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7
Revue
Politique et Parlementaire
xx
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"1
Revue
Politique et Parlementaire
PARAISSANT LE 10 DE CHAQUE MOIS
Directeur : Marcel FOUBNIER
Rédaction : Ëiue de T Université 110
SIXIÈME ANNÉE
TOME XX
AVRIL — MAI — JUIN
PARIS
Armand Colln & 0\ Éditeurs
LIBRAIRES DE LA SOCIÉTÉ DES QEN8 DE LETTRES
5, rue de Mézières, 5
1899
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APR 2 8 1933
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Revue Politique &Parlementaire
LA OVESTION DE TERRfi-NEVYE
On attribue à lord Bacon ce mot : « La richesse en poissons
de Tîle de Terre-Neuve est supérieure à celles des mines du
Pérou. »
Authentique ou légendaire, cette appréciation justifie Tàpre
concurrence qui s'est exercée depuis quatre siècles autour de
Tile poissonneuse entre les pêcheurs des diverses nations.
Dès le XVI'' siècle la lutte fut vive, mais les nations ibériques
cessèrent promptemcntd'y faire figure : les Français et les An-
glais se trouvèrent seuls aux prises.
Il paraît hors de doute qu'au début les Malouins régnèrent en
maîtres à Terre-Neuve. Des recherches de M. Harvut, membre
de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, dans les archives
bretonnes, il résulte que l'exploitation des pêcheries de cette île
fut antérieure à la découverte du Canada par Jacques Cartier.
La pêche se pratiquait non seulement sur la partie appelée au-
jourd'hui « French Shore (rivage français) » et qu'on nommait
alors « côte du Petit Nord », mais sur toute la région côtière du
Sud, du cap Rouge au cap Saint- Jean, en passant par Tcxtré-
mité méridionale, c'est-à-dire par la baie de Fortune et parla
haie de Plaisance.
II est important de mettre ces faits en lumière, car on nous a
contesté la priorité d'établissement à Terre-Neuve. Or, M. Har-
vut a exhumé des lettres patentes de Louis Xlll, dont les pre-
mières lignes sont ainsi conçues (26 juin 1613, archives, série
EE4):
Les Roy s nos prédécesseurs ayant aprins que leurs sttbjects
nvaient descouvert les pais de Terre neufves^ abondants en la
pesche des mollues ;
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6 LA QUBSnON PC TmC-VBUVE
Ces lettres patentes font défense d'abattre les échafauds bastis
en cette Isle pour la dicte pesche et prouvent la juridiction fran-
çaise sur les établissements permanents de nos pêcheurs. La
France réglementait la pêche et les mouillages des bâtiments
dans les baies et havres de Tlle.
Les Maloiiins, d'après M. Harvut, avaient dès la fin du
xvi^ siècle une sorte de monopole pour Texploitation de la pêche
de Terre-Neuve. Ils placèrent, A^ers le milieu du xvu* siècle, un
navire garde-pêche sur les côtes de Tile. Le 16 janvier 1647, le
Roi de France délivra des lettres patentes autorisant le main-
tien de ce bâtiment entre le cap du Degras et le cap de Saint-
Jean. En 1653 et 1654, les Anglais tentant de nous faire con-
currence à coups de hache, les Malouîns se plaignirent au Roi de
France des déprédations exercées et des dommages à eux causés
par nos rivaux. En 1655, le Roi de France nomma le sieur de
Keréon gouverneur de Terre-Neuve. Le 29 avril 1659, un arrêt
du Parlement de Bretagne condamnait des Anglais habitant
Saint-Malo, pour avoir concerté avec des gens de Jersey le pil-
lage de la flottille malouine qui se rendait à la pêche des morues.
Les arrêts du Parlement breton et les règlements des Malouîns
approuvés par ce Parlement étaient rendus exécutoires par le
Roi de France dont la souveraineté s'exerçait ainsi sur Terre-
Neuve d'une manière continue et manifeste.
D'après Touvrage de Tauteur anglais Beckles-Willson, in-
titulé The Tenth Islande trois échecs auraient marqué les essais
de colonisation anglaise à Terre-Neuve à la fin du xvi' et au
commencement du xvu* siècle. Les tentatives de Humphrey
Gilbert (1597), de John Guy (1623) et de lord Baltimore furent
malencontreuses et malheureuses.
M. Beckles-Willson reconnaît que,durantlex\^i«siècle, Terre-
Neuve ne fut considérée en Angleterre que comme une simple
station de pêche des gens de De von. Des lois britanniques inter-
disaient aux Anglais de s'établir dans l'Ile et leur prescrivaient
de rentrer en Angleterre à la fin de chaque saison de pêche.
C'est en 1729 seulement, suivant le même auteur, que le pre-
mier gouverneur anglais se serait fixé à Terre-Neuve. 1729 !
soixante-quatorze ans après la nomination du gouverneur fran-
çais, M. de Keréon, et seize ans après le traité d'Utrecht! Le
traité d'Utrecht, qui mit fin à la guerre de succession d'Espagne,
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LA QUESTION I>£ TERRE-NEUVE 7
malheureuse pour la France, réglait, à Farlicle 13, la situation
de Terre-Neuve dans les termes suivants :
Llsle de Terre-Neuve, avec les isles adjacentes, appartiendront désor-
mais à la Grande-Bretagne...
... 11 ne leur sera pas permis non plus (aux pêcheurs français) d'y foiti-
fier aucun Keu, ni d'y établir aucune habitation en façon quelconque, si ce
n'est des écbafauds et cabanes nécessaires et usités pour sécher le pois-
son, ni aborder dans ladite isie dans d'autres (emps que celui qui est
propre pour pêcher et nécessaire pour sécher le poisson.
Dans ladite isIe, il ne sera pas permis aux dits sujets de la France de
pêcher et de sécher le poisson en aucune partie que depuis le lieu appelé
cap de Bonavista, jusqu'à l'extrémité septentrionale dft ladite isle, et de là
e n suivant la partie occidentale jusqu'au lieu appelé Pointe-Riche.
La France se réservait donc, en abandonnant Terre-Neuve à
la Grande-Bretagne, un droit de pèche sur la côte ainsi déli-
mitée qu'on appela « French Shore ». Ce ne fut pas TAngleterre
qui nous octroya une faveur, ce fut le roi Louis XIV qui main-
tint une réserve dans la cession de Tîle ainsi grevée d'une ser-
vitude. Il s'agit donc d'une exception et non d'une concession.
Tel un propriétaire vend sa maison en gardant un usufruit. Il
conserve sa résidence à l'un des étages. Il ne choisit pas le
pire.
En 1763, après la guerre de Sept-Ans, nous perdions le Ca-
nada, mais l'Angleterre, afin de faciliter la pèche française sur
la région dite « Grand Banc », nous attribuait les îles de Saint-
Pierre et Miquelon, sous la réserve de nepcis les fortifier.
Ce qui prouve que aos droits sur le French Shore furent bien
considérés comme exclusifs, c'est qu'en 1764, pour permettre
aux sujets britanniques de pêcher dans le détroit de Belle-Isle,
on adjoignit le Labrador à Terre-Neuve.
Le droit exclusif de la France découle d'ailleurs évidemment
du traité conclu à Versailles en 1783, à l'issue de la guerre d'In-
dépendance des Etats-Unis du Nord.
Par ce traité, la France acceptait une nouvelle délimitation
du French Sfaore. Le cessionnaire usufruitier changeait d'étage,
pour complaire aux acquéreurs de l'immepble. Nous abandon-
nions aux Anglais la côte située entre le cap Bonavista et le cap
Saint-Jean, afin d'éviter le renouvellement d'anciennes que-
relles ; le French Shore devait désormais s'étendre du cap Saint-
Jean au cap Raye. Par là même la France entendait rester af-
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8 LA QUESTION DE TERRE-NEUVE
franchie de toute concurrence. Ce point a été parfaitement élu-
cidé par un savant jurisconsulte français, M. Fauchille, au
cours de Tenquêle poursuivie par un correspondant du J/o/vim^
Post auprès des personnalités françaises capables de donner un
avis compétent sur la question qui nous préoccupe. Il est évi-
dent, comme le démontre M. Fauchille, qu'on a, en 1783, sé-
paré les places des pêcheurs anglais et des pêcheurs français. Si
on avait entendu que les traités de 1713 et 1763 autorisaient les
deux nations à exercer un droit concurrent de pêche sur le
French Shore, la répartition eût été différente. L'indivision
équivalant à la moitié du tout, on aurait donné à la France une
compensation suffisante en lui accordant un droit exclusif sur
la moitié de la côte antérieurement désignée.
Or, nous avons acquis, en 1783, une étendue de côte égale ou
supérieure à celle que nous abandonnions. Notre droit exclusif
élait donc antérieur au traité de Versailles.
La déclaration signée le jour même de la conclusion de ce
traité définit d'ailleurs et précise ainsi le caractère de la pêche :
Pour que les pécheurs des deux nations ne fussent pas naître des que-
relles journalières, Sa Majesté britannique prendra les mesures les plus
positives pour prévenir que ses sujets ne troublent en aucune manière
par leur concurrence la pêche des Français pendant Texercice temporaire
qui leur est accordé sur les côtes de Tlle de Terre-Neuve et elle fera re-
tirer à cet effet les établissements secondaires qui y seront formés.
M. Fauchille fait très justement remarquer que les termes
« troubler par leur concurrence » n'équivalent nullement à
« troubler dans leur concurrence ». Dans le premier cas, Tidéo
de concurrence est absolument exclue.
Les mesures prises en 17>>6 par l'amiral anglais Campbell
contre les agissements des pêcheurs britanniques sur le French
Shore et les instructions adressées en 1788 par Georges III au
gouverneur de Terre-Neuve ne furent que l'application de la
déclaration annexe au traité de Versailles.
Néanmoins, sans discuter le principe, les Anglais avaient pris
soin de se ménager toujours, suivant une coutume chez eux fré-
quente, une porte ouverte aux contestations.
Tout en donnant à nos ambassadeurs les assurances les plus
satisfaisantes, lord Shelburne, lord Portland, W. Pitt et Fox,
durant les négociations relatives à la conclusion du traité do
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LA QUESTION DE TERRE-NECVE 9
Versailles, avaient refusé sans cesse d'inscrire le mot exclusif
comme caractéristique de notre droit, se bornant à des termes
plus vagues, sans laisser la preuve matérielle de leur acquiesce-
ment à nos idées.
Après le traité de Versailles, la pleine jouissance de notre pri-
vilège confirma notre droit écrit.
Mais durant les guerres delà Révolution et de TEmpire, les
pêcheurs anglais et canadiens supplantèrent nos compatriotes
au French Shore. En 1815, le gouvernement anglais offrit au
gouvernement de Louis XVIII l'abandon de Saint-Pierre et Mi-
quelon avec les pêcheries de Terre-Neuve contre la cession de
Tile de France appelée « Maurice ». M. de Richelieu préféra re-
noncer à File Maurice.
LesTerre-Neuviens ne se résignèrent pas facilement au retour
des pêcheurs français, s'obstinèrent à leur faire concurrence et
leur soulevèrent mille difficultés.
Sir Charles Hamilton, gouverneur de File, fut obligé de pu-
blier, en 1822, une proclamation rappelant à ses adminstrés nos
droits méconnus.
Mais, en 1832, Terre-Neuve obtenait un Parlement àSaint-John
ou Saint-Jean, sa capitale; et les réclamations des Terro-Neu-
viens trouvaient, en 1835, dans le Parlement britannique môme,
un écho tel que le ministère anglais résolut de déférer la ques-
tion aux jurisconsultes de la Couronne.
Ces jurisconsultes, Dodson, Campbell et Rolfe, par leur dé-
claration du 30 mai 1835, reconnurent notre droit exclusif de
pêcher sur le French Shore en termes absolument nets :
Nous pensons que les sujets français ont lo droit exclusif de poche
sur la partie de la côte de Terre-Neuve spécifiée dans le 5* article du
traité définilif signé à Versailles le 3 septembre 1783.
Tel fut le texte que signèrent MM. Dodson, Campbell et
Rolfe.
Le Gouvernement anglais, peu satisfait de cette consultation
si catégorique, les pria d'examiner de nouveau la question et
d'émettre un second avis, autrement dit, on les invita à se dé-
juger. Ils s'en acquittèrent avec unegêne que traduit l'obscurité
de leur formule.
En 1857, à l'époque de notre intimité avec l'Angleterre, lo
moment sembla bien choisi pour dissiper toute équivoque. La
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10 LA Ql^^SSTION DE TERR&-KfiCVE
convention alors conclue établit à Tartiele 1"'' que les sujets
français auront le droit exclusif de pêcher et de se servir du ri-
vage pour les besoins de leur pèche.
Mais, depuis 1854, Terre-Neuve jouissait du «^//-yot^^mm^n/.
A la nouvelle de Tarrangement de 1857, une véritable sédition
éclata dans Tîle. On traîna dans la boue Técusson britannique.
11 fut impossible de faire exécuter la convention signée.
En 1884, on aboutit, après de longues négociations dont le
Gouvernement anglais avait pris l'initiative, à un nouvel
arrrangement.
. 11 s'agissait, non pas de modifier ni d'interpréter les traités
en vigueur en ouvrant aux habitants de Terre-Neuve la pêche
sur le French Shore, mais de leur faciliter le développement
agricole et minier de leur colonie. Le gouvernement français
autorisait, sur certains points déterminés du littoral, la créa-
tion d'établisements nécessaires à Tagriculture ou à l'exploita-
tion des mines.
Une fois de plus on se heurta à l'opposition des Terre-Neu-
viens. L'arrangement de 1884 demeura lettre-morte.
Faute de pouvoir contester valablement nos droits, les Terre-
Neuviens essayèrent d'en entraver l'exercice en arrêtant la pêche
à l'origine même de l'opération.
Nos pêcheurs, en arrivant à Terre-Neuve, au mois d'avril,
cherchent à se procurer la boette ou appât nécessaire pour
attirer les morues. Les harengs employés comme boette étaient
vendus aux Français par les habitants de la partie méridionale
de Tîle. Un bill du Parlement de Terre-Neuve, en date du 6 mai
1886, prohibait la vente de l'appât aux pêcheurs étrangers à par-
tir du 31 décembre 1887. Cette loi fut en vigueur jusqu'en 1890.
Ce bill de la boette, destiné à atteindre les Français dans la
jouissance légitime des droits garantis par les traités, frappait
en premier lieu la partie indigente de la population de Terre-
Neuve, dont la principale ressource consistait à vendre le
hareng à nos pêcheui's. Ces malheureux Terre-Neuviens virent
tarir d'un seul coup la totalité de leur revenu annuel, que
l'auteur anglais Beckles-Willson évalue à 800.000 francs et qui
dépasserait un million suivant d'autres auteurs.
On eut peine à faire entendre à ces simples pêcheurs terre-
neuviens qu'il était de leur intérêt d'éloigner de la côte d'Ouest
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LA QUEgnOIf D£ TERHE-NEUVE 11
de l'île leurs clients annuels. Pour convaincre ces gens au bon
sens récalcitrant, il fallut employer les menaces. On répandit
des placards formulés en un style extraordinaire qui donne une
singulière idée de Tanimosité qu'on déploie contre nous à
Saint-John.
M. Beckles-Willson a bien voulu nous en fournir quelques
exemplaires que voici :
I. The fisherman tvho toould sel bote lo a Frenchmofi, would
Steel the penny's off his deadmother's eyes.
II. Neivfoiindlander^ he meni
Slarve if y ou must : but hang on ta your hemng !
P.-S. — tf you sellbait to the French now^ you arebouml to
starve in the long rtin.
Tâchons de produire une traduction de ces documents, dans
la mesure où il nous est donné d'entendre le patois de Terre-
Neuve.
Les premier signifie :
Le pécheur qui vendrait de la boette à un Français volerait un
sou dans l'œil de sa mère morte.
Et le second :
Terre-Neuviens, sryez des hommes !
Crevez de faim, s'il le fmtt, mais ne lâchez pas votre hareng !
P. 'S. — Si vous vendez de la boette au.r FrançcUs maintenant,
vous vous condamnez à mourir de faim plus tard,
M. Beckles-Willson a découvert une statistique montrant la
décroissance de l'exportation de l'île de Saint-Pierre sous
l'application de la loi de 1886 :
En 1887, Saint-Pierre exportait 754.770 quintaux de morue.
— 1888 — 594.529 —
— 1889 — 299.272 —
Mais toute la morue pochée snr le banc de Terre-Neuve et sur
le French Shore ne- passe pas forcement par Saint-Pierre.
On sait d'aileurs que nos pêcheurs ont éludé les conséquences
du bill de la boette en employant comme appât le hareng
conservé, le hareng de première saison péché dans la baie de
Saint-Georges, sur le French Shore, et un coquillage appelé
« bulot » qu'on trouve sur le banc même.
M. Beckles-Willson laisse en outre entendre que la loi inter-
disant la vente aux Français et non aux Canadiens, ceux-ci
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12 LA QUESTION DE TERRE-NEUVE
pouvaient servir d'intermédiaires pour le commerce de la
boette.
Interrogé par le correspondant du Moming Post^ M. Riotteau,
député de la Manche, dont la compétence est indéniable au sujet
des pêcheries de Terre-Neuve, s'est exprimé ainsi :
Le bill de la boëtle nous a causé de lourdes pertes, mais la population
de Terre-Neuve y a perdu uu revenu annuel de un million, et en outre
cette loi coûte à la colonie 700.000 francs par an pour les frais de la sur-
veillance à exercer par les vapeurs chargés de faire obstacle k la contre-
bande. Et ringéniosité des pêcheurs français s'en est trouvée stimulro,
car la nécessité est mère de l'invention. Nous avons donc pris de TappAt
ailleurs et naturellement sur le French Shore, où nous pouvions on
pécher. La mauvaise action a nui à ses propres auteurs, qui ont essayé trop
tard de revenir sur leur décision. Aujourd'hui, nous pouvons à nouveau
acheter la boette dans les ports du sud de Tile, mais il faut aller Ty
chercher, car les Terre-Neuviens no sont pas autorisés à l'apporter à la
flotte de pèche, et ce sont là des conditions onéreuses.
« Le hait-bill, écrit M. Beckles-Willson, eût été une mesure
efficace, si on Tavail appliqué strictement. Mais en 1890 on le
rapporta quand survint la querelle des homards. »
Querelle de Terre-Neuviens, s'il en fui !
Sous le régime du bill de la boette, nos pêcheurs avaient
essayé de tirer parti, comme appât, des homards du French
Shore. Des homarderies se fondèrent concurremment avec les
factoreries où les habitants de Tîle préparaient des conserves
de homards sur le French Shore même. On nous contesta le
droit d'exercer cette industrie :
Les traités, disaient les Terre-Neuviens, ne visent que la pèche et le
poisson. Or, le homard est un crustacc ; on ne le pèche pas, on le prend.
Gomment peut-on confondre pécher et sécher avec capturer et fairo
bouillir?
Une telle argumentation fondée sur de simples jeux de mots
se réfute facilement.
Lesplénipotentiaircsd'lUrechtont inscrit le mot poisson ei non
le mot morue dans le traité. II s'agissait donc d'une façon géné-
rale de tout ce que les diplomates et les naturalistes entendaient
par poisson en 1713 ; et nous constatons que les auteurs de cette
époque étendaient ce mot à tout animal vivant dans la mer sans
en exclure les crustacés.
Quant à la distinclion entre pécher et capturer, to^vA et to
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LA QUESTION DE TERRE-NBOVB 13
catch, il nous est bien permis de remarquer que les documents
officiels anglais ne se sont jamais montrés aussi scrupuleux sur
la propriété d'exprcosion qu'on prétend nous enseigner. Dans
le rapport colonial sur Terre-Neuve, distribué au Parlement
britannique en janvier 1899, sous le n° 256, on écrit, à la
page 6 : « {oh^ie^v/ishery et herring fishery (pêcherie de homards,
pêcherie de harengs). »
Allons donc à la pêche aux homards, comme on va à la pêche
aux écrevisses ou à la pêche aux moules.
On cherche à confondre les deux droits distincts qui nous
sont accordés: 1** de pêcher; 2** de sécher le poisson, sur le
French Shore. Il n'est pas dit, dans le traité d'Utrecht, que nous
devions sécher tout le poisson péché le long du French Shore,
ni que nous devions limiter la pêche au poisson qu'on conserve
en le séchant. 11 est spécifié seulement, dans une énumération
purement citative^ que les établissements et les construclions
destinés par les Français à la conservation du poisson seront
temporaires. Cela n'exclut pas l'idée de pêcher sur le French
Shore des homards qu'on fera bouillir à Saint-Pierre.
La prétention des Terrc-Neuviens, d'exercer la pêche au
homard sur le French Shore, en nous l'interdisant, n*est que la
négation pure et simple des traités, Plusieurs incidents, qui ont
nécessité l'intervention des autorités maritimes anglaises, ont
démontré qu'en capturant le homard le long du French Shore,
les sujets britanniques entravent notre pêche de la morue. Or, les
traités sont formels sur ce point. Pour donner raison aux pré-
tentions des Terre-Neuviens, il faudrait admettre une dernière
hypothèse absurde : celle d'un refuge ouvert par le traité
d'Ulrecht aux homards, qui se trouveraient le long du French
Shore à l'abri de toute hostilité : anglaise ou française. Malgré
ces arguments, les gouvernements français et anglais, dans un
commun désir d'apaisement et de conciliation, convinrent
en 1890 d'établirun modtis vivenr/i. Nous consentîmes àadmettre,
h titre provisoire, la pêche parallèle du homard, sans cesser de
protester contre la concurrence. Nous soutenions et soutenons
encore l'interprétation la plus large des traités, celle qui s'ap-
plique à tous les animaux de la mer. Mais en mars 1891, sur
l'initiative du Gouvernement britannique, on résolvait de sou-
mettre à un arbitrage la question des homarderies. La Commis-
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14 LA QUESTION D£ TEAR^^EUVE
sion arbitrale devait se composer de trois jurisconsultes étran-
gers, chargés de trancher la question, et même, le cas échéant,
d'examiner certains problèmes subsidiaires, sans mettre en
cause la validité des traités..., mais cette Commision ne s'est
jamais réunie.
Pour que les décisions de l'arbitre fussent valables, il serait
en effet nécessaire que les vaisseaux de guerre anglais pussent
exécuter les engagements de l'Angleterre. Or, c'est là ce qu'ont
contesté le Parlement local et la Cour suprême de Terre-Neuve.
Lord Knutsford, ministre de la Marine, présenta au Parlement
britannique un bill pour obtenir la confirmation, aux officiers
de marine anglais; des droits que le Parlement colanial leur
refusait. Au cours de la discussion de ce bill à la Chambre des
Lords, lord Salisbury fit allusion aux tendances séparatistes de
certains Terre-Neuviens disposés à considérée leur situation
vis-à-vis de la France comme le résultat de la souveraineté de
la Grande-Bretagne : « Les droits de la France sur ce littoral,
M dit-il, continueraient à être appliqués, quelle que fût la forme
« du Gouvernement de la colonie. »
Le bill de lord Knutsford fut voté. Une partie de la population
de Terre-Neuve, intéressée à entretenir de bcmnes relations avec
les pêcheurs français, avait protesté contre l'attitude qu'on
observait à Saint-Jean. M. Carty, député de la baieSaint-Geoi^es,
avait exprimé le sentiment de ses électears dans une dépêche
adressée à lord Knutsford : « Nous acceptons loyalement la
décision relative aux droits des Français », écrivait-il.
Cependant, le Parlement de Saint-Jean ne voulut s'engager
que pour trois saisons de pêche et prétendit réserver aux tribu-
naux locaux le soin de trancker les différends résultant de l'in-
terprétation des traités.
Le gouvernement français protesta contre le caractère de cette
décision et déclara qu'il ne voulait avoir affaire qu'au gouver-
nement anglais seul.
L'événement a prouvé le bien-fondé de cette protestation, car,
les trois saisons écoulées, le Parlement de Saint-Jean rejeta le
bill présenté par le gouvernement local d'accord avec le Colonial
Office de Londres. Voici comment nos pêcheurs se trouvent
encore à Terre-Neuve sous le régime du modus vivemii renouvelé
d'année en année.
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LA QUESTiOIf DE TERRE-NEUVE 15
Ce provisoire dure encore. Mais si la situation de droit est
demeurée la même, la situation de fait s'est modifiée quelque
peu depuis 4713;
L'augmentation progressive de la population de Terre-Neuve,
l'abondance des travailleurs, l'ouverture des chemins de fer, le
développement des richesses agricoles et minières de l'île ont
accentué la vivacité des revendications des Terre-Neuviens et
l'impatience avec laquelle ils supportent notre présence. Un
parti politique s'est appuyé sur la passion de nos concurrents
avides d'obtenir l'éviction des Français et il a tout mis en
œuvre pour donner une ampleur factice et démesurée à ce trem-
plin des ambitions locales.
Derrière les politiciens de l'île s'agite et agit un personnage
dont les menées et les appétits rappellent le rôle de Cecil
Rhodes dans l'Afrique Australe.
M. Reid, que, dans l'ouvrage intituté The tenth hland,
M. Reckles-Willson présente comme le véritable propriétaire de
Terre-Neuve, a jadis quitté son pays natal «as a penniless scotch
lad », ce qui signifie « comme un gars écossais sans le sou ».
11 alla chercher fortune en Australie, où il réussit, dit-on; puis
il se rendit au Canada, où il fit métier d'entrepreneur et cons-
truisit une partie du chemin de fer canadien du Pacifique
« Canadian Pacific Railway ».
Le Financial News de Londres nous a fourni récemment
des œuvres de M. Reid à Terre-Neuve un exposé que le journal
français La Liberté résumait le 29 janvier dernier.
Le gouvernement de Terre-Neuve a cédé à M. Reid le chemin
de fer et les télégraphes de l'île, le bassin de construction de
Saint-Jean, avec une propriété importante sur les bords do
l'eau, des terrains houillers, et la plus grande partie des
terres boisées ou minières de Fîle, pour la somme brute de
1.325.000 dollars, payable par termes. Mais il faut déduire de
cette somme 100.000 dollars pour le ballast du chemin de fer,
autant pour le remplacement partiel des rails de la voie, autant
encore pour la construction d'un embranchement jusqu'au
bassin de construction de Saint-Jean, propriété de M. Reid, et
140.000 dollars pour le pavage de Water Street, rue destinée à
recevoir une ligne de tramways électriques, que le concession-
naire doit construire lui-même. Eln sorte que cette magnifique
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16 LA QUESTION DE TERRE-NEUVE
propriété lui coûte net 885.000 dollars, soit 177.000 livres. On
peut se rendre compte de Tétonnante disproportion de ce prix
par le fait que, en 1897, le gouvernement de Saint-Jean a payé
à la Compagnie du chemin de fer de Terre-Neuve 325.000 livres
pour un seul tronçon du chemin de fer dont M. Reid ne paie de
175.000 livres la totalité accrue de beaucoup d'autres choses.
En ce qui louche les terrains donnés à M. Reid, la plupart
longeront le chemin de fer, à moins qu'il ne préfère les choisir
sur tout autre point de l'île, avantage sensible en un pays
minier. De nombreux citoyens de Terre-Neuve ont protesté
contre ces concessions. Le mémorandum de leur Comité relève
en particulier cette clause : « Si le chemin de fer est improduc-
u tif, M. Reid n'aura qu'à en cesser l'exploitation. »
Il n'en aura pas moins 795.000 acres de terre, exploitables
sans chemin de fer!
On attire Tattention sur un fait suggestif : c'est le solicitor-
conseil de M. Reid, un certain M.Morins, qui a négocié, comme
ministre des Finances, le contrat dont il s'agit, et en a arraché
l'approbation au pouvoir législatif « avec une hâte indécente »,
dit le Financial Nexos,
Vingt mille électeurs sur quarante-neuf mille ont signé la
protestation adressée à M. Chamberlain.
Sans discuter les termes du contrat qui conférait ainsi à
M. Reid la propriété des terres domaniales, des mines, des che-
mins de fer, des postes, des télégraphes, des communications
locales par mer et des docks de Saint-Jean, sans davantage dis-
cuter les arguments que le ministère terre-neuvien et l'opposi-
lion ont fait valoir pour l'adopter ou le rejeter, le ministre des
Colonies s'est borné à déclarer qu'un pareil abandon de droits
souverains est sans précédent dans l'hisloire et que la concession
de ces privilèges équivaut à laisser M. Reid maître de l'avenir
de la colonie sans môme donner aux colons la garantie qu'assu-
rerait la possibilité d'une concurrence. Mais M. Chamberlain
ajoute qu'il serait contraire à la Constitution des colonies se
gouvernant librement que le représentant du pouvoir central
s'opposât à une mesure financière locale, sauf si elle entraînait
une lésion des intérêts de l'Empire.
I.e Financial News conclut en ces termes : « Nous en avons dit assez
pour que le lecteur anglais soit convaincu que sa sympathie pour les
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LA QUESTION DE TERRE-NELVE 17
infortunés Terre-Neuviens, victimes des troubles duFrench Shore, s'égare,
ou du moins fera-t-il bien d'en réserver une partie pour de plus grandes
infortunes. »
Le rapport annuel sur Terre-Neuve distribué au Parlement
britannique, pour Texercice 1896-1897, ne représente pas la
situation de la colonie à cette époque sous un jour très favo-
rable. Le commerce de la morue y rencontre la concurrence
croissante des étrangers, principalement des Français auxquels
les primes que leur sert leur gouvernement donne une supério-
rité écrasante.
Cette question des primes est l'un des griefs qu'on invoque le
plus souvent contre nous à Terre-Neuve, comme si un Etal
étranger pouvait attaquer par une action diplomatique une
mesure d ordre intérieur qu'il a longtemps pratiquée lui-môme
quand il Ta jugée nécessaire, sous le règne de Georges III no-
tamment.
La poche du hareng diminue aussi à Terre-Neuve, d'après les
données du rapport officiel. Les autres penches sont stationnaires. '
Les mines se trouvent encore dans la période des tâtonne-
ments et manquent des capitaux que les syndicats étrangers ne
font encore que leur promettre.
Il est vrai que le gouvernement a acquis (pour les céder à
M. Reid) tous les droits de la Compagnie du chemin de fer de
Terre-Neuve sur les voies ferrées de l'île et que l'établissement
d'une ligne de paquebot de premier rang entre l'île et le conti-
nent a mis le réseau ferré colonial en communication directe
avec les grandes lignes canadiennes et américaines.
Cependant le rédacteur du rapport signale, à Theure où il
publie son travail, des améliorations sensibles. Les produits de
la pêche trouvent maintenant des prix plus avantageux sur les
marchés étrangers, les mines et l'agriculture se développent et
l'intérêt manifesté par le Gouvernement impérial, notamment
par rinstitution de la Commission royale pour les traités avec
la France, et parla désignation du premier ministre comme
membre de la Commission siégeant à Washington, donne Tes-
poir de voir bientôt la colonie entrer dans une ère de prospérité
florissante.
Quelque fondées que soient ces espérances, l'essor écono-
mique nouveau de Terre-Neuve ne doit pas masquer les intérêts
que nous y avons engagés depuis quatre siècles.
REVUE POLIT., T. XX 2
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18 iA yUflSTIQN BE T€HtaB-îlECV£
L'impoFtanoe de ces iBctépêbB'est'PecoiiiHie'par uh témoin peu
suspect. Aux polémistes Imtanniques, qui trarteiït (nnfimes et
de négligeables les avantages que nous tirons encore de notre
droitde pêche, nous 'pouveas opposer un aiiiteur anglak, twne
publication officielle éditée par le Poi^eign Olfice au mois de
février '189a, le rapport de AL WaHerR. Hearn, oonaul d'Angle-
terre à Jiordeaux, intitulé Report on tke freiich fidierhe^ on the
great bank ofNewfotmàlandand off Icelcmd.
^Bordeaux est le port où les produits de nos pêcheries de
TAtlantique Ouest et Nord sont apportés, pour être ensuite
réexportés en graadetpartie hors de J^rance. Ij-ageaat anglais
dans cette ville est donc bien placé -pour donner un itaUeau
d'ensemble de Tactivité de notre industrie de la grande pèche.
Il constate «que ]b nombre des bateaux français (employés à la
pêche de Terre-Neuve est de 190 envirooa, de 250 à 300 tonneaux
chacun. Ces navires sont montés par 13.000 hommes d'équipage
environ, et si Ton calcule que ces marins travaillent dix ans en
moyenne, cela constitue, av^c les équipages actifs, pour la
marine française, une excellente réserve qu'il serait impossible
de se procurer ailleurs.
L'importation de la morue à Bordeaux, qui n'était que de
13.000 tonnes en 1S75, s'est élevée en 1897 à plus de
35.000 tonnes provenant de Terre-Neuve.
Comment ne pas reconnaître qu'en dehors d'avantages cer-
tains pour le recruterhent des équipages de la flotte, la grande
pêche est pour la France une industrie considérable et grandis-
sante?
Les auteurs anglais s'efforcent d'établir une distinction entre
la pêche sur le grand banc de Terre-Neuve, vers lequel la morue
s'est portée récemment, et la pêche du French -Shore. On fait
ressortir que le banc de Terre-Neuve est en haute mer, domaine
international ouvert aux pêcheurs de toutes les nations, et que
c'est là surtout qu'on rencontre actuellement le poisson en
abondance sans avoir besoin d'invoquer les clauses des traités
d'Utrecht et de Versailles.
La Chambre de Commerce de Rouen, en rappelant à notre
gouvernement l'importance qu'elle attache à la défense des
droits de la France h Terre-Neuve, a répondu à cette argumen-
tation captieuse :
L'état présent dos choses, dit le mémorandum de cette assemblée, peut
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LA ^UBSTIOlî m: TERAE-NEUVE 19
donner h croire que nos pêclieurs auraient moins à perdre aujourd'hui h
Tabandon de notre privilège, soit parce que le poisson a émigré vers
le Grand Banc, soit parce que Tappât se trouve ailleurs qu'au French
Shore. Mars ^ nouvel appât, heureusemeirt découvert, peut venir à
manquer, les iRigraftioBs de la morue peuvent se faire inversement, et il
im perte que nos .pécheurs puissent continuer à fréquenter librement
et exclusivement le rivage concédé par les traités, s'il leur faut retourner
dans ces parages pour y chercher soit Tappàt soit le poisson.
Cela importe non seulement à la prospérité, mais à Texistence même
des populations maritimes de plus de la -mortié des côtes françaises et
aussi à la sécurité générale du pays qui ne retrouverait pas une pareille
école de marins.
Cette JiàigFation ëe la inoriie, en sens inverse, que prévoit la
Chambre de Commerce de Roaen, ne serait pas un phénomène
invraisemblable. La morue aujourd'hui se rencontre surtout
sur Je Grand Banc, mais qui sait si dans Tavenir elle ne revien-
dra pas au French Shore, où on la prenait jusqu'à l'époque
actuelle.? La cûte Est, depuis longtemps peu poissonneuse, a
fourni en 1896 ujie pêche extraordinairement abondante aux
navires français qui l'ont visitée. Chaque coup de senne pendant
quelques jours donnait de 15 à 20.000 morues. Nos nationaux
ont môme dû renoncer, faute de moyens suffisants, à emporter
la totalité de leurs caj)tures. Il faut éviter de céder, pour des
cK>n^pensations minimes, des avantages d'une valeur réelle et
connue. Le recrutement de notre marine se ressentirait forcé-
ment d'une situation ayant pour conséquence d'écarter de
Terre-Neuve les ÏSjOOO gens de mer qui y exercent actuelle-
ment leur industrie : ceux du Banc, d'où le poisson peut dispa-
raître, et ceux de la Côte, où nous n'aurions iplus de privilège.
Pourquoi la France .prendrait-elle l'initiative de pourparlers
avec le Cabinet de Londres, en se montrant prête à renoncer,
moyennant une compensation, aux droits que nous confèrent
les traités à Terre-Neuve? 11 appartient à l'Angleterre d'ébran-
ler par une offre suffisamment séduisante notre attachement à
nos séculaires privilèges. En 1815, nous avons refusé l'Ile de
France, la perle de la mer des hidcs, dans la crainte de compro-
mettre l'avenir de nos pécheurs et de notre marine. 11 est
remarquable que la politique d'intérêt Tait emporté une fois
en France sur la politique de sentiment.
Nous ne sommes pas tentés outre mesure par l'idée d'une
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20 LA QUESTION DE TERRE-NEUVE
modification en notre faveur du condominium qui s'exerce
actuellement aux Nouvelles-Hébrides de manière à y garantir
suffisamment la sécurité et la colonisation de nos nationaux.
Ce n'est pas nous qui nous plaignons en l'espèce des traités
d'Utrecht et de Paris. C'est sir William Whiteway qui écrit, au
nom de sujets Terre-Neuvîens : « Nous avons souffert dans tout
« le passé et nous luttons aujourd'hui sous le régime des trai-
« tés. Je puis les appeler traités infâmes... »
Il est piquant d'entendre des sujets britanniques qualifier
ainsi les actes internationaux qui ont cédé Terre-Neuve el le
Canada à l'Angleterre. S'ils désirent revenir sur cette double
cession, nous écouterons avec empressement leur proposition.
Nous prêterions même une oreille amicale à des propositions
moins étendues.
Le 4 mai 1891, lord Salisbury disait avec raison à la Chambre
des Lords : « Les obligations internationales sont supérieures
« à tous les droits des habitants de Terre-Neuve. Nous ne leur
« avons pas imposé le traité, ils sont allés dans un pays où le
« traité existait déjà et faisait loi. »
Le traité n'a, il est vrai, abandonné à l'Angleterre l'île de
Terre-Neuve qu'en la grevant d'une servitude et cette loi semble
dure aux Terre-Neuviens. Nous avons fait preuve à plusieurs
reprises de l'esprit le plus conciliant dans cette affaire. Mais de
telles servitudes s'expliquent par de nombreux exemples de
droit international. Nous n'avons obtenu Saint-Pierre et Mique-
lon en 1763 qu'en nous engageant à no pas fortifier ces îles où
certains Français croient utile d'établir aujourd'hui un point
d'appui pour notre flotte. Quoi qu'imagine l'auteur de Thr
tenth Islande nous avons scrupuleusement observé cet enga-
gement.
Kncore une fois, c'est la Grande-Bretagne qui doit parler la
première, dire quel est son prix et le faire raisonnable. Que les
Terre-Neuviens désirent posséder les côtes de leur île sans res-
triction ni réserve, on le conçoit, mais pour qu'ils réalisent leur
désir, les traités exigent que la Grande-Bretagne nous sollicite,
car, pour nous, il n'y a pas.de question de Terre-Neuve.
Un Diplomate.
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r
LE MOl]\EDIEI\T FÉMll^lSTË M ALLEMAGNE
(1)
I. — L'ÉVOLLTION DE LA QUESTION FÉMINISTE.
La question féministe a pris partout naissance de la même
manière. Tandis qu'aux époques de civilisation primitive
rhomme et la femme étaient égaux, les progrès du développe-
ment économique accrurent sans cesse la distance qui sépara
bientôt les deux sexes. Les intérêts défendus, les fins poursui-
vies, les luttes soutenues par Thomme, doué d'une force phy-
sique supérieure et affranchi des sujétions de la vie physiologi-
que, amenèrent entre lui et la femme, tenue de rester à son
foyer et de soigner ses enfants, une séparation, au point de vue
des droits et de la culture intellectuelle. La femme ne put en
ressentir dès l'abord toute l'importance, car les soins domes-
tiques absorbaient entièrement son activité, et les conditions
générales de la vie sociale l'empêchaient de rien voir au delà
des étroites limites imposées à son sexe. C'est seulement lorsque
les artisans et les fabricants se furent chargés des divers travaux
jusque-là réservés à la femme, que celle-ci jouit dans la classe
aisée de plus grands loisirs et commença à s'apercevoir du vide
de son esprit. En même temps, dans les classes pauvres, la
femme se vit chassée de l'enceinte étroite qui l'avait jusque-là
protégée, et les travaux domestiques furent remplacés par un
travail salarié accompli hors de la maison. Comme elle avait
élé mise dans un état d'infériorité vis-à-vis de l'homme, au point
de vue économique et devant la loi, il lui devint fort difficile, et
souvent même impossible, de faire concurrence à celui-ci. Les
mêmes causes premières ont donc amené la lutte engagée par
(1^ Voir les éludes précédemment publiées par la Revue Volitique et Parlemen-
taire, sur le même sujet :
Le Mouvement Féministe : en Angleterre, par Mme G. Fawcett (août 1896) ; en
France, par Mme Marya Cheliga (août 1897j ; en Italie, par Mme Emilia Mariani
septembre 1697) ; en Australie, par Mme Wols^enholme (mars 1898) ; aux Etats-
l'niji, par Mme Hanson Roblnson (août 1898).
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22 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
la femme pour devenir l'égale de l'homme, soit, d'une part, en
recevai^t la même cuRure, soi^V d'autre- papt^ en oèiieiiani les
mi>mes droits sur le terrain économiq^ue el jurMique.
En Allemagne, les témoignages de ces luttes ne datent que
d'une époque relativement récente. Les femmes des classes
supérieures reçurent, surtout au commencement du moyen âge,
une culture plus développée proportionnellement que celle dos
hommes; non point qu'on voulût par là les distinguer, mais
parce qu'on estiimait la force physitjue bîxm au-dessus de la
valeur intellectuelle, et que l'on voyait dans l'instruction une
source de faiblesse pour l'homme. Les dames nobles recevaient
leur instruction des ecclésiastiques et des troubadours. Ainsi
s'explique que plusieurs d'entre elles aient été en état de lire
des langues étrangères, tandis que leurs maris connaissaient à
peine celle de leur pays. Par suite des guerres et des éprd'émies
incessantes qui enlevaient les hommes par milliers, les ctoîtres
devinrent de plus en plus le refuge des nombreuses femmes qui
se trouvaient seules et sans appui ; elles y arrivèrent souvent à
un degré de culture élevé, et plu« d'une snge religieuse devint
la conseillère de papes et de rois. Telle fut Hildegonde de Boc-
kefheim, abbesse du cloître de Rupprechtshausen, qui, à côté
de légendes des saints, écrivit des ouvrages de physique et de
zoologie; Ilrotswith de Gaudersheim, qui, à l'époque des Othons,
écrivit des poésies latines, acquit une réputatioTt considérable,
et dont les comédies religieuses firent, pendant longtemps, le
ravissement de TAilemagne. Un nombre considérable de nonnes
s'occupait à copier les œuvres classiques, à peindre des^ initiales
et des miniatures, à répandre l'instruction et k soigner les ma-
lades. Ainsi les cloîtres ont en partie résolu la question féministe
telle qu'elle se posait au moyen âge, en offrant aux femmes
seules non seulement le foyer et la famille qui leur manquait,
mais aussi en donnant leur accès à une culture intellectuelle
plus développée, et à des situations indépendantes. Mais ils ne
furent que pendant une période restreinte un véritable bienfait
pour les femmes, car dès les xi*» et xii* siècles commence leirr
décadence morale. Autrefois asiles de l'érudition et du travail, les
cloîtres ne servirent bientôt plus qu'à abriter 1a paresse et l'in-
différence intellectuelle. Ces refuges fayorables aux pieuses
médiitaLk>ns et à. une vie de puFeté devinrent te théâtre d'excès
et de désordres grossiers.
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LE MOUVBHE.TT FÉMUSIffEB JEU AOlBMJkGI^B 23
Là Réforme fit place nette, mais, dans leur zèle aveugle, les
réforma tatMT» oublièrent de séparer Ti vraie du bon grain, et
firent par là d'autant plus de mal à la femme, que les orages de
la guerre de Trente ans et la décadenee économique générale qui
en résulta, la poussèrent plus-qne jamais- vers la prostitution.
La Réforme a exercé de môme une action défavorable sur la
culture féminine. Luther déclara à plusieurs reprises que la
femme n'avait à se préoccupep que du ménage et du soin de ses
enfants, et qu'elle avait été créée exclasivement pour l'homme,
conception qui s'estd'ailleur&maintenue dans Téglise protestant**
orthôdoxM? jusqu'à une époque récente. On en trouve l'expression
la plus frappante dan» les cinquante et une thèses par lesijuelles
les-réfbmwdeurs de Wittemberg voulaient prouver que la femme
n'est pas un être humain.
En même temps que la triste situation économique du peuple
allemand» et Tincertitude de Te^istenoe, le» tendROces- hostiles
des réformateurs causèrent cette profonde apatliie dans laquelle
demeura la femme en i%Uemagne, tandis qu'à la* même époque
elle preaait en Italie, en* Espagne, en France et en Angleterre,
une part active à la vie politique et intellectuelle.
Les femmes restèrent tout d'abord étrangères à la renaissance
de Tanliquité classique, qïoi exerça une si profonde influence
sur le développement intellectuel de TAllemagne.
Ce n'est que fort lentement que l'esprit nouveau s'échappa
des cabinet» de travail de» savants et des salles d'Université
pour pénétrer aussi jusqu'à eltes-.
11 est un fait qui caractérise bien la situation de 1» femme en
Allemagne : la question féministe, telle que la renaissance itar
lienne l'avait posée en donnant aux femmes l'accès de la culture
classique^ ne fut discutée en théorie que par des hommes. Tan-
dis qu'en France* Christine" de Pisan, en Italie Lucretia Mari-
nelli, en Angleterre, bien que plus tard, Mary Astell se sont
faites les champions du droit de la femme à une certaine ins-
truction!, c'est un homme qui, en Allemagne, fat le premier à
lutter en faveur de la «piestion fi^ministe.
Ce fut Cornélius Agrippa de Nettesbeim, le singulier philo-
sophe chrétien et platonicien, qui publia en» 1505 un écrit trai-
tant d« la sirpériori té de la femme sur Thomme. lly fait une
violenie satire de Féducation des jeunes filles, qui les habitue à
la paresse, et déclare que si les femmes, créées les égales de
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24 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
rhomme par la nature, ne peuvent développer leurs facultés et
montrer leur intelligence, la faute en est à elles seules.
Cet écrit provoqua un grand nombre de pamphlets et de
brochures favorables ou hostiles à la culture supérieure de la
femme. La controverse engagée autrefois sur la question de sa-
voir si la femme est un être humain reprit de plus belle.
Des savants comme Simon Gedicke, Andréas Schoppius et
Balthazar Wandel défendirent énergiquement la cause fémi-
niste, ce qui n'cmpôcha pas l'instruction de la femme de demeu-
rer, après comme avant, limitée aux connaissances les plus élé-
mentaires, parce que les femmes elles-mêmes restaient indiflFé-
rentes à cette question. Charitas Pirkheimer. qui réunissait au-
tour d'elle, à Nurnbourg, dans la maison de son frère, toutes
les sommités de Vart et de la science en Allemagne, constituait
alors une exception des plus rares.
C'est au xvn*^ siècle seulement que la situation se modifia.
Mais, précisément à cette époque où la science de Thomme avait
un caractère de lassitude, de stérilité et de décadence, le besoin
enfin ressenti par la femme d'une instruction plus complète ne
pouvait recevoir entière satisfaction. Des princesses, des filles
de savants apprirent les langues classiques, des enfants pro-
diges, comme Anna-Marie Kramer, qui, à douze ans, triomphait,
dans la discussion, de vieux professeurs, ne furent plus une
rareté; quelques femmes, comme l'astronome Marie Kunitz et
la philosophe Catherine Erœleben, atteignirent à une telle éru-
dition que des flots d'encre furent versés pour célébrer leurs
louanges. Mais, parmi ces femmes, on n'en trouve aucune vrai-
ment supérieure. Leur science n'était pas fondue assez intime-
ment avec leur être tout entier pour qu'il en pût sortir une per-
sonnalité vraiment mûrie et qui se suffit à elle-même. D'ailleurs,
ne s'attachant qu'à la surface des choses, elles n'y trouvaient
point elles-mêmes une entière satisfaction. On en a un exemple
presque topique dans l'histoire d'Elisabeth du Palatinat, la fille
de l'infortuné Frédéric V. C'était une femme fort instruite,
élève de Descartes, avec qui elle correspondait; cependant elle
finit par jeter de côté toute sa science, qui n'apaisait point la
soif de son âme, pour entrer dans la secte mystique des Laba-
distes, dans le sein de laquelle Anna-Marie de Schurmann, la
Hollandaise autrefois tant admirée, alla également chercher un
refuge.
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LE MOUVEMENT FÉMIiNISTE EN ALLEMAGNE 25
Pour les femmes instruites de cette époque, l'écueil auquel
elles se brisèrent fut leur impuissance à mettre leurs études
scientifiques en harmonie avec les besoins de leur Jiature fémi-
nine. Le fait singulier que des femmes remarquables de la Re-
naissance italienne, comme Victoria Colonna, pour ne citer que
celle-là, se soient fait à elles-mêmes un vœu de chasteté s'ex-
plique par ce que nous venons de dire. De là aussi provient que
toute l'ambition et la gloire des femmes instruites consistaient
à donner à leurs ouvrages un caractère de virilité.
Aussi reconnut-on de plus en plus la nécessité d^élever le ni-
veau de Tinstruction de la femme en général, et non pas de don-
ner à quelques femmes exceptionnelles une culture intensive.
De toutes parts on émit des projets comportant la fondation
d'universités pour les femmes. La ^i Hevue morale hebdoma-
daire allemande », au xvui® siècle, discute la question sous
toutes ses faces. Peu s'en fallut qu'à Hambourg on ne créât une
Académie. Bien que Gottsched,qui, pendant longtemps, joua le
rôle de dictateur littéraire, s'en fût déclaré partisan et célébrât
dans ses poésies les femmes instruites, ce projet ne réussit pas.
Les femmes ne purent donc obtenir une éducation générale fé-
conde, et le seul résultat auquel arriva le xviii® siècle fut de pro-
duire un plus grand nombre de bas-bleus à l'esprit étroit. Les
quelques exceptions que Ton peut citer sont : Dorothée von
Schlôzer, qui composa une histoire des monnaies russes, et Ca-
roline Herschel, qui découvrit six comètes et servit de digne
collaboratrice au grand savant que fut son frère.
Malgré le jugement défavorable que Ton doit porter en géné-
ral sur les femmes cultivées du xvi® et du xvui*' siècle, il ne
faut cependant pas oublier les services qu'elles rendirent au
mouvement féministe : en sortant énergiquement et par leur
propre initiative du cadre ordinaire de l'existence féminine,
elles posèrent, les premières, la question de la culture supérieure
de la femme, et c'est grâce à elles que la première tâche qui
incomba au mouvement féministe dans la bourgeoisie alle-
mande fut de chercher à résoudre cette question.
Si le mouvement féministe a pris naissance, il n'en faut ce-
pendant point attribuer le mérite aux quelques femmes qui,
grâce à leurs dons personnels franchirent les limites assignées
à leur sexe : il provient bien plutôt de la situation économique.
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26 L» MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEM'A<Î^:E
La' preuve en est fournie par Thistoire des^ femmes des classes
ouvrières.
Au commencement du moyen âge, les femmes serves étaient
les bêtes de somme de la société. Non seulement dans les châ-
teaux, les cours- et les cloîtres^, elles avaient seules la lourde
charge de faire le service de la maison de leurs maîtres laïques
ou ecclésiastiques, mais elles s'occupaient aussi des travaux des
champs et de l'élevage du bétail. Elles se réunissaient souvent
par plusieurs centaines dans les grands ateliers qui apparte-
naient à leurs maîtres, pour y liler, tisser, coudre et broder.
Le maître avait sur elles des dtoits illimités, et, trop souvent,
l'appartement des femmes où logeaient les nombreuses ser-
vantes devint un harem pour les chevaliers et les princes. Etre
esclave pour faire le travail et procurer le plaisir, tel était le
sort de ce* malheureuses.
A memire que les artisans s'emparèrent de la confection des
articles nécessaires au ménage, le nombre des ouvrières travail-
lant à la maison se réduisit de plu* en* plus. Devenues inutiles
et ne trouvant plus de travail, elle* se jetèrent en masse dans la
prostitution, ou cherchèrent à avoir accès dans les métiers. Tout
d'abord, les corporation» allemandes refusèrent absolument de
donner entrée aux femmes. Mais, comme les maître* arti^ns se
servaient de leurs filles et de Iteur* servantes pour les aider dans
leur travail, celles-ci apprirent te métier, et un nombre d'entre
elles sans cesse croissant se rendit indépendant pour pouvoir
faire concurrence aux corporations, en travaillant à meilleur
marché. Cette situation fâcheuse prit des proportions d'autant
plu* grandes qne le nombre de* femme* arriva à surpasser de
beaucoup celui des homme*. Or les cloître* dan* lesquels se
déversait le surplus de te population féminine^ avaient été ren-
du* moins nombreux par la Réforme. Au xiv« siècle, on comp-
tait, par exemple, à Fraccfort-sur-le-Mein, 1.000 hommes pour
1.100 femmes; à Nuremberg 1.000 hommes faits contre
1.200 femmes. En présence de cette situation, les artisans se
décidèrent à contraindre les femmes, elles aus*i, à entrer dans
des corporations, sans cependant leur reconnaître entièrement
les même* df oits qu'aux hommes. Il étaât rare qu'une femme
eût, par exemple, en qualité de maîtresse indépendante, le droit
absolu de faire de* apprenties. La plupart de* femmes travail-
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LK M0I!VBMERT VÉaN«»TK EI«^ A£EBMAGNK 27
laient dans ie^^ iodustrie» textile» «u le» corporations de tis&iî-
rand^v En Silésîe^ de» le xiv® siècle, le nombre des tireuses de fil
surpassait celui des tireurs; à Brème, Dortmund, Dantzig, Spire
rim el Munidiv le* tisseuses de laine, de voiles et do toile
ayaiest teut pouvoir. A Cologne* se fondèrent des corporations
exelusivementoooi^posées de feinoi6s> qrat formaient des appren-
ties et de» Gompagiie»> mai» n'admettaient pas d'hommes. Ce-
pendant les ouvrières se présentaient ea nombre depkis en plus
grand. I^^es jeune» filles aJbandoBnèpeftt les campagnes dévas-
tées par des guerre» cenèinoelle» pour se réfugier à la ville, et
la défense formelle de se marier, powr les compagnons dans les
corporation»^ contribua à augmenter le nomAce des femmes ré-
duites, pour vivre, à leuT» propres gaïkaa. Par suite les salaires
des compagnon» de métiers baissaient, et, dans ïe» associations
qu'ils forskèreni, certains s'élevèrent très violemment confci'e le
travail corporatif des femmes. Pour l'ouvrier salarié, l'ouvrière
salariée était l'ennemi dont il fallait triompher pour avancer. On
eut recours, pour soutenir la latte,, à 1» garève et au boycottage.
C'est ainsi que les compagnons de la corporation des ceinturon-
nier» de Strasbourg ânspeniliraïub le travail pendant deux ans
jusqu'à ee qu'ils eussent obtenu l'oxA^lusiom des compagnons
feflime». Les aiguiUetiers de Strasbourg menacèrent ceux deNii-
rembei^ de djéclarer ignorants %i déshoniiéte» Ikhis les aiguille-
tiers qui auraient été formé» chez eirx, s'il» contin^uaient à
admettre de» feœimes comme appceniiies. Beaucoup de prescrip-
tions de société» de compagnon» déclarèrent infâmes ceux qui
travaillaient acifwrè» d:'une £emme. A la suite de cette lutte, les
femmes ftirenit e?ielaes de» corporations ; mais la joie que les
ouvriers ressentirent de leur triomphe ne devait pas durer long-
temps, car ce n'était pa» pour le plaisir de leur faire concur-
rence, mais pour obéûr à une cruelle nécessité que les femmes
se livraient à de» tiravatt» salariés. Elles n'eurent désormais
plus le droit de travailler,, comme faisant partie de la corpora-
tioDr dans l'atelier du maître, mais elles travaillèrent chez
elles pour exécuter le» comma^ides des petits commerçants oii^
ipème des maJtresv
Comme ee gente de traivail n.était soumis à aucune régle-
mentatioik QCiP]|ô#ative et constituait, pour les commerçants qui
iaisaiejiidJB»- commande» aux femmes, une excellente affaire,.
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28 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
il se répandit rapidement jusque dans la chaumière la plus re-
culée, et la majorité des femmes fut bientôt occupée à ce service
de manœuvre.
Cette nouvelle sorte de travail salarié fit tomber une partie
de la population de plus en plus sous la dépendance constante
des capitalistes, et ces malheureuses tombèrent dans un prolé-
tariat qui ne leur permettait ni d'amasser quelque avoir, ni
d'espérer quelque amélioration.
Mais pendant ce temps s'était préparée une autre révolution
économique qui devait transformer les conditions du travail en
général, et du travail des femmes en particulier : Tintroduction
des machines. Elles hâtèrent la dissolution des corporations
d'artisans, elles enlevèrent de plus en plus les femmes au foyer
domestique, et amenèrent le développement de la grande in-
dustrie moderne, qui exigea les services et de l'homme et de
la femme.
U. — Le mouvement féministe dans la bourgeoisie.
Au seuil du xix*^ siècle, nous trouvons donc d'une part la
femme du prolétariat dont le travail est l'objet d'une exploita-
tion sans scrupule, et, à côté d'elle, la femme de la bourgeoisie,
qui n'a pas d'occupation, et dont les facultés restent incultes
malgré son ardent désir de les mettre en œuvre.
Dans tous les pays civilisés, la question féminine, avec ses
divers aspects, est sortie des mômes conditions. La preuve en
est que la question fut formulée pour la première fois d'une
manière théorique à la même époque en France, en Angleterre
et en Allemagne sans qu'aucune influence ait pu être exercée
par l'un de ses pays sur les autres. Condorcet publia en 1787
et 1789 ses lettres d'un bourgeois de Newhaven à un citoyen
de Virginie et son travail sur « Tadmission des femmes au
droit de cité ». L'ouvrage sensationnel de Mary Wollstone-
craft parut en 1792, et l'œuvre géniale de Théodore Gottlieb
von Hippel sur « l'amélioration de la condition civile de la
femme » parut à Berlin la môme année. Le défenseur des droits
de la femme en Allemagne était le plus radical des trois. U
avait attendu de la Révolution française l'afl^ranchissement de
la femme, et il exprima en termes très vifs sa désillusion de
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 29
voir qu'elle avait refusé à la femme les mêmes droits qu'à
rhomme : si Tesclavage subsiste dans un état libre, déclarait-il,
ne fût-ce que sur un seul point, la liberté et Tégalité ne sont*
plus que des mots, et le peuple tout entier retombe bien vite
dans son esclavage. 11 réfutait toutes les objections soulevées
contre l'émancipation de la femme avec une vigueur et un don
de répartie singuliers. Une institution condamnable doit-elle
subsister, disait-il, môme si elle existe déjà depuis des milliers
d'années, parce que sa transformation entraînerait des difficul-
tées et parce qu'on suppose qu'il pourrait en résulter de graves
conséquences ? On doit enfin se décider à reconnaître la femme
comme faisant partie de la nation. 11 est vrai qu*une tout autre
éducation serait nécessaire pour rendre les femmes aptes à leur
nouveau rôle; car, maintenant, n'étant dressées qu'à servir do
jouets aux hommes, elles ne peuvent que mal remplir leurs de-
voirs : que l'on forme pour l'Etat des citoyens, sans distinction
de sexe. Hippel demandait que l'on donnât aux garçons et aux
filles une éducation commune et que toutes les professions fus-
sent accessibles aux femmes. Les hommes ne conserveront plus
que « le monopole de l'épée », dans le cas où « l'Etat ne saurait
ou ne voudrait pas se passer de bouchers de chair humaine. »
Pour rendre plus facile l'éducation physique, il conseillait d'ha-
biller garçons et filles de la même façon jusqu'à l'âge de douze
ans, car pour faire disparaître chez la femme cette timidité qui
résulte aussi bien du sentiment de sa faiblesse physique que de
son peu d'intelligence, il ne faut négliger, dans l'éducation
qu'elle recevra, aucun côté de sa nature. 11 est absurde, suivant
lui, d'objecter que les femmes passent trop de temps à leur toi-
lette ;nesont-ce pas précisément les hommes, dit-il, qui mettent
( j Joute l'existence de leur âme et les réduisent aux avantages
corporels ? Maintenant elle n'ont plus d'autre voie à suivre que
de capter les hommes par leurs charmes; elles feront des
merveilles dès qu'on leur ouvrira d'autres voies. 11 conteste
également que la femme soit faible de nature, car l'enfantement,
que l'on cite d'habitude comme preuve principale de sa faiblesse,
constitue au contraire un témoignage de la nature en faveur
de sa force. Il attend de grands résultats de la participation de
la femme à l'administration de l'Etat: « Assurément nous au-
rions alors moins de ces tyrans qui, de la terre ferme, regardent
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30 LE MOUVEMENT SÉMUMfiTE EK AA.LBMAGKE
avec plakir les efforts idéseapérés des Baufragés, ou jettent des
brins de paille à ceux qui LHtient avec les flots. Nous aurions
-moins de ces sangsues qui pr^odig^eiLt «ans hvtt et sans mesure
la sueur et Je san» de leurs sujets- »
Ainsi donc Hippel demaâdâii; Taffrarnchissement de la femme
au nom du bien de rËtat>ot du .progrès de TJiumanité.
C'est à peine si Ton fi t attention à cet écrit. L'Allemagne était
m peu mure pour oette idée de Témancipation de la femme,
qu'il ne s'engagea «pas même la moÎAdre controverse au mijet
des idées exprimées .par Hiippel. Seulement le « Catéchisme des
femmes», que publia en 1798 le tcélèbre théologien Sohileier-
macher, répondait aux idées de Hippel sur les droits et les de-
voirs de la femme. Le 10* commandement était ainsi conçu:
« Tu dois désirer la culture, l'art, la sagesse et les honneurs qui
sont dévolus à l'homme. » Quand le*; femmes prenaient cons-
cience du vide de Jour existence et en gémissaient, on leur di-
sait de se tourner vers le domaine du sentiment.
L'influence de Kousseau, qui s'-est fait sentir -en Allemagne
pendant la période de «.St«iaB4Uïd Drang », a également exercé
ici son action. Sans provoquer un oMkttvement féministe, cette
influejice contribua pour uAe grande part àra£&«nchissement
de la femme. Des convefLfcionB vides de sens, des HMeursd'cm
autre âge, des préjugés sociaux ^vaieBt comprimé ses senti-
ments naturels. Maintenant elle. corajuença à revivre, car l'éclat
rayonnant que lançaient ^Goethe et Schiller, Jean-Paul et Lava-
ter, Ficlite et Schleiermacher pénétra jusq»e dans son cachot.
Désormais les femmes consacrèrent leur existence à l'amour
et à Tamitié Elles luttèrent vaillamment contre l'esclavage que
constituent les mariages sans amour, et défendirent les droits
de la passion, cx>mme parexemple Caroline Schlegel et Dorothéa
Veit ; elles s'acquirent la gloire si rare d'ôtre des amies pleines
d'abnégation comme Charlotte von Stein, Henriette llerz et
Rahel Vamhagen.
L'amour de la patrie et de la liberté en fit, à l'époque ou l'Al-
lemagne se leva contre Napoléon, des défenseurs de la liberté
par la parole et par l'action, comme Bettina von Arnim, Eléo-
nore Prohaska, Dorothée Sawosch et Caroline Petersen. Si les
femmes n'avaient pas pris part à ce mouvement, jamais n'aurait
pu naître un enthousiasme tel que celui qui a régné pendant
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L£ MQDVëMEMT FÉUiK»T£ EN ALLEUAGhE 31
Tcpoquc des guerres d'indépendance. Mais rémancipationde la
femme, au point de Yoie du sentioient, n'était pas dirigée par
un développement parallèle et plus profond des facultés intel-
lectuelles. Aussi lés droits de la passion n'excusèrent trop sou-
vent que de capricieuees Quctuations entre plusieurs passions
nées d'une imagination exaltée, et la lutte contre le mariage de
convention se transforma en une campagne contre le mariage
proprement^L C'est pourquoi aussi l'enthousiasme patriotique
dos femmes s'épuisa au moment critique en sacrifices immenses,
mais ne sut j^as se transformer en un intérêt plus calme H en
une activité pratique lorsque la paix comonença à régner. La
plupart des femmes, même les plus avancées, n'avaient aucune-
ment l'idée d'une question féministe. Seule Rahel Varnhagen
■déplore parfois dans ses lettres là situation qui est faite à son
sexe « si parfaitement impuissant, n'ayant le droit que de rester
assis à son foytr, et s'attirant Thostilité générale dès qu'il
essaye de franchir les limites qui lui furent tracées ».
Bien que la femme n'ait retiré de toute cette période aucun
avantage positif, ce fut cependant là une étape nécessaire à
l'extension du mouvement féministe. Lorsqu'après le congrès
de Vienne la réaction dépouilla le peuple allemand de tout ce
qu'il avait conquis avec son sang, au prix de luttes et de sacri-
ficet^, larbre de la liberté, si frêle encore, et le premier que la
femme eût planté, fut abattu du même coup. Mais ses racines en-
core vivaces lancèrent de nouveaux rejetons dès qu'un printemps
nouveau s'annonça. Au cours des mouvements révolutionnaires
de 1830 et des années suivantes, les feounes prirent de nouveau
un vif intérêt à la vie publique. Depuis la période précédente
elles s'étaient mûries ; Tintérôt d'ordre purement sentimental
s'était transformé chez elles en réflexion pratique, car le déve-
loppement économique qui, précisément, tendait à appauvrir de
plus en plus, à cette époque, la classe moyenne, força un
nombre sans cesse croissant de femmes et de jeunes iilles de
cette classe à se livrera un travail salarié. En se mettant en
quête d'un travail de ce genre, elles se rendirent pleinement
compte, pour la première fois, de la triste situation faite à la
femme. Elles ne voulaient pas tomber dans le prolétariat, mais
presque toutes les carrières lucratives leur étaient fermées, et,
même, si elles leur essent été ouvertes, les lacunes de leur ins-
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32 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
truction les y auraient rendues impropres. Ces raisons d'ordre
économique provoquèrent en Allemagne un mouvement fémi-
niste qui, pendant longtemps, n'eut que Tappui de la classe
moyenne, et dont le premier défenseur fut Louise Otto, de Leip-
zig, en 1844. Elle publia dans une revue dirigée par Robert
Blum, qui lutta pour la révolution de 1848 et qui fut tué à
Vienne, une série d'articles dans lesquels elle défendait non
seulement cette idée de l'indépendance delà femme, mais dé-
clarait que c'était le droit et même le devoir de la femme de se
préoccuper des intérêts de l'État. Lorsque la Révolution de
1848 permit à tous les opprimés de respirer librement, et gagna
à la défense de sa cause un grand nombre de femmes, le mou-
vement féministe prit lui aussi un essor considérable. Il se
fonda même alors des associations féministes démocratiques qui
réclamaient des droits égaux pour les deux sexes.
Avec cette devise : « Je gagne des citoyennes pour le royaums
de liberté », Louise Otto publia un journal féministe dans lequel
elle combattait vaillamment pour la cause de la femme et insis-
tait à plusieurs reprises sur la nécessité, pour les ouvrières, de
se donner une organisation. Dans son enthousiasme à défendre
les intérêts de la Femme, elle s'adressa au comité d'ouvriers qui
siégeait alors à Dresde en les exhortant à ne pas oublier leurs
compagnes de travail dans les plans d'organisation qu'ils établi-
raient. Ce n'est qu'en servant la cause de l'humanité et du
socialisme qu'il est possible, déclarait-elle, de résoudre la ques-
tion féministe.
Mais la réaction des années qui suivirent 1850 vint s'opposer
aux rapides progrés du mouvement féministe, et le réprima si
violemment, qu'aujourd'hui même c'est à peine s'il est remis
de cette épreuve. Le journal féministe cessa de paraître, la
police déclara les associations dissoutes. Une université qui
avait été créée à Hambourg, pour les femmes, fut une des
victimes de la réaction, et même les sociétés fondées en vue
d'établir des Jardins Frœbel et organisées par l'amie deFrœbel,
M*"*^ de Marenholtz Biilovv, furent dissoutes, comme organisa-
tions dangereuses pour l'Etat! De tout ce mouvement, il ne
subsista plus que des journaux de modes, des sociétés de bien-
faisance, et les associations de garde-malades prostestantes ou
diaconesses, que le pasteur Fliedener avait organisées.
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 38
Pour comprendre comment la femme allemande pouvait faire
preuve d'une inertie et d'une résignation pareilles à un moment
où, en Angleterre, les femmes commençaient une campagne
pour obtenir le droit de vote, et où elles demandaient depuis
longtemps-, en Amérique, à être les égales de Thomme, il faut
songer que nulle part la femme n'était opprimée autant qu'en
Allemagne, et privée de tous rapports avec le dehors. Les
quelques femmes dune intelligence remarquable qui donnaient
le ton dans de petits cercles littéraires, et que les critiques
superficiels considéraient souvent comme le type de la femme
allemande de la bourgeoisie, ne prouvent en réalité rien pour la
majorité des femmes. En général, la femme de la classe moyenne
se distinguait par sa timidité et sa réserve inquiète, parce que
le sentiment de son ignorance et de sa faiblesse l'empêchait de
franchir résolument les limites qui lui étaient fixées. La prolé-
taire était résignée à sa misère, sans une plainte, comme font
toutes celles qui souiîrent durement. La femme de l'aristocratie
ne s'intéressait qu'aux mondanités et aux potins de la cour.
Toutes se courbaient plus ou moins devant les enseignements
de l'Eglise évangélique, qui sont franchement hostileis à tout
effort en vue de l'émancipation de la femme. Dans de semblables
conditions, vingt ans bien comptés purent s'écouler depuis l'ini-
tiative prise par Louise Otto, sans qu'il se manifestât aucun
indiced'un nouveau mouvement féministe. D'autre part, l'œuvre
accomplie dans les sociétés de bienfaisance, les seules qui furent
permises aux femmes de la bourgeoisie, amenait une confusion
qui se produit encore de nos jours entre des efforts de cette
rature et un véritable mouvement féministe. En fait les deux
choses sont entièrement distinctes. Le mouvement féministe a
pour but d'obtenir que la femme devienne l'égale de l'homme
au point de vue économique, juridique et moral. Aussi la bien-
faisance, les soins et l'éducation donnés aux enfants sont-ils,
malgré leur importance intrinsèque, situés complètement en
dehors de son domaine.
Il est caractéristique, pour le mouvement féministe en Alle-
magne, que ce soient encore des hommes qui aient tiré la femme
du sommeil dans lequel elle demeurait plongée, comme jadis la
Belle au bois dormant.
A Berlin existait, depuis 1844, une société composée d'hommes
HE VUE POLIT., T. XX 3
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34 . LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
qui cherchaient à améliorer le sort des classes ouvri^res. A la
suite du recensemeut de 1861, en Prusse, lequel accusait l'exis-
lencc de 700.000 veuves et femmes restées filles, cette société
vint à se préoccuper de la situation de ces femmes qui en étaient
réduites, en grande majorité, à vivre de leurs salaires. Le pré-
sident, Adolphe Lette, homme d'une grande intelligence, pré-
senta à la société, en 1805, un mémoire écrit à la suite d'une
enquête minulieuse dans lequel il demandait qu'on donnât aux
femmes une éducation qui leur ouvrît certaines carrières aux-
quelles elles conviennent particulièrement. 11 citait entre autres
u Timprimerie, la reliure, l'horlogerie, la cordonnerie, la con-
fection de vêlements, la comptabilité, Temploi de caissière, la
vente, la librairie, les préparations chimiques et microscopiques,
les instruments d'optique, les postes et télégraphes, la distribu-
des billets de chemin de fer, la peinture, la sculpture, les
-fortes, la sculpture sur bois, le dessin de modèles, la mé-
le et les opérations chirurgicales, principalement pour les
dies des femmes et les soins à donner aux malades ». La
té se fonda sur ce mémoire pour demander rétablissement
c école d'études complémentaires pour les jeunes filles et
ation de sociétés de femmes qui auraient pour but de pro-
r à la femme de nouveaux débouchés lucratifs pour son
ité. L'année suivante, fut fondée la première association de
snre sous la présidence de M. Lette, qui restreignit aussitôt
c manière sensible le domaine de ses opérations en ne se
osant plus comme objectif que de faire donner aux femmes
classe moyenne une éducation qui leur ouvrit les profes-
i auxquelles elles sont propres. « L'activité de notre société
étend pas, déclara-t-il, aux ouvrières qui travaillent dans
Fabriques, aux domestiques, aux blanchisseuses, et aux
'S femmes de ce genre ». A cette restriction, qui déjà don-
i tout eu mouvement un caractère exclusivement bourgeois^
ajoutait une autre, capitale, dont le président Lette avait
m principe immuable de la société par les paroles sui-
3s : « Ce que nous ne voulons pas, et ne désirerons ni ne
îrcherons jamais fût-ce môme dans les siècles les plus loin-
, c'est rémancipation politique de la femme et l'attribution
•oits égaux à ceux de l'homme. »
pendant la société Lette déploya dans le domaine qu'elle
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LE MOCYEMENT FÉMUSiSTE EN AffhEUAG^iE 35
embrassait, et dans lequel il y avait beaucoup à faire, unç
activité infatigable. Elle organisa successivement des écoles où
Ton enseignait le commerce, l'industrie, la cuisine, la télégra-
phie et la typographie. Elle fonda une école de modelage et de
travaux manuels artistiques et enfin une école de photographie.
Cet exemple fut imité dans beaucoup dft provinces prussiennes
et de petits états de TAllemagne. Dans le cercle de ses tentatives,
rentre également la fondation d'écoles d'arboriculture fruitière
et de jardinage, qui n'ont été établies en différents endroits de
TAllemagne que ces dernières années, sur Tinitiative de
Mlle Elvira Kastner. Afin de pouvoir établir une certaine unité
d'action entre les différentes associations, futcrééeen 18G9, sous
la direction de l'association Lette, une union des sociétés pour
l'instruction et l'industrie des femmes. Cette union tint des
conférences régulières et eut pour organe « l'Avocat des femmes »
revue dirigée par Mlle Jenny Hirsch.
Le but que poursuivait le mouvement féministe avec des ten-
dances que ces associations lui avaient imprimées était, en
substance, de rendre les femmes aptes aux travaux salariés qui
leur étaient alors accessibles. Mais le mouvement féministe
bourgeois poursuit en plus un autre but, qui est d'ouvrir aux
femmes de nouveaux genres de travaux lucratifs. Cette tendance
était représentée par l'association féministe allemande générale^
qui doit aussi son existence à l'initiative d'un homme.
^ En 186i, le capitaine A. Korn fondait à Leipzig le « Jourtial
féministe général )>, dans lequel il menait une campagne éner-
gique pour la cause féministe. Il demanda à Louise Otto, l'an-
cienne révolutionnaire, de collaborera sa revue, et la décida k
fonder une association pour l'instruction de la femme.
Il partait de principes plus radicaux qu'Adolphe Lette, car
tandis que celui-ci remettait la direction des associations fémi-
nistes entre les mains des hommes et n'admettait les femmes
que comme collaboratrices, Korn voulait que ces sociétés ne
fussent dirigées que par des femmes. Louise Otto se mit à la
tête de cette nouvelle association, de nom du moins, car, avec le
temps, et sous le poids de la réaction et de l'engourdissement
général delà vie politique, elle-même avait perdu son énergie
et sa netteté de vue. Aussi choisit-elle, pour diriger en fait
l'association, Auguste Schmidt, jusque-là professeur, femme
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36 LE MOCVfiMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
énergique, prudente, mais à Tesprit étroit, et douée dun grand
talent d'orateur. Elle renonça à son idéal passé en le laissant
appeler sans protester « Tidéal confus d'émancipation des années
autour de l8i-0 », et dans l'écrit qu'elle publia en 1865 sur « le
droit des femmes au travail rétribué », elle permit à l'auteur de
la préface, Joseph Heinrichs de faire la déclaration suivante :
« la seule émancipation que nous ambitionnons pour nos
femmes est l'émancipation au point de vue de leur travail ».
Elle s'inclina avec calme devant les paroles prononcées par
Auguste Schmidt a la séance d'ouverture de l'association pour
l instruction de la femme : « Tout ce que nous demandons, c'est
que Ton ouvre également aux femmes la carrière du travail »,
et elle demeura complètement sous l'influence de cette femme
qui devint le chef du mouvement bourgeois.
Son premier acte, et c'était une hardiesse pour l'époque, fut
de convoquer une conférence de femmes qui, en octobre 1865,
amena à Leipzig des femmes venues de toutes les parties de
TAllemagne. On devait, dans cette conférence, délibérer sur les
moyens d'élargir la sphère d'activité des femmes. De là sortit
<t l'Association générale des femmes allemandes » qui s'était
fixé pour tâche de « contribuer à élever le n; veau de la culture
de la femme et d'écarter de son travail tous les obstacles ».
Aujourd'hui, elle embrasse un grand nombre d'associations
répandues par toute l'Allemagne. Elle avait pour organe les
« Voies nouvelles » revue publiée par Louise Otto et Auguste
Schmidt, et qui, au contraire de « l'Avocat des femmes » sub-
siste encore aujourd'hui, nvais est devenue un organe d'associa-
tion sans importance et sans influence.
L'activité de l'Association générale des femmes allemandes et
les délibérations de ses assemblées générales représentèrent
pendant longtemps tout le mouvement féministe dans la bour-
geoisie. Son premier acte fut d'adresser au Reichstag de l'Alle-
magne du Nord une pétition demandant qu'on employât les
femmes dans le service des postes et télégraphes. On lui refusa
d'abord satisfaction, mais ce fut là une première impulsion qui
provoqua une étude approfondie de la question et fit que, plus
tard, on accéda à cette requête. Mais l'Association employa tous
ses efforts à mener, par la parole et par le livre une campagne
en faveur de la culture supérieure de la femme. Dans l'assemblée
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LB MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 37
générale de 1872, on réclamait déjà la fondation de lycées de
filles, et l'admission des femmes aux études littéraires et médi-
cales; mais, par suite d'une prudence et d'une réserve exces-
sives, ces demandes ne dépassèrent pas les limites de TAsso-
ciation. On ne se hasarda qu'à adresser des pétitions de peu
d'importance pour réclamer un nombre de postes d'institutrices
plus considérable, l'établissement d'écoles normales en 1888;
l'assocation exerçait donc depuis vingt ans son activité, qui se
résumait en une agitation insuffisante et se bornait à réunir les
fonds nécessaires pour constituer aux femmes des bourses
d'études. C'est alors qu'elle se décida à envoyer aux Gouverne-
ments et aux Landtags de chacun des Etats de l'Allemagne une
pétition couverte de milliers de signatures dans laquelle elle
demandait que les femmes fussent autorisées à étudier la méde-
cine à l'université de l'Etat dans lequel eîles résidaient, et à pren-
dre part aux études et aux examens qui permettent aux hommes
d'exercer dans renseignement. Mais même ces pétitions n'au-
raient pas eu lieu, s'il ne s'était formé de nouvelles recrues plus
jeunes, plus énergiques, et si le mouvement féministe n'avait
progressé en dehors de l'Association générale des femmes alle-
mandes.
Dès 1869, avait été fondé, sous la protection de la princesse
royale de Prusse, le « Victoria Lyceum », réservé aux femmes,
et dont la création était due à une compatriote de la princesse,
miss Archer. Cet établissement pouvait être considéré comme
une sorte de lycée de filles, sans cependant qu'il pût faire passer
des examens c u conférer dés titres. En 1878, fut créée à son tour
la « Huraboldt-Académie », université où les femmes peuvent
étudier, et où on les prend même, depuis quelques années, comme
professeurs. Mlle Bluhm, docteur en médecine, Mme Kempin,
docteur en droit, Mlle Dazsinska, docteur en sciences économi •
qucs, et Mme J. Schwerin y ont été maîtresses de conférences.
Les c< Voies nouvelles », qui bien souvent ne justifiaient
guère leur titre, avaient trouvé dans le Journal des Diênaghrs,
fondé en 1874, par Mme Lina Morgenstern, une publication
rivale, qui, malgré son titre inofTensif, défendait des idées rela-
tivement radicales sur la question féministe. On sentait que
l'Association générale des femmes allemandes pratiquait trop
scrupuleusement la vertu tant vantée de la femme, à savoir la
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38 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
réserve; aussi èe mit-on à fonder d'autres associations qui adop-
tèrent une marche en avant plus rapide. C'est ainsi qu'en 1888,
Mme Jenny Ketteler fonda une association intitulée : « Réforme
de Tinstruction de la femme », qui se mit à faire aussitôt une
campagne très vive en faveur de l'établissement de lycées de
filles et de l'admission des femmes à l'examen du baccalauréat.
Elle s'adressa aussi dans ce but aux gouvernements par voie de
pétitions et réunit des souscriptions en vue de fonder un lycée
de filles. Presque en même temps naissait à Berlin une associa-
tion intitulée « Le Bien des femmes », qui, sous la direction de
Mme Minna Cauer, est avant tout une association agitatrice et
a fait naître, un peu partout dans les villes d'Allemagne, des
sociétés affiliées.
A son instigation, on organisa en 1889 les premiers cours
d'enseignement moderne oh les jeunes filles pussent se préparer
au baccalauréat. Ces cours étaient dirigés par Mlle Hélène
Lange, qui, depuis, est un des chefs les plus en vue du mouve-
ment féministe bourgeois et a soumis aussi à son influence
vivifiante l'Association générale des femmes allemandes.
Son travail sur Tinstruction de la femme, dans lequel elle
parle avec beaucoup de compétence de l'éducation de la femme
en Angleterre, la fit connaître d'un milieu moins restreint et
c'est à elle que la femme allemande doit de n'avoir pas entière-
ment échoué dans ses efforts pour obtenir une culture supé-
rieure. Elle avança pas à pas vers ce but, avec une énergie
tenace, se bornant h dessein à un petit nombre de points de vue
et ne se laissant détourner par rien de sa tâche. Dans la cam-
pagne qu'elle mena par la parole et par le livre, elle évita avec
soin tonte couleur radicale, afin de ne pas indisposer contre elle
les gouvernants. Elle montre une prudence extrême en faisant
la critique de l'état de choses actuel en Allemagne en tant qu'il
se rapporte à la question de l'instruction de la femme, et c'est
ainsi qu'elle a réussi à réaliser plusieurs des désirs quelle avait
formés dans l'intérêt de la cause féministe. L'Etat a établi des
cours qui permirent aux femmes d'enseigner dans les classes
supérieures et les cours d'enseignement moderne se sont trans-
formés en cours de lycées pour jeunes filles dont les élèves
eurent le droit de se présenter au baccalauréat.
Vers la même époque, en 1893, Mme Ketteler fondait à Carls-
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 3<f
ruhele premier lyc(?e déjeunes filles du duché de Bade et, un an
plus tard, TAssoeiation générale des feramee allemandes se dé-
cidait à fonder à Leipzig un lycée dont la direction fut confiée à
Mlle Catherine \Vindscheid,qui avait le titre de docteur. Depuis,
des établissements semblables se sont fondés à Kônigsberg, à
Dantzig,à Cologne et à Hanovre, mais ce ne sont laque des écoles
privées et ils n'ont le droit ni d'examiner eux-mêmes leurs élèves,
ni de leur délivrer un dipl(^mc de bachelière. Car, malgré toute la
prudence dont on fit preuve, et malgré la campagne menée en
faveur du mouvement féministe, le gouvernement et les partis
au pouvoir, lui sont demeurés absolument hostiles et ne se sont
décidés qu'à grand peine à faire des concessions minimes. Les
premières pétitions présentées par l'Association générale des
femmes allemandes reçurent de la part de sept gouvernements
une réponse négative, et six autres ne répondirent même pas du
tout ; lorsqu'on fit une autre pétition pour que les femmes eussent
le droit d'étudier à TUniversilé de l'Etat dans lequel elles rési-
daient, chacun de ces Etats se déclara incompétent et renvoya
les pétitionnaires au Reichstag, tandis que celui-ci, de son côté,
les renvoyait dans leur Etats respectifs.
Ainsi malgré l'existence de lycées de jeunes filles et bien que
des élèves des lycées de jeunes filles de Berlin aient déjà passé
avec succès leur examen de baccalauréat, les Universités restent
fermées aux femmes officiellement. On les admet seulement à
titre d'auditeur avec une permission spéciale de l'autorité. A
Berlin par exemple dans le dernier semestre on comptait 227 étu-
diantes et l'université s'est dernièrement décidée à admettre
une femme, Mlle Eisa Neumann à l'examen du doctorat en
philosophie. Enfin l'université de (iiessen a reconnu aux femmes
étudiantes le môme droit qu'aux hommes.
La façon dont les* gouvernements et les partis au pouvoir ont
traité la question des femmes-médecins caractérise bion leur
attitude. Comme toutes les pétitions demandant d'une façon
générale que les femmes fussent admises à recevoir l'enseigne-
ment supérieur avaient été rejetées, l<^s femmes se bornèrent
finalement à ne demander tout d'abord que le droit d'étudier la
médecine. Mais, bien qu'on reconnût de toutes parts, la néces-
sité d'avoir des femmes-médecins, dans l'intérêt des personnes
de leur sexe ; et bien qu'en 1894 on eût présenté à ce sujet au
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40 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
Reichstag jusqu'à 1.269 pétitions portant plus de 50.000 signa-
tures, le Reichstag rejeta cette requête en .déclarant que ce
n'était pas à lui à décider et il passa là-dessus à Tordre du jour.
M. Rickert lui-môme, député de la gauche libérale, appuya cette
décision, bien qu'il eût favorisé jusque là le mouvement fémi-
niste bourgeois. Le parti socialiste, au nom duquel le grand
défenseur de la femme, Auguste Rebel, prit la paroje, fut seul à
défendre les pétitions contre le gouvernement et la majorité du
Reichstag. Ici nous touchons à une question essentielle pour le
mouvement féministe dans la bourgeoisie allemande et qui
explique la lenteur de ce mouvement ainsi que la résistance
qu'il rencontra chez les partis au pouvoir.
Le parti socialiste qui, pendant dix ans, eut à subir loppres-
sion des lois d'exception établies contre lui et fut poursuivi et
flétri comme une société de criminels ; ce parti qui, aujourd'hui
encore, bien qu'affranchi de cette loi, est exposé sans cesse à
subir le martyr et s'entend qualifier par la bouche de l'Empereur
de « bande d'hommes qui ne sont pas dignes de porter le nom
d'Allemands », ce parti socialiste, disons-nous, inscrivit
dès 1874 dans son programme l'égalité des deux sexes, question
qui n'avait même encore été disculée sérieusement par aucun
des partis de la bourgeoisie. En 1891 , les socialistes élargirent ce
programme en demandant expressément pour la femme l'égalité
politique, la suppression de toutes les lois qui avantagent
l'homme, et enfin l'admission des femmes dans tous les établis-
sements d'instruction et dans toutes les carrières.
Comme le parti que l'on se plaît à appeler « révolution-
naire, » était le seul qui revendiquât dans son programme les
droits de la femme, tout le monde féministe fut bientôt discrédité
auprès des partis de la bourgeoisie et des gouvernants. Dès
que ce mouvement s'affirma d'une maiiicre plus énergique, on
le soupçonna d'avoir un caractère socialiste. C'est pourquoi les
femmes de la bourgeoisie, avec leur circonspection inquiète, et
la dépendance dans laquelle elles se trouvaient vis-à-vis de leurs
pères, frères et maris, tantôt s'abstinrent entièrement d'y
prendre part, bien qu'en elles-mêmes elles reconnaissaient
comme fondées certaines revendications féministes ; tantôt ne s'y
associèrent qu'avec la prudence d'une Auguste Schmidtet d'une
Hélène Lange. Seul cetétatd'espritpentexpliquerdesfailscomme
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LE MOUVEMENT FÉMlMISTi: EN ALLEMAGNE 41
le suivant : le ministre de l'Instruction publique en Prusse, le
D*" Bosse, refusa d'autoriser la fondation d'un lycée de filles mu-
nicipal à Breslau, et déclara qu'il avait ainsi étouffé une « étin-
celle », avant qu'elle ne devint une « flamme puissante ». Dans
d'autres pays, il aurait été ridicule à jamais. Voici un autre fait :
en i890 Hélène Lange fonda une association de femmes dans
l'enseignement qui compte aujourd'hui plus de 10.000 membres,
et cependant cette puissante organisation ne peut à peu près rien
obtenir pour que la femme devienne l'égale de l'homme en
matière d'enseignement. Mme Minna Cauer a fondé une asso-
ciation des employées de commerce qui, à Berlin seul, compte
déjà 10.000 membres ; et cependant cette association n'a pas osé^
faire usage de sa propre force pour obtenir des réformes, quelque
insignifiantes qu'elles soient, comme, par exemple, la permis-
sion de s'asseoir pour les vendeuses dans les magasins. Ces faits
témoignent mieux que toute autre explication de la crainte que
ressentent les femmes de se rendre suspectes de socialisme.
Au cours des longues années de réaction qui suivirent 1818,
les partis libéraux allemands perdirent si complètement leur
esprit révolutionnaire et leurs sentiments démocratiques qu ils
effacèrent de leur programme ceilaines revendications, au début
d'origine libérale, et que de nos jours encore, le parti libéral
soutient en Angleterre; or, ces revendications furent reprises
par le parti socialiste. Le mouvement féministe bourgeois fît de
m^rae : il renia ses origines et s'en remit aux socialistes du soin
de défendre celles de leurs revendications, comme le droit de
vote, qui sont soutenues en Angleterre aussi bien par un grand
nombre de conservateurs que par les libéraux. En agissant
ainsi, il perdit dès le début toute son importance et ne put la
reconquérir lorsqu'il dut, en présence des progrès du mouve-
ment féministe, en Amérique, en Australie et en Angleterre,
prendre une allure plus accélérée.
Le projet de la rédaction d'un nouveau code civil de l'Empire
allemand vint en fournir l'occasion. Dès 1873, Tune des per-
sonnes les plus radicales qui étaient à la tète de l'Association gé-
nérale des femmes allemandes, Mme Henriette (îoldschmidt,
proposa d'adresser au Reischstagune pétition pour demander à ce
qu'on modifiât le Code civil en ce qui touche à la situation de la
femme au point de vue juridique. On suivit sou impulsion, et
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4 2 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EIS ALLEMAGNE
Ton envoya en 1876 aux représentants de la nation une pétition
couverte de 12.000 signatures. On y faisait ressortir combien la
femme était lésée dans ses droits au point de vue du mariage et
de la tutelle et Ton demandait à ce qu'on remédiat à cette situa-
tion. En même temps les « Voies Nouvelles » se livraient sur ce
sujet à des discussions juridiques et s'efforçaient de faire con-
naître cette question d'un grand nombre de personnes ; mais ce
fut à peu près tout ce qu'on fit. Il ne fut d'abord pas question
d'une agitation monstre. Ce n'est qu'au bout de 16 ans qu'on se
résigna à une nouvelle démarche : Mme Emilie Kempin fut
chargée de réunir toutes les lois concernant la femme en vi-
deur dans chaque Etat et ce devint là un moyen précieux d'agi-
tation. On envoya aussi, mais au dernier moment, de nouvelles
pétitions, principalement à l'instigation de la société berlinoise
radicale : « Le bien des femmes » et de la « Société pour la pro-
tection juridique de la femme », établie à Dresde. Mme Sera
Prôlss et Mlle Marie Ra«chke opposèrent dans une brochure les re-
vendications de la femme aux projets de loi établis et Ton publia
à Dresde une brochure du même genre, sous la direction.deMme
Marie Stritt. On y demandait, en substance, que l'on reconnut
à la femme mariée le droit de disposer librement de son gain et
de sa fortune, que l'on admît la séparation légale des biens, le
droitpour la femme déjouer elle aussi le rôle de tuteur, l'égalité
entre l'autorité maternelle et celle du père, et que l'on amélio-
rât le sort des enfants naturels. Pour appuyer ces réclamations,
on fit une campagne d'agitation telle que le mouvement fémi-
niste bourgeois n'en avait pas connu de semblable jusque-là.
Des femmes prirent la parole dans de grandes réunions pu-
bliques pour défendre leur cause, môme en dehors des limites
étroites de leurs associations. L'Union des associations féini-
ni :cs allemandes, sur la fondation de laquelle nous revien-
drons plus tard, s'occupa de ce mouvement et fit adresser dos
pétitions au Reichslag. Le résultat de tous ces efforts fut insi-
gnifiant : la femme eut le droit de conclure en toute indépen-
dance une convention relative à son travail, le mari ne put s'y
opposer qu'avec Taide du tribunal, et c'est elle-même qui géra
le rendement de son travail. Une femme non mariée put devenir
tutrice, la femme mariée ne put le devenir sans l'autorisation
de son mari. En revanche on rendait le divorce plus difficile au
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 43
liou de le rendre plus aisé ; d'autre part la fille-mère et les
enfants naturels demeuraient aussi désavantagés qu'aupara-
vant.
Bien que les résultats positifs de cette campagne eussent été
insignifiants, elle avait cependant donné aux femmes une con-
fiance plus vive en elles-mêmes et un plus grand courage. Elles
s'étaient faites également prendre en sérieuse considération par
des personnes appartenant à des milieux tout différents. C'est
pourquoi la fraction radicale du féminisme bourgeois osa convo-
quer à Berlin en 1896 le premier congrès féministe interna-
tional, qui d'ailleurs sous la direction habile de Mme Lina Mar-
genstern, de Mme Jeannette Schwerin et de Mme Minna Cauer,
eut une session des plus brillantes, à en juger du moins par le
dehors. Les non initiés ne remarquèrent pas en effet que la
majeure partie des féministes de la bourgeoisie, c'est-à-dire
l'Association générale des femmes allemandes et les sociétés
soumises à la direction de Hélène Lange ne prirent pas part à
ce congrès et qu'un petit nombre seulement d'avocates fémi-
nistes, s'y produisirent, parmi lesquelles ne se trouvaient que
peu des femmes de la bourgeoisie allemande.
On ne doit d'ailleurs se faire aucune illusion sur la situation
générale du mouvement féministe dans les classes bourgeoises
en jugeant d'après les progrès qu'il a accomplis dans certains
sens, d'après les nombreuses réunions publiques populaires
dans lesquelles il se produisit, et, enfin, d après le développement
de la littérature et de la presse féministes. En effet, Mlle Hélène
Lange publie une revue mensuelle intitulée : c< La Femme » et
Mme Minna Cauer un journal bi-mensuel, « Le Mouvement fé-
ministe », que j'ai fondé avec elle il y a environ quatre ans.
L'attitude prise parle parti dans la question du rôle politique
de la femme, à propos du droit de vote en particulier, et dans la
question ouvrière, ne prouve que trop son indifférence. Les re-
vendications formulées par Hippel avaient été oubliées depuis
longtemps; les discussions qui s'engagèrent en Angleterre au
sujet du droit de vote des femmes et l'ouvrage fameux de Mill
n'exercèrent pour ainsi dire aucune action. Seules deux femmes
luttèrent en faveur de l'égalité politique des deux sexes; ce fu-
rent Fanny Lewald-Stahr, en 1869, par sa brochure intitulée :
«Pour et contre les femmes allemandes », et Uedwig Dohm, qui
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44 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
publia en 1876 une brochure fort spirituelle, « Nature et droits
de la femme ». Le mouvement féministe allemand n'en fut nul-
lement influencé et oublia même ses défenseurs. En 1877, le
célèbre jurisconsulte Franz de Holtzendorff se prononça égale-
ment en faveur du droit de vote des femmes et il déclara que,
s'il leur reconnaissait ce droit, c'est parce qu'il ne voyait là
qu'une conséquence logique et nécessaire de l'établissement du
suflFrage universel. Sa voix ne fut pas écoutée davantage. Aucune
femme n'osa mener une campagne publique en faveur du droit
de vote pour son sexe. Une fois seulement, en 1881, la comtesse
Guillaume-Scback éleva la voix en faveur de cette cause à TAs-
semblée générale de l'Association des femmes allemandes, mais
cette société la força finalement à quitter son parti pour passer
dans le camp socialiste.
Parmi les femmes qui dirigeaient le mouvement féministe
bourgeois, il yen avait bien quelques-unes qui reconnaissaient
en elles-mêmes comme fondées la revendication de l'égalité
politique, mais, quant à le reconnaître publiquement ou sur-
tout à faire une campagne pour cette cause, c'eût été s^ com -
promettre à tout jamais et s'acquérir la réputation d'adeptes du
parti révolutionnaire.
Ce fut de nouveau un homme qui, par son exemple, inspira
aux femmes le courage de défendre aussi leurs droits sur ce
terrain.
Georges de Gizycki, professeur de philosophie à TUniversité
de Berlin, faisait chaque année un cours d'éthique sociale. Il y
parlait aussi de la situation des deux sexes à l'égard l'un de
l'autre et à l'égard de la société, et il osa, le seul assurément en
Allemagne, exposer l'idée de l'égalité des droits entre l'homme
et la femme, en la fondant sur des exigences d'ordre moral. Il y
faisait ressortir que l'obtention des droils politiques pouvait
seule permettre d'arriver à une solution de la question fémi-
niste, et que, par suite, tous nos efforts devaient tendre vers ce
but. Parmi les auditeurs de M. de Gizycki figuraient, à côté des
hommes, un certain nombre de femmes parmi lesquelles moi-
môme, sa femme, qu'il convertit à la cause féministe. Comme
membre de la Société « Le Bien des femmes », je proposai de
commencer une campagne d'agitation en faveur du droit de vote
des femmes au moyen d'une grande réunion publique populaire.
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LE liODVEMENT FÉMINISTE EN ÂLLeitfÂGNE 4 b
A ce moment, en 1894, on considérait comme inouïe la convoca-
tion d'une semblable réunion par les représentants du mouve-
ment féministe bourgeois, etcene fut pas choâe facile de triom-
pher de la résistance etde§ inquiétudes du comité de direction.
Je finis cependant par y réussir. Je parlai, à Berlin, devant plu-
sieurs milliers d'auditeurs en faveur de Fégalité politique des
deux sexes, en opposant à Textension rapide que cette idée avait
prise à l'étranger, la lenteur de ses progrès en Allemagne. A
mon propre étonnement, je ne me heurtai, ni auprès du public,
ni dans la presse, à une résistance sérieuse; dans d'autres villes
d'Allemagne je trouvai également des gens qui me comprirent
et les femmes les plus éclairées me donnèrent leur entière appro-
bation.
Au commencement de Tannée 1895, la nouvelle tendance ra-
dicale trouvait elle aussi sou organe dans la revue fondée par
Mme Minna Cauer et par moi : « Le Mouvement féministe ».
Georges de Gizycki publia dans les premiers numéros une étude
approfondie sur le droit de vote de la femme, laissant ce legs à
la femme allemande !
Le « Mouvement féministe », la société « Le Bien des femmes »,
et des associations similaires : « La protection de la jeunesse »,
à Berlin, et « La protection du droit » à Dresde, représentèrent
désormais la tendance radicale du mouvement féministe dans
la boui^eoisie. Leurs membres, qui formaient un cercle res-
treint, s'intéressèrent vivement aux questions politiques du
jour et sentirent peser lourdement sur eux les lois allemandes
sur les associations, lois tristement célèbres, qui ne laissèrent
aux femmes que des droits si restreints. Elles décidaient, en
effet, que les femmes et les mineurs n'avaient le droit ni d'être
membres d'une société politique, ni de fonder des sociétés poli-
tiques composées de femmes. Dans certains pays, comme ré-
cemment en Bavière, les femmes ne devaient pas non plus assis-
ter aux réunions publiques où Ton traitait de questions poli-
tiques. On prit aussitôt parti contre ces mesures en adressant
des pétitions au Reichstag et en organisant des meetings protes-
tataires, mais tout ce que les femmes purent obtenir fut d'être
mieux éclairées sur leur situation.
Les partisans «le la nouvelle tendance essayèrent également
de comprendre dans leurs discussions d'autres domaines de la
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iô LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
vie publique. Mais, plus elles le firent plus on vit clairement
qu'elles non plus n'étaient pas à la hauteur de leur tâche.
Elles ne pouvaient s'affranchir des conceptions arriérées qu^
étaient générales dans la bourgeoisie allemande; mais elles
échouèrent surtout lorsqu'elles se mirent à discuter la question
de moralité. Elhîs reconnurent, il est vrai, que la misère était
la principale cause de la prostitution, mais, dans les projets ou
les vœux destinés à la combattre, elles essayèrent uniquement
de rogner les branches de l'arbre pernicieux et puissant, au lieu
de l'attaquer à la racine. Mme Hanna Bieber-Bohm, chargée de
la question, et celles qui s'unirent à elles, partent en guerre,
par exemple, avec une ardeur plutôt comique, contre les théâ-
tres de V^ariétés, contre la littérature et l'art modernes et con*
damnent leurs productions les plus remarquables, du moment
qu'elles ne sont pas écrites pour des jeunes filles. Elles vou-
draient môme que la police interdît leur publication. Dans leurs
pétitions elles demandent, il est vrai, la « suppression de la
prostitution », mais sans se rendre compte qu'un fait de ce
genre, qui résulte nécessairement des conditions de la vie éco-
nomique et sociale, braverait l'intervention même des polices
prussienne et allemande malgré la toute puissance dont celles-
ci jouissent d'ordinaire.
Le mouvement féministe radical a fourni, lors des dernières
élections au Reichstag, une preuve éclatante de son incapacité
à constituer une force agissante et vivante au service du progrès
social. LoDgiempâ à layanee, lesehei» do parti aTaieftt fait de la
propagande en faveur de la participation des femmes à l'agita-
tion électorale, comme cela se fait en Angleterre. Peu de temps
avant les élections, Mme Minna Cauer et Mlle Anita Augspurg,
docteur en droit, lancèrent une proclamation invitant les
femmes à présenter aux candidats de leurs circonscriptions
certaines revendications féministes, et, suivant leur réponse, à
faire campagne pour ou contre leur élection. Quel en fut le
résultat? Dans aucune des nombreuses réunions publiques les
femmes de la bourgeoisie ne se produisirent, pas un seul des
candidats n'entendit parler d'elles. Chose assez caractéristique,
Ivs deux femmes qui avaient rédigé cette proclamation ne firent
nullement exception à la règle !
Mais, pour compléter ce tableau du mouvement féministe en
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LE MOLVfiMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 47
Allemagne, il nous faut parler de son attitude vis-à-vis de la
question ouvrière.
L'Association générale des femmes allemandes essaya, en
1867, dans les premières années après sa fondatinn de s'occu-
per sérieusement de cette question en demandant au Congrès
ouvrier de Géra que le travail de la femme fut assimilé à celui
de rhomme et que les ouvriers des deux sexes eussent une or-
ganisation commune. Mais à mesure que Tinfluence de Louise
Otto s'effaçait devant celle d'Auguste Schmidt, Tassociation
s'intéressa de moins en moins à la situation de ses u sœurs
pauvres w, jusqu'à ce que, en 1872, Auguste Schmidt eût dé-
claré ouvertement par les paroles suivantes en quoi consistait
h ses yeux, et devait consister à l'avenir pour l'association la
question féministe ; « L'instruction est le point capital et le
centre de la question. » Aussi ce fut la société Lette qui, la pre-
mière, consacra de nouveau son attention à la situation des
ouvrières, lorsqu'on commença en Allemagne à prendre cons-
cience, non seulement de la détresse économique, mais aussi
du développement intellectuel de la classe ouvrière. Les femmes
voulurent alors, pour conjurer le danger menaçant, regagner
le temps perdu. La société Lette décida de ne plus limiter son
action aux femmes des classes supérieures ; elle fonda des
écoles où Ton apprit les soins du ménage et elle établit 4es bu-
reaux de placement pour bonnes, voie dans laquelle la suivit la
société Pestalozzi-Frœbel. Mais cela suffit pour tranquilliser sa
conscience.
Quelques années plus tard, Mlle Maiûanne Menzzer prononça,
à l'Association générale des femmes allemandes, une allocu-
tion où elle faisait un tableau détaillé de la situation des ou-
vrières au point de vue du salaire et du travail, en s'appuyant
sur les données officielles de la statistique. Pour remédier à
leur détresse, elle demaadait la fondation d'associations d'ou-
vrières et la création d'écoles industrielles. A côté de cela, et
ceci caractérise bien son idéalisme étroit, elle attendait beau-
coup de « l'influence morale » que les femmes de la bourgeoisie
pourraient exercer, si elles voulaient, sur les fabricants et les
patrons. A son instigation, TAssociation élut une commission
chargée de faire une enquête sur les salaires des ouvrières, en-
quête dont Mlle Menzzer lui fit connaître les résultats ; à cette
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48 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
occasion, elle lui présenta seF anires projets que, dans Tinter-
valle, elle avait considérablement réduits. Tout ce qu'elle de-
mandait désormais, c'était que les associations féministes don-
nassent la préférence aux maisons dont les propriétaires
payaient bien et exactement leurs ouvrières, et que Ton insti-
tuât un bureau de renseignements où les femmes pauvres rece-
vraient gratuitement des informations. Seule, la comtesse
Guillaume Schack fit ressortir le peu de portée de semblables
mesures et la nécessité d'une organisation des ouvrières pour
qu'elles pussent s'aider elles-mêmes. Le résultat des délibéra-
tions fut l'établissement à Leipzig d'un office central pour la
protection juridique des femmes. L'association générale des
femmes allemandes ne sortit plus désormais de son étroit do-
maine et abandonna à elles-mêmes les ouvrières, se désintéres-
sant de leurs luttes et de leurs efforts. Le mouvement fémi-
niste de la bourgeoisie fut arrêté ici aussi par la crainte du so-
cialisme, qui peu à peu était resté seul à défendre les intérêts
des travailleurs des deux sexes.
C'est ce qu'on vit clairement lors de la fondation de l'Union
des associations allemandes de femmes. L'idée d'unir entre elles
les différentes associations, afin qu'elles pussent se renseigner
l'une l'autre, agir de concert dans certaines questions, avait été
apportée chez nous par plusieurs Allemandes, et, en particulier,
par Mme Bieber-Bôhm, à qui elle avait été inspirée par le Con-
grès féministe international tenu à Chicago en 1893. La direc-
tion de cette entreprise fut confiée à Mlle Auguste Schmidt, car
c'est une illusion très répandue de croire que l'exécution d'idées
nouvelles doit être conférée à des personnes jouissant d'une au-
torité déjà ancienne. En mars 1894, elle inaugura la réunion où
fut arrêtée l'organisation de l'Union, dans laquelle entrèrent
aussitôt quarante associations par un discours où elle déclarait
souhaiter la bienvenue h toules les associations féministes, à
Texception des « associations d'ouvrières notoirement socia-
listes. »
Des trente-six déléguées présentes, quatre seulement protes-
tèrent contre ces paroles, qui exprimaient un fanatisme aveu-
gle de parti ; toutes les autres se mirent du côtéde la présidente.
