aujourd'hui  Corporation)  of  foreign  bondhoh 
ders. 

Gomme  il  est  d'usage  en  Angleterre,  c'est  à  la  seule  initiative 
privée  qu'eôt  due  sa  création  :  700  capitalistes  intéressés  dans 
les  valeurs  étrangères  se  constituèrent  en  association  pour  pro- 
téger avec  leurs  propres  intérêts,  ceux  de  leurs  compatriotes 
porteurs  de  titres  similaires.  Deux  ou  trois  ans  après,  l'asso- 
ciation sollicita  une  charte  d'incorporation,  mais  comme  il  fal- 
lait, pour  l'obtenir,  que  ses  'membres  consentissent  à  renoncer  à 
tout  bénéfice  individuel,  plusieurs  d'entre  eux  se  retirèrent  et 
ils  restèrent  seulement  au  nombre  de  550. 

Les  adhérents  reçurent  des  brevets  a  certificats  »  constatant 
leur  qualité,  mais  ne  leur  donnant  pas  d*autre  droit  que  celui 
d'élire  les  membres  du  conseil  directeur. 

L'association  devait,  d'après  ses  statuts,  constituer  des  comi- 
tés de  porteurs  pour  toute  valeur  en  souffrance  dont  le  conseil 
aurait  décidé  de  s'occuper  :  en  fait,  comme  les  président,  vice- 
président  et  secrétaire  du  conseil  remplissaient  ces  mêmes  fonc- 
tions dans  chacun  des  comités  particuliers,  il  serait  plus  exact 
de  dire  que  le  conseil  représentait  tous  les  porteurs  de  titres, 
avec  l'assistance  de  quelques-uns  de  ces  intéressés. 

Le  conseil  entra  ainsi  en  négociation  avec  nombre  d  Etats 
embarrassés  et  de  sociétés  privées  étrangères  ;  il  arriva  souvent 


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ET  LA  DÉFENSE  DES  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   247 

à  conclure  des  engagements  plus  ou  moins  avantageux  et  il  ne 
paraît  pas  que  Ton  ait  cité,  sauf  à  Tétat  tout  à  fait  exceptionnel, 
des  exemples  de  non  ratification  ou  d'inexécution  de  ces  enga- 
gements. C'est  par  milliards  qull  faut  compter  les  valeurs  ainsi 
consolidées  par  transactions  conclues  par  le  Coiincil;  nous  cite- 
rons comme  les  plus  importants  les  règlements  de  la  dette 
ottomane,  de  la  dette  égyptienne,  de  la  dette  grecque,  etc. 

Au  point  de  vue  des  nations  autres  que  la  nation  anglaise,  on 
s'est  souvent  plaint  du  particularisme  étroit  du  Council  qui  ne 
négligeait  aucune  occasion  de  favoriser  les  porteurs  anglais, 
par  préférence  aux  porteurs  français,  allemands  et  autres. 
Même  en  Angleterre  les  services  incontestablement  rendus  par 
le  Council  dans  nombre  d'occasions  n'ont  pas  désarmé  les  cri- 
tiques et  la  presse  financière  lui  a  souvent  reproché  d'avoir 
témoigné  de  la  mollesse  et  de  la  négligence  dans  plusieurs  des 
affaires  qu'il  avait  eu  à  traiter. 

Il  est  cependant  à  remarquer  que  ces  critiques  n'ont  pris  une 
réelle  extension  qu'au  moment  où  il  s'est  agi  de  remanier  l'ins- 
titution. Nous  ne  pouvons  nous  défendre  de  la  pensée  qu'elles 
n'étaient  que  le  prétexte,  plutôt  que  la  raison  effective  de  l'op^ 
position  qu'il  rencontra,  il  y  a  environ  deux  ans. 

Cette  opposition  devint  en  effet  tellement  vive  au  sein  même 
des  porteurs  de  certificats,  que  bien  que  le  Council  ait  toujours 
eu  la  majorité,  il  crut  nécessaire  de  provoquer  une  reconstitu- 
tion; son  projet  fut  voté  et,  quoique  vigoureusement  attaqué 
dans  la  presse,  il  a  été  homologué  par  le  Parlement  suivant 
loi  du  25  juillet  dernier  (1). 

Le  but  réel  des  attaques  nous  paraît  avoir  été  celui-ci  :  Le 
Council^  après  avoir,  sur  ses  recettes  annuelles,  remboursé  en 
capital  et  intérêts  à  5  p.  100  les  fonds  originairement  souscrits 
par  ses  adhérents  (65.000  liv.  st.  en  capital),  avstit  constitué  une 
réserve  d'un  chiffre  élevé,  car  elle  ne  se  portait  pas  à  moins  de 
100.000 liv.  st.  (2.500.000 francs).  Le  personnel  des  souscripteurs 
s'était  beaucoup  modifié  depuis  l'origine;  les  certificats  étant 
transmissibles,  nombre  d'entre  eux  avaient  été  cédés  à  des  prix 
généralement  très  bas  (1  àl6 1.  st.)  ;  les  titulaires  actuels  tendaient 
à  s'attribuer  tout  ou  partie  des  bénéfices  mis  en  réserve  et  ils  ne 
reculaient  pas  devant  la  liquidation  qui  leur  aurait  permis  de 

(I)  Act.  61  et  62.  Vict,  session 


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2às  l'épargne  française 

se  la  partager  entre  eux  toute  entière.  Leur  plan  n'a  pas  réussi. 

Les  statuts  approuvés  par  le  bill  récent  transièrent  la  totalité 
de  Tactif  et  du  passif  de  Tancien  Council  à  la  nouvelle  Corpo- 
ration. Les  membres  anciens  perdent  leur  droit  d'élection  des 
administrateurs  et  n'ont  aucun  droit  sur  les  bénéfices  réalisés 
ou  sur  ceux  qui  le  seront  à  l'avenir.  La  compensation  qu'ils  ob- 
tiennent est  que  l'excédent  des  recettes  annuelles  sera  employé 
au  rachat  des  certificats^  par  voie  d'adjudication  au  rabais  ou  de 
tirage  au  sort, et  si  les  offres  ne  sont  pas  assez  nombreuses;  un 
maximum  de  100  liv.  st.  étant  fixé  pour  le  prix  du  rachat  (1). 

Le  conseil  directeur  de  l'association  comprendra  21  membres 
rééligibles  par  tiers  :  sur  les  sept  à  nommer  annuellement,  deux 
seront  désignés  par  l'Association  centrale  des  banquiers  de 
Londres,  deux  par  le  Board  of  trade  (ministère  du  Commerce), 
trojs  par  l'ancien  Council.  Le  conseil  nouveau  pourra  d'ailleurs 
adjoindre  aux  21  personnes  ainsi  désignées  des  membres  sup- 
plémentaires, sans  que  le  nombre  total  puisse  dépasser  30. 

En  dehors  d'une  rémunération  modérée  à  titre  de  jetons 
de  présence  pour  les  membres  du  conseil  et  d'un  traitement 
servi  au  président  et  au  vice-président,  les  réserves  ou  les 
bénéfices  ne  peuvent  faire  l'objet  d'aucune  distribution.  Ils 
doivent  même,  au  cas  de  dissolution  et  de  liquidation,  être 
affectés  à  un  but  similaire^  sous  l'approbation  du  Board  of 
trade. 

Ces  dispositions  cornèrent  à  la  nouvelle  Corporation  le  carac- 
tère nettement  accusé  d'établissement  d'utilité  publique,  bien 
connu  en  France,  mais  rare  dans  la  législation  anglaise  ;  le 
caractère  d'association  s'efface  au  contraire,  les  membres  du 
conseil  devant  être  simplement  considérés  comme  les  adminis- 
trateurs de  l'œuvre  d'intérêt  général  confié  à  leurs  soins. 

En  Belgique,  ce  n'est  pas  une,  mais  deux  institutions  sem- 
blables à  la  Corporation  of  foreign  bondholders  qui  se  sont  cons 
tituées  à  une  date  très  récente,  l'une  à  Bruxelles,  l'autre  à  An- 
vers. Cette  dualité  doit  avoir  sa  source  dans  l'esprit  de  particu- 
larisme et  dans  une  sorte  de  rivalité  entre  la  capitale  politique 


(1)  I.es  bureaux  de  la  Cot'poralion   of  foreing  bondholders  sont  à  Londres, 
17,  Mergate  street^ 


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ET  LA  DÉFENSE  DES  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   249 

et  la  capitale  commerciale  de  la  Belgique  ;  Tune  et  l'autre  gagne- 
raient en  influence  et  en  force  réelle  à  se  fusionner. 

Du  reste;  Tassociation  de  Bruxelles  a  fait  fort  peu  parler 
d'elle  et  ne  parait  pas  avoir  publié  de  compte  rendu  de  ses  tra- 
vaux. Celle  d'Anvers,  au  contraire,  vient  de  publier  un  rapport 
général  de  ses  opérations  pour  l'exercice  1898. 

Il  ne  s'agit  pas  d'une  association  proprement  dite,  on  devrait 
plutôt  la  qualifier  àe  fédération  de  comités  par tictdiers.  En  effet, 
pour  chaque  valeur  étrangère  en  souffrance,  les  porteurs  sont 
appelés  à  constituer  un  comité  spécial;  l'association  se  compose 
de  tous  les  membres  faisant  partie  de  ces  divers  comités,  dont 
chacun  conserve  d'ailleurs  son  individualité,  son  bureau,  son 
secrétaire,  son  siège  social.  Mais  comme,  d'une  part,  les  mêmes 
personnalités  se  trouvent  fréquemment  dans  plusieurs  comités, 
comme,  d'un  autre  côté,  les  personnes  qui  ont  fait  partie  d'un 
comité  dissous  n'en  restent  pas  moins,  de  plein  droit,  membres 
du  comité  central  de  l'association,  cette  dernière  tendra  de 
plus  en  plus  à  devenir  une  institution  permanente,  centralisant 
les  travaux  des  comités  particuliers  et  leur  imprimant  une  di- 
rection générale.  11  n'en  reste  pas  moins  une  différence  avec  les 
procédés  de  l'organisation  anglaise,  laissant  ici  une  plus  grande 
place  à  l'individualité  et  à  l'esprit  d'initiative  des  divers  groupes 
de  porteurs. 

A  l'heure  actuelle,  V Association  pour  la  défense  des  déten- 
teurs de  fonds  publics  {i)  d'Anvers  comporte  neuf  comités  spé- 
ciaux savoir  : 

1®  Comité  des  détenteurs  de  fonds  turcs; 

2®  Comité  des  détenteurs  de  fonds  argentins; 

3«  Comité  des  détenteurs  de  fonds  urugayens  ; 

4^  Comité  des  détenteurs  de  fonds  dominicains  ; 

5*»  Comité  des  détenteurs  de  fonds  vénézuéliens; 

6®  Comité  belge  des  porteurs  de  rentes  portugaises  ; 

1^  Comité  des  détenteurs  de  la  dette  du  Paraguay  ; 

8"  Comité  des  détenteurs  de  fonds  brésiliens  ; 

9^  Comité  des  détenteurs  de  fonds  espagnols  et  cubains. 

Au  rapport  général  annuel  de  l'association  sont  annexés  les 
rapports  spéciaux  émanant  de  .chacun  de  ces  comités. 

Le  désintéressement  des  membres  de  l'association  résulte  des 

(1)  Les  bureaux  de  l'Association  sont  9,  rue  Girard,  à  Anvers. 


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250  l'épargne  française 

dispositions  mêmes  des  statuts,  d'après  lesquels  ils  sq  sont  in- 
terdit toute  distribution  de  bénéfices,  de  même  qu'ils  ont  re- 
noncé à  tout  droit  sur  les  fonds  de  réserve  ;  ceux-ci  devront 
venir  en  augmentation  du  fonds  social  et  pour  les  besoins  éven- 
tuels de  l'association. 

Nous  arrivons  enfin  à  la  France  où,  il  y  a  quelques  mois, 
nous  n'aurions  pu  que  constater  une  lacune  déplorable,  mais 
où  nous  sommes  heureux  de  pouvoir  aujourd'hui  prendre  acte 
de  la  création  d'une  institution  dont  le  besoin  s'était  fait  vive- 
ment sentir. 

Gomme  il  est^trop  souvent  d'habitude  dans  notre  pays,  ce 
n'est  pas  à  l'initiative  individuelle  que  revient  l'honneur  de  cette 
création  ;  si  cette  initiative  avait  pu  utilement,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit,  constituer  divers  comités  spéciaux  dont  quel- 
ques-uns ont  rendu  des  services  très  appréciables,  elle  a  été  in- 
suffisante à  généraliser  cette  action  et  à  créer  une  institution 
permanente  d'intérêt  public.  Il  parait  que  c'est  aux  mesures 
prises  par  M.  Cochery,  ministre  des  Finances,  qu'est  due  la  réali- 
sation d'une  idée  qui  avait  souvent  été  émise;  lors  de  la  prépa- 
ration de  la  loi  du  13  avril  1898  qui  a  entraîné  la  réorganisation 
du  marché,  il  aurait  imposé  à  la  Chambre  syndicale  des  agents 
de  change  de  Paris,  comme  charge  de  la  disposition  qui  allait 
renforcer  leur  privilège,  de  constituer  une  association  de  dé- 
fense et  de  faire  face  aux  frais  de  premier  établissement. 

Nous  ne  pouvons  qu'approuver  le  ministre  et  la  chambre 
syndicale  d'être  entrés  dans  cette  voie  d'une  manière  aussi  pra- 
tique, mais  nous  devons  aussi  les  féliciter  de  la  sagesse  avec 
laquelle,  une  fois  avoir  groupé  les  concours  essentiels  aux  dé- 
buts de  l'œuvre,  ils  ont  voulu  lui  assurer  une  individualité  ab- 
solue et  l'indépendance  nécessaire  pour  qu'elle  puisse  remplir 
sa  mission  avec  toute  l'autorité  convenable. 

Cette  Association  (Association  nationale  des  porteurs  fran- 
çais des  valeurs  étrangères)  est  à  peine  au  lendemain  de  sa  fon- 
dation, nous  ne  pouvons  par  suite  la  juger  sur  ses  œuvres  ;  nous 
nous  contenterons  d'en  faire  connaître  les  grandes  lignes,  telles 
qu'elles  sont  accusées  par  une  notice  qui  vient  d'être  livrée  à  la 
publicité  (1). 

(1)  Les  bureaux  de  TAssociation  nationale  des  valeurs  étrangères  sont  situés 
5,  rue  Gaillon,  Paris. 


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ET  LA  DÉFENSE  DBS  PORTEURS  DE  VALEURS  ÉTRANGÈRES   251 

L'Association  est  permanente  et  constituée  sous  la  forme 
d'association  libre,  pour  laquelle  elle  se  propose,  après  un 
certain  temps  de  fonctionnement  que  le  Conseil  d'Etat  a  tou- 
jours jugé  indispensable,  de  demander  la  déclaration  d'utilité 
publique. 

C'est  bien  en  effet  une  œuvre  d'intérêt  général  que  l'on  a 
entendu  constituer,  car  les  membres  de  l'Association  ont  même 
abdiqué  tout  droit  sur  la  réserve.  Les  fonds  libres,  au  cas  de 
dissolution,  doivent  être  employés  au  profit  de  toute  autre  insti- 
tution créée  dans  un  but  d'intérêt  général. 

Elle  paraît  attacher  beaucoup  d'importance,  et  en  cela  elle 
parait  avoir  raison,  à  la  constitution  d'archives  relatives  à  la 
constitution,  au  fonctionnement,  à  la  situation  financière  des 
sociétés  commerciales  étrangères  dont  les  titres  circulent  sur  le 
marché  financier  ou  concernant  les  États  dont  les  emprunts 
sont  cotés  à  la  Bourse  ou  en  Banque. 

Au  cas  où  une  valeur  étrangère  négociée  en  France  serait  en 
souffrance  et  où  l'Association  déciderait  d'intervenir  dans  l'in- 
térêt des  porteurs,  elle  préviendrait  ceux  de  ses  adhérents  inté- 
ressés dans  la  valeur  et  elle  convoquerait  par  la  voie  de  la  presse 
tous  les  porteurs  pour  désigner  les  membres  d'un  comité  spé- 
cial à  cette  affaire  ;  elle  se  ferait  représenter  elle-même  par  un 
ou  deux  de  ses  membres  dans  chacun  de  ces-comités  ;  mais  une 
fois  qu'elle  aurait  ainsi  présidé  à  leur  formation,  elle  leur  lais- 
serait l'indépendance  de  leur  action,  en  se  bornant  à  mettre  ses 
archives  à  leur  disposition  et  à  leur  prêter  le  concours  de  son 
installation,  de  ses  bureaux  et  de  son  influence.  La  situation 
qu'elle  se  donnera  à  ce  point  de  vue  parait  donc  intermédiaire 
entre  la  centralisation,  un  peu  trop  forte  peut-être,  qui  a  été  sou- 
vent reprochée  au  Council  of  foreign  bondholders  et  le  mode  de 
fédération  que  nous  venons  d'indiquer  comme  étant  celui 
adopté  par  l'Association  anversoise. 

Nous  souhaitons  à  celte  Association  de  rester  fidèle  à  son 
programme  qui  est  fort  sagement  conçu,  de  grouper  autour 
d'elle  les  concours  les  plus  compétents  et  d'acquérir  dans  un 
avenir  rapproché  l'autorité  et  l'influence  qui  seront  la  juste  ré- 
compense des  services  qu'elle  aura  rendus  au  public. 

La  création  de  cette  association  s'imposait  d'autant  plus  en 
France  que  les  valeurs  mobilières  s'y  trouvent  réparties  entre  un 


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252  l'épargne  français 

très  grand  nombre  de  mains.  Ce  fait  souvent  signalé  constitue 
ce  qu'on  a  appelé  la  «  démocratisation  »de  la  fortune  mobilière. 
Le  grand  nombre  des  porteurs,  le  peu  d'importance  de  l'intérêt 
de  chacun  d'eux,  le  manque  de  connaissances  et  Tinsufiisance 
des  ressources  du  grand  nombre  aggravent  encore  les  inconvé- 
nients qui  résultent  de  leur  isolement  et  sont  de  nature,  beau- 
coup plus  en  France  qu'en  Angleterre  et  en  Belgique,  à  démon- 
trer l'utilité  d'une  institution  detléfense  collective  et  permanente. 

Si  la  liste  que  nous  avons  pu  dresser  des  institutions  de  dé- 
fense des  détenteurs  des  fonds  publics  n'est  pas  plus  complète, 
il  paraît  vraisemblable  qu'elle  ne  tardera  pas  à  s'allonger.  On 
en  a  parlé  en  Hollande,  et  en  Allemagne  un  premier  pas  est  fait, 
car  la  presse  est  unanime  à  constater  combien  une  semblable 
création  serait  utile  et  désirable.  C'est  ainsi  que  nous  avons  vu, 
ces  derniers  jours  encore,  avec  la  Gazette  de  Francfort^  la  Boer^ 
sert  Zeitung  et  le  Berliner  Tagblatt  signaler  la  fondation  de  l'As- 
sociation parisienne  et  réitérer  le  regret  souvent  exprimé  que 
l'Allemagne  ne  soit  pas  encore  entrée  dans  cette  même  voie. 

Cette  pluralité  des  institutions  dont  nous  nous  occupons  nous 
paraît  éminemment  désirable. Si  toutes  les  nations  «grandes  pro- 
ductrices de  capitaux»,  suivant  l'expression  de  M.  Leroy-Beau- 
lieu,  savent  s*entendre  et  s'unir  pour  la  défense  des  intérêts  de 
leurs  nationaux,  les  nationsobérées  auront  à  compter  avec  elles. 
Au  lieu  d'imposer  à  leurs  créanciers  des  mesures  de  réduction, 
ou  de  spoliation  arbitraire,  elles  devront  au  préalable  entrer  ea 
négociation  avec  leurs  représentants  ;  d^autre  part,  si  une  me- 
sure de  coercition  vis-à-vis  d'un  débiteur  de  mauvaise  foi  deve- 
nait nécessaire,  notamment  celle  que  l'on  a  plaisamment  ap- 
pelée le  bhcus  des  cotes^  quelle  ne  serait  pas  sa  puissance,  alors 
qu'elle  aurait  été  concertée  entre  tous  les  grands  marchés  finan- 
ciers? 

•  •• 


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LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE  (^^ 


Deuxième  lettre  à  M.  Marcel  Fournier, 
Directeur  de  la  «  Revue  Politique  et  Parlementaire  ». 

Monsieur  et  cher  Directeur, 

Votre  revue  est  une  tribune.  Vous  me  Tavez  ouverte  une 
première  fois.  Je  demande  à  y  revenir.  Je  voudrais  pousser  plus 
avant  la  démonstration  que  j'ai  entreprise  de  la  nécessité  pour 
la  France  et  pour  la  République  même  de  recourir  à  une  Consti- 
tuante. 

Dans  la  polémique  soulevée  à  ce  sujet,  je  n'ai  point  entendu 
de  mauvais  propos.  Je  n'ai  donc  aucun  besoin  de  faire  un  plai- 
doyer joro  rfomo,  et  je  n'ai  d'ailleurs  aucun  goût  pour  les  débats 
personnels.  Mais  quelques  personnes  ont  pu  supposer  que  si  je 
me  tais,  au  milieu  des  controverses  soulevées,  c'est  que  je  suis 
embarrassé  pour  répondre  aux  objections  qui  m^ont  été  faites, 
ou  que  je  suis  disposé  à  battre  en  retraite.  Il  eût  été  plus  simple 
et  plus  vrai  de  penser  que  je  me  tiens  volontiers  dans  une  réserve 
qui  me  convient.  Mais  je  ne  puis  laisser  accréditer  l'idée  que  je 
renonce  déjà  à  faire  tète  à  nos  contradicteurs  ;  on  ne  manquerait 
pas  d'en  conclure  que  je  me  suis  jeté  légèrement  dans  -cette 
entreprise,  puisque  je  m'en  retire  dès  le  premier  engagement. 

U  m'aurait  fort  déplu  d'être  pris  pour  un  détracteur  invétéré 
des  hommes  et  des  choses  de  ce  temps-ci,  auquel  j'ai  été  mêlé 
depuis  près  de  trente  ans.  Je  n'ai  nul  goût  à  entreprendre  et  à 
poursuivre  une  œuvre  de  dénigrement  qui,  pour  une  partie  de 
la  politique  suivie,  serait  contraire  à  ma  pensée,  et,  dans  tous 
les  cas,  indigne  de  moi.  Moins  encore  voudrais-je  prendre  la  phy- 
sionomie d'un  démagogue,  race  d'hommes  qui  m'inspire  la  plus 
vive  aversion,  mêlée  de  mépris,  race  vouée  par  instinct  et  par 
goût  à  la  ruine  des  Etats. 

11  n'a  fallu  rien  moins  qu'une  conviction  profonde  pour  me 
déterminer  à  agir.  Depuis  longtemps  j'assiste  à  une  désorgani- 

(1)  Voy.  :  !•  le  précédent  article  de  M.  de  Marcére  :  La  Constitution  et  la  Cons- 
tituante^ dans  la  Revue  politique  et  parlementaire  de  février  1899,  n"  56,  p.  225; 
?•  la  réponse  de  M.  Ferdinand-Dreyfus  :  La  Constitution  de  1875,  ibidem,  mars 
1899,  n-  57,  p.  465. 


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254  LA   CONSTITUTION   ET   LA   CONSTITUANTE 

sation  plus  ou  moins  apparente  mais  certaine  de  la  société  fran- 
çaise; et  les  circonstances  au  milieu  desquelles  je  me  suis  trouvé 
m'ont  permis  d'en  reconnaître  les  causes.  Pas  plus  que  d'autres, 
mais  comme  tant  d'autres  citoyens,  je  me  suis  ému  des  effets 
de  cette  désorganisation.  On  les  voit  dans  les  services  publics, 
dans  les  administrations,  dans  les  grandes  institutions,  fonde- 
ments de  l'Etat,  telles  que  l'armée  et  la  justice,  dans  la  moralité 
générale  et  dans  la  société  toute  entière.  J'ai  pu  constater,  par 
la  durée  même  du  temps  écoulé,  qu'il  ne  s  agit  pas  d'une  crise 
passagère,  comme  il  s'en  produit  chez  tous  les  peuples,  sans 
doute,  de  même  que  dans  la  vie  des  individus.  Mais,  au  contraire, 
je  vois,  comme  tout  le  monde  le  voit,  que  cet  état  de  choses  se 
perpétue,  qu'il  s'aggrave  et  qu'il  ne  saurait  finir  normalement, 
par  la  raison  que  les  hommes  qui  créent  cet  état  de  choses  le 
trouvent  bon,  et  qu'ils  considèrent  comme  le  devoir  essentiel 
de  leur  charge  de  le  défendre  et  de  le  maintenir. 

Sans  doute,  il  y  a  des  accalmies  dans  cette  crise  sociale,  comme 
il  y  a  des  rémissions  dans  les  maladies  des  personnes.  Le  mal 
n'est  pas  toujours  à  l'état  aigu.  On  apaise  les  accès,  on  les  éloigne 
tant  que  l'on  peut;  on  assourdit  les  plaintes,  on  pallie,  on  calme, 
et  on  finit  peut-être  par  s'illusionner  soi-même  et  par  voir  tout 
en  beau.  Les  Français  sont  bonnes  gens  et  d'humeur  légère;  ils 
n'aiment  pas  à  s'appesantir  longtemps  sur  leurs  maux,  surtout 
quand  ce  sont  des  maux  d'un  caractère  général  et  dont  ils  ne 
sont  pas  seuls  à  souffrir.  Ils  n'ont  pas  sans  cesse  l'esprit  tendu 
vers  la  chose  publique,  et  ils  sont  rares.  Dieu  merci,  les  événe- 
ments qui,  comme  celui  de  Pachoda,  déchirent  les  voiles  et  font 
apparaître  tout  à  coup  une  situation  effroyable.  Aussi  est-il 
assez  aisé  de  leur  faire  prendre  le  change  sur  l'état  réel  des 
affaires  publiques,  quand  l'intérêt  personnel  de  chacun  n'est 
pas  en  jeu,  et  même  de  leur  faire  prendre  ombrage  à  l'égard  de 
ces  gens  qui  prennent  le  rôle  ingrat  de  les  avertir  et  de  les 
sauver.  «  Que  nous  veulent  donc,  dit-on,  ces  trouble-fêtes  et  ces 
prophètes  de  malheur,  bons  tout  au  plus  à  déchaîner  des  orages 
dans  un  ciel  tranquille  ?  »  Peut-être  espère-t-on  ainsi  endormir 
encore  une  fois  les  Français. 

Il  semble  pourtant  que,  depuis  quelques  années,  les  secousses 


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LA   CONSTITUTION    ET  LA   CONSTITUANTE  255 

successives  ont  été  trop  violentes  pour  ne  pas  tenir  définitive- 
ment en  éveil  Tesprit  public  averti.  La  dernière  secousse,  l'affaire 
Dreyfus,  a  remué  et  activé  violemment  tous  les  germes  mor- 
bides qui  travaillent  le  corps  social,  les  institutions  et  le  régime 
politique  tout  entier.  Aussi  a-t-on  entendu  de  toutes  parts  des 
cris  de  détresse,  des  appels  à  Taide,  des  adjurations  à  la  con- 
science et  au  patriotisme  des  citoyens,  et  on  a  vu  se  former  des 
ligues  se  proposant  de  se  mettre  à  Tœuvre  du  salut,  à  la  place 
du  gouvernement  inerte  ou  impuissant.  Et  si  j*en  crois  les 
adhésions  et  les  encouragements  que  nous  recevons  à  Tocca- 
sion  de  la  propagande  que  nous  avons  entreprise,  il  est  permis 
d'affirmer  que,  cette  fois,  la  France  connaît  son  mal,  et  qu'elle 
est  décidée  à  ne  pas  en  mourir. 

Quant  au  mal  lui-même,  je  ne  crois  pas  vraiment  qu'il  y  ait 
quelqu'un  qui  le  conteste.  Nous  ne  parlerons  pas,  par  respect, 
des  protestations  obligées  que  Ton  peut  entendre  dans  ce  sens. 
Partout  ailleurs  on  varie  sur  l'étendue  de  la  réforme  désirée,  sur 
les  procédés  de  revision,  sur  les  desseins  des  réformateurs; 
mais  le  mal  d'anarchie  est  reconnu  pour  tout  le  monde  ;  et  ceux- 
là  même  qui  se  déclarent  pour  les  procédés  lénitifs  et  pour  les 
moyens  anodins  en  parlent  plus  violemment  que  nous-mêmes. 
Ils  disent  par  exemple  :  de  la  Chambre  des  députés  qu'  «  elle  est 
victime  de  l'anarchie  du  désordre  et  de  l'incohérence  »^  et  de  la 
Constitution,  que  «  nous  n'en  avons  en  ce  moment  qu'une  carica- 
ture grossière  ». 

Des  objections  que  je  rencontre,  la  plus  générale  et  la  plus 
propre  à  frapper  l'esprit  public,  celle  d'ailleurs  qui  tend  à 
écarter  les  remèdes  un  peu  amers,  les  mesures  exorbitantes, 
lesquelles  répugnent  aux  gens  paisibles  et  aux  sceptiques,  est 
celle-ci  :  «  Pourquoi  tout  ce  remue-ménage  d'un  appel  au  peuple, 
d'élections,  d'une  Constituante,  lorsqu'il  suffirait  de  vouloir. 
La  Constitution  telle  qu'elle  est  ne  vaut  ni  plus  ni  moins  que 
tant  d'autres.  Elle  est  même  bien  meilleure  qu'on  pourrait  le 
croire,  si,  par  exemple,  le  Président  de  la  République  s'avisait 
d'user  de  ses  pouvoirs  —  et  on  énumère  ces  j^ouvoirs  à  satiété, 
comme  si  on  craignait  qu'ils  fussent  tombés  dans  l'oubli  aussi 
bien  qu'en  désuétude.  — Qu'on  le  veuille  seulement,  et  tout  ira 
bien.  » 


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256  LA   CONSTITUTION    ET   LA   CONSTITUANTE 

Combien  de  fois  faudra-t-il  que  je  le  confesse  !  Oui,  si  tous  les 
hommes  étaient  vertueux,  il  n'y  aurait  pas  besoin  de  règles,  je 
le  jure!  Mais  les  Français,  qui  valent  mieux  que  beaucoup 
d'autres,  ne  sont  pas  pourtant  sans  défaut.  Ils  ont  aussi  une 
façon  de  sentir  et  de  vivre  qui  leur  est  propre.  Leurs  traditions 
ont  fait  corps  avec  les  idées  générales  qui  dominent  leur  conduite 
dans  la  vie  sociale;  leurs  intérêts  demandent  à  être  traités 
d'une  certaine  manière,  à  leur  mode.  Le  régime  politique  qui 
leur  convient  dépend  de  toutes  ces  choses,  que  l'on  néglige 
quand  on  spécule  théoriquement  sur  des  idées  abstraites.  On  a 
beau  faire,  les  raisonnements  les  plus  démonstratifs  ne  peuvent 
rien  contre  des  réalités  dont  les  nations  aussi  bien  que  les 
hommes  doivent  tenir  compte  dans  le  règlement  de  leur  vie. 

Ma  première  observation  —  je  l'ai  déjà  écrite  —  est  que  les 
législateurs  de  1875  ont  fait,  comme  avaient  fait  leurs  devan- 
ciers en  1814  —  en  1830  —  et  en  1848,  du  parlementarisme  en 
l'air.  Ils  ont  édifié  un  système  politique  sur  des  entités  idéales 
sans  l'approprier  aux  hommes  qui  sont  les  Français  de  nos  jours. 
—  Le  système  est  très  beau,  mais  il  n'est  décidément  pas  fait 
pour  nous  ;  il  n'est  conforme  ni  à  nos  idées,  ni  à  nos  sentiments, 
ni  à  nos  besoins.  C'est  un  grave  défaut  pour  une  Constitution. 
Et  peut-être  faut-il  attribuer,  en  partie  du  moins,  à  ce  vice  les 
maux  dont  tout  le  monde  se  plaint.  ' 

Ma -seconde  observation  est  celle-ci.  Notre  Constitution  est  un 
mécanisme  ingénieux,  mais  fragile  ot  instable,  qui  demanderait , 
pour  être  manié,  des  mains  délicates  et  expertes;  et  il  se  trouve 
qu'il  est  confié  à  une  démocratie.  Or  les  démocraties  ont  la  main 
lourde,  l'esprit  simpliste,  et  elles  ne  s'arrêtent  pas  aux  combi- 
naisons subtiles  et  ingénieuses  des  rouages  trop  compliqués. 
La  Constitution  par  là  se  prête  mal  à  notre  état  social. 

Peut-être,  cependant,  la  démocratie  française  qui  tient  de  la 
race  une  souplesse  d'acier  et  le  sens  artistique  des  choses,  eût- 
elle  pu  se  façonner  à  l'usage  d'un  régime  politique  qui  exige  de 
la  mesure,  et  le  goût  d'une  perfection  relative  en  tout  ce  qu'on 
fait.  Il  eût  suffi  de  cultiver  ses  qualités  natives,  son  génie  parti- 
culier, au  lieu  de  la  déformer  et  de  lui  donner  des  mœurs  poli- 
tiques déplorables.  Mais  eût-elle  été  mieux  préparée  à  tous  les 


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LA  CONSTITOTION  ET  LA  CONSTITUANTE  257 

devoirs  qu^un  tel  régime  impose,  encore  ne  fallait-ii  pas  lui 
rendre  la  tâche  trop  difficile,  et  telle  qu'elle  est  en  contradiction 
avec  son  caractère  propre  et  avec  ses  habitudes. 

Ce  pays  répugne  aux  labeurs  trop  continus  et  à  une  atten- 
tion trop  constante  sur  le  même  objet.  Et  les  chefs  sont  comme 
le  peuple  en  cela. Demander  aux  directeurs  delà  chose  publique 
un  effort  de  volonté  perpétuel  et  qui  remédie,  à  chaque  instant, 
aux  défectuosités  de  la  machine  constitutionnelle,  ou  aux  diffi- 
cultés et  parfois  aux  dangers  que  présente  son  fonctionnement, 
c'est  demander  Timpossible.  Et  c'est  un  grand  défaut  pour  une 
Constitution  française,  que  d'exiger  des  gouvernants,  à  tous 
les  degrés,  une  attention  de  tous  les  instants  et  des  efforts,  con- 
tinus pour  maintenir  les  rouages  du  mécanisme  en  bon  état,  et 
pour  en  calculer  sans  cesse  les  effets. 

Et  enfin,  puisque  nous  raisonnons  de  politique,  il  faut  bien 
faire  la  part  des  hommes  dans  notre  étude;  et  l'on  me  permettra 
de  faire  apparaître  —  sauf  à  y  revenir  plus  loin  —  le  côté  psy- 
chologique de  la  question.  La  Constitution,  organisée  par  ses 
auteurs  dans  des  vues  bien  différentes,  a  fini  par  être  mise  au 
service  d'un  parti.  Ce  sont  des  hommes  de  ce  parti  qui  occupent 
les  cadres  de  tous  les  pouvoirs  publics.  C'est  grâce  aux  institu- 
tions que  ces  hommes  remplissent  leurs  vues  particulières  et 
qu'ils  espèrent  leur  donner  leur  plein  achèvement.  11  serait  un 
peu  naïf  d'espérer  qu'ils  rectifieront  eux-mêmes  la  marche  du 
mécanisme  constitutionnel,  de  façon  à  lui  faire  produire  d'autres 
résultats  politiques  que  ceux  qu'ils  cherchent,  et  qu'ils  ont  à 
cœur  de  maintenir  et  même  de  développer. 

Qu'il  me  soit  permis,  dans  cette  discussion  sincère  et  libre, 
d'écarter  les  protestations  obligées,  les  paroles  vaines,  les  pro- 
pos malicieux  ou  peu  bienveillants,  les  raisonnements  peu 
sérieux,  et  d'aller  au  fond  des  choses.  Les  objections  diverses 
qui  nous  sont  faites  ont  une  signification  très  claire.  Elles  signi- 
fient que  Ton  entend  continuer  les  errements  suivis  depuis  vingt 
ans.  On  a  scellé  à  nouveau  les  pactes  d'union  ;  et  on  en  tire  cet 
heureux  pronostic  :  la  politique  d'hier  sera. poursuivie  indéfini- 
ment pour  le  plus  grand  bien  du  pays,  les  mauvaises  langues 
ajoutent  :  et  pour  le  plus  grand  bien  aussi  de  ceux  qui  la  font. 


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258  LA   CONSTITUTION    ET   LA   CONSTITUANTE 

C'est  la  nature  même  qui  parle  ainsi.  Il  n*y  a  rien  à  dire,  et  je 
^  n'aurais  garde  de  me  placer  sur  ce  terrain. 

La  question  que  je  pose  est  tout  autre.  Je  Ténonce  sans  dé- 
tour, me  défendant  à  l'avance  de  toute  interprétation  qui  don- 
nerait à  mes  paroles  un  sens  désobligeant  pour  les  personnes. 
La  France  s'était  engagée  dans  la  voie  que  nous  lui  avions 
ouverte  en  1871,  et  qui  devait  la  conduire  à  un  régime  politique 
de  vraie  liberté.Or,il  se  pourrait — pourvu  que  la  direction  suivie 
depuis  longtemps  déjà  se  prolonge  en  s'accentuant  —  que  la 
France  se  trouvât  quelque  jour  victime  d'une  vaste  tromperie  ; 
et  qu'elle  s'en  aperçût  trop  tard,  alors  que  ses  grands  espoirs  de 
prospérité  matérielle,  de  grandeur  morale,  de  rayonnement  sur 
le  monde  seraient  à  jamais  déçus  ;  et  qu'elle  assisterait  au  spec- 
tacle navrant  de  sa  déchéance.  Telle  est  la  question  qui  se  dresse 
devant  l'optimisme  ou  l'aveuglement  volontaire.  C'est  elle  qui 
m'a  arraché  un  cri  d'alarmes. 

Les  événements  de  1870-1871  avaient  été  une  terrible  leçon. 
Nos  désastres  et  l'abaissement  de  la  France  avaient  été  l'aboutis- 
sement fatal  des  tentatives  vaines  d'organisation  intérieure  mar- 
quées par  nos  convulsions  successives,  et  le  cruel  châtiment  des 
fautes  accumulées  durant  un  siècle  par  tous  les  partis,autant  dire 
par  toutes  lès  classes  de  la  nation.  11  sembla  tout  d'abord  que,  tous, 
nous  avions  compris  cet  enseignement.  Un  vent  de  repentir 
passa  sur  nous,  et  nous  avait  inspiré  des  résolutions  généreuses. 
Nous  avions  entrevu  une  ère  de  recueillement,  de  réconcilia- 
tion et  de  vie  commune  sous  un  régime  politique,  qui  aurait  été 
comme  un  refuge  abritant  toutes  nos  déceptions,  nos  souvenirs 
et  nos  ruines.  Une  république  ouverte  à  tous  les  Français  avait 
apparu  à  nos  yeux,  comme  le  gouvernement  qui  convenait  le 
mieux  pour  guérir  nos  maux  passés  et  pour  présider  à  notre  relè- 
vement. Nous  l'avons  établie  dans  ces  vues  de  paix  et  de  liberté. 

Malgré  quelques  efforts  tentés  par  des  partis  hostiles  et  rendus 
vains  par  leurs  divisions,  on  pouvait  réaliser  cette  conception 
qu'aucun  bon  patriote  n'aurait  pu  renier.  Pourquoi  faut-il  que 
cette  République,  tombant  dans  l'ornière  suivie  par  tous  les 
régimes  politiques  qui  se  sont  succédé  depuis  cent  ans,  de- 
vienne un  gouvernement  de  parti?  Est-ce  donc  à  [ce  résultat 


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LA   CONSTITUTION   ET   LA   CONSTITUANTE  259 

médiocre  et  inacceptable  que  doit  aboutir  la  grande  Révolution 
de  1789? 

Ce  résultat,  je  ne  Taccepte  ni  pour  le  pays  ni  pour  moi.  Et  à 
quoi  est-il  dû,  je  vous  prie,  si  ce  n'est  à  la  Constitution  qui  a 
permis  qu'un  parti  s'emparât  du  Pouvoir  et  exerçât  sa  domina- 
tion sur  les  autres  fractions  de  citoyens.  Et  c'est  pour  cela  qu'il 
est  nécessaire  de  la  réformer,  mais  pour  cela  seulement,  c*est-à- 
dire  dans  Tunique  vue  de  fonder  enfin  un  régime  de  liberté 
parmi  nous. 

Je  voudrais.  Monsieur,  convaincre  tous  les  républicains,  les 
vieux  et  Jes' nouveaux,  les  avancés  et  les  reculés,  tous  enfin,  de 
cette  vérité,  sur  laquelle  on  ferme  les  yeux,  et  que  pourtant 
notre  histoire  contemporaine  crie  :  c'est  que  tout  gouverne- 
ment de  parti  a  une  destinée  certaine,  qui  est  la  chute.  Voulez- 
vous  avec  moi  regarder  en  arrière  ? 

* 

Sous  la  Restauration,  la  nation  a  cru  voir  apparaître  le  spectre 
de  l'Ancien  Régime,  et  elle  a  redouté,  à  tort  ou  à  raison,  la  do- 
mination d'ime  classe  sur  les  autres  classes.  11  a  suffi  que  le 
gouvernement  eût  cette  apparence,  exploitée  par  ses  ennemis, 
pour  qu'il  succombât  sous  la  défaveur  générale,  malgré  le  fond 
d'attachement  qu'il  y  avait  encore  dans  le  cœur  des  Français 
pour  la  maison  royale. 

Le  régime  suivant,  celui  de  1830,  fut  le  régime  des  censi- 
taires, dont  le  roi  Louis-Philippe  avait  fait  la  théorie  politique, 
ce  qu'il  appelait  mon  système.  Ce  régime,  pourtant  appuyé  par 
une  boiurgeoisie  puissante  et  à  son  apogée,  ne  résista  pas  à 
l'ébranlement  causé  par  le  mouvement  d'ascension  des  classes 
déshéritées  du  pouvoir  politique.  11  succomba,  malgré  la  popula- 
rité des  princes  de  la  famille  royale,  et  malgré  Taspect  démo- 
cratique que  l'on  avait  pris  soin  de  donner,  à  la  monarbhie. 
Pourquoi  ?  Parce  qu'il  apparut  à  la  nation  qu'un  parti  ou  qu'une 
classe  exerçait  une  domination  prépondérante;  et  qu'elle  tirait 
à  elle  tous  les  avantages  du  régime,  à  l'exclusion  des  autres 
classes. 

En  1851,  ce  fut  le  règne  de  ce  que  j'appellerai  les  parvenus, 
sans  donner  à  cette  expression  aucun  sens  dédaigneux  et  encore 
moins  méprisant»^  Les  hommes  qui  jsurgirent  alors  étaient  arri- 


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260  LA    CONSTITUTION   ET   LA   CONSTITUANTE 

vés  au  sommet  de  l'Etat,  ou  dans  des  situations  sociales  consi- 
dérables par  leur  mérite  personnel  ou  par  des  circonstances 
heureuses.  Parmi  eux  d'ailleurs  s'étaient  glissés  un  grand 
nombre  de  transfuges  des  régimes  du  passé.  Mais  c'était,  en 
général,  une  génération  nouvelle  de  gouvernants,  qui  n'avait 
pas  ses  vraies  racines  dans  les  anciennes  classes  dirigeantes.  Ce 
que  fut  ce  régime,  un  mot  ou  plutôt  deux  noms  le  jugent  : 
Metz  et  Sedan.  Il  suffit,  pour  ma  thèse,  de  dire,  que  ce  r^ime 
fut  un  véritable  accaparement  de  tout  au  profit  d'un  petit 
nombre  ;  si  bien,  qu'à  la  fin,  il  s'était  formé,  d'instinct,  sans 
accord,  sans  concert  préalable,  une  formidable  ligue  composée 
des  citoyens  exclus  du  giron,  et  de  presque  tous  les  fonction- 
naires, qui  prit  le  nom  d'union  libérale,  et  qui  aurait  eu  infail- 
liblement raison  du  régime,  si  les  événements  de  1870  n'avaient 
pas  hâté  la  solution. 
Veut-on  recommencer  ?  Cela  parait  ainsi. 

On  a,  vous  en  souvenez-vous  ?  parlé  d'abord  de  la  vraie  Répu-^ 
blique,  par  opposition  à  l'autre,  qui  était  celle  que  nous  avions- 
voulu  fonder.  Puis  on  a  dit,  il  y  a  tantôt  vingt  ans  :  «  Enfin  !  on 
va  donc  gouverner  républicainement.  »  C'était  le  jour  où  la  frac- 
tion que  l'on  a  dénommée  centre  gauche,  mais  qui  embrassait 
l'immense  majorité  des  Français,  fut  évincée  pour  faire  place  à 
ceux  qui  se  donnaient  la  qualité  particulière  de  parti  républi- 
cain. Et  depuis  lors,  on  n'entend  plus  parler  que  du  vieux  parti 
républicain,  de  la  concentration  ou  d'autres  fois  de  la  concilia* 
tion,  du  parti  !  enfin  à  l'exclusion  sans  doute  de  tous  ceux  qui 
n'en  sont  pas.  Ceux-là  ne  comptent  pas  dans  le  gouvernement. 
Ce  sont  les  centres-gauchards,  les  ralliés,  les  cléricaux,  on  peut 
dire  la  très  grande  majorité  des  Français,  tous  gens  suspects  et 
qu'il  convient  de  tenir  en  dehors  de  l'Eglise.  Est-ce  là  vraiment 
la  République  ?  Celle  que  nous  avions  tous  conçue,  comme  le 
règne  de  la  concorde  revenue  parmi  nous,  de  la  justice  et  de  la 
liberté? 

11  y  a  des  républicains  avérés,  je  le  sais,  —  ils  se  jugent  un  peu 
trop  favorablement  en  se  disant  libéraux  tandis  qu'ils  ne  le 
sont  guère  — qui  toutefois  réprouvent  comme  nous  les  déforma- 
tions de  la  Constitution,  mais  ils^ne  croient  pa-s  que  les  usurpa- 


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LA   CONSTITUTION    ET  LA    CONSTITUANTE  261 

tions  du  parti  dominant  tiennent  aux  institutions.  Si  la  Répu- 
blique a  mal  tourné,  pensent-ils,  la  Constitution  n'y  ^st  pour 
rien.  Gomme  une  enfant  bien  née  qui  se  dérange,  on  peut  la 
remettre  dans  le  bon  chemin.  Qu'il  a-t-il  à  changer?  Les  mœurs. 
Ainsi  revient  toujours  la  même  objection  :  ce  n'est  pas  la  Cons- 
titution qui  est  mauvaise,  ce  sont  les  hommes  qui  ne  valent  rien. 
Et  moi  de  môme,  j  V  reviens,  parce  que  ce  raisonnement  est 
captieux  par  son  apparence  de  bon  sens  qui  séduit  toujours  Tes- 
prit  des  Français.  Il  procède  d'une  figure  de  rhétorique  qu'on 
appelle,  je  crois,  la  pétition  de  principe.  Que  les  hommes, 
même  les  hommes  du  vieux  parti  républicain,  ne  soient  pas 
parfaits,  on  le  sait  de  reste.  Mais,  plus  les  législateurs  doivent 
se  méfier  des  hommes,  plus  ils  doivent  organiser  les  institutions 
destinées  à  régir  le  peuple,  de  façon  h  neutraliser,  autant  que 
possible,  les  défauts  de    l'espèce  humaine  en  général  et   de 
l'espèce  des  politiques  en  particulier.  Eh  !  bien,  c'est  ce  que  les 
législateurs  de  1875,  tombant  dans  l'erreur  de  leurs  devanciers 
de  1789,  n'ont  pas  fait  :  ils  ont  trop  compté  sur  la  bonté  et  sur  la 
vertu  des  hommes.  11  en  est  résulté  que  la  Constitution  de  1875 
n'a  opposé  aucune   résistance,  aucune  défense  sérieuse  aux 
assauts  dont  elle  a  été  l'objet  et  qu'on  n'avait  pas  eu  la  pensée 
de  prévoir.  Et  c'est  ainsi  qu'un  parti  a  pu  s'emparer  d'elle. 
Elle  est  aujourd'hui  tellement  démantelée  et  détériorée,  qu'elle 
ne  résisterait  pas  davantage  à  d'autres  entreprises  dans  l'avenir, 
d'où  je  conclus  qu'elle  n'est  guère  plus  bonne  à  rien. 

♦  * 

11  est  manifeste  que  les  auteurs  de  la  Constitution,  détournés 
de  leur  œuvre  par  bien  d'autres  soins,  n'ont  pas  eu  en  vue  le 
vrai  peuple  de  France,  tel  qu'il  est,  avec  ses  défauts,  ses  ten- 
dances, ses  préjugés  et  ses  vertus.  Mais  surtout,  ils  n'ont  pas 
pressenti  —  faut-il  leur  en  faire  un  crime?  —  jusqu'à  quel 
point  la  fraction  la  plus  influente  et  la  plus  agissante  du  parti 
républicain  était  possédée  de  l'esprit  de  secte  et  de  domination. 
Us  ne  pouvaient  soupçonner  que,  pour  atteindre  son  but,  ce 
parti  ne  tiendrait  aucun  compte  de  la  stricte  légalité.  La  Cons- 
titution suppose,  de  la  part  des  Pouvoirs  qu'elle  institue,  une 
attention  constante  à  garder  chacun  leur  limite,  et  un  souci 
scrupuleux  de  maintenir  entre  eux  l'équilibre  et  Tharmonie 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  18 


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262  LA   CONSTITUTION    El'   LA   CONSTITUANTE 

nécessaires.  Ni  scrupule  ni  respect  de  Tordre  préétabli  n'ont 
arrêté  les  assaillants  :  si  bien  que  la  Constitution  n'offre  plus  la 
garantie  que  les  citoyens  sont  en  droit  d'attendre  d'elle. 

Si  je  cherche  à  me  rendre  compte  de  cette  transformation  du 
régime  parlementaire  conçu  en  1875,  en  une  sorte  de  régime 
conventionnel  avec  l'apparence  parlementaire,  je  trouve  au 
bout  de  ma  plume  un  mot  qui  peint  exactement  la  chose.  Lors- 
qu'on parle  d'un  être  quelconque  asservi  au  service  d'autrui,  on 
dit  que  cet  être  a  été  domestiqué.  Eh  bien!  la  Constitution  a 
élé  domestiquée.  11  est  curieux  de  voir  comment  cela  s'est  fait. 
Je  le  raconte  comme  un  témoin  peut  le  faire,  sans  aucun  senti- 
ment de  malveillance,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  principal 
auteur  de  cette  défiguration  de  nos  institutions.  Je  crois  seule- 
ment que  lui  et  ses  coopérateurs  se  sont  trompés  du  tout  au 
tout;  et  que  leur  œuvre  a  abouti  à  la  contrefaçon  de  la  Répu- 
blique que  veut  la  France  et  qui  lui  convient. 

Gambetta  était  doué  de  talents  très  réels,  dont  quelques-uns 
à  un  degré  supérieur.  Le  grand  rôle  qu'il  avait  joué  pendant  la 
guerre  —  c'est  là  son  vrai  titre  —  et  ses  dons  d'entraînement^ 
lui  avaient  donné  une  grande  influence  dans  les  commence- 
ments de  la  République  —  influence  à  côté  dans  les  premiers 
temps,  mais  qui  devint  prépondérante  et  directe  le  jour  où  le 
parti  libéral  fut  écarté  des  afl'aires,  et  où  le  parti,  appelé  répu- 
blicain par  privilège  spécial,  prit  la  direction  du  gouvernement 
—  c'était  en  1879.  Ce  n'est  pas  l'heure  de  faire  un  portrait  com- 
plet de  Gambetta,  qui  était,  comme  tous  les  hommes,  très  com- 
plexe, un  composé  d'ombre  et  de  clartés.  Je  n'entends  parler  ici 
que  des  effets  de  sa  politique  personnelle  sur  la  déviation  des 
institutions. 

Est-ce  donc  qu'il  ait  voulu  délibérément  violenter  la  Consti- 
tution? Nullement.  Les  circonstances,  un  certain  aveuglement 
sur  soi  et  sur  son  rôle  que  son  entourage  amplifiait  démesuré- 
ment, l'occasion,'  que  sais-je?  Le  tout  ensemble  fit  que  presque 
inconsciemment,  il  s'habitua  et  accoutuma  son  parti  à  fausser 
les  rouages,  et  à  subordonner  les  institutions  aux  fantaisies  ou 
aux  intérêts  de  parti,  vus  à  la  loupe  d'un  énorme  grossissement, 

Gambetta  était  trop  en  vue,  et  il  avait  devant  lui  une  destinée 


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LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE  263 

trop  haute  pour  n'avoir  pas  eu  autour  de  lui  beaucoup  de  flat-» 
teurs,  déjà  courtisans.  On  lui  disait  qu'il  avait  une  mission  spé- 
ciale; celle  d'élever  la  démocratie  et  de  la  façonner  à  son 
image.  On  ne  reculait  pas  devant  les  expressions  les  plus  fortes; 
et  on  allait  jusqu'à  le  représenter  comme  une  sorte  d'incarna- 
tion —  le  récepteur,  disait-on,  —  de  la  démocratie.  Quoiqu'il 
eût  beaucoup  de  finesse  et  l'esprit  assez  sagace  pour  juger  ces 
flagorneries  et  s'en  moquer  intérieurement,  il  se  peut  bien 
pourtant  —  tant  cela  est  humain,  —  qu'il  ait  fini  par  croire  lui- 
même  qu'il  avait  en  effet  une  mission,  et  que  lui  seul  pourrait 
plier  la  détnocratie  aux  règles  d'un  gouvernement  régulier.  On 
ne  saurait  blâmer  qu'un  homme  politique  conçoive  cette  haute 
notion  de  ses  devoirs.  Mais  il  faut  prendre  garde  qu'il  rapporte 
trop  à  lui  ce  rôle  de  pétrisseur  des  foules;  et  qu'il  les  façonne 
à  être  l'instrument  d'une  ambition  personnelle  au  lieu  de  leur 
apprendre  à  être  maltresses  d'elles-mêmes,  et  à  pratiquer  les 
vertus  d'un  peuple  libre. 

Il  lui  aurait  fallu  à  lui-même,  il  est  vrai,  une  vertu  peu  com- 
mune, pour  se  dégager  des  suggestions  auxquelles  il  fut  exposé. 
Les  circonstances  en  1870  et  en  1871  furent  telles  que  le  parti 
républicain  proprement  dit,  qui  faisait  de  Gambetta  son  orateur, 
ëty  volontiers,  son  maître,  dut  laisser  le  pays  se  mouvoir  et  se 
débattre,  au  milieu  des  horreurs  du  temps,  dans  la  mêlée  des 
anciens  partis  et  de  tous  les  intérêts  jetés  dans  cette  confusion 
de  tout.  L'Assemblée  nationale  offrait  exactement  l'image  de  la 
nation,  avec  une  vue  plus  nette  des  périls,  et  avec  une  ardeur 
généreuse  commune  à  tous,  surtout  dans  les  premiers  moments, 
pour  sauver  la  France.  Les  vieux  républicains  et  ceux  qui 
s'étaient  révélés  et  groupés  sous  l'Empire,  se  tinrent  à  Técart, 
dans  la  pensée  patriotique  de  ne  pas  gêner  M.  Thierset  l'Assem- 
blée nationale  dans  cette  œuvre  de  sauvetage.  Gambetta  mit  son 
influence  au  service  de  cette  politique  d'abstention  et  de  renon- 
cement temporaire.  C'est  son  second  titre,  après  celui  de  la  Dé- 
fense nationale. 

Mais  le  parti  républicain  n'avait  pas  abdiqué.  S'il  renonçait  à 
l'action  immédiate,  il  entendait  réserver  l'avenir;  et  même  il  le 
préparait.  11  avait  créé  un  organe  :  la  République  Française,  à  la 
tête  de  laquelle  il  avait  placé  son  chef  reconnu,  Gambetta,  et 


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264  LA   CONSTITUTION    ET   LA   CONSTITUANTE 

pour  lequel  il  avait  recruté  les  hommes  de  talent  groupés  autour 
du  chef,  et  parmi  eux  et  au-dessus  d'eux  tous,  Challemel-Lacour. 
Mais  tous  ces  hommes  et  lui-même,  remplis  d'ardeur  pour  la 
politique  et  pour  leurs  opinions,  ne  pouvaient  guère  se  conten- 
ter de  la  propagande  d'un  journal.  Et  ne  pouvant  ni  ne  voulant 
alors  être  mêlés  au  gouvernement,  ils  se  trouvèrent  conduits  à 
dépenser  leur  zèle  et  à  tromper  leur  besoin  d'action  en  fondant 
une  sorte  de  gouvernement  postiche  à  côté,  qui  avait  pour  but 
et  pour  mission  de  maintenir  les  droits  du  parti,  de  former  son 
personnel  futur  et  de  lui  préparer  les  voies. 

Le  chef  de  ce  gouvernement  occulte  était  trouvé  :  c'était  Gam- 
betta.  11  eut  des  zélateurs  ardents  et  empressés,  des  hommes 
jeunes,  actifs,  passionnés  par  goût  et  par  intérêt  pour  l'œuvre 
d'un  avenir,  entrevu  d'abord,  et  plus  tard  violemment  convoité. 
On  organisa  alors  dans  les  bureaux  du  journal,  un  simulacre  de 
ministère,  avec  des  bureaux,  des  cartons,  des  fiches,  des  rensei- 
gnements recueillis  de  tous  les  départements  sur  les  hommes 
et  sur  les  choses,  renseignements  étiquetés,  classés,  mis  en  dos- 
siers, enfin  avec  tout  le  bagage  accoutumé  des  cabinets  officiels. 
On  eut  ses  hommes  dans  les  provinces  ;  on  savait  ce  qu'ils 
feraient,  ce  dont  ils  seraient  capables,  on  préparait  déjà  le  jeu 
des  candidatures,  et  Dieu  sait  si  le  jeu  s'est  développé  et  si 
l'arbre  planté  a  fructifié!  On  enseignait  aux  jeunes  gens  prêts  à 
servir  la  République  le  triste  chemin  des  antichambres.  Ainsi 
commençait,  presque  sans  qu'on  l'ait  voulu,  un  gouvernement 
à  côté. 

Mais  on  devait  prendre  goût  à  ce  jeu.  Lorsque,  après  la  cons- 
titution votée,  la  Chambre  des  députés  fut  élue,  Gambetta 
devint  président  de  la  commission  du  budget.  Dès  ce  moment, 
la  tentation  fut  grande  de  mettre  ù  lœuvre  le  gouvernement 
déjà  formé  dans  l'ombre.  Et  cependant  Gambetta  et  ses  amis 
demeurèrent  d'abord  dans  la  coulisse,  et  ils  laissèrent  les  partis 
modérés  diriger  les  affaires.  Toutefois  la  présidence  de  la  com- 
mission du  budget  avait  permis  à  Gambetta  d'étendre  la  main 
sur  le  pouvoir  et  de  faire  sentir  déjà  sa  puissance.  La  malheu- 
reuse aventure  du  16  mai  lui  donna  en  quelque  sorte  carte 
blanche,  à  ce  point  de  justifier  même  Tabus  qui  fut  fait  alors  du 
pouvoir  des  Chambres  en  matière  de  budget. 

En  critiquant,  avec  aulaat  de  tristesse  que  de  sévérité   le 


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LA   CONSTITUTION   ET   LA    COTJSTITUANTE  ,    265 

parti  républicain,  je  n'oublie  pas  que,  s'il  abusa  de  son  pouvoir, 
il  en  usait  pour  se  défendre.  Les  fautes  qu'il  a  commises  se  trou- 
vèrent en  quelque  sorte  justifiées  alors  par  les  fautes  des  partis 
adverses,  qui  menaçaient  avec  une  obstination  sans  excuses 
parce  qu'elle  était  sans  espoir,  les  institutions  du  pays. 

Toutes  les  forces  du  parti  républicain,  dans  toutes  ses  nuances, 
furent  unies  et  employées  à  vaincre  la  coalition  des  partis  en- 
gagés dans  l'aventure  électorale  du  16  mai.  Le  vote  du  budget 
ou  le  refus  d'accorder  des  crédits  au  gouvernement  fut  entre 
nos  mains  un  moyen  .irrésistible  de  forcer  le  maréchal  de 
MaC'Mahon  à  se  rendre.  On  l'employa,  et  on  avait  pris  la  pré- 
caution, dans  ce  but,  d'éliminer  de  la  commission  du  budget, 
tous  les  députés  suspects  d'hostilité  contre  la  République.  C'est 
ainsi  que  les  conservateurs  nous  avaient  mis  dans  la  nécessité 
de  les  traiter  en  rebelles. 

On  avait  pu  alors  se  rendre  compte  de  la  puissance  tout  à  fait 
dominante  de  la  Commission  du  budget  et  de  son  président.  11 
eût  fallu,  après  la  bataille,  désarmer  et  restituer  à  la  commis- 
sion du  budget  son  vrai  rôle  qui  est  de  collaborer,  avec  les  mi- 
nistres, pour  la  gestion  des  affaires  du  pays.  Un  véritable 
homme  d'Etat  aurait  vu  où  était  le  devoir  :  on  ne  le  vit  pas 
alors.  Gambetta  ou  ses  amis,  ou  tous  ensemble  tirèrent  de  l'évé- 
nement une  autre  conclusion  :  c'est  que  le  budget  était  une  arme 
de  guerre,  et  que  cette  arme  de  guerre,  le  parti  républicain  de- 
vait la  garder  contre  le  gouvernement.  Le  gouvernement  était 
alors  dirigé  par  M.  Dufaure.  On  le  ménageait  encore,  quoique 
déjà  la  puissance  du  président  de  la  Commission  du  budget  se  fît 
sentir  dans  les  ministères,  sur  les  ministres  eux-mêmes,  et 
qu'elle  commençât  à  peser  lourdement  sur  le  pouvoir  exécutif, 
c'est-à-dire  sur  le  pouvoir  ministériel.  Et  pendant  ce  temps-là 
les  bureaux  de  la  République  Française  rue  de  la  Chaussée  d' An- 
tin,  continuaient  à  fonctionner  :  les  cartons  se  remplissaient, 
et  les  fonctionnaires  de  tout  ordre,  «eux  surtout  qui  avaient  le 
sens  divinatoire  de  Tavenir,  avec  peu  de  scrupule  sur  leur  de- 
voir du  moment,  se  rendaient  à  l'ordre,  apportaient  leurs  ren- 
seignements, et  recevaient  leurs  instructions.  C'était  le  gouver- 
nement à  côté  qui  continuait. 

Mais  ce  fut  bien  mieux,  lorsque,  M.  Grévy  étant  devenu  Pré- 
sident de  la   République,  Gambetta  fut  élu  président   de  la 


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266  LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE 

Chambre.  On  aurait  pu  croire  que  le  parti  qui  se  proclamait  le 
seul,  le  vrai  parti  républicain,  étant  devenu  maître  de  la  position, 
la  Chambre  et  son  président  auraient  repris  leur  rang  dans 
Tordre  des  Pouvoirs  constitutionnels,  et  auraient  laissé  le  Prési- 
dent de  la  République  gouverner  avec  son  ministère;  mais  déjà  à 
ce  moment,  le  pli  était  pris  et  le  ressort  faussé.  Le  même  jeu 
continua,  avec  cette  différence  que,  cette  fois,  le  ministère,  les 
ministres,  les  bureaux,  les  fonctionnaires,  tout  le  gouvernement 
enfin  passa  avec  armes  et  bagages  de  TElysée  au  Palais-Bour- 
bon. C'est  là  qu'était  le  centre  du  gouvernement  ;  tout  le  monde 
le  sut  bientôt  ou  Tapprit  à  ses  dépens  ;  et  tout  le  monde  aussi 
prit  le  chemin  de  la  Présidence  delà  Chambre.  On  y  donnait  des 
audiences,  ojx  écoutait  \es  plaintes,  on  accueillait  les  sollicita- 
tions ;  on  accordait  ou  Ton  refusait  les  faveurs  ;  on  préparait  ou 
l'on  résolvait  les  mesures  destinées  à  annihiler  la  Présidence  de 
la  République  et  le  Sénat  ;  on  y  faisait  et  on  y  défaisait  les 
ministères.  Bref,  c'est  là  que  Ton  gouvernait.  Et  c'est  ainsi  que 
fut  domestiquée  la  Constitution. 

Après  Gambetta,  la  Chambre  des  députés  qui  avait  recueilli  et 
goûté  les  fruits  de  celte  omnipotence  conserva  jalousement  une 
tradition  si  commode  ;  et  elle  s'est  crue  la  maîtresse  absolue 
dans  l'Etat.  Elle  Tétait  de  fait  :  on  en  lit  une  théorie,  et  elle  n'a 
plus  admis  que  l'on  discutât  ou  qu'on  limitât  ses  pouvoirs.  Elle 
les  a  étendus  sur  tout  et  sur  tous.  Les  ministères,  les  adminis- 
trations publiques  à  Paris  ou  dans  les  provinces  sont  placés 
sous  sa  domination  ;  les  fonctions  publiques  sont,  dans  sa  main 
d'abord,  et,  le  mal  se  propageant  de  proche  en  proche,  dans  la 
main  de  tous  les  pouvoirs  élus  à  tous  les  degrés  ;  en  sorte  qu'il 
n'est  plus  une  affaire,  plus  un  intérêt,  plus  un  fonctionnaire, 
plus  un  citoyen  même  qui  échappe  à  cette  domination.  Et, 
comme  cette  domination,  par  la  nature  des  choses,  et  par  la 
pente  fatale  des  mauvais  penchants,  ne  s'exerce  guère  que  pour 
son  propre  avantage,  il  e^  résulte  que  Ton  tourne  toutes  les 
institutions  à  l'usage  de  ceux  qui  ont  le.  maniement  de  ce 
pouvoir  .dominateur,  et  pour  le  plus  grand  profit  du  parti  qui 
en  jouit.  Comment  s'étonner  du  renversement  de  tout  ordre,  de 
l'oubli  de  tout  devoir  civique,  de  la  disparition  de  toute  respon- 
sabilité que  l'on  dénonce  partout  comme  une  anarchie  péril- 
leuse pour  l'Etat,  insupportable  pour  les  citoyens,  et  que,  sans 


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LA    CONSTITUTION    ET    LA    CONSTITUANTE  267 

en  distinguer  nettement  la  cause,  on  impute  aux  vices  de  la  Cons- 
titution? On  me  dit,  il  est  vrai,  et  Ton  répète  que  cette  pauvre 
Constitution  n'est  pour  rien  ou  n'est  que  pour  peu  de  choses 
dans  ce  désordre.  On  en  accuse  plutôt  un  fléchissement  de  la 
haute  moralité  publique,  atteinte  par  TafFaiblissement  ou,  chez 
beaucoup,  par  la  perte  des  croyances  religieuses,  par  un  scepti- 
cisme qui  dessèche  Tesprit  autant  que  les  cœurs,  par  le  goût 
effréné  des  jooissanoes  de  tout  ordre,  par  Thabitude  de  l'intrt- 
gue  mise  à  la  place  de  la  passion  du  devoir  ;  et  par  la  ruine 
presque  totale  de  cette  force  merveilleuse  qui,  en  France  plus 
qu'ailleurs,  a  si  longtemps  maintenu  haut  les  cœurs,  et  servi 
de  ressort  à  la  vie  nationale,  je  veux  dire  le  sentiment  de  Thon- 
neur  professionnel. 

Je  pense  en  effet  que  la  Constitution  ne  doit  pas  être  seule  ren- 
due responsable  de  cet  affaissement  de  la  moralité  publique.  Elle 
Test  pourtant,  en  ce  sens  que  le  gouvernement  qui  dérive  d'elle 
s'est  trouvé  sans  force  et  sans  vertu.  11  a  laissé  s'accomplir  cette 
perversion  sociale,  tandis  qu'un  gouvernement  solide,  n'ayant 
en  vue  que  la  chose  publique,  libre  dans  son  action,  et  attentif 
aux  intérêts  généraux,  aurait  pu  et  dû  relever,  fortifier  et  re- 
mettre en  vigueur  tous  les  éléments  de  la  moralité  générale  ;  le 
respect  des  lois  et  de  Fautorité,  l'habitude  du  devoir,  le  senti- 
ment de  la  responsabilité,  l'honneur  enfin,  qui  est  le  plus  puis- 
sant mobile  de  nos  actions?  Les  maîtres  de  ce  pays  n'ont  pas 
voulu,  délibérément,  sans  doute,  détruire  ces  forces  morales, 
mais  ils  les  ont  négligées  dans  l'exercice  du  pouvoir;  ils  ont 
rendu,  par  leur  inertie,  le  gouvernement  impropre  à  les  main- 
tenir et  à  les  relever  :  et  c'est  ainsi  que  le  mal  se  fait  sans  qu'on 
y  pense. 

On  se  demande  comment  un  parti  attaché  à  ses  idées,  pas- 
sionné même  pour  elles,  a  pu  ainsi,  de  ses  propres  mains,  anni- 
hiler et  quasi  anéantir  les  institutions  républicaines.  Est-ce 
vertige,  est-ce  méconnaissance  des  notions  les  plus  simples  en 
fait  de  gouvernement,  est-ce  étourderie?  C'est  trop  abaisser  les 
hommes  que  de  supposer  qu'ils  ne  voient  et  qu'ils  ne  recher- 
chent dans  la  domination  que  les  avantages  matériels  ou  autres 
qu'elle  procure.  Non,  ils  ont  obéi  à  des  suggestions  d'un  ordre 
plus  relevé. 


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268  LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE 

Les  circonstances  particulières  de  notre  époque  ont  acheminé 
le  parti  républicain  à  cette  prise  de  possession  d'un  pouvoir 
longtemps  convoité.  Us  Font  embrassé,  un  peu  à  la  manière  des 
enfants  qui  saisissent  avidement  l'objet  mis  à  la  portée  de  leur 
main.  La  nouveauté  et  le  plaisir  de  la  possession  leur  en  ont  fait 
prendre  sans  mesure,  et...,  jusque-là!  De  plus,  ils  se  croyaient 
prédestinés;  ils  se  sont  persuadés,  non  sans  présomption  un 
peu  naïve,  qu'ils  avaient  un  titre  particulier  à  [fonder  la  Répu- 
blique et  des  grâces  spéciales  pour  la  faire  vivre.  Et;un  tel  des- 
sein leur  a  paru  si  louable  qu'il  n'y  avait  pas  à  s'arrêter  devant 
de  vains  scrupules,  ni  à  s'interdire  d'incorrects  accaparements. 
Un  si  grand  intérêt  voulait  qu'ils  régnassent.  Mais  prenez  garde 
que,  à  ces  hauteurs,  le  vertige  vous  prend,  qu'on  est  fort  exposé 
à  confondre  son  intérêt  particulier  avec  l'intérêt  général  ;  et 
qu'il  y  a  mille  chances  pour  qu'on  vous  en  accuse. 

Oui,  les  circonstances,  l'occasion,  le  goût  jacobin  de  la  domi- 
nation, une  fausse  notion  de  ce  que  doit  être  un  gouvernement 
et  surtout  un  régime  républicain,  ont  incité  le  parti  triomphant 
depuis  1879,  à  porter  sur  la  Constitution  une  main  hardie  et  à 
la  déformer.  Mais  un  autre  mobile,  d'un  ordre  plus  élevé  encore, 
l'y  a  poussé.  Et  c'est  en  ce  dernier  point  qu'éclatent  la  mauvaise 
politique  suivie  et  en  même  temps  le  vi^e  radical  de  la  Consti- 
tution, qui  a  permis  qu'on  l'a  fît  servir  à  de  funestes^desscins. 
Je  touche  ici  à  ce  qui  constitue  le  fond  et  le  tréfond  de  toute  la 
politique  contemporaine.  Question  vitale  !  Il  s'agit  de  savoir  si 
la  Révolution  française  aboutira  définitivement,  ou  à  une  sorte 
d'athéocratie  jacobine,  ou  à  la  liberté,  ou  au  despotisme  césa- 
rien,  avant-coureur  de  la  décadence  finale.  Je  suis  de  ceux  qui 
tireront  les  dernières  cartouches  pour  la  liberté,  mais,  cette  fois, 
avec  l'espérance  de  vaincre. 

Le  principal  mobile  auquel  ont  obéi  les  directeurs  de  la  poli- 
tique inaugurée  en  1879,  après  l'élévation  de  M.  Grévy  à  la  pré- 
sidence de  la  République,  fut  celui-ci  :  ils  ont  voulu  associer  à 
leur  triomphe  le  triomphe  d'une  doctrine.  Pénétrés  des  idées 
de  l'école  positiviste,  convaincus  que  l'heure  était  venue  de 
substituer  définitivement  l'ère  philosophique  à  Tère  théolo- 
gique, dépositaires  des  vérités  nouvelles,  assurés  qu'ils  avaient 


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LÀ   CONSTITUTION   ET  LA    CONSTITUANTE  269 

une  mission,  la  mission  humanitaire  de  déchristianiser  la 
France,  ils  ont  voulu  mettre  toutes  les  forces  gouvernementales 
au  service  de  cette  rénovation  ;  et  ils  l'ont  fait.  Pour  opérer  de 
tels  changements,  pour  faire  réussir  une  telle  résolution  :  substi- 
tuer aux  antiques  croyances  et  à  la  force  morale  qui  en  découd- 
lait  une  foi  nouvelle  et  un  nouvel  évangile!  il  ne  fallait  rien 
moins  que  la  puissance  souveraine  et,  par  suite,  Tannihilition 
de  tous  les  autres  pouvoirs  qui  auraient  pu  contrarier  ou  gêner 
celui  que  Ton  tenait  en  main.  Mais  Tœuvre  est  si  grande,  et 
ses  conséquences  seront  tellement  immenses  dans  la  pensée  de 
ceux  qui  Taccomplissent,  qu'ils  n'épargneront  rien  pour  réus- 
sir, et  qu'ils  ne  devaient  pas  s'arrêter  devant  le  respect  dû  aux 
institutions.  Il  leur  fallait  tout  le  pouvoir  ;  ils  l'ont  pris. 

Mais  les  fautes  s'enchaînent;  et  la  détestable  maxime  :  la  fin 
justifie  les  moyens,  devait  les  mener  plus  loin.  Pour  obtenir  la 
mattrise  dans  la  Constitution  et  pour  l'exercer,  il  fallait  avoir 
avec  soi  la  majorité  de  la  Chambre,  dont  le  concours  donnait  à 
cette  domination  le  caractère  apparent  du  libéralisme  parlemen- 
taire. De  là  à  la  captation  du  suffrage  universel  il  n'y  a  qu'un 
pas  ;  et  ce  pas  fut  vite  franchi.  Est-il  nécessaire  d'expliquer  au 
pays,  qui  le  voit,  comment  on  employait,  pour  obtenir  une  ma- 
jorité, les  procédés  usités  et  renouvelés  du  temps  des  candida- 
tures officielles?  On  sait  de  quelle  manière,  en  pareil  cas,  fonc- 
tionnent les  comités  locaux  et  les  autorités,  particulièrement  les 
plus  petites.  Mais  que  valent,  je  vous  prie,  le  respect  des  institu- 
tions et  la  liberté  électorale,  quand  il  s'agit  du  Grand  Œuvre  ? 
Le  résultat  final  d'une  telle  politique  se  résume  en  deux  mots 
ou  plutôt  en  deux  faits  également  lamentables  :  Tébranlement 
de  la  Constitution,  et,  par  suite,  de  l'édifice  social  et,  ce  qui  est 
plus  grave,  ce  qui  appelle  de  prompts  remèdes,  la  démoralisa- 
tion du  sufi'rage  universel. 

C'eût  été  pourtant  une  chose  à  faire,  et  à  la  hauteur  de  toutes 
les  ambitions,  que  de  former  la  démocratie  française,  lui  ap- 
prendre à  user  de  ses  droits  pour  le  bien  public,  lui  donner  les 
mœurs  de  la  liberté.  Le  parti  dominant  n'y  a  pas  assez  songé, 
semble-t-il  ;  et  sa  seule  excuse  est  qu'il  poursuivait  un  autre  but, 
à  ses  yeux  autrement  élevé.  Il  eut  encore  une  autre  excuse 
cependant,  dans  les  fautes  lourdes  commises  pendant  cette 
période  de  notre  histoire  par  les  conservateurs,  et  par  lesdéfen- 


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270  LA    CONSTITUTION    ET    LA    CONSTITUANTE 

seurs  plus  zélés  qu'éclairés  et  prudents  de  FEglise.  Tout  ce 
qu'on  peut  dire  au  moins,  c'est  que  ce  parti  n'a  pas  eu  la  vertu 
supérieure  des  gouvernements  qui  leur  fait  oublier  les  injures. 
Il  n'a  pas  compris  surtout  que  la  République  devait  manifester 
son  excellence  sur  les  régimes  qu'elle  remplaçait. 

* 

Je  ne  discute  pas  ici  la  doctrine  à  laquelle  il  a  cru  pouvoir 
sacrifier  ce  que  j'aurais  cm  le  premier  de  ses  devoirs.  Cette  doc- 
trine, je  la  considère  comme  fausse  en  elle-même,  et,  dans  ses 
effets,  funeste  à  Tordre  social,  et,  en  particulier,  nuisible  à 
la  France.  Mais  je  n'entends  pas  ouvrir  à  ce  sujet  une  polémique 
dans  cette  lettre  dont  l'objet  est  tout  autre.  Je  demande  seule- 
ment :  les  gouvernements  sont-ils  faits  pour  le  triomphe  d'une 
doctrine  philosophique  sur  une  autre  doctrine?  L'énoncé  seul 
d'une  telle  proposition  offre  à  l'esprit  l'image  de  la  pire  des 
tyrannies.  Rien  n'est  plus  contradictoire  avec  l'idée  de  tout 
gouvernement,  mais  surtout  du  régime  républicain. 

Et  pourtant  ce  sont  ces  hommes  réputés  républicains  par 
excellence  qui  sont  tombés  dans  cette  hérésie  politique,  défaire 
servir  les  institutions  de  leur  pays  au  triomphe  de  leur  chimère! 
Même,  l'esprit  de  secte  est  tellement  puissant,  que  chez  ceux  qui 
en  sont  pleins,  il  domine  tout,  jusqu'à  la  conscience  des  dan- 
gers qu'ils  aperçoivent.  Ils  aiment  encore  mieux  braver  ces 
dangers  que  de  répudier  leur  erreur.  Déjà  bien  souvent  et  dans 
ce  moment  même,  des  hommes  éclairés,  dans  le  gouvernement, 
ont  entrevu  les  périls  que  fait  naître  la  politique  doctrinaire. 
Mais  ils  n'ont  pas  voulu  ou  ils  n'ont  pas  osé  changer  de  conduite, 
ou  donner  une  autre  orientation  à  la  politique  intérieure.  Ils 
vont  en  aveugles  obstinés,  au  milieu  des  décombres  do  l'autorité 
publique  et  des  institutions  de  tout  ordre  branlantes  ou  déjà  en 
ruines.  Ils  vont,  où?  Ils  ne  le  savent  pas  eux-mêmes,  mais  on 
peut,  sans  témérité,  leur  prédire  qu'ils  courent  à  des  aventures 
redoutables:  et  c'est  à  la  France  que  j'en  appelle  pour  nous  les 
épargner. 

Mais  je  veux,  par  hypothèse,  que  le  parti  républicain,  mieux 


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LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE  271 

éclairé  sur  ses  devoirs  et  sur  nos  dangers,  abandonne  Tidée 
falote  de  fonder  pour  toujours  un  gouvernement  de  secte.  Est- 
ce  qu'ils  s'imaginent  qu'ils  remettront  aisément  en  place  les 
pièces  de  la  Constitution  qu'ils  ont  détraquée  ?  N'ont^ils  jamais 
songé  qu'il  y  a,  de  par  le  monde,  d'autres  sectaires  qu'eux,  et 
que  leur  exemple  sera  suivi?  Les  socialistes  ont  vu  àTceuvre, 
et  ils  ont  apprécié  à  sa  valeur,  la  théorie  d'une  république  doc- 
trinaire. Eux  aussi,  ils  ont  leur  doctrine  philosophique  et  so- 
ciale; et  ils  croient  qu'il  importe  au  monde  de  la  lui  imposer. 
Ils  ont  renoncé  aux  procédés  violents  et  révolutionnaires.  Mais 
en  revanche  ils  ont  annoncé  hautement  qu'ils  entendaient  em- 
ployer désormais  la  méthode  qui  a  si  bien  réussi  à  leurs  devan- 
ciers. Ils  ont  raison,  puisque  la  Constitution  se  prête  à  de  telles 
entreprises. 

Eh  I  bien,  la  question  se  pose  ou  se  posera  de  savoir  si  le  parti 
républicain  qui  a  si  malmené  la  Constitution  laissera  s'installer 
légalement  dans  l'Etat  français  la  tyrannie  socialiste  révolution- 
naire. Quelle  est  la  pièce  de  nos  institutions  restée  intacte  que 
l'on  trouvera  pour  la  défense?  Et  de  quel  front  l'opposera-t-on  à 
des  politiciens  qui  ont  la  prétention,  légitime  pour  eux,  comme 
elle  l'a  été  pour  les  autres,  de  mettre  le  régime  républicain  au 
service  de  leur  doctrine.  Les  républicains  se  sont  désarmés  en 
donnant  l'exemple.  Lenr  volonté  suffira  pour  repousser  cet 
assaut,  croient-ils  ?  Hélas!  la  brèche  est  faite,  et  les  socialistes 
passeront  par  où  eux-mêmes  ont  passé. 

Et  après  les  socialistes,  s'ils  échouent,  d'autres  tenteront 
l'aventure.  Il  ne  manque  pas  de  factions  en  France.  Toutes  ont 
leur  doctrine.  Toutes  ont  leurs  hommes  aussi.  Et  toutes,  tour  à 
tour,  voudront  installer  leur  régime  éphémère  au  milieu  des 
débris  de  la  Constitution  démantelée.  Quelle  perspective  !  Toutes 
nos  factions  s'emparant  successivement  de  la  Constitution  ap- 
propriée h  l'usage  des  partis,  alors  que  nous  avions  rêvé  une 
République  propice  à  l'oubli  de  nos  divisions,  propre  à  protéger 
tous  les  droits  des  citoyens,  et  àgarantir  tous  les  intérêts,  publics 
et  privés.  Il  n'est  que  temps  de  rompre  résolument  avec  de 
telles  pratiques  qui  rendraient  la  République  haïssable.  C'est 
tout  le  système  qui  est  à  changer  ;  et  c'est  par  la  révision  qu'il 
faudra  commencer,  en  réformant  une  Constitution  dont  les  dé- 
bris ne  peuvent  plus  être  utilement  employés. 


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272  LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE 


Cet  exposé  seul  de  la  réforme  à  opérer  indique  qu'elle  ne  peut 
être  faite  par  le  mode  de  révision  inscrit  dans  la  Constitution. 
J'ai  déjà,  dans  ma  précédente  lettre,  fait  connaître  les  raisons 
pour  lesquelles  un  congrès  composé  des  deux  chambres  actuelles 
ne  pourrait  accomplir  Tœuvre  de  révision  qui  est  à  faire.  Sans 
reproduire  ma  démonstration,  je  n'en  relève  qu'un  point:  quand 
je  disais  que  le  Congrès  ainsi  formé  n'avait  pas  un  mandat  suf- 
fisant pour  faire  les  réformes  fondamentales  que  je  réclame. 

J'ajoute  aujourd'hui  —  qu'on  me  pardonne  la  singularité  de  la 
formule  — j'ajoute  que  la  majorité  du  Congrès  qui  serait  consti- 
tué ne  peut  pas  vouloir  la  réforme  telle  que  je  la  conçois.  Pour- 
quoi? Parce  que  cette  majorité  fait  partie  du  système  qu'il 
s'agit  de  changer.  Non  seulement  son  intérêt  ne  la  porte  pas  à  y 
toucher.  Ce  serait  là  une  préoccupation  mesquine  et  indigne 
d'elle;  mais  elle  ne  pourrait  comprendre  ni  l'utilité,  ni  la  né- 
cessité de  la  réforme.  Le  système,  son  système  fait  corps  avec  la 
Constitution  ;  il  s'y  est  incrusté.  La  majorité  et  les  électeurs  qui 
l'ont  élue  ne  conçoivent  pas  la  République  autrement  que  colle 
qui  fonctionne  avec  les  organes  constitutionnels  tels  qu'ils  sont, 
brouillés  et  désarticulés  si  l'on  veut,  mais  qui  donnent  les 
résultats  politiques  qu'elle  cherche  et  qu'elle  trouve  parfaits. 

Comment  cette  majorité  pourrait-elle  être  amenée  à  changer 
une  Constitution  qui  s'est  si  merveilleusement  prêtée  à  la  réa- 
lisation de  la  conception  politique  qui  est  la  sienne,  à  l'établis- 
sement de  la  domination  si  utile  pour  les  grands  intérêts  d'ordre 
moral  que  l'on  a  en  vue?  En  vain  feriez-vous  remarquer  qu'un 
tel  régime  est  en  conrtradiction  avec  l'idée  que  l'on  se  fait  d'une 
République  libérale  ;  qu'il  ne  peut  manquer  de  créer  un  état 
anarchique,  et  un  grand  désordre  social.  Peut-être  bien,  mais 
ce  désordre,  cette  anarchie,  cette  anomalie  s'accommodent  par- 
faitement de  la  Constitution  ;  et  ils  y  sont  comme  chez  eux. 
11  faudrait,  pour  modifier  tout  ce  système,  changer  trop  de 
choses  qui  tiennent  au  cœur  de  ceux  qui  gouvei*nent. 


Non,  il  faut  être  sincère,  et,  si  Ton  veut  des  réformes,  il  faut 
les  faire  sérieuses,  profondes,  et  dans  le  sens  de  notre  génie 


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LA   CONSTITUTION   ET   hk   CONSTITUANTE  273 

national.  Il  faut  abjurer  les  systèmes  propres  à  favoriser  l'es- 
prit de  secte  et  de  guerre  intestine.  Il  faut  rentrer  dans  la  grande 
voie  dans  laquelle  tous,  Français  de  tous  les  partis,  de  tous  les 
bords,  de  toutes  les  origines,  de  toute  école,  nous  avons  été 
acheminés  par  les  événements  mêmes  de  notre  histoire,  vers 
une  république  libérale  et  forte.  'Depuis  cent  ans  nous  luttons 
les  uns  contre  les  autres,  pour  arriver  à  fonder  un  régime  poli- 
tique durable,  qui,  comme  Tancienne  monarchie  française, 
groupe  tous  les  Français  unis  sous  le  même  drapeau.  C'est  ce 
que  veut  la  France,  c'est  le  but  auquel  elle  aspire.  Il  est  temps 
enfm  qu'elle  l'atteigne  !. 

Il  nous  semble  que  nous  parlons  pour  elle,  quand  nous  de- 
mandons qu'elle  soit  consultée  sur  le  régime  qui  lui  convient 
et  sur  les  moyens  de  l'établir.  Nous  ne  provoquons  personne  à 
descendre  dans  la  rue.  et  à  partir  en  guerre  contre  la  Constitu- 
tion et  contre  les  pouvoirs  établis.  Non.  Et,  d'ailleurs,  parmi  les 
nouveautés  qu'amène  le  progrès,  ou  seulement  le  temps  écoulé, 
veuillez  remarquer  celle-ci  :  c'est  que  les  Français,  si  prompts 
jusqu'à  ce  jour  à  l'émeute  et  à  la  révolte,  sont  devenus  de  sens 
rassis,  sans  pour  cela  avoir  abdiqué  leur  fierté.  Ils  ont  renoncé 
aux  procédés  violents  et  tumultuaires  :  ils  savent  que  le  bul- 
letin de  vote  et  la  force  de  l'opinion  remplacent  ces  moyens, 
plutôt  dangereux,  avantageusement. 

C'est  à  cet  esprit  nouveau,  avisé  et  éclairé,  que,  pour  mon 
compte,  je  m'adresse.'  Les  Français  ont  de  plus  en  plus  la  cons- 
cience de  leurs  droits  personnels,  qu'ils  appellent  d'un  nom 
compréhensif,  leur  liberté.  Ils  entendent  en  jouir.  Ils  ont  le 
sentiment  qu'on  leur  doit  à  tous,  un  traitement  égal  ;  ils  enten- 
dent qu'on  le  leur  donne.  Ils  ont  soif  de  la  justice  distributive; 
et  ils  la  réclament.  Le  joug  de  toute  domination  leur  pèse.  11  n'y 
a  pas  de  République  des  républicains  qui  tienne.  Lorsque,  du 
nord  jusqu'au  midi,  depuis  l'esl;  jusqu'à  l'ouest,  toutes  les  voix 
de  France  clameront  la  môme  plainte  et  les  mômes  revendica- 
tions, je  ne  sais  ni  quand  ni  comment,  mais  — fata  dam  invr nient 
—  les  choses  nécessaires  se  feront.  C'est  pourquoi  je  m'adresse 
à  la  France  avec  confiance,  et  je  lui  dis  qu'elle  est  maîtresse  et 
qu'elle  peut  encore,  quand  elle  voudra,  se  préserver  des  dangers 
qu'elle  court,  et  fonder  enfin  un  régime  politique  qui  soit  digne 
d'elle. 


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274  LA    CONSTITUTION   El'   LA    CONSTITUANTE 

Vous  ne  serez  pas  surpris,  Monsieur,  après  avoir  lu  ce  tra- 
vail, que  je  n'aie  pas  rencontré  sur  ma  route  les  auteurs  des 
divers  projets  de  revision  dont  il  a  étë  parlé  dans  la  Presse  et 
au  Parlement.  Eux  et  moi  nous  ne  poursuivons  pas  le  même 
but  ;  il  n'est  pas  étonnant  que  nous  ayons  pris  des  chemins  op- 
posés. Leg  révisionnistes,  selon  la  lettre  de  la  Constitution,  en- 
tendent maintenir  dans  toute  son  intégrité  le  système  actuel  du 
régime,  sauf  à  y  introduire  quelques  modifications  constitution-- 
nelles,  dont  je  ne  conteste  pas  la  valeur.  Pour  moi,  c'est  le  sys- 
tème gouvernemental  qui  est  à  changer  complètement.  Et 
comme  ce  système  est  adapté  parfaitement  à  la  Constitution, 
qu'il  y  est  en  quelque  sorte  incorporé,  de  telle  manière  qu'elle 
et  lui  forment  un  ensemble  indissoluble,  il  en  résulte  qu'on  ne 
peut  toucher  h  l'un,  je  veux  dire  au  système,  sans  niodifier  la 
Constitution  de  fond  en  comble. 

Vous  pensez  bien  que  j'encours  les  foudres,  et  que  je  m'y 
attendais.  Quelques  personnes  qui  jugent  superficiellement  les 
choses  et  légèrement  les  hommes  me  soupçonnent  de  méditer 
je  ne  sais  quels  ténébreux  desseins  contre  la  République.  Contre 
de  tels  reproches  les  protestations  sont  vaines.  Je  ne  leur  oppose 
que  ma  vie  politique.  Et  toutefois,  à  la  fin  de  la  conférence 
que  nous  avons  dernièrement  tenue  ensemble,  M.  Charles 
Benoist  et  moi,  à  Caen,  un  auditeur,  que  Ton  m'a  dit  être  un 
professeur  d'histoire,  me  fit  remarquer  que  les  constituantes 
avaient  toujours  eu  pour  résultat  le  renversement  du  gouverne- 
ment établi;  et  qu'il  se  méfiait  de  la  nôtre  qui  aurait  vraisem- 
blablement le  même  sort.  Cela  dit  avec  beaucoup  de  courtoisie 
et  de  bonne  grâce.  Vos  lecteurs  et  vous-même  avez  déjà  ré- 
pondu. Les  Constituantes  n'ont  jamais  fait  que  ratifier  en  1791, 
en  Tan  VIII,  en  1815,  en  1830  et  en  1848,  voire  en  1852,  des  ré- 
volutions déjà  accomplies  par  le  peuple  ou  par  la  force  armée. 
Celle  que  je  réclame  aurait  précisément  pour  effet  d'épargner 
au  pays  une  autre  de  ces  révolutions  dont  il  meurt. 

A  ce  propos  même,  permettez-moi  un  rapprochement  histo- 
rique. Barras  raconte,  sans  aucun  fard,  dans  ses  mémoires, 
que  lui  et  ses  amis  du  Directoire  et  des  Conseils  des  Anciens  et 
des  Cinq-Cents,  savaient  parfaitement  que  l'opinion  publique 


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LA  CONSTITUTION  ET  LA  CONSTITUANTE  275 

presque  universelle  était  hostile  au  Gouvernement  qu'ils 
tenaient  en  main.  Mais  il  ajoute  qu'ils  étaient* très  résolus  à  ré- 
sister à  cette  opinion,  étant  très  résolus  à  rester  en  place.  C'est 
même  dans  cette  intenfion  très  fei*me  qu'ils  avaient  fait  le 
coup  du  13  vendémiaire  et  celui  du  18  fructidor.  Ils  gardèrent 
donc  leur  place  jusqu'au  jour  où  la  France  lassée,  sinon  écœu- 
rée du  régime,  se  donna  à  Bonaparte.  Ils  n'avaient  nulle  envie 
d'une  telle  solution.  Nos  révisionnistes  d'aujourd'hui,  gens 
éclairés  et  bons  patriotes,  en  auraient  horreur.  Jelesprie  de  mé- 
diter cette  leçon  du  passé. 

* 

Pour  moi,  je  suis  très  convaincu  que  la  République  est  la 
forme  de  gouvernement  qui  convient  le  mieux  à  notre  état 
social.  Je  pense  aussi  que,  grâce  à  nos  expériences,  et  par  les 
ressources  de  notre  génie  national,  notre  République  pourrait 
non  seulement  réaliser  le  type  du  régime  politique  le  mieux 
approprié  à  nos  tendances  et  à  nos  besoins  ;  mais  encore  deve- 
nir le  régime  modèle  des  démocraties  futures  qui,  de  proche  en 
proche  se  formeront  dans  le  monde,  par  la  transformation  gra- 
duelle des  organismes  sociaux.  Par  là,  nous  pourrions  encore 
tenir  la  tète  des  nations,  qui  ne  vivent  pas  seulement  de  com- 
merce et  de  force  matérielle.  En  réclamant  une  réforme  pro- 
fonde danjs  notre  système  politique,  je  songe  aussi.  Vous  pouvez 
le  croire,  à  notre  prééminence.  N'est-ce  pas  cela  même  qui  pré- 
occupait le  brutal  esprit  de  notre  ennemi  M.  de  Bismarck,  quand 
il  disait  qu'il  convenait  au  bien  de  l'Allemagne  de  laisser  cuire 
la  France  dans  son  jus  :  c'est  ainsi  qu'il  caractérisait  notre  ré- 
gime politique.  Montrons  donc  qu'il  nous  est  loisible  de  faire 
de  ce  régime  un  objet  d'envie,  et  une  force  d'attraction  par 
l'exemple. 

Ce  but  me  semble  si  haut,  cette  espérance  si  belle,  que  tous 
ensemble  nous  devrions  nous  mettre  à  l'œuvre,  avec  l'abnéga- 
tion, l'esprit  de  sacrifice  et  la  passion  patriotique  nécessaires 
pour  substituer  enfin  aux  gouvernements  de  parti  la  République 
de  France. 

Recevez,  Monsieur,  etc. 

DE  Marcèae. 


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m  SIECLE  DE  LUTTE  CONTRE  LE  VAGABONDAGE 


Quand  on  parcourt  la  longue  suite  des  édîts  et  ordonnances 
des  rois  de  France,  on  est  frappé  de  là  régularité  avec  laquelle 
reviennent,  à  chaque  règne,  les  mesures  qui  ont  pour  but  de 
réprimer  la  mendicité  et  le  vagabondage.  A  partir  de  François  I*% 
il  n*est  pas  un  de  nos  souverains  qui  n'ait  cru  inaugurer  un 
régime  efficace,  tantôt  en  assistant,  tantôt  en  réprimant.  Apr^s 
la  Révolution,  TAssemblée  constituante  a  posé  des  principes 
généraux  que  la  Convention  et  le  Directoire  ont  traduits  en 
articles  précis,  dans  des  lois  nouvelles.  Le  génie  organisateur  de 
Napoléon  s'est  appliqué  à  chercher  une  solution,  et  l'Empereur 
écrivait  naguère  à  son  ministre  de  l'Intérieur  cette  phrase  sou- 
vent citée  :  «  Il  faut  qu'au  commencement  de  la  belle  saison,  la 
France  présente  le  spectacle  d'un  pays  sans  mendiants  (1).  » 
Prétention  vaine  !  Les  décrets  et  les  lois  impériales  n'ont  pas 
été  plus  efficaces  que  les  ordonnances  royales,  et,  à  notre  fin  de 
siècle,  les  vagabonds  circulent  sur  les  routes  de  France  pres- 
que aussi  nombreux,  sinon  aussi  dangereux,  qu'aux  temps  de 
Louis  XIII  ou  du  Directoire. 

Il  faut  bien  reconnaître  que  ces  insuccès  tiennent,  pour  une 
bonne  part,  à  la  difficulté  extrême  que  présente  la  question.  Il 
ne  s'agit  pas  là  de  réprimer  simplement  une  action  délictueuse, 
qu'il  est  facile  de  ne  pas  commettre;  le  problème  touche  aux 
droits  primordiaux  de  la  liberté  humaine.  Sans  doute,  le  gou- 
vernement a  le  devoir  de  vérifier  l'identité  de  l'inconnu  qui 
circule  sur  les  routes  sans  ressources  et  sans  métier;  mais  ce 
voyageur  est  peut-être  un  ouvrier  inoccupé  en  quête  de  travail, 
et  quel  droit  est  plus  sacré  que  celui  d'aller  chercher  plus  loin 
un  moyen  d'existence  qui  fait  défaut  au  lieu  habituel  de  rési- 

(l)  Note  pour  M.  Crétet,  du  15  novembre  1807.  {Correspondance  de  Napoléon   /«•" 
t  XVI.) 


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UN    SIÈCLE  DE  LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE  277 

dence?  Sans  doute,  il  est  bon  d'empêcher  Tindustrie  du  simula- 
teur qui  détourne  à  son  profit  l'aumône  destinée  à  l'indigence 
et  vit  en  paresseux,  aux  dépens  du  vrai  pauvre  ;  mais,  quand  la 
misère  est  réelle,  n'est-ce  pas  un  droit  imprescriptible  pour  le 
malheureux  que  de  faire  appel  à  celui  qui  est  plus  favorisé,  que 
ce  soit  au  nom  de  la  solidarité  humaine  ou  de  la  charité  chré- 
tienne ? 

Il  apparaît  donc  immédiatement  que,  avant  de  réprimer  la 
mendicité,  le  législateur  a  le  devoir  d'assurer  un  secours  néces- 
saire à  l'indigent  qui  en  est  digne;  de  là  ces. mesures  d'assis- 
tance, bizarrement  associées  aux  dispositions  pénales  les  plus 
sévères  dans  nos  anciens  textes;  de  là  le  caractère  indécis  d'une 
législation  qui  pèche  tantôt  par  excès  de  tolérance,  tantôt  par 
une  rigueur  que  le  juge  hésite  à  appliquer. 

Nous  ne  pouvons,  dans  un  simple  article  de  revue,  examiner 
la  longue  et  instructive  histoire  de  ces  insuccès.  Nous  nous 
bornerons  à  exposer  l'historique  de  la  question  depuis  le  pre- 
mier Empire  et  les  causes  de  l'impuissance  delà  législation  qui 
nous  régit;  nous  étudierons,  dans  une  seconde  partie,  les  pro- 
positions présentement  soumises  à  l'examen  des  Chambres  et 
nous  rechercherons  si  elles  semblent  de  nature  à  assurer  une 
solution  définitive  du  problème. 


I 


Notre  législation  actuelle  sur  le  vagabondage  et  la  mendicité 
repose  essentiellement  sur  deux  textes  :  le  décret  du  5  juillet  1808 
«  sur  l'extirpation  de  la  mendicité  »  ;  la  loi  des  16-26  février  1810, 
quia  pris  place  dans  le  code  pénal  sous  les  articles  269 à  282. 

Aucune  partie  de  ce  code  ne  porte  d'une  façon  plus  évidente 
l'empreinte  de  Napoléon  ;  pourtant,  c'est  surtout  dans  le  décret 
que  nous  trouvons  sa  pensée,  car  il  est  son  œuvre  personnelle  (1). 

Tout  le  système  répressif  repose  sur  une  distinction  essen- 
tielle entre  le  mendiant  et  le  vagabond. 

Le  mendiant  est  traité  avec  une  douceur  relative,  à  la  condi- 

(1)  Ce  décret  est  daté  de  Bayonne  ;  Napoléon  Taurait  dicté  lui-même  au  duc  de 
Bassano  pour  remplacer  le  texte  proposé  par  le  ministre  Grétet,  qui  ne  rendait 
pas  suffisamment  la  pensée  de  l'Empereur. 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  19 


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278  13N    SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE  LE   VAGABONDAGE 

tion  d'être  domicilié  et  connu.  S'il  est  incapable  de  gagner  sa 
vie,  il  devra  être  hospitalisé  dans  un  établissement  public  et, 
tant  que  cet  établissement  fera  défaut,  il  pourra  continuer  à 
solliciter  la  charité  publique,  sans  être  inquiété.  S'il  est  valide, 
il  sera  interné  dans  un  dépôt  répressif,  et  il  y  restera  un 
temps  suffisant  «  pour  y  apprendre  à  gagner  sa  vie  par  le  tra- 
vail (1)  »,  et  qui  devra  être  au  moins  d'un  an  (2).  Mais  si  sa 
commune  le  réclame,  si  une  personne  honorable  se  porte  ga- 
rante pour  lui,  on  pourra  lui  rendre  immédiatement  la  liberté. 

Le  vagabond,  au  contraire,  est  traité  durement  (3).  Il  sera 
envoyé  de  suite  dans  les  maisons  de  détention  (4),  —  en  prison, 
par  conséquent.  A  l'expiration  de  sa  peine,  il  sera  mis  à  la  dispo- 
sition du  Gouvernement  «  pendant  le  temps  que  celui-ci  déter- 
minera, eu  égard  à  sa  conduite  ». 

On  voit  donc  de  suite  les  deux  caractères  essentiels  de  cette 
législation  : 

Le  mendiant  est  considéré  comme  excusable  s'il  est  invalide, 
comme  susceptible  d'amendement,  s'il  est  valide  ;  le  vagabond 
est,  au  contraire,  traité  comme  un  être  dangereux  ; 

Les  mesures  prises  contre  les  uns  et  les  autres  sont  essentiel- 
lement des  mesures  de  police,  confiées  à  l'administration  et 
non  à  la  justice  (5). 

Il  n'est  point  besoin  de  longs  détails  pour  faire  comprendre 
les  causes  de  la  sévérité  avec  latjuelle  les  vagabonds  étaient 
frappés  :  on  était  au  lendemain  des  excès  commis  dans  cer- 
taines provinces  par  les  chauffeurs,  dont  les  exploits  étaient 
dans  la  mémoire  de  tous  (6)  ;  en  second  lieu,  un  pouvoir  despo- 

(1)  Note  et  M.  Grétetdu  2  septembre  1807.  (Ibid,). 

(2)  Règlement  du  27oetobre  1803. 

(3)  On  peut  se  demander  à  quel  moment  le  meodiant  simple  se  transforme  en 
mendiant-vagabond,  suivant  Texpression  employée  en  1808.  Il  semble  que  c'est 

•à  rinstant  où  il  sort  des  limites  de  son  canton,  sans  passeport  ni  moyens  de 
justifier  son  identité.  C'est  le  système  inauguré  par  le  décret  du  10  vendémiaire 
an  IV,  sur  la  police  des  communes  (titre  III,  art.  6  et  7).  Nous  retrouvons  son 
influence  dans  la  disposition  établie  par  le  second  paragraphe  de  Tarticle  275  du 
code  pénal,  considérant  comme  une  circonstance  aggravante  le  fait  de  mendier 
hors  du  canton. 

(4)  Art.  5  du  décret  du  5  juiUet  1808. 

(5)  Ce  n*est  qu'en  1810,  lors  de  la  discussion  du  code  pénal,  que  des  légistes, 
et  particulièrement  Regnault  de  Saint-Jean-d'Angély,  firent  remarquer  que  les 
mesures  de  ce  genre  ne  devcdent  être  prises  que  comme  conséquence  d'une 
peine  principale  d'emprisonnement. 

(6)  M.  Hocquain  (Etat  de  la  France  au  i8  Brumaire,  Paris,  1874,  1  vol.  in-12)  a 
publié  les  rapports  présentés  en  Tan  IX  au  premier  Consul  ;  ils  montrent  le  pays 


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UN    SlàrXE  DE  LUTTE   CONTEE   LE   VAGABONDAGE  279 

tique  redoutait  d'instinct  ces  inconnus,  parmi  lesquels  pouvaient 
circuler  des  conspirateurs,  émissaires  de  société  secrètes. 

Pour  l'exécution  des  mesures  prévues  par  le  décret,  trois 
sortes  d'établissements  eussent  été  nécessaires  : 

1^  Hospices  pour  les  vieillards  et  infirmes; 

2**  Dépôt  de  mendicité  pour  les  mendiants  valides; 

3°  Maisons  de  détention  pour  les  mendiants  vagabonds. 

Par  une  raison  d'économie,  on  préféra  utiliser  et  généraliser 
les  dépôts  de  mendicité  qui  existaient  encore  dans  un  certain 
nombre  de  départements. 

C'était  un  legs  de  l'ancien  régime. 

Après  avoir  dû  constater  l'impuissance  des  hôpitaux  géné- 
raux à  réprimer  la  mendicité,  on  avait  songé  à  accentuer  davan- 
tage le  côté  répressif  des  établissements  destinés  aux  men- 
diants. De  là  la  création  des  dépôts  de  mendicité,  établisse- 
ments intermédiaire  entre  les  prisons  et  les  hospices,  tout  en  se 
séparant  nettement  des  uns  et  des  autres.  La  déclaration  du 
2  août  1764  décida  la  création  d'un  dépôt  par  généralité,  et 
l'arrêt  du  conseil  du  21  septembre  1767  prescrivit  les .  mesures 
nécessaires  pour  leur  organisation.  En  1789,  le  nombre  de  ces 
établissements  était  de  33  (1),  contenant  ensemble  environ  sept 
mille  mendiants.  L'institution  périclita  pendant  la  période  des 
guerres  civiles  et  étrangères,  les  bâtiments  furent  mal  entretenus 
et  le  nombre  des  pauvres  diminua.  En  Tan  VI,  le  gouvernement 
se  préoccupa  de  réorg^iser  les  dépôts  qui  subsistaient  encore. 
Un  traité  fut  conclu  pour  l'organisation  d'ateliers  dans  ces 
maisons  de  répression.  Ce  traité  fut  résilié  en  1801  et  les  dépôts 
de  mendicité  demeurèrent  à  la  charge  des  départements.  Sept 
seulement  subsistaient  en  1807,  dans  un  assez  déplorable  état. 

Aux  termes  du  décret  de  1808,  chaque  département  dut  avoir 
son  dépôt  de  mendicité,  créé  et  organisé  par  un  décret  parti- 

parcouru  de  toutes  parts  par  des  bandes  de  vagabonds,  de  mendiants  qui  infes- 
tent les  routes,  rançonnent  les  habitations  isolées.  Cette  situation,  bien  qu'amé- 
liorée par  le  retour  progressif  de  Tordre,  subsistait  encore  dans  une  certaine 
mesure  en  1808.  On  trouve  dans  fexposé  des  motifs  présenté  par  M.  Berlier  au 
corps  législatif,  le  6  février  1810,  Texpression  discrète  des  préoccupations  du 
Gouvernement  à  ce  sujet. 

H)  Ce  nombre  correspond  h  celui  des  généralités. 

Il  convient  toutefois  de  remarquer  que  les  généralités  de  Toulouse  et  Mont- 
pellier, administrées  par  le  même  intendant,  n'avaient  qu'un  seul  dépôt,  situé  à 
Toulouse,  tandis  que  la  généralité  de  Pau  et  Bayonne,  formée  en  1783,  comptait 
deux  dépôts  de  mendicité,  l'un  à  Pau,  l'autre  à  Bayonne. 


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280  UN    SIÈCLE   DE   LUTTE   CONTRE  LE   VAGABONDAGE 

culier.  Les  dépenses  seraient  couvertes  concurremment  par  le 
Trésor  public,  les  départements  et  les  villes.  Les  sexes  devaient 
être  séparés,  le  travail  organisé,  la  discipline  fermement  main- 
tenue. «  On  ne  dira  pas,  disait  l'Empereur  dans  une  de  ses  notes 
à  Cretet,  que  tous  les  mendiants  de,  France  accourront  dans  ces 
maisons,  puisqu'elles  n'ont  pas  d'attrait  pour  eux  et  que  les 
vagabonds  en  sont  exclus.  » 

Ces  mesures  furent  accueillies  avec  une  faveur  générale. 
Nous  en  trouvons  l'écho,  quelque  peu  dithyrambique,  dans 
l'exposé  des  motifs  de  la  loi,  fait  au  Corps  lé^slatif  le  6  lé- 
vrier 1810,  par  M.  Berlier  (i)  et  dans  le  rapport  présenté  au 
nom  du  comité  de  législation  par  M.  Noailles,  du  Gard  (2).  Le 
ministre  de  l'Intérieur  s'exprimait  en  ces  termes  dans  l'exposé  de 
la  situation  de  l'Empire,  la  à  l'ouverture  de  la  session  de 
1808-1809  :  «  Chaque  département  aura  dans  son  sein  un  dépM 
oh  les  indigents  trouveront  un  asile,  la  subsistance  et  de  l'ou- 
vrage, établissement  paternel  où  la  bienfaisance  tempérera  la 
contrainte  par  la  douceur...,  et  ramènera  au  travail  en  réveil- 
lant le  sentiment  d'une  honte  salutaire.  Ces  institutions  rece- 
vront leur  exécution  dans  un  court  délai.  » 

En  quatre  ans,  cinquante-neuf  dépôts  furent  créés  par  une 
série  de  décrets  et  leur  population  calculée  pour  recevoir 
22.500  mendiants.  Chaque  décret  répartissait  les  dépenses 
entre  le  département,  les  communes  et  l'Etat.  Un  règlement 
d'administration  publique  en  181  article^  détermina  le  régime 
moral,  industriel  et  économique  des  dépôts.  Napoléon  avait 
prescrit  que  le  ministre  de  l'Intérieur  lui  rendît  compte  chaque 
mois  de  l'organisation  en  voie  de  création  (3),  et  sa  correspon- 
dance prouve  avec  quelle  sollicitude  il  suivait  le  développement 
des  dépôts,  au  milieu  des  préoccupations  les  plus  graves. 

(1)  «  Les  mesures  bienfaisantes  du  décret  du  5  Juillet  1808  reçoivent  journel- 
lement leur  exécution  ;  le  chef  de  Tempire  s*est  prescrit  le  devoir  de  s'occuper  de 
cet  objet,  préférablement  à  tout  autre,  en  ordonnant  à  son  ministre  de  lui  pré- 
senter, dans  le  premier  travail  de  chaque  mois,  tout  ce  qui  est  relatif  à  rétablis- 
sement des  dépôts  et  mendicité...  » 

(2)  *  La  bienfaisante  activité  du  gouvernement  réalise  le  vœu  philanthropique 
de  tant  d'écrivains  distingués,  et  ouvre,  sous  le  nom  de  dépôts  de  mendicité,  des 
asiles  où  les  pauvres  infirmes  seront  nourris  aux  frais  de  TEtat,  qui  ne  leur 
demandera,  d'ailleurs,  que  le  travail  dont  ils  seront  capables.  Quand  de  tels 
établissements  existeront  partout,  il  ne  restera  plus  de  prétexte,  ni  d'excuse^à 
la  mendicité.  » 

(3)  Art.  9  du  décret  du  5  juillet  18(H. 


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UN    SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE   LE  VAGABONDAGE  281 

Malgré  tout,  trente-sept  dépôts  seulement  fonctionnaient 
en  1814.  Les  dépenses  de  construction  varièrent  de  200.000 
à  300.000  francs  par  département.  Le  montant  moyen  des  frais 
d'entretien  annuels  atteignit  90.000  francs,  outre  le  produit  du 
travail,  et  la  dépense  par  reclus  était  de  220  francs  (1). 

Le  résultat  obtenu  dépendit  de  la  valeur  des  fonctionnaires 
chargés  de  la  création  des  établissements. 

«  Plusieurs  de  ces  dépôts,  organisés  avec  sagesse  et  discerne- 
ment, avaient  réalisé  les  espérances  que  leur  création  avait  fait 
concevoir.  La  mendicité  avait  complètement  disparu  dans  la 
contrée  où  ils  étaient  placés,  sans  occasionner  aucun  frais  aux 
départements  et  aux  communes.  Le  travail  des  mendiants  avait 
donné  des  produits  suffisants  pour  indemniser  les  dépenses 
d'entretien  (2).  »  L'auteur  cite  notamment  les  dépôts  de  Mar- 
seille, Agen  et  Montauban,  pour  leur  excellente  tenue. 

Par  contre,  le  plus  grand  nombre  de  ces  établissements  ne 
donna  pas  les  résultats  attendus.  L'édifice  napoléonien  était 
bien  conçu,  il  prévoyait  les  divisions  nécessaires  pour  chaque 
catégorie  ;  c'était  uniquement  par  mesure  d'économie,  qu'il  les 
groupait  dans  un  seul  établissement.  Mais  il  manqua  à  cette 
construction  un  mur  intérieur,  formant  cloison  étanche  entre 
ces  diverses  sections.  Faute  de  ce  mur,  les  invalides  et  les 
vieillards  débordèrent  sur  la  partie  réservée  aux  valides,  on  ac- 
cueillit dans  les  dépôts  dos  aliénés,  des  gâteux,  des  épilepti- 
ques,  des  filles  publiques  malades,  toutes  les  catégories  pour  les- 
quelles aucun  édifice  public  n'était  alors  prévu.  Les  dépôts  furent 
détournés  de  leur  destination  première,  on  cessa  d*y  travailler  ; 
Tencombrement  par  les  incurables  enleva  bientôt  toute  disponi- 
bilité de  places  nouvelles.  Les  mendiants  reparurent  sur  les 
chemins,  sûrs  de  n'être  pas  conduits  dans  les  dépôts.  Y  eussent- 
ils  été  conduits,  ils  savaient  bien  qu'ils  y  seraient  entretenus 
sans  travailler. 

Une  circulaire  ministérielle  du  6  mai  1815  (3)  fait  parfaite- 

(1)  Vicomte  de  Villeneuve  Bargemont,  Economie  politique  chrétienne,  t.  11, 
p.  483.—  L'auteur  a  appartenu  à  l'administration  impériale  de  1811  à  18U,  et  la 
Restauration  lui  a  confié  plusieurs  prérectures  importantes.  Son  livre  donne 
des  détails  circonstanciés  sur  le  fonctionnement  des  dépôts  de  mendicité  depuis 
leur  création  jusqu'en  1890. 

(2)  De  Villeneuve-Bargemont,  op.  cit. 

(3)  On  voit  que,  même  pendant  les  Cent  Jours,  Napoléon  se  préoccupait  de  la 
question  des  dépôts  de  mendicité. 


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282  UN    SIÈCLE   DE   LUTTE   CONTRE  LE   VAGABONDAGE 

ment  ressortir  la  confusion  fâcheuse  créée  par  l'organisation 
des  dépôts.  «  L'administration  a  perdu  de  vue  le  but  principal. 
Elle  a  favorisé  la  réclusion  d'individus  hors  d'état  de  travailler, 
et  elle  a  retenu  trop  longtemps  dans  ces  établissements  des 
individus  hors  d'état  de  pourvoir  à  leurs  besoins.  » 


II 


11  eut  été  relativement  facile  de  remédier  à  ces  inconvénients; 
mais  le  gouvernement  qui  reprenait,  en  1815,  la  direction  des 
affaires,  se  souciait  peu  d'améliorer  une  institution  fondée  par 
«  l'usurpateur  ».  En  outre,  l'invasion  étrangère  et  la  défaite 
avaient  imposé  au  pays  des  chaînes  fort  lourdes,  rendant 
difficiles  des  créations  nouvelles.  A  la  suite  d'une  enquête  faite 
par  les  soins  du  ministre  de  l'Intérieur,  une  circulaire  du 
17  mars  1817  autorisa  les  préfets  à  faire  aux  conseils  généraux 
des  propositions  en  vue  de  supprimer  les  dépôts  (1).  Aussi  un 
grand  nombre  de  ces  établissements  sont  fermés,  les  uns  après 
les  autres.  En  1818,  il  n'en  subsistait  que  22,  avec  une  population 
réduite  à  5.443  mendiants,  en  raison  de  la  modicité  des  res- 
sources. 

Le  gouvernement  n'avait  pas  compris  que,  en  supprimant 
les  dépôts,  il  abrogeait  implicitement  les  dispositions  du  code 
pénal  qui  subordonnent  la  répression  à  l'existence  d'un  établis- 
sement de  ce  genre.  Immédiatement,  la  fermeté  se  relâche,  le 
fléau  augmente.  Sur  certains  points,  on  tente  d'y  remédier  en 
réglementant  la  mendicité:  des  médailles  et  des  permis  de 
mendier  sont  remis  aux  vieillards  et  aux  infirmes  non  hospita- 
lisés. Des  essais  pour  procurer  du  travail  aux  mendiants  furent 
tentés  par  les  préfets,  dans  diverses  grandes  villes,  à  Bordeaux 
par  le  baron  d'Haussez,  à  Nantes  par  le  vicomte  de  Villeneuve- 
Bargemont  et  le  baron  de  Vaussay,  à  Lyon,  par  le  comte  de 
Brosses,  à  Paris  par  M.  de  Belleyme  (2).  Ces  essais  avaient 

(1)  «  11  ne  s'agit  plus  d'examiner  si  la  mendicité  peut  être  supprimée  au  moyen 
des  dépôts,  mais  de  pourvoir  à  la  dépense  de  celui  qui  existe,  si  la  conservation  en 
est  jugée  nécessaire,  ou  de  bien  motiver  toute  proposition  dont  l'objet  serait  de 
lui  faire  subir  des  modifications,  ou  même  d'en  proposer  la  suppression.  »  La 
circulaire  est  signée  par  M.  Laine,  ministre  de  l'Intérieur. 

{2}  M.  de  Belleyme  et  M.  Cochin  fondèrent  à  Paris,  la  maison  de  la  rue  de 
Lourcine  qui  dut  fermer,  faute  de  fonds,  en  1832. 


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UN    SIÈCLE   DE   LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE  28 S 

obtenu  de  prompts  et  rapides  succès;  ils  furent  interrompus 
par  la  Révolution  de  1830. 

Jusqu'ici  y  les  textes  législatifs  étaient  restés  intacts.  La  revi- 
sion  du  code  pénal,  en  1832,  y  introduisit  une  modification  im- 
portante. La  mise  à  la  disposition  du  gouvernement  avait  sou- 
levé des  réclamations  nombreuses  :  on  l'avait  dénoncée,  à  la 
fois,  comme  attentatoire  à  la  liberté  individuelle,  comme  arbi- 
traire et  pouvant  donner  lieu  à  des  abus.  On  la  remplaça  par  le 
renvoi  sous  la  surveillance  de  la  haute  police  pour  le  même 
délai,  sans  réfléchir  que  cette  nouvelle  mesure  avait  une 
grande  partie  des  inconvénients  reprochés  à  l'ancienne,  et  était 
complètement  dépourvue  de  toute  valeur  éducatricei  Bien  plus, 
le  contrôle  exercé  sur  le  libéré  d'une  façon  maladroite  et  bu- 
reaucratique, constituait  souvent  un  obstacle  sérieux  à  son 
placement  et  le  rejetait  forcément  dans  le  délit. 

En  1830,  il  n'existait  plus  que  sept  dépôts  de  mendicité  en 
France  (1)  ;  ce  nombre  tomba  même  à  quatre,  lorsque  la  loi  du 
10  mai  1838  eut  rendu  leur  entretien  facultatif  pour  les  dépar- 
tements. L'augmentation  du  nombre  des  mendiants  amena 
encore  une  fois  le  gouvernement  à  rechercher  les  causes  de  ce 
phénomène,  en  vu.e  d'en  assurer  la  répression.  Tel  fut  l'objet  de 
la  circulaire  adressée  aux  préfets  par  le  comte  Duchâtel,  ministre 
de  rintérieur,  le  24  février  1840.  En  même  temps,  une  enquête 
était  poursuivie  à  l'étranger  sur  les  institutions  créées  dans  les 
divers  pays  afin  d'obvier  à  la  mendicité.  Le  résultat  de  ces 
études  fut  un  retour  de  faveur  des  idées  qui  avaient  prévalu  en 
1808;  une  série  d'ordonnances  royales  rendues  de  1844  à  1848, 
autorisèrent  l'ouverture  de  dépôts  nouveaux  (2).  Une  seconde 
série  d'ordonnances  affectait  des  dépôts  existant  au  service  de 
départements  voisins,  en  vue  de  permettre  l'application  de 
l'art.  274  du  code  pénal  (3).  * 

11  était  naturel  que  le  second  Empire  revint  à  la  tradition  de 
Napoléon  I**  et  favorisât  la  création  de  nouveaux  dépôts  (4).  En 

(1)  Ceux  de  Saint-Denis,  Villers-Cotterets,  Laon,  Saint-Lizier  (Ariège\  Limoges, 
DAle  et  La  Rochelle. 

(2)  Indre  (11  juin-22  juillet  1844),  Loiret  (II  avril  1846),  Nièvre  (17  octobre  1849). 

(3)  Ces  ordonnances  furent  la  conséquence  d'un  eurrôt  de  lu  Cour  de  Cassation 
du  II  avril  1846,  décidant  qu'on. ne  peut  appliquer  Tart.  274,  lorsque  des  traités 
de  ce  genre  n'étaient  approuvés  que  par  arrêté  du  préfet  et  même  du  ministre  de 
rintérieur.  Une  ordonnance  royale  est  nécessaire. 

(4)  Une  loi  du  9-12  juillet  1852  avait  donné  aux  préfets  le  pouvoir  d'interdire, 


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284  UN   SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE 

1853,  leur  nombre  était  remonté  à  23,  il  s'élevait  à  35  en  1867, 
et  à  40  en  1870.  En  même  temps,  quelques  préfets  prenaient  des 
initiatives  très  heureuses  pour  organiser  des  mesures  préven- 
tives d'assistance  destinées  à  rendre  possible  et  efficace  l'action 
répressive  du  dépôt.  On  a  souvent  cité  les  souscriptions  chari- 
tables organisées  par  M.  de  Magnitot  dans  le  Tarn,  la  Nièvre  et 
rOme,  et  qui  assurèrent  à  ces  départements  une  disparition 
presque  complète  de  la  mendicité  (1). 

La  loi  sur  les  récidivistes,  du  27  mai  1885,  a  apporté  plusieurs 
modifications  sérieuses  au  régime  antérieur  de  répression,  en 
ce  qui  touche  les  deux  délits  qui  nous  occupent. 

Par  son  article  19,  cette  loi  a  supprimé  la  surveillance  de  la 
haute  police,  en  y  substituant  «  la  défense  faite  au  condamné 
de  paraître  dans  les  lieux  dont  l'interdiction  lui  sera  signifiée 
par  le  gouvernement  avant  sa  libération  ». 

Nous  avons  dit  plus  haut  les  graves  inconvénients  que  nous 
trouvons  à  la  surveillance  ;  cependant  nous  la  préférions  encore 
à  la  mesure  qui  l'a  remplacée.  Dans  les  villes,  où  la  police  est 
organisée,  on  peut  contrôler  les  agissements  d'individus  sus- 
pects ;  ceux  qui  exercent  des  professions  industrielles  (et  c'est 
le  plus  grand  nombre)  ont  quelque  chance  d'y  trouver  un 
emploi,  s'ils  en  ont  le  désir.  La  loi  nouvelle  a  repoussé  ces  indi- 
vidus vers  les  campagnes,  qu'ils  parcourent  incessamment,  sans 
occupation,  sans  moyens  d'existence;  elle  a  contribué  à  amener 
cet  état  aigu  de  la  crise  du  vagabondage,  dont  nous  parlerons 
tout  à  l'heure. 

En  même  temps,  la  loi  du  27  mai  1885  faisait  une  place  no- 
table aux  vagabonds  dans  les  catégories  prévues  par  son  art.  4 
en  vue  de  l'internement  perpétuel  dans  les  colonies,  organisé 
sous  le  nom  de  relégation. 

La  loi,  ayant  eu  en  vue  de  débarrasser  le  sol  national  des  cri- 
minels dangereux,  n'a  pas  frappé  le  vagabondage  simple,  quel 
que  soit  le  nombre  des  condamnations.  Mais  ces  condamnations 
comptent  néanmoins  pour  lé  nombre  total  exigé  par  le  §  4,  toutes 
les  fois  qu'elles  sont  réunies  avec  quelque  délit  plus  grave.  Le 

pour  deux  ans  au  plus,  le  séjour  du  département  de  la  Seine  et  de  Tai^loDié- 
ration  lyonnaise  aux  individus  condamnés  pour  rébelli%>n.  mendicité  ou  vaga- 
bondage, qui  n'y  sont  pas  aomiciliés. 

(1)  Voir  l'intéressant  ouvrage  publié  par  M.  de  Magr^to-,  suus  le  tiire  :  De  i  astis- 
lance  et  de  Vexlinction  de  la  mendicité,  1  vol.  in-S*",  Paris,  Didot,  1856. 


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UN    SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE   LE  VAGABONDAGE  285 

vagabondage  entraine  même,  par  lui-même,  la  peine  de  la  rélé- 
gation dans  les  cas  de  circonstances  aggravantes  prévus  par  les 
articles  277  et  279  du  code  pénal.  . 

Enfin  le  dernier  paragraphe  du  même  article  4  a  élargi  le 
champ  d'action  de  la  répression  prévue  par  rarticle271  du  code 
pénal,  en  assimilant  aux  vagabonds,  au  point  de  vue  de  la  pé- 
nalité, «  tous  individus  qui,  soit  qu'ils  aient  ou  non  un  domi- 
cile certain,  ne  tirent  habituellement  leur  subsistance  que  du  fait 
de  pratiquer  ou  faciliter  sur  la  voie  publique  l'exercice  de  jeux 
illicites  ou  la  prostitution  d'autrui.  » 

Dans  ces  conditions,  on  pouvait  légitimement  espérer  attein- 
dre tous  les  vagabonds  vraiment  dangereux  et  amener  une  di- 
minution dans  les  condamnations  prononcées  de  ce  chef  par  les 
tribunaux.  Sur  les  648  relégués  expédiés  en  1887,  180,  soit 
24  p.  100,  avaient  subi  des  condamnations  pour  vagabondage 
(156)  ou  infraction  à  une  interdiction  de  séjour  (24).  Le  nombre 
des  relégués  embarqués  pendant  la  première  période  décennale, 
1887-1896,  ayant  été  de  8.380  (1),  un  nombre  notable  de  vaga- 
bonds a  donc  dû  laisser  la  France  pour  gagner  nos  possessions 
lointaines. 

Les  résultats  de  la  statistique  criminelle  ne  semblent  pour- 
tant pas  révéler  la  diminution  espérée.  Le  nombre  des  condam- 
nations pour  vagabondage  ou  mendicité  se  maintient  au  chiffre 
élevé  atteint  déjà  avant  1887  (2),  et,  de  tous  les  départements, 
arrive,  de  plus  en  plus  intense,  un  concert  de  plaintes  déclarant 

(1)  Dont  4.525  dirigés  sur  la  Guyane  et  3.855  sur  la  Nouvelle-Calédonie.  Ces 
chiffres  comprennent  un  faible  contingent  de  relégués  provenant  de  la  transpor- 
taUon  ou  venus  des  Antilles. 

(2)  Voici  les  chiffres  de  la  statistique  criminelle  pour  la  période  décennale 
1887-1896: 

Années  Vagabondage  (art.  36 i)  llcndicilé  (art.  274) 

—  XTairei  Prévenus  Affaires  Prévenus 

1887 17.626  18.210  12.462  14.157 

1^8« 17.737  18.414  12.675  14.458 

1889 19.1)6  19.715  13.145  15.155 

1890 19.418  19.971  13.429  15.330 

1891 17.437  17.887  13.138  14.760 

1892........  18,816  19.356  13.781  15.776 

1893 18.067  18.628  12.434  14.321 

1894 19.123  19.723  13.114  14.955 

1895 18.816  19.356  13  781  15.776 

1896 15.009  15.387  10.995  12.361 


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286  UN    SIÈCLE   DE   LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE 

que  la  répression  ne  fonctionne  pas  suffisamment  et  que  les 
vagabonds  pullulent  sur  nos  routes,  aussi  bien  que  les  men- 
diants dans  les  rues  des  villes. 

En  1888,  après  la  création  de  la  direction  de  l'assistance  pu- 
blique au  ministère  de  l'Intérieur,  M.  Henri  Monod,  chargé 
d'organiser  cet  important  service,  a  fait  procédera  une  enquête 
sur  l'état  du  vaste  domaine  qui  lui  était  confié.  Les  dépôts  de 
mendicité  furent  compris  dans  cette  enquête.  Malgré  le  carac- 
tère répressif  que  leur  avait  donné  le  législateur  de  1808,  ces 
établissements  sont  devenus  presque  partout,  en  fait,  des  éta- 
blissements hospitaliers  destinés  à  recevoir  des  vieillards  et  des 
incurables  (1).  Leur  surveillance  est  confiée  aux  inspecteurs 
généraux  de  l'assistance  publique,  dont  les  rapports  font  ressor- 
tir périodiquement  les  inconvénients  résultant  de  la  situation 
hybride  des  dépôts.  L'enquête  a  révélé  l'existence  de  31  dépôts, 
en  laissant  de  côté  deux  établissements  situés  à  Brest  et  Cham- 
béry,  et  consacrés  uniquement  aux  incurables  de  ces  deux 
villes. 

Sur  ces  31  dépôts,  deux  sont  situés  en  Algérie  (2)  et  celui  de 
Mirande  (Gers)  avait  déjà  cessé  de  fonctionner  en  1887.  En 
outre,  quatre  dépôts  contenaient  seulement  de  2  à  18  personnes. 
11  y  avait  donc  en  réalité  24  dépôts  et  13  seulement  avaient 
organisé  le  travail  (3). 

En  outre,  25  départements  ont  conclu  un  traité  avec  un  dépar- 
tement possédant  un  dépôt,  en  vue  d'assurer  l'application  de 
l'article  274.  Mais  9  de  ces  départements  n'entretiennent  aucun 
pensionnaire  ou  en  entretiennent  un  nombre  dérisoire  (de  1  à  7)  ; 
en  outre,  deux  ont  traité  avec  le  dépôt  de  Mirande  qui  ne  fonc- 
tionne plus.  Il  reste  donc,  en  réalité,  16  départements  de  cette 
catégorie  qui,  joints  aux  24  de  la  catégorie  précédente,  consti- 

(1)  «  Les  dépôts  constituent  de  véritables  asiles  qui  forment  le  complément  de 
tout  service  d'assistance,  les  sisiles  communaux  ne  recevant  pas  certaines  caté- 
gories d'infirmes,  qu'on  ne  peut  cependant  sans  inconvénient  laisser  dans  leurs 
familles  ou  errer  à  l'abandon.  »  J .  de  Crisenoy,  Les  asiles  d'incurables  et  les  dé- 
pôts de  mendicité  {Revue  générale  d'administration,  1888). 

(2)  Ceux  de  Beni-Messous,  pour  la  province  d'Alger  et  d'El-Arrouch,  pour  celle 
de  Constantine. 

(3)  Nous  empruntons  tous  ces  renseignements  à  M.  de  Crisenoy,  qui-a  analysé 
avec  beaucoup  de  soin  l'enquête  du  ministère  de  Tlntérieur  dans  le  tome  111  des 
Annales  des  assemblées  départementales,  1  vol.  in-8,  Paris,  Berger-Levrault,  1889. 


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im   SIÈCLE   DB   LUTTE   CONTRE  LE  VAGABONDAGE  287 

tuent  un  total  de  40  départements  sur  87  où  il  est  donné  aux 
prescriptions  de  la  loi  une  satisfaction  purement  nominale  pour 
un  grand  nombre  d^entre  eux,  incomplète  pour  tous  (1). 


m 


Cet  état  d'impuissance  de  nos  lois  françaises  préoccupe  depuis 
longtemps  les  criminalistes.  Tous  ceux  qui  ont  étudié  cette 
question  savent  à  quelle  judicieuse  critique  MM.  Chauveau  et 
Faustin  Hélie,  Blanche,  Garreau,  pour  ne  parler  que  des 
ouvrages  classiques,  ont  soumis  la  législation  de  1808  et  1810. 
L'opinion  publique  ne  s'inquiète  pas  moins  d'un  état  de  choses 
qui  s'aggrave  constamment,  en  se  prolongeant.  Depuis  une 
quinzaine  d'années,  diverses  sociétés  d'études,  officielles  ou 
privées,  ont  préparé  toute  une  série  de  projets  destinés  à  remé- 
dier au  mal  ;  en  même  temps,  la  bienfaisance  privée,  toujours 
active  et  généreuse  dans  notre  pays,  multipliait  les  œuvres  d'assis- 
tance par  le  travail,  destinées  à  offrir  un  secours  temporaire  à 
l'ouvrier  en  état  de  chômage  involontaire,  et  à  enlever  ainsi  au 
vagabond  l'excuse  la  plus  ordinairement  invoquée  par  lui. 

Laissant  de  côté,  pour  aujourd'hui,  le  côté  pratique  de  la 
question  (2),  nous  nous  bornerons  à  exposer  rapidement  les 
systèmes  théoriqiies  élaborés  par  les  représentants  autorisés 
des  idées  d'assistance  ou  de  répression,  qui  se  mêlent  néces- 
sairement en  pareille  matière. 

Au  mois  de  juin  1877,  le  Conseil  supérieur  des  Prisons  fut 
saisi  par  M.  le  vicomte  d'HaussonviUe  d'une  proposition  relative 
aux  mesures  à  prendre  en  vue  de  la  répression  de  la  récidive. 

(1)  La  population  des  dépôts  comprenait,  au  31  décembre  1883,  5.038  pension- 
naires des  deux  sexes,  dont  876  reclus  (17  p.  100)  et  4.512  hospitalisés;  2.866  pen- 
sionnaires seulement  participaient  à  un  travail  quelconque,  agricole  ou  industriel. 

Les  dépenses  se  sont  élevées,  pour  1886,  à  1.307.602  fr.  75,  dont  861.847  fr.  06  à 
la  charge  du  département,  et  374.205  fr.  61  supportés  par  les  communes. 

(2)  Sur  Tassistance  par  le  travail,  on  peut  consulter  : 

1*  La  publication  de  TOfflce  du  travail,  Note  sur  les  sociétés  privées  d'assistance 
par  le  travail,  Paris,  Imprimerie  nationale,  1895,  ln-4,  91  p.  Ce  travail  contient 
une  série  de  notices  sur  chacune  des  œuvres  de  Paris  et  des  départements. 

2«  Les  diverses  publications  du  (îomité  central  des  Œuvres  d'assistance  par  le 
travail,  14,  place  Dauphine,  à  Paris. 


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288  UN    SIÈCLE   DE   LOTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE 

L'étude  faite  par  une  commission  spéciale  conclut  à  la  conve- 
nance d'établir  une  distinction  entre  ce  qu'on  peut  appeler  les 
grands  et  les  petits  récidivistes,  les  récidivistes  criminels  et 
les  récidivistes  d'habitude.  Pour  les  premiers,  la  Commission 
préconisait  la  transportation,  tandis  que  les  derniers  devraient 
être  enfermés  dans  des  maisons  de  travail.  Ceux-ci  compren- 
nent surtout  les  mendiants,  les  vagabonds,  les  surveillés  en 
rupture  de  ban. 

M.  le  conseiller  Petit  fut  chargé  du  rapport,  qui  donna  lieu 
à  une  discussion  des  plus  brillantes  devant  le  Conseil  supérieur, 
dans  la  session  de  janvier  1878.  Finalement,  l'adoption  de  l'ar- 
ticle 4  du  projet  régla  comme  suit  le  sort  de  la  seconde  catégorie, 
comprenant  les  individus  qui  nous  occupent  actuellement. 

Ceux  qui,  ayant  été  condamnés  cinq  fois  à  une  peine  corporelle  pour 
vagabondage,  mendicité  ou  rupture  de  ban,  seront  condamnés  de  nouveau 
àTemprisonnement  pour  Tun  de  ces  délits,  pourront  être  renvoyés  à  Texpi- 
ration  de  leur  peine,  par  le  jugement  ou  Tarrèt  de  condamnation,  dans  une 
maison  de  travail  pour  une  durée  de  deux  à  cinq  ans. 

Les  détenus  dans  ces  établissements  pourront  être  employés  à  des  travaux 
extérieurs... 

L*article  41  du  code  pénal  sera  applicable  aux  détenus  des  maisons  de 
travail.  Ils  pourront  être  mis  provisoirement  en  liberté  par  décision  admi* 
nistrative,  si  leur  conduite  est  satisfaisante,  et  sHls  réalisent  des  ressources 
par  leur  travail. 

La  Société  générale  des  prisons  étudia  à  son  tour,  en  1886,  la 
répression  du  vagabondage.  La  question  avait  été  posée,  l'année 
précédente,  au  troisième  congrès  pénitentiaire  inteiiiational 
réuni  à  Rome.  La  solution  préconisée  (1)  avait  un  caractère  de 
généralité  qu'il  convenait  de  préciser,  en  ce  qui  touche  spéciale- 
ment notre  pays.  Un  exposé  très  complet  et  très  étudié,  préparé 
par  M.  le  pasteur  Robin,  forma  la  base  d'une  longue  et  intéres- 
sante discussion,  qui  trouva  sa  conclusion  dans  la  rédaction 
d'un  projet  dû  à  la  plume  de  M.  Duverger,  professeur  à  la  Faculté 
de  droit. 

Le  savant  rapporteur  maintient  les  principes  posés  par  le 

(1)  Le  Ck>ngré8  émet  le  vœu  : 

lo  Que  rAssistance  publique  •oit  réglée  de  telle  mauière  que  chaque  personne 
indigente  soit  sûre  de  trouver  des  moyens  de  subsistance,  mais  seulement  en 
récompense  d'un  travail  adapté  à  ses  facultés  personnelles. 

2*  Que  rindigent  qui,  malgré  cette  assistance  ainsi  réglée,  se  livre  au  vaga- 
bondage et  tombe,  par  conséquent,  sous  le  coup  de  la  loi,  soit  puni  sévèrement 
par  des  travaux  obligatoires  dans  des  maisons  de  travail. 


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UN   SIÈCLE   DE   LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE  289 

Code  pénal,  et  se  borne  à  chercher  le  moyen  de  les  faire  appli- 
quer utilement. 

Il  distingue  les  vagabonds  et  les  mendiants  (1). 

Les  vagabonds  sont  divisés  en  trois  catégories  : 

1*  Les  vieillards  infirmes,  incurables,  incapables  de  travail, 
qui  seront  hospitalisés  dans  des  hospices  départementaux  dont 
la  création  et  l'entretien  seront  obligatoires; 

2*  Les  individus  valides  en  état  de  chômage  involontaire,  qui 
seront  accueillis  dans  des  dépôts  de  mendicité  dont  la  création 
est  facultative  pour  les  départements; 

3®  Les  valides  qui  ne  veulent  pas  travailler,  qui  seront  punis 
d'un  emprisonnement  de  trois  à  six  mois,  avec  faculté  de  ren- 
voi ultérieur  dans  une  maison  do  travail  pour  un  à  deux  ans. 
Ces  pénalités  sont  doublées  en  cas  de  récidive. 

Quant  aux  mendiants  invalides,  ils  ne  seront  punis  que  s'il 
existe  pour  la  localité  un  établissement  public  ou  privé  destiné 
à  obvier  à  la  mendicité. 

Le  projet  de  M.  Duverger  contenait,  en  outre,  une  heureuse 
innovation  :  il  posait  le  principe  d'une  législation  particulière 
pour  les  mineurs  de  seize  ans.  Le  Code  pénal  n'avait  prévu 
aucune  mesure  spéciale  à  leur  égard.  La  première  se  trouve 
dans  la  revision  de  1832,  qui  prescrit,  dans  un  second  para- 
graphe ajouté  à  l'art.  271,  que  Temprisonnement  sera  remplacé, 
pour  les  jeunes  mendiants  et  vagabonds,  par  la  surveillance  de 
la  haute  police.  Si  c'était  une  mesure  éducatrice  qu'on  avait 
en  vue,  nous  avons  le  droit  de  la  trouver  insuffisante. 

M.  Duverger  stipule  que  les  jeunes  vagabonds  seront,  selon 
les  circonstances,  remis  à  leurs  parents,  ou  confiés  à  un  orphe- 
linat, ou  conduits  dans  une  maison  de  correction,  jusqu'à  l'âge 
de  vingt  et  un  ans,  à  moins  qu'avant  cet  âge  ils  n'aient  con- 
tracté un  engagement  dans  les  armées  de  terre  et  de  mer. 

Le  principe  de  l'éducation  correctionnelle  du  jeune  vagabond 


(1)  Ces  distinctions  sont  plus  anciennes  qu'on  ne  le  croit  généralement.  Nous 
les  trouvons  déjà  parfaitement  indiquées  dans  une  lettre  de  Louis  XVI  à  son 
ministre  Amelot,  datée  du  8  juin  1177,  qu'a  publiée  M.  Amédée  Renée,  d'après 
l'autographe  appartenant  à  M.  Dentu.  (Louis  XVI  et  sa  cour,  Paris,  Didot,  1858, 
1  vol.  in-8»,  p.  t55.) 

On  retrouve  le^  mêmes  catégories  dans  plusieurs  cahiers  de  vœux  des  bail- 
tiages,  en  1889.  Voir  notamment  le  cahier  de  la  ville  de  Vienne,  cité  par  Léon 
Laliemand,  la  Révolution  et  les  Pauvt^,  Paris,  1  vol.  in-8»,  p.  32. 


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290  UN    SIÈCLE  DE  LDTTE  CONTRE  LE  VAGABONDAGE 

était  posé;  nous  le  retrouverons  dans  la  plupart  des  propositions 
ultérieures  (1). 

M.  Maurice  Faure,  député,  fit  de  la  partie  de  ce  projet  relative 
à  l'Assistance  l'objet  d'une  proposition  de  loi  qu'il  déposa  à  la 
Chambre  en  1887,  et  renouvela  en  1891.  Sur  le  rapport  de 
M.  Loreau,  cette  proposition  fut  prise  en  considération  le 
11  juin  1892. 

Le  Conseil  supérieur  de  l'Assistance  publique,  institué  par 
décret  du  14  février  1888,  mit  la  question  des  dépôts  de  mendi- 
cité à  l'ordre  du  jour  de  ses  premières  délibérations.  En  jan- 
vier 1889,  à  la  suite  d'un  rapport  présenté  par  M.  Charles  Dupuy, 
député,  le  conseil  se  prononçait  pour  la  suppression  des  dépôts 
de  mendicité  existant  et  leur  remplacement  par  deux  sortes 
d'établissements  distincts  : 

l^  Asiles  départementaux  d'incurables; 

2^  Maisons  de  travail  répressives.. 

Les  reclus  volontaires  pourraient  être  admis  dans  ces  derniers 
établissements  sur  un  certificat  du  maire  de 'leur  commune. 

On  voit  que  ce  projet  fait  cesser  la  confusion  des  invalides  et 
des  valides  dans  un  même  établissement;  mais  il  la  maintient 
pour  deux  catégories  de  valides  qu'il  importe  de  distinguer  :  le 
chômeur  involontaire  et  le  vagabond  professionnel. 

En  faisant  connaître  ces  décisions  à  M.  le  ministre  de  l'Inté- 
rieur, le  Conseil  supérieur  de  l'Assistance  publique  avait  indi- 
qué l'opportunité  d'un  avis  émis  par  le  Conseil  supérieur  des 
Prisons  sur  un  objet  qui  touche  à  la  répression  autant  qu'à 
l'assistance.  Ce  Conseil  fut  saisi  par  le  Ministre  et  confia  l'étude 
du  projet  à  sa  2^  commission,  qui  choisit  pour  rapporteur 
M.  Félix  Voisin,  conseiller  à  la  Cour  de  Cassation.  Dans  un  tra- 
vail dont  le  .Conseil  supérieur  adopta  les  conclusions  dans  la 
séance  du  28  juin  1892,  M.  le  conseiller  Voisin  examine,  à  son 
tour,  les  trois  catégories  de  mendiants  ou  vagabonds  indiquées 
par  M.  Charles  Dupuy.  D'accord  avec  celui-ci  pour  remettre  à 
l'Assistance  publique  les  infirmes  et  vieillards, il  confierait  même 

(1)  Disons  de  suite  que  les  art.  2  et  3  de  la  loi  du  7  décembre  1874,  relaUve  à 
la  protection  des  enfants  employés  dans  les  professions  ambulantes,  punissent 
sévèrement  les  parents  ou  patrons  employant  les  enfants  à  la  mendicité. 

L*art.  2  de  la  loi  du  24  juillet  ldS9  sur  la  protection  des  enfants  maltraités  et 
moralement  abandonnés  permet  de  prononcer  la  déchéance  de  la  puissance 
paternelle  contre  les  parents  coupables  de  faits  de  ce  genre. 


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UN    SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE  291 

volontiers  à  cette  administration  l'organisation  ou,  au  moins, 
le  contrôle  des  maisons  de  travail  destinées  à  recevoir  les  in- 
dividus sans  occupation  et  intéressants.  Mais  le  rapporteur  du 
Conseil  supérieur  des  Prisons  repousse  formellement  les  conclu- 
sions du  Conseil  supérieur  de  T Assistance  en  ce  qui  touche  la 
troisième  catégorie,  les  paresseux  incorrigibles.  Pour  eux,  il 
estime  que  la  prison  cellulaire  constitue  seule  un  moyen  d'inti- 
midation suffisant,  et  qu'il  convient  de  leur  appliquer  rigou- 
reusement le  régime  de  la  séparation  individuelle,  prescrit  par 
la  loi  du  5  juin  1875. 

La  commission  instituée  au  ministère  de  la  Justice  le  26  mars 
1887  en  vue  de  préparer  la  revision  de  la  législation  pénale  s'oc- 
cupa bientôt,  à  son  tour,  de  la  question  du.  vagabondage.  La 
partie  générale,  terminée  en  1892,  prévoit,  dans  son  article  38, 
le  placement  dans  une  maison  de  travail  au  nombre  des  peines 
privatives  de  la  liberté.  Une  sous-commission  fut  chargée  de 
préparer  la  partie  du  projet  relative  aux  mendiants  et  vagabonds. 
La  sous-commission  constata  le  lien  intime  qui  unit  en  cette 
matière  l'assistance  et  la  répression.  Comme  il  semblait  diffi- 
cile de  faire  rentrer  des  mesures  d'assistance  dans  un  projet  de 
Code  pénal,  on  se  décida  à  traiter  simultanément  les  deux  côtés 
de  la  question  dans  un  projet  de  loi  spécial,  dont  la  rédaction 
fut  confiée  à  M.  le  professeur  Léveillé. 

Ce  projet  très  complet  comprend  deux  titres  et  sept  articles  ; 
il  est  conforme,  dans  ses  parties  essentielles,  à  celui  de  M.  le 
professeur  Du  verger,  que  nous  avons  analysé  plus  haut.  Il  s'en 
écarte  toutefois  sur  un  point  important  :  le  nouvel  article  281 
donne  à  l'administration  la  faculté  de  substituer,  pour  les  vaga- 
bonds, l'internement  dans  une  maison  de  travail  à  l'emprison- 
nement, mais  il  n'impose  pas  l'obligation  de  créer  des  établisse- 
ments de  ce  genre. 

L'assistance  des  vieillards  forme  une  partie  importante  de 
tous  les  projets  que  nous  venons  d'eiaminer.  Le  Conseil  supé- 
rieur de  l'Assistance  publique  avait  été  saisi  de  cette  question 
spéciale  par  le  ministre  de  l'Intérieur  dès  le  29  janvier  1889. 
Les  2*  et  3*  sections  se  réunirent  pour  étudier  la  solution  à 
recommander,  solution  qui  nous  est  connue  par  un  remarqua- 
ble rapport  de  M.  Sabran  (1),  dont  les  conclusions  ont  été  adop- 

(1)  Actes  du  Conseil  supérieur  de  lAssistance  publique,  fascicule  n«  32. 


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292^  DN    SIÈCLE  DE   LUTTE   CONTRE   LE  VAGABONDAGE 

tées  par  les  sections  le  26  janvier  1891  et  par  le  Conseil  supérieur 
en  janvier  1892  (1).  Ce  projet  établit  l'obligation  du  secours  au 
profit  des  indigents  incurables  âgés  de  70  ans  et  domiciliés.  Ce 
secours  pourra  être  donné  soit  à  domicile,  soit  dans  un  hospice. 
A  défaut  de  domicile  communal,  la  charge  incombe  soit  au  dé- 
partement, soit  à  TEtat. 

Des  propositions  analogues  avaient  été  faites  à  la  Chambre 
des  députés  par  MM.  Emile  Rey  et  Lachièze.  Leur  étude  a  donné 
lieu  à  un  rapport  de  M.  Fleury-Ravarin  (2)  qui  adopte,  dans  ses 
principes  essentiels,  les  mêmes  solutions  que  le  Conseil  supé- 
rieur. Il  y  ajoute,  toutefois,  une  disposition  intéressante  :  Toblî- 
gation  pour  l'indigent  d'accepter  le  secours  qui  pourra  lui  être 
imposé  sous  forn^e  d'internement  par  le  juge*  de  paix,  sur  la 
réquisition  du  maire. 

Enfin  un  vote  de  la  Chambre  du  27  décembre  1895  a 
invité  le  Gouvernement  à  proposer  dans  le  budget  de  1897  des 
crédits  pour  commencer  l'organisation  de  l'assistance  des  vieil- 
lards, par  l'allocation  de  pensions  à  domicile.  Ce  service  fonc- 
tionne depuis  lors,  dans  un  certain  nombre  de  départements. 

Le  5®  congrès  pénitentiaire  international,  réuni  à  Paris  en 
1895,  confirmait,  après  une  discussion  sérieuse,  les  principes 
désormais  acquis,  en  adoptant,  à  une  grande  majorité,  la  réso- 
lution suivante  : 

i^  La  société  a  le  droit  de  prendre  des  mesures  de  préservation  so- 
ciale, même  coercitives,  contre  les  mendiants  et  vagabonds.  A  ce  droit 
correspond  le  devoir  d'organiser,  suivant  une  méthode  rationnelle,  Tassis- 
tance  publique,  les  secours  privés  et  le  patronage. 

2<>  U  y  a  lieu  de  traiter  difTéremment  les  mendiants  et  vagabonds,  sui- 
vant qu'il  s'agit  : 

(a)  d'indigents  valides  ou  infirmes; 

(6)  de  mendiants  ou  vagabonds  accidentels; 

(c)  de  mendiants  ou  vagabonds  professionnels. 

Les  premiers  doivent  être  assistés  tant  qu'ils  n'ont  pas  recouvré  la 
force  nécessaire  pour  retrouver  des  moyens  d'existence. 

Les  seconds  relèvent  de  l'assistance  publique  ou  privée,  et  doivent  être 
recueillis  dans  des  refuges  ou  stations  de  secours,  méthodiquement  orga- 
nisés, où  le  travail  sera  obligatoire. 

(1)  Actes  du  Conseil  supérieur,  fascicule  n»  87. 

(2)  Chambre  des  députés,  6«  législature^  n«  1673.  »  La  même  commission  avait 
reçu  mission  d'étudier  une  proposition  de  loi  de  M.  Georges  fierry,  prise  en  coa> 
sidération  le  12  mars  1894,  et  relative  à  |a  suppression  de  la  mendicité. 


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UN   SIÈCLE   DE  LUTTE  CONTRE   LE  VAGABONDAGE  293 

Les  derniers  doivent  être  Tobjet  d'une  répression  sévère,  de  nature  à 
empêcher  ]a  récidive. 

3"  La  mesure  la  plus  efficace  contre  les  professionnels  est  rinteruement 
prolongé,  en  vertu  d'une  décision  judiciaire,  dans  des  colonies  spéciales 
de  travail.  Les  internés  devront  être  libérés  dès  que,  soit  par  suite  de  leur 
amendement,  soit  par  suite  de  chances  de  reclassement,  leur  détention  ne 
paraîtra  plus  nécessaire. 

Le  travail  dans  ces  colonies  doit  être  envisagé,  non  seulement  comme 
moyen  de  répression,  mais  encore  et  surtout  comme  facteur  de  reclasse- 
ment. 

%  Les  divers  projets  de  loi  que  nous  avons  examinés  ci-dessus 
attendent,  depuis  de  longues  années,  leur  tour  de  discussion 
devant  les  Chambres.  Il  était  naturel  de  se  demander  si  la  légis- 
lation actuelle,  malgré  ses  imperfections,  ne  permettait  pas 
d'apporter  quelque  atténuation  à  un  mal  qui  devient  intolérable. 
La  Société  générale  des  Prisons  et  la  Société  internationale  pour 
Tétude  des  questions  d'Assistance  s'entendirent,  en  novembre 
1894,  pour  nommer  une  commission  mixte,  avec  mission  d'étu- 
dier cette  question.  Les  délibérations  de  cette  commission, 
présidée  par  M.  le  conseiller  Voisin,  eurent  pour  conclusion  un 
important  rapport  de  M.  de  Crisenoy,  ancien  directeur  des 
Affaires  départementales  au  ministère  de  l'Intérieur  (1).  Ses 
conclusions  tendaient  à  :  1*»  provoquer  la  création  d'aleliers 
d'assistance,  surtout  en  venant  en  aide  aux  œuvres  privées; 
2^  décourager  les  instincts  de  vagabondage  par  l'organisation 
méthodique  d'abris  sérieusement  organisés;  3**  rendre  rigou- 
reux l'internement  des  mendiants  par  Tapplication  de  la  cellule, 
la  suppression  absolue  du  vin  et  du  tabac. 

M.  le  ministre  de  l'Intérieur  voulut  bien  transmettre  aux  • 
conseils  généraux,  par  l'intermédiaire  des  préfets,  la  note  rédi- 
gée par  la  commission  mixte,  en  en  recommandant  l'examen. 
Un  grand  nombre  d'assemblées  départementales  délibérèrent 
sur  la  question  et  plusieurs  d'entre  elles,  notamment  le  Puy- 
de-Dôme,  le  Loir-et-Cher,  le  Pas-de-Calais,  le  Vaucluse,  ont 
pris  à  la  suite  de  cette  étude  d'heureuses  initiatives  (2),  sur 
lesquelles  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  insister  ici  plus  lon- 
guement. 

(1)  On  trouvera  ce  document  dans  la  Revue  pénitent  taire  y  1895,  p.  650. 

(2)  M.  de  Crlsenby  a  fait  connaître  les   réponses  de  61  départements  dans  le 
tome  X  des  Annales  des  assemblées  départementales^  Paris,  Berger-Levrault.  1*^96. 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  20 


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294  UN   SIÈCLE  DE   LUTTE   COîJTRE   LE   VAGABONDAGE 

Le  Gouvernement  ne  s'est  pas  contenté  d'encourager  Tinitia- 
tive  des  Sociétés  particulières;  il  est  entré  lui-même  dans  la 
même  voie.  Dès  le  8  novembre  1897,  M.  Dupuy,  ministre  de 
rintérieur,  adressait  une  circulaire  aux  préfets  pour  les  inviter 
à  favoriser  le  développement  des  œuvres  privées  d'assistance 
par  le  travail.  Un  décret  du  13  novembre  1897  instituait,  sous 
la  présidence  de  M.  de  Marcère,  sénateur,  une  commission 
extraparlementaire  «  pour  rechercher  les  moyens  propres  à 
améliorer  la  police  du  vagabondage  et  des  campagnes  »,  en  uti- 
lisant mieux  que  par  le  passé  les  éléments  divers  créés  par  leë 
lois  existantes.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  conclusions  de 
cette  commission,  qui  ont  été  pertinemment  analysés,  ici 
même  (1).  Par  une  circulaire  en  date  du  10  juin  1898,  M.  Bar- 
thou,  ministre  de  l'Intérieur,  a  communiqué  aux  préfets  les 
constatations  faites  par  la  commission  et  ceux  des  moyens  préco- 
nisés par  elle  dont  l'adoption  immédiate  peut  être  recomman- 
dée par  le  Gouvernement. 


IV 


Lors  des  élections  générales  du  mpis  de  mai  1898,  les  préoc- 
cupations des  populations  rurales  à  Tendroit  du  vagabondage 
étaient  devenues  assez  vives,  pour  que  plusieurs  candidats 
aient  cru  devoir  les  mentionner  dans  leurs  déclarations  et  pro- 
fessions de  foi.  Ce  n'est  pas  seulement  un  lourd  impôt  qui  est 
prélevé  par  les  chemineaux  sur  les  propriétaires  et  fernaiers  ;  des 
.  crimes  fréquents  prouvent  que  la  sécurité  est  insuffisante  dans 
nos  campagnes. 

Un  député  nouvellement  entré  à  la  Chambre,  mais  qu'une 
brillante  carrière  judiciaire  avait  préparé  à  la  solution  du  pro- 
blèmes juridiques,  M.  Jean  Cruppi,  a  voulu  immédiatement 
«  libérer  sa  conscience  »  de  la  promesse  faite  à  ses  électeurs. 
Le  25  janvier  dernier,  le  député  de  la  Haute-Garonne  déposait 
sur  le  bureau  de  la  Chambre  une  proposition  de  loi  relative  aux 
«  moyens  d'assistance  et  de  coercition  propres  à  prévenir  et  à 
réprimer  le  vagabondage  et  la  mendicité  »  (2). 

(1)  Revue  politique  et  parlement  aire ,,  1898, 

(2)  Chambre  des  députés,  7*  législature,   no  651.  Annexe  à   la    séance  du 
25  janvier  1899. 


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UN   SIÈCLE   DE  LDTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE  295 

Le  renvoi  à  la  commission  de  législation  criminelle,  demandé 
par  Fauteur  du  projet,  a  été  immédiatement  prononcé  par  la 
Chambre. 

Cette  proposition  de  loi  s'est  largement  inspirée  des  projets 
antérieurs  que  nous  venons  d'examiner;  elle  les  a  complétés 
pard'heureux  emprunts  aux  conclusions  de  M.  de  Marcère  et  à 
la  législation  étrangère. 

Pour  assurer  aux  nécessiteux  dignes  d'intérêt  le  secours  qui 
leur  est  indispensable,  le  projet  impose  au  département  Tobli- 
gation  de  créer  et  d'entretenir  des  établissements  de  deux  sortes  : 
une  maison  de  refuge,  où  les  vieillards  et  incurables  seront 
accueillis  en  vertu  d'une  décision  judiciaire;  une  maison  d'as- 
sistance par  le  travail,  où  les  ouvriers  en  état  de  chômage  pour- 
ront se  présenter  librement. 

Après  avoir  ainsi  pourvu  à  toutes  les  nécessités  de  Tassis- 
tance,  Tauteur  se  préoccupe  d'assurer  une  répression  efficace. 
Les  divers  agents  de  l'autorité  et  de  la  force  publique  soAt  char- 
gés de  rechercher  les  délits  ;  mais,  en  cas  de  besoin,  le  projet 
leur  donne  le  droit  de  requérir  le  concours  de  divers  agents 
assermentés  :  douaniers,  gardes  forestiers,  cantonniers,  etc. 
Les  nomades  seront  tenus  désormais  de  justifier  de  leur  iden- 
tité à  toute  réquisition  de  la  force  publique.  Mais  chacun  d'eux 
pourra  se  procurer  dans  les  bureaux  des  sous-préfectures  une 
carte  d'identité,  portant  son  signalement  et  qui  lui  permettra 
de  satisfaire  à  cette  prescription  (1).  Faute  de  posséder  cette 
carte,  ou  d'autres  moyens  légaux  de  justification,  le  nomade 
sera  arrêté  et  conduit  au  dépôt  de  sûreté  qui  devra  exister  dans 
tout  chef-lieu  de  canton  (2). 

Par  une  innovation  inspirée  de  la  loi  belge  du  27  novem- 
bre 4891  (3),  les  individus  ainsi  arrêtés  seront  traduits  devant 

(1)  Cette  disposition,  empruntée  aux  conclusions  de  M.  de  Marcère  (rapport 
précité,  p.  27-28),  est  déjà  eu  vigueur  depuis  quelques  mois  dans  le  Pas-rde-Calais, 
grâce  à  l'initiative  du  préfet,  M.  Alapetite.  Ce  fonctionnaire  faisait  partie  de  la 
commission  extraparlementaire  et  s'est  immédiatement  efforcé  de  réaliser  toutes 
les  mesures  préconisées  qui  le  trouvent  compatibles  avec  la  législation  actuelle. 

C'est  un  fait  qui  mérite  d'être  signalé  et  proposé  comme  exemple. 

(2)  La  statistique  pénitentiaire  de  ta  France  pour  Vannée  1895  nous  apprend 
qu'il  existait,  au  31  décembre  de  cette  année,  3.318  chambres  ou  dépôts  de  sû- 
reté. 

On  sait  que  le  nombre  des  cantons  est  de  2.899. 

(3)  On  sait  que  cette  loi  a  fait  du  vageibondage  une  simple  contravention,  sur 
laquelle  le  juge  de  paix  statue  dans  les  vingt-quatre  heures. 

L'attribution  de  cette  compétence  au  juge  de  paix  est,  du  reste,  un  retour  aux 


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296  UN   SIÈCLE  DE  LUTTE   CONTRE  LE  VAGABONDAGE 

le  juge  de  paix  qui  devra  statuer  dans  les  vingt-quatre  heures. 
Ce  magistrat  devra  déterminer,  à  l'aide  des  moyens  d'investi- 
gation en  son  pouvoir,  si  les  inculpés  se  trouvent  dans  les  con- 
ditions constitutives  du  délit  ;  il  aura  le  droit  de  relâcher  ou 
d'hospitaliser  ceux  qui  échappent  à  la  répression;  iln'aura  pas 
le  droit  de  punir.  Les  coupables  présumés  devront  être  con- 
duits au  chef-lieu  d'arrondissement  pour  y  être  traduits  devant 
le  tribunal  correctionnel. 

Quant  à  la  peine,  c'est  l'emprisonnement,  dont  la  durée 
augmente  à  chaque  récidive  ;  elle  pourra  atteindre  cinq  ans  à 
partir  de  la  troisième  condamnation. 

On  voit,  par  ce  rapide  exposé,  que  le  projet  de  M.  Cruppi 
s^est  efforcé  de  donner  une  réponse  à  toutes  les  questions  posées 
par  ses  différents  précurseurs.  Son  œuvre  n'en  a  pas  moins  sou- 
levé de  multiples  objections. 

Les  plus  vives  vinrent  des  représentants  des  départements, 
effrayéà  des  charges  financières  qui  résulteraient  pour  eux  de  la 
création  et  de  Tentretien  de  deux  séries  d'établissements.  Les 
conseils  généraux  éprouvent  la  plus  grande  difficulté  à  assurer 
le  fonctionnement  de  l'assistance  médicale  gratuite,  conformé- 
ment aux  prescriptions  de  la  loi  du  15  juillet  1893  ;  ils  seraient 
hors  d'état  d'organiser  les  établissements  réclamés. 

Ces  créations  soulevèrent,  d'ailleurs,  des  objections  d'un 
autre  ordre.  L'ouverture  d'asiles-refuges  pour  les  vieillards  cons- 
titue, sinon  le  droit  au  secours,  au  moins  l'obligation  de  l'assis- 
tance pour  les  départements,  puisqu'on  ne  pourra  pas  refuser 
l'individu  renvoyé  par  Je  juge  de  paix.  C'est  toucher  indirecte- 
ment une  question  très  grave,  soumise  depuis  plusieurs  années 
aux  délibérations  du  Conseil  supérieur  de  l'Assistance  publique 
et  des  deux  Chambres. 

M.  Paul  Strauss  a,  de  son  côté,  déposé  une  proposition  de  loi 
sur  l'assistance  aux  vieillards  et  infirmes  indigents  dans  la 
séance  du  Sénat  du  20  janvier  1898. 

Le  Conseil  supérieur  examine,  en  ce  moment  môme,  la  ques- 
tion déjà  posée  par  le  rapport  de  M.  Sabran  (1)  et  cherche  à  lui 

<lifpo8itiiMisde  notre  droit  intermédiaire.  Le  déci^pt  des  19-22  juillet  1791,  relatif 
è  rorgaoieation  d'une  police  municipale,  stipule  (titre  II,  art.  22)  :  «  Les  men- 
diants valides  pourront  être  saisis  et  conduits  devant  le  Juge  de  paix,  pour  être 
stittué  à  leur  égard  conformément  aux  lois  sur  la  répression  de  la  mendicité.  » 
(1)  Voir  ci-dessus. 


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UN   SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE  LE   VAGABONDAGE  297 

donner  une  solution  qui  s'accorde  avec  les  principes  généraux 
qu'il  a  adoptés  précédemment  et  les  lois  d'assistance  déjà  vo- 
tées. Il  serait  peut-être  préférable,  a-lron  fait  remarquer,  de 
laisser  à  ces  diverses  assemblées  le  soin  de  préparer  et  d'ar- 
rêter une  solution,  et  de  ne  pas  compliquer  une  loi  répressive 
par  rintroduction  de  mesures  d'un  caractère  tout  différent  (1). 

Les  maisons  d'assistance  départementales  par  le  travail  ren- 
contrèrent une  opposition  plus  vive  encore  ;  on  manifesta  im- 
médiatement la  crainte  de  voir  ainsi  poser  le  principe  du  droit 
au  travail  pour  tout  chômeur  involontaire.  Du  moment  où  on 
sera  admis  de  droit  dans  ces  établissements,  a-t-on  dit,  ce  se- 
ront, en  dépit  des  précautions  oratoires,  de  véritables  ateliers 
nationaux  susceptibles  de  prendre  des  proportions  considé- 
rables dans  les  départements  industriels  ou  dans  les  grandes 
villes  et  qui  aboutiront  aux  mêmes  abus  qu'en  1848  et  en 
.1791  (2). 

Enfin,  le  législateur  aura  beau  élever  la  durée  de  l'emprison- 
nement, il  n'obtiendra  pas  une  répression  sévère,  tant  que  l'ap- 
plication de  l'art.  463  permettra  d'abaisser  la  peine  fort  au- 
dessous  du  minimum.  Aujourd'hui,  le  vagabond  valide  qui 
mendie  est  frappé  par  le  Code  d'une  peine  sérieuse,  d'un  empri- 
sonnement de  six  mois  à  deux  ans  ;  on  sait  ce  qu'il  en  est  dans 
la  pratique.  On  a  vu  des  tribunaux  prononcer  trois  mois  de  pri- 
son contre  un  récidiviste,  quand  trois  mois  et  un  jour  étaient 
nécessaire  pour  la  relégation.  C'est  un  parti  pris,  pour  beau- 
coup de  magistrats,  de  ne  pas  condamner  un  mendiant  à  une 


(1)  En  Belgique,  trois  lois  ont  été  promulguées  à  la  même  date  du  27  no- 
vembre 1891.  Elles  conceraent  : 

1«  L*assistance  publique  ; 

2»  L'assistance  médicale  gratuite  ; 

3»  La  répression  du  vagabondage  et  de  la  mendicité. 

Le  second  point  se  trouve  réglé  en  France  par  la  loi  du  15  juillet  1893. 

(2)  M.  Cruppi  cite  le  dépôt  de  mendicité  de  Courville,  crée  par  le  conseil  géné- 
ral d'Eure-et-Loir,  et  qui  fonctionne  dans  des  conditions  très  satisfaisantes  avec 
un  quartier  d'assistance  par  le  travail.  Mais  ce  quartier,  créé  spontanément  sans 
obligation  légale,  a  le  droit,  comme  une  œuvre  privée,  de  refuser  des  pension- 
naires quand  Teffectif  est  complet.  De  plus  le  département  d'Eure-et-Loir  ne 
compte  que  280.469  habitants  avec  une  densité  kilométrique  de  47.2.  La  popula- 
tion rurale  est  de  79  pour  100.  Les  conditions  seraient  bien  différentes  dans  nos 
départements  industriels  comme  le  Nord  (1.811.868  h.,  313,8  par  kil.  c.,)  le  Pas- 
de-Calais  (906.249  b.,  134,2  par  kil.  c),  la  Loire  (625.336  h.,  130,2  par  kil.  c.) 

Ces  chiffres  sont  empruntés  à  V Annuaire  statistique  de  la  France  pour  1898. 
1  vol.  in  8*",  Imprimerie  nationale,  1899. 


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298  UN    SIÈCLE  DE   LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE 

peine  plus  longue  que  celle  qui  atteint  certaines  catégories  de 
voleurs. 

L'auteur  du  projet  n'avait  pas  eu  la  prétention  d'arriver  du 
premier  coup  à  une  solution  définitive,  quoiqu'il  fût  plus  qua- 
lifié que  beaucoup  d'autres  pour  la  proposer  ;  il  avait  haute- 
ment annoncé  son  intention  d'écouter  toutes  les  observations, 
il  les  avait  même  sollicitées  avec  une  parfaite  bonne  grâce.  Il 
sut  faire  son  profit  de  toutes  celles  qui  lui  parurent  sérieuses. 
Quand  il  revint  ces  jours-ci  devant  la  commission  de  législa- 
tion criminelle,  son  projet  avait  complètement  changé  de  forme, 
les  contradicteurs  qui  se  préparaient  à  la  combattre  se  trou- 
vèrent désarmés,  par  avance. 

Plus  de  déclaration  générale  de  principes,  plus  de  création 
obligatoire  d'établissements  coûteux.  Des  définitions  précises  de 
la  mendicité  et  du  vagabondage  (1)  englobent  tous  les  individus 
coupables  et  laissent  échapper  ceux  qui  peuvent  invoquer  une. 
excuse.  On  assurera  ainsi  la  répression  immédiate  du  vagabon- 
dage professionnel  et  de  la  mendicité  des  valides,  c'est-à-dire 
l'arrestation  de  tous  les  individus  dangereux.  Quant  à  l'assis- 
tance de  ceux  qui  ne  le  sont  pas,  elle  se  fera  au  moment  et  dans 
la  mesure  où  les  départements  voudront  être  débarrassés  de 
leurs  mendiants  :  leur  intérêt  leur  dictera  le  montant  des  sacri- 
fices qu'ils  voudront  consentir. 

Quel  est,  en  effet,  celui  des  caractères  constitutifs  qui  rend  le 
fait  de  mendier  essentiellement  punissable?  C'est  la  paresse, 
caractérisée  par  le  refus  de  chercher  du  travail  ou  d'accomplir 
le  travail  offert  (2). 

Par  conséquent,  partout  où  existera  un  établissement  d'assis- 
tance par  le  travail  ouvert  à  tous,  et  dont  l'existence  sera  révé- 

(1)  Art.  2.  —  Le  mendiant  punissable  est  celui  qui,  en  quelque  lieu  que  ce 
soit,  sollicite  la  charité  dans  son  propre  intérêt,  et  qui,  étant  apte  au  travail,  ne 
justifie  pas  avoir  fait  le  nécessaire  pour  en  trouver  ou  a  refusé  le  travail  rému- 
néré qui  lui  était  offert,  soit  par  un  particuUer,  soit  par  une  œuvre  d'assistance 
publique  ou  privée. 

Abt.  3.  —  Le  vagabond  punissable  est  celui  qui  n*ayant  ni  domicile  certain,  ni 
moyens  de  subsistance,  et  n'exerçant  depuis  un  mois  au  moins  ni  métier,  ni 
profession,  est  apte  au  travail  et  ne  justifie  pas  avoir  fait  le  nécessaire  pour  en 
trouver,  ou  encore  a  refusé  le  travail  rémunéré  qui  lui  était  offert,  soit  par  un 
particulier,  soit  par  une  œuvre  d^assistance  publique  ou  privée. 

(2)  Le  Code  pénal  de  PEmpire  allemand  punit,  comme  le  vagabondage  ou  la 
mendicité,  Vhorreur  du  travail  {Arbeitsscheu),  caractérisée  par  le  fait  de  n'avoir 
pas  fait  des  démarches  pour  se  procurer  des  moyens  d'existence  dans  le  délai 
ùxé  par  la  police  (article  360,  §  8). 


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UN   SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE  299 

lée  aux  intéressés  par  une  large  publicité,  il  y  aura  l'offre  du 
travail  sufiisante  pour  constituer  le  valide  en  état  de  délit.  Point 
n'est  besoin  que  cet  établissement  soit  créé  par  le  département 
ou  la  commune  ;  un  atelier  privé,  pourvu  qu'il  soit  librement 
ouvert,  servira  de  pierre  de  touche  et  remplira  le  but  de  la  loi. 
Quand  cet  établissement  sera  encombré,  il  délivrera  aux  indi- 
vidus qui  se  présenteront  sans  pouvoir  être  accueillis  une  attes- 
tation qui  leur  vaudra  excuse  légale.  L'institution  cessera  donc 
de  fonctionner  automatiquement,  pour  ainsi  dire,  le  jour  où  une 
crise  industrielle,  un  désastre  public  viendrait  à  frapper  une 
région  déterminée.  La  répression  s'arrêtera  de  mêhie. 

Quant  aux  vieillards,  infirmes,  invalides,  le  juge  de  paix 
chargé  de  l'enquête  préalable  ordonne  qu'ils  seront  hospitalisés, 
si  un  établissement  existe  dans  ce  but  pour  le  département,  à 
moins  qu'on  ne  préfère  attribuer  à  l'indigent  un  secours  à  domi- 
cile. Âla  campagne,  le  magbtrat,  habitant  à  proximité,  est  à 
même  de  se  renseigner  immédiatement  sur  la  plupart  des  cas 
intéressants,  qui  concerneront,  le  plus  souvent,  des  vieillards  ou 
infirmes  domiciliés.  Il  est  infiniment  mieux  placé  pour  faire 
cette  enquête  que  le  parquet  ou  le  juge  d'instruction,  qui  sont 
trop  loin.  Son  intervention  simplifiera  considérablement  le  rôle 
du  tribunal  et  évitera  l'encombrement  des  maisons  d'arrêt,  tout 
ea  prévenant  des  incarcérations  regrettables. 

Le  vagabond,  au  contraire,  l'inconnu  voyageant  sans  papiers, 
sans  moyens  d'existence,  sera  dirigé  sur  le  chef-lieu  d'arrondis- 
sement. Là,  le  parquet  pourra  plus  facilement  obtenir  des  ren- 
seignements qui  exigent  une  correspondance.  Il  est  clair  que  les 
motifs  qui  ont  amené  l'intervention  du  juge  de  paix  n'existent  pas 
dans  les  villes  où  siège  un  tribunal  de  première  instance.  Les 
parquets  y  sont  à  même  de  faire  l'enquête  plus  rapidement  que 
les  juges  de  paix,  ils  ont  àleur  disposition  des  établissements  péni- 
tentiaires qui  manquent  à  ces  derniers.  Les  mendiants  et  vaga- 
bonds arrêtés  dans  l'étendue  du  canton  chef-lieu  d'arrondis- 
sement seront  donc  traduits  directement  devant  le  juge  d'ins- 
truction. 

Reste  la  question  de  pénalité.  Faible  pour  un  premier,  pour 
un  second  délit,  elle  doit  être  sévère  pour  le  mendiant  profes- 
sionnel sans  excuse  et  pour  le  vagabond.  La  loi  stipulera  donc 
que  les  circonstances  atténuantes  ne  pourront  être  accordées 


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300  UM    SIÈCLE   DE   LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE 

que  pour  les  premières  condamnations.  A  partir  d'un  nombre 
suffisant  pour  bien  établir  Tintention  de  vivre  sans  travailler, 
cinq,  par  exemple,  Tarticle  463  ne  sera  plus  applicable  et  la 
durée  de  Femprisonnement  sera  obligatoirement  fixée  entre 
cinq  et  dix  ans.  On  mettra  aussi  un  terme  à  Tindustrie  de  ces 
«  hivernants  »,  de  ces  prisonniers  volontaires  qui  viennent  se 
faire  arrêter  quand  tombent  les  feuilles,  pour  passer  à  l'abri  les 
mois  les  plus  durs  de  Tannée.  Quand  ils  sauront  que  leur  inter- 
nement ne  prendra  plus  fin  au  printemps  suivant,  qu'il  se  pro- 
longera pendant  plusieurs  années,  avec  Tobligation  d'accomplir 
un  travail  sérieux,  ils  hésiteront  davantage  à  revenir  en  prison. 
On  peut  consulter  sur  ce  point  Texpérience  de  la  Belgique,  où 
la  loi  de  1891  commence  à  produire  son  effet  d'intimidation. 

Cet  emprisonnement  prolongé  ne  sera  toutefois  pas  irrévo- 
cable, ce  ne  sera  pas  un  «  enfer  sans  espérance  »  ;  la  perspective 
de  la  libération  conditionnelle  luira  aux  yeux  du  détenu  dési- 
reux de  se  relever.  Cette  libération  pourra  toujours  être  de- 
mandée par  l'administration,  qui  aura  ainsi  un  moyen  de 
réparer  des  erreurs  malheureusement  toujours  possibles  ;  elle 
pourra  être  sollicitée  par  le  condamné  lui-même,  quand  il  aura 
accompli  une  portion  de  sa  -peine  suffisante  pour  prouver  sa 
bonne  volonté,  elle  pourra  enfin  être  réclamée  par  la  commune 
du  domicile,  par  une  association  charitable  ou  même  par  un 
simple  particulier  qui  se  chargera  de  subvenir  aux  besoins  du 
libéré.  Mais  cette  libération  devra  être  prononcée  par  le  tribunal 
civil  statuant  sommairement  sur  le  vu  de  pièces  justificatives 
établissant  que  le  bénéficiaire  aura  des  moyeds  d'existence 
assurés  et  ne  retombera  pas  forcément  dans  la  mendicité.  On 
parera  ainsi  aux  abus  de  pratiques  administratives  qui  font  trop 
facilement  dépendre  la  durée  de  la  peine  de  considérations 
de  place,  de  dépenses,  étrangères  à  toute  vue  d'amendement. 

En  résumé,  le  projet  de  M.  Cruppi,  tel  qu'il  a  été  modifié  par 
son  auteur,  assure  immédiatement  une  répression  complète  du 
vagabondage  dangereux.  En  quelques  mois,  si  les  tribunaux 
appliquent  sévèrement  ses  dispositions,  nos  campagnes  peuvent 
être  débarrassées  de  tous  les  récidivistes  dangereux,  de  tous  les 
professionnels  incorrigibles. 

C'est  là  l'essentiel,  c'est  ce  que  demandent  avec  instance  les 
populations  rurales. 


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1 


UN   SIÈCLE   DE  LUTTE   CONTRE  LE  VAGABONDAGE  301 

Quant  à  la  mendicité,  elle  disparaîtra  progressivement,  à 
mesure  que  les  conseils  généraux  seront^en  mesure  de  faire  les 
sacrifices  nécessaires  à  son  extinction.  On  ne  leur  impose  obli- 
gatoirement aucune  charge  nouvelle. 

Le  projet  n'a  plus  la  prétention  de  prescrire  la  construction 
d  un  édifice  symétrique,  parfaitement  ordonné,  prévoyant  tous 
les  besoins.  Il  se  borne  à  parer  au  plus  pressé  en  édifiant  un 
bâtiment  central  ;  des  pierres  d'attente  sont  disposées  à  droite  et 
à  gauche,  pour  y  joindre  deux  ailes  qui  compléteront  la  cons- 
truction, le  jour  où  les  ressources  le  permettront. 

La  Chambre  a  donc  maintenant  en  mains  tous  les  éléments 
pour  commencer,  quand  elle  le  jugera  convenable,  l'étude  de 
cette  grave  question.  Tout  le  monde  est  d'accord  pour  recon- 
naître qu'il  y  a  urgence  à  mettre  un  terme  à  une  situation  qui 
devient  intolérable  ;  la  question  la  plus  délicate  est  bien  sim- 
plifiée par  la  réduction  des  charges  à  leur  minimum.  Seul  l'Etat 
aura  à  prévoir  pour  quelques  années  une  augmentation  momen- 
tanée de  ses  effectifs  pénitentiaires  (1)  ;  c'est  là  une  considé- 
ration qui  ne  peut  arrêter  la  Chambre.  Quand  on  voit  voter  si 
souvent  des  augmentations  de  crédit  qui  ne  sont,  au  fond,  que 
de  coûteuses  réclames  électorales,  le  pays  ne  pourrait  com- 
prendre qu'il  se  trouvât  une  majorité  pour  refuser#de  garantir 
la  sécurité  à  la  classe  la  plus  nombreuse  et  la  moins  favorisée 
des  contribuables.  En  négligeant  de  prendre,  depuis  cent  ans 
bientôt,  les  mesures  prescrites  par  le  législateur,  les  départe- 
ments ont  fait  «  une  économie  ruineuse  »;  le  mot  est  de 
M.  Cruppi,  et  il  est  exact  (2).  Les  populations  rurales  supportent 

(1)  En  1892,  première  année  d'application  de  la  loi,  on  a  interné  en  Belgique 
8.644  vagabonds  des  deux  sexes.  Ce  chitfre  diminue  depuis  lors  d'année  en 
année,  à  mesure  que  la  répression  produit  son  effet  d'intimidation. 

La  population  de  la  France  est  environ  six  fois  celle  de  la  Belgique  ;  mais  la 
proportion  agricole  est  beaucoup  plus  forte  et  ce  serait  exagérer  que  de  croire  à 
une  population  proportionnelle. 

L'Administration  pénitentiaire  aura  à  examiner  si  elle  ne  pourrait  transformer 
en  maisons  de  travail  forcé  pour  vagabonds  plusieurs  maisons  centrales  récem- 
ment déclassées,  et  demeurées  sans  emploi. 

(2)  Un  des  hommes  qui  ont  le  plus  sérieusement  étudié  la  question  du  vaga- 
bondage en  Allemagne,  M.  le  baron  de  Wintzingeroda-Rnorr,  écrivait  jadis  : 
•  Quel  que  soit  le  prix  d'entretien  de  chaque  interné,  il  est  certainement 
inférieur  à  ce  que  cet  individu,  en  état  de  vagabondage,  prélèverait  chaque  jour 
sur  la  société.  »  (Die  deutscken  ArbeUshaeusery  1  vol.  in-S»,  Halle  a.  d.  Saale,  1885). 


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302  UN    SIÈCXE   DE   LUTTE   CONTRE   LE   VAGABONDAGE 

une  charge  écrasante  (i),  sans  compter  ce  que  coûte  aux  dépar- 
tements et  à  TEtat  une  répression  inefficace.  Si  Ton  veut  couper 
court  à  de  pareils  gaspillages,  il  faut  assurer  l'observation  com- 
plète de  mesures  sévères.  Que  pourrst  être  la  charge  au  début? 
Que  deviendra-t-elle  plus  tard?  On  ne  saurait  le  préciser  sans 
ime  étude  approfondie,  dont  les  éléments  nous  manquent.  Pour 
nous,  nous  aimons  à  nous  placer,  en  terminant,  sous  Tautorité 
du  jurisconsulte  éminent  qui  a  préparé  le  projet  voté  par  la 
Société  générale  des  Prisons,  et  nous  disons  avec  M.  Duverger  : 
«  Nous  ne  pouvons  accepter  que  la  France  ne  soit  pas  capable  de 
faire,  en  matière  d'assistance,  ce  que  font  d'autres  nations.  » 

(1)  M.  de  Monicault  a  établi  que  la  charge  supportée  par  les  habitants  d'une 
commune  rurale  moyenne  du  département  de  l'Ain,  du  fait  des  mendiants  de 
passage,  équivaut,  étant  donnée  la  valeur  du  centime  dans  cette  commune,  à 
85  centimes  additionnels  {Bulletin  de  la  Société  nationale  de  ^Agriculture  de 
France,  1896,  p.  26). 

La  Société  des  Agriculteurs  de  France  émet  régulièrement,  dans  ses  congrès 
annuels,  un  vœu  pour  la  répression  de  vagabondage  dans  les  campagnes.  Le 
dernier  a  été  voté  le  6  mars  1899. 

La  Société  nationale  d'Eocouragement  à  l'agriculture  a  émis  un  vœu  analogue 
dans  sa  séance  du  !•'  mars  1899,  sur  le  rapport  de  M.  Ferdinand-Dreyfus. 

Loras  Rivière. 


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LE  BLE  CONTREBANDE  DE  GUERRE 


(1) 


Le  Parlement  anglais  pose  beaucoup  de  questions  aux  mi- 
nistres sur  la  politique  étrangère. 

La  multiplicité  même  de  ces  interpellations,  la  brièveté  des 
comptes-rendus  qui  en  sont  publiés,  empêchent  souvent  d'en 
saisir  toute  l'importance. 

C'est  ainsi  qu'au  milieu  du  mois  de  février  dernier  une  dis- 
cussion avait  lieu  aux  Communes  sur  la  question  de  savoir  quels 
dangers  courrait  l'Angleterre,  en  cas  de  guerre,  d'être  affamée. 

M.  Richtie,  ministre  du  Commerce,  reconnut  que  son  pays 
demandait  à  l'étranger  presque  tous  ses  aliments.  Mais  il 
déclara  qu'il  ne  croyait  pas  aux  risques  de  famine,  en  cas  de 
guerre,  et  il  ajouta:  «Une  marine  puissante  nous  assure  l'empire 
des  mers.  Les  croiseurs  des  autres  nations  ne  détruiraient  pas 
notre  commerce  parce  qu'ils  manqueraient  de  charbon.  Le  blé 
affluerait  en  Angleterre  par  les  neutres.  S'il  était  déclaré  contre- 
bande de  guerre,  l'Amérique  s'y  opposerait  par  les  armes,  parce 
que  l'Amérique  qui  exporte  50  à  60  p.  100  de  sa  production  en 
Angleterre,  serait  ruinée  par  une  telle  mesure.  La  supériorité 
de  la  marine  anglaise  suffit  à  écarter  le  danger  de  famine  en  cas 
de  guerre,  car  ce  danger  n'existerait  que  s'il  y  avait  blocus 
effectif  des  côtes  britanniques.  » 

Tel  est  le  résumé  de  la  discussion,  d'après  l'agence  Havas. 

De  cette  analyse,  empruntée  aux  journaux,  résulterait  cette 
première  affirmation  du  ministre  anglais  :  l'Amérique  s'oppose- 
rait, même  par  les  armes,  à  une  déclaration  qui  assimilerait  le 
blé  à  la  .contrebande  de  guerre. 

Cette  affirmation  n'est-elle  qu'une  hypothèse  ?  Y  a-t-il  eu,  au 

(1)  Hautepeuillb.  Droits  et  devoirs  des  nations  neutres.  —  Gessner.  Droits  des 
neutres  sur  mer,  —  ManCbaux.  De  la  contrebande  de  guerre. 


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304  LE   BLÉ   CONTREBANDE   DE   GUERRE 

contraire,  échange  de  vues  entre  les  cabinets  de  Londres  et  dé 
Washington? 

La  diplomatie  seule  peut  le  savoir.  Cependant  les  paroles 
attribuées  au  ministre  semblent  plutôt  indiquer  que  ce  dernier 
fonde  sa  conviction  sur  ce  que  commanderait,  à  son  sens,  l'inté- 
rêt américain,  et  l'on  peut  penser  qu'il  l'apprécie  un  peu  trop 
au  point  de  vue  anglais. 

Sans  doute,  le  commerce  des  Etats-Unis  pourrait  être  grave- 
ment atteint  par  un  conflit  armé  qui  se  produirait  entre  la 
France  et  l'Angleterre. 

Mais  quelle  est  la  guerre  qui  ne  comporte  pas  pour  les  neutres 
des  risques  et  même  des  pertes?  Surtout,  avec  l'étroite  con- 
nexité  des  intérêts  modernes  dans  tout  l'univers,  où  une  guerre 
de  cette  nature  n'aurait-elle  pas  un  contre-coup? 

Ce  qu'il  importe  d'établir  ici,  c'est  que  la^  France  ne  ferait 
qu  user  de  son  droit  le  plus  légitime,  si  elle  déclarait  contre- 
bande de  guerre  tout  envoi  de  blé  à  destination  de  l'Angleterre. 


I 


On  sait  quelle  est  l'idée  générale  de  la  contrebande  de  guerre. 

Les  sujets  d'un  Etat  neutre,  qui  n'ont  pas  à  prendre  part  à  la 
lutte,  peuvent  librement  continuer  leur  commerce  avec  les 
sujets  des  deux  nations  qui  sont  en  guerre.  Mais  les  belligé- 
rants ne  peuvent  être  tenus  de  supporter  que,  sous  le  couvert 
de  ce  commerce  pacifique,  on  apporte  à  l'ennemi  des  armes,  par 
exemple,  ou  des  munitions  de  guerre.  C'est  donc  le  droit  des 
belligérants  de  visiter  les  navires  neutres  et,  quand  ils  trouvent 
des  marchandises  prohibées,  de  les  saisir  et  de  les  confisquer. 

Mais  où  commence  et  où  s'arrête  cette  catégorie  de  marchan- 
dises prohibées?  C'est,  dit  un  auteur  allemand,  la  théorie  la 
plus  controversée  du  droit  public. 

Vainement  a-t-on  cherché  des  principes  auxquels  rattacher 
les  solutions  qu'on  proposait. 

Tel  auteur  subordonne  tout  au  «  droit  de  la  nécessité  ».  Tel 
autre,  s'effor^nt  de  rattacher  sa  doctrine  à  la  loi  divine,  au 
droit  primitif,  se  reporte  aux  temps  de  barbarie,  aux  luttes  entre 
les  hommes  à  l'état  sauvage,  et  il  en  déduit' logiquement  que  la 


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LE  BLÉ  CONTREBANDB  DC  GUERRE  305 

houille,  les  machines  à  vapeur,  le  salpêtre,  le  soufre,  ne  sau- 
raient être  considérés  comme  contrebande  de  guerre. 

Dans  ce  débat  purement  théorique  entre  les  jurisconsultes  de 
tous  les  pays,  la  thèse  la  plus  libérale  devait  nécessairement 
l'emporter. 

Pour  l'observateur  impartial,  pour  le  savant,  pour  le  juris- 
consulte, qu'importent  les  intérêts  mesquins  de  deux  Etats  en 
conflit  pour  des  motifs  souvent  bien  futiles,  à  côté  du  grand 
principe  de  la  liberté  commerciale,  source  de  progrès  et  de  civi- 
lisation ? 

Aussi  la  plupart  des  auteurs  se  sont-ils  efforcés  de  réduire  de 
plus  en  plu^  la  notion  de  la  contrebande,  et  nous  voyons  un  de 
nos  auteurs  les  plus  considérables,  celui  dont  Tautorité  est  euro- 
péenne, Hautefeuille,  refuser  à  un  combattant  le  droit  de  saisir 
un  bâtiment  non  armé,  construit  dans  un  port  neutre  et  vendu 
àson  ennemi,  quelles  que  soient  sa  force  et  la  nature  de  sa  cons- 
truction. Ce  n'est^  dit-il,  qu'un  véhicule.  Cependant,  comme  le 
fait  justement  remarquer  M.  Manceaux,  un  navire  cuirassé  por- 
tant ses  tourelles  peut  difficilement  être  considéré  comme  un 
véhicule  inoffensif  parce  qu'il  n'a  encore  reçu  ni  son  équipage 
ni  ses  canons  ! 

Telles  sont  les  conséquences  extrêmes  auxquelles  aboutit  la 
légitime  préoccupation  des  juristes  de  défendre  le  commerce 
paisible  des  neutres  contre  les  exigences  des  gens  de  guerre. 

La  pratique  s'orienta  de  ce  côté,  sans  aller  aussi  loin  et  la 
France  prit  une  large  part  à  ce  mouvement  de  progrès. 

D'ailleurs  quelle  est  la  question  de  droit  international  mari- 
time où  l'on  ne  trouve  pas  notre  pays  dans  la  même  voie  ?  N'a- 
t-il  pas  toujours  été  à  la  tête  du  mouvement  civilisateur,  qu'il 
s'agisse  soit  de  la  liberté  de  la  marchandise  ennemie  sous  pavil- 
lon neutre,  soit  de  l'abolition  de  la  course  décidée  sur  son  ini- 
tiative au  détriment  de  ses  intérêts  les  plus  évidents  ? 

Depuis  le  traité  des  Pyrénées  etle  traité  d'Utrecht  jusqu'à  nos 
jours^  si  l'on  excepte  la  folle  entreprise  du  blocus  continen- 
tal, la  France  s'est  toujours  efforcée  de  restreindre  les  objets  de 
contrebande  «  à  tous  genres  d'armes  et  d^instruments  de  guerre 
servant  à  l'usage  des  troupe^  )). 

Elle  a  voulu  faire  plus.  Elle  a  voulu  faire  inscrire  ce  principe 


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30 Ô  LE  BLÉ  CONTREBANDE  DE  GUERRE 

dans  la  déclaration  de  Paris  de  1856.  La  proposition  en  fut  faite 
au  Congrès. 

Elle  se  heurta  à  l'opposition  de  TAngleterre. 

Depuis  un  siècle,  en  effet,  l'Angleterre  est  la  seule  puissance 
qui  se  refuse  à  restreindra  aux  armes  et  aux  munitions  de  guerre 
la  notion  de  contrebande. 

Hautefeuille  Ta  affirmé  ;  Hautefeuille  est  Français.  Mais  Gess- 
ner  le  confirme,  et  Gessner  était  conseiller  de  S.  M.  l'Empereur 
d'Allemagne. 

Bien  mieux,  Aibéric  Gentilis,  professeur  à  Oxford,  le  constate 
en  1598.  «  Lucrum  illi  commerciortmi  sibi  perire  nolunt.  Angli 
nolunt  qtiid  fieri  qnod  contra  salutem  suam  est  (1).  « 

Sa  conclusion  est  que  le  droit  des  Anglais  doit  l'emporter 
parce  qu'ils  défendent  un  intérêt  d'Etat  et  les  neutres  des  inté- 
rêts privés. 

Ce  n'est  pas  qu'en  théorie,  en  droit  pur,  l'Angleterre  ait  mé- 
connu le  droit  des  neutres  à  faire  le  commerce  des  vivres  avec 
les  belligérants. 

Mais,  une  fois  cet  hommage  platonique  rendu  aux  principes» 
elle  n'hésite  pas,  chaque  fois  que  son  intérêt  le  lui  commande, 
à  faire  une  exception  invariablement  justifiée  par  la  nécessité. 

Hautefeuille  a  dressé  la  liste  intéressante  de  ces  exceptions 
trop  nombreuses  vraiment  pour  sembler  confirmer  une  règle. 
Citons  quelques  exemples. 

En  1689,  c'est  la  nécessité  de  rendre  la  guerre  moins  longue 
et  d'éviter  de  verser  des  flots  de  sang  qui  motivait  la  convention 
du  22  août  1689  et  la  défense  absplue  faite  aux  neutres  de  com- 
mercer avec  l'ennemi. 

En  1701,  bien  que  la  France  fût  attaquée  par  presque  toute 
l'Europe,  la  Grande-Bretagne  se  trouva  dans  la  nécessité  de  dé- 
fendre aux  neutres  tout  commerce  des  denrées  de  cru  ou  de 
fabrique  français. 

En  1744  et  1745,  la  nécessité  commande  au  gouvernement 
anglais  de  déclarer  en  état  de  blocus  fictif  toutes  les  côtes  firan- 
çaises  en  raison  de  leur  situation  géographique  par  rapport  aux 
côtes  anglaises. 


(1)  Cité  par  Hautefeuille,  II,  t.  Vil. 


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LE  BLÉ  CONTREBANDE  DE  GUERRE  307 

Pendant  les  guerres  de  la  Révolution  et  de  TEmpire,  le  com- 
merce des  grains  et  farines  est  prohibé,  toutes  les  côtes  de 
France  et  de  nos  colonies  sont  déclarées  bloquées,  on  confisque 
les  bâtiments  à  bord  desquels  on  trouve  des  produits  de  nos  co- 
lonies. 

Le  7  janvier  1807  la  moitié  de  l'univers  est  soumise  au  blocus 
fictif.  Le  Danemark  proteste.  On  bombarde  et  on  prend  Co- 
penhague. Angli  nolunt  ! 

Le  H  novembre  1807,  a  S.  M.  se  trouve  forcée  à  prendre  de 
nouvelles  mesures  pour  établir  et  maintenir  ses  justes  droits  et 
pour  conserver  cette  puissance  maritime...  don tTexistence  n'est 
pas  moins  essentielle  à  la  protection  des  Etats  qui  conservent 
encore  leur  indépendance,  et  au  bonheur  ainsi  qu'à  l'intérêt  du 
genre  humain,  qu'elle  ne  Test  à  la  sûreté  et  à  la  prospérité  des 
Etats  de  S.  M  ».  En  conséquence,  tous  les  navires  neutres  sont 
tenus  d'entrer  dans  les  ports  anglais  et  d'y  prendre  des  permis 
de  navigation,  contre  paiement  de  certains  droits,  et  à  peine  de 
confiscation. 

Enfin,  pendant  la  campagne  de  Crimée,  alors  qu'il  ne  s'agis- 
sait que  d'une  guerre  lointaine,  purement  politique,  ne  pouvant 
certes  compromettre  les  intérêts  vitaux  de  la  Grande-Bretagne, 
l'attorney  général  déclare  à  la  Chambre  des  Communes  (30  mars 
1854)  que  la  contrebande  comprend  les  armes,  les  munitions  de 
guerre  et  les  vivres.  Le  29  juin,  le  premier  lord  de  l'amirauté 
ajoute  à  cette  liste  le  bois,  le  goudron,  les  cordages,  la  poix. 

Le  blé,  la  farine,  le  riz^  le  biscuit  de  mer,  le  sel,  le  poisson 
salé,  le  vin,  le  beurre,  le  fromage,  ont  été  condamnés  comme 
contrebande  quand  ils  étaient  à  destination  d'un  port  d'équipe- 
ment naval. 

Pour  le  riz,  la  décision  est  intéressante. 

On  se  souvient  en  effet  que,  lors  de  l'intervention  armée  de 
la  France  contre  la  Chine  en  1885,  des  difficultés  sérieuses  fu- 
rent soulevées  par  l'Angleterre  parce  que  le  riz  avait  été  déclaré 
contrebande  par  la  France. 

Or,  le  riz  exporté  des  ports  chinois  du  sud  vers  le  nord  est  la 
représentation  de  l'impôt.  Il  sert  à  la  solde  des  troupes.  11  a  donc 
le  caractère  d'un  produit  faisant  fonction  d'argent. 

Dans  le  même  temps,  l'Angleterre  refusait  du  charbon  à  nos 
navires,  sous  prétexte  de  neutralité. 


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308  LE  BLÉ  CONTREBANDE  DE  GUERRE 

Ici  apparaît  bien  nettement  la  tradition  de  FAngleterre  en 
matière  de  contrebande. 

II 

L'Angleterre  n'a  pas,  dans  ce  sujet,  de  règles  fixes 

Elle  évite  de  proclamer  des  principes.  C'est  pour  ce  motif 
qu'elle  n'a  pas  donné  son  adhésion  à  une  définition  delà  contre- 
bande au  Congrès  de  Paris. 

Elle  n'envisage  que  des  espèces.  Au  début  de  chaque  guerre, 
elle  consulte  son  intérêt  et  dans  son  Foreign  Enlistment  Act 
elle  restreint  ou  étend  la  liste  des  prohibitions. 

Est-elle  en  guerre  avec  la  Russie  (guerre  de  1854)?  Elle  consi- 
dère la  houille  comme  contrebande . 

Veut-elle  nuire  à  l'action  de  la  France  en  Chine  (période  de 
1885)?  Elle  considère  encore  la  houille  comme  contrebande, 
bien  qu'il  n'y  eût  pas  de  guerre  déclarée. 

Est-elle  neutre  entre  l'Espagne  et  les  Etats-Unis  (guerre  de 
1898)?  Le  charbon  n'est  plus  une  contrebande  de  guerre  en  soi. 
UpetU  devenir  une  contrebande  s'il  n'est  pas  destiné  à  l'indus- 
trie mais  à  la  guerre. 

Le  gouvernement  anglais  se  rangerait  volontiers  à  l'opinion 
de  ces  jurisconsultes  pour  lesquels  il  y  a  certaines  marchan- 
dises qui  sont  toujours  prohibées,  d!autres  qui  ne  le  sont  ja- 
mais, d'autres  enfin  qui  constituent  une  catégorie  facultative, 
occasionnelle  de  contrebande. 

Ceci  nous  indique  l'étendue  de  notre  droit. 

En  matière  de  contrebande,  la  réciprocité  est  nécessaire,  et 
l'on  imaginerait  mal  qu'en  vertu  d'une  théorie  juridique,  la 
France  supportât  l'interdiction  anglaise  de  la  houille  sans 
riposter  par  l'interdiction  du  blé. 

L'attorney  général,  au  débutdela  guerre  de  1870,  déclare  que 
la  question  de  savoir  ce  qu'il  faut  ranger  dans  la  contrebande 
de  guerre  est  décidée,  non  d'après  le  droit  des  gens,  mais  d'après 
le  droit  du  pays. 

Il  en  doit  être  de  même  en  France. 

Si  la  douloureuse  hypothèse  d'un  conflit  franco-anglais  se 
réalise,  ceux  qui  auront  la  responsabilité  des  destinées  de  la 
République  devront  apprécier  les  avantages  et  les  inconvénients 


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LE  BLÉ    CONTREBANDE  DE  GUERRE  309 

pratiques  de  la  prohibition  du  blé,  les  chances  de  rupture  avec 
tel  pays  neutre  qu'elle  peut  entraîner. 

Us  pourront  aussi  se  souvenir  qu'il  a  été  maintes  fois  proposé, 
dans  le  cas  où  des  belligérants  seraient  amenés  à  prohiber 
d'autres  catégories  de  marchandises  que  les  armes  et  les  muni- 
tions d'indemniser  les  neutres  pour  ces  confiscations,  de 
recourir  à  la  préemption. 

Ici  commencent  des  questions  de  fait  et  Tappréciation  des 
circonstances  intervient. 

Vaudrait-il  mieux  se  concilier  la  bienveillance  des  neutres, 
ou  bien  user  de  tout  notre  droit?  Cette  question  ne  peut  être 
examinée  à  l'avance. 

Ce  que  nous  pouvons  affirmer,  c'est  que  si  nous  déclarons  le 
blé  contrebande  de  guerre,  nous  ne  ferons  qu'user  de  notre  droit, 
et  qu'aucune  puissance  neutre  n'aura  de  ce  chef  un  sujet  de  que- 
relle légitime. 

La  France  a  essayé  pendant  un  siècle  de  faire  prévaloir  le 
principe  de  la  liberté  des  neutres.  Elle  n'a  pu  y  parvenir  surtout 
à  cause  de  l'Angleterre.  Elle  ne  peut  être  tenue,  dans  un  conflit 
avec  l'Angleterre,  de  ne  pas  user  d'un  droit  que  l'ennemi  invo- 
quera certainement,  pour  le  charbon  et  pour  les  munitions 
navales. 

Sans  doute,  il  est  triste  de  constater  qu'à  la  fin  du  xix*  siècle, 
après  tant  d'efforts  pour  le  progrès  et  la  civilisation,  c'est  une 
réaction  vers  les  idées  les  plus  étroitement  nationalistes  qu'il 
faut  enregistrer. 

La  responsabilité  en  est  à  ceux  qui  ont  créé  et  qui  maintien- 
nent en  Europe  un  état  de  choses  qui  repose  sur  la  force  seule. 

La  responsabilité  en  est  à  ceux  qui,  par  le  développement 
inouï  du  militarisme,  ont  donné  aux  guerres  de  l'avenir  un 
caractère  de  plus  en  plus  général  et  de  plus  en  plus  atroce. 

Raoul  Bompard. 


XX  21 


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LES  SOCIËTfiS  SPORTIVES 


ET 


LES  CERCyS  SANS  JEU  DEYANT  LE  FISC 


Les  exercices  physiques  étaient  en  grand  honneur  chez  nos 
pères,  et  maître  Rabelais  n'a  garde  de  les  oublier  dans  la  miri- 
fique éducation  du  Gargantua.  Entre  autres  prouesses  gymnas- 
tiques,  le  fils  de  Grandgousier,  «  avec  deux  poignards  acérés  et 
deux  poinçons  éprouvés,  montait  au  plus  haut  d'une  maison 
comme  un  rat,  descendait,  puis  du  haut  en  bas,  en  telle  compo- 
sition des  membres  quç  de  la  chute  n'était  aucunement  grevé  ». 

On  peut  croire  que,  s'il  vivait  encore,  Gargantua  détiendrait 
indéfiniment  le  record  de  ces  exercices  peu  communs. 

Il  pratiquait  également  Tascension  à  la  corde  lisse,  le  saut  de  la 
perche  et,  ce  qui  prouve  que  la  gymnastique,  au  xvi*  siècle, 
n'était  pas  dépourvue  de  matériel  :  «  On  lui  avait  fait  deux 
grosses  saumonés  de  plomb,  chacune  du  poids  de  huit  mille  sept 
cents  quintaux,  lesquelles  il  nommait  haltères.  » 

En  dehors  des  exercices  proprement  dits,  parmi  ce  que  nous 
appellerions  les  sports,  nos  aïeux  cultivaient  surtout  la  paume 
et  le  mail.  L'escrime,  pour  rudimentaire  qu'elle  fût  jusqu'à  la 
fin  du  xviii®  siècle,  était  à  peu  près  pratiquée  exclusivement 
par  les  jeunes  gentilhommes. 

Il  semble  que  la  grande  tourmente  révolutionnaire  ait  balayé 
avec  tant  d'autres  choses  ces  sains  divertissements.  Quand 
l'ouragan  fut  passé,  quand  chacun  se  sentit  plus  assuré  de 
garder  sa  tête  sur  ses  épaules,  cefut  dans  des  jeux  moins  inno- 
cents qu'on  se  plut  à  savourer  la  joie  de  vivre. 

Tandis  que  les  Anglais  s'adonnaient  de  plus  en  plus  ardemment 
aux  exercices  physiques,  chez  nous,  la  jeunesse  parquée  dans 


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LES    SOCIÉTÉS   SPORTIVES  $U 

les  collèges  ou  dans  les  casernes,  ce  qui  était  tout  un,  ou  jetéç 
par  Napoléon  sur  tous  les  champs  de  bataille  de  l'Europe,  igno- 
rait à  peu  près  complètement  ces  jeux,  violents  parfois,  où  nps 
voisins  d'outre-Manche  trouvent  ces  qualités  de  sang-froid, 
d'énergie  et  de  ténacité  qui  caractérisent  la  race  anglo-saxonijLe* 
On  peut  dire  que  le  colonel  Amoros  fit  sensation  avec  le 
gymnase  que  cet  ancien  ministre  de  Joseph,  l'éphémère  roi 
d'Espagne,  ouvrit  à  Paris.  C'estgrâce  à  lui,  et  surtout  au  proces- 
seur Laisné,  que  la  gymnastique  prit  place  dans  l'enseignement 
universitaire,  mais  en  quelle  infime  proportion,  nous  en  avons 
encore  le  souvenir. 

Cette  apathie  persista  pendant  le  règne  de  Louis-Philippe^ 

L'escrimé  elle-même,  mise  dans  une  voie  npuvelle  par  La  Bpës- 

sière,  le  maître  de  Saint-Georges,  cultivée  sous  l'Empire  et  sous 

la  Restauration,  tomba  à  cette  époque  dans  le.  plus  complet 

discrédit.  Elle  ne  reprit  faveur  que,  sous  le  second  Empire,  pou;* 

arriver,  au  commencement  de  la  troisième  République,  à  une 

place  importante  que  lui  disputent  les  nombreux  sports  que  nous 

aurons  à  énumérer.  Notons  pour  mémoire  que  sous  TEmpire, 

en  1873,  fut  fondé  le  cercle  de  la  longue  Paume  de  Parisy  encore 

florissant  aujourd'hui,  qui  ressuscita  un  des  jeux  les  plus  en 

honneur  chez  nous  de  la  fin  du  xvi*  siècle  à  celle  du  xviu*  siècle. 

En  réalité,  il  n'y  a  guère  plus  d'une  vingtaine  d'années  que 

nous  avons  repris  les  traditions,de  nos  aïeux  pour  le  plus  grand 

avantage  de  notre  développement  physique,  et  nous  ne  devons 

pas  nous  dissimuler  que  l'exemple  des  Anglais  et  la  manie  de 

les  imiter,  qu'il  ne  faut  pas  blâmer  en  cette  circonstance,  ont 

été  pour  beaucoup  dans  cet  heureux  retour  vers  le  passé. 

De  nombreuses  sociétés  sportives  se  sont  formées,  dont  nous 
allons  parler,  en  indiquant  leur  but  spécial,  et  surtout,  en  exa- 
minant leurs  conditions  d'existence,  l'objet  de  ce  travail  étant  la 
critique  des  mesures  fiscales  frappant  ces  intéressantes  associa- 
tions avec  une  rigueur  qui  entrave  leur  développement  et  ya 
jusqu'à  leur  ôter  la  possibilité  de  vivre. 

Il  est  impossible  de  voir  sans  un  profond  écœurement  l'Etat^ 
ou  plutôt  l'administration,  favoriser  en  le  réglementant  le  pari 
aux  courses,  au  moins  sous  la  forme  de  Pari  Mutuel,  sans  rou- 
gir de  puiser  à  cette  source  impure!  Et  cette  même  adminstra- 
tion  ne  comprend  pas  ce  qu'il  y  a  d'indécent  à  encourager  la 


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^It  LES   SOCIÉTÉS   SPORTIVES 

passion  du  jeu  et  en  même  temps  à  étrangler,  par  une  applica- 
tion hypocritement  littérale  de  la  loi,  des  associations  qui  sont 
rhonneur  de  la  jeunesse  française  et  qui  disputent  avec  un  suc- 
cès méritoire  leurs  habitués  aux  cafés,  oîi  Ton  s'intoxique,  et 
^ux  tripots,  où  Ton  s'abrutit  et  où  Ton  se  démoralise. 

Nous  devons  nous  borner  à  la  sèche  énumération  des  sports 
pratiqués  dans  ces  diverses  associations  sans  les  définir  et  sans 
exposer  leurs  règles  parfois  très  compliquées. 

Après  Fescrime,  Taviron,  la  natation,  la  course  à  pied,  la 
vélocipédie,  nous  avons  la  longue  paume,  le  jeu  de  la  crosse,  le 
gouret,  le  hocquey,  le  base  bail,  le  jeu  national  des  Etats-Unis, 
le  croquet,  le  cricket,  le  foot-ball,  le  lawn-tennis,  etc. 

A  la  Société  d'Encouragement  pour  le  Sport  nautique  (S.  E. 
S.  N.),  fondée  en  1880,  on  pratique  le  lawn-tennis,  l'escrime. 

Au  Racing  Club  de  France  (R.  C.  F.),  fondé  en  1882,  lacourse 
à  pied,  le  lawn-tennis,  le  foot-ball. 

Au  Stade  français  (S.  F.),  dont  j'ai  eu  l'honneur  d'être  le  pré- 
sident, la  course  à  pied,  le  lawn-tennis,  le  foot-ball,  la  véloci- 
pédie, l'aviron,  l'escrime. 

Au  Sport  nautiçue  de  Paris  (S.  N.  P),  fondé  en  1884,  l'aviron 
exclusivement. 

A  la  Société  de  Sport  de  Pile  de  Puteaux  (S.  S.  1.  P.),  fondée 
en  1885,  l'aviron,  le  lawn-tennis,  le  croquet. 

A  V Association  Vélocipédique  d'amateurs  (A.  V.  A.),  fondée 
en  1890,  la  vélocipédie,  l'escrime,  le  foot-ball,  la  boxe. 

Au  Cercle  Pédestre  dAsnières  (C.  P.  A.),  fondé  en  1891,  le 
foot-ball,  lacourse  à  pied,  la  natation,  la  vélocipédie,  le  lawn- 
tennis. 

A  V Association  Vélocipédique  internationale  (A.  V.  I.),  fondée 
en  1893,  la  vélocipédie,  l'escrime,  le  patinage. 

A  VOmnium  (0.),  fondé  en  1894,  le  cyclisme. 

kV Automobile  Club  (A.  C),  l'automobile  sous  toutes  ses 
formes. 

En  1887  fut  fondée  V  Union  des  Sociétés  françaises  de  Sports 
athlétiques  (U.  S.  F.  S.  A.). 

Cette  associatioui  comme  VOmnium^  mais  avec  des  moyens 
d'action  plus  puissants,  se  proposait  de  combattre  les  abus 
introduits  par  les  professionnels  dans  les  sports,  notamment 
dans  la  vélocipédie  à  laquelle  ils  sont  parvenus  à  donner  un 


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ET   LES   CERCXES   SANS  JEU   DEVANT   LE   FISC  313 

caractère  de  cabotinage  et  de  mercantilisme  tout  à  fait  fâcheux. 
En  outre,  VUnion  a  fixé  des  règles  uniformes  propres  à  chaque 
exercice;  elle  a  encouragé  la  formation  des  sociétés  destinées  à 
pratiquer  les  sports  athlétiques  et  exercices  en  plein  air  et  elle 
a  institué  des  concours  entre  les  diverses  Sociétés  d'amateurs. 
A  l'heure  actuelle,  plus  de  cent  quatre-vingts  sociétés,  réparties 
sur  toute  la  surface  de  la  France,  sont  affiliées  à  TU.  S.  F.  S.  A., 
acceptent  sa  réglementation  et  bénéficient  de  son  puissant 
patronage.  Citons  encore  parmi  les  Sociétés  plus  récemment 
fondées  le  Cyclamen  (C),  le  Rallye-Velo  (R.  V.)  et  la  Fédération 
Cycliste  des  amateurs  français  (F.  C.  A.  F.),  qui  poursuit  le 
même  but  que  TU,  S.  F.  S.  A. 

Voyons  maintenant  quelles  obligations  fiscales  ont  été  impo- 
sées à  ces  associations  par  la  législation. 

En  1871,  il  fallut  à  tout  prix  trouver  des  ressources  pour 
faire  face  aux  charges  écrasantes  qu'une  guerre  désastreuse 
avait  fait  peser  sur  le  pays.  Les  cercles  ne  pouvaient  écliapper 
aux  mesures  fiscales,  ils  furent  atteints  par  la  loi  du  16  septem- 
bre 1871,  dont  l'article  est  ainsi  conçu  : 

A  dater  de  la  même  époque  (!•'  octobre  1871),  les  abonnés  des  cercles, 
sociétés  et  lieux  de  réunion  où  se  paient  des  cotisations,  supporteront  une 
taxe  de  20  p.  100  des  dites  cotisations  payées  par  les  membres  ou  assopîés. 
Cette  taxe  sera  acquittée  par  les  gérants,  secrétaires  ou  trésoriers. 

Ne  sont  pas  assujettis  à  la  taxe  les  sociétés  de  bienfaisance  et  de  secours 
mutuels,  ainsi  que  celles  exclusivement  scientifiques,  littéraires,  agricoles, 
musicales,  dont  les  réunions  ne  sont  pas  quotidiennes. 

En  1874,  on  parut  vouloir  traiter  favorablement  les  socié- 
tés de  sports,  frappées,  comme  les  cercles,  de  la  taxe  de  20  j^onv 
cent  ;  en  eflfet,  nousrelevons  dans  la  loi  de  finances  du  8  août  1874 
la  disposition  suivante: 

Ne  sont  pas  assujetties  à  la  taxe  établie  parTarticle  9  de  la  loi  du  10  sep- 
tembre 1871,  les  sociétés  ayant  pour  objet  exclusif  des  jeux  d^adresse,  ou 
des  exercices  spéciaux,  tels  que  cbasse,  sport  nautique,  exercices  gymnas- 
tiques,  jeux  de  paume,  jeux  de  boule,  tir  au  fusil,  au  pistolet,  à  Tare,  à 
Tarbalète,  etc.,  et  dont  les  réunions  ne  sont  pas  quotidiennes. 

C'est  dans  la  queue  que  gît  le  venin.  Les  plus  intéressantes 
des  associations  sportives,  tenant  des  réunions  quotidiennes,  ne 
gagnaient  rien  à  la  loi  du  8  août  1874  et  restaient  soumises  à  la 
taxe  de  20  pour  cent . 


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314  L£S    SOCIÉTÉS    SPORTIVES 

Edifié  sur  ce  que  cette  exigence  fiscale  avait  de  désastreux 
povLT  l'existence  même  des  sociétés  sportives,  je  présentai,  au 
cours  de  la  législature  de  1898,  un  article  additionnel  à  la  loi 
rfe*  finances  ainsi  conçu  : 

Sont  exemptes  de  la  taxe  sur  les  cercles,  sociétés  et  lieux  de  réunion  où 
se  paient  des  cotisations  les  sociétés  désignées  dans  le  deuxiième  para- 
graphe de  l'article  9  de  la  loi  du  16  septembre  1871  et  dans  Tarticle  7  delà 
loi  du  5  août  1874,  même  lorsque  leurs  7*éunion8  sont  quotidiennes. 

I^e  gouvernement  acceptait  cet  amendement  et  il  fut  adopté 
en  séance  du  9  mars  1898.  Il  eut  une  moins  heureuse  fortune 
au  Sénat  :  sur  le  rapport  de  M.  Morel,  en  date  du  21  mars  1898, 
la  commission  des  finances  le  rejeta. 

Ainsi,  les  journaux  qui  avaient  bien  voulu  applaudir  à  mou 
initiative  s'étaient  trop  hâtés  de  chanter  victoire. 

Cependant  cette  taxe,  égale  au  cinquième  de  la  cotisation,  sévit 
sans  obstacle;  elle  a  déjà  tué  une  société  sportiye,V  ArlisticClubj 
et  d'autres  sociétés  voient  leur  existence  compromise  par  elle. 

Voici  par  exemple  la  Société  de  Sport  de  Vtle  de  Puteaux^  que 
nous  avons  mentionnée  plus  haut.  Elle  comprend  plus  de  neuf 
cents  membres.  Grâce  à  leur  dévouement  à  la  bonne  cause  de 
la  régénération  physique  de  notre  race,  il  ont  pu  supprimer  tous 
lès  frais  d'administration.  Cependant,  alors  que  leurs  frais  gé- 
néraux ne  dépassent  pas  12.000  francs,  ils  n'en  ont  pas  moins 
versé  entre  les  mains  du  percepteur  une  somme  de  16.000  francs. 

La  S.  S.  I.  P.  essaya  de  se  défendre  et  engagea  une  instance 
devant  le  Conseil  de  préfecture.  Elle  perdit  son  procès.  On  lui 
démontra  :  1*  qu'elle  n'était  pas  une  société  purement  sportive, 
car  elle  admettait  des  spectateurs  (1);  2®  qu'étant  ouverte  sept 
mois  consécutifs  par  an,  elledevait  être  considérée  comme  tenant 
des  réunions  quotidiennes  !  !  A  .cette  interprétation  judaïque  des 
textes,  vous  avez  reconnu  la  jurisprudence  administrative.  On 
pourrait  croire  que  le  mot  quotidien  s'applique  à  un  fait  qui  se 
renouvelle  tous  les  jours.  Ce  n'est  pas  ainsi  que  l'entend  le 
Conseil  de  préfecture. 

Mais  voici  le  bilan  d'une  société  moins  heureuse, que  nous  ne 
sommes  pas  autorisé  à  nommer.  En  1895,  le  nombre  des  socié- 
taires était  de  475  ;  en  1896  il  s'élève  à  550,  et,  à  la  fin  de  1898, 

(1)  La  société  a  supprimé  les  spectateurs;  elle  n'eu  reste  pas  moins  sous  le 
coup  du  deuxième  motif. 


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ET  LES   CERCXES   SANS  JE0   DEYAMT   LE  FISC  315 

il  tombe  à  400.  Cette  décroissance  de  Teffectif  est  due  en  grande 
partie  au  chiffrer  exorbitant  de  la  taxe,  qui,  en  grevant  chaque 
année  de  plus  de  12.000  francs  un  budget  déjà  très  restreint,  n'a 
pas  permis  au  comité  de  l'association  d'accroître,  ni  même  de 
maintenir  la  somme  affectée  la  première  année  à  l'encourage^ 
ment  sportif.  En  effet,  en  1895,  année  où  l'association  n'ayant 
pas  eu  à  payer  d'impôts  —  et  ne  croyant  pas  avoir  à  en  payer 
pai*  la  suite  —  elle  a  pu  distribuer  plus  de  14.000  francs  de  prix 
et  donner  à  ses  membres  l'entrée  gratuite  sur  les  vélodromes 
parisiens.  Le  chiffre  de  la  cotisation  individuelle,  y  compris 
l'impôt,  est  de  120  francs.  Les  dépenses  des  quatre  années 
s'élèvent  à  plus  de  600.000  francs,  soit  en  moyenne  150.000  fr. 
par  an.  Le  montant  des  contributions  et  impôts  payés  depuis  la 
fondation  s'élève  à  42.600  francs,  ce  chiffre  ne  représente  que 
les  trois  années  1895-96-97,  et  si  on  y  ajoute  Timpôt  de  1898  on 
arrive  au  chiffre  de  54.000  francs.  L'association  est  en  déficit, 
par  conséquent  en  danger  de  mort. 

Nous  passons  à  V Association  Vélocipédtqne cf  amateurs,  affiliée 
à  ru.  S.  F.  S.  A.  Fondée,  comme  nous  l'avons  dit,  en  1890,  l'A. 
V.  A.  compte  220  membres.  La  cotisation  est  de  40  francs  pour 
les  membres  actifs,  30  francs  pour  les  membres  honoraires  et 
de  12  francs  pour  les  scolaires.  Les  dépenses  globales  sont 
d'environ  7.500  francs.  Les  impôts  s'élèvent  à  environ  1 .100  fr. 
Le  déficit  est  approximativement  1.200  francs,  déficit  généreuse- 
ment comblé  par  quelques  membres.  Mais,  que  cette  générosité 
vienne  à  se  lasser,  et  voilà  encore  un  groupement  sportif  con- 
traint à  se  disperser. 

V Automobile  Club,  qui  a  payé  Tan  dernier  25,000  francs  au 
fisc,  équilibre  difficilement  son  budget.  On  ne  s'en  étonnera  pas 
quand  on  se  rappellera  que  cette  société  a  dépensé  en  1896 
75.000  francs  pour  l'organisation  de  la  course  Paris-Marseille* 
Elle  s'est  vainement  adressée  à  l'administration  pour  obtenir 
un  dégrèvement. 

La  cruelle  qu^elle  est  se  bouche  les  oreilles 
Et  la  laisse  crier. 

Les  cercles  purement  politiques  —  nous  citerons  le  Grand 
Cercle  Républicain  *—  d'oîi  les  cartes  sont  rigoureusement 
exclues,  ne  sont  pas  mieux  traités.  Assimiler  au  point  de  vue 


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316  LES   SOCIÉTÉS   SPORTIVES 

fiscal  un  cercle  de  ce  genre  à  un  cercle  qui  a,  pour  obtenir 
l'équilibre  de  son  budget,  la  ressource  du  jeu,  oyx  même  à  un  de 
ces  établissements  qui  n'ont  de  cercle  que  le  nom  et  qui  sont  de 
véritables  tripots,  c'est  une  iniquité  à  laquelle  il  est  impossible 
que  le  gouvernement  persiste  à  s'associer. 

Deux  ordres  de  considérations  militent  en  faveur  du  dégrève- 
ment réclamé  par  les  sociétés  sportives.  Us  correspondent  aux 
deux  branches  qui  se  disputent  la  faveur  des  hommes  de  sport  : 
d'une  part,  le  cyclisme  et  l'automobile,  qui  en  est  issue;  d'autre 
part,  les  exercices  athlétiques  et  les  jeux  de  plein  air,  d'un  si 
heureux  effet  sur  le  développement  des  forces  physiques. 
.  Le  cyclisme  a  commencé  par  être  un  jeu  ;  il  est  devenu  un 
moyen  pratique  de  locomotion  pour  les  travailleurs  de  toutes 
les  classes  de  la  société,  en  même  temps  qu'il  est  resté,  pour 
les  touristes,  un  sport  de  plus  en  plus  apprécié.  L'heureuse 
transformation  du  vélocipèdç  en  bicyclette,  la  multiplication 
obtenue  par  l'emploi  de  la  chaîne  de  Vaucanson,  a  été  le  point 
de  départ  d'une  industrie  qui  défie  la  rivalité  de  l'étranger  et 
qui  est  devenue  un  des  éléments  de  la  prospérité  nationale. 

Nous  en  dirons  autant  et  même  plus  de  l'automobile.  Issu 
de  la  vélocipédie,  il  a  pris  rapidement  des  développements 
tels  qu'il  est  impossible  de  prévoir  où  ils  s'arrêteront.  Cela  s'an- 
nonce comme  une  révolution  dans  l'industrie  des  transports,  et 
les  compagnies  de  chemins  de  fer,  au  début  si  dédaigneuses  du 
nouveau  mode  de  locomotion,  trop  portées  à  le  considérer 
comme  une  amusette,  objet  d'une  vogue  momentanée,  auront 
peut-être  un  jour  à  compter  avec  lui,  au  moins  pour  le  trans- 
port des  voyageurs. 

Là  encore  nous  nous  trouvons  en  présence  d'une  industrie 
vraiment  nationale,  et  qui  semble  devoir  le  rester  encore  long- 
temps, car  l'étranger  s'incline  de  bonne  grâce  devant  notre  su- 
périorité en  matière  d'automobile  ;  il  n'essaie  que  très  timi- 
dement de  lutter  avec  notre  fabrication  et  il  reconnaît  notre  su- 
prématie en  faisant  pleuvoir  ses  commandes  sur  nos  usines. 

Si  la  fabrication  de  la  bicyclette  et  celle  de  l'automobile  ont 
pris  dans  l'industrie  française  une  place  si  considérable,  elles  le 
doivent  en  partie,  il  n'est  que  juste  de  le  reconnaître,  aux  socié- 
tés sportives  qui  n'ont  reculé  devant  aucun  sacrifice  pour  pro- 
pager le  goût  de  ces  moyens  de  locomotion. 


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ET   LES   CERCLES   SANS  JEU   DEVANT   LE  FISC  317 

En  ce  pays  où  Ton  a  que  trop  rhabitude  enfantine  de  s'adres- 
ser à  l'État  comme  à  un  père  chargé  de  pourvoir  aux  besoins  de 
ses  enfants,  l'initiative  privée  a  fait  de  véritables  merveilles 
dans  cet  ordre  d'idées.  Nous  citions  tout  à  l'heure  V Automobile 
Club  n'hésitant  pas  à  dépenser  75.000  francs  pour  organiser  en 
1896  la  course  de  Paris-Marseille.  Est-ce  que  l'Etat,  à  un  mo- 
ment quelconque^  quelle  que  fût  d'ailleurs  sa  bonne  volonté, 
pourrait  donner  un  pareil  exemple  de  munificence? 

Ajoutons  que  cette  année  même  l'A.  C.  institue  un  concours 
d'accumulateurs  électriques  qui  lui  coûtera  au  moins  25.000  fr. 
Il  s'agit  de  primer  le  meilleur  accumulateur.  C'est  donc  une 
subvention  à  la  science  appliquée,  d'une  imporiance  telle  que  le 
prix  Gobert,  la  plus  haute  récompense  que  décerne  l'Institut, 
est  peu  de  chose  à  côté. 

Demandons-nous  donc  trop  à  l'Etat,  quand  nous  le  supplions 
de  ne  pas  paralyser  de  si  généreux  efforts  en  accablant  les  so- 
ciétés sportives  sous  le  poids  de  charges  trop  lourdes  pour  elles? 
D'ailleurs,  nous  prêchons  pour  ainsi  dire  un  converti  ;  le  gou- 
vernement garde  dans  la  question  une  attitude  purement  pas 
sive.  Reconnaissant  de  bonne  foi  que  les  sociétés  sportives 
atteintes  par  les  lois  de  1871  et  de  1874  ne  fournissent,  à  raison 
de  leur  nombre  relativement  peu  considérable,  qu'un  appoint 
insignifiant  aux  ressources  budgétaires,  il  ne  demande  qu'à  se 
laisser  faire  une  douce  violence,  comme  le  prouve  l'attitude  du 
ministre  des  Finances  acceptant  l'amendement  proposé  par  moi 
en  1898.  C'est  donc  aux  pouvoirs  législatifs  qu'il  convient  de 
faire  appel  pour  obtenir  gain  de  cause,  en  créant  au  miUeu  de 
nos  assemblées  un  courant  propice  à  une  si  légitime  revendica- 
tion. 

Nous  ne  terminerons  pas  ce  travail  san»  dire  quelques  mots 
des  raisons  qu'invoquent  justement  pour  être  dégrevées  les  so- 
ciétés oÎL  l'on  pratique  les  exercices  athlétiques. 

Pour  être  d'un  autre  ordre  que  celles  que  nous  avons  présen- 
tées au  sujet  de  la  vélocipédie  et  de  l'automobile,  elles  n'en 
sont  pas  moins  décisives  à  notre  avis. 