Lorsque la presse se livra là-dessus à de longues discussions,
Mlle Schmidt et tout le comité de direction de l'Union des
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 4 9
associations féministes allemandes, qui se sentaient solidaires
comprirent enfin quelle lourde faute de tactique avait été com-
mise, sans parler du point de vue moral, en exprimant ouverte-
ment Tanimosité de la bourgeoisie contre la classe ouvrière,
animosité dissimuléejusque-là par mille subterfuges. Cherchant
à justifier soâ attitude, le comité découvrit un moyen qui ne fit
que trahir aux yeux du public une ignorance grossière. 11 dé-
clara être obligé d'exclure les associations féministes socialistes,
parce que la loi défend aux sociétés politiques de s'unir entre
elles; mais il oublia complètement que la même loi défend de
fonder aucune association de femmes ayant un caractère politi -
que, et qu'il n'existait par conséquent aucune association socia-
liste de femme à exclure.
Dans la suite, l'Union s'efforça de faire oublier un début
aussi piteux que ridicule, en menant une campagne énergique
en faveur d'une revendication qui intéresse la classe ouvrière :
la nomination des femmes au poste d'inspectrices de fabrique.
C'est à Mme Jeannette Schwerin qu'en revientl'initiative.et elle-
même mena une campagne très vive dans ce sens. On envoya
des pétitions à tous les Etats fédérés, et c'est en partie grâce
à ce mouvement que dans la Hesse, le duché de Saxe-Weimar et
la Bavière on a récrnnnWtit essayé d'employer des femmes comme
inspectrices-auxiliaires dans les fabriques. Pour préparer les
femmes à ces fonctions, l'Union établit à Berlin et Munich des
cours d'enseignement où l'on fit des leçons, non seulement sur
la législation protectrice ouvrière, sur l'hygiène dans l'indus-
trie, etc., mais oix l'on mit les élèves h même d'étudier le fonc-
tionnement d'une usi-ne, sous la direction de personnes com-
pétentes. . •
Une institution do ce genre existe d'ailleurs à Berlin depuis
plusieurs années, et doit également à Mme Schwerin le dévelop-
pement qu'elle a pris. Elle s'intitule : « Groupes de femmes et
de jeunes filles pour aider au travail social ». De même que les
futures inspectrices d'usines dans le premier établissement,
les futures gardes des pauvres (armenpflegen) reçoivent dans
celui-ci une instruction spéciale, et ainsi le travail social pra-
tique se substitue au sport souvent plus nuisible qu'utile qui
constitue d'ordinaire la bienfaisance ; de même qu'une connais-
sance au moins approximative de la détresse ouvrière remplace
REVUE POLIT., T. XX *
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50 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
la compassion stérile et purement sentimentale que l'on éprou-
vait pour les « sœurs pauvres ».
Le premier essai dans cette voie fut tenté par un petit groupe
de femmes défenseurs des droits de leur sexe, à Toccaston de la
grande grève des ouvriers en confections, qui éclata en 1896, et
dévoila une misère si terrible que même les plus* aveugles ne
purent y jeter un regard sans être saisis d'horreur. Mme Schwe-
rin à Berlin^ Gamper et Stritl à Dresde, prirent ouvertement
parti pour les grévistes, et les aidèrent en leur donnant des se-
cours en argent et en agissant sur l'opinion publique qui, pour
la première fois peut-être en Allemagne, vit dans une grève,
non point une révolte politique, mais une lutte économique en-
gagée pour le pain de chaque jour. A la tète de ce mouvement
ne se trouvait pas seulement une partie de la gauche radicale de
rUnion des associations féministes allemandes, mais aussi un
groupe féministe qui se tenait en dehors, groupe doué^ semblait-
il, de la vigueur de la jeunesse : c'étaient les socialistes chré-
tiennes qui se groupaient autour du 'pasteur libéral Naumani).
Elles avaient pour chef Elisabeth Guauck-Kuhne qui^ dans
rintention d'étudier par elle-même la situation des ouvrières,
avait travaillé comme ouvrière dans une fabrique de carton, et
joignait à cette expérience pratique de sérieuses connaissances
scientifiques. Ainsi armée, non seulement elle avait réussi par
un brillant discours qu'elle prononça au Congrès social évangé-
lique de 1895, à gagner à ses idées les membres du congrès jus-
que-là absolument hostiles au mouvement féministe, mais elle
décida un nombre, très restreint, il est vrai, de dames d'opinions
sans cela conservatrices, à s'intéresser à la grève et à la soutenir.
Comme elle l'avait fait par son activité pratique, elle consacra
ses forces au service de la cause ouvrière en publiant des travaux
scientifiques. Elle fit paraître une étude très documentée sur la
situation des ouvrières dans l'industrie du papier à Berlin, et
cet exemple poussa Mlle GertrudeDyrenfurth, qui partageait les
mêmes opinions, à publier un travail semblable au sujet des
couturières en costumes de femmes et en tabliers. Mais l'espé^
rance de voir cette tendance du mouvement féministe bour-
geois, qui débutait avec tant d'énerçie, croître chaque jour en
influence et en importance, se trouva bientôt n'être qu'une illu-
sion. Le cercle auquel elle se limitait était excessivement res-
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L£ MOUVEMEXY FÉMimSTE ER ALLEHAOIVE 51
treint, et, malgré tonte sa bonne Tolonté, elle ne pouvait rien
faire ; d'aatre part Mme Gmack-4iûhne, qui arait créé ce mou-
Tement et lui a\Tiit donné aon caractère, se retira de plus en
pins de la vie publique, et, au lieu de déployer une activité
croissante dans ses travaux scientifiques on dans sa propagande
elle n'écrit plus aujourd'hui que des légendes pessimistes sans
importance, et des paraboles.
Ainsi donc le mouvement féministe bourgeois nous offre
partout le même spectacle : tout essor est suivi d'une réaction
presque immédiate, tous les efforts vers le progrès que Von
pouvait s'attendre à voir s'élargir peo à peu sont tout d'un coup
paralysés. On écrit, on parle, mais dès qu'il s'agit de passer des
paroles ou des écrits aux actes, adieu tout enthousiasme.
Les conflits qui s'élèvent dans les rangs mêmes des féministes
contribuent à cette situation. Ils se manifestèrent clairement
lors de la dernière réunion générale de l'Union des associations
féministes allemandes à Hambourg et s'exaspérèrent jusqu'à
devenir une véritable déclaration de guerre entre conserva-
trices et radicales, car chacun àe» deux partis accusait l'autre
d'être la cause de tous les m>iux.
En fait, lea causes sont bien plus profondes : c'est dans la
situation politique et économique intérieure qu'il faut les
chercher, et dans l'existence d'un mouvement féministe qui se
tient en dehors do mouvement féministe bourgeois et marche
en avant, croisant fréquemment ce dernier sur sa route, mais
sans y prendre garde, et en avançant droit vers son but.
m. — Le mouvement fémIniste prolétaire.
A mesure que la classe moyenne s'appauvrissait et que
devenait plus étroit le cercle des devoirs domestiques dont
raceompUssement atrsorbait autrefois toute l'activité de la mère
et de ses filles, les femmes de cette classe sociale éprouvèrent de
plus en plus le besoin d'un travail salarié et indépendant. Leur
trouver ce travail, leur ouvrir et leur conquérir de nouvelles
carrières, telle fut en substance la tiche que s'attribua le mou-
vement féministe bourgeois. Aussi se trouva-t-il dans l'impos-
sibilité de s'intéresser dans la même mes^ire aux femmes dont
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52 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
les souffrances et les aspirations résultaient d'autres causes et
tendaient à d'autres buts. Faire rentrer dans le cercle de ses
préoccupations la situation des ouvrières, n'était, pour ainsi
dire, que dévier de la voie droite et nettement tracée qu'il
avait à suivre. Pour étudier à fond cette face de la question
féminine et aboutir à une solution, il fallait concentrer sur ce
seul point tout un ensemble de forces.
Mais les ouvrii>res ne pouvaient puiser ces forces en elles-
mêmes ; leur détresse les avait rendues trop faibles et incapables
d'énergie. Pour comprendre toute leur misère, il leur fallait
une impulsion venue du dehors, et, pour la combattre, l'aide
des hommes qui furent leurs compagnons de travail.
Dès 1861 on comptait en Prusse plus d'un million d'ouvrières
dont la situation excitait la pitié des cœurs compatissants.
Louise Otto fit sur ce sujet, à Leipzig et à Berlin, des confé-
rences o?î elle insistait en particulier sur la nécessité de fonder
des écoles industrielles. A son instigation, des dames de la
bourgeoisie fondèrent en 18G9 une association d'ouvrières. Mais,
ignorant complètement de quoi leurs protégées pouvaient bien
avoir besoin, et tout empêtrées dans les idées du mouvement
féministe bourgeois, elles ne leur offrirent que des conférences
amusantes ou instructives. Mais l'instruction ne constituait pas,
pour les ouvrières « le centre et le point capital de toute la
question féministe ». A quoi devait leur servir l'instruction, si
la misère les rendait incapables de jouir des fruits de cette
culture? A quoi devait-elle leur servir, si, depuis le matin
jusqu'à une heure avancée de la soirée, elles devaient s'épuiser
à la fabrique, à l'atelier, derrière la machine à coudre, et s'il ne
leur restait plus ni le temps, ni la force nécessaires pour
l'acquérir ? Obtenir de meilleures conditions au point de vue du
salaire et du travail, tel devait être le point de départ du mou-
vement féministe ouvrier. Sur ce point les femmes se rencon-
trèrent avec les ouvriers qui commençaient précisément, à ce
moment, à se grouper afin de lutter pour leurs droits à l'exis-
tence.
Tandis qu'en 1848, ils voyaient encore dans la concurrence de
la femme un danger pour eux et cherchaient à le faire dispa-
raître par la force ou par rinterveption de la loi, ils apprirent
peu à peu à comprendre que ce n'est pas en combattant les
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LE MOUVEMENT FÉMINCSTE EN ALLEMAGNE 53
femmes, mais en s'unissant à elles, qu'ils pouvaient améliorer
leur propre situation. Au congrès ouvrier de Géra, en 1867,
furent exprimées par la bouche de Maurice Millier les idées
d'égalité économique entre Thomme et la femme, et le congrès
du jeune parti socialiste, tenu à Gotha en 1875, revendiqua
dans son programme, comme nous Tavons vu, l'égalité des
deux sexes.
Ainsi, lorsque des ouvrières de Berlin essayèrent pour la
première fois de fonder une association sans l'appui des dames
de la bourgeoisie, les hommes leur vinrent fortement en aide
dans Texécution de ce projet. C'est ainsi que furent créées à
Berlin et en divers endroits de TAlIemagne des associations de
femmes et de jeunes filles ouvrières, où Ion discuta principa-
lement des questions économiques. Profitant des connaissances
qu'elles y acquérirent, les membres de ces associations prirent
bientôt un vif intérêt aux questions de législation et reconnurent
qu'il était abs«olument de leur intérêt d avoir au Reichstag des
députés ayant promis de soutenir les revendications de la
classe ouvrière. Elles devinrent alors des partisans enthousiastes
du socialisme, et, en 1877, elles se déclarèrent ouvertement
pour les candidats socialistes, non seulement en faisant cam-
pagne en leur faveur du haut de la tribune, mais en cherchant à
se rendre utiles en distribuant des brochures et des bulletins de
vote. Ainsi, ce furent des femmes de la classe prolétaire qui,
firent en Allemagne la première campagne politique. Un état
dirigé par la main de fer de Bismarck ne pouvait supporter
pareille chose. Les premières associations indépendantes
d'ouvrières furent dissoutes par la police pour avoir trans-
gressé les lois sur les associations qui défendent aux femmes
toute activité politique organisée. Lorsque, une année plus
tard, la loi sur les socialistes ligolta le mouvement ouvrier, le
mouvement féministe ouvrier se vit privé, lui aussi, de toute
liberté; mais c'est justement au cours de ces douze années qui
suivirent, pendant cette époque de luttes, de privations et de
souffrances, que les deux partis, au lieu de se laisser abattre,
devinrent plus puissants. Ils s'unirent plus étroitement; ils
apprirent à faire des sacrifices, soit pour leur cause, soit l'un
pour l'autre. La publication du livre de Bebel, « La Femme et le
Socialisme », fut un événement pour le mouvement féministe
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54 LE JfOt'VEMEMT FÉMINISTE CN ALLEMAGNE
ouvrier. Il exposa pour la première fois la conjaexion étroite et
nécessaire de ce mouvemefit avec le mouvement social général ;
il fournit à l'agitation un aliment précieux et gagna à tsa cause,
parmi les femmes, un grand nombre de prosélytes
Mais, pour provoquer de nouveau, sous l'oppression des lois
d'exception, un mouvement féministe ouvrier qui eût quelque
publicité, il fallait une impulsion venue du dehors,
La comtesse Guillanme-Schack, qui n'avait déjà point caché,
dans l'Association générale des femmes aUentandes, ses o{>inions
radicales, vint à Beriin afin de répandre les idées de « l'Union
féministe anglaise » qui tendent à combattre la prostitution.
Elle s'adressa d'abord à des milieux bourgeois pour obtenir
leur appui, et, malgré le peu d'empressement qu'elle rencontra
de ce côté, elle réussit à prendre la parole dans quelques
réunions. Mais, au lieu de provoquer un mouvement considé-
rable en faveur de la suppression de la prostitution sanctionnée
par l'Etat, elle ne réussit qu*à fonder trois associations qui
avaient pour but d'élever les petites filles abandonnées à elles-
mêmes, de fonder des asiles, etc. La comtesse Schack vit qu'elle
ne pouvait compter ni sur le mouvement féministe bourgeois,
ni sur les partis que composait la bourgeoisie, et, prenant une
résolution énergique, elle se tourna, malgré son origine aristo-
cratique, malgré les graves conséquences que cela pouvait avoir
pour elle, vers le socialisme qui seul la comprit et lui prêta
avec empressement son appui. La question morale l'avait
conduite, comme tout penseur affranchi de préjugés, à la ques-
tion sociale ; elle vit dans la misère la cause principale de la
prostitution, et, pénétrée de cette idée, elle marcha au eom bat
la main dans la main avec les ouvrières.
Grâce à son initiative, se fonda à Offenbach une caisse de
secours destinée à payer les maladies et les frais d'enterrement
pomr femmes et jeunes filles; cette caisse existe encore aujour-
d'hui. En 1885, elle dirigea une campagne très vive contre
l'augmentation des droits sur le fil à coudre, question qui occu-
pait alors le Reichstag, et réussit, non seulement à faire rejeter
le projet, mais à attirer Tattention publique sur la misérable
situation des couturières. Elle créa une association « pour la
sauvegarde des intérêts des ouvrières », dont la présidente,
MmeHoffman, était passée paiement des rangs de la bourgeoisie
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 55
dans ceux du socialisme. En même temps, elle fonda une revue
féministe : « La Citoyenne », où la question féministe était
discutée dans tous les sens, mais où l'on faisait passer au pre-
mier rang les revendications en faveufdes ouvrières.
Le mouvement féministe des ouvrières se prit à revivre dans
toute TAilemagne. Partout se développèrent les associations;
dans toutes les réunions publiques populaires, les femmes pri-
rent énergiquement parti dans les questions du jour en fait de
politique intérieure et extérieure. C'étaient presque exclusive-
ment des ouvrières qui dirigeaient ce mouvement : Mmes Bûge
et Krankemann fondèrent l'Association des couturières en man-
teaux berlinoises, qui essayèrent bientôt de se mettre en grève,
d'une manière indépendante, afin d'obtenir (le meilleurs salaires.
L'association la plus solide fut celle des ouvrières du nord de
Berlin, fondée également par une ouvrière, Mme Pôtting. Un
nombre si considérable de femmes et de jeunes filles y entrèrent
que la présidente put entreprendre de diviser les adhérentes
en plusieurs sections dont chacune représentait une branche de
confection spéciale et avait sa présidente. En môme temps
se constitua un comité spécial d'agitation, dans lequel Agnès
Wabnitz, une des socialistes les plus connues comme agitatrices,
déploya son talent d'orateur. Une fois cette organisation achevée,
Mme Pôtting rédigea un questionnaire qui devait indiquer
brièvement : le genre de travail, la situation de famille, le
nombre des enfants, le salaire hebdomadaire et le nombre
d'heures de travail par jour. Il fut répandu par milliers d'exem-
plaires. Les résultats de cette enquête révoltèrent même la
classe bourgeoise. On découvrit que 13 et même 15 heures
de travail par jour étaient payées 4, 3 et même 2 marks par
semaine. La lumière éclaira subitement les coins les plus obscurs
de la vie de la femme, provoquant chez les ouvrières une vive
agitation. Elles reconnurent la nécessité de s'organiser et de
marcher côte à côte. Avec l'aide de M. Auguste Bebel, député
au Reichstag, Mme Pôtting rédigea, pour le mouvement fémi-
niste ouvrier, un programme qui devait former la base d'une
campagne d'agitation menée en commun. En comparaison des
efforts de la comtesse Schack, qui avait, comme tous les défen-
seurs des droits de la femme en Angleterre, protesté contre la
limitation par la loi du travail de la femme, c'était un progrès.
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56 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
en ce sens que ce programme demandait qu'on interdît aux
femmes le travail de l'usine, en tant que celui-ci présentait du
danger au point de vue de leur sexe, et que Ton fît des lois pour
protéger la vie et la santé des ouvrières. L'égalité politique
des deux sexes et l'indépendance dj la femme au point de vue
économique, tel était le but qu'il fixait à ce mouvement au-
quel semblait réservée une grande extension. 11 était conduit
par des femmes énergiques, et, à côté des brillantes perpectives
d'avenir qui enflammaient les courages, on mena une campagne
pour obtenir des réformes pratiques immédiates. C'est à ce
moment déjà que commença la campagne en faveur de la nomi-
nation des femmes au poste d'inspectrices de fabrique, campagne
qui fut menée par le mouvement féministe socialiste, et surtout
par Mme Emma Ihrer.
Mais un semblable mouvement ne pouvait se propager long-
temps en liberté dans un Etat comme la Prusse, où l'armée et
la police jouent un si grand rôle. En 1886, un an à peine après
leur fondation, toutes los associations d'ouvrières furent dis-
soutes par la police et leur directrices furent mises en accusa-
tion. Dans Je réquisitoire que l'on prononça contre elles, le
mouvement créé par les associations fut qualifié de danger pour
TAllemagne. « Se tenir tranquille est le premier devoir d'un
citoyen », enseigna- t-on aux femmes; « souff*rir sans se plaindre,
supporter en silence est le devoir de laïemme. »
On essaya désormais de continuer la campagne au moyen de
réunions publiques, puisqu'il ne fallait plus songer à la propa-
gande par les associations. Mais la force la plus brutale de l'Elut,
la police, ne manqua pas d'intervenir, ici aussi, en ne permet-
tant pas, pour les motifs les plus futiles, que ces réunions eus-
sent lieu, ou en forçant à lever la séance. Pour enlever aux
ouvrières tout lien entre elles, la revue « La Citoyenne » fut
également interdite par la police.
Si, d'une part, on persécutait le mouvement féministe comme
s'il eût été la personnification de tentatives criminelles contre
la sûreté de l'Etat, on était obligé d'autre part de le reconnaître
comme légitime, ainsi que le prouve l'enquôtc ordonnée par ie
Reichstag, en présence de la situation ainsi révélée, sur les sa-
laires des ouvrières employées à la fabrication du linge et dans
|a confection. Cette enquête ne put d'ailleurs que confirmer et
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/
LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 57
compléter les renseignements donnés précédemment. Lorsque
les lois d'exception contre les socialistes furent abrogées, on vit
bien que le mouvement féministe ouvrier, tout ligotté qu'il fût
alors, ne pouvait être détruit : les associations ouvrières se re-
constituèrent, et, à la place de « La Citoyenne » parut « L'Ou-
vrière », journal hebdomadaire dirigé par Emma Ihrer.
La triste situation des filles de café, qui sont absolument
obligées de se vendre, car ellcrs ne reçoivent pour la plupart
aucune rétribution et n'ont d autres ressources que la géné-
rosité de ceux qui fréquentent le café, provoqua de nouveau un
mouvement considérable dont Agnès Walbintz et Emma Ihrer
prirent la direction. Ceci amena le gouvernement et certains
savants à s'occuper de la situation du commerce de débit; on
publia à ce sujet toute une série d'enquêtes scientifiques et la
commission de statistique ouvrière fut chargée de procéder à
une enquête qui, actuellement, est près de se terminer et pro
voquera sans aucun doute des projets de loi h ce sujet. On peut
dire du mouvement en faveur des ouvrières ce que le prince de
Bismarck disait du socialisme en général : le peu de réformes
sociales à présent réalisées n'existeraient pas sans lui.
L'iaitiative prise par le parti féministe ouvrier eut une im-
portance considérable, parce qu'il n'est pas réduit à ses propres
forces, comme le mouvement féministe bourgeois, qui ne
compte dans les corps législatifs que des amis isolés; il a au
contraire pour le soutenir tout le parti socialiste, le plus nom-
breux aujourd'hui en Allemagne et dont les représentants s'en-
tendent pour défendre en corps les revendications féministes,
soit au Reichstag, soit aux Landtags des états autres que la
Prusse.
Lorsqu'on remania, en 1891, le programme du parti socialiste,
on tint particulièrement compte du mouvement féministe, et
le congrès socialiste international, tenu à Bruxelles, décida que
l'égalité de droits entre l'homme et la femme serait une reven-
dication commune à tous les socialistes du monde entier. Con-
formément à ce principe, les femmes jouirent de droit égaux à
ceux des hommes dans les organisations créées par le parti,
autant du moins que la loi le permettait. Tandis qu'aux réunions
des partis de la classe bourgeoise une femme n'est admise
qu'exceptionnellement, dans toutes les réunions socialistes l'élé-
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58 LE MOCVEMEBIT FÉMnt»TE ES ALLEMAGNE
ment féminin est largement représenté, et, aux congrès des
partis socialistes, des déléguées femmes siègent à côté des délé-
gués hommes et jouissent des mêmes prérogatives.
Comme les femmes se préoccupaient de remédier à leurs
besoins, menaient dans ce but une campagne énergique et fai-
saient aux sessions du parti socialiste des propositions témoi-
gnant d'une mûre réflexion, la fraction socialiste du Reîchstag
est devenue de plus en plus le représentant de tous les intérêts
féminins. Ce fut-elle qui, à Tinstigation des femmes, demanda
la première au Reichstag l'extension des lois de protection
ouvrière à Tindustrie domestique, la nomination de femmes au
poste d'inspectrices de fabrique, l'attribution aux femmes du
droit de vote pour les tribunaux de commerce et l'abolition des
prescriptions honteuses concernant les domestiques qui sont
observées dans toute l'Allemagne. Elle seule fut unanime à re-
jeter, au nom de la femme en tant qu'épouse, mère et ouvrière,
le nouveau code de législation civile de TEmpire allemand et
demanda la suppression de certaines dispositions de la loi sur
les associations qui étaient outrageusement défavorables aux
femmes et les livraient à l'arbitraire de la police. Enfin ce fut-
elle qui, pour la première fois, déposa au Parlement allemand
un projet qui reconnaissait à la femme la jouissance de droits
politiques. Ce fut au printemps de 1895 que Bebel défendit ce
projet. La grande majorité du Reichstag ne fit qu'en rire et le
repoussa; mais on obtint cependant ce résultat que la question
du droit de vote pour la femme devint de nouveau en Allemagne
l'objet de sérieuses discussions.
Quelles furent les publications qui firent de la propagande
parmi les ouvrières elles-mêmes ? Nous avons déjà vu qu'en 1891
des associations s'étaient de nouveau formées. Elles déployèrent
la plus vive ardeur à discuter les conditions du travail et du sa-
laire, à faire des conférences d'un caractère scientifique et à
s'exercer à la discussion. C'est par là qu'elles ne cessèrent d'in-
téresser vivement Tattention des autorités. Pour les ouvrières,
il semblait que la loi sur les socialistes n'eût pas été abrogée ;
l'histoire du mouvement féministe ouvrier est en môme temps
l'histoire de leur persécution. A Munich, par exemple, en 1891 ,
on confisqua tous les exemplaires d'un journal, parce qu'il con-
tenait... l'annonce d'une réunion féministe ! Au cours de la
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LE MOUTEIdENT FÉVIKUnTE EK ALLEMAGNE 59
même aanëe les associatioBS d'ouTrières ftireat dissoutes à
Francfort et à Halle, et, dans l'une des deux villes, pour ce motif
qu'un des membres avait demandé qu'on fit la lecture des
comptes rendus des débats 4u Reiokstag.
Mais plus la persécution devenait violente, plus le mouve-
ment devenait puissant. A côté des anciens chefs, d^une valeur
éprouvée, se révélèrent de nouvelles recrues, dont Mme Clara
Zetkin est la plus remarquable. Douée d'uîi talent de parole peu
commtan^ d'un caractère irréprocbable, d'une culture très vaste,
et dévouée à la cause féministe jusqu'au sacrifice, elle effaça
toutes les autres femmes allemamles qui^léfendaient publique-
ment cette ca«i«e. La place qui lui revient, était et est encore, à
la tête du mouvement féministe jMrolétai're qu elle cherche éga-
lement à développer au moyen de la revue « l'Egalité », qui
remplaça « l'Ouvrière » et dont elle est directrice. Elle y ex-
prime son opinion sans ménagement aucun, et, dans toutes les
questions politiques, elie prend position à l'aile gauche du parti.
Sous son influence, le mouvement féministe ouvrier à pris un
caractère de plus en plus radical, et lorsque M. de Kôller de-
vint ministre de l'Intérieur, lorsque la réaction triompha bru-
talement dans tous les domaines, le mouvement féministe ou-
vrier fut au nombre des victimes. Dès 1894, la police supprima
les associations de Nwremberg, de Munich et d'EIberfeld. La
petite loi contre les socialistes, connue sous le nom de « Ums-
turzvorlage », (projet de loi contre les révolutionnaires) et éla-
borée sous les auspices de M. de Kôller, menaçait alors d'anéan-
tir le mouvement féministe prolétaire ^t c'était d'ailleurs son
but avoué. Lorsque M. de Koller défendit son projet, en jan-
vier 1895, il émit expressément l'espoir de voir la loi arrêter
Tenvahissement des milieux féminins par les idées socialistes.
Contre son désir, la loi proposée fut rejetée, mais l'esprit qui
Favait inspirée continua à agir. Les associations pour l'instruc-
tion des ouvrières, établies h Berlin, à Charlottembourg, à
Weissensee et à Friedrichsberg, et si florissantes à ce moment,
furent fermées sous prétexte qu elle s'étaient occupées de po-
litique, et lorsqiie leurs directrices déclarèrent devant le tri-
bunal qu'elles n'avaient commis aucune contravention à la loi
sur les associations, elles reçurent cette réponse stupéfiante :
*< La politique est tout ce qui concerne la vie publique ».
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60 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
S'il n'y avait en Allemagne qu'un poids et qu'une mesure, il
faudrait également, en vertu de ce verdict, prononcer la disso-
lution d: toutes les associations féministes bourgeoises, les-
quelles s'occupent, comme nous l'avons vu, de questions qui,
au jugement de ce tribunal, ont sans aucun doute un caractère
politique. Mais, si les ouvrières avaient encore douté que l'éga-
lité devant la loi ne fût pour elles qu'une phrase vide de sens,
elles étaient désormais renseignées.
Comme il était défendu aux femme,s par la loi de tonder des
associations féministes politiques et de devenir membres d'une
association politique; comme d'autre part la campagne d'agita-
tion politique menée parmi les femmes avait besoin d'être di-
rigée, il se créa dans diverses villes d'Allemagne ce qu'on appela
des comités d'agitation, de chacun 5 à 7 membres au plus. Ils
rendirent de grands services en convoquant des réunions pu-
bliques populaires pour y prendre position dans certaines ques-
tions de la politique du jour. C'est ainsi que, par exemple
en 1892, le comité de Berlin dirigea le mouvement de protes-
tation contre la loi militaire et, l'année suivante, la campagne
des ouvrières en vue des élections au Reichstag. Quoique ces
comités n'eussent ni présidents, ni statuts, ceux de Dusseldorf,
en octobre 1894, et de Berlin en février 1895, furent déclarés
parles autorités constituer une association et la police prononça
leur dissolution pour s'être occupés de politique. Le tribunal
considéra de plus les comités comme une sorte de comités diri-
geants d'associations et les réunions d'associations ! Tous ceux
qui étaient impliqués dans l'affaire furent condamnés.
Le mouvement féministe prolétaire, qui se trouvait désormais
privé de toute organisation, reçut de ce fait un coup sensible,
et môme des personnes qui se désintéressaient de ces questions
sentirent et exprimèrent tout ce qu'il y avait d'injuste dans les
poursuites auxquelles il était en butte. L'année suivante, la
révision du droit de réunion et d'association fut inscrite au
Reichstag à l'ordre du jour, et lorsque les députés socialistes
dirigèrent de vives critiques contre les agissements des autorités
vis-à-vis du mouvement féministe ouvrier et proposèrent qu'on
modifuit également le droit d'association en ce qui concerne les
femmes, ils furent énergiquement soutenus par quatre dépu-
tés libéraux. Mais celles qui protestaient sans cesse de leur
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LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLE&IâGNE 61
affection pour leurs « sœurs pauvres », c'est-à-dire celles qui
défendaient les droits de la femme de la bourgeoisie, se tinrent
coi à un moment où elle auraient eu, pour une fois, l'occasion
de prouver leur affection. Pas une seule réunion protestataire
(et elles avaient déjà cependant Thabitude d'en convoquer), ne
s'éleva contre les actes arbitraires de la police ; nulle part elles
ne se firent publiquement et énergiquement les défenseurs de
Touvrière. Et cependant c'était à elles à s'y intéresser les pre-
miers, car personne ne pouvait mieux qu'elle apprécier l'in-
justice des mesures prises par les autorités, puisque, dans l'opi-
nion de ces mêmes autorités, elles s'occupaient, elles aussi, de
politique sans que d'ailleurs il leur fut advenu pour cela le
moindre mal. Leur silence fit mieux comprendre que toute
autre explication que l'abîme infranchissable séparait le mouve-
ment féministe prolétaire et le mouvement féministe bourgeois.
Aussi, lorsque les femmes qui dirigeaient le congrès féministe
international de Berlin invitèrent les chefs du mouvement fé-
ministe ouvrier à y prendre part, le refus de ces dernières ne
fut que la conséquence de l'attitude prise par les premières.
Mais pour que le moindre doute ne pût s'élever sur la position
prise par le mouvement féministe prolétaire et les principes qui
le dirigeaient, on convoqua des assemblées populaires aux-
quelles on invita les membres du congrès. Dans trois séances
qui attirèrent des milliers d'auditeurs, si bien que plusieurs
centaines de personnes ne purent trouver de place dans une
salle immense, les femmes qui menaient campagne en faveur
du mouvement féministe ouvrier, à savoir : Mme Clara Zetkin,
Mme Marie (ireifenberg, Mme Emma Ihrer, Mme Martha
Rohrlack, Mlle Ottilie Baader et moi (1), firent un rapport sur
l'extension de ce mouvement, sur le but qu'il poursuivait otsur
la nécessité dans laquelle il se trouvait de se séparer du mou-
vement féministe bourgeois. De cette façon, la séparation défi-
nitive était accomplie. Mais ceci prouvait également qu'aucune
violence, qu'aucun arbitraire n'avaient le pouvoir de réprimer
(1) Reconnaissant que le mouvement féministe daos la bourgeoisie allemande
n'était pas en mesure de faire aboutir à une solution la question féministe, et
que, d'autre part, il était impossible d'arriver à un résultat sans rattacher étroi-
tement cette question à la question sociale, j'étais entrée depuis une aunée drjà
dans le parti socialiste. [Note de Vauteur).
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62 LE 3IÛi:VEME3fT FÉMINI&TK £?» AJ.LEMAONE
le mouvememt féministe ottyriejr, wenàn plit» puisaant et plu»
assuré de son triomphe par toutes ks poursuites.
L'organisation ainsi détruite fut remplacée dans les ^andes
villes d' Allema^e par Tintervention, dans les réunions publi-
ques, de quelques femmes, spéeialemeitt choisies^ — ce que
Ton appelle des personne de confiance, chargées de diriger le
mouvement. C'est à elles que s'adressent les ouvrières quand
elles veulent avoir des orateurs pour leurs réunions. Ces
personnes prennent l'initiative de coavoqver des réunions
quand une qu^estion leur parait assez importante pour mériter
ladiâcussiodDi; elles organisent tes tournées des agitatrices et il
n'y a pas de saison où plosieufs d'entre elles n»e soient en route,
allant souvent pendant un. mois d'endroit en endroit, prenant
la parole presque to«s les jours,, consacrant toutes leurs forces
à cette tâche. Elles vont damsles villages et dans les bourgs aussi
bien que dans les grandes villes; elles ne redoutent aucune
fatigue, car Tenthottsiasme pour la cause qu'elles servent les
empêche de la ressentir, mais,, pendant tout ce temps, elles sont
sons la surveillance de la police et doivent bien souvent se rési-
■ gner à voir leurs réunions dissoutes ou à se voir traduites ea
justice pour des motifs bien souvent futiles. C'est ainsi que
récemment, en Westphalie,. sur 15 réunions, Otiilie Baader
n'en a pu tenir sans obstacle qiM deux seulement et Mme Grei-
fenberg s'est vue, en Saxe et en Silésie, interdire à plusieurs
reprises la parole^ quoiqu'elle ne traitât que des questions
d ordre économique.
L'action la plus décisive que le mouvement fénkiniste onvrier
ail exercée a été lors des dernières élections au Reichstag. Non
seulement ses prosélytes menèrent campagne dans les assena-
blées populaires en faveur des candidats socialistes, nuiis elles
excellèrent à agir sur chacun en particulier,, allant de maison
en maison pour gagner les électeurs, et l«ir parlant individuel-
lement, surtout dans les quartiers pauvres. Elles distribuèrent
des brochures et des bulletins de vote, établirent des listes
d'électeurs et, le jour des élections, allèrent chercher elles-
même les électeurs négligents pour les conduire aux urnes.
Plus d'un candidat déclara qu'ail n'aurait pas triomphé sans
l'aide des femmes, et il est hors de doute que l'extension
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LE MOL'VEMENT FÉMUil&TB EN ALLEMAGNE 63
énorme prise pdr le parti socialiste doit être attribuée, et non
pour la moindre part, à l'appui fourni par les femmes.
Mais le mouvement féministe prolétaire fait preuve d'une
activité incessante, même en deliors de Tagitation politique. La
bourgeoisie libérale anglaise, ainsi qu'une fraction du mouve-
ment féministe bourgeois, ont cherché à favoriser l'organisation
des ouvriers en sociétés ; la bourgeoisie allemande, de son c6té
a montré, en fondant les associations ouvrières de Hirsch-Dunc-
ker, qu'elle s'intéressait suffisamment à cette question; mais le
mouvement féministe bourgeois n'est pas allé au delà de vagues
déclarations de sympathie. Il a abandonné au mouvement fémi-
niste ouvrier la lourde tâche d'organiser les ouvrières en
société. Or, cette tâche est particulièrement difficile en Alle-
magne à cause des lois sur les associations et par ce fait que la
majorité des sociétés ouvrières sont suspectes de socialisme et
gênent par suite les autorités. Un grand nombre de sociétés
ouvrières sont déclarées constituer des sociétés politiques et
les femmes sont exclues a priori. Les réunions de ces sociétés
ouvrières subissent trop souvent le même sort que celles des
sociétés politiques, en particulier dès que les femmes y pren-
nent la parole. Il arriva assez récemment qu'à Nuremberg
siégeait un congrès composé de femmes de la bourgeoisie
auxquelles le maire en personne avait môme souhaité la bien-
venue, et qui discutait sans obstacle des questions de législa-
tion, tandis que, peu de jours plus tard, deux ouvrières étaient
chassées parla police d'une réunion ouvrière, parce que l'ordre
du jour portait sur Tinspeelion industrielle. Des tournées entre-
prises pour mener campagne en faveur des sociétés ouvrières
furent souvent interrompues parce qu'on craignait que les ora-
teurs ne « compromissent la sécurité publique ». Malgré cela,
l'organisation des ouvrières compte à son actif certains progrès.
Des lattes économiques comme celle que soutinrent en 1896 les
ouvrières en confection éclairent vivement la situation des
ouvrières au point de vue du salaire et amènent toujours aux
sociétés ouvrières un grand nombre de membres. C'est par là
que les femmes apprennent la valeur de l'union. De même que
le mouvement des couturières en 1886 et celui des filles de
café en 1891, le mouvement des ouvrières en confection eut
m^fi conséquence importante que le gouvernement fit faire
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64 LE MOUVEMENT FÉMINISTE EN ALLEMAGNE
une enquête sur leur situation et apporta au moins quelques
modifications à la loi. L'association en sortit plus puissante et
le comité général des associations ouvrières d'Allemagne insista
davantage encore sur rimportance d'une campagne parmi les
ouvrières. Jusqu'ici, des 56 associations qui sont sous sa direc-
tion, il n'y en a que 49 dont des femmes fassent partie. Or, ces
19 associations comptent en tout 14.644 femmes comme mem-
bres, tandis qu'environ 800.000 ouvrières travaillent dans les
branches d'industrie correspondantes. En dehors de ces organi-
sations, il y en a quelques autres qui ne sont pas soumises au
comité général, ainsi les sociétés ouvrières de Hirsch-Duncker,
que nous avons déjà citées; quelques organisations locales
indépendantes, un petit nombre d'associations ouvrières catho-
liques, et quelques associations ouvrières qui n'ont pour ainsi
dire aucune importance. D'une façon générale, les femmes
admises dans les sociétés qui sont sous la direction du comité
général peuvent représenter la grande majorité des ouvrières
allemandes organisées en associations. Le comité général compte
lui-même une femme parmi ses membres : Mme Steinbach, et
bien souvent des femmes figurent dans les comités de direction
des associations et d'autres sont envoyées comme déléguées
dans les divers congrès d'associations ouvrières, au même titre
que les hommes.
En dehors des réunions, on fait de la propagande parmi les
ouvrières en répandant en masse certaines brochures. Mais
l'entreprise la plus importante en faveur des femmes, dont le
comité général se soit dernièrement chargé, est une enquête qui
doit renseigner peu à peu, au moyen de questionnaires et
d'informations recueillies par des sortes de reporters femmes,
quelles sont l^s conditions de travail et de salaire faites aux
femmes dans les industries où elles sont en majorité. Cette
enquête doit porter sur toute TAUemagne. On doit élaborer et
publier les documents abondants que Ton aura réunis de cette
façon, afin de pouvoir ofl'rir à l'agitation en faveur des associa-
tions ouvrières une base d'opérations utiles.
Une autre organisation qui, faute de femmes inspectrices
d'usines, doit servir à révéler les abus dont les femmes sont
victimes dans les fabriques et aider à les faire disparaître, a été
établie à Berlin par les associations ouvrières. Pour chaque
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LE M0UVEMEI9T FÉMINISTE EN ALLEMAGNE 65
district d'inspection industrielle, on choisH deux femmes qui,
à certains jours de la semaine, reçoivent les plaintes des
ouvrières, pour les faire examiner par l'inspecteur compétent.
Un cours sur la législation protectrice ouvrière et le droit
ouvrier, fait en 1896, a préparé ces femmes, la plupart ouvrières
elles-mêmes, à remplir le poste de confiance qu'elles occupent.
Une feuille, qui a été répandue jusqu'ici à 200.000 exemplaires,
appelle Ujibstention des ouvrières sur toute organisation nou-
velle, de nature à les protéger, et digne d'être bientôt imitée
dans les autres villes.
C'est ainsi que le mouvement féministe ouvrier a continué
sans faiblesse, sa marche en avant, en dépit de toutes les luttes
et de tous les obstacles. Il se sent assez fort aujourd'hui pour
fonder à nouveau, malgré les tristes expériences déjà faites, des
associations ouvrières et pour activer énergiquement la cam-
pagne politique qui se concentre pour le moment autour des
restrictions menaçantes que Ton veut apporter au di'oit de
coalition. Il s'est détaché du mouvement féministe bourgeois,
dont il est sorti ; il voit la question féministe d'un autre point
de vue et n'en attend la solution ni de l'admission des femmes
aux carrières supérieures, ni de l'égalité des droits judiriques
et politiques. Les ouvriers se rendent compte que, bien qu'au-
cune loi ne les exclue des universités et des carrières supé-
rieures, leur genre d'existence et l'éducation qui en résulte leur
en interdisent en réalité l'accès ; ils comprennent qu'en dépit
de toute égalité politique et juridique, ils ont à souffrir de l'ar-
bitraire et de l'oppression; aussi ont-ils appris par là qu'il
fallait lutter, il est vrai, pour ces droits, parce que ce sont des
moyens pour arriver à leurs fins, m^is que l'émancipation de la
femme ne saurait s'accomplir que par l'émancipation générale
de la classe ouvrière^
M"'° LiLY Braun-Gizvcki.
Berlin.
REVUE POLIT., T. XX
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L4 SITUAim FINANCIfiRE DE L ESPAGNE
DÉCLARATIONS DE M. NAVARRO REVERTER,
Ancien Minisire des Finances
Madrid, le 29 mars i890.
Il n'est pas à Theiire actuelle de plus grave problème en
Espagne que le problème financier. Faites -nous de bonnes
finances, disent tous les hommes d'Etat, et nous ferons de bonne
politique. C'est aussi le cri de tous les Espagnols. Pour étudier
cette question capitale, dont en Espagne dépendent toutes les
autres, même la paix publique r nous ne pouvions mieux nous
adresser qu'à M. Navarro Reverter, l'ancien ministre des Fi-
nances du cabinet Canovas, qui est, de Tavis général, le finan-
cier le plus compétent de son pays et qui a obtenu durant son
passage aux Finances des résultats exceptionnels.
Sans vouloir pronostiquer Tavenir ni indiquer des solutions
qu'il ne croit pas encore devoir révéler, M. Navarro Reverter
a bien voulu nous donner un aperçu très exact de la situation
financière actuelle. On lira avec intérêt en France, où les fi-
nances espagnoles préoccupent tant, et en Espagne où il est bon
de dire la vérité, les chiflFres et les déclarations ci-dessous :
(' C'est évidemment le patrimoine des races latines d'être à
l'excès impressionnables : nous le sommes, hélas ! plus encore
en Espagne qu'en France, et c'est fort gênant pour nous rendre
un compte exact de la réalité des choses. Il y a un an, tout le
monde croyait ici à la ruine complète de l'Espagne et l'Exté-
rieure, signe régulateur de notre crédit, tombaitde 40 0/0. Nous
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LA SITUATION FINANCIÀICE DE l'eSPAONE 67
avons perdu un empire colonial plus vaste que la péninsule^
avec dix millions d'habitants et un mouvement commercial
considérable avec TAmérique et TExtrême-Orient. Il est indé-
niable que notre prestige militaire a baissé énormément et que
notre influence comme nation se cote à des prix très bas; mais,
malgré tout cela. Ton se figure en Espagne que Ton est plus
riche que jamais et il sera difficile de détruire cette illusion qui
a le défaut d'inspirer une confiance qui entretient la paresse si
chère aux habitants de notre pays gâtés par le climat et les
mœurs.
« Nous ne nous proposons pas de faire une étude détaillée des
ressources de TEspagne qui sont efifectivement grandes et puis-
santes, mais auxquelles manquent pour les exploiter et les ca-
pitaux et le travail. Nous ne prétendons pas davantage résoudre
les profonds problèmes de nos finances publiques ; qu'il nous
soit simplement permis d'exposer les chiffres les plus véridiques
au sujet de la situation actuelle.
« La dette publique, avant les insurrections de Cuba et des
Philippines et la guerre avec les Etats-Unis, était la suivante :
En millions de pesetas.
ScTTiCcs ws inwrèts
Dettes Capital nominal et amortissement
Intérieure 2.274,51 90,98
Extérieure 1.961,27 78,45
Amortissable 1.515 » 99,60
Flottante 378,84 18,94
Diverses 558,29 23,38
Totaux 6.687,11 311,35
« On ne connaît pas encore complètement les dettes contrac-
tées pour les guerres coloniales, mais leur résumé probable est
le suivant :
En millions de pesetas.
InléréUel
Chites Capital nominal amortissement
Emissions des douaaas 583,25 1 17,41
Philippines Î98.30 13,10
Flottante 193,38 9,67
Délégations (Bons du Trésor)... 225 » 11,25
Intérieur 4 0/0 2.000 • 80 »
Comptes en retard des Colonies. 398,67 17,93
Cubas 6 0/0 585,75 39,34
Cul)as50/0 852,80 43,64
Totaux 5.011,95 334,34
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68
LA SITUATION FINANCIÈRE DE l'eSPAGNE
« Il est certain que les dettes de Cuba ne sont pas reconnues
comme obligation directe du gouvernement espagnol, mais elles
ont notre garantie complémentaire, et il nous faudra en recon*
naître une partie, surtout après les déclarations faites par le mi-
nistre actuel des Finances ; la situation se résume donc ainsi :
En millionB de pesetas,
GapiUl nomind
Dettes antérieures k la guerre. • • 6.687,91
Dettes postérieures À la guerre* 5.041,15
Totaux 11.7«9,06
InlérèU
311,35
334,34
645,69
« C'est là le triste tableau des conséquences de la guerre. Les
intérêts de la dette ont augmenté de 109 p. 100; TEspagne est-
elle actuellement en état de résister à cette charge ?
Examinons les budgets de la dernière période décennale ; en
voici les chiffres officiels :
Recettes et dépenses de V Espagne durant les dix dernières années
en millions de pesetas.
ReeetUt
Noms des MiDislrcfl
1888-89
713,1
854,5 — 141,4
J. L. Puigcerver et V. Gonzalez
89-90
752,9
835,2 — 82,2 •
• V. Gonzalez
90-91
753,9
831,2 - 77,2
M. Eguilior
91-92
748,8
825.5 — 74,6
F. Cos-Gayon
92-93
719,5
767.9 — 48,3
J. de la Concha et G. Gamazo
93-94
718,2
712,2 - 5i,0
Gamazo et Salvador
94-95
754,3
779,6 - 25,2
Salvador et Canalejas
95-96
766.»
803,4 - 37,4
Navarro Reverter
96-97
791,8
781,2 -f 10,5
Navarro Reverter
97-98
758,7
810,7 52,0
J. L. Puigcerver
Totaux :
7.417.2
8.059.4 - 581.8
Hloyrnne :
747.7
805.7 - 58.2
« Les recettes ont suivi une progression de 713 millions du
temps de M. Puigcerver en 1888-89 jusquV792 millions sous
mon administration en 1896-97. Pépiais lors, sous la gestion de
M. Puigcerver en 1897-98, elles ont diminué jusqu'à 750 mil-
lionSy malgré la perception des iqipôts de g;uerre et les réformes
réalisées par ses prédécesseurs.- Il sera donc difficile et peut-
être impossible que Ton parvienne, sans uiie réforme totale des
impôts ou une augmentation d'un grand nombre, ce que le pays
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE l'eSPAGNE 69
ne parait pas disposé à accepter, à dépasser les 800 millions de
recettes réalisées pendant mon passage au ministère des Fi-
nances.
M Quant aux dépenses, leur moyenne a été de 806 milions; les
résultats des dix dernières années ont donné neuf budgets se sol-
dant par un déficit et un seul exercice donnant un super avit de
10 millions, ce qui est un résultat extraordinaire qui n'a été dû
qu'aux énergiques mesures administratives que j^ai prises en
1896-97. On peut dire que le terme moyen du déficit a été dans
la période décennale écoulée de 58 millions do pesetas.
« Pour établir un budget équilibré, il faudrait réduire des dé-
penses à 800 millions et faire monter les recettes à ce chiffre.
Mais, dans ces dernières années, quelles sommes a-t-on payé
pour les intérêts de la dette publique? Voici ces chiffres :
Dettb Publique
Dépenses pour le service des intérêts^ amortissement^ change etc.^
en millions de pesetas.
Années économiques Sommes payées
1888-89 286,4
89-90 291,9
90-91 264,3
91-92 182,0
92-93 274,7
»94 199.8
94-95 278,0
95-96 280,0
96-97 288,3
97-98 307,2
Total : 2. 652.2
« Bien que le terme moyen soit de 265 millions, nous devons
admettre qu'il faudra dans un budget de 800 millions consacrer
dorénavant 300 millions au service de la dette ; mais ces 300 mil-
lions nécessaires pour payer les intérêts des délies avant la
guerre ne font même pas la moitié des 650 millions qu'il fau-
drait payer pour servir les iniéi'êlsde la dette publique actuelle.
Il y a donc, avant tout calcul, un déflcil de 350 millions de ce
chef. Une pareille situation n'est ni possible ni raisonnable. ,
C'est ce que sans doute n'ont pas encore vu, ni les rentiers espa-
gnols ni les hommes d'Etat de notre pays, tous très sympathi-
ques, mais peu versés dans ces questions financières :
<x Les moyens de sortir de cet état périlleux sont sufflsamment
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70 LA SITUATION FlNA^'CIèRe DE l'sSPAGNE
connus et, puisqu'il est évident que nous ne pouvons payer
cette dette intégralement, il faut réduire le capital ou réduire les
intérêts ou réduire les deux choses à la fois au moyen de com-
binaisons dissimulées sous les noms ronflants de conversion,
unification^ arrangement et d'autres encore. Dans quelle pro-
portion devra peser sur les rentiers la réduction des intérêts et
sur les contribuables l'accroissement des impôts? Voilà le pit>-
blême le plus difficile à résoudre. Il semble que les porteurs de
titres de la dette aient déjà escompté que, sous forme d'impôt
sur la rente ou de combinaison financière, on leur fera subir
une notable réduction de leurs intérêts. Ce qui est moins clair,
c'est la question de savoir si les contribuables seront disposés à
payer plus d'impôts ! »
M. Navarro Reverter s'est borné à poser aussi le problême,
sans nous indiquer quelle serait sa solution selon lui. L'ancien
minisire des Finances a certainement des projets qui lui sont
personnels; nous espérons pour l'Espagne que le ministre ac-
tuel M. Villaverde saura résoudre lui aussi ce problème si dif-
ficile et si important.
Gaston Routier.
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JUSTICE ADMINISTRATIVE
NOTES SUR LA RÉFORME DES CONSEILS DE PRÉFECTURE
I
Dans leur développement historique, les institutions judi-
ciaires tendent, d'une manière constante, h s'adapter aux idées,
aux mœurs des pays qu'elles régissent. Mais les idées se modi-
fient sans cesse, d'où la nécessité fréquente, non pas de mettre
en question le principe de la justice, qui reste immuable, mais
de rechercher, pour son application, l'organisation, la formule,
qui répond le mieux aux nécessités du moment. Et s'il arrive
qu'après un progrès, un changement dans les mœurs, l'an-
cienne formule s'applique encore, il y a malaise dans le corps
social. Des plaintes s'élèvent contre l'organisation surannée. 11
faut la modifier.
Nous voudrions qu'il nous fût permis d'appliquer ces prin-
cipes à l'examen de nos institutions de justice administrative,
et principalement en ce qui touche l'organisation des Conseils
de préfecture, contre laquelle ont été dirigées des critiques
ligitimes et souvent réitérées.
Nous voudrions examiner s'il y aurait lieu de supprimer —
comme on l'a proposé — les Conseils de préfecture, ou s'il con-
viendrait de leur enlever leurs attributions judiciaires ; s'il
ne conviendrait pas mieux, enfin, de conserver ces tribunaux,
en apportant à leur oi^anisation certaines modifications dont
une longue expérience a démontré la nécessité.
L^étude de ces questions nous conduira d'abord à constater
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72 JUSTICE ADMINISTRATIVE
l'existence de juridictions administratives dans la plupart des
Etats de TEurope, et nous pourrons constater, en même temps,
une tendance générale à fortifier ces juridictions là où elles exis-
tent, et à les organiser où elles n'existent pas encore.
En France, on a toujours reconnu la nécessité de donner aux
affaires publiques d'autres juges que ceux institués pour le
règlement des intérêts privés. Sous l'ancienne monarchie, du
XIV* au xvu® siècle, les affaires concernant le domaine, l'impôt
et la comptabilité étaient soumises à des juridictions particu-
lières. A partir de l'époque de Louis XIII, et malgré l'opposition
des Parlements, le contentieux administratif s'étendit à des
matières très diverses qui touchaient à l'administration pu-
blique. Au xviii® siècle, la juridiction administrative, fortement
constituée, s'exerçait principalement par les intendants dont les
décisions pouvaient être attaquées devant le Conseil du Roi.
La Révolution fit disparaître les anciennes juridictions admi-
nistratives et fonda, sur le principe de la séparation des pou-
voirs, une organisation nouvelle.
« La Constitution serait violée si le pouvoir judiciaire pouvait se minier
des choses de l'adminisl ration, et troubler, en quoi que ce fût, les corps
administratifs dans Texercice de leurs fonctions. Tout acte des tribunaux
et des cours de justice tendant à contrarier ou à suspendre le mouvement
de Tadministration, étant inconstitutionnel, demeurera sans efîet, et ne
devra pas arrêter les corps administratifs dans f ex(''rution de leurs opéra-
tions. » (Instruction législative du 8 janvier 1790.)
« Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours sépa-
rées des fonctions administratives ; les juges ne pourront, à peine de for-
faiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps
administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs
fonctions. » (Loi des 16-24 août 1790.)
La Constituante était si bien pénétrée de la nécessité de sous-
traire l'administration à Tingérence des tribunaux, qu'après
avoir posé dans la loi d'organisation judiciaire le principe de la
séparation des pouvoirs, elle voulut qu'il fût inscrit encore
dans la loi constitutionnelle du 3 septembre 1791. Ce principe
est l'un des fondements de notre droit public.
Préoccupés avant tout de consolider TEtat et d'assurer l'uiiité
du pays, les législateurs de la Constituante créèrent une admi-
nistration fortement centralisée et ne voulurent pour elle
aucun autre contrôle que celui du gouvernement. Cette législa-
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JUSTICE ADMINISTRATIVE 73
tion, excessive dans son principe et trop rigoureuse dans son
application, avait soulevé les justes réclamations de ceux qui se
trouvaient en conflit d'intérêts avec les pouvoirs publics,
lorsque les lois de Tan VIII, en instituant nos juridictions
administratives, donnèrent enfin aux intérêts privés des garan-
ties sérieuses en même temps qu'elles consacraient le principe
de la séparation des pouvoirs et qu'elles en réglaient l'applica-
tion. Le Conseil d'Etat « chargé de résoudre les difficultés qui
s'élèvent en matière administrative » juge en dernier ressort,
souverainement. Les Conseils de préfecture sont institués juges
du contentieux administratif du premier degré.
Les lois de l'an VIII n'avaient réglé ni la composition ni la
procédure des Conseils de préfecture ; mais peu à peu des lois
spéciales^ des décrets successifs, ainsi que la jurisprudence du
Conseil d'Etat, ont comblé les lacunes de la loi organique,
étendu les attributions et fixé les règles de la procédure. Les
Conseils de préfecture ont maintenant un siècle d'existence et
ils remplissent un rôle important dans l'organisation de la
justice.
Il
A diverses époques cependant, depuis la création du Conseil
d'Etat et des Conseils de préfecture, des courants d'opinion se
sont manifestés contre ces juridictions. En 1872, la Commission
de décentralisation avait rédigé une proposition de loi d'après
laquelle les attributions contientieuses des Conseils de préfec-
ture étaient transférées aux tribunaux ordinaires. Et la Com-
mission ajoutait :
« La conséquence forcée de la suppression des Conseils de préfecture,
c'est la suppression du Conseil d'Etat comme juge d*appel de leurs déci-
sions, et ce serait probablement, dans un prochain avenir, Tabolition de
toute justice administrative. »
Mais pendant que ce projet était élaboré au sein de la Com-
mission de décentralisation, l'Assemblée nationale votait, le
24 mai 1872, la nouvelle loi organique du Conseil d'Etat dont
l'article 9 est ainsi conçu :
« Le Conseil d'Etat statue souverainement Fur les recours en matière
contentieuse administrative et sur les demandes d'annulation pour excès
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74 JUSTICE ADMlKIStlUTlVG
de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administra-
tives. » -
Ce vote impliquait Tabandon de la proposition de loi que nous
avons rappelée. Elle ne fut pas discutée par TAssemblée natio-
nale. Mais les idées de la Commission de 1872 ont conservé des
partisans qui n'ont pas renoncé à « Tabolition de toute justice
administrative » et qui réclament encore la suppression des
Conseils de préfecture.
Quels seraient donc les avantages de cette suppression? On
voudrait faire, sans doute, une économie dans le budget.
Mais les affaires soumises aux Conseils de préfecture sont
plus nombreuses qu'on ne le croit généralement, et nous
verrons tout à Theure les graves intérêts qui s^y rattachent.
On propose de porter toutes ces causes devant les tribunaux
ordinaires, et Ton semble ignorer que la plupart de ces tribu-
naux, déjà trop chargés, encombrés d'affaires qui souffrent par-
fois de lenteurs excessives, seraient dans l'impossibilité de suf-
fire à la tâche nouvelle qu'on voudrait leur imposer. 11 faut voir
les choses comme elles sont, et reconnaître qu'avant de suppri-
mer les Conseils de préfecture, il faudrait, de toute nécessité,
augmenter le nombre des juges civils. On se tromperait donc
en escomptant des économies budgétaires qu'il serait impos-
sible de réaliser.
Peut-être espère-t-on trouver auprès des tribunaux civils
une meilleure justice pour le contentieux administratif? Ce
serait encore une erreur. Les magistrats des tribunaux ordi-
naires ont le code civil, le code de procédure. Ils appliquent des
textes condensés et précis. Il n'en est pas de même des tribu-
naux ad ninistratifs. Le droit administratif n'a pas été codifié.
Le magistrat chargé d'en faire l'application doit y être pré-
paré par une étude particulière des lois et des règlements
très nombreux dont ce droit s'est lentement formé. Il est non
moins nécessaire que le juge administratif ait spécialement
étudié les principes du droit public et de l'administration et
qu'il ait acquis, par une pratique et des recherches continuelles
une connaissance approfondie de la jurisprudence. Or, on ne
nous accusera pas de faire injure aux magistrats des tribunaux
civils, si nous hésitons à croire qu'ils aient tous, au degré néces-
saire, cette préparation spéciale.
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JUSTICE AOMINISTBATIVE 75
Mais, dira-t-on, le droit est le même pour tous. Qu'importe la
qualité des parties? Pourquoi ladministration, les communes,
FEtat^ ne seraient-il pas jugés de la même manière que les
simples particuliers? L'objection paraît pressante. Qu'on veuille
bien cependant y réfléchir un instant. Lorsque deux intérêts
sont en conflit, le juge civil ne voit que les faits, et il applique
la loi sans tenir compte des personnalités en cause. Les litiges
de Tordre administratif présentent généralement un autre carac-
tère. D'un côté, en effet, se trouve l'instinct privé, l'intérêt
d'un seul, et de l'autre côté, l'intérêt de la collectivité commu-
nale, départementale ou nationale, l'intérêt public en un mot.
Or, s'il importe que les particuliers ne soient pas lésés dans
leurs droits, il n'importe pas moins que les intérêts généraux
ne soient pas compromis, et s'il se présente parfois des cas où
rin térêt général ne peu têtr« sauvegardé sans qu'un intérêt privé
ait à en souffrir, il sera donné à ce dernier toutes garanties et
toutes compensations équitables, mais il devra céder devant l'in-
térêt général. Notre législation administrative s'inspire de celte
nécessité d'ordre supérieur, et c'est avec raison que Ton a voulu
établir, pour juger les affaires administratives, une juridiction
spéciale qui fût bien pénétrée de l'esprit de cette législation.
On a pu craindre, sous les régimes passés, que le pouvoir
administratif ne sacrifiât trop facilement les intérêts privés à
l'intérêt de l'Etat. Nos institutions actuelles de justice adminis-
trative n'autorisent plus semblable crainte. Et si quelques-uns
invoquaient encore l'intérêt des justiciables pour demander la
suppression des Conseils de préfecture, nous les engagerions
à lire le passage suivant d'un avis de TOrdre des avocats au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui avait été consulté à
ce sujet :
tf Peut-être la justice administrative n'est si fort attaquée que parce
qu'elle n'est pas assez connue. Ceux qui la pratiquent le plus, les entrepre-
neurs de travaux publics, par exemple, ne s'en plaignent pas, et si on les
consultait, ils n'hésiteraient pas à demander le maintien de Tétat de
choses actuel. »
Non, l'intérêt des justiciables n'aurait rien à gagner à la
suppression des juridictions administratives. La chose publique
au contraire et la justice elle-même seraient très exposées à en
souffrir. Nous sommes une nation centralisée, et l'Etat est
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76 JUSTICE ADMINISTRATIVE
chargé de services publics considérables. A un pays ainsi cons-
titué, il faut une administration forte et complètement indépen-
dante dans la sphère d'action qui lui est propre.
La Révolution, — nous Tavons dit plus haut — s'était inspi-
rée uniquement de cette idée et Tavait appliquée avec une
logique trop rigoureuse. Mais depuis Tépoque révolutionnaire,
la législation et la jurisprudence, sans cesser de maintenir au
pouvoir administratif l'indépendance qui lui est nécessaire, ont
précisé les règles et la limite de Faction administrative. Cette
action s'exerce dans toute sa plénitude, sans toucher en quoi que
ce soit aux attributions du pouvoir judiciaire, et nous voyons
maintenant réalisé, dans une harmonie très profitable àTintérét
public, le principe institué par les législateurs de la Révolution.
Mais qu'on ne Toublie pas, ce système a pour fondement et
pour garantie nécessaire Texistencc d'une forte juridiction
administrative, et Ton frapperait l'organisme tout entier en
portant à cette juridiction une atteinte imprudente.
m
Nous avons montré, par les considérations qui précèdent, l'in-
térêt qu'il y a de conserver nos institutions de justice adminis-
trative. Mais il ne s'ensuit pas que ces institutions nous semblent
parfaites de tous points, et nous croyons, au contraire, qu'elles
sont susceptibles de recevoir, notamment en ce qui touche l'or-
ganisation des Conseils de préfecture, de très utiles modifica-
tions. Nous les examinerons rapidement.
Nous nous arrêterons premièrement sur l'article 5 delà loi de
l'an VI 11 qui attribue la présidence du Conseil au préfet, et le
fait ainsi juge et partie dans un grand nombre d'affaires. C'est
l'une des dispositions de la loi qui ont été le plus vivement et le
plusjustement critiquées. On peut objecter, à la vérité, que le
préfet ne préside pas ordinairement à l'audience et qu'il n'as-
siste pas au délibéré. 11 n'en reste pas moins qu'il est le prési
dent du Conseil, qu'à ce titre il a autorité sur les juges, et la
réserve la plus scrupuleuse de sa part n'empêchera pas que le
doute ne se glisse dans l'esprit dos justiciables au sujet de l'im-
partialité des. jugements. Ce doute assurément ne serait pas
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JUSTICE ADMlNISTftATlYE 77
fondé ; mais c'est trop déjà qu'il se puisse produire. La justice
doit être à l'abri de toute espèce de soupçon, et lorqu'une insti-
tution est de nature à inspirer la défiance à l'égard des juges,
il faut la réformer.
L'administration intervient encore auprès du Conseil par le
secrétaire général de la préfecture, chargé des fonctions du
ministère public. Gela non plus n'est pas sans inconvénient,
et Ton peut affirmer que la voix du commissaire du gouverne-
ment gagnerait en autorité si ce magistrat était complètement
indépendant de l'administration départementale. Il faut remar-
quer, en outre, que dans les départements importants, où le
contentieux est le plus considérable, le secrétaire général, retenu
par des affaires urgentes et nombreuses, peut difficilement
suivre les audiences du Conseil et plus difficilement encore étu-
dier les dossiers qui doivent y être portés. Il arrive ainsi que
l'institution du commissaire du gouvernement près les Conseils
de préfecture, excellente par elle-même, remplit très imparfai-
tement le but de la loi.
En décidant que la'présidence du Conseil n'appartiendra plus
au préfet, et que le commissaire du gouvernement sera pris en
dehors de l'administration départementale, on augmentera les
garanties d'une bonne justice. C'est par laque devra commencer
toute réforme sérieuse des Conseils de préfecture (1).
11 ne suffirait pas d'ailleurs d'avoir affirmé de cette manière
Vindépendance des conseillers de préfecture, s'ils devaient conti-
nuer de remplir, en dehors de leurs attributions judiciaires,
certaines fonctions qui en font les collaborateurs, et, en quelque
mesure, les subordonnés des préfets. On sait, en efi*et, que les
attributions actuelles des Conseils de préfecture ne se rattachent
pas toutes au contentieux administratif. Dans nombre de cas,
prévus parles lois, le conseil est appelé à donner des avis tou-
chant des actes d'administration de l'autorité préfectorale. Un
membre du Conseil fait partie du Conseil de revision présidé
par le préfet. Les conseillers de préfecture signent par déléga-
tions les mandats, les actes administratifs ainsi que les pièces
diverses de correspondance et de comptabilité. Enfin, dans la
(1) Le Conseil de préfecture de la Seine a une organisation particulière. 11 n'est
pas présidé par le préfet, et les fonctions du ministère public y sont remplies pa r
des commissaires du gouvernement pris en dehors de l'administration.
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78 JUSTICE ABMnVISTRÂTIVB
pratique, ils participent d'une manière plus ou moins intime à
l'administration départementale, soit qu'ils représentent le
préfet auprès des commissions nombreuses qui siègent dans le
département, soit qu'ils préparent la solution de telles ou
telles questions administratives que le préfet juge bon de sou-
mettre à leur examen.
Nous ne voulons pas méconnaître les services que rendent
ainsi à l'administration les conseillers de préfecture. Il n'est
pas douteux, cependant, que pour toutes les fonctions non
judiciaires qu'ils remplissent actuellement, il peut être aisé-
ment suppléé à leur intervention par les fonctionnaires de la
préfecture, et nous voyons un intérêt de premier ordre à sépa-
rer complètement, dans la pratique aussi bien que dans la doc-
trine, l'administration de la justice (1).
IV
Dégagés des liens de subordination à l'égard des préfets et
des occupations diverses dont ils sont actuellement chargés, les
conseillers de préfecture pourront suivre d'une attention moins
distraite et avec une autorité plus réelle les affaires qui jelèvent
du contentieux administratif. On sait que ces affaires touchent à
des intérêts considérables. Les Conseils de préfecture connais-
sent de toutes les difficultés qui s'élèvent entre les administra-
tions publiques et les entrepreneurs de travaux publics sur
le sens et l'exécution des contrats et des demandes d'indemnité
ayant pour cause l'exécution des travaux. Ils jugent les procès
en matière de grande voirie, ceux qui touchent au domaine, et
les réclamations en matière de contributions directes. Ils con-
naissent des protestations formées contre les élections munici-
pales, des conseils d'arrondissement, et des délégués sénato-
riaux. Ils jugent les contestations touchant aux associations
syndicales, et certaines questions d'affouage. Enfin ils véri-
fient et jugent les comptes de gestion des percepteurs et des
<
(1) D'après le projet de loi «ur les Conseils régionaux de préfecture présenté
par M. ikirthou, ministre de T Intérieur (27 octobre 1896) ces conseils auraient des
attributions exclnsivament judteiairet et ils ne seraient plus sous la présidence
des préfets*
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JC8T1CS ADMINISTRATIVK 79
trésoriers de fabrique, et ils statuent sur les gestions occultes si
fréquentes dans nos communes.
Il s'agit, on le voit par cette énumération d'ailleurs incom-
plète^ d'intérêts considérables aussi bien moraux que matériels,
et Ton ne doit pas s'étonner que l'opinion se soit demandé si
l'organisation des Conseils de préfecture donne bien à ces intérêts
toutes les garanties nécessaires. Nous ne voudrions pas, sur ce
point,nousassocierà toutes les plaintes que nousavons entendues;
mais il nous faut reconnaître, cependant, que le recrutement
des conseillers de préfecture n'est pas à l'abri de toute critique.
Pour la plupart, ces magistrats sont choisis parmi les nouveaux
licenciés qui se destinent à l'administration départementale.
Pour ces jeunes magistrats, le Conseil de préfecture n'est trop
souvent qu'une sorte de stage d'où ils sont impatients de sortir,
et ils ne songent nullement à s'attacher à des fonctions dont l'in-
dépendance n'est pas suffisamment garantie et qu'ils estiment,
à juste titre, trop faiblement rémunérées. Un tel état de choses
ne saurait être maintenu plus longtemps. II faut, par de sérieuses
garanties légales et par des traitements suffisants, assurer aux
magistrats administratifs une carrière désirable pour elle-
même et vraiment digne de leurs efforts, et il faut d'autre part
que par l'étendue, la solidité du savoir juridique, autant que
par l'intégrité de caractères, ces magistrats soient au-dessus de
toute suspicion.
Par les réformes que nous avons réclamées plus haut touchant
la présidence des Conseils et les fonctions de commissaires du
gouvernement, on fortifiera l'indépendance des conseillers.
Il faudra la garantir d'une manière plus efficace encore. Une
disposition de loi portant que la révocation non plus que
renvoi dans une classe inférieure ne pourront être prononcés
par le ministre qu'après un avis conforme du Conseil d'Etat,
nous semblerait donner sur ce point, une solution satisfaisante.
Enfin, il conviendrait, à notre avis, de rattacher au ministère
de la Justice les nouveaux tribunaux administratifs. Le ministre
de la Justice nomme, ou plus exactement il propose à la nomi-
nation du Président de la République, les membres du Conseil
d'Etat, juridiction du second degré. 11 n'y a pas de raison pour
qu'il ne nomme pas, de la même manière, les membres des tri-
bunaux administratifs du premier degré, et, du moment que
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80 JD8T1CE ADMINISTRATIVE
ces magistrats n'auront plus à remplir que des attributions
judiciaires, le rattachement que nous proposons paraît être dans
la logique des choses.
Quant aux traitements, ils doivent être en rapport avec la si-
tuation sociale des magistrats, et avec l'importance des fonc-
tions qui leur sont confiées, et nous n'hésitons pas à reconnaître
qu'ils devront être augmentés dans de très notables proportions.
Maisl'élévation des traitements et l'institution des commissaires
du gouvernement vont nécessiter un supplément de dépenses,
et il n'est nullement certain que les Chambres consentent à
voter les crédits nécessaires.
Cet obstacle, heureusement, n'est pas insurmontable, et la ré-
forme se pourra faire sans qu'il en résulte de chaînes nouvelles
pour le budget. On diminuera le nombre des Conseils de préfec-
ture. La juridiction d'un tribunal administratif s'étendra sur un
certain nombre de départements, et ce tribunal aura son siège
à la préfecture du département qui sera le plus au centre de la
circonscription nouvelle (1). Nous ne croyons pas qu'aucun in-
convénient d'ordre juridique pût être invoqué contre cette me-
sure. Peut-être une objection s'élèvera-t-elle en faveur des jus-
ticiables qui verront s'éloigner d'eux les tribunaux administra-
tifs. Mais rien n'empêchera de décider que des audiences pério-
diques seront tenues dans quelques départements qui seraient
par trop éloignés des nouveaux tribunaux de région.
Sans doute ces changements ne s'accompliront pas sans quel-
ques difficultés. De vieilles habitudes en seront contrariées, et
quelques intérêts pourront avoir à en souffrir. Mais les incon-
vénients que l'on peut prévoir de l'extension des circonscrip-
tions des Conseils de préfecture sont en réalité d'ordre secondaire
et ils seront largement compensés si, par l'organisation nou-
velle et par le choix sévère de magistrats intègres, laborieux et
instruits, on a mis la justice administrative au-dessus des cri-
tiques légitimes qui tendent à diminuer son autorité.
Les nouveaux tribunaux pourraient prendre le nom de Con-
(1) Aux termes du projet de M. Barthou, que nous avons déjà cité, les Conseils
régionaux de préfecture seraient au nombre de dix-sept pour la France conti-
nentale et ils siégeraient dans les villes suivantes : Lille, Amiens, Paris, Nancy,
Dijon. Lyon, Grenoble, Marseille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Poi-
tiers, Bourges, Angers, Rennes, Rouen. — Ce nombre de tribunaux administra-
tifs ne nous paraîtrait pas tout à fait suffisant.
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JUSTICE ADMINISTRATIVE 81
seils administratifs. Ils 'seraient composés, selon les circons-
criptions, de trois ou quatre conseillers parmi lesquels le Prési-
dent, d'un commissaire du gouvernement, de deux ou trois sup-
pléants et d'un greffier. — Les coiiseillers, les suppléants et le
commissaire du gouvernement seraient exclusivement choisie
parmi les licenciés ou les docteurs en droit. 11 va de soi que
toutes mesures équitables seraient adoptées pourrégler la situa-
tion des conseillers qui n'entreraient pas dans les conseils réor-
ganisés.
Les Conseils administratifs seraient divisés en trois classes et
les traitements pourraient être fixés ainsi qu'il suit : ConseilJers
de troisième classe, quatre mille francs; conseillers de deuxième
classe, cinq mille cinq cents francs ; conseillers de première
classe, sept mille francs. Les commissaires du gouvernement
auraient cinq mille, six mille cinq cents et huit mille francs.
Les présidents auraient sept mille, huit mille cinq cents et dix
mille francs. Les suppléants ne recevraient point de traitement;
mais c'est parmi eux, exclusivement, que seraient pris les con-
seillers.
On ne saurait faire, dès à présent, un calcul rigoureux dont
certains éléments manqueraient de précision. On peut affirmer,
cependant, qu'avec les chiffres que nous venons d'indiquer, la
nouvelle organisation ne coûterait pas plus cher que l'organisa-
tion actuelle. Le Parlement pourra donc aborder, en dehors de
toute considération d'ordre budgétaire, cette réforme des Conseils
de préfecture qui préoccupe à juste titre l'opinion publique et
le gouvernement.
ALEXANDRE BlI ZET
ILEVUE POLIT., T. XX
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JUSTICES DE PAIX RÉCNIES
ET
JIICIËS DE PAIX DËLËGIlfiS
Dans la presse, et même dans les Chambres, on parle depuis
longtemps de créer, entre les juges de paix de cantons et les
tribunaux d'arrondissement, une magistrature mixte, celle des
juges de paix à compétence étendue; mais, jusqu'ici, des réfor-
mateurs trop bien intentionnés ont essayé d'aborder, à la fois,
et de régler législativement tous les détails de la question ;
presque aussitôt, ils se trouvaient arrêtés par des difficultés
d'application, d'autant plus délicates qu'elles découlent, pour
la plupart, d'un recrutement défectueux du corps des juges de
paix — les traitements alloués, en ce moment, à la magistrature
cantonale étant, manifestement, d'une insuffisance dérisoire.
Cependant, le dernier projet du Gouvernement était à la fois
plus modeste et plus pratique. Il se caractérisait par ces deux
traits : 1® Il y aura réunion permanente et définitive de plu-
sieurs cantons au point de vue judiciaire ; 2*^ pour chaque cas,
la décision devra résulter d'un décret rendu en Conseil d'Etat.
C'était un simple essai, restreint à un petit nombre de can-
tons, mais qu'on se proposait d'étendre, en vertu du principe
posé, si l'expérience première réussissait.
Pour suivre et développer ce plan de réforme, il aurait fallu
faire, avec attention et tact, la sélection, dans chaque arrondis-
sement, des cantons assez rapprochés géographiquement, assez
commodément reliés par un chemin de fer, assez analogues par
l'esprit public et les intérêts locaux pour pouvoir être, d'une
manière définitive, fondus ensemble et desservis, sans préju-
dice sérieux pour aucun, par un même juge de paix résidant
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JDSTIGBS DE PAIX RÉUNIES El* JUGES DE PAIX DÉLÉGUÉS 83
dans un seul des cantons intéressés ; mais il était à craindre
qu'on éveillât aussitôt les susceptibilités inquiètes des cantons
en dehors desquels le siège de la justice de paix se trouverait
légalement placé. En effet, ce serait priver la commune chef-
lieu de canton de la présence du principal des personnages offi-
ciels dont la réunion constate et augmente Timportance d'une
agglomération cantonale. Ce serait, en quelque sorte, décou-
ronner cette capitale au petit pied ; ce serait enfin (et le point
de vue est bien propre à toucher des députés légitimement
préoccupés de leur réélection) ce serait s'exposer à créer, dans
le pays, autant de centres minuscules, mais actifs, de mécon-
tentement et d^opposition. D'autre part, cette espèce de « bi-
fuige » judiciaire, consistant à faire desservir à la fois plusieurs
cantons par le même magistrat, est possible, pratique môme
avec tel jiige de paix, jeune, intelligent, instruit, physiquement
vigoureux et actif ; mais le service cesserait d'être régulièrement
assuré, et des plaintes fondées s'élèveraient de toutes parts, .
avec tel autre titulaire ne réunissant ]pas les mêmes qualités et
ne présentant plus les mêmes garanties ; or, le juge de paix qui
consentirait à faire un service plus lourd prétendrait, par cela
même, à un avancement plus rapide; de là, des changements
multiples qui désorganiseraient à bref délai tout ce qui aurait
été, un moment^ établi sans inconvénient.
Quelle conséquence faut-il tirer de là? C'est qu'il sera plus
difficile qu'on n'avait pensé, c'est qu'il n'est pas pratique du tout,
de vouloir fondre ensemble, réunir d'une manière définitive et
permanente, plusieurs justices de paix.
Recherchons donc s'il n'y aurait pas moyen d'arriver plus
sûrement, et plus vite, au but désiré, en visant encore moins
haut que ce projet gouvernemental, et en se contentant, au jour
le jour, de solutions temporaires.
Je m'en rapporte volontiers, pour ma part, dans des cas de ce
genre, à l'avis autorisé de magistrats d'expérience, partant
quelque peu désabusés sur les promesses et les velléités de ré-
formes, qui avortent précisément par excès d'ampleur, parce
qu'on veut poser des règles trop générales, ou descendre dans
trop de détails réglementaires. Eh ! bien, l'avis de ces magistrats
de province, recueilli peu à peu, et à dessein, dans les conversa-
tions familières de la chambre du Conseil, serait (il m*a
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84 JUSTICES DE PAIX RÉUNIES ET JUGES DE PAIX DÉLÉGUÉS
semblé, du moins) de confier le règlement annuel de la question
à rinitiative du procureur général du ressort.
Les procureurs généraux, par suite du contrôle journalier
qu'ils sont appelés à exercer sur le fonctionnement de la magis-
trature cantonale, ont nécessairement une connaissance person-
nelle des aptitudes diverses de chacun des juges de paix de leur
ressort"; ils en savent les défauts, s'ils en apprécient les qualités.
Dès lors, que se passerait-il?
Dès la rentrée, le procureur général proposerait à la Cour
d'appel, réunie dans une assemblée générale, déjà prescrite
par la loi, de désigner les juges de paix qui, pour Tannée,
seraient chargés de desservir, au point de vue judiciaire, deux
cantons au lieu d'un, et la Cour, après examen et discussion des
différents mérites signalés, investirait, par sa décision, les
juges de paix présentés à son choix, d'une compétence plus
étendue au point de vue territorial.
Les avantages de la combinaison se dessinent à Tinstant : le
canton, où ne résiderait point le juge de paix ainsi désigné
pour une seule année, ne pourrait voir là une déchéance locale
permanente. La réunion des cantons serait remise en question
avec chaque changement du titulaire chargé de ce double ser-
vice. Enfin, le traitement de la justice de paix restée passagère-
ment vacante, mais non législativement supprimée, pourrait
être partagé,' entre le juge de paix à compétence étendue qui
recevrait ainsi la juste rémunération de son travail supplémen-
taire, et l'État lui-môme, de sorte qu'il (îu résulterait une écono-
mie budgétaire, — faible sans doute, — mais d'autant moins à
dédaigner qu'il est toujours plus difficile et plus rare d'en
réaliser.
A l'extension territoriale de la compétence ordinaire, ne
pourrait-on joindre une extension logique de la compétence
pénale des juges de paix ainsi délégués?
Puisque j'en suis à parler des sentiments intimes, librement
exprimés entre collègues confiants, j'ai constaté, à maintes
reprises, combien certains magistrats des tribunaux de province
se sentaient, au fond, humiliés, trouvaient secrètement au-des-
sous de leur dignité d'être réunis à plusieurs pour statuer en
commun sur des faits qui, par leur nature, et aux termes mêmes
de la loi, ne sont pas susceptibles d'une délibération véritable.
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JUSTICES DE PÂ]X RÉUNIES ET JUGES DE PAIX DÉLÉGUÉS 85
En effet, la contravention est une infraction matérielle, légale-
ment punissable sans qu'il soit permis au juge de rechercher
s'ily a eu intention coupable de la part de celui qui Ta com-
mise; c'est en vain que Finculpé arguerait de sa bonne foi ; le
magistrat violerait la loi s'il admettait cette excuse. De plus, il
y a souvent, en matière de contraventions, des procès-verbaux
faisant foi jusqu'à inscription de faux, c'est-à-dire qui forment,
par eux-mêmes, une preuve légale, complète, ne pouvant être
détruite par des preuves contraires, lesquelles ne sont pas
même admissibles, et se heurtent, de prime abord, à une fin de
non-recevoir invincible. Et c'est pour cet enregistrement pur
et simple de procès- verbaux, dictant impérieusement la sen-
tence à rendre, que la loi sur l'organisation des cours et tribu-
naux rassemble, au moins, trois magistrats, quand un seul juge
de paix suffirait amplement pour une vérification exclusivement
matérielle.
Cette anomalie ne peut s'expliquer qu'historiquement : La
classification des compétences, entre les tribunaux correction-
nels et les tribunaux de simple police, a été originairement
établie, non d'après la nature des infractions, mais d'après la
quotité des peines susceptibles d'être appliquées par chaque
juridiction. Ainsi, l'article 464 du code pénal énumère limita-
tivement les peines de police, et ces peines de police sont les
seules que puisse légalement prononcer le juge de paix.
Or, depuis la promulgation du Code de 1810, des infractions
nouvelles ont dû, notamment par suite des progrès de l'indus-
trie, être prévues, définies et réprimées, — infractions qui, par
leur nature, auraient dû rentrer dans la compétence des juges
de paix, mais qui, par la quotité de la peine applicable, dépas-
saient la limite de leurs pouvoirs. Ces infractions Jiybrides ont
été appelées des contraventions-délits \ — contravention^ parce
qu'elles sont, comme les infractions de police, matérielles et
indépendantes de toute bonne foi ; délits^ parceque la répres-
sion, qui leur a été appliquée par des lois spéciales, de dates
plus ou moins récentes, rentre dans la classe des pénalités
réservées mal à propos à la seule juriction correctionnelle.
N'y aurait-il pas lieu, dans ces conditions, de revenir, le plus
tôt possible, à la loi naturelle, à la loi du bon sens, à une
répartition plus logique des compétences d'après le caractère
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86 JUSTICES DE PAIX RÉUNIES ET JUGES DE PAIX DÉLÉGUÉS
propre de chaque infraction, au lien de s'en tenir à ce signe^
matérialiste, encore plus que matériel, de la peine édictée ? Ici,
encore, la ressource serait d'employer des juges de paix àcompé-
lence étendue, dont les pouvoirs résulteraient d'une délégation
de la juridiction supérieure. Ils auraient le droit de statuer sur
les faits contraventionnels qui encombrent, au grand détriment
de l'expédition prompte et économique des affaires plus impor-
tantes, le prétoire des tribunaux correctionnels.
Pendant que la dignité des magistrats d'ordre supérieur rece-
vrait cette satisfaction, le sentiment public serait soulagé du
malaise instinctif causé par ce spectacle scandaleux : un rap-
prochement, même passager, entre le très galant homme qui,
sans qu'une minute il puisse être soupçonné raisonnablement
d'avoir voulu voler du poisson, a commis, par exemple, une
simple contravention de pèche, et le cynique souteneur qui
ajoute le produit d'un vol spécial aux bénéfices indirects de la
prostitution. La comparution successive, sur le même banc, à
la même audience, de ces deux prévenus, séparés par tout un
monde au point de vue moral, n'est propre qu'à salir quelque
peu un citoyen sympathique, en réhabilitant, dans une certaine
mesure, par ce seul contact, le plus ignoble des drôles.
N'y a-t-il pas là (je le demande à tous) un spectacle capable
d'abaisser le niveau des mœurs dans notre pays? D'autre part,
n'est-ce pas infliger une peine inattendue, supplémentaire,
vraiment exorbitante, an prévenu qui attend silencieusement
son tour de comparution que de faire défiler d'abord devant
lui les habitués des prisons, à la liste desquels son nom se
trouve ajouté par la plus infamante des accolades? Il serait —
on en conviendra — plus naturel, plus conforme à l'idée que
chaque homme de bon sens se fait à lui-même de la gravité
relative des manquements divers à la loi pénale, plus logique,
en un mot, de restituer aux juges de paix ce qui eût dû être,
dès l'origine, dans leur compétence, c est-à-dire le jugement
de tous les faits contraventionnels et l'enregistrement pur et
simple des procès-verbaux faisant preuve jusqu'à inscription
de faux.
L'attribution de cette compétence étendue n'aurait aucun
danger, et cela pour deux raisons : d'abord la faculté d'appel
permettrait aux magistrats supérieurs de juger, non plus alors
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JUSTICES DÉ FAIX RÉUNIES ET JUGES DE PAIX DÉLÉGUÉS 87
le fait lui-même, mais le jugement déjà rendu, — décision
toujours susceptible, celle-là, d'une délibération digne de ce
nom ; ensuite, les juges de paix à compétence étendue seraient
comme on dit, hnés sur le volet ^ puisqu'ils auraient passé par un
double contrôle : proposés par le Procureur général et investis
finalement par une délibération spéciale de la Cour d'appel
en assemblée générale .
Je me résume ainsi :
I. — Ne pas réunir, d'une manière permanente et définitive,
deux cantons, en paraissant sacrifier Tun ou l'autre, mais éta-
blir un modus vivendiy tout temporaire, qui se justifierait, de
lui-même, par les qualités personnelles du juge de paix momen-
tanément chargé d'un double service.
II. — Etendre la compétence de ces sortes de juges de paix
délégués par arrêts de Cours d'appel, non seulement au point
de vue territorial, mais aussi au point de vue pénal — du moins
quant aux contraventions-délits.
Cet essai limité, prudent, pratique, amènerait peu à peu Texten-
sion légale de la compétence des juges de paix pour les matières
civiles, en permettant de la préparer par la sélection judicieuse
du personnel, — personnel actuellement au-dessous de la tâche
trop large que certains voudraient lui confier sans transition,
CORENTIN GUYHO,
Ancien Député^ Conseillet^à la Cour de Paris,
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LA PARTICIPATION DES OUVRIERS Al] RÉHICË
DANS L'INDUSTRIE (1).
Trois facteurs concourent à la fabrication de tout objet : Tin-
telligence, le capital et le travail. La justice parfaite consiste-
rait à évaluer rigoureusement la valeur de chacun de ces con-
cours et à lui attribuer sa part exacte en argent.
Cette appréciation serait relativement aisée, si le produit de
la vente de Tobjet était égal à la somme des valeurs des trois
facteurs de la production.
Toutefois, il ne suflit pas de fabriquer un objet pour pouvoir
le vendre, ni de totaliser les peines des agents de production
pour déterminer le prix marchand : le prix de l'objet est soumis
à la loi de Toffre et de la demande. Cette loi ne fixe pas seule-
ment le prix de Tobjet entier ; elle détermine aussi la valeur des
différents concours.
11 y a aussi dans la production des risques à courir. Qui les
assumera? Ce seront généralement la direction ou Tintelligence,
et le CLipital. La première se passe quelquefois de rétribution, le
second de dividende; ils disent tous deux au travail: «Nous pre-
nons sur nous les risques, les chances bonnes et mauvaises,
moyennant allocation à l'ouvrier de sa part du produit éventuel,
sous la forme d'un forfait, le salaire. »
Mais ce salaire lui-même est soumis à la môme loi. On con-
sidère le travail comme une marchandise sujette à la fluctua
tion des cours. L'ouvrier, vendeur de travail, s'efl*orce d'avoir
^1) Voir à ce sujet : Le Métayage et la Participation aux Bénéfices, par Ro^er
Merlin, avocat, élève diplômé de l'Ecole des Sciences politiques. Ouvrage cou-
ronné par le Musée social. — Chez Arthur Rousseau, 14, rue Soufllot. Paris,
1898.
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LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES 89
le prix le plus élevé de l'entrepreneur; il y a débat sur le salaire-
marchatu/ise. Cependant, une assimilation complète est impos-
sible. Si rhomme était une machine dont le rendement est connu
d'avance, la règle serait entièrement vraie; or, l'homme est une
volonté, qui restreint ou augmente sa production suivant sos
forces, variables d'un individu àTautre, et suivant l'élévation de
sa rétribution.
L'entrepreneur a donc tout intérêt à régler cette rétribution,
de façon à obtenir de l'ouvrier le travail le plus utile dans un
temps donné, comme quantité et comme qualité.
En second lieu, l'entrepreneur est-il tout à fait quitte vis-à-
vis de son ouvrier, quand il lui apayé son salaire? S'il emplo yait
une machine, ne devrait-il pas tenir compte, dans ses frais
généraux, de son usure et de son remplacement? Doit-il traiter
la vie humaine moins bien qu'une chose ? Ne doit-il pas aussi
comprendre dans ces mêmes frais généraux, une somme repré-
sentant l'usure et le remplacement de la vie humaine et payable
à son ouvrier ou à sa famille ?
J'ai parlé tout à l'heure des risques. Comme le dit admirable-
ment M. Ch. Robert, l'apôtre de la participation, l'ouvrier ne
peut-il dire au patron : « Vous avez les risques de mévente des
marchandises, j'ai aussi les miens : le chômage, les maladies et
les accidents professionnels, la mort même causée par mon tra-
vail et, dans tous les cas, la vieillesse, après une vie de labeur à
votreservice. L'équité, le droit naturel, demandent qu'en échange
de mon travail vous me garantissiez contre ces tristes éventua-
lités. »
Ces demandes ont été reconnues légitimes : nous n'en vou-
lons pour preuve que les innombrables institutions de bienfai-
sance et de prévoyance créées par les industriels sur toute la sur-
face des contrées civilisées. Elles répondent à cette partie de la
rétribution de l'ouvrier que nous appellerons, avec Cobden, le
salaire-assuran ce .
Ce salaire-assurance est en train d'acquérir droit de cité parmi
nous. Quand il sera devenu incontestable, ne peut-on espérer
que le droit sur le salaire-marchandise perdra quelque peu de
son âpreté? Là où l'ouvrier se contentera d'un gain immédiat
moins élevé, c'est qu'il aura la perspective d'une assurance
plus complète. Il y aurait ainsi, entre les deux genres de salaires,
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90 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
une sorte de compensation ; il s'établirait entre eux un niveau
moyen qui faciliterait Tentente.
Le salaire n'est pas appelé à disparaître prochainement; nous
allons examiner les améliorations qu*on peut lui apporter.
Parmi ces dernières nous trouvons, à titre de complément du
salaire, les diverses institutions patronales actuellement en
vigueur et destinées à contribuer au bien-être des ouvriers.
Ces créations sont alimentées par des sommes prélevées par
les industriels sur leurs frais généraux ou sur leurs bénéfices.
Comme ces prélèvements affectent toujours le prix de revient
des produits, c'est toujours le bénéfice total qui en est diminué.
Ces libéralités peuvent être considérées aussi comme une parti-
cipation collective des ouvriers aux bénéfices.
Cette participation devient individuelle quand le salaire-assu-
rance est constitué par une participation individuelle avec l>éné-
ficesy sans participation aux pertes, et sans qu'il y ait engage-
ment de la part du patron à garantir à louvrier un tant pour
cent déterminé du profit.
Elle revêt enfin le caractère d'un véritable contrat, quand le
quantum de la participation est réglé d'avance entre les deux
parties.
Historiquement, la participation est sortie des institutions
patronales, octroyées par le maître à ses ouvriers comme une
charte, pour revêtir ensuite la forme d'une convention.
Il convient, par conséquent, dans un exposé rationnel, d'exa-
miner d'abord les divers aspects d'une participation collective.
I. — Participation collective aux bénéfices.
Toute somme destinée au bien-être des ouvriers est une par-
ticipation collective : elle affecte en effet le bénéfice net du
patron, que celui-ci la compte dans ses frais généraux ou la
déduise du revenu de ses produits. On ferait des volumes de la
description des crèches, écoles, économats, lavoirs, bains, mai-
sons ouvrières, secours en cas de maladies ou d'accidents,
sociétés de secours mutuels, caisses d'épai^ne, retraites ou-
vrières, assurances, prêts gratuits, i>oniûcations d'intérêt, insti-
tués par les industriels. Il est déjà loin le temps où le patron se
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DANS L INDUSTRIE 91
figurait être quitte envers son ouvrier, quand il lui avait soldé
exactement sa paie ! Les patrons alsaciens furent les premiers à
donner l'exemple de fondations créées en faveur de leur per-
sonnel.
Dans une étude (1) sur l'épargne, les institutions de pré-
voyance et la participation aux bénéfices, M. Frédéric Engel-
Dollfus, le grand industrielalsacien, a établi la théorie définitive
(le la participation collective :
n II in*est aassi difficile d'admettre rexistence d*an établissement manufactarier
sans caisse de secours, sans caisse de retraite, sai&s de nombreuses annexes de
toute sorte en faveur de la classe ouvrière, qu'il me serait possible, par exemple,
de concevoir le grand commerce extérienr sans l'assurance maritime ou toute
grande exploitation industrielle sans Tassurance contre le feu.
« Le principe naturel de la participation n'est autre que l'équité dans Texer-
cice d'un devoir... Il faut à la participation ouvrière ou à ses équivalents, quelle
que soit leur forme du moment, un mobile plus élevé que llntérèt ou la peur;
ce mobile, c'est l'équité, qui a sa source dans des sentiments plus nobles, et qui
demande instamment qu'après avoir établi expérimentalement la théorie des
institutions de prévoyance et de secours, on en passe désormais à l'application la
plu9 étendue.
« La formule sera toujours la même pour le manufacturier, et se résumera en
ces quelques mots :
« Donner non par charité fraternelle, mais par esprit d'équité.
« Donner beaucoup, c'est-à-dire le plus qu'on peut, selon ses moyens et
donner avec discernement, c*e8t-à-dire sous la forme et à Tépoque les plus pro-
pices à la réalisation effective du but d'assistance immédiate ou différée qu'il
s'agit d'atteindre.
M II est certain qu'il n'y a pas pour l'ouvrier de droit à la partiùpalion ; je
dirai, par contre, tout aussi catégoriquement, qu'il y a pour les patrons des
devoirs qui ne se discutent plus : de ce nombre est celui de fonder, d'une façon
inébranlable et définitive, les institutions de prévoyance. »
Quel est le montant de la somme que M. Engel-Dollfus
estime nécessaire pour établir cette participation collective?
C'est 10 p. 100 des salaires, qui se répartiront dans une propor-
tion à déterminer, entre les ouvriers d'une part, et les patrons,
sur frais généraux, d'autre part. Ce prélèvement doit représenter
les institutions en faveur de Tenfance, le logement, les secours
aux malades et aux femmes en couches, les assurances en cas
d'accidents et les pensions de retraites. Il doit être opéré avant
l'abandon à l'ouvrier de toute espèce de salaire supplémentaire
ou de participation aux bénéfices en espèces.
fl Le système tend à faire admettre, dît M. Gh. Robert, que le minimum mora-
lement obligatoire de la rémunération légitime du travail humain comprend
nécessairement, h la fois, le pain quoditien d'abord, puis la prime des assurances
sociales (maladies, accidents, vieillesse). La jouissance régulière et normale de»
(1) Extrait du Bullelin de la Société industrielle de Mulhouse.
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92 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
institutions dont il parle devient, pour cpiiconque entre dans la maison, une
partie intégrante, un élément essentiel du contrat de travail. »
La maison Dollfus-Mieg, de Mulhouse, a mis en pratique
ridée d'un de ses patrons. Elle affecte 140.000 francs environ de
ses bénéficesà alimenter chaque année ses institutions ouvrières.
Cette participation collective consiste : 1" dans les intérêts
à 4 p. 100 d'un fonds spécial appelé « compte de réserve
ouvrière », et dont le solde créditeur était au 30 juin 1889,
de 786.000 fr. ; 2® dans un prélèvement fixe sur les bénéfices de
l'entreprise; ce prélèvement représente 7 p. 100 des salaires,
ceux-ci se montant à 2 millions par exercice.
Cette participation fait d'abord face aux assurances obliga-
toires contre la maladie et les accidents du travail, subven-
tionne les ouvriers qui veulent s'assurer sur la vie, leur facilite,
au moyen d'une assurance collective, l'assurance contre l'incen-
die, fait à ces mômes ouvriers, quand ils sont méritants, l'avance
nécessaire à l'acquisition d'une maison, subventionne une société
d'encouragement à l'épargne, bonifie aux déposants de la caisse
d'épargne un intérêt de 5 p. 100, et fait un versement annuel
de 4.000 francs à la Société de maternité de Mulhouse pour les
femmes en couches.
Ce même fonds de participation alimente encore la salle
d'asile, se répartit ensuite en distributions de pain, viande, vin,
aux malades et ouvriers nécessiteux, en fourniture de combus-
tible pendant les grands froids, en distribution de boissons
rafraîchissantes, en pensions extraordinaires et secours spéciaux
donnés de la main à la main, en bourses au collège, en saisons
d'eaux.
Enfin il fait marcher un magnifique réfectoire construit
en 1886 et dans lequel les ouvriers peuvent faire chauffer leurs
aliments, une salle de récréation et un grand jardin, des ves-
tiaires, une chambre pour les malades, des lavoirs, des salles
d'attente, etc.
J'ai visité, il y a deux ans, cette création fort originale d'un
bâtiment dans lequel les ouvriers peuvent venir prendre leur
repas de midi. Les ouvriers apportent eux-mêmes leurs ali-
ments, qui sont cuits gratuitement sur des plaques chauffées à
la vapeur. Tout y est reluisant. de propreté.
L'assurance du mobilier des ouvriers par l'entremise de la
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DANS L INDUSTRIE 93
maison paraît l'une des créations originales de la société. Les
ouvriers en sont satisfaits. Deux fois par an est conclu un con-
trat collectif entre la maison et la compagnie d'assurances. Des
avenants peuvent être faits dans Fintervallc.
Il n'entre pas dans le cadre de cette étude de faire la nomen-
clature de tous les établissements industriels de plus en plus
nombreux, qui affectent une certaine somme aux institutions
en faveur de leur personnel : nous n'avons pris la maison
DoUfus-Mieg qu'à titre d'exemple. L'Alsace avait donné l'éveil.
Le Nord, la Normandie, les Vosges, toute la France, l'ont suivie.
Il existe actuellement peu d'industriels ayant une certaine
surface qui ne puissent inscrire à leur actif moral une somme
appliquée à une fondation sociale.
Le Congrès international de la participation aux bénéfices,
tenu à l'Exposition de 1889, a vivement recommandé la partici-
pation collective. La quinzième résolution de ce congrès porte
en effet que :
« dans les établissements où la répartition entre tous ne donnerait à chacun
qu'une très faible somme, et où le personnel est stable, la participation collec-
tive affectée à des services de mutualité, de secours, d Instruction ou à des
avances pour maisons ouvrières, est préférable, en principe, à la participation
individuelle ».
En effet, là où la main d'œuvre n'entre que pour une faible
part dans la dépense générale, là même où elle constitue une
part importante de cette dépense, mais où les convives sont trop
nombreux pour avoir une large part au banquet des bénéfices,
il faut établir la participation collective et s'y maintenir. La
participation individuelle ne serait qu'un leurre si elle aboutis-
sait à n'accorder à chacun, en fin d'exercice qu'un ou deux pour
cent par exemple. Réservé au contraire pour la vieillesse ou
mis à part pour les maladies ou les accidents, ce tantième réuni
aux autres permettra la fondation d'utiles prévoyances.
Nous irons même plus loin, en conseillant aux industriels
qui pourraient le faire, de ne pas décréter, dès le début de leur
industrie, une participation individuelle. Celle-ci exige, de la
part de Touvrier qui la reçoit, une éducation économique et
morale préalable lui permettant de faire un bon emploi des
fonds qui lui seront versés en espèces, ou d'apprécier à sa juste
valeur l'épargne qui lui sera constituée. Or, au commencement
de toute entreprise, le chef ne connaît pas encore ses ouvriers
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94 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
d'une façon suffisante pour savoir quelles sont les relations qu'il
peut avoir avec eux. Si leur esprit est mauvais, les largesses ne
seront pas appréciées, et Tindustriel ne pourra faire appel à
leur collaboration dans la formation de leur salaire-assurance ;
il devra se borner à y pourvoir d'une façon collective. Leclaire
tout le premier a commencé par la simple gratification d'un
patron autoritaire. Ce n'est que peu à peu, et dans une sorte
d'ascension progressive, que le patron pourra, si les circons-
tances sont favorables, constituer à l'ouvrier l'épargne indivi-
duelle.
Cette dernière paraît ainsi, dès l'abord, limitée à un certain
nombre d'industries, et parmi elles, aux industries ayant déjà
une certaine durée.
Est-ce à dire que la participation collective, là où elle est défi-
nitive, doive toujours revêtir le caractère, dont nous parlions
plus haut d'une charte octroyée par la munificence du chef
d'industrie, ou d'une administration oii devra régner son bon
plaisir seul?
Nous ne le pensons en aucune façon. Si l'éducation économi-
que et morale de l'ouvrier est à faire, si l'harmonie du Capital
et du Travail doit être achetée par cette collaboration obliga-
toire et permanente des deux facteurs de la production qui
multiplient leurs points de contact pour mieux se connaître,
colto harmonie ne se trouvera pas dans un supplément de salaire
sous forme d'assurance gérée par le patron seul, mais bien dans
une série d'institutions où patron et ouvrier se sentiront les
coudes et discuteront ensemble d'intérêts qui leur sont com-
muns. Il faut créer à l'un et aux autres des raisons de se voir
pour se mieux connaître. L'usine n'est pas une caserne, elle est
trop grande pour être une famille, il faut qu'elle devienne une
société constituée. Le patronat ne peut être militaire, il ne peut
plus être familiaU il doit être autre chose : que les uns l'appel-
lent libéral, les autres statutaire, nous préférons l'appeler social,
parce que nous voulons lui imprimer précisément ce caractère
d'association des deux forces vives.
Le devoir du patron est ainsi tout tracé : abandonner peu à
peu à ses ouvriers s'il les sent capables de le gérer et quand il
aura fait leur éducation, leur salaire-assurance : au lieu de leur
donner des secours pour maladies, provoquer la formation de
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DANS L INDUSTRIE 95
société do secours mutuels administrées par eux; au lieu de
leur construire des habitations, leur faire des avances rembour-
sables par annuités, pour qu'ils puissent construire à leur gré
leurs maisons; remplacer l'économat patronal toujours soup-
çonné de faire des bénéfices au détriment des ouvriers, par la
société ouvrière de consommation.
Le rapport présenté en 1889, à l'exposition d'économie sociale,
par MM. Jules Chagot et Cie à Blanzy, indiquait la transforma-
tion nécessaire que cette puissante maison avait fait subir à ses
institutions sociales, et l'heureux résultat qui en était découlé.
tt On apprécie généralement assez peu ce qui ne coûte aucune peine, disait ce
document; on s'habitue à considérer les faveurs comme des droits : volontiers on
s'imagine que ceux qui font le bien sont poussés par l'intérêt. II y a pis encore :
lorsqu'une espèce de providence pourvoit à tous ses besoins, sans exiger de lui
aucun effort, l'ouvrier cesse de compter sur lui-même; il perd le goût de la pré-
voyance, de l'économie, parce qu'il n'en sent plus la nécessité; son initiative
s'éteint, sa dignité s'amoindrit; il est mûr pour le socialisme.
« Ces effets, qui sont la conséquence d'un patronage trop développé, commen-
çaient à se faire sentir à Montceau, il y a quelques années. D'autre part, par une
espèce de réaction bien naturelle, l'esprit d'association se réveillait. Des sociétés
coopératives de boulangerie, des sociétés de secours mutuels, des syndicats, se
formèrent dans le pays. A la vérité le mouvement nouveau était dirigé dans
un sens socialiste révolutionnaire plutôt que philanthropique; mais enfin il exis-
tait, il dénotait un certain état d'esprit avec lequel il était prudent de compter.
« La compagnie de Blanzy comprit la situation ; tout en conservant ses insti-
tutions patronales qui toutes avaient de sérieuses raisons d'être, au moins jusqu'à
ce qu'elles fussent remplacées par autre chose, file résolut d'utiliser ce mouve-
ment d'association, de l'encourager, de le diriger dans la mesure du possible.
Depuis ({uelques années, elle est entrée dans une voie toute nouvelle qui est cer-
tainement la bonne. Elle n'est d'ailleurs pas seule à l'avoir suivie.
« Susciter l'initiative de l'ouvrier; faire son éducation économique, l'habituer
à compter pins sur lui et moins sur le patron ; lui apprendre à gérer ses propres
affaires, voilà qui est préférable à cette espèce de tutelle sous laquelle on est porté,
par pure bienveillance, d'ailleurs, à tenir l'ouvrier, comme s'il était incapable de
comprendre ses intérêts.
« Le patron ne doit pas hésiter à recourir à l'association quand c'est possible.
Avec ce système, il n'est pas responsable du bonheur de ses ouvriers. Ceux-ci,
étant associés à ses efforts, partagent la responsabilité avec lui, et en assument
même la plus grande partie... »
Pour terminer ce rapide aperçu de la participation collective,
il convient de remarquer que tout le monde, amis et adversaires
de la participation individuelle, est partisan de la première, ce
patronage moderne, même M. Ernest Brelay, qui l'appelle la
« mock participation » par allusion à la « mock turtle soup » ou
fausse soupe à la tortue des Anglais. Or, c'est déjà un progrès
sur ridée régnante d'il y a trente ans, qui n'admettait que le
salaire-marchandise. Le siècle prochain pourrait bien voir
d'autres transformations.
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90 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
IL — Participation individuelle avec bénéfices.
La participation devient individuelle, quand la somme mise à
part par le patron pour compléter le salaire de ses ouvriers est
divisée par lui, en fin de l'exercice, entre ces travailleurs, au lieu
de rester à Fétat de masse. Mais ici encore, cette participation
n'est qu'une simple libéralité ; elle n'accorde à l'ouvrier aucun
droit, ne lui ouvre aucune action pour réclamer son dû à la fin
de Tannée. Elle consiste pour le patron à donner à chacun de
ses collaborateurs une certaine somme dont il reste seul juge,
et qui n'a aucune relation, du moins apparente, avec l'inventaire
ou avec le total des bénéfices. Il n'y a là aucun contrat, ni aucun
débat préalable, comme il y en a un pour le salaire. C'est ce
qu'on appelle, en droit, une condition protestative, dépendante
de la seule volonté du patron, et inefficace à créer une cause à
l'obligation.
Beaucoup de maisons — M. Trombert(l) en fait l'énuméra-
tion — appliquent ce système, qui leur permet de ne pas indi-
quer le chiffre de leur bénéfices, d'établir leur inventaire comme
bon leur semble, notamment au point de vue des réserves et des
amortissements, et de rester entièrement libres vis-à-vis do
leurs ouvriers.
Dans le tableau dressé par M. Trombert, en 1892, et qui com-
prend, si notre addition est exacte, 289 établissements français
ou étrangers, 72 n'annonceraient d'avance aucun quantum.
Plusieurs maisons, en fait, se fixent, à part elles, un tant pour
cent, mais ne l'annoncent pas. Quelques patrons nous ont dit
qu'ils opéraient ainsi.
Toutefois les règles formulées, dans ces établissements, pour
la destination des fonds, sont généralement très précises ; elles
sont analogues à celles des industries qui pratiquent la partici-
pation contractuelle. Nous les étudierons à la suite de ce dernier
mode.
Mais si cette participation parait au premier abord avanta-
geuse pour le patron, elle laisse subsister tous les inconvénients
(1) Guide pratique pour rapplication de la participation aux bénéfices, par ÂU)ert
Trombert, 1892. Les applications de la participation aux bénéfices, par le môme,
1896.
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DANS L INDUSTRIE 9 7
du salaire pur et simple, notamment la rivalité d'intérêt entre
les deux parties.
L'ouvrier peut croire, en recevant en fin d'année une somme
supplémentaire, à un gain du patron beaucoup plus grand que
celui de la réalité, et ce supplément n'aura quelquefois d'autre
résultat que de l'inciter à réclamer une hausse du salaire
normal.
Quel est clans ce système l'intérêt de l'ouvrier à travailler da-
vantage ? Il est bien mince. Il ne saura jamais si un supplément
d'efforts, de sa part, correspondra au bout de l'année à un sup-
plément de gratifications et, dans l'ignorance, il aura raison de
s'abstenir.
En somme, le but de la participation : identifier l'intérêt de
louvrier et celui du patron, ne paraît pas atteint.
Dans l'intéressant rapport que M. Buisson, directeur de l'as-
sociation ouvrière « le Travail », a présenté le 28 octobre 1896,
au deuxième Congrès de l'alliance coopérative internationale
siégeant à Paris, sur le « rôle de la coopération et son application
pratique », il faisait ressortir nettement le caractère uniquement
charitable de la participation sans fixation de quantum, ou tout
au moins le considérait comme une annexe du régime du sala-
riat. Envisageant ensuite la participation contractuelle, il y
voyait « un acheminement nécessaire vers la coopération par
étapes successives, que les mœurs, l'éducation et la conscience
peuvent seules aider à franchir ». Et le Congrès sanctionnait
cette manière de voir en votant la résolution suivante :
«« H convient de déclarer que les systèmes vraiment coopératifs d'associations
de production et de participation contractuelle sont ceux qui — donnant des
garanties à tous les intérêts et à tous les droits, — cherchent, dans un esprit de
justice, à répartir la valeur des produits du travail proportionnellement au con-
cours apporté par les divers facteurs dans l'œuvre de production, en tenant
compte des risques financiers et corporels courus par chacun d'eux. »
Nous sommes ici en présence d'une bifurcation : de Tancien
chemin connu du salariat amélioré par tous les « condiments »
que l'intelligence des patrons a pu inventer pour augmenter
la production de leurs ouvriers ou que la conscience de l'em-
ployeur a organisés pour assurer son employé contre les risques
de la vie, se détache maintenant une voie nouvelle, qui aboutit
d'abord à la participation contractuelle, et que des esprits hardis
mais nullement chimériques, veulent prolonger jusqu'à la coo~
REVUE POLIT., T. XX 7
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98 LA PARTICIPATION DES OUVaiEBd ADX BÉNÉFICES
pératioa de production. Dès que la question du tant pour cent
sur les bénéfices, annoncé d*avance aux ouvriers, est posée, les
théoriciens et les pratiquants de Tancien syatème se séparent de
ceux qui, sans renoncer au salaire considéré comme une avance
à l'ouvrier, estiment que l'antagonisme entre les facteurs de la
production, ne sera évité d'une façon sûre que par leur union
intime, et qu'à côté du mode ancien il y a place pour des combi-
naisons nouvelles dues à la force de Tassociation et dont la
liberté de nos temps moderikes doit faciliter la création.
On voit dès lors quel est Tintérét qui s attache à l*étude de
cette participation contractuelle, qu on la considère comme une
solution définitive, avantageuse à tous, ou qu'on la regarde seu-
lement comme une étape au bout de laquelle apparaît Tasso-
ciation complète entre producteurs.
III. — Participation conthacttiellb.
J'examinerai d'abord le contrat enlni-mênie. J'indiquerailes
différentes manières de fixer le quantum. Je traiterai ensuite —
et tout ce qui suit, sauf le contrôle des comptes, s'applique éga-
lement à la participation- libéralité — les divers modes de ré-
partition ; j'exposerai ensuite les règles adoptées pour l'emploi
des fonds, la liquidation des comptes et les clauises de déchéance.
La création de les différentes organisations conduira à recon-
naître la nécessité d'un conseil consultatif patronal pour les ad-
ministrer. La fixation d'un quantum de bénéfices aboutit^ sauf
clause contraire inséréedans les statuts, au contrôle des comptes
par les ouvriers ou leur délégué, la direction industrielle du
patron restant entière.
Caractère juridique du contrat de participaiion. — On l'a con •
testé. Cette allocation — a-t-on dit — en fin d'exercice d'un tant
pour cent, n'est qu'une simple libéralité, dépenidant^e la seule
volonté de l'industriel : la clause <c si potuero » ne peut donner
naissance à une obligation, car il dépend du patron seul défaire
ressortir ou non un bénéfice annuel dans l'inventaire. L'ouvrier
n'aura donc aucune action pour réclamer son dû ; il n'y a pas là
un contrat nouveau. L'objection, a^ale4-on, devieut d autant
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DANS L INDUSTRIE 99
plus forte dans les cas où Touvrier renonce par clause spéciale
à contrôler l'inventaire.
A cela il est facile de répondre qu'il n'y a pas ici de condition
purement potestative; qu'il ne dépend pas de la seule volonté
de Tindustrielde supprimer la répartition légitimement due, que
pour ce faire, il devrait nier tout bénéfice, qu'il ne se dégagerait
pas par là librement de son obligation, mais qu'il s'y soustrairait
par la fraude, ce qui est tout l'opposé. Si l'employé s'en remet à
la parole de son débiteur, il y a là un nouveau cas d'engagement
verbal, comme il y en a beaucoup d'aaalogues, dans lesquels la
parole du débiteur est acceptée comme preuve et règle le sort du
con tract. Celui-ci est un contrat de bonne foi, fréquent dans
notre droit
Mais on insiste, et l'on dit que toute participation aux béné-
fices suppose foi*cément une participation aux pertes et que l'ou-
vrier est incapable de supporter ces dernières.
C'est méconnaître le caractère véritable du contrat de partici-
pation. Ce contrat n'est pas une association. C'est un mode de
rémunération, dans lequel un tant pour cent supplémentaire
vient s'ajouter, s'il y a bénéfice, au salaire. Au cas de perte, l'ou-
vrier est réduit à son simple salaire.
Dans une affaire industrielle, disait M. Gonse en 1889 au Con-
grès de la participation, il arrive souvent qu'une part de la rému-
nération promise à la direction consiste, outre un fixe, dans
une part possible des bénéfices de Tentrepo^ise. Pourquoi vou-
drait-on interdire à l'ouvrier un contrat qu'on admet parfaite-
m^it quand il s'agit de l'entrepreneur? Le capital ne peut-il
accorder au travail un bénéfice qu'il alloue à l'intelligence ?
La participation étant reconnue un eontrat licite, nous en
emprunterons la définition à M. Ch. Robert :
•» La participation aux bénéfices est une libre convention, expresse ou tacite,
«vivant les cas, par laquelle un patron, industriel, commerçant ou agriculteur,
individu ou société quelconque, ciTiie, commerciale ou coopérative^ — donne à
son ouvrier^ à son employé, en sus du salaire normal, une part dans les béoético^;
sans participation aux pertes. »
Différentes mamères de fixer le quantum, — Nous retrouvons
ici, au moment où nous voulons faire la. part de cbaque produc-
teur dans le bénéfice annuel, la même difficulté que nous cons-
tations au début de cette étude, quand nous essayions, dans le
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100 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
prix de vente d'un seul objet, de faire la part de chacun des trois
collaborateurs. C'est en etfet qu'il ne peut y avoir aucune com-
mune mesure arithmétique entre le capital-argent et le capital-
humain. Si cette commune mesure existait, le problème socio-
logique que nous cherchons à résoudre se réduirait à un simple
calcul de proportion ou à une équation. La même difficulté d'ap-
préciation du concours existe pour la direction, qui, elle aussi,
est un capital-humain. Si Ton cherche à évaluer en argent la
valeur marchande du capital-humain, on se heurte à une ques-
tion insoluble ; deux éléments de cette valeur nous échappent :
les risques d'accident et de mort, et la liberté humaine, qui
permet au travailleur de rompre presqueàtout instant le contrat
de travail. Les risques échappent encore actuellement aux tables
de mortalité, et l'esclavage est aboli. Cette même liberté peut
décupler la somme de main-d'œuvre fournie par l'ouvrier, si ce
dernier y apporte toute sa bonne volonté.
Voici quelques-unes des solutions qui ont été proposées (1) :
M.Huet, ingénieur civil à Delft, offrait la suivante en 1869 :
Après avoir calculé à 5 p. 100 les intérêts duu capital des action-
naires », on le déduit, à titre de salaire du capital, du bénéfice
qu'aura donné l'entreprise. Vous aurez ainsi le profit net. Capi-
talisez les salaires annuels du personnel h un taux convenu
d'avance (10 p. 100 par exemple), et nommez « Capital du per-
sonnel » le chiffre ainsi obtenu, le profit net sera divisé entre
les actionnaires et le personnel de l'entreprise, en raison des
deux capitaux indiqués ci-dessus.
A la papeterie coopérative d'Angoulême, après prélèvement de
l'intérêt à 5 p. 100 du capital social, et de 5 p. 100 des immeubles
et du matériel pour un fonds général d'amortissement, on donne,
depuis longtemps, 25 p. 100 du bénéfice net comme dividende
au capital, et 75 p. 100 au travail et à l'intelligence.
Dans rimprimerie coopérative de Delft, M. Van Marken paie
aux ouvriers leur salaire, au capital une rétribution de 6 p. 100
représentant l'intérêt et la prime du risque couru. Voici com-
ment il répartit ensuite l'excédent : il refuse tout dividende au
capital, instrument passif, qu'il juge suffisamment rémunéré
par l'intérêt ; il attribue la moitié du bénéfice net aux travail-
(1) Voir à cet égard la « Préface » écrite par M. Gli. Robert, du Guide pratique
de la Participation aux bénéfices (1892).
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DANS L INDUSTRIE 101
leurs, un quart à la direction, le dernier quart à diverses affec-
tations.
D'autres systèmes ont été mis en avant. Au système générale-
ment en vigueur actuellement, qui refuse tout droit direct à la
main d'œuvre, en restreignant cette dernière au salaire, on
oppose ainsi celui de MM. Van Marken et Leclaire, qui refusent
tout dividende au capital, après allocation du simple intérêt.
Ce sont deux méthodes simples et radicales.
Le rapport remarquable, de M. Buisson, déjà cité, déclarait,
qu'on ne peut donner une formule unique pour fixer le mode de
répartition, qu'elle a été cherchée en vain par d'autres plus com-
pétents, que, dans chaque cas, les éléments jouent un rôle diffé-
rent et que chacun des trois facteurs doit être appelé à débattre
ses intérêts en toute liberté.
C'est en somme à cette liberté des conventions qu'il faut taire
appel pour fixer le quantum de la main-d'œuvre dans les béné-
fices. La seule chose à souhaiter pour le bonheur de l'ouvrier
c'est que, par son éducation économique, il soit misa même de
traiter à égalité avec le capital et l'intelligence directrice.
Divers modes de répartition du quantum attribué à la main-
d'œuvre, — Le taux du salaire a paru la base normale de la
répartition : elle est l'indice du concours apporté par l'ouvrier
dans la production. Toutefois ce mode de procéder laisse en
dehors un élément de succès qui n'est pas à négliger: la stabilité
du personnel. Aussi un grand nombre de maisons font-elles
entrer en ligne de compte les deux coefficients : le salaire et
l'ancienneté. D'autres combinent les salaires avec l'importance
des fonctions, ou l'ancienneté et l'importance, ou encore les
salaires, l'ancienneté et l'importance. Viennent ensuite :
salaires, ancienneté et mérite, — production individuelle,
chiffre des versements faits par les participants dans une caisse
d'épargne ou de dépôts, — seule appréciation du patron.
Règles adoptées pour remploi des fonds, — Une fois le quan-
tum alloué à l'ouvrier, que va-t-on faire des fonds? Il y a trois
modes principaux d'emploi : 1** le paiement comptant; 2® la
conservation des fonds pour l'avenir ; 3® leur transformation en
parts du capital.
L'Angleterre et l'Amérique pratiquent généralement le paie-
ment comptant : tantôt on y considère ce mode comme un sti-
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102 LA PARTICIPATION DBS OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
mulant au travail et à Téconomie de productian ; tantôt on
estime que c'est à l'intéressé à garantir lui-même son avenir,
au moyen de cette rémunération supj^mentaire qu'il peut
appliquer à Tassuranceet à l'épargne, qu'au surplus il ne faut
pas avoir Tair de retenir d'une main ce que Ton donne de
l'autre : cette tutelle serait contraire à la dignité de l'ouvrier.
Tout en reconnaissant les bons résultats donnés par le ver-
sement immédiat (papeterie coopérative d'Angoulême, Nelson
à Saint-Louis du Missouri, atelier de broderies Nayrolles, maison
Leclaire), les partisans de la conservation des fonds pour l'ave-
nir affirment qu'il faut voir les choses telles qu'elles sont, que
sans doute ce serait à l'ouvrier à constituer son épai^e, mais
qu'en l'état actuel, il manque le plus souvent des qualités de
prévoyance qui lui seraient nécessaires, que l'œuvre sociale du
patron doit tendre à les lui faire acquérir, et que ce dernier doit
employer le produit de la participation à lui garantir ses vieux
jours plutôt (jue de lui distribuer, en fin d'année, une somme
d'argent bientôt dissipée entre ses mains. Cetteopinion a prévahi
auprès de la plus grande partie des maisons françaises.
Mais il y a plusieurs moyens de conserver les fonds pour
l'avenir : il y a la capitalisation des fonds sur livrets ou comptes
individuels, la constitution de pensions viagères, la transfor-
mation en parts de capital.
M. de Courcy (1) est le promoteur bien connu du système de
la capitalisation des fonds. On est généralement d'accord pour
le trouver bien préférable à celui de la rente viagère. Celle-ci ne
constitue un droit acquis au titulaire qu'après un nombre
déterminé d'années de service et un certain âge. Vient-il à dis-
paraître aufmrarant, tous les versements faits en son nom sont
perdus pour sa famille. Au contraire la rente que crée le patri-
moine est perpétuelle. Dès que les infirmités l'empêchent do
travailler, l'ouvrier peut entrer en possession de son capilal^
qu'il voit croître tons les ans par les inscriptions faites à son
compte, et dont il a le double sur son carnet.
La transformation en parts de capital es* tantôt facultative,
tantôt obligatoire. La première alternative est réalisée par
Laroche-Joubert et Cie à Angouldme, le Bon Marché, les manu-
(1) Vdir rinsiitution des caisses de prévoyance des fonctionnaires, employés
et ourmrs.
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DANS L INDUSTRIE 103
fact^Tes de laine Rossi àSchio (Italie), la fabrique Van Marken
de levure et d'alcool à DeWt, Leclerc, fabrique de lits et meubles
en fer à Saint-Dizier (Haute-Marne), Nayrolles, ateliers de bro-
deries à Paris. La seconde alltîrnative se retrouve au Familis-
tère -de Guise, à rîraprimerie Van Marken à Delft,cliez Redouly
et Cic (ancienne maison Leclaire), Thomson et fils, fabricants de
draps à Woodhouse Mills, HuddersfieW (Angleterre), Génevoix
et fils à Poggio-Reale, près de Naples, Nelson à Saint-Louis du
Missouri (Etats-Unis).
Ce dernier mode a pour but et pour résultat de transfomaer
rîndustrie au borrt d''un temps pl-as ou moins long, en associa-
tion coopérative de production. La participation aux bénéfices
serait ainsi pour Tourrier Técoîe primaire de Tassociatron coo-
pérative, puisqu'elle I^aurait initié aox difficultés et aux aléas
qu« tîoraporte temte entreprise.
Liquidation des comptes. Clames 4e détkéance. — L'ouvrier
a-t-il une propriété immédiate et irrévocable sur l«s fonds qui
lui proviennent de la participation, ou bien n« jouit-il que d'une
propriété sons condition suspensÎTe ou résolutoire?
D'après la théorie pure que nous avons admise au commence-
ment 4e ce4te étede, et qui consiste à envisager le produit 4e la
participation eowrme devant Ô<re affecté au salaire-assurance,
il semblerait que ce salaire ne d#t être acquis qu'au moment où
rittcapacité de travail, l'âge ou Tinsnffisance des forces oblige-
raient le travailleur à se reposer, ou ne fût versé à la famille
qu'au cas de mort de l'ouvrier. Mais y a4-il, en pratique, des
contrats de travail qui durent vingt-cinq et trente ans?
Eh bien! ce safaire-assuranee qui n'est acquis h l'homme
qu'au bout de tant d'années de service ne l'empôchera-t-îl pas
de rompre un contrat qu'il trouve onércfux? La crainte de le
perdre ne sera-t elle pas une entrave à octte précieuse liberté?
C'est à l'ouvrier à se constituer son épargne ; il le pourra en
se servant des différents produits partiels de la participation
qu'il aura accumulée xlans son existeace ouvrière.
D'«o autre eAté, si ¥*<m considère ia •partieipati'Qn comme un
supplément de salaire, correspondant à un supplément de tra-
vail, la retenue delà participation pendant toute une existence
se comprend moins encore : elle devient tout simplement une
injustice.
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104 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
Conseils consultatifs. Maintien intégral de la direction an
patron, — A quelle administration va être confiée la gestion
des fonds de la participation contractuelle?
Est-ce au patron seul, ou à la direction s'il s'agit de société,
ou bien est-ce à un comité présidé sans doute par le chef de
l'entreprise, mais qui s'adjoint des membres pris au sein du
personnel et choisis par lui?
Nous avons déjà soulevé cette question à propos de la parti-
cipation collective; elle se retrouve encore plus pressante quand
il s'agit de la participation individuelle : ici plus encore il est
de l'intérêt etde la sécurité du patron de communiquer la gestion
de ces parts individuelles.
Un grand nombre d'établissements ont créé des comités ou
conseils consultatifs que certains ont baptisé du nom de conseils
de famille et qui en jouent effectivement le rôle, en prévenant
les conflits ou en les apaisant. Par là même, leur action s'étend
dans un cercle beaucoup plus grand que la simple gestion des
sommes qui leur sont confiées.
Cette tendance à se décharger du soin de ces questions se
dénote de plus en plus dans la grande industrie. M. Trombert
indique dans son ouvrage une vingtaine de maisons qui ont
pratiqué cette abdication volontaire, et, depuis 1892, leur
nombre a certainement augmenté.
La justice demande en effet que les fonds soient gérés par
ceux à qui ils appartiennent. Le patron se bornera à entre-
mettre ses bons offices. Ce sera pour lui le plus grand des soula-
gements.
Si la direction abandonne ainsi à ses collaborateurs l'admi-
nistration de leurs intérêts particuliers, elle doit conserver
absolument, que ce soit un individu ou une société, le droit
d'admettre ou de congédier ses ouvriers, sans consulter les
comités dont nous venons de parler. Sinon, ce serait l'anarchie
industrielle organisée.
« Le conseil, dit le règlement de la compagnie d'assurances générales, se réserve
expressément la plénitude de son action et de son autorité sur les employés de la
compagnie, notamment en ce qui concerne les destitutions dont il demeure arbitre
Souverain, sans Atre tenu, dans aucune circonstance, de déduire les motifs de ses
décipions. »
« Le patron, affirme M. Moutier, ne reconnaît à personne le droit de critiquer
sa gestion, ceux qui ne Tapprouvcront pas étant libres de se retirer ou de ne pas
entrer chez lui. »
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DANS L INDUSTRIE 105
Mêmes déclarations chez MM. Monduit, Mozet et Delalonde.
Chez tous les industriels où lés règlements sont muets, cette
clause est expressément sous-entendue et toujours appliquée,
comme si elle était clairement formulée. Les patrons qui sont
les plus fervents partisans de la participation sont les plus jaloux
de leur autorité.
Contrôle des comptes. — Si, dans le contrat de participation,
il est dès lors hors de conteste que la direction du personnel
appartient à la gérance ou au patron au même titre que la
direction technique ou industrielle, il faut également leur
maintenir sans partage la direction commerciale, et cette
direction entraîne, par un enchaînement logique ce que
MM. Ch. Robert et Trombert ont appelé fort justement la « liberté
de l'inventaire, »
Le patron seul doit avoir la volonté de fixer les réserves, les
amortissements, les prévisions pour une transformation de
Toutillage, l'estimation des créances douteuses, rétablissement
du compte de profits et pertes. Il est clair que l'évaluation du
montant de ces différents comptes aura une grande influence sur
le bénéfice net et par conséquent sur la répartition aux ouvriers ;
leur donner le droit de discuter Tinventaire, pour en faire
ressortir un profit plus grand, c'est mettre enjeu l'avenir com-
mercial de l'affaire, empiéter sur le facteur intelligence et
amener ainsi la confusion des pouvoirs.
Le droit de discuter l'inventaire appartient à un associé, et
1 ouvrier participant — il ne faut jamais perdre de vue les prin-
cipes — n'est pas un associé, il est un salarié d'une espèce spé-
ciale : c'est pour cela — nous l'avons dit — qu'il ne participe
pas aux pertes.
Quel est donc son droit? De pouvoir constater s'il a reçu tout
son salaire. Celui-ci se décompose en deux parties : une somme
fixe et un tant pour cent sur les bénéfices ; pour vérifier cette
dernière part, il doit pouvoir contrôler quel est le montant de
ces bénéfices et au besoin si le patron lui refuse de l'exercer, il
doit pouvoir également faire valoir ce droit en justice, non point
pour contester le résultat de l'inventaire, mais pour vérifier si
le tant pour cent réparti correspond bien au bénéfice réalisé, et
par conséquent s'il a reçu complètement le salaire promis.
Les tribunaux ont reconnu le droit de vérification du parti-
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106 LA PARTICIPATION OE8 OUVRIEE8 AUX BÉNÉFICES
cipant. 11 est vrai que, dans les cas qui ont été jugés, et <tont il
serait trop long d'indiquer ici tout le détail, il s'agissait de
commis intéressés, mais aucune raison ne permet d admettre
que la jurisprudence n'accorderait pas le même droit à l'ouvrier
participant. Le droit de vérification admis par la justice dépasse
même celui qui consiste à lire simplement au bas de l'inventaire
le total des bénéfices nets ; il permet même au participant —
par lui ou par mtindataire, peu importe — de rechercher s'il
n'y a pas eu mauvaise foi dans la confection de l'inventaire et
par là d'en discuter les éléments.
Une telle extension du droit de contrôle nous semblerait bien
grave si ce droit était exercé, non plus par un commis intéressé,
mais par l'un quelconque, ou partons, les uns après les autres,
des nombreux ouvriers d'une grande affaire. Ce serait le gâchis
organisé. 11 y a même là une impossibilité matérielle.
Aussi la plupart des personnes qui ont admis la participation
ont-eltes inséré dans les règlements y relatifs ou sous-enten-
dent, dans tous les cas, l'interdiction du droit de contrôle pour
les ouvriers. Cette clause doit donc absolument faire partie du
contrat de participation, quand il y a un quantum déterminé
qui ci^ un droit corrélatif pour les ouvriers de yérifier Tin-
ventaire, et que l'industrie refuse le contrôle.
D'autres maisons, peut-être plus soucieuses de satisfaire les
droits différents du maître sur la confection de son inventaire
et de l'ouvrier sur le contrôle de son bénéfice — ont cherché,
au li<;u de refuser tout droit à l'ouvrier, soif des moyens pra-
tiques d'accorder aux travailleurs un certain contrôle par délé-
gation, soit, ce qui est peut-être plus juridique encore, de con-
fier à Tarbitrage d'un tiers la conciliation de ces droits con-
traires.
Voici quelques établissements qui admettent un contrôle par
délégation.
L'article 9 de lacté social de la maison Leclaire l'organise de
la feçon suivante :
« Pour garantir les droits des ouvriers et employés intéres-
sés, et bien que la comptabilité soit tenue par ces derniers et
établie de manière à fixer régulièrement les parts, deux com-
missaires sont délégués chaque année, dans la réunion annuelle
des ouvriers et employés, conformément à l'article 14 du règle-
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DANS L INDUSTRIE 107
ment de la maison^ et seront adjoints an président de la société
de secours mutuels, afin d'examiner avec lui le résultat du bilan
et de constater si la répartition des bénélices a été opérée con-
fonaément à ce qui a été indiqué à l'article 15 des présents
statuts. »
M. Marquot disait devant la commission d'enquéie extra-par-
lementaire instituée en 1883 au ministère de Tlntérieur pour
étudier l'association aux bénéfices :
» Nos éeritures sont coatiôiées chaque année par deox délégués nommés pour
vérifier TinTentaire. Ils examinent les chiUres pour s'assurer que les 50 p. 100
ont bien été répartis, que l'inventaire a bien été dressé conformément aux pres-
criptions de Facte social. Cette Térific&tion est faite de concert par les délégués,
avec la gérance. Mais les délégués n'ont pas à nous demander compte de la ma-
nière dont les bénéfices ont été obtenus ; ils n'ont pas de questions à nous poser
sur ce point D'ailleurs, nous n avons jamais eu de difficultés avec les délégués
des ouvriers; leur confiance a toujours été entière. »
Sans qu'elle soit du reste exprimée, cette délégation s*exerce
la plupart du temps par la force defe choses, lorsque le comp-
table lui-même est intéressé. Si la propoiiion des bénéfices qui
lui revient, et qui revient par voie de conséquente forcée aux
autres participants, n'était pas respectée par le patron, le comp-
table aurait vite fait de se plaindre et de faire résonner de ses
dénonciations Tatelier lui-même.
C'est ce que me disaient plusieurs industriels que j'étais allé
voir, et auxquels je posais spécialement la question du contrôle
des comptes. Ainsi M. Buttner-Thierry, imprimeur, qui ne veut
absolument pas entendre parler de ce contrôle, me dit qu'en
fait, les comptables étant eux-mêmes intén»ssés, exercent par-
faitement ce droit. A la maison Tuleu, on me déclare qu'il n'y a
aucune ingérence indiscrète des ouvriers dans les comptes, les
comptables de la maison étant eux-mêmes intéressés aux béné-
fices et pouvant contrôler toutes les opérations. M. Masson, li-
braire-éditeur, ne voit aucun inconvénient à ce que ses comp-
tables connaissent le chiffre des ventes ; au contraire quand la
vente baisse, il avertit ses employés et les presse. C'est en effet
le tant pour cent sur le chiffre de la vente qui est en vigueur
chez lui. Même s'il pratiquait la participation aux bénéfices, il
n« verrait que des avantages à ce que ses employés connaissent
ces derniers. A la maison NayroUes, ateliers de broderies, Tin-
ventaire se fait chaque année avec le concours de deux ouvrières
élues parleurs compagnes. C'est le seul contrôle des comptes et
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108 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
il n y a jamais eu de difficultés sous ce rapport. MM. Piat, fon-
deurs en fer, n'admettent aucun contrôle. Cependant Tun de ces
messieurs me disait qu'il n'y verrait pas grand inconvénient.
J'ajoute néanmoins que la maison Piat amortissant son outil-
lage en cinq ans, s'il fallait le faire figurer dans l'inventaire
pour fixer le quantum de la participation, il risquerait de ne
pas y avoir grand bénéfice et, par conséquent, grande participa-
tion pour l'ouvrier. A la maison Baille-Lemairc, les livres sont
communiqués à un conseil consultatif de contre maîtres.
Cette enquête sommaire corrobore une constatation déjà faite
par M. Ch. Robert devant la commission d'enquête extraparle-
mentaire. M. Robert déclarait que c'étaient ks théoriciens, les
économistes qui jetaient les hauts cris, dénonçant la participa-
tion comme hétérodoxe et funeste, tandis que les industriels qui
pratiquent le système déclarent unanimement que le danger
n'existe pas.
Il reste à examiner le contrôle des comptes par voie d'arbi-
trage. L'origine de ce système provient d'Angleterre. Il a été
employé pour la première fois en 1870 par MM. Fox, Head et
Cie. Cette maison décida de former une commission d'experts-
comptables (public accountants) régulièrement accrédités (of
recognized position) ; « ces commissaires prendront connaissance
chaque année des comptes de la maison, et feront un rapport
sur ce sujet, ledit rapport constatant si les présentes stipulations
ont été dûment observées, s'il y a là un bénéfice net à partager,
et, en cas d'affirmative, le chiffré de ce bénéfice net. » Ces experts
avaient qualité pour trancher les contestations qui pouvaient
s'élever entre MM. Fox Head et Cie et leurs employés ou
ouvriers.
Le « public accountant » est en Angleterre un comptable-juré
qui remplit les fonctions attribuées par notre loi de 1867 sur les
sociétés aux commissaires-vérificateurs.
Ces experts contrôlent et révisent les conflits et inventaires
des établissements qui s'adressent à eux. Ils procèdent avec
autorité et discrétion.
MM. Barbas et Cie, entrepreneurs de couverture et plomberie,
à Paris, furent en France les premiers à faire intervenir dans
cette matière un arbitre-expert. Le rapport dressé par l'arbitre
de cette maison constate : 1" si l'inventaire a été fait conformé-
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DANS L INDUSTRIE J09
ment aux prescriptions de Tacte social ; 2® si la participation de
5 0/0 dans les bénéfices nets de cet inventaire a bien été appli-
quée au personnel participant, suivant les statuts.
Dans la visite que j'ai faite à la maison, l'un des associés
actuels, M. Balas, me disait que ce contrôle continuait à fonc-
tionner parfaitement, que jamais les ouvriers n'avaient envie
de pénétrer plus avant dans les secrets de la maison. « Au fond,
ajoutait-il, les ouvriers sont de grands enfants et pour peu qu'on
les traite paternellement et avec justice, qu'on leur témoigne de
la confiance, on réussit toujours. Du reste, les comptables eux-
mêmes sont participants et sont les premiers à contrôler la sin-
cérité des opérations.
On remarquera que, dans le règlement adopté par la maison
que nous citons, la mission de l'expert ne consiste pas seulement
a constater si le tantième a bien été appliqué au personnel ; elle
s'étend aussi au J)oint de savoir si l'inventaire a été dressé con-
formément au pacte social déterminant notamment les prélève-
ments et les réserves.
Cette tache est facile, comme ici, quand l'acte de société en
commandite énonce certaines règles de confection d'inventaire ;
il en serait de même pour une société par actions. L'opération
devient beaucoup plus délicate quand il s'agit d'un industriel,
maître de dresser cet inventaire comme il Tentend, et auquel
on ne peut appliquer aucune règle préalable.
Faudrait-il aller jusqu'à dire qu'un patron, qui établit la par-
ticipation contractuelle et le contrôle de l'inventaire, devrait,
dans le règlement qui constituerait la charte du travail, déclarer
à ses ouvrieri qu'il mettra chaque année : tant à la réserve,
tant à l'amortissement de l'outillage, tant à l'intérêt du capital
engagé, et qu'il autorise l'expert à vérifier s'il s'est conformé à
la loi qu'il se serait donnée à lui-même? Ce serait une exigence
bien hardie du droit nouveau. Il est indiscutable toutefois que
toute société anonyme ou en commandite, qui voudra établir
dorénavant la participation, devra prévoir des règles de ce.
genre vis-à-vis du capital et, par cela même, faire porter sur ces
points la vérification des comptes. Le vérificateur mandataire
des bailleurs de fonds pourrait s'adjoindre sans grand inconvé-
nient le vérificateur mandataire des ouvriers.
Eh ! bien dans la transformation toujours plus rapide des
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110 LA PARTICIPATION DES QCVlUEfiS AUX BÉNÉFICES.
industries patronales en industries anonymes, l'industriel isolé
sei'a peut-être forcé, pour lutter contre ce courant, de chercher
dans une organisation intérieure du travail plus nouvelle, dans
une cohésion plus intime avec sa main d'œuvre, un moyen de
résister victorieusement à des groupements nouvaux dont les
sociétés par actions lui donneront elles-mêmes l'exemple.
Nous ne nous dissimulons pas que, dans ce domaine, nous
anticipons sur l'avenir, mais le but d'une étude de ce genre est
précisément de prévoir dans quel sens se développera le con-
trat de participation, alin d'aider à en poser les r^les futures
d'éviter les tâtonnements et de jalonner la voie. Nous sommes
persuadés que, si le contrôle des comptes doit prendre de l'exten-
sion, il aboutira, certainement à la piroclaination de certaines
règles d'inventaire qui deviendront de style et s'imposeront
même aux récalcitrants.
Voici comment M. Alfred Rivière, architecte-expert près les
tribunaux, chargé du contrôle de la maison Barbas, caractéri-
sait le rôle de l'arbitre-expert, au banquet annueldu 18 mars 1886
de la société de participation aux bénéfices.
« H ne 8 agit pas d'un oommisBaire-vèrificateuràfaire oonuner, par des actioiuui -
res qui, étant véritablement les propriétaires du fonds social, ont le droit de con-
trôler à re^stres ouverts tout ce qui a été fait, dans l'année, par les administra-
teurs et directeurs.. . L'ariaitre des comptes ne sera c#ntr6lé par pervonme, rendra
son verdict sans ajouter aucune autre explication que celles qu'il croira devoir
donner, et il devra n'en donner que fort peu, parce que les livres et les écritu-
res, qui sont mis sous ses yeux, devront n'être ouverts que par lui, et qu'il ne
faut pas que les participants puissent entrer dans Tétude et dans la connaissance
des affaires de la maison. C'est là un rôle très beau, mais très lourd, car pour les
consciences hautes, à mesure que le contrôle (Mminue, le poids de la responna-
bilité s'a^rave. »
L'article 7 du règlement de participaiion de la maison Mozet
et Delalonde, entrepreneurs de maçonnerie, porte que sur la
demande des participants il pourra être procédé, et par eux, au
scrutin secret et à la majorité des voix, à la nomination d'un
arbitre-expert accrédité près le tribunal de commerce, qui sera
chargé du contrôle des comptes avec le comptable et les patro&s.
Le rapport dressé par l'arbitre aura pour objet de constater si
les écritures ont été régulièrement tenues, et si la participation
de 10 p. 100 dans les bénéfices nets de l'inventaire a bien été
appliquée au personnel participant suivant le présent règle-
ment.
Nous n'aimons pas beaucoup cette consultation préalable des
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DANS L INDUSTRlfi j 1 1
ouvriers sur le poiiàt de savoir si Ton fera appel au concours
dun arbitre. Tant que les travailleurs auront confiance dans
le patron, ils ne voudront, ni n^oôeroiit invoquer cette dau&e.
Au cas contraire cette simple demaMle préjudicielle sera déjk
un signe de soupçon.
La maison Tbuillier frères a adopté, vers la même époque
que la maison Barbas rajrbitrage d'un expert.
Quel que soit Tavenir qui s'ouvre au contrôle des comptes
établi de cette manière, il est évident que la plupart des indus-
triels qui pratiquent actuellement la participation y sont bos~
iiles. L'insertion dans les statuts d'une clause contraire au con-
trôle est absolument légale. Aussi les maisocis qui repoussent
le contrôle feront-^lles bien de l'insérer pour éviter la juris-
prudence contraire des tribunaux. M. Gh. Robert le déclarait
déjà en 1885 devant la commisôion extra-parlementaire, qui
s inspira de son projet dans la rédaction des articles relatifs à
la participation qu'elle proposa au gouvernement de déposer à
la Chanal^re. Ces articles n'ont pas été modifiés pendant les
nombreux trajets qu'ils ont faits, en compagnie du reste de la
loi, relative à la coopération, entre les deux branches du Par-
lement, qui n'en ont point encore voté le texte d'une façon dé-
finitive.
D'après ces articles, la renonciation doit être expresse pour
être valable. Dans le cas contraire le contrôle est établi de deux
façons ; ou par la convention, ou par la loi à défaut de conven-
tion. Si c'est par la loi, la vérification est faite par un expert
amiablement choisi, ou, en cas de désaccord, désigné, selon les
cas, soit par le président du tribunal civil, soit par le président
du tribunal de commerce . Sh, d'après les statuts, tout ou partie
du bénéfice anniid distribué est conservé dans l'établissement
et donne droit h une nouvelle part dans les bénéfices, les par-
ticipants à moins de stipulations contraires n'ont droit à la vé-
rification qu'au moyen de l'expert*
IV. — CONCXUSION.
Le cadre de cette étude ne me permet pas de résumer, même
soBimaireflient, les réponses des industriels, qui pratiquent le
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U2 LÀ PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
système, au questionnaire que je m'étais permis de leur envoyer.
Toutefois de cette enquête et des enquêtes antérieures, on
peut tirer une appréciation assez équitable de la participation.
La participation complète le salaire : elle atténue ce que ce
dernier peut avoir de rigoureux et d'injuste, inhérent plus ou
moins à tout forfait. L'augmentation du salaire enrichit rare-
ment l'ouvrier ; elle le pousse à la dépense et amène souvent le
renchérissement des objets de première nécessité. La participa-
tion, au contraire, évite ces inconvénient et pousse l'ouvrier à
l'épargne, à l'assurance contre les éventualités de la vie. La
somme touchée en fin d'exercice à titre de participation a ra-
rement été mal employée ; elle a une influence favorable sur la
situation sociale et morale du travailleur ; il n'est plus un simple
salarié, une machine, mais un intéressé, presque un associé,
lié solidairement aux intérêts de son patron. Cette union change
son caractère. Autrefois il ne songeait qu'à son propre avantage ;
il y songe encore maintenant, mais comme l'avantage du patron
est devenu le sien, il évite de gâcher la matière première, de
perdre son temps, de mal faire l'ouvrage ; il devient facilement
économe et rangé. Il fait la police de l'atelier et gourmande les
camarades négligents. La part du patron peut devenir ainsi
supérieure aux gains que lui rapportait son établissement avant
l'application du système. Quand il y a des difficultés, l'ouvrier
sera plutôt disposé à augmenter qu'à interrompre son travail
journalier. Si le chef de l'entreprise est tenu à une comptabilité
plus rigoureuse, il aura une surveillance beaucoup moindre à
exercer. « Mes ouvriers, a déclaré M. Billon à la Chambre de
commerce de Genève en 1873, sauraient défendre leur fabrique
au môme titre que des actionnaires, si jamais à Genève les idées
communistes venaient à menacer notre propriété. »
C'est dire que le participant évitera la grève : il se ferait du
tort à lui-même.
Les participants supportent avec plus de courage les crises
économiques. L'enquête nous l'a montré pour les années où au-
cune répartition n'a été faite.
Quant au droit de contrôle sur la comptabilité, nous avons vu
combien cette objection théorique disparaît devant la pratique
du système : les comptables participant au môme titre que les
ouvriers et étant les vérificateurs nés de cette comptabilité qui
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DANS L INDUSTRIE 113
devrait rester cachée à toutes les investigations et que certains
chefs m'ont déclarée pouvoir être, quant au résultat annuel, dé-
voilée sans inconvénients à tous les collaborateurs.
Toutefois, pour que la participation puisse réussir, elle doit
trouver un milieu social favorable. Nous l'avons déjà fait pres-
sentir à propos de la participation collective, et nous tenons à le
répéter d'autant plus qu'il s'agit ici de la participation contrac-
tuelle.
L'exercice de cette participation exige chez les 'deux parties,
patron et ouvriers, la possession de qualités morales préalables.
Ce mode nouveau n'est pas une plante que l'on puisse accli-
mater partout. Si le patron ne vise qu'à gagner le plus vite
possible le plus d'argent qu'il peut et par tous les moyens,
vous lui conseillerez vainement do l'adopter. Quel que soit le
résultat total d'un grand nombre d'exercices, l'industriel a ce-
pendant, au début, un sacrifice à faire. Esprit d'abnégation pour
l'établir, patience pour la poursuivre ; l'avantage ne se montre
peut-être même pas au bout de plusieurs années. Enlin bonne
volonté et pour tout dire amour pour ses travailleurs ; le con-
tact va être fréquent; le contrat y pousse par sa nature, 11 ne
peut fonclionner que par l'accord des volontés. Si le chef ne
voit dans l'ouvrier que l'instrument de sa fortune, l'homme-ma-
chine, s'il ne sent pas qu il lui doit une administration sérieuse,
qu'il a charge d'âmes, que, de son zèle ou de sa négligence dé-
pond le pain des vieux jours de tous ses employés, il fera mieux
de s'en tenir au salaire normal, il jouerait d'un instrument
qu'il n'a pu apprendre.
Voyons maintenant quelles qualités morales doivent exister
chez les travailleurs. Les échecs qu'a fait ressortir notre en-
quête disent en somme à peu près la même chose : « Nous es-
périons, écrivent les industriels, que la participation améliore-
rait le caractère de nos ouvriers ; nous nous sommes trompés. »
Sans doute, et nous l'avons affirme tout à l'heure, la participation
développe chez le travailleur des qualités d'épargne, de pré-
voyance et de fidélité. Mais encore faut-il qu'il y ait chez l'ou-
vrier quelques germes de ces qualités. Si elles n'existent abso-
lument pas, nous ne croyons pas que la participation ait la vertu
magique de les développer; aussi l'industriel doit-il être doublé
d'un psychologue, s'il veut établir la participation avec chance
RJSVUE POLIT., T. XX 8
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114 LA PARTICIPATION DES OUVRIERS AUX BÉNÉFICES
de succès. Les qualités morales ne sont pas tout chez 1 ouvrier,
llfautrintelligence pour comprendre. Et cette intelligence ne
se développera que par une certaine éducation économique, que
Fécole pourrait peut-être donner d'une façon très-sommaire.
Nous ne pouvons donc pas conseiller à un industriel, qui
fonde de toutes pièces une usine nouvelle avec des ouvriers re-
crutés un peu partout et dont il ne connaît ni le caractère, ni les
antécédents, d'introduire d emblée la participation, sans étude
préalable du inîlieu où il opère. Il doit d'abord faire l'éducation
morale, intellectuelle, économique de ses travailleurs. Godin,
Leclaire, Laroche-Joubert n'ont pas procédé autrement. La par-
ticipation et plus tard l'association coopérative de production,
n'ont été dans leurs entreprises que le couronnement d'œuvres
de prévoyance, qui ont été pour leurs ouvriers un apprentissage
économique. Ils se sont fait à eux-mêmes leur classe ouvrière,
par la sélection et l'hérédité. Les caisses de secours et de re-
traites, gérées d'abord par les patrons, doivent, à notre avis, être
les lisières dans lesquelles on doit laisser grandir l'enfance so-
ciale de l'ouvrier; la participation-libéralité viendra ensuite, et
la participation contractuelle marquera sa majorité ; nous avons
vu que ce développement est légitimé par l'histoire. Il doit se
reproduire dans une industrie qui représente souvent en rac-
courci les phases de cette histoire.
Roger Merlin.
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VARIÉTÉS
DEAK ET KOSSUTH
Si^ pour iDieox tesMie coAnaltre, oa veut oieUre €Q parallèle ces
étuK ^auds patriotes ou^gyars, par une ironie da sort il faut les
placer se (ouraaDila tèle^ c'eit-^dire de manière à imiter le symbole
bicéphale de TempÀre germano ajatricàten qu'ils ont combattu avec
tant lie coudrage et àe persévéreace Hmie leur vie duranL Car ce sont
justement ks antithèses du génie polkîqae de la Hongrie à la fois
très dynastique et très indépeodant^ très aristocratique et très éga-
lîtaixe, très eonservateur et très progressiste qui s'incarnent en Deàk
et Ko6Sulh, seulement — chose curieuse — non pas dans un partage
symétrique ei eta faisant de chacun d'eux le champion des qualités
du même ordre, mais en se combinant le plus diverseaeftt possible
et en passant saccessivement de Tun à Tautre pour se trouver tou-
j(mrs em oppesition ouverte ou déguisée, pour se mesurer saas in-
terruption direeiement oo par voies détournées : spectacle du plus
haut intérêt dont Tétude s'impose aussi bien à. rhistorien qu'au phi-
ksophe; spectacle am (dus haut degré instructif, pendant l'analyse
duquel on rencontre forcément les plus illustres parmi Leurs con-
temporains et os aiMH*de toutes les questions ayant agité leur temps ;
spectacle auquel le caractère magyar et les mœurs de la Hongrie
presque inconnues à l'étranger, fournissent un cadre particulier et
eapëvant, et qui ne peut que réconforter et réjouir puisqu'il se ter-
mine par l'apothéose de la liberté constitutionnelle, et par la glo-
rification de ses deux s^viteurs également, quoique difiëremment
dévoués.
Parler de Deék et de Kossuth reste donc toujours et partout une
actualité, méritant l'attention de tous ceux pour qui, de même que
pour les dieux de l'Olympe, assister à la lutte des âmes bien trem-
pées contre l'adverûté, constitue l'action principale du drame inter-
minable joné par l'Homme sur la vaste scène du monde.
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116 DEAK ET KOSSUTU
I
Gomme la Nature au sortir de Thiver, encore tout engourdie de
froid, encore dépourvue de sa parure végétale, immobile et silen-
cieuse, agissant secrètement au fond des sillons et sous Técorce des
arbres, ayant ses mamelles gonflées de sève et ses poumons remplis
de souffles printaniers et viyiûants : telle nous apparaît la Hongrie
au début de ce siècle, où naquirent, à quelques mois de distance,
Louis Kossuth et François Deâk (1803). Il fallait qu'elle pût tra-
verser une longue période de repos depuis la reprise de Bude sur
les Turcs (1686) et depuis le traité de paix de Szalmar (1711), mettant
fin à la dernière guerre civile, pour refaire ses forces, pour se re-
mettre à sa tâche, pour s'occuper de son avenir. Ses forces c'étaient
le courage militaire sur le champ de bataille et le courage civique
dans les discussions législatives, à la diète ou dans les conseils dé-
partementaux où l'universalité de la noblesse des départements éli-
sait l'administration — le préfet excepté — et les députés; sa tâche
c'était reconquérir la place qu'elle avait occupée jadis avec honneur
dans le rang des nations civilisées; son avenir c'était devenir le dé-
positaire des libertés constitutionnelles et du progrès en Orient. Et
tout cela dans quelles conditions, avec quels faibles moyens hélas !
Si eUe perdait le plus précieux de son sang à l'appel de ses rois, elle
servait des intérêts étrangers aux siens, et toute son éloquence et
son savoir de légiste se dépensaient infructueusement dans la dé-
fense incessante de ses droits menacés. Si elle faisait des eflForts pour
se développer intellectuellement, pour cultiver les sciences, les arts
et la littérature, elle ne pouvait nullement compter sur le gouverne-
ment composé d'étrangers, nourrissant le désir plus ou moins caché
de la transformer à la première occasion en une province allemande.
Et si elle rêvait à des jours meilleurs et si elle voulait hâter leur ar-
rivée, elle se heurtait contre le dénuement moral et matériel de la
majorité de ses habitants, contre les plaies hideuses du servage, et
se senlait arrêtée à chaque pas par des considérations nationalistes
et religieuses qui se greffaient multiples et irritantes sur les con-
trastes sociaux entre la noblesse toute puissante et les castes non-
privilégiées et sacrifiées.
Fier de l'ancienneté de sa race, quoique n'ayant, h ce sujet que des
présomptions instinctives, noyé dans sa graisse quoique trop indo-
lent pour exploiter judicieusement les richesses incalculables du sol
hongrois, tout en dégénérant à vue d'œil, le « gentry » magyar, la
fraction la plus importante de la nation, ne cessait de croire à la vé-
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DEAK ET K0S8CTH 117
racilé de Taxiome : Extra Hungariam non est xnta (On ne vit pas en
dehors de la Hongrie). Et ayant Torgueil du Chinois de pouvoir se
suffire, il était séparé de cet « en dehors de la Hongrie » par une
grande muraille aussi, la grande muraille de son idiome qui n'a au-
cune parenté avec les autres langues européennes et qui, est consé-
quemment, très difficile à apprendre pour tout le monde.
Cette auto-séquestration de la Hongrie n'était pas faite pour dé-
plaire aux classes dirigeantes autrichiennes. Habituées à un despo-
tisme bénin, ayant sous les yeux la Pologne démembrée et la Hongrie
arriériée malgré leurs libertés, elles désiraient continuer Tapplica-
tion des théories de Joseph H concernant Tamélioration de la justice,
le développement et le perfectionnement de Tagriculture et de Tin-
dustrie, la diffusion de l'instruction publique, la protection des arts
et du commerce. Elles n'avaient retenu de la Révolution française
que ses tendances unitaires et la centralisation à outrance de l'em-
pire, bien entendu au profit du pangermanisme alors éclos, ainsi qu'à
leur propre. De là leur aversion contre le constitutionnalisme hon-
grois non seulement à cause de ses imperfections incontestables bien
que corrigibles, mais surtout parce qu'il pouvait éveiller aussi le dé-
sir d'en avoir un pareil dans les pays héi:éditaires des Habsbourg.
Cette léthargie de la Hongrie, ce cordon sanitaire tiré autour d'elle
par la politique autrichienne, n'échappait pas à la perspicacité de
Télite de la nation magyare. Des poètes tels que Daniel Berzsenyi les
signalèrent et les flagellèrent, tandis que les comtes François Szé-
cbenyi et Georges Festelics firent des tentatives nombreuses pour y
remédier. Mais, pour rompre le charme fatal, pour donner l'impul-
sion définitive, il fallait des mains plus puissantes et une voix plus
autorisée. Napoléon les eut en pénétrant jusqu'à Gyôr (Raab) à la
suite de son armée (1809), après avoir lancé sa fameuse proclamation
à la nation hongroise, une des plus belles qui soient sorties de sa plume.
Ce choc violent, cet appel tombé de telles lèvres, fit en Hongrie une
impression indescriptible, non pas au point de vue de son effet immé-
diat, car aucun Hongrois ne pensait à commettre une félonie à l'égard
de la dynastie en détresse, mais parce qu'au contact avec les Fran-
çais, apportant dans les plis de leurs drapeaux les idées les plus gé-
néreuses de la Révolution, on comprit enfin que, pour pouvoir vivre
dans l'atmosphère du monde nouveau en voie de formation, il fallait
créer une organisation politique et sociale nouvelle, et parce que les
paroles de Napoléon rappelant la grandeur passée de la Hongrie,
servaient de témoignage irrécusable en faveur de sa vitalité.
Dès ce moment-là les aspirations, jusqu'alors vagues des patriotes
magyars, prennent une forme précise : on admettra dans les retran-
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118 DEAK El" KOSSCTH
chements de la constitution tous les sujets du royaume, a»qi]«l ob
rendra son caractère primitif en y réunissaiit la Transylvanie et les
confins militaires. Quant à la langue de Fétat, elle ne pourra être
que le magyar, car iï seratt ridicule qu'un état moderne se servît
encore du latin et, d'autre part, c'est la race magyare qui est la plus
nombreuse et la plus civilisée parmi les nationalités diverses habi-
tant le pays, sans même tenir compte de ses préro^trves de con-
quérante.
Dès ce moment-ïà on entre en pleine renaissance hongroise. Un
groupe considérable de poètes, de littérateurs et de savants surgit
alors annonçant sur la lyre, dans une prose flexible et sonore, par
des travaux consacrés à toutes les brancbes du savoir l'approche des
temps meilleurs, la ve»ue d^ua Messie national. Et « le plus grand
des Magyars », le jeune comte Etienne Széchenyi — fils du comte
François pliïs haut cité — apparaft en effet, devenant pour son coup
d'essai le fontfateur de l'Institut hongrois, ravivant par son exempte
le patriotisme de Faristocratie et faisant sortir de sa toi^peur la no-
blesse par ses écrits. Les besoins les plus pressants de Féconomie
politique, de Fagriculture, de Findustrie et du comnaerce hongrois,
son génie les devine un à un pour les satisfaire avec son activité
infatigabfe, tandis que les séparations qui semblaient s'élever infran-
chissables parmi les différentes classes de la population, il tes apla-
nit en créant partent des centres sociauix, foyers du progrès el de la
civilisation.
Mais aussi, dès ce nooment là, on vit changer ia tactique de la réac-
tion. Au lieu de se poser plus longtemps en défenseur des opprimés,
afin de combattre les libertés inhérentes à la Constitution, elle se
mit hardiment à travers Les eiTorts de la Hongrie, tentés en vue ée
son développement intellectuel et matériel et précisément à Favan-
tage dtes non-prÎTilégiés. Un tel illogisme n'était pas fait pour arrê-
ter le prince de Mettemich q^and il s'agissait de soutenir les soi-
disant principes conservateurs ii Faide desquels il régentait les sou-
verains de l'Europe, depuis le Congrès de Vienne. Et comme il
sentait parfaitenorent que les moyens plus ou moins légaux et plus ou
moins coerci tifs ne suffisaient pas pour barrer le ehen^in au mou-
vement ascensionnel de la Hongrie renaissante, il chercha des alliés
parmi les nationalités en excitant leur jalousie et en. lewr faisant
entrevoir le mirage d'un avenir pompeux, mais, de fait, irréalisable.
Ce fut dans ce sens là qu'il encouragea directement i'illyrisme croate
de Louis Gay, le panslavisme slovaque de Palatzky, le pangerma-
nisme des Saxons de ta Transylvanie, et indirectement, par te canal
deFinflnence religieuse de la Russie orthodooce, le daco^roumanisaie,
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&BA& J5T KOSSUTH 119
quoiqu ils soient autaat d'éléments révolutionnaires et même atten-
tatoires à rintégrité de la monarchie.
11
La rencontre des intérêts aussi diamétralement opposés ne pou-
vait aboutir tôt ou tard qu'à une collision sanglante. Szécheayi la
prévit et en devint de plus en plus troublé, préparant ainsi sa folie
ultérieure. Mais la Hongrie n'en poursuivit pas moins son relèvement
inattendu et rapide grâce à Fenthousiasme patriotique d'une généra-
tion exceptionnelle, dans les rangs de laquelle on remarquait déjà
alors les personnalités saillantes deDeéketdeKossuth.Députéà peine
majeur du département de Zala à la diète de 1831, le premier y
éveilla Tatteiktion du monde politique hongrois par la précocité de
sa maturité intelleeiueBe,, par retendue de son savoir de juriste joint
à une modestie naturelle, à ime réserve respectueuse à Tégard de ses
aSnés dans la carrière politique, Torateur Paul de Nagy, le philo-
sophe Kôlcsey. Si ses discours consacrés à la défense des idées libé-
rales les plus nobles, se recommandaient par la clarté de leur lan-
gage et la logique de leur argumentation^ ses rapports envoyés à ses
mandants sur Tétat des travaux de la législature étaient de vrais
chefs-d'œuvre de style et de composition qui remplissaient d'admira-
tion non seulement son département mais tout « l'au-delà du Da-
nube », comme on a|^>eUe en Hongrie la contrée située sur la rive
droite du grand fleuve et comprenant une quinzaine de départe-
ments. Ces heureuses^ dispositions de légiste et d'écrivain étaient
chez lui l'effet de l'atavisme d'ailleurs, car, comme l'indiquent son
nom formé du moClatin a diaconus » et st^iûant, en hongrois usuel
scribe ou jeune homme faisant ses études, ainsi que ses armes par-
lantes — dextre tenant une plume et appuyé sur un livre^ — ce sont
à cause de quelques mérites littéraires ou juridiques que sa famille
a dû recevoir ses pardiemins au xn* siècle.
Malgré sa généalogie remontant à la fin du xui* siècle, Louis Kos-
sulh ne pouvait se prévaloir de débuts aussi brillants et aussi flat-
teurs. La situation précaire de ses pcu^ents le força à chercher un
gagne-pain, à peine sorti du collège protestant de Saros-Patak, où, à
l'occasion d*nne mutinerie, son professeur nommé Kôvi lui prédit
ime partie de son avenir en déclarant qu'il « deviendrait certaine-
ment un perturbateur de la paix publique du pays. » Ayant obtenu
le diplôme d'avocat il fut envoyé à la diète en 1832 comme représen-
tant d'un magnat absent {absentium aUegatus), En cette qualité il
putasfflster à toutes les séances des Càambres, naturellement sans
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120 DEAk ET K0S8CTB
avoir le droit de prendre la parole ou de voter, el faire des comptes-
rendus complets pour son mandant, car les journaux hon^çrois peu
nombreux n'en publiaient pas encore. Les siens eurent tant de suc-
cès qu'il lui vint l'idée de les autographier à Tusage de quiconque
s'intéressait aux débats de la diète. C'était faire connaître son nom
dans les cercles politiques, mais aussi le désigner à la haine de Met-
ternich qui ne tenait nullement à une divulgation pareille des dis-
cours des députés libéraux, ne pouvant tourner qu'au profit de la
cause hongroise. Pour sévir contre le jeune publiciste il attendit
cependant la fin de la diète qui se prolongea jusqu'en 1836 et ne le
fit arrêter et condamner à trois ans de prison qu'en 1837 sous pré-
texte de la perversité d'une nouvelle publication similaire, mais cette
fois ayant trait aux discussions des conseils départementaux. Or
celte incarcération illégale eut un double avantage pour Kossuth :
elle lui conquit d'une part Jes sympathies de toute la nation ma-
gyare et de l'autre elle lui procura des loisirs pour l'achèvement de
son instruction au moyen de lectures utiles étendant son horizon in-
tellectuel el le familiarisant avec les langues occidentales et leurs
littératures.
Après avoir purgé sa condamnation, il se vit placé par la force
des choses à la tête de Topposition, dont il fut dès lors le porte-voix
le plus autorisé aussi bien dans le journalisme que dans les affaires
publiques en général. Comme tel, il eut à soutenir les attaques les
plus violentes de Széchenyi, redoutant la fougue avec laquelle Kos-
suth poursuivait la réalisation du programme libéral sans se préoc-
cuper de la tempête qu'il allait déchaîner sur la Hongrie. Ce fut
îLvec un tel tact que ce dernier sut se défendre à cette occasion, qu'il
réussit à mettre de son côté l'opinion publique. Et, à ce succès, il en
ajouta d'autres non moins éclatants en sa qualité d'orateur dans le
conseil départemental de Pesth, ainsi que ceux rapportés sur le ter-
rain de l'économie politique en secondant les efforts tentés par le
comte Casimir Batthyàny en vue de la création d'une industrie
nationale, succès qui le grisaient d'autant plus qu'ils flattaient aussi
énormément l'orgueil de sa femme, à l'influence de qui il faut attri-
buer une grande partie de ses résolutions les plus graves.
Pendant cette période de la popularité grandissante de Kossuth
dont Metternich comprit toute l'importance, Deâk resta complète-
ment à l'écart, par suite de sa mâle résolution de ne pas accepter un
mandat législatif que des rixes homicides avaient ensanglanté (1843),
attitude pleine de dignité que le département de Zala récompensa
noblement en ne pourvoyant pas à son remplacement pendant toute
la législature et qui lui valut une auréole de respect aux yeux de
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DEAK ET KOSSUTH 121
toute la Hongrie. De sorte que, quand, à la fin de 1847, la diète s'as-
sembla à Pozsony (Presbourg) Deék et Kossuth, déjà députés du dé-
partement de Pesth, y entrèrent comme chefs incontestés des deux
fractions égales de Topposilion en majorité : de la modérée et
de la radicale : équilibre passager que la nouvelle foudroyante de la
révolution de Février a immédiatement rompu en faveur de la der-
nière.
Sûr de Tapprobation du plus grand nombre, Kossuth prit alors
TiniJiative — qui lui garantit la reconnaissance de la Hongrie — de
proposer en bloc ces lois de 1848 destinées à rajeunir d'un seul coup
Tantique constitution du pays, en partie vermoulue. C'était abolir les
privilèges, la servitude et la dîme; c'était admettre tous les sujets du
roi apostolique aux emplois, aux honneurs; c'était donner des droits
politiques à tout le monde pouvant se targuer d'un certain avoir, de
certaines capacités. Personne ne sera plus exempté ni de l'impôt du
sang, ni des contributions et, la censure disparaissant, on laissera en-
tière liberté aux manifestations de la pensée et l'on répandra l'ins-
truction à profusion et Ton protégera l'art avec prodigalité. Entouré
d'un ministère complet, le Palatin — dans l'espèce le jeune archi-
duc Etienne succédant à son père, le vénéré archiduc Joseph — gou-
vernera un véritable royaume indépendant, d'un caractère magyar
nettement accusé, ayant son armée et ses finances particulières et
n'étant rattachée aux pays héréditaires des Habsbourg que par un
ministre « a latere », résidant à Vienne, afin d'y représenter et sur-
veiller les intérêts hongrois I
Et ce ne fut pas tout encore. Dans son discours du 3 mars Kossuth
invita la diète à intercéder aussi auprès de la Couronne en faveur de
l'octroi d'une constitution libérale pour l'Autriche elle-même. Certes
dans sa pensée, l'accomplissement de ce vœu ne devait que mieux
garantir les libertés hongroises, mais pour les exaltés de la capitale
impériale, il fournit ainsi la formule fatidique destinée à mettre
l'étincelle aux poudres. Ses paroles enflammées, lues à Vaula de
l'Université de Vienne, y provoquent des troubles balayant le pou-
voir de Metternich, et quand Kossuth arrive faisant partie d'une
députation de la diète pour obtenir de Ferdinand la sanction de la
constitution hongroise rajeunie, il y est reçu en triomphateur. Fina-
lement la cour entre elle-même en pourparlers avec lui, rehaussant
sa personnalité au-dessus du Palatin dont il se fait l'avocat devant le
souverain et à qui, en rentrant en Hongrie, il décerne un brevet de
patriotisme, et au-dessus de la Chambre nommée selon les nouvelles
lois électorales, au-dessus du ministère nouvellement formé sous la
présidence du comte Louis Batthyâny.
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122 l>EAK £T KOSSLTH
Széchenyi et Déak y obtinreni des portefeuilles aussi, mais ils s y
fireut éclipser soit à cause de la précipitation des éyénements qui les
prit à rimproviste et les stupéûa, soit à cause de leurs pressenti*
menls sombres concerDant Tissue fatale de la voie dans laquelle on
s'était engagé. Quant à Kossuth, devenu ministre des finances, il se
jeta tète baissée dans la tourmente, enlevant les masses par son
éloquence et entraîné par le courant patriotique et libéral qui sortait
impétueux et irrésistible des forces vives de la nation magyare.
<« Je me prosterne devant la grandeur de la patrie ! » s'écria-t-il
avec une émotion saisissante, après avoir obtenu de la Chambre le
vote d'une armée de deux cent mille hommes pour la défense du
pays. Des phrases semblables lui gagnèrent tous tes cœurs et tout le
dévouement d'un peuple enthousiasmé.
m
A cinquante ans de distance on comprend aisément la méfiance
qoe la constitution hongroise rajeunie pouvait inspirer à la cour de
Vienne. Quoique n'omettant pas de mentionner la Pragmatique
Sanction, elle était muette sur les questions qui se rapportaient à la
monarchie dans son ensemble : dettes publiques, armée et dipkNnatie.
Relativement à la première, le parlement hongrois se montra intran-
sigeant, ne voulant pas reconnaître les^ emprunts d'un caractère pure-
ment autrichien; relativement à la seconde, il ne promit son concours
que sous certaines conditions, tandis qu'il se désintéressa delà troi-
sième avec une insouciance coupable. D'ailleurs, il avait à s'occuper
de la répression des soulèvements nationalistes : serbes, roamains,
croates et slovaques, fomentés évidemment par la camarilla*
Donc si à Vienne on se crut joué par Kossuth^ à qui on attribua
des sentiments séparatistes sinon républicains^ à Festb on découvrit
journellement des nouvelles iH>euves de la duplicité de la cour. Pour
faire cesser cette équivoque, il aurait fallu des explications pleines
de franchise de part et d'autre ; car, d'après la constitotioB^ la tota-
lité des droits n'appartient séparément ni à la couronne ni an par-
lement, conséquemment leur étroite mton est une nécessité absolue,
une condition sine qua non du bonheur du pays.
Afin de sortir de Tembrouillement inextricable, on s'imagina alors
à Vienne que séparer la cause de la Hongrie de celle de Kossuth
amènerait une scission dans les rangs du monde politique hongrois ;
mais on se pri t d'une manière si odieuse et si ridicule à l'exécution de
ce plan tardif, qu'il tourna à la confusion de ses auteurs sans pro-
duire à Pesth un effet appréciable. On y confia ao contraire la prési-
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D£JK BT KÛ8SUTH 123
dence d« comité de la défense natiowde am député- tribua aittsi
déooiieé comme perturbatem^ pubik, la nature généreuse des Hon-
grois n'adaiettant pas la poesÀbilité d'un lèche abandon. Reste à
saroir si Koasath n'aurait pas mieux £ait de s'offrir en holocauste à la
réaction et éviter par là reffwoa d'un torrent de sang. En tout cas.
lui conOer des povvairs iUetatorîaux était une provocation patente à
Tadresse de la couronne, qmi y trouva esfta «ne raison plausible pour
passer de Tiiostilité déguisée à Tbostililé ouverte. On Ut abdiquer
Ferdinand, lié par sott serment au maintien de la constitution nou-
velle; on lai donna pour soccessenr scia neveu javénile, Tarchiduc
François-Joseph, n'ayant encore contracté persoAneUei&eBt aucune
obligation, et oa laissa ^ivahir la Uoogrie de loot c^té, comme un
pays ennemi, par rarnée de Windisch-Gtaetx.
ÂyaDt vainement tesié un suprême effort en faveur de la paix
auprès de ce commandant en chef des forces impériales, Deik se
relira du théâtre de Taction le o«ur brisé, comprenant que les
juristes n'oot plus rien à dire et se réservant ainsi instinctivement
pour son r^e utt^^ewr. Ce fui au contraire à ce moment là que
Kossuth. déploya le phis d'activité après s'être installé à Debreczen,
avec le parleonent très tnmqué en vérité et un nouveau ministère,
pour y organiser la résistance ou plus exactement le triomphe; car,
grâce à r habileté d'mte vingtaine de généraux, en partie improvisés,
et à rbérolsme des « honvéds » v(^ntaires, à la fin du mois d'avril
1S49 il n'y avait presque phis d'Autrichiens sur le territoire hon^çrois.
Grisé par ces succès militaires, dont il pouvait incontestabiement
s attribuer une large part comme organisateur, et voulant riposter
aux illégalités contenues dans la eonstitolion impériale du 5 mars —
(BQvre des oottseiliers peu scrapuleux du ieune soaverain — Kossuth
fit prodamer la déchéance de la dynastie (14 avril) et se plaça ainsi
ineonsidérémaat sur le terrain de la révolution. Faute politique
immense pédant la benne rcoonmée de la Hongrie aux yeux de
l'Eivope redevemie réactionnaire après l'insurrection de juin, et que
la faute stratégique de consacrer un mois à la reprise de Bude rendit
plus irrémédiable encore. Elle eut pour contre coup fatalement Tin-
tervention russe à l'aide de laquelle les Aotrichieiis purent aisément
vaincre l'armée bongrotse, privée de sa base d'opération.
S'il était humaia de ne vouloir confier les pouvoirs militaires à
aacun général daus les temps prospères, il était plus humain encore
de s'e» décharger an moment dos convulsions finales. Investi alors
du titre de générai en chef par Kossuth,. a gouverneiv de la Hongrie »
depuis la si^pressinnde la royauté, Arthur <jî>orgey ne put s'en ser-
vir que pour signer avec le prince Paschkievitck, généralissime de
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124 DEAK ET KOSSDTH
Tarmée russe, la capitulation de Vilàgos. C'était sauver le peu de
vitalité qui restait dans la race magyare après sa prise d'armes glo-
rieuse, tout en la livrant momentanément au courroux de la cour de
Vienne, mais c'était aussi semer les germes de la discorde entre
TAutricbe et la Russie, devenues jalouses Tune de l'autre et préparer
par là une nouvelle orientation de la politique générale.
Elle eut un nouveau changement de direction à subir aussi quand
à propos de la non-extradition de Kossuth et des autres réfugiés
hongrois, la Turquie reçut les ultimatum les plus comminatoires des
deux empires du Nord. L'Angleterre et la France s'unirent dès cette
époque pour la défense de « l'homme malade », de sorte que Ton
doit regarder le dénouement de la guerre constitutionnelle de la
Hongrie sur la terre étrangère comme le prologue de la guerre
d'Orient, qui n'éclata en réalité que quatre ans plus lard.
Avec son organisation toute féminine, proie de l'impulsion de ses
sentiments intenses, Kossuth se montra sous un double aspect pen-
dant le restant de son existence passée en Occident. Inspiré par son
amour inextinguible de patriote sincère, il s'y employa d'abord pour
faire une propagande des plus actives en faveur de la Hongrie, éton-
nant et enthousiasmant l'Angleterre et les Etats-Unis par ses discours
enflammés et prononcés en anglais, à l'aide desquels il réussit à
contrebalancer efficacement les calomnies répandues par l'Autriche
sur le compte de son pays et à lui gagner les sympathies des cinq
parties du monde. Les conjonctures devenant meilleures par suite de
la politique extérieure de plus en plus libérale de Napoléon III,
Kossuth se consacra plus tard au culte exclusif de sa haine aveugle
contre la maison de Habsbourg, admettant et acceptant toutes les
combinaisons qui la visaient, fussent-elles même dangereuses pour
le sort de la Hongrie ou désavantageuses pour sa propre réputation.
Faire essuyer à la couronne de Saint-Etienne l'humiliation d'un refus
de la part du prince Jérôme-Napoléon, sacrifier l'indépendance de
la Hongrie au profit d'une confédération danubienne, se donner la
satisfaction puérile de fabriquer en gros du papier monnaie, hypo-
théqué sur ses exploits futurs, lui semblaient être choses naturelles
parce qu'elles pouvaient inquiéter, froisser, menacer Vienne. Impru-
dences compromettantes, quoique inoffensives, démontrant à l'envi,
que la nation hongroise ne devait pas chercher son salut au dehors,
comme les revers de la guerre d'Italie, entraînant l'effondrement du
funeste système absolutiste, avaient également révélé à François-
Joseph que traiter la Hongrie en quantité négligeable était une
erreur qui pouvait devenir fatale aussi bien pour l'avenir de la dy-
nastie que pour celui de la monarchie tout entière.
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r^Tï^
DEAK ET KOSSIJTH 125
IV
La réconciliation entre la couronne et la nation magyare ayant été
reconnue une nécessité impérieuse de part et d'autre, on se décida à
Vienne à un changement de politique dans le sens libéral. Ce fut évi-
demment une avance considérable, mais suspecte, faite àla Hongrie,
car elle permit aux centralistes allemands de tenter un dernier eflFort
encore pour réaliser leur rêve d'unification et de germanisation de la
monarchie. Ils persuadèrent donc à l'empereur qu'il suffisait de créer
— au moyen de diplômes et de lettres-patentes — une constitution
octroyée à tous ses peuples pour faire échec à celle de la Hongrie et
d'obtenir ainsi le résultat vainement poursuivi par l'absolutisme.
Au surplus dans le cas difficilement imaginable où les Magyars mon-
treraient de la mauvaise volonté pour l'accepter, on pourrait au moins
démasquer l'hypocrisie de leur libéralisme et prouver qu'ils ne le
mettaient en avant que pour mieux tyranniser les autres nationa-
lités.
D'après les dispositions de cette constitution des centralistes libé-
raux, la Hongrie devait envoyer des députés, nommés par la diète de
Pesth, au« Reichsrath (Conseil de Tempire) élargi » de Vienne, pour
y discuter les intérêts généraux de la monarchie, tandis que les
questions de moindre importance se discuteraient dans les diètes
i( provinciales », parmi lesquelles on rangea celle de la Hongrie
aussi.
Contradiction bizarre ! elle fut convoquée pour Pesth et élue d'après
les dispositions de la constitution de 18481 C'était avouer que l'on
ne pouvait pas ignorer son existence en voulant rester sur le terrain
de la légalité ; c'était la ressusciter, attirer sur elle l'attention.
A vrai dire, la fraction la plus importante et modérée de la Hongrie
y pensa toujours. Deék, son chef incontesté depuis la catastrophe
de 1849, en fit l'objet principal de ses méditations les plus appro-
fondies, car, ayant connu le loyalisme et le libéralisme de ses auteurs,
il ne pouvait comprendre comment elle avait pu être si mal inter-
prétée tant à Vienne que dans les camps des nationalités? Recherches
qui devaient lui coûter d'autant plus d'eflForts que finalement il
s'aperçut que le résultat funeste produit ne pouvait être nullement
imputé à ce que contenait l'œuvre généreuse de la diète de 1848, mais,
au contraire, à ce qui y manquait, c'est-à-dire aux dispositions réglant
Ja situation de la Hongrie à l'égard des pays héréditaires de la maison
des Habsbourg au point de vue diplomatique, militaire, financier
et commercial : représentation à l'étranger, armée, dette publique
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i«6 D£A& £T KOSSLTH
el douanes. Quiconque connaît l%& sentiments royalistes innés des
magyars comprendra que ce ne pouvait être ^'uae omission invo-
lontaire, aussi aisément explicable parla hâte ft^iee laquelle on a
procédé à la eoneeptioa de la coosiiluiioii nouvelle que ^eSevieat
réparable. La cowr où oq ne s'était jamaisdoBiiè la peme de s'occupât
impartiaieiiaeQt de Télal d'àme de ia Hooiprie^ s'ea iDéQa cependant
d'autant plus que la diète plaida le coBâlitutioAnalisaie pour T Autriche
aussi, par la bouche de Kosautb et à Vieaoe mème^ qui plus est :
méfiance que Ton sut faire partager par les nationalités, habituées
à recevoir le Biot d'cMrdre de la camariUa.
Après avoir découvert ainsi le aœud de la difficulté» Deâk com-
prit qu il y avait moyen de s'entendre sans abandonner le terrain de
la continuité du droite le seul qui donne de sérieuses garanties de
durée aux institutions d'un peuple. Ce fut sous TinHuence de cette
conviction qu'il rédigea sa fameuse « Adresse de la diète de 1861 »,
dans laquelle il proposa d'une part,de jeter, le voile sur les actes illé-
gaux commis depuis 1848, et, de l'autre, de remettre en vigueur la
constitution sanctionnée dans cette même année par Ferdinand, en
lui faisant subir des changements conforma à l'esprit de la Sanction
Pragmatique, proposition qu'il fit avec d'autant plus d'assurance que
l'une des conditions du fonctionnement de la constitution de 1848
était déjà remcplie, puisque l'Autriche avait, à ce moment, un gouver-
nement constitutionnel aussi. Mais le « Reicbsrath j» fraîchement
installé n'était pas d'huaiettr à renoncer aux utopies des centra-
listes et repoussa superbement toute transaction, sous prétexte que
les droits de la Hongrie étaient annulés par le fait de son écrasement
* efk 1849. Béluter cette théorie absurde ne coûta pas beaucoup de
peine à un légiste de la force de Deàk ; aussi sa réplique constitue-
t-elle un des monuments les plus considérables de la dialectique
parlementaire. Son effet fut inmiense en Hongrie et elle rallia sous
un seul drapeau loote la diète, fortement saturée cependant par les
partisans de l' indépendance, que Kossuth dirigea du dehors. Le clie-
valier de Schmerling, auteur de la nouvelle constitution autrichienne,
y répondit comme ministre-président, par la phrase fameuse :
« Nous pouvons attendre ! » après avoir fait dissoudre la diète. Alors
commença oette résistance passive recommandée par Deàk imposant
à quiconque tenant à la réputation de patriote, le refus du paiement
des impôts directs et le boycottage des employés de l'Ëtat et prépa-
rant ainsi par ricochet la défaite de Sadowa.
On commettrait une injustice insigne si, en parlant de l'effet pro-
duit par ce mouvement patriotique, on ne soulignait pas que son
efficacité était singulièrement aiccrue grâce à l'intervention puissante
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DEAK ET KOSSCTH 127
et continue en favecur de la Hongrie de l'aagasie wti^g de Lnccbeni,
de rimpératrice-retne Elisabetti. Mue par une sympathie providen-
tielle pour toat ce qni est hongrois, — langue, coutumes, histoire,
Httératare, — elle ne cessa jamais de plaider la cause du royaume de
Saint-Etienne auprès de François-Joseph, à vrai dire, fortement
impressionné de son c6té par les arguments de Deàk, et en face de
lacomr incorrigible dans sa haine contre la patrie de Kossu^h, Téier-
nel foyer de la réroiution. Mais, comme la situation à TeKiérieiir de
la monarchie devenait de jour en jour plus critique par suite de
Tattitude de plus en plus menaçante de la Prusse et de Tltalie, les
revendications de la Hongrie paraissaient cependant de moins en
moins exorbitantes en haut lieu. Pour faciliter Tentente définitive,
on suspendit donc la constitution de février 1861 au mois de sep-
tembre 1865 et on convoqua la diète hongroise pour le mois de
novembre suivant « pour soumettre à un mûr examen » tes dipli^mes
et patentes ayant inauguré en Autriche le consUtutioMialisme.
L'adresse de la diète fut encore une œuvre de i)eàk. Il y renouvela
ses déclarations antérieures, relativement au rétablissement de la
constitution de 1848, en ajoutant toutefois que les remaniments
exigés par une union avec l'Autriche constitutionnelle conforme h
à Tesprit de la Pragmatic[ue Sanction ne pourraient être discutés
qu'au cas où ce serait un ministère responsable hongrois qui les
soumettrait à la diète hongroise. Ce ne fut pas rinsuecès des cen-
tralistes autrichiens constitutionnels qui ewuMRagea Deâlc à faire
une proposition pareille. Après Tissue si désastreuse de la guerre de
1866 pour la monarchie des Habsbourg, il la répéta verbalement à
François-Joseph dans une entrevue secrète, sans abuser de la situation
précaire de TAutriche, parce qu'en son àme et conscience la Hongrie
n avait réellement droit qu'à sa position politique actudie.
L'impression que Deék fit à cette occasion surTempcreur, fut telle-
ment profonde qu'il accepta toutes ses propositions et le traita doré-
navant comme le représentant véritable de la Hongrie tout entière.
On peut donc affirmer que Texistenoe de T Autriche-Hongrie, conune on
la connaît aujourd'hui, date de cet entretien mémorable (le 19 juillet
1866). Si la nomination d'an ministère hongrois responsable n'eut
lieu que le 17 février 1867, et le couronnement de François^oseph
comme roi de Hongrie que le 8 juin suivant, Thistoire n'impute ce
retard ni au souverain bien intentionné, ni à l'auteur du compromis,
mais aux conseillers autrichiens et aux conservateurs hongrois
irrités de voir échapper de leurs mains le pouvoir po«r toujours.
Finalement Tempereur envoya son nouveau ministre, le baron Beust,
le célèbre antagoniste de Bismark, directement chez Deàk pour ter-
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128 DEAK ET KOSSUTU
miner les négociations. Alors ce furent du côté de Kossuth que sur-
girent les difficultés; la plus sérieuse était une lettre ouverte,
adressée quelques jours avant le couronnement et publiée dans le
journal du parti de Tindépendance. Deàk n'y répondit pas parce
qu'elle était aussi outrageante pour lui que pour l'empereur, en
suspectant leur bonne foi. D'ailleurs il avait la confiance de la
majorité de la nation et l'attachement inébranlable d'une phalange
d'hommes tels que le comte Jules Ândrassy, romancier-philosophe, le
baron Joseph Eôtvos, le baron Wenkheim, Horvâth, etc.
Sa tâche n'était pas terminée par le rétablissement complet de la
constitution et par la création du dualisme ; il lui fallait encore long-
temps intervenir à chaque instant dans les débats de la chambre
pour soutenir soit le gouvernement, soit le compromis. Il prononça
son derniers discours important le 28 juin 1873 en indiquant au
parlement hongrois les réformes les plus urgentes à introduire en
Hongrie : le mariage civil, la transformation de la Chambre des
Magnats et même la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Ce fut de dix-huit ans que Kossuth survécut à Deàk. Affaibli par
l'âge, absorbé par la rédaction de ses mémoires, il devint d'année en
année un oppositionnel de plus en plus platonique pour se rallier
finalement au gouvernement au sujet des lois politico-religieuses.
Quelles qu'aient été les raisons qui l'avaient fait agir ainsi, le vérité
est que sans son concours il eût été impossible de faire triompher les
projets libéraux du ministère Wekerlé. On* peut donc hardiment
affirmer qu'il s'est acquis par cette intervention indispensable un
nouveau titre à la reconnaissance de la nation hongroise. Mais il ne
faut pas oublier non plus que son intervention n'était avantageuse
qu'à cause du caractère subsidiaire qu'avait eu son activité d'avant
1848 aussi. Car Kossuth ne possédait pas le don des conceptions
originales viables ; celles dont il pouvait réellement revendiquer la
paternité, ne tournaient jamais au profit de la Hongrie. Si, dans ses
écrits, il en rend responsable tout le monde avec un aplomb qui
impose d'abord, on s'aperçoit très bien ensuite que leurs échecs ne
sont dus qu'aux faiblesses de sa nature brillante, enthousiaste et
charmeuse, mais incapable de supporter la fatigue de la méditation
approfondie, d'écouter les conseils du bon sens et de se soustraire à
l'influence de son entourage. Or cette dernière lui était d'autant plus
nuisible qu'étant très dévoué et très fidèle aux siens et à ses amis, il
en recevait des torrents de flatteries convaincues qui eussent grisé
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DEAK ET KOSSCTH 129
incontesiablemeot les plus forts. Gependant le faire passer pour un
ambitieux ou un orgueilleux serait injuste, car il croyait dans la
protection constante de la Providence et en faisait découler Fexpli-
cation des incidents les plus divers de sa vie si aventureuse avec une
naïveté presque enfantine. Par contre on pourrait citer une foule de
cas qui démontrent clairement que sa vanité n'avait pas de bornes et
concernait aussi bien son physique d'ailleurs très agréable, que ses
aptitudes intellectuelles. Son talent de journaliste et d'orateur avaient
le même cachet de préciosité facile, arrivant k donner du relief aux
idées tombées dans le domaine public ou à celles lui appartenant,
mais généralement peu pratiques sinon dangereuses, auxquelles son
style imagé et la saveur de ses expressions heureuses ajoutaient
d'autre part beaucoup d'éclat. Quant aux qualités les plus indispen*
sables aux gouvernants : sang froid, connaissances des hommes et
expérience dans les affaires, point de vue élevé avec un horizon
ouvert de tontes parts, elles lui manquaient naturellement à cause de
la rapidité de son avènement au pouvoir dictatorial. Si, au milieu
d'événements considérables, la première place lui est échue, il n'a
pas le droit d'en revendiquer la gloire à son génie, car, n'ayant jamais
pu faire naître des circonstances favorables, il faut croire que ce sont
elles au contraire qui en ont fait une figure historique au moment
de ses triomphes. Mais comme il les a si chèrement payés pendant
son exil involontaire, il serait cruel de les lui reprocher. Qu'il reste
donc le représentant d'un épisode magnifique de l'histoire de la
Hongrie, personnage épisodique très attrayant lui-même que la
légende et la tradition populaire déifieront encore longtemps.
Dire de Deàk qu'il fut un grand homme, ne serait pas exact. Une
appréciation pareille accuserait trop son individualité, qu'il ne vou-
lait pas avoir. Il était une incarnation du génie légiste de son pays
voilà tout, un de ces êtres qui n'ont rien d'humain, pour confirmer
par l'exception les faiblesses de l'homme; ses compatriotes subjugués
par la grandeur de son âme, par la droiture de son caractère, par la
force de sa logique, lui ont donné le titre de « sage de la patrie »
et avec une certaine raison, car sa sagesse fut extrême. Mais un
sage est en dehors et au-dessus du monde ; il fait fonction d'ensei-
gner la vérité, de conseiller, de sermonner, de critiquer, lui le plus
fort, le plus intelligent en face de ses concitoyens vulgaires et igno-
rants; ileslforcémentsententieux,quelquefoispédant, toujours singu-
lier. Chez Deàk pas l'ombre d'une altitude semblable : c'est le pre-
mier venu aussi bien dans ses faits et gestes que dans ses écrits et
ses discours ; c'est le simple « vieux seigneur, » comme il y en a un
dans toutes les familles des nobles can\pagnards de la Hongrie. Seu-
REVUE POLIT., T. XX 9
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130 DEAK ET KOSSCTU
lemeDt c'est un avocat à qui l'on confie successivement toutes les
causes — celles d'un département, d'un ministère, d'un pays —
parce qu'il les gagne successivement en rendant son argumentation
de plus en plus irréfutable. Pour lui les droits nesont pas desabstrac-
tions ; il les traite en entités avec lesquelles il procède à des démon-
strations empruntées ;\ la méthode des mathématiciens. Quand il
parle il ne veut ni entraîner, ni même convaincre : il ne fait qu'ex-
poser ses réflexions, les résultats de ses recherches au sujet d'une
question quelconque ; le contredire c'est lui fournir l'occasion de
s'expliquer plus amplement, l'attaquer c'est lui permettre d'être in-
dulgent. Cependant il est brave, qu'il s'agisse d'affronter le cour-
roux théâtral du prince de Windisch-Graetz ou de parlementer avec
des brigands qui envahissent nuitament sa maison à la campagne,
ou de recevoir des lettres de menaces. Ce qu'il fait et ce qu'il dit lui
paraissent être des devoirs à remplir envers sa conscience : aussi
repousse-t-il avec violence toute idée de récompense royale ou na-
tionale. François-Joseph ne peut faire accepter par lui que sa photo-
graphie signée de sa main et une couronne posée personnellement
par l'impératrice-reine Eli3abeth sur le catafalque de Deâk témoigne
seule de sa vénération inOnie pour le créateur du dualisme. Céliba-
taire, vivant modestement d'une rente viagère insignifiante et de ses
appointements de député, celui-ci n'avait rien à demander au pou-
voir qu'il a toujours refusé et qui ne subsistait cependant que grâce
à son concours. Aussi tient-il à la fois d'un saint et d'un prophète par
suite de son désintéressement, de son impartialité et de sa tolérance
alliés h l'activité la plus infatigable, à la vigilance la plus constante et
à la sollicitude la plus inquiète, s'il s'agit du bonheur de son pays.
Kossuth c'est l'intransigeance immobile, Deàk le dévouement in-
ventif ; le premier conserve soigneusement ses impressions de jeu-
nesse, le second son avidité de progrès ; l'un ne cesse jamais d'ana-
thêmatiser, l'autre de pardonner.
..^ Dans le premier volume de son « Empire libéral » M. Emile
Ollivier rapporte la phrase suivante, prononcée par Kossuth lors de
la visite qu'il lui a faite après 1870 à Turin : « M. Deàk a sauvé mon
peuple ! >> Eloge qui fait autant d'honneur à son auteur qu'à celui à
qui il est adressé.
Il y a en réalité peu de peuples pour avoir des antagonistes po*
li tiques d'une telle envergure !
A. DE Bertha.
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TRAITEMENT DES PRISONNIERS POLITIQUES 13i
II
LE SYSTÈME CELLULAIRE
ET LE TRAITEMENT DES PRISONNIERS POLITIQUES
J'ai écrit cet article comme Hollandais et je Tai fait parce que j'es-
père qu'en indiquant dans une revue d'un caractère général les vesti-
ges barbares des temps passés qui subsistent encore dans certains pays
comme la Hollande — ces restes de cruauté que nous avons vu se
manifester récemment avec tant de véhémence en Espagne et en
Italie — on peut faire rougir tout ceux qui, par routine, laissent per-
sister, ou favorisent même une situation arriérée.
Un article comme celui-ci pourra donc avoir sa valeur, à ce qu'il
me semble , pour tous les pays, où Ton traite les prisonniers poli-
tiques comme des criminels de droit commun, ou pire encore, et où
Ton n'accorde pas aux prisonniers politiques au moins quelques pri-
vilèges comme cela se fait par exemple en France ou en Allemagne.
En général je considère le régime cellulaire, qui règne partout à
notre époque, comme un système de torture affreux, qui ne devrait
pas être appliqué par un homme à un autre, quel que soit le délit
qae re dernier ait commis, quels que soient les actes anti-sociaux
dont le pouvoir sodal croit devoir se venger.
Comme agitateur politique j'ai eu l'occasion de parler avec un
assez grand nombre de personnes ayant subi une punition cellulaire
de quelques semaines, de quelques mois ou même de quelques an-
nées. Tous considèrent le système cellulaire comme meurtrier et
indigne de l'homme civilisé.
Aussi peut-on admettre, je crois, que le remplacement de la pri-
son — non seulement du système cellulaire mais de la prison en
général — par la colonie agricole ne saurait être qu'une question de
temps.
On ne peut pas parler avec le système de punition actuel — qu'il
s'agisse de la prison ordinaire ou du régime cellulaire — de la pos-
sibilité d'améliorer et de corriger moralement Thomme, qui a com-
mis un acte anti-social.
On n'en peut pas parler, par cette raison même, que le système de
punition par la prison est le seul remède (sauf l'amende pour les
petits délits), qui est appliqué pour tous les actes anti-sociaux à tous
les condamnés sans distinction de caractère, de constitution, d'âçe
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132 LE SYSTÈME CELLULAIRE
OU de sexe. Dans chaque pays il n'y a qu'un seul médicament dans
la pharmacie gouvernementale contre lous les actes anti-sociaux
Cest la prison, qu'on subisse la punition soit en commun, soit seul
dans la cellule.
Que dirait-on de nos jours d*un médecin qui aurait l'habitude de
donner le même médicament contre n'importe quelle maladie : rhu-
matisme, phtisie, variole : « Un litre de telle médecine (toujours la
même) et quinze jours d'hôpital; si vous n'êtes pas guéri au bout de
quinze jours, vous serez mis à la porte. » C'est de la même façon
qu'on agit avec le système de punition actuellement en vigueur :
Un voleur : deux ans et demi de prison, un assassin quinze ans, etc.
Une injustice flagrante est commise notamment vis-à-vis du meurt-
de-faim, qui, victime des circonstances sociales, se révolte contre la
loi. Il faut applaudir au bel exemple donné, il y a quelques mois,
par le tribunal de Château-Thierry, en acquittant cette pauvre femme,
qui avait dérobé un pain après être restée, elle et sa mère, 36 heures
sans manger.
Ce jugement caractéristique a fait naître et mis à l'ordre du jour
en France la question de savoir si la faim qui pousse quelqu'un à
s'approprier des vivres, peut être comprise comme un cas de « force
majeure », tombant ainsi sous Tarticle 64 du Code pénal. Cette préoc-
cupation est la preuve d'une marche en avant faite en France dans
la direction de la civilisation ; d'une modification, d'une révolution
dans l'opinion publique vis-à-vis tant de gens qui, de nos jours, sont
encore punis comme criminels tandis qu'ils devraient être regardés
plutôt comme des victimes d'une mauvaise organisation de la société
humaine'et par conséquent comme dignes de pitié dans leur détresse.
Dans le courant de l'année passée ces questions ont été mises à
l'ordre du jour aussi en Hollande par une enquête commencée dans
ce pays par une revue littéraire.
« C'est ému d'indignation, écrit ces jours-ci un collaborateur d'un
des grands journaux libéraux hollandais, qu'un homme de cœur
assiste au spectacle d'un cheval fourbu, qu'en rosse de coups de fouet
et de coups de pied parce qu'il est incapable de trafner en haut
d'une côte un lourd fardeau. « La rosse se f... de ça! » crie le char-
retier dans sa cruauté imbécile. Souvent la société n'est pas plus
sage ni moins cruelle qu'un bourreau de cheval presque saoul. Le
cheval de charrette, surmené, fourbu, jamais bien dressé, qui s'ap-
pelle prolétaire, parce qu'il est né des hommes, ne peut pas toujours
rester droit daus l'attelage de la loi. Il bronche, tombe, cause quel-
que dommage au fardeau social. « La rosse se f... de ça! » et on
l'enferme dans un cachot. »
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ET LE TRAITEMENT DES PRISONNIERS POLITIQUES 133
Oui, on renferme dans un cachot, seul ou avec d'autres; mais il
s'en faut de beaucoup qu'on agisse envers lui avec autant de sagesse
qu'un directeur du Jardin zoologique^ avec ses prisonniers. Dans le
jardin zoologique on ne laisse pas dépérir un animal faible en l'en-
fermant avec un autre animal ayant une maladie épidémique. Quand
il s'agit d'hommes ayant des maladies morales le directeur de prison
est contraint par la nécessité de le faire. 11 est placé à la tète d'un
hôpital, dans lequel un malade à la première période de la phtisie
doit partager son lit avec un autre, qui se trouve dans la période la
plus avancée et la plus dangereuse pour les autres. C'est cela qu'on
appelle l'hygiène sociale I
Le directeur d'un jardin zoologique ne laisse pas seuls dans un
cachot les animaux qui ne peuvent pas supporter la solitude. Tous
les membres, les visiteurs, la Société protectrice des animaux s'op-
poseraient à une telle mesure. Mais le directeur d'une prison cellu-
laire, par ordre d'une autorité supérieure, doit exposer des hommes
aux pires périls, que l'on peut s'imaginer. Que le condamné devienne
fou... cela n'importe : il faut qu'il soit seul dans son cachot. Que la
solitude puisse en faire un être encore plus antisocial, on ne s'en
inquiète pas. Qu'il devienne enragé, c'est indifférent, à ce qu'il
semble. Et l'opinion publique ne se prononce pas, ou bien, si elle se
prononce, c'est pour pousser des lamentations indignes de l'huma-
nité, que les prisons coûtent trop cher, qu'elles sont trop belles et
qu'on traite les détenus d'une manière trop douce. Les mêmes
hommes qui prodiguent leur pitié aux chameaux, aux cerfs, aux
hyènes se montrent les prisons d'un air aigre. Elles ressemblent
bien à des panoramas I Elles ressemblent bien à des palais!...
Mais voyons un peu de près ce système de prison cellulaire en par-
ticulier, qui me semble bien la manière la plus raffinée de torturer
les hommes.
Personnellement j'ai eu l'occasion de subir cette sorte de punition
et bien que la durée de ma détention n'ait été que d'une dizaine de
jours, cela a suffi pour me convaincre que le système cellulaire
mérite de disparaître de la terre aussi vite que possible.
Pas de système plus scientifiquement féroce que celui-ci ! Après
2 ou 3 jours de séjour dans la cellule je pouvais déjà comprendre ces
beuglements, ces hurlements des prisonniers au milieu de la nuit
silencieuse, qui m'avaient tant étonné la première nuit ; et je peux
aussi comprendre maintenant pourquoi nombre de prisonniers sont
transportés de la prison à l'hôpital des fous. Le prisonnier révolté
contre la société actuelle trouve une cellule soigneusement blanchie
à la chaux, toute tache, qu'il s'amuserait à faire sur les murs, serait
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194^' LE SYSTÈME CELLULAIRE
bientôt aperçue. 11 trouve un pavé bien cimenté, un calorifère, qui
répand une chaleur tiède pendant l'hiver; l'ancien poêle pouvait
encore de temps en temps refuser de brûler, avec l'installation mo-
derne, il est impossible que cela arrive et voilà écartée la plus petite
chance de distraction. Lorsque le crépuscule tombe on passo au dé-
tenu par un petit guichet carré, pratiqué dans la porte de la cellule,
une chandelle allumée, qui sert à faire jaillir la flamme dansante
d'un bec de gaz ; plus de possibilité de se distraire comme autrefois
lorsque l'antique lampe pouvait exhaler de la fumée; maintenant
tout est « scientifiquement » en ordre. La flamme du gaz danse et
danse, fatiguant les yeux avec sa lueur vacillante. La fenêtre elle-
même est garnie de verre dépoli et opaque afin que le prisonnier ne
voie pas l'azur du ciel ni les nuages qui passent, distraction qui pour-
rait peut-être le préserver de l'hébétement ou de la folie. Parfois on
ne trouve pas cette mesure suffisante et on place au-dessus de la
fenêtre treillagée un écran qui plonge la cellule dans une demi-obs-
curité. Imaginez encore, après tout cela, une direction scientifique
thérapeutique qui, au moyen de la chimie fixe la quantité des ali-
ments, strictement nécessaire au prisonnier pour prolonger sa vie,
mais non pour apaiser la douleur rongeante de la faim. Je peux dire
que j'ai aussi entendu la nuit des cris de faim.
Voilà le système de prison sous sa forme moderne et humanisée l
L'invention de cette forme raffinée de punition est l'œuvre de la
science. C'est celte même « science » qui procure aux ouvriers de nos
jours le café artificiel^ le thé artificiel^ le beurre artificiel et qui leur
fournit des aliments, des habits et des meubles au meilleur marché
possible mais de la fabrication la plus défectueuse.
Vraiment, je ne peux pas m'étonner qu'à la fin de notre siècle on
se soit sérieusement demandé si la science n'avait pas fait banque-
route pour l'humanité.
C'est Ferdinand Brunetière qui, dans la Revue des Deux Mondes (l),
disait un jour des promesses de notre science moderne : « Voilà, je
pense, des promesses ! qui vont un peu plus loin que l'ambition du
chimiste ou du physicien ; et ce sont des promesses auxquelles on
prétend que la science aurait fait banqueroute. » Lorsque je lisais
ces critiques, je me suis écrié : « Oui, c'est une banqueroute, mais
ce n'est pas la banqueroute de la science elle-même, c'est celle de la
science mise entre les mains du capitalisme moderne l »
S'il y a quelque chose qui témoigne en faveur de cette opinion,
c'est bien le perfectionnement raffiné du système de punition de
notre siècle, c'est le système cellulaire dans toute sa cruauté.
(1) Livraison de la Hevue des Deux Mondes du !«' janvier 1896.
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ET LE TRAITEMENT DES PRISONNIERS POLITIQUES 13.5
Mais cette prison cellulaire, si inhumaine en général, n'est-elle pas
terrible pour les prisonniers politiques et pour eux doublement
lourde? Ce sont les vaincus de la puissance gouvernante qu'on
traite ainsi en Hollande, c'est-à-dire qu'on traite dans ce pays exac-
tement comme un criminel de droit commun, comme un incendiaire
ou un assassin, ce sont ces vaincus qu'on torture même dans lès
pays soi-disant civilisés comme TEspagne.
Prenons la situation en Hollande : Pas de nourriture convenable ;
pas de livres, pas d'encre, ni de papier ; pas d'autorisation à recevoir
les visites des amis ou des camarades ; une fois par mois seulement
la famille du détenu est admise dans la prison pour un quart d'heure,
ou au plus pour vingt minutes. Dans divers pays, comme en France
le prisonnier politique peut au moins voir ses amis et même recevoir
sa femme dans sa cellule.
Comme une fois, pendant ma captivité en Hollande, je me plaignais
en cachette à Tun des geôliers de la nourriture, vraiment imman-
geable, celui-ci, en homme raisonnable, me répondit : « Il faut
prendre en considération. Monsieur, que la nourriture n'est pas faite
pour vous. Si elle était bonne, si nous mettions plus de lait dans
l'eau chaude, ou de beurre dans les aliments, les prisons seraient
encore plus remplies que maintenant et nous ne pourrions même pas
loger tous les prisonniers... »
Mais c'est précisément pour cette raison que je trouve doublement
injuste de donner aux prisonniers politiques la même nourriture
qu^aux gens condamnés pour vol, assassinat, incendies, etc., eux qui
en général sont plus accoutumés k manger des aliments si mal pré-
parés. Ce n'est donc pas même un traitement égal, une punition
égale, c'est une grande inégalité dont souilï'ent les condamnés poli^
tiques. Pour moi — je parle toujours des prisons hollandaises — je
n*ai jamais pu supporter la nourriture qui m'était donnée, tellement
elle était indigeste. Les repas devaient être préparés de mauvaise
grai.sse ; je devais à chaque fois les mettre de côté. Dans le coin de
ma cellule les morceaux noirs d'un pain dur s'entassèrent comme
des briques : et néanmoins tout ce que j'ai pu consommer, ce fut
quelques-uns de ces gros morceaux de pain après les avoir trempés
dans Teau tiède, qu'on apporte le matin mélangée avec un peu de
lait et le soir dans un breuvage amer, que le geôlier prétendait être
du café. Lorsque je quittai la cellule au bout de dix jours je n'avais
pas pour ainsi dire mangé. Et néanmoins la durée si courte de ma
prison me faisait un peu privilégié. J'étais à l'abri des humiliations
du genre de celles qui furent infligées à mon ami DomelaNieuwenhuis,
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136 LE SYSTÈME CELLULAIRE
le socialiste hollandais si connu, à qui on rasa les cheveux et la
barbe et qu'on obligea à porter des sabots (il resta en cellule pen-
dant huit mois). On ne m'a pas menacé comme M. Walburgh
Schmidt, le médecin de la prison d'Amsterdam, le fit au littérateur,
M. Alexandre Cohen, qui avait fait une réclamation, « de lui donner
des douches jusqu'à l'apoplexie. »
J'appelle un tel traitement des prisonniers politiques, une injus-
tice et un traitement barbare, d'abord parce qu'on Fexerce sur des
prisonniers de guerre de la puissance gouvernante, ensuite parceque
les personnes qui le subissent se trouvent dans une situation parti-
culière de cœur et d'esprit.
C'est seulement chez les peuples les plus barbares qu'on a cou-
tume de tuer, de scalper, de torturer les prisonniers de guerre. On
peut mesurer en partie d'après la façon dont sont traités ces prison-
niers, le degré de développement de la civilisation dans lequel se
trouve un peuple belligérant. Au degré de développement qui corres-
pond à celui qui est commun aux états modernes, on n'infligera pas
d'autre peine aux prisonniers de guerre, aux hommes vaincus, les
armes à la main, que de leur enlever leur liberté, de les mettre hors
de combat ; et même la privation de la liberté leur est rendue aussi
douce que possible.
Dans le combat des partis politiques il faudrait agir de la même
manière que dans la guerre proprement dite. Malheureusement ce
n'est pas toujours ainsi !
Lorsque, en Espagne, de nos jours on a pu commettre dans la for-
teresse de Montjuich, sous le niinistère de M. Canovas, des cruautés
comme celles qui ont été constatées par des médecins connus ; ou
lorsque en Italie, après les révoltes de l'année passée on a pu jeter
les prisonniers politiques dans des cachots humides et obscurs où ils
se trouvaient dans une situation lamentable cela ne prouve que
l'état arriéré de la civilisation dans lesdits pays. Et lorsqu'en
Hollande on traite les prisonniers politiques comme des criminels de
droit commun, cela prouve encore une fois que les égards qui sont
dus aux prisonniers politiques comme aux prisonniers de guerre
sont encore méconnus dans le degré de civilisation où se trouve ce
pays.
Et pourtant les partis politiques au pouvoir aujourd'hui, peuvent
succomber demain et avoir besoin de réclamer à leur tour d'être
raités d'une manière plus noble.
va sans dire que sur le chapitre du traitement des prisonniers
oiitiques aussi bien que sur la question générale de ce qu'on
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ET LE TRAITEMENT DES PRISONNIERS POLITIQUES 137
appelle « les prisonDÎers politiques», les gouvernants actuels pensent
el écrivent tout autrement qu'on ne le fait parmi les partis politiques
d'opposition.
En Hollande toutes ces tendances se sont manifestées clairement
dans une enquête, dont j'ai parlé plus haut, enquête commencée il
y a peu de temps par la rédaction de la revue littéraire. De jonge
Gids (le Jeune Guide). La rédaction de cette revue s clait adressée
premièrement à diverses personnes connues, ayant subi une peine
de prison cellulaire. Deuxièmement à des juristes et des psychiatres
de renom ainsi qu'à quelques personnes d'esprit large.
On peut comprendre que les réponses des personnes de cette
seconde catégorie étaient d'une grande diversité, en même temps
qu'elles étaient tout différentes de celles des prisonniers politiques et
que même une partie de ces personnes-là, surtout les « personnes
officielles », les « magistrats » ne daignèrent même pas répondre. 11
en serait de même, je crois, si une enquête semblable était entre-
prise par exemple en France. On a cru en Hollande, parmi les jeunes
littérateurs, que peut être cela tenait un peu à l'esprit de clocher qui
règne dans la petite Hollande, où «chacun connaît son voisin ».
Je ne veux pas l'admettre : je suppose que les magistrats ne
diffèrent pas beaucoup.
Du moins les réponses des personnes, condamnées autrefois pour
des délits politiques, étaient embarrassantes pour le gouvernement
hollandais. Elles ont eu, et elles auront dans l'avenir^ leur valeur. Elles
vaudront aussi pour les prisonniers de droit commun, parce que si
les condamnés politiques peuvent exprimer leurs idées et savent le
faire, les prisonniers de droit commun ne le peuvent pas. Le pour-
raient-ils, que cela ne servirait à rien. Est-ce qu'on peut écouter des
idées exprimées par des scélérats!
« A mon avis, écrit un de ces criminels politiques, dont l'opinion
fut sollicitée, le système cellulaire est excessivement cruel et inhu-
main. Quelqu'un qui subit une longue détention doit, comme il me
semble, nécessairement devenir tout à fait hébété... » « Cela ne peut
se décrire, répondit un autre. Lorsque le ge<Mier montre la cellule,
on ressent quelque chose d'indescriptible. On tremble, on frissonne
de tout son corps, et les premiers jours de mon séjour là-bas ont été
pour moi les plus tristes de toute ma vie. On ne se sent plus homme,
le cerveau est obscurci; un torrent de larmes, voilà le seul signe de
vie. Le système de prison ne peut pas, à mon avis, être plus criminel...
Le système cellulaire est affreux et meurtrier!... » Un troisième
ajouta : « C'est un sépulcre qui tue l'esprit, et d'où le soi-disant
criminel reparaît plutôt empiré qu'amélioré. »
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J38 LE SYSTÈME CELLULAIRE
Et de même écrirenlles autres.