L'apologie  des  exercices  physiques  n'est  plus  à  faire  :  à  une 
époque  où  tout  le  monde  est  soldat  et  où  il  faut  beaucoup  de 
soldats,  il  est  de  toute  nécessité  que  ceux  qui  auront  à  soutenir 
sur  les  champs  de  bataille  la  cause  sacrée  de  la  patrie  soient  à 


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318  LES   SOCIÉTÉS   SPORTIVES 

la  hauteur  de  leur  tâche,  et  que  leurs  forces  île  trahissent  pas 
leur  bonne  volonté.  C'est  par  la  pratique  des  exercices  sportifs 
et  de  plein  air  qu'ils  acquerront  Tendurance  indispensable  et,  à 
ce  sujet,  qu'on  nous  permette  de  citer  une  Jbelle  page  d'un  écri- 
vain qui  fut  un  historien  plein  de  sagacité  en  môme  temps  qu'un 
homme  de  mer  éminent  : 

Jamais  peuple,  dit-il,  dans  son  légitime  désir  d'arriver  à  la  perfection 
corporelle,  n'a  plus  fait  pour  venir  en  aide  à  la  nature  que  les  Grecs; 
Tarène  de  leurs  gymnases  avait,  sous  ce  rapport,  une  bien  autre  vertu  que 
les  bancs  studieux  de  nos  collèges.  Au  miUea  des  plus  grands  dangers, 
sous  le  coup  des  privations  les  plus  dures,  les  Grecs  songent  encore  à  en- 
tretenir par  les  soins  journaliers  dont  ils  ont  contracté  l'habitude,  la  sou- 
plesse de  leurs  membres.  Achille  sortit  du  Styx  invulnérable;  eux,  ils  se 
frottent  d'huile  et  deviennent  insensibles  aux  intempéries.  On  les  voit, 
quand  ils  traversent  le  Caucase  des  Indes  pour  descendre  dans  les  plaines 
de  la  Bactriane,  manquant  de  blé,  de  vin,  se  nourrissant  depuis  plus  d'un 
mois  de  vivres  dérobés  au  jour  le  joiu*,  payer  l'amphore  d'huile  de  sésame 
près  de  200  francs,  tant  leur  corps  avait  contracté  le  besoin  de  ces  onc- 
tions chères  aux  familiers  du  stade  et  du  cirque  ;  s'il  existe  un  moyen 
d'endiu'cir  la  plante  humaine  à  ces  brusques  passages  de  saisons,  à  ces 
alternatives]  subites  de  climats  extrêmes,  hâtons-nous  de  nous  l'approprier; 
une  nation  se  relève  de  tout,  pourvu  que  son  sol  continue  de  produire 
des  enfants  robustes  :  la  dégénérescence  de  la  race  est  la  seule  déchéance 
dont  on  ne  revient  pas. 

(JuRiEN  os  LÀ  Gravière,  La  Conquête  de  VInde,) 

Associons-nous  à  ces  sentiments  patriotiques  si  noblement 
exprimés;  ne  nous  bornons  pas  à  applaudir  platoniquement 
aux  généreux  efforts  des  sociétés  sportives,  mais  encourageons^ 
les  d'une  manière  effective,  en  travaillant  à  les  délivrer  des 
entraves  du  fisc,  après  avoir  constaté  que  toutes  sont  dignes 
de  s'approprier  la  devise  de  la  plus  puissante  d'entre  elle  : 
Ludus  pro  Patria  (1). 

(1)  Devise  de  lU.  S.  F.  S.  A. 

Descobes, 
Ancien  député» 


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LtDllCATlON  GRËCHATlNfi 


ET 


LES  BESOINS  DE  LINSEIGNEMENT  MODERNE 


Les  problèmes  de  l'éducation  préoccupent  vivement  Topinion 
publique  à  l'heure  actuelle,  et  chaque  jour  nous  entendons  de 
nouveaux  plaidoyers  sur  cette  question  capitale  pour  l'avenir 
de  notre  pays  et  sa  grandeur  future.  Les  uns  déclarent  l'ensei- 
gnement classique  inutile  et  suranné,  en  rêvent  la  suppression 
plus  ou  moins  complète  au  profit  d'un  enseignement  plus 
scientifique  et  plus  moderne.  Les  autres,  avec  non  moins  de 
passion,  témoin  lediscoursderémineiitacadémîcien,  M.  Boissier, 
prennent  la  défense  des  vieilles  institutions  et  de  Tancien 
système.  Les  uns  et  les  autres  se  placent  sur  le  terrain  spéculatif 
de  la  pure  philosophie,  vantent  les  mérites  propres  de  l'édu- 
cation gréco-latine  ou  de  Téducation  scientifique,  essaient  au 
besoin  d'atténuer  les  défauts  du  système  qu'ils  préconisent  et 
semblent  croire  que  de  ces  discussions  sortira  la  solution  défi- 
nitive de  ce  très  grave  problème  social.  Les  plus  modérés 
pensent  sans  doute  découvrir  des  moyens  de  conciliation  entre 
les  deux  opinions  également  intransigeantes.  Or  discuter  ainsi 
les  mérites  respectifs  des  enseignements  projetés  et  des  vieux 
systèmes,  c'est  restreindre  la  question  et  c'est  la  mal  poser.  Le 
problème  n'est  pas  uniquement  dominé  par  des  considérations 
morales  et  philosophiques,  il  Test  aussi  par  des  considérations 
historiques.  Ce  n'est  pas  seulement  l'évolution  sociale  qui,  en 
suscitant  parmi  nous  des  besoins  nouveaux,  a  rendu  néces- 
saire un  nouvel  enseignement,  c'est  aussi  le  vieil  enseignement 
qui  a  été  atteint  par  le  progrès  de  la  pensée  et  qui  s'est  modifié 
en  soi,  de  telle  sorte  qu'on  ne  peut  plus  attendre  de  lui  ce  qu'à 


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320  L  ÉDUCATION   GRÉCO-LATINE 

bon  droit  en  attendaient  nos  pères.  Le  problème  n^est  pas  de 
savoir  quel  est,  du  classique  ou  du  scientifique,  le  meilleur 
enseignement,  mais  tout  d'abord  de  savoir  si  renseignement 
classique  peut  aujourd'hui  produire  les  mêmes  excellents  résul- 
tats qu'il  y  a  cinquante  ans,  en  un  mot  si  cet  enseignement 
classique  serait  aujourd'hui  utile,  désirable  et  possible. 


1 


Les  défenseurs  de  la  vieille  éducation  classique  invoquent  à 
l'appui  de  leurs  thèses  l'exemple  soutenu  des  générations  précé- 
dentes. C'est,  disent-ils,  l'étude  et  l'assimilation  des  grands 
classiques  grecs  et  latins  qui  nous  ont  valu,  depuis  près  de  trois 
siècles,  tant  de  gens  de  cœur,  d'esprits  distingués  et  de  grands 
penseurs.  L'antiquité  classique  a  été  la  source  inépuisable  oii 
ils  ont  puisé  les  grands  sentiments  et  les  grandes  pensées.  Rien 
de  meilleur,  en  effet,  que  les  vieux  maîtres  pour  former  des 
âmes  fortes  et  viriles,  des  citoyens  intègres  et  dignes,  et  jamais 
l'éducation  scientifique  ne  donnerait  à  la  jeunesse  ces  élans  du 
cœur  et  ces  nobles  sentiments  qui  nous  ont  fait  dans  le  monde 
les  héros  d'une  si  grande  épopée.  Aucun  allument  ne  saurait 
pour  eux  mieux  militer  que  cette  expérience  de  trois  siècles  en 
faveur  de  la  vieille  éducation  latine 

Ces  arguments  sont  très  forts  et  seraient  irréfutables  si  les 
idées  qui  les  inspirent  étaient  encore  vraies.  Mais  les  générations 
qui  vont  venir  pourront-elles  se  faire,  des  fameux  modèles  anciens 
une  idée  aussi  grandiose  que  nos  aïeux  et  même  que  la  plupart 
de  nos  comtemporains  ?  On  peut  sans  paradoxe  affirmer  le 
contraire.  Notre  siècle  a  vu  s'élargir  de  façon  extraordinaire 
l'horizon  de  l'esprit  humain;  la  vérité  âprement  recherchée  n*a 
respecté  aucune  de  nos  illusions  d'autan,  même  les  plus  respec- 
tables. Au  milieu  du  progrès  des  sciences  de  l'histoire  qu'est 
donc  devenue  notre  conception  de  l'antiquité?  Notre  admiration 
pour  ses  grands  esprits,  pour  n'en  être  pas  moindre  peut-être, 
n'est-eJle  pas  changée  cependant  d'une  façon  sensible? 

Jadis  l'éducation  gréco-latine  était  une  éducation  encyclopé- 
dique. Pour  nos  pères  du  xvu«  ou  même  du  xviu"  siècle^  la  cul- 
ture des  anciens  renfermait  tout  ce  qu'un  honnête  homme  peut 


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I 


m^ 


ET   LES   BESOINS  DE   L  ENSEIGNEMENT   MODERNE  321 

et  doit  savoir.  Les  anciens  n'étaient-ils  pas,  sinon  toute  la  civi- 
lisation antérieure,  du  moins  une  civilisation  très  grande,  peut- 
être  supérieure  à  l'état  du  monde  d*  alors  ;  dans  le  recul  des  temps 
elle  paraissait  digne  d'une  admiration  sans  réserve  ;  pourrait- 
on  même  la  dépasser?  La  question  était  controversée. 

Toute  la  pensée  humaine,  depuis  les  origines  de  la  civilisation, 
se  résumait  en  la  pensée  antique  de  la  Grèce  et  de  Rome  complétée 
par  les  saintes  écritures.  La  concilation  du  nouveau  testament 
et  des  œuvres  des  anciens  n'avait-elle  pas  été  même,  pendant 
longtemps,  pendant  tout  le  moyen  âge,  le  but  principal  de  la 
philosophie  ?  Quant  aux  autres  civilisations  anciennes,  on  n'en 
savait  que  ce  que  les  historiens  grecs  et  romains  avaient  bien 
voulu  nous  dire.  L'Egypte  et  la  Ghaldée  n'étaient  connues  que 
par  les  récits  fantastiques  d'Hérodote  et  de  quelques  historio- 
graphes de  la  décadence.  Dès  que  Ton  parlait  de  ces  anciens 
peuples,  on  rentrait  dans  le  domaine  de  la  fable  et  du  mystère  : 
la  légende  remplaçait  l'histoire  ;  en  dehors  des  récits  fantastiques 
de  ce  voyageur,  chercheur  d'anecdotes  et  d'historiettes  que  fut 
Hérodote,  on  n'avait  sur  ces  peuples  que  des  données  très 
imprécises  et  des  idées  très  fausses. 

Or,  voici  que  de  notre  temps  on  s'est  plu  d'abord  à  rechercher 
les  origines  très  lointaines  de  la  race  humaine  et  à  faire  revivre 
les  civilisations  disparues.  On  s'est  aperçu  que  bien  avant  la 
Grèce  avaient  fleuri  sur  les  bords  de  TEuphate  et  du  Nil  des  civi- 
lisations très  avancées  dont  on  a  reconstitué  l'histoire.  On  a 
interrogé  leurs  monuments,  retrouvé  leur  langue,  déchiffré 
leurs  inscriptions  et  leurs  papyrus,  le  même  travail  se  poursuit 
aujourd'hui  dans  l'Inde,  dans  la  Chine,  au  Pérou.  De  telle  sorte 
que  la  civilisation  gréco-romaine  n'apparatt  plus  comme  l'uni- 
que civilisation  humaine  en  face  dos  livres  hébraïques  qui 
représentaient  non  une  civilisation,  mais  une  révélation;  elle 
apparaît  comme  une  étape  seulement  de  l'humanité  en  marche 
vers  les  progrès  futurs.  Sans  doute,  la  Grèce  eut  une  explo- 
sion de  vie  intellectuelle  que  ne  semblent  pas  avoir  toujours 
connue  les  civilisations  antérieures.  Mais  aussi,  il  est  devenu 
injuste  de  dire,  en  parlant  seulement  de  la  Grèce  et  de  Rome, 
«  les  anciens  »,  et  ceci  fait  déjà  beaucoup  pour  les  dépouiller 
devant  les  générations  actuelles  du  respect  quasi  religieux  dont 
on  les  entourait  naguère. 


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322  l'éducation   gréco-latine 

Mais  là  ne  se  borne  pas  le  changement  apporté  dans  notre 
conception  de  Tantiquité  gréco-latine  par  le  progrès  des  sciences 
de  rhistoire.  Il  y  a  de  plus  un  changement  considérable  dans  la 
façon  de  juger  et  d'interpréter  les  anciens.  Ce  changement 
nous  allons  le  constater,  soit  en  considérant  l'antiquité  en 
général^  soit  en  suivant  la  destinée  de  quelques-uns  de  ses 
auteurs  à  travers  les  âges  jusqu'à  notre  époque,  lorsque  la 
discussion  nous  amènera  à  parler  de  leurs  couvres. 

Aa  point  de  vue  général,  ce  qui  a  disparu  de  nos  jours  (et  il  y 
a  très  peu  de  temps),  c'est  la  conception  majestueuse  et  hiéra- 
tique que  nous  nous  faisions  des  anciens.  Celle-ci,  à  vrai  dire, 
n'a  pas  toujours  existé  :  le  xvj®  siècle  ne  l'a  pas  connue,  et 
Montaigne,  par  exemple,  vivait  tout  à  fait  dans  l'intimité  avec 
les  auteurs  anciens,  qu'il  s'ingénie  plutôt  à  troijtver  bons  compa- 
gnons que  héros  solennels  et  graves.  Mais  il  semble  qu'avec  le 
xvii'  siècle,  je  ne  sais  quoi  de  la  raideur  aristocratique  de  la 
cour  de  Louis  XIV  passe  dans  les  personnages  de  l'antiquité. 
Ce  n  est  pas  sans  avoir  pris  quelque  peu  le  ton  de  la  cour  du 
grand  roi  que  les  héros  anciens  sont  venus  peupler  Versailles. 
Et  cette  conception  d'une  antiquité  majestueuse  et  redoutable 
se  dessine  de  plus  en  plus  nettement  au  xvui®  siècle,  à  mesure 
que  l'on  s'ingénie  à  trouver  dans  les  anciens  le  modèle  des 
républiques  idéales,  peuplées  de  grands  citoyens.  Il  faut  dire 
que  cette  conception  de  l'antiquité  était  très  logique  si  on  ne 
voyait  la  littérature  ancienne  qu'illustrée  par  ce  qu'on  connais- 
sait de  la  statuaire  antique.  On  ne  possédait,  en  effet  de  celle-ci 
que  les  immortelles  statues  de  ses  grands  héros  et  de  ses  dieux, 
majestueux,  terribles,  l'œil  fixé  dans  un  tel  lointain  de  rêves 
que  l'on  s'est  demandé  récemment,  dans  une  curieuse  étude,  si 
les  anciens  n'avaient  pas  les  yeux  quelque  peu  difiEérents  des 
nôtres.  Cette  illusion  disparait  d'ailleurs  dès  que  l'on  fréquente 
les  musées  de  Rome  ou  de  Naples  et  qu'on  y  voit  les  innom- 
brables statues  anciennes,  aux  yeux  en  onyx  où  se  trouve  figurée 
la  prunelle.  Mais  la  conception  d'une  antiquité  solennelle  et 
presque  hiératique  est  restée  la  nôtre,  aussi  longtemps  que  la 
conception  précédente  est  demeurée  la  seule  de  l'art  antique, 
c'est-àrdire  bien  après  les  ouvrages  de  La  Harpe,  presquejusqu'à 
ces  dernières  années.  L'archéologie,  ici  comme  dans  bien  d'au- 
tres circonstances,  a  renversé  ces  erreurs.  Lorsque  Pompéi  a 


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ET  LES   BESOINS   DE   RENSEIGNEMENT   MODERNE  323 

été  lentement  exhumé  de  son  linceul  de  cendres,  lorsqu'on  a 
ainsi  retrouvé  par  centaines  les  œuvres  antiques,  lorsqu'aussi 
on  eût  mis  au  jour  ces  statuettes  colorées  de  Tanagra  si  vivantes 
et  si  animées,  les  anciens  nous  parurent  beaucoup  plus  près  de 
nous  que  nous  ne  l'avions  imaginé.  Nous  ne  connaissions  d'eux 
que  leur  grand  art  sacré  ;  les  statuettes  d'Herculanum  et  de 
Pompéi,  les  peintures  et  les  dessins,  les  fresques  de  la  demeure 
des  Vettius,  en  nous  faisant  pénétrer  dans  la  vie  privée  des 
Romains,  nous  révélèrent  toute  une  partie  de  leur  art,  jusque-là 
inconnue.  On  vit  ainsi  qu'en  grande  partie  Ronsard  et  Mon- 
taigne avaient  raison  et  que  le  grave  La  Harpe  n'était  que 
M.  Charitidès.  Le  monde  antique  était  transfiguré. 

Les  anciens  avaient  connu  la  vie  animée  et  frivole  :  on  cessait 
de  se  les  représenter  perpétuellement  drapés  avec  solennité 
dans  leur  toge.  — Certains  d'entre  eux  gagnèrent  sans  doute  à 
être  ainsi  mieux  connus,  tel  par  exemple  ce  poète  du  dilettan- 
tisme et  du  raffinement  délicat  que  fut  Horace,  On  cessa  de  le 
considérer  comme  le  poète  aux  grandes  envolées  de  quelques 
unes  de  ses  odes  pour  savourer  le  charme  raffiné  de  ses  petites 
pièces  familières  :  on  en  a  fait  ce  qu'il  fut  réellement,  un  doux 
épicurien,  une  sorte  de  Musset  qui  n'aurait  pas  connu  la  tris- 
tesse, et  non  plus  seulement  un  Boileau  et  un  Pindare.  Un 
Pindare  1  Etait-ce  bien  un  éloge  faire  de  lui  que  de  le  comparer 
à  Pindare,  ce  poète  jusqu'alors  si  mal  connu,  et  cependant  d'une 
célébrité  proverbiale,  ce  poète  qu'aujourd'hui  l'on  apprécie  si 
sévèrement?  Le  fameux  grand  lyrique  grec  n'était  en  effet  qu'un 
barde  de  circonstance,  chargé  par  les  villes  grecques  de  célébrée 
le  vainqueur  des  matchs  athlétiques  et  qui,  profitant  de  la  cir- 
constance, augmentait  son  sujet  en  célébrant  les  villes  et  les 
dieux.  D'une  érudition  extraordinaire,  accrue  peut-être  par  une 
imagination  féconde,  son  œuvre,  exposé  savant  et  complet  des 
légendes  religieuses,  est  remplie  d'allusion  mythologiques  dont 
on  n'a  pas  encore  bien  percé  tous  les  mystères.  On  sent  qu'on 
est  près  des  origines  de  la  poésie,  chant  rythmé  permettant  de 
conserver  les  légendes,,  les  recettes  médicales  et  les  découvertes 
accomplies.  Pindare  a  cessé  d'être  le  poète  de  génie  que  l'on  ne 
peut  égaler. 

C'est  une  légende  qui  disparaît,  comme  celle  de  l'antiquité 
surhumaine   qu'on  s'était  plu  à  imaginer.  Or  cette  idée  des 


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324  L  ÉDUCATION   GRÉCO-LATINE 

grands  anciens,  représentant  pour  ainsi  dire  les  hommes  tels 
qu'ils  devraient  être,  était  excellente  au  point  de  vue  de  Tédu- 
cation.  Aujourd'hui,  la  salutaire  illusion  sur  laquelle  elle  repo- 
sait s'est  évanouie.  L'éducation  dés  enfants,  par  le  contact  des 
fameux  grands  modèles  anciens,  ne  serait-elle  pas  pour  cette 
cause  incapable  de  produire  les  bons  résultats  d'antan?  Comment 
enseigner  désormais  aux  élèves  le  respect  religieux  de  ces  très 
vénérés  maîtres  et  moraliser  la  jeunesse  avec  l'antiquité  souvent 
grave  jusqu'à  l'ennui,  si  l'on  est  forcé  d'avouer  que  ces  anciens 
nous  ressemblaient  étrangement  et  que,  parmi  eux,  plus  souvent 
que  des  Caton  l'on  rencontrait  les  silhouettes  gracieuses  et 
légères  des  danseuses  de  Tanagra? 

La  disparition  de  l'idéal  d'une  antiquité  hiératique,  rem- 
placée par  un  idéal  tout  différent  a  donc  modifié  le  rôle  éduca- 
teur des  écrivains  anciens.  Mais  ce  n'est  pas  à  ce  point  de  vue 
seul  que  la  conception  générale  qu'on  se  faisait  de  l'antiquité  a 
changé  :  une  conception  nouvelle  est  née  de  l'application  aux 
œuvres  anciennes  des  découvertes  de  l'archéologie  et  de  la  phi- 
lologie modernes;  enfin  et  surtout  des  procédés  de  la  critique 
contemporaine.  Quelle  est  exactement  la  valeur  de  ce  change- 
ment et  quelles  en  doivent  être  les  conséquences,  c'est  ce  qui 
va  nous  apparaître  plus  clairement  en  recherchant  pour  quel- 
ques unes  des  principales  œuvres  anciennes  quelle  a  été  l'évo- 
lution de  la  critique.  Nous  examinerons  ainsi  successivement 
les  différentes  conceptions  de  l'antiquité  au  point  de  vue  de  la 
morale,  puis  au  point  de  vue  politique,  enfin  au  point  de  vue 
économique,  qui  se  sont  succédé  depuis  l'établissement  de  nos 
programmes  d'enseignement  classique.  C'est  par  l'atténuation 
de  l'influence  morale  des  écrivains  anciens  dans  l'éducation  fu- 
ture qu'il  nous  faut  commencer. 

11 

L'idée  que  du  commerce  des  lettres  anciennes  doit  être  retiré 
le  profit  d'une  éducation  morale  a  son  origine  dans  la  croyance 
où  étaient  eux-mêmes  les  anciens  qu'il  fallait  voir  dans  les 
grands  écrivains  des  philosophes  et  des  moralistes.  On  sait  que 
pour  Homère  particulièrement  cette  tradition  était  très  vivante, 
notamment  à  la  grande  époque  classique  du  siècle  d'Auguste. 


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ET   LES   BESOINS   DE   L  ENSEIGNEMENT  MODERNE  825 

On  prétait  aux  très  vieux  poètes  des  intentions  éducatrices  et 
morales  qu'ils  n'ont  sans  doute  jamais  eues. 

Cela  tenait  surtout  à  ce  que  les  Romains  n'ont  jamais  bien 
compris  l'histoire,  à  ce  qu'ils  n'en  ont  jamais  saisi  le  développe- 
ment progressif.  Ils  ont  cru  que  les  poètes,  les  écrivains  des 
temps  plus  anciens  étaient  animés  de  leurs  préoccupations  et 
de  leurs  idées.  Homère,  croyaient-ils,  avait  sans  doute  chanté 
les  héros  avec  un  incomparable  génie  :  il  possédait  mieux  la 
tradition  qu'eux-mêmes,  étant  plus  près  de  ceux-ci  parle  temps: 
mais  rien  n'empêcherait  un  de  leurs  contemporains  de  l'égaler 
dans  un  ouvrage  du  même  genre.  C'est  ce  que  tentèrent  en  effet 
des  centaines  de  poètes  héroïques  pendant  l'antiquité  et  jus- 
qu'aux temps  modernes.  L'erreur  qui  animait  leur  courage  et 
leur  fît  mettre  au  jour  tant  de  vers  dactyliques  et  d'alexandrins 
subsista  jusqu'à  Voltaire;  celui-ci  crut  même  nécessaire  de  faire, 
dans  un  curieux  opuscule, la  théorie  du  poème  épique,  montrant 
avec  soin  de  quelles  recettes  Homère  s'était  servi  pour  confec- 
tionner une  épopée;  puis  joignant  l'exemple  au  précepte  il 
ennuya  gravement  ses  contemporains  avec  la  Henriade.  —  La 
critique  moderne  a  fait  justice  de  l'erreur  qui  consistait  à  assi- 
miler les  primitifs  aux  écrivains  des  grandes  périodes  et  à 
croire  qu'ils  étaient  des  érudits  habiles  en  même  temps  que  de 
grands  poètes.  Elle  a  nettement  séparé  Virgile  d'Homère  et- 
montré  ce  qui  différenciait  les  poètes  primitifs  du  poète  de 
V Enéide.  Jadis,  on  les  réunissait  dans  une  même  admiration. 
C'étaient  d'abord  deux  profonds  philosophes,  ensuite  deux 
grands  poètes  qui  n'avaient  pas  craint  de  s'attaquer  au  genre  le 
plus  difficile  et  le  plus  noble,  le  genre  épique.  Ils  avaient  ainsi 
produit  deux  chefs-d'œuvre  qui  faisaient  et  devaient  faire  à 
jamais  l'admiration  et  le  désespoir  des  races  futures. 

Or,  voici  que  nos  critiques,  éclairés  parle  progrès  et  par  une 
plus  judicieuse  admiration  des  anciens,  nous  démontrent 
qu'Homère  (s'il  exista)  ne  fut  que  le  barde  de  génie  qui  donna 
une  forme  meilleure  aux  cantilènes  d'une  pleïade  de  devan- 
ciers, faisant  œuvre  d'historien  autant  qu'œuvre  de  poète. 
1/épopée  cesse  d'être  le  genre  noble  des  poèmes  en  vingt-quatre 
chants  :  on  voit  ainsi  qu'elle  n'est  que  l'aurore  de  l'histoire, 
et  que  la  véracité  fut  la  condition  première  de  son  succès,  de 
son  existence.  Le  merveilleux  que  nous  y  remarquons  aujour- 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  22 


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326  l'éducation   GRÉCO-LATINE 

d'hui  et  dans  lequel  nos  Boileau  et  nos  La  Harpe  ne  voulaient 
voir  que  des  artifices  habiles  et  une  question  de  métier  n'était, 
en  réalité,  que  le  grossissement  de  Timagination  populaire  dé- 
naturant les  grands  événements,  ornant  peu  à  peu  d'anecdotes 
et  de  légendes  les  faits  accomplis.  Ces  légendes,  les  contempo- 
rains d'Homère  les  ont  crues  ;  tout  au  moins  ils  les  ont  consi- 
dérées comme  possibles.  Homère  et  les  poètes  de  son  temps  en 
les  recueillant  dans  la  tradition  orale,  les  ont  acceptées  comme 
vraies.  Ils  ont  été  sincères  et  naïfs,  de  là  le  charme  des  primi- 
tives épopées-  Ce  charme  n'est  point  fait  de  l'emploi  habile  de 
procédés  et  de  convenu,  il  naît  de  Témotion  du  poète  et  de  l'in- 
térêt de  vérité  qui  s'attachait  à  son  récit.  C'est  pourquoi,  lorsque 
la  civilisation  fut  plus  avancée  et  les  conditions  dç  la  production 
littéraire  devenues  tout  autres,  lorsque  l'histoire  fut  distincte  de 
la  légende  et  de  la  poésie,  les  imitateurs  d'Homère  ne  réussirent 
point.  L'épopée  était  avant  tout  de  l'hitoire  vécue  et  vraie, 
l'évocation  d'un  passé  glorieux  ou  de  la  misère  humaine.  Seuls 
les  bardes  de  la 'Chanson  de  Roland  et  des  Niebelungen, 
sans  connaître  Homère,  il  est  probable,  mais  placés  dans  des 
conditions  semblables  à  celles  où  il  écrivait,  retrouvèrent  l'ins- 
piration de  l'épopée  homérique.  C'est  qu'en  effet,  ce  grand 
«  souffle  épique  »  dont  Boileau  fit  la  théorie  et  dont  l'admiration 
confiante  des  générations  permettait  depuis  tant  de  siècles  aux 
professeurs  de  rhétorique  de  ponctuer  d'exclamations  laudatives 
même  les  vers  les  plus  insignifiants  des  poètes  anciens,  ce 
fameux  souffle  héroïque  n'avait  jamais  préoccupé  les  bardes 
épiques.  Entraînés  par  leur  inspiration  et  par  la  grandeur  des 
événements  dont  ils  narraient  l'histoire,  il  leur  fut  donné  d'at- 
teindre le  sublime  en  des  fragments  qui  resteront  toujours 
dignes  de  nos  louanges,  mais  c'est  dans  l'émotion  sincère  de 
leur  âme  qu'ils  puisèrent  tous  leurs  artifices.  Et  n'est-ce  pas 
pour  les  mêmes  causes  que  nous  retrouvons  le  souffle  épique 
dans  les  temps  contemporains  chez  Hugo?  La  grande  épopée 
moderne,  c'est  la  Légende  des  siècles,  complétée  par  les  pièces 
éparses  d'Hugo  sur  1789  et  sur  Napoléon.  Hugo  fit  une  grande 
ceuvre  épique,  sans  avoir  conscience  de  bâtir  une  épopée  :  il  fut 
le  grand  poète  évoquant  l'histoire  :  il  fit  même  plus,  il  la  médita 
et,  ceci  est  caractéristique,  le  rapproche  de  Virgile  plus  encore 
que  d'Homère.  Tous  trois  ont  eu  des  buts  différents* 


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ET   LES   BESOINS   DE  L  ENSEIGNEMENT   MODERNE  327 

Virgile  est  le  seul  poète  auquel  pourraient  encore  s'appli- 
quer les  déclamations  des  Aristarques  sur  Tépopée*  N'est-il  pas 
venu  dans  une  période  de  civilisation  raffiiKée,  hanté  comme 
nos  Boileau  de  l'idée  d'imiter  Homère  ?  Mais  il  faut  bien  le  dire, 
en  croyant  tous  les  poètes  épiques  semblables  à  Virgile,  on  avait 
pris  l'exception  pour  la  règle.  Virgile  est  un  génie  très  particu- 
lier, bien  difficile  à  classer  dans  l'histoire  des  lettres;  il  appar- 
tient à  la  race  de  ces  artistes,  qui,  comme  Puvis  de  Chavannes 
auquel  on  ne  saurait  mieux  le  comparer,  s'imposent  à  l'admira- 
tion des  hommes  sans  refléter  l'àme  de  leur  temps.  Leur  œuvre, 
toute  de  beauté  et  de  rêve,  n'en  est  pas  moins  unique,  étrange, 
difficilement  définissable  en  une  formule  quelconque.  Il  en  est 
ainsi  du  grand  poète  latin.  D'ailleurs,  c'est  aussi  l'émotion  de- 
vant la  grandeur  de  l'.histoire  qui  fait  Tun  des  principaux 
attraits  de  l'œuvre  de  Vii^ile.  Celle-ci  est  peut-être  inférieure  à 
celles  d'Homère  et  d'Hugo  :  Énée,  héros  pâle  et  problématique, 
toujours  hésitant  comme  si  la  grandeur  du  destin  de  sa  race 
l'accablait  chaque  fois  qu'il  doit  agir,  sans  cesse  consultant  les 
dieux,  n'est  pas  fort  intéressant  en  lui-môme.  Ce  qu'il  repré- 
sente c'est  le  «  destin  en  marche  »  ;  ce  qu'on  voit  trop  en  lui  ce 
n'est  pas  le  guerrier  ni  le  politique,  c'est  l'ancêtre  d'une  prodi- 
gieuse lignée.  Les  plus  beaux  endroits  du  poème  sont  ceux  où, 
abandonnant  son  héros  et  son  sujet,  Virgile  nous  a  peint  la 
grandeur  future  de  Rome  avec  une  majestueuse  ampleur. 

Il  a  voulu  faire  un  grand  poème  national  :  le  roman  d'Énée 
n'est  qu'un  prétexte  pour  célébrer  la  patrie  romaine,  réunir  en 
un  seul  ouvrage  toutes  les  légendes  éparsesdu  Latium,  et  expli- 
quer les  rites  complexes  de  la  religion  antique  :  c'est  à  la  fois 
un  poème,  une  anthologie  et  un  travail  d'érudit  sur  les  origines 
du  culte  :  c'est  surtout  une  paraphrase  de  l'histoire.  Si  nous  son- 
geons que  ïlliade  en  était  l'embellissement  très  près  du  réel, 
que  d'autre  part  la  Légende  des  siècles  en  voulut  être  l'évoca- 
tion" plus  exacte,  plus  philosophique,  on  en  arrive  à  cette  con- 
clusion que  c'est  seulement  dans  les  temps  modernes  que  les 
profondes  pensées  ont  guidé  le  poète,  que  celui-ci  a  nettement 
voulu  être  un  grand  éducateur  et  un  moraliste.  «  Les  œuvres  de 
la  légende,  dit  Victor  Hugo  dans  la  préface,  ne  sont  autre  chose 
que  des  empreintes  successives  prises  tantôt  sur  la  barbarie, 
tantôt  sur  la  civilisation,  presque  toujours  sur  le  vif  de  H  is- 


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328  l'éducation  gréco-latine 

toire,  empreintes  moulées  sur  le  masque  des  siècles.  Ce  que 
voudrait  le  poète,  c'est  exprimer  Thumanité  dans  une  espèce 
d  œuvre  cyclique^a  prendre  successivement  et  simultanément 
sous  tous  ses  aspects,  histoire,  fable,  philosophie,  religion, 
science,  lesquels  se  résument  en  un  seul  mouvement  d'ascen- 
sion vers  la  lumière...  Or,  ajoute-t-il  plus  loin,  Fintention  de 
ce  livre  est  bonne  »  et  il  se  qualifie  lui-môme  de  poète  phi- 
losophe. Ainsi  donc  le  rôle  de  moraliste  a  été  recherché  par 
les  modernes  et  non  pas  par  les  anciens. 

On  s'était  eflForcé  de  voir  dans  VIliade  et  dans  VEnéide  un 
double  enseignement,  d'abord  je  ne  sais  quel  profit  moral,  tra- 
dition qui  nous  venait  de  l'antiquité  elle-même,  et  puis  un 
grand  enseignement  littéraire  puisé  dans  ladmiration  pour  un 
poème  merveilleux  que  Ton  croyait  conçu  et  exécuté  pour  ainsi 
dire  dans  Tintemporel.  Homère  surtout  avait,  par  la  seule  force 
de  son  génie,  mis  au  monde  ce  chef-d'œuvre  d'art  et  d'imagina- 
tion. C'était  le  plus  pur  et  le  plus  grand  des  modèles.  Or,  la  cri- 
tique contemporaine  faisant  disparaître  ces  très  vieilles  illu- 
sions, ne  veut  plus  même  voir  d'enseignement  littéraire  ni  d'en- 
seignement moral  dans  les  vieilles  épopées;  tout  pastiche  en  est^ 
dit-elle,  impossible,  toute  imitation  stérile.  Elle  les  admire, 
mais  pour  de  tout  autres  raisons  qu'autrefois,  en  s'eflForçant  de 
les  mieux  comprendre.  Voici  déjà  pour  ce  grand  classique 
qu'est  encore  aujourd'hui  le  chantre  d'Hector,  une  évolution 
qui  le  rend  désormais  tout  autre  qu'il  n'était  il  y  a  cinquante 
ans  aux  yeux  des  générations.  Ce  n'est  plus  le  philosophe,  ce 
n'est  plus  même  le  modèle  inimitable,  le  type  parfait  du  grand 
constructeur  d'épopées.  C'est  toujours  un  grand  poète.  Mais  il 
n'est  plus  le  poète  unique,  le  poète  géant  qu'il  faut  faire  admi- 
rer à  toutes  les  générations  futures. 

Le  mirage  est  disparu  :  Homère  a  repris  son  rang  dans  l'his- 
toire. Le  méditer  et  le  connaître  ne  valent  plus  qu'on  fasse  con- 
sacrer à  tous  nos  jeunes  Français  cinq  années  à  apprendre  le 
grec!  —  Or,  Homère  était  au  premier  rang  parmi  les  quelques 
écrivains  anciens  isolés  avec  soin  par  nos  éducateurs  comme  re- 
présentant «  toute»  l'antiquité  grecque  dont  il  fallait  extraire  la 
«  substantifique  moelle  )>.  Voici  Homère  placé  presque  eu  dehors 
du  monde  grec,  déchu  de  son  rôle  philosophique  et  dépourvu 
de  la  trop  savante  poétique  qu'on  lui  avait  prêtée.  Cela  ne  l'em- 


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ET  LES  BESOINS  DE   L  ENSEIGNEMENT  MODERNE  329 

pêche  pas  d'être  un  grand  poète.  Mais  son  rôle  éducateur  est  de- 
venu insignifiant. 

L'illusion  des  Aristarques  s'efforçantde  voir  dans  quelques 
auteurs  anciens  isolés  pour  l'éducation  de  la  jeunesse  d'abord 
une  étude  suffisante  de  toute  l'antiquité,  ensuite  la  fréquenta- 
tion nécessaire  de  modèles  presque  inimitables  au  point  de  vue 
de  la  forme  et  de  la  pensée,  va  donc  disparaître  pour  jamais.  La 
critique  contemporaine  a  été  dure  pour  les  Aristarques.  Les 
générations  futures  liront  les  anciens  avec  curiosité  et  plaisir, 
mais  non  plus  avec  cette  admiration  béate  qui  reposait  sur  une 
conception  incomplète  de  leur  pensée  et  de  leurs  œuvres.  Ainsi 
donc,  môme  au  point  de  vue  littéraire  pur,  la  culture  des  lettres 
anciennes  n'apparaît  plus  comme  si  essentielle  qu'on  ne  puisse 
s'en  passer,  et  surtout  comme  si  primordiale  qu'on  doive  em- 
ployer tant  d'années  si  utiles  de  la  jeunesse  à  apprendre  pour 
les  mieux  pénétrer  toutes  les  finesses  des  langues  anciennes. 
S'ensuit-il  de  là  qu'on  doive  la  négliger  entièrement?  Ce  serait 
peut-être  une  faute  grave.  L'éducation  gréco-latine  ù  la  Renais- 
sance et  au  xvH«  siècle  représentait  Téducation  intégrale,  Tcncy- 
clopédie  de  la  connaissance  humaine.  C'est  cette  idée,  ce  désir 
qu'il  faut  reporter  dans  l'éducation  future.  Or  les  lettres  an- 
ciennes ne  représentent  plus  aujourd'hui  la  pensée  humaine,  le 
rôle  qu'elles  sont  appelé  à  jouer  dans  l'instruction  doit  être  dé- 
sormais proportionné  au  rôle  qu'elles  ont  eu  réellement  dans  le 
développement  de  cette  pensée,  place  véritable  qu'elles  occu- 
pent dans  l'histoire  :  la  critique  contemporaine,  achevant 
l'œuvre  des  historiens,  a  contribué  à  déterminer  cette  place  en 
détruisant  les  erreurs  séculaires  qui  faussaient  notre  vision  de 
l'antiquité  littéraire  en  la  remplaçant  par  une  vision  nou- 
velle. 

Homère,  Pindare,  Virgile,  voici  déjà  trois  des  grandes  divi- 
nités du  culte  religieux  de  l'antiquité,  culte  qui  justifiait  les 
enthousiasmes  pour  notre  éducation  «classique,  voici  ces  trois 
poètes  jadis  considérés  comme  inaccesibles  et  placés  très  près 
de  l'absolu  entièrement  métamorphosés  à  nos  yeux.  Mais  ce  n'est 
pas  seulement  au  point  de  vue  artistique  et  littéraire  que  le  pro- 
grès des  temps  a  amené  des  changements  dans 'notre  concep- 
tion de  l'antiquité  classique  :  il  en  est  d'autres  et  de  plus 
profonds  et  de  plus  graves. 


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330  l'éducation  gréco-latine 

Dans  le  monde  de  rêve  où  Ton  s'était  efforcé  de  placer  la  civi- 
lisation gréco-romaine,  on  n'entrevoyait  pas  seulement  le 
monde  de  la  beauté,  de  cette  beauté  classique  définie  à  Venvi 
par  tous  nos  rhétoriciens,  on  entrevoyait  aussi  nécessairement 
un  monde  de  la  politique,  un  monde  d'action.  Or  ce  monde  n'é- 
tait pas  plus  l'antiquité  politique  qu'Homère  le  poète  cultivant  le 
genre  noble.  Une  erreur  profonde  s'est  maintenue  pendant  plu- 
sieurs siècles  sur  la  vie  politique  et  les  sentiments  des  anciens, 
et  cette  erreur  a  eu  sur  notre  histoire,  et  en  particulier  sur  notre 
histoire  révolutionnaire,  un  effet  prodigieux.  Nous  entrons  donc 
ici  dans  la  partie  la  plus  importante  du  problème.  Le  contact 
et  l'étude  de  la  civilisation  antique,  telle  qu'elle  nous  apparaît 
aujourd'hui,  seront-ils  encore  capables  de  produire  des  résultats 
appréciables  en  faisant  l'éducation  politique  de  la  jeunesse  do 
notre  pays,  et  quels  seront  ces  résultats?  Au  contraire,  la  concep- 
tion nouvelle  qui  s'impose  à  nous  de  l'antiquité  gréco-latine  et 
qui  s'imposera  sans  conteste  aux  générations  qui  vont  venir 
n'a-t-elle  pas  tout  changé  à  cet  égard  ?  Voilà  la  question  capi- 
tale. 

Or  une  légende  domine  toutes  les  autres  :  c'est  celle  de  la 
pure  grandeur  des  républiques  antiques,  des  républiques 
idéales  d'Athènes  et  de  Rome. 

L'illusion  avait  des  causes  lointaines  :  jusqu'à  nos  jours 
l'éducation  latine  pouvait  passer  comme  le  complément  d'une 
bonne  éducation  libérale.  Les  tirades  républicaines,  le  Sénat  et 
le  peuple,  les  Décius  et  les  Caton  pouvaient  faire  battre  les 
cœurs  en  ouvrant  les  horizons  du  rêve.  Les  républiques  an- 
ciennes apparaissaient  comme  des  modèles,  comme  des  temps 
d'incomparable  liberté,  peuplées  de  grands  citoyens  à  propos 
desquels  on  aimait  à  méditer  la  pensée  de  Jean-Jacques  :  c<  Le 
fondement  des  républiques  est  la  vertu.  » 

Ces  idées,  ou  plutôt  ces  tendances  admiratives  envers  l'anti- 
quité républicaine,  avaient  plusieurs  causes.  C'était  tout  d'a- 
bord l'influence  morale  de  Plutarque  métamorphosé  et  popula- 
risé par  la  traduction  libre  d'Amyot.  Rien  n'est  plus  outré  que 
le  parallélisme  des  biographies  de  l'auteur  grec  toujours  pré- 
occupé d'ingénieuses  comparaisons,  recueillant  toutes  les 
légendes,  tous  les  on-dits,  embellissant  à  plaisir  l'histoire  dans 
un  étrange  désir  de  symétrie  prétentieuse.  Or,  voici  que  dans 


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ET   LES   BESOINS   Drf  l'eNSEIGNBBIENT  MODERNE  331 

sa  libre  traduction,  Amyot  revêt  toutes  ces  pensées  du  charme 
naïf  de  la  langue  du  moyen-âge.  Le  grave  auteur  grec  devient 
un  bon  conteur,  à  la  délicatesse  un  peu  vieillotte  :  on  dirait 
parfois  un  très  vieil  ancêtre  racontant  les  belles  choses  d'antan 
à  ses  petits-enfants.  Et  voilà  Plutarque  doué  d'une  réputation 
de  douce  naïveté,  de  sincérité  et  de  bonhomie.  C'est  pour  le 
bien  de  la  réputation  de  cet  auteur  qu'il  importe  de  ne  pas  sa- 
voir le  grec!  La  libre  traduction  d' Amyot  Fa  transfiguré,  la  ren- 
du presque  populaire  :  elle  seule  est  vraiment  morale, 
attrayante  et  capable  par  sa  bonhomie  délicate  d'excuser  les  in- 
vraisemblances et  de  les  faire  accepter  avec  plaisir.  Quand  on  lit 
le  texte  grec,  la  constante  préoccupation  de  Tauteur  de  comparer 
perpétuellement  avec  gravité  la  vie  de  deux  hommes  illustres 
en  de  trop  ingénieux  parallèles  fatigue  et  déconcerte  quand  elle 
ne  révolte  pas.  La  traduction  d'Amyot  explique  donc  seule  la 
demi-popularité  de  Plutarque  chez  nous  et  la  justifie. 

Toutefois  elle  ne  suffit  pas  seule  à  expliquer  la  légende  de  la 
vertu  antique  et  de  l'admirable  république  romaine.  Il  faut  y 
ajouter  les  historiens  anciens  ou  plutôt  la  façon  dont  ces  écri- 
vains comprenaient  l'histoire,  façon  qui  est  restée  celle  de  nos 
contemporains  jusqu'à  la  toute  récente  période  actuelle.  Cette 
évolution  dans  la  façon  de  comprendre  l'histoire  est  bien  la 
véritable  cause  pour  laquelle  s'est  modifié  le  rôle  éducateur  des 
lettres  anciennes.  Si  j'arrive  à  bien  faire  saisir  l'importance  de 
cette  modification  capitale,  cet  article  ne  sera  pas  inutile  :  il 
importe  de  bien  mettre  en  lumière  ce  fait  étrange  à  première 
apparence  mais  vrai  d'une  vérité  profonde,  que  ce  qui  a  fait 
l'honnête  homme  d'aujourd'hui  ne  saurait  actuellement  produire 
l'honnête  homme  de  demain.  Ceci  n'est  pas  un  paradoxe.  L'évo- 
lution actuelle  de  l'histoire  a  changé  notre  conception  du  monde. 

Nous  avions  partagé  jusqu'à  la  période  toute  contemporaine 
les  idées  des  anciens  sur  les  divers  genres  littéraires.  Ce  n'est 
qu'à  cette  période  que  les  innovations  tentées  dans  l'histoire  par 
Augustin  Thierry,  comme  celles  tentées  dans  la  critique,  ont  pu 
avoir  un  retentissement  dans  les  programmes  d'éducation,  alors 
que  les  idées  nouvelles  s'implantaient  peu  à  pou  en  dehors  et 
malgré  ceux-ci  dans  la  foule.  Or,  pour  ce  qui  concerne  l'histoire, 
les  anciens  nous  avaient  appris  surtout  à  la  considérer  au  point 
de  vue  littéraire  et  au  point  de  vue  moral.  «  L'histoire  a  pour 


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332  L  ÉDUCATION    GRÉftO-LATlNE 

but  principal,  dit  Tite  Live  dans  sa  préface,  d  exposer  à  nos 
regards  dans  des  exemples  saisissants  et  illustres,  des  ensei- 
gnements de  toute  nature  qui  semblent  nous  dire  :  voici  ce  que 
tu  dois  faire  dans  ton  intérêt  et  dans  celui  de  ton  pays  ».  Et  Tite 
Live  profita  de  cette  conception  pour  faire  de  son  livre  une 
œuvre  de  parti;  <t  il  fuit,  dit-il,  les  tristesses  de  Theure  pré- 
sente »  qu*il  n*hésite  pas  à  qualifier  de  décadence,  comme  le 
vieux  Gaton  qu'il  vantera  qualifiait  déjà  son  temps,  comme  il 
sera  de  tradition  après  lui  pour  tous  ceux  qui  voudront  paraître 
de  très  profonds  philosophes  de  qualifier  leur  époque.  Et  cette 
tentation  nous  en  retrouvons  un  écho  inattendu  jusqu'à  notre 
époque,  au  moment  où  le  cercle  de  la  tradition  se  brise,  alors 
qu'une  aube  nouvelle  parait,  que  la  chrysalide  prend  enfin 
conscience  de  sa  lente  évolution  !  Ayant  donc  pris  pour  point 
de  départ  ces  idées  sur  l'histoire  et  sur  son  temps,  Tite  Live  en 
élevant  à  l'orgueil  romain  le  gigantesque  monument  que  fki 
son  ouvrage,  s'efforça  d'embellir  cette  histoire,  de  montrer  les 
Romains  primitifs  comme  des  modèles  de  vertu. 

Comme  tous  les  historiens  anciens  il  n'a  pas  hésité  entre  une 
reconstitution  exacte  et  une  belle  reconstitution.  Animé  d'une 
part  de  préoccupations  esthétiques  et  morales  qui  doivent  tou- 
jours rester  étrangères  aux  sciences  de  l'histoire,  d'autre  part 
victime  de  l'erreur  ancienne  qui  assimile  toujours  les  primitifs 
aux  contemporains,  et  leur  attribue  nos  intentions  et  nos  pen- 
sées, il  nous  a  tracé  de  la  Rome  antique  un  tableau  de  rêve, 
dans  lequel  l'historien  moderne  ne  devine  trop  souvent  qu'une 
mise  en  scène  irréelle.  Les  discours  qu'il  place  à  chaque  instant 
dans  la  bouche  de  ses  personnages  ne  sont  là  que  pour  l'agré- 
ment du  récit,  et  sont  faits  uniquement  pour  charmer  par  leur 
variété  et  par  l'art  très  savant  dont  ils  sont  l'expression  les  goûts 
raffinés  en  matière  oratoire  du  public  de  son  temps.  Le  fameux 
«  conciones  »  est  un  non-sens  historique. 

Nous  souffrons  d'entendre  Gaton  parler  une  langue  d'une  si 
savante  rudesse  et  déployer  tant  d'art  à  être  dénué  d'artifices. 
C'est  qu'en  effet  nous  exigeons  de  Thistorien  l'exactitude  et  la 
précision  rigoureuse  :  l'histoire  pour  nous  ne  peut  vivre  que 
de  vrai.  Tout  ce  qui  est  apprêté,  retouché,  dénaturé  d'une  façon 
quelconque  nous  blesse  et  nous  irrite  dans  notre  soif  du  réel, 
dans  notre  ardent  désir  de  connaître  sincèrement  le  p^sé.  Nous 


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ET   LES   BESOINS  DE   L  ENSEIGNEMENT   MODERNE  333 

refusons  de  nous  laisser  entraîner  à  la  suite  des  historiens  de 
l'antiquité  à  vouloir  trouver  des  exemples  moraux  en  altérant 
la  pure  vérité,  en  recherchant  les  saisissantes  antithèses,  en 
feignant  d'ajouter  foi  à  des  légendes  imprécises,  en  cherchant 
enfin  à  voir  dans  les  héros  de  Thistoire  des  personnages  d'un 
drame  immense,  dans  lesquels  Ton  peut  et  l'on  doit  s'efforcer 
d'incarner  une  idée  ou  un  sentiment,  une  passion  ou  un  sym- 
bole. 

Et  ce  n'est  pas  seulement  parce  que  la  méthode  des  historiens 
anciens  n'est  plus  la  nôtre  et  ne  nous  semble  plus  bonne  qu'il 
en  doit  être  ainsi,  c'est  surtout  parce  que  notre  conception  poli- 
tique et  économique  de  l'antiquité  s'est  profondément  méta- 
morphosée de  nos  jours.  De  même  que  Voltaire  se  trompait  en 
croyant  refaire  la  poétique  d'Homère  et  le  traité  du  poème 
épique,  de  même  le  xvui*  siècle  tout  entier  s'est  trompé  étrange- 
ment en  voyant  dans  les  républiques  antiques  le  modèle  des 
républiques  futures.  Nous  savons  aujourd'hui  ce  qu'étaient 
exactement  ces  républiques,  petites  oligarchies  où  quelques 
familles  commandaient  à  la  multitude,  au  peuple  peu  à  peu  con- 
quérant «quelque  liberté.  Dans  la  république  romaine  les 
citoyens  cives  romani  étaient  une  minorité  intime,  auprès 
des  Latins,  des  affranchis,  des  pérégrins,  de  toute  cette  série  de 
castes  dominant  la  grande  masse  des  souffrants,  des  esclaves 
assimilés  par  le  droit  à  une  chose,  une  res  du  patrimoine  de 
l'homme  libre. 

Les  habitants  du  monde  romain  n'acquirent  même  pas  le  tilre 
de  citoyens  sous  la  République,  mais  tout  à  fait  à  la  fin  de  l'Em- 
pire, et  non  dans  un  but  d'égalité  politique,  mais  afin  de  per- 
mettre à  Caracalla  de  frapper  tous  les  habitants  de  la  taxe  parti- 
culière dps  citoyens. 

Rien  n  était  moins  démocratique  que  ces  républiques  de  l'an- 
tiquité. Nos  tendances  égalitaires  modernes  étaient  entièrement 
insoupçonnées  du  temps  des  Caton,  comme  du  temps  des  César. 
Une  seule  fois  pourtant  les  petits  se  révoltèrent,  tentant  déses- 
pérément de  changer  leur  sort  misérable,  et  de  faire  une  pro- 
fonde révolution  sociale.  Ce  fut  la  guerre  des  esclaves  qui  en- 
sanglanta la  dernière  période  de  la  république  romaine.  Pom- 
pée, qui  étouffa  l'insurrection  sous  des  Qots  de  sang,  sauva  la 
république^  je  veux  dire  les  institutions  oligarchiques  quali- 


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334  l'éducation  grécolâtiise 

fiées  de  ce  nom,  et  fut  nommé  par  le  Sénat  «  Père  de  la  Patrie  », 
Il  avait  étouffé  le  premier  mouvement  égalitaire  et  démocra- 
tique, je  n'ose  dire  socialiste,  qu'ait  enregistré  l'histoire. 

Ainsi  rien  ne  fut  moins  libéral  que  la  république  romaine. 
Les  révolutionnaires  modernes,  en  reprenant  sur  le  terrain  po- 
litique le  problème  dans  les  conditions  particulières  où  le  chris- 
tianisme en  résolvant  la  question  au  point  de  vue  moral, 
permettait  de  le  résoudre,  firent  œuvre  toute  différente  de 
celles  des  législateurs  antiques.  C'est  en  vain  qu'ils  ont  pu  croire 
parfois  qu'ils  les  imitaient  :  le  mirage  là  encore  est  disparu. 
L'éducation  latine  n'est  plus  le  fondement  indispensable  d'une 
bonne  éducation  libérale. 

Je  dirai  plus  :  la  perpétuelle  illusion  qui  hante  les  historiens 
anciens  de  rapporter  toute  l'évolution  de  Thistoire  à  quelques 
hommes  dont  on  nous  conte  les  hauts  faits  et  les  pensées  nous 
semble  aujourd'hui  étroite  et  parfois  enfantine.  Nous  savons, 
de  nos  jours,  par  le  développement  de  l'économie  politique, 
combien  est  puissante  l'influence  des  phénomènes  économiques 
sur  les  phénomènes  sociaux.  Or  cette  influence  n'a  pas  été  clai- 
rement dégagée  par  les  historiens  anciens.  Le  rôle  des  trans- 
formations économiques  aux  différentes  époques  n'a  pas  été 
suffisamment  apprécié  :  ce  sont  pourtant  des  causes  économiques 
bien  plus  que  la  disparition  de  la  vertu  antique  qui  ont  amené 
l'établissement  de  l'empire  à  Rome  :  l'écroulement  de  la  domi- 
nation des  Césars  fut  enfin  une  débâcle  financière  autant  qu'un 
désastre  militaire.  Si  le  formidable  empire  de  Rome  n'eût  été 
affaibli  par  une  déplorable  organisation  administrative  et  fi- 
nancière, il  eût  sans  peine  victorieusement  résisté  aux  hordes 
indisciplinées  des  Barbares  dans  leurs  attaques  successives.  La 
vérité  c'est  que  cet  organisme  gigantesque  fut  paralysé  par  ce 
défaut  fondamental  dans  son  effort  pour  résister,  qu'il  ne  put 
déployer  ses  ressources  infinies,  que  la  désorganisation  admi- 
nistrative des  derniers  siècles  de  l'empire  était  déjt  un  genre  de 
démembrement  et  de  faiblesse.  L'économie  politique  domine 
l'histoire  autant  que  le  génie  et  la  volonté. 

Or,  que  nous  prenions  les  historiens  de  la  Grèce  ou  de  Rome» 
tous  prétendent  nous  apprendre  plutôt  le  contraire.  —  Sala- 
mine,  par  exemple  n'est-il  pas  le  pur  symbole  de  la  vertu  hé- 
roïque triomphant  du  nombre  et  de  la  richesse?  Sans  doute, 


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ET  LES   BESOINS    DE   L  ENSEIGNEMENT   MODERNE  3d'ô 

maïs  la  vérité  ici  encore  est  que  Théroïsme  eût  été  vaincu,  si 
des  causes  profondes  de  Taffaiblissement  économique  qui  com- 
mençait à  décimer  la  puissance  des  Satrapesne  fussent  venues 
laider  puissamment.  Les  Perses,  dans  les  guerres  médiques  et 
en  particulier  dans  la  conquête  de  TAttique.  ne  paraissent  pas 
avoir  tenté  un  effort  bien  considérable  pour  garder  ces  pays 
pauvres  de  TOccident.  Ils  préférèrent  rester  dans  TOrientleur 
patrie,  dans  F  Asie-Mineure,  alors  si  riche  et  si  entièrement 
soumise  à  leur  domination.  Le  patriotisme  des  Athéniens  et  le 
souvenir  d'un  orage  terrible  qui  s'était  éloigné  firent  plus  pour 
former  la  légende  des  quelques  milliers  d'Athéniens  arrêtant 
rOrient  déchaîné  que  les  conseils  de  Thémistocle.  Les  Perses 
n'eureni  point  le  désir  très  net  de  conquérir  le  monde  et  d'or- 
ganiser pour  cela  d'une  façon  méthodique  leurs  immenses 
richesses.  Ils  subirent  la  loi  (qui  peut-être  est  la  seule  grande 
dominant  l'histoire),  que  tout  peuple  dont  l'ambition  s'arrête 
est  un  peuple  qui  meurt,  et  que  la  lutte  pour  l'impérialisme 
est  la  seule  condition  de  la  vie  puissante  et  durable  de  tous  les 
peuples.  Principalement  pourrexpédition  des  guerres  médiques, 
ils  la  considérèrent  comme  une  tentative  pour  écraser  un  nid 
de  rudes  pirates  qui  occupaient  par  leurs  colonies  les  ports  de 
l'Asie-Mineure  dont  ils  avaient  besoin  pour  leur  commerce.  Ils 
n'en  firent  jamais  une  question  nationale. 

De  même  ce  ne  sont  pas  les  vices  de  l'Orient  et  la  mollesse 
des  gouverneurs  et  des  satrapes  qui  ont  amené  la  disparition 
sans  retour  des  grands  empires,  ou  plus  justement  des  puis- 
santes cités  dans  cette  partie  du  monde.  C'est  la  seule  disparition 
de  l'esclavage.  Cette  question  capitale  de  la  main-d'œuvre  à  bon 
marché  domine  toute  l'histoire  politique  et  économique  des 
anciens.  Notamment  pour  l'histoire  de  rOrient,  tant  que  les 
maîtres  de  la  terre  ont  pu  faire  sans  grands  frais,  grâce  à  Tes- 
clavage,  les  immenses  travaux  d'irrigation  nécessaires  à  la  mise 
en  culture  du  pays,  l'Asie-Mineure  fut  prospère  et  les  grands 
propriétaires  terriens  furent  riches.  Du  jour  où  l'esclavage  étant 
disparu  la  main-d'œuvre  doubla,  le  pays  devint  et  demeura  à 
jamais  stérile,  voué  à  une  {►auvreté  éternelle.  Nulle  grande 
nation  n'y  pourra  plus  éclore. 

Ainsi,  môme  dans  ce  pays  par  excellence  de  Tautocratisme, 
dans  les  royaumes  des  monarques  orientaux,  les  lois  écono- 


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336  L  ÉDUCATION    GRÉCO'-LATINE 

miques  eurent  une  influence  immense,  et  sur  la  destinée  des 
empires  et  sur  Tirrémédiabilité  de  leur  chute.  Cette  influence 
aujourd'hui  justement  appréciée  n'enlève  pas  sans  doute  leur 
importance  aux  actions  des  hommes  et  aux  volontés  des  princes, 
mais  elle  ouvre  à  Thistorien  le  champ  de  méditations  nouvelles. 
Les  historiens  anciens  ont  été  très  près  de  nous  dire  toute  la 
vérité  lorsqu'ils  ont  peint  les  époques  où  Tinfluence  personnelle 
des  gouvernants  fut  la  plus  grande  :  c'est  ce  qui  fait  l'attrait 
puissant  du  livre  de  Tacite.  Celui-ci  d'ailleurs  est  le  plus  pro- 
fond, le  plus  grand  des  historiens  anciens  :  la  fécondité  et  la 
vigueur  de  son  génie  ont  suppléé  souvent  à  la  conception  in- 
complète du  rôle  de  l'historien  qu'ont  eue  tous  les  écrivains  de 
l'antiquité.  Mais  le  rôle  complexe  des  phénomènes  économiques 
méconnu  est  une  cause  perpétuelle  d'erreurs  d'appréciation 
chez  tous  les  historiens  anciens,  et  chez  Tacite  même. 

Nous  sommes  mieux  armés  que  ceux-ci  ne  Tétaient  pour  ap- 
précier et  pour  écrire  l'histoire  des  temps  qu'ils  nous  ont  narrée  : 
or  ceci  nous  amène  à  conclure  que  la  république  romaine,  pas 
plus  que  les  oligarchies  des  cités  grecques  perpétuellement  dé- 
chirées de  luttes  intestines,  de  guerres  civiles  et  de  proscriptions 
n'étaient  de  véritables  républiques.  Loin  d'y  chercher  des  en- 
seignements ou  des  modèles  pour  oi^aniser  des  régimes  des  li- 
berté ot  d'égalité,  nous  sommes  maintenant  convaincus  que  ces 
régimes  ne  peuvent  et  ne  pourront  ressembler  aux  régimes  an- 
ciens, et  qu'ils  leur  sont  incontestablement  supérieurs.  Quanta 
la  question  des  grandes  leçons  de  l'histoire  à  la  manière  de  celles 
qu'ont  rêvés  les  Tite  Live  et  les  Plutarque,  l'insuffisance  du 
sens  critique,  les  préoccupations  esthétiques  constantes,  étran- 
gères par  nature  à  cette  science  austère,  je  ne  sais  quel  dileltan- 
tisme  dans  la  manière  d'écrire  l'histoire,  sont  aujourd'hui  au- 
tant de  raisons  qui  les  rendent  presque  vaines;  en  toutcas,  avec 
nos  goûts  nouveaux,  l'éveil  du  sens  critique  et  du  sens  histo- 
rique, nous  ne  pouvons  en  retirer  un  profit  moral  en  nous  lais- 
sant aller  au  charme  de  les  suivre  dans  leur  interprétation  ou 
dans  leur  mise  en  scène  des  faits  de  l'histoire. 

III 
Que  resle-t-il  donc  de  l'éducation  gréco-latine,  et  quel  profit 


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ET   LES   DESOINS   DE  L  EMSEJGNEMEIST   MODERiNE  337 

pourrons-nous  en  retirer  désormais  ?  Celui  de  la  fri^quentation 
d'une  belle  littérature,  très  particulière  et  très  grande.  Moins 
sujets  dans  rinterprétaticii  de  la  pensée  de  ces  peuples  disparus 
aux  engouements  irraisonnés  qu'en  ce  qui  concerne  nos  con- 
temporains, nous  pouvons  ainsi  mieux  former  le  goût  des  jeunes, 
le  rendre  plus  difficile  et  plus  délicat.  Pour  le  futur  écrivain  et 
pour  Tartiste,  la  culture  des  anciens  demeurera  profitable  bien 
que  ceux-ci  aient  été  loin  de  tenter  en  esthétique  ce  que  notre 
siècle  réalisa. 

Mais  ce  qui  ressort  de  là  c'est  la  nécessité  de  faire  connaître 
aux  jeunes  la  littérature  ancienne  toute  entière  et  non  plus 
seulement  quelques  auteurs  isolés  avec  soin. 

Ce  qu'il  importe,  c'est  de  leur  apprendre  non  plus  à  admirer 
et  à  imiter,  mais  à  réfléchir  et  à  juger.  C'est  là  le  caractère 
qu'aura  de  plus  en  plus  nettement  l'éducation  et  c'est  ce  qui  la 
différencie  considérablement  de  l'éducation  d'antan.  Ces  idées 
se  font  d'ailleurs  remarquer  chaque  jour  dans  la  pratique,  dans 
les  cours  de  nos  jeunes  agrégés.  Mais  il  importe  de  les  préciser, 
de  les  dégager  clairement,  d'en  montrer  les  conséquences  néces- 
saires . 

La  première  est  la  suppression  de  l'enseignement  des  langues 
latines  ou  grecques.  Tout  au  plus  pourrait- on  en  laisser  un 
enseignement  rudimentaire  à  titre  de  cours  supplémentaire,  une 
fois  par  semaine  dans  les  lycées,  ceci  afin  de  permettre  plus 
tard,  à  ceux  qui  en  seraient  tentés,  de  suivre  des  cours  plus  com- 
plets. Ces  cours  seraient  faits  dans  les  facultés.  Ainsi  donc, 
l'étude  des  langues  anciennes  reportée  dans  l'enseignement 
supérieur  et  réservée  à  quelques  passionnés,  voilà  le  premier 
point.  11  est  d'ailleurs  réalisé  à  peu  près  dans  la  pratique  actuel- 
lement. On  peut  affirmer,  sans  exagération,  que  parmi  tous  nos 
bacheliers,  à  peine  quelques-uns  se  destinant  à  la  Sorbonne  où 
à  l'Ecole  Normale  supérieure  sont  capables  de  lire  un  livre 
latin  et  surtout  une  page  de  grec.  La  vérité  est  qu'avec  l'ensei- 
gnement hybride  dont  nous  jouissons,  ils  ne  savent  que 
quelques  mots  de  grec  et  de  latin,  juste  assez  pour  les  dégoûter 
des  lettres  anciennes.  Ces  lettres,  ils  les  ignorent  presque  totale- 
ment :  et  c'est  là  ce  qui  est  regrettable.  Combien  ne  serait-il  pas 
préférable,  au  lieu  des  thèmes  grecs,  de  leur  faire  lire  en  de 
bonnes  traductions  les  auteurs  anciens,  de  les  commenter  avec 


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338  l'ÉDCCATION    GRÉCO^LATINE 

eux,  de  leur  en  faire  goûter  les  qualités  et  les  charmes,  de  leur 
en  montrer  les  défauts,  enfin  de  réaliser  en  fait  l'éducation 
gréco-latine  qui  est  aujourd'hui  un  mensonge  hypocrite.  Il  y 
aurait  à  agir  ainsi  profit  considérable  et  grande  économie  de 
temps.  Mais,  dira-t-on  peut-être,  on  ne  peut  bien  goûter  une 
littérature  qu'en  lisant  les  auteurs  dans  le  texte,  et  de  plus  la 
beauté  de  la  forme  des  œuvres  antiques  échappera  en  partie  aux 
élèves.  L^objection  n'est  pas  sérieuse.  D'abord  les  élèves  qui 
épellent  un  chant  d'Homère,  irrités  par  le  travail  fastidieux, 
n'en  goûtent  guère  les  splendeurs  de  la  forme;  ensuite  l'admi- 
ration pour  la  forme  merveilleuse  des  écrivains  anciens  n'a  pas 
été  sans  faire  partie  des  superstitions  dont  on  entoura  l'anti- 
quité ;  cette  forme,  nous  ne  pouvons  plus  la  bien  juger  :  d'ail 
leurs  l'imiter  ne  nous  serait  guère  profitable  bien  souvent. 

Les  anciens,  pour  des  raisons  politiques  et  par  suite  de  ten- 
dances qui  ne  sont  plus  les  nôtres,  ont  trop  souvent  tout  sacrifié 
à  l'éloquence.  Or  l'éloquence  et  particulièreaaent  celle  de  Cicéron 
ne  nous  émeqt  plus  comme  elle  émouvait  nos  pères.  Elle  fai- 
sait partie  à  titre  de  brillant  accessoire  de  l'idéal  de  la  grande 
république  romaine.  Avec  ses  déclamations  ampoulées,  son 
gongorisme  redondant,  elle  agace  plus  qu'elle  n'entraîne  :  reste 
donc  l'admiration  pour  la  merveilleuse  période  oratoire,  et 
d'une  façon  générale  pour  l'éloquence  antique.  Or,  non  seule- 
ment personne  n'a  plus  l'intention  aujourd'hui  de  parler  comme 
Cicéron,  mais  l'art  très  particulier,  très  compliqué  et  très 
savant  dont  les  discours  anciens  sont  la  curieuse  manifestation 
nous  échappe  aujourd'hui  en  grande  partie.  A  côté  du  talent 
personnel  de  l'orateur  se  plaçait  en  effet,  dans  l'antiquité 
Tapprentissage  d'un  métier  très  savant,  et  dont,  aujourd'hui, 
nous  ne  connaissons  pas  tous  les  mystères.  Pour  ce  qui  est  de 
la  période  oratoire,  son  balancement  et  sa  structure  étaient 
souvent  déterminés  par  des  artifices  de  métrique  sur  l'effet  des- 
quels nous  ne  pouvons  avoir  maintenant  que  de  très  vagues 
données.  L'orateur  doit  savoir  la  prosodie  :  il  y  a  tels  et  tels 
pieds,  tels  et  tels  mètres  qui,  convenablement  placés,  sont  d'un 
effet  merveilleux.  Or,  aujourd'hui,  nous  avons  perdu  complète- 
ment la  prononciation  et  l'accent  latin  et  grec.  En  lisant  Démos- 
thènes  ou  Cicéron,  nous  les  dénaturons  étrangement.  Leurs 
effets  les  plus  savants  nous  échappent.  Nous  ne  pouvons  affir- 


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ET    LES    BESOINS    DE   L  ENSEIGNEMENT   MODERNE  339 

mer  les  comprendre  entièrement.  Ceux  qui  les  admirent  de  con- 
fiance, admirent  Tinterprétation  de  ces  auteurs  plus  que  les 
auteurs  eux-mêmes.  Lire  Cicéron  avec  notre  accent  français, 
c'est  comme  si  Ion  faisait  exécuter  une  symphonie  pour  instru- 
ments à  cordes  par  des  cuivres  ou  des  bois  :  l'effet  ne  serait 
peut  être  pas  complètement  perdu  et  la  pensée  musicale  subsis- 
terait: mais  la  beauté  des  timbres  mêlés  savamment,  médités 
par  Fauteur  pour  les  cordes,  produiraient  souvent  Teffet  opposé 
avec  les  cuivres.  En  revanche  d'autres  beautés  naîtraient  peut- 
être,  inattendues,  mais  ce  qui  serait  certain  c'est  que  cette  inter- 
prétation qu'il  nous  serait  donné  d'entendre  de  la  symphonie  et 
l'œuvre  elle-même,  ce  ne  serait  plus  la  même  chose.  Il  en  est 
ainsi  pour  Cicéron,  même  lorsque  M-  Boissier  le  litavec  le  plus 
d'enthousiasme. 

Ainsi  donc,  nous  ne  pouvons  apprécier  exactement  les  mérites 
de  la  forme  chez  les  orateurs,  chez  les  poètes.  Notre  façon  de  les 
lire  dans  le  texte  est  déjà  une  traduction.  11  importait  de  déga- 
ger cette  vérité.  La  conclusion  que  nous  en  tirerons,  c'est  qu'en 
fait,  de  bonnes  traductions  des  auteurs  anciens  nous  donne- 
ront une  idée  suffisante  des  lettres  grecques  et  romaines.  11 
serait  facile  aujourd'hui  d'en  avoir  d'excellentes  en  utilisant  la 
science  péniblement  acquise  de  tous  nos  professeurs  de  lettres 
qui  vont  avoir  moins  d'emploi  pour  leur  science  inutile.  Ce 
serait,  je  crois,  le  moment  de  mettre  à  profit  toutes  ces  intelli- 
gences remarquables  si  étrangement  fourvoyées  en  ces  travaux 
désormais  surannées,  pour  leur  faire  entreprendre  le  gigan- 
tesque travail  d'une  traductiojQ  complète  des  littératures  latines 
et  grecques,  dont  nous  manquons  encore  aujourd'hui. 

En  faisant  connaître  aux  jeunes  gens  toute  la  littérature 
antique  on  développerait  ainsi  leur  sens  critique,  on  leur  ferait 
méditer  plus  d'idées  et  c'est  là  le  grand  point  poui*  l'éducation 
de  l'avenir.  L'éducation  gréco-latine,  telle  qu'on  la  coinprenait 
depuis  une  cinquantaine  d'années  a  produit  le  type  du  très  hon- 
nête bourgeois  ouvert  à  toutes  les  idées  libérales  et  poussant 
même  parfois  jusqu'au  sacrifice  personnel  son  dilettantisme  du 
beau  et  du  bien.  Avec  de  belles  phrases  d'ailleurs  on  eût  fait  ce 
que  l'on  aurait  voulu  de  ce  docile  élève  de  Cicéron. 

Or  le  temps  du  dilettantisme  et  de  l'éloquence  est  passé.  Ce 
qu'il  nous  faut  ce  sont  des  hommes  d'action,  ce  sont  surtout 


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340  l'éducation  GRÉCO-LâTINE 

des  hommes  avisés,  réfléchissant,  capables  de  méditation  et  de 
critique.  11  ne  suffit  plus  d'être  honnête^  ce  serait  le  commence- 
ment de  la  malhonnêteté  que  de  se  laisser  tromper.  Il  nous  faut 
donc  des  hommes  qui  soient  prêts  à  appliquer  à  leur  temps  et 
aux  besoins  de  chaque  jour  de  la  vie  d'un  peuple  libre  les  pré- 
ceptes, les  idées  qu'ils  auront  acquis  à  Técole.  Qu'ils  soient 
donc  capables  de  réfléchir  avant  de  se  décider,  qu'ils  aient  beau- 
coup pensé,  beaucoup  médité,  beaucoup  lu.  Le  bourgeois  d'il  y 
a  trente  ans  se  consolait  volontiers  des  tristesses  de  Theure  pré- 
sente, en  s'enfermant  dans  sa  bibliothèque  avec  ses  anciens,  ses 
auteurs  favoris,  qu'il  ornait  de  toutes  les  beautés  de  son  rêve. 
Il  n'était  pas  sans  croire  dominer  ainsi  philosophiquement  les 
hommes  et  les  choses  en  se  plaçant  dans  l'intemporel.  Or  nous 
arrivons  à  une  période  où  le  philosophe  n'a  plus  le  droit  de  se 
retirer  dans  la  tour  d'ivoire  :  il  lui  faut  descendre  dans  l'arène 
et  lutter. 

Notre  philosophie,  notre  littérature  prennent  une  importance, 
ont  des  tendances  pratiques  dans  le  domaine  social  que  les  phi- 
losophies  et  les  littératures  antiques  n'ont  jamais  connues.  11 
serait  criminel  d'essayer  d'élever  nos  enfants  en  dehors  de  ce 
mouvement.  Ce  qu'il  faut  leur  bien  faire  connaître  c'est  tout  ce 
qui  a  précédé  ce  merveilleux  épanouissement  de  la  pensée  con- 
temporaine, toutes  les  littératures  anciennes,  toutes  les  littéra- 
tures étrangères  aussi,  toute  la  pensée  humaine. 

C'est  dans  la  culture  de  ces  littératures  diverses  et  fécondes 
qu'ils  puiseront  le  développement  du  sens  critique,  la  largeur 
des  vues,  l'étendue  des  connaissances,  le  libéralisme  intellec- 
tuel nécessaire  pour  former  l'âme  de  grands  citoyens.  En  vérité 
auprès  de  ce  programme,  les  fameux  grands  exemples  desCaton, 
des  Spartiates  et  des  Cicéron  paraissent  bien  peu  de  choses.  11 
fallait  les  réduire  à  leur  juste  valeur  au  nom  de  la  vérité. 

Qu'on  apprenne  à  nos  enfants  ce  que  sont  les  littératures 
contemporaines,  ce  que  furent  les  vieilles  lettres  grecques  et 
romaines,  qu'on  fasse  ainsi  travailler  leur  esprit,  qu'on  leur 
apprenne  l'histoire  de  lart  qu'ils  ignorent  aujourd'hui  complè- 
tement, on  aura  plus  fait  pour  le  progrès  de  l'esprit  humain 
qu'en  leur  faisant  annoner  Virgile  ou  la  stylistique  latine  de 
Meisner .  Ce  sont  les  faits  qui  nous  imposent  cette  conclusion. 

Il  est  deux  éducations  juxtaposées  :  l'éducation  scientifique  et 


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ET  LES   BESOINS  DE  L  ENSEIGNEMENT   MODERNE  34t 

l'éducation  littéraire  et  philosophique.  La  première  à  notre 
époque  est  nécessaire  :  ce  point  est  indiscutable  et  indiscuté. 
^fiis  à  côté  d'elle,  la  complétant  d'une  façon  heureuse,  est  Tautre 
éducation  qui  doit  avoir  pour  but  d'apprendre  à  Tenfant  d'abord, 
au  citoyen  ensuite,  ce  qu'ont  pensé  les  hommes  d'autrefois,  ce 
que  pensent  nos  contemporains.  Après,  devenus  des  hommes^ 
qu'ils  jugent  et  qu'ils  agissent!  Dans  une  libre  république  une 
large  éducation  philosophique  et  morale  est  nécessaire  pour 
former  de  bons  citoyens  (1).  Or  la  vieille  éducation  gréco-latine 
était  étroite  :  elle  est  devenue  impraticable.  Les  illusions  qui  la 
faisaient  excellente  sont  dissipées  :  les  causes  qui  la  rendaient 
jadis  suffisantes  sont  depuis  longtemps  disparues.  Elle  doit  être 
élargie,  et  dans  tout  ce  qu'elle  avait  d'inutile,  je  veux  dire  dans 
l'étude  des  grammaires  et  des  syntaxes  antiques^  elle  doit  dis- 
paraître pour  faire  place  à  une  éducation  plus  large,  plus  libé- 
rale, plus  méditative  ou  le  développement  du  sens  critique  soit 
.au  premier  rang.  Il  ne  suffit  plus  pour  faire  un  honnête  homme 
d'une  «  bonne  volonté  »,  il  faut  encore  une  volonté  éclairée  et 
réfléchie. 

(1)  Sur  révolution  contemporaine  de  la  philosophie  et  ton  râle  futur  dans  la  vie 
sociale  et  le  numéro  d'octobre  1898  de  la  Revue  :  X.  Torau-Bayle,  Le  problème 
social  et  t individualisme, 

X.  Torau-Bayle. 


BEVUE  POLIT.,  T.   XX  23 


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LA  RÉFORME  R(l  NOTARIAT 

JET 

l'IJNinCATION  DII  RESSORT  DES  NOTAIRES 


A  Foccasion  du  projet  de  loi  sur  la  suppression  des  offices  et 
le  mode  de  recrutement  des  candidats  ûotaires^  le  Sénat,  élargis- 
sant, avec  raison  d'ailleurs,  la  matière  a,  dans  sa  séance  du 
14  mars  1899,  voté  une  disposition  additionnelle  à  l'article  5  de 
la  loi  du  25  ventôse  an  XI,  relatif  aux  ressorts  des  notaires.  Si 
nous  ne  craignions  d'être  irrespectueux,  oims  dirions  que  la 
Haute  Assemblée  s'est  attachée  là  à  un  détail  relativement  sans 
importance  et  n'a  pas  vtf  tout  ce  que  cet  article  5  lui-même  avait 
de  suranné  et  combien  le  système  qu'il  renfermait  était  injuste. 

Nous  espérons  que  devant  la  Chambre  des  députés,  où  ce 
projet  va  revenir^  un  examen  plus  spécial  et  plus  approfondi 
aura  lieu.  Une  réforme  générale  de  la  matière  du  ressort  s'im- 
pose. Elle  a  déjà  fait  l'objet  de  nombreux  écrits  et  discours. 
M.  Amiaud,  avec  sa  haute  compétence  spéciale,  dans  ses  Etudes 
sur  le  notariat  (1)  et  dans  son  Traité  formulaire  (2);  MM.  les 
avocats-généraux,  Tappie,  Bertheau,  Mazière,  dans  leurs  Dis- 
cours de  rentrée  (3)  ;  MM.  les  avocats  Rouxel  et  Bauby,  l'un  dans 
sa  publication  sur  la  Crise  notariale  (4),  l'autre  dans  son  traité  sur 
la  Responsabilité  civile  des  notaires  (5)  ;  M.  le  magistrat  Raoul 
de  Grasserie,  dans  son  très  récent  ouvrage  sur  VÉtat  actuel  et  la 
réforme  du  notariat  en  France  (6)  ;  le  Journal  des  notaires  et  des 
avocats {7)\  MM.  Merlin (8),  Hurson(9),  Hug(lO),  Dussouy(ll), 

(1)  P.  131  et  suiv. 

(2)  T.  II,  p.  605. 

(3)  Caïambéry,  3  novembre  1877;  Dijon,  1889;  Gaen,  16  octobre  1893. 

(4)  P.  262. 

(5)  P.  566,  571  et  suiv. 

(6)  P.  231. 

(7)  Art.  25530. 

(8)  Circulaire. 

(9)  Etude  sur  une  réorganisation  du  notarial  en  France^  1894,  p,  8  et  15. 

(10)  Projet  de  réforme  du  notariat, 

(11)  la  crise  du  notariat  et  ses  remèdes^  1897.  p.  19. 


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LA   RÉFORME  DC   NOTARIAT  343 

dans  divers  écrits,  ont  traité  cette  matière  et  préconisé  cette 
réforme,  à  laquelle  nous-môme  avons  consacré  une  bro- 
chure (1). 

Cette  réforme  a  également  été  réclamée»  dans  ce  recueil 
même,  par  un  magistrat  éminent,  M.  le  conseiller  devenu  pré- 
sident Douarche  (2). 

Elle  l'a  été  encore  par  voie  de  pétition  au  Parlement  (3). 

La  question  est  donc  mûre  et  demande  à  recevoir  en  France, 
comme  elle  Ta  reçue  à  près  partout  ailleurs  (seule  la  Belgique 
reste  régie  par  l'article  5),  une  promrpte  et  efficace  solution. 

Bien  que  cette  question  ait  été  déjà  effleurée  dans  ce  recueil, 
nous  pensons  qu'une  étode  pluB  complète  ne  saurait  nuire. 

A  la  vérité,  notre  initiative  ne  laisse  pas  que  d'être  délicate. 
On  peut  la  supposer  suggérée  par  l'intérêt  personnel.  Il  y  aurait 
là,  qu'il  nous  soit  permis  de  le  dire,  une  injuste  suspicion. 
D'ailleurs,  par  la  situation  spéciale  de  notre  résidence,  nous 
sommes  de  ceux  auxquels  la  réforme  ne  saurait  aucunement 
profiter.  Aussi,  n'farésitons-nous  pas  à  venir  plaider  ici  une  cause 
qui  est  tout  à  la  fois  celle  du  public  et  du  notariat,  comme  celle, 
pensons- nous,  du  progrès. 

I.  —  DiySRfliTÉ  DE   RESSORTS  SOUS   LES   ANGUWS   RÉGIMES 

Autrefois,  le  notariat  s'est  trouvé  confondu  avec  le  pouvoir 

judiciaire. 

Lorsque  le  comte  tenait  le  plaid»,  dit  Loysêau,  tous  les  contrats  se  passaient 
devant  lui  en  présence  de  témoins;  il  les  faisait  écrire  par  les  chanceliers 
et  leur  donnait  la  sanction  publique.  Des  leigmeurs,  et  droit  passa  aux  juges 
qu'ils  instituèrent  pour  rendre  la  justice  en  leur  nom  et  ces  juges  avnient  des 
secrétaires  ou  greffiers  qui  écrivaient  les  actes  de  toute  espèce  comme  ils  écrivaient 
les  jugements  (4^ 

Puis  des  notaires  en  titre  furent  substitués  à  ces  secrétaires 
ou  greffiers.  Ces  notaires,  dits  seigneuriaux,  recevaient  leur 
investiture  des  seigneurs  justiciers  ou  hauts  justiciers  ou  de 
leurs  délégués.   Leur  ressort  resrta  naturellement  limité  au 

(1)  La  réforme  du  ressort  des  notaires  1897. 

(2)  Fascieale  d'atrfl  1895,  p.  74, 

0)  Ch.  des  dép.,  19  novembre  1831;  21  avril  1838;  2  avril  1842.  Ch.  des  pairs, 

29  avril  1841  ;  Ass.  const.,  11  juillet  1848.  —  Les  notaires  de  Tarrondiss.  de  Castel- 

Sarrazin  (Tam-et-Garonne)  ont  encore  adressé  à  la  Chambre  des  députés,  au  mois 

I  de  mai  1896,  une  pétition  demandant  la  suppression  des  classes  de  notaires.  — 

I  V.  égaleaient  Proiet  de  loi  de  M.  Loucaze,  député,  du  25  février  1889. 

I  (4)  Traité  des  offices,  t.  II,  ch.  IV,  p.  48. 


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344  LA   RÉFORME   DU   NOTARIAT 

ressort  de  la  justice  à  laquelle  ils  étaient  immatriculés*  sans 
qu'ils  pussent  instrumenter,  même  dans  ce  ressort,  pour  les 
habitants  d'un  autre  lieu.  Leurs  actes  n'étaient,  également, 
exécutoires  que  dans  le  ressort  de  cette  môme  justice  dont  ils 
portaient  le  sceau. 

En  certains  cas,  le  ressort  des  notaires  seigneuriaux  se  trouva 
même  circonscrit  dans  les  limites  d'un  territoire  particulier 
dépendant  de  la  justice  principale  :  tels,  les  notaires  d'Eclaron, 
de  la  principauté  de  Joinville,  au  duc  d'Orléans  (1). 

A  côté  des  notaires  seigneuriaux,  furent  successivement  établis 
des  notaires  royaux,  ainsi  appelés  parce  qu'ils  tenaient  leur 
commission  non  plus  des  seigneurs,  mais  du  roi,  soit  directe- 
ment, soit  par  l'intermédiaire  de  ses  officiers  permanents  comme 
les  sénéchaux  ou  intérimaires,  tels  que  les  commissaires  envoyés 
en  mission  dans  une  province.  Ils  étaient,  comme  les  notaires 
seigneuriaux,  immatriculés  à  une  justice.  Aussi,  déclarent  les 
auteurs,  malgré  la  séparation  opérée  par  Louis  IX  entre  les 
deux  juridictions,  les  notaires  furent-ils  cependant,  jusqu'en 
1791,  considérés  comme  des  officiers  de  la  juridiction  conten- 
tieuse  et  les  grosses  durent  toujours  être  intitulées  du  nom  du 
juge  dans  le  ressort  duquel  le  notaire  instrumentait  (2). 

Les  notaires  royaux,  à  la  différence  des  notaires  seigneuriaux, 
avaient  le  droit  d'instrumenter  entre  toutes  personnes,  quels 
que  fussent  leur  qualité  et  leur  domicile  et  leurs  actes  étaient 
exécutoires  dans  toute  la  France.  Mais,  comme  eux,  ils  ne  pou- 
vaient, en  général,  instrumenter  que  dans  le  ressort  de  la  juri- 
diction près  de  laquelle  ils  étaient  inscrits.  Certains  n'avaient 
même  le  droit  d'exercer  que  dans  une  partie  de  cette  juridiction. 

Par  un  privilège  spécial,  les  notaires  de  Paris,  Orléans  et 
Montpellier  avaient  le  droit  d'instrumenter  dans  toute  la  France 
et  par  l'attribution  du  scel,  attiraient  à  la  juridiction  dont  ils 
dépendaient,  toutes  contestations  qui  pouvaient  naître  relative- 
ment à  l'exécution  des  actes  par  eux  reçus. 

En  cas  de  concours,  les  notaires  de  Paris  excluaient  ceux 
d'Orléans  et  de  Montpellier,  même  dans  leur  propre  ville. 

Avec  les  notaires  seigneuriaux,  à  peu  près  disparus,  mais 

(l)  Rolland  de  Villargues,  Bép,  du  noL,  Y»  Rbssort,  ii«  3. 
(S)  Gagnereaux,  Ecycl.  des  lois  sur  le  not.,  p.  38,  n*  7;  Rolland  de  Viliargues, 
Y»  Notaires,  n«  20;  Loiseau,  ch.  YI,  n«  96. 


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ET   L  CNIFICATION   DU    RESSORT  DES   NOTAIRES  345 

néanmoins  représentés  encore  à  Tépoque  de  la  Révolution,  et 
les  notaires  royaux,  existaient  les  notaires  apostoliques,  qui 
n'exerçaient  leurs  fonctions  que  relativement  aux  affaires  béné- 
ficiales  et  seulement  dans  le  diocèse  où  ils  avaient  été  nommés. 

Toutes  ces  distinctions  portent  bien  Tempreinte  des  anciens 
régimes.  Elles  donnèrent  lieu,  on  n'en  saurait  douter,  à  de 
nombreuses  difficultés.  Il  s'éleva,  notamment^  entre  notaires 
royaux  el  -notaires  seigneuriaux,  d'assez  violents  démêlés,  ana- 
logues, vraisemblablement,  à  ceux  qui  se  produisirent  entre 
justices  seigneuriales  et  royales.  Entre  notaires  royaux  eux- 
mêmes,  les  ressorts  n'étaient  pas  tellement  limités  et  séparés 
qu'il  n'en  résultât  quelque  confusion.  «  On  voyait,  dit  Rolland 
de  Villargues,  dans  les  villes  des  notaires  qui  ne  pouvaient 
dépasser  telle  rue  ou  telle  maison  sans  s'exposer  à  voir  inva- 
lider leurs  actes  »  (1).  De  là  de  fréquents  procès. 

Cet  état  de  choses  dura  ainsi  jusqu'à  la  Révolution. 

II.  —  Unification  par  l'Assemblée  Constituante. 

Par  la  loi  du  29  septembre  1791,  promulguée  le  6  octobre  sui- 
vant, l'Assemblée  constituante,  pénétrée  qu'elle  était  du  prin- 
cipe de  la  séparation  des  pouvoirs,  commença  par  rompre  les 
derniers  liens  qui  rattachaient  encore  le  notariat  à  la  juridic- 
tion contentieuse.  Elle  fondit  ensuite  toutes  les  anciennes  qua- 
lifications et  classes  de  notaires  en  une  seule,  celle  des  notaires 
publics. 

Puis,  par  voie  de  conséquence,  elle  détermina  pour  tous  un 
ressort  unique,  n'ayant  rien  de  commun  avec  le  ressort  judi- 
ciaire, devenu,  par  la  séparation  des  deux  institutions,  étran- 
gers au  notariat. 

Ce  ressort  fût  le  département,  «  Les  notaires,  porte  l'article  11  de  la  loi,  ne 
pourront  exercer  leurs  fonctions  hors  des  limites  des  départements  dans  lesquels 
ils  se  trouvent  placés,  mais  tous  ceux  du  même  département  exerceront  con- 
curremment entre  eux  dans  toute  son  étendue.  >» 

Le  décret  du  18  brumaire  an  II  (8  novembre  1793)  vint  à  son  tour,  disposer 
que  «  les  actes  que  les  notaires  auraient  reçus  ou  recevraient  hors  les  limites  du 
département  dans  retendue  duquel  leur  résidence  est  fixée  ne  pourront  pas  ôtre 
annulés  du  chef  de  Tincompétence  de  ces  officiers.  Mais  tout  notaire  qui,  à  Va- 
venir,  recevra  un  acte  hors  de  son  département,  sera  puni  pour  la  première  fois 
d'une  amende  de  1.000  livres  et,  en  cas  de  récidive,  destitué.  » 

(1)  V»  Ressort,  n*»  4. 


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346  LA  RÉFORME  DU  NOTARIAT 

La  nécessité  d'une  loi  notariale  plus  complète  ayant  été  pro- 
clamée, un  projet  présenté  au  Conseil  dee  Cinq  Cents  le  premier 
thermidor  an  VII  (juillet  1799)  et  converti  en  résolution,  établis- 
sait par  Tartiole  26,  au  sujet  du  ressort,  la  m^ème  étendue  :  le 
Département.  L'article  24  du  projet  présenlé  à  la  commission 
législative  des  anciens  adoptait  également  ce  même  et  unique 
ressort. 

III.  —  Rbtouh  eu  arrière  par  la  loi  de  l'an  XI 

Mais  la  loi  du  25  ventôse  an  XI  (16  mars  1803)  devait  faire, 
sur  cette  question  du  ressort,  un  retour  en  arrière. 

Bien  que  confirmant,  avec  la  séparation  entière  du  notariat 
d'avec  la  juridiction  contentieuse,  une  seule  et  même  qualifi- 
cation pour  tous  les  notaires,  celle  de  «  fonctionnaires  publics  » 
et  adoptant,  quant  à  la  nature  et  aux  attributs  de  la  fonction  et 
sur  d'autres  points  les  principes  de  la  loi  de  1791,  elle  répudia, 
sur  la  question  de  ressort,  l'égalité  créée  par  l'Assemblée  Cons- 
tituante et  divisa  par  l'article  5  ce  ressort  en  trois  classes  su- 
perposées. 

Voici  te  texte  de  cet  article  : 

«  Les  notaires  exercent  leurs  fonctions  savoir  :  Ceux  des  villes 
où  est  établi  le  tribunal  (T appela  dans  rétendue  du  ressort  de  ce 
tribunal',  —  ceux  des  villes  où  il  n'y  a  qu'un  tribunal  de  première 
instance  dans  l'étendue  du  ressort  de  ce  tribunal;  —  ceux  des 
autres  communes,  dans  T étendue  du  ressort  du  tribunal  de  paix.  ^> 

Cette  disposition  porte  bien,  elle  aussi,  l'empreinte  spéciale  de 
l'époque.  En  1803,  en  efifet,  les  idées  dominantes  n'étaient  plus 
celles  de  la  Révolution,  mais  bien  de  Napoléon,  premier  Consul. 
Les  idées  d'unité,  de  liberté,  d'égalité  préconisées  par  la  Consti- 
tuante avaient  fait  leur  temps.  Le  vent  était  aux  créations 
d'aristocraties  hiérarchiques. 

Cette  superposition  des  ressorts,  ces  catégories  privilégiées  de 
notaires  que  créait  le  législateur  de  l'an  XI  rentrait  donc  bien 
dans  les  vues  du  moment. 

«  Napoléon,  dit  M.  Joset  (1),  a  voulu  avoir  de  grands  notaires,  connue  dans  toutes 
les  parties  de  1  admiolstration  piii»Uque,  il  a  voulu  avoir  des  hommes  influents 

(l)  Conseiller  de  Cour  d'appel,  Président  de  la  commission  belge  de  réforme 
notariale. 


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ET   L  UNIf IGATlOIi   DU    RBMORT   DES   NOTAIRES  847 

et  largement  rétribués.  En  Tan  XI,  U  jetait  à  pleines  mains  les  bases  de  Templre 
qu'il  érigea  le  28  floréal  an  XII.  Il  convenait  a  Napoléon  de  rendre,  aux  notaires 
de  Paris,  les  privilèges  de  leur  prédécesseurs  sinon  en  tout,  au  moins  en  partie; 
de  là,  est  né  rarticle5delaloide  ventôse  qui  donne  aux  notaires  de  grandes  villes  de 
grands  ressorts  ;  aux  notaires  des  villes  inférieures^  des  ressorts  moins  dispropor- 
tionnés et  qui  ne  laisse  aux  notaires  parias  ou  ilotes  des  cantons  que  les  affaires 
que  les  premiers  notaires  ne  veulent  pas  faire  ou  bien  qu'ils  ne  peuvent  pas 
faire,  faut«  de  temps  et  de  loisir.  » 

Donc^  d'après  rarticle  5,  toujours  en  vigueur  : 

1*^  Certains  notaires,  parce  qu'ils  résident  au  chef-lieu  d'une 
Cour  d'appel  exercent,  en  concurrence  avec  les  n°'  2  et  3  ci- 
après,  leurs  fonctions  dans  plusieurs  départements  (ceux  de 
Chambéry,  Douai,  Rouen,  dims  detix\  ceux  d'Agen,  Amiens, 
Angers,  Bordeaux,  Bourges,  Caen,  Dijon,  Grenoble,  Limoges, 
Lyon,  Orléans,  Pau  dans  trois;  ceux  d'Aix,  Montpellier, 
Nancy,  Nîmes,  Poitiers,  Riom,  Toulouse  dans  quatre\  ceux  de 
Rennes  dans  cinq  et  ceux  de  Paris  dans  $ept). 

2p  Les  notaires  qui  résident  au  siège,  d'un  Tribunal  de  pre- 
mière instance  instrumentent  concurremment  avec  leurs  collè- 
gues n^  3  seulement. 

3^  Quant  aux  autres,  ils  voient  leur  ressort  limité  au  seul 
canton  de  leur  résidence  et  subissent  sans  réciprocité  la  concur- 
rence des  n®»  1  et  2. 

Puis,  comme  il  n'y  a  pas  de  règle  sans  exception,  d'autres 
distinctions  ont  été  admises.  C'est  ainsi  que  certains  notaires, 
n'ayant  leur  résidence  ni  au  siège  d'une  cour  d'appel  ni  à  celui 
d'un  tribunal  de  première  instance,  peuvent  cependant  instru- 
menter concurremment  dans  plusieurs  ressorts  de  justices  de 
paix  (voir  notamment,  lois  des  12  avril  1881,  7  avril  1882, 
29  décembre  1886,  5  juillet  1889,  10  mai  1892,  etc.). 

A  cette  variété  de  règles  et  d'exceptions.  Je  nouveau  projet 
apporte  lui-même  son  appoint. 

D'une  part,  il  établit  d'une. manière  générale  que  les  notaires 
des  communes  où  il  y  a  plusieurs  justices  de  paix  exerceront 
leurs  fonctions  concurremment  dans  toute  Tétendue  de  la  com- 
mune. 

D'autre  part,  pour  les  cantons  n'ayant  plus  qu'un  notaire,  U 
dispose  «  qu'en  cas  de  décès  ou  d'empêchement  dûment  justifié 
du  titulaire,  le  Tribunal  pourra,  à  la  requête  du  Procureur  de  la 
République  ou  du  titulaire  empêché,  désigner,  comme  sup- 
pléant (ce  suppléant  est  une  création  nouvelle)  un  notaire  d'un 


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348  LA  RÉFORME  DU  NOTARIAT 

des  ressorts  de  justice  de  paix  limitrophes  du  même  arrondis- 
sement (1). 

IV.  —  Vice  et  dangers  de  l'article  5 

Le  vice  fondamental'de  l'article  5  de  la  loi  de  ventôse  réside 
dans  la  superposition  des  ressorts  qui  a  fait  revivre,  sous  une 
nouvelle  forme,  en  les  aggravant,  les  anciennes  distinctions, 
lés  anciens  privilèges. 

Des  différences  de  ressort  se  concevaient  autrefois,  alors 
qu'il  y  avait  plusieurs  catégories  de  notaires  ^t  que  les  notaires 
étaient  rattachés  à  une  j^istice.  Mais,  depuis  1791,  elles  n'ont 
plus  aucune  raison  d'être. 

Depuis  1791,  en  effet,  époque  à  laquelle  l'institution  reçut 
son  autonomie,  les  notaires  forment  une  seule  et  unique  classe, 
Tous  sont  nommés  de  la  même  manière,  exercent  une  même 
fonction,  {)ossèdent  les  mêmes  attributions.  Les  uns  ne  sont  pas 
appelés  à  recevoir  une  catégorie  spéciale  d'actes,  à  réaliser  cer- 
tains genres  d'affaires,  h  instrumenter  relativement  à  une  classe 
particulière  d'intérêts  ou  de  clients  auxquels  les  autres  restent 
étrangers.  L'acte,  quelles  qu'en  soient  la  nature  et  l'importance, 
qui  est  reçu  dans  un  hameau,  par  un  notaire  de  village,  a  la 
même  force,  participe  du  même  caractère  d'authenticité,  est 
exécutoire  dans  toute  la  France,  aussi  pleinement  que  s'il  avait 
été  passé  dans  une  grande  ville  et  reçu  par  un  notaire  de  chef- 
lieu  d'arrondissement  ou  de  Cour  d'appel.  Et,  corrélativement, 
tous  sont  soumis  aux  mêmes  obligations,  aux  mêmes  devoirs. 

Inadmissible  est  donc  ce  système  qui  crée  une  concurrence 
lourde,  écrasante,  au  profit  des  notaires  des  Cours  d'appel, 
contre  les  notaires  d'arrondissement  et  de  canton  et  au  profit 
des  notaires  d'arrondissement  contre  les  notaires  ruraux,  c'est- 
à-dire  en  faveur  des  études  les  plus  riches,  les  mieux  favorisées 
d'affaires  importantes  au  préjudice  des  plus  pauvres  ! 

Encore,  un  tel  système,  si  injuste  et  suranné  qu'il  soit  (2), 

(l)  Au  sujet  de  cette  disposition  spéciale,  nous  noui  permettrons  de  foire 
Temarquer  combien  elle  est  peu  pratique.  D'une  part,  elle  assujettit  à  des  for- 
malités qui  ne  peuvent  être  accomplies  dans  les  i^as  d'urgence.  D'autre  part,  si 
le  client  habite  au  nord  du  canton  et  que  le  suppléant  réside  dans  le  canton  sud, 
à  Fextrémité  sud,  quels  fÉ*ais  de  transport  n'aura-t>il  pas  à  subir  ?  Puis  et  sur- 
tout, elle  constitue  la  confiance  forcée  et  obligatoire. 

\2)  Ce  système  nous  recule  à  l'époque  de  la  féodalité.  11  fait  des  notaires  comme 
ferois  classes  :  seigneurs  (notaires  des  grandes  villes),  vassaux  (notaires  des  autres 


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ET  L  UNIFICATION   DU   BE880RT   DBS  NOTAIRES  349 

resta-t-il  dans  la  pratique,  longtemps  inoffensif.  La  lenteur  et 
la  difficulté  des  communications  n'en  permettaient  guère  lexer- 
cice  que  très  exceptionnellement  et  pour  certaines  suites  d'af- 
faires. 

11  n'en  est  plus  de  même  aujourd'hui  que  les  déplacements, 
même  dans  un  grand  rayon,  sont  devenus  aussi  faciles  que 
rapides.  Ce  qui  était  l'exception  tend,  de  plus  en  plus,  à  devenir 
la  règle.  Ce  ne  sont  plus  simplement  «  les  suites  d'affaires  », 
ce  n'est  plus  le  superflu,  mais  bien  les  affaires  principales,  le 
nécessaire  même  que  les  titulaires  des  études  de  Cour  d'appel 
sont  et  seront  de  plus  en  plus  appelés  à  retirer  aux  titulaires 
des  résidences  rurales. 

Et  l'on  conçoit  tout  ce  qu'une  telle  situation  a  de  grave. 

Pour  peu  qu'elle  se  prolonge,  les  notaires  des  classes  infé- 
rieures verront,  sans  aucune  espèce  de  compensation,  appréhen- 
der partout  et  régler  sur  les  lieux  par  les  notaires  de  première 
classe,  toutes  les  affaires  les  plus  importantes  nées  dans  l'éten- 
due de  leur  petit  ressort. 

Un  notaire  de  première  classe,  d'un  esprit  élevé  et  impartial, 
M.  Coppyn,  notaire  à  Bruxelles,  professeur  de  droit  notarial,  en 
faisait  dans  un  de  ses  rx>urs  l'aveu  franc  et  loyal  : 

«  Je  nliésite  pas,  disait-il,  un  moment  d*en  convenir  :  il  est  pénible  pour  les 
notaires  de  3«  classe  qui  se  trouvent  restreints  dans  les  limites  de  la  justice  de 
paix,  de  voir  les  notaires,  d'une  classe  supérieure,  venir  instrumenter  dans  leur 
canton  et  leur  enlever  parfois  les  affaires  les  plus  lucratives  ;  et  malgré  tout  ce 
qu'on  a  dit  pour  Justifier  cette  faculté  accordée  aux  notaires  de  première  et  de 
deuxième  classe,  Je  ne  puis  m'empècher  de  voir  là  un  privilège  et,  par  suite, 
une  injustice  que  Tintérèt  des  nota&es  ne  peut  justifier.  » 

Les  conséquences  de  cet  état  de  choses  tendent  à  devenir  pour 
les  notaires  ruraux,  d'autant  plus  désastreuses  que  les  cam- 
pagnes, tout  le  monde  le  sait,  se  dépeuplent  au  profit  des  grands 
centres  avec  une  assez  grande  rapidité. 

On  estime  que,  vers  1920,  ou  plus  tôt  si  la  progression, 
comme  il  est  à  craindre,  s'accentue,  la  population  urbaine 
atteindra  50  p.  100  de  la  population  totale  de  la  France. 

A  ce  déplacement  de  population  est  venu  par  surcroît  se 
joindre  un  déplacement  dans  les  affaires.  Un  grand  nombre 
d'habitants  restés  à  la  campagne  ont,  avec  les  routes  et  les  che- 
villes), arrière-voêsaux  (notaires  ruraux),  les  seconds  étant  tout  à  la  fois  suze- 
rains et  vassaux.  De  plus,  comme  tout  ce  qui  est  d'essence  féodale  pure,  ces 
distinctions  ont  «  pour  base  »  la  terre,  le  plus  ou  moins  d'étendue  de  territoire. 


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350  LA  RÉFORME  DU  NOTÀRUT 

mins  de  fer,  de  plus  en  plus  étendu  leurs  intérêts  au^elà  des 
limites  du  canton  et,  sans  se  soucier  aucunement  des  circons- 
criptions légales,  porté  leurs  affaires  aux  notaires  de  ville 
dont  la  résidence  est  relativement  éloignée. 

Ce  double  mouvement  est  appelé  à  s'accentuer  au  fur  et  à 
mesure  du  développement  des  voies  ferrées  et  à  porter  aux  no- 
taires ruraux,  déjà  particulièrement  atteints  par  la  crise  agricole 
et  les  responsabilités  des  placements  hypothécaires,  un  préju- 
dice fatal. 

V.  —  Objections  contre  l'unification 

Dans  son  rapport  sur  le  projet  de  loi  précité,  la  Commission 
sénatoriale  a  fait  valoir,  contre  Tunification,  deux  objections  : 
l'une,  tirée  de  la  concurrence;  l'autre,  du  droit  de  propriété  des 
titulaires. 

l»  La  concurrence,  —  «  Unifier,  dît  ce  rapport,  toutes  les  classes  (ressorts) 
des  notaires  et  leur  assigner  un  sOol  ressort,  l'arrondissement  judiciairOf  ferait 
de  tous  ^sic)  les  notaires  de  cantons,  insuffisamment  occupés,  des  notaires  no- 
mades, et  rétablirait  ainsi  cette  concurrence  effrénée,  destructive  de  toute 
bonne  organisation  du  notariat,  contre  laquelle  le  légialatear  de  Tan  XI  s'est 
efforcé  de  réagir  par  Tobligation  de  la  résidence.  » 

Ainsi  parlait^on  déjà  en  Tan  XI,  pour  faire  obtenir,  aux  no- 
taires des  villes,  des  ressorts  privilégiés.  Cette  argumentation 
ne  repose  que  sur  l'injustice  et  la  confusion.  D'abord,  tous  les 
notaires  des  cantons  sont  loin  d*ètre  insuffisamment  occupés  et, 
le  seraient-ils,  qu'ils  ne  mériteraient  pas  cette  épithète  de 
notaires  nomades.  Les  notaires  nomades,  les  notaires  coureurs 
d'affaires,  les  mauvais  notaires,  en  un  mot,  se  trouvent  (à 
notre  époque  tout  au  moins)  aussi  bien  dans  un  camp  que  dans 
l'autre.  A  supposer  ce  grief  établi,  il  n'y  aurait  qu'à  supprimer, 
comme  cela  a  été  fait  depuis  Tan XI  (à  cette  époque,  il  y  avait  près 
de  14.000  notaires  sur  40.000  qui  existaient,  dit-on,  en  1791  ; 
aujourd'hui,  il  n'y  en  a  plus  que  9.000)  le  nombre  des  offices.  Le 
projet  de  loi  actuel  a  même  pour  but  de  diminuer  encore  ce 
nombre. 

Puis,  si  des  abus  de  concurrence  se  produisent  encore,  les 
Chambres  de  discipline  sont,  aujourd'hui,  là  (elles  n'existaient 
pas  en  l'an XI)  pour  les  réprimer.  Si  même  cette  organisation  est 
considérée  comme  insuffisante,  rien  n'empêche  le  gouverne- 
ment, qui  a  reçu  délégation  à  cet  égard  (art.  50  de  la  loi  de  ven- 


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ET   LUMinCATION   DU    RJQ08ORT  D£S  NOTAIBES  351 

tôse)  de  la  fortifier,  par  exemple,  par  Tinstitution  dans  chaque 
département  d'une  chambre  supérieure  de  discipline,  formant 
comme  ua  second  degré  de  juridiction,  et  la  création  de  peines 
plus  sévères. 

Mais  il  est  souverainement  injuste  et  illogique  de  créer,  pour 
éviter  la  concurrence,  une  autre  concurrence  et  de  substituer, 
au  régime  de  la  concurrence  libre  et  réciproque,  le  lîégime  de  la 
concurrence  privilégiéei,  en  désarmant  les  faibles  an  profit  des 
plus  forts.  Par  là,  loin  de  remédier  au  mal,  on  l'aggrave. 

La  crainte  de  la  cooM^urrence  peut  bien  justifier  la  restriction 
du  ressort,  mais  non  la  superpositioHy  c'est-à^-dire  des  catégories 
privilégiées  de  ressort  I  Quant  &  Tobligation  de  la  résidence, 
personne  n'entend  y  toucher.  D'ailleurs,  le  notaire  de  ville  qui 
s'absente  à  la  campagne  quitte  aussi  bien  sa  résidence  que  le 
notaire  de  la  campagne  qui  s'absente  à  la  ville.  La  question  de 
résidence  n'a  donc  rien  à  voir  ici. 

2*  Le  droit  de  propriété  des  titulaires.  —  «  Cette  réforme,  ajoute  le  rapport,  ne 
pourrait  s'effectuer  lans  qu'une  indemnité  fût  accordée  aux  notaires  de  1"^*  et 
2*  classes.  Or,  la  fixation  de  cette  indemnité  serait  pleine  de  difficultés,  car  la 
base  même  d'après  kufueJle  elle  pourrait  être  déterminée  échapperait  le  plus  son- 
vent  à  toute  appréciation  (1).  » 

Cette  manière  de  vodr  n'est  pas  celle  de  tout  le  monde. 

«  Dans  la  pratique,  déclare  M.  ÀanAUD  (qui  préconise  le  ressort  par  arrondis- 
sèment),  il  nous  semble  que  cette  difficulté  devxait  avoir  peu  d'importance.  Une 
statistique  pourrait  établir  que  le  droit  dlnstrumenter  accordé  aux  notaires  de 
première  classe,  se  traduit  par  un  nombre  d'actes  retatWemeiit  minime,  et, 
quant  aux  notaires  d6  seconde  classe,  nous  ne  voyons  pas  hien  sur  quelle 
raison  ils  pourraient  établir  leur  droit  à  une  indemnité  ;  il  ne  dépendrait  que 
(Veux  de  conserver,  par  la  confiance,  la  capacité,  la  bonne  condurte,  nne  clientèle 
toujours  libre  de  son  choix  (2).  >* 

11  est,  en  effet,  un  point  qui  passe  inaperçu  bien  que  décisif. 

Les  clients,  quel  que  soit  le  ressort,  restent  toujours  libres  de 

leur  choix.  La  presque  unanimité  des  contrats  est  susceptible 

de  se  passer  à  l'étude  d'un  notaire,  quel  que  soit  le  siège  des 

intérêts  en  jeu.  Par  exemple^  des  parties  habitant  Lille  peuvent 

faire  recevoir  par  un  notaire  de  Nantes  la  vente  d'un  immeuble 

situé  à  Marseille.  Donc  l'unification  du  ressort,  ne  changera  rien. 

sous  ce  rapport,  et  les  clientèles  n'en  seront  pas  modifiées. 

Seules,  quelques  opérations,  comme  les  inventaires,  doivent  être 

(1)  Est-ce  que  les  indemnités  en  matière  de  création  d'offices  sont  faciles  à 
apprécier?  Cependant,  elles  n'en  sont  pas  moins  fixées  par  la  Chancellerie. 

(2)  Etudes,  p.  132.  —  Y.  aussi  .Maûères,  Discours  de  rentrée,  précisé;  Pelle- 
grin,  Ency,  not.,  v«  Officbs,  n«'  674  et  a. 


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352  LA    RÉFORME   DU   NOTARIAT 

dressées  obligatoirement  sur  place.  Mais  c'est  là  une  l^ère 
exception.  Pour  la  très  grande  généralité  des  actes  et  procès- 
verbaux,  mêmes  les  adjudications,  les  parties  ont  toute  facilité 
de  les  faire  recevoir  en  Tétude  même  du  notaire.  La  liberté  des 
parties,  pour  le  choix  de  leur  notaire,  est  et  restera  intacte 
Donc,  il  ne  saurait  y  avoir,  dans  la  réforme  préconisée,  quelle 
qu'elle  doive  être,  principe  à  indemnité. 

On  Ta,  d'ailleurs,  bien  vu  en  Tan  XL  Lorsque  la  loi  de  ventôse 
fut  promulguée,  tous  les  notaires  des  petites  villes  et  villages 
pouvaient  instrumenter  dans  Tétenduc  entière  des  départements 
dans  lequel  se  trouvait  leur  résidence.  Un  préjudice  résulta 
pour  eux  de  cette  loi,  jiarticuliërement  pour  les  notaires  ruraux 
dont  la  circonscription  se  trouvait  réduite  au  seul  canton.  11 
n'a  pas  alors  été  question  de  leurs  droits  acquis?  On  n'a  pas 
parlé  de  les  faire  indemniser  par  les  notaires  des  grandes  villes. 
Gomment,  aujourd'hui,  ces  derniers  seraient-ils  donc  fondés  à 
se  plaindre. 

Dira-t-on  qu'en  l'an  XI  la  vénalité  des  offices  n'existait  pas  et 
que  le  préjudice  subi  était,  par  conséquent,  moindre.  Ce  serait 
là  une  simple  question  de  mesure.  Mais  tout  le  monde  sait 
qu'en  réalité,  la  vénalité  des  offices  existait  déjà,  sinon  en  prin- 
cipe, du  moins  en  fait  et  qu'elle  était  officiellement  tolérée  (1). 

Les  titulaires  actuels  ont,  au  surplus,  traité  de  leur  offices,  sur 
les  seuls  produits  réels,  antérieurs  à  la  cession,  et  non,  en 
même  temps,  sur  l'expectative  d'une  augmentation  de  produits, 
par  le  privilège  de  ressort.  Du  moins,  c'est  cette  base  réelle 
seule  que  la  chancellerie  a  considérée  dans  l'exercice  de  son 
droit  de  contrôle. 

Or,  jusqu'à  présent,  ce  privilège  ne  s'est  guère  exercé  que  pour 
les  suites  d'afiaires  en  vue  desquelles  il  avait  été  établi.  Ce  n'est 
que  depuis  l'extension  de  notre  réseau  de  voies  ferrées  qu'il 
tend  à  s'appliquer  aux  affaires  principales  elles-mêmes.  A  vrai 
dire,  il  y  a  là,  non  plus  l'exercice  normal,  mais  l'extension 
abusive  d'un  privilège  déjà  en  lui-même,  plus  légal  qu'équitable. 

Arrêter  cet  abus  naissant,  prévenir  les  conséquences  de  plus 
en  plus  désastreuses  qu'il  ne  peut  manquer  de  produire;  en  un 

(1)  Comp.  décreU  des  19  et  25  mars  1808;décis  min.  fin.,  31  mai  1806;  Loi  de 
▼entose;  JurtMprudence  du  Sot,,  de  Rolland  de  Villargues,  n»  2449;  Rép.  not., 
no  2511  ;  P.  L.  Lucas,  Vénalité  des  charges,  page  565  et  suivantes. 


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ET   L  UNIFICATION   DU   RESSORT  DES   NOTAIRES  353 

mot  et,  dans  Tintérêt  même  des  clients,  empêcher  que  le  notariat 
rural  ne  vienne  par  les  allées  et  venues  des  notaires  des  grandes 
villes  dans  de  grands  rayons,  à  être  absorbé  totalement  par  ces 
derniers,  ne  constitue  jamais  ainsi,  en  somme,  qu'une  mesure 
absolument  légitime  et  équitable. 

11  ne  faut,  d'ailleurs,  pas  s'illusionner.  Malgré  Tunification 
des  ressorts,  les  affaires  importantes  déserteront  toujours  les 
campagnes. 

En  sorte  que  les  notaires  de  villes  profiteront  encore,  au  dé- 
triment de  leurs  collègues  des  classes  inférieures,  d'un  surcroît 
appréciable  d'affaires  tiré  de  ces  dernières  résidences,  puisque, 
malgré  le  ressort^  «  ils  sont  compétents  pour  recevoir  les  actes 
de  toutes  les  personnes  qui  se  présentent  chez  eux.  » 

VI.  —  Législation  comparée. 

A  l'exception  de  la  Belgique,  régie  toujours,  on  le  sait,  par  la 
loi  de  ventôse,  partout,  en  Europe,  le  système  des  ressorts  iné- 
gaux a  été  abandonné. 

En  Hollande j  depuis  la  loi  du  9  juillet  1842  (art.  3,  §  1),  les 
notaires  exercent  leurs  fonctions  dans  l'étendue  de  l'arrondis- 
sement dans  lequel  leur  résidence  est  fixée. 

L'ordonnance  du  6  octobre  1841  (art.  3,  §  1  et  2)  dans  le  Grand- 
Dtiché  de  Luxembourg  porte  :  <(  Tous  les  notaires  ont  les  mêmes 
attributions  ;  ils  exercent  leurs  fonctions  dans  toute  l'étendue 
de  Tarrondissement  de  leur  résidence.  » 

11  en  est  de  même  en  Bavière  (L.  10  novembre  1861,  art.  8). 

En  Alsace-Lorraine,  aux  termes  de  la  loi  du  26  décembre  1873 
«  les  notaires  exercent  dans  toute  la  circonscription  du  tribunal 
de  leur  résidence  »,  c'est-à-dire  l'arrondissement.  Mais,  par  une 
loi  du  16  novembre  1896,  leur  droit  d'instrumentation  a  été 
étendu  à  tout  le  pays. 

En  Italie,  lors  de  la  discussion  de  la  loi  nouvelle  de  1875  on 
rejeta'  la  classification  de  la  loi  de  ventôse,  comme  blessante 
pour  la  dignité  professionnelle  et  contraire  au  principe  d'éga- 
lité et  l'article  24  limita  le  ressort  de  chaque  notaire  au  territoire 
de  sa  chambre  de  discipline  ou  collègue. 

Il  en  est  encore  ainsi  en  Espagne  (L.  28  mai  1862,  art.  8),  en 
Autriche  (L.  25  juillet  1871,  art.  8),  en  Russie  (L.  14  avril  1866, 


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354  LA   RÉFORME   DD   NOTARIAT 

art.  20  et  22),  etc.  Dans  tous  ces  pays,  les  notaires  sont  de  même 
classe  et  ont  pour  ressort  celui  du  tribunal  de  leur  arrondisse- 
ment. 

Dans  le  congrès  des  jurisconsultes  allemands  de  1871,  la  ques- 
tion de  la  compétence  territoriale  des  notaires  a  été  discutée.  Il 
fut  résolu  :  «  qu^elle  ne  doit  pas  être  restreinte  à  la  circonscrip- 
tion judiciaire  immédiate  (le  canton);  qu'elle  ne  doit  pas, 
d'autre  part,  excéder  Tétcndue  de  la  province,  c'est-à-dire  le 
ref^sort  du  tribunal  d'appel  ;  que  la  mesure  exacte  se  détermine 
par  le  ressort  de  la  juridiction  disciplinaire  dont  chaque  notaire 
relève,  »  c'est-à-dire  Tarrondissement. 

L'arrondissement  est  le  ressort  assigné  aux  notaires  de  la 
Martinique  ^i  de  la  Guadeloupe,  par  le  décret  du  14  juin  1864 
dont  l'article  5  porte  :  «  Les  notaires  exercent  leurs  fonctions 
dans  l'étendue  du  ressort  du  tribunal  de  première  instance  où  ils 
résident.  » 

En  Belgique^  des  projets  de  loi  tendant  à  la  réforme  du  res- 
sort ont  été  présentés,  à  diverses  reprises,  au  Parlement.  La 
question  est  encore  pendante  devant  les  chambres  belges,  après 
avoir  été  écartée,  en  1875  devant  le  Sénat  pour  égalité  de  suf- 
frages. La  solution  ne  saurait  se  faire  attendre  (Amiaud,  Etudes 
sur  le  Notariat  français^  p.  133). 

Une  circulaire  de  M.  le  ministre  delà  Justice  de  Belgique,  en 
date  du  14  novembre  ^896,  adressée  aux  Présidents  de  Chambre 
de  notaires  porte  ce  qui  suit  : 

A  supposer  conservée  la  classification  actuelle  des  notariats,  n*y  aurait-il  pas 
lieu  d'admettre  ht  compétenoe  générale  de  tout  notaire  pour  oertaint  actes  qui 
impliquent  spécialement  la  confiance  des  parties,  tels  que  testaments,  donations, 
contrats  de  mariage. 

D'imposer  au  notaire  4'ime  oUase  s npérienre  qui  passe  toat  autre  acte  dans  le 
ressort  d*une  classe  inférieure  ou  un  acte  intéressant  des  biens  immeubles  qui  y 
sont  situés,  Tobligation  de  s'adjoindre  un  notaire  de  ce  dernier  ressort.  Cette 
adjonction  ne  devrait  pas  avoir  ponr  objet  d'augmenter  les  bonorairea  fixés  par 
les  tarifs  ;  mais,  au  lieu  de  profiter  à  un  seul,  Us  seraient  partagés  entre  les  deux 
notaires,  dans  des  proportions  à  déterminer. 

VTI.  —  Étendue  a  dormer  au  ressort  cmfié. 

La  classification  de  Tart.  5  de  la  loi  de  ventôse  abolie,  quelle 
doit  être  Tétendue  du  ressort  unifié  1 

Ressort  exclusif.  —  Certains  ont  proposé,  afin  de  supprimer 
absolument  toute  concurrence  entre  notaires,  d'assigner  à  cha« 


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ET  L  CNIFICATIOW   DU   RESSORT  DES  NOTAIRES  355 

cun  d'eux,  une  juridiction  propre  et  exclusive,  soit  territoriale 
[ratione  loei),  soit  Diatérielle  {ratione  materiœ)^  en  ce  sens  que 
chacun  serait  pourvu  d'un  ressort  spécial,  parfaitement  déli- 
mité, dans  lequel  il  serait  seul  à  pouvoir  instrumenterai)  ou 
d'établir  que,  dans  une  circonscription  territoriale  déterminée, 
chacun  aurait  compétence  exclusive  pour  recevoir  certaines 
transactions  (2). 

U  a  été  répondu  que  cette  innovation  créerait  une  situation 
des  plus  gênantes  au  client  qui  aurait  eu  des  démêlés  avec  «on 
notaire  et  qui  serait  tenu  quand  même  de  recourir  à  son  minis- 
tère. Ce  serait  lui  imposer  la  confiance  obligatoire.  Or,  la  con- 
fiance est  une  chose  qui  ne  se  commande  pas.  Il  vaut  mieux 
laisser  un  libre  choix  entre  les  notaires  «  d'autant  plus  qu'en 
supprimant  toute  concurrence,  on  encouragerait  outre  mesure 
la  morgue  et  Tinsolenoe  de  ces  officiers  publics,  qui  se  sachant 
indispensables  à  une  clientèle  qui  ne  pomrait  pas  les  quitter, 
ne  se  croiraient  plus  tenus  d'user,  à  son  égard,  du  moindre 
ménagement  »  (3). 

C(mton.  —  Le  canton,  dit  le  JottmcU  des  ruotaires  el  des  avocats  y 
fournit  une  circonscriptiofn  insuffisante  et  inique.  Pour  toute 
profession  libérale,  la  clientèle  est  chose  rayonnant  autour 
d'un  centre.  Si  elle  est  entravée  dans  son  expansion  par  une 
ligne  arbitraire  et  infranebiasable,  les  intérêts  les  plus  respec- 
tables sont  sacrifiés,  c'est  pour  cette  raison  irréfutable  que,  à 
notre  sens,  l'abolition  de  la  troisièiiie  classe  ne  donne  pas  une 
solution  pleinement  satisfaisante,  car  l'arrondissement,  s'il 
agrandit  le  cercle,  ne  permet  pas  aux  notaire»  qui  confinent  à  la 
circonférence  de  franchir  la  limite  d'administrative.  Suffisante, 
bien  qu'encore  elle  lui  soit  devenue  une  gêne,  pour  l'adminis- 
tration coalée  tout  d'une  pièce  dans  le  même  moule,  cette  limite 
comprimera  toujours  la  clientèle,  etsouvent  par  le  côté  où  il  lui 
serait  le  plus  naturel  de  s'étendre  (4) . 

La  limitation  générale  du  ressort  au  canton  serait,  en  effet, 
trop  étroite* 

(1)  Sic  :  Le  Petit  Journal^  26  juillet  et  26  octobre  1888  ;  pétition  des  notaire»  de 
Neafchâtcau,  25  mai  1889,  p.  7. 

(2)  Par  exeo^ple,.  en  oJaÛ^ant  iet  clients  à  passai:  devant  le  no^ire  de  la  situa- 
tion de  rinuneuble  tous  les  actes  constitutifs  ou  copamutatifs  d'un  droit  réel 
immobilier.  Y.  en  ce  sens  :  Essai  sur  ta  réorganisation  du  notarial  y  Qilimper, 
1ST7,  p.  8. 

(3)  Bauby,  toc.  cit.,  p.  673. 

(4)  Art.  26,  530. 


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356  LA  RÉFORME  DU  NOTARIAT 

L'établissement,  survenu  depuis  un  siècle,  des  routes,  ponts, 
chemins  de  fer,  tramways,  etc., a  favorisé  les  déplacements,  créé 
des  courants  de  circulation  nouveaux  et  imprimé  à  toute  la 
population  une  mobilité  alors  inconnue. 

On  ne  compte  guère  d'autre  part,  en  moyenne  dans  chaque 
canton  rural,  que  deux  ou  trois  notaires.  Après  le  vote  du  projet 
de  loi  actuellement  soumis  au  Parlement,  certains  cantons  n'en 
posséderont  plus  qu'un.  En  sorte  que,  déjà  restreints  dans 
leur  choix,  les  clients,  dans  ces  cantons,  finiront  par  ne  plus 
avoir  parfois  de  choix  du  tout.  Ce  sera  la  confiance  fore  6e  et 
obligatoire. 

Le  notaire  unique  d'un  canton  ne  pourra  être,  d'ailleurs, 
constamment  à  demeure  à  son  étude.  Les  devoirs  de  son  mi- 
nistère l'appelleront,  fréquemment,  dans  une  commune  o  u  une 
autre.  «  Puis,  il  aura  à  s'absenter,  au  dehors  même  de  son  res- 
sort, par  des  circojoistances  de  famille,  des  nécessités  d'affaires, 
des  exigences  de  santé  ou  par  les  obligations  du  service  mili- 
taire. De  plus,  il  ne  sera  pas  possible  de  lui  refuser  la  faculté  de 
prendre  quelque  congé  comme  toutes  les  administrations  pu- 
bliques autorisent  leurs  employés  de  tout  ordre  à  le  faire.  » 

Si  le  ressort  était  limité  au  canton,  il  se  produirait  donc  ce 
fait  que,  pendant  des  périodes  plus  ou  moins  longues,  le  canton 
serait  privé  de  notaire,  puisque  les  notaires  des  cantons  voisins 
ne  pourraient  y  venir  instrumenter. 

Les  habitants  n'auraient  d'autres  ressources  que  de  recourir 
à  grands  frais  et  au  prix  d'un  long  déplacement,  à  un  notaire  du 
chef-lieu  d'arrondissement,  ce  qui  entraînerait,  avec  plus  de 
fréquence  et  de  gravité,  les  inconvénients  déjà  signalés. 

Il  est  bien  question,  dans  le  projet  de  loi  actuel,  de  la  dési- 
gnation d'un  suppléant.  Mais  n'est>ce  pas  forcer  arbitraire- 
ment, une  fois  de  plus  la  main  aux  clients  ?  Et  ce  système, 
comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer  plus  haut,  est-il  bien 
pratique  ? 

Canton  et  cantons  riverains.  —  La  circonscription  logique  se- 
rait le  canton  de  la  résidence  et  les  cantons  riverains  ;  car  comme 
l'observe  avec  raison  :  le  Journal  des  notaires^  a  la  clientèle  est 
chose  rayonnant  autour  d'un  centre.  »  Les  parties  auraient 
ainsi  par  là  toute  latitude  dans  le  choix  de  leur  notaire,  puis- 
que ce  choix  pourrait  s'exercer,  tout  à  proximité  d'eux,  dans 
4, 5  ou  6 cantons;  ce  système  est,  certainement,  celui  où  les  in- 


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ET   L  UNIFICATION   DU   RESSORT*  DES   NOTAIRES  357 

convénients  du  ressort  seraient  le  plus  atténués,  car  il  est  rare 
qu'un  notaire  ait  à  se  transporter  pour  recevoir  un^acte,  à  une 
distance  supérieure  à  celle  que  représente  l'étendue  de  plusieurs 
cantons. 

Arrondissement,  — A  défaut  de  cette  circonscription,  la  seule 
admissible  est  l'arrondissement.  C'est  celle  qui  rencontre,  il  faut 
le  reconnaître,  le  plus  de  suffrages .  On  fait  valoir  en  sa  faveur 
les  arguments  suivants  : 

«  C'est  au  tribunal  de  première  instance  que  la  commission  des  notaires  est 
adressée  ;  —  c'est  devant  ce  tribunal  qu'il  prêtent  serment,  —  c'est  le  parquet  de 
ce  tribunal  qui  a  la  surveillance  de  la  compagnie,  —  c'est  le  tribunal  qui  exerce 
la  discipline  en  prononçant  la  suspension  ou  la  destitution.  —  Cest  devant  le 
président  de  ce  tribunal  qu'il»  vont  en  référé,  —  c'est  à  lui  qu'ils  présentent  les 
testaments  olographes  où  mystiques  pour  en  faire  l'ouverture,  —  les  Chambres 
de  discipline  de  chaque  compagnie  sont  organisées  par  un  arrondissement  (1)  ». 

L'arrondissement  est,  de  plus,  le  ressort  admis  par  presque 
toutes  les  législations  étrangères  et  même  dans  certaines  colonies 
par  la  législation  française  (2). 

Quoique  ces  arguments  soient  loin  d'être  décisifs,  le  ressort 
par  arrondissement  aurait,  on  ne  peut  le  méconnaître,  dans 
l'état  actuel  du  notariat,  cet  avantage  d'opérer  une  révolution 
moins  brusque  dans  les  usages  et  les  habitudes,  de  rendre  plus 
rares  les  déplacements  de  clientèle  et  par  suite  de  modifier 
très  peu  les  situations  existantes,  si  tant  est  qu'il  pût  s'en  pro- 
duire. Les  effets  de  l'unification  seraient  ainsi,  pour  les  notaires 
de  première  et  deuxième  classe,  très  atténués. 

Il  reste,  enfin,  bien  entendu,  que  «  l'obligation  pour  chaque 
notaire  de  demeurer  dans  la  résidence  qui  lui  est  assignée, 
siège  de  son  étude,  subsisterait  comme  par  le  passé;  du  reste, 
son  intérêt  l'y  retiendrait,  à  défaut  d'une  obligation  légale  et 
formelle.  Sa  résidence  restera  toujours  le  centre  et  le  noyau  de 
sa  clientèle  ;  on  aura  seulement  donné,  à  son  rayon  d'action, 
une  étendue  un  peu  plus  grande,  facilité  les  relations  avec  les 
communes  limitropheset  donnéàlïntérêt  public  une  satisfaction 
légitime  et  nécessaire.  » 

(1)V.  Notamment  Amiaud,  Etudes^  p.  127. 
(2)  V.  Supm,  n«  V. 

Emile  Legrand, 

s o  taire. 


REVUE  POLIT.,  T.  XX  24 


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VARIÉTÉS 


LA  QUESTION  D'ORIENT  DEPUIS  SES  ORIGINES 

Un  savant  professeur,  M.  Driault,  du  lycée  d'Orléans,  a  eu,  pour 
la  première  fois,  à  notre  connaissance,  Theureuse  idée  de  faire  une 
histoire  complète  de  la  question  d'Orient,  c'est-à-dire  des  relations 
entretenues  par  TEurope  avec  la  Puissance  Ottomane,  depuis  le  jour 
où  les  entreprises  de  l'Europe  ont  commencé  de  mettre  en  question 
l'intégrité  ou  le  maintien  de  cette  Puissance.  On  ne  saurait  nier  qu'au 
point  où  l'effort  continu  de  cette  politique  a  pas  à  pas  amené  l'em- 
pire turc,  le  moment  ne  soit  aujourd'hui  assez  bien  choisi  de  consi- 
dérer l'œuvre  présentement  accomplie,  les  circonstances  successives 
par  lesquelles  elle  s'est  poursuivie,  les  intérêts  divers  qui  ont  engagé 
les  principaux  Etatsde  l'Europe  soitàla  seconder  soit  àla  contrarier^ 
et  les  conséquences  enfin  que  leur  conduite  envers  la  Turquie  a 
entraînées  dans  les  rapports  respectifs  de  ces  Etats  eux-mêmes.  Il 
n'est  pas  de  question  qui  ait  déterminé  plus  de  combinaisons  diplo- 
matiques, plus  d'alliances,  de  ruptures,  de  transactions,  selon  ce  que 
chacun  prétendait  pour  soi  ou  se  contentait  de  soustraire  à  la  con- 
voitise des  autres.  L'Empire  Ottoman  s'est  vu  l'objet  de  plans  de 
partage  d'une  part,  de  mesures  de  protection  concertées  de  l'autre  ; 
et  ces  deux  politiques  s'étant  sans  cesse  balancées  à  son  égard,  sans 
que  jamais  l'une  d'elles  prévalût  tout  à  fait,  c'est  par  des  sacrifices  à 
l'une  qu'il  a  emporté  le  succès  de  l'autre.  Une  longue  suite  de  mor- 
cellements lui  a  valu  de  durer  jusqu'ici. 

Il  est  à  remarquer  que  tout  règlement  de  la  question  apparaît 
seulement  comme  provisoire.  Ceux  qui  menacent  la  Puissance  Otto- 
mane ne  s'arrêtent  qu'avec  l'espoir  d'une  occasion  meilleure,  et  la 
crainte  de  les  voir  pousser  trop  loin  leurs  succès  est  tout  ce  qui  fait 
la  sollicitude  des  autres.  Le  droit  des  gens  ordinaire  semble  en 
défaut.  Partout  ailleurs,  les  nations  professent  comme  un  principe 
—  et  elles  ne  le  violent  que  rarement  —  le  respect  réciproque  de  leur 
existence  nationale,  de  leur  continuité  historique.  S'il  y  a  entre  elles 
un  litige,  il  porte  sur  un  objet  restreint,  la  possession  d'un  territoire 
ou  une  rivalité  d'influence.  Tout  au  contraire,  quand  on  prononce  ces 
deux  mots  si  familiers  de  question  d'Orient,  on  entend  que  c'est  tout 
l'Orient  Ottoman  qui  est  en  question,  son  indépendance,  la  conti- 
nuation de  son  existence. 

Il  semble,  en  effet,  comme  on  l'a  dit,  qu'aux  yeux  de  l'Europe  la 


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LA   QUESTION    D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES  359 

condition  des  Turcs  soit,  comme  lors  de  leur  apparition,  celle  d'enva- 
hisseurs campés  par  force  au  milieu  de  populations  conquises.  Pour 
eux,  les  siècles  n'ont  pas  fait  leur  œuvre  habituelle,  le  droit  histo- 
rique n'a  pas  couvert  la  brutalité  initiale  de  l'occupation.  Ils  se  sont 
imposés  par  la  force,  et  dès  qu'elle  a  fléchi,  partout  où  elle  a  fléchi, 
c'est  la  force  qui  s'est  levée  contre  eux  pour  les  refouler,  avec  des 
succès  fort  inégaux,  à  la  vérité,  car  l'effort  n'a  jamais  été  unanime,  et 
pour  le  contrarier  les  Turcs  ont  toujours  trouvé  en  Europe  des 
connivences.  Mais  cette  tendance  constante  et  fatale  à  les  expulser, 
c'est  néanmoins  toute  l'histoire  de  la  question  d*Orient. 

M.  Driault  en  conclut  avec  raison  à  une  incompatibilité  foncière 
entre  les  principes  de  la  civilisation  chrétienne  et  ceux  de  l'islam  : 
il  ne  peut  y  avoir  d'accommodation  régulière  et  permanente  des  uns 
aux  autres  ;  par  la  nécessité  de  leur  nature,  ils  tendent  mutuellement 
à  se  supplanter.  Aussi  est-ce  une  idée  fort  juste  que  d'avoir  traité 
comme  autant  de  dépendances  de  la  question  d'Orient  les  entreprises 
diverses  qui,  en  dehors  de  l'Empire  Ottoman,  ont,  sur  tous  les  points 
du  globe  —  Asie  intérieure,  Inde,  Afrique  — ,  réduit  sans  cesse  au 
profit  de  l'Europe  le  domaine  de  l'Islam.  Mais  les  conquêtes  de  cet 
ordre  s'expliqueraient  à  la  rigueur  par  la  seule  inégalité  des  forces, 
et  c'est  dans  l'histoire  de  la  puissance  ottomane,  formidable,  toute 
militaire,  hors  d'état  pourtant  de  commander  le  respect,  de  fonder  la 
sécurité  du  lendemain,  c'est  dans  cette  histoire  qu'éclate  le  mieux  la 
loi  d'un  antagonisme  irréparable. 

Les  Turcs  font  leur  apparition  au  xiv«  siècle  dans  une  Europe  désa- 
grégée. La  chrétienté  a  perdu  cette  volonté  cojoamune  qui  avait  fait 
les  Croisades.  Divisées,  éparses,  aux  prises  avec  leurs  difficultés 
particulières,  les  sociétés  politiques  sont  en  travail  de  leur  propre 
formation.  A  l'ouest,  les  plus  avancées,  France  et  Angleterre,  s'absor- 
bent dans  une  lutte  gigantesque.  L'Espagne  n'est  pas  encore 
affranchie  des  Maures,  l'anarchie  féodale  paralysa  l'Empire,  on  sait 
où  en  est  l'Italie  et  le  sud  du  pays  où  la  Russie  dominera  un  jour 
appartient  aux  Mongols.  Que  des  hordes  surviennent,  fanatiques, 
intrépides,  et  la  route  s'euvre  grande  à  l'invasion.  Dans  ce  continent 
surtout  que  baigne  l'Archipel,  là  où  Mourad,  fils  d'Orkhan,  prend 
Andrinople  pour  capitale  en  1360,  c'est  un  chaos,  une  Babel,  un 
tumulte  de  races.  Alors,  comme  aujourd'hui,  Grecs,  Slaves,  Bulgares, 
Hongrois  s'y  démènent,  libres,  il  est  vrai,  ou  à  peu  près,  affranchis 
de  sujétion  effective,  mais  la  liberté  n'y  a  rien  organisé  de  régulier, 
rien  fondé  de  durable.  Des  puissances  se  font  et  se  défont,  éphémères 
comme  la  fortune  du  conquérant  heureux  qui  les  crée,  témoin  cette 
puissance  serbe  qui  succomba  au  Champ  des  Merles  en  1389. 


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360  LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES 

Parmi  ces  peuples  en  convulsion,  un  seul  Etat  présentant  les 
formes  de  la  civilisation,  pourvu  de  titres  historiques,  TEmpire 
de  Byzance,  mais  ce  n'est  qu'une  façade  qui  tombe  en  poudre  sous  le 
bélier,  et  les  Turcs,  maitres  des  Balkans,  du  Danube,  de  laThrace, 
de  la  Macédoine,  delà  Grèce,  s'emparent  de  Constantinople  en  1453. 
Le  siècle  suivant  voit  Tapogée  de  leur  grandeur.  D'aucun  côté  n'ap- 
paraît une  force  capable  de  les  contenir.  L'Asie  Mineure,  l'Egypte, 
l'Arabie  soumises,  le  sultan,  maître  de  la  Mecque,  revêt  la  suprême 
dignité  de  Khalife.  LesTartares  de  Grimée  reconnaissent  son  autorité, 
les  corsaires  barbaresques  lui  offrent  l'hommage  de  la  Méditerranée, 
les  armes  ottomanes  régnent  en  Hongrie,  menacent  Vienne,  la  Tran- 
sylvanie est  vassale  et  le  Habsbourg  d'Autriche  paie  tribut  à  Soliman 
le  Grand  qui  tient  dans  l'obéissance  tout  le  pays  de  Bude  à  Bassora. 

L'Europe  du  xvi®  siècle,  l'Europe  des  vastes  agglomérations,  l'Eu- 
rope des  grands  desseins  politiques  et  des  audacieuses  aventures  in- 
ternationales n'a  pas  plus  arrêté  les  Turcs  que  l'Europe  moléculaire 
des  temps  antérieurs.  C'est  que  ces  ambitions  mêmes  et  ces  aven- 
tures les  ont  servis  par  la  plus  avantageuse  des  diversions.  Les  dis- 
cordes religieuses  d'une  part,  la  rivalité  des  maisons  de  France  et 
d'Autriche  de  l'autre  ont  désarmé  l'effort  et  distrait  l'attention  des 
peuples  chrétiens.  Dans  cette  Europe,  jadis  unie  d'une  même  àme 
contre  le  Croissant,  aujourd'hui  si  grièvement  menacée  par  lui,  voilà 
qu'à  son  endroit  la  diversité  des  politiques  commence  à  se  faire 
jour,  déterminée  par  la  contrariété  des  intérêts.  Au  fort  de  la  lutte 
acharnée  qu'il  soutient,  le  Roi  très-chrétien  se  fait,  contre  son  ter- 
rible adversaire,  un  allié  du  Turc.  Puisque  les  conjonctures  comman- 
dent de  compter  avec  la  présence  de  celui-ci  et  que,  d'ailleurs,  la 
France  n'en  éprouve  aucun  dommage,  il  faut  qu'elle  avise  à  en  tirer 
le  parti  le  plus  profitable.  Tel  est  le  début  d'une  tradition  diploma- 
tique brillante  et  utile  à  son  heure,  car  le  Turc  a  été  de  secours  à  la 
France  contre  sa  grande  ennemie,  l'Autriche,  et  en  parant  ainsi  à  leurs 
précautions  propres  par  leur  entente  avec  une  puissance  quel'Europe 
s'était  mise  dans  la  nécessité  de  tolérer  sur  son  sol,  nos  rois  y  ont 
gagné  le  précieux  privilège  du  commerce  avec  des  régions  alors 
fermées  aux  autres  nations,  et  surtout  Tinestinable  honneur  de  pro- 
téger sur  la  propre  terre  des  Turcs  les  personnes  et  le  culte  des  chré- 
tiens asservis. 

Ainsi  la  France  prit  position  à  l'égard  de  la  Turquie  par  Teffet  des 
mêmes  circonstances  historiques  qui  permirent  à  celle-ci  d'humilier 
la  gloire  de  Charles-Quint.  Le  xvii«  siècle,  si  désastreux  à  l'Allemagne, 
étendit  encore  le  domaine  des  Sultans  qui  s'accrut  de  la  Crète,  mais 
ce  fut  leur  dernière  conquête.  Déjà  apparaissait  du  côté  de  Vienne 


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LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES  361 

les  signes  précurseurs  des  destins  contraires.  Au  début  même  du 
siècle,  l'Empereur  s'afiranchit  du  tribut  et  s'imposa  comme  co-suze- 
rain  de  la  Transylvanie.  Premier  recul  des  soldats  de  l'Islam,  pre- 
mière revanche  des  chrétiens  si  longuement  accoutumés  à  la  défaite. 
L'orgueil  ottoman  en  appela,  sans  succès.  Cette  fois  TEurope  paciBée 
prit  garde  à  la  querelle,  la  France  dérogea  à  une  diplomatie  qui 
n'était  plus  de  saison  et  les  jeunes  cavaliers  de  Louis  XIY  aidèrent 
Tannée  impériale  à  tenir  en  respect  ses  agresseurs. 

L'âge  héroïque  était  clos,  la  décadence  se  précipita.  C'est  que  les 
choses  avaient  changé  depuis  Soliman.  L'esprit  de  sédition  qui  avait 
dévasté  le  xv^  siècle  n'agitait  plus  les  nations.  Les  sociétés  avaient 
gagné  en  discipline,  les  souverains  en  autorité,  les  Ëtats  en  force. 
A  l'issue  de  la  grande  guerre  d'où  la  France  était  sortie  victorieuse, 
l'Autriche  avait  maintenant  le  loisir  et  le  moyen  de  tenir  tète  aux 
Turcs.  Quand  ceux-ci,  impatients  de  la  résistance  nouvelle  qu'ils  ren- 
contraient, prétendirent  reculer  encore  les  limites  de  la  terre  sou- 
mise au  Prophète,  quand  leur  assaut  de  1682  fit  courir  à  la  capitale 
de  l'Empire  un  si  mortel  danger,  ils  commençaient  en  réalité  de 
marcher  à  leur  ruine.  Grâce  aux  victoires  du  prince  Eugène,  l'Europe 
dès  lors  procéda  contre  eux  à  ses  premières  reprises.  La  Hongrie 
leur  échappa,  et  la  Transylvanie,  et  la  Dalmatie,  et  la  Morée,  un  ins- 
tant conquise  par  les  Vénitiens  (traité  de  Carlowitz  1699)  ;  puis  ce 
fut  pour  quelques  années  le  tour  de  la  petite  Valachie  et  d'une  partie 
de  la  Serbie  (traité  de  Passarowitz  1718). 

Un  autre  adversaire  surgissait  contre  eux,  la  Russie,  qui  avait 
grandi  silencieusement,  débarrassée  maintenant  des  Mongols,  por- 
tant en  Asie  sa  frontière  jusqu'à  la  Chine,  s' avançant,  au  sud  d'un 
mouvement  incessant  vers  la  Crimée  et  la  Caspienne.  Cette  jeune 
puissance  n'avait  pas,  elle,  comme  l'Autriche,  de  territoires  à  re- 
couvrer sur  les  Turcs.  Mais  la  nécessité  de  sa  croissance  marqua  sa 
vocation.  Concurrement  avec  l'Autriche,  elle  assuma  la  mission  de 
délivrer  le  sol  chrétien  usurpé  par  les  Turcs,  invoquant  à  cet  effet  le 
titre  religieux  de  la  foi  grecque  qui  lui  était  commune  avec  les  popu- 
lations opprimées  et  le  lointain  titre  historique  d'une  alliance  de 
famille  avec  les  Paléologues  dépossédés  en  1453. 

Le  XVIII*  siècle  vit  engager  cette  compétition  de  deux  puissances 
chrétiennes  envers  la  Porte  réduite  désormais  à  la  défensive. 

Destinée  à  bien  des  vicissitudes,  elle  fut  amicale  au  début.  La 
Russie  ne  faisait  pas  encore  grande  figure  en  Europe,  et  l'empereur 
Léopold  laissa  de  bonne  grâce  Pierre  le  Grand  préluder  aux  conquêtes 
futures  de  son  peuple  en  s'emparant  d'Azow.  Commentaurait-il  donné 
de  Fombrage,  cet  allié  si  peu  dangereux  que,  peu  d'années  après, 


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362  LA   QUESTION  d'ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES 

les  Turcs  lui  reprirent  sans  peine  sa  capture  ?  Celait  TAutriche,  sur- 
tout quand  ses  succès  de  Passarowitz  l'eurent  enivrée,  qui  avait 
conscience  de  tenir  contre  les  Turcs  Tépée  de  l'Europe.  Auprès  d'elle, 
la  Russie  ne  jouait  qu'un  rôle  subalterne.  Les  dispositions  officieuses 
de  Charles  VI  étaient  telles  qu'il  soutint  par  les  armes,  en  1736,  les 
prétentions  de  son  alliée  qui  pourtant  réclamait  déjà  au  Sultan  la 
possession  du  pays  compris  entre  le  Caucase  et  le  Danube,  la  liberté 
de  naviguer  sur  la  mer  Noire  et  l'indépendance  de  la  Moldavie  et 
de  la  Valachie.  Mais  les  Turcs  l'emportèrent.  Pour  la  dernière  fois, 
ils  soutinrent  une  guerre  heureuse,  et  le  traité  de  Belgrade  qui  la  ter- 
mina en  1739  fut  le  dernier  qui  les  enrichit,  aux  dépens -des  chrétiens, 
d'acquisitions  territoriales  :  l'Autriche  dut  abandonner  la  plus  grande 
partie  de  ses  conquêtes  de  Passarowitz. 

Ce  traité  marque  un  succès  éclatant  de  la  diplomatie  de  Louis  XY. 
Les  affaires  de  l'Empire  s'étant  fort  relevées  depuis  la  guerre  de  la 
succession  d'Espagne,  la  France  devait  naturellement  recourir  contre 
une  rivale  redevenue  redoutable  à  son  entente  traditionnelle  avec  la 
Turquie.  Cette  politique  fut  servie  à  miracle  par  l'admirable  ambas- 
sadeur qui  nous  représentait  alors  à  Constantinople.  C'est  en  com- 
muniquant quelque  chose  de  son  àme  aux  généraux  et  aux  négocia- 
teurs turcs  que  le  marquis  de  Villeneuve  donna  à  la  paix  de 
Belgrade  le  caractère  d'une  revanche  française  sur  la  maison 
d'Autriche.  La  Turquie,  on  le  sait,  ne  fut  point  ingrate.  C'est  de  ce 
temps  que  datent  les  capitulations  de  1740,  si  favorables  aux  privi- 
lèges religieux  et  conunerciaux  de  la  France.  Nos  relations  avec  le 
Levant  parvinrent  alors  à  un  degré  d'honneur  et  de  prospérité  qui 
n'a  jamais  été  dépassé.  Si  cette  politique  était  judicieuse,  il  fallait 
toutefois  se  mettre  en  devoir  de  la  soutenir.  Le  Sultan  n'était  plus, 
comme  au  temps  de  François  P%  un  fastueux  allié,  en  état  de  se 
suffire  magnifiquement  à  lui-même  !  11  disposait  de  forces  précaires, 
et  son  alliance  réclamait  une  aide  efficace.  Or,  on  ne  sait  trop  com- 
bien la  suite  de  son  règne  réduisit  Loui3  XV  à  l'impuissance.  De 
plus,  une  politique  de  ce  genre  était  minée  dans  son  principe,  si 
l'intérêt  commun  qui  unissait  les  deux  puissances  contre  la  cour  de 
Vienne  venait  à  prendre  fin.  C'est  ce  qui  arriva.  Après  1756,  la 
France  perdit  presque  tout  son  crédit  à  Constantinople. 

Pourtant,  elle  s'efforçait  d'en  garder  pour  on  user  contre  la  Russie, 
nouvelle  venue  qui  pouvait  à  son  tour  nous  causer  quelque  per- 
plexité. Si  l'on  se  livre  après  coup  au  divertissement  inoffensif  *de 
refaire  l'histoire,  on  peut  se  demander  pourquoi  la  France  ne  s'en 
est  pas  fait  une  amie.  Il  ne  tenait  qu'à  elle.  Ce  n'est  qu'après  avoir 
épuisé  envers  le  gouvernement  de  Louis  XV  les  avances  les  plus 


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Là   QDE8TI01S    D  ORIENT   DEPUIS   SES  ORIGINES  363 

empressées,  que  les  Russes  contractèrent  enfin  avec  TAutriche,  en 
1726,  une  liaison  qui  dura  tout  le  siècle.  De  la  sorte,  la  France  se  fût 
ménagé  dans  Test  un  moyen  appréciable  d'intimidation  envers  ses 
ennemis  héréditaires  de  TEmpire,  et  à  ce  prix,  serait-on  tenté  de 
dire,  que  lui  importait  le  Turc  ?  Mais  qui  aurait  eu  ces  imaginations 
à  moins  d*étre  prophète?  On  ne  prévoyait  pas  sous  Pierre  le  Grand, 
malgré  de  surprenants  présages,  le  prompt  essor  de  la  Russie  ;  on  la 
tenait  pour  une  terre  barbare,  enserrée  par  les  Suédois,  les  Turcs  et 
les  Polonais,  et  avec  qui,  de  longtemps,  on  serait  dispensé  de 
compter.  L'intérêt  de  la  France,  évident,  attesté  par  la  tradition, 
était  de  se  tenir  en  garde  contre  TAutriche,  de  lui  opposer  dans  la 
balance  des  forces  européennes  d'autres  forces  équivalentes.  Elle  y 
avait  réussi  en  Espagne,  partiellement  en  Italie;  à  la  même  fin,  elle 
s'appuyait  de  la  Pologne  et  de  la  Turquie.  Comment,  sur  la  foi  de 
quelle  intuition  de  l'avenir,  rompre  avec  tout  ce  système?  A  la 
vérité,  les  relations  extérieures  de  la  France  se  compliquèrent, 
l'amenèrent  à  des  changements  de  front,  imprimèrent  à  sa  conduite 
de  la  gêne  et  de  la  contradiction.  L'embarras  ne  venait  pas  seule- 
ment de  l'Autriche,  il  venait  aussi  de  l'Angleterre,  plus  pressant, 
plus  imminent.  Pour  y  parer,  on  se  rapprocha  de  Marie-Thérèse,  on 
se  trouva  pris  dans  la  situation  la  plus  fausse,  entre  cette  alliée 
d'occasion,  fort  suspecte  en  Orient,  et  l'alliée  ancienne,  la  Turquie, 
aliénée  par  ce  revirement;  et  ce  qui  fit  tout  empirer,  c'est  qu'au 
lendemain  de  la  guerre  de  Sept  Ans,  la  force  militaire  manquait 
pour  donner  de  l'autorité  à  la  diplomatie,  quand  la  crise  survint. 

Elle  survint  du  fait  de  la  Russie  inconsidérément  dédaignée.  On 
sait  quels  coups  de  théâtre  signalèrent  les  premières  années  du  règne 
de  Catherine  II.  L'Autriche  affaiblie  par  la  guerre  de  Sept  Ans,  la 
nouvelle  Impératrice  donna  un  libre  cours  à  ses  desseins  hardis, 
contre  les  Polonais  et  contre  les  Turcs.  L'Europe  vit  alors  des  choses 
inouïes  jusqu'à  ce  jour  :  des  armées  russes  maîtresses  de  la  Mol- 
davie, menaçant  de  franchir  le  Danube,  une  flotte  russe  dans  la 
Méditerranée  appelant  les  Grecs  aux  armes,  incendiant  la  flotte 
turque,  libre,  si  elle  l'eût  voulu,  de  pousser  jusqu'au  Bosphore. 
Cette  fois,  l'Autriche  fut  sur  le  point  de  se  fâcher;  l'alliée  que 
Charles  VI  protégeait  avec  tant  de  complaisance,  quelque  trente  ans 
plus  tôt,  passait  décidément  les  bornes.  Mais  Catherine  s'aida  fort  à 
propos  de  la  jeune  monarchie  victorieuse  de  la  veille,  de  la  Prusse, 
et  Frédéric  II,  qu'on  redoutait  à  Vienne,  s'employa  lucralivement  à 
rétablir  l'harn^onie  entre  les  deux  Impératrices.  La  Pologne  en  fit  les 
frais,  et  on  se  mit  aussi  d'accord  aux  dépens  des  Turcs.  Si  TAutriche 
s'arrondit  de  la  Bukovine,  la  Ru§sie  descendit  enfin  à  la  mer  d'Azow. 


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364  LA   QUESTION   D  ORIENT  DEPUIS   SES   ORIGINES 

De  plus,  le  traité  de  Kalnardji  concéda  aux  Russes,  la  navigation  de 
la  Mer  Noire,  leur  livra  la  Crimée  illusoirement  déclarée  indépen- 
dante et  surtout  consacra  pour  la  première  fois  leur  prétention 
d'élever  officiellement  la  voix  en  faveur  des  grecs-orthodoxes  de 
Turquie  et,  en  particulier,  des  Moldo-Valaques  (1774). 

Cette  entente  à  deux  se  fit  plus  intime  encore  quand  Joseph  II  eut 
succédé  à  sa  mère.  On  put  croire  un  instant  que  le  problème  ottoman 
touchait  à  sa  solution,  que  les  Turcs  allaient  être  chassés  d'Europe. 
En  pleine  paix,  Catherine  s'empare  de  la  Crimée  et  entreprend  à 
grand  fracas  sur  ses  frontières  du  Sud  cette  promenade  triomphale 
que  le  galant  Potemkine  affecte  de  pousiser  jusqu'à  l'entrée  du  che- 
min de  Byzance.  Les  deux  alliés  se  sont  concertés  :  on  doit  réunir  la 
Moldavie  et  la  Valachie  en  un  Etat  indépendant,  rétal>lir  la  couronne 
impériale  de  Constantinople  au  profit  d'un  petit-fils  de  Catherine 
et  donner  à  l'Autriche  la  portion  accidentale  de  la  Turquie  :  Petite 
Valachie,  Serbie,  Bosnie.  Pour  couper  court  à  des  réclamations 
gênantes,  il  est  même  question  de  réserver  à  la  France  l'Egypte  et 
la  Syrie  et  de  faire  sa  part  à  Venise. 

Sur  quoi,  les  deux  armées  se  mettent  en  campagne  et  font  du  che- 
min. Mais  une  nouvelle  intervention  sauve  le  Sultan.  Celle  de  la 
France?  Non  :  s'il  lui  avait  fallu  accepter  avec  une  douloureuse  rési- 
gnation les  événements  de  1772  et  de  1774,  elle  avait  moins  encore 
en  1790  la  faculté  de  penser  à  l'Orient.  Mais  on  avait  oublié  de  con- 
vier la  Prusse.  Vingt  ans  plus  tôt,  elle  n'avait  pas  été  de  trop  pour 
conjurer  la  brouille  des  deux  empires,  elle  avait  dérivé  sur  la 
Pologne,  moyennant  un  lot  dans  le  partage,  des  passions  que  le 
Turc  échauffait  par  trop.  Elle  s'avisa  de  reprendre  le  même  jeu  en 
sens  contraire.  Puisque  Autrichiens  et  Russes  s'entendaient  mainte- 
nant si  bien  contre  le  Sultan,  elle  prétendit  leur  persuader  de  com- 
penser leurs  nouvelles  conquêtes  par  quelque  dédommagement  en 
faveur  de  la  Pologne  et  de  la  Suède  qui  en  eussent  naturellement 
tenu  compte  à  l'auteur  de  cette  obligeante  entremise.  Le  conseil 
n'ayant  pas  été  goûté,  la  Prusse  imposa  sa  médiation,  se  vantant  de 
rendre  à  la  Porte  le  même  service  que  lui  avait  jadis  rendu  le  mar- 
quis de  Villeneuve.  Ainsi,  les  Turcs  s'en  tirèrent  par  de  légers  sacri- 
fices. Léopold  garda  Orsova,  et  les  Russes  s'avancèrent  un  peu  plus 
loin  sur  le  rivage  occidental  de  la  Mer  Noire.  (Traités  de  Sistova  et 
de  Jassi,  1791-92). 

Avec  la  fin  de  ce  siècle  et  le  début  du  suivant  la  question  d'Orient 
se  complique  de  beaucoup  d'éléments  nouveaux.  C'est  à  ce  moment 
que  l'Angleterre  commence  de  s'y  intéresser.  Il  est  assez  piquant,  par 
contraste,  de  rappeler  qu'en  1770,  lorsque  les  vaisseau;^  de  Cathe- 


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LA   QUESTION  D  ORIENT  DEPUIS   SES   ORIGINES  365 

rine  appelèrent  à  rinsurrection  les  Grecs  de  Morée,  c*était  un  Anglais 
qui  partageait  avec  Alexis  Orlof  le  commandement  de  la  flotte  russe. 
Cet  Anglais,  Elphinston,  était  celui  qui  formait  les  projets  les  plus 
meurtriers  à  la  puissance  du  sultan.  Les  Russes  lui  durent  de  dé- 
truire les  forces  navales  navales  turques  dans  la  rade  de  Tchesmé. 
S'ils  l'eussent  écouté,  il  les  aurait  conduits  jusqu'au  Sérail.  Cette 
entreprise  avait,  d'autre  part,  l'aveu  si  déclaré  du  gouvernement  an- 
glais que  lorsque  Choiseul  fit  mine  de  barrer  à  l'escadre  russe  le  dé- 
troit de  Gibraltar,  on  lui  signifia  de  Londres  qu'on  y  verrait  un  casus 
belii.  C'est  qu'alors  les  Russes  étaient,  pour  le  commerce  britan- 
nique surtout,  des  clients  à  ménager.  Leur  empire  était  loin  encore 
d'avoir  grandi  au  point  d'inquiéter  l'Angleterre  ;  il  n'avait  nulle  occa- 
sion de  lui  porter  ombrage.  La  Turquie,  de  son  côté,  malgré  ses 
pertes,  montrait  une  mine  assez  robuste.  Surtout  il  n'existait  pas  à 
cette  date  pour  le  cabinet  de  Londres  de  raisons  impérieuses  de 
veiller  soit  sur  sa  conservation,  soit  sur  son  béritage.  C'est  dans  les 
années  qui  suivirent  la  guerre  de  Sept  ans  que  la  domination  britan- 
nique jeta  dans  l'Inde  ses  fondements  définitifs  et  que  l'esprit  public 
anglais  s'avisa  de  prendre  intérêt  aux  routes  de  TOrient  musulman 
qui  y  conduisaient.  Quand  la  Elusse  s'interposa  en  1790  entre  l'Au- 
tricbe  et  la  Turquie,  à  côté  d'elle,  pour  la  première  fois,  l'Angleterre 
parut  en  médiatrice.  11  est  permis  de  penser  que  les  raisons  dont  il 
vient  d'être  parlé  n'y  étaient  pas  étrangères.  Depuis  lors,  en  tout 
cas,  l'Angleterre  a  commencé  d'avoir  une  politique  turque  et  elle  y 
est  demeurée  fidèle  avec  une  remarquable  fixité. 

D'autres  intérêts  nouveaux  se  font  jour  encore  à  mesure  que  l'af- 
faiblissement constaté  de  l'empire  ottoman  encourage  des  préten- 
tions qui  ne  se  seraient  auparavant  pas  risquées  k  l'affronter.  Un 
siècle  plus  tôt,  Leibniz  pouvait  bien  proposer  à  Louis  XIV  la  con- 
quête de  l'Egypte.  C'était  le  rêve  isolé  d'un  savant  et  ^ui  avait  contre 
lui  la  réalité.  A  l'heure,  au  contraire,  où  les  rivages  ottomans  de  la 
Méditerranée  n'apparaissaient  plus  aux  Anglais  établis  dans  l'Océan 
Indien  comme  une  barrière  infranchissable  entre  deux  mondes,  ces 
rivages  eux-mêmes  avaient  de  quoi  provoquer  des  ambitions  qu'ils 
avaient  cessé  d'istimider.  C'est  ainsi  que  quelques-uns  en  France,  à 
la  fin  du  siècle,  avaient  jeté  les  yeux  sur  l'Egypte,  faite,  dit-on,  aux 
yeux  de  Choiseul  pour  compenser  la  perte  de  l'Inde,  et  le  voyage  de 
Volney  avait  depuis  contribué  à  nourrir  là-dessus  de  flatteuses  espé- 
rances. 

Jusque-là,  en  outre,  la  question  d'Orient  n'avait  donné  lieu  qu'à 
des  combinaisons  politiques  assez  simples.  L'Autriche  et  la  Russie 
en  voulaient  aux  territoires  ottomans.  Dépourvue  d'un  intérêt  di- 


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366  LA   QDfiSTION    d'ORIENT   DEPUIS   SES  ORIGINES 

rect  en  la  matière,  la  Prusse  avait  lire  parti  pour  des  fins  person- 
nelles des  ambitions  qui  s  y  trouvaient  engagées,  et  la  France  s'était 
efforcée  de  tenir  ses  adversaires  en  échec  par  le  moyen  de  la  Puis- 
sance turque,  tant  que  celle-ci  s'en  était  montrée  capable.  Mainte- 
nant qu'elle  ne  Tétait  plus,  la  question  d'Orient  allait  mettre  en  jeu 
des  principes  de  conduite  différents.  Loin  d'attendre  de  la  Turquie 
un  supplément  de  force,  c'est,  par  exemple,  en  l'appuyant  de  toute 
la  leur  que  la  France,  à  de  certains  moments,  et  l'Angleterre^  d'une 
manière  constante,  allaient  être  amenées  à  l'opposer  à  une  Puis- 
sance rivale  comme  la  Russie.  Ou  bien  encore,  la  caducité  de  l'an- 
cienne alliée  la  rendant  décidément  impropre  au  genre  de  service 
dont  elle  s'était  jadis  acquittée,  la  France,  à  d'autres  moments,  de- 
vait, dans  la  poursuite  de  desseins  plus  impérieux,  être  amenée  à  la 
sacrifier.  Ou  bien,  parmi  les  plus  attentives  à  l'héritage,  c'était  la 
Russie  qui,  jugeant  plus  profitable  d'en  différer  l'heure,  allait,  en  de 
certaines  occasions,  couvrir  la  Turquie  de  sa  protection.  Ou  bien 
enfin,  les  Puissances  les  plus  diverses  de  tendances  devaient,  selon 
l'heure,  se  mettre  d'accord,  tantôt  contre  la  Turquie  et  pour  la  déli- 
vrance de  quelque  population  chrétienne,  taniêt  pour  elle  et  afin  de 
prévenir  de  nouveaux  démembrements.  Telles  sont  les  vicissitudes 
variées  que  présente  l'histoire  de  la  question  d'Orient  dans  notre 
siècle. 

Dès  le  début  de  cette  période,  des  événements  significatifs  témoi- 
gnent du  déclin  de  la  Turquie,  de  tout  ce  qu'elle  a  perdu  en  crédit. 
On  fait  assez  peu  de  fond  sur  cet  empire  pour  en  subordonner  le  sort 
à  des  desseins  qui  lui  sont  étrangers.  D'abord  fidèle  aux  traditions 
de  la  monarchie,  la  République  françedse  a  fait  amitié  avec  le  Sultan, 
et  son  agent,  Aubert-Dubayet,  a  tenu  quelque  temps  à  Constantino- 
ple  l'emploi  du  conseiller  le  plus  écouté.  Mais  bientôt  d'autres  plans 
prévalent  et  ce  qu'ils  ont  de  préjudiciable,  d'irritant  à  l'égard  des 
Turcs,  a  cessé  d'être  envisagé  comme  un  obstacle.  Pour  la  France 
l'intérêt  capital,  après  tant  de  victoires,  est  de  consommer  la  défaite 
de  la  coalition  en  réduisant  à  la  paix  rindomptable  Angleterre.  C'est 
dans  cette  pensée,  pour  multiplier  contre  elle  les  défenses  françaises 
de  la  Méditerranée  que  Bonaparte  plante  le  pavillon, tricolore  sur  les 
Iles  Ioniennes,  sur  les  établissements  vénitiens  d'Albanie,  à  la  fron- 
tière même  de  l'empire  ottoman  et  en  dépit  de  ce  qu'en  pensera 
Constantinople.  Il  frappe  un  bien  plus  grand  coup  encore.  Afin 
d'atteindre  à  l'endroit  le  plus  vulnérable  la  puissance  britannique,  il 
médite  de  s' élancer  sur  la  route  de  l'Inde  ;  il  s'y  achemine  par 
l'Egypte,  voie  stratégique  et  opulent  terrain  de  conquête,  doublement 
faite  pour  solliciter  la  triomphante  expansion  de  la  France  en  cette 


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LA   QUESTION   D  ORIENT  DEPUIS   SES   ORIGINES  367 

heure  splendide.  Le  Directoire  donne  mission  au  général  de  couper 
risthme  de  Suez,  d'assurer  à  la  France  la  possession  de  la  Mer 
Rouge  ;  et  l'opposition  du  souverain  de  TEgypte,  du  Sultan,  semble  à 
ce  point  négligeable  que  Bonaparte  a  néanmoins  pour  instructions 
de  garder  avec  lui  de  bons  rapports,  de  lui  faire  prendre  en  douceur 
une  campagne  destinée,  lui  assure-t-on,  à  châtier  la  turbulence  des 
Mameluks.  C'est  trop  présumer  de  son  endurance.  Turcs  et  Anglais 
s'unissent  contre  l'adversaire  commun  et  l'avantage  leur  reste. 

Toutefois,  dans  la  persistance  de  son  dessein  contre  l'Angleterre, 
la  politique  napoléonienne  tient  toujours  la  menace  suspendue  sur 
l'Empire  Ottoman,  car  elle  réclame  l'assistance  de  la  Russie  et  se 
met  dans  la  nécessité  de  servir  en  Orient  les  projets  de  celle-ci. 
Jamais,  semble-t-il,  la  Turquie  n'a  couru  pire  danger,  ni  la  Russie  si 
rare  fortune,  car  l'Autriche  accablée  n'est  plus  de  taille  à  intervenir 
au  partage.  Pour  l'Autriche,  àla  vérité,  il  y  aurait  eu  plus  d'un  avantage 
à  la  pousser  vers  l'Orient,  à  se  réserver  de  l'y  pourvoir.  Lors  d'Aus- 
terlitz,  Talleyrand  en  suggéra  l'idée  à  Napoléon,  mais  sans  succès. 
C'est  à  la  Russie  que  les  dispositions  de  l'Empereur  offraient  en  terre 
ottomane  les  plus  séduisantes  perspectives,  si  elle  eût  su  en  profiter. 
La  constance  lui  manqua.  Une  première  fois  l'enthousiaste  imagina- 
tion de  l'empereur  Paul  s'était  laissée  entraîner  à  un  projet  d'expédi- 
tion commune  contre  l'Inde  lorsqu'il  périt  de  mort  violente,  et  la 
France  dut  encore  compter  les  Russes  parmi  ses  ennemis.  Contre 
eux  alors,  revenant  malgré  elle  à  l'ancienne  politique,  elle  lança 
les  Turcs.  Mais  ce  qui  se  passait  chez  eux  était  pour  dégoûter  de  leur 
alliance.  En  deux  ans.  deux  révolutions  du  palais  firent  passer  trois 
sultans  sur  le  trône.  L'empire  semblait  sur  le  point  de  tomber  en 
dissolution  :  Méhémet*Ali  commençait  de  fonder  sa  domination  en 
Egypte,  les  pachas  de  Janina  et  de  SaintrJean  d'Acre  se  rendaient 
indépendants  ;  en  Bulgarie,  à  Belgrade,  les  Turcs  l'eculaient  devant 
des  insurrections  indigènes,  et  les  villes  saintes  de  l'Arabie  leur 
échappaient.  Tilsitt  survint.  Napoléon,  appuyé  sur  la  Russie»  reprit 
contre  les  Anglais  une  politique  selon  son  cœur.  Alexandre  en  recueil- 
lerait-il le  fruit  ?  Un  an  plus  tard,  à  Erfurt,  la  Moldavie  et  la  Vâla- 
chie  étaient  formellement  mises  à  sa  discrétion.  11  avait  ses  coudées 
franches  sur  le  Danube,  il  ne  semblait  pas  douteux  que  le  Sultan  ne 
dût  finir  par  céder.  La  rupture  de  1812  le  sauva.  Dans  sa  hÀte  de 
rassembler  contre  la  grande  armée  toutes  ses  forces,  Alexandre  signa 
précipitamment  le  traité  de  Bucarest  (1812)  où  il  ne  gagna  que  la 
Bessarabie.  En  revanche,  des  campagnes  heureuses  contre  la  Perse 
reculèrent  notablement,  dans  la  même  période,  les  limites  de  l'empire 
sur  la  Caspienne  et  au-delà  du  Caucase. 

Le  régime  de  1815  fut  d'un  grand  profit  pour  l'Empire  Ottoman. 


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368  LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES 

Livré  naguère  à  la  merci  des  deux  grandes  puissances  continentales 
dont  raccord  eût  pu  consommer  sa  ruine,  il  trouva  un  renouveau  de 
sécurité  dans  l'équilibre  des  prétentions  et  des  ressources  que  les 
États  rivaux  furent  désormais  en  mesure  de  s'opposer  mutuellement. 
En  outre,  par  une  étrange  ironie  du  sort,  la  garantie  commune  que 
les  couronnes  chrétiennes  se  donnèrent  en  vertu  du  principe  de  la 
légitimité  monarchique  ne  fut  pas  sans  fournir  au  Sultan  lui-même 
et  à  son  pouvoir  de  prince  infidèle  un  efficace  moyen  de  préserva- 
tion. Il  venait  à  point  non  seulement  contre  les  visées  conquérantes 
des  voisins,  mais  aussi  contre  leurs  velléités  de  porter  secours  à  des 
sujets  chrétiens  du  Sultan  dont  les  plaintes  devenaient  importunes. 
Ace  moment,  en  effet,  la  vieille  question  d'Orient  présentait  une  évolu- 
tion remarquable.  Le  procès  en  revendication  du  sol  occupé  par  les 
Turcs  ne  s'élevait  plus  seulement,  comme  jadis,  entre  eux  et  les  Etats 
qui  bordaient  leurs  frontières.  Les  populations  chrétiennes  de  l'em- 
pire, secouant  une  oppression  plusieurs  fois  séculaire  le  soutenaient 
pour  leur  compte.  Les  Serbes,  soulevés  à  plusieurs  reprises,  subis- 
saient toujours  à  Belgrade  la  présence  d'un  pacha,  mais  il  avait  fallu 
en  18]  4  leur  reconnaître  un  souverain  héréditaire  dans  la  personne 
de  Miloch  Obrenovitch,  et  les  Grecs,  à  leur  tour,  réclamaient  pour 
leur  nationalité  le  droit  de  renaître.  Evidemment  ces  ambitions  non 
prévues  étaient  gênantes  pour  les  puissances  qui,  dans  le  confiit 
oriental,  avaient  pour  tradition  de  soutenir  la  cause  chrétienne,  mais 
à  leur  propre  et  seul  profit.  D'autre  part,  c'était  un  démenti  choquant 
à  la  mission  tutélaire  dont  elles  s'honoraient  que  de  rester  sourdes 
au  cri  de  délivrance  de  coreligionnaires  en  péril  de  succomber.  Mais 
aussi  les  apparences  de  la  générosité  et  du  désintéressement  ne  pou- 
vaient-elles chez  le  libérateur  déguiser  ^quelque  calcul  que  la  recon- 
naissance des  populations  affranchies  risquait  de  rendre  fructueux  ? 
C'en  était  assez  pour  alarmer  les  compétiteurs  et  mettre  la  politique 
en  garde  contre  les  conseils  de  l'humanité  ;  et  ce  fut  aussi  tout  l'art 
d'un  Mettternich  de  couvrir  les  jalousies  autrichiennes  du  solennel 
appareil  de  la  Sainte  Alliance,  d'invoquer  l'intérêt  sacré  des  droits 
du  Sultan  contre  des  chrétiens  indignes  de  pitié,  puisqu'ils  procla- 
maient le  principe  révolutionnaire,  partant  condamnable,  des  natio- 
nalités. C'était  la  révolution,  en  effet,  sa  propagande  qui  les  avait 
tirés  de  la  léthargie,  qui  avait  éveillé  en  eux  l'espoir  et  l'audace,  et 
ce  fut  par  horreur  de  cette  révolution  originelle  que  l'Europe  souffrit 
en  silence  les  massacres  de  Constantinople,  de  Chio  et  la  Grèce  lon- 
guement mise  à  sac.  Telle  fut,  à  cette  heure  et  au  regard  des  Turcs, 
la  vertu  paralysante  de  la  Sainte  Alliance  sur  l'héritier  de  la  grande 
Catherine  qui  en  était  l'auteur. 
.    Cette  fiction  n'arrêta  pas  son  successeur  Nicolas  qui  reprit  hardi- 


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LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES  369 

ment  contre  la  Porte  la  double  tradition  de  venir  en  aide  aux  chré- 
tiens et  de  gagner  sur  la  frontière  ottomane.  11  le  prit  de  haut  avec 
les  Turcs  et  leur  imposa,  sous  le  nom  de  convention  d'Akkerman,  une 
annexe  du  traité  de  Bucarest  qui  livrait  aux  Russes  plusieurs  posi- 
tions maritimes  au  pied  du  Caucase  et  octroyait,  sur  leur  injonction, 
de  nouvelles  garanties  aux  peuples  serbe  et  moldo-valaque  dont  ce 
nouveau  titre  officiel  faisait  de  plus  en  plus  des  clients  de  la  Russie. 
Nulle  occasion  plus  belle  pour  justifier,  pour  honorer  son  audace.  La 
cause  des  Grecs  avait  conquis  les  cœurs.  La  France,  de  tout  son  élan, 
l'Angleterre  même,  malgré  ses  défiances,  malgré  le  principe  de  non- 
invention,  s*unirent  à  l'empereur  Nicolas  dans  la  volonté  commune 
de  séparer  la  Grèce  de  la  Turquie.  Si  réfléchie  que  la  race  britan- 
nique se  montre  dans  ses  résolutions,  si  peu  qu'elle  soit  sujette  à  se 
laisser  entraîner  au-delà  de  ses  volontés,  on  eut  pourtant  ce  rare 
spectacle  d'une  flotte  anglaise  concourant  à  détruire  les  forces 
navales  de  la  Turquie.  Navarin,  d'ailleurs,  ne  suffit  pas  à  la  réduire. 
Il  s'agissait  pour  elle,  on  doit  le  reconnaître,  d'un  fait  historique 
sans  précédent,  de  ses  propres  provinces,  non  pas  disputées  par 
l'agression  d'un  conquérant,  mais  soutenues  dans  leur  rébellion, 
démembrées  de  l'Empire,  érigées  en  état  indépendant  par  la  volonté 
de  puissances  étrangères.  Le  Sultan  n'y  souscrivit  que  lorsque  les 
armes  russes  eurent  pour  la  quatrième  fois  envahi  les  principautés. 
Elles  poussèrent  même  plus  loin.  Diébitch  les  conduisit  au  delà 
des  Balkans,  bien  près  de  l'Archipel,  et  c'est  d'Andrinople  qu'il 
dicta  la  paix  (1820).  Le  nouveau  traité  prolongeait  les  états  du  Tsar 
dans  l'est  de  la  mer  Noire,  lui  donnait  une  position  importante  aux 
bouches  du  Danuble,  ouvrait  au  commerce  russe  toute  la  Turquie, 
consacrait  la  tutelle  officieuse  de  la  Russie  sur  les  principautés  et  lui 
cédait  le  libre  passage  des  détroits.  Les  sacrifices  territoriaux 
n'étaient  pas  considérables,  mais  jamais  la  politique  de  Catherine 
n'avait  encore  rabaissé  la  Porte  à  une  si  humble  dépendance. 

La  Russie  pouvait  se  croire  revenue  au  lendemain  de  Tilsitt.  Par 
d'autres  voies,  par  l'enveloppement  lent  plutôt  que  par  la  conquête, 
elle  poursuivait  la  même  fortune,  et  comme  alors  avec  le  concours 
de  la  diplomation  française.  Celle-ci  avait  d'autres  fins,  non  plus  l'ex- 
termination de  la  puissance  anglaise,  mais  la  revision  des  traités 
de  1815.  Pour  ce  nouvel  objet  non  moins  que  pour  l'autre,  l'entente 
avec  la  Russie  sembla,it  promettre  le  succès  commun  de  deux  poli- 
tiques parallèles.  En  1828,  Charles  X  avait  rendu  à  Nicolas  le  service 
de  contenir  l'Autriche.  En  1830,  les  bonnes  dispositions  du  Tzar  ne 
nuisirent  pas  à  notre  conquête  d'Alger  que  l'Angleterre  voyait  sans 
bienveillance,  et  on  pouvait  attendre  mieux.  Mais  c'est  la  Russie  qui 


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370  LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES 

semblait  encore  la  plus  assurée  de  gagner  à  Talliance.  Car,  dans  TAlle- 
magne  telle  que  le  Congrès  de  Vienne  Favail  reconstituée,  FAutriche 
avait  des  plans  et  des  soucis  qui  ne  lui  permettaient  plus  de  réserver 
une  entière  liberté  d'attention  ni  d'action  à  TOrient  où  Nicolas  n'au- 
rait plus  à  compter  qu'avec  la  vigilance  ombrageuse  mais  impuis- 
sante de  l'Angleterre. 

La  révolution  de  1830  fut  la  péripétie  qui  rompit  des  mesures  si 
bien  concertées.  Pour  une  répugnance  de  sentiment,  Nicolas  renonça 
à  l'amitié  de  la  France  qui  faisait  de  lui  l'arbitre  de  l'Orient  et  il 
fournit  aux  Anglais  Toctasion  d'une  éclatante  revanche  diploma- 
tique. Dans  les  années  qui  suivirent,  les  affaires  turques  prirent  aux 
yeux  de  ceux-ci  une  tournure  de  plus  en  plus  inquiétante.  L'Egypte 
de  Méhémet-Ali  semblait  sur  le  point  de  dresser  entre  la  Méditer- 
ranée et  la  Mer  Rouge  un  empire  aussi  redoutable  à  la  puissance 
britannique  que  l'Egypte  de  Bonaparte.  La  civilisation  qui  fleurissait 
brusquement  sur  cette  vieille  terre  procédait  de  la  campagne  de 
1798,  et  la  France  suivait  avec  une  complaisance  toute  maternelle  les 
progrès  d'une  œuvre  où  ses  enfants,  ses  capitaux,  sa  science  et  ses 
conseils  avaient  la  plus  grande  part.  Contre  toute  attente,  l'empire 
turc  se  voyait,  de  ce  côté,  menacé  d'un  effroyable  démembrement.  Si 
foudroyantes  avaient  été  les  victoires  des  Egyptiens  et  leur  invasion 
avait  de  si  près  menacé  Constantinople  en  1832  que  le  Sultan  s'était 
vu  forcé  de  plier  devant  les  exigences  du  pacha,  de  lui  livrer  le  gou- 
vernement de  toute  la  Syrie  jusqu'au  Taurus.  Bien  plus,  l'Angleterre 
elle-mèoie  avait  dû  non  seulement  y  souscrire,  mais  conseiller  ce 
sacriflce,  car  les  Russes  étaient  accourus  offrant  à  la  Porte  un  se- 
cours dont  on  ne  se  souciait  pas  de  leur  laisser  recueillir  le  bénéfice. 
Les  seules  marques  de  leur  bonne  volonté,  au  reste,  ne  furent  pas 
sans  récompense,  une  convention  en  forme  ayant  placé  la  Turquie 
sous  leur  protection  et  leur  ayant  valu  l'engagement  de  fermer  dans 
l'avenir  aux  marines  étrangères  les  détroits  que  le  traité  d' An  drinople 
déclarait  ouverts  à  la  leur.  (Traité  d'Unkiar-Skelessi,  1833).  L'échec 
était  double  pour  les  Anglais;  ils  avaient  dû,  par  appréhension  de  la 
Russie,  seconder  une  victoire  de  la  politique  française,  et  la  Russie, 
toutefois,  n'avait  pas  laissé  de  resserrer  les  liens  qui  lui  soumet- 
taient la  Turquie.  Cette  impuissance  constatée  était  un  enseigne- 
ment pour  l'empereur  Nicolas  :  qu'eût-ii  eu  à  craindre  à  plus  forte 
raison  du  Cabinet  de  Londres,  s'il  se  fût  mis  d'accord  avec  la  France  ? 
Les  desseins  de  celle-ci  n'avaient  pas  de  quoi  l'inquiéter.  En  ébran- 
lant encore  la  puissance  ottomane  vers  le  Sud,  la  prospérité  de  Mé- 
hémel-Ali  était  loin  de  nuire  aux  projets  de  la  Russie  sur  le  Nord. 

Contre  la  suite  et  la  logique  de  toute  la  politique  russe,  Nicolas, 


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LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS  SES   ORIGINES  371 

par  aversion  pour  le  roi  Louis-Philippe,  entra  résolument  dans  les 
intérêts  de  TAnglelerre.  Il  fut  de  la  coalition  de  1840  qui  arracha 
la  Syrie  à  Méhémet-Ali  dont  il  ne  se  souciait  guère,  et  il  paya  cher  le 
plaisir  de  faire  échec  à  la  France,  car  la  vengeance  de  TAngleterre 
n'atteignit  pas  moins  la  Russie.  Les  .Puissances  coalisées  placèrent 
sous  leur  commune  garantie  l'intégrité  de  TEmpire  Ottoman,  dépos- 
sédèrent les  Russes  de  la  tutelle  privilégiée  qu'ils  étaient  parvenus 
k  y  exercer  et  prescrivirent  que  les  détroits  demeureraient  clos  à 
toutes  les  marines  de  guerre  étrangères  sans  exception.  C'était  reve- 
nir bien  en  deçà  d'Andrinople. 

L'Angleterre  avait  réussi  à  faire  rentrer  la  question  d'Orient  sous 
la  juridiction  collective  de  l'Europe.  C'était  la  Puissance  anglaise  qui 
venait  d'infliger  à  la  Russie,  et  par  la  faute  de  celle-ci,  un  si  grave 
dommage.  Les  avertissements  ne  manquèrent  pas  qui  révélaient 
désormais  dans  cette  puissance  l'adversaire  acharné  de  la  Russie. 
Dans  le  temps  même  du  traité  de  Londres,  ne  vit-on  pas  en  Afgha- 
nistan les  Anglais  s'avancer  par  le  sud  vers  les  régions  où  les  Russes 
tendaient  par  le  nord,  et  la  rivalité  s'accuser  déjà  par  des  signes 
manifestes?  C'était  une  leçon  faite  pour  rappeler  le  temps  où  l'O- 
rient procurait  et  promettait  à  la  Russie  appuyée  sur  la  France  de 
tout  autres  résultats.  L'ébauche  de  cette  politique  trop  tôt  aban- 
donnée semblait  donner  à  l'une  et  à  l'autre  les  meilleures  raisons  d'y 
persévérer.  D'un  bout  à  l'autre  de  l'Europe,  elle  eût  produit  sans 
doute  des  conséquences  aujourd'hui  difficiles  à  calculer,  et  ce  n'est 
pas  à  la  France  qu'il  appartient  de  la  regretter  le  moins. 

Un  motif  tout  sentimental,  l'horreur  de  la  révolution,  avait,  après 
Alexandre,  égaré  Nicolas.  Pourtant,  la  tradition  russe  amoindrie 
exigeait  de  son  orgueil  une  réparation.  Il  entreprit  de  la  relever  en 
dépit  des  obstacles  qu'il  avait  lui-même  dressés  devant  elle.  Dans 
l'inconscience  d'une  ambition  atteinte  de  vertige,  ce  fut  l'Angleterre 
elle-même  qu'il  prétendit  gagner  à  ses  vues,  lors  de  cette  fameuse 
conversation  où  il  s'ouvrit  en  1853  à  l'ambassadeur  Hamilton  Sey- 
mour  d'un  projet  de  partagé  de  TEmpire  Ottoman  :  l'Egypte  était  la 
tentation  proposée  au  pavillon  britannique.  Mais  F  Angleterre  s'était 
fait  de  l'intégrité  de  l'Empire  Ottoman  un  dogme  national  par  excel- 
lence. * 

A  vrai  dire,  il  n'était  pas  français  au  même  titré,  il  ne  l'était  plus 
qu'à  litre  accidentel,  par  la  vertu  de  l'alliance  anglaise.  Mais  Nicolas 
prit  soin  d'en  faire  pour  la  France  une  affaire  d'honneur,  en  atten- 
tant aux  privilèges  qui  lui  étaient  dévolus  dans  les  Lieux  Sainis.  A 
sa  grande  indignation,  l'ingrate  Autriche  se  garda  de  servir  ses  pro- 
jets qui  avaient  de  quoi  l'inquiéter,  et  ce  qui  s'ensuivit,  ce  fut  la 


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372  LA   QUESTION   D  ORIENT  DEPUIS   SES  ORIGINES 

guerre  de  Crimée,  c'est-à-die  une  nouvelle  et  pire  déchéance  de  la 
politique  russe  :  la  Bessarabie  perdue,  la  mer  Noire  neutralisée, 
rOrient  livré  aux  influences  occidentales,  la  France  non  plus  amie, 
mais  rivale,  trônant  à  Constantinople,  comme  au  temps  du  marquis 
de  Villeneuve,  d'Aubert-Dubaj^et  et  deSébastiani.  Au  même  moment, 
il  est  vrai,  travaillée  par  un  principe  de  dissolution  plus  fort  que 
les  fictions  diplomatiques,  la  Turquie  devait  à  ses  protectrices  elles- 
mêmes  faire  la  concession  d'un  nouveau  sacrifice.  Mais  la  Russie  en 
partagea  le  dommage.  Ce  fut  au  détriment  de  ses  prétentions,  de  ses 
titres  an térieurs,qu'une  nouvelle  nation  chrétienne,  la  Moldo-Valachie, 
se  vit  dès  lors  en  possession  d'une  quasi-indépendance. 

Après  la  Grèce,  les  Principautés  Danubiennes,  victoires  succes- 
sives remportées  par  le  droit  des  nationalités,  atteintes  portées  à 
rintégrité  ottomane,  de  Taveu  des  puissances  mêmes  qui  s'étaient 
donné  pour  charge  de  la  préserver.  Car  le  jeu  des  politiques  rivales 
n'a  pas  laissé  de  se  prêter  à  des  compromis  qui  resteront  l'honneur 
de  ce  siècle.  C'est  ainsi  que  la  Grèce  a  pu  s  afi'ranchir,  la  Serbie,  le 
Monténégro,  la  Roumanie  s'acheminer  à  leur  entière  délivrance.  De 
plus,  les  Puissances  qui  prirent,  en  1850,  la  Turquie  sous  leur  pro- 
tection, eurent  conscience  qu'elles  répondai«*.nt  de  leur  protégée 
devant  la  civilisation.  Il  n'est  que  juste  de  rappeler  quelle  noble  idée 
la  France,  en  particulier,  se  fit  de  ses  devoirs,  l'œuvre  de  salut 
qu'elle  accomplit  en  Syrie  avec  un  si  heureux  succès,  les  patientes 
tentatives  de  réformes  qu'elle  poursuivit  dans  l'administration  de 
l'Empire.  Les  plus  éclairés  parmi  les  Turcs  comprenaient  la  néces- 
de  mettre  le  régime  de  leur  pays  en  harmonie  avec  celui  de  l'Europe 
civilisée.  Quelques-uns  y  avaient  employé  leurs  efi'orts  dès  le  len- 
demain d'Andrinople,  sentant  la  Turquie  en  danger  de  mort.  Au 
lendemain  du  traité  de  Paris,  quand  chacun  se  tournait  vers  la  France, 
il  se  fit  un  si  grand  bruit,  un  si  bjeau  travail  apparent  de  lois  et 
d'institutions  que  les  témoins  mal  avertis  pensèrent  assister  à  la 
régénération  d'une  race.  Mais  ce  ne  furent  que  promesses  et  simu- 
lacres. Depuis  le  sultan  Mahmoud,  la  Turquie  n'a  fait  d'emprunts 
sérieux  à  l'Europe  que  dans  Tordre  militaire.  Elle  a  mis  les  vices 
incurables  de  son  gouvernement  à  l'abri  de  plus  de  force. 

La  question  d*Orient  se  ressentit  comme  toutes  les  autres  du  grand 
déplacement  d'influences  qui  se  produisit  en  1871.  Le  déclin  de  l'au- 
torité française  à  Constantinople  put  faire  croire  que  la  politique 
russe  allait,  à  son  tour,  y  supplanter  celle  de  1856.  Le  premier  fruit 
de  nos  défaites  n'avait-il  pas  été  pour  la  Russie  la  convention  qui 
lui  rendait  l'usage  de  ses  forces  navales  dans  la  mer  Noire  ?  Et  ses 
projets  ultérieurs  n'étaient- ils  pas  appelés  à  proRter  de  la  recon- 


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LA   QUESTION   D^ORIENT   DEPt}IS  SES   OUIGINES  Stâ 

naissance  que  TAUema^^ne  lui  devait  depuis  1870?  Celait  trop 
compter  sur  celle-ci.  Une  conséquence  directe  de  son  éclatante  for- 
tune, était  de  ramener  vers  l'Orient  Tactivité  de  TAutriche  qui  en 
était  distraite  depuis  le  commencement  du  siècle,  et  cette  activité,  le 
nouvel  empire,  pour  consolider  ses  conquêtes,  devait,  de  ce  côté,  la 
pousser  et  la  favoriser  de  son  mieux.  Contre  la  Russie  surgissait 
inopinément  comme  jadis  la  rivalité  autrichienne,  à  Theure  où,  Teffet 
de  ses  anciennes  fautes  semblant  épuisé,  elle  pouvait  se  croire  fondée 
à  braver  désormais  Thostilité  de  TAngleterre. 

Combien  l'occasion  pourtant  apparaissait  belle  en  18761  L'appel 
des  populations  slaves  soulevées  en  Herzégovine  et  en  Bosnie,  le  cri 
d'agonie  des  Bulgares  massacrés  invoquait  l'aide  fraternelle  de  la 
sainte  Russie,  comme  l'insurrection  grecque,  cinquante  ans  aupara- 
vant. Plus  encore  qu'alors,  les  rivaux  naturels  du  tsar  étaient  enga- 
gés d'honneur  à  ne  pas  demeurer  indifférents  à  la  cause  chrétienne. 
Car  leur  politique,  la  politique  anglaise,  depuis  qu'elle  prévalait,  se 
targuait  d'un  ministère  modérateur  exercé  auprès  du  sultan  en 
faveur  des  races  asservies  et  attesté  par  tant  de  promesses  ou  d'om- 
bres de  réformes  dont  l'événement  trahissait  avec  éclat  l'inanité.  Il 
fallait  donc,  bon  gré  mal  gré,  faire  écho  aux  représentations  de  la 
Russie.  Dans  ce  pas  embarrassant,  la  diplomatie  occidentale  se 
donna  une  peine  infinie  pour  résoudre  ce  scabreux  problème  :  user 
de  contrainte  morale  sur  la  volonté  de  la  Porte,  tout  en  la  garan- 
tissant d'une  contrainte  trop  effective.  Une  pareille  entreprise 
était  trop  évidemment  vouée  à  la  stérilité.  On  rédigea  donc  à  Vienne, 
à  Berlin,  de  belles  pièces  officielles  pour  réclamer  l'exécution  des 
engagements  pris.  Puis,  comme  Ignatief  exigeait  par  voie  d'ultima- 
tum que  cotte  exécution  fût  désormais  soumise  au  contrôle  des 
Puissances,  la  conférence  de  Constantinople  fit  de  louables  efforts 
pour  que  la  demande  si  rudement  signifiée  fût  accordée  de  bonne 
grâce  à  sa  sollicitation.  Un  désaccord  d'intentions  si  mal  déguisé 
par  l'accord  apparent  des  requêtes  ne  pouvait  qu'encourager  la 
résistance  de  la  Porte.  L'esprit  musulman  pur,  réfractaire  aux  con- 
seils de  l'Europe,  l'emportait  alors  sur  l'inertie  à  formes  dociles  de 
l'âge  précédent. 

La  révolution  qui  venait  de  porter  Abdul-Hamid  sur  le  trône  avait 
un  caractère  de  fervente  réaction  religieuse.  Mais,  de  plus,  et  pour  la 
circonstance,  l'orgueil  de  l'Islam,  à  cette  heure  d'offensive  nouvelle, 
se  travestissait  des  dehors  de  la  civilisation.  Ce  fut  en  invoquant  les 
droits  de  l'indépendance,  les  susceptibilités  du  patriotisme,  les 
termes  d'une  constitution  libérale  promulguée  tout  exprès  que  le 
gouvernement  turc  fit,  à  l'égard  de  l'Europe,  sa  profession  déclarée 

REVUE  POLIT,  y  T.  XX  25 


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374  LA   QUESTION   D  ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES 

d'incompatibilité.  Une  telle  rupture  D*ea  servant  que  mieux  lesaffaires 
de  la  Russie,  de  Vienne  et  de  Londres  on  prit  contre  elle  des  précau- 
tions préalables  :  TAutriche  s'assura  qu'elle  ne  s'approprierait  rien 
sur  la  rive  droite  du  Danube,  qu'elle  ne  prétendrait  au  protectorat 
exclusif  d'aucune  province  ottomane.  L'Angleterre  obtint  que  l'Egypte 
et  le  canal  seraient  respectés,  que  Constantinople,  non  plus  que  les 
détroits,  ne  serait  occupée.  Cela  fait,  on  surveilla  les  opérations  des 
armées  russes,  se  réservant  d'intervenir  encore  quand  il  serait 
temps.  Et  il  fut  temps  le  jour  où,  poussant  sa  marche  plus  loin  qu'en 
1829,  le  drapeau  impérial  flotta  au-dessus  du  Bosphore  même,  à  San- 
Stefano.  Dans  cette  bourgade  désormais  historique,  un  traité  venait 
d'être  signé  qui  expropriait  les  Turcs  de  la  plus  grande  partie  de  la 
Turquie  d'Europe,  la  Grande  Ôulgarie  érigée,  Roumélie  et  Macédoine 
comprises,  en  une  nation  désormais  distincte  sous  l'égide  de  la  Rus- 
sie. Cet  énorme  prélèvement  sur  le  sol  turc,  une  nouvelle   extension 
de  la  frontière  russe  dans  la  région  caucasique,  des  accroissements 
de  territoire  pour  la  Roumanie,  la  Serbie,  le  Monténégro,  élevés  du 
même  coup  à  l'indépendance,  une  mainmise  désormais  effective  sur 
l'empire  Ottoman  requis  de  pourvoir,  selon  l'injonction  du  Tsar,  au 
sort  de  ce  qui  lui  restait  de  sujets  chrétien,  autant  de  conquêtes 
inouïes,  décisives,  qui  semblaient,  après  les  épreuves  de  la  fortune 
contraire,  mettre  aux  mains  de  la  Russie  l'avenir  de  l'Orient. 

Tout  cela  dépendait  du  consentement  de  l'Allemagne  qui  dissipa 
le  rêve.  Se  rangeant  avec  les  puissances  rivales,  elle  concourut  à  la 
revision  de  ces  immenses  bénéfices,  à  la  réduction  des  sacrifices  de 
la  Turquie,  au  dédommagement  de  l'Autriche.  Si  la  Russie  demeura 
en  possession  de  la  Bessarabie  et  de  ses  nouvelles  conquêtes  en  pays 
arménien,  si  l'indépendance  et  certains  arrondissements  restèrent 
acquis  aux  Etats  des  Balkans,  la  Bulgarie  fut  réduite  à  des  propor- 
tions exiguës,  la  Roumélie  fît  l'objet  d'un  régime  séparé,  TAutriche 
fut  gratuitement  enrichie  de  la  Bosnie  et  de  rflerzégovine,  sous  le 
complaisant  prétexte  d'une  occupation  provisoire,  l'Angleterre  fit 
reconnaître  par  la  cession  de  Chypre  le  service  rendu  à  la  Porte,  et 
les  vaines  garanties  inscrites  au  nom  de  l'Europe  en  faveur  des  chré- 
tiens d'Arménie  livrèrent  ceux-ci  plus  que  jamais  au  bon  plaisir  des 
Turcs. 

Le  traité  de  Berlin,  le  dernier  en  date  de  ceux  qui  ont  consacré 
les  démembrements  successifs  de  l'empire  Ottoman,  parait  avoir  re- 
culé pour  longtemps  la  solution  de  la  question  d'Orient,  tandis  que 
ses  conséquences  rendaient  plus  impérieuse  la  nécessité  de  cette 
solution.  La  protection  de  l'Europe  a  trop  coûté  à  la  Turquie  pour  ne 
pas  la  dispenser  de  reconnaissance,  mais  elle  est  aussi  trop  intéres- 


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LÀ   QUISTION   D^ORIENT   DEPUIS   SES   ORIGINES  375 

sée  pour  que  la  Turquie  craigne  de  la  perdre,  quoi  qu'elle  fasse.  Aussi 
i]f'a-t-elle  jamais  été  moins  soumise  aux  èonseils  des  civilisés.  A.  iisûr 
égard,  de  funèbres  événements,  de  mémoire  si  récente,  ont  montré 
jusqu'où  pouvait  aller  le  scandale  de  ses  déûs.  La  seule  intimidation 
effective,  celle  de  la  Russie,  a  été  neutralisée  à  Berlin.  D'autres  mo- 
tifs Font  depuis  lors  retenue  de  s'exercer.  Dans  la  mesure  même  où 
des  rivales  jalouses  l'avaient  réduite,  la  création  chère  au  cœur  et  à 
l'orgueil  des  Russes,  la  Bulgarie,  les  a  déçus  et  contristés.  Or  ce  mé- 
compte ?  certainement  ralenti  la  mission  héréditaire  de  délivrance 
que  la  Russie  s'est  assignée  envers  les  chrétiens  d'Orient.  Les  Armé- 
niens ne  l'ont  que  trop  chèrement  éprouvé.  Patiente,  attendant 
beaucoup  de  l'avenir,  occupée  d'autres  projets,  la  Russie  souscrit  à 
l'abstention  commune  dont  la  Turquie  jouit  et  abuse.  L'humanité 
n'y  gagne  rien.  Jamais  l'Europe  n'a  montré  plus  d'embarras  ni  de 
timidité  dans  les  intérêts  chrétiens  qu'elle  était  appelée  à  gérer  en 
Orient. 

Une  conclusion  trop  manifeste  se  dégage  des  événements  ^ont 
nous  avons  tenté  l'analyse.  La  réalisation  des  desseins  de  Catherine 
semble  s'être  éloignée.  A  là  fin  du  siècle  dernier,  la  Russie  était  plus 
près  de  Constantinople  qu'aujourd'hui.  Dans  le  premier  quart  du 
nôtre,  la  fortune  a  paru  deux  fois  lui  tendre  cette  belle  proie.  Avec 
l'alliance  de  la  France  elle  eût  alors  imposé  sa  volonté  à  l'Europe. 
L'inconstance  de  sa  politique  a  tout  fait  avorter.  Par  contre,  c'est 
Tunité,  la  persévérance  de  sa  résolution  qui  a  valu  à  l'Angleterre  le 
succès  de  la  politique  contraire.  Pour  écarter  la  Russie  de  Constao" 
tinople,  elle  a  mis  en  jeu  les  fautes  de  celle-ci,  la  rupture  de  l'union 
naturelle  et  nécessaire,  de  l'union  avec  la  France  ;  puis,  le  moment 
venu,  l'occasion  passée,  la  vieille  rivalité  redevenue  menaçante,  la 
rivalité  germanique  ;  elle  a  déjoué  les  grands  coups,  mesuré,  limité, 
compensé  les  conquêtes  de  l'ambition  russe;  elle  tient  pour  acquis  à 
son  profit  tout  ce  qu'elle  empêche  la  Russie  de  gagner  ;  et  si  ce  chef- 
d'œuvre  de  politique  dilatoire  ne  parvient  pas,  comme  il  est  probable, 
à  tenir  toujours  l'avenir  en  échec,  elle  a  mis  les  intérêts  britanniques 
à  couvert,  elle  s'est  fait,  à  tout  événement,  une  part  royale  dans 
cette  Egypte  où  elle  recueille  aujourd'hui,  par  notro  faute,  la  mois- 
son de  la  France,  dans  cette  Egypte  que  l'inertie  présente  de  l'Eu- 
rope semble  lui  résigner. 

LÉON  Beclard. 


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kEVDES  DES  mmm  poirriaues  ooniïhporms 


I.  —  REVUE  DU  MOUVEMENT  SOCIALISTE  (1) 

Fbange.  —  Lentente  socialiste.  —  Qu'il  s'agisse  des  socialistes  ou  des  au- 
tres partis,  c'est  toujours  l'affaire  Dreyfus  qui  tieut  la  première  place  et  rem- 
plit les  coloDues  des  journaux.  De  leur  propre  aveu,  les  socialistes  et  les 
anarchistes  exploitent  cette  lamentable  affaire  comme  une  entreprise  ad- 
mirablement menée  de  démolition  nationale  et  de  «  décomposition  so- 
ciale ».  M.  Hubert  Lagardelle,  dans  la  Revue  Le  Mouvement  socialiste  (2), 
a  mis  en  lumière  les  conséquences  de  l'affaire  Dreyfus,  au  point  de  vue  de 
rton  parti.  Au  début  de  l'affaire,  les  socialistes  se  sont  montrés  hésitants  et 
divisés.  Seuls,  les  indépendants  Jaurès,  Gérault-Richard  et  les  allema- 
nistes,  virent  tout  le  parti  qu'on  en  pouvait  tirer  au  proût  de  la  propa- 
gande révolutionnaire.  Les  guesdistes  suivaient  les  fluctuations  de  leurs 
électeurs.  Mais  après  le  suicide  d'Henry,  et  devant  «  la  réaction  mena- 
çante »,  un  premier  accord  s'est  fait  dans  le  parti  socialiste,  par  la  cons- 
titution d'un  comité  de  vigilance,  puis  d'entente,  dans  l'espoir  d'aboutir  à 
l'unité.  Les  différentes  organisations  socialistes  ont  suivi  la  même  tac- 
tique au  Parlement  et  dans  le  pays.  Il  n'y  a  pas  eu  de  dissidents  pour  le 
vote  de  la  loi  de  dessaisissement  et  pour  l'élection  présidentielle,  où  les  deux 
fractions  républicaines  se  sont  donné  assaut.  Le  parti  socialiste  s'est  donc 
unifié,  épuré,  en  se  débarrassant  des  éléments  nationalistes  et  antisémites, 
fortifié,  grftce  à  l'alliance  des  «  intellectuels  de  l'élite  de  la  bourgeoisie 
révoltée  contre  sa  propre  classe  ».  M.  Hubert  Lagardelle  pourrait  y  join- 
dre M  l'alliance  de  la  ploutocratie  sémitique  »  comme  on  l'a  vu  à  cette 
étonnante  conférence-concert  du  théâtre  de  la  République,  où  M.  Gérault- 
Richard,  l'ancien  vainqueur  de  Gasimir-Périer,  a  été  applaudi  par  les  mains 
les  plus  finement  gantées  de  la  Capitale  (3). 

La  thèse  de  M.  Hubert  Lagardelle  implique  que  les  intérêts  du  parti 
socialiste  sont  opposés  à  ceux  de  la  nation  en  général,  que  «  les  coups 
assénés,  comme  l'écrit  avec  joie  M.  Paul  Lafargue,  aux  institutions  mili- 
taires, judiciaires,  parlementaires  »,  n'atteignent  que  la  société  capitaliste. 
C'est  là,  croyons-nous,  une  conception  unilatérale  de  la  réalité  des 
choses.  La  France  n'est  pas  une  île  perdue  au  milieu  de  l'Océan»  elle  est 
entourée  de  nations  concurrentes.  Tout  ce  qui  l'affaiblit,  tout  ce  qui  la 
divise,  tout  ce  qui  atteint  son  activité  commerciale,  industrielle,  sa  force 

(1)  Du  20  Janvier  au  20  avril  1899. 

(2)  15  mars  1899. 

(3i  La  soirée  a  produit  10.000  francs  au  profit  de  la  verrerie  ouvrière  d'Àlbi. 
Si  l'affaire  ne  produisait  que  des  effets  de  ce  genre,  nous  ne  songerions  pas  à 
nous  plaindre. 


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REVUE   DU   MOUVEMENT   SOCIALISTE  877 

d*expansion,  blesse  en  même  temps  la  classe  la  plus  vulnérable,  celle  des 
ouvriers,  des  prolétaires.  La  thèse  de  M.  Lagardelle  nous  semble,  à  vrai 
dire,  plutôt  anarchiste  que  socialiste.  Ce  sont  les  anarchistes,  irréconci- 
liables ennemis  de  tout  esprit  de  gouvernement,  de  toute  discipline,  de 
toute  armée,  qui  auraient  le  plus  à  se  féliciter  des  perturbations  profondes 
causées  par  Taffaire  Dreyfus  et  la  façon  dont  elle  a  été  conduite.  Certains 
intellectuels  ont  compris  cela  d'instinct,  et  sont  allés  droit  aux  anarchistes. 

Les  circonstances  ont  donc  hâté  Tunion  ou  du  moins  Tentente  dans  le 
parti  socialiste.  Pour  la  première  fois,  Tanniversaire  de  la  (k)mmune,  le 
i8  mars,  a  été  célébré  en  commun,  dans  un  meeting  où  les  délégués  de 
chaque  organisation  ont  pris  la  parole.  Tout  s'est  passé  avec  ordre.  On  a 
préconisé  la  concorde  afin  d'assurer  le  triomphe  du  prolétariat  et  de  la 
République  sociale. 

L'accord  s'est  fait  pareillement,  pour  l'organisation  du  Congrès  interna- 
tional socialiste  qui  se  tiendra  à  Paris  en  1900.  Ce  Congrès  devait  pri- 
mitiment  se  réunir  en  Allemagne  :  mais  l'Empire  allemand  n'est  pas 
une  terre  hospitalière,  et  les  social-démocrates  allemands  ont  passé  la 
main  à  leurs  camarades. français.  Soucieux  de  ne  pas  donner  une  seconde 
fois,  comme  au  Congrès  de  Londres  en  1897,  le  scandale  des  querelles  les 
plus  violentes,  le  comité  d'entente,  composé  des  représentants  des  cinq 
grandes  organisations  nationalement  constituées  (guesdistes,  blanquistes, 
broussistes,  allemanistes,  socialistes,  indépendants),  ont  lancé,  le 
7  mars  (1),  une  circulaire- manifeste  aux  organisations  socialistes  et 
ouvrières  du  monde  entier,  leur  proposant  de  fixer,  dans  une  conférence 
préparatoire  tenue  à  Bruxelles  les  27  et  28  mai,  les  conditions  d'admission 
au  Congrès,  le  programme  minimum,  le  Credo  obligatoire,  hors  duquel  il 
n'y  a  point  de  salut. 

Ces  conditions  sont  les  suivantes  :  «  SoeialUation  des  moyens  de  pro- 
duction et  d'échange,  —  Union  et  action  internationale  des  travailleurs. 
—  Conquête  socialiste  du  pouvoir  politiqt4e  par  le  prolétariat  organité  en 
parti  de  classe.  » 

C'est  ce  troisième  article  du  credo^  la  conquête  des  pouvoirs  publics, 
qui  a  provoqué  les  plus  vives  querelles  aux  précédents  Congrès  de  Paris, 
de  Bruxelles,  de  Zurich  et  de  Londres.  —  Les  révolutionnaires,  les  anar- 
chistes repoussent  le  dogme  de  l'action  politique,  lente,  stérile,  impuis« 
santé  à  leur  gré.  Pour  échapper  à  cette  accusation  de  parlementarisme, 
les  auteurs  du  manifeste  ajoutent  qu'on  ne  prétend  point  que  la  con- 
quête du  pouvoir  politique  doive  être  parlementaire,  elle  se  fera  n'importe 
comment.  C'est  dire  que  le  prolétariat  doit  compter  sur  la  force,  et  ne  rien 
attendre  de  ses  adversaires. 

Noknbre  de  syndicats  manifestent  une  aversion  marquée  pour  l'action 
politique  :  on  ne  songe  pas  à  l'imposer  aux  groupes  corporatifs,  on  leur 
demande  seulement  d'y  adhérer. 

Enfin  les  auteurs  du  manifeste  approuvent  qu'un  Congrès  corporatif 
international,  spécial,  se  réunisse  également  en  1900,  conformément  aux 

(1)  PetUe  République  du  7  mars  1899. 


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378  REVUE  DU   MOUVEMENT   SOCIAUSTE 

décisions  du  Congrès  de  Rennes,  mais  il  invite  ces  groupes  à  envoyer  des 
délégués  au  Congrès  social-démocrate,  avec  un  mandat  politique  et  socia- 
liste. 

Malgré  ces  formules  conciliatrices,  les  révolutionnaires  et  les  anar- 
chisteiS. stigmatisent  le  futur  Congrès,  n'y  voient  qu'une  «  salade  de  poli- 
ticiens autoritaires  »,  annoncent  des  dissidences,  peut-être  môme  une 
scission  parmi  les  aile manistes,  rappellent  que  les  groupes  syndicaux  ne 
sont  guère  favorables  à  la  politique  et  que  les  adversaires  de  raction 
politique  formèrent,  contre  les  parlementaires,  la  mc^orité  de  la  section 
française  au  Congrès  de  Londres.  Les  atténuations  du  programme  des 
social-démocrates  ne  convaincront  personne  :  d'après  un  anarchiste, 
M.  Pouget,  leur  idée  maîtresse,  c'est  la  constitution  du  grand  parti  socia- 
liste électoral,  dont  M.  Jaurès  jeta  l'idée  l'an  dernier  (1).  Ce  Congrès  ne  se 
composera  guère  que  de  groupes  électoraux. 

Aussi  les  révolutionnaires  récalcitrants  se  proposent  de  convoquer  de 
leur  côté  un  Congrès  en  1900.  Un  comité  d'initiative  s'est  formé  dans  ce 
but,  à  l'instigation  de  Domela  Nieuwenhuis,  F.  Pellontier  et  Ë.  Pouget. 
Une  circulaire  a  été  adressée  aux  organisations  ouvrières  socialistes, 
révolutionnaires  et  communistes  anarchistes  pour  protester  contre  la  pré- 
tention des  social-démocrates  à  représenter  tout  le  socialisme,  flétrir 
leur  intolérance,  dénoncer  leurs  buts  électoraux  et  provoquer  la  convoca- 
tion d'un  Congrès  ouvrier  révolutionnaire  international. 

Un  courant  socialiste  antiparlementaire  existe  en  effet  en  Hollande,  en 
Espagne,  en  Belgique,  en  France.  Il  se  compose  de  groupements  ouvriers 
désabusés  de  l'action  politique  et  qui  ont  foi  dans  la  grève  générale.  C'est 
à  ces  groupements  qu'on  fait  appel.  Mais  ils  sont  loin  d'avoir  l'importance 
et  la  portée  des  socialistes  partisans  de  l'organisation  électorale  et  de 
l'action  politique. 

Le  Congrès  extraordinaire  des  ouvriers  de  chemin  de  fer.  —  Un  premier 
essai  de  grève  générale  avait  été  tenté  à  Paris,  en  octobre  1898.  Le  Syndi- 
cat national  des  chemins  de  fer  de  France  et  des  colonies,  dit  Syndicat 
Guérard,  devait  donner  le  signal  de  la  révolution  sociale.  L*échec  fut  reten- 
tissant. Le  Comité  d'administration  et  le  secrétaire  général,  qui  avaient 
reçu  plein  pouvoir  d'organiser  la  grève,  donnèrent  leur  démission  après 
cette  fâcheuse  aventure.  Un  Congrès  extraordinaire  du  Syndicat  a  été  con- 
voqué à  Paris  les  20  et  21  janvier,  en  vue  d'aviser  à  la  situation  et  pour 
remplacer  le  Comité. 

Les  congressistes  ont  reproché  violemment  au  Conseil  d'administration 
d'avoir  outrepassé  ses  pouvoirs.  Il  appartenait  à  une  commission  de  25  mem- 
bres, nommée  par  le  Congrès  de  1898,  de  décider  de  l'opportunité  de  la 
grève  et  de  prendre  les  mesures  nécessaires  :  or  cette  commission  execu- 
tive n'a  pas  été  consultée.  —  Le  citoyen  Guérard,  ainsi  mis  sur  la  sellette, 
a  répondu  que  la  commission  n'était  chargée  que  d'assurer  le  succès  de 
l'entreprise,  que  la  déclaration  de  grève  avait  été  purement  conforme  aux 

(1)  Journal  du  Peuple ^  du  9  mars. 


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REVUE  DU  MOUVEMENT    SOCIALISTE  379 

statuts  et  aux  décisions  des  Congrès,  et  que  les  ouvriers  de  chemin  de  fer 
n'avaient  à  s'en  prendre  qu'à  eux-mêmes. 

L'échec  a  été  attribué  aux  «  manœuvres  »  des  Compagnies,  à  l'action 
«  illégale  »  du  gouvernement  (prévenu  par  qui?  on  l'ignore),  qui  a  saisi  les 
correspondances^  fait  lacérer  les  affiches,  occuper  militairement  les  gares. 
Il  est  certain,  d'autre  part,  que  les  cheminots  ont  «  manqué  de  nerf  ».  Un 
des  meneurs,  le  citoyen  Lagailse,  des  chemins  de  fer  de  l'Etat  a  «  flanché  » 
pitoyablement,  et  mis  des  bâtons  dans  les  roues  (i). 

A  l'unanimité  moins  trois  voix,  le  Congrès  a  fini  par  donner  décharge  au 
Comité  et  au  secrétaire  Guérard,  démissionnaires,  en  déclarant  qu'ils 
avaient  agi  régulièrement,  conformément  aux  statuts.  On  a  même  offert 
à  Guérard  un  punch  d'honneur. 

Puis  le  Congrès  a  décidé  de  ne  nommer,  dans  le  Comité  d'administration 
comme  dans  la  Commission  de  contrôle,  rien  que  des  membres  apparte- 
nant au  service  réel,  et  non  plus  comme  auparavant  des  anciens  employés 
révoqués. 

Une  tentative  a  été  faite,  par  les  délégués  des  chemins  de  fer  de  l'Etat, 
de  modifier  profondément  l'organisation  du  Syndicat,  de  substituer  le  fédé- 
ralisme à  la  centralisation.  Les  sections  n'auraient  plus  à  attendre  le  mot 
d'ordre  despotique  d'une  sorte  de  Comité  central.  Les  représentants  des 
ouvriers  des  huit  Compagnies  s'organiseraient  d'une  façon  indépendante, 
pais  s'uniraient  par  un  lien  fédéral.  Les  délégués  des  chemins  de  fer  de 
l'Etat  cherchent  en  réalité  à  faire  bande  à  part,  à  se  créer  une  sphère 
d'action  indépendante,  afin  de  négocier  directement  avec  une  adminis- 
tration complaisante  et  timorée.  Ils  demandaient  qu'à  titre  d'essai  la  faculté 
leur  fût  laissé  de  traiter  eux-mêmes  les  questions  qui  les  intéressent.  Mais 
la  question  du  fédéralisme  a  été  ajournée  au  prochain  Congrès,  les  délé- 
gués n'ayant  pas  de  pouvoirs  suffisants  sur  ce  sujet. 

Le  nouveau  comité  de  80  membres  a  été  chargé  de  s'occuper  de  l'aug- 
mentation de  salaire  des  petits  employés  et  des  pensions  de  retraite. 

Au  lieu  de  chercher  à  se  créer  des  ressources  pécuniaires,  comme  les 
ouvriers  des  chemins  de  fer  anglais,  qui  disposent  d'un  capital  considé- 
rable, les  ouvriers  et  employés  des  chemins  de  fer  s'étaient  laissés  engager 
dans  la  voie  révolutionnaise. 

On  espère  qu'un  esprit  plus  modéré  pourrait  amener  la  fusion  du  Syn- 
dicat national  avec  le  Syndicat  des  mécaniciens  et  chauffeurs  (dit  Syndicat 
Guimbert),  l'élite  sans  laquelle  on  ne  peut  rien,  et  avec  l'Association  ami- 
cale (dite  Syndicat  Petit)  ;  mais  ces  espérances  sont  prématurées,  et  nous 
voyons  qu'en  Angleterre  et  aux  Etats-Unis  les  mécaniciens  ont  formé 
comme  en  France  des  Syndicats  spéciaux.  L'organisation  ouvrière,  à  mesure 
qu'elle  se  développe,  doit  se  différencier,  et  ne  peut  guère  se  rapprocher 
que  par  un  lien  fédéral  assez  lâche. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'avortement  de  la  grève  générale,  à  l'automne  dernier, 
n'a  pas  ébranlé  la  foi  aveugle  des  militants  dans  cette  panacée.  Pour  sus- 
pendre la  vie  industrielle  et  mettre  les  capitalistes  à  leur  merci,  ils  avaient 

(1)  Le  Père  Peinard,  29  janvier  1899. 


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380  BEVUE  DU   MOUVEMENT   SOCIALISTE 

compté  autrefois  sur  les  mineurs,  puis  sur  les  ouvriers  et  employés  des 
chemins  de  fer.  Ils  se  rabattent  sur  le  bâtiment  :  des  réunions  de  toutes 
les  corporations  ont  eu  lieu  le  23  février  et  le  46  avril  à  la  Bourse  du  Travail, 
où  les  excitations  n*ont  point  manqué.  Il  s^agit  de  modifier  le  système  des 
adjudications,  de  forcer  la  main  à  la  Chambre  et  au  Sénat.  Les  circons- 
tances sont  favorables,  les  travaux  de  TExposition  urgents  et  en  pleine 
activité  :  qu'on  prépare  donc  la  grève  générale  avant  le  4*'  juin.  En6n  le 
Comité  de  propagande  de  la  grève  générale,  nommé  conformément  aux  dé- 
cisions du  Congrès  de  Rennes,  nous  annonce  cette  grève  pour  4900.  U  engage 
chaque  Bourse  de  Travail,  chaque  Union  de  Syndicats  à  former  des  sous- 
comités  de  propagande,  et  à  prélever  5  p.  100  sur  les  grèves  partielles, 
comme  Tout  voté  tous  les  Congrès  ouvriers,  depuis  4893,  sans  que  ce  vote 
ait  permis  de  constituer  le  moindre  trésor  de  guerre.  On  va  fonder  un 
Journal  de  la  grève  générale,  auquel  nous  n'oserions  garantir  une  longue 
vie.  Jusqu'à  preuve  du  contraire  nous  tiendrons  la  grève  générale  pour  une 
idée  simpliste,  qui  n'aboutirait  qu'à  un  désastre,  et  frapperait  la  classe 
ouvrière  avant  d'atteindre  la  classe  capitaliste. 


Le  tocialisme  à  la  Chambre.  —  Taudis  que  les  anarchistes,  les  syndicaux 
révolutionnaires  préparent  une  révolution  «  des  bras  croisés  »,  les  démo- 
crates socialistes,  les  socialistes  parlementaires,  s'engagent  de  plus  en  plus 
dans  les  voies  de  l'opportunisme.  Lors  de  l'élection  présidentielle,  iU  ont 
fait  une  ardente  propagande  pour  M.  Loubet.  Où  sont  les  temps  où  M.  iiéon 
Bourgeois,  aux  applaudissements  de  l'extrôme  gauche,  organisait  jusque 
dans  la  rue  une  campagne  pour  la  suppression  du  Sénat?  Voilà  maintenant 
que  les  partis  extrêmes  acclament  le  candidat  du  Sénat  à  la  présidence  de 
de  la  République.  Grâce  au  concours  le  plus  ardent  des  radicaux  et  àeé 
socialistes,  le  président  de  ce  Sénat  abhorré,  de  ce  Sénat  obstacle  à  tout 
progrès  démocratique,  devient,  par  avancement  hiérarchique,  préai- 
dent de  la  République.  Sans  doute,  en  élisant  M.  Loubet,  les  socialistes 
votaient  contre  M.  Méline,  le  «  candidat  de  la  réaction  prétorienne  ». 

IL  Méline  estimait  qu'il  fallait  gouverner  avec  les  républicains,  même 
ralliés  de  la  dernière  heure,  contre  les  socialistes.  M.  Loubet,  qui  n'est  ni 
socialiste,  ni  radical,  gouvernerait  au  besoin  avec  les  partis  extrêmes,  s'il 
y  avait  un  péril  de  droite.  C'est  là  le  sens  de  la  concentration  dont  il  est 
l'élu.  Modéré,  tolérant,  extrêmement  poli,  M.  Loubet,  jusqu'à  présent,  ue 
s'est  pas  révélé  homme  d'Etat,  mais  il  est  honnête  homme.  Il  nous  sauve 
de  M.  Bdssson,  de  M.  Léon  Bourgeois,  voire  de  l'incertain  M.  Dupuy.  U 
marque  l'avènement  à  la  présidence  d'une  nouvelle  couche  sociale,  la  pe- 
tite bourgeoisie  méridionale  républicaine  ;  il  la  représente  par  ses  meil- 
leurs côtés.  Les  socialistes  en  tirent  la  conséquence  que,  de  couche  so- 
ciale en  couche  sociale,  la  Présidence  Onira  par  leur  appartenir.  A  l'insti- 
gation de  M.  Brousse  et  de  M.  Jaurès,  ils  engagent  leurs  partenaires  à  voter 
dans  les  élections  sénatoriales  pour  la  conquête  de  la  haute  assemblée. 

A  la  Chambre,  les  socialistes  ont  joué  un  rôle  effacé.  Ils  se  sont  livrés  à 
leur  tactique  habituelle  de  surenchère.  M.  Garnaud  a  présenté  un  projet 


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KEVUfi  DU   MOUVEMENT   SOCIALISTE  381 

d'augmentation  du  traitement  des  instituteurs,  qui  a  été  envoyé  à  la  Com- 
mission de  renseignement.  En  février,  M.  Krauss  a  repris  un  projet  de 
M.  Guesde,  à  propos  des  crédits  relatifs  au  Conseil  supérieur  du  travail. 
Il  demande  que  le  Conseil  soit  composé  par  moitié  de  membres  électifs, 
dont  Télection  serait  remise  soit  aux  Chambres  syncales,  soit  au  suffrage 
universel  direct  des  ouvriers  des  divers  métiers.  Malgré  le  Gouverne- 
ment, il  a  obtenu  la  majorité,  908  voix  contre  188.  M.  Zévaès  propose 
de  remettre  à  la  classe  ouvri^e  Télection  des  inspecteurs  du  travail  :  il  a 
rallié  240  voix  contre  254.  Enfin,  M.  Vaillant  a  prononcé,  le  8  mars,  un 
discours  eo  faveur  des  milices  substituées  à  Tarmée  nationale.  Il  a  cité 
Texemple  de  la  Suisse.  Son  discours  n'était  qu'une  conférence  et  n'a  pas 
eu  la  sanction  d'un  vote. 

Angletbrbb.  —  Ladémonttrationpour  la  paix  et  contre  le  tsar.  --En 
attendant  que  la  guerre  finisse,  faute  de  soldats,  l'état-major  des  socia- 
listes belges,  français,  allemands,  s'est  réuni  à  Londres,  au  commence- 
ment de  mars,  sur  l'invitation  des  socialistes  anglais  pour  opposer  leur 
conception  de  la  paix  internationale  à  celle  du  tsar.  D'après  les  socialistes, 
la  solidarité  et  la  fraternité  des  peuples  ne  peuvent  avoir  pour  fondement 
que  le  socialisme  international;  c'est  le  thème  développé  dans  les  toasts 
du  banquet  du  restaurant  de  Uolborn  et  au  meeting  de  Saint-James  Hall. 
On  a  fait  assaut  d'éloquence  et  d'humour.  Bernard  Shaw,  le  wagnérien 
critique  d'art  socialiste,  a  chargé  Jaurès  de  complimenter  Boisdeffre.  Il  a 
ajouté  que  les  généraux  anglais  ne  le  cèdent  point  en  humanité  à  ceux 
des  autres  pays  :  ils  tuent  les  blessés,  violent  les  tombeaux,  mutilent  les 
morts.  Les  Russes,  en  Finlande,  ne  font  que  suivre  l'exemple  des  Anglais 
aux  Indes.  M.  Jaurès  a  promis  d'effacer  au  prochain  Congrès  international 
la  mauvaise  impression  laissée  par  les  querelles  entre  socialistes  français 
au  Congrès  de  Londres,  où  lui-même,  aveuglé  parle  parlementarisme, 
méconnut  la  grande  force  des  associations  ouvrières.  Liebknecht,  qui,  seul, 
parlait  en  anglais,  a  criblé  le  tzar  d'épigrammes  :  les  socialistes  allemands 
combattent  le  militarisme  et  le  capitalisme.  Ils  ont  triomphé  du  géant 
Bismarck,  ils  auront  raison  du  nain.  Hyudman  a  cité  le  mot  de  Blûcher 
devant  Paris  :  «  Quelle  belle  ville  à  piller  »  pour  l'appliquer  à  Londres  : 
«  Quelle  ville  à  soulever  ».  M.  Vandervelde,  que  ses  amis  français  au  Con- 
grès de  Londres  traitaient  de  «  jésuite  »,  de  «  délégué  des  avocats  de 
Bruxelles  »,  a  pris  à  partie  «le  képi  français,  le  casque  prussien  et  le  cha- 
peau du  prêtre  »,  ces  couvre-chefs  du  capitalisme  et  de  la  société  bour- 
geoise, et  proclamé  que  l'hypocrisie  du  tsar  était  un  hommage  rendu  à  la 
veilu  socialiste. 

Le  Congrès  des  Trades-Unions  de  Bristol  s'était  montré  beaucoup  plus 
modéré  que  les  socialistes.  11  était  allé  jusqu'à  «  saluer,  avec  satisfaction, 
le*message  du  tsar,  en  faveur  du  désarmement  général  ».  Et  tandis  que  les 
socialistes  ne  prêchent  la  paix  internationale  que  pour  déchaîner  la  guerre 
des  classes,  les  vieilles  unions  anglaises,  les  plus  riches  et  les  mieux  orga- 
nisées, préconisent  la  paix  industrielle  au  même  titre  que  la  paix  interna- 
tionale. 


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382  BEVUE   DU  MOUVEMENT   SOCIAUSTE 

Le  Congrès  de  Manchester.  —  A  la  veille  du  Congrès  de  Manchester,  en 
février,  le  Trade-Unioniste  écrivait  que  les  grèves  et  les  lock  oui  étaient 
une  méthode  barbare  pour  la  solution  des  conflits  entre  le  capital  et  le 
travail,  qu*on  devait  aspirer  à  la  paix  dans  Tindustrie  comme  dans  la  po- 
litique internationale,  que  cette  paix  était  exigée  par  la  concurrence 
croissante,  qu'ouvriers  et  patrons  devaient  également  se  pénétrer  de  cette 
nécessité  vitale,  qu'il  fallait  arriver  à  Tentente  réciproque,  sans  se  prendre 
à  la  gorge. 

Le  Congrès  de  Manchester  avait  été  spécialement  convoqué  pour  cons- 
tituer, contre  la  fédération  des  patrons,  dont  on  avait  éprouvé  la  force 
dans  la  grève  des  mécaniciens,  une  fédération  générale  des  trades-unions. 
La  Confédération  générale  du  travail,  fondée  depuis  trois  ans  en  France, 
répond  au  même  but  ;  mais  les  deux  organisations  sont  conçues  dans  tin 
esprit  absolument  opposé.  Les  finances  de  la  Confédération  du  travail  sont 
à  peu  près  nulles,  elle  est  sous  Tinfluence  des  militants,  hantés  par  Tidée 
de  grève  générale.  Il  n'en  est  pas  question  dans  la  Fédération  des  unions 
anglaises.  Son  but  est  de  donner  une  extrême  solidité  financière  aux  unions,' 
une  force  défensive  énorme,  sans  ombre  d'esprit  agressif.  Les  ressources 
pécuniaires,  considérables,  dont  elle  disposera,  si  elle  parven£iit  à  fonc- 
tionner, seront  à  la  disposition  de  chefs  responsables,  sans  hostilité  bornée 
contre  les  entrepreneurs,  sans  esprit  révolutionnaire,  de  haute  expérience 
6t  de  haute  moralité,  considérés,  respectés  de  tous,  dont  le  but  sera  tou- 
jours de  sauvegarder  les  intérêts  du  travail,  et  d'épuiser,  avant  de  déclarer 
la  guerre,  tous  les  moyens  de  conciliation. 