A cette époque-là, ces réponses occasionnèrent tout de suite une
vive discussion dans le parlement hollandais. Le député Yander
Zwaag demanda au ministre de la Justice si le temps n'était pas
venupourle gouvernement aussi d entendre de « vrais experts », «des
gens ayant été dans la cellule » pour rassembler ainsi des c< données
concernant le système cellulaire. » 11 croyait que le ministre serait
bientôt convaincu avec lui qu'une révision de la loi sur les prisons
était urgente, afin que les prisonniers ne fussent plus « torturés par
ce système d'une manière barbare » et il insistait au reste sur une
distinction dans l'avenir entre les personnes condamnées pour un
délit politique et les autres prisonniers.
Que répondit le ministre de la Justice, M. Cort van der Lioden ?
Il répondit comme auraient vraisemblablement répondu tous les
magistrats dans tous les pays du monde : « Je puis assurer, dit le
ministre dans une des séances de la deuxième chambre, qu'il n'y a
pas lieu de parler de torture des prisonniers et pas le moins du monde
de torture barbare. Le traitement subi dans la cellule est, dans sa
rigueur même, aussi humain que possible, et peut-être pourrait-on
dire : il est trop humain. »
Voilà une réponse comme l'exige le style officiel. Ah! ce style
officiel!
Avec tout cela les journaux hollandais des divers partisse mêlèrent
à la dispute et la rédaction d'un journal calviniste anti-révolution-
naire témoigna par exemple qu'elle avait entendu plus qu'une fois,
de la part de certains membres de la « Société pour Tamélioration
morale des prisonniers », que « la prison cellulaire rend les gens
fous... » que u souvent les fonctionnaires subalternes (pourquoi
subalternes?) tourmentent et intriguent d'une manière ignoble », etc.
Mais y a-t-il des criminels politiques ? C'est ce qui est souvent nié
par une partie de la presse de tous les pays.
Moi je dis : Oui, il y en a dans chaque pays et il y en aura des
criminels politiques, aussi longtemps qu'il y a des partis politiques,
quoi qu*. n disent les gens au pouvoir et quoi que déclarent leurs
représentants dans les conférences internationales.
J'ajouterai encore quelques mots pour indiquer la situation men-
tale tout exceptionnelle dans laquelle se trouve le prisonnier poli-
tique ; ce sera une preuve de plus que dans ce sens aussi le prisonnier
subit une double punition.
Le prisonnier politique est arraché subitement à la vie si agitée
qu'il mène pour être jeté dans l'isolement le plus absolu. Tandis que
ses pensées l'emmènent loin des murailles de sa cellule vers les
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ET LE TRAITEMENT DES PRISONNIERS POLITIQUES 139
réunions publiques, les meetings en plein air, les demeures de ses
camarades de lutte, il se trouve à chaque instant retiré du monde
des illusions dans lequel il rôde et repoussé dans la réalité. A chaque
instant cette réalité lui rappelle de nouveau ce qu il avait oublié déjà,
qu'il est enfermé comme un loup féroce. A chaque instant il se sent
de nouveau en proie à une douleur mentale toujours vivante, à une
douleur que certainement un loup ne sentira pas la torture d'un
ennui démesuré. Ah! c*est bien assez pour devenir fou!
Vraiment, traiter delà sorte ses adversaires politiques, ses prison-
niers de guerre comme la puissance gouvernante le fait en Hollande
et dans tant d'autres pays arriérés, c'est peut-être pratique, mais ce
n'est pas moins barbare.
J'espère vivement pouvoir aider un peu au développement d'autres
idées et d'une conceptioii plus humaine sur le système de prison en
général et cela dans tous les pays modernes où on pratique le régime
cellulaire. Puissé-je au moins aider à une amélioration du sort des
prisonniers politiques, partout où ces prisonniers sont traités,
comme en Hollande, d'une manière si barbare.
Une revue aussi générale que celle-ci pourra surtout avoir une
certaine influence politique et sociale. Dans chaque pays il y a
nombre de gens qui, dans leur indolence sont toujours disposés à se
taire et à suivre la vieille ornière qu'ont suivie les ancêtres jusqu'au
moment où ils se voient accuser d'oublier leurs devoirs et de tenjr
une conduite indigne d'hommes civilisés.
Puisse cette petite étude contribuer à les éveiller!
Christian Cornélissen.
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REVIS DES QUESTIOM POUTIQUES GONTEMPORAlSiES
I. — REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES
ET DE PRÉVOYANCE
Sommaire. — Conditions du travail dnns les travaux publics. — Organisation
syndicale (France et Angleterre). — Assurances contre les accidents du travail.
I. Les <:onditions du travail dans les marchés de travaux publics, — A
la Chambre des députés, dans la séance du 3 mars 1899, M. Pierre Baudin,
au nom de la Commission du Travail, a déposé un important rapport sur
les conditions du travail dans les marchés de travaux publics. Le projet
auquel s^est rallié la Commission est assez différent des propositions qui
lui avaient été renvoyées : propositions Vaillant, Dansette, Hollz, Castelin;
différent aussi de celle qui accompagnait l'intéressant rapport de M. Lavy,
déposé à la fîn de la précédente législature ; mais il est très voisin des dis-
positions votées par le Conseil supérieur du Travail dans sa séance de dé-
cembre 1897. Voici, en effet, l'économie de la proposition de loi à laquelle
s'est ralliée la Commission du Travail :
lo Obligation du repos hebdomadaire dans tous les travaux exécutés
pour le compte de l'Etat, des départements et des communes; 2" obliga-
tion de limiter le nombre des ouvrieri étrangers dans les mêmes travaux,
sans que la limite soit indiquée par la loi : elle est laissée à l'appré-
ciation des ministres et des préfets; 3© obligation pour l'Etat d'intro -
duire dans ses cahiers des charges une clause, par laquelle l'entrepreneur
s'engage à se conformer au taux des salaires et à la durée du travail con -
sidérés comme normaux et courants dans la ville ou la région où le travail
est exécuté ; 4» faculté pour les départements et les communes, sur déli-
bération des Conseils généraux et des Conseils municipaux, d'appliquer à
leurs travaux cette clause relative au salaire courant et à la durée couram-
ment en usage.
La Commission du Travail de la précédente Chambre avait eu pour prin-
cipal but de rendre aux départements et aux communes le droit, contesté
par le Conseil d'Etat, d'introduire dans les cahiers des charges de travaux
publics les clauses i*elativesau salaire normal et courant ainsi qu'à la durée
normale et courante du travail journalier. La proposition actuelle stipule
en outre, pour l'Etat, l'obligation d'insérer ces clauses. C'est à peu près le
vœu du Conseil supérieur du Travail qui, lui, comportait l'obligation pour
l'Etat et les départements, la faculté pour les communes.
Le principe de la réforme — et c'est là un point très intéressant du
rapport de M. Pierre Baudin — semble avoir conquis l'adhésion du Gou-
vernement. Nous trouvons en effet cet extrait des procès-verbaux de la
Commision du Travail :
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REVUE DES QUESTIONS OUVRIÂBES ET DE PRÉVOYANCE Ui
« M. Delombre, ministre du Commerce , dit que le vœu du Conseil sapé-
» rieur du Travail présente beaucoup de souplesse et, peut-être, pourrait
« fournir la solution do problème que beaucoup de bons esprits cherchent
« depuis longtemps.
« Au lieu de ne rien faire, comme le demandent les partisans de la pre-
i< mière doctrine, ou de vouloir tout réglementer, comme le proposent
« les partisans de la seconde, ne seraitril pas plus simple — en matière
(< d'adjudication de travaux publics — de regarder quels sont les salaires
» normaux de manière à ne pas abaisser le salaire au-dessous de ce qu'il
« doit être?
« L*orateur dit qa*en ce qui le concerne, il serait disposé à se rallier à
« une solution de ce genre, consistant à constater le salaire normal et la
<c durée normale de la journée de travail, pour appliquer ce salaire et cette
« durée de travail aux ouvriers employés dans les travaux publics
« L'Angleterre n*a pas fait fixer le salaire par TEtat; elle s'est con-
» tentée d'enregistrer le salaire normal, c'est-à-dire élimination faite du
« salaire des vieillards ou des hommes trop jeunes. Sur ce point, Torateur
« admet qu'on impose Tobligation à l'Etat et qu'on laisse la faculté aux
M communes.
<c M. Charles Dupuy, Président du Conseil^ dit que M. le ministre du
• « Commerce vient d'exposer la pensée du Gouvernement
u Il admet la faculté pour les communes, à cause de la variété qui
« existe entre les diverses communes, mais il demande l'obligation pour
« l'Etat, parce que l'Etat doit donner l'exemple. »
On le voit donc, 11 ne s*agit plus seulement de détruire par une loi les
effets de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui se résume dans l'arrêt du
25 janvier 1895 et qui avait inspiré déjà plusieurs décrets d'annulation :
(< Considérant que s'il appartenait au Conseil municipal de déterminer,
« dans l'intérêt de la ville, les conditions de ces adjudications, il ne pou-
« vait, sans sortir de ses attributions, substituer une réglementation im-
« posée à l'effet légal des conventions entre patrons et ouvriers et faire
« obstacle à l'application de l'ordonnance du 14 novembre i 837, qui oblige
« les communes à donner les entreprises pour travaux et fournitures avec
« concurrence et publicité... »
Le Gouvernement, qui s'était montré opposé en général aux essais de
la Ville de Paris, suit aujourd'hui le Conseil supérieur du Travail bien au-
delà des limites qu'il n'osait alors franchir. Il accepte non seulement de
rendre aux communes la faculté qu'elles avaient perdu de par la loi ou la
jurisprudence, il accepte pour l'Etat une obligation ferme dont le manque
de souplesse est de nature à entraîner parfois de sérieuses difficultés d'ap-
plication. Que s'est il donc passé dans l'intervalle? L^Angleterre, la Bel-
gique, d'autres pays encore ont donné l'exemple, les résultats ont été satis-
faisants, et, en même temps les conditions pratiques de la réforme se sont
précisées.
Il serait trop long d'analyser la note substantielle établie par TOfflce du
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142 REVUE DEÔ ÔUESTIONS OUVRIÈRES ET IXE PRÉVOYANCE
Travail sur le min imam de salaire dans les travanx publics en Angleterre^
en Belgique, en Hollande, en Suisse, aux Etats-Unis et en France. On la
lira en annexe dans le rapport de M. Baudin. Elle est tout à fait impar-
tiale, ne conclut point, et a fourni des arguments pour et contre la réforme.
Il semble cependant que les arguments favorables aient eu plus de poids
que les autres, et expliquent révolution qui s'est faite dans les opinions
de M. le Président du Conseil des ministres.
En Angleterre, 175 villes ou districts sanitaires urbains (y compris
Londres), renfermant près de 13 millions d'habitants, ont inséré dans les
cahiers des charges de leurs travaux publics des clauses relatives aux
conditions du travail. L'ensemble des autres districts urbains d'Angleterre
et du pays de Galles ne renferme que 8 millions d'habitants. — 164 dis-
tricts fy compris Londres i, renfermant encore 12.500.000 personnes, ont
inséré des clauses relatives au paiement des salaires courants locaux
dans tous les travaux exécutés pour leur compte. L'Etat a accepté Vobliga-
(ion d'insérer ces clauses, pour donner l'exemple aux autorités locales.
L'obligation n'est pas inscrite dans une loi ; elle résulte de la Résolution
de 1891 à l'exécution de laquelle la Chambre des Communes veille par des
enquêtes.
« Dans l'opinion de la Chambre, il est du devoir du Gouvernement de
« prendre des mesures, dans tous les contrats qu'il passe, contre les maux
« récemment révélés devant la Commission d'enquête sur le swealîng-
« System, d'insérer des clauses destinées à prévenir les abus qui résultent
« des sous-entreprises, et de faire tous ses efforts pour assurer le paiement
4 de salaires égaux à ceux qui sont généralement acceptés comme cou-
« rants, dans chaque métier, pour les ouvriers compétents. »
La formule est heureuse ; le devoir du Gouvernement est tracé et cepen-
dant on lui laisse pour les cas d'espèce une certaine liberté d'appréciation.
Mais un tel vœu n'est point compatible avec la pratique administrative fran-
çaise, et l'on a essayé ici d'obtenir le même résultat en faisant ressortir
dans le texte de la loi les exceptions à prévoir. Il n'est pas mauvais, d'ail-
leurs, dans une démocratie, que la loi soit toujours au-dessus du pouvoir.
Le 21 juillet 1897, la Commission anglaise d'enquête parlementaire sur
l'application du minimum de salaire dans les travaux de l'Etat a donné,
dans son rapport final, des conclusions favorables aux applications déjà
faites et confirmé de sa haute autorité l'expérience concordante des dis-
tricts sanitaires urbains (2).
« Si la Commission a bien compris la résolution, il n'a jamais été ques-
<( tion de faire fixer le taux des salaires par l'Etat, mais seulement de
<f reconnaître et de garantir le taux minimum courant des salaires dans
<c les divers métiers et les diverses régions.
« Cette résolution, appliquée depuis six ans, ne paraît pas avoir eu
(1) Voir Bulletin de l'Office du travail, mai 189B, p. 355 et suivantes.
(2) Voir Note de l'Office du Travail sur le Minimum de Salaire (Imp. Na-
tional, 1897, dernier tirage' et Rapport Pierre Baudin, annexes, p. 189 et «li-
vantes.
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f
REV€E DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE 143
ff dinflaence fâcheuse sur les rapports entre employeur et employés ; au
« contraire, elle paraît avoir contribué à faire conclure des conventions
« entre patrons et ouvriers sur le taux des salaires et sur les conditions
« du tra\'ail. Dans Tensemble, les entrepreneurs ne soulèvent d'objection,
« ni contre la résolution, ni sur la manière dont elle a été appliquée ; et
« les plaintes des ouvriers sur les violations de la résolution ne sont plus
« aussi fréquentes qu'autrefois...
« Tous les représentants des administrations publiques se sont déclarés
a en faveur du principe même de la résolution, et ont exprimé le désir
« de la voir appliquée à la fois dans son esprit comme dans sa lettre... »
Venons à la Belgique. Huit administrations provinciales sur neuf, et
51 communes de plus de 8000 habitants sur 87 avaient, en 1897, inséré des
stipulations relatives à un minimum de salaire dans les cahiers des charges
de leiu^ travaux publics. Cest le rt'^sultat de leur expérience qui a conduit
le ministre des Travaux publics, M. de Bruyn, à insérer a titre d'essai les
mêmes clauses dans les cahiers des charges des entreprises de TEtat.
f/essai a été fait du 2 juillet 1896 au 31 décembre 1897. Depuis cette date,
les clauses ont été maintenues. M. Morisseaux, directeur de TOffice du
Travail de Belgique, dit à ce sujet au début de 1899 :
t L'essai auquel il a été procédé par le Département de TAgriculture et
« des Travaux publics était limité, par la circulaire du 23 juin 1896, aux
ff ma«:ons, terrassiers et paveurs...' »
(On sait que pour les travaux des provinces et des communes, les clauses
et conditions se sont étendues à beaucoup d'autres professions et à des
fournitures fabriquées dans les ateliers privés.)
M. Morisseaux poursuit ainsi : « Les ré&ultats obtenus sont satisfaisants
« en ce sens que \e$ infractions constatées sont extrêmement rares; depuis
« la mise en vigueur dont il s'agit, on. n'en pas constaté plus de deux ou
" trois. La surveillance est pourtant active....
« Les ingénieurs en chef consultés par M. le ministre de l'Agriculture et
« des Travaux publics ont déclaré que la fixation d'un salaire minimum
» n'avait pas provoqué, en général, la majoration des prix soumissionnés;
" par contre, ils ont signalé la tendance des adjudicataires à éloigner de
»' leurs chantiers les ouvriers peu capables ou inaptes à raison de l'ége ou
« des infirmités. »
Sous le bénéfice de cette dernière observation, qui oblige à prévoir une
certaine proportion de demi-ouvriers payés au-dessous du salaire courant,
ainsi qu^il a été fait à l'article 5, paragraphe 4 du projet Baudin, les con-
clusions sont favorables aux essais tentés, en Angleterre comme en Bel-
gique.
La proposition de loi, qui va être discutée par le Parlement français,
définit assex rigoureusement les travaux auxquels elle s'applique. C'est
une conséquence de l'obligation stipulée pour TEtat. Les départements et
les communes ont la faculté de ne pas insérer les clauses lorsque les diffi-
cultés d'application leur paraissent trop grandes; la m<^me faculté n'est
point laissée à l'Etat. Aussi les Ministères consultés ont-ils présenté ua
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144 REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE
assez grand nombre de cas qui leur semblaient embarrassants sous le ré-
gime deTobligation (1).
Les objections peuvent se ramener à ceci : On voit facilement comment
serait appliquée la loi sur les chantiers de TEtat; Tapplication en sera
déjà plus difficile lorsque les travaux prévus au cabier des charges seront
exécutés non dans des chantiers mais dans des usines privées; Tapplica-
tion en sera impossible si les conditions du travail doivent s*étendre aux
fournitures courantes achetées pour les adjudicataires ou même directe-
ment par FEtat.
Pour répondre à ces objections, le rapport et la proposition de loi
disent expressément qu'il s'agit des travaux mis en adjudication (2) et
dont Yexécufion prévue et détaillée au cahier des charges incombe à
Tadjudicataire (art. 7) : « Les clauses et conditions prévues par la présente
« loi ne s'appliquent qu'aux travaux qui doivent être exécutés par l'entre-
« preneur aux termes de son marché et non aux matières et fournitures
« qu'il trouve couramment dans le commerce. » Autrement dit, le fournis-
seur n'est visé que quand il est sous-entrepreneur, quand il se substi-
tue à l'adjudicataire et entreprend une partie des travaux dont la façon,
prévue au cahier des charges incombait expressément à celui-ci. Dans ce
cas, dit l'article 8, le sons-entrepreneur doit être agréé par l'administra-
tion. Il y a donc un fait matériel, indiscutable, qui désigne les sous-traitants
soumis à la loi. Si l'on veut bien se rejiorter aux clauses et conditions de
la fourniture des draps pour l'armée (Rapport Baudin, note p. 39 et sui-
vantes), on verra avec quelle netteté l'Administration de la Guerre dis-
tingue un fabricant d'un marchand et désigne les travaux (teinture par
exemple) dont la cession constitue une sous-entreprise de fabrication sou-
mise à autorisation. On constatera aussi que les clauses et conditions nou-
velles dont elle surveillerait l'application sont infiniment moins com-
plexes que les conditions de fabrication auxquelles elle veille déjà. D'ail-
leurs, il s'agit ici des intérêts directs du 'personnel ouvrier, et il appar-
tiendra à celui-ci de veiller lui-même, dans les cas difficiles, au respect
des dispositions qui le protègent. Dans d*assez nombreuses usines, en
Angleterre, on est ainsi obligé d'attendre la plainte des ouvriers; et c'est
en somme ce que prévoit l'article 6 du projet Baudin, lorsqu'il n'est
point possible de faire autrement.
Examinons maintenant les conditions de travail posées par le projet.
Du repos hebdomadaire, rien à dire; il est dans les mœurs et le projet
prévoit les exceptions indispensables. Sur l'emploi des ouvriers étrangers,
je me bornerai à dire que les Anglais sont plus logiques en limitant aussi
le nombre des ouvriers étrangers au district où se font les iravaux : leur
embauchage a en efTet les mêmes résultais, bons ou mauvais, que celui
d'ouvriers de nations étrangères. De plus, on évite aiosi les difficultés in-
ternationales, en raison desquelles le projet laisse, en somme, le Gouver-
(!) Voir Rapport Baudin, Annexes p. 67 et suivantes.
(2) Voir l'article l*"" de la proposition : Travaux exécutés par les entrepreneura
ou fabricants adjudicataires.
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REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE 145
nement maître en dernier ressort de trancher la questron. (Voir articles
1 et 2 da projet.)
En ce qui concerne le salaire et la durée du travail, on a spécifié, et les
termes sont très expircites, qu'il ne s'agit pas d'un taux théorique, résul-
tant d'hypothèses sur l'organisation future des sociétés et le partage équi-
table des bénéfices. Il s'agit simplement de taux courant, et la réforme se
réduit à ceci :
A tort ou à raison, on accuse l'Etat, les départements, les grandes
villes de peser automatiquement sur le marché du travail tant par leur
système d'adjudication, au rabais, que par leur formidable puissance
comme clients. L'Etat dit : « Je ne veux point qu'il en soit ainsi, je ne veux
pas troubler brusquement les cours et les usages par mes marchés de
travaux. Je respecterai le salaire courant de chaque profession, dans
chaque localité. Si c'est à tort que l'on me prête une influence déprimante,
mon intervention ne changera rien; si c'est avec raison, elle supprimera
les inconvénients que je faisais naître moi-même. La rareté ou l'abon-
dance des travaux continueront à agir sur le taux général des salaires ;
mais je n'aurai plus l'influence due auT conditions spéciales de mes
marchés. »
Il semble que, réellement, une telle manière de faire soit conforme aux
droits et aux devoirs de l'Etat, et ne préjuge en rien l'organisation des
sociétés futures qui est le secret de l'avenir. Ce n'est point une manière
détournée d'introduire la question, autrement complexe, du minimum de
salaire. « Nous nous efforçons seulement, dit le rapport, de réaliser une
« réforme pratique, mûre, qui est compatible avec l'organisation actuelle
« de la société, et qui est adaptée aux besoins révélés par l'expérience. »
Un dernier point est important : Comment connaîtra-t-on les taux cou-
rants, et par suite normaux, en une localité déterminée, et pour les pro-
fessions intéressées? Le projet fait appel ici, autant que possible, aux accords
entre syndicats patronaux et ouvriers, à l'intervention syndicale qui doit
être le trait dominant d'une organisation libre du travail. Le Conseil supé-
rieur du Travail avait dit :
« Que les pouvoirs publics et la fégislation secondent, par tous les
« moyens, le développement des associations professionnelles, auxquelles
« il appartient de déterminer les conditions du travail par l'accord des
« patrons et des ouvriers. »
Mais à défaut de syndicats réels et puissants, les clauses prévues ne sau-
raient rester lettre morte, et le projet confie à une commission composée
mi-partie des délégués des patrons, mi-partie de ceux dos ouvriers inté-
ressés, le soin d'indiquer à l'administration le taux courant des salaires et
la durée courante du travaiL La décision de l'administration est d'ailleurs
susceptible d'appel devant la juridiction administrative.
Les salaires courants, les heures- de travail courantes sont autant que
possible, d'après le projet, constatés par un bordereau officiel ; nous avons
déjà dit qu'en cas d'impossibilité le bordereau n'était pas dressé, et qu'il
appartenait alors aux ouvriers de faire valoir leurs droits. Mais, et c'est
REVUE POLIT., T. XX ^^
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146 REVUE DS& QUESTIONS ODVRlà&ES ET IXB PRÉVOYàMCE
\k que le projet nous parait a^oir saisi la diflérence entre un salaire cou-
rant et la fixation administrative des salaires, ce bordereau ne fait point
partie de l'adjudication, ni du marclié. C'est un renseignement annexé.
L'administration n'impose pas, ne garantit ^as le niaintien des mêmes
salaires pendant la durée des travaux. Le bordereau est toujours révisable,
dès que la preuve est faite que les cours ont changé.
Nous avons exposé les traits saillants de la proposition de loi. Quelques
mots suffiront à indiquer celles des dispositions de détail qui n'ont point
été indiquées en passant. Les établissements publics de l'Etat, des dépar-
tements et des communes sont traités comme les services publics de
r£tat, des départements et des communes. Les sons-traités doivent être
autorisés par l'administration compétente, ce qui permet d'exclure prati-
quement les sous-traités de main-d'œuvre, le marcbandage. L'autorité
administrative peut supprimer, en cas d'absolue nécessité, le repos hebdo-
madaire et approuver des heures supplémentaires : ces travaux extraor-
dinaires doivent être payés à un taux supérieur au taux normal. Les
pénalités prévues sont celles appliquées pour les infractions à la loi sur
le travail des femmes et des enfants. De plus, une retenue doit être faite
par l'administration sur les sommes dues aux adjudicataires qui n'auraient
point payé le salaire normal» aûn que les ouvriers pui&sent être indem-
nisés par elle des sommes qui leur auraient été indûment soustraites.
II. Mouvement syndical. «-> Le « Labour Department » vient de faire
paraître son rapport sur la situation des Trade-Unions à la fin de iS97
{Report by the Chief Labour Correspondent on Trade-unions 4897). A
cette date, on comptait 1.287 unions ouvrières englobant 1.610.000 mem-
bres, dont 120.000 femmes; fin 18%> les unions ne comptaient quel. 491. COO
membres. Ces 1.287 unions comprenaient 13.3;fô branches ou sections
locales. Le plus fort groupe d'unioniî^tes, 317.500 membres, appartenait à
la métallurgie et aux constructions maritimes. Venaient ensuite les mines
(282.000 membres), le bâtiment (219.000), les textiles (217.000), les trans-
ports et docks (183.00U). Ces cinq groupes représentent donc les ti'ois
quarts des ujuionistes.
Dans l'ensemble, on compte 1.250 membres en moyenne par union,
tandis qu'en France, on ne compte en moyenne que 190 membres par syn-
dicat ouvrier. La différence de puissance s'accentuerait encore si l'on pou-
vait comparer les fonds disponibles des unions dans les deux pays; mais
ils restent inconnus en France. Les groupes professionnels les plus cea-
tralisés, ceux dont le nombre de membres par union dépasse la moyenne
de 1.250 sont: les manœuvres 5.800, les mineurs et carriers 4.400, les
hommes des dockâ et des transports 2.800, les ouvriers du bâtiment, les
ouvriers du vêtement 1.000. Dans le travail du boie, chaque union ne
groupe moyennement que 330 individus.
Si l'on évalue à 6 millions le nombre des ouvriers et employés adultes
en dehors de l'agriculture, et à 1 million le ibombre des femmes employées
dansl'industne et susceptibles de se syndiquer, la population des ouvriers
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REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE 147
et ouvrières faisait partie d'une Trade-Union peut s'établir respectivemeot
à 25 p. 100 et 12 p. 100 du total. En France, la proportion des employés
et des aurriers mâles, adultes, faisant partie des syndicats, est de 11 p. 100,
par rapport à la population mâle adulte des employés et ouvriers du com-
merce et de l'industrie.
Les plus puissantes des unions anglaises sont celles qui se sont fait enre-
gistrer, et qui, publiant annuellement leurs comptes, ont acqais le droit
àm posséder. Il y a 567 de ces miioes groupant 1.190.000 sociétaires. Le
noMbre moyen des membres des unions enregistrées atteint 2.100 par
union. Cinq do ces unions absorbent ensemble 341.000 adhérents.
Les comptes des iÛD principales unions enregistrées (1.060.000 membres)
sont fournis en détail par le rapport du Labour department. Le total des
recettes (cotisations et revenus), qui était de 36.400.000 francs en 1899,
s'est éleré en 1897 à 49.500.000 francs; et la moyenne des cotisations ftar
membre a passé dans la même période de 36 à 41 francs. Les dépenses ont
suivi une marche parallèle et ont passé de 32^.500.000 francs à 47.400.000
Pendant les six années 1802 à 1^97, plus de 230 millions ont été dépen-
sés par les unions, dont 55 millions de francs environ en secours de grèves.
Voici d'ailleurs en p. 100 la répartition de ces dépenses et secours:
Grèves, 20,3; chômage, 27,3 ; maladie et accident, 15,9; retraite, 8,:J;
décès, 10,9; frais d'administration, 17,* ; divers, 20,3; total : 100.
Sur ces 230.00O.000 francs, 92 millions ont été dépensés par les unions
de la métallurgie et des constructions navales, qui comptent environ
318.000 BMmbres actifs.
Les Trades Councils, qui correspondent à peu près à nos Bourses du tra-
vail, étaient au nombre de 150, groupant, à fin 1897, 700.000 unionistes.
En France, nous avons 50 bourses de travail, groupant 170.000 membres.
La plus importante des bourses de travail françaises est celle de Paris (1).
Elle groupait, en octobre 1898, 231 syndicats, à qui elle offre 105 bureaux.
152 chambres syndicales (au lieu de 100 l'année précédente) ont organisé
des permanences ; 117 d'entre elles s'occupent du placement gratuit de
leurs membres ; 9^ ont été subventionnées pour ce service, et 90 ont fourni
l'état de leurs placements qui s'élèvent h 32.000 (16.000 à demeure et 16.000
en extra] . La subvention moyenne par permanence a tHé d'environ
1.000 francs pour l'année 1898; elle a varié de 200 à 2..'>00 francs. Chaque
placement ressortirait en moyenne à 2 fr. 50 ou 3 francs de subvention,
avec de fortes différences d'un syndicat à l'autre. Le nombre total des réu-
nions corporatives a été de 2.525 ; en dehors de ces réunions, les salles
ont été utilisées pour les cours et conférences dans 324 séances. La biblio-
thèque contient plus de 3.500 volumes. Du 10 août 1896 au 31 octobre 1897,
soit pendant une période de quinze mois, 3.403 volumes ont été lus sur
place et 507 ont été prêtés à domicile. Les matières les plus en faveur ont
été : l'économie politique et sociale (931 volumes), la littérature (695 vo-
(1; Compte rendu des travaux du 31 octobre 1897 au 31 octobre 1898. Extrait
do Bapp&rt moral présenté an ConêeU municipal de Paris par la Commission
contuUalive de la Bourse du travail.
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148 REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE
lûmes), Thistoire et la géographie (577 volumes), les encyclopédies, dic-
tionnaires (298 volumes), les romans (124 volumes), etc.
Les Bourses de travail françaises sont fédérées ; la Fédération des
bonnes de travail est assez bien organisée et fait preuve d'activité En regard
de cette fédération, qui groupe des unions locales de syndicats divers,
nous trouvons en France la Confédération générale du travail, qui doit
grouper les unions nationales de chaque profession. Le Congrès de Hennés
(septembre 1898) a montré que cette féd^ration-ci était moins puissam-
ment organisée que la première. La Confédération générale du travail
correspondrait à peu près au comité du Congrès des Trade-Unions.
Ainsi donc se dessine peu à peu en France une organisation puissante,
logique et complète. Chaque syndicat est attiré dans les Unions locales des
divers métiers, ou bourses de travail, par les avantages quelles offrent pour
la constitution des services syndicaux : placement, bibliothèques, cours
professionnels. Chaque syndicat est attiré dans les unions nationales d'un
même métier par les avantages qu'elles offrent pour le succès des reven-
dications de la profession. Les unions locales sont fédérées ; les unions de
métiers sont fédérées; et les deux organes centraux cherchent actuellement
un modus vivendi qui assure l'unité de vues. De leur côté, les patrons
s'organisent en unions générales, moins symétriques, mais très cohérentes.
Actuellement, les états-majors font plus de bruit que les cadres ne font
de besogne. Il n'en est pas moins temps de songer à assurer des contacts
réguliers entre les forces ouvrières et les forces patronales si l'on veut
éviter des luttes formidables. Il est temps de songer aux Conseils du
Travail ou à quelque autre organisation professionnelle générale.
m. Assurances contre les accidents. — 1* France. — Les décrets prévus
par la loi du 9 avril 1898 sur la responsabilité des patrons en cas d'accidents
4u travail ont pàrn an Journal officiel dM 1^'mars 1899 (1). La loi deviendra
donc exécutoire à partir du 1*"" juin 1899. Lne certaine agitation continue
à se manifester dans les milieux patronaux; on y redoute les conséquences
de la loi ; on y met en lumière certains inconvénients réels du texte actuel,
et aussi quelques inconvénients fictifs ou minimes. Nous avons insisté plu-
sieurs fois sur le fait que les charges résultant de la loi nouvelle n'étaient
pas très différentes de celles qu'ont assumées l'Allemagne, l'Autriche,
l'Angleterre, l'Italie, et que vont prochainement accepter la Belgique et la
Suisse. Nous avons dit combien avait été exagéré le /m minime avantage
offert h l'emploi des célibataires par le mode d'indemnisation des acci-
dents mortels, quels risques bien plus considérables d'accroissement des
s^ilaires courrait l'industriel qui voudrait se composer un personnel de
célibataires; nous avons dit aussi que les Compagnies d'assurances appli-
queraient les mômes primes aux hommes mariés et aux célibataires,
comme aussi d'ailleurs aux étrangers dont on semble encore redouter
(1} On consultera avec fruit le très méthodique et complet commentaire qui
vient de paraître chez Rousseau : De la responsabililé en matière d'accidents du
travàd^ par M. Maurice Bellom.
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REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE 14d
rinvasion. Nous avons reconnu toutefois que la loi avait été, dans son
principe, une loi d'assurance obligatoire, de solidarité générale, et que
le manque d^organisation générale entraînerait sans doute des difficultés
et des faux-frais. A notre avis, l'assurance libre coûtera plus cher que l'as-
surance obligatoire. Mais sur tous ces points, moins importants que l'on
ne paraît croire, il faut maintenant laisser l'expérience départager les
opinions adverses.
Des trois décrelà promulgués le l**" mars, le premier, du 25 février 1899,
règle les conditions dans lesquelles les victimes d'accidents ou leurs ayants
droit seront admis à réclamer le paiement de leurs indemnités, en cas de
relard dans ce paiement du patron ou de l'assureur débiteurs. C'est le
maire qui reçoit la plainte; il «'occupe de rédiger une déclaration conforme
aux indicàtion<) du décret et, dans les 24 heures, il la transmet avec
les pièces Jointes à la Caisse nationale des retraites. Dans les 48 heures
de la réception, la Caisse adresse le dossier au juge de paix du domicile
du débiteur. Celui-ci est invité d'Urgence, par le juge de paix, às'acquitter
de sa dette par l'envoi d un mandat-carte. S'il ne le peut, ou s'il conteste la
dette, le dossier est envoyé à la Caisse des retraites. Quand la réclamation
est légilime, celle-ci fait immédiatement le paiement aux ayants-droit;
sinon, elle fait inviter les plaignants à agir contre la personne dont ils se
prétendent créanciers conformément aux règles du droit commun. I.ors-
qu'elle a payé aux lieu et place du débiteur, la Caisse nationale des
retraites exerce son recoure contre lui ou contre l'assureur qu'il s'est
substitué. Le même décret règle l'action de la Caisse en cas de faillite du
débiteur, en cas de cession de son établis? emeiit; enfin, il organise le
fond» de garantie.
Le décret du 28 février 1899 règle les conditions générales de fonction-
nement des Compagnies d'assurances à primes fixes, des mutuelles, et des
syndicats de garantie.
L'article 26 de la loi du 9 avril 1898 a stipjlé : « En cas d'assu-
rance du chef d'entreprise (la Caisse nationale des retraites) jouira, pour
le remboursement de ses avances, du privilège de larticle 2102 du Code
civil sur l'indemnité due par l'assureur et n'aura plus de recours contre le-
chef d'entreprise. » Cette disposition entraîne une surveillance de l'Etat
sur les compagnies d'assurances mutuelles et à primes fixes; sinon, des
Sociétés intentionnellement ou accidentellement mal constituées vien-
draient sans cesse grever, parleurs faillites, le fonds de garantie levé sur
l'ensemble des industriels assujettis à la loi. On a donc prévu, par l'ar-
ticle 27 de la dite loi, que les compagnies d'assurances mutuelles ou à
primes fixes contre les accidents, françaises ou étrangères, sont soumises
ù la surveillance et au contrôle de l'État et astreintes à constituer dos
réserves ou cautionnements dans les conditions déterminées par un règle-
ment d^admiuistration publique. Ce règlement est celui précité du 28 fé-
vrier 1899. 11 (\xe les bases du calcul de la réserve mathématique destinée à
faire faoe aux pensions en cours; il prévoit le fonctionnement d'un corps
de contrôleurs; enfin il donne mission au Comité consultatif des accidents
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150 REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE
du travail de régler le montant des cautionnements déposés à la Caisse
des dépôts et consignations. La loi n'a pas permis de prévoir la liquidation
d'office des sociétés qai ne se conformeraient point aux prescriptions da
décret; elle n'a pas édicté de pénalités, c'est ane lacune. La seule sanction
grave et vraiiment efficace à rinobserratioo de ia loi, est énoncée à l ar-
ticle 18 du susdit décret du 28 février : « Chaque année, avant le l*' dé-
»( cembre, le Ministre du Commerce arrête, après avis du comité consul-
« latif, et publie au Journal Officiel ^ la liste des sociétés mutuelles ou à
« primes fixes, françaises ou étrangères, qui fonctionnent dans les condi-
« tions prévues par les articles 26 et 27 de la loi du 9 avril 1898 et par le
« présent décret. » C'est dire que seules les compagnies mentionnées sur
cette liste déchargent le patron débiteur de sa dette. Il est donc probable
que, en pratique, la publication dune ielle liste supprimera la clientèle des
sociétés irrégulières, n'ayant point les réserves jugées mathématiquement
nécessaires. Les dites sociétés irrégalières .se trouveraient d'ailleurs dans
l'impossibilité d'exiger de leurs adhérents le versement de leurs primes. —
Nous signalerons, enfin, que parmi les clauses obligatoires des polices,
l'article il du décret fait figurer celle-ci : « Les contrats se trouveraient
« résiliés de plein droit dans le cas où la société cesserait de remplir les
u conditions fixées par la loi et le présent décret. »
Appelé à déterminer les cautionnements, le comité consultatif des assu-
rances contre les accidents du travail a émis l'avis suivant : Montant du
cautionnemant, 2 0/0 du total des salaires ayant servi de bas*; aux assu-
rances pendant la dernière année. Ou bien, si la société n^assure que des
ouvriers de professions présentant un risque identique, une fois et de-
mie la valeur des primes brutes à verser, ces primes brutes étant au
moins égales au minimum de prime fixé par le ministre pour la catégo -
rie de risques en question. Minimum du cautionnement unsi calculé,
400.000 francs; maximum, 200.000 francs. Le cautionnement est de
moitié du montant ci-dessus et son minimum peut être réduit à 200.000
francs pour Us mutuelles dont les adhérents, appartenant tous k une
même catégorie de professions, s'engageraient en cas de déficit à payer
une contribution annuelle pouvant atteindre : le triple de la prime par-
tielle déterminée par le ministre du Commerce, pour les mêmes profes-
sions et pour les risques de mort et d'incapacité permanente, le double de
la prime totale ûxée par leurs contrats pour l'ensemble des risques assu-
ré». — En outre, lorsque les statuts des sociétés stipulent que les capitaux
constitutifs de toutes les rentes prévues par la loi du 9 avril [1898 doivent
être immédiatement versées à la Caisse nationale des retraites, les cau-
tionnements ci-dessus, pleins ou réduits déjà de moitié, peuvent être
encore diminué de moitié. — Le minimum de cautionnement peut donc
s'abaisser pour certaines mutuelles à 400.000 francs. Ce chiffre n'est pas
très élevé pour des sociétés qui ne devraient fonctionner normalement
ou avec plusieurs milliers d'ouvriers assurés. H est très inférieur au chiffre
yidiqué par le règlement italien pour le cautionnement des sociétés pri-
vées d'assurance contre les accidents. Mais nous savons qu'il suffira, en
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REVUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DE PRÉVOYANCE 151
général, à empêcher la constitution de mutuelles fictives ou trop peu nom-
breuses.
Quant aux syndicats de garanlie, on leur impose de comprendre au
moins 5.000 ouvriers assurés et 40 chefs d'entreprise adhérents, dont
5 ayant au moins chacun 30il ouvriers. On peut être étonné, au premier
abord, que Ton ait songé à réglementer des syndicats liant solidairement
tous leurs adhérents pour le paiement des rentes et indemnités. En effets
il est évident que de tels syndicats laissent chaque adhérent responsable
devant le Fonds tle garantie et ne lui confèrent aucune immunité. Mais,
en fait, un autre décret du 28 févrie) 4899 dispense, en cas de cession
d'établissement, du versement des capitaux constitutifs des rentes prévu
par Farticle 28 de la loi, les patrons ayant constitué certaines cautions
et, entre autres, ceux qui se sont affiliés à un syndicat de garantie liant
solidairement tous ses membres pour le paiement des pensions. Il est
naturel dès lors que des conditions de fonctionnement et de solvabilité
soient imposées aux syndicats de garantie jouissant de ce privilège.
2o Allemagne. — Le numéro de janvier des AmtHche Nachrichten des
Reichsversickerungsamts contient le compte rendu, pour 1897, des assu-
rances allemandes contre les accidents.
17.957.000 personnes, dont 6.043.000 ouvriers de l'industrie, ont été
assurés en 1897 contre les accidents. On a indemnisé 91.171 accidents
dont 41 .746 dans Tindustrie. — Pour les corporations industrielles, on a
compté 4.252 cas de mort {0,70 par 1.000 assurés), 625 cas dincapacité
permanente totale (0,10), 21.247 incapacités permanentes partielles (3,52).
et 15.622 incapacités temporaires (2,59). — Le risque de mort se maintient
depuis 1886 aux environs de 0.70. La mort étant le seul accident parfaite-
ment défini, la constance de ce chiffre indique la constance réelle du dan-
ger d'accident depuis la mise en application de la loi d'assurance. — Le
risque d'incapacité permanente totale a décru de 0,44 à 0,10, simplement
parce que le sens des mots était au début : incapacité de plus de six mois,
et est réellement aujourd'hui incapacité permanente.
Le risque d'incapacité permanente partielle s'est développé (1,09 à 3,42)
de 1886 à 1891 avec la notion elle-même d'incapacité partielle, notion très
complexe. Depuis 1891, le même risque est stationnalre et doit être évalué
entre 3,5 et 3,6. — Le risque d'incapacité temporaire parti de 0,57 n'a pas
cessé de croître et est monté à 2,59. Il s'agit des incapacités de plus de
treize semaines. Les raisons probables de l'accroissement sont ici : déclara-
tion plus exacte des accidents, tendance des ouvriers à prolonger un
chômage qui est rémunéré, développement des appareils mécaniques,
lesquels produisent surtout des accidents légers, et enfin une certaine
négligence des précautions lorsque le danger n'est pas grand. Cette der-
nière cause n'est heureusement pas grave ; elle n'a pas de conséquences
permanentes pour la santé des ouvriers, elle s'allie à un accroissement du
rendement; elle est sans influence notable sur le coût total de l'assu-
rance. Ce n'est donc point à son sujet qu'il y aurait lieu d'incriminer les
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152 REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES
tendances de Touvrier allemand^ ou de son patron. Le prolongement du
chômage indemnisé, voilà sans doute la difficulté réelle des nouvelles lois
sur la responsabilité en matière d'accidents, que les nations de l'Europe
votent Tune après l'autre depuis quinze ans.
ARTHUR FOSTAINE.
II. - REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES
Le morcellement de la propriété foncière et les remaniemeats collectifs. —Elude
de M. Voitellier. — Le Crédit agricole au Sénat. — La répartition des avances
et redevances mises à la disposition du gouvernement par la Banque de
France.
I
Nous venons de recevoir une brochure consacrée à l'étude d'une ques-
tion d'économie rurale dont la solution présente un grand intérêt : Le
morceilement de la pi opriété foncière. L'auteur de l'étude dont nous par-
lons, M. Voitellier, signale avec raison les inconvénients du morcellement
excessif.
Sans doute, il ne faut point exagérer et l'on ne souffre pas partout des
excès du morcellement, ou de ce que l'on a appelé Vende tlement du sol.
En revanche, on ne saurait nier que, dans beaucoup de départements
français et dans l'est notamment, l'extrême division du territoire et l'é-
parpillement des parcelles cullurales appartenant au même propriétaire
ne constituent une gêne, un danger, un obstacle sérieux à la bonne et
lucrative exploitation du sol.
M Voitellier signale quatre groupes d'inconvénients : Le premier com-
prend uniquement ceux qui rendent plus difficile et moins rémunératrice
la mise en valeur du territoire. Le second tous les obstacles aux améliora-
tions dont l'exploitation du sol est susceptible. Le troisième comprend les
inconvénients qui entravent les améliorations foncières par opposition aux
améliorations cullurales.
Le quatrième groupe, enfin, est constitué par les dommages causés ù la
propriété par la réduction de sa valeur, la difficulté des ventes, des
échanges, etc., etc.
Dans le premier groupe on peut citer, notamment, les pertes de temps
pour se rendre d'uue pièce k l'autre, lorsque le morcellement a eu pour
conséquence l'éparpillement des lopins de terre ; les pertes de temps dans
les travaux de labour, d'ensemencement et de récolte ; les enclaves forçant
à suivre l'assolement des voisins et causant indirectement des dégAts.
Dans le second groupe on peut signaler : la difticulté d'employer des
instruments perfectionnés tels que les semoirs, les faucheuses et les mois-
sonneuses ; rimpossibilité d'enclore des pâturages ..
Dans la troisième catégorie d'inconvénients figurent les obstacles oppo-
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REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES 153
ses au drainage ou à l'irrigation ; la multiplication exagérée des chemins
d'exploitation servant à desservir des parcelles trop nombreuses, etc., etc.
Enfin, dans le dernier groupe, M. Voitellier range l'exagération des
droits de mutations par suite de l'énormité des droits fixes quand la valeur
des parcelles est très modique ; l'augmentation des frais de bornage ; la
diminution du revenu provenant de la location du droit de chasse, etc.
Celle énuméralion est un peu longue bien qu'elle soit incomplète encore,
mais il ne nous déplaît pas de Tinfliger au lecteur pour insister sur les très
réels et très graves dangers du morcellement.
Nous n'ignorons pas que des palliatifs fort ingénieux diminuent ou atté-
nuent quelque peu ces dangers. Il n'est pas impossible — puisque cela se
fait — de cantonner les cultures. C'est ainsi que dans l'est le territoire des
communes est généralement divisé en quatre cantons ou régions, la pre-
mière réservée aux céréales d'hiver, la seconde aux céréales de printemps
ou aux prairies artificielles, la troisième aux plantes industrielles ou aux
prairies naturelles, la quatrième enfin aux jardins et aux habitations.
Les cultivateurs exécutent à peu près au même moment et dans le
même canton, les semailles, les opérations culturales ou la récolte. De
cette façon l'on se gène moins ; on ne risque pas de passer sur des terres
en culture, de répandre de l'avoine sur le champ d'orge ou de blé du voi-
sin, etc., etc.
A la rigueur, les cultivateurs pourraient s'entendre pour moissonner en
même temps avec une seule machine 20, 30, ou 400 parcelles contiguës,
ou les semer avec un semoir.
Le morcellement est néanmoins gênant; l'éparpillement des champs
cause des pertes de temps très notables, les chemins d'exploitation trop
nombreux diminuent le territoire productif de la commune, etc., etc.
Le temps employé pour exécuter un labour, un hersage, un semis en
lignes avec semoir, augmente démesurément quand les parcelles sont pe-
tites parce qu'il faut s'arrêter au bout de chaque raie, tourner et reprendre
sa marche en sens inverse. La perte de temps peut devenir énorme quand
la surface d'une parcelle s'abaisse à 50 ares ou à 25 ares. — M. Voitellier
a fait le calcul de ces pertes de temps. — Il démontre, par exemple, qu'il
faut 4 heures 25 minutes de plus pour semer (au semoir) 20 pièces de
5 ares qu'une pièce de un hectare.
En véiité, il nous semble inutile de multiplier les exemples. On peut
dire que les inconvénients du morcellement et de l'éparpillement des par-
celles culturales sont visibles pour tous ceux qui ont étudié celte question
sur place.
Comment faire disparaître ces inconvénients? C'est là un problème très
difficile à résoudre, parce que l'on se trouve en présence d'intérêts prises
et surtout parce que l'on redoute de porter atteinte au droit de propriété.
Ce dernier argument est celui qui est le plus souvent invoqué pour s'op-
poser à toute modification de noire législation et à toute contrainte. 11
semble dangereux de faire le bonheur des gens malgré eux, et de les
forcer à grouper leurs parcelles pour constituer des champs plus étendus.
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154 REVUE DES QUESTIOUS âORI€OLES
Ob parle Tolontiers de rattachement profond et respectable du paysan
français au champ paternel, de Texaspération redoutable de ceux qu'on
tenterait de déposséder pour arrondir le petit domaine de chacun. « Les
fusils, dit-on, partiraient tous seuls, le jour où Ton loucherait au lopin du
petit propriétaire. » Ce sont là, à notre avis, des exagérations. Mettons, s'il
se peut, les choses au point.
En premier lieu, il ne s'agit pas de réunir en une seule toutes les par-
celles éparpillées sur le territoire d'une commune et appartenant an
même propriétaire. Tous les cantons d'une commune n'ont point les
mêmes aptitudes cuUuratet et il serait impossible d'obliger les proprié-
taires à se contenter d*un grand champ constitué dans l'un de ces cantons.
Voici, une région spéciale, une vallée irrigable qui convient à merveille
à rétablissement de prairies naturelles; voici des coteaux que Ton doit
utiliser presque exclusivement en y constituant des vignobles ; voici des
terres de parcours et des pâlures que l'on ne peut songer à transformer en
terres de labour.
Fopcera-t-on un propriétaire à abandonner son lot de prairies, sa vigne
de coteaux, son terrain de pâtures pour recevoir uniquement une surface
de valeur équivalente prélevée sur les terres labourables de la Commune?
Assurément non! Personne n'a songé ni ne songe à dépouiller un pro-
priétaire des terrains ayant des aptitudes culturales spéciales pour le forcer
à cultiver exclusivement des céréales, des racines, ou à se contenter d'un
lot de prairie, d'un vignoble, etc., etc. Il va de soi que l'on respecterait la
réparlilion na^urc/Ze des domaines entre diverses parcelles situées dans
chacune dos zones spéciales, zone au région de prairies, région des terres
à céréales, région des terres à vignes, etc., etc.
Ce que Von demande, c'est de grouper les parcelles éparses dans chaque
zone ou région eullurale. Au lieu d'avoirS, 10 ou^ parcelles de vignes, de
prairies ou de terres labourables, le cultivateur aurait simplement 1, 2 ou
3 parcelles dans chaque région du territoire communal.
On tiendrait compte, enfin, des circonstances de fait. 11 ne saurait être
question un moment de forcer un cultivateur propriétaire à abandonner
tel coin de vignes, si ce lopin produit un crû coté et particulièrement
estimé.
L'intérêt du propriétaire ne peut ni ne doit être sacrifié à une vaine
symétrie, à un rêve dangereux d'uniformité et de régularité, à une égalité
apparente de traitement qui dissimulerait mal, parfois, les plus criantes
injustices.
Ce que l'on souhaite, c'est donc uniquement de grouper des parcelles qui
peuvent être utilement réunies et cela dans l'intérêt du plus grand nom-
bre. Ne l'oublions pas, en effet, il s'agit du plus grand nombre.
Une transformation comme celle de la réunion des parcelles éparpillées,
enclavées, morcelées, etc., ne saurait être imposée qu'à une minorité de
dissidents ou d'indifférents au nom des intérêts de la majorité. Qui ne
voit dès lors, que cette œuvre d'intérêt public est justifiée par les mêmes
considérations que toutes les expropriations ou tous les travaux d'intérêt
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REVUE DfiS QCSSnOKS AGRiCOLBS 155
coHecUfqai imposent aux propriéiairesdes diarges,des servitudes, etc., etc.
Quelles personnes seraieiit, d*«iileiii^, cliarg<^s de se prononcer snr
le caractère d*iitilité publique? Ce ne serait ni les Chambres, ni le Conseil
général, ni les Gouseils manicipajax ; ce serait les intéressés enx-mémes.
On pourrait certainentent appliquer aux Rememkremenis collectifs, les
dispositions de notre loi de 1865 sur les Associations Syndicales. Il suffirait
de réunir une majorité en nooabre et en intérêts pour contraindre les
opposants à se soumettre.
M. Yoitellter pente que cette solution, très satisfaisante, au premier
abord, ne pemeltralt pas d'obtenir de sérieux résultats. — Son opinion
mérite d'être prite an sédeuse coasidération, A ses yeux, outre la dispro-
portion des droits fix^s d« mutation rendant le prix de revient des
échanges absolument exagéré, le plus grand obstacle à des réunions
de parcelles, par voie d'échange, réside dans l'existence d'inscriptions
hypothécaires légaks ou conventionnelles. Tout immeuble grevé dliypo-
tbèque, constitue un obstacle au rememfbremtnt. Les frais que nécessite
le transfert d'une hypothèque sont trop considérables, pour qu'on ait
recours à cette méthode qui aurait pour effet d'affecter une parcelle nou-
velle au remboursement de la créance ayant pour gage l'ancienne parcelle
échangée.
Et voici le tabloau que M. Voitellier a dressé :
FbAIS POUH UN£ OBUGÂTION de l.ÛOO FRANCS
1** Acte pQur prendre hfgpothèque,
Droiu
Hoaoraires du Trésor
Fr. c. Fr. c.
Timbre minute » « 1 20
Tinabres de la grosse (titre du créancier) » » 3 60
Earegi«treoieiit (1 25 0/0) » » 1« 50
Honoraires du notaire (l 0/0/. 10 » » »
Rôles de la grosse (4 à 2 fr.) 8 »» » »
Timbre de 2 bordereaux » »> » »
Dressé des bordereaux B » » »
Total 21 » 17 30
2» ifyfothèque proprement dite.
Salaire du Droits
Conservateur da Trésor
Fr. c. Fr. c.
Droit hypothécaire (1 25 0/OOj « » .125
Salaire:
Dépôt (Droit fixe) 0 20 » •
Inscription (Droit fixe) 1 » » »
Timbre :
Eulletin (Droit fixe) » » 0 ÛO
Dép6t (Droit fixe) •» » 0 24
Inscription (suivant le copiste) «» 4»
Total 22S0 «3 39
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156 REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES
En totalité» les droits perçus s'élèveraient à 45 fr. 59 pour une obliga-
tion de 1.000 francs. Il y aurait nsème lieu d'ajouter à ces frais ceux de
bornages, car les échanges nécessitent fort souvent des opérations de ce
genre, soit parce que les bornes n'existent pas, soit parce que le cadastre
qui n'a aucune valeur juridique au point de vue des limites d'une propriétt^,
ne donne même pas d'indications précises.
M. Voitellier ajoute : « S'il existe quelques communes dans l'Est, où
l'on a opéré l'abornement de toutes les parcelles, créé des chemins,
échangé un certain nombre de parcelles, et révisé le cadastre, il y a lieu
de remarquer que les associations syndicales qui ont exécuté ces travaux
avaient plulôt en vue Tabornement général de toutes les parcelles que le
remembrement, c'est-à-dire la réunion des îlots de propriétés appartenant
à chaque personne, le nombre des échanges ayant été, en définitive, tou-
jours restreint ».
Le problème posé est-il donc insoluble? L'auteur que nous avons cité
ne le pense pas. — Sans doute, il est impossible de supprimer tous les
droits fixes de mutation et de transfert d'hypothèques, puisque ces droits
alimentent le budget. D'autre part, l'Etat qui représente des intérêts géné-
raux ne saurait perdre l'occasion de contribuer au développement de la
richesse publique, en facilitant les remembrements. — H faut adopter des
mesures locales et transitoires, au lieu de procéder par voie générale. On
pourrait, sans obérer le Trésor, créer une situation spéciale et temporaire
aux communes les plus morcelées. Il suffirait d'y ouvrir, à cet eiîet, une
PMode de Remembrement, durant laquelle les droits de mutation et de
transfert (en matière hypothécaire) seraient réduits à un taux infime.
Voici quelles seraient, en définitive les conclusions de M. Voitellier :
1" Faire en sorte que les échanges et même les ventes à l'amiable des
propriétés non bâties, effectués entre propriétaires d'une même commune
et n'ayant pas pour résultat d'augmenter leurs propriétés respectives de
plus de dix hectares, soient exonérés de tous le^ droits de transcription,
de mutation et de timbre, à la perception desquels donne ordinairement
lieu la rédaction des actes, leur engistrement et leur transcription.
2<» Stipuler que dans les cas d'échange, et pour les propriétés non bâties
exclusivement, le transfert des hypothèques, quelle que soit leur nature,
puisse avoir lieu d'office, s'il était reconnu équitable par une Commission
compétente ou la Commission de délimitation prévue à l'article 4 de la loi
du 18 mars 1898.
3" Exonérer de tout droit d'enregistrement ce transfert d'hypothèques.
4° Obliger les propriétaires qui auraient, à la fin de la période de remem-
brement,un excédent de dix hectares, à acquitter les droits de transcription
de mutation et de timbre, à la perception desquels, la vente à l'amiable
de cet excédent donnerait lieli/ d après un tarif préalablement fixé.
5** Exempter pendant cette période les procès-verbaux de bornage et les
engagements préalables qui lient les parties, de tous droits d'enregistrement
et de timbre, en leur donnant toutefois une valeur juridique par la recon-
naissance officielle du cachet et du vi^a de chaque Commission de délimi-
tation.
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REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES 157
Et Tauleur termine en disant :
« Dans ces conditions, rien ne s'opposerait à la réalisation des remem-
brements par les associations syndicales. En vingt ans on faciliterait Taccès
de tous les progrès agricoles sur plus de cinq millions d^hectares. On
livrerait à la culture un domaine actuellement en friche d'un million
d'hectares. On augmenterait par conséquent la valeur de la propriété
foncière non bâtie dans des proportions considérables et le moindre résul-
tat ne serait pas, d'avoir rendu identique et également rémunérateur, le
travail de ceux qu'on appelle par opposition, les petits et les gros cultiva-
teurs. »
Les conclusions de l'auteur ne pourraient, d'ailleurs, être acceptées que
si, au préalable, on avait spécialement autorisé les propriétaires d'une
commune à constituer des associations syndicales ayant pour objet les
remaniements ou remembrements collectifs. Il faudrait, enfin, qu'une loi
spéciale permît d'échanger les biens des mineurs, des interdits, des
femmes mariées sous le régime dotal.
Ce sont là, malheureusement, des questions dont l'élude et la solu-
tion demanderont bien du temps. En outre, la solution proposée par
M. Voitellier comporte une étude relative aux sacrifices que le Trésor
devrait consentir...
11 nous a paru, en tous cas, intéressant de signaler les idées nouvelles
émises à propos d'une vieille question.
Il
C'est aussi une vieille question vingt fois discutée que cel'e du crédit
agricole dont on a parlé tout dernièrement au Sénat à propos des sommes
mises à la disposition du Couvernement par la banque de France, sommes
qui doivent être réparties entre les Caisses de crédit agricole.
Cette répartition est évidemment une œuvre délicate. Deux solutions se
présentent :
l*» Créer un organe spécial —- la Caisse régionale de crédit agricole —
chargée de procéder à cette répartition en dotant les caisses locales sans
que lEtat ait besoin d'intervenir;
2'» Opérer directement la répartition en autorisant le ministre compé-
tent à doter individuellement les institutions locales créées conformément
à la loi du 5 novembre 1894. '
M. Milliès-Lacroix a préconisé cette dernière solution dans un excellent
discours plein de faits, éclairé par un rare bon sens et une solide connais-
sance du sujet qu'il traitait. Le principal défaut des caisses régionales de
crédit agricole mutuel c'est... de ne pas exister. Nous ne connaissons
encore que des caisses locales. C'est donc à celles-là qu'il faut accorder
des subsides, quHte à doter également, quand elles auront été fondées,
les caisses cC arrondissement, de déparlement ou de région.
« Mais, dira-t-on, la répartition directe par l'Etat est très dangereuse;
c'est une forme du socialisme d'Etat! Il faut répudier ce système; il faut
repousser l'intervention de l'Etat en matière économique ! »
En réalité cette objection ne porte pas. M. Millièa l'a dit et répété en
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158 REVUE DES QUESTION» AGRICOLES
fort bons termes : « Je suis contraire, en priocipe, à T intervention deTEtat
en naUère de crédil agneet» ■bêmbL ieswis telicment hostile à Fint^-
vention deTEtat que dans la discussion sur te rfouTettifient d« privilège
de la Banque de France, j'ai fait conoaitre mon sentiment à cet égaté em
disant que TElat devait renoncera organiser le crédit agricole au moyen
de l'avance de 40 okillions et de la redevance annuelle.
« Mais je me trouve en présence d'un fait accompli. Quelle que soit
Topinion que chacon de nous professe dans la doctrine qui a prévalu dans
la législation nouvelle, nous n'avons qu'à nous incliner devant les faits, il
ne nous reste plus qu'à nous appliquer de notre mieux à faire passer les
soLulions acquises du domaine de la théorie sur le terrain de la pratique et
de la réalité. >»
11 s'agit uniquement de répartir d'une fa^^n ou d'nne autr^ les sommes
très importantes (près de {20 millions avec les redevances) que la Banque
de France met à la disposition dé l'Etat.
Or, répartir ces avances soit directement, soit par l'intermédiaire d'une
caisse centrale, soit par l'intermédiaire de caisses régionales, c'est tou-
jours prêter, à des Associations privées, l'appui financier de l'Etat. Ce sont
les formes, les modalités qui diffèrent, mais au fond,, pour tout homme qui
ne se paie pas de mots, l'intervention de l'Etat est manifeste.
La question posée était» en somme, la suivante : « Fant-il dès à présent
faciliter, on pourrait même dire imposer, la formation de caisses régio-
nales qui n'existent pas encore?»
C'est, en effet, l'utilité et le rôle de ces caisses qui ont fait l'objet de la
discussion. Elles doivent servir, dit-on, à faciliter l'escompte du papier
agricole émis par les petites sociétés locales. A cela M. Mil liés -Lacroix ré-
pond avec raison : « Eu l'état actuel du développement de nos établisse-
ments financiers il n'est pas exact de dire qu'il soit indispensable d'éta-
blir au-dessus des petites sociétés de crédit mutuel agricole, communales
ou cantonales, des établissements intermédiaires destinés à négocier le pet-
pier agricole à la Banque de France.
« Les sociétés locales bien organisées peuvent parfaitement fonctionner
sans le secours d'aucun intermédiaire. Je citais tout à l'heure les compte-
rendus et les bilans des sociétés de crédit mutuel agricole existantes. Il
suffit de parcourir les documents pour être convaincu de ce que j'avance.
« Je pourrais citer un très grand nombre deces caisses mutuelles comme
celles de (Uiartres, de Montpellier, de Pamiers, de Poligny, de Pouilly-en-
Auxois, et bien d'autres encore pai^faitement connues, dont le papier est
non seulement admis mais encore recherché par la Banque de France
comme papier de premier ordre, et souvent supérieur à certain papier
commercial. »
U est certain, en effet, que les escompteurs se font aujourd'hui con-
currence et qu'ils acceptent, dans des conditions très favoraUes aux
emprunteurs, le papier portant des signatures honorables. Si les engage-
ments acceptés et garantis par les sociétés locales de crédit agricole mu-
tuel ont une valeur sérieuse, on ne saurait admettre que U troisième si-
gnature leur soit refusée; si ce papier est mauvais, si le débiteur ne doit
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R£VII£ DES QUESTIONS AGRICOLES i&9
pas s'acquitter à Véchéance^ on ne voit pas pourquoi une caisse régionale
de crédit Faccepterait. Sans doute, la caisse locale est intéressée à ne pas
garantir par sa signature la valeur du mauvais papier; mais cette respon-
sabilité est aujourd'hui effective et dangereuse parce que l'escompteur est
un banquier ordinaire ou une société de crédit^ qui fait valoir ses capitaux
et défend ses intérêts. Le jour où la caisse régionale dotée par l^Etoire»-
placerarescompteur privée. est-il bien certain qu'elle se nootrera aussi
sévère, aussi vigilante ; n'hésitera- 1- ou pas à readre effective la responsa-
bilité de la caisse locale puisqu'il ne s'agira plus, en somme, d'intérêts
priiés? Qui ne voit dès lors le danger ? La société locale sera tentée de ne
plus vérifier avec autant de soin U valeur du papier qui leur sera présenté.
Que sera, d'ailleurs, ie pilier agricole ; à guelfes opérations poui^a-t-ii
correspondre ? Toute la question du crédit agricole (ou baptisé tel) est ré-
sumée dans cette phrase. On confond toujours — chose à peine croyable
— les opérations qui donnent naissance au papier commercial et indus-
triel, arec les opérations agricoles. Elles sont pourtant bien différentes les
unes des antres.
Un commerçant achète pour revendre. Les actes de commerce habituels
consistent dans un achat à terme suivi d'une vente au comptant ou à
terme. Rien de plus naturel, dans ces conditions, que de créer du papier
représentant:
l»La valeur des marchandises vendues à terme au commerçant débiteur .
2^ La valeur de ces mêmes marchandises vendues ù terme par le corn-
merçant créancier k un autre commerçant on à une autre personne.
Cette double création de papier est logique. Elle est expliquée par la
nature des opérations qui sont des ventes à terme. -- Si une vente est faite
au comptant, 'û est clair que ni le vendeur ni l'acheteur n'ont de papier à
émettre, puisque l'on n'escompte pas une opération au comptant
Que se passe-t-il en agriculture ?
Nos cultivateurs achètent-ils des marchandises à terme pour les revendre
à terme ?
Non, mille fois non ! En premier lieu, l'agriculteur vend toujours au
comptant. Dès lors il n'a pas de papier à créer en tirant sur son acheteur.
En second lieu l'agriculteur achète des denrées non pas pour les revendre
telles qu'il les a reçues, mais pour les transformer. Les engrais, les ali-
ments destinés au bétail, les semences sont des matières prerkières. Le bé-
tail maigie qui sera vendu gras ; l'animal jeune que l'on achète pour le re-
revendre plus tard ne sont pas des matières premières, mais des agents de
transformation, des machines destinées à utiliser les fourrages de l'exploi*
tation rurale.
Les opérations agricoles dîCTèrent donc essentiellement des opérations
commerciales. La suppression de la vente à terme est déjà caractéristique.
Quand il s'agit.de transactions entre agricuLteurSy et notamment quand il
s'agit des ventes et achats de bétail autre que le bétail de boucherie^ toutes
les opérations se font au comptant.
Il n'y a donc pas de papier à créer.
Mais, dira-t-on, puisque l'agriculteur vend au comptant, pourquoi
n'achèteralt-il pas à terme en signant du papier créé par son vendeur? Le
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160 REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES
marchand d'engrais, de semences, d'instruments, etc., etc., lui vendrait à
crédit. Soit, mais constatons immédiatement que les opérations de ce
genre sont très limitées et n'ont plus du tout le caractère commercial.
Il s agit d'opérations industrielles.
Mais ici encore les dififérences sont profondes entre les opérations indus-
trielles proprement dites et les opération» agricoles analogues. Un indus-
triel achète à terme et vend à terme les matières premières qu'il trans-
forme. Le papier créé à cette occasion ne se rapporte qu'à cette circulation.
Un industriel ne se procure jamais par Tescomp te le capital nécessaire au
paiement de ses ouvriers, à l'achat de ses machines ou de son outillage, à
la construction ou à la location de son usine et de ses ateliers. Ce capital
est fourni par l'industriel lui-même, ses associés ou ses commanditaires.
Voilà la vérité.
Or, que propose-t-on de faire aujourd'hui pour l'agriculture? Il ne s'agit
pas seulement de lui permettre d'acheter à terme mais de se procurer des
capitaux qui serviront à acquérir des machines et des animaux domes-
tiques, à réparer des bûliroents, à exécuter des drainages, des irrigations,
à répandre des engrais qu'une seule récolte n'absorbe pas et qui restent
en réserve dans le sol comme la chaux ou les phosphates.
Le crédit agricole tel qu'on le comprend est donc tout différent du cré-
dit industriel ; il ne lui ressemble en aucune façon. Si l'on crée du papier
agricole en représentation des prêts consentis à des agriculteurs par des
caisses locales, ce papier n'aura pas la moindre ressemblance avec une
lettre de change qui représente, dans l'industrie, la valeur d'une marchan-
dise vendue, livrée, mais payable seulement à deux ou trois mois de date.
Ainsi donc, pas de ventes à terme de la part des agriculteurs, tandis que
les industriels observent, au contraire, cette règle dans leurs opérations.
Voilà une première différence fondamentale.
En outre, on a la prétention bizarre de procurer à l'agriculteur, par l'es-
compte d'un papier suigeneriSy des capitaux que Tindustriel ne se procure
jamais que par des emprunts ayant le caractère d'un contrat d'association
ou d'une commandite.
Voilà pourquoi l'on dit que les prêts à l'agriculture sont des prêts à long
terme.
Si Ton avait l'intention de commanditer des industriels pour leur per-
mettre de se procurer des machines ou d'agrandir leurs ateliers, il est clair
que les prêts consentis devraient, eux aussi, être des prêts à long terme et
non pas de simples opérations d'escompte à 90 jours.
Toutes les fois, au contraire, que l'on se trouve en présence d'une trans-
formation agricole analogue aux transformations industrielles, la création
d'un papier à court terme est parfaitement possible. Voici, par exemple,
un engrais h action rapide tel que le nitrate de soude, voici des aliments
destinés au bétail. Ce sont là des matières premières que Ton peut acheter
à crédit et payer rapidement.
Est-il, d'ailleurs, nécessaire, comme on le croit, d'attendre pour rem-
bourser la valeur d'un engrais, d'un aliment ou même d'un animal, que
cet engrais ait été payé par une récolte, que l'aliment ait servi à engraisser
un animal, que cet animal lui-même ait été revendu ?
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REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES 161
En aucune façou. Nous l'avons dit et répété bien des fois, ici même, ou
dans notre Revue du Journal des Df^bats^ les receltes d'une ferme sont
successives. Les animaux vendus jeunes ou engraissés, les produits de la
vacherie, de la porcherie, des jardins ; les vins, les cidres, les animaux de
basse-cour, les fourrages, les céréales ou les plantes industrielles ne sont
pas portés sur le marché au même moment.
M. Milliès-Lacroix n'a probablement jamais lu une ligne de ce que nous
avons écrit sur ce sujet, mais il est homme d'affaires clairvoyant et il s'est
donné la peine de réfléchir.
Son opinion confirme la nôtre et nous en sommes fort heureux. « Je
suis, dit-il, le premier à reconnaître que s'il s'agit d'emprunts destinés à
constituer de toute pièce un matériel agricole, à acheter même des ani-
maux de trait et de ferme, et les approvisionnements nécessaires à une
exploitation, en un mot tout l'outillage agricole, je reconnais, dit-il, qu'il
y a là des emprunts forcément à long terme et qui ne peuvent s'adapter à
la banque et à l'escompte. Mais j'ajoute que ce sont des emprunts d'une
nature qui n'est pas spéciale à l'agriculture. On les pratique dans toutes
les industries; ce n'est point par des avances ordinaires que l'on y fait
face ; ces avances sont du ressort de la commandite et non du crédit
mutuel. >
Et plus loin l'orateur ajoute :
« Lorsqu'un cultivateur achète des engrais ou des semences, il a pour
les payer autre chose que la récolte pour laquelle il prépare sa terre,
sinon il est dénué de toute ressource. L'agriculteur solvable, digne de
crédit a, en outre, les produits divers de sa ferme et de sa basse-cour, dont
il perçoit le prix presque quotidiennement et au moyen desquels il lui est
loisible de proportionner et d'échelonner ses payements d'une manière très
sage et très certaine. ♦
Est-il donc certain qu'il faille recourir à la création de caisses régionales
pour escompter un papier qui peut fort bien n'être pas à long terme?Nous
en doutons.
S'agit-il de commanditer en France 500.000 propriétaires cultivateurs,
petits fermiers ou métayers?
Il est clair alors que les subsides promis aux caisses régionales sont in-
suffisants. Nous sommes convaincus que le seul prêteur capable de donner
aux petits fermiers et aux métayers les capitaux dont ils ont besoin c'est
le propriétaire foncier lui-même.
Quant aux petits propriétaires-cultivateurs ils ne peuvent que s'aider
mutuellement au moyen du crédit agricole mutuel dont les services peu-
vent être très sérieux bien qu'on en exagère habituellement Timportance.
Le Sénat n'a pas donné raison à M. Milliès-Lacroix et le projet de la
commission comportant la création de caisses régionales dotées par l'Etat
a été adopté.
II y aura lieu d'ici quelques années d'étudier les résultats de cette orga-
nisation.
D. ZOLLA.
REVUE POLIT., T. XX H
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LA
m POLITIQUE ET PmËMfimiRE 4 L ETRMER
I. - ETATS-UNIS
Par M. MONROE-SMITH, Professeur au Columbia CoHege
et Directeur de la « Poliiical Science Quarterly ».
i» Chronique politique et paiiementaire.
Les préliminaires de la paix avec l'Espagne, signés à Washington le
12 août, ne déterminèrent rien au sujet des dettes afférentes aux île.s .
cédées ou abandonnées par TEspagne, et laissèrent à la décision des com-
missaires chargés de conclure la paix, la situation future des Philippines.
Sur ces deux poijits, les commissaires discutèrent pendant deux mois à
Paris. Les commissaires espagnols s'efforcèrent de persuader aux commis-
saires américains d'accepter la cession de Cuba. Les Américains refusèrent
d'accepter la cession ou d'assumer la souveraineté de Cuba au prodt
des Etats-Unis. En rejetant la souveraineté, ils refusèrent d'assurer la
charge de la dette du Cuba.
Quand les Espagnols demandèrent que la dette fût reconnue comme une
dette du futur souverain, la république de Cuba, les Américains refusèrent
de prévoir par anticipation la décision de ce souverain. Ils exprimèrent
néanmoins cette opinion, qu'une dette contractée pour des opérations
militaires contre Cuba n'était point une dette que le peuple de Cuba fût
en devoir de payer.
La conséquence finale d'un tel débat fut que les commissaires lais-
sèrent la question dans l'état où ils l'avaient trouvée. L'Espagne a
renoncé à sa souveraineté, les Etats-Unis ne Tout point assumée ; la sou-
veraineté de Cuba reste indéterminée, et l'on ne voit pas à qui les créan-
ciers doivent s'adresser pour être payés, si l'Espaigne ne veut point ré-
pondre des dettes contractées pour le compte de Cuba.
On a appris que dès les premiers jours de novembre, avant que le traité
final eût été signé, le gouvernement français a fait parvenir au gouver-
nement américain un rapport, montrant quelle portion de la dette cu-
baine se trouve entre les mains de citoyens français. Il n'est point question
que le gouvernement français ait formulé aucune demande, mais aux
Etats-Unis on suppose que cette démarche a été faite pour servir de base
à des déclarations possibles ultérieurement, et qui pourront être adressées,
soit à la République cubaine, soit aux Etats-Unis, en tant que puissance
exerçant jusqu'à un certain point son infiuence à Cuba.
Dans lés préliminaires de paix, l'avenir des Philippines a été expressé-
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ÉTATS-UNIS 163
ment réservé et ne devait être décidé que dans le traité final. Au moment
où j*écris ces lignes, il y a six mois que cette résolution a été adoptée,
parce que le gouvernement américain n'avait point encore arrêté sa liKne
de conduite sur ce sujet.
Le Président et ses conseillers n'étaient point certains que les Philip-
pines eussent une valeur pour les Etats-Unis ; ils ne savaient point si ie
contrôle de Tarchipel par les Etats-Unis, serait accepté on repoussé par les
indigènes et il leur répugnait de se prêter aune action aussi contraire aux
traditions américaines, que le gouvernement d*un peuple éloigné, d'une
race différente et d'une ciyilisation inférieure. On n'était pas mieux fixé
sur ce que désirait le peuple américain.
Vers la fin d'octobre, le gouvernement s'était formé une opinion. Il sem-
blait hors de doute que Tautorité espagnole ne potirrait être rétablie,
qu'au moyen d'une longue et sanglante lutte. On pensa qu'il était incon-
venant d'exposer les Philippins, qoi s'étaient comportés dans une certaine
mesure comme des alliés, aux inconvénients d^nn pareil conflit. D autre
part, on .jugea qu'il était impossible de les laisser à eux-mêmes, parce que,
jus(fu'ici, ils ne semblaient point capables de former et de maintenir un
gouvernement apte à protéger les vies et les propriétés des commerçants
européens et américains. Cette opinion était au moâns celle ([u'expri-
maient les résidents anglais et allemands et même un certain nombre de
Philippins.
Puisque nous avions détruit la puissance espagnole aux Philippines, il
semble qu'il était de notre devoir de l'y remplacer par un gouvernement
ordonné.
Au point de vue de l'intérêt, on n'était point persuadé que la possession
de ces lies fut un véritable avantage. On fut d'avis néanmoins que les
avantages indirects, pour notre commerce en Orient, seraient considé-
rables.
Finalement, bien que l'opinion aux Etats-Unis fut sérieusement divisée,
ie président Mac-Kinley en vint à condure que la majorité de notre peu-
ple désirait conserver les Philippines.
En conséquence, quand vers la fin d'octobre, les commissaires pour la
paix abordèrent la question des Philippines, les Américains réclamèrent
la cession de tout l'archipel. Le fait même que la question était restée ou-
^«rte avait fait espérer aux Espagnols une demande beaucoup moins ra-
dicdb». Néanmoins, leur opposition basée sur le fait qu'aux termes des pré-
liminaimdKtrail^ de paix, une telle demande était inadmissible était à
peine défendable^ la dÎKUSsion porta principalement sur la signification
des mots « contrôle >» « disposition » et « gouvernement y>, dans les
textes du traité. Assoréœml, ce mot <c contrôle » a une signification plus
faible en français que « coatrol » en anglais; mais les deux au-
tres mots sont assez élastiques dans les deux langues. L» pouvoir do
disposer est le plus ample des pouvoirs. D>iprès les Américains ces mot'^
impliquaient tons les arrangements possibles, Kôme le transfert de la
souveraineté ; et la correspondance échangée par Itstemédiaire de M. Gam-
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164 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'éTRANGER
bon, montre que les Espagnols s'en rendaient compte et qu'ils s'efîor-
cèrend avant la signature des préliminaires de paix, d'obtenir une inter-
prétation plus restrictive, mais sans aucun succès.
Le débat se poursuivit sans concession, ni d'un côté ni de l'autre, jus-
qu'au 21 novembre, quand les Américains formulèrent un ultimatum. Ils
réclamèrent la cession de toutes les Philippines, refusèrent d'accepter la
charge de la dette des Philippines, mais offrirent de payer à l'Espagne
20.000.000 de dollars. Ils promirent en outre que le commerce espagnol
aux Philippines serait placé sur le môme pied que le commerce américain
pendant vingt ans; enfin, ils déclarèrent que chaque gouvernement devrait
abandonner tout droit à de futures réclamations au nom de ses nationaux
;ontre l'autre gouvernement, se rendant ainsi lui-même responsable vis-
î-vis de ses citoyens, pour toute équitable satisfaction à donner à leurs
prétentions.
Le 28 novembre les commissaires espagnols acceptèrent l'ultimatum,
tout en protestant avec dignité, qu'ils ne cédaient qu'à la force.
Entre le 21 et le 28, les commissaires espagnols soumirent alternative-
ment aux Américains trois contre-propositions qui furent rejetées.
Il est assez probable qu'une de ces contre-propositions aurait été
acceptée par les Américains, si elle eût été faite avant la remise de l'ulti-
matum. Cette proposition avait pour but la cession de la partie septen-
trionale et centrale des Philippines, sans indemnité d'argent à TEspa^^ne,
plus l'adhésion à un arbitrage neutre, qui déciderait la question de savoir
quelle portion des dettes de Cuba et des Philippines, pouvait être en
bonne justice imputée à ces îles.
Pour bien comprendre les termes de l'ultimatum, il est bon d'observer
que si l'offre de 20.000.000 de dollars ne répondait directement à aucune
difficulté particulière, cette somme constituait précisément l'équivalent
de la valeur en or de la dette des Philippines. Il convient également de
ne point perdre de vue, que les réclamations des citoyens américains
contre l'Espagne, auxquelles le gouvernement américain s'est chargé de
répondre, s'élèvent dans leur forme présente à près de 30.000.000 de
dollars.
La décision publiée à Paris fut aussi désagréable aux insurgés philippins,
qu'aux commissaires espagnols.
Aguinaldo et ses partisans s'attendaient, apparemment, à ce que les
Etats-Unis les traiteraient de la même manière que Cuba et se chargeraient
seulement du protectorat des Philippines. Il est certain que cette espé-
rance a été encouragée, par les propos indiscrets et non autorisés des
consuls américains à Singapour et à Hong-Kong.
Le désaveu infiigé à ces propos par le gouvernement américain et le
soin avec lequel l'amiral Dewey et le général Otis évitèrent toute recon-
naissance du gouvernement des insurgés, disposèrent les Philippins à se
méfier des Américains et de leurs intentions, et amenèrent la situation
tendue que nous avons décrite dans notre dernière lettre. Quand on
annonça que le gouvernement américain réclamait la cession des Philip-
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ÉTAÏS-LNIS 165
pines, le gouvernement des insurgés protesta en déclarant que TEspagne
avait perdu sa souveraineté et n'avait plus rien à céder.
Dans le courant du mois de janvier, des négociations eurent lieu h
Manille, entre des envoyés d'Aguinaldo et des officiers délégués par le
général Otis. Il en résulta avec évidence que les Philippins ne désiraient
nullement la retraite des Américains : ils voulaient que les Américains
restassent et protégeassent les Philippines ; mais ils refusaient d'accepter
le contrôle de leurs protecteurs sur le gouvernement indigène. Ce gouver-
nement devait être complètement indépendant. Lors du traité ds Paris, les
Etats-Unis avaient promis de s'interposer pour obtenir la libération des
prisonniers espagnols au pouvoir d'Aguinaldo. Mais Aguinaldo refusa de
rendre ces prisonniers, avant qu'un arrangement eût été conclu concernant
le gouvernement des Philippines.
Des hostilités provoquées par les Philippins, mirent fin aux négociations
le 4 février.
On a pensé que leur intention était de détruire les forces américaines,
avant l'arrivée des renforts partis de San Francisco et qui étaient en route
pour Manille. On a également suppos<^ qu'ils espéraient intimider le Sénat
américain, alors engagé dans la discussion sur le traité de Paris. Toutefois,
il est probable que les chefs philippins ont été contraints à l'action, par
1 impatience de leurs partisans ignorants.
Les insurgés furent repoussés avec de grandes pertes : une tentative
pour faire éclater une insun^ection dans la ville de Manille fut déjouée et
les lignes américaines furent portées en avant, aussi loin que les forces
dont disposait le général Otis pouvaient le permettre. Après l'arrivée des
renforts, il est probable que l'armée des Philippins sera complètement
défaite et dispersée, mais 1 n'est point du tout improbable qu'une guerre
d'embuscade* (guerillo), pourra être continuée pendant longtemps encore
dans l'île de Luçonl Le il février, le général Miller a occupé Ilo-Ilo, sans
rencontrer de sérieuse résistance.
Dans les premiers jours de mars, des bataillons américains ont pris
possession sans coup férir de Cebu dans Tîle du même nom, de Bocolod
dans l'île Negros, ainsi que des iles de Samar et de Leyte.
La question de la libération des prisonniers espagnols, retenus par les Phi-
lippins, semble devoir amener des complications. Au commencement de
février, le gouvernement espagnol fit savoir au gouvernement de Washing-
ton que vu l'échec des Américains dans leur action ayant pour but d'ob-
tenir la libération des prisonniers espagnols, ce qui semblait le plus conve-
nable à Madrid était de négocier directement avec les insurgés, les Etats-
Unis restant responsables pour les dépenses. Au début du mois suivant le
général Otis avertit les commissaires espagnols qu'au point de vue mili-
taire il serait obligé de protester contre tout arrangement, aux termes
duquel des sommes d'argent seraient versées aux insurgés, cet argent ne
pouvant que faciliter leur résistance.
Vers le milieu de janvier environ, le président Mac-Kinley nomma une
commission, ayant pour but de faire une enquête détaillée sur tout ce
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166 LA VIE POLITIQUE ET PAM-EBIENTAIRE A l'ÉTRANGER
qui c<mcerBe la situation aux Philippines. Les membres de cette commis-
sion sont : MM. Schnrm«n de TUniversité de Cornell, président, le colonel
Charles Denhy, qui fat pendant hien des années ministre américain en
Chine et le professeur Worcester de rUniversité de Michigan, un natura-
liste qui séjourna plusieurs années aux Philippines et qui a écrit un ou-
vrage très instructif sur ces îles et leurs habitants.
Aux termes du protocole de Washington, des commissaires se rencon-
trèrent à la Havane et à San-Juaa de Porto-Rico le i2 septembre pour
prendre les arrangements nécessaires pour Tévacuatian de ces îles. Les
commissaires de Porto-Rico terminèrent rapidement leur tâche et, dès le
18 octobre, le contrôle de Tile fut remis aux autorités militaires des Etats-
Unis. Les commissaires de Cuba se trouvèrent en présence d'une tÀcbe
plus difficile, attendu que Tarmée espagnole de Cuba s'élevait au chiffre
de 120.000 hommes. U fut impossible de transférer Je contrôle de Vile aux
Elats-Unis avant le l**" janvier. Même alors, plus de 40.000 soldats espa-
i^nols, qui n'avaient pu être transportés en Espagne, se trouvaient encore
dans l'île et les derniers rapatriés ne le furent que dans les premiers jours
de février. D'après les dispositions arrêtées par les commissaires, ces
soldats furent traités sur le pied d'une année étrangère en pays ami : leurs
baraquements, etc., étant considérés comme s'ils se trouvaient sur un autre
territoire. Aussitôt après la retraite des autorités espagnoles, les deux îles
furent placées sous l'autorité du gouvernement militaire américain.
A Porto-Rico, le général Brooke remplit les foncti<»ns de gouverneur mili-
taire jusqu'au l"** janvier; il fut alors désigné pour occ«per la même posi-
tion à Cuba et le général Henry hii succéda à Porto-Rico.
Dans les deux tles, l'administration a été organisée sur le même pied.
Le gouvernement militaire choisit un cabinet composé de résidants de
nie, et des juges indigènes rendent la justice dans les tribunaux ordi-
naires. L'administration provinciale est confiée à des officiers américains,
mais le gouvernement local est exercé autant que faire se peut par des
autorités indigènes. Les forces de police dans la campagne et celles desti-
nées aux villes sont recrutées et, dans une large proportion, commandées
par des résidants de Pile. Mais, pour les affaires importantes, la décisioti
définitive reste entre les mains du gouvernement militaire. Jusqu'ici, les
résultats de l'administration antéricaine sont, dans leur ensemble, satis*
faisants pour la population de ces îles. A Cuba, un petit parti réclame
l'indépendance immédiate et à Porto-Rico un parti plus considérable désire
le prompt établissement da gouvernement civil. Mais l'on n'aperçoit aucnn
symptôme d'une révolte en préparation. Dans quelques cas exceptionnels, la
conduite des soldats américains a donné lieu à des plaintes; mais ces
plaintes ont cessé après le départ des volontaires et leur remplacement par
des troupes régulières.
La tAche la plus urgente, h laquelle dut se consacrer l'administration
américaine à Cuba, fut de préserver les habitants de la famine. Avant la
fin de la guerre, on savait que le nombre des personnes ayant à souffrir
du manque d'aliments s'était considérablement accru, et que même les
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ÉTATS-LXIS 167
soldats insurgés étaieat aux prises avec la faim. Aussitôt après le débar-
quement des forces américaines à Daiqairi, ies opérations de secoure
iuterronipaes au début de la guerre furent reprises ; et après Toccupation
de Santiago, le ravitaillement fut complètement organisé, dans la partie
tH-ienlale de Cuba. Après le transfert de Tîle à Taotorité américaine à la fin
de Tannée, le ravitaillement dans ies autres parties de Cuba fut organisé
par un commissaire spécial, M. Charles W. Gould.
La lâche la plus importante, après celle du ravitaillement, fut Tamélio-
ration des conditions sanitaires dans les villes des deux Iles. Le plus
grand succès a été obtenu par le général Wood, qui est un savant médecin
autant qu'un soldat et qui a transforma la ville de Santiago. D*un trou
pestilentiel, il a fait une des villes les plus salubres de Tîle. De grands pro-
grès out aussi été faits au point de vue des conditions sanitaires à la
Havane et à San-Juan. Mais le problème le plus difficile, en face duquel
se trouvèrent les Américains à Cuba, fut l-*existenoe d'un gouvernement
d'insurgés et d'une armée dlnsurgés. Le 10 novembre, le président cubain
Masso et son cabinet offrirent leur démission à l'Assemblée cubaine.
L'Assemblée assuma le pouvoir, nomma un conseil exécutif et aussi une
commission dirigée par le général Garcia et chargée de négocier avec les
autorités de Washington, relative ment au licenciement de Tarmée cubaine.
Naturellement, les Cubains demandaient une somme beaucoup plus forte
que celle que Je gouvernement américain était disposé à accorder.
La mort du général Garcia^ le il décembre, occasionna la suspension
des négociations à Washington. Au mois de janvier, Je gouvernement amé-
ricain laissant de côté l'Assemblée cubaine et ses commissaires, ouvrit de
nouvelles négociations avec le général Gomez, commandant en chef de
l'armée cubaine, et il fut convenu avec lui que 3.000.000 de dollars
seraient avancés par le gouvernement américain, dans le but de venir en
aide aux soldats cubains, et qu'aussitôt après la distribution de cette
somme, l'armée cubaine serait licenciée.
Cet arrangement fut déclaré nul par l'Assemblée cubaine, et au moment
où nous terminons cette lettre, l'Assemblée a accusé de trahison le général
Gomez et l'a déclaré déchu du poste de commandant en chef. Mais comme
l'Assemblée n'a Jamais été reconnue par le gouvernement américain et
qu'elle est complètement dépourvue de puissance; comme d'autre part le
sentiment des Cubains semble, dans une large mesure, favorable au géné-
ral Gomez, l'opposition de l'Assemblée n'aboutira probablement à aucun
résultat importanL
L'enseignement principal qui découle de cette querelle, c'est que le
peuple cubain est actuellement divisé en treii partis, au lien de deux qui
existaient auparavant, et qu'il existe une nouvelle preuve que, jusqu'à
présent au moins, le maintien du contrôle américain est essentiel à la
paix de File.
De nouveaux droits de douane, basés sur une soigneuse étude des con-
ditions économiques des îles, sont entrés en vigueur à Cuba le 1*^ janvier
e( à Porfco-Rico le l*' février.
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\
168 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
Dans la plupart des cas, les droits établis à Porto-Rico sont légèrement
plus bas que ceux établis par le tarif cubain.
Dans Tune et Tautre île, les taxes sont beaucoup plus basses que les
moindres taxes du tarif espagnol.
Les plaintes concernant la direction administrative de la guerre
déterminèrent en septembre le président Mac-Kinley à nommer une
commission d'enquête, composée principalement de civils, mais com-
prenant un certain nombre d'officiers de Tarmée régulière en retraite et
des officiers des volontaires. Un grand nombre de témoignages furent
reçus à Washington et dans les divers camps des États-Unis, ainsi que
dans les principales villes, et dès le commencement de février les com-
Uâissaires firent leur rapport. Us ne trouvèrent aucune preuve de mal-
honnêteté, mais ils trouvèrent bien des choses à critiquer. •
La plus grande partie des maux qu'ils signalèrent eurent selon eux
pour cause, le fait que tous les départements administratifs de Tarmée
n'étaient point préparés pour la guerre, ce qui était imputable à la parci-
monie du Congrès. Il fut établi cependant que l organisation de l'armée
était imparfaite sous bien des rapports, et la méthode routinière de l'ad-
ministration de plusieurs départements fut déclarée de nature à rendre
presque impossible une prompte expédition des affaires. Ce rapport, bien
que correct, selon toute probabilité, dans ses conclusions essentielles, ne
causa que fort peu de satisfaction, parce que l'opinion publique insistait
pour qu'une responsabilité fut attribuée à une ou plusieurs personnes.
On le jugea également insuffisant pour ce qui regarde la question spé-
ciale de la qualité du bœuf fourni aux soldats, vu que le général Miles,
commandant en chef de l'armée, avait déclaré cette viande impropre à
l'usage auquel elle était destinée. Le 9 février le président Mar-Kinley
nomme une autre commission d'enquête, toute militaire celje-là, pour
examiner les allégations du général Miles. Cette Commission a déjà en-
tendu bien des témoignages, tendant à servir de bases aux accusations du
général Miles, mais.elle n'a pas encore terminé son travail.
Les élections générales pour le Congrès ont eu heu le 8 novembre. Dans
le plus grand nombre des Etats, les gouverneurs et les législatures furent
élus en même temps. Les républicains l'emportèrent dans beaucoup û'é-
tats de l'Est, dont l'esprit était douteux et obtinrent des succès dans le
moyen Ouest et dans le Nord-Ouest.
Toutefois, par suite de pertes danslEst et dans le Sud, la Chambre des
représentants reste républicaine, mais avec une petite majorité seulement.
Mais une grande majorité républicaine est assurée dans le prochain Sénat.
Ce résultat, si différent pour les deux Chambres, est dû premièrement au
fait que les sénateurs ne sont point désignés par le peuple, mais par les
législatures d'Etats, et deuxièmement au fait que les sénateurs arrivés h la
fin de leur mandat avaient été élus il y a six ans, tandis que la Chambre
des représentants est complètement reU'iuvelée tous les deux ans.
Dans les élections de sénateurs qui suivirent, il n'y eut pas moins de
({uatre législatures d'Etats qui ont été incapables jusqu'ici de réunir une
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ÉTATS-UNIS 169
majorité sur un candidat. Ce résultat singulier a donné plus de force au
projet d'un amendement à la Constitution fédérale, qui permettrait
Télection de sénateurs, par le vote populaire direct.
Le Congrès s'est léunije 5 décembre ; mais non le Congrès élu un mois
auparavant; ce fut le Congrès élu il y a deux années : aux termes
de notre Constitution, Tancien Congrès subsiste encore plusieurs mois,
après la nomination de celui qui doit le remplacer. Le message du président
fut surtout consacré aux négociatiouj avec FEspagne, avant les hostilités,
et aux circonstances de la guerre. Au sujet des territoires conquis il
déclara qu'on ne pouvait utilement discuter sur leur gouvernement, tant
que le traité de paix n'était point définitivement conclu et ratifié. Cepen-
dant pour ce qui regarde Cuba, il déclara que ce serait le devoir du gou-
vernement américain d'aider le peuple cubain à former un gouvernement
pour lui-même, déclaration qui fut accueillie avec beaucoup de satisfaction
par les patriotes cubains. Il eut soin d'ajouter, pourtant, que jusqu'à ce
qu'une complète tranquillité ait été rétablie dans l'île et qu'un gouverne-
ment stable y eût éfé inauguré, l'occupation militaire serait continuée.
Parmi les objets les plus importants signalés par le Président à l'attention
du Congrès, il faut noter la construclion par les Etats-Unis d'un canal
inter-océanique et l'accroissement de larinée ainsi que de la marine de
guerre, afin de correspondre aux intentions de l'autorité des gouverne-
ments des principales puissances maritimes, en vue de l'exemption de
toute propriété privée en mer, ne pouvant être considérée comme contre-
bande de guerre, d'hostilités pouvant entraîner la capture ou la destruction
de la part des puissances belligérantes.
Peu de temps après l'ouverture du Congrès, le Président se trouva en
mesure de transmettre au Sénat, pour le faire ratifier, le traité de paix
avec TEspagne. Une forte opposition se manifesta, particulièrement au
sujet de l'annexion des Philippines. Le vote sur la question de la notifi-
cation fut reculé jusqu'au 6 février.
Les adversaires du traité proposèrent alors un amendement, déterminant
que, l'Espagne au lieu de céder les Philippines, abandonnerait simplement
la souveraineté, et que les Etats-Unis assureraient provisoirement le con-
trôle de l'archipel seulement. Au vole, cet amendement fut repoussé par
33 voix contre 30 Ce premier essai des forces en présence fit penser que
la ratification du traité était douteuse, attendu que, d'après la constitution,
une majorité des deux tiers est nécessaire en pareil cas. Cependant,
quand on arriva au vote définitif, trois démocrates et un républicain qui
avaient voté pour l'amendement se rallièrent à la majorité, et le traité fut
ratifié avec une voix de plus que le nécessaire, 57 contre 27.
Quelques jours après, le Sénat adopta une résolution affirmant que, par
la ratification du traité, il n'avait pas ou l'intention d'établir que les îles
faisaient partie intégrante des Etats-Unis, mais bien d'y instaurer un gou-
vernement approprié aux besoins des habitants, afin de les préparer à la
formation d'un self-gouvernement local. On essaya d'obtenir l'expression
d'une opinion semblable de la part de la Chambre basse, mais on n'y réus-
sit point.
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170 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
Les plus importantes questions présentées au Ck)ngrès, à part la ratifi-
cation du traité, furent raccroissement de Tarmée et de la marine et la
construclion du canal de Nicaragua.
La principale opposition aux bilis relatifs aux armées de terre et de mer
provient du Sénat. Après une longue lutte entre les deux chambres, les
projets de loi furent adoptés autorisant Taugmentation de Tarmée régu-
lière, portée à 65.000 hommes, et l'enrôlement de 35.000 volontaires.
Toutefois, chacune de ces mesures est provisoire, elles resteront en vigueur
jusqu'au l*^'^ juillet 1901, seulement.
Pour ce qui concerne la marine de guerre, les recommandations de
Tadministration furent admises, de manière h autoriser la construclion de
12 nouveaux vaisseaux. Toutefois, la loi limite le montant des sommes à
dépenser, par tonne d'acier pour cuirasser les navires, de telle sorte qu'à
ce prix les navires ne peuvent être cuirassés.
Quant au canal de Nicaragua, le Sénat adopte un Mil autorisant la cons-
truction du canal par les Etats-Unis, au prix, qui ne doit pas ^tre dépassé,
de 115.000.000 de dollars. Toutefois, la Chambre basse se montra hostile à
cette prop'>sition. Juste avant la clôture de la session, on introduisit un
compromis aux termes duquel 1.000.000 de dollars étaient consacrés à de
nouvelles études sur les routes les plus convenables à travers Tisthme.
Parmi les mesures proposées au Congrès et qui ne furent point adoptées,
il faut noter un bill pour donner plus d'essor à la marine américaine, au
moyen do subsides :un bill autorisant rétablissement d'un câble entre les
Etats-Unis et Honolulu, et ^un autre bill pour établir une forme territo-
riale de gouvernement aux îles Hawaï. De même, le Congrès ne put arrêter
aucune mesure relativement à la réforme monétaire, mais on s*en est
occupé, au moins de manière à préparer un bill qui serait présenté, à Fou-
ver ture du prochain Congrès.
Le plus important résultat peut-être des luttes de ce Congrès, c'est que
le parti républicain s'est trouvé plus ouvertement immiscé qu'il ne l'avait
été auparavant, à la politiciue d'expansion, tandis que le parti démocra-
tique s'est plus fortement uni, en se prononçant contre les lointaines en-
treprises coloniales. A la fin de la session eut lieu une réunion de repré-
sentants du parti démocratique, où ils se déclarèrent irrévocablement
opposés à rétablissement par les Etats-Unis d'un gouvernement, sans le
consentement du peuple à qui ce gouvernement est réservé. Ils déclarèrent
également que les Etats-Unis ne devaient exercer aucune souveraineté
sur les Philippines, mais qu'après y avoir institué un gouvernement indé-
pendant, ils devaient transmettre à ce gouvernement tous les droits qu'ils
tiennent de la cession faite par l'Espagne.
liC seul changement dans le cabinet, pendant la période qui nous
occupe, a été la nomination de M. EUian A. Hitchcock, précédemment
ambassadeur en Russie, au poste de secrétaire d'Etat ;i rintéricur. Le poste
devenu vacant à Saint-Pétersbourg, par le déplacement de M. Hitchcock, a
été occupé par M. Charlemagne Tower, qui de Vienne où il était aupara-
vant, a été transféré en Russie. En même temps M. G. Harris était nommé
ministre en Autriche-Hongrie. Au mois de janvier, le poste d'ambassadeur
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ÉTATS-INIS 171
près de la cour de Saint-James devint vacant, par la nomination de
M. Hoy aux fooctioBs de secréfaire d'Etat, et fut occupé par M. Joseph H.
Ghoate, avoci^ important de New- York.
Pour ce qui est des relations extérieures, les principaux iWénements
dignes d'être notés sont les suivants :
La commission anglo-américaine qui s'est r^nie à Québec au mois
d'août et ensuite à Washington au mois de novembre a été ajournée en
février, jusqu'au milieu de Tété prochain.
Il a été constaté que cette commission était dans l'impossibilité d'amener
aucun arrangement eiitre le Canada et les Etats-Unis, soit sur la question
des frontières d'Alaska, soit relativement au traitement commercial réci-
proque.
Les autorités impériales allemandes se sont donné beaucoup de peine
pour démontrer les sentiments amicaux réels des" Allemands envers les
Etats-Unis, et pour dénoncer comme autant d'inventions les rapports
mentioonant des frotseements entre les officiers de marine allemands et
américains à Manifle. Des •concessions ont été faites aux Américains, faci-
litant rimportation en Allemagne de produits alimentaires, et des négo-
ciations ont été commencées dans le but d'améliorer réciproquement la
situation commerciale entre les deux pays.
La domination à trois exercée conjointement par la Grande-Bretagne,
l'Allemagne et les Etats-Unis sur les îles Samoa, n'a point amené de bons
résultats.
Des troubles ont eu lieu dans ces îles, à propos de l.'éleotion du succes-
seur du roi Malietoa. Aux termes du traité de Berlin en 1889, le roi est élu
par les chefs indigènes ; mats toutes les difficultés pouvant résulter d'une
élection doivent être soumises à un magistrat « chief justice >% nommé
par les trois puissances protectrices. Dans les premiers jours de décemi)re,
les chefs indigènes élevèrent à la dignité royale avec une grande majorité,
le chef Matoafaa. Les partisans d'un antre candidat, Malicetoa Tanus, pro-
testèrent en observant que Matoafa n'était pas éligible.
Le « chlef justice» Ghambers, un citoyen américain^ prit une décision le
M décembre, où il ne se bornait point à soutenir cette protestation, mais
où il déclarait élu Malietoa Tanus.
Cette décision était en partie basée sur la fait, qu'un des articles du
traité de Berlin établissait que les Allemands avaient protesté contre la
possibilité d'une candidature de Motoafa au trône des Samoa.
Or, comme Matoafa est précisément aujourd'hui le candidat des Alle-
mands, tandis que Malietoa Tanus est le candidat des Anglais et des Amé-
ricains, la position assumée par le magisUat représentant les trois puis-
sances, provoqua en même temps l'irritation et les risées. Une telle déci-
sion est difficilement justiftabl»^, mais la conduite du consul allemand à
Samoa et celle du président allemand du conseil municipal d'Apia sont
telles, qu'il est tout à fait impossible d'en prendre là défense.
Le consul allemand refusa de reconnaître la décision du « chief justice »,
et les partisans de Malietoa Tanas.
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172 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
Malieloa à la guerre fut vaincu et se n'îfugia à bord d'un vaisseau anglais.
Le « chief justice », sous la menace de se voir opposer la force, se mit
également sous la protection du drapeau britannique et un gouvernement
provisoire fut formé, ayant à sa tête le président allemand du conseil
municipal. Ce gouvernement déclara aussitôt (6 janvier), que la fonction
de « chief justice » était vacante et que jusqu'à nouvel ordre {pro tempore) ,
cette fonction serait remplie par le président M. Raffel. Le jour suivant, le
capitaine du navire anglais, accompagné des consuls anglais et américain
et d'une force militaire composée de marins, envafîit le palais de la Cour
suprême, hissa au faite les drapeaux anglais et américain et réinstalla
M. Ghambers, dans la situation de « chief justice ».
Actuellement, les trois consuls ont convenu de reconnaître le gouverne
ment provisoire, comme gouvernement de fait, et en revanche, ce gou-
vernement a reconnu le « chief justice » Ghambers, comme occupant tou-
jours la fonction à lui confiée. Il est extrêmement improbable que les
trois puissances protectrices permettent que leb maladresses commises
par leurs représentants diplomatiques puissent troubler les relations
amicales qui existent entre elles.
Par conséquent, il faut espérer, dans l'intérêt des habitants de Samoa,
qu'une forme de contrôle mieux appropriée à la situation, que celle qui
résulte du traité de 1889, sera appliquée désormais.
2"" Principaux actes et résolution du Congrès.
Session 1897-98
Phoques à fourrare. — Actes du 29 décembre 1897, interdisant de les tuer,
dans le nord de l'Océan Pacifl(|ue.
Navigation. — Acte du 16 février 1898, modifiant les lois sur la navigation.
(Interdisant aux vaisseaux étrangers de transporter des marchandises ou des
passagers, d'un port des Etats Unis à un autre).
Armée amérioaine. — Acte du 9 mars, pourvoyant à d'urgentes nécessités
d'ordre militoire, mettant cinq millions de dollars à la disposition du Président,
pour la défense nationale).
Cuba. — Double résolution du 2 avril, demandant que le gouvernemenl espa-
gnol abandonne son autorité à Cuba et (|u'il retire ses forces de terre et de mer
de Cuba et des eaux cubaines, et en niAme temps autorisant le Président des
Etals-Unis à employer les forces de terre et de mer des Etats-Unis, pour faire
entrer ces résolutions' dans le domaine des faî's.
Armée américaine. — Acte du 22 avril pourvoyant à Taccroisseuîent tempo-
raire des forces militaires armée de volontaires). — Acte du 26 avril visant
l'amélioration de l'organisation de l'armée régulière. — Acte du 7 mai affectant
les .sommes nécessaires, pour des travaux de fortification. - Acte du 11 mai dé-
cidant l'enrôlement d'une force additionnelle de 10 000 hommes, habitués au
climat des tropiques.
Marine. — Double résr)lution du 26 mai pourvoyant à l'organisation d'une
force navale auxiliaire.
Commissionnaires de commerce. — Acte du l^r juin sur les commission-
naires s'occupant de commerce d'un Etat à l'autre, et leurs employeurs ^pour-
voyant à un arbitrage en cas de difficultés.)
Incapacité de droits politiques. — .Vcte du 6 juin abolissant Tincapacité
imposée par la section 3 du quatrième amendement à la Constitution .rétablis-
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HONGRIE 173
sèment des anciens confédérés du Sud, dans la plénitude de leurs droits poli-
tiques).
Corps :_:3pUa::or3 de la marine. — Acte du 17 juin décidant l'organisation
d'un corps hospitalier de la marine.
Territoire Indien. — Acte du 28 juin relatif à la protection du peuple sur le
Territoire Indien.
Banqueroute. — Acte du 1*' juillet établissant un système uniforme de ban-
queroute.
Session 1898-99.
Marins américains. — Acte du 21 décembre modifiant la législation relative
aux marins américains.
Papiers négociables. — Acte du 12 janvier relatif aux papiers d'affaires né-
gociables, dans le district de Colombie.
Armée américaine. — Acte du 2 mars relatif à l'augmentation de la puis-
rance de l'armée.
Droits de route. — Acte du 2 mars relatif à l'acquisition de droit de route
par (les compagnies de chemins de fer, à travers les réserves indiennes.
Traité hispano-américain. — Acte du 2 mars affectant les sommes néces-
saires à l'exécution des obligations du traité conclu avec l'Espagne le 10 décem-
bre }89S. (20.000.000 de dollars^ — Acte du 2 mars créant la dignité d'amiral de
la flotte.
Recensement. — Acte du 3 mars pourvoyant au douzième recensement.
Exposition Pan-Américaine. — Acte du 3 mars ayant pour but d'encou-
ra^t-r la tenue d'une Exposition Pan- Américaine à la frontière du Niagara, dans
l'Etat de New- York, pendant l'année 1901.
Personnel de la marine. — Acte du 3 mars réorganisant le personnel de la
marine.
Code de procédure criminelle. — Acte du 3 mars définissant et punissant
les délits dans le district d'Alaska et pourvoyant à la création d'un Code de pro-
cédure criminelle, pour cette contrée.
II. — HONGRIE
Par M. A.-E. HORN.
10 Chronique politique et parlementaire.
Sommaire. — L'obstruction parlementaire. — Les arrangements éventuels avec
l'Autriche. — Le nouveau ministère Széll. — Le baron Bânffy.
Tout est relatif dans la vie. — A l'appui de cette vérité' bien vieille, je
demande à citer les trois lignes ci-après, par lesquelles débute la corres-
pondance de Belgique insérée dans le dernier numéro de la Revue:
<• L'œuvre législative accomplie par les chambres belges — y est-il dit —
de novembre à fin janvier, est probablement la plus mince que trois mois
de session aient jamais été employés à accomplir. » A l'appui de quoi votre
honorable correspondant énumère le petit nombre de lois votées dans cet
espace de temps. Combien son opinion se modifiera cependant, lorsqu'il
aura la que, du o septembre au l*"" mars dernier, soit dans l'espace de six
mois, sans avoir cessé de siéger, le Parlement hongrois n'a pas volé une
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174 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
seule loi, pas ane seule si nous exceptons celle portant u consécration
législative de la mémoire de la reine Elisabeth », la malheureuse souve-
raine, tuée à Genève. C'est peu et, en le constatant, j'ai déjà signalé toute
la misère législative par laquelle nous venons de passer et qui, j'ai hâte
de l'ajouter, vient de prendre fln à la suite du remplacement du cabinet
Bânffy par le cabinet Széll.
En vous parlant, il y a six mois, de la douloureuse émotion, produite par
l'attentat de Lucheni et de l'appel à l'entente des peuples de la monarchie
et des partis politiques qui l'avaient suivie, j'exprimais des doutes sur
l'efficacité de cet appel. Mon pessimisme n'était que trop justiOé. Pas plus
en Autriche que chez nous, il n'y a été donné suite. Notre opposition, au
contraire, s>st mis en tête d'empêcher toute action législative, toute dis-
cussion parlementaire, tant que le baron Bâufîy resterait à la tête du pou-
voir et, comme nous n'avons pas de dôture, elle y a parfaitement réussi,
le serais très sobre quant aux détails de cette campagne de six mois. Elle
a été très attristante et très humiliante à la fois. Pendant des mois, les
séances n'ont été occupées que par des interpellations el des votes sur les
procès-verbaux, lesquels, eux-mêmes, ne contenaient absolument rien. Le
prétexte était le suivant. On exigeait du gouvernement qu'il fit connaître le
texte des arrangements conclus avec le cabinet Gisleithan en vue du renou-
vellement du pacte décennal, prétexte futile, car tout le monde connaissait
ces arrangements. Mais comme ils stipulaient aussi bien pour le cas où le
Reichsrath voterait le renouveltement du pacte qu'en vue de Téventualité
contraire, et que cette dernière assemblée s'était enfin laissé attendrir et
discutait ce renouvellement, il y avait un certain déconim à observer et
mieux valait ne pas proclamer comme une menace ce qui se passerait dans
le cas où le Reichsrath ne voterait pas avant le 31 décembre le dit arrange-
ment. Notre obstruction ne portait pas seulement sur le vote des lois de
TAusgleich; elle refusait «wsi de dkeuter le budget, le contingent mili-
taire et même des crédits provisoires, pour que le pays puisse payer les
impôts et fournir des recrues. Bref, on arrivait à la fin de Texercice, saas
aucune espèce de législation en matière financière et militaire, et c'est
grave, car nos lois ne permettent ni perception d'impôts, ni recrutement
sans vote parlementaire.
C'est alors que les députés de la majorité signèrent en décembre une
« déclaration », portant qu'en présence de l'obstruction de la minorité, le
pays reconnaissait au gouvernement le droit de continuer sa perception
des impôt;?, en rejetant la responsabilité sur les intransigeants. Cette
déclaration, que naturellement on ne pouvait songer à faire voter par la
Chambre et qui, dès lors, n'était qu'une simple « manifestation »>, pro-
duisit cependant une scission dans la majorité; une vingtaine de ses
membres se détachèrent; dans le nombre, le président et le premier rice-
président de la Chambre basse, MM. de Srilagyi et de Lang, tandis que le
second vice-président était malade ; le fauteuil présidentiel fut alors
occupé par le doyen d'âge, M. Jo>eph de Madarasz. Il devait, à ce litre,
faire procédera la constitution d'un nouveau bureau; mais telle était la
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^■!t>
HONGRIE 175
I
.1
Yiolence de Tobstraction que cette opération ne put se faire, et que M. de
Madarasz dut rester à la présidence jusqu'après la constitution du minis-
tère Széll, c'est-à-dire pendant plus de deux mois et demi. Je ne crois pas
m'écarler de mon sujet, en introduisant auprès des lecteurs de la Revue,
ce président improvisé de la Chambre des Députés de Hongrie.
M. Josef de Madarasz a 85 ans. L'été dernier il a célébré le cinquan-
tenaire de son mandat législatif, car il a siégé dans le Parlement de 1848
et, pour lui qui appartient à Textréme gauche et pour lequel la suspension
de 1848 à 1867 n'existe qu'à titre d'acte illégal, la continuité du mandat
de 1848 ne faisait pas de doute. CTest un républicain rigide et puritain,
d'une extrême simplicité de vie, un puriste dans le langage qui n'em-
ploie jamais un mot « étranger »; il est toujours le premier dans la salle
des séances qu'il ne quitte qu'après la clôture. 11 était, depuis des années,
le doyen d'âge de l'assemblée, mais il n'avait jamais occupé le fauteuil
présidentiel et voici pourquoi : c'est qu'au lendemain de nouvelles élec-
tions, les Chambres se rendent au Palais-Royal de Bude, pour entendre
de la bouche du souverain le discours du Trône. Or, tout républicain qu'il
est (et il Ta encore prouvé en prononçant le discours de circonstance à la
mort de M. Félix Faure). M. Madarasz s'incline devant les lois du pays et
respecte la dynastie. Mais, en ce jour solennel de l'ouverture de la ses-
sion, le Palais-Royal porte à côté de la tricolore hongroise le drapeau
jaune et noir de la famille de Habsbourg. Or, ce drapeau est conâdéré par
l'extrême gauche comme n'étant pas à sa place, et M. de Madarasz n'en-
tendait pas s'incliner devant cet emblème. Voilà pourquoi il a toujours
refusé le fauteuil. Cette fois, aucune présentation à la cour n'étant à pré-
voir, il s'y est installé et il a vaillamment fait son devoir pendant une soixan-
taine de séances — de pur formalisme, il est vrai. Tous les partis ont rendu
hommage à la correction, au tact de ce vieillard inébranlable dans ses
opinions et si souple à la fois, et des remerciements unanimes lui ont
été finalement votés. Croyez bien que durant la longue tristesse de cette
interruption de la vie parlementaire, cette apparition d'un civis antique,
avait quelqae chose de consolant
A peine la sécession s'était-elle produite, que plusieurs de ses mem-
bres les plus émiaentSy MM. le comte Csaky, le comte Jules Andrassy et
l'ex-président M. de Szilagyi, tous anciens ministres, entreprirent de réta-
blir la paix et cela non seulement au sein de l'ancienne majorité, mais
encore avec les fractions de l'opposition pour rendre la reprise du travail
parlementaire possible. De longues négociations eurent lieu ; le gouverne-
ment et la majorité exigèrent des garanties contre le retour de l'obstruc-
tion et, avant tout, la révision du règlement ; la minorité réclamait des
gages en vue de la pureté de futures élections, et à cet effet, la reprise du
projet de loi voté en 1896 par la Chambre basse, mais repoussé par les
magnats qui tend à déférer à la Cour de Cassation les mandats législatifs
contestés pour empêcher ainsi la majorité de faire oeuvre de parti dans
la vérification des pouvoirs. Vous vous rappelez peut-être que la Chambre
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176 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
haute avait repoussé cette loi, il y a trois ans, à cause de l'article qui ten-
dait à réprimer Tabus de la chaire de la part des prêtres lors des élec-
tions. D'autres exigences étaieut encore formulées de part et d'autre, et
c'est ainsi que l'opposition avait inscrit dans ses desiderata l'introduction
du sufTrage universel. « D'innombrables procès-verbaux furent rédigés, les
délégués des partis et les trois négociateurs ci-dessus nommés n'arrivèrent
pas à se mettre d'accord. Cela n'avait rien d'étonnant; au fond, l'opposi-
tion ne restait unie que dans la négation. Le baron Banfîy avait depuis
longtemps manifesté l'intention de se retirer, pourvu que T « indemnit«M>
pour les crédits employés depuis le !«'' janvier et un arrangement provi-
soire avec l'Autriche fussent votés; l'opposition s'y refusa et la majorité
n'avait aucun moyen de lui arracher ces votes.
Dans un des nombreux voyages qu^il fit à Vienne pour rendre compte
au souverain de la situation, M. de BanfTy amena M. Koloman de Széll, et
dès lors tous les yeux se tournèrent vers cet homme d'Etat qui, depuis
vingt ans, avait à plusieurs reprises décliné l'appel de rentrer au pouvoir
qui lui avait déjà été fait. En dernier lieu, il obtint du souverain et accepta
le mandat d' « assainir » — comme on dit chez nous — la situation parle-
mentaire et il y réussit assez promptement. De part et d'autre, on secoua
à peu près les neuf dixièmes du bagage dont on avait chargé les négocia-
teurs bénévoles de la sécession et le 23 février la paix fut enfin signée entre
les délégués de tous les partis et M. de Széll, « désigné » pour la prési-
dence du Conseil. H y était 4it que, aussitôt après l'arrivée au pouvoir du
nouveau cabinet, les partis oppositionnels n'empêcheront pas l'élection du
président et des vice-présidents; que, tout en restant fidèles à leurs prin-
cipes, il n'empêcheront pas le vote d'un bill d'indemnité de quatre mois,
de la loi du recrutement, d'un règlement provisoire d'un an avec l'Autriche
ainsi que du bill d'indemnité pour les deux mois passés. Ils n'empêcheront
pas non plus le vote de la loi financière de 1899, de la loi sur la juridiction
de la Cour de cassation en matière électorale, la révision du règlement de
la Chambre (« sans clôture », cela reste entendu); Vausgleich avec TAu-
Iriche jusqu'à la fin de 1903 et respectivement 1904 et, au cas où une entente
douanière serait conclue avec l'Autriche dans les voies légales, cette pro-
messe est applicable aussi à la dite entente... Je m'abstiens d'entrer dans
des d«Hails quant au règlement de la Chambre; l'accord intervenu formule
la certitude que, tout comme par le passé, il ne sera jamais nécessaire
d'appliquer l'article 205 qui autorise le président à prononcer l'exclusion
d'un député, mais que, si cependant pareil casse produisait, tout membre
se soumettrait. On a ainsi écarté la proposition BanlTy, qui voulait pour
ce cas mettre la force armée à la dispQsition du président. Cet arrangement
vaut ce qu'il vaut. Nous savons que les règlements de toute assemblée
valent ce que vaut cette assemblée et ce que valent ceux qui la dirigent.
Espérons donc que le Parlement hongrois n'aura jamais à employer l'ar-
ticle 20S et encore moins à regretter d'avoir repoussé l'amendement pro-
posé par le cabinet BanfTy.
Pour ce qui est de la loi sur la compétence de la Cour de cassation en
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r
HONGRIE ftl
matière électorale, elle doit être vot^e dans le courant de cette aunée et
elle contient certaines dispositions nouvelles aussi bien en ce qui concerne
la répression des abus et pressions administratifs lors des élections que
de nouveaux cas d'incompatibilités, par exemple Tinterdiction à de certains
fonctionnaires de poser leurs candidatures dans des circonscriptions par
eux administrées. Gela tend à rendre Télection plus indépendante. Nous
avouons être beaucoup moins partisan de la compétence dévolue à la Cour
suprême. 11 y a toujoiurs péril à immiscer la justice dans les luttes polit'ques
et de partis. On ne voit guère ce que la politique y peut gagner; on saisit
aisément ce qu y perdrait la justice en considération et en impartialité. Le
lecteur français comprendra à demi-mot. Mais nous avons souvenir aussi de
la déconsidération que valut à la Cour de cassation (Obertribuual) de Prusse
son immixtion dans les conflits politiques de ^862 à 1866 et la manière dont
le gouvernement sut s'y prendre pour introduire dans cet aréopage des
juges supplémentaires {Bilfsfichter) plus souples que les membres inamo-
vibles. C'est un expédient dangereux auquel le législateur ue devrait pas
exposer les hommes ou le parti au pouvoir.
A la date du !•' mars, M. de Széll s'est présenté au Parlement à la tète
de son ministère, dans lequel il a conservé la plupart des membres du
cabinet démissionnaire. 11 n'y a de remplacé que le ministre de l'Intérieur,
M. Perîzel, dont M. Széll a assumé le portefeuille. M, le baron Daniel au
commerce qui, a eu pour successeur M. de Hegedus, un écrivain de grand
mérite et qui, depuis près de vingt ans, est le rapporteur général du budget
à là Chambre basse, et M. de Lukaes est remplacé comme garde des sceaux
par M. Alexandre Plosz, ancien professeur et en dernier lieu secrétaire
d'Etat au même département.
Le nom du nouveau chef du pouvoir hongrois figure aujourd'hui pour
la première fois dans les colonnes de cette Revue. Il sera donc nécessaire
d'en dire quelques mots, avant de passer à son programme. Ce n'est pas
que M. de Széll soit un Giorno nowi^. Lorsque, en 1875, la majorité déakiste
fusionna avec le centre gauche et que le chef de ce parti, M. Koloman de
Tisza arriva au pouvoir, la fusion avait surtout été jugée nécessaire par
suite de l'état désastreux des finances, de la permanence du déficit. M. de
Széll qui était de la majorité, prit le portefeuille si lourd des ûnances et
en trois années d'un labeur incessant, ce tout jeune ministre (il avait
32 ans) avait réussi sinon à faire disparaître totalement le déficit, du moins
à remettre de l'ordre dans les finances et à nous ramener la confiance du
monde des affaires, de l'étranger notamment. Survint en 1878 le congrès
de Berlin, qui nous « confia » la Bosnie et l'Hei-zégowine, cadeau très peu
populaire à cette époque dans les deux moitiés de la monarchie. M. de
Széll vit dès lors ses efforts en vue de la restauration des finances com-
promis et il se retira; pendant les vingt ans qui se sontécoulés depuis, il
n'a cessé de faire partie de la Chambre, mais il avait décliné tout porte-
feuille et avait consacré toute son ardente activité à deux établissements
de crédit fondés par lui en 1680 et à fagriculture. Cette fois cependant il
n'a pu se refuser à l'appel du monarque, d'autant que cet appel était
appuyé par tous les partis sans exception. Aussitôt sa nomination promul-
REVCE POLIT., T. XX 12
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i78 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
guée, le centre gauehe cm parti national, aTec le camtc Apponyi à sa tèle,
a fusionné avec la majorité ministérielle et k gauche extrême eKe-mème
(Kessnth) a annoncé Tonloir s'abstenir de tonte obstruction, tout en con-
servant son programme, celui de la séparation politique et militaire com-
plète avec rAutriche, la dynastie seok restant commune.
Quant au progronme exposé dans la séance du 1^ mars et renouvelé
depuis dans phisietirs dtso^mrs, il est à la vérité celui du parti libéral,
appliqué par la main babile, la main de velours de M. de Széll, se substi-
tuant à la maÛB quelque pcfu rude du baron ftanffy. Au point de vue de
rarrangement avec T Autriche, il est expressément affirmé que notis dési-
rons maintenir Funion douanière et que nous la prolongerons pour un délai
de dix ans, comme par le passé, éhs que le Reiehsrath autrichien sera en
mesure de le voter à son tour et s'il consenet à ce vote. D'ici là, nous lais-
sons la porte largement ouverte à ce rôle, en stipulant motu proprio que
le pacle actuel sera prolongé jusqu'au 1** janvier 1903, date où expârent
nos traités de commerce avec l'étranger et même une année au-delà. Que
si, d'ici là, l'Autriche demeure impuissante à nous offrir un pacte adapté
par sa représentation nartionale ou si ceiie-ci s'y refuse, nous aurons le
temps d'aviser à la création d'un régime dovanier avlonome^ tout en lais-
sant la porte toujours ourerte k un retour à la communauté économique
vivement désirée chez nous. C'est agir selon l'esprit de k législatioo de
1867. . . Je ne m'arrêterai pas aux autres points de l'exposé. Le programme
étant resté celui du parti libéral et l'application seule devant se ressentir
du changement survenu, il n'y a pas lieu d'entrer dans les détails. Ce qai
est certain, c'est que rarement un chef de cabinet aura dans un pays par-
lementaire été accueilli avec une telle abondance de confiance que M. de
Széll Ta été chez nous et tout porte à espérer qu'il saura justifier cette
confiance.
Et depuis lors, les travaux parlementaires marehent d'un pas accéléré.
Déjà, la loi du recrutement et le budget provisoire ont été volés et d'ici
peu de jours la loi financière de 4899 aura à son tour été adoptée. A propos
du budget provisoire, un incident s'est produit qui mérite d'être Televé.
Aucune M financière n'ayant été votée au i«' janvier, aucun percepteur
ne pouvait exiger un versement de la part des contribuables. Cependant un
grand nombre de ces derniers, pour témoigner combien l'obstruction était
odieuse, avait, dans les mois de janvier et de février, mis un empressement
significatif à se présenter aux guichets, au point que les rentrées étaient
pins fortes que d'habitude : mais une fois la paix faite et la loi provisoire
de quatre mois admise,le gouvernement y fit insérer une clause infligeant
aux retardataires les amendes (intérêts) réglementaires. A la Chambre
haute, l'archevêque Mgr Samassa fit fort justement ressortir l'injustice,
voire Tillégalité de C/ette pénalité, attendu que les contribuables ne pou-
vaient, ne devaient même pas verser avant le vote du budget. Cette objec-
tion ne fit pas impression. Singulière anomalie dam un pays où 1' « in-
surrection » est inscrite dans la loi au cas où la loi serait violée par le
monarque ou en son nom.
La Chambre basse a aussi procédé dès le 2 mars à l'élection de son
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p^
HONGKIE 179
bureaa. Ce ne soat pas les démissionnaires de décembre qui ont été nom-
més. La présidence a été confiée à M. de Pérezel qui venait de quiUer le
ministère de rinftérieur, et les denx vice-présidents font aussi partie de la
vieille majorité. Ceile-ci a vouhi ainsi s^afârmer. Mais il est fort probable
que la session de 189^ devant être prochainement close et celle de 1890
anssitôt ouverte, la nouvelie formation du bureaa à laquelle il sera alors
procédé, tiendra compte de la fusion accomplie, que M. de Szilagyi
remontera «u fiauteiiil et que Tun de ses adjoints au moins sera pris dans le
groupe du oenrlre gauciie. Je crois encore que d'ici peu de temps ce
groupe aura réussi à se pfaboer au sein même du gouvernement, car des
bommes de ki capacité du ci^mte Apponyi, de M. de Horanszky, de
M. Hodossy n'&mèaettt pas leurs partisans au sein de la ma)«irité, après
vingt ans d^op^iosition, sans compter avec raison y occuper une place
active. Et M. de Sxéll sait conEOient se font les fixions; il a eu déjà sa part
active dans celle de 1^75.
Dans les débats cpii se ponrsBÎTent depuis vingt joufs à la Ghambare, il a
eu à se faire entendre à de nombreuses reprises et il a ainsi complété
l'exposé de sa pensée. Je ne retiendrai qu'un passage du discours du
20 mars, répondant à un orateur de la gauche qui réclamait une large
extension du droit de vote, quelque chose comme le sufTra^ universel.
M. de Sxéll s'est borné à déclarer que la question demcindait ujie bien
grave étude et qu'elle se com^iquait chez ii^us de considérations natk»-
nalesd'un inté-rét soprème; il a rappelé que dans plus d'un pays on serait
heureux si Ton pouvait reireair sur l'introduction trop précipitée du droit
de suffrage trop étendu, mais que des droits une fois accordés ne peuvent
plus être retirés. Voilà pourquoi une extrême prudence s'impose.
il Ta de sel que la réforme de l'administration déjà inscrite sur le pro*
gramme de tant de cabinets, ûgure aussi dans celui^du iM>iiveau ministère.
Il s'agit surtout, nos lecteurs le savent, d'enlever aux comitats l'élection
d'un certain nonxfare de fonctionnaires administratifs pour la conûer au
pouvoir central. C'est ici surtout qu'il importerait pour l'avenir du pays que
M. de SzéU ait la main heureuse. Sans doute, rien de plus absurde que de
voir toute l'administration d'un pays livrée tous les cinq ans au sort du
scrutin et admirer Fimpéritie qui préside si souvent à la gestion de ces
éhis. Témoin les récentes constatations de détournements de fonds d'orphe-
lins et autres dans différents comitats, remontant à de longues années
sans qu'on ait trouvé le moyen de s'en apercevoir, tant le contrôle de ces
organes électif^ était paterne, disons familial. Mais de là à dépouiller les
organes électifs de toute autorité pour en revêtir des fonctionnaires nom
mes à vie par FËtat, — il y a un immense pas et il s'agirait de ne pas le
franchir. Sous ce rapport, il y a bien des enseignements à retenir du dis-
cours prononcé le 16 mars, lois de la discussion du budget à la Chambre
des députés, par le comle Etienne Tisza. Knumérant les dépenses du cha-
pitre des chemins de fer, l'orateur a montré que le « fonds mort des dé-
penses bureaucratiques >» tend à s'y accroîtrai et il a exprimé l'avis que nous
laissions se développer un bureaucratisme formaliste qui s'attache à tous
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180 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
les organes des fondions de l'Etat et qu'il y a lieu d'aviser. Certain magnai
visitant un de ses biens, dit h son inspecteur : <« Les bœufs ne sont pas
aussi gras qu'il y a un an », à quoi l'inspecteur de répondre : « Ah I oui,
depuis que nous les nourrissons de paperasse et les abreuvons de l'encrier,
le diable a emporté le beau bétail ». Cette anecdote, M. de Tisza l'a appli-
quée à bien des branches administratives et aux abus qui s'y commettent
au nom de l'infaillibilité bureaucratique et du formalisme... Ehl bien,
chez nous, ces choses se sentent encore, parce qu'elles sont neuves et que
la bureaucratie elle-même est de date assez récente. Sa tendance envahis-
sante est partout la même et les exemples cités par l'orateur se rencontrent
sans doute ailleurs et même à un degré plus puissant. Seulement, puisque
nous sommes encore en état de nous en apercevoir et de nous en plaindre,
il serait à souhaiter que la réforme administrative, lorsque M. de^zéll se
mettra à la faire voter, nous préserve du bureaucratisme et de ses excrois-
sances immanquables. Une erreur, une faute, un abus même issus de l'ad-
ministration autonome sont moins dangereux pour le développement
d'un peuple, pour ses libertés et son caractère, que les excès de la tutelle
administrative. Quiconque a pu observer cette dernière, en conviendra
indubitablement.
Laissez-moi terminer par quelques mots sur la destinée assez curieuse
dévolue au dernier chef du cabinet. Il y a sept ans, lors des élections géné-
rales de 1892, le baron Banffy entra dans la Chambre avec le mandat
d'une circonscription de Transylvanie. Le pays ne le connaissait guère.
Tout ce qu'on en savait dans le monde administratif, c'est que, ayant été
préfet (Obcrgespann) d'un coroitat dont la population est en majeure partie
roumaine, il avait su y briser l'opposition de cette nationalité. Notre
Chambre était présidée depuis une douzaine d'années par M. Thomas de
Péchy, un ancien mertbre du cabinet Tisza, auquel la majorité en voulait
de ses tolérances et complaisances envers l'opposition turbulente et obs-
tructionniste. Le ministère Szapary proposa de le remplacer par le baron
Banffy, considéré comme l'homme à poigne, nécessaire. Ce qui fut /ait.
Survint en 1894 la mort de Kossuth, dont les cendres furent ramenées
solennellement de Turin. Toute la Chambre assistait aux funérailles, M. de
Banffy seul était absent sous prétexte qu'il avait à présider à Klausenbourg
le consistoire protestant. Cela lui lit une première bonne note à la cour
et, lorsque, huit mois après, le roi voulut absolument se séparer du cabi-
net Weckerlé-Szilagyi et que la majorité se refusait à admettre le can-
didat de la cour, le comte Khuen-Hedervar), on tomba d'accord sur le
baron Banffy. On se souvient de l'immense popularité que lui valut son
conflit avec Mgr Agliardi, le nonce du Pape à Vienne et la démission du
comte Kainoky qui s'en suivit On sut gré aussi au baron Banffy d'avoir
dissipé les méQances qui avaient prévalu à la cour aussi bien à la suite de
cet incident que des honneurs rendus à Kossuth. En 1896, pendant le Mil-
lénaire, le roi et la reine vinrent à plusieurs reprises à Budapest et les
élections générales de l'automne de la même année donnèrent au minis-
tère une immense majorité. ..Et tout cela n'a pas empêché que, peu à peu.
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HONGRIE 1 8 1
il y ait eu désaffecUon dans le pay.*?. Certains procédés choquaient nos
habitudes très libérales et si la majorité a refusé pendant ces derniers mois
de se séparer du baron Banffy, c'est qu'elle n*entendait pas se laisser
imposer cette séparation par une minorité turbulente. Cela n'empêche que
Favènement du cabinet Széll apparaît à tous comme un grand soulage-
ment.
Le baron BanfTy Yient d'être appelé aux fonctions de grand-maître des
cérémonies à la cour C'est ce qu'on appelle un enterrement de première
classe. Il fait désormais partie de la Chambre des magnats et, son mandat
législatif étant devenu vacant, ses anciens électeurs viennent de le confier
sans concurrents M. dHJgron, le chef d'un groupe de la gauche que Tex-
président du Conseil avait réussi à faire échouer aux élections générales
de i896. Sic transit. Et Tironie de l'histoire se montre celte fois encore :
appelé naguère au faîte des honneurs parlementaires pour faire cesser les
velléités obslructionnistes, c'est h ces dernières qu'il a succombé au
bout de sept ans. Il est « tombé haut », tout près du trône; mais il ne
paraît pas que d'ici longtemps il puisse songer revenir à la vie active de
la politique.
2** Lois promulguées.
XVin. — Imposition des spiritueux. — Introduction de la loi du 9 juillet
1898, en Croatie-Esclavonie.
XIX. — Le régime forestier et les attributions de l'Etat dans la sur-^
▼eillance de Texploitation des forêts. — Loi du 9 juillet.
XX. — Crédits accordés à Tagriculture. — Loi du 10 juillet, modifiant cer-
taines dispositions de la loi de 1895 pour augmenter ces crédits de 1 million de
florins (3 au lieu de 2 en 1898, et de 1 million (2 au lieu d'un^ en 1899.
XXL — Soins à donner aux malades. — Loi du 10 juillet sur la couverture
des dépenses résultant de ce chef, l'Etat assumant une lar^e part dans les
dépenses communales et départementales.
XXI IL — Création d'associations de crédit agricole et industriel. — Loi
du 11 juillet 1898.
XXIl, XXIV et XXIX. - Lois d'intérêt local.
XXX. — Mémoire de la Reine Elisabeth, tuée en septembre, à Genève.
— Loi du 12 octobre.
XXXL — Pèlerinage à la Mecque et le golfe de Perse. — Convention
internationale échangée à Paris, le 26 juin 1898, sur les mesures à prendre en ce
les concerne.
XXXll. — Convention commerciale avec le Japon, conclue le 5 décembre
1897. — Loi du 7 décembre 1898.
1. — Douzièmes provisoires. — Loi du 17 mars 1899. accordant les crédits
provisoires pour les quatre premiers mois de l'année.
Il et 111. — Contingent militaire. — Loi du 17 mars, accordant le contingent
militaire pour 1899, et ordonnant le recrutement.
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182 LA VIE POLITIQUE ET PARLEBOENTAIRE A l'ÉTRANGER
111.— CHINE
NOTES ÉCONOMIQUES ET COMMERCULES
I. — L*£mpire Chinois.
L'Elmpire Chinois a une superficie d'environ onze millioDs de kilomètres
carrés. Il est difAcile de connaître exactement le ohiffre de sa popolatioD
qu*on évalue de 4^ à 430 millions d^habitants. Certaines régions sont très
peuplées; d'antres parmi lesquelles les Etats tributaires le sont beaucoup
moins.
Kn dehors des 18 provinces qui forment la Chine proprement dite,
lEmpire du Milieu comprend des territoires qui, bien que d'une étendue
beaucoup phisgrande^ sont d'une importance moindre. Ces territoires sont
le Thibet, le Turkestan chinois^ la Dzonngarie (au point de vue de Tadmi-
iiij^ratioD chinoise le Turkestan et la Dsoungarie sodod réunis sous le nom
crili). En plus de ces pays qui constituent les Etats tributaires de la Chine
se trouve la Mandchourie qui ne peut être rangée sous la même dénomi-
nation, puisque c'est de Mandchourie qu'est originaire la famille qui règne
actuellement sur toute la Chine après l'avoir conquise et que c'est ce
pays qui a assujetti la Chine (certaines provinces doivent même fournir
des subsides à la Mandchourie pour l'entretiett de ses troopeft).
Pays situés en dehors de la Chine proprement dite. — Thibe?. — Le-
Thibet est compris entre l'Himalaya et les monts Kouenloun; la capitale
Lhassa résidence du Dalaï lama, est le quaiHier général du Boudhîsme. Les
Thibétains réticent une grande quantité de laine de leurs montons et de
leurs chèvres, ils en font des tissus, des couvertures, des tapis. L'or et les
pierres précieuses provenant des montagnes servent à la fabrication d'orne-
ments d'un goût assez artistique. Les objets d'or et d'argent constituent
un important article du commerce avec ta Chine. On exporte également
en Chine de la poudre d*or, des pierres précieuses, de Tasa fiBtida, du
muscades tissus de laine et des pelleteries; les Thibétains reçoivent en
échange des soies^ du thé, de la porcelaine, du tabac. Le commerce se fait
par Sinmg fou dans le Kamsou et Batang dans le Isetcbouan. — L'étain,le
sel gemme, les lainages sont aussi exportés du TYirbct au l.adak, au Houian
et dans l'Inde.
Le Thibet est formé de deux provinces : Le TMbet antérieur et le Thibet
ultérieur. — Le Thibet antérieur comprend les subdivisions de Wei et de
Khan qui se partagent en 8 cantons et 39 comnranes féodales. La capitale
du Thibet antérieur est Lhassa; le gouvernement est entre les mains du
Dalaï lama et de ses bonzes, sous la surveillance d'un résident chinois. —
Le Thibet ultérieur est formé des subdivisions de Tsoung et de Nari et a
Shigatse pour capitale. Cette province est gouvernée par le Teshou lama
assisté d'un résident venu de Pékin.
Turkestan Chinois. — Le Turkestan chinois situé au Nord du Thibet a
pour villes principales Kachgar, Yarkand et Aksou. Il est en partie habité
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pu^Jlj.'
CHINE 18.?
par des peuplades noaiiades. Quoiqu'on trouTe des déserts au Turkestas,
le sol est fertile en beaucoup d*eadroits et nourrit de nombreax chevaux
sauvages, des bœufs, des chameaux et une espèce de moutoas dits argalis.
La culture des céréales est asset répandue et le sésame se plante pour
rhuile que Ton en extrait.
Rien que les montagnes recèlent de Tor, de Targest, des pierres pré-
cieuses, du cuivre, les raines sont teUemeat peu exploitées que leur
rendement est inférieitr au produit da commerce des sels ammoniacaux,
du salpêtre, du soufre, de Tasbeste qui proviennent des régions voica-
miques situées à Test de» Moais Célestes. Les plus belles espèces de jade,
cette pierre qoe les Chinois apprécient tant, se trouvent dans le Tur-
kestan.
11 convient de citer comme objets manufacturés ks cotonnades, l«s
soieries, les draps d'or et d'argent, les tapis de Kach^r très renommés ea
GUne.
DzocBVGAAiE. — La Dzoungarie dont U capitale est Kouldja est au Nord
dm Tnrkeetan. C'est on pays également très riche en mines variées qui
Be sont pas e»core expieitées. Le sol, assaz bien aailivé sur certains
pomla, donne principalement da blé, de Torge, du riz, du millet et aussi
du tabac, mais pas en quantité considérable. — L*élevage est très en bon-
neor et les chameaux, les chevaux, le bétail constituent une des rich^îsses
de la région.
Au point de vue de Tadministration chinoise, le Tarkestan et le Dzoungarie
sont renais sous le nom d'Ili. L'Ili comprend deux circuits : le circuit
Nord ou Dzoungarie, le circuit Sud ou Turkestaa Oriental. — Le circuit
nord comprend trois subdivisions : Tlli, capitale Kouldja; le Kourkara
Ousou, capitale Kourkara Ousou; le Tarbagatai, capitale Soui tsin^ Ching.
Ce circuit est administré par un Gouverneur, deux conseillers et vingt-
quatre résidents dans les villes. Ces résidents sont placés sous d'autres
résidents d'un rang plus élevé qui relèvent du Gouverneur. — Le circuit
sud ou Turkestan Oriental se divise en dix villes : Harachar, Koutche,
Sairtm, Bai Oushi^ Skson, Khoten, Kachgar, Yangi, Hissar et Yarkand.
Chaque ville est gouvernée par un résidezU qui r^ve du Gouverneur d'Ili
et par des chefs indigènes*
MojïGouE. — La Mongolie est située entre la Sibérie au nord; la Mand-
chourie à Test; les provinces duTcheli, du Chansi ou Chensi, du Kansou
et le Thibet au Sud; le Turkestaa et la Dzoungarie à TOuest. Le climat est
excessivement froid pour la latitude. Le désert de Gobi est compris dans
le territoire de ht Mongolie. La ville principale est Ourga, au croisement
de différentes routes notamment celle des caravanes qui se rendent en
Russie par Kakta, transportant le thé noir connu sous k nom de thé de
caravane. La boisson des Mongols est le thé; il est fabriqué en Chine pour
cette consommation une sorte de tourteaux de thé connus sous le nom de
briques. Ces briques dans certains endroits rempUicent la monnaie ; elles
se morcellent en parcelles plus ou moins grandes selon l'importance des
paiements à effectuer.
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184 LA \1E POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'éTRA>GER
Les troupeaux sont nombreux dans les parties qui ne sont pas dépour-
vues de végétation, et les nomades se transportent avec eux d'un point à
un autre dans les limites assignées par les Chinois à chaque tribu. Les
peaux de mouton, loup, renard, zibeline sont l'objet d*un revenu impor-
tant, bien que les pelleteries de valeur telles que les zibelines traquéej par
un nombre chaque jour grandissant de chasseurs deviennent plus rares.
Aussi l'exportation de cette fourrure en Chine a-t-elle diminué.
Le sol recèle des mines, notamment de charbon et de cuivre, dont
Pexploitation n'a jamais été que très rudimenlaire.
La Mongolie se divise en quatre provinces : la Mongolie intérieure, la
Mongohe extérieure, le Kokonor etTOuliasoulai. —La Mongolie intérieure
est divisée en six corps subdivisés en vingt-quatre tribus et quarante-
neuf bannières. Il n'y a pas de capitale commune ; chaque tribu a à sa
tête un chef ou général et est administrée parle « Li Fan Yuen » bureau
spécial dont le siège est à Pékin. — La Mongolie extérieure se divise en
quatre Kanats. Toutchetou, Sainnoin, Tsetsen et Dsassaktou. La capitale
est Ourga ou Kouroun. La province est gouvernée par quatre Kans qui
relèvent du Koutoukton. Le Eoutouktou, incarnation de la Divinité
(appelé couramment Boudha vivant) réside k Ourga. Pour cette raison
cette ville, dans la doctrine des Lamas, occupe après Lhassa le second
rang en sainteté. — Le Kokonor se divise en 29 bannières et est administré
par un Président mandchou qui siège en dehors du Kokonor à Simng
dans le Kansou. — L'Ouliasoutai comprend le département de Cobdo qui
a il tribus et 31 bannières, et celui d'Oulianghai dont les tribus se
partagent en 21 groupements.
II. — La Mandchourie.
La Mandchourie se trouve entre la Mongolie et la province du Petcheli à
'Ouest, le golfe du Petcheli et la mer de Corée au Sud, la Corée et le
territoire russe à l'Est, et le fleuve Amour qui la sépare de la Sibérie au
Nord. C'est le plus fertile des territoires situés en dehors de la Chine
proprement dite; son climat, quoique très froid en hiver, est sain. Des
Chinois venus surtout, les uns du Chantoung, les autres du Foukien y ont
formé des colonies; les premiers s'adonnent aux travaux du sol, tandis
que le commerce est entre les mains des seconds.
Les forêts, les chevaux, le bétail, les grains, les minerais sont parmi les
richesses de cette contrée. Les forêts se trouvent sur les parties élevées.
Mieux exploitées elles seraient la source de bénéfices sérieux. Le terrain
des vallées est assez fertile pour pouvoir, en certains endroits, donner
jusqu'à deux récoltes par an. Le sorgho, le millet, l'orge, le maïs. 1 indigo,
le chanvre constituent les principales cultures. Le chanvre de Mandchourie
est le chanvre commun « Cannabis sativa »; on en rencontre de vastes
champs dans les environs de Kirin. Le chanvre se vend de 5o à 65 tiaos (1)
(1) Le tiao vaut environ 13 cents.
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\ ■
CHINE 185
par picul (1); on n'emploie aucune machine pour séparer les fibres de la
tige; on se contente d'un travail manuel. — Il faut mentionner le pavot
qui se cultive chaque jour davantage en raison du prix élevé qu'obtient
son produit : Topium. — Le tabac/plus spécialement cultivé dans la parlie
Sud de la Mandchourie, est planté en mai et récolté en octobre. En 1897 il
en a été exporté en feuilles 2.586 piculs représentant une valeur de
18.56.3 taels (2). Le fçinseng et la rhubarbe sont récoltés par des détache-
meuts militaires préposés à ce soin ; il en a été exporté en 1897 de Nieout-
chouang dans les divers ports chinois 1.402 piculs ayautune valeur de
138.558 taels. — Le ricin est très cultivé, particulièrement le long des
routes où on le plante pour former de» haies.
Les animaux à fourrure (ours, loups, tigres, chèvres, chiens, chats, etc.)
sont nombreux et leurs peaux sont un des éléments du commerce d'expor-
tation. Un échange important de marchandises se fait entre la Mandchourie
et la Corée. La Mandchourie fournit des peaux de chien, de chat, des
pipes, des cuirs, des cornes de cerf, du cuivre, des chevaux, des mules,
des fines, et reçoit en échange des paniers, des ustensiles de cuisine, du
riz, du blé, des porcs, du papier, des nattes, des bœufs, des chevaux d'une
petite race spéciale.
Dans la province méridionale de Shingkhing ou Foungtien ge trouve la
région qui produit la soie. Le ver à soie de Mandchourie se nourrit de
feuilles de chêne, principalement des feuilles du « Quereus Mongolica »
ou « Quereus Robur ». Il y a deux récoltes par an : une de soie belle et
fine au printemps, une seconde de soie plus brune et plus dure en
automne. C'est cette dernière qui est exportée. — Le mûrier pousse égale-
ment en Mandchourie, mais le ver du mûrier ne produit qu'une quanlifé
de soie peu importante. — Les plantations de chênes paient une taxe
annuelle de 35.000 tiaos par 24 mous (le mou équivaut aune superficie de
240 pas; le pas ou pou représente lui-même l mètre c 60). En Mandchourie
le picul de cocons valait autrefois de 55 à 65 taels. Dès 1891 il atteignait
de 100 à 110 taels.
Les fèves alimentent le commerce de l'exportation ; il en est expédié en
grande quantité de Nieoulchouang. Les fèves sont aussi employées pour
faire de l'huile. Elles servent encore à la fabrication de tourteaux dont
l'exportation à Hong-Kong et surtout dans les ports chinois s'est élevée
en 1897 à 2.374.462 piculs représentant une valeur de M. K. Taels : 4.-n7.035.
La façon spéciale et primitive de préparer ces tourteaux et cette huile
donna l'idée, lorsque le port de Nieoutchouang fut ouvert aux Européens,
d'avoir recours à des moyens plus perfectionnés. Une machine fut
commandée en Angleterre, mais, après essai, l'huile ne fut pas extraite
aussi complètement qu'avec la méthode indigène et Ton revint au système
employé précédemment. Les fèves sont écrasées par des meules en pierre
et mises ensuite dans des sacs de toile que l'on place un quart d'heure
environ au-dessus de la vapeur d'eau, puis on forme des tourteaux avec
(1) Le picul équivaut à 60 kilogrammes 454.
(2) Le Hackoman tael vaut 3 fr. 73.
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186 LA VIE POLITIQUE ET PAilLEMENTAlRE A l'ÉTKA>GER
la pâte de fèves et Ton presse ces tourteaux pour en exprimer Thuile.
Maintenant un moulin iastailé depuis i896pardes ADgiaisàNieoutchouang
peut, avec les presses qui lui sont adjointes fournir environ 30.000 tonnes
d'huile par an.
En Mandchourie on distille le millet pour en retirer une eau de -vie
appelée saïushou ; il faut en moyenne 12 piculs de millet pour obtenir
5 piculs d*alcool.
Sur les côtes la pèche des huîtres perlières est assex rémunératrice pour
qu'un grand nombre d'indigènes s'y adonnent. 1^ sel employé est obtenu
par révaporation de l'eau de mer; il est frappé d'une taxe.
Des montagnes riches en minerais on retire du cuivre, du plomb, de
l'argent. Dans le Nord, près de la frontière russe, ee trouvent les mines
d'or de Moko. Ces mines qui n'ont vraiment coœmeiàcé à fournir de
revenu qu'en 1896 donnent actuellement 300.000 Uels par. Elles seront
vraisemblablement exploitées par des Européens, quand le Transsibérien
sera terminé.
Au Sud le terrain carbonifère couvre une vaste étendue. On extrait de
la houille à Liao Yang, Ouest Thin tcheou, Foutchou et dans la vallée du
Yalou. L'on n'a pas de machines pour pomper l'eau qui envahit les puits
et les mine^ de charbon sont abandonnées avant que l'on ait pu atteindre
une profondeur qui donnerait de bons rendements.
Du soufre est obtenu dans Le voisinage de Hsin Yen Tchao par la cakina-
tion du fer sulfuré.
11 convient de mentionner Texistence à Kirin d'une manufacture de
pondre et de munitions dirigée par dies Chinois; ses produits sont, dit-on,
de bonne qualité.
Tout le commerce de la Mandchourie se fait par le portouvertde Nieoui-
chouang; les importations étrangères les plus importantes sont les coton-
nades, principalement celles d'Amérique, les ûlés de coton indiens et Le
pétrole américain et russe. Dans l'ensemble, les importations étrangères
se sont élevées en 1897 à la somme de 8.995 92tf ta^
Les importations chinoises à , 3.554.130 —
Les produits indigènes exportés à l'étranger à 5.542 838 —
Les produits indigènes exportés dans les ports chinois à.. 8.265. 774 —
Total du commerce du port â6.^8.67i taeb
Le mouvement de la navigation s'est réparti ainsi entre les divers
Pavillons :
BATEAUX A VAPICtB
bilrées el aoilies
PaviUoiM >(«aifcrc Tonaes
Anglais
AUenand
llollaydaû
Su^>dou» norvi^gicn.
RusAT
Japonais
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Tout des bateaux à vapeur. 8â8 Tll.Sii
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CHINE 187
HAIFAIX A V01LK8
Anglais ifi 13.554
AaK-ricain «> i.HGi
Allemand «» i.TiO
Total des balcanx à %oilcs.. 38 IO.I4:i
Total général 8«6 730.964
Les lignes de chemin de fer concédées el qui relieront Xieoutchouang à
Moukden et Mouicden à Tientsin dérelopperont le commerce de la Mand-
chonrie. Actuellement, par suite de la difficulté des communications^ beau-
coup de produits qui pourraient être exportés doivent se consommer sur
place ou même se perdre.
Les opérations de banque sont entre les mains de la Hong-Kong Bank
et de la Banque Russe chinoise, ces deux établissements de crédit ayant
des succursales à Nieoulchouang. — La maison d'exportation qui voudrait
faire des affaires à Nleoutchouang devrait se soumettre aux coutumes de la
place, c'est-à-dire accepter en échange de ses produits un crédit placé à
son nom dans Tune des banques locales, à moins de consentir à un
1 à 5 p. 100. L'importateur doit donc être presque toujours également
exportateur.
Au point de vue administratif, la Handchourie se divise en 3 provinces :
1" la province de Shing King ou de Moukden ou encore de Fougtien, qui
englobe la vallée du Liao et la péninsule de Liaotoung; la province de
Kirin entre les rivières Oussouri et Soun^jari ; 3° la province de r.Vmour
(Hoh Lang Kiang, rivière du Dragon Noir) comprise entre l'Amour et le
Soungari.
La province de Shingking se partage en 2 départements. 15 districts et
13 jrarnisons; la capitale est Moukden ou Foungtien. Moukden est la ville
sainte dans les environs de laquelle se trouvent les tombeaux des ancêtres
des empereurs de la dynastie actuelle.
La province de Kirin est formée de 3 départements et 8 garnisons. La
capitale est Kirin.
La province de TAmour, capitale Tsitsigar a six commanderies placées
sous l'autorité de six généraux.
Les généraux à la tête des garnisons et des commanderies dépendent
de trois maréchaux tartares qui résidant dans les préfectures. Le maréchal
tartare de Moukden est aussi à la tête du pouvoir civil de la Mandchourie.
III. — La Chine proprement dite.
La Chine proprement dite est comprise entre la mer, la Mandchourie et
les Etats tributaires qui la séparent du continent asiatique, si ce n'est au
Sud où elle confine à nos possessions d'Jndo-Chine et à la Birmanie.
La Chine se divise en 18 provinces. Ces provinces forment 8 gouverne-
ments généraux, relevant d'un Vice-Roi et comprenant une ou plusieurs
provinces.
Chaque province est administrée par un gouverneur provincial à l'excep-
tion du Tcheli, du Ssetchouan et du Kausou qui sont administrés directe-
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188
LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A L'ÉTRANGER
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CHINE 189
ment par un Gouverneur Général ou Vice-Roi. — Le Chanloung, le Chansi
et le Houan ne relèvent pas d'un gouverneur général.
Les provinces se partagent en lao (circuils). Le tao comprend des fou
(préfectures de premier rang) ; des tcheou (préfectures de second rang) ; les
tcheou relèvent, les uns du taotai, les autres directement de la capitale de
la province; des /m^ (autre catégorie de préfectures relevant comme les
tcheou indépendants de la capitale provinciale); rf«5 kien (sous-préfec-
tures).
Le tableau ci-contre indique le groupement des provinces ainsi que le
nombre, pour chacune, des subdivisions administratives.
En plus des fonctionnaires correspondant aux circonscriptions adminis-
tratives se trouvent dans chaque province des trésoriers, des juges, des
fonctionnaires de Tadministration de la gabelle, des douanes, du transport
des grains (certaines provinces doivent envoyer des grains à Pékin), de la
surveillance des digues, qui ne dépendent pas de Fadministration provin-
ciale. Il existe aussi dans quelques provinces un délégué de l'administra- *
tion des mines qui relève directement de TEmpereur.
A la tête du Gouvernement Central se trouve TEmpereur. Un (irand
Conseil (Kînn Ki tchou) examine les affaires de TElat et lui présente des
rapports. L'Empereur accepte ou rejette les projets proposés.
Les Vice-Rois nommés par le Gouvernement central et relevant de lui
sont dans la pratique ù peu près indépendants.
Le Tsong li Yamen est un bureau établi par décret du 29 janvier 1864
et qui est chargé des relations « avec les étrangers ».
Les Ministères sont au nombre de six :
Le Ministère de Tlntérieur Li pou.
— des Finances Hou pou.
— des Rites ... Li pou.
— de la Guerre Ping pou.
de la Justice Hing pou.
— des Travaux Publics Kong pou.
Le li Fan Yuen est une administration chargée des relations avec la
Mongolie.
La cour des Censeurs (tou tcha Vueu) a un rôle de surveillance et de
dénonciation.
La police et l'entretien de Pékin relèvent du (iouverneur militaire de
cette ville qui est toujours un Mandchou.
Le Préfet de Pékin dont les focntions sont administratives a sous lui
deux soiî'î-préfectures qui forment la préfecture de Chouen tien fou.
Le Directeur Général des chemins de fer chinois, dénommé Délégué
impérial, relevait directement de l'Empereur avant le 2 août 1898. A cette
date un Décret impérial a institué une Administration générale des mines
chemins de fer qui devra connaître de toutes les questions et des rela-
tives à l'exploitation des mines et à l'établissement des voies ferrées.
L'armée se compose de troupes mandchoues sous le commandement de
maréchaux tartares résidant dans la capitale de certaines provinces et de
troupes chinoises. (A suivre)
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LA
m POLITIOIIE ET PARLEttËWAIRE £.^ fUMî
I. — LA POUTUIIIB fiXTÉRISURE DU MOIS
Paris, le l*^' avril 1899.
Le conflit anglo-français peut être considéré comme réglé, après avoir
dominé la politiqoe internationale pendant près de six mois. Provoqué par
la rencontre du commandant Marchand et du sirdai' Kitchener à Fachoda,
au m )is de septembre 1898, il a vu sa période aiguë terminée par la déci-
sion de notre gouvernement, prise le' 4 novembre suivant, de rappeler la
mission française établie sur le Nil; mais cette solution n'était que partielle
et n'avait qu'un caractère négatif, puisque ks spbères d'influence des
deux puissances restaient non délimitées. C'est donc en vue d'aboutir à
une solution défînitive que les deux gouvernements sont entrés en négo-
ciations, par l'entremise de lord Salisbury et de M. Paul Gambon, et qu'ils
ont conclu la convention du 21 mars 1899, signée à Londres par notre
ambassadeur et le premier ministre anglais. Ces négociations, contrai-
rement à ce qui avait été d'abord annoncé, n'ont porté que sur la question
du Nil; cette circonstance rendait une entente plus aisée que s'il eût
fallu prendre en considération l'ensemble des griefs de l'Angleterre, en
particulier en ce qui concerne Terre-N«uve, le Siam et Madagascar.
Pour saisir la portée exacte de la Convention du 21 mars, et surtout
pour comprendre en quoi elle ne nous est pas absolument défavorable, il
faut remarquer dès le début que la question du haut Nil a été combinée
avec celle de l'Afrique Occidentale, à tel point que l'arrangement qui vient
d'être conclu ne sera qu'un complément de l'article 4 de la Convention
anglo-franraise du 14 juin 1898, laquelle n'a pas encore été ratiflée par
notre Parlement. Par cette convention, dite du Niger, la France et l'Angle-
terre avaient délimité leurs possessions réciproques dans la boucle du
Niger; en outre, sur la rive gauche de ce fleuve, l'ancienne ligne droite de
Say à Barronx, qui séparait la Nigeria anglaise du Sahara français, avait
été remplacée par une ligne sinueuse, dont le tracé nous était plus avan-
tageux. Cependant, le rQste du bassin du Tchad n'était pas délimité, en
particulier dans la direction de l'Est, vers le Nil; en sorte que la puissance
qui dominait sur ce dernier fleuve pouvait à volonté, théoriquement du
moins, prétendre à-étendre son pouvoir jusqu'à la rive orientale du Tchad.
Ainsi, il y avait, en réalité, deux questions bien difl'ét entes, qui ont été,
moins encore combinées, que réglées simultanément : celle du haut Nil,
que nous avions soulevée on allant à Fachoda ; puis celle du Tchad, qui
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LA POUTIQUE BXTÉRIEURÏ MI MOIS 191
était ouverte depuis longtemps, mais qu'il était logiqoe, ménae inériUble,
de régler en même temps que la première. Or^ sans bous lÎTrer, comme
d'autres Totrt fait, à certaines argumentatîoDS subtiles, qui avaient pour
but d'atténuer la brutalité des flaifcj, nous avouerons franchement ce qui
nous semble être la réalité : à savoir que nous avoms été battus sur
la première question, celle que nous avions vi»ulu régler h notre
profit par l'envoi de la mission Marchand sur le Nil ; nMÛs que, d'autre
part, nous avons obtenu gain de <^use sur la question du Tchad. C'est un
avantage considérable, sans doute, mais qui, cependuit, a quelque chose
de relatif, puisque les pajs qui nous sont abandoDnés ne nous étaient pas
très sérieusement contestés. Ne nous adressant pas au commun des le<vteurs
de journaux quotidiens, dont îl peut être bon de ménager les susceptibilités
patriotiques, mais à un public plus éclairé, qui vent se rendre un comrple
exact des cboses, nous préférons parler sans fard que d'obscurcir la réalité
par des subterfuges.
Vu l'importance de la convention, ou plus exactement de la déclaration
du 21 mars, nous en reproduisons plus bas le texte intégral (i). Comme
(1) Les soussignés, dikmeiit autorisés à cet effet par leurs gouvernements, ont
signé la déclaration suivante :
L'article 4 de la convention du 14 juin 1898 est complété par les dispositions
suivantes qui seront considérées comme en faisant partie intégrante :
1. Le gouvernement de la Républicfoe française s'engaiçe à n'acquérir ni terri
toire ni infhience politique à Test de la ligne frontière déûnie dans le paragraphe
suivant, et le gouvernement de Sa Majesté Britannique à l'ouest de cette môme
ligne.
2. La ligne frontière part du point où la limite entre l'Etat libre du Conf^o et
le territoire français rencontre la ligne de partagades eaux coulant vers le Nil de
celles qui s'écoulent vers le Congo et ses affluents. Elle suit en principe cette
ligne^partage des eaux jusqu'à sa rencontre avec le 11« parallèle, de latitude Nord.
A partir de ce point, elle sera tracée jusqu'au 15* parallèle de façon à séparer en
principe le royaume de Ooadaï de ce qui était en 1882 la province de Darfour ;
mais son tracé n^ pourra, en aucun cas. dépassera l'ouest le 21* degré de longi-
tude Est de Grecnwich (18o40 Est de Paris; ; ni à l'Est le 23» degré de longitude
Est de Greenwich (20o40 Est de Paris).
3. Il est entendu en principe qu'au nord du Î5« parallèle la zone française sera
limitée au Nord-Est et à l'Est par une ligne qui partira dn point de rencontre du
Tropique du Cancer avec le 16* degré de longitude Est de Greenwich (l3o 40' Est
de Paris), descendra dans la direction du Sud-Est jusqu'à sa rencontre avec le
24« degré de longitude Est de Greenwich (2lo 40 Est de Paris^ et suivra ensuite le
24« degré jusqu'à sa rencontre au nord du 15« parallèle de latitude avec la frontière
du Darfour telle qu'elle sera ultérieurement fixée.
4. Les deux gouvernements s'engagent à désigner des commissaiires qui seront
chargés d'établir sur les Ueux une ligne frontière conforme aux indications du
paragraphe 2 de la présente déclaration. Le résultat des travaux sera soumis à
l'approbation de leurs gouvernements respectifs.
II est convenu que les dispositions de l'article IX de la convention du
U juin 1898 s'appliqueront également aux territoires situés au sud du 14° 20 de
laUtude Nord et an nord du 5- degré de latitude Nord entre le 14o 20 de longi-
tude Est de Greenwich (l2o Est de Paris) et le cours du haut Nil.
Fait à Londres le 21 mars 1891).
[l. S.) Signé : Paul Cambon.
(L. S.) Signé : Salisbury.
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192 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
on peut s'en rendre compte, la ligne générale de démarcation formée
par l'ensemble des deux lignes, celle du paragraphe 2 et celle du para-
graphe 3, sépare le bassin du Nil de ceux du Congo et du Tchad, d'abord,
puis du Sahara, en attribuant à la région du Nil tout le désert de Libye.
Comme l'Angleterre s'engage à n'acquérir ni territoire, ni influence poli-
tique à l'ouest de la ligne définie au paragraphe 2, c'est-à-dire jusqu'au
15*^ parallèle, elle nous reconnaît ainsi le bassin du Tchad; il est vrai qu'elle
y aura peut-être un pied, puisque la limite du Darfour n'est pas encore
exactement fixée ; mais il ressort du texte de la Déclaration que les pré-
cautions nécessaires ont été prises pour que cette limite occidentale du
Darfour ne s'avance pas trop vers le Tchad. Comme, d'autre part, nous
nous imposons à l'Est de la ligne de démarcation du paragrapge 2, c'est-
à-dire jusqu'au 15* parallèle, la mt^rae réserve que l'Angleterre s'impose à
l'ouest, nous reconnaissons à cette dernière la possession de la vallée du
haut Nil, jusqu'au 15* parallèle. Il importe de faire remarquer un fait très
important : c'est que la question d'Egypte elle-même n'est en rien affectée
par la Déclaration du 21 mars, puisque la ligne de démarcation prévue au
paragraphe 2 part vers le Nord, de l'extrémité méridionale de la Tripoli-
laine, c'est-à-dire d'un parallèle au nord duquel se trouve toute l'Egypte
proprement dite. En outre, nous ne nous imposons pas la même réserve à
l'est de la ligne du paragraphe 3 qu'à Test de celle du paragraphe 2. C'est
donc une erreur, sincère ou intentionnelle, de prétendre, comme on l'a
fait en Angleterre, que la France reconnaît désormais la domination de
l'Angleterre en Egypte. Cela n'est pas exact. Non seulement, donc, la ques-
tion d'Egypte reste entière; mais il y a plus : si cette question .venait à se
poser d'une manière pratique, et que le gouvernement khédivial revendi-
quât la possession du Soudan, la France, quoique ayant renoncé pour
elle-mêm'e à une partie déterminée de cette région, ne terait pas obligée
pour cela de s'abstenir de prêter son concours à ce gouvernement, seule ou
de concert avec d'autres puissances. .\!alheureusement, pour le moment
du moins, cette réserve n'a qu'un caractère très académique.
Outre la délimitation des territoires, la déclaration du 21 mars contient
une clause d'ordre commercial assez importante. Elle étend aux régions
situées entre le Tchad et le Haut Nil les dispositions par lesquelles
l'art. 10 de la convention franco-anglaise du 14 juin 1898, garantissait
aux ressortissants des deux puissances contractantes, le régime de l'éga-
lité du traitement. Dans la note officieuse qu'il a communiqué à la presse,
notre gouvernement explique qu'il a atteint ainsi le but que l'on s'était pro-
posé en envoyant l'expédition Marchand àFachoda, but qui était de fournir
à nos possessions du Haut Oubanghi, très éloignées de l'Océan par la voie
du Congo, un débouché plus aisé sur le Nil. Eiïectivement, par la clause
finale de la déclaration du 21 mars, le cours du Nil est ouvert à notre
( ommerce sur un développement de près de 800 kilomètres, à savoir de
Lado, sur le 5« parallèle, jusqu'à un point situé un peu au sud de Khar-
toum, à savoir à l'endroit où le fleuve rencontre le 14<'20' de latitude nord.
Il est vrai que les avantages qui nous sont ainsi accordés dans la sphère
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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 193
Anglai8e,sont aussi reconnas aux* Anglais dans la sphère française jusqu'au
Tobad, au Chari et au Cameroun allemand, en tant que ces régions sont
situées au nord du 2« parallèle. Il est môme probable, étant donnée la
torpeur de notre monde commercial, que les Anglais tireront de cette
clause un meilleur parti que noas-mêmes. Mais ce sera notre propre faute
et nous n'aurons à nous en prendre qu*à nous.
Si, maintenant, nous considérons la valeur des territoires acquis de
part et d'autre, nous constaterons que notre part n'est pas la plus mau-
vaise. Le Babr-el-6|iazal, qui était l'objet principal du litige, et qui est
attribué, en fin de compte, à la sphère anglaise, est une contrée naturel-
lement très ingrate, marécageuse et malsaine, d'une mise en valeur très
difficile. Du reste, les immenses difficultés qu'y a rencontrées l'expédition
Marchand sont, par elles-mêm^, un indice du caractère peu hospitalier
du pays. Le Darfour, qui va aussi à la sphère anglaise, n'a guère plus de
valeur; en outre, il a été ravagé par des guerres civiles pendant plusieurs
années. Par contre, les régions dont la possession nous est reconnue sont
infiniment plus riches. Le Kanero, le Ouadaï et le Baghirmi, qui entou-
rent le Tchad, sont plus riches et plus utilisables que le Darfour et le
Bahr-el-Ghazal. Quant à la partie du Sahara qui nous est reconnue, elle
comprend les oasis montagneuses de Borkou et de Tibesti, puis celle de
Bilma, qui constituent Vhinierland économique de la Tripolitaiue, et
dont la possession nous sera nécessaire si nous voulons construire un jour
le transsaharien aboutissant au Tchad. En outre, la délimitation arrêtée
présente l'immense avantage de constituer en un tout compact nos pos-
sessions du nord-ouest de l'Afrique. Ainsi, à considérer les choses à un
point de vue simplement matériel, nous pouvons nous tenir pour satis-
faits, étant donné, surtout, que nous avons commercialement un accès
sur le Nil.
Est-ce à dire que les critiques que nous avons formulées contre notre
politique, à propos de l'affaire de FachoJa, perdent de leur valeur? Il n'en
est rien. Nous trouverions très mauvais, au contraire, que la solution rela-
tivement satisfaisante à laquelle on vient d'aboutir fît oublier les erreurs
commises, et atténuât la portée do l'nmère leçon que les événements nous
ont infligée. Sans doute, la sauvegarde de nos intérêts matériels au centre
de l'Afrique est une chose éminemment respectable. Mais cela est de peu
de poids, cependant, auprès de notre prestige politique général. Or, ce
dernier a été durement atteint par le fait que, devant la menace d'une
guerre, nous avons cédé à l'Angleterre. Voilà ce qu'il ne faut pas oublier.
Nous maintenons donc ce que nous avons dit : à savoir que, par une poli-
tique imprévoyante, et surtout incohérente, — en ce sens qu'elle a été le
fait de ministres différents, — nous sommes allés frivolement au devant
d'un échec qui était si certain d'avance, que les gens avisés désiraient
presque que l'expédition Marchand n'arrivût pas à son but. Mais nous
avons reconnu aussi que le gouvernement actuel n'était pas responsable
de la situation en présence de laquelle il s'était trouvé; nous avons reconnu
également que la solution à laquelle il s'était arrêté, en abandonnant Fa
REVUE POLIT., T. XX 13
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194 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
choda, était la seule possible; nous reconnaissons enûn, ai^ourd'hui, qu'il
a tiré de la situation le meilleur parti possible. Après notre échec diplo-
matique du 4 novembre, nous ne pouvions pas obtenir plus que ce qui
nous est reconnu par la déclaration du 21 mars. Aussi, les protestations
qui se sont élevées dans certains milieux coloniaux français nous parais-
sent aussi vaines que les efforts faite, d'un autre côté, pour exagérer Tira-
portance de nos gains. Autant ces efforts nous font Telfet de procéder de
gens peu sincères, qui veulent donner le change a Topinion, autant ces
protestations nous paraissent dénoter l'incapacité où sont leurs auteurs
de discerner entre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Nous croyons
donc qu'il faut savoir gré à M. Delcassé du résultat auquel il est parvenu,
et nous estimons que notre Parlement commettrait une grave erreur, s'il
se laissait persuader par quelques fanatiques de refuser sa sanction à
l'œuvre du- gouvernement.
Maintenant que tout danger de guerre entre la France et l'Angleterre
semble être définitivement écarté, nous croyons qu'il est du devoir des
hommes politiques et des publicistes des deux pays de faire disparaître la
tension, les préventions réciproques auxquelles avait donné naissance la
crise qui vient de prendre fin. Nous ne sommes pas de ceux, en effet, qui
croient que la France, devenue puissance coloniale, doit fatalement être
Tennemie de l'Angleterre. C'est là un raisonnement simpliste que nous
tenons pour très malfaisant. Il y a place, dans le monde, pour deux puis-
sances coloniales, étant donné, surtout, que notre colonisation est si peu
agressive et si peu encombrante. Sans doute, il y aura encore entre les
deux pays des froissements inévitables ; mais nous tenons pour très possible
d'éviter tout conflit sérieux, pourvu que nous fassions preuve, à l'avenir,
de plus de circonspection que dans l'affaire de Fachoda. Du reste, il
semble bien que, de part et d'autre, on se mette déjà à l'œuvre pour réta-
blir l'ancienne harmonie. Le 7 mars, à Londres, à l'occasion du banquet
de la Chambre de Commerce, des discours très cordiaux ont été échangt!S
entre les invités français, dont notre ambassadeur, M. Paul Cambon, et
leurs hôtes anglais. M. Cambon a insisté sur l'avantage qu'il y a pour les
deux pays à vivre en bons termes, et sur la facilité d'y arriver par un res-
pect réciproque. Il semble, d'autre part, que, dans les milieux politiques
anglais, on se rende compte que la politique de T Angleterre est parfois
trop provocante et envahissante. Le nouveau clief du parti libéral, sir
Henry Campbell-Bannerman, parlant à Hull, a prononcé cette phrase si-
gnificative : « Nous répudions cet impérialisme vulgaire et bâtard fait d'ir-
ritation, de provocation et d'agression, cet impérialisme qui consiste à
nous livrer à des tours (tricks) et à des manœuvres habiles contre nos voi-
sins, et à mettre la main sur tout, même quand nous n'en avons aucun
besoin. » Sans doute, cène sont laque des manifestations oratoires ; mais
elles sont d'un bon augure. Il reste encore, il est vrai, quelques questions
délicates à régler entre la France et l'Angleterre, en ce qui concerne en
particulier, les intérêts britanniques à Terre-Neuve et à Madagascar. Mais,
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|j. -W'- -
LA POUTIQUE EXTÉRIEURE DV MOIS 19b
si la question du haut Nil^ la plus grave de toutes, a été réglée par la voie
diplomatique, il serait surprenant qu^il n*en fût pas de même des autres.
Quanta rincident de Maâcate, dont nous avons parl^ dans notre dex^
nière chronique, alors que nous n'avions encore que la vei^ion officielle
anglaise, il peut être considéré comme clos. La version officielle fran-
çaise, qui a été fournie h notre Parlement, a ramené les choses au point,
réduisant à d'assez nu)de8te8 proporlions une affaire qu'on avait un peu
grossi. La controverse roulait sur une sorte de mal-entendu. Par un
traité conclu en 18^2, la France et l'Angleterre se sont engages à respecter
l'intégrité du sultanat d'Oman, dont la capitale est Mascate. Or, le
7 mars 1898, — c'est-à-dire sous le ministère de M. Hanotaux, -^ notre
agent à Mascate conclut avec le Sultan un arrangement qui, d'après le
gouvernement anglais, portait atteinte au traité ; eu effet, s'il faut en croire
la déclaration faite par M.Brodrick aux Communes, le 7 mars, il s'agissait
de la concession à la France d'une portion de territoire qui devait êtie
employé comme dépôt de charbon, et où nous aurions eu le droit de
hisser notre pavillon et de construire des fortifications. Celte interpréta-
tion es4 contestée officieusement par notre gouvernement. L'Angleterre,
selon IL Brodriok, avait donc le droit de protester; efifectivement son agent
à Mascate avait obtenu l'annulation de l'arrangement du 7 mars 1898.
Cependant, si l'Angleterre s'opposait à ce qu'une concession de territoire
nous fût faite, elle admettait que nous eussions, comme elle-même, un
simple dépôt de charbon. De cette manière, les deux puissances seraient
mises sur pied d'égalité. Or, à la séance de la Chambre des députés du
6 mars, M. Delcassé, répondant à une question de M. tirunet, a déclaré
que la France s'était bornée à demander un dépôt de charbon, en sorte
qu'elle obtenait gain de cause, puisque le gouvernement britannique ne
lui contestait pas ce droit. Ainsi, ou bien l'agent français à Mascate avait
outre-passé ses instructions en demandant plus qu'un dépôt de charbon ;
ou bien Tagent anglais s'était abusé sur la valeur des avantages que nous
avions obtenus ; telles sont les deux hypothèses qui se présentent quant
àl'origine du différend. Pour ce qui est de sa solution, elle est acceptable,
puisque laFrcuioe et l'Angleterre auront chacun leur dépôt de charbon.
Voilà pour le fond de l'affaire; mais il y avait aussi, on s'en souvient, une
question de forme, ou de procédé. Le nouveau vice-roi des Indes, lord
Curion, avait envoyé à Mascate une escadre anglaise, dont le commandant
avait menacé le Sultan d'un bombardement s'il ne consentait pas à l'aonu-
lation de l'arrangement du 7 mars 1898. C'est surtout ce procédé qui nous
avait déphi, et qui avait motivé les observations de M. Paul Cambon à lord
Salisbury. Or, d'après la déclaration de M. Delcassé, du 6 mars, le gouver-
nement anglais avait désavoué les procédés de lord Curzon, et nous avait
exprimé ses regrets. Il est vrai que, le lendemain, aux Communes,
M. Brodrick s'efforçait d'atténuer cette déclaration du ministre français,
en disant que lord Salisbury avait effectivement informé l'ambassadeur de
France « qu'il aurait préféré une autre façon d'agir ». Quoi qu'il en soit
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196 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
des paroles exactes de lord Setlisbury, il n*en est pas moins vrai que le
procédé par trop brusque de lord Cnrzon a été désapprouvé par le gouver-
nement anglais. Gela nous suffit. L'incident peut donc être considéré
comme réglé ; mais il doit être pour nous un nouvel exemple de la pru-
dence qu'il faut apporter dans toutes ces affaires coloniales.
Sivis pacem, para bellurn. C'est sans doute pour se conformer à ce vieil
adage que divers gouvernements poussent activement leurs armements,
au moment même où Ton commence à s'occuper sérieusemenment de la
Conférence du désarmement, que le tzar a convoquée, et qui doit se réunir
à la Haye, le 18 mai. Ce sont surtout TAngleterre et TAUemagne qui, du-
rant le mois écoulé, nous ont fourni l'exemple de cette fièvre mili-
taire.
En Angleterre, le sous-secrétaire d'Etat à la guerre a présenté aux
Communes, à la séance du 2 mars, un budget accusant une forte augmen-
tation, en particulier au chapitre de Tartillerie de campagne, laquelle est
portée de 45 à 54 batteries. Il a fait, à cette occasion, une déclaration
intéressante, disant que, abstraction faite de la protection des colonies,
Tarmée devait être prête à toutes les éventualités d'une grande guerre, y
compris les risque^ d'invasion ; cela prouve que l'Angleterre commence à
se rendre compte que sa politique ambitieuse l'expose à des dangers aux-
quels elle ne se sent plus en état de faire face. Ne vaudrait-il pas mieux
adopter une politique plus modeste, plutôt que d'exposer les finances du
pays au péril presque certain du déficit? C'est ce que pense le chef de
Topposition libérale aux Communes, sir H. Campbell-Bannerman, qui a
rendu la politique du gouvernement actuel responsable de l'augmenta-
tion constante des charges militaires et nouvelles. Il a ajouté que si l'An-
gleterre prétendait accroître chaque année son empire, il lui faudrait
aussi augmenter sans cesse ses dépenses. La même thèse a été soutenue
à la séance suivante, le 3, par M. Labouchère, qui a proposé, à titre de
protestation, une réduction de 4.340 hommes sur le contingent. Il a fait
remarquer que, par ses perpétuelles acquisitions de territoires, l'Angleterre
finirait par perdre les avantages qui résultent pour elle de sa situation
insulaire; il a même parlé de la nécessité possible de la conscription, cette
institution pour laquelle les Anglais ont une véritable aversion. La propo-
sition du député libéral a été repoussée par 188 voix contre 54, après un
discours de M. Balfour, qui, parlant au nom du gouvernement, a déclara
que l'augmentation des dépenses militaires était indépendante de telle ou
telle politique, et qu'elle était inévitable, si l'Angleterre voulait avoir la
part qui lui revient dans le partage du monde. Une discussion à peu près
analogue s'est déroulée quelques jours plus tard, à l'occasion du budget
de la marine, que M. Goschen, premier lord de l'Amirauté, a présenté aux
Communes, le 9 mars. Ce budget est aussi en augmentation sur le précé-
dent; mais le gouvernement assure que ce sont les progrès maritimes des
autres puissances qui forcent l'Angleterre à marcher dans la même voie,
sous peine de se laisser distancer. Le premier lord de l'Amirauté a fait, à
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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 197
ce propos, une déclaration intéressante; il a dit que, si les autres grandes
puissances navales se montraient disposées, à la Conférence de La Haye,
à diminuer leurs constructions maritimes, TAngleterre serait prête à mo-
difier les siennes. Cette assurance, généreuse en apparence, n'a rien qui
nous surprenne. Il ne pourrait s*agir, en effet, pour les divers Etats, que
d'une diminution proportionnelle; or, comme TAngleterre s'est assuré
jusqu'ici une préséance maritime incontestable, elle aurait la certitude de
conserver sa supériorité actuelle sans nouveaux Si^crifices trop considé-
rables. Quant aux autres puissances, auxquelles Tétat de leurs finances ou
de leur industrie permettrait d'atténuer l'avance que l'Angleterre a sur
elles, elles seraient mises dans l'impossibilité d'y parvenir. Pour reprendre
un exemple que nous avons déjà cité, si l'emploi des sous-marins était
interdit, TAngleterre n'aurait pas à se préoccuper de la question soulevée
par la construction du Gustave Zédé, et elle serait assurée de conserver
la domination de la mer.
En Allemagne, la question militaire s'est posée sous une forme à la fois
plus importante et plus grave ; elle a failli provoquer une crise politique,
qui aurait eu pour point de départ la dissolution du Reichstag. Le projet
de loi soumis à cette assemblée, dont on s'occupait depuis près de quatre
mois, et dont nous avons déjà parlé dans une précédente chronique, avait
donné naissance, entre les députés et le gouvernement, à un de ces con-
ilits qui se produisent assez régulièrement quand le gouvernement de-
mande au pays de nouveaux sacrifices, et qui, plusieurs fois déjà, ont
abouti à la dissolution du Parlement. Il s'agissait, cette fois-ci, d'un non
veau « quinquennat 7, c'est-à-dire de la fixation, pour une nouvelle pé-
riode de cinq ans, de l'efifectif de l'armée sur pied de paix. Le projet de
loi du gouvernement avait un double caractère ; il avait d'abord pour but
d'apporter certaines modifications dans la disposition des forces existantes,
ce qui entraînait de nouveaux sacrifices financiers ; puis il prévoyait une
augmentation des effectifs, en ce sens que le gouvernement devait être
mis à même d'incorporer une partie de l'excédent annuel de 30.000 re-
crues, dont l'insuffisance des crédits accordés ne lui permet pas de tirer
parti. Sur ce premier point, le Reichstag ne faisait aucune opposition
sérieuse malgré les sacrifices financiers à prévoir. Quant à l'augmentation
des effectifs, la majorité était disposée à Paccorder en partie, mais sans
aller aussi loin que le voulait le gouvernement. C'est à propos de
7.006 hommes que le conflit éclata. Le projet du gouvernement portait
que, à partir du l*' octobre 1899, l'effectif de paix serait augmenté pro-
gressivement, de manière à atteindre, dans le courant de l'année budgé-
taire i902, le total de 502.506 hommes. Or, la commission du Reichstag
n'en accordait que 495.500, soit 7.006 de moins ; en outre, elle substituait
l'année 1903 à 1902. Le Reichstag ayant, dans sa séance du 14 mars, donné
tort au gouvernement, on crut à une dissolution imminente. Cependant,
il semble que des princes confédérés, entre autres le roi de Saxe, soient
intervenus auprès de Guillaume II, pour le dissuader de recourir à cette
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lî>8 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EK FRANCE
extrémité. Effectivement, du 14 au iê mars, wi trouva la base d'un com-
promis ; le gouvernement acceptait la rédaction de la commission ; mais
en vertu d'un amendement de M. Lteber, chef du centre catholique, il
ôtait entendu que, si Texpérience prouvait FinsufOsance des concessions
du Reiohstag et la nécessité de Tadoption des projets primitifs du gouver-
nement, celui-ci serait autorisé à faire de nouvelles propoeitions au
Heichstag avant l'expiration du « quinquennat », c*e»t-à-dire avant 1904.
Comme il est presque certain que le gouvernement fera usage de cette
autorisation le plus tôt possible, on a pu dire avec raison qu^l Tavait em*
porté sur le fond, tandis que le Reiohstag n'avait eu le dernier mot qu'au
point de vue de la forme. Mais, grâce à ce compromis, on a évité une
crise.
Ainsi, en 1005, l'armée allemande atteindra un effectif de paix de
49S.500 hommes, non eompns la m portion permanente » composée des
officiers, sous-officiers, etc. En ce qui concerne l'inf^mterie, le gouver-
nement avait surtout pour but de renforcer les bataillons stationnés aux
frontièi^es; quanta la ea^^alerie, 10 escadrons nouveaux sont créés. Mais
c^est surtout l'artillerie de campagne qui bénéficiera de la nonrelle loi,
qui prévoit la création de hù batteries. Quant aux cons^uences financières
de la loi, on estime à 150 millions de fitmcs la dépense extraordinaire et
non permanente, qui en résultera, et à 30 millions Taugmentation an«
nuelle du budget de la guerre. Telle est, àSxne manière très générale, la
portée de la loi que le Reiohstag a votée, le it mars, par 292 voix
contre 132 (1). Au point de vue de la politique allemande, llntérôt qu'a
présenté cette crise avortée consiste en ce qu'elle a fait voir de nouveau,
d'une part le peu de scrupules de Guillaume 11 à l'égard de la représen*-
tation nationale, puisqull était disposé à la dissoudre pour 7.006 hommes
de plus ou de moins dans l'effectif de son armée, et, d'autre part, l'utilité
d'un frein moral imposé aux tendances absolutistes du jeune empereur
par rintervention officieuse d'autres souverains confédérés, plus Agés,
plus expérimentés et plus pondérés qu'il ne l'est. Au point de vue de la
politique internationale, on ne peut tirer de ce qui vient de se passer en
Allemagne, comme en Angleterre, que des conclusions peu optimistes en
ce qui concerne le sort réservé aux projets humanitaires du tsar. EnOn,
à un point de vue plus particulièrement fhinçsis,)e vote de U loi militaire
allemande coïncidant, à quelques jours d'intervalle, avec le discours de
M. de Freycinet, montre combien notre ministre de la Guerre a raison
quand il insiste sur la nécessité, pour nous, de suppléer par la qualité à
la supériorité du nombre, qui va toujours en s^accentuant du côté de l'Al-
lemagne, grâce à l'augmentation constante de sa population, tandis que
l'état de 84.aguatioB où se trouve la nôtre rend presque impassible un ac-^
oroisseraent sérieux de no6 effeetife.
En Autrtche*Uoagrie, la solution de la crise ptarleiAexvtaire hongroise,
1) Voir, pour plus de détails, l'étude de M. Chartes Malo dan» le Jottmai des
^béttsy du 2& mars 189».
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LA POLITIQUE EXTÉRIBCRE DtJ MOIS 199
intervenue en février, et dont nons avons parlé dans notre dernière chro-
nique, a eu pour conséquence, durant le mots écoulé, de faire cesser
rétat illégal et inconstitutionnel dans lequel se trouvait le royaume depuis
le \^ janvier. On se souvient que le renouvellement provisoire. Jusqu'au
31 décembre 1899, du compromis austro-hongrois, avait été décrété, à
Vienne, en vertu du paragraphe 14 de la constitution autrichienne, mais
que ce procédé n'avait pu être imité à Budapest, la constitution hongroise
ne contenant aucune clause analogue au paragraphe en question. Or, la
diète hongroise n*ayant pas pu, elle non plus, voter le renouvellement,
par suite de Tobstruction parlementaire, le comproinis, qui est nécessaire
à l'existence même du pays, tel qu'il est constitué actuellement, avait été
simplement maintenu en fait, en dépit de la constitution. Cet état de
choses ne pouvait durer. Aussi la formation du nouveau ministère, présidé
par M. Kaloman de Ssell, ayant mis fin à la crise parlementaire^ la Diète
s'est empressée de voter le renouvellement provisoire du compromis. On
va donc pouvoir recommencer à négocier, d'un bord à l'autre delà Leitha,
sur le renouvellement régulier du pacte d'union entre les deux moitiés de
la monarchie.
A Budapest, la crise une fois passée, les partis se sont hâtés, après le
combat, et Ton a vu s'accentuer une métamorphose que nous faisions pré-
voir le mois dernier : à savoir une fusion d'une fraction du parti national,
qui avait été l'instigateur de la crise parlementaire, avec le parti libéral.
Ce dernier sort donc de la tempête presque plus fort qu'auparavant,
malgré qu'il y ait perdu son chef respecté, le baron Bauflfy. Un autre évé-
nement est à signaler. Nous voulons parler d'un discours que le comte
Tisfa a prononcé à la Chambre, et dans lequel on peut voir un symptôme
d'une prochaine volte-face de l'opinion hongroise, en ce sens que, dans le
conflit des nationalités en Autriche, elle cesserait de prendre parti pour
les Allemands, comme elle l'a fait jusqu'ici, et épouserait la cause des
Slaves et du fédéralisme. Ce discours du comte Tisza est d'autant plus
remarquable, qu'un autre politique hongrois très en vue, M! Louis Lang,
ancien vice -président de la Chambre, s'est déjà livré à une manifestation
analogue, en publiant, dans la Revue Politique et Parlementaire (octobre
1898), un article très curieux dans lequel il soutenait une thèse identique.
Ce commencement d'évolution des Hongrois s'explique facilement par ce
fait qu'ils voient l'hégémonie, en Autriche, passer des Allemands aux
Slaves, et qu'ils jugent prudent de se mettre du côté du plus fort. C'est
donc un symptôme intéressant. En outre, si cette évolution s'accentuait,
elle pourrait même, dans une certaine mesure, faciliter, en Autriche, le
triomphe prévu du slavisme.
En Espagne, une crise ministérielle a éclaté, le i** mars, le ministère
Sagasta ayant présenté sa démission à la reine-régente. Le motif de cette
démission étant un vote du Sénat, qui, en discutant la question des Phi-
lippines, n'avait repoussé qu'à deux voix de majorité un amendement
combattu par le gouvernement, on pouvait supposer que celui-ci se lais-
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200 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
serait persuader de revenir sur sa décision. Il n'en a rien été, cependant.
Le ministère libéral persistant à vouloir se retirer, — sans doute parce
qu'il estimait que, de toute manière, le moment de sa chute était proche,
à cause de Tissue malheureuse de la guerre, — la reine-régente, suivant
la coutume constante, a confié le pouvoir au parti conservateur. L'ancien
chef de ce parti, M. Canovas, ayant été assassiné dans le courant de Tété
de 1897, on sait que cet événement tragique avait jeté une grande confu-
sion parmi les conservateurs. Il» étaient restés quelques mois encore au
pouvoir, avec le ministère de transition du général Azcarraga ; mais, leurs
rangs se désorganisant de plus en plus, ils avaient cédé la place au minis-
tère libéral de M. Sagasta. Celui-ci eut à conduire contre les Etats-Unis
une guerre depuis longtemps considérée comme inévitable et, en vue de
laquelle Tadministration précédente s'était trop mal préparée pour qu'on
pût espérer un succès. Quoi qu'il en soit des responsabilités, c'est au parti
conservateur qu'incombe aujourd'hui la lourde tâche de relever l'Espagne,
ou, jpour le moins, de l'empêcher de tomber plus bas. Son nouveau chef
est M. Silvela, qui s'était séparé autrefois de M. Canovas, pour former un
groupe dissident, mais qui, après la mort de son ancien compagnon
d'armes, avait rallié autour de lui toutes les forces conservatrices. M. Sil-
vela est un homme qui a de grandes qualités personnelles, et qu'on dit
plein de bonnes intentions. Il faut donc espérer qu'il ne sera entravé ni
par les hommes, ni par les circonstances. Malheureusement, on n'est pas
sans inquiétude à ce double point de vue. On sait qu'il est dans les usages
des partis espagnols de s'assurer 16 concours de quelque personnalié
militaire importante, l'armée ne restant jamais étrangère à la politique.
M. Silvela s'est donc adjoint, comme ministre de la guerre, le maréchal
Polavieja, tandis que les libéraux ont attiré à eux le général Weyler. Or,
il semble qu'il y ait déjà, entre le président et le ministre de la guerre du
nouveau cabinet, un antagonisme assez prononcé, qui inspire des craintes
quant au maintien de la cohésion du ministère Silvela-Polavieja. D'un
autre côté, le programme même de M. Silvela pourrait, par ce qu'il a
d'excessif, provoquer des complications s'il était appliqué dans un esprit
trop absolu. En effet, dans un discours prononcé peu de jours avant la
démission de M. Sagasta, M. Silvela a insisté sui* deux traits essentiels de
la politique conservatrice : à savoir, le régionalisme et le cléricalisme. Si
le gouvernement conservateur tient à ne pas déchaîner une opposition qui
pourrait le renverser, il faudra qu'il borne son régionalisme à une décen-
tralisation plus ou moins accentuée, et, d'autre part, qu'il n'aille pas trop
loin dans la voie des concessions à l'Eglise. M. Silvela semble, du reste,
avoir compris le danger, et, dans un discours prononcé ultérieurement, il
a cherché à atténuer les inquiétudes qu'avaient fait naître ses premières
déclarations. Au demeurant, il est difficile de se faire une idée sur ce que
pourra être la politique du nouveau ministère, tant qu'on ne connaîtra pas
les résultats des élections qui vont commencer prochainement. Effective-
ment, les corlès ont été dissoutes, selon la règle assez généralement
suivie en cas de changement de gouvernement, et M. Silvela — contraire-
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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 201
ment aux coutumes, ceci soit dit à sa louange -* a manifesté la ferme
volonté d'empécher qu*aucune pression officielle ne soit exercée sur les
électeurs.
En Italie, la Chambre a consacré un assez grand nombre de séances à
Texamen des projets de loi de sûreté publique, que nous avons analysés
dans notre dernière chronique. Mais elle s'est ajournée jusqu'après les va-
cances de Pâques, après avoir renvoyé les projets en question à une com-
mission, d'où ils sortiront probablement très amendés, selon nos prévi-
sions. Nous aurons donc à revenir sur cette question.
Du reste, c'est une autre affaire qui, en ce moment, passionne Topinion
au-delà des Alpes, à savoir une nouvelle aventure coloniale, qui a la Chine
pour théâtre. On a appris avec une vive surprise que l'Italie voulait, elle
aussi, avoir sa part dans le vaste empire que les puissances sont en train
de se partager, et qu'elle avait jeté son dévolu sur la baie de San-Moun,
dans Ja province de Tché-Kiang, qui pouvait être considérée désormais
comme la future sphère d'influence italienne. D'abord favorablement im-
pressionnée et flattée dans son amour-propre, l'opinion publique n'a -pas
tardé à montrer de l'inquiétude. Il s'est produit, en premier lieu, un contre-
temps très f&cheux, et presque ridicule. Le ministre d'Italie à Pékin, M. di
Mai-tino, ayant mal exécuté ses ordres, et ayant, par suite d'une erreur,
remis au gouvernement chinois un ultimatum qui aurait pu compliquer
la situation, il a été rappelé par le cabinet de Rome au milieu même des
négociations en cours. En quittant son poste, il a confié les intérêts de
ritalie, c'est-à-dire la suite des négociations, au ministre d'Angleterre, sir
Claude Macdonald, lequel, lui-même, partait en congé quelques jours
après ! De cette manière, la solution du différend italo-chinois est ajournée
jusqu'à l'arrivée du nouveau ministre d'Italie à Pékin. En attendant, l'opi-
nion publique s'inquiète, et il se produit, dans la presse, dans les milieux
politiques, et même dans le public, une opposition croissante contre une
entreprise qu'on craint de voir se terminer aussi peu glorieusement que
Faventure africaine. En même temps, on exprime des doutes au sujet de
la bonne foi de l'Angleterre, qu'on soupçonne d'avoir attiré l'Italie dans un
mauvais pas, pour en tirer profit elle-même. Quant à la France, elle ne
saurait voir avec défaveur l'établissement de l'Italie en Chine; car, plus
les copartageants seront nombreux, moins il sera possible à l'un d'entre
eux d'abuser de sa force pour se tailler la part du lion. C'est donc sans
arrière -pensée que nous souhaitons bonne chance à l'Italie. Mais nous ne
pouvons nous défendre de quelque scepticisme quant à la réalisation de
nos vœux; car, d'une part, le gouvernement chinois semble bien décidé à
ne rien vouloir céder, et, de l'autre, l'appui de l'Angleterre paraît bien
problématique, puisque cette puissance a fait comprendre qu'elle n'inter-
viendrait en faveur de l'Italie que si celle-ci ne recourait pas à l'emploi de
la force.
Alcidb Ebrat.
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202 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
II. — CHRONIQUS POLITIQUE INTÉRIEURE
La Chambre a poursuivi et enfin achevé Texamen du budget de 1899.
On avait espéré un instant que les sénateurs consentiraient à expédier en
une semaine la besogne que les députés ont mis environ cinq mois à
accomplir. Le Sénat n'ayant point paru disposé à cet empressement plein
d'abnégation, il a fallu voter deux nouveaux douzièmes provisoires. Puis
les parlementaires sont entrés en vacances, les sénateurs, jusqu'au 9 mai,
les députés jusqu'au 2.
Ceux-ci n'auront pas occasion de se montrer ûeis lorsqu'ils comparaî-
tront devant leurs électeurs. Sans doute, Texpédient des douzièmes proYi-
soires ne compromet pas sensiblement la rentrée des recettes. Le contri-
buable paie toujours et les lenteurs de ses représentants ne l'obligent pas à
payer beaucoup plus cher. Toutefois si le rendement des impôts n'est pas
en cause, le vote tardif du budget est une preuve de désordre dans le tra*
vail législatif. L'œuvre nécessaire est accomplie, mais hors de son temps et
sans excuse légitime. Sur sept mois de session effective, la Chambre en
gaspille cinq à une besogne qu'elle pourrait aussi bien terminer, avec
un peu d^activité, en deux ou trois mois. C'est autant qu'elle perd pour les
réformes sérieuses, qui ne manquent guère, et, à défaut, pour la trau-
quillité du pays, qui voudrait des sessions mieux remplies ou plus
courtes.
Encore si la tâche ne laissait rien à désirer ! Ce n'est pas le cas du bud-
get de i899. Grâce aux relèvements de crédits, les citoyens auront à payer
une douzaine de millions de plus. L'an dernier, nous avons eu un budget
de séduction électorale. C'était l'œuvre des candidats. Cette fois, la recon-
naissance des élus s'est manifestée par des amendements sans nombre,
dont plus d'un a triomphé des efforts, souvent peu convaincus, de la com-
mission et du Gouvernement. Ces faveurs, qui vont h quelques catégories
de petits fonctionnaires influents, surchargent la masse des contribuables,
masse débonnaire qui se laisse leurrer par le mirage des dégrëTements
toujours promis et toujours attendus.
Eu vérité, le parti radical qui disposait de la majorité dans la conmisr-
sion du budget^ ne peut tirer vanité de cette campagne financière. Malgré
son avidité de réformes , il ne peut se vanter d'en avoir réalisé aucune.
Et si ou l'excuse de n'en pas avoir proposé, dans les conjonctures pré-
sentes, ou peut lui demander compte de la manière plutôt insuffisante
dont il s'est acquitté de ta mission dont le hasard, comme aussi la négli-
gence des répuWcains, l'avait investi cette année.
U faut cependant noter, pour être exact, un amendeneut de Klotz qui
réduit à 13.000 francs de traitement des trésafiers-payenrs généraux.
C'est peu, snriirat si on réfléchit que ee vote restera platonique.
♦
Il serait fastidieux d'entrer dans le détail de cette discussion financière,
coupée par les incidents devenus classiques.C'est un fait normal de voir un
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CHRONIQUE POUTIOUE INTÉRIEUKB 203
socialiste intervenir, dans le badget de la gnerre, pour demander le désar-
mement, on un radieal, pour proposer la suppression des vingt-huit jours.
Le chapitre des aumôniers de la marioe proToque un amendement aussi
obligatoire que les crédits de Tambassade au Vatican, des fonds secrets ou
des commissaires spéciaux. €'ett un vieux jeu qui ne lasse jamais ; une
manière de lieu commun, qui tente toiyours la verve des orateurs, qui comp-
tent qu'on en pariera lè*bas, dans les cafés de leur petite ville ou dans les
débits de leur faubourg. Cette année Pingéniosité de ces députés pé-
rorant par les fenêtres, a trouvé le moyen d'ajouter aux thèmes anciens
et jamais usés^ quelques formules nouvelles. Un socialiste s^est élevé Ion*
guement, à propos du budget des monnaies et médailles, sur la devise
séculaire : Dieu protège la France, Ce n'est, certes, pas la dernière fois
que nous entendrons cet air^là.
Une antre question, passionnante, et qui a remué la Chambre plus peut-
être, qu'elle n'aurait voulu le laisser voir, a ^té la proposition de relève-
ment de lindemnité parlementaire. H fallait uq certain xourage pour
prendre Finiliative d'une telle meanre, non qu'elle ne répondit pas au
sentiment secret de la majorité, mais ponr l'impopularité qu'elle risque
d'entraîner. M. Oras (de la Drôme) s'est dévoué et a accepté cette tâche
ingrate. Par un amendement au chapitre LU de la loi de finances, il a
proposé de porter de 9,000 à 15.000 firancs l'émolument touché par les
sénateurs et les députés. C'était une dépense de 5.280.000 francs.
Auasttût après le dépôt de cet amendement, la Chambre a été saisie de
deux motions préjudieiellea. La première, de M. l'abbé temire, demandait
la nomination d'une commisf^ion chargée de préparer, préalablement i
l'augmentation de l'indemnité parlementaire, un projet de réduction du
nombre des députés. La seconde, de M. Caillaux, proposait le renvoi à
une commission chargée de rechercher les moyens d'augmenter l'indem-
nité pariemantaire sans imposer aucune nouvelle charge an pays.
M. Lemire a pris, le premier, la parole; puis M. Dejeante a lu, au nom de
placeurs de ses collègues socialistes, une déclaration rappelant que les
candidats sa sont bien gardés d'agiter la question devant le corps élec-
toral. Il a ajouté : « Que le pays ne comprendrait pas, en présence du
chômage et des iniquités que subit patiemment la classe ouvrière, en
présenee de TeChrayanto misère dont souffre une quantité considérable de
vieillards, de femmes et d'enfants sans asilo et sans pain, tous attendant
en vain de la République le vote de lois humaines et protectrices de leur
droit à la rie, que la première et unique réforme importante qae cette
Chambre accomplirait, fut au profit exclusif des députés; — «Que l'adop-
tion d'une telle proposition, avant toute autre réforme attendue du pays,
serait auasô impopulaire qu'impoli tique et serait en même temps consi-
dérée comme un véritable défi porté à tous cenx qui sonffkrent des iniquités
sociaks» autant que de l'impuissance parlementaire. » Cette opinion
sévère n'a pas été partagée par tous les socialistes. M. Antide Boyer a
soutenu f aBienëement en invoquant les souvenirs personnels d^un procès
où il fut impliqaé. On se serait servi, contre hui, devant le tribunal, de cet
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204 LÀ VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
argument que rindemnité parlementaire était insufOsante pour garantir
rindépendaûce du député. Après un long débat la motion préjudicielle
de M. Lemire a été repoussée par 259 voix contre 199. Celle de M. Caillaux
a été retirée. L'amendement de M. Gras a été rejeté au scrutin public,
par 346 voix contre 105. M. Breton, de la Seiue-Inférieure, n'a pas été
plus heureux en sollicitant une augmentation plus modeste, qui aurait
porté rindemnité à 12.000 francs. Quant à M. Guyard, qui se contentait
de 6.000 francs, mais avec la franchise postale, il s'est dérobé avant le
vote. Seul M. Tourgnol a tenu bon au milieu de cet écroulement de
projets. Il a demandéla réduction de tous les gros traitements à 12.000 fr.,
mais pour le budget de 1900 seulement. Non sans peine, le ministre des
finances a fait comprendre à la Chambre que le budget de 1900 n'était
pas encore déposé, et le budget de 1899, pas encore terminé.
Dans cette discussion quelque peu troublée, il a été dit pourtant des
choses fort sensées. Il est hors de doule que depuis cinquante ans, la valeur
de l'argent a diminué; et d'autre part, les dépenses de toute nature,
représentées par l'indemnité parlementaire, ont au contraire augmenté
considérablement. Il serait donc équitable de relever le chiffre de cette
indemnité, du moment que le principe en est admis. D'un autre côté,
comme Ta fait observer M. Charles Ferry, la mesure serait impopulaire,
car elle serait la rupture du contrat d'après lequel les députés ont été
nommés.
La vraie solution a été indiquée par M. Lemire : elle est dans la réduction
du nombre des député». C'est une idée qui se fait jour, de divers côtés, et
qui finirait par prévaloir, tant elle est raisonnable, si on pouvait demander
aux députés de se sacrifier eux-mêmes. Mais, n'est-ce pas exiger beaucoup
de leur grandeur d'âme ?
Quoi qu'il en soit, M. Gerville-Réache a soulevé la même question dans
une proposition de revision de la Constitution qu'il a récemment déposée.
Les idées du représentant radical de la Guadeloupe sont des plus modérées.
11 réduit le nombre des députés à 400 et celui des sénateurs à 200. Il
demande le renouvellement des Chambres par fractions ; l'organisation de
la responsabilité ministérielle en vue de donner plus de stabilité au pouvoir
exécutif; la réglementation de la discussion et du vote du budget; l'inter-
diction de proposer une dépense nouvelle sans indiquer une ressource
correspondante ; la création d'une procédure pour solutionner les conflits
entre les deux chambres. Voilà un projet de revision qui semble suscep-
tible de rallier bien des suffrages. Il y a gros à parier que la réduction du
nombre des parlementaires sera Técueil où viendront buter toutes ces
bonnes intentions.
Il faut mentionner, pour en finir avec le budget de 1899, deux propo-
sitions qui ont pour objet de porter remède aux retards périodiques qjae
subit le vote de la loi de finances. L'une, dont M. Fleury-Ravarin est
l'auteur, dispose que le budget de l'exercice 1900 sera présenté aux Cham-
bres immédiatement après la promulgation de la loi de finances de l'exer-
cice 1899. Les prévisions de dépenses et de recettes seront établies confor-
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CHRONIQUE POLITIQUE INTÉRIEURE 205
mément aux crédits accordés et aux impôts autorisés pour 1899. L'appli-
cation de Tarticle 30 de la loi du 16 septembre 1871, prescrivant le vote du
budget par chapitre, serait suspendue pour l'exercice 1900. Exceptionnel-
lement, les crédits seraient votés en bloc. De son côté, M. Boudenoot
demande que la discussion générale du budget et la discussion particu-
lière des budgets de chaque département n'aient lieu que tous les deux
ans. Le renvoi à la commission a été ordonné.
Voilà où conduit le lamentable gaspillage des sessions dont la Chambre
donne depuis trop longtemps le spectacle. Elle devra choisir entre Taban-
don partiel d'une de ses prérogatives les plus essentielles ou l'impuissance.
*
• «
Malgré sa hâte d'en finir, malgré les séances du matin où une quaran-
taine de représentants zélés votent pour cinq cents collègues, la Chambre
a trouvé le temps d'écouter plusieurs questions ou interpellations. De
presque toutes, l'utilité n'apparaissait guère. M. Cochin a récriminé sur les
travaux de l'Esplanade des Invalides, critiqué la perspective du Pont
Alexandre III et Testhétique des nouveaux palais des Beaux-Arts. Le
moindre défaut de ces doléances est de venir trois ans trop tard. M. Al-
lard n'encourra pas le même reproche, et sa question sur l'explosion de la
poudrière de Toulon était au moins prématurée, puisque le ministre a dû
répondre qu'il en était h rechercher les causes du sinistre. A propos d'une
décision du tril)unal de Château-Thiery, qui prend l'habitude de mettre des
thèses sociales dans ses jugements comme certains dramaturges en posent
dans leurs pièces, M. Sembat a fait le procès de notre législation sur la
mendicité. Beaucoup d'excellentes choses ont été dites par MM. Lebret,
Cruppi et Goujon ; mais ce n'est point par une interpellation qu'on remé-
diera à cette plaie de notre société.
Au Sénat, quelques escarmouches, sans importance, à propos de Va/faire :
M. Joseph Pabre a interrogé le gouvernement sur les agissements de la
Ligue de la Pairie française^ et M. Trarieux s'est inquiété de savoir pour-
quoi il n'était pas compris dans les poursuites contre la Ligue des droits de
r homme. De ce côté, au moins, il s'est fait une accalmie depuis le vote de
la loi de dessaisissement. Pour combien de temps ?
*
« «
Le Sénat a nommé un président en remplacement de M. Loubet. M. Fal-
lières a été élu au deuxième tour de scrutin par 151 voix contre 85 à
M. Coustans, 18 à M. Franck-Chauveau et 1 à M. Peytral. M. Fallières
appartient au Parlement depuis 1876, il a été plusieurs fois ministre de
1880 à 1892. Depuis cette époque, il avait pris une attitude très effacée.
L'importante loi sur les caisses régionales de crédit agricole, déjà votée
par la Chambre, a été adoptée par le Sénat. Elle consacre au crédit agri-
cole les ressources mises à la disposition de l'Etat lors du renouvellement
du privilège de la Banque de France. Il faut souhaiter que la loi nouvelle
donne une impulsion vigoureuse au développement des banques locales
qui pourraient rendre tant de services aux cultivateurs.
FéLix Roussel.
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206 LA VIE POLITIQUE ET PARLEHENTAIfŒ EN FRANCE
UI. — Uk Vi£ PARJJSMENTAIRB
I. — laOïBy DéoretS) Axrètéft» Ciitmlalitii» ato.
l»»" mars. — Responsabilité des accidenh du ttxivaiL — Décrets portaot règle-
ment d'administration publique pour rexécution des articles 26, 27, 28 de la loi
du 9 avril 1898 concernant les responsabilités des accidents dont les ouvrier» sont
victimes dans le travail (p. 1397 à 1401).
2 mars. — Codé dHmlrètclion criminille. — Loi modifiant l'article 445 (p. 1517).
-^ Tarif général des douanes. — Loi modifiant le tableau A du tarif (tissus de
soie pure) (p. 1420).
•-M Tissuê de soie, •— Décrets relatifs au régime des titeus de toie pure origi-
naire de la Chine et du Japon (p. 1421^.
-^ Colis postaux. — Décret organisant un service de colis postaux de 5 à
10 kilog. entre la France et la Corse (p. 1421).
^- Accidentn du travail. — Arrêté instituant un comité consultatif dee awo-
rances contre les accidents du travail (p. 1422).
*— Classe i898. — Cire, et décrets relatifs À la formation (p.|1423).
-^ Marque et vérification. — Relevé des objets d'or et d'argent présentés
(p. 1437).
— Chemins de fer algériens et tunisiens, — Résultats de l'exploitation 1897-1898
(p. i438),
^-» Avis commerciaux sur Malte et la Russie (p. 1437).
3 mars. — Naturalisation. — Rapport et décret sur la naturalisation en
Tunisie (p. 1459).
— Banque de France. ^ Décret autorisant la Banque do France à admettre
au service des avances sur titres les obligations émîtes ouI& émettre par le gou-
vernement général de Tlndo-Chine (p. 1460).
— ^ Port de Tréguier, — Décret autorisant la Chambre de commerce de Saint-
Brieuc à contracter un emprunt et à percevoir un péage au port de Tréguier
fp. 1466).
•— Conseils de guerre, *— Rapport et décret modifiant la marobe et la répar-
tition des conseils de guerre à Madagascar (p. 1465).
4 mars. — Inspections d'armée. — Rapport et décret relatif aux inspections
d'armée (p. 1487).
^— Tableaux de classement. — Rapport et décret relatif h l'établibsement
des tableaux cumuels de classement (p. 1488).
5 mars. — Pièces d'or. — Décret fixant le type des pièces d'or de 20 francs
(p. 1506).
— ^ Crédits supplémentaires, — Décret portant ouverture de crédits (p. 1506}.
6 mars. — Surveillance et repeuplement des cours d'eau. — Arrêté instituant
une commission pour l'étude de ces questions (p. 1521).
7 mars. — Convention Franco-Libérienne. — Loi portant approbation de la
convention d'extradition du 5 juillet 1897 (n» 1537).
•— Convention Franco-Equotorienne. — Loi portant approbation de la conven-
tion du 9 mai 1898 pour la garantie réciproque de la propriété littéraire et artis-
tique (p. 1537).
^— Greffiers des justice» de paix. — Décret fixant leur émolument pour l'assis-
tance aux actes de notoriété et pour les actes de la procédure réglée par la loi du
9 avril 1898 sur les respoosabilités dont les ouvriers stmt victimes dans leur
travail (n» 1538).
— Académie de France à Rome. — Rapport sur les envois des pensionnaires
(p. 1543).
— Chemins de fet français. Tramways. — Situation le 31 déeemlrre 189i
p. 1546).
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LA VIE POUTIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 207
— Avis agricoles sur l'Allemagne, la Hollande, la Hongrie, Tinde, la Ruwie
(p. 1554).
8 mars. — Crédit supplémentaire, — Décret d'ouverture (p. 1565).
— Cantonniers — Décret portant fixation du maximum de la rente viairère
totale à laquelle les cantonniers pourraient avoir droit (p. 1556).
— Traites de la marine, — Rapport concernant la réduction du délai de naie-
ment de ces traites (p. 1586). '^
— Inspection générale, — Cire, relative à l'inspection générale de* troupes
d infanterie et de gendarmerie de marine (p. 1586).
9 mars. — Relégation. — Rapport sur l'appUcation de la loi de relégaUon
pendant les années 1896-1897 (p. 1301). ^ë^^vn
10 mars. — Caisse dépargne. — Situation décembre 1898 (p. 1631).