Le  «  Vorwaerts  »  lui-même,  loue  l'extraordinaire  prudence,  «  la  sévère 
«  évaluation  des  droits  et  des  devoirs  »  qui  a  présidé  à  l'élaboration  des 
statuts.  Il  n'est  pas  question,  comme  en  France,  de  plans  grandioses  des- 
tinés à  anéantir  le  patronat. 

Congrès  du  parti  ouvrier  socialiste  indépendant.  — -  Ce  Congrès  s'est 
tenu  à  Leeds,  au  lendemain  de  Pâques.  Il  a  décidé  de  présenter  25  candi- 
dats aux  prochaines  élections  parlementaires,  sans  conclure  aucune 
alliance  avec  les  anciens  partis. 

Le  Comité  exécutif  du  parti  est  chargé  d'entrer  en  négociations  avec  la 
Fédération  social-démocrate.  Les  deux  organisations  poursuivent  le  même 
but,  mais  avec  des  tempéraments  et  des  méthodes  différentes.  Il  serait 
prématuré  de  s'unir.  Mais  on  veut  essayer  de  se  fédérer. 

Les  sectes  socialistes  en  France  tentent  une  entreprise  analogue. 

Congrès  des  conseillers  socialistes  municipaux.  —  Ce  Congrès  s'est  réoni 
pareillement  à  Leeds,  sous  la  présidence  de  Sidney  Webb.  Webb  recom- 
mandait aux  socialistes  de  chercher,  dans  l'administration  des  communes, 
pour  chaque  parti,  les  hommes  les  plus  capables,  et  de  leur  oflfrir  la  ré- 
munération que  leurs  capacités  trouveraient  ailleurs.  Mais  les  soeiaiistes 
se  sont  déclarés  contre  les  hauts  traitements.  Un  conseiller  municipai  a 
excité  l'hilarité  générale,  en  déclarant  qu'à  West-Ham  on  avait  réalisé 
tout  le  programme  électoral  et  qu'on  souffrait  d'une  disette  de  pro- 
gramme* 


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REVUE  DU   MOUVEMENT   SOCIALISTE  383 

Presque  tous  les  délégués  se  sont  montrés  partisans  de  Fextension  des 
pouvoirs  légaux  des  administrations  locales. 

Sur  la  question  de  l'alcool,  le  Congrès  a  demandé  la  municipalisation 
des  débits  de  bmssons^  —  et  la  même  solution  a  été  votée  pour  Tassurance 
delà  vieillesse  (i). 

Etats-Unis.  —  Les  partis  socialistes,  —  Il  n'existe  pas  aux  Etats-Unis, 
d'organisation  socialiste  unitaire.  Il  y  a,  comme  en  Angleterre,  un  parti 
ouvrier  socialiste  et  un  parti  social-démocrate. 

Le  parti  ouvrier  a  fait  des  progrès  importants  depuis  1890. 

11  a  obtenu  aux  dernières  élections  plus  de  80.000  voix.  Le  parti  anti- 
esclavagiste commença  de  même  modestement,  en  1840,  avec  7.000  voix 
sur  2  millions  et  demi  d'électeurs,  et  23  ans  plus  tard  l'esclavage  était 
supprimé. 

Le  parti  social-démocrate  est  dirigé  par  Debs,  ancien  président  de  l'Union 
des  chemins  de  fer  américains  (opposée,  comme  en  France,  à  celle  des 
mécaniciens  et  ingénieurs). 

Dans  l'été  de  1894,  lors  de  la  grève  des  ouvriers  de  Pullman,  Debs  vint 
à  leur  secours,  en  déclarant  la  grève  des  ouvriers  de  chemins  de  fer.  Cette 
grève  prit  de  telles  proportions  que  le  président  Cleveland  dut  appeler  les 
troupes  régulières,  les  milices  de  l'illinois  ne  paraissant  pas  suffisantes. 
Debs  fut  condamné  à  quelques  mois  de  prison. 

A  sa  sortie,  il  fondait  le  parti  social-démocrate,  avec  le  même  pro- 
gramme que  le  parti  ouvrier  ;  mais  impatient  de  préparer  la  société  nou- 
velle, il  voulut  tenter  d'établir,  dans  les  terres  disponibles,  des  colonies 
coopératives.  Des  gens  douteux,  des  spéculateurs,  se  mêlèrent  à  Feutre- 
prise;  et,  après  une  scission,  Debs  organisa  un  nouveau  parti.  Par  une  iro- 
nie singulière,  Debs  qui  s'était  éloigné  du  parti  ouvrier  socialiste,  parce 
qu'il  comprenait  trop  d'étrangers,  a  vu  son  nouveau  parti  se  recruter 
parmi  les  juifs  russes,  polonais,  les  Allemands.  Il  compte  200.000  partisans 
dans  l'Etat  de  New- York,  un  maire  socialiste,  le  premier  qui  ait  été  nommé, 
6  conseillers  municipaux,  et  2  députés,  à  la  législature,  dans  le  Massa- 
chusetts; on  a  créé  un  certain  nombre  de  journaux  en  allemand,  en 
anglais  et  en  jargon  juif.  Le  parti  ouvrier  socialiste  est  mieux  organisé, 
plus  cohérent  (2). 

La  Fédération  américaine  du  travaiU  —  Le  nombre  des  membres  des 
organisations  ouvrières  aux  Etats-Unis  ne  dépasse  pas  500.000,  alors 
qu'il  est  en  Angleterre  de  1.600.000.  La  plus  importante,  depuis  la 
décadence  des  Chevaliers  du  Travail,  c'est  la  Fédération  américaine  du 
tra^l,  qui  a  pour  président  un  bourgeois,  Samuel  Gompers,  jadis 
membre  de  l'Internationale. 

La  Fédération,  à  son  dernier  Congrès,  a  discuté  la  question  du  socia- 
lisme et  de  l'action  autonome  du  prolétariat.  Gompers  a  signalé  le  danger 
de  transformer  les  oi^nisations  ouvrières  en  clubs  politiques. 

Les  socialistes  demandaient  au  Congrès  de  décider  que  la  question 

(1)  Fdnoaér/5, 8  avril  1899. 

(2)  Ymoaerts  du  1"  février  1899. 


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384  REVUE   DU   MOUVEMENT   SOCIALISTE 

ouvrière  ne  peut  être  résolue  que  par  la  socialisation  des  moyens  de  pro- 
duction, que  dans  ce  but  Taction  politique  aide  et  complète  Faction  éco- 
nomique. Ils  ont  eu  contre  eux  la  majorité,  qui  a  décliné,  comme  les 
t rades  unioniste  anglais,  la  lutte  autonome  dans  le  domaine  politique.  Mais 
la  minorité  socialiste  a  été  assez  importante. 
Le  Congrès  a  repoussé  la  politique  impérialiste  d'expansion  coloniale. 

Allemagne.  —  La  lutte  se  poursuit,  en  Allemagne,  entre  le  gouverne- 
ment de  Guillaume  II  et  les  socialistes.  Certains  adversaires  du  socialisme 
estiment  que  la  réaction  poussée  si  loin  fait  la  démocratie  socialiste  plus 
redoutable  et  lui  donne  le  prestige  d'une  grande  force.  «  Nous  vivons,  dit 
<(  Bebel,  des  fautes  de  nos  adversaires.  Ceux  qui  prétendent  nous  anéantir 
«  sont  nos  meilleurs  alliés.  » 

Le  projet  de  loi  qui  menace  la  liberté  de  coalition  des  travailleurs  alle- 
mands n*est  pas  encore  déposé.  La  sévérité  draconienne  avec  laquelle  le 
jury  et  les  juges  en  Saxe  ont  réprimé  récemment  une  atteinte  portée  par 
les  ouvriers  à  la  liberté  du  travail,  rendrait  cette  loi  inutile,  si  cette  sévé- 
rité se  généralisait. 

Lincident  de  Lceptau.—  En  Saxe,  gi*and  pays  industriel  au  cœur  de  TAlIe- 
magne,  le  socialisme  est  très  développé.  Les  Chambres  saxonnes,  il  y  a 
trois  ans,  ont  pris  Tinitiative  de  restreindre  le  suffrage  universel  pour  les 
élections  au  Lantag;  mais  la  moitié  des  élus  saxons  au  Reichstag  se 
compose  de  socialistes. 

L'opposition  de  classes  est  plus  marquée  qu'ailleurs,  et  cela  permet  de 
comprendre  la  portée  de  l'incident  de  Lœptau. 

Il  y  avait  fête  des  charpentiers  chez  un  entrepreneur  qui,  une  bâtisse 
terminée,  payait  Talcool  et  la  bière.  Vers  huit  heures,  les  ouvrier»,  encore 
attablés,  apprennent  que  des  camarades  occupés  à  une  construction  voi- 
sine travaillent  encore,  bien  que,  d'après  un  règlement  récent,  le  travail 
doive  finir  à  6  heures  du  soir.  Les  ouvriers,  quittant  la  fêle,  invitent  leurs 
camarades  à  cesser  le  travail.  La  querelle  s'envenime,  survient  l'entrepre- 
neur du  chantier,  qui  injurie  les  ouvriers,  et  tire  deux  coups  de  revolver 
en  l'air.  Ceux-ci,  à  moitié  ivres,  croient  qu'un  de  leurs  camarades  est 
blessé,  fondent  sur  l'entrepreneur,  armés  de  bouteilles  et  de  bâtons,  l'as- 
somment à  moitié  en  criant  :  «  Tuez  ce  chien  !  »  On  leur  arrache  leur  vic- 
time à  grand'peine.  Il  fallut  au  blessé  plusieurs  semaines  pour  se  remettre. 

Traduits  en  Cour  d'assises,  les  agresseurs,  jugés  à  huis  clos,  se  sont  vus 
refuser  les  circonstances  atténuantes,  pourtant  admises  par  l'avocat  géné- 
ral, et  appliquer  le  maximum  de  la  peine.  Ils  ont  été  condamnés  dans 
Tensemble  à  53  ans  de  travaux  forcés,  8  ans  de  prison  et  70  ans  de  priva- 
tion des  droits  civiques.  Le  Vorwœrts  a  aussitôt  ouvert  une  souscription 
en  faveur  de  leurs  familles,  et  lancé  un  manifeste  n'excusant  pas  les  cond€Lm- 
nés,  reconnaissant  qu'ils  devaient  être  punis,  mais  faisant  appel  à  Téquité 
du  public,  sans  distinction  de  parti,  contre  ce  jugement  qu'on  ne  peut 
faire  réviser,  «  vraie  sentence  de  mort  destinée  à  semer  la  haine  dans  le 
cœur  de  millions  d'hommes.  » 


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REVUB  DU  BIOUVEBiENT  SOCIALISTE  365 

An  Reichstag,  le  baron  de  Stumm  a  approuvé  la  seotence,  le  député 
Heine  a  présenté  les  condamnés  comme  les  «  martyrs  de  leur  classe  ». 
Il  a  soutena  que  ces  troubles  n'avaient  rien  de  comman  avec  les  syndicats 
ou  la  politique.  Le  principal  meneur  n*était  pas  syndiqué.  Aucun  inculpé 
ne  possédait  un  casier  judiciaire.  Le  surtravaii  avait  été  cause  du  désordre. 
La  première  injure  était  venue  de  Tentrepreneur.  «  Cette  violence  que 
nous  réprouvons,  nous,  socialistes  démocrates,  écrit  Heine,  était  le  résultat 
de  rivresse,  de  la  grossièreté,  de  la  brutalité  et  méritait  les  circonstances 
atténuantes  (1).  » 

Les  juges  saxons  pèchent  par  excès  de  rigueur;  certains  juges  français, 
par  excès  d^indulgence.  Tel  ce  président  du  tribunal  de  Ghàteau-Thierry, 
dont  les  jugements  seraient  une  prime  d'encouragement  au  vol  et  à  la 
mendicité.  Ni  dans  Tun,  ni  dan»  Tautre  cas,  on  n'a  su  tenir  la  balance 
égale. 

Les  socialistes  ont  célébré  comme  une  éclatante  victoire  Télection  an 
Reichstag  d*un  des  leurs,  Richard  Fischer,  dans  la  2*  circonscription  de 
Berlin,  contre  un  candidat  progressiste  et  un  conservateur,  avec  4.340  voix 
de  majorité  sur  47.000  votes  exprimés.  «  Berlin,  disent-ils,  la  capitale  de 
TEmpire,  devient  la  capitale  de  la  démocratie  socialiste.  » 

La  brochure  de  M.  Bemstein.  —  Nous  devons  enfin  signaler  une  polé- 
mique qui  se  poursuit  dans  le  Neue  Zeit  et  les  colonnes  du  Vorwœris^  à 
propos  de  la  critique  des  théories  marxistes,  entreprise  par  M.  Bemstein. 
Les  Allemands  sont  les  seuls  à  s'occuper  encore  de  théories,  mais  ces 
théories  touchent  à  la  tactique.  Il  s*agit  de  savoir  si  révolution  écono- 
mique conduit  à  une  révolution  fatale,  à  une  catastrophe  pro- 
chaine du  capitalisme,  et  si  la  démocratie  socialiste  doit,  en  conséquence, 
s'orienter  vers  cette  catastrophe  qui  lui  livrera  le  pouvoir  et  la  tâche  im- 
mense d'organiser  la  production.  M.  Bemstein  ne  le  croit  pas,  et  d'après 
lui  le  parti  socialiste  doit  être  un  parti  d'évolution  et  de  réforme. 
M.  Kautsky,  fidèle  à  l'ancien  marxisme,  croit  la  révolution  inévitable,  ce 
qui  ne  signifie  pas  qu'il  soit  partisan  de  l'insurrection  comme  les  blan- 
quisles;  mais  il  veut  que  les  social-démocrates  aient  toujours  en  vue  le 
but  final,  le  grand  patatras  de  la  bourgeoisie  et  du  capitalisme  et  s'y  pré- 
parent assidûment. 

La  revue  Le  mouvement  sociitliste  a  traduit  (2)  les  principaux  extraits  de 
la  thèse  de  Bemstein,  exposée  dans  sa  brochure  Le$  hypothèses  du  socia- 
lisme et  les  devoirs  de  la  démocratie  socialiste,  et  la  réponse  de  Kaut- 
sky (3).  Nous  aurons  peut-être  occasion  d'y  revenir. 

Bblgiquk.  —  Le  socialisme  se  justifie  non  par  ses  théories,  mais  par  ses 
résultats  pratiques.  La  Belgique  est  un  des  pays  où  ces  résultats  sont  le 
plus  sensibles. 

Les  socialistes  ont  organisé  à  Bruxelles,  aux  fôtes  de  Pâques,  une  grande 
démonstration  internationale,  où  ne  se  trouvaient,  à  vrai  dire,  que  des 

(1)  Vorwœrts  du  U  février. 

(2)  N<»  du  l«r  avril  1899. 

(3)  15  avril. 


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985  REYDE  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS 

Français,  pour  inaugurer  la  nouTelle  Maison  du  Peuple,  qui  représente  en 
immeubles  une  valeur  de  deux  millions,  contient  de  vastes  magasins,  des 
bureaux,  une  bibliothèque,  une  salle  de  réunion  capable  dé  recevoir  cinq 
mille  invités.  EHe  compte  dix-huit  mille  membres  adhérents.  Elle  est  or- 
ganisée sur  le  modèle  du  VooruU!  de  Gand;  ses  deux  boulangeries  coo- 
pératives fournissent  plus  de  dix  millions  de  kilos  de  pain  par  an. 
D'après  sa  devise,  la  Maison  du  Peuple  donne  non  pas  seulement  le  pain 
de  la  vie,  mais  le  pain  de  la  science.  Rappelons  toutefois  que  TUniversité 
libre  de  Bruxelles,  chargée  de  distribuer  la  manne  de  la  science  «  socia- 
liste »,  a  dû  fermer  ses  portes,  faute  de  ressources. 

C'est  en  Belgique  et  en  Angleterre  que  la  coopération  a  pris  le  plus 
grand  essor.  Mais  en  Angleterre  les  coopérateurs  ne  se  préoccupent  guère 
du  socialisme.  Dans  ce  dernier  pays,  les  coopératives  de  consommation  ont 
atteint  un  chiffre  d'affaires  de  plus  de  250  millions  ;  et  celles  de  produc- 
tion de  125  millions.  Ces  chiffres  feront  plaisir  à  M.  Gide,  Tinfatigable 
apôtre  de  Tesprit  coopératif,  de  la  solution  des  questions  sociales  par  Tas- 
sociatîon  libre  (1). 

La  grève  générale  des  mineurs,  —-  Une  grève  générale  des  mineurs, 
qui  compte  soixante  mille  chômeurs,  vient  d'éclater  dans  le  pays  de 
Liège  et  de  Charieroi.  La  Fédération  des  mineurs,  alléguant  les  béné- 
fices des  charbonnages  dans  ces  dernières  années,  et  jugeant  les  augmen- 
tations de  salaires  insuffisantes,  a  proclamé  la  grève,  en  réclamant  Téléva- 
tion  des  salaires  de  20  p.  iOO.  Le  Gouvernement  a  mobilisé  les  troupes 
pour  le  maintien  de  Tordre.  Cette  grande  grève  est  née  de  la  prospérité  gé- 
nérale de  rindustrie  minière. 

J.    BOUROBAU. 


II.  —  REVUE  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS 

Les  Chemins  de  fer  d'intérêt  général  kn  1898. 

L'année  1898,  comme  les  précédentes,  a  été  marquée  par  une  améliora- 
tion notable  dans  les  résultats  d'exploitation  et  dans  la  situation  financière 
des  chemins  de  fer.  La  progression  des  recettes  s'est,  non  seulement  main- 
tenue, mais  sensiblement  accentuée.  Bien  que  les  dépenses  d'exploita- 
tion, à  l'inverse  de  ce  qui  s'était  passé  les  années  précédentes,  aient  suivi  la 
même  marche  ascendante,  le  produit  net  présente  encore  une  améliora- 
tion très  supérieure  à  l'accroissement  des  charges  des  capitaux. 

L'appel  fait  à  la  garantie  d'intérêts  de  l'Etat  est  descendu  à  moins  de 
24  millions,  dont  6.500.000  francs  pour  les  Compagnies  secondaires.  Ce 
dernier  chiffre  n'est  malheureusement  pas  susceptible  de  réductions  mar- 
quées; le  trafic  des  réseaux  auxquels  il  s'applique,  donnant  une  recette 
brute  de  2.400.000  francs  seulement,  ne  saurait  présenter  une  élasticité  suffi- 

(1)  Voir  la  conférence  de  M.  Gide  :  «  Concurrence  ou  Coopération.  »  Muêée  social, 
8  mars  1899. 


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REVUE  DES   QUESTIONS  DE  TRANSPORTS  387 

saute  pour  atténuer  sérieusement  les  charges  des  capitaux  considérables 
absorbés  par  leur  construction.  Il  n'est  pas  probable  que  Taugmentation 
d'un  million  qu'amènera,  dans  les  prochaines  années,  la  construction  des 
125  kilomètres  nouveaux,  ajoutés  en  1897  et  1898  aux  concessions  du  Viva- 
rais  et  des  Gharentes,  soit  atténuée  sensiblement  par  le  développement 
des  recettes  des  lignes  plus  anciennes.  Mais  pour  les  grandes  Compagnies, 
l'amélioration  se  poursuit.  Il  y  a  six  ans,  5  d'entre  elles  demandaient  à 
l'Etat  100  millions  d'avances  ;  en  1898,  3  seulement,  l'Est,  l'Ouest  et  le 
Midi,  font  appel  à  la  garantie  pour  14.400.000,  tandis  que  leur  déficit  attei- 
gnait encore  22  millions  l'année  précédente.  Des  deux  autres,  l'une,  celle 
de  P.  L.  M.,  a  complètement  éteint  sa  dette  de  garantie  en  1897,  en  la  com- 
pensant avec  150  millions  d'avances  remboursables  en  annuités  qu'elle  avait 
faites  à  l'Etat  pour  la  contruction  des  lignes  neuves  ;  la  seconde,  celle 
d'Orléans,  entre  cette  année  dans  la  période  de  remboursement,  et  verse  à 
l'Etat  4  millions  d'excédents,  qui  ramènent  àl0.400.000fr.  les  charges  nettes- 
provenant  des  grandes  Compagnies.  A  moins  de  mécomptes  imprévus,  le 
moment  approche  où  ces  charges  se  réduiront  à  presque  rien,  pourvu 
toutefois  que  des  lois  nouvelles  ne  viennent  pas  rouvrir  l'ère  des  déficits, 
en  grossissant  les  dépenses  ou  en  diminuant  les  recettes. 

Dépenses  (rétablissement,  —Les  capitaux  dépensés  en  1898, pour  l'exten- 
sion et  l'amélioration  du  réseau  d'intérêt  général  et  de  son  outillage, 
s'élèvent  aux  chiffres  suivants  : 

Dépenses  à  la  charge  de  l'Etat.  1  ^"^  ^^^^*  budgétaires. ...       8  millions. 

*^  '^  l  Sur  avances  des  Compagnies  51       — 

Fonds  de  concours  des  localités 2       — 

!  Travaux  neufs 50       — 

Travaux  complémentaires.  63       — 

»  Matériel  et  outillage 28       — 

Total  des  dépenses  faites  sur  le  réseau  d'intérêt  général. . . .    202  millions. 

Le  chiffre  des  dépenses  à  la  charge  de  l'Etat  est  le  même  que  les  années 
précédentes.  Il  est  vrai  que  la  dernière  Chambre,  se  départissant  au 
moment  de  se  séparer  de  la  sagesse  avec  laquelle  elle  s'était  appliquée  à  res- 
treindre les  ouvertures  de  chantiers  nouveaux,  a  inscrit  au  budget  de  1898 
420  kilomètres  de  lignes  non  dotées  sur  les  budgets  antérieurs.  Mais,  eu 
égard  à  l'époque  où  le  budget  a  été  voté,  ces  lignes  n'ont  donné  lieu  qu'à 
des  dépenses  insignifiantes  en  1898.  Le  projet  de  budget  de  1899,  voté 
parla  Chambre,  ne  comporte  l'inscription  que  de  55  kilomètres  nouveaux, 
de  sorte  qu'en  moyenne,  la  marche  des  travaux  exécutés  sur  les  crédits 
budgétaires,  ou  sur  les  avances  faites  par  les  Compagnies  en  vertu  des 
conventions  de  1883,  ne  paraît  pas  devoir  se  modifier  sensiblement. 

Les  dépenses  de  capitaux  dont  les  charges  incombent  aux  Compagnies 
ont,au  contraire, augmenté  de  près  de  50  millions.  L'augtoentation,  portant 
soit  sur  le  remboursement  de  l'ancienne  dette  de  la  Compagnie  de  l'Ouest, 
soit  sur  les  travaux  complémentaires,  se  rattache  principalement  aux 
travaux  exécutés  pour  l'extension  des  gares  anciennes  et  pour  la  création 
des  gares  nouvelles  dans  Paris.  Ces  travaux,  poussés  avec  une  extrême 


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388  REVUE  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS 

activité,  en  raison  de  rapproche  de  TExposition,  donneront  lien  i  des 
dépenses  encore  plus  élevées  en  1899.  La  hâte  que  Ton  y  apporte  en  aug- 
mentera sensiblement  le  coût.  Du  moins  faut-il  espérer  qu'ils  seront 
terminés  on  temps  utile,  pour  rendre  les  services  que  Ton  en  attend,  dans 
le  mouvement  colossal  de  voyageurs  qui  se  produira  Tannée  prochaine. 
Le  commencement  des  travaux  considérables  que  la  Compagnie  de  TOuest 
exécute  pour  la  gare  des  Invalides  et  pour  les  lignes  qui  y  accèdent,  a  été 
retardé  singulièrement  par  la  lenteur  apportée  au  vote  de  la  déclaration 
d'utilité  publique,  qui,  déposée  au  commencement  de  1895,  est  restée 
deux  ans  pendante  devant  la  Chambre,  malgré  son  caractère  d'urgence. 
Malheureusement,  la  Compagnie  n'a  pas  su  rattraper  le  temps  perdu.  11 
faut  reconnaître  que,  pour  elle  comme  pour  celle  d'Orléans,  les  sujétions 
auxquelles  sont  soumis  les  travaux  dans  Paris,  la  nécessité  d'établir  l'accord 
avec  de  nombreux  services,  égouts,  voie  publique.  Exposition,  entraine  des 
retards  inévitables.  Enfin,  aujourd'hui,  toutes  les  entreprises  se  heurtent 
aux  extrêmes  difAcultés  que  l'on  rencontre,  pour  obtenir  l'exécution  régu- 
lière des  marchés  déjà  passés  avec  les  maisons  de  construction  et  les  éta- 
blissements métallurgiques,  et  à  l'impossibilité  presque  absolue  de  faire 
accepter  des  commandes  nouvelles  ou  des  augmentations  aux  commandes 
aniérieures.  Le  développement  anormal  des  travaux  en  France,  coïnci- 
dant avec  une  période  d'activité  au  moins  équivalente  dans  les  pays  voi- 
sins, a  amené  dans  les  industries  métallurgiques  et  dans  l'industrie 
minière  qui  les  alimente,  un  état  de  tension  tel,  que  la  production,  poussée 
partout  jusqu'à  l'extrême  limite  qu'elle  peut  atteindre,  ne  suffit  plus  aux 
besoins.  Tout  ce  qu'on  peut  désirer,  c'est  que  cette  période  de  fiévreuse 
activité  ne  soit  pas  suivie  d'une  crise  trop  redoutable,  lorsque  ceux  de  ces 
besoins  qui  ont  un  caractère  temporaire  auront  prit  fin. 

Les  dépenses  de  matériel  roulant  sont  appelées  également  à  augmenter 
en  1899  et  1900,  en  raison  de  l'importance  des  commandes  en  cours.  La 
situation  des  établissements  industriels,  surchargés  de  travaux  de  toute 
nature,  n'a  pas  toujours  permis  d'obtenir  la  livraison  de  ces  commandes 
aussi  vite  que  l'auraient  désiré  les  administrations  de  chemins  de  fer,  d'au- 
tant plus  gênées  à  cet  égard  qu'elles  se  font  une  règle  de  ne  s^adresser  à 
l'étranger  qu'en  cas  d'impossibilité  absolue  de  passer,  en  France,  les  con- 
trats nécessités  par  le  développement  du  trafic.  Il  est  bien  évident  que 
quand  ce  développement  s'accélère,  comme  en  ce  moment,  on  est  obligé 
de  faire  face  aux  premiers  besoins  en  utilisant  de  son  mieux  l'outillage 
préexistant,  et  qu'il  faut  un  certain  temps  pour  que  les  moyens  d'action 
reçoivent  un  développement  parallèle.  On  ne  saurait,  d'ailleurs,  dire  qu'il 
y  ait  eu,  depuis  un  an  ou  deux,  une  insuffisance  réelle,  car  c'est  seulement 
dans  les  quelques  semaines  où  le  trafic  présente  une  intensité  exception- 
nelle, qu'une  certaine  gêne  s'est  manifestée,  comme  cela  est  inévitable, 
dans  une  industrie  dont  l'activité  varie  beaucoup  d'une  saison  à  l'antre. 

En  présence  des  accusations  formulées  contre  elles  à  cet  égard,  toutes 
les  Compagnies  ont  donné  des  chiffres  mettant  en  relief  l'accroissement 
du  matériel  dans  ces  dernières  années.  Nous  ne  pouvons  les  résumer  ici, 


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R£VU£   DES   QUESTIONS  DE  TRANSPORTS  389 

parce  que  ces  chiffres,  ne  se  rapportant  pas  aux  mêmes  périodes,  ne 
sont  pas   totalisables.  Mais  il  y  a  trois  points  qu'il  importe  de  signaler. 

Le  premier,  c'est  que  les  dépenses  ajoutées  au  compte  de  premier  éta* 
bassement  de  Toutlllage  représentent  bien  une  augmentation  de  sa  puis* 
sance,  car  on  n'y  porte  que  l'excédent  de  la  valeur  du  matériel  mis  en 
service,  chaque  année,  sur  celle  du  matériel  démoli.  Le  contrôle  et  la  com- 
mission de  vérification  des  comptes  des  chemins  de  fer  tiennent  la  main  à 
ce  que  Ton  ne  grossisse  pas  fictivement  le  capital  consacré  au  matériel  rou- 
lant, en  y  laissant  figurer  la  valeur  des  véhicules  qui  cessent  d'être  réelle- 
ment utilisés.  Le  prix  d'achat  de  ces  véhicules  est  remboursé,  chaque  an- 
née, an  compte  d'établissement,  par  le  compte  d'exploitation,  qu'il  grève 
même  souvent  de  sommes  assez  lourdes. 

Le  second,  c'est  que  les  comparaisons  portant  seulement  sur  l'efTectif 
des  machines  et  des  wagons,  que  l'on  fait  souvent  et  que  les  statistiques 
donnent  seules,  ne  sont  nullement  probantes,  car  les  unités  dont  on  com- 
pare ainsi  le  total  sont  singulièrement  différentes.  Le  matériel  nouveau 
comprend  des  wagons  et  des  voitures  de  bien  plus  grandes  dimensions 
que  les  anciens  ;  les  wagons  pouvant  porter  10  tonnes  au  moins  devien- 
nent la  règle,  et  ceux  de  20  tonnes  commencent  à  se  multiplier.  La  puis- 
sance moyenne  de  chaque  machine  s*accroit  dans  a  ne  proportion  plus 
grande  encore,  et  parait  devoir  croître  de  plus  en  plus  :  quand  une  ma- 
chine de  1.000  chevaux  en  remplace  une  de  400,  sans  que  l'effectif  aug- 
mente, la  puissance  de  transport  s'accroît  dans  une  forte  proportion. 

Enfin,  le  développement  des  gares  de  triage  et  les  progrès  de  l'exploita- 
tion permettent  d'assurer  une  rotation  de  plus  en  plus  rapide  du  matériel, 
et  par  suite  de  desservir  des  besoins  de  plus  en  plus  grands,  sans  que  le 
nombre  des  wagons  croisse  proportionnellement  ;  et  il  est  fort  heureux 
qu'il  en  soit  ainsi,  car  si  les  progrès  techniques  ne  compensaient  pas  les 
charges  résultant  des  améliorations  apportées  peu  à  peu  à  la  situation  du 
personnel,  le  prix  de  revient  des  transports  arrêterait  bientôt  l'abais- 
sement des  tarifs. 

Quant  aux  considérations  militaires  que  l'on  fait  volontiers  intervenir 
en  ces  matières,  nous  avouons  n'être  pas  à  même  de  les  discuter  ;  mais 
nous  devons  ajouter  que  ceux  qui  les  invoquent  en  sont  aussi  incapaMes 
que  nous.  Les  comparaisons  avec  les  pays  voisins  ne  prouvent  rien  à  cet 
égard,  puisque  nous  ignorons  totalement  si  l'Allemagne,  de  son  côté,  a 
juste  as^ez  ou  trop  de  matériel  pour  sa  mobilisation.  En  ce  qui  con- 
cerne la  nôtre,  le  plan  des  transports  de  toute  nature  auxquels  elle  donne- 
rait lieu  a  été  arrêté,  avec  le  plus  grand  soin,  par  le  4<>  bureau  de  l'état- 
major  général.  L'affectation  des  machines  et  des  wagons  qui  y  seront 
employés  est  réglée  dans  tous  ses  détails.  Ceux-là  seuls  qui  ont  collaboré 
à  ce  travail  sont  en  mesure  de  dire  si  le  matériel  existant  répond  aux  be- 
soins reconnus.  Ce  qhe  nous  pouvons  affirmer,  c'est  que  s'il  en  était 
autrement,  le  ministère  delà  Guerre  n'aurait  pas  attendu  qu'on  l'y  poussÀt» 
pour  assurer  les  augmentatfons  utiles,  de  même  qu'il  a  su  demander  et 
obtenir  la  construction  de  toutes  les  lignes  nécessaires  à  ses  transports. 

REVUE  POUT.,  T.  XX  26 


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R£VU£   DES  QCESTIOKS   DE  TRANSPORTS  391 

V 

Receliez  et  dépenses  d'exploUation.  •—  Le  tableau  ci-coutre  résume,  à  cet 
égard,  les  chiffres  qui  ûgureut  dans  les  rapports  présentés  par  les  adminis- 
trateurs des  grandes  Compagnies  à  leurs  actionnaires,  en  même  temps 
que  les  résultats  constatés  sur  le  réseau  de  TEtat. 

L*augmentation  des  recettes,  qui  était  de  30  millions  environ  par  an  de 
1893  à  1896,  avait  atteint  39  millions  en  1897  ;  elle  dépasse  49  millions  en 
1898.  Au  point  de  vue  des  éléments  qui  la  constituent,  une  modification, 
qui  avait  commencé  à  se  produire  Tannée  dernière,  s'est  accentuée  :  dans 
les  exercices  antérieurs,  les  transports  de  voyageurs  seuls  présentaient 
une  progression  régulière  ;  la  petite  vitesse,  après  avoir  perdu  14  millions 
de  recettes  de  1891  à  1893,  en  avait  gagné  33  seulement  en  trois  ans,  de 
1893  à  1896.  En  1897,  et  surtout  en  1898,  on  aiconstaté  le  phénomène  in- 
verse; la  petite  vitesse  s'est  développée  plus  que  la  grande. 

Les  transports  de  voyageurs,  malgré  des  circonstances  climatériques 
favorables,  montrent  une  augmentation  de  9  millions  seulement,  inférieure 
de  3  ou  4  millions  à  la  progression  moyenne  des  années  précédentes. 
Les  accessoires  de  grande  vitesse  ne  donnent  que  3  millions  de  plus-value, 
au  lieu  de  6  ou  7.  La  création  >  des  colis  postaux  de  $  à  10  kilogrammes, 
réalisée  à  la  fin  de  Tannée  dernière,  a  amené,  dans  ce  trafic  spécial,  une 
augmentation  de  4  millions  environ  comme  nombre  de  colis,  et  de  5  à  6 
millions  comité  recette  ;  mais  cette  augmentation  a  été  en  partie  com- 
pensée par  une  diminution  dans  les  recettes  de  la  messagerie,  ce  qui  était 
à  prévoir,  puisque  Tunité  de  prix  à  toute  distance,  étendue  à  des  colis 
d'un  poids  déjà  notable,  entraîne  une  forte  réduction,  pour  les  grands 
parcours,  par  rapport  aux  prix  résultant  des  tarifs  kilométriques. 

An  contraire,  pour  la  petite  vitesse,  Taugméntation  de  recettes  est  consi- 
dérable. Elle  avait  atteint  déjà  20  millions  de  francs  en  1897  ;  elle  s'élève  à 
35  millions  en  1898.  Les  transports  de  houille  ont  progressé  plus  encore 
que  Tannée  dernière,  augmentant  de  1.500.000  tonnes  ou  de  5  p.  100.  La 
prospérité  continue  de  Tindustrie  métallurgique  donne  une  augmentation 
de  400.000  tonnes  de  fontes,  fers, aciers,  etc.,  tandis  que  les  minerais  pré- 
sentent une  diminution  presque  égale  comme  tonnage,  quoique  bien 
moins  importante  comme  recette,  explicable  par  ce  fait  que,  de  plus  en 
plus,  les  hauts  fourneaux  se  concentrent  dans  les  régions  minières  où  le 
traitement  peut  se  faire  sur  place.  Les  autres  industries,  dans  Tensemble, 
ne  donnent  pas  une  progression  bien  marquée,  notamment  dans  la  rég^n 
du  Nord.  Les  transports  de  céréales,  en  augmentation  de  1.100.000  tonnes, 
rattrapent  largement  la  perte  constatée  en  1897.  Au  début  de  Tannée,  Tim- 
portation  nécessaire  pour  combler  le  déûeit  de  la  récolte  de  1897  a  encore 
donné  un  mouvement  assez  actif  sur  TOuest  ;  mais  c'est  surtout  Tabon- 
dance  de  la  récolte  de  4898  qui  a  amené  un  développement  général  du 
trafic.  Les  transports  de  vins  ont  également  donné  une  augmentation  con- 
sidérable sur  les  réseaux  du  Midi  et  de  P.  L.  M.,  représentant  330.000 
tonnes  comme  quantités,  et  plus  de  6  millions  comme  recettes.  Bien  que  la 
récolte  n'ait  pas  atteint,  au  total,  un  chiffre  exceptionnel,  comme  elle  a 
été  abondante  surtout  dans  l'Aude,  THérault,  le  Gard  et  lo  Yar,  tandis 


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392  KKV€E  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS 

qu*il  y  avait  déficit  dans  les  régions  moins  méridionales,  la  longueur  des 
transports  nécessaires  pour  alimenter  la  région  de  Paris  a  amené  une  plus- 
value  de  recettes  marquée.  Les  transports  d'engrais  et  de  matériaux  de 
construction  sont  aussi  en  forte  augmentation. 

L'augmentation  des  quantités  transportées  a  été  d'autant  plus  considé- 
rable, qu'elle  a  été  accompagnée  d'un  abaissement  sensible  dans  le  prix 
moyen  payé  pour  le  transport  d'une  tonne  à  un  kilomètre.  Cet  abaisse- 
ment est  sans  doute  dû  en  partie  au  développement  du  transport  des  mar- 
chandises pondéreuses,  qui  sont  naturellement  celles  auxquelles  s'appli- 
quent les  prix  les  plus  bas,  de  sorte  qu'avec  les  mêmes  tarifs,  le  prix 
moyen,  pour  l'ensemble  des  marchandises,  est  d'autant  plus  faible  que  la 
proportion  pour  laquelle  ces  transports  figurent  dans  le  trafic  est  plus 
forte.  Cependant,  la  proportion,  à  cet  égard,  n'a  pas  été  très  notablement 
modifiée,  car  à  côté  de  la  progression  du  trafic  des  houilles,  nous  trouvons 
une  baisse  notable  sur  les  minerais,  qui  sont  peut-être  les  transports  aux- 
quels s'appliquent  les  tarifs  les  plus  bas,  et  une  hausse  notable  sur  les 
produits  de  valeur  moyenne,  comme  les  céréales,  les  vins  et  les  métaux. 
Les  réductions  de  tarifs  ont  certainement  joué  aussi  un  rôle  important, 
notamment  sur  le  Midi.  Les  diminutions  constatées  sur  les  divers  réseaux 
paraissent  donner  an  total  un  abaissement  de  0  c.  12  environ  dans  le  prix 
de  la  tonne  kilométrique,  soit  2  à  2,5  p.  100  du  tarif  moyen.  Pour  les  voya- 
geurs, la  réduction  moyenne  serait  d'environ  0  c.  06  par  kilomètre  par- 
couru, ou  de  1,5  à  2  p.  100. 

L'augmentation  considérable  dans  les  quantités  transportées,  qui  a  été 
nécessaire  pour  amener  une  augmentation  de  3,5  p.  100  dans  les  recettes, 
concuremment  avec  un  abaissement  de  2  p.  100  dans  le  prix  moyen  des  trans- 
ports, explique  que  les  dépenses  aient  dû  subir  un  accroissement  sensible. 
Cet  accroissement  a  atteint  29  millions,  ou  4  p.  100  environ.  C'est  là  un  fait 
nouveau,  car  depuis  1893,  grâce  aux  efforts  réalisés  pour  exploiter  plus 
économiquement,  on  avait  réussi  à  faire  face  au  développement  du  trafic 
presque  sans  augmentation  de  dépenses,  ce  qui  explique  l'amélioration 
considérable  du  produit  net  et  de  la  situation  financière.  Sans  doute,  c'est 
là  une  situation  qui  ne  peut  se  maintenir  indéfiniment.  D'une  part,  l'ac- 
croissement du  trafic  oblige  à  augmenter  le  parcours  kilométrique  des 
trains  ;  d'autre  part,  les  améliorations  constantes  apportées  à  la  situation 
du  personnel,  au  point  de  vue  notamment  des  allocations  accessoires  et  de 
l'organisation  du  travail,  entraîne  des  frais  considérables.  En  outre,  la 
hausse  du  prix  des  combustibles  commence  à  exercer  une  influence  sen- 
sible, qui  va  sans  doute  s'accentuer  dans  les  années  prochaines.  Enfin  l'im- 
putation, au  compte  d'exploitation,  delà  valeur  du  vieux  matériel  démoli, 
a  grevé  l'exercice  de  dépenses  particulièrement  importantes.  Cependant,  il 
semble  que  l'augmentation  des  dépenses  ait  été  un  peu  forte  sur  le  réseau 
P.  L.  M.,  qui  donne  près  de  moitié  du  total,  tandis  qu'il  n'entre  dans  l'ac- 
croissement de  la  recette  que  pour  un  tiers.  Il  importe  beaucoup  à  l'avenir 
financier  des  chemins  de  fer  que  les  Compagnies  évitent  le  relâchement 
dans  la  dépense,  qui  est  l'écueil  ordinaire  des  périodes  de  prospérité,  car 


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I 


REVUE  D£S  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS  393 

rien  n*est  plus  difficile  que  de  revenir  à  une  gestion  plus  serrée,  quand 
ensuite  vient  le  moment  où  cette  prospérité  ne  ralentit. 

U  résulte  de  là  que,  malgré  Fimportance  des  plus-values,  le  produit  net 
total  de  Tensemble  du  réseau  n'a  augmenté  que  de  20  millions,  tandis  que 
l'augmentation  moyenne  des  années  antérieures  était  de  30  millions. 
Gonune,  d'autre  part,  les  charges  des  emprunts  croissent  chaque  année  de 
quelques  millions,  à  raison  des  dépenses  imputées  l'année  précédente  au 
compte  d'étabUssement,  Taccroissement  des  disponibilités  n'a  pas  suivi 
celui  des  recettes.  Si,  néanmoins,  au  point  de  vue  des  rapports  financiers 
avec  le  Trésor,  Tamélioration  est  sensible,  cela  tient  à  ce  que  c'est  surfout 
sur  les  réseaux  qui  n'ont  pas  de  dette  envers  l'Eti^t,  le  Nord  et  le  P.L.M., 
que  les  plus-values  ont  été  absorbées  par  les  charges  nouvelles.  Ce  fait 
montre  bien  que  les  Compagnies  pour  lesquelles  les  résultats  actuels  de 
l'exploitation  touchent  le  Trésor  plus  que  les  actionnaires,  sont  loin  de  se 
désintéresser,  pour  cela,  de  leur  situation  financière,  et  font,  dans  un  inté- 
rêt d'avenir,  les  efforts  les  plus  grands  pour  ne  pas  accroître  ou  pour,  atté- 
nuer leur  dette. 

Situation  particulière  des  différents  réseaux.  —  Les  chemins  de  fer  de 
l'Etat  ont  augmenté  leurs  recettes  de  i  .800.000  francs  et  leurs  dépenses  de 
200.000  francs  seulement.  L'accroissement,  sensible  surtout  sur  la  petite 
vitesse,  a  porté  sur  toutes  les  branches  du  trafic,  dont  les  produits  agricoles 
forment  l'élément  de  beaucoup  prépondérant. 

Sur  le  Nord,  dans  une  augmentation  totale  des  recettes  de  6.300.000  fr., 
les  houilles  entrent  pour  2.700.000  francs,  doit  pour  3/7  environ,  avec  un 
accroissement  de  800.000  tonnes  sur  les  quantités  expédiées.  Cet  accrois- 
sement provient  surtout  des  expéditions  à  destination  des  réseaux  voisins, 
c'est-à-dire  de  l'expansion  des  houilles  françaises,  dont  la  production  con- 
sidérablement accrue  ne  suffit  néanmoins  pas  aux  demandes.  Les  dépenses 
ont  augmenté  de  plus  de  5  millions,  tenant  surtout  aux  mesures  prises  en 
faveur  du  personnel,  à  Taugmentation  des  quantités  transportées,  au  ren^ 
forcement  des  voies.  Le  produit  net  disponible,  après  acquittement  des 
charges  des  emprunts,  n'a  dépassé  que  de  400.000  francs  celui  de  l'année 
dernière.  La  Compagnie,  qui  avait  prélevé,  dans  les  3  derniers  exercices, 
40  millions  sur  ses  bénéfices,  pour  accroître  les  provisions  constituées  en 
vue  du  service  des  retraites,  a  pu  augmenter  son  dividende  de  3  francs, 
tout  en  portant  à  ses  réserves  des  sommes  représentant  une  quinzaine  de 
francs  par  action. 

La  Compagnie  de  l'Est  a  augmenté  ses  recettes  de  5  millions,  et  ses  dé- 
penses de  2  millions  seulement,  dus  en  grande  .partie  aux  travaux  de 
réfection  des  tunnels  de  Montmédy  et  de  Chézy,  où  des  accidents  s'étaient 
produits.  Elle  a  réduit  de  plus  de  3  millions  l'appel  fait  à  la  garantie  de 
l'Etat.  La  situation  de  l'industrie  métallurgique,  qui  joue  un  rôle  si  con- 
sidérable dans  la  prospérité  de  la  région  qu'elle  dessert,  permet  d'envi- 
sager comme  prochaine  l'époque  où  les  recettes  du  trafic  suffiront  à  cou- 
vrir le  revenu  garanti. 


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394  REVUE  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS 

Snr  rOnest,  Taugmentation  des  recettes  a  atteint  6.S00.000  francs.  Les 
voyageurs,  qui  constituent  une  part  si  intportante  du  trafic  de  ce  réseau, 
n'y  entrent  que  pour  4  million,  tandis  que  les  marchandises,  en  grande  et 
en  petite  vitesse,  sont  en  progrès  marqué.  Les  céréales  seules  ont 
donné  4 .700.000  francs  de  plus  values.  Les  pommes  ont  donné,  dans  quel- 
ques régions  seulement,  une  augmentation  notable,  avec  les  difficultés  de 
service  qui  accompagnent  toujours  les  bonnes  récoltes  de  ce  produit,  don- 
nant lieu  à  des  transports  concentrés  sur  une  très  courte  période. 

Les  dépenses  n'ont  augmenté  que  de  1.700.000  francs,  grâce  à  de  nou- 
velles améliorations  introduites  dans  le  service  de  la  Toie  et  dans  celui 
de  la  traction.  Les  attaques  dont  Fadministration  de  TOuest  a  été  Fobjet 
dans  ces  dernières  années,  et  qui  malgré  leur  caractère  tout  à  fût  excessif, 
n'étaient  pas  sans  quelque  fondement,  ont  amené  cette  administration  à 
faire  des  efforts  considérables  pour  améliorer  ses  services,  et  Teffet  en  est 
sensible.  La  garantie  d'intérêts,  qui  était  encore  de  prés  de  14  millions 
en  1897,  tombe  en  1898  à  9.600.000  francs  seulement. 

Les  dépenses  en  travaux  nécessitées  par  la  nouvelle  gare  des  Invalides 
et  par  les  lignes  qui  doivent  y  amener  les  trains  venant  de  la  Ceinture,  de 
la  Bretagne  et  de  la  Normandie,  dépasseront  les  prévisions  primitives,  en 
raison  des  difficultés  rencontrées,  notamment  dans  les  souterrains.  On  sait 
que  la  convention  approuvée  en  1897  a  décidé  l'imputation  de  ces  tra- 
vaux sur  les  160  millions  que  la  Compagnies  s'était  engagée  à  fournir  en 
remboursement  de  sa  dette.  Il  semble  bien  que  leur  montant  excédera 
sensiblement  les  disponibilités  que  présentait  le  compte  des  160  millions; 
mais  la  convention  a  mis  tous  les  dépassements  éventuels  à  la  charge  de 
la  Compagnie.  Ces  travaux,  ceux  de  la  gare  Montparnasse  et  des  double- 
ments de  voie  en  Bretagne  et  en  Normandie,  grossissent  considérablement 
les  émissions  d'obligations;  mais  ils  rendent  possibles  des  améliorations 
de  service  qui  pourront  être  très  rémunératrices.  L'achèvement  prochain 
des  gares  de  triage  indispensables  facilitera  les  services  des  marchandises. 
Enfin  les  travaux  de  réfection  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  d'art  et  de 
voies,  qui  ont  lourdement  grevé  les  derniers  exercices,  sont  maintenant 
assez  avancés.  Le  Conseil  d'Administration  de  la  Compagnie  exprime 
l'espoir  qu'a  partir  de  1905,  elle  ne  fera  plus  appel  à  la  garantie*  Sans 
oser  prophétiser,  en  des  matières  où  les  espérances  les  mieux  justifiées  ont 
donné  lieu  &  tant  de  déceptions,  on  doit  reconnaître  que  les  faits  actuels 
permettraient  de  considérer  ces  prévisions  comme  n'étant  pas  entachées 
d'un  optimisme  exagéré. 

La  Compagnie  d'Orlt'^ans  a  aussi  de  fortes  dépenses  en  cours,  pour  le 
prolongement  de  sa  ligne  principale  jusqu'au  quai  d'Orsay.  Elle  a  réalisé, 
çn  1898,  6.500.000  francs  d'augmentation  de  recette  brute,  en  regard  d'une 
augmentation  de  dépenses  de  1 .200.000  francs.  L'élément  principal  des 
plus-values  a  été  le  trafic  des  céréales,  favorisé  par  l'abaissement  des  prix 
pour  les  grands  parcours,  soit  intérieurs,  soit  communs  avec  les  réseaux 
voisins. 

Pour  les  deux  exercices  précédents,  la  Compagnie  avait  tiré   de  son 


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REVUE  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS  395 

traûc  un  rêve  ou  net  sensiblement  égal  à.  celui  qui  lui  est  garanti  par 
l'Etat  ;  en  1898,  elle  a  eu  un  excédent  de  4  millions  à  verser  au  Trésor,  en 
atténuation  des  intérêts  de  la  dette  qu'elle  a  contractée  depuis  1883,  inté- 
rêts qui  atteignent  près  de  6  millions  par  an.  Les  insuffisances  des  lignes 
achevées  depuis  moins  de  cinq  ans,  dont  les  charges  s'ajoutent  encore  au 
compte  d'établissement,  sont  inférieures  à  5  millions;  il  est  assez  proba- 
ble que,  dès  cette  année,  la  Compagnie  réalisera,  sur  les  lignes  plus 
anciennes,  un  excédent  suffisant  pour  couvrir  cette  somme.  Elle  n'aura 
donc  plus  de  véritable  déficit;  mais  il  lui  restera  à  rembourser  à  l'Etat  niie 
dette  dont  le  montant  total  est  de  190  millions.  Il  lui  faudrait  donc  encore 
d'importantes  plus-values,  pour  éteindre  cette  dette,  soit  par  le  fonctionne- 
ment normal  des  conventions  actuelles,  soit  par  un  remboursement 
anticipé,  analogue  à  celui  que  la  Compagnie  de  Lyon  a  effectué  en  1897, 
en  compensant  sa  dette  avec  une  partie  des  avances  remboursables  en 
annuités  qu*elle  avait  faites  à  l'Etat,  en  vertu  des  cunventions  de  1883. 

La  Compagnie  de  Lyon  n'a  pas  seulement  éteint  sa  dette  ;  elle  arrive,  en 
1898,  au  partage  des  bénéfices  avecl*Etat,  qui  recevra  de  ce  chef  1 50.000  fr. 
Une  convention  nouvelle  a  clos  définitivement  le  compte  d'exploitation  par- 
tielle, qui  aurait  eu  un  excédent  de  recettes  de  2  millions,  dû  à  la  ligne  de 
Corbeil-Montereau,  sur  laquelle  se  reporte  une  partie  du  trafic  de  la  grande 
artère  du  réseau.  Grâce  à  la  réunion  de  ces  bénéfices  à  ceux  des  lignes 
anciennes,  le  point  de  partage  a  été  atteint,  sinon  largement  franchi. 

Les  résultats  n'ont  cependant  pas  été  ceux  qu'avait  fait  espérer  l'aug- 
mentation de  près  de  18  millions  constatée  dans  les  recettes,*  et  due 
presque  toute  entière  à  la  petite  vitesse,  notamment  aux  blés,  aux  vins, 
aux  matériaux  de  construction  et  aux  produits  métallurgiques.  Une  aug- 
mentation de  près  de  15  millions  dans  les  dépenses  a  absorbé  la  majeure 
partie  de  ce  bénéfice.  Indépendamment  des  causes  d'accroissement  com- 
munes à  tous  les  réseaux,  et  de  près  de  2  millions  de  charges  provenant 
d'accidents  exceptionnels,  la  grande  source  de  dépenses  nouvelles  a  été 
Taugmentation  du  parcours  des  trains.  Elle  a  atteint  près  de  7  millions  de 
kilomètres,  chiffre  supérieur  à  celui  des  augmentations  constatées  sur  tous 
les  autres  réseaux  réunis,  et  représentant  plus  de  9  p.  100  du  parcours  de 
1897.  Les  deux  tiers  de  cette  augmentation  ont  été  causés,  non  par  le  sur- 
croît de  transports  à  effectuer,  mais  par  le  désir  d'améliorer  le  service  des 
voyageurs;  et,  chose  remarquable,  qui  montre  bien  à  quel  point  il  est 
délicat  de  toucher  aux  habitudes  du  public,  les  nombreux  remaniements 
d'horaires  effectués  dans  ces  circonstances,  ont  soulevé  presque  autant  de 
récriminations  que  ceux  qui  avaient  été  opérés,  il  y  a  quelque^  années, 
pour  réduire  le  parcours  de^  trains  dans  un  but  d'économie.  Les  nouveaux 
horaires,  mis  en  vigueur  ai|  1^'  juillet,  vont  encore  accroître  sensiblement 
les  dépenses  du  premi^  semestre  de  1899. 

Bien  que  le  dividende  réseirvé  avant  partage  soit  de  67  fr.  50,  la  Compa- 
gnie s'est  bornée  à  porter  le  dividende  distribué  k  57  francs,  affectant  le 
surplus  à  couvrir  les  rectifications  des  comptes  antérieurs  résultant  du  fait 
que,  sur  plusieurs  points  importants,  eUe  a  perdu  les  procès  engagés  devant 


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896  BEVUE  DES  QUESTIONS  DE  TRANSPORTS 

le  Conseil  d'Etat,  au  sujet  de  la  répartition,  entre  elle  etTEtat,  des  dépenses 
d'établissement  des  lignes  concédées  en  1883. 

Les  résultats  de  la  Compagnie  du  Midi  étaient  particulièrement  intéres- 
sants, en  raison  de  l'influence  que  devait  exercer  sur  ses  recettes  la  sup- 
pression des  péages  sur  les  canaux,  réalisée  à  partir  du  l'''  juillet.  A  rai- 
son de  cette  date,  la  perte  se  partage  entre  deux  exercices.  Grâce  au  pro- 
digieux essor  que  le  trafic  a  pris  depuis  quelques  années  dans  la  région, 
la  Compagnie  parait  devoir  la  supporter  avec  un  simple  ralentissement 
dans  le  progrès  des  recettes,  mais  sans  recul  réel.  Le  premier  semestre 
de  1898  avait  donné  3.600.000  francs  de  plus-values  ;  le  second  n'en  donne  que 
600.000  francs,  mais  il  n'y  a  pas  eu  de  diminution.  Le  manque  à  gagner 
provient  beaucoup  moins  de  la  réduction  du  trafic,  que  de  rabaissement 
considérable  qui  a  dû  être  apporté  aux  tarifs  de  la  ligne  de  Bordeaux  à 
Cette,  pour  soutenir  la  concurrence  d'une  voie  navigable  exempte  de  tout 
péage,  absolument  juxtaposée  au  chemin  de  fer.  La  Compagnie  évalue  ù 
près  de  3  millions  la  difi'érence  de  recettes  résultant  de  l'application  des 
nouveaux  tarifs,  au  lieu  des  anciens,  au  trafic  constaté  dans  le  2"  semestre 
de  1898.  Nous  avons  expliqué,  l'année  dernière,  que  ces  tarifs  accordent 
à  beaucoup  de  produits  de  valeur  moyenne,  blés,  vins,  etc.,  des  prix  dont 
la  base  kilométrique  moyenne  est  celle  des  tarifs  appliqués  en  général 
aux  produits  les  plus  pondéreux,  et  qui  descendent,  par  exemple,  au  ni- 
veau de  ceux  que  paient  les  houilles  sur  le  réseau  du  Nord. 

La  plps-value  annuelle  totale  de  4.200.000  francs  provient  surtout  de  la 
petite  vitesse,  et  principalement  du  transport  des  vins  de  TAude  et  de 
l'Hérault.  Elle  est  en  partie  compensée  par  une  augmentation  de 
2.600.000  francs  dans  les  dépenses,  que  l'on  doit  considérer  comme  faible, 
si  l'on  songe  à  l'énorme  augmentation  de  transports  qu'il  a  fallu,  pour  réa- 
liser cette  augmentation  avec  une  baisse,  dans  le  tarif  moyen,  qui  s'élève 
à  0  c.  26  par  tonne,  ou  à  5  p.  100  du  prix  moyen  de  l'année  précédente.    . 

L'appel  fait  à  la  garantie  de  l'Ëtat  est  tombé  au-dessous  de  2  millions. 
L'ère  du  remboursement  se  serait  ouverte  celte  année, si l'afiTranchissement 
des  canaux  n'y  avait  mis  obstacle.  11  semble,  jusqu'ici,  que  le  1°'  semestre 
de  4899  supporte  également  la  part  de  perte  qui  lui  incombe  sans  trop  de 
fléchissement,  et  que,  grâce  au  retour  de  prospérité  que  la  reconstitution 
du  vignoble  a  procuré  à  tout  le  Midi,  les  conséquences  du  rachat  des  canaux 
se  traduiront  plutôt  par  un  retard  dans  le  remboursement  de  la  garantie, 
que  par  un  appel  supplémentaire  aux  avances  de  l'Etat. 

Comparaison  avec  les  chemins  de  fer  anglais  et  allemands.  —  Si  les 
plus-values  de  recettes  vont  en  s'accen tuant  en  France,  elles  restent  encore 
bien  inférieures  à  celles  que  l'essor  de  l'industrie  procure  aux  réseaux  an- 
glais et  allemands.  Le  tableau  ci-après  montre  l'importance  de  la  progres- 
sion constatée  dans  ces  deux  pays,  et  permet  de  voir  qu'elle  n'a  pas 
un  caractère  accidentel.  Comme  le  disait  récemment  au  parlement  le  mi- 
nistre des  Travaux  publics  de  Prusse,  si  l'on  ne  peut  considérer  ces  plus- 


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398  REVUE   DES   QUESTIONS   DE   TRANSPORTS 

values  comme  un  phénomène  permanent,  rien  nindique  encore  rapproche 
d'une  période  de  ralentissement. 

L'augmentation  des  recettes  de  1S98,  sur  celles  de  1897,  est  de  9^  mil- 
lions en  Angleterre,  de  112  millions  en  Allemagne;  dans  Tun  et  Tautre 
pays,  elle  est  plus  élevée  que  chez  nous,  en  valeur  relative  comme  en  valeur 
)Bd>3olue. 

Parmi  les  arguments  fournis  à  Tappuî  d'un  projet  récent  de  rachat  d'une 
partie  de  nos  chemins  de  fer,  on  invoquait  cette  infériorité  de  leurs  re- 
cettes, en  Tattrihuant  au  régime  auquel  ils  sont  soumis.  A  prton,  il 
semble  singulier  de  trouver  un  argument  en  faveur  du  rachat  dans  une 
comparaison  qui  mettrait  en  relief,  à  la  fois,  la  supériorité  des  chemins 
de  fer  anglais  et  celte  des  chemins  dé  feri  allemands,  puisque  le  régime 
qui  est  appliqué  aux  uns  diffère  totalement  de  celui  des  autres.  Il  serait 
bien  étonnant  que  les  divergences,  de  sens  exactement  invej'se,  que  ces 
deux  régimes  présentent  par  raf^ort  au  nôtre,  fussent  la  cause  véritable 
des  divergences,  de  même  sens,  que  Ton  trouve  quand  on  compare  les  ré- 
sultats d'exploitation  des  deux  pays  à  ceux  de  la  France.  Si  le  système  des 
Compagnies  contrôlées,  qui  existe  chez  nous,  donne  des  résultats  moins 
bons  que  celui  des  Compagnies  à  peu  près  indépendantes,  qut  subsiste  en 
Angleterre,  et  que  celui  de  l'exploitation  par  l'Etat,  qu'a  adopté  l'Alle- 
magne, c'est  apparemment  que  cette  infériorité  tient  à  de  tout  autres 
causes  qu'au  régime  des  chemins  de  fer.  Malheureusement,  quand  on  suit 
les  diverses  manifestations  du  mouvement  économique,  quand  on  compare, 
par  exemple,  pour  plusieurs  années  successives,  les  chiffres  du  commerce 
extérieur  ou  du  mouvement  maritime,  le  montant  des  émissions  de  va- 
leurs industrielles  ou  des  affaires  faites  par  les  banques,  on  constate,  à  tous 
les  points  de  vue,  la  même  différence  :  une  progresion  moins  rapide  en 
Fra^nce  qu'en  Angleterre  ou.  en  Allemagne.  Si  le  trafic  des  chemins  de  fer 
;preud  également  un  essor  moindre,  c'est  l'un  des  effets  d'une  situation 
générale  tenant  à  des  causes  multiples,  parmi  lesquelles  le  poids  des  im- 
pôts, notamment,  nous  parait  jouer  un  rôle  bien  plus  considérable  que 
celui  des  tarifs. 

Il  n'est,  d'ailleurs,  nullement  exact  que  les  tarifs  soient  chez  nous  plus 
élevés  que  dans  Içs  pays  rivaux.  Les  statistiques  anglaises  ne  donnent  au- 
cun chiffre  permettant  d'établir  une  comparaison  générale  ;  mais  presque 
tous  les  auteurs  qui  ont  établi  des  comparaisons  de  détail  inclinent  à  pen- 
ser que  les  prix  de  transport  par  chemin  de  fer  sont  généralement  plus 
élevés  en  Angleterre  qu'en  France.  En  Allemagne,  la.  taxe  kilométrique 
moyenne,  pour  l'exercice  1897-98,  a  été  de  3  c.  51  pour  les  voyageurs  et  de 
4.  63  pour  les  marchandises.  En  France,  la  moyenne  entre  les  chiffres  affé- 
rents aux  deux  exercices  correspondants  paraît  être  de  3  c.  74  pour  les 
voyageurs  et  de  4  c.  98  pour  les  marchandises^  ce  qui  fait  une  différence, 
entre  la  taxe  moyenne  des  deux  pays,  de  6  p.  100  pour  les  voyageurs,  et  de 
7  p.  100  pour  les  marchandises. 

Mais  lesmoyennes  ne  prouvent  rien,  si  on  ne  connaît  pas  la  composition 
du  trafic  auquel  elles  s'appliquent,  et  les  conditions  des  transports.  C'est 


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R£VIIE   DES   QUESTIONS   DE   TRANSPORTS  39 ^^ 

ainsi,  qu'en  France,  les  chiffres  donnés  au  tableau  de  la  page  390  sembleraient 
indiquer  que  le  réseau  d'Etat  a  des  tarifs  plus  élevés  que  toutes  les  grandes 
compagnies,  quand  tout  le  monde  sent  que  les  tarif»  de  c^  téteau  sont 
plutAt  bas,  et  que  c'est  la  conlposHion  du'  trafic,  dans  lequel  entrent  peu 
de  matières  pondéreuses,  qui  donne  une  moyenne  élevée* 

Or,  en  Allemagne,  pour  les  voyageurs,  30  p.  100  des  transports  s'effectuent 
en  4*  classe,  dans  des  conditions  qui  ne  sont  nullement  comparables  à 
celles  que  Ton  rencontre  en  France.  Pour  les  marchandises,  la  compo- 
sition du  trafic  est  essentiéHement  différonte.  Sans  parler  des  betteraves^ 
des  minerais,  etc.,  qui  donnent  lieu  chez  nos  voisins,  à  des  transports 
bien  plus  importants  que  chez  nous,  les  combustibles  minéraux  seuls 
suffiraient  presque  à  expliquer  l'écart.  Grâce  à  la  puissance  des  gise- 
ments houillers,  ils  fournissent,  en  Allemagne,  44  p.  100  environ  du 
trafic  total,  tandis  qu'en  France  ils  y  figurent  pour  moins  de  31  p.  100. 
Si  l'on  admet  que  le  tarif  moyen  appliqué  aux  houilles  est  inférieur  d'un 
tiers  à  celui  des  autres  marchandises,  ce  qui  est  certainement  un  écart  in- 
férieur à  celui  qui  existe  en  réalité,  cette  différence  seule  suffirait,  avec  des 
tarifs  égaux,  pour  amener  un  écart  d*au  moins  5  p.  100  dans  la  taxe 
moyenne  ressortissant,  pour  les  deux  pays,  de  l'ensemble  du  trafic.  D'un 
autre  côté,  les  tarifs  allemands  obligent  le  public  à  recourir,  pour  la  plu- 
part des  expéditions  de  détail,  à  l'intermédiaire  des  groupeurs,  et  les  ex- 
péditeurs subissent  de  ce  chef  un  accroissement  de  charges,  dont  il  fau- 
drait également  tenir  compte  pour  faire  une  comparaison  exacte.  Au  total, 
il  semble  bien  ressortir  des  statistiques,  quand  on  en  étudie  les  éléments, 
que  les  tarifs  des  deux  pays  sont  à  peu  près  équivalents,  et  il  serait  trè& 
difficile  de  dire  dans  quel  sens  est  la  différence  minime  qui  peut  exister, 
s'il  y  en*a  une. 

Sans  doute,  on  peut  encore  réaliser,  sur  nos  chemins  de  fer,  bien  des 
abaissements  de  nature  à  développer  le  trafic  ;  mais  ce  serait  se  faire  de 
singulières  illusions,  que  d'attendre  d'un  changement  dans  le  régime  légal 
ou  dans  la  tarification  de^otre  réseau,  une  amélioration  des  résultats  fi- 
nanciers de  l'exploitation  suffisante  pour  compenser  les  charges  du  rachat. 
Les  résultats  obtenus  dans  les  dernières  années  sont  plutôt  satisfaisants  ; 
ils  pourront  devenir  meilleurs  encore.  Mais  ce  qu'il  faudrait,  pour  accélé- 
rer la  progression,  ce  serait  surtout  que  les  lourdes  charges  pesant  sur  la 
production  nationale  fussent  allégées;  or,  il  semble  douteux  qa*on  obtienne 
ce  résultat,  en  ajoutant  le  nombreux  personnel  des  chemins  de  fer  à  l'ar- 
mée de  fonctionnaires  que  nous  voyons  chaque  année,  au  momentrdu 
vote  du  budget,  solliciter  des  augmentations  de  traitement  qui  viennent 
accroître  le  poids  tles  impôts. 

G.  GOLSQN. 


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LA 

VIE  POLITIOll  ET  PARLEMENTAIRE  A  LtTRANGER 


I.  —  ESPAGNE 

Par  M.  J.  SANCHEZ  GUERRA,  membre  des  Cortès  espagnoles. 

1<>  Chronique  politique  et  parlementaire. 

Il  y  a  environ  un  an  que  j'ai  envoyé  ma  dernière  chronique  à  la  Revue 
politique  et  parlementaire.  A  cette  époque,  l'Espagne  était  menacée  de 
périls  susceptibles  de  compromettre  gravement  son  avenir  historique  dans 
les  mers  de  TOrient  et  de  TOccident.  Les  exigences  des  Américains  du 
nord  s'étaient  accrues  et  les  Espagnols  étaientabreuvés  d'humiliations;  les 
uns  se  préparaient  à  lancer  une  provocation  déQnitive,  les  autres  se  dispo- 
saient à  la  résistance,  tirant  des  forces  de  leur  faiblesse  et  prêts  à  se 
sacrifier  en  holocauste  à  Thonneur  national  compromis  par  les  cartels 
du  plus  fort. 

D'avril  à  avril,  le  désastre  a  été  consommé!  Terrible  a  été  l'année 
écoulée  pour  la  patrie  espagole  I  Notre  situation  désespérée  n'était  bien 
connue  que  dans  nos  foyers.  L'immensifé  de  notre  désastre  ne  l'a  rendue  j 

que  trop  publique  !  Telle  est  la  cause  de  mon  long  silence  ;  mais  l'inacti-  | 

vite  du  chroniqueur  lui  était  imposée,  celte  fois,  par  le  deuil  qui  accablait 
nos  coeurs,  dans  les  jours  d'infortune  qui  se  sont  écoulés  depuis  lors. 

J'ai  peu  de  chose  à  dire  de  la  guerre.  Les  péripéties  sont  connues  de  tous 
et  le  récit  détaillé  que  je  pourrais  en  faire  présenterait,  aujourd'hui,  un 
intérêt  rétrospectif  très  médiore.  Il  convient,  toutefois,  de  rappeler  que, 
dans  notre  pays,  l'opinion  sensée,  non  pas  celle  qui  bouillonne  dans  les 
cercles  politiques,  qui  se  manifeste  dans  les  déclamations  des  cafés  ou  qui 
se  colporte  dans  la  rue,  la  vit  venir  sans  enthousiasme  et  l'accepta  comme 
un  sacrifice,  terrible  à  la  vérité,  mais  nécessaire.  Une  faible  partie  du  i 

public  seulement,  encouragée  par  la  presse  qui,  mal  conseillée,  attisait 
les  passions  d'une  façon  téméraire,  aux  moments  les  plus  critiques  du 
conflit,  s'agitait  dans  les  principales  villes  du  royaume  et  évoquait,  dans 
des  meetings  ou  des  réunions,  nos  anciennes  épopées  guerrières,  imagi- 
nait les  épopées  les  plus  satisfaisantes  pour  le  dénouement  de  la  grande 
tragédie  qui  allait  se  jouer.  Les  Espagnols  ont  toujours  commencé  leurs 
guerres  internationales  avec  un  enthousiasme  effervescent,  les  différentes 
olasses  de  la  nation  renchérissant  les  unes  sur  les  autres,  de  la  façon  la 
plus  hardie,  au  point  de  vue  de  l'abnégation  et  du  sacriflce.  Lorsque  le 
général  O'Donnel,  alors  chef  du  gouvernement,  communiqua  aux  Cortès 
la  déclaration  de  guerre  adressée  à  l'Empereur  du  Maroc,  les  représen- 


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ESPAGNE  401 

tants  du  pays  et  le  public  des  tribunes  joignirent  leurs  acclamations  belli- 
queuses et  accueillirent  avec  des  applaudissements  frénétiques  les  déclara- 
tions par  lesquelles  les  chefs  des  diverses  oppositions  encouragèrent  le  gou- 
vernement à  poursuivre  son  entreprise.  Le  souvenir  de  cette  séance  étant 
encore  vivant,  car  c'est  une  de  'celles  où  l'éloquence  espagnole  brilla  du 
plus  vif  éclat,  le  ^contraste  n'était  que  plus  sensible  entre  Tardeur  patrio- 
tique de  cette  époque  et  la  froideur  et  Finquiétude  qui  s'emparèrent  de 
tous  les  esprits,  lorsque  M.  Sagasta  rendit  compte  au  Parlement  de  la 
rupture  des  relations  amicales  avec  les  Etats-Unis.  Le  sentiment  général 
était  que  nous  étions  pris  au  dépourvu  par  cette  nouvelle  guerre  ;  il  parais- 
sait évident  que  notre  Trésor  épuisé  ne  nous  permettrait  pas  de  la  pour- 
suivre jusqu'au  succès  final  ;  et  comme  on  était  convaincu  qu'elle  nous 
était  imposée  par  notre  adversaire,  on  ne  formulait  aucun  reproche  contre 
le  Gouvernement  pour  ne  l'avoir  point  évitée,  bien  qu'on  l'accusât  d'avoir 
trop  négligé,  avant  cet  événement,  ce  qui  concernait  la  défense  du  pays. 
On  remit  ses  passeports  h  M.  Woodford,  et  les  deux  puissances  se  trou- 
vèrent, de  fait,  en  état  de  guerre.  Mais,  tandis  que  les  Etats-Unis  com- 
mençaient à  mettre  à  exécution  une  pensée  mûrement  conçue,  en  faisant 
mouvoir  les  premiers  pions  sur  l'échiquier,  en  Espagne,  tout  se  borna  à 
des  réunions  précipitées  d'amiraux  ayant  pour  but  d'improviser  des  plans 
d*opération,  et  à  des  séances  du  Conseil  des  ministres  dans  lesquelles  on 
prétendait,  à  tort  ou  à  travers,  remédier  à  des  choses  sans  remède.  On 
ignorait  si  la  guerre  serait  offensive  ou  défensive;  on  avait  négligé  d'ap- 
provisionner les  points  les  plus  menacés  d'un  blocus;  Porto-Rico  était  sans 
'  défense,  les  Philippines  se  trouvaient  dans  le  plus  grand  abandon,  et  la 
Péninsule  elle-même  était  ouverte  aux  attaques  d'un  ennemi  audacieux. 
On  pensa,  d'abord,  à  envoyer  l'escadre  de  Cervera  aux  Philippines,  où 
sa  présence  eût  évité  le  désastre  naval  de  Cavité  et  la  renaissance  de  l'in- 
surrection tagale,  alors  vaincue.  Ce  projet  était  tellement  conforme  an 
sentiment  commun  que,  pendant  que  l'infortuné  amiral  se  dirigeait  mys- 
térieusement du  cap  Vert  à  Santiago  de  Cuba,  en  trompant  la  vigilance 
des  escadres  ennemies,  l'opinion,  en  Espagne,  entretenue  dans  ses  chi- 
mères par  cette  navigation  fantastique,  supposait  que  nos  navires,  lancés 
à  toute  vapeur,  approchaient  de  Manille,  prêts  à  venger  le  désastre  du 
!•'  mai  et  à  délivrer  la  capitale  de  l'archipel,  qui,  à  ce  moment,  résistait 
bravement  à  la  double  attaque  des  Américains  par  mer  et  des  hordes 
tagales,  par  terre.  Ces  belles  utopies  n'étaient  que  le  reflet  de  l'instinct 
populaire  qui  voyait  dans  les  Philippines  l'avenir  colonial  de  l'Espagne  et 
qui  aspirait  à  k  consolider.  Le  gouvernement,  comme  je  l'ai  indiqué  plus 
haut,  avait  eu  l'intention  de  donner  suite  à  ce  projet.  Mais  il  ne  le  réalisa 
pas,  sans  doute  parce  que  les  gouverneurs  généraux  de  Porto-Rico  et  de 
Cuba  l'informèrent  qu'il  était  urgent  de  faire  paraître  nos  navires  dans 
leurs  eaux,  afin  de  relever  le  courage  des  éléments  qui,  dans  ces  îles,  se 
montraient  sympathiques  à  notre  cause.  Il  était  nécessaire  de  lui  donner 
ce  réconfort  moral,  afin  ne  prévenir  les  défaillances  inévitables  que  ne  pou- 
vait manquer  de  produire  dans  l'esprit  des  populatious  fidèles  l'incertitude 


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402  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   A    l'ÉTRANGER 

effroyable  de  la  guerre.  Et  voilà  pourqaoi  Tescadre  se  dirigea  de  ce  côté. 
Ceux  qui  Tavaient  armée  savaient  bien  qu'elle  allait  à  un  sacrifice  certain, 
et  ceux  qui  connaissaient  Tétat  de  nos  navires,  les  virent  partir  sans  espoir 
de  victoire. 

Cette  crainte  manifestée  par  les  gouverneurs  généraux  des  Antilles,  la 
nécessité  de  renforcer  le  pouvoir  métropolitain  aux  yeux  des  insulaires, 
pour  empêcher  les  désertions  de  l'ennemi,  dans  les  moments  les  plus  cri- 
tiques de  la  guerre  étrangère,  prouvent  que  les  «œurs,  dans  nos  provinces 
de  la  mer  des  Caraïbes,  avaient  cessé  de  battre  pour  TEspagne.  La  perte 
du  territoire  suivit  la  perte  de  Taffection.  Nous  avons  peu  fait,  du  reste, 
pour  conserver  celle-ci,  et  notre  imprudence  a  développé  les  mauvais  ins- 
tincts d'une  race  prédisposée  à  l'ingratitude,  pour  avoir  sucé  la  haine  de 
notre  pays  au  sein  maternel»  et  pour  avoir  été  bercés  par  des  chansons 
dont  La  somnolente  mélancolie  américaine  faisait  pénétrer  peu  à  peu  dans 
les  cœurs  les  opérations  belliqueuses  et  les  aiguillons  de  la  liberté.  Ce  fut, 
de  la  part  de  nos  gouvernants,  un  aveuglement  remarquable,  que  de  ne 
pas  voir  qu'aux  Antille&.comme  aux  Philippines,  il  se  formait  un  esprit  qui 
n'était  pas  l'esprit  espagnol;  esprit  indifférent,  lorsqu'il  n'était  pas  hostile, 
à  la  mère  patrie,  esprit  qui,  par  moments^  parais^ t  disposé  à  la  concorde, 
mais  que  nous  nous  aliénions  toujours  par  les  exigences  et  les  dédains 
d'uu  orgueil  qui  a  causé  notre  ruine.  En  1893,  Si.  Maiira^  alors  ministi-e 
des  Colonies,  présentait  au  parlement  son  projet  de  décentralisation  admi- 
nistrative pour  Cuba  et  Porto-Rico.  Dans  ces  deux  îles,  la  réforme  fut 
accueillie  avec  une  joieindescriptible.Les  radicaux  n'étaient  pas  satisfaits, 
sans  doute,  mais  désireux  de  rendre  hommage  à  l'esprit  de  justice  qui  - 
dictait  les  résolutions  du  gouvernement,  ils  se  plièrent  à  la  lutte  légale 
doDt  ils  étaient  dememés,  éloignés  jusque-là,  au  grand  péril  de  nos  insti- 
tutions. Une  tentative  révolutionnaire  des  frères  Sartorius,  écboua,à  Cuba, 
au  milieu  de  Tindifférence  du  pays  qui  avait  plein  espoir  dans  les  réformes 
promises.  Mais  la  politique  généreuse  et  la  prévision  géniale  de  ce  ministre 
échouèrent  parce  que  les  intérêts  lésés  par  la  réforme  résistèrent,  en  usant 
de  toutes  les  armes  parmi  lesquelles  la  diffamation  et  la  calomnie  ne 
furent  pas  oubliées.  M.  Sagasta  abandonna  le  ministre  réformateur,  après 
l'avoir  soutenu,tout  d'abord.Ce  changement  eut  pour  conséquence  d'ouvrir 
déûnitivement  et  irrémédiablement  les  yeux,  à  Ci^a  et  à  Porto-^Rico,  sur 
la  politique  mesquine  qui  l'emportait,  à  Madrid,  en  ce  qui  concernait  ces 
questions  d'une  importance  si  vitale,  pour  l'avenir  des  îles.  Quand  le 
temps  et,  avec  le  temps,  les  événements  0|*ent  voir  que  l'intention  arrêtée 
^tait  de  tenir  les  promesses  originaires,  quand  une  véritable  émulation 
s'établit  entre  les  libéraux  et  les  conservateurs  au  sujet  de  la  réalisation 
des  réformes,un  silence  terrible  et  une  indifférence  railleuse  accueillirent, 
Uans  les  deux  Antillesjles  concessions  du  gouvernement  espagnol.  Instruit 
par  de  récents  déboires,  le  peuple  qui  avait  accueilli  avec  enthousiasme 
une  très  moi!  este  réforme  décentralisatrice,  garda  une  réserve  glaciale  à 
regard  de  l'autonomie  que  lui  offrait  M.  Canovas  et  de  la  concesaion  d'uue 
constitution  d'Etat  indépendant  par  laquelle  M.  Moret  cherchait  à  le  gagner* 


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ESPAGNE  403 

Sans  doute,  de  grandes  fautes  aivaient  été  commises  pendant  la  période 
de  paix  précédente.  L'Espagne  a  succombé  sôus  ces  fautes  accumulées, 
bien  qu'elle  ait  prodigué  ses  trésors  et  répandu  son  sang  à  flots.  L'his'- 
toire  ne  trouvera  peut-être  pas  de  mots  assez  sévères  pour  anatbématiser 
la  torpeur  de  son  gouvernement;  mais  je  crois  n'être  point  aveuglé  par 
Tamour  de  la  patrie,  en  manifestant  la  certitude  que  les  historiens  ren- 
dront hommage,  devant  la  postérité,  à  TefTort  immense  qu'a  fait  ce  peuple 
pour  maintenir  intacte  sa  gloire  héréditaire  et  à  la  grandeur  d'Âme  dont 
il  a  fait  preuve  en  affrontant  les  risques  d'une  guerre  étrangère  en  même 
temps  que  ceux  de  deux  gigantesques  insurrections  coloniales. 

La  perte  de  ses  colonies  a  laissé  l'Espagne  humiliée,  mais  non  abattue. 
Personne,  ici,  ne  désespère  de  l'avenir.  Il  y  a,  dans  tous  les  organismes, 
un  désir  ardent  de  régénération  et  d'ameadement.  La  rougeur  qui  couvre 
notre  front  n'enlève  pas  sa  chaleur  an  cœur;  et  notre  cœur  désire  vivre  la 
vie  dès  nations  prospères  et  libres.  L'£spagne  y  parviendra,  car  la  leçon  a 
été  trop  terrible  pour  être  mise  en  oublia  et,  du  reste,  elle  est  écrite  avec 
le  sang  des  meilleurs  de  ses  enfants.  Enfin,  elle  a  un  exemple  à  imiter; 
cet  exemple  est  celui  de  la  France,  la  nation  amie  ou  plutôt,  la  nation 
sœur,  dans  la  générosité  de  laquelle  nous  avons  trouvé  la  seule  consolation 
capable  de  mitiger  les  cruelles  amertumes  delà  défaite. 


Pendant  ce  temps,  de  grandes  transformations  se  sont  produites  dans  la 
politique  espagnole.  Lé  parti  libéral  a  subi  une  diminution  considérable  par 
le  fait  de  M.  Gamazo  et  de  ses  amis,  qui  se  sont  séparés  de  lui.  Le  gouver- 
nement de  M.  Sagasta,  battu,  au  Parlement,  sur  un  projet  de  loi  relatif  à 
la  cession  des  Philippines,  a  dû  résigner  le  pouvoir.  Entin,  S.  M.  la  Reine 
a  appelé  dans  les  Conseils  de  la  Couronne  M.  Silvela,  à  qui  elle  a  reconnu 
pour  la  première  fois,  le  titre  et  l'autorité  de  chef  d'un  parti  de  Gouverne- 
ment. 

Ces  trois  faits  méritent  quelques  explications.  Dans  mes  chroniques 
précédentes,  j'ai  indiqué  le  rôle  important  que  jouait  M.  Germain  Gamazo 
dans  la  politique  espagnole,  spécialement  dans  le  parti  dirigé  par 
M.  Sagasta,  sous  les  ordres  duquel  cet  illustre  homme  d'Etat  a  combattu 
jusqu'à  une  date  récente  (il  y  a  cinq  mois  environ).  La  fermeté  de  son 
caractère,  son  éloquence,  ses  succès  dans  lesaCTaires  publiques  et  l'austère 
simplicité  de  sa  vie  ont  valu  depuis  longtemps,  à  M.  Gamazo  la  confiance 
de  groupes  importants,  qui  en  ont  fait  le  centre  d'un  noyau  parlemen- 
taire respectable  et  le  représentant  de  puissantes  aspirations  nationales. 
Au  milieu  des  insuccès  qui,  pendant  les  années  de  la  guerre,  ébranlèrent 
le  crédit  de  nos  hommes  politique,  M.  Gamazo  sut  maintenir  intact  son 
prestige  et  même  l'augmenter,  dans  l'opinion  d'un  grand  nombre.  l)  repré- 
sentait, dans  laPéninsule,  la  politique  des  économies  tendant  à  obliger  le  bud- 
get de  toute  une  bureaucratie  parasite  ;  il  était  1  auteur  du  budget  de  1893-04, 
qui  a  tant  contribué  k  affermir  le  crédit  de  l'Espagne  et  qui   permit,  plus 


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404  LA   VIE   POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE   A  l'ÉTRANGER 

tard,  de  subrenir  aux  énormes  dépenses  nécessitées  par  nos  guerres;  avec 
M.  Maura,  à  qui  il  était  uni  par  des  liens  de  parenté  et  par  les  idées,  il 
représentait  la  politique  des  réformes  aux  Antilles,  politique   qui,  déve- 
loppée avec  habileté  eût  empêché  l'insurrection  d'éclater  dans  la  Grande 
Antille,  ou  tout  au  moins  Teût  atténuée  dans  ses  effets,  au  point  de  la 
réduire  aux  proportions  d'une  tentative  ridicule  dans  le  genre  de  celle 
que  firent,  en  1803,  les  frères  Sartorius,  tentative  à  laquelle  j'ai  fait  allu- 
sion plus  haut  et  qui  aboutit  à  un  insuccès  complet.   Le   crédit  que  ces 
succès  valaient  à  la  personnalité  de  M.  Gamazo  était  accru  par  son  désin- 
téresseiuent  et  par  le  soin  avec  lequel  ses  amis,  sans  y  être  contraints, 
s'abstenaient  de  briguer  les  fonctions  publiques,  ce  qui  ne  les  empêchait 
pas  de  donner  un  concours  loyal,  dans  le  Parlement,   au  chef  de  leur 
parti.  Le  parti  libéral  arriva  au  pouvoir;  M.  Sagas  ta  forma  le  cabinet  et, 
pour  des  raisons  spécieuses,  il  écarta  du  gouvernement  MM.   Gamazo  et 
Maura.   Ces  deux  hommes    d'Klat  et  leurs  amis  restèrent   comme  les 
auxiliaires  parlementaires  du  Gouvernement,  mais  sans  participer  en  rien 
à  ses  actes.  Ceux-ci,  à  la  vérité,  ne  furent  pas  heureux  ;  aussi,  tandis  que 
les  actions  de  M.  Sagasta  baissaient  de  plus  en  plus,  celles  de  M.  Gamazo 
allaient  toujours  montant.  Il  faut  connaître  le  caractère  de  Tancien  chef 
des  libéraux  pour  comprendre  l'inquiétude  avec  laquelle  il  voyait  grandir 
la  figure  de  l'homme  à  qui  ses  émules  attribuaient  l'ambition  de  devenir 
chef  du  pouvoir,  sans  jamais  en  avoir  fait  la  révélation  À  l'influent  député 
castillan.  Canovas  disait  de  iSagasta  qu'il  se  trouverait  dans  une  situation 
pénible  lorsqu'il  cesserait  d'être  président  du  Conseil  des  Ministres.  «  Pour 
moi,  ajoutait  cet  illustre  homme  d'Etat,  quand  je  quitte  le  pouvoir,  j'ai  ma 
bibliothèque,  qui  fait  mes  délices,  les  académies  dont  je  fais   partie,   qui 
me  récréent,  ma  maison,  où  je  m'isole  pour  jouir  de  la  félicité  domestique 
que  Dieu  m'a  départie.  Mais  Sagasta  n'aime  pas  la  lecture,   il   n'a  aucun 
goût  pour  écrire  des  livres,  ni  pour  discourir  dans  des  académies  ;   il  ne 
peut  pas  davantage  dire  qu*il  a  un  foyer,  car  sa  maison  appartient  à  tous» 
et  il  ne  peut  pas  même  se  reposer  dans  son  lit,  sans  être  ennuyé  par  la 
présence  d'amii,  de  solliciteurs  et  d'alliés.  Aussi,  lorsqu'il  n'est  plus  prési- 
dent du  Conseil  des  Ministres,  il  s'ennuie  extraordinairement  ;  c'est  pour- 
quoi il  cherche  à  le  rester  le  plus  longtemps  possible.  »  En  effet,  M.  Sagasta 
s'efforça  avant  tout  et  par  dessus  tout,  de  conserver  la  présidence.  Tous 
ses  actes  furent  subordonnés  à  cette  considération  ;  et,  comme  il  est  à  la 
tête  d'un  parti  où  figurent  des  personnalités  comme  Montero  Rios,  comme 
Gamazo,  comme  Maura;  comme  Moret  et  comme  mille  autres  qui  lui  sont 
supérieurs  en  illustration  et  en  éloquence,  il  lui  &  fallu  user  constamment 
de  ruse  et  d'adresse  (nul  ne  possédée  un  égal  degré  cette  faculté),  pour 
conserver  à  leur  égard  une  prépondérance  indiscutable.  Dans  ce  but,  il  a 
pratiqué  incessamment,  unepolitique  de  jeu  d'échec,  qui  consistait  à  faire 
immédiatement  échec  à  tout  pei'sonnage  occupaatsur  Téchiquier  politique 
une  place  prépondérante.  Celle  que  teHait  M.  Gamazo,  dans  son   parti  et 
dans  l'opinion,  ne  pouvait  être  meilleure.  C'est  poiurquoi  U  résolut  de  le 
faire  entrer  dans  le  jeu  qu'il  pratiquait  avec  de  si  nombreuses  et  de  si 


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ESPAGNE  405 

énormes  pertes;  et,  à  cet  effet,  sans  que  les  circonstances  rendissent  néces- 
saire une  crise  ministérielle,  il  profita  d'un  incident  quelconque  de  la 
guerre  avec  les  Etats-Unis  (rexcitation  populaire  qui  suivit  la  nouvelle  du 
combat  naval  de  Cavité)  pour  modifier  le  cabinet  et  pour  demander  à 
M.  Gamazo  son  concours  personnel.  On  remarquera  que  M.  Sagasta,  au 
moment  de  prendre  le  pouvoir,  avait  exclu,  de  propos  délibéré,  di  pouvoir, 
ce  coreligionnaire  politique  si  important,  et  qu'il  s'adressait  à  lui  au 
moment  où  apparaissaient  les  conséquences  d'erreurs  dont  il  ne  pouvait 
être  déclaré,  ni  responsable,  ni  solidaire.  I/installation  ressemblait  beau- 
coup à  un  piège  ;  néanmoins  ce  fût  moins  pour  cette  raison  que  parce 
qu'il  considérait  sa  collaboration  active  au  Gouvernement  comme  devant 
être  stérile  que  M.  Gamazo  se  refusa  aux  sollicitations  dont  il  était 
l'objet. 

M.  Sagasta  revint  à  la  cbarge,  et  la  reine  elle-même  insista  sur  la  néces- 
sité de  son  entrée  dans  le  ministère  ;  cette  fois,  M.  Gamazo,  en  sujet  loyal 
et  en  coreligionnaire  politique  désintéressé,  n'hésita  pas  à  donner  son 
concours  au  nouveau  gouvernement.  Il  y  fut  poussé,  beaucoup  moins  par, 
ses  convenances  personnelles  que  par  cette  considération  que,  cette  fois, 
on  l'accuserait  d'égolsme  s'il  refusait  un  appui  qui  était  sollicité  avec  au- 
tant d'ardeur.  On  l'invitait  à  monter  sur  un  navire  qui  s'enfonçait,  et,  déjà 
prêt  au  sacrifice,  le  poste  lui  était  indifférent  ;  M.  Gamazo  fut  chargé  du 
portefeuiUe  du  Fomenlo.  Dans  le  discours  qu'il  prononça,  au  Congrès, 
lors  du  débat  politique  auquel  donna  lieu  la  modification  ministérielle,  il 
indiqua  avec  beaucoup  de  précision  la  signification  qu'il  fallait  attribuer  à 
sa  présence  au  banc  bleu  (banc  du  gouvernement)  ;  dans  l'ordre  des  con- 
venances de  son  parti,  sa  soumission  aux  injonctions  de  son  chef  ;  dans  la 
sphère  des  convenances  nationales,  la  volonté  arrêtée  de  mettre  un  terme, 
par  humanité,  aux  maux  de  la  gUerre  en  allant  droit  à  la  paix. 

M.  Germain  Gamazo  détint  pendant  six  courts  mois  le  portefeuille  du 
Fomenta.  Le  zèle  attentif  que  ses  habitudes  invétérées  de  travail  lui  fai- 
saient apporter  à  toutes  les  affaires  qui  lui  étaient  confiées,  fit  que  le 
nouveau  ministre  ne  tarda  pas  à  élaborer  et  à  faire  passer  plusieurs 
réformes  concernant  l'enseignement,  qui  apportaient  à  l'instruction  de 
notre  jeunesse  des  améliorations  et  des  développements  en  harmonie  avec 
les  progrès  modernes.  La  réforme  obtint  rapidement  la  sympathie  de  tous 
ceux  qui  s'intéressaient  à  l'avenir  de  l'éducation  nationale.  L'opinion  était 
tout  à  fait  contraire  à  notre  routine  en  matière  d'enseignement  et  aux 
pratiques  fâcheuses  de  notre  vie  universitaire.  En  ce  qui  touche  les 
moyens  de  régénération  auxquels  tout  le  monde  pense,  la  conviction  gé- 
nérale est  que  la  réforme  doit  commencer  par  l'école,  par  l'Institut,  par 
rUniversité,  centres  encore  constitués  d'une  manière  archaïque  et  inca- 
pables de  donner  des  résultats  satisfaisants.  La  conséquence  de  ces  actes 
fut  d'attirer  au  ministre  du  Fomenta  la  sympathie  qui  va  toujours  à  ceux 
dont  la  bonne  foi  est  éclatante.  Il  est  clair  que  les  réformes  ne  manquèrent 
pas  de  détracteurs  ;  mais  la  passion  ne  parvint  pas  à  diminuer  le  mérite 
-et  l'opportunité  de  l'initiative  du  Ministre.  Les  choses  en  étaient  là,  lorsque 

REVUE  POLIT.,  T,  XX  27 


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406  LA   VIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE   A    l'ÉTRANGER 

survinrent,  au  cours  de  Tannée  dernière,  les  événements,  la  démission  ir- 
révocable de  M.  Gamazo  et  sa  séparation  déOnitive  de  M.  Sagasta. 

Les  événements  auxquels  je  fais  allusion  furent  vils  dans  leur  origine^ 
scandaleux  dans  leur  développement  d'une  importance  capitale  dans 
leurs  conséquences,  et,  sous  tous  leurs  aspects,  empreints  du  machiavé- 
lisme le  plus  grossier  et  le  plus  répulsif. 

J'ai  déjà  indiqué  plus  haut,  que  le  prestige  personnel  de  M.  Gam^o  et 
le  relief  que  sa  personnalité  avait  acquis  dans  son  parti  ne  laissaient  pas 
que  d'inquiéter  M.  Sagasta.  Bien  plus,  ce  qui  pouvait  n*être  un  simple  excès 
de  zèle,  chez  un  homme  que  Topinion  malicieuse  représentait  comme  un 
rival  dépourvu  d^ambition,  était,  pour  les  conseillers  courtisans  du  prési- 
dent actuellement  en  exercice  du  Conseil  des  ministres,  pour  sa  camarilla 
intime  de  parents  improvisés  personnages,  pour  des  familiers  transformésr 
en  hauts  fonctionnaires  et  pour  une  foule  de  nullités  exaltées  par  des 
adulations  continuelles  et  qui  connaissaient  la  supériosité  de  M.  Gamazo, 
l'occasion  de  sursauts  cruels  et  de  machinations  ténébreuses.  Mille  petits 
incidents  laissaient  percer  cet  état  d'esprit  dans  l'entourage  du  Président. 
Dans  la  dernière  période  de  sa  vie  politique,  et  alors  qu'à  d'autres  mo- 
ments, il  avait  montré  une  activité  extraordinaire,  M.  Sagasta  s'abandonna 
à  une  inertie  telle  que  les  événements  les  plus  graves  ne  purent  être  des 
stimulants  suffisants  pour  le  pousser  à  agir  avec  diligence.  Désabusé  sur 
le  compte  des  hommes,  Tesprit  rempli  d'amertume  par  des  malheurs 
répétée,  pétrifié  dans  les  formules  d'une  politique  vieillie,  il  a  réservé  la 
deriiière  chaleur  de  son  cœur  à  ses  affections  de  famille.  Il  subordonna 
aux  intérêts  de  ses  parents  les  convenances  de  son  parti  et  les  respects 
dus  à  ses  hommes  les  plus  éminents.  Il  fit  de  sa  famille  comme  une  insti> 
tution,  à  laquelle  tous  les  honneurs  étaient  dus.  Il  attribua  aux  membres 
de  celle-ci,  dans  les  fonctions  publiques,' un  grand  nombre  de  places  et 
des  plus  importantes.  Les  d^dain^  manifestés  à  ses  proches  étaient  consi- 
dérés par  lui  comme  des  injures  personnelles.  Quiconque  voulait  éviter 
son  mauvais  vouloir  était  tenu  de  respecter  ses  radotages  de  beau-père  et 
d'aïeul  affectueux.  Ces  procédés  encourageaient  les  intrigues  de  sa  cama- 
rilla et  engendraient  des  mécontentement  qui  ne  tardèrent  pas  à  amener 
la  dispersion  des  armées  qui  lui  étaient  attachées/ 

Les  réformes  introduites  dans  l'enseignement  par  M.  Gamazo  touchaient, 
entre  autres  abus,  à  la  question  des  inspecteurs.  Un  de  ceux-ci  était,  en 
même  temps,  gouverneur  de  Barcelone;  il  fut  placé  dans  cette  alternative^ 
ou  de  résigner  son  gouvernement  ou  de  renoncer  à  son  inspection.  Le 
premier  de  ces  emplois  était  un  poste  qui  rapportait  beaucoup  d'honneur 
et  de  profits,  mais  amovible  ;  le  second  avait  moins  d'apparat,  mais  étût 
inamovible  et  rétribué  avec  une  générosité  relative.  L'option  était  difficile, 
et,  comme  il  était  naturel,  le  fonctionnaire  intéressé  préféra  continuer  à 
jouir  de  ses  deux  prébendes,  ce  qu'il  crut  pouvoir  faire  avec  l'appui  de  la 
camarilla  de  M.  Sagasta,  à  laquelle,  pour  des  raisons  qu'il  est  inutile  de 
faire  connaître  au 'delà  de  nos  frontières,  le  remplacement  de  l'inspecteur 
de  l'instruction  publique,  comme  gouverneur  de  Barcelone,  ne  convenait 


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ESPAGNE  407 

nullement.  Ce  cumul  de  fonctions  constituait  une  illégalité  que  le  ministre 
de  Fomenta  n'eisi'ii  pas  disposé  à  tolérer^  mais  les  protecteurs  de  ce  fonc- 
tionnaire priWlégié,  ne  comprenant  pas  que  la  rigidité,  en  cette  circons- 
tance, n'était  que  de  Tobéissance  à  la  loi,  s'imaginèrent  que  M.  Gamazo 
déclarait  racant  le  poste  de  gouverneur  civil  de  Barcelone  uniquement 
pour  donner  cette  place  à  un  de  ses  proches,  M.  Ribot,  qui^  à  cette  époque, 
remplissait  des  fonctions  analogues  dans  une  province  du  littoral  de  T An- 
dalousie. Il  convient  de  remarquer  que,  sur  les  soixante  députés  et  les 
vingt  et  quelques  sénateurs  qui  suivaient  sans  conditions  M.  Gamazo,  trois 
ou  quatre  seulement  remplissaient  des  fonctions  de  gouverneur  civil.  Ce 
n'était  donc  pas  l'ambition  manifestée  par  ses  amis  qui  pouvait  autoriser 
les  squpçdns  des  familiers  de  M.  Sagasta  ;  mais,  habitués  à  n'avoir  que  des 
horizons  moraux  très  i^streints,  ils  ne  pàrvinrerit  pas  à  comprendre  les 
motifs  élevés  qui  avaient  dicté  les  résolutions  du  ministre  de  Fomente. 
Dans  la  pensée  qui  les  animaient  ils  nouèrent  une  intrigue  dans  le  but  de 
rendre  impossible  le  candidat  qu'ils  supposaient  devoir  être  présenté  par 
M.  Gamazo  pour  le  gouvernement  de  Barcelone  ;  à  cet  effet,  un  journal 
connu  pour  battre  monnaie  au  moyen  de  campagnes  de  scandale,  et  effi- 
cacement stimulé  par  l'appui  qui  ne  manque  jamais  en  pareil  cas,  dans  les 
centres  officiels,  lança  une  accusation  contre  le  gouverneur  de  la  province 
andalouse  précédemment  indiqué. 

La  faute  d'un  fonctionnaire  subalterne  (faute  réprimée  par  le  gouverneur 
six  mois  avant  d'être  dénoncée  avec  tant  de  fracas)  fut  exploitée,  contre 
son  ohef  hiérarchique,  à  l'aide  d'artifices  réellement  perfides.  Avec  cette 
solidarité  maçonnique  que  mettent  certains  journaux  à  seconder  les  cam- 
pagnes sensationnelles  que  mènent  quelqu'un  d'entre  eux  (solidarité  qui 
s'explique,  sans  s'excuser,  par  les  profits  pécuniaires  qu'on  retire  du 
scandale),  une  partie  de  la  presse  se  prononça  contre  le  gouverneur  ainsi 
accusé.  Les  uns  poursuivirent  la  campagne  pour  ne  pas  perdre  les  bénéfices 
que  pouvait  procurer  l'exploitation  de  cet  événement;  les  autres,  par  l'effet 
de  cette  suggestion  que  produit  la  calomnie;  beaucoup  parce  que  cet 
incident  avait  une  portée  politique,  indéniable.  «  Que  va  faire  M.  Gamazo? 
se  disaient-ils.  Soutiendra-t-il  son  parent,  accusé  de  protéger  un  homme 
coupabFe  d'immoralités  ?  En  avant  le  scandale  I  II  le  soutiendra  et  démis- 
sionnera !  Voilà  une  terrible  brèche  ouverte  dans  le  cabinet,  et,  de  toute 
façon,  nous  aurons  des  jours  d'agitation  et  d'émotion.  En  avant,  donc  !  * 
De  toutes  parts,  on  refusait  h  l'accusé  la  faculté  d'expliquer  et  de  défendre 
ses  actes  ;  ceux  qui  ne  lui  fermaient  pas  entièrement  leurs  colonnes,  lui 
mesuraient  Tespace  ou  accompagnaient  ses  explications  des.  commentaires 
les  moins  modérés. 

Ces  arguments  étaient,  sans  doute,  peu  agréables  au  fonctionnaire  mal- 
traité :  mais  il  'éprouvait  une  déception  plus  grande  à  voir  que,  dans  les 
sphères  officielles,  on  lui  montrait  une  froideur  et  l'on  usait  de  réticences 
vraiment  injurieuses.  Un  de  ses  chefs,  le  sous-secrétaire  d'Etat  au  minis 
tère  de  l'Intérieur  {gobernacion),  M.  Mérino,  enfant  politique  de  M.  Sagasta 
et,  grâce  aux  privilèges  de  la  parenté,  ministre  effectif  de  ce  département, 


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408  LA    VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

était  celui  qai  manifestait  publiquement,  avec  le  plus  de  violence,  sa 
colère  envers  son  subordonné.  Il  donnait  à  entendre,  avec  trop  peu  de 
circonspection,  aux  journalistes  qu'il  possédait  depuis  longtemps  la  preuve 
que  Taccusation  portée  contre  M.  Ribot  était  fondée.  Cette  sincérité  -de 
parade  démontrait,  en  partie,  que  Ton  cherchait  à  forger  une  intrigue,  car 
le  sous-secrétaire  d'Etat  eût  manqué  à  son  devoir  si,  ayant  eu  connaissance 
de  fautes  commises  dans  Tadministration  d'une  province  il  n^en  avait  pas 
averti  confidentiellement  le  gouverneur  ou  n'avait  pas  demandé,  en  son 
temps,  au  ministre,  de  prendre  les  mesures  nécessaires.  Mais  M.  Mérino 
satisfaisait  aussi  de  vieilles  rancunes  qu'il  avait  contre  les  partisans  de 
M.  Gamazo,  rancunes  provenant  de  ce  que  M.  Maura,  président  de  la  Com- 
mission des  actes,  avait  refusé  de  se  prêter  à  certains  manèges,  a'yant  pour 
but  de  mettre  en  avant  des  candidats  alliés  au  gendre  du  chef  du  Cabinet, 
et  de  ce  que  lui-même  n'avait  pas  trouvé,  au  Fomento,  les  facilités  néces- 
saires pour  la  solution  capricieuse  de  certaines  affaires. 

De  toute  façon,  la  conduite  tenue  à  l'égard  de  M.  Ribot  par  certains 
groupes,  précisément  les  plus  attachés  à  la  personne  de  M.  Sagasta,  ne 
témoignait  ni  de  cette  bonne  foi,  ni  de  ce  respect  fait  de  considération 
réciproque,  que  se  doivent  entre  eux  des  coreligionnaires  politiques.  La 
calomnie  prenant  nécessairement  plus  d'intensité,  et  les  passions  s'exas- 
pérant  de  plus  en  plus,  le  conflit  devenait,  de  jour  en  jour,  plus  aigu. 

M.  Gamazo  estima  qu'il  se  posait  là  une  question  de  dignité,  dont  la  so- 
lution n'admettait  pas  d'atermoiements.  Sa  persistance  à  conserver  sa 
place  dans  le  Ministère,  pourrait  être  interprétée  comme  indiquant  le  désir 
d'user  de  son  influence  en  faveur  de  Tautorîté  dont  l'administration  était 
discutée.  Sa  retraite  avait  l'inconvénient  de  donner  lieu  à  des  interpréta- 
tions peu  favorables,  comme  étant  de  nature  à  provoquer  une  crise  pour 
une  question  d'affection  personnelle  et  dans  un  moment  critique  pour  la 
patrie.  L'occasion,  comme  si  elle  avait  été  cherchée  par  des  ennemis  peu 
scrupuleux,  n'était  pas  opportune  pour  préparer  une  retraite  qui  pât  parer 
à  ce  double  inconvénient.  Mais  M.  Gamazo  ne  s'abaissa  pas  à  ces  considé* 
rations  mesquines.  Il  n'écouta  que  la  voix  de  sa  conscience,  et  jugeant 
qu'il  était  dégradant  pour  sa  réputation  de  rester  en  compagnie  d'amis 
politiques  qui  le  combattaient  par  de  pareils  procédés,  il  remit  sa  démis- 
sion dûment  motivée,  et  se  retira  du  Ministère,  bien  résolu  à  ne  pas  rester 
soumis  un  seul  instant  à  l'autorité  de  M.  Sagasta. 

Il  fut  suivi  dans  son  évolution,  par  les  députés  et  les  sénateurs  qui  lui 
étaient  attachés.  Ces  hommes  politiques  signèrent,  à  l'unanimité,  une 
lettre  qui  fut  publiée  dans  les  journaux  et  dans  laquelle,  après  avoir  fait 
allusion  aux  offenses  reçues  ils  applaudissaient  à  la  détermination  prise 
par  M.  Gamazo  et  lui  renouvelaient  l'expression  de  leur  confiance  pour 
l'avenir.  70  députés  et  environ  30  sénateurs,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
saisirent  cettte  occasion  pour  se  soustraire  à  la  férule  de  M.  Sagasta  et,  à 
partir  de  ce  moment,  les  jours  de  la  vie  ministérielle  de  celui-ci  furent 
comptés.  Ses  manœuvres  habiles  parvinrent,  toutefois,  à  prolonger  son 
existence  de  quelques  mois,  quoique  à  rhsrge  au  Parlement. 


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ESPAGNE  409 

La  raptare  de  M.  Gamazoavec  lui  est  un  événement  caractéristique,  bien 
digne  d'attention.  M.  Gamazo  ne  répudie  pas  les  dogmes  du  parti  libéral  ; 
il  refuse  seulement  d'admettre  la  manière  dont  ce  parti  est  constitué.  Il 
considère  qu'il  lui  est  impossible  de  marcher  d'accord  avec  les  personnes 
qui  jouissent,  dans  ce  parti,  d'une  influence  prépondérante;  il  s'accom- 
mode mal  de  cette  politique  terre-à-terre  des  camariilas  domestiques 
mais  il  regarde  l'ancien  parti  libéral,  ce  parti  dont  le  programme 
a  été  arrêté  par  de  si  illustres  personnages,  tels  que  Martos,  Alonzo  Mar- 
tinez  et  Montero  Rios,  comme  sa  maison  de  famille,  tant  que  durera  la  so- 
lidité des  murs  qui  l'ont  abrité  depuis  les  premières  années  de  sa  vie  pu- 
blique. M.  Gamazo  ne  prêche  pas  d'hérésies;  il  recommande  une  austérité 
plus  grande  dans  les  pratiques  de  son  ancienne  religion  politique. 


Pendant  que  ces  faits  se  succédaient  dans  la  péninsule,  les  négociation) 
du  traité  de  paix  se  terminaient  à  Paris  et  nos  commissaires  revenaient  de 
de  France,  pleins  d'amertume,  car  ils  avaient  vu  se  consommer  l'inique 
spoliation  dont  la  nation  espagnole  a  été  la  victime.  Tout  le  monde  espé- 
rait que  l'on  ne  tarderait  pas  à  convoquer  le  Parlement  avant  de  rendre  à 
la  vie  nationale  sa  régularité  antérieure.  Mais  tels  n'étaient  pas  les  projets 
de  M.  Sagasta.  Il  remarquait  l'afTaiblissement  que  la  rupture  avait  causé  à 
ses  troupes  ;  il  voyait  se  produire,  de  toutes  parts,  des  symptômes  de  mé- 
contentement, sinon  de  défiance,  et  il  projetait  de  réunir,  par  un  procédé 
quelconque,  des  éléments  propres  à  renforcer  son  armée  considérablement 
réduite.  Dans  ce  but,  il  entama  des  négociations,  en  vue  d'une  réconci- 
liation avec  M.  Romero  Robledo,  M.  Canalejas  et  le  général  Weyler.  Le 
premier  est  un  des  hommes  politiques  les  plus  brouillons  dont  on  puisse 
se  faire  une  idée.  Pendant  de  longues  années,  il  fut  ministre  en  même 
temps  que  M.  Canovas;  il  se  sépare  de  ce  dernier  à  la  mort  d'Alphonse  Xll; 
il  erra  çà  et  là;  après  cette  séparation,  frappant  successivement  à  la  porte 
de  tous  les  partis,  il  se  tourna  ensuite,  avec  des  marques  de  repentir,  du 
côté  de  M.  Canovas,  et  il  commençait  à  s'éloigner  de  lui  (cette  fois,  sans  le 
scandale  qui  accompagne  d'ordinaire  les  actes  de  ce  personnage],  lorsque 
l'illustre  chef  des  conservateurs  tomba  sous  le  plomb  meurtrier,  à  Santa 
Agueda.  M.  Canalejas  est  un  dissident  du  parti  de  M.  Sagasta.  Il  a  été  mi- 
nistre des  Grâces  et  de  la  Justice,  des  Finances  et  du  Fomente.  Il  a  des  origi- 
nes démocratiques,  mais  il  s'est  toujours  montré  réactionnaire,  dans  la  po- 
litique coloniale.  De  sorte  que,  lorsque  l'autonomie  fut  accordée  aux  An* 
tilles,  il  saisit  cette  occasion  pour  reprendre  sa  liberté  d'action,  et  il  fut, 
depuis  cette  époque,  l'accusateur  implacable  de  M.  Sagasta  et,  en  général 
de  tous  ses  anciens  coreligionnaires  politiques.  Quand  le  général  Pola- 
vieja  revint  des  Philippines,  entouré  du  prestige  que  lui  donnaient  les  vic- 
toires qu'il  avait  remportées  là-bas,  Tex-ministre  pensa  peut-être  que  ce 
chef  aborderait  notre  politique  et  serait  bien  accueilli.  En  conséquence,  il 
se  mit  à  le  courtiser,  et  il  lui  présenta,  avec  la  sienne  propre,  l'adhésion 


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410  LA   VIE   POLITIQUE  ET   PARL^IENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

des  députés  qui,  en  petit  nombre,  lui  étaient  restés  Ûdèles.  Depuis,  il  chan- 
gea d'avis,  et  quand  se  produisit  la  rupture  de  M.  Gamazo  avec  M.  Sagasta, 
il  crut  le  moment  venu  de  revenir  à  son  point  de  départ.  Ën6n,  eu  ce  qui 
concerne  le  général  Weyler,  dont  la  conduite  à  Cuba  compliqua  si  dange- 
reusement le  problème  international  et  rendit  inévitable  la  guerre  avec 
les  Etats-Unis,  il  suffit  de  dire  que  Tun  des  titres  que  M.  Sagasta  pouvait 
faire  valoir  pour  être  appelé  au  pouvoir,  était  précisément  rengagement 
solennel  qu*il  avait  pris  de  destituer  immédiatement  ce  chef  malheureux. 
En  résumé,  la  situation  de  M.  Sagasta  était  tellement  ébranlée  que,  pour 
conserver  le  pouvoir,  il  lui  fallait  pactiser  avec  un  ennemi  juré  de  sa  poli- 
tique, comme  M.  Romero    Robledo,   avec  un  ami  des  plus  changeants, 
comme  M.  Ganalçjas,  et  avec  un  homme  qu'il  avait  profondément  blessé, 
comme  le  général  Weyler.  Je  ne  sais  si  les  humiliations  que  ce  pacte  infli- 
geait à  M.  Sagasta  étaient  compensées  par  Thonneur  de  présider  un  trium- 
virat de  notabilités  comme  celles  que  je  viens  d'indiquer.  Il  est  clair  que 
les  négociations  à  entamer  demandaient  une  grande  réserve.  Beaucoup  de 
membre  de  la  majorité  parlementaire  sentaient  une  répugnance  marquée  à 
fraterniser  avec  les  auxiliaires  que  leur  chef  cherchait  à  leur  donner.  Une 
période  de   préparation  était  nécessaire,  pendant  laquelle  il  fallait  faire 
preuve  d'une  certaine  habileté,  et  agir  en  secret,  pour  aplanir  les  aspérités 
et  vaincre  les  résistances,  Pour  ces  motifs,  la  présence  du  Parlement  était 
un  embarras,  car  les  polémiques  de  la  tribune  ont  plutôt  pour  résultat 
d'irriter  les  esprits  que  de  les  prédisposer  à  la  concorde.  M.  Sagasta  le  com- 
prenait bien  ainsi,  et  c'est  pourquoi  il  laissa  pendant  un  long  laps  de 
temps  les  Certes  en  vacances,  donnant  pour  prétexte  qu'il  n'était  pas  op- 
portun de  les  rt^unir  tant  que  les  Chambres  de  l'Amérique  du  Nord  n'au* 
raient  pas  approuvé  le  traité  de  Paris.  Cette  étrange  théorie  avait  pour 
conséquence  d'assujettir  le  Parlement  espagnol  auCapitole  de  Washington; 
mais  M.  Sagasta,  tout  occupé  du  travail  auquel  il  se  livrait,  maintint  le 
parlement  fermé  aussi  longtemps  que  cela  lui  parut  convenable,  et,  lors- 
qu'il crut  les  négociations  parvenues  à  un  point  favorable,  il  se  décida  à 
se  présenter  devant  les  Cortès,  sûr  d'y  rencontrer  des  auxiliaires  disposés 
à  le  soutenir. 

Toutefois,  la  volonté  des  hommes  a  peu  4^  pouvoir  contre  le  cours  fatal 
des  événements.  M.  Sagasta  était  condamné  à  tomber,  d'abord,  à  raison 
du  désastre  national  auquel  il  avait  présidé,  puis  à  cause  de  ses  erreurs 
personnelles  de  conduite.  En  effet,  à  l'ouverture  des  Cortès,  le  gouverne- 
ment se  trouva  en  présence  d*une  majorité  extrêmement  faible,  et  plus 
faible  encore,  quant  à  l'esprit  qui  l'animait,  car  le  chef  n'était  pas  plus 
fait  pour  inspirer  confiance  que  son  idéal  pour  inspirer  Tenthou- 
siasme.  Le  chef  n'inspirait  pas  confiance,  parce  qu'on  le  voyait  entière- 
ment livré  aux  caprices  de  ses  familiers,  l'idéal  n'inspirait  pas  d'enCkou- 
siasme  parce  qu'il  consistait  à  s'allier  avec  les  ennemis  jurés  du  parti  ou 
avec  des  accès  dangereux  à  cause  de  la  variabilité  de  leurs  affections. 
G*e8t  pourquoi,  avant  les  débats  politiques  qui  Rengagèrent,  le  gouverne- 
ment se  montra  défiant  et  la  majorité  réservée.  Cette  situation  ne  pouvait 


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ESPAGNE  4 1 1 

dorer  longtemps;  une  impradence  du  gouvernement  vint  précipiter  sa 
chute. 

Le  Parlement  étant  réuni,  au  mois  de  février,  M.  Sagasta  présenta  au 
Sénat  un  bill  autorisant  à  comprendre  les  Philippines  dans  la  loi  relative 
à  la  cession  de  territoire  qu*il  avait  obtenue,  en  septembre  dernier.  Ce 
bill  n'était  pas  nécessaire,  attendu  que  la  loi  en  question  était  rédigée 
d'une  façon  assez  large  pour  permettre  à  nos  délégués  à  la  Commission  de 
la  paij[,de  la  conclure  avec  pleins  pouvoirs  et  attributions.  De  plus.  Par- 
ticle  54  de  la  Constitution  attribue  au  souverain  la  faculté  de  déclarer  la 
guerre  et  de  conclure  la  paix  sous  la  responsabilité  de  ses  ministres  et 
sans  autre  obligation  que  celle  de  rendre  ensuite,  un  compte  détaillé  aux 
Cortès.  Néanmoins,  la  loi  du  16  septembre  avait  autorisé,  en  termes  gêné* 
raux,  le  gouvernement  à  céder  des  territoires  a  dans  les  provinces  et  pos- 
sessions d'outre  <  mer,  conformément  à  ce  qui  avait  été  stipulé  dans  les 
préliminaires  de  paix  arrêtés  avec  le  gouvernement  des  Etats-Unis  de  PA- 
mérique  du  Nord.  »  Les  commissaires  yankees^  avec  cette  audace  froide 
et  sans  retenue,  dont  ils  ont  donné  tant  de  preuves,  soutinrent  impudem- 
ment que  l'interprétation  de  la  clause  du  Protocole  relative  aux  Philip- 
pines obligeait  l'Espagne  à  abandonner  sa  souveraineté  sur  cet  archipel. 
Malheureusement,  il  n'existait  pas  de  tribunal  d'appel  ;  les  nations  euro- 
péennes restèrent  indifférentes  en  présence  de  cette  nouvelle  spoliation,  et 
le  protocole  du  12  août  resta  interprété  et  appliqué  comme  le  vainqueur  dé- 
sirait qu'il  le  fût.  Par  suite,  il  n'était  nullement  nécessaire  que  les  Cortès 
fussent  appelées  à  autoriser  la  cession  des  Philippines,  ni  que  le  gouver- 
nement sollicitât  un  bill  d'indemnité.  Le  projet  de  bill  rencontra,  dès  le 
premier  jour,  l'opposition  des  conservateurs  et  des  amis  de  M.  Gamazo. 
Il  fut  renvoyé  aux  sections  de  la  haute  Chambre,  et,  bien  loin  que  le  gou- 
vernement obtint  la  majorité  dans  la  Conunission,  l'opposition  l'emporta. 
En  effet,  dans  trois  des  sept  sections  entre  lesquelles  le  Sénat  se  divise,  les 
conservateurs  et  les  partisans  de  Gamazo  battirent  les  candidats  ministé- 
riels; dans  une  autre  section,  on  nomma,  par  respect  et  par  sympathie,  le 
candidat  du  Gouvernement,  qui  était,  en  même  temps,  vice-président  de 
la  Chambre  ;  dans  une  cinquième,  il  y  eût  ballottage,  et  comme,  en  pareil 
cas,  il  est  d'usage  que  le  plus  âgé  des  candidats  l'emporte,  le  candidat 
ministériel  fut  élu,  comme  étant  plus  avancé  en  âge  que  son  compétiteur. 
Le  triomt)he  de  l'opposition  ne  pouvait  être  plus  évident.  M.  Sagasta  le 
comprit  ;  aussi,  conformément  à  un  accord  intervenu  entre  lui  et  M.  Ro- 
mero  Robledo,  s'empressa-t-il  de  requérir  le  concours  de  ce  dernier,  afin 
que,  son  adhésion  étant  rendue  publique,  cette  circonstance  facilitât  révo- 
lution dans  sa  direction,  de  MM.  Weyier  et  Canalejas,  et  que  le  spectacle 
de  ces  forces  réunies,  à  son  tour,  relevât  le  courage  de  la  majorité  et  lui 
permît  de  livrer,  avec  l'aide  de  ses  alliés,  une  bataille  décisive.  Comme  ces 
manœuvres  avaient  besoin  d'être  dissimulées,  afin  que  l'opinion  ne  fût  pas 
scandalisée,  en  voyant  unis  tout  à  coup  des  éléments  aussi  hétérogènes  et 
aussi  opposés,  M.  Romero  Robledo  présenta  au  Congrès,  en  guise  de  dra- 
peau d'enrôlement,  une  proposition  qui,  partant  de  cette  supposition  que 


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412  LÀ   VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A.     ETRANÙER 

spogne  était  menacée  d'une  réaction  théocratique,  devait  servir  de  trait 
d'union  entre  les  éléments  libéraux^  quelle  que  fût  Torigine.  Le  pro- 
gramme de  la  pièce  était  donc  le  suivant  :  discours  de  M.  Romero  Roble- 
do,  bienveillant  pour  le  cabinet  et  rempli  d'allusion  afin  de  déterminer 
les  conjurés  à  exécuter,  avec  toute  Tassurance  possible,  leur  marcbe  en 
avant,  et  réponse  de  M.  Sagasta,  recommandant  à  la  majorité  de  voter  la 
proposition  de  M.  Romero  Robiedo,  avec*  un  salut  adressé  aux  nouveaux 
alliés.  Cet  échange  de  gracieusetés  devait  sceller  et  rendre  effective  la 
concentration  démocratique,  car  tel  était  le  nom  qu^on  donnait  à  Tavorton. 
Toutefois,  M.  Sagasta  fut,  de  nouveau,  trompé  dans  ses  espérances. 
M.  Romero  Robiedo  prit  la  parole  en  faveur  de  sa  proposition  ;  mais  son 
discours  coïncida,  dans  le  Congrès,  avec  la  grande  bataille  que  Topposition 
livrait  au  gouvernement,  au  sein  du  Sénat,  sur  la  question  du  bilL  La 
majorité  de  la  commission  avait  donné  un  avis  favorable  ;  la  minorité  pré- 
sentait, en  sens  contraire,  son  avis  particulier,  il  s'agissait  de  faire  triom- 
pher Tune  ou  l'autre  opinion  au  scratin  par  appel  nominal,  et  les  forces 
adverses  s'équilibraient  à  peu  près.  Le  gouvernement  ût  circuler  un  appel 
parmi  les  sénateurs  amis  ;  il  stimula  le  zèle  des  malades,  qui  ne  Tétaeint 
pas  trop  gravement,  afin  qu'ils  ne  manquassent  pas  à  la  séance  ;  il  ût 
venir  de  l'étranger  les  ambassadeurs  qui  possédaient  un  siège  à  la  Haute 
Chambre  ;  il  mit  en  œuvre,  enfin,  tous  les  moyens  qui  pouvaient  amener 
son  triomphe.  L'opposition  fit,  de  son  côté,  tout  ce  qui  convenait.  Et  la 
bataille  commença.  Les  votes  favorables  et  contraires  se  succédaient 
alternativement  et  sans  avantage  marqué  pour  chacun  des  partis  belligé- 
rants. Le  gouvernement  paraissait  préoccupé  ;  l'opposition  espérait.  Le 
scrutin  était  clos,  au  moment  de  proclamer  les  résultats  du  scrutin,  on 
signala  des  erreurs  et  des  omissions  qui  viciaient  les  opérations.  Il  fallut 
recommencer  et,  enfin,  on  proclama  le  résultat  si  désiré.  Le  gouverne- 
ment l'emportait  à  une  majorité  de...  deux  voix  Y  Pauvre  triomphe,  plus 
humiliant  que  la  défaite  même  !  Et,  pendant  que  les  choses  se  passaient 
ainsi  au  Sénat,  M.  Romero  Robiedo  pariait  au  sein  du  Congrès  ;  il  parlait 
contre  M.  Gamazo,  il  parlait  contre  M.  Silvela,  il  parlait  contre  le  général 
Polavieja,  contre  tous  les  ennemis  de  M.  Sagasta  et  il  donnait  des  gages  en 
sa  faveur,  affirmant  qu'il  pouVait  compter  sur  son  concours.  Trois  heures 
durant  se  poursuivit  le  discours  du  batailleur  ex-ministre  du  cabinet 
Canovas  ;  trois  heures  durant,  l'orateur  espéra,  de  minute  en  minute,  que 
M.  Sagasta  se  présenterait  au  banc  ministériel,  pour  lui  répondre;  et 
M.  Sagasta,  retenu  au  Sénat  par  l'attente  de  ce  vote  qui  devait  lui  être  si 
fatal,  ne  put  se  rendre  au  Congrès,  et  le  discours  resta  sans  réponse.  Dès 
que  le  résultat  du  vote  lui  fut  connu,  le  chef  du  gouvernement  comprit 
que  son  rôle  était  fini  ;  il  convoqua  ses  collègues  du  cabinet  ;  ils  furent 
unanimes  dans  leur  appréciation  des  événements,  et  ils  tombèrent  d'accord 
pour  autoriser  le  Président  à  remettre  à  Sa  Majesté  la  Reine  la  démission 
du  Ministère  tout  entier;  ainsi  s'ouvrit  une  crise  d'une  importance 
capitale. 

Sa  Majesté,  fidèle  observatrice  de  la  Constitution,  s*etitoura  des  avis 


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ESPAGNE  413 

indiqués  en  pareille  circonstance,  et  réfléchit  sur  la  résolution  la  plus 
prudente  à  prendre.  Le  problème  était  susceptible  de  trois  solutions  diffé- 
rentes :  la  première  consistait  à  renouyeler  les  pouvoirs  de  M.  Sagasta,  à 
lui  remettre  un  décret  de  dissolution  des  Cortès  et  à  en  convoquer  de  nou- 
velles avec  le  programme  de  la  concentration  démocratique  ;  la  seconde,  à 
confier  le  pouvoir  à  un  ministère  de  conciliation  libérale,  sous  la  prési- 
dence de  Tune  quelconque  des  personnalités  illustres  de  ce  parti,  qui  aurait 
assez  de  prestige  pour  grouper  les  volontés  discordantes,  à  continuer  à 
gouverner  avec  les  chambres  existantes,  en  fonction  depuis  une  année 
seulement,  et  à  se  consacrer  à  la  grande  œuvre  de  la  reconstitution  natio- 
nale ;  la  troisième^  à  appeler  aux  affaires  les  conservateurs,  dont  le  chef, 
M.  Silvela,  avait  conclu  un  pacte  d'alliance  avec  le  général  Polavieja  et,  par 
là  même,  possédait  un  programme  bien  défini  et  un  parti  robuste. 

De  ces  trois  solutions,  la  première  s'excluait  d'elle-même  ;  la  seconde 
était  la  plus  pratique,  et  la  troisième  s'imposait,  dems  le  cas  où  la  seconde 
se  heurterait  à  quelque  obstacle.  L'obstacle  existait.  La  Reine  fit  connaître 
à  M.  Montero  Rios  qu'il  lui  paraissait  convenable  qu'il  se  chargeât  de  la 
coudtitution  d'un  ministère  libéral.  L'entreprise  eût  été  facile  pour  cet 
illustre  homme  d'Etat,  car  sa  réputation  dans  son  parti,  sa  haute  situation 
parlementaire,  comme  président  du  Sénat  et  les  sympathies  unanimes  qu'il 
s'était  acquises  dans  l'opinion  en  présidant  la  Commission  espagnole  de 
Paris,  le  rendaient  apte  à  diriger  un  cabinet  et  à  grouper,  à  son  tour,  tous 
ceux  qui,  dans  le  parti  libéral,  se  montraient  désabusés  à  l'égard  de 
M.  Sagasta.  Mais  celui-ci,  de  son  côté,  donnant  des  preuves  de  sou  peu  de 
désintéressement,  déclara  qu'aucun  ministère  libéral  n'aurait  son  appui 
personnel,  ni  celui  de  ses  amis.  Plutôt  que  de  voir  la  présidence  du  Con- 
seil des  ministres  attribuée  à  un  de  ses  coreligionnaires  politiques,  il  pré- 
férait voir  passer  le  pouvoir  aux  mains  des  conservateurs.  Il  était  égale- 
ment disposé  à  considérer  comme  une  injure  personnelle  l'entrée  de 
M.  Gamazo  ou  de  Tun  quelconque  de  ses  amis  dans  le  ministère  en  forma- 
tion. M.  Montero  Rios  à  qui  cette  manière  de  voir  de  son  chef  fut  notifiée, 
ne  peut  que  décliner,  auprès  de  S.  M.^  l'honneur  de  constituer  un  cabinet, 
et  la  Reine,  alors,  se  décida  à  appeler  dans  ses  conseils  M.  Silvela. 

La  solution  de  la  crise  a  été  ce  qu'elle  devait  être,  et  a  été  approuvée. 
S.  M.  la  Reine  régente,  qui  exerce  avec  tant  de  prudence  ses  fonctions  de 
chef  d'Etat,  a  donné,  en  cette  circonstance,  une  preuve  de  plus  de  la  sûreté 
de  son  jugement  et  de  la  sagesse  de  ses  déterminations.  Le  projet  de  cons- 
tituer un  gouvernement  à  l'aide  des  éléments  libéraux  ayant  échoué  par 
suite  de  l'égoîsme  irréductible  de  M.  Sagasta,  et  l'insuccès  .lyant  répondu 
à  la  tentative  faite  pour  donner  le  pouvoir  à  la  concentration  monstrueuse 
d'éléments  qui  auraient  exercé  leur  autorité  en  suivant  une  politique  de 
persécutions  et  de  haines  complètement  stérile  pour  le  bien  de  la  patrie, 
il  ne  restait  plus  d'autre  solution  que  celle  offerte  par  M.  Silvela,  appuyé 
sur  le  parti  de  l'union  conservatrice  renforcée  des  éléments  attachés  à  la 
politique  du  général  Polavieja.  A  peine  appelé  au  pouvoir,  M.  Silvela  pré- 
senta à  S.  M.  la  liste  des  ministres,  et  le  Cabinet  conservateur  se  trouva 


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414  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   A   l'ÉTRAMGER 

constitué  de  la  manière  suivante  :  Présidence  et  ministère  d*Etat  (affaires 
étrangères),  M.  François  Silvela;  Finances,  M.  Raymond  Fenaandez- Villa 
verde;  Guerre,  M.  Camille  Polavieja;  Marine,  M.  Joseph  Gomez  Imaz, 
contre-amiral;  Grâce  et  Justice,  M.  Manuel  Duran  y  Bas;  Gouvernement 
(intérieur),  M.  Edouard  Dato  ;  et  Fomento,  M.  le  marquis  de  Pidal. 

Ceux  qui  sont  au  courant  de  la  politique  espagnole  constateront  que  la 
combinaison  qui  vient  d'être  indiquée  contient  deux  départements  de 
moins  que  d'ordinaire.  Le  fait  s*explique  de  la  façon  la  plus  simple  :  Tun 
d'eux  correspondait  au  Ministère  des  Colonies,  que  notre  récent  désastre 
rendait  inutile  ;  l'autre  avait  été  absorbé  par  le  Président  du  conseil  des 
ministres,  qui  avait  pris  en  mains  la  direction  de  nos  relations  internatio- 
nales.  Les  tendances  qui  prédominaient  dans  le  nouveau  cabinet  étaient 
peu  progressives  en  matière  politique,  mais  suffisamment  avancées,  en 
matière  administrative.  Néanmoins,  il  est  impossible  de  nierqu*il  ait  été 
accueilli  par  l'opinion  avec  une  véritable  sympathie.  On  attendait  avec 
une  grande  anxiété  une  solution  susceptible  de  mettre  un  terme  à  l'inté- 
rim du  ministère  Sagasta  et  d'orienter  la  politique  intérieure  vers  des 
chemins  conduisant  à  la  régénération  désirée  ;  et  cet  état  d'esprit  contri- 
bua, pour  une  large  part,  à  faciliter  à  nos  gouvernants  la  conquête  dh  la 
faveur  populaire.  Il  ne  paraîtra  pas  superflu  aux  lecteurs  qui  aiment  à  con- 
naître, dans  ses  détails  les  plus  intimes,  la  vie  politique  des  nations  étran- 
gères, de  tracer  légèrement  le  portrait  des  hommes  à  qui  les  destinées  de 
l'Espagne  sont  confiées  à  l'heure  actuelle. 

•  M.  Silvela.  ^  C'est,  comme  nous  venons  de  le  dire,  le  premier  ministre  de 
la  rein«  d'Espagne.  Canovas,  dans  le  parti  duquel  il  combattit  jusqu'en 
1892,  le  désigna  comme  son  héritier  au  poste  de  chef  des  conservateurs.  U 
se  repentit  plus  tard  de  <!ette  désignation  alors  que,  cédant  aux  suggestions 
de  la  malveillance,  il  s'imagina  que  M.  Silvela  avait  l'ambition  de  lui  suc- 
céder, de  son  vivant.  Quand  M.  Romero  Robledo  s'allia  au  parti  de 
M.  Canovas  et  y  recouvra  son  ancienne  prépondérance,  M.  Silvela  mani- 
festa le  déplaisir  que  lui  causait  cet  événement,  et  ceux  qui  pensaient 
comme  lui  se  groupèrânt  à  sa  suite,  déterminant  ainsi,  au  sein  du  parti 
conservateur,  une  scission  d'une  réelle  importance.  Lors  de  la  mort  de 
M.  Canovas,  tous  ceux  qui,  sans  lui  refuser  leurs  sympathies,  lui  avaient 
marchandé  leur  adhésion  par  respect  pour  leur  chef,  tournèrent  les  yeux 
vers  lui.  Seuls  les  derniers  ministres  du  Cabinet  présidé  par  M.  Canovas, 
qu'à  raison  de  leur  fidélité  à  la  mémoire  de  cette  illustre  victime,  on  dé- 
signe sous  le  nom  de  Chevaliers  du  Saint-Sépulcre,  lui  refusèrent  l'obéis- 
sance. M.  Silvela  est  un  orateur  admirable,  un  écrivain  des  plus  remar- 
quables, un  tempérament  froid  et  un  esprit  des  plus  cultivés.  Il  en  est 
(nous  l'avons  déjà  remarqué  dans  nos  chroniques  précédentes)  qui  sup- 
posent qu'il  manque  d'énergie  ;  mais  il  pourra  bientôt  se  laver  de  ce 
reproche,  car  il  aura  de  nombreux  motifs  pour  faire  montre  de  la  qualité 
qu  on  prétend  lui  faire  défaut. 

M.  Villaverde.  ^  C'est  le  Ministre  des  Finances.  Ses  études  antérieures, 
ses  campagnes  au  sein  du  Parlement,  son  application  au  travail  et  son 


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ESPAGNE  4  1 5 

intelligence  le  désignaient,  d'avance,  pour  le  portefeniUe  qui  lui  est  conûé. 
Il  avait  été  ministre  de  rinténeur  et  des  Grâces  et  de  la  Justice  avec  M.  Ca- 
novas. C'est,  par  suite,  un  homme  versé  dans  la  pratique  des  affaires  gouver- 
nementales. Il  jouit,  de  plus,  de  la  pleine  confiance  de  M.Silvela,qu*il  suivit 
dans  sa  rupture  avec  M.  Canovas,  et  avec  lequel  il  se  montra  en  commu- 
nauté d'idées. 

Le  général  Polavieja.  —  C'est  le  Ministre  de  la  Guerre.  Sa  vie  militaire 
est  pleine  de  faits  honorables  ;  sa  vie  poiltique  ne  fait  que  de  commencer, 
il  débuta  dans  la  carrière  comme  soldat.  Aujourd'hui,  il  est  général,  mi- 
nistre et  dignitaire  du  royaume.  A  Cuba,  il  acquit  un  grand  renom  en 
combattant  le  mouvement  séparatiste  qui  se  produisit  à  la  suite  de  la  con- 
clusion de  la  paix  de  Tanjor  ;  en  dernier  lieu,  il  gagna  aux  Philippines  une 
graude  popularité  par  sa  conduite  énergique,  durant  le  ministère  Canovas, 
qui  lui  marchandait  les  moyens  de  combattre  l'insurrection,  et  par  la 
vigueiu'  qu'il  déploya,  dans  ces  pays,  contre  les  Indiens  riches,  accusés 
de  conspiration.  On  l'accusa,  à  Cuba,  d'être  un  intransigeant,  en  matière 
politique,  et,  aux  Philippines,  de  se  montrer  peu  sévère  dans  la  distribu- 
tion des  récompenses,  qu'il  répartissait  arec  une  prodigalité,  où  beaucoup 
voyaient  le  désir  de  se  faire  des  prosélytes  dans  l'armée.  Lui  qui,  comme 
militaire,  se  fait  une  religion  de  la  discipline,  ne  s'y  soumet  pas  très 
étroitement  en  politique  et  fait  preuve  d'une  certaine  indépendance  qui 
donne  beaucoup  d*espoir  aux  ennemis  du  gouvernement. 

M.  Gomez  Irnaz.  — 11  n'était  pas  encore  connu  comme  homme  politique. 
C'est  un  marin  de  beaucoup  de  réputation  et  d'expérience.  Il  jouit  d'une 
grande  estime  auprès  de  ses  compagnons  d'armes,  et  on  le  considère 
comme  animé  d'excellentes  intentions.  C'est  un  grand  ami  de  M.  Silvela, 
et  il  obéira  fidèlement  aux  inspirations  qu'il  recevra  de  son  chef. 

M.  Duran  y  Bas.  —  C'est  un  homme  blanchi  dans  l'étude  et  dans  l'ensei- 
gnement. Il  jouit  de  la  réputation  de  jurisconsulte  éminent,  et  sa  dési- 
gnation pour  le  portefeuille  de  Grâce  et  Justice  n'a  surpris  personne.  En 
Catalogne  et,  particulièrement  à  Barcelone,  il  possède  un  grand  et  légi- 
time prestige. 

M.  Dato.  —  C'est  le  plus  jeune  des  ministres.  II  a  été  sous-secrétaire 
d'Etat  au  département  qu'il  dirige  aujourd'hui  comme  chef  suprême.  Il 
occupe  une  brillante  position  sociale  ;  il  est  avocat  de  grande  réputation  et 
jouit,  dans  son  parti,  d'une  légitime  sympathie.  11  suivit  M.  Silvela,  dès  les 
premiers  moments  de  sa  rupture  avec  M.  Canovas;  il  a  fait  de  brillantes 
campagnes,  dans  le  Parlement,  et  chacun  lui  reconnaît  des  qualités  excep- 
tionnelles de  rectitude  d'esprit  et  d'énergie,  dont  il  usera  dans  l'exercice 
des  fonctions  qui  lui  sont  confiées. 

M.  le  marquis  de  Pidal.  —  Il  fut  constamment  attaché  au  parti  de 
M.  Canovas.  A  la  mort  de  celui-ci,  il  comprit  que  la  monarchie  et  la  patrie 
avaient  besoin  d'un  parti  conservateur  uni  et  fort,  et  il  donna  son  adhé- 
sion à  M.  Silvela.  Dans  le  nouveau  cabinet,  il  représente  la  nuance  la  plus 
réactionnaire  ;  mais  son  talent,  sa  doctrine  et  sa  haute  culture  le  rendent 
digne  des  plus  grands  respects. 


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416  LA    Yl£   POLITIQUE   ET  PARLEMENTAIRE   A    L*ÉTRAN6ER 

En  somme,  le  nouveau  gouvernement  est  composé  d'hommes  d^une 
valeur  indiscutable,  et  ses  premiers  actes  ont  mis  en  relief  une  rectitude 
de  procédés  peu  commune  dans  la  politique  espagnole. 

La  résolution  qu'il  a  prise  de  procéder  à  des  élections  générales,  peu  de 
jours  après  son  arrivée  au  pouvoir,  et  de  respecter  les  organisations 
locales  créées  par  une  politique  opposée  à  celle  qu'il  représente,  est  une 
preuve  de  sincérité,  telle  que  Ton  en  a  vu  rarement  dans  les  chroniques 
de  notre  vie  électorale. 

Les  élections  à  la  Chambre  des  Députés  ont  eu  lieu  le  16  de  ce  mois. 
Les  Gortès  commenceront  à  siéger  le  2  juin. 

Comme  les  Chambres  récemment  dissoutes  n'ont  voté  ni  préparé  aucune 
loi  d'intérêt  général,  pendant  les  rares  séances  qu'elles  tinrent  au  cours 
de  leurs  sessions  très  courtes  et  très  accidentées,  je  ne  joindrai  pas  à  la 
présente  chronique,  comme  j'avais  l'habitude  de  le  faire,  une  liste  des 
projets  et  propositions  de  loi. 

Le  pays  a  l'espoir  et  le  désir  ardents  de  voir  les  nouvelles  Cortès,  péné- 
trées des  nécessités  publiques,  s'adonner  avec  une  énergie  virile  à  l'œuvre 
pour  laquelle  elles  ont  été  nommées,  et  ne  point  perdre,  dans  des  débats 
politiques  stériles,  un  temps  que  la  patrie  réclame  avec  insistance,  dans  le 
but  de  sécher  le  sang  de  ses  blessures,  négligées  jusqu'ici.  Puisse-t-il  en 
être  ainsi  I 


II.  —  ROUMANIE 

Par  P.-G.  Cantilli,  secrétaire  du  Conseil  des  Miniêlres. 

La  démission  du  cabinet  libéral  présidé  par  M.  D.  Stourdza,  ainsi  que  la 
mort  unanimement  déplorée,  de  M.  Lascar  Catargi,  chef  du  parti  cotiser- 
'i  valeur,  sont  les  événements  qui  ont  remué  la  vie  politique  en  Roumanie 

!  en  ces  derniers  temps.  La  décision  de  M.  Stourdza  de  résigner  ses  fonc- 

tions, tout  en  ayant  l'apparence  d'une  idée  préalablement  préconçue,  n'a 
pas  moins  surpris  les  membres  du  parti  dont  il  a  la  direction  et,  vu  les 
;  circonstances  de  l'heure  présente,  l'incertitude  est  grande  dans  ses  rangs. 

1  Par  la  disparition  de  M.  Lascar  Catargi,  la  retraite  du  cabinet  libéral  a  eu 

3  son  contre-coup  également  dans  le  camp  des  conservateurs,  pris  au  dé- 

"*  pourvu  ;  les  compétitions  de  prépotence  y  revêtent  un   caractère  particu- 

^  iièrement  âpre,  en  ce  moment  surtout  où  l'opinion  générale,  plus  encore 

peut-être  que  la  lettre  constitutionnelle,  attend  la  décision  du  souverain, 
dont  l'effet  sera  de  remplacer  le  parti  libéral  par  le  parti  conservateur  à 
la  direction  des  affaires  publiques. 

Il  y  a  six  mois,  bien  que  fortement  combattu  par  ses  adversaires,  ainsi 
que  par  un  nombre  respectable  à  plus  d'un  titre  de  libéraux,  mécontents 
de  la  direction  imprimée  au  parti,  rien  ne  faisait  encore  prévoir,  du  moins 
pour  le  moment  où  j'écris  ces  lignes,  la  décision  du  chef  du  parti  libéral 


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ROUMANIE  417 

de  se  démettre  volontairement  de  ses  fonctions  de  Président  du  Ck)nseil 
des  Ministres.  Au  surplus,  la  clôture  des  Chambres  ayant  eu  lieu  quelques 
jours  auparavant,  c'est  en  pleines  vacances  parlementaires  que  la  crise 
ministérielle  s'est  déclarée.  Aussi  est-on  forcément  amené  à  chercher 
ailleurs  que  dans  un  conflit  parlementaire,  le  motif  de  la  décision  dont  le 
résultat,  selon  toutes  les  probabilités,  sera  de  transmettre  le  pouvoir  aux 
mains  du  parti  conservateur.  Quelle  serait  la  portée  de  cet  événement? 
Il  n'est  pas  aisé  d'en  tirer  une  conclusion,  qui  puisse  donner  une  idée 
nette  d*un  pareil  état  de  choses.  A  travers  les. luttes  des  partis  politiques 
en  Roumanie,  Timprévu  peut  surgir  à  tout  propos,  et  si  Ton  osait  émettre 
une  opinion  qui  serait  dans  la  note  du  vrai,  du  juste  et  du  normal,  Ton  ne 
saurait  assez  souhaiter  que  les  hommes  à  qui  sont  confiés  les  destinées 
des  partis  qu'ils  dirigent,  mettent  à  profit  leur  expérience  et  leur  savoir 
pour  toucher  les  vices  qui  rongent  les  partis  et  se  décident  à  en  indiquer 
les  remèdes.  C'est  ainsi  que  dans  la  crise  actuelle  de  la  Roumanie,  latente 
déjà  depuis  quelques  mois,  il  est  avant  tout  esssentiel  de  résumer  les  évé- 
nements qui  Tout  produite  avant  d*attendre  un  dénouement  durable,  que 
l'esprit  le  plys  pénétrant,  lui-même,  ne  semble  pas  pouvoir  démêler  avec 
une  trop  grande  facilité. 

La  dernière  session  parlementaire  a  été  ouverte,  le  13  novembre  dernier, 
par  un  discours  du  Roi,  impérieusement  exigé  par  la  Constitution,  le 
message  d'ouverture  des  Corps  législatifs.  Les  sénateurs  et  les  députés  se 
réunissent  dans  le  palais  de  la  Chambre  des  députés,  où  le  Souverain  donne 
lecture  de  son  discours,  qui  porte  à  la  connaissance  des  représentants  du 
pays,  les  événements  principaux  survenus  au  cours  des  vacances  parlemen- 
taire. Le  message  propose  également  le  programme  de  travail  pour  la 
session  qui  commence.  C'est  plutôt  par  une  tradition  constante,  que  par  une 
règle  prévue  dans  un  texte  de  loi,  que  le  Message  jette  un  coup  d'œil 
rétrospectif  sur  ce  qui  s'est  passé  dans  l'intervalle  de  deux  sessions  parle- 
mentaires. Celui  dont  nous  parlons  s'est  un  peu  départi  de  cet  usage,  car 
il  ne  mentionne  rien  en  ce  qui  concerne  les  élections  municipales  qui  ont 
précédé  l'ouverture  des  Corps  législatifs,  et  qui  ont  marqué  un  succès 
appréciable  pour  le  gouvernement.  Par  contre  la  visite  que  le  Roi  a  faite 
à  la  Cour  de  Russie  en  juillet  189B  fait  l'objet  d'une  mention  spéciale  et  a 
été  l'objet  d'applaudissements  enthousiastes  des  sénateurs  et  députés 
réunis  :  «  A  l'occasion  de  la  visite  que  j'ai  rendue  à  l'Empereur  de  Russie, 
<c  dit  le  ftoi  dans  son  message.  Sa  Majesté  m'a  donné  de  nombreuses  mar- 
«  ques  d'une  amitié  réelle.  La  réception  qui  m'a  été  faite  a  été  aussi  sympa- 
«  thique  que  brillante,  et  au  cours  de  mon  voyage  en  Russie  j'ai  vu.  avec 
«  une  satisfaction  toute  particulière,  que  le  souvenir  de  la  confraternité 
<  d'armes  consacrées  sur  les  champs  de  bataille  de  la  Bulgarie  est  resté 
«  intact.  » 

Une  triple  slave  d'applaudissements  a  souligné  ces  dernières  paroles  du 
Roi  qui  rappelaient  la  guerre  de  l'indépendance  de  la  Roumanie. 

En  ce  qui  concerne  le  programme  de  travail,  le  Message  ajoute  que 
((  les  travaux  de  la  session  actuelle  seront  consacrés  notamment  à  la  solu- 


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418  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLElfENTAIBE   A   l'ÉTRANGER 

«  tion  des  projets  de  loi  déposés  au  cours  de  la  dernière  session,  ainsi  qu*à 
«  Texamen  du  budget  général  de  TEtat •'..... 

«  Nos  traités  de  commerce  expireront  dans  un  prochain 

*<  délai.  Il  est  donc  urgent  de  prendre  les  mesures  les  plus  propres  à  nous 
«  donner  une  juste  appréciation  de  nos  nécessités  économiques  et  com- 
«  merciales,  auxquelles  il  convient  d*assurer  une  direction  stable  et  régu- 
»  Hère  »,  et  plus  loin,  on  retrouve  dans  le  Message  royal,  Tannonce  d'un* 
projet  de  loi  sur  renseignement  professionnel  qui  «  donnera  aux  jeunes 
«  générations  une  direction  pratique,  répondant  à  Tessor  économique  du 
«  pays  ». 

Pour  répondre  à  Tattente  légitime  du  pays,  le  Message  fait  un  appel 
chaleureux  à  toutes  les  bonnes  volontés,  car  «  chaque  année  élargit  le 
«  cercle  de  notre  activité,  et  la  collaboration  de  tous  est  nécessaire  pour 
«  affermir  et  fortiÛer  notre  pays  ». 

Au  début  de  la  session,  tout  se  passait  en  un  calme  parfait.  La  tempé- 
rature des  discussions  était  très  basse,  bien  que  l'opposition  conservatrice 
ait  reçu  du  renfort,  avec  Tappoint  non  déguisé  de  M.  Fleva  et  ses  amis, 
et  de  l'attitude  manifestement  hostile  du  groupe  libéral  dirigé j)ar  M.  Auré- 
liau,  ancien  président  du  Conseil  des  ministres.  Des  projets  de  loi  d'une 
importance  notable  passèrent  sans  difficulté.  La  loi  sur  renseignement 
professionnel  elle-même,  tout  en  donnant  lieu  à  des  discussions  asseï 
vives,  n'a  provoqué  d'autres  incidents  que  la  démission  du  ministre  de 
l'Agriculture,  du  Commerce  et  de  llndustrie,  M.  Stolojan,qui  ne  consentait 
qu'à  moitié  à  se  voir  enlever  les  écoles  professionnelles  pour  les  faire  passer 
sous  la  direction  du  ministre  de  l'Instruction  publique.  Il  est  vrai  que  la 
démission  de  M.  Stolojan  est  survenue  avant  même  que  les  débats  sur 
cette  loi  ne  commencent,  mais  ayant  le  premier  pris  la  parole  pour  com- 
battre l'œuvre  de  M.  Haret,  ministre  de  l'Instruction  publique,  il  a  laissé 
entrevoir  le  désaccord  dans  lequel  il  s'est  trouvé  avec  ses  collègues  du 
cabinet  relativement  à  la  loi  sur  renseignement  professionnel.  Aussi  a-t«il 
dans  son  discours  vivement  protesté  contre  ce  qu'il  pensait  être  une  muti- 
lation du  département  ministériel  dont  il  avait  eu  la  direction  et  qu'il  a 
abandonné  pour  ne  pas  être  contraint  de  souscrire  contre  son  gré  à  une 
décision  déjà  arrêtée  dans  l'esprit  des  autres  membres  du  cabinet  présidé 
par  M.  Stourdsa. 

Le  Gouvernement  marchait  tant  bien  que  mal  à  travers  les  difficultés 
causées  plus  encore  par  la  situation  intérieure  du  parti  que  par  les 
attaques  progressivement  violentes  de  l'opposition  conservatrice.  Les 
travaux  parlementaires  se  poursuivaient  sans  incidents  notables,  lors- 
qu'une certaine  brochure  anonyme  parue  à  Budapest,  et  prétendant  expli- 
quer l'avènement  de  M.  Stourdza  au  pouvoir  après  une  entente  préalable 
avec  le  baron  Banffy,  ancien  ministre  président  de  Hongrie,  au  détriment 
de  la  cause  des  Roumains  asservis  à  l'hégémonie  magyare,  mit  le  feu  aux 
poudres  de  l'opposition,  qui  inaugura  une  campagne  de  renversement 
contre  M.  Stourdza,  accusé  de  trahison,  mais  en  réalité  contre  le  parti 
libéral  dont  M.  Stourdza  est  le  chef. 


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ROUMAISIE  419 

Inutile  d'ajouter  que  personne,  en  Hongrie  ou  en  Roumanie,  n'a  ajouté 
foi  aux  racontars  de  cette  brochure,  œuvre  d'un  mauvais  plaisant.  Gomme 
moyen  d'action  anti-gouvernementale,  elle  est  toutefois  d'une  réelle  utilité, 
aussi  l'opposition  saisit-elle  l'occasion  de  s'en  emparer  et  d'entreprendre 
sur  le  thème  de  la  trahison  une  campagne  de  renversement.  Quelques 
jours  avant  la  clôture  du  Parlement,  M.  Cantacuzène  au  Sénat  et  M.  Mar- 
ghiloman  à  la  Chambre  des  députés,  donnèrent  lecture  d'une  déclaration 
signée  par  les  membres  de  l'opposition,  à  l'exception  du  groupe  de 
M.  Aurelian,  par  laquelle  ils  prenaient  l'engagement  d'empêcher  le  gouver- 
nement de  poursuivre  les  travaux  parlementaires,  par  une  campagne 
d'obstruction,  à  l'instar  de  ce  qui  s'est  passé  au  Reichsrath  de  Vienne  et  à 
la  Chambre  des  députés  de  Budapest. 

Sitôt  dit,  sitôt  fait.  Des  discours  interminables  commencèrent,  les  dépu- 
tés s'exerçant  pour  obtenir  le  record  de  l'éloquence  parlementaire  ;  avec 
cela,  tous  les  jours  une  douzaine  d'interpellations,  dont  la  longueur  dé- 
mesurée du  texte,  constitue  à  elle  seule  un  développement  déguisé,  si  bien 
que  le  gouvernement  s'est  vu  dans  la  nécessité  de  solliciter  du  Roi  le 
message  de  clôture  des  Corps  législatifs,  qui  remercie  les  représentants  de 
la  nation  pour  le  zèle  avec  lequel  ils  ont  examiné  les  divers  projets  de  loi 
soumis  à  leur  délibération.  La  lecture  de  ce  message  fut  donnée  au  Sénat 
et  à  la  Chambre  des  députés  par  le  président  du  conseil  et  accueilli  par 
des  applaudissements  bruyants  de  la  part  de  l'opposition. 

En  ce  moment  commença  la  campagne  extraparlementaire.  L'opposition 
descendit  dans  la  rue.  Interpellations,  discours,  amendements,  bruit  de 
pupitres,  de  temps  à  autre  des  voies  de  faits,  furent  remplacés  par  des 
manifestations  en  plein  air.  A  la  sortie  de  chaque  réunion,  des  proces- 
sions en  cortège  se  dirigaient,  selon  une  habitude  passée  on  règle,  vers  le 
Palais-Royal,  et  lorsque  les  agents  de  l'autorité  essayaient  de  former  un 
obstacle  à  ces  excursions  à  travers  les  rues  de  Bucarest,  ils  étaient  écartés 
par  une  pluie  de  pavés  et  de  briques,  si  bien  qu'une  bagarre  sanglante 
s'ensuivit  dans  la  journée  du  9  avril.  Le  surlendemain,  M.  Stourdza  déposa 
sa  démission  entre  les  mains  du  souverain,  qui  l'accepta. 

Dans  ces  circonstances,  on  serait  tenté  de  croire  que  le  gouvernement 
a  reculé  devant  l'émeute,  et  telle  paraît  être  l'opinion  générale,  si  Ton  ne 
recherchait  la  cause  de  la  retraite  du  gouvernement,  non  pas  précisément 
dans  les  menées  violentes  de  l'opposition,  mais  plutôt  dans  l'état  de  fai- 
blesse qui,  depuis  de  longs  mois,  a  progressivement  miné  le  parti  libéral. 
Certains  défauts  d'organisation  ont  donné  les  résultats  fâcheux  qui  ont 
abouti  à  raréfier  les  rangs  du  parti.  Il  y  eut  tout  d'abord,  au  début  même 
du  ministère  de  iL  D.  Stourdza,  la  démission  bruyante  de  M.  Fleva,  alors 
ministre  de  l'Intérieur,  qui,  suivi  d'un  /groupe  relativement  peu  nombreux, 
fit  une  première  dissidence.  Vint  ensuite  une  seconde  dissidence,  moins 
turbulente  mais  non  moins  énergique,  ayant  à  sa  tête  M.  Aurelian,  ancien 
président  du  Conseil  des  ministres  et  ancien  président  de  la  Chambre  des 
députés,  et  composée  d'hommes  d'un  réel  talent,  qui  entrèrent  très  jeunes 
dans  la  politique  du  parti  libéral,  tels,  M.  Costinesco,  M.  Lascar,  ancien 


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420  LA  VIE  POLITIQUE  ET   PAULEMENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

ministre  de  rintérienr,  etc.  C'est  donc  de  ce  côté  qu'il  convient  de  faire 
les  recherches  et,  avant  tout,  sur  la  véritable  épidémie  de  dissidences  qai 
sévit  sur  le  parti  libéral. 

C'est  en  premier  lieu  à  forganisation  dictatoriale  du  parti  qu'on  s'en 
prend  et  les  dissidents  sont  unanimes  à  accuser  ceux  qui  sont  groupés 
autour  du  gouvernement  d'avoir  déserté  les  principes  du  parti  et  rejettent 
Tépithèthe  de  dissidents  sur  ces  derniers.  Les  membres  du  groupe  Aurelian 
surtout,  sans  s'allier  aux  adversaires  du  parti  libéral,  protestent  hau- 
tement de  n'être  jamais  appelés  dans  le  grand  Conseil  du  parti,  comité 
composé  des  personnalités  les  plus  marquantes  du  parti  et  qui,  dans  le 
temps,  en  avait  la  direction  de  ses  intérêts.  Ils  protestent  contre  l'influence 
grandisssante  d'un  certain  pouvoir  que  M.  Fleva  a  appelé  occulté  et  dans 
lequel  M.  Fleva,  également,  découvre  un  esprit  de  secte  se  manifestant  en 
toute  occasion.  On  ajoute  encore  à  ces  griefs  que  les  bonnes  volontés  de 
la  plupart  des  membres  agissants  du  parti  des  jeunes  surtout,  sont  systé- 
matiquement écartées.  Si  exagérées  que  puissent  être  ces  accusations,  à 
travers  les  agitations  que  les  luttes  paeiQques  enveniment,  il  n'est  pas 
moins  exact  qu'un  mal  sévit  sur  le  parti  libéral  et  que,  si  d'une  part,  il  y  a 
bien  autre  chose  aussi  que  les  défauts  qu'on  veut  mettre  en  relief,  il  y  a, 
d'autre  part,  sauf  quelques  exceptions,  un  fond  de  vérité  dans  les  accu- 
sations lancées  par  les  dissidents.  A  l'heure  présente,  la  crise  ministé- 
rielle est  ouverte  depuis  plusieurs  jours  :  on  fait  des  efforts  pour  arriver 
à  constituer  un  ministère  de  concentration,  dans  lequel  tous  les  groupe- 
ments libéraux  trouveraient  leur  part.  Cette  conciliation,  à  laquelle  s'est 
appliqué  M.  Pake  Giani,  président  de  la  Chambre  des  députés,  parait  de- 
voir être  menée  à  bonne  fin  par  M.  Eugène  Statesco,  ancien  président 
du  Sénat.  Au  milieu  des  incriminations  qui  surgissent  de  tous  côtés  et 
des  haines  qui  paraissent  irrémissibles,  M.  Statesco  réussira-t-il  dans  U 
tâche  qui  semble  lui  être  dévolue  ?  Il  est  difficile  de  prévoir  le  résultat  de 
son  intervention.  Quoi  qu'il  en  advienne,  actuellement  des  démarches  sont 
faites  auprès  de  lui  pour  le  décider  à  utiliser  toute  son  autorité  dans  le 
but  de  combler  i'abtme  qui  divise  aujourd'hui  les  anciens  partisans  de  la 
même  cause. 

Avec  la  mort  de  M.  Lascar  Catargi,  disparait  un  des  rares  représentants 
de  l'époque  héroïque  de  la  Roumanie  contemporaine.  Ancien  lieutenant 
princier  après  l'abdication  du  prince  Couza  et  avant  l'avènement  du  prince 
Charles  de  Hohenzollern,  plusieurs  fois  président  du  Conseil  des  ministres, 
Lascar  Catargi  prit  part  à  tous  les  événements  politiques  qui  ont  marqué 
de  leur  empreinte  les  annales  de  la  Roumanie  moderne,  dont  il  fut  l'un 
des  principaux  artisans.  Sa  mort  laissa  un  grand  vide  dans  le  pays  qu'il 
aima  d'un  amour  sans  égal,  et  les  regrets  unanimes  qu'il  laisse  derrière 
lui  témoignent  du  respect  et  de  l'estime  dont  était  entouré  le  grand 
citoyen  que  pleure  la  Roumanie. 

Sa  disparition  soudaine  a  eu  pour  résultat,  du  moins  pour  le  moment, 
de  séparer  le  parti  conservateur  aussi,  dont  il  était  le  chef  respecté,  en 
deux  camps  qui  se  disputent  la  suprématie  et  la  direction,  celui  des  con- 


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ROUMANIE  421 

servateurs  ayant  à  leur  tôte  M.  Gantacuzène  et  celui  des  junimistes  dirigé 
par  M.  Garp.  Au  moment  où  j'écris  ces  lignes,  au  cours  de  la  crise  minis- 
térielle, Tirritation  est  grande  entre  les  deux  groupes  qui,  unis,  pourraient 
nous  assurer  un  gouvernement  durable. 

Les  conservateurs  ont,  sans  doute  à  leur  point  de  vue,  plus  d'un  titre  à 
revendiquer  pour  un  des  leurs  la  succession  de  Lascar  Gatargi.  Ils  sont  de 
la  maison,  ils  se  réclament  d'un  attachement  ininterrompu  à  leur  ancien 
chef.  M.  Georges  Gantacuzène  a  été  tout  dernièrement  reconnu,  à  une 
réunion  du  comité  conservateur,  comme  chef  du  parti.  Ils  prétendent, 
d'autre  part,  avoir  pour  eux  le  nombre  ainsi  qu'un  contingent  discipliné 
de  jeunes  dirigés  par  M.  Fake  Jonesco,  ancien  ministre,  et  M.  Filipesco^ 
ancien  maire  de  Bucarest. 

Ges  deux  personnalités  se  sont  acquis  une  situation  prépondérante  dans 
le  parti  conservateur,  que  justifie  la  haute  capacité  politique  de  M.  Fake 
Jonesco  et  le  dévouement  sans  bornes  pour  son  parti,  déployé  en  toutes 
circonstances,  par  M.  Filipesco.  Aussi  ont-il  imprimé  leur  manière  de  voir 
dans  l'organisation  intérieure  du  parti.  De  son  côté,  M.  Garp,  chef  des  juni- 
mistes, apporte,  avec  une  connaissance  profonde  de  la  politique,  les  qua- 
lités du  véritable  homme  d'Etat.  Toutefois  sa  prépondérance  dans  les 
conseils  du  parti  est-elle  combattue  et  contestée  dans  le  camp  conservateur. 

Qui,  de  M.  Gantacuzène  ou  de  M.  Garp,  aura  un  jour  la  direction  du 
parti  reconstitué,  à  supposer  qu'il  puisse  l'être  ÎG'est  un  secret  de  l'avenir 
selon  les  termes  d'une  note  tendancieuse  publiée,  par  le  journal  officieux 
de  M.  Garp. 

S'^.Loi  principales  yotées  au  cours  de  la  dernière  session 
parlementaire. 

1.  Convention  postale  univeTselle.  —  Loi  d'adhésion. 

2.  Convention  internationale  de  Lia  Haye.  —  Loi  d'adhésion. 

3.  Convention  sanitaire  de  Venise.  —  Loi  d'adhésion. 

4.  Chemins  de  fer  dlntérèt  privé.  —  Loi  modifiant  certains  articles  de  loi 
relatifs  k  Texploitation  de  ces  chemins  de  fer. 

6.  Arrangement  commercial  provisoire  avec  la  Bulgarie, 

6.  Convention  télégrapho-postale  avec  l'Allemagne. 

7.  Enseignement  professionnel. 

8.  Service  fluvial  roumain.  —  Loi  tendant  &  constituer  un  fond  d'assurance 
des  bateaux  de  ce  service. 


I  • 


REVUE  POUT.,  T.  XX  28 


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LA 

m  POLITIOIE  ET  PARLEMENTAIRE  EN  FRANCE 


I.  —  LA  POLITIQUE  EXTÉRIEURE  DU  MOIS 

Paris,  le  l**  msai  1899. 

Pour  la  première  fois,  depuis  plusieurs  mois,  nous  pouvons  commencer 
cette  chronique  sans  nous  occuper  du  différend  anglo-français,  réglé  par 
la  convention  du  21  mars.  Mais  c*est  d'une  affaire  un  peu  semblable, 
quoique  infiniment  moins  grave,  qu'il  nous  faut  d'abord  parler  :  à  savoir 
du  conflit  samoan,  qui  met  en  opposition  les  intérêts  des  Etats-Unis,  de 
l'Angleterre  et  de  l'Allemagne,  et  qui  a  paru  un  moment  prendre  une 
form^  assez  menaçante.  Aujourd'hui,  quoique  la  pheise  aiguë  de  ce  diffé* 
rend  soit  passée,  il  s'en  faut  encore  de  beaucoup,  cependant,  qu'il  soit 
aplani.  11  nous  semble  donc  nécessaire,  en  prévision  d'éventualités  futures 
possibles,  d'exposer  dès  maintenant,  et  d'une  manière  complète^  les  élé- 
ments  de  la  question,  et  cela  moins  encore  à  cause  de  l'objet  du  litige,  — 
Farchipel  des  Samoa,  —  qui  est  d'une  valeur  toute  relative,  qu'à  cause 
du  contre-coup  que  cette  affaire  peut  avoir  sur  les  rapports  de  trois  puis- 
sances aussi  importantes  que  celles  qui  y  sont  intéressées. 

Voici  comment  a  été  créée  la  situation  actuelle.  Jusqu'à  une  date  rela- 
tivement récente,  l'archipel  des  Samoa,  dans  la  Polynésie,  a  été  soumis  à 
une  sorte  de  régime  féodal,  différents  chefs  indigènes  se  partageant  le 
pouvoir,  et  reconnaissant  quelquefois  un  chef  unique,  ou  roi,  xjui  n'avait, 
du  reste,  qu'une  autorité  illusoire  ;  à  plusieurs  reprises,  il  fut  choisi  dans 
une  famille  très  considérée  de  l'île  Savaii,  celle  des  Maliétoa.  Malgré  ce 
qu'il  y  avait  d'incohérent  et  d'anarchique  dans  cette  constitution,  un 
ordre  relatif  régna  aux  Samoa  tant  que  les  colons  européens  ne  s'immis- 
cèrent pas  dans  les  affaires  du  pays.  Mais  ils  devaient  forcément  être  ten- 
tés de  le  faire,  soit  en  vue  de  leurs  propres  intérêts,  soit  pour  servir  ceux 
de  leurs  pays  respectifs  ;  et,  comme  il  s'y  trouvait  surtout  des  Américains, 
des  Anglais  et  des  Allemands,  l'état  de  choses  confus  qui  ne  tarda  pas  à 
régner  dans  l'archipel  devait  affecter  de  bonne  heure  le  caractère  qu'il  a 
conservé  jusqu'au  moment  actuel,  celui  d'une  rivalité  internationale  entre 
les  Etats-Unis,  l'Angleterre  et  l'Allemagne.  Il  faut  reconnaître  que  ce  fu- 
rent les  Américains  qui  se  montrèrent  les  premiers  les  plus  turbulents.  Dès 
1873,  un  aventurier  de  cette  nation,  le  colonel  Steinberger,  entreprit  de 
faire  annexer  les  îles  aux  Etats-Unis,  après  avoir  acquis  un  pouvoir 
presque  absolu  et  s'être  fait  nommer  premier  ministre  d'un  roi  qui  élail^ 
sa  créature,  Maliétoa  Talavou.  Mais  le  Congrès  de  Washington,  qui  n'était  pas 
encore  devenu  «  impérialiste  »,  refusa  de  prêter  son  concours  à  cette  politique 


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LA   POUTIQUE  EXTÉRIEURE   DU   MOIS  423 

aventureuse,  et  Steinberger  dut  quitter  les  Samoa,  où  il  avait  perdu  tout 
crédit.  En  1877,  nouvelle  tentative  américaine,  dont  Fauteur  était  le  con- 
sul môme  des  Etats-Unis  à  Apia,  M.  Grifûn  ;  mais,  cette  fois  encore,  le  gou- 
vernement de  Washington  désavoua  cet  agent  trop  sélé.  Ce  gouvernement 
fit  même  mieux  :  en  1878,  il  conclut  avec  les  Samoa  un  traité  de  com- 
merce et  d'amitié,  dont  une  des  clauses,  il  est  vrai,  accordait  aux  Améri- 
cains le  port  de  Pago-Pago,  dans  Tile  de  Tutuïla.  Cette  concession  ayant 
excité  la  jalousie  de  TAUemagne  et  de  FAngleterre,  ces  deux  puissances  se 
firent  accorder  par  le  gouvernement  samoan  des  avantages  analogues.  C'est 
ainsi  qu'on  voyait,  progressivement,  s'accentuer  l*action  simultanée  et 
rivale  des  trois  puissances.  Bientôt,  la  situation  devint  très  compliquée. 
Malietoa  Laupepa,  qui  avait  été  élu  roi  en  1881,  avec  l'assentiment  de  ces 
puissances,  vit  surgir  contre  lui  un  rival,  Tamasésé,  qui  ne  tarda  pas  à 
être  le  plus  fort.  Comme  les  luttes  à  main  armée  de  ces  deux  rivaux  por- 
taient préjudice  aux  intérêts  européens,  Malietoa  Laupepa  fut  déposé, 
conduit  à  bord  d'un  navire  de  guerre  allemand  et  transporté  à  Cameroun 
(août  1887),  tandis  que  son  rival,  Tamasésé,  était  reconnu  roi.  Mais  bientôt 
après  (septembre  1888)  le  parti  américain  faisait  élire  un  nouveau  roi, 
Mataafa,  dont  le  nom,  qui  devait  être  souvent  prononcé  dans  la  suite, 
apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'histoire  des  Samoa.  Dès  lors,  nou- 
veaux troubles,  par  suite  de  l'hostilité  entre  Tamasésé  et  Mataafa;    le 
consul  allemand,  M.  Knappe,  se  signala  par  son  énergie  à  vouloir  rétablir 
Tordre,  mais  il  procéda  trop  brusquement,  puisque  son  action  aboutit  à 
faire  prendre  dans  une  embuscade  un  détachement  allemand  du  croiseur 
Olga  (18  décembre  1888)  ;  en  conséquense,  il  fut  rappelé  par  son  gouver- 
nement. Les  choses  tournaient  donc  de  plus  en  plus  à  l'imbroglio  et  au 
chaos.  Le  prince  de  Bismarck,  qui  s'en  apercevait,  et  qui  comprenait  le 
danger  d'une  telle  situation,  résolut  de  convoquer,  à  Berlin,  une  confé- 
rence des  trois  puissances  intéressées,  afin  qu'elles  réglassent  d'un  com- 
mun  accord  la  question   des  Samoa.    Cette  conférence   se   réunit  le 
29  avril  1889,  et  élabora  la  convention  signée  le  14  juin  suivant,  générale- 
connue  S0U3  le  nom  d'Acte  des  Samoa.  Le  régime  ainsi  créé  est  encore  en 
vigueur  aujourd'hui.  C'est  son  application  qui  a  perpétué  l'imbroglio  sa- 
moan, au  point  de  rendre  possibles  les  graves  complications  qui  se  sont 
produites  depuis  le  l**' janvier  dernier,  en  sorte  qu'on  en  demande  généra- 
lement la  suppression,  sans  savoir  encore,  il  est  vrai,  par  quoi  on  le 
remplacera.  Un  examen  un  peu  plus  approfondi  de  l'Acte  du  14  juin  1889 
s'impose  donc  ici. 

On  peut  dire,  pour  caractériser  d'une  manière  générale  le  nouveau 
régime  implanté  aux  Samoa,  qu'il  y  établissait  le  condominium  de  l'Alle- 
magne, de  l'Angleterre  et  des  Etals-Unis,  tout  en  respectant,  dans  la  forme, 
l'indépendance  de  l'Etat  indigène,  et  en  conservant  même  le  roi,  dont 
l'autorité,  il  est  vrai,  devait  être  plus  nominale  que  réelle.  L'article  P- 
stipule,  en  substance  :  quç  les  Samoa  forment  un  territoire  neutre  et  in- 
dépendant, oiï  les  ressortissants  des  trois  puissances  signataires  auront 
des  droits  égaux  ;  que  les  indigènes  auront  le  droit  d'élire  leur  roi  et  de 


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424  LA    VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

choisir  leur  gouvernement,  selon  leurs  propres  lois  et  coûtâmes;  que 
chaque  puissance  signataire  sHnterdit  tout  contrôle  séparé  sur  Tarchipel  ; 
que,  pour  mettre  un  terme  à  la  situation  troublée  du  moment,  Malietoa 
Laupepa,  qui  avait  été  élu  roi  en.  1881,  puis  détrôné,  serait  rétabli  dans 
son  ancienne  dignité,  mais  que  son  successeur  serait  élu  selon  les  lois  et 
coutumes  des  Samoans.  Diaprés  Tarticle  II,  TActe  des  Samoa,  qui  devait 
être  approuvé  par  le  gouvernement  indigène,  aurait  force  de  loi,  même  s'il 
se  trouvait  être  en  contradiction  avec  des  traités  précédents.  L'article  lll 
créait  une  institution  fort  importante,  qui  était  Texpression,  en  quelque 
sorte,  du  condominium  des  trois  puissances  :  à  savoir  la  Cour  suprême, 
composée  d*un  juge  suprême  {chief  justice),  dun  assesseur  (elerk),  et  du 
marshall  of  the  Court,  Le  juge  suprême  devait  être  élu  par  les  trois  puis- 
sances, ou,  à  défaut  d*une  entente  de  celles-ci,  par  le  roi  de  Suède;  il 
devait  être  confirmé  par  le  gouvernement  samoan  ;  il  jugerait  sans  appel  ; 
il  pourrait  être  révoqué  sur  la  demande  de  la  majorité  des  trois  puis- 
sances, autrement  dit  de  deux  d'entre  elles.  Cette  Cour  suprême,  dont  les 
décisions  devaient  s'imposer  à  tous  les  habitants  des  Samoa,  se  voyait 
conférer  des  pouvoirs  importants,  aussi  bien  politiques  que  judiciaires,  le 
chief  justice  étant  appelé  à  trancher  tous  les  différends  auxquels  pourrait 
donner  lieu  Télection  du  roi  ou  la  question  des  prérogatives  qu'il  préten- 
drait s'arroger  ;  il  déciderait,  également,  en  cas  de  conflit  entre  une  des 
trois  puissances  et  le  gouvernement  samoan  ;  il  aurait  le  droit  de  recom- 
mander au  gouvernement  samoan  Tadoption  de  telle  ou  telle  mesure.  En 
outre,  au  point  de  vue  plus  spécialement  judiciaire,  devaient  être  de  la 
compétence  de  la  Cour  suprême  :  toutes  les  actions  civiles  relatives  au 
droit  de  propriété  foncière  ;  toutes  les  causes  civiles  entre  indigènes  et 
étrangers,  ou  entre  étrangers  de  diverses  nationalités  ;  tous  les  crimes  et 
délits  commis  par  des  indigènes  contre  des  étrangers,  ou  par  des  étrangers 
ne  relevant  pas  d'une  juridiction  consulaire.  Quant  à  la  procédure  de  la 
Cour  suprême,  elle  devait  être,  d'une  manière  générale,  analogue  à  la  pro- 
cédure anglaise.  Ainsi,  si  Ton  tient  compte  des  pouvoirs  très  étendus  de 
cette  Cour,  on  comprendra  que  les  trois  puissances  pouvaient  facilement 
exercer,  par  son  intermédiaire,  le  gouvernement  effectif  du  pays.  L'ar- 
ticle IV  de  l'Acte  de  1889,  que  nous  nous  bornons  à  mentionner,  avait 
pour  bat,  en  imposant  des  restrictions  au  droit  des  indigènes  de  vendre 
leurs  propriétés  foncières,  d'empêcher  que  le  sol  ne  passât  trop  complète- 
ment entre  les  mains  des  étrangers.  L'article  V  établit,  en  quelque  sorte, 
un  Etat  dans  l'Etat,  en  créant  la  municipalité  d'Apia,  qui  devait  jouir  d'une 
administration  spéciale,  représentée  par  un  Conseil  municipal  de  six 
membres  et  un  président.  Ce  Conseil  devait  être  élu  par  les  contribuables 
du  district  municipal  payant  au  moins  5  dollars  d'impôts  ;  son  président 
devait  être  désigné  par  les  trois  puissances,  ou,  à  défaut  de  leur  unanimité, 
par  le  chef  d'un  des  Etats  suivants  :  Suède,  Hollande,  Suisse,  Mexique  ou 
Brésil.  Le  Conseil,  dont  les  décisions  devaient  être  approuvées  par  les  trois 
consuls,  ou,  à  défaut  de  leur  unanimité,  par  le  juge  suprême,  devait  ins- 
tituer une  magistrature  municipale.  Ainsi,  tandis  que  le  juge  suprême 


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LA   POLITIQUE  EXTÉRIEURE  DU   MOIS  42b 

représentait  le  condominiiim  dans  Fensemble  dn  royaume,  le  président  du 
Conseil  municipal  le  représentait  dans  cet  Etat  restreint  formé  par  le  dis- 
trict communal  d'Apia,  principal  centre  de  Tarchipel.  Ck)mme,  d'autre 
part,  Tusage  établi  voulait  que  ces  deux  magistrats  appartinssent  à  deux 
nations  différentes,  on  évitait  ainsi  qu'une  des  trois  puissances  n'accaparât 
tout  le  pouvoir  pour  elle  seule.  L'article  Vi  établissait  les  bases  de  la  per- 
ception des  droits  d'entrée  et  des  impôts.  L'article  VII  contenait  des  dis-^ 
positions  destinées  à  empêcher  l'introduction  des  armes  à  feu,  des  muni- 
tions et  de  l'alcool.  Enfin,  l'article  VIII  stipulait  que  l'Acte  du  14  juin  4889 
resterait  en  vigueur  aussi  longtemps  qu'il  n'aurait  pas  été  modifié  du  con- 
sentement unanime  des  trois  puissances  signatairess.  —  Telle  est,  résumée 
daos  son  esprit  général,  la  charte  bizarre  qui  régit  encore  aujourd'hui  les 
Samoa.  Nous  l'avons  fait  connaître,  non  seulement  parce  qu'elle  expliquera 
les  événements  qui  se  sont  passés,  et  ceux  qui  pourraient  encoro  se  pro 
duire,  mais  aussi  parce  que»  à  un  point  de  vue  plus  général,  elle  est  un 
des  plus  curieux  exemples  de  ce  régime  du  condominium,  auquel  des 
gouvernements  ont  encore  le  courage  de  recourir  malgré  les  déboires  qu'il 
a  toujours  produits.  Au  point  de  vue  spécial  qui  va  nous  occuper,  nous 
ferons  remarquer,  avant  d'aller  plus  loin,  qu'il  est  toujours  question,  dans 
cet  Actes  de  Samoa,  de  l'unanimité  nécessaire  des  trois  puissances  signa- 
taires, sauf,  pourtant,  en  ce  qui  concerne  la  révocation  du  juge  suprême, 
qui  peut  être  obtenue  par  deux  puissances  seulement  (Art.  III,  §  3). 

Si  les  représentants  des  trois  puissances,  c'est-à-dire  le  juge  suprême, 
le  président  de  la  municipalité  d'Apia  et  les  trois  consuls,  avaient  appliqué 
l'Acte  de  1889  avec  désintéressement  et  dans  un  esprit  de  parfaite  équité, 
peut-être  ce  régime,  tout  bizarre  qu'il  parût  sur  le  papier,  eût-il  pu  pro- 
duire des  résultats  tolérables.  Mais,  étant  données  les  ambitions  des  Alle- 
mands, des  Anglais  et  des  Américains,  et,  d'autre  part,  l'antagonisme  des 
deux  prétendants  indigènes,  Malietoa  Laupepa  et  Mataafa«  ce  dernier 
détrôné  au  profit  du  premier,  il  était  inévitable  que  de  nouvelles  compli- 
cations se  produiraient,  favorables  aux  pêcheurs  en  eau  trouble.  Tel  a  été, 
en  effet,  le  cas.  Dès  les  premières  années  de  l'application  de  l'Acte, 
Mataafa  et  Malietoa  Laupepa  recommencèrent  à  agiter  le  pays  par  des  ^ 
luttes  à  main  armée,  sur  les  péripéties  desquelles  nous  ne  nous  attarde- 
rons pas,  afin  d'arriver  tout  de  suite  aux  événements  actuels.  L'été  dernier, 
Malietoa  Laupepa  mourait.  D'après  l'Acte  de  Berlin,  son  successeur  devait 
être  élu  par  les  indigènes  «  selon  les  lois  et  coutumes»  du  pays.  Or,  en 
quoi  consistent  ces  lois  et  coutumes?  C'est  là  un  point  très  obscur  de 
Timbroglio  samoan,  et  sur  lequel,  parait-il,  bien  peu  de  personnes  sont 
renseignées,  une  sorte  de  mystère  présidant  à  cette  élection  royale.  C'est 
dire  que  la  fraude  est  possible,  et  que  le  choix  du  souverain  indigène  peut 
facilement  donner  lieu  à  contestation.  Il  y  avait  deux  candidats  en  pré- 
sence :  Malietoa  Tanou,  fils  du  roi  défunt,  candidat  du  parti  anglo-améri- 
cain, et  Mataafa,  candidat  du  parti  allemand.  C'est  un  fait  à  noter  que,  de- 
puis quelque  temps  déjà,  il  s'était  formé  une  sorte  do  solidarité  d'intérêts 
entre  les  Américains  et  les  Anglais,  coalisés  contre  les  Allemands.  La  com- 


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4  26  LA   VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

munautë  de  race  et  de  langue  devait  être  pour  quelque  chose  dans  cette 
coalition,  qui  alla  en  s*accentuant,  surtout  après  que  les  Anglais,  durant  la 
guerre  hispano-américaine,  eurent  témoigné  avec  insistance  leur  sympa- 
thie aux  Etats-Unis.  On  a  prétendu,  du  côté  allemand,  que  la  question 
politique  était  compliquée  d'une  question  religieuse.  En  effet,  Malietoa 
Tanou  est  protestant,  tandis  que  Mataafa  est  catholique.  On  a  donc  voulu 
voir,  dans  l'action  combinée  des  Anglais  et  des  Américains,  une  intrigue 
de  la  London  Missionary  Society  pour  imposer  un  roi  de  son  choix  aux 
îles  Samoa,  qui  sont  un  des  principaux  foyers  de  sa  propagande  en  Océanie. 
Cependant  nous  ne  citons  cette  version  que  pour  indiquer  tous  les  élé- 
ments, môme  hypothétiques,  du  problème;  car  nous  croyons  qu'il  faut  se 
défier  de  cette  tendance,  très  répandue  aujourd'hui,  qui  consiste  à  ra- 
mener toutes  les  questions  coloniales  à  des  querelles  de  missionnaires,, 
catholiques  et  protestants. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  motifs  qui  faisaient  de  Malietoa  Tanou  le  favori 
des  Anglo-Américains,  et  de  Mataafa  celui  des  Allemands,  c'est  Tanou  qui 
fut  élu.  Mataafa,  moralement  soutenu  par  les  Allemands,  prétendit  que 
cette  élection  était  viciée  par  des  irrégularités.  L'était-elle,  en  réalité t 
C'est  là  un  point  très  important  du  problème,  mais  sur  lequel,  malheu- 
semement,  nous  ne  pouvons  nous  prononcer,  à  cause,  pr^isément,  de 
la  manière  mystérieuse  dont  se  fait  l'élection.  Or,  d'après  l'Ai^te  de  Berlin 
(art.  m,  §6),  c'est  au  juge  suprême  qu'il  incombait  de  se  prononcer 
sur  cette  question  de  légalité.  Ce  magistrat,  qui  est  M.  Chambers,  un 
Américain,  se  prononça  en  faveur  de  Malietoa  Tanou,  qui  ftit  déclaré  régu- 
lièrement élu,  et  proclamé  roi.  Cette  solution  était,  sinon  juste,  du  moins 
strictement  légale,  et  tous  les  Samoans  et  Européens  auraient  dû  l'accep- 
ter. Mataafa  n'en  fit  rien  ;  il  prit  les  armes  pour  soutenir  ce  qu*il  considé- 
rait comme  ses  droits,  et  une  bataille  en  règle  eut  lieu  entre  les  deux 
prétendants^  Le  roi  légal,  Malietoa  Tanou,  fut  battu,  et  se  réftigia  à  bord 
d'un  navire  anglais.  Cela  se  passait  le  l^'  janvier  dernier.  Mataafa  étant, 
de  par  le  droit  de  la  force,  maître  effectif  du  pouvoir,  les  trois  consuls  dé- 
cidèrent d'instituer  un  gouvernement  provisoire,  qui  fonctionnerait  jus- 
^qu'à  ce  que  les  trois  puissances  intéressées  eussent  fait  procéder  à  une 
enquête  sur  les  incidents  survenus.  Cet  état  de  choses  transitoire  ré- 
pondait au  vœu  des  Allemands,  dont  les  représentants  officiels  étaient  le 
consul  et  le  Jy  Raffel,  chef  de  la  municipalité  d'Apia.  Jusque-là,  l'antago- 
nisme entre  Anglo-Américains  et  Allemands  n'avait  été  que  latent;  mais, 
le  15  mars,  il  devait  prendre  une  forme  beaucoup  plus  grave.  A  cette  date, 
les  Anglo- Américains  décidèrent  défaire  une  contre-révolution  et  de  rétablir 
Malietoa  Tanou  sur  le  trône.  L'amiral  Kautz,  commandant  des  forces  na- 
vales américaines  devant  Apia,  lança  une  proclamation  déclarant  dissous 
le  gouvernement  provisoire,  ordonnant  anx  gens  de  Mataafa  d'évacuer  les 
locaux  publics  et  enjoignant  aux  chefs  restés  fidèles  à  ce  prétendant  de 
quitter  Apia.  En  même  temps,  Tanou  était  ramené  à  terre,  et  ses  parti- 
sans, qui  s'étaient  réfugiés  dans  une  île  voisine,  le  rejoignaient.  Or,  voici 
comment  les  choses  se  gâtèrent.  Le  consul  d'Allemagne,  M.  Rose,  lança 


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LA    POLITIQXJS  EXTÉRIEURE  DU   MOIS  427 

ane  contre-proclamation,  déclarant  nulle  et  sans  effet  celle  de  Tamiral 
américain,  et  maintenant  le  gouTemement  provisoire.  Ainsi  Tantagonisme 
entre  TAllemagne  et  les  Anglo-Américaios  cessait  d'être  latent  pour 
prendre  une  forme  précise  et  ofûcielle.  Se  sentant  soutenu,  le  parti  de 
Mataafa  reftisa  de  se  soumettre,  et  des  hostilités  proprement  dites  écla- 
tèrent de  nouveau,  comme  au  1*'  janvier.  Les  navires  anglais  et  améri* 
cains  ouvrirent  contre  Apia  un  bombardement  qui  se  prolongea  pendant 
plusieurs  jours,  et  la  population,  tant  indigène  qu'européenne,  étant  frap- 
pée de  panique,  les  transactions  commerciales  furent  arrêtées.  Le  23  mars, 
Malietoa  Tanou  fut  formellement  proclamé  roi.  Voulant  accentuer  leur 
succès,  les  Anglo-Américains  prétendirent  forcer  Mataafa  à  déposer  les 
armes;  d*oà  recrudescence  des  hostilités.  Le  1*'  avril,  un  détachement 
anglo-américain  tomba  dans  une  embuscade,  dressée  par  Mataafa  sur  la 
propriété  d'un  Allemand,  et  perdit  quelques  ofOciers  et  soldats.  Ultérieu* 
rement,  d'autres  engagements  eurent  lieu,  en  particulier  le  12,  le  15  et  le 
17  avril.  Aux  dernières  nouvelles,  l'ordre  n'était  pas  rétabli.  Tel  a  été 
l'enchaînement  des  événements,  dont  les  détails,  ~  il  importe  de  le  faire 
remarquer  —  ne  nous  ont  guère  été  fournis  que  par  des  dépèches  de 
source  anglaise. 

Comme  il  était  naturel,  ces  nouvelles  produisirent  une  très  vive  émotion 
dans  les  trois  pays  intéressés,  et  donnèrent  lieu  aussitôt  à  une  polémique 
de  presse  très  acerbe  entre  Washington,  Londres  et  Berlin.  Chose  curieuse, 
bien  que  les  Américains  eussent  pris  à  la  contre-révolution  du  15  mars  une 
part  au  moins  aussi  important^  que  les  Anglais,  c'est  surtout  à  l'Angleterre 
que  s'en  prit  la  presse  allemande,  car  cette  puissance  est  soupçonnée, 
depuis  longtemps,  de  chercher,  pour  servir  son  intérêt  personnel,  à 
brouiller  l'Allemagne  et  les  Etats-Unis.  Le  12  avril,  dès  qu'on  eut  reçu  la 
nouvelle  de  l'affaire  du  i*%  le  gouvernement  anglais  communiqua  à  la 
presse  une  note  assez  aigre  dans  laquelle  la  conduite  du  consul  allemand 
à  Apia  était  ouvertement  critiquée.  Le  surlendemain,  14,  M.  de  Bûlow 
exposa  au  Reichstag  le  point  de  vue  du  gouvernement  allemand.  Sans 
s'arrêter  aux  événements  les  plus  récents,  sur  lesquels  on  n'avait  encore 
que  des  nouvelles  de  source  étrangère,  il  s'occupa  surtout  des  incidents 
du  15  mars  et  déclara  très  catégoriquement  que  l'Allemagne  ne  pouvait 
pas  approuver  Faction  isolée  des  Anglo-Américains  et  la  déchéance  du 
gouvernement  provisoire,  lequel,  ayant  été  institué  par  les  trois  puissances, 
ne  pouvait  être  dissous  que  par  leur  consentement  unanime.  C'est  ce  prin- 
cipe de  l'unanimité,  découlant  de  l'Acte  de  Berlin,  que  l'Allemagne  a  tou- 
jours soutenu  et  soutient  encore  aujourd'hui,  contre  la  théorie  anglo- 
américaine,  qui  voudrait  tenir  pour  sufûsante  la  majorité  des  trois  puis- 
sances. M.  de  Bûlow  considère  donc  l'intervention  des  Anglo-Américains 
comme  une  violation  flagrante  de  l'Acte  signé  à  Berlin  et  il  refuse  de  recon- 
naître la  situation  de  fait  créée  par  l'action  de  deux  puissances.  Mais, 
comme  les  protestations  platoniques  n'ont  que  peu  d'effet  pratique,  l'Alle- 
magne a  fait,  dès  la  nouvelle  des  événements  du  15  mars,  et  avant  qu'on 
connût  ceux  du  1«'  avril,  une  proposition  en  vue  du  règlement  du  différend. 


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428  LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

Elle  a  demandé  qu'une  commission  fût  nommée,  composée  de  trois 
délégués,  un  par  puissance,  et  qu'elle  fût  envoyée  aux  Santioa  pour  s'y  livrer 
à  une  enquête  sur  les  événements  survenus  et  pour  étudier  les  modifica- 
tions à  apporter  au  régime  actuel.  Le  gouvernement  allemand  mettait 
une  condition  sine  quâ  non  à  cette  solution  :  c'est  que  la  commission  inter- 
nationale né  pourrait  prendre  de  résolutions  qu'à  l'unanimité  de  ses  trois 
membres.  Les  Etats-Unis  acceptèrent  ce  principe  sans  hésiter;  mais  TAn- 
gleterre  n'y  adhéra  qu'après  uhe  assez  vive  opposition,  car  elle  désirait 
substituer  le  principe  de  la  majorité  à  celui  de  l'unanimité,  ce  qui  eût 
permis,  à  elle  et  aux  Etats-Unis  agissant  de  concert,  de  régler  à  leur  gré 
la  question  des  Samoa.  La  commission  s'estdonc  embarquée  à  San-Francisco 
dans  les  derniers  jours  d'avril.  Arrivée  à  destination,  elle  devra  accomf^ir 
une  tâche  aszez  difficile,  car  ses  pouvoirs  sont  beaucoup  plus  étendus  qu'on 
ne  l'avait  d*abord  cru.  Chargée  de  faire  une  enquête  sur  les  événements 
récents,  elle  devra  d'abord  s'occuper  de  l'élection  de  Malietoa-Tanou,  du 
coup  de  main  du  V  avril  et  de  toute  la  série  d'incidents  qui  en  sont 
résultés  ;  puis,  elle  devra  étudier  la  question  du  meilleur  régime  à  appliquer 
à  l'archipel;  enfin —  et  ceci  est  la  partie  la  plus  importante  de  ses  attri- 
butions —  elle  prendra,  aussitôt  arrivée,  le  gouvernement  provisoire  des 
Samoa,  où  toutes  les  autorités  constituées  lui  seront  soumises.  On  ne  peut 
donc  que  souhaiter  bonne  chance  aux  trois  commissaires.  Deux  choses, 
cependant,  sont  à  craindre  :  c'est,  d'abord,  que  de  nouvelles  complicatioui^ 
ne  se  produisent,  avant  leur  arrivée  à  Apia,  en  sorte  qu'ils  pourraient  sa 
trouver  en  présence  d'une  situation  inextricable  ;  d'autre  part,  il  n*est  pas 
impossible  que  la  commission  soit  complètement  paralysée  et  réduite  à 
l'impuissance  par  la  nécessité  où  elle  sera  de  ne  prendre  de  décisions  qu'à 
Funanimité.  Aussi^  il  ne  manque  pas  de  gens  pour  prédire  que  tout  le 
travail  des  commissaires  sera  vain.  En  supposant,  cependant,  qu'il 
aboutisse  à  quelque  chose,  on  peut  imaginer  trois  solutions  comme  pos- 
nbles:  le  maintien  du  statu  guo  créé  par  l'Acte  de  Berlin,  après  le  règle- 
ment des  difficultés  passagères  ayant  résulté  du  changement  de  régime; 
un  partage  de  l'archipel  entre  les  trois  puissances  intéressées;  ou,  enfin, 
l'annexion  de  cet  archipel  tout  entier  à  Tune  des  trois  puissances,  moyen- 
nant une  compensation  qu'elle  aurait  à  fournir  aux  deux  autres  signa- 
taires de  l'Acte  de  Berlin.  Quant  à  l'éventualité  d'une  guerre  provoquée  par 
cet  imbroglio,  elle  est  plus  qu'improbable,  malgré  les  clameurs  de  la  presse 
chauvine;  car  il  faudrait,  pour  la  rendre  inévitable,  une  dose  extraordi- 
naire de  mauvaise  volonté  et  d'aveuglement. 

L'acte  final  de  la  guerre  hispano-américaine  s'est  accompli  à  Washington, 
le  11  avril,  daté  à  laquelle  ont  été  échangées  les  ratifications  du  traité  de 
paix  entre  M.  Mac  Kinley  et  notre  ambassadeur,  M.  Jules  Gambon,  qui 
avait  conduit,  au  nom  et  sur  la  demande  expresse  de  l'Espagne,  les  négo- 
ciations destinées  à  mettre  fin  à  la  guerre.  Aussitôt,  M.  Mac  Kinley  a  lancé 
une  proclamation  contenant  le  texte  du  traité,  «  afin  que  cet  instrument 
diplomatique  pût  être  observé  avec  bonne  foi  par  les  citoyens  des  Etats- 
Unis.  » 


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LA   POLITlQim  EXTÉRIEURE  DU   MOIS  429 

Tout  a  été  dit  sur  la  gnerre  hispano-américaine  elle-même,  et  sur  la 
philosophie  politique  qu'il  convient  d'en  tirer.  Aussi,  nous  n'y  reviendrons 
pas.  Mais  il  nous  paraît  opportun  de  ne  pas  laisser  passer  Tévènement  du 
11  avril  sans  dire  un  dernier  mot,  non  plus  sur  les  belligérants,  mais  sur 
le  rôle  qu'a  joué  notre  pays  vers  la  fin  du  conflit,  quand,  par  ses  bons 
offices,  la  paix  s'est  négociée  et  conclue.  Lorsque  nous  apprîmes  que  le 
gouvernement  de  Madrid  avait  demandé  à  la  France  de  servir  d'intermé- 
diaire entre  l'Espagne  et  les  Etats-Unis,  et  que  le  nôtre  avait  accepté  ce 
rôle,  nous  ne  pûmes  nous  défendre,  quelque  grand  que  fût  notre  désir  de 
voir  notre  pays  rendre  un  service  à  l'Espagne,  d'assez  vives  appréhensions. 
Nous  voyions,  en  effet,  des  inconvénients  divers  dans  notre  intervention.  On 
sait  que,  durant  la  guerre,  une  campagne  de  presse  avait  été  entreprise 
pour  persuader  aux  Américains  que  notre  pays  prenait  parti  contre  eux 
en  faveur  de  l'Espagne,  et  que  l'opinion  publique,  aux  Etats-Unis,  avait 
fini  par  ajouter  foi  à  cette  légende,  circonstance  qui  était  contraire  à  nos 
intérêts,  aussi  bien  politiques  qu'économiques.  Or,  quelque  invi^aisemr 
blable  que  Thypothèse  eût  dû  paraître  d'abord,  on  pouvait  se  demander  si 
cette  opinion  publique,  en  voyant  la  France  intervenir  au  nom  de  l'Es- 
pagne, n*en  conclurait  pas,  par  un  raisonnement  simpliste,  absurde  même 
mais  assez  naturel,  à  cette  solidarité  franco-espagnole  qu'on  lui  représen- 
tait comme  existant  en  réalité,  née  d'une  inimitié  commune  contre  les 
Etats-Unis.  Cette  conclusion  chimérique  pouvait,  d'autre  part,  être  corro- 
borée dans  l'esprit  de  la  masse  peu  judicieuse  par  les  efforts  que  notre 
ambassadeur  devait  forcément  être  appelé  à  faire  pour  atténuer  la  rigueur 
des  conditions  du  vainqueur.  C'était  un  premier  danger.  Mais  il  y  en  avait 
un  autre,  en  ce  sens  que  l'on  pouvait  craindre  que  l'opinion  publique 
espagnole,  tout  aussi  peu  judicieuse  que  Topinion  américaine,  ne  nous 
accusât  de  n'avoir  pas  suffisamment  défendu  les  intérêts  de  l'Espagne,  et  ne 
nous  rendit,  en  partie  du  moins,  responsables  des  malheurs  de  ce  pays,  le 
jour  où,  cédant  à  la  nécessité,  il  aurait  eu  à  se  soumettre  aux  conditions 
du  vainqueur.  Pour  parer  à  ce  double  danger,  il  fallait  une  diplomatie 
habile.  Heureusement,  nous  avions,  à  Washington,  un  ambassadeur  qui 
était  à  la  hauteur  de  cette  tÀche  difficile.  On  savait  déjà,  mais  seulement 
d'une  manière  générale,  avec  quelles  difficultés  M.  Jules  Cambon  avait  eu 
à  lutter,  et  de  quelle  manière  heureuse  il  les  avait  surmontées.  Ou  peut, 
aujourd'hui,  s'en  rendre  un  compte  plus  exact  en  lisant  le  Livre  rouge  que 
le  gouvernement  espagnol  a  publié,  et  qui  contient  tous  les  documents 
diplomatiques  relatifs  à  la  guerre,  y  compris,  par  conséquent,  ceux  qui 
ont  trait  à  la  mission  de  notre  ambassadeur.  Nous  ne  pouvons,  faute  de 
place,  entrer  dans  un  examen  détaillé  de  ces  documents,  qui  sont  du  plus 
haut  intérêt.  Quiconque  les  lira  avec  tant  soit  peu  d'équité  se  rendra 
compte  que,  du  26  juillet,  date  à  laquelle  M.  Cambon  remit  à  M.  Day  un 
communiqué  du  ministre  espagnol  des  Affaires  étrangères,  exprimant  le 
désir  qu'il  fût  mis  un  terme  à  la  guerre,  jusqu  au  12  août,  date  de  la  signa-' 
tore  du  protocole  de  paix,  notre  ambassadeur  a  défendu  les  intérêts  de 
l'Espagne  avec  autant  d'éloquence  qu'aurait  pu  le  faire  un  ministre  espa- 


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430  LA   VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANGE 

gnol,  et,  sûrement,  avec  pins  de  chaleur  qu'on  n'était  en  droit  d*en  deman- 
der à  un  simple  intermédiaire.  Nous  pourrions  produire,  comme  preuves  à 
Tappui,  telles  ou  telles  dépêches  contenues  dans  le  Livre  rouge,  Qu*il  nous 
sufûse,  pour  caractériser  rintervention  de  M.  Gambon,  de  citer  cette 
remarque  qu'il  fit  un  jour  à  M.  Mac  Kinley,  et  qui  dut  certainement  lui 
coûter,  que  les  prétentions  des  Américains  étaient  en  contradiction  singu- 
hère  avec  les  déclarations  de  désintéressement  faites  par  les  Etats-Unis  au 
début  de  la  guerre.  Si,  donc,  notre  ambassadeur  n'a  pas  pu  atténuer  plus 
qu'il  ne  Pafait,  —  car  il  l'a  atténuée  dans  une  certaine  mesure,  —  la  rigueur 
des  conditions  du  vainqueur,  c'est  qu'il  y  avait  impossibilité  absolue  d*y 
parvenir.  S'il  se  trouvait  des  Espagnols  assez  ingrats  pour  le  contester,  il 
n'y  aurait  qu'une  réponse  à  leur  faire  :  lire  le  Livre  rouge.  Ce  n'est  pas 
la  France  qui  a  offert  ses  bons  offices  ;  on  les  lui  a  demandés,  et  elle  ne 
pouvait  les  refuser,  quelque  peu  de  profit  qu'elle  eût  ^e-méme  à  inter- 
venir. Du  reste,  les  deux  gouvernements  de  Madrid  et  de  Washington  ont 
reconnu  les  services  que  nous  leur  avons  rendus,  et  qui  ont  consisté  à 
faciHter  la  conclusion  de  la  paix  entre  l'Espagne  et  les  Etats-Unis.  Le 
11  août,  le  duc  d'Almodovar,  ministre  espagnol  des  Affaires  étrangères, 
télégraphiait  à  M.  Gambon  :  «  Au  nom  de  la  reine -régente,  par  ordre  du 
gouvernement,  et  en  interprétant  les  sentiments  de  la  nation  espagnole, 
j'exprime  à  Votre  Excellence  la  reconnaissance  pour  les  services  éminents 
dont  TEspagne  vous  est  redevable.  »  D'autre  part,  le  \%  avril  dernier,  après 
l'échange  des  ratifications,  M.  Mac  Kinley  télégraphiait  à  M.  Loubet  :  «  A 
l'occasion  de  cet  heureux  événement,  la  conclusion  définitive  de  la  paix 
entre  les  Etats-Unis  et  l'Espagne,  j'ai  l'honneur  de  vous  exprimer,  au  nom 
du  gouvernement  et  du  peuple  américains,  et  en  mon  nom  personnel,  mes 
sentiments  de  haute  appréciation  pour  la  part  prise  par  le  représentant  de 
la  France  à  l'achèvement  de  cet  heureux  résultat.  Dans  les  bons  offices 
ainsi  prêtés  par  le  représentant  de  la  France,  mes  concitoyens  voient  un 
nouveau  lien  d'amitié  s'ajouter  à  ceux  qui  unissent  les  deux  nations.  » 

Ainsi,  de  part  et  d'autre  on  a  su  apprécier  nos  services,  et  M.  Jules 
'  Gambon  est  parvenu,  par  son  habileté,  à  échapper  au  double  écueil  que 
nous  signalions  plus  haut.  Arrivé  à  Washington  après  avoir  quitté  le  gou- 
vernement général  de  l'Algérie,  il  débutait  dans  la  carrière  diplomatique 
sur  un  théÀtre  digne  de  lui,  mais  dans  des  circonstances  particulièrement 
délicates,  ayant,  non  seulement  à  défendre  nos  intérêts,  menacés  par  la 
campagne  de  diffamation  menée  contre  nous,  mais,  en  outre,  à  rapprocher 
les  belligérants.  Or,  quoi  qu'il  y  eût,  dans  cette  double  entreprise,  une 
sorte  de  contradiction,  il  l'a  menée  à  bonne  fin. 

Définitivement  délivrée  du  cauchemar  qui  Ta  obsédée  pendant  près  d'un 
an,  l'Espagne,  repliée  sur  elle-même  et  recueillie,  reprend  son  existence 
normale,  interrompue,  en  quelque  sorte,  par  la  crise  terrible  qu'elle  a  tra- 
versée. Elle  a  procédé,  durant  le  mois  écoulé,  à  un  acte  politique  capital  : 
les  élections  aux  Gortès,  qui  ont  eu  lieu  le  16,  pour  la  Ghambre  des  députés, 
et  le  30,  pour  le  Sénat.  Suivant  l'usage  courant  en  Espagne,  le  parti  coq> 


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LA   POLITIQUE  EXTÉRIEURE  DU  MOIS  481 

servateur  ayant  remplacé  an  pouvoir  le  parti  libéral,  sans  y  avoir  été 
appelé  par  le  Parlement,  c'était  à  celui-ci  à  disparaître  devant  le  gouver- 
nement nouveau.  Les  Gortès  avaient  donc  été  dissoutes  peu  de  temps  après 
la  formation  du  ministère  Silvela.  Rien  que  Tindifférence  du  peuple  es- 
pagnol pour  rexercice  de  ses  droits  électoraux  soit  proverbiale,  il  a  témoi- 
moigné,  à  Tégard  des  élections  du  mois  d*avril,  un  peu  plus  d'intérêt  que 
dWdinaire.  On  comprenait,  en  effet,  que  la  t&che  des  nouveaux  élus  serait 
particulièrement  importante,  puisqu'ils  auraient  à  commencer  l'œuvre  de 
régénération  nationale  que  rêvent  les  patriotes  espagnols  qui  n'ont  pas 
encore  désespéré  de  leur  pays.  Ce  n'est  pas,  cependant,  qu'on  eût  des 
doutes  sérieux  sur  l'issue  des  élections,  qui  était  presque  connue  d  a- 
vauce.  (Test  un  fait  constant,  en  Espagne,  que  le  parti  au  pouvoir  obtient 
presque  toujours  la  majorité,  soit  par  suite  de  l'idol&trie  du  corps  électo- 
ral pour  les  puissants  du  jour,  soit,  surtout,  parce  que  le  gouvernement 
exerce  ouvertement  la  pression  électorale  la  plus  intense.  Cette  fois- ci, 
cependant,  M.  Silvela  avait  envoyé  à  toutes  les  autorités  provinciales  une 
circulaire  leur  enjoignant  de  veiller  à  ce  que  la  plus  parfaite  honnêteté 
présidât  aux  élections.  Etant  donnée  la  droiture  bien  connue  de  M.  Sil- 
vela, nous  sommes  persuadé  qu'il  était  sincère  en  donnant  ces  instruc- 
tions ;  mais,  la  force  de  l'habitude  est  si  impérieuse  que  les  élections  de 
1899  n'ont  différé  en  rien,  à  ce  qu'on  assure,  de  celles  qui  les  avaient 
précédées.  11  en  est  donc  sortie  une  majorité  conservatrice,  comme  cela 
devait  être.  Cependant,  il  était  un  point  sur  lequel  on  n'était  pas  Ûxé  d'a- 
vance :  à  savoir  dans  quelles  proportions  les  différentes  nuances  du  parti 
conservateur  entreraient  dans  cette  majorité.  Or,  c'est  là  un  point  fort  im- 
portant. Le  parti  conservateur,  en  effet,  souffre  de  ce  mal  de  la  division  et 
de  l'émiettement  qui  paralyse  le  parlementarisme  espagnol.  Autrefois,  ce 
parti  comprenait  deux  groupes  :  le  groupe  Canovas,  qui  embrassait  la  ma- 
jorité des  conservateurs,  et  le  groupe  [dissident  de  M.  Silvela.  M.  Canovas 
mort,  M.  Silvela  avait  rallié  autour  de  lui  la  majeure  partie  des  forces  con- 
servatrices. Mais  un  noyau  de  dissidents  s'était  constitué  à  côté  de  ce 
premier  groupe,  suivant  la  direction  du  duc  de  ;Tétuan,  qui   trouvait 
M.  Sil?ela  trop  clérical  et  trop  régionaliste.  Il  y  a  même,  entre  le  groupe 
Silvela  et  le  groupe  Tétuan,  de  telles  divergences,  que  quelques-uns  se 
refusent  à  considérer  le  second  comme  faisant  encore  partie  ,de  la  fraction 
conservatrice.  D'autre  part,  un  autre  conservateur  de  marque,  M.  Romero 
Robledo,  s'est  aussi  séparé  du  gros  du   parti,  faisant  bande  à  part,  et  se 
rapprochant  des  libéraux,  au  point  de  n'être  plus,  lui  non  plus,  considéré 
comme  ayant  conservé  ses  premières  opinions  politiques.  Chose  plus  grave, 
le  groupe  Silvela  lui-même,  qui  est  au  pouvoir,  est  divisé  entre  plusieurs 
tendances,  qui  sont  toutes  représentées,  et  se  contrecarent,  au  sein  du  ca- 
binet actuel.  Le  ministre  de  la  guerre,  maréchal  Polavieja,  est  plus  réac- 
tionnaire que  M.  Silvela,  et  l'on  assure  qu'il  y  a  entre  eux  deux  un  anta- 
gonisme très  aigu;  d'autre  part,  M.  Pidal  est  très  ultramontain,  et  cher- 
che à  faire  prévaloir  des  vues  favorables  au  Saint-Siège  ;  enfin,  M.  Duran 


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432  LA   VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

est  un  régionaliste  fougueux,  et  inquiète,  par  ses  visées  décentralisatrices, 
les  partisans  de  Tunité  nationale.  Bref,  il  y  a  entre  les  différents  membres 
du  cabinet  de  telles  oppositions,  que  les  candidats  ministériels  se  sont  pré- 
sentés, aux  élections,  comme  partisans  de  Tun  ou  de  l'autre  d*entre  eux.  Ainsi, 
ont  été  élus  :  480  silvélistes  ;  33  polaviéjistes  ;  30  ultramontains,  ou  pida- 
listes,  ce  qui  fait  243  ministériels.  Le  groupe  Tétuan  a  obtenu  48  sièges,  et 
marchera  plutôt  avec  les  consenrateurs  qu  avec  les  libéraux.  Quant  à  ces 
derniers,  ils  se  divisent  en  deux  groupes  :  les  partisans  de  M.  Sagasta,  qui 
ont  obtenu  8d  sièges,  et  ceux  de  M.  Gamazo,  qui  en  ont  obtenu  30.  A  c6té 
des  deux  grands  partis  constitutionnels,  libéral  et  conservateur,  il  y  aura, 
dans  la  nouvelle  Chambre,  quelques  petites  fractions  presque  négligea- 
bles :  15  républicains,  5  roméristes,  4  carlistes.  Pour  ce  qui  est  des  élec- 
tions au  Sénat,  elles  ont  donné  les  résultats  suivants  :  110  ministériels, 
50 libéraux  (groupe  Sagasta),  7  gamazistes,  6  tétuanistes,  3  carlistes,!  ré- 
publicain, 1  indépendant  et  1  intégriste.  Ainsi,  s'il  est  vrai  que  M.  Silvela 
a  obtenu  une  majorité  dans  les  deux  Chambres  des  Cortès,  il  n'en  est  pas 
moins  certain,  d'autre  part,  quUl  ne  pourra  se  maintenir  au  pouvoir  que 
s'il  parvient  à  faire  régner  la  concorde  au  sein  même  du  cabinet  qu'il 
préside,  ce  qui  n'est  pas  encore  certain.  Si  chaque  ministre  prétendait  faire 
prévaloir  ses  tendences  particulières,  il  y  aurait  dislocation,  non  seule- 
ment du  ministère,  mais  du  parti  conservateur  lui-même,  ce  qui  augmen- 
terait la  confusion  qui  affaiblit  le  parlementarisme  espagnol. 

En  Italie  c'est  surtout  un  intermède  de  politique  extérieure  qui  a  in- 
téressé l'opinion  publique  durant  le  mois  écoulé.  Nous  voulons  parler  de 
la  visite  des  escadres  française  et  anglaise  dans  les  eaux  de  la  Sardaigne, 
où  elles  sont  allées  saluer  les  souverains  italiens.  La  visite  de  Tescadre 
française  a  été  la  plus  significative,  au  point  de  vue  international,  en  ce 
sens  qu'elle  était  destinée  à  accentuer  le  rapprochement  franco-italien, 
qui  a  été  souligné  dans  les  toasts  portés  à  bord  du  Brennus^  le  14  avril, 
par  l'amiral  Fournier  et  le  roi  Humbert. 

C*est  aux  choses  de  Chine  qu'on  s'est  intéressé  en  Angleterre, 
bien  plus  encore  qu'au  budget,  qui  a  été  présenté  aux  Communes,  le 
13  avril.  On  sait  qu'une  menace  constante  pour  le  maintien  de  la*  paix 
était  l'antagonisme  très  aigu  qui  opposait,  en  Chine,  l'Angleterre  à  la 
Russie.  Plusieurs  fois,  déjà,  un  conflit  avait  semblé  près  d'éclater.  Or,  le 
28  avril,  un  événement  de  la  plus  haute  importance  s'est  produit  à  Saint- 
Pétersboui^  :  un  accord  a  été  signé  entre  la  Russie  et  l'Angleterre,  au 
sujet  de  leurs  intérêts  en  Chine.  Malheureusement,  il  ne  nous  est  pas 
encore  possible  d'en  apprécier  la  portée  exacte,  car,  au  moment  oii  nous 
écrivons  ces  lignes  (1^^  mai),  on  ne  sait  encore  rien  de  précis  sur  la  teneur 
de  cet  arrangement.  Il  semble,  d  après  ce  qui  en  est  rapporté,  qu'il  a 
trait  surtout  à  l'épineuse  question  des  concessions  de  chemins  de  fer,  et, 
en  outre,  à  la  délimitation  des  sphères  russe  et  anglaise,  la  première  com- 


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CHRONIQUE  POLITIQUE  INTERIEURE  433 

prenant  laMandchourie,  au  nord  de  la  Grande-Moraille^la  seconde,  la  vallée 
du  Yang-Tsé.  Nous  ne  tarderons  pas,  sans  doute,  à  avoir  des  détails  plus 
complets.  Mais  ce  que  nous  pouvons  relever  dès  aujourd'hui,  c'est  l'impor- 
tance de  cet  événement  au  point  de  vue  du  maiptien  de  la  paix  générale. 
Lord  Salisbury,  qui  ne  s'aventure  jamais  à  parler  à  la  légère,  a  déclaré,  au 
banquet  de  la  Royal  Academy^  que  l'arrangement  était  satisfaisant  (graii" 
fying),  et  de  nature  à  empêcher  toute  collision  entre  les  intérêts  anglais 
et  russes  en  Chine.  Gela  est  d'un  excellent  augure  a  la  veille  de  l'ouverture 
de  la  conférence  de  La  Haye. 

Alcide  Ebr4T  . 

N.'B,  —  11  s'est  glissé  dans  notre  dernière  chronique,  à  propos  de  la 
convention  franco-anglaise  du  21  mars,  trois  erreurs  typographiques  que 
nous  croyons  devoir  signaler  : 

Page  i92,  ligne  18,  lire  :  paragraphe  3  (et  non  paragraphe  2)  ; 

Page  192,  ligne  35,  lire  :  Vart.  9  (et  non  l'art.  10)  ; 

Page  193,  ligne  3,  lire  :  au  nord  du  5<>  parallèle  (et  non  2'  parallèle). 

Du  reste,  comme  nous  avons  reproduit  in  extenso  le  texte  de  la  convention, 
et  que  ces  erreurs  typographiques  n'y  figurent  pas,  nos  lecteur?  auront 
rectifié  d'eux-mêmes. 

Â.  E« 


II.  —  CHRONIQUE  POLITIQUE  INTÉRIEURE 


Le  premier  déplacement  du  président  de  la  République  a  été  un  retour 
filial  vers  la  terre  natale.  M.  Loubet  s*est  rendu  le  5  avril  à  Montélimar, 
accompagné  du  président  du  Conseil.  Il  a  été  reçu  par  ses  concitoyens 
avec  un  élan  unanime  et  l'entrain  qu'apportent,  dans  les  manifestations 
de  ce  genre,  les  populations  du  midi.  Malgré  le  caractère  particulier  d'inti- 
mité de  cette  réception  faite  à  l'élu  de  l'Assemblée  nationale  qui  avait 
rempli  sans  interruption,  depuis  près  dé  trente  années,  les  fonctions  de 
maire,  de  député  et  de  sénateur,  un  écho  de  la  politique  générale  devait 
forcément  se  mêler  aux  acclamations  qui  accueillaient  autant  l'homme 
privé  que  le  représentant.  Le  Président  a  rappelé  que,  s'il  avait  accepté  la 
lourde  charge  qui  lui  était  confiée,  c'était  pour  maintenir  et  fortifier 
l'union  des  républicains.  «  Mes  efforts,  a-t-il  dit,  tendront,  soyez-eni  sûrs, 
à  exécuter  ce  programme.  Sa  réalisation  importe  au  plus  haut  degré  à  la 
prospérité  intérieure  de  noire  pays  et  à  sa  grandeur  au-dehors.  Elle  est 
facile  dans  un  pays  comme  le  nôtre,  où  se  rencontrent  tant  de  bonnes  vo- 
lontés et  une  si  généreuse  passion  pour  le  progrès  moral  et  matériel.  Des 


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484  LA   VIE  POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN   FRANCE 

difÛcultés  passagères  et  des  agitations  superficielles  ne  sauraient  empê- 
cher longtemps  la  concorde  de  régner  parmi  nous  (i).  » 
Le  Président  a  quitté  Montélimar  le  7  ayril,  pour  rentrer  à  Paris. 
Deux  jours  nprès  (2),  M.  Charles  Dupuy  prononçait  au  Puy  un  important 
discours,  à  la  suite  d*un  banquet  offert  par  ses  compatriotes.  Le  président 
du  Conseil  estime  que  la  situation  générale  du  pays  est  bonne.  Il  espère 
que  le  Parlement,  enfin  sorti  des  douzièmes  provisoires,  va  pouvoir  se 
consacrer  à  Tétude  des  lois  fiscales  et  sociales,  qui  répartiront  les  charges 
avec  plus  de  justice.  Il  annonce  la  présentation  prochaine  de  trois  projets  : 
une  loi  sur  les  retraites  des  travailleurs  des  villes  et  des  campagnes,  une 
loi  organisant  Tannée  coloniale,  enfin,  une  loi  organisant  le  droit  d'asso- 
ciation. Pour  réaliser  ce  programme  limité,  mais  d'une  importance  capi- 
tale«  M.  Dupuy  compte  sur  Tappui  d'une  majorité  exclusivement  républi- 
caine. 11  constate  que  la  République  n'a  rien  à  craindre  des  menées  plé- 
biscitaires ou  monarchiques  (3). 

Passant  à  Texamen  de  la  situation  économique,  M.  Charles-Dupuy 
s'applaudit  du  réveil  de  l'activité  nationale.  Les  statistiques  accusent 
l'accroissement  constant  du  rendement  des  revenus  publics  et  Le  dévelop- 
pement du  trafic  des  chemins  de  fer.  Les  industries  prospèrent;  la  métal-* 
lurgie,  notamment,  est  assurée  de  commandes  pour  plusieurs  années. 
L'agriculture,  à  l'abri  des  tarifs  protecteurs,  est  en  sérieux  progrès.  Par- 
tout déjà,  les  préparatifs  de  l'Exposition  donnent  aux  affaires  une  féconde 
impulsion. 

L'état  de  nos  relations  extérieures  parait  inspirer  à  M.  le  Président  du 
Conseil  une  égale  satisfaction.  L'accord  franco-italien,  non  seulement  a 
rétabli  des  relations  normales  entre  deux  nations  faites  pour  s'entendi-e, 
mais  il  marque  aussi  une  date  dans  l'ordre  des  rapports  internationaux. 
La  convention  du  21  avril  dernier  avec  l'Angleterre,  tout  en  nous  garan- 
tissant une  libre  voie  commerciale  vers  le  Nil,  nous  assure  dans  le  Nord- 
Ouest  de  l'Afrique  un  véritable  empire  colonial  (4) .  L'expansion  coloniale 
de  la  France  commence,  d'ailleurs,  à  donner  des  résultats  appréciables. 
Le  Congo,  comme  Madagascar  et  l'Indo-Ghine,  entrent  dans  la  voie  des 
grands  travaux  publics  et  des  exploitations  industrielles  et  agricoles. 

Gomme  on  le  voit,  M.  Charles-Dupuy  ne  se  laisse  pas  aller  au  découra*- 
gement  et  au  pessimisme.  Il  considère  que  les  agitations  qui  troublent  le 

(1)  Journal  Officiel  du  7  avril  1899. 

(2)  Le  9  avril.  Journal  Ofificiel  du  13  avril  1899. 

(3)  «  Libre  à' ces  individualités  de  grossir  leur  rôle  et  de  grandir  leur  person- 
nage. Le  pays  ne  se  laissera  pas  prendre  à  ces  gestes  et  à  ces  attitudes,  et 
queUes  que  soient  les  épaules  sur  lesquelles  se  dessine  en  lignes  indécises  et 
fuyantes  le  manteau  de  la  dictature  ou  de  la  monarchie,  il  juge  les  épaules  trop 
faibles  et  le  manteau  suranné.  »  Journal  Officiel  du  13  avril  1898,  page  2496. 

(4)  Sur  le  pénible  Incident  de  Fashoda,  M.  Charles  Dupuy  s'exprime  en  ces 
termes  :  «  Nous  avions  à  régler  le  différend  créé  par  Fincident  de  Fashoda,  et 
J'ai  le  droit  de  dire  que  notre  diplomatie  Ta  réglé  au  mieux  de  nos  intérêts  et  à 
la  satisfaction  de  notre  honneur,  en  s*inspirant  de  ce  principe,  formulé  dans 
notre  déclaration  ministérielle,  qui  consiste  simplement  et  sagement  à  propor- 
tionner les  efforts  à  la  valeur  du  but  ».  Journal  Officiel,  13  avril  1899,  p.  2496» 


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^^'mi. 


CHRONIQUE  POLITIQUE  INTÉRUBURB  435 

pays,  à  rheure  présente,  «  sont  des  agitations  de  surface  et  qae,  sous  cette 
surface  troublée,  il  y  a  le  calme,  le  travail  et  la  sécurité  ».  Quant  à  T Affaire, 
cause  principale  de  cette  agitation,  elle  sera  dénouée  par  la  Cour  de  cas- 
sation, dont  Tarrèt,  quel  qu'il  soit,  s'imposera  à  tons.  Le  président  du 
Conseil  a  terminé  son  discours  en  «  réprouvant  les  polémiques  qui  s'obs- 
tinent à  mettre  en  cause  l'armée  nationale,  et  qui,  par  dea  généralisations 
injustes,  veulent  la  rendre  solidaire  des  aberrations  et  des  fautes  de  quel- 
quesruns.  Au  lendemain  de  l'arrêt,  qui  seul  permettra  de  les  établir  exac- 
tement, les  responsabilités  seront  définies  et  les  sanctions  suivront,  si  elles 
sont  reconnues  nécessaires  ». 


Quelle  que  soit  l'opinion  qu'on  professe  sur  la  profondeur  et  la  gravité 
du  malaise  qui  travaille  l'opinion  à  l'heure  présente,  la  session  d'avril  des 
conseils  généraux  ne  semble  pas  contredire  l'optimisme  gouvernemental. 
Cette  session  a  été  parfaitement  calme.  M.  Gerville-Réache  par  une  lettre 
parue  dans  un  journal  (2)  avait  saisi  les  assemblées  départementales  de  la 
question  de  la  revision  constitutionnelle.  Cette  tentative  n'a  pas  eu  grand 
écho  dans  les  conseiis,  soucieux  de  se  conformer  à  la  légalité  interdisant 
les  vœux  d'ordre  politique.  Par  contre,  un  grand  nombre  de  motions  ont 
été  votées  s'associant  au  deuil  de  la  famille  de  M.  Félix  Faure  ou  félicitant 
le  nouveau  Président  de  son  élection.  Sur  l'initiative  du  Gouvernement  qui 
avait  envoyé  un  questionnaire  aux  conseils,  les  questions  d'enseignement 
ont  tenu  une  large  place  dans  les  délibérations.  A  noter  encore,  les 
vceux  accoutumés,  -suivant  les  régions,  sur  la  réduction  de  la  durée  du 
service  militaire  à  deux  ans,  la  répression  du  vagabondage,  le  canal  des 
Deux-Mers,  le  privilège  des  bouilleurs  de  crû,  la  suppression  des  octrois, 
la  revision  du  cadastre,  la  réforme  des  lois  de  procédure.  Le  fait  le  plus 
saillant  est  dans  le  mouvement  qui  vient  de  se  produire,  sur  les  points  les 
plus  divers  du  territoire,  en  faveur  de  la  répression  de  l'alcoolisme  et  de 
la  réglementation  restrictive  des  débits  de  boissons.  Le  congrès  sur  l'alcoo- 
lisme qui  s'est  réuni  à  Paris  au  commencement  d'avril  (i)  donnait  un  ca- 
ractère d'actualité  à  ces  vœux.  Ils  appellent  l'attention  du  Parlement  sur 
un  mal  dont  l'extrême  gravité  n'est  plus  contestable  et  qui  compromet, 
avec  les  intérêts  économiques  du  pays,  l'avenir  tnême  de  la  race.  11  est 
désirable  que  l'initiative  prise  par  plusieurs  conseils  généraux  se  continue 
et  s'accentue.  Cette  action  finira  par  être  ressentie  dans  les  Chambres  qui 
hésitent,  peut-être  un  peu  trop,  à  paraître  s'attaquer  aux  puissants  agents 
électoraux  que  sont  les  cabaretiers.  Il  existe  cependant  des  projets  excel- 
lents dont  le  vote  et  lapplication  pourraient  produire  des  effets  très  appré- 
ciables dans  la  lutte  contre  l'alcoolisme.  L'un  d'eux  émane  de  M.  Georges 

(1)  La  première  séance  a  été  présidée  par  M.  Legrand,  sous-secrétaire  d'Etat 
au  ministère  de  Tlntérieur.  Le  congrès  a  élu  M.  Théophile  Roussel,  sénateur, 
président  d'honneur,  et  vice-présidents,  M.  Millerand,  député  socialiste,  et 
Mgr  Ireland. 


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436  LA  VIE   POLITIQUE   ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

Gochery,  ministre  des  finaDces  da  cabinet  de  M.  Méline,  il  est  relatif  aa 
contrôle  hygiénique  et  fiscal  de  Talcool.  M.  Gochery  proposait  un  ensemble 
de  mesures  assurant  la  surveillance  de  la  rectification  des  alcools,  depuis 
leur  fabrication  jusqu'à  leur  entrée  dans  la  consommation,  et  permettant 
d'interdire  le  mélange  dans  les  liqueurs  de  toutes  les  substances  toxiques. 
L'autre  est  la  proposition  déposée  récemment  au  Sénat  (1)  par  M.  Jules 
Siegfried  et  portant  réduction,  par  voie  d'extinction,  du  nombre  des  débits. 
Le  parti  républicain  s'honorerait  en  donnant  à  ces  projets  une  prompte 
solution. 


C'est,  à  la  fois,  une  réparation  et  un  salutaire  exemple,  que  la  glorifica- 
tion du  nom  de  Jules  Ferry  sur  cette  terre  de  Tunisie  qu'il  a  donnée  à  la 
France.  L'homme  d'Etat  qui  a  connu,  de  son  vivant,  toutes  les  ingrati- 
tudes et  toutes  les  amertumes,  a  reçu,  le  jour  de  l'inauguration  de  sa 
statue  à  Tunis,  Thommage  solennel  de  son  pays.  «  L'expérience  des  hommes 
et  des  choses,  disait-il  un  jour,  est  une  grande  école  d'équité.  »  L'histoire 
est  faite  de  cette  expérience,  trop  tard  venue,  mais  consolante  en  somme. 
Les  épithètes  de  tunisien  et  de  tonkinois  jetées  à  Jules  Ferry,  il  n*y  pas 
encore  vingt  ans,  par  les  détracteurs  de  son  œuvre  coloniale,  sont  devenus 
aujourd'hui  des  titres  d'honneur,  contre  lesquels  personne  n'ose  plus  pro- 
tester. 11  lui  a  suffi  de  mourir  pour  passer,  en  quelque  sorte  de  plein  pied, 
de  l'impopularité  à  la  gloire.  M.  Millet,  résident  de  France,  M.  Krantz, 
ministre  des  Travaux  publics,  ont  rendu  justice,  en  des  termes  inspirés 
par  une  éloquence  émue,  à  l'œuvre  et  à  l'homme.  Et  s'il  est  impossible  de 
songer,  sans  une  profonde  mélancolie  à  quels  abtmes  d'iniquité  peuvent 
pousser  les  passions  politiques  du  moment,  c'est  un  spectacle  fortifiant  de 
constater  les  prompts  retours  du  bon  sens  populaire  et  les  réparations 
prochaines  qui  attendent  la  mémoire  des  hommes  qui  consacrent  leur  vie 
à  une  œuvre  véritablement  nationale. 


N'y  a-t-il  pas  une  œuvre  analogue  dans  la  longue  campagne  suivie 
patiemment  et  sans  dévier  jamais,  à  travers  les  orages  de  la  politique,  par 
le  compatriote  et  le  collaborateur  de  l'illustre  vosgien,  pour  le  relèvement 
de  l'agriculture  française.  M.  Méline,  qui  a  déjà  tant  fait  pour  elle,  vient 
d'acquérir  un  nouveau  titre  à  la  reconnaissance  des  paysans  français.  Il 
avait  plus  que  personne  contribué  à  la  création  du  crédit  agricole  au 
moyen  de  l'excellente  loi  qui  vient  d'être  définitivement  votée  par  le  Par- 
lement sur  les  caisses  régionales  de  crédit,  véritable  couronnement  de 
la  législation  de  1894.  II  s'agit  maintenant  de  mettre  en  pratique  les  facul- 
tés offertes  aux  cultivateurs. 

Dans  une  réunion  organisée,  à  Epinal,  en  vue  de  la  constitution,  dans 
la  région  de  Test,  d'une  banque  régionale  agricole,  M.  Méline  a  prononcé 

(1)  Le  27  mars  1899. 