Avis commerciaux sur l'Espagne, l'Angleterre, la Russie, la Suisse, l'Italie
(p. 1632).
11 mars. — Navigation intérieure, - Tableaux des mouvements, décembre 1898
{p. 1652).
12 mars. — Recouvrement des contributions. Crédits provisoires. — Situation
1" mars 1899 (p. 1671). *uauuii
— Commerce de la France. — Janvier- février 1894 (p. 1678).
^ CaUses d'épargne ordinaires. — Situation 1898 (p. 1671).
13 mars. — Caisse nationale d'épargne. — Rapport 1897 (p. 1685).
•^ Personnel des ponts et chaussées et mines, — Rapport et décret modifiant
la solde de parité d'office de ce personnel aux colonies (p. 1728).
^ Chemins de fer français dHntérét local. Tramways. — Résultats comoa-
ratifs de l'exploitation (p. 1730).
•^ Avis agi'icoles sur la Belgique, le Japon, le .Mexique, la Roumanie, la
Russie, la Suède et la Suisse (p. 1775).
14 mars. — Ecole nationale de céramique. ~ Concours d'admission (p. 1789).
16 mars. — Sucres indigènes. — Production et mouvement (p. 1812).
— Marchandises tunisiennes. — Situation février 1899 (p. 1821).
16 mars. — Associations ouvrières de production et de crédit. — Arrêté concer-
nant les membres de la Commission chargée de préparer la répartition du crédit
ouvert au budget de 1899 pour allocations à ces associations (p. 1830).
^ Pointeurs de canonage, — Rapport, arrêté et circulaires relatifs à la créa-
tion d'une catégorie de pointeurs dans la spécialité du canonage (p. 1833).
^ Office colonial. — Rapport et décret portant création d'ua office colonial.
Arrêtés divers (p. 1837).
17 Mars. — Officiers mécaniciens, — Arrêté modifiant l'arrêté ministériel du
21 janvier 1899 relatif au service de ces officiers (p. 1850).
^— Gouvernement général de Madagascar. — Rapport et décret fixant le traite-
ment du secrétaire général (p. 1852).
^ Combustibles minéraux. — Tableaux de production, 1898 (p. 1855).
^— Caisses des dépôts et consignations. — Bilan (p. 1866).
^— Caisse des retraites. — Etat de développement (p. 1868).
18 mars. — Indemnités de résidence, — Décret modifiant le tableau A annexé
ao décret du 31 décembre 1897 relatif aux indemnités de résidence dues au per-
sonnel enseignant de nos écoles primaires publiques (p. 1881).
— • Mandats-poste. — Décret portant fixation de la taxe supplémentaire de
change établie sur les mandats-poste émis en Algérie à destination de la France
et des colonies (p. 1881).
— Ecoles nationales d'arts et métiers. — Programme de» épreuves écrites
(p. 1885).
— • Ecole nationale de Cluny. — Programme du concours (p. 1885).
19 mars. ~ Ecole coloniale. -^ Arrêté fixant les programmes des matières du
concours (p. 1899).
— Caisse des retraites. — Opérations (Février 1899) (p. 1902).
20 mars. — Institut agronomique. — Arrêtés supprimant et créant des
chaires (p. 1913).
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â08 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
^— Avis agricoles sur les États-Unis et le Chili (p. 1924).
22 mars. ~ Explosifs. — Décret autorisant la régie des contributions indi-
rectes à mettre en Tente un nouvel explosif de mines du type C. désigné sous
le numéro 1 bis et fixant le prix de Texplosif de mine du type G numéro 1 bis.
^— Caisêe d'épargne. — Opérations Février 1899 (p. 1953).
23 mars. — Matériel de la marine. — Rapports sur les résultats constatés
par la commission supérieure de Tinventaire du matériel jde la marine (p. 1965
— Nacre. — Rapport et décret établissant un droit de sortie sur la nacre dans
les établissements français de l'Iode (p. 1972).
— Marque ou vérification. — Relevé des objets présentés (p. 1974).
— Avis commerciaux sur FAllemagne, la Russie d'Asie, la Suède *et la Nor-
vège, l'Egypte (p. 1975).
24 mara. — Colis postaux. Convention franco -luxembourgeoise. — Décret pro-
mulguant la convention du 7 octobre 1898 pour l'échange des colis postaux du
poids de 5 à 10 kilos (p. 1986).
— Remises d'amendes. — Décret portant extention de la délégation du pou-
voir de statuer sur les demandes de remises d'amendes conférée aux directeurs
départementaux d'enregistrement (p. 1986).
— Ecoles supérieures de commerce. — Arrêtés fixant la dite et le programme
d'examen (p. 1987).
^— Réservistes de la manne. — Circulation relative à l'appel (p. 1993).
^— Gendarmerie coloniale. — Rapport et décret portant règlement sur la con-
cession des congés au personnel de la gendarmerie coloniale (p. 1994).
— Tanf général des douanes. — Rapport et décret modifiant le décret du
27 août 1898 relatif aux exceptions du tarif général des douanes à la Martinique
p. 1995).
^— Caisse des retraites — Reconstitution de la commission supérieure (p. 2002;.
25 mars. — Protection des vignobles, Algérie. — Loi complétant les lois des
21 mars 1883 et 28 juillet 1886 sur les mesures à prendre pour la protection des
vignobles d'Algérie (p. 2013}.
^— Disponibilité des officiers généraux. — Rapport et décret (p. 2016).
^— Commerce des armes, Madagascar. — Rapport et décret (p. 2017).
^— Alcools. — Production et mouvement (p. 2021).
^— Ministère du commette. — Concours pour l'emploi de rédacteur (p. 2019).
26 mars. — Transport de marchandises. — Loi approuvant la convention
additionnelle à la convention internationale du 14 octobre 1890 (p. 2029).
^— Juridiction des mahakmas. — Décret portant modifications de territoire
(p. 2030).
— Médailles commémorât ives y Ordres coloniaux. — Décret autorisant les gé-
néraux commandant en chef en Indo-Chine et à Madagascar à suspendre provi-
soirement les sous-officiers, soldats ou marins titulaires de médailles commémo-
raUves ou décorés d'ordres coloniaux ou étrangers (p. 2030).
— Inspecteurs adjoints des services de la marine. — Rapport, décret, arrêté et
circulaire (p. 2034 et 2036).
^— Sucres et glucoses. — Rendement et relevé' des comptes (p. 2044).
^— Voies navigables. — Tableaux des chômages autorisés en 1899 sur ces voies
ip. 20:i9).
— Magasinier des Colonies, — Arrêté réglant les conditions du concours
(p. 2036).
^— Avis commerciaux sur la Belgique (p. 2038).
27 mars. — Colis postaux. — Décret fixant les taxes à percevoir entre la
France, la Belgique. Luxembourg et la Suisse pour l'affranchissement des colis
postaux (2057).
^— Avis agncoles sur l'Angleterre, la Hollande et la Suisse (p. 2070».
28 mara. — Testament olographe. — Loi portant modification de Tarlicle 1007
du Code civil (p. 2073).
29 mars. — Réservistes, Territoriaux. — Circulaire relative aux appels
(p. 2091).
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEM£1«(TA1R£ EN FRANCE 209
— — Juges suppléants^ Cochinchine, — Rapport et décret portant suppression
de postes de juges suppléants >. 2095).
— Justice de paix à compétence étendue, - Rapport et décret créant une de
ces justices à Tourane (p. 2095).
30 mars. — Caisse d^ épargne, — Janvier 1899 (p. 2117).
^— Atfis commerciaux sur les Etats-Unis, Cuba, Porto-Rico, l'Ile Maurice
(p. 2117).
31 mars. — Crédits provisoires, — Loi portant ouverture de crédits provisoires
explicables aux mois d'avril et mai 1899 (p. 2125). -^^
— Crédits supplémentaires, — Lois ouvrant des crédits supplémentaires appli-
cables aux dépenses de la Chambre des députés (p. 2143) et au service des pensions
civiles (p. 2143).
^» Budget de 1898. — Loi concernant l'ouverture et Tannulation de crédits
sur l'exercice 1896 (p. 2143).
^— Frontière douanière de la France, — Loi modifiant le décret-loi du
12 juin 1860 relatif au tracé de la frontière douanière de la France en Savoie
(p. 2147).
^» Inspecteur des Colonies. — Circulaire notifiant l'annonce d'un concours
(p. 2150).
II. — Débats parlementaires.
1* SÉNAT
l*r mars. — Suite de la discussion du projet de loi modifiant l'article 445 du
Code d'instruction criminelle. {Procédure de révision.) — Rejet des amende-
ments de MM. Bernard, Théodore Giraud et Demôle. L'ensemble de la loi est
adopté par 158 voix contre 131.
3 mars. — Scrutin pour l'élection du Président. Après 2 tours de scrutin
M. FaUières est élu par 151 voix. M. Constans obtient 85 voix, M. Franck-Chau-
veau 18, M. Peytral 1.
7 mars. — Allocution de M. Fallières,président du Sénat. — 2« délibération et
adoption du projet relatif au casier judiciaire.
10 mars.^ Scrutin et nomination de deux membres de la commission supé-
rieure de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse. — Discussion et
adoption d'un projet relatif à la protection du vignoble algérien. — Suite de la
discussion en 2« délibération du projet de loi relatif à la nouvelle évaluation des
propriétés bâties.
14 mars. — Suite et adoption. — 2« délibération sur le projet de loi relatif
au recrutement des candidats notaires. — l^' délibération sur le projet de loi
relatif aux caisses de crédit agricoles.
16 mars. — Suite.
17 mars. ~ Communication du décès de M. Rrantz. — Question de M. Bo-
dinier sur le dépôt de poudre d'Angers. — Adoption d'un projet de loi approuvant
une convention internationale sur le transport des marchandises par chemin de
fer. — Interpellation de M. Joseph Fabre sur l'embauchage d'officiers par l'asso-
ciation politique dite de la Patrie française et sur les compromissions de cette
ligue avec d'autres ligues constituant les cadres de la guerre civile.— Suite de la
discussion et adoption du projet de loi e^ur les banques locales du crédit agricole
mutuel.
21 mars. — Retrait de l'interpellation de M. Joseph Fabre sur l'embauchage
d'officiers par la ligue de la Patrie française et question sur le môme sujet —
lr« délibération sur une proposition relative à la responsabilité civile des mem-
bres de l'enseignement.
23 mars. — 1" délibération et adoption d'un projet de loi approuvant une
convention entre la France et la Russie relativement à l'exemption mutuelle de
la caution Judicatumsolvi. 2« délibération et adoption d'une proposition relative
À la police sanitaire des animaux .
14
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210 Xâ vie politique "Bt PÀftlEUENTÀIRE EN PflÂNGfi
t7 mskta. ^ Question de M. TrarieuK sur l'instruction judiciaire «nga^ée contre
un certain nombre de membre du comité directeur de la Ugue française pour la
défense des droits de Thomme et du citoyen. -^ l^' délibération sur la propo-
sition tendant à modifier les articles 300 et 302 -du Gode pénal (Infanticide). ^
Dépôt et lecture d'un rapport concernant les douvièmes provisoires. — Dis-
cussion et adoption d'un projet de loi relatif À ces domièmeis applioe3>le8 aux
mois d'avril et mai 1899.
28 mar*. -^ DifiCQsBion et adoption d'une proposition tendant à nnlfler les
pensions proportionnelles 'des sous-ofBciers, caporaux et soldats rengagés et
comtnissionnés. -- Adoption d'un projet de loi relatif & une convention «ntre
TEtat et la Ck)mpagnie Paris -Lyon-Méditerranée. (Modification du compte d'ex-
ploitation partielle). — Adoption d'un projet de loi ouvrant un crédit ponr les
pensions civiles des Instituteurs. — Adoption d'un projet relatif à nne sorte de
convention de droit international privé entre la France et divers Etats d'Eu-
rope. — Discussion et adoption d'un projet ouvrant des crédits extraordinaires
pour secours aux victimes de la catastroplrê de Toulon. — Discussion et adoption
d'un projet de loi portant ouverture et annulation de crédits. — Adoption d'une
proposition de loi tendant à modifier l'article 71 de la loi du 10 août 1871.
30 mars. — Discussion et adoption d'un projet ouvrant un crédit supplémentaire
pour les dépenses de la Chambre des députés. — Discussion et adoption du projet
concernant les crédits provisoires alFértnts «ux moied' avril et mai 1899.— Discus-
?ion et adoption d'un projet relatif à des travaux à effectuer dans le port du Havre.
— Discussion et adoption d'un projet de loi relatif à des crédits supplémentaires.
— Discussion et adoption d'un projet de loi relatif au tracé de la frontière doua-
nière de la France en Savoie. Question de Mw Strauss sur le retard apporté àTap-
probation des trataux d'adduction d'eau poiaMe. — Adoption -d'un projet de loi
concernant les officiers auxiliaires de la marine»
2" Cbambbe des députés
l«*inà». — Suite de la discussion du budget de l'exenclce 1^90 (Inslmction
publique. Beaux-Arts).
i^ mlàfB. — Question au ministre de l'Agriculture sur les alnis de pMf^^r aux-
quels a donné lieu et peut encore donner lien le service d*lnspefïtlon sianltaire ées
animaux. — Demandes d'interpellations de M. Ounéo dHDimano «mr les non^-
breuses violations du droit d'association cotittnlses par les agents, et de M. G.Bei^
nard sur les perquisitions opérées au siège de la ligue antisémititpie ; de M. Mnr^
cel Sembat sur la façon dont te Président du Conseil entend la délteii»e <le la
Uépublique contre les menées césariennes. — Adoption d*un projet de lei relatif
aux actes de l'état civil et aux testaments faits aux wmées. *- Adoption d'un
projet de loi portant modification de l'article 1007 du Code civil. Balte et -la dis-
cussions du budget de lîJ9d. iIPleAux-Arts et Justice).
3ttiate.— Admission de M. tbomson, député deConstfcnttne. — 'SuRie ^ la
discussion du budget. (Juitice).
4 nUitt. — Suite. — Question de M. Morinaud sur les crédits relatil^ aux tra-
vaux Iwdrauîîques.
^ maiTft. — Question de M. Louis ferunel sur l'incident dte Maswate. *-» ^nite de
la discussion du budget.
7 mars. — Suite.
% mars. — Suite de la discussion du budget de l'exercice lï?99. (Guerre).
9 mars. — (Deux séances . Suite.
10 mars. — Suite. Questions de MM. Isnard et Ijaroche-Joubert snr ie dépla-
cement des poudrières de Brest et d'Aogoulème.
11 mars. *- Proposition de résolution ayant pour objet la publication au
Journal Officiel des noms des députés présents & ces séances. — Stftte de la dis-
cussion du budget de l'exerclùe 1899. (Guerre).
13 mars. — Question de M. Maurice Allard sur Ta catastrophe *e Toulon. — *
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE tH
Discussion de Tînterpellation de MM. Benys Cochin, Pierre Bau ïin et Dujardin-
Beaumetz sur les travaux de l'Exposition de 1900 à Paris. — Adoption de l'ordre du
jour pur et simple. — Question de M. d'Aulan sur Teffectif réglementaires des
cadres des officiers de Tannée de réserve. - Suite de la discussion du budget de
l'exercice 1899. (Guerre).
14 mars. — Suite de la discussion du budget de 1699 (Postes et Télégraphes).
15 mars. — Suite. Adoption d'un projet concernant une avance offerte par la
Chambre de Commerce du Havre poor les travaux du port.
16 mars. — Question de M. Ghenavaz sur une délibération du Conseil nmni-
cipal de Rives. — Suite de la discussion du budget de 1899. (Postes et Télégraphes , .
17 mars — (Deux séances). Suite de la discussion du budgret de 1899 (Postes
et télégraphes). — Admission de M. Lemasson ; député de Baugé. — Discussion
d'une interpellation de M. Marcel Sembat sur les conditions dans lesquelles a été
interjeté appel, par le ministère public, d'un jugement du tribunal de Château-
Thierry. — Adoption de Tordre du jour pur et simple par 343 voix contre 91. —
Suite de la discussion du budget. (.Marine. — Discours de M. Lockroy).
18 mars. — (Suite). — Adoption d'un projet sur le code rural. (Bail emphy-
téotique).
20 mars. — (Deux séances). Suite de la discussion du budget de 1899. (Marine).
— Fixation après Pâques de la discussion des interpellations relatives à TAlgérie.
^ Question au ministre de la Guerre sur les accidents survenus à l'école de
pyrotechnie de Bourges. — Adoption d'un projet de loi tendant à compléter
l'artiole 170 du Code civil. (Mariage 4 l'étranger entre un Français et une étran-
gère.)
21 mars. — Adoption d'ira prpjet ouvrant des crédits extraordinaires. (Catas-
trophe de Toulon). — Adoption d'un projet modifiant l'ariiicle 2 de la loi du
8 décembre IB97. -*- Présentation d'un projet portant ouverture de crédits provi-
soires. ^- Ajdoption de M. Peignot, député d'Epemay. — Suite de la discussion du
budget. (Marine.)
2Z mars. — Adoption d'an projet de loi concernant ime convention entre
VEJUA et la Cîompagiiie de Paris à Lyon et à la Méditerranée. — Question de
M. Golliard au ministère de l'Intérieur sur une demande de crédit en favear d««
dernières inondûAlens. — Adoption d'un crédit supplémentaire applicai>le aux
dépenses de la Chambre des dépotés. — Suite de la diseussiosi du budget de
l'eiereiee UB99. (Marine.)
28 man. — CSommimication de la mort de M. Goillemin. — Suite de la dis-
cussion du budget de l'exercice 1899. (Marine. Ministère des finances) — Adoption
d'un projet portant ouverture et annulation de crédits snr l'exercice 1898. — Dis-
cussion d'mi projet portant oaverture de ci^édits proviBOvœ applicables aux
mois d'avril et de mai 1899.
M mars. — Adoption d'un projet de loi approuvant une conventUm'int^iia-
tionale de droit international privé. — Suite de la discussion <hi budget de 1^99.
(Pensioas civiles.)— Amendements divers relatifs à une augmentation de Ilndem-
nité des sénateurs et députés.
SSmars. — Suite de la discussion du bsdget. - Adoption d'un projet ouvrant
en crédH supplémentaire po^r le service des pensions civiles. — Dépôt d'une
proposition de loi relative aux incompatibilités parlementatres.
Z7 mars. — Adoption d'an projet de loi conoeroant un crédit pour secours aux
victimes de sinistres. — Présentation de divers projets de loi relatifs à diverses
conventions franoo-anglsises. — Dépôt et lecture d'une proposition de loi de
M. Boudenoot tendant à ne procéder que tous les deux ans à la discussion géné-
rale du tmdget. — Suite de la discussion du budget de l'exercice 1899.
28 mars. — (Deux séances). Adoption d'un projet relatif à la frontière doua-
Bière ^e la France en Savoie. — Suite de la discmssion du budget de 1S99. —
Dépôt du rapport et adoption du projet de loi coDcemant les crédits provisoires
appficables aux mois d'avril et mai 1899.
29 mars. — (Deux séances). Suite de la discussion du budget de l'exercice 1899«
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212 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANGE
(Loi de finances.) — Admission de M. Ferroul, député de Narl>onne. — Adoption
d'un projet modifié par le Sénat relatif à des crédits supplémentaires.
30 mars. — Suite de la discussion du budget et adoption du projet de loi. —
Discussion du rapport sur les «pérations électorale de la première circonscription
de Pontivy. — Admission de M. de Lanjuinais.
III. — Distribution de documents parlementaires.
l^ Sénat.
1*' mars. — Rapport sur la proposition relative aux effets de commerce
échéant le 23 février 1899 (n« 50).
— Rapport sur le projet portant ; 1» ouverture sur l'exercice 1899 des crédits pro-
visoires applicables au mois de mars 1899 et montant à 273.010.834 francs;
2** autorisation de percevoir pendant le même mois les impôts et revenus publics
(no 51).
7 mars. — Projet de loi approuvant la convention intervenue entre la France
et la Russie relativement à Fexemption pour les Français en Russie et les
Russes en France de la caution judicatum solvi {n? 54).
— - Rapport sur la proposition modifiant Tarticle 60 de la loi du 22 frimaire
an VII sur Tenregistrement (n* 60).
— — Avis sur la proposition modifiant Tarticle de la loi du 19 juillet 1889 mo-
difiée par la loi du 25 juillet 1893 relative aux traitements des instituteurs (no 58).
^— Avis sur la proposition relative à la responsabilité civile des membres de
renseignement public (no 59).
10 mars. — Allocution de M. Fallières, président du Sénat (n* 61).
^» Rapport sur le projet tendant à modifier les articles 40 et 42 de la loi du
15 juillet 1889 (service militaire) (n» 62).
14 mars. — Rapport sur le projet ayant pour objet l'approbation de la con-
vention additionnelle à la convention nationale sur le transport de marchandises
par chemin de fer (n© 63).
17 mars — Rapport sur la proposition tendant à modifier Tarticle 71 de la
loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux (n" 65).
^» Rapport supplémentaire sur la proposition tendant à unifier les pensions
proportionnelles des sous-officiers, caporaux etsoldats rengagés etcommissionnés
(n- 66).
21 mars. — Rapport sur le projet approuvant une convention intérieure
entre la France et la Russie relativement à Texemption pour les Français en
Russie et les Russes en France de la caution /ue/tca/um solvi (no 69).
27 mars. — Projet de loi approuvant une convention entre TEiat et la Com-
pagnie P. L. M. (modification du compte d'exploitation partielle (no 72).
— — Proposition de loi ouvrant un crédit supplémentaire applicable aux dé-
penses de la Chambre des députés (n* 74).
^* Rapport sur l'article I2i distrait du projet de loi, portant fixation du bud-
get général des dépenses et des recettes de l'exercice 1898. (Dessèchement
d'étangs dans le département de TAin) (no 68).
28 mars. ~ Projet de loi portant ouverture et annulation de crédits (budget de
1899) (n- 78).
^— Projet de loi relatif à une convention internationale de droit international
privé (no 87).
— — Rapport sur un projet de loi portant ouverture et annulation de crédits
(budget de 1898) (n* 78).
^* Rapport sur un projet tendant à modifier les articles 61 et 63 de la loi du
10 août 1871 sur les conseils généraux (no 374).
30 mars. — Projet de loi portant ouvjerture de crédits provisoires pour avril
et mai 1899 et autorisation de percevoir (n» 75) et rapport (n»76).
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 213
-»- Projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire pour secours aux victimes
des inondations, grêles, etc. (n*91).
— • Projet de loi ayant pour objet l'acceptation d'une avance de 1. 000 .000
par la Chambre de Commerce du Havre en vue de Texécution des travaux du
port du Havre (n» 96).
^ Projet de loi modifiant le décret-loi du 12 juin 1860 relatif au tracé de la
frontière douanière de la France en Savoie (n* 97; et rapport (n* 98).
— Proposition de loi relative à la réglementation des débits de boisson (n* 86).
^— Rapport sur la proposition ouvrant un crédit supplémentaire applicable
aux dépenses de la Chambre des députés (exercice 1896) (n^ 80).
— Rapport sur le projet de résolution portant règlement définitif du compte
des recettes et des dépenses du Sénat pour Texercice 1897 (n» 81).
— Rapport sur le projet de résolution portant : !• fixation du budget des
dépenses du Sénat pour Texercice 1899; 2« évaluation des recettes de la caisse
des retraites des employés du Sénat (n« 82).
^— Rapport sur le projet concernant : 1*" les officiers auxiliaires de divers corps
de la marine, les mécaniciens du commerce et les maîtres au cabotage ; 2** l'en-
gagement volontaire pendant la durée de la guerre de diverses catégories du
personnel de la marine (n<> 90).
2^ Chambre des députés
1er mars. — Projet de loi relatif au classement des ouvrages de fortification
de la défense de terre de la France (n» IS?).
— Proposition de loi déférant ao juge de paix la réclamation en cas de perte
avarie, spoliation et retard dans la livraison des colis postaux (n® 764).
-»- Proposition de loi tendant à étendre le bénéfice de la dispense prévue au
titre de rengagement décennal par Tarticle 23, § 1«' de la loi du 15 juillet 1889
aux instituteurs affectés aux établissements pénitentiaires (n" 765).
^— Proposition de loi ayant pour objet de garantir leur travail et leurs em-
plois aux réservistes et aux territoriaux appelés à faire leur période d'instruction
militaire (n« 770).
— Rapport supplémentaire sur le projet de loi portant fixation du budget
général de l'exercice 1899. (Convention de 1883 (n"» 767).
2 mars. — Proposition de loi tendant à la suppression de la mendicité
{n« .60).
3 mars. — Projet de loi relatif h la construction d'un hôtel des Postes à Tou-
lon (no 766).
^ Projet de loi relatif à la protection de la propriété industrielle pour les
objets admis à l'Exposition Universelle de 1900 (no 768).
— • 'Proposition de loi modifiant la loi du 29 juillet 1881 en vue d'établir la
responsabilité effective de la presse (n® 769).
4 mars. — Pn^et de loi tendant à compléter l'article 170 du Gode civil en
conférant aux agents diplomatique et aux consuls le droit de procéder à l'étranger
à la célébration du mariage entre un Français et une étrangère (no 758).
— Projet de loi relative à la publicité du nantissement des fonds de com-
merce (n» 759).
— Projet de loi portant affectation des inscrits maritimes aux batteries de
côté (n» 771).
—— Proposition de loi tendant à créer dans les régiments d'infanterie un
emploi d'adjudant premier secrétaire du trésorier (n" 774).
^» Proposition de loi ayant pour objet de modifier les traitements aliénés aux
membres de la Légion d'honneur et aux médailles militaires (n*" 775).
— Rapport sur la proposition de loi relative au régime des aliénés (n* 579).
6 mars. — Proposition de loi établissant un impôt sur le revenu (n» 509).
— Projet de loi concernant l'ouverture et l'annulation de crédits sur l'exer-
cice 1898 et au titre des budgets annexes (n» 772).
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214 LA. VIE POUTIQUE ET PAKLEMENTAIRË EN FRANCE
— Proposition de loi sur rorganisation de la défease des côtes et ruiilisation
des inscrils maritimes (n° 7*73).
— Rapport sommaire sur la proposition tendant à. compléter la loi du
8 août 1893, relative au séjour des étrangers en France (n" 761).
7 mars. — Projet de loi sur la répressioD des fraudes dans la vente de» mar-
chandises et des talsifieations des denrées^ alimentaires et produits agricoles
(n- 76J).
«» Projet de loi portant création d'enseignes de vaiaseau et d'aspirants auxi-
liaires {n" 717).
— - Proposition de loi ayant pour but d'attribuer k Tindustrie française sous
forme de primes de fabrication le produit des droits de douane sur les sulfiateade
cuivre étrangers (n« 753).
<«— ProposUion de loi tendant à attribuer aux tribunaux ordinaires l'af préda-
tion des difficultés qui peuvent s'élever entre Tadministration des chemina dfi
fer de l'Etat et ses employés, à l'occasion dm contrat de travail (nP 779).
— Proposition de loi pour assurer uae retraite aux travailleurs des deux sexes
âgés de 60 ans (n» 780).
8 mars. — Projet de loi concernant l'organisation administrative des arse-
naux et le régime comptable des approvisionnements de la Marine (n® 778).
— Proposition de loi relative à la vente à réméré en Algérie (n" 787).
9 mars. — Proposition de loi ayant pour objet de modifier la loi du 29 juin
1894 sur les caisses de secours et de retraites de» ouvriers mineurs (n'» 786).
10 mars. ■— Projet de loi portant ouverture au ministre des Finances sur
rexercke 1899 d'un, crédit supplémentaire d'inscription de l.'iOD.OOO franeë peur
le service des pensions civiles (n" 783).
^* Rapport supplémentaire sur le projet de loi portant fixation du Budget
général de l'exercice 1899 (n«» 792).
11 mars. — Proposition de loi relative au régiiBe des mais^.rlE,. brieures de
rÎE et dari (n* 731).
— Proposition de loi tejidaait à compléter l'article 21 de la loi du 15 juillet
1899 sur le recrutement 4e l'année (n» 794).
13 mars. — Projet de résolution tendant à réglemenier l'initiative des dépu-
tés en matière de dépenses (n** 796).
— — Projet de résolution ayant pour obj,et la publication au Journal Officiel à
la suite du compte rendu des séances de la Chambre des noms des députés pré-
sents à ces séances (n** 804L
— Proposition de loi sur la protection de la mère et de l'enfant nouveau-né
(no 789).
— Proposition de loi tendant à créer une croix ou médaille dite du zèle mili-
taire (n« 795).
— Proposition de loi tendant 4 autoriser les départements et les communes
k insérer dans les cahiers des charges des travaux mis en adjudication l^ebliga-
tion pour les entrepreneurs de payer aux ouvriers le salaire courant de chaque
métier (no 800).
^— Rapport sur le projet relatif à la police municipale dans les communes
d'Alger, Mustapha, Saiot-Eugène (n© 781).
«— Rapport sur Le projet relatif à l'acceptation d'une avance offerte par la
Chambre de Commerce du Havre en vue de l'exécution des travaux du port du
Havre (n» 788).
^— Rapport résumant les documents soumis à la Commission de l'impôt sur
le revenu (n- 803).
14 mars. — Rapport sur. diiférentes propositions relatives aux droits de
douane et d'entrée sur les sulfates de cuivre (n<» 794).
— Rapport supplémentaire sur le projet de loi relatif an Code rural \no 799 .
^» Rapport supplémentaire sur le projet de loi portant fixation du budget gé-
néral de l'exercice 1899 (n" 80S).
15 mars. — Projet de loi ouvrant des crédits extraordinaires pour secours ou
indemnités aux victimes de la catastrophe de Toulon (n^ 797} .
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LA Vl« POLITIQUE BT PARIiEMENTAlRfl EN FRANCE 815
«x-» Rft|>pori sur le projet 4e loi porUot fixation du budget général de Texer-
cice 1899 (Caisse nationale d'épargne! (n<» 499).
^«> Rapport sur les conditions du travail dans les marchés de Travaux pu-
blic» (n« 776).
16 nurs. — Projet de loi modifiant la loi du 4 février 1899 approuvant une
Convention internationale de droit international privé (n» 806).
— Propomtion d« loi relative à l'ori^aaiialion des retraites et la création des
services de Prévoyance sociale (n© 257).
^^ PrùgHmUen de lai ayant pour objet de modiOer la loi de 1838 en naatière
de donunage» causés par le gibier avx produits du sol (n' 801),
••«• Ppopwilion de /oi tendant à instituer une procédure e:iceptionnelle par le
vole du budget de l'exercice 19CK) (n© 810).
17 mars. -* Proposition de loi ayant pour objet de modifier la loi du 29 juin
1894 sur la caisse de retraites des ouvriers mineurs (n*798;.
«>-» Rapport sur te projet relatif au classement des ouvrages de fortification ilc
la déisnse de terre de la France (n° 813).
18 mars. — Proposition de loi tendant à transporter au Panthéon les restes
mortels et Turgot (n«* 109 et 819).
^— Proposition de loi ayant pour objet de modifier Tarticle %l de la loi orga-
nique mililaire des ]5>n juillet 1989 (Dépenses militaires) (n*" 8i8).
^ Rapport sur le projet portant règlement déônitiXdu budget de l'exercice
1888 (no 731),
"— Rapport sur le projet tendant à compléter Tarticle 170 du Code civil en
conférant aux age&ta diplomatiques et aux consuls le droit de procéder à
l'étranger à la célébration du mariage entre un Français et une étrangère
{n« 817).
20 mars. — Projet de loi approuvant la conventÂaft eonclue à Paris le 29 oc-
toiire 1898 entre la France et la Belgique pour régler le service de la correspon-
dance, téléphonique entre les deux pays (n" ^11).
^m, Pr^poêition de ^t relative au régime des eaux. Irrigations. Liv. U, titre V
du Code rural (n" 565).
^— Rapport sur les diverses propositions tendant à rétablisseaaaentd'im impôt
sur le capital et le f^em» (a*" 809).
^^•m^ Ba|>port SUT le projet ayaat pour objet d'approuver une Convention entre
l'Etat et la Cie de P.-L.-M. (Modification du compte d'exploitation pajtielJe
(n«823).
%\ ma». •«-«« Proiei de loi sur Ves contravention» aux règkmcftU sur les ap-
paieite i preasiioii (i« vapeur cm de gaz {n^ 756).
— Proposition de loi modifiant l'article 'iO de la loi du 5 juillet 1844 sur les
iMrenats d'ia^rantûm (n» 812).
— Rapport conijernant l'ouverture d'uft crédit au pplénientaire applicable ausc
dépcttMS die la CKamJ^e des députas pour l'exercice 189d (n* 82())«
23 mars.— Projet de loi portant ouverture sur l'exercice 1899 des crédits pr^
visoire» appticables aAix mcM. d'avril et de omi et autorisation de percevoir pen-
dant c«s mêmes wcis les impôts et revenus (nr 828).
— Proposition de loi tendant à modifier le Gode de justice nûUtaire à fixer le
résine des compa^iies de discipline^ à réoi^niser les services pénitentiaires de
ramée et à traBsIcniMr toa bataillons d'infanterie lég(>re d'Afrique en réginiente
23 mars. — Projet de loi ayant pour objet de comprendre les sous-directeurs,
«geftjbs oomiitohlff d«s haras et dépôts d'étalons daaa hi aomenclature du ta-
bleau B annexé à la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'fi^rm^e
— - Projet de «^sWuHo» teadant à la natiimalisatfeoa des voies ferrées (n*" 831).
«-« Pr«^pomti0m ayaat pour objet l'élude chimique et bactériologii^u^ des eaux
des Deuves et des rivières de la France (n® 835).
«-« Bapj^ri sur u» projet approuvant une Convention i&t^nsuitioaale réglant
plusieurs matikères de dr^it intematioaai priyé (a^ 8SU).
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216 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
— - Rapport sommaire sur une proposition de résolution ayant pour objet la
revision des lois constitutionnelles (n** d'SO),
^» Rapport sommaire sur la proposition ayant pour objet d*indemniser les
personnes poursuivies à la requête du ministère public et non condamnées, de-
vant les cours d'assises» les tribunaux de police correctionnelle et -de simple
police (no 838).
24 mars. — Proposition de loi tendant à relever le tarif minimum des douanes
sur les tissus de soie pure (n» 815).
^» Proposition portant établissement d'une subvention annuelle destinée au
m^ntien et au développement des petits ateliers de famille (n* 816).
^* Proposition de loi tendant à modifier l'article 61 du Code pénal et Tarticle
136 de la loi du 5 avril 1884 (n* 827).
— — Proposition de loi portant modification de la loi du 8 juillet 1890 sur les
délégués à la sécurité des ouvriers mineurs (n* ^36).
^* Proposition de loi tendant à porter à 0.25 par 100 kilos le tarif minimum à
appliquer à toutes les chaux hydrauliques en poudre et en pierres quel que soit
leur mode d'expédition (n» 841).
— — Rapport sur le projet de loi portant création d'enseignes de vaisseau et
et d'aspirants auxiliaires (n» 837).
25 mars. — Projet de loi portant fixation définitive des taux des primes d'ex-
portation des sucres pour la campagne 1898-1899 (n** 832).
— — > Proposition de loi tendant au rachat des réseaux des Compagnies de l'Ouest
et du Midi (n« 805).
^» Proposition de loi tendant à établir un impôt de consommation sur la sac-
charine (no 822).
— — Proposition de loi tendant à réglementer la répartition des rentes entre les
membres des sociétés civiles de retraites (n® 843).
— — Proposition de loi abrogeant l'article 3 du sénatus consulte du 14 juillet
1865 sur la naturalisation en Algérie (n» 848).
— Rapport sur la proposition ayant pour objet d'ajouter un n* 264 bis au
tarif général des douanes (produits chimiques) à l'effet de taxer le permanganate
de potasse (n» 833).
— Rapport sur le projet de loi : 1» concernant l'ouverture et l'annulation de cré-
dits sur l'exercice 1898 ; 2» l'ouverture et l'annulation de crédits au titre des bud-
gets annexes (n» 845)'
^» Rapport sur le projet de loi portant ouverture sur l'exercice 1899 des cré-
dits provisoires applicables aux mois d'avril et de mai 1899 et montant à
638.016.005 francs. L'autorisation de percevoir pendant les mômes mois les impôts
et revenus publics (n« 846).
— i- Rapport sur le projet ouvrant un crédit supplémentaire d'inscription de
1J200.000 francs pour lé service des pensions civiles (n« 849).
27 mars. ~ Projet de loi tendant à modifier les articles 423, 424, 439 et 532
du Code d'Instruction criminelle (n* 821).
*» Proposition de loi sur les incompatibilités parlementaires {n? 855).
^» Rapport sommaire sur la proposition relative à la réforme de la prisée et
de la vente des gages au Mont-de-Piété de Paris ^n« 839).
— i- Rapport sommaire sur la proposition relative aux attribution des commis-
saires priseurs et des courtiers de marchandises assermentés aux tribunaux de
commerce ed matière de marchandises vendues judiciairement aux enchères pu
bliques (n« 840).
2S mars. — Projet de loi portant ouverture de crédits provisoires applicables
aux mois d'avril et mai 1899 (n» 862).
^» Proposition de loi tendant à la suppression des cautionnements exigés des
comptables de deniers publics et des officiers ministériels (n*" 842).
— Proposition de loi tendant A réduire le traitement des fonctionnaires
(no 851).
— Proposition de loi ayant pour objet d'interdire aux membres du Parlement
de faire partie à un titre quelconque des sociétés financières (n<» 852).
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 217
«— Annexe au rapport sur le projet de loi portant fixation du Budget général
de l'exercice 1899 (n* 592).
29 man. — Proposition de loi tendant h, modifier la loi du 2 juin 1891 (courses
de chevaux) (n* 854).
«— Proposilion de loi tendant à ne procéder que tous les deux ans à la dis-
cussion générale du budget et aux discussions générales des budgets de chaque
ministère (n* 858).
— i- Proposilion de loi tendant à compléter l'article 41 du Code rural et à mo-
difier Tarticle 2 de la loi du 2 août lï'84 sur la police sanitaire des animaux
(n-» 865).
— — Rapport sur la proposition de loi portant établissement du régime des al-
cools dénaturés (n^ 856) (annexe au rapport le 30 (n® 856).
80 man. — Documents diplomatiques. ~ Déclaration additionnelle du
21 mars 1899 à la Convention franco-anglaise du 14 juin 1898.
— - Projet de loi tendant à modifier les articles 423, 424, 439 et 532 du Code
d'Instruction criminelle (n^ ^21).
— Proposition de loi sur les incompatibilités parlementaires (n<» 855).
— i— Proposition de loi tendant à modifier Tarticle 529 du Code d'Instruction
criminelle (règlement de juges) (n» 862).
— — Rapport sommaire sur la proposition relative à la réformç de la prisée et
de la vente des gages au Mont-de-Piété de Paris (n« 839).
^«> Rapport soomiaire sur la proposition relative aux attributions des com>
missaires-priseurs et des courtiers de marchandises assermentés (n« 840).
^— Rapport sur la proposition relative à la publication au Journal Officiel des
noms des députés présents aux séances (n« 850).
^— Rapport sur le projet relatif aux crédits provisoires pour avril et mai 1899
(n- 869).
^— Rapport sur le projet portant ouverture et annulation de crédits (exercices
1896-1898-1899 (n» 816).
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euRdM^iE mmm etrakore et mpisi
Chronologie pollti({uo étrftngôfe
Allemagne. — 5 mars. — A rassemblée générale de TAssociation de la
Tenre-Saînte, à Francfort, Mgr Schmiti, archeréque de Col'ogne, prononce un
discours pour revendiquer le droit de protection de TAlleina^e anr ses sujets
catholiques en Orient.
IL -— Au Reich^tag, M. de Bùlow prononce un discours où il donne à entendre
que l'Allemagne négocierait arec FEspagne pour l'acquisition des Garolines.
13. — Guillaume U acccorde une audience à M. Cecil Rhoées, venu en Alle-
magne pour négocier le passage k travers TAfrique orientale attemande, du
chemin de fer et du télégraphe du Cap au Caire. Le bruit court que M. Rhodes
a réussi en ce qui concerne le télégraphe, mais non en ce qui a trait au chemin
de fer.
14. — Le Reichstag repousse le projet militaire du gouvernement; on craint
une dissolution.
16. — Le gouvernement et le Reichstag se mettent d'accord sur un compromis^
la loi militaire est votée par 222 voix contre 132, telle que l'avait élaborée la
Commission.
Angleterre. — 2 mars. — Aux communes, M. Brodriok décfàre, au sujet des
affaires de Chine, que le gouvernement anglais insiste auprès du gouvernement
chinois pour quMl respecte les clauses du traité passé entre lui et la Banque
anglaise de Hong-Rong et Changhaï, pour la construction du chemin de fer de
Niou-Tchouaug, traité contre lequel proteste la Russie. — On apprend peu après
que la Russie aurait retiré sa protestation.
7. — Aux communes, M. Brodrick, répondant au discours prononcé la veille,
à Paris, par M. Delcassé, expose le point de vue du gouvernement sur l'incident
de Mascate. — Banquet de la Chambre de commerce de Londres; M. Paul
Canibon, ambassadeur de France, y prononce un discours pacifique sur les
relations franco-anglaises.
9. — Aux Communes, M. Brodrick annonce que l'incident de Mascate est réglé
en principe. M. Goschen présente le budget de la marine et explique la nécessité
d'augmenter los dépenses navales.
13. — Aux Communes, sir U. Kay-Shuttleworth, au nom de l'opposition libé-
rale, prononce un discours contre le budget de la marine.
14. -— Publication d'un Livre Bleu sur les affaires de Chine.
20. — Aux Communes, M. Chamberlain, faisant allusion à un discours antérieur
du Président Rriiger, fait comprendre que les promesses faites à nouveau par ce
dernier aux Nitlanders ne peuvent plus être prises au sérieux par l'Angleterre.
21. — Lord Salisbury et M. Paul Cambon signent la Déclaration anglo-française
réglant la question du haut Nil, soulevé par l'incident de Fachoda.
Autriche-Hongrie. — l*"* mars. — A la Chambre hongroise, M. Roloman de
Szell, le nouveau chef du ministère, prononce un discours-programme. 11 insiste
sur l'importance du compromis qui doit régler les rapports de l'Autriche et de la
Hongrie.
2. — M. Perczel est élu président de la Chambre hongroise ; MM. Tallian et
Daniel, vice-présidents.
10. — La Chambre hongroise vote le compromis provisoire avec l'Autriche.
Belgique. — 29 mars. — Le gouvernement ayant expulsé de Belgique
M. Victor Charbonnel, sujet français qui y faisait des conférences cléricales, les
libéraux l'interpellent et l'attaquent violemment à la Chambre. La suite de la
discussion de l'interpellation est ajournée au 18 avril.
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CHKOKOiAGIE fCHLITIQCE 21»
Espagne. — !•' mars. — Le ministère libéral, présidé par M. Sagasta, donne
sa démission à la reine-régente, parce qu'il n'a obtenu que deux voix de majo-
rité au Sénat, sur la question des Philippines.
4. — Constitution (Tun noir'eaa ministère, formé par le parti conservateur :
M. Silvela, présidence et affaires étrangères ; M. Dato, intérieur; M. Duran, jus-
tice ; général Polavieja, guerre ; marquis Pidal, travaux publics et colonies ;
amiral 6omez Imaz, marlAe.
6. — Prorogation des Cortés^ le gouvernement a^aoi décidé de procéder à de
nouvelles éleclLans.
17. — La retne-régente ratifie le traité de pwx hispano-américain.
Staii-Unis. — 2& mars, — Aux Philippines, les hostilités entre Américains et
Philippins, qui duraient depuis quelque temps déjà, prennent une intensité nou-
velTe, les Américains voulant s'emparer de Malolos, siège du gouvernement indi-
gène*
26, 27,. 28, 29, 30. — Continoation des hostilités, les Philippine résistant avec
achamemant.
31. — Les Américains s'emparent de Malolos, qi*e les Pbili4;>pins ont évacué
après y avoir mis le feu. La marche en avant des Américains subit un temps
d'arrêt.
Italid. — l"' mars. — Une dépêche de Pékin apprend au public que ITlalie a
demandé au gouvernement chinois la cession à bail de la baie de San-Moun,
dans la province de Tché-Kiang.
3. — A la Chambre, Tamiral Canevaro confirme queTItalie demande la. cession
de San-Moun.
4. — La Chambre, discutant les projets de loi de sûreté publique du général
PelToux, volé, par 310 voix contre 98, le passage à la seconde lecture, le gouver-
nement ayant posé la question de confiance.
5. — On apprend, par une dépèche anglaise, que la Chine repousse les demandes
de ntalie.
13. — A la Chambre des Communes, M . Brodrlck déclare que Vltalie a agi, en
Chine, de sa propre initiative, mais que l'Angleterre est sympathique à son
entreprise.
14. — A la Chambre italienne, l'amiral Canevaro fait un exposé de l'action de
ritalîe en Chine, et de Tétat des négociations en cours.
18. — Au Sénat, l'amiral Canevaro fait de nouveau Texposé rfe la situation en
Chine.
Samoa. — 15 mars, — Les navires anglais et américains bombardent Apia, et
contiauent le bo«ib«i>deinent pendant plusieurs Jours. Cette action, précédée par
la dissolution du gouvernement provisoire, a pour but de restaurer sor le tr6»*
Malietoa-TasMi, candidat des Anglo-Amérioains, qui se le voit disputé par
Mataafa, candidat des Allemands. Le consul d'Allemagne prend parti povr le
gonTemement provisoire, dissous par les Angles Américaina. Ces troubles décident
les trois gouvernements de» Btate-Unis, d'Angleterre et d'Allemagne à ouvrit dea
négociatkms pour régler la question des Samoa, les trois pttissancf s ayant des
intérêts divergents dans rarehlpel.
Trans¥Mil. — 24 nwr». — M . Krilger prononce, à Prustenbourg, en réponse
aux déclaration de M. Chamberlain aux Communes, le 20, un discours sur lequel
il insista sur le caractère sérieux des réformes qu'il compte proposer en faveur
des nMIanders. — Le même jimr, 21.000 Anglais font parvenir une pétition à
l'agent britannique de Pretoria, pour se plaindre de la situation intolérable qui
est fiite aux étrangers.
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220 CHRONOLOGIE POLITIQUE
Chronologie politique française
1er man. ~ Des perquisitions sont ordonnées et exécutées chez les différentes
notabilités des partis royaliste, bonapartiste, et au siège de la ligue française pour
la défense des droits de Thomme et du citoyen de la Patrie française.
— - Echange de témoins entre MM. Quesnay de Beaurepaire et Bérenger, à la
suite du discours de ce deroier au Sénat lors de la discussion sur la loi de des •
saisissement. Les témoins ne parvenant pas à s'entendre, la rencontre n'a pas
lieu.
«— M. Lucipia est élu président du Ck)nseil municipal de la Seine. Après
cette élection, MM. John Labusqmère et Adrien Veber ont été élus vice-prési-
dents. MM. Desplas, Vivien, Le Grandet et Rozier, secrétaires. M. Bellan a été
maintenu par acclamation dans les fonctions de syndic. Les bureaux et commis-
sion restent constitués comme précédemment.
t mars. — Examen de l'affaire Picquart à la Chambre criminelle de la Cour de
cassation au sujet de la demande en règlement de juges.
— Le gouvernement fait savoir que, par les différentes perquisitions opérées,
il a eu en vue de faire constater Fexistence illégale des différentes ligues en fonc-
tion et d'en provoquer ainsi la dissolution.
3 mars. — M. Falliéres est élu président du Sénat.
— — Publication par M. Quesnay de Beaurepaire d'un ouvrage sur le Panama.
— Arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire Picquart. Elle renvoie Picquart
et Leblois devant la chambre des mises en accusation pour faux, usage de faux
communication des dossiers Dreyfus et Esterhazy, « attendu, dit-eUe, que la
connexité légale existe entre ces divers faits. ». Mais elle déclare n'y avoir lieu
à règlement de juges pour l'affaire des pigeons voyageurs et celle du dossier
Boulot, pour lesquelles la juridiction militaire reste saisie, « attendu qu'il n'y a
pas connexité l*^gale. »
4 mars. — Esterhazy commence dans le Daily Chronicle À Londres une série
de révélations sur l'affaire Dreyfus.
5 mars. — Terrible catastrophe à Toulon. Explosion d'une poudrière. 51 morts
et 100 blessés.
6 man. — Première sortie officielle du Président de la République. *- Visite
au Concours agricole.
-«i- Le Comité d'entente socialiste, composé de délégués des cinq écoles so-
cialistes de France, vient d'adresser à toutes les organisations socialistes et ou-
vrières connues une circulaire pour les inviter à se faire représenter à une confé-
rence ayant pour but de préparer le congrès international qui doit se réunir à
Paris en 1900. Cette conférence aura lieu à Bruxelles, entre le 20 et le 90 mai pro-
chain. Elle devra s'inspirer des principes suivants : l'action législative, la socia-
lisation des moyens de production et d'échange et l'entente internationale des
travailleurs.
— M. Ballot-Beaupré, président de la Chambre civile en remplacement de
M. Quesnay de Beaurepaire est nommé rapporteur dans l'affaire de revision du
procès Dreyfus.
— Discours d'ouverture de M. Lucipia le nouveau président du Conseil mu-
nicipal.
7 mars. — Sur l'invitation de la Social démocratie fédération d'Angleterre
M. Jaurès se rend à Londres au meeting organisé par cette association en faveur
de la Paix du Monde.
8 mars. — Discours de M. Méline au banquet de l'association de l'industrie et
de l'agriculture françaises.
9 mars. — Mort de Mgr Clari, nonce en France.
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CHRONOLOGIE POLITIQUE 221
10 mars. — La Chambre criminelle de la Ck)ur de cassation, présidée par
M. Lœw, conformément aux conclusions de M. le conseilleur-rapporteur Acca-
rias, 9t de M. l'avocat général Mérillon, rejette la requête en suspicion légitime
formée contre M. le juge d'instruction Bertulus, par le commandant Esterhazy.
11 mars. — M. Charles Dupuy sur la demande de M. Ribot président de la
Commission de renseignement de la Chambre des députés décide de soumettre à
Texamen prochain des conseils généraux un questionnaire relatif à renseigne-
ment, et qu*il adresse h tous les préfets.
1% mars. — Elections législatives, — Eure. — {Arrondissement de Louviers).
— Inscrits : 16.589. — Votants : 12 02S. M. Riberpray, conseiller général républi-
cain, 3.794 voix; M. Picard, conseiller général, radical, 3.466 ; M. Develle, ancien
ministre, républicain, 2.96'7 ; M. Quentin, avocat, 1.484. ~ {Ballottage), — II
8*agissait de remplacer M. Thorel, élu sénateur, le 18 décembre dernier. Le
8 mai 1898, M. Thorel, député depuis 1889, avait été réélu par 7.549 voix contre
2.532 à M. Berthemet, propriétaire radical ; 2.297 à M. Haudos, avocat, radical-
socialiste, et 145 h M. Haize, républicain.
14 man. — M.Urbain Gohier est acquitté par le Jury de la Seine devant le-
quel il avait été traduit pour la publication de son livre : L'Armée contre la na-
tion.
16 man. — Ouverture à Troyes de l'assemblée régionale des cercles catholi-
ques.
17 man. —Mouvement judiciaire.
18 man. — Visite officielle h l'Elysée du corps diplomatique. Echange de dis-
cours entre l'ambassadeur d'Autriche-Hongrie et le Président de la République.
Meeting socialiste organisé par le Comité d'entente socialiste â. l'occasion de l'an-
niversaire de la Commune. Discours de M. Jaurès.
20 man. — Constitution à Paris sous la présidence de M. Casimir-Périer de la
Société des amis de l'Université de Paris.
21 man. — M. Mornard au nom de Mme Dreyfus présente une réquête en
récusation des conseillers Crépon, Petit et Lepelletier.
^— Déroulëde adresse au Président du conseil une lettre pour protester contre
certaines assertions de M. Fabre lors de son interpellation contre la ligue de la
Patrie française.
22 man. — Discours de M. Casimir-Périer au banquet de TEcole des sciences
politiques.
24 man. — Les Chambres réunies de la Cour de cassation, malgré le réqui-
sitoire de M. Manau, adoptant les conclusions de M. Ballot-Beaupré, rapporteur
décident que la requête en récusation de Mme Dreyfus, contre MM. les con-
seillers Petit, Lepelletier et Crépon doit être rejetée.
— Réunion sous la présidence de M. Méline de plusieurs notabilités du parti
progressiste en vue d'étudier les meilleurs moyens à employer pour la réorga-
nisation sur de larges bases et avec des cadres solides, du parti républicain pro-
gressiste dans les deux Chambre et dans le pays. Allocution de M. Méline.
^— Assemblée générale de la ligue maritime française.
26 man. — Déclaration et exposé de principes par le groupe républicain, so-
cialiste indépendant de la Chambre. Ce groupe est ainsi composé : Président :
Alphonse Humbert, député de Paris ; vice-présidents : Albert Chiche, député de
Bordeaux; Girou, député de Paris; secrétaires: Stanislas Ferrand, Paul Bernard,
députés de Paris.
26 man. — Elections législatives. — Eure. {Arrondissement de Louvier).-^
Scrutin de ballottage. Inscrit : 16.492 votants : 12.008. — MM. Riberpray, répu-
blicain modéré, 6.329 élu; Picard, radical 4.439; Louis Georges, indépendant 989.
U s'agissait de remplacer M. Thorel, républicain, élu sénateur le 18 décembre
dernier. Au premier tour, le 12 mars les voix s'étaient ainsi réparties : MM. Ri-
berpray, 3.731 voix, Picard, 3.357, Develle, républicain, ancien ministre, 2.949, et
Quentin, nationaliste, 1.458. Dans l'intervalle des deux scrutins, M. Develle s'était
retiré, ainsi que M. Quentin.
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222 CHRONOIiOGEE POLmOUE
27 man. — ClôtHre de l'enquête sar renseignement ;ëeoottdaire jMir la com-
mission parleinealaire.
Du 17 jenvier au 27 mtiB i* coDHnisMen a kna BB eétnces et reçm 196 dépoai-
88 nàKM. — MM. Léon liMirgeeis, d'Esieumelles et fiânaud processeur à la
faculté de droit sont désignés oojKnaae 4ék;gués4e la France à la eo&férefifle inter-
nationale du désarmement qni^eit se séuair à laila^e le IS mm.
30 mars. — Prorogation des Chambres àaat la rentrée est ficée le 2 maifUMir
la Chambre et le 9 pour le Sénat. La commission des ^nances du Sénat commen-
cera ses travaux le 2 miii.
31 mars. ->Le Figaro publie les premiers documenta du premier volume de
lenquète faite par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Ces premiers
documents concernent exclusivement la comparution du commandant Esterhazy
devant un conseil d'enquête, au .mois d'août I89i<. Le conseil des miniâ.ti)e décide
que des recherches seront faites au sujet de cette puiiUcation ailn que des pour-
suites soient exercées.
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BlBllOliaiPllli
BotCrON Jaoqtjbs), Cent fftrs de hxiit siociale : la léf^iBlilion de l'enfance 1789-
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BorTMT <E.), Le baccalatiréat et TewseiiffieiBieiA iiMMleme, 1 ▼oL in-^, Paris
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BnAïLKAWT (C), €(WiveWti<ms de H f^mtmmtie avec Im autres Etats mt le com-
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Brisson (Adolwib), Portrafts Intimes, 4« «ôrie, 1 veà. iin-18, P«ris 1899, A, Colin
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Fatoixot (ïhîmit^, Ociide polKicfOc^ PttKt<jivîl, 1 voL m-lB, P&ns 1880, Giard
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FiRMiN-DiDOT (Georges), Pages d'bistoire, 1 vol. i»-18, Jhcris i89&, Fimiift^idot.
FoKTEKfiLU: ^ T.), iies miui-ubau ^rt i» «otI, 1 voU itt^^Puw lâ89, âcbleicher
fnètet.
GoRTROWSRi (BAB0K)^9e ëêTîM à JÉ0xéoo paries £tat»4Jnts, 1 vol. in-18, Paris
1^99, £. V. Stock.
Giîros' (Yvss^ Lié9(^«bition ^olitiQue «t .sociale de l'Espagne, 1 vol. in-IS» Paris
ia99, £. Fafl^fveUe.
Uvrza (F>aAN£). 'Qaiiital ^ travail de 3a réorganisation delà société, trad. par
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Leur ^Brnbsit^ Le saarii^, le divorce^ la s^pairalion de corps dans les princi-
paBXpiiyt civiliséa, il vol, in-8, Paris 1899., L. Larose.
UoN^SÉfi»&^ Vohftey 1757-1800^ suivi du pan^phlet de Volney : La sentinelle du
peuple, l vol. in«tô, Paris 1899, £. Lecb«valier.
LoMBBOSOiCasABB), L*«Bt»éDûiisBi&, 1 vol. in-18, Paris 1899, Caard et Brière.
Ma^uard (rE. fifl), Etudes d'-économie sociale, 1 vol. in-12, Paris 1«91, Tîsch-
Ma8«on (BlmàBàuG), 4o»4pliine, impératrice et reine, 1 vol. in-8, Paris 1899, Paxil
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Mark('R;ABiL>, Salaires, .prix, profits, 1 br. in-18, Paris 1899, Giard et Brière.
MiCBELET (J.), L'Etudiant, précédé d'une étude de M. L. Laisne, 1 vol. in-18,
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224 BIBUOGRAPHIE
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1899, Albert Fontemoing.
Pegh db Laglausb (P.)) L'impôt direct et les rentes sur l'Etat, 1 vol. in-8, Tou-
louse 1899, V. Rivière.
PoiNSARD (LÉON), Vers la Russie, 1 vol. in-18, Paris 1899, A. L. Charles.
PoTOCKA (C. Anna), Voyage d'Italie (1886-1827), 1 vol. in-18, 1>aris 1899, Pion et
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Quesnat de Bbaurepaire, Le Panama et la République, 1 vol. in-18, Paris
1899, F. Juven.
RoDOCANAGHi (E.), Bonaparte et les îles Ioniennes (1797-1816), 1 vol. in-8, Paris
1899, F. Alcan.
Salefranqub (L.), Le régime fiscal des valeurs mobilières en France, 1 vol.
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Saussure (Léopold de). Psychologie de la colonisation française dans ses rap-
ports avec les sociétés indigènes, 1 vol. in-18, Paris 1899, E. Alcan.
Sat (Léon), Les finances de la France sous la troisième république, T. II :
M. Léon Say au ministère des Finances, 1 vol. in-8, Paris 1899, C^lmann
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Seilhag (Léon de), Les congrès ouvriers en France (1876-1897), I vol. in-18, Paris
1899, A. Colin et ae.
Seulesco (Michel), Le régime fiscal des successions, 1 vol. in-8, Paris 1899,
Giard et Brière*
SiMOND (G. Emile). Le capitaine La Tour d'Auvergne, 1 vol. in-8, Paris 1899,
Charles-Lavauzelle.
Trombert (A), Les institutions de prévoyance des grandes compagnies de che-
mins de fer, 1 vol. broché in-8, Paris 1899, Chaix et Cie.
Turquan (V.), Essai de recensement des employés et fonctionnaires de l'Etat
suivi d'une statistique des pensionnaires de l'Etat, 1 vol. in-8, Paris 1899.
Vassart et Nouvion-Jagquet, La loi du 9 avril 1898 sur les accidents industriels,
1 vol. in-8, Paris 1899, L. Larose.
M. Henri Sghuhler, docteur en droit, L'Impôt sur le revenu en Prusse.
1 vol. in-8. Paris, Giard et Brière, 1898.
La question de l'impôt sur le revenu reste une de celles qui préoccupent le
plus les esprits dans le Parlement et au dehors. Les partisans d'une réforme
financière qui prendrait pour base de l'impôt le revenu global, peuvent s'autoriser
de l'exemple donné peir certaines législations étrangères. Tout le monde a en-
tendu parler, au cours de la dernière période électorale, de l'impôt sur le revenu
à la prussienne ou à Vanglaise. Beaucoup de personnes en parlent, d'ailleurs,
qui n'en savent que fort peu de chose. Il faut savoir gré à M. Henri Schuhler
d'avoir consacré une étude complète, très claire et très documentée, à l'impôt
sur le revenu en Prusse.
L'auteur s'est attaché à ét€J)lir que cet impôt avec tarif progressif, n'est pas
une nouveauté dans la monarchie prussienne. Il fait remonter l'origine de ce
régime fiscal à la réforme du 27 octobre 1810 qui établissait un impôt de capita-
tion, et il suit toutes les évolutions du système jusqu'aux deux lois capitales du
24 juin 1891, sur Timpôt sur le revenu, et du 14 juillet 1893 ,sur l'impôt complé-
mentaire sur le capital. Bl. Schuhler expose en détail le fonctionnement de ces
lois et leurs résultats d'après la statistique et les documents officiels.
L'impartialité la plus scrupuleuse distingue le travail de M. Schuhler. L'auteur,
cependant, n'a pas voulu se borner *k une étude purement objective. Il a tenu à
examiner dans quelle mesure le système prussien était susceptible d'être étendu
à notre pays. Il signale la gravité des conséquences d'une imitation de ce genre.
C'est aussi la conclusion de M. Stourm, lorsqu'il a présenté, dans les termes les
plus flatteurs, à l'Académie des sciences morales et politiques, l'ouvrage do
M. Henri Schuhler.
VImpûl sur le revenu en Prusse sera consulté avec fruit par tous ceux qui étu-
dient le problème si difficile à résoudre de notre législation finaneière. On y trou-
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BIBLIOGRAPHIE 225
vera des éléments précieux pour les discussions qui ne manqueront pas de se
produire dans un avenir prochain. Le livre, d'ailleurs, a déjà été utilisé dans les
travaux de la Chambre des députés, et les renseignements qu'il contient ont
trouvé une place honorable dans d'importants documents parlementaires.
Maurice Bbllom, ingénieur au corps des Mines. De la responsabilité en ma-
tière d'accident du travail. Commentaire de la loi du 9 avril 1898 et des dé-
crets du 2S février ISQ9 portant règlement d administration publiique pour Vexé'
cution de cette loi. Paris, Arthur Rousseau, 1899. 1 vol. in-18. — Prix : 6 francs.
La quesiion des accidents du travail est trop actuelle et trop connue des lec-
teurs de la Revue politique et parlementaire pour qu'il semble nécessaire d'in-
sister sur l'intérêt que présente un commentaire de la législation sur la matière.
Cette question a fait, dès le !•' numéro de la Revue^ Pobjet d'un article dû À l'au-
teur même du commentaire que nous signalons aujourd'hui.
La législation résulte d'ailleurs, non seulement de la loi du 9 avril 1898, mais
aussi de trois décrets du 28 février 1899 dont la publication était nécessaire à
Tei^trée en vigueur de la loi. Le livre de M. Maurice Bellom commente, — et
c'est l'un des caractères essentiels qui le distinguent des ouvrages similaires
déjà parus — non seulement la loi, mais encore les règlements d'administration
publique, dont les dispositions n'exigent pas moins d'explications que celles du
texte législatif.
Les développements relatifs à cette partie de la réglementation ne constituent
pas toujours la seule originalité de ce commentaire. On y trouve condensés dans
une remarquable ordonnance tous les éléments parlementaires ou extra-parle-
mentaires qui se rapportent h, la question, avec référence à la page même du
journal officiel ou du document dont ils émanent.
A la lumière de ces éléments, l'auteur dégage la solution pratique des diffi-
cultéç que soulève l'application de la loi, sans hésiter à répondre aux critiques
qu'a déjà provoquées l'œuvre législative, ni à constater les lacunes qu'elle pré-
sente.. Il mpntre également les relations qui unissent la loi sur les accidents à
d'autres lois sociales, telles que la loi de 1898 sur les sociétés de secours mutuels
ou à d'autres textes réglementaires, tels que le décret do 1868 sur les sociétés
d'assurance. Il indique ou suggère de la sorte des combinaisons susceptibles
d'améliorer les rapports dii capital et du travail, et il apporte jusque dans la
définition des termes la netteté des distinctions que la similitude de certaines
expressions no ««nihUit pas comporter.
Deux tables, l'une analytique, Tautre alphabétique, facilitent et abrègent les
recherches.
En un mot, l'auteur a voulu faire un ouvrage pratique, un vade-mecum à con-
sulter. Il s'est proposé de guider sur ce terrain nouveau tous ceux qui sont
amenés à s'y aventurer, et il l'a fait sans prétentions, sans dogmatisme hautain,
en complaisant cicérone qui connaît parfaitement le chemin et auquel on peut
se fier en toute sûreté.
Yves Gutot, L'Evolution politique et sociale de l'Espagne. 1 vol. in-8. —
Prix : 3 fr. 50. Paris 1899. E. Fasquelle.
Pour bien comprendre les événements de la guerre hispano-américaine et
ceux qui se préparent, il est indispensable do lire : « L'évolution politique et
sociale de l'Espagne », de M. Yves Guyot qui vient de paraître chez l'éditeur
Fasquelle en un volume de la bibliothèque Charpentier. C'est l'histoire rapide
mais détaillée des généraux, des prononciamentos et des ruines morales et maté-
rielles auxquelles ils l'ont conduite.
Comtesse Anna Potocka, Voyage dltalie (1826-1827), publié par Casimir
Stryienski. Un vol. Jn-18. E. Pion, Nourrit et Cie, 10, rue Garancière, Paris.
— Prix : 3 fr. 50.
La comtesse Anna Potocka a fait en 1826-18c7 un Voyage d'Italie, que M. Casi-
mir Stryienski vient de publier à la librairie Pion. Cet amusant « itinéraire >»
contient des pages de critique tout à fait curieuses sur les œuvres d'art et les
REVUE POLIT., T. XX 15
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226 BIBLIOGRAPHIE
monuments; des traits de mceurs italiennes saisis sur le vif; des portraits histo-
riques, de plusieurs princesses Bonaparte alors en exil, notamment de la mère
de Napoléon, de Caroline, d'Hortense, etc. Quelques lettres inédites de la rcine de
Naples, de Catherine, reine de Wcstphalie,etc., accompagnent ce Voyage d'Italie,
dont le ton enjoué, plein de verve, de brio et d'imprévu, obtiendra certainement
le plus vif succès. Ce volume captivant aura autant de lecteurs que les Mémov^es
de la spirituelle comtesse, publiés il y a deux ans par le même éditeur.
Jules Legras, En Sibérie. 1 vol. in-18 jésus avec gravures et carte, Armand
Colin et Cie, éditeurs, 5, rue de Mézières, Paris, broché. — Prix : 4 francs.
Les étonnants progrès du Transsibérien donnent un intérêt de haute actualité
au curieux récit que M. Jules Legras nous fait de son dernier voyage en Sibérie.
L'auteur de Au paysrusse^ auquel tous les spécialistes et les Russes eux-miMnes
ont décerné le brevet de véracité, nous montre cette fois, dans un récit suivi,
plein d'animation, d'anecdotes et de bonne humeur, la physionomie de l'Asie
russe. Sa connaissance de la langue Ta mis à même de pénétrer partout et de
nous rapporter aussi bien les confidences d'un matelot, d'un paysan et d'un ga-
lérien que les idées d'un Gouverneur. Ce mélange d'impressions si variées : ren-
contres affligeantes ou grotesques, aventures, incidents de toute espèce, donne
à En Sibérie un intén'-t vivant qui place ce volume à côté de son aîné Aupays rnsse.
Antonio Labriola (professeur à l'Université de Rome), Socialisme et Philo?
Sophie, 1 vol. in-18, V. Giard et E. Brière, éditeur (Bliothèque socialiste in-
ternationale, V.), 1899, Paris. — Prix2fr.50.
Le nouvel ouvrage du savant professeur à l'Université de Rome peut, dans une
certaine mesure, servir de complément et d'éclaircissomont à ses Essais sur la
conception matérialiste de Vhistoire, publiés il y a deux ans. Dans un de ses
chapitres il donne un modèle de ce que peut ôtre le matérialisme historique 'dan«
son application à une question historique déterminée, l'histoire du chriitia- ,
nisme, tandis que, dans d'autres parties de l'ouvrage, il a essayé d&- construire
la philosophie que suppose et nécessite la conception historique de Marx. On y
trouve un exposé succinct et très précis de cette dialectique historique, pour tant
de gens si mystérieuse.
L'édition française de ce livre n'est pas une simple traduction, mais ime véri
table nouvelle édition, plusieurs parties ont été modifiées ou refondues ; olle
contient d'ailleurs tout un chapitre nouveau cuuîsacré à la qucstiou si actuelle
de la prétendue crise du ïiiarxisme. Il a lumineusement démontré cpie chez ces
soi-disant novateurs il y a plus d'incompétence et de vanité littéraire qu'effort
véritable pour le progrès de la doctrine.
Adolphe Lacan, Etude théorique et pratique sur les Chemins de fer
d'Intérêt local, les tramways et autres voies ferrées secondaire*.
1 vol. in-8. Rousseau.
M. L.acan étudie tour à tour les questions administratives et financières rela-
tives aux chemins de fer d'intérAt local et aux tramways. 11 fait rentrer dans le
cadre de son travail lés chemins de fer miniers et industriels et les voies ferrées
des quais et des ports. Il explique et prouve, c'est là sa conclusion, comment
aujourd'hui, grâce à tous ces chemins de fer locaux, et au grand développement
de l'industrie qui en est résulte, beaucoup de régions ont vu leur prospérité
s'accroître, pour le bien du pays en général. — Nous signalons en annexe de eet
ouvrage une intéressante bibliographie du sujet traité.
Charles Wiener, La République Argentine. 1 gros vol. in-4°. Paris 1899,
Cerf.
Le ministère des Affaires Klran^a-res continue la publication des rapports
détaillés et munitieux que lui adressent les différentes missions commerciales
accréditées un peu partout en livrant au public un volume très curieux et très
complet sur la République Ar^^ontine. Dans une première partie, l'auteur
M. Charles Wiener, donne i\(^ nombreuses uionographies des produits indigénee
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BIBLIOGRAPHIE tSY
et étudie les questions financières et administratives du pays ; il décrit en un
mot les éléments dirers qui constituent Tactif et le passif de la nation. La se-
conde partie renferme des notices sur chaque unité territoriale, ce qui permet de
voir quelle est aujourd'hui, dans ses grandes lignes lu situation économique et
sociale de la République Argentine. Le but de l'auteur était de rechercher les
moyens de reconquérir notre ancien rang sur le marché de Buenos-Ayres . Il y a
dans cet ouvrage une foule d'indications précieuses et de nature à éclairer ragri"
culteur, le financier, Tinduslriel et le commerçant.
L'éduoation au point de Tue sociologique. H. Le Soudier, 174, boulevard
Baint-Germain, Paris. ln-8o, 838 pages. — Prix : 5 francs.
L'éducation des enfants, de nos jours, est une œuvre de formation accomplie
sous Taction directe de Tinfluence de l'éducateur. Cette conception est contraire
aux lois du développement physiologique et psychologique de l'enfant : c'est ce
que l'auteur démontre dans cet ouvrage, en établissant les bases d'une éducation
rationnelle, d'une éducation de l'enfant par l'enfant, accomplie avec l'aide de
l'éducateur.
Vwt semblable thèse doit évidemment sembler audacieuse encore à notre
époque, parce qu'on sent bien que les circonstances sociales, dont dépend né-
t'»sîwtlrement l'éducation, n'en permettent pas l'application. Aussi, l'auteur a-t-ll
vvulu montrer, en considérant la question au point de vue sociologique, qu'elle
répo'id aux tendances évolutionnalres, et qu'ainsi les lois naturelles de la vie de-
vant un jour se confondre avec les nécessités sociales, elle mérite de préoccuper
les éducateurs.
L'ouvrage est écrit avec talent, rempli d'aperçus nouveaux, témoignant d'un
grand esprit d'observation, et, à ce titre, il sera lu avec intérêt et profit, par
ceux mômes qui ne partagent pas toutes les convictions de l'auteur.
Paul Gc^llot, avocate la Cour d'appel, Les assurances ouYvièt es (GuiUaumtn et
Obaix éditeurs). Assurances centra les accidents, la maladie, la vieilleiie et le
ohômage. — Législation française. <•* Législation étrangère. — Projets de ré-
fbrme.
If. Paul Guillot étudie d'une façon plus complète la situation faite aux ouvriers
victimes d'accidents ou atteints par la maladie, la vieillesse, l'Invalidité ou le
dkômage.
11 examine successivement la législation française, les projets de réforme, les
*»<îorls faits par l'initiative privée et les goluUoDs données par les pays étrangers
i ces graves questions .
Partisan du risque professionnel limité aux cas fortuits ou de force majeure,
Û conclut à l'assurance qu'il admet obligatoire avec facultés pour le patron de
choisir son assureur.
Il combat toute création de caisse d'Etat et préconise la fondation de caisses
professionnelles ou régionales, soumises à la surveillances de l'Etat qui, moyen-
nant des primes différentes payées par les ouvriers et les patrons, fixées d'aprè«
des statistiques sérieusement établies, pourraient assurer les ouvriers contre les
accidents, les maladies, l'invalidité, la vieillesse et le chômage.
Reconnaissant le progrès du mutuallsme en France, Il voudrait voir ces locié'
lés pratiquer d'une façon absolue le principe de la dsrégation des primes et des
risques.
LÉON PoiNSARD, Vors la ruine. 1 vol. in-18. A Charles, 8, rue Monsieur-le-
Prince, et chez tous les libraires, Paris. — Prix, franco : 3 fr.
Le premier mérite de ce livre c'est son extrême clarté. 11 met à la portée de
tout le monde la substance d'une montagne de documents officiels, que peu de
personnes sont en état de consulter avec profit. L'auteur nous présente ainsi un
tableau saisissant de la situation financière, politique, administrative de la
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!^28 BIBLIOGRAPHIE
France. Ce tableau n'est certes ni gai, ni rassurant, Mais il faut connaître son
mal pour le soigner et le guérir, et nous ne saurions blâmer ceux qui s'effor-
cent de nous révéler les causes de ruine qui agissent incessamment sur notre
corps social. Le mieux que nous ayions à faire, c'est de tAcher de supprimer ces
causes. Du reste, M. Poinsard n'est pas un pessimiste. Il a confiance dans l'ave-
nir, et il indique résolument les réformes qu'il considère comme utiles et fai-
sables. Ses avertissements et ses indications méritent qu'on y prête attention.
Henri Fatollet, secrétaire de mairie, 1899, Guide pratique de l'état oiyil.
L'Assistance judiciaire Le Casier judiciaire, ouvrage destiné aux secré-
taires de mairie. 1 vol. in-18. V. Giard et E. Brière, éditeurs, Paris. — Prix :
1 fr.
La pratique de Tétat civil n'appartient qu'à quelques rares personnes, quoique
la nécessité de cette connaissance se fasse sentir journellement. L'auteur expose
d'une manière simple et concise tous les renseignements sur les actes de l'état
civil. Tous les cas généraux sont traités avec les règles particulières à certains
cas spéciaux.
Les secrétaires de mairie, et tous, en général, trouveront dans cet ouvrage mis
à la portée de tout le monde un guide siïr, leur épargnant des recherches sou-
vent longues et difficiles dans certains ouvrages spéciaux trop volumineux et
trop savants.
Les lecteurs y trouveront aussi ce qui concerne l'Assistance judiciaire et le
Casier judiciaire qu'il est si utile de connaître.
Emile Fagoet, Questions poUtiques. 1 vol. in-18 jésus. Armand Colin et Cie,
éditeurs, 5, rue de Mézières, Paris, broché. — Prix : 3 fr. 50.
Sous ce titre : Questions politiques, M. Faguet a réuni quatre études de diverse
étendue, l'une sur les vœux de la France en 1789 d'après les Cahiers ; — l'autre
sur la Décentralisation administrative et intellectuelle ; — l'autre sur le Socia-
lisme contemporain; — l'autre enfin sur la marche générale du xix< siècle et sur
ce que l'on peut augurer du siècle prochain. Ces études très méditées et très
consciencieuses, absolument impartiales, comme on peut le croire, puisqu'elles
viennent d'un homme qui n'appartient à aucun parti et qui examine en philo-
sophe la marche des événements, ne peuvent être que d'un sérieux profit et en
tout cas d'un grand intérêt pour tout homme qui est soucieux des problèmes
du temps présent.
Paris-Hachette.
Paris pour tous et à la portée de tous I Quel rôve, quel projet irréalisable à
première vue I Ce miracle, notre siècle l'aura accompli ; et il s'appelle le Paris-
Hachette. C'est la merveille de la typographie moderne ; le dernier cri du bon
marché. Toute une bibliothèque, une bibliothèque de 15 à 20 volumes, a été dis-
tillée, concentrée en ces 2600 pages parfaitement claires et lisibles sur leurs trois
colonnes, et pour le prix modique de 3 fr. 75. Le volume ne tient presque pas
de place, et cependant il renferme tout ce qu'un Parisien et un étranger doivent
savoir de Paris.
D ivisé en 4 parties formant un groupement rationnel, le Paris-Hachette de
1889 donne un dictionnaire des professions, une liste alphabétique ,de 140.000
adresses de commerçants et d'industriels parisiens ; la liste de toutes les rues de
Paris ; les adresses, avec jour de réception et villégiatures, de toutes les notabi-
lités mondaines. 1159 portraits et quantité de statistiques interprétées par
l'image, ornent ce volume auquel est joint un grand plan de Paris.
Le Directeur-Gérant : M. FouRNiia.
Pans. - Typ. A. DAVY, 52, rue Madame. — léUphone.
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r
Revue Politique &Parlementaire
L'ÉPARGNE VRAPiOAISE
ET LA
Énm DES PORTEORS DE VALEURS Mmvm '
L'un des faits les plus saillants de Thistoire économique cl
financière de la seconde moitié de ce xix® siècle est certainement
l'abondance des capitaux que quelques-unes des nations de la
vieille Europe ont mis au service de pays moins bien partagés,
ou chez lesquels le développement de la civilisation matérielle
imposait la nécessité de concours étrangers.
Comme Ta écrit M. Leroy Beaulieu : « Les vieilles contrées,
TAngleterre, la France, la Belgique, la Hollande, plus récem-
ment l'Allemagne, sont de gigantesques fabriques de capitaux.
Tous ceux qu'elles forment, elles ne peuvent les employer chez
elles; les principales œuvres productives, chemins de fer, ca-
naux, docks, magasins généraux, installations urbaines d'éclai-
rage et d'eau y étant sinon complètement achevées, du moins
très avancées, il en résulte que l'emploi très rémunérateur,
dans les pays même d'origine, de toutes les épai^nes que pro-
duisent les habitants du vieux monde, n'est plus possible; la
baisse énorme du taux de l'intérêt dans ces temps récents eif est
la preuve (2). »
(1) V. Les emprunts de^ Etats étrangerSy Becker, Paris, 1886. — Les emprunts
tCBtats en droit intemationaly Politis, Paris, 1894. — La protection des capilaujc^
Lewandowski, Paria, .1896.
(2) Leroy-Beaulieu, préface de l'ouvrage de M. Lewandowski*
REVUE POLIT. , T. XX 16
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230 l'épargne française
Il y aurait une étude fort intéressante à faire sur les causes
de cet exode de capitaux, sur son importance, sur ses effets,
tant à l'égard des pays créanciers que des pays débiteurs. Notre
but n'est pas de nous y livrer, il est cependant difficile de n'en
pas dire quelques mots.
La raison principale qui attire nos capitaux à l'étranger, c'est
l'attrait d'une plus forte rémunération. Nos fonds d'Etat ont
conquis des cours de plus en plus élevés, au point qu'aujour-
d'tiui ils ne donnent plus à leurs détenteurs qu'un intérêt mi-
nime, qui, à une époque où les besoins sont grands efde plus en
plus coûteux à satisfaire, paraît à beaucoup d'une insuffisance
manifeste. Qui n'a jeté parfois les yeux sur ces tableaux publiés
périodiquement par divers journaux et par divers établissements
financiers, présentant l'échelle progressive des revenus annuels
produits par telle ou telle valeur, suivant les cours cotés en
Bourse? Il serait inutile d'en reproduire un ici; il suffira de
mettre en regard les taux de capitalisation pour quelques fonds
d'Etat appartenant, les uns à la catégorie des producteurs de
capitaux, les autres à celle des emprunteurs.
Cour$ du 3 avril 1899.
Consolidés anglais 2.40
3 0/0 français 2.90
30/0 belge 2.93
Emprunts russes 3.88 à 3.94
Consolidés italiens 4. 16
Obligations ottomanes 4.97 à 5.26
Extérieurs espagnols 7 .28
Les établissements de crédit ont singulièrement favorisé ces
tendances. Ne voit-on pas les plus importants d'entre eux, dédai-
gnant les émissions d'un chiffre modeste, donner, pour des
raisons faciles à compi*endre, la préférence aux grandes opéra-
tions de crédit qui portent en une seule fois sur des millions
par centaines et qui leur assurent les importantes et fructueuses
commissions, d'où résultera le plus clair de leurs bénéfices
annuels?
C'est ainsi que Tépargne française, alléchée par les sédui-
santes perspectives d'un revenu élevé, sollicitée par les pros-
pectus et les assurances des maisons d'émission, accepte trop
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 231
souvent de confiance et sans le moindre examen personnel des
valeurs de toute nationalité, pourvues de garanties souvent in-
suffisantes, parfois illusoires.
Il s'en faut d'ailleurs de beaucoup que les titres étrangers
soient proportionnellement répartis dans les portefeuilles des
capitalistes des diverses nationalités; il y a pour chacune de
ces dernières des préférences ou des habitudes qui ne subissent
que de lentes modifications. Ainsi, en France, se trouvent en
quantité les fonds d Etat et les valeurs industrielles Russes
et Espagnoles ; en Angleterre, les fonds d'Etat de TAmérique du
Sud et les nombreux titres des chemins de fer américains ; en
Belgique, des valeurs du Brésil et de l'Argentine, ainsi qne
des chemins de fer espagnols; le marché des mines d'or, de*
fonds Ottomans et Egyptiens est à Londres et à Paris; le mar-
ché de la rente Italienne, à Paris et à Berlin, etc.
L'importance des capitaux placés à l'étranger n'est suscep-
tible que d'une évaluation sans grande précision. Pour nous en
tenir & la France, nous sommes en présence d'appréciations fort
diverses, émanées des économistes et des financiers. Les chiffres
varient d'ailleurs constamment, soit à raison des prêts nouveaux,
soit à raison des conversions ou des faillites totales ou partielles
qui anéantissent une partie des capitaux prêtés, soit enfin à
raison des arbitrages qui s'opèrent entre les grandes places
financières de l'Europe. Il paraît incontestable que le chiffre de
25 milliards doit être considéré comme un minimum et qu'il
est très probablement inférieur à la réalité (1).
Les effets de cet exode des capitaux méritent d'appeler la
plus sérieuse attention.
Il est très fréquent, dans certaine école économique, de le
qualifier sévèrement; peu s'en faut qu'on ne le considère
comme un acte anti-patriotique ; les capitaux envoyés à réi{ran-
ger seraient en quelque manière dérobés à la xiation française;
ils devraient être réservés au développement de notre sol et ée
notre industrie nationale; en permettant la mise en valeur de
(1) Ce chiffre est d'ailleurs en progression incessante et rapide : En 1875,
M. Léon Say Tévaluait à 10 ou 12 milliards ; en 1880, M'. Leroy Beaulieu le por-
tait & 12 ou 15 milliards ; en 1888, M. de Foyille donnait une appréciation de
18 milliards et M. Nejrmark de 20 inilliards ; M. Edmond Théry (Les valeurs mo-
bUières en France^ Paris, 1897), à la suite d'une étude minutieuse, accepte le
chiffre de 26 milliards proposé par M. R. G. Levy, dans un travail inséré dans la
Berne des Deux Mondes (15 mars 1897).
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332 l'épargne française
toutes les richesses du pays, ils assureraient sa grandeur et sa
prospérité !
Si tout n'est pas inexact dans ces appréciations^ il faut cepen-
dant reconnaître leur exagération. Il est trop fréquentque ce ne
soient pas les capitaux qui se dérobent aux emplois réellement
fructueux qu'ils pourraient recevoir dans leur pays d'origine ;
mais c'est souvent, au contraire, aux capitaux à la recherche
d'un emploi qu'une utilisation avantageuse fait défaut.
A tout prendre, d'ailleurs, les placements effectués à l'étran-
ger présentent des avantages incontestables. N'a-t-il pas été
clairement établi que c'est à eux qu'est due, pour la plus large
part, la facilité avec laquelle la France a réagi contre les consé-
quences financières et économiques de 1870-71 ? Si nous avons
pu à cette époque payer en or, ou en remises sur les places
étrangères, les cinq milliards d'indemnité de guerre, sans que
nous ayons eu & constater et à subir la moindre crise moné-
taire, c'est certainement parce que nous étions alors, comme
aujourd'hui, créanciers des nations étrangères à concurrence de
sommes bien supérieures; c'est ce qu'a démontré M. Léon Say
dans une publication bien connue (1).
Les placements à l'étranger ont également contrebalancé les
effets que l'on eût pu redouter de la balance commerciale qui,
pendant de longues années, s'est soldée chaque année par de
très fortes différences à notre débit; ils contribuent efficacement
à maintenir en notre faveur un change favorable, et ils ont pu
s'effectuer et s'accroître sans amoindrir notre stock en numé-
raire d'or, ainsi qu'en font foi les bilans hebdomadaires de la
Banque de France (2).
II
Après avoir reconnu et proclamé les avantages qui résultent
des placements en valeurs étrangères, nous devons nous occu-
per des inconvénients et des dangers qu'ils présentent. Le plus
grand de tous est leur insécurité.
(1) Rapport de M. Léon Say, au nom de la commission du budget de 1875, sur
le paiement de Findemnité de guerre et sur les opérations de change qui en ont
été la conséquence. V. aussi Leroy-Beaulieu, Traité de la Science des finan'^es, 11,
chap. II.
(2) Voir Edmond Théry, La crise des changes^ Paris, 18^ et Les valeurs mobi-
lières jn France, Paris, 1897.
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 233
La liste serait longue des déboires et des pertes qu'ont eu à
subir les capitalistes français ; elle serait encore bien plus éten-
due si nous faisions aussi cette recherche pour les places an-
glaises, belges, etc. Dans son rapport annuel, le Councilof fo-
reign bondholders fournit des renseignements intéressants à ce
point de vue ; nous ne voulons relever dans cette publication
qu'un chiffre, c'est celui relatif aux emprunts des Etats de TA-
mérique centrale et de l'Amérique du Sud : à la fin de l'exer-
cice 1895, le montant des capitaux menacés y figure pour la
somme de 53.898.424 liv. st. et les intérêts arriérés, dont le
paiement était en souffrance, à 26.085.468 liv. st., au total, en
chiffres ronds : deux milliards.
Les valeurs industrielles étrangères ne sont guère mieux
partagées. Il en est ainsi notamment des nombreuses valeurs
de chemins de fer portugais et espagnols. Leur histoire, il y a
quelques années, comportait déjà une trop longue liste de con-
venio, disons de faillites partielles; Ton pourrait se croire à la
veille de voir la reprise de ces errements fâcheux ; sans mieux
rappeler en détail la situation des chemins de fer portugais, des
chemins de fer de l'Ouest et du Sud de l'Espagne, ne voyons-
nous pas, à l'heure actuelle, deux des plus importantes compa-
gnies (Nord de l'Espagne, Andalous) ne plus payer les coupons
de leurs obligations dans la monnaie stipulée et vivre sous un
régime provisoire, ou modus Vivendi^ conclu avec leurs créan-
ciers, et poursuivre le mirage d'un arrangement définitif, de
nature à leur donner une satisfaction plus ou moins complète ?
La troisième (Madrid-Saragosse), quoiqu'elle soit dans une bien
meilleure situation, bien qu'elle paraisse plus respectueuse de
ses engagements, n'est-elle pas aussi obligée, tout au moins, à
suspendre sine die l'amortissement promis à ses obligataires?
11 serait inutile de multiplier ces exemples, une plus longue
énumération ne donnerait pas plus de force à notre argumenta-
tion. L'ms^am/^ ^5^ /^^ra/w/mc^ des placements des capitaux
effectués à rétrangei\ Si Ton parvenait à la restreindre dans
d'étroites limites, le résultat obtenu serait très digne d'atten-
tion, plus encore de la plus haute importance, au regard des re-
lations financières internationales et des intérêts de notre pays.
Il faut d'abord se demander d'où provient celte insécurité.
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2a4 l'épargne française
Elle n'est sûrement pas la même pour les placements de toute
nature et il convient de faire porter successivement Texamen
d'une part, sur les entreprises privées, subventionnées ou non,
en établissant entre elles une distinction enixe les actionnaires
et les obligataires ; d'autre part, sur les emprunts d'Etat, entre
lesquels il faut aussi faire une distinction suivant qu'ils cons-
tituent une dette intérieure ou une dette extérieure. Nous al-
lons dire quelques mots de chacune de ces catégories.
I. ACTIONS DES Sociétés commerciales. — La réglementation
des sociétés commerciales, d'après les diverses législations, est
loin d'être uniforme. Mais quel est le capitaliste qui, avant de
souscrire ou d'acheter des actions, a cherché tout d'abord à se
rendre compte de ces différences, et même à étudier de près
les statuts de la Société ? Il se contente de considérer l'admis-
sion à la cote comme une présomption de la régularité extérieure
des actes constitutifs et il ne se préoccupe que d'un seul point,
les dividendes déjà distribués, la confiance que méritent les
promoteurs de l'émission.
Sans doute, toutes les législations ont fait reposer les garan-
ties dues aux intérêts sociaux sur des assemblées générales où
sont admis, sans distinction de nationalité, tous les actionnaires
qui remplissent les conditions imposées par les statuts. Mais,
par la force des choses, et grâce surtout à la négligence dos
intéressés, dans la plupart des sociétés importantes, les assem-
blées générales ne réunissent qu'un petit nombre d'actions, en
dehors de celles qui appartiennent aux administrateurs et à leur
groupe. On peut considérer ces réunions comme n'étant guère
que de simples formalités; elles se bornent le plus souvent
à ratifier des nominations faites par voie de cooptation et des
mesures prises, sans autre contrôle, par le conseil d'administra-
tioiu
C'est à peine si, dans quelques cas rares, l'on voit un parti se
former contre les administrateurs, dans un but, et plus souvent
sous un prétexte d'intérêt social : des individualités remuantes
battent le rappel auprès des actionnaires, arrivent à en repré-
senter un certain nombre, parfois à constituer une majorité, de
manière à imposer l'entrée dans le conseil de quelques person-
nalités de leur choix; après quoi, comme fatigués d'un tel effort^
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 23b
les actionnaires s'empressent de retomber dans leur isolement
et dans leur incurable apathie.
II. Obligataires. — Les porteurs d'obligations émises par les
sociétés commerciales sont encore plus dépourvus que les action-
naires de tous moyens de sécurité ; ils n'ont pas même la faible
ressource de pouvoir assister aux assemblées générales person-
nellement ou par mandataires. Nous ne pouvons pas nous plaindre
à cet égard des législations étrangères, car Ton sait que nous ne
sommes pas parvenus, dans notre législation nationale, à réaliàer
un mode de représentation des obligataires, malgré les nom-
breuses propositions qui ont été faites et les avis à peu près
unanimes des écrivains spéciaux, économistes ou juriscon-
sultes.
Tant que les affaires sociales marchent à peu près bien,robli-
gataire touche régulièrement ses coupons. Mais la situation
devient pour lui fort périlleuse lorsqu'elles périclitent et ses
intérêts sont facilement compromis d'une manière définitive,
sans qu'il ait même pu se défendre. Tantôt il s'agit d'une liqui-
dation et d'un sacrifice partiel ; sous des noms divers, morato-
rium, concordat, convenio, Ton fera subir une amputation au
passif obligataire, on jettera .du lest à la mer, afin que la barque
allégée puisse continuer à flotter ; tantôt ce sera une faillite
complète, la réalisation des épaves et la distribution aux créan-
ciers d'un dividende trop souvent dérisoire ; dans les deux cas,
ce sera pour l'obligataire le même rôle passif. Très insuffisam-
ment renseigné, dépourvu de tout moyen d'action, comprenant
l'inanité de ses efforts et reculant devant les dépenses excessives
qu'exigerait de lui tout essai de faire représenter et défendre
ses intérêts en péril, il subira le sort que lui réserveront la
loyauté et l'habileté d'un liquidateur qu'il n'aura pas choisi.
S'il s'agit d'émettre son vote sur des propositions concorda
taires, il se verra pris dans un dilemme, que l'on aura d'ailleurs
soin de mettre en relief & ses yeux, oli accepter une transaction
qu'il ne peut pas discuter et à laquelle il ne peut même pas
demander la moindre modification, ou courir le risque d'une fail-
lite encore plus désastreuse. Son vote mécontent et contraint
sera acquis à ces propositions, à moins qu'il ne préfère se réfu-
gier dans une abstention qui n'améliorera pas son sort.
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236 l'épargne française
Nous devons ajouter une réflexion relative à Taction judiciaire
qui peut être intentée, en vue de. faire proclamer les droits des
obligataires et de leur fournir une sanction.
Les obligataires dont les droits sont méconnus ont théorique-
ment le droit d'assigner, à leur choix, la société récalcitrante
devant les tribunaux étrangers ou devant les tribunaux français.
L'article 14 du Code Civil donne à nos tribunaux le droit de
statuer sur les diflTérends soulevés entre Français et étrangers;
il existe de nombreux exemples de décisions de cette nature.
En réalité cette faculté n'est que de médiocre importance, car
les sentences des tribunaux français sont rarement en ce cas
accompagnées d'une sanction effective. Si, le cas est fort fré-
quent, la Société débitrice n'a aucun bien en France, elle ne
peut subir qu'à l'étranger des mesures coercitives efficaces, sai-
sies, déclaration de faillite, etc. L'autorité des jugements ne
dépassant pas les limites du territoire dans lequel ils ont été
rendus, le créancier doit saisir les tribunaux étrangers par voie
de demande d'exéquatur ou par action nouvelle principale.
Il arrive très fréquemment que des difficultés nombreuses,
une connaissance imparfaite des législations étrangères, les dé-
lais et enfin les dépenses à engager (quelquefois, notamment en
Angleterre, elles sont exorbitantes), détourne les obligataires de
l'idée d'engager un procès; trop souvent on doit les considérer
comme étant à la merci de la bonne foi de leurs débiteurs.
III. Fonds d'Etat. — Dettes intérieures. — Les emprunts d'Etat
peuvent revêtir un double caractère : on les classe en dettes inté-
rieures et en dettes extérieures. La dette intérieure est celle qui
a été contractée à la suite d'une émission faite dans l'intérieur
même du pays emprunteur, sans qu'il y ait d'ailleurs lieu à
distinction selon que les souscripteurs sont des nationaux ou
des étrangers. La dette extérieure est celle qui a été publique-
ment émise, soit en totalité, soit en partie, sur les marchés
financiers étrangers ; il n'est d'ailleurs pas rare non plus de voir
une partie de la dette extérieure d'un Etat détenue par ses
propres sujets. Quelques autres circonstances peuvent intervenir
pour modifier ce caractère originaire ; il en est ainsi, par exemple,
au cas oii une nation, établissant un traitement différentiel (par
voie d'impôt, de réduction ou autre) pour ses nationaux et pour
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 237
les étrangers, a institué la formalité de Vaffidavit, grâce à
laquelle la nationalité du porteur actuel sera connue ; de même
la formalité de l'estampillage arrive à attribuerune situation
plus favorable à ceux des titres émis qui, à un moment donné,
étaient la propriété d'étrangers; de la sorte, Ton peut, suivant
les cas, envisager la qualification de dette intérieure ou exté-
rieure à un double point de vue : Tun objectif, suivant la na-
tionalité du détenteur actuel, l'autre subjectif, attribué défi-
nitivement à une catégorie de titres, quelles que soient les
mains entre lesquelles il passera désormais.
Il est de principe que les Etats sont complètement libres de
statuer législativement, suivant les règles de leur régime consti-
tutionnel, sur leurs dettes intérieures. Que les titres appartien-
nent à des nationaux ou à des étrangers, peu importe ; ces der-
niers, en se rendant acquéreurs de titres de cette nature, se
soumettent implicitement^en ce qui les concerne, à la législation
édictée ou à édicter dans le pays débiteur. Une seule réserve
serait à faire : elle s'applique au cas où la législation nouvelle-
ment promulguée aurait pour effet d'appliquer aux nationaux
et aux étrangers un traitement différentiel, préjudiciable aux
intérêts de ces derniers. Cette violation du principe d'égalité
pourrait entraîner, par voie de réciprocité, des représailles qui
mettraient les diverses nations dans un état d'hostilité écono-
mique et financière, de nature à entraîner des conséquences
graves. Aussi les Etats s'abstiennent-ils presque toujours de
mesures aussi dangereuses que blâmables. Nous pourrions
cependant citer des exemples contraires, notamment celui du
Portugal, qui a assujetti, sous des prétextes pris du cours
des changes, les créanciers étrangers à une retenue beau-
coup plus forte que celle qu'il a imposée à ses nationaux. L'ef-
fet de cette mesure a d'ailleurs été loin de lui être favorable :
l'atteinte portée au crédit de la nation a été si profonde qu'au-
jourd'hui elle se trouve dans l'impossibilité d'opérer soitune con-
version, soit un nouvel emprunt; si bien qu'elle est depuis plu-
sieurs années, avec ses créanciers, en négociations à chaque
instant entravées et suspendues, sans qu'il soit encore possible
de prévoir pour elles un résultat avantageux.
IV. Dettes extérieures. — Pour cette catégorie d'emprunts
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238 l'épargne française
d'Etats, la situation des créanciers paraît, en théorie tout au
moinS) bien plus favorable. C'est réellement un engagement,
international qui a été contracté; il donne donc aux Etats, dont
les nationaux, sur la foi d'un tel engagement, ont souscrit ou
acheté des titres, le droit d'intervenir diplomatiquement pour
que ces engagements reçoivent leur complète exécution.
En pratique, cet important avantage se trouve considérable-
ment amoindri. D'abord, en pareil cas, les intéressés n'ont
même pas la faculté (que nous avons reconnue aux obligataires)
de saisir leurs tribunaux nationaux : c'est en effet une règle de
notre droit privé, proclamée à plusieurs reprises par la Cour de
Cassation (1), que, nonobstant la généralité des termes de
l'art. 14 du Code civil, les gouvernements étrangers ne peuvent
pas être traduits devant les tribunaux français; on voit là
une conséquence directe du principe de la souveraineté des
Etats et de leur indépendance réciproque. Bien que cette théorie
puisse paraître contestable lorsqu'un Etat étranger a conclu un
contrat de droit civil privé, elle doit être considérée comme
faisant partie des règles généralement admises en droit inter-
national. Quant à l'intervention des tribunaux de la nation
débitrice, elle serait également impossible et inefficace, il n'est
pas besoin d'y insister et d'en donner les raisons.
Quel appui peuvent donc espérer, dans leurs réclamations, les
créanciers lésés dans leurs droits ? Il n'en est qu'un : la possibi-
lité d'une intervention diplomatique s'exerçant en leur faveur.
La protection n'est guère efficace ; car, d'une part, il est admis
par tous les auteurs que cette intervention est facultative pour le
gouvernement sollicité et que « l'individu n'a pas le droit de
demander à la collectivité de transformer en incident d'ordre
public, avec toutes ses conséquences dangereuses, le fait d'un
tort causé à sa bourse » ; d'autre part, les résolutions du gou-
vernement en pareille matière sontgénéralement influencées par
des considérations touchant à la politique générale et aux rela-
tions internationales, en face desquelles les intérêts privés,
quelle que soit leur importance, doivent s'incliner et s'ils ne
sont même considérés comme négligeables.
Sans doute un Etat peut se trouver, comme un particulier, dans
(1) Voir notamment les arrêts de la Cour de Cassation du 27 Janvier 1849,
D. 49.1.5 et du 5 mai 1885, D. 85, 1, 341.
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ET Là Défense des porteurs de valeurs étrangères 239
rimpossibilité réelle de faire face à ses engagements, mais il
échappe aux règles de droit privé, protectrices des créanciers,
soit quant à la reconnaissance de cette impossibilité, soit quant
au mode de liquidation et aux principes qui régissent la matière
des faillites et des concordats.
Les économistes, en effet, n'ont pas hésité à proclamer le prin-
cipe qu'un Etat est seul juge des charges qu'il peut imposer à ses
sujets pour faire face à sa dette, d'où résulte cette conséquence
qu'il est aussi seul maître des réductions qu'il convient d'imposer
à ses débiteurs (1). Ce principe peut paraître excessif, au moins
lorsqu'il s'agit de dettes extérieures, mais il est à peine besoin
de dire qu'il présentait trop d'avantages pratiques pour que les
débiteurs obérés n'eussent hâte de s'en emparer; nous en avons
cité plusieurs exemples et il serait aisé d'en augmenter la liste.
L'on a vu plus encore ; l'on a vu les Etats conférer à leurs
créanciers des gages précis sur certaines sources de revenus et,
de leur autorité privée, par une mesure purement arbitraire,
retirer les garanties précédemment concédées et imposer de
nouvelles conditions à leurs créanciers, en les privant de» tout
droit sur les gages précédemment constitués.
Une telle violation de la foi des contrats ne reste pas long-
temps impunie. La sanction résulte de l'amoindrissement ou de
l'anéantissement du crédit des Etats dont la mauvaise foi appa-
raît aux yeux des nations civilisées, celles seules qui peuvent,
quand le besoin s'en fait sentir, les aider à sortir d'embarras.
Alors, en effet, ne pouvant offrir une garantie morale, que les
prêteurs considéreraient comme insuffisante, ils n'obtiendraient
de nouveaux prêts qu'à la charge de consentir des mesures
coercitives et humiliante, l'organisation de commissions de
contrôle extérieures, la mise en ferme de leurs principales sour-
ces de revenus, afin que la compagnie fermière acquitte direc-
tement les intérêts de la dette au moyen des sommes per-
çues, etc... L'on sait que tel est le régime actuel de plusieurs
puissances, la Turquie, TEgypte, la Grèce, etc..
(1) « La constitution actuelle des sociétés veut qu'un Etat soit seul juge de sa
solvabilité », Leroy Beaulieu, Timlé de la Science des finance*^ II, chap. XI.— Il
est vrai que Téminent économiste ajoute : « Il n'y a qu'un abime insondable de
misère qui puisse excuser des modifications au contrat primitif. » Les Etats obérés
se sont emparés volontiers du principe, mais Ils n'ont tenu aucun compte de
la réserve qui le limitait, sans sanction il est vrai.
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240 l'épargne française
Aussi une pratique tend-elle à se généraliser de plus en plus,
celle qui tend à substituer à la décision arbitraire du gouverne-
ment débiteur une entente survenue, après discussion préalable,
avec ses créanciers. Cette nécessité s'impose au point que nous
voyons à Theure actuelle certains Etats, après avoir imposé de
leur propre autorité diverses réductions à leurs créanciers, obli-
gés d'en venir à des pourparlers avec eux pour obtenir la ratifi-
cation des mesures déjà prises à une époque plus ou moins an-
cienne et l'adhésion aux conversions projetées pour rétablir des
financescompromises.N'eùt-il pas été préférable de commencer
par ces négociations plutôt que de ne les entamer que lorsque
les esprits ont déjà été aigris par des réductions iiçposées arbi-
trairement, sans qu'une discussion loyale et préalable en ait
démontré l'absolue nécessité?
Nous aurions voulu pouvoir donner à nos lecteurs des rensei-
gnements exacts sur les pertes subies dans ces derniers temps
par l'Epargne française, à raison de ses placements en valeurs
étrangères. Un travail de ce genre ne nous a pas paru possible,
notamment parce que l'on ne sait pas suffisamment à concur-
rence de quelles sommes le portefeuille français est engagé dans
tel ou tel titre étranger. Nous devons donc nous en tenir à cet
égard à des indications moins précises que nous ne l'eussions
désiré, relatives seulement aux titres émis par quelques-unes
des nations européennes.
a. L'Espagne a suspendu le paiement des intérêts de sa dette
en Î874; la situation a été liquidée par une loi du 27 juillet 1876,
imposant aux porteurs une réduction au tiers de la créance pri-
mitive. La dette espagnole représentait alors en intérêts annuels
334 millions, en capital plus de 10 milliards. On apprécie à
plus du tiers la part des portefeuilles français dans une perte
qui se chiffre par près de 7 milliards.
b. C'est aussi en 1876 que la Turquie s'est mise en état de
faillite partielle ; elle a porté sur un capital de six milliards en-
viron et sur une annuité de 400 millions ; une grande partie de
ces valeurs étaient également placée en France.
c. La dette totale du Portugal était d'environ deux milliards,
lorsqu'une loi du 20 mai 1893 a réduit les arrérages à 30 p. 100.
non compris un prélèvement, jusqu'à présent minime, sur le
produit des douanes quand il dépassera un chiffre déterminé.
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 241
rf. Il convient de mettre sur le même pied la retenue de
20 p. 100 que Tltalie a imposée à ses créanciers, bien qu'il ait
été prélevé sous le nom d'impôt. Lorsqu'en effet un impôt
atteint une proportion aussi élevée et qu'il n'est assis que sur
certaines valeurs, l'on ne peut le considérer que comme une
conversion forcée. Le total de la dette italienne, à la fin de
1896, n'était pas inférieur à 12 milliards en capital et à 600 mil-
lions en intérêts annuels.
L'on voit que, sans parler de divers petits Etats, tels que la
Serbie, la Grèce, etc., non plus que des valeurs industrielles, et
à ne prendre que les emprunts des quatre nations européennes
dont nous venons de parler, si l'on suppose que les capitaux
français étaient intéressés à concurrence d'un tiers, la perte
qu'ils auraient subie serait de cinq à six milliards.
L'on connaît les préoccupations que donnent en ce moment
aux financiers français les valeurs espagnoles; nous voulons
espérer qu'elles ne donneront pas à leurs porteurs de nouveaux
et aussi graves déboires qu'en 1896. Il nous parait toutefois
intéressant de montrer à quel degré la fortune de la France est
engagée dans ces valeurs; d'après l'étude de M. Théry, ce serait
à concurrence de 3.600.000.000 en capital (1).
III
Si le mal est ainsi clairement défini, quel en peut être le
remède ? De nombreux économistes se sont posé la question et
il n'apparaît pas qu'elle soit de solution facile, à en juger par le
caractère vague ou inefficace des moyens proposés.
Pour les émissions d'actions ou d'obligations faites par les
entreprises privées, on s'est borné à proposer certaines modifi-
cations aux législations civiles ou commerciales des diverses
nations. On a préconisé en faveur des obligataires le droit d'as-
sister aux assemblées générales, un droit de contrôle, parfois de
veto limité. L'on a aussi proposé l'institution de commissions
qui auraient pour mandat de vérifier la validité et la capacité
légale, suivant la loi étrangère, de la société qui fait appel aux
capitaux, de l'existence et de la réalisation possible des garan-
ti) Edm. Théry, Les valeurs mobilières en France^ Paris, 1897.