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LA   VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE  437 

un  discours  qui  a  obtenu  un  grand  et  légitime  retentissement.  Il  a  rappelé 
les  origines  de  la  loi  nouvelle  et  expliqué  les  avantages  de  la  convention 
passée,  en  1897,  avec  la  Banque  de  France,  par  le  cabinet  qu'il  présidait. 
L'institution  et  Toi^anisation  du  crédit  agricole  font  partie  de  Tensemble 
des  moyens  dont  Téminent  orateur  a  pris  l'initiative  et  s'est  fait  l'infati- 
gable propagateur,  pour  conjurer  les  effets  de  la  crise  redoutable  qui  avait 
mis  un  instant  notre  agriculture  à  deux  doigts  de  la  ruine.  L'emploi  de 
ces  moyens  a  été  réglé  sur  un  plan  méthodique.  La  refonte  totale  de 
notre  r^me  économique  a  mis  les  agriculteurs  en  état  de  lutter  à  armes 
égales  contre  la  concurrence  étrangère  et  arrêter  l'avilissement  du  prix 
des  produits  agricoles.  Mais  les  tarifs  de  douane  ne  sont  pas  un  but.  Le  but 
est  de  développer  la  production  et  de  la  porter  à  son  maximum  de  puis- 
sance, de  façon  à  donner  satisfaction  au  producteur  par  l'élévation  des  ren- 
dements et  au  consommateur  par  la  multiplication  des  produits. 

Pour  réaliser  ce  programme,  il  fallait  mettre  les  agriculteurs  à  même 
d'acquérir  au  prix  le  plus  bas  les  semences,  les  engrais  de  choix,  les  ma- 
chines perfectionnées.  L'ingénieuse  application  de  la  loi  de  1884,  sur  les 
syndicats  a  accompli  ce  progrès.  Les  syndicats  agricoles  ne  sont  que 
des  instruments  de  rapprochement  entre  les  cultivateurs  et  leurs  fournis- 
seurs ordinaires.  Pour  acheter  il  faut  de  l'argent,  et  tandis  que  les  besoins 
de  l'agriculture  ne  cessent  de  s'augmenter,  ses  ressources  s'épuisent  ou 
restent  stationnaires.  Le  crédit  agricole  est  donc  la  condition  indispen- 
sable de  la  production  intensive.  La  mutualité  est  le  seul  moyen  de  donner 
à  ce  crédit  la  solidité  nécessaire.  Les  cultivateurs  se  servent  réciproque- 
ment de  cautions.  La  loi  de  1894  est  issue  de  ces  principes;  celle  de  1899 
la  complète  en  fournissant  aux  banques  mutuelles  locales  les  ressources 
pécuniaires  qui  l^ur  font  défaut. 

En  jetant  les  assises  de  la  première  banque  régionale  de  crédit,  M.  Méline 
a  indiqué  la  voie.  Il  a  porté  ses  regards  plus  loin,  et,  dans  la  un  de  son  dis- 
cours, il  a  fait  entrevoir  Tavenir  illimité  que  promet  le  développement  de 
l'idée  mutualiste.  Après  l'agriculture,  touies  les  autres  branches  de  l'acti- 
vité nationale  finiront  par  entrer  dans  le  courant  qu'elle  aura  créé.  Les  ou- 
triers  mieux  éclairés  comprendront  qu'ils  peuvent  faire  de  leurs  syndi- 
cats des  associations  professionnelles  fécondes,  des  groupements  de  forces 
pour  l'organisation  rationnelle  du  travail. 

«  Qui  empêcherait  les  syndicats  ouvriers,  a  dit  M.  Méline  en  terminant,  de 
s'organiser  aussi  en  sociétés  de  crédit,  et  d'appuyer  sur  ces  sociétés  de  cré- 
dit des  sociétés  de  production  ?  C'est  là  qu'est  l'avenir  du  prolétariat  et  il 
s'en  apercevra  seulement  le  jour  où  son  éducation  professionnelle  sera  faite, 
où  il  sera  assez  éclairé  pour  sortir  des  utopies  et  où  il  pourra  prendre  lui- 
.m<&me  la  direction  pratique  de  ses  propres  intérêts,  au  lieu  de  la  laisser 
.aux  faiseurs  qui  le  fascinent  par  des  formules  creuses  et  vides.  C'est  ainsi 
que  s'opérera  la  réconciliation  du  capital  et  du  travail  ;  quand  le  capital 
sera  devenu  accessible  à  tous,  quand,  au  moyen  du  crédit,  tout  le  monde 
pourra  en  avoir  sa  part,  à  la  seule  condition  d'être  intelligent,  travailleur 
£t  probe,  la  lutte  des  classes  n'aura  plus  de  raison  d'être  et  le  problème 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  29 


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438  LA  VIE   POLITIQUE  ET  PARLEMENT AIBÈ  EN    FRANCE 

social  sera  bien  près  d'être  résolu... Gelai  qui  a  dit  le  premier  que  le  ving- 
tiëme  siècle  serait  le  siècle  de  la  mutualité  a  vu  Tavenir  comme  dans  un 
éclair  et  n'a  fait  que  devancer  l'histoire.  » 


Il  y  a  loin  de  ces  hautes  considérations  aux  minimes  incidents  de  la 
politique  quotidienne.  Faut-il  classer  dans  cette  catégorie  le  procès 
intenté  à  un  certain  nombre  d'associations  plus  ou  moins  politiques?  La 
9**  chambre  du  tribunal  correctionnel  de  la  Seine  a  été  chargée  d  appli- 
quer un  vieux  texte  de  la  législation  impériale,  que  beaucoup  d'esprits 
libéraux  ont  été  surpris  de  voir  exhumer  de  ses  cendres  monarchiques. 
L'article  291  du  Gode  pénal  a  été  appliqué  sans  doute  pour  la  dernière 
fois.  S'il  ne  s'agissait  pas  d'un  souvenir  condamné  sans  réserve  par  la 
doctrine  républicaine,  on  pourrait  dire,  parodiant  la  parole  célèbre  : 
«  Saluons-le,  car  nous  ne  le  reverrons  plus.  »  Le  tribunal  a  appliqué  aux 
délinquants  (1)  seize  francs  d'amende  avec  le  bénéfice  du  sursis  de  la 
peine  imaginé  par  l'honorable  sénateur  Bérenger  en  faveur  des  malfaiteurs 
qu'on  espère  voir  s'amender.  Gette  condamnation  est  le  gage  du  vote  pro- 
chain de  la  loi  organisant  la  liberté  d'association,  promise  par  M.  Charles 
Dupuy  et  soumise  en  ce  momeut  même  à  l'examen  du  Conseil  d'Etat.  Si  le 
cabinet  actuel  réalise  la  réforme  promise  et  attendue  depuis  Tavènement 
de  la  République^  le  souvenir  de  ces  poursuites  s'effacera  devant  l'impor- 
tance d'un  pareU  bienfait. 

FéLix  Roussel. 


III.  —  LA  VIJB  PARUSMENTAIRE 

I.  —  Lois,  Décrets,  Arrêtés,  Ciroulaires,  etc. 

let  avril.  —  Crédit  agricole,  -^  Loi  relative  à  l'institution  des  Caisses  régio- 
nales de  crédit  agricole  mutuel  et  aux  encouragements  à  leur  donner  (p.  2165). 

—  Banque  coloniale.  —  Rapport  sur  les  opérations  1897-1898  (p.  2165). 

—  Contingent  de  la  Réunion.  —  Décret  et  arrêté  (p.  2177  et  2178). 

—  Délibérations  du  Conseil  d'Etat.  —  Extrait  du  registre  de  ces  délibérations 
au  sujet  des  suites  à  donner  aux  arrêts  en  date  du  24  février  1899  conceracuit  di- 
vers officiers  de  marine  (p.  2177). 

—  Ecoles  supéHeures  de  commeixe.  —  Note  sur  les  concours  d'entrée  (p.  2178). 

Z  avril.  —  Caution  judicatum  solvi.  —  Loi  approuvant  la  convention  franco- 
russe  relativement  à  TexempUon  pour  les  Français  en  Russie  et  les  Russes  en 
France  de  la  caution  judicatum  solvi  (p.  2189). 

—  Sociétés  d'assurances  contre  les  accidents  du  travail.  —  Arrêtés  relatifs 
aux  bases  des  cautionnements,  aux  groupements  des  iodustries  prévues,  aux 
peines,  au  barème  minimum,  aux  conditions  de  recrutement  des  commissaires 
priseurs  (p.  2190  à  2192). 

—  Congo  français.  —  Rapport  suivi  de  décrets  relatifs  au  régime  forestier  du 

(1)  Le  parquet  a  poursuivi  les  principaux  membres  de  la  Ligue  des  Droits  de 
Vhomme,  de  la  Ligue  de  la  patrie  française,  de  la  Ligue  antisémitique ^  de  la 
Ligue  des  Patriotes^  etc.,  etc. 


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LA'VIE   POLiriQUB  BT   PARLEHENTÂIRE  EN  FRANCE  439 

Congo  français  etn  régime  de  la'ptopriétô  foncière  du  Congo  français,  an  régime 
des  terres  domaniales  du  Congo  français  (p.  2196). 

—  Avis  agiHcfole$  Pxt  ïà  Belgique  et  la  Hollande,  Tinde  anglaise  et  la  Russie 
(p.  2209). 

3,  4,  6  avril.  -^  Points  d'appui  de  la  flotte,  -*  Rapport  et  décret  relatif  aux 
points  d'appui  de  la  flotte  aux  colonies  (p.  2222). 

—  Réintégration  d'officiers  de  marine.  *—  Rapport  et  décret  (p.  2287).       -    . 

7  a,vnl*  '-r»  Admission  temporaires,  ^  Décret  accordant  le  bénéfice,  du, r^^e 
'  de  cette  admission  aux  sucres  employés  dans  la  fabriation  des  savons  transpa- 
rents destinés  à  l'export^^on  {p.  2326). 

-«-  Aide- commissaire  des  colonies.  ^^  Arrêté  modifiant  l'arrêté  du  24  avril  1895 
réglant  les  conditions  de  l'examen  pour  Tadmiasion  A  ce  grade  (p.  2^). 

—  Chemins  de  fer  d'intérêt  général.  —  Résultats  de  l'exploitation  (p.  2336), 

—  Avis  commevciaua:  sur  le  Portugal  et  rAutriche-Hongrie  (p.  2335); 

8  avril.  —  Assurances  contre  les  accidents  du  travail.  —  Barème  minimum 
piHir  le  calcul  des  réserves  mathématiques  de  ces  sociétés  (annexe  à  l'arrêté 
miniiilériel  du  30  mars  1899  publié  wol  Journal  officiel  du  2  avril  1899)  (p.  2373). 

—  Mise  hars  cadres.  —  Décret  autorisant  la  mise  hors  cadres  des  officiers  de 
réserve  et  de  l'armée  territoriale  titulaires  des  emplois  énumérés  dans  les  ta- 
bleaux B  et  C  de  la  loi  du  15  juillet  1889  (p.  2380). 

—  Cypahis  de  Vlnde.  —  Rapport  et  décret  portant  rétablissement,  de  ce  corps. 
Gbculaire  de  notification  (p.  2381). 

9  avril.  —  Droit  international  privé.  —  Loi  portant  modification  à  l'article 
unique  de  la  loi  du  4  février  1899  portant  approbation  d'une  convention  interna- 
tionale réglant  plusieurs  matières  de  droit  intemationcd  privé  (p.  2405), 

-— •  Commissaire  de  surveillanlce  administrative  des  chemins  de  fer  (p.  2406)^ 

—  Inspecteur  particulier  de  V exploitation  commerciale  des  chemins  de  fer. 
—  Arrêté  déterminant  les  conditions  à  remplir  par  les  candidats  à  cet  eipploi 
(p.  2407). 

10  avril.  —  Sociétés  d'assurances  contre  les  accidents  du  travail.  —  Arrêté 
fixant  le  cadre  et  les  conditions  d'avancement  des  commissaires-contrèleurs 
(p.  2429). 

— ««  Caisses  régnâtes  de  crédit  agricole  mutuel;  -—  Rapport  et  déoret  relatif  à 
la  nomination  des  membres  de  la  Commission  de  répartition  des  avances  aux 
Caisses  régionales  de  crédit  agricole  mutuel  (p«  2430). 

—  Transit  des  cailles.  —  Arrêté  interdisant  en  Fraince  le  transit,  pendant  la 
clôture  de  la  chasse,  des  cailles  expédiées  de  l'étranger  pour  l'étranger  (p.  2430). 

-«-  Avis  agricoles  sur  l'Allemagne  et  la  Hollande  (p.  2439). 

11  avril.  — Administrateurs  coloniaux,  —  Rapport  et  décret  portant  admis- 
sion des  secrétaires  généraux  des  anciennes  directions  de  Tintérienr  dans  le  cadre 
des  administrateurs  coloniaux  (p.  2448).  , 

1%  avril.  —  Majoration  des  rentes.  —  Arrêté  affectant  aux  bonifications  spé- 
ciales prévues  par  la  loi  de  finances  du  13  avril  1898  une  somme  de  300.000  francs 
sur  le  crédit  ouvert  pour  la  répartition  des  majorations  de  rentes  instituées. par 
la  loi  du  31  décembre  1895  (p.  2469). 

13  avril.  —  Commerce  de  la  France.  —  1899  (p.  2498). 

— — •  Agents  et  employés  commissionnés  des  chemins  de  fer  de  VEtat.  —  Situa- 
tion de  la  Caisse  des  retraites  (p.  2498). 

—  Avis  commerciaux  sur  la  Turquie,  l'Espagne,  la  Belgique,  l'Italie,  l'Ile 
Maurice  (p.  2501). 

14  avril.  —  Jtistice  criminelle.  —  Rapport  sur  le  compte  général  de  l'admi- 
nistration de  la  justice  criminelle  en  France  et  en  Algérie  (p.  ^09). 

—  Caution  judicaium  sohi.  —  Décret  promulgant  la  convention  intervenue, 
entre  la  France  et  la  Russie  relativement  à  l'exemption  pour  les  Français  en 
Russie  et  les  Russes  en  France  de  la  caution  y wc/ica/i/m  solvi  (p.  2516). 

-^^  Ministère  de- l'Instruction  publique.  —  Décret  chargeant  le  Président  du 
Conseil  ministre  de  l'Intérieur  de  l'intérim  (p.  2516). 


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440  LÀ  VIE  POLITIQUE  ET .  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

— —  CirctUaiUm  des  automobiles.  —  Décret  réglant  cette  circulation  et  circulaire 
(p.  2518). 
»—  Bourses  d'enseignement  pi*imaire  supérieur,  —  Répartition,  1898  (p.  2527). 

15  ftYril.  —  Vente  des  sérums-thérapeutiques,  -^  Décret  autorisant  des  éta- 
blissements à  préparer,  vendre  et  distribuer  des  sérums-thérapeutiques  et  extraits 
organiques  (p.  2557). 

»—  Sucres.  —  Production  et  raourement  (p.  2562). 

16  airril.  —  Prytanie  militaire,  —  Instruction  pour  Tadmission  en   1899 . 
(p.  2585). 

— -  Personnel  administratif  secondaire  de  la  marine.  —  Arrêté  modifiant 
Farrèté  du  21  ]uin  1893  relatif  aux  examens  pour  les  emplois  de  commis  et  ma- 
gasinier du  personnel  administratif  secondaire  de  la  marine  et  circulaire  de  no* 
tification  (p.  2588). 

—  Personnel  armurier  de  la  marine.  —  Circulaire  sur  la  période  réglemen- 
taire du  séjour  outre-mer  de  ce  personnel  (p.  2589). 

18  ATril.  —  Officiers  du  corps  de  santé  de  la  marine,  —  Arrêté  relatif  aux 
conditions  d'embarquement  et  de  déplacement,  et  circulaire  de  notification 
(p.  2622). 

19  avril.  —  Sels  neufs  dénaturés.  —  Décret  complétant  le  tableau  B  annexé 
au  décret  du  7  juillet  1897  et  contenant  la  liste  des  industries  autorisées  à  rece- 
voir en  franchise  des  sels  neufs  dénaturés  (2637). 

M—  Ecoles  des  hautes  études  commerciales.  —  Arrêté  réorganisant  le  régime  et 
les  conditions  d'admission  à  la  section  normale  annexée  à  cette  école.  Programme 
des  connaissances  exigées  pour  Tadmission  et  avis  de  concours  pour  Tadmission 
(p.  2644). 

—  Embarquement  des  officiers  de  marine.  —  Arrêté  modifiant  l'arrêté  minis- 
tériel du  15  décembre  1893  (p.  2639). 

20  ATril.  —  Etablissements  Renseignement  primaire.  —  Rapport  et  décret  re- 
latif aux  subventions  de  FEtat  pour  la  construction  ou  Tappropriation  des  éta- 
blissements d'enseigoement  primaire  (p.  2663). 

»—  Médailles  d'honneur  des  ouvriers  et  employés.  •—  Décret  limitant  k  20  ans 
de  services  consécutifs  pour  les  colonies  françaises  les  conditions  du  décret  du 
16  juillet  1886  relatif  aux  médailles  d'honneur  des  ouvriers  et  emplojrés  (p.  2664). 

— i»  Concession  de  terre  à  Madagascar.  — *  Rapport  et  décret  portant  con- 
cession de  terres  à  Madagascar  à  la  compagnie  coloniale  et  des  mines  d'or  de 
Suberbielle  et  de  la  côte  Ouest  de  Madagascar  (p.  2666). 

— -  Alcools.  ~-  Production  et  mouvement  {p.  2669). 

—  Caisse  des  retraites.  —  Opérations  mars  1899  (p.  2673). 

— •  Avis  commerciaux,  sur  la  Russie,  la  Belgique,  l'Italie,  la  Turquie,  le 
Transvaal,  les  Indes  anglaises,  l'Uruguay,  l'Angleterre  (p.  2673). 

21  avril.  —  Salaire  des  cantonniers.  —  Décret  appliquante  FAlgérie  le  décret 
du  22  février  1896  relatif  aux  retenues  opérées  sur  le  salaire  des  cantonniers 
(p.  2685). 

— »  Port  de  Dunkerque,  •—  Décret  modifiant  le  tarif  maximum  faisant  suite 
au  cahier  des  charges  de  la  convention  annexée  à  une  concession  relative  à  ce 
port  (p.  2685). 

»—  Port  de  Dtfclair.  —  Décret  relatif  à  l'établissement  des  grues  à  vapeur 
(p.  2686). 

— ««  Inspection  des  services  administratif^  de  la  marine.  —  Rapport  et  décrets 
de  réorganisation  (p.  2693). 

—  Voies  ferrées.  Indo-Chine.  —  Rapport  et  décret  autorisant  l'ouverture  de 
travaux  des  voies  ferrées  (p.  2698). 

»-  Caisse  dépargne.  ^  Opérations.  Mars  1899  (p.  2699). 

22  avril.  —  Métropolitain.  —  Décret  approuvant  la  substitution  à  la  Compagnie 
générale  de  traction  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  métropolitain  de  Paris 
comme  concessionnaire  du  chemin  de  fer  métropolitain  (p.  2710). 

»—  Automobiles.  -*  Décret  constituant  en  entrepôt  réel  des   douanes  les 


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LA  VIE  POLITIQUE  ET  PARLEBfENTÂIRE  EN   FRANCE  441 

locaux  affectés  à  Paris  au  concours  ioteraational  d'accumulateurs  pour  voitures 
automobiles  (p.  2711). 

23  ATiil.  —  Convention  avec  le,P,  L,  M.  —  Loi  ayant  pour  objet  d'approuver 
une  convention  passée  entre  TEtat  et  la  Compagnie  P.  L.  M.  (Modification  du 
compte  d*expl<Mtation  partielle  (p.  2725). 

24  aTril.  —  Travaux  publia  dans  les  possessions  éCoutre-mei\  — •  Rapport  et 
décret  relatif  au  personnel  du  génie  mis  à  la  disposition  du  département  des 
colonies  pour  le  service  des  travaux  publics  dans  les  possessions  d'outre-mer 
(p.  2741). 

— i-  Avis  agricoles  sur  TAllemagne,  TEspagne,  la  Hongrie,  Tlnde  anglaise  et  la 
Russie  (p.  2752). 

25  a^riL  ^  Franchise  postale,  —  Décret  concédant  cette  franchise  au  ministre 
de  rinstruction  publique  pour  la  correspondance  relative  à  l'Exposition  (p.  2858). 

—  Tables  de  mortalité  et  de  morbidité.  —  Arrêté  nommant  des  membres  de 
la  Ck>mmission  chargée  d'établir  des  tables  de  mortalité  et  de  morbidité  appli- 
cables aux  sociétés  de  secours  mutuels  (p.  2578). 

— —  Marque  et  véri/icaHon,  —  Relevé  des  objets  d'or  et  d'argent  présentés  à  la 
marque  ou  à  la  vérification  du  1*'  janvier  au  31  mars  1899  (p.  2762). 

26  avril.  —  Service  de  sonté  militaire,  —  Instruction  relative  à  l'admission 
aux  emplois  d'élève  en  pharmacie  (p.  2777). 

—  Sucres  et  glucoses.  —  Rendement  (p.  2784). 

27  ETTil.  —  Boissons*  —  Décret  modifiant  la  nomenclature  des  bureaux  dési- 
gnés pour  régulariser  le  mouvement  des  boissons  entre  la  France  et  la  Suisse 
(p.  2798). 

28  aTril.  —  Port  du  Havre,  —  Loi  relative  à  une  avance  de  un  million,  offerte 
par  la  Chambre^de  CoI^merce  du  Havre  (p.  2821). 

•— «  Travail  des  enfants  et  des  femmes,  —  Décret  modifiant  la  nomenclature 
des  tableaux  A  et  C,  annexés  ai>  décret  du  13  mai  1893  relatif  à  l'emploi  des 
enfants,  des  filles  mineurs  tt  des  femmes  aux  travaux  dangereux  et  insalubres 
ip.  2822). 

-«-  Fort  de  Dunkergue.  ^  Décret  autorisant  la  Chambre  de  Commerce  de 
Dunkerque  à  emprunter  une  somme  de  1.100.000  francs  en  vue  de  subvenir  au 
frais  de  construction  d'un  magasin  public  au  port  de  cette  ville  (p.  2822). 

—  Avis  commerciaux  sur  le  Japon,  Haïti,  Maurice,  la  Bolivie,  l'Egypte,  la 
Russie,  la  Nouvelle-Zélande  (p.  2827). 

29  avril.  —  enseignes  de  vaisseau.  —  Cire,  sur  l'embarquement  (p.  2846". 

— *  Chemins  de  fer,  —  Programme  de  concours  pour  l'admissibilité  à  l'emploi 
d'inspecteur  particulier  de  l'exploitation  commerciale  des  chemins  de  fer  (p.  2^). 

30  aTTil.  —  Colis  postaux,  —  Décret  portant  réduction  de  la  taxe  applicable 
aux  colis  postaux  et  destination  de  diverses  colonies  anglaises  et  allemandes 
(p.  2855), 

—  Société  d assurance,, Le  Soleil,  —  Décret  de  modification  aux  statuts 
Cp.  2856V 

—  Timbre  de  connaissement,  —  Rapport  et  décret  portant  exemption  du 
timbre  de  connaissement  pour  les  transpprts  par  *nB8  pour  le  petit  cabotage 
(p.  2863). 

^■^  Budget  local, du  Sénégal,  —  Rapport  et  drcret  déclarant  dépenses  obliga- 
toires des  sommes  inscrites  au,  budget  local  du  Sénégal  pour  l'en tretiein  de  la  gen- 
darmerie (p.  2864). 

— *  Conseil  d^ administration  du  Soudan  Français,  -r  Rapport  et  décret  modi- 
fiant la  composition,  du  Conseil  d'administration  du  Soudan  français  (p.  2864). 

— ■  Bourses  de  voyage,  —  Avis  relatif  aux  bourses  de  voyage  décernées  à  la 
suite  des  salons  annuels  (p.  2866). 

•—  Caisse  d'épargne.  —  Situation.  Février  1899  (p. 


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GHRONOLOfilB  POUTHHie  ËTRAKGtRE  ET  FRANÇAISE 


Chronologie  politique  étrangère 

Allemagne.  —  14  avril,  —  M.  de  Bûlow  prononce,  au  Reichstag,  un  discours 
sur  la  question  des  Samoa.  Tout  en  parlant  dans  un  sens  concfliant,  il  dit  que 
FAllemagne  ne  peut  pas  admettre  Taction  isolée  des  Anglo-Atnéricaîns,  qui,  le 
15  mars,  ont  dissous  le  gouvernement  provisoire  institué  par  les  représentants 
des  trois  puissances  aux  Samoa. 

Angleterre.  —  13  avril.  —  Le  chancelier  d'e  rEchiquier,  sir  Michaël  Hicks 
Beach,  présente  le  budget  aux  Communes.  L'exercice  1898-1899  se  solde  par  un 
excédent  de  186.000  livres  sterling.  Mais  les  dépenses  nationales  augmentaut 
sans  cesse,  et  ne  pouvant  être  restreintes,  rexercice  1899-1900  se  présentera  sous 
un  aspect  beaucoup  plus  défavorable.  Les  dépenses  étant  évaluées  à  112  millions 
927.000  livres,  et  les  recettes  à  110.287.000  livres,  il  jr  aura  un  déficit  de  2  mil- 
lions 640.000  livres.  Pour  y  faire  face,  le  chancelier  de  FEchiquier  a  recours  à  la 
réduction  de  Tamortissement  de  la  dette,  ce  qui  lui  proctirera  2  millions  de 
livres,  et  à  Taugmentation  des  droits  du  timbre  sur  les  titres  étrangers  et  colo- 
niaux, sur  les  hypothèques  et  sur  le  capital  des  compagnies  nouvellement  for- 
mées, et  à  un  relèvement  des  droits  d'entrée*  sur  les  vMs  de  toute  espèce,  de 
6  pence  par  gallon. 

18.  —  Aux  Communes,  M.  Brodrick  annonce  qne  rAngleterre.  TAllemagne 
et  les  Etats-Unis  sont  tombées  d'accord  sur  l'envoi  d^ne  Commission  au^ 
Samoa,  Commission  qui  se  livrera  à  une  enquête  sur  les  troubles  survenus 
dans  Tarchipel  et  étudiera  les  modifications  à  faire  subir  à  TActe  de  Berlin  de 
1889.  Les  commissaires  ne  prendront  de  décisions  qn*à  Tànanimité,  selon  le 
désir  de  TAllemagne. 

Belgique.  —  16  avril,  —  La  Fédération  nationale  des  mineurs,  dans  une 
réunion  tenue  à  Charleroi.  décide,  pour  le  lendemain,  la  grève  générale  des 
mineurs  dans  les  quatre  bassins  houillers  de  la  Belgique.'  Ùàuse  de  la  grève: 
les  mineurs  demandent  une  augmentation  de  salaire  de  20  p.  100. 

17.  —  Commencement  de  la  grève  générale,  qui  devait  durer  encore  à  la  fin 
du  mois,  sans  cependant  avoir  occasionné  de  troubles  graves. 

19.  —  M.  Schollaert,  ministre  de  Tlntérlenr,  présente  À  la  Chambre  un  projet 
de  loi  sur  la  réforme  électorale. 

Chine.  —  15  avril.  —  Un  engagement  a  lien,  entre  Anglais  et  Chinois,  sûr  le 
territoire  de  Rao-Loung,  cédé  par  la  Chine  comme  extension  de  la  concession 
anglaise.  Cet  incident,  qui  s'est  produit  au  moment  où  les  Anglais  prenaient 
possesion  de  leur  nouvelle  acquisition,  donne  lieu  à  une  protestation  de  l'Angle- 
terre, qui  demande  satisfaction  au  gouvernement  chinois. 

28.  —  L'Angleterre  et  la  Russie  signent,  à  Pétersbourg,  un  arrangement  dont 
les  termes  ne  sont  provisoirement  pas  publiés^  et  qui  a  trait  À  leurs  intérêts 
réciproques  en  Chine. 

Espagne.  —  16  avril.  —  Elections  à  la  Chambre  dès  députés  des  Cortès.  Résul- 
tats :  243  ministériels  (dont  180  silvélistes,  33  polaviéjlstes  et  30  pldalistes  ultra- 
montains),  18  tétuanistes  ou  conservateurs  dissidents  ;  86  libéraux  ;  30  gamazisles, 
ou  libéraux  dissidents  ;  15  républicains  ;  5roméristes  (M.  Romeo  Robledo)  ;  4  car- 
listes. 

30.—  Elections  au  Sénat.  Résultats  :  110  ministériels  conservateurs  ;  6  tétua- 
nistes ;  50  libéraux  ;  7  gamazistes  ;  8  .carliiies  ;  I  .républicain  ;  1   indépendant 
1  intégriste. 

Xtats-Unii.  —  11  avril.  —  M.  Mac  Kinley  et  M.  Jules  Cambon,  ambassadeur 


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CHRPiNOI^pGIE  PQWTÏQUE  443 

de  France,  échangent,  à  Wavhington,  1^  ratifications  du  traité  de  paix  hispano- 
américain. 

21.  —  Le  capitaine  Coghlan,  du  Raleighf  retour  des  Philippines,  se  livre,  à 
VUnton  league  club,  à  des  manifestations  germanophobes. 

22.  —  Le  même  officier  prononce,  à  VArmy  and  Navy  club  y  un  discours  très 
hostile  aux  Allemands,  h  propos  de  Tattitude  provocante  qu'ils  auraient  eue, 
aux  Philippines,  à  Tégard  des  Américains. 

Ces  incidents  ont,  pour  suite,  une  protestation  de  l'Allemagne  ;  le  ministre  de 
la  Marine  amércain  infli^0  un  blâmeraù  capitaine  Coghlan. 

Grèoe.  —  3  avril.  —  Le  ministère  Zaïmis  donne  sa  démission,  sa  situation 
étant  devenue  précaire  par  suite  du  peu  de  succès  remporté  par  la  politique  du 
Cabinet  aux  dernières  élections,  et  aussi  par  suite  de  la  décision  prise  par  une 
commission  d'invalider  Télection  du  premier  ministre. 

14.  —  Constitution  d'un  nouveau  ministère,  ainsi  composé  :  MM.  Theotokis, 
présidence  et  intérieur;  Simopoulo,  finances;  Athos  Romanos,  Affaires  étran- 
gères ;  colonel  Coumoundoros.  guerre  ;  fioudouris,  marine  ;  Carapavlos,  justice  ; 
Eftaoias,  cultes  et  instructions  publique. 

Italie.  —  li  avril,  -^  L'escadre  française  de  la  Méditerranée,  commandée  par 
Tamiral  Foumier,  étant  allée  saluer  les  souverains  italiens,  dans  les  eaux  de 
Cagliari,  un  déjeuner  a  lieu,  k  bord  du  Brennus^  vaisseau>amiral  français.  Le 
roi  Hunibert  et  le  commandant  de  l'escadre  française  prononcent  des  allocutions 
cordiales  en  faisant  allusion  au  rapprochement  franco-italien. 

22.  —  L*escadre  anglaise  de  la  Méditerranée,  commaadée  par  l'amiral  Rawson, 
étant  allée  saluer  les  souverains  italiens  au  Golfe  d'Aranci,  un  déjeuner  a  lieu 
à  bord  du  Majestic,  Des  toast  sont  échangés  entre  le  roi  Humbert  et  l'amiral 
anglais. 

24.  —  Au  Sénat,  l'amiral  G^evaro,  ministre  des  Affaires  étrangères,  répond  à 
des  interpellations  sur  la  conventions  franco-anglaise  du  21  mars,  les  interpella- 
teurs  prétendant  que  cette  convention  léserait  l'Italie,  en  ce  sens  qu'elle  attri- 
buerait À  la  France  l'arrière-pa^s  de  la  Tripolitalne. 

Phil^pineB.  ^  28  avril  —  Les  Philippins  découragés  par  un  revers  subi  h 
CalumpU,  au  Nord  de  Manille,  envoient  des  émissaires  au  général  Otis,  com- 
naandant  en  chef  des  Américains,  pour  lui  demander  un  armistice,  afin  que  le 
congrès  philippin  puisse  discuter  la  question  de  la  conclusion  de  la  paix..  Le 
général  Otis  repousse  ces  ouvertures  ;  il  demande  une  soumission  sans  condi^ 
tien,  en  promettant,  toutefois,  une  amnistie  générale.  Ce  refus  retarde  la  cessa- 
tion des  hostilités. 

Roumanie.  — 11  avril,  -^  Le  ministère  libéral,  présidé  par  M.  Stourdza,  donne 
sa  démissiom  une  vive  émotion  s'étant  emparée  de  l'opinion  publique  à  la  suite 
de  la  pubUcation,  à  Budapest,  d'une  brochure  où  il  était  parlé  d'une  sorte  de 
pacte  conclu,  antérieurement^  entre  M.  Stourdza  et  le  premier  ministre  hongrois, 
baron  Bauffy,  à  l'époque  où  la  Roumanie  cherchait  à  se  rapprocher  de  la  Triple- 
AlUance.  Gomme  il  ressortait  de  la  brochure  publiée  que  M.  Stroudza  avait  pres- 
que abandonné  les  Roumains  de  Transylvanie,  sa  situation  était  devenue  inte- 
nable. 

23.  —  Après  des  négociations  laborieuses,  on  nouveau  ministère,  emprunté 
au  parti  conservateur,  est  constitué  sous  la  présidence  de  M.  Georges  Cantacu- 
£eii6,  le  nouveau  chef  du  parti  depuis  la  mort  de  M.  Catargi,  survenue  au 
moment  même  de  la  démission  du  Cabinet  Stourdza.  Le  nouveau  ministère  est 
ainsi  composé  :  MM.  Georges  Cantacuzènet  présidence  du  Conseil  et  intérieur  ; 
Général  Mano,  finances;  Général  Jacques  Lahovary,  guerre;  Dissesco,  justice; 
Take  Jonesoo,  instrction  publique  ;  Fleva,  domaines  ;  Jean  Lahovary,  affaires 
étrangères  ;  D' Istrati,  travaux  publics. 

Samoa.  —  l**  axinl.  -^  Un  détachement  anglo-américain  est  pris  dans  une 
embuscade,  sur  la  propriété  d'un  Allemand,  par  une  bande  de  Mataafans,  qui  le 
forcent  à  battre  en  retraite  après  lui  avoir  fait  perdre  quelques  hommes.  Cet 
incident  raviva  les  hostilités  entre  les  deux  partis,  celui  de  Mataafa  et  celui  de 
Malietoa  Tanou. 


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444  •  CHRONOLOGIE  POLITIQUE 

12.  —  Engagement  de  Mataafans  et  Malietoans  à  Falofa. 
15.  —  Engagement  à  Mangîa. 
17.  ^  Engagement  à  Vailima. 


Chronologie  politique  françaiee 

1«'  aTril.  —  MM.  Fournière  et  Breton  adressent  au  ministre  de  la  Guerre  une 
demande  d'interpellation  au  sujet  des  faits  nouveaux  révélés  par  la  publication 
dans  le  Figaro  des  premières  pièces  de  Tenquète  de  la  Cour  de  Cassation. 

3  avril.  —  Départ  du  ministre  de  la  Marine  pour  un  voyage  dans  les  ports  de 
la  Manche. 

4  avril.  —  Ouverture  &  TEcole  de  médecine  du  Congrès  antialcoolique. 
^~  Ouverture  à  Toulouse  du  Congrès  des  Sociétés  savantes. 

e  avriL  —  Voyage  du  Président  de  la  République  à  Montélimar. 
— »  Ouverture  du  troisième  Congrès  des  professeurs  de  renseignement  secon- 
daire. 

7  avril.  —  M.  Laferrière  entreprend  un  voyage  d'études  dans  le  Sahel. 

8  avril.  —  Le  comité  «  pour  la  défense  du  droit  »  se  réunit  sous  la  présidence 
de  M.  Paul  YioUet  pour  examiner  les  moyens  qu'il  convient  de  prendre  afin  de 
ramener  les  catholiques  à  la  vraie  tradition  de  leur  parti,  «  qui  sait  allier  l'amour 
de  la  religion  au  culte  des  libertés.  *»  Ce  comité  déclare  s'appuyer  sur  les  princi- 
pes de  1789,  réprouver  l'esprit  d'intolérance  et  combattre  de  mal  profond  causé 
au  pays  par  l'antisémitisme  et  l'antichristianisme  ;  il  rappelle  que  le  but  est  la 
défense  du  droit  et  dés  libertés  publiques  par  la  recherche  de  la  vérité  et  l'effort 
personnel. 

—  Réunion  ft  Nimes  du  Congrès  des  mutualistes  de  la  Fédération  du  Midi. 

9  avril.  —  Discours  au  Puy  de  M.  Charles  Dupuy.  président  du  Conseil. 

»— Arrestation  à  Alger  de  Max  Régis  à  la  suite  d'un  discours  outrageant 
prononcé  par  celui-ci  contre  M.  Laferrière. 

—  Inauguration  à  Lille  du  nouvel  institut  Pasteor  et  du  monument  élevé  à 
Pasteur.  Discours  de  MM.    Viger   et  Guillain,  représentants  du  Gouvernement. 

—  Etection  sénatoriale.  —  Drome.  —  Inscrits  :  757.  —  MM.  Bixarelli,  député, 
républicain  radical,  666  élu;  Divers,  58.  —  Il  s'agissait  de  remplacer  M.  Lou- 
bet,  aujourd'hui  président  de  la  République.  M.  Loubet  était  sénateur  de  la 
Drûme  depuis  1885.  Il  avait  été  réélu  en  1894  par  588  voix,  au  premier  tour,  sur 
747  votants. 

—  Elections  législatives.  —  (Loir-et-Cher).  —  {Arrondissement  dé  Vendâmé^, 
Inscrits  :  23.058.  —  Votants  :  18.252.  —  MM.  Henri  David,  avocat,  républicain,  8.835  ; 
M.  Rivière,  socialiste,  5.097;  M.  La  Rochefoucauld-Bisaccia,  conservateur,  4.690.  — 
{Ballottage).  —  Il  s'agissait  de  remplacer  M.  Gaston  Bozérian,  républicain, 
décédé,  qui,  député  depuis  1893,  avait  été  réélu  le  22  mai  1898  par  11.015  voix, 
contre  6.725  à  M.  de  La  Rochefoucauld  fils. 

«—  Sbinb-et-Marne.  —  {Arrondissement  de  Provins).  —  Votants  :  15.125.  — 
Votants  :  12.089.  —  M.  Derveloy,  radical  socialiste,  6.990  élu;  M.  Lesage,  républi- 
cain, 4.903.  —  M.  Derveloy  succède  à  M.  Montant,  ancien  ingénieur  en  chef  des 
ponts  et  chaussées,  républicain  radical,  décédé,  député  depuis  1885  et  réélu  en  1898 
par  7.564  voix,  contre  5.088  à  M.  Lebailly,  républicain. 

10  avril.  —  Démission  de  M.  l'amiral  de  Cùverville,  chef  d'état-major  général 
de  la  marine. 

— —  Ouverture  de  la  session  des  Conseils  généraux.  Tous  les  conseils  auront  à 
répondre  au  questionnaire  qui  leur  a  adressé  la  commission  périementaire  de 
renseignement  chargée  d'étudier  les  moyens  d'améliorer  l'enseignement  secon- 
daire. Télégramme  d'excuse  de  M.  Déroulède  au  Président  du  Conseil  général  da 
la  Charente.  Le  député  s'excuse  de  ne  pas   assister  aux  séances   étant  arrêté 


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CHRONC^iOGlE    POLITIQUE  44& 

c  pour  avoir  tenté  de  renverser  la  République  Parlementaire  afin  derlui  substituer 
la  Républicaine  plébiscitaire  ». 

12  ATiil.  —  En  l'absence  de  M.  Georges  Leygues,  parti  à  Rome  inaugurer 
Texposition  de  TAcadémie  de  France,  M.  Dupuy  prend  Tintérim  de  llnstruction 
publique. 

13  avril.  —  Réunion  à  Arras  des  délégués  des  compagnies  houillères  et 
des  délégués  ouTriers  mineurs  en  vue  de  discuter  Taugmentation  de  salaire 
réclamée  par  le  syndicat  des  mineurs  du  Pas-de-Calais,  comme  conséquence  de 
la  hausse  des  charbons.  Sur  les  instances  de  M.  Lockroy  et  du  GouTemement. 
M.  l'amiral  de  Cuyerville  consent  à  retirer  la  demande  qu'il  avait  adressée  au 
ministre  de  la  Marine  afin  d*ètre  relevé  de  ses  fonctions. 

14  ATril.  —  Lettre  de  M.  Déroulède  au  Président  du  Conseil  sur  la  situation 
politique,  et  sur  l'optimisme  manifesté  par  M.  Dupuy  dans  son  récent  discours. 

15  avril.  '-  M.  Charles  Bos,  député  de  la  Seine  adressé  au  garde  des  Sceaux 
une  demande  d'interpellation  sur  les  motifs  qui  Tout  empêché  jusqu'à  ce  jour, 
depuis  la  déposition  de  M.  Casimir-Périer,  depuis  la  déposition  du  général 
Mercier  et  depuis  l'intervention  du  capitaine  Freystœtter,  de  saisir  la  Cour  de 
cassation  d'une  demande  d'annulation  du  procès  Dreyfus,  puisqu'il  est  démontré 
que  des  pièces  secrètes  ont  été  communiquées  aux  Juges  du  conseil  de  guerre 
en  dehors  de  la  défense  et  de  l'accusé. 

—  Arrivé  à  Paris  du  roi  de  Suède,  Oscar  II. 

—  Discours  à  Oloron  de  M.  Barthou  qui  rend  compte  de  son  mandat,  il 
insiste  sur  la  nécessité  de  la  révision  du  procès  Dreyfus. 

——  M.  Luzzatti,  nommé  k  l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques  en 
remplacement  de  M.  Gladstone,  prononce  l'éloge  de  son  prédécesseur. 

— •  M.  Max  Régis,  arrêté  à  la  suite  d'un  discours  injurieux  contre  M.  Laferrière,. 
est  condamné  à  quatre  mois  de  prison. 

16  avril.  —  Réunion  à  Cette  d'un  Congrès  socialiste  départemental. 

—  Voyage  à  Bangkok  de  M.  Doumer  reçu  en  grande  pompe  par  le  roi  de 
Siam. 

17  avril.  —  Echange  de  visites  entre  le  roi  de  Suède  et  le  Président  de  la 
République. 

18  avril.  —  Examen  devant  le  tribunal  correctionnel  de  la  poursuite  dirigée 
pour  infraction  à  la  loi  sur  les  sociétés  (association  non  autorisée  de  plus  de 
20  personnes;  article  291  et  suivants  du  Code  pénal  et  1  et  2  de  la  loi  du 
10  avril  1834),  contre  la  Ligue  des  droits  de  l'homme  et  du  citoyen,  en  la  per- 
sonne de  MM.  Duclaux  et Grimaux,  vice-président;  Morhardt,  secrétaire  général; 
Lapicque,  secrétaire  adjoint,  et  Fontaine,  trésorier.  MM.  Duclaux,  Grimaux, 
Mathias  Morhardt,  Lapicque,  Lucien  Fontaine,  sont  condamnés  chacun  à 
16  francs  d'amende,  avec  application  de  la  loi  Bérenger.      ^ 

19  avril.  —  MM.  Jules  Lemaltre,  Dausset,  Syveton  et  Vaugens  comparais- 
sant comme  inculpés  dans  l'affaire  de  la  ligue  de  la  patrie  française  sont  condamnés 
à  16  francs  d'amende  avec  application  de  la  loi  Bérenger. 

20  avril.  —  Arrivée  A  Alger  d'Edoiiard  Drumont  reçu  officiellement  par  la 
municipalité. 

22  avril.  —  L'Académie  des  Sciences  Morales  et  Politiques  décerne  au  comman- 
dant Marchand  le  prix  François-Joseph  Audiflred,  de  la  valeur  de  15.000  francs 
«  destiné  h,  récompenser  les  plus  beaux,  les  plus  grands  dévouements  de  quelque 
nature  qu'ils  soient  pour  sa  traversée  de  l'Afrique,  de  l'Océan  Atlantique  à  la 
Mer  Rouge  ». 

— •  Arrivée  à  Paris  du  maire  de  Saint-Pétersbourg  venu  pour  déposer  une 
couronne  sur  la  tombe  du  Président  Félix  Faure. 

23  avril.  —  Elections  législatives.  —  Loir-et-Chkb.  —  (Arrondissement  de 
Vendôme).  —  Inscrits  :  23.264.  —  Votents  :  12.788.  —  Suffrages  exprimés  :  1I.6T7. 
M.  David,  conseiller  général,  avocat,  républicain  10.763  élu.  —  Au  premier  tour, 
le  9  avril,  M.  H.  David  avait  obtenu  8.335  voix,  M.  Rivière,  conseiller  général 
socialiste,  5.097  voix,  et  M.  de  La  Rochefoucauld,  duc  de  Bisaccia,  conserva- 
teur, 4.639  voix.  Ces  deux  candidats  s'étaient  retirés.  Il  s'agissait  de  remplace- 


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446  CHRONOLOGIE  JPOUTIQUE 

M.  Gaston  Bozérian,  républicain,  décédé,  qui  ayait  été  réélu  au  scrutin  de  ballottage, 
le  22  mai  1898,  par  11.015  voix. 

— —  Arrestation  d'Edouard  Drumont  à  Alger,  il  e»t  remis  en  liberté  le  soir 
même.  —  Fête  du  Centenaire  de  Racine  dila  Ferté^Milon. 

24  avril.  —  Inauguration  officielle  à  Tunis  de  la  statue  de  Jules  Ferry.  — 
Inauguration  d'un  buste  de  Racine  à  Port-Royal. 

25  avril.  —  Inauguration  à  Tunis  de  TEcole  d'agriculture  et  du  musée  du 
Bardo. 

26  avril.  —  Inauguration  du  port  de  Sousse. 

—  Réception  à  THÔtel  de  VUle  de  Paris  du  maire  de  Saint-Pétersbourg, 
M.  Lelianof.  Echange  de  toasts  entre  M.  Lelianof  et  M.  Veber. 

— *  Conférence  de  M.  Brunetiëre  sur  la  nation  et  Tannée. 

27  avril.  —  On  signale  de  tous  les  points  de  la  France  et  en  particulier  des 
centres  industriels,  un  actif  mouvement  de  protestation  contre  les  incohérences 
de  la  loi  sur  les  accidents  du  travail  et  le  règlement  d'administration  publique, 
chargé  de  l'expliquer. 

—  Inauguration  à  Nice  du  nouveau  pont  sur  le  Paillon  par  la  Reine  d'Angle- 
terre. 

2^  avril  -—  A  la  suite  des  troubles  qui  se  sont  produits  au  cours  de  M.  Georges 
Duruy  à  l'Ecole  polytechnique,  le  ministre  de  la  Guerre  a  suspendu  ce  cours 
provisoirement. 


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BIBLIOGRAPHIE 


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Atxnbl  (V.  G:  d\).  Paysans  et  ouvriers  depuis  sept  cents  ans,  1  vol.  in-18,  Paris 

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Bartin  (Etienne),  Etude  de  droit  international  privé,  1  vol.  in  8,  Paris  Cheva- 

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Baton  (Paul),  L'art  de  faire  soi-même  son  testament,  7«  édition,  1  vol.  in-18, 

Paris  1899.  Giard  et  Brière. 
Carton  db  Wurt(G.),  Les  grandes  compagnies  coloniale»  anglaises  au  xix«  siècle. 

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Famo  (Giuuo),  Un  fistologo  intoano  al  Mondo,  1  voL  in-12,  Milano  1899,  Fratelli 

Trêve». 
Franck- Album,  Revue  Mensuelle  :  Lyon.  1  br.  1899,  51,  Cit.  des  Fleurs,  Paris. 
GiVBAU  (M.),  Le  feu  et  les  eaux,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  Schleicher  frères.  (Petite 

encyclopédie  populaire  illustrée  n«  11). 
GuBERNATis  (A.  db).  Sir  Terrasanla,  1  vol.  in-12,  Milano  1899,  Fratelli  Trêves. 
Guiglanmol  (Georgb),  L'organisation  des  chemins  de  fer  en  France,  1  vol. 

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IIarraca,  Reflet  de  foi  morale,  1  vol.  in-18,  Argelès  1899,  Harraca. 
Harraca  (D.  m.).,  La  foi  morale,  1  vol.  in-18,  Argelès  1899,  Harraca. 
Hepp  (Albx.).,  Les  Quotidiennes  de  1898, 1  vol,  in-18,  Paris  1899,  E.  Flammarion. 
Labriola  (A),  La  teoria  del   valore  di  C.  Marx,  1  vol.  in-12,  Milano  1899,  Remo 

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Lapib  (Paul),  La  justice  par  TEtat  :  Etude  de  morale  sociale,  1  volin-18,  Paris  1899. 

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La  Poulainb  (Jban  db).  Le  colosse  aux  pieds  d'argile  :  étude  sur  l'Angleterre, 

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Lbgrand  (Gborge-s),  Le  régime  successoral,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  A.  Pedone. 
Martinbau  (E.).,  Liberté  et  socialisme,  1  vol.  in-18,  Paris  1899. 
MouNARi  (G.  db),  Esquisse    de   l'organisation  politique   et  économique  de  la 

société  future,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  Guillaumin  et  Cie. 
Ojetti  (Uoo),  L'Ameina  sittoriora,  1  vol.  in-12,  Milano  1899,  Fratelli  Trères. 
Pasçaup,  Mémoires  aur  les  conditions  dans  lesquelles  les  étrangers  doivent  avoir 

l'accès  des  tribunaux  fi-ançais,  1  br.  in-8,  1898. 
Raohon   (Louis),    Le    Gode  des  comptables,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  Qiard  et 

Brière. 
Saçhel  (Adrien)^  Traité  théorique  et  pratique  de  la  législation  sur  les  accidents 

du  travail,  1  vol.  in-8,  Paris  1899,  L.  Larose. 
Scott  Reldic  (J.),  The  Statesman's(  Year-^Bvok,  1  vol.  in-8,  London  1899,  Mac- 

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448  BIBLIOGRAPHIE 

Vallana  (CAsnLLE),  Les  campagnes  des  années  françaises  (1792-1815),  1  voL  in-18^ 

Paris  1899,  Félix  Aican. 
ViGOURoux  (Louis),  La  concentration  des  forces  onvrières  dans  TAmérique  du 

Nord,  1  vol.  in-18,  Paris  1899,  A.  Ck)lin  et  Cie. 


LÉON  DE  Seilhac,  Les  Congrès  ouYiiers  en  France  (1876-1897).  Bibliothèque 
du  Musée  social.  1  vol.  ia-8  écu,  broché.  —  Prix  :  4  francs.  Armand  Colin  et 
Cie,  éditeurs. 

Ce  livre  est  le  résumé  des  «  protocoles  •  des  différents  Congrès  ouvriers 
tenus  en  France,  depuis  la  chute  de  T Association  int^mationide  des  travailleur» 
jusqu'à  la  fin  de  1897.  Ces  «  protocoles  »  ont  parfois  été  publiés  dans  des  Jour- 
naux spéciaux,  dont  il  est  fort  difficile  de  retrouver  la  collection,  ou  dans  des 
brochures  aujourdliui  disparues. 

L'auteur  a  su  conduire  le  public  à  travers  les  mille  phases  du  mouvement 
révolutionnaire  et  au  milieu  de  Congrès  organisés  par  les  diverses  sectes,  aux 
noms  barbares,  qui  se  sont  disputé  la  conduite  de  Touvrier. 

Insistant  sur  les  événements  qui  caractérisèrent  les  Congrès  du  Havre,  de 
Saint-É tienne  et  de  Ch&tellerault,  et  brisèrent  le  parti  révolutionnaire  en  collec- 
tivistes, guesdistes,  broussistes  et  allemanistes,  Tauteur  arrive  aux  organisations 
purement  ouvrières  qui  ont  su  secouer  le  joug  des  politiciens  :  «  Confédération 
générale  du  Travail  »  et  surtout  «  Fédération  des  Bourses  du  Travail  >». 

Tout  ce  qui  intéresse  le  mouvement  ouvrier  est  exactement  défini  par  les 
Congrès;  et  le  lecteur  trouvera  dans  ce  volume  les  documents  qui  lui  sont 
nécessaires  pour  connaître  et  apprécier  la  marche  du  mouvement  socialiste  en 
France  et  ses  chances  de  succès. 

É.  BouTMY,  membre  de  Tlnstitut,  directeur  de  TÉcole  libre  des. Sciences  poli- 
tiques, Le  Baccalauréat  et  l'Enseignement  secondaire  (Projets  de 
réforme.  Une  brochure  in-16  (Questions  du  Temps  présent).  —  Prix  :  1  franc. 

M.  Boutmy  propose  de  diviser  le  baccalauréat  en  deux  portions  :  Tune,  obli- 
gatoire pour  tous,  comprend  seulement  un  minimum  de  matières  fondamentales  ; 
~  Tautre,  facultative,  comprend  les  mêmes  matières  plus  approfondies,  et  les 
matières  spéciales  que  chaque  candidat  a  jugé  à  propos  d*ajouter  &  ce  minimum 
—  telles  le  grec,  qui  serait  retranché  de  renseignement  obligatoire,  une  langue 
vivante  supplémentaire,  les  sciences  naturelles^  etc.  Chacune  de  ces  matières 
donnerait  lieu  à  une  note  individuelle  qui  serait  reproduite  sur  le  diplôme. 

M.  Boutmy  montre  ensuite  que  cette  réforme  obvie  à  la  plupart  des  inconvé- 
nients du  régime  actuel  :  le  baccalauréat  cesse  d'être  un  moyen  de  démarcation 
sociale  ;  son  programme  cesse  d'être  lié  étroitement  au  programme  de  rensei- 
gnement, et  celui-ci  pourra  être  élargi  sans  que  l'autre  soit  augmenté. 

Dans  la  pensée  de  l'auteur,  cette  transformation  du  baccalauréat  se  rattache  à 
une  transformation  du  régime  de  nos  lycées.  Le  ppint  auquel  tout  se  ramène  est 
l'institution  des  directeurs  d'études  entre  lesquels  tous  les  élèves,  ^ans  exception 
seraient  répartis.  Ils  trouveraient  chez  ces  hommes  d'élite  des  conseils  qui  les 
suivraient,  d'année  en  année,  à  travers  les  classes.  C'est  an  directeur  d'études 
que  reviendrait  le  soin  de  l'éducation.  Celle-ci  doit  occuper  le  premier  rang  parmi 
les  fins  de  l'enseignement  secondaire  ;  elle  serait  désormùs  confiée  à  ce  que 
l'Université  possède  de  meilleur  et  de  plus  excellent. 

Cette  brochure,  pleine  de  vues  originales  et  de  pénétrantes  observations,  fera 
penser. 

Adolphe  Brisson,  Portraits  intimes  (4«  série).   1  voL  in-18  Jésus.  —  Prix, 
broché  :  3  fr.  50.  Armand  Colin  et  de,  éditeurs,  5,  rue  de  Mézières,  Paris. 

M.  Adolphe  Bri/Bson  ajoute  une  quatrième  série  à  ces  Portraits  Intimée  qui  lui 
ont  valu  tant  de  succès.  Notre  confrère  est  inimitable  dans  l'art  de  trouver  ces 


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BIBLIOGRAPHIE  449 

figurines  qui,  sous  une  apparence  familière,  présentent  une  reiiemblance  aigud 
et  profonde.  Elles  sont  imprégnées  d'une  gr&ce  malicieuse  et  exquise;  Tesprit 
criUque  s'y  joue  parmi  les  impressions  pittoresques.  Ce  sont,  pour  la  plupart, 
des  morceaux  achevés  et  qui  resteront  comme  une  source  précieuse  de  docu- 
ments biographiques  et  psychologiques  sur  les  hommes  de  ce  temps.  Le  volume 
qui  parait  aujourd'hui  est  des  plus  variés  ;  il  vise  la  littérature  (avec  Ernest  Le- 
gouvé,  Henri  Lavedan,  J.-K.  Huysmans,  G.  Courteline,  Jules  Verne)  ;  les  arts 
(avec  Denys  Puech  et  Ghartran)  ;  le  théAtre  (avec  Le  Bargy,  Silvain,  M"*'  Julia 
Bartet  et  Reichemberg)  ;  roccultisme  et  le  «  mystère  »  (avec  W^*  de  Thèbes,  Mé- 
rovack  et  la  famille  Couesdon),  etc....  Cette  nouvelle  collection  de  Portraits  In- 
times achève  de  classer  M.  Adolphe  Brisson  au  premier  rang  des  ironistes  con- 
temporains. 

M.  Louis  Léger,  professeur  au  Collège  de  France,  Russes  et  Slaves.  (Études 
politiques  et  littéraires.  Troisième  série  :  Un  Précurseur  :  Radistchev  ;  Les  Russes 
en  France;  Le  Cesairevitch  en  Orient;  L'Enseignement  du  russe;  Adam 
Mickievicz  ;  Mickievlcz  et  Pouchkine  ;  La  Littérature  Tchèque.  1  vol.  in-16.  — 
Prix,  broché  :  8  fr.  50. 

Ce  volume  est  mis  en  vente  précisément  au  moment  où  la  Russie  et  la  Pologne 
célèbrent  l'anniversaire  des  deux  plus  grands  poètes  de  la  race  slave,  Mickiericz 
et  Pouchkine.  M.  Léger  leur  consacre  des  études  pénétrantes  et  tout  à  fait  nou- 
velles dans  notre  littérature. 

On  ne  trouvera  pas  moins  d'intérêt  aux  essais  qui  ont  pour  objet  le  publiciste 
russe  Radistchev,  un  véritable  précurseur  des  idées  libérales,  les  Voyageurs 
Russes  en  France^  le  récent  voyage  du  Gesarevitch  (l'empereur  Nicolas)  dans 
l'Orient  asiatique,  la  langue  russe  et  les  moyens  de  l'enseigner  en  France,  la  litté- 
rature tchèque  contemporaine. 

L'auteur  signale  avec  raison  chez  les  Tchèques  des  alliés  d'autant  plus  sympa- 
thique qu'ils  sont  plus  mal  vus  des  Allemands. 

Paul  Apostol,  licencié  en  droit  de  l'Université  de  Moscou,  docteur  es  sciences 
économiques  de  l'Université  de  Munich.  L'artèle  et  la  coopération  en 
Russie.  Son  histoire,  son  état  actuel.  (Traduit  par  E.  Castblot,  membre 
de  la  Société  d'économie  politique.  Préface  de  M.  A.  Raffàlovigh,  correspon- 
dant de  l'Institut).  Paris,  Guillaumin  et  Cie,  1899.  1  vol.  in-18.  —  Prix  : 
3  fr.  50. 

L'objet  de  l'ouvrage  de  M.  Paul  Apostol  est  à  la  fois  de  réunir  et  de  codifier 
tous  les  éléments  de  publications  et  documents  russes  relatifs  aux  artèles  ou 
associations  coopératives,  et  de  définir  le  caractère  de  ces  groupements  eu  égard 
aux  distinctions  qu'ils  comportent. 

L'ouvrage  se  divise  en  quatre  chapitres  respectivement  consacrés  à  l'origine 
des  artèles,  à  leur  histoire  jusqu'au  xix*  siècle,  k  l'étude  des  artèles  contempo- 
raines à  base  communiste  ancienne  et  à  celle  des  artèles  modernes  d'origine  in- 
dividualiste. 

Dans  le  premier  chapitre,  l'auteur  établit  une  distinction  absolue  entre  l'an- 
tique artèle  russe  et  l'association  coopérative  moderne  :  l'une  découlant  de  la 
communauté  domestique  qu'elle  prolonge  en  quelque  sorte,  l'autre  procédant, 
selon  l'expression  même  de  M.  Apostol,  «  do  la  réaction  contre  la  cruelle  souf- 
france qu'engendre  l'économie  purement  individualiste  dont  l'homme  primitif  ne 
soupçonnait  même  pas  l'existence.  »  Les  causes  dont  résultent  la  durée  et  le 
développement  dés  artèles  en  Russie  sont  exposées  dans  le  second  chapitre  :  on 
y  voit  comment  la  dissolution  des  communautés  domestiques  a  obligé  les 
familles  fractionnées  à  poursuivre,  sous  la  forme  collective  de  l'artèle,  la  réalisa- 
tion de  la  production  économique.  Les  artèles  russes  du  type  ancien  font  l'objet 
des  six  parties  du  troisième  chapitre  qui  traitent  tour  à  tour  de  l'agriculture,  de 
la  pèche,  du  bâtiment,  de  l'industrie  domestique,  de  l'industrie  manufacturière 
et  du  commerce.  Le  quatrième  chapitre,  réservé  aux  artèles  modernes,  vise  suc- 


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450  BWUOGRAPaiB 

cessivement  les  laiteries  ooopécatiyes»  les  trayaux  agricoles*,  riodustrle  dômes*' 
tique,  rindustrie  manufacturiôre  et  les  prêts.  .     .         , 

Une  bibliographie  détaillée  complète  Touvraga. 

Un  compte  rendu  aussi  sommaire  ne  peut  donner  qu'une  kôée  bien  imparfaite 
du  très  remarqu€U)Ie  ouvrage  de.  M.  Apostol«  Nous  nous  estimerions  du  moins 
heureux  s^il  suffisait  à  éveiller  la  curiosité  de  toua  cens,  qui  s'intéressent  à  la 
question  de  la  coopération  «t  qui  cherchent  dans  un  travaÙ  sur  cette  matière, 
non  seulement  Térudition  et  la  conscience,  mais  aussi  Tesprit  critique  et  la  dis- 
cussion basée  sur  Les  faits.  Ils  peuvent  être  certains  de  trouver  dans  le  livre  de 
M^  Apostol,  sous  une  forme  très  claire,  un  exposé  méthodique  des  éléments  d« 
la  question,  en  môme  temps  que  la  réunion  la  pliis  complète  des  documents  qui 
existent  sur  les  artèles  russes. 

L.  DS  Saussure,  Psychologie  de  la  Colonisation  française,  1  vol.  in-12.  — 
Prix  ;  3  fr.  50.  Fiélix  Alcan,  éditeur. 

Ce  n'est  pas  le  problème  général  de  la  :  colonisation,  au  point  de  vue  écono- 
mique et  social,  que  Tauteur  s*est  proposé  d'aborder,  maïs  seulement  un  des 
côtés  de  ce  problème  :  celui  de  notre  politique  à  l'égard  des  populations  indi- 
gènes de  ces  vastes  possessions  que  nous  appelons  improprement  des  Colonies. 

Faute  d'un  excédent  de  populalion,  la  France  n'a  pas  besoin  de  territoires 
favorables  à  la  colonisation  proprement  dite,  mais  elle  possède  tous  les  élé- 
ments nécesscdres  pour  tirer  parli  de  ses  possessions  tropicales.  Il  n'est  besoin 
pour  cela  que  de  capitaux,  de  bons  fonctionnaires  et  de  bons  soldats.  Elle  ne 
manque  ni  des  uns  ni  des  autres. 

Mais  nmportant  aussi  est  de  suivre  à.  l'égard  des  indigènes  une  politique  res- 
pectant leurs  dogmes  et  leurs  usages. 

C'est  pour  ne  l'avoir  pas  suivie  que  les  Espagnols  ont  vu  leur  colonies  leur 
échapper,  et  c'est  en  l'adoptant  que  les  Anglais  se  sont  assuré  le  loyalisme  non 
seulement  des  races  indigènes  mais  même  des  Canadiens  français. 

M.  de  Saussure  cherche  à  mettre  en  évidence  la  relation  de  cause  à  effet  qui 
existe  entre  la  psychologie  des  Français  et  leur  politique  indigène  aox  colonies. 
Cette  politique  est  la'  conséquence  naturelle  de  nos  dogmes  nationaux  et  c'est 
dans- ces  dogmes  même  qu'il  en  cherche  la  clef.  Il  retrace  leur  origine,  leur 
évolution  et  leur  influence  actuelle  sur  le  caractère  de  la  nation,  et  enfin  il  en 
suit  l'application  dans  nos  diverses  colonies  et  y  constate  leurs  ravages. 

E.  RoDOGANACHi,  Bonaparte  et  les  iles  Ioniennes.  Un  épisode  des  conquêtes 
de  la  République  et  du  premier  empire  (1797-1816).  1  vol.  in-8.  —  Prix  :  5  fr. 
Paris,  Félix  Alcan). 

Les  iles  Ioniennes  tinrent,  dans  la  pensée  de  Bonaparte,  une  place  beaucoup 
plus  importante  qu'on  ne  serait  tenté  de  le  croire.  «  Les  Ûea  de  Corfou,  Zante  et 
Cépbalonie,  écrivait-il  en  1797,  sont  plus  intéressantes  pour  nous  que  toute 
ritalie  ensemble  ».  Et,  onze  ans  après,  en  1808,  il  disait  encore  :  «  Corfou  est 
tellement  important  pour  moi  que  sa  perte  porterait  un  coup  funeste  h  mes  pro- 
jets ».  Aussi,  dès  qu'il  fût  maître  de  Venise,  s'occupa-t-il  de  mettre  la  main  sur 
les  îles  ;  il  y  réussit,  mais  rencontra  comme  adversaire  le  fameux  AU,  pacha  de 
Tébélen,  qui,  finalement,  avec  l'aide  des  Russes,  chassa  les  Français.  Le  siège 
qu'ils  soutinrent  à  Corfou  et  qui  dura  cinq  mois,  ne  fût  ni  mojLns  héroïque,  ni 
moins  glorieux  que  celui  de  Gênes  ;  il  ne  lui  a  manqué  que  d'être  r^kCOAté.  Le 
traité  de  Tilsit  rendit  à  Napoléon  cette  possession  tant  désirée  ;  il  y  .entassa  les 
moyens  de  défense  et  s'en  occupa  constamment  jusqu'au  jour  où,  les  Anglais 
s'y  établirent  en  vertu  du  traité  de  Paris  et  des  conventions  ultérieures.  M.  Ro- 
docanachi  dont  les  travaux  sur  l'histoire  d'Italie  sont  appréciés,  a  reconstitué 
l'histoire  encore  peu  connue  de  tous  ces  événements^  grâce  à  des  .documents 
nouveaux,  et  l'a  fait  précéder  d'un  tableau  fort  piquant  des  mœurs  de  Tile  de 
Corfou,  avant  l'occupation. . 


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BIBLIOGRAPHIE  451 

Brooks  Adahs,  La  loi  de  la  otrilisation  et  de  la  décadence.  Essai  histo- 
rique. 1  vol.  in-8,  traduit  de  l'angkds  par  Aug.  Dietrich.  —  Prix  :  7  fp.  50. 
Félix  Alcan  éditeur. 

Le  pouvoir  de  l'argent  et  le  rôle  de  celui-ci  à  travers  les  âges,  telle  est  la 
thèse  c[ui  constitue  l'idée  mère  de  ce  livre. 

L'auteur  offre  une  hypothèse  permettant  de  classifier  quelques-unes  des  phases 
intellectuelles  les  plus  intéressantes  par  lesquelles  la  société  doit  passer,  dans 
ses  oscillations  entre  la  barbarie  et  la  civilisation,  pour  atteindre  à  un  état  de 
concentration  plus  ou  moins  sauveur.  11  établit  sa  loi  en  s'appuyant  sur  une 
grande  quantité  de  faits  puisés  dans  l'histoire,  depuis  les  Romains,  ce  peuple  de 
fer  auquel  est  due  la  centralisation  qui  continue  à  régir  une  partie  de  l'Europe, 
jusqu'à  la  décadence  moderne,  période  ou  l'idéal,  disparu  sous  la  poussée  de  la 
réaction  matérialiste  et  utilitaire,  est  devenu  surtout  un  mot  ou  une  étiquette,  et 
où  la  nature  humaine  parait  s'étioler  peu  à  peu  dans  une  inquiétante  médio- 
crité. 

Cette  œuvre  est  empreinte,  dans  la  forme  comme  dans  le  fond,  d'une  saveur 
nationale,  très  forte  et  toute  pénétrée  de  cet  esprit  anglo-saxon  énergique  et  pra- 
tique, si  différent  de  l'esprit  émotionnel  des  peuples  néo-latins.  L'historien,  par- 
tisan de  la  raison  et  de  la  pensés  libre,  s'est  attaché  à  faire  une  oeuvre  scienti- 
fique au  sens  complet  du  mot.  Il  a  visé  à  rester  objectif,  laissant  les  faits  parler 
assez  éloquemment  par  eux-mêmes. 

Jacques  Bonzon,  avocat  à  la  Cour  d' Appel  de  Paris,  Cent  ans  de  lutte  sociale* 
La  législation  de  Tenfanee,  1789-1898.  (2«  édition,  revue  et  complétée). 
Guillaumin  et  Ole,  éditeurs,  14,  rue  de  Richelieu,  Paris.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Cette  nouvelle  édition,  remet  au  courant  des  lois  nouvelles  l'intéressant 
ouvrage  publié  en  1894  par  M.  Bonzon.  Nous  voyons  successivement  la  situation 
de  l'enfant  dans  la  famille,  à  l'école  et  dans  l'atelier.  Elle  nous  y  apparaît  sous 
un  double  aspect  :  théoriquement,  par  les  lois  de  tous  genres  faites  en  son  in- 
térêt —  pratiquement,  avec  les  résultats  plus  ou  moins  heureux  de  ces  lois,  tels 
que  les  établissent  les  statistiques  et  les  documents  les  plus  récents.  Enfin,  l'au- 
teur indique  les  réformes  les  plus  urgentes  en  faveur  de  Tenfance. 

Cet  ouvrage  a  donc  une  double  utilité  :  c'est  un  tableau  destiné  tout  à  la  fois 
aux  hommes  d'étude  et  aux  philanthropes.  Il  renseigne  ceux-ci  sur  les  armes  que 
la  loi  leur  fournit  pour  l'enfance  et  les  œuvres- qui  la  protègent.  Il  montre  à  ceux- 
là  le  chemin  parcouru  depuis  la  Révolution,  et  les  bienfaits  de  la  lutte  sociale. 

C£S.\RE  LoMBROSO,  L'Antisémltlsme,  traduit  de  la  deuxième  édition  italienne 
par  les  docteurs  A.  Marie  et  M.  Hamel,  médecins  des  Asiles  publics  de  la  ré- 
gion de  Paris,  avec  une  préface  de  Paul  Brousse,  conseiller  municipal  de 
Paris,  1  vol.  in-8,  V.  Giard  et  E.  Brière,  éditeurs.  1899,  Paris.  —  2  fr.  50. 

Les  tristesses  de  l'heure  présente  permettrontrclles  de  lire  sans  autre  passion 
que  celle  du  vrai  cette  œuvre  si  documentée,  inspirée  par  ce  positivisme  de  bon 
aloi,  caractéristique  du  savant  criminaliste  de  l'Université  de  Turin  ?  M.  Lom- 
broso  a  montré  qu'on  peut  étudier  impartialement  même  les  questions  d'actua- 
lité brûlante,  et  on  ne  saurait  trop  féliciter  MM.  Marie  et  Hamel  de  nous  avoir 
donné  une  excellente  traduction  de  ce  livre,  déjà  avantageusement  connu  et  re- 
fondu en  plusieurs  de  ses  chapitres  pour  l'édition  française. 

M.  Lombroso  a  d'cibord  magistralement  exposé,  et  avec  une  érudition  aussi 
abondante  que  sûre,  les  causes  historiques,  politiques,  psychologiques,  etc.,  de 
l'antisémitisme,  sans  négliger,  en  savant  impartial,  ce  qui,  dans  le  caractère  des 
Juifs,  peut  servir  parfois  de  prétexte  aux  persécutions  dont  ils  ont  été  ou  sont 
encore  victimes  dans  certains  pays  d'Europe.  Puis  il  s'occupe  longuement  de  la 
question  au  point  de  ^ue  anthropologique  ;  sa  conclusion,  originale,  soulèvera 
sans  doute  des  discussions  parmi  les  spécialistes,  mais  elle  est  appuyée  sur  tant 
de  preuves  logiquement  liées  qu'il  seznble  difficile  de  ne  pas  y  souscrire.  Les 


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452  BIBUOGRAPHIE 

derniers  chapitres  sont  consacrés  au  r6le  des  Juifs  dans  l'évolution  économique 
et  à  la  part  qu'ils  ont  prise  au  mouvement  général  de  la  civilisation. 

L'ouvrage  est  précédé  d'une  excellente  préface  de  M.  Paul  Brousse,  qui  a 
montré  que  lliistoire  de  Tantisémitisme  en  France  confirme  pleinement  les 
thèses  de  Téminent  professeur. 

Frédéric  LoLiÉE,  Tableau  de  l'histoire  littéraire  du  monde.  (Collection  des 
Livres  d'Or  de  la  Science).  Un  vol.  in-18,  illustré  dé  72  gravures  dans  le  texte 
et  de  4  gravures  hors  texte  en  couleur.  Schleicher  Frères,  éditeurs,  Paris.  — 
Prix  :  1  franc. 

L'ouvrage  de  M.  Loliée  que  nous  signalons  est  Thistoirede  la  pensée,  de  la  poésie, 
de  la  philosophie,  des  belles-lettres  en  un  mot,  d'&ge  en  &ge,  de  peuple  en  peuple  ; 
les  monuments  impérissables  laissés  par  les  maîtres,  en  vingt  langues  diverses, 
sont  tous  mis  là  à  leur  place  méritée .  Leurs  auteurs  surgissent  à  nos  yeux,  en 
un  défilé  majestueux  :  depuis  Tantique  Orient,  à  travers  la  Grèce  et  Rome,  nous 
marchons  à  leur  suite  jusqu'aux  heures  sombres  du  Moyen  Age,  pour  assister 
soudain  au  réveil  éclatant  de  la  Renaissance.  L'auteur  uous  mène  ainsi  dans 
tout  le  XVII*  siècle,  dans  le  xvui*,  dans  le  nôtre  enfin,  dont  sonne  la  clôture. 
Thé&tre,  histoire,  poésie,  philosophie,  œuvres  de  penseurs  profonds  ou  de  let- 
trés merveilleux,  toute  branche  des  lettres  a  sa  juste  part  que  lui  fait  M.  Loliée; 
à  côté  des  faits  historiques  retracés  par  le  Panorama  des  siècles,  se  manifeste 
l'action  morale  des  grands  écrivains  qui  impriment  leur  marque  sur  leur  époque 
et  préparent  l'avenir. 

EBfiLE  DÉifARET,  docteur  en  droit,  ancien  professeur  de  l'alliance  française  à 
Smyme,  conseiller  de  préfecture  de  l'Aube,  Organisation  coloniale  et 
Fédération.  Une  fédération  de  la  France  et  de  ses  colonies,  avec  préface  de 
M.  EuoèNB  Etienne,  député  d'Oran,  ancien  sous-secrétaire  d'Etat  aux  colonies. 
1899.  1  vol.  in-8»,  V.  Giard  et  E.  Brière,  éditeurs.  Paris.  —  Prix  :  5  fr. 

Dans  cet  ouvrage,  une  idée  domine  toutes  les  autres  :  La  France  doit  être  forte 
vis-à-vis  des  nations  étrangères  et,  pour  être  forte,  il  faut  qu'elle  soit  une 
grande  puissance  coloniale,  comme  l'Angleterre,  comme  la  Russie,  comme  les 
Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord.  Tel  a  été  d'ailleurs  le  but  de  ceux  qui,  depuis 
vingt  ans,  ont  constitué  notre  domaine  colonial.  La  France  possède  aujourd'hui 
un  empire  immense. 

M.  Emile  Démaret  examine  les  principaux  systèmes  de  colonisation,  en  pre- 
nant pour  exemple  trois  grands  pays  colonisateurs.  Il  s'appuie  tout  d'abord  sur 
l'histoire  coloniale  de  l'Espagne  pour  combattre  tous  les  systèmes  d'assujettisse- 
ment. La  prospérité  des  colonies  anglaises  le  ferait  pencher  en  faveur  de  l'auto- 
nomie coloniale,  s'il  ne  pensait  qu'au-dessus  des  intérêts  locaux  il  existe  des 
intérêts  généraux,  pour  lesquels  la  centralisation  est  nécessaire.  Cest  pourquoi 
il  préconise  ime  fédération,  à  l'exemple  des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord, 
ou  plutôt  semblable  à  celle  que  poursuivent,  en  Angleterre,  les  impérialistes  et 
M.  Chamberlain. 

De  telles  idées  méritent  d'être  examinées  avec  une  sérieuse  attention.  Elles 
provoqueront  assurément  de  très  vives  controverses  ;  mais  il  est  bon  qu'elles 
aient  été  formulées  avec  netteté  et  précision. 

Le  livre  de  M.  Démaret  se  recommande  de  lui-même  par  l'originalité  des  idées 
qu'il  expose.  Il  est  écrit  avec  sincérité,  sobriété  et  talent. 


Le  Directeur-Gérant  :  M.  Fourniie. 


Pftni.    -  Typ.  A.  DAVY.  52,  rue  Madame.  —  léléphone. 


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Revue  Politique  &Parlementaire 


A  PROPOS 

DE 


LENOilKTE  SUR  L fii\SEIGNEMENT  SEmOAIRE 


Lettre  à  M.  Marcel  Fournier, 
Directeur  de  la  «  Revue  Politique  et  Parlementaire  ». 

Mon  cher  directeur, 

On  vient  de  faire  une  enquête  (les  enquêteurs  la  déclarent 
très  complète)",  sur  la  réforme  de  T Enseignement  Secondaire. 
On  a  oublié  de  prendre  l'avis  d'une  catégorie  de  personnes  qui, 
pourtant,  ont  voix  au  chapitre  :  les  pères  de  famille  qui  con- 
fient leurs  enfants  à  TUniversité. 

Gomment  on  aurait  pu  les  consulter?  J'entends  bien  qu'on  ne 
pouvait  les  convoquer  à  Paris,  sur  la  Place  de  la  Concorde  ni  en 
province,  sur  le  champ  de  foire.  Mais  enfin,  sans  questionner 
tout  le  monde,  —  cartons  les  pères  de  famille  ne  sont  pas  égale- 
ment préparés  à  nous  donner,  sur  ces  matières,  un  avis  médité, 
—  il  y  a  des  catégories  de  citoyens  que  l'on  ne  peut  écarter  d'un 
tel  débat,  sans  risquer  d'en  faire  une  discussion  académique 
entre  mandarins  purs.  Ce  sont,  par  exemple,  les  membres  de 
nos  Chambres  de  Commerce.  Ils  représentent  dans  le  pays  une 
élite  de  travailleurs  qui  ont  le  sens  de  la  vie  et  qui  sont  sortis, 
à  leur  honneur,  de  la  bataille  des  affaires.  Comme  j^aurais  voulu 
voir  dresser  par  eux  une  espèce  de  cahier  de  charge  des  vœux 
du.  père  de  famille  contemporain  I  Nous  l'aurions  présenté  très 
respectueusement  aux  grands  maîtres  de  l'Université.  Nous 
aurions  dit  : 

—  Vous  nous  demandez  de  vous  confier  nos  fils  et  de  résister 
à  la  tentation  de  les  envoyer  dans  les  écoles  qui  vous  font  con- 

RSVUS  POLIT.,  T.  XX  ^0 


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454       A    PROPOS    DE   l'enquête.  SCR   l'e^'SEIGNEMEKT   SECONDAIRE 

eurrence  ?  Nous  sommes  tout  prêts  à  mettre  notre  confiance  en 
vous  ;  à  une  condition  :  il  ne  faut  pas  vous  imaginer  plus  long- 
temps que  nos  enfants  sont  faits  pour  être  éduqués  par  l'Uni- 
versité, pour  soutenir  ses  programmes,  conquérir  ses  grades, 
peupler  les  cours  de  ses  professeurs.  Ce  sont  les  professeurs,  les 
cours,  les  grades,  les  examens,  et  l'Université  par  dessus  le 
marché  qui  ont  été  créés  pour  nous  servir. 

'  «  A  cette  heure,  nous  vous  coBtons  um  enfant  entre  huit  et 
dix  ans,  vous  nous  le  rendez  entre  dix- huit  et  vingt.  A  quoi  est- 
il  bon?  Le  professeur  de  philosophie  qui  prononce  le  discours 
au  jour  de  la  dernière  distribution  de  prix  débite  régulière- 
ment, au  milieu  des  hochements  approbatifs  des  toques  docto- 
rales, cette  phrase  surprenante  :  «  Que  savez- vous  jeunes 
gens?...  Votf s  avez  appris  à  apprendre,  »  C'est-à-dire  :  «  L'Uni- 
versité ne  prétend  pas  nous  avoir  directement  préparés  à  la  vie, 
à  aucune  espèce  de  vie  pratique.  Elle  vous  a  assouplis  en  vue 
des  études  techniques  que,  sans  doute,  vous  vous  disposez  à 
poursuivre  maintenant  dans  une  Ecole  Supérieure  »... 

Si  seulement  cela  était  vrai  I  Si  nos  enfants  avaient  «  appris  à 
apprendre  »  !  S'ils  nous  revenaient  de  leur  longue  fréquentation 
du  collège,  avec  l'esprit  «  assoupli  »  !  On  nous  les  rend  le  dos 
rond,  avec  un  estomac  dégoûté  de  toutes  ces  nourritures  litté- 
raires ou  scientifiques  qu'on  leur  a  fait  ingurgiter  pèie-méle, 
par  voie  d'indigestion,  comme  on  gave  les  oies  pour  la  broche, 
sans  jamais  chercher  à  éveiller  leur  appétit,  à  proportionner  à 
leur  faim  la  nourriture  qui  seule  s'assimile. 

Vous  imaginez  bien,  mon  cher  Directeur,  que  je  ne  veux  pas 
sie  donner  le  ridicule  de  critiquer  ici  en  quatre  pages  le  fond 
mèobe  de  Teziseignement  universitaire.  Mais  bien  qu'on  ne 
m'ait  pas  convoqué  pour  me  demander  mon  avis,  je  le  donne  — à 
cette  place  avec  la  certitude  que  je  parle  pour  beaucoup  de  pères 
de  famille  mécontents  comme  je  le  suis  et  d'autre  part  trop 
absorbés  par  leurs  a£Faire6  pour  avoir  le  loisir  de  formuler  leurs 
griefs. 

J'ai  ce  titre  à  leur  bienveillance  :  la  question  de  l'éducation  et 
de  Tinstruotion  de  mes  fils  ma  si  fort  préoccupé,  que  j'ai  re- 
noncé, pour  la  surveiller  avec  plus  de  régularité,  à  tMis  les 
plaisirs  île  la  vie  nMmdainc.  J'ai  unitié  Paris  et  je  suis  venu 
m'iastaller  dans  la  ixanlieue  pour  servir  de  répétiteur  à  mes 


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A   PROPOS   DB  L'eKQCÊTS  SCR   L  Ë2ISE1GNSVENT   SEGOfIl>AIRE      455 

fils,  en  dehors  des  cours  de  l'exeellent  établissement  universi*- 
taire  qu'ils  suivent.  Je  dis  ic  eKcellèskt  >»,  car  ce  ne  sont  ni  len^ 
seignement  ni  la  direction  de  cette  maison  particulière  qui  sont 
en  cause.  Sur  tous  les  chapitres o<ù  la  discipline  universitaire  ne 
s'impose  pas  lourdement^  ceux  qui  instruisent  mes  enfants  fout 
preuve,  je  le  sens,  d'initiative  aifectueuse,  dieons  même  pater- 
nelle. Mais  le  mot  d'ordre  leur  vient  ^'ailleurs,  la  paperasse  et 
les  règlements  les  écrasent,  les  instpectenre  les  surveftilent,  les 
programmes  sont  là,  les  méthodes  ont  la  tyrannie  de  dogmes 
séculaires. 

Je  me  souviens  d'avoir  eu^il  y  a  quelques  années,  une  conver- 
sation fort  intéressante  avec  le  directeur  actuel  de  l'Ecole  nor*- 
male,M.  Perrot.  Il  était  tiMit  àfait  d'avis  qu'osie  langue  étrangère^ 
l'anglais  ou  l'allemand,  enseignée  par  des  professeurs  instruits, 
vaut,  pour  former  la  jeunrase,  tout  autant  que  du  grec  ou  du 
latin.  Quel  est-il,  en  effet,  le  bénéfice  le  plus  net  de  la  traduc- 
tion ?  Avant  cette  minute  de  la  vie  où  l'on  pense  par  soi-même, 
la  traduction  nous  impose  de  trouver  des  mots  pour  exprimer 
une  idée  que  Ton  nous  soumet.  Cette  gymnastique  est  admira- 
ble. C'était  le  bénéfice  le  plus  œctain  de  l'éducation  classique, 
n  ne  nous  restait  pasgrand'chose  de  la  fréquentation  des  auteurs 
grecs  et  latins,  mais  des  longues  hésitatiofts  que  nous  avions 
eues  en  face  d'ua  tecite,  dictionnaire  en  main,  du  choix  méti- 
culeux que  nous  avions  tsM  si  souvent  des  mots,  de  l'habitude 
que  nous  avions  prise  de  les  peser,  nous  gardions  une  aisance 
singulière  qui  sentait  son  homme  de  bonne  culture^  pour 
-exprimer,  enfin  adultes,  les  nuaaees  de  notre  propre  prisée. 
Nous  trouvions  des  mots,  des  tournures,  aulant  qu'il  nous  en 
fallait  pour  vêtir  notre  sentiment  et  le  produire  au  dehors  de 
nous.  Ceux  qui  étaient  doués  pouvaient  embellir  cette  enve- 
loppe avec  les  grâces  de  l'art.  Tous  étaient  en  état  de  fournir  à 
leur  pensée  rhabillement  de  la  parole. 

J'ai  été  bien  heureux  de  eonsiaier  qu'un  éducateur  comme 
M.  Perrot  acceptait  cette  idée  qui,  pooir  nous  autres,  a  des 
couleurs  de  certitude  :  on  peut  remplacer  dans  l'éducation 
de  la  jeunesse  le  grec  et  le  latin  par  telle  langue  vivante  que 
l'on  voudra,  pourvu  qu'on  Tettseigne  par  les  procédés  qui  for- 
ment le  goût  et  mettent  de  la  clarté  dans  Tespril;* 

Je  crois  donc  que  l'on  fait  fausse  route^  cptand  on  livre  au  la- 


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456      A    PROPOS   DE   l'enquête   SUR   l'eNSEIGNEMENT   SECONDAIRE 

tin  et  au  grec  de  formidables  assauts.  Sans  doute,  il  semble  à 
première  vue  qu'au  bénéfice  d'avoir  assoupli  leur  esprit,  ceux 
qui  auront  fait  Tétude  littéraire  d'une  langue  vivante  ajoute- 
ront le  profit  d'avoir  élargi  le  champ  de  leur  activité  et,  par  là, 
leur  puissance  de  vie.  On  peut  répondre  que  le  latin  et  le  grec 
contiennent  des  exemples  de  beauté  qui  sont  certainement  uni- 
ques et  qui  laissent,  après  une  longue  contemplation,  une 
clarté  particulière  dans  l'esprit.  Donc,  à  mon  sens,  ceci  vaut 
cela.  Ce  qui  ne  vaut  rien,  par  exemple,  ce  qui  révolte  un  père 
de  famille  qui  y  regarde  de  près,  c'est  la  méthode  qu'on  emploie 
pour  enseigner,  autour  de  ce  latin,  de  ce  grec,  de  cet  allemand 
et  de  cet  anglais,  une  multitude  de  notions, certainement  indis- 
pensables, mais  dont  d'antiques  errements  font  l'acquisi- 
tion stérile. 

Je  suppose  que  vos  fils  soient  externes  comme  les  miens.  Et 
cette  solution  est  bonne  entre  toutes,  car  si  l'Université  pré- 
tend donner  l'instruction  à  nos  enfants,  elle  est  toute  seule  à 
croire  qu'elle  leur  fournit  l'éducation.  Le  mélange  d'enfants 
d'origines  et  de  catégories  sociales  toutes  différentes  y  est  la 
règle.  En  dehors  de  la  classe,  on  y  parle  l'argot  de  la  caserne  et 
tous  les  pères  et  les  mères  de  famille  qui  se  préoccupent  de 
faire  de  leurs  fils  des  gens  bien  élevés,  savent  qu'il  leur  faut 
déployer  beaucoup  de  patience  et  d'énergie  pour  lutter  contre 
les  inconvénients  de  cette  promiscuité.  Nous  avons  bien  lu 
ici  et  là,  que  c'était  la  rue  qui  donnait  «  mauvais  genre  »  aux 
externes.  Il  est  possible  que  l'Université  croie  aux  bénéfices  de 
l'internat  pour  protéger  lycéens  et  collégiens  contre  le  mauvais 
air  du  dehors,  mais  elle  est  certainement  toute  seule  à  se  récon- 
forter de  cette  illusion  maternelle. 

Quand  on  s'est  mis  à  surveiller  de  près  la  vie  scolaire  de  son 
fils,  on  ne  se  contente  pas  de  lui  redresser  l'esprit  et  la  parole 
par  d'affectueuses  observations,  on  regarde  comment  il  pousse, 
on  épie  sa  mine.  Soir  et  matin,  quand  il  rentre  du  collège  avec 
sa  serviette  gonflée  de  livres,  on  lui  dit,  dépité  de  lui  trouver  la 
figure  tirée  : 

—  Va  donc  jouer  un  peu... 

Chaque  fois,  on  reçoit  la  même  réponse  : 

—  Mais  je  ne  peux  pas. . . 

On  croit  qu'il  a  paressé,  qu'il  a  laissé  s'accumuler  la  besogne . 


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A   PROPOS   DE   L^ENQUÊTE   SUR  l'eNSEIGNEMEMT   SECONDAIRE      457 

On  se  fâche,  on  exige  des  explications  précises,  on  entre  dans 
le  détail  des  choses. 

C*est  lui  qui  a  raison.  Un  enfant  qui  demeure  à  une  demi- 
heure  du  collège  ne  dispose  pas,  dans  toute  sa  journée,  d'une 
fleure  de  récréation  pendant  toute  la  durée  de  sa  croissance. 
Cela  n^est  pas  seulement  barbare,  c'est  imbécile. 

Je  ne  suis  pas  de  ceux  qui  croient  que  nous  aurions  intérêt  à 
importer  telles  quelles  dans  notre  Université  les  coutumes 
anglaises.  Mais  enfin,  quelle  différence  entre  le  sort  qui  est  fait 
au  jeune  Anglais  et  celui  que  nous  imposons  à  nos  enfants  pri- 
sonniers! Le  petit  anglo-saxon  n'a  «  classe  »  que  le  matin. 
Son  après-midi  lui  appartient.  Il  peut  apprendre  ses  leçons,  si 
cela  lui  plait,  dans  un  arbre,  gribouiller  son  devoir  à  plat 
ventre  au  bord  de  la  rivière.  On  lui  demande  seulement  de  se 
présenter  le  lendemain  à  la  classe  avec  une  leçon  sue,  des  de- 
voirs achevés.  On  a  si  peur  de  Técraser  par  d'inutiles  besognes^ 
qu'on  aime  mieux  lui  donner  des  coups  que  de  Topprimer 
sous  le  fardeau  des  pensums.  Le  plus  rare  bénéfice  de  cette 
éducation,  n'est  pas  seulement  physique,  il  est  moral.  Cet  en- 
fant sait,  de  reste,  pour  Tavoir  entendu  répéter  à  satiété  autour 
de  lui,  que  le  temps,  c'est  de  l'argent.  En  lui  laissant  adminis- 
trer son  temps  comme  il  le  veut,  on  lui  confie  une  richesse. 
Plus  tard,  il  saura  risquer  son  argent  à  propos  comme  il  a  su 
disposer  de  son  loisir.  Ainsi  ceux  qui  lui  ont  donné  la  liberté 
ont  éduqué  en  lui  la  première  de  toutes  les  qualités  dont 
l'homme  moderne  a  besoin  :  l'initiative. 

Entendez-vous  cela,  Messieurs  de  l'Université?  L'initiative. 
Ce  n'est  pas  d'hommes  de  goût,  de  lettrés  qui  traduiront  Horace 
en  vers  que  nous  avons  besoin,  c'est  d'hommes  d'initiative,  de 
Français  qui,  commerçants  et  colons,  aillent  fonder  au  dehors 
une  autre  France.  Or,  ces  Français-là,  vous  ne  nous  les  pré- 
parez pas. 

Quand  j'ouvre  la  «  serviette  »  de  mes  fils,  j'y  trouve  un  ca- 
hier d'histoire,  un  cahier  de  géographie,  un  cahier  de  physique, 
un  cahier  de  chimie,  un  cahier  d'histoire  naturelle,  un  cahier 
de  mathématiques...  que  sais-je  !  Et  quand  je  demande  à  quoi 
servent  tous  ces  cahiers-là,  on  me  répond  : 

—  Notre  professeur  dicte  son  cours.  Ensuite,  nous  le  reco- 
pions à  la  maison,  avec  une  belle  marge,  sans  pâtés... 


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158     A  PROPOS  BE  l'bnqoéte  SUR  l'bnsbigiobmkiit  secondairb 

C'est  bien  cela.  Le  proléseettr  dicte,  les  «ofiEtnt»  reecipient.  Et 
huit  ans  de  la  vie  y  passent.  A  cet  exercice  Btupide,  le  maître 
derient  promptemeni  un  routinier  débarrassé  de  tout  effort 
personnel,  Teafant  im  scHbe,  un  expéditeur,  ua  eaadidat  aux 
fonctions  de  paperasBt rie  qui  sembteBt,  à  la  fi»  du  xix*  siècle^ 
après  trente  ans  de  République,  Tidéal  de  la  Tie  pour  un  citoyen 
fran^is. 

Je  suis  allé  trouver  des  proviseur»  et  des  primcipaux  de  col- 
lège. Je  le«r  ai  dit  : 

-^  Mais,  Messieurs,  cette  pratique  de  dictée  et  de  recopiage  est 
tout  bonnement  criminelle.  Elle  diminue  le  maître  autant  que 
rélève.  Elle  emplit  à  elletouie  seule  les  trois  quarts  delà  vie 
scolaire.  Elle  est  un  obBtacle  aux  jeux^  A  la  réèexiou.  A  quoi 
bon,  s'il  vous  plait,  nous  faire  acheter  an  défctit  de  Tannée,  tant 
de  livres  d'histoire,  de  géographie  et  de  science,  si  les  enfants 
ne  «lorvent  pas  les  ouvrir,  n  c'est  le  cours  dicié  du  profesievr 
qui  représente  pour  eux  la  bonive  doctrine  ?  Une  pareille  pra- 
tique, niaise  quand  il  s'agit  d'histoire  ou  de  géographie,  devient 
déplorable  en  matière  de  science.  Voilà  par  exemple  le  profes- 
seur de  mathématiques  qui  dicte  comment  se  comportent  deux 
triangles.  L'enfant  entend  une  lettre  pour  l'autre,  vm  C.  pour 
un  E.  et  toute  la  démonstration  devient  incompréhensible. 
Messieurs  les  professeurs  sont  libres,  j'imagime,  de  choisir  ao 
début  de  Tannée,  les  livres  qui  leur  conviennent  le  mieux. 
Nous  les  payons  fort  docilement.  Nous  acceptons  qu'on  nous  les 
fasse  changer  toutes  les  années.  11  n'est  pas  possible  que  dans 
le  nombre  de  ces  histoires  romaines,  de  ces  cours  de  chimie 
élémentaire  et  de  ces  traités  de  géométrie,  il  ne  si'en  trouve  pas 
un  .^eul  qui  reflète  à  peu  près  les  tendances  de  Tesprit  et  de 
Tenseignement  du  naître.  Nous  aimerions  mievx  lui  voir  passer 
à  interroger  ses  élèves,  —  ce  qu'il  ne  fait  guère,  —  le  temps 
qu'il  consume  à  dicter. 

On  m'a  répondu  par  ces  deux  arguments  typiques  : 

i*  Si  nous  ne  faisions  pas  recopier  à  nos  internes  et  à  nos 
domi-pensionnaires  leurs  rédactions  d'histoire,  de  géographie, 
de  chimie,  do  mathématiques,  etc.,  à  quoi  voudriez- vous  qu'on 
los  occupât  «  pendant  Tétude  »? 

2^  Le  professeur  interroge  fort  peu  parce  qu'il  lui  est  mal 
aisé,  pendant  ce  temps-là,  de  faire  tenir  tranquilles  les  jeunes 


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A   PROPOS   DE  l'enquête   SUR   l' ENSEIGNEMENT   SECONDAIRE      459 

gens  qu'il  n'interroge  pas.  Ils  causent,  ils  dessinent,  ils  lancent 
des  boulettes,  ils  gravent  leurs  noms  dans  les  tables... 

Avouerai-je  que  ces  deux  arguments  ne  m'ont  pas  convaincu? 

Il  m'a  paru  au  contraire  qu'ils  nous  donnaient  mille  fois  rai- 
son à  nous  autres  les  parents  qui  voulons  du  repos,  de  la  liberté, 
du  jeu  et  de  l'initiative  pour  nos  fils.  En  effet;  si  les  internes  et 
les  derai-pensioniiaireft  me  Bavent  que  faire  pendait  les  études, 
usez-en  avec  eux  comme  les  Anglais  avec  leurs  pupilles.  Don- 
nez-leur la  liberté  de  jouer  ou  d'aller  explorer  à  leur  gré  les 
bibliothèques  du  collège.  Quant  aux  interrogations  que  la  pré- 
sence des  camarades  rend  impraticables,  faites-en  des  tête  à 
tête  hebdomadaires  entre  le  maître  et  chacun  de  ses  élèves.  Ce 
n'est  pas  un  système  que  j'invente.  On  le  pratique  dans  les 
classes  élevées,  autour  de  la  préparation  aux  grandes  écoles. 
Cela  s'appelle  des  «  colles  »  et  l'on  a  fort  raisonnablement 
estimé  que  dans  ces  tète  à  tète  entre  le  maître  et  Télève,  on  pou- 
vait "se  rendre  compte  en  quelques  minutes  accordées  à  chaque 
écolier,  du  degré  exaet  de  la  préparation  et  de  la  culture. 

Lorsque  Gustave  Flaubert  voulut  dresser  deux  images  épi- 
ques du  Français  moyen  de  notre  génération,  il  imagina  ces 
deux  êtres  symboliques,  Bouvard  et  Pécuchet,  dont  la  triste 
odyssée  est  eomiae  une  résurrection  des  mésaventure  de  Can- 
dide. Après  avoir  tenté  tous  les  efforts,  échoué  dans  tous,  parce 
que  le  don  de  juger  par  eux-mêmes  leur  manque,  ils  finissent 
par  se  rasseoir  devant  un  bureau  à  double  pupitre.  Ils  achètent 
des  registres,  des  sandaraques,  des  grattoirs,  puis  ils  découvrent 
ce  remède  à  leurs  déboires,  ce  réconfort  à  leur  impuissance  : 
«  copier  comme  autrefois.  » 

L'Université,  mon  cher  Directeur,  est  en  train  de  forger  pour 
l'avenir  une  armée  de  petits  Bouvard  et  de  petits  Pécuchet  qui 
n'auront  même  pas  une  belle  main  et  que  l'avènement  de  la  ma- 
chine à  écrire  peut  priver  de  pain  dans  un  prochain  avenir.  Il 
faut  les  décourager  de  marcher  dansscette  voie  où  on  les  pousse. 
Nous  avons  vu  ces  temps-ci  beaucoup  de  ligues  dresser  leurs 
têtes  à  l'horizon.  J'en  voudrais  une  des  pères  de  famille  contre 
le  professeur  qui  dicte  au  profit  de  l'enfant  qui  jouera  davan- 
tage et  qui,  dès  le  collège,  comme  le  petit  Anglais,  formera  son 
initiative  en  administrant  son  loisir. 

Hugues  le  Roux. 


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LES  LOIS 


ET 


LES  RÈGLEMENTS  D  ADMINISTRATION  PURLIOIIE 


Evolution  de  notre  droit  public.  —  Retour  au  droit  prétorien.  —Règlement  d'ad- 
.  ministration  publique  devenant  le  complément  indispensable  de  toutes  les 
lois  d'ordre  économique  et  fiscal.  —  Impossibilité  de  savoir  à  partir  de  quelle 
date  certaines  dispositions  législatives  sont  exécutoires.  —  Loi  sur  les  alcools  : 
loi  sur  les  accidents.  —  Caractères  juridiques  des  Règlements  d'administration 
publique.  —  Difficulté  de  déterminer  les  cas  où  la  loi  n*est  obligatoire  qu>près 
la  publication  du  Règlement  d'administration  publique.  —  Incohérence  légis- 
lative. .—  Réformes  nécessaires  :  1*  Méthode  expérimentale;  2»  GoUaltora- 
tion  des  pouvoirs  qui  participent  à  Tèlaboration  des  lois  et  coordination  du 
travail  parlementaire. 

Notre  droit  public  subit  une  évolution.  Les  grandes  assemblées 
de  la  Révolution  eurent  la  gloire  d'entreprendre  cette  œuvre 
admirable  de  la  codification  des  lois,  qui  fut  poursuivie  sous  le 
premier  Empire  et  qui,  pendant  la  première  moitié  du  xix®  siècle 
plaça  la  France,  au  point  de  vue  juridique,  à  la  tête  des  nations 
civilisées. 

Depuis  vingt  ans,  non  seulement  les  assemblées  législatives 
n'ont  pu  aboutir  à  la  révision  de  nos  Godes  surannés,  non  seu- 
lement elles  ont  pris  Thabitude  d'émietter  leur  travail,  de  le 
fragmentera  Tinfini,  de  voter,  sur  un  même  sujet,  des  lambeaux 
de  textes,  que  la  jurisprudence  s'efforce  de  coudre  les  uns  au 
bout  des  autres,  sauf  à  faire  craquer  les  pièces  disjointes  d'un 
tissu  effiloché,  mais  la  plupart  des  lois,  même  celles  qui  ont 
l'objet  le  plus  restreint  et  le  pluslimité,  sont  incomplètes,  inap- 
plicables, inexécutoires,  et  se  terminent  par  cette  formule 
devenue  classique  :  «  Un  règlement  d'administration  pu- 
blique déterminera  les  conditions  d'application  de  la  présente 
loi.  » 

M.  de  Savîgny  a  signalé,  dans  l'antiquité  romaine,  au  sujet 


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LES   LOIS   ET   LES   RÈGLEMENTS   d'aDMINISTRATIO?^    PUBLIQUE      461 

(lu  droit  prétorien,  une  évolution  analogue  à  celle  qui  se  produit 
dans  notre  droit  contemporain,  et  M.  Accarias  a  écrit  sur  les 
édits  du  Préteur,  des  observations  qui  semblent  s'appliquer  à 
nos  règlements  d'administration  publique. 

«  Le  préteur,  dit  Téminent  jurisconsulte,  avait  pour  mission  d'assurer 
Tapplication  du  droit  civil,  de  faire  appliquer  les  lois;  il  en  vint  bientôt  à 
les  compléter  dans  Pédit  qu*il  rendait  en  entrant  en  fonctions  ;  il  se  per- 
mit de  créer  des  règles  nouvelles  et  de  faire  en  quelque  sorte  concurrence 
au  pouvoir  législatif. 

«  Il  agissait  par  délégation  du  peuple,  dont  il  recevait  Vimperium. 

«  Au  fur  et  à  mesure  de  Tagrandissement  de  la  cité  romaine,  la  difficulté 
de  faire  aboutir  les  projets  de  loi  dans  les  comices  augmenta,  et  parmi 
les  causes  qui  ont  favorisé  la  merveilleuse  fortune  du  droit  prétorien  h 
Rome,  celle-ci  n'est  pas  la  moindre.  »  {i) 

Nous  pouvons  constater  que  les. Règlements  d'administration 
publique  ont  acquis  à  Theure  présente,  par  leur  nombre,  sinon 
par  leur  mérite,  ia  merveilleuse  fortune  des  édits  du  Préteur, 
et  que  la  difficulté  de  faire  aboutir  les  projets  de  loi^  au  Parle- 
ment de  1899  comme  aux  Comices  de  Tan  50  avant  Jésus-Christ, 
a  assuré  aux  Règlements  de  la  République  française  le  même 
succès  qu'aux  Edits  de  l'antiquité  romaine. 

Si,  dans  Tordre  politique,  Tincohérence  des  travaux  législatifs 
et  la  violation  permanente  des  principes  essentiels  du  régime 
parlementaire  peuvent  être  Tune  des  causes  de  la  multiplicité  des 
décrets  d'administration  publique,  il  est  juste  de  reconnaître 
que,  dans  l'ordre  économique,  cette  multiplicité  est  la  consé- 
quence logique  et  fatale  des  difficultés  de  détail  que  soulève  la 
législation  industrielle  et  commerciale.  Quand  on  consulte 
l'œuvre  admirable  de  notre  grand  Colbert,  on  constate  que,  si 
les  Règlements  relatifs  au  travail  des  divers  métiers  étaient  re- 
marquables au  plus  haut  degré  par  leur  clarté,  leur  prévoyance  cl 
leur  précision,  ils  ne  brillaient  pas  par  le  laconisme.  Sans  parler 
de  la  législation  anglaise,  qui  repose  sur  l'adjonction  de  textes 
nouveaux  aux  textes  anciens  et  sur  l'enchevêtrement  de  diàpo- 
sitions  multiples,  contradictoires,  systématiquement  mainte- 
nues et  religieusement  conservées,  si  on  lit  le  bill  Dingley  ou 

(1)  n  y  a  un  point  commun  entre  l'édit  du  Préteur  et  le  Règlement  d'adminis- 
traUon  publique.  Ces  deux  actes  statuent  d'une  façon  générale  et  ont  force  obli- 
gafoire^pour  tous  les  citoyens.  Us  différent  des  décision  judiciaires  et  des  docu- 
ments de  jurisprudence,  qui  ne  font  qu'interpréter  la  loi  dans  des  espèces  déter- 
minées. 


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462      LES  LOIS  EX   LES  RÈGUSMENTS  D'ABMUflSTRATiaR   PUBLIQUE 

tel  autre  documenEit  du  régime  douanier  des  Btat&-Uni6,  si  on 
parcourt  les  lois  allemandes  et  leurs  annexes  si  complètes,  si 
bien  étudiées,  si  mûrement  préparées,  et  si  on  fait  un  parallèle 
entre  notre  œuvre  législative  et  les  textes  allemands  ou  amé- 
ricains relatifs  aux  mêmes  objets,  on  ne  peut  méconnaître  que 
nos  lois  les  plus  compliquées  et  même  agrémentées  des  Règle- 
ments d'administration  publique  les  plus  volumineux,  sont  en- 
core, lorsqu'on  les  compare  à  celles  des  autres  peuples,  des 
modèles  de  concision. 

A  pcu'tir  de  quelle  date  est  obligatoire  une  loiy  dont  les  condi- 
tions d'applicêUion  sont  déterminées  par  un  Règlement  d  admi- 
nistration publique  ? 

Quoi  quil  en  soit,  Tapparition  dans  notre  législation  de  nom- 
breux règlements  d'administration  publique,  annexés  à  des  lois, 
nous  oblige  à  examiner  plusieurs  questions,  qui  se  posent  dans 
le  domaine  des  faits  comme  dans  le  domaine  de  la  théorie,  et 
qu'il  faut  résoudre,  tant  au  point  de  vue  des  principes  juri- 
diques qu'au  point  de  vue  des  intérêts  industriels  et  commer- 
ciaux, menacés  par  Tincertitude  de  la  législation  qui  les 
régit  (1). 

Il  faut  notamment  préciser  quels  sont  les  caractères  des 
Règlements  d'administration  publique,  quelle  est  leur  force 
juridique,  quels  sont  leurs  rapports  avec  les  lois  dont  ils  règlent 
Tapplication.  L'examen  de  ces  questions  de  doctrine  est  indis- 
pensable pour  arriver  à  la  solution  de  la  question  pratique  au 
suprême  degré,  qui  se  pose  en  ces  termes  :  «  A  partir  de  quel 
moment  une  loi,  qui  doit  être  suivie  d'un  Règlement  d'adminis- 
tration publique  est-elle  obligatoire?  Est-ce  à  dater  de  sa  pro- 
mulgation ?  Est-ce  à  dater  de  la  publication  du  règlement? 

Cette  question  sera  peut-être  posée  devant  les  tribunaux  au 
sujet  de  l'application  de  la  loi  relative  aux  accidents  du  travail  ; 
elle  a  failli  être  soulevée  au  sujet  de  la  loi  relative  au  régime 
fiscal  des  alcools  dénaturés  et  à  diverses  mesures  concernant  les 
alcools. 


(1)  Il  n€  faut  pft»  oublier  que  le  droit  fait  partie  dn  sciences  sociales  et  qnll 
est  destiné  à  faroriser  le  déreloppement  de  la  richesse  poWiflfwe.  (Mioghetti  — 
Des  rapports  de  Véconomie  politique  avec  la  morale  et  le  droit. 


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hSA   LOifl   ET  LB8   RÈGLEMENTS   D'ADMUIIfiTRATIOK   PUBLIQUE      46$ 

hk  LOI   SUR  LES    ACCIDENTS    DU    TRAVAIL   ET   LA    LOt    SUR    LE  RÉGIME 
FISCAL   DES    ALCOOLS  DÉNATURÉS 

La  loi  sur  les  Accidents  dit  Travail  a  été  promulguée  le 
9  avril  1898;  son  article  33  est  ainsi  conçu  :  «  La  présente  loi 
(c  ne  sera  applicable  que  trois  mois  aprùs  la  publication  offi- 
«  cielle  des  décrets  d'Administration  Publique  qui  doivent  en 
«  régler  Texécution.  » 

Le  28  février  1899  parurent  trois  décrets,  portant  règlement 
d'Administration  publique  pour  Texécution  des  articles  26,  27 
et  28  de  la  dile  loi.  Ces  trois  décrets  furent  suivis  de  décrets 
ordinaires  et  d'arrêtés  ministériels,  en  un  mot,  de  tous  les  actes 
destinés  à  assurer  VeKécution  des  lois  (I).  U  y  a  même  lieu  de 
remarquer  que  certains  de  ces  arrêtés,  comme  ceux  du  30  mars 
visaient  spécialenxent  certains  articles  du  décret  du  28  fé- 
vrier 1899,  et  avaient  pour  unique  objet  de  les  compléter. 

C'est  dans  ces  conditions  que  fut  posée  au  Sénat  et  à  la  Cham- 

(1)  Le  1*'  OMK  tt99,  on  arrêté  ministériel  instltiia  un  ComUé  Consultatif  des 
assurances  contre  les  Accidents  du  Travail.  Le  5  mars,  un  décret  fixa  les  émolu- 
ments  alloués  aux  greffiers  des  Justices  de  Paix  pour  leur  assistance  aux  actes 
de  notonétô  et  pomr  les  aetes  de  la  procédure  réglés  par  la  lui  du  9  avril  1896. 

Le  29  mars  1899,  un  arrêté  mioistériel  détermina  les  bases  des  cautionne- 
ments devant  être  constitués  par  les  sociétés  d'As  urances  contre  les  Accidents 
du  Travail.  Le  dOonrs,  parwreai  trois  nonveaux  arrêtés  ministériels  :  le  premier 
déterminant  les  groupements  d'industrie  prévus  par  l'article  6  du  décret  du 
28  février  1899,  en  ce  qui  concerne  les  sociétés  mutuelles  d*assurances  contre 
les  accidents  du  travail  ;  le  second,  déterminant  les  pHmes  prévues  à  Tarticle  5 
du  décret  du  24  février  1899,  et  à  l'article  2  de  l'arrêté  ministériel  du  29  mars  de 
la  même  année,  relatif  aux  sociétés  d*assurances  contre  les  accidents  ;  le  troi- 
sième, accompa^éde  plusieurs  annexes,  notes  et  tableaux,  déterminant  le  barème 
rninimum  pour  la  vérification  des  réserves  mathcmaliques  des  sociétés  dUissu- 
rances  contre  les  accidents  du  travail.  Le  31  mars,  un  arrêté  ministériel  fixa  les 
conditions  de  recrutement  dies  eomwùssaires'contrâleurs  des  sociétés  d^assurances 
contre  les  dits  accidents.  Le  9  avril  1899,  un  arrêté  ministériel  fixa  le  cadre  et 
les  conditions  d'avancement  de  ces  commissaires-contrôleurs.  Le  2  mai,  un 
décret  institua  une  commission  consultative,  chargée  d'examiner  les  questions 
relatives  à  l'application  de  l'article  5,  de  la  loi  du  9  avril  1898.  Le  5  mai  un 
arrêté  ministériel  vint  compléter  ceux  des  29  et  30  mars,  relatifs  aux  sociétés 
d  Assurances-Accidents.  Le  10  mai  parut  un  décret  relatif  à  Tapplication  de 
l'article  6,  de  la  loi  du  9  avril  1898. 

Nous  nous  abstenons  de  mentionner  que  c*est  seulement  à  la  date  du  15  mai, 
que  fut  déterminée  la  composition  du  comité  consultatif  des  assurances  contre 
les  accidents  du  travail,  et  qu'à  la  date  du  17  mai  seulement  parut  le  décret  du 
ministère  de  l'Intérieur  prescrivant  les  conditions  dans  lesquelles  les  sociétés  de 
secours  mutuels  pouvaient  donner  leur  concours  aux  chefs  d'entreprise,  en  cas 
d'accidents.  Peut-être  de  nouveaux  décrets  seront-ils  publiés  dans  l'intervalle  qui 
va  s'écouler  entre  le  jour  où  nous  écrivons  ces  ligues  et  celui  où  elles  seront 
publiées  I 


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464       LES   LOIS   ET   LES   RÈGLEMENTS   d'aDHINISTRATION    PUBLIQUE 

bre,  la  question  de  savoir  si  la  loi  du  9  avril  1898  devait  être 
appliquée  à  partir  du  1«' juin  1899,  c'est-à-dire  trois  mois  après 
les  décrets  du  28  février  de  la  même  année. 

Nous  reconnaissons  que  la  discussion  ne  s'engagea  pas  sur  le 
terrain  juridique. 

A  la  séance  du  Sénat  du  15  mai,  les  orateurs  qui  deman- 
dèrent la  prorogation  de  l'application  de  la  loi  ne  firent  valoir 
que  les  circonstances  défait,  qui  en  nécessitaient Pajournement. 
De  son  côté,  M.  le  ministre  du  Commerce  se  contenta  d'affirmer 
son  droit  d'appliquer  la  loi  le  1*^'  juin,  pour  cette  unique  raison 
que  les  décrets  d'administration  publique  remontaient  au 
28  février.  Il  se  garda  bien  de  reprendre  la  théorie  si  intéres- 
sante qui  a  été  soutenue  avec  tant  d'autorité  par  MM.  Laferrière, 
Aucoc  et  par  les  plus  éminents  jurisconsultes  et  qui  consiste  à 
distinguer  parmi  les  décrets  réglementaires  :  les  règlements 
ùmplesy  pris  en  vertu  des  pouvoirs  que  le  chef  de  l'Etat  tient 
de  la  Constitution,  et  les  règlements  (T Administration  publiqtie 
pris  en  application  de  textes  de  loi  et  après  avis  de  l'Assemblée 
générale  du  conseil  d'Etat.  Il  ne  prétendit  pas  que  ces  derniers, 
faits  en  vertu  (Tune  délégation  formelle  du  pouvoir  législatifs 
avaient  un  caractère  différent  des  premiers  et  constituaient  en 
quelque  sorte,  «  des  lois  de  second  ordre  ». 

Le  Sénat,  laissant  de  côté  les  questions  de  doctrine,  et  ne  visant 
que  le  préjudice  causé  aux  intérêts  des  ouvriers  et  à  ceujL  de 
l'industrie  nationale,  par  une  application  prématurée  de  la  loi 
du  9  avril  1898,  vota  un  projet  de  résolution  de  MM.  Sébline  et 
Thévenet  ainsi  conçu  :  «  Le  Sénat  invite  le  gouvernement  à 
«  présenter  d'urgence  un  projet  de  loi  prorogeant  l'application 
«  de  la  loi  du  9  avril  1898;  cette  prorogation  ne  pourra  excéder 
«  un  mois,  qui  prendre  cours  à  partir  du  jour  où  la  Caisse  des 
«  Accidents  aura  publié  ses  tarifs  au  Journal  Officiel^  et  admis 
«  les  Industriels  à  contracter  des  polices.  » 

Au  Palais-Bourbon,  la  discussion  s'engagea  dans  les  mêmes 
conditions  qu'au  Luxembourg,  et,  à  la  séance  du  16  mai,  la 
Chambre  adopta  un  amendement  de  MM.  Trannoy  et  Laroche- 
Joubert,  ainsi  conçu  :  «  La  loi  du  9  avril  1898  ne  sera  appli- 
«  que  qu'un  mois  après  le  jour  où  la  Caisse  des  Accidents  aura 
«  publié  ses  tarifs  au  Journal  Officiel^  et  admis  les  Industriels 
i<  à  contracter  des  polices,  et  où  ces  tarifs  auront  été  approuvés 


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LES  LOIS   ET   LES    RÈGLEMENTS    d' ADMINISTRATION    PUBLIQUE      405 

«  par  décrets  rendus  sur  le  rapport  du  ministre  du  Commerce, 
«  de  l'Industrie,  des  Postes  et  des  Télégraphes,  et  du  Ministre 
M  des  Finances.  » 

Aux  termes  d'un  autre  amendement,  la  Chambre  décida  que, 
quoi  qu'il  dût  arriver,  la  loi  serait  applicable  à  partir  du 
l*^-- juillet. 

Ce  dernier  vote,  qui  a  été  confirmé  par  le  Sénat,  a  supprimé 
les  contestations,  qui  auraient  pu  être  soulevées  sur  l'applica- 
tion de  la  loi  à  la  date  du  l*"^  juin,  sur  l'interprétation  à  donner 
au  délai  de  trois  mois,  prévu  par  l'article  33  de  la  loi  du 
9  avril  1898,  et  sur  le  caractère  des  décrets  d'Administration 
publique  mentionnés  à  cet  article. 

Au  point  de  vue  juridique,  nous  n'hésitons  pas  à  soutenir 
que  si  une  loi  nouvelle  n'avait  pas,  en  termes  formels,  fixé  au 
l***  juillet  1899  l'application  de  la  loi  du  9  avril  1898,  cette  loi 
n'aurait  pu  être  appliquée  que  trois  mois  après  le  dernier  décret 
relatif  à  son  exécution,  c'est-à-dire  le  17  août.  Nous  sommes 
convaincu  que,  si  des  poursuites  avaient  été  dirigées  devant  les 
tribunaux,  pour  des  infractions  à  cette  loi  commises  antérieure- 
ment à  cette  date,  l'autorité  judiciaire  n'aurait  pas  admis  la 
doctrine  de  M.  le  ministre  du  Commerce  sur  le  point  de  départ 
de  l'application  de  la  loi  du  9  avril.  Les  tribunaux  auraient 
certainement  constaté  que  les  décrets  et  les  arrêtés  ministériels 
postérieurs  aux  règlements  d'Administration  publique  du 
28  février,  complétant  ces  règlements,  formant  corps  avec  eux, 
permettant,  comme  eux,  aux  industriels  de  contracter  de  nou- 
velles assurances,  devaient  entrer  en  ligne  de  compte  dans  le 
délai  de  trois  mois  fixé  pour  l'exécution  de  la  loi. 

Us  auraient  décidé  par  conséquent,  que  l'expression  «  règle- 
ments d'Administration  publique  »,  interprétée  dans  un  sens 
large,  devait  s'entendre  de  tous  les  actes  d'exécution  indispen- 
sables à  l'application  de  la  loi . 

Si  cette  interprétation  n'était  pas  admise,  il  dépendrait 
du  caprice  ministériel  de  rendre,  au  lendemain  du  vote  d'une 
loi,  un  décret  d'Administration  publique  dans  les  termes  les 
plus  vagues  et  les  plus  généraux,  d'appliquer  cette  loi  en  vertu 
de  ce  décret,  et  ensuite,  après  un  délai,  plus  ou  moins  long,  de 
prendre  toutes  les  mesures  effectives  de  contrôle  et  d'exécution 
réellement  indispensables  pour  l'application  rationnelle  d'une 


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46tf      LES   LOIB   BT   LES  RÈGLCHE?a'3   d' ADMINISTRATION    PUBLIQUE 

législation,  qui,  en  fait,  aurait  été  appliquée  depuis  plusieurs 
mois. 

Comme  Ta  écrit  avec  raison  M.  Bertheiémy  :  <*  Il  n'y  a  nulle 
(c  di£Eërenca,  en  pratique,  entre  le  décret  et  la  loi  ;  on  n'est  pas 
«  moins  lié  par  Tun  que  par  Tautre,  pourvu  naturellement  que 
«  le  décret  soit  légalement  pris.  »  Pour  que  les  citoyens  soient 
liés,  il  faut  donc  que  to<usIes  décrets  complétant  une  loi  soient 
publiés  avant  que  cette  loi  devienne  obligatoire. 

La  loi  relative  au  régvne  fiscal  de!^  alcools  dénaturés  a  donné 
lieu  aux  mêmes  difficultés  que  celle  concernant  ks  responsabilités 
des  accidents  dont  les  ouvriers  sont  victimes  dans  leur  travail . 

La  loi  sur  les  alcools  a  été  promulguée  le  17  décembre  1897.  Le 
Règlement  d^administration  publique,  rendu  par  délégation  de  la 
loi  et  destiné  à  détenuiner  ses  conditions  d'application,  a  été  pu- 
blié le  2  décembre  1898.  On  s'est  demandé  si  des  négociants, 
astreints  parla  loi  du  ITdéc^nbre  1897  à  de  nouvelles  taxes  fis- 
cales, dont  le  mode  de  perception  n'a  été  fixéque  par  le  règlement 
du  ^décembre  1898,  pourraient  être  astreinte,  postérieurement 
h  cette  date,  au  paiement  de  taxes  qui  étaient  échues  en  vertu 
de  la  loi,  pendant  la  période  écoulée  du  17  décembre  1897  au 
2  décembre  de  Tannée  suivante,  mais  qui  n^avaient  pu  leur 
être  réclamées  pendant  cette  période,  puisque  la  régie  ne  savait 
pas  comment  elle  pourrait  les  percevoir.  En  fait,  le  ministre  des 
Finances  a  renoncé  à  cette  perception  des  taxes  nouvelles  dans 
rintervalle  qui  a  séparé  la  promulgation  de  la  loi  et  la  publica- 
tion du  règlement.  Mais  la  question  de  droit  subsiste  et  elle 
mérite  un  examen  attentif,  parce  qu  elle  engage  les  intérêts 
industriels  et  commerciaux  les  plus  considérables. 

Un  négociant  et  un  manufacturier  ne  peuvent  ignorer  le  ré- 
gime fisœl  sous  lequel  ils  travaillent.  Il  faut  <iu'il6  sachent  à 
partir  de  quelle  date  est  obligatoire  une  loi  qui  prévoit  elle- 
même,  dans  Tun  de  ses  articles,  qu'un  Règlemeirtd'administra^ 
tioa  publique  devra  déterminer  ses  conditions  d'application  (1). 

(1)  Bien  que  l'objet  de  notre  article  soit  une  question  de  doctrine  pure,  il  est 
indispemable  de  montrer  ,  par  on  exemple  précis,  lee  djffieultéé  que  soulève  le 
caractère  indéterminé  des  Bjèiglements  d'administrati^a  |>ubii<9ie. 

Avant  1897,  les  négociants  en  alcool  bénéficiaient  d'une  décharge  de  7  p.  100 
sur  leurs  alcools,  quelle  que  fût  la  nature  du  récipient  Fenlérmaat  le  produit. 

L'article  10  de  la  loi  du  16  décembre  1S97,  a  décidé  ^'A  Tai/ieBirdi  AenôtiaiidU- 
tinction,  quant  aux  déductions  à  accorder  pour  mauquants  aux  entrepositcUres 
^Talcools,  entre  les  spiritueux  logés  dans  des  réOipieKts  etk  Ms  ^  ^Mox  logée 


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LES  LOIS   £T  LB8   RÈGLEMENTS  d'aDMIMISTRATION   PUBLIQUE      4  67 

Câkâgtérbs  juridiques  des  règlements  d'administration  publique 

1/expression  règlements  d'cuiministration  publique  n'a  pas 

dans  dee  récipients  autres  que  ceux  en  bois,  les  premiers  continuant  à  jouir  de  la 
déciiarf^e  de  7  p.  100,  les  autres  n'obtenant  plus  que  3  p.  100  l'an. 

Non  seulement,  la  loi  n'indiquait  pas  dans  quelles  conditions  serait  appliquée, 
la  décharge  différentieHe  du  3  p.  10)  et  du  7  p.  100,  mais  le  dernier  paragraphe 
de  son  article  10  était  ainsi  conçu  : 

•*  Un  règlement  d'administration  publique  déterminera  les  conditions  d'applica- 
tion du  présent  article  et  des  articles  7,  8  et  9  >». 

Ce  Règlement  a  paru  trois  cent  cinquante  et  un  Jours  ai^rès  la  promulgation  de 
la  loi,  le  2  décembre  1898. 

Pendant  ces  trois  cent  cinquante  et  an  jours,  il  a  été  fait  par  la  régie,  au 
moins  dans  certains  départements,  des  recensements  avec  distinction  de  la 
nature  des  récipients,  mais  la  déJuction  uniforme  de  7  p.  100  a  été  accordée  aux 
négociants,  comme  si  la  loi  de  1897  n'existait  pas. 

Après  le  Règlement  du  2  décembre  18^8,  la  régie  s'est  présentée  chez  les  négo- 
ciants ayant  des  récipients  en  verre  ou  en  métal  et  leur  a  réclamé  la  différence 
de  déduction  du  7  p.  100  et  du  3  p.  100  pour  la  période  écoulée  entre  le  17  dé- 
cembre 1897  et  le  2  décembre  1898,  c*efit-à-dire  entre  la  promulgation  de  la  loi  et 
la  publication  du  règlement  d'administration  publique. 

Devant  cette  prétention  de  l'administration  des  Ck)ntributions  indirectes, 
M.  Marcel  Delaune  et  plusieurs  de  ses  collègues  ont  déposé  une  proposition  de 
loi,  ainsi  conçu  : 

Artiglb  uioque.  —  Le  paragraphe  8  de  l'article  10  de  la  loi  du  16  décembre  1897 
est  modifié  ainsi  qu'il  suit  : 

Un  Règlement  d'administration  publique  déterminera  les  conditions  d'applica- 
tion du  présent  article  et  des  articles  7,  8  et  9. 

Toutefois,  pour  l'année  1898  seulemeat  et  pour  les  marchands  en  gros,  liquo- 
ristes,  etc.,  qui  n'auront  pas  réclam  ^  le  bénéfice  de  la  déduction  supplémentaire 
prévue  au  paragraphe  3  ci-dessus,  le»  comptes  de  fin  d'exercice  seront  réglés 
d'après  le  taux  uniqae  existant  de  7  p.  100,  quelle  que  soit  la  nature  du  loge- 
ment. 

—Ainsi,  ce  fut  par  une  loi  nouvelle  que  le  pouvoir  législatif  voulut  fixer  ht  date 
d'application  d'une  loi  antérieure  et  trancher  l'équivoque  résultant  de  l'insuffi- 
sance d'un  texte  législatif  et  du  retard  apporte  dans  la  publication  du  règlement 
destiner  à  le  compléter. 

Sj  a-t-il  pas  là  un  fait  absolumsAt  anormal,  au  point  de  vue  juridique,  et  sou- 
verainement inquiétant,  au  point  de  vue  économique  ? 

La  proposition  de  M.  Marcel  Delaune  fut  renvoyée  à  \sk  Commission  de  VAgricul 
turcy  qui  apporta  à  son  étude  autant  de  soin  que  d'activité  et  n  hésita  pas  à 
l'adopter  sans  réserve.  Mais  cette  Commission  voulut  enteudre  le  ministre  des 
Finances  et  le  directeur  général  des  Contributions  indirectes. 

Le  gouvernement  prit  l'engagement  d'accueillir  avec  biaaveillaxice  les  récla- 
mations des  négociants  qui  n'avaient  pas  bénéficié  de  la  décharge  de  7  p.  100 
pendant  la  période  litigieuse.  En  d*autres  termes,  il  renonça  à  la  prétention  de 
leur  faire  payer  la  décharge  qui  leur  était  imposée  par  la  loi  du  16  décembre  1897, 
pendant  le  temps  écoulé  entre  la  promulgation  de  cette  loi  et  la  publication  du 
Règlement  ;  il  ne  fit  produire  à  la  loi  ses  effets  que  postérieurement  à  la  date  du 
2  décembre  1898,  o'est-à-dire  postérieuremeat  au  décret  déterminant  ses  condi- 
tions d'application,  et  il  admit,  non  en  principe,  mais  en  fait,  qu'il  n'avait 
aucun  droit  à  réclamer  des  taxes  étabfles,  mais  non  réglementées  par  une  loi. 

Dans  ces  conditions,  M.  Marcel  Delaune  et  la  Commission  de  VAgricuUure 
obtinrent  satisfaction.  La  proposition  de  l'honorable  député  n'a  pas  été  rapportée. 
11  n'y  a  pas  eu  conflit  entre  le  pouvoir  exécutif  et  le  pouvoir  législatif.  Mais  théo- 
riquement la  question  de  la  date  à  partir  de  laquelle  les  M»  suivies  de  décrets 
ont  forée  ofoligatt^ed^MlmiaiBfapation  ptdbfique  roft«  entière  etnérite  un  sérieux 
examen. 


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468      LES   LOIS  £T   LES   RÈGLEMENTS   d' ADMINISTRATION    PUBLIQUE 

dans  notre  langue  juridique   toute  la  netteté  désirable  (1). 

Dans  son  acception  la  plus  large,  elle  désigne  tous  les  rè- 
glements généraux  que  fait  le  Chef  de  TEtat  pour  assurer  Texé- 
cution  des  lois.  Cette  exécution  nécessite  des  prescriptions 
secondaires  adressées  aux  administrateurs  et  aux  citoyens. 
Les  décrets  réglementaires  sont  donc  le  complément  de  la  loi. 
Ils  établissent  certaines  règles  générales  qui  facilitent  Tappli- 
cation  de  l'œuvre  législative.  Ces  décrets  ont,  comme  la  loi, 
la  généralité  de  disposition  et  la  force  obligatoire  ;  «  mais,  tan- 
dis que  la  loi  est  initiale  et  générale,  le  décret  n^'intervient  que 
pour  fixer  les  détails  de  son  exécution  »  (2). 

Le  pouvoir  réglementaire,  d'après  notre  Constitution,  est  un 
des  attributs  du  pouvoir  exécutif.  Cet  attribut  est  limité  et  ce 
pouvoir  doit  se  borner  à  assurer  Texécution  de  la  loi,  sans 
ajouter  à  ses  dispositions,  sans  notamment  prononcer  des 
peines  ou  imposer  des  taxes. 

Nous  n'admettons  pas,  en  effet,  que  le  pouvoir  législatif  puisse 
être  délégué.  Nous  n'acceptons  pas  la  doctrine  ainsi  formulée 
par  M.  Laferrière  : 

«  La  délégation  législative,  qui  provoque  un  Règlement  d'ad- 
«  ministration  publique,  a  le  caractère  d'un  mandat  donné  par  le 
((  législateur  et  communique  au  mandataire  une  partie  de  la  puis- 
«  sance  législative.  Cela  est  si  vrai,  que  le  Chef  de  TÉtat  peut, 
«  en  vertu  de  ce  mandat  spécial,  édicter  des  dispositions  qui 
«  excéderaient  son  pouvoir  réglementaire,  notammentdesdispo- 
«  sillons  pénales.  On  doit  donc  reconnaître  aux  règlements  d'ad- 
«  ministration  publique  un  carojctère  légUlatif^  qui  les  affran- 
«  chit,  en  principe,  de  tout  recours  contentieux.  » 

Nous  estimons,  au  contraire,  avec  M.  Berthélemy  :  que,  par 
des  règlements  d'administration  publique,  les  lois  ne  confèrent 
au  gouvernement  :  ni  le  droit  d établir  des  pénalités,  ni  celui 
fF établir  des  taxes ^  ni  celui  de  créer  des  juridictions  (3). 

Avec  réminent  professeur  de  la  Faculté  de  Droit,  nous 
reconnaissons  que,  plus  nos  lois  pénètrent  dans  le  domaine 
commercial  et  industriel,  plus  elles  exigent  l'intervention  des 
règlements  d  administration  publique,  fixant  la  quotité  des 
taxes  et  des  tarifs  et  organisant  des  contrôles  fiscaux. 

(1)  M.  Lnimihxe.  JuridicUon  administralioe^  t.  2. 

(2)  Bœuf.  Droit  adminislratif, 

(3)  V.  Revue  Politique  et  Parlementaire  àe  janvier  et  février  1808.  —  Le  pouvoir 
réglementaire  du  Président  de  la  République,  par  M.  M.  Berthélemy. 


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LES  LOIS   ET   LES   RÈGLEMENTS   D'ADM1^*ISTRATI6N    PUBLIQUE      4<59 

Mais,  le  principe  de  ces  taxes,  de  ces  tarifs  et  des  pénalités 
fiscales  doit  être  posé  dans  un  texte  formel  de  loi.  11  ne  saurait 
appartenir  à  des  règlements  d'administration  publique  de  les 
établir.  Ces  règlements  ne  peuvent  qu'en  fixer  la  quotité. 

On  peut  regretter  de  trop  fréquentes  interventions  législatives 
dans  les  questions,  dont  la  solution  appartient  à  l'initiative  indi- 
viduelle ;  on  peut  regretter  que  les  progrès  des  idées  démocra- 
tiques ait  entraîné  les  législateurs  à  la  conception  de  la  Loi- 
Providence. 

Néanmoins,  si,  dans  le  domaine  politique,  il  est  vrai  «que 
toute  loi  nouvelle  est  une  restriction  à  notre  liberté  »,  il  faut 
reconnaître  que,  dans  le  domaine  économique,  une  législation, 
qui  ne  tient  pas  compte  de  l'évolution  des  phénomènes  de  la 
nature  et  de  la  science,  compromet  les  intérêts  industriels  et 
commerciaux  du  pays  auquel  elle  s'applique. 

Le  développement  si  redoutable  pour  nous  de  la  production  * 
des  Etats-Unis  et  de  l'Allemagne  a  pour  principale  cause  la 
souplesse  de  la  législation  économique  de  ces  deux  pays,  de 
même  que  l'élasticité  des  bills  anglais  a,  depuis  longtemps,  con- 
tribué à  la  prospérité  du  Royaume-Uni.  Si,  depuis  1870,  la  pro- 
duction du  sucre  s'est  élevée  en  Allemagne  de  217.195  tonnes  à 
1.725.000  tonnes  en  d898,  et  en  Autriche  de  151.353  tonnes  à 
1.040.000  tonnes,  tandis  qu'en  France,  elle  n'est  passée  que  de 
289.321  tonnes  à  835.000  tonnes  (1),  il  faut  chercher  la  cause 
de  notre  stagnation  relative  et  des  immenses  progrès  de  nos 
rivaux,  dans  les  lenteurs  de  notre  méthode  parlementaire,  dans 
les  défiances  que  provoque  en  France,  aux  yeux  des  économistes, 
toute  protection  industrielle,  et,  aux  yeux  des  socialistes,  tout 
développement  de  la  richesse  nationale,  et  dans  les  difficultés 
que  rencontre  au  Palais-Bourbon  le  vole  de  toute  réforme  éco- 
nomique. 

Ce  qui  s'est  passé  pour  les  sucres  s'est  passé  pour  les 
alcools. 

En  France,  de  1872  à  1897,  le  Parlement  a  voté  une  seule  loi 
relative  aux  alcools  dénaturés.  Il  n'a  jamais  discuté  le  moindre 
projet  ayant  pour  but  de  favoriser  les  distilleries  agricoles. 

En  Allemagne,  de  1879  à  1898,  leReichstag  a  \oté  six  lois, 

(l)  V.  le  Prof.  Paasche  (Hundel  und  stalislik  des  Zuckers.  —  F.  0.   Litsch,  de 
Magdebourg.  Bulletin  de  Statistique,  20  mai  1699.) 

31 


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470      LES  LOIS  ET  LB9  Kte&BMENTS  d' AJOiXBSiimtUkTKm  PQDLIQCE 

ayant  ce  double  objet,  et  le  gouyemement  a  ajoaté  à  la  l^isla- 
tion  d'innombrables  dispositions  fiecales,  destinées  à  faToriser 
l'industrie  des  alcools. 

Résultats  :  En  1879,  T Allemagne  produisait  23.278  hectolitres 
d'alcool  dénaturé  et  la  Fraoce  24.528.  En  189ft^l8ô7,  la  France 
en  a  produit  138.560;  et  l'Allemagne,  867.458.  — En  Allemagne, 
il  existe  12.500  distilleries  agricoles,  aérant  produit,  en  1898, 
2.618.319  hectolitres  d'alcool.  En  France,  il  y  en  a  223,  qui  pro- 
duisent, annuellement,  environ  20.000  hectolitres. 

Tous  les  deux  ou  trois  ans,  depuis  plus  de  vingt  ans^  VÂlle- 
magne  a  modifié  sa  législation  sur  les  alcools  et  sur  les  sucres, 
de  façon  à  en  développer  la  production,  tandis  que  notre  princi- 
pale préoccupation  a  été  de  faire  de  ces  produits  les  éléments  de 
grosses  recettes  fiscales. 

Nous  ne  regrettons  donc  pas,  avec  M.  Berthelémy,  que  dans  le 
domaine  économique  «  l'exagération  de  Tactivité  législative  ait 
été  aggravée  par  Tusage  excessif  de  Tautorité  réglementaire.  >» 
Ce  que  nous  reprochons  à  nos  lois,  à  nos  règlements  d'admi- 
nistration publique,  aux  décrets  et  aux  arrêtés  ministéiriels,  œ 
n'est  ni  leur  nombre,  ni  la  minutie  de  leurs  détails,  ni  la  multi- 
plicité de  leurs  prescriptions,  c'est  leur  rigueur  fiscale,  leur 
lenteur,  leur  défaut  de  coordination.,  c'est  leur  esprit  exclusive- 
ment administratif,  c'est  leur  absence  d'esprit  commercial. 

C'est  par  suite  de  l'incohérence  des  Lois  et  des  Règlements 
que,  depuis  quelques  années  seulement,  les  jurisconsultes  ont 
eu  à  se  préoccuper  de  la  date,  à  partir  de  laquelle  était  obli- 
gatoire une  loi,  devant  être  accompagnée  d'un  Règlement  d'ad- 
ministration publique. 

Pendant  les  3/4  desiècle,  qui  séparent  l'époque  contemporaine 
de  l'apparition  ducode  civil,  les  anciens  auteurs,  si  nombreux 
et  si  documentés,  qui  ont  disserté  sur  notre  code,  n'ont  pas  eu  à 
envisager  l'hypothèse  d'une  loi  qui,  bien  que  promulguée,  ne 
doit  être  applicable  que  plusieurs  mois  après  sa  promulgation^ 
hypothèse  devenue  classique  et  étudiée  dans  les  récents  ou- 
vrages de  droit,  notamment  dans  les  traités  de  M.  Hue  et  de 
MM.  Raudry-Lacantinerie  et  Fourcade  (1). 

(1)  Sans  avoir  la  prétention  de  dresser  une  statistique  complète  des  lois 
récentes,  qui  ont  été  accompagnées  de  règlements  d'administration  publique, 
nous  croyons  intéressant  de  constater  que,  sauf  quelques  exceptions,  les  lois 
économiques,  fiscales  et  administratives  sont  ceUes  qui  donnent  lieu  à  ces  régie- 


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LBS   LOM  ET  LB«   RÈGIJaiEffTS  D'ADHIIITSTaATTON   PCBLIQUB      471 

u  Parfois,  disent  MM,  Baudry  Lacantinerie  et  Houqueâ  Four*- 
cade  [Des personnes^  tome  I®',  71),  la  publication  de  la  loi  ne  la 

ments,  qui  n'mterviemient  pas  dans  les  lois  relatives  ou  droit  ciril,  au  droit 
commercial  et  au  droit  pénal. 

11  n'a  pas  été  question  de  faire  compléter  par  des  décrets  rendus  au  CoBseil 
d*Etat  : 

La  loi  du  6  février  1893  relatiye  à  la  séparatioD  de  «orps  ;  ni  la  loi  sur  le  domaine 
coDgé«tble,  ni  celle  du  1^' août  1898  sur  les  sociétés  par  actions;  ni  la  loi  du 
8  décembre  1897,  sur  Tinstruction  co«ntradictoirB  ;  ni  la  loi  du  2A  décembre  1807 
relative  au  recouvrement  des  frais  dus  aux  notaire»,  avoués  et  huissiers;  ni  la 
loi  du  2S Janvier  J898  relative  aux  tribunaux  de  commerce  et  à  l'électorat  conféré 
aux  femmes  pour  l'élection  des  magistrats  consulaires;  ni  la  loi  dulbfévritr  189& 
relative  au  commerce  de  brocanteur;  ni  la  loi  du  16  février  1898  relative  à  la 
chasse  ;  ni  la  loi  du  1*'  mars  1898  relative  au  nantissement  d'un  fonds  de  com- 
merce ;  ni  la  loi  du  4  mars  1898  relative  à  la  destruction  des  pigeons  voyageurs  ; 
ni  la  loi  du  10  mars  1898  relative  k  la  réhabilitation  et  aux  condamnés  ayant 
prescrit  contre  l'exécution  de  la  peine;  ni  la  loi  du  10  mars  1898  relative  à  la  desti- 
tution des  officiers  ministériels  et  à  ses  conséquences  relativement  aux  droits 
électoraux. 

Mais  voici,  d'autre  part,  une  série  de  lois,  presque  toutes  d'ordre  économiijue 
et  fiscal,  qui  ont  d6  être  complétées  par  des  Règlements  d'administration  publique. 
Nous  reproduisons  les  articles  qui  stipulent  ce  complément  législatif,  parce  que  les 
termes  différents,  dms  lesquels  les  Règlements  sont  prévus,  indicfuent  les  carsBc- 
tères  divere  de  ces  actes. 

Loi  du  3  août  1882  relative  à  la  la  destruction  des  loups  : 

Art.  5.  —  Un  règlement  d'administration  publique  déterminera  les  formalités 
à  remplir  pour  la  constatation  de  Tabatage  par  l'autorité  municipale,  ednsi  cfue 
pour  le  paiement  des  primes. 

Loi  du  15  juillet  1885  tendant  à  la  répression  des  infractions  à  la  convention 
internationale  du  6  mai  1882  sur  la  police  de  la  pêche  dans  la  mer  du  Nord  en 
dehors  des  eaux  territoriales. 

Art.  24.  —  La  mise  en  rigueur  de  la  présente  loi  sera  provisoirement  snspendue 
jusqu'au  moment  oà  les  autres  purseances  signataires  de  la  convention  du 
6  mai  188t  auront  édicté  les  pénalités  prévues  à  l'article  35  de  cette  convention. 

Loi  du  27  mai  1885  sur  la  relégation  des  récidivistes. 

Art.  18.  —  Des  Règlements  d'administration  publique  détermineront  :  le> 
conditions  dans  lesquelles  les  relégués  accompliront  les  obligations  militaires 
auxquelles  ils  pourront  être  soumis  par  la  loi  sur  le  recrutement  de  Tannée  — 
Torganisation  des  pénitenciers  mentionnés  en  l'article  12  —  les  conditions  dans 
lesquelles  le  condamné  pourra  être  dispensé  provisoirement  ou  définitivement 
de  la  relégation,  etc.,  et  en  général  toutes  les  mesirres  NÉCESSAIRES  à  assurer 
l'exécution  de  la  présente  loi.  Le  premier  Règlement  destiné  à  organiser  l'appli- 
cation de  la  présente  loi  sera  promulgué  dans  un  dékd  de  six  mois  au  plus  h 
dater  de  sa  promulgation. 

Loi  du  10  juillet  18«*5  tendant  à  modifier  la  loi  du  10  décembre  18U,  sur  l'hypo- 
thèque maritime. 

Art.  37.  —  Le  tarif  des  droits  à  percevoir  par  les  employés  de  l'administration 
des  douanes,  ainsi  que  le  cautionnement  spécial  à  leur  imposer  à  raison  des  actes 
auxquels  donnera  lieu  la  présente  loi,  les  émoluments  et  honoraires  dus  aux 
notaires  et  aux  courtiers-conducteurs  de  navires  pour  les  ventes  dont  ils  pour- 
ront être  chargés,  seront  fixés  par  des  décrets  rendus  dans  la  forme  des  règle- 
ments d'administration  publique. 

Loi  du  14  mars  1887  concernant  la  répression  des  fraudes  commises  dans  la 
vente  des  beurres. 

Art.  11.  —  Un  règlement  d'administration  publique  déterminera  le  mode  et 
les  conditions  de  la  vérification  à  lacfueile  il  devra  être  procédé,  etc.».  Ce  Règle- 


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472      LES   LOIS   ET   LES   RÈGLEMENTS   d' ADMINISTRATION   PUBLIQUE 

rend  pas  immédiatement  obligatoire  ;  elle  ne  le  devient  que  par 


ment  d'administration  publique  devra  être  fait  dans  un  délai  de  trois  mois,  i 
que  06  délai  puisse  en  rien  arrêter  Pexécution  de  la  présente  loi  dans 
tous  les  cas  où  l'appUcation  dudit  règlement  n'est  pas  nécessaire. 

Loi  du  4  féaner  1888  concernant  la  répression  des  fraudes  dans  le  commerce  des 

engrais.  , ,.  .       ,  ,  ,^ 

;^T.  6.  —  Un  règlement  d'administration  publique  prescrira  les  procédés 
d'analyse  à  suivre  pour  la  détermination  des  matières  fertilisantes  en  engrais  et 
statuera  sur  les  autres  mesures  àprendrepour  assurer  Fexécution  de  la  présente  loi. 

Loi  du  16  octobre  1888  relative  à  la  création  d'une  section  temporaire  du 
contentieux  au  conseil  d'Etat. 

j^T.  l*"".  —  Un  Règlement  d'administration  publique  déterminera  les  mesurée 
propres  à  assurer  l'exécution  de  la  présente  loi,  notamment  celles  qui  concernent 
le  service  des  rapporteurs,  des  commissaires  du  gouvernement  et  du  secrétariat. 

Loi  du  15  décembre  1888  relative  à  la  création  des  syndicats  autorisés  pour  la 
défense  des  vignes  contre  le  phylloxéra. 

Art.  14.  —  Un  Règlement  d'administration  publique  fixera  les  règles  néces- 
saires pour  l'exécu'ion  de  la  présente  loi. 

Loi  du  22  décembre  1888  ayant  pour  objet  de  modifier  la  loi  du  21  juin  1865  sur 
les  associations  syndicales. 

Art.  9.  —  H  est  ajouté  à  la  loi  du  21  juin  1865  un  article  27  ainsi  conçu  :  un 
Règlement  d'administration  publique  déterminera  les  dispositions  nécessaires  pour 
V exécution  de  la  loi. 

Loi  du  11  juillet  1889  portant  fixation  du  budget  (créant  l'impôt  sur  les  cercles). 

Art.  4.  —  Un  Règlement  d'administration  publique  détermira  les  mesures  néces- 
saires pour  l'exécution  des  dispositions  qui  précédent. 

Loi  du  22  juillet  1889  sur  la  procédure  à  suivre  devant  les  conseils  de  préfec- 
ture : 

Art.  65.  —  La  liquidation  des  dépens  est  faite  conformément  au  tarif  établi 
par  un  Règlement  d'administration  publique. 

Art.  67.  —  Le  Règlement  d'administration  publique  pour  l'établissement  du 
tarif  des  dépens  sera  rendu  dans  les  eix  mois  qui  suivront  la  promulgation  de 
la  présente  loi. 

Loi  du  2A  juillet  1889  sur  la  déchéance  de  la  puissance  paternelle  i 

Art.  22....  —  Uu  Règlement  d'administration  publique  déterminera  le  mode  de 
fonctionnement  de  cette  surveillance,  ainsi  que  de  celle  qui  sera  exercée  par 
l'Assistance  publique. 

Les  infractions  audit  règlement  seront  punies  d'une  amende  de  vingt-cinq  à 
mille  francs. 

Loi  du  26  juillet  1890  concernant  la  fabrication  et  l'importation  des  vins  de 
raisins  secs. 

Art.  3.  —  Il  est  ouvert  à  chaque  fabricant  :  1®  un  compte  de  matières  pre- 
mières ;  20  un  compte  général  et  un  compte  auxiliaire  de  fabrication  ;  3«  un 
compte  des  produits  achevés. 

Art.  5.  —  Dans  le  délai  de  trois  mois  à  dater  de  la  promulgation  de  la  pré- 
sente loi,  un  décret  déterminera  les  conditions  d'après  lesquelles  les  comptes 
seront  établis  et  réglés,  ainsi  que  les  diverses  obligations  imposées  aux  fabri- 
cants. 

Loi  du  5  août  1890  sur  le  régime  des  sucres  : 

Art.  8.  —  Les  raffineries  de  sucre  sont  soumises  à  la  surveillance  permanente 
des  employés  des  contributions  indirectes.  Cette  surveillance  s'exerce  exclusive- 
ment h  l'entrée  et  à  la  sortie  des  produits  reçus  ou  expédiés  par  les  raffineurs, 
sauf  au  momeot  des  inventaires,  prévus  à  l'article  10  ci-après,  auquel  cas  elle 
s'étend  à  tous  les  produits  existant  dans  l'usine. 

Art.  12.  —  Un  décret  déterminera  les  conditions  de  la  surveUlance  à  exercer 
dans  les  raffineries  et  les  obligations  à  remplir  par  les  raffineurs. 

Art.  14-  —  Les  contraventions  aux  dispositions  de  la  présente  loi  et  aux  pres- 


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LES   LOIS   ET  LES   RÈGLEMENTS   d' ADMINISTRATION   PUBLIQUE      4*73 

l'arrivée  d'un  fait  dont  la  réalisation  doit  être  l'objet  d'une  pu- 

criptions  du  décret  qui  sera  rendu  en   exécution  de  Tarticie  12  ci  Joint  seront 
punies  des  peines  portées  à  l'article  3  de  la  loi  du  30  décembre  187?. 

En  18^,  une  loi  du  21  juillet  relative  aux  obligations  militaires  des  membres  du 
Parlement  s'est  montrée  particulièrement  prudente,  tandis  qu'on  peut  constater 
d'une  façon  générale  que  toutes  les  lois  ou  à  peu  près  qui  statuent  sur  les  obli- 
gations militaires  de  citoyens  français  sont  complétées  par  des  Règlements  d'ad- 
ministration publique. 

Dans  la  loi  du  21  juillet  1895,  le  législateur  ne  s'en  est  pas  remis  au  gouver- 
nement du  soin  de  compléter  les  dispositions  légales.  Cette  loi  est  complète  en 
ello-même. 

La  Loi  du  16  avtHl  1895  (budget  de  1895)  dispose  dans  son  article  21  : 

La  fabrication,  la  circulation,  la  vente  et  l'emploi  du  phosphore  sont  soumis  à 
a  surveillance  de  l'administration  des  contributions  indirectes. 

Un  décret  déterminera  les  conditions  dans  lesquelles  s*exercera  cette  surveil- 
lance, ainsi  que  les  formalités  à  remplir  par  les  industriels,  les  importateurs  et 
les  négociants. 

Loi  du  9  décembre  1895  relative  à  l'aménagement  et  aux  rachats  des  droits 
d'usage  dans  les  forêts  d'Algérie  : 

Art.  15.  —  Un  Règlement  d'administration  publique  déterminera  les  mesures  à 
prendre  pour  assurer  l'exécution  de  la  loi. 

La  loi- du  20  juin  1896  relative  à  la  fixation  par  un  ou  plusieurs  règlements 
d'admioistration  publique  des  honoraires,  vacations,  frais  de  rôles  et  autres  droits 
qui  peuvent  être  dus  aux  notaires  &  l'occasion  des  actes  de  leur  ministère  est 
très  intéressanle  à  noter  On  remarquera  que  les  divers-  décrets  qui  l'ont  com- 
plétée n'ont  été  rendus  qu'après  deux  années  d'attente. 

Cette  loi  ne  dit  pas  qu'elle  ne  sera  applicable  qu'après  les  décrets.  Cela  était  si 
évident  qu^elle  omit  de  le  spécifier. 

La  loi  du  20  juin  1896  se  borne  à  dire  que  «  les  dispositions  contraires  aux  dé- 
crets qui  seront  rendus  seront  abrogées  à  partir  de  la  promulgation  de  ces  dé- 
crets »  (art.  3). 

Loi  du  9  avril  1898  relative  à  la  responsabilité  des  accidents  dont  les  ouvriers 
sont  victimes  dans  leur  travail. 

Art.  33.  —  La  présente  loi  ne  sera  applicable  que  trois  mois  après  la  publica- 
tion officielle  des  décrets  d'administration  publique  qui  doivent  en  régler  l'exé- 
cution. 

Loi  du  19  avril  1898  relative  à  l'exercice  de  la  pharmacie  : 

Dispositions  transitoires  : 

Un  Règlement  d'administration  publique  fixera  l'époque  à  laquelle  le  diplôme 
de  2«  classe  cessera  d'être  délivré. 

Loi  du  1*'  avril  1898  relative  aux  sociétés  de  secours  mutuels  : 

«  Art.  27.  —  Un  Règlement  d'administration  publique  déterminera  les  conditions 
et  les  garanties  à  exiger  pour  l'organisation  des  caisses  autonomes  que  les  socié- 
tés ou  les  unions  pourront  constituer,  soit  pour  servir  des  pensions  de  retraites, 
soit  pour  réaliser  l'assurance  en  cas  de  vie,  de  décès  et  d'accident,  et  d'une  ma- 
nière générale,  toutes  les  mesures  d'application  destinées  à  assurer  l'exécution 
de  la  loi.  » 

La  nature  de  ces  mesures  était  si  importante  que  la  mise  en  vigueur  de  la  loi 
du  l*''  avril  1898  a  été  impossible  sans  un  décret.  En  fait,  la  loi  n'a  pu  recevoir 
d'application  que  postérieurement  au  décret  la  complétant. 

Loi  du  18  juillet  1898  sur  les  warrants  agricoles  : 

««  Art.  15.  —  Un  décret  déterminera  les  émoluments  à  allouer  aux  greffiers  de 
justice  de  paix  pour  l'envoi  des  lettres  recommandées,  l'achat  et  la  tenue  des 
registres,  ainsi  que  pour  la  délivrance  des  certificats.  —  Il  établira,  s'il  y  a  lieu, 
toutes  les  mesures  nécessaires  pour  l'exécution  de  la  présente  loi.  »  (Voir  décret 
du  22  octobre  1898.) 

Dans  ce  cas,  la  mise  en  vigueur  de  la  loi  n'est  évidemment  pas  subordonnée  à 


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474      LES   LOIB   £T   LES   RÈGUSMEMTB   D'ABMllIlfiTaATlOK   PUaLlQCE 

biication  nouvelle  (1).  »  Le  fait  id 'ou  dépend  le  caractèi*e  obli- 
goLoire  de  la  loi  peut  varier  ;  c'est  ainsi  que  Tapplication  de  la 
loi  du  15  janvier  1884  sur  la  répression  des  déliés  dépêche  detus 
les  mers  du  Nord  était  subordonnée  à  cette  condition  qu'une  loi 
identique  serait  votée  par  certaines  puissances  étrangères  (ar- 
ticle 24). 

Le  plus  souvent,  le  caractère  obligutoirede  la  loi  «era  subor- 
donné à  un  événement  d'un  ordre  tout  particulier,  lel  que  la 
publication  d'un  Règlement  d'adminktration  publique.  Il  en  a 
été  ainsi  pour  la  loi  du  27  mai  1885  sur  la  relégation  des  récidi- 
vistes (2). 

«  La  mise  en  vigueur  d'une  loi  peut,  dit  M.  Hue  (1.  p.  51), 
se  trouver  retardée  par  une  condition  «uspensive  ;  une  loi  peut 
ne  devenir  exécutoire,  ou  plutôt  obligatoire,  qu'au  moyen  d'un 
règlement  ultérieur  d'administration  publique.  Ainsi  la  Gourde 
cassation  a  reconnu  que  certaines  dispositions  de  la  loi  du 
27  mai  1885  relatives  à  lare  légation  des  rmrfivw/evnepouvaieat 
devenir  exécutoires  qu'à  partir  de  la  promulgation  d'un  Règle- 
ment d'adminietratton  publique  prévu  j)ar  Tartiele  18  de  la  loi, 
alors  que  les  dispositions  relatives  à  la  suppression  de  la  surveil- 
kmce  de  la  haute  police  et  à  forganisation  de  rinterdiciion  de 
séjour  dans  certaines  localités^  étaient  devenues  exécutoires  à 
partir  de  la  promulgation  même  de  la  loi.  » 


Fapparilion  du  décret;  mais  on  remarquera  la  formule  employée  par  le  législa- 
teur, qui  diffère  de  celle  de  la  loi  du  16  décembre  1897. 

Loi  du  21  juin  1896,  art.  83  in  fme  : 

«  Un  règlement  d'administration  publique  déterminera  ceUes  âeves  mesures  qui 
sont  applicables  sutrant  la  nature  de  ces  maladies.  » 

11  est  bien  évident  que,  dans  le  cas  prévu  par  cet  article,  il  est  radicalement 
impossible  que  la  loi  soit  applicable  sans  le  -décret  qui  doit  la  compléter.  Gomp. 
Loi  du  31.  mars  1899  sur  les  Gaisees  régionales  du  crédit  agfioole. 

(1)  Une  loi,  dont  la  mise  en  vigueur  «st  subordonnée  à  Tacoomplissement  d'une 
eondition  suspensive,  n'en  doit  pas  moins  être  prtMntflguée  dans  les  délais  or- 
dinaires. (Hue,  1,  no  37.  —  Grim.,  rej.,  5  nov.  1885,  S.,  87-1-823  et  la  note  de 
M.  Chavegrin.  —  Voyez  Ancelot  :  De  la  promulgation^  tt  de  ht  pîtblieûtion  de  la 
loi.  (Rev.  Acad,  Législ.  de  Toulouse,  V!I,  1^8,p.4«2.) —  De  FolleviHe  :  Delapre- 
mulgalion  et  de  V application  des  lois  et  décrets,  Jourdan  Thémis  1819, 1,  p.  48.  — 
Revue  générale  de  Droit,  1887,  1,  p.  9  et  suiv.  —  Favard  de  Langlade  :  Des  prin- 
eipee  relatifs  é  la  publication  des  lois.  —  Hauriou  :  Précis  de  drêit  adminittratif, 
p.  60. 

(2j  Conf.  Hue,  1,  40.  —  Grim.  Gass.,  19  et  30  juin  1886,  S.,  89-1-45.  Bal. ^85-1- 
4T8.  Grim.  rej.,  8  sept.  i8ë5.  —  S.,  8^1-988.  Dal  ^5-1-474.  ftennee  10  jvin  1685.— 
Toulouse 24  juin  1885. S.,  1886-1-11.—  Paris.. 1886-1-97. 

En  sens  contraite  A^an.  l«r  juil.  1885.  S.,  1866-2-11.  «Faris.  188-1-^. 


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USB   LOIS   ET  LB8   ftÉO££lI]^TS   d'aDBUNISTRATION  PUBLIQUE      47b 

CeB  quelques  exenij^les  nous  penuettent  d'aborder  Tétude  de 
la  question  suivante  ; 

Dans  quels  cas  une  loi  n' est-elle  exécutoire  qu'après  la  publica- 
tion du  règlement  d'administration  publique  destiné  à  la  com- 
pléter ? 

Nous  avons  constaté  que  le  législateur  moderne,  dans  di- 
verses lois  récentes,  avait  formellement  décidé  que  celles-ci  ne 
seraient  obligatoires  qu'après  la  publication  des  décrets  d'ad- 
ministration publique  appelés  à  les  compléter. 

A.  Faut-il  généraliser  cette  doctrine  et  décider  que  chaque  fois 
qu'une  loi  prescrit  qu'un  décret  devra  régler  les  détails  de  sa 
mise  en  pratique,  les  deux  textes  seront  exécutoires  à  une  seule 
et  même  date,  qui  sera  celle  du  décret  ? 

B.  Si  Ton  adopte  la  négative,  quels  seront  les  cas  où  l'applica- 
tion de  la  loi  dépendra  de  la  publication  du  décret  ;  et  à  l'in- 
verse quels  seront  ceux  où  la  loi  sera  applicable  de  suite  et  in- 
dépendamment de  tovit  décret  postérieur? 

Il  est  bien  évident  a  jt^norî  que  l'on  ne  peut  décider  d'une  façon 
générale  et  absolue  que  l'insertion  daris  la  loi  d'un  article  pré- 
voyant un  Règlement  d'administration  publique,  suffit  à  elle 
seule  pour  suspendre  l'exécution  de  la  loi.  La  pratique  démontre 
que  cette  doctrine  est  insoutenable.  Elle  est  contredite  parla 
jurisprudence  et  par  de  nombreux  précédents.  Il  y  a  en  effet 
des  cas  si  fréquents  où  la  loi  doit  être  immédiatement  appli- 
quée, qu'il  serait  à  la  fois  contraire  à  une  tradition  constante  et 
aux  besoins  de  la  pratique  de  décider,  en  l'absence  d'un  texte 
formel  et  général,  que  l'exécution  de  toute  loi  est  suspendue 
tant  que  le  décret  d'administration  publique  destiné  à  la  conl- 
pléter  n'a  pas  été  publié.  Mais  comment  distinguer  les  cas  dans 
lesquels  l'application  de  la  loi  dépendra  de  la  publication  d'un 
décret  et  ceux  où  elle  aura  lieu  de  suite  ? 

Quel  sera  le  critérium  ? 

Les  auteurs  ne  l'indiquent  pas.  Pour  le  trouver,  il  y  a  lieu 
tout  d'abord  de  se  rappeler  une  remarque  de  M.  Colmet  de  San- 
terre.  Le  savant  auteur  fait  observer  que  certains  décrets  sont  la 
«  mise  en  action  d'une  loi  précédente  ». 

L  —  Il  y  a  en  effet  dos  lois  qui  ne  peuvent  agir  par  oUes- 


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476      LES   LOIS    ET   LES   RÈGLEMENTS   d'aDMINISTRATION    PUBUQUE 

mêmes,  qui  sont  inefficaces,  inertes,  qui  restent  lettre  morte 
jusqu'à  ce  qu'elles  aient  été  complétées.    . 

Ce  sera,  par  exemple,  le  cas  d'une  loi  prohibitive  sans  sanc- 
tion, —  d'une  loi  fiscale,  ne  précisant  pas  le  tarif  applicable,  ou 
omettant,  soit  de  fixer  l'assiette  du  droit,  soit  d'organiser  le  con- 
trôle administratif  destiné  à  réprimer  la  fraude. 

Dans  toutes  ces  circonstances,  il  faut  attendre,  pour  que  la 
loi  soit  obligatoire,  qu'elle  soit  mw  en  action  par  le  décret 
créant  la  sanction,  par  la  fixation  du  tarif  à  percevoir  ou  par 
la  réglementation  du  contrôle  à  exercer. 

Un  exemple  éclaire  cette  théorie. 

Une  loi  du  2  mai  1855  décide,  en  principe,  qu'une  taxe  sera 
imposée  sur  les  chiens  (Dalloz,  4-54.)  Elle  décide  qu'un  décret 
d'administration  publique,  rendu  par  délégation  de  la  loi, 
fixera  le  montant  de  la  taxe  applicable  aux  différentes  catégo- 
ries de  contribuables.  (Voir  décret  des  4,  22  avril  1855.)  Il  est 
bien  évident  que  dans  l'intervalle  qui  a  séparé  la  loi  du  décret, 
la  taxe  n*a  pu  être  perçue,  puisque  la  quotité  n'en  était  pas 
fixée. 

Voilà  donc  une  loi  qui  ne  se  suffisait  pas  à  elle-même  et  qui 
ne  fut  obligatoire  que  plusieurs  mois  après  sa  promulgation. 

Il  en  serait  de  même  de  l'article  d'une  loi,  qui  chargerait  le 
pouvoir  exécutif  de  déterminer  les  peines  applicables  à  un 
délit  qu'elle  aurait  créé,  ou  à  l'inverse  d'une  loi,  qui  chargerait 
le  pouvoir  exécutif  de  déterminer  les  circonstances  d'un  délit, 
dont  elle  n'aurait  prévu  que  les  pénalités  (art.  21  de  la  loi  de 
1845  sur  les  chemins  de  fer.  Conf.  ordonn.  de  1846). 

Donc  une  loi  peut  être,  soit  en  tout,  soit  en  partie,  subordon- 
née à  l'apparition  d'un  décret  d'administration  publique,  sans 
lequel  elle  serait  matériellement  inapplicable.  Une  loi  fiscale 
sans  tarif  ou  sans  contrôle,  une  loi  pénale  sans  sanction,  man- 
quent de  cet  élément  actif,  sans  lequel  la  loi  ne  peut  être  «  mise 
en  marche  »,  de  cet  élément,  qui  fait  entrer  la  loi  dans  le  do- 
maine du  droit  positif. 

Sans  lui,  la  loi  reste  à  l'état  de  doctrine,  de  théorie,  de  prin- 
cipe général.  Les  juges,  il  est  vrai,  sont  tenus  d'applipliquer 
toute  loi  promulguée.  Mais  comment  peuvent-ils  le  faire,  si  la 
sanction  manque,  puisque  le  juge  ne  peut  la  créer? 

Jamais  aucun  auteur  n'a  osé  contredire  cette  idée  absolument 


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LES   LOIS   El^  LES   RÈGLEMENTS    d'âDMINISTRÂTION    PUBLIQUE       477 

certaine.  Jamais  un  jurisconsulte  n'a  prétendu  que  le  pouvoir 
judiciaire  pouvait,  en  certains  cas,  suppléer  au  silence  de  la  loi, 
en  créant  une  taxe,  une  pénalité,  une  sanction,  un  contrôle 
fiscal  restrictif  de  la  liberté  du  commerce  et  de  Tindustrie  (1). 

Donc  pour  qu'une  loi  soit  applicable  immédiatement  après  sa 
promulgation  et  avant  la  publication  du  décret  d'administration 
'publique  qu'elle  prévoit,  il  faut  qu'elle  ait  une  existence  par 
elle-même,  il  faut,  suivant  l'expression  romaine  souvent  rap- 
pelée en  matière  de  contrat,  que  l'on  puisse  dire  :  «  per  se 
comistit  »  ;  il  faut  qu'elle  forme  un  tout,  qu'elle  ne  soit  pas  un 
fragment  de  législation,  qu'elle  ne  contienne  pas  une  de  ces 
lacunes,  que  les  magistrats  chargés  de  l'interpréter  et  de  l'ap- 
pliquer n'ont  pas  qualité  pour  combler. 

On  conçoit  très  bien  qu'une  loi  puisse  se  suffire  à  elle-même^ 
que  les  dispositions  en  soient  assez  précises  pour  que  son  appli- 
cation ne  doive  souffrir  aucune  difficulté.  Mais  à  l'inverse,  on 
comprend  que  certaines  lois  soient  si  concises  ou  si  confuses 
qu'elles  manquent  de  vie  ou  que  leur  organisme  soit  incomplet. 
Ces  lois  imparfaites  ne  doivent  devenir  applicables  que  lors- 
qu'un acte  postérieur,  un  décret  d'administration  publique, 
qu'elles-mêmes  auront  prévu,  viendra  les  rendre  exécutoires 
pratiquement. 

Cette  théorie,  conforme  à  la  raison,  a  été  reconnue  également 
conforme  à  la  vérité  juridique  dans  des  circonstances  déter- 
minées. Voici  par  exemple  le  texte  de  l'article  11  de  la  loi  du 
14  mars  1887  : 

«  Un  Règlement  d'administration  publique  déterminera  le 
mode  et  les  conditions  de  la  vérification  à  laquelle  il  devra  être 
procédé.  Ce  Règlement  d'administration  publique  devra  être  fait 
dans  le  délai  de  trois  mois,  sam  que  ce  délai  puisse  en  rien  arrê- 
ter T exécution  de  la  présente  loi,  dans  tous  les  cas  ot)  r applica- 
tion dudit  Règlement  n'est  pas  nécessaire. 

Voilà  donc  un  premier  cas  où  la  loi  n'est  pas  obligatoire  aus- 
sitôt après  sa  publication  :  c'est  celui  où  les  conditions  maté- 
rielles de  son  application  doivent  être  ultérieurement  délermi- 

(])  Les  taxes  fiscales  ne  peuvent  6tre  assises  et  recouvrées  qu'à  Taide  de  for- 
malités de  comptabilité.  Par  exemple,  les  lois  sur  les  alcools  imposent  à  Tassu- 
jetti  et  à  Tadministration  une  comptablité  on  partie  double.  Tant  que  ces  forma- 
lités ne  sont  pas  précisées,  tant  que  tous  leurs  détails  ne  sont  pas  réglés,  la  loi 
n'est  pas  obligatoire. 


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478       LE6   LOIS   ET   LB8   RÈ<H.BUENTS  D'ADHBaSTEATlOK   PCfU^lQUE 

nées  et  où  elle  se  déclare  elle*mème  incomplète  et  imparfaite. 

II.  —  Sans  être  imparfaite  d'une  façon  absolue,  une  loi  peut 
l'être  d'une  façon  relative.  Nous  faisons  allusion  :  d'une  part, 
aux  lois  fiscales,  qui  contiennent  les  chiffres  de  l'impdt  à  perce- 
voir et  les  règles  de  son  assiette  ;  d'autre  part,  aux  lois  répres- 
sives, qui  édictent  une  sanction,  et  prévoient  néanmoins  un 
Règlement  d'administration  publique. 

Il  arrive  en  effet  que  le  législateur,  au  moment  où  il  adopte 
les  dispositions  d'une  loi  nouvelle,  craigne,  au  point  de  vue 
subjectif,  que  son  œuvre  ne  puisse  pas  être  facilement  appli- 
quée. Convaincu  des  difficultés  très  graves  qui*se  présenteront 
dans  la  pratique,  il  estime  préférable  de  décider  que  cette  appli- 
cation possible,  sans  doute,  mais  fort  délicate, ne  soit  pas  aban- 
donnée immédiatement  au  pouvoir  judiciaire,  et  qu'auparavant 
un  décret  d'administration  publique,  prévu  par  la  loi  elle-même, 
vienne  la  compléter  et  éclairer  son  texte. 

Il  y  a  là  une  circonstance,  à  raison  de  laquelle  la  volonté  du 
législateur  suspend  l'application  de  la  loi.  Le  motif  du  délai 
n'est  plus  le  même  que  dans  le  cas  précédent.  Ici,  œ  n'est  plus 
un  cas  de  force  majeure  légale,  c'est  la  volonté  même  du  légès- 
lateur,  qui  est  cause  du  retard  dans  l'exécution  de  la  loi. 

Une  infinité  de  difficultés  matérielles  naissent  tous  les  jours 
dans  Tapplication  des  lois  fiscales  et  économiques.  Le  législa- 
teur ne  peut  les  faire  trancher  par  les  magistrats,  qui  n'ont 
d'autre  mission  que  celle  d'interpréter  les  textes  législatife  et 
qui  ne  peuvent  suppléer  à  leur  silence,  en  créant  des  modes 
d'application,  qui  n'ont  pas  été  prévus  (1). 

Ces  modes  d'application  ne  peuvent  être  déterminés  que  par 
des  décrets  et  des  Règlements  d'administration  publique.  Tant 
que  ces  actes  n'ont  pas  été  publiés,  la  loi  est  conditionnelle. 

Le  législateur  a  le  droit  incontestable  de  soumettre  la  loi  à 
cette  condition,  si  l'on  part  de  ce  principe  universellement  admis 

(1)  Caractère  du  décret  et  du  Règlement  d'administration  publique. 

Il  ne  faut  pas,  sous  peine  de  commettre  une  confusion  grave,  dire  que  le 
décret  ou  le  Règlement  d'administration  publique  est  un  texte  interprétatif,  et 
lui  appliquer  les  régies  spéciales  aux  textes  interprétatifs. 

Un  texte  interprétatif  est  celui  qui  donne  le  sens  d'un  terme  douteux.  Or  ici, 
le  texte  du  décret  établit  des  mesures  nécessaires  pour  rapplicatkm  de  la  loi,  ce 
qui  «st  tout  autre  chose.  Un  texte  interprétatif  ne  crée  rien  par  lui-même, 
n  se  borne  à  cxplkfuer  le  sens  dHine  loi  précédente  ;  il  ne  fait  avec  elle  qu'une 
seule  loi  et  s'applique  dès  lors,  sans  qu'il  y  ait  en  cela  rétroactivité,  à  tous  les 


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LES   LOIS  ET   LEB   RÉGLEMEISTS   d' ADMINISTRATION   l^UBLIQUE      470 

que  sa  volonté  est  souveraine,  dans  tous  les  cas  où  la  Consti- 
tution n^y  apporte  aucune  limite.  Le  législateur,  pour  rendre 
une  loi  conditionnelle,  n'est  pas  tenu  d'employer  une  formule 
spéciale.  «  C'est  la  volonté  du  législateur,  dit  Demiante,  qui  cons- 
titue la  loi;  c'est  son  esprit  qui  constituera  un  guide  sûr  pour 
nous.  » 

Voilà  donc  un  second  cas  où  la  loi  est  conditionnelle. 

De  oet  exposé,  nous  pouvons  dégager  les  conclusions  sui- 
vantes, dont  noJiis  ne  nous  dissimulons  pas  d'ailleurs  le  défaut 
de  précision  : 

A.  —  La  loi  [comme  le  contrat)^  peut  n'avoir  que  des  e/fets  condi- 
tiormeis, 

B.  —  La  loi  sera,  û  proprement  parler,  conditionnelle,  si  elle  contient 
une  disposition  «  expresse  »  faisant  dépendre  ses  effets  d'mt  événement 
futur,  par  exemple  de  la  pubUccUvon  dun  décret  d'atvùnistration 
publique,  ou  de  la  conclusion  d'une  entente  diplomatique, 

C.  —  Si  la  formule  e»nployée  par  le  législateur  nHmplique  pas  claire- 
ment le  caractère  conditionnel  de  la  loi,  la  question  de  savoir  si  la  loi 
est  telle  doit  être  décidée  d'après  Vintention  tacite  du  législateur, 

D.  —  La  loi  sera  toujours  considérée  comme  conditionnelle  dans  ses 
effets,  si  V exécution  en  est  au  moment  de  sa  promulgation  et  jusqu'à 
Vapparition  du  décret,  matériellement  impossible,  si  en  un  mot,  cette 
exécution  présente  des  difficultés  insurmontables  pour  les  magistrats 
qui  sont  chargés  d'y  procéder. 

Meilleure  méthode  légcslative 

Après  nous  être  efforcé  de  dégager,  avec  toute  la  netteté  pos- 
sible, les  caractères  juridiques  des  Règlements  d'administration 
publique,  les  conditions  d'application  des  lois  dont  ils  sont  le 
complément,  la  date  à  partir  de  laquelle  ces  lois  doivent  être 
obligatoires,  après  avoir  passé  en  revive  tous  les  textes  législa- 

faiis  antérieurs.  On  peit  Ajouter,  avec  Blondeau,  que  toute  loi  obscure  donne 
naissance  à  de^  attentes  contradictoires  ;  or,  de  deux  attentes,  dont  il  faut  que 
Tune  soit  détruite,  on  ne  doit  pas  balancer  à  préférer  celle  que  le  législateur 
déclare  avoir  été  confocBue  à  son  intention.  (Sic  DeiBoIombe  t.  1,  n<*  66.  conf. 
Thémis,  t.  VII,  p.  327.  Comp.  Cass.  20  décembre  1843,  De  Saint-Amant, 
Dec.  1844,  1-14;  Toulouse,  "24  fév.  1844,  Anriol,  Dec.  1841,  t.  Il,  p.  412,  Cass. 
^3  décembre  1845  ;  Poinsignon,  Dec.  1846,  t.  i;  p.  456  ;  Merlin,  Rép.  vo  Effet  ré- 
troactif par  13  et  quest..de  droit,  v.  chose  jugée,  p.  8;  Mailher  et  Chassât, 
Trakéde  la  Rétroactivité  des  Lois,  p.  126;  Zachariœ,  Aubry  et  Rau,  t.  1,  p.  54.) 


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480       LES  LOIS   ET   LES   RÈGLEMENTS    d'aDMINISTRATION    PUBLIQUE 

tifs  suivis  de  ces  Règlements,  et  avoir  cherché  à  pénétrer  leur 
esprit,  non  seulement  nous  arrivons  à  cette  conclusion  qu'il 
est  impossible  de  poser  en  cette  matière  des  règles  précises  et  de 
formuler  les  principes  fixes  auxquels  ont  obéi  le  Parlement  et 
le  Gouvernement,  lorsqu'ils  ont  voulu  déterminer  le  moment 
exact  où  la  loi  aura  sa  force  obligatoire,  mais  nous  sommes 
obligé  de  faire  cette  douloureuse  constatation  que  le  pouvoir 
exécutif  et  le  pouvoir  législatif  n'ont  jamais  attentivement 
examiné  la  question,  qu'ils  n'ont  adopté  aucun  principe,  qu'ils 
n'ont  suivi  aucune  règle,  et  qu'ils  n'ont  obéi  qu'aux  circons- 
tances du  moment,  aux  événements  du  jour,  aux  impressions 
de  l'heure  présente.  11  est  incontestable  que,  pour  un  grand  nom- 
bre de  lois,  suivies  de  Règlements  d'administration  publique, 
le  législateur  n'a  pas  fixé,  avec  une  rigoureuse  précision,  la  date 
à  partir  de  laquelle  ces  lois  devaient  et  pouvaient  recevoir  leur 
application. 

L'incohérence  législative  n'a  jamais  produit  de  désordre  plus 
grave,  de  danger  plus  menaçant. 

L'art,  l"  du  Code  civil,  confirmé  par  les  lois  constitution- 
nelles est  ainsi  conçu  :  «  Les  lois  sont  exécutoires  dans  tout  le 
territoire  français,  en  vertu  de  la  promulgation  qui  en  est  faite 
par  le  Président  de  la  République.  Les  lois  seront  exécutées 
dans  chaque  partie  de  la  République  du  moment  où  la  promul- 
gation en  pourra  être  connue.  » 

11  en  résulte  que  le  premier  droit  de  tout  citoyen  est  de  sa- 
voir à  partir  de  quel  jour  il  est  obligé  de  se  soumettre  à  une 
loi,  à  partir  de  quelle  date  cette  loi  a  force  exécutoire. 

Comment  le  magistrat  peut-il  appliquer  cet  axiome  que  «  nul 
n'est  censé  ignorer  la  loi  »,  si  le  législateur  n'a  pas  manifesté 
clairement  la  volonté  de  faire  mettre  son  œuvre  à  exécution  à 
une  époque  déterminée? 

11  faut  sans  retard  réprimer  un  abus,  dont  les  conséquences 
seraient  funestes  au  régime  parlementaire,  qui  n'est  pas  respon- 
sable des  fautes  commises  par  ses  représentants  et  de  la  viola- 
tion incessante  de  ses  principes. 

11  y  a  deux  moyens  de  mettre  un  terme  à  cet  abus.  Ces 
moyens  peuvent  être  employés  isolément;  ils  peuvent  l'être 
conjointement. 

Le  premier  est  emprunté  à  nos  voisins  d'outre-mer,   à  ce 


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LES   LOI»   ET   I.E8   RÈGLEMENTS   d' ADMINISTRATION   PUBLIQUE      481 

Parlement  anglais,  mater  ParliamentorUm,  qui  sait,  malgré 
rincohérence  de  sa  législation,  donner  à  sa  politique  une 
méthode  si  parfaite  et  un  si  admirable  esprit  de  suite,  en 
sachant  allier  aux  traditions  les  plus  archaïques  les  réformes  les 
plus  hardies.  11  consiste,  surtout  dans  les  lois  économiques, 
à  adopter  la  méthode  expérimentale.  11  a  été  exposé  à  la  Chambre 
des  Communes,  avec  une  franchise  quelque  peu  brutale,  par  un 
homme  d'Etat  qui  ne  se  laisse  pas  embarrasser  par  Texcès  des 
scrupules,  lors  de  la  discussion  du  bill  relatif  aux  accidents  dont 
les  ouvriers  de  l'industrie  sont  victimes.  Ce  bill  n'est  en  vigueur 
que  depuis  le  1"  juillet  1898,  il  ne  s'applique  qu'à  certains  chefs 
d'industrie  et  il  exclut  de  son  bénéfice  60  p.  100  des  salariés, 
Voici  en  quels  termes  M.  Chamberlain  Ta  défendu  : 

Vous  reprochez  au  bill  de  n'être  pas  logique  ?  de  ne  s'appliquer  qu'à  une 
partie  seulement  des  salariés  ?  C'est  à  dessein  que  nous  l'avons  fait  ainsi. 
Le  grand  avantage  de  la  législation  anglaise  est  justement  de  n'être  pas 
logique  ;  elle  ne  l'a  jamais  été  et  a  évité  ainsi  les  erreurs  et  les  fautes  fré- 
quentes chez  les  peuples  du  continent  qui,  eux,  prétendent  être  logiques. 
Voyez  plutôt  ;  nous  allons  introduire  dans  nos  lois  une  nouvelle  règle  qui 
plaît  évidemment,  et  à  vous  qui  allez  la  voter,  et  au  public,  surtout  aux 
salariés.  Mais  nous  pouvons  nous  tromper  les  uns  et  les  autres,  et  cette 
règle,  qui  nous  paraît  excellente,  peut,  à  l'user,  se  trouver  funeste  et  nui- 
sible. Nous  voudrons  alors  revenir  sur  la  mesure  par  nous  prise,  et  ce  sera 
relativement  facile,  parce  qu'elle  n'intéressera  que  la  moindre  partie  des 
citoyens  ;  ce  serait,  au  contraire,  plus  malaisé  si  la  mesure,  tout  en  étant 
funeste  à  l'industrie  nationale,  plaisait  aux  intéressés,  soit  à  treize  millions 
de  sujets. 

Les  paroles  de  l'orateur  anglais  ont  eu,  à  Westminster,  un 
succès,  qu'elles  n'auraient  sans  doute  pas  rencontré  au  Palais 
Bourbon. 

Notre  profond  amour  de  l'égalité  eût  été  froissé  par  le  langage 
de  M.  Chamberlain.  Cependant  la  doctrine  qu'a  préconisée  cet 
homme  d'Etat  pourrait  souvent  recevoir  son  application  en 
France,  surtout  dans  des  lois  économiques,  oîi  le  respect  des 
principes  de  la  démocratie  française  peut  se  concilier  avec 
l'application  de  la  méthode  expérimentale  à  l'œuvre  législative. 
11  y  aurait  à  faire  de  ce  chef  une  tentative  très  intéressante  au 
sujet  de  la  loi  sur  les  conditions  du  travail,  qui  va  venir  prochai- 
nement en  discussion  à  la  Chambre. 

Si  l'emploi  de  cette  méthode  doit  se  heurter  à  nos  traditions 


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482      LES   LOIS   ET   LES   RtoLBMENTS   d' ADMINISTRATION    PUBLIQUE 

et  à  notre  esprit  impré^é  de  l'implacable  rigidité  du  droit  ro- 
main, il  est  un  autre  moyen  de  mettre  un  terme  à  FincohéreBee 
législative,  qui  résulte  du  chevauchement  réciproque  des  lois 
sur  les  Règlements  d'administration  publique  et  des  Règlements 
sur  les  lois.  Ce  moyen,  c'est  la  coordination  du  travail  légis- 
latif; c'est  la  centralisation  des  pouvoirs  qui  concourent  à  la 
confection  des  lois. 

Tandis  qu'aux  séances  publiques  du  Parlement,  le  Gouverne- 
ment abdique  avec  uue  extrême  facilité  ses  prérogatives  essen- 
tielles et  subit,  avec  une- osMislante  résignation,  les  empiéte- 
ments du  pouvoir  législatif,  il  semble  défendre  avec  une  jalousie 
féroce  son  droit  exclusif  de  collaborer  avec  ses  chefs  de  services. 
La  préparation  des  lois  se  fait  sucessivement  au  Conseil  d'Etat, 
dans  les  bureaux  des  ministères  et  dans  les  commissions  parle- 
mentaires, sans  que  les  hommes  qui  collaborent  à  cette  œuvre 
commune  aient  entre  eux  la  moindre  communication.  Us  sont 
séparés  par  des  cloisons  étanches.  Ils  s'ignorent  toujours,  sou- 
vent ils  se  jalousent,  sans  cesse  ils  se  défient  les  uns  les  autres; 
parfois  ils  se  haïssent,  sans  savoir  pourquoi. 

Les  ministres,  au  lieu  de  provoquer  les  conférences  fréquentes 
de  leurs  directeurs  avec  les  commissions  parlementaires,  tien- 
nent à  comparaître  en  personne  devant  ces  commissions,  s'y 
présentent  une  fois,  y  donnent  des  explications  rapides,  n'y 
reparaissent  plus,  perdent  avec  elle  tout  lien  de  communication 
et  attendent  que  la  loi  ainsi  préparée  arrive  en  discussion  pu- 
blique. Le  Gouvernement  ignore  le  but  qu'a  voulu  poursuivre 
la  Commission;  la  Commission  ignore  les  difficultés  d'applica- 
tion que  soulèvent  les  textes  qu'elle  a  adoptés.  Le  hasard  pré- 
side à  l'élaboration  des  lois. 

Quelques  commissions  parlementaires,  surtout  au  Sénat,  ont 
pris  l'excellente  habitude  de  se  mettre  en  rapports  presque  per- 
manents avec  les  chefs  de  services  des  départements  ministé- 
riels. La  Commission  de  taffriaullure  de  la  Chambre  a  employé 
la  même  méthode  et  a  fait  aboutir  des  réformes,  d'autant  plus 
difficiles  à  réaliser  que  les  discussions  publiques  sur  les  ques- 
tions d'affaires  sont  souvent  écoutées  d'une  oreille  distraite.  Ces 
habitudes  doivent  se  généraliser. 

On  peut,  sans  manquer  de  déférence  envers  la  Chambre  élue 
en  1898,  constater  qu'elle  n'a  pas  une  grande  expérience  poli- 


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LES   LOIS   BT  LES   lliGLSBfEMTS  D'ADMOBSTSATIOlf   PCBLlQBf  *  48? 

tiqae  et  administrative.  Bn  adoptant  une  bonne  méiliode  de 
travail,  elle  peut  accomplir  une  oeuvre  féconde. 

Il  dépend  d'elle  et  du  Gouvernement  de  faire  cesser  Tinoolié- 
rencedes  lois  et  des  Règlements  d'administration  publique.  Ilsu^ 
fit,  pour  atteindre  ce  résultat,  de  faire  collaborer  simultanément 
à  la  préparation  des  lois  les  hommes  qui  doivent  les  voter  et  ceux 
qui  doivent  en  régler  Texécution.  Il  faut  qu'au  lendemain  du 
dépôt  d'un  projet  ou  d'une  proposition  de  loi,  le  Gouvernement 
se  mette  en  rapport  avec  la  Commission  chargée  de  l'étudier, 
que  les  ministres  et  les  membres  du  Parlement  échangent  leur» 
vues  d'ensemble  sur  l'orientation  qu'il  convient  de  donner  à 
ce  projet,  —  qu'à  la  siuite  de  cet  échange  dldées  générales  les 
ministres  donnent  leurs  instructions  à  leurs  directeurs  sur  la 
doctrine  qu'ils  entendent  faire  prévaloir  — que  le&  direcieturs 
aillent  fréquemment  devant  les  commissions  soutenir  cette  doc- 
trine, montrer  les  difficultés  d'application  que  pourrait  présenter 
un  système  en  apparence  plus  simple  que  celui  qu'ils  proposent, 
et  en  même  temps,  entendre  les  objections  que  peuvent  pré- 
senter les  commissaires  contre  l'exagération  des  formalités 
administratives,  recevoir  d'eux  les  renseignements  d'une  ori- 
gine différente  de  ceux  qui  sont  fournis  aux  services  publics  et 
se  voir  ouvrir  d'autres  horizons  que  ceux  des  bureaux  minis- 
tériels. 

Dans  ces  entrevues,  entre  députés  et  directeurs,il  se  produira 
un  choc  entre  deux  tendances  opposées  :  tendance  à  la  simplifi- 
cation extrême,  de  la  part  des  députés  peu  familiers  avec  les 
détails  du  fonctionnement  administratif —  tendance  à  l'extrême 
complication,  de  la  part  des  directeurs,  trop  habitués  au  forma- 
lisme et  trop  enclins,  à  raison  de  leur  responsabilité,  à  exagérer 
lesmesures  de  contrôle.  A  travers  ce  choc  des  idées,  des  tournures 
d'esprit,  des  tempéraments  les  plus  divers  et  les  plus  opposés, 
la  vérité  se  fera  jour,  Taccord  s'établira  entre  la  Commission  et 
le  Gouvernement,  et  si  un  dissentiment  subsiste,  la  discussion 
s'engagera  à  la  tribune  avec  clarté,  avec  loyauté,  avec  dignité, 
sans  surprise  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre,  sans  arguments  imprévus 
ayant  l'apparence  de  pièges,  sans  documents  apportés  à  la  der- 
nière heureLCt  n'ayant  pu  être  contrôlés.  La  loi  qui  sortira  d'un 
tel  débat  pourra  être  imparfaite  comme  toute  œuvre  humaine, 
mais  elle  sera  l'expression  d'une  volonté  réfléchie  et  non  un 


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4  84      LES   LOIS   ET   LES   RÈGLEMENTS   d'âDMINISTRATION   PUBLIQUE 

amalgame  de  textes  empruntés  à  des  opinions  différentes  et 
exprimant  des  idées  contradictoires. 

Ce  n'est  pas  tout.  Pendant  que  la  Commission  parlementaire 
étudiera  le  projet  de  loi,  les  chefs  de  service  des  ministères,  qui 
auront  suivi  pas  à  pas  ses  travaux,  pourront  préparer  le  Règle- 
ment d'administration  publique,  destiné  à  déterminer  ses  con- 
ditions d'application.  Loi  et  Règlements  pourront  paraître  à 
vingt-quatre  heures  d'intervalle.  L'un  et  l'autre  seront  conçus 
dans  le  même  esprit,  inspirés  par  une  même  doctrine.  Ils  se 
compléteront  et  constitueront  une  même  œuvre. 

Les  citoyens  et  les  jurisconsultes  n'auront  plus  à  rechercher 
si  la  loi  est  applicable  le  jour  de  sa  promulgation  ou  le  lende- 
main de  la  publication  du  Règlement,  puisque  les  deux  actes 
paraîtront  simultanément. 

11  est  donc  facile  de  faire  disparaître  l'un  des  phénomènes  les 
plus  regrettables  de  l'incohérence  législative.  Il  suffit  que  les 
ministres  aient  confiance  dans  les  commissions  parlementaires, 
—  que  les  commissions  ne  s'imaginent  pas,  que  pour  faire  une 
bonne  loi,  il  n'y  a  qu'à  être  animé  de  bonnes  intentions,  —  que 
le  Gouvernement  et  le  Parlement  aient  conscience  de  leurs 
devoirs  et  de  leurs  responsabilités  —  qu'ils  se  souviennent,  l'un 
et  l'autre,  qu'ils  ont  promis  au  pays  des  réformes,  et  qu'animés 
du  même  désir  d'être  utiles  à  la  France,  ils  se  prêtent  mutuelle- 
ment une  collaboration,  qui  n'exige  ni  de  l'un  ni  de  l'autre  le 
moindre  sacrifice  d'amour-propre  et  qui  est  Tune  des  condi- 
tions essentielles  de  la  prospérité  publique. 

Tous  les  partis  ont  intérêt  à  mettre  un  terme  à  l'impuissance 
parlementaire  et  à  substituer  une  méthode  rationnelle  de  travail 
à  l'anarchie  législative,  qui  apparaît  à  tous  les  esprits  clair- 
voyants comme  une  cause  de  faiblesse  pour  la  France  et  de  dan- 
ger pour  la  République. 

Georges  Graux. 


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LES  BASES  M\ALES  EN  CHINE 


I 


Toute  nation,  possédant  des  colonies,  ou  un  commerce  im- 
portant au  delà  des  mers,  doit  nécessairement,  pour  défendre 
ses  possessions  et  sa  flotte  commerciale,  posséder,  sur  les 
grandes  routes  maritimes  du  globe,  ce  que  nous  appelons  les 
points  d'appui  de  la  flotte,  que  nos  voisins  désignent  d'une 
façon  plus  concise  par  ces  deux  mots  naval  bases. 

Du  temps  de  la  marine  à  voile,  chaque  bâtiment,  empruntant 
aux  vents  la  force  nécessaire  à  sa  propulsion,  pouvait  consacrer 
la  presque  totalité  de  ses  cales  au  logement  ées  vivres  de  Téqui- 
page  et  des  munitions  de  guerre,  poudres  et  boulets.  Une  flotte 
bien  approvisionnée  était  à  même  de  tenir  la  merde  longs  mois, 
sans  être  obligée  de  toucher  dans  un  port,  pour  renouveler  ses 
provisions. 

Aujourd'hui  il  n'en  est  plus  ainsi.  Si  les  progrès  de  la 
science  ont  permis  de  loger  en  un  fort  petit  espace  des  aliments, 
sous  forme  de  conserves,  et  d'assurer  la  provision  d'eau  douce 
en  distillant  l'eau  de  mer,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le 
service  des  machines  motrices  et  des  nombreux  appareils 
auxiliaires  à  vapeur,  que  renferme  un  navire  de  guerre, 
demande  qu'on  réserve  au  charbon  tout  l'espace  qui  n'est  pas 
occupé  par  les  soutes  à  munitions.  Or,  la  consommation  du 
combustible  est  telle  qu'aucun  navire  cuirassé  ne  pourrait  tenir 
la  mer  plus  de  quelques  jours  sans  être  obligé  de  renouveler 
sa  provision  de  houille,  sans  parler  de  ses  munitions  de  guerre, 
s'il  a  dû  livrer  le  moindre  combat.  C'est  que  les  armes  à  tir 
rapide  amènent  une  consommation  énorme  de  munitions,  sou- 
vent hélas  pour  un  bien  maigre  résultat. 

Ainsi  donc,  si  une  flotte  à  voiles  pouvait  parcourir  le  tour  du 

32 


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480  LES    BASES    NAVALES    EN    CHINE 

monde,  sans  relâcher  en  aucun  port,  une  escadre  ne  peut  faire 
aujourd'hui  que  quelques  jours  de  route.  Il  lui  faut  à  tout  prix 
renouveler  le  contenu  de  ses  soutes,  épuisées  d'autant  plus  rapi- 
dement qu'elle  aura  doanéune  vitesse  plus  considérable.  De  là 
cette  nécessité  absolue  pour  toute  puissance  navale  de  posséder 
sur  le  chemin  de  ses  colonies  de  nombreux  ports  de  relâche,  où 
elle  accumule  le  combustible  et  les  munitions  de  guerre.  Ces 
ports,  pour  être  à  Tabri  des  attaques  de  l'ennemi  doivent  être 
défendus  sérieusement  contre  toute  surprise.  La  défense  néces- 
site non  seulement  des  fortifications  bien  armées,  mais  encore 
une  flottille  de  torpilleurs  dite  défense  mobile%  La  portée  consi- 
dérable des  pièces  d'artillerie  exige  aujourd'hui  des  oonditions 
toutes  nouvelles  dans  le  choix  et  rétablissement  des  points 
d'appui.  Pour  éviter  que  les  navires  obligés  à  y  relâcber  ne  puis- 
sent être  bombardés  du  large  par  ]a  flotte  ennemie,  qui  les 
bloque  dans  le  port,  il  est  nécessaire  que  celui-ci  soit  constitQé 
par  une  baie  ou  estuaire  entrant  profondément  dans  les  terres 
et  dominé  par  des  hauteurs  difficiles  à  battre  par  l'artillerie  de 
l'adversaire.  Tels  sont  la  base  de  Santiago  de  Cuba  et  le  fort 
Morro  qui  en  défend  l'entrée.  Il  importe  aussi  que  le  goulet^ 
donnant  accès  dans  le  port,  ne  soit  pas  trop  étroit,  de  faç<»i  à 
permettre  la  sortie  simultanée  de  plusieurs  navires^  facilitant 
ainsi  la  rapide  formation  en  ligne  de  la  flotte  de  défense  qui 
devra  éviter  d'être  bottled  iip  suivant  l'expression  de  l'amiral 
Sampson. 

Comme  on  le  voit,  les  desiderata  d'une  station  navale  sont 
multiples  et  doivent  peser  d'un  grand  poids  dans  le  choix  de  ee 
point  d'appui.  Nos  voisins  d'Outre-Maache^  possédant  plus  de 
colonies  qu'aucune  autre  nation,  et  aussi  la  flotte  de  guerre  la 
plus  considérable  du  monde,  ont  dû  se  préoccuper  de  bonne 
heure  de  la  création  des  bases  navales  absoluBtent  nécessaires. 
Bien  que  venant  immédiateinent  après  l'Angld^erre,  commie 
puissance  maritime  et  coloniale,  la  France  s'est  laissée  devancer 
par  l'entreprenante  Albion,  qui  profite  de  notre  état  de  faiblesse 
actuel  pour  s'opposer  de  tantes  ses  foirees  à  la  création  de  nou- 
veaux points  d'appui  pour  nos  eseadres.  Tons  ceux  qui:  ont  un 
peu  voyagé  en  Extrême-Orient  ooBoaaissent  la  fameuse  histoire 
delà  prise  de  Périm  par  un  amiralangiais,  devançait  le  navirede 
guerre  français  chargé  d'occuper  cette  def  de  la  porte  àud  de  la 


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LBt  BA»0   MAVALEfi   EN   CHINE  417 

mor  Rouge.  Tout  récemment  encore  on  apprenait  comment 
deux  navires  de  guerre  de  la  diviBion  de  Bombay  ont  menacé 
de  bombarder  Mascate  si  le  sultan  de  cette  ville  ne  retirait  pas 
de  unité  la  concession  qu'il  venait  de  nous  faire  d'une  station  de 
charbon  sur  la  c6te  de  son  sultanat  à  Bander  Issar  (1). 

L'étude  des  bases  navales  pour  notre  marine  est  donc  toute 
d*actualité.  La  publication  récente  des  travaux  de  la  mission 
lyonnaise  en  Chine  ayant  montré  Timmense  importance  de  ce 
pays  au  point  de  vue  du  développement  de  notre  commerce  avec 
r Extrême-Orient  nous  avons  pensé  qu'il  était  intéressant  de 
faire  connaître  aussi  au  public  français  la  situation  respective 
des  bases  navales  que  nos  concurrents  et  nos  alliés  se  «ont 
déjà  assurées  sur  les  côtes  de  l'Empire  du  Milieu,  ainsi  que 
celle  tardivement  créée  par  la  France  à  Kouang-tcbéou-ouan. 
Nous  décrirons  également  les  deux  principaux  arsenaux  miti- 
taires  chinois,  d'autant  plus  intéressants  pour  nous  quHls  doi- 
vent l'existence  à  la  persévérante  industrie  d'officiers  et  d'mgé- 
nieurs  français.  Ayant  eu  la  bonne  fortune  de  résider  de  nom- 
breuses années  en  Chine  et  d'y  visiter  presque  tous  les  ports 
ouverte  au  commerce,  ainsi  que  les  principaux  arsenaux ,  nous 
n'aurons  plus  qu'à  compléter  nos  anciennes  notes  de  voyage 
par  des  traductions  des  journaux  anglais  et  chinois  pour  donner 
une  description  exacte  de  l'état  actuel  des  bases  navales  tant 
chinoises  qu'étrangères. 

II.  —  Ho>G-Ko>G. 

L'île  de  Usiang-Kang,  c'est-à-dire  le  bon  port  on  les  ruisseaux 
parfumés,  qtie  les  Anglais  appellent  Hong-Kong,  fut  choisie 
comme  base  d'opérations  contre  W  Chine  dans  la  première 
guerre  qu'ils  firent  à  ce  pays,  en  1840.  Son  port  était  fréquenté 
depuis  iongiemps  déjà  par  les  navires  du  commerce  britannique, 
En  1836  le  capitaine  EUiot,  le  considérant  comme  trop  exposé 
aux  attelles  des  pirates,  avait  reeovimandé,  comme  beaucoup 
plus  ^ûr,r  celui  de  Toung-Kou  dans  Le  voisinage  de  Macao.  Mais 
îes  comm/^^^ants  anglais,  déjà  fixés  à  Hong-Kong,  s'opposèrent  à 
cette  mesure  par  une  pétition  signée  par  20  maisons  de  com- 

(1)  Voir  les  journaux  du  23-24  février  1899. 


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488  LES   BASES   NAVALES  EN    CHINE 

merce  et  11  compagnies  d'assurance.  On  ne  tint  pas  compte 
tout  d'abord  de  leur  opposition,  mais,  en  1850,  les  troupes  s*ins- 
tallèrent  sur  le  site  de  la  future  ville  de  Victoria,  sur  la  côte 
nord  de  l*île,  dont  la  Couronne  prenait  officiellement  possession 
le  26  janvier  1841,  après  en  avoir  obtenu  la  cession  le  20  jan- 
vier. Ce  ne  fut  cependant  qu'en  1842  que  le  gouvernement 
chinois  reconnut  formellement  la  cession  de  Tîle  aux  Anglais 
parle  traité  de  Nanking  (août  1842). 

Le  1®*"  mai  1841 ,  paraissait  le  premier  numéro  de  la  Hong-Kong 
Gazette,  L'année  suivante,  Sir  Henry  Pottinger,  successeur  du 
capitaine  EUiot,  comme  ministre  plénipotentiaire,  déclarait 
formellement,  le  6  février,  que  Hong-Kong  serait  à  Ta  venir  un 
port  franc.  C'est  à  cette  mesure,  aussi  intelligente  que  libérale, 
que  Ton  doit  la  rapide  croissance  de  la  colonie  créée  officielle- 
ment Crown  colony  par  charte  royale  en  date  du  5  avril  1843. 

Les  oommencements  furent  pénibles.  En  effet,  les  travaux  de 
défense  et  de  construction  amenèrent, en  1844,  une  telle  épidémie 
de  malaria  qu'en  21  mois  le  58® régiment  avaitperdu  257  hommes. 
L'île  menaçait  de  devenir,  comme  on  l'appela  alors,  le  tombeau 
des  Anglais.  Le  trésorier  général,  M.  Montgomery  Martin,  pré- 
tendant qu'on  ne  pourrait  jamais  l'assainir,  tant  la  mortalité 
était  formidable,  proposa  de  l'abandonner.  Sir  John  Davis  com- 
battit cette  tendance  et  les  travaux  ayant  cessé,  la  salubrité 
redevint  meilleure.  En  1860,  lord  Elgin  obtint  de  la  Chine  la 
concession  de  la  péninsule  de  Kowloon  (quatre  milles  carrés), 
située  en  face,  pour  y  établir  des  docks,  magasins  et  autres 
annexes  du  port,  qu  on  ne  pouvait  logera  Victoria.  11  serait  trop 
long,  pour  le  cadre  de  cette  étude,  de  suivre  pas  à  pas  l'histoire 
de  la  colonie,  disons  seulement  qu'en  1862  on  inaugura  la  Tour 
de  rhorloge  et  la  Monnaie  que  l'on  dut  fermer  en  186i,  les  dol- 
lars qu'on  y  frappait  n'ayant  pas  obtenu  de  succès  auprès  des 
Célestes.  En  1887  on  commença  les  travaux  de  captation  des 
eaux  dans  la  vallée  deTytam  (1)  convertie  en  réservoir  au  moyen 
d'un  immense  barrage  ;  il  fallut  creuser  un  tunnel  de  2469  mètres 
dans  Je  granit  des  montagnes  pour  y  faire  passer  l'acqueduc 
destiné  à  compléter  l'approvisionnement  insuffisant  des  réser- 
voirs de  Pokfolum  établis  en  1875.  Grâce  à  tous  ces  travaux, 

(1)  A  5  milles  1/2  de  la  ville. 


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LES    BASES    NAVALES  EN    CHINE  489 

Hong-Kong  était  devenue  une  des  colonies  les  plus  saines  du 
Royaume-Uni,  quand  la  peste  bubonique,  apportée  du  Yun-nan, 
par  Canton,  y  fit  une  apparition  en  1894  et  amena  une  mortalité 
effrayante  dans  les  quartiers  chinois.  Le  7  juin,  on  y  comptait 
107  morts  par  jour.  La  colonie  déclarée  infectée  fut  mise  en 
stricte  quarantaine  et  80.000  de  ses  habitants  Tabandonnèrent. 
On  prit  des  mesures  sérieuses  de  désinfection  et  la  maladie  dis- 
parut peu  à  peu.  Elle  reparut  cependant,  mais  avec  moins  de 
gravité  en  1896. 

Grâce  à  la  situation  de  Hong-Kong,  à  l'entrée  de  la  mer 
de  Chine,  grâce  surtout  aux  facilités  de  toutes  sortes  que  le 
commerce  du  monde  y  trouve,  ce  port  est  devenu  le  second  en 
importance  de  TEmpire  britannique  tout  entier.  L'importance 
de  son  mouvement  maritime  le  place  en  effet  immédiatement 
après  celui  de  Londres,  même  en  excluant  le  tonnage  des 
jonques  ;  il  le  dépassa  de  775.706  tonnes  en  1895  {Times  du 
12  septembre  1896). 

En  1897,  si  Ton  en  croit  le  Times  du  26  mars  1898,  la  valeur 
du  mouvement  commercial  s'y  chiffrait  comme  suit  : 

1897 

Importations Valeur  £25.000.000  Soit       62  millions  de  francs 

Exportations »  £20.000.000  »       500 

Mouvement  total...          «  £45.000.000  »     1.125 

En  1899  le  Chronicle  and  Direetory  l'estime  à  £50.000.000,  soit  125.000.000  de 
francs. 

Or  le  mouvement  total  des  entrées  et  sorties  dans  tous  les 
ports  chinois  ouverts  au  commerce  étranger  était  en  1896  de 
de  333.671.415  taëls  de  douane  (Haïkouan  taëls)  (1)  soit 
1.404.419.943  francs,  tandis  que  celui  de  Hong-Kong  était  de 
145.409.590  taëls  de  douane,  soit  610.720.178  francs,  c'est 
donc  43  p.  100  du  mouvement  total.  En  effet,  Hong-Kong  est  le 
port  par  lequel  passe  la  plus  grande  partie  des  marchandises  à 
destination  ou  en  provenance  de  la  Chine. 

Veut-on  savoir  le  nombre  et  le  tonnage  des  navires  qui  ont 
fréquenté  ce  port  en  1896  et  1897  ?  Nous  le  trouvons  résumé 
comme  suit  dans  le  rapport  du  consul  de  France,  M.  L.  (i.  Le- 
roux, inséré  au  Moniteur  officiel  du  Commerce  du  22  dé- 
cembre 1807,  le  dernier  que  nous  ayons  pu  nous  procurer  : 

(1)  Valeur  du  Haïkouan  taël  :  4  fr.  20  en  1896. 


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490  LM  BASM   KÂYAM8    Blf   CHINE 

BnMei  et  «ortiM  BnlréM  «t  aorUe» 

5fombre  Tonnage  îtombrc  1*onnagc 

NàTltcs  atiglai» 6.464  S. 758. ^4  6.7©  6.««.7IM 

»       noBaB^iak 2.W8  8.SI76.10K  a.l61  8.m.83ft 

Jonques  ohinoise». 59.576  3.7.7.403  57.803  3.441.295 

Total 6ê.9fô  16.700.799  67.747  ».*65.8r4 

JoB<|ti08 commerce  looaL  lUQSfb  415iI54  9«M6  88tit80 

Total  général 80  463  16.515.953  77.293  15.938.174 

En  1895 75.761  15.632  113 

On  voit  par  ees  chiffres  q«e  le  pavilloii  britannique  représente 
ail  1807  les  61.9  p.  100  du  total,  tandis  ifuè  les  mtPê»  {MVlUons 
étrangers  n*y0iitrettt  que  pour  ^»  2  p.  lOOet  les  jonques^tMises 
pour  e»p*  100. 

Bq  1809»  Tannée  de  Fcmverture  d«  canal  de  8uex,  le  toMiage 
àm  ^mtrées  était  de  2*60».000  t.;  en  187»,  il  éUU  déjà  de 
9*800.000  t.,  et  en  1808de  7.177.025 1. 

Le  Times,  déjà  cité,  fait  d  ailleurs  remarquer  que  tes  tHpmirs 
de  lang  courti  et  de  eabotaige  sans  pàtillon  anglais,  sur  las  oMes 
de  Chine,  p4wte»t  ke  8  p«  Md  du  cdfiffnretoe  totid^  et  hi  Ctaine^ 
ne  prend  cependant  que  la  valeur  de  1  shilling  9  pences  par  tête 
de  population  des  importations  anglaises,  tandis  que  chaque 
Japonais  en  consomme  pour  tine  moyenne  de  5  shilling. 

Si  Ton  compare  la  valeur  du  mouvement  total  du  port  de 
Hong-Kdtig,  entrées  et  sorties,  avec  le  même  mouvement  dans 
tous  les  ports  de  Chine  ouverts  au  commerce  étranger  on  trouve 
les  chiffrés  SfuivaûtS  : 

1896  :  Ports  ouverts  en  Chine,  valeur  :  S33.671.415  taëls  de 
d(manê,  ou  1.401.419.943  francs  ;  —  Port  de  Hong-Kong,  valeur 
145.409.590  taëls  de  douane,  ou  610.720.278  francs. 

Lfc  valeur  du  commercé  de  Hong-Kong  représente  donc 
43  p.  100  du  mouvement  total  en  Chine.  (Cest  qu'en  effet  par  là 
transite  la  plus  grande  partie  des  marchandises  à  destination 
ou  en  provenance  de  TEmpirc  chinois. 

Le  rapport  de  notre  consul  ne  donnant  pas  le  nombre  des 
Mvires  de  chaque  nation  ayant  fréquenté  Hong-Kong  en  1896  ou 
1W7,  nous  Pavons  cherché  atllleurs  et  n'avons  pu  le  trouver 


(1)  En  1896,  le  mouvement  du  port  de  Liverpool  était  :  entrées   et  sorties, 
40.200  navires;  tonnage,  17.585.775  t. 


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LES  BA88S   NAVALES  KM   CHINE 


491 


que  pour  1895  et  1898  (1)  Hong-Kong  est  sans  rirale  pour  Tim- 
portance  de  ses  communications  avec  le  monde  entier  par  na- 
vires à  vapeur.  On  ne  compte  pas  moins  de  dix  compagnies  de 
navigation  qui  y  relâchent  régulièrement,  dont  six  chaque  se- 
maii^/les  autres  mensuellement. 

Parmi  les  compagnies  postales  mentionnons  la  Penmsular  and 
Orienial  ;  les  Messageries  Maritimes,  la  seule  qui  y  représente  le 
pavillon  français  ;  la  Nord-Deutscher  Lloyd  ;  le  Lloyd  autri- 
chien, le  Pacific  Mail,  etc. . . 

La  faveur  dont  jouit  ce  port  auprès  des  compagnies  de  navi- 
gaticHi  tient  aux  précieux  avantages  qu'il  leur  offre  et  qui  sont 
les  suivants  :  1*  Situation  géographique  sur  la  grande  route  de 
Singapour  à  Shang-haï  et  tout  près  de  Tembouchure  du  fleuve  de 
la    Perle   (Tchoo-Kiang)    menant   à  Canton;  2°   absence  de 

(1)  DaM  \»  ChnnicU  and  Dtncl^rjf  for  CMna,  Japan,  etc.,  18W  et  1999  : 

Batoéw  __— ^^  Sriie» 

ffavirt  Tonn>ft  NavâM  Toanaf 

NAlioatliU  48#3        1898  J8»5  1898  1895        1696  1895  1698 


Aatrichieos .... 

Anglais 

Chinois 

Jonq*  chinoises. 

Dtnoia 

HoUandiis 

Français 


Hawaïens. 


J^KMiais.. 
riaffréfiM 
Russes... 


Espagnols  , 
Suédois  .. 


SI 

24 

3.308 

98 

26.554 

97 

15 

f» 

•86 

2 

14 
27 
127 
9 
t 
4 
6 


144 

27 

3.392 

198 

28.989 

73 

4 

145 

682 

4 

14 

152 

142 

5 

3 

6 

13 


60.963 

61.116 

4.297.342 

115.753 

1.6U.705 

43.623 

12.696 

167.609 

744.611 

1.228 

16.640 

46.864 

14S.I69 

21. 2U 

•56 

3.8U 

7.912 


76.676 

66.594 

4.133.151 

255.619 

1.718.739 

35.698 

3.288 

170.782 

818.655 

8.256 

19.707 

299.658 

1U.175 

14.585 

1.621 

t. 766 

12.218 


50 

24 

3.318 

98 


112 

27 
3.391 

198 


26.473  28.814 
97     72 


14. 
123 
631 
2 

14 

26 
124 

9 

I 
4 
8 


4 
145 
662 

4 

14 

152 

143 

5 

3 

5 

13 


77.454 

61.119 

4.291.298 

115.753 

1.838.995 

43.623 

12.226 

167.609 

717.641 

1.228 

18.9» 

47.820 

143.589 

21.244 

656 

3.6U 

7.912 


76.869 

66.594 

4.165.615 

255.889 

1.732.556 

35. H2 

8.288 

170.782 

616.916 

8.256 

19.707 

299.618 

144.610 

14.585 

1.621 

2.050 

12.218 


Total. 


JI.IOO    83.968    7.617.008    7.782.379      31.016     38.764    7.412. 183    7.782.515 

Entrées 


Narires  chargés  . 
—     lor  lest  . 

fttal.. 


Nisriitt  dMTgés . 
~      sur  lest.. 


19.374 
13.720 


22.796 
8.218 


18.324 
15.639 

33.963 


17.913 
15.681 


6.367.702 
1.249.^1 

7.617.003 

Sorties 

6.746.784 
66^.549 


6.886.551 
945.826 

7.782.379 


6.901.928 
880.592 


Total. 


31.016         33.784 


7.412.283        7.782.515 


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492  LES   BASES   NAVALES   EN    CHINE 

douanes,  le  port  étant  franc  ;  3^  abondance  des  capitaux  et  faci- 
lité des  transactions,  grâce  aux  grandes  banques  établies  dans  le 
pays,  entre  autres  la  puissdinte. H ong-Kotig  and  Shang-haï  Bank  ; 
4*>  Coût  peu  élevé  des  droits  de  magasinage  et  de  manutention 
des  marchandises,  grâce  à  la  main-d'œuvre  chinoise  ;  5» 'facilité 
des  réexpéditions  assurée  par  le  grand  nombre  de  compagnies 
touchant  dans  le  port  et  desservant  les  cinq  parties  du  monde  ; 
6*  Docks  et  usines  permettant  la  construction  et  la  réparation 
des  navires  dans  d'excellentes  conditions  et  à  prix  relativement 
peu  élevés. 

Les  chiffres  suivants  donnent  une  idée  des  transactions  des 
banques  en  1896.  Au  mois  de  juin  de  cette  année,  les  billets  des 
banques  locales  en  circulation  représentaient  une  valeur  de 
4.204.308  dollars  qui  en  décembre  de  la  même  année  s'était 
accrue  à  7.4il.307  dollars.  D'un  autre  côté  on  aura  ime  appré- 
ciation de  l'augmentation  de  valeur  des  propriétés  bâties  en 
constatant  que  le  revenu  imposable  sur  ces  propriétés,  calculé 
pour  l'exercice  1896-97,  était  de  131.176  dollars  de  plus  que 
celui  fixé  pour  1895-96,  soit  une  augmentation  de  54  p.  iOO.  Les 
revenus  et  dépenses  de  la  colonie  pour  1896  et  1898  étaient 
estimés  comme  suit  : 

1896  1898 

Revenus 2.288.366  dollars         2.694.867  dollars 

Dépenses  ordinaires 2.158.562      —  2.430.290      — 

Dépenses  extraordinaires 320.500      —  340.416     — 

La  dette  publique  de  Hong-Kong  n'était  que  de  200.000  livr. 
sterling  en  1886  ;  elle  a  été  portée  à  400.000  livr.  sterling  après 
un  nouvel  emprunt  en  1893  :  le  service  des  amortissements 
l'avait  déjà  réduite  à  341.800  livr.  sterling  à  la  fin  de  1898. 

Si  nous  considérons  la  valeur  annuelle  des  taxes  pour  la  ville 
de  Victoria,  capitale  de  l'île,  nous  trouvons  : 

1895  1898 

Taxe  annuelle  des  impositions .  Valeur  3.247.726  dollars  3.828.577  dollar» 

El  pour  la  ville  de  Kowloon....       —  318.326      —  382.062      — 
Et  pour  divers  villages  de  l'île 

etlePic ; ^  259.693      —  311.308      — 

Soit  pour  la  colonie  entière      —  3.825.745     —  4.521.947      — 

Lorsque  le  gouvernement  britannique  prit  possession  de  l'île, 
en  1840,  elle  possédait  une  population  de  7,000  pêcheurs  chi- 


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LES    BASES   NAVALES   EN    CHINE  493 

nois.  En  1841  ils  étaient  déjà  15.000.  Le  Times  du  commence- 
ment de  janvier  1899  estime  la  population  actuelle  de  File  seule 
à  225.000  âmes  dont  50.686  blancs,  le  reste  est  chinois.  11  faut  y 
ajouter  43.000  Chinois  qui  peuplent  le  district  nouvellement  ac- 
quis dont  le  revenu  est  évalué  à  £  16.000  par  an(l).  On  sait  que  le 
2  mai  1898  le  Tsoung-li-yâmen  à  Péking,  cédant  aux  représenta- 
lions  amicales  du  ministre  d'Angleterre,  sir  Claude  Mac-Donald, 
accordait  aux  Anglais  une  importante  extension  de  territoire 
tant  sur  le  continent,  au  nord  de  la  petite  concession  de  Kowloon 
(ou  Kaulung)  que  dans  les  îles  environnant  celle  de  Hong- 
Kong.  La  convention  signée  le  9  juin  1898  accorde  aux  Anglais, 
sous  forme  de  bail  pour  99  ans,  commençant  au  l*''juillet  1898, 
la  location  d'un  territoire,  tant  marin  que  terrestre,  ne  compre- 
nant pas  moins  de  200  milles  carrés  (2).  Le  prétexte  allégué 
pour  obtenir  celte  extension  de  territoire  est  que,  depuis  la  ces- 
sion delà  péninsule  de  Kowloon  en  1860  (3),  les  progrès  cons- 
tants de  Tartillerie  mettaient  Hong-Kong  en  danger  d'être  bom- 
bardée du  nord,  à  travers  le  port,  des  hauteurs  dominant  la  rade 
et  la  cité  de  Victoria. 

Grâce  à  cette  augmentation  de  territoire,  le  mouillage  de 
Hong-Kong  est  mis  à  Tabri  d'un  bombardement  et  d'un  coup  de 
main  et  peut  être  considéré  comme  le  Spithead  de  TExtrême- 
Orient,  ayant  une  position  analogue,  par  rapport  à  l'île,  à  celle 
de  la  rade  à  Test  de  l'île  de  Wight. 

Lors  de  notre  dernier  voyage  à  Hong-Kong,  en  1887,  le  gou- 
vernement était  en  train  d'augmenter  considérablement  la  dé- 
fense de  Tîle  d'après  les  plans  de  Sir  William  Crossmann. 

En  février  1889  l'état  de  ces  défenses  était  ainsi  décrit  dans 
VArmy  and  Navy  Gazette. 

(1)  Le  Chronicle  and  Direct ory, . .  for  the  year  1899,  édité  en  mars  1899,  donne  : 
Population  en  janvier  1897  : 

L'armée  avec  le  régiment  indien 2.850 

La  marine 2.268 

La  population  de  Victoria 165.000 

—  de  Kowloon 27.000 

—  de  l'île  hors  Victoria. . . .  49.762 

Total 246.880    dont  200.005  Chinois. 

(2)  Voir  pour  plus  de  détails  notre  note  avec  carte  sur  Hong-Kong  agrandi 
dans  les  Comptes-Rendus  des  Séances  de  la  Société  de  Géographie  de  Paris 
pour  1898,  no  6-7,  juin-juillet  1898,  p.  298-300. 

LMle  de  Hong-Kong  ne  mesure  que  29  milles  carrés  de  superficie. 
(3j  Qui  n'avait  alors  que  4  milles  carrés* 


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494  LU   BA8B8  NAVAtES  EJH   CHINE 

Commeiiçant  à  Tealrée  de  l'est,  la  passe  de  Xy-ee-moon,  qui  est  fort 
étroite  (environ  1  mille),  nons  Uxmvoas  une  iMUtterie  de  canons  de  6  ponces, 
se  chargeant  par  la  culasse,  qui  la  commande  entièrement.  Dans  la  passe 
même,  sur  la  pointe  formant  Tangle  de  Causeway  Bay,  se  trouvent  une  sé- 
rie de  puissants  ouvrages  armés  de  canons  de  9  et  10  pouces,  se  chargeant 
par  la  gueule,  qui  balaient  toute  la  partie  orientale  du  mouillage.  Dans  sa 
partie  occidentale  on  ol^serve  une  série  de  fartes  batteries  montées  avec 
des  canons  d'acier,  breack  loaders  de  0  pouces  et  des  fnmziU  leaders  de  9 
et  10  pouces,  établies  sur  la  pointe  près  de  Tusine  à  gai,  sur  Tlle  Verte 
(Green-Islaud)  et  sur  la  pointe  Belcher,  qui  forme  Textrémité  occidentale 
de  rtie  de  Hong-Kong.  Des  ouvrages,  bâtis  sur  l'tle  des  tailleurs  de  pierre 
(Stone  Cutters  Island)  et  sur  fextrémité  de  la  péninsule  de  Kowloon,  com- 
plètent la  chaîne  des  fortifications  ou  nord  et  à  Tooeat.  Mais  rentrée  occi- 
dentale formée  par  le  Canal  de  Lamma,  n*est  pas  aussi  facile  à  défendre 
que  la  passe  de  Test  vu  sa  grande  largeur  de  4  milles.  Heureusement 
cependant  on  y  trouve  de  nombreux  bas-fonds  sur  lesquels  le  corps  des 
Royal  Engineers,  ou  du  génie,  a  placé  un  système  compliqué  de  torpilles. 
Grâce  à  ellee  et  aux  feux  convergents  de  toutes  les  batteries  disponibles, 
rentrée  du  port  eet  praiicpiement  fermée  de  ce  c6té.  On  a^  de  pâos,  con»- 
mandé  une  batterie  de  canons  à  tir  rapide,  système  Hotobkiss,  po«r  In 
colonie. 

Après  avoir  constaté  que  la  garnison  anglaise  et  les  230  Sikhs 
de  la  police,  recrutés  daas  l*Inde,  lormaient  ua  corps  de  ëéfease 
suffisant,  surtout  si  l'on  y  joint  les  volontaires  de  la  eolosîe, 
Fauteur  de  Tarticle  estime  que  «  en  somme  Hong*Kong  est  la 
station  de  charbon  la  mieux  défendue  que  nous  possédions.  » 

Les  idées  ont  changé  depuis  cette  époqae  puisque  Ton  a  jugé 
nécessaire  d'obtenir  un  vaste  morceau  de  territoire  au  nord  de 
Kowloon  et  les  iles  avoiainantes  à  Test,  à  Touest  et  au  sud. 

Les  travaux  de  défense  ont  été  accrus  depais  et  void  Tétat 
exact  des  défenses  de  Tile  tel  que  le  publie  en  1899  le  CÀro- 
nicle  and  Directory  de  TExtrême  Orient  (1)  : 

La  passe  de  TOuest  comprend  aujourd'hui  trois  batteries  sur 
nie  Stone-Cutters  et  deux  forts  placés  respectivement  sur  les 
pointes  Belcher  et  Fly.  Leurs  feux  convei^ents  peuvent  couvrir 
d'ime  grêle  de  projectiles  le  Sulphur  Ghannel.  Une  autre  petite 
batterie,  sur  la  colline  au-dessus  et  îi  Touestde  Richmond  Ter- 
race,  commande  un  vaste  rayon.  La  passe  orientale  de  Ly-ee- 
moon  est  défendue  par  deux  forts,  et  tout  navire  ayant  survécu 
à  leur  feu  aurait  à  subir  celui  des  batteries  de  Nbrth-Poiat  et  de 
Hung-Ham,  qui  commandent  tout  à  fait  la  passe  est.  Une  autre 

(1)  HoDg-Kong,  1899. 


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VSê  BAdBB  NAVÂLtiS   EN  CHINE  495 

batterie,  placée  sur  le  oap  île  Tsim-tsa-tsui,  à  Kowloon,  com- 
mande entièrement  la  partie  centrale  du  port.  Toutes  ces  batte- 
ries 909it  années  de  fortes  pièces  se  chargeant  par  la  culasse  et 
du  dernier  modèle. 

En  pt^  des  fortificaitions,  la  colonie  possède  une  petite 
escadre  pour  la  défense  du  port  et  qui  consiste  en  :  tm  cuirassé 
à  tourelle,  le  Wivem^  de  2750  tonneaux  avec  4  canons; 
deux  canonnières,  VEsk  et  la  Tweed,  ayant  chacune  3  pièces  et 
quatre  torpilleurs.  Les  ét^uipages  sont,  en  temps  ordinaire,  logés 
sur  le  stationnaire  le  Trnnar  et  sur  un  ponton. 

Voici  maintenant  quel  était  l'état  de  lagarnison  en  1898-1899  : 
3  compagnies  d'artillerie,  soit  657  hommes  ;  1  compagnie  du 
génie  {Ihtfal  Enffinetrs},  du  165  bomimes;  1  bataillon  d'infcm- 
terie,  de  1012  hommes;  7  bataillons  de  VAnnff  Service  Cerps  ; 
1  bataillon  d*artiflerîe  locale;  1  compagnie  du  génie  local; 
8  compagnies  du  régiment  de  Hong-Kong,  1530  hommes; 
30  compagnies  du  Medûal  Corps  (service  de  santé) ;  6  compa- 
gnies de  VArmy  OrànMnce  Depariment  (service  des  approvi- 
sionnements ou  de  l'intendance);  46  compagnies  de  \Army 
ûrdnance  Corps \  6  compagnies  de  VArmy  Pay  Corps;  total 
général  de  tous  les  corps  :  3428  hommes,  auxquels  on  peut 
ajouter  le  (jorps  des  vrikmtaires,  comprenant  une  batterie  de 
campagne  et  1  caïion  mitrailleuse  {machine  gwi),  La  police 
compte  700  hommes,  dont  120  Européens,  230  Indiens  et 
350  Chinois. 

La  contribution  militaire,  Axée  en  1890  à  40.000  liv.  st.  par 
an,  est  maintenue  à  ce  taux  en  1894,  et  monte  à  47.000  en 
1899.  Depuis  1865,  la  colonie  avait  payé  annuellement  20.000 
liv.  st.  pour  la  défense  (1). 

L'importance  d'une  station  tiavale  étant  en  raison  directe  des 
facilités  qu'elle  offre  pour  la  construction  et  la  réparation  des 
navires,  tant  de  guerre  que  de  commerce,  nous  allons  résumer 
ici  les  renseignements  que  nous  fournit  le  Chronicle  emd  Direo 
tory  au  sujet  des  Docks  de  Hong-Kong. 

La  Hong-Kong^and  Whampoa  Dock  Company  Limited  possède 
trois  grands  docks,  avec  ateliers  de  construction  et  de  répara- 

(1)  Le  AMtttaatdes  dép^liiMi  (kHes  dosais  1864  pcMr  la  défeftM  de  U  Go&oaie, 
se  moAUit  ea  IS94,  à  325.000  Mv.  et.,  dont  IIS.OOO  Uv.  tt  avaient  été  payées  par 
elle.  Les  défenses  sous  marines  et  le  reste  de  rarmement,  fournis  par  ie^eaver- 


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496  LES  BASES  NAVALES  EN  CHINE 

lions.  Deux  sont  situés  à  Kowloon  et  un  à  Aberdeen,  sur  la  côte 
sud  de  l'île.  Les  docks  de  cette  compagnie  ont  les  outils  et  ma- 
chines les  plus  perfectionnés  pour  les  travaux  en  fer  et  en  bois. 
Dans  le  bassin  n°  1,  dit  de  l'Amirauté  (1),  elle  peut  recevoir  les 
plus  grands  navires  cuirassés.  Les  dimensions  de  cette  cale 
sèche  sont  les  suivantes  : 

Longueur,  530  pieds;  largeur  de  l'entrée  au  sommet,  86  pieds;  profon- 
deur, 30  pieds;  largeur  de  l'entrée  sur  le  fond,  70  pieds. 

Dimensions  de  la  cale  n*  2  :  Longueur  totale,  371  pieds;  largeur  à  l'en- 
trée, 74  pieds;  profondeur  sur  le  seuil  aux  marées  de  morte  eau,  18  pieds 
6  pouces. 

Dimensions  de  la  cale  n«  3  :  Longueur  totale,  264  pieds;  largeur  à  l'en- 
trée, 49  pieds;  profondeur,  14  pieds. 

Cale  de  halage  {Patent  Slip),  n"  1  :  Longueur  totale,  250  pieds;  largeur 
à  rentrée,  60  pieds;  profondeur,  14  pieds. 

Cale  de  halage  n*  2  :  Longueur  totale,  230  pieds;  largeur  à  l'entrée, 
60  pieds;  profondeur  à  l'entrée,  12  pieds. 

A  Tai  Kok  Tsui  :  Gosmopolitan  Dock  :  Longueur  totale,  465  pieds;  lar- 
geur à  l'entrée,  85  pieds  1/2;  profondeur,  21  pieds. 

A  Aberdeen  :  Hope  Dock  :  Longueur  totale,  433  pieds;  largeur  à  l'entrée, 
84  pieds;  profoûdeur,  24  1/2  pieds. 

Lamont  Dock:  Longueur  totale,  340  pieds;  largeur  à  l'entrée,  64  pieds; 
profondeur,  16  pieds. 

Il  y  a  encore  d'autres  établissements  dans  lesquels  on  cons- 
truit et  on  répare  les  navires,  ainsi  que  de  bonnes  fonderies. 
Plusieurs  navires  ont  été  construits  de  toutes  pii^ces  dans  la 

nement  de  la  métropole,  représentent  la  balance.  Le  coût  de  la  garnison  estimé 
à  100.000  liv.  st.  par  an,  en  1865,  s'était  élevé  à  280.000  liv.  st.  en  1888.  (rimes, 
20  octobre  1894.) 

Au  commencement  de  mars  1899  les  chambres  anglaises  ont  voté  un  budget 
militaire  pour  Hong-Kong  de  196.000  livres  sterling  (£)  réparties  sommairement 
comme  suit  pour  une  garnison  estimée  à  4.737  bommes  : 

Paie,  etc.,  de  l'Êtat-Major,  des  Régiments  et  Services  divers £  108.000 

Etablissements  médicaux  et  médicaments £  5.0dO 

Transports  locaux  par  terre  et  par  eau,  et  achat  de  remontes £  1.200 

Vètemente £  13.200 

Travaux  divers,  Constructions,  Réparations,  Ingénieurs £  11.792 

Provisions,  Fourrages,  Chauffage,  Eclairage,  Allocations  coloniales,  etc.  £  52.000 

Paie  du  Service  de  FIotendancQ £  4. 150 

Education  des  hommes  et  Services  divers ^ £  503 

Total £195.910 

(1)  Ainsi  appelé  parce  que  la  marine  de  TEtat  a  le  droit  de  priorité  sur  son 
emploif  rÉtat  ayant  à  deux  reprises,  en  1864  et  1885,  fourni  des  fonds  à  celle 
Compagnie,  d'après  le  Colonial  Docks  Act.  Voir  Dock  Book^  publié  sous  les  ordres 
des  lords  commissaires  de  TAmirauté,  Londres,  1890,  et  le  Colonial  office  lisl 
publié  annuellement. 


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LES   BASES  NAVALES   EN   CHINE  497 

colonie,  entre  autre  une  canonnière  offerte  par  les  habitants  des 
Philippines  au  gouvernement  espagnol,  lors  de  l'affaire  des 
Carolines  avec  TAlIemagne. 

L'arsenal  royal  de  Victoria  renferme  également  des  ateliers 
et  des  machines,  peimotlant  de  faire  toutes  les  réparations 
nécessaires  aux  navires  de  guerre  de  Sa  Majesté  britannique,  et 
cela  avec  beaucoup  de  rapidité.  Disons  aussi,  que  Ton  a  pu  faire 
entrer  un  grand  cuirassé  dans  TAdmiralty  Dock,  cité  plus  haut, 
Ty  mettre  à  sec,  repeindre  sa  carène  et  le  remettre  à  la  mer  en 
48  heures. 

Les  Parliamentary  papers  ont  publié,  en  1897,  une  réponse  à 
une  demande  d'explication  du  contrôleur  général  de  la  marine 
touchant  les  dépenses  navales  de  colonie. 

Il  est  dit  ceci  : 

Durant  l'année  1896-1897  les  plans  de  Textension  de  Tarsenal  de  Hong- 
Kong  ont  été  examinés,  et  la  dépense,  estimée  à  340.000  liv.  st.,  a  été 
entièrement  révisée  en  conséquence  de  nouvelles  informations  touchant 
un  nouveau  projet.  Les  plans  ont  été  approuvés,  et  l'on  a  Hjié  h.  575.000 
liv.  st.  la  somme  que  Ton  pourrait  y  consacrer,  par  un  acte  daté  de  1897. 
Le  projet  de  i896,  auquel  on  avait  accordé  seulement  80.000  liv.  st.,  fut 
abandonné  de  fait  en  faveur  d'un  plus  complet,  qui,  après  entente  avec 
les  autorités  navales  et  militaires  de  la  colonie,  a  été  reconnu  possible. 

L'un  des  grands  avantages  de  Hong-Kong,  comme  base 
navale  et  station  mîlitaire,  c'est  qu'il  est  relié  au  réseau  télé- 
graphique européen  et  par  suite  avec  Londres  au  moyen  des 
câbles  sous-marins,  propriété  de  la  Eastem  Extension  Atistrala^ 
sia  and  China  Telegraph  Company^  par  Singapour,  Madras, 
Bombay,  Aden,  Suez,  Malte  et  Marseille.  Une  autre  ligne  sous- 
marine,  appartenant  à  la  même  compagnie,  la  relie  à  Shang-haï 
avec  le  réseau  sous-marin  puis  terrestre  de  la  Gréai  Northern 
Telegraph  Company  via  Vladivostok,  la  Sibérie  et  la  Russie. 
Cette  dernière  compagnie  possède  aussi  un  câble  côtier  entre 
Hong-Kong  et  Shang-haï  touchant  à  Amoy.  L'Eastern  Extension 
le  relie  encore  à  Hanoï,  à  Labouan  (Bornéo),  aux  Philippines,  à 
Canton  et  à  Macao.  En  somme,  huit  câbles  sous-marins,  atteris- 
sant  à  Hong-Kong,  en  font  un  centre  parfait  de  communications 
télégraphiques  avec  le  monde  entier.  Or,  un  seul  de  ces  câbles, 
celui  de  la  Great  Northern  Telegraph  Company,  de  son  vrai  nom 
Del  Store  Nordiske  Telegraf  Selskab,  est  entre  les  mains  des 
Danois. 


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49g  .      Lfia  PA8S8  MAVJICE8  EN  CUUIE 

Enfin  les  dépôts  de  cfaarboo  de  Ift  atation  de  Hong-^Kong  sont 
toujours  approvisionnés  de  façon  h  pouvoir  fournir  à  toutes  les 
demandes  du  commerce  et  des  marines  de  guerre,  qui  peuvent 
s'y  ravitailler  librement  en  combustible,  tant  qu'elles  ne  sont 
pas  en  guerre  avec  une  nation  alliée  à  la  Grande-Bretagne.  Au 
début  des  hostilités  entre  la  France  ei  la  Chine,  nos  navii'es  pou- 
vaient y  faire  du  charbon,  et  ce  nie  fut  ^ue  vers  la  fin  de  la 
guerre  que  le  gouvernement  anglais  leur  refuaa  oette  facilité. 
On  trouve  dans  les  magasins  de  Kowloon  et  de  Vietoria  du  char- 
bon de  CardifT  ainsi  que  les  houilles  du  Tonkin  et  du  ià^oa  eu 
provenance  des  mines  de  Hon^ay,  Kébao,  Nagasaki,  Taka- 
sima,  etc.  Les  navires  brûlant  du  combustible  liquide  y  trouve* 
ront  sous  peu,  si  cela  n'est  déjà  fait,  des  dépôts  des  pétroles  de 
Sumatra  et  de  Bornéo,  sinon  de  ceux  de  Batoum,  auxquels  ils 
font  déjà  une  sérieuse  concurrence. 

La  rade  n  est  que  fort  rarement  visitée  par  les  typhons.  Elle 
offre  un  abri  excellent  et  d'une  étendue  telle  (1)  que  toutes  les 
flottes  du  monde  pourraient  s'y  loger  facilement,  sans  avoir  à 
craindre  d'y  être  enfermées  ou  bombardées  ;  les  montagnes  de 
granit  qui  les  dominent  s'élevant  à  3  et  4.000  pieds  de  hauteur. 
Le  5  avril  1895  on  voyait  réunis  dans  cette  rade  244  navires  de 
commerce,  dont  69  vapeurs,  8  voiliers  et  164  jonques.  L'impor- 
tance des  dépôts  de  charbon  est  donnée  par  tes  chiffres  suivants  : 
En  1895  ils  recurent  3.485^04  tonnes  et  ils  e»  ^xportèreiU' 
2.704.974.  De  plus,  les  navires  charbonnier»,  en  Aransil  pour 
d'autres  destinations,  y  ûgurèrent  pour  i  .623.88;i  tonnas  et  les 
vapeurs  y  prirent  pour  leurs  soutes  387.870  tonne».  Ainsi,  c'est 
un  total  général  de  8.202.231  tonnes  de  charbon  que  représenta 
le  mouvement  des  combustlblas  dans  ce  port  pour  cette  seule 
année.  D'un  autre  côté  le  mouvement  des  passagers  en  1895  n'y 
fut  pas  inlérieur  à  1 ,591.073  (2). 


III.  —  FOU-TCHÉOU. 

Le  fameuxgénéral  chinois  Tso  Tsoung-tang  qui,  «ga  4864,  occu- 
pait le  poste  de  vice-roi  de  la  province  du  Fo-Kien  dans  Tim- 

(1)  10  milles  carrés. 

(2)  Times,  12  septembre  18%. 


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LE6  EASE8  NAVALBfi   B»  CHIUE  499 

portante  ville  de  Fou-tchéou^  venait  de  battre  définitivement 
les  rebelles  Taï-ping  avec  Taide  du  corps  franco-chinois^  corn- 
mandé  par  deux  officiers  de  la  marine  francise,  MM.  Prosper 
Giquel  et  d^Aiguebelle.  D'un  esprit  intelligent  et  ouvert  aux 
idées  européennes,  il  comprit  que  la  Cbine  avait  besoin  d'une 
marine  de  guerre  autremenl  sérieuse  que  les  mauvaises  jonques 
qu'elle  possédait  alors.  11  demanda  donc  au  lieutenant  de  vais- 
seau Giquel,  redevenu  commissaire  des  douanes  impériales 
maritimes  chinoises  à  Fou-tchéou,  un  devis  pour  la  création 
d'un  arsenal  maritime  dans  lequel  on  devait  bâtir  des  na- 
vires de  guerre  et  de  transport,  instruire  des  sujets  capables 
de  construire  et  de  conduire  ces  navires,  et  enfin  de  tirer  parti 
des  richesses  métalliques,  notamment  c^es  du  fer,  que  pos- 
sède la  province  de  Fo-Kien.  On  savait  que  le  pays  fournirait 
encore  des  pieux  pour  la  fondation  des  ateliers,  que  le  charbon 
de  Formose  n'était  pas  loin  et  que  la  main  d'œuvre  était  à  bon 
marché.  Ces  considérations  et  aussi  la  position  du  port  de  Foih 
tchéou,  situé  à  bonne  distance  de  la  mer  (34  milles)  sur  le  fleuve 
Min,  indiquaient  tout  naturellement  que  là  devait  se  bâtir  le 
futur  arsenal,  destiné  à  devenir  une  base  navale  importante.  Le 
port  était  en  effet  très  facile  à  défendre  car  l'entrée  du  Min  est 
garnie  d'Ilots  et  de  montagnes  admirablement  disposés  pour 
recevoir  des  forts  et,  à  une  dizaine  de  milles  {dus  haut^  les  collines 
qui  le  bordent  resserrent  assez  son  cours  pour  que  la  pose  de 
quelques  torpilles  rende  le  passage  absolument  impossible. 
«  Le  mouillage,  aisément  accessible  à  des  navires  de  22  à  23 
«  pieds  de  tirant  d'eau^  se  trouvait  suffisant  pour  la  dimension 
«  des  navires  dont  la  construction  était  résolue.  Le  long  des 
«  rives  de  l'arsenal  on  peut  les  amarer  bord  h  quai,  facilité 
«  nécessaire  à  des  travaux  de  constructions  maritimes  (1).  » 

Le  projet  soumis  par  M.  Giquel  fut  approuvé  et  les  premiers 
contrats  étaient  signés  avec  le  gouvernement  chinois  vers  la  fin 
de  1866.  Le  programme  comportait  :  1*  la  création  d'ateliers  et 
de  chantiers  propres  à  la  contraction  de  navires  et  de  leurs 
machines  ;  2''  des  écoles  pour  former  des  contremaîtres  pour 
la  contraction^  des  capitaines  et  des  mécaniciens  pour  la  con- 
duite des  navires;  3"^  il  fallait  engager  un  personnel  suffisant 

(1)  VAr$enaldeFoxi-tchéou^  par  Prosper  Giquel,  lieutenant  de  vaisseau.  Shang- 
haS,  f«ntar  1S74. 


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500  LES   BASES   NAVALES   EN    CHINE 

pour  la  conduite  des  travaux  et  l'instruction  des  Chinois;  4*> ins- 
tallation d'une  cale  de  halage  en  travers,  système  Labat  ;  5**  orga- 
nisation d'une  usine  métallurgique  pouvant  laminer  en  barres 
et  en  tôles  les  lopins  de  fer  brut  que  fournit  la  province. — M.  P. 
Giquel  fut  nommé  directeur  et  M.  L.  Dunoyer  de  Ségonzac, 
enseigne  de  vaisseau,  sous-directeur.  On  recruta  en  France  un 
personnel  d'ingénieurs  (MM.  Zédé  et  Jouvet),de  8  professeurs, 

1  médecin,  des  secrétaireset37chefscharpentiers,  foirerons,  etc., 
en  tout  51  personnes. 

Le  terrain  choisi  était  une  vaste  rizière  située  à  Mamoï,  au 
pied  des  collines,  sur  le  bord  nord  du  Min,  à  quelque  neuf 
milles  de  la  ville  de  Fou-tchéou,  à  Tendroit  appelé  sur  les  cartes 
anglaises  Pagoda  anchorage.  On  remblaya  la  rizière  jusqu'à 
une  hauteur  de  près  de  deux  mètres  (5  pieds j,  pour  se  mettre  à 
Tabri  des  inondations.  Une  cabane  sepvant  à  faire  des  clous  fut 
le  premier  embryon  des  ateliers  métallurgiques.  On  dut  foncer 
5.000  pilotis  pour  établir  les  constructions.  Commencé  en  1867, 
l'arsenal  était  achevé  en  1874.  En  1875  il  avait  déjà  li\Té 
20  navires  de  guerre,  dont  13  transports  de  1258  à  1450  tonneaux; 

2  canonnières  de  515  tonneaux  et  80  chevaux  ;  4  avisos  de 
572  tonneaux  et  80  chevaux  ;  1  corvette  de  1.393  tonneaux  et 
250  chevaux.  Il  comprenait  alors  une  usine  métallurgique, 
avec  grosses  forges  et  laminoirs,  garnie  de  6  marteaux  pilons  de 
300  à  7.000  kilos;  1  atelier  de  laminoirs  avec  6 fours  et  4  trains  ; 
une  chaudronnerie;  un  îitelier  d'ajustage,  un  de  montage;  une 
fonderie,  une  chronométrie,  des  petites  forges,  un  chantier  de 
construction,  trois  cales  de  construction,  une  cale  de  halage  sys- 
tème Labat,  une  machine  à  mater,  des  magasins,  logements, 
école,  une  chapelle  et  une  pagode. 

Dix  ans  plus  tard,  l'arsenal,  qui  était  alors  entièrement  dirigé 
par  des  Chinois,  était  bombardé  et  en  partie  détruit  (23-24  août 
1884)  par  l'escadre  de  l'amiral  Courbet,  qui  forçait  ensuite,  en 
les  prenant  à  revers,  tous  les  forts  de  la  rivière.  C'est  par  ce  coup 
d'audace  extrême  que  Courbet  réussit  à  sortir  de  Fou-tchéou, 
au  grand  étonnementdeTamiral  anglais,  qui  le  croyait  absolu- 
ment incapable  de  sortir  de  la  trappe  oti  il  était  si  bravement 
entré,  tant  étaient  formidables  les  armements  des  forts  comman- 
dant le  cours  du  fleuve  au-dessous  du  mouillage  de  la  Pagode 
jusqu'où  il  avait  pénétré.  Aussi,  quand,  après  deux  jours  de 


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LES   BASES   NAVALES   EN    CHINE  501 

combat,  la  flotte  française  reparut  victorieuse  à  Tcntrée  de  la 
rivière,  Tamiral  et  les  officiers  anglais  ne  purent  s'empêcher  de 
venir  féliciter  chaudement  Courbet  et  ses  vaillants  collabora- 
teurs. 

Le  gouvernement  chinois,  bien  que  vaincu,  admira  tellement 
la  conduite  de  nos  marins  en  cette  mémorable  affaire  qu'il  n'a 
pas  hésité  à  confier  dès  1897  la  réoi^anisation  de  cet  arsenal  à 
des  ingénieurs  français.  C'est  un  ingénieur  des  constructions 
navales,  M.  Doyère,  qui  est  actuellement  chargé  de  mettre  Farse- 
nal  de  Fou-tchéou  en  mesure  de  fournir  à  tous  les  besoins  de  la 
flotte  de  guerre  chinoise,  en  train  de  se  reconstituer  et  de  réparer 
les  pertes  que  lui  ont  fait  subir  la  guerre  franco-chinoise  en  1884 
et  en  1894-1895  ses  défaites  au  Yalou  et  àWeï-haï-weï,  aux 
mains  des  Japonais. 

Le  31  mai  1897  on  y  a  entrepris  le  creusement  d'une  cale 
sèche  destinée  aux  cuirassés  chinois.  En  novembre  de  la  mémo 
année,  une  nouvelle  cale  a  été  commencée  ^  ur  le  gouvernement 
sur  Tîle  Losing.  Elle  mesure  300  pieds  de  longueur  sur  les  tins, 
400  de  longueur  totale,  55  pieds  de  largeur  à  l'entrée  et  possède 
une  profondeur  de  15  à  17  pieds  d'eau  sur  le  seuil  à  haute  mer. 

Elle  peut  recevoir  des  navires  de  105  mètres  de  longueur 
ayant  un  tirant  d'eau  de  18  à  20  pieds.  Elle  est  fermée  par  un 
bon  caisson  en  acier.  Abandonnée  par  les  Chinois,  après  avoir 
coûté  beaucoup  d'argent,  l'accumulation  des  vases  à  Tintérieur 
lavait  rendue  impropre  à  tout  service.  Elle  a  été  draguée  et 
mise  en  état  par  M.  Doyère,  qui  y  a  fait  entrer  successivement,  en 
novembre  dernier,  les  deux  canonnières  chinoises  Foii-ngan,de 
76  mètres,  et  Haï-shen,  de  100  mètres,  avec  16  pieds  de  tirant 
d'eau  (1). 

Quant  à  la  cale  de  halage,  elle  peut  recevoir  des  navires  de 
plus  de  1.000  tonneaux  et  se  divise  à  volonté  en  deux  parties. 

Les  écoles  de  l'arsenal  sont  ouvertes  à  nouveau  et  le  nombre 
des  candidats  en  mai  1897  n'éts^it  pas  inférieur  à  4.000.  On  en  a 
choisi  seulement  240,  dont  120  ont  été  renvoyés  trois  mois 
après.  Nouvelle  sélection  après  trois  autres  mois  d'essai.  On 
n'en  a  gardé  définitivement  que  60,  ce  qui  est  encore  trop  con- 
sidérable (2). 

(1)  LEcho  de  Chine,  9  décembre  1898. 

(2)  London  and  China  Telegraph,  31  mai  1897. 

REVFE  POLIT.,  T.  XX  33 


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1 


502  LES  BAtBS  lUTâLBB  £H   CXLmE 

Les  >deniière6  «tatistMioeB  qme  nous  «yens  pu  ooofiidter  sur  ie 
^rt  ooaunereiai  Ae  Fov-èekéon  datent  et  1896.  Voifii  bs 
^goemente  qu'îles  donnent  sur  la  nmgtttioii  et  ht 
merce  (1): 

180yô 

Vapetire  :  Entrés 813  navires    351 .592  tonms 

—         S#rtiB W4      —        382.47S      ~ 

Totd W7      —        703.767      — 

YoiHers  :  Eatrés 9è      —         i«,9W      — 

--        Sorte 37     ~         iê.-m     — 

Total ^      —         38.1^      — 

Total 700      —        736.892      — 

Valeur  totale  du  commerce  en  1894  :  Taëls  de  douane •     13.450.932 

—  —  1895:       -  —       14.022.015 

-  ~  1896:      —  —       14.6d2.764 

—  —  !«97:      —  -       13.VN.4K 

((Valeur  da  Haikjovan  taël  cm  Uél  de  doroane  €ai  i%H  :  4  fr.  20.) 

IV.  —  Port-Arthur 


La  destmction  parti^cUe  de  1  arsenal  de  Fou-tchéoui,  par  rami- 
ral  Courbet  ea  1884,  donna  a  réfléchir  au  gouvernement  clii- 
aeiB  et  sortout  au  vice-roi  du  Tchéli,  le  premier  homme  d'Btat 
qui  ait  osé  proposer  à  l'Empereur  Torganisation  d'une  armée  et 
d'une  Hotte  à  Teuropéenne.  Il  s'aperçut  alors  que  Tascadre  du 
nard,  dile  du  Petry^uig  (Océan  du  Nord),  par  opposition  à  celle 
de  Canton  dite  du  Nan-yany  (océan  du  sud),  ne  possédait  aucun 
port  où  elle  pût  se  réfugier,  faire  du  charbon,  ou  se  réparer 
après  un  combat  Ayant  consulté  des  ingénieurs  eanopéeos,  il 
jeta  les  yeux  sur  la  baie  de  Lii-Sh^une-Kéou^  appelée  aussi  Port- 
Artbur  du  nom  d'un  capitaine  anglais,  près  de  la  baie  de  Ta4ien- 
ouan,  qui,  en  1860,  avait  servi  de  station  militaire  ^  navale 
aux  troupes  ei  aux  navires  anglais  pendant  l'expédition  ai^lo- 
française  contre  Péking.  Ce  port,  situé  presque  à  l'extrémité  de 
la  péninsule  du  Liao-toung,  qui  s'avance  vers  le  sud,  juste  en 
face  du  port  commercial  de  Tché-fou,  commande  avec  ce  der- 
nier et  surtout  avec  Weï-haï-weï,  un  peu  à  l'est,  l'entrée  du 

(1)  China.  Impérial  Maritime  Cust^ms  BeiumsofTradeforlêSî.  Sàattg-àaX,  ld97. 


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LES  BASES   HAVALES   EN   CHINE  50) 

gotle  dn  Pé-iché*U  et  par  suite  constitue  la  clef  4e  Tien-tsin  et 
de  Péking.  C'est  le  Gibraltar  du  Pé-tché-li. 

Après  avoir  obtenu  des  Anglais,  dés  Allemands  et  des  Français 
des  devis  de  construction  d'un  port  militaire  à  cet  endroit,  le 
rusé  vice-roi  accorda  en  1896  la  concession  des  travaux  à  nos 
ingénieurs,  ceux-ci  ayant  offert  de  les  entreprendre  à  prix  beau- 
coup plus  réduits  que  leurs  concurrents.  L'entreprise,  patron- 
néepar  le  Syndicat  français,  donl  faisaient  partie,  entre  autres, 
le  Comptoir  d'Escompte  et  la  Compagnie  de  Five&-Lille,  et  les 
Forges  et  Chantiers  de  la  Méditerranée,  fut  confiée,  vers  le 
milieu  de  1867,  à  un  ingénieur  des  ponts  et  cbaussés,  M.  Tlié- 
venet,  aidé  d'autres  ingénieurs,  dont  M.  Giiffon  (1).  Les  Anglais 
furieux  de  n'avoir  pu  obtenir  ces  travaux  firent  une  campagne 
acharnée  contre  les  ingénieurs  français  dans  leurs  journaux  de 
Tien-tsin  et  de  Shang-haï.  Le  malheur  voulut  que  plusieurs  acci- 
dents leur  donnassent  Toccasion  d'exercer  leur  verve  satirique. 
La  maison  que  M.  Thévenet  avait  fait  construire  pour  se  loger 
s'effondra  sur  ses  habitants,  pendant  qu'il  y  recevait  ses  amis  à 
dtner,  et  l'une  des  dames  fut, dit-on,  blessée.  Puis  on  eut  à  com- 
battre plusieurs  inondations  des  travaux,  provenant  tantôt  de 
sources  abondantes  rencontrées  dans  le  creusement  du  bassin 
de  radoub,  tantôt  de  l'irruption  de  la  mer  sous  le  bàtardeau. 
Tout  cela  retarda  considérablement  les  travaux.  Une  autre  cause 
de  pertes  et  de  retards  fut  la  faillite  du  Comptoir  d'Escompte. 

On  eut  ensuite  à  subir  une  épidémie  de  choléra  qui,  en  1887, 
causa  de  nombreux  morts  parmi  les  travailleurs  indigènes  et 
enleva  M.  Homer,  le  chef  des  artificiers  anglais  attachés  au  dé- 
partementdes  torpilles.  Comme onavaitd'ailleurs  calculé  trop  bas 
le  prix  de  revient  de  la  main  d'œuvre  et  qu'il  fallut  faire  venir 
de  France  la  plupart  des  matériaux,  iels  que  fers,  ciments,  etc., 
les  fonds  accordés  par  le  gouvernement  chinois  (1.500.000  taéls) 
se  trouvèrent  insuffisants  et  Li  Uoung-tchang  dut  plusieurs 
fois  venir  à  l'aide  en  fournissant  de  nouveaux  fonds.  Ceci  n'em- 
pêcha pas  le  Syndicat  de  perdre  de  fortes  sommes  dans  cette 
entreprise  qu'on  avait  voulu  à  tout  piix  arracher  aux  concur- 
rents. 

(1)  Le  Syndicat  de  Vlndustrie  française  en  Chine  comprenait  encore  :  les  Etablis- 
MinenlB  Caii;  leê  Atatien  et  Chantiers  de  la  Loire;  la  Société  dee  Aciéries  de  ia 
Marine  et  des  Chemins  de  fer  ;  Marrel  frères  ;  la  Société  des  Mines  de  TAnjou  et 
des  Forges  de  Saint-Nazaire  ;  la  Société  industrielle  et  conunerciale  des  Métaux. 


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504  LES    BASES    NAVALES    EN    CHINE 

Sur  8.750.000  francs  d'affaires,  dont  6.500.000  francs  pour  la 
construction  de  Tarsenal  de  Port-Arthur,  on  perdit  4  millions 
de  francs,  soit  45  p.  100;  sans  compter  le  déficit  spécial  à 
Fagence  du  Comptoir  d'Escompte,  installée  àTien-tsin  et  entraî- 
née dans  la  faillite  de  cette  banque,  du  l**"  janvier  1886  au  mois 
de  décembre  1889. 

Les  pierres  de  la  péninsule  de  Liao-toung  n'ayant  pas  été 
jugées  d'assez  bonne  qualité,  on  avait  dû  en  aller  chercher 
jusque  sur  la  côte  opposée  du  Ghan-toung  aux  environ  de 
Tché-fou,  ce  qui,comme  bien  Ton  pense,  avait  considérablement 
augmenté  le  prix  de  revient  du  mètre  cube  de  maçonnerie. 

En  avril  1888,  une  lettre  de  Port- Arthur,  émanant  sans  doute 
d'un  Anglais  attaché  aux  travaux  et  publiée  dans  le  journal 
Broad  Arrow,  racontait  que  le  nouvel  arsenal  était  en  train  de 
devenir  une  place  de  grande  importance  :  «  Il  est  bien  protégé 
«  naturellement  et  militairement,  car  on  y  construit  de  nom- 
«  breux  forts  sur  les  montagnes  qui  le  dominent  tout  autour. 
M  Les  Chinois  ont  confié  à  des  Anglais  l'école  des  torpilleurs  où 
«  l'on  instruit  des  officiers,  des  marins  et  même  des  soldats  chi- 
«<  nois.  C'est  aussi  un  Anglais,  le  capitaine  Culver,  qui  est  maître 
M  de  port.  Sa  principale  occupation  consiste  à  diriger  le  creu- 
«  sèment  de  la  partie  occidentale  de  la  baie  au  moyen  de  dra- 
«  gués  à  vapeur.  On  a  construit  un  atelier  pour  le  montage  des 
«  torpilles  et  une  excellente  jetée,  d'après  les  plans  de  Schwartz- 
«  kopff,  pour  les  régler.  On  achève  l'érection  d'un  vaste  hangar 
«  pour  abriter  les  torpilleurs  ».  Le  travail  le  plus  important  à 
ce  moment  était  le  creusement,  déjà  assez  avancé,  d'une  grande 
cale  sèche  et  d'un  large  bassin  dans  la  partie  orientale  de  la  baie, 
sous  la  direction  de  M.  Thévenet.  L'entrée  du  port  était  aussi 
facilitée  par  un  petit  phare  d'une  portée  lumineuse  de  10  milles, 
et  défendue  par  un  projecteur  électrique.  En  janvier  1888  une 
escadrille  de  cinq  torpilleurs  attachée  à  Port-Arthur  exécutait 
des  croisières  d'instruction  sur  la  côte  opposée  du  Chan-toung. 

En  août  1890,un  correspondant  du  Temps  visitait  Port-Arthur 
et  le  décrivait  comme  une  superbe  baie  naturelle  admirablement 
protégée  contre  les  vents  et  le  feu  d'une  flotte  ennemie  par  un 
cercle  de  collines  rocheuses  et  n'ayant  sur  la  mer  qu'une  ouver- 
ture très  étroite.  Le  plan  de  l'amirauté  anglaise,  reproduit  dans 
le  Times  An  21  novembre  1893,  ne  lui  donne  en  effet  que  293  yards 


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LES   BASES   NAVALES   EN    CHINE  5()5 

de  largeur.  On  devait  achever  les  travaux  et  remettre  le  port 
aux  mains  du  gouverneur  chinois  dans  le  courant  dejuillet  1890, 
Le  bassin  qui  se  trouve  immédiatement  à  Test  de  l'entrée,  ou- 
verte au  sud  et  au  pied  de  la  colline  de  Houang-shin  de  469  pieds 
de  hauteur,  est  à  peu  près  carré.  Il  mesure  450  mètres  de  long 
sur  300  de  large.  On  y  trouve  11,80  mètres  d'eau  à  haute  mer, 
7,80  mètres  aux  basses  eaux.  Il  peut  loger  14  grands  navires. 
Dans  le  fond  on  a  établi  plusieurs  cales  de  construction,  une 
cale  de  halage,  et  des  ateliers.  Le  bassin  de  radoub,  d*aprèsle 
le  Dock  Book  de  1898,  a  410  pieds  de  longueur  totale,  72  de 
laideur  à  l'entrée  et  environ  25  de  profondeur  en  grande  marée 
ordinaire.  Il  se  trouve  dans  l'angle  nord-est  du  bassin  à  flot. 
L'entrée  a  été  approfondie  de  façon  à  présenter  une  profondeur 
d'au  moins  huit  mètres.  A  l'ouest  du  bassin  s'étend  une  vaste 
lagune  de  6  kilomètres  de  longueur  sur  4  de  largeur,  dont  la 
profondeur  moyenne  est  d'une  demi  brasse  environ,  bien  qu'on 
trouve  4  et  5  brasses  dans  la  partie  centrale.  Gomme  le  fond  est 
vaseux  il  serait  facile  de  la  draguer  de  façon  à  la  rendre  acces- 
sible pour  des  bâtiments  de  guerre  de  grande  calaison  ;  l'on 
pourrait  y  loger  toute  la  flotte  chinoise,  tant  actuelle  qu'à  prévoir 
d'ici  longtemps.  Les  quais  du  bassin  mesurent  1.800  mètres  de 
développement  et  sont  pourvus  de  grues  permettant  l'embar- 
quement rapide  de  l'artillerie.  Les  ateliers  étaient  déjà  achevés 
et  comprenaient  une  grande  et  une  petite  forge,  une  chaudron- 
nerie, des  fonderies,  et  ateliers  de  menuiserie  et  d'ajustage;  une 
machine  à  mater  se  dressait  aussi  sur  le  quai.  Des  voies  ferrées 
seront  établies   tout  autour  du  bassin.  Tout  sera  éclairé  par 
l'électricité.   Le  dépôt  des  torpilles,  la  jetée  de  règlement  et  les 
cales  de  halage  des  torpilleurs  se  trouvent,  ainsi  que  leurs  ma- 
gasins d'armement,  sur  le  rivage  sud  de  la  lagune.  D'importants 
dépôts  de  charbon  seront  constitués. 

Le  plan  anglais  de  1894  montre  que  le  port  est  défendu  par 
une  douzaine  de  forts  établis  sur  les  hauteurs  à  Test  et  à  louest 
de  l'entrée.  Le  tableau  suivant  montre  leur  altitude  et  leur  ar- 
mement en  novembre  1894,  juste  au  moment  où  ils  allaient  être 
attaqués  par  la  flotte  japonaise.  Les  forts  principaux  ont  été 
construits  pour  le  compte  des  Chinois  par  le  major  allemand 
von  Hanneken. 


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!>06  LKI.  BASES   NAVALES   EK    CHINE 

A  Vest  de  Venirée  t 

Forts.  Armement. 

N*  fj  altitade  :  412  pieds*.  •    2  câoons  Knipp  de  15  centifluètrefi. 

\^  »  ai         » 

»  2,  »  856      "••••Il  j  -y 

'  /  1  »  17  » 

»  3  (Lao-mott-chon)  :  S4     *    ••••1  «  I  45  l 

)}  4,  altitude  :             469     >»....     2               »                  2  » 

(3                »                 24  » 

'                                                    c  3                »                 12  » 
»  6y         >»                    »       »    .«..    6  mortiers  de  &  pouces. 

A  Vouett  de  Ventrée  : 

Ports.  Anneneut. 

N<»    7  (sur  la  pointe  ouest  de  rentrée 

.dite  :  Queue  du  Tigre) ...  2  canons  Enipp  de  21  centimètres. 

»    8,  altitude  :  113  pieds...  2  »  2f  » 

î)    9,  4  »  21  » 

.A  ^  2  »  24  » 

»  10,   }   ,  .» 

(  4  »  15  » 

»  11,  Inconnu. 

»  12,  » 2  canons  Kmpp  de  1 3  >» 

Entre  les  forts  1  et  3,  6  et  7,  8  et  9,  9  erl  10  se  trourent  aussi 
des  batteries  dont  les  fortifications  s'étendent  sur  me  loagnewr 
de3  i/2  milles  sur  la  côte,  dont  Tarmemeat  n'est  pas  donné.  Ea 
arrière  et  à  Test  du  bassin  étalent  établies  ks  casernes,  et  cam- 
pements des  troupes,  aifnsi  que  quelfiies  traTsux  en  terre  rapi- 
dement construits  au  moment  de  k  déclaration  de  gmcne 
1"^  août  4894.  Des  murs,  des  chemins  courerts  et  destarancbées 
reliaient  entre  elles  les  batteries  de  la  c6te  et  les  autres  ouvrages 
de  la  défense.  Ne  prévoyant  pas  une  attaque  paor  la  e6te  nord  de 
la  péninsote  00  par  terre,  on  avait  négligé  de  défendre  le  port 
de  ce  côté  et  de  construire  des  forts  d'arrêt  sur  Tisthme  étroit 
qui  se  trouve  pntre  Ta-lien-oudn  et  Ki»-tchémAj  à  16  milles  1/2 
au  nord-est  de  Port-Arthur.  Le  major  von  Hannéken  avait  seules- 
construit  dans  la  baie  de  Ta*UenHMiaa,  pour  y  empêcher  ui» 
débarquement,  six  forte  et  des  batteries  armés  de  8  caifeoas  de 
24  centimètres,  4  de  22,  6  de  15  et  2  de  12  centimètres. 

Le  17  septembre  1894,  la  flotte  chimÂse  était  battue  par  faa 
flotte  japonaise,  non  loin  de  Tembouchure  du  Yalou.  Lesdeiix 
ou  trois  navires  qui  purent  s'échapper  se  réfugièrent  à  Port* 


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LS9  KASCi  HAVALfiS  BS   CSOIK  507 

Arthiir,  «ù  roa  se  mh  anni  rapidemcsk  que  jpowibkreft  état  àê 
<léfeaw  et  où  l'on  coDceflafara «uTOan  l(>.oè&  hiiMMin 

Les  JftpoEMâs^  porfaiteneci^  au  coamit  éc  ki  aitafttkia»^  débw» 
^p^m*  leur»  troiip«9  énu»  les  baws  ée  l»>lim  €hm«s.  »'eBp»* 
remit  ée  la  TÎUe  de  Km'^iiéofB  pres^pie  sans  résistaotte,  pua» 
investirent  Pori-Artlnir  pm  tetre^en  même  tenpe  i^n'iki  le  Ue»^ 
qnaéent  pifr  n^r.  Le  21^2  noTenJbv»  ib  étaient  mMima  de  la 
position^  qu'il»  gardèrent  de  pnr  le  tnHêèê  pnx  de  âimenoseki 
JQsqv'no  memenit  oèi  la  France,  alliée  il  l'AUem^ne  et  ài  la, 
Rnsme  Jes  obligea  de  restrtnev  ee  port  à  laChmev  Ayant  dis  pai^ 
tir  ils  enlevèrent  tontes  les  paèeea  <fe  raFmenwnk  et  détnn^ben* 
toat  ee  qn'ile  ne  purent  emporter» 

Apeè»  la  prieet  de  Kiao4ebée«  par  le»  i^bemands  le  17  ne^ 
Tembre  18&7^  les  Rnsses  se  firent  céder  à  bedl  hi  pcôntesuè  éa 
la  p^unenle  dn  Liao-touoigr  avec  Par(>-Artinr  ekTa^Uenhenani 
Befuis  kngtempa  ils  cooToèfaient  la  posaessBon  d'un  peet  libra 
de  glaces^ snr  lenedteS'de  Corée  ott  deCbine,  ei^  dès  1^6,  la  Sn^ 
mense  eomnentioa  Cassini,  conclue  seerètement  avee  ist  gonTen^ 
nement  cèrinoss^  leur  avait  assurérosi^  de  maotebéon  eemaan 
station  iwfale  pour  kanr  âiotte  du  Pacifiée.  Port-Avtbnr,  é^ 
ponrm  d'un  baaeÎD  et  d'me  cale  de  radonb  aime  sesatettevat  èr 
réparatma  ebwê^^fort^y  était  înfininent  peéférable^sQFtant  clepoê» 
fs'il»  avaient  eMenn  raatonaaëon  de  £ake  paaser  en  Mand^ 
cboarve  Fwtiénrillé  wienlaitt^  «hx  diemm  àe  iet  taanabteîen. 
Il  était  fcMnle  en  effet  de  relier  eeliiir<;i  parnne  veâe  fenrée  ai»e« 
Port-Aplbnrvi4  Monkden  et  Tob  était  abacdanneiit  nnildre  dte 
tonte  la  provineedeSbii^^ng  ainsi  qne  dn  LiacHtonnff.  Péknagf 
tonbait  dn  eenp  dans  In  «me  d'iitflnenae  maee  et  Fonr  powvaâk 
yinvestîrenqnalqnfesjocBrsy  ailerbeson  »'efltiaâanîiaeaÉbr^tcwi 
en  lennaart  Fapj^ocbe  de  Tienhf  sîn.  aux  flatteafos  ansaâent  pna  sa 
perte»  an  seconrs  do  gunn  evaenienfe  cfaânoi»  anac  ahoia^ 

Les  Raeses  s'étaUireiife  b  ParVArtbnr  et  à  'Ea-lieoHHHia  le 
37  wmw^  180»  (1).  L'amiral  Dubasoff  afacenpn  anasitô*  ée  k 
mettre  en  état  €ke  défense  eootre^taate  aitefne.  Les  vapema^éa 
In  iletle  raaaey  apporlèannk  ccNifitamnient  de»  troupes^  dwinn- 
tériel  d'armement  etdncfaariMn,  pour  lenj^neeir  toni  car  qpan 
tes  Japonais  afn«Eteidevé  ont  déiiuit.Eb}nKnl86&  en.  y  avnib 

(1)  Ils  hissèsent  le  pavillon  chinois  à  côté  du  pavillon  russe  jusqu'au  7  août;  à 
celle  dstr  i\9  amenèrent  I^  cliiifeisc 


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508  LES    BASES   NAVALES   EN    CHINE 

déjà  reçu  250  pièces  de  montagne,  3  canons  de  ('»  à  7  pouces  et 
environ  50  grosses  pièces  de  forteresse.  On  y  construisit  des  ba- 
raquements pour  la  garnison,  on  releva  les  ouvrages  de  défense, 
qu*on  compléta  par  de  nouveaux  forts  ou  de  nouvelles  batteries 
où  Ton  comptait  250  pièces.  Bref,  on  se  mit  en  mesure  de  trans- 
formée la  place  en  un  véritable  Gibraltar  du  Pé-tché-li. 

Le  port,  qu'on  avait  d'abord  déclaré  port  franc,  ouvert  à  tous, 
pour  ne  pas  effrayer  les  voisins,  devint  peu  à  peu  un  véritable 
port  de  guerre  russe  et,  malgré  les  termes  du  contrat,  les  navires 
de  la  flotte  chinoise  s'en  virent  refuser  Taccès  tant  qu'ils  ne  se- 
raient pas  commandés  par  un  officier  de  la  marine  russe. 

On  racheta  aux  Chinois  leurs  misérables  maisons,  puis  on 
expulsa  plus  ou  moins  rudement  tous  ceux  qui  n'acceptèrent 
point  de  devenir  sujets  russes,  au  grand  scandale  des  Anglais 
qui  avaient  pourtant  montré  à  Aden  et  ailleurs  l'exemple  de 
ces  procédés.  Il  est  vrai  que  les  Russes  avaient  poliment  prié 
ceux-ci  de  n'entrer  dans  le  port  qu'avec  un  passe-port  en  règle 
ou  l'autorisation  de  l'amirauté  russe.  C'est  qu'ils  entendent  être 
maîtres  chez  eux  et  il  est  probable  qu'ils  ont  la  ferme  intention 
de  ne  jamais  rendre  la  place  aux  Chinois.  La  convention  leur 
en  assure  la  jouissance  à  titre  de  bail  emphythéotique  pour  une 
période  de  vingt-cinq  ans,  mais  une  clause  spéciale  permet  de 
la  prolonger  d'une  façon  indéfinie  par  consentement  mutuel 
des  parties  contractantes  !  La  proclamation  affichée  par  l'amiral 
Dubasoff,  commandant  en  chef  à  Port-Arthur,  le  25  avril  1898, 
établit  que  le  terrain  concédé  s'étend  depuis  la  pointe  sud  de  la 
péninsule  jusqu'à  une  ligne  tirée  entre  Po-lan-iieii  et  Pi-isu- 
wo  par  39*^25'  de  latitude  nord.  La  juridiction  dans  ces  limites 
est  exclusivement  réservée  aux  Russes;  cependant  les  cas  de  peu 
d'importance  seront  laissés,  si  cela  leur  convient,  aux  mandarins 
chinois.  La  concession,  qui  est  de  800  milles  carrés,  comprend  la 
ville  de  Kin-tchéou  et  tous  les  ports  et  baies  au  sud  de  la  ligne 
indiquée.  La  partie  sud  de  la  baie  de  Ta-lien-ouan,  de  même 
que  Port-Arthur,  formeront  une  base  navale  exclusive  fermée 
aux  navires  de  commerce.  Sitôt  installés,  les  Russes  prirent 
possession  du  beau  phare  de  première  classe  élevé,  par  le  service 
des  douanes  chinoises,àZ.ao-//M-5Aan,  sur  l'extrémité  du  sud  de 
la  péninsule,  et  ils  y  remplacèrent  les  gardiens  anglais  et  chinois 
par  des  marins  russes.  Ils  décrétèrent  encore  que  le  nom  du 


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LES   BASES   NAVALES   EN    CHINE  509 

port  serait  en  chinois  Ni-ko-laoïian  (1)  ou  Baie  Nicolas,  en 
rhonneur  du  Tsar.  Le  10  novembre  1898,  les  Russes  avaient 
d^yà  26.000  soldats  dans  leur  nouvelle  concession  et  sur  le  che- 
min de  fer  entre  ce  point  et  Niéou-tchouang.  Les  dernières 
nouvelles,  en  date  du  21  février  1899,  nous  apprennent  que  les 
Chinois,  supportant  mal  les  tracasseries  de  leurs  nouveaux  maî- 
tres, se  sont  révoltés  et  qu'une  centaine  ont  été  tués  par  les 
Russes  à  Ta-lien-ouan. 


V.  —  Weï-haï-weï. 

'  Pour  mieux  défendre  Tentrée  du  golfe  du  Pé-tché-li,  les  Chi- 
nois avaient,  sur  le  conseil  des  Allemands  employés  à  la  fortifi- 
cation de  Port-Arthur,  décidé  en  1889  de  créer  sur  la  côte  nord 
du  Chan-toung  une  autre  base  navale.  Ils  avaient  choisi  à  cet 
effet  la  baie  de  Weï-haï-weï  (2),  à  37  milles  à  Test  du  port  ou- 
vert de  Tché-fou,  dont  le  mouillage  n'est  pas  assez  abrité  et  trop 
difficile  à  défendre.  La  baie  de  Weï-haï-weï,  ainsi  appelée  du 
nom  d'une  petite  ville  murée  située  au  fond,  s'ouvre  de  l'est  à 
Touest  dans  le  petit  promontoire  du  cap  Cod,  qui  la  protège  des 
vents  du  nord  et  du  sud  par  l'ouest,  tandis  qu'un  archipel  de 
cinq  petites  îles  brise  les  grosses  mers  soulevées  par  les  vents 
venant  du  nord  au  sud  par  l'est.  Le  mouillage  est  donc  fort  bien 
abrité  contre  tous  les  vents  surtout  dans  la  partie  orientale  do- 
minée par  les  collines  des  deux  maîtresses  îlesdeLiéou-koung- 
tao  (3)  et  de  sa  voisine  Shouang-tao.  On  y  trouve  de  8  à  9  bras- 
ses d'eau,  près  de  l'entrée  et  à  l'intérieur  3  1/2  dans  toute  la 
rade.  La  mer  y  marne  de  9' pieds;  il  a  18  milles  de  tour. 

Une  petite  île,  dite  Channel-hland,  ou  île  du  Chenal,  partage 
en  deux  la  passe  est,  large  de  2  milles,  et  le  fort  que  l'on  y 
construit  croise  ses  feux  avec  ceux  de  l'île  Liéou-koung  et  avec 
trois  forts  construits  en  face  sur  la  terre  ferme.  Quant  à  l'entrée 
ouest,  la  plus  étroite,  à  peine  un  mille  de  large,  elle  est  défendue 
pardeuxforts  du  côté  de  la  terre,  un  sur  l'île  Observatoire  et  le  fort 
ouest  de  Liéo-Koung.  En  1895,  à  la  veille  de  la  guerre  avec  le 

(1)  Ouan  ou  wan  :  Baie  en  chinois. 

(2)  Weï'hdi-wéi  signifie  «  Dépôt  des  transports  terrifiant  la  mer  ». 

(3)  Tao  :  île. 


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510  LES  BibSB»  %MyfÂLmt  lEI  oinii 

Japo»,  temS'  les  ouvrages  de  ee  pnrt,  an  no»hrc  de  onze,  anFaiseBt 
été  ttcheTéë  et  aannés  de  gros  eaneas  Krupp  de  15  à  âfteemki- 
mètrev,  par  k»  smwdQ  najor  alkmasad  ¥0S  ikaiMkt*.  Afin  de 
compléter  la  fermetvre  de  la  rade  os  avait  jonk  File  Ofamnra- 
toire  kla  gravde  tte  fmr  une  beHe  digiie  en  granit  et  Voo  a^t 
cemmeaeèy  en  18@8v  «me*  a^re  j«*ée  s'aTiiçaa*  de  fai  pMJsrte  est 
de  Liéso-KouB^  vers  File  dar  ClMsalr  }Qs«pi'oè  on  capërait  les 
pousser,  malgré  la  distance  de  1  mille  qu*ii  ialbdt  firam^ârsiir 
des  fonds  de  6  à  7  brasses.  Un  beau  wharf  en  fer,  permettant 
Taccostage  aux  grands  cuirassés,  avait  été  construit  sur  la  côte 
sud  de  Liéou-Koung  où  se  trouvait  également  une  bonne  jetée 
de  débarquement  pour  les  embarcations,  une  école  navale,  un 
cfcamp  de  iiwcrovre>  povr  les  élf «ipages  ctlagaitiiiiw  L'apffo- 
d^e  par  terre  est  dMéndae'  par  une  diatee  de  sontagneu  dwailea- 
soomicts  atfteigseivl  1.6O0  piedsw  La  rcmte  icAîaflifc  1»  viUag»  et 
Welnhal-wel  à  Teké-fontraTerseceMe  cktàsÊt  parvDefnsaafiieile 
k  défendre.  Une  aatre  route  cuotowne  kb  baie  par  la  aad  se 
rendanit  aa  eap  ClM»4GP«Bg.  Uae  hgmt  télégraphifa&  rail  eas 
deuic  rovtes  H  met  te  port  en  relation  airec  test  te  léaeaff  efat* 
nofs. 

L'tte  principale  (LréourKoang^Tao)  mesure  deum  malles  cmsi- 
ron  de  longueur  fiRDrmmilIedelargear.  Eihe  sfétenAde  Tcat  à 
Fonest.  Sa  côte  nord  est  fomée  perde  hautes  fakdsea  à  pic,  an 
pied  desquelles  la  met  Wiee  a¥e€  violeaee,.  ¥a  tapaeéindi—  de 
l'eau.  Un  déj^r^fneneiit  y  est  absdaonent  intpoMMe.  L^tte^ 
ayant  510-piedsde  lianlenren  sen  mtlîea,  panttigelMn  W  naanil 
tage  contre  ht  ftifenr  des  vente.  Un  nrar de  diianse  en  cawrenae 
la  crête- d'me  esfrémitéè  Faaire.  La  pente  nalarelite  dia  iêamm 
est  dirigée  vers  le  sud  ah  Ton  tioiive  vne  beile  pia^e  de  saàle- 
fin  et  dur.  Au  moment  de  ronnBerture  deà  tranraan  es  lâfti  la 
popvlatîen  de  Wei-haMreîl  ne  eamptait  foe  400  àaaes.  Elle^ 
est  de  4.009  en  {809.  Ea  iSOB*  elle  étatt  de  i.âOO  peraMnn, 
sans  compter  les  setdata  t#  matelets.  de  la  gafiÉaaaK,  cl  de  nier* 
virée  de  Teseadre  dv  niird.  Dès  1883  le  lientenanL  BearclMt, 
de*  la  marine  anglaise,  avatt  indiiiué  aa  gMBwmtmeat  dùneâ»» 
rimportanee  qir'îl  y  aurait  1  créer  là  «ne  icatt  de  fBnninâarn> 
ce  qui  fut  fait  en  1885,  mais  avec  des  instructeurs  allemands  (1). 


(1}  Cette  école  powédbi»  u»  amniffr  wmrmi  et  4a>  piod»  ée  iMe  anr  3&i  4e 
large,  ayant  &  son  extrémité  une  batterie  de  canons  Armstrong  et  V 


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LES   BÂftES  MàVAUSS   £M   GHlffiSI  511 

Pendant  la  gBerre  avec  la  Fnmee^  en  18ft4,  on  abendoima  les 
travaux,  les  forts  destinés  à  la  défense  n'étant  paseneove  cons- 
truits. On  tfansporta  une  partie  de»  madiines  de  Tatelier  de 
réparatioa  à  Port-Ârtbur  et  le  reste  Int  enfooi  dans  Pile.  A  la 
signature  de  la  paix  on  rétablit  Tatelier  et  on  reprit  les  traraux. 

Âm  moment  de  la  déclaratiim  de  gaerre  aTecleiapcm,  il  y  avait 
40  ouvriers  instruits  à  Vetiropéenne,  200  hoBiiiies  à  réeole 
d'artillerie,  un  ekas^p*  d'exereice  4e  300  yards  de  longueur  sur 
100  de  largeur,  des  Imttes  et  cible»  poiiv  le  tir.  Les  offieiers 
instrueteurs  et  les  ekefe  ouvriers  anglais  et  aUeuands  se  refo* 
gièrent  à  Tehé-fou,  seul  le  major  allemmul  Scbnell  resta  avee 
ses  troupes. 

Il  y  avait  aussi  8«ir  Liéow-Koung-Tao  une  école  navale  ouverte 
en  1800  avec  46élèvesrGJM)Éais  au  moyen  d 'un  eoneeors  d'exames. 
Après  un  stage  d'essai  de  trois  mois  on  n'en  avait  gardé  que  30 
qui  furent  versés  dan»  le  service  naval.  Le  directevr  était 
chinois  maie  il  était  assisté  d'an  dîrtctewr  et  de  professeurs 
étraufpess'.  La  durée  deaétiides  était  fixée  à  cpatre  années,  à  la 
ftn  desquelles  les  élèves  devaient  passer  ma.  examen  de  sottie  ana- 
logue à  eelni  subi  p*r  les  cadets  à  l'école  de  Ckreenwich.  A  cette 
école  étaient  joints  un  gymnase  ainsi  qne  des  laboratoires  de 
physique  et  de  chimie,  un  observataîve  pour  le  réglage  des 
chronomètres. 

Un  hôpital  maritime  était  garni  de  lits  pe«r  120  malades. 
Des*  chambres  spéciales  permettaieBit  d'y  soigner  20  officiers. 
Deux  médecins  chineîs^  instraits  à  l'enrepéentte  à  recelé  de 
Hhédeeine  du  IV Mackensue,  de  Tien-tsin,  enétakst  chargés^  ain« 
qià'an.  médecin  traitui  à  Isa  chinoise  le&  malades  qui  le  préfé- 
raient. 

Deux  phares  situés,  l'un  vers  la  pointe  de  Tchao-pétrtsni^  à 
r^ktrée  est.  Vautre  sur  Tile  Observatoire,  dans  la  passe  ouest^ 
facilitaient  l'entrée  du  port.  La  portée  d»  premier  était  de 
15  milles,  celle  du  second,  simple  fende  piort,  de&  milles  seuks 
ment.  Us  étaient  munis  d'apporeîfe  cbi^triques  françaij»  de 
Bartner  et  Fenestre  et  furent  allumés  pour  la  première  fois 

dfvant  des  saborda  coianie  k  bord  des  cvirasséâ.  Ue  1886  à  1888  elle  avait  fourni 
T60  artnicnri  pour  le  service  de  Fa  flotte  et  150  lieutenants,  enseignes  et  instruc- 
tmcs  j  avaient  refvlBEarabrtvctSv 


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512  LES   BASES   NAVALES   EN    CHINE 

en  1891.  Un  mât  de  signaux  s'élevant  sur  Liéou-Koung-Tao  com- 
plétait l'organisation  du  port. 

Les  travaux  de  défense  avaient  été  commencés  en  1889  et 
poussés  avec  rapidité.  Les  gros  canons  des  forts  de  Tîle  centrale 
étaient  montés  sur  affûts  à  éclipse  du  dernier  modèle.  Des 
routes  militaires  et  des  tranchées  reliaient  les  forts  sur  la  terre 
ferme.  Un  réseau  télégraphique  et  téléphonique  facilitait  encore 
les  communications.  En  somme,  la  situation  était  très  capable 
de  supporter  avec  succès  un  siège  de  longue  durée.  L'amiral 
Ting  s'y  réfugia  avec  2  cuirassés,  2  croiseurs,  des  canonnières, 
avisos  et  torpilleurs,  après  la  défaite  du  Yalou  et  la  prise  de  Port- 
Arthur.  Il  ferma  les  passes  avec  deschaines  et  résolut  de  vendre 
chèrement  sa  vie.  11  fut  malheureusement  mal  secondé  par  ses 
lieutenants  et  par  la  garnison  et  il  se  suicida  lorsque  les  Japonais 
ayant  forcé  la  passe  de  nuit  et  détruit  les  forts  de  Tchao-pei-tsùi, 
torpillèrent  ses  navires  et  prirent  possession  de  Tarsenal  et  du 
port  du  30  janvier  au  7  février  1895.  Les  troupes  chinoises  qui 
comptaient  environ  4.500  soldats  en  laissèrent  plus  de  2.000  tués 
sur  le  champ  de  bataille  et  4  de  leurs  grands  navires  furent 
coulés,  le  reste  pris.  Par  contre  les  Japonais  ne  perdirent  que 
400  hommes  dont  le  général  Odera  et  aucun  navire  de  haut 
bord,  seulement 2  torpilleurs. 

Furieux  de  s'être  laissés  devancer  par  les  Russes  à  Port- 
Arthur  et  honteux  de  leur  en  avoir,  pour  ainsi  dire,  suggéré 
l'occupation  en  demandant  l'ouverture  de  la  base  de  Ta-lien- 
ouan  au  commerce  (pour  empêcher  les  Russes  de  s'y  établir), 
les  Anglais^  voyant  leur  influence  encore  menacée  dans  le  nord 
de  la  Chine  par  la  prise  de  possessions  des  Allemands  à  Kiao- 
tchéou,  sur  la  côte  sud  du  Chan-toung  (le  17  novembre  1897), 
résolurent  de  s'assurer  du  second  battant  de  la  porte  du  Pé-tché-U 
en  obtenant  une  base  navale  en  face  du  Port-Arthur.  Se  rap- 
pelant que  l'établissement  naval  de  Weï-haï-weï  était  dû  à  leurs 
conseils,  ils  s'entendirent  avec  les  Chinois,  de  façon  à  en  obtenir 
la  concession  à  bail  sitôt  que  les  Japonais  Févacueraient,  après 
avoir  touché  le  reliquat  de  l'indemnité  de  guerre  extorquée  au 
Céleste  Empire.  Us  comptaient  aussi  opposer  forteresse  à 
forteresse,  neutraliser  Port-Arthur  par  Weï-haï-weï,  suivant  la 
formule  du  duc  de  Wellington  qui  prétendait  que  les  fortifica- 


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LES    BASES    NAVALES    EN    CHINE  513 

tions  d'Aurigny  would  castrate  Cherbourg^  ou,  tout  au  moins, 
rendre  un  service  aux  autres  puissances  intéressées  dans  l'Ex- 
trême-Orient en  empêchant  le  golfe  du  Pé-tché-li  de  devenir  un 
lac  russe. 

Au  besoin  ils  auraient  payé  eux-mêmes  aux  Japonais  le  der- 
nier versement  de  l'indemnité  de  guerre  pour  obtenir  d'eux 
qu'ils  abandonnassent  au  plus  vite  Wei-haï-weï.  Aussi  ne  fut-on 
pas  surpris  d'apprendre  par  un  télégramme  en  date  de  Pékin  du 
V^  juillet  1898  que  Sir  Claude  Mac-Donald  avait  signé  ce  jour-là 
avec  le  prince  Tching  une  convention  accordant  à  l'Angleterre 
la  concession  à  bail  de  toute  les  îles  et  eaux  de  la  baie  de  Weï- 
haï-weï,  ainsi  qu'une  étendue  de  terrain  de  10  milles  de  profon- 
deur tout  autour,  plus  une  zone  neutre  de  12  milles.  La  conces- 
sion est  valable  pour  la  même  durée  que  celle  de  Port-Arthur 
aux  Russes.  L'Angleterre  a,  de  plus,  le  droit  de  construire  toutes 
les  fortifications  qu'elle  jugera  nécessaires,  de  placer  des  troupes 
ou  prendre  des  mesures  de  défense  sur  les  côtes  de  la  pénin- 
sule du  Ghan-toung  ou  dans  leur  voisinage,  et  ce  dans  toute  la 
région  à  Test  d'une  ligne  passant  par  126**  40'  de  longitude 
orientale  de  Greenwich,  ce  qui  met  en  somme  la  partie  pénin- 
sulaire du  Ghan-toung  dans  ses  mains.  Dans  toute  l'étendue  du 
territoire  concédé,  l'Angleterre  a  droit  de  juridiction,  mais  la 
Ghine  garde  celle  de  la  ville  même  de  Weï-haï-weï  et  le  droit 
de  se  servir  de  la  baie  pour  ses  navires  de  guerre  ou  de  com- 
merce (1). 

On  n'avait  pas  attendu  la  signature  de  la  convention  pour 
occuper  la  place.  Evacuée  le  18  mai  par  les  Japonais,  Weï-haï- 
weï  recevait  le  30,  une  petite  garnison  de  150  soldats  de  marine 
anglaise,  répartis  par  moitié  sur  la  terre  ferme,  et  sur  l'île 
Liéou-Koung.  Trait  caractéristique,  on  établit  aussitôt  un 
champ  de  récréation  pour  jouer  au  cricket. 

La  population  de  la  zone  anglaise  est  de  350.000  âmes,  d'après 
le  dernier  recensement  chinois.  Les  habitants  du  Ghan-toung 
oriental  sont  surtout  des  pêcheurs  hardis  et  courageux  et  des 
cultivateurs  d'une  solide  constitution;  aussi,  feront-ils  d'excel- 
lents soldats. 

Nos  voisins  se  sont  aussitôt  installés,  préoccupés  d'organiser 

(1)  Times,  2  juillet  1898  et  17  août  1898. 


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514  L»   BA8BB   NATALES   EK   CHINE 

la  défense  de  leur  nouvelle  base  navale,  et  ils  ont  envoyé  à  Wé!- 
haï-werï,  les  cadres  da  premier  régiment  chinois  qui  sera  de 
1.000  hommes  (1). 

Les  Japonais  ont  fait  sauter  les  forts,  enlevé  toutes  les  pièces, 
ou  brisé  à  la  dynamite  les  gros  canons  trop  difficiles  à  trans- 
porter, anssi,  faudra-t-il  dépenser  de  fortes  sommes,  pour 
rem^tre  le  toutou  état,  et  cette  nouvelle  base  navale  menace 
de  devenir  une  lourde  charge  poar  le  gouvernement  anglais. 

En  attendant  le  rétablissement  des  fortifications,  les  marins 
des  navires  de  guerre  angtais,  ont  déjà  éievé  sur  Tîle  Liéou- 
Koung,  une  excellente  jetée  de  débarquement.  On  s'occupe  éga- 
lement de  la  construction  d'une  digne  à  travers  l'entrée  orien- 
tale, et  du  dragage  de  la  baie^  de  façon  à  en  augmenter  la  pro- 
fondeur^ jusqu'à  ce  qu'elle  puisse  tenir  toute  une  flotte  de 
gros  navires. 

Aux  dernières  nouvelles  (fin  février),  cette  drague  venant 
d'Angleterre,  avait  déjà  atteint  Hong-Kong.  Elle  doit  être 
rendue  maintenant  à  destination  (2).  lia  été  aussi  question  à  la 
Chambre  anglaise  (13  février  dernier),  d'établir  une  commu- 
nication tél%raphiqne^  directe  par  câble  anglais,  entre  We¥- 
haï-weï  et  Hong-Kong,  de  façon  à  être  comptètênent  indépen- 
dant des  lignes  terrestres,  qui  sont  entre  les  mains  du  gouver- 
nement chinois,  et  sont  d'ailleurs  souvent  interrompues.  En 
attendant,  on  a  déjà  immer^  un  petit  câble  qui  met  Tile  de 
Liéou-Koung  en  communication  télégraphique  avec  le  réseau 
chinois  de  la  c6te  nord  du  Chan-toung.  En  prenant  {Possession 
de  la  place,  les  Anglais  ont  hissé  leur  pavillon  à  côté  de  celui 
des  Chinois,  comme  avaient  fait  les  Russes  à  Port-Arthur. 

En  octobre  dernier,  le  colonel  0.  F.  Lewis  y  fut  envoyé  par 
le  département  de  la  guerre,  pour  en  étudier  la  défense.  Il 

(1)  Ces  officiers  partis  de  Londres,  le  1«'  Janvier  1899«  sont  :  1  major,  2  capi- 
taines, 2  lieutenants  et  6  sous-offlciers,  qni  seront  sous  les  ordres  du  colonel 
Bower,  actuellenteat  sur  plftce. 

On  a  prévu  pour  1899  à  Weï-haï-weï,  la  garnison  suivante  :  Artillerie  de  tous 
rangs  128  hommes  ;  Génie  :  5  officiers  et  48  hommes  ;  Infanterie,  deux  huitièmes 
d'on  battilkm,  seit  233  hommes  de  tout  rang;  Corps  colonial  :  Infanterie,  G9S  de 
tout  rang.  Corps  départemental  :  1  officier  et  3  hommes  du  corps  médical,  im  4e 
VArmy  Ordnance  Corps  et  un  de  VArmy  Pay  Corps.  Total  de  tous  rangs  1.112. 
On  a  prévu  un  budget  de  £  100  pour  un  Secrétaire  dessinateur;  de  £  115  pour  un 
Surveillant  militaire  des  travaux  et  enfin  £  10  pour  Frais  de  poste  et  divers 
[London  and  China  Télégraphe  6  mars  1899). 

(2)  1*'  Juin.  Elle  est  arrivée  et  a  déjà  creusé  une  partie  du  port« 


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LBfi  SA8CS  K AVALES  MM  CIHKX  515 

déolara  if  a'eiie  était  pefisilile,  iiuuifi  arec  de  çcasd»  dépaA&efi. 
fia  tout  ^oêl^  otkÊL  en  Tulail;  la  peine,  oar  la  rade  «st  beaueocqp 
fins  lar^e  ^œ  «ceUe  de  PortnArtlMir.  C'est,  dit*U,  le  meîUettr 
mouilia^e  au  novd  d'Hoof^Koog.  La  photograpJuie  -qu'il  en 
prit,  y  iiioiitpaii  2  ^ntnds  cairaBséa,  deux  croifieuns  et  5  autdres 
Mtrâwfi  de  faeme  aaçlaîs,  kifisant  de  la  |»laee  pour  uae  flotte 
beaucoup  pèns  oonsidéraUe.  Mais  il  faudra  yconatruire  un^bad- 
mn  dé  radoub. 

M.  KlAO-TCHÉOC. 

Nous  avons  déjà  raconté  ailleurs,  Thistoire  de  la  prise  de  pos- 
session par  les  Allemands  de  la  baie  de  Kiao-tchéou,  sur  la  côte 
sud  du  Chan-toung,  et  décrit  cette  nouvelle  base  navale  avec 
sa  zone  d'influence.  Nous  n'allongerons  donc  pas  inutilement 
cette  étude,  en  répétant  ici  ce  que  nous  avons  déjà  dit  (1).  Nous 
nous  contenterons  de  dire  qne  Timportanoe  de  Kiao-tchéou  est 
discutable  comme  base  navale,  la  baie  n'a  qu'une  très  faible 
profondeur,  et  le  mouillage  y  est  mal  protégé  des  vents  et  des 
grosses  mers,  soit  qu'on  jette  l'anere  à  droite  ou  à  gariK^e  de 
l'entrée.  Les  Russes  auxquels  la  convention  secrète,  dite  conven- 
tion Cassini,  en  Bvait  assuré  Tusage,  lui  préférèrent  avec  raison, 
l'arsenal  tout  construit  de  Port-Arthur,  le  seul  de  la  Chiné  du 
nord  possédant  une  cale  de  radoub.  Pour  utiliser  leur  concefr- 
sion,  les  Allemands  devront  construire  tout  un  système  de 
quais,  jetées  et  brise  lames,  dont  on  estime  le  coût  à  2S  millions 
de  francs,  sans  parler  d'un  bassin  de  radoub,  s'ils  veulent  être 
indépendants  des  Anglais  ei  des  Russes,  à  Hong-Kong  €*  Port- 
Arthur.  Ils  ont  déjà  fait  de  grands  projets  de  chemins  de  fer  des- 
tinés à  amener  à  Kiao-tchéou  les  houilles  et  les  produits  de  la 
province  du  Chan-toung.  Il  leur  faudra  trouver  pour  cela,  des 
capitaux  considérables,  puis  construire  des  forts,  dont  l'arme- 
ment sera  une  nouvelle  cause  de  dépenses.  En  somme,  toBft  est 
à  faire,  et  Ton  doute  fortement  qu'ils  arrivent  à  détourner  le 
courant  commercial  du  port  de  Tché-fou,  surtout  maintenant, 
que  les  Anglais  se  sont  établis  à  côté,  à  Weï-haï-weî.  Ils  n'ont 

(1)  Voir  daiM  le  Cotv^e^pêndant  du  10  et  25  mai  1896  :  Ijbs  Allemands  en  Chine, 
et  dans  la  Revue  française  du  !•''  avril  et  l»'  mai  1898  :  Kiao-tchéou  et  La  pro- 
vince du  'Chan-tmmg, 


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516  LES   BASES   NAVALES   EN   CHINE 

encore  réussi  qu'à  importer  leurs  méthodes  de  prussification  et 
de  militarisme  à  outrance,  qui  sont  juste  l'opposé  du  système 
anglais,  si  favorable  au  développement  des  jeunes  colonies. 
Leurs  tracasseries  administratives  éloignent  colons  et  commer- 
çants, bien  qu'ils  aient  annoncé  officiellement  que  Kiao-tchéou 
serait  port  franc.  Seuls,  quelques  navires  du  Nord-deutscher 
Lloyd,  subventionnés  par  l'Etat,  y  ont  fait  escale  pour  y  trans- 
porter la  poste,  des  militaires  et  des  munitions.  Les  Chinois 
molestés  ont  déjà  montré  des  signes  de  rébellion,  et  ont  assas 
sine  un  soldat  allemand.  Si  on  les  pressure  par  trop,  ils  quitte- 
ront le  pays,  et  l'on  y  manquera  de  main  d'œuvre  pour  les  tra- 
vaux à  entreprendre. 

Vil.   —   KOUANG-TCIIÉOU-OUAN. 

Depuis  1896  la  France  cherchait  elle  aussi  une  station 
navale  sur  les  côtes  de  Chine  et  notre  flotte  avait,  cette  année  là 
même,  visité  à  dessein  la  baie  de  Kiao-tchéou  qui  ne  parut  pas 
favorablement  disposée.  L'opinion  publique  surexcitée  par  les 
prises  de  possession  successives  des  Russes,  des  Allemands  et 
des  Anglais,  força  nos  gouvernants  à  demander  aussi  une  base 
navale  quelques  part  sur  les  côtes  chinoises.  Un  explora- 
teur bien  connu,  M.  ClaudiusMadroUe,  fut  consulté.  11  conseilla 
avant  tout  de  prendre  l'île  qu'il  avait  explorée  Haï-nan,  puis 
comme  on  lui  objectait  qu'elle  ne  possédait  pas  de  port,  on  pré- 
tend qu'il  dit  :  «  Alors  prenez  n'importe  quoi,  mais  prenez  vite  ». 
Il  ne  pouvait  malheureusement  plus  être  question  des  Pesca- 
dores  conquises  par  l'Amiral  Courbet  et  qui  auraient  formé  pour 
nous  une  excellente  base  navale,  si  notre  gouvernement,  crai- 
gnant sans  doute  de  déplaire  à  l'Angleterre,  n'avait  eu  la  faiblesse 
de  les  rendre  à  la  Chine  au  grand  chagrin  de  toute  la  marine 
française.  On  sait  qu'elles  sont  aujourd'hui  aux  mains  du  Japon 
ainsi  que  l'île  de  Formose  tout  entière.  Les  îles  Chusan  pos- 
sédant un  bon  port  à  proximité  de  l'entrée  du  Yang-tze-kiang 
auraient  bien  fait  notre  affaire.  Mais  l'Angleterre  qui  les  a 
occupées  en  1840  et  1841,  ne  les  a  rétrocédées  à  la  Chine  que 
sous  la  condition  formelle  qu'elles  ne  pourraient  être  cédées  à 
aucune  autre  nation.  Elle  se  réserve  évidemment  le  droit  de 


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LES  BASES   NAVALES   EN   CHINE  517 

s'y  établir  à  nouveau  et  le  bruit  à  même  couru  en  novembre 
dernier  qu'elle  venait  d'y  hisser  son  pavillon.  Elle  s'était 
contentée  d'y  faire  de  l'hydrographie  et,  ayant  reconnu  sans 
doute  que  le  mouillage  ne  présentait  pas  assez  de  profondeur 
pour  ses  gros  cuirassés,  elle  fit  démentir  le  bruit  et  porta  ses 
visées  ailleurs. 

Il  ne  pouvait  non  plus  être  question  pour  la  France  de  se 
fixer  à  Port-Hamilton  entre  l'île  de  Quelpaërt  et  la  Corée.  On 
sait  que,  pour  empêcher  les  Russes  de  prendre  pied  dans  ce 
royaume,  l'Angleterre  occupa  en  1885  les  trois  îles  de  Sodo, 
Sunodo  et  Chuwen  (ou  Observatorylsland)  formant  ensemble  la 
rade  de  Port-Hamilton  et  ne  se  retira  en  1888  que  lorsque  Lord 
Rosebery  eut  obtenu  de  la  Russie  une  promesse  formelle  qu'elle 
respecterait  l'intégrité  de  la  Corée,  et  de  la  Chine  la  garantie  la 
plus  explicite  qu'aucune  puissance  ne  pourrait  s'installer  à  sa 
place  dans  les  îles  en  question.  L'Angleterre,  il  faut  bien  le  dire, 
ne  fut  pas  fâchée  de  se  retirer  dans  ces  conditions,  étant  donné 
que  trois  de  ses  amiraux  avaient  déclaré  successivement  qu'on  ne 
pouvait  défendre  Port-Hamilton  qu'en  y  faisant  d'immenses 
dépenses  de  fortification  et  qu'il  faudrait  toute  une  flotte  pour 
l'empêcher  d'être  bombardé  par  une  escadre  ennemie  (1). 

La  Chine  se  défiant  de  nos  intentions  s'empressa  aussi  d'ou^ 
vrir  au  commerce  international  les  points  que  nous  aurions  pu 
convoiter  sur  sa  côte,  tels  Foii-ning  dans  la  baie  de  Samsah, 
Tching-ouang-tao  sur  la  côte  nord  du  golfe  du  Pé-tché-li,  pour 
remplacer  Niéou-tchouang,  déjà  à  demi  accaparé  parles  Russes. 
La  Corée,  sans  doute  conseillée  par  certaine  puissance,  en  fitau- 
tant  et  les  ports  de  Tche-nam-po,  et  Mokpo  furent  ouverts  éga- 
lement à  toutes  les  marines  étrangères. 

L'Amiral  de  Reaumont,  pressé  de  prendre  n'importe  quoi,  se 
résigna  à  hisser  le  pavillon  français  dans  la  baie  de  Kouang^ 
tchéou-ouan  dont  nos  navires  de  guerre  avaient  fait  récem- 
ment l'hydrographie,  et  dont  on  doit  la  première  carte  à  un 
Français,  M.  Longueville,  qui^en  1870,  commandait  une  canon- 
nière du  vice-roi  de  Canton.  C'était  un  pis-aller  et  l'examen  des 
cartes  marines,  que  nous  étudiâmes  aussitôt  qu'on  apprit  la 
nouvelle,  nous  permit  de  voir  que  cette  position  était  loin  d'être 

(1)  Problems  of  the  Far  Easl  by  the  Right  Hon.  George  N.  Gurzon  M.  P.  1896, 
p.  214. 

BEVUE  POLIT.,  T.  XX  34 


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SI 8  LES  BASES   NAVÂLfSS  ÈI«  fl^HtNE! 

avantageuse.  Des  lettres  de  Chine,  des  articles,  dans  les  joumaut 
duTonkin,  ne  tardèrent  pas  à  confirmer  les  craintes  que,  pâi* 
raison  de  discrétion  et  de  patriotisme,  nous  n'avions  pas  voulu 
formuler  dans  la  description  purement  géographique  que  nous 
en  publiâmes  dans  les  comptes  rendus  des  séances  de  la  Société 
de  géographie  (1).  Depuis,  les  Questions  Diplomatiques  et  Colo- 
niales^ dans  leur  numéro  du  1*^  février  dernier,  ont  publié  une 
lettre  (non  signée)  datée  de  Kouang-tchéou-ouan,  9  décembre, 
qui  émane  évidemment  de  quelqu'un  touchant  de  prës  à  la 
marine.  Elle  raconte  la  prise  de  possession  du  22  avril  1898  et 
établit  sans  ambages  que  la  baie  est  inaccessible  aux  granits 
navires  et  que  sur  trois  commandants  de  nos  navires  de  guerre 
connaissant  bien  Tendîoit,  deux  avaient  voté  contre  Toccupa- 
tion. 

Si  le  mouillage  semble  mauvais,  le  climat  ne  paraît  pas  tileil* 
leur  et  nous  avons  déjà  eu  le  malheur  d'y  perdre  un  de  nos 
amis,  un  jeune  enseigne  de  vaisseau,  M.  A.  Letîmbre,  qui  y  a 
succombé  d'un  accès  pernicieux  quelques  jours  à  peine  aprëtf 
son  arrivée. 

La  population  s*est  montrée  hostile  dès  le  début  et  Ton  a  dû 
employer  contre  elle  des  moyens  de  coercition  pour  l'obliger  à 
fournir  des  vivres  à  nos  marins. 

Ajoutons  que  la  position  même  de  cette  baie  en  face  de 
Haï-nan,  dans  la  partie  orientale  de  la  péninsule  de  Lei-tchéotl, 
la  met  tout  à  fait  en  dehors  de  la  route  ordinaire  des  paquebots 
ou  des  navires  de  guerre. 

Quant  aux  ressources  du  pays,  dit  la  lettre  en  question,  elles  sont 
entièrement  restreintes  et  comme  ce  point  n'est  Faboutissement  d*aucune 
route,  d^aucune  rivière,  aucun  commerce  ne  pourra  y  être  engagé...  et 
une  installatioa  comme  celle  où  nous  allons  dépenser  cdrtainéifid&t  des 
millions  sur  la  côte  est  de  la  presquMIe  de  Lel-tchéou  est  fktal'eiiMit 
placée  dans  la  sphère  d'infhience  commerciale  de  Hong-Kong  (2|). 

L'ouverture  du  Si-Kiang  ou  rivière  de  Touest  de  Canton  et 
celle  toute  récente  des  ports  de  Nan-ning  et  Wou-tcbéou  nif 
cette  rivière  dans  une  région  directement  au  nord  de  Kouang^ 
tchéou  ne  sont  pas  faites  pour  donner  tort  à  ces  conclurions  (2). 

(1)  No  5,  mai  1898  (séances  du  6  et  20  mai),  p.  227-229,  avec  un  plan. 

(2)  Questions  Diplomatiques  et  Coloniales^  3'  année  n»  47,  !•'  février  1899, 
p.  p.  184-185. 

(3)  Le  seul  avantage   réel  que  nous  aurions,  dit-on,  obtenu  de  la  Chine,  c*e»t 


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LES  BASES  NAVALES  EN  CHINE  519 

Enfin  pour  terminer  cette  étude  sur  les  bases  navales  des 
côtes  de  Chine,  disons  que  les  journaux  ont  fait  courir  dans  les 
premiers  jours  de  mars  le  bruit  déjà  répandu  que  la  Chine  avait 
concédé  comme  station  navale  aux  Italiqxxfi)  la  baie  de  San  Men 
ou  San  Moon  entre  Ningpo  et  Ouen-tchéou  (Wenchow).  Nous 
ne  possédons  encore  aucun  document  nous  permettant  d'af- 
firmer l'existence  de  cette  concession  qui,  a  priori,  nous  semble 
parfaitement  placée  au  milieu  même  des  côtes  du  Céleste 
Empire  non  loin  de  l'embouchure  du  Yang-tze-kiang  et  dé 
Tarchipel  si  important  des  îles  Chusan.  Nous  savons  seulement 
que  l'Amiral  Canevaro  a  affirmé  à  la  Chambre  des  députés 
d'Italie,  le  22  février  dernier,  que  le  ministre  de  la  marine 
envoyait  en  Chine  de  nouveaux  navires  de  façon  à  y  former  une 
division  navale.  11  proposait  aussi  d'augmenter  le  nombre  des 
consuls  Italiens  en  Chine.  L'obtention  d'une  base  navale  devait 
suivre  tout  naturellement  ces  projets  (1), 

que  rUe  de  Haï-nan  ferait  partie  de  notre  sone  d'ioiloenoe,  et  ne  pourrait  être 
cédée,  par  suite,  à  aucune  puissance  étrangère. 
(1)  tondûn  and  China  TêUgraphy  Tt  février  laW. 

A.-A.  PAtvÉt, 

Ancien  officier  des  douanes  impériales  chinoises. 


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LE  BUDGET  ANGLAIS 


DANS   SES  RAPPORTS 


(i) 


AVEC  LE  PRINCIPE  DE  LA  SÉPARATION  DES  POUVOIRS 


I.  —  La  SÉPARATION  DES  POUVOIRS  EN  ANGLETERRE. 

La  France  et  la  Grande-Bretagne  sont  deux  Etats  parlemen- 
taires, SOUS  des  formes  de  gouvemementdifférentes.  La  respon- 
sabilité politique  des  ministres  devant  les  Chambres,  principal 
moyen  d'action  des  Assemblées  sur  le  Pouvoir  exécutif  et  carac- 
tère distinctif  du  régime  parlementaire,  existe  dans  la  Consti- 
tution de  Tun  et  de  Tautre  pays.  Cependant,  entre  ces  deux  or- 
ganisations si  ressemblantes  dans  leurs  grandes  lignes,  il  existe 
une  différence  radicale,  non  seulement  quant  à  l'origine  des 
pouvoirs  publics,  mais  encore  et  surtout  quant  à  la  manière 
dont  ces  organes  se  distribuent  Texercice  de  la  souveraineté. 

Alors  qu'en  France  la  séparation  des  pouvoirs  est  presque 
synonyme  de  conflit  ou  tout  au  moins  d'antagonisme,  en  An- 
gleterre, ces  pouvoirs,  bien  que  distincts,  sont  étroitement  unis. 
Le  Parlement  et  le  ministère  britanniques  nous  offrent  ce  grand 
spectacle,  inconnu  ici,  de  deux  puissances  alliées,  dont  l'entente 
sincère  et  durable  se  fonde  sur  une  confiance  réciproque. 
Alliance  féconde,  qui  permet  à  la  nation  anglaise  d'apporter, 
dans  sa  politique  intérieure  comme  dans  les  affaires  étrangères, 
l'énergie  et  l'esprit  de  suite  qui  font  sa  grandeur  et  sa  force. 

(1)    Extrait  d'un  mémoire  sur  le  Contrôle  des  budgets  publics  en  France  el  à 
^étranger,  couronné  par  l'Académie  det  sciences  morales  et  politiques  (concours 
Saintour  de  189S).  (Sous  presse.) 


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LE   BUDGET   ANGLAIS  521 

Cet  accord  du  Parlement  britannique  et  de  la  Couronne  s'ex- 
plique d'abord  historiquement.  Les  Anglais  n  ont  point  conquis 
leurs  libertés  politiques  par  une  Révolution  ;  ils  y  sont  arrivés 
graduellement  par  la  monarchie.  C'est  à  la  Royauté  qu'ils  doi- 
vent les  bienfaits  du  régime  parlementaire  ;  c'est  sous  l'égide  de 
la  dynastie  régnante  qu'ils  se  sont  initiés  et  formés  à  la  pratique 
de  ce  self-govemment  dont  la  plupart  des  constitutions  libérales 
de  notre  pays  ne  sont  que  de  pâles  copies.  Ajoutons  que  l'An- 
gleterre est  en  possession  de  ce  système  de  gouvernement  depuis 
des  siècles  ;  bien  avant  que  Montesquieu  l'eût  proposée  à  l'ad- 
miration de  ses  contemporains,  la  Constitution  britannique, 
fixée  par  la  coutume  (common  law)  plus  encore  que  par  la  loi 
écrite,  fonctionnait  régulièrement,  avec  tous  les  attributs  essen- 
tiels qui,  à  l'heure  actuelle,  lui  appartiennent  en  propre.  Ce 
n'est  pas  le  «  Rill  des  droits  »  de  1688  qui,  le  premier,  a  inter- 
dit à  la  Couronne  de  lever  des  impôts  sans  l'autorisation  du  Par- 
lement. Cette  règle  fondamentale  du  régime  constitutionnel 
s'était  établie  dès  le  milieu  du  xiv''  siècle. 

Ainsi  appuyé  sur  une  pratique  séculaire,  profondément  enra- 
ciné dans  l'histoire  du  pays,  le  système  parlementaire  présente, 
au  delà  du  détroit,  des  garanties  de  stabilité  qui  lui  font  encore 
défaut  en  France.  Entre  les  deux  grands  pouvoirs  qui  concou- 
rent à  la  mise  en  œuvre  de  ce  régime  ne  se  lève  pas  le  souvenir 
irritant  de  luttes  à  peine  apaisées  et  prêtes  à  se  rallumer  au 
moindre  souffle.  L'esprit  jacobin,  legs  funeste  des  temps  hé- 
roïques de  1793,  qui  fausse  le  jeu  de  notre  Constitution,  est, 
pour  la  nation  anglaise,  un  anachronisme  inintelligible.  Ses 
traditions,  dont  elle  est  particulièrement  jalouse,  se  lient  inti- 
mement à  celles  de  la  monarchie.  Toute  cause  de  défiance  et  de 
soupçon  à  rencontre  de  la  Couronne  se  trouve  par  là  même  écar- 
tée. Loin  de  redouter  les  empiétements  du  Pouvoir  exécutif,  le 
«  loyalisme  anglais  »  voit  dans  la  royauté,  inamovible  et  héré- 
ditaire, la  plus  ferme  des  garanties  pour  sa  constitution  libérale. 
Un  chef  d'Etat  souverain  par  droit  de  naissance  est  moins  dan- 
gereux pour  la  liberté  qu'un  Cromwell  ou  qu'un  Bonaparte. 

Une  autre  raison,  non  moins  puissante,  détermine,  en  Angle- 
terre, l'heureuse  cohésion  des  grands  pouvoirs  de  l'Etat. 

L'éducation  politique  des  Anglais  est  plus  avancée  que  la 
nôtre.  En  France,  tout  député  est  candidat  au  prochain  minis- 


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htt  LE   BUDGET   ANGLAIS 

tère.  La  latte  pour  les  portefeuilles  est  le  principal  moteur  de 
notre  activité  parlementaire.  A  peine  arrivés  au  pouvoir,  les 
ministres  doivent  songer  à  défendre  leur  fragile  existence 
contre  les  caprices  d'une  majorité  changeante.  En  Angleterre, 
rien  de  pareil.  La  Chambre  des  communes  est  divisée  en  deux 
grands  partis,  les  libéraux  et  les  conservateurs  (wighs  et  tories). 
Chacun  de  ces  groupes,  compact,  discipliné,  ayant  son  pro- 
gramme politique  nettement  défini,  se  range  derrière  un  chef 
accepté  de  tous,  le  leader^  orateur  et  directeur  du  parti.  Le  /ea- 
der^  élu  à  Tavance,  représente  officieusement  son  groupe,  en 
toute  circonstance,  au  Parlement  comme  au  dehors.  Lorsque 
son  parti  est  vainqueur,  c'est  lui  que  la  Reine  charge,  comme 
premier  ministre,  de  constituer  le  cabinet.  Fidèle  à  son  origine 
et  à  ses  engagements,  le  leader  partage  entre  les  représentants 
les  mieux  qualifiés  de  la  majorité  dont  il  est  le  délégué  direct, 
non  seulement  les  portefeuilles  ministériels,  mais  encore  tous 
les  postes  importants  de  T Administration. 

Les  conséquences  de  ce  système  de  gouvernement  apparais- 
sent d'elles-mêmes.  En  réalité,  c^est  le  pouvoir  exécutif  tout 
entier  qui  passe  aux  mains  de  la  majorité  de  la  Chambre,  dont 
le  leader,  devenu  premier  ministre,  n'est  que  le  représentant. 
Cette  mainmise  du  Parlement  sur  le  ministère,  sur  les  organes 
de  TAdministration  et  du  gouvernement,  s'enveloppe,  il  est  vrai, 
de  formes  constitutionnelles.  En  apparence,  c'est  de  la  reine  que 
le  leader  et  ses  collègues  du  cabinet  reçoivent  rinvest^ture. 
Mais,  au  fond,  c'est  la  Chambre  des  communes  elle-même, 
personnifiée  par  le  leader  et  les  membres  les  plus  considérables 
de  sa  majorité,  qui  s'empare  de  toutes  les  hautes  fonctions  gou- 
vernementales, qui  dirige  la  vie  administrative  du  pays. 

On  le  voit,  dans  la  pratique  constitutionnelle  de  l'Angleterre, 
les  mêmes  hommes  sont  à  la  tête  du  Parlement  et  de  TAdminis- 
tration.  Par  là  s'explique  sans  peine  l'union  intime  des  deux 
pouvoirs  législatif  et  exécutif,  leur  mutuelle  confiance,  leur 
action  commune.  Aussi  longtemps  que  Taxe  de  la  majorité  ne  se 
déplace  pas,  le  cabinet  peut  absolument  compter  sur  le  con- 
cours du  Parlement.  Le  groupe  d'où  il  émane  le  soutiendra 
constamment  de  ses  votes.  A  vrai  dire,  la  séparation  des  pou- 
voirs devient,  dans  de  telles  conditions,  purement  théorique. 
Il  n'y  a  pas  seulement  accord  des  organes  de  la  Constitution, 


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hR  BUDGET  ANGLAIS  523 

laaU  ooncentration  de  la  puissance  gouvernementale  dans  la 
Chambre  des  communes. 

En  France,  on  pourrait  tout  craindre  d  une  situation  dont 
HOQ  Chambres  peu  disciplinées,  fractionnées  en  une  multitude 
de  groupes,  rebelles  à  toute  direction,  ne  tarderaient  pas  à 
abuser.  li  est  très  probable  que  nos  Assemblées  ne  résisteraient 
pas  e^u  désir  d'affirmer  leur  omnipotence  et  de  diriger  laction 
du  oabinet.  Ce  serait  alors,  non  plus  Talliance  des  pouvoirs, 
mais  leur  confusion. 

Contre  ces  entraînements,  la  Chambre  des  communes 
anglaise  n'a  point  à  se  prémunir.  Habituée  à  reconnaître 
l'autorité  de  son  leader  et  à  en  accepter  la  direction,  la  majo- 
rité ne  cherche  ni  à  contrarier,  ni  à  limiter  l'initiative  gouver- 
nementale du  premier  ministre,  son  chef  de  la  veille.  Le  crédit 
qu'elle  lui  accordait  avant  son  arrivée  aux  affaires,  elle  le  lui 
continue  dans  sa  nouvelle  situation.  Elle  sait  qu'il  aura  h  cœur 
d'appliquer,  comme  chef  du  cabinet  ou  chancelier  de  TEchiquier, 
le  programme  qu'il  défendait  hier  encore  comme  leader  du 
parti.  Ce  programme,  elle  n'a  pas  à  le  lui  rappeler  ni  à  lui  en 
indiquer  les  exigences.  Il  lui  suffit  d'en  contrôler  l'exécution. 

Ce  mode  d'interprétation  du  principe  de  la  séparation  des 
pouvoirs,  si  éloigné  de  notre  pratique  constitutionnelle  et  dont 
on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs  l'équivalent,  se  traduit  par  ces 
deux  avantages  d'une  importance  capitale  et,  à  première  vue, 
contradictoires  :  un  pouvoir  exécutif  très  fort,  très  énergique- 
ment  organisé,  en  pleine  possession  de  toute  la  puissance 
gouvernementale;  et,  d'autre  part,  un  Parlement  qui,  sans  agir 
ni  intervenir  lui-même  dans  la  marche  de  l'Administration, 
inspire  et  domine  cependant  toute  l'activité  politique  du  pays; 
en  déléguant  pour  ainsi  dire  dans  les  hautes  fonctions  de  l'Etat 
les  hommes  qui  ont  sa  confiance  et  qui  sont  ses  porte-paroles 
attitrés.  Merveilleux  résultat,  qu'une  observation  superficielle 
pourrait  taxer  de  paradoxal,  mais  qui  s'explique  immédiatement 
lorsqu'on  tient  compte  des  mœurs  politiques  de  nos  voisins, 
de  leur  sens  de  la  discipline,  de  leur  esprit  positif,  qualités 
bien  anglaises,  que  nous  ne  pouvons  malheurement  inscrire  à 
notre  actif. 

Il  n'était  pas  inutile  d'insister  sur  ces  considérations  d'ordre 
général,   trop  souvent  perdues  de  vue.  Elles  vont,  en  effet, 


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524  LE   BUDGET   ANGLAIS 

nous  livrer  le  secret  des  différences,  nombreuses  et  caractéris- 
tiques, que  nous  avons  à  signaler  entre  l'organisation  du  budget 
en  Angleterre  et  celle  du  budget  français. 

Les  institutions  financières  d'une  nation  ne  s'expliquent, 
elles  ne  se  révèlent  sous  leur  vrai  jour,  qu*à  la  condition  d'être 
rapprochées  des  principes  organiques  qui  déterminent  la  forme 
politique  du  pays^  qui  constituent  la  ligne  de  faîte  à  laquelle 
viennent  se  souder  et  s'arc-bouter  les  parties  latérales  de  Tédi- 
fice. 

II.  —  Influence  de  l'union  des  pouvoirs  sur  le  mode 
d'établissement  du  budget. 

Les  personnages  les  plus  influents  du  parti  au  pouvoir,  grou- 
pés autour  de  leur  leader,  se  partagent,  on  vient  de  le  dire,  les 
différents  ministères.  De  tous  les  départements  ministériels,  le 
plus  important  et  le  plus  recherché,  à  raison  du  droit  de  con- 
trôle qu'il  exerce  sur  les  autres  branches  de  l'Administration, 
est  le  ministère  des  Finances,  le  board  (conseil)  de  la  Tréso- 
rerie. 

C'est  sur  le  département  de  la  Trésorerie  que  le  leader  jette 
toujours  son  dévolu.  Pour  nous  servir  de  la  juste  expression 
de  M.  Arnauné  (1),  «  au  pouvoir  comme  dans  l'opposition,  le 
«  leader  veut  être  le  chef.  L'attribution  à  la  Trésorerie  d'un 
«  droit  de  contrôle  sur  les  dépenses  des  autres  départements 
«  ministériels  lui  donne  le  moyen  de  maintenir  l'état-major 
«  du  parti  sous  sa  direction  ».  Et  le  savant  auteur  ajoute  : 
M  La  prépondérance  de  la  Trésorerie  est,  au  fond,  l'une  des 
«  formes  de  manifestation  de  la  forte  discipline  des  partis  an- 
«  glais  et  de  l'autorité  très  effective  que  la  leadership  confère 
«  à  leurs  chefs  ». 

C'est  donc  le  chef  du  cabinet,  le  premier  ministre,  qui  prend 
le  portefeuille  des  Finances,  avec  le  titre  de  premier  Lord  de  la 
Trésorerie  [first  Lord  of  Treasury).  Mais  il  lui  serait  difficile, 

(1)  Cette  citation  est  empruntée  à  l'étude  remarquable  sur  le  système  finan- 
cier anglais  que  M.  Arnauné  a  publiée,  en  avril  1885,  dans  le  Bulletin  de  la  So- 
ciété de  législation  comparée.  Nous  ne  pouvons  que  recommander  la  lecture 
de  cette  monographie,  dont  la  profonde  érudition  se  voile  sous  Tattrait  de  la 
forme. 


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LE   BUDGET   ANGLAIS  525 

on  le  conçoit,  de  diriger  lui-même  concurremment  Tadministra- 
tion  financière  et  la  politique  générale  du  royaume.  Aussi, 
presque  toujours,  se  fait-il  suppléer,  pour  l'exercice  de  ses  at- 
tributions de  finance,  par  un  ministre  en  second,  le  chancelier 
de  TEchiquier  {chance llor  of  the  Exchequer),  pris  comme  lui 
parmi  les  chefs  du  parti  maître  du  pouvoir. 

En  somme,  le  Parlement  est  représenté  par  ses  leaders^  au 
département  de  la  Trésorerie.  L'un  de  ces  délégués,  le  premier 
Lord,  n'a  guère  que  le  prestige  de  la  fonction  ;  l'autre,  le  chan- 
celier de  l'Echiquier,  en  a  la  réalité. 

Les  deux  chefs  suprêmes  de  l'administration  des  finances  sont 
assistés  de  trois  commissaires  (juniors  Lords)  et  de  deux  secré- 
taires, appartenant,  comme  eux,  à  la  majorité  du  Parlement.  Ces 
sept  personnages  politiques  forment  avec  un  troisième  secré- 
taire étranger  aux  Chambres  et  d'ordre  purement  administra- 
tif, le  board  ou  conseil  de  la  Trésorerie. 

Autant  par  sa  forme  extérieure  que  par  son  titre,  cette  cu- 
rieuse organisation  évoque  directement  le  souvenir  du  système 
qui  fonctionna  dans  notre  propre  pays,  à  l'époque  de  la  Révolu- 
tion, sous  le  nom  de  Trésorerie  nationale.  L'analogie  entre  les 
deux  institutions  ne  s'arrête  point  aux  apparences.  Nos  ancien- 
nes commissions  de  Trésorerie  de  la  période  révolutionnaire 
étaient,  comme  le  board  de  Trésorerie  britannique,  dominées  par 
l'influence  politiquedel'Assemblée.Leursadministrateursfurent 
vraiment  les  hommes  de  la  Convention.  Enfin,  les  attributions 
sont,  de  part  et  d'autres,  similaires.  Les  commissaires  de  la  Tré- 
sorerie de  la  Révolution  avaient  pour  mission  de  préparer  le 
budget,  d'assurer  le  service  des  payements  et  de  contrôler  les 
dépenses  publiques  (1). 

Telles  sont  précisément  les  attributions  fondamentales  de  la 
Trésorerie  en  Angleterre.  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper, 
pour  le  moment,  du  rôle  dont  le  board  est  investi  au  point  de 
vue  du  service  du  mouvement  des  fonds  et  de  son  contrôle 
préalable;  ces  explications  viendront  à  leur  place,  dans  le  cha- 
pitre de  cet  Essai  consacré  à  l'examen  comparatif  des  procédés 


(1)  Nous  ninsisterons  pas  sur  cette  analogie  plus  qu'il  ne  convient  II  est  pro- 
bable que  la  Révolution  et,  avant  elle,  l'ancien  régime  avaient  emprunté  à  l'An- 
gleterre les  idées  maltresses  du  système  qui  s'organisa,  à  partir  de  1788,  sous  le 
nom  de  Trésorerie. 


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ee6  LE   9UDGBV    ANfiUaS 

du  contrôle  préventif.  U  n'est  question,  tout  h  rheure,  que  du 
budget  et  de  son  règlement  législatif.  C'est,  par  suite,  sous 
ce  seul  rapport,  qu'il  convient  de  dégager  les  fqnoUons  si  im- 
portantes de  U  Trésorerie  britannique. 

Dans  rétablissement  du  budget  de  TEtat,  le  board^  ou  plus 
exactement,  le  Chancelier  de  TEchiquier,  son  directeur  effec- 
tif, ei^erce  au  nom  et  dans  l'intérêt  du  Parlemeiit  une  action  si 
prépondérante,  un  contrôle  d'une  telle  sévérité,  que  les  Chambres 
anglaises  ont  cru  pouvoir,  sans  compromettre  aucune  des  ga- 
ranties du  régime  parlementaire,  renoncer  à  leur  dwit  d'initidr 
tive  en  matière  de  dépenses.  Ici  encore,  la  confiance  absolue, 
Tentente  étroite  qui  unit  la  majorité  du  Parlement  et  le  chef  du 
ministère  se  manifeste  par  les  formes  toutes  spéciales  de  la  pré- 
paration et  du  vote  du  budget. 

Le  budget  anglais  n'affecte  pas,  comme  le  nôtrci  Tapparence 
d'un  programme  imposé  par  les  Chambres  au  Gouvernement,  à 
la  suite  d'un  débat  public  où  parfois  c'est  le  sort  du  Cabinet  qui 
est  mis  enjeu*  Il  est  le  produit  d'une  collaboration  loyale  et  pro- 
longée de  la  Trésorerie  et  de  la  Chambre  des  communes.  Point 
de  commission  du  budget  interposée  entre  le  ministère  et  le 
Parlement,  point  de  discussions  interminables»  de  ces  hors- 
d'œuvre  brillants,  mais  powr  le  moins  inutiles,  où  s'attardent 
volontiers  les  Assemblées  de  nos  pays  latins.  Sobre,  précis,  pré^ 
férant  au  vain  éclat  des  mots  l'éloquence  décisive  des  faits,  le 
génie  anglo-saxon  court  droit  au  but,  sans  s'arrêter  aux  tour- 
nants de  la  route.  C*estla  Chambre  des  communes  elle-même  qui 
est  sa  propre  commission  du  budget.  Elle  se  met,  directement 
et  sans  intermédiaire,  en  contact  avec  les  prévisions  du  Chance- 
lier de  l'Echiquier,  son  principal  auxiliaire  dans  l'csuvre  du 
budget. 

Au  Chancelier  il  appartient,  tout  d'abord,  de  vérifier  et  de 
reviser,  sous  sa  responsabilité,  les  étals  de  prévisions  {estimales) 
QÙ  les  ministres  ont  consigné  l'aperçu  des  dépenses  de  leurs 
départements.  Ce  contrôle  est  sérieux.  A  l'égard  des  services 
civils,  il  s'exerce  avec  une  rigueur  particulière.  Toute  prévision 
qui  n'a  pas  obtenu  l'approbation  préalable  de  la  Trésorerie  doit 
être  retranchée  des  estimâtes  ou  projets  de  budget  partiels  que 
le  Chancelier  reçoit  des  mains  des  différents  chefs  de  service, 
pour  les  présenter  lui-même  à  la  Chambre  des  con^miwes* 


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Iifi  BUDGET   ANGLAIS  b27 

La  revision  de  la  Trésorerie  ne  s'applique  pas,  en  fait,  on  le 
conçoit,  avec  cette  raideur  théorique.  L'art  des  tempéraments  et 
le  sens  de  la  juste  mesure  sont  au  nombre  des  qualités  profes- 
sionnelles des  hommes  de  la  Trésorerie.  Tout  se  règle  ordinal^ 
nairement,  par  voie  de  transaction  et  à  Tamiable,  entre  le  Chan- 
celier et  les  chefs  de  service  dont  il  discute  les  évaluations. 

On  vient  de  dire  que  Texamen  préalable  du  Chancelier  de 
TEchiquier  n  affecte  un  caractère  nettement  coercitif  que  yis*à« 
vis  des  estimâtes  des  administrations  civiles  (justice,  instruction 
publique,  services  diplomatiques,  colonies,  sciences  et  beaux- 
arts,  services  financiers),  La  procédure  est  un  peu  différente 
pour  les  prévisions  annuelles  des  départements  de  la  guerre  et 
de  Tamirauté.  La  Trésorerie  prend  bien  connaissance  des  €$4%-- 
maies  de  ces  ministères,  trois  semaines  avant  la  réunion  du 
comité  des  subsides,  mais  elle  ne  peut  ni  les  rectifier  elle-même, 
ni  s'en  approprier  les  évaluations.  Tout  ce  qu'elle  peut  faire, 
c'est  de  s'assurer  qu'ils  ne  contiennent  aucun  changement  dans 
la  classification  du  personnel,  aucune  charge  nouvelle.  Lors- 
qu'une modification  est  proposée  à  ce  sujet,  la  Trésorerie  a,  san? 
doute,  le  droit  d'opposer  son  veto  ;  mais,  dans  ce  cas,  elle  doit 
renvoyer  les  estimâtes  contestées  au  secrétaire  d'Etat  pour  la 
guerre  et  au  premier  Lord  de  l'Amirauté,  seuls  qualifiés  poUr 
préparer  et  présenter  à  la  Chambre  des  communeB  le  budget  de 
leur  département  respectif. 

La  Trésorerie  soumet,  en  outre,  les  engagements  do  dépenses 
de  ces  deux  ministères  à  un  contrôle  préventif  des  plus  minu- 
tieux. 


III.  —  Dépenses  et  rbcettbs  exceptées  du  votb  ou  Parlement 

ANGLAIS.  —  Le  fonds  CONSOLIDÉ. 

Les  estimâtes  annuels  dont  la  Trésorerie  révise  ou  contrôle  les 
évaluations  et  qui  sont  ensuite  déférées  au  vote  du  Parlement, 
ne  comprennent  pas  l'intégralité  des  dépenses  Annuelles. 

Une  portion  notable  du  budget,  composée  des  dépenses  et  des 
iaxes  permanentes  et  connue  sous  le  nom  de  fonds  conso- 
lidé (consolidate  ftind),  n'est  pas  soumise  au  vote  annuel  des 
Chambres  bHtanniques. 


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528  LE   BUDGET   ANGLAIS 

En  France,  nous  ne  manquerions  pas  de  voir  dans  ce  procédé 
de  simplification  une  atteinte  significative  au  droit  budgétaire 
du  Parlement.  Le  budget,  cette  personne  métaphysique  dont 
Léon  Say  a  décrit  les  organes  et  les  attributs,  forme  à  nos  yeux 
un  tout  indivisible,  un  corps  dont  les  parties  ne  sauraient  être 
disjointes  ni  démembrées.  Nous  en  concluons,  en  bons  logiciens 
formés  aux  leçons  de  la  Constituante,  que  la  périodicité,  essen- 
lielle  au  budget,  ne  peut  être  fractionnée  et  doit  embrasser  l'en- 
semble des  prévisions  financières  de  Texercice. 

Cette  théorie,  si  bien  construite,  s'impose  peut-être  en  France 
et  dans  les  autres  Etats,  nouvellement  initiés  à  la  vie  parlemen- 
taire, oti  les  Assemblées  législatives,  en  conflit  avec  le  Pouvoir 
exécutif,  sentent  la  nécessité  d'affirmer  et  de.  renouveler,  par 
des  manifestations  fréquentes,  le  principe  de  leur  suprématie 
financière.  Mais  le  Parlement  britannique,  fort  de  son  alliance 
intime  avec  la  Couronne^  est  allégé  de  ce  souci.  Maitre  de  la 
direction  des  affaires,  par  le  leader  qui  dirige  le  cabinet,  il  sait 
qu'il  peut  laisser  sommeiller  son  droit  budgétaire,  sans  redouter 
aucune  prescription.  Aussi,  lui  parait-il  superflu  de  remettre  en 
question,  chaque  année,  la  totalité  des  dépenses  et  des  impôts. 

Voilà  pourquoi  les  dépenses  du  fonds  consolidé,  dont  le  refus 
risquerait  d'ébranler  le  crédit  ou  l'organisation  politique  du 
royaume,  ont  été  soustraites  aux  hasards  des  discussions  bud- 
gétaires. C'est  encore  pour  cette  raison  que  les  douanes,  l'accise 
et  les  autres  taxes  introduites  par  des  lois  spéciales  subsistent 
et  deviennent  exigibles  annuellement,  sans  homologation  nou- 
velle des  Chambres,  aussi  longtemps  que  l'abrogation  des  textes 
qui  les  organisent  n'a  pas  été  prononcée.  Le  Parlement  ne 
s'occupe  des  recettes  que  dans  la  mesure  où  des  projets  de 
réformes  fiscales,  revisions  de  tarifs,  créations  ou  suppressions 
d'impôts,  le  mettent  en  demeure  d'intervenir. 

Le  système  anglais  du  fonds  consolidé,  un  des  traits  caracté- 
ristiques du  droit  budgétaire  de  nos  voisins,  s'explique  et  se 
justifie,  on  le  voit  de  suite,  par  la  mutuelle  confiance  que  se 
témoignent  le  Gouvernement  et  la  Chambre  des  communes. 
C'est  là  encore  une  des  heureuses  conséquences  de  cette  union 
des  pouvoirs  que  nous  admirons  chez  les  Anglais,  sans  parvenir 
ni  même  chercher  à  la  réaliser  pour  notre  compte.  Grâce  au 
principe  de  la  consolidation,  le  Parlement  britannique  évite 


^■. 


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LE  BGDGBT   ANGLAIS 


529 


bien  des  redites  oiseuses»  bien  des  discussions  irritantes.  Il  peut 
aussi  concentrer  toute  son  attention  sur  les  questions  qui  la 
réclament. 

Avec  ce  procédé,  traditionnel  en  Angleterre  depuis  le  bill  de 
1688,  le  tiers  environ  des  dépenses,  soit  700  millions  sur 
2.300  millions  de  francs  (1),  reste  en  dehors  du  vote  annuel  des 
Chambres  anglaises.  Au  nombre  de  ces  charges  consolidées,  il 
suffira  de  mentionner  les  intérêts  de  la  dette  publique,  la  liste 
civile  des  pensions,  les  dotations,  les  traitements  des  magistrats 
des  hautes  cours  de  justice,  ceux  du  personnel  de  la  diplomatie. 

Quant  aux  recettes  permanentes,  elles  atteignent  à  peu  près 
2.400  millions,  c'est-àrdire  les  quatre  cinquièmes  du  budget  (1). 

Mieux  que  ne  le  feraient  de  longues  explications,  ces  simples 
chiffres  mettent  en  lumière  les  avantages  de  simplification  que 
la  pratique  anglaise  du  fonds  consolidé  introduite  dans  la  pro- 
cédure budgétaire.  Mais,  ne  craignons  pas  d'insister  sur  ce 
point,  ce  système  trouve  en  Angleterre  un  milieu  très  bien 
approprié  &  son  fonctionnement.  11  n'est  pas  démontré  que, 
transplaaté  dans  notre  pays,  il  produisit  d'aussi  bons  résultats. 


IV.  —  La  Chambre  des  communes  et  le  budget. 


Ainsi  allégée  de  toute  la  portion  des  recettes  et  des  dépenses 
comprises  dans  le  fonds  consolidé,  la  préparation  du  budget 
doit  nécessairement  gagner  en  pénétration  ce  qu'elle  perd  en 
étendue.  Mais,  tant  par  sa  longueur  que  par  ses  formes  spéciales, 
cette  procédure  contraste  vivement  avec  celle  des  budgets  fran- 
çais. 

(1)  Voici,  à  diverses  époques,  le  résumé  des  dubgets  anglais,  en  livres  sterling 
(25  fr.  20  à  25  fr.  22)  : 


1888-89 


1894-95 


1896-97 


Dépenses  du  fonds  consolidé..  27.861.000 

Autres  dépenses 68.'?54.0a0 

Total 86.615.000 

Impôts 72.396.000 

Divers  revenus 14.431.000 

Tolal 86.807.000 


26.660.000 
66.2e7.000 


26.660.000 
73.387.000 


«3.887.000     100.047.000 


78.655.000 
19.029.000 


84.345.000 
17.410.000 


94.684.000   101.755.000 


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530  tïî  BUDGET   ANGLAIS 

On  affli^mè  cotirartiment  que  le  mot  et  Tidée  de  budget  nôuê 
viennent  de  rAngletei*re.  Rien  de  pltii  feux  que  ee  lien  com- 
mun. L'institution  du  budget,  telle  que  nous  la  concevons, 
n^est  qu'un  perfectionnement  des  états  de  prévisions  de  notre 
ancietme  monarchie.  Les  aperçus  financiers  de  Colbert,  du  ré- 
gent et  de  Hecker,  mis  en  harmonie  avec  le  principe  de  la 
publicité  et  les  autres  exigences  du  régine  représentatif  j  voilà 
Fanique  origine,  bien  nationale,  exempte  de  toute  importation 
britannique,  d'ôd  procède  notre  admirable  théorie  contempo- 
raine du  budget. 

Ce  tableau  général,  si  bien  ordonné,  si  méthodiquement 
conçu,  ùîjL  chaque  année  le  Parlement  français  voit  Tiroage 
des  opérations  financières  du  prochain  exercice,  n'existe  pas 
au  delà  du  détroit. 

Les  Anglais  n'ont  pas  de  budget,  dans  Taccoption  française 
et  scientifique  de  ce  mot. 

Cela  ne  veut  pas  dire  que,  chet  nos  voisins,  les  Chambres 
législatives  se  désintéressent  de  leurs  prérogatives  et  renon- 
cent à  s'assurer  que  les  dépenses  des  départements  ministé- 
riels répondent  aux  besoins  réels  des  services  publics.  Loin 
de  là,  c'est  la  Chambre  des  communes  elle-même,  nous  en 
avons  déjà  fait  la  remarque,  qui,  transformée  en  comité  gêné 
rai,  se  livre  à  l'examen  des  prévisions  de  l'année  qui  com- 
mence. Ce  travail  préparatoire,  elle  le  prolonge  jusqu'au  der- 
nier joUr  de  sa  session  et,  pendant  cet  intervalle,  elle  vote, 
non  pas  une  loi  de  finances,  mais  une  série  de  quatre  ou  cinq 
bills  provisoires  ou  définitifs,  soit  pour  modifier  les  recettes, 
soit  pour  en  autoriser  l'application  aux  dépenses.  Et  cependant, 
malgré  les  soins  minutieux  et  la  conscience  qui  président  à  soft 
élaboration,  cette  œuvre  de  longue  haleine  n'a  presque  rien  de 
commun  avec  le  budget  français.  Elle  n'en  a  ni  l'apparence, 
ni  l'unité  de  contexture,  ni  même  les  caractères  essentiels*  Tout 
diffère,  le  fond  et  la  forme. 

Et  d'abord,  ce  n'est  point  sous  l'aspect  d'un  projet  de  loi  que 
le  budget  de  l'Angleterre  se  présente  à  l'examen  de  la  Chambre 
des  communes.  Vers  le  début  de  l'année  financière,  c'est-à-dire 
quelques  jours  avant  ou  après  le  l^*^  avril,  le  Chancelier  de 
l'Echiquier  fait  à  la  Chambre,  constituée  pour  la  circonstance  en 
comité  général  {commutée  of  the  whole  hoiise)^  l'exposé  du  pro- 


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te  BUDOm*   ANGLAIS  Sél 

gramme  budgétaîre  dit  gônverîifemetit.  Après  avoir,  dans  soiii 
dîscoui^,  passé  en  l^vue  les  résultats  généraux  de  Tannée  qtît 
vient  de  finîr,  le  Chancelier  esquisse,  dans  leurs  grandes  lignes, 
les  prévisions  de  recette  et  de  dépense  de  celle  qui  com* 
mettce.  Dans  cette  seconde  partie  de  son  exposé,  l'orateur  du 
Cabinet  soumet  à  la  Chambre  les  propositions  dô  dégrèvement 
on  dé  durlaxe  qui  tendent,  soit  à  mieux  répartir  le  poids  de 
l'impôt  entre  les  contribuables,  soit  à  assurer  Téquilibre  deë 
ressonrces  et  des  besoins.  Ce  discours  du  Chancelier,  toujours 
très  étudié  et  aussi  très  écouté,  tient  Heu  de  projet  de  loi  du 
budget. 

Mais,  quels  qu  en  soient  l'importance  et  l'intérêt,  cet  exposé 
oral  du  Chancelier  ne  constitue,  contrairement  à  une  opinion  trop 
facilement  reçue,  ni  tout  le  budget  ni  même  le  point  de  départ 
de  sa  discussion.  Sans  attendre  ce  discours, la  Chambre  se  saisit, 
dès  les  premiers  jours  de  sa  session,  en  février  ordinairement^ 
de  l'examen  des  tableaux  détaillés  (estimâtes)  dés  dépenses  autres 
que  celles  du  fonds  consolidé.  Ces  estimâtes  forment  trois  volu- 
mes, correspondant  aux  trois  grandes  divisions  :  armée,  marine 
et  services  civils,  ceux-ci  répartis  en  classes  ou  sections  (travaux 
publics,  administrations  civiles,  justice,  éducation,  etc.).  Cha- 
cune de  ces  sections  est  elle-même  subdivisée  en  chapitres 
(votes  ou  heads),  et  chaque  headen  articles  (steh-heads  ei  items). 

Ces  estimâtes,  dont  nous  avons  décrit  plus  haut  la  prépara- 
tion, servent  de  base  au  budget  des  dépenses.  Ils  ne  subissent 
point,  répétons-le,  l'étude  préparatoire  d'une  commission 
financière.  La  Chambre  tout  entière,  constituée  en  comité  des 
subsides  (committee  of  supply),  procède  à  cet  examen.  Les 
séances  de  ce  comité,  présidées  par  le  Chairman,  sont  ouvertes 
à  tous  les  membres  de  la  Chambre.  C'est. là  un  avantage  indé- 
niable. Les  hommes  compétents  des  divers  partis  qui,  trop 
souvent  en  Francei  se  voient  refuser  l'accès  de  nos  commissions 
du  budget,  peuvent  ainsi  prendre  part  auï  dlsc\issions  et  y 
apporter  le  plus  utile  concours. 

Par  contre,  le  système  des  comités  de  la  Chambre  entière  a 
rinconvénieRt  de  prolonger,  outre  mesure,  la  procédure  bud- 
géttiire.  Les  estimâtes  sont  discutés  en  assemblée  de  stippty^ 
article  par  article.  Ce  travail  ne  pouvant  être  achevé  avant  le 
\eT  avril,  date  de  l'ouverture  de  Tannée  financière,  là  Cfmmbfé 


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&82  LE  BUDGET  ANGLAIS 

est  obligée  d'accorder,  pour  une  période  limitée  d'ordinaire  à 
deux  mois,  des  crédits  provisoires  pour  assurer  la  marche  des 
services  publics.  Ces  votes  provisoires,- qui  peuvent  se  renou- 
veler un  plus  au  moins  grand  nombre  de  fois  avant  l'émission 
de  la  loi  finale  du  budget,  portent  le  nom  de  votes  ou  accouru  : 
ce  sont,  en  effet,  de  simples  acomptes  sur  les  crédits  définitifs. 

Parallèlement  au  comité  des  supplies^  un  autre  comité  géné- 
ral, composé  aussi  de  la  Chambre  entière,  celui  des  voies  et 
moyens  [ways  and  mean]  s'occupe  de  recettes  (1).  C'est  dans  la 
séance  inaugurale  de  ce  comité,  que  le  Chancelier  de  l'Echi- 
quier fait  son  exposé  financier  traditionnel.  Le  comité  des  voies 
et  moyens,  pour  des  motifs  déjà  indiqués,  ne  touche  qu'à  une 
très  faible  partie  des  taxes  en  vigueur,  à  celles  seulement  qui 
doivent  être  remaniées  dans  une  mesure  quelconque. 

Une  règle  commune  domine  toutes  les  discussions  qui  se 
poursuivent  au  sein  des  deux  Comités  généraux  des  subsides 
et  des  voies  et  moyens  :  c'est  l'abandon  complet  par  la  Chambre 
de  son  initiative  budgétaire.  Au  Gouvernement  seul  appartient 
le  droit  de  demander  des  crédits.  Malgré  leur  suprématie 
financière  incontestée,  les  Chambres  anglaises  ne  peuvent  pro- 
poser ni  une  dépense  ni  une  augmentation  d'impôts. 

La  restriction  que  le  Parlement  tfbitannique  s'est  imposée  à 
cet  égard  pourrait  nous  surprendre,  si  nous  ne  connaissions  déjà 
les  rapports  de  mutuelle  confiance  qui  solidarisent  les  Chambres 
avec  la  Couronne.  Aujourd'hui  le  Gouvernement  est  l'émana- 
tion directe  des  Communes.  La  Chambre  n'est  point  tentée  de 
voir  des  adversaires  dans  les  ministres  qui  représentent  sa  poli- 
tique. Aussi  ne  craint-elle  pas  de  leur  laisser  la  plus  grande 
liberté  d'action,  avec  toute  la  responsabilité  qui  y  est  attachée. 
En  se  privant  de  son  initiative  budgétaire,  elle  se  prémunit 

(1)  Nous  savons  très  bien  qu'en  Angleterre,  les  mots  «  voies  et  moyens  »  ont 
une  signification  un  peu  plus  complexe  qu'en  France.  Ainsi  que  M.  Amauné  en 
a  fait  finement  la  remarque,  voter  les  voies  et  moyens,  ce  n'est  pas  seulement 
autoriser  la  perception  des  impôts  pendant  Tannée  budgétaire,  c'est  aussi  et 
surtout  accorder  à  la  Trésorerie,  chargée  du  mouvement  des  fonds,  une  lettre  de 
crédit  sur  TEchiquier,  titulaire  du  compte  du  Trésor  à  la  Banque  d'Angleterre. 
Mais,  en  somme,  c'est  bien  le  produit  de  l'impôt  qui  alimente  le  compte  de 
TEchiquier,  et  la  question  des  voies  et  moyens  se  ramène,  en  dernière  analyse,  à 
celle  des  recettes.  Nous  ne  voyons  donc  aucun  inconvénient  à  restituer  à  ce 
terme  ways  and  mean  son  acception  usuelle.  C'est  bien  d'ailleurs  dans  le  co- 
mité des  voies  et  moyens,  et  non  ailleurs,  que  se  prépare  le  tax  (nll,  la  4oi 
modificative  des  recettes. 


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LE   BUDGET   ANGLAIS  533 

contre  le  danger  des  résolutions  irréfléchies  et  elle  rehausse 
Tautorité  des  hommes  d'Etat  qu'elle  a  délégués  au  pouvoir. 

Lorsque  les  deux  comités  généraux  des  subsides  et  des  voies 
et  moyens  sont  arrivés  au  terme  de  leur  tâche,  ce  qui  n'a  lieu 
que  vers  le  mois  d'août,  à  la  fin  de  la  session,  le  chairman  fait 
à  la  Chambre  le  rapport  des  motions  qu'ils  ont  adoptées.  Il 
intervient  alors  deux  lois  distinctes  pour  sanctionner  l'œuvre 
des  comités.  La  première  est  le  tax  bill,  ou  loi  modificative  des 
recettes.  La  seconde,  qui  suit  à  brève  échéance,  est  X appropria- 
tion billj  ou  lois  des  dépenses. 

L'appropriation  bill,  qui  clôture  la  session  du  Parlement,  mar- 
que aussi  la  dernière  phase  de  cette  laborieuse  évolution  du 
budget  anglais.  C'est  un  acte  des  plus  solennels,  qui  contraste 
par  la  majesté  archaïque  de  ses  formes,  avec  la  simplicité  fami- 
lière des  travaux  des  comités.  Il  est  soumis  à  la  Chambre  des 
Lords,  qui  doit  l'accepter  ou  le  rejeter  en  bloc,  sans  pouvoir 
l'amender,  car  les  Communes  n'admettent,  de  la  part  des  Lords, 
aucune  sorte  d'amendements  à  la  loi  de  finances  (1). 

Enfin,  le  souverain  en  personne,  ou  représenté  par  un  com- 
missaire spécial,  donne  au  bill  d'appropriation,  avec  l'assenti- 
ment royal,  la  force  executive  qui  s'attache  à  cette  sanction  sur 
prême.  Le  consentement  du  souverain  est  encore  formulé, 
comme  au  moyen  âge,  dans  la  vieille  langue  normande  :  «  Le 
«  roy  ou  la  reyne  remercie  ses  bons  sujets,  accepte  leur  bénévo- 
«  lence  et  ainsi  le  veult  ». 

Ainsi  revêtu  de  l'adhésion  des  trois  états  du  Parlement,  le 
bill  d'appropriation  devient  loi  de  l'État  (2). 


(1)  Voici  en  quels  termes  la  résolution  adoptée,  en  1678,  par  la  Chambre  des 
communes  et  consacrée  par  la  pratique  constitutionnelle,  pose  ce  principe  fon- 
damental : 

A  Les  communes  ont,  seules,  le  droit  d'accorder  des  aides  et  subsides  à  Sa 
«  Majesté.  Tous  biUs  tendant  à  octroyer  de  tels  aides  et  subsides  doivent  émaner 
«  des  communes.  Et  il  appartient  exclusivement  et  sans  conteste  aux  communes 
ff  de  fixer,  limiter  et  ordonner  dans  de  tels  bills,  le  montant,  Tobjet,  les  motifs, 
«  coDdition?,  limitations  et  qualifications  des  crédits,  lesquels  ne  doivent  être  ni 
«  changés  ni  modifiée  par  la  Chambre  des  Lords.  » 

(2)  On  sait  que,  dans  la  théorie  du  droit  constitutioDnel  de  TAngleterre,  le  Par- 
lement ne  comprend  pas  seulement  les  deux  Chambres  ;  il  se  compose  de  trois 
Etats  :  la  Couronne,  les  Lords  et  les  Communes. 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  35 


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&a4  m  BUDGET   A^âLAlS 


V.  —  Avantages  et  inconvénbents  du  système  budgétaire 
DBS  Anglais. 


OnJv<Àtj  ,par  «ette  analyse,  ooiOibieai  ia  |>raiiq«ie  i^udgétairi'. 
des  Anglais  s'éloigne  de  nos  idées  est  ^eotte  dapottièi^e.  ËxceUenAe 
sur  niwniwpe  de  joints,  elle  soulève,  sur  d'autnes,  de  sérieu^eB 
ûl)^etctiaafi. 

Faisons,  d'abord,  la  part  de  Téloge. 

Le  trait  orignial  ât  aussi  Tundes  mérites  du  sjratème  britan- 
nique^c'estde  sacrifier  le  vain  prestige  de  la  théorie  au  souciées 
réalités.  Le  budget  de  TAjOgleterre  est  ^elui  d'une  nation  et 
inarohands  et  de  colonisateurs,  dont  Le  ^éaie  >d^  affairées  «est 
l'aptitude  prédominanïte. Pour  ces  bommies  d'action,  lesseatiel 
n'est  pas  dex^onatruireua  budget 'dont  la  magistrale  ordonnance 
répondeauK  CiOïklliiâoBis  d'unité,  de  danté  et  de  jotste équilibre 
qui  sont  passées,  ichtee  .nous,  à  l'état^de  ^ncipes  ei  d'axiomefi 
smenU&qoes.  jCe  iqui  impoirtet  à  ieuns  yaux,<e''est  d'assuurar,  par 
la  ¥oieila  |>lu6  3ûre  tdt  JUi  plus  direelte,  d'-équiilibre  ilu  h^^et  et 
la^stabôiitéide  Be^B  piréi\rÂsijons. 

Ge  ibut^  ilfii'atteigAQiiit;pleinemen.t,  et  l'on  peattdire  que  l'iné- 
légance des  procédés  de  miseien  œuvdre  s'^esSaoe  d^amanl  la^gma- 
deur  'des  (résultats.  Le  négiaaie  normal  des  bwà%^  -de  l'Asgle- 
terre  est  de  se  solder  par  des  excédents,  isouvent  oonsidéciUes, 
f(^i  aontatfectés  àJ'amortissem^ntdelaideltte.  Aioai,  pour  nous 
borner  à  quelques  exemples,  en  1894^95,  les  «ecâttestimt  dépassé 
les  dépenses  de  19  millions.  Pour  l'année  suivante,  l'excédent 
a  atteint  le  chiffre  de  55  millions.  Aussi  le  Chancelier  de  l'Échi- 
quier, sir  Michaël  Hicks  Beach,  a-t-il  pu  dire,  sans  forfanterie, 
en  constatant  cette  plus-value,  que  l'année  financière  avait  été 
«  admirable  »  {wonderfut).  Le  déficit  tf  est  point,  sans  doute« 
chose  absolument  inconnue  de  nos  voisins  ;  mais  il  n'yapparvit 
qu%  i'^Stat  de  *tt*B  Tare  exception,  sons  ISnftacnce  de  causes 
aoûdentaUes  ou.  d'.é  vénemente  impjcévua.'Ët^r  lorsqu'il-  coiijeokire 
pouT^l'année  quS  va  s'ouvrir,  an  accroissement  de  dépenses  su- 
périeur aux  ressources  exisbtantes,  le  ministère  làe  .cherche  pas 
à  nmsquer  la^situaftimi  ;pftr  d'ingénieux  expétiieirts.  Il  avoue 
franchement  la  vérité  àlaCbamln*e.dû6  DomiBauike&,ikdprés6BJte 


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LE  BUDGET   iJ(GLA!S  535 

ua  èttdget  «a  déikit,  et  Tinvile  à  reobercher  avec  lui  les  moyens 
de  rétablir  i^ô^mlibi^  (1). 

GeSifuaUtés  d'e3UM^titu4e  et  de^iaoérité^  «qui  distiagoeatà  un 
si  bMut  poimt  le  1m24^  aaglais,  tiennent  à  4in  ensemble  de 
causes  cesaflexes^  q«iie  n4Mi«  a.voos  passées  en  revue,,  niais  que 
nous  ciH)y^Mis  devoir  desserrer 'ea  un  br^f  jrésumé. 

La  première  de  ces  causes  de  supériorité  (Consiste  dans  les 
garanties  teuies  particulières  dont  «La  préparatioa  du  budget  est 
entourée  ohez  bo6  voiâijtâ.  Le  Chancelier  de  TËdùquier  n'est 
pas,  comBE^  le  ministi^ede»  Fiaanoes  fractçais^ârméd  un  simple 
droit  de  timide  i^emofiiitrance  yis9-à-vis  de  ses  collègues^  G  est  un 
vrai  oontf>ôleur  ^éaéral^  -qui  «a,  £nancièrement  parlant,  la  préé- 
minence sur  les  4itttref  ministres^  dont  il  discute^  révise  et 
modifie  les  évaluations,  sous  aaresponsiabilité.  Cette. suprématie 
ducbef  delà  Trésorerie  contribue  puissamment  à  la  stabilité 
des  Ënaoces  anglaises.  Le  cbancelier  est  Le  luaitre  presque 
4ibsolu  du  budget  des  dépenses  ;  il  jae  tient  qu'à  lui  d'ixoposer 
ses  vues  d'économie  et  4e  prudence  aux  titulaires  des  départe- 
dineu4iSiQainistériels,  de  réagir  4)antre  leur  tendance  à  développer 
ieur^  services  et  à  accroître,  saA$  nécessité  démontrée^  T impor- 
tance de  leurs  dotations. 

Uji  autre  avanti^e  du  système  .anglais  est  de  faire  caïncidor 
la  présentation  du  budget  avec  Touverture^e  Taiinée  financière. 
C'est»  en  effet,  an  s'en  souvient,  quelques  jours  avant  ou  après 
le  V^  avril,  date  du  oommencemient  4e  l'unnée^^ue  le  Chancelier 
de  rÉchiquier  fait  son  exposé  budgétaire  à  la  Chambre  des 
communes.  11  peut,  dès  lofa,  comparer  ses  prévisions  avec  les 
résultats  de  l'exécution  du  dernier  budget.  Comme  le  dit  excel- 
lemment M.  Stourm,  «  ses  estimations  deviennent  ainsi  con- 
<i  temporaines  des  événements  ;  il  ne  prédit  pas  l'av^enir,  il  le 
«  voit  »• 

Il  est  clair  que  les  évaluations  du  budget  reçoivent,  de  ce 
procédé^  une  précision  et  une  sûreté  exception&elles. 

L'usage  où  Ton,  est,  en  Angleterre,  de  proroger  d'année  en 
a&aée,  sams  recourir  à  une  nouvelle  sanction  du  Parlement,  les 


U)  •Ainti  pomr  188&-S6,  jm  suite  dee  expédilioiks  Boilittlrei  da  Nil,  du  Bochua- 
naland  et  de  Souakim,  M.  Childers,  alors  Chancelier  de  l'Echiquier,  prévoyant 
une  insuffisance  notable  des  ressources  ordinaires,  n'hésita  pas  à  faire  ressortir 
dans  son  exposé  budipétaire,  vu  déficit  de  i4.9û(XÛÛ0  Irrwa^  «oit  4«  334  millions. 


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536  LE   BUDGET   ANGLAIS 

dépenses  du  fonds  consolidé  et  les  quatre  cinquièmes  environ 
des  recettes,  simplifie  singulièrement  l'élaboration  du  budget.  11 
ferme  la  voie  aux  improvisations  législatives,  aux  réformes  mal 
étudiées  qui  risquent  de  se  produire,  lorsque  la  discussion  du 
budget  s'exerce  sur  toutes  les  parties  des  lois  organiques  de 
finances.  C'est  là,  on  ne  saurait  en  disconvenir,  un  précieux 
élément  de  stabilité. 

Mais  c'est  surtout  à  Tunion  du  Gouvernement  et  de  la- 
Chambre  des  communes,  à  leur  entente  durable  et  féconde  que 
le  budget  de  l'Angleterre  doit  ses  plus  fermes  garanties.  Pour 
nous  servir  de  l'expression  de  M.  Armand  Ephraïm,  le  cabinet 
anglais  est  «  simplement  le  comité  directeur  de  la  majorité,  la 
«  réunion  des  hommes,  à  qui  la  majorité,  émanation  elle-même 
«  de  la  majorité  électorale,  délègue  le  droit  de  diriger  les 
«  affaires  du  pays  »  (1).  Nous  n'irons  pas  jusqu'à  dire,  avec  ce 
publiciste,  que  les  ministres  ne  sont,  en  Angleterre,  que  le 
((  syndicat  des  conseillers  de  la  majorité  ».  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain, c'est  que  la  Chambre  des  communes  ne  ménage  ni  sa 
confiance,  ni  son  appui,  ni  son  concours  aux  hommes  d'État  qui 
appliquent,  comme  chefs  du  Gouvernement,  ses  vues  politiques. 
De  là,  l'initiative  exclusive  abandonnée  au  Gouvernement  en 
matière  budgétaire.  Le  Cabinet  peut,  sans  doute,  sans  se  décon- 
sidérer, admettre  une  modification  partielle  de  son  programme 
financier  ;  mais  la  voie  est  absolument  fermée  aux  remanie- 
ments qui  compromettraient  l'équilibre  du  budget. 

Par  leur  désistement  du  droit  d'initiative  budgétaire,  par  leur 
extrême  réserve  dans  l'exercice  du  droit  d'amendement,  les 
Communes  témoignent,  une  fois  de  plus,  de  leur  esprit  de  dis- 
cipline et  de  leur  forte  éducation  politique.'  Elles  montrent 
qu'une  Assemblée  législative  peut,  sans  amoindrir  son  autorité 
morale  et  son  action  dirigeante,  sacrifier  une  satisfaction 
d'amour-propre  à  l'intérêt  supérieur  d'une  bonne  administration 
financière.  A  cet  égard,  elles  nous  offrent  une  leçon  particuliè- 
rement instructive,  qu'il  dépend  de  nous  de  mettre  à  profit. 

A  tous  ces  avantages  de  la  pratique  budgétaire  de  la  Grande- 
Bretagne  s'opposent  un  certain  nombre  de  défectuosités. 

Sans  insister,  plus  que  de  raison,   sur  ces  considérations 


(l)  Revue  politique  et  parlementaire,  t.  VII,  1896,  p.  134. 


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LE   BUDGET   AI96LAIS  537 

d'ordre  théorique,  on  peut  reprocher  à  bon  droit  au  budget 
anglais  de  manquer  d'unité  et  de  clarté.  Rien  de  plus  lumineux 
que  le  discours  annuel  du  Chancelier  de  TÉchiquier.  Mais,  quel- 
que intéressant  que  ce  soit  cet  exposé,  il  ne  remplit  que  très 
imparfaitement  le  rôle  de  nos  tableaux  budgétaires  français,  si 
complets,  si  méthodiques,  où  se  développent,  dans  un  harmo- 
nieux enchaînement,  toutes  les  phases  de  Texercice  fmaiicier 
qui  va  s'ouvrir.  Pourquoi  ne  pas  renfermer  dans  un  même 
cadre,  en  les  rapprochant  les  unes  des  autres,  les  évaluations 
de  dépenses  des  estimâtes  et  les  prévisions  de  recettes  ?  11  semble 
que,  sans  rien  perdre  des  qualités  natives  de  leur  race,  nos  voi- 
sins pourraient  allier  à  leur  sens  des  réalités,  un  plus  vif  senti- 
ment de  l'ordre,  de  la  logique,  de  la  juste  mesure.  Pour  être 
plus  savamment  construit,  leur  budget  n'en  serait  ni  moins 
sincère,  ni  moins  solide.  11  serait  surtout  plus  facile  à  con- 
sulter. 

Mais  le  tort  le  plus  grave  de  la  procédure  budgétaire  des 
Jftglais  est  sa  longueur  désespérante,  autant  que  sa  complica- 
tion. Chaque  chapitre  du  budget  des  dépenses  donne  lieu  à  une 
discussion  des  plus  laborieuses  dans  le  comité  général  des  sub- 
sides. D'autre  part,  le  vote  qui  intervient  sur  chacune  de  ces 
subdivisions  doit  être  soumis  séparément  à  l'approbation  de  la 
Chambre.  Il  n'est  pas  surprenant  que,  dans  ces  conditions, 
l'examen  préparatoire  des  estimâtes  se  prolonge  jusqu'aux  der- 
niers jours  de  la  session.  De  là  cet  enchevêtrement  de  votes  et 
de  bills  provisoires  ou  définitifs,  qui  recule,  bien  au  delà  du 
terme  normal,  le  dénouement  de  l'évolution  budgétaire. 

On  a  dit  que  ces  lenteurs  sont  calculées  ;  que,  si  le  Parlement 
suspend  durant  quatre  ou  cinq  mois  sa  décision  finale,  c'est  pour 
tenir  le  cabinet  en  respect,  et  lui  ôter  la  tentation  «  desedébar- 
«  rasser  du  contrôle  des  Chambres,  une  fois  l'argent  voté  »  (1). 
Mais  l'explication  ne  concorde  guère  avec  ce  qui  a  été  dit  de  la 
confiance  que  les  Communes  accordent  au  gouvernement  issu  de 
la  majorité.  Elle  ne  saurait  d'ailleurs,  en  tout  état  de  cause, 
réhabiliter  une  coutume  qui  altère  si  profondément  le  caractère 
préalable  du  budget. 

Les  Anglais  eux-mêmes  reconnaissent  qu'une  réforme  s'im- 

(P  Bulletin  de  statistique  du  min,  fin.,  t.  XXIII,  p.  704. 


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53S  LB   IVIMUST   AneCAIfi- 

pose  à  cet  égard.  Un  ancien  secrltaire^de  1»  Trésoferie,  M.  Fbw- 
1er,  se  montre  partieulièrement  sévère  po«r  les-  ervementTs 
actoels  r  «  Gaspillages  du  temp^  pablic,  dit4>,  et  mpossibilité- 
«  #empècherle  gaspillage  de  l'argent  poblic^  telles  sont  les 
<c  caractéristiques  principales  du  comté  des*  subsides  »  (t). 

11  ne  satirait  nous  défèatre  die  reeueillir  ce  témoigna^  d'nn 
spécialiste  bien  informé,  ne  fûtî-ce  que  pour  ramener  à  wn  sen- 
timent plus  juste  de  la  réalité  ces  sîvgulfers  critiques  qui 
affectent  de  tout  dénigrer  dans  noe  institutions  et  qui,  en 
revandie,  professent  u«  culte  superslMpem  pour  celtee  de- 
Tétranger.  Si  vif  qu'e»  soit  t'attPail,  le»  étwites  dte  droit  com- 
paré ne  dorveoi  pas  nous  ren<ftre  injustes  ewveps  notre*  pays,  ni 
surtout  nous  inspirer  une  areugle  coafitnce^  dans  la  valeur  de 
ces  systèmes  anglais,  belge  ou  italien  dbnt  nous  n'avons 
qu'une  vue  abstraite  et  dont  il  nous  est,  dès  lors^  impossible  de 
mesurer  exactement  la  répercussion. 

(1)  Opinion  de  M^  IL  Fowler»,ceproduitâ  ^^M  BulUiin  de  statistique,  L  XXlIé^ 
p.  705. 


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LA  RÉFORME  DES  BOISSONS 


ïk  ymkii^m  hsca^  m  la  Bine 


L'industrie  de  la  brasserie  a  pris,  depuis  un  demi*siècle,  en 
France,  une  exteni3ion.coniiidéraI^e  que  les  statistiques  fificales 
permettent,  dans  une  certaine  mesure,  d'évaluer. 

En  1831,  la  production  a  été  de  3.034.168  hectolitres 

—  1836,  —  —  3.720.779  — 

—  1841,  —  —  4.  m. «03-  — 

—  1846,  —  —  5.006.954  — 

—  1831,  —  -  4.448.880  — 

—  1856,  —  —  6  448.692  — 

—  Ifiei,.  —  —  «aW.98T  - 

—  186«,  -  —  8v073.557  — 

—  Ifirn,  —  -  6.403.345  — 
— 18:«,  -^  —  7.5W.8n  — 

—  1881,  —  —  8.6^.786.  — 

—  1886,  —  —  7.978.843  — 

—  1891,  —  —  ft.atMlOOO  — 

—  1896,  —  —  8.99J  .000  — 

D*après  ce  lafalèâii,  la  prodiseticm  db  lotbièta  a;  presque  triplé 
depuis  183Q;  iMÛe^cesi  chiflFres  doirent  èkre*  corrigés,  et  le  pro- 
grès esl  bien;  plosfocmsidérable  encove;  car  ta  fraude^,  sous  Vemw 
pîne  d'uBe-l^siatîim  fiscale  surannée,  seustvsjait  à  Fimpèt  une 
quantité  considérable  de  ftières,  qu^il  faudrait  ajouter  «a» 
9;0Q0;000  de  189ô,  pour  faine;  irae  oonaparaison.  exacte. 

Ce  régime  fiscal  de  la  bière  remorrtewt;  comme*  celui  du  vin  et 
dn  cidre*,,  hht  loi  du- 28  avril  1816  ;  rasiâ-  les?  principes  de  ru»  eî 
eenu  de  Vautra  sont  tout  à  fait  différents-,  Tandi»  que  le  via  ei  le 
cidre  payent  l'impôt  au  moment  où  ilssontmis  en  circuikfiion  ef^ 
transporté»chez  fe  consommateur,  la  taxe  qui  frappe  1» bière  est 
une  taxe  die  fabricatbn,  diie  par  le  seul  faitde  la  Mvioatian  et 
perçue  pendant  la  fabrication. 


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540  LA    LÉGISLATION    FISCALE  DE  LA   BIÈRE 

Le  législateur  a  été  amené,  pour  assurer  la  perception  de  celte 
taxe,  à  surveiller  la  fabrication  de  la  bière,  à  lui  imposer  cer- 
taines règles.  Avec  le  temps,  avec  les  progrès  de  Tindustrie,  ces 
règles  sont  devenues  inapplicables,  la  surveillance  est  devenue 
illusoire.  Le  fisc  et  les  brasseurs  se  sont  trouvés  d'accord  pour 
demander  la  révision  d'une  loi  vieillie. 

L'accord  s'est  fait  assez  vite,  et  depuis  de  longues  années,  sur 
la  nécessité  d'une  réforme.  11  a  fallu  plus  longtemps  pour  s'ac- 
corder sur  la  réforme.  Mais,  depuis  1894,  la  solution  est  trouvée 
et  il  ne  lui  manquait  plus  que  la  sanction  parlementaire. 

Incorporés  dans  le  budget  pour  l'exercice  1899,  les  textes  qui 
consacrent  cette  modification  de  notre  législation  fiscale  ont  été 
votés  sans  modifications  par  la  Chambre  des  députés  le  28  mars, 
et  par  le  Sénat  le  25  mai.  La  réforme  est  aujourd'hui  un  fait 
accompli.  Nous  voudrions  montrer  combien  elle  était  néces- 
saire. 

I.  —  La  fabrication  de  la  bière. 


Le  principe  de  la  législation  fiscale  de  la  bière  est  contenu  dans 
les  premières  lignes  de  l'article  107  de  la  loi  du  28  avril  1816, 
sur  les  boissons  :  «  11  sera  perçu,  à  la  fabrication  des  bières,  un 
droit  de...  »  L'impôt  est  perçu  pendant  la  fabrication-,  il  est  me- 
suré sur  la  quantité  fabriquée;  il  varie  suivant  le  mode  de  fabri- 
cation :  on  ne  peut  l'étudier  qu'après  avoir  appris  quelques 
notions  élémentaires  sur  la  fabrication  de  la  bière. 

On  peut  définir  la  bière  :  une  boisson  alcoolique,  provenant 
de  la  transformation  saccharine  de  matières  amylacées  et  fécu- 
lentes, et  additionnée  de  matières  aromatiques  plus  ou  moins 
amères.  Mais  comme  l'orge  est,  de  toutes  les  matières  amylacées 
et  féculentes,  la  plus  propre  et  la  plus  généralement  employée 
à  la  préparation  de  la  bière,  —  comme  le  meilleur,  et  presque 
le  seul  usité,  de  tous  les  arômes,  est  le  houblon,  — on  peut  pré- 
ciser la  définition,  au  risque  delà  rendre  inexacte  dans  plusieurs 
cas,  et  dire  de  la  bière  qu'elle  est  le  liquide  fermenté  produit  par 
r  in  fusion  d'orge  gennée  et  parfumée  avec  du  houblon, 

La  préparation  de  la  bière  ainsi  définie,  se  décompose  en  six 
opérations  principales  : 


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LA   LÉGISLATION   FISCALE  DE   LA   BIÈBE  541 

Le  maliage  ou  gemiination  du  grain  ; 

Le  brassage  ou  saccharificaiion  du  grain,  qui  se  fait  dans  la 
cuve-matière  ; 

La  ct/mon  du  grain  saccharifié  et  son  aromatisation^  qui  s'effec- 
tuent dans  la  chaudière  ; 

Uoxygénation  et  le  refroidissement  du  moût,  dans  les  hacs 
refroidissoirs  ; 

La  fermentation  du  moût,  commencée  dans  la  cuve-gtiilloire; 

Uentonnement, 

Lemaltagc,  ou  fabrication  du  malt,  est  une  opération,  ou  une 
série  d'opérations,  qui  consistée  faire  subir  au  grain  une^er- 
mination  plus  ou  moins  avancée.  La  germination  a  pour  but  de 
provoquer  la  vie  de  Tembryon  du  grain,  et  de  développer,  sous 
rinfluence  de  l'acte  vital,  dans  l'intérieur  du  grain,  la  produc- 
tion d'une  matière  albumineuse,  appelée  diastase,  qui  deviendra 
dans  la  suite  Tagent  transformateur  de  Tamidon  en  sucre. 

Le  maltage,  qui  reproduit  artificiellement  la  germination  na- 
turelle des  grains,  fait  agir  simultanément  les  trois  éléments 
nécessaires  à  toute  opération  vitale,  Thumidité,  la  chaleur, 
Toxygène. 

On  mouille  le  grain  dans  de  grandes  cuves  en  tôle,  dites  cuves 
mouilioires.  Lorsqu'il  est  arrivé  à  un  degré  d'humidité  suffisant, 
on  l'amène  dans  une  grande  pièce,  appelée  germoir^  placée  autant 
que  possible  à  l'abri  des  grandes  variations  de  température  ;  et 
on  retend  sur  le  sol  en  couches  peu  épaisses.  Pendant  que  s'ac- 
complissent les  phénomènes  de  germination,  l'ouvrier  malteur 
retourne  le  grain  à  la  pelle  pour  l'aérer  et  le  rafraîchir. 

La  germination,  régulièrement  surveillée,  est  arrêtée  au  mo- 
ment où  le  grain,  parfakement  désagrégé,  contient  son  maxi- 
mum de  diastase.  On  l'arrête  en  enlevant  au  germe  un  des  élé- 
ments nécessaires  à  la  vie  :  l'humidité.  La  graine  est  emportée 
dans  un  séchoir,  qu'on  nomme  touraille^  où  elle  est  soumise  à 
une  température  assez  élevée  et  à  une  atmosphère  très  sèche, 
qui  lui  enlève  toute  faculté  germinatrice.  Séparée  par  un  cri- 
blage de  son  germe,  qui  contient  une  substance  riche  en  azote 
et  fait  un  excellent  engrais,  elle  devient  le  malt^  et  se  conserve 
pendant  longtemps,  pourvu  qu'elle  soit  placée  dans  des  maga- 
sins bien  clos  et  à  l'abri  de  l'humidité. 

La  préparation  du  malt  exige  des  soins  si  délicats,  qu'elle  est 


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542  HA   BÉGIflTLinYOf^  FISCALIT  UE  Zk^  BrÈR? 

en  quelque  sorte  une  industrie  à  part  et  que  heaucoop  de  bras- 
seurs achètent  aux  malleurs  le  grain  ixmi  préparé  pour  la  sac- 
cliarification.  La  fabrication  de  la  bière  ne  commence  cRwic  prr»- 
prement  qu'a<a  brassage. 

Le  brassage  a  pour  objet  de  dissoudre  daiw^Teau  tout  le  sucre- 
contenu  dans  Torge. 

Après  avoir  passé  au  moulin,  pour  y  être  grossièrenaeat  coti^ 
cassé,  le  malt  est  versé  dans  wne  cuve*,  que  le  langage  teehni«|^ie 
appelle  la  cuve-matière. 

Sans  yintermédiaire  d'aucun  agent  chimique,  parfintervem- 
tioB^ule  de  l'eau,  qui*,  portée  à  une  température  assex^  élevée 
(70  h  80»degrés),  pénètre  le  malt,  le  ftiitrg(î>nfler;  erl  le  dispose  à 
subir  l'action  de  la  diastase,  la  saccharificationdugrain,  c^esfe-à- 
direla  transformation  de  Famidon  que  renferme  Fe  grain  en 
sucre,  s'opère.  Le  mélange,  q^ii  produit  cette  transformât ron, 
est  activé  par  des  agitateurs  en  métal,  qui  se  meuvent  mécani- 
quement dans^  la  cuve-matière. 

L'épuisement  de  toute  la  matière  sucrée-qu*-  contient  le  malt 
est  obtenu  par  une  ou  plusieurs  imraersionsi  Chacun»  d»  ce» 
immersions  porte  le  nom  de  trempe.  Le  produit  de  chacuiieëes' 
trempes  s'appeHe?wi^^?^.  La  réunion  dèplUaieurs  méHevs,  des- 
tinés à  la  production  d'une  même  qualité  denroût;  senomme- 
brmsin.  — Enfin,  te  résidu  qui  reste  d!a»9fticuveHnetière,  kwrs- 
qu'on  a  épuisé  le  malt  de  tout  son  swcre,  est  te*  d^èche^  quii  ser# 
de  nourriture  aux  bestiaux. 

De  la  cuve-matière,  le  liqxiide  sucré  obtemu  pur  fe  brassage 
est  conduit  dams  la  chaudière  d^  cuite  y  oit  ou  Itii  fait  subir  une 
ébuHrtion  pîu"s  ou  moins  prolongée;  Lorsqu'il  a  swfftsunuuent 
bouilli,  on  cesse  le^îbauffage,  et  on  jette  dlans  la  chaudière  une 
quantité  de  houblon,  variable  suivant  la^qualité  qu'on  veut  (Can- 
ner à  lia  bière,  et  qu'on  laisse- inftisor  pendant  une  d^yrée  piui* 
ou  moins  longue.  —  Le  liquide,  p4trs  ou  moins-  concentré,  pte* 
ou  moins  chargé  de  sucre,  qui  sort  de  la  charudière  pPBfirf  le  n»wi 
de  mo^/. 

Ce  moût,  en  sortant  de  la  chaudière,  est  déversé  dans- u» ou 
plusieurs  bacs,  — hacs  refroidissoirs^  —  où,  après  avoir  été -dé- 
barrassé d*u  houblon  'etidtes  autres-  substances  aromatiques  dont 
il  a  pu  être  mélangé,  aprèsavoir  repris  à  Faii^ambiant  l'oxygène 
que  l'ébuUifeion  hii  a  fait  perdre,  il  est  refroidi  le  plu»  prrMnpIe- 


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LA   BÉGISEÂTIOIT  FfSCirLE   DE  EÂ   BIÈRE  543* 

ment  possible,  et  ramené  k  une  température  variant  de  12  à 
26  degrés,  fayorable  à  wne  boime  fermentation. 

Lorsque  eetfe  température  est  atteinte,  il  est  amené  dans  la 
cure  gmlloire^  oh  commencent,  sous  Faction  proKfique  des  cel- 
lules de  levure  qu'on  y  a  introduites,  les  phénomènes  de  fer- 
mentation qui  transforment  le  sucre  en  alcool,  le  liquide  sucré 
en  boisson  alcoolique. 

Commencée  dans  la  cuTeguilloire,  la  fermentation  se  continue 
dan»  les  tonneaux,  ou  la  boisson  a  été  soutirée,  dès  que  le  levain 
a  manifesté  son  action.  Afrès  quelques  jours  de  ce  travail  vital, 
la  bière  est  faite,  et  il  n'y  a  plus  qu'à  la  clarifier  pour  être  en 
mesure  de  la  livrera  la  eonsommation. 


U.  —  La  loi  db  18  id.. 

Afin  de  mieux  faire  comprendre  la  nécessité  et  la  portée  de 
la  réforme  réalisée,  awis  nous  placerons  d'abord  avaat  sa  réali- 
sation, .et  nous  décrirons  le  mécanisme  de  l'impôt  tel  qu'il  ré- 
sultait de  la  loi  de  1816. 

L'impôt  sur  la  bière  est,  dans  le  régime  créé  par  cette  lo>i,  vol. 
impôt  au  volume.  L'article  110  détermine  le  volume  imposable 
en  ces  term«&  t 

La  quantité  de  bière  passible  du  droit  sera  évalué^,  quella»  çpi^oA  soiieni  Xqb- 
pèce  et  la  qualité,  en  comptant  pour  chaque  brassin  la  contenance  de  la  chau- 
dière, lors  môme  qu'elle  ne  serait  pas  entièrement  pleine.  U  sera  seulement 
déduit  sur  cette  contenance  20  p.  100  pour  tenir  lieu  de  tous  déchets  de  fabrica- 
tion, d^ooillages,  ée  coulages,  et  astres  acoidenls. 

L'impôt  porte  sur  le  volume  de  bière  fabriquée.  Pour  cons- 
tater ce  volume,  on  se  place  non  pas  au  début  delà  fabrication, 
comme  par  exemple  dans  la  cuve-matière,  parce  qull  n'y  a  pas 
un  rapport  nécessaire  entre  le  volume  des  métiers  obtenus  par 
le  brassage  et  le  volume  de  Ifei  bière  fabriquée;  ni  à  la  fin  delà 
fabrication,  comme  dans  la  cuve  de  fermentation  ou  dans  les 
tonneaux,  parce  qu'on  s'expose  à  d'autant  plus  de  fraudes  qu'on 
retarde  le  moment  de  la  constatation  ;  mais  au  milieu  de  la  fa- 
brication, dans  la  chaudière  de  cinte^  à  un  point  où  cette  fabri- 
cation n'est  pas  encore  très  avancée,  etqui  fixe  cependant  déjà, 
an  ynoinii  lorsque  la  fabrication  est  normalement  conduite^  la  • 
quantité  de  bière  fabriquée. 


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5ii  LA   LÉGISLATION   FISCALE   DE   LA   BIÈRE 

C'est  donc  le  volume  du  moût  contenu  dans  la  chaudière  qui 
constitue  la  matière  imposable  ;  mais  pour  faciliter  la  constata- 
tion de  ce  volume,  Tarticle  HO  a  recours  à  un  artifice.  Toutes  les 
fois  qu'un  brasseur  fabrique  de  la  bière,  il  est  censé  en  fabriquer 
une  quantité  équivalente  au  volume  de  sa  chaudière,  et  paye 
Timpôt  proportionnellement  à  ce  volume,  (sous  déduction  do 
20  p.  100  pour  déchets  de  fabrication  ou  pertes  accidentelles). 
Onn'impose  pas  les  quantités  réellement  fabriquées,  mais  celles 
que  le  matériel  permet  de  fabriquer.  Grâceà  cette  fiction  légale, 
dont  le  brasseur  aura  intérêt  à  se  rapprocher  le  plus  possible, 
l'évaluation  du  volume  imposable  est  ramenée  à  une  unité  con- 
nue et  constante,  et  par  conséquent  très  simplifiée. 

Celle  de  la  taxe  à  percevoir  est  un  peu  plus  compliquée  : 

Il  sera  perçu,  à  la  fabrication  des  bières,  un  droit  de  deux  francs  par  hectolitre 
de  bière  forte*  et  de  cinquante  centimes  par  hectolitre  de  petite  bière, 

dit  Tarticle  107  de  la  loi  de  1816.  Quel  est  le  sens  de  cette  dis- 
tinction ?  Qu'est-ce  que  la  bière  forte  ?  Qu'est-ce  que  la  petite 
bière  ?  L'article  108  de  la  loi  répond  à  cette  question  : 

Il  n'y  aura  lieu  à  faire  l'application  de  la  taxe  sur  la  petite  bière  que  lorsqu'il 
aura  été  fabriqué  plusieurs  brassins  avec  la  même  drèche  ;  et  cette  exception  ne 
sera  appliquée  qu'au  déifier  brassin,  pourvu  d'ailleurs,  qu'il  ne  soit  entré  dans 
sa  fabrication  aucune  portion  des  matières  résultant  des  trempes  données  pour 
les  premiers,  qu'il  n'ait  été  fait  aucune  addition  ni  remplacement  de  drèche,  et 
que  la  chaudière  où  il  aura  été  fabriqué  n'excède,  en  contenance,  aucune  de 
celles  qui  auront  servi  pour  ces  brassins  ;  faute  de  quoi  tous  les  brassins  seront 
réputés  de  bière  forte  et  imposés  comme  tels. 

Voici  donc  ce  que  le  législateur  appelle  de  la  petite  bière  : 
Le  brasseur  a,  par  la  jetée  d'aw  mo2/}.s  deux  trempes,  c'est-à- 
dire  par  deux  immersions  au  moins  dugrain,  dissous  la  presque 
totalité  du  sucre  contenue  dans  le  malt,  et  retiré  de  la  cuve- 
matière  au  moins  deux  métiers  (ces  deux  métiers  formant  en- 
semble un  brassin),  que  le  reste  de  la  fabrication  transformera 
en  bière  forte.  Mais  le  résidu  qui  reste,  dans  la  cuve-matière, 
après  rcnlèveraent  de  ces  métiers,  —  la  drèche,  —  renferme 
encore  une  certaine  quantité  de  sucre,  qu'une  ou  plusieurs  im- 
mersions permettront  de  dissoudre,  qui  donnera  un  nouveau 
brassin,  beaucoup  plus  léger  et  beaucoup  moins  riche  en  sucre 
que  le  précédent,  et  qui  pourra  servir  à  faire  une  bière  de  qua- 
lité très  inférieure  :  la  petite  bière. 

A  un  produit  aussi  différent  de  la  bière  forte,  ne  fallait-il  pas 


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LA    LÉGISLATION    FISCALE   DE   LA   BIÈRE  545 

faire,  dans  le  chiffre  de  l'impôt,  un  sort  plus  favorable  ?  Les  lé- 
gislateurs qui  précédèrent  celui  de  1816  ne  l'avaient  pas  pensé. 
«  De  même  qu'on  ne  considérait  qu'une  seule  espèce  de  vin  et  de 
cidre,  malgré  les  variétés  innombrables  de  qualité,  de  même  on 
ne  faisait  aucune  distinction  entre  les  bières  de  diverses  qua- 
lités, entre  les  bières  de  premier  extrait  et  celles  de  deuxième 
et  troisième  extrait,  bien  qu'il  fût  à  la  connaissance  de  tous  que 
la  valeur  de  ces  bières  offrait  des  différences  tranchées  ».  Le  lé- 
gislateur de  1816  fut  d'un  avis  contraire,  pour  les  raisons  que 
donne  en  ces  termes  le  préambule  du  projet  de  loi  : 

Depuis  longtemps,  de  vives  et  nombreuses  réclamations  avaient  eu  constam- 
ment pour  objet  de  solliciter  une  différence  de  taxe  entre  la  forte  et  la  petite 
bière  ;  elles  étaient  fondées  sur  ce  que  cette  dernière  boisson,  destinée  dans  le 
département  du  Nord  à  la  consonmiation  du  pauvre,  de  Touvrier  et  du  cultiva- 
teur, se  trouvait  frappée  d'tm  droit  qui  n'était  pas  proportionné  à  sa  valeur. 

L'inutilité  de  ces  réclamations  excita  beaucoup  de  mécontentement,  réduisit  la 
fabrication  des  petites  bières  aux  qualités  absolument  nécessaires  pour  opérer 
des  mélanges  et  força  Celui  qui  n'avait  pas  le  moyen  d'acheter  de  la  bière  À  boire 
de  l'eau. 

La  justice  et  l'humanité  exigent  qu'il  soit  fait  des  changements  à  cette  partie 
de  la  législation;  ils  seront  reçus  avec  reconnaissance  et  seront  môme  dans  Finté- 
lèt  du  gouvernement,  puisqu'ils  feront  augmenter  la  fabrication  de  la  petite 
bière  et  n'influeront  probablement  pas  sur  la  fabrication  de  la  bière  forte. 

Et  la  distinction,  adoptée  pour  ces  motifs  par  la  loi  du 
28  avril  1816,  a  été  maintenue  par  toutes  les  lois  qui  sont 
venues  modifier  le  chiffre  de  Timpôt.  Tandis  que  l'hectolitre  de 
bière  forte  a  été  successivement  taxé  à  2  francs  en  1816,  à 
3  francs  en  1817  et  en  1822,  à  2  fr.  40  en  1830,  à 3  fr.  60  en  1855, 
à  3  fr.  75  depuis  1871,  l'hectolitre  de  petite  bière  qui  payait 
0  fr.  50  en  1816,  a  payé  0  fr.  75  enl822,  Ofr.  60  en  1830,  1  fr.  20 
de  1855  à  1871 ,  1  fr.  25  depuis  1871 . 

Nous  savons  sur  quelles  bases  est  assis  l'impôt  ;  il  nous  reste 
à  savoir  comment  est  assurée  sa  perception.  Sur  ce  point,  le 
texte  même  de  la  loi  n'a  guère  besoin  d'éclaircissement  : 

Article  117.  —  Les  brasseurs  seront  tenus  de  faire  au  bureau  de  la  régie  la 
déclaration  de  leur  profession  et  du  lieu  où  seront  situés  leurs  établissements. 

Cette  première  déclaration  a  pour  effet  de  placer  la  brasserie 
sous  la  surveillance  générale  de  la  régie  : 

Les  brasseurs  sont  soumis  aux  visites  et  vérifications  des  employés  et  tenus 
de  leur  ouvrir  à  toute  réquisition  leurs  maisons,  brasseries,  ateliers,  magasins 
caves  et  celliers,  ainsi  que  de  leur  représenter  les  bières  qalls  auront  en  leur 
possession, 

dit  rarticlel25de  la  loi.  Mais  ces  visites  et  ces  vérifications  ne 


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546  LA  LÉGISLATION    FISCALE   DE   LA    BIÈRE 

peuvent  être  faites,  en  dehors  du  cas  de  fabricaiwn  déclai*ée^  que 
pendant  le  j-aur,  c'est-A-dire  de  septiieures  4u  aaatiaiisixJieures 
du  soir  dans  les  mois  d'hiver^  4e  cinq  heures  4u  matitt  k  huit 
heures  du  soir  de  mai  en  août,  de  six  heures  du  matin  à  sept 
heures  du  soir  pendant  les  mois  de  mars  «et  avril,  septembre  et 
octobre. 

Une  autre  déclara4ion,  reiK>«velée  à  chafue  mise  de  leii,  a 
pour  objet  d'aviser  les  agents  du  fisc  <iueia  fabrication  est  •com- 
mencée et  que  leur  rôle  de  surveillaoïls  commeace  (i).  Par 
cette  déclaration,  requise  aa  début  de  toute  fabricatioiiL,  ia 
régie  sait  à  Tavance  de  combien  de  brassins,  et  de  quelle  csp^ce 
de  brassins  (bière  forte  on  petite  bière),  et  4e  quel  voluoDie  de 
brassins,  (le  volume  des  chaudières  déclarées),  cette  fabrication 
se  composera.  £Ue<a  «ift^i  entre  les  oiaiiks  toits  ieséléflieiàts  fié- 
cessaires  pour  le  calcul  des  droits. 

En  même  temps  qu'elle  foujrnit  oes  éléneots  de  «akttl,  la 
déclaration  de  mise  de  feu  place  la  fabrication  de  la  bière  sous 
la  surveillance  4eâ  employés  4e  la  régie.  CeMe  «urveiUaaioe  com- 
mence au  moment  où  le  malt  est  déposé  dans  la  cuve-matîère, 
elle  dure  jusqu'au  moment  où  la  bière  est  soutirée  dans  les  ton- 
neaux ;  elle  commence  avant  la  saccharification  pour  ne  cesser 
qu'après  Tentonnement.  Aucune  phase  de  la  fabrication  normah 
ne  lui  échappe. 

Le  rôle  des  agents  du  fisc  est  d'empêcher  les  décharges  par- 
lielles  et  de  constater  les  excédents. 

Ils  doivent  empêcher  qu^'à  un  moment  plus  ou  moins  avancé 
delafahricatîon,  lehrasseur  ne  décharge  clandestinement  une 
partie  plus  ou  moins  considérable  de  liquide  qu'il  dissimulerait, 
et  dont  il  pourrait  achever  la  préparation  en  dehors  des  périodes 

(1)  Article  119.  —  Le  feu  ne  pourra  Ôtre  allumé  sous  les  chaudières,  daas 
lec  bcas«eries,  «{ue  pour  la  i^rksaUon  de  la  bière. 

AaTMUC  120.  —  Tout  i)ra8seur  -sera  tami,  Qha4iu6  lois  ^*il  Toudia  mettre  ie 
feu  sous  ses  chaudières,  de  déclarer,  au  moins  quatre  heures  d'avance  dans  les 
billet  cet  douze  heaves  idaiM  :i«t  oampagnas  : 

lo  Le  numéro  et  la  contenance  des  chaudières  qu  il  voudra «mplojere^  Theure 
de  la  mise  de  feu  sous  chacune  ; 

2^  Le  nombre  et  la  qualité  des  brassins  %u'il  devra  fabciquer  avec  la  même 
drèche; 

3« L'heure  deTAntoimeHieni  de  chaque  brassin... 

Le  proposé  qui  aura  reçu  une  déclaration  en  remettra  une  amplîatloja,  siipièe 
de  lui,  au  brasseur,  lequel  sera  tenu  de  la  représenter  à  toute  réquisition  des 
^mp)f^  penésDJt  la^wrée  deiaiabriMUoA. 


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LÀ  liÉGlSLATIOIS    FISCALE  DE  LA    BIÈRE  .5<4: 

d'exercice.  JLa  .présence  d'un  employé  en  permanence  n'esi:  jmiis 
néceseaiite  .^ur  eu^ècher  urne  fraude  aussi  grossière;  ila 
jmeAace  de  fia  visite  suffii.  L'articie  109  de  la  ici  facilite  d'ail- 
leurs sa  {beftCkgne^  en  «déterminant  que  : 

Le  prodoit  ttes  trempes  doiraées  pour  tin  brassm  ne  pourra  excéder,  de  phrs 
de  ^iiagft  pour  cosi,  laicontenanee  de  la  cQiauiiiàre  déclu'ôe^our  la  fabrioatioii  -éfi 
ce  br8L8sin. 

•Si  le  .volume  du  lir«ssin  scyrtaot  de  Jacuve-snaiière  dépasse  .le 
ivelujxie  die  La  oh&¥idière  dédacée  d'un  excédent  supérieur  à 
celui  que  aécessite  rébullitiofli,  —  20  p.  100  aux  .ternaes  de 
la  loi,  — le  ibrasseurest  en  contravenii^m.  £1  suffit  donc  aux 
etofimféB  de  la  régie  de  vérifier  le  brassin  poiur  rendre  les'dé- 
•charges  |)artielles  impossibles,  'Ou  i^o^t  au  moins  tinedgnifiam tes. 

Ei  de  méaibe  il  ôu£&t  de  vérifier  le  ^otamc  du  moût  sortant;  de 
la  chaudière^  ouïe  volume  de  la  l^ière  mi  aioment  de  T-enioiiine- 
jttent,  pour  .s-tiSMiner'que  Iub  eu  1  autre  ne^dépasse  pas  la  con- 
tenance ionposable,  et  constater,  s'il  y  a  lieu  les  excédeoits. 

Les  excédents  peuvent  se  produire  dans  deux  hyp^rthèses  bien 
différentes. 

Le  droit  étant  dû,  non  pas  sur  la  contenance  totale  de  la  chau- 
dière déclarée,  mais  sut  cette «co^irtenanoe  totale  diminuée  de 
20  p.  100,  ou  pour  employer  les  termes  dont  la  loi  se  sert, 
noa  fiur  la  oontencnûe  ibntie,  m^is  sur  ia  contenance  a^tte, 
il  peut«e  faive  que  k  hrââseur  ne  perde  pas  «à  la  fabrication 
ces  20  p.  l'OO  que  le  législateur  Lui  aacorde,  et  que  le  volume  de 
la  bière  fabriquée  dépasse  la  contenance  nette  pour  se  ra4)pro- 
d»erir  de  la  conteBanee  bnute.  Il  n'y  a,  dansceitte  hypothèse,  rien 
de  jCrauduleuK,  o^ien  de  punissable,  ^ais  le  fisc  ne  peut  pas 
admettre  qu'une  quantité  trapoonfiid érable  de  matière  iim^^- 
sable  lui  échappe  :  il  abandonnera  .tous  ses  droâts  sur  tout 
excédent  qui  .ne 'dépasse  pas  le  dixiènie  de  la  conteoaance  nette, 
S€dt  ;  il  les  rapre»dL,  sur  tout  excédent  qui  dépasse  ce  dixième. 
Qiue  si,  pour  uae  chaudière  de  1)00  hectolitres,  la  quantité  de 
bière  recueillie  ne  dépasse  pas  88  hectolitresi,  —  un  dixième 
«en  sus  de 60,  — ie^dooit ne  sera  peirçu  q^ie  sur  80..  Si  ^Uedépassc 
36  hectolitres,  soil-89,  j90,  -91^  et  .ainel  de  suîÉe  jusqu'à  100^  le 
idroit  fiera  per^u  sur  S9,,  90^  9iL,ieta 

Mad«  si  la*gunntité  /oonsrtatée  «ur  les  bacs  ou  à  l'entoiBALemûftt 
rdépasae,  nom  seulemeol  la  conteBanoe  nette ,  omûs  mtèata  k  oqu- 


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548  LA   LÉGISLATION    FISCALE   DE  LA   BIÂRE 

tenance  brute,  si  elle  est,  pour  une  chaudière  déclarée  contenir 
100  hectolitres,  de  101,  102,  110  hectolitres  et  plus,  la  fraude 
est  certaine.  Procès-verbal  sera  dressé,  avec  amende  et  confis- 
cation de  Texcédent  pour  conséquence.  Mais  la  cause  de  cet  ex- 
cédent, toujours  frauduleux,  est  peut-être  un  brassin  clandestin 
dont  la  fabrication  n'a  pas  été  déclarée.  Dans  ce  cas,  —  et  la  loi 
présume  qu'il  y  a  brassin  non  déclaré  toutes  les  fois  que  Texcé- 
dent  dépasse  un  dixième  de  la  contenance  brute j  —  il  est  juste 
qu'en  dehors  même  des  pénalités  qui  frappent  la  fraude,  l'impôt 
soit  perçu,  non  seulement  sur  la  quantité  d'excédent  saisie, 
mais  sur  le  brassin  clandestin  tout  entier,  c'est-à-dire  sur  une 
seconde  quantité  égale  à  la  contenance  nette  de  la  chaudière. 
De  101  à  110  hectolitres,  pour  une  chaudière  de  100,  le  droit  sera 
perçu  sur  101 ,  102...  110  hectolitres  ;  au-dessus  de  110,  le  droit 
sera  perçu  sur  un  double  brassin,  le  brassin  déclaré  et  le  bras- 
sin clandestin,  soit  deux  fois  80,  ou  160  hectolitres,  —  sans 
préjudice  de  l'amende  et  de  la  saisie  de  tout  l'excédent  à  la  con- 
tenance brute. 


111.  —  Les  vices  de  la  loi  de  1816. 

Une  loi  qui  établit  un  impôt  à  la  fabrication  devrait  se  modi- 
lier  avec  les  progrès  de  cette  fabrication  :  la  loi  de  1816  était 
trop  ancienne  pour  répondre  encore  aux  besoins.  Elle  avait  le 
double  défaut  de  ne  plus  garantir  les  intérêts  du  fisc  et  d'entra- 
ver la  marche  normale  de  la  brasserie.  Nous  plaçant,  comme 
nous  l'avons  fait  précédemment,  sous  le  régime  de  cette  loi  su- 
rannée, nous  laisserons  parler  ceux  qui  la  combattaient,  nous 
écouterons  les  plaintes  qu'elle  soulevait. 

A  la  vérité,  la  première  fissure  par  laquelle  une  partie  de 
l'impôt  s'échappe  ne  provient  pas  de  la  vétusté  de  la  loi,  mais 
d'une  erreur  du  législateur.  Elle  a  sa  cause  dans  la  distinction 
que  fait  la  loi  entre  bière  forte  et  petite  bière. 

Cette  distinction  ne  correspond  à  rien  dans  la  réalité.  Il  n'y  a 
au  point  de  vue  de  la  vente  qu'une  seule  espèce  de  bière,  pro- 
duite par  le  mélange  qui  résulte  des  deux  premières  trempes  et 
du  liquide  qui  résulte  des  trempes  de  lavage.  Légalement,  ce 
mélange  ne  devrait  être  fait  qu'après  Tentonnement.  La  plupart 


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LA   LÉGISLATION   FISCALE   DE   LA   BIÈRE  549 

des  brasseurs  le  font  au  contraire  avant  Tentonnement  ;  et,  dans 
les  brasseries  bien  construites,  les  deux  chaudières,  celle  qui 
contient  le  moût  de  bière  forte  et  celle  qui  contient  le  moût  de 
petite  bière,  sont  reliées  Tune  à  l'autre  aux  deux  bacs  refroidis- 
soirs,  où  le  mélange  s'opère  immédiatement.  Ce  qu*à  Tentonne- 
ment  le  brasseur  présente  à  l'employé  de  la  régie  comme  un 
brassin  de  bière  forte  est  exactement  de  même  force  et  de  même 
qualité  que  ce  qu'il  lui  présente  comme  un  brassin  de  petite  bière. 
Nulle  part,  en  effet,  cette  petite  bière  qu'on  avait  représentée 
au  législateur  de  1816  comme  la  boisson  du  pauvre  ne  se 
trouve  dans  le  commerce,  et  l'on  étonnerait  fort  un  brasseur  si 
on  la  lui  demandait.  Le  produit  à  prix  réduit  que  livrent  la 
plupart  des  industriels,  —  à  leur  clientèle  bourgeoise,  et  non  h 
leur  clientèle  de  cabaretiers,  —  sous  le  nom  de  «  bière  mêlée  » , 
ou  de  «  bière  tiercée  »,  est  un  mélange  de  bière  marchande  et 
d'eau,  et  non  le  produit  d'une  fabrication  moins  riche. 

L'intérêt  du  brasseur  serait  donc  d'avoir,  pour  chaque  mise 
de  feu,  une  minuscule  chaudière  recevant  le  produit  des  deux 
premières  trempes  et  payant  le  droit  de  bière  forte,  et  une  chau- 
dière de  grand  volume  recevant  le  produit  des  trempes  de 
lavage  et  payant  le  droit  de  petite  bière.  Heureusement  pour  le 
fisc,  le  législateur  de  1816  semble  avoir  prévu  la  fraude  et, 
sentant  son  impossibilité  de  l'empêcher,  a  voulu  la  limiter  en 
décidant  que  le  brasseur  ne  pourrait  jamais  fabriquer  dans  une 
même  période  de  fabrication,  plus  de  petite  bière  que  de  bière 
forte. 

Ainsi  limité,  l'avantage  que  fait  Terreur  législative  au  bras- 
seur est  de  lui  faire  payer  un  chiffre  d'impôt  moyen  entre  le  taux 
de  la  bière  forte  et  le  taux  de  la  petite  bière.  E\  la  régie  en  a  pris 
d'autant  plus  facilement  son  parti,  que,  par  des  lois  postérieures 
à  celle  de  1816,  elle  a  fait  relever  les  droits  et  repris  le  terrain 
perdu.  Aujourd'hui,  il  est  admis  que  le  droit  sur  l'hectolitre  de 
bière  n'est  ni  de  3  fr.  75  (bière  forte),  ni  de  1  fr.  25  (petite  bière), 

3  75  -I- 1  25 
mais  bien  de — - — ^^Lj —  ou  2  fr.  50.  Et  c'est  plutôt  dans  un 

intérêt  théorique  de  logique,  et  dans  l'intérêt  pratique  des 
brasseurs  que  cet  illogisme  entrave,  que  dans  celui  du  fisc, 
qu'une  réforme  s'impose. 

Mais  le  vice  fondamental  de  la  loi  de  1816  est,  qu'en  établis- 

KEVUE  POLIT.,  T.  XX  36 


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550  LA    LÉOÎSLATtOR   FISCALE  DB  LA   BBÈRB 

sant  lassiette  de  Fîittpôtsup  le  vohtme  du  moût  contenu  dans  la 
chaudière  sans  tenir  compte  de  sa  force,  elle  a  conduit  les  bras- 
seurs, ou  du  moins  un  certain  nombre  d'entre  eux,  à  modifier 
leur  industrie  et  à  rechercher  non  pas  les  procédés  de  fabrica- 
tion qui  rendraient  îeur  bière  meilleure,  naais  ceux  qtri  per- 
mettent de  soustraire  à  Tirnpôt  la  plus  grande  quantité  de  leurs 
produits. 

La  loi  de  1816  a  lait  cesser  la  surveillance  des  employés  de 
la  régie  après  cette  opération  qu*on  nomme  Tentonnement  : 
après  Tentonnement,  le  brasseur  est  libre  de  faire  ce  qu'il  vent 
du  liquide  fermenté  que  contiennent  ses  tonneaux.  Elle  avait 
considéré  le  mode  normal  et  rationnel  de  la  fabrication  de  la 
bière  et  reconnu  que  cette  fabrication  se  terminait  normale- 
ment et  rationnellement  avec  rentonnemeht.  Elle  avait  compté 
sans  ringéniosité  de  ces  contribuables  habiles  qui  sav^t  dé- 
couvrir le  point  faible  d'une  loi  fiscale  et  profiter  de  toutes  les 
fissures. 

L'opération  est  d*ailleurs  assez  simple.  —  Il  entre,  dans  la 
composition  de  la  bière,  phis  de  huit  dixièmes  d'eau.  Dans  une 
fabrication  bien  conduite,  le  moût  sortant  de  la  chaudière  dort 
contenir  la  même  quantité  d'eau  que  la  bière  livrée  à  la  con- 
sommation. Maïs  il  n*est  pas  impossible  de  réduire  considéra- 
blement Teau  contenue  dans  le  moût,  et  de  ne  rendre  qu'après 
l'entonnement  à  la  bière  les  parties  d'eau  qui  lui  manquent.  Un 
hectolitre  de  moût  contenant  10  kilogrammes  d'extrait  sucré 
donne,  après  la  fermentation,  un  hectolitre  de  bière  à  4®,  mais 
un  hectolitre  de  moût  contenant  20  kilogrammes  d'extrait  sucré 
donne,  après  la  fermentation,  un  hectolîtfe  de  bière  à  8*,  qu'il 
est  facile  de  transformer,  par  une  simple  addition  d'eau  stéri- 
lisée, en  deux  hectolitres  de  bière  à  4**  ;  un  hectolitre  de  moût 
contenant  30  kilogrammes  d'extrait  sucré  donne,  après  la  fer- 
mentation, un  hectolitre  de  liquide  alcoolique  à  12^,  qu'un  cou- 
page transfcflrme  en  trois  hectolitres  de  bière  à  4*.  Comme 
l'hectolitre  de  moût  paye,  quelle  que  soit  sa  richesse  en  extrait 
sucré,  le  môme  droit,  on  voit  l'intérêt  qu^ont  les  brasseurs  à 
charger  leur  cuv^-matière  d'une  quantité  considérable  de  malt, 
pour  obtenir  dans  la  chaudière  de  cuite  un  produit  très  concen- 
tré; on  devine  la  différence  qu'il  peut  y  avoir  entre  le  volume 
des  bières  officiellement  fabriquées  et  le   volume  des  bières 


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LA    LÉ(MaLAT10K    FfSCALR  DE  LA    BIÈRE  •      55 1 

effeciivemeiit  venchies^  am  dâbniment  An  fisc...  Elt  ao  détrimenl 
de  la  qualité,  tout  de  même.  Un  brasseur  belge,  aa  Congre» 
international  de  brasaerk  tenu  à  Braxelle^,  en  1880,  critiquait 
avec  verve  ce  procédé  ncruveau  de  fabrication  (1  )  : 

J'avais  cru  jusqu'à  présent  que  le  véritable  progrès  consistait  à  produire  une 
bière  de  plus  en  plus  parfaite.  U  parait  que  je  m'étais  trompé  :  aujourd'hui,  le 
progrès,  c'est  la  fraude.  J'aurais  voulu  charger  le  moias  possible  m&  cuve- 
matière  :  aujourd'hui,  il  faut  savoir  faire  d^aussi  bonne  bière  en  surchargeant 
outre  mesure  sa  cuve.  Et  tous  les  savanto,  qêi  ont  soutona  et  d^hnonlré  qae  00 
système  de  brassage  est  déplosable,  sont  tous  des  insensés  qvi  ne  sa-vaiexit  ce 
qu'ils  écrivaient. 

On  s'adresse  à  ua  constnicteur,  et  on  lai  dît  :  «  Je  voudrais  transformer  ma 
brasserie,  je  voudrais  me  monter  au  système  du  progrès.  >»  Puis  on  engage  ua 
maitre-brasseur.  Cekii-cl  a  la  spécialité  de  mettre  au  courant  les  brasseurs 
Bovices;  On  le  pa|^e  bien,  on  Le  gartls  cptelipies  mois,  et  au  bont  de  ee  temps, 
on  est  de  force  à  faire  prendre  des  vessies  pour  des  lantejaiea  à  tous  les 
employés  du  fisc  réunis. 

Ces  procédés  de  fabrication  que  Tart  condamne  sont-ils  véri- 
tablement autorisés  par  la  loi?  C'est  toujours  une  cpiestion  fort 
délicate  que  de  demander  à  une  loi  la  solution  d'une  kypothèse 
qu'elle  n'a  pas  prévue.  U  n'y  a  pas  de  limites  au  chargement  de 
la  cuvenanatière,  ni  au  de^  de  concentration  du  moAt  :  cela 
est  hors  de  discussion.  Mais  TalloB^ment  du  liquide  fermenté 
après  Tentonnement^  écbappe-t-il  au  poini  de  vue  légal  à  toute 
critique?  Vainement,  pour  légitimer  le»  coupages,  Toin argue*- 
raitdu  silence  de  la  k>i,  et  de  ce  que  l'article  111  fhit  cesser, 
avec  l'entonnement,  le  droit  de  surveillance  et  de  vérifieatioa 
des  employés  de  la  régie.  La  loi  met  l'entonnement  comme 
terme  de  la  surveillance,  parce  qu'elle  considère  Tentofinement 
comme  teme  de  la  fabrication.  Mais  son  esprit  n*est  pas  dou- 
teux :  elle  perçoit  l'impôt  au  moment  de  la  fabrication,  ponr 
frapper  la  c<Hisommatioft  ;  eUe  saisit  les  bières  fabriquées,  pwroe 
qu'elles  doivent  être  livrées  au  consommateur,  et  telles  qu'elles 
seront  au  moment  de  la  livraison.  Lorsque^  pour  favoriser 
l'exportation,  elle  prescrit  que  le  droit  de  fabrication  sera  res- 
titué sur  les  bières  exportées,  ce  n'est  pas  une  restitution  pro- 
portionnelle au  volume  du  moût  originel,  mais  une  restitution 
proportionnelle  au  volume  de  la  bière  consommable,  qu'^elle 
offre  au  brasseur  :  si  donc  il  était  licite  de  doubler  ou  de  tripler 
le  volume  du  moût  sans  subir  une  augmentation  de  droits,  le 

(1)  Ces  critiques  visaient  la  loi  belge,  alors  en  vigueur;  mais  elles  s'appliquent 
avec  î«  même  force  à  notre  loi  française. 


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552       •  LÀ   LÉGISLATION   FISCALE   DE  LÀ   BIÈRE 

fisc  serait  légalement  tenu  de  restituer  deux  ou  trois  fois  plus 
qu'il  n'a  perçu  ! 

Malgré  ces  excellentes  raisons,  TAdministration  des  Contri- 
butions indirectes  s'est  montrée  très  hésitante  à  proscrire  les 
allongements  de  moût,  et  a  plusieurs  fois  varié  dans  sa  conduite. 

En  1837,  elle  écrivait  :  «  Le  brasseur  doit  être  considéré, 
relativement  à  la  bière,  comme  un  simple  particulier  qui  est 
libre,  après  le  paiement  de  tous  les  droits  sur  les  boissons 
introduites  chez  lui,  de  les  couper,  mélanger,  et  y  ajouter  les 
matières  ou  substances  qu'il  juge  convenables.  »  Sous  l'empire 
de  cette  interprétation,  la  brasserie  parisienne  prit  un  dévelop- 
pement considérable  :  tout  hectolitre  de  bière,  que  le  coupage 
permettait  de  soustraire  au  fisc,  affranchissait  le  brasseur  de  la 
capitale,  non  seulement  du  droit  que  perçoit  l'Etat,  mais  d'un 
droit  sept  ou  huit  fois  plus  élevé  que  l'Octroi  perçoit  sur  les 
bases  de  la  consommation  officielle. 

L'administration  comprit  bientôt  son  erreur,  et,  voyant  peu 
à  peu  l'impôt  lui  échapper,  fit  volte-face.  Elle  prétendit  que  le 
droit  sur  la  bière  avait,  malgré  les  apparences,  le  caractère 
d'une  taxe  de  consommation,  et  que,  même  après  l'entonne- 
ment,  toute  opération  qui,  de  la  part  des  brasseurs  ou  des  mar- 
chands, avait  pour  effet  d'augmenter  la  quantité  de  la  bière, 
constituait  une  fabrication  nouvelle,  laquelle  devait  être  déclarée 
et  supporter  l'impôt. 

Elle  est  revenue  à  nouveau  sur  cette  opinion,  à  la  suite  d'un 
jugement  du  tribunal  correctionnel  de  la  Seine,  en  date  du 
10  mars  1883,  qui,  statuant  sur  cette  question  :  un  brasseur 
a-t-il  le  droit  de  couper  son  brassin  avec  de  Teau  froide,  après 
entonnement?  répondait  affirmativement  pour  ces  motifs  : 

Attendu  que  l'impôt  sur  la  bière  n'est  qu'un  impôt  de  fabrication  :  d'où  il 
suit  que,  la  fabrication  terminée,  l'administration  n'a  plus  aucun  droit;  que  rien, 
dans  la  loi,  ne  s'oppose  au  coupage  avec  de  l'eau  froide,  d'une  bière  qui  a  payé 
son  impôt  ; 

Attendu  enfin  qu'on  ne  saurait  voir,  dans  une  simple  addition  d'eau  à  la  bière, 
une  fabrication  nouvelle,  les  éléments  essentiels  comme  le  mode  de  la  fabrica- 
tion faisant  défaut,  qu'autrement  on  arriverait  logiquement  k  des  conséquences 
impossibles,  le  tiers  débitant  ou  simple  particulier  qui,  dans  sa  demeure,  ferait 
subir  à  la  bière  un  coupage  avec  de  l'eau,  serait  considéré  comme  brasseur 
soumis  à  l'exercice  et  à  l'impôt. 

A  la  suite  de  ce  jugement,  et  sans  en  appeler  à  une  juridiction 
supérieure,  la  régie  s'est  inclinée,  et  fait  dire,  dans  le  journal 


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LA    LÉGISLATION    FISCALE   DE   LA    BIÈRE  553 

qui  reçoit  ses  confidences,  que  «  les  brasseurs  ont  le  droit  de 
couper  leurs  bières  avec  de  Teau  froide  aussitôt  après  Tenton- 
nement  ».  Dans  son  esprit,  les  coupages* avec  de  Teau  chaude 
constituant  une  fabrication  nouvelle,  restent  défendus. 

On  pourrait  s'étonner  de  la  mollesse  que  met  le  fisc  à  soutenir 
la  reconnaissance  de  ses  droits,  si  Ton  ne  connaissait  par 
ailleurs  son  impuissance  à  les  défendre  pratiquement.  Avec  ou 
sans  sa  permission,  rallongement  des  moûts  continuera,  tant 
que  la  loi  de  1816  ne  sera  pas  modifiée,  à  s'opérer  sur  une 
grande  échelle.  Les  coupages  se  feront  clandestinement,  s'il 
prétend  les  interdire;  ils  se  feront  ouvertement,  s'il  n'y  met  pas 
obstacle  :  voilà  toute  la  différence. 

En  effet,  par  suite  d'une  dernière  imperfection  de  la  loi  qui 
laisse  le  champ  libre  aux  fraudeurs,  le  fisc  est  impuissant  à 
empêcher  la  fabrication  clandestine.  En  v^rtu  de  l'article  125 
de  la  loi  de  1816,  les  employés  de  la  régie  ne  peuvent  pénétrer 
dans  les  brasseries,  hors  le  cas  de  fabrication  déclarée,  que;?e;i- 
dant  le  jour.  L'interruption  de  la  surveillance  pendant  la  nuit 
n'avait  pas  d'inconvénients  en  1816,  parce  que  la  fabrication 
d'une  quantité  quelconque  de  bière  exigeait  plus  de  treize 
heures,  et  que  les  agents  du  fisc  eussent,  dès  l'aurore,  constaté 
les  opérations  clandestines  d'un  brasseur  peu  délicat.  Il  n'en 
est  plus  de  même  aujourd'hui  :  dix  heures  à  peine  sont  néces- 
saires, grâce  au  chauffage  par  la  vapeur  des  chaudières  de  fabri- 
cation et  à  l'emploi  des  réfrigérants,  pour  faire,  du  malt  qui 
sort  du  grenier  la  bière  qui  repose  dans  les  tonneaux,  —  dix 
heures  pour  une  fabrication  normale  et  sans  hâte...  Vainement 
les  agents  fiscaux  se  placeront  en  faction  devant  la  porte  de  la 
brasserie,  pour  voir  s'illuminer  les  fenêtres  et  de  la  cheminée 
s'élever  des  nuages  de  fumée  :  la  loi  leur  défend  d'entrer.  Et 
si,  le  matin  venu,  ils  interrogent  le  brasseur  sur  la  provenance 
de  ces  quantités  nouvelles  de  bière  qui  fermentent  dans  ses 
caves,  le  brasseur  leur  répondra  impunément  :  «  Cela  ne  vous 
regarde  pas.  » 

Et  comme  si  les  défectuosités  de  la  loi  de  1816  ne  suffisaient 
pas  encore  à  assurer  la  libre  pratique  de  la  fraude,  la  loi  du 
19  juillet  1880,  en  exonérant  de  tout  impôt  les  glucoses  em- 
ployés  dans  la  fabrication  des  bières^  est  venue  en  aide  à  ces 
brasseurs  qui  ne  reculent  devant  aucun  moyen  d'accroître  leur 


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^4  LA    LÉOISULTIOIf    FISCALE   I>£  LA    BlÈiUS 

profit.  Les  giiiiicoses  servent,  en  brasserie,  —  ou  à  aBgmester  la 
richesse  saccharimétrique  du  in^At,  —  ou  à  accroître  la  force 
alcoolique  de  la  bière  fabriquée,  —  oh  à  fabriquer  de  loole 
pièce  une  quantité  de  bière.  La  loi,  qoi  les  affranchit  d*imp6i, 
facilite  les  alloDgesients  dt  moût,  ies  ooopa^s  de  bière,  les 
brassins  clMMiestÎBs. 

Quelle  quantité  de  matière  imposable  s'échappe,  au  détrimeat 
du  fisc,  par  ces  différentes  fiesiu'es,  c'est  ce  qu'il  n'est  pits  pos- 
sible de  déterminer.  La  fraude  est  d'ailleurs  plus  -ou  moins 
considéi*able,  suivant  que  l'industrie  s'exerce  dans  une  com- 
mune libre  d'octroi,  ou  dans  une  ville  soumise  à  l'octroi,  et 
dans  ce  dernier  cas,  suivant  que  les  finances  municipales 
traitent  par  abosmeiafteiLt  avec  les  brasseurs  ou,  qu'au  con- 
traire, elles  font  surveiller  par  leurs  propres  employés  la  sop- 
tie  deshtères.  Lorsque  les  statistiques  de  l'octroi  permettent  de 
constater  qu'il  est  sorti  de  telles  brasseries  20.0(X)  hectolitres^ 
il  y  a  une  certaine  difficulté,  sinon  légale,  an  mcdnâ morale,  pour 
l'industriel,  à  prétemlre  qu'il  n'en  a  produit  que  10.000.  En  de- 
hors de  cette  entrave,  il  n'y  a  vraiment  d'autres  Jimi les  à  la  fraude 
que  l'honnêteté  des  brasseurs,  et  cette  honnêteté  doit  parfois 
céder  devant  la  nécessité  de  résister  aux  cx>DcurreBces  déloyales. 
Dans  une  ville  que  nous  pourrions  citer,  les  brasseurs  ont  voulu 
connaître  le  chiffre  de  leur  production  totale  ;  ils  se  sont  engagés 
les  uns  vis-à-vis  des  autres  à  déposer  dans  une  urne  autant  de 
«  gros  sous  »  qu'ils  produisaient  de  milliers  d'hectolitres.  Le 
résultat  de  ce  scrutin  d'un  nouveau  genre  fut  de  montrer  que  la 
production  réelle  ^ait  à  peu  près  le  double  <ie  la  ppoducikrn 
officielle.  À  Paris,  c'est  bien  autre  chose.  La  production  des 
brasseries  parisiennes,  qui  s'élevait  eaat  1865  à  préside  150.000  hec- 
tolitres, est  tombée  depuis  cette  époque,  et  par  une  décadence 
rapide,  k  un  chiffre  de  30.000  hectolitres,  qu'elle  ne  peut  plus 
dépasser:  or,  toiutnoius  permet  de  croire  que  cette  décadence 
n'existe  que  dans  les  statistiques  «et  que  plus  delà  moitié  dee 
bières  fabriquées  dans  la  capitale  ne  payent  ni  les  droits  de 
r^ie,  ni  les  droits  d'octroi. 

Telles  étaient  les  doléances  que  faisaient  entendre,  avec  un 
touchant  accord,  le  fisc  et  la  grande  majorité  des  brasseurs,  fit 
non  sanfi raison.  €ar  la  situation  où  la  loi  de  1816  plaçait  le  bras- 
série  n'était  favorable,  ni  au  recouvremest  de  Fimpôt,  ni  aux 


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LA   LÉGISLATlOr^    FISCALE  DE  JjL   BIÈRE  555 

progrès  de  la  faJbricatijon,  ni  à  la  santé  des  Gonsomnaateiufs. 

11  fallait  y  remédier.  De  toutes  les  réformes  proposées,  la 
plus  simple  eût  été  assurément  la  suppressicai  de  Timpôt.  D  ex- 
cellentes raisons  peut-être  militeraient  en  faveur  de  cette  sup- 
pression, mais  de  meilleures  raisons  encore  la  ooatredisient, 
celle  du  plus  fort,  la  raison  fiscale...  Toutes  les  fois  qu'un  dégrè- 
vement total  desi)oissons,  même  hygiéniques,  sera  proposé,  les 
défenseurs  du  fisc  rappelleront  ces  pai'oles  de  M.  Ed.  Bocher, 
dans  son  célèbre  rapport  de  1851  :  «  Il  jx'y  a  pas  d'impôt  plus 
naturel  que  celui  des  boissons.  Pour  qu'un  imrpôt  indirect  ^t 
bon,  il  faut  que  les  objets  Imposés  ne  soient  pas  de  nécessité 
diisolue,  que  la  consonuziatlon  en  soit  générale,  ek  qu'ils  ne  ser- 
vent pas  de  matière  première  à  la  main-dkBUvre  industrielle  : 
autrement  la  taxe  serait  iiyuste,  improductive,  nuisil)leau  déve- 
loppement du  travail  national.  Or,  aucune  decirée  ne  réunit 
mieux  cette  triple  condition  que  les  boissons.   » 

C'est  donc  la  meilleure  manière  d'accommoder  l'impôt  qu'il 
faut  rechercher,  et  non  pas  le  meilleur  moyen  de  s'en  passer. 
Or  ses  inconvénients  varient,  suivant  qu'il  est  perçu,  comme 
dans  le  régime  issu  de  la  loi  de  iSiô,  pendant  la  fabrication,  ou 
avant  la  fabrication,  c'est-à-dire  «lelon  l'importance  des  matières 
premières  employées  pour  la  fabrication,  ou  après  la  fabrication, 
selon  l'importance  réelle  de  la  consommation. 


«IV.  — Le  système  amékicaik. 

C'est  l'impôt  perçu  aprh  la  fabrication,  Fimpôt  à  la  circula- 
tion, qui  nous  occupera  le  premier,  ei  nous  l'étudierons  dans  la 
législation  des  Etats-Unis  qui  a  été  jusqu'ici  seule  à  l'appliquer. 

La  loi  qui  régit  actuellement  la  brasserie  américaine  date  de 
1865.  Mécontents  de  la  loi  qu'ils  avaient  subie  jusque  là  et  qu'ils 
accusaient  d'empêcher  le  développement  de  leur  industrie,  les 
brasseurs  américains  se  réunirent,  cette  année-là,  à  Philadel- 
phie, en  un  grand  Congrès  pour  étudier  les  moyens  de  la  rem- 
placer. Une  commission  fut  nonnnée  et  chargée  de  visiter  l'An- 
gleterre, la  Prusse,  la  Bavière,  la  France,  l'Autriche,  la  Bel- 
gique; mais  la  conclusion  de  ses  enquêtes  fnt  que  «  les  diffé- 
rents BAodes  d'imposition  européens  enUa valent  la  fabrication 


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556  LA    LÉGISLATION    FISCALE   DE   LA    BIÈRE 

de  la  bière,  et  qu'ils  avaient  une  influence  néfaste  tant  sur 
Tindustrie  elle-même  que  sur  la  qualité  de  ses  produits  ».  Le 
travail  d'élimination  effectué,  les  brasseurs  américains  prépa- 
rèrent un  projet  de  perception  qui  introduisait  dans  la  légis- 
lation fiscale  un  principe  nouveau. 

En  vertu  de  cette  législation  nouvelle,  l'impôt  sur  la  bière 
devient  un  véritable  impôt  du  timbre^  —  timbre  proportionnel  au 
volume,  — analogue  à  celui  que  nous  payons,  par  exemple,  pour 
les  effets  mobiliers  ou  sur  les  affiches.  Le  brasseur  colle  sur 
les  fûts  de  bière  qu'il  met  en  circulation,  et  chaque  foisqu'il  les 
met  en  circulation,  un  timbre  variable  suivant  la  capacité  de 
ces  fûts,  qu'il  a  par  avance  acheté  dans  un  bureau  de  l'Etat. 
L'impôt  se  perçoit  à  la  circulation,  et  comme  de  lui-même. 

Ce  mécanisme  financier,  très  peu  compliqué,  e3t  ainsi  expliqué 
dans  le  texte  de  la  loi  : 

Il  sera  payé  pour  toute  bière,  ede,  porter,  ou  toutes  autres  boissons  fennentées 
similaires,  brassées  ou  fabriquées,  mises  en  circulation,  vendues  ou  livrées  à  la 
consommation  aux  Etats-Unis,  un  impôt  de  un  dollar  pour  chaque  barrel  d'une 
contenance  n'excédant  pas  31  gaUons  (136  litres),  et  une  redevance  proportionnelle 
pour  toute  autre  quantité  ou  fraction  de  barrel. 

La  taxe  sera  payée  par  le  propriétaire  ou  par  le  gérant  de  la  brasserie  de  la 
manière  et  au  moment  ci-après  spécifiés. 

L'administration  fera  préparer,  pour  servir  au  paiement  de  cette  taxe,  des  tim- 
bres convenables  portant  l'indication  du  montant  de  la  redevance  à  payer  — 
timbres  correspondant  à  1/8, 1/6,  1/4,  1/3,  1/2  de  barrel,  1  barrel,  2  barrels.  — 
Elles  les  fournira  aux  percepteurs  du  revenu  intérieur,  lesquels  devront  avoir  en 
tous  temps,  et  tenir  à  la  disposition  des  intéressés,  une  quantité  de  timbres  dou- 
ble du  chiffre  de  la  vente  mensuelle  dans  leur  district. 

Ces  timbres  ne  pourront  être  vendus  par  les  percepteurs  qu'aux  brasseurs  de 
leur  district.  Les  percepteurs  tiendront  un  compte  exact  du  nombre  et  de  la 
valeur  des  timbres  vendus  à  chacun  des  brasseurs. 

Le  brasseur  fixera  le  timbre  portant  l'indication  du  taux  de  la  redevance 
imposée  à  la  boisson  sur  le  trou  de  vidange  de  chaque  fût  contenant  de  la  bière, 
lorsque  celui-ci  sera  vendu  ou  transporté  hors  de  la  brasserie. 

Au  moment  de  la  mise  en  perce  du  fût,  le  timbre  doit  être  annulé  en  Taisant 
passer  au  travers  le  robinet  par  lequel  la  bière  sera  tirée,  ou  un  fausset  d'air  de 
même  grandeur,  dans  le  cas  où  le  tonneau  serait  entamé  par  le  trou  de  bonde.  H 
pourra  également  être  annulé  par  l'apposition,  soit  écrite,  soit  imprimée  du  nom 
du  brasseur. 

Par  sa  simplicité,  par  l'exactitude  avec  laquelle  il  frappe  la 
consommation,  par  la  liberté  qu'il  laisse  à  la  fabrication,  ce 
système  ne  laisse  pas  d'être  séduisant.  Le  Congrès  international 
des  brasseurs  tenu  à  Paris  pendant  l'Exposition  de  1878,  Tune 
des  premières  réunions  professionnelles  qui  ont  soulevé  la 
question  d'une  réforme  législative,  s'y  était  rallié  par  une  réso- 


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LA    LÉGISLATION    FISCALE   DE   LA    BIÈRE  557 

lution,  dont  les  termes  résument  parfaitement  les  avantages  que 
Je  système  américain  présente  : 

Considérant  que,  de  rexamen  comparatif  des  différentes  législations  qui  ré- 
gissent la  brasserie  en  Europe  et  en  Amérique,  il  résulte  que  c'est  le  système 
américain  des  Etats-Unis  du  Nord  qui  a  paru  présenter,  à  tous  les  points  de  vue, 
les  plus  grands  avantai^es  pour  arriver  plus  facilement  à  une  fabrication  régu- 
lière et  normale  ; 

Considérant  que  ce  système  est  le  plus  simple  et  le  plus  aisé  à  appliquer  de 
tous  ceux  qui  ont  été  présentés  et  examinés,  puisquUI  consiste  uniquement  dans 
l'application,  sur  le  fût  sortant  de  Tusine  et  livré  à  la  vente,  d'un  timbre  mobile 
d'une  valeur  pécuniaire  proportionnelle  à  la  capacité  du  fût; 

Considérant  que  ce  système  a,  en  outre,  le  double  avantage  de  pouvoir  s'ap- 
pliquer non  seulement  à  l'impôt  dû  à  l'Etat,  mais  encore  aux  taxes  d'octroi  dans 
les  pays  où  cette  regrettable  institution  est  encore  en  vigueur  ; 

Considérant  qu'au  moyen  du  timbre-ticket  sur  le  fût,  l'impôt  ne  frappe  la 
bière  qu'à  sa  circulation,  laisse  le  brasseur  complètement  libre  dans  ses  procédés 
de  fabrication  et  le  met  ainsi  à  même  d'apporter  à  son  industrie  tous  les  progrès 
que  la  science  et  l'expérience  consacrent  et  consacreront  dans  l'avenir  ;  et  que, 
en  outre,  il  assure  à  l'Etat  la  perception  des  droits  sans  que  la  plus  petite  par- 
celle puisse  être  soustraite; 

Considérant  que  la  réglementation,  qui  est  la  conséquence  de  ce  mode  d'impôt, 
est  des  plus  faciles  à  formuler,  qu'elle  doit  être  tout  entière  inscrite  dans  la  loi, 
et  qu'elle  n'a  pas  besoin  du  secours,  toujours  dangereux  pour  les  industriels,  d'uu 
règlement  d'administration  publique  ; 

Le  Congrès  international  des  brasseries  recommande  aux  brasseurs  de  toutes 
les  nationalités  et  aux  différents  gouvernements  qui  recherchent  la  meilleure 
législation  sur  la  brasserie,  l'adoption  du  système  américain  des  Etats-Unis  du 
Nord  au  moyen  d'un  ticket-impôt  sur  le  fût  de  bière  livré  à  la  consommation. 

Pourquoi  les  brasseurs  français  sont-ils  revenus,  depuis  1878, 
sur  cette  opinion  qu'ils  avaient  tant  contribué  à  faire  admettre? 
Pourquoi,  dès  1881,  ont-ils  abandonné  le  système  américain 
dont  ils  vantaient  si  complaisamment  les  avantages  au  Congrès 
de  Paris  ?  C'est  parce  qu'ils  le  considèrent  comme  incompatible 
avec  nos  mœurs,  et  qu'ils  craignent  que,  transporté  en  France, 
l'impôt  à  la  circulation  devienne  un  impôt  vexatoire. 

Le  législateur  américain,  pour  protéger  le  fisc  contre  les  frau- 
deurs, a  puni  très  sévèrement  la  fraude.  Tout  brasseur  qui  né- 
gligera de  fixer  le  timbre  sur  un  fût  de  bière,  tout  charretier  qui 
transportera,  tout  particulier  qui  recevra  un  fût  de  bière  sur 
lequel  le  timbre  n'a  pas  été  appliqué  et  annulé,  sont  punisd'une 
amende  de  100  dollars,  et  d'un  emprisonnement  qui  peut  s'éle- 
ver jusqu'à  un  an. 

Ainsi  le  fraudeur,  pour  réussir  à  soustraire  quelques  dollars  à 
l'impôt,  doit  gagner  la  complicité  de  ses  employés,  de  ses  ca- 
mionneurs, de  ses  clients  qui  s'exposent  tous,  par  le  fait  de 
cette  complicité,  à  un  châtiment  sévère.  Cela  ne  suffit  pas  :  il 
faut  encore  qu'il  falsifie  ses  registres  de  sortie.  La  loi,  en  effet, 


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558  LA   JLÉGI8LÂTIOI4    FISCALE   DE  X«A    BIÈHE 

lui  prescrit  d'ioscrire  on  de  faire  iascrîre  tous  les  jours  la  quui- 
tité  exacte  de  bière  qu'il  a  vendue  ou  livrée.  Elle  permet  au  per- 
cepteur de  prendre  connaissance  de  ce  livre  et  de  vérifier  si  ses 
indications  correspondent  à  la  quantité  de  timbres  achetée  chez 
lui  par  le  brasseur.  Toute  falsification  entraîne  une  amende  qui 
peut  atteindre  1.000  dollars,  et  remprisonnemenl  qui  ne  peut 
pas  dépasser  un  an. 

Des  pénalités  aussi  rigoureuses  ne  seraient  peut-être  pas 
admises  en  France.  Le  seraient-eïles  qu'eîJes  paraîtraient  insuf- 
fisantes au  fisc  pour  déjouer  la  fraude,  et  non  sans  raison,  car 
les  mœurs  françaises  sont  singulièrement  indulgentes  aux  frau- 
deurs. Le  système  du  timbre  est  trop  simple  pour  s'attirer,  avant 
longtemps,  les  faveurs  de  la  Régie...  Transporté  chez  nous,  le 
régime  de  Timpôt  à  la  circulati<m  deviendrait  mille  fois  plus 
compliqué  :  Texemplc  de  ce  qui  existe  pour  les  vins  et  pour  les 
alcools,  frappés  à  la  consommation,  et  des  formalités  gênantes 
qui  accompagnent  le  transport  de  ces  boissons,  le  fait  prévoir. 
Pour  la  bière,  il  n'irait  pas  sans  V-exeroice  permanetU,  que  les 
brasseurs  français  redoutent,  parce  qu'U  serait  intolérable,  — 
et  que  T  Administration  ne  souhaite  pas  parce  qu'il  est  très  cott- 
teux.  Le  système  américain  devait  être  écarté. 


V.  —  L'impôt  sur  les  matières  premières. 

Tout  à  fait  à  Topposé  du  système  américain,  qui  impose  la 
bière  au  moment  où  elle  est  portée  chez  le  consommateur^  Tim- 
pôt  sur  les  matières  premières  la  frappe  avant  même  que  sa  fa- 
brication soit  commencée.  11  est  perçu  sur  les  matières  pre- 
mières qui  servent  à  la  préparation  de  la  bière,  au  moment  où 
elles  sont  versées  dans  la  cuve-juatière.  Ce  n  est  qu'indirecte- 
ment, et  parce  qu'il  y  a  un  rapport  nécessaire  entre  la  quantité 
de  grains  dont  on  charge  la  cuve  et  le  volume  de  la  boisson  fa- 
briquée, que  celle-ci  se  trouve  atteinte. 

Si  le  système  américain  peut  être  considéré  ooBime  le  sys- 
tème de  Tavenir,  le  régime  de  Timpâtà  la  matière  première  noté- 
rite  d'être  nommé  le  système  du  passé.  Il  était  appliqué  il  y  a 
deux  siècles,  dans  les  villes  de  la  Flandre  française.  U  a  fonc- 
tionné en  Angleterre  jusqu'en  1880.  Bepais  loBgtenàps,  il  règle 


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LA  l«É616LAT10N   FldCALE   B£    LÀ   BIÈEE  559 

les  rapiKMfts  av^  le  fise  des  bières  «de  T Allemagne  du  Nord,  du 
Wurtemberg,  et  des  produits  renommés  de  la  brasserie  baya- 
roise.  Il  a  fait,  en  1867,  la  conquête  de  la  législation  hollan- 
daise. 

Tbéoriqnemeiut,  riiBj>ôt  sur  les  maliènes  premières  laisse  à 
la  fabrication  la  liberté  la  pJus  entière.  Pratiquement,  il  la  place 
dans  un  état  de  surveillance  plus  ragoureux  que  l'impôt  à  la  fa- 
brication. 

Théoriquement,  en  effet,  le  brasseu.r  devrait  être  libéré  de  la 
surveillance  du  fisc,  lorsqu'il  a  déclaré,  -^  et  déposé  autour  de  la 
cuve-'matière  pour  que  les  employés  puissent  contrôler  sa  dé- 
claration, —  la  quantité  (en  poids  ou  en  volume)  de  malières 
premières  qui  vont  servir  à  sa  fabrication,  et  lorsqu'il  a  payé 
rimpôt  sur  cette  quantité...  Mais,  pratiqueoBbent,  il  ne  suffit  pas 
de  oontrôleirP^xaciitiftde  des  quantités  déclarées,  il  faut  encoure 
éviter  que  des  quantités  n<;^  déclarées  soient  introduites,  après 
le  début  de  la  fabrication  et  faire  durer  la  surveillance  jusqu'à 
la  fin  de  la  fabrication. 

Cette  surveillance  doit  ^re  très  étroite  et  très  vigilante 
pour  être  efficaoe...  Aussi  faat-il  lire  dans  le  recueil  des  vieilles 
ordonnances  fiscales  applicables  en.  Flandre  le  «détail  des  pres- 
criptions que  la  législation  d'alors  édictait  pour  garaatir  la  ren- 
trée de  rimpôt. 

La  circulation  du  «naît  —  du  grain  brafé  ou  bray,  -comme 
disait  la  langue  de  cette  époque  —  était  réglementée  :  «  L'on 
«  fait  défense,  à  toutes  personnes  indifféremment,  de  quelque 
«  qualité  ou  condition  qu'elles  soient,  de  s'ingérer  d'amener 
«  grains  bragés  dans  cette  ville,  sans  être  munies  du  billet  des 
«  fermiers  (de  Timipôt)  et  à  tous  les  chartiers  et  autres  de 
«  charger  aucuns  grains  bragés  sans  au  préalable  être  garni 
«  dudit  billet,  et  de  décharger  avant  de  l'avoir  délivré,  w  Le 
fisc  avait  ainsi  connaissance  de  toutes  les  quantités  existantes 
de  malt.  Pour  ajouter  à  cette  garantie  et  afin  d'éviter  l'intro- 
duction clandestine  du  bray  dans  les  brasseries,  il  était  interdit 
aux  brasseurs  de  moudre  eux-mêmes  leur  grain  :  «  Si  îait-on 
«  défenses  à  tous  brasseurs,  manans  et  habitants  de  cette  ville, 
«  de  quelle  qualité  ou  condition  que  ce  soit,  nuls  exceptés,  de 
«  moudre  brays  en  d  autres  moulins  que  ceux  publics  de  cette 
«  ville.  D  En  dépit  de  cette  double  précaution  qui  paraît  assurer 


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560  LA    LÉGISLATION    FISCALE   DE    LA    BIÈRE 

le  recouvrement  intégral  de  Timpôt,  le  fisc  ne  se  déclare  pas 
satisfait,  et  prétend  surveiller  toute  la  fabrication.  L'édit  que 
nous  avons  sous  les  yeux  :  «  Ordonne  à  toutes  personnes  qui  se 
«  mêleront  de  brasser  et  faisant  profit  de  leur  bière,  d'aviser 
«  aux  fermiers  le  temps  précis  qu'ils  voudront  mettre  le  feu  et 
«  entonner,  pour  visiter  les  lieux  où  se  feraient  lesdits  bras- 
«  sins.  »  Quelle  fraude  fallait-il  donc  éviter?  L'édit  nous 
l'apprend  :  «  Plusieurs  personnes  s'ingèrent  de  faire  moudre 
a  des  grains  sans  être  *ragr<^5,  sous  prétexte  que  c'est  pour  se r- 
«  vir  de  nourriture  à  leurs  bestiaux  et  les  emploient  au  con- 
«  traire  dans  leurs  brassins.  »  La  bière  échappait  à  l'impôt  sur 
le  malt,  parce  qu'on  la  fabriquait  sans  malt. 

Les  législateurs  modernes,  qui  ont  adopté  ou  maintenu  dans 
leur  législation  l'impôt  sur  les  matières  premières,  se  sont 
heurtés  à  la  même  difficulté,  que  les  progrès  de  l'industrie  ont 
fort  aggravée.  L'orge  germée  n'est  pas  le  seul  produit  suscep- 
tible de  se  transformer  en  bière,  mais  toute  matière  amylacée, 
riz,  céréales,  sucre,  etc. 

Les  uns,  comme  le  législateur  bavarois,  préoccupés  surtout 
de  maintenir  la  bonne  qualité  dç  leurs  produits,  n'ont  pas 
hésité  à  interdire  radicalement  l'emploi  de  toutes  autres  ma- 
tières que  le  malt.  Les  autres  autorisent  l'usage  de  toutes 
lés  substances  en  les  imposant  d'après  un  tarif  basé  sur 
leur  richesse  saccharine.  Mais  les  uns  et  les  autres  ont  dû 
prendre  des  mesures  très  rigoureuses  pour  s'assurer,  là  que 
l'interdiction  d'employer  à  la  préparation  de  la  bière  d'autre 
matière  que  le  malt  ne  soit  pas  transgressée,  ici  qu'il  n'est  réel- 
lement fait  emploi  que  de  la  quantité  et  de  l'espèce  de  matières 
comprises  dans  la  déclçiration.  Un  inspecteur  des  finances  qui 
proposait,  en  1875,  d'introduire  en  France  l'impôt  sur  les  ma- 
tières premières,  s'inspirait  de  ces  législations  étrangères  pour 
réclamer  en  faveur  de  la  régie  les  garanties  que  voici  : 

Les  matières  premières  destinées  à  la  confection  de  la  bière  ne  devraient  pou- 
voir être  introduites  dans  les  magasins  des  brasseries  qu^accompagnées  de  fac- 
tures ou  connaissements  qui  seraient  représentés  aux  employés  lors  de  leur  pre- 
mière visite  et  après  la  déclaration  faite  par  écrit  au  bureau  de  la  régie,  quatre 
heures  d'avance  dans  les  villes  et  douze  heures  dans  les  campagnes  ;  cette  décla- 
ration devrait  indiquer  la  provenance  de  ces  matières,  la  date  de  leur  achat,  les 
noms  et  prénoms  du  vendeur,  leurs  espèces  et  leurs  quantités. 

A  l'heure  déclarée  pour  leur  introduction,  elles  devraient  être  placées  dans  les 
locaux,  parfaitement  clos,  désignés  d'un  commun  accord  avec  les  employés,  clas- 
sées suivant  leur  nature  et  d'où  elles  ne  pourraient  sortir,  soit  pour  lemaltage,  soit 


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LA    LÉGISLATION   FISCALE   DE   LA   BIÈRE  561 

pour  la  fabrication,  qu'après  une  déclaration  faite  par  écrit,  assez  longtemps  à 
l'avance  pour  permettre  au  service  d'assister,  autant  que  possible,  à  leur  pesée. 

La  déclaration  de  fabrication,  faite  au  moins  deux  jours  à  l'avance,  devrait 
être  extraite  d'un  livre  à  souche  fourni  par  la  régie,  relatant,  tant  à  la  souche 
qu'au  volant  remis  au  receveur,  l'heure  du  commencement  des  opérations,  le 
jour  et  l'heure  de  leur  clôture  à  Tentonnement,  les  numéros  des  chaudières,  des 
bacs  et  des  cuves  utilisés,  les  quantités  et  les  espèces  de  substances  employées. 

Le  brasseur  devrait  être  astreint,  en  môme  temps,  à  tenir  un  registre  d'exercice 
présentant,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  accomplissement,  le  détail  de  toutes  les 
opérations  :  à  l'entrée  des  matières  premières,  leur  provenance,  la  date  de  leur 
achat,  les  noms  et  prénoms  du  vendeur,  leurs  espèces  et  leurs  quantités,  la  date 
et  l'heure  de  leur  introduction  dans  les  magasins;  au  moment  de  leur  emploi, 
la  date  de  la  déclaration,  le  numéro  de  la  quittance  des  droits,  les  espèces  et 
les  quantités  de  matières  employées,  la  quantité  et  le  degré  alcoolique  de  la 
bière  produite,  enfin,  à  la  sortie  du  produit  fabriqué  la  date  et  l'heure  de  la 
sortie,  la  quantité  et  la  force  alcoolique,  les  noms  et  le  domicile  de  l'acquéreur. 
Ce  registre  devrait  être  représenté,  à  toute  réquisition,  aux  employés  qui  le  visi- 
raient,  feraient,  quand  ils  le  jugeraient  convenable,  la  balance  des  comptes,  et 
pourraient  s'assurer  par  un  recensement,  de  l'exactitude  des  restes. 

Pour  réprimer  la  fabrication  sans  déclaration,  les  brasseurs  devraient  ôtre 
soumis  aux  visites  et  vérifications  de  service,  la  nuit  comme  le  jour,  que  l'usine 
fût  en  activité  d'après  la  déclaration,  ou  qu'elle  fût  censée  au  repos. 

Par  cet  exposé  des  mesures  revendiquées  au  nom  du  fisc  pour 
garantir  la  perception  de  l'impôt  sur  les  matières  premières,  on 
voit  combien  Tillusion  serait  grande  de  ceux  qui  verraient 
dans  cet  impôt  le  moyen  de  «  consacrer  la  liberté  entière  de  la 
«  fabrication,  —  d'écarter  tout  exercice  et  tout  contrôle  avant, 
«  pendant  et  après  la  fabrication  de  la  bière,  excepté  la  vérifi- 
«  cation  du  versement  du  malt  en  cuve  de  fabrication,  —  en  un 
«  mot,  de  donner  au  brasseur  le  droit  de  disposer  à  sa  guise  de 
«  son  travail,  sans  être  obligé  d'en  rendre  le  moindre  compte  à 
«  l'administration  de  la  régie  ». 

Ces  formalités  rigoureuses  sontpourtant  insuffisantes  encore. 
«  Pour  combattre  la  fraude  consistant  à  employer  des  matières 
non  déclarées,  continue  le  rapport  de  M.  Jacquème,  et  pour 
s'assurer  en  cours  de  fabrication  de  Tcxactitude  des  déclarations 
faites,  les  employés  devraient  être  autorisés  à  vérifier  au  moyen 
du  densimètre  la  force  alcoolique  du  produit,  aux  diverses  pé- 
riodes de  sa  confection.  »  Il  faut  donner  aux  agents  du  fisc, 
comme  le  fait  d'ailleurs  la  loi  hollandaise,  le  droit  de  dresser 
procès^verbal  au  brasseur  dont  le  rendement  obtenu  leur  semble 
trop  considérable  pour  être  en  rapport  avec  la  quantité  de  ma- 
tières déclarées. 

Qu'est-ce  à  dire  sinon  que,  pour  assurer  le  fonctionnement 
de  l'impôt  à  la  matière  première,  il  ne  suffit  pas  de  donner  aux 
employés  de  la  régie  le  droit  de  vérifier  les  quantités  déchar- 


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562  LA    LÉGOLATION    FISCALE   DE  LA    BIÈRE 

gées  dans  la  cuve  ;  il  faut  encore  leur  cfoiraer  celui  de  constater 
le  volume  de  moût  obtenu  dan&  la  chaudière,  et  quelque 
chose  de  plus  encore,  la  densité  de  ce  moôt...  Mars  par  !a  sim- 
ple addition  dans  la  loi  de  1816  de  cette  toraialité  nouvelle,  la 
constatation  de  ta  densité  di»  nwût,  nous  allons  voir  qu'on  re- 
médie, sans  bouleverser  de  fond  en  comble  le  régime  fiscal 
de  la  bière,  h  ses  imperfectioDS. 


VK    L'iMBOT   A    LA    DBîfSlTÉ. 

En  dehors  du  système  américain,  lequel,  pour  les  raisons  que 
nous  avons  dites,  ne  paraît  pas  «ppticable  en  France,  il  faut 
que  la  brasserie  se  résigne  à  une  sudrveillance  qui  entrave 
dans  une  certaine  mesure  sa  fabrication.  Ce  qu'il  faut  cher- 
cher àr  éviter,  c'es4  qve  œtte  surr eiilanee  doive  se-  prolonger 
jusqu'à  la  fin  des  opécations,  et  qa^eHe  laisse  passer  lafruide. 
Pour  être  bonne  —  ou  moins  maursis  — ,  elfe  sei*  à  la  fois 
limitée  et  efficace. 

Bien  qu'elle  se  prodongeàt  pendant  tonte  la  durée  de  la  (abrîea- 
tion,  la  surveillance  organisée  par  la  loidel8i6  ^^t  loin  d'être 
efficace.  La  fraude  trouvait  un  aliment  dons  les  imperfections 
d'une  législation  trop  aocienae.  L'une  de  ces  imperfections  était 
facile  à  corriger,  par  l'autorisation  donnée  aex  agents  du  fisc, 
moyennant  certaines  garanties  à  prendre  contre  les  abus  pos- 
sibles, de  s'assurer  par  des  visites  de  nuit  qu'une  brasserie  sus- 
pecte ne  fait  point  de  fabrication  clandestine.  On  ne  diminue 
pas  la  liberté  des  brasseurs,  en  les  protégeant  contre  des  con- 
currents malhonnêtes... 

Mais  le  vice  fondamental  du  régime,  c'est  la  base  défec- 
tueuse sur  laquelle  était  assis  Timp^'^t.  En  prenant  comme  ma- 
tière imposable  le  volume  du  moût  sortant  de  la  chaudière^  sans 
tenir  compte  de  sa  force,  la  loi  imposait  d'ime  taxe  égale  Theeto- 
litre  de  moût  qui  produira  un  hectolitre  de  bière,  et  ^hectolitre 
de  moût  qui  se  changera  par  un  coupage  habile  en  deux  ou  trois 
hectolitres  de  bière  ;  elle  favorisait  ainsi  la  fabrication  irration- 
nelle au  détriment  de  la  fabrication  rationnelle*. 

Voilà  le  mal^  et  voici  le  remède  :  en  continuant  &  prendre 
pour  matière  imposable  le  moût  sortant  de  la  chaudière,  ne 


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LA    LÉGIStATION   FIS€ÀLi3  DE  LÀ   BIÈRE  563 

plus  considérer  seulement  le  rolume,  mais  la  qualité  ;  et,  puis- 
que c'est  le  sucre  contenu  dans  le  moût  qui  fait  Falcool  de  la 
bière,  el  que  la  valeur  de  la  bière  dépend  de  son  degré  alcooli- 
que, imposer  le  moût,  non  plus  en  proportion  de  son  volume 
total,  mais  en  proportion  de  la  quantité  de  sucre  qu'il  contient. 

Par  cette  simple  réforme,  l'impôt  saisira,  exactement  et  par 
avance,  les  quantités,  de  bière  qui  seront  fabriquées,  et  propor- 
tionnellement à  leur  qualité  :  un  hectolitre  de  moût  capable  de 
produire  deux  hectolitres  de  bière  à  i^  payera  deux  fois  plus  d'im- 
pôt qu'un  hectolitre  de  moût  capable  de  produire  un  seul  hec- 
tolitre de  bière  à  4°  ;  un  hectolitre  de  moût  capable  de  pro- 
duire un  hectolitre  de  bière  à  6^  payera  deux  fois  plus 
d'impôt  qu'un  hectolitre  de  moût  capable  de  produire  un 
hectolitre  à  3"*.  Mais  le  fisc  ne  sera  pas  seul  à  profiter  de 
la  réforme  :  les  brasseurs  n'awront  plus  d'intérêt  à  forcer  le 
chargement  de  leur  cuve-matière  pour  accroître  la  richesse 
saccharine  de  teur  moût,  et  la  fabrication  redeviendra  normale. 
Enfin  la  surveillance  de  la  régie,  au  lieu  de  se  prolonger  comme 
aujourd'hui  jusqu'à  l'entonnement  sans  donner  satisfaction  aux 
intérêts  fiscaux,  pourra  sans  inconvénients  cesser#après  la  sortie 
du  moût  de  la  chaudière,  moment  qui  fixera  définitivement 
l'importance  de  la  matière  imposable  ;  le  brasseur  redeviendra 
maître  de  la  partie  la  plas  délicate  peut-être  de  la  fabrication  : 
la  fermentation. 

Le  législateur  autrichieni,  qui  le  premier  a  tenu  compte  dans 
l'établissement  du  régime  fiscal  de  la  bière  de  la  richesse  sac- 
charine du  moût,  n'a  fus  su  tirer  de  son  invention  tout  le  parti 
possible.  La  loi  du  19  décembre  1857,  aujourd'hui  encore  en  vi- 
gueur, se  rapproche  de  notre  loi  de  1816,  en  ce  que,  comme 
celle-ci,  elle  impose  la  bière  d'après  le  volume  du  moût;  elle  en 
diffère  par  ceci,  qu'au  Heu  de  distinguer  seulement  deux  sortes 
de  bière,  la  petite  bière  et  la  bière  forte,  elle  classe  les  bières 
fabriquées,  suivant  le  degré  sacchorimétrique  du  moût  qui  doit 
les  produire.  CTest,  comme  dans  la  loi  française,  l'hectolitre  de 
bière  qui  est  l'unité  imposable  ;  mais  l'hectolitre  de  bière  paye 
un  impôt,  variable  suivant  le  degré  du  moût,  et  exactement 
proportionnel  à  ce  degré. 

En  établissant  Timposition  au  degré  du  moûty  le  système 
autrichien  empêche  les  allongements,  si  préjudiciables  au  fisc, 


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564  LÀ   LÉGISLATION   FISCALE   DE   LA   lUÈHE 

que  notre  loi  de  1816  laissait  passer  ;  mais  en  conservant  Tim- 
position  au  volume  de  la  bière,  il  place  les  brasseurs  dans  une 
situation  intolérable.  Le  brasseur  qui  déclare  fabriquer  100  hec- 
tolitres de  bière  à  i""  et  qui  paye  Timpôt  sur  100  hectolitres  de 
bière  à  4°,  est  en  faute  et  se  voit  Tobjet  d'un  procès-verbal,  — 
non  seulement  s'il  fabrique  110  hectolitres  de  bière  à  4*^  ou 
100  hectolitres  de  bière  à  5",  production  supérieure  à  la  décla- 
ration, —  mais  encore  s'il  fabrique  110  hectolitres  à  3%5  ou 
90  hectolitres  à  4**,1,  production  inférieure  dans  Tensemble  à  sa 
déclaration.  Il  faut  qu'il  ne  dépasse  ni  le  volume,  ni  la  densité 
déclarée,  et  ne  peut  pas  compenser  l'excédent  de  l'un  par  le  dé- 
ficit de  l'autre.  Conclusion  :  il  faut  qu'il  se  tienne  fort  en  des- 
sous de  sa  déclaration  et  qu'il  paye  plus  d'impôt  qu'il  ne  pro- 
duit, pour  être  assuré  de  ne  dépasser  la  quantité  déclarée  et 
imposée,  ni  en  quantité,  ni  en  force. 

Ajoutez  que  la  surveillance  de  la  régie  doit,  dans  ce  système, 
se  prolonger  comme  chez  nous  jusqu'à  la  lin  des  opérations  et 
qu'elle  doit  y  être  d'autant  plus  sévère  qu'elle  ne  contrôle  pas 
seulement  le  volume  des  bières  fabriquées,  mais  leur  qualité. 
Voici  comment  M.  Jacquême.  dans  son  rapport  de  1875,  résume 
les  principaux  traits  de  cette  surveillance  : 

Toutes  les  formalités  exigées  en  France  pour  l'exercice  de  Tindustrie  de  la 
brasserie  le  sont  également  en  Autriche  :  à  chaque  mise  de  feu,  le  brasseur  doit 
rédiger  une  déclaration  en  double  expédition,  qu'il  doit  remettre  au  bureau  de 
la  régie  vingt-quatre  heures  avant  de  commencer.  Cette  pièce  doit  indiquer  le 
jour  et  l'heure  de  la  mise  de  f(eu  pour  les  chaudières,  le  jour  et  l'heure  de  la  fin 
de  l'opération,  le  numéro  et  la  contenance  des  bacs  refroidissoirs,  le  numéro  de 
la  cuve  guilloire,  le  numéro  et  la  contenance  des  tonneaux  de  dépôt.  Elle  doit 
spécifier  en  outre  la  quantité  de  bière  que  Ton  doit  fabriquer  et  le  degré  saccha- 
rimétrique  que  l'on  veut  donner  au  moût. 

Le  brasseur  doit  tenir  en  outre  un  registre,  dit  livre  d'exercice,  sur  lequel  il 
doit  inscrire,  au  fur  et  à  mesure  de  l'accomplissement  des  opérations,  la  prove- 
nance, la  nature  et  la  quantité  des  maliôres  premières  qu'il  doit  travailler  avec 
la  date  de  leur  achat  et  les  noms  et  prénoms  des  vendeurs  ;  au  moment  de  la 
fabrication,  la  date  de  sa  déclaration  de  mise  de  feu,  le  numéro  de  la  quittance 
que  le  receveur  lui  a  délivrée,  la  nature  et  la  quantité  des  matières  employées, 
la  quantité  et  le  degré  saccharimétrique  du  moût  et  la  quantité  de  bière  enton- 
née; à  la  sortie,  la  date  de  la  vente,  la  qualité  et  les  quantités  vendues,  ainsi  que 
le  nom  et  la  demeure  de  l'acquéreur.  Ce  registre,  tenu  constamment  à  jour,  doit 
être  arrôté  chaque  mois  et  conservé  cinq  ans. 

Au  moyen  do  la  copie  de  la  déclaration,  toujours  déposée  dans  un  lieu  désigné 
de  la  brasserie,  et  les  inscriptions  au  registre  d'exercice,  Iç  service  a  tous  les 
éléments  d'une  surveillance  efficace. 