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242 L^ÉPARGNE FRANÇAISE
tîes concédées, et qui serait chargée de requérir les inscriptions
hypothécaires au profit des créanciers. Ces précautions seraient
encore insuffisantes, s'il n'y avait acceptation expresse de la
juridiction des tribunaux du pays dans lesquels l'émission se
fait et si les jugements par eux rendus n'étaient exécutoires,
sans nouvelle procédure, dans celui où la société aurait été
constituée. Sans doute la faculté d'émission et d'admission se-
rait refusée aux sociétés qui ne se soumettraient pas à ces con-
ditions; mais il n'en faudrait pas moins une modification sé-
rieuse des législations actuelles: on ne pourrait l'attendre que
d'un accord international fort difficile à réaliser.
En ce qui touche les émissions de titres d'Etats, la difficulté
est encore bien plus grande. L'on a aussi proposé pour ce cas
diverses mesures préventives, que M. Lewandewski résume de
la manière suivante :
!• Que le contrat d^emprunt ne sera définitif qu'après avoir été autorisé
par le gouvernement du pays où a lieu rémission publique et avoir été
Tobjet entre les deux Etats d'une convention diplomatique, lui donnant le
caractère d'un traité international et investissant ainsi le ministre des
Affaires étrangères du droit d*intervenir pour la défense des porteurs de
titres.
2^ Que la clause compromissoire sera acceptée par TEtat emprunteur ;
30 Que Temprunt sera garanti pendant une certaine période par le Syn-
dicat d'établissements financiers qui aura fait rémission (1).
Le tribunal arbitral ainsi constitué serait appelé à statuer
non seulement dans le cas où les porteurs de titres se plain-
draient de la violation ou de la non exécution du contrat^ mais
toutes les fois qu'il s'agirait d'opérations dé consolidation, de
conversion, de modifications aux garanties précédemment con*
cédées, d'émission d'un nouvel emprunt gagé sur des ressources
spéciales, de création d'impôt sur des titres précédemment émis
et surtout sur les réductions que Imsuffisance des ressources
de l'Etat débiteur l'obligerait à faire subir à ses créanciers.
La sanction du tribunal arbitral ne serait pas seulement mo-
rale : on la rendrait effective en lui mettant en mains des moyens
pacifiques, mais énergiques, « tels, que la fermeture générale
(1) Les deux premiers termes de cette proposition avaient déjà été soumis par
M. Gariéau Congrès international de la paix tenu à: Berne en 1892. lis furent pris
en considération et renvoyés à Fétude d'une commission, mais ce projet n'a pas
eu d'autre suite.
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ET LA DÉFENSE DBS PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 243
des marchés, la radiation de la cote de la Bourse, la suspension
des traités de commerce et par suite l'isolement absolu pour
TEtatqui résisterait ; ce serait une sorte de quarantaine, un in-
terdit international ». Il est facile de prévoir lopposition que de
semblables mesures provoqueraient dans le monde des affaires et
chez les grands établissements de crédit qui considèrent déjà
comme un obstacle au développement du marché financier les
mesures fort anodines auxquelles est soumise aujourd'hui l'ad-
mission à la cote des valeurs étrangères (1). En tout cas l'en-
tente internationale, sans laquelle les mesures proposées reste-
raient irréalisables, est sûrement encore fort éloignée, si tant est
qu'elle doive jamais se produire.
La Chambredes députés en France, la Chambre des communes
en Angleterre ont été à diverses reprises saisies de cette impor-
tante question.
En 1877, sur la proposition de M. Pascal Duprat et le rapport
de M. Dréo (2), malgré l'opposition de M. Lockroy qui prétendait
que le projet n'avait rien de pratique, la Chambre adopta une
résolution chargeant une commission « de faire une enquête
sur les emprunts d'Etats étrangers négociés en France, depuis le
commencement de l'Empire, sur les pertes que ces emprunts
ont fait subir aux capitaux français et sur les mesures qui pour-
raient être prises pour sauvegarder l'épargne nationale, sans
porter' atteinte à la liberté du marché ». La dissolution de la
Chambre^ qui survint peu de temps après, rendit la proposition
caduque ; elle n'a pas été reprise depuis cette époque.
De son côté, la Chambre des communes a fait procéder à une
enquête ; le rapport, à la date du 29 juillet 1875, après avoir fait
mention des diverses mesures restrictives proposées, aboutit à
la conclusion suivante : « La commission a été d'avis que le
meilleur remède contre le retour de pareils maux consistait
non pas tant dans des mesures législatives, que dans celles des-
tinées à éclairer le public exactement. La commission exprime
l'espoir que la publication du rapport rendra les prêteurs plus
circonspects à l'avenir et mettra un frein aux actes peu scrupu-
leux des négociations d'emprunts étrangers. »
(1) Ordonnance du 12 novembre 1823. Lettre ministérielle du l*'' novembre 1825.
Rèîglement d'administration publique du 6 février 1880.
(2) Séance du 23 Janvier 1977.
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244 L*ÉPARGNE FRANÇAISE
Une nouvelle commission nommée dans les mêmes condi-
tions, quelques années après, aboutit à une conclusion ana-
logue : « La commission exprime la conviction que la meil-
leure garantie contre le retour du mal signalé se trouve moins
dans Faction du législateur que dans les lumières du public. »
L'on voit qu'en Angleterre, comme en France, Tétude de la
question a conduit à l'aveu d'impuissance de l'action du légis-
lateur (1).
IV
Devons-nous rester sous le poids de cette conclusion négative
et reconnaître que nous n'avons qu'à courber la tête sous la
menace de dangers contre lesquels nous n'aurions aucun
moyen de nous prémunir ? Cette attitude résignée jusqu'à la
désespérance ne saurait nous convenir. Il y a sûrement des
moyens d'améliorer la situation actuelle ; pour être d'un effet
moins héroïque que ceux dont le caractère pratique a été con-
testé, peut-être à juste raison, ils ne paraîtront cependant pas
dénués de toute efficacité.
De l'exposé que nous avons fait, nous croyons pouvoir con-
clure que les plus graves des inconvénients signalés ont leui
source dans les deux causes suivantes :.!** le défaut de rensei-
gnements suffisants ; 2*» la faiblesse des efforts individuels résul-
tant de l'isolement des intéressés. Chacun de ces inconvénients
peut être notablement atténué et le remède semble indiqué par
la nature même du mal. Au défaut de renseignements,nous oppo-
serions la création d'une institution assez largement dotée pour
qu'elle puisse réunir et classer tous les actes, tous les docu-
ments, tous les renseignements de nature à éclairer les capita-
listes et à projeter une vive lumière sur la situation des so-
ciétés industrielles étrangères et sur celles des Etats emprun-
teurs ; — à l'isolement des porteurs, nous opposerions leurgrou-
pement permanent, ou tout au moins la constitution de cadres
dans lesquels ils viendraient se ranger, quand il y aurait lieu
pour eux d'exercer un effort commun.
A, — Le premier besoin a déjà été senti. L'Institut intema-
(1) V. Annuaire de légUlalion élrangète, 1876, p. 13; 1877, p. 8; 1878, p. 67:
1879, p. W.
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ET LA DÉF£NS£ DES PORTEURS DB VALEURS ÉTRANGÈRES 245
tional de statistique a adopté un programme tendant aux
recherches suivantes :
Quels sont les Etats, les muoicipalités, les provinces qui ont manqué à
leurs engagements ; quels sont ceux qui ont spolié leurs créanciers et qui
échappent à tout recours de la part de ceux qui leur ont confié leurs capi-
taux?
A quel chiffre s'élèvent les pertes subies par les capitaux prêteurs, soit
comme capital, soit comme intérêts, du fait des défaillances de ces Etats
qui empruntent aux capitalistes et rentiers des autres Etats?
Quelles mesures peut-on recommander et employer pour empocher de
semblables manquements aux engagements contractés ?
A un autre point de vue, n*est-il pas nécessaire d^établir un droit public
financier international? IS*y a-t-il pas toute une législation internationale
à créer sur la question de la fortune mobilière ?
Cette statististique rétrospective serait d'un grand intérêt ;
ajoutons qu'elle ne serait pas sans utilité pratique, au cas où
les débiteurs visés se risqueraient à solliciter à nouveau le crédit
public; mais au point de vue spécial qui nous occupe, elle
serait insuffisante. Ce n'est pas lorsque le mal est fait, lorsque
la suspension de paiements ou la faillite partielle sont devenues
fait accompli qu'il s'agit de se mettre au courant de la situation
économique et financière de l'État emprunteur ; il faut le suivre
dans toutes les fluctuations qu'il subit, seul moyen de prévoir
l'avenir qu'il peut réserver à ses créanciers et la sécurité des
appels qu'il peut faire au crédit.
Cette œuvre d^information et de vigilance, s'étendant non seu-
lement aux Etats, mais aux grandes compagnies industrielles
et commerciales qui ont recours à des émissions à l'étranger,
demande, pour être complète, une vaste organisation ayant des
correspondants sur les principales places de l'étranger et dispo-
sant d'un budget élevé.
B. — Quant au groupement des porteurs lorsqu'ils sont
menacés dans leurs intérêts, ce n'est pas non plus chose abso-
lument nouvelle : tout le monde a eu connaissance des comités
de défense qui se sont constitués en plusieurs occasions, parfois
sous forme de société civile ou de syndicat, plus souvent sous
celle d'association libre. Ces comités ont rendu des services in-
contestables ; pour l'établir, il suffit de citer ceux qui se sont
occupés des chemins de fer portugais et des chemins de fer espa-
gnols. Leur action n'en est pas moins insuffisante. Constitués
REVUB POLrr., T. XX 17
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246 L ÉPARGNE FRANÇAISE
au dernier moment, par Tinitiative individuelle, sans mandat
bien défini, ils manquent tout à la fois d'archives constituées
antérieurement, de fonds suffisants à faire face aux dépenses de
toute nature et aux frais à exposer et enfin de l'autorité morale
qui résulterait d'une organisation permanente, mise au service
d'une œuvre d'intérêt général. Par suite, ces essais, quelque
méritoires qu'ils fussent et quelque utilité qu'ils aient pu pré-
senter, se sont produits dans des conditions manifestes d'insuf-
fisance. Nous croyons avoir suffisamment démontré qu'une
organisation ne produira tous les heureux résultats que l'on
serait en droit d'en espérer, que si elle est permanente, si elle se
livre à l'accomplissement d'une œuvre de longue haleine, et si
elle a, à sa disposition, un budget assez gros pour subvenir aux
nombreuses dépenses qui doivent lui incomber.
C'est ainsi que ]es Anglais l'ont compris : depuis 1873 fonc-
tionne chez eux une institution telle que nous la désirons, sous
le nom de Council (aujourd'hui Corporation) of foreign bondhoh
ders.
Gomme il est d'usage en Angleterre, c'est à la seule initiative
privée qu'eôt due sa création : 700 capitalistes intéressés dans
les valeurs étrangères se constituèrent en association pour pro-
téger avec leurs propres intérêts, ceux de leurs compatriotes
porteurs de titres similaires. Deux ou trois ans après, l'asso-
ciation sollicita une charte d'incorporation, mais comme il fal-
lait, pour l'obtenir, que ses 'membres consentissent à renoncer à
tout bénéfice individuel, plusieurs d'entre eux se retirèrent et
ils restèrent seulement au nombre de 550.
Les adhérents reçurent des brevets a certificats » constatant
leur qualité, mais ne leur donnant pas d*autre droit que celui
d'élire les membres du conseil directeur.
L'association devait, d'après ses statuts, constituer des comi-
tés de porteurs pour toute valeur en souffrance dont le conseil
aurait décidé de s'occuper : en fait, comme les président, vice-
président et secrétaire du conseil remplissaient ces mêmes fonc-
tions dans chacun des comités particuliers, il serait plus exact
de dire que le conseil représentait tous les porteurs de titres,
avec l'assistance de quelques-uns de ces intéressés.
Le conseil entra ainsi en négociation avec nombre d Etats
embarrassés et de sociétés privées étrangères ; il arriva souvent
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 247
à conclure des engagements plus ou moins avantageux et il ne
paraît pas que Ton ait cité, sauf à Tétat tout à fait exceptionnel,
des exemples de non ratification ou d'inexécution de ces enga-
gements. C'est par milliards qull faut compter les valeurs ainsi
consolidées par transactions conclues par le Coiincil; nous cite-
rons comme les plus importants les règlements de la dette
ottomane, de la dette égyptienne, de la dette grecque, etc.
Au point de vue des nations autres que la nation anglaise, on
s'est souvent plaint du particularisme étroit du Council qui ne
négligeait aucune occasion de favoriser les porteurs anglais,
par préférence aux porteurs français, allemands et autres.
Même en Angleterre les services incontestablement rendus par
le Council dans nombre d'occasions n'ont pas désarmé les cri-
tiques et la presse financière lui a souvent reproché d'avoir
témoigné de la mollesse et de la négligence dans plusieurs des
affaires qu'il avait eu à traiter.
Il est cependant à remarquer que ces critiques n'ont pris une
réelle extension qu'au moment où il s'est agi de remanier l'ins-
titution. Nous ne pouvons nous défendre de la pensée qu'elles
n'étaient que le prétexte, plutôt que la raison effective de l'op^
position qu'il rencontra, il y a environ deux ans.
Cette opposition devint en effet tellement vive au sein même
des porteurs de certificats, que bien que le Council ait toujours
eu la majorité, il crut nécessaire de provoquer une reconstitu-
tion; son projet fut voté et, quoique vigoureusement attaqué
dans la presse, il a été homologué par le Parlement suivant
loi du 25 juillet dernier (1).
Le but réel des attaques nous paraît avoir été celui-ci : Le
Council^ après avoir, sur ses recettes annuelles, remboursé en
capital et intérêts à 5 p. 100 les fonds originairement souscrits
par ses adhérents (65.000 liv. st. en capital), avstit constitué une
réserve d'un chiffre élevé, car elle ne se portait pas à moins de
100.000 liv. st. (2.500.000 francs). Le personnel des souscripteurs
s'était beaucoup modifié depuis l'origine; les certificats étant
transmissibles, nombre d'entre eux avaient été cédés à des prix
généralement très bas (1 àl6 1. st.) ; les titulaires actuels tendaient
à s'attribuer tout ou partie des bénéfices mis en réserve et ils ne
reculaient pas devant la liquidation qui leur aurait permis de
(I) Act. 61 et 62. Vict, session
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2às l'épargne française
se la partager entre eux toute entière. Leur plan n'a pas réussi.
Les statuts approuvés par le bill récent transièrent la totalité
de Tactif et du passif de Tancien Council à la nouvelle Corpo-
ration. Les membres anciens perdent leur droit d'élection des
administrateurs et n'ont aucun droit sur les bénéfices réalisés
ou sur ceux qui le seront à l'avenir. La compensation qu'ils ob-
tiennent est que l'excédent des recettes annuelles sera employé
au rachat des certificats^ par voie d'adjudication au rabais ou de
tirage au sort, et si les offres ne sont pas assez nombreuses; un
maximum de 100 liv. st. étant fixé pour le prix du rachat (1).
Le conseil directeur de l'association comprendra 21 membres
rééligibles par tiers : sur les sept à nommer annuellement, deux
seront désignés par l'Association centrale des banquiers de
Londres, deux par le Board of trade (ministère du Commerce),
trojs par l'ancien Council. Le conseil nouveau pourra d'ailleurs
adjoindre aux 21 personnes ainsi désignées des membres sup-
plémentaires, sans que le nombre total puisse dépasser 30.
En dehors d'une rémunération modérée à titre de jetons
de présence pour les membres du conseil et d'un traitement
servi au président et au vice-président, les réserves ou les
bénéfices ne peuvent faire l'objet d'aucune distribution. Ils
doivent même, au cas de dissolution et de liquidation, être
affectés à un but similaire^ sous l'approbation du Board of
trade.
Ces dispositions cornèrent à la nouvelle Corporation le carac-
tère nettement accusé d'établissement d'utilité publique, bien
connu en France, mais rare dans la législation anglaise ; le
caractère d'association s'efface au contraire, les membres du
conseil devant être simplement considérés comme les adminis-
trateurs de l'œuvre d'intérêt général confié à leurs soins.
En Belgique, ce n'est pas une, mais deux institutions sem-
blables à la Corporation of foreign bondholders qui se sont cons
tituées à une date très récente, l'une à Bruxelles, l'autre à An-
vers. Cette dualité doit avoir sa source dans l'esprit de particu-
larisme et dans une sorte de rivalité entre la capitale politique
(1) I.es bureaux de la Cot'poralion of foreing bondholders sont à Londres,
17, Mergate street^
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ET LA DÉFENSE DES PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 249
et la capitale commerciale de la Belgique ; Tune et l'autre gagne-
raient en influence et en force réelle à se fusionner.
Du reste; Tassociation de Bruxelles a fait fort peu parler
d'elle et ne parait pas avoir publié de compte rendu de ses tra-
vaux. Celle d'Anvers, au contraire, vient de publier un rapport
général de ses opérations pour l'exercice 1898.
Il ne s'agit pas d'une association proprement dite, on devrait
plutôt la qualifier àe fédération de comités par tictdiers. En effet,
pour chaque valeur étrangère en souffrance, les porteurs sont
appelés à constituer un comité spécial; l'association se compose
de tous les membres faisant partie de ces divers comités, dont
chacun conserve d'ailleurs son individualité, son bureau, son
secrétaire, son siège social. Mais comme, d'une part, les mêmes
personnalités se trouvent fréquemment dans plusieurs comités,
comme, d'un autre côté, les personnes qui ont fait partie d'un
comité dissous n'en restent pas moins, de plein droit, membres
du comité central de l'association, cette dernière tendra de
plus en plus à devenir une institution permanente, centralisant
les travaux des comités particuliers et leur imprimant une di-
rection générale. 11 n'en reste pas moins une différence avec les
procédés de l'organisation anglaise, laissant ici une plus grande
place à l'individualité et à l'esprit d'initiative des divers groupes
de porteurs.
A l'heure actuelle, V Association pour la défense des déten-
teurs de fonds publics {i) d'Anvers comporte neuf comités spé-
ciaux savoir :
1® Comité des détenteurs de fonds turcs;
2® Comité des détenteurs de fonds argentins;
3« Comité des détenteurs de fonds urugayens ;
4^ Comité des détenteurs de fonds dominicains ;
5*» Comité des détenteurs de fonds vénézuéliens;
6® Comité belge des porteurs de rentes portugaises ;
1^ Comité des détenteurs de la dette du Paraguay ;
8" Comité des détenteurs de fonds brésiliens ;
9^ Comité des détenteurs de fonds espagnols et cubains.
Au rapport général annuel de l'association sont annexés les
rapports spéciaux émanant de .chacun de ces comités.
Le désintéressement des membres de l'association résulte des
(1) Les bureaux de l'Association sont 9, rue Girard, à Anvers.
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250 l'épargne française
dispositions mêmes des statuts, d'après lesquels ils sq sont in-
terdit toute distribution de bénéfices, de même qu'ils ont re-
noncé à tout droit sur les fonds de réserve ; ceux-ci devront
venir en augmentation du fonds social et pour les besoins éven-
tuels de l'association.
Nous arrivons enfin à la France où, il y a quelques mois,
nous n'aurions pu que constater une lacune déplorable, mais
où nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui prendre acte
de la création d'une institution dont le besoin s'était fait vive-
ment sentir.
Gomme il est^trop souvent d'habitude dans notre pays, ce
n'est pas à l'initiative individuelle que revient l'honneur de cette
création ; si cette initiative avait pu utilement, ainsi que nous
l'avons déjà dit, constituer divers comités spéciaux dont quel-
ques-uns ont rendu des services très appréciables, elle a été in-
suffisante à généraliser cette action et à créer une institution
permanente d'intérêt public. Il parait que c'est aux mesures
prises par M. Cochery, ministre des Finances, qu'est due la réali-
sation d'une idée qui avait souvent été émise; lors de la prépa-
ration de la loi du 13 avril 1898 qui a entraîné la réorganisation
du marché, il aurait imposé à la Chambre syndicale des agents
de change de Paris, comme charge de la disposition qui allait
renforcer leur privilège, de constituer une association de dé-
fense et de faire face aux frais de premier établissement.
Nous ne pouvons qu'approuver le ministre et la chambre
syndicale d'être entrés dans cette voie d'une manière aussi pra-
tique, mais nous devons aussi les féliciter de la sagesse avec
laquelle, une fois avoir groupé les concours essentiels aux dé-
buts de l'œuvre, ils ont voulu lui assurer une individualité ab-
solue et l'indépendance nécessaire pour qu'elle puisse remplir
sa mission avec toute l'autorité convenable.
Cette Association (Association nationale des porteurs fran-
çais des valeurs étrangères) est à peine au lendemain de sa fon-
dation, nous ne pouvons par suite la juger sur ses œuvres ; nous
nous contenterons d'en faire connaître les grandes lignes, telles
qu'elles sont accusées par une notice qui vient d'être livrée à la
publicité (1).
(1) Les bureaux de TAssociation nationale des valeurs étrangères sont situés
5, rue Gaillon, Paris.
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ET LA DÉFENSE DBS PORTEURS DE VALEURS ÉTRANGÈRES 251
L'Association est permanente et constituée sous la forme
d'association libre, pour laquelle elle se propose, après un
certain temps de fonctionnement que le Conseil d'Etat a tou-
jours jugé indispensable, de demander la déclaration d'utilité
publique.
C'est bien en effet une œuvre d'intérêt général que l'on a
entendu constituer, car les membres de l'Association ont même
abdiqué tout droit sur la réserve. Les fonds libres, au cas de
dissolution, doivent être employés au profit de toute autre insti-
tution créée dans un but d'intérêt général.
Elle paraît attacher beaucoup d'importance, et en cela elle
parait avoir raison, à la constitution d'archives relatives à la
constitution, au fonctionnement, à la situation financière des
sociétés commerciales étrangères dont les titres circulent sur le
marché financier ou concernant les États dont les emprunts
sont cotés à la Bourse ou en Banque.
Au cas où une valeur étrangère négociée en France serait en
souffrance et où l'Association déciderait d'intervenir dans l'in-
térêt des porteurs, elle préviendrait ceux de ses adhérents inté-
ressés dans la valeur et elle convoquerait par la voie de la presse
tous les porteurs pour désigner les membres d'un comité spé-
cial à cette affaire ; elle se ferait représenter elle-même par un
ou deux de ses membres dans chacun de ces-comités ; mais une
fois qu'elle aurait ainsi présidé à leur formation, elle leur lais-
serait l'indépendance de leur action, en se bornant à mettre ses
archives à leur disposition et à leur prêter le concours de son
installation, de ses bureaux et de son influence. La situation
qu'elle se donnera à ce point de vue parait donc intermédiaire
entre la centralisation, un peu trop forte peut-être, qui a été sou-
vent reprochée au Council of foreign bondholders et le mode de
fédération que nous venons d'indiquer comme étant celui
adopté par l'Association anversoise.
Nous souhaitons à celte Association de rester fidèle à son
programme qui est fort sagement conçu, de grouper autour
d'elle les concours les plus compétents et d'acquérir dans un
avenir rapproché l'autorité et l'influence qui seront la juste ré-
compense des services qu'elle aura rendus au public.
La création de cette association s'imposait d'autant plus en
France que les valeurs mobilières s'y trouvent réparties entre un
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252 l'épargne français
très grand nombre de mains. Ce fait souvent signalé constitue
ce qu'on a appelé la « démocratisation »de la fortune mobilière.
Le grand nombre des porteurs, le peu d'importance de l'intérêt
de chacun d'eux, le manque de connaissances et Tinsufiisance
des ressources du grand nombre aggravent encore les inconvé-
nients qui résultent de leur isolement et sont de nature, beau-
coup plus en France qu'en Angleterre et en Belgique, à démon-
trer l'utilité d'une institution detléfense collective et permanente.
Si la liste que nous avons pu dresser des institutions de dé-
fense des détenteurs des fonds publics n'est pas plus complète,
il paraît vraisemblable qu'elle ne tardera pas à s'allonger. On
en a parlé en Hollande, et en Allemagne un premier pas est fait,
car la presse est unanime à constater combien une semblable
création serait utile et désirable. C'est ainsi que nous avons vu,
ces derniers jours encore, avec la Gazette de Francfort^ la Boer^
sert Zeitung et le Berliner Tagblatt signaler la fondation de l'As-
sociation parisienne et réitérer le regret souvent exprimé que
l'Allemagne ne soit pas encore entrée dans cette même voie.
Cette pluralité des institutions dont nous nous occupons nous
paraît éminemment désirable. Si toutes les nations «grandes pro-
ductrices de capitaux», suivant l'expression de M. Leroy-Beau-
lieu, savent s*entendre et s'unir pour la défense des intérêts de
leurs nationaux, les nationsobérées auront à compter avec elles.
Au lieu d'imposer à leurs créanciers des mesures de réduction,
ou de spoliation arbitraire, elles devront au préalable entrer ea
négociation avec leurs représentants ; d^autre part, si une me-
sure de coercition vis-à-vis d'un débiteur de mauvaise foi deve-
nait nécessaire, notamment celle que l'on a plaisamment ap-
pelée le bhcus des cotes^ quelle ne serait pas sa puissance, alors
qu'elle aurait été concertée entre tous les grands marchés finan-
ciers?
• ••
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE (^^
Deuxième lettre à M. Marcel Fournier,
Directeur de la « Revue Politique et Parlementaire ».
Monsieur et cher Directeur,
Votre revue est une tribune. Vous me Tavez ouverte une
première fois. Je demande à y revenir. Je voudrais pousser plus
avant la démonstration que j'ai entreprise de la nécessité pour
la France et pour la République même de recourir à une Consti-
tuante.
Dans la polémique soulevée à ce sujet, je n'ai point entendu
de mauvais propos. Je n'ai donc aucun besoin de faire un plai-
doyer joro rfomo, et je n'ai d'ailleurs aucun goût pour les débats
personnels. Mais quelques personnes ont pu supposer que si je
me tais, au milieu des controverses soulevées, c'est que je suis
embarrassé pour répondre aux objections qui m^ont été faites,
ou que je suis disposé à battre en retraite. Il eût été plus simple
et plus vrai de penser que je me tiens volontiers dans une réserve
qui me convient. Mais je ne puis laisser accréditer l'idée que je
renonce déjà à faire tète à nos contradicteurs ; on ne manquerait
pas d'en conclure que je me suis jeté légèrement dans -cette
entreprise, puisque je m'en retire dès le premier engagement.
U m'aurait fort déplu d'être pris pour un détracteur invétéré
des hommes et des choses de ce temps-ci, auquel j'ai été mêlé
depuis près de trente ans. Je n'ai nul goût à entreprendre et à
poursuivre une œuvre de dénigrement qui, pour une partie de
la politique suivie, serait contraire à ma pensée, et, dans tous
les cas, indigne de moi. Moins encore voudrais-je prendre la phy-
sionomie d'un démagogue, race d'hommes qui m'inspire la plus
vive aversion, mêlée de mépris, race vouée par instinct et par
goût à la ruine des Etats.
11 n'a fallu rien moins qu'une conviction profonde pour me
déterminer à agir. Depuis longtemps j'assiste à une désorgani-
(1) Voy. : !• le précédent article de M. de Marcére : La Constitution et la Cons-
tituante^ dans la Revue politique et parlementaire de février 1899, n" 56, p. 225;
?• la réponse de M. Ferdinand-Dreyfus : La Constitution de 1875, ibidem, mars
1899, n- 57, p. 465.
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254 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
sation plus ou moins apparente mais certaine de la société fran-
çaise; et les circonstances au milieu desquelles je me suis trouvé
m'ont permis d'en reconnaître les causes. Pas plus que d'autres,
mais comme tant d'autres citoyens, je me suis ému des effets
de cette désorganisation. On les voit dans les services publics,
dans les administrations, dans les grandes institutions, fonde-
ments de l'Etat, telles que l'armée et la justice, dans la moralité
générale et dans la société toute entière. J'ai pu constater, par
la durée même du temps écoulé, qu'il ne s agit pas d'une crise
passagère, comme il s'en produit chez tous les peuples, sans
doute, de même que dans la vie des individus. Mais, au contraire,
je vois, comme tout le monde le voit, que cet état de choses se
perpétue, qu'il s'aggrave et qu'il ne saurait finir normalement,
par la raison que les hommes qui créent cet état de choses le
trouvent bon, et qu'ils considèrent comme le devoir essentiel
de leur charge de le défendre et de le maintenir.
Sans doute, il y a des accalmies dans cette crise sociale, comme
il y a des rémissions dans les maladies des personnes. Le mal
n'est pas toujours à l'état aigu. On apaise les accès, on les éloigne
tant que l'on peut; on assourdit les plaintes, on pallie, on calme,
et on finit peut-être par s'illusionner soi-même et par voir tout
en beau. Les Français sont bonnes gens et d'humeur légère; ils
n'aiment pas à s'appesantir longtemps sur leurs maux, surtout
quand ce sont des maux d'un caractère général et dont ils ne
sont pas seuls à souffrir. Ils n'ont pas sans cesse l'esprit tendu
vers la chose publique, et ils sont rares. Dieu merci, les événe-
ments qui, comme celui de Pachoda, déchirent les voiles et font
apparaître tout à coup une situation effroyable. Aussi est-il
assez aisé de leur faire prendre le change sur l'état réel des
affaires publiques, quand l'intérêt personnel de chacun n'est
pas en jeu, et même de leur faire prendre ombrage à l'égard de
ces gens qui prennent le rôle ingrat de les avertir et de les
sauver. « Que nous veulent donc, dit-on, ces trouble-fêtes et ces
prophètes de malheur, bons tout au plus à déchaîner des orages
dans un ciel tranquille ? » Peut-être espère-t-on ainsi endormir
encore une fois les Français.
Il semble pourtant que, depuis quelques années, les secousses
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 255
successives ont été trop violentes pour ne pas tenir définitive-
ment en éveil Tesprit public averti. La dernière secousse, l'affaire
Dreyfus, a remué et activé violemment tous les germes mor-
bides qui travaillent le corps social, les institutions et le régime
politique tout entier. Aussi a-t-on entendu de toutes parts des
cris de détresse, des appels à Taide, des adjurations à la con-
science et au patriotisme des citoyens, et on a vu se former des
ligues se proposant de se mettre à Tœuvre du salut, à la place
du gouvernement inerte ou impuissant. Et si j*en crois les
adhésions et les encouragements que nous recevons à Tocca-
sion de la propagande que nous avons entreprise, il est permis
d'affirmer que, cette fois, la France connaît son mal, et qu'elle
est décidée à ne pas en mourir.
Quant au mal lui-même, je ne crois pas vraiment qu'il y ait
quelqu'un qui le conteste. Nous ne parlerons pas, par respect,
des protestations obligées que Ton peut entendre dans ce sens.
Partout ailleurs on varie sur l'étendue de la réforme désirée, sur
les procédés de revision, sur les desseins des réformateurs;
mais le mal d'anarchie est reconnu pour tout le monde ; et ceux-
là même qui se déclarent pour les procédés lénitifs et pour les
moyens anodins en parlent plus violemment que nous-mêmes.
Ils disent par exemple : de la Chambre des députés qu' « elle est
victime de l'anarchie du désordre et de l'incohérence »^ et de la
Constitution, que « nous n'en avons en ce moment qu'une carica-
ture grossière ».
Des objections que je rencontre, la plus générale et la plus
propre à frapper l'esprit public, celle d'ailleurs qui tend à
écarter les remèdes un peu amers, les mesures exorbitantes,
lesquelles répugnent aux gens paisibles et aux sceptiques, est
celle-ci : « Pourquoi tout ce remue-ménage d'un appel au peuple,
d'élections, d'une Constituante, lorsqu'il suffirait de vouloir.
La Constitution telle qu'elle est ne vaut ni plus ni moins que
tant d'autres. Elle est même bien meilleure qu'on pourrait le
croire, si, par exemple, le Président de la République s'avisait
d'user de ses pouvoirs — et on énumère ces j^ouvoirs à satiété,
comme si on craignait qu'ils fussent tombés dans l'oubli aussi
bien qu'en désuétude. — Qu'on le veuille seulement, et tout ira
bien. »
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256 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
Combien de fois faudra-t-il que je le confesse ! Oui, si tous les
hommes étaient vertueux, il n'y aurait pas besoin de règles, je
le jure! Mais les Français, qui valent mieux que beaucoup
d'autres, ne sont pas pourtant sans défaut. Ils ont aussi une
façon de sentir et de vivre qui leur est propre. Leurs traditions
ont fait corps avec les idées générales qui dominent leur conduite
dans la vie sociale; leurs intérêts demandent à être traités
d'une certaine manière, à leur mode. Le régime politique qui
leur convient dépend de toutes ces choses, que l'on néglige
quand on spécule théoriquement sur des idées abstraites. On a
beau faire, les raisonnements les plus démonstratifs ne peuvent
rien contre des réalités dont les nations aussi bien que les
hommes doivent tenir compte dans le règlement de leur vie.
Ma première observation — je l'ai déjà écrite — est que les
législateurs de 1875 ont fait, comme avaient fait leurs devan-
ciers en 1814 — en 1830 — et en 1848, du parlementarisme en
l'air. Ils ont édifié un système politique sur des entités idéales
sans l'approprier aux hommes qui sont les Français de nos jours.
— Le système est très beau, mais il n'est décidément pas fait
pour nous ; il n'est conforme ni à nos idées, ni à nos sentiments,
ni à nos besoins. C'est un grave défaut pour une Constitution.
Et peut-être faut-il attribuer, en partie du moins, à ce vice les
maux dont tout le monde se plaint. '
Ma -seconde observation est celle-ci. Notre Constitution est un
mécanisme ingénieux, mais fragile ot instable, qui demanderait ,
pour être manié, des mains délicates et expertes; et il se trouve
qu'il est confié à une démocratie. Or les démocraties ont la main
lourde, l'esprit simpliste, et elles ne s'arrêtent pas aux combi-
naisons subtiles et ingénieuses des rouages trop compliqués.
La Constitution par là se prête mal à notre état social.
Peut-être, cependant, la démocratie française qui tient de la
race une souplesse d'acier et le sens artistique des choses, eût-
elle pu se façonner à l'usage d'un régime politique qui exige de
la mesure, et le goût d'une perfection relative en tout ce qu'on
fait. Il eût suffi de cultiver ses qualités natives, son génie parti-
culier, au lieu de la déformer et de lui donner des mœurs poli-
tiques déplorables. Mais eût-elle été mieux préparée à tous les
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LA CONSTITOTION ET LA CONSTITUANTE 257
devoirs qu^un tel régime impose, encore ne fallait-ii pas lui
rendre la tâche trop difficile, et telle qu'elle est en contradiction
avec son caractère propre et avec ses habitudes.
Ce pays répugne aux labeurs trop continus et à une atten-
tion trop constante sur le même objet. Et les chefs sont comme
le peuple en cela. Demander aux directeurs delà chose publique
un effort de volonté perpétuel et qui remédie, à chaque instant,
aux défectuosités de la machine constitutionnelle, ou aux diffi-
cultés et parfois aux dangers que présente son fonctionnement,
c'est demander Timpossible. Et c'est un grand défaut pour une
Constitution française, que d'exiger des gouvernants, à tous
les degrés, une attention de tous les instants et des efforts, con-
tinus pour maintenir les rouages du mécanisme en bon état, et
pour en calculer sans cesse les effets.
Et enfin, puisque nous raisonnons de politique, il faut bien
faire la part des hommes dans notre étude; et l'on me permettra
de faire apparaître — sauf à y revenir plus loin — le côté psy-
chologique de la question. La Constitution, organisée par ses
auteurs dans des vues bien différentes, a fini par être mise au
service d'un parti. Ce sont des hommes de ce parti qui occupent
les cadres de tous les pouvoirs publics. C'est grâce aux institu-
tions que ces hommes remplissent leurs vues particulières et
qu'ils espèrent leur donner leur plein achèvement. 11 serait un
peu naïf d'espérer qu'ils rectifieront eux-mêmes la marche du
mécanisme constitutionnel, de façon à lui faire produire d'autres
résultats politiques que ceux qu'ils cherchent, et qu'ils ont à
cœur de maintenir et même de développer.
Qu'il me soit permis, dans cette discussion sincère et libre,
d'écarter les protestations obligées, les paroles vaines, les pro-
pos malicieux ou peu bienveillants, les raisonnements peu
sérieux, et d'aller au fond des choses. Les objections diverses
qui nous sont faites ont une signification très claire. Elles signi-
fient que Ton entend continuer les errements suivis depuis vingt
ans. On a scellé à nouveau les pactes d'union ; et on en tire cet
heureux pronostic : la politique d'hier sera. poursuivie indéfini-
ment pour le plus grand bien du pays, les mauvaises langues
ajoutent : et pour le plus grand bien aussi de ceux qui la font.
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258 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
C'est la nature même qui parle ainsi. Il n*y a rien à dire, et je
^ n'aurais garde de me placer sur ce terrain.
La question que je pose est tout autre. Je Ténonce sans dé-
tour, me défendant à l'avance de toute interprétation qui don-
nerait à mes paroles un sens désobligeant pour les personnes.
La France s'était engagée dans la voie que nous lui avions
ouverte en 1871, et qui devait la conduire à un régime politique
de vraie liberté.Or,il se pourrait — pourvu que la direction suivie
depuis longtemps déjà se prolonge en s'accentuant — que la
France se trouvât quelque jour victime d'une vaste tromperie ;
et qu'elle s'en aperçût trop tard, alors que ses grands espoirs de
prospérité matérielle, de grandeur morale, de rayonnement sur
le monde seraient à jamais déçus ; et qu'elle assisterait au spec-
tacle navrant de sa déchéance. Telle est la question qui se dresse
devant l'optimisme ou l'aveuglement volontaire. C'est elle qui
m'a arraché un cri d'alarmes.
Les événements de 1870-1871 avaient été une terrible leçon.
Nos désastres et l'abaissement de la France avaient été l'aboutis-
sement fatal des tentatives vaines d'organisation intérieure mar-
quées par nos convulsions successives, et le cruel châtiment des
fautes accumulées durant un siècle par tous les partis,autant dire
par toutes lès classes de la nation. 11 sembla tout d'abord que, tous,
nous avions compris cet enseignement. Un vent de repentir
passa sur nous, et nous avait inspiré des résolutions généreuses.
Nous avions entrevu une ère de recueillement, de réconcilia-
tion et de vie commune sous un régime politique, qui aurait été
comme un refuge abritant toutes nos déceptions, nos souvenirs
et nos ruines. Une république ouverte à tous les Français avait
apparu à nos yeux, comme le gouvernement qui convenait le
mieux pour guérir nos maux passés et pour présider à notre relè-
vement. Nous l'avons établie dans ces vues de paix et de liberté.
Malgré quelques efforts tentés par des partis hostiles et rendus
vains par leurs divisions, on pouvait réaliser cette conception
qu'aucun bon patriote n'aurait pu renier. Pourquoi faut-il que
cette République, tombant dans l'ornière suivie par tous les
régimes politiques qui se sont succédé depuis cent ans, de-
vienne un gouvernement de parti? Est-ce donc à [ce résultat
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 259
médiocre et inacceptable que doit aboutir la grande Révolution
de 1789?
Ce résultat, je ne Taccepte ni pour le pays ni pour moi. Et à
quoi est-il dû, je vous prie, si ce n'est à la Constitution qui a
permis qu'un parti s'emparât du Pouvoir et exerçât sa domina-
tion sur les autres fractions de citoyens. Et c'est pour cela qu'il
est nécessaire de la réformer, mais pour cela seulement, c*est-à-
dire dans Tunique vue de fonder enfin un régime de liberté
parmi nous.
Je voudrais. Monsieur, convaincre tous les républicains, les
vieux et Jes' nouveaux, les avancés et les reculés, tous enfin, de
cette vérité, sur laquelle on ferme les yeux, et que pourtant
notre histoire contemporaine crie : c'est que tout gouverne-
ment de parti a une destinée certaine, qui est la chute. Voulez-
vous avec moi regarder en arrière ?
*
Sous la Restauration, la nation a cru voir apparaître le spectre
de l'Ancien Régime, et elle a redouté, à tort ou à raison, la do-
mination d'ime classe sur les autres classes. 11 a suffi que le
gouvernement eût cette apparence, exploitée par ses ennemis,
pour qu'il succombât sous la défaveur générale, malgré le fond
d'attachement qu'il y avait encore dans le cœur des Français
pour la maison royale.
Le régime suivant, celui de 1830, fut le régime des censi-
taires, dont le roi Louis-Philippe avait fait la théorie politique,
ce qu'il appelait mon système. Ce régime, pourtant appuyé par
une boiurgeoisie puissante et à son apogée, ne résista pas à
l'ébranlement causé par le mouvement d'ascension des classes
déshéritées du pouvoir politique. 11 succomba, malgré la popula-
rité des princes de la famille royale, et malgré Taspect démo-
cratique que l'on avait pris soin de donner, à la monarbhie.
Pourquoi ? Parce qu'il apparut à la nation qu'un parti ou qu'une
classe exerçait une domination prépondérante; et qu'elle tirait
à elle tous les avantages du régime, à l'exclusion des autres
classes.
En 1851, ce fut le règne de ce que j'appellerai les parvenus,
sans donner à cette expression aucun sens dédaigneux et encore
moins méprisant»^ Les hommes qui jsurgirent alors étaient arri-
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260 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
vés au sommet de l'Etat, ou dans des situations sociales consi-
dérables par leur mérite personnel ou par des circonstances
heureuses. Parmi eux d'ailleurs s'étaient glissés un grand
nombre de transfuges des régimes du passé. Mais c'était, en
général, une génération nouvelle de gouvernants, qui n'avait
pas ses vraies racines dans les anciennes classes dirigeantes. Ce
que fut ce régime, un mot ou plutôt deux noms le jugent :
Metz et Sedan. Il suffit, pour ma thèse, de dire, que ce r^ime
fut un véritable accaparement de tout au profit d'un petit
nombre ; si bien, qu'à la fin, il s'était formé, d'instinct, sans
accord, sans concert préalable, une formidable ligue composée
des citoyens exclus du giron, et de presque tous les fonction-
naires, qui prit le nom d'union libérale, et qui aurait eu infail-
liblement raison du régime, si les événements de 1870 n'avaient
pas hâté la solution.
Veut-on recommencer ? Cela parait ainsi.
On a, vous en souvenez-vous ? parlé d'abord de la vraie Répu-^
blique, par opposition à l'autre, qui était celle que nous avions-
voulu fonder. Puis on a dit, il y a tantôt vingt ans : « Enfin ! on
va donc gouverner républicainement. » C'était le jour où la frac-
tion que l'on a dénommée centre gauche, mais qui embrassait
l'immense majorité des Français, fut évincée pour faire place à
ceux qui se donnaient la qualité particulière de parti républi-
cain. Et depuis lors, on n'entend plus parler que du vieux parti
républicain, de la concentration ou d'autres fois de la concilia*
tion, du parti ! enfin à l'exclusion sans doute de tous ceux qui
n'en sont pas. Ceux-là ne comptent pas dans le gouvernement.
Ce sont les centres-gauchards, les ralliés, les cléricaux, on peut
dire la très grande majorité des Français, tous gens suspects et
qu'il convient de tenir en dehors de l'Eglise. Est-ce là vraiment
la République ? Celle que nous avions tous conçue, comme le
règne de la concorde revenue parmi nous, de la justice et de la
liberté?
11 y a des républicains avérés, je le sais, — ils se jugent un peu
trop favorablement en se disant libéraux tandis qu'ils ne le
sont guère — qui toutefois réprouvent comme nous les déforma-
tions de la Constitution, mais ils^ne croient pa-s que les usurpa-
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 261
tions du parti dominant tiennent aux institutions. Si la Répu-
blique a mal tourné, pensent-ils, la Constitution n'y ^st pour
rien. Gomme une enfant bien née qui se dérange, on peut la
remettre dans le bon chemin. Qu'il a-t-il à changer? Les mœurs.
Ainsi revient toujours la même objection : ce n'est pas la Cons-
titution qui est mauvaise, ce sont les hommes qui ne valent rien.
Et moi de môme, j V reviens, parce que ce raisonnement est
captieux par son apparence de bon sens qui séduit toujours Tes-
prit des Français. Il procède d'une figure de rhétorique qu'on
appelle, je crois, la pétition de principe. Que les hommes,
même les hommes du vieux parti républicain, ne soient pas
parfaits, on le sait de reste. Mais, plus les législateurs doivent
se méfier des hommes, plus ils doivent organiser les institutions
destinées à régir le peuple, de façon h neutraliser, autant que
possible, les défauts de l'espèce humaine en général et de
l'espèce des politiques en particulier. Eh ! bien, c'est ce que les
législateurs de 1875, tombant dans l'erreur de leurs devanciers
de 1789, n'ont pas fait : ils ont trop compté sur la bonté et sur la
vertu des hommes. 11 en est résulté que la Constitution de 1875
n'a opposé aucune résistance, aucune défense sérieuse aux
assauts dont elle a été l'objet et qu'on n'avait pas eu la pensée
de prévoir. Et c'est ainsi qu'un parti a pu s'emparer d'elle.
Elle est aujourd'hui tellement démantelée et détériorée, qu'elle
ne résisterait pas davantage à d'autres entreprises dans l'avenir,
d'où je conclus qu'elle n'est guère plus bonne à rien.
♦ *
11 est manifeste que les auteurs de la Constitution, détournés
de leur œuvre par bien d'autres soins, n'ont pas eu en vue le
vrai peuple de France, tel qu'il est, avec ses défauts, ses ten-
dances, ses préjugés et ses vertus. Mais surtout, ils n'ont pas
pressenti — faut-il leur en faire un crime? — jusqu'à quel
point la fraction la plus influente et la plus agissante du parti
républicain était possédée de l'esprit de secte et de domination.
Us ne pouvaient soupçonner que, pour atteindre son but, ce
parti ne tiendrait aucun compte de la stricte légalité. La Cons-
titution suppose, de la part des Pouvoirs qu'elle institue, une
attention constante à garder chacun leur limite, et un souci
scrupuleux de maintenir entre eux l'équilibre et Tharmonie
REVUE POLIT., T. XX 18
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262 LA CONSTITUTION El' LA CONSTITUANTE
nécessaires. Ni scrupule ni respect de Tordre préétabli n'ont
arrêté les assaillants : si bien que la Constitution n'offre plus la
garantie que les citoyens sont en droit d'attendre d'elle.
Si je cherche à me rendre compte de cette transformation du
régime parlementaire conçu en 1875, en une sorte de régime
conventionnel avec l'apparence parlementaire, je trouve au
bout de ma plume un mot qui peint exactement la chose. Lors-
qu'on parle d'un être quelconque asservi au service d'autrui, on
dit que cet être a été domestiqué. Eh bien! la Constitution a
élé domestiquée. 11 est curieux de voir comment cela s'est fait.
Je le raconte comme un témoin peut le faire, sans aucun senti-
ment de malveillance, surtout en ce qui concerne le principal
auteur de cette défiguration de nos institutions. Je crois seule-
ment que lui et ses coopérateurs se sont trompés du tout au
tout; et que leur œuvre a abouti à la contrefaçon de la Répu-
blique que veut la France et qui lui convient.
Gambetta était doué de talents très réels, dont quelques-uns
à un degré supérieur. Le grand rôle qu'il avait joué pendant la
guerre — c'est là son vrai titre — et ses dons d'entraînement^
lui avaient donné une grande influence dans les commence-
ments de la République — influence à côté dans les premiers
temps, mais qui devint prépondérante et directe le jour où le
parti libéral fut écarté des afl'aires, et où le parti, appelé répu-
blicain par privilège spécial, prit la direction du gouvernement
— c'était en 1879. Ce n'est pas l'heure de faire un portrait com-
plet de Gambetta, qui était, comme tous les hommes, très com-
plexe, un composé d'ombre et de clartés. Je n'entends parler ici
que des effets de sa politique personnelle sur la déviation des
institutions.
Est-ce donc qu'il ait voulu délibérément violenter la Consti-
tution? Nullement. Les circonstances, un certain aveuglement
sur soi et sur son rôle que son entourage amplifiait démesuré-
ment, l'occasion,' que sais-je? Le tout ensemble fit que presque
inconsciemment, il s'habitua et accoutuma son parti à fausser
les rouages, et à subordonner les institutions aux fantaisies ou
aux intérêts de parti, vus à la loupe d'un énorme grossissement,
Gambetta était trop en vue, et il avait devant lui une destinée
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 263
trop haute pour n'avoir pas eu autour de lui beaucoup de flat-»
teurs, déjà courtisans. On lui disait qu'il avait une mission spé-
ciale; celle d'élever la démocratie et de la façonner à son
image. On ne reculait pas devant les expressions les plus fortes;
et on allait jusqu'à le représenter comme une sorte d'incarna-
tion — le récepteur, disait-on, — de la démocratie. Quoiqu'il
eût beaucoup de finesse et l'esprit assez sagace pour juger ces
flagorneries et s'en moquer intérieurement, il se peut bien
pourtant — tant cela est humain, — qu'il ait fini par croire lui-
même qu'il avait en effet une mission, et que lui seul pourrait
plier la détnocratie aux règles d'un gouvernement régulier. On
ne saurait blâmer qu'un homme politique conçoive cette haute
notion de ses devoirs. Mais il faut prendre garde qu'il rapporte
trop à lui ce rôle de pétrisseur des foules; et qu'il les façonne
à être l'instrument d'une ambition personnelle au lieu de leur
apprendre à être maltresses d'elles-mêmes, et à pratiquer les
vertus d'un peuple libre.
Il lui aurait fallu à lui-même, il est vrai, une vertu peu com-
mune, pour se dégager des suggestions auxquelles il fut exposé.
Les circonstances en 1870 et en 1871 furent telles que le parti
républicain proprement dit, qui faisait de Gambetta son orateur,
ëty volontiers, son maître, dut laisser le pays se mouvoir et se
débattre, au milieu des horreurs du temps, dans la mêlée des
anciens partis et de tous les intérêts jetés dans cette confusion
de tout. L'Assemblée nationale offrait exactement l'image de la
nation, avec une vue plus nette des périls, et avec une ardeur
généreuse commune à tous, surtout dans les premiers moments,
pour sauver la France. Les vieux républicains et ceux qui
s'étaient révélés et groupés sous l'Empire, se tinrent à Técart,
dans la pensée patriotique de ne pas gêner M. Thierset l'Assem-
blée nationale dans cette œuvre de sauvetage. Gambetta mit son
influence au service de cette politique d'abstention et de renon-
cement temporaire. C'est son second titre, après celui de la Dé-
fense nationale.
Mais le parti républicain n'avait pas abdiqué. S'il renonçait à
l'action immédiate, il entendait réserver l'avenir; et même il le
préparait. 11 avait créé un organe : la République Française, à la
tête de laquelle il avait placé son chef reconnu, Gambetta, et
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264 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
pour lequel il avait recruté les hommes de talent groupés autour
du chef, et parmi eux et au-dessus d'eux tous, Challemel-Lacour.
Mais tous ces hommes et lui-même, remplis d'ardeur pour la
politique et pour leurs opinions, ne pouvaient guère se conten-
ter de la propagande d'un journal. Et ne pouvant ni ne voulant
alors être mêlés au gouvernement, ils se trouvèrent conduits à
dépenser leur zèle et à tromper leur besoin d'action en fondant
une sorte de gouvernement postiche à côté, qui avait pour but
et pour mission de maintenir les droits du parti, de former son
personnel futur et de lui préparer les voies.
Le chef de ce gouvernement occulte était trouvé : c'était Gam-
betta. 11 eut des zélateurs ardents et empressés, des hommes
jeunes, actifs, passionnés par goût et par intérêt pour l'œuvre
d'un avenir, entrevu d'abord, et plus tard violemment convoité.
On organisa alors dans les bureaux du journal, un simulacre de
ministère, avec des bureaux, des cartons, des fiches, des rensei-
gnements recueillis de tous les départements sur les hommes
et sur les choses, renseignements étiquetés, classés, mis en dos-
siers, enfin avec tout le bagage accoutumé des cabinets officiels.
On eut ses hommes dans les provinces ; on savait ce qu'ils
feraient, ce dont ils seraient capables, on préparait déjà le jeu
des candidatures, et Dieu sait si le jeu s'est développé et si
l'arbre planté a fructifié! On enseignait aux jeunes gens prêts à
servir la République le triste chemin des antichambres. Ainsi
commençait, presque sans qu'on l'ait voulu, un gouvernement
à côté.
Mais on devait prendre goût à ce jeu. Lorsque, après la cons-
titution votée, la Chambre des députés fut élue, Gambetta
devint président de la commission du budget. Dès ce moment,
la tentation fut grande de mettre ù lœuvre le gouvernement
déjà formé dans l'ombre. Et cependant Gambetta et ses amis
demeurèrent d'abord dans la coulisse, et ils laissèrent les partis
modérés diriger les affaires. Toutefois la présidence de la com-
mission du budget avait permis à Gambetta d'étendre la main
sur le pouvoir et de faire sentir déjà sa puissance. La malheu-
reuse aventure du 16 mai lui donna en quelque sorte carte
blanche, à ce point de justifier même Tabus qui fut fait alors du
pouvoir des Chambres en matière de budget.
En critiquant, avec aulaat de tristesse que de sévérité le
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LA CONSTITUTION ET LA COTJSTITUANTE , 265
parti républicain, je n'oublie pas que, s'il abusa de son pouvoir,
il en usait pour se défendre. Les fautes qu'il a commises se trou-
vèrent en quelque sorte justifiées alors par les fautes des partis
adverses, qui menaçaient avec une obstination sans excuses
parce qu'elle était sans espoir, les institutions du pays.
Toutes les forces du parti républicain, dans toutes ses nuances,
furent unies et employées à vaincre la coalition des partis en-
gagés dans l'aventure électorale du 16 mai. Le vote du budget
ou le refus d'accorder des crédits au gouvernement fut entre
nos mains un moyen .irrésistible de forcer le maréchal de
MaC'Mahon à se rendre. On l'employa, et on avait pris la pré-
caution, dans ce but, d'éliminer de la commission du budget,
tous les députés suspects d'hostilité contre la République. C'est
ainsi que les conservateurs nous avaient mis dans la nécessité
de les traiter en rebelles.
On avait pu alors se rendre compte de la puissance tout à fait
dominante de la Commission du budget et de son président. 11
eût fallu, après la bataille, désarmer et restituer à la commis-
sion du budget son vrai rôle qui est de collaborer, avec les mi-
nistres, pour la gestion des affaires du pays. Un véritable
homme d'Etat aurait vu où était le devoir : on ne le vit pas
alors. Gambetta ou ses amis, ou tous ensemble tirèrent de l'évé-
nement une autre conclusion : c'est que le budget était une arme
de guerre, et que cette arme de guerre, le parti républicain de-
vait la garder contre le gouvernement. Le gouvernement était
alors dirigé par M. Dufaure. On le ménageait encore, quoique
déjà la puissance du président de la Commission du budget se fît
sentir dans les ministères, sur les ministres eux-mêmes, et
qu'elle commençât à peser lourdement sur le pouvoir exécutif,
c'est-à-dire sur le pouvoir ministériel. Et pendant ce temps-là
les bureaux de la République Française rue de la Chaussée d' An-
tin, continuaient à fonctionner : les cartons se remplissaient,
et les fonctionnaires de tout ordre, «eux surtout qui avaient le
sens divinatoire de Tavenir, avec peu de scrupule sur leur de-
voir du moment, se rendaient à l'ordre, apportaient leurs ren-
seignements, et recevaient leurs instructions. C'était le gouver-
nement à côté qui continuait.
Mais ce fut bien mieux, lorsque, M. Grévy étant devenu Pré-
sident de la République, Gambetta fut élu président de la
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266 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
Chambre. On aurait pu croire que le parti qui se proclamait le
seul, le vrai parti républicain, étant devenu maître de la position,
la Chambre et son président auraient repris leur rang dans
Tordre des Pouvoirs constitutionnels, et auraient laissé le Prési-
dent de la République gouverner avec son ministère; mais déjà à
ce moment, le pli était pris et le ressort faussé. Le même jeu
continua, avec cette différence que, cette fois, le ministère, les
ministres, les bureaux, les fonctionnaires, tout le gouvernement
enfin passa avec armes et bagages de TElysée au Palais-Bour-
bon. C'est là qu'était le centre du gouvernement ; tout le monde
le sut bientôt ou Tapprit à ses dépens ; et tout le monde aussi
prit le chemin de la Présidence delà Chambre. On y donnait des
audiences, ojx écoutait \es plaintes, on accueillait les sollicita-
tions ; on accordait ou Ton refusait les faveurs ; on préparait ou
l'on résolvait les mesures destinées à annihiler la Présidence de
la République et le Sénat ; on y faisait et on y défaisait les
ministères. Bref, c'est là que Ton gouvernait. Et c'est ainsi que
fut domestiquée la Constitution.
Après Gambetta, la Chambre des députés qui avait recueilli et
goûté les fruits de celte omnipotence conserva jalousement une
tradition si commode ; et elle s'est crue la maîtresse absolue
dans l'Etat. Elle Tétait de fait : on en lit une théorie, et elle n'a
plus admis que l'on discutât ou qu'on limitât ses pouvoirs. Elle
les a étendus sur tout et sur tous. Les ministères, les adminis-
trations publiques à Paris ou dans les provinces sont placés
sous sa domination ; les fonctions publiques sont, dans sa main
d'abord, et, le mal se propageant de proche en proche, dans la
main de tous les pouvoirs élus à tous les degrés ; en sorte qu'il
n'est plus une affaire, plus un intérêt, plus un fonctionnaire,
plus un citoyen même qui échappe à cette domination. Et,
comme cette domination, par la nature des choses, et par la
pente fatale des mauvais penchants, ne s'exerce guère que pour
son propre avantage, il e^ résulte que Ton tourne toutes les
institutions à l'usage de ceux qui ont le. maniement de ce
pouvoir .dominateur, et pour le plus grand profit du parti qui
en jouit. Comment s'étonner du renversement de tout ordre, de
l'oubli de tout devoir civique, de la disparition de toute respon-
sabilité que l'on dénonce partout comme une anarchie péril-
leuse pour l'Etat, insupportable pour les citoyens, et que, sans
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 267
en distinguer nettement la cause, on impute aux vices de la Cons-
titution? On me dit, il est vrai, et Ton répète que cette pauvre
Constitution n'est pour rien ou n'est que pour peu de choses
dans ce désordre. On en accuse plutôt un fléchissement de la
haute moralité publique, atteinte par TafFaiblissement ou, chez
beaucoup, par la perte des croyances religieuses, par un scepti-
cisme qui dessèche Tesprit autant que les cœurs, par le goût
effréné des jooissanoes de tout ordre, par Thabitude de l'intrt-
gue mise à la place de la passion du devoir ; et par la ruine
presque totale de cette force merveilleuse qui, en France plus
qu'ailleurs, a si longtemps maintenu haut les cœurs, et servi
de ressort à la vie nationale, je veux dire le sentiment de Thon-
neur professionnel.
Je pense en effet que la Constitution ne doit pas être seule ren-
due responsable de cet affaissement de la moralité publique. Elle
Test pourtant, en ce sens que le gouvernement qui dérive d'elle
s'est trouvé sans force et sans vertu. 11 a laissé s'accomplir cette
perversion sociale, tandis qu'un gouvernement solide, n'ayant
en vue que la chose publique, libre dans son action, et attentif
aux intérêts généraux, aurait pu et dû relever, fortifier et re-
mettre en vigueur tous les éléments de la moralité générale ; le
respect des lois et de Fautorité, l'habitude du devoir, le senti-
ment de la responsabilité, l'honneur enfin, qui est le plus puis-
sant mobile de nos actions? Les maîtres de ce pays n'ont pas
voulu, délibérément, sans doute, détruire ces forces morales,
mais ils les ont négligées dans l'exercice du pouvoir; ils ont
rendu, par leur inertie, le gouvernement impropre à les main-
tenir et à les relever : et c'est ainsi que le mal se fait sans qu'on
y pense.
On se demande comment un parti attaché à ses idées, pas-
sionné même pour elles, a pu ainsi, de ses propres mains, anni-
hiler et quasi anéantir les institutions républicaines. Est-ce
vertige, est-ce méconnaissance des notions les plus simples en
fait de gouvernement, est-ce étourderie? C'est trop abaisser les
hommes que de supposer qu'ils ne voient et qu'ils ne recher-
chent dans la domination que les avantages matériels ou autres
qu'elle procure. Non, ils ont obéi à des suggestions d'un ordre
plus relevé.
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268 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
Les circonstances particulières de notre époque ont acheminé
le parti républicain à cette prise de possession d'un pouvoir
longtemps convoité. Us Font embrassé, un peu à la manière des
enfants qui saisissent avidement l'objet mis à la portée de leur
main. La nouveauté et le plaisir de la possession leur en ont fait
prendre sans mesure, et..., jusque-là! De plus, ils se croyaient
prédestinés; ils se sont persuadés, non sans présomption un
peu naïve, qu'ils avaient un titre particulier à [fonder la Répu-
blique et des grâces spéciales pour la faire vivre. Et;un tel des-
sein leur a paru si louable qu'il n'y avait pas à s'arrêter devant
de vains scrupules, ni à s'interdire d'incorrects accaparements.
Un si grand intérêt voulait qu'ils régnassent. Mais prenez garde
que, à ces hauteurs, le vertige vous prend, qu'on est fort exposé
à confondre son intérêt particulier avec l'intérêt général ; et
qu'il y a mille chances pour qu'on vous en accuse.
Oui, les circonstances, l'occasion, le goût jacobin de la domi-
nation, une fausse notion de ce que doit être un gouvernement
et surtout un régime républicain, ont incité le parti triomphant
depuis 1879, à porter sur la Constitution une main hardie et à
la déformer. Mais un autre mobile, d'un ordre plus élevé encore,
l'y a poussé. Et c'est en ce dernier point qu'éclatent la mauvaise
politique suivie et en même temps le vi^e radical de la Consti-
tution, qui a permis qu'on l'a fît servir à de funestes^desscins.
Je touche ici à ce qui constitue le fond et le tréfond de toute la
politique contemporaine. Question vitale ! Il s'agit de savoir si
la Révolution française aboutira définitivement, ou à une sorte
d'athéocratie jacobine, ou à la liberté, ou au despotisme césa-
rien, avant-coureur de la décadence finale. Je suis de ceux qui
tireront les dernières cartouches pour la liberté, mais, cette fois,
avec l'espérance de vaincre.
Le principal mobile auquel ont obéi les directeurs de la poli-
tique inaugurée en 1879, après l'élévation de M. Grévy à la pré-
sidence de la République, fut celui-ci : ils ont voulu associer à
leur triomphe le triomphe d'une doctrine. Pénétrés des idées
de l'école positiviste, convaincus que l'heure était venue de
substituer définitivement l'ère philosophique à Tère théolo-
gique, dépositaires des vérités nouvelles, assurés qu'ils avaient
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LÀ CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 269
une mission, la mission humanitaire de déchristianiser la
France, ils ont voulu mettre toutes les forces gouvernementales
au service de cette rénovation ; et ils l'ont fait. Pour opérer de
tels changements, pour faire réussir une telle résolution : substi-
tuer aux antiques croyances et à la force morale qui en découd-
lait une foi nouvelle et un nouvel évangile! il ne fallait rien
moins que la puissance souveraine et, par suite, Tannihilition
de tous les autres pouvoirs qui auraient pu contrarier ou gêner
celui que Ton tenait en main. Mais Tœuvre est si grande, et
ses conséquences seront tellement immenses dans la pensée de
ceux qui Taccomplissent, qu'ils n'épargneront rien pour réus-
sir, et qu'ils ne devaient pas s'arrêter devant le respect dû aux
institutions. Il leur fallait tout le pouvoir ; ils l'ont pris.
Mais les fautes s'enchaînent; et la détestable maxime : la fin
justifie les moyens, devait les mener plus loin. Pour obtenir la
mattrise dans la Constitution et pour l'exercer, il fallait avoir
avec soi la majorité de la Chambre, dont le concours donnait à
cette domination le caractère apparent du libéralisme parlemen-
taire. De là à la captation du suffrage universel il n'y a qu'un
pas ; et ce pas fut vite franchi. Est-il nécessaire d'expliquer au
pays, qui le voit, comment on employait, pour obtenir une ma-
jorité, les procédés usités et renouvelés du temps des candida-
tures officielles? On sait de quelle manière, en pareil cas, fonc-
tionnent les comités locaux et les autorités, particulièrement les
plus petites. Mais que valent, je vous prie, le respect des institu-
tions et la liberté électorale, quand il s'agit du Grand Œuvre ?
Le résultat final d'une telle politique se résume en deux mots
ou plutôt en deux faits également lamentables : Tébranlement
de la Constitution, et, par suite, de l'édifice social et, ce qui est
plus grave, ce qui appelle de prompts remèdes, la démoralisa-
tion du sufi'rage universel.
C'eût été pourtant une chose à faire, et à la hauteur de toutes
les ambitions, que de former la démocratie française, lui ap-
prendre à user de ses droits pour le bien public, lui donner les
mœurs de la liberté. Le parti dominant n'y a pas assez songé,
semble-t-il ; et sa seule excuse est qu'il poursuivait un autre but,
à ses yeux autrement élevé. Il eut encore une autre excuse
cependant, dans les fautes lourdes commises pendant cette
période de notre histoire par les conservateurs, et par lesdéfen-
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270 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
seurs plus zélés qu'éclairés et prudents de FEglise. Tout ce
qu'on peut dire au moins, c'est que ce parti n'a pas eu la vertu
supérieure des gouvernements qui leur fait oublier les injures.
Il n'a pas compris surtout que la République devait manifester
son excellence sur les régimes qu'elle remplaçait.
*
Je ne discute pas ici la doctrine à laquelle il a cru pouvoir
sacrifier ce que j'aurais cm le premier de ses devoirs. Cette doc-
trine, je la considère comme fausse en elle-même, et, dans ses
effets, funeste à Tordre social, et, en particulier, nuisible à
la France. Mais je n'entends pas ouvrir à ce sujet une polémique
dans cette lettre dont l'objet est tout autre. Je demande seule-
ment : les gouvernements sont-ils faits pour le triomphe d'une
doctrine philosophique sur une autre doctrine? L'énoncé seul
d'une telle proposition offre à l'esprit l'image de la pire des
tyrannies. Rien n'est plus contradictoire avec l'idée de tout
gouvernement, mais surtout du régime républicain.
Et pourtant ce sont ces hommes réputés républicains par
excellence qui sont tombés dans cette hérésie politique, défaire
servir les institutions de leur pays au triomphe de leur chimère!
Même, l'esprit de secte est tellement puissant, que chez ceux qui
en sont pleins, il domine tout, jusqu'à la conscience des dan-
gers qu'ils aperçoivent. Ils aiment encore mieux braver ces
dangers que de répudier leur erreur. Déjà bien souvent et dans
ce moment même, des hommes éclairés, dans le gouvernement,
ont entrevu les périls que fait naître la politique doctrinaire.
Mais ils n'ont pas voulu ou ils n'ont pas osé changer de conduite,
ou donner une autre orientation à la politique intérieure. Ils
vont en aveugles obstinés, au milieu des décombres do l'autorité
publique et des institutions de tout ordre branlantes ou déjà en
ruines. Ils vont, où? Ils ne le savent pas eux-mêmes, mais on
peut, sans témérité, leur prédire qu'ils courent à des aventures
redoutables: et c'est à la France que j'en appelle pour nous les
épargner.
Mais je veux, par hypothèse, que le parti républicain, mieux
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 271
éclairé sur ses devoirs et sur nos dangers, abandonne Tidée
falote de fonder pour toujours un gouvernement de secte. Est-
ce qu'ils s'imaginent qu'ils remettront aisément en place les
pièces de la Constitution qu'ils ont détraquée ? N'ont^ils jamais
songé qu'il y a, de par le monde, d'autres sectaires qu'eux, et
que leur exemple sera suivi? Les socialistes ont vu àTceuvre,
et ils ont apprécié à sa valeur, la théorie d'une république doc-
trinaire. Eux aussi, ils ont leur doctrine philosophique et so-
ciale; et ils croient qu'il importe au monde de la lui imposer.
Ils ont renoncé aux procédés violents et révolutionnaires. Mais
en revanche ils ont annoncé hautement qu'ils entendaient em-
ployer désormais la méthode qui a si bien réussi à leurs devan-
ciers. Ils ont raison, puisque la Constitution se prête à de telles
entreprises.
Eh I bien, la question se pose ou se posera de savoir si le parti
républicain qui a si malmené la Constitution laissera s'installer
légalement dans l'Etat français la tyrannie socialiste révolution-
naire. Quelle est la pièce de nos institutions restée intacte que
l'on trouvera pour la défense? Et de quel front l'opposera-t-on à
des politiciens qui ont la prétention, légitime pour eux, comme
elle l'a été pour les autres, de mettre le régime républicain au
service de leur doctrine. Les républicains se sont désarmés en
donnant l'exemple. Lenr volonté suffira pour repousser cet
assaut, croient-ils ? Hélas! la brèche est faite, et les socialistes
passeront par où eux-mêmes ont passé.
Et après les socialistes, s'ils échouent, d'autres tenteront
l'aventure. Il ne manque pas de factions en France. Toutes ont
leur doctrine. Toutes ont leurs hommes aussi. Et toutes, tour à
tour, voudront installer leur régime éphémère au milieu des
débris de la Constitution démantelée. Quelle perspective ! Toutes
nos factions s'emparant successivement de la Constitution ap-
propriée h l'usage des partis, alors que nous avions rêvé une
République propice à l'oubli de nos divisions, propre à protéger
tous les droits des citoyens, et àgarantir tous les intérêts, publics
et privés. Il n'est que temps de rompre résolument avec de
telles pratiques qui rendraient la République haïssable. C'est
tout le système qui est à changer ; et c'est par la révision qu'il
faudra commencer, en réformant une Constitution dont les dé-
bris ne peuvent plus être utilement employés.
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272 LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE
Cet exposé seul de la réforme à opérer indique qu'elle ne peut
être faite par le mode de révision inscrit dans la Constitution.
J'ai déjà, dans ma précédente lettre, fait connaître les raisons
pour lesquelles un congrès composé des deux chambres actuelles
ne pourrait accomplir Tœuvre de révision qui est à faire. Sans
reproduire ma démonstration, je n'en relève qu'un point: quand
je disais que le Congrès ainsi formé n'avait pas un mandat suf-
fisant pour faire les réformes fondamentales que je réclame.
J'ajoute aujourd'hui — qu'on me pardonne la singularité de la
formule — j'ajoute que la majorité du Congrès qui serait consti-
tué ne peut pas vouloir la réforme telle que je la conçois. Pour-
quoi? Parce que cette majorité fait partie du système qu'il
s'agit de changer. Non seulement son intérêt ne la porte pas à y
toucher. Ce serait là une préoccupation mesquine et indigne
d'elle; mais elle ne pourrait comprendre ni l'utilité, ni la né-
cessité de la réforme. Le système, son système fait corps avec la
Constitution ; il s'y est incrusté. La majorité et les électeurs qui
l'ont élue ne conçoivent pas la République autrement que colle
qui fonctionne avec les organes constitutionnels tels qu'ils sont,
brouillés et désarticulés si l'on veut, mais qui donnent les
résultats politiques qu'elle cherche et qu'elle trouve parfaits.
Comment cette majorité pourrait-elle être amenée à changer
une Constitution qui s'est si merveilleusement prêtée à la réa-
lisation de la conception politique qui est la sienne, à l'établis-
sement de la domination si utile pour les grands intérêts d'ordre
moral que l'on a en vue? En vain feriez-vous remarquer qu'un
tel régime est en conrtradiction avec l'idée que l'on se fait d'une
République libérale ; qu'il ne peut manquer de créer un état
anarchique, et un grand désordre social. Peut-être bien, mais
ce désordre, cette anarchie, cette anomalie s'accommodent par-
faitement de la Constitution ; et ils y sont comme chez eux.
11 faudrait, pour modifier tout ce système, changer trop de
choses qui tiennent au cœur de ceux qui gouvei*nent.
Non, il faut être sincère, et, si Ton veut des réformes, il faut
les faire sérieuses, profondes, et dans le sens de notre génie
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LA CONSTITUTION ET hk CONSTITUANTE 273
national. Il faut abjurer les systèmes propres à favoriser l'es-
prit de secte et de guerre intestine. Il faut rentrer dans la grande
voie dans laquelle tous, Français de tous les partis, de tous les
bords, de toutes les origines, de toute école, nous avons été
acheminés par les événements mêmes de notre histoire, vers
une république libérale et forte. 'Depuis cent ans nous luttons
les uns contre les autres, pour arriver à fonder un régime poli-
tique durable, qui, comme Tancienne monarchie française,
groupe tous les Français unis sous le même drapeau. C'est ce
que veut la France, c'est le but auquel elle aspire. Il est temps
enfm qu'elle l'atteigne !.
Il nous semble que nous parlons pour elle, quand nous de-
mandons qu'elle soit consultée sur le régime qui lui convient
et sur les moyens de l'établir. Nous ne provoquons personne à
descendre dans la rue. et à partir en guerre contre la Constitu-
tion et contre les pouvoirs établis. Non. Et, d'ailleurs, parmi les
nouveautés qu'amène le progrès, ou seulement le temps écoulé,
veuillez remarquer celle-ci : c'est que les Français, si prompts
jusqu'à ce jour à l'émeute et à la révolte, sont devenus de sens
rassis, sans pour cela avoir abdiqué leur fierté. Ils ont renoncé
aux procédés violents et tumultuaires : ils savent que le bul-
letin de vote et la force de l'opinion remplacent ces moyens,
plutôt dangereux, avantageusement.
C'est à cet esprit nouveau, avisé et éclairé, que, pour mon
compte, je m'adresse.' Les Français ont de plus en plus la cons-
cience de leurs droits personnels, qu'ils appellent d'un nom
compréhensif, leur liberté. Ils entendent en jouir. Ils ont le
sentiment qu'on leur doit à tous, un traitement égal ; ils enten-
dent qu'on le leur donne. Ils ont soif de la justice distributive;
et ils la réclament. Le joug de toute domination leur pèse. 11 n'y
a pas de République des républicains qui tienne. Lorsque, du
nord jusqu'au midi, depuis l'esl; jusqu'à l'ouest, toutes les voix
de France clameront la môme plainte et les mômes revendica-
tions, je ne sais ni quand ni comment, mais — fata dam invr nient
— les choses nécessaires se feront. C'est pourquoi je m'adresse
à la France avec confiance, et je lui dis qu'elle est maîtresse et
qu'elle peut encore, quand elle voudra, se préserver des dangers
qu'elle court, et fonder enfin un régime politique qui soit digne
d'elle.
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274 LA CONSTITUTION El' LA CONSTITUANTE
Vous ne serez pas surpris, Monsieur, après avoir lu ce tra-
vail, que je n'aie pas rencontré sur ma route les auteurs des
divers projets de revision dont il a étë parlé dans la Presse et
au Parlement. Eux et moi nous ne poursuivons pas le même
but ; il n'est pas étonnant que nous ayons pris des chemins op-
posés. Leg révisionnistes, selon la lettre de la Constitution, en-
tendent maintenir dans toute son intégrité le système actuel du
régime, sauf à y introduire quelques modifications constitution--
nelles, dont je ne conteste pas la valeur. Pour moi, c'est le sys-
tème gouvernemental qui est à changer complètement. Et
comme ce système est adapté parfaitement à la Constitution,
qu'il y est en quelque sorte incorporé, de telle manière qu'elle
et lui forment un ensemble indissoluble, il en résulte qu'on ne
peut toucher h l'un, je veux dire au système, sans niodifier la
Constitution de fond en comble.
Vous pensez bien que j'encours les foudres, et que je m'y
attendais. Quelques personnes qui jugent superficiellement les
choses et légèrement les hommes me soupçonnent de méditer
je ne sais quels ténébreux desseins contre la République. Contre
de tels reproches les protestations sont vaines. Je ne leur oppose
que ma vie politique. Et toutefois, à la fin de la conférence
que nous avons dernièrement tenue ensemble, M. Charles
Benoist et moi, à Caen, un auditeur, que Ton m'a dit être un
professeur d'histoire, me fit remarquer que les constituantes
avaient toujours eu pour résultat le renversement du gouverne-
ment établi; et qu'il se méfiait de la nôtre qui aurait vraisem-
blablement le même sort. Cela dit avec beaucoup de courtoisie
et de bonne grâce. Vos lecteurs et vous-même avez déjà ré-
pondu. Les Constituantes n'ont jamais fait que ratifier en 1791,
en Tan VIII, en 1815, en 1830 et en 1848, voire en 1852, des ré-
volutions déjà accomplies par le peuple ou par la force armée.
Celle que je réclame aurait précisément pour effet d'épargner
au pays une autre de ces révolutions dont il meurt.
A ce propos même, permettez-moi un rapprochement histo-
rique. Barras raconte, sans aucun fard, dans ses mémoires,
que lui et ses amis du Directoire et des Conseils des Anciens et
des Cinq-Cents, savaient parfaitement que l'opinion publique
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LA CONSTITUTION ET LA CONSTITUANTE 275
presque universelle était hostile au Gouvernement qu'ils
tenaient en main. Mais il ajoute qu'ils étaient* très résolus à ré-
sister à cette opinion, étant très résolus à rester en place. C'est
même dans cette intenfion très fei*me qu'ils avaient fait le
coup du 13 vendémiaire et celui du 18 fructidor. Ils gardèrent
donc leur place jusqu'au jour où la France lassée, sinon écœu-
rée du régime, se donna à Bonaparte. Ils n'avaient nulle envie
d'une telle solution. Nos révisionnistes d'aujourd'hui, gens
éclairés et bons patriotes, en auraient horreur. Jelesprie de mé-
diter cette leçon du passé.
*
Pour moi, je suis très convaincu que la République est la
forme de gouvernement qui convient le mieux à notre état
social. Je pense aussi que, grâce à nos expériences, et par les
ressources de notre génie national, notre République pourrait
non seulement réaliser le type du régime politique le mieux
approprié à nos tendances et à nos besoins ; mais encore deve-
nir le régime modèle des démocraties futures qui, de proche en
proche se formeront dans le monde, par la transformation gra-
duelle des organismes sociaux. Par là, nous pourrions encore
tenir la tète des nations, qui ne vivent pas seulement de com-
merce et de force matérielle. En réclamant une réforme pro-
fonde danjs notre système politique, je songe aussi. Vous pouvez
le croire, à notre prééminence. N'est-ce pas cela même qui pré-
occupait le brutal esprit de notre ennemi M. de Bismarck, quand
il disait qu'il convenait au bien de l'Allemagne de laisser cuire
la France dans son jus : c'est ainsi qu'il caractérisait notre ré-
gime politique. Montrons donc qu'il nous est loisible de faire
de ce régime un objet d'envie, et une force d'attraction par
l'exemple.
Ce but me semble si haut, cette espérance si belle, que tous
ensemble nous devrions nous mettre à l'œuvre, avec l'abnéga-
tion, l'esprit de sacrifice et la passion patriotique nécessaires
pour substituer enfin aux gouvernements de parti la République
de France.
Recevez, Monsieur, etc.
DE Marcèae.
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m SIECLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
Quand on parcourt la longue suite des édîts et ordonnances
des rois de France, on est frappé de là régularité avec laquelle
reviennent, à chaque règne, les mesures qui ont pour but de
réprimer la mendicité et le vagabondage. A partir de François I*%
il n*est pas un de nos souverains qui n'ait cru inaugurer un
régime efficace, tantôt en assistant, tantôt en réprimant. Apr^s
la Révolution, TAssemblée constituante a posé des principes
généraux que la Convention et le Directoire ont traduits en
articles précis, dans des lois nouvelles. Le génie organisateur de
Napoléon s'est appliqué à chercher une solution, et l'Empereur
écrivait naguère à son ministre de l'Intérieur cette phrase sou-
vent citée : « Il faut qu'au commencement de la belle saison, la
France présente le spectacle d'un pays sans mendiants (1). »
Prétention vaine ! Les décrets et les lois impériales n'ont pas
été plus efficaces que les ordonnances royales, et, à notre fin de
siècle, les vagabonds circulent sur les routes de France pres-
que aussi nombreux, sinon aussi dangereux, qu'aux temps de
Louis XIII ou du Directoire.
Il faut bien reconnaître que ces insuccès tiennent, pour une
bonne part, à la difficulté extrême que présente la question. Il
ne s'agit pas là de réprimer simplement une action délictueuse,
qu'il est facile de ne pas commettre; le problème touche aux
droits primordiaux de la liberté humaine. Sans doute, le gou-
vernement a le devoir de vérifier l'identité de l'inconnu qui
circule sur les routes sans ressources et sans métier; mais ce
voyageur est peut-être un ouvrier inoccupé en quête de travail,
et quel droit est plus sacré que celui d'aller chercher plus loin
un moyen d'existence qui fait défaut au lieu habituel de rési-
(l) Note pour M. Crétet, du 15 novembre 1807. {Correspondance de Napoléon /«•"
t XVI.)
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 277
dence? Sans doute, il est bon d'empêcher Tindustrie du simula-
teur qui détourne à son profit l'aumône destinée à l'indigence
et vit en paresseux, aux dépens du vrai pauvre ; mais, quand la
misère est réelle, n'est-ce pas un droit imprescriptible pour le
malheureux que de faire appel à celui qui est plus favorisé, que
ce soit au nom de la solidarité humaine ou de la charité chré-
tienne ?
Il apparaît donc immédiatement que, avant de réprimer la
mendicité, le législateur a le devoir d'assurer un secours néces-
saire à l'indigent qui en est digne; de là ces. mesures d'assis-
tance, bizarrement associées aux dispositions pénales les plus
sévères dans nos anciens textes; de là le caractère indécis d'une
législation qui pèche tantôt par excès de tolérance, tantôt par
une rigueur que le juge hésite à appliquer.
Nous ne pouvons, dans un simple article de revue, examiner
la longue et instructive histoire de ces insuccès. Nous nous
bornerons à exposer l'historique de la question depuis le pre-
mier Empire et les causes de l'impuissance delà législation qui
nous régit; nous étudierons, dans une seconde partie, les pro-
positions présentement soumises à l'examen des Chambres et
nous rechercherons si elles semblent de nature à assurer une
solution définitive du problème.
I
Notre législation actuelle sur le vagabondage et la mendicité
repose essentiellement sur deux textes : le décret du 5 juillet 1808
« sur l'extirpation de la mendicité » ; la loi des 16-26 février 1810,
quia pris place dans le code pénal sous les articles 269 à 282.
Aucune partie de ce code ne porte d'une façon plus évidente
l'empreinte de Napoléon ; pourtant, c'est surtout dans le décret
que nous trouvons sa pensée, car il est son œuvre personnelle (1).
Tout le système répressif repose sur une distinction essen-
tielle entre le mendiant et le vagabond.
Le mendiant est traité avec une douceur relative, à la condi-
(1) Ce décret est daté de Bayonne ; Napoléon Taurait dicté lui-même au duc de
Bassano pour remplacer le texte proposé par le ministre Grétet, qui ne rendait
pas suffisamment la pensée de l'Empereur.
REVUE POLIT., T. XX 19
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278 13N SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
tion d'être domicilié et connu. S'il est incapable de gagner sa
vie, il devra être hospitalisé dans un établissement public et,
tant que cet établissement fera défaut, il pourra continuer à
solliciter la charité publique, sans être inquiété. S'il est valide,
il sera interné dans un dépôt répressif, et il y restera un
temps suffisant « pour y apprendre à gagner sa vie par le tra-
vail (1) », et qui devra être au moins d'un an (2). Mais si sa
commune le réclame, si une personne honorable se porte ga-
rante pour lui, on pourra lui rendre immédiatement la liberté.
Le vagabond, au contraire, est traité durement (3). Il sera
envoyé de suite dans les maisons de détention (4), — en prison,
par conséquent. A l'expiration de sa peine, il sera mis à la dispo-
sition du Gouvernement « pendant le temps que celui-ci déter-
minera, eu égard à sa conduite ».
On voit donc de suite les deux caractères essentiels de cette
législation :
Le mendiant est considéré comme excusable s'il est invalide,
comme susceptible d'amendement, s'il est valide ; le vagabond
est, au contraire, traité comme un être dangereux ;
Les mesures prises contre les uns et les autres sont essentiel-
lement des mesures de police, confiées à l'administration et
non à la justice (5).
Il n'est point besoin de longs détails pour faire comprendre
les causes de la sévérité avec latjuelle les vagabonds étaient
frappés : on était au lendemain des excès commis dans cer-
taines provinces par les chauffeurs, dont les exploits étaient
dans la mémoire de tous (6) ; en second lieu, un pouvoir despo-
(1) Note et M. Grétetdu 2 septembre 1807. (Ibid,).
(2) Règlement du 27oetobre 1803.
(3) On peut se demander à quel moment le meodiant simple se transforme en
mendiant-vagabond, suivant Texpression employée en 1808. Il semble que c'est
•à rinstant où il sort des limites de son canton, sans passeport ni moyens de
justifier son identité. C'est le système inauguré par le décret du 10 vendémiaire
an IV, sur la police des communes (titre III, art. 6 et 7). Nous retrouvons son
influence dans la disposition établie par le second paragraphe de Tarticle 275 du
code pénal, considérant comme une circonstance aggravante le fait de mendier
hors du canton.
(4) Art. 5 du décret du 5 juiUet 1808.
(5) Ce n*est qu'en 1810, lors de la discussion du code pénal, que des légistes,
et particulièrement Regnault de Saint-Jean-d'Angély, firent remarquer que les
mesures de ce genre ne devcdent être prises que comme conséquence d'une
peine principale d'emprisonnement.
(6) M. Hocquain (Etat de la France au i8 Brumaire, Paris, 1874, 1 vol. in-12) a
publié les rapports présentés en Tan IX au premier Consul ; ils montrent le pays
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UN SlàrXE DE LUTTE CONTEE LE VAGABONDAGE 279
tique redoutait d'instinct ces inconnus, parmi lesquels pouvaient
circuler des conspirateurs, émissaires de société secrètes.
Pour l'exécution des mesures prévues par le décret, trois
sortes d'établissements eussent été nécessaires :
1^ Hospices pour les vieillards et infirmes;
2** Dépôt de mendicité pour les mendiants valides;
3° Maisons de détention pour les mendiants vagabonds.
Par une raison d'économie, on préféra utiliser et généraliser
les dépôts de mendicité qui existaient encore dans un certain
nombre de départements.
C'était un legs de l'ancien régime.
Après avoir dû constater l'impuissance des hôpitaux géné-
raux à réprimer la mendicité, on avait songé à accentuer davan-
tage le côté répressif des établissements destinés aux men-
diants. De là la création des dépôts de mendicité, établisse-
ments intermédiaire entre les prisons et les hospices, tout en se
séparant nettement des uns et des autres. La déclaration du
2 août 1764 décida la création d'un dépôt par généralité, et
l'arrêt du conseil du 21 septembre 1767 prescrivit les . mesures
nécessaires pour leur organisation. En 1789, le nombre de ces
établissements était de 33 (1), contenant ensemble environ sept
mille mendiants. L'institution périclita pendant la période des
guerres civiles et étrangères, les bâtiments furent mal entretenus
et le nombre des pauvres diminua. En Tan VI, le gouvernement
se préoccupa de réorg^iser les dépôts qui subsistaient encore.
Un traité fut conclu pour l'organisation d'ateliers dans ces
maisons de répression. Ce traité fut résilié en 1801 et les dépôts
de mendicité demeurèrent à la charge des départements. Sept
seulement subsistaient en 1807, dans un assez déplorable état.
Aux termes du décret de 1808, chaque département dut avoir
son dépôt de mendicité, créé et organisé par un décret parti-
parcouru de toutes parts par des bandes de vagabonds, de mendiants qui infes-
tent les routes, rançonnent les habitations isolées. Cette situation, bien qu'amé-
liorée par le retour progressif de Tordre, subsistait encore dans une certaine
mesure en 1808. On trouve dans fexposé des motifs présenté par M. Berlier au
corps législatif, le 6 février 1810, Texpression discrète des préoccupations du
Gouvernement à ce sujet.
H) Ce nombre correspond h celui des généralités.
Il convient toutefois de remarquer que les généralités de Toulouse et Mont-
pellier, administrées par le même intendant, n'avaient qu'un seul dépôt, situé à
Toulouse, tandis que la généralité de Pau et Bayonne, formée en 1783, comptait
deux dépôts de mendicité, l'un à Pau, l'autre à Bayonne.
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280 UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
culier. Les dépenses seraient couvertes concurremment par le
Trésor public, les départements et les villes. Les sexes devaient
être séparés, le travail organisé, la discipline fermement main-
tenue. « On ne dira pas, disait l'Empereur dans une de ses notes
à Cretet, que tous les mendiants de, France accourront dans ces
maisons, puisqu'elles n'ont pas d'attrait pour eux et que les
vagabonds en sont exclus. »
Ces mesures furent accueillies avec une faveur générale.
Nous en trouvons l'écho, quelque peu dithyrambique, dans
l'exposé des motifs de la loi, fait au Corps lé^slatif le 6 lé-
vrier 1810, par M. Berlier (i) et dans le rapport présenté au
nom du comité de législation par M. Noailles, du Gard (2). Le
ministre de l'Intérieur s'exprimait en ces termes dans l'exposé de
la situation de l'Empire, la à l'ouverture de la session de
1808-1809 : « Chaque département aura dans son sein un dépM
oh les indigents trouveront un asile, la subsistance et de l'ou-
vrage, établissement paternel où la bienfaisance tempérera la
contrainte par la douceur..., et ramènera au travail en réveil-
lant le sentiment d'une honte salutaire. Ces institutions rece-
vront leur exécution dans un court délai. »
En quatre ans, cinquante-neuf dépôts furent créés par une
série de décrets et leur population calculée pour recevoir
22.500 mendiants. Chaque décret répartissait les dépenses
entre le département, les communes et l'Etat. Un règlement
d'administration publique en 181 article^ détermina le régime
moral, industriel et économique des dépôts. Napoléon avait
prescrit que le ministre de l'Intérieur lui rendît compte chaque
mois de l'organisation en voie de création (3), et sa correspon-
dance prouve avec quelle sollicitude il suivait le développement
des dépôts, au milieu des préoccupations les plus graves.
(1) « Les mesures bienfaisantes du décret du 5 Juillet 1808 reçoivent journel-
lement leur exécution ; le chef de Tempire s*est prescrit le devoir de s'occuper de
cet objet, préférablement à tout autre, en ordonnant à son ministre de lui pré-
senter, dans le premier travail de chaque mois, tout ce qui est relatif à rétablis-
sement des dépôts et mendicité... »
(2) * La bienfaisante activité du gouvernement réalise le vœu philanthropique
de tant d'écrivains distingués, et ouvre, sous le nom de dépôts de mendicité, des
asiles où les pauvres infirmes seront nourris aux frais de TEtat, qui ne leur
demandera, d'ailleurs, que le travail dont ils seront capables. Quand de tels
établissements existeront partout, il ne restera plus de prétexte, ni d'excuse^à
la mendicité. »
(3) Art. 9 du décret du 5 juillet 18(H.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 281
Malgré tout, trente-sept dépôts seulement fonctionnaient
en 1814. Les dépenses de construction varièrent de 200.000
à 300.000 francs par département. Le montant moyen des frais
d'entretien annuels atteignit 90.000 francs, outre le produit du
travail, et la dépense par reclus était de 220 francs (1).
Le résultat obtenu dépendit de la valeur des fonctionnaires
chargés de la création des établissements.
« Plusieurs de ces dépôts, organisés avec sagesse et discerne-
ment, avaient réalisé les espérances que leur création avait fait
concevoir. La mendicité avait complètement disparu dans la
contrée où ils étaient placés, sans occasionner aucun frais aux
départements et aux communes. Le travail des mendiants avait
donné des produits suffisants pour indemniser les dépenses
d'entretien (2). » L'auteur cite notamment les dépôts de Mar-
seille, Agen et Montauban, pour leur excellente tenue.
Par contre, le plus grand nombre de ces établissements ne
donna pas les résultats attendus. L'édifice napoléonien était
bien conçu, il prévoyait les divisions nécessaires pour chaque
catégorie ; c'était uniquement par mesure d'économie, qu'il les
groupait dans un seul établissement. Mais il manqua à cette
construction un mur intérieur, formant cloison étanche entre
ces diverses sections. Faute de ce mur, les invalides et les
vieillards débordèrent sur la partie réservée aux valides, on ac-
cueillit dans les dépôts dos aliénés, des gâteux, des épilepti-
ques, des filles publiques malades, toutes les catégories pour les-
quelles aucun édifice public n'était alors prévu. Les dépôts furent
détournés de leur destination première, on cessa d*y travailler ;
Tencombrement par les incurables enleva bientôt toute disponi-
bilité de places nouvelles. Les mendiants reparurent sur les
chemins, sûrs de n'être pas conduits dans les dépôts. Y eussent-
ils été conduits, ils savaient bien qu'ils y seraient entretenus
sans travailler.
Une circulaire ministérielle du 6 mai 1815 (3) fait parfaite-
(1) Vicomte de Villeneuve Bargemont, Economie politique chrétienne, t. 11,
p. 483.— L'auteur a appartenu à l'administration impériale de 1811 à 18U, et la
Restauration lui a confié plusieurs prérectures importantes. Son livre donne
des détails circonstanciés sur le fonctionnement des dépôts de mendicité depuis
leur création jusqu'en 1890.
(2) De Villeneuve-Bargemont, op. cit.
(3) On voit que, même pendant les Cent Jours, Napoléon se préoccupait de la
question des dépôts de mendicité.
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282 UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
ment ressortir la confusion fâcheuse créée par l'organisation
des dépôts. « L'administration a perdu de vue le but principal.
Elle a favorisé la réclusion d'individus hors d'état de travailler,
et elle a retenu trop longtemps dans ces établissements des
individus hors d'état de pourvoir à leurs besoins. »
II
11 eut été relativement facile de remédier à ces inconvénients;
mais le gouvernement qui reprenait, en 1815, la direction des
affaires, se souciait peu d'améliorer une institution fondée par
« l'usurpateur ». En outre, l'invasion étrangère et la défaite
avaient imposé au pays des chaînes fort lourdes, rendant
difficiles des créations nouvelles. A la suite d'une enquête faite
par les soins du ministre de l'Intérieur, une circulaire du
17 mars 1817 autorisa les préfets à faire aux conseils généraux
des propositions en vue de supprimer les dépôts (1). Aussi un
grand nombre de ces établissements sont fermés, les uns après
les autres. En 1818, il n'en subsistait que 22, avec une population
réduite à 5.443 mendiants, en raison de la modicité des res-
sources.
Le gouvernement n'avait pas compris que, en supprimant
les dépôts, il abrogeait implicitement les dispositions du code
pénal qui subordonnent la répression à l'existence d'un établis-
sement de ce genre. Immédiatement, la fermeté se relâche, le
fléau augmente. Sur certains points, on tente d'y remédier en
réglementant la mendicité: des médailles et des permis de
mendier sont remis aux vieillards et aux infirmes non hospita-
lisés. Des essais pour procurer du travail aux mendiants furent
tentés par les préfets, dans diverses grandes villes, à Bordeaux
par le baron d'Haussez, à Nantes par le vicomte de Villeneuve-
Bargemont et le baron de Vaussay, à Lyon, par le comte de
Brosses, à Paris par M. de Belleyme (2). Ces essais avaient
(1) « 11 ne s'agit plus d'examiner si la mendicité peut être supprimée au moyen
des dépôts, mais de pourvoir à la dépense de celui qui existe, si la conservation en
est jugée nécessaire, ou de bien motiver toute proposition dont l'objet serait de
lui faire subir des modifications, ou même d'en proposer la suppression. » La
circulaire est signée par M. Laine, ministre de l'Intérieur.
{2} M. de Belleyme et M. Cochin fondèrent à Paris, la maison de la rue de
Lourcine qui dut fermer, faute de fonds, en 1832.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 28 S
obtenu de prompts et rapides succès; ils furent interrompus
par la Révolution de 1830.
Jusqu'ici y les textes législatifs étaient restés intacts. La revi-
sion du code pénal, en 1832, y introduisit une modification im-
portante. La mise à la disposition du gouvernement avait sou-
levé des réclamations nombreuses : on l'avait dénoncée, à la
fois, comme attentatoire à la liberté individuelle, comme arbi-
traire et pouvant donner lieu à des abus. On la remplaça par le
renvoi sous la surveillance de la haute police pour le même
délai, sans réfléchir que cette nouvelle mesure avait une
grande partie des inconvénients reprochés à l'ancienne, et était
complètement dépourvue de toute valeur éducatricei Bien plus,
le contrôle exercé sur le libéré d'une façon maladroite et bu-
reaucratique, constituait souvent un obstacle sérieux à son
placement et le rejetait forcément dans le délit.
En 1830, il n'existait plus que sept dépôts de mendicité en
France (1) ; ce nombre tomba même à quatre, lorsque la loi du
10 mai 1838 eut rendu leur entretien facultatif pour les dépar-
tements. L'augmentation du nombre des mendiants amena
encore une fois le gouvernement à rechercher les causes de ce
phénomène, en vu.e d'en assurer la répression. Tel fut l'objet de
la circulaire adressée aux préfets par le comte Duchâtel, ministre
de rintérieur, le 24 février 1840. En même temps, une enquête
était poursuivie à l'étranger sur les institutions créées dans les
divers pays afin d'obvier à la mendicité. Le résultat de ces
études fut un retour de faveur des idées qui avaient prévalu en
1808; une série d'ordonnances royales rendues de 1844 à 1848,
autorisèrent l'ouverture de dépôts nouveaux (2). Une seconde
série d'ordonnances affectait des dépôts existant au service de
départements voisins, en vue de permettre l'application de
l'art. 274 du code pénal (3). *
11 était naturel que le second Empire revint à la tradition de
Napoléon I** et favorisât la création de nouveaux dépôts (4). En
(1) Ceux de Saint-Denis, Villers-Cotterets, Laon, Saint-Lizier (Ariège\ Limoges,
DAle et La Rochelle.
(2) Indre (11 juin-22 juillet 1844), Loiret (II avril 1846), Nièvre (17 octobre 1849).
(3) Ces ordonnances furent la conséquence d'un eurrôt de lu Cour de Cassation
du II avril 1846, décidant qu'on. ne peut appliquer Tart. 274, lorsque des traités
de ce genre n'étaient approuvés que par arrêté du préfet et même du ministre de
rintérieur. Une ordonnance royale est nécessaire.
(4) Une loi du 9-12 juillet 1852 avait donné aux préfets le pouvoir d'interdire,
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284 UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
1853, leur nombre était remonté à 23, il s'élevait à 35 en 1867,
et à 40 en 1870. En même temps, quelques préfets prenaient des
initiatives très heureuses pour organiser des mesures préven-
tives d'assistance destinées à rendre possible et efficace l'action
répressive du dépôt. On a souvent cité les souscriptions chari-
tables organisées par M. de Magnitot dans le Tarn, la Nièvre et
rOme, et qui assurèrent à ces départements une disparition
presque complète de la mendicité (1).
La loi sur les récidivistes, du 27 mai 1885, a apporté plusieurs
modifications sérieuses au régime antérieur de répression, en
ce qui touche les deux délits qui nous occupent.
Par son article 19, cette loi a supprimé la surveillance de la
haute police, en y substituant « la défense faite au condamné
de paraître dans les lieux dont l'interdiction lui sera signifiée
par le gouvernement avant sa libération ».
Nous avons dit plus haut les graves inconvénients que nous
trouvons à la surveillance ; cependant nous la préférions encore
à la mesure qui l'a remplacée. Dans les villes, où la police est
organisée, on peut contrôler les agissements d'individus sus-
pects ; ceux qui exercent des professions industrielles (et c'est
le plus grand nombre) ont quelque chance d'y trouver un
emploi, s'ils en ont le désir. La loi nouvelle a repoussé ces indi-
vidus vers les campagnes, qu'ils parcourent incessamment, sans
occupation, sans moyens d'existence; elle a contribué à amener
cet état aigu de la crise du vagabondage, dont nous parlerons
tout à l'heure.
En même temps, la loi du 27 mai 1885 faisait une place no-
table aux vagabonds dans les catégories prévues par son art. 4
en vue de l'internement perpétuel dans les colonies, organisé
sous le nom de relégation.
La loi, ayant eu en vue de débarrasser le sol national des cri-
minels dangereux, n'a pas frappé le vagabondage simple, quel
que soit le nombre des condamnations. Mais ces condamnations
comptent néanmoins pour lé nombre total exigé par le § 4, toutes
les fois qu'elles sont réunies avec quelque délit plus grave. Le
pour deux ans au plus, le séjour du département de la Seine et de Tai^loDié-
ration lyonnaise aux individus condamnés pour rébelli%>n. mendicité ou vaga-
bondage, qui n'y sont pas aomiciliés.
(1) Voir l'intéressant ouvrage publié par M. de Magr^to-, suus le tiire : De i astis-
lance et de Vexlinction de la mendicité, 1 vol. in-S*", Paris, Didot, 1856.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 285
vagabondage entraine même, par lui-même, la peine de la rélé-
gation dans les cas de circonstances aggravantes prévus par les
articles 277 et 279 du code pénal. .
Enfin le dernier paragraphe du même article 4 a élargi le
champ d'action de la répression prévue par rarticle271 du code
pénal, en assimilant aux vagabonds, au point de vue de la pé-
nalité, « tous individus qui, soit qu'ils aient ou non un domi-
cile certain, ne tirent habituellement leur subsistance que du fait
de pratiquer ou faciliter sur la voie publique l'exercice de jeux
illicites ou la prostitution d'autrui. »
Dans ces conditions, on pouvait légitimement espérer attein-
dre tous les vagabonds vraiment dangereux et amener une di-
minution dans les condamnations prononcées de ce chef par les
tribunaux. Sur les 648 relégués expédiés en 1887, 180, soit
24 p. 100, avaient subi des condamnations pour vagabondage
(156) ou infraction à une interdiction de séjour (24). Le nombre
des relégués embarqués pendant la première période décennale,
1887-1896, ayant été de 8.380 (1), un nombre notable de vaga-
bonds a donc dû laisser la France pour gagner nos possessions
lointaines.
Les résultats de la statistique criminelle ne semblent pour-
tant pas révéler la diminution espérée. Le nombre des condam-
nations pour vagabondage ou mendicité se maintient au chiffre
élevé atteint déjà avant 1887 (2), et, de tous les départements,
arrive, de plus en plus intense, un concert de plaintes déclarant
(1) Dont 4.525 dirigés sur la Guyane et 3.855 sur la Nouvelle-Calédonie. Ces
chiffres comprennent un faible contingent de relégués provenant de la transpor-
taUon ou venus des Antilles.
(2) Voici les chiffres de la statistique criminelle pour la période décennale
1887-1896:
Années Vagabondage (art. 36 i) llcndicilé (art. 274)
— XTairei Prévenus Affaires Prévenus
1887 17.626 18.210 12.462 14.157
1^8« 17.737 18.414 12.675 14.458
1889 19.1)6 19.715 13.145 15.155
1890 19.418 19.971 13.429 15.330
1891 17.437 17.887 13.138 14.760
1892........ 18,816 19.356 13.781 15.776
1893 18.067 18.628 12.434 14.321
1894 19.123 19.723 13.114 14.955
1895 18.816 19.356 13 781 15.776
1896 15.009 15.387 10.995 12.361
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286 UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
que la répression ne fonctionne pas suffisamment et que les
vagabonds pullulent sur nos routes, aussi bien que les men-
diants dans les rues des villes.
En 1888, après la création de la direction de l'assistance pu-
blique au ministère de l'Intérieur, M. Henri Monod, chargé
d'organiser cet important service, a fait procédera une enquête
sur l'état du vaste domaine qui lui était confié. Les dépôts de
mendicité furent compris dans cette enquête. Malgré le carac-
tère répressif que leur avait donné le législateur de 1808, ces
établissements sont devenus presque partout, en fait, des éta-
blissements hospitaliers destinés à recevoir des vieillards et des
incurables (1). Leur surveillance est confiée aux inspecteurs
généraux de l'assistance publique, dont les rapports font ressor-
tir périodiquement les inconvénients résultant de la situation
hybride des dépôts. L'enquête a révélé l'existence de 31 dépôts,
en laissant de côté deux établissements situés à Brest et Cham-
béry, et consacrés uniquement aux incurables de ces deux
villes.
Sur ces 31 dépôts, deux sont situés en Algérie (2) et celui de
Mirande (Gers) avait déjà cessé de fonctionner en 1887. En
outre, quatre dépôts contenaient seulement de 2 à 18 personnes.
11 y avait donc en réalité 24 dépôts et 13 seulement avaient
organisé le travail (3).
En outre, 25 départements ont conclu un traité avec un dépar-
tement possédant un dépôt, en vue d'assurer l'application de
l'article 274. Mais 9 de ces départements n'entretiennent aucun
pensionnaire ou en entretiennent un nombre dérisoire (de 1 à 7) ;
en outre, deux ont traité avec le dépôt de Mirande qui ne fonc-
tionne plus. Il reste donc, en réalité, 16 départements de cette
catégorie qui, joints aux 24 de la catégorie précédente, consti-
(1) « Les dépôts constituent de véritables asiles qui forment le complément de
tout service d'assistance, les sisiles communaux ne recevant pas certaines caté-
gories d'infirmes, qu'on ne peut cependant sans inconvénient laisser dans leurs
familles ou errer à l'abandon. » J . de Crisenoy, Les asiles d'incurables et les dé-
pôts de mendicité {Revue générale d'administration, 1888).
(2) Ceux de Beni-Messous, pour la province d'Alger et d'El-Arrouch, pour celle
de Constantine.
(3) Nous empruntons tous ces renseignements à M. de Crisenoy, qui-a analysé
avec beaucoup de soin l'enquête du ministère de Tlntérieur dans le tome 111 des
Annales des assemblées départementales, 1 vol. in-8, Paris, Berger-Levrault, 1889.
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im SIÈCLE DB LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 287
tuent un total de 40 départements sur 87 où il est donné aux
prescriptions de la loi une satisfaction purement nominale pour
un grand nombre d^entre eux, incomplète pour tous (1).
m
Cet état d'impuissance de nos lois françaises préoccupe depuis
longtemps les criminalistes. Tous ceux qui ont étudié cette
question savent à quelle judicieuse critique MM. Chauveau et
Faustin Hélie, Blanche, Garreau, pour ne parler que des
ouvrages classiques, ont soumis la législation de 1808 et 1810.