On  comprend  aisément  que  la  brasserie  autrichienne  se  plai- 
gne d'un  régime  dont  l'application  entraîne  une  surveillance 


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LA   LÉGISLATION   FISCALE   DE   LA   BIÈRE  565 

aussi  lourde,  —  et  qu'elle  apprécie  faiblement  un  système 
d'impôt,  dont  on  a  pris  tous  les  avantages  fiscaux,  dont  on  a 
négligé  de  prendre  les  avantages  industriels. 

La  brasserie  belge,  au  contraire,  qui  jusqu'en  1885  avait  vécu 
sous  un  régime  à  peu  près  analogue  au  nôtre,  se  déclare  très 
satisfaite  de  l'introduction  dans  sa  législation  fiscale  du  principe 
de  rimpôt  à  la  densité.  11  est  vrai  que  ce  principe  y  a  pénétré 
avec  toutes  ses  conséquences,  heureuses  pour  le  fisc,  heureuses 
pour  les  industriels.  C'est  le  moût  lui-même,  ou  plus  exactement 
c'est  le  sucre  contenu  dans  le  moût  qui  devient,  d'après  la  loi 
belge  du  20  août  1885,  l'unique  matière  imposable,  et  sans  que 
le  fisc  ait  à  rechercher  quelle  transformation  le  brasseur  fera 
subir  à  ce  sucre,  quelles  quantités  de  bière  ce  moût  va  produire. 
Un  hectolitre  de  moût  marquant  au  densimètre  6**,  deux  hecto- 
litres de  moût  marquant  au  densimètre  3^,  contiennent  exacte- 
ment la  même  quantité  de  sucre  et  payent  exactement  le 
même  impôt.  Ce  poids  de  sucre,  qui  sert  de  base  à  l'impôt, 
s'obtient  donc  en  multipliant  le  volume  total  du  moût  par  son 
degré  densimétrique.  Aussitôt  qu'il  est  constaté,  —  et  la  cons- 
tatation peut  se  faire  au  sortir  de  la  chaudière,  —  le  brasseur 
devient  maître  de  son  produit,  et  n'a  plus  rien  à  voir  avec  le 
fisc. 

Telle  est  bien  la  réforme  réalisée,  par  la  loi  belge  de  1885.  Il 
est  curieux  de  constater  pourtant  qu'elle  s'est  faite  d'une  façon 
déguisée,  et  que  l'impôt  à  la  densité  est  entré  chez  nos  voisins 
sous  le  nom  d'impôt  à  la  matière  première. 

L'erreur  s'explique  historiquement.  L'origine  de  la  loi  de 
1885  se  trouve  dans  un  projet  de  1872,  que  son  auteur  résumait 
dans  les  termes  suivants  : 


Le  taux  de  Timpôt  sera  de  14  centimes  par  kilogramme  de  farine  employée, 
avec  supplément  d'impôt  proportionnel  à  la  quantité  de  sucre  qui  dépassera  le 
rendement  légal,  —  rendement  légal  calculé,  d'après  un  grand  nombre  d'expé- 
riences faites,  à  25  litres  de  moût  ramenés  à  P  par  kilogramme  de  malt.  —  La 
base  normale  de  l'impôt  sera  la  quantité  de  farines  employées  à  raison  de 
14  centimes  par  kilogramme.  Mais  un  supplément  sera  dû  lorsque  le  rendement 
dépassera  le  chiffre  légal  de  25  litres  de  moût  à  l*»  par  kilogramme. 

En  prenant  pour  unique  base  de  l'impôt  la  quantité  de  farines  employée,  il  ne 
serait  possible  d'avoir  une  garantie  sérieuse  contre  les  abus  qu'en  apportant  de 
nombreuses  restrictions  au  travail,  et  en  imposant  au  brasseur  des  formalités 
qui  l'expeseraient  à  être  fréquemment  constitué  en  contravention.  C'est  en  vue 
d'éviter  cet  inconvénient,  au  moins  d'en  atténuer  l'imporlauce,  que  nous  pro- 
posons d'asseoir  l'impôt  sur  deux  bases  qui  se  servent  mutuellement  de  contrôle* 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  37 


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1^66  LA   LÉQIâLÀTION   FIftCALii  D£   Ik   BIÈM 

Dans  ce  projet,  Vimpôt  devait  être  assis  principalement  aur 
les  matières  premières  employées  à  la  fabrication,  accesscdre-r 
ment  sur  la  densité  du  mot^t  produit.  C'était  un  ayatème  mixte 
entre  le  système  de  Timpot  à  la  matière  première  et  le  système 
de  rimpôt  à  la  densité,  ^r.  d'ailleurs  impraticable.  La  loi  de 
1885  se  g^rde  bîep  de  reproduire  au  fond  oe  dualisme;  dans  la 
forme,  elle  seii^le  le  maintenir. 

Voici  eA  effet  de  quelle  façon  elle  détenaine  Tassiette  de  la 
nouvelle  taxe. 

Le  taux  de  Faccîse  est  fixée  à  10  centimes  par  kilogramme  de  farine  déclarée. 
140  reMien^ant  lé^al  e^l  fixé  4  85^  liiJf ^  de  d^q^I,  à  la  tempérUiture  de  17«  l/%  cd»- 
tigr^des,  ramenés  à  un  degré  de  densité,  par  kilogramme  de  farine  déclarée. 

A  ne  considérer  que  le  premier  para^apbe  de  cet  article,  la 
base  de  Timpât  serait  la  quantité  de  farine  employée  parle  bras^ 
saur.  Mais  ce  n'^est  là  qu'une  illusion  ;  l'impôt  frappe  en  réalité 
le  moût.  ^  litres  de  moût,  marquant  V  de  densité  à  la  tempé- 
rature de  17  1/3  degrés  centigrades,  payeat  dix  oentipes  :  ¥oità 
la  véritable  assiette  de  la  taxe. 

Si  le  texte,  par  la  concision  de  ses  termes^  prêtait  à  disons^ 
sion,  les  débats  parlementaires  et  Texposé  même  des  mokife  de 
la  loi  enlèveraient  tonte  espèce  de  dc^ute.  La  décdarakion  de 
quantité  n'est  qu'un  moyen  de  contrôle  auquel  le  brasseur  doit 
se  soumettre^  dit  en  sub»t^noe  l'exposé  desc  motifs.  Le  brasseur 
qui  déclare  verser  l.OOQ kilogrammes  de  farine  ne  garantit  pas 
l'exactitude  de  cette  déclaration  ;  il  s'engage  seuleptent  à  ne  paa 
produire  plus  de  250  bec(oUtre&demoûtramie#éaàl^de  densité. 
Sî  doAC,  au  lieu  d/e  1.000  kilograBdmes,  ii  en  verse  1.250,  il  ne 
sera  pas  en  faiiite,  pau^vm  que  le  r^adement  de  ces  1.350  kitor 
grammes  ne  dépasse  pas  le  chiffre  légal,  soit  dans  cette  byfio^ 
thèse  250  hectolitres  de  moût  à  1<»  (avec  la  tolérance  du  dixième 
Zl^  hectolitres).  U  s^^ivait  au  contraire  en  contraveAtion  si,  ayant 
déclaré  et  versé  eonforménçient  à,  sa  déclaration  1.000  kilogram- 
mes de  £arine>  U  obtenait  plus  de  275  heotoUtres  de  iok&ti  à  1*. 

La  déclaration  q|ue  le  brasseur  doit  faire  avant  die  commencer 
sa  fabrication  n'est  do^o  que  fictivement  celle  du  yevsemeat  dtea 
matières  dans  In  cuve  ;  e^le  est  réellement  cette  du  rendement 
pjvésumé  de  cea  matière»  4ws  la  chaudière.  Aum  roUig^tM» 
que  fait  Tarticle  fr  de  la  loi  de  1S85  de  «  disposer  les  fartees  des- 
tuxées  au  bra.ssin  dans  des  sacs  d'un  poÂd^  uA^rnae^  &  pso^ 


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LA  LÉGiaLATlON   FISCALE  DB   LA   BIÈHB  567 

mité  de  la  cove-matière,  ou  dans  une  trémie  jaugée  au  moins 
deux  heures  ayant  l'heure  déclarée  pour  le  commencement  des 
travaux  »,  —  crtte  obligation  gênante  est  un  contre-sens  ;  et 
c'est  ayee  raison  que  la  brasserie  belge  demande  sa  suppression. 
C'est  dans  les  article  9  à  12  de  la  loi  que  se  trouve  décrit  le 
véritable  mécanisme  de  l'impôt  : 

ARTicaJ  9.  —  Les  quantités  de  moùl  produites  par  chaque  brassin  sont  réu- 
nies, ataat  toute  mise  en  fermentation^  dans  un  ou  plusieurs  vaisseaux,  tels 
que  cuves  guiiloires,  cuves  eoUectrices,  ou  toutes  autres  cuves,  spéciakmeat 
installées  poar  la  constatation  du  rendement  légal. 

Ces  vaisseaux  doivent  être  agréés  par  Tadaiinistration. 

Ils  sont  jaugés  comme  les  cuves  matières  et  munis  d'échelles  métriques  ou  de 
bâtons  de  jauge,  conformes  au  modèle  officiel  et  qui  doivent  être  maintenus  par 
le  brasseur  en  bon  état  de  conservation... 

Article  10.  —  Les  moftts  reeueillii  restent  pendant  une  ou  deux  périodes  d'une 
heure  à  la  disposition  des  agents  de  la  surveillance. 

Les  employés  constatent  pendant  ces  périodes  la  densité  et  le  volume  des 
moûts  chaque  fois  qulls  le  jugent  convenables. 

11  est  interdit  de  confondre,  avant  l'expiration  de  ces  périodes,  les  produits 
du  brassin  auquel  elles  se  rapportent  avec  les  produits  d*un  autre  brassin. 

Article  11.  —  Les  brasseurs  sont  obligés  de  tenir  constamment  à  la  diaposi* 
tion  des  employés  :  une  balance  ou  une  bascule,  des  poids,  des  mesures,  des 
bâtons  de  jange  et  de  la  lumière,  ainsi  que  de  donner  à  ees  agents  les  facultés 
nécessaires  povr  leur  permettre  de  se  rendre  compte  des  matières  imposaUëi 
employées  au  brassin  et  de  la  densité  des  liquides  qui  en  forment  le  produit. 

Abticlb  12.  — >  fvtà  excédent  de  pins  de  deux  litres  et  demi  sur  le  rendement 
légal  (soit  de  plus  du  <tixiëme)  est  puni  d'une  amende  de  0  fr.  SO  par  litre,  indé- 
pendamment du  paiement  des  droits  sur  la  totalité  de  l'excédent,  sans  que 
l'amende  soit  infériewre  à  l.OOd  franes. 

Enfin,  Tarticle  13  punit  la  seule  fraude  qui  puisse  se  produire 
sous  le  régime  de  Timpôt  à  la  densité,  —  la  décharge  partielle  : 

Toute  soustraction  de  moût  au  payement  de  l'impôt  est  punie  d'une  amende 
de  25  francs  par  hectolitre  de  capacité  des  cuve-matière  et  chaudières  mention- 
nées dans  la  déclaration  de  travail. 

U  en  est  de  même  de  l'existence  de  moûts,  avant  l'expiration  des  périodes 
mentionnées  à  l'article  10,  psEftout  aillears  que  dans  les  vaisseaux  repris  à  la 
déclaration  de  la  profession. 

Est  punie  de  la  même  peine  r existence  de  tuyaux  ckmdestms,  ainsi  que  celle 
de  vaisseaux  non  déclarés  et  portant  des  traces  d'un  usage  iUicitè. 

Telle  est,  dans  ses  dispositions  cssentidies,  la  loi  belge  du 
20  août  1885.  En  lui  enlevant  ce  qu'elle  présente  d'illogique,  en 
la  perfectionnant  dans  qnelques-iiRS  de  ses  détails,  on  ferait 
une  excellente  loi,  aussi  parfaite  que  peut  être  une  loi  fiscalei# 
C'est  l'œuvre  qui  vient  de  réaliser  le  législateur  français. 

VII.  —  La  mHrvELLB  LicnsLATiON  praih^âise. 
L'idée  de  rimpM  à  la  densité  apparaît,  pour  la  pr^ttière  fois 


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56 s  LA   LÉGISLATION    FISCALE   DB  LA  BIÈRE 

en  France,  en  1875,  dans  un  projet  de  loi  sur  led  bières,  déposé 
au  nom  du  gouvernement  par  le  ministre  des  Finances,  M.  Léon 
Say.  Ce  projet  de  loi,  qui  avait  pour  objet  de  combattre  les 
diverses  fraudes  pratiquées  dans  la  brasserie,  modifiait  la  loi 
de  1816  par  trois  dispositions  nouvelles. 
La  première  était  ainsi  conçue  : 

•  Article  6.  —  A  toute  heure  de  jour  et  de  la  nuit,  que  le»  usines  soient  ou  ne 
soient  pas  en  activité,  les  brasseurs  sont  soumis  aux  visites  et  vérifications  des 
employés  de  la  régie  ;  à  toute  réquisition,  ils  sont  tenus  d'ouvrir  à  ces  agents 
leurs  brasseries,  ateliers,  magasins,  caves,  celliers  et  maisons  lorsqu'elles  sont 
attenantes  à  leurs  étabUssements,  ainsi  que  de  représenter  les  bières  qu'ils  ont 
en  leur  possession.  Lorsque  les  brasseries  sont  au  repos,  les  visites  de  nuit  ne 
peuvent  s'étendre  en  dehors  des  ateliers  de  fabrication. 

Par  cet  article,  on  voulait  armer  les  employés  de  la  régie  de 
pouvoirs  suffisants  contre  les  brasseurs  qui  fabriquaient  clan- 
destinement. 

L'article  9  de  la  nouvelle  loi  devait  empêcher  les  allongements 
de  moût  : 

A  partir  du  moment  où  les  bières,  fortes  ou  petites,  sont  retirées  des  chau- 
dières, il  est  interdit  aux  brasseurs  d'en  accroître  le  volume  avec  toute  autre 
espèce  de  liquide,  même  au  moyen  d'une  addition  d'eau. 

Après  comme  avant  l'entonnement,  toutes  les  bières  fabriquées  restent  sou- 
mises au  contrôle  et  à  la  surveillance  du  service  de  la  régie  jusqu'au  moment  où 
elles  sont  livrées  à  la  consommation. 

Toute  quantité  dont  l'existence  en  magasin  ne  peut  être  justifiée,  est  considérée 
comme  provenant  d'une  fabrication  clandestine  ;  elle  est  saisie  et  soumise,  quelle 
qu'en  soit  la  qualité,  au  tarif  de  la  bière  forte. 

Enfin  l'article  4  du  projet  cherchant  un  critérium  nouveau  à 
la  distinction  légale  entre  bières  fortes  et  petites  bières,  fait 
intervenir  le  densimètredans  la  détermination  de  Timpôt  : 

Toute  quantité  de  petite  bière  qui,  à  l'état  de  moût,  pris  sur  les  bacs  refroi- 
dissoirs  ou  à  la  sortie  des  réfrigérants,  présente  à  la  température  de  l:>o  centi- 
grades une  densité  supérieure  à  2° fi  du  densimètre,  est  passible  du  droit  fixé 
pour  la  bière  forte, 

et  propose  en  même  temps  une  surtaxe  des  bières  très  fortes  : 

Toute  quantité  de  bière  forte  qui,  à  l'état  de  moût,  avant  la  mise  en  fermenta- 
tion, accuse  audensimètre  centésimal  et  à  la  température  de  15  degrés  centigrades 
une  densité  supérieure  à6<»,  est  passible,  indépendcunment  du  droit  fixé  par  l'ar- 
lîcle  1*'  de  la  présente  loi,'une  surtaxe  de  75  centimes  par  hectolitre  et  par  de- 
gré du  densimètre  au  delà  de  6<*. 

Par  ce  dernier  article,  le  projet  de  M.  Léon  Say  rappelait  dans 
une  certaine  mesure  le  régime  autrichien.  11  eût  amené,  pour 
l'industrie  française  de  la  brasserie,  une  très  lourde  aggrava- 
tion de  charges,  en  même  temps  qu'il  aurait  apporté  de  nouvelles 


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LA   LÉGISLATION    FISCALE   DE  LA   BIÈRE  S»$9 

entraves  et  très  vexatoires  à  la  liberté  de  fabrication.  Il  souleva 
un  toile  général  et  ne  reçut  aucune  suite. 

Le  projet  déposé  par  M.  Rouvier  en  1892  faisait  à  la  densité 
une  part  plus  considérable  : 

AmcLE  44.  —  Il  est  perçu  à  la  fabrication  des  bières  un  droit  en  principal  et 
décimes,  de  50  centimes  par  hectolitre  et  par  degré  de  densité  des  moûts,  sans 
qu'en  aucun  cas  la  taxe  puisse  être  inférieure  à  1  fr.  50  par  hectolitre. 

Constatée  au  moyen  du  densimétre  centésimal,  à  la  température  de  15  degrés 
centigrades,  la  densité  des  moûts  est  déclarée  par  le  brasseur  et  contrôlée  par 
les  employés  de  la  Régie.  Une  taxe  complémentaire  en  sus  du  tarif  édicté  par  le 
premier  paragraphe  du  présent  article  est  perçue  à  raison  de  0  fr.  50  par  hecto- 
litre et  par  chaque  degré  non  déclaré. 

Comparé  au  projet  de  1875,  celui  de  1892  était  beaucoup  moins 
désavantageux  pour  la  brasserie,  et  Texposé  des  motifs  le  fai- 
sait remarquer  :  «  Étant  donné  qu'une  bonne  bière  de  consom- 
mation courante  pèse  de  4  à  5°,  Timpôt  ressortira  en  moyenne  à 
2  francs  par  hectolitre.  La  taxe  sera  donc  sensiblement  infé- 
rieure à  ce  qu'elle  est  aujourd'hui  (3fr.  75  pour  la  bière  ordi- 
naireetl  fr.  25  pour  la  petite  bière,  soit  une  moyenne  de2fr.  50).  » 

Au  point  de  vue  du  mode  de  perception,  l'auteur  du  projet 
considérait  qu'il  réalisait  par  sa  réforme  un  grand  progrès:  «  Le 
nouveau  mode  de  perception,  basé  sur  la  densité  des  moûts,  ré- 
pond aux  vœux  de  le  fabrication.  »  Mais,  à  la  vérité,  il  ne  répon- 
dait que  très  imparfaitement  à  ces  vœux. 

En  ne  tenant  compte  pour  la  taxation  que  des  unités  de  degré, 
et  point  des  dixièmes,  il  avait  le  premier  inconvénient  de  peser 
sur  la  fabrication  :  puisque  la  bière  à  S^^^Q  payait  0  fr.  50 
de  moins  par  hectolitre  que  la  bière  à  4**,  tout  l'effort  du 
brasseur  qui  produit  aujourd'hui  la  bière  à  4^1,  4^,2,  4",3,  de- 
vait tendre  à  ramener  le  degré  de  son  moût  à  3%9,  et  à  diminuer 
la  qualité  de  ses  produits  pour  tirer  de  la  loi  fiscale  tous  les 
avantages  possibles. 

Mais  surtout,  en  se  modelant  sur  le  régime  autrichien,  en  con- 
tinuant à  prendre  pour  base  le  volume  de  bière  fabriquée,  et  non 
pas  simplement  le  volume  du  moût,  il  forçait  à  prolonger  la  sur- 
veillance des  employés  de  la  régie,  bien  au  delà  de  la  cuisson, 
au  delà  même  de  l'entonnement  : 

Indépendamment  des  vérifications  autorisées  par  l'article  111  de  la  loi  du 
28  avril  1816,  les  employés  sont  autorisés  à  suivre  de  jour  et  de  nuit,  pendant  qua- 
rante-huit heures  après  Ventonnement  de  chaque  brassin^  les  effets  de  la  fermen- 
tation et  à  constater  toute  décharge  partielle,  tout  excédent  de  production  à  la 
quantité  déclarée  imposable  par  Tarticle  IIG  de  la  môme  loi, 

disait  l'article  45  du  projet  Rouvier. 


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570  LA   LÉGISLATION   FIftCALB  DB  LA   BIÈRE 

Il  fallait  faire  un  pas  de  plus  si  on  voulait  éviter  ces  inconvé- 
nients, et  accepter  franchement,  avec  toutes  ses  conséquences, 
le  principe  de  l'impôt  à  la  densité.  Le  pas  fut  franchi,  sur  les 
vives  instances  des  représentants  autorisés  de  la  brasserie  fran- 
çaise, par  un  projet  de  loi  déposé  au  nom  du  Gouvernement  par 
M.  Burdeau,  le  17  mars  1894,  repris  en  1895  par  M.  Ribot, 
admis  par  la  commission  du  budget  de  la  Chambre  en  1896,  voté 
au  Sénat  en  seconde  lecture  le  10  novembre  1896,  et  incorporé 
enfin  dans  le  budget  pour  devenir,  par  Taccord  du  Parlement,  la 
législation  nouvelle. 

La  suppression  du  régime  actuel  est  expressément  consacrée  : 

Le  droit  de  fabrication  sur  les  bières,  tel  qui!  est  établi  par  la  législation  en 
vigueur,  est  supprimé  ; 

et  son  remplacement  ainsi  formulé  : 

Il  est  remplacé  par  un  droit  en  principal  et  décimes  de  0  fr.  50  par  degré-hec- 
tôlitre  de  moût,  c*est-à-dire  par  hectolitre  de  moût  et  par  degré  do  densimètre 
au-dessus  de  100  (densité  de  Teau)  reconnus  à  la  temfératurede  15*  .centigrades; 
les  fractions  au-dessous  d'un  dixième  de  degré  sont  négligées. 

L'impôt,  d'après  cette  base  nouvelle,  frappe  le  fiwûi^  et  non  la 
bière.  Il  frappe  le  moût,  non  en  proportion  de  son  volume,  mais 
en  proportion  de  làçuafUûé  de  sucre  ^'ilowUieni.  L'unité  im- 
posable, en  effet,  n'est  pas  l'hectolitre,  mais  le  d^ré-kectolitre, 
c'est-à-dire  en  réalité  la  quantité  de  sucre  qu'il  faut  introduire 
dans  un  hectolitre  d'eau  marquant  100  au  densimètre  pour  ob- 
tenir un  hectolitre  d'eau  sucrée  marquant  au  densimètre  101®: 
quantité  d'ailleurs  constante  et  s'élevant  à  environ  deux  kilo- 
grammes et  demi.  En  vertu  du  texte  nouveau,  un  hectolitre  de 
moût  marquant  au  densimètre  106''  payera  exactement  le  même 
impôt  que  deux  hectolitres  de  moût  marquant  au  densimètre 
103^,  parce  qu'ils  comprennent  exactement  le  même  nombre  de 
dfegrés-hectolitres,  1 X  6,  2  X  3  =6,  c'est-à-dire  la  mémo  quan- 
tité de  matières  sucrées. 

Cette  unité  imposable  ainsi  déterminée,  le  degré-hectoli- 
tre, à  quel  taux  faut-il  la  frapper?  Ce  taux  sera  plus  ou  moins 
élevé,  non  seulement  suivant  que  Ton  voudra  obtenir  de  l'impôt 
une  somme  totale  plus  ou  moins  considérable,  mais  encore  sui- 
Tant  qu*on  estimera  plus  ou  moins  important  le  chiflre  de  la  pro- 
duction annuelle  en  degrés-hectolitres  de  la  brasserie  française 
Que  l'on  demande  25  millions  à  Timpôt  en  estimant  à  50  mil- 
lions le  nombre  de  degrés-hectolitres  asnuellement  produits, 


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LA   UtGiSLATIOR   FÎSCÂLB  DB  LA   BIÈRB  57 J 

OU  qu'on  l'éclame  à  l'impôt  30  milUous  en  évaluafii  le  nombre 
de  degrés-hectolitres  produits  à  00  millions,  le  tarif  adopté  sera 
le  même  dans  les  deux  cas  :  0  fr.  50  au  deg]^é->hectolitre. 

Le  chiffre  de  la  production  annuelle  de  la  brasserie  française 
en  degrés-hectolitres  ne  pouvait  pas,  faute  de  statistiques,  être 
knmédiatement  évalué.  Aussi  le  législateur  a>-t^il  fait  (BUvre 
sage  en  laissant  à  son  tarif  un  caractère  provisoire.  La  loi  de^ 
mande  àrimpMpour  la  première aîiÀéed'elterci^e2t<42U.000fr.} 
Bû  divisant  ce  chiffre  de  27.420.000  francs  par  le  nombre  de 
degrés-hectolitres  produits  dans  Tannée,  on  obtiendra  le  tâttlÉ 
définitif  du  degré*hectolita»e.  Provisoirement)  et  parce  qu'il  serait 
contraire  à-Tesprit  fiscal  d'attendre  pour  le  paiement  d'une  taxe 
respiration  de  lexercice,  la  loi  estime  à  55  millions  la  produc- 
tion annuelle  de  degrés-hectolitres,  et  flxe  par  conséquent  à 
0  fr.  50  le  taux  du  degré-hectolitre.  Mais  : 

Si  le  produit  dé  l*lmtJ6t  ctes  bières  f ealisê  pendâht  lés  doiize  premlert  mois  de 
la  mise  à  «xéculioii  de  la  présente  loi  était  inférieur  eu  supérieur  à  la  sommé 
de  27.420.000  fr.,  le  tarif  fixé  oi-dessus  serait  relevé  ou  abaissé  au  taux  qui,  appli- 
qaé  au  nombre  des  degré-hectolitres  constatés  pendant  cette  première  péHode 
de  douze  mois,  aurait  été  reconoo  néoessairepoBf  assurer  une  peroeption  au  moini 
égale  à  ladite  somme. 

Ce  taux  serait  rendu  applicable  par  un  décret  qui,  Inséré  au  Journal  officiel, 
serait  obUgstoire  dans  tes  délais  de  promulgation. 

La  perception  de  Timpôt  est  assurée  par  une  déclaration,  non 
plus  du  volume  comme  dans  la  loi  de  1816,  mais  de  la  quantité 
de  degrés-hectolitres  que  le  brasseur  compte  produire.  Déclara* 
tion  dont  Texactitude  sera  vérifiée  par  les  employés  de  la  régie 
dans  les  chaudières  ou  appareils  à  houblonner.  Si  la  production 
constatée  dépasse,  en  degrés-hectolitres,  le  chiffre  déclaré,  la 
peine  qui  frappera  Tinexactitude  de  la  déclation  sera  plus  ou 
moins  forte,  selon  que  Texcédent  sera  plus  ou  moins  considé- 
rable. —  L'excédent  qui  ne  dépasse  pas  le  dixième  sera  consi- 
déré comme  licite  et  ne  sera  même  pas  soumis  au  droit.  Si  Tex- 
cédent  est  de  plus  de  10  p.  100  mais  ne  dépasse  pas  15  p.  100, 
la  totalité  de  l'excédent  payera  double  droit.  Si  Texcédent  dé- 
passe 15  p.  100  sans  être  supérieur  à  20  p.  100,  la  quantité 
comprise  entre  1  et  15  p.  100  d'excédent  payera  double  droit,  la 
quantité  qui  excède  15  p.  100  payera  un  droit  de  5  francs  par 
degré-hectolitre.  Enfin  si  l'excédent  dépasse  20  p.  100,  la  loi  se 
montrera  d'autant  plus  sévère  que  la  fraude  sera  évidente,  et 


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572  LA    LÉGISLATION   FISCALE   DE  LA    BIÈRE 

toutes  les  quantités  reconnues  seront  imposables  au  taux  exor- 
bitant (le  5  francs  par  degré-hectolitre. 

Ce  même  droit  de  5  francs  frappera  «  toute  quantité  de 
moût  trouvée  en  dehors  des  chaudières  à  houblonner  après 
l'heure  déclarée  de  la  rentrée  définitive  des  trempes  dans  ces 
chaudières  »,  c^est-à-dire  toute  quantité  soustraite  à  la  prise  en 
charge  pendant  la  période  de  reconnaissance,  sans  préjudice 
d'une  amende  de  3.000  à  10.000  francs  qui  punira  Temploi 
d'appareils  clandestins  pour  la  saccharification  ou  pour  la 
cuisson  des  moûts. 

Les  fraudes  résultant  de  la  fabrication  nocturne  seront  ren- 
dues impossibles  par  la  disposition  suivante  de  la  loi: 

Les  brasseurs  sont  soumis  tant  de  jour  que  de  nuit,  même  en  cas  dlnactivité 
de  leurs  établissements,  atrx  visites  et  vérifications  des  employés,  et  tenus  de 
leur  ouvrir,  à  toute  réquisition,  leurs  maisons,  brasseries,  ateliers,  magasins, 
caves  et  celliers. 

Le  législateur  abandonne  au  pouvoir  réglementaire  le  soin  de 
déterminer  les  formes  de  la  déclaration  et  de  la  reconnaissance, 
le  mode  de  paiement  des  droits,  les  conditions  d'agencement  et 
d'installation  des  établissements  et  des  chaudières  à  cuire  ou  à 
houblonner,  les  dispositions  à  prendre  pour  déterminer  le  vo- 
lume et  la  densité  des  moûts,  les  prescriptions  à  remplir  par 
les  brasseurs  pour  être  exemptés  des  visites  de  nuit,  le  mode 
d'emploi  dans  la  fabrication  de  la  bière  des  mélasses,  glucose, 
maltose  et  autres  substances  analogues...  Peut-être  y  a-t-il, 
dans  cette  trop  grande  latitude  laissée  au  pouvoir  réglemen- 
taire, un  danger  pour  la  liberté  de  la  brasserie. 

Mais  la  perfection  n'est  point  de  ce  monde,  et  la  loi  nouvelle 
réalise  un  progrès  assez  sensible  pour  qu'on  lui  passe  quelques 
défauts.  Il  est  assez  rare  de  voir  une  réforme  fiscale  profiter  en 
même  temps  au  fisc  et  aux  contribuables,  pour  qu'on  accueille 
celle-ci  avec  faveur. 

Maurice  Vanlaer. 


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LANEMGEMENT  DES  EAUX 


1.  —  «  Aménager  les  eaux  inutilisées  et  improductives,  les 
«  distribuer  proportionnellement  aux  besoins  des  agriculteurs 
«  et  des  usiniers,  alimenter  les  communes  en  eau  potable,  les 
«  assainir  en  assurant  l'écoulement  et  Tépandage  des  eaux  d*é- 
«  goût  »,  ce  programme  ralliera  les  suffrages  de  tous  les  par- 
lementaires. 

Toutes  les  déclarations  ministérielles  sont  favorables  au  dé- 
veloppement de  la  richesse  agricole  et  industrielle,  toutes  les 
professions  de  foi  des  députés  ruraux  s'inspirent  des  besoins  de 
l'agriculture,  de  la  nécessité  de  faciliter  les  irrigations  ;  celles 
des  députés  des  villes  constatent  l'urgence  de  pourvoir  d'eau  les 
cités  populeuses  et  actives,  de  les  assainir. 

En  présence  de  tant  de  bonnes  volontés,  comprend-on  que  le 
programme  d'aménagement  des  eaux  qui  fait  partie  de  notre  in- 
fortuné code  rural,  attende  depuis  la  Constituante,  c'est-à-dire 
depuis  plus  d'un  siècle,  le  bon  vouloir  du  parlement?  N'est-on 
pas  attristé  de  voir  que  tous  les  peuples  étrangers,  accueillant 
l'idée  que  nous  avions  émise  les  premiers  aient  tous  réalisé  les 
vœux  que  nous  formons  encore  ? 

11  n'est  pas  jusqu'aux  petites  républiques  américaines,  jus- 
qu'à la  principauté  de  Monaco  qui  ne  nous  aient  devancés.  Il 
n'est  pas  de  pays  si  pauvre  qui  n'ait  fait  de  sacrifices  et  l'Italie 
elle-même,  malgré  ses  charges,  a  pu  trouver  des  ressources 
pour  développer  les  irrigations  et  assainir  ses  villes  et  ses  cam- 
pagnes (1).  (Loi  d'assainissement  de  la  campagne  de  Rome  du 
11  décembre  1878  et  loi  sur  les  marais  du  2^5  juin  1882).  L'Italie 

(1)  Voir  Tarticle  de  M.  Féraud-Giraud  en  note  sous  la  loi  espagnole  du  27  juil- 
let 1883  relative  aux  canaux  d'arrosage.  (Annuaire  de  législation  étrangère, 
1884). 


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574  l'aménagement    DES   EAUX 

a  dépensé  un  million  par  an  de  1884  à  1893,  en  vue  d'opérer  des 
dérivations  d'eau  du  domaine  public.  (Loi  du  10  août  1884,  dé- 
cret du  26  novembre  1893). 

Se  heurte-t-on  a  des  difficultés  d'applîcatioti?  Nous  préten- 
dons démontrer  que  non  :  de  l'ensemble  des  législations  étran- 
gères, des  divers  projets  de  loi  déposés  en  France,  se  dégagent 
un  certain  nombre  d'idées  simples,  universelles,  sur  lesquelles 
il  est  impossible  que  l'accord  ne  se  fasse  pas. 

Les  exposer  et  les  coordoner,  faciliter  en  un  mot  le  vote  du 
projet  de  loi  sur  l'aménagement  des  eaux  en  vulgarisant  les 
principes  économiques  et  juridiques  qui  en  forment  la  base 
rationnelle  chez  tous  les  peuples,  tel  est  notre  but. 

IL  —  C'est  à  dessein  que  nous  avons  choisi  Theure  présente 
pour  plaider  cette  cause  :  jamais  le  Parlement  n'a  été  si  près 
d'agir. 

La  Chambre  qui  vient  de  voter  les  quatre  premiers  titres  du 
livre  n  du  Code  rural  (loi  du  8  avril  1898)  se  trouve  amenée  â 
examiner  les  litres  V  et  VI  du  même  livre,  qui  encadrent  pré- 
cisément le  projet  d'aménagement  des  eaux. 

Plus  récemment  encore,  le  H  juillet  1898,  M.  Montant  et 
quatre-vingt-deux  de  ses  collègues  déposaient  sur  le  bureau  de 
la  Chambre  des  députés  une  proposition  de  loi  concernant  le 
captage,  l'adduction,  la  distribution  et  la  protection  des  eaux 
potables  dans  les  communes.  Cette  proposition  a  été  prise  en 
considération  par  la  Chambre  des  députés,  le  12  décembre 
1898  (1). 

L'exposé  des  motifs  constate  que  les  circonstances  climatéri- 
ques  elles-mêmes  sont  particulièrement  propices  : 

«  On  frémit  (y  est-il  dit)  en  pensant  aux  souffrances  terribles 
qu'ont  dû  subir  les  populations  des  campagnes  pendant  des  étés 
aussi  chauds  et  aussi  secs  que  ceux  qu'on  a  eu  quelquefois  à  tra- 
verser. Les  cultivateurs,  dans  mille  localités,  n*ûyant  pas  à  leur 
portée  l'eau  qui  leur  était  indispensable  pour  leur  oefage  et  pour 
celui  de  leurs  exploitations,  ont  du  chercher  à  se  la  procurer  au 
prix  des  plus  dures  fatigues.  » 

(1)  Un  projet  de  loi  sur  les  irrigations  a  été  dépoté  sur  k  bcurMm  àe  U  Cbam- 
bre  par  MM.  Georges  Gram,  Dalaii,  Delbet,  Morillot  et  Rose^  dépoM,  au  Mwra 
de  la  session  extraordinaire  de  1898. 


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l'aMÉNAGEM£NT  des  eaux  575 

a  N*import€^-il  pas  essentieilemeni,  que  ces  eau^  qui  consti- 
tuent une  véritable  richesse^  soient  recueillies  et  aménagées  dune 
façon  rationnelle  pour  l'usagé  de  tous  et  au  mieux  de  nos  in- 
térêts vitaux.  » 

m.  —  Le  problème  de  raménagement  des  eaux  est  complexe; 
la  commission  supérieure  d^aménagemeut  des  eaux,  réunie  par 
M.  de  Freycinet,  il  y  a  20  ans,  a  du  l'envisager  à  trois  points  de 
vue  :  le  l^islateur  a,  en  effet,  trois  intérêts  distincts  k  sauve- 
garder. 

1<>  Intérêt  de  Tagriculture,  —  (Irrigations,  colmatage  des 
terres,  submersion  des  vignes,  dessèchements); 

2*  Intérêt  de  Vindustrie,  —  (Utilisation  des  forces  motrices, 
emploi  des  liquides  industriels)  ; 

3*  Intérêt  de  l'hygiène.  —  (Alimentation  des  communes  en 
eau  potable,  emploi  des  eaux  d'égout,  moyens  de  prévenir  et  de 
restreindre  les  inondations). 

Mais  ces  trois  intérêts  sont  étroitement  unis  ;  on  ne  peut  don- 
ner la  priorité  à  Tun  d'eux  :  il  faut  y  pourvoir  au  même  mo- 
ment, d'après  un  plan  unique.  C'est  là  une  méthode  imposée 
par  la  force  des  choses,  par  la  loi  des  principes. 

Le  principe  de  notre  droit  publie  qui  doit  présider  à  Taména- 
gement  des  eaux  est  certain  :  la  discussion  au  Sénat  de  la  loi  du 
8  avril  1898  Ta  mis  en  pleine  lumière.  La  législation  sur  les 
eaux  ne  sera  équitable  qu'autant  qu'en  respectant  la  propriété, 
elle  tendra  «  à  la  conciliation  des  intérêts  divers  »  c'est-à-dire 
des  intérêts  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  de  l'hygiène. 

11  n'importe  pas  seulement  d'utiliser  les  eaux  inemployées, 
mais  les  de  répartir  :  on  ne  peut  laisser  détourner  les  eaux  qui 
sont  destinées  au  bien  général  pour  un  usage  unique  et  exclusif 
qui  absorberait  à  lui  seul  toutes  les  sources  disponibles. 

Sous  peine  de  favoriser  l'agriculture  aux  dépens  de  l'indus- 
trie et  de  l'hygiène  publique  ou  réciproquement,  on  ne  peut 
voter  des  projets  de  loi  conçus  dans  un  esprit  différent  et  pro- 
mulgués à  des  époques  trop  éloignées  les  unes  des  autres. 

Les  eaux  en  France  ne  sont  pas  inépuisables  ;  certaines  val* 
lées  en  sont  trop  peu  pourvues  pour  qu'on  puisse  les  distribuer 
sans  compter  et  sans  faire  la  part  de  chaque  intérêt  en  jeu. 

En  un  mot,  l'unité  de  vues  et  de  conceptions  du  législateur, 


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57Ô  l' AMÉNAGEMENT   DES   EAUX 

son  impartialité  devant  la  compétition  des  intérêts,  telle  est  la 
base  d  un  système  rationnel  d'aménagement  des  eaux. 

IV.  —  Le  gouvernement,  dans  son  projet  déposé  le  24  juillet 
1880,  et  les  signataires  de  la  proposition  de  loi  du  11  juillet  1898 
concernant  le  captage  et  Tadduction  des  eaux  potables,  ont  con- 
sidéré que  la  protection  des  eaux  saines  contre  les  eaux  impures 
était  la  condition  sine  qua  non  de  Taménagement. 

Il  n'est  pas  de  problème  plus  complexe,  plus  captivant  dans 
son  aridité  juridique,  que  celui  de  Tépuration  des  eaux  nui- 
sibles, car  il  touche  à  l'avenir  de  Tindustrie  nationale,  au  déve- 
loppement de  nos  villes,  à  Thygiène  générale  du  pays,  à  la  salu- 
brité des  campagnes. 

La  solution  en  est  attendue  avec  impatience  par  la  région 
parisienne  et  par  le^Hpégions  industrielles,  surtout  par  celles  qui 
par  suite  des  dispositions  naturelles  du  sol,  ne  peuvent  compter 
ni  sur  l'abondance  des  eaux  propres,  ni  sur  Técoulement  facile 
des  résidus. 

Les  canaux  et  ruisseaux  où  se  déversent  les  égouts  et  les  eaux 
d'usine,  principalement  s'ils  présentent  une  pente  faible,  sèment 
les  miasmes  et  les  fièvres  dans  les  villes  qu'ils  traversent  et  dans 
les  campagnes  qu'ils  arrosent  ;  ils  sont  un  danger  pour  la  santé 
publique;  ils  font  obstacle  aux  irrigations,  à  la  pêche. 

Aussi  que  de  protestations  passionnées  n'ont  pas  soulevées  les 
dommages  causés  par  les  eaux  nuisibles!  Que  de  polémiques 
n'a  pas  suscitées  par  exemple,  le  ruisseau  de  TEpierre,  qu'il  est 
question  d'épurer  avec  le  concours  de  TEtat.  (Une  commission 
parlementaire  s'est  réunie  à  la  Chambre  des  députés,  le 
13  décembre  1898  pour  procéder  à  Texamen  d'un  projet  de  loi 
sur  les  eaux  de  l'Epierre.) 

La  difficulté  de  la  solution  consiste  dans  l'impossibilité  à 
laquelle  ou  se  heurte  d'exiger  des  industriels  ou  des  particuliers 
l'épuration  de  leurs  eaux. 

La  science  est  restée  impuissante  jusqu'à  nos  jours  (1),  a 
fournir  un  mode  d'épuration  à  la  fois  assez  sûr  et  assez  écono- 
mique pour  qu'on  puisse  l'imposer  sans  exiger  de  sacrifices  hors 

(1)  Au  cours  de  l'impression  de  cette  étude,  une  découverte  très  remarquable  a 
fait  espérer  que  ce  pioblème  allait  être  enfin  résolu.  M.  le  professeur  Buistne,  de 
r Université  de  Lille,  s'était  consacré  depuis  longtemps  à  la  question  de  la  déna- 


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l'aménagement   des   eaux  577 

de  proportion  avec  les  ressources  des  sociétés  industrielles,  sans 
les  mettre  en  état  d'infériorité  vis-à-vis  de  l'étranger  et  sans 
amener  un  arrêt  brusque  dans  la  production,  en  rendant  plus 
onéreux  les  prix  de  revient. 


V.  —  Si  Ton  écoutait  les  conseils  de  certains  intransigeants, 
on  passerait  outre  à  toutes  les  doléances  des  usiniers  intéressés 
et  Ton  prendrait  des  mesures  rigoureuses  de  coercition  contre 
tous  ceux  que  l'on  ose  même  qualifier  «  d'empoisonneurs 
patentés.  » 

Certaines  législations  étrangères  présentent  des  exemples  de 
pareilles  rigueurs. 

Dans  la  République  Argentine,  une  loi  du  7  septembre  1892 
interdit  radicalement  de  iaire  écouler  dans  les  fleuves  et  riviè- 
res les  eaux  d'égout  ou  les  résidus  des  établissements  industriels 
non  préalablement  purifiés. 

Au  Brésil,  la  loi  du  24  novembre  1888  punit  de  la  peine  de  la 
réclusion  (1  an  à  3  ans)  ceux  qui  rendent  nuisibles  les  eaux 
employées  à  l'alimentation. 

Mais  il  est  à  remarquer  que,  dans  les  pays  où  Ton  use  de  pa- 
reils moyens,  les  poursuites  sont  bien  rares  :  elles  ne  se  pré- 
sentent que  dans  dos  cas  d'une  gravité  particulière  :  les  fleuves 
y  roulent  un  volume  d'eau  d^une  puissance  incomparable  :  que 
ne  faut-il  pas  pour  les  contaminer?  Et,  d'ailleurs,  les  im- 
menses terrains  vagues  qu'il  est  facile  d'employer,  sans  frais, 
à  l'épandage  et  h  la  purification  des  liquides  malsains,  ofl^rent 
une  ressource  facile  à  ceux  qui  veulent  éviter  les  difficultés. 

En  Europe,  certains  pays  ont  montré  quelque  sévérité  :  la 
Suisse,  par  exemple.  (Arrêté  du  «  Kantonalsrath  »),  de  So- 
leure  du  10  juillet  1884,  articles  85  à  90,  fixant  les  conditions 
auxquelles  sont  assujettis  les  industriels,  riverains,  et  proprié- 
taires de  fabriques,  pour  l'usage  et  la  décharge  de  leurs  eaux.) 

Mais,  presque  partout  en  Europe,  en  Belgique  notamment. 


turatioD  de  l'alcool.  Les  recherches  entreprises  sous  ses  auspices  ont  prouvé  que 
le  meilleur  dénaturant  de  l'alcool  pouvait  être  trouvé  dans  les  résidus  des  eaux 
industrielles  impures  et  notamment  dans  ceux  des  eaux  de  TEpierre.  Si  les  pre- 
miers résultats  auxquels  on  est  parvenu  ne  sont  pas  démentis  par  la  suite,  on 
peut  espérer  que  l'épuration  des  eaux  de  TEpierre,  loin  d'être  onéreuse,  sera 
lucrative. 


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578  l^AMÉNÂGEBfENT  DBS   EAUX 

(loi  du  7  mai  1877)  le  déversement  des  eaux  malsaiiies  n'est, 
en  général,  pnni  que  des  peines  de  simple  police. 

On  s'est  plaint  de  cette  indulgence,  surtout  en  Allemagne,  oô 
Topinion  publique  s'est  très  vivement  passionnée  à  la  questioin 
des  eaux  industrielles.  Déjà,  en  1878,  le  monde  des  affaires  fut 
intéressé  par  Tinterpellation  que  fit,  à  ce  sujet,  M.  Hoithof  ; 
cette  interpellation  n^aboutit  à  aucun  résultat  pratique,  et  ne  fit 
que  démontrer  Timpuîssance  où  Ton  était  d'épurer  les  eaux. 

Une  autre  interpellation,  fondée  sur  les  mêmes  motifs,  qui 
eut  un  certain  retentissement  dans  toute  TAlIemagne,  eut  Heu 
àMagdebourg,  le  9  février  1893.  M.  Seyssardt  se  plaignait  de  la 
contamination  des  eaux  de  TElbe,  par  suite  de  Técoulement 
dans  cette  rivière  des  résidus  des  fabriques.  Le  ministre  du 
Commerce,  qui  répondît  à  l'interpellation,  dut  reconnaître  que 
l'eau  n'était  pas  potable  à  Magdebourg  et  qu^elle  y  avait  une 
saveur  intolérable  :  les  fabriques  y  déversent,  en  effet,  par  se- 
conde, 176  kilogs  de  sels,  70  kilogs  de  soude,  et  3  kilogs  de 
magnésie  :  il  en  résulte  que  chaque  mètre  cube  d'eau  contient 
0  kil.  434  gr.  de  sels  et,  pendant  les  basses  eaux,  1  kilog.  272. 
Le  gouvernement  s'est  déclaré  impuissant  à  empêcher  pareil 
état  de  choses  et  a  répondu  à  l'interpellation  qu'il  ne  voyait 
d'autre  remède  que  la  canalisation  d*eau  douce. 

Cet  exposé  de  faits,  qu'il  nous  eût  été  facile  de  développer, 
montre  déjà  surabondamment  que  les  législateurs  se  trouvent 
matériellement  entravés,  dans  tous  les  pays,  dans  leur  désir 
d'assurer  la  propreté  des  eaux. 


VI.  —  Comment  donc  la  ipiestion  de  la  protection  êes  eaux 
saines  contre  les  eaux  industrielles  est-elle  résolue  en  Europe? 

Les  solutions  auxquelles  se  sont  arrêtés  les  divers  Etats,  bien 
que  variables,  peuvent,  en  général,  se  ramener  aux  sy^lèffies 
suivants  qui  sont  d^une  application  simple  : 

l*''  Système  on  Système  ùtlemaaê.  —  C*e«t  TantorHé  ftrfmi- 
nistrative  qui  décide  si  l'industriel  pourra  ou  non  déverser  ses 
eaux  d'égout  dass  les  cours  d'eav. 

Nous  ne  pensons  pas  qu'il  soit  possible  d'acclimater  ce  régime 

(1)  Annuaire  de  législation  étrangère,  année  1894,  page  131. 


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l'aménagement  des   eaux  579 

en  Franee  :  il  laisse  tfop  de  place  à  Tarbitraire  de  TEtat  :  il  fait 
redouter  le  parti  pris  administratif. 

2«  Système.  —  Un  second  système,  qui  n'est  appliqu<^  nulle 
part  d'une  façon  exclusive,  a  été  partiellement  suivi  en  Belgique 
(article  SI,  loi  du  7  mai  1877). 

il  consisterait  à  réglementer  d'une  façon  particulière  la  res- 
ponsabilité civile  pour  dommages  causés  par  les  eaux  nuisibles, 
à  interpréter  très  largement  l'idée  du  préjudice  en  pareille  ma- 
tière, à  faciliter  la  preuve  des  torts  causés,  à  faire  j^^fçtr  les  con- 
testation» de  cette  nature  d'une  façon  scMimaire. 

Tel  serait  peut-être  l'idéal,  tout  au  moins  dans  un  pays  où 
les  frais  de  justice  ne  seraient  pas  aussi  onéreux,  les  procès 
aussi  compliqués  que  dans  le  nôtre. 

Dans  ce  système,  l'intervention  de  l'administration  n'est 
plus  nécessaire  :  le  contrevenant  n'est  pas  exposé  à  avoir  un 
casier  judiciaire.  Le  seul  frein  mis  aux  abus  est  celui  de  la 
rcsponsabilîté  civile. 

Si  FintérAt  pécuniaire  de  l'industriel  <fitt  veut  déverser  ses  eai»x 
vannes  est  tel  qu'il  puisse  lui  permettre  de  faire  face  aux  récla* 
mations  des  riveraino,  il  passera  outre  à  leurs  protestations, 
mais  eoatre  indemnité. 

Si,  au  contraire,  l'industriel  n'a  qu^un  intérêt  minime,  il 
hésitera  à  s'exposer  à  des  demande»  en  dommages4ntérêts  de 
la  part  des  riverains.   • 

3«  Sj^tème  ou  système  miglais.  —  Ce  système  est,  avawl  tout, 
un  système  pratique;  il  ne  laisse  pas  le-  champ  eatièrement 
libre  à  l'arbitraire  de  l'Etat;  ce  n'est  pas  l'administration,  c*e«t 
la  loi  elle-même  qui  limite  les  facultés  de  l'industriel  (1). 

De  pluft^  les  textes  sont  répressifs  et  le  contrevenait  n'encourt 
pas  seulemeat  uike  respeoisabiUté  civile. 

Ce  régime  est  le  fruit  d'uoae  leag«e  étude. 

L'idée  de  la  protection  des  eaux  courantes  est,  en  effet,  nne 
idée  très  anciennement  acceptée  en  Angleterre  :  depuis  long- 
temps existent  dans  ce  pays  les  «  commissions  of  sewers  ».  Le 
développement  de  Tindustrie  fit  juger  msuifisanAe  la  législation 
priiçitîVe,^  car  des  causes  de  «  poHution  »  nouvelles  apparais- 
saient avec  raccroissement  des  grandes  agglom^érations  indus*- 

(l)  Voif  kl  loi  aagiaiae  du  16  août  1876  et  Tarttole  de  M.  Bertrand^  Aimumre 
de  législation  étrangère^  année  18T7. 


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580  l'a3IÉNAGEMENT   DES   EAUX 

trielles,  qui  déversaient  des  résidus  de  plus  en  plus  malsains  dans 
les  rivières.  Des  réclamations  constaîites  furent  faites  dès  1857; 
à  la  suite  de  polémiques  très  vives,  on  reconnut  que  Tétat  était 
impuissant  à  enrayer  le  mal,  à  moins  de  supprimer  les  in- 
dustries. Une  commission  fut  nommée  en  1868  ;  elle  était  offi- 
ciellement chaînée  de  rechercher  les  moyens  d'éviter  les  causes 
de  «  pollution  »,  sans  apporter  de  dommages  sérieux  à  l'indus- 
trie et  aux  manufactures  ;  elle  se  préoccupa  du  mode  d'utilisa- 
tion et  d'enlèvement  des  «  sewerages  »,  des  procédés  à  mettre 
en  œuvre  pour  les  rendre  inoffensifs,  avant  de  les  rejeter  dans 
les  rivières. 

L'entreprise  était  très  vaste  :  elle  ne  fut  terminée  qu'en  1876  ; 
mais,  dès  1870,  deux  longs  rapports  étaient  déposés.  A  les* relire, 
il  semble  qu'ils  soient  pour  nous  d'une  actualité  indéniable. 

La  solution  à  laquelle  on  s'arrêta  peut  s'analyser  en  trois  pro- 
positions. 

a.  Défense  absolue  de  jeter  dans  les  cours  d'eau  des  résidus 
solides  :  ces  matières  sont  faciles  à  retenir  à  l'aide  d'un  simple 
grillage  ou  clayonnage. 

b.  Quant  aux  résidus  liquides,  il  importe  de  distinguer  : 
d'une  part,  il  est  défendu  d'établir  dans  l'avenir  aucune  con- 
duite de  déversement  destinée  à  les  recevoir. 

c.  D'autre  part,  pour  les  établissements  ou  immeubles  exis- 
tant dès  avant  la  loi,  il  suffit  que  l'industriel  ou  le  particulier 
emploie  les  moyens  les  plus  «  praticables  »  pour  purifier  les 
eaux,  lesquelles  doivent  être  rendues  saines  «  autant  que  pos- 
sible »  (Comparez  article  91,  loi  anglaise  de  1874  sur  le  régime 
des  eaux). 

A  quel  parti  s'arrêtera  le  législateur  français  ?  Les  articles 
171  et  suivants  du  projet  de  régime  des  eaux,, déposé  au  Sénat 
le  24  janvier  1880,  ont  quelque  analogie  avec  le  système  an- 
glais (1).  Toutefois  l'administration  y  a  encore  deâ  pouvoirs 
assez  larges.  Peut-être  rencontreront-ils  de  l'opposition  de  la 


(1)  En  Angleterre,  les  autorités  locales  peuvent  employer  les  terrains  qui  leur 
appartiennent  à  la  purification  ou  à  la  désinfection  des  eaux  industrielles  ou 
issues  (sewerages)  elles  peuvent  les  utiliser  de  la  manière  qu'elles  jugent  être  le 
plus  profitable  ;  elles  ont  le  droit  de  louer  pendant  21  ans  au  plus  aux  particu- 
liers les  terrains  qui  ont  reçu  les  eaux  d'égout  ;  mais  elles  doivent  prendre  elles- 
mêmes  toutes  dispositions  utiles  pour  que  ces  eaux  ne  nuisent  pas  à  la  santé 
publique. 


i^. 


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L^ÂBIÉNAGEMENT   DES   EAUX  581 

part  des  députés  des  villes  industrielles  qui  redouteront  que  le 
vote  du  projet  ne  soit  une  entrave  pour  la  grande  industrie. 


VIL  —  Un  système  de  protection  des  eaux  potables  qui  ne 
les  défendrait  que  contre  le  déversement  direct  des  eaux  mal- 
saines, serait  fort  insuffisant.  11  faut  encore  et  surtout  les  pro- 
téger contre  les  infiltrations.  Sur  ce  point  l'accord  est  facile  à 
faire.  On  ne  se  heurte  plus  à  des  difficultés  d'application  ni  à 
des  divergences  de  vue.  Le  seul  remède  efficace  consiste  dans  la 
création  d'un  périmètre  ^e  protection  pour  les  eaux  potables. 

Dans  la  principauté  de  Monaco,  l'ordonnance  du  6  juillet  1894 
a  organisé  pour  les  sources  d'eau  potable  un  régime  analogue 
à  celui  qui  a  été  organisé  en  France  pour  la  conservation  des 
sources  d'eau  minérale  par  la  loi  des  14,  22  juillet  1856  :  déjà, 
plusieurs  sources  ont  été,  à  Monaco,  placées  dans  un  périmètre 
de  protection,  et  l'application  de  la  mesure  nouvelle  a  paru 
excellente. 

Aux  Etats-Unis,  et  notamment  dans  le  Massasuchetts,  (loi  du 
22  juin  1890)  un  périmètre  de  protection  de  cent  pieds  a  été 
créé  pour  éviter  les  infiltrations  dans  les  fleuves. 

En  France,  le  projet  de  loi  déposé  le  11  juillet  1898  par 
M.  Montant  et  plusieurs  de  ses  collègues,  crée  aussi  un  péri- 
mètre de  protection  (1). 

La  détermination  des  périmètres  de  protection,  variable 
selon  la  nature  du  sol,  sera  confiée  à  l'administration  des  ponts- 
et-chaussées  dans  les  mêmes  conditions  que  les  autres  travaux 
relatifs  aux  captages  et  adductions  de  sources. 

11  devra  être  interdit,  dans  l'étendue  des  périmètres  fixés  : 
i^  de  faire  des  travaux  de  nature  à  nuire  au  captage  des  sources 
en  détournant  ou  amoindrissant  le  volume  d'eau  ;  2*^  de  cons- 
truire des  usines,  des  fosses  d'aisance,  des  écuries,  en  un  mot 
tout  établissement  de  nature  à  polluer  les  eaux  par  infiltration 
ou  déversement. 

La  proposition  de  M.  Montant  s'occupe  encore  de  lalimenta- 
tion  en  eau  des  communes  :  elle  reproduit  partiellement  les  dis- 
positions d'un  projet  du  gouvernement  du  31  octobre  1891  ;  elle 

(1)  Un  amendement  à  cette  proposition  a  été  présenté  au  cours  de  la  session 
de  1899,  par  M.  Georges  Graux,  député. 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  38 


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se  propose  é'amxxrtr  aux  agglomérattionSy  une  alimentation  akmr 
dante  ett  eau  présente  de  tefate  soulUnra  (I). 

VIII.  —  L'aménagement  des  eaux  ne  pourra  être  réalisée  que 
par  Texécutioai  de  deux  ordres  de  travaux  bien  distincts  : 

1^  Travaux  de  captation, 

2^  Travaux  d'adduction. 

En  Grèce,  depuis  la  loi  du  3  avril  1882,  qui  a  permis  au  maire 
d'Athènes  de  rechercher  les  sources  disparues,  on  a  remis  au 
jour  toutes  les  nappes  d'eau  connues  dans  l'antiquité  et  qui 
avaient,  pour  la  plupart,  cessé  de  sourdre  à  la  surface  du  sol. 

En  France,  la  proposition  de  M.  Montant  prévoit,  dans  son 
article  14^  que  les  communes  pourront  pratiquer  dés  fouilles  et 
faire  des  captages  de  sources  dans  certaines  conditions  que  le 
texte  précise  (2). 

Si  l'on  veut  suivre  les  données  de  la  science  expérimentale, 
on  reconnaîtra  que  le  meilleur  moyen  de  favoriser  les  travaux 
nécessaires  soit  à  la  captation,  soit  à  l'adduction  des  eaux,  con- 
siste à  substituer  aux  efiforts  privés,  l'effort  collectif  des  associa- 
tions syndicales. 

L'organiss^tion  des  sociétés  syndicales  en  vue  de  travaux  d'uti- 
lisation des  eaux  n'est  certes  pas  une  nouveauté  dans  nos  lois 
(voir  loi  du  16  septembre  1807;  —  loi  du  2  juin  1865  ;  —  loi  du 
22  décembre  1888). 

(1)  L'étranger  nous  a  également  deveincés  sur  la  question  de  ralimentation  en 
eau  des  agglooténtkms  niraiefl.  fiVoiip notamment  lui.  croate  d«  31  déeemlire  1891, 
articles  41  à  54,  67  à  138  ;  —  loi  l|ongioi;tfi.  du  li  juin  1885  ;  —  loi  de  Bnànxe  du 
6  mars  1881.) 

Mais  c'est  priftcipalcmeiit  en  Angleterre  que  la  légrtlatioii  est  «onpièl»  i  cet 
égard.  L'autorité  looale  est  tenue  de  Ciournir  Teau  nécessaire  aux  besoins  des  har 
bitants  ;  si  elle  n'exécute  pas  ses  obligations,  chaque  particulier  peut  s'adresser 
à  l'autorité  supérieuite  qui,  à  défaut  de  cUligencta  de  l'admibistraHott  comnranfll» 
se  substitue  à  elle-onème.  D'ailleurs  l'admiaisiratioDu  s'indencumâ  du  coût  des 
travaux  en  imposant  dux  particuliers  une  taxe  spéciale  sur  le  revenu. 

Le9  commune»  sont  a.titori«éee  à  se  syndiquer  eO  à  ftdro  empcemmaiL  des  iïk^ 
tallations  de  canalisation  d'eau  potable. 

En  1878,  l'acte  de  la  santé  publique,  (public  health  acts)  précisa  les  moyens 
d'assurer  la  fourniture  d*eau  aux  agglomérailons  rusales  fwater  sopf  l3r).  Les  au- 
torité daiiieQt>eiUer  à  ce  que  cha^ua  maison  aitsiiCfisAmmont  dîeaM«Xa,4uaDJtUé 
d'eau  obligatoire  pour  chaque  citoyen  est  fixée  administratîvement. 

Fmite-par  le  prepriétaire  de  ne  p!ss'fb«riifr*se'mMimiiq»,  Ièjléoet4irs«peuifiiâvé 
engager  une  procédure  analogue  à  notre  procédure  de  la  loi  sur  les  logements 
insalubres. 

(2)  Stir  ce  point,  l'amendement  de  M.  Giporgfs  GvnxLx,  pré^etitto-onertrés  ^randfi 
utilité  pratique.  •  ^  ^  ^ 


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Ou  sait  cj/ùbI  aspect  jiuddiqu^  tout  dpéeial  elles  j^véscnteat  : 
ce  sont  des  associations  de  choses  plutôt  que  des  associations  4e 
pessoiMes»,  car  les  fonds  kvtéresBés^  plutôt  que  leurs  propFiétaiff  es 
se  ttouvea^  syAdiqué»  :  en  en.  voit  la  preuve  notamment  daii» 
l'article  99  du  litre  V  du  code  rural  ainsi  can^ju  : 

M  Les  droits  et  obli^tions  résultant  dea  engagements  relatifs 
à  l'usage  des  eaux  sont  attachés  aux  fonds  spécialement  affectés 
par  eba(]p>e  pi^o^iétadre  à  la  gacajytie  <ie.  son  engagement  et 
suivent  ces  fonds  en  quelques  maiiis  qu-ilis  viennent  à  passer.  » 

I^a personnes  se  trouvent  moins  engagées (jae  les  immeubles 
eux-mêmes,  et  en  délaissant  leurs  terrains  (article  14,.  loi 
du  22^déeembre  1888),  les  pfopriétaires:  peuvent  se  dérober  à 
l'obligation  de  figurer  dans  un  syndicat. 

Lesr  associations  syndifcales,  telles  qu  elles  sont  organisées, 
n^ont  pu  donner  les  résultats  qu'on  en  attendait  i  les  raisons  en 
sont  multiples. 

Jusqu'à  ce  jour,  les  associations  syndicales  ne  pouvaient  fonc- 
tionner le  plus  souvent,  à  cause  de  l'opposition  de  quelques  par- 
ticuliers dont  il  eut  fallu  obtenir  l'adhésion  et  q|Ui  se  refusaient 
à  toute  entente  amiable, 

La  loi  avait  bien  prévu  les  syndicats  forcés,  dans  certains  cas 
tout  au  moins  :  mais  elle  avait  été  trop  indulgente  et  n'avait  pas 
assex  généralisé  l'obligation  d'en  faire  partie. 

Permettre  le  développement  de  ces  associations,,  en  forçant, 
quand  un  intérêt  majeur  l'exige,  le  mauvais  vouloir  de  ceux  qui 
hésitent  à  y  entrer  ;  assujier  le  fonctionaement  des  syndicats  en 
Leur  donnant  émx.  puissants  moyens  d'action  qui  leur  man- 
quaient jusqu'ici  et  qui  sont  les  deux  facteurs  essentiels  du 
succès  de  toute  entreprise  :  les  capitaux  et  les  connaissances 
techniques,  les  gratifier  du  concours  éclairé  des  ingénieurs  de 
l'Etat  et  du  secours  des  finances  du  Trésor,  tel  est,  brièvement 
résumée,  la  conceptioix  djes  législateurs  modernes  en  matière 
d'aménagement  des  eanx. 

Le  particulier  quelque  favorisé  qu'il  soit,  sera  toujours  limita 
dans  ses  entreprises,  soit  à  cause  de  Tétroitesse  de  ,ses  vues  qui 
n'excèdent  pas  les  limites  de  l'intérêt  personnel,  soit  à  cause  de 
là  médiocrité  dé  sefs  èonnàissance^  au  de  ses  reslsources  (1  ) . 

(1)  Le  législateur  a  satisfait  à  ses  obligatiojis  vi^-è^-vis  (ïu  particulier,  en  édic- 


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584  l'aménagement  DES   EAUX 

X.  —  Quand  donc  l'entrée  dans  le  syndicat  devra-t-elle  être 
obligatoire  ? 

D'après  la  législation  du  grand  duché  de  Hesse  (loi  du  30  juil- 
let 1887,  article  2),  l'entrée  dans  le  syndicat  est  obligatoire  dans 
les  trois  pas  suivants  : 

1**  S'il  résulte  de  l'entreprise  un  avantage  considérable  pour 
la  culture  ; 

2®  S'il  est  impossible  d'exécuter  l'entreprise  sans  y  com- 
prendre les  terres  de  l'opposant  ; 

3^*  Si  les  membres  qui  représentent  la  majorité  des  terres 
intéressées  se  sont  prononcés  pour  l'adjonction. 

En  Prusse,  d'après  la  loi  du  19  mai  1891,  l'entrée  forcée 
dans  le  syndicat  a  lieu  dans  trois  hypothèses  : 

1**  Si  l'entreprise  a  pour  but  un  meilleur  emploi  de  l'eau  dans 
un  intérêt  industriel  ; 

2**  Si  Tentreprise  ne  peut  être  normalement  exécutée  qu'en 
s'étendant  aux  établissements  industriels  appartenant  aux  pro- 
priétaires opposants  ; 

3*"  Si  les  industriels  intéressés  qui  se  sont  déclarés  pour  l'entre- 
prise représentent  la  majorité  des  avantages  qui  doivent  en  ré- 
sulter, mais  toutefois,  à  l'égard  des  établissements  industriels 
pour  lesquels,  d'après  la  mode  de  leur  exploitation,  l'entreprise 
ne  fait  pas  prévoir  un  rendement  plus  élevé,  l'entrée  dans  l'asso- 
ciation n'est  pas  obligatoire. 

En  Espagne,  l'association  est  imposée  quand  la  superficie  à 
irriguer  est  d'au  moins  200  hectares  (loi  du  13  juin  .1870). 

En  Hongrie,  pour  que  les  propriétaires  récalcitrants  puissent 
utre  obligés  de  céder  à  la  volonté  des  autres  intéressés,  il  faut 
que  ceux-ci  représentent  : 

1^  Les  deux  tiers  de  la  superficie  intéressée  ; 

2*  Cent  arpents  au  moins. 

Il  est  remarquable  que,  dans  cette  législation,  le  propriétaire 
que  l'on  a  contraint  d'entrer  dans  l'association  peut  exiger  le- 
remboursement  de  ses  avances,  si,  dans  les  cinq  ans  les  tra- 
vaux ne  sont  pas  achevés. 

tant  les  lois  du  29  avril  1845,  11  juillet  1847,  10  juin  1854,  qui  visent  les  servitudes 
d'appui,  et  de  passage,  en  vue  des  irrigations. 

Le  projet  de  loi  nouveau  sur  Faménagement  des  eaux,  reproduit,  presque  servi 
lement  le  texte  de  ces  lois  antérieures  en  généralisant  leur  application  à  tous  les 
cas  d'utilisation  des  eaux  inemployées. 


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l'aménagement   des   eaux  585 

XI.  —  Au  milieu  de  ces  décisious  diverses,  à  quel  parti  la  lé- 
gislation française  doit-elle  s'arrêter? 

Aujourd'hui  la  question  est  tranchée  par  l'article  12  de  la  loi 
de  1888  qui  distingue  très  subtilement  entre  les  diverses  hypo- 
thèses. * 

Nous  pensons  qu'il  serait  à  la  fois  plus  simple  et  plus  pratique 
d'admettre  que  l'entrée  dans  un  syndicat  soit  obligatoire  chaque 
fois  : 

1*  Qu'il  s'agira  d'une  amélioration  agricole,  industrielle  ou 
hygiénique  d'intérêt  collectif. 

2**  Que  l'entreprise  ne  pourra  être  exécutée  qu'en  s'étendant 
aux  terrains  du  récalcitrant  ou  que  l'entreprise  sera  réclamée 
par  la  majorité  (en  superficie)  des  terres  intéressées  ou  des 
intérêts  industriels  engagés. 

XII.  —  A  l'inverse,  dans  quels  cas  l'admission  dans  un  syndi- 
cat pourra-t-elle  être  exigée  par  un  intéressé  malgré  l'opposi- 
tion du  syndicat  lui-même? 

La  loi  prussienne  du  19  mai  1891  oblige  les  associations  à 
recevoir  de  nouveaux  associés,  sur  leur  demande,  aux  trois  con- 
ditions suivantes  : 

i^  Si  l'intérêt  est  certain  ; 

2*  Si  l'installation  est  suffisante  pour  les  besoins  de  tous  ; 
mais,  bien  entendu,  le  nouvel  arrivant  doit  payer  sa  part  contri- 
butive dans  les  dépenses,  même  pour  le  passé. 

En  France,  l'article  92du  projet  du  gouvernement,  revisé  par 
le  Conseil  d'Etat  (distribution  du  5  juillet  1880)  décide  que  lout 
propriétaire  non  compris  dans  l'association,  qui  veut  irriguer 
des  parcelles  situées  dans  l'intérieur  du  périmètre  d'arrosago,  a 
le  droit  de  se  faire  agréger  à  l'association,  soit  pendant,  soit 
après  la  construction  du  canal,  en  tant  qu'il  y  aura  de  l'eau  dis- 
ponible, à  la  charge  de  se  soumettre  aux  règlements  de  Tasso- 
ciation  et  de  payer  une  quote-part  des  frais  du  premier  établis- 
sement. 

On  voit  que  cette  solution  est  d'accord  avec  celles  admises 
par  les  législations  étrangères. 

XIII.  —  L'association  syndicale  une  fois  organisée,  comment 
va-t-elle  fonctionner? 


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^86  L'AMÉNAOEMlOrr  OCS  CAVK 

C'^Bt  mxe  règle  nnîr^rêelle  qtie,  pour  qu'une  eociété  prospère, 
il  faut  qu'elle  ait  des  capitaux  d*«iiie  part,  et,  d'autre  part,  uae 
direction  ^age  et  éclairée . 

Le  projet  Montaut  a  indiqué  un  naoyen  de  favoriser  ies  tra- 
vaux d'aménagement  des  eaux  qui  consisterait  à  assurer  soit 
auK  particuliers,  %oit  auK^jommanes,  «oit  aux  atsoeiati^nft  qui 
les  entreprennent  le«eeo«r«'pécunialre  du  Trésoret  le  cottoowii* 
scientifique  des  ingénieurs  de  TEtat. 

Le  projet  Montent  à  la  vérité  ne  traite  q«e  d'«n  point -spécial 
(c  Talimentation  en  eau  des  communes,  w 

«  L'Etat,  lit^n  def&«  f  exposé  des  motifs,  tuteur  des  com- 
munes, né  peut  se  désintéresser,  lui  qui  avn  pereonnel  tilfitrait 
et  «xpérimenl^  à  «on  service,  du  bon  ou  du  mauvais  emploi  de$ 
deniers  des  contribuables,  quand  il  s^agtt  d'entreprises  qui  in- 
téressent une  collectivité.  » 

Le;i  travaux  d'adduction  d'eau  idans  les  <M)mmuiies  doivent 
étre;éÉudiés  et  exécutés  par  les  soins  des  ingéaieurs  et  «atras 
agents  des  l'Etat.  Ils  sauront  répondre  à  tovtes  les  qaecftions, 
faire  tontes  les  reckerehes  nécessaires. 

Le  service  <le  Tadduetion  des  eaux  peut  dtve  ixmitd^é  comme 
un  service  public,  comme  un  service  annexe  de  ceUri  des  routes 
et  cela  sans  création  d'un  personnel  nouveau,  so«6  quelque 
fMme  que  ce  soit;  le  personnel  des  départements  étuiA  suffisant 
pour  joindre  ce«ervice  à  ses  attributions  actueUes. 

Les  projets  relatifs  aux  eanx  d'alimentation  doivent,  en  effet, 
pour  que  les  intéressés  n'aient  à  redouter  ni  déceptioB,  ni  mé- 
compte être  exanitnés  et  vérifiés  avec  beaucoup  d^attenliai  par 
les  hommes  les  plus  compétents. 

XIV.  —  L'article  T  <iu  projet  traite  d«s  moyens  à  employer 
pour  faire  fece  aux  dépenses  nëœssitées  (par  les  addmctions 
d'eaux  potables. 

Le  gouvernement  doit  faire  procédargratnitemetnt  anx  études 
d'adduction  d'eau  sur  une  simple  demande  du  Conseil  muntri* 
pal,  et  aider  ies  oommtmes  dans  ^exécution  des  travaux  par 
l'allocation  d'une  subvention  convenable. 

Un  crédit  annuel  sera  ouvert  au  budget  dans  ce  but  :  les  com- 
munes seront  autorisées  à  contracter  des  emprunts,  mais  l'Etat 
devra  s'engager  à  leur  rembourser,  à  titre  de  subvention,  une 


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L'iMÉNAfiCMEirT   fifiS  BILUX  587 

partie  des  annuités  nécessaires  au  service  de  rintérèt  et  de 
Tamortissement.  Ce  qui  constitue  le  caracière  distinctif  de  qe 
projet,  c'est  robligatioai  expresse  de  la  pari  de  l'£tal,  de  sub- 
ventionner les  entreprises  d'addoction  d'eau.  La  mesure  dans 
laquelle  il  y  contribuera  devra  ne  pas  être  snpérîeure  à 80  p.  109^ 
ni  inférieure  à  25  p.  100  de  ladépense  totale.  La  proposition  sera 
établie  pour  chaqve  entreprise  en  raison  de  la  valeur  du  oen- 
time  communal  des  a^lomérations  intéressées,  de  Timpor- 
tance  de  Tentreprise  et  de  Tintérét  qu'elle  présente  pour  la  ool* 
lectivité.  w 

XV.  — On  peut  rapprocher  de  ce  projet,  la  loi  du  canton  de 
Genève  dift27  juin  1891,  qui  a  créé  un  système  financier  des 
tiné  à  organiser  la  participation  de  TEtat,  des  communes  et  des 
particuliers  dans  les  travaux  d'utilité  pul^lique  relatifs  à  laMé- 
nagementdes  eaux. 

Le  maximum  de  la  participati<m  de  TEtat  est  fixé  législative* 
ment  à  40  p.  100  :  chaque  déclaration  d'utilité  publique  4xe 
quelle  sera  la  contribution  effective  pour  le  travail  qu'elle  vise. 
Les  communes  entrent  dans  les  frais  dans  la  proportion  de 
10  p.  100.  Si  plusieurs  d'entre  elles  sont  intéressées,  on  fait  une 
répartition  subsidiaire. 

Chaque  particulier  intéressé  doit  fournir  une  part  contribvH 
tive  qui  est  fixée  grâce  à  deux  éléments  d'appréciation  : 

1*  La  valeur  de  son  immeuble  (laquelle  est  calculée  d'après 
l'impôt  foncier). 

2^  Le  degré  d'intérêt  qu'il  a  dans  Tentreprise  {ce  degré  d'in- 
térêt est  apprécié  d'après  un  coefficient  variant  de  1  à  10). 

Si  on  multiplie  le  chiffre  de  l'impôt  foncier  par  le  coefficient 
d'intérêt,  on  obtient  la  cote  de  contribution  de  chaque  particu- 
lier^ cote  suivant  laquelle  on  répartit  la  dépense. 

L'état  général  de  répartition  est  dressé  par  des  experts  que 
nomme  le  Conseil  d'Etat. 

Les  avances  du  Trésor  sont  remboursées,  ainsi  que  les  inié* 
rets,  selon  un  taux  d'amortissement  fixé  d'avance. 

Dans  le  canton  suisse  de  Zug,  l'Etat  ne  peut  obliger  unecom- 
mune  à  contribuer  à  une  entrq^se,  s'il  n'est  prêt  à  s'y  inté- 
resser pour  une  part  au  moins  ^ate.  C'est  là  une  sage  mesure 
qui  apporte  un  frein  aux  exigences  de  l'Etat. 


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588  L* AMÉNAGEMENT   DES   EAUX 

Mais  ne  résultera-t-il  pas  de  difficultés  de  rintervention  pé- 
cuniaire de  FEtat? 

11  en  est  une  facilp  à  prévoir  :  il  suffit  de  constater  ce  qui  se 
passe  aux  Etats-Unis.  (Voir  Annuaire  de  législation  étrangère^ 
année  1881,  page  863.) 

Le  budget  des  rivières,  comme  beaucoup  d'autres,  d'ail- 
leurs, est  Toccasion  d'un  grand  nombre  de  spéculations  électo- 
rales que  les  Américains  appellent  «  Jobs  »  :  chacun  s'y  fait  sa 
part,  depuis  le  député  d'un  grand  port  jusqu'au  représentant 
d'un  district  montagneux  qui  a  un  ruisseau  à  canaliser. 

Le  Parlement  français  aura  à  tenir  compte  de  cette  objection 
quand  le  projet  viendra  en  discussion  devant  lui.  L'intervention 
pécuniaire  de  TEtat  n'est  pas,  il  est  vrai,  une  nouveauté  en 
France. 

En  1887,  un  amendement  au  budget  proposa  l'ouverture  au 
ministère  de  l'agriculture  d'un  crédit  de  quinze  millions  ap- 
plicable à  l'exécution  de  canaux  d'irrigation  (J,  0.  Documents 
parlementaires;  session  ordinaire  1887,  page  678). 

En  1892,  un  projet  de  loi  relatif  à  la  constitution  des  prêts  à 
consentir  aux  agriculteurs  pour  l'aménagement  intérieur  des 
propriétés  en  vue  de  l'arrosage  des  terres  (Crédit  agricole  ap- 
pliqué aux  irrigations)  fut  présenté  par  MM.  Jules  Develle,  mi- 
nistre de  l'Agriculture,  et  Rouvier,  ministre  des  Finances. 

XVI.  —  Nous  espérons  avoir  démontré  qu'il  est  urgent  de 
procéder  à  «  l'aménagement  des  eaux  »  ;  les  principes  qui  prési- 
deront à  cet  aménagement  se  dégagent  de  l'ensemble  des  légis- 
lations étrangères  et  aussi  de  la  comparaison  entre  le  projet  de  loi 
général  déposé  par  le  gouvernement,  en  1880,  et  qui  est  l'œuvre 
de  la  commission  supérieure  d'aménagement  des  eaux  et  des 
diverses  propositions  de  lois  qui  ont  été  présentées  depuis  lors. 

XVII.  —  Nous  avons  voulu  nous  limitera  l'étude  des  principes 
généraux  :  nous  voudrions  pourtant  examiner  sommairement 
deux  questions  de  détail  dont  l'importance  n'échappera  à  per- 
sonne. 

Noussouhaitonsd'abordl'organisationen  Franced'un  cadastre 
des  eaux  analogue  à  celui  qui  a  été  organisé  en  Suisse,  notam- 
ment dans  les  cantons  de  Saint-Gall  et  de  Genève. 


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L  AMÉNAGEMENT   DES   EAUX  589 

Dans  le  canton  de  Genève,  la  loi  du  27  juin  1891  a  décidé  la 
création  d'un  recueil  méthodique  relatif  à  chaque  cours  d'eau 
et  qui  contient  tous  les  textes  qui  le  concerne  :  les  actes  de  con- 
cession sur  les  eaux,  les  plans,  règlements,  instructions,  arrê- 
tés, travaux  exécutés. 

Le  cadastre  organisé  dans  le  canton  de  Saint-Gall  (Suisse)  par 
la  loi  du  23  novembre  1893  est  encore  plus  parfait.  Les  droits 
des  particuliers  sur  les  eaux  ne  sont  opposables  aux  tiers  qu'au- 
tant qu'ils  sont  inscrits  au  cadastre  dans  un  certain  délai. 

Un  régime  analogue  a  été  inauguré  au  Tessin  par  une  loi  du 
17  mai  1894. 


XVlll.  —  Le  second  point  que  nous  voudrions  éclairer  touche 
à  la  procédure. 

N'est-il  pas  à  craindre  que,  dans  la  discussion  d'un  projet  de 
loi  sur  l'aménagement  des  eaux,  on  ne  se  heurte  à  des  difficultés 
relatives  à  l'application  des  règles  de  compétence. 

Il  est  certain  que  la  création  des  servitudes  d'appui  et  de  pas- 
sage, que  l'organisation  d'associations  syndicales  susciteront  de 
nombreuses  contestations  entre  les  intéressés. 

A  quelle  juridiction  donnera-t-on  qualité  pour  les  trancher? 
Sera-ce  aux  tribunaux  d'ordre  civil,  compétents  en  général, 
chaque  fois  qu'il  s'agit  de  sauvegarder  ]^  propriété  privée? 

Choisira-t-on  le  juge  de  paix  plus  rapproché  du  justiciable,  ou 
le  tribunal  d'arrondissement  qui  présente  plus  de  garanties 
d'impartialité  et  de  savoir?  Ne  préférera-t-on  pas  le  jury  aux 
tribunaux  ordinaires?  Ne  faut-il  pas  enfin  respecter  le  principe 
de  la  séparation  des  juridictions  administratives  et  civiles  et 
attribuer  juridiction  aux  conseils  de  préfecture,  compétents  en 
principe  pour  tout  ce  qui  concerne  les  travaux  publics? 

11  faut  reconnaître  que  c'est  chose  fort  délicate  que  de  fixer, 
en  pareille  matière,  les  règles  de  compétence.  Lors  de  la  discus- 
sion au  Sénat  de  la  loi  sur  le  régime  des  eaux  du  8  avril  1898, 
des  débats  assez  longs  se  sont  élevés  sur  ce  point.  Nous  espérons 
qu'ils  ne  se  renouvelleront  pas  et  que  l'on  voudra  bien  accepter 
la  solution  qui  a  été  admise  et  qui  peut  se  résumer  comme  suit  : 

1**  Fixation  des  indemnités.  —  La  juridiction  compétente  pour 
prononcer  sur  l'indemnité  de  dépossession  sera  le  jury  :  s'il  s'agit 


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590  l'aménagement   DES  £AiJX 

de  l'étaUissement  de  servitudes  temporaires,  ce  s^a,en  premier 
ressort,  le  juge  de  paix  dn  canton* 

2®  Exécution  de  trojoaux.  —  Les  contestations  relatives  à 
Texécution  des  travaux  qui  ont  de  le  caractère  de  travaux  puUics 
sont  de  la  compétence  du  conseil  de  préfecture. 

La  juridiction  compéteate  pour  prendre  des  dédskuis  gra- 
cieuses (nomination  d  experts)  sera  celle  du  juge  de  paix. 

A  l'étranger,  de  même  que  chez  nous,  on  ne  rencontre  pas 
Funité  de  compétence,  en  matière  de  régime  des  eaux.  Mais 
presque  partout,  à  côté  des  juridictions  de  droit  commun,  on 
voit  figurer  des  tribunaux  spéciaux  pour  trancher  les  questions. 

En  Alsace-Lorraine,  les  ingénieurs  de  la  navigation  ont  une 
juridiction  contentieuse  :  un  recours  contre  leurs  décisions  peut 
être  porté  devant  le  ministre.  (Loi  du  2  juillet  1891.)  (1) 

En  Espagne,  des  tribunaux  d'arbitres  appelés  «  jurados  de 
riego  »  élus  par  les  syndicats,  sont  compétents  pour  trancher 
toutes  les  questions  de  fait,  en  matière  de  régime  des  eaux. 

En  Suède,  on  défère  a  des  commissions  spéciales  les  questions 
dont  la  solution  dépend  de  Tapplication  de  la  législation  sur  les 
eaux.  (Loi  du  28  mai  1880). 

XIX.  —  L'examen  des  questions  de  compétence  est  le  dernier 
point  que  nous  nous  étions  proposé  d'étudier.  De  Tensemble 
des  principes  généraux,  il  nous  reste  à  déduire  nos  conclu- 
sions : 

Nous  espérons  avoir  atteint  le  but  que  nous  nous  étions  pro- 
posé et  que  nous  avions  défini  en  ces  termes  : 

«  Dégager  un  certain  nombre  d'idées  simples,  qui  forment  la 
base  rationnelle  de  Taménagement  des  eaux  chez  les  différents 
peuples  ». 

Les  principes  d'après  lesquels  il  convient  de  régler  l'aména- 
gement des  eaux  peuvent  se  résumer  dans  les  propositions  sui- 
vantes : 

a.  Il  est  de  toute  nécessité  de  concilier  les  divers  intérêts  en 
compétition  (de  l'agriculture,  de  l'industrie,  de  l'hygiène). 

4.  Tout  en  laissant  à  l'initiative  des  particuliers  ou  des  com- 
munes toute  liberté  d'agir,  il  importe  de  favoriser  les  travaux 

(1)  Voyez  Annuaire  de  législation  étrangère^  article  de  M.  Félix  Blumsteia.  — 
Comparei  loi  pnssieiiDe  da  19  raai  I89I. 


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de  captalion  et  d'adduction  des  eaux,  en  substituant  au  l>eaoin^ 
à  TefFort  individuel,  Teffort  collectif  des  associations  syndicales. 
Ces  deux  îdée«  6#tttadmises  depuis  longtemps  :  elles  foraient 
la  base  du  pi>QJ«tdu  gouvernement  de  1880. 

c.  Il  ne  suffit  {»as  de  réglementer  Les  associations  syndicales  ; 
si  on  veut  fue  celles^  vivent  et  prospèrent,  il  £a4it  assurer  leur 
vitalité  ea  leur  offrant  des  capitaux  et  en  les  éclairant  par  le& 
données  seieatiiiqiiies  des  ingénieurs  de  l'Etat. 

Sur  ce  point,  ne«6  fiouhaitoos  la  généralisation  des  idée» 
émises  daas  la  plupart  des  législalions  étr-a^gères. 

L'Etat  engage-4-U  gfa vendent  ses  finaaces  en  foumiasdntdes 
avances  aux  associations  syndicales?  Nullement  :  car  celles-ci 
étant  des  associations  d'immoubles  plutôt  que  des  associations 
fde  personnes,  ne  $er(mt  jadonais  insolvables  au  joiu*  du  rembour- 
sement. 

d.  Les  ^ules  diffiovUés  que  pourrait  faire  éciore  la  dis- 
cussion ÔAi  parojet  de  loi  sur  Taménagementdes  eaux,  sont  celles 
qui  naissastt  : 

1^  De  Tattribution  de  la  compétence  ; 

2^  De  Torganisation  de  la  protection  centre  les  eaux  mal- 
saines. 

Ces  difficultés  ne  peuvent  être  aisément  vaincues  :  l'une  a 
ses  jraeines  dans  le  tprincipe  général  de  notre  droit  relatif  à  la 
séparation  des  junidictians  administrative  et  civile^  principe 
que  Ton  doit  respecter  ;  la  seconde  dans  rinsuffisance  de^ 
moyens  scientifiques  d'épuration  (1). 

En  matière  de  protection  des  eaux,  nous  pensons  que  l'on  ne 
saurait  mieux  faire  que  de  s'en  tenir  aux  solutions  si  étudiées 
de  la  législation  anglaise. 

Sur  la  question  de  compétence,  il  faudra  imiter  le  législa- 
teur du  8  avril  1898  et  accepter  les  solutions  jurisprudentielles 
antérieures  qui  répartissent  entre  les  différentes  juridictions, 
les  litiges  qui  peuvent  surgir. 

XX.  —  Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  nous  prononcer  sur  la  ques- 
tion de  méthode. 

(l)  Nous  avons  déjà  annoncé  que  la  science  parait  avoir  vaincu,  pendant  I*im- 
pression  de  cette  étude,  le  problème  de  Tépuration  économique  des  eaux  indus  - 
trielles. 


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1 


592  L'AMÉNAGEMETiT   DES   EAUX 

C'est  au  Conseil  d'Etat  que  revient  tout  naturellement  la 
mission  d'amender  le  projet  du  gouvernement,  déposé  le 
24  janvier  1880  (qui  reste  la  base  de  l'aménagement  des  eaux) 
par  les  principales  dispositions  des  lois  étrangères  et  les 
diverses  propositions  émanant  de  l'initiative  parlementaire 
française  :  la  méthode  du  renvoi  préalable  devant  le  Conseil 
d'Etat  n'est-elle  pas  celle  qu'on  a  suivie  jusqu'à  présent  pour  les 
diverses  parties  du  code  rural  dont  le  régime  des  eaux  fait  partie 
intégrante?  La  haute  assemblée  administrative  n'a-t-elle  pas 
revendiqué  récemment  et  à  deux  reprises,  par  l'organe  de  son 
vice-président,  cette  prérogative,  trop  souvent  oubliée,  de  la 
préparation  des  textes  législatifs?  (1) 

D'ailleurs,  le  vote  du  projet  d'aménagement  ne  subira  pas 
de  lenteurs  par  le  fait  de  cet  examen  préalable.  Le  travail  du 
Conseil  d'Etat  est  déjà  commencé  et,  en  1880,  les  premiers 
articles  ont  fait  l'objet  d'une  distribution,  accompagnée  d'un 
rapport  très  documenté  de  M.  Berger  :  on  peut  donc,  pour  ainsi 
dire,  aborder  la  discussion  parlementaire  dès  demain  (2). 

Le  moindre  retard  à  achever  l'œuvre  entreprise  depuis  un 
siècle  serait  aujourd'hui  inexcusable.  Chaque  journée  perdue 
est  une  avance  donnée  à  la  concurrence  étrangère. 

«  Dans  la  lutte  pour  la  production,  pour  le  bon  marché,  qui 
s'est  établie  entre  toutes  les  nations  de  l'univers,  il  est  néces- 
saire que  chacune  d'elles,  si  elle  veut  vivre  et  prospérer,  mette 
à  profit  toutes  ses  richesses  naturelles  et  ne  néglige  aucun 
moyen  de  les  faire  fructifier  (3).  » 

(1)  Quand  nous  écrivions  ces  lignes,  nous  ne  faisions  qu'annoncer,  sans  le  sa- 
voir, un  fait  qui  devait  s'accomplir  a  bref  délai.  M.  Viger,  ministre  de  rAgricul- 
ture,  a  en  effet  décidé  de  saisir  le  conseil  d'Etat  de  l'étude  des  derniers  titres  du 
livre  II  du  Code  rural. 

v2;  Archives  du  Conseil  tVÈtat.  Projet  de  loi,  n®  590.  Distribution  du  5  juil- 
let 1880. 

(3)  Rapport  de  M.  Cuvinot  au  Sénat  sur  le  régime  des  eaux,  déposé  le  22  dé- 
cembre 1882. 

Charles  Renard, 

Docteur  en  droit. 


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VARIÉTÉS 


LE  VI^  CONGRÈS  INTERNATION'AL  CONTRE 
L'ALCOOLISME 

Le  Congrès  que  nous  avions  annoncé  tant  de  fois  et  dont  nous 
avions  surtout  souligné  rimportance  pour  nos  amis,  s'est  tenu  à 
Paris,  du  4  au  9  avril,  à  la  Faculté  de  Médecine.  Cette  grandiose 
réunion  internationale  a  fait  quelque  bruit,  comme  cela  devait  être. 
Jusqu'alors  les  congrès  internationaux  de  ce  genre  s'étaient  tenus  au 
moment  même  des  expositions  universelles;  ils  s'étaient  trouvés 
mêlés  à  un  nombre  considérable  d'autres  congrès,  tous  aussi 
intéressants  les  uns  que  les  autres,  mais  au  milieu  desquels  pas  un 
n'émergeait.  Dans  de  telles  conditions  il  n'y  a  pas  d'éclat  possible; 
l'opinion  publique  ne  peut  se  passionner  pour  cinquante  objets 
divers  à  la  fois;  elle  reste  fatalement  étrangère  à  une  œuvre  qui 
n'appartient  plus  qu'à  quelques-uns;  par  suite  le  but  n'est  pas 
atteint.  On  peut  dire  que  le  VII®  Congrès,  soigneusement  placé  à  la 
veille  et  non  à  l'époque  de  l'Exposition,  a  été  en  revanche  l'objet  des 
préoccupations  publiques.  La  presse  tout  entière  en  a  porté  de  toutes 
parts  les  échos  et  à  l'heure  actuelle  il  n'est  pas  un  Français,  lecteur 
de  journaux,  qui  ne  sache  que  le  grand,  le  douloureux  problème  qui* 
nous  trouble,  s'est  posé  avec  ampleur.  Les  gens  ont  suivi  peu  ou 
point  les  travaux  du  Congrès,  dont  les  comptes  rendus  étaient  d'ail- 
leurs dénués  en  général  de  détails  et  de  rigoureuse  exactitude,  mais 
tous  ont  eu,  à  la  même  heure,  le  mot  alcoolisme  écrit  en  toutes  lettres 
devant  les  yeux;  tous  ont  été  appelés  à  donner  une  pensée,  fût-elle 
fugitive  et  hostile,  à  notre  œuvre.  C'est  là  le  grand  point  que  nous 
désirions  atteindre,  et  on  le  peut  le  dire  avec  joie,  il  a  été  atteint. 

Malgré  la  publicité  énorme  donnée  au  Congrès,  nous  croyons  utile 
d'en  fixer  l'œuvre  dans  une  analyse  rapide  et  sommaire  du  travail 
accompli. 

Lu  séance  d'ouverture  a  eu  lieu  le  mardi,  4  avril,  à  9  heures  du 
matin,  devant  une  assistance  compacte,  un  millier  d'auditeurs, 
appartenant  à  toutes  les  nationalités.  M.  Lejeune,  Ministre  d'Etat 
(Belgique),  en  sa  qualité  de  président  du  Comité  permanent,  assisté 
de  M.  de  Vaucleroy  (Belgique),  secrétaire  général  du  dernier  Con- 
grès, a  présidé  tout  d'abord  à  l'élection  du  Bureau  définitif  du 
Congrès. 


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594        LE   Vil*    CONGRÈS    INTERNATIONAL  CONTRE   l'aLCOOLISME 

La  présidence  d'honnew  a  été  imaaimemexil  accordée  à  M,  Th. 
Roussel.  C'était  un  homnaage  bka  dû  à^-  cet  ilhistre  Français,  à  ce 
vénéré  philanthrope  qui  fut,  au  lendemain  de  1870,  Tun  des  pre- 
miers à  jeter  le  cri  d'alarme  contre  l'alcoolisme. 

Les  vice-présidences  d'honneur  furent  confédérées  à  M.  le  D*^  Ber- 
geron,  aeeitélaire  pe^taeL  de  rAeadâmie  éermédachie;  à  M.  le 
D'Brouardel,  doyen  de  la  Faculté;  à  Monseigneur  Turinaz,  évèque 
de  Nancy;  à  M.  Millerand,  député  et  à  M.  le  D'  Laborde,  président 
d'honneur  de  TU.  F.  A. 

Cette  dernière  marque  de  sympathie,,  déjÀ  flatteuse  à  Tégard  de 
notre  Ligue,  devint  une  manifestation  aigniflcative  lorsque  le  Con- 
grès accorda  par  acclamation  la  présidence  effective  de  la  Session 
au  président  même  de  l'U.  F.  A.,  M.  le  D*^  Legrain 

A  la  suite  furent  nommés  vice -présidents  effectifs  :  à  titre  français, 
MM.  Gaufrés,  Joffroy  et  Marillier,  qu'il  est  inutile  de  présenter  à  nos 
amis,  puisqu'ils  sont  des  nôtres;  —  ix  titre  étranger  :  MM.  Lejeune, 
ministre  d'Etat  (Belgique);  Grothers  (Etats-Unis);  Baer  et  Mfle  Hoff- 
mann (Allemagne)  ;  Mme  Selmer (Danemark);  Raffalovich et Borodine 
(Russie);  Tigerstedt  (Suède):  Kiaer  (Norwège);  Mme  Helimus 
(Finland);  J.  Rochat  (Italie) ;  Forel  et  L.  Rochat  (Suisse);  Thlrooe 
(Roumanie);  Hon.  Courad  Dillon  (Angleterre);  Baron  Mollerus 
(Hollande)  ;  Hebra  (Autriche);  Mttllendorf  (Luxembourg). 

Le  secrétariat  général  appartenait  sans  conteste  à  celui  qui  fut,  sans 
murmure  ni  impatience,  sur  la  brèche  presque  auit  et  jour  dans  les 
.derniers  mois,  à  notre  ami  dévoué  M.  le  D*^  Boissier,  auquel  le  Con- 
grès fit  une  ovation  bien  méritée.  Mme  Legrain  et  M.  Lallement  ont 
continué  avec  le  même  dévouement  leur  rôle  de  secrétaires-adjoints. 
M.  Serrier,  dont  on  trouve  pastout  la  main  ordonnée,  fut  élu  tréso- 
rier. Enfin  une  commission,  composée  de  MM.  de  Morsier,  Charton, 
Lallen^ent,  Mlle  de  Sainte-Croix,  fut  chargée  du  service  de  presse 
pendant  les  journées  du  Congrès.  C'est  bien  à  leur  zélé  infatigable 
que  le  Congrès  doit  d'avoir  joui  d'une  véritable  notoriété  publique. 
C'est  au  prix  d'une  fatigue  inouïe  que  les  journaux  ont  été  mis  à 
toute  heut*e  en  possession  de  communiqués  qui  simplifiaient  leur 
tâche.  La  presse  eût  bien  dû  rendre  à  ces  reporters  expérimentés  le 
véritable  hommage  qui  leur  convient  en  utilisant  simplement  les 
notes  synthétiques  qu'ils  lui  livraient  au  prix  d'un  réel  travail  de 
bénédictin,  au  lieu  de  se  livrer  parfois  à.  des  élucubrations  fantai- 
sistes, aussi  éloignées,  de  la  vérité  que  possible. 

M.le  ly  Legraia  a  pris  alors  la  présidence  du  Congrès  et  pro- 
noncé le  discours  3wvant  : 


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LE   VII''   COI!^RÈS   inTERIfitTlONAE   COKTllE   L  ALGO€fLlS»E        5^5 

Messieurs, 

Cesi  avec  une  profonde  gratitude  et  aussi  avee  Une  certaine  confusion 
que  je  vous  remercie  de  la  trop  grande  naarque  de  confiance  que  vous 
vene*  de  m'accorder.  H  esf  des  cas  où  les  bonneurs  sont  une  bien  lourde 
charge,  c'est  surtout  quand  on  ne  se  sent  pas  h  la  hauteur  des  devoirs 
qu'ils  supposent.  Je  ne  me  dissimule  pas  que  ma  place  n'est  point  à  ce 
fauteuil.  Tant  de  grands  noms  français  qui  sont  sur  vos  lèvres,  ont  naguère 
illustré  Totre  cause  et  méritaient  vos  suffrages,  que  je  vous  demande  ins- 
tamment de  me  laisser  disparaître  derrière  leur  souvenir.  Si  j'accepte 
pourtant  avec  reconnaissance  de  présider  vos  travaux,  c'est  que,  j'en  ai 
rintime  conviction,  ce  n'est  pas  le  simple  combattant  que  vous  avez  voulu 
yiser;  vous  avez  voulu  surtout  exalter  el  encourager  la  jeune  armée 
antialcoolique  qui  s'avance  en  notre  pays,  avec  des  armes  offensives  toutes 
nouvelles.  C'est  h.  V Union  Française  Antialcooliqmj  à  mes  courageux  colla- 
borateurs, que  vos  suffirages  s'adressaient;  c'est  à  eux  que  je  les  renvoie; 
c'est  en  leur  nom  que  je  parlerai. 

Nos  Congrès  périodiques  n'ont  pas  pour  objet  seniement  de  réunir  à  jour 
fixe  les  membres  de  notre  grande  famille  et  de  les  distraire  de  la  lutte 
•quotidienne.  Nos  Congrès  sont  instructifs  :  ils  sont  une  sorte  de  quartier 
général  où  chaque  nation  vient  au  rapport;  où  chacun  vient  puiser  auprès 
de  ses  frères  d'armes  une  nouvelle  provision  de  courage,  renouveler  ses 
munitions  el  son  mot  d'ordre;  où  enfin  Ton  peut  embrasser  d'un  coup 
à'fBÏÏ  le  chemin  parcouru  dans  la  dernière  campagne,  compter  les  victoires 
ou  les  défaites  remportées  sur  les  différents  points  du  globe. 

Plus  vos  réunions  se  multiplient,  plus  je  leur  trouve  encore  un  caractère 
grandiose  et  solennel.  Aux  luttes  académiques,  aux  discours  parfois  sté- 
riles a  succédé  une  véritable  soif  d'activité.  On  sent  que  l'œuvre  de  la 
Tempérance  est,  de  plus  en  plus,  une  œuvre  de  solidarité  internationale. 
Cette  conception  est  de  nature  à  élerer  Tâme  et  à  sanclifîer  notre  Cause  ; 
elle  rapproche  par  delà  les  frontières  ceux  qu'étreint  une  commune  pensée 
d'amour  pour  l'humanité. 

Rien  n'est  réjouissant,  Messieurs,  comme  de  constater  les  conquêtes  de 
jour  en  jour  plus  décisives,  réalisées  dans  nos  combats  incessants  contre 
un  implacable  ennemi,  aux  seuls  noms  de  la  Tempérance  et  de  l'Humanité. 
Depuis  Bruxelles,  dont  vous  garderez  longtemps  dans  la  mémoire  Taffec- 
tueuse  hospitalité,  le  chemin  parcouru  est  imrmense. 

En  Angleterre,  où  travaillent  des  millions  d'abstinents,'  la  Tempérance 
est  définitivement  une  plate-forme  électorale;  on  est  à  la  veille  d'y  con- 
quérir l'option  locale  ;  une  nouvelle  loi  sur  la  coercition  des  buveurs 
dliabitude  vient  d'éclore.  — -  Dans  les  pays  Scandinaves,  les  suffrages  fémi- 
nins font  faire  à  la  prohibition  un  pas  décisif.  —  La  Russie  a  réalisé  le 
monopole  de  l'alcool,  non  pas  dans  un  but  âscal,  mais  dans  le  but  avéré  de 
détruire  l'ivrognerie.  —  L'Autriche  légifère  sur  les  asiles  de  buvetirs.  — 
La  Belgique  s'agite  contre  les  distilleries  agricoles- et  s^appréte,  grtf<ie  aux 
effbrtasotttontis  de  notre  Adèle  ami  et  doilègue,  M.  Lèrjeume,  à  chasser  de 
son  territorrà  les  boissons  à  esrsence  et  &  màfer  le  cabaret  de  la  plus  dure 
façon.  —  J'en  passe  et  des  meilleurs. 


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596        LE  Vil"   CONGRÈS   INTERNATIONAL    CONTRE   L* ALCOOLISME 

Partout  c'est  une  floraison  inusitée  d'enrôlements  dans  Tarmée  de  la 
Tempérance.  C'est  par  centaines  de  mille  qu'il  faut  compter  les  nouvelles 
recrues.  Enfin,  Messieurs,  vous  avez  tous  dans  la  mémoire  l'acte  héroïque 
accompli  par  tout  un  peuple,  le  Canada,  qui,  en  septembre  dernier,  par  la 
voie  du  plébiscite,  a  proscrit  hors  de  ses  frontières  toutes  espèces  de  bois- 
son  alcoolique.  C'est  un  des  plus  beaux  exemples  d'affranchissement  qu'il 
ait  été  donné  à  l'Histoire  d'enregistrer  ! 

Mais,  de  cet  intéressant  mouvement  antialcoolique  international  se 
dégage,  à  mon  sens,  toute  une  philosophie  et  tout  un  enseignement.  C'est 
que  partout  les  efforts  des  gouvernements  sont  restés  vains  tant  que  ceux 
de  l'initiative  privée  ne  sont  pas  venus  à  son  aide.  L'histoire  de  la  lutte 
contre  le  fléau  et  partout  le  triomphe  progressif  est  l'apothéose  finale  de  la  ^ 
Volonté.  Ce  triomphe  s'est  incarné,  il  faut  bien  le  reconnaître,  puisque 
c'est  un  fait  tangible,  dans  le  mouvement  lent,  mais  sûr,  en  faveur  de 
VAbslinence,  devenue  petit  à  petit  le  but  exclusif  des  Sociétés  de  Tempé- 
rance. C'est  par  une  solidarité  progressive  de  tous  les  gens  actifs,  impré- 
gnés de  l'idée  de  sacrifice,  convaincus  de  leur  apostolat  que  votre  écha- 
faudage s'est  élevé.  C'est  alors,  mais  alors  seulement,  que  les  pouvoirs 
publics  ont  pu  mettre  à  l'édifice  son  couronnement,  qui  se  trouve  encore, 
quoique  indirectement,  l'œuvre  de  chacun.  Et  ainsi  s'est  confirmé  une  fois 
de  plus  ce  fait  qu^ii  n'y  a  pas  d'institution  stable  dans  une  société  sans 
qu'elle  soit  fortement  voulue  par  tous,  sans  qu'elle  soit  le  fruit  de  l'exer- 
cice de  la  liberté,  sans  qu'elle  émane  d'une  foi  profonde  en  soi-même, 
sans  qu'elle  reflète  une  conscience  nette  des  dangers  publics. 

Tel  est  le  spectacle  encourageant  que  peut  contempler  quiconque  a  de 
l'admiration  pour  les  œuvres  humaines,  en  feuilletant  la  captivante  his- 
toire de  la  lutte  pour  l'abstinence  dans  le  monde  entier. 

Mais,  ce  n'est  pas  en  un  jour  qu'on  atteint  d'aussi  hauts  sommets.  Les 
esprits  ne  se  disciplinent  pas  aussi  aisément  qu'on  le  croit,  et  ce  n'est  pas 
du  jour  au  lendemain  qu'on  apprend  à  faire  acte  de  citoyen  libre  en  sacri- 
fiant volontairement  une  part  de  ses  libertés  an  bonheur  commun.  Ici^ 
comme  partout,  il  faut  faire  école.  La  France,  Messieurs,  s'était  leurrée, 
après  d'autres,  de  l'espoir  de  guérir  le  mal  par  la  simple  modération.  Ver- 
tueuse utopie  qui  n'avait  qu'un  tort,  celui  de  méconnaître  le  mécanisme 
psychologique  des  passions  humaines,  isolées  et  surtout  collectives.  On 
peut  encore  espérer  que  la  modération  triomphera  d'un  mal  limité  à 
quelques-uns.  Mais,  quand  on  s'attaque  à  une  collectivité,  disons  à  une 
nation  profondément  touchée  par  le  mal,  quand  il  faut  vaincre  cet  Immense 
accès  de  folie  qui  entraîne  tout  un  peuple,  dans  toute  la  sérénité  de  son 
inconscience,  vers  la  submersion  finale,  la  modération  devient  plus  qu'une 
erreur;  c'est  un  danger.  Quand  une  foule  aberrée,  victime  d'une  passion 
forte,  se  rue  en  avant,  elle  est  incapable  de  mesure  ;  les  faibles  barrières 
sont  un  frein  insuffisant  et  volent  en  éclat. 

L'insuccès  fatal  de  toutes  les  mesures  législatives  contre  l'alcoolisme, 
ici  comme  ailleurs,  mesures  auxquelles  l'esprit  public  était  étranger,  sinon 
hostile,  n'a  pas  d'autre  secret  :  tant  qu'elles  ne  sont  pas  acquises  à  l'idée 


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LE  Vil*  CONGRÈS  INTERNATIONAL  CONTRE  l' ALCOOLISME    597  • 

d*Tin  sacrifice  radical,  les  majorités  ont  été  les  sourds  antagonistes  de  la 
loi  et  Font  tuée.  La  loi  sur  Tivresse  est  chez  nous,  dans  un  coma  profond  ; 
le  régime  des  boissons,  ballotté  de  législature  en  législature,  esquisse  çà 
et  là  des  tentatives  de  réforme,  aussitôt  démolies  parce  que  le  peuple  ne 
les  veut  pas.  Tai  bien  peur  que  le  même  sort  s*acharne  longtemps  encore 
contre  le  projet  de  réglementation  des  débits  récemment  déposé  au  Sénat 
par  notre  honorable  collègue,  M,  Siegfried. 

Si  la  France,  Messieurs,  s*agite  encore  dans  les  incertitudes  d'une  entrée 
en  campagne,  vous  constaterez  pourtant  un  effort  réel,  plus  éclairé,  dans 
la  voie  de  l'affranchissement.  C'est  à  l'initiative  des  citoyens  qu'il  est  dû. 
Le  principe  de  l'abstinence,  c'est-à-dire  l'appel  à  la  conscience  et  à  la 
spontanéité  de  chacun,  joint  à  l'esprit  de  dévouement,  s'est  implanté  dans 
notre  pays  depuis  quatre  ans  et  a  produit  déjà,  c'était  à  prévoir,  les 
meilleurs  résultats.  La  France  est  entrée  résolument  dans  une  phase  nou- 
velle et,  c'est  un  hommage  que  je  dois  souligner,  elle  n'a  fait  en  cela  (luo 
s'inspirer  de  vos  enseignements  ;  elle  a  pris  modèle  sur  cet  élan  inouï 
d'abnégaQon  dont  les  pays  étrangers  ont  fait  preuve  et  qu'illustre  votre; 
présence  dans  cette  enceinte. 

Est-ce  de  cette  évoluticfn  que  sont  nées  ces  marques  d'exceptionnelle 
sympathie  dont  nos  cœurs  se  réjouissent  depuis  quelques  mois  et  qui  se 
sont  traduites  par  un  chiffre  vraiment  inusité  d'adhésions  à  notre  Congrès  ? 
Je  veux  le  croire  ;  car  si  les  maux  ont  déjà  par  eux-mêmes  une  vertu 
sufûsante  pour  rapprocher  les  hommes,  quoi  de  plus  attractif  encore 
qu'une  communauté  de  vues,  de  sentiments,  qu'un  désir  uniforme  de  se 
servir  des  mêmes  moyens  expérimentés  pour  voler  au  même  but  ! 

La  France,  vous  le  constaterez  avec  joie,  s'éveille  de  plus  en  plus  à 
l'idée  de  tempérance  ;  elle  s'instruit  de  jour  en  jour  davanlaf^e  de  ses 
devoirs  en  face  du  péril;  on  cesse  d*y  railler  l'homme  qui  s'abstient,  et 
vraiment  l'heure  était  bien  choisie  pour  la  réunion,  dans  notre  grande 
Patrie,  de  votre  Congrès  ;  le  terrain  est  prêt  à  recevoir  les  germes  que 
vous  y  sèmerez.  Voici  venir,  en  effet,  le  moment  où  l'on  n'aura  plus  besoin 
de  rompre  des  lances  pour  faire  concevoir  que  s'abstenir  d'alcool  n'est,  à 
tout  prendre,  qu'un  acte  de  simple  logique.  L'abstinent  n'est  pas  un  ridi- 
cule ascète,  c'est  tout  simplement  un  homme  qui  refuse  de  s'empoisonner. 

A  vrai  dire,  Messieurs,  beaucoup  d'entre  vous,  dans  leur  ardeur  d'apôtres, 
trouveront  le  progrès  insuffisant.  Car  si  la  France  tend  à  s'abstenir  systé- 
matiquement d'alcool,  on  y  croit  encore  aux  bienfaits  des  boissons  fer- 
mentées.  Orgueil  de  propriétaire,  culte  de  gros  intérêts,  ignorance  peut- 
être  de  la  vérité  scientifique,  direz-vous!  Je  ne  discute  pas  ce  point  délicat, 
j'y  serais  juge  et  parti,  étant  abstinent  résolu.  Mais  c'ebt  ici  que  le  champ 
des  luttes  pacifiques  s'ouvrira  utilement  dans  notre  Congrès.  C'est  à  vous, 
Messieurs,  qui  avez  poussé  le  sacrifice  jusqu'à  ses  dernières  limites,  qu'il 
incombera  de  faire  pénétrer  en  nous  votre  conviction,  si  vous  jugez  que 
les  demi-mesures  sont  incompatibles  avec  le  succès  final  ;  c'est  à  vous  de 
concilier,  grâce  à  votre  expérience,  les  légitimes  intérêts  particuliers  avec 
le  souci  plus  élevé  de  la  santé  publique. 

T.  XX  39 


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598        te   vil*   CONGRÈS  tNTERNÂtlONAt   CONTtffi  L'&LCDOLISME 

ie  m'arrèti».  Rn  otiivr&nt  vos  Iràvtitik,  Messiêfirs,  en  salaani  la  v^ime  dans 
ûMre  pays  d'homme  do^t  J'ai  depuis  longtemps  apprîs  à  adiait^f*  le  d^ 
S5iiitéreBsomeni>  lee  touticttonft  ardotiteb  ;  OA  ^altiant  amicalemeiit  œs  es- 
prits gé)ftéreuk  qui  ont  w>tté  leur  existence  au  triomphe,  d'une  oaïuse  à 
laquelle  est  âuspeuda  fê  sort  de  rhumanitë  toute  entière,  j*ai  l'intinie 
notion  que  TOtre  pré*€fl&ce  affertnira  Men  dee  voiontés  eticore  chancelantes 
et  marquera  Taurore  d'une  ère  ttOàx^îe. 

Tard  venues  à  la  lutte  contre  l'alcool,  parce  que  d'heurenses  circons- 
tances les  avaient  longtemps  protégées  contre  le  nrtii,  quelques  nations  ont 
encore  besoin  de  connaître  ce  dont  elles  souflk^nt  et  de  perdre  quelques 
illusions.  Puissent  fes  débats  qui  vont  s'ouvrir,  puisse  rexpériemoe  sécu- 
laire dont  vous  apportes  les  fruits  dans  cette  enceinte)  ^dessiller  bien  des 
yeux  et  permettre  de  doubler  des  étapes  pénU)kment  fkunchies  par  timis? 

Permetteï^moi  de  vous  retnercier,  au  nom  de  la  France,  d'atoir  répondu 
en  aussi  p^aïad  nombre  à  notre  appel.  Ce  sera  pour  la  f  mnce  un  sujet  de 
légitime  fierté  d'avoir  su  s'atfit^er  d'atassi  vives  sywpaibfes  ^t  qnmnddeiftain 
Nettvre  de  la  Tempérance  sera  devenue^  selon  nos  vtwnit,  rt»%$et  d*ane 
véritable  préoccupation  publique,  c'est  vers  le  VH«  Congrès  que  se  tourne- 
ront nos  regards  avec  une  juste  reconnaissance  pour  votre  cordiale  et 
précietfôe  cdlabomtkMi. 

Après  ce  discours  qui  résumait  nettement  l'état  «ot«tôl  de  la  lutte 
et  les  tendances  dans  notre  pays,  M.  de  Yauderoy^  secrétaire  du  oo- 
mité  permanent)  a  rendu  compte  du  truvaîl  du  comité  dans  rintcn^ 
valle  des  deûK  tiefi^ions  )  M.  le  î^  fio^^er  a  ^arlé  dn  travail  du 
comité  d'organisation  et  montré  dans  quel  esptil  ce  comité  avait 
conçu  le  programme  des  questions  soumises  au  Congrus. 

Puis  le  Congrès  a  décidé  de  subtituer  le  litre  de  «  Congrès  in  ter- 
national  contre  Valcoolisme  »  à  celui  de  «  Congrès  contre  l'abus  des 
boissons  alcooliques  »,  titre  insuffisamment  compréhensif.  Enfin  cha- 
cun des  délégués  étrangers,  dans  une  allocution  pittoresque,  a 
salué  la  France. 

Les  travaux  proprement  dits  da  Congrès  ont  commencé  le  mardi  A, 
après-midi.  Nous  r«^)pellerons  (chose  qui  n'a  pas  été  comprise, 
semble-t-il,  par  la  plupart  des  journaux,  aux  appréciations  rapides 
et  par  conséquent  superficielles),  que  ces  travaux  étafenl  divisés  en 
deux  parties  :  la  première,  la  principale,  la  base  même  du  Congrès, 
était  une  série  de  thèmes  soumis  de  longue  date  par  le  Comité  d'or- 
ganisation à  l'étude  d'un  certain  nombre  de  rapporteurs,  chargés  de 
les  traiter  en  assemblée  plénière.  L'autre  partie  comprenait  une 
série  de  travaux  annoncés  et  présentés  par  les  congressistes,  sur  un 
tlhème  de  leur  choix,  et  développés  dans  des  assemblées  de  sections, 
réunions  plus  restreintes  où  les  congressistes  se  groupaient  selon 
leurs  sympathies  pour  telle  ou  telle  catégorie  de  sujets  :  Enseigne- 


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hB   ru"   C0NGAÉ8  IMTEJUiAriONAL  CaNTftE  Jl'aLGOOJLIBME       599 

ment,  édacalfton,  ppopagande.  —  Médeciae,  physiologie  et  hygiène. 
—  Histoire,  légisUtioa,  économie  politiqae. 

Sans  enlever  le  moindre  attrait  aux  travaux  de  section,  travaux 
d'ordre  surtout  doemnefitaire,  qui  trouveront  leur  large  place  dans 
les  Tolmnes  de  prooès-verbaux,  Tiatérét  se  concentrait  par  consé- 
quent avant  tout  sur  TenseinUe  d'idées  que  le  comité  s'était  proposé 
de  faire  prévaloir  en  assemblée  plénière.  Ces  idées  sont  les  suivantes 
en  deux  mots  :  Tinitiative  du  combat  appartient  ii  Tindividu  ou  aux 
groupements  d'individus  ;  parmi  eux,  il  en  est  qui  semblent  tout 
AatureUemeot  désignés  par  leur  rang  ou  leur  poste  dans  la  société 
pour  jouer  le  nèle  d'initiateurs  ou  de  propagandistes,  ce  sont: les 
maîtres  de  la  jeunesse,  la  fenune,  le  prêtre  de  toutes  les  religions,  le 
soldat,  Thomme  qui  se  voue  au  développement  intellectuel,  moral  et 
matériel  du  travailleur.  D'une  commune  entente  entre  toutes  ces 
fractions  de  la  société  doit  résulter  fatalement  le  triomphe,  pour  peu 
que  l'ennemi  soit  suffisamment  connu  et  délimité,  signalé  à  l'atten- 
tion de  chacun  -,  pour  peu  que  chacun  ait  le  désir  de  contribuer  à  la 
lutte  et  de  faire  bravement  son  devoir.*  Telle  est  l'idée  maîtresse  qui 
a  régné  dans  les  séances  plénîères  du  Congrès,  idée  qui  a  reçu  des 
développements  magistraux,  idée,  nous  le  répétons,  qui  n'a  été 
dégagée  que  par  ceux  qui  assistaient  au  Congrès  et  qui  a  fatalement 
échappé  à  tant  de  baTards  écrivains,  enclins  à  parler  de  ce  qu'ils 
n'ont  pas  vu. 

Ce  programme  homogène  a  reçu  son  entière  exécution  et  les  con- 
gressistes conserveront  longtemps  le  souveoûr  de  ees  magnifiques 
journées  où  successivement  professeurs,  prêtres,  pasteurs,  socia- 
listes, femmes,  soldats  vinrent  à  la- tribune,  avec  la  même  ardeur  et 
la  même  conviction,  sceller  une  Union  grandiose  et  proclamer  qu'ils 
avalent  un  seul  et  même  grand  devoir  à  remplir  en  face  du  fléau. 
Quant  aux  moyens  de  lutter,  qu'importaient- ils  ?  Certains,  qui  s'atta- 
.chent  au  détail  plutôt  qu'à  l'ensemble,  ont  mené  quelque  bruit  autour 
<les  tournois  qui  se  sont  réitérés  entre  modérés  et  abstinents,  tous 
-deux  également  convaincus  ?  Quelle  valeur  peut  avoir  un  pareil  débat 
dans  un  Congrès  international?  N'est-il  pas  vain  de  songer  à  unifier 
des  vues,  des  tendances,  des  sentiments  émanant  d^hommes  qui 
appartiennent  à  des  nationalités  dont  le  génie,  les  coutumes,  l'édu- 
cation différent  essentiellement  ?  Abstinence  et  modération  ne  sont- 
ils  pas  deux  degrés  d'un  même  dévouement  à  la  même  cause,  deux 
stades  d'une  évolution  historique  qui  ne  sauraient  être  franchis  en 
quelques  heures,  si  tant  est  que  ces  étapes  successives  soient  fatales 
et  obligatoires  ?  Mais  ce  qu'il  importait  de  mettre  en  lumière,  chose 
qui  a  été  faite  de  ia  façon  la  plus  éclatante,  c'est  l'urgence  même  du 


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600        LE    Vl]°    CONGRÈS    INTERNATIONAL   CONTRE   l' ALCOOLISME 

coDCours  individuel,  du  sacrifice  personnel,  du  haut  en  bas  deTéchelle 
sociale.  Telle  est  la  conséquence  philosophique  et  surtout  pratique 
qui  se  dégage  des  assemblées  plénières  du  Congrès  ;  cela  dit  à  l'a- 
dresse des  aligneurs  de  phrases  ou  des  mauvais  plaisants  qui  s'en 
vont  écrivant  que  tous  ces  congrès  ne  servent  à  rien,  qu'ils  ne  for- 
mulent aucune  conclusion  pratique,  qu'ils  sont  une  mine  à  d'éternels 
et  insipides  discours  sans  aucune  sanction.  Qu'au  lieu  de  critiquer  à 
l'aise  (c'est  à  la  portée  de  tout  le  monde)  ces  braves  gens  agissent  un 
peu  et  nous  apportent  la  fameuse  formulé-panacée  qu'ils  nous  accu- 
sent de  ne  pas  trouver  !  Ils  auront  droit  à  nos  actions  de  grâce.  Mais 
c'est  là  que  je  les  attends,  quand  ils  s'apercevront  qu'il  faut  être  fou 
et  surlout  ignorant  pour  rêver  d'un  remède  unique  à  un  mal  protéi- 
forme  dans  ses  causes  et  dans  ses  aspects. 

Nous  soulignerons  plus  particulièrement  ici  les  travaux  accomplis 
en  assemblée  plénière. 

Séance  générale  du  i.  —  Elle  a  été  ouverte  par  M.  J.  Legrand,  sous- 
secrétaire  d'Etat,  qui  a  bien  voulu,  représentant  le  gouvernement,  appor- 
ter au  Congrès  la  sympathie  des  pouvoirs  publics  et  saluer  au  nom  de  la 
France  les  nations  qui  s'étaient  fait  représenter.  M.  le  Ministre  de  Tlns- 
truction  publique,  qui  avait  accordé  son  patronage  au  Congrès,  s'était  fait 
représenter  par  M.  Bayet,  directeur  de  renseignement  primaire.  EnOn, 
M.  Dieu,  directeur  du  service  de  santé,  tenait  la  place  de  M.  le  Ministre  de 
la  Guerre 

En  quelques  mots,  M.  Legrain  a  remercié  le  gouvernement  de  sa  pré- 
sence qu'il  a  considérée  comme  une  sorte  d'engagement  moral  à  prêter 
son  appui  aux  œuvres  de  Tempérance. 

M.  J.  Legrand,  dans  un  discours. éloquent,  a  afflrmé  cet  engagement, 
mais  il  d  développé  cette  thèse  que  les  gouvernements,  surtout  dans  les 
pays  d'organisation  démocratique,  étaient  à  peu  près  désarmés  s'ils  ne 
sentaient  pas  un  point  d'appui  solide  du  côté  de  l'opinion  publique.  Dans 
la  lutte  contre  Talcoolisme,  il  y  aune  solidarité  évidente  entre  l'action  des 
pouvoirs  et  l'initiative  individuelle,  mais  c'est  surtout  à  celle-ci  qu'il  appar- 
tient avant  tout,  avec  l'appui  moral  et  matériel  des  autorités,  de  préparer 
l'action  définitive  des  lois.  Il  a  tenu  à  rendre  un  public  hommage  aux  ini- 
tiateurs du  mouvement  de  tempérauce  en  France  et  surtout  à  notre  jeune 
armée  del'U.  F.  A. 

Après  M.  Legrand,  M.  Bayet  a  pris  la  parole  et  réuni  dans  un  seul  dis- 
cours son  allocution  en  qualité  de  délégué  du  ministre  et  la  thèse  qu'il 
devait  soutenir  comme  rapporteur  sur  «  la  lutte  antialcoolique  à  récole 
primaire  ».  Nous  avons  eu  plaisir  à  entendre  M.  le  directeur  de  l'enseigne- 
ment développer  une  fois  de  plus,  avec  l'autorité  qui  s'attache  à  sa  per- 
sonne, la  thèse  même  de  l'U.  F.  A.  faisant  nettement  le  départ  entre  Tabs- 
tinence  complète,  thèse  trop  rigoriste  pour  la  France,  et  la  fbrmulede  la 
vraie  modération  que  nous  avons  les  premiers  proclamée  en  France  et  dé- 


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LE   vu"    CONGRÈS    INTERNATIONAL    CONTRE   l'aLCOOLISME        «01 

fendue  dans  nos  diverses  sociétés,  thèse  qui  consiste  à  proscrire  d'une 
façon  absolue  tout  ce  qui  est  spiritueux,  poison  indubitable,  et  à  recom- 
mander Tusage  modéré  des  boissons  fermentées.  Cette  abstinence  «  à  la 
française  »  est  la  nôtre,  nous  tenons  à  le  répéter  avec  insistance,  à  ceux 
particulièrement  qui,  par  ignorance  tenace  ou  dans  le  simple  but  de  dis- 
créditer notre  œuvre,  s'acharnent  à  nous  représenter  comme  des  absti- 
nents complets.  Nous  avons  été  heureux  une  fois  de  plus  de  cette  commu- 
nauté de  vue  entre  TU.  F.  A.  et  le  département  de  l'instruction  dont  nous 
avons  tenu  à  défendre  et  à  propager  les  principes  et  qui  nous  a,  en  échange, 
honoré  de  sa  conûance.  M.  Bayet,  paraphrasant  et  commentant  la  circu- 
laire de  M.  Rambaud,  a  rappelé  aux  instituteurs  leurs  devoirs  dans  la  lutte 
antialcoolique  et  fait  un  nouvel  appel  chaleureux  à  leur  dévouement. 
Nous  avons  l'espoir  qu'une  des  conséquences,  la  principale  peut-être  du 
Congrès,  sera  la  floraison  d'une  nouvelle  quantité  de  sections  scolaires  de 
ru.  F.  A.  basée  sur  le  principe  si  nettement  accentué  par  le  directeur  de 
l'enseignement. 

Avec  M.  Buisson,  on  entrait  ensuite  dans  le  vif  des  questions  qui  devaient 
occuper  le  Congrès  pendant  cinq  grandes  séances  plénières.  Dans  une  cau- 
serie d'apparence  simple,  mais  aux  profondes  vues,  M.  Buisson  a  fait  un 
appel  énergique  à  Isl  jeunesse  universitaire  et  lui  a  tracé  son  rôle  dans  la 
lutte  contre  l'alcoolisme.  Son  discours  a  une  portée  sociale  qui  fera  réflé- 
chir profondément  le  lecteur  ;  il  s'en  dégage  cette  pensée  que  le  bourgeois, 
l'étudiant  doit  venir  au  peuple,  se  mêler  à  lui,  effacer  toute  la  distance  qui 
le  sépare  de  lui,  Taider  à  constituer  des  milieux  où  il  pourra  se  reposer, 
se  divertir,  sans  être  exposé  à  s'empoisonner.  Le  rôle  moralisateur  de  la 
jeunesse  est  considérable,  elle  doit  avant  tout  prêcher  d'exemple,  et  se 
faire  du  buveur  des  classes  moins  privilégiées  une  idée  nouvelle.  On  s'élève 
à  ses  propres  yeux  et  l'on  comprend  mieux  son  devoir  quand,  en  voyant 
un  buveur,  on  ne  dit  pas  :  «  Quelle  brute  I  »  mais  «  Je  suis  une  brute  dans 
cet  homme  ». 

D^autres  rapporteurs,  M.  Ruyssen,  professeur  au  lycée  de  la  Rochelle, 
et  M.  Barbey,  avocat,  parlant  ensuite  sur  le  même  sujet,  se  sont  particu- 
lièrement appesantis  sur  l'alcoolisme  chez  l'étudiant,  sur  la  nécessité  pour 
eux  de  s'agglomérer  en  Sociétés  de  Tempérance  et  sur  les  résultats  déjà 
acquis  en  ce  sens.  M.  Barbey  a  rappelé  à  ce  propos  la  campagne  qu'il  a 
commencée  déjà  au  nom  de  l'U.  F.  A.,  dans  nombre  d'établissements  se- 
condaires, de  Paris  et  de  la  Province,  et  les  résultats  encourageants  déjà 
obtenus. 

M.  GiLBAui.T,  professeur  au  lycée  de  Toulouse,  a  clos  la  séance  en  trai- 
tant d'une  façon  aussi  complète  que  magistrale  le  rôle  de  l'enseignement 
secondaire  dans  la  lutte  antialcoolique.  L'importance  de  ce  rôle  repose 
non  seulement  sur  les  devoirs  formels  qui  incombent  à  la  bourgeoisie  ins- 
truite, du  fait  de  cette  instruction,  mais  sur  l'existence,  chez  celle-ci,  de 
l'alcoolisme  parvenu  à  un  très  haut  degré  de  développement.  M.  Gilbault 
étudie  méthodiquement  le  rôle  de  l'administration,  celui  des  professeurs 
et  celui  des  élèves. 


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6»02   LE  Yll*  CON&RÈS  IRTERNATIOHAL  CONTRE  L  ALCOOUSMB 

MM.  Hkrgod  et  Fobbl  (Suisse)  ont  lait  <ïonii«ltre  les  bases  de  Forguil- 
silion  des  Sociétés  de  Tempérance  parmi  les  étudiants  en  Suisse.  Tantes 
reposent  inrariablement  snr  la  pratique  de  l'abstineiice  totale. 

Séance  générale  du  4  (Soir).  —  Ce  jour-là  les  Congressistes,  malgré  les  !»> 
tignes  du  voyage  de  la  Teille,  durent  subir  trois  séances  générales,  douze 
heures  de  travail,  en  raison  de  la  réception  du  lendemain  à  THôtel-de-Ville^ 
qui  supprimait  Tune  de  ces  séances.  En  dehors  des  Congrès  de  Tempérance, 
il  est  difficile,  croyons-nous,  de  rencontrer  une  telle  endurance,  une  telle 
ténacité  jointes  à  autant  d'entrain  pour  le  travail. 

La  soirée  a  été  consacrée  à  Tépuisement  des  questions  relatives  à  Tédu- 
cation  et  à  renseignement.  M.  Fihldbn  Thorp  (Angleterre)  a  montré  com- 
bien, après  la  sortie  de  Técole,  il  était  nécessaire  de  conserver  dans  le  gi- 
ron des  Sociétés  de  Tempérance  les  jeunes  gens  qui  vont  préeisémenl 
traverser  Tune  des  phases  les  plus  graves  de  leur  existence,  celle  où  se 
contractent  déjà  des  habitudes  souvent  irrémédiables  de  botsson. 

Avec  le  discours  substantiel  de  M.  Baudrillart,  nous  entrons  sur  Je  ter- 
rain des  applications  et  nous  apprenons  ce  qu'est  une  Société  scolaire  de 
Tempérance,  la  raison  d'être  de  ce  genre  de  Sociétés,  les  principes  qui 
doivent  y  être  observés,  le  rôle  des  maîtres  et  des  élèves,  celui  des  éUves 
vis-à-vis  de  leur  famille  et  inversement,  pourquoi  il  faut  un  engagement 
et  ce  qui  le  légitime,  enfin  quels  résultats  sont  à  Theure  actuelle  obtenus 
dans  divers  pays  et  particulièrement  en  France.  Dans  ce  travail  documenté 
et  consciencieux,  les  maîtres  trouveront  un  précieux  vade  mecum  et  une 
réponse  à  de  multiples  objections  dont  la  source  est  dans  rignorance  ef 
dans  \s  crainte  d'agir  par  soi-même. 

M.  Petit,  inspecteur  de  renseignement,  a  montré  la  cohésion  étroite 
qu'il  y  a  entre  les  œuvres  de  Tempérance  post-scolaires  et  les  associations 
multiples  qui  fourmillent  maintenant  au  lendemain  de  Técole,  grâce,  il 
faut  le  dire,  à  son  ardente  propagande. 

M.  Van  der  Woude  (Hollande)  a  montré  ce  qui  se  fait  dans  son  pays.  Il 
s'est  montré  plutôt  opposé  à  la  formation  de  groiq>es  dans  les  écoles,  faisant 
reposer  sur  le  maître  abstinent  la  vraie  responsabilité  de  Téducation 
antialcoolique. 

Mais  Torganisation,  Tenrôlement  de  la  jeunesse  dMis  Tannée  de  la 
Tempérance  ne  peuvent  avoir  d'efficacité  que  si  les  organisateurs  eux- 
mêmes  sont  dévoués  à  la  cause,  fortement  trempés  par  des  études  spéciales 
et  préparés  au  beau  rôle  que  Ton  prétend  leur  faire  jouer.  La  clé  du 
succès  dans  les  sociétés  enfantines  de  tempérance  est  aux  mains  dos 
maîtres,  aussi  est-il  nécessaire  qu'ils  subissent  une  sorte  de  préparation. 
C'est  de  cet  important  aperçu  de  la  question  que  MM.  Hsncoo  (Suisse),  Dmi 
(UoUande)  et  Maeilueb  ont  entretenu  le  Congrès.  Il  y  ont  quelques  diver- 
gences d'opinion  entre  les  orateurs  en  ce  qui  ooftceme  la  nécessité  de 
l'abstinence  totale,  mais  tous  furent  unanimes  à  déclarer  que  les  Sociétés 
do  Tempérance  entre  instituteurs  étaient  des  oiigamsaMS  iwH^ieiksablea 
pour  créer  une  pépinière  de  véritables  défenseurs  de  k  Cause. 
Réception  à  L'Hôtel  de  Ville  (5  avril).  —  Les  Congressistes  ont  roç«  da 


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us;  vu''   CQiNGRÈa   IKTIRNATIONiJE-  CONTR»  1;.'aJ*C0(«*ISMï:        6Ô3 

la  munkipalilé  raconeil  )»  plus  empressé,  tes  adhérents  se  pressaient  en 
grand  nombre  dans  les  salons  du  magnifique  monument.  M.  Lucipia, 
président  du  Conseil,  a,  dans  un  discours  dicté  par  une  prudence  facile-* 
ment  compréhensible,  souhaité  la  bienvenue  aux  Congressistes,  et  les  a 
remerciés  au  nom  de  la  Ville  de  Paris,  de  se  consacrer  à  une  œuvre  de 
relèvement  moral  et  social  dont  toutes  les  nations  attendaient  le  plus  grand 
bien.  M.  le  D*"  Legrain  a  remercié  la  municipalité  et  présenté  quelques 
personnalités  étrangères.  Puis  M.  Bruman,  secrétaire  général  de  la  Préfec- 
ture de  la  Seine  et  M.  Laurent,  secrétaire  général  de  la  Préfecture  de  Police 
ont  à  leur  tour  salué  le  Congrès. 

En  8*assooiant  à  Tœuvre  du  Congrès,  le  Conseil  municipal  a  montré  une 
fois  de  plus  qu'il  est  Tami  et  le  soutien  des  grandes  Causes. 

Séance  du  5  avril  (soir).  —  Cette  séance  ne  manquait  pas  d'originalité. 
BUe  s*est  ouverte  devant  près  de  4.500  auditeurs  parmi  desquels  beaucoup 
de  dames  et  d^ecelésiastiques.  Il  s'agissait  d'entendre  des  orateurs  de  haute 
marque  s'exprimer  successivement  sur  le  rôle  delà  femme  et  des  membres 
des  différents  cultes  dans  la  lutte  contre  Talcool. 

On  se  souviendra  longtemps  de  la  grâce,  de  la  flnesse,  mêlées  à  une 
éloquence  venue  du  coeur,  avec  lesquelles  Mme  Selher,  de  Copenhague  a 
convié  ses  sœurs  françaises  à  prendre  part  au  combat.  C'est  un  discours 
dont  Tanalyse  enlèverait  toute  la  saveur.  Il  faudra  que  la  femme  française 
soit  bien  figée  dans  son  inertie  pour  ne  pas  bouger  à  de  pareils  accents. 

M.  le  pasteur  Roghat  (de  Genève)  dont  la  sympathique  personnalité 
înearne  une  sublime  idée  de  dévouement,  d'où  est  sortie  la«  Croix-Bleue  », 
qu'on  pourrait  appeler  une  Société  de  sauvetage  moral  des  buveurs,  est 
venu  montrer  aux  pasteurs,  ses  eoreligionnaires,  qu'il  y  avait  un  grave 
devoir  de  conscience  à  ne  pas  se  soustraire  à  la  lutte  contre  Talcool.  C'est 
une  oBVvre  de  foi  et  de  charité  qui  a  fait  ses  preuves,  témoin  l'histoire  de  la 
guerre  à  Taloocl  dans  les  nombreuses  sections  de  la  «  Croix-Bleue  »  dont 
M.  Rochat  se  fait  le  narrateur,  chiffres  en  mains. 

Mgr  TuRiNAK,  évéque  de  Nancy,  dont  l'énergique  volonté  est  connue,  est 
le  premier  prélat  Avançais  qui  ait  cru  de  son  devoir  de  fulminer  contre 
FhorHble  fléau  dans  une  assemblée  publique,  sur  un  terrain  absolument 
neutre.  Cette  action  publique,  dont  le  pays  lui  sera  quelque  jour  recon- 
naissant, procède  d'une  conscience  très  nette  du  péril  actuel.  11  ne  sera 
pas  dit,  a  pensé  l'honorable  prélat,  que  le  prêtre,  celui  qui  voit  de  si  près 
et  panse  les  blessures  morales  de  Talcool,  ne  s'associera  pas  à  la  grande 
Croisade.  Mgr  Turinaz  a  montré  le  rôle  Joué  en  d'autres  pays  par  le 
clergé  catholique,  il  a  rappelé  la  belle  figure  du  père  Matthew,  l'âme  de  la 
lutte  en  friande.  Il  a  adjuré  finalement  le  clergé  français  de  commencefr 
l'œuvre  de  la  vulgarisation  ;  il  a  montré  dans  des  termes  d'une  éloquence 
impressionnante  que  pour  extirper  le  mal,  il  fhllait  avant  tout  compter  sur 
soi,  prêcher  d'exemple  et  il  s'est  raillé  au  programme  de  l'IT.  F.  A.  qui  est 
une  formule  vraiment  française  et  fait  appel  au  sacrifice  individuel. 

Sémnee  du  6  avril.  —  Le  programme  avait  les  éléments  voulus  pour 
Mtisfkire  tout  le  monde  ;  non  qu'il  eût  été  conçu  dans  un  esprit  d'éclectisme. 


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604    LE  Vil"  CONGRÈS  INTERNATIONAL  CONTRE  L* ALCOOLISME 

mais  paice  qu'il  avail  pour  but  de  rallier  toutes  les  bonnes  volontés. 
Après  les  professeurs,  la  femme,  le  clergé,  les  socialistes  avaient  la 
parole.  Chose  nouvelle,  dira-t-on?  Point  du  tout.  Car  si  le  socialisme 
français  n'a  pas  encore  su  creuser  un  fossé  profond  entre  le  marchand 
d'alcool  et  l'ouvrier,  il  y  a  beau  jour  que  l'entreprise  est  commencée  par 
le  socialisme  des  autres  pays. 

Chacun  sait  avec  quelle  verve  M.  Comte,  de  Saint-Etienne,  qui  ouvrit  le 
feu,  parle  du  travailleur  qu'il  aime  et  coudoie  chaque  jour.  11  a  montré 
quel  immense  bénéfice  recueillerait  l'ouvrier  à  la  suppression  de  l'alcool, 
quelle  immense  amélioration  de  son  bien-être  résulte  pour  lui  de  son 
groupement  en  syndicats,  il  a  flétri  au  passage  l'alcoolisme  si  développé  et 
si  hypocrite  de  la  bourgeoisie  et  fait  appel  à  la  solidarité,  à  la  fusion  des 
classes. 

M.  Van  der  Veldk,  député  socialiste  belge  et  délégué  du  parti  ouvrier,  a 
remporté  au  Congrès,  à  coup  sûr,  l'un  de  ses  plus  beaux  succès.  Les 
ovations  répétées  et  unanimes  d'une  assemblée  très  composite  ont  montré 
une  fois  de  plus  ce  que  peut  une  conviction  profonde,  une  science  indis- 
cutée, une  émotion  sincère.  M.  Van  der  Velde  s'est  appliqué  à  combattre 
ou  mieux  à  faire  la  part  exacte  des  deux  thèses  dont  l'une  attribue  l'alcoo- 
lisme &  la  misère  et  dont  l'autre  attribue  la  misère  à  l'alcoolisme.  La 
vérité  est  ici  et  là.  On  ne  peut  contester  en  effet  que  très  souvent  l'alcoo- 
lisme est  un  symbole  de  luxe  et  d'aisance,  pas  plus  qu'on  ne  peut  nier  que 
les  conditions  défectueuses  de  l'existence  conduisent  le  travailleur  à 
s'empoisonner.  L'orateur  est  un  abstinent  et  ne  s'en  caché  pas,  parce  qu'il 
estime  que  pour  prêcher  la  croisade  antialcoolique  avec  fruit  dans  le 
monde  des  travailleurs,  il  faut  se  donner  comme  exemple.  Si  le  socialiste 
veut  être  à  la  hauteur  de  sa  mission,  il  doit  rompre  en  visière  avec  le 
cabaretier,  au  péril  même  de  son  mandat  électoral.  Et  l'expérience  a  prouvé 
à  l'orateur  que,  dans  ce  cas,  le  devoir  et  l'intérêt  sont  parfaitement  conci- 
liables. 

M.  Blocher  (de  Bàle)  s'est  associé  h  la  thèse  de  M.  Van  der  Velde,  et  a 
montré  ce  qu'ont  fait  les  socialistes  suisses  qui,  devançant  les  Belges,  se 
sont  constitués  en  société  d'abstinence  totale.  M.  Forbl  a  confirmé  ces 
informations. 

D'autres  orateurs,  M.  Deffernez  (Charleroi),  M.  Baratieb,  M.  Barbey, 
M.  Hayem  et  M.  Marillier  ont  présenté  à  tour  de  rôle  soit  des  rapports  sur 
conditions  du  travail  et  l'alcoolisme  chez  l'ouvrier,  sur  l'alcoolisme  dans 
les  milieux  ruraux,  soit  des  observations  sur  les  discours  prononcés. 

Enfin  M.  de  Vixcelles,  dans  un  rapport  très  original  et  d'une  grande 
portée  pratique,  a  retracé  le  devoir  des  grands  industriels,  qui  ont  sous  la 
main  de  nombreux  travailleurs,  dans  la  lutte  contre  l'alcoolisme. 

Cette  séance,  au  cours  de  laquelle  on  a  révélé  de  nombreux  faits  incon- 
nus d'ignoble  exploitation  des  travailleurs  par  des  industriels  marchands 
d'alcool  et  par  les  débitants,  a  produit  une  profonde  émotion. 

Banquet  du  6  avril.  —  Nous  ne  dirions  rien  de  cette  fraternelle  agape 
d'abstinents,  si  certains  journaux,  manifestement  intéressés  à  discréditer 


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LE    Vil"    CONGRÈS    INTERNATIONAL    CONTRE   l' ALCOOLISME        605 

notre  œavre  n'avaient,  rééditant  sans  aucun  souci  de  la  vérité  une  vieille 
et  banale  plaisanterie,  proclamé  que  les  congressistes  ne  s'étaient  pas  fait 
faute  de  transiger  avec  leurs  principes  en  buvant  sec  et  ferme.  Quelques 
amis  nous  ont  même  pressé  de  démentir  ces  assertions.  Ou  nous  pardon- 
nera de  n'en  rien  faire.  Il  faut  traiter  les  farceurs  et  les  calomniateurs 
comme  ils  le  méritent,  par  le  dédain  et  le  silence.  I,e  public,  le  vrai  public, 
ne  sait-il  pas  aujourd'hui  quelle  part,  hélas  limitée,  de  créance  il  est 
obligé  d'accorder  aux  élucubrations  des  professionnels  de  certaine  presse? 
A  de  très  rares  exceptions  près,  les  journaux  ont  rendu  hommage  aux 
congressistes;  le  Congrès  a  eu  ce  que  l'on  appelle  une  bonne  presse.  Le 
président  du  banquet.  M.  le  D'  Legrain,  n'a  pas  manqué  de  lever  son  verre 
d'eau  à  la  presse  et  l'a  remerciée  de  la  publicité  si  utile  qu'elle  avait 
donnée  aux  travaux  du  Congrès. 

Séance  du  7  aoriL  —  La  dernière  assemblée  générale  appartenait  aux 
colonies  et  à  l'armée.  Belle  journée  qui  nous  a  fait  connaître  une  nouvelle 
pléiade  de  courageux. 

On  sait  quelle  déplorable  influence  exerce  l'alcool  dans  toutes  les  colo- 
nies. On  ne  le  sait  pas  sufOsamment  dans  notre  pays.  De  sa  voix  autorisée, 
en  soldat  qui  accomplit  un  devoir,  le  général  Gallium  l'a  dit  bien  haut 
dans  un  rapport  qui  restera  un  des  clous  du  Congrès.  Les  déclarations 
du  gouverneur  de  Madagascar,  qui  n'a  pas  craint  d'affirmer  que  la  pire 
des  eaux  est  supérieure  à  la  meilleure  des  boissons  alcooliques,  cadrait 
trop  avec  les  convictions  de  l'assistance,  pour  ne  pas  recueillir  des  salves 
d'applaudissements. 

M.  Harford-Battersby  (Angleterre)  est  venu,  au  nom  de  la  Société  qui 
travaille  pour  l'abolition  du  trafic  des  spiritueux  dans  les  pays  de  couleur, 
démontrer  l'importance  économique  et  morale  de  cette  suppression  et 
adjurer  la  France  de  jouer  un  rôle  prépondérant  dans  celte  question  de 
première  importance  pour  la  colonisation.  A  sa  suite,  M.  Appu,  parlant 
d'expérience,  a  accentué  les  désastres  inouïs  engendrés  par  Talcool  chez 
les  indigènes,  et  a  présenté  à  l'approbation  du  Congrès  un  vœu  tendant  à 
inviter  la  France  à  se  faire  représenter  à  la  Conférence  de  Bruxelles  qui 
se  réunira  le  20  avril  en  vue  de  réviser  l'Acte  international  qui  réglemente 
le  trafic  des  spiritueux  dans  les  colonies  d'Afrique.  Ce  vœu  a  été  acclamé. 

S'il  y  a  un  acte  de  réel  courage  civique  et  patriotique  à  accomplir  en 
révélant  des  maux  sur  lesquels  on  s'aveugle  et  que  l'on  a  le  désir  ardent 
de  guérir,  à  coup  sûr,  M.  Guieysse,  lieutenant  d'artillerie  à  Versailles,  est 
un  courageux  et  un  patriote.  L'assemblée  le  lui  a  bien  montré  en  souli- 
gnant de  ses  approbations  son  discours  au  cours  duquel  il  a  montré  l'al- 
coolisme dans  l'armée  et  défini  l'admirable  rôle  de  l'officier  dans  la  lutte 
contre  l'alcoolisme.  Ce  discours,  éloquent  autant  qu'aimable,  révèle  un 
observateur,  un  fin  psychologue  et  avant  tout  un  homme  de  cœur.  C'est 
à  profusion  que  nous  aurons  le  devoir  de  le  répandre  dans  les  milieux 
militaires. 

Le  D^  DR  Vauclkroy  (Belgique),  se  plaçant  sur  le  même  terrain  a  décrit 
l'alcoolisme  dans  les  armées  belges  et  indiqué  les  remèdes  utilisés.  .M.  Cois- 


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^M        LB   VU*   CONGRÈS   IJ!<TSa2(ATIOKAt  €ÛCiTII£  l'aL€OOUSMQ 

RAD  DiLLO^  (Angleterre)  «  moittré  les  eacourageanls  réaolUto  ckbienus 
dans  les  armées  britaDniqaes  par  les  sociétés  militaires  de  lempéfMUce, 
où  i'ofticîer  se  mêle  au  soldat  et  donne  l'exemple  de  rabstiAonoe. 

M.  Rbpono  (Suisse),  lieutenant^colonel  de  Tarmé^  bel  «étiqueta  prononcé 
un  très  beau  discours,  rMspli  de  documents, sur  TakoolisMe  daiu  Tarmée 
suisse;  il  a  atteint  une  téelle  éloquence  quand  il  a  monlré  le  r6le  moral 
de  Tofficier  et  la  supériorité  patriotique  du  soldat  tempérant. 

Eniln  M.  Zodïbff  a  terminé  la  séaiico  an  donnant  de  très  intéressants 
détails  sur  Fakoolisme  dans  la  marine  russe. 

Clôtwre  du  Congrès.  —  Aussitôt  après,  TABsemMéa  a  fixé  oomaat  lieu 
de  prochaine  réunion  Vienne,  en  1901,  et  s'est  décUrôo  diseoute. 

Soii'ée  du  7  avril.  —  Le  soir  mdme>  à  la  suiltt  d'une  entente  avec  le  Con- 
grès, la  Ligue  de  la  Moralité  publique  profitait  de  1&  ciroonstance  pour 
élaler  ses  principes,  et  montrer  la  connexité  absolue  qu'il  y  a  entre  l'im- 
moraKté  sous  toutes  ses  formes  et  Talcoolisme.  Qui  dit  Tun  suppose  Tattlie 
et  inversement.  Il  est  clair  que  la  Ligue  de  la  Moralité  publique  (I)  et 
ru.  F.  A.  sont  deux  sorars  marchant  la  main  âana  U  mAâiii;lea  deux 
objels  qu'elles  poursuivent  séparément  en  veriv  dju  pnnoipe  ée  la  dlTlsion 
du  travail,  n'en  font  en  réalité  qu'an  seul.  Cétaifc  bien  Tans  d'aiileors  des 
congressistes  qui  se  pressaient  le  vendredi  soir  k  la  séance  ée  la  Ligue 
pour  y  entendre  ses  orateurs  aimés  :  MiA.  Gajilr^»  Comte,  làaysaen  et 
Ftiltiquet. 

Dernière  Journée.  —  Ce  n'est  point  sur  des  discours  graves  que  Ton  se 
sépare.  Quand  on  a  libéré  sa  conscience  en  accomplissant  wa  éeveif ,  on  a 
le  cœur  léger  et  Ton  est  mûr  pour  la  joie.  Ce  fui  tout  à  fait  le  se^tÂnient  de 
nos  amis  qui,  malgré  la  pluie,  s'en  furent  passer  toute  leur  jovraée  à  Ver- 
sailles, achever  de  faire  connaissance  en  des  coiloquea  parlîcnlieiB,  Caire 
une  dernière  provision  de  dooumentH  tout  en  re^poeanA  kur  esprit  par  la 
vae  des  splendeurs  artistiques  de  la  vieille  ville  reyal^. 

Appbécutïon,  --  Notre  cQncluaiw  sei:a,  couïtô.  Elle  se  dégage,  suf- 
fisamment d'elie-moèoie  des  pages  qui  procèdent 

QuelquesHttnft,  fort  rare»,  peu  halûlttéa.  enoove  à  notre  genre  do 
Congrès  oh  les  adhérents  ont  surtout  le  déair  d»  s'en  reM>oHer  ^ 
eux-mêmes  pour  le  triomphe  de  la  cause,  ont  regretté  quil  ne  fût 
pas  émis  des  vœux  et  que  le  Congrès  parût  ainsi  déniié  de  sanction. 
Evidemment  pleins  encore  de  généreuses  Illusions,  ils  ont  cru  de 
boune  foi  que  ce  formalisme  habituel  des  congrès  était  une  obliga- 
tion morale,  sous  peine  d'avoir  perdu  son  temps  en  discours  inutiles. 
Je  répondrai,  tout  d'abord»  que  Texclusio^  des  voeux  n'a  pas  élé 
systémiaUque,  à.  teUes  en^eigoe^  que  te  Cangrè^  en  a  pj)Q9Qnoé 
quelques-uns,  mais  les  congrès  préeédeat  ont  agi  sageiawi  en  appo« 
sant  par  principe  une  digue  à  ce  véritable  torrent  de  concluaio*^  fui 

(l)  Lire  le  «  Relèvement  social  »  (abon.  :  1  tt.  par  an),  org^e  de  la  Ligue.  — 
S'adresser  à  M.  Ck)mte,  2,  me  Balay,  à  Samt-Etienne. 


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LE  Vil''  CONGRÈS^  INTERNATIONAL  CONTRE  L* ALCOOLISME    607 

submergeât  les  dernières  séances  des  congrès,  divisent  les  congres- 
sistes, perdent  an  temps  précieux  pour  aboutir  à  quoi  ?  au  dépôt 
dans  les  cartons  à  vieux  papiers  de  considérations  ronflantes  dont 
personne  ne  tient  compte. 

Quel  gouvernement,  surtout  en  notre  pays,  ne  s'associera  de  façon 
éclatante  à  tel  ou  tel  vœu  émis  par  des  gens  de  bien  ?  Mais  on  sait 
très  bien  qu'une  pareille  adhésion,  même  quand  elle  est  sympathique 
et  sincère,  ne  tire  pas  à  conséquence,  puisque,  demain  peut-être,  le 
gouvernement  d'aujourd'hui,  de  frêle  stabilité,  passera  la  main  à  un 
autre. 

Les  vrais  vœux,  les  vraies  conclusions  d'un  congrès,  et  c'est  le 
cas  pour  le  nôtre,  c'est  le  courant  d'idées  lui-même  qui  se  forme 
pendant  les  journées  de  travail;  c'est  la  synthèse  qui  résulte  de 
l'étude  des  matières  soigneusement  classées  dans  un  programme 
élaboré  par  le  Comité  d'organisation.  N'est-ce  pas  une  conclusion 
grave,  et  d'une  portée  considérable  que  cette  idée  cpii^  sans  relâche,' 
cinq  jours  durant,  est  tombée  de  la  tribune,  émise  parles  représen- 
tants autorisés,  français  ou  étrangers,  de  toutes  les  grandes  frac- 
tions de  la  société,  idée  que  l'on  peut  formuler  ainsi  ;  Maîtres, 
élèves  des  écoles,  prêtres,  pasteurs,  femmes,  socialistes,  soldats, 
vous  avez  un  grand  devoir  à  accomplir  dans  la  lutte  contre  Talcoo- 
lisme.  C'est  à  vous  qa  il  appartient  de  prendre  en  mainsia  direction 
de  cette  lutte;  c'est  à  vous  qu'incombera  la  responsabilité  d'une 
défaite?  Cette  idée  a  été  celle  des  organisateurs  du  Congrès,  comme 
elle  a  été  celle  de  l'immense  majorité.  D'autres  se  placeront  à  leur 
gré,  sur  des  terrains  plus  théoriques,  plus  législatifs,  plus  gouverne- 
mentaux, et  nous  croyons  qu'ils  pourront  aussi  faire  œuvre  utile. 

Il  me  semble,  peut-être  metrompè-je,  que  les  vœux  les  plus  fou- 
gueux sont  bien  platoniques  auprès  de  cette  grande  résolution,  de 
cet  appel  souverain  à  la  conscience  de  chacun,  porté  par  tous  les 
milieux.  Nous  sommes  de  très  purs  individualistes  dans  l'espèce. 
Nous  ne  refusons  aucun  concours,  cela  va  de  soi,  mais  nous  avons 
avant  tout  confiance  dans  notre  propre  effort.  Que  ceux  qui  cherchent 
des  panacées  en  dehors  de  la  formule  individualiste  répondent  seule- 
ment au  solennel  appel  du  Congrès,  et  8*engagent  seulement  à  gros- 
sir nos  phalange  et  nous  répondons  du  succès  avant  peu  î  Osera-t-on 
dire  maintenant  que  le  VII*  Congrès  n'a  pas  eu  de  conclusion  ?  Il  n'a 
pas  encore  eu  de  sanction,  c'est  vrai,  mais  c'est  à  vous,  c'est  à  nous 
tous,  qu'il  appartient  de  la  lui  donner.  LTJ.  F.  A.  est  un  enfant  des 
précédents  congrès.  Prétendrait-on  que  c'est  un  résultat  négligeable? 

EK  Legrain. 


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REVIS  DES  HTM  POLITIOIS  CONTEMPORAIIS 


REVUE  DES  QUESTIONS  COLONIALES 

Indo-Chine.  —  Algérie.  —  Guadeloupe.  -  C6te  d'Ivoire. 

Indo-Chine,  —  Rien  n'est  plus  difficile  que  d'apprécier  sainement  de 
Paris  les  événements  d'Indo-Chine;  autrefois  la  presse  indo-chinoise  s'abs- 
tenait prudemment  de  toute  critique, maintenant  elle  se  laisse  aller  à  des  atta- 
ques dont  la  brutalité  dénote  un  parti  pris  évident,  de  sorte  que  la  lecture 
des  nouvelles  qu'on  y  trouve  ne  paraît  pas  de  nature  à  donner  une  opinion 
précise  de  la  situation.  Heureusement  les  correspondances  privées  éclairent 
avec  une  netteté  plus  grande  sans  ces  voiles  que  la  sympathie  et  Tinîmitié 
Bavent  tisser,  et  les  faits  eux-mêmes  plus  forts  que  toutes  les  nouvelles 
peuvent  nous  guider  dans  les  jugements  que  nous  devons  formuler. 

M.  Doumer  est  infatigable  ;  on  applaudit  bien  volontiers  à  son  activité  ; 
elle  a  trouvé  un  champ  d'action  admirable;  elle  s'y  déploie,  elle  en  dé- 
borde, elle  est  sur  le  point  de  donner  des  résultats  espérés  depuis  long- 
temps et  qui  seront  atteints  peut-être  bientôt.  11  est  du  reste  grand  temps 
que  notre  politique  extérieure  en  Extrême-Orient  prsnneson  point  d'appui 
en  Indo-Chine  et  vraiment  on  se  demande  par  quelle  singulière  anomalie 
il  en  a  toujours  été  autrement,  que  dis-je,  comment  il  s'est  fait  que  le  plus 
redoutable  adversaire  de  notre  occupation  du  Tonkin,  en  1885,  a  précisé- 
ment été  notre  ministre  plénipotentiaire  à  Pékin.  Le  fait  est  cependant 
tout  récent  et  plus  d'un  diplomate  ne  voudrait  pas  convenir  qu'il  est  de 
simple  bon  sens  que  la  politique  française  au  Siam,  la  politique  française 
ea  Chine,  doivent  être  dirigées  principalement  sur  les  indications  du  gou- 
verneur général  d'Indo-Chine  et  d'accord  avec  lui.  Il  est  vraiment  admi- 
rable pourtant,  que  ceux-là  même  qui  redoutent  un  pareil  démembre- 
ment de  l'unité  de  nos  affaires  diplomatiques  soient  les  premiers  à  prodi- 
guer leurs  louanges  à  la  ténacité  des  vues  du  gouvernement  indien  du  côté 
du  Beloutchistan,  de  la  Perse,  voire  de  l'Arabie,  comme  si  ces  pays  n'étaient 
pas  vis-à-vis  des  Indes  dans  la  même  situation  que  le  Siam  ou  la  Chine 
méridionale  vis-à-vis  de  notre  Indo-Chine. 

Aussi  est-ce  plutôt  la  persévérance  de  M.  Doumer  que  les  effets  obtenus 
que  nous  admirons  pour  le  moment  ;  il  suffit  de  connaître  les  dispositions 
du  Quai  d'Orsay  pour  toutes  les  questions  soulevées  par  le  pavillon  de 
Flore  pour  partager  cette  manière  de  voir  :  très  heureusement  nos  agents 
de  l'étranger,  M.  Pichon  notre  ministre  en  Chine  tout  le  premieif  appor- 
tent-ils à  de  pareilles  négociations  un  autre  esprit  que  celui  des  bureaux 
de  Paris. 

M.  Doumer  s'est  rendu  à  Bangkok  où  il  a  été  reçu  comme  il  convenait 
au  gouverneur  de  l'une  des  plus  grandes  colonies  ;  il  a  passé  plusieurs 


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REVUE   DES   QUESTIONS   COLONIALES  609 

jours  en  compagnie  du  prince  Chulalong  Korn  qui  avait  retardé  son  voyage 
dans  ses  provinces  de  la  presqu'île  de  Malacca  pQur  le  recevoir.  Qu'en  est- 
il  résulté  ?  Une  dépêche  dont  l'inexactitude  dépassait  trop  la  mesure  per- 
mise pour  être  prise  au  sérieux  fut  publiée  à  ce  propos  par  le  New-York 
Herald  qui  n'hésitait  pas  à  dire  que  la  France  rétrocédait  au  Siam  Chan- 
taboun  en  échange  de  la  province  de  Luang  Prabang.  Ce  journal  oubliait 
que  depuis  plus  de  six  ans  nous  occupons  la  province  de  Luang  Prabang 
et  sa  capitale  et  que  les  quelques  territoires  qui  relèvent  de  cette  princi- 
pauté et  qui  sont  sur  la  rive  droite  du  Mékong  n'ont  jamais  fait  partie  du 
Siam  ;  si  nous  avons  négligé  de  faire  valoir  nos  droits  sur  ces  annexes  d  un 
domaine  dont  le  cœur  est  entre  nos  mains,  ce  n'est  qu'une  question  de 
temps  et  d'opportunité  qu'il  appartient  à  nous  seuls  de  résoudre.  Quanta 
Ghantaboun,  ce  point  est  occupé  par  nous  depuis  1893  et  il  ne  saurait  être 
question  de  l'abandonner,  d'autant  plus  que  ce  ne  serait  pas  le  Siam  lui- 
même  qui  en  bénéficierait  mais  bien  l'Angleterre.  Comment?  par  simple 
procuration.  Le  Siam  a  remis  le  soin  de  sa  gendarmerie,  de  son  armée  à 
des  officiers  anglais  et  on  peut  croiie  que  ceux-ci  ne  négligeront  rien  dé- 
sormais pour  laisser  échapper  ce  qui  d'aventure  peut  leur  échoir  :  la  tu- 
telle qu'ils  exercent  est  parfois  profitable  au  pupille,  en  lui  enlevant  tout 
souci  quant  h  la  question  de  ses  biens  ;  elle  n'est  pas  indifférente  en  tous 
cas  au  tuteur  qui  sait  à  son  tour  penser  à  ses  propres  intérêts.  Le  tuteur 
ne  néglige  pas  les  épingles  ;  il  aime  mieux  se  les  faire  octroyer,  au  besoin 
il  se  sert  lui-même.  Aussi  ne  voit-on  pas  très  bien  ce  que  la  France  aurait 
gagné  à  abandonner  au  Siam  Chantaboun  pour  qu'une  garnison  de  Sikhs 
indiens  commandés  par  des  officiers  anglais  vînt  y  occuper  les  caserne- 
ments construits  par  des  Français  aux  frais  du  budget  français:  c'est  là  un 
petit  jeu  auquel  l'Italie  s'est  livrée  à  Kassala,  auquel  la  France  s'est  em- 
ployée dans  le  Bahr  el  Ghazal,  mais  qui  n'est  ni  du  goût  de  l'opinion  pu- 
blique ni  de  celui  de  notre  ministre  des  Colonies  et  tant  que  M.  Guillain 
sera  ministre,  nous  avons  la  plus  absolue  confiance  dans  l'énergie  qu'il 
mettra  à  conserver  notre  domaine,  à  l'accroître  si  possible,  jamais  à  le  sa- 
crifier sans  un  profit  évident,  immédiat  et  certain. 

Qu'est-ce  que  M.  Doumer  a  pu  régler  à  Bangkok?  Les  négociations  ont 
été  tenues  secrètes  et  nous  ne  prétendons  pas  les  révéler,  mais  les  deux 
questions  qui  sont  actuellement  en  suspens,  de  ce  côté,  sont  les  suivantes  : 
assurer  d'abord  la  création  d'un  chemin  de  fer  de  Bangkok  à  Saigon  ; 
mettre  en  œuvre,  d'autre  part,  la  convention  franco-anglaise  relative  au 
Siam  qui  nous  donne  comme  sphère  d'infiuence  tous  les  territoires  non 
situés  dans  la  vallée  du  Ménam.  L'une  et  l'autre  de  ces  nécessités  s'impo- 
seront à  bref  délai  ;  il  faut  donc  les  préparer  et  au  tant  que  possible  d'accord 
avec  l'intéressé  qui  est  le  Siam  ;  que  s'il  n'y  a  pas  eu  possibilité  de  préciser 
amicalement  les  points  en  question,  nous  verrons  à  reprendre  ces  ques- 
tions directement  avec  le  gouvernement  anglais  dont  la  bonne  volonté,  en 
ce  qui  concerne  spécialement  ces  points,  serait  parait-il  acquise  à  une  so- 
lution favorable  à  nos  intérêts. 

M.  Doumer  était  à  peine  revenu  de  Bangkok  qu'il  partait  pour  Yunnan- 


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610  BEVUB   DBS   QlIB8TK>If8   G0L0HIA1B8 

Fou,  Capitale  de  ceOe  province  de  la  Chine  qui  est  le  proUngement  néces- 
saire de  notre  HaatrTonlqn  :  ce  n'est  pas  non  pins  on  simple  wojsuge  d'agré- 
ment ;  c'est  un  iH)yage  pratique  dont  les  effets  sont  anssi  prochains.  On  se 
rappeUe  que  les  crédits  demandés  an  Parlement  français  par  M.  Doumer 
rhivet'  dernier  avaient  deux  objets  :  la  création  de  phisîeiirs  tronçons  de 
voie  ferrée  le  long  de  la  côte  iado-Chinoise,  Touvertare  d'une  voie  d'accès 
sur  Yunnan-Fou.  Les  crédits  ont  été  votés  sur  le  rapport  favorable  de 
M.  de  Lanessan  :  l'emprunt  a  été  souscrit  vingt-huit  foès.  U  font  mainte- 
nant engager  les  travaux.  Mais  les  opinions  émises  sur  le  Ynnnan  sont 
tellement  contradictoires  et  généralement  si  pen  encourageantes  que 
M.  Doomer  a  vooiu  se  rendre  compte  par  Ini-méme  de  la  richesse  de 
ces  pays  :  rien  n'est  plus  sage  et  s'il  juge  que  nos  efforts  doivent  porter 
plutôt  vers  le  Kouei-Tcbeou  ou  le  Kouang-Si^  il  n'est  pas  douteux  que  le 
Gouvernement  l'y  autorise.  Ce  que  l'opinion  lui  demande,  de  ce  côté, 
c*est  mtee  de  dépasser  les  instructions  qu'il  a  reçues  et,  an  risque  d'être 
un  moment  critiqué,  de  s'inspifer  de  la  situation  présente  et  des  néces- 
sités de  notre  expansion  que  limite  chaque  jour  davantage  l'extension  des 
prétentions  anglaises.  N'avons*4M«is  pas  vu  la  ooncessioii  ai^aise  de  tioag- 
Kong  s'étendre  en  1898  à  toute  la  presqu'île  de  Kan-Lung,  un  service  de 
batterie  anglaise  se  constituer  sur  le  ^-Kiang  et  av«ii»-nous,  nous-mêmes^ 
&it  quoi  que  ce  soit  dans  cette  grande  proviBct  du  ftouang-Toun  autre- 
ment riche  et  peuplé  que  celle  du  Tannan  et  du  Kooan^i? 

A  qui  incombe  la  responsabâité  de  notre  inertie  ?  Ce  n'est  pas  ia  gou- 
verneur général  d'Indo-Ghino,  c'est  au  quai  d'Orsay  que  les  tristes  et  dou- 
loureux événements  de  Faschoda  ont  véritablement  écrasé.  AiUeurs  (1) 
nous  ne  cessons  de  le  répéter  :  nous  n'avons  aucune  vue  nette  de  nos  inté- 
rêts en  Extrême-Orient  et  notre  ettacement  dépasse  l'insalfisance  de  nos 
forces  navales  puisque  nous  demeurons  plus  timorés  même  que  lltalie 
qui  va  se  faire  attribuer  sans  coup  férir  avec  la  magnifique  baie  de 
Samoun  une  situation  autrement  privilégiée  en  Chine  que  celle  de  la 
France,  récemment  encore  sa  plus  redoutable  voisine  cependant  après  la 
Russie. 

Algérie,  —  Rarement  un  débat  d'une  étendue  plus  complète  a  occupé 
la  Chambre  sur  la  question  algérienne;  rarement  un  débat  plus  inutile  a 
traîné  interminablement,  de  séanœ  en  séance.  Puisque  le  Gouvernement, 
dans  la  personne  de  M.  Dupuy  président  du  Conseil  et  dans  celle  de 
M.  Laferrière,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  n'ont  rien  trouvé  de  mieux 
à  apporter.au  Parlement  que  leur  acquiescement  empressé  à  la  nomina- 
tion d'une  commission  d'enquête,  pourquoi  tous  ces  discours  ?  Cette  corn* 
mission  d'enquête  a  été  demandée  par  M.  Drumont  et  les  antisémisles  à 
leur  arrivée  à  la  Chambre  ;  la  majorité  de  la  Chambre  n'y  était  guère  favo- 
rable, parce  que  l'expérience  est  là  pour  rappeler  à  tous  les  esprits  sérieux 
que  des  enquêtes  parlementaires,  lorsqu'elles  portent  sur  une  série  de 
questions    purement   politiques,   n'ont  jamais   engendré    de    durables 

(1)  Voir  QueUiom  diplomatiques  et  coloniales ^  t.  V  :  Notre  politique  en  Chine. 


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&SVCB  BBS  QUESTIONS  QIMLOMALGS  611 

réforanefr,  miôs  4èva»t  Tarn  de  HM.  Dupmy  et  Latorière,  la  Chanibi^  tonte 
entière  ne  pMtrra  Dairé  mieux,  que  d'iMlepter  «teUe  ouimère  de  faire  et, 
tout  «n  se  désni^pessant  à'vxk  dëbat  dont  l'iasne  estoe«Biie,  de  ie  laisser 
aller.  Ce  débat  est  un  concours  d*élo^pseikoe  sur  un  sujet  oonnu.  Chaque 
dép«lé  aiférien  iwtis^Qante  a  cm  de  M«n  devoir  de  fresdi«  la  pv^e  :  ses 
électcrors  l'éateBdaeleiift  ainsi,  fmrai*-^  ;  les  i«rai^tes  algériens  <yni  trouvé 
d'awlire  {yart,  «a  M.  ReiUBMt^  «n  wppm  «pn  a  eurpris  |mu*  sa  violenoe  :  à 
entendre  cet  orateur,  le  prolétariat  Israélite  serait,  ea  Aif  éiie,  dans  un 
degré  de  m^ère  iii»o«pçoiuiée  et  Texagéralioii  ie  bss  ^Êfiraiatiens  avait 
pour  -seule  ea^liec^tieffi  de^oompieneer  la  TialeBce  des  phHippiqoes  prenen- 
eées  cotilre  ane  {partie  <de  la  painrtitioa  'algérieiiiMu 

i.e  dbooiars  4e  M,  llar^oiu  a  éïé  eonsidrirë  •ootnaM  celui  d>ui  fator  99a- 
yéPÊtfmr  qui,  tm.  «ettenilant,  Ma  pesm*  sa  candiéatuape  à  la  préftiosoe  4e  la 
ceakMrisstea  d^eaqlvdte  :  4faa«t  à  odat  ide  M.  La£srnftsre,il  ai*a  pas  renooQlré 
dans  la  Chambre  ies  appmbatiaiiB  qu'on  pou^iaM  espérer.  La  cause  en  est 
4a  i^este  f^K^ile  4  dégager,  ^«rtoat  ea  se  pkdnt,  él  avec  quelque  raisMi  sui- 
-vaut  n&UB,  «que  i*ExéciM&f  noMUique  de  dédsion,  d'énergie;  Texécutif^e 
laisse  afier  Àfâucbe  et  à  droite  oa  hasard  des  événements;  il  ne  4i6AÉagae 
^s  très  nelteiaentaja  >nriii<Ai4esTioieno^  des  partis  aA?er8C8  les  booMacs 
qui  sont  le  plus  à  craindre  et  par  conséquent  le  ipèas  à  éecnàtr  et  «a  po- 
litique à  fltttériiEmr  oeainie  4i  i^extériear  •estiertudaee.  A  qoi  ia  fouie  f  On 
le  reduércherait  lengtotoys.  Les  mentes  dttoes  existent  ^^oor  rAigétrie  :  on 
lie  sidt  pas  ao  jaste  œ  qne  Ton  veut,  nd  eà  en  «a.  Lemiaistre  de  J'Inèénonr 
asemMé  dipe  :  fat  "belUKic^  d^avlres soucis  *qQi  ne  tiennent  pts  à  la^pnns- 
tion  a^érieaae,  et  je  «a^en  remets  au  gofnivrenieBr  générad  de  me  déchâfl^r 
de  ceaa^Ui.  Le  ^e«rv«meiM'  à.  son  leur  a  éû  penser  ^  de  ne  sois  au  demeu- 
rant qa*an  toncfêomaàre  et  pname  ée  ministra  derintérieurdcnqanlje 
relevée  me  ^i<Mit  freinire  la  vesjpensaMlité  d'aacane  réforme  d'ensemble  et 
que  seul  il  est  responsable  4evaiit  le  Parlement,  il  n'y  m  pas  lieu  pour  moi 
d'exposer  une  politique  précise,  concrète,  qui  sera  par  conséquent  4isca- 
tabie  paroe  qu^elle  soim  saistssable  :  je  vais  m^en  ienir  à  des  idées  d'en- 
sembk,  onetfter  les  leeprits  4a  c^té  où  i>l8  vtealeat  oiler  et  non  les  diriger 
et  je  me 'garderai >ie  toute  cimceplioin  déiînitrve.  Et  AL  L'a^nnèite,6e  cen- 
formant  au  inrograMinïe  qu^l  s'était  tracé,  a  prononcé  un  dlscoiirs  extrê- 
mement mesuré  pur  leqael  il  Indique  à  chaooa  des  partis  ée  ht  Chambre 
ce  qu'il  peut  penser  des  réforme»  relatives  à«la  question  k  pius  importaiite, 
à  celle  des  droits  électoraux  desia'aféiites  et  des  étratigers. 

Nous  aurions,  devons-^nouB  le  dire,  espéré  une  manière  de  voir  plus 
personnelle  de  la  part  d'un  homme  de  la  haute  valeur  et  du  jugement  de 
M.  Laferri^  et  nous  avons  entendu  plus  d'un  hoihme  politique  appré- 
cier ce  discours  en  disant  :  Comment  une  commission  d'enquête  pourra- 
t-elle  dégager  la  solution  du  problème  algérien  lorsquhin  gouverneur  qui 
dispose  des  plus  parfaites  sources  d'informations  et  de  moyens  d'actions 
qu^  u  fait  créer  à  son  usage  avant  de  se  rendre  à  Alger,  n'est  pws  en  me- 
sure, am  trouft  d'un  an,  de  nous  proposer  mnensemWe  prëois  de  réformes 
raisonnahles  ? 

C'est  on  le  voit  le  désir  d'ajourner  à  un  ou  deux  ans  l'examen  des  con- 


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612  REVUE   DES    QUESTIONS    C0L0MALE8 

clusioDS  de  la  commission  d'enquête  qui  a  guidé  tous  les  principaux  ora- 
teurs :  chacun  espère  d'ici  là  que  les  données  de  la  question  se  seront 
modifiées  en  faveur  de  la  doctrine  qu'il  préfère  et  l'accord  à  peu  près 
unanime  s'est  lait  sur  ce  malentendu. 

Pour  notre  part,  nous  le  déplorons  sincèrement.  Ajourner  une  question 
est  peut-être  une  habileté  temporaire,  c'est  une  faute  certainement.  Les 
réformes  ne  se  font  pas  toutes  seules  et  il  y  faut  le  courage  d'un  homme 
ou  même  de  plusieurs. 

Nommer  une  commission  d'enquête,  c'est  déclarer  qu'il  n'y  a  rien  à  faire 
de  suite  sinon  M'exciter  les  espérances,  les  convoitises,  les  violences  de 
toute  une  partie  de  la  population  contre  l'autre.  C'est  illusionner  ceux 
qui  ont  conGance,  c'est  décourager  tout  le  monde.  Qui  viendra  reprocher, 
dans  2  ou  3  ans,  au  cabinet  Dupuy  pareille  faute  du  moment  que  la  Chambre 
entière  s'y  associe  et  M.  Dupuy,  membre  d'un  autre  cabinet  probablement 
n'aura-t-il  pas  le  droit  de  se  couvrir  derrière  le  vote  de  la  Chambre.  Mais 
qu'on  arrive  ou  non  à  fixer  les  responsabilités  d'une  pareille  politique, 
peu  importe;  la  grande  affaire  c'est  que  l'Algérie  n'y  trouve  aucun 
avantage,  tout  au  contraire,  c'est  que  l'agitation  peut-être  favorisée  par  les 
mesures  maladroites  d'un  préfet  à  poigne  ne  fera  que  croître  en  présence 
des  commissaires  enquêteurs. 

A  la  situation  présente  nous  ne  voyons  pour  le  moment  d'autre  remède 
qu'une  orientation  toute  nouvelle  de  la  politique  algérienne.  Cette  orien- 
tation signifierait  que  les  questions  économiques  et  agricoles  devront 
seules  préoccuper  les  hommes  qui  gouverneront  l'Algérie  et  que,  du 
moment  que  l'ordre  sera  assuré,  on  donnera  beaucoup  moins  d'intérêt 
aux  questions  uniquement  politiques.  Froisser  systématiquement  les 
habitants  en  prenant  des  décisions  allant  à  rencontre  de  celles  qui 
sont  rendues  dans  les  assemblées  municipales  n'est  pas  une  politique 
raisonnable  ni  durable  ;  ce  n'est  pas  davantage  une  politique  républi- 
caine. Céder  d'autre  part  aux  exigences  d'un  parti  révolutionnaire  est 
impossible  ;  mais  laisser  les  Algériens,  comme  les  Siciliens  ou  les  Corses, 
résoudre  entre  eux  leurs  questions  locales  avec  leurs  passions  et  suivant 
leurs  mœurs  qui  ne  sont  pas  les  nôtres,  c'est  parfaitement  admissible.  A  la 
métropole  incombe  un  double  devoir  :  assurer  la  sécurité  publique,  favo- 
riser la  prospérité  économique  ;  il  est  déjà  suffisamment  grave  pour  que 
ses  représentants  ne  s'en  écartent  point,  et  les  enseignements  qu'ils  ont 
dû  trouver  dans  certains  verdicts  les  garderont  à  l'avenir  de  mesures  ex- 
cessives que  l'opinion  publique  ne  saurait  ratifier. 

Guadeloupe.  —  Des  incendies  systématiques  ont  jeté  l'inquiétude  dans 
tous  les  esprits;  depuis  1878  à  1879  jamais  on  n'en  avait  vu  de  pareils;  si 
la  Basse  Terre  a  été  à  peu  près  épargnée,  la  Grande  Terre  a  été  le  théâtre 
de  sinistres  effrayants.  Quelle  en  est  la  cause  ":' 

M.  Isaac,  sénateur  de  la  Guadeloupe,  les  a  fait  connaître  à  la  tribune  du 
Sénat.  Elle  est  dans  la  propagande  insensée  qui  se  fait  depuis  quelques 
années  dans  un  but  électoral  et  quia  commencé  en  1891  avec  la  levée  du 
drapeau  rouge. 


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REVUE   DES   QUESTIONS   COLONIALES  613 

Ce  programme  soi-disant  socialiste  est  celui  des  congrès  révolutionnaires 
et  il  comporte  la  mine  aux  mineurs  dans  un  pays  où  il  n'existe  pas  de 
mines.  Il  est  défendu,  par  le  nouveau  député  nègre,  M.  Legitimus,  qui  a 
trouvé  dans  la  population  noire  un  corps  électoral  prêt  à  recueillir  ses 
détestables  enseignements,  et  le  gouverneur  n'aurait  pas  combattu  cette 
propagande  révolutionnaire  comme  c'était  de  son  devoir. 

M.  Guillain,  ministre  des  Colonies,  trouve  à  ces  crimes  d'autres  raisons. 
La  Grande  Terre  est  un  pays  de  grande  culture  sucrîère  ;  il  y  existe  un 
nombreux  prolétariat  agricole.  La  crise  du  sucre  y  a  amené  la  hausse  du 
change  sans  que  le  salaire  des  ouvriers  puisse  être  augmenté,  d'autre  part 
les  marchands  exagéreraient  encore  la  hausse  en  Ûxant  leurs  prix  de  vente; 
d'où  une  misère  qui  a  engendré  des  actes  de  haine,  de  vengeance  contre 
ceux  qui  possèdent. 

Ces  raisons  paraissent  parfaitement  judicieuses;  encore  faut-il  parer  au 
plus  pressé,  s'il  n'est  guère  possible  au  gouvernement  de  rendre  aux  An- 
tilles leur  prospérité  ancienne.  M.  Guillain  l'a  promis  :  les  crimes  seront 
•  sévèrement  réprimés  et  si  des  coalitions  haussent  le  prix  des  denrées,  des 
poursuites  seront  également  exercées.  On  ne  saurait,  en  tous  cas,  trop 
prévenir  le  retour  des  manifestations  révolutionnaires  qui  se  sont  pro- 
duites à  la  Guadeloupe. 

Côte  d'Ivoire.  —  Cette  Colonie  qui  a  connu  une  période  de  prospérité 
sous  l'administration  de  M.  Binger,  traverse  un  moment  difûcile.  Une 
maladie  bubonique,  probablement  la  fièvre  jaune,  s'y  est  déclarée  depuis 
quelques  semaines.  Grand-Bassam  est  située  au  bord  d'une  lagune  dans 
des  conditions  hygiéniques  déplorables.  On  se  demande  comment  le  mal 
qui  vient  d'emporter  20  blancs  sur  40  a  pu  retarder  aussi  longtemps  son 
apparition  dans  une  pareille  ville.  11  faut  dire  que  Grand-Bassam  était  uni- 
quement une  factorerie  et  que  son  développement,  à  peu  près  nul  de  1843, 
date  de  sa  fondation,jusqu'enl889,  époque  où  il  fut  rattaché  par  un  câble 
et  par  un  service  de  navigation  mensuelle  à  la  France, ne  date  que  de  six 
ans.  Une  canonnière  sur  la  lagune  assurait  facilement  la  défense  de  ce 
point. 

Le  gouvernement  a  donné  ordre  d'évacuer  Grand-Bassam  et  le  chef-lieu 
de  la  colonie  de  la  côte  d'Ivoire  sera  très  vraisemblablement  transporté  sur 
un  point  situé  plus  au  nord,  à  70  mètres  d'altitude,  où  l'on  a  trouvé  trois 
sources  abondantes  d'eau  potable. 

L'importante  mission  technique  que  dirigeait  le  capitaine  Houdaille 
était  sur  le  point  de  regagner  Grand  Bassam  après  avoir  achevé  le  relevé  de 
l'itinéraire  du  chemin  de  fer  projeté  à  l'intérieur  de  la  colonie,  lorsqu'elle 
a  été  arrêtée  à  Alépé  par  ordre  du  gouvernement.  Elle  a  reçu  l'ordre 
d'aller  s'embarquer  à  Jacqueville,  où  la  flèvre  jaune  n'a  pas  fbit  son  appa- 
rition. 

Henh  Pensa. 


REVUE  POLIT.,  T.  XX  40 


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LA 

m  POLITlOilfi  CT  PARLENEmiRE  A  L  ÉTRANGER 


I.    —   ALLEMAGNE 

Par  C.-M.  MONTA!HUS 

10  Chronique  politique  et  parlementaire. 

La  question  qui,  au  point  de  vue  purement  politique,  a  excité,  au  début 
de  la  session  parlementaire  le  plus  yif  intérêt  est  le  nouveau  projet  de  loi 
militaire  dont  nous  avons  déjà  parlé  en  détail  dans  la  chronique  précé- 
dente. Tout  le  monde  s'accordait^  il  est  vrai,  à  adOMtlre  a  priori  que  le 
eentre,  qui  allait  jouer  ici  un  r^le  décisif,  finirait  par  donner  son  appro- 
bation au  projet  du  Gouvernement,  non  sans  s'être  fait  quelque  peu  prier, 
ni  sans  avoir  exigé  des  modifications  sans  importance  et  fait  (Quelques 
légères  réserves  ;  mais  enfin,  grÀce  à  cet  appui,  le  Gouvernement  était 
sûr  de  réunir  une  majorité.  IL  pouvait  cependant  se  produire  des  inci- 
dents qui  enssent  compliqué  la  situation,  et  ces  prévisions  étaient  moti- 
vées par  Tattitnde  des  députés  du  centre,  élus  par  TAllemagne  du  Sud  et 
en  particulier  par  la  Bavière,  qui,  devant  tenir  compte  des  sentiments  de 
leurs  électeurs,  étaient  obligés  de  faire  au  projet  de  loi  uae  opposition 
plus  vive  qu'on  ne  s'y  était  attendu. 

Ces  complications  ne  manquèrent  pas,  en  effet,  de  se  produire.  La  com- 
mission parlementaire  avait  accepté  le  projet  de  loi  en  n*y  i^^portanl  que 
des  modifications  sans  importaace,  mais  elle  avait  reftisé  les  augmenta- 
tions considérables  de  crédits  demandées  pour  la  cavalerie*  Elle  justifiait 
son  refus  par  les  raisons  suivantes  : 

Etant  donnés  les  progrès  de  la  techniqae  moderne  au  point  de  vue  de  la 
précision  et  les  effets  foudroyants  des  armes  à  feu  actuelles,  la  cavalerie 
rendra  4ians  une  future  guerre  des  services  bien  moindres «fu'antrefm,  et, 
comme  ou  aura  moins  à  l'utiliser,  il  y  a  plutôt  lieu  de  diminuer  ses  effec- 
ti£s  qtie  de  les  augmenter. 

Le  Gouverneoient  combattit  très  résolument  cette  façon  4e  voir.  Le  mi- 
nifittre  4e  la;guerre  prussien,  M,  de  Gossler,  usa  de  toute  sen  autorité  pour 
faire  accepter  Taugmântation  de  crédits  demandée  et  le  chancelier  de 
rfintptre  ainsi  que  les  autres  ministres  prirent  fêii  et  cause  pour  lui,  à  tel 
point  que  Ton  put  croire  que  si  le  Gouvernement  était  battu  sur  cette 
question,  la  dissolution  du  Reichstag  devenait  inévitable.  Néanmoins,  à  la 
seconde  lecture,  le  Reichslag  persista  dans  son  refus,  conformémen  à 
Tavis  exprimé  par  la  commission  parlementaire.  D'après  une  version  qui 
n'a  jamais  été  démentie,  TEmpereur  et  son  entourage  militaire,  incités 


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ALLEMAGNE  615 

d'ailleurs  par  les  agraïuens  d'opinions  extrêmes*  qui  ne  deouodaient  qu'à 
susciter  uo  conflit,  et  parles  iùwnines  politique»  du  parti  Sturm,  partisane 
des  mesures  violentes,  youlaieiU  prononcer  la  dissolution  du  Reiohstag. 
Mais  le  prince  de  Hohenlohe,  chan^etier  de  1  Empire,  s'opposa  à  cette  réso- 
lutien  et  plusieune  princes  allemands,  eu  particulier  le  jgrand  dnc  de  Bade, 
le  roi  de  Saxe  et  le  du£  de  Meiuingen  s'entremirent  alors  et  parlèrent  en 
faveur  d'une  eonciliation  d'autant  plus  indiquée  dans  le  cas  p^résent  que 
le  ReLchstag  avait  accordé  tombes  les  autres  augmentations  de  crédits  se 
montant  à  un  chiffre  élevé,  sauf  cette  unique  exception.  Ce  fut  le  D' Lieber, 
chef  du  parti  du  centre,  qui  ménagea  un^  conciliation  en  présentant  un 
amendement  par  lequel,  tout  en  y  apportant  certaines  clauses,  le  fieichs- 
tag  se  déclarait  disposé  à  iK^corder  d'autres  augmentations  >d'e(îectifsn)ême 
en  ce  qui  concernait  la  cavalerie.  Là-*dessus  le  gouvemement  accepta  que 
Ton  eiTaçàt  4u  projet  de  loi  la  «demande  de  crédits  pour  La  cavalerie  et  le 
projet  fut  voté  y  compris  l'amendement  du  D' liei^er.  Ue  conflit  qui  mena- 
çait de  se  produire  était  ainsi  écarté  ipour  cette  lois^ 

Parmi  les  nombreux  travaux  iégi&latifis  du  Heicb^to^le  jprc^et  destiné  à 
modifier  la  loi  sur  lee  banques,  projet  qui  ne  fut  présenté  par  le  (jouverne- 
ment  qu'à  la  Un  de  janvier,  a  été»  avec  le  projet  de  loi  militaire^  la  ques- 
tion la  plus  emportante  qui  se  soit  posée  a«  cours  de  cette  sessien.  Il  sV 
gissait  de  modifier  Les  règlements,  ou,  si  l'on  veut,  de  renouveler  les  statuts 
de  la  Banque  d'Empire  dont  le  privilège  allait  expirer  à  la  iiln  de  l'année 

Les  nouvelles  disposUions  Les  pLus  importantes  que  renferme  ce  projet 
sont  lea  suivantes  : 

Le  capital  social  est  porté  de  i  20  miUieos  de  marks  à  A 50  millions. 

La  Banque  aura  le  droit  4'émettre  pour  400  milUone  de  marks  de  billets 
soustraits  à  toute  imposition  au  lieudies  2;^;2. 400.000  juarks  qu'elle  ne  cu- 
vait précédemment  ^dépasser. 

Les  actionnaires  de  la  Banque  ne  Xoncbenl  pdAis  gu'nn  dividende  sensi- 
blement plus  ùààûe.»  Auparavant  ils  toncàaieni,  a^ant  toute  autre  réparii- 
tion,  3  ij%  0/0  snr  les  bénéfloes  neiU,  puis  la  moitié  dn  bénéfice  qui  res- 
tait, autres  dividendes  et  réserves  une  fois  pvélevés,  jusqu'à  concurrence 
d'un  intérêt  de  6  0/0.  A  préseat^  ils  touoberont  encore,  avant  toute  autre 
répartition,  3  1/2  0/0  sur  les  bénéûces  nets  et  ils  continueront  à  toucher 
la  moitié  de  l'excédent  ultérieur  des  bénéfices,  mais  seulement  jusqu'à 
concurrence  d*un  intérêt  de  5  0/0.  Les  actionnaires  recevront  encore 
i/4  des  bénéfices  ^i  excéderont  ce  pour  cent,  comme  cela  a  eu  lieu  jus- 
qu'à présent. 

Mais  les  dividendes  diminueront  encore  du  fait  de  l'augmentaiion  du  ca- 
pital ainsi  que  du  fonds  de  réserve.  En  effet,  une  fois  ce  dividende  de 
3  1/2  0/0  prélevé,  en  doit,  avant  ioute  autre  répartition,  affecter  20  0^0  du 
restant  au  fonds  de  réserve»  taajt  «que  icelui-ci  n'atteindra  pas  les  2/5  du 
capital  social.  Or  le  fonds  de  réserve  qui  était  jusqu'ici  de  30  millions  de 
mai  ks  entièrement  versés  devra  donc  atteindre  le  chiffre  de  60  millions 
de  marks. 


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6J6  La   VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

La  disposition  suivante  est  également  fort  importante  :  Les  six  banques 
d'émission  privées,  à  savoir  les  banques  bavaroise,  saxonne,  wurtember- 
geoise  et  bavaroise,  la  banque  de  Francfort  et  la  banque  de  TAllemagne  du 
Sud  doivent  s'engager,  sous  peine  de  voir  dénoncer  leur  privilège,  à  ne 
jamais  escompter  d'effets  à  un  taux  inférieur  au  taux  d'escompte  officiel 
de  la  Banque.  On  a  justiûé  cette  mesure  par  les  excellentes  raisons  sui- 
vantes :  Ces  banques  d'émission  privées,  escomptant  en  général  jusqu^à 
l'extrême  limite  de  leur  chiffre  de  billets  libres  de  tout  impdt,  font  l'es- 
compte à  un  taux  inférieur  à  celui  de  la  Banque  d'Empire  et  contrarient 
ainsi  toute  la  politique  de  cette  dernière  en  matière  d'escompte.  C'est 
ainsi  qu'il  pouvait  se  produire  que  les  banques  d'émission  privées  s'en 
remissent  &  la  Banque  d'Empire,  aux  époques  de  crise  et  lorsque  l'argent 
était  rare,  du  soin  de  fournir  au  public  des  moyens  de  paiement,  tandis 
que,  pour  leur  part,  elles  suspendaient  toute  émission  qui  eût  dépassé  le 
chiffre  de  billets  libres  d'impositions,  parce  que  cette  émission  de  billets 
ne  leur  aurait  plus  rapporté  aucun  bénéfice.  Mais  en  même  temps  elles 
augmentaient  encore  les  charges  qui  pesaient  sur  la  Banque  d'Empire  en 
faisant  réescompter  par  elle  une  partie  de  leurs  effets.  Cette  réglementa- 
tion nouvelle  des  banques  d'émission  privées  impose,  il  est  vrai,  à  la 
Banque  d'Empire  l'obligation  de  ne  plus  jamais  escompter  à  Tavenir  à  un 
taux  inférieur  à  son  taux  d*escompte  officiel,  comme  cela  est  arrivé  autre- 
fois à  plusieurs  reprises. 

En  faisant  abstraction  de  sa  haute  importance  au  point  de  vue  du  droit 
public  et  de  la  politique  fmancière,  nous  devons  reconnaître  à  ce  projet 
un  caractère  politique  général  et  même  il  constituait  une  question  de 
parti.  En  effet,  depuis  un  certain  nombre  d'années,  c'est-à-dire,  en 
somme,  depuis  que  le  mouvement  agraire  s'est  produit  et  a  acquis  une 
influence  considérable  sur  la  vie  publique  en  Allemagne,  la  question  de  la 
Banque  d'Empire  jouait  un  rôle  capital  au  point  de  vue  politique.  Les 
chefs  du  mouvement  agraire  ne  cessaient  en  effet  de  réclamer  l'établisse- 
ment du  monopole  absolu  de  la  Banque  d'Empire,  laquelle  n'est  pour  le 
moment  qu'une  banque  exclusivement  privée,  bien  qu'elle  soit  placée,  il 
est  vrai,  sous  le  contrôle  de  l'Etat  et,  par  suite,  obligée  de  faire  passer  les 
intérêts  de  ses  actionnaires  avant  les  intérêts  de  l'Etat  et  les  exigences  de 
la  prospérité  publique.  Tandis  qu'à  présent  elle  se  borne  uniquement  à 
satisfaire  aux  besoios  de  crédit  de  la  haute  finance  et,  à  côté  de  cela,  à 
ceux  de  la  grande  industrie,  tout  au  plus,  elle  aurait  dû  avant  tout  se 
[«rëoccuper  désormais  de  satisfaire  aux  besoins  de  crédit  de  l'agriculture. 
A  ces  attaques  d'une  portée  générale  contre  l'organisation  actuelle  de  la 
Banque  d'Empire  venaient  s'en  ajouter  d'autres  qui  visaient  la  personne 
Ju  directeur  de  la  Banque  d'Empire,  M.  Koch,  défenseur  aussi  convaincu 
et  énergique  que  circonspect  du  monométallisme-or,  car  sa  présence  con- 
trariait en  effet  les  espérances  des  bimétallistes  et  voilà  pour  quel  motif 
ceux-ci  l'ont  toujours  attaqué  de  la  manière  la  plus  violente. 

Lorsque  fut  présenté  le  projet  de  loi   sur  la   Banque   d'Empire   les 
attaques  des  agrariens  et  des  bimétallistes  furent  appuyées  d'un  côté  par 


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ALLEMAGNE  6  1  7 

toute  une  véritable  littérature  de  pamphlets  agressifs  et,  d'autre  côté,  par 
une  bruyante  agitation  populaire  excitée  par  les  antisémistes  et  plus 
intense  que  jamais.  Le  mot  d'ordre  fut  dès  lors  :  établissement  du  mono- 
pole de  la  Banque  d'Empire.  Pendant  quelque  temps  il  sembla  que,  grâce 
à  leurs  relations  avec  le  gouvernement  et  à  Tinfluence  qu'ils  exercent  sur 
lui,  les  agrariens,  profitant  de  la  complaisance  avec  laquelle  le  gouverne- 
ment avait  accédé  jusqu'à  présent  à  leurs  exigences,  allaient  peut-être 
réussir  à  modifier  complètement  la  Banque  d'Empire  qui  paraissait  courir 
grand  danger  d'être  transformée  en  une  institution  agrarienne.  Mais,  dans 
cette  conjoncture,  le  vif  sentiment  de  la  responsabilité  qu'ils  encouraient 
l'emporta  chez  nos  gouvernants  sur  toutes  les  influences  agrariennes.  Per- 
sonne, pas  même  le  favori  des  agrariens,  M.  de  Miquel,  ministre  des 
Finances,  n'osa  livrer  un  assaut  qui  n'eût  pu  entraîner  que  la  ruine  de 
notre  situation  au  point  de  vue  financier  et  au  point  de  vue  de  l'étalon  mo- 
nétaire, situation  à  présent  excellente  et  que  la  Banque  d'Empire  perme 
seule  actuellement  de  maintenir  en  équilibre.  Gela  n'aurait  servi  en  effet 
qu'à  tenter  une  expérience  dont  rien  ne  permettait  de  prévoir  le  résultat. 
Aussi  le  gouvernement  usa-t-il  de  toute  son  autorité  pour  faire  passer  le 
projet  et  il  y  réussit  sans  beaucoup  de  peine,  car  les  libéraux  et  les  socia- 
listes même  prirent  chaudement  parti  pour  lui.  Le  projet  fut  voté  à  peu 
près  tel  qu'il  avait  été  présenté  ;  il  n'eut  à  subir  que  des  modifications 
sans  importance. 

Dans  le  domaine  de  la  politique  sociale  le  Reichstag  a  déjà  eu  dans  la 
partie  de  cette  session  déjà  écoulée  à  s'occuper  en  détail  d'un  projet 
important  qu'il  étudie  du  reste  encore  à  présent  :  il  s'agit  de  la  nouvelle 
loi  sur  les  assurances  pour  les  invalides  du  travail. 

Depuis  un  certain  nombre  d'années  se  multipliaient  les  plaintes  au  su- 
jet de  la  difficulté  que  l'on  rencontrait  dans  l'application  de  la  loi  sur  les 
assurances  pour  les  invalides  du  travail,  loi  dont  tous  les  partis  avaient  si 
bien  distingué  les  inconvénients  lorsqu'elle  fut  présentée  pour  la  première 
fois  au  Parlement  qu'il  fallut  toute  l'autorité  personnelle  du  prince  de 
Bismarck  pour  l'empêcher  d'être  repoussée.  On  avait  déjà  essayé  en  1897 
de  remédier  à  ses  principaux  inconvénients  au  moyen  d'un  amendement 
apporté  à  la  loi  déjà  existante,  mais  cela  n'avait  nullement  arrangé  les 
choses.  Actuellement  c'est  un  projet  de  loi  entièrement  nouveau  que  l'on 
présente  au  Reichstag  et  les  délibérations  dont  cette  loi  est  l'objet  n'ont  pas 
encore  pris  fin. 

Si  nous  faisons  abstraction  d'un  certain  nombre  de  détails,  nous  recon- 
naissons que,  dans  le  projet  de  loi  actuel,  il  s'agit  avant  tout  de  deux  mo- 
difications de  principe.  Tout  d'abord  il  est  question  d'égaliser  les  fortunes 
c'est-à-dire  de  réunir  ensemble  tous  les  biens  que  possèdent  les  diverses 
caisses  d'assurances.  L'assurance  contre  l'incapacité  au  travail  résultant 
de  la  vieillesse  est  organisée  de  la  façon  suivante  :  au  moment  où  la  loi  fut 
votée,  on  a  créé  environ  24  caisses  centrales  d'assurances  dont  chacune 
embrassait  à  peu  près  une  circonscription  administrative  (Bezirk).  On  y 
réunissait  les  contributions  des  patrons  et  des  ouvriers  de  la  circonscrip- 


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618  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARtEMEI«(TAIRE    A   l'ÉTRANGER 

tioii  ainsi  que  les  subventions  de  KEtat  et  tout  cela  était  adrainislré  à  la 
ft»<;on  d'un  cff pilai.  On  se  réglait  d'après  le  montant  de  ce  capital  pour 
fixer  le  chiffre  de  la  pension  à  aflribuer  soit  aux  vieillards,  soit  aux  inra- 
li  les  du  travail.  Mais  il  se  produit  ainsi  que  les  caisses  d'assurances  de  la 
Prusse  Orientale  et  de  la  Basse  Bavière  par  exemple,  ne  disposent  pas 
d'un  capital  suffisant  pour  garantir  le  chiffre  des  pensions  courantes,  tan- 
dis que  les  sociétés  de  Berlin  et  des  villies  hanséaliques  ont  un  capital 
infiniment  plus  élevé  qu*îl  n'est  besoin  pour  garantir  Pe  chiffre  des  pen- 
sions. Le  projet  du  gouvernement  fart  disparaître  cette  inégalité  de  la 
façon  "Suivante  :  chacune  des  caisses  d'assurances  continue  à  avoir  un  ca- 
pital qui  lui  appartient  en  propre,  mais,  à  côté  de  cela,  doit  être  constituée 
Une  caisse  commune  au  moyen  des  apports  des  caisses  tes  plus  riches,  et, 
grâce  à  l'aiJe  qu'elles  en  recevront,  ks  caisses  ^es  p!us  pauvres  seront 
délivrées  d'Une  partie  de  leurs  charges.  Par  exemple  la  carîsvse  beriinoise 
donnerait,  sur  les  45  millions  de  maries  qu'elle  possMe  27  mflNons  à  la 
caisse  commune.  Toutes  les  caisses  réunies  remettraient  en  somme,  sur 
les  747  millions  qu'elles  ont  acquis,  448  millions  à  la  caisse  commune  et 
elles  conserveraient  299  millions  comme  leur  propriété  particuh'ère. 

Eh  somme,  ÎI  s'agit  de  diminuer  les  charges  des  caisses  desservant  des 
districts  agricoles  aux  dépens  de  celPes  qui  sont  situées  dans  dfes  distincts 
pltttôt  îndustriefs,  et,  naturellement,  ce  projet  a  soulevé  une  très  vive  résis- 
tance chez  les  députés  qui  représentent  ces  dernières  circonscriptions.  Le 
projeta  du  reste  dans  son  ensemble  un  vague  caractère  socialiste  ;  il  implique 
upe  expropriation  et,  ne  Mt-ce  que  pour  ce  motif,  il  lui  sera  fort  difficile 
dé  réunir  au  Reichstag  une  majorité. 

Une  seconde  modification  d'une  importance  capitale  est  celle  qui  a  trait 
à  l'établissement  de  caisses  de  retraite  locafes.  Sous  la  direction  des  caisses 
de  chaque  province  doivent  être  établies  environ  1.000  caisses  de  retraite 
locales  qui  seront  gérées  par  un  seul  employé  nommé  par  la  direction  de 
la  caisse  provinciale.  Cet  employé  aurait  à  préparer  les  propositions  ten- 
dant à  accorder  ou  à  retirer  une  pension;  it  aurait  également  à  don- 
ner son  avis  sur  la  question  ;  il  exercerait  un  contrôle  sur  le  versement 
des  contributions  et  il  donnerait  des  renseignements  sur  les  accidenisqui 
ont  entraîné  l'incapacité  au  travail.  Cette  mesure  a  soulevé  dès  à  présent 
au  sein  de  la  commission  une  vive  résistance.  On  redoute  en  effet  et  sur- 
tout la  fraction  libérale,  qu'il  ne  résulte  de  ces  dispositions  nouvelles  une 
organisation  encore  plus  bureaucratique  que  celle  qui  existe  actuelle- 
ment, laquelle  cependant  est  déjà  fort  compliquée  et  empêtrée  dans  des 
paperasses  Inutiles. 

On  n'a  pu  achever  la  seconde  lecture  du  projet  de  ïoî  avant  les  vacances 
de  la  Pentecôte,  car  leKeichstag  semble  être  atteint  d'tme  incapacité  chro- 
nique de  prendre  une  décision  à  ce  sujet.  Quel  est  le  sort  définitivement 
réservé  au  projet  après  les  vacances  de  ?a  Pentecôte,  c'est  ce  qu'il  est  im- 
possible de  prévoir  avec  quelque  certitude,  car  toute  décision  dépend 
d'une  majorité  de  hasard  et,  par  là  même,  flottante.  Peut-être  sera-t-iî 
absolument  impossible  de  résoudre  la  question  au  cours  de  cette  session. 


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aussi  a-i-oo  <l^  proposé  de  ne  pas  prononcer  U  d^tnre  4e  k  session 
1899,  mais  de  ne  iâire  qu'ajourner  le  Paiiement  à  l'automne. 

Le  sens  dans  lequel  évolue  actuellement  la  politique  sociale  en  AUe- 
magne  a  été  indiqué  par  uue  discussion  d'un  caractère  purement  tiiéori^pie 
qui  a  eu  lieu  au  Reichstag  et  a  duré  4  jours.  L'ootasion  eu  a  été  fournie 
par  trois  projets  assez  anaiogœs  dont  les  libéraux»  les  nationaux -libéraux, 
et  le  centre  avaieni  pris  Tiniiiaiive  ei  dans  lesipiels  ils  demandaient  la 
création  de  Chambres  ouvrières,  c'est-4rdire  d'institutioni  anaUgues  aux 
Chambres  de  commerce  ié}k  existantes  depuis  de  nombreuses  années  et 
aux  Chambres  de  nétiers  réceonment  orées.  Cas  ehambres  ouvrières  aur 
raient  été  les  représentants  légaux  et  constitués  en  corps  des  intérêts  des 
ouvriers  industriels.  Les  partis  qui  présentaient  ces  pro.^ts  et  qui,  avec 
les  socialistes»  constitnent  les  trois  quarts  de  Tensamble  du  Reichstag, 
s'accordèrent  pour  résister  particulièrement  sur  le  point  suivant.  Jamaia, 
disent-ils,  on  n'arrivera  à  une  entente  entre  les  diverses  classes  sociales 
si  l'on  ne  respeeie  le  droit  qu'a  l'ouvrier  de  faire  JbLbreinent  son  ckoix  ti 
si  on  ne  lui  reconnaît  pas  au  point  de  vue  légal  des  droits  identiques  à 
ceux  du  patron»  Mais  c'est  justement  là  le  nseud  de  la  question,  car  le 
groupe  d'bomsaes  politiques  peu  nombreux,  miais  fort  influent,  que  diriçe 
le  baron  de  Sturra,  fait  k  ce  projet  une  opposition  violente.  Les  expériences 
ne  leur  ont  rien  appris,  car,  s'ils  veulent  bien  que  l'on  fasse  preuve  de 
sollicitude  à  l'égard  des  classes  ouvrières  au  point  de  vue  politique  et 
social,  ce  doit  être  uniquement^  suivant  eux^  d'une  manière  patriarcale, 
c'est*à*dire  que  cette  soUicitude  ne  doit  dépendre  que  de  U  bonne  volonté 
du  patron.  Par  suite  ils  ne  voient  aujourd'hui  encore  dans  toutes  les  ten* 
tatives  qui  dépassent  leurs  concessions,  et,  eo  particulier,  dans  les  théories 
socialistes,  que  de  simples  «  égarements  »  pirorenant  d'une  agitation  sub*- 
versive  et  que  l'Etat  devra  combattre,  le  jour  où  cela  sera  nécessaire,  en 
osant  d'une  sévérité  draconienne  et  en  ayant  recours  à  la  force  brutale. 
Or,  grâce  à  l'influQUce  considérable  qu  exerce  le  baron  de  Sturm,  et,  en 
particulier,  sur  la  personne  de  TEmpereur,  cette  manière  de  voir  est 
presque  devenue  actu«lleflieni  celle  du  gouvernement 

U  est  juste  de  dire  qu'elle  n'est  devenu»  que  presque  officielle.  C'est-là 
en  effet  une  opinion  si  eiUéme  et  si  grosse  de  dangers  que  le  gouverna 
ment  actuel  lui^méoM  hésite  très  fortement  à  l'adopter  jusqu'au  bout.  Ge 
qui  le  prouve,  c'est  aussi  le  sort  réservé  au  projet  de  loi  dit  projet  relatif 
aux  maisons  de  correction,  et  qui  avait  été  annoncé  dans  des  circons- 
tances absolument  sensationnelles.  En  septembre  dernier,  dans  un  discours 
prononcé  à  Aymhausen  au  cours  des  manœuvres,  l'Empereur  avait  annoncé 
que  ce  projet  était  destiné  à  protéger  le  «  droit  au  travail  »,  mais,  comme 
on  le  vit  bientôt  d'après  les  commentaires  ofûcieux,  il  ne  s'agissait  de  rien 
moins  que  de  retirer  en  fait  aux  ouvriers  le  droit  de  coalition.  Depuis 
environ  six  mois  E  se  répand  de  temps  en  temps  dans  le  publie  la  nou- 
velle que  le  Conseil  fëdiéral  a  d^à  discuté  le  projet  dans  tous  ses  détails 
et  qu'il  sera  déposé  au  Reicfastag  «  avant  peu  n.  Mais  jusqu  i  présent,  par 
conséquent  jusqu'à  ia  Pentecôte,  on  n'a  encore  non  vu  venir.  On  co■l^ 


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620  LA    VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A   L^ÉTRANGEK 

prend  que  le  gouvernement  hésite  en  présence  de  Tagilation  profonde  qni 
s'est  emparée  de  toute  la  population  ouvrière  de  TAllemagne  dès  qu'on  a 
annoncé  le  projet  en  question.  Il  ne  doit  pas  non  plus  oublier  qu'un 
projet  de  ce  genre  ne  parviendrait  pas,  selon  toute  vraisemblance,  à 
réunir  une  majorité  au  Reichstag.  En  tous  cas  si  ce  projet  devait  être  pré- 
senté tel  qu'il  a  été  annoncé  par  l'Empereur  et  si  on  lui  prête  ensuite 
l'esprit  que  veut  y  introduire  le  baron  de  Sturm,  on  aboutirait  nécessaire- 
ment à  une  crise  intérieure  des  plus  graves. 

Parmi  les  divers  projets  de  loi  discutés  au  Reichstag  celui  qui  concerne 
Ses  postes  et  télégraphes  mérite  d'être  mentionné.  Il  vise  à  rendre  complet 
et  absolu  le  monopole  de  la  poste  impériale,  monopole  restreint  actuelle- 
ment par  le  droit  qu'ont  des  postes  privées  de  faire  le  service  des  lettres 
dans  les  grandes  villes  et,  par  suite,  à  faire  supprimer  aux  postes  privées 
présentement  existantes  le  droit  en  question.  Dans  un  projet  présenté 
autrefois  au  Parlement,  on  avait  essayé  de  faire  de  cette  mesure  l'objet 
d'un  simple  décret  sans  avoir  égard  aux  nombreux  intérêts  qui  se  trou- 
vaient lésés  par  là  même  et  aux  existences  que  l'on  allait  briser.  Mais  le 
Reichstag  a  obligé  M.  de  Padbielski,  secrétaire  d'Etat  des  postes  et  télé- 
graphes, à  accorder  aux  postes  privées  et  à  leurs  employés  de  larges 
compensations,  pour  ceux  du  moins  qui  ne  passent  pas  tout  amplement 
au  service  de  l'Etat. 

Il  s'agit  en  outre  dans  ce  projet  de  loi  d'importantes  modifications  à 
apporter  aux  tarifs,  en  particulier,  aux  taxes  d'affranchissement  pour  les 
journaux  qui  seraient  calculées  désormais  d'après  le  poids  et  non  plus 
d'après  le  prix  de  l'abonnement.  D'autre  part,  on  porterait  de  15  à  20  gram- 
mes le  poids  maximum  autorisé  pour  une  lettre  ordinaire.  EnOn  il  y  a  un 
projet  spécial  se  rattachant  au  premier  et  établissant  un  règlement  uni- 
forme pour  les  téléphones  de  l'Empire. 

Parmi  les  travaux  législatifs  du  Landtag  de  Prusse,  leplus  important  et 
le  plus  intéressant  au  point  de  vue  politique  est  le  projet  de  loi  relatif  à 
la  construction   d'un   canal.  Il  s'agit  de  construire  un  vaste  canal  cen- 
tral qui  coûterait  environ  250  millions  de  marks,  mais  réunirait  les  trois 
grands  fleuves  de  la  partie  occidentale  de  la  monarchie  prussienne  :  le 
Rhin,  la  Weser  et  l'Elbe.  Gomme  les  fleuves  de  la  partie  orientale  :  l'Oder 
et  la  Weichsel  sont  déjà  réunis  à  l'Elbe  au  moyen  de  canaux  navigables, 
on  établirait  ainsi  une  vaste  voie  de  navigation  qui  traverserait  toute  la 
Prusse  de  l'ouest  à  Test;  mais  ce  projet  se  heurte  de  divers  côtés  à  une 
vive  résistance.  D'une  part,  c'est  l'industrie  silésienne  qui  craint  que  les 
transports  bon  marché  par  eau  ne  laissent  affluer  vers  l'est  de  l'Allemagne 
les  produits  industriels  de  la  vallée  du  Rhin  inférieur  ainsi  que  les  charbons 
de  la  vallée  de  la  Ruhr  et  que  l'industrie  locale  ne  se  trouve  par  là  même 
éliminée  du  marché.  Les  agrariens  n'opposent  pas  une  moins  vive  résis- 
tance :  à  leur  avis  le  canal  central  faciliterait  l'importation  des  blés  étran- 
gers, ferait  baisser  le  prix  du  blé  en  Allemagne  et  porterait  ainsi  à  l'agri- 
culture un  grave  préjudice.  Or  les  agrariens  appartenant  au  parti  conser- 
vateur ou  au  parti   du  centre,  en  s'unissant  avec  les  représentants  des 


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ALLEMAGNE  621 

intérêts  de  rindastrie  silésienne,  réunissent  à  la  Chambre  des  députés  une 
forte  majorité  et  ainsi  s'explique  que,  en  dépit  de  Tattitude  résolue  des 
représentants  du  gouvernement,  le  projet  de  construction  du  canal  en 
question  ait  été  rejetée  par  la  Commission.  Il  est  impossible  de  prévoir  le 
sort  définitivement  réservé  à  ce  projet  après  la  Pentecôte.  Il  ne  s'agit  pas 
seulement  ici  de  considérations  d'ordre  purement  économique,  mais  de 
questions  générales  de  politique  intérieure  et,  en  particulier,  du  caractère 
que  vont  prendre  les  rapports  entre  le  gouvernement  et  les  agrariens.  Le 
gouvernement  ne  peut  pas  abandonner  tout  simplement  un  projet  pour 
lequel  il  s'est  déjà  engagé  et  a  mis  en  jeu  toute  son  autorité  et  en  faveur 
duquel  l'empereur  est  déjà  intervenu  personnellement.  D'aulre  part,  dis- 
soudre la  Chambre  des  députés  à  ce  propos  ce  serait  déclarer  la  guerre  aux 
agrariens  et  aux  conservateurs  qui,  du  reste,  ne  font  à  peu  près  qu'un  sur 
cette  question.  Or,  c'est  sur  ces  deux  partis  que  le  gouvernement  s'appuie 
pour  tout  le  reste  de  la  politique  :  un  décret  de  dissolution  équivaudrait 
donc  à  une  transformation  radicale  de  sa  politique  intérieure. 

La  troisième  solution  possible  serait  que  le  gouvernement  exerçât  une 
pression  formidable  afin  de  s'assurer,  grâce  aux  conservateurs  gouverne- 
mentaux, une  faible  majorité  en  faveur  du  projet.  Mais  cela  réussirait-il  ? 

En  tous  cas,  le  sort  que  subira  ce  projet  aura  une  importance  considé- 
rable au  point  de  vue  de  l'orientation  future  de  notre  politique  intérieure, 
surtout  si  l'on  songe  au  prochain  renouvellement  des  traités  de  commerce 
pour  lesquels  le  caractère  des  rapports  du  gouvernement  avec  le  parti 
agrarien  jouera  un  rôle  décisif. 

Le  Landtag  de  Prusse  s'est  de  plus  occupés,  ainsi  que  tous  les  Landtags 
d'Allemagne  au  cours  de  la  présente  session,  des  lois  d'introduction 
devant  figurer  dans  le  Code  civil.  Il  s'agit  là,  en  partie,  de  travaux  juri- 
diques aussi  compliqués  que  difficiles  et  ils  sont  même  si  peu  avancés  que 
Ton  a  déjà  discuté  une  proposition  tendant  à  reculer  encore  d  une  année, 
c'est-à-dire  à  ajourner  jusqu'au! «'janvier  J901  le  commencement  des  tra- 
vaux destinés  à  la  promulgation  du  nouveau  Code  civil.  On  faisait  valoir 
comme  argument  que  c^est  seulement  à  cette  date  que  commence  le 
XX*  siècle,  à  lavis,  du  moins,  du  monde  scientifique.  Mais  il  ne  semble 
pas  que  cette  proposition,  qui  contient  implicitement  un  aveu  d'impuis- 
sance, ait  pour  le  moment  la  moindre  chance  d'être  adoptée. 

Dans  les  débats  du  Landtag,  la  question  des  rapports  du  gouvernement 
avec  la  ville  de  Berlin  a  joué  à  plusieurs  reprises  un  rôle  aussi  important 
que  les  expulsions  du  Nord  du  Schleswig  dont  nous  avons  d-éjà  parlé  pré- 
cédemment. Il  s'agit  là  d'un  coi^it  qui,  sur  certains  points  tout  à  fait  dif- 
férents, est  déjà  même  engagé/  Sur  la  majorité  des  questions  soulevées  à 
ce  sujet  il  n'y  a  encore  qu'un  confiit  latent,  mais  qui  peut  très  rapide- 
ment devenir  aigu.  Ce  conflit  a  pour  point  de  départ  la  célébration  du 
50«  anniversaire  de  la  Révolution  de  mars  1848  et  la  décision  adoptée  à  ce 
sujet  l'année  dernière  par  le  maire  et  la  municipalité  de  Berlin  :  les  tombes 
des  victimes  de  mars  1848  doivent  être  remises  en  état  et  entretenues  avec 
tout  le  soin  convenable.  Le  portail  de  l'entrée  du  cimetière  devait  rece- 


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622  LA    VIE    POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

Toir  une  grille  en  fer  forgé  avec  cette  insci-iptÂoii  :  Cimetière  desTictimes 
de  mars  1848. 

Mais  le  GouverDement^  ou  du  moins  certains  milieux  influents,  consi- 
dérèrent cette  inscriptiou  comme  une  apologie  de  la  Révolution  et  voilà 
comment  la  police  chargée  d'autoriser  les  constructions  n'a  pas  encore  au- 
torisé à  rheure  qu'il  est,,  après  plus  d'une  année  écoulée,  la  pose  de  cette 
grille  en  fer  forgé.  Bien  plus,  ou  a  profité  de  cette  occasion  pour  ne  pas 
encore  notiOer  au  maire  adjoint  de  Berlin,  qui  a  été  maire  prrnci|Mil  il  y 
a  bientôt  un  an,  si  le  roi  consentait  à  ratiûer  sa  nomination  ainsi  que 
Texige  la  Constitution.  De  plus,  le  Gouvernement  a  tenXé  à  plusieurs  re* 
prises  d'empiéter  sur  le  droit  dont  jouit  la  ville  de  s'administrer  elle-même, 
et  cela  particulièrement  en  ce  qui  touche  aux  écoles  municipales.  Tout 
ceci  a  provoqué  chez  la  population  berlinoise  qui,  au  point  de  vue  poli- 
tique est  franchement  libérale  et  même  en  bonne  partie  socialiste,  un 
extrême  mécontentement.  On  suppose  de  plusieurs  cdiés  q^ue  les  milieux 
gouvenieraeutaux  font  tout  pour  amener  un  conflit  avec  la  ville  de  Berlin 
et  que  c'est  en  vue  d'arriver  à  ce  résultat  qu'ils  profitentdes  moindres  oc- 
casions, même  des  plus  mesquines^  Quoiqu'il  en  soit,  il  y  a  dès  à  présent 
assez  de  sujets  de  conflit  pour  que  cette  question  puisse  être  appelée  plus 
tard  à  jouer  un  rôle  important  dans  notre  politique  intérieure.. 

2"  Lois  en  [préparaiioxu 
EMPras 

1.  Invalides  du  travail.  —  Projet  d'une  loi  sur  les  assurances  en  leur  Tavear 
(imprimés  du  Reichstag,  n*  9B  du  19  janvier  1899.) 

2.  Posseaseurs  de  reconnaisaaneea  de  dettea.  —  Projet  d'une  loi  concei^ 
nant  leurs  droits  communs  (n*  105  du  3  février).  —  Il  s'agit  de  rendre  possible 
au  point  de  vue  légal  la  création  d'organisations  chargées  d'établir  les  droits 
communs  des  possesseurs  de  reconnaissances  de  dettes. 

3.  Banques  hypothécaires.  ~  Projet  de  loi  (n«  108  do  3  février).  —  Pre- 
mier essai  tenté  par  l'admiAlsteation  impériale  ea  vue  d'une  fixation  juridique 
complète  des  banques  hypothécaires. 

4.  Code  de  procédure  civile.  —  Projet  de  loi  concernant  les  modiflcations 
à  y  apporter,  ainsi  qu'au  code  de  procédure  criminelle  et  les  peines  à  inflijrer 
pour  fausses  dépositions  n'ayant  pas  été  faites  sons  la  fot  du  serment  (n»  lt)64a 
3  février).  —  U  s'agit  ici  surtout,  conformément  à  plusieurs  propositioas  dont  le 
Reichstag  a  pris  l'initiative,  de  remplacer,  dans  ce  projet  émanant  du  gouverne- 
ment, le  serment  préalable  par  un  serment  ultérieur  à  la  déposition;  de  limiter 
le  nombre  des  dépositions  faites  sous  la  foi  du  serment  et  des  fausses  dépositions 
faites  devant  les  tribunaux  sans  avoir  prêté  serment. 

5w  Code  pénaL  —  Loi  concernant  les  modifications  et  les  Qom(»léments  à  y 
apporter  (n^  112  du  3  février).  —  Le  projet  du  guuvernement  est  conçu  dans  le 
môme  esprit  que  la  «  lex  Ileintre  »  (Cf.  la  Chronique  de  janvier). 

6.  Régime  postal.  — -  Loi  concerpant  les  modifications  à  apporter  à  ccrlarnes 
de  ses  disposition»  (n"  116  dw  6.  février). 

7.  Bétail.  —  Loi  concernant  le  bétail  destiné  àrabattoiret  rinspection  de  la 
viande   (n»  138  du  17  février). 

8.  Règlements  qui  régissent  le  travail.  —  Loi  concernant  les  modifications 
à  y  apporter  (n»  165  du  2  mars).  —  Il  s'agit  surtout  de  certaines  prescriptions 
relatives  au  fonctionnement  des  bureaux  de  placement  et  à  Remploi  de  commis- 
saire-piiseur,  à  l'adoption  des  carnets  indiquant  les  salaires  et  de  biUets  de  tra- 


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Tail,  et  enfin  aux  conditions  dans  lesquelles  pensent  être  employés  comme  yen- 
deurs  des  aides,  des  apprentis  ou  des  ouvriers. 

9.  Tranonissions  télégraphiqnes.  —  Loi  (n*»  170  du  10  mars). 

10.  Droit  de  p«viUott.  —  Loi  relative  au  droit  de  paviflon  des  navires  appar- 
tenant à  la  marine  marebanëe  (m^  179  du  10  mars). 

11.  Canal  de  l'Empereur  Gwillaunve.  — >  Loi  fixant  le  tarif  du  passage  dans 
ce  canal  (n^  250  du  27  avril). 

12.  InTalides.  —  Loi  sur  l'affectation  des  fonds  appartenant  à  la  caisse  impé- 
riale pour  les  invalides  (n*  249  du  4  mai).  ~  II  s'agit  d'augmenter  la  pension  de 
certaines  catégories  de  vétérans  invalides. 

13.  Dettes  de  l'Empire.  —Projet  d'une  réglementation  de  ces  dettes  (n»  268 
du.  4  mai). 

14.  Budget.  —  Annexes  à  la  loi  du  budget  (n*"  292  et  298  du  12  mai). 

3<>  Lois  votées* 

Empirb 

1 .  AJbace-Liorraiiie.  -*-  Loi  budgétaire  pour  FAIsaoe-Lorraint  et  les  colonies 
{Bulletin  des  Lois  de  VEmpire,  n»  6  du  27  février  1899;. 

2.  Tarif  douanier.  —  Loi  relative  à  la  transformation  de  ce  tarif  douajiier 
(n*?  du  6  mars).  —  Les  droits  sur  la  soie  brute  et  la  soie  non  façonnée  sont 
fixés  à  300  marks  par  190  kilogs. 

3.  Sénat  particnllMr  à  U  BaTière.  —  Loi  relative  k  sa  eonsUtation  auprès 
du  tribunal  militaire  de  TEmpire  à  Berlin  (do  8  du  9  mars).  —  L'adoption  de 
cette  loi  a  permis  de  concilier  ce  qu'on  appelle  les  droits  de  réserve  de  la  Bavière 
avec  Tunité  que  doit  avoir  la  juridiction  militaire  fCf.  la  Chronique  de  janvier). 

4.  Loi  budgétaire  pour  rÊmpire  allemand  (n*  10  du  25  mars).  —  Les  dé^ 
pensés  et  les  recettes  se  fo«i  équilibre  avec  «n  cbiffre  de  1.551.709.399  marks. 

Sur  les  dépenses  sont  affectés  ;  1.300.309.853  marks  aux  dépenses  ordinaires; 
163.010  958  marks  aux  dépenses  extraordinaires  du  budget  ordinaire; 
88.388.588  marks  aux  déprenses  extraordinaires  du  budget  supplémentaire. 

B.  Emprunt.  —  Loi  autorisant  un  emprunt  (n*»  10  du  25  mars).  —  H  s'agit 
d'wn  emprunt  de  Î^.C98.588  marks  pour  Tarmée  impériale,  la  marine  et  les  che- 
mins de  1er  de  l'Espire. 

6.  Excédents  daa  recettes  de  l'EUnpire.  —  Loi  sur  leur  affectation  à 
l'amortissement  de  la  dette  ;n<»  10  du  25  mars^.  —  Le  montant  de  cette  somme 
pour  l'exercice  1898  est  porté  de  130  millions  de  marks  à  172. 100.000  marks. 

7.  Bfféctifa  préaenta.  —  Loi  relative  à  ces  effectifs  en  temps  de  paix  dans 
raxmée  allemaod*  (bT  11  du  25  mars),  el  loi  eoncemaat  les  modifications  à 
apporter  à  la  loi  militaire  de  l'Empire,  ibid.  \ voyez  plus  haut]. 

Prusse 

1.  Loi  budgétaire.  —  [Bulletin  des  Lois  des  Etats  de  Prusse,  Ti9  9  du  27  mars). 
Le  budget  s'écfuilibre.  Recettes  et  dépenses  se  montent  à  ?.32d.284.098  marks. 
Les  dépenses  se  répartissent  comme  il  suit  :  2.187.1&4.288  marks  pour  dépenses 
ordinaires;  139.120.410  marks  pour  dépenses  extraordinaires. 


11.  —  SUISSE 

Par  M.  NuMA.  DROZ,  Ancien  Président  de  la  Confédération  Suisse, 

1»  Oliromqae  politique  et  parlementaire. 

Peuple  sage,  uous  le  fûmes,  le  souuneA-noos  encore  autant?  A  voir 
Tardeur  de  dépense  qui  s'est  emparée  de  noua  et  qui  nous  enlraix>e  dans 


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624  LA   VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

une  course  rapide  vers  le  déficit  chronique,  on  pourrait  en  douter.  Les 
gens  qui  sont  dans  un  train  lancé  à  toute  vapeur  trouvent  en  général  du 
charme  à  marcher  si  vite,  mais  ceux  qui  se  rendent  compte  que  le  méca- 
nicien n'a  peut-être  plus  sa  machine  en  main  tremblent  à  la  pensée  du 
déraillement  probable.  Si  le  mécanincien  ne  sait  pas  ralentir  Taliure 
pour  rentrer  peu  à  peu  dans  la  marche  normale,  un  moment  arrive  où  le 
poids  du  train  s'y  oppose.  Avons-nous  déjà  dépassé  en  Suisse  ce  point 
critique?  Non,  certainement,  mais  bien  des  raisons  me  font  croire  que 
nous  y  touchons. 

Peu  de  jours  avant  le  nouvel  an,  un  de  nos  économistes  suisses  les  plus 
éminents  m'envoyait  un  travail  très  documenté  sur  notre  politique  doua- 
nière et  financière.!!  m'écrivait  à  peu  près  ceci  :  «  Vous  voyez  comme  ce 
travail  vous  donne  raison,  mais  je  vous  prie  de  le  garder  secret  pour  ne 
pas  révéler  une  situation  qui  devient  inquiétante.  »  Je  lui  répondis  en 
substance  :  «  Je  garderai  le  secret  sur  votre  communication  puisque  vous 
le  demandez,  mais  je  crois  qu'il  serait  plutôt  dans  l'intérêt  du  pays  de  pu- 
blier ces  choses.  Gomment  sans  cela  ouvrir  les  yeux  aux  gens?  Le  vrai  pa- 
triotisme consiste  à  avoir  le  courage  de  parler  en  temps  utile.  > 

G*est  à  cette  conviction  que  j'obéis  en  exposant  pourquoi  j'estime  que 
nous  marchons  trop  vite  et  pourquoi  je  suis  convaincu  que  si  l'on  n'a  pas 
le  courage  et  la  force  de  ralentir  le  mouvement,  nous  aboutirons  à  une 
situation  très  fâcheuse  pour  l'indépendance  économique  de  notre  pays. 


D'abord  au  point  de  vue  fédéral.  Dans  les  quinze  dernières  années,  sans 
qu'aucune  revision  constitutionnelle  importante  se  soit  produite,  ou  sans 
que,  comme  c'est  le  cas  pour  l'assurance  obligatoire  et  la  banque  cen- 
trale, cette  revision  ait  pu  encore  déployer  ses  effets,  —  en  d'autres 
termes  sans  que  les  cantons  aient  cédé  au  pouvoir  central  une  part  no- 
table de  leur  souveraineté  avec  l'accroissement  de  charges  correspondant, 
—  les  dépenses  fédérales  ont  plus  que  doublé.  Voici  les  chiffres  à  l'appui  : 

1885  i89l  1899  (budget) 

46.278.636  fr.  73.012.238  fr.  98.606.145  fr. 

De  leur  côté,  les  recettes  ont  suivi  la  marche  ascendante  que  voici  : 

iS85  1891  1899  (budget) 

48.392.697  fr.  69.041.928  fr.  96.525.000  fr. 

J'ai  pris  1891  comme  terme  moyen  de  comparaison,  parce  que  c'est 
l'année  qui  a  précédé  l'entrée  en  vigueur  du  nouveau  laiif  douanier,  dont 
nous  allons  voir  les  effets  sur  la  politique  fédérale. 

La  rupture  de  l'équilibre  financier  que  révèle  l'année  1891  et  qui  devait  se 
prolonger  encore  sur  dfeux  exercices  (1892  :  recettes  75.961.135  fr.;  dépen- 
ses 86.246,942  fr.;~  1893  :  recettes 78.226.256  fr.;  dépenses  86.301.439 fr.) 
provenait  essentiellement,  on  peut  dire  uniquement,  de  l'augmentation 
passagère  du  budget  militaire,  motivée  par  l'introduction  du  fusil  petit 
calibre  et  par  les  travaux  de  fortification.  En  voici  la  preuve  : 


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SUISSE 


625 


llfO 


21.578.442  fr. 


Dépenses  militaires, 

1891  1892 


1893 


25.204.474  fr.        36.152.149  fr.        32.320.076  fr. 

1894  1895 

24.780.828  fr.       23.012.361  fr. 

Ces  dépenses  extraordinaires  ont  servi  d*occasion  bienvenue  au  parti 
protectionniste  pour  demander  le  relèvement  des  tarifs.  Ju8qu*en  1891,  le 
produit  des  douanes  avait  été  de  : 


1885 21.191.434  ff. 

1886 22.395.167  — 

1887 24.632.285  — 

1888 26.086.144  — 


1889 27.636.051  fr. 

1890 31.258-296  — 

1891 31.5i3.324  — 


Comme  on  le  voit  par  ces  chiffres;  la  seule  marche  ascendante  régulière 
du  rendement  douanier  eût  suffi  pour  rétablir  l'équilibre  momentané- 
ment détruit  par  Taugmentation  passagère  des  dépenses  militaires.  Mais 
les  protectionnistes  ne  voulaient  pas  laisser  passer  cette  occasion  favorable 
de  jeter  le  cri  d'alarme.  Ils  réclamèrent  donc  des  tarifs  très  élevés  qui 
devaient  servir  à  double  fin  :  négocier  les  nouveaux  traités  de  commerce 
et  remplir  la  caisse  fédérale  de  manière,  disait-on,  qu'il  restât  un  rende- 
ment net  de  33  à  35  millions.  Eu  vain  quelques  voix  courageuses  s'élevè- 
rent dans  les  Chambres  et  dans  le  pays  pour  combattre  ces  relèvements 
exagérés.  Les  opposants  furent  taxés  de  mauvais  patriotes,  et  le  tarif  géné- 
ral triompha  dans  la  votation  populaire  du  iS  octobre  1891  par  220.004  voix 
contre  158.934. 

Voici  les  recettes  encaissées  dès  lors  : 


1892 36.032.733  francs. 

1893 38.378.517      — 

189^1 41.200.681      — 

1895 43.279.726      — 


1896 46.269.225  francs. 

1897 47.898.510      — 

1898 48.807.512      — 

1899 47.500.000     —    (budget). 


C'est  ainsi  que  d'un  peuple  qui  fut  longtemps  à  peu  près  libre  échan- 
giste, nous  sommes  devenus,  avec  l'Espagne,  celui  d'Europe  le  plus  lourde- 
ment imposé  sous  le  rapport  douanier,  comme  en  font  preuve  les  chiffres 
suivants  : 

Produits  des  douanes  PopuliUon  Par  i6te 


Allemagne 

Autriche-Hongrie. 

France 

Italie 

Espagne 

Russie 

Suisse 


500.805.000  fr. 
109  342.000  — 
460.845.000  — 
245.000.000  — 
306.r/3.000  - 
677. 040.000  — 
48.807.000  — 


(1) 
(2) 
(3) 
(4) 
(5} 
(6) 

a) 


52.279.901 
41.384.956 
38.519.975 
31  479.217 
17.565.632 
123.931.827 
3.000.000 


9fr.  60 

2  —  50 
11  —  90 

7—70 
17-    » 

5—  » 
16-25 


(1)  Budget  de  l'Empire  pour  1898-99. 
(2-3)  Budget  pour  1898. 
(4-5)  Budget  pour  1899. 

(6)  Budget  pour  1898. 

(7)  Comptes  pour  1898. 


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«Î6  LA    VIE   POLITIQUE  ET   PABLEMENTAIRE   A    LÉTRANGEh 


Qu'avons-nous  fait  de  tout  cet  argent  qui,  comme  un  >Tai  Pactole,  s'est 
mis  à  couler,  pendant  les  sept  dernières  années,  dans  la  caisse  fédérale? 

Nous  avons  déjà'  dit  qu'aaeane  grosse  occasion  de  dépense,  résultant 
d'une  révision  constitutionnelle,  ne  s*était  présentée.  On  a  donc  dépensé 
davantage  pour  les  mêmes  buts.  Deux  rubriques  ont  principalement 
abKirb^  ces  énoroies  mieox-valuefi  : 

i  o  L^augmenlatioa  des  traitements  et  aassi  éa  nombre  des  fonciteiiiiaires 
«t  employés; 

2o  Les  subventions. 

Voici  des  tableaux  qui  montreat  ce  qui  a  été  Cait  sous  ce  do«iMe  rap- 
port : 

I .  —  Traitements. 

{Bemargue  essetUieUe.  —  Des  remaAiements  s'étaat  ]^od«its  4  diverses 
reprises  dans  la  composition  des  départements,  les  chiffres  cemparatifs 
ci-^iessouâ  n'ont  pas  «n  caractère  absolu,  ce  qui  a'empôcbe  pas  l'easeuble 
d'être  généralement  juste.) 

!foiiibre  d'employés  TraîtMMnts 

1885      1891      1899  1885  1894  1699 

CkanoeUerie  fédéra^..  21  21  U  lOSt.dÛO  109.309  146.100 

Département  poUtique.  2  2  12  9.600  d.8û0  d2.400 
Intérieur    et    Travaux 

publics 24  40  110  120.800  195.000  339.800 

Justice  et  Police 7  17  51  26.600  56.200  230.«00 

MiUtaire 408  436  506  I.^IO.OM  2.700.000  1.815.000 

Finances  et    douanes  : 

«"SSsTm^nU. '!':';'  ^      s»     ^J,i,îl.205.<«0  1.745.000  2.e«).000 
Commerce   et  Agricul- 

toTC 28      i06(2)  136  (po8l«»)    138.O00  295.000  430.000 

Postes  et  Télégraphes  : 

administraUon  centrale  58       92      131(télég.)  8.750.000  13.700.000  20.ri0  000 

arrondissements 2.120  3.430  6.160(3)      1.630.000  2.390.000  3.945.000 

Chemins  de  fer « W ^               9».tQQ  168.305  391.400 

3.098  4.665  8.180    Fr.13.291.700  21.?68.6C0  31  019.500 

H  n'est  pas  possible  de  se  rendre  un  compte  exact  par  ce  taMesu  des 
augmentations  de  traitement  qui  ont  eu  lies,  car  le  nembre  des  petits 
fonctionnaires  postaux  et  télégraphiques  a  été  considérablement  aug- 
menté d'une  période  à  Tautre,  ce  qui  £ait  baisser  la  moyenne  des  traite- 
ments. Mais  le  Conseil  fédéral  lui-même  reeoniMit  dcms  son  mosnege  pour 
le  budget  de  1899,  que  c'est  la  nouvelle  K»i  sur  les  traitements  qm  «bsorbe 
les  excédents  de  recettes. 

(1)  Non  compris  les  gardes  frontière. 
{2}  Y  compris  les  vétérinaires. 

(3)  Non  compris  les  facteurs  et  les  conducteurs;  les  contre-maTtr^s,  ourriers, 
palefreniers,  etc.,  des  diverses  régies  ne  figurent  pas  non  phis  decms  ce  tableau. 


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suisse  627 

Ce  déTeloppement  colossal  du  personnel,  joint  à  Tangnienfation  des 
traitements,  a  en  ponr  conséquence  qne  le  coefficient  d'exploitation  de 
nos  services  publics  s'est  élevé  dans  une  proportion  notable.  Pour  prendre 
deux  des  principaux  services  productifs,  les  postes  et  les  télégraphes,  voici 
des  données  caracléristiqnes  : 

Postes. 
RecflUcs  brutet  Piodmii  net       CMfBcicnl  d'exploitation 

ÎS85 «.«M. 64«  francs-         1.508.13e  francs.         810/0 

1891 S5.37L.tD9     —  1.688.897      —  93  0/0 

1899 32.499.000      —  566.000      —  98  0/0 

Ici,  la  diminution  relative  et  même  absohie,  si  alarmante  pour  1899,  du 
produit  net,  est  due  avant  tout  à  l'élévation  du  total  des  traitements,  compa- 
ratifement  aux  recettes  èmtes,  ainsi  que  les  ckiffres  suivants  l'établissent  : 

18S5 8. TjO. 065  francs.  coefficient 58  0/0 

1891 12.d44.'284     —  —        A    4T  0/0 

18W ^.lîa^ÛO     —  -        62  0/0 

Télégraphes  et  téléphones. 
Receltes  brutes  Produit  net     Coefficient  d'exploitation 

1885 1^«8afa.604  francs.  217.792  francs.  93  0/0 

1891 4.387.796      —  860.537       —  80  0/0 

3899 9.484.000      —  o  —  100  0/0 

Ici,  également,  l'élévation  du  chiffre  total  des  traitements  joue  lu  rôle 
considérable  sur  l'absorption  du  rendement  net  ;  mais  la  proportion  des 
dépenses  pour  traitements  avec  les  autres  dépenses  est  moins  frappante 
que  pour  les  postes,  à  cause  des  sommes  énormes  dépensées  poor  l'instal- 
lation des  téléphones.  On  peut  du  reste  établir  cette  proportion. 

Ainsi  en  1885,  on  dépensait  : 

Pour  construction  et  entretien  des  lignes  télégraphiques....  170.1^  francs 

—  —      téléphoniques 171.210      — 

Pour  appareils  télé^aphiques 3.222     — 

—         téléphoniques llt,4<9      — 

Plus  intérêt  de  l'inventaire 48.233     — 

500.2M  francs 

tandis  que,  pour  1999,  ces  dépenses  représentent  ensemble,  y  compris  les 
intérêts  et  l'amortissemment  du  compte  ée  construction,  4.886.600  francs. 
Si  l'on  défalque  de  part  et  d'autre  ces  deux  chiffres  du  total  des  dépenses,* 
on  arrive  aux  résultats  suivants  : 

i«85-. 2.655.S12  francs.       500.246  francs-      2.155.566  francs. 

1899 9.484.000      —         4.486.680      —  4.597.400      — 

Par  conséquent,  les  trai^evienls  ayant  ^té  en  1985  de  1.630.S8i  francs, 
1b  coefficient  d'exploîtatikm  était,  sous  ce  rapport,  de  7S^  p.  iOd  ;  pour  1899, 
avec  3.97S.0M francs  4e  traitement,  ie  ooefficîent  monte  4  86  p.  100. 


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628  LÀ    VIE  POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   A   L  ÉTRANGER 

Encore  une  fois,  je  ne  prétends  pas  donner  à  ces  comparaisons  une  valeur 
absolue,  mais  elles  servent  à  établir  une  des  causes  essentielles  de  la 
rupture  de  notre  équilibre  financier. 

C'est  un  phénomène  caractéristique  que  celui  qui  se  produit  dans  un 
pays  voué  à  Tétatisme  :  le  fonctionnaire  arrive  à  considérer  le  service 
qu'il  gère  comme  son  domaine,  dont  tous  les  fruits  doivent  lui  appartenir. 
Le  service  est  là  pour  le  fonctionnaire,  non  le  fonctionnaire  pour  le  service. 
Le  public  n'est  plus  considéré  que  comme  matière  exploitable;  si  on  lui 
accorde  des  faveurs,  ce  n'est  pas  dans  son  intérêt,  mais  dans  celui  de 
l'administration,  c'est-à-dire  du  fonctionnaire  qui  espère  retirer  davantage. 

SUBVE^ITIONS. 

Certainement  que  le  public,  surtout  dans  une  démocratie  comme  la  nôtre, 
ue  manquerait  pas  de  réclamer  vivement,  par  ses  organes  naturels,  qui 
sont  en  premier  lieu  les  députés  et  aussi  les  autorités  cantonales,  contre 
les  prétentions  du  fonctionnarisme,  si  Ton  n'avait  pris  soin  de  fermer  la 
bouche  à  ces  organes  en  les  comblant  à  leur  tour  de  faveurs  budgétaires. 
Les  chiffres  que  voici  parlent  éloquemment.  Ils  montrent  comment  l'admi- 
nistration a  su  gagner  la  connivence  non  seulement  des  députés  et  des 
autorités  cantonales,  mais  des  gros  bonnets  de  l'agriculture  et  de  Tindus- 
trie,  de  ceux  qui  font  la  pluie  et  le  beau  temps  dans  les  régions  popu- 
laires et  qui,  une  fois  satisfaits,  sont  portés  à  envisager  que  tout  est  pour 
le  mieux  sous  le  meilleur  des  régimes  financiers. 

1885  1891  1899 

Subventions  aux  cantons 
pour  travaux  publics 
(routes,  corrections  de 
rivières  et  forêts) 734.007  francs.    1 .770. 138  francs.    4.796.000  francs. 

Subventions  pour  des  buts 
scientifiques  ou  artisti- 
ques     160.067      —  552.000      —  823.790     - 

Subventions  pour  l'ensei- 
gnement professsionnel , 
industriel  et  agricole 
(expositions,  etc.) 201.201      —  730.676      —         2.128.975  — 

Subventions  pour  Fagri- 
culture 191.200      —  575.683      —        2.109.000  — 

1.286.575  3.638.497  9.857.765 

Et  je  n'ai  pas  tout  énuméré.  En  somme,  il  n'y  a  pas  une  société,  pas  un 
groupe  qui  n'ait  part  à  la  manne  fédérale.  On  ne  sait  plus  rien  faire  sans 
tirer  la  sonnette  à  Berne.  Naturellement,  Tesprit  d'indépendance  s'en  va 
ou  ne  se  manifeste  plus  que  pour  élever  des  exigences  toujours  croissantes. 
C'est  la  lèpre  qui  ronge  notre  démocratie. 

Sans  doute,  la  plus  grande  partie  de  ces  subventions  vont  à  des  buts 
utiles.  Mais  leur  grave  défaut,  outre  qu'elles  sont  un  instrument  de  servi- 
tude, c'est  de  tourner  dans  bien  des  cas  à  l'enrichissement  de  privilégiés 


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SUISSE  629 

aux  dépens  de  la  masse  des  contribuables.  C'est  surtout  ce  qu'il  advient 
des  subventions  à  Tagriculture;  elles  descendent  en  pluie  d'or  sur  les  gros 
paysans  qui,  parce  qu'ils  ont  déjà  par  eux-mêmes  le  moyeu  d'avoir  les 
plus  beaux  taureaux,  les  plus  belles  génisses,  les  plus  beaux  étalons,  les 
plus  belles  juments,  les  propriétés  les  mieux  entretenues,  sont  encore' 
récompensés  par  TElat  de  ce  que  la  fortune  a  bien  voulu  répandre  sur  eux 
tous  ces  bienfaits.  Et  c'est  la  masse  des  consommateurs,  dont  les  droits  de 
douane  ont  été  doublés,  qui  font  les  frais  de  ce  large  festin  servi  aux  riches  ! 
Voilà  comment  la  démocratie  sait  faire  fleurir  le  favoritisme  à  l'égal  des 
régimes  les  moins  égalitaires. 

Dans  cette  conception,  qui  fait  de  l'Etat  le  distributeur  de  tous  les 
biens,  il  ne  faut  pas  être  surpris  si  les  classes  ouvrières  veulent  avoir  leur 
place  à  ce  banquet  somptueux.  On  la  leur  a  promise  sous  la  forme  des 
assurances,  mais  lorsque  le  moment  est  venu  de  tenir  cette  promesse,  on 
s'est  aperçu  qu'on  manquait  d'argent.  Les  fonctionnaires  et  les  riches 
subventionnés  avaient  tout  pris.  Au  même  moment,  les  instituteurs  pri- 
maires réclamaient  aussi  des  subsides  pour  améliorer  leur  situation.  Il  n'y 
avait  plus  rien  en  caisse,  sans  parler  des  obstacles  constitutionnels  et  poli- 
tiques auxquels  se  heurtait  leur  demande. 

Huit  millions  pour  les  assurances,  —  ces  huit  millions  ne  suffiront  pas 
de  bien  loin,  comme  l'exemple  de  l'Allemagne  et  de  l'Autriche  le  prouve  — 
deux  millions  pour  l'école  primaire,  où  les  prendre?  En  élaborant  ces  pro- 
jets, on  avait  compté  sur  les  bonis  annuels*,  mais  ils  sont  en  voie  de  se 
transformer  en  déficits  comme  le  tableau  ci-après  le  montre. 

Bonis  Bonis 

1S94 371.500  fr.  1897 4.^39.178  fr. 

1895 3.602  955  fr.  1898 1.167.511  fr. 

1896 7.702.732  fr.  1899  (déficit  prévu).    2.081.145  fr. 


Cette  situation  a  forcément  appelé  l'attention  des  Chambres.  M.  Ilauser, 
chef  du  département  des  finances,  a,  dans  la  session  de  décembre,  déclaré 
catégoriquement  qu'il  n'était  pas  possible  de  subventionner  l'assurance 
sans  créer  de  nouvelles  ressources.  M.  Cramer-Frey,  président  de  la  Com- 
mission du  budget  au  Conseil  national,  a,  de  son  côté,  signalé  les  engage- 
ments déjà  pris  qui  grèveront  d'autant  les  prochains  budgets  et  qu'il  a 
évalués  à  30  millpns  (à  cette  somme  il  faut  ajouter  en  tout  cas  une  ving- 
taine de  millions  pour  la  transformation  de  l'artillerie)  ;  —  il  a  montré  la 
nécessité  de  faire  des  économies.  Le  Conseil  fédéral  a  été  invité  à  présenter 
un  rapport  sur  les  moyens  de  rétablir  l'équilibre  financier,  et  ce  rapport 
doit  être  discuté  dans  la  session  de  juin  ou  peut-ôlre  dans  une  session 
extraordinaire  en  automne.  Comme  les  élections  générales  ont  lieu  fin 
octobre,  les  députés  tiennent  naturellement  à  pouvoir  donner  aux  élec- 
teurs des  déclarations  aussi  rassurantes  que  possible. 

Un  particulier  qui  se  trouverait  dans  cette  fâcheuse  posture  regarderait 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  41 


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ê'èO  LA    VIE    POLITIQUE    ET    PAItUEMENTAIRE    A    l'éTRANGEK 

certaûaettent  ea  prmuier  hmi  aux  éceaomies  qm'tï  jumt  apporter  h  stm 
train  de  maisofw  et  ne  se  fierait  pas  trop  à  des  luignaataftiond  de  reY«BBs 
toajoiirs  aléatoires,  suivait  le  mot  si  juste  da  bonhoonae  Rleiiaré  :  «  La 
dépense  thi  eeriaiDe,  la  recette  ineectaine  h^  Mais  les  Etats  ne  songent 
généralemest  à  ïéoou^mûe  qu*en  teiit  dender  lîeH.  £lie  tear  est  dTaflleors 
presque  iiiip«w6tJble^  car  na  parti  an  ponreir  ne  peni  s'y  mainleiitr  qu'en 
satisfoisant  sa  ulieiUèlie»  et  ou  parti  qui  aspire  aa  ponvsir  a  aossi  kien  des 
appétits  à  eonteatec.  Les  gouvernements  Traiment  restaarateurs  sant  ceux 
q«i,  tout  en  arrêtant  le  (Ut  des  dépenses  iMUffcUes,  savent  canfaler  les 
déficits  au  moyen  des  anciennes  ressources.  Cette  peidiqae  serait  actuel- 
lemeni  la  meilleure  à  WTFe. [Il  est  cependant  dovAen  q«'eii  Tadopèe. 

Le  moi  d'ordre  des  étatiates  esl  es  elTet  qu'à  faut  créer  de  nouv^es 
ressovrces.  On  indiqne  po«r  cela  le  mofkopohe  des  taliacsy  un  inqpôl  sur  k 
bière,  de  nouveaux  relèvements  des  droits  d'enbrée.  Mais  le  sealzmeat 
populaire  se  montre  jusqu'ici  hostik  asx  deuoc  premiiers  m^es  d'imposi- 
tion, et  quant  aux  relèvements  douaniers,  ils  ne  pourraient  déployer  Jenrs 
effets,  sauf  sur  quelques  articles  noQ  liés  par  les  traités  de  eoameree,  tels 
que  les  céréales  et  le  pétrole,  arant  l'éefaiéaaee  de  ces  traités,  soit  avnot 
1903. 

Ce  que  donnera^  dans  ces  dffeof>slâj>ces>  la  discussion  dm  rapport  du 
Conseil  fédéral,  on  ne  peut  guère  l'escompter»  il  est  fort  probaUe  que  ks 
commissiotts-  ^es  Ciiambres  trouverafit  qoeèque  dbose  à  rugnet  par  ci  par 
là  et  proposeront  é'inrriter  le  Conseié  fédéral  à  faire  des  propositions  uMé^ 
Heures  sur  les  rsssources  à  eréer.  On  voudr&anrteut  se  bercer  de  FesfMir 
que  les  recettes  douanières  continueront  à  aller  crescendo  y  et,  en  effet, 
jusqu'ici  elles  n'ont  jamais  manqué  à  l'appel.  Tout  cela,  cependant,  ne  suf- 
fira pas  pour  faire  face  à  l'assurance  obligatoire,  et  la  loi  qui  l'institue 
risque  donc  de  rester  entre  ciel  et  terre,  comme  la  loi  française  sur  les  ac- 
cidents en  a  aussi  été  menacée.  Heureux  arrêt,  qui  permettra  de  réfléchir 
encore  avant  de  se  précipiter  dans  le  gouffre  où  nous  ont  précédés  l'Alle- 
magne et  l'Autriche  I 


Au  point  de  vue  des  flnances  cantonales,  ta  situation  n'est  pas  moins 
inquiétante.  Un  de  mes  amis,  qui  est  en  voie  de  préparer  un  travail  très 
étudié  sur  ce  sujet,  —  non  pas  pour  le  gardtr  secret,  mais  pour  lui  donner 
tonte  la  puMkilé  possible,  —  m'en  a  montré  récemment  les  priaeipaks 
données  statistiques.  Il  en  résulte,  que  depakt885,  lescaulotta  et  leseom- 
raunes  ont  à  peu  près  douMé  leurs  dépenses,  mais  comme  ks  impMsy  déjà 
trop  lourds,  ne  pouvaient  marcher  du  même  pas,  on  s^est  contenté  de  ks 
relever  d'environ  60  p.  190.  le  reste  a  été  demandé  à  Temprunt  .T«nt  que 
le  taux  de  l'intérêt  oscillait  entre  3  et  3  i/2  p.  100,  les  emprunts  pnbbcs 
ont  troui^  un  placement  facile,  mais  aujonrdtiui  que  Tinduatiie  absorbe 
tant  de  capitaux,  ce  genre  de  placement  est  presque  oempèètement  délaissé. 
'Aussi  en  a  vu  des  émissions  comme  celles  de  k  vilk  et  du  canton  de  Zu- 
rich, offertes  à  3  i/2  el  3  3/4,  faire  un  pitenx  fkseo.  C'est,  du  reste,  à 
mes  yeux,  un  vrai  bonrlie«r  pour  notre  mén^e  public  que  ce  raochériKe* 


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ment  an  l«fyer  de  rarftef»t,  poisqir'rl  4ah  oudevrartaTotr  potnr  caaséqiMiH» 
de  rendre  les  autorités  phzs  oircoD»pectes  en  matière  de  dép>enses.  Je  me 
hâte  d'ajouter  eependani  que  ma  foi  <lana  leur  prudence  est  peu  robuste. 
|1  faudrait  de  plus  dures  lecoDs  de  choses  pour  assagir  la  géuératLodi  cou- 
temporaine.  Du  train  dont  on  y  ra,  ces  leçons  ne  hjà  feront  ûettaLnement 
pas  défaut,  en  Suisse  conuoie  à  peu  près  en  tons  paysi. 

Une  de  ces  diu^s  leçons  de  choses  semble  devoir  être  le  rachat  des  ohe^ 
mins  de  fer,  dont  it  faudra  hiesirtôt  préparer  la  partie  financière,  le  rachat 
devant  s'effectuer  eo  1903.  Une  commissioD  extraperkmentaire  vi«nt  d'être 
constituée  dans  ce  but,  et  le  Tribunal  fédérai  a  déjà  pcoDonoé^  à.  propos 
du  chemin  de  fer  Central,  sur  un  certain  nombre  des  questions  litigieuses 
que  fait  naître  le  rachat  forcé.  Chose  à  laquelle  on  ne  s'attendait  sûremient 
pas,  le  juge,  en  donnant  raison  sur  divers  poiats  au  Conseil  fédéral»  a  ù^ax- 
sidéreblement  renchéri  le  prix  de  rachat.  Cela  tient  à  ce  que»  lorsque  les 
mesures  préparatoires,  législatives  et  administratives»  ont  été  décrétées, 
le  Conseil  fédérai  e(Mnptait  quH  trouverait  aisément  tout  le  capital  néces- 
saire au  taux  maximum  de  3  1/â.  Son  measa/çe  faisait  môme  miroiter  la 
possibilité  d'un  emprunt  à  3  p.  iûO.  Or,  comme  les  compagnies  ont  un  ca- 
pital obligataire  non  immédiatement  remboursable  de  6  à  700  millions 
à  un  taux  d'intérêt  souvent  supérieur  à  3  i/â,  la  Confédération  croyait 
avantageux  pour  elle  de  rembourser  en  plein  ce  capital  pour  profiter  de  ia 
différence  d'intérêt.  Mais  il  se  trouve  aujourd'hui  que  o^est  au  contraire  k 
Confédération  qui  va  être  en  perte  si  elle  e^t  obligée  d'empnmter  1  mil- 
liard à  1.200  millions  aux  conditions  onéreuses  du  marché  ûnancier»  les- 
quelles pourraient  bien  ne  pas  s'améliorer  d'ici  à  1903.  11  est  vrai  qu'oft 
fait  ressortir  que  les  recettes  des  compagnies  sont  en  hausse  :  ainsi  le 
Central  va  donner  cette  année  du  9  p.  100  !  Seulement  les  Compagnies 
tiennent  à  jouir  de  leur  reste  ;  elles  distribuent  actuellement  le  plus  pos- 
sible, sans  souci  de  Tavenir,  et  vont  léguer  par  contre  des  chargea  nou*- 
velles,  surtout  en  matière  de  traitements,  qui  se  feront  sentir  sur  Texplo^ 
tation  par  l'Etat.  Au  surplus,  ces  abondanlee  recettes  de  chemins  de  fer 
tiennent  en  bonne  partie  à  la  fièvre  de  constructions  qui  sévit  un  peu  paiv 
tout,  et  aux  transporto  de  gros  matériaux  qui  en  résultent;  elles  seront 
sans  doute  suivies  d'un  temps  d'arrêt  comme  on  en  a  vu  se  produire  d^à 
à  deux  ou  trois  reprises  dans  la  dernière  moitié  de  ce  siècle,  à  la  suite 
d'une  période  d'activité  suraigué. 


Tout  cela  devrait  rendre  prudent.  C'est  cependant  le  moment  que  choi- 
sissent les  chefs  de  la  majorité  pour  lancer  de  nouveau  un  projet  de  banque 
d'Etat  à  peine  différent  de  celui  que  le  peuple  a  repoussé  il  y  a  d^ix  ans« 
La  seule  différence  apparente,  c'est  que  la  Confédération,  au  lieu  de  four^- 
nir  la  totalité  du  capital  et  d'aroir  la  responsabilité  illimitée  des  engage- 
ments, ne  s'attribuerait  que  le  tiers  du  capital,  laissant  un  tiers  aux  can- 
tons et  un  tiers  aux  particuliers.  Mais  c'est  un  leurre.  La  Confédération 
sera  fatalement  conduite  à  prendre  plus  du  tiers,  car  elle  ne  peut  eoa* 


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632  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   A    l'ÉTRANGER 

traindre  les  cantons  à  accepter  leur  tiers,  et  encore  moins  les  particuliers, 
auxquels  on  n'offre,  en  échange  de  leurs  risques,  qu'un  intérêt  maximum 
de  4  p.  100,  à  l'exclusion  d'une  influence  décisive  sur  l'administration,  qui 
sera  dans  la  main  du  Conseil  fédéral.  Quant  à  la  responsabilité,  dès 
l'instant  que  l'Etat  y  engage  son  capital,  elle  sera  illimitée  en  fait,  qu'on 
le  dise  ou  non.  Ce  projet,  à  peine  connu,  a  soulevé  Topposition  du  monde 
industriel  et  commerçant,  et  il  paraît  fort  probable  qfu'une  nouvelle  cam- 
pagne de  référendum  sera  organisée  pour  le  faire  rejeter  par  le  peuple. 
Après  quoi,  on  peut  espérer  que  les  chambres  consentiront  euOn  à  nous 
doter  d'une  banque  non  politique  comme  la  majorité  du  pays  la  veut 
avoir. 

Parmi  les  raisons  qui  militent  en  faveur  de  la  création  d'une  banque 
centrale,  il  en  est  une  dont  les  partisans  d'une  banque  d'Elat  exagèrent 
considérablement  la  portée.  Ils  disent  que  le  billet  de  banque  unique  cir- 
culera plus  facilement  à  l'étranger,  ce  qui  n'est  probable  toutefois  que 
dans  une  mesiJre  très  relative,  et  comme  le  cours  du  change  s'est  éJevé 
d'année  en  année  à  notre  détriment,  depuis  quatre  ou  cinq  ans,  Je  public 
est  induit  à  supposer  que  l'on  pourra  désormais  effectuer  tous  les  paie- 
ments, qu'on  voudra,  sur  les  places  étrangères,  avec  notre  billet  de  banque 
fédérale.  C'est  là  une  grave  erreur  qu'il  serait  coupable  de  laisser  accré- 
diter. Par  tous  ses  récents  emprunts  et  par  sa  politique  proledionnisVe, 
la  Suisse  est  malheureusement  devenue  débitrice  de  ses  voisins  beaucoup 
plus  que  par  le  passé.  Elle  doit  leur  payer  de  gros  intérêts  ou  de  lourdes 
différences  en  or  ou  en  papier  au  pair  sur  les  places  mêmes  où  elle  est 
tenue  de  s'acquitter  envers  eux.  Or,  le  billet  de  banque  suisse  ne  serait 
pr»s  au  pair  que  s'il  y  avait  pour  ces  mêmes  places  abondance  égale  ou 
supérieure  de  paiements  à  faire  en  Suisse.  Comme  ce  n'est  pas  le  cas, 
l'occasion  de  renvoyer  les  bank-notes  fédérales  comme  paiement  en  Suisse 
continuera  à  faire  grandement  défaut,  et  par  conséquent  elles  ne  seront 
prises  à  l'étranger,  comme  nos  billets  de  banque  actuels,  qu'avec  une 
perte  plus  ou  moins  forte.  Au  surplus,  tout  l'avantage  qu'une  banque  cen- 
trale pourrait  procurer  sous  ce  rapport,  on  l'obtiendra  bien  plus  sûrement 
avec  une  banque  d'actionnaires  qu'avec  une  banque  d'Etat,  dont  le  com- 
merce et  l'industrie,  en  tous  pays,  se  déQent  avec  raison. 

En  voilà  du  reste  assez,  pour  aujourd'hui,  sur  cette  question  qui  va  é(re 
discutée  au  Conseil  national  en  juin  et  au  Conseil  des  Etals  en  décembre. 
Il  est  peu  probable  que  la  majorité  consente  à  modifier  fondamentalement 
le  projet  du  Conseil  fédéral.  La  lutte  recommencera  donc  devant  le 
peuple,  à  propos  de  l'exercice  du  référendum. 


La  situation  actuelle,  avec  l'antithèse  profonde  qui  existe  entre  deux 
parties  à  peu  près  égales  de  la  nation  sur  la  manière  de  résoudre  les  pro- 
blèmes politiques  et  surtout  économiques  (1),  a  mis  en  pleine  lumière 

(1)  Le  vote,  à  une  grosse  majorité,  du  rachat  des  chemins  de  fer  ne  doit  pas 
faire  illusion  &  cet  égard.  Ce  vote  est  le  résultat  de  facteurs  divers,  qui  ne  se  reo- 
coDtreront  pas  facilement  sur  une  autre  question. 


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SUISSE  633 

TinsufOsance  et  les  imperfectioDs  de  notre  régime  électoral,  qui  permet 
à  une  moitié,  qui  n'est  pas  toujours  la  majorité  dans  le  pays,  de  disposer 
du  plus  grand  nombre  des  sièges  au  Conseil  national  et  de  composer  le 
Conseil  fédéral  de  six  radicaux  et,  à  titre  de  concession,  d'un  conserva- 
teur catholique,  alors  que  la  masse  des  éléments  modérés  n*y  obtient  aucun 
représentant.  On  a  cherché  deux  remèdes  à  la  situation  :  le  vote  propor- 
tionnel et  rélection  directe  du  Conseil  fédéral  par  le  peuple.  Les  socia- 
listes, avec  Tappui  d'avance  assuré  du  centre  et  de  la  droite,  ont  lancé  une 
double  demande  d'initiative  pour  réclamer  ces  deux  innovations  par  voie 
de  revision  constitutionnelle. 

La  représentation  proportionnelle  a  de  nombreux  et  chauds  adhérents 
dans  tous  les  partis  ;  mais  ofûciellement  les  radicaux  s'y  opposent.  La  for- 
mule adoptée  par  les  initiants,  «  un  canton  ou  demi-canton  forme  un 
arrondissement  »  est  critiquée  acerbement  par  les  chefs  de  la  majorité.  Ils 
relèvent  le  fait  que  cinq  cantons  ou  demi-cantons  n'ont  qu'un  député  : 
Uri,  les  deux  Unterwald,  Zoug  et  AppenzelMutérieur,  et  qu'en  consé- 
quence la  représentation  proportionnelle  y  sera  un  leurre.  Ils  s'attaquent 
à  la  formation  du  Conseil  des  Etats,  qui  est  composé  de  deux  députés  par 
canton,  ce  qui  donne  aux  petits  cantons  une  importance  très  grande  dans 
l'Assemblée  fédérale.  A  quoi  les  initiants  répondent  en  alléguant  que 
l'exception  confirme  la  règle,  que  cinq  députés  sur  149  ne  troublent  pas 
sérieusement  le  système,  et  qu'avant  tout  il  faut  respecter  les  bases  histo- 
riques de  la  Confédération.  Toutes  ces  questions  vont  encore  être  vivement 
agitées,  si  la  question  vient  au  vote,  c'est-à-dire  si,  comme  c'est  fort  pro- 
bable, 50.000  signatures  sont  réunies  dans  les  six  mois  pour  cette  initia- 
tive. Le  délai  expire  (In  juin. 

Je  n'ai  jamais  été,  quant  à  moi,  euthousiaste  de  la  représentation  pro- 
portionnelle, qui,  très  utile  comme  expédient  pour  sortir  de  situations 
inextricables,  a  cependant  des  pieds  d'argile  comme  le  système  majori- 
taire Qu'on  ait  l'un  ou  l'autre  de  ces  systèmes,  la  vraie  question  est  dans 
la  réforme  de  l'esprit  public,  dans  la  clairvoyance  et  la  prudence  des 
conducteurs  d'un  pays.  On  pourra  tout  aussi  bien  courir  les  aventures 
financières,  froisser  les  sentiments  légitimes  d*une  fraction  importante  du 
peuple  avec  un  parlement  élu  sur  la  base  du  vote  proportionnel  qu'avec 
une  chambre  issue  du  système  de  la  majorîté  absolue.  La  campagne  ac- 
tuelle doit  donc  être  considérée  surtout  comme  protestation  contre  la  po- 
litique dominante,  et  c'est  là  le  principal  intérêt  de  la  lutte  engagée. 

Il  est  fort  possible  qu'une  modification  un  peu  sensible  de  la  composi- 
tion du  Conseil  national  influerait  sur  la  nomination  du  Conseil  fédéral, 
mais  seulement  en  cas  de  vacances  survenant  au  sein  du  pouvoir  exécu- 
tif, car  on  est  trop  conservateur  des  hommes,  dans  notre  démocratie,  pour 
se  livrer  à  un  remaniement  profond  et  immédiat  du  gouvernement,  sur- 
tout tant  que  celui-ci  sera  nommé  par  les  Chambres.  Toutefois,  si  l'élec- 
tion directe  venait  à  piévaloir,  il  est  plus  que  probable  qu'un  ou  deux 
changements  de  personnes  risqueraient  de  se  produire.  Mais  ce  résulta 
ne  serait  obtenu  qu'au  détriment  d'autres  intérêts  beaucoup  plus  graves 


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634  LA   VIE   POLITIQUE   ET    PAWJBMENTAIRE    A    l'ÉTRANGER 

L^élection  directe  porterut  Mteinte  à  notre  Btat  fédéraiif,  daas  lequel  les 
eantons  participent  à  lanominvtieD  da  pouvoir  exécutif  par  leurs  représea- 
tants  an  Conseil  des  Etats.  Ce  seiait  de  plus  ouvrir  la  porte  aux  agitations 
démagogiques,  aux  compromis  madsains,  et  loin  de  sortir  plus  fort  du 
baptême  populaire,  le  Conseil  iédéral  ne  serait  bientôt  qu'un  instrument 
entre  les  mains  des  partis,  sans  force  merale  à  Tintérieur,  safus  considéra- 
ti(Hi  vis-À-vis  du  dehors.  Il  semble  qiie,  bien  que  imius  ayons  marché  à 
pas  de  géant  du  eôté  des  exagéralâons  démocratiffiies,  notre  peuple  n'est 
pas  encore  disposé  à  donner  les  mains  à  cette  innovation  duigereuse. 
Mais  le  vote  sur  le  rachat  des  chemins  de  fer  nous  a  appris  qu'en  démo- 
cratie directe  il  ne  faut  jurer  de  ma. 


La  vie  cantonale  et  les  relations  extérieures  n'ont  présenté  aucun  fait 
saillant  dans  le  semestre  écoulé.  La  marche  réjouissante  des  affaires 
industrielles  compense  ce  que  notre  politique  économique  a  de  sombre  et 
d'inquiétant.  Ce  oontraste  me  rappelle  un  mot  de  Macaulay  qui  relève,  à 
l'avantage  du  peuple  anglais»  le  fait  que  son  génie  industriel  et  commer- 
cial a  heureusement  toujours  créé  plus  de  richesses  que  llncarie  de  ses 
gouvernements  n'en  dissipait.  Seulement,  il  parlait  de  fépoqae  des  Sluarls, 
et  dès  lors,  assagis  par  l'expérience,  les  hommes  d'Etat  anglais  se  sont 
attachés  autant  que  possible  à  réduire  la  dette  publique,  tandis  que  nous 
mettons  tout  notre  xèle  à  accroître  la  nôtre. 

P.  S.  —  Le  Conseil  fédéral  a  publié  son  rapport  aux  Chambres  sur 
Téquilibre  ûnancier.  Il  conclut  à  la  nécessité  de  trouver  de  nouvelles  res- 
sources et  propose  le  monopole  du  tabac,  dont  le  produit  présumé,  envi- 
ron 7  millions,  serait  affecté  poforles  trois  quarts  à  l'assurance  obligatoire, 
et  pour  un  quart  à  de  nouvelles  subventions  aux  cantons,  qui  devraient 
les  appliquer  à  l'instruction  primaiie.  En  attendant  les  lois  sur  l'assu- 
rance seraient  déûnitivement  votées  par.  les  Chambres,  so«is  réserve  de 
référendum,  mais  ne  seraient  exécutées  que  si  le  monopole  du  tabac  passe 
aussi,  ce  qui  ajourne  leur  entrée  en  vigueur  à  deux  années  au  moins,  vu 
qu'il  faut  une  revision  constitutionnelle  pour  introduire  ce  monopole.  La 
tactique  parait  être  de  grouper  les  partisans  de  l'assurance  obligatoire  et 
ceux  des  subventions  à  l'école  primaire  pour  faire  passer  le  monopole  du 
tabac.  Outre  que  c'est  un  procédé  tout  à  fait  nouveau  et  d'une  constiiu- 
tionnalité  douteuse  que  de  voter  une  loi  en  suspendant  d*avance  ses  effets, 
une  loi  qu'on  met  dans  une  armoire  jusqu'à  ce  qu'on  puisse  s'en  servir, 
oe  qui  ne  sera  peut-être  jamais  le  c«ê,  cette  tactique  présente  encore  le 
grave  inconvénient  d'ajouter  aux.  adversaires  de  l'assurance  obligatoire  — 
adversaires  plus  nombreux  qu'onue  croit,  car  beaucoup  n'aiment  pas  avoir 
l'air  de  s'opposer  à  un.  progrès  humanitaire  —  lius  ceux  plus  nettement 
déclarés  des  subventions  scolaires  et  du  monopole  ou  tabac.  La  suite  mon- 
trera si  cette  tactique  était  bien  inspirée.  Je  ne^  l'admets  pas,  pour  ma 
part. 


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SCiSSE  635 

2  >  Lois  et  arrôtés  législatifs  (1)  votés  par  les  Chambre^. 

DU   1«'  DÉCEMBRE    1898  AU  !•'  JUIN  1899. 

{Sesêi^n  de  décembre)  {2). 

1.  Budget  pour  1899.  —  Les  dépenses  ont  été  fixées,  à  98.606. 145  fr.;  les 
recettes  à96. 585.000  fr.  Deux  postulats  ont  été  votés,  l'un  réclamant  Timpres- 
sion  des  procès-verbaux  des  Chambres  dans  leur  forme  actuelle,  à  côté  du  bulletin 
sténographique  qm  fonctionne  pour  led  objets  particulièrement  importants; 
Taotre  JnTitant  le  Conâeii  fédéral  à  étnéier  le  dégrèvement  du  budget  mifitaira* 
En  outre,  le  Conseil  national  a  nommé  une  commisbion  pour  proposer  one  amé- 
lioration des  traitements  du  Président  de  la  Confédération,  des  membres  du 
Conseil  fédéral  et  du  Chancelier  de  la  Confédération.  (Ces  traitements,  fixés 
en  191%,  sont  de  13.500,  It.OOO  et  11.000  fr.) 

2. Régie  dMiaoools.— Gestion  et  compte  pour  1897.  ftacettM  laiSB.^^d  fr« 
Dépenses  6.787.773  fr.  La  somme  à  répartir  aux  caotoBg  e»t  de  6.306j668  tr.  -^ 
Budget  pour  1899.  Recettes  13.495.000  fr.  Dépenses  7.228^000  fr.  La  somme  à  ré 
partir  aux  cantons  est  prévue  à  6.160.000  fr. 

3.  Extradition;  réciprocité  avec  rAatriclie.  —  Office  du  Cofi^eil  fédéral 
du  29  noTembre  1896,  concenkant  la  promesse  de  rtâprociti  eoTerf»  rAutriclie 
pour  l'extradition  dani»  les  délits  de  menaces  graT«s  contre  les  p«r9oaj)«fi.  — 
Adopté  par  les  Conseils  les  17/21  décembre. 

4.  Convention  aveo  la  France  sur  ^échange  de  colis  postaux.  —  Messa^^e 
et  projet  d'arrêté  du  ^  décembre  1>98  (f  .F.  1«98,  fV,   î052)  cômscmant  la  rati 
fication  de  la  convention  conclne  le  15  novembre  1898  ftvrcla  Krance  sur  l'échange 
de  colis  postaux  du  poids  de  10  kilogrammes  au  maxiiiMiB .  ^  Arrêté   adopté 
le  22  décembre  par  les  deux  Conseils.  Non  soumis  au  référendum, 

9^  Lois  M  arrêtés  légist«tirii  ea  préparation  au  l^**  juiïi  IBM. 

1.  Haute  suTTeillance  de  la  Confédération  sur  la  police  des  £6rét8«  — 
Voir  la  chronique  de  décembre  dernier. 

t.  Taxe  militaire.  —  Tb. 

dw  Ovganiaatioa  da  iépartanmit  adlitaive.  -^  Message  et  projet  de  loi 
25  novembre  {F.F,  1898,  IV,  883). 

4.  Loi  sur  les  spiritueux.  —  Voir  chronique  de  décembre  1898. 

5.  a.  Assurance  contre  les  maladies;  o.  Assurance  contre  les  acci- 
dents; c.  Assurance  militaire.  —  16. 

6.  Cbeasins  de  far  secondairas.  -^  là, 

7.  Denréeaalimetttaires.  —  Message  et  projet  da  ioidu  28  fiéitrier  1899  [F^,, 
1899,1,469.) 

8.  Banque  de  la  Confédération.  —Message  et  projet  de  loi  du  24  mars  1899 
(P.F.,  1899,  II,  341). 

<1)  Les  arrêtés  non  souaûs  au  référendum  ne  soni  publiés  que  dans  le  Secii^ 
officiel  des  Lois,  qui  n'est  pas  à  Jour.  On  ne  peut  donc  indiquer  la  page  où  ils 
figureront. 

(2)  Du  lundi  5  an  vendredi  23  décembre.  58  objets  à  Tordre  du  jotir,  30  ont  été 
liquidés;  7  n'ont  été  traités  que  par  un  eonseil  ou  restent  en  suspens.  Conseil  na- 
tional 20  séances  ;  Conseil  des  Etats  15u  Une  séance  de  l'Assemblée  fédérale  pour 
nommer  le  président  de  la  Confédération  (M.  Edouard  Muller,  Berne),  le  vice- 
président  du  Conseil  fédéral  (M.  Walter  Hauser,  Zurich),  le  président  du  Tribunal 
fédéral  (M.  Eïnile  Rott,  Berne),  le  vice-président  (M.  Jean  Winkler,  Lucerne),  et 
pour  liquider  an  recours  en  gràee* 


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636  LA    VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A   L'ÉTRA^GER 

m.  —  JAPON 

L'Italie  en  Chine.  —    La  session  de  la  Diète.  —  L'industrie  japonaise 

Tokyo. 

Après  une  période  de  calme  relatif  qui  a  duré  cinq  ou  six  mois,  il  semble 
que  rère  des  difficultés  graves  doive  de  nouveau  s'ouvrir  pour  TExtrème- 
Orient.  L'échec  si  caractérisé  que  vient  de  subir  en  Chine  la  diplomatie 
italienne  ne  peut  manquer,  en  effet,  de  remettre  absolument  en  question 
réventualité  du  démembrement  de  la  Chine.  On  annonce  que  le  gouver- 
nement de  Rome  a  hâte  de  prendre  sa  revanche  et  qu'une  escadre  italienne 
est  en  route  pour  rExtrême-Orient.  Elle  doit  appuyer,  paraît-il,  les  récla- 
mations supplémentaires  qui  seront  présentées  au  Tsoung-li-Yamen  dès 
l'arrivée  du  nouveau  ministre  italien  à  Pékin.  De  fait,  on  ne  conçoit 
guère  comment  M.  de  Martine  fut  assez  imprudent  et  maladroit  pour  en- 
voyer délitjférément  un  ultimatum  à  la  Chine  sans  avoir  les  forces  néces- 
saires pour  le  soutenir  à  l'occasion.  C'était  aller  irrévocablement  à  un 
échec,  et  certes  la  diplomatie  italienne  n'avait  nul  besoin  d'en  éprouver  un 
de  plus  pour  amoindrir  son  prestige  déjà  fort  peu  apparent.  Vous  savez 
que  le  cabinet  de  Rome  a  désavoué  avec  fracas  M.  de  Martine  et  Va  rappelé 
immédiatement,  mais  personne  ici  ne  s'est  laissé  prendre  à  ce  coup  de 
théâtre.  Dans  les  conditions  où  se  règlent  actuellement  les  affaires  diplo- 
matiques, dont  la  direction  est  de  plus  centralisée  pour  chaque  Etat  à  son 
ministère  des  Affaires  étrangères,  on  se  refuse  à  croire  que  M.  de  Martino 
ait  agi,  dans  toute  celte  affaire,  de  son  propre  mouvement  et  à  Tinsu  de  ses 
chefs.  Il  porte,  à  n'en  pas  douter,  la  peine  des  maladresses  et  des  impru- 
dences de  son  gouvernement,  qui  n'aurait  pas  manqué,  par  contre,  de  le 
féliciter  chaudement  s'il  avait  mené  à  bien  son  audacieuse  tentative  de 
piraterie  dirigée  contre  l'empire  chinois. 

Car,  en  vérité,  il  est  bien  difficile  de  qualifier  autrement  l'extraordi- 
naire prétention  émise  par  le  gouvernement  italien  et  visant  la  cession 
pure  et  simple  par  la  Chine  de  la  baie  de  San-Moon  et  de  ses  dépendances 
immédiates.  Certes,  dans  leurs  rapports  avec  le  Céleste-Empire,  les  puis- 
sances européennes  n'ont  jamais  donné  jusqu'ici  de  bien  beaux  exemples 
de  leur  souci  du  droit  et  de  la  justice,  mais  cependant,  même  dans  l'acte 
le  plus  brutal  de  tous,  la  prise  de  Kiao-Tchéou  par  l'Allemagne,  on  trou- 
vait au  moins  une  apparence  de  raison.  Le  coup  de  force  de  l'amiral  Die- 
dericks,  en  effet,  fut  légitimé  dans  une  certaine  mesure  par  le  souci  de 
venger  les  outrages  faits  à  la  nation  allemande  par  le  meurtre  de  quel- 
ques missionnaires.  Dans  le  cas  actuel  de  l'Italie,  il  n'y  a  pas  même  l>>mbre 
d'un  prétexte.  Le  cabinet  de  Rome  a  fait  demander  la  cession  d'une  partie 
du  territoire  chinois  tout  simplement  parce  qu'il  lui  plaisait  à  lui  aussi 
d'avoir  un  pied-à-terre  dans  ces  parages.  Ce  qui  rend  plus  extraordinaire 
encore  cette  démarche,  c'est  que  l'Italie,  en  somme,  était  le  pays  le  moins 
qualiûé  pour  l'entreprendre.  Elle  n'a  aucun  intérêt,  ni  commercial  ni 


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JAPON  637 

autre,  h  sauvegarder  en  Chine  ;  de  sorle  qu'on  ne  voit  pas  pourquoi  nous 
n'apprendrions  pas  demain^  que  la  même  initiative  a  été  prise  par  TAu- 
triche,  la  Serbie  ou  la  Suisse  ! 

C'est  ce  qu'a  fort  bien  mis  en  lumière  la  presse  japonaise  en  discutant 
toute  celte' aiîaire.  Il  n'est  pas  exagéré  de  dire  h  ce  propos  que  l'action  si 
inattendue  de  l'Italie  a  complètement  changé  l'orientation  de  l'opinion 
publique  du  Japon  en  ce  qui  regarde  la  Chine.  Jusqu'ici,  en  effet,  malgré 
les  atteintes  réitérées  portées  par  les  diverses  puissances  européennes  à 
l'intégrité  du  Céleste-Empire,  la  nation  japonaise  tout  entière  avait  été 
inébranlable  dans  son  attitude  conciliante  à  l'égard  de  ses  malheureux 
voisins,  et  le  gouvernement  était  l'interprète  Odèle  des  vœux  du  pays  en 
s'abstenant  de  toute  agression.  Lorsque,  les  unes  après  les  autres,  l'Alle- 
magne, la  Russie,  l'Angleterre  et  la  Fraifte  eurent  réussi  à  se  faire  oc- 
troyer des  territoires  importants  en  Chine,  le  Japon  se  contenta  de 
demander  au  gouvernement  de  Pékin  de  ne  point  céder  à  une  autre  puis- 
sance la  province  du  Fouhkien  qui  se  trouve  en  face  de  Formose. 

C'est  cette  attitude  conciliante  de  la  nation  japonaise  que  les  derniers 
événements  ont  complètement  transformée.  L'évolution  de  l'opinion  à  cet 
égard  est  indéniable  et  si  elle  ne  s'est  pas  encore  traduite  par  des  actes  de 
la  part  du  gouvernement,  on  peut  dire  que  ce  n'est  assurément  pas  la 
faute  de  la  presse,  qui  ne  passe  pas  un  jour  sans  adjurer  le  pouvoir 
d'adopter  enfin  une  politique  nette  et  précise  en  Chine  et  de  prendre,  avec 
les  nations  qui  se  préparent  a  dépouiller  la  Chine,  la  part  qui  revient  légi- 
timement au  Japon. 

A  l'heure  actuelle,  en  effet,  les  Japonais  se  rendent  compte  qu'il  n'est 
plus  possible  d'espérer  que  la  Chine  arrive  enfin  à  sortir  de  sa  torpeur  et 
à  secouer  tous  les  parasites  qui  la  rongent.  Sa  perte  est  maintenant  cer- 
taine, et  le  partage  du  Céleste  Empire  n'est  plus  qu'une  question  de  jours. 
Dans  ces  conditions  on  estime  qu'il  est  temps  pour  le  Japon  d'abandonner 
sa  politique  d'abstention  à  l'égard  de  la  Chine  et  de  faire  entendre  nette- 
ment sa  voix. 

Comme  indication  pratique,  la  presse  de  Tokyo  invite  le  gouvernement 
à  se  faire  immédiatement  céder  un  bon  port  sur  les  côtes  du  Fouhkien. 

Tel  est  l'état  actuel  de  l'opinion.  On  voit  qu'il  ne  présage  rien  de  bon 
pour  l'avenir,  surtoiit  si,  comme  on  l'annonce,  les  Italiens  reprennent 
leurs  prétentions  lorsque,  dans  quelques  jours,  leurs  forces  auront  eu  le 
temps  de  se  concentrer  dans  les  eaux  chinoises. 

Je  ne  veux  pas  terminer  sur  ce  point  sans  dire  un  mot  du  rôle  de  l'An- 
gleterre dans  toute  cette  affaire.  Vous  savez  que  son  ministre  à  Pékin,  sir 
Claude  Macdonald,  avait  appuyé  la  demande  de  l'Italie  auprès  de  Tsoung-li 
Yamen.  La  réponse  que  celui-ci  a  faite  atteint  donc  directement  l'Angle  • 
terre  presque  autant  que  le  gouvernement  italien.  C'est  là  un  échec  de 
plus  à  enregistrer  à  l'actif  de  la  diplomatie  anglaise  qui,  depuis  quelques 
mois,  n'est  décidément  pas  heureuse  en  Extrême-Orient.  Aussi  est- il  indis- 
cutable que  la  prépondérance  dans  ces  parages  qui,  il  y  a  un  an  ou  deux, 
appartenait  sans  conteste  à  l'Angleterre,  passe  de  plus  en  plus  à  la  Russie. 


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638  LA   VIE    POLITIQUE   ET    PAltLEMENTAIHE   A   L  ETRANGER 

Ceci  m'amène  précisément  à  vous  parler  d'un  autre  Insuccès  qui,  si! 
n'atteint  pas  directement  la  diplomatie  brtlannique,  n'est  du  moins  pas  fait 
pour  rehausser  le  prestige  de  la  nation  anglaise  tout  entière,  je  veux  dire 
l'échec  complet  de  la  fameuse  mission  de  lord  Beresford.  Vous  vous  sou- 
venez sans  doute  que  lord  Charles  Beresford,  un  des  vétérans  de  la  marine 
anglaise,  fut  envoyé,  il  y  a  quelques  mois,  par  les  Chambres  de  commerce 
de  la  Grande  Bretagne,  pour  faire  une  en<juêle  générale  sur  les  marchés 
de  rExtrême-Orieut.  Vous  ne  manquerez  pas  de  remarquer  tout  d'abord 
quelle  singulière  idée  c'est  pour  des  corporations  de  commerçants  de  char- 
ger d'une  telle  mission  un  ancien  amiral.  Et  de^fait,  lord  Beresford  a  cer- 
tainement visité  plus  d'arsenaux  que  d'usines  et  inspecté  plus  de  forte- 
resses que  d'exploitations  industrielles.  Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs  de 
cette  inconséquence,  ce  qu'il  faAt  retenir  de  cette  tournée  tapageuse,  c'est 
que  les  deux  grandes  idées  dont  le  noble  lord  s'était  fait  Papôtre  infati- 
tigable  et  qu'il  a  prêchées  avec  une  désespérante  monotonie  depuis  Hong- 
Kong  jusqu'à  Tokyo,  à  savoir  la  politique  de  «  la  porte- ouverte  »  en  Chine 
et  la  fameuse  quadruple  alliance  de  l'Angleterre,  de  rAUemagne,  des  Etats- 
Unis  et  du  Japon  n'ont  en  aucune  façon  réussi. 

Le  projet  de  quadruple  alliance  surtout  n'a  guère  renconfré  que  dee 
détracteurs  au  Japon.  Si,  d'une  façon  générale,  en  effet,  l'opinion  japonaise 
est  favorable  à  l'idée  du  maintien  de  llntégrité  chinoise  et  de  la  liberté  du 
commerce  sur  tout  le  territoire  du  Céleste  Empire,  on  prise  moins  par 
contre  le  projet  de  coaliser  pour  cela  quatre  puissances  dont  les  intérêts 
sont  si  divers  et  parfois  si  contradictoires.  Et  puis  n'y  a-t-i!  pas  vraiment 
quelque  illogisme  à  présenter  les  Etats-Unis  comme  champions  de  la 
liberté  du  commerce,  alors  que  chez  eux  ils  élèvent  des  barrières  formi- 
dables pour  arrêter  l'importation  des  produits  étranger»? 

Une  autre  objection  de  principe  n'avait  pas  moins  de  portée.  La  presse 
japonaise,  en  effet,  a  fait  remarquer  très  justement  que,  pour  être  vrain»ent 
ce  qu'elle  prétendait  être,  cette  ligue  devait  comprendre  toutes  les  puis- 
sances intéressés  en  Chine  et  ne  point  exclure  par  conséquent  la  France  et 
la  Rtfôsie,  car  sans  cela  elle  ne  serait  pas  une  union  commerciale,  mais 
une  alliance  pleine  de  mentices  pour  la  paix  du  monde. 

A  ces  critiques  générales  viennent  s'en  ajouter  d'autres  qui,  visant  spé- 
cialement la  Grande-Bretagne,  sont  particulièrement  intéressantes,  car  elles 
nous  éclairent  tout  à  ftiit  sur  les  sentiments  vrais  du  Japon  à  l'égard  des 
Anglais  et  sur  ce  qu'il  faut  penser  du  fameux  rapprochement,  tant  vanté 
autrefois,  entre  l'Angleterre  et  le  Japon.  Voici  à  ce  propos  ce  que  disait  le 
Stkaï-no  Nippon,  une  grande  revue  de  Tokyo,  dans  un  artide  qui  a  été 
fort  commenté.  «  Une  grande  partie  de  ht  presse  japonaise  ne  cesse  pas  de 
prêcher  l'alliance  anglaise,  et  cela  surtout  depuis  le  jour  où  les  Anglais 
refusèrent  leur  concours  aux  nations  qui  nous  forcèrent  à  abandonner  le 
Liao-Toung.  Certes,  il  faut  féliciter  nos  compatriotes  d^avoir  abandonné 
enfin  leur  idée  première  d'une  ligue  des  puissances  asiatiques,  pour  s'ar- 
rêter à  la  conception  plus  large  d'une  entente  avec  les  Ëlats  européens. 
Maïs  il  ne  faut  cependant  pas  se  lancer  h  la  légère  dans  cette  voie.  Bh  bien! 


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JAPON  639 

à  ce  point  de  vue,  on  peut  se  demander  si  les  partisans  les  plus  zélés  de 
raccord  avec  les  Anglais  ont  examiné  «vec  soin  ce  que  nous  aurions  à  y 
gagtter.  S*est-on  rendu  compife  surtout  des  motifs  qui  poussent  TAugleterre 
à  »e  rapprocher  de  nou»  et  des  Eials-Unts  ?  H  1:1e  faut  point  oublier  qu'on 
ne  nous  regarde  que  comme  des  auxiUiaires  accidentels  et  non  comme  des 
alliés  nécessaires  en  tout  temps.  H^iroelée  en  nombre  d'endroits,  en 
Afrique  surtout,  par  ses  éner^qnes  advearsaires,  la  France  et  la  Russie, 
TAngleterre  ne  réclame  notre  appui  que  pour  contrecarrer  ces  deux  puis- 
sances en  Chine  et  faire  difersion.  Ainsi  donc,  je  le  répète,  les  avances 
que  nous  fait  actuellement  la  Grande  Bretagne  ne  sont  qu'un  épisode  dans 
le  jeu  énorme  de  Téchiquier  angiai».  Les  conséquences  d'une  alliance  avec 
elle  seraient  très  simplea  Deveoms,  grÂce  au  concours  de  notre  armée  et 
de  notre  flotte,  maîtres  absolus  dans  ces  parafes,  les  Anglais  verraient 
immédiatement  venir  à  eux  les  Risses  décidés  à  s'entendre  du  moment 
qu'ife  se  rendraient  compte  que  la  hltte  est  imposable.  Dès  lors  serait  con- 
sacré ce  rapprochement  avec  la  Rnssie  qui  est  le  rêve  de  la  diplomatie  bri- 
tannique et  qui  Binerait  notre  arrêt  de  mort.  » 

fit  le  Sekai-no  Nvpp9n  concluait  en  ces  termes  :  <i  D'ailleurs  le  temps 
des  alliances  noss  semble  passé.  Elles  n*avaient  de  raison  d'être  que 
lorsque  les  puissances  européennes  étaient  toutes  occupées  à  maintenir 
Hntégrité  de  leurs  territoires  européens,  mais  maintenant  que  les  intérêts 
intematioDaux  sont  si  complexes  et  répandus  sur  tant  de  mecs  diverses,  il 
est  bien  difficile  de  s'entendre  sur  tons  les  points  et  de  conclure  de  vastes 
alliances.  Nous  n'avons  q«iant  à  nous  qa'à  régler  certains  points  particu- 
liers avec  les  puissances  qui  ont  des  communautés  spéciales  d'intérêts  avec 
le  Xapon.  Entendons-nons  donc  avec  la  Hnssie  en  Corée,  avec  l'Angleterre 
en  Chine,  et  avec  les  Etats-Unis  dans  le  Pacifique,  mais  ne  faisons  point  le 
rêve  décevant  d'une  quadruple  AQianoe  dont  nous  risquerions  d'être  les 
dupes  ». 

Ces  paroles  sont  la  raison  même  et  il  est  à  souhattar  que  l'o^MBion  japo- 
naise en  fasse  son  profit. 


En  vous  annonçant  daus  ma  dernière  lettre  la  fomatieu  du  cabinet 
Yamagata,  je  vous  disais  que  la  majorité  des  journaux  de  Tokyo  pré- 
voyaient qu'on  aurait  sans  doute  à  enregistrer  sous  peu  une  nouvelle  crise 
ministérielle* 

Mais  contre  toutes  les  prévisions,  cette  éventualité  ne  s'est  point  réa- 
lisée, et  bien  mieux  même,  la  session  de  la  Diète  vient  de  se  terminer  il  y 
a  quelques  jours,  à  sa  date  normale,  sans  que  l'accord  entre  le  parlement 
et  le  cabinet  ait  cessé  un  seul  instant  d'être  parfait.  C'est  là  un  événement 
absolument  caractéristique  et  qui  prouve  à  merveille  ce  que  j'ai  déjà  eu 
plusieurs  fois  l'occasion  de  vous  dire,  à  savinr  que  locsqu'on  parle  de  la 
politique  japonaise  il  ne  faut  jwnaiss'ébonoer  des  résultats  les  plus  impré- 
vus. Bn  cette  occasion  surtout  la  vérité  de  cette  observation  s'est  vérité 
complètement. 


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640  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   A    l'ÉTRAMGER 

Lorsque  la  Chambre,  en  efTet,  reprit  ses  séances,  il  y  a  trois  mois,  elle 
entra  en  contact  avec  un  cabinet  dont  tous  les  membres  avaient  été  choisis 
en  dehors  des  partis,  et  qui  par  conséquent  ne  pouvait  lé^tîmement 
compter  sur  l'appui  d*aucun  groupe.  On  avait  donc  bien  quelque  droit  de 
s'attendre  à  d*immédiates  difficultés.  Et  cependant  les  affaires  s'arran- 
gèrent d'elles-mêmes  pour  des  raisons  d'ordre  spécial  qui  échappent  à 
l'examen,  et  l'entente  subsista  ainsi  jusqu'au  bout  entre  le  gouvernement 
et  les  représentants  de  la  nation. 

On  peut  dire  que  jamais  session  de  la  Diète  ne  fut  plus  calme  et  plus 
féconde  aussi  en  résultats  utiles.  Cette  sagesse  inaccoutumée  des  parle- 
mentaires n'a  pas  été,  en  effet,  sans  porter  ses  fruits,  et  c'est  avec  raison 
que  l'empereur,  dans  son  message  de  clôture,  a  pu  féliciter  la  Diète  de  la 
façon  dont  elle  avait  rempli  son  mandat. 

Et  tout  d'abord,  ce  dont  il  faut  tenir  compte  à  la  Diète,  c'est  d'avoir 
enfin  voté  le  fameux  projet  d'augmentation  de  l'impôt  foncier  vainement 
demandé  jusqu'ici  par  les  divers  cabinets  qui  se  sont  succédé  en  ces 
dernières  années,  et  sans  lequel  cependant  il  était  impossible  d'établir  les 
finances  publiques  sur  des  bases  solides.  Il  est  malheureux  toutefois  que 
les  Chambres  n'aient  pas  cru  devoir  adopter  le  projet  tel  que  le  leur  pré- 
sentait le  gouvernement.  Elles  ont  réduit  l'augmentation  prévue  de  1/3,  de 
telle  sorte  qu'il  subsiste  encore  dans  le  budget  un  petit  déficit  qu'il  faudra 
combler  d'une  autre  façon.  La  Diète  a  aussi  mené  à  bien  l'établissement 
complet  du  budget.  Le  fait  est  d'autant  mieux  à  retenir  que  c'est  la  pre- 
mière fois  qu'il  se  présente  depuis  la  guerre.  Voici  trois  ans,  en  effet,  que 
par  suite  des  luttes  incessantes  de  l'exécutif  et  du  législatif,  qui  interrom- 
paient toujours  le  travail  parlementaire,  on  n'avait  pas  pu  voter  le  budget 
annuel  et  qu'on  vivait  sur  des  comptes  établis  pour  1896.  Je  ne  crois  pas 
inutile,  d'ailleurs,  de  vous  rapporter  ce  budget,  au  moins  dans  ses  grandes 
ligne;*. 

Le  revenu  ordinaire  se  monte  à  143.309.203  yen.  (Yen  =  2  fr.  55). 
Parmi  ses  principales  sources  nous  trouvons  : 

Impôt  foncier 38.795.557*  yen 

Impôt  sur  le  saké  (eau-de-vie  de  riz) 33.983.409  — 

Impôt  sur  le  revenu 2.341.239  — 

Pateotes 5. 622 .  154  — 

Douanes 16. 111 .322  — 

Timbres 8.453.213  — 

Monopole  du  tabac 7.760. 185  — 

Postes  et  télégraphes 16.879.613  — 

Chemins  de  fer  de  l'Etat 5.078.615  —   etc. 

Le  revenu  extraordinaire  se  chiffre  par  45.429.234  yen.  Les  deux  prin- 
cipales sources  en  sont  :  les  emprunts,  pour  12.254.613  yen,  et  l'indem- 
nité de  guerre,  pour  31.818.684. 

Nous  avons  ainsi  un  total  général  pour  les  revenus  de  188.738.437  yen. 

Les  dépenses  ordinaires  prévues  s'élèvent  à  138.643.520  yen,  parmi  les- 
quelles je  me  bornerai  à  citer  : 


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JAPON  641 

La  liste  civile 3.000.000  yen. 

Les  affaires  étrangères 2.082.123  — 

L'intérieur 10.410.627  — 

La  dette  publique ^  33.318.524  — 

Les  pensions 4. 637*427  — 

Les  dépenses  militaires 33.852.227  — 

Les  dépenses  navales 15.023.121  — 

La  justice 4.209.123  — 

L'instruction  publique 8. 103.233  — 

Les  communications 14.625.322  — 

Les  dépenses  extraordinaires,  qui  atteignent  le  chiffre  de  78. 179. 584 yen, 
comprennent  en  particulier  : 

Guerre 15.633.236  yen. 

Marine 35 .  639 .  673    — 

Communications 13.137.614    — 

Intérieur 5.431.322    —    etc. 

Le  total  général  des  dépenses  atteint  donc  un  chiffre  de  216.594.934,  qui 
est,  «m  le  voit,  notablement  plus  élevé  que  celui  des  receltes.  On  com- 
blera probablement  ce  déficit  en  faisant  appel  encore  une  fois  au  reliquat 
de  rindemnité  de  guerre. 

Je  vous  ai  dit  plus  haut  que  cette  session  de  la  Diète  avait  été  excessi- 
vement remplie  ;  je  ne  peux  mieux  vous  le  montrer  qu'en  rappelant  que 
les  Chambres  n*ont'pas  examiné  moins  de  284  projets  divers.  Il  n'est  pas 
possible,  bien  entendu,  d'indiquer  même  approximativement  ce  que  visait 
ce  formidable  amas  de  textes  législatifs  ;  je  me  contenterai  donc  de  dire  un 
mot  de  deux  projets  seulement  qui  sont  particulièrement  curieux.  L'un 
et  l'autre  consacrent  des  dépenses  nouvelles.  Par  le  premier,  les  Chambres 
japonaises  ont  fait  à  leur  souverain  un  cadeau  princier,  et  par  le  second 
les  représentants  de  la  nation  ^e  sont  octroyés  un  sérieux  supplément 
d'émoluments.  De  cette  dernière  mesure,  qui  a  été  passionnément  discutée 
par  l'opinion,  je  ne  rapporterai  que  les  chiffres  mêmes.  Le  traitement  du 
président  de  chacune  des  Chambres  est  porté  de  4,000  à  5.000  yen,  celui 
des  vice-présidents  de  3.000  à  4.000,  et  enfin  celui  des  représentants  de 
800  à  2.000.  Il  n'y  a  pas  là,  en  somme,  de  quoi  grever  énormément  le 
budget.  Il  n'en  est  pas  de  même  du  cadeau  fait  à  l'empereur.  La  Diète,  en 
effet,  lui  a  voté  récemment,  à  l'unanimité,  un  don  de  20  millions  de  yen, 
soit  plus  de  50  millions  de  francs. 

.  Cette  décision  prise  subitement  n  a  pas  manqué  de  surprendre  quelque 
peu  l'opinion,  et  parmi  ceux  mêmes  qui,  par  la  suite,  en  ont  approuvé  le 
principe,  il  s'en  est  trouvé  qui  ont  pensé  que  l'occasion  n'était  peut-être 
pas  très  bien  choisie  pour  une  telle  manifestation.  Les  finances,  en  effet, 
sont  dans  un  assez  fâcheux  état  puisque,  comme  nous  venons  de  le  voir, 
même  après  le  vote  d'une  sérieuse  augmentation  de  l'impôt  foncier,  le 
budget  accuse  encore  un  déficit  de  près  de  30  millions  de  yen. 

Certains  ont  trouvé  quelque  peu  irrationnel  ausâi  le  principal  mot!/  de 
justification  mis  en  avant  par  les  promoteurs  de  cette  idée.  Si,  en  effet. 


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64«  LA    VIE   POLITIQUE   ET    PAlttJSMEJSTAlRE    A    l'ÉTRANGER 

comme  on  le  prétend,  les  victoires  du  Japon  sur  la  Chine  ont  été  dues  en 
grande  partie  À  l'énergie  et  à  la  sagesse  de  rempcreur,  on  ne  peut  s'em- 
pêcher de  remarquer  que  la  nation  japonaise  a  mis  bisn  longtemps  pour 
s'apercevoir  qu'elle  devait  quelque  chose  à  son  souverain.  Si  on  voulait 
lui  prouver  la  reconnaissance  du  pays  en  lui  faisant  don  d'une  partie  de 
l'indemnité  de  guerre,  c'était  en  18^5  qu'un  tel  cadeau  avait  sa  raison 
d'être  et  non  à  la  fin  de  1898. 

A  cela  les  partisans  du  projet  ont  répondu  que  telle  avait  bien  été 
l'intention  du  pays  dès  cette  époque,  carie  cabinet  Ito,  après  la  conclusion 
de  la  paix,  en  décida  le  prineifte  ;  mais  oa  ne  pouvait  le  mettre  à  exécution 
qu'au  moment  où  on  serait  sûr  du  paiement  de  la  dette  chinoise. 

Quoi  qu'il  en  soit,  d'ailleurs,  de  ces  réserves  delà  première  heure,  l'una- 
nimité des  représentants  du  pays,  je  Le  répète,  n'en  a  pas  moins  consacré 
cet  hommage  fastueux  à  l'empereur.  Et  de  fait  il  paraît  que  le  souverain 
en  avait  un  réel  besoin.  Certes  le  Mikado  est  fort  riche  :  it  possède  d'im- 
menses propriétés  foncières,  avec  de  grandes  forêts  et  des  mines  de  toutes 
sortes.  Il  a  aussi  un  nombre  respectable  de  millions  (près  de  100  millions 
de  francs)  placés  à  de  beaux  intérêts  en  actions  de  la  Banque  du  lapon, 
de  la  Specie  Bank,  de  la  grande  compagnie  de  Navigation,la  Nippon  Youshen 
KaishUy  etc.,  et  toute  cette  énorme  fortune  est  diîigennnent  gérée  par 
le  ministère  de  la  Maison  impériale;  mais  il  n'en  est  pas  moins  Trat 
cependant  que  l'empereur  était  à  court  d'argent. 

La  liste  civile  du  Mikado,  en  effet,  a  été  établie  en  i%ifùei  n'a  jamais 
varié  depuis  lors.  Les  dépenses  de  la  Maison  impériale  par  contre  ont 
énormément  augmenté  en  ces  dernières  années,  et  cela  non  seulement  à 
cause  du  renchérissement  général  des  prix  au  Japon,  mais  aussi  par  suite 
du  plus  grand  nombre  de  visiteurs  de  marque  que  reçoit  le  souverain. 
Enfin  il  est  juste  de  dire  que  l'empereur  et  l'impératrice,  dont  la  sollici- 
tude pour  leurs  sujets  est  inépuisable,  augmentent  sans  cesse  le  champ  de 
leurs  largesses.  Grâce  à  toutes  ces  circonstances,  la  cassette  impériale 
était  en  déficit  chaque  année  de  5  ou  600.000  yen.  Ainsi  se  trouve  tout  à 
fait  justifiée  la  mesure  gracieuse  prise  par  les  Chambres  japonaises  à 
regard  de  leur  souverain. 


Je  ne  peux  mieux  faire  pour  terminer  cette  lettre  que  de  vous  repro* 
duire  les  données  essentielles  d^in  remarquable  travail  qui  vient  de  pa* 
rattre  sur  l'état  de  l'industrie  japonaise.  Son  auteur,  H.  Nagabeimitriga, 
ancien  directeur  au  ministère  de  FAgriculture  et  du  Commeroe,  est  assu- 
rément un  des  hommes  qui  connaissent  le  mieux  la  question. 

Cette  étude  commence  par  nous  donner  la  proportion  des  objets  manu- 
facturés au  Japon  en  ces  dernières  années,  compaiytrvemeBt  an  chifflre 
total  des  exportations  de  ce  pays.  Nous  voyons  ainsi  que  les  objets  ntann- 
facturés  qui,  en  1688,  formaient  67  p.  100  de  fexportation  formaient  par 
la  suite,  en 


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JAFON  643^ 

1889 64  01Û  1894 710^0 

1890 67  0/0  1895 75  0/0 

1891 550/0  1896 77  0/0 

1892 67  0/0  1897 74  0/0 

1893 TTO/O  1898 78  0/0 

L'importation  au  Japon  d'objets  manufaciurés  k  Tétrangera  nalurelle- 
ment  suivi  un©  progression  inverse; 

18^8 92  0/0     18^ 76  0/0 

1889 87  0/0     1895 67  0/0 

1890 87  0/0     1896 710/0 

1^  73  010      1897 71  0/0^ 

189i 730/0  1898 60  0|0 

1893 72  0ii«O 

IL  est  pluii  difficile  d'avoir  des  données  exacte»  ^i  ce  qui  concerne  les 
capitaux  placés  dans  llndiistrte.  Diaprés  les  chiffres  fournis  par  M.  Ariga, 
le  capital  total  des  diverses  entreprises  induetrieUes  av  Japon  a  été  succès- 

sivenieni: 

1894. 56.000.000  jen 

1885^ 62.000.000  — 

1896 74.000.000  - 

1897 151.000.000  — 

lB9d 170.000.600  — 

Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qae  ces  chiffres  sont  ceux  du  capital 

nominal  des  diverses  ocvipagnîes.  Les  capitaux  réellement  versés  sont 

beaucoup  moins  iai^rtants,   eomne  on  peut  s'en  rendre  compte  par  le 

tableau  suivant: 

1894 a^.eoa.fiûo  yen 

1895 41.0ÛOU)ÛO      — 

1896 48.000.000      — 

lg9^ 74.C0O.00a      — 

1898 , se.oat'.eoo    - 

Ces  chiffres  montrent  excellemment  le  point  faille  de  Findustrre  japo- 
naise. Uoe  ftèvre  d^entreprisey  s*est  emparée  du  pays  depuis  la  guerre  ; 
malheureuseroent  on  n*a  pas  encore  trouvé  ïes  capitaux  nécessaires  pour 
asseoir  sur  des  bases  soKdtes  toutes  les  industries  nouvelles  qu'on  s'est  un 
peu  hâté  de  créer.  Aussi  ht  plupart  des  compagnies,  privées  des  capitatix 
sur  lesquels  elles  devaient  légitimement  compter,  sont-elles  obligées  d'^em- 
pruttterà  de  fort  gros  intérêts.  Les  pré»ts  S  Finrdustrie  ont  été  successive- 
ment : 

Ea  1894 4.«l00.00t   yen 

—  1895 .•... é.900.000      — 

--  1896 5  508.000      - 

-1897 6.100.000      — 

—  189» 7.0CO'.0OO      — 

Si  on  veut  bien  songer  que  ces  prêts  n'ont  jamais  été  consentis  par  les 
banques  à  moins  de  iO  ou  12  p.  100,  on  se  rend  compte  de  Finfériorité  dans 
laquelle  estmisede  ce  chef  l'industrie  japonaise. 

Je  dois  signaler  cependant  une  certaine  amélioration  qui  semble  s'affir- 
mer peu  h  peu  dans  ce  fâcheux  état  de  choses,  et  îl  est  à  espérer  qu'avant 
un  an  ou  deux  les  affaires  auront  repris  leurs  cours  normal. 

•  •• 


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644  LA    VIE   POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   A   l' ÉTRANGER 

IV.  —  CHINE  (i) 

IV.  —  Les  dix-huit  proyinces  de  la  Chine. 

f.  PETCHELi  OU  TCHELi.  —  La  Province  du  Tcheli  (appelée  aussi  Petcheli) 
d'une  superficie  de  58.949  milles  carrés  est  bornée  au  Nord-Est  par  le 
Liotoung(Mandchourie)  où  pendant  une  courte  distance  la  Grande  Muraille 
délimite  la  frontière,  à  TEst  par  le  golfe  du  Petcheli,  au  Sud-Est  et  au 
Sud  par  le  Ghantoung,  au  Sud-Ouest  par  le  Houan,  à  TOuest  par  le  Ghansi, 
et  au  Nord  par  la  Mongolie  intérieure  dont  elle  est  séparée  par  la  rivière 
Lio.  La  partie  de  la  province  située  au  Sud  de  la  Grande  Muraille,  à  l'ex- 
ception de  quelques  rangées  de  collines  qui  sont  au  Nord  et  à  l'Ouest,  est 
plate  et  doit  être  rangée  parmi  les  parties  les  plus  unies  de  la  grande 
plaine  de  «  loess  »  du  Nord  de  la  Ghine. 

De  nombreux  cours  d'eau,  parmi  lesquels  le  Pei-ho,  le  Uan-ho,  le 
Houto-he,  le  Laotchang,  sillonnent  le  Tcheli.  Le  grand  Ganal  le  traverse 
dans  la  partie  Est,  dans  la  direction  du  Sud  au  Nord  pour  aboutir  à 
Tientsin. 

G'est  dans  cette  province  que  se  trouve  la  capitale  de  la  Ghine  qui  a  sou 
administration  propre  en  dehors  de  celle  de  Tcheli.  Pékin  n'est  plus  qu'une 
ville  pauvre  et  en  ruines;  quelques  vestiges  rappellent  cependant  son 
ancienne  splendeur  du  temps  de  l'Empereur  Kienloung. 

La  capitale  du  Tcheli  est  Paoting  fou.  G'était  autrefois  la  résidence  du 
Vice-Roi  qui  maintenant  est  à  Tientsin. 

Far  sa  situation  géographique  Tientsin  est,  pour  ainsi  dire,  l'entrepôt  du 
Nord  de  la  Ghine.  G'est  principalement  là  que  convergent  les  produits  de 
la  Mongolie  et  de  la  Mandchourie,  du  Ghansi,  du  Ghensi  et  même  du 
Kansou  pour  être  embarqués  à  destination  des  ports  du  Sud,  de  l'Europe, 
ou  de  l'Amérique.  G'est  encore  là  que  se  trouvent  les  entrepôts  de  sel  de 
l'administration  de  la  Gabelle,  et  que  les  jonques  de  mer  qui  apportent  le 
tribut  en  grains  des  provinces  du  Sud,  transbordent  leur  chargement  sur 
des  barques  qui  doivent  le  conduire  à  Tongtcheou  et  de  là  aux  portes  de 
Pékin. 

Le  Tcheli  passe  pour  une  province  naturellement  fertile,  mais  la  culture 
du  sol  pourrait  être  rendue  plus  productive.  L'amélioration  des  cours 
d'eau  mettrait  un  terme  aux  inondations  qui  stérilisent  plus  spécialement 
les  environs  de  Tientsin.  —  Parmi  les  productions  de  la  province  figurent 
le  blé,  le  millet,  le  sorgho,  l'avoine,  le  sésame,  l'arachide,  le  jujube,  le 
coton.  —  Dans  la  partie  septentrionale  il  a  été  fait  récemment  des  essais 
de  plantation  de  la  vigne  et  de  la  pomme  de  terre  :  les  résultats  ont  été 
très  satisfaisants.  —  L'élevage  des  porcs  constitue  aussi  une  des  ressources 
du  pays. 

Sur  plusieurs  points  le  charbon  et  la  pierre  à  chaux  sont  en  abondance. 
Une  société  chinoise  exploite,  avec  le  concours  d'ingénieurs  étrangers,  les 
mines  de  charbon  de  Kaiping  qui  comprennent  deux  houillères  distinctes  : 

(l)  Voir  la  Revue  Politique  et  Parlementaire,  du  10  avril  1899,  p.  182. 


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CHINE  645 

Tune  à  Tangshan  à  4  milles  de  Kaiping  et  à  80  milles  Nord-Est  deTientsin, 
sur  la  ligne  de  Ghan-hai  Kouan,  et  Fautre  à  Linsi,  à  15  milles  plus  au  Nord 
sur  la  même  ligne.  La  mine  de  Tangshan  fournit  un  rendement  quotidien 
de  2.000  tonnes.  Les  résultats  de  la  Houillère  de  Linsi  ouverte  en  1889 
n'ont  pas  été  aussi  bons,  des  solutions  de  continuité  existant  dans  les 
couches  aux  endroits  où  les  puits  ont  été  creusés.  —  Ce  charbon  est  en 
partie  consommé  sur  place,  en  partie  envoyé  dans  des  ports  chinois.  Le 
coke  de  Tangshan  a  récemment  approvisionné  {es  usines  d'Hanyang. 

Il  y  a  un  grand  nombre  d'autres  gisements  houillers.  A  TOuest  de  la 
Province  à  Houci-la  et  à  Tsinghing  ;  près  de  la  frontière  du  Ghansi  se 
trouve  un  charbon  à  demi  bitumeux  dont  une  quantité  considérable  est 
exportée  dans  la  plaine  pour  les  travaux  de  forge.  Plus  au  Nord,  sont 
les  mines  de  Tangshan,  anthracite  très  lourd,  très  friable  et  d'un  aspect 
gris  foncé.  — *  Les  autres  principaux  gisements  à  TOuest  de  Pékin  sont 
ceux  de  :  Tung  meilchang,  au  moins  six  couches  d'anthracite  super- 
posées de  2  à  10  pieds  d'épaisseur  recouvertes  de  grés  et  d'ardoise  — 
Taingan  —  les  gisements  sont  coiffés  d'une  couche  d'une  centaine  de 
pieds  d'épaisseur  de  grès  et  de  quartz;  ce  charbon  qui  est  de  l'anthracite 
presque  pur  passe  pour  le  meilleur  des  environs  de  Pékin;  quelques  gise- 
ments ont  une  position  verticale,  —  Mian  nyan,  dans  le  voisinage  des 
précédents. 

On  rencontre  encore  d'autres  bassins  houillers  entre  Pékin  et  Paoting- 
fou. 

D'une  façon  générale,  les  bouleversements  de  l'écorce  terrestre  ont  été 
très  grands  dans  les  environs  de  Pékin  et  ont  eu  pour  résultat  d'exposer  à 
l'œil  les  différentes  formations  houillères,  et  de  rendre  à  certains  endroits, 
tels  que  Taingan  les  couches  de  charbon  facilement  accessibles. 

Au  nord-ouest  de  Pékin  dans  la  région  de  Suien  Houa  fou  sur  la  roule 
de  Kalgan,  le  charbon  se  trouve  aux  points  suivants  : 

Tu  Tcheou.  —  Couches  horizontales  de  4  à  6  pieds  d'épaisseur  ;  le  char- 
bon bitumineux  est  de  bonne  qualité  et  coûte  à  la  mine  1  cash  par  catty, 
à  Kalgan  où  il  est  le  plus  employé,  6  cash. 

Si  ning  bien.  —  Gharbon  d'une  espèce  particulière  qui  ne  donne  ni  fu^ 
mée,  ni  flamme,  ni  odeur  bitumineuse  ;  très  brillant,  d'un  noir  brun,  se 
casse  en  petits  morceaux  et  contient  de  nombreux  globules.  Vendu  à  Kal- 
gan 9  cash  le  catty. 

Kin  Paounyan  ou  Paou  nyan  chaou.  —  Charbon  bitumineux. 

Sin  Paou  nyan.  —  Gharbon  bitumineux,  mais  qui  n'est  pas  de  bonne 
qualité. 

Au  nord-ouest  et  à  une  faible  distance  de  Suein  fou,  autre  gisement. 

Puis  enfin  Toumoutou  ou  Scaoutouny  Ko. 

Il  en  est  de  toutes  ces  mines  comme  de  celles  du  Chcmsi,  leur  avenir  est 
dans  la  création  de  chemins  de  fer. 

Le  commerce  du  Petcheli  centralisé  à  Tientsin,  l'un  des  principaux  ports 
ouverts  de  la  Chine,  tend  à  se  développer  comme  en  fait  preuve  l'installa- 
tion récente  en  cette  ville  de  nouvelles  maisons  de  commerce  étrangères, 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  42 


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646  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLIMENTAIRE   A   l'ÉTRANGER 

Le9  maisons  qui  s'occupent  d'oxporUtien,  i'imperUUan  oa  des  dtux  à  U 
fois  se  dénombrent  ainsi  & 

8  Frannaises  ou  protéf^et  par  la  Franoe. 
i6  Anghiises. 
17  Allemandes* 
4  RuAses. 
3  Japonaises, 
i  BeHandaise. 
1  Belge, 
i  Danoise. 
La  valeur  du  commerce  du  port  de  Tteatsin  peiMbuit  raanée  iSd?  a  été 
la  suivante  : 

L'importation  de  France  à  Tientsin  est  relativenMnt  fêMe;  tUe  rapoae 
spécialement  sur  Tartiole  de  Paris,  les  jouets,  Ita  chaînes  d'acier  dorée& 
et  argentées,  liiorlogerie,  la  Mjoutehe,  la  lunetterie,  la  parfumerie^  k 
mercerie,  la  confiserie,  les  conserves,  le»  TÎna  et  lûpMun.  Noua  avona  à 
lutter  contre  les  Anglais  et  les  Allemands,  qai  exportent  en  même  kam^M 
que  les  articles  similaires  aux  nôtres,  les  bongiea,  les  saronfly  les  coêeni^ 
nades,  la  teinture  d'aniline,  le  verre  à  vitre,  la  miroiterie,  les  armes,  le 
matériel  de  chemin  de  fer  et  de  télégraphie.  —  Les  Japonais,  qm  excellent 
dans  l'imitation,  envoient,  en  plus  de  leurs  spécialités,  l'article  de  Paris, 
les  fournitures  de  toilette,  les  cotonnades  eiteaaliumettea^LesAménonins 
importent  les  cotonnades,  les  toiles,  l'horlogerie  et  le  pétrole,  mais  ce  derw 
nier  produit  en  moindre  quantité  ^ue  les  itnsees.  Koua  pounicHis  tenter 
l'importation  des  serviettes,  des  moiiekoirs,  des  outils,  des  cinMOiis^  des 
pièces  métalliques  pour  la  construction  et  les  trarana  de  semunerie,  de  la 
sellerie,  des  savons,  des  bougies  et  des  produits  chimtqnes. 

L'exportation  directe  en  France  est  peu  importante,  nos  fabricante  s'ap- 
provisionnaient le  plus  souvent  à  Londres  ou  à  Haiabourg.  On  etxporie 
cependant  chez  nous  du  poil  de  chameau  el  de  la  kine  de  monten  qui  ne 
sont  utilisables  que  pour  la  fy[>rication  deS'  eou^Mrtnres  ^rosnàreft  «t  den 
tapis  ;  des  tresses  de  paille  et  des  plumer  pour  eàapeaos;  des  peansdtt 
daim,  chèvre,  mouton,  des  sotes  ée  pore  el  4m  sanglier,  et  dbiérenies 
fourrures. 

Les  marchandises  exportées  de  Tientsift  èdesliniftîemdes  ports,  de  Qàub 
ou  de  l'étranger  sont,  en  plus  des  produits  qui  viennent  d'être  dénommés^ 
les  pailles  blanches  ou  mélangées,  les  iatestes  de  nrauten  et.  d»  perc»  les 
os,  les  cornes,  les  produits  médicinaux,  les  «mandes,  les  dattes,,  les  pois  et 
les  haricots. 

Les  Anglais  et  les  Allemands  détiennent  principaleoienl  le  oeoMoacce 
d'exportation.  Dans  le  courant  de  l'année  dernière,  c^wninnt,  deux  im- 
portantes maisons  de  commerce  âmnçaises  (Olivier,  de  îiiingrnfcngnn  et  Cie 
et  Racine  Akermann  et  Cie)  ont  établi  des  snocurontoa  eu  lieataim^  i 
en  vue  du  commerce  d'exportation. 
Les  établissements  de  banque  de  Tientsin  sont  t* 
La  Ghartered  Bank  of  tndia,  Australia  and  iaiinfeu 


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CtilKE  647 

La  Deulsoh  aftiaXiftcbe  Bank. 

La  Hongkong  and  Shas^aï  Banking  corporation  (suecursaie  auesi  k 
Pékin). 

L'Impérial  Bank  of  China. 

La  Banque  Ru0so-Chinoise  (établie  également*  à  Pékin). 

La  création  d'un  établissement  de  crédit  français,  qui  a  souvent  été 
souhaitée,  contribuerait  à  améliorer  notre  situMi^n  dans  cette  région,  et 
en  aidant  nos  natioAaux  qm  y  résident,  elle  aurait  peut-être  pour  résultat 
d'«n  attirer  d'autres.  Il  serait  en  effet  désirable  de  voir  s'augmenter  le 
nombre  de  nos  compatriotes.  Nos  commerça«ts0t  nos  industriels  en  étant 
représentés  d'une  façon  permanente  se  rendraient  un  compte  plus  exact 
des  besoins  et  des  ressources  de  ce  pays«t  prendraient  vraisemblablement 
une  plus  largl»  part  dans  les  entreprises  qui  s'y  fondent. 

Jusqu'à  présent,  la*  province  du  Petclteli  -est  la  seule  qui  possède  dm 
chemins  de  fer.  La  ligne  de  Tientsin-Pékin  permet  d'effectuer  en  quelques 
heures  entre  ces  deuic  villes  un  voyage  qui  prenait  autrefois  plusieurs 
jours. 

Le  public  accorde  sa  faveur  à  ce  nouveau  mode4e  transport  et  les  trains 
regorgent  toujoun»  de  voyageurs  et  de  marchandises.  De  Tientstn'la  ligne 
de  Pékin  se  poursuit  par  Chanhaikonaa  Jusqu'à  Tchon^-he<oU'  souo,  à 
60  kilomètres  environ  «u^elà  de  la  Graade  Muraille.  La  voie  a  la  largeur 
des  voies^  anglaises  et  l'exploitation  en  est  faite  sous  le  contrôle  d'ingé- 
nieurs de  district  de  la  même  nationalité.  Il  y  a  parmi  les  employés  quel* 
ques  conducteurs  européeiM»,  mais  la  plupart  des  locomotives  sont  confiées 
à  des  Chinois.  Les  ateliers  du  chemin  de  fer,  où  est  construit  le  matériel 
roulant  et  où  sont  ajustées  les  locomotives,  se  trouvent  h  Taugshan  près 
des  mines  de  charbon. 

Une  autre  ligne  de  Pékin  à  Paoting*fou  est  sur  le  point  d'être  terminée, 
elle  est  construite  par  des  ingénietti-s  anglais.  Cette  ligne  sera  le  premier 
tronçon  du  chemin  de  fer  Uankeou- Pékin  qui  venant  du  sud  arrivera  à 
Paoting-fou.* 

Les  transports,  en  général,  comme  dans  toute  la  Chine,  laissent  beau- 
coup à  désirer  :  ils  s'effectuent  en  brouette,  en  charrette,  —  à  dos  de  cha- 
meau, et  par  jonqtiès  dans  les  endroits  que  traversent  des  cours  d'eau 
navigables  ou  é^  canaux. 

Les  bateliers  du  Pei-ho  qui  avant  l'établissement  du  chemin  de  fer  Pé- 
kin Tientsin  effectuaient  le  transport  des  voyageurs  et  des  marchandises 
entre  ces  deux  points,  ont  sUbi  une  grave  atteinte  dans  leurs  intérêts  ;  le 
mouvement  fluvial  sera  encore  diminué  le  jour  où  l'administration  du 
chemin  de  fer  aiira  organisé  un  service  normal  pour  le  transport  des  mar- 
chandises. Toutefois  le  service  du  transport  des  gmins  du  tribut  des  pro- 
vinces du  sud  et  du  sol  exploité  à  Takou  et  dans  les  environs  assure  en- 
core une  certaine  activité  à  la  navigation  fluviale. 

Depuis  1896?,  les  navires  qui  arrivent  à  Takou  (embo^ichure  du  Pei-ho) 
ne  peuvent  plus  remonter  à  Tientsin  à  cause  de  Tensablement  du  Pei-ho. 
Des  travaux  doitentlêtre  entrepris  pour  tenter' de  reritédîei^  à  cet  état  de 


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648  LA  VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   A    l'ÉTRANGER 

choses.  Actuellement  les  marchandises  sont  débarquées  sur  des  chalands 
qu'une  compagnie  locale  «  Taku  Tug  and  Lighter  C"  »  se  charge  de  re- 
morquer Jusqu'à  Tientsin. 

Entre  Shanghaï  et  Tientsin  un  service  permanent  (interrompu  en  hiver 
alors  que  l'ouverture  du  Pei-ho  est  bloquée  par  les  glaces,  c'est-à-dire 
pendant  trois  mois  environ)  est  assuré  par  les  compagnies  :  China  Mer- 
chants  Steam  Navigation  C*  (Chinoise). 

China  Navigation  Company  Limited  (Butherlield  and  S^ire  (Anglaise). 

Indo-('4hina  Navigation  C«  Limited  (Jardine  Mathesson  and  C")  (Anglaise). 

On  peut  ajouter  la  «  Chinese  Engineering  and  Mining  Company  >  dont 
les  bateaux  destinés,  à  l'aller,  au  transport  du  charbon  dans  les  ports  du 
sud,  prennent  souvent  du  chargement  au  retour. 

La  compagnie  japonaise  <(  Nippon  Yusen  Kaisha  »  assure  une  correspon- 
dance bi-mensuelle  entre  Kobé  Nieoutchouang,  Tchefou,  Tientsin  et  la 
Corée. 

Enfin  la  maison  allemande  Melchers  et  Cie  a  inauguré  récemment  un 
service  entre  Shanghaï,  Kiaotchéou,  Tchefou  et  Tientsin. 

Il  est  regrettable  qu'une  compagnie  française  n'ait  pas  établi  un  service 
de  cabotage  qui  aurait  été  également  profitable  à  ses  intérêts  et  à  ceux  de 
notre  commerce  et  de  notre  industrie. 

Dans  le  mouvement  de  la  navigation  du  port  de  Tientsin  une  augmenta- 
tion de  70  bateaux  se  remarque  en  1897.  En  1896,  le  nombre  des  navires  à 
vapeur  et  à  voiles,  tant  entrés  que  sortis,  avait  été  de  1.395,  jaugeant 
1.241.645  tonnes.  En  1897,  il  a  été  de  1.465,  jaugeant  1.326.663  tonnes. 

La  navigation  en  1897  s'est  répartie  entre  les  diiférents  pays  ainsi  qu*il 
suit  : 

imporlalions  étrangères 30,iià,â60  làSU 

»           chinoises 13,846,713  » 

Produits  indigènes  exportés  à  l'étranger..  7iâ,4â5  • 

en  Chine 10,277,619  - 

Total  général 55. 050,017  la?l^ 


BATEAUX  A  VAPEUR 

Entrées  et  sorties 

Pavillons  Nombre  Tonnes 

Anglais 569  564,187 

Allemand ii  18,5i0 

Suédois  Norvégien 94  8o,i80 

Australien..... i  2.992 

Japonais 84  68,550 

Chinois 660  569,778 

ToUl  des  bateaux  à  vapeur.  1,433  l,309,3a7 

BATEAUX  A   VOILES 

Anglais 22  9,990 

Américain 10  7,366 

Total  des  batoaux  à  voiles.  32  17.356 

Total  général 1 ,465  1 ,326,663 


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CHINE  649 

a.  CHANTOUNO.  —  Le  Chantoung  a  Une  superficie  de  65.104  milles  carrés, 
sa  population  très  dense  s'élève  de  36  à  40  millions  d'habitants.  L'indi- 
gène du  Chantoung  est  robuste,  de  haute  taille,  travailleur,  économe, 
excellent  laboureur  ou  colon;  il  émigré  souvent  chaque  année,  soit  à 
Tientsin,  soit  à  Wladivodstock,  soit  en  Mandchourie.  On  peut  évaluer  à 
50.000  le  nombre  d'individus  qui  quittent  leur  pays,  du  mois  de  mai  jus- 
qu'en octobre.  Le  mouvement  d'émigration  des  naturels  du  Chantoung, 
causé  par  la  difficulté  de  vivre  et  la  très  faible  rétribution  de  la  main- 
d'œuvre  sur  leur  sol  natal,  ne  fera  que  s'accroître  avec  les  ouvrages  entre- 
pris par  les  Russes  à  Port-Arthur  et  à  Talienwan  et  avec  les  travaux  du 
Tr.'insmandchourien. 

La  province  est  réputée  .salubre  et  le  port  de  Tchefou  passe  pour  le 
plus  sain  de  la  côte. 

Les  variations  entre  la  température  d'été  et  celle  d'hiver  sont  grandes. 
La  saison  des  pluies  est  de  courte  durée;  la  neige  tombe  parfois  en  abon- 
dance en  hiver,  pour  \o  plus  grand  bien  de  l'agriculture  ,qui  a  souvent  à 
souffrir  de  la  sécheresse. 

Au  point  de  vue  géologique,  la  province  peut  être  considérée  comme 
formée  de  deux  parties  bien  distinctes  :  la  partie  péninsulaire  et  la  partie 
continentale.  La  partie  continentale  se  divise  en  deux  sections  :  une  région 
de  plaine  qui  constitue  l'ouest  de  la  province  et  n'est  guère  qu'à  30  mètres 
d'altitude;  son  sol  formé  d'alluvions  composant  le  terrain'appelé  «loess  » 
est  très  fertile,-très  bien  cultivé  et  donne  plusieurs  récoltes  par  an.  L'autre 
section  qui  constitue  le  Chantoung  central  est  la  région  la  plus  accidentée 
de  la  province,  elle  est  partagée  par  des  failles  ou  crevasses  en  un  certain 
nombre  de  blocs  rocheux  sans  qu'on  observe  aucun  plissement  des  cou- 
ches; là  se  trouve  le  pic  de  Tailhan  (1.300  mètres)  un  des  plus  hauts  de  la 
Chine;  c'est  une  montagne  sacrée,  but  de  nombreux  pèlerinages. 

La  partie  péninsulaire  semble  le  résultat  d'un  soulèvement  ancien,  anté- 
rietir  aux  formations  carbonifères  :  la  présence  de  basalte  dans  les  îles 
voisines,  paraît  indiquer  l'endroit  où  était  le  centre  éruptif.  Le  terrain  de 
la  péninsule  est  formé  de  calcaires,  de  gneiss  constituant  des  montagnes 
abruptes  et  sauvages. 

Le  fleuve  principal  est  le  fleuve  Jaune  qui  présente  la  parlicularité 
curieuse  d'avoir  plusieurs  fois  changé  son  cours,  à  cause  de  l'énorme 
quantité  de  limon  que  ses  eaux  charrient  et  qui  élèvent  peu  à  peu  son  lit. 

Le  grand  canal  coupe  le  Chantoung  à  Test  dans  une  direction  nord- 
est  sud-est. 

Le  Chantoung  comporte  dix  préfectures  (fou).  Sinanfou  est  la  capitale 
de  la  province  et  la  résidence  du  gouverneur  général.  Les  laotais  sont  au 
nombre  de  trois;  l'un  d'eux  se  trouve  à  Tchefou  et  est  appelé  à  entrete- 
nir de  fréquents  rapports  avec  les  consuls,  ce  qui  lui  donne  une  certaine 
supériorité  sur  ses  deux  autres  collègues. 

Les  productions  agricoles  de  la  province  consistent  en  millet,  maïs,  blé, 
sorgho,  sarrazin,  orge,  sésame.  Des  rizières  se  rencontrent  dans  la  région 
sud- ouest.  Les  léguipineuses  sont  très  cultivées,  particulièrement  les  hari- 


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«50  LA   VIE   POLITIQUE   ET  PAUMMENTAIRE   A    l'ÉTRANGER 

cols  et  les'fàferoles.  Dans  les  iQ^rams  saMonneux  et  légers  an  bord -de  la 
mer  oti  le  long  des  rivières  Ton  trouve  de  grandes  cttltures  d'^uraiebides, 
dont  les  graines  sont  consoairaéesà  Tétat  sec  ou  broyées  poiur^nmir  une 
huile,  d'excellente  qualité. 

Les  plantes  textiles  soot  le  coton,  cultiré  surtout  à  Tenest,  le  ohanvre  et 
la  ramie.  Le  chanvre  U'est  pas  tissé,  il  .est  utilisfé  seulen^ent -pour  la  fabri- 
cation de  cordages;  quant  à  la  raoïie,  ses  tiges  servent  à  confectionner 
des  ûlets  de  pèche  et  une  étoffe  spéciale  appelée  dans  le  pays  :  «  kopon  n. 

On  trouve  au  Chantoung  un  assez  grand  nombre  de  plantes  'tinctoriales  : 
Torcanette,  le  carthame,  Tindigotier,  Peu^orbe  et  un  ]  ai^^Mrisseau  de  la  • 
famille  des  rhamnées,  le  ce  rhamnus  tinctorius  r,  qui  donne  une  belle 
couleur  verte. 

Dans  la  partie  orientale,  le  pavot  est  cultivé,  le  produit  obtenu  est  infé- 
rieur ii  Topium  de  Tlnde  et  ne  sert  qu'à  la  consommation  locale.  Le 
sésame  manufacturé  en  une  sorte  de  gâteau  se  mélange  à  Topium. 

I^s  cultures  maraîchères  sont  assez  florissantes,  le  légume  le  plus 
important  est  le  chou  qui  est  exporté,  frais  ou  salé,  jusqu'aux  extrémités 
sud  de  Tempire. 

Les  fruits  du  Chantoung  sont  appréciés  et  ses  pèches,  ses  abricots,  ses 
poires,  ses  fraises,  ses  prunes,  ses  cerises,  ses  framboises,  ses  iioix,  ses 
noisettes,  ses  jujubes  achalandent  le  marché  de  Shanghai. 

Il  y  a  lieu  aussi  de  mentionner  les  plantes  médicinales  qui  sont  o«l* 
tivées  en  grande  quantité. 

Les  mulets,  les  ânes  -et'les  poneys  sont  employés  comme  bétes  de  somme. 
Les  mulets  principalement  sont  nombreux  et  leurs  qualités  de  fond  et  de 
résistance  aux  oKmats  tropicaux  ont  été  assez  a{^éoiées  des  gouverne- 
ments coloniaux  d^ndo-Ghine  et  de  Java,  pour  que  ceux-ci  envoient  fré- 
quemment à  Tchefou  des  officiers  chargés  de  la  mission  d'effectuer  des 
achats  destinés  à  la  remonte  de  leur  artill^ie.  Le  bœuf,  qui  n'est  pas 
utilisé  pour  la  boucherie,  sert  comme  animal  de  trait. 

Les  porcs  sont  élevés  en  liberté  et  on  les  rencontre  dans  les  rues  des 
villes  et  des  villages  où  ils  se  nourrissent  de  ce  qu'ils  trouvent.  Leur  ohaîr 
est  de  bonne  qualité  et  constitue,  avec  le  millet,  la  base^de  rfllimen4a(Cion 
du  peuple;  leurs  soies  longues  et  dures  donnent  lieu  à  un  commerce 
assez  considérable  avec  l^urope. 

Les  volatiles  domestiques  sont  les  poules,  les  oies,  les  -canards  et  les 
pigeons. 

Les  côtes  du  Chantoung  sont  très  poissonneuses.  Des  villages  entiers, 
tout  particulièrement  au  cap  Chantoung,  ne  se  composent  quede  pécheurs; 
les  poissons  qu'ils  prennent  sont  séchés,  fumés  ou  salés  et  expédiés  en 
grande  quantité  vers  les  provinces  du  sud  de  la  Chine. 

Au  point  de  vue  commercial,  deux  espèces  d'insectes  sont  intéressants  : 
r  ((  atacus  pernyi  j>  qui  est  le  ver  à  soie  du  chêne  et  le  «  coccus  pela  »  ^i 
produit  une  cire  assez  appréciée  en  Chine  et  en  Europe. 

Les  mines  sont  nossbreuses  dans  le  pays,  on  y  trouve  l'or,  r^rgent,  le 
fer,  le  cuivre,  le  soufre,  le  meroure,  le  charbon. 


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CHI»}E  65  i 

Les  finsd^UK  tosMiifi  JbMiîUen  Boat  oeai  d'Yitcbeoufou,  de  Weishien, 
F^ektatàkôen  et  de  Tioo-Tdioiian. 

Le  JbafiAki  d'Yi-toheeu  a  'mmt  étendue  de  ^7  milles  da  nord  au  sud  sur 
TSmiiles  de  i'eetà  ToKest;  Textraction  de  la  houille  s'opère  au  moyen 
d'un  grand  nomtoe  4e  puits  4ont  la  profondear  varie  de  30  à  50  pieds. 
Ao-dessous  de  «ette  profondeur  les  eaux  foait  irruption.  Le  charboa  an 
est  translormé  eu  coïke,  «loififi  lourd  à  irajisporter  que  la  houille.  —  Les 
méthodes  indigènes  eai^yées  à  Weiflhien  permetieiit  d'obbenir  anauel- 
iement  un  reademeut  de  5.000  tannes.  L'exploilation  des  gisements  situés 
MUS  uae  fdaâte  «st contrariée  par  renvahissement  des  eaux;  de  nouveaux 
pmits  remplacent  omm  qui  pour  cette  cause,  ont  dû  être  abandonnés.  11  y 
aurait  à  Weisl»eii,  d'après  les  explorateurs^  deux  qualités  de  charboa  au 
moins  :  use  ikouiâle  grasse  ei  de  Tanthracite. 

Les  giseonente  de  Pochanshien  d'environ  12  milles  carrés  sont  fort 
împoriaate.  Le  charbon  y  e^  d'exceUente  qualité  ;  de  plus,  la  position  des 
litts  an-dessus  dn  nârean  de  la  raUée  permet  d'exploiter  sans  avoir  à 
redouter  l'envahissement  des  eaux.  Le  travail  est  d'ailleurs  rudim^itaire, 
on  ne  creuse  guère  àylus  de  20  pieds  de  profondeur.  Une  grande  quantité 
du  charbon  de  Pochan  est  transformée  en  coke. 

Oans  les  oharèonnages  du  Tzoutchouan,  grAce  à  l'emploi  d'une  pompe 
eurepéemae,  on  a  pu  arrirer  à  une  pretfbndeur  de  80  pieds,  mais  les  difii- 
Irrités  de  transport  s'opposeftt  à  la  réalisation  de  bénéfices  appréciables. 

Le  charbon  existerait  aussi  à  Kiaotcheou,  Tchoutcheou  et  Teng-Tcheou- 
Fou. 

On  a  essayé,  en  4883,  d'après  des  méthodes  modernes  de  travailler  les 
Bûies  d'or  à  Ping-Tou,  en  extrayant  l'or  qui  se  trouve  dans  le  quartz  de 
cette  région  ;  ceAte  tentative  due  à  l'initiative  d'un  syndicat  de  riches  Chi- 
nois d'Amérique  n'a  pas  été  suivie  de  succès  et  les  travaux  ont  été  aban- 
donnés. 

Les  Allemands  étaiUis  maînéenant  à  Kiaotcheou,  au  oœur  de  ces  mines, 
verront  probablement  ce  qu'il  y  a  à  faire  pour  leur  exploitation.  Actuelle- 
ment, on  ne  recmeille  guère  au  Chantoung  que  de  petites  quantités  d'or 
par  le  lavage  des  sables  des  torrents. 

11  faut  ajouter  à  eetie  nomenclature  des  richesses  de  la  province  :1e  jade, 
le  sa^tre  et  même,  dit>on,  le  diamant  qui  se  trouversût  aux  environs 
d'Yitdieou-Fou.  Il  y  a  aussi  des  carrières  de  marbre  et  de  pierre  tendre 
ei  des  sources  thermales  presque  toutes  sulfureuses. 

La  paille  de  blé,  transformée  en  tresses,  est  une  industrie  pour  laquelle 
il  n'existe  pas  de  manufactures.  Le  travail  est  distribué  aux  familles  qui  y 
consacrent  ou  tout  leur  temps  ou  leurs  loisirs.  Autrefois  très  prospère^ 
celle  industrie  a  sensiblement  souffert  d^  la  concurrence  du  Japon  ^i, 
avec  une  meilleure  organisation  du  travail  et  une  main-d'œuvre  saeins 
rétribuée,  a  donné  des  produits  plus  fins  et  plus  appréciées  des  places 
étrangères.  Aussi  l'exportation  totale  de  cet  article  (pays  étrangers  et 
perts  de  Chine)  qui,  en  1687,  avait  été  d'une  valeur  de  &.63dJ^31  Uêls, 
n'a  été  en  1897  que  de  1.444.848  taéls.  Les  Chinois  pourraient  cependant 


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652  LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE   A  L'ÉTRANGER 

lutter  avantageusement  sur  les  marchés  européens,  s'ils  s'attachaient  à 
n^employer  qu'une  matière  première  de  bonne  qualité.  Les  principaux 
acheteurs  européens  de  ce  produit  sont  la  France,  Tltalie  et  TAngleterre. 

Une  industrie  très  importante  est  Télève  du  ver  à  soie  et  la  fabrication 
de  la  soie.  Il  y  a  deux  espèces  de  soie,  celle  qui  est  donnée  par  le  ver  du 
chêne  et  celle  qui  provient  du  ver  du  mûrier.  —  La  première,  d'une  qua- 
lité inférieure,  est  produite  en  grande  quantité;  les  cocons  récoltés  sur  une 
un  acre  de  chênes  en  bonne  condition  peuvent  donner  de3  à  4  ca lires  de 
soie.  Il  y  a  deux  récoltes  par  an,  mais  celle  d'automne  donne  de  meilleurs 
résultats  pour  la  solidité.  La  soie  d'un  brun  pâle  est  tissée  à  la  main  et  les 
pièces  ont  environ  20  yards  de  longueur  sur  50  centimètres   de  largeur 
et  pèsent  2  cattres  (I  k.  20).  Dans  ces  dernières  années,  la  fabrication 
destinée  à  l'étranger  s'est  beaucoup  améliorée  et  l'on  peut  obtenir  mainte- 
nant des  pièces  de  n'importe  quelle  largeur,  au  lieu  de  la  largeur  uni- 
forme de  50  centimètres  que  Ton  avait  autrefois.  La  soie  pongée  qui,  à 
un  moment,  a  été  si  appréciée,  a  presque  disparu  du  marché  à  cause  de 
son  tissage  inférieur.  —  Le  ver  du  mûrier  donne  une  soie  jaune  de  belle 
qualité  qui  atteint  un  prix  plus  élevé  que  la  soie  brune,  mais  la  récolte 
de  cette  soie  n'est  pas  abondante,  et,  pai'fois  même,  elle  fait  défaut,  A 
cause  des  soins  tout  particuliers  dont  doit  être  l'objet  le  ver  qui  la  produit 
et  que  l'on  garde  et  nourrit  en  chambre,  ce  qui  occasionne  un  travail 
beaucoup  plus  considérable.  Pour  que  la  soie  en  Chine  soit  bonne,  les 
feuilles  doivent  provenir  des  mûriers  de  10 ans;  à  cet  Age,  Tarbre  donne 
de  20  à  30  catlres  de  feuilles  dans  l'année,  20  catlres  donnent  un  catty  de 
cocon?  qui  représente  i/10  de  catty  de  soie. 

A  Tchefou  a  été  installée  une  filature  à  la  vapeur.  Elle  a  été  organisée 
avec  des  capitaux  chinois.  Elle  peut,  en  plein  travail,  mettre  en  mouve- 
ment 580  bobines  nécessitant  chacune  un  coolie;  mais  540  seulement 
fonctionnent  avec  120  ouvriers.  Le  travail  est  de  42  A  13  heures  par  jour; 
le  prix  de  la  journée  d'ouvrier  est  de  75  cents  de  piastre  (la  piastre  vaut 
environ  2  fr.  50)  pour  sa  nourriture,  plus  50  cents  par  écheveau  de  soie 
(liée.  Un  ouvrier  adroit  peut  faire  6  onces  dans  sa  journée.  La  filature 
peut  produire  40  piculs  de  soie  filée  par  mois. 

Le  vermicelle  constitue  une  des  branches  principales  de  l'industrie  du 
Ghaittoung.  Il  en  est  manufacturé  pour  environ  2  millions  detaêls  par  an. 
La  meilleure  qualité  s'obtient  avec  des  haricots  verts  provenant  de  Mand- 
chourie  et  du  Houang-Hsou  en  Corée.  Les  qualités  ordinaires  sont  faites 
avec  des  haricots  jaunes  ou  du  millet  mélangé  A  des  haricots  verts.  Cette 
industrie,  qui  est  très  florissante,  répond  A  la  demande  locale  et  A  celle 
très  considérable  du  sud  de  la  Chine. 

Les  haricots  jaunes  servent  AJa  fabrication  de  l'huile  de  pois.  Les  tour- 
teaux faits  avec  le  résidu  sont  exportés  vers  le  sud  où  ils  servent  A  fumer 
les  champs.  L'huile  est  employée  pour  Téclairage,  mais  elle  cède  peu  A 
peu  la  place  au  pétrole. 

Le  rendement  des  salines  s'élève  annuellement  A  environ  3  millions 
de  taêls  sur  lesquels  sont  perçus  600.000  taëls  de  droits. 


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CHINE  653 

En  i882,  le  commerce  général  du  Chantoung  était  d'une  valeur  de  : 
9.i62.607  haikouan  taëls,  il  a  constamment  depuis  (excepté  en  1888)  subi 
un  mouvement  de  hausse  jusqu'en  1897,  où  il  est  de  22.051.976  taëis.  II  a 
donc  plus  que  doublé  en  16  ans.  Cette  augmentation  est  due  principale- 
ment au  développement  des  relations  commerciales  du  Chantoung  avec  la 
Corée,  le  Japon,  la  Mandchourie  russe  et  chinoise,  et  les  Etats-I'uls.  Le 
Japon  tend  à  s'y  créer  une  situation  prépondérante  comme  importateur 
d'allumettes,  de  toiles,  de  parapluies,  de  mouchoirs  et  de  l'article  au  dé- 
tail, dit  article  de  Paris.  Pour  les  pétroles  ceux  d'Amérique  sont  toujours 
maîtres  du  marché. 

L!Europe  n'occupe  qu'un  rang  secondaire  dans  les  importations 
auxquelles  participent  l'Angleterre,  l'Allemagne,  la  Hollande  et  l'Italie. 
L  année  dernière  elles  ont  été  d'une  valeur  de  11.776  taëls,  sur  un  chiffre 
total  d'importation  de  3.268.153  taëls.  Hong-Kong  est  un  des  priocipaux 
importateurs  au  Chantoung. 

La  France,  à  part  quelques  vins,  spiritueux,  boîtes  de  conserves  et  fla- 
cons de  parfumerie,  n'importe  rien  dans  cette  province.  Nos  négociants, 
en  raison  de  la  nature  de  nos  produits,  c'est-à-dire  leur  Onesse  et  leur 
cherté  reiative,ne  peuvent  vendre  qifaux  Européens.  Le  Chinois,  peu  sen- 
sible à  la  bonne  qualité,  s'attache  surtout  au  bon  marché;  il  ne  consomme 
donc  pas  ni  nos  produits  alimentaires  ni  nos  vins  :  ses  goûts  sont  simples 
et  le  luxe  lui  est  inconnu. 

Les  exportations  depuis  trois  ans  se  maintiennent  à  un  chiffre  moyen 
de  7  miHions.  Cette  stagnation  a  trois  causes  :  l«la  crise  subie  par  le  com- 
merce de  la  paille  tressée,  par  suite  de  la  concurrence  que  lui  fait  le  Japon; 
2'»  une  série  de  mauvaises  récoltes  pour  la  soie  ;  3**  la  disparition  presque 
complète  de  l'exportation  des  pongées. 

La  Mandchourie  russe,  le  Japon,  la  Corée,  Formose,  Hong-Kong  sont  les 
principaux  acheteurs  du  Chantoung.  La  fabrique  de  Lyon  fait  en  seconde 
main  d'assez  importants  achats  de  soie.  Les  marchés  acheteurs  de  paille 
tressée  sont  Londres  et  Paris. 

Dans  la  province  subsistent  les  restes  de  deux  grandes  routes  impériales 
et  d'autres  routes  plus  récentes.  Elles  sont  les  unes  et  les  autres  également 
en  mauvais  état  :  la  saison  des  pluies,  d'une  part,  les  inondations  du 
fleuve  Jaune,  d'un  autre  côté,  les  rendent  une  partie  de  l'année  imprati- 
cables. Quand  elles  peuvent  être  utilisées,  les  transports  se  font  par  bêtes 
de  somme,  brouettes  et  charrettes.  Une  charrette  peut  transporter  de 
15  à  25  piculs  selon  sa  grandeur.  Presque  toutes  les  marchandises  dirigées- 
sur  Tchefou,  ou  en  sortant,  sont  transportées  sur  des  mules;  il  faut  voir 
là  une  des  raisons  du  peu  de  prospérité  de  ce  port.  —  La  batellerie  est 
aussi  un  moyen  de  transport  souvent  employé,  bien  que  plus  long,  parce 
qu'il  est  moins  cher. 

Le  commerce  du  Chantoung  se  fait  par  le  port  ouvert  de  Tchefou,  il  se 
détaille  ainsi  eu  1897  : 

ImportaUons  élraDgères 11,066,410  HKTls. 

*  chinoisefl 3,268,153        » 


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954  LA   VIE  POLITIQUE   ET   PASSBHENTÂIRE   Â   l'ÉTRâNGER 

?mà\iiUiaàighBm9LféfiU.'mXUmêgf, i,M7,7»3       « 

»  »  »        iaasloLporls^liiaAÛ.  6^69,660        • 

('e  qui  donne  le  chiffre  précédemment  cité  de....  2i,05t,976  HECTls, 

Lee  batMUz  qui  ont  foéqoenté  le  Tebefou  we  répaaHaeePt  aioM  : 

BATEAUX  A  YAPBUR 

EnfaiéM  M  «ggtfea 
ParrilknM  flonbre  Todb«s 

Anglais 4,329  1.318,601 

Allemand 260  2l6,i44 

Hollattdais 6  i,932 

6«éd#M  Norfidgieo M  77Jtt 

Rusie U  ^ti^ftU 

Australien 2  3,ft48 

Japonais i46  129,888 

Coréen 2  8f» 

CktOM , 6«5  997,040 

ToUI  des  batsaux  à  rapcur. .  2,560  2,370,647 

lUJBAVK  A  wooma 

AngW» 19  .        MW 

Améntain «  2,MB 

Allemand 2  mi 

^Suédois  ^QTV^cn 4  L.AOO 

T«t«J  4iea  faotoaH  4  voifea.,  M  tt^M 

Total  général. . .  2,5M  2,3i«5.30l 

Deux  puissances  occupent  des  poinU  au  Ghantoung  :  les  Aliesiaiub  saut 
à  Kiaotcheou  et  les  Anglais  à  Wei-bai-WeL  —  Sous  Timimliioii  de  TAlk- 
magne  qui  exercera  son  inHuence  dans  la  province^  il  Ae  tardera  pas  à  se 
produire  un  grand  mouveœenX  de  transfocmatioA  :  les  mines  serrât 
exploitées,  des  voies  de  chemin  de  fer  seront  créées. 

L'acti?Ué  se  portera  spécialemeat  dans  le  sud  autour  de  JUaaickeou  qui 
deviendra  un  centre  commercial.  Le  gonverneineBt  germaniqne  ne  négli- 
gera jien  pour  le  développement  de  son  nouvel  établissement  et  il  ambi- 
tionnera de  lui  douAer  dans  le  nord  de  la  Chine  la  sitoatian  préf>ondécante 
qu'à  Hon^-ALojDg  dans  le  sud.  Tchefou  s'en  ressentira  et  aura  vraisemUa* 
blementle  sort  de  Macao,  dont  la  décadence  a  suivi  la  pros|»é£iié  de  la 
possession  britannique  sa  voisine» 

(A  tuivre). 


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m  ^êmm  et  PAftLEMËNTÀHi  m  mmi 


il.  .^  LA  PKMUTIAUB  «WnSMBCffie  JHU  MOIS 

Pam,  le  i«"  juin  1899. 

Au  m^QiQnt.où  Qouséefiivons  ces  lignes,  Paris  ij^égente^n  spectaeie  à 
la  fois  éfccange  «t  affli^aiit.  Ce  lo'^si  pas  qoe  le  cadpe  extériear  >maiMiiie 
de  gaSU^  :  un  aoleil  «baud  et  radieux,  qui  paraît  d'autant  plus  brillant  qu'il 
succède  à  des  joues  d'hiver,  rend  ^ptas  belle  encore  la  grande  capitale; 
dans  certains  quaifliecs,  4es  drapeaux  «nombveux  flottent  aux  fenêtres, 
français  et  étrangers,  en  (pavtieuUer  .celui  de  la  nalien  «  amie  -et  alliée  »  ; 
ilans  les  mes,  «une  «foule  qui  paraît  joyeuse  ;  ibref,  ipartout  un  air  de  lete. 
Que  se  passe-rt-il  .donc  ?  £st-*ee  le  Tizarqui  nous  envoie  Tamiral  Avéllane 
avec  ses  officiers,  pour  nous  -enoourager  à  poorauif re  la  réalieation  d'une 
alliance  ,gue  nousdéwone  ?  Eai-oe  mieux  «ncore  :  ie  Président  de  la  Répu- 
blique revenant  triomphalement  (de  SaMlt^Péter8bourg  avec  un  traiié  d'aU 
Uauce  dans  sa  pocbe  ?  Qu  bien  —  hypothèse  ;plus  radieuse  «—  célébrerions- 
nous  quelque  grand  auccès «remporté  aur^m  peuple  étranger?  On  pourrait 
le  croire  ;  .car  Tobseriiateurialtentif  est  frappa,  «n  regardant  les  drapeaux 
français  et  étrangers  flottant  dans  Tair  pur,  de  constater  qu'il  en  manque 
un  qui,, oepco^dant, s'associe  volontiers,  d'ordinaire,  à  nos  fêtes  nationales  : 
c'est  le  drapeau  de  l'Angleterre.  Serait-ce  donc  cette  nation  que  nous 
aurions  humiliée,  et  qui,  a.lors,  aurait  une  exœllente  raison  de  ne  pas 
prendre  part  ,à  nos  réjouissauces  ?  Il  n'en  est  rien.  L'événement  glorieux 
que  QOQs  fêtons,  c'est  le  retour  de  Faohoda  !  Le  commandant  Marchand  a 
fait  son  .«lutrée  dans  Paris  md  jiuiLtin  ;  fC'est  roœasien  de  cet-earthousiasme. 
Or,  nous  itiîouvQus  que  ce  spectacle  »est  pénible.  En  effet,  cooMae  fl  est 
évident  que  ee  n'^sL-pas  l'oiiplQtrateur  qui  est  fêté,  en  dépit  de  l'importanoe 
géo|(raplûque  de  son  cai^vpe  «t  «des  qualités  r^narquables  qu'il  lui  a  fallu 
pour  raccoim>Ur.,  H  iUke  res^Cff^  deux  ihypothèses  pouvant  expliquer 'les 
mauifesjtations  auxquelles  ^iu>us  asaiatons  ;  ou  bi«n,  comme  le  pensent 
quelques-)m3,  eli^s  jont  un  of^a<>tèflce  foondeur  et  sont  itidgées  oontve  le 
gouvernemept,  enduise  4e  proteatatioin  cotitre^on  attitude  dans  t'afraire 
de  Fachoda  ;  .oiu  hiw^  elles  itrabik^scoit,  cihez  ceux  .qui  s'y  livrent,  une  singu- 
lière GouGiepUon.de  ce  qu'il  snmt  pour  constituer  un  succès  national.  Dans 
le  premier  os^.^r-  dont  xious;n'uurioos  pas  à  nous  occuper  à  cette  place  ^ 
nq^s  nous  .tcouverious  eiu  pr^ence  d'un  état  d'esprit  assez  inquiéta«t. 
Psg^s  ie  second,  c'est  presque  un  sentiment  de  confusion  qu'il  noos  fau^ 
dr^t  éj[>»rouver;  car,  fêter  aiiusi  le  retour  de  Faokoda,  rappelle  ternblemeot 
l'aittitude  des  italiens,  qui  illuminèrent  après  l'évacuation  de  iMakallé,  ou 


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656  LA   VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE   EN   FRANCE 

encore  la  joie  des  Espagnols,  lorsqu'ils  apprirent  que  leur  flotte  était 
entrée  dans  la  baie  de  Santiago  de  Cuba,  d*oîi  elle  ne  devait  sortir  que 
pour  être  détruite. 

Aussi,  nous  ne  nous  arrêterions  pas  à  ce  triste  épilogue  de  l'expédition 
Marchand,  si  notre  Parlement  n'avait  pas  eu  à  dire  un  dernier  mot  pour 
clore  définitivement  ce  chapitre  peu  glorieux  de  notre  histoire  coloniale. 
Le  30  mai,  en  effet,,  le  jour   même  où  Marchand   débarquait  à  Toulon,  le 
Sénat  votait  la  convention  du  Niger,  du  14  juin  4898,  puis  son  annexe,  la 
déclaration  du  21  mars  dernier,  qui  règle  la  question  du  haut  Nil,  brus- 
quement rendue  aiguë  par  l'arrivée  de  Marchand  sur  ce  fleuve.  Nous  ne 
reviendrons  pas  sur  la  valeur  de  l'arrangement  intervenu,  puisque  nous 
l'avons  apprécié  amplement  dans  notre  chronique  du  mois  d'avril.  Nous 
nous  bornerons  donc  à  signaler  au  passage  les  points  les  plus  intéressants 
de  la  discussion  qui  s'est  déroulée  au  Sénat,  et  à  laquelle  ont  pris  part,  en 
particulier,  M.  de  Lamarzelle  et  le  ministre  des  Affaires  étrangères.  Cette 
discussion  a  présenté   quelque  confusion,  parce  qu'elle  a  porté  sur  des 
questions  distinctes,  quoique  apparemment  connexes.  On  a  parlé  de  notre 
action  diplomatique  pendant  la  crise  de  Fachoda,  de  la  valeur  matérielle  de* 
l'accord  signé  le  21  mars,  puis  de  considérations  générales  sur  notro  ma- 
nière de  coloniser.  M.  Delcassé  n'a  pas  eu  de  peine  h  prouver,  en  répon- 
dant à  M.  de  Lamarzelle,  que,  non  seulement,  nous  ne  pouvions  pas  espé- 
rer, étant  données  les  circonstances,  obtenir  davantage  que  ce  qui  nous 
est  échu;  mais,  en  outre,  que  ce  que  nous  avons  obtenu  a  une  valeur 
réelle.  Quant  k  la  critique  que  M.  de  Lamarzelle  a  faite  des  clauses  com- 
merciales, elle  est  juste,  en  ce  sens  que  le  système  de  réciprocité,  appliqué 
aux   contrées  du   Nil  comme   à  celles  du  Niger,  favorise  le  commerce 
anglais  aux  dépens  du  nôtre.  L'orateur  de  l'opposition  a  énoncé  une  vérité 
qui  est  malheureusement  incontestable  :  à  savoir  que  nous  avons  des  colo- 
nies pour  les  autres  ;  car,  après  que  nous  nous  sommes  donné  la  peine  de  les 
conquérir   et  de  les  organiser,  ce  sont  généralement  nos  rivaux  qui  les 
exploitent  au  point  de  vue  commercial.  Mais  à  qui  la  faute?  C'est  Tapalbie 
de  notre  commerce  qu'il  faut  en  rendre  responsable,  et,  peut-être  aussi, 
notre  tempérament  général,  si  peu  porté  à  la  colonisation  effective.  En  ce 
qui  concerne   la  réciprocité   commerciale  sur   le  Niger  et   sur  le  Nil, 
M.  Delcassé  a  expliqué,  et  le  Sénat  a  compris,  que,  toute  question  de  prin- 
cipe mise  à  part,  ce  système   nous  était  imposé  par  l'impossibilité  maté- 
rielle d'établir  des  douanes  au  centre  de  l'Afrique.    Voilà  pour  le  côté 
matériel  de  la  question.  Pour  ce  qui  est  de  notre  action  diplomatique,  — 
point  beaucoup  plus  délicat  et  plus  douloureux,  —  M.  de  Lamarzelle  a 
soutenu  une  théorie  que  nous  avons  déjà  vigoureusement  combattue  dans 
une  de  nos  précédentes  chroniques.  Il  reproche  à  notre  gouvernement, 
comme  d'autres  l'ont  fait  avant  lui,  d'avoir  traité  avec  l'Angleterre.  Il  ne 
s'élève  pas  contre  l'évacuation  de  Fachoda,  puisque,  sous  peine  d'avoir  à 
affronter  une  guerre,  nous  étions  dans  la  nécessité  de  l'effectuer;  mais  il 
blâme   le  ministre  des  Affaires  étrangères  d'avoir  donné   une  sanction 
diplomatique  à  notre  reculade.  M.  Delcassé  a  réfuté  cette  théorie  par  les 


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LA    POLITIQDE   EXTÉRIEURE   DU    MOIS  657 

mêmes  arguments  que  noas  avons  développés  ici  même  :  à  savoir  qu'il  eût 
été  dangereux  de  laisser  subsister  un  état  de  choses  indéterminé,  d'où 
auraient  pu  sortir,  dans  Tavenir,  des  conflits  aussi  graves  que  celui  auquel 
on  venait  d'échapper.  Quant  aux  responsabilités  de  Ténorme  faute  politique 
qui  nous  a  valu  Thumiliation  de  bachoda,  la  discussion  à  laquelle  s'est 
livré  le  Sénat  ne  nous  a  pas  fourni  plus  de  lumières  que  nous  n'en  avions 
auparavant.  Nous  l'avons  dit,  et  nou^le  répétons  :  c'a  été  presque  un  acte 
de  folie  impardonnable  d'envoyer  l'expédition  Marchand  à  Fachoda  ;  car  le 
bon  sens  le  plus  élémentaire  criait  que  nous  marchions  à  un  échec  diplo- 
matique, si  nous  n'avions  pas  le  courage  d'affronter  une  guerre.  Ceci  dit, 
nous  avons  reconnu  que  le  gouvernement  actuel  s'était  trouvé,  en  arrivant 
au  pouvoir,  devant  une  situation  de  fait  à  laquelle  il  ne  pouvait  plus  rien 
changer,  et  qu'il  se  trouvait  dans  cette  alternative  :  se  retirer  ou  se  battre. 
Ce  qu'il  importerait  de  connaître,  ce  sont  les  responsabilités  antérieures 
et  initiales.  Mais  puisque  le  Parlement,  qui  en  aurait  le  droit  et  peut-être 
même  le  devoir,  ne  juge  pas  à  propos  de  les  rechercher,  ce  n'est  pas  à 
nous  de  le  faire.  Rornons-nous  donc  à  enregistrer  la  moralité  de  cette 
navrante  aventure,  formulée  par  deux  interruptions  dont  M.  Hervé  de 
Saisy  a  entrecoupé  le  discours  de  M.  Delcassé  : 

«  Il  fallait  le  prévoir 

«  Il  ne  fallait  pas  y  aller.  » 

La  Conférence  convoquée  par  le  Tsar  en  vue  de  rechercher  les  moyens 
d'arriver  à  une  limitation  des  armements,  officiellement  dénommée  Con- 
férence de  la  Paix,  s'est  ouverte  à  la  Haye,  le  18  mai,  jour  anniversaire  de 
Nicolas  11.  Malgré  l'importance  du  but  poursuivi,  on  a  pu  constater  que  cet 
événement  s'est  accompli  au  milieu  d'une  indifférence  presque  complète. 
Cela  s'explique  aisément  par  une  double  raison  :  d'abord,  les  espérances 
que  quelques^ns  avaient  conçues,  dès  le  début,  s'étaient  promptement 
évanouies,  la  réflexion  leur  ayant  fait  comprendre  que,  si  l'initiative  géné- 
reuse de  Tempereur  de  Russie  pouvait  aboutir  à  quelques  résultats  heu- 
reux, il  était  chimérique  d'en  attendre  le  désarmement,  ou  même  seule- 
ment une  limitation  des  armements  ;  d'autre  part,  les  appréhensions  de 
quelques  pessimistes,  qui  craignaient  de  voir  cette  action  en  vue  de  la 
paix  aboutir  précisément  h  une  guerre  générale,  s'étaient  également  dis- 
sipées. Ainsi  tout  le  monde  ayant  presque  cessé,  soit  d'espérer,  soit  de 
craindre,  on  comprend  que  l'événement  du  18  mai  n'ait  guère  passionné 
personne.  On  s'était  même  demandé,  depuis  la  fameuse  circulaire  du 
12-24  août  1898,  si  le  Tsar  ne  se  résignerait  pas  spontanément  à  renoncer  à 
son  projet,  en  présence  du  scepticisme  qui  l'avait  accueilli  de  divers  côtés, 
et  des  objections  très  fortes  qu'on  opposait  à  la  réunion  de  la  Conférence. 
Mais  une  telle  idée,  une  fois  lancée,  ne  pouvait  être  abandonnée  brusque- 
ment sans  de  sérieux  inconvénients.  En  effet,  outre  que  la  Russie  ne  pou- 
vait pas  se  déjuger  ainsi  sans  une  blessure  d'amour-propre,  il  eût  été 
imprudent  de  proclamer,  soit  qu'on  avait  trop  bien  auguré  du  bon  sens 
des  hommes,  soit  que  l'état  présent  de  l'Europe  empêchait  de  réaliser  une 


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658  LA   VIE  POLITiaUB   BT   PAftlifiMBlITUilBB  £K    FRANCE 

a«08i  belle  entreprise  que  celle  rèrée  par  Nicolas' U.  liieurT«lAit,  par  con- 
séquent, s'en  tenir  au  projet  anrèté,  touieii'  se  préparant  peu' à  peu,  et 
en  préparant  Topiaioa  publique,  sinoii  àua  inMcoè»  compkiyéxL  moiiift  à 
un  succès  très  lioûté.  C'est  ce  qui  a  été  fait^  LaOonférenoe  s^est- heuren<' 
sèment  réunie,  comme  le  désirai t>  le  Tsar  ;  mais  ses  travaux,  aulant  du 
moins  qu'on  peut  les  apprécier  diaprés  les*données  encore  peu  abondantes 
fournies  au  public,  indiquent  que  le  j[irograoune  q»*elle  s^esT  trtu>é  diffère 
sensiblement  de  celui  qui  lui  avait  é té  alssigné  a«  début. 

Ou  se  souvient^  en  effet,  que  l'idée  loadameiitale  de  la  oîroulaipr  du^iâ* 
24  août  consistait^  non  pas  daas  le  désarmement  pioprement  dit, 
comme  on  se  l'était  d'abord  imaginé  à  tort,  mais  dans  une  limitation  des 
armements  actuels  au  stcUU'fu»^  ou' dtor  leur  réduction  pf<ogressiv«.  Quant 
aux  autres  poinito  de  ce  programme  primitif,  ils  apparaiissaient  comme 
étant  d'onire  to«U  à  fai^secofidaire.  Or,  c'est  à  une  interversion  complète 
dea*  facteurs  que  nous  assistons' at4««(rd*'lMÛ,  ainsi  qu'il  ressort  du  très 
intéressaut  discours  prononcé,  k;  20,  par  le  baron  de  Staal,  phncipai  déJé* 
gué  de  la  Russie,  qui  a  été  élu  président  de  la  Gouférence.  Btos  ce  doou<^ 
ment  officiel,  qui  représente  directement  les  vues  actueUes  de  IVteeAas  II, 
c'est  surtout  de  l'arbitrage  et  de  la  médiation  qu'il  est  question,  comme 
devant  surtout  solliciter  l'attention  des  délégués,  puis  de  l'atténuation  des 
horreurs  inséparables  de  la  guerre,  quand  celle-ci  est  de>ventte  inévitable. 
Et  ce  n'est  qu'après  des  développements  assez  longs  dans  cet  ordre  d'idées, 
que  le  baron  de  Staal,  vers  la  (in  de  son  disoours^  glisse,  comme  incidem- 
ment et  à  la  dérobée,  cette  petite  phrase,  à  laquelle  il  n'a  pas  l'air  lui- 
même  d'attacher  grande  importance  :  «  Il  y  a,  d^-ailleors,  lieu  de  se 
demander  si  le  bien  des  peuples  n'exigera  pas  la  limitation  des  annements 
progressifs.  C'est  aux  gouvernements  quUL  appartient,  dane  leur  sagesse, 
de  fixer  à  cet  égard  les  intérêts  dont  ils  sontchaiigés.  »  Comme  on  le  voit, 
c'est  Ma  changement  de  front  compte!.  Àussi^  dè»maintenaEit,.on  s'est  fait 
à  cette  idée  que,. si  la  Conférence  de  la  Paix  aboutit  à  qaelqpie  dioee,  ce 
sera  à  rendre,  peut-être,  plus  facilement-  apf>licad}le  le  [uincifie  de  Taiin^ 
trage  et  de  la  médiation,  question  dout^s'oocupe  ia< troisième  commission» 
présidée  par  M.  Léon  Bourgeois,  principal'  délégué  de  la  France.  Cepen-^ 
dant,  même  à  ce  point  de  vue  restreint^  ou  ne  peut  se  défendre  de  quelque 
scepticisme,  malgré  l'oplimisme  dont  semble  être  animé  le  discours  du 
baron  de  Siaal.  Une  première  objection  subsiste,  que  nous  avons  faite  à 
celte  place,  il  y  a  plusieurs  mois,  avant  tout  le  monde,  et  que  nous  avons 
vu  reprendre,  récemment,  en  particulier  par  le  lïmes.  Nous  faisions 
remarquer,  au- moment  des  polémiques  provoquées  par  ia^  circulaire  du 
lâ<-24  août,  qu'un  élément  de  succès  important,,  dans  la  guerre  mo« 
derne,  consiste  daus  la  rapidité  de  la  mobilisation  ;  et  nons  en  <)onclnions 
que  les  puissances  particulièrement  favorisées  à  ce  point' do  vne,  *-«  teile 
l'Allemagne  —  accepteraieut  peut-être  difûoilement  de  settmettre  à  l'arbi^ 
trage  un  différend  im^portant,  ce  qui  permettrait  à  la  poispaifce  adverse  de 
parfaire  sa  mobilisation  pendant  que  les  arbitres  discuteraient,  en  sorte 
que  l'avantage  résultant  d'une  mobilisatiou  bien  •ordonnée  aerait*«ofnpiète* 


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Ul  PeUTKIBIB:  SQEnÉRIBCBSB  IMT   ]f6IS  ô&# 

iDABi  perdu,  pour  œiui  de»  desx  adrersaaies'  qui  I^'anraii  à  son  actif,  Déci- 
àeMAhoUf'tf^  !&  mûbâiisalMM  na  poRrra  OMSUBeDeen,  de  part  et  d^aatre, 
^0  locsque  le»  arbitras  auraot  proclamé  laar  impuissaïkce  à  aplaiaiv  le 
difllérand  à-raobabla?  Ilai&»  oiiire  qa'BH  tel  pcitteipe,  ea-  suppoMUitnéiiie 
qa!il  iùl  adopté  théoriqttBmeat,  serait  dhine  application  impossible  en  fait^ 
il  9»  seHÉble  pas  nuème  qa'il  ait  des^  chanee»  d^éire  admis  eo  droit.  C'est 
aiasi  que  la  cooite  Ni^ra,  dëléffiié  de  Tltaslle,  a  demandé  qae  la>  médian 
tion  et  rarJâtragft  ne.  puîmactpae  aivèAer  la»  pr^pacatils  BniUtaires  et  la 
moâiiliaatioa.  Dans  ce  oaa,,  L'okfeclioni  dent  noQs  parlons  cmMerverail 
toute  sa  graj»M«  D'autre  pact,  la  diseoms  dui>acaa  de  Staal  contient,,  ett 
faveur  de  Tarbitrage,  des  arguments  qui,  malheureusement,  nous  semblent 
n'être  qu'un  leurre.  Sa  tibàse.  peut,  sa  résumer  par  la  phrase  snifiuite, 
que  nous  extrajFoas  de  sou  discours  :  «  Nous  apercevons  entre  les  nations 
une  commnnanté  d'intérêta  naiéiûelaetinaraaiequi  ne  cessent  d'accrottre 
leadienS'Cpii  unissant  les  parties  de  la  grande  fanùlle  humaine  et  deviea* 
nent  toujaui»  plus  étroits.  Voulûib-eUe  rester  isolée,  une  nation  ne  le  pour- 
rait pas;  Me  est  prise  comme  dans  un  eofrenage  vivant  :  fécond  bienfait 
pour  tous  1  Elle  fait  partie  d*un  mteia  organisme.  »  C'est  presque  Tapo^- 
logue  des  membres  et  dePestoaiac.  Or,  combien  la  réalité  dénient  cette 
tàéojnie  !  Non  seutement  la  guerre  profite  directement  à  une  partie  de  cet 
ooiganisme,  —  à  savoir  aa,  vainqueur,  —  mai&elle  peut  être,  en  outre,  d'un 
profit  indirect  pour  des  tiers  qui  na.  sont  pas  impliqués  dans  le  conâit. 
Cala  est  si  vrai  qu'on  a  vu  âaa  gouvernamaats,  nen  seulement  ne  rien 
faii\e  pour  empêcher  une  guenre  entre  leurs  voisins:,  mais  même  intriguer 
sous  main  pour  la  rendre  iaévitable.  Aujourd'hui  encore,  parmi  les  puis- 
sances européennes,  on  pourrait  en  oiter  qui  ne  désireraient  rien  tant 
que  de  voir  éclater  un  oonfiit  entre  dee  Etats  déterminés.  Ainsi,  tout  en 
souhaitant  ardemment  que  la  Gonférenoe  fasse  quelque  chose  dans  le  sens 
de  l'arbitrage  et  de  la.  médiatiion,  on  aurait  tort  de  s'abandonner  à  des 
illuaions  décevantes,  et  Ton  suivra  le  conseil  du  baron  de  StaaL  lui-même, 
<]uiise  défend  de  vouloir  entoer  dans  le  domaine  de  l'utopie. 

Du  reste,  l'impression  que  la  cooférettce  n'aboutira  à  nen  de  grand  est  si 
^nérali»,  que,  dans  dîjrers  pays,  on  s'applique  déjà  à  rejeter  sur  autrui 
la  responsabilité  de  son  inauocès  éventueL  Au  début,  on  avait  proclamé, 
surtout  en.  Allemagne,  que  Toppositian  de  la  France  serait  le  principal 
obstacle  à  la  réalisation  du  projet  du  Tsar;  notre  pays,  assumit'on,  était 
tropi  obsédé  par  sotn  idée  de  revanche  pour  consentir  à  s'arrêter  dans  la 
voie  des  armements.  Or,  certaines  manifestations  oratoires  de  Guillaume  II, 
en  particulier  son  fameux  discours  de  Porta  Westphalica,  dans  lequel  il 
disait  que  la  meilleure  garantie  de  la  paix  était  une  forte  armée,  ont 
montré  clairement  que  l'Allemagne. serait  aussi  peu  favorablement  disposée 
que  possible  en  fav«ur  du  désarmement.  Mais  il  y  a  plus.  Guillaume  II  a 
désigné,  comme  l'un  de  ses  représejatants-  à  la  Conférence,  le  baron  de 
Stengely  professeur  de  droit  à  rUiiiversiié  deHunich)  qui,  quelques  mois 
auparavant  seulement,  avait  publié^. sauftoe  titre  :  la  Paix  étemelle,  une 
sorte  de  pamphlet,  dans  lequel  était  tournée  en  ridicule  l'idée  du  [déean- 


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660  LA    VIE  POLITIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE 

mement,  et  où  nous  était  présentée,  en  même  temps,  comme  nne  apologie 
de  la  guerre.  Sans  doute,  les  opinions  soutenues,  dans  cet  ordre  d'idées, 
par  M.  de  Stengel,  sont  dignes  d'intérêt,  si  on  les  considère  à  un  point  de 
vue  philosophique.  Mais  envoyer  cet  homme  à  la  Haye,  c'était  faire  preuve 
d'une  ironie  un  peu  excessive,  et  signifier  très  clairement,  en  même  temps, 
qu'on  ne  prenait  pas  au  sérieux  l'œuvre  de  la  Conférence.  Nous  ne  préten- 
dons pas, pour  cela, qu'il  faudrait  attribuera  l'Allemagne  la  responsabilité 
d'uQ  insuccès  éventuel  ;  mais  nous  soutenons  que,  après  le  discours  de 
Porta  Westphalica  et  le  choix  de  M.  de  Stengel,  l'Allemagne  serait  le 
dernier  pays  où  cette  responsabilité  pourrait  nous  être  attribuée. 

Revenons  maintenant  sur  le  terrain  de  la  politique  concrète.  En  Italie, 
un  événement  fort  important  s'est  produit  :  une  crise  ministérielle,  inté- 
ressante aussi  bien  par  les  conditions  anormales  dans  lesquelles  elle  a 
éclaté,  que  par  la  solution  qui  lui  a  été  donnée.  Depuis  plusieurs  jours, 
la  Chambre  discutait  la  politique  extérieure  du  cabinet  Pelloux,  ou,  plus 
exactement,  de  l'amiral  Canevaro,  ministre  des  Affaires  étrangères.  Deux 
questions  étaient  exploitées  par  les  adversaires  du  gouvernement  :  celle 
de  Vliinierland  de  la  Tripolitaine,  puis  celle,  beaucoup  plus  grave,  de  l'in- 
tervention de  rilalie  en  Chine.  La  première,  déjà  discutée  peu  de  temps 
auparavant  par  le  Sénat,  qui  avait  rendu  un  vote  de  conOance,  avait  été 
soulevée  par  la  convention  anglo  française  du  21  mars,  en  vertu  de  la- 
quelle nous  obtenions  une  partie  de  l'arrière-pays  de  la  Tripolitaine.  Or, 
les  coloniaux  italiens  nourrissant  toujours  l'espérance  que  celte  partie  de 
l'empire  ottoman  fioira  par  échoir  à  leur  pays,  ils  ont  fait  un  grief  au 
gouvernement  de  n'avoir  pas  su  empêcher  la  conclusion  de  la  convention 
du  21  mars,  qui  attribue  à  une  autre  puissance  une  partie  de  Vhinterland 
de  celte  future  colonie  italienne.  Mais  Timportance,  toute  relative,  de  cette 
affaire,  était  éclipsée  par  celle  de  la  question  chinoise.  Nous  avons  expli- 
qué par  suite  de  quel  contre-temps  l'escadre  italienne,  qui  était  partie 
pour  occuper  la  baie  de  San-Moun,  dans  la  province  du  Tché-Kiang,  avait 
été  obligée  de  renoncer  provisoirement  à  cette  entreprise,  devant  l'oppo- 
sition formelle  du  gouvernement  chinois,  qui  faisait  mine  de  résister  par 
la  force  à  un  débarquement  de  soldats  italiens.  Dans  cette  circonstance, 
l'appui  de  l'Angleterre,  sur  lequel  avait  compté  l'amiral  Canevaro,  lui  fit 
défaut,  cette  puissance  n'étant  disposée  à  seconder  diplomatiquement 
l'Italie  que  si  celle-ci  pouvait  mener  à  bien  son  entreprise  sans  user  de  la 
force.  C'était  donc  un  insuccès  très  réel  pour  la  politique  italienne,  et  une 
aventure  assez  mortifiante  pour  l'amour-propre  national,  déjà  mis  à 
l'épreuve  par  d'autres  déboires  coloniaux.  Ou  en  avait  voulu  d'autant  plus 
au  gouvernement,  que  personne,  ni  dans  le  monde  politique,  ni  dans  le 
public,  ne  se  souciait  sérieusement  de  voir  l'Italie  s'établir  en  Chine.  La 
discussion,  à  la  Chambre,  au  sujet  de  cette  aventure  malencontreuse,  pre- 
nait donc  une  tournure  assez  défavorable  pour  le  ministère,  lorsque  celui- 
ci,  le  3  mai,  démissionna  brusquement,  sans  vouloir  attendre  la  Un  des 
débats.  Cette  attitude^  très  insolite  par  elle-même  au  point  de  vue  de  la 


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LA   POLITIQUE  EXTÉRIEURE   DU   MOIS  661 

correction  parlementaire,  parut  d'autant  plus  grave  que  le  premier  mi- 
nistre, général  Pelloux,  prétendit  la  justifier  en  faisant  une  déclaration 
qui  trahissait  une  absence  complète  de  respect  pour  les  prérogatives  du 
Parlement.  Après  avoir  constaté  que  la  discussion  avait  fait  apparaître  une 
hostilité  inattendue  contre  la  politique  du  gouvernement  en  Chine,  et 
avoir  insinué  qu'il  fallait  peut-être  en  chercher  la  raison  dans  des  consi- 
dérations de  politique  intérieure,  ou  de  tactique  parlementaire  n'ayant 
rien  à  voir  avec  Tobjet  même  du  débat,  le  premier  ministre  déclara  que  le 
Cabinet  ne  pouvait  pas  faire  dépendre  des  hasards  d'une  discussion  parle- 
mentaire la  solution  d'une  question  aussi  grave  que  celle  de  l'intervention 
de  l'Italie  en  Chine,  Pais  il  prononça  cette  phrase  étonnante,  qui  résumait 
le  point  de  vue  gouvernemental  :  «  Le  seul  fait  que  nous  puissions  con- 
sentir que  l'on  mette  au  vote  le  retrait  éventuel  de  nos  navires  dans  la 
mer  Jaune,  nous  semble  un  acte  tellement  contraire  à  l'honneur  et  à  la 
dignité  du  pays,  que  nous  l'avons  absolument  repoussé.  »  C'était,  comme 
on  le  voit,  contester  au  Parlement  le  droit  de  décider  en  matière  de  poli- 
tique extérieure,  et,  en  même  temps,  le  déclarer  incapable  de  comprendre 
ce  qu'exigeaient  «  l'honneur  et  la  dignité  du  pays  b.  Ainsi,  de  son  propre 
aveu,  le  ministère  démissionnait  pour  interrompre  la  discussion  sur  les 
affaires  de  Chine,  et  empêcher  la  Chambre  d'émettre  un  vote  qui  eût  pu 
engager  l'avenir.  Mais,  dans  les  milieux  parlementaires,  on  donnait  une 
autre  explication,  moins  flatteuse,  de  l'attitude  du  général  Pelloux.  On 
disait  que  le  premier  ministre,  sentant  qu'il  allait  être  mis  en  minorité, 
avait  démissionné  auparavant,  afin  de  pouvoir  lui-même  reconstituer  le 
Cabinet  en  jetant  par-dessus  bord,  quelques-uns  de  ses  collègues.  Or,  on 
verra  plus  loin,  par  la  manière  dont  la  crise  s'est  dénouée,  que  cette 
explication  ne  manque  pas  de  quelque  vraisemblance.  Quoi  qu'il  en  soit, 
du  reste,  de  la  cause  véritable  de  la  retraite  du  Cabinet,  elle  se  produisait 
dans  des  conditions  tellement  anormales  qu'on  alla  jusqu'à  parler  de 
coup  d'Etat. 

Le  ministère  Pelloux  était  au  pouvoir  depuis  un  an.  11  avait  été  constitué 
au  lendemain  des  troubles  graves  qui,  au  mois  de  mai  de  l'an  dernier, 
avaient  éclaté  dans  différentes  parties  de  l'Italie,  en  particulier  à  Milan. 
Un  grand  péril  révolutionnaire  ayant  été  ainsi  révélé,  on  avait  cru  néces- 
saire de  recourir  à  des  procédés  de  gouvernement  énergiques,  et  de  former 
un  ministère  de  résistance.  Pour  en  afficher  le  caractère,  on  en  avait  con- 
fié la  présidence  à  un  général,  Louis  Pelloux,  qui  s'était  adjoint  comme 
collègues  des  hommes  politiques  pris  dans  des  camps  différents,  en  sorte 
que  le  nouveau  cabinet  ne  représentait  pas  la  politique  d'un  parti  déter- 
miné, bien  que  sa  ligne  de  conduite  fût,  dès  le  début,  assez  nettement 
précisée  dans  le  sens  de  la  résistance.  Ses  actes  en  fournirent  la  preuve.  Il 
fit  voter  par  le  Parlement,  pour  une  période  d'un  an,  un  ensemble  de  pro- 
jets de  loi,  dits  de  sûreté  publique,  qui  devaient  lui  fournir  les  moyens  de 
lutter  plus  efficacement  contre  les  partis  subversifs.  Cette  législation,  à  la* 
quelle  nous  avons  consacré  une  étude  spéciale  dans  la  Revue  Politique  et 
Parlementaire  du  mois  d'août  dernier,  avait  trait  au  droit  de  réunion  et 

KEYUE  POLIT.,  T.  XX  43 


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6^2  LA   VIE   POUTIQUE^  HT   PAM.EMENTA1HE  .EN    FllANCE 

;-«;-«  A  In  urease  à  la  protection  dw  «fflpviow  pubUes.  Comaieelle 
L-n^rd^ét^^r^uetr  -  .«.ois  dei,Hl«t,  et  ^  le  gon«n«e™«nt 
îê  pe»^t%as7a«.oir  se  p^^  de«  arm«  -qn=eUe  met  A  «a  .d«p«U.a«, 
tegTJrtl  îéllL  avait,  il7  a  qoélques  n.o«.  P^^^^lZZ^r;' 
retfde  loi  que  nous  avons  analysée  dans.noe  de. nos  P^*"^ '*'"^- 
C  et  qui  aansson  esprit,  devaient  ren.pl«:er  d'une  façon  «i*û»!»>'«  »* 
E(at  on  iontla  validité  ya  prendre  un.  U  discossion  fie  oes  projets  «. 
Swlectnre  «vuil  déjà  donn^  lieu,  tm  moment  oùle  mm.stàre  dém«- 
SoL  à  STalb^tsarès  orageux,  .^n  effet,  Topposition  de -^ndhe^pré- 
sTn^'^ulTar  les  groupes-Giolitli  «t  «armrdeHi,  «H«.*J-a.t  tes^me- 
I^ÏÏ  pSes  oonnne  trop  anli^lîbérales.  Ayadt  Iléjî  c«lb*tt«  m« -iég^- 
Sipr^^re,  qui  .nTSevàlt  .voir  qu'une  duPée  d'-un  a^.  il  ^.t 
in  Lî  e  qu'élte^  montrât  «ioo«.  Tilus  hostile  à  une  légjdaUon  détej- 
ï;,annnrdu  même  esprit.  .Le  principal  «rgume«t  contre  -»  P-J  ^ 
eon^iirtait  à  dii^  que,  le  calme  régnant  de-nouveau  en  llalm    les  mesures 

d^rigueur  et  d'exception  étaient  devenues  i"'^*»^  '  t.rL  «^rr.; 
ment  répondait  que  le  calme,  qui  avalt^u.viles  HrouBles  de  Tna..  n^Start 
a*,  précisément,  t^'à  la  tégistetionffexeeplion  «Jlée  pour-un  «  ;«t  qu  .1 
vivait  lieu  de  craindre  quHl'nepiflt.Hn  avec  »«*«  »*8'*l«*'^1;  «^««'' ,^ 
^se  mrn-«lériélle,urventtnt  tlam  ««con«lti«.s,<elle  ne*o*laH-p«s  seule- 
ment sur-la  ptJlitique  extérieure,  qui  ennva.t  étéla  cawe  ,mm^«it«,  ma.s 
«nssi  surune'très  importedtequestion  depdlitique-n«éri«fe.'en:a  même 
pu  affirmer  avec  quelque  appà-ence  de  raison  que,  pour  beaucoup  de  de- 

;;fés,laque*tion.5hinoise  ut^vait  ét^  '^'"'''^''l^llTTMlZm 
Lu  é'adressan'beaucoup  plus  àUlautaurtlesproj^sts  détorde  sûreté  publ- 
ié qu'a»  minT.treresponsdbledu  f.asco  de  Sun^ltoun.  Par  conséquent, 
îu  point  de  vue  de  la  sohrtion  de  la  crise,  la  quertron  «s  posait  «a^les 
termes  suivants,  en  ce  qui  t>onceme'la  politique  mténeure  :  à  ent.enjrart- 
on  aux  principes  de  T^siâtanoe  uppUqaés  depuis  un  au,  ou*ien  .ndlmer 
rai'on  îirs  lï^conciliation  ?  Dans  ce  dernier  ca.,  il  f'^'^^^'f  "««T  T. 
la  Kaudhe,  et,  «omme  constiquence,  abandonner  tes  projets  de  loi^s  le 
•remrer  cas,  il 'fallait  les  maintenir,  et.  par  conséquent.  chcnAer  son 
point  d'appui,  vers  la  droite. et  'le  centre.  C«rt  à  -cette  flemière  suhit.on 
queleroi  ëWan^té.  .  . 

\t  général  PeîUta  a  donc  «té  dhargë  de  constituer -un  nouveau  mmis- 
tère  C'était, il  est  vrai,  un  procédé  dont  avaieitt  le  droH  de  se  plaindre  les 
cens  respectueux  desTisages  parlemeutaires.  Mais  le  parlementarisme,  en 
Malie  a  étéricié  de  tant  de  manières  différentes,  qu'on  n'en  est  plus  à  y 
compter  avec  un  accroc  de  plus  ou  de  moins.'Parmiles  groupes  ttu  centre 
et  de  la  droite  dont  le  général  Pelloux  devait  obtenir  ile  concours,  les  plus 
importants  «àieirt  ceux  de  M,  Sonnino  et  de  M.  di  Rudirii.  auxquels  il 
faut  ajouter  les  amis  de  M.  Visconti-Venosta.  Pentiairt  plusieurs  jours,  on 
fut  dans  l'incertitude  sur  le  -point  de  savoir  si  le  principdl  ciflliAortfteur 
du  premier -ministre  serait  «.  -Visconti-Venosta  ou  "M.  Sonnino.  €e  dernier 
a  peut^tre  plus  d'influence  dans  le -Parlement  ;  mais  une  circonstance 
plaidait  contre  hii  •:  il-estTumi  politique  de  M.  -Gi'ispi,  et  il  passe,  à  tort  ou 


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Là  IK>UT10U£  £Xa;ÉRIi£L'R£  iMJ  JIOIS  663 

à  rai6cm,  pour  li 'avoir  pas  ^^omplèieB^eot  abandonné  les  .vues  de  Tau- 
ciea  premier  mimstre^  ea  ce  qui  concerne^  «ea  iparticuUer,  la  poiiUqoe 
extérieure.  Or,  tandis  que  AL  Crispi  avait  pcaiiqué  la  Ïripk-Alliaiice  daos 
Teaprit  peuconcÂyAat.que  ïqb  saU^  M.  Vi^iCoaiUVeaakosta  avait,  ^u  oooiraire, 
filaûé  les  rela(i<uis  franco-italieimas  &xt  uxxe  toutautre  ba&e,  en  sorte  qu'un 
rapprochomeut  entre  Rome  et  Paris  était  devenu  possible.  Nou«  saiuifl»es 
persuadé  que,  si  M.  Saamno  avait  pris  le  portiefeuilte  des  AiTaires  ^tr^i^Q- 
^èree,-^  car  c'-eât  ce  poste  jaaême  qu'il  s'agissait ^e  Jlui  ooniier,  ««-  il  ajurait 
i&mJL  4iom^ie  4es  ohangeoiôats  survenus  depuis  la  chute  de  M.  GrÂspi,  et  du 
papprochement  qui  a  uni  par  abonJtir  à  la  repriàe  des  ceAatioAs  commer- 
ciales; tec  sorte  qu'il  n^MU^ait  sùremeat  pas  rectHnmencé  «les  fautes  de 
«en  ;gallophobe  ami.  Néaamaiaa,  .il  était  naitvu^el  que  tto>us  viissions  avec 
plus  de  ixlaisir  le  miuistère  4es  Afifaires  étrai^gères  occupé  par  M.  Visoonti- 
Venosta,  doat  les  senAiiueAts  plus  couciliants  oons  étaient  connus.  Or, 
c'eat  lui  qui  a  .uni  par  r^en^ecto.  Mais  il  a  été  tenu  oomipte  de  Timpor- 
tance  du  £skcte«r  paiilemenAam  .représeuté  par  M.  Soimino  ;  vua  de  ses  ^unis, 
M.  SalMidm,est  e«iré  ,da»s  iadMu^^e«ooimh«QaÀaon;'0n«utpe,  plusieurs 
«ombres  du  même  groupe  «Kt  été  nommée  «ou&^ecrétAii^s  d'Etat.  De 
nette  «MÛère,  ai  IL  SooBÎn^  inû-nôme  neifaitpas^partie  dugowrernement, 
âon  iuikienoe  j  dera  cependant  considérable.  Ses  amis  <3voient  jnéjxie  en 
^i  le  premier  ministre  de  Tavenir,  et  affectent  de  me  cottsidérer  le  nouveau 
Gabkidt  PeUoux  que  comme  un  Cabinet  tde  Ifauaition.  Hans  le  nouveau 
nmmihre^  le  général  Pelloux  conserve  ila  préaidctfice  ett  Tiatérieur.  Ses 
coUègues  sont:  MM.  Viecaoti-VenoaJtA,  «uk  Affaires  étrangères.;  Bonaâi, à  la 
justice  ;  Garaaine,  aux  f*uanoes;  ^oselli,  au  Trésor;  le  généiwl  Mirri,  à  la 
guerre;  Tamiral  Betiole^.i  ki  marine;  BarocelJUl,  à  Tinstruciion  publique; 
Lacava,  aux  travaux  publics;  Salandra,  à  Tagriculture ;  San  Giuliano  aux 
pestes  et  télégraphes. 

C*^t4e  2^  mai  que  le  Cabinet,  ainsi 'Constitaé^  s'est  présenté  devait  la 
<4hamboe^  Le  fait  que  le  général  Pelloux  en  était  resté  le  chef  semblait 
déjà  iournir  une  ipreuve  en  la;^eur-de  l'hypothèse  d'après  laquelle  il  n'axait 
démissionné  qute  pour  écbap^r  à  ua  éohec  parleuMutaire  et  pouvoir  .r^rs- 
ler  ainsi  premier  iminisire.  €ette  impression  fat  «coEDOtborée  par  Ja  paiiie 
4\k  [programme  gouvernemental  relative  à  la<!ibine.  (Qu'avait  dit,  en  effet, 
le  .général  P^etioux  en  -démissiottoant:?  Qu'il  ne  pouvait  pas  admettre  que  la 
•Chambre  »lnknohâi  la  queetion  de  la  particitpaiÏQn  de  Tltalie  au  démembre- 
ment -de  la  ^hine.  <î>r^  dans  JU.  .déoiaraUim  lue  le  25  mai,  ium  rseuleMentle 
gMivemement  promet  de  procéder  tarés  prudemment  en  Chine,  -^  ce  à 
^oi  on  s'attendait,  étant  donnée  la  circonspection  bien  connue  de  M.  Vis- 
HMoati-VenoMa,  —  maie  enoore  de  re^pireudoe  «les  négociatioiBs  interrom- 
pnesile  mwiièi«A'ikeipas««B^agarravenireit  à  nepas  placer  le  Parlemenrt 
-àevaut  des  laits  aocomplis  qui  limiteraient  sa  liberté  d'aoHoa.  Donc, on  ne 
xonteâte  ip\m  au  Parlemesit  le  droit  de  décider  quelle  «okitiou  doit  élre 
donnée  à  la  queetion  ckinoise.  Par  oonaéquent,  de  deiiK  oboâiee  r.une  :  ou 
Men  Jke  général  Pelloux  est  venu  à  résipisoeace,  faisant  fàreaquje  amende 
dbewvsMe  ;  ou  ibien,  ---  oe  qui  est  plus  probable,  -^  il  n'avouait  ipae,  à  la 


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664  LA   VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN   FRANCE 

séance  du  3  mai,  la  véritable  cause  de  la  démission  du  Cabinet.  Quoi  qui! 
en  soit,  le  programme  chinois  étant  réduit  à  ces  proportions  modestes,  et 
les  droits  du  Parlement  étant  reconnus,  le  nouveau  ministère  ne  pouvait 
pas  se  heurter  à  une  opposition  bien  vive  quant  à  ce  point  de  sa  politique. 
En  ce  qui  concerne  la  politique  intérieure,  la  ligne  de  conduite  du  nouveau 
tninistère  Pelloux  était  très  clairement  caractérisée  par  ce  fait,  que  les 
projets  de  loi  de  sûreté  publique  étaient  maintenus,  et  que  la  discussion 
rapide  en  était  demandée  avec  insistance.  Ainsi,  c'était  bien  un  gouverne- 
ment conservateur  et  de  résistance  que  la  Chambre  avait  devant  soi.  Quel 
accueil  allait-elle  lui  faire  ?0n  craignait  qu'il  ne  fût  pas  très  cordial.  Avant 
même  que  le  ministère  eût  exposé  son  programme,  le  président  de  la 
Chambre,  M.  Zanardelli,  avait  donné  sa  démission,  pour  protester  contre 
la  manière  dont  la  crise  s'était  résolue,  et  pour  fournir  à  ses  collègues  Toc- 
casion,  en  le  réélisant,  de  faire  une  manifestation  contre  le  Cabinet.  Le 
général  Pelloux  remporta  un  premier  succès  à  cette  occasion.  Ses  adver- 
saires de  gauche  demandaient  que  le  nouveau  président  fût  élu  le  27;  il 
proposa,  lui,  la  date  du  30,  et  obtint  gain  de  cause,  par  199  voix  contre  118, 
et  10  abstentions.  C*était  donc  une  majorité  de  8i  voix.  Le  30,  la  Chambre 
élut  son  président  ;  M.  Chinaglia,  conservateur,  candidat  du  gouvernement, 
remporta  par  223  voix  contre  193  données  à  M.  Zanardelli.  C'était  «ne 
nouvelle  victoire  pour  le  Cabinet,  niais  beaucoup  moins  importante  que  la 
première,  puisque  sa  majorité  tombait  à  30  voix.  Il  est  vrai  que,  le  lende- 
main, 31  mai,  la  Chambre  votait,  par  238  voix  contre  139,  une  motion 
acceptée  par  le  ministère,  ce  qui  relevait  un  peu  son  crédit.  Ainsi,  le  gé- 
néral Pelloux  a  la  majorité  dans  la  Chambre  ;  mais  cette  majorité  est  fra- 
gile, et  pourrait,  à  l'occasion,  se  changer  en  minorité. 

En  Espagne,  le  mois  écoulé  aura  représenté  une  halte  entre  les  élections 
générales,  qui  ont  eu  lieu  en  avril,  et  l'ouverture  des  nouvelles  Cortès, 
convoquées  pour  le  2  juin.  Le  discours  du  trône,  élaboré  par  M.  Silvela,  ne 
manquera  pas  de  présenter  un  grand  intérêt,  le  chef  du  nouveau  gouver- 
nement devant  esquisser  dans  ce  document  la  politique  qu'il  compte 
suivre.  En  attendant,  on  discute  sur  les  chances  de  durée  du  ministère 
conservateur,  dont  l'homogénéité,  comme  nous  l'avons  dit,  laisse  à  désirer, 
en  particulier  à  cause  du  différend  qui  subsiste  entre  le  chef  du  cabinet  et 
le  ministre  de  la  guerre,  général  Polavieja,  lequel  prétend  accomplir  des 
réformes  militaires  dont  ses  collègues  ne  sont  pas  partisans,  parce  qu'elles 
occasionneraient  des  dépense  qu'ils  estiment  que  le  pays  ne  peut  sup- 
porter. 

Mais  ces  considérations  politiques,  tout  importantes  qu'elles  soient,  ont 
beaucoup  perdu  de  leur  intérêt  à  la  suite  d'un  événement  qui  a  absorbé 
l'attention  :  à  savoir  la  mort  d'Emilio  Castelar,  survenue  le  25  mai.  Nous 
n'avons  pas  à  retracer  ici,  ni  à  apprécier,  la  carrière  politique  de  ce  chef 
(les  républicains  espagnols,  qui  fut  président  lui-même  de  la  République. 
Cette  carrière  appartient  au  passé.  Elle  relève  de  l'histoire  et  non  de  la 
politique  courante,  Castelar  ayant  abandonné  la  vie  parlementaire  depuis 


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LA    POUTIQUE  EXTÉRIEURE   DU   MOIS  665 

près  de  onze  ans,  et  venant  seulement  d'y  rentrer.  C'est  donc  une  étude 
historique  spéciale  qu'il  faudrait  lui  consacrer.  Bornons-nous  à  signaler 
iri  que  sa  disparition  peut  avoir  une  influence  très  défavorable  sur  le 
parti  républicain,  qui  se  disposait  à  engager  une  lutte  très  vive  contre  le 
gouvernement  conservateur,  et  qui  comptait,  pour  cela,  sur  ce  chef 
illustre,  dont  un  manifeste  récent  venait  d^afOrmer  la  fidélité,  à  son  idéal 
et  la  résolution  de  lutter  pour  le  réaliser.  Mais,  à  un  autre  titre  encore, 
Gastelar  mérite  que  nous  lui  rendions  hommage.  Il  n'était  pas  seulement 
un  ami  sincère  de  la  France  ;  il  était  prêt  à  la  défendre  toutes  fois  qu'elle 
était  injustement  attaquée.  Ajoutons  que  ses  mérites,  comme  homme  de 
lettres  et  historien,  étaient  incontestés.  Aussi,  il  était  respecté  de  tous  les 
partis,  sans  distinction  de  nuances  politiques,  et  le  gouvernement  conser- 
vateur n'a  fait  qu'interpréter  le  sentiment  national  en  décidant  que  ses 
funérailles  auraient  un  caractère  ofûciel. 

L'arrangement  anglo-russe  relatif  à  la  Chine,  intervenu  à  Saint-Péters- 
bourg le  28  avril,  et  que  nous  n'avons  pu  qu'enregistrer  brièvement  dans 
notre  dernière  chronique,  est  un  événement  considérable,  bien  qu'il  ne 
doive  pas  avoir  toute  la  portée  qu'on  lui  avait  d'abord  attribuée  en  An- 
gleterre. Pour  en  comprendre  la  signification,  il  faut  se  représenter  ce 
qu'était  devenue  la  situation  respective  de  la  Russie  et  de  l'Angleterre  dans 
l'empire  chinois.  Appuyée  sur  Port-Arthur,  point  auquel  doit  aboutir  le 
Transsibérien,  la  Russie  avait  établi  son  influence  sur  toute  la  Mandchourie, 
qu'elle  considérait  comme  sa  sphère  d'influence,  et  exerçait  sa  domination, 
ofûcieuse  sinon  officielle,  sous  forme  d'entreprises  de  chemins  de  fer. 
Etant  donnée,  d'autre  part,  sa  force  d'expansion,  elle  regardait  plus  loin 
encore,  vers  le  Sud,  dans  la  direction  de  Pékin.  Quant  à  l'Angleterre,  le 
jour  où  elle  s'était  rendu  compte  que  l'intégrité  de  la  Chine,  qui  était  son 
idéal,  ne  pourrait  être  maintenue,  et  que  cet  empire  était  destiné  à  être 
partagé,  d'une  manière  plus  ou  moins  déguisée,  entre  les  puissances  euro- 
péennes, elle  avait  pris  ses  précautions  pour  s'assurer  une  part  respectable. 
Elle  avait  obtenu,  en  effet,  du  gouvernement  impérial,  qu'il  n'aliénât  h 
aucune  puissance  une  partie  quelconque  de  la  vallée  du  Yang-Tsé-Kiang, 
qui  est,  peut-être,  la  plus  belle  et  la  plus  riche  partie  de  toute  la  Chine. 
C'était  le  moyen  détourné  de  faire  de  cette  contrée  sa  sphère  d'influence, 
et  elle  ne  négligea  rien  pour  faire  comprendre  au  monde  qu'elle  s'y  consi- 
dérait comme  chez  elle.  Cependant,  cette  sphère  anglaise  n'était  pas  plus 
reconnue  par  la  Russie,  que  la  sphère  russe  ne  l'était  par  l'Angleterre.  U 
pouvait  donc  y  avoir  là  une  source  de  difficultés  pour  l'avenir.  C'est  ainsi 
que  se  posait  la  question,  au  point  du  vue  général  de  la  domination  res- 
pective de  la  Russie  et  de  l'Angleterre  en  Chine.  En  outre,  sur  un  point 
spécial,  un  différend  existait  depuis  quelque  temps  déjà  entre  les  deux 
puissances  rivales,  à  propos  do  ce  qu'on  a  appelé  le  chemin  de  fer  du 
Nord.  Il  y  a,  actuellement,  une  ligne  construite  et  exploitée  entre  Tien- 
Tsin  et  Chan-Haï-Kouan,  ville  située  à  l'endroit  où  la  Grande  Muraille 
aboutit  à  la  mer,  sur  le  golfe  du  Pé-Tchi-Li.  Le  gouvernement  chinois, 


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666  LA    VIE   POtlTlOCE*  ET  PÂf(tEMtmAlWR   EPf  FRANCE 

voulantlfprolonger  cette  ligne  JTi5*qir*à  Nioti-Tcftmiaiig,  porf  important 
sitné  au  fond  d'il  goifc  âe  Liae-Tonng,  dans  la  direction  de  Ptjrt-Arthur, 
avart  contracté,  anprès  de  la  Banque  anglaise  d^  Hofig-Ko«g  et  Ghanghaî, 
Uti  emprunt  qui  denrait  être  gafé  par  If  a  recetles  âe  la  lîgn-c.  Biais  nne 
clanse  du  contrat  passé  entre  le  goufernemeiH  de  Fékin  et  ta  banque 
anglaise  déplaisait  à  fa  Russie'  :  c'était  cefle  qui  préroyait  la*  ironMoCion 
d'un  ingénieur  angïais  et  d'un  e«p«rt  financier  européen,  ce  dernier 
chargé  de  {contrôler  Texplôitatroïr  an  chemin  de  fer.  t^AngTeferre  avait 
cm  devoir  prendre  ces  précautions,  qni' semblaient  afsaez  natnreffes,  étant 
donné  le  caractère  rfe  l'adtoinistration  chrnoi«e.  Or,.  ïa  Hussie  s'opi^osait  à 
rexéculion  dcr  cette  cfatïse,  alléguant  qtr>He  était  cx)ntraire  aux  engage- 
ments pris  par  fe  CMne  vis-à-tis  d'elle,  en  ce  sens  qu'ef^ft  élabftssait,  e» 
quelque  sorte,  une  espèce  de  contrôle  d'une  pmssance  européenne  afr 
Nord  de  la  Grande  Muraille.  L'Angleterre,  de  son  côté,  réclaiwait  d'à  gou- 
vernement chinois  qu'il  observât  les  engagements  qu'il  avait  pris  vis-à-vis 
de  la  Banque  de  Hong-Kong  et  Chan^aî.  Tefles  étatenf  âtfttc  les  deux 
faceSj^rane  géuéraïe,  Pautre  spéciale,  du  coniRt  angïo-rusBe  en  Chine. 

L'arrangement  conclu  à  Saint-Pétersbourg  te  28  atrfï,  etpuWîé  à  Loncfre» 
le  6  mai,  affecte  la  forme  de  quatre  notes  itîenfiqwes,  échangées  «rtpe  le* 
comte  Mouravief,  ministre  rwsse  âm  Affaires  étrangères,  et  Sw  Charlea- 
Scott,  ambassadeur  dTAngîeterre.  Les  deux  premières  ont  pour  but  de 
régler  ta'guestion  giénérafe,  eelîf-  des  sphères  d'inrfîtience  ;  les  deux  der- 
nières ont  trait  au  chemin  de  fer  du  Nord,  ou  de  Niow-Tchonawg. 

Les  deux  puissances  conetatent  d'abord  qu'elles  son-t  «  anim^»  du  sin- 
cère désir  d'éviter  en  Ghiwe  toute  cause  de  conflits  dans  les  q«esfi«fl'i*  eu 
leurs  intérêts  se  rencronfcrent  ».  Aussi,  «  prenatit  en  considérafwtt  la  gra- 
vi lation  économique  ef  gét)graphique  de  certaines  parties  de  cet  empire  >s 
elles  ont  conclu  un  arrangement  cpii  peut  se  rr^umer  de  fa  manière  sui- 
vante :  la  Russie  s'engage  à  ne  pas  réclamer  de  «oncessionTS  de  chemins  de 
fer  dans  le  bassin  du  Yang-Tsé  et  à  ne  pas  contrecarrer  ïes  demandes  de 
concessions  appTiyées  par  rAngleterre;  cette  dernière,  de  son  côlé,  prend 
les  mêmes  engaigeraenrfs  vis-à-vis  de  la  Russie,  pour  la  partie  de  la  Chine 
située  au  nord  de  l'a  Grande  Muraille.  C'est  donc  nne  reconnaissance  réci- 
proque, par  l'Angfeterre  et  la  Russie,  de  leurs  sphères  respectives  en- Clrine, 
lesquelles  ne  sont  plus  qualifiées  de  «  sphères d'influetrce  »,  mats  de  «sphères 
de  concessions  et  d'exploitations  des  chemins  de  fer  ».  C'est  un  nouveau 
subterfuîi:e  pour  déguiser  le  démembrement  de  la  Chine.  Les  deux  puis- 
sances conviennent,  en  outre,  de  signifier  cet  arraiïgemenrt  au  geuver- 
nement  chinois,  «  n'ayant  nullement  en  vue  de  porter  une  atteinte  quel- 
conque aux  droits  souverains  de  la  Chine,  ainsi  qu'aux  traités  existant»  ». 
En  ce  qui  concerne  le  chemin  de  fer  de  Î^iou-Tchouang,  l'Anglelerre  a 
obtetiu  gain  de  cause,  en  ce  sens  que  le  gouvernement  chinois  sera  libre 
de  nommer  un  fngénieur  anglais  et  un  comptable  européen.  Mai*  il  est 
entendu  que  «  ce  fait  ne  saurait  constituer  un  droit  de  propriété  ou  de 
contrôle  étranger  et  que  la  ligne  doit  rester  chrnoise,  soumise  an  contrôle 
du  gouvernement  chinois,  et  rre  pourra  être  engagée  oo  afiénée  k  vme 
Compagnie  non  chinoise  ». 


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CHRONIQUE  POLIXIQUB  INTÉ&IEUEË  667 

QtHtvid  cet  arrangem^nttfut  conniii  k  Loodres,  on  s'en,  montra  d'aJboEd 
très  s^isfait^  N'assnrait-il  pa»  à  TAngleterre  la  sphère  du  Yang-Tsé? 
B'cHitre' part,  ne  sauvegardai t^il  pas  les  intérèts>des  souscripteurs  anglais 
de  l'emprunt  de  la  Bbnqne  de  Hong-Kong  et  Gbanghaï?  Ce  fut  Timpressloa 
f)remière.  Mais  elle  fit  rapidement  place  à  des  vues  plus  pessimistes,. lors- 
que, quel qufis^ jours- plus  tard,  on  reçutde  Pékin  une  étrange  nouvelle  :  la 
HliBsie  demandait  oui  gouvernement  ohinoiS)  d'una  manière  impératii^e  qui 
^cpiivalait  à-  un:  ordre,  L'autonaation  de  conatruii}e  une  ligne  nouvelle,,  qui 
rell«*aib  Pékin  au^ebemiUide  fer  misse  de:  la<  Mandohourie.  On  parlait  de 
deux  tracés  possibles  :  d'après  Tun,  la  ligne  de  racoordement,  partant  de 
Pékin,  se? dirigerait  en  droite  ligne  v»ers  le  Nord;  d'après  l'autEe,  elle  se 
dirigendt  vtens  le  Nord-Bat,  dans  la  direotion  de  Chan^Haï  E<ûuan,,Niour 
Tchonang  et  Pori-Artbur.  DansTun  et  Tautre  caa,,c'élaity  au  point  de  vue 
politique,  la  main  mise  de  la  Russie  sur  Pékin..  Maies  la.  question,  davenait 
beaucoup  plus  grave,  au  point  de  vue  économique,  si  le  second  tracé  était 
adopté;  en  effet,  la  ligne  de  Niou-Tcbouang,  construite  par  les  Anglais, 
serait  alors  doublée  par  une  autre,  qui  lui  enlèverait  tout  son  trafic  ;  de 
cette  manière,  L»s  Anglaishaunaientoonsiruit  une  ligne  qui  ne^Ieuc  rapporte- 
rait rien.  Mais  il  y  avait  quelque  cbose  deplus-gnavereneore.  On. apprenait^  en 
mi^me  temps,  q^d:la  Russie  étendait  son  action  auisud.de  Pékiii>  dans  k 
directieii»  du  Yang-Tsé;  o'est-à-direde  laispbène  anglaise..  Li  sté  levai  des  pco^ 
testationfi  k  Londres.  Mois  on.  dut  y  reconnaître,  à  titre  ofOciel  même,  qu£ 
Tatlittidèj  de^  la:  RusMe  n'était  pas  contjpaire  à  l'arrangement  du.  28  avciL 
Aucune  olanae  de;  cet  accord)  ne  s'apposait  ài  la  construnUon}  de  la  ligne 
projetée;  aucune,  non  plus, ne  confinait  expressément  l'action  de  la  Russie 
au  nord  de  là  Gronde  Muraille.  Tout  au  plus  l'A nglete rue  pourraifcrelle 
prétendre,  anjoucd'huiv- que^  niayanttreoojotnuriniluenoe  susse  qu'au  nord 
de  cette  limite,  elle  se  réserve  le  dnoit.de  la  contrecarrer  au  sud.  Les  Anglais 
avaient  dbno  trop  rapidenent  pris^  leurs  désirs  pour  la  réalité..  Ils  avaient 
espûpé  (fue  leurs  intéréta  seraient  saufs  dans  \w  question  dui  cbemin  de 
feo  du  Nord;  d'a«tte:part,  il&  ne  doutaient  pas  que,  entre  la^sphèra  eusse 
et  la  leur,  il  se  formerait  une  sorte  de  tampon.  Or,  ces  espérances  satrock- 
venb  compromises^  Gela  nia  pas  étonnié  beaucoup,  du  neste,  oau9&  qui. con- 
sidéraient les  choses  de  sang'-fnoidi  Us  «vaieni  douté  de  la  posfiibiliié  de 
limiter,  en- Chine,  llaction  de  deux,  puissance»  aussi  envahiseanies  que  la 
Russie  etl!AingletexTe..L'é\iénem6nt  leur  a  donné  raison^monixant.  qu'il  y 
a,  séparant  ces  denx.empires>  dea  causej&>irnéductibles>d'aniagûni5nLe> 

Ai^GiDB  Ebhay. 


U.  —  GSSiONlQVR.  PQLITTQinS,  IN.TÉREEUKE 

La  journée  du  i*'  mai  s'est  passée  sans  incident.  Il  ne  faudrait  pas  voir 
dans  cette  sagesse  un  indice  d'apaissement  social.  Le  calme  de  l'armée 
révoluUonnaine  est  plutôt  un.  symptôme  de  discipline  et  la^  preuve  d*ùne 
action  mieux  combinée.  On  renonce  aux  manifestations  bruyantes  et  ia- 


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668  LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE 

tempestives  qui  ne  pourraient  que  compromettre  les  résultats.  L'influence 
croissante  exercée  sur  la  majorité  de  concentration  et  par  elle  sur  les  pou- 
voirs publics,  suffit,  à  l'heure  actuelle,  aux  tacticiens  du  parti.  La  désor- 
ganisation sociale,  œuvre  lente  mais  certaine,  qui  découle  de  Tanarcbie 
présente,  conduit  à  des  résultats  plus  sûrs  que  de  vaines  déclamations  dans 
les  salles  de  réunion  et  des  processions  ouvrières  dans  les  rues. 

La  situation  n'en  reste  pas  moins  grave  et  des  menaces  de  grève  géné- 
rale planent  toujours,  comme  un  orage  en  formation,  risquant  de  com- 
promettre ou  de  retarder  les  immenses  travaux  entrepris  pour  Texposi- 
tion  universelle  ou  le  métropolitain. 

Les  révolutionnaires  ne  désarment  pas.  Ils  se  recueillent  et  s'organisent, 
mais  ils  tiennent  néanmoins  à  ne  pas  rester  oubliés  :  la  grève  éphémère 
des  facteurs,  celle  des  établissements  Schneider  au  Creuset,  montrent  que, 
s'ils  se  taisent,  ils  ne  dorment  pas. 


La  Chambre  des  députés  a  repris  ses  séances  le  2  mai.  La  loi  sur  If  s 
conditions  du  travail  dans  les  travaux  de  l'Etat,  des  départements  et  des 
communes,  figurait  en  tête  de  l'ordre  du  jour.  Cette  loi,  élaborée  par  la 
commission  du  travail  sur  diverses  propositions  d'initiative  parlementaire, 
se  rapporte  à  quatre  points  principaux  :  i®  l'obligation  du  repos  hebdoma- 
daire ;  2^  la  limitation  du  monde  des  ouvriers  étrangers  ;  Z^  l'obligation 
pour  l'Etat  d'introduire  dans  ses  cahiers  des  charges  une  clause  par  la- 
quelle Tentrepreneur  s'engage  à  se  conformer  aux  taux  des  salaires  et  à  la 
durée  du  travail,  considérés  comme  normaux  et  courants  dans  la  ville  ou 
la  région  où  le  travail  est  exécuté  ;  4<^  la  faculté,  pour  les  départements  et 
les  communes,  d'appliquer  cette  dernière  clause  à  leurs  travaux.  La  dis- 
cussion générale  a  été  simplement  engagée  par  des  discours  de  M.  Aynard, 
Raoul  Bompard  et  Stanislas  Ferrand(i).La  discussion  interrompue  parles 
événements  des  journées  suivantes,  n'a  pas  été  reprise  pendant  tout  le 
cours  du  moi  de  mai. 

La  Chambre  a  dû  se  préoccuper  des  questions  soulevées  par  la  mise  en 
application  prochaine  de  la  loi  du  9  avril  1898,  sur  les  accidents  du  travail. 
Cette  loi  devenait  exécutoire  le  i*' juin.  On  sait  qu'elle  consacre  le  prin- 
cipe du  risque  professionnel  pour  tous  les  accidents  survenus,  par  le  fait 
du  travail  ou  à  l'occasion  du  travail,  dans  certaines  industries  qu'elle  énu- 
mère  et,  plus  généralement,  dans  toute  exploitation  ou  partie  d'exploita- 
tion, dans  laquelle  il  est  fait  usage  de  machines  (2).  Le  législateur  a  ainsi 
constitué  les  chefs  d'exploitation  les  assureurs  légaux  et  forcés  de  leurs 
ouvriers.  Il  offre  aux  patrons  divers  moyens  pour  se  réassurer  contre  le 
risque  mis  ainsi  à  leur  charge.  Ceux-ci  ont  la  faculté  soit  de  rester  lem-s 
propres  assureurs,    soit    de  constituer    des   sociétés  d'assurances  mu- 

(1)  Séance  du  3  mai  1899. 

(2)  La  machine  doit  être  mue  par  une  force  autre  que  celle  de  Thomme  ou  des 
animaux. 


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CHRONIQUE   POLITIQUE  INTÉRIEURE  669 

tuelles.  Un  fonds  d'insolvabilité  géré  par  TEtat  assure,  en  tous  cas,  le  paie- 
ment des  indemnités. 

Cette  loi,  mal  comprise  de  beaucoup  de  patrons,  a  provoqué  des  inquié- 
tudes nombreuses  dans  les  milieux  industriels.  Il  n'est  pas  douteux  qu'elle 
impose  aux  chefs  d'entreprises  des  obligations  très  lourdes.  Dans  la  petite 
industrie  surtout  elle  peut  entraîner,  pour  un  grand  nombre,  des  consé- 
quences ruineuses.  Seul  un  système  d'assurances  bien  compris  et  mis  à 
la  portée  de  tous  fera  disparaître  ces  dangers. 

Malheureusement,  les  exigences  des  compagnies  privées  d'assurances, 
n'étaient  pa?  de  nature  à  faciliter  cette  solution;  et,  d'autre  part,  l'esprit 
d'association  et  de  solidarité  est  encore  trop  peu  développé,  en  France, 
pour  qu'on  puisse  espérer  voir  les  patrons  se  mettre  à  Tabri  par  l'effet  de 
leur  seule  initiative.  De  là,  les  protestations  venues  de  toutes  parts  deman- 
dant soit  la  revision  de  la  loi,  soit  son  ajournement. 

Un  écho  de  ce  malaise  général  devait  parvenir  forcément  jusque  dans  le 
Parlement.  Dès  le  2  mai,  jour  de  la  rentrée,  diverses  propositions  furent 
déposées  tendant  à  l'ajournement,  jusqu'au  1*"  janvier  1900,  de  la  loi  du 
9  avril  1898.  M.  Delombre,  ministre  du  Commerce,  déclara  au  nom  du 
Gouvernement,  qu'il  s'opposait  à  tout  ajournement  de  la  loi.  Il  ajouta  qu'il 
allait  déposer  un  projet  de  loi,  réorganisant  la  caisse  nationale  des  acci- 
dents créé  en  1868,  et  que  cette  réforme  pourrait  être  votée  avant  la  date 
du  4 «'juin. 

Ce  projet  fut  rapidement  déposé  à  la  Chambre  des  députés.  Pendant  que 
celle-ci  en  déclarait  l'urgence,  un  débat  s'ouvrait  au  Sénat  sur  l'ajourne- 
ment de  la  loi  de  1898.  M.  Félix  Martin  insista  sur  la  nécessité  d'accorder 
un  délai  de  trois  mois,  à  dater  de  la  publication  officielle  de  tous  les  dé- 
crets et  arrêtés  complémentaires  devant  régler  l'application.  Le  ministre 
du  commerce  s'opposa,  une  seconde  fois,  à  tout  sursis.  Le  Sénat  adopta, 
néanmoins,  le  projet  de  résolution  de  MM.  Sébline  et  Thévenet,  invitant  le 
Gouvernement  à  présenter  d'urgence  un  projet  de  loi  prorogeant  l'appli- 
cation de  la  loi  de  1898,  cette  prorogation  ne  pouvant  excéder  le  mois  qui 
prendrait  cours,  à  partir  du  jour  où  la  Caisse  d'Etat  aurait  publié  ses  tarifs 
et  admis  les  industriels  à  contracter  des  polices. 

Le  lendemain,  la  Chambre  des  députés  adoptait  le  projet  de  loi  de 
M.  Delombre,  disposant  que  les  opérations  de  la  caisse  d'assurances  en  cas 
d'accidents  seraient  étendues  aux  risques  prévus  par  la  loi  de  1898,  pour 
les  accidents  ayant  entraîné  la  mort  ou  une  incapacité  permanente.  L'exé- 
cution de  la  loi  était  reportée  à  l'expiration  du  délai  du  mois  qui  suivrait 
la  publication  des  tarifs.  En  aucun  cas  cette  prorogation  ne  pouvait  dé- 
passer le  !•'  juillet  1899. 

La  nouvelle  loi  promulguée  le  25  mai  1899  (2),  met  donc  à  la  disposition 
des  chefs  d'entreprises  un  troisième  moyen  de  sefgarantir  contre  les  con- 
séquences du  risque  professionnel.  L'assurance  par  l'Etat,  inaugurée  sans 
grands  résultats  pratiques  en  1868,  semble  destinée  à  prendre  une  exten- 

(1)  Sénat,  séance  du  15  mai. 

(2)  Le  projet  a  été  adopté  par  le  Sénat  sans  modification. 


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670  LA    VIE   VeilHilQCS.  ES   PARLBHENTAI1IE  E!^  FRANCE 

sion  considécabie.  Ua  anendeinent  de  ^i.  E)^»]«e,  inséré  dans  Tarlicle  P^ 
dispose  que  les  primes  devront  être  calculées  de  manière  que  le  risque  et 
les  fcais  génécaux  d'administnation  de  la  Caisse  soient  entfèremen*  cou- 
verts, sans  qu*il  *wtî  nécessaire  df»  reooorir  à'une  subvention  budgétaiir. 
Les  lapif»  qui  ont  été  publiés,- prescpie  immédia(<>9n<en4*,  senriMenC  asser  éle- 
vés pour  qu'on  puisse  snpposer  que  la  volonté  du»  législfeitenr  a-  été  respec- 
tée, ftlais,  bien  que- ces  tarifer  soient  sensiblement  inférieurs  à  ceux  des 
compagnies  du  commerce,  ne-  paraîtront-ils-  pas  encore  trop  élevés  aux 
intéressés?  H  y  aura,  forcément,  une  tendanve  à  lesréidtaire.  Eà  est,  peut- 
être,  le  dûBgeF  auii  point  de  me  budgétaire. 

La  l©i  de  M.  Belbmbre  n^est  pas  lia  seule  qu*ait  motivée  la  nouvelle 
législation:  sur  le»  accidents.  La  Cbambre  a  voté,  sur  Tinitiative  de 
M.  Gervais,  une  pnopositio»  résiliant  de  piein  droit  les  conts'ats  d'assw- 
rance  collectifs  où  individtaels  con^^B  les  accjîdents  du  travail,  souscrits 
sous  renupire  d»'  la»  l^gislatioii  aAténeure. 


La  Cbambre  a  cansocoé  d'une  manière  intieraniUente  plusiem^  séances 
aujc  nombneuse»  interpellations  sum  lâi  question  algérievnev  C'esti  un>  snif;Yi^ 
lier  procédé  de  travaâi'  parlementaire  que  cellH  qui»  cansistie  à^discuCer  une 
loi  ou  une  interpella! ion  de  loin  en  loin  et  comme  à  bâtons*  rompus* 
La  précédente  législature  en  avait  offert  un  exemple  célèbre,  lors^  de  la 
grande  interpellation  sud  le  crise  agricole.  Le  débat  actuel*  sur  TAlgérie 
peut  lui  servir  de  pendante  Laj  Chambre  a  écouté,  avee  plus  ou-  raorns 
d'attention,  des  disenusrs  de  MM.  Marchai,  Morinawd,  Barthou,  Rouanet, 
Laferrière,- gouvenuttur  général,  Drunont  et  Fitmain  Faure.  L^auttsémiliîiwie 
y  a  tenu  une  large  place.  U  y  a.  aussi  été  qwestioacles:  réformes^à»  apporter 
à.  It  organisation  de;  TAlpérie,  Tout  Ib  monde  est  unanime  à  recomaaltre'^e 
le  système  des  ra1itacbemeots>  inauguré  en  ii^Si  et  abandonné  par  les  dé- 
crets  de  décembre  18^6,  a  produit  l^plu»  déplorables  conséquences»  Ou 
reconnaissait  eniln  que  la  prét*eniion  d'assimiler  à«  la  métropole  un  pays 
aussi  neuf  et  peuplé  de  races-  anssi  disparates  est  une  véri«ablii  foire*.  La 
Chambre,  comme  sanction>  ài  ce  débat,  ordomi^na  une  enquête-.  U  faut  sou- 
haiter que  celleMîi.  condaise  à  des  solutions  plus  décisâJFes  et  pli»;  rapides 
qioe  la  grande  enquôte  séaaiooiate'  dirigée*  pan  Joies  Ferry,,  il  y  a  «ne  di- 
zaine d'années^ 


Le  5  mai,  M.  Gouzy,  député  du  Tarn,  a  questionné-  M-  de  Freycinet,.  mir 
nistre  de  la  €ueriie,.sur  lagospensioadu^coAMPS  fait  par  M.fieorgfts-ûaruy, 
à  l'Ecolie  poJiv technique.  L'orateuD  ai  été  dfafvisiqweîleeouia  de  ce  profes- 
seur n'aurait  pas  dà  étse  interrosipiL  et  qm  les  élèves  qm  a/vaieni  oMni- 
festé  méritaieait  une  pa]u4iy>n  dsscipliiiaire.  Le:  mimsbre  a»  fait  coottaitue 
que  les  gradés  de  la  promotion  avaient  été  l'objet  de  la  réprimande  ofli- 
cielle  du  général  qui  constitue,  d'après  le  règlen^eot  de  l'Ëcole;.  Taate  Aes 
pénalités  les  plus  graves.  Le  dïscours  de  M.  de  Freycinet  a  été  si  violem- 


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CHROmQCE   PWmOCE   IWTÉMEimE    .  67 f 

ment  interrompu  par  l'extrême  gatrche,  que  Torateirr  a  quitté  la  tribune 
sans  achever  sa  réponse.  M.  de  Freycinet  s'est  ensuite  rendu  cher  fe 
président  de  la  République  elle  lendemain  matin  sa  démission  est  derenue 
officielle. 

Le  portefeuille  de  la  guerre  a  été  confié  à  M.  Mrantr,  nrinistre  des  Tra- 
vaux publics.  Celui-ci  a  été  remplacé  par  M.  Monestier,  sénateur,  qui  lors 
du  projet  de  loi  de  dessaisissement  avait  roté  contre  le  Gouremeraent. 
Le  8  mai,  M.  Georges  Berrj  a  interpellé  sur  les  causes  de  l'a  démission  de 
ST.  de  Freycinet.  M.  Charles  Bupuy  a  répondu,  en  se  référant  à  lia  lettre 
écrite  par  le  ministre  démissionnaire,  le  6  mai,  laquelle  faisait  allusion 
aux  accidents  de  la  séance  de  la  veiTfe.  fl  a  a^j-outé  qu'il  n*y  atait  jamais  eu 
dans  le  Cabinet  l'ombre  d'un  dissentiment.  M.  Lasies  ayant,  h  ce  moment, 
mis  très  violemment  en  cause  M.  Defcassé,  ministre  des  Affaires  étrangè- 
res, a  été  frappé  de  fa  censure.  Après  de  nouvelles  explicatioB»  du  prési- 
dent du  Conseil  et  un  discours  de  M.  Castelin,  Tordre  du  jotar  pur  et 
simple  a  été  adopté  par  444  voix  contre  67  votants. 

Cet  incident  a  eu  un  épilogue  à  la  séance  du  12  mai.  A  fa»  suite  de  lia 
communication  au  Petit  Journal  de  diverses  lettres  échangées  entre  M.  de 
Freycinet  et  M.  iTelcassé,  à  propos  de  l'audition  de  M.  Paléologue,  connue 
témoin  devant  la  cour  de  Cassation,  îe  commandant  Cuignet  s'est  dPédaré 
spontanément  l'auteur  de  cette  divulgation,  M.  Krantz  a  mis  cet  oftlcierenc 
non  activité  pour  retrait  d^emploi.  La  Chambre  a  été  saisie  de  deux  inter- 
pellations Tune  de  M'.  Lasies,  Fautre  de  ftff.  Vîviani.  Elle  a  entendu  les 
déclarations  de  M.  Delcassé  et  la  réponse  de  M.  Lasies.  MM.  Gabriel  Bénis, 
Babaud  Lacroze  et  Garnier  ont  déposé  Tordre  du  jour  suivant  :  «  La  Chambre 
api»rouvant  l'attitude  et  les  déclarations  du  Gouvernement  passe  à  Tordre 
du  jour.  » 

Lue  intervention  de  M.  de  Mahy  a  amené  le  Gouvernement  à  poser  la 
question  de  confiance.  L'ordre  du  jour  pur  et  simple  a  été  repoussé  par 
417  voix  contre  115,  et  Tordre  du  jour  de  confiance  a  été  adopté  par 
389  voix  contre  64. 


Le  budget  a  occupé  le  Sénat  pendant  presqoe  toutes  ses  séances  (1). 
D'assez* nombreuses  modifications  ont  été  apportées  am  projet  de  k 
Chafmbre  des  députés  sur  lesqueHe*  Taccord  a  fini  par  s'établir.  L'une 
d'elles  a  motivé*  un  fait  dont  il  est  impossible  de  mécoonallre  l<a  grayité. 
La  Chambre  avait  adopté  un  amendement  de  M.  Groussier,.  tendant  à 
augmenter  de  deux  millions  le  chapitre  relatif  aux  traitements  des  sous- 
agents  des  postes  et  télégraphes,  de  façon  à  porter  le  traitement  die  débal 
de  ces  deraiers  de  i.OOO  à  1.200  francs.  M.  Mougeot  avait  alors  faiS 
observer  que  Tétat  du  budget  ue  permettait  pas  d'accepter  cette  augnem- 
tation.  D'autre  part,  il  était  injuste  de  ne  pas  élever,  dans  les  mêmes  con- 
ditions, les  traitement  des  sous-agents  de  province,  ce  qui  eût  nécessité 

(1)  Le  Sénat  a  entendu  deux  interpellations  sur  les  incendies  à  la  Guadeloupe 
et  sur  la  pêche  à  la  vapeur. 


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672  LÀ   VIE   POUTIQUE  ET   PARLEMENTAIRE  EN    FRANCE 

une  somme  de  12  ou  14  millions.  La  Chambre  avait  passé  outre,  mais  la 
commission  des  llnances  au  Sénat  repoussa  le  relèvement  de  crédit. 

L'amendement  repris  par  M.  Leydet  fut  rejeté  à  la  séance  du  17  mai.  Le 
lendemain  matin,  les  facteurs  de  la  plupart  des  bureaux  du  centre  de 
Paris  se  déclaraient  en  grève.  Les  grévistes  firent  connaître  à  M.  Mougeot 
qu*ils  ne  reprendraient  leur  service  qu'après  un  engagement  ferme  du 
Gouvernement  d'obtenir  du  Sénat  le  rétablissement  du  crédit  de  2  mil- 
lions. La  distribution  des  lettres  fut  assurée,  dans  la  soirée,  par  la  réqui- 
sitions de  militaires  de  la  garde  de  Paris  et  des  régiments  d'infanterie  de 
la  garnison. 

Le  Gouvernement  fut  interpellé  par  MM.  de  Baadry  d'Asson  et  Emile 
Gère.  La  Chambre  a  entendu  des  discours  de  M.  Delombre,  de  M.  Mille- 
rand  et  de  M.  Charles  Dupuy.  Le  président  du  Conseil  a  refusé  ù  des 
agents  commissionnés  le  droit  de  s'insurger  contre  TEtal.  Il  a  averti  les 
postiers  que  s'ils  ne  reprenaient  pas,  dès  le  soir  même,  le  service,  ils  se- 
raient purement  et  simplement  remplacés  (I).  Un  ordre  du  jour  de 
M.  Godet  approuvant  les  déclarations  du  Gouvernement  a  été  adopté  par 
370  voix  contre  105. 

Le  lendemain  matin,  les  postiers  ont  repris  leur  service.  Lorsque  le 
budget  est  revenu  du  Sénat,  la  Chambre  a  voté  un  crédit  de  1.200.000  fr. 
correspondant  aux  sept  mois  qui  restent  à  courir  sur  l'exercice  1809.  Ce 
chi£fie  a  été  réduit  par  le  Sénat  à  870.000  francs  et  définitivement  voté. 

La  grève  des  postier*  est  la  première  grève  de  fonctionnaires.  On  ne 
peut  pas  dire  qu'elle  ait  échoué.  Elle  aura  des  imitateurs. 


M.  Paul  Deschanel,  président  de  la  Chambre  des  députés,  a  été  élu,  le 
18  mai,  membre  de  l'Académie  française  en  remplacement  de  M.  Edouard 
Hervé.  C'est  un  juste  hommage  rendu  parla  noble  compagnie  à  Técrivain 
délicat  qui  a  su  honorer  les  lettres  autant  que  l'orateur  a  illustré  la  tri- 
bune française. 

Les  derniers  jours  du  mois  ont  été  marqués  par  des  émotions  bien  di- 
verses :  la  rentrée  du  Général  Galliéni,  après  la  glorieuse  paciflcirtion  de 
Madagascar;  l'arrivée  du  Commandant  Marchand  et  de  ses  héroïques  com- 
pagnons de  la  mission  Congo-Nil;  l'acquittement  de  MM.  Déroulède  et 
Marcel  Habert  par  la  Cour  d'assises  de  la  Seine;  les  débats  du  procès  en 
révision  de  l'affaire  Dreyfus  devant  la  Cour  de  cassation.  La  Cour  a  rendu, 
le  3  juin,  un  arrêt  qui  casse  le  jugement  de  1894  et  renvoie  Dreyfus  devant 
le  Conseil  de  guerre  de  Rennes.  Il  reste  à  souhaiter  que  cet  arrêt  ramène 
l'apaisement  dans  les.esprits,  et  que  chacun,  de  part  et  d'autre,  attende 
avec  calme  la  décision  définitive  que  rendra  la  juridiction  militaire. 

H  est  nécessaire  d'empiéter  ici  sur  la  Chronique  du  mois  prochain,  pour 
constater  de  suite  avec  quelle  unanimité  les  hommes  de  toutes  les  opi- 

(1)  Des  explications  analogues  ont  été  fournies  au  Sénat  par  M.  Mougeot. 


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LA    VIE   POLITIQUE   ET   PARLEMENT AlUE   EN    FRANCE  673 

nions  onl  flétri,  dans  les  séances  du  5  juin,  à  la  Chambre  des  députés  et 
du  6  juin,  au  Sénat,  Tinqualifiable  agression  dont  M.  le  Présideq^  de  la 
République  avait  été  i*objel,  le  dimanche  précédent,  aux  courses  d'Auteuil. 

FÉLIX  Roussel. 


III.  —  LA  VLB  PARUBMSNTAIRE 
I.  —  Lois,  Décrets,  Arrêtés,  CiroulaireSy  etc. 

lor  niai.  —  Expo8ilion*de  1900.  —  Rapport  et  décret  relatif  à  la  nomination 
des  comités  d'installation  de  l'Exposition  de  1900  (p.  2877). 

—  Avis  agricoles  sur  l'Allemagne,  Tltalie,  le  Danemark  (p.  290?). 

3  mai.  —  Responsabilité  des  accidents  du  travail,  —  Rapport  et  décrets  insti- 
tucmt  au  ministère  du  Ck>mmerce  une  commission  consultative  en  vue  de  Tap- 
plication  de  l'article  5  de  la  loi  du  9  avril  1898  sur  la  responsabilité  des  accidents 
du  travail  :  2®  portant  nomination  des  membres  de  cette  commission  (p.  2925). 

—  Ecoles  de  maislrance.  —  Circulaire  sur  Tadmission  des  quartiers-maîtres 
et  seconds  maîtres  des  équipages  de  la  flotte  aux  écoles  de  maistrance  (p.  2931). 

—  Répression  du  vagabondage.  —  Circulaire  sur  la  répression  du  vagabon- 
dage et  de  la  mendicité  (p.  2935). 

4  mai.  —  Personnel  de  la  marine,  —  Loi  concernant  :  l^les  officiers  auxiliaires  de 
divers  corps  de  la  marine,  les  mécaniciens  du  commerce  et  les  maîtres  au  cabo- 
tage; 2**  rengagement  volontaire  pendant  la  durée  de  la  guerre  de  diverses  caté- 
gories du  personnel  de  la  marine  (p.  2915). 

—  Avis  commeixiaux  sur  la  Turquie,  le  Danemark,  la  Roumanie,  les  Etats- 
Unis,  la  Belgique  (p.  2951). 

5  mai.  —  Officiers  du  commissariat  colonial,  —  Décret  relatif  à  la  durée  du 
séjour  en  France  de  ces  officiers  (p.  2965). 

6  mai.  —  Inspections  générales.  —  Modifications  au  tableau  de  la  composition 
des  arrondissements  d'inspection  générale  (p.  2983). 

—  Ecole  de  dessin  topographique,  —  Avis  relatif  à  cette  école  et  instruction 
pour  l'admission  (p.  !^984). 

—  Madagascar,  —  Rapport  d'ensemble  du  général  Galliéni  (p.  2989). 

—  Navigation  intérieure.  —  Mouvement  février  1899  (p.  2996). 

—  Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures,  —  Avis  de  concours  pour  Tadmis- 
sion  (p.  2995). 

7  mal.  —  Ministre  de  la  guerre.  —  Décret  de  nomination  (p.  3009). 

—  Ministre  des  travaux  publics,  —  Décret  de  nomination  (p.  3009). 

—  Assurances  contre  les  accidents  du  travail.  —  Arrêté  complétant  les  arrêtés 
des  29  et  30  mars  1899  relatifs  aux  sociétés  de  ce  genre  (p.  3010). 

'^'^Aide-vétérinaire  stagiaire,  —  Instruction  pour  l'admission  (p.  3012). 

—  Médaille  coloniale,  —  Rapport,  décret  et  circulaire  sur  les  nouvelles  opé- 
rations donnant  droit  à  l'obtention  de  cette  médaille  (p.  3014). 

—  Percepteur  surnuméraire.  —  Avis  de  concours  (p.  3016). 

i—  Inspecteur  de  Vexploitalion  commerciale.  —  Conditions  de  concours  (p.  3017). 

8  mai.  —  Aide-vétéinnaire  stagiaire.  —  Instruction  pour  Tadmission  (p.  3025). 

—  Madagascar.  —  Rapport  du  général  Galliéni  (p.  3027). 

— -  Avis  agricoles  sur  TAllemagne,  la  République  Argentine,  la  Russie,  la  Suède 
et  la  Turquie  (p.  3039). 

9  mal.  —  Sociétés  de  secours  mutuels,  —  Décret  portant  règlement  d'admi- 
nistration publique  sur  l'élection  des  représentants  des  sociétés  de  secours 
mutuels  au  Conseil  supérieur  institué  par  la  loi  du  1"  août  1898  (p.  3042J  et 
décret  appliquant  à  l'Algérie  la  loi  du  l»*"  avril  189i  sur  les  sociétés  de  secours 
mutuels  (p.  3013). 

—  Pension  de  retraite,  —  Décret  portant  assimilation  du  personnel  comptable 
du  secrétariat  général  de  la  Gochinchine  pour  la  pension  de  retraite  (p.  3015). 


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•674  hk   VIE   POUTIQDE  £T   PAALE1I£NTA.IB£  EN   FRANCE 

10  mai.  "  Ecoie  polytechnique .  —  Avis  d'admission  (jfi.  9061). 

—  Accidents  du  travail.  —  Table  de  mortalité  et  tarifs  établis  par  la  caisse 
nationfle  des  retraites  pour  l'exécution  de  la  loi  du  9  avril  1898  (p.  3070). 

11  mai.  —  Concesêions  deterraifts  danK  ies  coîoni^  pénitentiaires.  —  Ratppoft 
et  décret  portait  irèglefoent  d'admiuistration  publique  sur  le  régime  des  couces- 
sions  des  terrains  à  accorder  aux  rdiégués  dans  les  colonies  pénitentiaires  (p.  3117). 

—  Gestion  des  caisses  de  secours.  —  Décret  conférant  au  comité  consultatif 
des  assurances  contre  les  accidents  du  travail  la  gestion  de  certaines  caisses  de 
secours  constituées  en  weftude  •Harticle  6  de  la  loi  du  9  aifoil  189S  (p.  .3120). 

—  Ecole  navale.  —  Avis  relatif  au  concours  de  1899  (p.  3121). 

—  Adminisfraticm  du  Laos.  —  Rapport  et  -décret  plffçfnt  Tadministration  du 
Laos  jious  rautorilé  d'un  résident  si:^périeur.  (p.  3122;f 

-^  Recouvrement  des  contributions  et  dmits.  —  Situation  mai  1899  (p.  3125.\ 

«—  Avis  commerciaux!  sur  la  Russie,  le  Danemark,  la  Belgique  (p.  3132). 

IS  et  18  mai.  —  Port  du  Havne.  —  Décret  autorisant  la  Chambre  de  com- 
mercd  du  Havre  à  contracter  un  eyo^prunt  en  vue  de  faire  face  aux  dépenses 
oûmplémentaises  d'installation  d'un  outillage  dans  ce  port  (p.  3144). 

— *  Tirailleurs.  —  Décret  élevant  de  quatne  à  cdnq  le  nombre  des  l>ataîIlon6 
•du  4*  régiment  de  tirailleurs  (p.  3149). 

—  Madagascar^  — -  Raipport  d'ensemble  du  général  Galliéni  (p.  3154). 
— —  Commerce  de  h  France.  —  Situation  1899  (p. '3163). 

14  mai.  —  Madar/ascar.  —  Rapport  d'ensemble  du  général  Galliéni  (p.  3184). 

15  flMki.  —  Suct*es.  —  Production  et  mouvement  (p.  ^l\0\, 

^o  Avis  agricoles  sur  la  Bavière,  la  Belgique  et  ritalie  ijk.  3224). 

16  jnai.  —  Corps  d^ armée.  — -  Décret  modifiant  les  ieBdtoires  des  6«  cft  7*  subdi- 
visions de  la  11*  région  de  corps  d'armée  (p.  3229). 

—  Madagascar.  —  Rapport  d'ensemble  du  général  Galliéni  (p.  3234). 

17  mai.  —  Sociétés  de  secours  mutuels.  —  Arrêté  relatif  aux  atatuts-types  à  iu- 
aécfir  pour  Tf  xécuLion  de  i'article  5  de  la  loi  du  .9  avril  i896  dans  les  statuts  des 
sociétés  de  secours  mutuels  qui  se  proposent  de  contracter  avec  les  chefs  d'an- 
Irepciae  ^.  3219/. 

18  mai.  —  Madagascar.  —  Rapport  d'ensemble  du  général  Galliéni  (p.  3269). 
«—  Rnàeignement  du  dessin.  —  Avis  de  concojurs  pour  Le  certificat  d'og^fitude 

(p.  3273). 

19  mai.  —  Habilalion  à  Jmn  marché.  *-  Rtypipori  1898  fp.  32SJ). 

— —  Droit  international  privé.  —  Décret  portaut  promulgatioB  d^uae  convention 
intarnaitionale  .de  droit  international  privé  (p.  3287). 

—  Convention  franco-portugaise.  Tojre des  télégrammes.  —  Décret -approuvant 
Tarrangement  du  3  jnars  1899  signé  à  Lisbonne  Ayant  pour  ol\jet  la  j éduotion  4es 
taxes  des  télégrarnoxes  .entre  la  France  et  le  Portugal  (p.  3288). 

««—  B^glemeal  de  pilotage.  —  Décrût  modifiant  le  xéglement  général  de  pilo- 
tage du  l«r  arrondissement  maritime  ip.  3290). 

— -  Cotps  de  ^anlé  des  coloaiesi.  -*-  Rapport  et  décret  mjodifiant  le  décret  du 
7  Jan^dfir  1890  parlant  organisation  du  corps  de  santé  des  colonies  (p.  3292). 

— —  Madagascar.  —  Rapport  d'ensemble  du  général  Galliôni  (p.  .3294). 

— —  Avis  commertoiau.T  sur  la  Chine,  l'Italie,  l'Espagne,  le  Portugal  (p.  3303). 

30  mai.  —  Madagascar.  «•  Rapport  dugônéral  GalUéni  (p.  3318). 

•M-i-  Chemins  de  fer. et  tramwagsialgérien&el  twiisiene;.  —  iftéaaÛats  de  Texpiol- 
taUon  (p.  3328). 

.— i-  Ecùledee  mine^.^  Avis  de  oonoonriS  (p.  3325). 

—  Caisse  d: épargne.  —  Avril  (p.  3327). 

fil  mai. —  J&Qole  fiûlyAachnUfue,  ~-  Concours  d'admissian  ^  «93Uy. 
«—  MadagoMoar..  —  Aappoctdu  général  -GalUéni  (p.  «3354). 
-"^ALaoûls.  —  BrûiuoHon  et  meuvemtmts  Cp.,33ù0), 
«^—  Avis  agriûoles  mut  l'Allemagne,  la  Gfàce,  la  Perae,  ia  Russie  j^.  3368). 
22,  23,  24  mai.  —  Ville  de  Dijon.  —  Rapport  et  décret  aujbotwant  la  mUe  i&e 
UIjan  à  Caire  figmer  dans  am  .annoinBs   la  crotx    de  Ja  iL^fUin  ii'iv)nneur 

(p.  .aasi). 


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LA   TIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE  675 

_  Mandats  postes  -  Décret  portant  réduction  de  la  surtaxe  additionneUe  de 
change  sur  les  mandats^o^e  émis  en  Alfçéi'ie  (p.  8383)  ununneue  ue 

— -  Maîtres  des  arsenaux.  —  Conducteurs  de    travaux  hydrauliaues   —  Ran 
port  et  décret  concernant  les  maîtres  pnacipaux  et  entretenus  des  ^senaux^^ 
les  conducteurs  principaux  et  conducteurs  de  travaux  liydrauliques  (p   338/7 
(pl^?         /^^«ii^^pn^.  -Décret  revivant  le  règlement  <te  pUotage  de.oe'port 

Madaffosmr.-^  Bapport  du  général  ônliiéoi  (p.:83fô),  ' 

Manufactures  de  IdElat.^Avie  ÔBOonoouK  h).  SaWn) 

— -  Cawe.dmreiraitea,  —  Opérations,  avril  (p.  0401) 

^  '^^'  ,7  ^f^'f,^^^<>^^e  dU^esurance  omitre  Ues  ,avoident^,  ^  iLoi  étendairt 
^  ^ue^de  l'applicakon  de  la  lot  du  .9  u^tU  im  las  .opératioms  -de  cette  cStei^ 

JJimclion  des  .dtmanes  des  Colonies.  ~  Rapport  'et  déotet  (p.  :34B0^ 

Madagascar.  —  «apport  du  ^géméral  GaUiéni  (p.  ^8480) 

^^^  commerciaux  sur   la   Belgique,    l'Autriche  -  Hongrie,   rAbvssime    le 

Banemarit,  l'Ailemagn^,  Je  Be^iqiie  (p.  3tt26).  Ai^y^sime,  le 

Marque  el  vérifiaaiion.  -  Rjele-vé  des  obJBtB  fpvéaaBtés  (p.  8487) 

^^^^'  r:^^f»iî^.f,^«'».7«^.  -  décrète  portairtiMnction  du  nombre  des 
ae^to  de^clHin^^  JfadnaUle,  «onteaux,  IFoutoine  (p.  344B).  "«ïn°re  aes 

^  Madttgmear.  —  Rapport  du  général  Chtlliôni  fp.  c444) 

.ficDfe  «upérieure  des  mines.  —  »Gobco«i«  d'admisâon  (1:899)  (p  ^m\. 

—  ^pe«  commerciaux  sur  la  Russie  (p.  3459). 

v-S^  S^^^i^'^*^''tl  ^«T"-»^*^  «w  d^ar^idenU.  -  Décret  ^pprou- 

^f  ^^     ^^^  T^  ''*^'  "^  DonTofmhé  de  «la  loi  du  24  mai  1899. 

,  ^iriMwmmn  d«a  fra»  à  payer.  îVete  série  Ifondtiomiement  de  cette  caisse 

— Jtaàr^iMiar.  —  «Rapport  du  généra!  ^âtténi  fp.  809;. 

—  Caisse  des  dépôts  et  oonsiffnOtiens.  —  Bilan  mars  1899  fp.  3489) 

—  f'ampagne  agriooie.  —  18B^1«99  (p.  8489). 

»  nnii.  ~  ®ottnB68  ^  r^a/.  -  TOcrtfts  Teldtîfc  à  rerttriTjution  et  au  nombre 
de  ces  bourses  dans  les  écoles  pratiques  de  l'Etal  (p.  3516). 

tDéncmination  des  grades.  -  Rapport  et  décret  relatif  aux  dénommatloni 

des  grades  des  corps  assimilés  de  la  marine  (p.  3518). 

—  Madagiscar.  —  Rapport  du  général  GaUiéni  (p.  3520). 

29  mai.  -  Archives  de  la  •marine.  —  Rapport  et  décret  portant  transfert  aux 
archives  naUonalesjies  archives  de  la  marine  qui  n'offrent  plus  qu'un  caractère 
ikstonqtie  (p.  8539). 

—  Madagascar.  —  Rapport  du  général  Gadliéni  (p.  3541). 

^-^'Caisse -nationale  d'assterance  en  cas  d'uccidents.  —  Note  sur  son  fonction- 
noment  (p..85C?). 

_  Avis  agricoles  sur  T Allemagne,  hi 'Belgique,  la  Orète,  les  Etats-Unis,  les 
Pays-Bas,  la  Pologne  let  PRalie  (p.  3553). 

30  mai.  —  Madagascar.  —  Rappott  du  générarGalIiéni  (p.  3564). 
^^^^"Bucres  et  ghicosts.  —  'Rendement  (p.  3574). 

31  mai.  —  Budget  de  1899.  —  Loi  portant  «xtftion  du  budget  général  de  1899 
(p.  3585). 

^-^"OhligaHons  tfe»  brasseurs.  —  Décret  déterminant  les  obligations  complé- 
mentaires-et  de  détail  auxquelles  sont  tenus  les  brasseurs  (p.  3658). 

—  Officiers  coloniaux.  —  Circnlaire  relcftivc  à  la  constatation  de  l'aptitude 
physique  de  ces  cTOciers  (p.  8662'. 

Octroi  de  mer.  —  Rapport  et  décret  approuvant  la  délibération  du  Conseil 

générël  de  la Martiriiqme  diminuant  les  droits  d'odtroi  de  mer  sur  les  verreries 
et  cristaux  (p.  8666). 

—  Madagascar.  —  Rapport  d'ensemble  du  général  Galliéni  (p.  8668). 

—  Caisse  nationale  d assurances  en  cas  W accidents.  —  Note  sur  le  fonction- 
nement (p.  3677). 

—  Caisse  d'épargne,  —  Situation  mars  1899  (p.  3677). 


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676  LA   VIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE 

II.  -*  Débats  parlementaires. 

V  Sénat 

9  mai.  —  Communication  de  la  mort  de  M.  Perras,  sénateur  du  Rhône.  ^  Dé- 
pôt du  rapport  sur  le  projet  de  loi  portant  fixation  du  budget  général  de  1899. 

12  mai.  —  Admission  de  M.  Bizarelli.  —  Discussion  du  projet  de  loi  portant 
fixation  du  budget  général  des  dépenses  et  recettes  de  Texercice  1899. 

13, 15  mai.—  Suite  de  la  discussion  de  Tinterpellation  de  M.Félix  Martin, sur 
la  date  de  la  mise  en  vigueur  de  la  loi  sur  les  accidents.  —  Le  président  met  aux 
voix  un  projet  de  résolution  de  MM.  Sébline  et  Thévenet,  invitant  le  gouverne- 
ment à  présenter  d'urgence  un  projet  de  loi  ajournant  Tapplicatien  de  la  loi  jus- 
qu'à un  mois  après  la  mise  en  application  de  la  loi  organisant  la  caisse  natio- 
nale d'assurances  contre  les  accidents.  —  Le  projet  de  résolution  est  adopté  par 
196  voix  contre  55. 

16, 17  mai.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget.  —  Dépôt  d'un  projet  tendant 
à  étendre  en  vue  de  l'application  de  la  loi  du  9  avril  1898,  les  opérations  de 
la  caisse  nationale  d'assurances  en  cas  d'accidents. 

18  mai.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget.  —  Interpellation  de  M.  Ratier, 
sur  la  grève  des  facteurs.  —  Adoption  de  l'ordre  du  jour  de  M.  Milliès-Lacroix.  — 
«  Le  Sénat  approuvant  les  déclarations  du  gouvernement  et  confiant  dans  sa 
fermeté,  passe  à  l'ordre  du  jour.  » 

19  mai.  —  Discussion  de  l'interpellation  de  M.  de  Lamarzelle,  sur  les  mesures 
de  réglementation  à  prendre  en  ce  qui  concerne  la  pêche  maritime  par  l'emploi 
de  filets  à  grandes  dimensions  appelés  ottertrawl.  *  Suite  de  la  discussion  du 
budget.  —  Communication  du  décès  de  M.  Allègre. 

20  mai.  —  Discussion  et  adoption  du  projet  concernant  les  assurances  pour 
les  accidents  du  travail.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget. 

23,  24,  25,  26  mai.  —  Suite  de  la  discussion  du  budget. 

29  mai.  —  Discussion  de  l'interpellation  de  M.  Isaac,  sur  les  incendies  de  la 
Guadeloupe. 

30  mai.  —  Suite  de  la  discussion  et  adoption  du  projet  de  loi  portant  fixation 
du  budget  général  de  1899. 

2'  Chambre  des  députés 

2  mai.  —  Dépôt  d'une  proposition  de  M.  Georges  Berry,  sur  la  conservation 
du  mur  des  otages.  —  Adoption  -de  l'urgence.  —  Communication  de  diverses 
demandes  d'interpellation.  —  Les  interpellations  relatives  à  Tafi'aire  Dreyfus, 
sont  renvoyées,  après  l'arrêt  de  la  Cour  de  cassation.  —  Dépôt  d'une  proposition 
de  M.  Gauthier  de  Clagny,  ayant  pour  but  de  proroger  jusqu'au  l*.""  janvier  1900, 
l'application  de  la  loi  du  9  avril  1898  sur  les  accidents  du  travail.  —  Dépôt  de 
différentes  propositions  de  MM.  Plichon  et  Georges  Graux,  relative  à  l'applicatien 
de  la  loi  du  9  avril  1898,  sur  les  accidents.  —  Remise  de  ces  différentes  propo- 
sitions à  la  commission  d'assurance  et  de  prévoyance  sociales. 

4  mai.  -  Communication  du  décès  de  M.  E.  Saba,  député  de  l'Aude.  Prise  en 
considération  de  la  proposition  de  résolution  de  M.  Gerville-Réache  sur  la  révi- 
sion des  lois  constitutionnelles.  —  Dépôt  et  lecture  d'une  proposition  de  M.  Dru- 
mont,  sur  ia  revision  des  lois  constitutionnelles.  —  !'«  délibération  sur  les  pro- 
positions de  loi  relatives  aux  conditions  du  travail  dans  les  marchés  des  travaux 
publics. 

5  mai.  —  Question  au  ministre  de  la  Guerre  sur  la  suspension  du  cours  de 
M.  Duruy  à  l'Ecole  polytechnique.  —  Dépôt  de  deux  propositions,  l'une  relative 
au  transport  des  cendres  de  Balzac  au  Panthéon,  l'autre  relative  au  transfert 
au  Panthéon  des  cendres  d'Edgar  Quinet,  Michelet  et  Renan.  —  Suite  de  la 
1*^  délibération  sur  les  propositions  de  loi  relatives  aux  conditions  du  travail 
dans  les  marchés  de  travaux  publics. 


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LA   VIE  POLITIQUE  ET  PARLEMENTAIRE  EN   FRANCE  677 

8  mai.  —  Admission  de  M.  Henri  David,  député  de  Vendôme.  —  Discussion  de 
rinterpellation  de  M.  Georges  Berry  sur  la  démission  de  M.  de  Freycîuet.  — 
L'ordre  du  jour  pur  et  simple  est  voté  par  444  voix  contre  67.  —  Discussion  des 
interpellations  sur  l'Algérie.  Elles  sont  au  nombre  de  six  :  1»  De  M.  Marchai,  sur 
la  situation  politique,  juridique,  militaire  et  administrative  des  juifs  indigènes 
de  l'Algérie  ;  2*  De  M.  Barthou,  sur  la  politique  générale  du  gouvernement  en 
Algérie;  3»  De  M.  Morinaud,  sur  les  mesures  que  le  gouvernement  compte 
prendre  pour  donner  satisfaclion  aux  vœux  répétés  des  assemblées  algériennes 
dans  Tordre  politique  et  dans  l'ordre  économique  ;  4"  De  M.  Gustave  Rouanet, 
sur  les  mesures  que  M.  le  président  du  conseil  compte  prendre  pour  réprimer  et 
prévenir  les  persécutions  exercées  contre  le  prolétariat  juif  en  Algérie  ;  5"  De 
M.  Drumont  sur  la  question  juive  en  Algérie  ;  6**  De  MM.  Lasies  et  Firmin  Faure 
sur  les  menées  juJéo-internationalistes. 

9  mai.  —  Suite  des  interpellations  sur  l'Algérie.  —  Admission  de  M.  Ruber- 
pray,  député  de  Louviers. 

12  mai.  —  Discussion  de  deux  interpellations,  l'une  de  M.  Viviani,  sur  les 
publications  faites  ce  matin  par  la  presse  sur  la  correspondance  échangée  entre 
deux  ministres,  MM.  de  Freycinet  et  Delcassé  ;  l'autre  de  M.  La«ies,  sur  les  révé- 
lations relatives  à  la  démission  de  M.  de  Freycinet.  —  L'ordre  du  jour  pur  et 
simple  est  repoussé  par  le  gouvernement  qui  se  rallie  à  Tordre  du  jour  de  con- 
fiance proposé  par  MM.  Denis,  Limouzain,  Laplanche  et  Babaud-Lacroze.  Cet 
ordre  du  jour  de  confiance  est  adopté  par  389  voix  contre  61.  —  I*"»  délibération 
et  adoption  des  projets  sur  les  conventions  franco-anglaises.  —  Suite  de  la 
discussion  des  interpellations  algériennes. 

15  mai.  —  Dépôt  d'un  rapport  de  M.  Guieysse  sur  le  projet  de  loi  tendant  h 
étendre  en  vue  de  l'application  de  loi  du  9  avril  I89ô  les  opérations  de  la  caisse 
nationale  d'assurances  en  cas  d'accidents.  —  Suite  de  la  discussion  des  interpel- 
lations algériennes.  — -  Discours  de  M.  Barthou. 

16  mai.  —  Discussion  du  projet  de  loi  tendant  à  étendre  les  opérations  de  la 
caisse  nationale  d'assurances  en  cas  d'accidents.  Vote  de  la  loi  par  442  voix 
contre  79.  —  Admission  de  M.  Derveloy,  député  de  Provins. 

18  mai.  —  Interpellation  de  MM.  Baudry  d'Asson  et  Emile  Gère  sur  la  grève 
des  facteurs.  Le  !•'  ordre  du  jour  est  de  M.  Emile  Gère.  «  La  Chambre,  comp- 
tant sur  Tesprit  de  devoir  et  la  discipline  du  personnel  des  postes,  passe  à 
Tordre  du  jour.  »  Le  2«  est  signé  par  MM.  de  Baudry  d'Asson  et  de  Lanjuinais. 
«  La  Chambre  invite  le  gouvernement  à  prendre  les  mesures  nécessaires  pour 
assurer  la  régularité  du  service  des  postes  et  télégraphes.  »  Le  3»  est  de  M.  Mil- 
lerand  :  «  La  Chambre  regrettant  que  les  promesses  faites  au  personnel  des 
postei  aient  si  souvent  été  déçues,  passe  à  Tordre  du  jour.  »  Le  4'  est  sigoé  par 
MM.  Godet  et  Pommeraye.  «  La  Chambre,  approuvant  les  déclarations  du  gou- 
vernement et  confiant  dans  son  énergie  pour  assurer  les  services  publics,  passe 
à  Tordre  du  jour.  >»  Par  400  voix  contre  127,  la  priorité  est  refusée  à  Tordre  du 
jour  Millerand.  Par  383  voix  contre  112,  Tordre  du  jour  de  M.  Godet,  demandé 
par  le  gouvernement,  est  adopté.  M.  Gauthier  (de  Clagny)  propose  d'ajouter  à 
Tordre  du  jour  de  M.  Godet  les  mots  suivants  :  «...  Et  défeodre  devant  le  Sénat 
les  votes  de  la  Chambre.  »  Le  président  du  conseil  combat  cette  addition.  Par 
330  voix  contre  165,  la  Chambre  repousse  l'addition  de  M.  Gauthier  (de  Clagny). 
—  Suite  des  interpellations  algériennes. 

19  mai.  —  (Suite.) 

2A  mai.  —  (Suite.)  —  Adoption  d'une  proposition  tendant  à  instituer  des  mé- 
dailles d'honneur  pour  les  sapeurs -pompiers.  —  Demande  d'interpellations  de 
M.  Millevoye  sur  les  troubles  de  Grenoble.  (Renvoi.) 

25  mai.  —  Dépôt  d'une  proposition  de  M.  Chastenet,  relative  à  la  création  d'une 
mutuelle  nationale  d'assurances  contre  les  accidents  du  travail.  —  Suite  des  inter- 
pellations algériennes. 

26  mai.  —  (Suite.)  —  Dépôt  du  projet  de  loi  portant  fixation  du  budget  de  1899. 
29  et  30  mai.  —  Discussion  du  budget  de  1899  et  adoption  de  l'ensemble  du 

projet  portant  fixation  de  ce  budget. 

REVUE  POLIT. ,  T.   XX  44 


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678  Lie  Vm  POLITIQUE  BT   PiiRKCIMEMTAWB   EN   FEUIfCE 

Hf.  —  Di8tribtiti#B'cLê'fL(M«]B«nti 

10  âfo«AT. 

9  mail—  Projet  de  /oi  portant  oavertare  d'un  crédit  de  1.260.000  (t.  pour  le 
service  des  pensions  civiles  (n**  93)- et  rapport  (n«  9i). 

——  Projet  de  loi  portant  oirverture  et  annulation  de  crédits  sur  l^xerctce  1898 
(n«  99)  et  rapport  (n^'  lOBj. 

—  Projet  de  loi  portant  ouverture  sur  rexercicc  iSS^*  èèsr  crédRy  proriéuifes 
applicables  au:c  mois  d'avril  et  mai  1899  et  autorisaiion  dér  percevoir  les  imp<^es 
(no  100)  et  rapport  (n®  101). 

—  Projet  de  loi  tendant  à  modifier  Tarticle  2  de  la  foi  du  »d^Scemhre  VSKT 
(interrogatoire  de  l'inculpé),  (n«  104). 

— —  Projet  de  loi  portant  fixation  du  budget  géiiérai  âes  dépenses  et  detf 
recettes  de  Texercice  L899  (n«  105)  et  rapport  (a<»  lt)7). 

—  Rapport  sur  le  projet  approuvant  une  Convention  entre  TBlaf  et  i« 
Cie  P.  L.  M.  (n*  92U 

—  Rapport  sur  le  projet  modifiant  fa  loi  du  4  février  189?,'  appnmrant  une 
Convention  internationale  de  droit  international  privé  (n*  99). 

— —  Rapport  sur  le  projet  ayant  pour  objet  Taciceptàtion  d:^!lne  avance  oilterte 
par  la  Chunibre  de  Commerce  du  Havre  en  vue  des  travaux  dii  port  du  Ifavr^ 
(no  102). 

13  mai.  —  Pi^osUhm  de  loi  ayant  pour  but  Tliistitution  dîme  Caisse  cea- 
traie  agricole  des  avances  à  faire  directement  aux  agriculteirrs  (n^  1Î8J. 

15  mai.  —  Rapport  supplémentaire  sur  le  budget  du  ministère  die  la  Mtorine 
(n«  tlO). 

16  mai.  —  Proposition  de  loi  tendant  à  proroger  le  àffm  d^appUietitidB'  de  Ib 
loi  du  9  avril  1898  concernant  les  responsabilités  <fes  aoeitténte  (hMiMes  onvrier»* 
sont  victimes  dans  leur  travail»  (n*  12*}. 

t9'mai.  —  Propomtion  d^  l(n  ayant  pour  (Aje««d'6MKorter  mie-  mé&BsoBàÈé  cfee 
séjour  aux  jurés  quiperçevfettt  uneindemiiitô*de  déplaoemcnt  (n«  13^ 

^'^  Proposition  de  hn  tendant  à  rendre  les>  fovctiODs  minifténetle»  iiioonfi»^ 
tibles^avec  te  mafndârt  de  sénateur  et  de  dépaté  (n*  131). 

—  Rapport' sur  là  préposition  relative  à  Torganisatioa  da  coanntasanat  da*la- 
marîne  "et  drr  service  de-  santé  aux  Colonies  (n*  fe). 

«—  Rapport  sommaire  sur  la  proiposition^  relative  à  la  règleaMutakiaBr  des  d^ 
lits  de  boisson  (n*- 1^. 

—  Rapport  sur  divers  projets  de  loi  relatif»- à  la  loi  du  9'avrit  1899  sar  te 
accidents  du  travail  (n*  135). 

20  mai.  ~  Projet  de  loi  relatif  à  certains  acteedeTétat cifil  eiaux  testament» 
faits  à  rarmée  (n*  989). 

M  mai.  ^Rapport  sommaire  sur  la  propestfion  aya»t> poar-ttuttFiniIHutiMi 
d'une  caisse  centrale  agricole  des  avances  à  faire  direeteneat  aux  agnoaitearv* 
(n*  136). 

29  mai.  —  Proposition  de  loi  tendant  è  instituer  dea  médattlee  d'hoinear  à 
décerner  aux  sapeurs-pompiers  comptant  trente  ans  de  service  (n^  141). 

—  Rapport  sur  la  prepositton  relative  à  la^  referme' de  rorgaaisatiaa  judi- 
ciaire (no  13!^. 

—  Rapport  sommaire  sur  la  prepositievr  tenént  à  modiier  laiar  do -21  JtâL- 
let  1881  sur  la  poKce  sanitaire  des  animaux  en* ce  qii>eftie>to«clie>  èJ'easacéiode 
la  médecine  vétérinaire  (n«  18"*). 

30  mai.  —  Projet  de  loi  portant  fixation  du  budget  général  da»^  dlt|MBM»el 
des  recettes  de  PexereJee  1899' (&•  149). 

«—  Proposition  de  loi  tendant  à'  aeeordar  «ne  PilMfmptmwtt  natiaaaie-saix  wM- 
taires  français  qui  ont  fait  partie  de  la  missieii  Ifarehsaiésarle  Mu*  VÊt, 


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la  yib  powtiqwb  bt  partbm^taiïœ^  bs?  fharce  679* 

2®  Chambre  des  députés 

2  mai.  —  Etat  des  travaux  législatifs  pendant  la  l'^'  partie  de  la  sessioû  ordî- 
naire-de  1899^  xxxviii®  faseicule. 

^mm^l^rojet  de,  loi  relatif  à  là'  aouvelld,  étaluatlôn  dés  pjropriétés  lum  bities 
(iio  857). 

-—  Projet  de  /</*> approuvant  la.déclaratioDi  relative  aux . refations  télégra- 
phiques entrera  Franeeetl»  Roy^iuiDe-lIni  de.  laGrdnde-Bretag^e  et  Tlrlande 
(QV859), 

—  Projet  de  loi  approuvant  la  déclfiration  additionneUe  du  21' mars  1899  à.  là 
Gaaveatk)airaiico-anglaiae  du  11  ivûllat  1898  (a*>  860). 

— —  Projet  de  loi  approuvant  léu.  Convention  francot-anglaise  du   11.  juin  189i< 
{ Uéltaûtation  des  possessions  françaises  et  britanniques  dans  la  région  du  Niger) 
n-861). 
— — iVcy'e^  de  loi  sur  le  casier  iqdfciaire.  et.  la  réhabilitation  de.dtoii  (n»  880). 

—  Projet  de  loi  concernant  les  modifications  à  apporter  à  la  loi  du  25  juin 
1861  (Pension  de  retraite  des  officiers  réformés)  (n<>  881j. 

—  Proposition  de  Zoi  ayant  pour  but  d'interdire  renseignemeort  àtoat'hoHftme 
quifaitxvœu  de  chasteté  (n**  741). 

—  Proposition,  de  loi  portant  ij*»  Création  d^unr budget  spécial;  2« constitution 
et  règlement  des  attributions  d'un  CônseE  colonial  élu  de  rjLlgérie  (n^867)! 

— '  Proposition  de  loi  tendant  à  autoriser  Tadministfation  des  Postes  et  Télé- 
graphes» à  efitectuer  pour  le  compte  de  la  Caisse  des  dépôts  et  consignations 
rencaissement  des  fonds  des  sociétés  de  secours  mutuels  approuvés  [r^p  875). 

—  Proposition  de  résolution  tendant  à'  la  création  dfe  ports*  francs  en  France 
et  dans  les  Colouies  (n»  879). 

—  Rapport  sur  le  projet  ouvrant  des  crédits  extraordinaire»  poursecoor^aux 
victimes  de  la  catastrophe  de  Toulon  (n®  877) . 

4^  mai.  —  Proposition,  de.  loi  modifiant  rètrtîcle  65  dé  Iwloi  dti  29  juillet  1881 
sur  la  liberté  de  la  presse  (n"  882). 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  la  modification  de  l'article  421  du  Code 
de  procé(îure  civile  (n©  883). 

-«—  Proposition  de  loi  relative  à  .runiûcation  des  pensions  proportionnetfes  des 
sous-officiers,  caporaux  et  soldats  rengagés  (n<»  881). 

— —  Proposition  de  loi  tendant  à  modifier  l'article  71  de  la  loi.  du  10  août  1871 
sur;  les  Conseils  généraux  (n'*  885}. 

'^^Proposition  de Zoi relative  à  la  conservation  du  mur*des  otages  (û"  888). 

—  Proposition  de  loi  relative  à  l'application  de  la  loi  du  9  avril  1898  sur  les' 
accidents  du  travail  (nP«  889,891,  ,908). 

—  Proposition  de  loi  relative  à  liai  conservation  du  terrain' où  repesent'les 
morts  des. événements  de  1871  (n»  890). 

5  maL  —  Projet  de  loi  relatif  à  la  police  générale  et  municipale  dans  la  Gblo- 
nie  de  la  Guadeloupe  (n«  889). 

—  Projet  de  résolution  tendant  à  la  revision  des  lois  constitutionnelles  (n**  909). 
— —  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  créer  des  zones  franches^  dans  les 

ports  et  les  villes  de  rintériéur.(no  906). 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  ajourner  l'applibatlon  dé  la  loi  du  9  avril 

1898  sur  les  accidents .  du.  travail  (n»  907) . 

—  Rapport  sommaire  sur  la  proposition' de  loi  relative  à  la  protecUoffdè  la 
mère  et  de  Tenfant  nouveau-né  (n*  829). 

8  jnaL  —  Projet  de  loi  approuvant  la  convention  franco-suisse  du  3  févrifer 

1899  ppur  régler  le  service  de  la  cortespondénce  téléphonique  entfe  lestieux  pays 
(n«  895). 

m^^.Projet  de  /oi. modifiant  l'article  69  §  9  du  code  de  procédure*cltiWtn*^W\ 

—  Projet  de  /ot  modifiiant  les  lois  dés  25  ventdsr  an  XI  et  2FiuidrlW8^  rela- 
tives, au  notariat  (n*897). 

— —  Projet  de  ZorWglant  la  sittratlon  db  persomiel  buvitftrtlerarseiiauk  el  éta- 
blissements dé  la  marine  bon  des  ports  exr  cas  de  moblUèatioa  (a%  909"}. 


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680  LA   VIE   POLITIQUE   ET    PARLEMENTAIRE   EN    FRANCE 

—  Projet  de  loi  relatif  à  l'organisation  des  troupes  de  la  marine  en  France 
et  aux  colonies  (n»  902). 

—  Proposition  de  loi  modifiant  Tarticle  40  de  la  loi  du  21  avril  1832  relatif  aux 
abonnements  de  vendanges  (n"*  903). 

—  Projet  de  loi  tendant  à  Tabrogation  :  1°  de  l'article  30  de  la  loi  des  19  et 
22  juillet  1791;  2°  du  paragraphe  6,  2«  alinéa  de  l'article  479  du  Code  pénal  (Taxe 
de  la  boulangerie  (n«»  884). 

—  Proposition  de  loi  sur  la  réforme  des  Conseils  de  prud'hommes  (n»  894 \ 
— —  Proposition  de  loi  modifiant  la  loi  du    20  juillet  1897  sur    le  permis  de 

navigation  maritime  et  Tévaluation  des  services  donnant  droit  à  la  pension  dite 
de  demi-solde  (n«  900). 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  d'ajourner  la  mise  en  vigueur  de  la  loi 
du  7  avril  1898  sur  les  accidents  du  travail  (n«  904). 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  la  création  de  ports  francs  (n*  914), 
— —  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  le  transfert  au  Panthéon  des  cendres 

d'Honoré  de  Balzac,  d'Edgard  Q  linet,  de  Michelet,  de  Renan  (  n®*  9I6  et  91  r). 

9  mai.  —  Proposition  de  loi  tendant  à  faire  bénéfidier  les  élèves  des  écoles 
pratiques  d'agriculture  des  dispositions  de  l'article  23  de  la  loi  du  15  juillet  1889 
(n«  655). 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  la  réglementation  du  travail  de  telle 
sorte  que  les  salaires  soient  assurés  conformément  aux  prix  de  série,  le  mar- 
chandage réprimé,  la  dignité  et  la  sécurité  des  ouvriers  placés  sous  la  sauvegarde 
de  la  loi  (n»  694) 

— —  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  modifier  le  tableau  A  du  tarif  géné- 
ral des  douanes   (n"  459;  tissus  de  soie  pure)  (n«820). 

—  Proposition  de  loi  tendant  h  abroger  l'article  26,  de  la  loi  du  8  août  1890  et 
à  établir  l'égalité  proportionnelle  entre  les  contribuables  fonciers  d'un  même 
département  (n»  893). 

—  Rapport  sur  le  projet  de  loi  approuvant  la  convention  franco-anglaise  du 
14  juin  1898  et  le  projet  approuvant  la  convention  additionnelle  du  21  mars  1899 
(no  919). 

—  Enquête  sur  l'enseignement  secondaire.  —  Procès-verbaux  des  dépositions 
(no  866). 

12  mai.  —  Projet  de  loi  portant  fixation  du  budget  général  de  l'exercice  1899. 
(n-  91). 

^^  Projet  de  loi  modifiant  :  lo  les  lois  des  25  juillet  1893  et  13  mars  1895  en  ce  qui 
concerne  le  personnel  des  bureaux  de  recrutement  et  les  sections  de  secrétaire 
d'état-major  et  de  recrutement,  2o  les  lois  des  20  mars  1880  et  24  juin  1890  sur 
l'organisation  du  corps  des  archivistes  militaires  (n«  911). 

—  Projet  de  loi  tendant  à  cc-mpléter  l'article  162  du  Code  de  Commerce  re- 
latif aux  protêts  (n©  918) . 

—  Projet  de  loi  tendant  à  étendre  en  vue  de  Tapplication  de  la  loi  du 
9  avril  1S98  les  opérations  de  la  Caisse  nationale  d'assurances  en  cas  d'accidents 
(no  923). 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  l'abrogation  des  articles  510  à  517  du  code 
dlnatruction  criminelle  et  du  décret  du  4  mai  1H12  (n^  586). 

— •  Proposition  de  loi  portant  organisation  d'un  Conseil  supérieur  de  la  délense 
nationale  (n*  887). 

— —  Proposition  de  loi  relative  à  la  modification  de  l'article  59  de  la  loi  des 
finances  du  13  avril  1898  (subvention  aux  communes  pour  les  sapeurs-pompiers  et 
matériel  incendie). 

1^^  Proposition  de  loi  iendoiai  à  la  suppression  dubudget  des  cultes  et  au  retour 
à  la  nation  des  biens  dits  de  mainmorte,  meubles  ou  immeubles  appartenant  aux 
congrégations  relic^'ienses  (n©  921). 

— —  Rapport  sur  la  proposition  tendant  à  modifier  le  §  2  de  Tarliclc  4  de  la 
loi  du  2  juin  1891  (pari  sur  les  champs  de  courses)  (n©  925). 

15  mai  —  Proposition  de  loi  portant  abrogation  de  l'article  2  de  la  loi  du 
J«p  février  ^899  (no-  171  vins,  84  raisins  de  vendange  et  moûts,  et  173  bis  boissons 


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LA   VIE    POLITIQUE   ET   PARLEMENTAIRE   EN   FRANCE  681 

non  déDommées).  Tableau  A  annexé  à  la  loi  de   douane  du  11  janvier  1892 
(n«922). 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  le  transfert  au  Panthéon  des  restes  de 
Rude,  David  d'Angers,  Ingres,  Delacroix  et  Berlioz  (n*  924). 

^^Proposition  de  loi  tendant  à  réprimer  les  fraudes  par  substitution  de  per- 
sonnes dans  les  examens  et  concours  publics  (n*»  927). 
'^'^Proposition  de  loi  sur  rorganisatioo  de  l'Algérie  (n©  932). 

—  Rapport  sommaire  sur  la  proposition  tendant  à  n'admettre  aux  tonctions 
publiques  comme  agents  du  gouvernement  ou  dépositaires  de  l'autorité  que  des 
Français  issus  de  parents  français  [n<>  459). 

16  mai.  —  Projet  de  loi  portant  création  de  3  batteries  montées,  de  2  com- 
pagnies de  sapeurs  mineurs  et  d'une  compagnie  de  sapeurs  de  chemin  de  fer  et 
modifiant  l'organisation  des  troupes  du  génie  (n»  925). 

—  Projet  de  loi  étendant  aux  Cartes  postales  et  à  tous  les  objets  de  corres- 
pondance affranchi?  à  prix  réduit,  les  dispositions  des  lois  du  16  mars  1887  et 
27  décembre  1895  relatives  aux  lettres  expédiées  après  les  levées  générales 
(n»  936). 

— —  Projet  de  résolution  ienâ&ni  k  autoriser  une  loterie  en  faveur  de  la  Société 
d'aide  et  de  protection  aux  colons  (n*"  930). 

^•^Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  modifier  la  loi  du  9  avril  1898  sur  les 
accidents  du  travail  (n<»392). 

—  Rapport  sur  le  projet  de  loi  relatifs  la  repression  des  fraudes  dans  la  vente 
des  marchandises  et  des  falsifications  des  denrées  alimentaires  et  des  produits 
agricoles  (u"  940). 

•«-  Rapport  sur  le  projet  du  gouvernement  portant  établissement  d'un  impôt 
général  sur  le  revenu  (n®  941). 

——Rapport  sur  le  projet  portant  règlement  définitif  du  budget  de  l'exercice  1899 
(n-  942). 

—  Rapport  sur  le  projet  tendant  à  étendre  en  vue  de  l'application  de  la 
loi  du  9  avril  1898  les  opérations  de  la  Caisse  nationale  d'assurances  en  cas 
d'accidents  (n»  943). 

18  mai.  —  Projet  de  loi  relatif  à  la  concession  de  boites  aux  lettres  particu- 
lières (n"  935; . 

m^'^  Projet  de  loi  approuvant  l'arrangement  additionnel  à  la  convention  franco- 
monégasque  du  9  novembre  1865  (n«  9Q8). 
""^P imposition  de  loi  sur  les  contrats  d'assurances  (n"  946). 

19  mai.  —  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  décerner  à  Pasteur  les 
honneurs  du  Panthéon  ^n»  933), 

'^'^ Proposition  de  loi  tendant  à  autoriser  les  enquêtes  préalables  nécessaires 
àl'exécution  du  canal  des  Deuv-Mers  suivant  les  règles  déterminées  par  le  titre  !•' 
de  la  loi  du  3  mai  1884. 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  étendre  aux  incapacités  temporaires  du 
travail  les  dispositions  de  la  loi  du  11  juillet  1868  sur  la  Caisse  nationale  d'as- 
surances en  cas  d'accidents  (n*>  949). 

—  Rapport  supplémentaire  sur  la  proposition  de  M.  Jean  Cruppi  ayant  pour 
objet  la  réforme  des  expertises  médico-légales  (n®  950). 

24  mai.  —  Proposition  de  loi  tendant  à  assimiler  au  point  de  vue  de  leur  obli- 
gation militaire  les  élèves  de  l'Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne  à  ceux  de 
l'Ecole  supérieure  des  mines  ;n'  952). 

— —  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  la  création  d'une  caisse  d'assurances 
agricoles  obligatoires  (n©  944). 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  transférer  au  Panthéon  les  restes  de  Lamar- 
tine (n»  ^7). 

— -  Rapport  sur  la  proposition  tendant  à  faire  proroger  pendant  six  années 
les  primes  qui  ont  été  allouées  à  l'industrie  des  schistes  (n**  928). 

—  Rapport  sur  une  proposition  tendant  à'  modifier  la  loi  du  9  avril  1898  sur 
les  responsabilités  des  accidents  du  travail  (n^  939). 


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im2  LA    VIE  l>OUT|QU£  £T   PiàRL^iEN TAIRE   £M   ERANCE 

■««»—  Aapport-sur  la  proposition  tendant  à  accorder  une  récompense  nationale 
aux  militaires  qui  ont  fait  partie  de  la  mission  Marchand  (n^  954). 

35tAiai.  -~.Prf»je/  '4e  ^t^posUAt  déctowement  4e  placée  iories  (n»  929). 

-^  Projet  de  loi  portent  aiigBiAatati«n  dacaikedes  médecins  majors  de  2*  chàme 
eiilutt»LdredeB,«ft6de6iAs  «idesfm^ois  de  .1<^  -clasBe  fixés  par  la  loi  du.  15  avril 
1898  (no  951). 

—  Proposition  ée  loi  pertaat  modjficaiion  du  tarif  général  des  douanes 
(n»  963).- 

i26mai.  —  Proposition, de  isi  modifiant  ki  loi. du  15  juillet  1889  sur  le  recnite- 
ment  à  Tégard  des  jeunes  Français  étaàklis  kors  de  Franoe'en  Euiope  (n®  486). 

«—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  de  compléter  rarticie  463  du  Code 
pénal  (no  958). 

—  Proposition  de  /or  ajaût  pocr  ^ôbjet  de  compléter  l'article-^  de  la  loi  eu 
29  juillet  1881  sur  le  régime  de  la  presse  (no  989). 

— i~  Proposition  de  loi  tendant  à  créer  une  distinction  honorifique  -tous  le  nom 
d'  «  Ordre  du  mérite  industi-iel  et  commercial  »>  (no  965). 

Avis  sur  les  projets  de  loi  :  1*»  du  18  novembre  1898  portant  awgmeiltation  thi 
cadre  des  officiers  de  marine  [n"  387-520)  ;  2©  du  3  mars  1899  tendant  à  la  créa- 
lion  d'enseignes  de  vaisseau  et  d'aspirants  auxiliaires  ^n«'961). 

29  mai.  ^Projet  de  loi  portant  fixation  "du  budget  général  des  dépenses  et 
des  recettes  (n'»  îHfl). 

—  Proposition  de  loi  tendeint  à  assimiler,  au  point  de  -rue  "de  Meurs  obliga- 
tions militaires  les  élèves  de  l'Ecole  des  mines  de  Sain^Etieiii)eià  eeux  de  l'Ecole 
supérieure  des  mines  (no  913). 

— —  Proposition  de  loi  tendant  à  réorganiser  le  service  des  comptables  dlreets 
(nor60^. 

—  Proposition  de  loi  ayant  pour  objet  d'alloticr  à  titre  de  gratification  vme 
somme  de  cinq  cents  francs  à  èhacun  des  tiràlUenrs  ayant  fait  partie  de  la  mis- 
sion Marchand  (n<>  967). 

—  Proposition  de  loi  relative  à  la  création  d^me  <m!vtQèlle  natiofiA1«  d^assu- 
rances  contre  les  accidents  du  Travail  (no'968). 

—  Proposition  de  loi  tendant  à  accorder  aux  tirailleurs  sénégalais  ayant  -pris 
part  aaz  opérations  de' la  misèion  'M«roh«nd  coome  >4lux>  FMiçÀis  la  mtete  ré- 
compense nationale  honorifique  (no  970). 

•— —  Rapport  SUT  différentes  proportions 'relatives  aux  conseils  4e  Pnidhoamïes 
(n"  931). 

—  Rapport  sur  le  projet  autorisant  Padnmston  «n  fraftchise  des- |»iad«ié9  d'o- 
rigine corse  (no  974). 

— —  Rapport  sur  le  projet  portant  fixation  du  biiiiget.géQéBaL4e  Tesercice  DittO 
(»•>  -©TS). 

90  loâi* — Prûpmiii^n  ée  J^itanéaMi  À  l^âtaèlisaeBraot  id'MU  iiapèt  lé^  et 
proportionnel  sur  le  capital  (n"  947). 

«—  Rapport  -sur  la  proposition  Éiéin t  ài aiftdifter  le  no  141 4u  Xanl  général 
ées  Donones  {n«972). 

—  Annexe  au  rapport  sur  le  projet  portait  ^xalton  du  l>udget  ^é&éral  é^ 
TExerdce  169»  <tto  ^, 


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moKOLooE  msm  mmm  n  wmiM 


Chronologie  politique  étrangène 

sAttsmagne.^  5  mai,  —  Mort  du. cardinal  RTemeiitz,  «itJhevèi|ue  de  Collège, 
qni  ovait'joulé  «n  t(Ae  importuit  pendftnt  le  'fCuHur^mpf,  au  Bioment  4e  la 
Téfsttftance  de  l*EgH»e  cathôiiqoe  mrx  lois 'de  mai. 

n. —La  cmmitiswion  du  iMQfftag^ 'Prusse rejette  le  projet  de  loi  «err  la 
constrmHion,  île  TElbe  au  R^bm,  iï\m  caaal  ''demmiëë  par  Tindaittrie,  «nais 
Tppons^  "par  ¥ôs  lïgrfliiras . 

Angletenre.  -'5  mai.  —  Iforrfl'RortftMfry,  «mnen  -chef  do  "ptati  libératl,  :pPo- 
-nonceau  CttyLiberdl  C/«6,^  Lcmdrw,  tm  discmirs  aswez  ^émjpiBatique  «er  la 
situation  du  parti  libéral.  Il  semble  reconrmonffâer  m.  i^emfstlMnion  *flnir  «on 
-aatrieime  base,  avatft  *ia  -scrséion-de  1886,  ^et  poser  ^entuïrtteiweirt  sa  «awflida- 
•ture  ^  la  direéWtm'de  t;e  trow^an  p€wK. 

10.  —  La  Chambre  des  Communes  repousse,  par  WO  «roix  cotftre  1^,  fm  'bill 
dtstftté  à  Terfforcer  ia  idiscfrpftfre -de  FEgHsc  «nglteane,  en  vue  de  l^empécher  de 
«'abondonHer  aux-fn^ttiques  «Wtes  ^«"HhiaKittes  ^.  Vfms,  en  ivème  temps,  la 
<2h8nM)pe  Tirtetme  motion  pour  'faire  comprendre  tfuVl  'y  atrrait  'lieu,  «pewr  le 
f>artei»enft,  d'iittervenir,  si  le  mouvement  ^  rihialiste  »  's'accedtuatt. 

Aatrtche-HQngrie.  —  "%)  mai.  —  Les  cinq  groupes  'de  TopposHion  alle- 
mande, au  Reichsrath  autrichien,  formulent  leur  pro^amme  commun  de  *ré«is- 
tamce  à  PenyatMssetm^nt  dntnoviBfne  eii'lKiitrr^Éic.  'Ils  demandent,  i»n  partknàlier, 
«ne  TréFSëflsioe  ^formelle  poffr  la  9emg«e  •alIleoiffDde  ipar  rapport  «aux  dtfférettts 
■tdwBejtftes  ^la^ee.  Les  chiq  grertfpeB"8ignatadpes  "du  programme  •eoïKt  :•  le  parti 
popdliele  adlemand,  le 'parti  'progreesiéte  «llettiaifd,  TUnion  ^ëe«  gpanMhe«  ppo- 
ptiéiéB  Mdleeà  la  CensfHutien,  l'Union  tles  80oiaH9tes  ofanétieas,  rUnion  lU»re 
'éSleiBandv. 

^i^^Wto.  —  7  mcti.  —  'Eled0io«s  •  au  '^Bebraiilé  ;  «Bout  'é*os  :  Wi  meubfes  *du 
'parti 'goBfcrseineâtall,  ^98  nen^yres  dedi^^rs  part»  de  l'-opposltifm. 

Chine.  —  l**  mai,  —  A  Londres,  à  la  chambre  des  Lords,  lord  'Btdv^iir^, 
'fpiestioMlé 'par  lord  KJmtbeiQey,  lui  dettwe  des  •indloafticrfM  •génèneles  «sur  Tarran- 
genmit'wi^-nMee  ^  28  a^il,  eoneeniant'lQ  érhiation  «r^oiprroque  de  l'Angle- 
terre et  de  la  Russie  en  Chine. 

6.  —  Le  texte  môme  de  cet  accord  angle  russe  est  publié  à  Londres. 

18.  —  A  Pékin,  la  banque  allemande,  Ueulsche-asiatische  Bank,  et  la  banque 
anglaise,  Hong-Kong  and  Shanghai  Banking  Corporation,  signent  un  contrat 
pour  la  construction^  en  commun,  d'une. ligne  .de  ^Tien-ïsm  à  Tching-Kiang. 

Espagne.  —  13  mai.  —  A  Valladolid,  des  troublent  éclatent  entre  étudiants 
et  élèves  de  Técole  militaire,  affectant  un  caractère  dliostilité  entre  l'élément 
ci^.iet.réléweKt  naiitaife. 

25.  —  Mort  d'Emilio  Castelar. 

ittiiliafuia  •— .iii>fmti.  —  •Ctovonfeaveide  la  Goafénnee^leila  Padx^^au' Palais  du 
Bois,  à  la  Haye. 

. 2il.  — Xe  fettfon  ^ifltaal, -praneipal  lAértgiié  luwe  À  la  CeBirénBee,  élu  prési- 
émil,  pnanoBoe  umâimcrat»'  ewfMJmrt  Je  fvogvtmme  du  ^Geagrès.  M  y.  altiibue  la 
première  place  à  la  question  de  l'arbitrage  et  de  la  médiation,  la  «eooDde  à  la 
ycttbeich» das.  meenras  dgettnéBaià  immaaiser  ila  »goeiiie  ;  tenfin,  41  pavle  de  la 
question  du  désarmement. 

Italie.  —  d*''  mai.  —  •ÛonMoanoament,  à^la  Chambre,  de  .la  •discoesien  «ur  la 
politique  étrangère  du  gouvernement,  en  particulier  au  sujet  de  Yhinierkmd  de 
la  Tripolltaiae  tel  des^fbÉMSiAe  iDtame. 


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684  •  CHRONOLOGIE   POLITIQUE 

3.  —  Devant  la  tournure  défavorable  que  prend  cette  discussion,  le  ministère 
Peiloux  donne  sa  démission,  sans  en  attendre  la  Ùfi. 

14.  —  Le  général  Peiloux,  premier  ministre  démissionnaire,  chargé  de  cons- 
tituer un  nouveau  Cabinet,  fait  aboutir,  et  approuver  par  le  roi,  la  combinaison 
suivante  :  général  Peiloux,  présidence  et  intérieur;  MM.  Visconti-Venosta, 
affaires  étrangères;  le  sénateur  Bonasi,  justice;  Carminé,  finances;  Boselli, 
trésor;  le  général  M irri,  guerre;  Tamfral  Battolo,  marine;  Baccelli,  instruction 
publique;  Lacava,  travaux  publics;  Salandra,  agriculture;  di  San  Gîuliano, 
postes  et  télégraphes. 

25.  —  Le  nouveau  Cabinet'  se  présente  aux  Chambres.  Il  se  présente  avec  un 
programme  promettant  de  régler  la  question  chinoise  avec  prudence,  et 
maintenant  les  projets  de  loi  ne  sûreté  publique  présentés  par  le  précédent 
Cabinet.  —  Conformément  à  la  demande  du  gouvernement,  la  Chambre,  dont  le 
président,  M.  Zanardelli,  venait  de  démissionner  pour  protester  contre  la  manière 
dont  la  crise  s'était  résolue,  fixa  l'élection  de  son  nouveau  président  au  30  mai. 

26.  —  A  la  Chambre,  M.  Crispi  rentre  en  scène,  et  prononce  un  discours  pour 
rejeter  sur  le  général  Baratieri  la  responsabilité  de  Texpédition  africaine. 

30.  —  La  Chambre  élit  pour  son  nouveau  président  M.  Chinaglia,  candidat  du 
gouvernement,  contre  M.  Zanardelli. 

Samoa.  —  13  mai.  *  Arrivée,  à  Apia,  de  la  Commission  internationale  anglo- 
allemande-américaine,  chargée  de  régler  les  difficultés  survenues  à  la  suite  de 
l'élection  de  Malietoa  Tanou. 

TransYaal.  -»-  1*'  mat.  —  A  Londres,  aux  Communes,  M.  Chamberlain,  par- 
lant de  la  pétition  adressée  au  gouvernement  britannique  par  21.0CO  Anglais  du 
Transvaal,  qui  se  plaignaient  de  )a  situation  faite  aux  Oullanders,  dit  que 
l'Angleterre  avait  le  droit  de  recevoir  celte  pétition.  Il  constate  qu'elle  est  un 
événement  unique  en  son  genre,  de  même  que  l'état  de  choses  qui  Ta  provo- 
quée. 

16.  —  A  Johannesburg,  il  est  procédé  à  l'arrestation  de  huit  Oullanders,  pres- 
que tous  Anglais,  ayant  appartenu  à  l'armée  britannique,  et  qui  sont  accusés 
d'avoir  tramé  un  complot  contre  la  République.  Ce  sont  :  le  capitaine  Patterson, 
le  colonel  Richard  Flooyd  Micholls,  le  lieutenant  Fremlett,  le  lieutenant  Ellis, 
le  lieutenant  Allen,  les  trois  anciens  sous-officiers  :  Mitchell,  Jeffrin  et  Ilooper. 

23.  —  Le  Raad  aborde  la  discussion  des  propositions  du  président  Krûger, 
ayant  trait,  en  particulier,  à  l'extension  du  droit  électoral  aux  Outlanders.  A  la 
grande  irritation  de  ces  derniers,  le  Raad  ajourne  la  solution  de  la  question  à  la 
session  suivante. 

31 .  —  A  Blœmfontein,  dans  l'Etat  libre  d'Orange,  le  président  Krûger  et  sir 
A.  Milner,  gouverneur  du  Cap,  se  rencontrent  pour  discuter  en  commun  la 
question  des  Outlanders. 


Chronologie  politique  française 

1er  mai.  «  Le  travail  est  à  peu  près  général  en  France  et  aucune  manifesta- 
tion particulière  de  chômage  ne  signale  le  i*'  mai. 

—  Ouverture  à  Rouen  du  congrès  international  d'hygiène  et  de  production 
dans  les  manufactures  textiles. 

—  Les  socialistes  de  Troyes  réclament  du  Préfet  la  fermeture  de  la  chapelle 
des  Jésuites.  Le  ministre  de  Tlntérieur,  consulté,  télégraphie  de  faire  fermer 
cette  chapelle. 

2  mai.  —  Manifeste  du  Conseil  national  du  parti  ouvrier  français  ou  guesdistc 
au  détachement  sociodiste-guadeloupéen  du  parti. 

—  Retour  en  Angleterre  de  la  Reine  Victoria,  après  un  séjour  de  'sept 
semaines  à  Nice. 

3  mai.  —  Mort  du  général  Loizîllon,  ancien  ministre  de  la  Guerre. 


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CHRONOLOGIE     POLITIQUE  685 

5  mai.  —  Le  journal  Le  Malin  publie  les  déclarations  de  Léon  XIII  relatives  à 
la  France  faites  récemment  par  le  souverain  Pontife  à  M.  Henri  des  Houx. 

— -  A  la  suite  de  la  séance  de  la  Chambre  pendant  laquelle  TExtrème-Gauche 
l'avait  violemment  pris  à  partie,  M.  de  Freycinet  donne  sa  démission  de  minis- 
tre de  la  guerre.  Malgré  les  vives  instances  du  Président  du  Conseil  et  du  Prési- 
dent de  la  République,  M.  de  Freycinet  maintient  sa  décision. 

6  mai.  —  Fêtes  du  Centenaire  de  Balzac  à  Tours. 

—  M.  Rrantz  ministre  des  Travaux  publics  est  nommé  ministre  de  la  Guerre 
et  M.  Alonestier,  sénateur  de  la  Lozère,  ministre  des  Travaux  publics. 

7  mai.  —  Discours  de  M.  Cavaignac  à  Romilly  à  Toccasion  de  la  fête  de 
Jeanne  d'Arc. 

8  mai.  —  Panégyrique  de  Jeanne  d'Arc  à  Orléans  par  Mgr  Ireland. 

i—  Les  membres  de  la  Ligue  de  la  Patrie  Française  de  Troyes,  en  réponse  à 
la  fermeture  de  la  chapelle  des  Jésuites,  demandent  au  procureur  de  la  Répu- 
blique de  faire  fermer  la  loge  maçonnique.  La  pétition  déposée  également  à  la 
Préfecture  a  dû  être  transmise  à  qui  de  droit. 

—  Congrès  régional  annuel  du  parti  ouvrier  socialiste  révolutionnaire  (fédé- 
ration du  Centre.) 

9  mai.  —  Les  bureaux  de  la  Chambre  nomment  la  commission  chargée 
d'examiner  les  propositions  de  re vision  de  la  Constitution.  Ils  ont  élu  : 
MM.  Gerville-Réache,  Salis,  Pourteyron,  Lhopiteau,  Delaune,  Sembat,  Levraud, 
Dumont,  Derveloy  et  Bérard.  Tous  les  commissaires,  sauf  deux,  sont  favorables 
en  principe  à  la  révision. 

10  mai.  —  Procès  Fabre-Papillaud  devant  la  Cour  d'assises  de  la  Seine. 
12 mai.  —  M.  Papillaud  est  acquitté  par  le  Jury  de  la  Seine. 

— —  Publication  par  le  Petit  Journal  des  lettres  échangées  entre  M.  de  Frey- 
cinet et  M.  Delcassé  à  la  suite  des  difficultés  soulevées  à  la  Cour  de  Cassation 
entre  M.  Paléologue  el  le  commandant  Cuignet. 

——  M.  Lasîes  adresse  ses  témoins  à  M.  Delcassé  à  l'issue  de  la  séance  de  la 
Chambre. 

14  mai.  —  Inauguration  au  Père  Lachaise  du  monimient  élevé  à  la  mémoire 
de  M.  Charles  Floquet. 

15  mai.  —  MM.  Léon  Bourgeois  et  d'Estoumelles  quittent  Paris  pour  aller 
assister  h  la  Haye  au  congrès  du  désarmement. 

i—  Reprise  sans  incident  des  cours  de  M.  Georges  Duruy  à  TEcole  Polytech- 
nique. 

—  M.  Paul  Déroulède  adresse  une  lettre  au  Président  de  la  Chambre  pour 
préciser  le  sens  de  l'acte  accompli  par  lui. 

16  mai.  —  Mort  de  Francisque  Sarcey. 

17  mai.  —  Procès   Max  Régis   à   Grenoble. 

— -  Le  groupe  radical  socialiste  nomme  :  i**  Une  commission  de  propa- 
gande extérieure  composée  de  MM.  Astier,  Baudon,  Baudin,  Berton,  Lasserre, 
Honoré  Leygue,  Simyan,  Vazeille  et  Guieysse,  et  chargée  d'organiser  des 
conférences  en  province;  2«  une  commission  d'organisation  intérieure  composée 
de  MM.   Charles  Bos,  Mesureur,    Rabier,  Puech,  Gervais,.Gouzy  et  Ursleur. 

18 mai.  —Le  jury  de  l'Isère  acquitte  M.  Max  Régis.  Election  de  M.  Paul 
Deschanel  à  l'Académie  française. 

— —  Grève  générale  des  facteurs. 

— —  Incidents  violents  à  Grenoble  où  une  foule  de  300  individus  attaque  le 
Cercle  militaire . 

19  mai.  —  Echange  de  dépêches  entre  M.  Loubet  et  le  Tsar  à  l'occasion  de 
l'anniversaire  delà  naissance  de  l'Empereur  de  Russie. 

20  mai.  —  Réunion  à  Lille  du  Congrès  des  percepteurs  de  France. 

21  mai.  —  Voyage  du  Président  de  la  République  à  Dijon.  Inauguration  du 
monument  de  Camot.  Discours  de  M.  Ch.  Dupuy. 

23  mai.  —  Clôture  du  rapport  de  M.  Ballot-Beaupré  dans  raffaire  Dreyfus. 

24  mai.  ^  A  la  suite  d'un  récent  incident  soulevé  à  la  Chambre  de  Commerce 
Française  entre  M.  Rolland,  président  de  cette  Chambre  et  M.  Moutier,  un   jury 


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^)86  CHRONOLOGIE  FOUTIQUE 

<l'liooa«ar  a  été  censthué  pour  régler  le  différend.  Le  jury  dédire  que  les  ^aits 
imputés  à  M.  ftieutier  par  M.  Bolland  sont  (aux  et  ne  ropoeent  sur  aucun  fande- 
ment;  cpu'en  conséquence  il  n'y  a  pas  lieu  de  réclamer  r^xpi^km  de  M  Moutier 

la  ckamlire  de  comnMree  française.  Le  jury  ajoute  que  M.  iloutier  est  diipie 

la  sympathie,  de  ia  oeaaidération  et  de  Tefitime  de  ses  Gompairioies. 

IB  mai,  —  Ouvertare  À  Pénis,  aar  la  présidence  de  M.  Etiemie    Lamy,  àhsn 

agrès  pour  le  droit  d'association, 

lB.vmL — Mort  Je.Aoaa  Bonheur. 

■—  Arrivée  À  Paris  du.général  Galliéni. 

—  Uéunion  à  Paris  d'un  meeting  nationaliste  «sons   la    président  d'Edouard 
umont. 

IS  mai.  —  .EhGiimi    sénatoriaU. —  S«ne.  —  Inscrits  :  7S0.  —  Votants  :  715. 

Bulletins  blancs  et  nuls  :  12.  •—  BulTrages  exprimés  :  703.  —  Majorité 
Bolue  :  852.  — H.  Thuillier,  présidant  du  Conseil  .général  de  la  Seine,  radical, 
r,  élu;  H.  Ch.J..ongnet,  ancien  conseiller  municipal  de  Paris,    socialiste,    135; 

Du  Bellay,  indépendant,  15;  Divers,  6.  Il  s'agissaitxie  pourvoir  au  aiège  de 
.Kcaniz,  eénaieur  inamovible,  décédé,  dont  le  siège  avait  été  atlxibué  au 
partement  de  la  Seine,  par  application  de  la  loi  du  9  décembre. I8M. 
m^£laciwns  Ugislatvte,  —  Noao. —  il'*  circonscriplion  d*Avesne$),  —  Ins- 
ts:  10^433.  —  YotanU  :  11.932.  —  M.  Pascal, .avocat,  républicain,  7.318,  jébi; 
le  D'  Moret,  aocialisle,  4  .U^.  Jl  s'egissait  4ie  renpiacer  M.  GuiUeniin,  républi- 
En,. décédé  le  28  mais  4erniez.  il.  GuiUômin,.élu  {Mur  laipremière  fois.en .IbâU, 
siit  été  réélu  pour  la  seconde  fois  aux  élections  générales  de  1698,  ..au  scrutin 
ballottage,  par  6.001  voix  contre  4,206  à  M.  Rouseel,  socialiste,  et  2,'7I*2  à 
iMercier,  réactionnaire.  M.  liéon  Pasqoal  le  nouvel  ^lu. était  le  ^^ouain  du 
patéfiécédé.  Al.  Gnillemin. 

&8«anuL  —  JLudience  solennelle  de  la. Cour  de.oas8atiQn.et  lectBrekdsura^pûrt 
M.  Ballot-Beaupré. 

—  Débats  de  UaCfaixe  Déroulède-AlArcel  Jlabert  de>cant  la-xour  d^aasises  de  la 
ine. 

— -  Grève  du  Greusot.  MM.  Constant,  et  D^jeante  se  rendent  an  Creuaot. 

30  mai.  —  M.  Ballot-Beaupré  conclut  dans  son  rapport  .à  la  révision  du  procès 
e>fus<avac  «renvoi  «devant «m  . conseil  de  Guerre. 

-»-  Les  membres  de  la  mission  Marchand  débarquent  à  Toulon  et  sont  reigiis 
milieu  du  .plus.grandrentbousiasme. 

—  Déposition  du  général  "Hervé    devant  le   jury   de    la  Seine  en  faveur  de 
xoulède. . 

31  mai.  —  M.  Manau  procureur  général  à  ki  Cour  de  cassation,  requiert  qull 
il  procédé  à  la  révision  du  procès  DEe^ûis  avec  un  ranvv)!  sdemint  un  oomseil 

Guerre. 

-*  Le  jur^  de  Ja. Seine  aoquitte  Paul  DémaLède   et  Jéarcel  ilabert.    Meeting 
tianalisie  tendhonneur  de  Uacvqpiittement  de.i>érottlède. 


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fimiofiRAPHu; 


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J.-B.  MispouLET.  La  Tie  parlementaire   à  Rome    sous  la   République 

Paris  18'  9,  Albert  Fontemoing  éditeur.  —  Prix  :  10  francs. 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  signaler  tout  particulièrement  à  nos  lecteurs 
le  nouvel  ouvrage  de  M.  Mispoulet.  L'auteur  retrace  les  bases  de  la  constitution 
romaine  et  précise  autant  qu'il  était  possible  les  usages  parlementaires  sous  la 
République.  Ce  qui  rend  la  lecture  du  livre  de  M.  Mispoulet  véritablement  atta- 
chante, c'est  qu'il  a  reconstitué  un  certain  nombre  de  séances  du  Sénat  romain, 
séances  historiques  qui  sont  encore  daus  toutes  les  mémoires  et  qui  expliquent 
certains  des  grands  événements  qui  amenèrent  la  chute  du  régime  républicain. 

Nous  donnons  ici  une  partie  de  la  préface  même  de  Fauteur:  «  Fidèle  à  la  mé- 
thode qu'il  avait  adoptée,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  dans  son  cours  libre  d'ins- 
titutions romaines,  à  la  Sorbonne,  l'auteur  se  propose  de  faire  connaître  la  vie 
politique  à  Rome  en  reproduisant  exactement,  minutieusement,  quelques-unes 
dcA  scènes  historiques  qui  offrent  le  plus  d'intérêt.  Si  les  séances  du  Sénat  ont 
attiré  plus  particulièrement  son  attention,  ce  n'est  pas  seulement  parce  que  de- 
puis 1817,  époque  où  l'Académie  des  Inscriptions  voulnt  bien  récompen?er  son 
Mémoire  sur  le  Sénat  romain,  cette  question  n'a  jamais  cessé  d'être  l'objet  de 
ses  études  ;  c'est  aussi  parce  que  nous  avons  là-dessus  des  renseignements  abon- 
dants; c'est  enfin,  si  paradoxal  que  cela  puisse  paraître  au  premier  abord,  parce 
que  le  sujet,  quoique  très  ancien,  est  presque  d'actualité. 

C'est  bien  à  tort,  en  effet,  qu'on  s'imagine  que  le  régime  parlementaire  a  été 
inventé  de  toutes  pièces  par  la  nation  anglaise  à  une  époque  assez  récente  ;  nous 
allons  voir  qu'il  était  déjà  en  vigueur  chez  les  Romains,  il  y  a  deux  mille  ans. 

Nous  retrouverons  à  Rome  des  chefs  de  gouvernement,  plus  puissants,  il  est 
vrai,  que  nos  ministres,  mais  en  fait,  placés  comme  ceux-ci,  sous  la  dépendance 
d'une  assemblée,  élue  —  indirectement  — -  par  le  peuple,  et  avec  laquelle  ils 
doivent  toujours  s'entendre.  N'est-ce  pas  là  l'excuse  même  du  régime  parlemen- 
taire ?  L'analogie  n'est  pas  moins  frappante  quand  on  passe  des  principes  à  la 
pratique.  Dans  les  séances  qui  sont  reconstituées  au  Livre  III,  le  lecteur  s'aper- 
cevra bien  vite  que  les  usages  et  les  mœurs  parlementaires  n'ont  guère  changé 
depuis  lorp,  et  il  lui  sera  facile  de  mettre  des  noms  modernes  sous  tel  au  tel  in- 
cident célèbre,  comme  aussi  de  retrouver  jusqu'à  ce  que  nous  appelons  un  peu 
irrespectueusement  des  chinoiseries  parlementaires,  etc.,  etc.,  etc.  » 

VicoBfTE  d'Avbnbl,  Paysaus  et  ouvriers,  depuis  sept  cents  ans.  1  vol.  in-18 
Jésus.  Armand  Colin  et  Cie,  éditeurs,  Paris.  —  Prix,  broché  :  1  fr. 

Voici  «  une  nouvelle  étape  parcourue  dans  l'histoire  de  la  civilisation  maté- 
rielle »  qu'avait  entreprise  M.  d'Avenel,  et  dont  la  Fortune  privée  à  travers  sept 
siècles  contenait  les  deux  premières  parties  ;  L'Argent  et  la  Terre. 

L'auteur  apporte,  au  milieu  des  discussions  contemporaines,  des  faits  positifs, 
le  témoignage  d'expériences  que  les  générations  précédentes  ont  tentées. 

On  voit  dans  son  livre  qu'aucune  contrainte  légale,  aucune  entente  privée  n'est 
parvenue  à  régler  dans  le  passé  les  prix  du  travail.  L'art  habituel  de  l'auteur  sait 
donner  un  attrait  piquant  et  une  forme  littéraire  à  la  masse  des  renseignements 


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BIBLIOGRAPHIE  689 

et  des  chiffres;  il  eu  tire  des  conclusions  tout  à  fait  neuves,  sur  l'évolution 
ancienne  du  salaire  des  journaliers,  des  domestiques,  des  ouvriers  de  métier  de 
l'un  et  Tautre  sexe.  Il  précise  leur  degré  d'aisance  ou  de  misère,  en  faisant  con 
naître  le  coût  de  leurs  dépenses  pour  la  nourriture,  l'habillement,  le  chauffage, 
le  loyer;  il  montre  leurs  rapports  avec  TEtat  de  jadis,  «  toujours  plus  fa\orabIe 
aux  employeurs  qu'aux  employés  »  et  les  causes  qui  ont,  aux  diverses  époques, 
influé  sur  leur  situation  pécuniaire,  causes  qui  n'avaient  pas  été  aperçues 
jusqu'ici. 
M.  d'Avenel  nous  donne  un  nouvel  ouvrage  d*histoire  absolument  original. 

H.  Hausbr,  professeur  à  l'Université  de  Glermont,  Ouvrien  du  temps  passé 
^xvc-xvi*  siècles).  (Félix  Alcan,  éditeurs).  1  vol.  in-8de  la  Bibliothèque  générale 
des  sciences  sociales.  —  Prix  :  6  francs. 

Ce  livre  s'appuie  uniquement  sur  des  faits,  sur  des  documents  contemporains. 
Ce  n'est  pas  la  conception  a  priori  d'un  théoricien  obéissant  à  des  préjugés 
d'école,  c'est  l'exposé  impartial  et  désintéressé  de  ce  qu'était  la  condition  des 
ouvriers  dans  les  diverses  parties  de  la  France,  à  l'époque  où  se  désagrégea  l'an- 
cien régime  corporatif.  Grâce  à  cette  méthode  vraiment  historique,  Tauteur 
arrive  à  établir  quelques  résultats  assez  neufs  :  l'extrême  diversité  et  l'extrême 
mobilité  de  l'organisation  du  travail  dans  une  société  que  l'on  se  représente  trop 
facilement  comme  immuable  et  uniforme  :  l'apparition  d'une  iudustrie  méca- 
nique et  déjà  capitaliste;  la  fréquence  et  l'acuité  des  conflits  entre  le  capital  et 
le  travail,  etc.  On  lira  avec  un  intérêt  particulièrement  vif,  l'histoire  d'une  grève 
au  xvi«  siècle,  qui  ressemble  trait  pour  trait  à  nos  grèves  actuelles,  les  études 
sur  le  travail  des  femmes,  sur  l'assistance  publique.  Bien  que  l'auteur  se  défende 
—  et  à  bon  droit  —  d'avoir  voulu  fournir  des  arguments  à  telle  ou  telle  secte, 
son  livre  attirera  l'attention  de  tous  ceux  que  passionnent  les  questions  sociales. 

G.  DE  MoLiNARi,  correspondant  de  l'Institut,  rédacteur  en  chef  du  Journal  des 
Economistes,  Esquisse  de  l'organisation  politique  et  économique  de  la 
Société  future.  Librairie  Guillaumin  etCie.  1  vol.  in-18.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Sous  ce  titre,  M.  G.  de  Molinari  vient  de  publier  un  nouvel  ouvrage  qui  résume 
et  complète  ses  travaux  antérieurs.  Le  savant  économiste  y  donne  un  aperçu 
(les  lois  naturelles  qui  ont  déterminé  dans  le  passé  les  progrès  des  institutions 
politiques  et  économiques,  et  il  montre  comment  et  dans  quel  sens  ces  institu- 
tions sont  destinées  h  se  modifier  sous  l'influence  des  changements  survenus 
dans  les  conditions  d'existence  des  sociétés.  A  la  dillérence  des  conceptions 
socialistes  de  la  société  future,  celle  de  M.  de  Molinari  se  fonde  sur  les  données 
les  plus  sftres  de  l'observation  et  de  l'expérience.  Ajoutons  qu'elle  nous  promet, 
peut-être  avec  quelque  optimisme,  un  avenir  de  liberté  et  de  paix. 

La  Librairie  L.-Henry  May  vient  de  faire  paraître  la  Chambre  des  Députés 
(1898-1902).  par  Alphonse  Bertrand,  secrétaire-rédacteur  du  Sénat.  Ce 
volume  de  &X)  pages,  d'un  prix  abordable  à  tous  (4  fr.),  renferme  les  bibliogra- 
phies des  581  députés,  avec  préface  et  documents  divers,  tableau  des  modifica- 
tions survenues  dans  la  représentation  des  départements,  liste  des  ministères 
qui  se  sont  succédé,  etc. 

Ecrit  comme  ses  devanciers,  la  Chambre  de  1889,  la  Chambre  de  1893,  le  Sénat 
de  1894,  le  Sénat  de  1897,  en  dehors  de  tout  esprit  de  parti,  d'après  des  docu- 
ments puisés  aux  sources  les  plus  sûres  et  en  très  grande  partie  d'après  des  notes 
autobiographiques,  le  livre  de  M.  Alph.  Bertrand  apporte  à  l'histoire  de  l'époque 
contemporaine  une  contribution  précieuse . 

Plein  de  renseignements  inédits,  il  donne  un  aperçu  complet  de  la  carrière  de 
chaque  représentant. 

11  se  recommande  d'autant  plus  à  l'attention  que  sur  581  députés,  il  y  a  plus 
de  200  députés  nouveaux,  saùs  compter  les  nombreuses  vacances  auxquelles  il  a 
été  pourvu  au  cours  de  la  dernière  législature. 

N'ayant  cessé  depuis  1871  de  suivre  le  mouvement  politique  de  nos  assemblées, 


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6  90  BIBLlOeRAPHlE 

M.  Alph.  Bertrand  était  pi*»  que  pefsoirac  désigné  pour  cette  snile  de  travaux 
qui  porte  la  marque  de  la  compétence  parlementaire  et  ateiimstratiTe^  dePèutear 
de  r Organisation  française: 
S^été  Fï^uiçaise  d'Edition»  d*AVf.  7  et  11,  m©  SWnt-BenoH. 

Louis  Vtgouroux,  IJà,  Cdnoentratton  des  fbrce»  ou'vrîôrBsdknsi'Ataiértque 
dti  N6rd  (Bibliothèque  dû  MUséè  Sociale  V  vol.  ih-18  jésus.  Armand  Colin 
et  Cie,  éditeurs.  —  Prix,  broché  :  4  fr. 

Ce  livre  est  le  résultat  d'une  enquête  impartiale.  Son  but  est  de  montrer  pour- 
quoi et  cowmiBnt  'Ite  t>myaffleqrg€«é>teariny  ont  «- coneandré^'leiirv  fbroM<  »  dans' 
certaine- méUtrsf  organisé  d&apf§âé^raEAioiMi'oo«<nraBitb>iiie^r Amérique  du  Nerd'et 
noué  des  relations  avec  les  syndicats  ouvrèeredu  monde^atlèn 

Apréa  avoÎA  décrit  leur  orgaaisaUoiM.ratttaur  a  essag^é-  de  faire  le  biianides 
conflits?  ouvriers^  étudia  «ldAtrait6s4im^9érfpaf.i«..vain(|tteur.ap^s  la  bataHie  ^ou. 
bienr.  signée  d'un  oonuuun.acoard.poiir  empèobep  rouvdrtune^djBS  hostilités)  et  il 
s*est  particulièrement. attaché  à  expliquer  Tinfluenoe  exercée  sur  les  conditions 
du  travail  par.  le  meiivemeiit  de  canœntmticm'des  omii^yeurft^et  des  employés. 
Enfla,  il  a^  examiné,  le  prohième  souVsré  par.  rorganiafttioQ  grandissante  des  tra- 
vailleurs->  prabléme.quL  ae  po&a  daiu  tous  lea^^p^^où  la. grande  industrie  se 
développa.' 

Une  piéfaca  de 'M»  Pairi  dt  Rouaier^  cempane  le»8yndÂcatiLaiDérioaina«vecles 
syndicats  anglais,  et.  fait  resaortir  \t&  conêl usions,  ^^éirales  qui  se  dégagBQt.du 
livre  d&  M.  Louis  Vigoucoux.. 

Llcuin  De8uni£»bs;  Ié*Appli«i*iomtfUi  O^atème  oolleoti^viit^  avec  préface  de 
Jju^  Jaurbs.  Librairie  de  la  Rwme  SocialisU;  7S,  ptssage  GboiaeMl, .  Parii« 
Un  fort  volume  de  plus  de  500  pages  grand  in-S" .  —  Prix  :  6  fr. 

L'ouvrage  de.  AL  ûesUniôresrestrexpïOsé  le  plus,  complet  qui  ait  paru  jusqu'à 
ce  jour,  de  Torganifiation  coHectiWste.  L'auteur,  laissant  de  oôté  la  théorie  pure, 
se  préoccupe  exclusivement  des  question?  pratiques.  11  démontre  que  le  collecti- 
visme, loinrde-diminnerMa  production»  agricole  et' industrielle,  comme  on  Ten  a 
accnsé,  arriverait  dès  son  débtat  à  la  tripler;- qn'àulîen  de  restreindre  la  liberté* 
individuelle,  if  retendrait  et  la  rendrait  plus  effective.  Eïifin;  il  décrit  dans  tous 
ses  détails  le  fonctionnement  delà  société  collèctiYistfe'  et  apporte  sur  ce  point 
des  indications  à  la  fois  neuves  et*  intéressantes.  Gè  livre-doit  être  lu  par  toutes 
ley  personnes  désireuses  de  se  faire  une  idée  précise  tltt  collectivisme,  dont  on 
ne  comxaf  t' généralement  que  des  formules  assez  vagoes. 

G.  Tarde,  Les  tfaa  s  formations  du  pouvoir.  (Félix  Alcan,  éditeur).  1  vol.  de 
la  BiblïDthôque  générale  des  sciences,  sociales,  carti-à  l'anglaisa. —-Prix  : 
6  francs^ 

Ce  livre  est  un  essai  partiel  de  sociologie  politique,  où  ranlenr  a.indiqaé  Tap- 
pltcation  de  sa  doctrine  générale  au  côté  gouvernemental  des^  sociétés;  Après  une 
première  partie  consacrée  et  une -exploration  libre  do  sujet,  à  des  recherches  sur 
les  sources  du  pouvoir,  sur  les  rapports  entre  l'invention  et  le  pouvoir,  sur  la 
formation  des  noblesses  et  des  capitales  considérées  comme  des  organes  dé  con- 
ceBtration*et  d'emploi  da  pouvoir,  la  science  polîtiqueest présentée  pimrmétho- 
dicinement'  danr'la  seconde  partie  de  l'ouvrage,  laquelle  comprend th)is  divisions 
principales.  Tôuf  ce  qui  concerne  la  répétition  politique,  Topposîtkm  politiqne 
(lutte  des  partis,  guerre  et  diplomatie),  l'adaptation  (ou  violation)  politique  et 
sft'lot,  y  est  traité  sncoessivementr  Un  dernier  chapitre  sur  Kart  et  lâ  morde  poli- 
tique fait  sentir,  d'une  part,  la  nécessité  d'une  rhétorique  supérieure* qui  soit»  k 
l'artde  créenl'ophiiottpar'la  presse,  ce  que  la- rhéterique  ancienne  étftità  Fart 
de  coRvaiûere"un  auditoire  par  le  discours,  et  d^nitre  part,  montre  à'  qnelfts  con- 
ditions la  politique  peut  et  doit  se  moraliser,  à  queh  signes  l'OmnoraUté,  en 
petttique,' se' distingue  de  nnmjvatidn- morale. 


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BIBtfle«HA&HID  69t 

Charlbs  Andler,  Le  priaee  dé  Bitantrott.  (George»  BeHais,  éditeurf. 
1  vol.  in*19' Jésus.  —  Prix  :  3  fh  50: 

Lapoésente  étude.a.paru^dftaft'/a  Bânmade  Paria^  au  lendtuaaiade  l&m«rt  dt& 
BiaiDorek^  ËUe  réparait,  élafgHVttBbpeuy.i:8toucliéec|uaiidde  uauveaux.docujxidBmts- 
coHiiaie  tous  ItBs  jours  il  CA^éoierg^f  à  lat  lumière^  obJjgeaivni  à  des-  raloucfaje»  ; 
id6alic|ue.d!e8|)rÛ  et  de  méUiede. 

Ei^EST  Daudet,  Lauis#XVIII  9t  le  Diic  Decaze&  (l&i&-lS20),  d'après  des 
doaumenU  inédits.  Librairie  Won,.  Nourrit  et  Cie.  Uil  volume  inr8  avec-  2  por- 
traits. —  Prix  :  7  fr.  50, 

Ayix  nombreuses  œcrvres  historiques  qu'il  a  publiée»  dèpw»  viag<t  ans, 
M;  Ernest  Daudet  vieert  d'en  ajouter  une  d'une  importance  capitale.' 

G'est  sous^  ce  titre  :  UowisXVtil  et  le  d^a  Decutm^  le-  taMean  le*pt«8  vtvanfet 
li^  nrneux  doctuRenté  qm  ait  été  jamais  tracé  de«  première»^miée8  dtè  la  Bfestau^ 
ration,  ces  années  qui  vont  de  1^15  à  1820,  si  pleines  d'événements  émouvant» 
et  tragiques  que  vient  couronner  l'assassinat  du  duc  de  Berry. 

Pour  écrire cefi- pages  où  revit  avec  una.inL£nt»Ué  saisissa,q,te'  un  passé,  trop» 
vite  oublié,  M.  EraesiDaudAt  a  eu.à  sa.disj^uâitiou  lea  archives  du,p|remi«r.diic 
Decazes,  ministre  et  favori  de  Louis  XVill,.  las  fragments  manuscrits  de'  ses 
mémoires  inachevés,  le  journal  intime  de  la  duchesse,  deux  mille  lettres  du  roi, 
le»  correspondance!'  iirédite»  de  Richalieu,  dé  Pasquiet,  d&^tolé,  de  Weilengion 
et  de  to«t  ce  qui  a  marqué  dans  -ce  tempsv  les*  volamineca;  ckiaaiars  de  |li^  polke' 
d'ators,  les- rapports  seeretS' des^ambassadeunsv  en  ua.mot,  un»  nBiseioéfUiaable- 
qui^donne^  à  êe  livre-unique  emsongenve  toue4es«ar«etère<d^aiietrâvélariÂoni. 

11  s'^eAève  au  moment  aè  le  due  de^-Bevr^i  vient  de  périr  et  où  Dtcase»  est' 
obligé  de  quitter  le  pouvoir:  Un  second  v^dittHie  racontera  uhérieuremsntilaâi^ 
du*  favori  qui  fut  un  grand  patriote  et  usa  d.5  sa  faveur  surtout  au  proâi*  do  son 
pmys. 


Raoul  db  la  toAfWMMiiy  Lauréat  de  TUisiitut,  Conrespondaiifie  du*  Minàabhre  d&* 
rinsiruotion  publique,  Docteur  en  droite  JAige  au.  Tiribunal  de  âeones.  JAeff 
BeligioBS ,  oomiHLrëMM  vol  point  cb»  v^e-  SAOioèfigl^iiA^  (Bibliothèque 
Sociologique  internationale  XVII'.  Paris,  1899,  V.  Giard  et  E.  Briére^  éditeurs^ 
Un  vohime  in^^o.  — Prix,  bEOohé-  :  7  fnanes^  ajveei  mUiurû  ds:  la  bibiiotixèque  : 
9  franos. 

M.  Raoul  de  la  Grasserie,  déjà  bien  oemnu<parrs»s>tlvpaiisde  sevioiogteet^  dé 
linguistique,  vient  de  publier  une  étude  comparative  des  dÎTerses  religion», 
mais  il  a  restreint  ce  très  vaste  sujet*  au  point^le  viro^soctoitegïque,'  exekMnt  aveo 
soin  tout  autre,  notamment  le  point  de  vue  psychologique  qui  a  une  portée  tout 
à  fait  différente.  L'entrepriset  ainsi  délimitée  est  encore  tràa-  vaste,  d'autant  plus 
que  l'auteur  passe  en  revue,  toutes  les  religions  connues»  et  marque  leurs  traits 
essentiels  Nous  ne  pouvons  donner  plus  exactement  une  idée  de  l'économie  de 
ce  livre  qu'en  citant  la»  tities  de  oev  dtapÉtsee  <  qui  sont)  les  a«âyaaii6r  :  des 
sciences  cosmosociologiqii«  ;  de  la  place  de  la  reÛgiDn  parmi  oa»  scûnoesi*, 
du  lien  social  cosoûque;  des  objets  du  lien  religiem;  tbéene  organiqua  de 
la  soeiété  reiigiense  interne^,  sa  constitution  et  son  évolition;.  des  sooiéÉéff 
interdivines  et  intradivines  ;  de  la  lutte  entre  les  sociétés:  intlntiivine»;  de.  kt 
smété  religieuse  externe  ;  (fte  la  même  à  la  deuaième  paunninee';  des  napports 
entre  les  seeiétés  religieuses-;  des  rappinrts  entre  celiee*-cret  les  sociétés  civiles; 
de  1«  dasaiftoDtion.  des  sociétés  veligieftses  ;  de  l'avenir  socioiog^ue  des  reUgioBB^. 
On'vott  que  le  champ  est  très  vaste. 

L'auteur  de.  ce  livre  Pa  cependiint  pavoouru  pastoul  avec  sein,  efe  si  i'oBipewt. 
ne  paS'  partager  sok.  avis  sur  beaocoiii»  de  points,  il  '  fàat.  reoonnaiire  que  seu 
csuvre  eootient  beavooiip  d'oJ^sarvatùons  directes  et  dîidies  newreiles. 

Celle  qui  nous  semble  dominer  ies  autres.  coBsista:  dane^  la.  oaifliiiaiiL  dùuur 
diMnition»  qur  n!ayait  pas  enoof«  été  donnée,. de^la  railgii  .  MfvaiibML  âei  loi 
Grasserie  qui  lui  reconnaît,  mais  dans  certaines  conditions  sriiiinMMt^lfc 


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692  BIBLIOGRAPHIE 

tère  de.  science  véritable,  elle  viendrait  terminer  avec  la  philosophie  et  la 
synthèse  des  sciences  positives  la  sériation  des  sciences  et  la  couronner.  Elle 
constituerait  une  sociologie  supérieure  à  la  sociologie  ordinaire,  autant  que 
celle-ci  l'est  à  la  psychologie  et  à  la  biologie,  embrassant  dans  son  lien  non 
seulement  les  hommes,  mais  tous  les  ôtres  cosmiques,  de  là  le  nom  de  cosmoso- 
ciologie que  lui  donne  l'auteur.  H  en  déduit  des  conséquences  très  curieuses 
qu'il  poursuit  dans  l'observation  concrète  de  chacune  des  religions.  Il  faut  noter 
en  passant  les  chapitres  où  il  est  traité  de  la  société  entre  les  dieux,  des  sociétés 
divines  opposées  ou  dualistiques,  et  de  celles  entre  les  diverses  personnes  ou 
hypostases  de  la  même  divinité;  l'idée  de  société  se  trouve  ainsi  recherchée 
jusque  dans  ses  extrêmes  limites.  Cette  manière  d'envisager  la  religion  est 
d'autant  plus  intéressante  que,  sous  prétexte  de  sa  subjectivité,  on  l'avait  beau- 
coup plus  obssrvée  jusqu'à  ce  jour,  en  tant  que  sociale,  dans  sa  constitution 
externe  où  elle  n'est  qu'une  société  ordinaire  $ui  getieris,  que  dans  sa  constitu- 
tion interne  où  elle  dépasse  de  beaucoup  cette  portée  et  étend  l'horizon  de  l'idée 
même  de  socialité. 

A.  ViALLATE,  rédacteur  en  chef  des  Annales  des  sciences  politique.  J.  Cham- 
berlain. 1  vol.  in-12,  précédé  d'une  préface  de  M.  Emile  Boutmy,  de  l'Institut, 
Félix  Alcan  éditeur.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

Chef  du  parti  unioniste  à  la  Chambre  des  Communes,  leader  de  l'Angleterre 
démocratique,  promoteur  ardent  ou  ferme  soutien  des  projets  les  plus  aventureux 
et  les  plus  généreux  de  réforme  sociale,  inventeur  intrépide  de  la  plus  vaste 
combinaison  impérialiste  qui  fût  jamais,  administrateur  avisé,  diplomate  tantôt 
fin,  tantôt  brutal,  toujours  entreprenant,  jamais  déconcerté,  orateur  véhément, 
sarcastique  et  convaincant,  républicain  par  accès,  démocrate  avéré,  membre 
d'un  cabinet  conservateur,  jingo  forcené,  fils  du  peuple  devenu  gentleman. 
M.  Joseph  Chamberlain,  successivement  maire  de  Birmingham,  ministre  du 
commerce  et  secrétaire  des  colonies  de  Sa  Majesté,  est  bien,  pour  nous  autres 
Français  la  plus  curieuse  et  énigmatique  figure  de  l'Angleterre  contemporaine. 
Tout  en  lui  nous  étonne,  et  sa  surprenante  fortune,  et  son  audace  singulière, 
et  sa  faconde  humoristique,  et  son  inaltérable  confiance,  et  son  flegmatique 
outrecuidance. 

M.  Viallate  a  voulu  mettre  le  personnage  tout  près  de  nous.  Il  a  su  accumuler 
dans  ces  cent  cinquante  pages  une  masse  de  faits,  méthodiquement  classés  et 
clairement  exposés,  qui  satisferont  le  plus  curieux  et  le  plus  exigeant.  Cet 
ouvrage  est  présenté  ou  publié  par  M.  Boutmy,  l'un  des  hommes  qui,  en  France, 
ont  le  plus  heureusement  compris  le  caractère  et  les  institutions  de   nos  voisins. 

Christian  Schefer.  Bernadotte  roi  (1810-1818  —  1844).  Félix  Alcan,  éditeur. 
Un  vol.  in-S".  --  Prix  :  5  francs. 

Chacun  sait  que  le  maréchal  Bemadotte  devint,  en  1810,  prince  royal  de  Suède 
et  monta,  quelques  années  plus  tard,  sur  les  trônes  de  Suède  et  de  Norvège; 
mais,  à  l'exception  de  son  intervention  dans  la  guerre  de  \^\6  et  de  son  dessein 
de  remplacer  Napoléon,  son  rôle  et  sa  destinée,  après  qu'il  eût  quitté  la  France, 
demeurent  complètement  ignorés  du  public  français. 

C'est  ce  rôle  en  Scandinavie  que  M.  Christian  Schefer  a  entrepris  de  démêler 
et  d'exposer,  d'après  les  sources  suédoises.  11  n'a  point  voulu  retracer  l'histoire 
proprement  dite  du  long  règne  de  l'ancien  maréchal,  car  un  tel  travail  aurait 
nécessité  l'exposé  de  maints  détails  de  très  médiocre  intérêt.  Se  bornant  donc  aux 
faits  essentiels  et  aux  incidents  les  plus  caractéristiques,  il  s'en  est  servi  pour 
évoquer  Bemadotte  roi,  étudier  son  caractère,  ses  principes  et  ses  procédés  de 
gouvernement,  afin  de  montrer  ce  que  le  Béarnais  fantaisiste,  dont  les  exubé- 
rances étonnaient  à  Paris,  put  devenir,  brusquement  placé  dans  des  conditions 
tout  à  fait  imprévues,  quelle  tâche  il  accomplit  dans  le  Nord  et  par  quels  moyens 
surtout  il  la  réalisa.  o 


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BrttlO(^1tÀPttIE  693 

ELte  TuRQUET,  Rédacteur  au  Ministère  des  Finances  (Direction  générale  des 
Contributions  indirectes),  Licencié  en  droit.  Les  octrois  municipaux.  — 
Fondement  économique.  —  Organisation  adminiitrative  et  financih*e.  —  Juris- 
pt*udence,  1Ô99.  Paris,  V.  Giardet  E,  Brière,  éditeurs.  Un  vol.  in-8».  —  Prix  :  7  fr. 

En  présence  des  difficultés  qu'ont  rencontrées  jusqu'ici  les  municipalités  pour 
TappUcation  des  dispositions  nouvelles  introduites  dans  la  législation  des  octrois 
par  la  loi  du  29  décembre  1897,  il  a  paru  nécessaire  de  les  éclairer  sur  retendue 
de  Tobligation  qui  leur  a  été  imposée  relativement  à  la  réduction  des  taxes  per- 
çues à  leur  profit  sur  les  boissons  hygiéniques  et  de  les  guider  dans  le  choix 
des  taxes  de  remplacement  mises  à  leur  disposition  par  le  législateur  pour  com- 
bler le  déficit  créé  dans  leurs  budgets. 

Tel  est  le  but  de  Touvrage  de  M.  Turquey,  que  nous  signalons  tout  particu- 
lièrement à  nos  lecteurs. 

L'auteur,  dans  la  première  partie  de  Touvrage,  partant  de  ce  principe  qu'on 
ne  saurait  enlever  d'un  trait  de  plume  une  source  de  revenus  aussi  importante 
que  celle  que  viennent  alimenter  chaque  jour  les  taxes  perçues  sous  forme  d'oc- 
troi, met  en  relief  les  inconvénients  de  ces  sortes  de  taxes  et,  d'autre  part,  leurs 
avantages,  pour  conclure  que  loin  de  supprimer  cet  instrument  de  perception,  il 
vaudrait  mieux  en  corriger  les  imperfections. 

La  seconde  partie  expose  quels  sont,  au  point  de  vue  de  l'établissement  des 
taxes,  les  attribution»  respectives  des  Assemblées  municipales  et  du  pouvoir 
central,  les  divers  modes  d'administration  de  l'octroi,  les  régies  qui  président  à 
la  comptabilité  des  deniers  communaux,  le  contentieux,  les  règles  de  compé- 
tence et  de  procédure,  et  se  termine  par  les  deux  modèles  que  les  municipalités 
sont  tenues  d'adopter,  suivant  le  cas,  pour  l'établissement  de  leur  règlement 
d'octroi. 

Latroisième  partie  enfin  présente,  judicieusement  groupées  sous  chaque  sujet 
litigieux,  toutes  les  décisions  rendues  par  le  Conseil  d'Etat,  la  Cour  de  cassation 
et  les  autres  Cours  et  Tribunaux. 

Celte  partie  de  l'ouvrage  équivaut  donc  &  un  Recueil  de  Sirey  ou  de  Dalioz  ;  il 
offre  même  sur  eux  l'avantage  de  fouroir  à  l'intéressé,  condensées  dans  quelques 
lignes,  les  décisions  judiciaires  qui  se  trouvent  dispersées  dans  les  nombreux 
volumes  de  ces  recueils. 

OssiP-LouRié.  La  Philosophie  de  Tolstoï.  (Félix  Alcan,  édiUiur).  1  vol.  in-12 
de  la  Bibliothèque  de  Philosophie  contemporaine.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

Après  avoir  publié,  k  la  même  librairie,  un  volume  intitulé  :  Pensées  de  Tolstoï, 
qui  continue  à  obtenir  un  grand  et  légitime  succès,  M.  Ossip-Lourié  vient  de 
faire  paraître  une  nouvelle  œuvre  considérable  :  La  Philosophie  de  Tolstoï.  Ce 
livre  est  divisé  en  deux  parties.  Dans  la  première,  l'auteur  étudie  l'évolution  de 
la  vie  de  Tolsto!  ;  il  cherche  à  déterminer  les  étapes  évolutives  qui  l'ont  amené 
à  sa  crise  morale,  il  analyse  la  conversion  du  penseur  russe  et  il  en  tire  la  con- 
clusion que,  par  la  transformation  de  sa  vie  personnelle,  Tolstoï  a  prouvé  la  pos- 
sibilité de  la  transformation  de  la  vie  individuelle  et  de  la  vie  sociala  en  général. 
Dans  la  deuxième  partie,  M.  Ossip-Lourié  consacre  des  chapitres  à  Tolstoï  roman- 
cier ;  à  la  Religion  et  à  la  Morale  de  Tolstoï  ;  à  Tolstoï  et  la  Question  Sociale  ;  à 
Tolstoï  et  VArt,  et  il  en  conclut  que  toutes  les  conceptions  de  Tolstoï,  religieuses, 
sociales,  esthétiques,  peuvent  se  résumer  en  trois  mots  :  amour,  travail,  solida- 
rité. Les  voies  pour  y  parvenir  sont  :  l'effort  moral  individuel,  la  conscience 
réfléchie,  la  volonté. 

Tolstoï  n'a  jamais  exposé  d'une  façon  systématique  ses  théories  sur  la  théo- 
logie, la  sociologie  ou  la  morale  ;  elles  sont  semées  dans  ses  nombreux  livres, 
sans  enchaînement  logique,  apparent.  M.  Ossip-Lourié,  philosophe  et  lettré  lui- 
même,  et  qui  connaît  &  merveille,  jusque  dans  ses  moindres  oscillations,  la  vie 
et  l'œuvre  de  l'apôtre  russe,  les  présente  et  les  éclaire  d'un  jour  nouveau.  Tolstoï 
apparaît  tout  entier  dans  ce  livre  :  homme,  penseur,  moraliste. 

REVUE  POLIT.,  T.  XX  45 


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694  BIBUQGRAPBU: 

Dr  J.  DE  FoNTENELLE,  LoB  micTobes  et  la  mort  (Colleciioii -des  Jivres  tl'or^c 
la  science.  1  vol.  petit  ia-18  illustré,  avec  4  planches  hors  texte  en  couleur^  — 

Schleicher  frères,  éditeurs,  Paris.  Prix  :  1  franc. 

• 

L'étude  des  microbes,  l'indication  de  leurs  ravages,  la  façon  de  les  combattre, 
de  s'y  soustraire,  ne  voilà-t-il  pas  un  thème  du  plus  haut  intérêt  pour  chacun  de 
nous  ?  Un  tel  sujet  nous  touche  directement,  et  l'on  ne  peut  vraiment  trop  s'a^ 
pliquer  à  en  posséder  au  moins  les  notions  générales,  afin  d'arriver  à  se  pré- 
munir, autant  que  possible,  contre  l'œuvre  délétère  de  ces  empoisonnements. 

On  ne  se  doute  pas  assez  à  quel  point  nous  sommes  enveloppés  de  toutes 
parts  par  ce  monde  microbien  :  tout  lui  est  milieu  favorable,  tout  lui  sert  de 
véhicule  pour  pénétrer  jusqu'à  nous,  vivre  de  notre  substance  et  à  nos  dépens  : 
l'air,  l'eau,  le  sol.  Les  chapitres  où  tour  à  tour  le  D**  Fontenelle  nous  fait  assister 
à  cette  éclosion  des  germes  nuisibles  ou  morbides  pour  nous  (si  nous  ne  les 
refoulons  au  plus  vite),  ces  chapitres  seront  une  révélation  pour  le  grand  public. 
C'est  de  la  sorte  que  nous  comprenons  l'utilité  d'œuvres  de  vulgarisation  élevée, 
telle  qu'est  ce  volume  qui  rentre  bien  dans  le  plan  des  livres  d'or  de  la  science 
et  mérite  d'être  mis  entre  toutes  les  mains. 

Une  illustration  documentaire  d'un  soin  extrême  et  scrupuleux,  d'un  intérêt 
réel,  passe  sous  nos  yeux  et  éclaire  puissamment  le  texte,  en  nous  édifiant;  les 
planches  en  couleurs  sont  particulièrement  curieuses  et  parlantes. 

Enfin  rénumération  des  maladies  qu'engendrent  chez  nous  les  microbes  et 
l'explication  des  causes  et  de  la  marche  de  ces  maladies  :  tuberculose,  charbon, 
érysipèle,  pneumonie,  fièvre  typhoïde,  rage,  dysenterie,  diphtérie,  gangrène, 
peste,  variole,  scarlatine,  choléra,  et<*,.,  etc.,  et  bien  d'autres  que  l'auteur  analyse 
cette  énumération  est  concluante.  Mais  à  côté  du  mal,  le  D'  Fontenelle  indique 
les  remèdes  et  les  moyens  préservatifs.  C'est  la  lutte  à  soutenir  pour  empêcher 
la  mort  de  hdter  son  pas,  et  la  leçon,  certes,  vaut  bien,  pour  chacun  de  nous, 
une  ou  deux  heures  de  lecture  d'un  tel  livre  si  utile. 

D'  MiCHAUT,  Pour  devenir  médecin.  Collection  des  Livres  d'Or  de  la  Science. 
Un  vol.  in-18,  illustré  de  37  gravures  dans  le  texte  et  4  gravures  hors  texte  en 
couleur.  Schleicher  frères,  éditeurs,  Paris.  —  Prix  :  1  f^anc. 

La  lecture  de  ce  volume  nous  a  ravi.  Nous  y  avons  appris  quantité  de  choses 
nécessaires  à  connaître,  pleines  d'intérêt,  mais  indispensables  surtout  à  tous 
ceux  qui  se  destinent  k  la  profession  de  médecin  dont  l'auteur,  qui  est  de  la  cor- 
poration, signale  le  bon  et  le  mauvais  cêté. 

M.  Michaut  est  un  guide  précieux  pour  le  père  de  famille  qui  délibère  sur  le 
choix  d'une  profession  pour  son  fils,  et  non  moins  précieux  pour  le  jeune  aspi- 
rant qui  doit  faire  ses  études  médicales  ;  celui-ci  saura  toutes  les  filières  k  tra- 
verser avant  d'atteindre  le  but,  toutes  les  conditions  qull  lui  faut  réunir  :  de 
vocation,  d'aptitude,  d'argent,  de  sacrifices,  de  temps,  les  obligations  qu'il  con- 
tracte, la  vie  qu'il  aura  à  mener. 

Tout  est  prévu,  indiqué,  fixé,  jusqu'au  choix  de  l'appariement,  jusqu'aux  frais 
d'installation,  jusqu'à  l'ameublement  du  cabinet  de  médecin,  jusqu'à  sa  biblio- 
thèque &  constituer. 

Les  concurrences  qu'il  rencontrera  ne  lui  sont  pas  cachées,  non  plus  que  les 
fonctions  qui  lui  sont  ouvertes.  En  un  mot,  chacun  pourra  se  rendre  compte 
des  étapes  à  franchir,  depuis  la  première  année  d'études  médicales  jusqu'au  di- 
plôme qui  les  couronne.  Ensuite  toute  la  carrière  à  parcourir  est  exposée  avec 
une  netteté  précise,  et  tout  cela  dans  une  forme  littéraire  vive,  parfois  incisive, 
toujours  de  bon  goût. 

En  un  mot,  voilà  un  de  ces  livres  vraiment  utiles,  indispensables.  C'est  neuf 
comme  sujet  et  plein  d'attrait  comme  lecture,  même  pour  les  gens  du  monde. 
On  s'y  instruit,  en  même  temps  qu'on  s'y  sent  gagné  par  l'intérêt  de  l'exposé  si 
complet  fait  par  le  D'  Michaut.  Une  illustration  abondante  et  soignée  charme  les 
yeux  à  son  tour,  dans  ce  petit  livre  de  luxe,  d'un  prix  si  minime  pourlant. 


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T4BIE  MS^MITIfiRES 

Contenues  dans  le  tome  XX 


NUMÉRO  58  —  AVRIL 

La  Qoestion  de  Terre-Neuve,  par  Un  Diplomate 5 

Le  Moutement  Féministe  en  Allemagne,  par  M"*  Lily  Braum  Gizycki.       21 
La  Situation  financière  de  l'Espagne  ;  Déclaration  de  M.  Navarro 

Beyertbr,  Ancien  Ministre  des  Finances,  par  M.  Gaston  Routier. . .       66 
Justice  Administrative  :  Notes  sur  la  Reforme  des  Conseils  de  Pré- 
fecture, par  M.  Alexandre  Bluzet 71 

Justices  de  Paix  réunies  et  Juges  de  Paix  délégués,  par  M.  Corentin 

Guyho 82 

La  Partiopation  des  Ouvriers  aux  Bénéfices  dans  l'Industrie,  par 

M.  Roger  Merlin 88 

Variétés,  Notes,  Voyages,  Statistiques  et  Documents  ; 

!•  Dedk  et  Kossuth,  par  M.  A.  de  Bertha 115 

2"  Le  Système  cellulaire  et  le  Traitement  des  Prisonniei'S  politiques^  par 

M.  Christian  Comélissen 13i 

Revues  des  Principales  Questions  Politiques  et  Sociales  : 

1»  Bévue  des  Questions  Ouvrières  et  de  Prévoyance,  par  M.  Arthur 

Fontaine 110 

2o  Revue  des  Questions  Agricoles^  par  M.  D.  Zolla 152 

La  Vie  Politique  et  Parlementaire  a  l*Étranoee  : 

1»  États-Unis,  par  M.  Monroé-Smith 162 

2*  Hongrie,  par  M.  A.-E.  Hom 173 

30  Chine  :  Notes  économiques   et    commerciales   (Premier    article), 

par*** ^       182 

La  Vie  Poutique  ït  Parlementaire  en  Frange  : 

lo  la  Politique  Extérieure  du  Mois,  par  M.  Alcide  Ebray ^ . . . .      190 

2»  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Félix  Roussel 202 

30  La  Vie  Parlementaire,  par  *** 206 

Chronologie  Poutique  Étrangère  et  Française,  par  *** 218 

Bibliographie 223 


NUMÉRO  59  —  MAI 

L*Épargne  Française  et  la  Défense  des  Porteurs  de  Valeurs  Étran- 
gères, par  *** 229 

La  Constitution  et  la  Constituante  :  Deuxième  Lettre  a  M.  Marcel 

FouRNiER,  par  M.  De  Marcère,  sénateur 253 

Un  Siècle  de  Lutte  contre  le  Vagabondage,  par  M.  Louis  Rivière. .      276 

Le  Blé  Contrebande  de  Guerre,  par  M.  Raoul  Bompard,  Député 308 

Les  Sociétés  Sportives  et  les  Cercles  sans  Jeu  devant  le  Fisc,  par 

M.  Desoubes,  Ancien  Député 310 

L'Éducation  Gréco-Latine  et  les  Besoins  de  l'Enseignement  Moderne, 

par  M.  Torau-Bayle 319 


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69 d  TABLE  DES  MATlàRBS 

La  RiFORMB  DU  NOTABIAT  ET  lUnIPICATION  DU    RESSORT   DBS   NOTAIRES, 

par  M.  Emile  Legrand 342 

VARiBTÉSt  Notes,  Voiages,  Statistiques  et  Documents  : 

La  Question  d'Orient  depuis  ses  Origines,  par  M.  Léon  Béolard 358 

Revues  dis  Principalks  Questions  Politiques  et  Sociales  : 

lo  Revus  du  Mouvement  Socialiste,  par  M.  J.  Bourdeau 376 

2*"  Reçue  des  Questions  de  Transports^  par  M.  C.  Colson 387 

La  Vie  Politique  et  Parlebibntaire  a  l'Étranoer  : 

1*  Espagne,  par  M.  Sanobes  Oaenra,  Membre»  des  Certes 400 

2*  Roumanie,  par  M.  P.-G.  CantUli 416 

La  Vie  Politique  et  Parlebientaiae  en  Frange  : 

1»  La  Politique  Extérieure  du  Mois,  par  M.  Alcide  Ebray 422 

2»  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M*  Félix  Roassel 433 

S^  La  Vie  Parlementaire^  ^T  ^f^ 438 

Chronologie  Politique  Éfrangère  et  Française,  par  ^^f** 442 

BiBUoaRAPHiE,  par  XXX. 447 


NUMÉRO  eo  —  JUIN 

A  propos  de  l'Enquête  sur  l'Enseignement  Secondaire  :  Lettre  a 

M.  Marcel  Fournier,  par  M.  Hugues  Le  Uqva, 453 

Les  Lois  et  les  Réglebients  d'Administration  Pubuque,  par  M.  Creovgei 

Oraux,  Député 460 

Les  Bases  Natales  en  Chine,  par  M.  A.-A  Fauvel 485 

Le  Budget  Anglais  dans  ses  Rapports  ateg  le  Principe  delà  Sépaea- 
tion  des  Pouvoirs,  par  M.  Emmanuel  Besson 520 

La  Reforme  des  Boissons  :  La  Législation  Fiscale  de  la  Bibrr,  par 

M.  Maurice  Vanlaer 539 

L'Aménagement  des  Eaux,  par  M.  Charles  Renard 573 

Variétés,  Notes,  Voyages,  Statistiques  et  Documents  : 

Le  VII*  Congrès  International  contre  V Alcoolisme,  par  M.  le  D'  Le- 

flrrain 593 

Revues  des  Prinopales  Questions  Politiques  et  Soqauis  : 

2*  Revue  des  Questions  Coloniales,  par  M.  Henri  Pensa 608 

La  Vie  Politique  et  Parlementaire  a  l'Étranger  : 

1«  Altemagne,  par  le  D""  G.  Montanus 614 

2*  Suisse,  par  M.  Droz,  Ancien  Président  de  la  Confédération 624 

3"  Japon,  par*** 636 

4»  Chine  :   Notes   économiques  et    commerciales   (Deuxième   article)^ 

par  **♦ 641 

La  Vie  Politique  et  Parlementaire  en  France  : 

1»  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Aloide  Ebray 655 

3^  Chronique  Politique  Intérieure^  par  M.  Félix  Roussel 667 

2»  La  Vie  Parlementaire,  par  ♦** 6T3 

Ghronologoi  Poutiqub  Étrangàri  et  Française,  par  XXX 683 

BlBLIOORAPBB * 687 

Le  Directeur-Gérant  :  M.  Fourhibr. 

Para.  --  Typ.  A.  UAVT,  5t,  me  MwImm.  —  léUph<m: 


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Revue  Politique  et  Parlementaire 


FARAISSAMT    LE     lO    DE    CHAQUE    MOIS 


Direetenr  :  Marcel  FOURIVIER 

AGRÉOi  DES  FACULTÉS  DE  DROIT 


Rédaction  :  liO^  rue  de  rUniversité 


Abonnement  :  Un  an,  25  fr.  —  Étr.  et  Un.  P.,  30  fr.  —  Le  N<»  :  3  fr. 


Let  akonii«in«iitt  partent  de  lanvler  ou  de  lutilet. 

Armand  COLIN  bt  G**,  éditeurs,  5,  rue  de  MizièsEs,  Paris 


TABLE  DES  SOMMAIRES  DE  LA  REVUE 

Du  premier  numéro  [Juillet  1894)  au  TV^  58  [Avril  1899) 


Afin  de  permettre  à  chacun  d'apprécier  l'étendue  et  la 
portée  de  notre  œuvre  d'éducation  politique  depuis  cinq  ans, 
nous  avons  pensé  qu'il  était  utile  et  même  nécessaire  de  réunir 
dans  un  même  fascicule  tous  les  sommaires  de  la  Revue  Poli- 
tique et  Parlementaire  depuis  le  !•' juillet  1894. 

On  pourra  ainsi  se  rendre  facilement  compte  de  la  variété 
et  de  l'importance  des  questions  traitées  à  tous  les  points  de 
vue.  On  verra  également  que  la  cpllection  de  la  Revue  constitue 
déjà  une  sorte  de  manuel  indispensable  à  tous  ceux  qui  veulent 
suivre  d'une  manière  à  la  fois  élevée  et  pratique  la  marche 
des  événements  politiques  et  le  mouvement  politique,  social, 
financier  et  économique,  aussi  bien  en  France  qu'à  l'étranger. 

Le  succès  de  \dL  Revue  n'a  fait  que  s'affirmer  chaque  année. 
Son  autorité  est  aujourd'hui  consacrée  dans  les  milieux  poli- 
tiques français  et  étrangers. 

Ce  succès  est  dû  à  notre  impartialité  absolue.  Nous  nous 
efforçons,  en  effet,  de  nous  placer  au-dessus  où  à  côté  des  partis- 
Nous  avons  admis  des  collaborateurs  de  toutes  les  opinions. 
Nous  avons  aussi  provoqué  des  discussions  contradictoires  sur 
les  questions  les  plus  importantes. 

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— .  2  — 

Ainsi  la  Revue  poursuit  réeliement  son  but  qui  est  avant 
tout  d'élever  et  d'éclairer  les  débats  politiques  et  parlementaires  ; 
ainsi  elle  poursuit  également  une  autre  mission  qui  est  de  créer 
un  organe  approprié  pour  tous  ceux  qui  se  préparent  à  la  vie 
publique  et  elle  contribue  à  la  solution  de  ce  problème  si  impor- 
tant :  une  meilleure  éducation  des  cadres  de  notre  démocratie 
française. 

Nous  espérons  qu'après  avoir  pris  connaissance  de  nos  tra- 
vaux, un  grand  nombre  de  lecteurs  nous  aideront  à  poursuivre 
notre  œuvre  et  à  perfectionner  davantage  un  organe  aussi  pra- 
tique et  aussi  utile,  que  l'on  peut  encore  développer.  Tous  les 
concours,  sous  forme  d'abonnement  fixé  à  un  prix  minime 
(25  francs),  serviront  ainsi  à  un  nouveau  développement  de  la 
Revue  qui  devrait  être  placée  dans  toutes  les  bibliothèques  et 
sous  la  main  de  tous  ceujc  qui  s'intéressent  ou  participent  à  la 
vie  publique. 

• — <  ♦  » — • 

TABLE  6ÉNËRALB   DES    SOMMAIRES 


SÛUIIÀIRB  DO  N*  1  (JUIUKT  iSII) 

Articles.  —  1.  Notre  Pro^nnBe.  par  M.  MAmesL  Poommka.  ^t,  Ijt  Récfm*  PtolentftUi»  m  IM4,  par  M.  ha% 
SiMOiv,  de  r Académie  française.  Sénateur.  ~  3.  La  Réforme  Parlementaire  par  la  RéTÎsion  da  Règlenrant  de  la 
Ctemlire.  par  H.  Tb,  Fartcil.  -^  4.  La  Régim  Kaoal  des  MuUlioM,  ptr  IL  J.  Boobmem,  DtfuU.  ^  5.  La  Loi 
sur  les  Bureaux  da  Plaoeroent,  par  H.  Tyta  Gotot,  ancien  Ministre,  —  6.  La  Réforme  Fiseite  «nPmaaa,  par 
M.  A.  Ravpamwkm.  —  7.  Les  AccMeots  d«Trav^  :  BUi  actuel  de  la  qocstîoa  dereaile  raik— nt  tnmgsàB.pt 
M.  Uaurics  Bcllob,  Tnffênieur  des  mines.  •»  8.  La  Question  des  Ckemios  de  Fer  derant  le  ^rienent  et  devant 
rOpinion^par  M.  DcacwM,  Député. 

Tartétés.  —  1*  Les  R?6latio&s  do  la  Froprk^i^.  FoftcRrc  et  le  Socialisât  en  Qrtec,  parM.  Do^msb,  ConsiSOer  é 
la  Cour  de  Paris.  —  i*  L'Institut  de  Oroil  international  oi  ce  Sesaioa  de  Paris  en  1694,  par  M.  A.  Wn«.  Pf- 
fessmcr  a  la  Fatuité  de  Droit  et  Parit. 

La  TIe  pollllqve  et  parlemencatre  en  France,  par  M.  Ptux  Rovmil. 

La  TIe  »ellU4iie  et  iMrteflieMalre  à  réiranger.  ^  i*  Saisse,  par  M.  H.  Daw,  wuêm  Préeiimd  êe  U 
Confédération  Suisse,  —  2*  Italie,  par  M.  N.  Coijuanri,  Membre  du  Parlement  Italien, 

Eiac#ettra«aMMrteiiientalra  aul^'Jnlii  lt94* 

ReToei  des  fattt  pollil^vei,  économiques  et  sociaux. 

SOMMAIRE  DU  N*  2  (AOUT) 

Articles.  —  i.  A  propos  de  la  Présidence  de  la  République,  par  M.  Fbrdutatio-Drxtftts,  anei«n  Député.  —  2.  De  la 
DèKfgatien  du  Foinnoir  Léfislatif,  à  rocoaBimi  d«  Prqfet  dit  <  des  pleins  pomiote  »,  préiWti  par  M.  Cnspi  ■• 
Parlement  Italien,  par  M.  A.  Esmnc,  Professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris.  —  3.  Questions  Algéi'ieanes  : 
La  St^curité  en  Algéj-io  et  le  Budget,  par  M.  Btieicnb  Flaiydin,  Député  4e  fTmrne.  ^  4.  J.a  IVepoaiCioB ésiMàs 
M.  Bérengcr  sur  la  Prostitution  et  les  Outrages  aux  Bonnes  Mœurs,  par  M.  Paul  Robioobt,  Avocat  sot  ComstU 
dEtat  et  à  la  Cour  de  Cassation.  ~  S.  Les  Caisses  d'Epargne  et  le  Projet  de  Leioiiganiqne  devant  le  Parleoient 
français,  par  M.  Edgêkb  Rostaivd,  Président  de  la  Caisse  d^ Epargne  de  Marseille.  —  6.  Les  Tâdphones  «i 
France,  par  M.  Ciu,aLB8  Gn>«,  Professeur  de  la  Faculté  de  droit  de  Montpellier, 

Taiiélês.  —  1*  L'Assurance  Obligatoire  contre  le  Chômage  dans  le  canton  de  S&inii^xall,  par  M.  Iat,  Prof^ssmt 
d  la  Faculté  de  droit  de  Paris.  —  2*  Correspondance  :  La  Politique  en  AUemagne,  par  M.  Hbbii«  Paobub^ 
Membre  du  fteicHstaç. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  l*  Allemagne,  par  M.  le  D' C.  MortAinis.  — 2*  Aatriaha, 
par  M.  le  Professeur  Bxma,  Membre  du  Parlement  Autrii^aen.  —  !•  Hongrie,  par  M.  le  D'  Aar.-B.  V 

La  \le  politique  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Peux  Roussbl. 

Mevue  des  faits  politiques  économiques  et  i 


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—  t  — 


âltlclef.  ~  1.  la  Pofioe  et  YAuloritS  SunicâpiAe,  ^ar  IL  Maiuiicx  Blocs,  Menéart  de  TînsHtut.  —  2.  La  Pro- 
(pâêié  dm  Hmm  et  k  PivticyMtion  ans  Béaefiois,  jwr  H.  Hanm  Blaac,  DépvAi  de  la  MatOe-Èôire.  —  3.  Le 
Il6giiDe  flet  Aliénés  êtmat  la  PârleraeBl,  ptr  V.  i»  Mout^  MtXtrt  ê»  Hegviie»  ixu  €<m»e{l  SJCiat.  —  %.  La 
Ligue  bimétalCcnie  UiUTeraelle,  par  H.  Clacqii»  Catla,  Heceoeur  fardctdier  dea  Nuances.  —  5.  lies  Intérêts 
français  et  les  Compétitions  anglaise  et  allemande  à  la  Cl  le  Ocdâentaie  «TAfriga^  pnr  II.  le  D*  Houirk.  —  6.  La 
Loi  ponr  U  piotaoiioa  da  la  Santé  jmbliipie,  jpv  IL  Cbiau»  Iajoas. 

Tarlétés.  —  1*  Le  MouTanoat  PuïMién  «t  les  DmïU  de  laXeugan,  gu  M.  IUoul  m  ia  OiuwnuE,  Juge  au  Tri- 
bunal de  Bennes,  —  2«  La  ÛuealMB««réfiaM,  fêrM.  Taap-Xaaao .  Jh-c/tÊÊtw  dâ  .^itmi  à  rUmotnmU  impériale 
de  Tokio. 

La  Tle  polldqiie  et  panementalre  à  l'étranger.  *-  l*  An^tona,  y»  K.  AuKta  iSmvu  iVenér* 
du  Parlement  Anglaie.  —  2*  Pays-Bas,  par  M.  Maoalbstkr-Lodp,  Bidacteur  en  chef  du  journal  «  Het^ 
Vaterland  ». 

La  Vie  #ollil«Be  et  jartrirnialm  ea  V^rasee,  par  M.  Ftuz  Rovuk 
aeT«et  ^M  tatm  jolUftiwi,  taMMHlMat  et 


âl«lcin.  — ^  L'ftrieataiiMi  d»  la  Pditique  Colaaiale  et  le  ItiaistèM  dea  Cakmifis,  ^ar  IL  Al.  Isaac,  Sénaéeur 
de  la  Gxmdnhupe.  ~  S.  La  Gaiaaa  Naiioaak  de  PréToyaace  deTaat  le  fiariegaent,  par  Jl.  J.  IkiAu,  DipuU 
dlndte-etrJ^s^^.  «-  L  L&uA  Maaiddié  oonuie  Pai^priéié.  par  Jl.  L.  No^ruiair.  ^  i4^  Les  Marebës  iiaaiioiai» 
insugÊM  et  étrangcM  (Mates  mt  leur  Organiaatiaa  compai^),  jmt  M.  Bumàn-fiioac»  Lftrr,  J^rofetteewr  A 
r Ecole  des  Science»  politique».  —  5.  Lo  Régime  des  Aliénés  berant  le  Parlement  {Suite  et  fin),  ^c  M.  db 
,  Matttt  dm  Meçtiéiê»  a»  <Cmi»Êild:StaL  —  6,  La  CanKsoion  ^ttaiarliMaanlsisa  da  T^oftôt  sar  ies 


Tariétéf .  —  1*  Conséquences  financières  d'une  Loi  d'Assistance,  par  M.  Gborgxs  Ronoel. 

La  \te   polltlqae  et  parlemeiitalre  fc  rétraofer.  —  i*  AlkniagQe,  far  H.  le  IH  C.  ttofriAinM.  — 

2*   Autriche,  par  M.  le  D'  B.  Coaiv.  —  3*  Serbie,  par  M.  DaAOOuooa  SriLOEOsancH,  Aneitn  tecrétaire  de 

légation, 

JéB  Tie  poua^ue  et  parlementaisa  mm  nnaea.  far  M.  ëâLm  ftoussxL. 
4akr«Md[agte  jp<nitltae  émufère  et  tnmçÊâAt. 

fiOMHAAt  hVJUS  ^naTSMIRE) 

ArtlelCft.  —  1.  La  Codiflcatioo  en  Buropa  au  xa*  rîèda,  par  M.  E.  GiAasoH.  Memibr»  de  l*Jn»titut.  —  2.  La 
Réftraia  Parlenentaire,  par  M.  Ana*  Looir.  Député,  —  3  La  Question  des  Sucres,  par  V.  Chahlks  Roox, 
Député  de  Maneille.  «-  é.  La  Conléronce  iaterparlemttitaire  de  la  Haye  et  Je  UouveiDeat  Pacifique,  par 
M.  llaKVOB,  Ancien  Député,  ^  3.  La  Question  des  Accidents  du  travail  et  le  Coogrès  de  Kiba,  par  M.  Yves» 
GmoT,  AndêuJimiiire.  —  6u  Da  Hdéa  M  de  TAvanir  des  Consens  du  Trayail,  par  ii.  H.  Dspasss,  Membre  du 
Commleupéneur  du  Iraomil, 

Variétés.  —  1*  Musées  sociaux:  Le  Musée  social  da  Caasanratoire  des  Arts  .«t  Jkiétiees  et  la  Maaée  sociaJ  du 
ODBte  de  ChaaBLbrua,  par  M.  MAacsL  FooRMna.  — ^  2*  Le  Japon  asodema  et  la  Question  eoréeune,  par  M.  Movo- 
Tosi  S*au«.  --  9*  Llaeaaie  tas  «os  BtilB^-ilaia.  par  JIL  Bnaw. 

La  Vie  p«lltlqae  et  paitemeMatre  à  rétramier.  —  i*  Bepa«>Be.  par  M.  6.^.  QmmmA,  àfembne  du 
Parlement  eepagnol,  ancien  âou»-$eerétaire  dEtat.  —  2*  Hongrie,  par  II.  de  0*  A^S.  Baaii. 

La  Vie  poiltlqoe  et  pariemeatalre  ea  France,  par  H.  Félix  BooaaaL. 

Cbronolosle  politique  étrangère  et  I 


SOMMAIRE  DU  !!•  4  (!•*  DÉC3HKŒ) 

AMM«.  —  t.  La  Budpat  de  la  Mariae,  par  M.  Hona  BaasaoK,  Dêpaiié,  ameim  Minùtre.  «-  i.  Le  Bad0at  de 
llatirieur  :  Pdliœ  «t  Sûraté  générale,  par  M.  Josan  Rcuvmjhl,  Député.  ^  3.  La  Codification  an  Europe  au 
xn*  Mède  :  fitat  adaal  de  la  Qvestisa  an  Fsanee;  par  M.  E.  Gimuoic,  Membre  de  flmtitut,  —  4.  Ameoderoanls 
déstaaMee  an  prajat  da  loi  sur  les  Droits  auocesaomui,  par  M.  Miaocl  PoDHinaa.  -—  S.  Le  Régime  fiscal  dcn 
ftwocsaiona^  par  M.  fiAiMRAaooa.  —  6.  Le  Service  des  Bufanls  Aeoietés,  par  M.  E.  fianrraa.  Membre  du  Con»eH 
^Kpérimr  de  i'Amittanee  publiée.  —  7.  La  Réforme  de  i'mpM  das  Boissoos  et  fe  Prsijet  de  IL  Poinoaré,  par 
M.  A.  Gabriel  Dksbats.  —  8.  Le  Budget  et  les  Chemins  de  fei,  par  M.  E.  DiLoiuie. 

Variétés.  —  Les  Différents  projets  de  Caisses  des  Retraites,  par  M.  E.RooBBnN. 

La  Vlepolldaiie  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  l*  Angleterre,  par  M.  J.  Paaker  Smith,  Membre  du 
Parlement  AngUù».  —  2*  Suisse,  par  M.  N.  Droz,  Ancien  président  de  la  ConfSdiratipn. 

La  Vie  politique  et  parleoMsialre  en  France,  par  IL  Feux  HoasacL. 

Lois,  Décrets  et  Etats  des  Travaux  législatifs. 

Clironologle  politique  étrangère  et  française. 


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—   4   — 

SOMMAIRE  DU  N»  7  (5  JANVIER  18W) 

Arttelei.  —  l.  QuatoneMoif  de  LégisUtore,  par  M.  E.  Spvujir,  Sénateur.  —  î.  La  Réforme  Sacceuorale 
derant  la  Chambre,  par  M.  L.  B<)ooiifoOT,  Député  du  Paê^ie-Caîaitt  —  3.  De  l'Impôt  sur  le  Rerenu,  par 
}A.  Eèolb'Woiimm^  Professeur  d  la  Faculté  de  Droit  de  Bennes^  Correspondant  cfe  fintftetU.  —  4.  La  Limite 
d'&ge  des  Officiers  de  l'Armée  de  Terre,  par  M.  ***.  ~  9.  L'Organisation  du  Travail  Parlementaire  au  Retcbstaf 
Allemand,  par  M.  le  D'  H.  Pacbrickk,  Membre  du  Keichstag  Allemand.  ~  8.  La  Question  des  Beurres,  par 
M.  J.  Charlm-Rodx,  Député  des  Bouckes-^M-HMne,  —  7.  L'Institution  des  Sous-Secrétariats  d'zslat,  par  M.  B. 
DU  ViyiKR  M  Strri..  —  8.  Mutations  et  DégréTement»,  par  M.  Lton  Salifrahodk.  —  9.  Correspondance  :  La 
Uiissie  à  la  mort  d'Alexandre  III,  par  M.  la  Tloomte  Combis  de  Lbstrade. 

Variétés.  —  Les  Assemblées  de  la  Révolution,  par  M.  Padl  Bosq. 

La  Vie  poliaqoe  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  i*  Allemagne,  par  M.  le  0'  G.  Mortaku».  — 
î*  Autriche,  par  M.  Gcstavk  Konr.  ~  3«  Danemark,  par  M.  Wm.  CAasTEirsEir»  Sénateur, 

La  Vie  poliaqae  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Féuz  Roussel. 

Lois,  Décrets,  Etat  des  Travanx  lérlslatlfs. 

Gbrpnoloffle  politique  étrangère  et  Arançaite. 

SOMMAIRE  DU  N*  8  (5  FÉVRIER) 

Articles.  —  1.  Le  Règlement  âtU  Chambre  Italienne,  par  M.  R.  Bovohi  ,  Ancien  Ministre,  Dépiuté  «a  Parle- 
ment Italien.  —  1.  La  Codification  en  Europe  au  zix*  siècle  :  ÉUt  Actuel  de  la  Question  à  l'Étrange,  par  M.  E. 
Glabsoh,  Membre  de  Hnstitut,  Professeur  A  la  Faculté  de  droit  de  Paris.  —  3.  Projet  Radical  do  Réforme 
Générale  de  l'Impôt,  par  M.  RxRt  Stodrm,  Professeur  à  T École  des  Sciences  Politiques.  —  4.  Le  Congrès 
lutemational  des  Accidents  à  Milan,  et  la  Garantie  Obligatoire  de  l'Indemnité,  par  M.  E.  Cbbtssou,  Inspecteur 
Général  des  Ponts  et  Chaussées»  Professeur  d  FÉcole  des  Sciences  Politiques.  —  5.  Les  Lirres-Fonciers  et  la 
Conmiission  extraparlementaire  du  Cadastre,  par  M.  J.  Challambl.  —  6.  Projet  de  Loi  sur  l'Exerctoe  de  U 
Pharmacie  et  le  Droit  de  Vente  des  Médicaments  dans  les  Hôpitaux,  par  M.  J.  LaroaT,  Avocat  au  Conseil 
d'État  et  d  la  Cour  de  Cassation.  —  7.  Le  Chèque  en  France  et  en  Angleterre,  par  M.  G.  Frakçois. 

Variétés.  —  1*  L'Influence  de  l'Émigration  des  Campagnes  sur  la  Natalité  Française,  par  M.  Hshu  Lahmks.  — 
2*  De  la  Suppression  de  l'Agrégation  de  l'Enseignement  spécial,  par  M.  P.  Gaowbs,  Professeur  à  la  Faculté  ù 

■    droit  de  Paris. 

La  Vie  poUtlqoe  et  parlementaire  A  l'étranger.  —  i*  Belgique,  par  M.  Bkrtraicd,  Membre  du  Paie- 
ment Belge.  — 1«  Finlande,  par  M.  Eot.  Berge.  —  3*  Italie,  par  M.  R.  BoNcm,  Membre  du  ParieBint 
Italien. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Ftux  Roussbl. 

Etat  des  Lois,  Décrets  et  TraTanx  législatifs. 

GMronolorlc  politique  étrangère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  N*  9  (5  MARS) 

Articles.  —  1.  La  Statistique  et  la  Démocratie,  par  M.  FkaicASO  Faurk,  Ancien  Député,  Profeeeew  à  la  Faculté 
de  droit  de  Paris.  —  2.  Le  Congrès  International  des  Accidents  à  Milan  et  la  Garantie  Obligatoire  de  llndem- 
nité,  par  M.  E.  CacTasoir,  Inspecteur  Général  des  Ponts  et  Chaussées^  Professeur  d  F  École  des  Sciences  poUti" 
ques.  —  3.  Une  Loi  d'Exception  en  Matière  Communale  en  Hollande,  par  M.  W.-H.  de  Bcaotort,  Membre  du, 
Parlement  hollandais.  —  4.  Les  Sociétés  Coopéralives  et  le  Projet  de  Loi  présenté  au  Sénat,  par  M.  Hubxkt 
Vallbrodx.  —  5.  L'Exercice  de  U  Médecine  Vétérinaire  et  le  Projet  de  Loi  du  Gouremement,  par  M  M. 
Hadriod,  Professeur  à  la  Faculté  de  Droit  de  Toulouse.  —  6.  Taxation  et  Bienfaisance  :  !*  Les  Libéralités  aux 
Etablissements  Publics  devant  U  Loi  fiscale,  par  M.  L.  SALiPRAivQns  ;  2*  Quelques  mots  sur  les  Sociétés  de 
Bienfaisance  reconnues  d'utilité  publique,  par  M.  FtamtfAirD  Dreyfus,  Vice- Président  du  Comité  Central  des 
œuvres  du  Travail,  —  7.  Des  Recourrements  sur  Contributions  directes  et  des  Poursuites,  par  M.  JaAx 
Darct.  —  8.  Le  Service  Militaire  aux  Colonies,  par  M.  A.  GnuuLT,  Churgé  de  cours  à  la  Faculté  de  Droit  de 
Poitiers.  —  9.  Les  Compagnies  de  Chemins  de  fer  et  les  Droits  de  l*ÉUt,  par  M.  6.  BArixau.  —  10.  Correspon- 
dance :  Lettre  de  M.  E.  Lkvasskor,  Membre  de  F  Institut. 

Variétés.  —  1*  La  Russie  et  la  Question  Bulgare,  par  M.  L.  L.  Biu.L*.  —  2*  Le  Legs  Zappa  {Conflit  gréco-rou- 
main), par  M.  Ttpaldo-Bassia,  Professeur  de  Droit  d  la  Wniversité  dt Athènes.  —  3*  Souvenirs  sur  Stambouloff, 
par  M.  Eo.  Séugmarit.  —  4*  La  Réforme  du  Notariat,  d  propos  d'un  livre  nouveau^  par  M.  J.  CnARnon, 
Professeur  à  la  Faculté  de  Droit  de  Montpellier. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  A  rétranf  er.  —  1*  Grèce,  par  M.  PniLARtTos,  Ancien  Ministre.  — 
2*  Pays-Bas,  par  M.  Macalsstsr-Loop,  Bédacteur  du  ■  het  Vaterland  ». 

La  Vie  pollllfue  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Ftux  Roosssl. 

cnronoloffle  pouaque  étrangère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  N*  10  (5  AVRIL) 

Articles.  —  1.  Lettre  sur  la  Décentralisation,  par  M.  db  Margbri,  Sénateur^  Ancien  Ministre.  —  t.  Les  Contro- 
verses sur  la  Décentralisation  Administrative.  Étude  Historique,  par  M.  Lfton  Aococ,  Jlfemôrtf  de  f/nktiM, 
Ancien  Président  de  Section  au  Conseil  d'Etat.  —  3.  La  Mairie  Centrale  de  Paris,  par  Uif  Aivcnm  Pacrar.  — 
'4.  La  Décentralisation  par  les  Établissements  Publies,  Lettre  M.  M.  Haurioo.  —  5.  La  Réforme  du  Notariat,  par 
M.  A.  DoDARcne,  Conseiller  à  la  Cour  de  Paris.  —  0.  L'Assurance  Ouvrière  et  la  Caisse  Nationale  des 
Retraites  pour  la  Vieille^ise,  par  M.  Raoul  Jat.  —  7.  La  Loi  sur  l'Assistance  Médicale  gratuite  devant  les  Con- 
seils Généraux,  par  M.  G.  Rostobl.  —  8.  A  Propos  de  l'Unifiée  Égjrptienne,  par  M.  A.  Soocaoïr,  Professeur  i 
la  Faculté  de  Droit  de  Lyon. 

Variétés.  —  Uuo  ^lude  sur  M.  Gladstone,  par  M.  G.  Bodrcart. 

Correspondance. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  A  l'étranger.  —  l*  Espagne,  par  M.  SAircHn-GvBRRA,  Membre  du 
Parlement  Espagnol.  —  2*  Hongrie,  par  M.  A.-E.  Horr.  —  3*  Russie,  par  M«  Baschmakoft. 

La  Vie  politique  et  (parlementaire  en  France,  par  M.  Félix  Roosskl. 

Lois.  Décrets  et  Étal  des  Travaux  législatifs. 

Oiàronolosle  poUtlque  étrangère  et  française. 


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—  6  — 


SOMMAIRE  DU  N«  11  (5  MAI) 

Articles.  —  1.  La  Politique  Espagnole,  par  H.  Emuo  Gastblar.  ~  2.  Les  Controverses  sur  la  Décentralisation 
Administrative.  Étude  historique  (fin),  par  M.  Léon  Accoc,  Membre  de  VInstxtut,  Ancien  Président  de  section 
au  Conseil  ^État»  —  3.  Les  Conseils  de  Prud'hommes  et  le  Projet  de  loi  sur  leur  Organisation  devant  le  Parle- 
ment, par  M.  Gkcst,  Député  de  la  Gironde.  ~  4.  La  Question  des  Octrois  et  de  TExpérience  de  Lyon  pai 
M.  H.  Bbbtsklbmt,  Adjoint  au  maire  de  Lyon.  —  5.  L'Enquête  sur  les  Bourses  en  Allemagne  et  le  Nouveau 
Projet  de  Réglementation,  par  M.  A.  Raffalovich,  Correspondant  de  rjnstitut.  ~  0.  Les  Petites  Propriétés 
Rmrales  et  le  fisc  en  Belgique,  par  M.  L.  SALKnuiiQUB.  —  7.  La  Réforme  récente  des  Taxes  successorales  on 
Angleterre,  par  M.  Loms  PAm^Dcaoïs. 

ITtorlélés.  —  I*  La  Pairie  sous  la  Restauration,  par  M.  H.  Mo^nf . 

La  Tie  politique  et  parlementaire  A  l'étranger.  —  !•  Angleterre,  par  M.  T.-H.  Austoother,  Membre 
du  Parlement  Anglais.  —  2»  Allemagne,  par  M.  le  D'  C.  MoirrAiros.  —  3»  Serbie,  par  M.  Drao.  SvaoaossiTCH. 

La  Vie  poliaqne  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Fftuz  Rooswl. 

La  TIe  Coloniale  en  France  et  à  l*Etranf  er,  par  M.  le  D'  Rocirx. 

Lois,  Décrets,  Etat  des  Travaux  législatifs. 

caironoloffle  politique  étrant ère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  N*  It  (5  JUi!^) 

Articles.  —  1.  L'Impôt  sur  la  Rente,  par  M.  Ltoïc  Sat,  de  F  Académie  française.  Député.  —  2.  Le  Projet  de 
Budget  de  1896,  par  M.  Paul  Dklombrs,  Député.  —  3.  La  Suppression  des  Octrois  et  l'Expérience  de  Lyon, 
par  M.  H.  ^bthblbmt,  Adjoint  au  maire  de  Lyon.  —  4.  Les  Services  Maritimes  postaux  entre  la  France. 
l'Algérie  et  la  Tunisie,  par  M.  H.  Colbox,  de  la  Hépublique  française.  —  5.  Projet  d'Entente  Monétaire  Inter- 
nationale, par  M.  Claudids  Catla,  Iteceveur  des  Finances.  —  6.  La  Question  des  Accidents  du  Travail  devant  le 
Parlement  Français,  par  M.  Paul  Pic,  Professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Lyon.  —  7.  Le  Canal  des  Deux  Mers, 
par  M.  H.  Peusa. 

Tarlétés.  —  l*  De  la  Division  du  Travail  social,  par  M.  Th.  Fernkcil.  —  2«  Vagabondage  et  Mendicité,  par 
M.  FnmauRD-DRKTrns,  Ancien  Député. 

La  Tle  politique  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  1*  Suisse,  par  M.  Numa  Dboz,  Ancien  Président  de 
la  Confédération.  —  2«  Grèce,  par  M.  Philarbtos,  Député,  ancien  ministre. 

La  Tle  politique  et  parlementaire  en  France,  par  M.  FtLix  Rousasu 

ittat  des  Lois,  Décreu  et  Travaux  législatifs. 

dffonolofle  politique  étrangère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  N»  13  (5  JUILLET) 

Articles.  —  1.  Les  Causes  Morales  et  Sociales  du  Socialisme  contemporain,  par  M.  Edmoivd  Vilbt,  Doyen  de  la 
Faculté  de  Droit  de  Caen,  Correspondant  de  t Institut,  —  2.  L*lmpôt  sur  la  Rente,  par  M.  PsaitAND  Paurk, 
Ancien  Député,  Professçur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris.  —  3.  i^onomies  à  faire  au  Minislère  des  Finances, 
dans  le  service  des  Trésoreries  générales  et  des  Receltes  particulières,  par  M.  Boudbnoot,  Député  du  Pas-de- 
Calais.  —  4.  Encore  Napoléon,  par  M.  Hekhi  DotnoL,  Membre  de  flnstitut.  —  S.  La  Législation  des  Sociétés 
de  Secours  Mutuels  devant  le  Parlement  Français,  par  M.  Maurigb  Bellom.  Ingénieur  des  Mines.  —  6.  Des 
Indemnités  aux  Victimes  des  Erreurs  Judiciaires,  par  M.  Ed.  Selicman.  —  7.  Les  Conseils  Généraux  et  \a 
Décentralisation,  par  M.  Sallbs.  —  8.  Les  Valeurs  Mobilières  Étrangères  et  le  Budget  do  1896,  par  M.  M. 
Jmc:rAC. 

Tarlétés.  —  l*  A  propos  do  18  fruetidor,  par  M.  L^oïc  Beclard.  —  2*  Vagabondage  et  Mendicité  (suite  et  /in), 
par  M.  FsRDUfAim-DRSYFus,  Ancien  Député, 

La  Tle  politique  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  1*  Autriche,  par  M.  Costa vs  Kobji.  —  3*  Danemark, 
par  M.  GARSTinsBir,  Membre  du  Landsthing  {Séhat). 

La  Tle  politique  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Peux  Roossel. 

Caironologle  poliaqne  étrangère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  N*  U  (5  AOUT) 

Articles.  —  l.  La  Discipline  de  la  Légion  d'Honneur,  par  M.  Ltoif  Aococ,  Membre  de  V Institut,  ancien 
Président  de  Section  au  Conseil  dÉtat.  —  S.  La  Politique  espagnole,  par  M.  Ehilio  Castelar  [suite  et  fin).  — 
3.  De  la  Représentation  Professionnelle,  par  M.  Raoul  de  la  Grasseric.  —  4.  La  Révision  de  la  Législation 
vicinale  et  la  Réforme  de  l'Impôt  des  Prestations,  par  M.  J.  Cazellrs,  Conseiller  généra/  du  Gard.  — 
S.  L'Élection,  des  Sénateurs  à  propos  des  Propositions  de  MM.  Maurice  Faure  et  Guillemet,  par  M  Léoiv  Docurr, 
Professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Bordeaux.  —  6.  Le  Droit  de  Suffrage  et  le  Vote  des  Electeurs  absents  et 
empêchés,  par  M.  H.  Pascaud,  Conseiller  d  la  Cour  de  Chamhéry,  —  7.  La  Caution  Judicatum  Soivi  et  la  Loi 
dn  5  Mars  1895,  par  M.  F.  Sorville.  —  8.  Les  Délais  de  Protêt,  par  M.  G.  François. 

Tarlétés.  —  Les  Hommes  d'Etat  étrangers  contemporains  :  Le  Marquis  di  Rudini,  par  M.  le  D'  Fiamiroo. 

La  Tle  politique  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  l*  Angleterre,  par  M***,  A/emdrecfuParfemeiK. 
—  2*  Etats-Unis,  par  M.  N.-B.  FRKDBaicKssir.  —  3*  Italie,  par  M.  R.  Bongbi,  Ancien  Ministre, 

La   Tle  politique  et  parlementaire  en  France,  par  M.  Falix  Rodssbu 

Caironoloffle  poUttqne  étrangère  et  française. 


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—  6 


SOHMMRB  IKJ  H*  «.Ql  SBPXnUBE) 

AMtelU*  —  t.  La  Monopole  do  TAlcool  «n  Sause,  pu  Bt  Noia  Droz,  Ancien  PrétnderU  de  la  Confédération. 

—  2.  Les  Anodatfbiu  et  HÉtit  dGu»  Ik  CuUe.  coafYe  fo  Qrime;  par  H  fBiNwrJba.  -*  3".  C'âl^Btnii  dw  Sé«»- 
tevra.  à  propos  des  propositioiis^de  Ifll.  Maoriea  l^ure  et  GirillHiMt,»  p«  V.  tixar  Ih»mr,  J*ha/ft»i»eiiy  4  'a 
Faculté  de  droU  de  Bwdenw  {Suit»et  fin).  —  «.  ta  Chwctïg  et  les  DësaHbra»  Pt^yositioar  ClaCBiDliBi  an 
PuleMieiit,  par  M.  vt'  fHjmooa.  —  5.  fte9  Originee»  ^tabmmtMirm^mm  Étata-Oiii»  :  Anr  Éléelliair  Coteaîaik*  ea 
Virgfate,  pM  IT.  o»  CiujiBBQif . 

VàrMtiSi  — '  t»  Le  T>  Geag«è»^pé«itaii«i«{M!  lofemationiiv  PHna  iSOSvpavlL.  M.  GmLLOioT.  — Sr  La  (IrasIfoD 
Ouvrière  en  Angleterre  d'après  un  Livre  Récent,  par  If.  MjLZB-GairaïKR. 

La  Tie  polltiqae  et  parlementaire  à  nmmawm  .  --  ft*  kn^tâmem^fm  U^%,^r<  M\tnére  dm  MmUf 
mette  An§iaim  ^f  Belgiq»,  pae  M.  L.  Bhitrano^  Memim  dtu  Bariemmt  Belge.  —  3*  PafV^BaK  B** 
M.  MackLamzwhticp,  Bééactemr  «»■  Met  VaterUmà  •^. 

La  ¥le  Coloniale  en  Franee  <t-».infelwmgtM  par  M^  1»  B^  Btemnm. 

État  des  Travaux  parlementalreflt»Hi. Ute «^  la  MBStM  wÉWIwifca  îMê^ 

Glironolofle  polltiqae  étrangère  et  française. 

SOmiAIRB  DU  N*  16  (5  OCTOBRE) 

Arlfclas.  —  1*  Notes  sur  le  Collectivisme,  par  M.  Anonssa  BoaoaMj,  Ancien  Président  de  la  Chambre  éa 
liéfnués.  —  1  ConaJdftatïODs  sor  l'ÎSUt  de  H  Ifraaco  1^  n&tfrimn  pari,  flbna  HomoL,  Ifemàrv  dk  iTIsmftr. 

—  3u  L'AIsaee-Lorrame  et  te.  PtojeC  db  ïent^lfsctloii,  par-  V.  fil   Rbvàinr  am  Gamv.  — *.  Ces   Piugifci  de 


Réforme,  des  Droits  tfEnregfiafreiagny  et  de  Timbre,  par  M.  Acusat  Wjkoi.  ~  f.  La  ttftiButialfoatfen-  d"  ks 
Financée  des  AdmmistBati'bns  locales  en  TtaKe,  par  If.  KtauMt  bblla  Tbm,  Pht/éteesÊr  d  fÉeo9t  4^  JUbmi 
jmtiti^fte»  de  Ftorense.  —  6.  LaJ^'stotion  0Ouaniè«e  die&  Btct»-Uiri»,,p8r  ft  d  D^dbmvtcMiRf. 

Tariétés.  —  l"  Nos  Moeurs  Pariementaircs  d'apr&s  une  Etude  récente,  par  K.  Eugeivs  o'T^cBtBAa^  —  f^  Vtmor 
ranoe  Oblif^toire  contre  le  chômage  dans  la.  comaounc  de  Saint-Oall,  par  M.  Raou.  Ja.t.  —  ï«  ta  Francs  so«k 
Réfrûne  du  Suffrage  tTnfrersel,  par  M.  /dlbs  Cabooat. 

Ui.¥le  p«lltHine  et  parlamantalre  à  l'élran«er.  —  l*  Allemagne,  par  B.  le  I>^  It  VoirrAKcs.  - 
3«  Espagne,  par  M.  J.  S'aucbkz  Gotiuk^  AneUn  Sbue-Seotétabv  <FÉtHt,  JHeteénf  dm  f^eHStmeni  SkiptfmL 

La  ¥le  polltiqae  et  parlemenCalr»  en  france.  par  M.  Ftux  Roomkl. 

Cbronoiogle  polltiqae  étranfère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  N*  h  (5  NOVEMBRE) 

Articles.  —  t.  Le  Protectorat  de  Madagascar,  par  M.  Alprsd  MAiiTni««ir,  Ancien   Député^  Déléçtté  de  No9ti-Bé. 

—  2..  Quel  est  l«Trai  seasdn  mot  Prolétaire,  par  M.  MicAbl  BaftAb,  Membre  de  Vlnttitut,  Profeseeur  au  Collège 
de  France.  —  3.  PfifloeoplUa  de  TAssiataatfa,  par  HT.  Josanr  Kanmoi,  DëptSBt  dm  MmMm  AJpm.  — *>.  ASali 
Cbmpftmentaiae  sur  leMooopeletde  TAlcoor  en  Suisse,  par  S.  ^9xmx  0inxr,  Aneim  PMeUnU  dèr  la  Cmf94Ant»9n- 

—  %tm  Police  selon  un  Bommo  ^tlaX.  Pniisien  da  xtui'  ailde,  par  K.  HAOïner  Asoca,  Memêre  ée  Ifmwikut. 
^  6«  ucoQomiesk  faire  an  MinisCèn  des  Finance»  d&mr  le  service  desTIrÉwrerisa  CMMrnGMel  4m  EaselteP  ftHi- 
«ulières,  par  M.  Boonairoor,  Iféj^uié  eu  Pae^e-CoMe.  —  7.  RâilndoncàptofM»4i»Gngrl»  Féaitaitiainv  par 
M.  PKRontAim-DitVTroa,  Ansien  Péputé,  Membre  du  Cenmlt  Supérieur  âù  Prtum.  ^9,\jê  Utmii  é» 
Convention»  en  Matière  de  Transports  Maritimes  et  les  Restd<Hfeas  prvpesées,  par  ■.  VKaniAar.  —  t.  La 
Législation  Douanière  des  États- (Tnfs;  Ti.  La  Question  des  Sxfcres{3xtiîe  et  fin),  par  Bf.  (r.  irfOuiaafawua. 

f  arlétés.  —  i*  État  des  Travaux  Légialatirs  du  nouveau  Code  Giril  Russe,   par  M.  Albxaiii>rb   BAsciansorr.  — 

!î*  Vingt^inq  ans  d*RistoiPe  Financière  en  Hongrie,  par  V.  Anr.  K.  ffomr. 
La  ¥le  p^ilUqne  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  1*  Grèce,  par  M.  PaïuoitToa,   Ancien   MimXÊ&e, 

Membre  du  Portement  Betlénîque.  —  2*  Hongrie,  par  M.  Airf.  B.  ffoaor. 
La  Vie  polltiqae  et  parlemenlalrt  en  Franee,  par  M.  Feux  Romna. 
Cbronoloffle  polltiqae  étrangère  et  française. 

SOMMAIRE  DU  »•  la  (S  DÉCEMBRE) 

ikrtNIea.  ^  ««  La.  Démocflia  ek>  VArgeat^  par  X^.  —  i,  L'Aspect  Biropt'fca  de  la  Question  Irlandaise,  par 
M.  Wk^iui  O'Biuiir,  Andem  Membtte  du  Parlement  Anglais.  —  3.  Tnpâl  G<%i^ral  aor  le  Revenn^  par  M.  Mxtf- 
mc»  LMfiRanc,  Mtmié  de  lam-et-Oaronne.  —  4.  Ûà  eneel  TExpesitioa?  par  M.X...,  Uépitté.  —  SL  Lis  Gonau-- 
valaarvden  B^polbèqnes  «4  1»  Budget,  pao  M.  ne  SAUvr-Gcmai.  —  «»  Les  Sodélé*  Rurales  deSeconn  Hatoda.par 
M.  Lama  db  Gov.  ^  7.  L»  Question  des  Natiomlikéa  en  Hongrie,  par  M.  LA^.  IbuLc.  —  8.  Le  Ba<gH  de» 
ACairee  Éleanfères»  ée  iB96  :  L«  Rappatt  do  H.  Eaa>erti,  par  M.  kmua»  Ûchm..  ' 

fMiétéS.  —  f«  La  JorfdiefiM  Adkmnislraliiv,  par  M,  E,  iMircatmaa,  Vie^-Préeidtml  dm  Cénmil  iÉiai,  —  f^La 
Conférence  Interparlemenfalr*  de  BraselW»  (19-4»  ao4t  ld>9),  par  IL  0.  Moais. 

La  TIe  p^HCfqoe  et  pafteumnmre  •  récmoirer.  —  l-Anglèlarm*  par  V.  X».,  ir«ia6re  de.  Pmriemmt 
AnffUàe.  ^  2*  Raatie,  par  M.  A.  BAScaMACorv.  —  3*  Suisse,  par  M.  NoitA.  Ottoz,  Ancien  Prétident  de  la 
Confédération  Stàeee. 

La  Me  polltiqae  et  parlenMntnlirt  en  rranca,.  par  AL  Félix  RooaaaL. 

Glironologle  polltiqae  étrangère  et  française. 


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SOMMAIRB  DU  N«  19  (10  JAlfVIBR  1896) 

ArCiciM.  —  I.  L«  Mvvloppemest  d»  noir»  ProgrMsme,  pw  H.  Vambl  Poonnu  ~  S.  Lt  tTnnTBrniiWt  4t 
M.  Thi0rt  ;  Mt  NégodaiioM  pour  U  Pkix«  ptr  M.  Hmmi  Oomot,  é9  rikêtit^,  <-->  3.  Les  Retraites  pw  U 
Yiemease  en  Dtaemerfc,  per  M.  P.-O  -G.  Jtmnr,  SéntiUwt,  —  4.  U  Vole  ObKgeto^  :  Principee  et  Smm- 
tiens,  par  M.  Ftux  Mossàu.  —  8.  Le  Péril  de  rAkeoUsme  et  les  RemAdes.  psr  M.  G.  Boomaat.  —  U  Léfis- 
letien  des  Ckeeuns  de  Fer  «m  ÉUts-OniSi  par  M.  Loow-Paol  Dubois. 

Variétés,  Notes»  Toyaves.  Stattatltvet  «t  ••euoMat*.  »  1»  Les  Tieux-Tcbèques  et  les  Jemes- 
Tcbèques,  par  M.  JsAir  Bocsuïr.  —  2*  Notes  sur  le  Régime  Parlementaire  en  An|leteRe  et  m  Franee,  par 
■.  Arx&rd  EnnuTii.  —  t»  L'État  aelnel  et  rArenir  de  la  Chine,  par  M.  le  Cens  on  ^anevriLU.  -^  4*  Becames 
d'État  contemporains  :  Paul  Krdfer,  Président  du  Transraal,  par  M.  Bl  w  Moarsaeo.  ^  5*  ta  Cooslitntion  et 
les  Institutions,  d'après  on  Livre  véeent,  par  M.  G.  STnnibT. 

I<a  Vie  yolftltae  et  partemen taire  à  l'étraB^r.  —  l*  AHemegne,  par  M.  le  D'  C.  MonTAinis.  — 
2»  Autriebe,  par  U.  D.^.  Cow.  —  9*  Danemark,  par  M.  W.  Cabsensbm,  SénaUmr.  —  4*  TransTsal,  par 
M.  E.  DK  Moarvaco. 

La  Tte  potttltae'et  pariementafre  en  France.  —  t»  Chroniqno  PsKti<fM,  par  M.  faux  Rooshl.  — 
â*  Lois,  Décrets,  Etat  des  Traraux  Législatifs,  par  ***. 

caironoloffle  politltue  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMJUnUI  DU  1«*M  «a  FéVRlIR) 

Articles.  —  1.  U  Réformes  des  Patentes  et  nmpdt  sur  le  RsTenn^  per  M.  J.  CnuoispRoQ*,  Député,  —  t.  U 
Ponce  &  Pvla  et  la  Réorganisation  de  la  Police  Parisienne,  par  M.  Osonoss  OsAïut,  Député.  --.  S.  La  Réforme 
des  Boissons  devant  le  Sénat,  par  M.  Flicrt-IUtariiv,  Député.  —  4.  Le  Péri!  de  TAlcoolisme  et  les  Remèdes 
(suit*  et  fin)^  par  M.  0.  Bosrcaut.  ~  5.  Sur  quelques  Droits  d'Enregistrement,  par  M.  DuroucSAT.  Sénateur.  -^ 

6.  Les  ImpAts  Intérieurs  et  les  Impôts  Extérieurs  de  l'État»  par  UM.  Ta.  PuneK-Bnsirràjro  et  Cmaslbs  Durcis.  — 

7.  L'Assurance  contre  le  Chômage  et  les  Sociétés  de  Secours  Mutuels,  par  M.  Ri^oqi.  Jat. 

Variétés.  Kotes,  Vaj âges,  ftutlsilqoes  et  Documents.  ~  l*  L'Egypte  en  1895,  par  *^.  —  2*  ffotes  sur 

la  Vie  politique  et  parleroenlaire  Argentine,  par  M.  Cablos  Olivisa.  —  3*  Un  NouToaii  Traité  d*ÈeoQ0<aie 

politique,  par  M.  £.  Foqrrikr  os  F.Ukix. 
La  fie  politique  et  pariementatre  4  l'étranger.  —  i*  Belgique,  par  M.  Lorakd,  Député,  —  s*  ItaUe, 

par  M.  L.  Lczzatti,  Député,  —  9*  Pays-Bas,  par  tt.  MACAUSTSR-Luor. 
hm  Vie  poUtitneet  parlemenlatre  en  France.  —  1*  U  Politique  Extérieure  du  mois,  par  H.  Fs.  sa 

Prsssiiis*.  —  s*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftuz  Rooasst..  ^  t*  I*  VkPnrlemeatwre,  par  ***. 
QinMiolofle  palltliine  étrangère  et  fran^lte»  psr  ***. 

SOmAlRB  DU  !V»  tf  (tt  MARS) 

Article*.  —  1.  La  Tyrannie  à»  Chambres*  par  M.  V.  Mioai.  —  2,  La  Crise  GeasUfailiMUieUe»  par  H.  FiaDwan- 
Dacma.  ^  1.  L'Assoianoe  ovraièm  en  Allemagne  et  les  Réoents  PtO|ela  relatifs  i  sa  TransCsrmatioo,  per 
H.  lUinuci  BbOQV«  de  nnttU^l.  ^  4.  La  Goar  des  Comptes  a  le  ContrAk  Parlnmentaire  en  Italie^  par 
H.  Fstiu  LAM»nTico,  Sénateur.  ~  8.  La  (hMation  des  viandes,  par  IL  4  Cautisa-Roos,  Député.  -^  9.  Note 
sur  la  Réorganisation  des  Serrices  Techniques  et  des  Troupes  Spéciales  de  ramiéeto  par  &t.  L^  Booosaoor, 
Député.  —  7.  Laliaiitatienda  l'État,  par  U.  Masmcs  Haimiov  —  a.  Lte  Projeta  de  Réformes  Universilairei 
de  M.  Combes,  par  U.  A.  Ai^cRT-Ptrrr. 

Yarlétés,  Notes»  Voyages,  &iatlsil4«es  et  ^oenneau.  —  l*  rfoUs  sur  le  Régime  Parlementaire  en 
Angleterre  et  ea  Fran^  {Suit^  tt  /n),  par  M«  Amujb>  EmnAU.  —  t*  Les  EvénemenU  d'Ârythréa»  par  lU  W 
D*"  Roouts.  —  9*  L  Idée  de  l'istat  en  France  depuis  la  Rérolution,  par  M.  Joeare  C&fpsrow. 

Va  VIo  »oittl«p«  et  lariemeiiiatre  4  rétranser.  --  i*  Chili,  par  U.  Aj»otro  Uraxot.  ~  3«  Ssrtîa, 

par  M.  G.  H.  M. 
La  Vie  pailtl%n«  et  parieaiantatre  em  France . — t*  La  PoUUqun  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fk.  oa  Pa«^ 

ssM«.  -^  i*  ChMalqua  Politique  Intérieure,  par  H.  Ftux  RonsaaiM  <*  3«  La  Vis  ParlemenUira,  par  ***. 
Caironologle  polltliine  étrangère  et  franfalM,  par  ***• 

S(»niAlRB  DU  rMS  (10  AVRIL) 

Artldea.  —  l.  U  Qrise  Itafinnae,  par  M.  R.  OotjiUMnu  Député.  *-  S.  La  Fruiee  et  TAngletarra  sur  la  Niger, 
par  M.  Q.  RaoKiersacaR.  —  a.  Déiaoentie  et  Liberté  :  Tocquenrille  et  la  •  La  Démocratie  en  Amérique,  par 
M.  E.  n'Eieniniu.  ~  4.  La  PoUoe  A  Paris  ai  la  Réorgaaisatien  de  la  Police  Parisienne  {Suite  et  fiK\^  par  M  G. 
Graux,  Député.  —  5.  Les  Assurances  Mutuelles  Ourridres,  par  M.  Esc,  Rocinui.  -~  6.  Le*  Banques  Coloniales, 
par  M.  Q.  Praiiçbm^  —  7.  La  S*  Portion  et  Les  Dispensés  qui  oot  un  bon  Kuméro,  par  It.  J.  Vaumsas, 

Martelés,  Nates,  Voyagea,  ScattstHuea  et  »ocnm«nU  —  l*  En  Roumanie^  par  H.  Camiub  Gut.  — 
2»  La  Situation  du  Transraal  au  Point  de  Vue  InlemaUooal,  par  U.  l.-v.  Povou«i.  —  S*  La  Tarif  Hypetbéo|ira 
Italien  de  18&5,  par  M.  F.  oe  Sauvr-Guris. 

Bevne  «ea  prlacipalas  «lefttlons  pollUqneft  et  sociales.  —  1*  Revue  du  Questions  Pinanciàres  et 
Monétaires,  par  U.  A.  Rapfaloticm,  de  C  Institut,  —  2*  RaTue  des  Quesliona  Agrioolea,  par  M  D.  Zou,s. 

IM  Vie  polHMKia  et  parlennenUlre  à  l'étranger.  —  l*  Brésil,  par  M.  A*  Gnijuasiu.  ~  i«  ttongrte.  psr 
M  A.-E.  HoRN.  —  30  Transvaal,  par  H.  E.  db  Horpuroo. 

Xa  fie  yoim^ne  ec  parleaaantatare  en  France.  ->  1*  La  PoUUqua  Extétieure  du  moia»  par  H.  Fr.  sa 
PnisesifsA. 2*  Chronique  PoUtique  Intérieure,  par  M.  Fiux  Romasu.  —  2^  La  Tia  ParlemeoUîct,  par  ***. 

Cnronologle  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 


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—  8  — 

SOMMAIRE  DO  N*  13  (10  MAI) 

Articles.  ->  1.  Un  OfBea  Internatioiud  pour  U  Protection  da  Trarail,  par  M.  Tu.  Coati,  Député,  —  1.  La 
Machine  et  TOurrier  dans  rindnstrie  Américaine,  par  M.  LivAsasoR,  de  r Institut^  —  3.  La  Question  dea 
Viandes  {Suite  et  fin),  par  M.  CaARLBt-Roox,  Député.  —4.  L'Armée  et  le  Senrice  de  Deux  Ans,  par  M.  A. 
CLAaKTAirr.  — 5.  L'Elite  latellectoelle  et  TAriBlocratie,  par  H.  J.  Novicow.  — 6.  Démocratie  et  Liberté: 
Tocquerille  et  «  La  Démocratie  en  Amérique  »  {Suite  et  fin),  par  M.  E.  d'Eichthal. 

fartétés,  Rotet,  Toyaipes.  Statistiques  et  Documents.  —  l*  Le  Socialisme  Italien,  par  M.  G.  Fumoico 

—  î*  L'Institut  Solvay,    par  M.    Dick  Mat.  —  3*  Le   Fonctionnement  de  TAssurance  Obligatoire    contre  la 
Chômage  dans  la  commune  de  Saint-Gall,  par  M.  Raoul  Jat, 

BeYues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  des  Questions  de  transport,  par 

M.  L.-C.  CoLsoN.  —  2*  Rerue  des  Questions  Oumères,  par  M.  Fonsauis. 
La  Tle  politique  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  l*  États-Unis,  par  M.  W.-A.  Dumoiro.  —2*  Allemagne, 

par  M.  le  D'  G.  Montanus  —  3*  Autriche,    par  M.   le  D^  G.  Koiuv.  —  4*  Finlande,  par  M.  L.  Mkcbiuii,  Séao- 

teur,  ^ 

La  ¥le  politique  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  Politiqua  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  Dt 

PaassBirsA.  —   S*   Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  FAlix  Roosscl.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 
Cbronolofie  politique  éMn^ëre  et  française,  par  *^. 

SOMMAIRE  DU  N*  24  (10  JUIN) 

Articles.  — 1.  La  Banque  de  France  et  le  Renourellement  du  Privilège,  par  M.  B.  Fomurna  dk  Flaiz.  —  t.  Un 
Progrès  à  faire  en  matière  de  Prévoyance  Sociale,  par  M.  J.  Drau,  Député.  —  3.  La  Réorganisation  Adminis- 
trative de  TAlgérie  :  I.  Le  Gouvernement  Général,  par  M.  FuniaT'IUvAaiii,  Député.  —  ,4.  La  Htmgrie  Millé- 
naire et  les  Garanties  de  son  Existence,  par  M.  Beasics,  Ancien  Membre  du  Parlement  Bongroi».  —  5.  La 
Réferme  des  Droits  de  Quai  et  de  Statistique  en  Algérie,  par  M.  MAnaict  Couif.  —  6.  Le  Bimétallisne  Inter- 
aational,  par  *'*. 

Yariétés,  Notes,  Voyages,  Statistiques  et  DocumenU.  —  1*  État  Général  et  Comparatif  du  Régtae 
Fiscal  en  France,  par  M.  L.  Salfra:«qds  .  —  2«  Hommes  d'État  Contemporains  :  M.  nère-Orban,  par  M.Q. 
LoHAKD,  du  Parlement  Belge. 

KaTues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  Revue  des  Questions  Coloniales,  par 
MM.  H.  Pensa  et  le  D'  Rouias. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  a  l'étranger.  —  l*  Angleterre,  par  M.  M.  KtintA,  du  PetrUment 
Anglais.  —  2*  Grèce,  par  M.  Phoahxtos,  du  Parlement  Grée.  ^  3*  Suisse,  par  M.  Noua  Droz.  —  4*  AuaUalie, 
par  M.  B.-W.  Wisi. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  parM.  Fk.  m 
PansKiisA.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Peux  Roussel.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

dironolofle  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  25  (10  JUILLET) 

Articles.  »  l.  L^Esprit  du  Budget  :  Les  Impôts  et  les  Revenus,  par  M.  Maurice  Block,  de  Nnttitut,  —  1.  L« 
CaJasea  des  Écoles  et  leur  Situation  légale,  par  M.  Bburdelbt,  Àfaire  du  VHP  Arrondissement.  ^  3.  Les  Élec- 
tions d'Espagne,  par  M.  Lkfkvrb-Pontaus,  de  Vlmtitut.  —  4.  Le  Tarif  légal  des  Notaires,  par  M.  A.  Dooaachb. 
^  5.  Les  Progrès  de  TAssurance  sur  la  Vie,  par  M.  E.  Rocusnir.  —  0.  La  Nomination  des  Instituteurs,  par 
M.  A.  AtBBRT-PrriT.  —  7.  Le  Morcellement  des  Valeurs  Mobilières  :  Les  Salaires  ;  la  Part  do  Capital  et  da 
lïavail,  par  M.  A.  Nxtmarck. 

Variétés*  Notes,  Voyages*  Statistiques  et  Documents.  —  1*  n  7  a  Trente  Ans  :  VOccupation  de  Fiano- 
fort  par  les  Prussiens  en  1866,  par  M.  A.  Rappalovich,  de  t Institut.  —  2«  P.-J.  Prondhon,  par  M.  Cn.  os 
Larivibrb.  ~  3*  Souveraineté  du  Peuple  et  Gouvernement,  par  M.  Tu.  Fbriceuu. 

Mevues  des  principales  questions  politiques    et  sociales.  —  Revœ  des   Questions   Agricoles,  par 

M.   D.  ZOLLA. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  a    l'étranger.  ~  l*  Danemark,  par  M.  GAMTEnsir,  Membre  dm 

Landsthing.  ■—  2*  Italie,  par  M.  L.  Ldzzatti,  Membre  du  Parlement  Italien. 
La  Vie  politique  et  parlemenuire  en  France.  —  l*  La  Politique  Extérieure  du  Mois,  par  M.  Fr.  m 

PuasBiisA.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Roussel.  »  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 
GMroBolofie  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N«  26  (10  AOUT) 

Articles.  —  1.  Les  Conditions  du  Travail  et  le  Collectivisme,  par  M.  A.  Bodgx,  Député.  —  2.  Le  Moavenent 
Féministe  en  Angleterre,  par  Mlle  M. -G.  Fawcsit.  —  3.  Le  Protectionnisme  Agraire  en  Belgique,  par  M.  L. 
Strauss.  —  4.  Conciliation  et  Arbitrage  FaculUtifs  ou  Obligatoires  ?  par  M.  A.  Spire.  —  5.  La  Sécurité  Publique 
tn  Chemin  de  Fer  et  la  Situation  des  Mécaniciens  et  Chauffeurs,  par  M.  R.  Jodroair.  —  6.  Le  Droit  d'Associa- 
tion et  le  Rapport  de  M.  Goblet,  par  M.  H.  Brice. 

Variétés,  Notes,  Voyages,  Statistiques  et  DocumenU.  —  l*  État  général  et  comparatif  du  Régime 
Fiscal  de  la  France  {Suite),  par  M.  L.  Salprauque.  ~  2*  Le  Prince  Ferdinand  et  TÉglise  Bulgare,  par  ***.  ^ 
I*  Notes  sur  les  États-Unis,  par  M.  J.  de  Pulligitt. 

MeTues  des  principales  quesUons  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  des  Questions  Finandèrat  et 
Monétaires,  par  M.  A.  Raffalovich,  de  l'Institut.  —  2*  Revue  des  Questions  de  Transporta,  par  M.  C.  Couoir. 

—  3*  Revue  des  Questions  Ouvrières,  par  M.  Foscsalme. 

La  Vie  pollUque  et  parlemenuire  a  l'étranger.  —  i*  Belgique,  par  M.  Lorakd,  d»  Parlement  Belge* 

—  2*  Pajrs-Bas,  par  M.  Macalester-Loçp. 

La   Vie  politique  et  parlemenuire  en  France.  —  1*  La  PoUUqoe  Extérieort  éa  MoU,  par  M.  Fk 

SE  pRBSssmt.  —  2*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 
Cbronoloffle  poUtlque  étrangère  et  française,  par  ••*. 


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—  9  — 

SOMMAIRE  DU  N*  27  (10  SEPTEMBRE) 

Articles.  —  t.  U  Démocratie,  les  Système  électoraus  etlaRepi^eotation  proportionnelle,  par  M.  Errist  Nxtiixb. 
»  2.  Les  Conditions  du  Trarail  et  le  CoUeelirisme  (Suite  et  fin),  par  M.  A.  Bouot,  Député,  —  3.  Le  Droit  de  la 
Femme  mariée  aux  ProduiUde  son  Trarail,  par  M.  H.  Pascaud.  ~  4.  Les  Malades  et  les  Vieillards  dans  les 
Sociétés  rurales  de  Secours  mutuels,  par  H.  L.  de  Oot.  —  5.  Les  Titres  étrangers  derant  le  Parlement,  par 
MM.Jdignac.  —  6.  La  Question  de  la  Prospérité  Finlandaise  et  ses  Causes  extérieures,  par  M.  A.  Baschmaiopp* 

Variétés,  Notes,  Yoyares,  Statistiques  et  Documents.  —  l*  Les  Sciences  Sociales  et  Politiques  dans 
les  Universités  Allemandes,  par  M.  Th.  Ruysssic.  —  2*  Noies  sur  l'Australie,  par  M.  P.  Maistrb,  —  Z"  Note  com- 
plémentaire à  propos  du  Tarif  légal  des  Notaires,  par  *'*. 

Bévue  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  1*  Revue  des  QuesUons  Coloniales,  par 
MM.  H.  PsrcsA  et  OrRoomt. 

La  ¥le  poililque  et  parlementaire  arétran^er.  —  !•  Allemagne,  par  M.  le  D'  C.  MomAiras.  —  2*  Espsr 
gne,  par  M.  Sancbbz  Gubrra,  Député.  —  3*  Portugal,  par  M.  Jatme  Lima,  Député. 

La  ¥ie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fit.  os 
pRsssxNst.  ~  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  FfiLix  Rogsskl.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

GlironolOKle  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  28  (10  OCTOBRE) 

Articles.  —  l.  Lettres  de  M.  P.  Descbanel  àM.  A.  Bouge,  député,  sur  «  Les  Conditions  du  Trarail  et  leCoUeo- 
risme  >,  par  M.  Paul  M.  Dcscbakil,  Député.  —  2.  La  Questions  de  la  Population  en  France,  par  M.  E.  Chbtssoiv.  ^ 
8.  Nos  Institutions  Judiciaires,  par  M.  G.  M.  D.  —  4.  Les  Associations  et  l'État  dans  la  Lutte  contre  le  Crime, 
par  M.  H.  JoLT.  —  5.  Réorganisation  des  Services  Techniques  et  des  Troupes  spéciales  de  l'armée,  par 
M.  L.  BouDENooT,  Député.  —  6.  La  Législation  nouvelle  sur  la  Nationalité,  par  M.  A.  Vacbbrot.  —  7.  Le 
Conditionnement  des  Valeurs  Mobilières,  par  M.  C.  Labroossb. 

Variétés,  Notes,  Voyages.  Statistiques  et  Documents.  —  i*  Les  Sciences  Sociales  et  Politiques  dans  les 
Universités  Allemandes  (Suite),  par  M.  Th.  Ruyssbii.  —  2*  La  Circulation  et  les  Banques  d'Émission  en  Italie, 
par  M.  F.-S.  Nirri.  —  S'  Le  Code  Civil  Allemand,  par  M.  Fr.  Maclbr. 

ftOTues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  1«  Revue  du  Mouvement  Socialiste, 
par  M.  J.  BoDRDBAC.  —  2*  Revue  des  Questions  Agricoles,  par  M .  D.  Zolla. 

La  lie  politique  et  parlemenuire  h  rétranyer.  —  i*  Hongrie,  par  M.  A.-E.  UoR.f.  —  2*  Suède  et 
Norvège,  par  M.  C.  fituuur. 

I«a  \le  politique  et  parlemenUIre  en  France.  —  !•  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  db 
Prbsseivsé.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Roossbl.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

Clironologle  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  29  (10  NOVEMBRE) 

Articles.  —  l.  L'Alcool  et  l'Alcoolisme  :  Les  Réformes  et  l'Hygiène,  par  M.  Charlbs  Dopot,  Député,  —  2,  Le 
Nouveau  Classement  des  Partis,  par  M.  Etiennb  Duean,  Député.  —  3.  Politique  et  Gouvernement  :  La  Lutta 
dea  Partis,  par  M.  Eocenb  Pibrrb.  —  4.  L'impôt  sur  le  Revenu  appliqué  à  Verviera,  par  M.  L.  Aruacd.  — 
5.  La  Réforme  des  Cours  d'Assises  en  Algérie,  par  M.  Maurice  Colin.  —  6.  Notes  sur  û  Décentralisation,  par 
M.  C,  Cavla,  ~  7.  La  Fabrication  du  Sucre  en  France,  par  M.  G.  François. 

Yarlétés,  Kotes.  Voyages,  SUtlstIqoes  et  Documents.  —  L  Une  Enquête  sur  le  Régime  de  l'Alcool  à 
l'Etranger,  par  ***.  —  1*  Notes  sur  le  Monopole  de  l'Alcool  en  Suisse,  par  M.  Ndma  Droz,  Ancien  Président  de 
la  Confédération.  —  2*  Le  Régime  de  TAIcool  en  Allemagne,  par  M.  le  D'  H,  Paasche,  Membre  du  Beichetag. 
^  3*  Le  Régime  de  l'Alcool  en  Norvège,  par  M.  H.  Berner.  ~  Il  Les  Sciences  Sociales  et  Politiques  dans  les 
Univenités  Allemandes  {iuite  et  /fn),  par  M.  Tu.  Boyssbn. 

Bernes  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  des  Questions  de  Transport, 
par  M«  C.  CoLSON.  —  2*  Revue  des  Questions  Coloniales,  par  MM.  H.  Pensa  et  Rooirb. 

La  VIo  politique  et  parlemenuire  à  l'étranger.  —  i*  Éuts-Unis,  par  M.  W.  Donking.  —  2*  Russie, 
par  M.  A.  BAscuiuKorp. 

La  Yle  politique  et  parlementaire  en  France.  —  i*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  de  Prb»- 
esMst.  —  2*  Chronique  Politique  lolérieure,  par  M.  Ftux  Roussbl.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

CHronoloffle  politique  étrangère  et  française,  par***. 

SOMMAIRE  DU  N*  30  (10  DÉCEMBRE) 

Articles.  —  1.  La  Crise  de  la  Souveraineté  Nationale  et  du  Suffrage  Universel,  par  M.  Ta.  PtRiismu  —  2.  L'Or- 
ganisation du  Haut  Commandement  en  France  en  1896^  par  *'*.  —  3.  La  Réorganisation  Administrative  de 
l'Algérie,  par  M.  Fleory-Ravarin,  Député.  —  4.  Notre  Marine  :  États  de  la  Flotte;  le  Rapport  de  M.  de  Ker- 
jégu  ;  Aperça  de  quelques  Réformes,  par  ***.  —  5.  La  Simplification  du  Mariage  (Loi  du  20  juin  1896),  par 
M«  F.  GaivAZ.  —  6.  Lettra  sur  les  Élections  Sénatoriales  du  3  janvier,  par  M.  A.  Sallbs. 

Variétés,  Notes,  Voyages.  Statistiques  et  Documente.  —  Une  Enquête  sur  le  Régime  de  l'Alcool  4 
l'Étranger  (Sui7e)  :  4*  Le  Régime  d&l* Alcool  en  Angleterre,  par  M.  R.  Mac  Kbnna,  if  «m6re  du  Parlement  Anglais, 
—  5*  Le  Régime  de  l'Alcool  en  Danemark,  par  M.  A.-G.  Lokd.  —  6*  Le  Régime  de  l'Aicool  dans  les  Pajs-Bas, 
par  M.  R.  MACALxsrtR-Loup. 

Bevnes  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  ^  l*  Revue  des  Questions  Financières  et 
Monétaires,  par  M.  A.  Rapfalovich,  de  l'Institut.  —  2*  Revue  des  Questions  Ouvrières,  par  M.  Fonsalmb. 

La  Vie  politique  et  parlemenuire  à  l'étranger.  —  1*  Angleterre,  par  M.  R.  Mac  Kbrka,  Membre  dm 
Parlement  Anglais,  —  2»  Suisse,  par  M.  Numa  Droz,  Ancien  Président  de  la  Confédération.  —  3*  Finlande, 
par  M.  L.  Méchbuïc.  Sénateur.  —  4»  Serbie,  par  M.  G.  M.-M.  —  5*  Egypte,  par  M.  El  Haekaicu^ 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  i*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  m 
PRBSsBist. 2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Rousasi..  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***• 

Chronologie  politique  étrangère  et  française,  par  ***• 


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—   10  ~ 

SÛIUUIRS  DU  »  M  (10  UNVlBa  MiT) 

Ardcl«9.  <- 1.  N«kre  CEorre  ei  boIm  B«t  :  ÉrtnwttoifcFoliUy  «lOtfuÛMtiosdttPirUr^pobUflua  pcogrestûte^yar 
M.  Xarol  Pomvm.  ~  2.  U  MbnM  des  BoisMw:  Wtmât  flmutcièn  (f»  «rtkfe)»  ps  M.  B.  BcmASva, 
Sênattuf,  —  ».  U  Qnc8ti««  S*eikte  «t  k  SociaUNM,  p«r  M.  Paci.  Obbcbarku  A^nU/.  ^  4.  U»  CoMffUo«»de 
U  Prorofattoa  da  Pririlif^  dto  bi  l^nqfw  d*  FkMM,  par  ■.  Ponamui  m  Vlux.  ->  &.  B.  Cœsde  castos  le 
Sulfra^  Uaivend,  fftr  M.  L,  m  Skiuu««  - 1.  Les  Débuts  dû  Parti  Sodafisfo  Fmaçùs^  pw  M,  Almst  RiCBftai». 
—  ?.  Le  Cootrôle  des  PîasMSS  de  Vttaï  (1*'  •rticle),  par  ■.  E.  BEsaoït. 

farléléa»  Iléteft.  T^iaces,  StalfaCHpiet  et  Bocvaieiits.  —  t.  CMBiHe  Jardaa  el  ses  Correspondants: 
Bonaparte,  Motinierf  Boijamin  Constaot,  Cardinal  Spîoa,  Decaaes,  Koyat-Coliartf,  Sfimondi,  Giaisot,  La 
Fayette,  etc.  —  S.  Um  Empiète  sur  lo  Régima  de  rAlsool  i  l'Étiaager  (jniUiti  :  >  Lo  R^giaM  de  rAIieooI  eo 
Russie,  par  M.  B.-R.-S.  — 

R€YBet  des  prlMcIpalet  ffOMUoiu  »olttMi«es  eC  Mciales.  —  {•  Bevat  é»  MonvesMat  gocisiisÉi,  par 
X.  J.  Boxnu>KA.a.  —  2*  Renie  des  Questions  Agricoles,  par  M.  0AinsL  Zoua. 

La  Yle  poittiqpie  et  farleHienlaIre  *  l'étranger.  —  1*  Allemagne,  par  ■.  lo  D*  Soimixva.  ~  i*  Ao&ncèe, 
par  M.  le  D*  G.  Eean.  —  i^  Danemark,,  par  H.  CAnsTsnsair,  Membre  d»  laudttkim^. 

La  TIe  polltttve  et  parleaientalre  en  Fnuiee.  —  1*  La  PoIîUqœ  Eai&icore  d«  BHM^  par  M.  Fa.  as 
PnsasKivsÉ.  —   2*   Chronique  Politique  Extérieure,  par  11 .  Ptuz  Roossbl.  —  3*  La  Tte  ParfooMnCaire,  par  ***. 

Cbronologle  politique  étrangère  et  fraa^lte,  par  ***. 

SOMIIAIBB  DU  N*  U  (10  PÉVRIEB) 

Artldeg.  -  1.  La  PUIoaepAia  da  Oamftetta,  par  ■.  Dnjn«-llonxA«»,  Iféf»Êtf.^  î,UBlMnaa  JssftiMaoas: 
Le  Droit  sur  f  Aleool,  Éhiiie  PSasacièro  (mdU  9t  /la),  par  M.  B.  BocLSKasa^  SéntUemr^  -.  >.  La  Réfecaia  Hypo- 
thécaire et  le  Projet  da  Gouvernement,  par  II.  Flosr  na  Sairr-Gcsm.  —  4«  L'BnIkoee  dcraat  la  Jartieg 
Réprcssiro,  par  M.  FaB»urAn>-DnrvFoa.  —  5.  L'Algérie  aa  Kiot&tère  des  Colonîes,  par  M.  G.  Viujinr,  Ctmtcitkr 
Municipal  <U  Parié.  —  tt.  La  Marine  Marchanda  Pran^aisa,  par  M.  P.  La  Ptavas.  —  7.  Le  Coatrôla  dea  PIbmms 
de  rÉtat  (1*  article),  p»  M.  BroiAznjvL  Bcsbor. 

Variétés.  IVeies,  Voyages,  StallstHpies  et  Bocwnwvts.  —  i*  Caïaîlle  Jordan  el  ses  GorTaspoadMi  : 
Bon^tarte,  Moonier,  Brajamin  Constaal,  Ordinal  Spàsa,  Decaxas,  Roycr-Cottard;  Siamoadt,  C««aat,  U 
Fayette,  etc.  (rsife),  par  M.  6.  MAU-Csmma.  -^  2*  La  liqpiidatioa  da  la  Gaîsee  d'AsaaraDco  coalra  le  flliati 
de  Saint-Gall,  par  M.  Raoul  Jat. 

Reimes  tfes  prlBClpales  «vettioBS  politiques  et  soetales.  —  Raraa  des  Qutsttons  do  TnsHpaK,  ptr 
M.  C.  CoLsox. 

La  fie  poltUqve  et  parIcaMBlafve  à  réiraBgcr .  —  1*  Belgwiaa,  par  U.  M,  Lo«ams  Mtmbrt  du  ArXr- 
ment  Belge.  —  S*  ftalie,  par  M.  Fa.-S.  ffrm.  —  3*  CkUi,  par  M.  A.  LAaa'niT. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  Franee.  —  i*  La  Pnfitiqiia  Biténenre  da  mois,  par  M.  Au  «a 
PressknsS.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Roossel.  —  3*  La  Vie  Parlemcnlairo,  par  ***. 

cnronologle  politique  étrangtee  ot  firuMialM,  par  ***. 

SOaniAlRB  BU  !l»  23  (10  MARS} 

Articles.  —  1.  La  QaesliMi  da  S^nat  :  La  Séoal  al  la  Remisa,  par  M.  Ra.'i*  Gaatir,  DépvM.  —  t.  riaTIwail 

Lacoar,  par  M.  Joasra  Rbwacb,  Député.  —  3.  Le  Marché  Financier  da  Paris  el  Isa  PrsjîeCs  de  Rédsganjaation, 

par  M.  L.  Lacombb,  Député.  ~  4.  Le  GompronMS  Austra-Hengrois  et  saa  Reaaav^IeaMoi  eo  IM7,  par  M.  R. 

Cfvtuuia.  ~  5.  La  Queslioa  Honélaire  en  Belgiqne,  par  M.  L.  Snuvaa.  ^  $.  LaCootrMa  des  Ffasaces  diaFÉlyt 

(.>  artiete),  par  M.  Esnmvaai.  Bassoa. 
Variéfési  Koles,  Yoyafcs^   fttadsilqnes  et  Bocmnests.  —  Uaa  fiMiaila  sur  Is  IM|imo  da  fAleodl  à 

rÉtranger  (jutft):  8*  La  Régima  de  PAleool  en  Bspagna»  par  M.  le  sac  »*AuMD(naa,  ilemèrs  des  CeHèt.  — 

9«  Le  Régime  de  TAleool  en  Italie,  par  M.  Fa.  S.  Ifim. 
Keirues  des  principales  questions  poiHIqucs  et  soclalei.  —  t«  Rame  des  Ouestioas  Quwiliaa,  par 

M.  FoicsALM£    —  2»  Rerae  des  Qaesltoos  Col^niateo,  par  MM.  H.  Purstà  ei  le  0'  Rooirb. 
La  Vie  pollllque  et  parieMentalre  à  Pétrangcr.  —  t*  Espagne,  par  M.  SABcasa  Qeaaaa,  Méaért  en 

Cortè»,  —  2*  Pays-Baa,  par  M.  MACALEsrsa-Loop. 
La  Vie  pollflq«e  et  parle nsentalre  en  Pranee.  —  I*  La  Paliliqaa  BkAériaara  da  Hait,  par  X.  nu  se. 

Presse^sK.  —  S*  Cbroaiqaa  Politique  Fnténearei,  par  M.Ftux  Routask.  —9*  La  Vi*  PatlsasaaAairab  pu'**^ 
Glironologle  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  BU  N»  34  (M  AVRIL) 


Articles.  —  1.  U  SaoiaHnaaaMiÉlal»4}nia,  parH.&Lavaasaaa^lfaaars  da  r/ateiML  — S.Laa  ( 

à  la  Repvésenlatioa  piipsiMiBBillo.  par  M.  E  IXa^iLB.  —  3.  Lo  G2n<|wèaM  Mittaid  da  U  laaqaa  da  >■—  ii. 

par  M.  le  C^nla  RoauXaw  —  4.  U  Contréla  dea  PSaancea  de  l'État  (4*  artkia  — /bi>.  par  M.  BmuMma  BsaM:f . 

—  5.  UQasseionde  PédéraliaB  ea  Ansiralie,  par  IL  P.  Maiarna.  —  C  La  PMragaliaa  éai  Poasaâ  «Ksopli- 

naires  dos  Administralaata  de  Coauaane  mixte  en  Algérie,  par  M.  MaasKS  Csubr. 
Variétés,  Noies,  voyages,  fioMstlqnes  et  Mocnients.  —  Um  Asqnéte  sar  k  Régima  de  PAlMal  4 

l-Étran^r  (nite)  :  10*  Le  Régiaw  de  rAleaoI  en  iclgiqae,  par  M.  G.  Lonaso,  Mtm^ré  âm  PmrlÊmemt  Js^sl  - 

i  !•  Le  Régiras  de  PAkool  ea  Tarqnie,  par  M.  P.  La  Faavas. 
Revues   des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  i*  Reme  du  MnmsaaMi  Sooialiate,  par 

M.  I.  BoanosAo.  —  1*  Rarue  dsa  Questtoas  FiBandères  al  Monélaiies,  par  M.  A.  AàMaMana,  risiiyidaaf 

de  Vlnaiitui,  ~  3»  Berae  dea  Qoesliona  Agricatea,  par  M.  0.  Zouju 
La  Vie  politique  et  pnrieaieniafere  à  l'étranger.  —  l*  Gréoa,  par  M.  PaKaatioa,  ilanirr  et  iVés- 

meut  HeUéniqjM,  —  f*  Moagria,  par  M.  A.-B.  Hoaa.  —  >  Portagal,  par  M.  Java  Lbia.  Membwm  ém  PaHe- 

ment  Portuqaà»,  —  4*  Rassie,  par  M.  A.  BAsomAsorr. 
La    Vie  poMMqoc  et  parlenseniaHm  en  Franco.  ~  t*  La   Peiitifaa  Exlérkura  da  Nais,  par  M.  Pa^ 

DK  Pbbssbmé.  —  1*  Ckfoni^e  Pohliqas  lalérieare,  par  H.  Félix  Rousaaa.  —  3*  La  Via  Pariemeatîdsa»  par  *"» 
Gl&ronologle  poUUque  élrangèra  et  française^  P«"***- 


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—  11  — 


SOMMAme  Dd  N»  35  (19  VAI) 

ÊttÊtÊÊW.  —  I,  LTbIii  MlkiMlsi  Et  TliêB  J»  Pit»l»>  |ig  IL  L»  Ueiiini^  C#ilW<EG0' MlM  >- 1  Lc»  CoMiOg 
d»  PMfiMiM*  «i  iâ  Jwtice  AAniûiCEBtiw,.  pir  H.  L.  Micmiib.  —  3.  Ukn^0  «■  llffr»  p»  ^«  *  4.  U 
Quart! M  *•  A^iiiii»  par  ■.  Si.  Sww >«wi  -^  %,  htm.  AsmnMs  OoVfttivt  e*  Àlleaitgp»,  ptr  É.  Saobcb 
Bmmm.  ~  €.  ia  BiliTOt  <k  la  Ui  for  b  'bvia  <m  FemMsti  4m  Bnftnts,  fir  M*  Liow  Mmum 

Tartétés,  Iloces.  Yoyaffes.  ftlatlslttaef  et  IHlciunents.  — '  l*  La  Questiofl  d«  Ineonipatibifiiéa  Phrieman- 
1ak««»  l84Kparll.  Jinasac  CaAau»  --  S*  UCallèga  Ubre  de»  Sd«««ct^  SadalA»  9«a  H.  Dlob  Mai. 

.  -«  i*  RefI»  te  Qnaatifl 


•■»  piHHiéipft  et  sealalet.  —  i*  Kati»  te  QpMatioaa  da  'AttipotU, 

pa«  HL  C*  Couafu  —  »  Baroa  daa  QaaaCioM  BadcMuMi  et  Piscalaa»  par  «**. 
La  TIe  pollU««e  et  parleiiieBtanre  à  rétmilfer.  —  l*  AUemagne,  parll.  &  Somuona.  --f»  Angictwe, 

par  tt.  IL  JLk  KMUb^  JfeaiAra  A»  ^(«•toneni  iUigicir.  *^  3*  Saibia,,  pat  1^ 
La  TIe  polttl^ae  et  parlementaire  en  Franée.  «-^  l*  La  Polîtiqtie  Cxtârienra  dn  laeliy  par  M.  P»  db 

fkamasa^  ^  »  CferMi(fM  Paliti(|aa  fiiiirieorei  p*  M.  Fixix  RooiMa.  •»  a»  U  VW  PirteaMotoire,  pac  ***. 
COumnolo^e  politMiae  étmnfère  et  fran^te*  par  *^« 

somhaihb  ou  rp  u  cia  xnisr> 

Artlclea.  —  l.  Le  Parti  Progrossiste  ;C»  <pApaat  al  Aril  «Ira,  par  Uir  Dtptrrt.  —  1.  Le  Harehé  Financier  de 
Paris  et  les  Projets  de  Réorganisation,  par  M.  L.  Lagokbb,  Député.  —  3.  Le  Problème  de  la  Dépopulation,  par 
M.  le  Dr  JACva»  fiamTmLov.  —  4.  L'ÂvataMoa  da  Rigime  1^  du  TraaaU,  par  M.  Raool  Jat.  -  9.  U  Réarma 
de  I  bsfdt  dea  BaiMons,  p«  ■.  A.  Giaa»,  Dsiaan. 

«wiéléa,  ItoiM,  Vornflee,  gtaHifMpf  et  maCÊmmnm.  —  !•  L*Ekqpi«te  de  rSWw'n^  Poc^  da  Rew-Terk, 
sav  les>  Scssiona  Biaûiales  ei  las  Anarfagei  da  ce  Système»  parV.  A.  BAntâsoseca,  CûrreMptndtmt  de  timatitut, 
—  >  :SeiMnl»  aaa  da  Règae  :  Le  HiOé  de  la  ftaina  Yktoria,  par  BL  Bmoamo  Saioa. 

ftevees  des  principale  qaestloni  polltiqaet  et  «nelales.  —  i*  Reme  des  Qœatioas  Obniàtea^  par 
M.  Faaaéaaa.  »  Sf  ftsTM  des  Uwalioas  Coionialea,  pac  MM.  Romaaefc  B.  PiasA. 

La  ¥le  p«lltliiae  et  parlemenUIre  à  rétraocer.  —  f  Éèets^Uais,  par  M.  W^A.  Dmoaaa.  —  f  Ilafie, 

*  pm  M.  Fm.^  Non:  —  3»  Sauai,  par  M*  N.  Daoz,  Atuien  Prémdenl  db  la  Cùmfééérati9».  —  «•  Fialaade,  par 
M.  Au  Basciiuxov. 

Ln  TIe  poMilipti  et  pnrICflMSiaJfeft  «BFraac*.  —  i*  La  FoMli^  litinaare  da  aïoia,  par  M.  Fa.  m 
Pausansa.  —  »  Chtoaiqne  PeUtkiaa  Intirieare,  par  M.  Ftux  ftoosaak  —  )»  La  Via  ftriaaieataire,par  ***. 

CliraMlncte  p«lltU|ne  émagèra-  «  ftmnfnlie,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  87  (fO  JUILLET) 

Artlclea.  —  l.  Discours  prononcé  aa  Dîner  de  la  «  Reroe  Politique  et  Parlementaire  >  dn  18  Juin  1897,  par 
M.  WiLBaca  Rsnasaw,  Sdaatear.  —  t.  La  Parti  Ruml  o^pttiaé  eè  laobilisaMa  :  SfMlieala  Agricoles  ai  Paiiu 
PtoprftMé,  par  Hu  iaaa  Hamr.  --  >.  Les  Éleetioaa  ea  Autriche  et  en  Mongri^  par  M.  LarKraa-PasrrAua,  de 
l'huHM,  -  4.  Saesre  la  Cadenas,  par  M.  CiuBLBs-aooz«  DéfmU,  —  S*.  La  Pn||ii  da  Lm  sar  lea Sociéléade 
SccoMFS  Mutwla,  par  M.  A.  Dhasx,  DéjfÊiU,  —  0.  U  Maîria  Ceatcala  da  FMs,  par  M.  A.  CoMaAnao.  —  7.  La 
QuesëdD  da  Ooanine  aax  Celeniai,  par  M.  G.  Dbmmitial. 

Inviétéa.  SniCf,  Topa^an,  Stnttattvae  t%  BocwnenlB.  —  i*  T  a-è-il  loaompatihaité  aatie  la  l<5publique 
ei  le  Socialisme?  par  M.  E.  Martotsau.  —  3*  Les  Récents  Efforts  en  rue  de  rUoificalion  da  Droit  Mariiiaie, 
par  M.  A.  TsaaaAaa.  ^  3*  CaaÀUa  Janlaa  ai  aaa  Cerfeapoadaats  :  Bonaparta,  Mooniar,  Bea^aaMi  CoiwUBfc, 
Cardîual  Spina,  Dccazes,  Rovr-r-Gollard^  Sannoadi,  Guiiot«  La  Fayette,  eta.,  (/miU),  par  M.  G.  MAja-Csasua. 

Bavnc»  et»  pvtaactpnte»  ♦.neattoas  polM«ieft  et  ■octalea.  —  i*  Revue  dea  Quaaiioas  Agricoles,  par 
H.  D.  ZoixA.  —  3^  KcToe  use  ^aastians  Finaacières  ei  Menétairca,  par  M.  A.  lUirBLomcB,  Correspmdmnt  de 
tlnititut. 

la  Tte  p«lttkPM  «i  pnrieiiientnive  à  rétranpep.  —  i*  AatriclM»  par  M/IaDr  G.  Kouna.  —  2*  Oaaa*- 
marck,  par  M.  CABsnim:*,  Mewtbrt  de  Landetking. 

Ln  TIe  paiill«ne  «4  parlaietnlre  C»  France.  —  i»  La  Paliiifaa  Batérieasa  da  Mais,,  par  V.  Fa.  aa 
PREssufsft.  —  3f  QnoaHpie  PaliiiqQa  InÉérieure»  par,  M.  Fiua  Boumai..  —  3»  La  Tia  ftrlnaianJaiBa,  par  ***• 

Cbronoloffle  p^llUqu^  étrangère  et  fmnfnlie,  par*~. 

smmxmE  du  n*  38  (to  aoutj 

ArlfClM.  <-  t.  La  Balercaduia  Saiaaa»  par  M.  Ta.  Corn^  Membre  du  ParlêmmU  Smim.  -^Xlh  laReaponsa- 
biMté  Chrila  des  Miaiatree,  par  M.  Aasfeaa  Vecaaaov.  —  3.  U  Maavamea*  FAniniaie  ea  Ftimi,  par  Mosa  Masta 
ùrtUGA.  --  4w  La  Lotte  aeoln  le  Secialiame  ea  AUeaMgaa^par  M.  A.  laaav.  ~  ».  L'ÉroInHaa  dea  InslMotians 
Communales  en  Prusse  et  en  Angleterre,  par  M.  L.  PAOïy-Oveois.  >-  4.  La  Paliea  Ravale  par  l'Saihrigademcni 
dea  Gardaa-Cbampdtres,  par  M.  £.  TawAarr-GEmtarr.  -  -  9.  Le  Wavreai  Agricaks^  par  M.  6,  Faaa«e«. 

Tnrlétéa,  Btote»,  Tevapc»,  Statlsii«uea  et  PncnoMSta.  —  Lsa  Méaa  Soaiaka  da  Jalai  Ruskin,  par  ***. 

■evnet  «ea  prtocipaica  «ncatlenf  peMil^nea  e*  nHaHe  —  i^Ravaa dea  Qoastieaada  Traa^nrtj^ 
par  M.  G.  CoLaon.  —  2*  Rerue  du  Mourement  Socialiste  à  l'Étranger,  '  par  M.  J.  Boordbao.  —  3*  Rewxe  des 
QaeslioM  Bodgélaipaa  ai  Fiscales,  par  M.  Rémé  Dasiuc. 

La  TIe  politique  et  partementalre  à  l'étranger.  —  Pays-But^  par  H.  MACAusraa-Lottp. 

La  TIe  p«lltlqne  et  pawIfUlHtri  en  France.  —  1«  La  FoMliqaa  Extérieure  éa  Mois,  par  H  Pa:. 
naPassaami.  —  2»  Ckroaé^ua  PaUtiqaa  intérieare,  par  M.  Ptcn  Rauasak  —  3^  La  Via  Parieneaiaiia,  par  ***. 

Caironoiogle  politique  étrangère  et  fTançalâe,  par  ***, 


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—  12  — 


SOMMAIRE  DU  N*  39  (10  SEPTEMBRE) 

Articles.  -^  l.  Les  AccideoU  du  TraTail  en  Allemagne,  par  M.  Yves  Gutot.  —  S.  Les  ÉlecUons  dans  les  Pkjrs-Bas, 
par  M.  LtPiTRB-PoiTALis,  de  C Institut.  —  3.  Le  Houremenl  Féministe  en  Italie,  parMmoEiiiLuMAïuAin.  —  4.  Da 
GoaTememenl  Direct  et  du  GouTemement  Indirect,  parM.  Raocl  db la GaAœERw.  "  5.  L'Assnranoe  Maritime: 
Ce  qu'elle  est,  ce  qn*e11e  devrait  être,  par  M.  JEAt*  Ddrieotk.  ~  6.  Les  Résultats  de  la  Législation  sur  la  Nationalité 
en  Algérie,  par  M.  Jbax  Ouer.  --  7.  Charbonnages  et  Chemins  de  Fer  :  Les  Houilles  Anglaises  en  France,  par 

M.  PaOL  TtREZ. 

Yarlétéfl,  Notes.  Voyages,  fiUtlstlquet  et  Documents.  —  l*  Essai  d'une  Sutistiquc  des  ÉtudianU  des 
Universités  Françaises,  par  M.  Ferdiitano  Lot.  —  2*  Camille  Jordan  et  ses  Correspondants  :  Bonaparte.  Moonier, 
Benjamin  Constant,  Cardinal  Spina,  Decazes,  Royer-Collard,  Sismondi,  Guizot,  La  Fayette,  etc.  {Suite  et  fin)^ 
par  M.  G.  MAZs-SENaBR. 

Revue  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  des  Questions  Coloniales,  par 
MM.  RouiRB  et  H.  Pbusa. 

La  Yle  politique  et  parlementaire  A  l'étranger.  —  l*  Allemagne,  par  le  M.  D'  G.  MoirtAxcs.  —  S*  Bel- 
gique, par  M.  LoRAKD,  Membre  du  Parlement  Belge. 

La  ¥ie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  !•  L»  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  os 
pRxssBKSt.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftui  Rousscu  —  I*  La  Via  Parlementaire,  par  ***. 

Chronologie  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N«  40  (10  OCTOBRE) 

Articles.  —  1.  La  Dépopulation  de  la  France  :  Lettre  à  M.  Marcel  Fournier,  par  M.  E.  Levassbcr,  Membre  et 
Vlfutitut.  —  2.  La  Question  du  Pain  en  1897.  par  M.  Georges  Grade,  Député.  —  3.  L'Armée  Coloniale,  pv 
M.  Fleort-Ravariit,  Député.  —  4.  Les  Accidents  du  Travail  en  Italie,  par  M.  F.  Lampbrtico,  Membre  du  Séitat 
Italien.  —  5.  La  Question  du  Crédit  Populaire,  par  M.  M.  OopooRMAirrELLS.  —  6.  L'Assurance  Maritime  :  Ce 
qu'elle  est,  ce  qu'elle  devrait  être  {suite  et  fin),  par  M.  Jehan  Dcrieuz.  —  7.  Les  Commissions  Gantonaki 
d'Assistance,  par  M.  J   Pion. 

Variétés.  Notes.  Voyages.  Statistiques  et  Documents.—  l*  Essai  d'une  Sutistique  des  Étudiants  dei 
Universités  Françaises  {suite  et  fin),  par  M.  Ferdizcand  Lot. 

ftevues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revae  des  Questions  d'Enseigne^ 
ment,  par  M.  Étiekme  Dejeait,  Député.  —  3*  Revue  des  Questions  Agricoles,  par  M.  D.  Zolla. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  1*  ÉUU-Unis,  par  M.  W.-A.  DomniMs.  —  S*  Hon- 
grie, par  M.  A.-B.  Hoat*.  ~  3*  Grèce,  par  M.  Philarétos,  Membre  du  Parlement  Hellénique. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  Politique  Eztérieure  du  mois,  par  M.  Fr.  m 
PaisaBXst.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  FtLix  Roussel.  ~  3*  La  Vie  Parlementaire,  par"**. 

Giironolofle  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  41  (tO  NOVEMBRE) 

Articles.  —  l.  L'Organisation  da  Parti  Progressiste:  La  Fondation  du  Grand  Cercle  Républicain  et  le  Toasi 
de  M.  Waldeck-Rousseau  &  Reims,  par  M.  Marcel  Fourivier.  —  2.  Le  Référendum  en  France  et  le  futur  Pro« 
gramme  du  ^arli  Progressiste,  par  Uir  Progressiste.  —  3.  Le  Marché  Financier  de  Paris  et  les  Projets  de 
réorganisation,  par  M.  Louis  Lacombe,  Député.  —  4.  La  Crise  du  Revenu  et  l'Ère  du  Travail,  par  M.  E.  CsETssoit. 
—  5.  M.  Léon  Say,  Préfet  de  la  Seine,  par  M.  Georges  Micheu  —  6.  La  Prévoyance  aui  Étals-Unis  :  Le^  Assn- 
rances  Fraternelles,  par  M.  EoctaE  Rocuetui.  —  7.  A  propos  de  la  Loi  sur  les  Accidents  du  Travail,  par  M.  J. 
Jaquet. 

Variétés,  Notes.  Voyages,  Statistiques  et  Documents.  —  l"  Le  Mouvement  Commercial  et  Maritime  de 
la  France,  par  M.  G.  d'Ootrevienke.  —  2*  Lu  Musée  Social,  par  M.  F. 

Kevues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  du  Mouvement  Socialbte,  par 
M.  J.  BooROEAO.  —  2*  Revue  des  Questions  de  Transports,  par  M.  C.  Colson.  —  3*  Revue  des  Questions 
Budgétaires  et  Fiscales,  par  M,  Rtirt  Darlac. 

La  Vie  politique  et  parlemenuire à  l'étranger.  —  i*  Angleterre,  par  M.  Mac-Kbiika,  Membre  d» 
Parlement  Anglais.  —  2"  Espagne,  par  Sarchez  Guerra,  Membre  des  Cortis. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France,  —l*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  ra  Feb»- 
sBNst.  ~  3*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Roussel.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***• 

Chronologie  politique  étrangère  et  française,  par  *-*. 

SOMMAIRE  DU  N*  42  (10  DÉCEMBRE) 

Articles.  —  I .  L'Enseignement  et  la  Démocratie  :  Les  Études  libérales  et  la  «  Crise  Universitaire  »,  par 
M.  Alebrt  FoDiLLtE,  Membre  de  t Institut.  —  2.  La  Conférence  de  Berlin  et  la  Législation  internationale  da 
Travail,  par  M.  Yves  Gotot.  —  3.  La  Surveillance  de  laJHaute  Police,  par  M.  PocxtFraxku».  —  4.  Le  Péril  Jaune, 
par  M.  Loois  Viciroii.  —  5.  Du  Mandat  Législatif  :  Les  Incompabilité  et  l'Immunité,  par  M.  FaAKÇois  Rocscbl.  -^ 
0.  Les  Conseils  d'Arrondissement,  par  M.  A.  Blozet. 

Variétés,  Kotes.  Voyages.  Statistiques  et  Documents.  — 1«  Le  5  mars  1815  :  Un  Document  sur  le 
Retour  de  l'Ile  d'Elbe,  par  M.  F.  de  SAirrr-Gima.  ~  2*  Le  Socialisme  d'EUl  idéaliste,   par  M.  EuctRi  d'Eicbtal. 

KeYues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  des  Questions  Ouvrières,  par 
M,  A.  FomuLMB. 

La  Vie  politique  et  parlemenuire  à  l'étranger.  —  1*  Suisse,  par  M.  N.  Droz,  Ancien  Président  de  U 
Confédération.  —  l*  Italie,  par  M.  Fr»  S.  Nittî. 

La  Vie  pollUque  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  PoliUque  Extérieure  du  mois,  par  M.  Pr.  ds 
PRBsaaiisB. 2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  ?tv\x  Roussel.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***• 

GMronologle  politique  étrangère  et  fk^nçaise,  par  *•% 


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SOMHAiRB  DU  N*  43  (10  JANVIER  1898} 

Articles.  —  1.  Le  Pouroir  réglomenUire  du  Président  de  U  Républiqae,  par  M.  H.  BeiiTiniLtMT.  —  2.  Les  Clubs 
politiques  AngUis  :  leur  But,  leur  action,  leur  Organisation,  par  H.  Ataos  Bbrat.—  3.  L'influence  de  l'Assurance 
ooTrière  sur  TAssistance  Publique,  par  M.MAuatct  Blocs,  de  Vlmtitut.  —  4.  Transportation  et  Colonisation  pé- 
nale à  la  Nourelle-Calédonie,  par  M.  L.  Bbauchit.  —  5.  Le  Budget  de  l'Enseignement  supérieur  en  France  et  en 
Allemagne,  par  H.  PtaonvAND  Lot.  —  6.  L'Œuvre  des  Hôpitaux  indigènes  en  Algérie,  par  M.  Mauricb  Colin. 

¥aiiété8.  Notes,  Voyages.  Statistiques  et  Docaments..  ~  Slaves  et  Qermains  :  Restauration  de  l'Em- 
pire  d'Orient  par  la  Russie  et  de  TEmpire  d'Occident  par  TAIlemagne,  par  nif  Oiplomati. 

ftevoes  des  ptrincipales  questloos  polltlfoes  et  sociales.  —  l*  Revues  des  Questions  Agricoles,  par 
11.  D.  ZoLLA.  —  2*  Revue  des  Questions  Coloniales,  par  H.  H.Pbicsa  kt  Rooms. 

La  vie  politique  et  parlemeotalre  à  rétranfer.  —  l*  Allemagne,  par  le  D'  G.  Hontanub.  —  2*  Au- 
triche, par  le  D'  G.  Kolxbr.  —  3*  Danemarek,  par  M.  CAESTutsiK,  Membre  de  Landsthing.  ~  4<>  Finlande,  par 
M.  L.  MtcbKui*,  SéncUeur. —  5*  Russie,  par  M.  A.  Basghmakopt. 

La  Vie  politique  et  parlemenuire  en  firance.  —  l*  La  Politique  Extérienre  du  mois,  M.  Fa.  m 
PuasiiiaÉ.  —  2*   Chronique  Politique  Extérieure,  par  M.  Ftux  RoosaxL.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

GluroBOloffle  politique  francise  et  éirant ère,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  44  (10  FÉVRIER) 

Articles.  —  1.  Waldeck-Rousseau:  1809-1882,  par  M.  Qoisrat  dx  Biatoxpaiex.  —  t.  L'Instroction  criminelle 
te  la  Nouvelle  Loi  du  18  Décembre  1897,  par  M.  Anoa*  FooB.Mxa.  —  3.  L'Armée  Coloniale  {ndte  etfin), 
par  M.  Elbuht-Ravaiuic,  Député.  —  4.  Le  Pouvoir  réglementaire  du  Préaldeni  de  la  République  {ndte  et  /In}, 
par  M.  BBaniLiMT.   -  5.  Le  Budget  de  la  Marine  pour  1898,  par  ***. 

Variétés,  Notes,  Voyages,  Stattstlques  et  Ikicuments.  —  Les  Congrès  Ouvriers.  (Premier  artiele),  par 
M.  Ltozi  Ds  SxaiiAC. 

Bévues  des  priucipales  questions  politiques  et  sociales.  —  1*  Revue  du  Mouvement  Socialiste, par 
M.  J.  BouaoKAU.  —  2*  Revue  des  Questions  de  Transports,  par  M.  C.  Colson.  —  3*  Revuo  des  Questions  Bud- 
gétaires et  Fiscales,  par  M.  RxNt  Oarlac. 

La  Vie  politique  et  parlemenuire  à  l'étranger.  ~  1*  Belgique,  par  M.  Fr.-S.  Nrm.  —  2*  Italie,  par 
M.  LoaAND,  Mtmbre  du  Parlement  Belge.  —  3*  Pays-Bas,  par  M.  MACALcsna-Loup. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  i*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  parM.Fit.  oi 
PnBSseiia*.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftuz  RomasL.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

Ghronolofie  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  OU  N*  45  (10  MARS) 

Articles.  —  I.  A  la  VetUe  des  Élections,  par  M.  J.  DaAcaa,  député.  —  2.  Deux  points  du  Programme  Républicain 
aux  EUclions  Législatives,  par  M.  L.  Bouoxkoot,  député.  —  3.  Paul-Louis  Courier,  Electeur  et  Candidat  (1820- 
1822),  par  MM.  6.  Oananis  et  G.  Galland.  —  4.  Le  Mouvement  Féministe  en  Australie,  par  M.  M.-S.  Wols- 
TcimoMS.  •-  5.  Les  Accidents  de  Travail  en  Angleterre,  parM.MAOuci  Bsllom.  —  8.  Transports  et  Colonisation 
pénale  à  la  Nouvelle-Calédonie,  («utfe),  par  M.  L.  Bbauchkt. 

Variétés,  Notes,  Voyages.  Statistiques  et  Documents.  —  l*  Les  Congrès  Ouvriers  (2«  article)  ,par 
M.  LtOK  nt  Sbilhao.  —2*  Les  Enquêtes  sous  le  Régime  Parlementaire,  par  M.  Combis  db  LasraADB. 

Mevnes  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  1«  Revue  des  Questions  Coloniales,  par 
M.  le  D' Romaa. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  h  l'étranger.  —  i*  Angleterre,  par  M.  MAc-KaimA,  Membre  du 
Parlement  Anglai».  —  2*  Lettre  du  Japon  :  Le  ministère  Matsnkata;  ta  chute.  —  Le  Ministère  Ilo.  —  Politique 
étrangère.  *-  3*  Japon:  Aperçu  de  la  situation  Financière  et  Economique  du  Japon  en  1896  (1*'  article),  par  ***. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  Politique  Extérieure  du  Mois,  par  M.  Fa.  di 
pRBSSurst.  —  2*  Chronique  Poli liquo  Inlérieure,  par,  M.Ftux  Rousscl.  —  3*  La  Vie  Pariementaire,  par  ***. 

Ouronoioffie  politique  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  48  (10  AVRIL) 

Articles.  —  l.  La  Fondation,  Tlnauguration  et  l'Avenir  du  «  Grand  Cercle  Républicain  >,par  M.  MAacsLFoca- 
imR.'-2.  A  propos  des  prochaines  Elections  Législatives,  par  M.  KmtnMxs>t  député.  —3.  Les  Députés  sortants 
(1893-1898):  Voles  et  Groupemenls,  par  M.  A.  Sallxs.  —  4.  Deux  points  du  Programme  Républicain  anx 
Elections  Législatives  {suite  et  /Cn),  par  M.  L.  Boddxroot,  député.  •  5.  Note  sur  une  Taxe  de  Remplacement 
de  l'Octroi,  par  M.  JACQUta  Bxktuj4>iv.  —  8.  Le  Droit  d'Association  :  Conditi<tts  qu'il  comporte  pour  se  conci- 
lier avec  la  Liberté  individuelle  et  l'Ordre  Social,  par  M.  H.  Pascaud. 

Variétés,  Notes.  Voyages,  SUtlstIques  et  Documenu.  —  Au  Musée  Social:  Le  Service  Agricole  et  la 
Fête  du  Travail  Agricole  (30  octobre  1898),  par  M.  F. 

merues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  !•  Revue  des  Questions  d'Enseigne- 
ment, par  M.  Enxmix  Objban,  député.  —  2«  Revue  des  Questions  Ouvrières  et  de  Prévoyance  :  l'OBavre  de  la 
6«  Législature,  par  M.  A.  Foivsauib.  —  3*  Revue  des  Questions  Agri<oles,  par  M.  D.  Zolla.  —  Revue  des 
Questions  Coloniales,  par  M.  Henri  PeitsA. 

La  Vie  politique  et  parlemenuire  à  réiranger.  —  l*  Etats-Unis,  M.W.-A.  Dumnno.  —  2*  Hongrie,  par 
M.  A.-E.  HoR.f. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  firance.  —  l*  La  Politique  Extérieure  du  Mois,  par  M.  Fa. 
I»  Paisosmt.  —  2«  Chronique  Politique  Intérieure,  par  Fftux  Roussil.    —  3*  La  Vie    Pariementaire,  par  ***. 

Cau'onologie  poUtlque  étrangère  et  française»  par  *'*. 


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—  14  — 


SOMMàfflB  3\3  ^  «7  (10  Mal) 

AMIdM.  —  L  Ptm&on  JUraUaU  •Att  deciioM,  par  M.  IUacsl  fouuna.  —  i.  Pam  Poct  ée  Mv,  far 
M.  '^— ^-".  BéjaOi,  —  3.  £•  IZBseigBement  dn  Hossb  ea  FnMA  «t  da  RMe  ComMKÔl  ée  fa  fiMW  «n 
ilneaie,  |Mr  M.  Cb.  i»  LàMxAut.  —  4.  La  il^gîme  da  Slé  «n  PorCogd,  fnr  M.  Linz  se  Cmoio.  —  V.  TMB^oite- 
tioa  ai  €oloaiajrftoa  Ptaale  à  la  Woniv«ne'Calêdooie  {«site  et  )fn),  pv  M.  U  BcABcasT.  —  t,  i.aliiWMie  4aNifllel  : 
aaa  Atuntafea  feoooavB  ;  la  j^amitoe  Pièce  à  faire,  ]iar  K.  Cuiuoioa  Cutla. 

Tarlétés,  Notes.  Tojf^sciL  StaUsd^uM  et  Aecameail.  —  l*  Ua  Goagrèa  Oorrier»  (f  aiAdi^  yar 
Jl.  Léûv  as  SawJMC  —  2*  La  ûueatkn  Sociale,  à'apthê  Paol  OcacHâMn^  par  IL  Piijwm  Cinaiia 

fteviie  des  pHnelpale*  «aesllMU  «MMUI^aes  «t  «ectates.  —  ï*  SamaB  da  Moapeaaaal  Stiitiite.  pv 
M.  I.  BouMAS.  —  2*  R«vae  dea  Qneatioiia  de  Teanaporta,  par  M.  C  CoLacw. 
.  fa»  Ito  iilIfiiT  «  yrlgnwftrr  *  l'étnuver.  —  l*  AUoncM.  par  M.  la  IK  «. 
2*  Japon  :  Aperçu  de  la  SUu&Uon  financière  et  écoaomif m  dn  Japon  «n  t897  (2*  aitide),  par** 

iM  Ne  polUHae  et  partaWBBllIW  «■  FeaBce.  —  l*  La  PaKU^ua  fiitérieiire  da  mcàL,  par  ¥.  Fb.  na 
PnaiBaiirt.  —  >  Cèmmk^a»  Batitàfoa  iatdàeure,  par  M.  FiuxIitfcaaEL.  -*  9*  La  Vie  T 

caironolofle  poUtlqve  étruiffère  et  fr«BÇ«ii^  ptf  ***. 

SOMMJUEE  H)  Ji*  «t  («6  JfiU^ 


AirttCteB.  —  i.  Apiia  lea El«oU«M Cétthries  :  Sil ii  i liii  daa  ftrlia ml  Kaarfia»  f.a4*tfcpie,  par  U.  MjmcaxFacB- 
Ksa.  —  3.  La  Aifisnoe  4e  fEucignene^  cfaaaiqaé  «4  madame,  par  JL  ▲.  Fonuts.  Mmért  éâ  flnâOtHi. 

—  3.  La  l^rialm  du  RI«leaMiBA  4e  la  Chaiiàre,  par  H.  ikeftooB  Oiudi,  BéfÊdé.  —  4.  Etada  aor  Kckciet, 
par  M.   FERDiRAKD-DHEtraa.  — ■  5.  Â   prapoe  de  la  EêloraM  ito«f*tiaa  an  iipOB,  par  M.  W  Gcaale  Ewa«ii. 

—  «.  LImiIJative  Paiteneaiaipa  paadaiA  ^  anite»  U«i4atere  i(ii0»-ltfi^  [à*  artiefe;),  par  &ua  LAaanm. 
Variétés. Notes,  \ojmgt%,  StatllCltuet  etDeenmeBts.  —  l*  Le  Ministère  Rudini  et  lea  BéforaMa  pr^i^t*» 

«■  itdKe,  par  M.  le  Vleoarte  Oombs  ds  Lesnémb.  -    2*  Pac.J3aprtto  tmr  ia  fidpine  da  riiaaal  à  ITMani^: 

Le  Rigiaw  de  rAlooal  aux  Btata-Haia,  par  M.  ioaa  JCfonc  —  J*  iaalâlntinnn  Oinrrièrea  daM  ka  HïDea  Ai 

Saarbruck,  par  M.  A.  Codtarel. 
■«varat  dei  prtedpalef  ««estfona  valMqaeg  ef  iWialBi   —  «>  fiavae  àm  ^^ueaUaaa  BadgflM—  el 

Fiflcales,  par  M.  RéhA  Dmhac  —  S*  Maa«M  dea  <|aaaMMa  Céfenialfla.  par  M.  M.  Pua^  et  Bawaa 
La  fie  pakUfe^  «l  pailft  ■■■!■' b  *  l*étraa«er.  —  i*  SMaa,  par  JL  JL  fiaoz,  AneimJS^iiÊîtl»ui  de  m, 

Confédêrmêiom.  —  1*  Hdia,  par  M.  FWiacS.  Rim.  ~  1*  Baada.  pv  M.  A.  fiaaoaHAaMV. 
La  Vie  polltltue  et  parlementaire  en  Fra»ae,  —  i»  La  IWilâpai  SrtériaBBa  dta  aHw,  par  M.  Fa.  as 

PaBsesmÉ. 2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Roussel.  —  3*  La  Vie  ParloaM&iaire,  par  *^. 

cauronolofle  polltl^ne  fk^nçalse  et  étrangère,  par  ***. 

50MMAiafi  DU  K*  49  (10  JUILLET) 

ArUcIca.  —  1.  Lea  Rétoraies  Uailvenlllaires  :  lacadauréal,  Coaaeil  Stqpédear,  par  M.  1.  Foaaiaa,  jfaatre 
de  rinstitvt.  —  2.  La  dernière  Criée  ItaHenne,  par  M.  le  D'  K.  CoLAaLiaa,  Membre  db  I^iiemeni  * 
3.  La  Revisiou  du  Règlement  de  la  Chambre  :  Le  GooiHC  de  la  Cfaaaihre  «oUiAre  {miêe  ai  fb^},  par  IL  i 
Giuux,  DéjnOé,  —  4.  Bis  ans  de  règne  en  Btdgarie  -.  le  Prime  Ferai— ad  («WT^S»?).  par  M.  L^. 

5.  L'IniUative  Parlementaire  pendant  la  sixième  Lfigislatere  (I  S«3-«lf  8)  {mtâte  9t  /lu),  par  M.  fta 

6.  Le  Problème  RuriA  et  le  Prdblème  Bpoawatqw  %éaa/6nA  «i  Ang^tena  :  VkiMn  da  la  paaada  PiupsitlJ 
foncière  et  Conpestioo  des  Centres  Urbains,  par  M.  Ren*  Uen&x. 

Variétés,  Naies,  Vayacet,  «Catfscl^pfMfi  et  HorwiwHf.   —  r*  Lea  Gaegrla  Ouvnas  (•»  ««<Ae),  par 

M.  LtoF  m  Saujuc.  —  S*  La  Condilàltoa  floagrotae,  par  H.  £,  N. 
Mevnet  4et  prtedIpaleB  vb^M^b*  paillHpics  et  ■acialei.  ^  t*  Bévue  dea  QaBsiiaas  Oavniaasclde 

PrAmyance,  par  M.  X.  Fom*un.  —  £•  Revue  des  QuesliaBs  A^noeSes,  par  M.  B.  Zoua. 
La  ^le  patraque  et  partenentalre  à  rètraager.  — 1«  Aosletorra,  par  M.  M»o-K«iaau  Mlemire  d»  fmr- 

lement  anglais.  —  2«  Autriche,  par  M.  le  D*"  G.  fCouna.  —  t»  Bauemork,  par  M.  Csmiiiii'waiji,  ÊÊgmkne  de  imuée 

thxng  (Sénat).  —  4»  Japon,  par  *•*. 
La  Vie  politique  et  parlementaire  en  Franoe.  —  !•  la  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Fa.  •■ 

PasseassÉ.  —  2*  Chronique  Politique  Inlérienre,  par  M.  Ftux  Tlousso..  ~  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 
GHroBOlogle  poUiiqne  fk«nçalse  et  étrangère,  par  **'. 

SOMMAIRE  DO  M*  80  (10  AOUT) 

Articles.  —  1.  Le  Honrement  Féministe  anx  Etata^nts,  par  M«*  H.  flAxaoïr  RûBimoff.  —  2.  LÉtat  d*Ame  de 

TAlsaoe,  par  ***.  —  3.  LaiMfease  Sociale  en  Italie,  par  M.  A.  Ebrat.  ~  4.  Le  Broit  d'Asaodation  :  Condilieas 

qu'il  comporte  pour  se  concilier  avec  la  Liberté  Individuelle  et  l'Ordre  Social  ^^uiîe  et  /En)»  par  M.  flonn  Pas- 

CA.BZIU  —  5   1.C  Socialisme  an  E^Mgne,  par  Jl.  Maze-Scrguee 
Variétés,  JKMes.  Vopmm.  Siaiistltiies  et  »t»cwne»ta.  —  l*  Les  Coi«rès  OuTriets  (S«  artkie;,  par  M.  Lioir 

as  Seuj^c. 
Mevuet  Mes  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  !•  Rerw  da  MoaTeawnt  SodaliBle.  par 

Jl.  J.  RooBDEAU.  —  i*  Rerue  des  Questians  de  Transports,  par  IL  C  Colsosl  —  3*  fieme  des  Oaostkma  ftodg^ 

taires  et  Fiscali*8,  par  M.  Rfirt  Darlac 
La  Vie  politique  et  paHementalredi  l'étranger.  —  i*  Pays-Bas,  par  M.  Macausra-Loiip. 
La  Vie  paimque  et  parlementaire  en  France.  ~  !•  La  Poittigae  ExtMsure  du  mois,  par  M.  Fa.  n  Pan- 

sBKst.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Bouesau  — 3«  La  ViePacltmfintak«,par  ***. 
QuroBOiogle  poiiuque  française  et  étrangère,  par  *^. 


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—  15  — 
sowf uRi  DU  a»  u  (to  stPimiuQ 

->  i.  l.*Art)itmt»  liliwialiwl  «t  U  CoMotCiM  Ai  Omit  4m  G«b«,  pw  M.  &aakifici.  Bmk».  — 

1.  LlalMsiU  4e  1»  CMm  Agno^k  4>|k*s  kStsUiUfae  décMuiak  4e  l«9t,  par  H.  Mamiob  Booatoinm  Profesteur 
^EommmepoJUi^m  à  rUniuniU de  £«ae.~l.  Le Noovtaa  KéfiaM 4e  Publictté  4ee  Oretts frétas  ea Ij^ieteire, 
per  M.  JAOQOtt  DÔcjie,  tloctatr  m  ùanoiL  —  4.  Le  âooialismeea  Eapagae  («si/e  el  jln^  fer  M.  GL  Maci^Scnchr. 

—  S.  L*E<»1e  ColoQiaia,  |»r  11.  Zawr  Tatrcv.  »  4L  lietetev  ie  ConoUiatioa  eotM  Petfone  ei  Ouvriers,  par 
H.  i,  Matmkei. 

Taiiétét*  IVotes»  léyMeik  Sl1irtlf>§  tt  — «uaeaO.  >-  l*  Le  Pr«oe  de  Bieeurek  «i  e«e  Haltras,  par 
M.  EoecAwSniex.  —  3*  Lm4  Broogtem  el  sa  PtiJeec^Me /^tCtf  ue,  pv  M.  le  Viooale  Coibw  eelewsiM 

Bevaet  4et  principales  ««estlOBt  polltiqaes  et  sociales.  —  Rerue  4es  QuesUorn  Cokmielev  pv  JL  le 
D*  Row 

La  TIe  polltiqae  et  partcieatalfe  ii  réinHMrer.'  --  f  Allemegne,  per  M.  le  D^G.  ItoMtairas.  —  S*  Bel- 
^M,  par  11.  LoaAi9t  Memkre  4e  l»  CMamère  de»  ii^pré9mé*nt$. 

IM  Vie  poUCHpM  at  parte  ■■ftafcri  e«  FrajMe.  —  t«  (^roM^ee  Botitifw  tatteleiire»  par  M.  F.  AûoeeaL. 

—  2*  La  Vie  Parleroentaire,  par  *•". 

Cfcranalafle  palltl«aeCnia{alsa  ai  éiraacère,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  M  <H  OCTOBRE) 

Arifcles.  —  1.  Les  Élections  au  Reicbstajr,  par  M.  Lbfevrs-Poxtaus,  Membre  de  FlneUiut,  —  S*  La  Question 
des  Nationalités  :  1*  en  Hongrie;  i*  ea  AuUiche,  par  M.  L.  Lakc,  Vice-Préeident  de  la  Diète  Hongroise.  — 
Z.  Le  Socialisme  éiccloral,  par  M.  Bvobxk  d'Eichtiui..  —  4.  Les  Services  publies  et  la  QuestioB  des  Monopoles  aui 
CUts-Onis,  par  M.  Paol  m  Roosurs.  —  S^  Le  Coiate  SsUrhaxy  à  1*  Co«r  de  Raesie  (17%1-i7«2,\  par  H.  Ga.  db 
LARrvitM.  —  t.  Le  Oeoil  d'Appel  an  Conseil  privé  dans  les  ColoDies  britanaiiiueSf  psr  M.  Paul  MAtema.  — 
7.  Lo  Problëme  Soeîa!)  ekllndiTidnaUsme,  par  M.  X.  Tobao-Batle. 

Variétés.  Notes,  foja^es,  StatHtkiaes  et  BoeaaMBU.  —  l«  La  Politi^ne  d^àrlstote  el  le  Pnogramne 
social  de  U  troisîèaie  République,  par  A.  àcmuaA.  —  2*  La  Géofçrapbie  éce»»au^ne  flt  eoeiale  eo  PraiM:*,  par 
M.  FooaxuK  os  Flaii. 

KeToes  4es  principales  «aestlaat  poUllqaes  et  sadales.  ~  l*  Rome  des  Questàons  Ouvrières  et  do 
Préroyance,  par  A.  Aaraua  ForrAjna.  ^  2*  Revues  des  Questions  Agricoles,  par  M.  D.  Zoala. 

La  Vie  polttlqne  et  panemenlalre  a  rétraafer.  ~  l*  Buts-Oms.  par  H.  Manmoa-SMiTa.  —  2«  J^mq, 
par  *^. 

La  Vie  pMttlinie  el  parleBSenlalre  ea  France.  —  i*  La  Pgliiiqne  Bxiérieure  4a  mois,  par  M.  Auzoa 
EenAt.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftuz  îlninssi   —  1*  La  Vie  Plsriwnnnliire,  per  ***. 

airanolofle  pollll«Qe  étrangère  et  française,  par  ***. 

SOMHAIRB  DU  N*  51  (10  NOY£klfiBI0 

Articles.  ~1.  La  Question  deFacboda  :  Avant  et  Api^  par  M.  5.-L.  UiLe(!ica.a.~2.  Le  Bourse  cA  les  Affaires 
par  M.  GtoRoa^  Margsbz.  —  3.  La  Grève  générale  et  le  Syndicat  Qoérard,  par  M.  PiLiz  Rousskl.  —4.  Le 
•  Criminal  Evidence  Act  »  de  1898  et  le  Serment  des  Aoeosés  en  Angleterre,  par  M.  A.  BsMBirr,  Professeur  à  la 
Faculté  de  droit  de  Parie.  —  5.  L'Impôt  communal  sur  le  Revenu  :  Réforme  des  Gontnbulions  directes  et 
Odirnis,  par  M .  HmanoA  HauBac,  Ancien  ûépmU,  —  é.  L'Eneeignemant  daeeifnB  et  rflneeignemeot  moderne 
«n  ABoBMgm  :  f  raginmaes,  Métbodes,  SancUons,  par  H.  Gaoacss  Caboi. 

Vartécés,  Naieg,  Vojnaget,  Siallsdqiaes  «t  PocnoMvti.  ~>  l*  La  RépuUifne PaileaMntaire  en  Prance.  (A 
propes  4e  fnamife  La  France,  par  M.  Jobn  Covrtenay  Bedley),  par  M.  T^.  Podraen.  — >  1*  Les  Congrès 
Ovrrinrs  {mite  tt  fUU  par  M.  Léok  na  Sanjuc.  —  I*  La  Corruption  politiqne  «nus  la  ftnrtnumtion  :  Le  Procès 
l^le  et  Ci4b«ères,  par  É.  thiion  Gucklac. 

Kevnes  4es  prlndpales  ^aefUans  palW^m^s  et  sociales.  —  t*  R«me  4n  Menremeufl.  Socialiste,  par 
M.J.  BeansBap.  —  2*  Kevne  dee  Questions  de  Tnmeports,  par  M.  CCouon. 

La  Vie  paNll^e  et  parlensanialre  a  réiranger.  —  i*  An?^(Aem,  par  M.  Mao-CamiA,  Membre  du  Porte- 
ment An  fiaie.'-  i^  Hongne,  par  IL  â.-B.  fions.  —  3*  HnBo,  p«tfr  M.  Pa.  S.  Htm.  —  4*  Rewninie, par  M.  P. 
G.  Gaimmi. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  i*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Amidb 
fianAV.  ->  f"  Gkraolque  PeBitéqne  Inténenn,  par  11.  Ptus  Roosonu^  8*  La  ▼iePni4e«[rtlnlrei,  par '^. 

du^nologle  ptMHifne  éKmagère  et  frân^te,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  54  (10  DÉCEMBRE) 

Articles.  ~  i.  De  rimpètsurle  Revenu  à  Rorenoe  an  zv*  Siècle,  par  M.  Hsinu  Babbodz.  — >  2.  Les  Elections  prus- 

siennea,  par  M.  Lastena  Pqm^aaa,  4e  VImstitut.  ~  i.  Le  Dreit4'aaBaBàClian  :  L'Aaewnarten  aerperay««  .et  ris- 
.    nooialion  «enlcactneOei,  par  JL  Tens  Gbwot,  Jlnc^  JK«mb*«.  <~  4.  Voies  aaeigaUee  et  Voiea  kném,  par 

M.  Gnâ«LBa-ReaK,  Amden  Jkf^té,  —  S.  UCrise  dn  booiaiBMae,  par  M.  û.  Soaau  —g.  Sur  la  l^sintian  du 

CoMe •onMMliqne,  pv  M.  Fa.  fteneBat.  —  7.  U  Prnteckymt  de  U  Pranee  «n  Ananin  «t  an  ISenlàn  et  sonEvdu- 

Uon  pnrll.  Ou.  Da  Pisiot. 
TarléSés,  Noies,  Vofmgea,  StaHstâ^acs  et  BsransBnii   —  1*  U  finnsiihUinn  et  leRi^iaw  palitsqe«  du 

Japon,  par  ***.  —  â«Noic  snr  ia  Vie  SfmdioÊk»  en  Previnoe,  parM.  Anont  Snas.  —  8«  On  Prsjet  4e  Mnm  Pk)U- 

tifue en  iAgS,  per  11.  OceacEs  Mau-Scncwr. 
Bevaes  4es  principales  «aeMla«s  paMtlqacs  «  sociales.  —  fRetvd  des  t^neationa  Bndgélains  «<Fis- 

nales,  par  M.  UmmeUàMUkC.  —  S*  Revaedes  Qneslioos  Gefenialee,  par  U.hB'BLaoKa. 
La  Vie  polltliiae«l  partcaseniaire  à  I>fttrangi?ir.  —  ôuiase,  par  M.  N.  Daoc,  Ancien  PHndmtdelaCon- 

fédératiem. 
La  Vie  poUtIqne  et  parlBiintalri  en  nrasce.  —  t«  La  PoUtkine  Brtéfiense  4a  mois,  p«  M.  Auudk 

Ebrat.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Peux  Ronsan.    ~  3*  La  Vie  Pariemontaire,  pnr  ***. 
La  Vie  littéraire,  dramatique  et  musicale  en  France.   —  Revue  Théâtrale  du  mois,  par  M.  Loua 

ScnxsuiaR. 
CHronologle  politique  filfglTf  et  ftiapialso.  par  ***• 


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■Ë^-. 


—   16  — 

SOMMAIRE  DU  N*  55  (10  JANVIER  1899) 

Articles.  —  1.  Ut  Finances  françaises  et  le  Budget,  par  ***.  —  î.  Le  RenouveUement  du  Pririlèfe  de  la  I 
de  TEmpire  d'Ailemagne,  par  M.  HsLLPBRica.  —  3.  La  Politique  douanière  internationale  de  l'Areoir,  par 
M.  L.  L41V0,  Vice-Préndeni  de  la  Chambre  des  Députée  hongroiee.  —  4.  L'Impôt  du  Tabae  en  Praoee  :  tes 
Origines  et  son  Oéveloppement,  par  M.  Ffuifçois  Laurent.  —  5.  Les  premières  AstocJations  Corporatives  en 
Grèce,  Ters  la  fin  du  xiu*  siècle  et  au  commencement  du  xiv«,  par  M.  EogIick  Rooutuv.  —  6.  La  Gonfeclion 
d»  Budget  :  Méthode  à  suivre  pour  rendre  les  dépenses  budgétaires  réellement  comparables  entre  elles,  par 
■errices  et  par  années,  par  M.  P.  OniARotm,  Sous-Chef  de  Bureau  au  Minietère  dee  Financée. 

¥arlétét,  Notes,  Vojaf es.  Statlstl^aes  et  Documents.  —  La  Vie  Politique  au  Canada,  par  M.  Asmé 

SlBGFIUBD. 

Eevoedes  principales  «uestlons  politiques  et  .sociales.  —  1*  Revue  des  Questions  Ouvrières  et  de 

Prévoyance,  par  M.  Arthur  FotfTAiifB.  —  2*  Revue  des  Questions  Agricoles,  par  M.  0.  Zolla. 
La  ¥le  politique  et  parlementaire  h  l'étranfer.  —  1*  Allemagne,  par  M.  le  ly  C  Moittabos.  — 

S«  Autriche,  par  M.  le  D'  G.  Kolmbr,  Kédaeteur  d  la  Nouvelle  Presse  libre.  —  3*  DanenafeL,  par  M.  Cam»- 

TuvsBiv,  JHenûn'edu  Landithing  [Sénat). 
La  Yle  politique  et  parlementaire  en  France.  —  1*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Atc— 

EeaAT.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Fftux  Roosssl.  —  3«  La  Vie  Parlementaire,  par  *"*. 
GMronolofle  politique  étrangère  et  françftise,  par  ***. 

SOMMAIRE  OU  N*  5Ô  (10  PBVRIER) 

Articles.  —  1.  La  Constitution  et  la  Constituante,  par  M.  Ds  MASOtes,  Sénateur,  ^  S.  Le  Commerce  des  Cé- 
réales en  Amérique  et  en  Europe,  par  M.  Mauricb  Btoca,  Membre  de  t Institut.  —  3.  De  la  Néœesilé  de 
restreindre  les  Pouvoirs  des  Conseils  Généraux  dans  nos  anciennes  Colonies,  en  matière  de  Taxes  locales,  par 
M.  L.  BouoxRooT,  Député  du  Pas-dé-Caiais.  —  4.  L'Exploitation  des  Chemins  de  1er  de  l'Etat  français,  pir 
M.  R.  JooKDAW.  —  5.  L'Impôt  général  sur  le  Revenu,  par  M.  GBonoBS  Marchbz.  —  6.  Les  Pinanoes  françuM 
et  le  Budget  (2«  article),  par  ***.  ~  7.  La  Renaissance  coloniale  de  la  Prance,  par  M.  L.  D'AvpaKviLLC. 

Variétés  Notes,  fofages.  Statistiques  et  Documents.  —  i*  La  Candidature  officielle  sous  la  ResiannliM: 
Une  Election  en  1820,  par  M.  Ca.  Rocssau  —  2*  L'Apostille  et  l'Assemblée  de  1848,  par  M.  Raoul  BoMrAirr,  Dé" 
puté.  —  3*  Le  Comité  Maritime  international  (session  de  1808},  par  M.  R.  VuutsAOX,  Seer^taire  génènk 
adjoint  de  fAesoeùUion  française  du  Droit  maritime. 

BCTues  des  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  l*  Revue  du  Mouvement  Socialiste,  psr 
M.  J.  BouRDBAD.  —  2*  Revue  des  Questions  de  Transports,  par  M.  C.  Colsom. 

La  TIe  politique  et  parlementaire  à  l^tranger.  —  l*  Pa^s-Bas,  par  M.  MACAusnn-Loup.  ^  2*  Japoa, 
par  •**. 

La  ¥le  politique  et  parlementaire  en  France.  —  1*  La  Politique  Extérienre  da  mois,  par  M.  Aiom 
Ebrat.  —  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Peux  Roussxl.  ~  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  "^^ 

CMronoloffle  politique  française  et  étrangère,  par  ***. 

SOMMAIRE  DU  N*  57  (10  MARS) 

Articles.  —  1.  La  Constitution  de  1875  :  Lettre  à  M.  de  Marcère,  par  M.  FsannuHn  OmarFm.  —  2.  L*lmpèt 
général  sur  le  Revenu  (deuxième  article),  par  M.  Gkokoss  Manchxx.  —  3.  Le  Mal  de  l'Algérie,  par  M.  Loo»  Paou. 

—  4.  La  Suppression  des  Octrois,  par  M.  P.  GonxoT.  —  5.  La  Tunisie  devant  la  Cour  d'Aix,  par  M.  Bvbmmtvu  Put. 

—  6.  Les  Associations  Ouvrières  de  Production  en  France  et  leur  Développement,  par  M.  iuus  Maihoiubc. 
Variétés,  Notes.  Voyages,  Statistiques  et  Documents.  —  l*Le  Fédéralisme  an  Brésil  et  dans  les  Répu- 
bliques Hispano-Américaines,  par  M.  Oscab  d'Abaujo.  —  2*  L'Evolution  du  Droit  privé  en  Grèee,  par  M.  Q.  Bcen» 
CART.  —  3*  Nouveaux  Freins  dans  les  Institutions  politiques  américaines,  par  M.  G.  Orasso. 

mevues  des  principales  questions  politiques  et  scbciales.  —  1*  Revue  des  QoesUons  Bndgétairoa  et 
Fiscales,  par  M.  Rxirt  Daalac.  —  2*  Revue  des  Questions  Coloniales,  par  MM.  H.  Persa  et  le  D'  Romaa. 

La  Vie  polidquo  et  parlementaire  à  l'étranger.  —  l*  Angleterre,  par  M.  MAO-ICaNKA,  Membre  du  Par- 
lement anglais.  •  2*  Russie,  par  M.  A.  BAScmcA&orr.  —  I*  Belgique,  par  M.  Loraxd,  Membre  du  Parlement 
belge. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —  l*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.  Alcds 
Ebrat.  ~  2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Félix  Roussel.  ~  8*  La  Vie  Parlementaire,  par  *** 

Chronologie  poUttque  française  et  étrangère,  par  **'. 

SOMMAIRE  DU  N*  58  (10  AVRIL) 

Articles.  —  1.  La  Question  de  Terre-Neuve,  par  un  Diplomate.  —  2.  Le  Mouvement  Féministe  en  AOemagne,  par 
Mme  Ult  Braun-Gixtcu.  —  3*  La  Situation  Financière  de  l'Espagne  :  Déclaration  de  M.  Navarrot  Reverter. 
ancien  Ministre  des  Finances,  par  M.  Gaston  Routier.  —  4.  Justice  Administrative  :  Notes  sur  la  Réforme  des 
Conseils  de  Préfecture,  par  M.  Alexandre  Blozxt.  ~  5.  lustices  de  paix  réunies  et  Juges  de  paix  délégués,  par 
M.  CoRBiTix  Gutho.  ~  6.  La  Participation  des  Ouvriers  aux  Bénéfices  dans  l'Industrie,  par  M.  Rocn  Mrruii. 

Variétés,  Notes.  Voyages.  Statistiques  et  DocnmenU.  —  1*  Deak  et  Kossuth,  par  M.  A.  de  Bbrtba.  — 
2*  Le  Système  <^ulaire  et  le  Tlraitemenl  des  Prisonniers  politiqoes,  par  M.  CmusnAir  CoaifÉuasar. 

mevues  ies  principales  questions  politiques  et  sociales.  —  i*  Revues  des  Questions  Ouvrières  et  de 
Prévoyance,  par  IL  Arthur  Fom-Ains.  —  2*  Revue  des  Questions  Agricoles,  par  M.  D.  Zolla. 

La  Vie  politique  et  parlementaire  h  l'étranger.  —  1*  Etats-Unb,  par  M.  Momoé-Sumi.  »  2*  Hongrie, 
par  M.  A.E.  HoRif.  ^  3*  Chine  :  Notes  économiques  et  commerciales,  par  ***  (Premier  artide). 

La  Vie  politique  et  parlementaire  en  France.  —1*  La  Politique  Extérieure  du  mois,  par  M.Aix:mxEaRAT, 
2*  Chronique  Politique  Intérieure,  par  M.  Ftux  Roussel.  —  3*  La  Vie  Parlementaire,  par  ***. 

Chronologie  politique  française  et  étrangère,  par  ***. 

Paris.  —  Typ.  A.  DAVY,  52,  rue  MadaoM  —  TéUphone. 

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