L'opinion publique ne s'inquiète pas moins d'un état de choses
qui s'aggrave constamment, en se prolongeant. Depuis une
quinzaine d'années, diverses sociétés d'études, officielles ou
privées, ont préparé toute une série de projets destinés à remé-
dier au mal ; en même temps, la bienfaisance privée, toujours
active et généreuse dans notre pays, multipliait les œuvres d'assis-
tance par le travail, destinées à offrir un secours temporaire à
l'ouvrier en état de chômage involontaire, et à enlever ainsi au
vagabond l'excuse la plus ordinairement invoquée par lui.
Laissant de côté, pour aujourd'hui, le côté pratique de la
question (2), nous nous bornerons à exposer rapidement les
systèmes théoriqiies élaborés par les représentants autorisés
des idées d'assistance ou de répression, qui se mêlent néces-
sairement en pareille matière.
Au mois de juin 1877, le Conseil supérieur des Prisons fut
saisi par M. le vicomte d'HaussonviUe d'une proposition relative
aux mesures à prendre en vue de la répression de la récidive.
(1) La population des dépôts comprenait, au 31 décembre 1883, 5.038 pension-
naires des deux sexes, dont 876 reclus (17 p. 100) et 4.512 hospitalisés; 2.866 pen-
sionnaires seulement participaient à un travail quelconque, agricole ou industriel.
Les dépenses se sont élevées, pour 1886, à 1.307.602 fr. 75, dont 861.847 fr. 06 à
la charge du département, et 374.205 fr. 61 supportés par les communes.
(2) Sur Tassistance par le travail, on peut consulter :
1* La publication de TOfflce du travail, Note sur les sociétés privées d'assistance
par le travail, Paris, Imprimerie nationale, 1895, ln-4, 91 p. Ce travail contient
une série de notices sur chacune des œuvres de Paris et des départements.
2« Les diverses publications du (îomité central des Œuvres d'assistance par le
travail, 14, place Dauphine, à Paris.
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288 UN SIÈCLE DE LOTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
L'étude faite par une commission spéciale conclut à la conve-
nance d'établir une distinction entre ce qu'on peut appeler les
grands et les petits récidivistes, les récidivistes criminels et
les récidivistes d'habitude. Pour les premiers, la Commission
préconisait la transportation, tandis que les derniers devraient
être enfermés dans des maisons de travail. Ceux-ci compren-
nent surtout les mendiants, les vagabonds, les surveillés en
rupture de ban.
M. le conseiller Petit fut chargé du rapport, qui donna lieu
à une discussion des plus brillantes devant le Conseil supérieur,
dans la session de janvier 1878. Finalement, l'adoption de l'ar-
ticle 4 du projet régla comme suit le sort de la seconde catégorie,
comprenant les individus qui nous occupent actuellement.
Ceux qui, ayant été condamnés cinq fois à une peine corporelle pour
vagabondage, mendicité ou rupture de ban, seront condamnés de nouveau
àTemprisonnement pour Tun de ces délits, pourront être renvoyés à Texpi-
ration de leur peine, par le jugement ou Tarrèt de condamnation, dans une
maison de travail pour une durée de deux à cinq ans.
Les détenus dans ces établissements pourront être employés à des travaux
extérieurs...
L*article 41 du code pénal sera applicable aux détenus des maisons de
travail. Ils pourront être mis provisoirement en liberté par décision admi*
nistrative, si leur conduite est satisfaisante, et sHls réalisent des ressources
par leur travail.
La Société générale des prisons étudia à son tour, en 1886, la
répression du vagabondage. La question avait été posée, l'année
précédente, au troisième congrès pénitentiaire inteiiiational
réuni à Rome. La solution préconisée (1) avait un caractère de
généralité qu'il convenait de préciser, en ce qui touche spéciale-
ment notre pays. Un exposé très complet et très étudié, préparé
par M. le pasteur Robin, forma la base d'une longue et intéres-
sante discussion, qui trouva sa conclusion dans la rédaction
d'un projet dû à la plume de M. Duverger, professeur à la Faculté
de droit.
Le savant rapporteur maintient les principes posés par le
(1) Le Ck>ngré8 émet le vœu :
lo Que rAssistance publique •oit réglée de telle mauière que chaque personne
indigente soit sûre de trouver des moyens de subsistance, mais seulement en
récompense d'un travail adapté à ses facultés personnelles.
2* Que rindigent qui, malgré cette assistance ainsi réglée, se livre au vaga-
bondage et tombe, par conséquent, sous le coup de la loi, soit puni sévèrement
par des travaux obligatoires dans des maisons de travail.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 289
Code pénal, et se borne à chercher le moyen de les faire appli-
quer utilement.
Il distingue les vagabonds et les mendiants (1).
Les vagabonds sont divisés en trois catégories :
1* Les vieillards infirmes, incurables, incapables de travail,
qui seront hospitalisés dans des hospices départementaux dont
la création et l'entretien seront obligatoires;
2* Les individus valides en état de chômage involontaire, qui
seront accueillis dans des dépôts de mendicité dont la création
est facultative pour les départements;
3® Les valides qui ne veulent pas travailler, qui seront punis
d'un emprisonnement de trois à six mois, avec faculté de ren-
voi ultérieur dans une maison do travail pour un à deux ans.
Ces pénalités sont doublées en cas de récidive.
Quant aux mendiants invalides, ils ne seront punis que s'il
existe pour la localité un établissement public ou privé destiné
à obvier à la mendicité.
Le projet de M. Duverger contenait, en outre, une heureuse
innovation : il posait le principe d'une législation particulière
pour les mineurs de seize ans. Le Code pénal n'avait prévu
aucune mesure spéciale à leur égard. La première se trouve
dans la revision de 1832, qui prescrit, dans un second para-
graphe ajouté à l'art. 271, que Temprisonnement sera remplacé,
pour les jeunes mendiants et vagabonds, par la surveillance de
la haute police. Si c'était une mesure éducatrice qu'on avait
en vue, nous avons le droit de la trouver insuffisante.
M. Duverger stipule que les jeunes vagabonds seront, selon
les circonstances, remis à leurs parents, ou confiés à un orphe-
linat, ou conduits dans une maison de correction, jusqu'à l'âge
de vingt et un ans, à moins qu'avant cet âge ils n'aient con-
tracté un engagement dans les armées de terre et de mer.
Le principe de l'éducation correctionnelle du jeune vagabond
(1) Ces distinctions sont plus anciennes qu'on ne le croit généralement. Nous
les trouvons déjà parfaitement indiquées dans une lettre de Louis XVI à son
ministre Amelot, datée du 8 juin 1177, qu'a publiée M. Amédée Renée, d'après
l'autographe appartenant à M. Dentu. (Louis XVI et sa cour, Paris, Didot, 1858,
1 vol. in-8», p. t55.)
On retrouve le^ mêmes catégories dans plusieurs cahiers de vœux des bail-
tiages, en 1889. Voir notamment le cahier de la ville de Vienne, cité par Léon
Laliemand, la Révolution et les Pauvt^, Paris, 1 vol. in-8», p. 32.
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290 UN SIÈCLE DE LDTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
était posé; nous le retrouverons dans la plupart des propositions
ultérieures (1).
M. Maurice Faure, député, fit de la partie de ce projet relative
à l'Assistance l'objet d'une proposition de loi qu'il déposa à la
Chambre en 1887, et renouvela en 1891. Sur le rapport de
M. Loreau, cette proposition fut prise en considération le
11 juin 1892.
Le Conseil supérieur de l'Assistance publique, institué par
décret du 14 février 1888, mit la question des dépôts de mendi-
cité à l'ordre du jour de ses premières délibérations. En jan-
vier 1889, à la suite d'un rapport présenté par M. Charles Dupuy,
député, le conseil se prononçait pour la suppression des dépôts
de mendicité existant et leur remplacement par deux sortes
d'établissements distincts :
l^ Asiles départementaux d'incurables;
2^ Maisons de travail répressives..
Les reclus volontaires pourraient être admis dans ces derniers
établissements sur un certificat du maire de 'leur commune.
On voit que ce projet fait cesser la confusion des invalides et
des valides dans un même établissement; mais il la maintient
pour deux catégories de valides qu'il importe de distinguer : le
chômeur involontaire et le vagabond professionnel.
En faisant connaître ces décisions à M. le ministre de l'Inté-
rieur, le Conseil supérieur de l'Assistance publique avait indi-
qué l'opportunité d'un avis émis par le Conseil supérieur des
Prisons sur un objet qui touche à la répression autant qu'à
l'assistance. Ce Conseil fut saisi par le Ministre et confia l'étude
du projet à sa 2^ commission, qui choisit pour rapporteur
M. Félix Voisin, conseiller à la Cour de Cassation. Dans un tra-
vail dont le .Conseil supérieur adopta les conclusions dans la
séance du 28 juin 1892, M. le conseiller Voisin examine, à son
tour, les trois catégories de mendiants ou vagabonds indiquées
par M. Charles Dupuy. D'accord avec celui-ci pour remettre à
l'Assistance publique les infirmes et vieillards, il confierait même
(1) Disons de suite que les art. 2 et 3 de la loi du 7 décembre 1874, relaUve à
la protection des enfants employés dans les professions ambulantes, punissent
sévèrement les parents ou patrons employant les enfants à la mendicité.
L*art. 2 de la loi du 24 juillet ldS9 sur la protection des enfants maltraités et
moralement abandonnés permet de prononcer la déchéance de la puissance
paternelle contre les parents coupables de faits de ce genre.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 291
volontiers à cette administration l'organisation ou, au moins,
le contrôle des maisons de travail destinées à recevoir les in-
dividus sans occupation et intéressants. Mais le rapporteur du
Conseil supérieur des Prisons repousse formellement les conclu-
sions du Conseil supérieur de T Assistance en ce qui touche la
troisième catégorie, les paresseux incorrigibles. Pour eux, il
estime que la prison cellulaire constitue seule un moyen d'inti-
midation suffisant, et qu'il convient de leur appliquer rigou-
reusement le régime de la séparation individuelle, prescrit par
la loi du 5 juin 1875.
La commission instituée au ministère de la Justice le 26 mars
1887 en vue de préparer la revision de la législation pénale s'oc-
cupa bientôt, à son tour, de la question du. vagabondage. La
partie générale, terminée en 1892, prévoit, dans son article 38,
le placement dans une maison de travail au nombre des peines
privatives de la liberté. Une sous-commission fut chargée de
préparer la partie du projet relative aux mendiants et vagabonds.
La sous-commission constata le lien intime qui unit en cette
matière l'assistance et la répression. Comme il semblait diffi-
cile de faire rentrer des mesures d'assistance dans un projet de
Code pénal, on se décida à traiter simultanément les deux côtés
de la question dans un projet de loi spécial, dont la rédaction
fut confiée à M. le professeur Léveillé.
Ce projet très complet comprend deux titres et sept articles ;
il est conforme, dans ses parties essentielles, à celui de M. le
professeur Du verger, que nous avons analysé plus haut. Il s'en
écarte toutefois sur un point important : le nouvel article 281
donne à l'administration la faculté de substituer, pour les vaga-
bonds, l'internement dans une maison de travail à l'emprison-
nement, mais il n'impose pas l'obligation de créer des établisse-
ments de ce genre.
L'assistance des vieillards forme une partie importante de
tous les projets que nous venons d'eiaminer. Le Conseil supé-
rieur de l'Assistance publique avait été saisi de cette question
spéciale par le ministre de l'Intérieur dès le 29 janvier 1889.
Les 2* et 3* sections se réunirent pour étudier la solution à
recommander, solution qui nous est connue par un remarqua-
ble rapport de M. Sabran (1), dont les conclusions ont été adop-
(1) Actes du Conseil supérieur de lAssistance publique, fascicule n« 32.
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292^ DN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
tées par les sections le 26 janvier 1891 et par le Conseil supérieur
en janvier 1892 (1). Ce projet établit l'obligation du secours au
profit des indigents incurables âgés de 70 ans et domiciliés. Ce
secours pourra être donné soit à domicile, soit dans un hospice.
A défaut de domicile communal, la charge incombe soit au dé-
partement, soit à TEtat.
Des propositions analogues avaient été faites à la Chambre
des députés par MM. Emile Rey et Lachièze. Leur étude a donné
lieu à un rapport de M. Fleury-Ravarin (2) qui adopte, dans ses
principes essentiels, les mêmes solutions que le Conseil supé-
rieur. Il y ajoute, toutefois, une disposition intéressante : Toblî-
gation pour l'indigent d'accepter le secours qui pourra lui être
imposé sous forn^e d'internement par le juge* de paix, sur la
réquisition du maire.
Enfin un vote de la Chambre du 27 décembre 1895 a
invité le Gouvernement à proposer dans le budget de 1897 des
crédits pour commencer l'organisation de l'assistance des vieil-
lards, par l'allocation de pensions à domicile. Ce service fonc-
tionne depuis lors, dans un certain nombre de départements.
Le 5® congrès pénitentiaire international, réuni à Paris en
1895, confirmait, après une discussion sérieuse, les principes
désormais acquis, en adoptant, à une grande majorité, la réso-
lution suivante :
i^ La société a le droit de prendre des mesures de préservation so-
ciale, même coercitives, contre les mendiants et vagabonds. A ce droit
correspond le devoir d'organiser, suivant une méthode rationnelle, Tassis-
tance publique, les secours privés et le patronage.
2<> U y a lieu de traiter difTéremment les mendiants et vagabonds, sui-
vant qu'il s'agit :
(a) d'indigents valides ou infirmes;
(6) de mendiants ou vagabonds accidentels;
(c) de mendiants ou vagabonds professionnels.
Les premiers doivent être assistés tant qu'ils n'ont pas recouvré la
force nécessaire pour retrouver des moyens d'existence.
Les seconds relèvent de l'assistance publique ou privée, et doivent être
recueillis dans des refuges ou stations de secours, méthodiquement orga-
nisés, où le travail sera obligatoire.
(1) Actes du Conseil supérieur, fascicule n» 87.
(2) Chambre des députés, 6« législature^ n« 1673. » La même commission avait
reçu mission d'étudier une proposition de loi de M. Georges fierry, prise en coa>
sidération le 12 mars 1894, et relative à |a suppression de la mendicité.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 293
Les derniers doivent être Tobjet d'une répression sévère, de nature à
empêcher ]a récidive.
3" La mesure la plus efficace contre les professionnels est rinteruement
prolongé, en vertu d'une décision judiciaire, dans des colonies spéciales
de travail. Les internés devront être libérés dès que, soit par suite de leur
amendement, soit par suite de chances de reclassement, leur détention ne
paraîtra plus nécessaire.
Le travail dans ces colonies doit être envisagé, non seulement comme
moyen de répression, mais encore et surtout comme facteur de reclasse-
ment.
% Les divers projets de loi que nous avons examinés ci-dessus
attendent, depuis de longues années, leur tour de discussion
devant les Chambres. Il était naturel de se demander si la légis-
lation actuelle, malgré ses imperfections, ne permettait pas
d'apporter quelque atténuation à un mal qui devient intolérable.
La Société générale des Prisons et la Société internationale pour
Tétude des questions d'Assistance s'entendirent, en novembre
1894, pour nommer une commission mixte, avec mission d'étu-
dier cette question. Les délibérations de cette commission,
présidée par M. le conseiller Voisin, eurent pour conclusion un
important rapport de M. de Crisenoy, ancien directeur des
Affaires départementales au ministère de l'Intérieur (1). Ses
conclusions tendaient à : 1*» provoquer la création d'aleliers
d'assistance, surtout en venant en aide aux œuvres privées;
2^ décourager les instincts de vagabondage par l'organisation
méthodique d'abris sérieusement organisés; 3** rendre rigou-
reux l'internement des mendiants par Tapplication de la cellule,
la suppression absolue du vin et du tabac.
M. le ministre de l'Intérieur voulut bien transmettre aux •
conseils généraux, par l'intermédiaire des préfets, la note rédi-
gée par la commission mixte, en en recommandant l'examen.
Un grand nombre d'assemblées départementales délibérèrent
sur la question et plusieurs d'entre elles, notamment le Puy-
de-Dôme, le Loir-et-Cher, le Pas-de-Calais, le Vaucluse, ont
pris à la suite de cette étude d'heureuses initiatives (2), sur
lesquelles nous regrettons de ne pouvoir insister ici plus lon-
guement.
(1) On trouvera ce document dans la Revue pénitent taire y 1895, p. 650.
(2) M. de Crlsenby a fait connaître les réponses de 61 départements dans le
tome X des Annales des assemblées départementales^ Paris, Berger-Levrault. 1*^96.
REVUE POLIT., T. XX 20
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294 UN SIÈCLE DE LUTTE COîJTRE LE VAGABONDAGE
Le Gouvernement ne s'est pas contenté d'encourager Tinitia-
tive des Sociétés particulières; il est entré lui-même dans la
même voie. Dès le 8 novembre 1897, M. Dupuy, ministre de
rintérieur, adressait une circulaire aux préfets pour les inviter
à favoriser le développement des œuvres privées d'assistance
par le travail. Un décret du 13 novembre 1897 instituait, sous
la présidence de M. de Marcère, sénateur, une commission
extraparlementaire « pour rechercher les moyens propres à
améliorer la police du vagabondage et des campagnes », en uti-
lisant mieux que par le passé les éléments divers créés par leë
lois existantes. Nous ne reviendrons pas sur les conclusions de
cette commission, qui ont été pertinemment analysés, ici
même (1). Par une circulaire en date du 10 juin 1898, M. Bar-
thou, ministre de l'Intérieur, a communiqué aux préfets les
constatations faites par la commission et ceux des moyens préco-
nisés par elle dont l'adoption immédiate peut être recomman-
dée par le Gouvernement.
IV
Lors des élections générales du mpis de mai 1898, les préoc-
cupations des populations rurales à Tendroit du vagabondage
étaient devenues assez vives, pour que plusieurs candidats
aient cru devoir les mentionner dans leurs déclarations et pro-
fessions de foi. Ce n'est pas seulement un lourd impôt qui est
prélevé par les chemineaux sur les propriétaires et fernaiers ; des
. crimes fréquents prouvent que la sécurité est insuffisante dans
nos campagnes.
Un député nouvellement entré à la Chambre, mais qu'une
brillante carrière judiciaire avait préparé à la solution du pro-
blèmes juridiques, M. Jean Cruppi, a voulu immédiatement
« libérer sa conscience » de la promesse faite à ses électeurs.
Le 25 janvier dernier, le député de la Haute-Garonne déposait
sur le bureau de la Chambre une proposition de loi relative aux
« moyens d'assistance et de coercition propres à prévenir et à
réprimer le vagabondage et la mendicité » (2).
(1) Revue politique et parlement aire ,, 1898,
(2) Chambre des députés, 7* législature, no 651. Annexe à la séance du
25 janvier 1899.
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UN SIÈCLE DE LDTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 295
Le renvoi à la commission de législation criminelle, demandé
par Fauteur du projet, a été immédiatement prononcé par la
Chambre.
Cette proposition de loi s'est largement inspirée des projets
antérieurs que nous venons d'examiner; elle les a complétés
pard'heureux emprunts aux conclusions de M. de Marcère et à
la législation étrangère.
Pour assurer aux nécessiteux dignes d'intérêt le secours qui
leur est indispensable, le projet impose au département Tobli-
gation de créer et d'entretenir des établissements de deux sortes :
une maison de refuge, où les vieillards et incurables seront
accueillis en vertu d'une décision judiciaire; une maison d'as-
sistance par le travail, où les ouvriers en état de chômage pour-
ront se présenter librement.
Après avoir ainsi pourvu à toutes les nécessités de Tassis-
tance, Tauteur se préoccupe d'assurer une répression efficace.
Les divers agents de l'autorité et de la force publique soAt char-
gés de rechercher les délits ; mais, en cas de besoin, le projet
leur donne le droit de requérir le concours de divers agents
assermentés : douaniers, gardes forestiers, cantonniers, etc.
Les nomades seront tenus désormais de justifier de leur iden-
tité à toute réquisition de la force publique. Mais chacun d'eux
pourra se procurer dans les bureaux des sous-préfectures une
carte d'identité, portant son signalement et qui lui permettra
de satisfaire à cette prescription (1). Faute de posséder cette
carte, ou d'autres moyens légaux de justification, le nomade
sera arrêté et conduit au dépôt de sûreté qui devra exister dans
tout chef-lieu de canton (2).
Par une innovation inspirée de la loi belge du 27 novem-
bre 4891 (3), les individus ainsi arrêtés seront traduits devant
(1) Cette disposition, empruntée aux conclusions de M. de Marcère (rapport
précité, p. 27-28), est déjà eu vigueur depuis quelques mois dans le Pas-rde-Calais,
grâce à l'initiative du préfet, M. Alapetite. Ce fonctionnaire faisait partie de la
commission extraparlementaire et s'est immédiatement efforcé de réaliser toutes
les mesures préconisées qui le trouvent compatibles avec la législation actuelle.
C'est un fait qui mérite d'être signalé et proposé comme exemple.
(2) La statistique pénitentiaire de ta France pour Vannée 1895 nous apprend
qu'il existait, au 31 décembre de cette année, 3.318 chambres ou dépôts de sû-
reté.
On sait que le nombre des cantons est de 2.899.
(3) On sait que cette loi a fait du vageibondage une simple contravention, sur
laquelle le juge de paix statue dans les vingt-quatre heures.
L'attribution de cette compétence au juge de paix est, du reste, un retour aux
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296 UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
le juge de paix qui devra statuer dans les vingt-quatre heures.
Ce magistrat devra déterminer, à l'aide des moyens d'investi-
gation en son pouvoir, si les inculpés se trouvent dans les con-
ditions constitutives du délit ; il aura le droit de relâcher ou
d'hospitaliser ceux qui échappent à la répression; iln'aura pas
le droit de punir. Les coupables présumés devront être con-
duits au chef-lieu d'arrondissement pour y être traduits devant
le tribunal correctionnel.
Quant à la peine, c'est l'emprisonnement, dont la durée
augmente à chaque récidive ; elle pourra atteindre cinq ans à
partir de la troisième condamnation.
On voit, par ce rapide exposé, que le projet de M. Cruppi
s^est efforcé de donner une réponse à toutes les questions posées
par ses différents précurseurs. Son œuvre n'en a pas moins sou-
levé de multiples objections.
Les plus vives vinrent des représentants des départements,
effrayéà des charges financières qui résulteraient pour eux de la
création et de Tentretien de deux séries d'établissements. Les
conseils généraux éprouvent la plus grande difficulté à assurer
le fonctionnement de l'assistance médicale gratuite, conformé-
ment aux prescriptions de la loi du 15 juillet 1893 ; ils seraient
hors d'état d'organiser les établissements réclamés.
Ces créations soulevèrent, d'ailleurs, des objections d'un
autre ordre. L'ouverture d'asiles-refuges pour les vieillards cons-
titue, sinon le droit au secours, au moins l'obligation de l'assis-
tance pour les départements, puisqu'on ne pourra pas refuser
l'individu renvoyé par Je juge de paix. C'est toucher indirecte-
ment une question très grave, soumise depuis plusieurs années
aux délibérations du Conseil supérieur de l'Assistance publique
et des deux Chambres.
M. Paul Strauss a, de son côté, déposé une proposition de loi
sur l'assistance aux vieillards et infirmes indigents dans la
séance du Sénat du 20 janvier 1898.
Le Conseil supérieur examine, en ce moment môme, la ques-
tion déjà posée par le rapport de M. Sabran (1) et cherche à lui
<lifpo8itiiMisde notre droit intermédiaire. Le déci^pt des 19-22 juillet 1791, relatif
è rorgaoieation d'une police municipale, stipule (titre II, art. 22) : « Les men-
diants valides pourront être saisis et conduits devant le Juge de paix, pour être
stittué à leur égard conformément aux lois sur la répression de la mendicité. »
(1) Voir ci-dessus.
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UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 297
donner une solution qui s'accorde avec les principes généraux
qu'il a adoptés précédemment et les lois d'assistance déjà vo-
tées. Il serait peut-être préférable, a-lron fait remarquer, de
laisser à ces diverses assemblées le soin de préparer et d'ar-
rêter une solution, et de ne pas compliquer une loi répressive
par rintroduction de mesures d'un caractère tout différent (1).
Les maisons d'assistance départementales par le travail ren-
contrèrent une opposition plus vive encore ; on manifesta im-
médiatement la crainte de voir ainsi poser le principe du droit
au travail pour tout chômeur involontaire. Du moment où on
sera admis de droit dans ces établissements, a-t-on dit, ce se-
ront, en dépit des précautions oratoires, de véritables ateliers
nationaux susceptibles de prendre des proportions considé-
rables dans les départements industriels ou dans les grandes
villes et qui aboutiront aux mêmes abus qu'en 1848 et en
.1791 (2).
Enfin, le législateur aura beau élever la durée de l'emprison-
nement, il n'obtiendra pas une répression sévère, tant que l'ap-
plication de l'art. 463 permettra d'abaisser la peine fort au-
dessous du minimum. Aujourd'hui, le vagabond valide qui
mendie est frappé par le Code d'une peine sérieuse, d'un empri-
sonnement de six mois à deux ans ; on sait ce qu'il en est dans
la pratique. On a vu des tribunaux prononcer trois mois de pri-
son contre un récidiviste, quand trois mois et un jour étaient
nécessaire pour la relégation. C'est un parti pris, pour beau-
coup de magistrats, de ne pas condamner un mendiant à une
(1) En Belgique, trois lois ont été promulguées à la même date du 27 no-
vembre 1891. Elles conceraent :
1« L*assistance publique ;
2» L'assistance médicale gratuite ;
3» La répression du vagabondage et de la mendicité.
Le second point se trouve réglé en France par la loi du 15 juillet 1893.
(2) M. Cruppi cite le dépôt de mendicité de Courville, crée par le conseil géné-
ral d'Eure-et-Loir, et qui fonctionne dans des conditions très satisfaisantes avec
un quartier d'assistance par le travail. Mais ce quartier, créé spontanément sans
obligation légale, a le droit, comme une œuvre privée, de refuser des pension-
naires quand Teffectif est complet. De plus le département d'Eure-et-Loir ne
compte que 280.469 habitants avec une densité kilométrique de 47.2. La popula-
tion rurale est de 79 pour 100. Les conditions seraient bien différentes dans nos
départements industriels comme le Nord (1.811.868 h., 313,8 par kil. c.,) le Pas-
de-Calais (906.249 b., 134,2 par kil. c), la Loire (625.336 h., 130,2 par kil. c.)
Ces chiffres sont empruntés à V Annuaire statistique de la France pour 1898.
1 vol. in 8*", Imprimerie nationale, 1899.
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298 UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
peine plus longue que celle qui atteint certaines catégories de
voleurs.
L'auteur du projet n'avait pas eu la prétention d'arriver du
premier coup à une solution définitive, quoiqu'il fût plus qua-
lifié que beaucoup d'autres pour la proposer ; il avait haute-
ment annoncé son intention d'écouter toutes les observations,
il les avait même sollicitées avec une parfaite bonne grâce. Il
sut faire son profit de toutes celles qui lui parurent sérieuses.
Quand il revint ces jours-ci devant la commission de législa-
tion criminelle, son projet avait complètement changé de forme,
les contradicteurs qui se préparaient à la combattre se trou-
vèrent désarmés, par avance.
Plus de déclaration générale de principes, plus de création
obligatoire d'établissements coûteux. Des définitions précises de
la mendicité et du vagabondage (1) englobent tous les individus
coupables et laissent échapper ceux qui peuvent invoquer une.
excuse. On assurera ainsi la répression immédiate du vagabon-
dage professionnel et de la mendicité des valides, c'est-à-dire
l'arrestation de tous les individus dangereux. Quant à l'assis-
tance de ceux qui ne le sont pas, elle se fera au moment et dans
la mesure où les départements voudront être débarrassés de
leurs mendiants : leur intérêt leur dictera le montant des sacri-
fices qu'ils voudront consentir.
Quel est, en effet, celui des caractères constitutifs qui rend le
fait de mendier essentiellement punissable? C'est la paresse,
caractérisée par le refus de chercher du travail ou d'accomplir
le travail offert (2).
Par conséquent, partout où existera un établissement d'assis-
tance par le travail ouvert à tous, et dont l'existence sera révé-
(1) Art. 2. — Le mendiant punissable est celui qui, en quelque lieu que ce
soit, sollicite la charité dans son propre intérêt, et qui, étant apte au travail, ne
justifie pas avoir fait le nécessaire pour en trouver ou a refusé le travail rému-
néré qui lui était offert, soit par un particuUer, soit par une œuvre d'assistance
publique ou privée.
Abt. 3. — Le vagabond punissable est celui qui n*ayant ni domicile certain, ni
moyens de subsistance, et n'exerçant depuis un mois au moins ni métier, ni
profession, est apte au travail et ne justifie pas avoir fait le nécessaire pour en
trouver, ou encore a refusé le travail rémunéré qui lui était offert, soit par un
particulier, soit par une œuvre d^assistance publique ou privée.
(2) Le Code pénal de PEmpire allemand punit, comme le vagabondage ou la
mendicité, Vhorreur du travail {Arbeitsscheu), caractérisée par le fait de n'avoir
pas fait des démarches pour se procurer des moyens d'existence dans le délai
ùxé par la police (article 360, § 8).
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[
UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 299
lée aux intéressés par une large publicité, il y aura l'offre du
travail sufiisante pour constituer le valide en état de délit. Point
n'est besoin que cet établissement soit créé par le département
ou la commune ; un atelier privé, pourvu qu'il soit librement
ouvert, servira de pierre de touche et remplira le but de la loi.
Quand cet établissement sera encombré, il délivrera aux indi-
vidus qui se présenteront sans pouvoir être accueillis une attes-
tation qui leur vaudra excuse légale. L'institution cessera donc
de fonctionner automatiquement, pour ainsi dire, le jour où une
crise industrielle, un désastre public viendrait à frapper une
région déterminée. La répression s'arrêtera de mêhie.
Quant aux vieillards, infirmes, invalides, le juge de paix
chargé de l'enquête préalable ordonne qu'ils seront hospitalisés,
si un établissement existe dans ce but pour le département, à
moins qu'on ne préfère attribuer à l'indigent un secours à domi-
cile. Âla campagne, le magbtrat, habitant à proximité, est à
même de se renseigner immédiatement sur la plupart des cas
intéressants, qui concerneront, le plus souvent, des vieillards ou
infirmes domiciliés. Il est infiniment mieux placé pour faire
cette enquête que le parquet ou le juge d'instruction, qui sont
trop loin. Son intervention simplifiera considérablement le rôle
du tribunal et évitera l'encombrement des maisons d'arrêt, tout
ea prévenant des incarcérations regrettables.
Le vagabond, au contraire, l'inconnu voyageant sans papiers,
sans moyens d'existence, sera dirigé sur le chef-lieu d'arrondis-
sement. Là, le parquet pourra plus facilement obtenir des ren-
seignements qui exigent une correspondance. Il est clair que les
motifs qui ont amené l'intervention du juge de paix n'existent pas
dans les villes où siège un tribunal de première instance. Les
parquets y sont à même de faire l'enquête plus rapidement que
les juges de paix, ils ont àleur disposition des établissements péni-
tentiaires qui manquent à ces derniers. Les mendiants et vaga-
bonds arrêtés dans l'étendue du canton chef-lieu d'arrondis-
sement seront donc traduits directement devant le juge d'ins-
truction.
Reste la question de pénalité. Faible pour un premier, pour
un second délit, elle doit être sévère pour le mendiant profes-
sionnel sans excuse et pour le vagabond. La loi stipulera donc
que les circonstances atténuantes ne pourront être accordées
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300 UM SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
que pour les premières condamnations. A partir d'un nombre
suffisant pour bien établir Tintention de vivre sans travailler,
cinq, par exemple, Tarticle 463 ne sera plus applicable et la
durée de Femprisonnement sera obligatoirement fixée entre
cinq et dix ans. On mettra aussi un terme à Tindustrie de ces
« hivernants », de ces prisonniers volontaires qui viennent se
faire arrêter quand tombent les feuilles, pour passer à l'abri les
mois les plus durs de Tannée. Quand ils sauront que leur inter-
nement ne prendra plus fin au printemps suivant, qu'il se pro-
longera pendant plusieurs années, avec Tobligation d'accomplir
un travail sérieux, ils hésiteront davantage à revenir en prison.
On peut consulter sur ce point Texpérience de la Belgique, où
la loi de 1891 commence à produire son effet d'intimidation.
Cet emprisonnement prolongé ne sera toutefois pas irrévo-
cable, ce ne sera pas un « enfer sans espérance » ; la perspective
de la libération conditionnelle luira aux yeux du détenu dési-
reux de se relever. Cette libération pourra toujours être de-
mandée par l'administration, qui aura ainsi un moyen de
réparer des erreurs malheureusement toujours possibles ; elle
pourra être sollicitée par le condamné lui-même, quand il aura
accompli une portion de sa -peine suffisante pour prouver sa
bonne volonté, elle pourra enfin être réclamée par la commune
du domicile, par une association charitable ou même par un
simple particulier qui se chargera de subvenir aux besoins du
libéré. Mais cette libération devra être prononcée par le tribunal
civil statuant sommairement sur le vu de pièces justificatives
établissant que le bénéficiaire aura des moyeds d'existence
assurés et ne retombera pas forcément dans la mendicité. On
parera ainsi aux abus de pratiques administratives qui font trop
facilement dépendre la durée de la peine de considérations
de place, de dépenses, étrangères à toute vue d'amendement.
En résumé, le projet de M. Cruppi, tel qu'il a été modifié par
son auteur, assure immédiatement une répression complète du
vagabondage dangereux. En quelques mois, si les tribunaux
appliquent sévèrement ses dispositions, nos campagnes peuvent
être débarrassées de tous les récidivistes dangereux, de tous les
professionnels incorrigibles.
C'est là l'essentiel, c'est ce que demandent avec instance les
populations rurales.
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1
UN SIÈCLE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE 301
Quant à la mendicité, elle disparaîtra progressivement, à
mesure que les conseils généraux seront^en mesure de faire les
sacrifices nécessaires à son extinction. On ne leur impose obli-
gatoirement aucune charge nouvelle.
Le projet n'a plus la prétention de prescrire la construction
d un édifice symétrique, parfaitement ordonné, prévoyant tous
les besoins. Il se borne à parer au plus pressé en édifiant un
bâtiment central ; des pierres d'attente sont disposées à droite et
à gauche, pour y joindre deux ailes qui compléteront la cons-
truction, le jour où les ressources le permettront.
La Chambre a donc maintenant en mains tous les éléments
pour commencer, quand elle le jugera convenable, l'étude de
cette grave question. Tout le monde est d'accord pour recon-
naître qu'il y a urgence à mettre un terme à une situation qui
devient intolérable ; la question la plus délicate est bien sim-
plifiée par la réduction des charges à leur minimum. Seul l'Etat
aura à prévoir pour quelques années une augmentation momen-
tanée de ses effectifs pénitentiaires (1) ; c'est là une considé-
ration qui ne peut arrêter la Chambre. Quand on voit voter si
souvent des augmentations de crédit qui ne sont, au fond, que
de coûteuses réclames électorales, le pays ne pourrait com-
prendre qu'il se trouvât une majorité pour refuser#de garantir
la sécurité à la classe la plus nombreuse et la moins favorisée
des contribuables. En négligeant de prendre, depuis cent ans
bientôt, les mesures prescrites par le législateur, les départe-
ments ont fait « une économie ruineuse »; le mot est de
M. Cruppi, et il est exact (2). Les populations rurales supportent
(1) En 1892, première année d'application de la loi, on a interné en Belgique
8.644 vagabonds des deux sexes. Ce chitfre diminue depuis lors d'année en
année, à mesure que la répression produit son effet d'intimidation.
La population de la France est environ six fois celle de la Belgique ; mais la
proportion agricole est beaucoup plus forte et ce serait exagérer que de croire à
une population proportionnelle.
L'Administration pénitentiaire aura à examiner si elle ne pourrait transformer
en maisons de travail forcé pour vagabonds plusieurs maisons centrales récem-
ment déclassées, et demeurées sans emploi.
(2) Un des hommes qui ont le plus sérieusement étudié la question du vaga-
bondage en Allemagne, M. le baron de Wintzingeroda-Rnorr, écrivait jadis :
• Quel que soit le prix d'entretien de chaque interné, il est certainement
inférieur à ce que cet individu, en état de vagabondage, prélèverait chaque jour
sur la société. » (Die deutscken ArbeUshaeusery 1 vol. in-S», Halle a. d. Saale, 1885).
.;v
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302 UN SIÈCXE DE LUTTE CONTRE LE VAGABONDAGE
une charge écrasante (i), sans compter ce que coûte aux dépar-
tements et à TEtat une répression inefficace. Si Ton veut couper
court à de pareils gaspillages, il faut assurer l'observation com-
plète de mesures sévères. Que pourrst être la charge au début?
Que deviendra-t-elle plus tard? On ne saurait le préciser sans
ime étude approfondie, dont les éléments nous manquent. Pour
nous, nous aimons à nous placer, en terminant, sous Tautorité
du jurisconsulte éminent qui a préparé le projet voté par la
Société générale des Prisons, et nous disons avec M. Duverger :
« Nous ne pouvons accepter que la France ne soit pas capable de
faire, en matière d'assistance, ce que font d'autres nations. »
(1) M. de Monicault a établi que la charge supportée par les habitants d'une
commune rurale moyenne du département de l'Ain, du fait des mendiants de
passage, équivaut, étant donnée la valeur du centime dans cette commune, à
85 centimes additionnels {Bulletin de la Société nationale de ^Agriculture de
France, 1896, p. 26).
La Société des Agriculteurs de France émet régulièrement, dans ses congrès
annuels, un vœu pour la répression de vagabondage dans les campagnes. Le
dernier a été voté le 6 mars 1899.
La Société nationale d'Eocouragement à l'agriculture a émis un vœu analogue
dans sa séance du !•' mars 1899, sur le rapport de M. Ferdinand-Dreyfus.
Loras Rivière.
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LE BLE CONTREBANDE DE GUERRE
(1)
Le Parlement anglais pose beaucoup de questions aux mi-
nistres sur la politique étrangère.
La multiplicité même de ces interpellations, la brièveté des
comptes-rendus qui en sont publiés, empêchent souvent d'en
saisir toute l'importance.
C'est ainsi qu'au milieu du mois de février dernier une dis-
cussion avait lieu aux Communes sur la question de savoir quels
dangers courrait l'Angleterre, en cas de guerre, d'être affamée.
M. Richtie, ministre du Commerce, reconnut que son pays
demandait à l'étranger presque tous ses aliments. Mais il
déclara qu'il ne croyait pas aux risques de famine, en cas de
guerre, et il ajouta: «Une marine puissante nous assure l'empire
des mers. Les croiseurs des autres nations ne détruiraient pas
notre commerce parce qu'ils manqueraient de charbon. Le blé
affluerait en Angleterre par les neutres. S'il était déclaré contre-
bande de guerre, l'Amérique s'y opposerait par les armes, parce
que l'Amérique qui exporte 50 à 60 p. 100 de sa production en
Angleterre, serait ruinée par une telle mesure. La supériorité
de la marine anglaise suffit à écarter le danger de famine en cas
de guerre, car ce danger n'existerait que s'il y avait blocus
effectif des côtes britanniques. »
Tel est le résumé de la discussion, d'après l'agence Havas.
De cette analyse, empruntée aux journaux, résulterait cette
première affirmation du ministre anglais : l'Amérique s'oppose-
rait, même par les armes, à une déclaration qui assimilerait le
blé à la .contrebande de guerre.
Cette affirmation n'est-elle qu'une hypothèse ? Y a-t-il eu, au
(1) Hautepeuillb. Droits et devoirs des nations neutres. — Gessner. Droits des
neutres sur mer, — ManCbaux. De la contrebande de guerre.
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304 LE BLÉ CONTREBANDE DE GUERRE
contraire, échange de vues entre les cabinets de Londres et dé
Washington?
La diplomatie seule peut le savoir. Cependant les paroles
attribuées au ministre semblent plutôt indiquer que ce dernier
fonde sa conviction sur ce que commanderait, à son sens, l'inté-
rêt américain, et l'on peut penser qu'il l'apprécie un peu trop
au point de vue anglais.
Sans doute, le commerce des Etats-Unis pourrait être grave-
ment atteint par un conflit armé qui se produirait entre la
France et l'Angleterre.
Mais quelle est la guerre qui ne comporte pas pour les neutres
des risques et même des pertes? Surtout, avec l'étroite con-
nexité des intérêts modernes dans tout l'univers, où une guerre
de cette nature n'aurait-elle pas un contre-coup?
Ce qu'il importe d'établir ici, c'est que la^ France ne ferait
qu user de son droit le plus légitime, si elle déclarait contre-
bande de guerre tout envoi de blé à destination de l'Angleterre.
I
On sait quelle est l'idée générale de la contrebande de guerre.
Les sujets d'un Etat neutre, qui n'ont pas à prendre part à la
lutte, peuvent librement continuer leur commerce avec les
sujets des deux nations qui sont en guerre. Mais les belligé-
rants ne peuvent être tenus de supporter que, sous le couvert
de ce commerce pacifique, on apporte à l'ennemi des armes, par
exemple, ou des munitions de guerre. C'est donc le droit des
belligérants de visiter les navires neutres et, quand ils trouvent
des marchandises prohibées, de les saisir et de les confisquer.
Mais où commence et où s'arrête cette catégorie de marchan-
dises prohibées? C'est, dit un auteur allemand, la théorie la
plus controversée du droit public.
Vainement a-t-on cherché des principes auxquels rattacher
les solutions qu'on proposait.
Tel auteur subordonne tout au « droit de la nécessité ». Tel
autre, s'effor^nt de rattacher sa doctrine à la loi divine, au
droit primitif, se reporte aux temps de barbarie, aux luttes entre
les hommes à l'état sauvage, et il en déduit' logiquement que la
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LE BLÉ CONTREBANDB DC GUERRE 305
houille, les machines à vapeur, le salpêtre, le soufre, ne sau-
raient être considérés comme contrebande de guerre.
Dans ce débat purement théorique entre les jurisconsultes de
tous les pays, la thèse la plus libérale devait nécessairement
l'emporter.
Pour l'observateur impartial, pour le savant, pour le juris-
consulte, qu'importent les intérêts mesquins de deux Etats en
conflit pour des motifs souvent bien futiles, à côté du grand
principe de la liberté commerciale, source de progrès et de civi-
lisation ?
Aussi la plupart des auteurs se sont-ils efforcés de réduire de
plus en plu^ la notion de la contrebande, et nous voyons un de
nos auteurs les plus considérables, celui dont Tautorité est euro-
péenne, Hautefeuille, refuser à un combattant le droit de saisir
un bâtiment non armé, construit dans un port neutre et vendu
àson ennemi, quelles que soient sa force et la nature de sa cons-
truction. Ce n'est^ dit-il, qu'un véhicule. Cependant, comme le
fait justement remarquer M. Manceaux, un navire cuirassé por-
tant ses tourelles peut difficilement être considéré comme un
véhicule inoffensif parce qu'il n'a encore reçu ni son équipage
ni ses canons !
Telles sont les conséquences extrêmes auxquelles aboutit la
légitime préoccupation des juristes de défendre le commerce
paisible des neutres contre les exigences des gens de guerre.
La pratique s'orienta de ce côté, sans aller aussi loin et la
France prit une large part à ce mouvement de progrès.
D'ailleurs quelle est la question de droit international mari-
time où l'on ne trouve pas notre pays dans la même voie ? N'a-
t-il pas toujours été à la tête du mouvement civilisateur, qu'il
s'agisse soit de la liberté de la marchandise ennemie sous pavil-
lon neutre, soit de l'abolition de la course décidée sur son ini-
tiative au détriment de ses intérêts les plus évidents ?
Depuis le traité des Pyrénées etle traité d'Utrecht jusqu'à nos
jours^ si l'on excepte la folle entreprise du blocus continen-
tal, la France s'est toujours efforcée de restreindre les objets de
contrebande « à tous genres d'armes et d^instruments de guerre
servant à l'usage des troupe^ )).
Elle a voulu faire plus. Elle a voulu faire inscrire ce principe
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30 Ô LE BLÉ CONTREBANDE DE GUERRE
dans la déclaration de Paris de 1856. La proposition en fut faite
au Congrès.
Elle se heurta à l'opposition de TAngleterre.
Depuis un siècle, en effet, l'Angleterre est la seule puissance
qui se refuse à restreindra aux armes et aux munitions de guerre
la notion de contrebande.
Hautefeuille Ta affirmé ; Hautefeuille est Français. Mais Gess-
ner le confirme, et Gessner était conseiller de S. M. l'Empereur
d'Allemagne.
Bien mieux, Aibéric Gentilis, professeur à Oxford, le constate
en 1598. « Lucrum illi commerciortmi sibi perire nolunt. Angli
nolunt qtiid fieri qnod contra salutem suam est (1). «
Sa conclusion est que le droit des Anglais doit l'emporter
parce qu'ils défendent un intérêt d'Etat et les neutres des inté-
rêts privés.
Ce n'est pas qu'en théorie, en droit pur, l'Angleterre ait mé-
connu le droit des neutres à faire le commerce des vivres avec
les belligérants.
Mais, une fois cet hommage platonique rendu aux principes»
elle n'hésite pas, chaque fois que son intérêt le lui commande,
à faire une exception invariablement justifiée par la nécessité.
Hautefeuille a dressé la liste intéressante de ces exceptions
trop nombreuses vraiment pour sembler confirmer une règle.
Citons quelques exemples.
En 1689, c'est la nécessité de rendre la guerre moins longue
et d'éviter de verser des flots de sang qui motivait la convention
du 22 août 1689 et la défense absplue faite aux neutres de com-
mercer avec l'ennemi.
En 1701, bien que la France fût attaquée par presque toute
l'Europe, la Grande-Bretagne se trouva dans la nécessité de dé-
fendre aux neutres tout commerce des denrées de cru ou de
fabrique français.
En 1744 et 1745, la nécessité commande au gouvernement
anglais de déclarer en état de blocus fictif toutes les côtes firan-
çaises en raison de leur situation géographique par rapport aux
côtes anglaises.
(1) Cité par Hautefeuille, II, t. Vil.
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LE BLÉ CONTREBANDE DE GUERRE 307
Pendant les guerres de la Révolution et de TEmpire, le com-
merce des grains et farines est prohibé, toutes les côtes de
France et de nos colonies sont déclarées bloquées, on confisque
les bâtiments à bord desquels on trouve des produits de nos co-
lonies.
Le 7 janvier 1807 la moitié de l'univers est soumise au blocus
fictif. Le Danemark proteste. On bombarde et on prend Co-
penhague. Angli nolunt !
Le H novembre 1807, a S. M. se trouve forcée à prendre de
nouvelles mesures pour établir et maintenir ses justes droits et
pour conserver cette puissance maritime... don tTexistence n'est
pas moins essentielle à la protection des Etats qui conservent
encore leur indépendance, et au bonheur ainsi qu'à l'intérêt du
genre humain, qu'elle ne Test à la sûreté et à la prospérité des
Etats de S. M ». En conséquence, tous les navires neutres sont
tenus d'entrer dans les ports anglais et d'y prendre des permis
de navigation, contre paiement de certains droits, et à peine de
confiscation.
Enfin, pendant la campagne de Crimée, alors qu'il ne s'agis-
sait que d'une guerre lointaine, purement politique, ne pouvant
certes compromettre les intérêts vitaux de la Grande-Bretagne,
l'attorney général déclare à la Chambre des Communes (30 mars
1854) que la contrebande comprend les armes, les munitions de
guerre et les vivres. Le 29 juin, le premier lord de l'amirauté
ajoute à cette liste le bois, le goudron, les cordages, la poix.
Le blé, la farine, le riz^ le biscuit de mer, le sel, le poisson
salé, le vin, le beurre, le fromage, ont été condamnés comme
contrebande quand ils étaient à destination d'un port d'équipe-
ment naval.
Pour le riz, la décision est intéressante.
On se souvient en effet que, lors de l'intervention armée de
la France contre la Chine en 1885, des difficultés sérieuses fu-
rent soulevées par l'Angleterre parce que le riz avait été déclaré
contrebande par la France.
Or, le riz exporté des ports chinois du sud vers le nord est la
représentation de l'impôt. Il sert à la solde des troupes. 11 a donc
le caractère d'un produit faisant fonction d'argent.
Dans le même temps, l'Angleterre refusait du charbon à nos
navires, sous prétexte de neutralité.
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308 LE BLÉ CONTREBANDE DE GUERRE
Ici apparaît bien nettement la tradition de FAngleterre en
matière de contrebande.
II
L'Angleterre n'a pas, dans ce sujet, de règles fixes
Elle évite de proclamer des principes. C'est pour ce motif
qu'elle n'a pas donné son adhésion à une définition delà contre-
bande au Congrès de Paris.
Elle n'envisage que des espèces. Au début de chaque guerre,
elle consulte son intérêt et dans son Foreign Enlistment Act
elle restreint ou étend la liste des prohibitions.
Est-elle en guerre avec la Russie (guerre de 1854)? Elle consi-
dère la houille comme contrebande .
Veut-elle nuire à l'action de la France en Chine (période de
1885)? Elle considère encore la houille comme contrebande,
bien qu'il n'y eût pas de guerre déclarée.
Est-elle neutre entre l'Espagne et les Etats-Unis (guerre de
1898)? Le charbon n'est plus une contrebande de guerre en soi.
UpetU devenir une contrebande s'il n'est pas destiné à l'indus-
trie mais à la guerre.
Le gouvernement anglais se rangerait volontiers à l'opinion
de ces jurisconsultes pour lesquels il y a certaines marchan-
dises qui sont toujours prohibées, d!autres qui ne le sont ja-
mais, d'autres enfin qui constituent une catégorie facultative,
occasionnelle de contrebande.
Ceci nous indique l'étendue de notre droit.
En matière de contrebande, la réciprocité est nécessaire, et
l'on imaginerait mal qu'en vertu d'une théorie juridique, la
France supportât l'interdiction anglaise de la houille sans
riposter par l'interdiction du blé.
L'attorney général, au débutdela guerre de 1870, déclare que
la question de savoir ce qu'il faut ranger dans la contrebande
de guerre est décidée, non d'après le droit des gens, mais d'après
le droit du pays.
Il en doit être de même en France.
Si la douloureuse hypothèse d'un conflit franco-anglais se
réalise, ceux qui auront la responsabilité des destinées de la
République devront apprécier les avantages et les inconvénients
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LE BLÉ CONTREBANDE DE GUERRE 309
pratiques de la prohibition du blé, les chances de rupture avec
tel pays neutre qu'elle peut entraîner.
Us pourront aussi se souvenir qu'il a été maintes fois proposé,
dans le cas où des belligérants seraient amenés à prohiber
d'autres catégories de marchandises que les armes et les muni-
tions d'indemniser les neutres pour ces confiscations, de
recourir à la préemption.
Ici commencent des questions de fait et Tappréciation des
circonstances intervient.
Vaudrait-il mieux se concilier la bienveillance des neutres,
ou bien user de tout notre droit? Cette question ne peut être
examinée à l'avance.
Ce que nous pouvons affirmer, c'est que si nous déclarons le
blé contrebande de guerre, nous ne ferons qu'user de notre droit,
et qu'aucune puissance neutre n'aura de ce chef un sujet de que-
relle légitime.
La France a essayé pendant un siècle de faire prévaloir le
principe de la liberté des neutres. Elle n'a pu y parvenir surtout
à cause de l'Angleterre. Elle ne peut être tenue, dans un conflit
avec l'Angleterre, de ne pas user d'un droit que l'ennemi invo-
quera certainement, pour le charbon et pour les munitions
navales.
Sans doute, il est triste de constater qu'à la fin du xix* siècle,
après tant d'efforts pour le progrès et la civilisation, c'est une
réaction vers les idées les plus étroitement nationalistes qu'il
faut enregistrer.
La responsabilité en est à ceux qui ont créé et qui maintien-
nent en Europe un état de choses qui repose sur la force seule.
La responsabilité en est à ceux qui, par le développement
inouï du militarisme, ont donné aux guerres de l'avenir un
caractère de plus en plus général et de plus en plus atroce.
Raoul Bompard.
XX 21
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LES SOCIËTfiS SPORTIVES
ET
LES CERCyS SANS JEU DEYANT LE FISC
Les exercices physiques étaient en grand honneur chez nos
pères, et maître Rabelais n'a garde de les oublier dans la miri-
fique éducation du Gargantua. Entre autres prouesses gymnas-
tiques, le fils de Grandgousier, « avec deux poignards acérés et
deux poinçons éprouvés, montait au plus haut d'une maison
comme un rat, descendait, puis du haut en bas, en telle compo-
sition des membres quç de la chute n'était aucunement grevé ».
On peut croire que, s'il vivait encore, Gargantua détiendrait
indéfiniment le record de ces exercices peu communs.
Il pratiquait également Tascension à la corde lisse, le saut de la
perche et, ce qui prouve que la gymnastique, au xvi* siècle,
n'était pas dépourvue de matériel : « On lui avait fait deux
grosses saumonés de plomb, chacune du poids de huit mille sept
cents quintaux, lesquelles il nommait haltères. »
En dehors des exercices proprement dits, parmi ce que nous
appellerions les sports, nos aïeux cultivaient surtout la paume
et le mail. L'escrime, pour rudimentaire qu'elle fût jusqu'à la
fin du xviii® siècle, était à peu près pratiquée exclusivement
par les jeunes gentilhommes.
Il semble que la grande tourmente révolutionnaire ait balayé
avec tant d'autres choses ces sains divertissements. Quand
l'ouragan fut passé, quand chacun se sentit plus assuré de
garder sa tête sur ses épaules, cefut dans des jeux moins inno-
cents qu'on se plut à savourer la joie de vivre.
Tandis que les Anglais s'adonnaient de plus en plus ardemment
aux exercices physiques, chez nous, la jeunesse parquée dans
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LES SOCIÉTÉS SPORTIVES $U
les collèges ou dans les casernes, ce qui était tout un, ou jetéç
par Napoléon sur tous les champs de bataille de l'Europe, igno-
rait à peu près complètement ces jeux, violents parfois, où nps
voisins d'outre-Manche trouvent ces qualités de sang-froid,
d'énergie et de ténacité qui caractérisent la race anglo-saxonijLe*
On peut dire que le colonel Amoros fit sensation avec le
gymnase que cet ancien ministre de Joseph, l'éphémère roi
d'Espagne, ouvrit à Paris. C'estgrâce à lui, et surtout au proces-
seur Laisné, que la gymnastique prit place dans l'enseignement
universitaire, mais en quelle infime proportion, nous en avons
encore le souvenir.
Cette apathie persista pendant le règne de Louis-Philippe^
L'escrimé elle-même, mise dans une voie npuvelle par La Bpës-
sière, le maître de Saint-Georges, cultivée sous l'Empire et sous
la Restauration, tomba à cette époque dans le. plus complet
discrédit. Elle ne reprit faveur que, sous le second Empire, pou;*
arriver, au commencement de la troisième République, à une
place importante que lui disputent les nombreux sports que nous
aurons à énumérer. Notons pour mémoire que sous TEmpire,
en 1873, fut fondé le cercle de la longue Paume de Parisy encore
florissant aujourd'hui, qui ressuscita un des jeux les plus en
honneur chez nous de la fin du xvi* siècle à celle du xviu* siècle.
En réalité, il n'y a guère plus d'une vingtaine d'années que
nous avons repris les traditions,de nos aïeux pour le plus grand
avantage de notre développement physique, et nous ne devons
pas nous dissimuler que l'exemple des Anglais et la manie de
les imiter, qu'il ne faut pas blâmer en cette circonstance, ont
été pour beaucoup dans cet heureux retour vers le passé.
De nombreuses sociétés sportives se sont formées, dont nous
allons parler, en indiquant leur but spécial, et surtout, en exa-
minant leurs conditions d'existence, l'objet de ce travail étant la
critique des mesures fiscales frappant ces intéressantes associa-
tions avec une rigueur qui entrave leur développement et ya
jusqu'à leur ôter la possibilité de vivre.
Il est impossible de voir sans un profond écœurement l'Etat^
ou plutôt l'administration, favoriser en le réglementant le pari
aux courses, au moins sous la forme de Pari Mutuel, sans rou-
gir de puiser à cette source impure! Et cette même adminstra-
tion ne comprend pas ce qu'il y a d'indécent à encourager la
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^It LES SOCIÉTÉS SPORTIVES
passion du jeu et en même temps à étrangler, par une applica-
tion hypocritement littérale de la loi, des associations qui sont
rhonneur de la jeunesse française et qui disputent avec un suc-
cès méritoire leurs habitués aux cafés, oîi Ton s'intoxique, et
^ux tripots, où Ton s'abrutit et où Ton se démoralise.
Nous devons nous borner à la sèche énumération des sports
pratiqués dans ces diverses associations sans les définir et sans
exposer leurs règles parfois très compliquées.
Après Fescrime, Taviron, la natation, la course à pied, la
vélocipédie, nous avons la longue paume, le jeu de la crosse, le
gouret, le hocquey, le base bail, le jeu national des Etats-Unis,
le croquet, le cricket, le foot-ball, le lawn-tennis, etc.
A la Société d'Encouragement pour le Sport nautique (S. E.
S. N.), fondée en 1880, on pratique le lawn-tennis, l'escrime.
Au Racing Club de France (R. C. F.), fondé en 1882, lacourse
à pied, le lawn-tennis, le foot-ball.
Au Stade français (S. F.), dont j'ai eu l'honneur d'être le pré-
sident, la course à pied, le lawn-tennis, le foot-ball, la véloci-
pédie, l'aviron, l'escrime.
Au Sport nautiçue de Paris (S. N. P), fondé en 1884, l'aviron
exclusivement.
A la Société de Sport de Pile de Puteaux (S. S. 1. P.), fondée
en 1885, l'aviron, le lawn-tennis, le croquet.
A V Association Vélocipédique d'amateurs (A. V. A.), fondée
en 1890, la vélocipédie, l'escrime, le foot-ball, la boxe.
Au Cercle Pédestre dAsnières (C. P. A.), fondé en 1891, le
foot-ball, lacourse à pied, la natation, la vélocipédie, le lawn-
tennis.
A V Association Vélocipédique internationale (A. V. I.), fondée
en 1893, la vélocipédie, l'escrime, le patinage.
A VOmnium (0.), fondé en 1894, le cyclisme.
kV Automobile Club (A. C), l'automobile sous toutes ses
formes.
En 1887 fut fondée V Union des Sociétés françaises de Sports
athlétiques (U. S. F. S. A.).
Cette associatioui comme VOmnium^ mais avec des moyens
d'action plus puissants, se proposait de combattre les abus
introduits par les professionnels dans les sports, notamment
dans la vélocipédie à laquelle ils sont parvenus à donner un
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ET LES CERCXES SANS JEU DEVANT LE FISC 313
caractère de cabotinage et de mercantilisme tout à fait fâcheux.
En outre, VUnion a fixé des règles uniformes propres à chaque
exercice; elle a encouragé la formation des sociétés destinées à
pratiquer les sports athlétiques et exercices en plein air et elle
a institué des concours entre les diverses Sociétés d'amateurs.
A l'heure actuelle, plus de cent quatre-vingts sociétés, réparties
sur toute la surface de la France, sont affiliées à TU. S. F. S. A.,
acceptent sa réglementation et bénéficient de son puissant
patronage. Citons encore parmi les Sociétés plus récemment
fondées le Cyclamen (C), le Rallye-Velo (R. V.) et la Fédération
Cycliste des amateurs français (F. C. A. F.), qui poursuit le
même but que TU, S. F. S. A.
Voyons maintenant quelles obligations fiscales ont été impo-
sées à ces associations par la législation.
En 1871, il fallut à tout prix trouver des ressources pour
faire face aux charges écrasantes qu'une guerre désastreuse
avait fait peser sur le pays. Les cercles ne pouvaient écliapper
aux mesures fiscales, ils furent atteints par la loi du 16 septem-
bre 1871, dont l'article est ainsi conçu :
A dater de la même époque (!•' octobre 1871), les abonnés des cercles,
sociétés et lieux de réunion où se paient des cotisations, supporteront une
taxe de 20 p. 100 des dites cotisations payées par les membres ou assopîés.
Cette taxe sera acquittée par les gérants, secrétaires ou trésoriers.
Ne sont pas assujettis à la taxe les sociétés de bienfaisance et de secours
mutuels, ainsi que celles exclusivement scientifiques, littéraires, agricoles,
musicales, dont les réunions ne sont pas quotidiennes.
En 1874, on parut vouloir traiter favorablement les socié-
tés de sports, frappées, comme les cercles, de la taxe de 20 j^onv
cent ; en eflfet, nousrelevons dans la loi de finances du 8 août 1874
la disposition suivante:
Ne sont pas assujetties à la taxe établie parTarticle 9 de la loi du 10 sep-
tembre 1871, les sociétés ayant pour objet exclusif des jeux d^adresse, ou
des exercices spéciaux, tels que cbasse, sport nautique, exercices gymnas-
tiques, jeux de paume, jeux de boule, tir au fusil, au pistolet, à Tare, à
Tarbalète, etc., et dont les réunions ne sont pas quotidiennes.
C'est dans la queue que gît le venin. Les plus intéressantes
des associations sportives, tenant des réunions quotidiennes, ne
gagnaient rien à la loi du 8 août 1874 et restaient soumises à la
taxe de 20 pour cent .
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314 L£S SOCIÉTÉS SPORTIVES
Edifié sur ce que cette exigence fiscale avait de désastreux
povLT l'existence même des sociétés sportives, je présentai, au
cours de la législature de 1898, un article additionnel à la loi
rfe* finances ainsi conçu :
Sont exemptes de la taxe sur les cercles, sociétés et lieux de réunion où
se paient des cotisations les sociétés désignées dans le deuxiième para-
graphe de l'article 9 de la loi du 16 septembre 1871 et dans Tarticle 7 delà
loi du 5 août 1874, même lorsque leurs 7*éunion8 sont quotidiennes.
I^e gouvernement acceptait cet amendement et il fut adopté
en séance du 9 mars 1898. Il eut une moins heureuse fortune
au Sénat : sur le rapport de M. Morel, en date du 21 mars 1898,
la commission des finances le rejeta.
Ainsi, les journaux qui avaient bien voulu applaudir à mou
initiative s'étaient trop hâtés de chanter victoire.
Cependant cette taxe, égale au cinquième de la cotisation, sévit
sans obstacle; elle a déjà tué une société sportiye,V ArlisticClubj
et d'autres sociétés voient leur existence compromise par elle.
Voici par exemple la Société de Sport de Vtle de Puteaux^ que
nous avons mentionnée plus haut. Elle comprend plus de neuf
cents membres. Grâce à leur dévouement à la bonne cause de
la régénération physique de notre race, il ont pu supprimer tous
lès frais d'administration. Cependant, alors que leurs frais gé-
néraux ne dépassent pas 12.000 francs, ils n'en ont pas moins
versé entre les mains du percepteur une somme de 16.000 francs.
La S. S. I. P. essaya de se défendre et engagea une instance
devant le Conseil de préfecture. Elle perdit son procès. On lui
démontra : 1* qu'elle n'était pas une société purement sportive,
car elle admettait des spectateurs (1); 2® qu'étant ouverte sept
mois consécutifs par an, elledevait être considérée comme tenant
des réunions quotidiennes ! ! A .cette interprétation judaïque des
textes, vous avez reconnu la jurisprudence administrative. On
pourrait croire que le mot quotidien s'applique à un fait qui se
renouvelle tous les jours. Ce n'est pas ainsi que l'entend le
Conseil de préfecture.
Mais voici le bilan d'une société moins heureuse, que nous ne
sommes pas autorisé à nommer. En 1895, le nombre des socié-
taires était de 475 ; en 1896 il s'élève à 550, et, à la fin de 1898,
(1) La société a supprimé les spectateurs; elle n'eu reste pas moins sous le
coup du deuxième motif.
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ET LES CERCXES SANS JE0 DEYAMT LE FISC 315
il tombe à 400. Cette décroissance de Teffectif est due en grande
partie au chiffrer exorbitant de la taxe, qui, en grevant chaque
année de plus de 12.000 francs un budget déjà très restreint, n'a
pas permis au comité de l'association d'accroître, ni même de
maintenir la somme affectée la première année à l'encourage^
ment sportif. En effet, en 1895, année où l'association n'ayant
pas eu à payer d'impôts — et ne croyant pas avoir à en payer
pai* la suite — elle a pu distribuer plus de 14.000 francs de prix
et donner à ses membres l'entrée gratuite sur les vélodromes
parisiens. Le chiffre de la cotisation individuelle, y compris
l'impôt, est de 120 francs. Les dépenses des quatre années
s'élèvent à plus de 600.000 francs, soit en moyenne 150.000 fr.
par an. Le montant des contributions et impôts payés depuis la
fondation s'élève à 42.600 francs, ce chiffre ne représente que
les trois années 1895-96-97, et si on y ajoute Timpôt de 1898 on
arrive au chiffre de 54.000 francs. L'association est en déficit,
par conséquent en danger de mort.
Nous passons à V Association Vélocipédtqne cf amateurs, affiliée
à ru. S. F. S. A. Fondée, comme nous l'avons dit, en 1890, l'A.
V. A. compte 220 membres. La cotisation est de 40 francs pour
les membres actifs, 30 francs pour les membres honoraires et
de 12 francs pour les scolaires. Les dépenses globales sont
d'environ 7.500 francs. Les impôts s'élèvent à environ 1 .100 fr.
Le déficit est approximativement 1.200 francs, déficit généreuse-
ment comblé par quelques membres. Mais, que cette générosité
vienne à se lasser, et voilà encore un groupement sportif con-
traint à se disperser.
V Automobile Club, qui a payé Tan dernier 25,000 francs au
fisc, équilibre difficilement son budget. On ne s'en étonnera pas
quand on se rappellera que cette société a dépensé en 1896
75.000 francs pour l'organisation de la course Paris-Marseille*
Elle s'est vainement adressée à l'administration pour obtenir
un dégrèvement.
La cruelle qu^elle est se bouche les oreilles
Et la laisse crier.
Les cercles purement politiques — nous citerons le Grand
Cercle Républicain *— d'oîi les cartes sont rigoureusement
exclues, ne sont pas mieux traités. Assimiler au point de vue
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316 LES SOCIÉTÉS SPORTIVES
fiscal un cercle de ce genre à un cercle qui a, pour obtenir
l'équilibre de son budget, la ressource du jeu, oyx même à un de
ces établissements qui n'ont de cercle que le nom et qui sont de
véritables tripots, c'est une iniquité à laquelle il est impossible
que le gouvernement persiste à s'associer.
Deux ordres de considérations militent en faveur du dégrève-
ment réclamé par les sociétés sportives. Us correspondent aux
deux branches qui se disputent la faveur des hommes de sport :
d'une part, le cyclisme et l'automobile, qui en est issue; d'autre
part, les exercices athlétiques et les jeux de plein air, d'un si
heureux effet sur le développement des forces physiques.
. Le cyclisme a commencé par être un jeu ; il est devenu un
moyen pratique de locomotion pour les travailleurs de toutes
les classes de la société, en même temps qu'il est resté, pour
les touristes, un sport de plus en plus apprécié. L'heureuse
transformation du vélocipèdç en bicyclette, la multiplication
obtenue par l'emploi de la chaîne de Vaucanson, a été le point
de départ d'une industrie qui défie la rivalité de l'étranger et
qui est devenue un des éléments de la prospérité nationale.
Nous en dirons autant et même plus de l'automobile. Issu
de la vélocipédie, il a pris rapidement des développements
tels qu'il est impossible de prévoir où ils s'arrêteront. Cela s'an-
nonce comme une révolution dans l'industrie des transports, et
les compagnies de chemins de fer, au début si dédaigneuses du
nouveau mode de locomotion, trop portées à le considérer
comme une amusette, objet d'une vogue momentanée, auront
peut-être un jour à compter avec lui, au moins pour le trans-
port des voyageurs.
Là encore nous nous trouvons en présence d'une industrie
vraiment nationale, et qui semble devoir le rester encore long-
temps, car l'étranger s'incline de bonne grâce devant notre su-
périorité en matière d'automobile ; il n'essaie que très timi-
dement de lutter avec notre fabrication et il reconnaît notre su-
prématie en faisant pleuvoir ses commandes sur nos usines.
Si la fabrication de la bicyclette et celle de l'automobile ont
pris dans l'industrie française une place si considérable, elles le
doivent en partie, il n'est que juste de le reconnaître, aux socié-
tés sportives qui n'ont reculé devant aucun sacrifice pour pro-
pager le goût de ces moyens de locomotion.
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ET LES CERCLES SANS JEU DEVANT LE FISC 317
En ce pays où Ton a que trop rhabitude enfantine de s'adres-
ser à l'État comme à un père chargé de pourvoir aux besoins de
ses enfants, l'initiative privée a fait de véritables merveilles
dans cet ordre d'idées. Nous citions tout à l'heure V Automobile
Club n'hésitant pas à dépenser 75.000 francs pour organiser en
1896 la course de Paris-Marseille. Est-ce que l'Etat, à un mo-
ment quelconque^ quelle que fût d'ailleurs sa bonne volonté,
pourrait donner un pareil exemple de munificence?
Ajoutons que cette année même l'A. C. institue un concours
d'accumulateurs électriques qui lui coûtera au moins 25.000 fr.
Il s'agit de primer le meilleur accumulateur. C'est donc une
subvention à la science appliquée, d'une imporiance telle que le
prix Gobert, la plus haute récompense que décerne l'Institut,
est peu de chose à côté.
Demandons-nous donc trop à l'Etat, quand nous le supplions
de ne pas paralyser de si généreux efforts en accablant les so-
ciétés sportives sous le poids de charges trop lourdes pour elles?
D'ailleurs, nous prêchons pour ainsi dire un converti ; le gou-
vernement garde dans la question une attitude purement pas
sive. Reconnaissant de bonne foi que les sociétés sportives
atteintes par les lois de 1871 et de 1874 ne fournissent, à raison
de leur nombre relativement peu considérable, qu'un appoint
insignifiant aux ressources budgétaires, il ne demande qu'à se
laisser faire une douce violence, comme le prouve l'attitude du
ministre des Finances acceptant l'amendement proposé par moi
en 1898. C'est donc aux pouvoirs législatifs qu'il convient de
faire appel pour obtenir gain de cause, en créant au miUeu de
nos assemblées un courant propice à une si légitime revendica-
tion.
Nous ne terminerons pas ce travail san» dire quelques mots
des raisons qu'invoquent justement pour être dégrevées les so-
ciétés oÎL l'on pratique les exercices athlétiques.
Pour être d'un autre ordre que celles que nous avons présen-
tées au sujet de la vélocipédie et de l'automobile, elles n'en
sont pas moins décisives à notre avis.
L'apologie des exercices physiques n'est plus à faire : à une
époque où tout le monde est soldat et où il faut beaucoup de
soldats, il est de toute nécessité que ceux qui auront à soutenir
sur les champs de bataille la cause sacrée de la patrie soient à
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318 LES SOCIÉTÉS SPORTIVES
la hauteur de leur tâche, et que leurs forces île trahissent pas
leur bonne volonté. C'est par la pratique des exercices sportifs
et de plein air qu'ils acquerront Tendurance indispensable et, à
ce sujet, qu'on nous permette de citer une Jbelle page d'un écri-
vain qui fut un historien plein de sagacité en môme temps qu'un
homme de mer éminent :
Jamais peuple, dit-il, dans son légitime désir d'arriver à la perfection
corporelle, n'a plus fait pour venir en aide à la nature que les Grecs;
Tarène de leurs gymnases avait, sous ce rapport, une bien autre vertu que
les bancs studieux de nos collèges. Au miUea des plus grands dangers,
sous le coup des privations les plus dures, les Grecs songent encore à en-
tretenir par les soins journaliers dont ils ont contracté l'habitude, la sou-
plesse de leurs membres. Achille sortit du Styx invulnérable; eux, ils se
frottent d'huile et deviennent insensibles aux intempéries. On les voit,
quand ils traversent le Caucase des Indes pour descendre dans les plaines
de la Bactriane, manquant de blé, de vin, se nourrissant depuis plus d'un
mois de vivres dérobés au jour le joiu*, payer l'amphore d'huile de sésame
près de 200 francs, tant leur corps avait contracté le besoin de ces onc-
tions chères aux familiers du stade et du cirque ; s'il existe un moyen
d'endiu'cir la plante humaine à ces brusques passages de saisons, à ces
alternatives] subites de climats extrêmes, hâtons-nous de nous l'approprier;
une nation se relève de tout, pourvu que son sol continue de produire
des enfants robustes : la dégénérescence de la race est la seule déchéance
dont on ne revient pas.
(JuRiEN os LÀ Gravière, La Conquête de VInde,)
Associons-nous à ces sentiments patriotiques si noblement
exprimés; ne nous bornons pas à applaudir platoniquement
aux généreux efforts des sociétés sportives, mais encourageons^
les d'une manière effective, en travaillant à les délivrer des
entraves du fisc, après avoir constaté que toutes sont dignes
de s'approprier la devise de la plus puissante d'entre elle :
Ludus pro Patria (1).
(1) Devise de lU. S. F. S. A.
Descobes,
Ancien député»
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LtDllCATlON GRËCHATlNfi
ET
LES BESOINS DE LINSEIGNEMENT MODERNE
Les problèmes de l'éducation préoccupent vivement Topinion
publique à l'heure actuelle, et chaque jour nous entendons de
nouveaux plaidoyers sur cette question capitale pour l'avenir
de notre pays et sa grandeur future. Les uns déclarent l'ensei-
gnement classique inutile et suranné, en rêvent la suppression
plus ou moins complète au profit d'un enseignement plus
scientifique et plus moderne. Les autres, avec non moins de
passion, témoin lediscoursderémineiitacadémîcien, M. Boissier,
prennent la défense des vieilles institutions et de Tancien
système. Les uns et les autres se placent sur le terrain spéculatif
de la pure philosophie, vantent les mérites propres de l'édu-
cation gréco-latine ou de Téducation scientifique, essaient au
besoin d'atténuer les défauts du système qu'ils préconisent et
semblent croire que de ces discussions sortira la solution défi-
nitive de ce très grave problème social. Les plus modérés
pensent sans doute découvrir des moyens de conciliation entre
les deux opinions également intransigeantes. Or discuter ainsi
les mérites respectifs des enseignements projetés et des vieux
systèmes, c'est restreindre la question et c'est la mal poser. Le
problème n'est pas uniquement dominé par des considérations
morales et philosophiques, il Test aussi par des considérations
historiques. Ce n'est pas seulement l'évolution sociale qui, en
suscitant parmi nous des besoins nouveaux, a rendu néces-
saire un nouvel enseignement, c'est aussi le vieil enseignement
qui a été atteint par le progrès de la pensée et qui s'est modifié
en soi, de telle sorte qu'on ne peut plus attendre de lui ce qu'à
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320 L ÉDUCATION GRÉCO-LATINE
bon droit en attendaient nos pères. Le problème n^est pas de
savoir quel est, du classique ou du scientifique, le meilleur
enseignement, mais tout d'abord de savoir si renseignement
classique peut aujourd'hui produire les mêmes excellents résul-
tats qu'il y a cinquante ans, en un mot si cet enseignement
classique serait aujourd'hui utile, désirable et possible.
1
Les défenseurs de la vieille éducation classique invoquent à
l'appui de leurs thèses l'exemple soutenu des générations précé-
dentes. C'est, disent-ils, l'étude et l'assimilation des grands
classiques grecs et latins qui nous ont valu, depuis près de trois
siècles, tant de gens de cœur, d'esprits distingués et de grands
penseurs. L'antiquité classique a été la source inépuisable oii
ils ont puisé les grands sentiments et les grandes pensées. Rien
de meilleur, en effet, que les vieux maîtres pour former des
âmes fortes et viriles, des citoyens intègres et dignes, et jamais
l'éducation scientifique ne donnerait à la jeunesse ces élans du
cœur et ces nobles sentiments qui nous ont fait dans le monde
les héros d'une si grande épopée. Aucun allument ne saurait
pour eux mieux militer que cette expérience de trois siècles en
faveur de la vieille éducation latine
Ces arguments sont très forts et seraient irréfutables si les
idées qui les inspirent étaient encore vraies. Mais les générations
qui vont venir pourront-elles se faire, des fameux modèles anciens
une idée aussi grandiose que nos aïeux et même que la plupart
de nos comtemporains ? On peut sans paradoxe affirmer le
contraire. Notre siècle a vu s'élargir de façon extraordinaire
l'horizon de l'esprit humain; la vérité âprement recherchée n*a
respecté aucune de nos illusions d'autan, même les plus respec-
tables. Au milieu du progrès des sciences de l'histoire qu'est
donc devenue notre conception de l'antiquité? Notre admiration
pour ses grands esprits, pour n'en être pas moindre peut-être,
n'est-eJle pas changée cependant d'une façon sensible?
Jadis l'éducation gréco-latine était une éducation encyclopé-
dique. Pour nos pères du xvu« ou même du xviu" siècle^ la cul-
ture des anciens renfermait tout ce qu'un honnête homme peut
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I
m^
ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 321
et doit savoir. Les anciens n'étaient-ils pas, sinon toute la civi-
lisation antérieure, du moins une civilisation très grande, peut-
être supérieure à l'état du monde d* alors ; dans le recul des temps
elle paraissait digne d'une admiration sans réserve ; pourrait-
on même la dépasser? La question était controversée.
Toute la pensée humaine, depuis les origines de la civilisation,
se résumait en la pensée antique de la Grèce et de Rome complétée
par les saintes écritures. La concilation du nouveau testament
et des œuvres des anciens n'avait-elle pas été même, pendant
longtemps, pendant tout le moyen âge, le but principal de la
philosophie ? Quant aux autres civilisations anciennes, on n'en
savait que ce que les historiens grecs et romains avaient bien
voulu nous dire. L'Egypte et la Ghaldée n'étaient connues que
par les récits fantastiques d'Hérodote et de quelques historio-
graphes de la décadence. Dès que Ton parlait de ces anciens
peuples, on rentrait dans le domaine de la fable et du mystère :
la légende remplaçait l'histoire ; en dehors des récits fantastiques
de ce voyageur, chercheur d'anecdotes et d'historiettes que fut
Hérodote, on n'avait sur ces peuples que des données très
imprécises et des idées très fausses.
Or, voici que de notre temps on s'est plu d'abord à rechercher
les origines très lointaines de la race humaine et à faire revivre
les civilisations disparues. On s'est aperçu que bien avant la
Grèce avaient fleuri sur les bords de TEuphate et du Nil des civi-
lisations très avancées dont on a reconstitué l'histoire. On a
interrogé leurs monuments, retrouvé leur langue, déchiffré
leurs inscriptions et leurs papyrus, le même travail se poursuit
aujourd'hui dans l'Inde, dans la Chine, au Pérou. De telle sorte
que la civilisation gréco-romaine n'apparatt plus comme l'uni-
que civilisation humaine en face dos livres hébraïques qui
représentaient non une civilisation, mais une révélation; elle
apparaît comme une étape seulement de l'humanité en marche
vers les progrès futurs. Sans doute, la Grèce eut une explo-
sion de vie intellectuelle que ne semblent pas avoir toujours
connue les civilisations antérieures. Mais aussi, il est devenu
injuste de dire, en parlant seulement de la Grèce et de Rome,
« les anciens », et ceci fait déjà beaucoup pour les dépouiller
devant les générations actuelles du respect quasi religieux dont
on les entourait naguère.
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322 l'éducation gréco-latine
Mais là ne se borne pas le changement apporté dans notre
conception de Tantiquité gréco-latine par le progrès des sciences
de rhistoire. Il y a de plus un changement considérable dans la
façon de juger et d'interpréter les anciens. Ce changement
nous allons le constater, soit en considérant l'antiquité en
général^ soit en suivant la destinée de quelques-uns de ses
auteurs à travers les âges jusqu'à notre époque, lorsque la
discussion nous amènera à parler de leurs couvres.
Aa point de vue général, ce qui a disparu de nos jours (et il y
a très peu de temps), c'est la conception majestueuse et hiéra-
tique que nous nous faisions des anciens. Celle-ci, à vrai dire,
n'a pas toujours existé : le xvj® siècle ne l'a pas connue, et
Montaigne, par exemple, vivait tout à fait dans l'intimité avec
les auteurs anciens, qu'il s'ingénie plutôt à troijtver bons compa-
gnons que héros solennels et graves. Mais il semble qu'avec le
xvii' siècle, je ne sais quoi de la raideur aristocratique de la
cour de Louis XIV passe dans les personnages de l'antiquité.
Ce n est pas sans avoir pris quelque peu le ton de la cour du
grand roi que les héros anciens sont venus peupler Versailles.
Et cette conception d'une antiquité majestueuse et redoutable
se dessine de plus en plus nettement au xvui® siècle, à mesure
que l'on s'ingénie à trouver dans les anciens le modèle des
républiques idéales, peuplées de grands citoyens. Il faut dire
que cette conception de l'antiquité était très logique si on ne
voyait la littérature ancienne qu'illustrée par ce qu'on connais-
sait de la statuaire antique. On ne possédait, en effet de celle-ci
que les immortelles statues de ses grands héros et de ses dieux,
majestueux, terribles, l'œil fixé dans un tel lointain de rêves
que l'on s'est demandé récemment, dans une curieuse étude, si
les anciens n'avaient pas les yeux quelque peu difiEérents des
nôtres. Cette illusion disparait d'ailleurs dès que l'on fréquente
les musées de Rome ou de Naples et qu'on y voit les innom-
brables statues anciennes, aux yeux en onyx où se trouve figurée
la prunelle. Mais la conception d'une antiquité solennelle et
presque hiératique est restée la nôtre, aussi longtemps que la
conception précédente est demeurée la seule de l'art antique,
c'est-àrdire bien après les ouvrages de La Harpe, presquejusqu'à
ces dernières années. L'archéologie, ici comme dans bien d'au-
tres circonstances, a renversé ces erreurs. Lorsque Pompéi a
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ET LES BESOINS DE RENSEIGNEMENT MODERNE 323
été lentement exhumé de son linceul de cendres, lorsqu'on a
ainsi retrouvé par centaines les œuvres antiques, lorsqu'aussi
on eût mis au jour ces statuettes colorées de Tanagra si vivantes
et si animées, les anciens nous parurent beaucoup plus près de
nous que nous ne l'avions imaginé. Nous ne connaissions d'eux
que leur grand art sacré ; les statuettes d'Herculanum et de
Pompéi, les peintures et les dessins, les fresques de la demeure
des Vettius, en nous faisant pénétrer dans la vie privée des
Romains, nous révélèrent toute une partie de leur art, jusque-là
inconnue. On vit ainsi qu'en grande partie Ronsard et Mon-
taigne avaient raison et que le grave La Harpe n'était que
M. Charitidès. Le monde antique était transfiguré.
Les anciens avaient connu la vie animée et frivole : on cessait
de se les représenter perpétuellement drapés avec solennité
dans leur toge. — Certains d'entre eux gagnèrent sans doute à
être ainsi mieux connus, tel par exemple ce poète du dilettan-
tisme et du raffinement délicat que fut Horace, On cessa de le
considérer comme le poète aux grandes envolées de quelques
unes de ses odes pour savourer le charme raffiné de ses petites
pièces familières : on en a fait ce qu'il fut réellement, un doux
épicurien, une sorte de Musset qui n'aurait pas connu la tris-
tesse, et non plus seulement un Boileau et un Pindare. Un
Pindare 1 Etait-ce bien un éloge faire de lui que de le comparer
à Pindare, ce poète jusqu'alors si mal connu, et cependant d'une
célébrité proverbiale, ce poète qu'aujourd'hui l'on apprécie si
sévèrement? Le fameux grand lyrique grec n'était en effet qu'un
barde de circonstance, chargé par les villes grecques de célébrée
le vainqueur des matchs athlétiques et qui, profitant de la cir-
constance, augmentait son sujet en célébrant les villes et les
dieux. D'une érudition extraordinaire, accrue peut-être par une
imagination féconde, son œuvre, exposé savant et complet des
légendes religieuses, est remplie d'allusion mythologiques dont
on n'a pas encore bien percé tous les mystères. On sent qu'on
est près des origines de la poésie, chant rythmé permettant de
conserver les légendes,, les recettes médicales et les découvertes
accomplies. Pindare a cessé d'être le poète de génie que l'on ne
peut égaler.
C'est une légende qui disparaît, comme celle de l'antiquité
surhumaine qu'on s'était plu à imaginer. Or cette idée des
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324 L ÉDUCATION GRÉCO-LATINE
grands anciens, représentant pour ainsi dire les hommes tels
qu'ils devraient être, était excellente au point de vue de Tédu-
cation. Aujourd'hui, la salutaire illusion sur laquelle elle repo-
sait s'est évanouie. L'éducation dés enfants, par le contact des
fameux grands modèles anciens, ne serait-elle pas pour cette
cause incapable de produire les bons résultats d'antan? Comment
enseigner désormais aux élèves le respect religieux de ces très
vénérés maîtres et moraliser la jeunesse avec l'antiquité souvent
grave jusqu'à l'ennui, si l'on est forcé d'avouer que ces anciens
nous ressemblaient étrangement et que, parmi eux, plus souvent
que des Caton l'on rencontrait les silhouettes gracieuses et
légères des danseuses de Tanagra?
La disparition de l'idéal d'une antiquité hiératique, rem-
placée par un idéal tout différent a donc modifié le rôle éduca-
teur des écrivains anciens. Mais ce n'est pas à ce point de vue
seul que la conception générale qu'on se faisait de l'antiquité a
changé : une conception nouvelle est née de l'application aux
œuvres anciennes des découvertes de l'archéologie et de la phi-
lologie modernes; enfin et surtout des procédés de la critique
contemporaine. Quelle est exactement la valeur de ce change-
ment et quelles en doivent être les conséquences, c'est ce qui
va nous apparaître plus clairement en recherchant pour quel-
ques unes des principales œuvres anciennes quelle a été l'évo-
lution de la critique. Nous examinerons ainsi successivement
les différentes conceptions de l'antiquité au point de vue de la
morale, puis au point de vue politique, enfin au point de vue
économique, qui se sont succédé depuis l'établissement de nos
programmes d'enseignement classique. C'est par l'atténuation
de l'influence morale des écrivains anciens dans l'éducation fu-
ture qu'il nous faut commencer.
11
L'idée que du commerce des lettres anciennes doit être retiré
le profit d'une éducation morale a son origine dans la croyance
où étaient eux-mêmes les anciens qu'il fallait voir dans les
grands écrivains des philosophes et des moralistes. On sait que
pour Homère particulièrement cette tradition était très vivante,
notamment à la grande époque classique du siècle d'Auguste.
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 825
On prétait aux très vieux poètes des intentions éducatrices et
morales qu'ils n'ont sans doute jamais eues.
Cela tenait surtout à ce que les Romains n'ont jamais bien
compris l'histoire, à ce qu'ils n'en ont jamais saisi le développe-
ment progressif. Ils ont cru que les poètes, les écrivains des
temps plus anciens étaient animés de leurs préoccupations et
de leurs idées. Homère, croyaient-ils, avait sans doute chanté
les héros avec un incomparable génie : il possédait mieux la
tradition qu'eux-mêmes, étant plus près de ceux-ci parle temps:
mais rien n'empêcherait un de leurs contemporains de l'égaler
dans un ouvrage du même genre. C'est ce que tentèrent en effet
des centaines de poètes héroïques pendant l'antiquité et jus-
qu'aux temps modernes. L'erreur qui animait leur courage et
leur fît mettre au jour tant de vers dactyliques et d'alexandrins
subsista jusqu'à Voltaire; celui-ci crut même nécessaire de faire,
dans un curieux opuscule, la théorie du poème épique, montrant
avec soin de quelles recettes Homère s'était servi pour confec-
tionner une épopée; puis joignant l'exemple au précepte il
ennuya gravement ses contemporains avec la Henriade. — La
critique moderne a fait justice de l'erreur qui consistait à assi-
miler les primitifs aux écrivains des grandes périodes et à
croire qu'ils étaient des érudits habiles en même temps que de
grands poètes. Elle a nettement séparé Virgile d'Homère et-
montré ce qui différenciait les poètes primitifs du poète de
V Enéide. Jadis, on les réunissait dans une même admiration.
C'étaient d'abord deux profonds philosophes, ensuite deux
grands poètes qui n'avaient pas craint de s'attaquer au genre le
plus difficile et le plus noble, le genre épique. Ils avaient ainsi
produit deux chefs-d'œuvre qui faisaient et devaient faire à
jamais l'admiration et le désespoir des races futures.
Or, voici que nos critiques, éclairés parle progrès et par une
plus judicieuse admiration des anciens, nous démontrent
qu'Homère (s'il exista) ne fut que le barde de génie qui donna
une forme meilleure aux cantilènes d'une pleïade de devan-
ciers, faisant œuvre d'historien autant qu'œuvre de poète.
1/épopée cesse d'être le genre noble des poèmes en vingt-quatre
chants : on voit ainsi qu'elle n'est que l'aurore de l'histoire,
et que la véracité fut la condition première de son succès, de
son existence. Le merveilleux que nous y remarquons aujour-
REVUE POLIT., T. XX 22
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326 l'éducation GRÉCO-LATINE
d'hui et dans lequel nos Boileau et nos La Harpe ne voulaient
voir que des artifices habiles et une question de métier n'était,
en réalité, que le grossissement de Timagination populaire dé-
naturant les grands événements, ornant peu à peu d'anecdotes
et de légendes les faits accomplis. Ces légendes, les contempo-
rains d'Homère les ont crues ; tout au moins ils les ont consi-
dérées comme possibles. Homère et les poètes de son temps en
les recueillant dans la tradition orale, les ont acceptées comme
vraies. Ils ont été sincères et naïfs, de là le charme des primi-
tives épopées- Ce charme n'est point fait de l'emploi habile de
procédés et de convenu, il naît de Témotion du poète et de l'in-
térêt de vérité qui s'attachait à son récit. C'est pourquoi, lorsque
la civilisation fut plus avancée et les conditions dç la production
littéraire devenues tout autres, lorsque l'histoire fut distincte de
la légende et de la poésie, les imitateurs d'Homère ne réussirent
point. L'épopée était avant tout de l'hitoire vécue et vraie,
l'évocation d'un passé glorieux ou de la misère humaine. Seuls
les bardes de la 'Chanson de Roland et des Niebelungen,
sans connaître Homère, il est probable, mais placés dans des
conditions semblables à celles où il écrivait, retrouvèrent l'ins-
piration de l'épopée homérique. C'est qu'en effet, ce grand
« souffle épique » dont Boileau fit la théorie et dont l'admiration
confiante des générations permettait depuis tant de siècles aux
professeurs de rhétorique de ponctuer d'exclamations laudatives
même les vers les plus insignifiants des poètes anciens, ce
fameux souffle héroïque n'avait jamais préoccupé les bardes
épiques. Entraînés par leur inspiration et par la grandeur des
événements dont ils narraient l'histoire, il leur fut donné d'at-
teindre le sublime en des fragments qui resteront toujours
dignes de nos louanges, mais c'est dans l'émotion sincère de
leur âme qu'ils puisèrent tous leurs artifices. Et n'est-ce pas
pour les mêmes causes que nous retrouvons le souffle épique
dans les temps contemporains chez Hugo? La grande épopée
moderne, c'est la Légende des siècles, complétée par les pièces
éparses d'Hugo sur 1789 et sur Napoléon. Hugo fit une grande
ceuvre épique, sans avoir conscience de bâtir une épopée : il fut
le grand poète évoquant l'histoire : il fit même plus, il la médita
et, ceci est caractéristique, le rapproche de Virgile plus encore
que d'Homère. Tous trois ont eu des buts différents*
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 327
Virgile est le seul poète auquel pourraient encore s'appli-
quer les déclamations des Aristarques sur Tépopée* N'est-il pas
venu dans une période de civilisation raffiiKée, hanté comme
nos Boileau de l'idée d'imiter Homère ? Mais il faut bien le dire,
en croyant tous les poètes épiques semblables à Virgile, on avait
pris l'exception pour la règle. Virgile est un génie très particu-
lier, bien difficile à classer dans l'histoire des lettres; il appar-
tient à la race de ces artistes, qui, comme Puvis de Chavannes
auquel on ne saurait mieux le comparer, s'imposent à l'admira-
tion des hommes sans refléter l'àme de leur temps. Leur œuvre,
toute de beauté et de rêve, n'en est pas moins unique, étrange,
difficilement définissable en une formule quelconque. Il en est
ainsi du grand poète latin. D'ailleurs, c'est aussi l'émotion de-
vant la grandeur de l'.histoire qui fait Tun des principaux
attraits de l'œuvre de Vii^ile. Celle-ci est peut-être inférieure à
celles d'Homère et d'Hugo : Énée, héros pâle et problématique,
toujours hésitant comme si la grandeur du destin de sa race
l'accablait chaque fois qu'il doit agir, sans cesse consultant les
dieux, n'est pas fort intéressant en lui-môme. Ce qu'il repré-
sente c'est le « destin en marche » ; ce qu'on voit trop en lui ce
n'est pas le guerrier ni le politique, c'est l'ancêtre d'une prodi-
gieuse lignée. Les plus beaux endroits du poème sont ceux où,
abandonnant son héros et son sujet, Virgile nous a peint la
grandeur future de Rome avec une majestueuse ampleur.
Il a voulu faire un grand poème national : le roman d'Énée
n'est qu'un prétexte pour célébrer la patrie romaine, réunir en
un seul ouvrage toutes les légendes éparsesdu Latium, et expli-
quer les rites complexes de la religion antique : c'est à la fois
un poème, une anthologie et un travail d'érudit sur les origines
du culte : c'est surtout une paraphrase de l'histoire. Si nous son-
geons que ïlliade en était l'embellissement très près du réel,
que d'autre part la Légende des siècles en voulut être l'évoca-
tion" plus exacte, plus philosophique, on en arrive à cette con-
clusion que c'est seulement dans les temps modernes que les
profondes pensées ont guidé le poète, que celui-ci a nettement
voulu être un grand éducateur et un moraliste. « Les œuvres de
la légende, dit Victor Hugo dans la préface, ne sont autre chose
que des empreintes successives prises tantôt sur la barbarie,
tantôt sur la civilisation, presque toujours sur le vif de H is-
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328 l'éducation gréco-latine
toire, empreintes moulées sur le masque des siècles. Ce que
voudrait le poète, c'est exprimer Thumanité dans une espèce
d œuvre cyclique^a prendre successivement et simultanément
sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion,
science, lesquels se résument en un seul mouvement d'ascen-
sion vers la lumière... Or, ajoute-t-il plus loin, Fintention de
ce livre est bonne » et il se qualifie lui-môme de poète phi-
losophe. Ainsi donc le rôle de moraliste a été recherché par
les modernes et non pas par les anciens.
On s'était eflForcé de voir dans VIliade et dans VEnéide un
double enseignement, d'abord je ne sais quel profit moral, tra-
dition qui nous venait de l'antiquité elle-même, et puis un
grand enseignement littéraire puisé dans ladmiration pour un
poème merveilleux que Ton croyait conçu et exécuté pour ainsi
dire dans Tintemporel. Homère surtout avait, par la seule force
de son génie, mis au monde ce chef-d'œuvre d'art et d'imagina-
tion. C'était le plus pur et le plus grand des modèles. Or, la cri-
tique contemporaine faisant disparaître ces très vieilles illu-
sions, ne veut plus même voir d'enseignement littéraire ni d'en-
seignement moral dans les vieilles épopées; tout pastiche en est^
dit-elle, impossible, toute imitation stérile. Elle les admire,
mais pour de tout autres raisons qu'autrefois, en s'eflForçant de
les mieux comprendre. Voici déjà pour ce grand classique
qu'est encore aujourd'hui le chantre d'Hector, une évolution
qui le rend désormais tout autre qu'il n'était il y a cinquante
ans aux yeux des générations. Ce n'est plus le philosophe, ce
n'est plus même le modèle inimitable, le type parfait du grand
constructeur d'épopées. C'est toujours un grand poète. Mais il
n'est plus le poète unique, le poète géant qu'il faut faire admi-
rer à toutes les générations futures.
Le mirage est disparu : Homère a repris son rang dans l'his-
toire. Le méditer et le connaître ne valent plus qu'on fasse con-
sacrer à tous nos jeunes Français cinq années à apprendre le
grec! — Or, Homère était au premier rang parmi les quelques
écrivains anciens isolés avec soin par nos éducateurs comme re-
présentant « toute» l'antiquité grecque dont il fallait extraire la
« substantifique moelle )>. Voici Homère placé presque eu dehors
du monde grec, déchu de son rôle philosophique et dépourvu
de la trop savante poétique qu'on lui avait prêtée. Cela ne l'em-
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 329
pêche pas d'être un grand poète. Mais son rôle éducateur est de-
venu insignifiant.
L'illusion des Aristarques s'efforçantde voir dans quelques
auteurs anciens isolés pour l'éducation de la jeunesse d'abord
une étude suffisante de toute l'antiquité, ensuite la fréquenta-
tion nécessaire de modèles presque inimitables au point de vue
de la forme et de la pensée, va donc disparaître pour jamais. La
critique contemporaine a été dure pour les Aristarques. Les
générations futures liront les anciens avec curiosité et plaisir,
mais non plus avec cette admiration béate qui reposait sur une
conception incomplète de leur pensée et de leurs œuvres. Ainsi
donc, môme au point de vue littéraire pur, la culture des lettres
anciennes n'apparaît plus comme si essentielle qu'on ne puisse
s'en passer, et surtout comme si primordiale qu'on doive em-
ployer tant d'années si utiles de la jeunesse à apprendre pour
les mieux pénétrer toutes les finesses des langues anciennes.
S'ensuit-il de là qu'on doive la négliger entièrement? Ce serait
peut-être une faute grave. L'éducation gréco-latine ù la Renais-
sance et au xvH« siècle représentait Téducation intégrale, Tcncy-
clopédie de la connaissance humaine. C'est cette idée, ce désir
qu'il faut reporter dans l'éducation future. Or les lettres an-
ciennes ne représentent plus aujourd'hui la pensée humaine, le
rôle qu'elles sont appelé à jouer dans l'instruction doit être dé-
sormais proportionné au rôle qu'elles ont eu réellement dans le
développement de cette pensée, place véritable qu'elles occu-
pent dans l'histoire : la critique contemporaine, achevant
l'œuvre des historiens, a contribué à déterminer cette place en
détruisant les erreurs séculaires qui faussaient notre vision de
l'antiquité littéraire en la remplaçant par une vision nou-
velle.
Homère, Pindare, Virgile, voici déjà trois des grandes divi-
nités du culte religieux de l'antiquité, culte qui justifiait les
enthousiasmes pour notre éducation «classique, voici ces trois
poètes jadis considérés comme inaccesibles et placés très près
de l'absolu entièrement métamorphosés à nos yeux. Mais ce n'est
pas seulement au point de vue artistique et littéraire que le pro-
grès des temps a amené des changements dans 'notre concep-
tion de l'antiquité classique : il en est d'autres et de plus
profonds et de plus graves.
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330 l'éducation gréco-latine
Dans le monde de rêve où Ton s'était efforcé de placer la civi-
lisation gréco-romaine, on n'entrevoyait pas seulement le
monde de la beauté, de cette beauté classique définie à Venvi
par tous nos rhétoriciens, on entrevoyait aussi nécessairement
un monde de la politique, un monde d'action. Or ce monde n'é-
tait pas plus l'antiquité politique qu'Homère le poète cultivant le
genre noble. Une erreur profonde s'est maintenue pendant plu-
sieurs siècles sur la vie politique et les sentiments des anciens,
et cette erreur a eu sur notre histoire, et en particulier sur notre
histoire révolutionnaire, un effet prodigieux. Nous entrons donc
ici dans la partie la plus importante du problème. Le contact
et l'étude de la civilisation antique, telle qu'elle nous apparaît
aujourd'hui, seront-ils encore capables de produire des résultats
appréciables en faisant l'éducation politique de la jeunesse do
notre pays, et quels seront ces résultats? Au contraire, la concep-
tion nouvelle qui s'impose à nous de l'antiquité gréco-latine et
qui s'imposera sans conteste aux générations qui vont venir
n'a-t-elle pas tout changé à cet égard ? Voilà la question capi-
tale.
Or une légende domine toutes les autres : c'est celle de la
pure grandeur des républiques antiques, des républiques
idéales d'Athènes et de Rome.
L'illusion avait des causes lointaines : jusqu'à nos jours
l'éducation latine pouvait passer comme le complément d'une
bonne éducation libérale. Les tirades républicaines, le Sénat et
le peuple, les Décius et les Caton pouvaient faire battre les
cœurs en ouvrant les horizons du rêve. Les républiques an-
ciennes apparaissaient comme des modèles, comme des temps
d'incomparable liberté, peuplées de grands citoyens à propos
desquels on aimait à méditer la pensée de Jean-Jacques : c< Le
fondement des républiques est la vertu. »
Ces idées, ou plutôt ces tendances admiratives envers l'anti-
quité républicaine, avaient plusieurs causes. C'était tout d'a-
bord l'influence morale de Plutarque métamorphosé et popula-
risé par la traduction libre d'Amyot. Rien n'est plus outré que
le parallélisme des biographies de l'auteur grec toujours pré-
occupé d'ingénieuses comparaisons, recueillant toutes les
légendes, tous les on-dits, embellissant à plaisir l'histoire dans
un étrange désir de symétrie prétentieuse. Or, voici que dans
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ET LES BESOINS Drf l'eNSEIGNBBIENT MODERNE 331
sa libre traduction, Amyot revêt toutes ces pensées du charme
naïf de la langue du moyen-âge. Le grave auteur grec devient
un bon conteur, à la délicatesse un peu vieillotte : on dirait
parfois un très vieil ancêtre racontant les belles choses d'antan
à ses petits-enfants. Et voilà Plutarque doué d'une réputation
de douce naïveté, de sincérité et de bonhomie. C'est pour le
bien de la réputation de cet auteur qu'il importe de ne pas sa-
voir le grec! La libre traduction d' Amyot Fa transfiguré, la ren-
du presque populaire : elle seule est vraiment morale,
attrayante et capable par sa bonhomie délicate d'excuser les in-
vraisemblances et de les faire accepter avec plaisir. Quand on lit
le texte grec, la constante préoccupation de Tauteur de comparer
perpétuellement avec gravité la vie de deux hommes illustres
en de trop ingénieux parallèles fatigue et déconcerte quand elle
ne révolte pas. La traduction d'Amyot explique donc seule la
demi-popularité de Plutarque chez nous et la justifie.
Toutefois elle ne suffit pas seule à expliquer la légende de la
vertu antique et de l'admirable république romaine. Il faut y
ajouter les historiens anciens ou plutôt la façon dont ces écri-
vains comprenaient l'histoire, façon qui est restée celle de nos
contemporains jusqu'à la toute récente période actuelle. Cette
évolution dans la façon de comprendre l'histoire est bien la
véritable cause pour laquelle s'est modifié le rôle éducateur des
lettres anciennes. Si j'arrive à bien faire saisir l'importance de
cette modification capitale, cet article ne sera pas inutile : il
importe de bien mettre en lumière ce fait étrange à première
apparence mais vrai d'une vérité profonde, que ce qui a fait
l'honnête homme d'aujourd'hui ne saurait actuellement produire
l'honnête homme de demain. Ceci n'est pas un paradoxe. L'évo-
lution actuelle de l'histoire a changé notre conception du monde.
Nous avions partagé jusqu'à la période toute contemporaine
les idées des anciens sur les divers genres littéraires. Ce n'est
qu'à cette période que les innovations tentées dans l'histoire par
Augustin Thierry, comme celles tentées dans la critique, ont pu
avoir un retentissement dans les programmes d'éducation, alors
que les idées nouvelles s'implantaient peu à pou en dehors et
malgré ceux-ci dans la foule. Or, pour ce qui concerne l'histoire,
les anciens nous avaient appris surtout à la considérer au point
de vue littéraire et au point de vue moral. « L'histoire a pour
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332 L ÉDUCATION GRÉftO-LATlNE
but principal, dit Tite Live dans sa préface, d exposer à nos
regards dans des exemples saisissants et illustres, des ensei-
gnements de toute nature qui semblent nous dire : voici ce que
tu dois faire dans ton intérêt et dans celui de ton pays ». Et Tite
Live profita de cette conception pour faire de son livre une
œuvre de parti; <t il fuit, dit-il, les tristesses de Theure pré-
sente » qu*il n*hésite pas à qualifier de décadence, comme le
vieux Gaton qu'il vantera qualifiait déjà son temps, comme il
sera de tradition après lui pour tous ceux qui voudront paraître
de très profonds philosophes de qualifier leur époque. Et cette
tentation nous en retrouvons un écho inattendu jusqu'à notre
époque, au moment où le cercle de la tradition se brise, alors
qu'une aube nouvelle parait, que la chrysalide prend enfin
conscience de sa lente évolution ! Ayant donc pris pour point
de départ ces idées sur l'histoire et sur son temps, Tite Live en
élevant à l'orgueil romain le gigantesque monument que fki
son ouvrage, s'efforça d'embellir cette histoire, de montrer les
Romains primitifs comme des modèles de vertu.
Comme tous les historiens anciens il n'a pas hésité entre une
reconstitution exacte et une belle reconstitution. Animé d'une
part de préoccupations esthétiques et morales qui doivent tou-
jours rester étrangères aux sciences de l'histoire, d'autre part
victime de l'erreur ancienne qui assimile toujours les primitifs
aux contemporains, et leur attribue nos intentions et nos pen-
sées, il nous a tracé de la Rome antique un tableau de rêve,
dans lequel l'historien moderne ne devine trop souvent qu'une
mise en scène irréelle. Les discours qu'il place à chaque instant
dans la bouche de ses personnages ne sont là que pour l'agré-
ment du récit, et sont faits uniquement pour charmer par leur
variété et par l'art très savant dont ils sont l'expression les goûts
raffinés en matière oratoire du public de son temps. Le fameux
« conciones » est un non-sens historique.
Nous souffrons d'entendre Gaton parler une langue d'une si
savante rudesse et déployer tant d'art à être dénué d'artifices.
C'est qu'en effet nous exigeons de Thistorien l'exactitude et la
précision rigoureuse : l'histoire pour nous ne peut vivre que
de vrai. Tout ce qui est apprêté, retouché, dénaturé d'une façon
quelconque nous blesse et nous irrite dans notre soif du réel,
dans notre ardent désir de connaître sincèrement le p^sé. Nous
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 333
refusons de nous laisser entraîner à la suite des historiens de
l'antiquité à vouloir trouver des exemples moraux en altérant
la pure vérité, en recherchant les saisissantes antithèses, en
feignant d'ajouter foi à des légendes imprécises, en cherchant
enfin à voir dans les héros de Thistoire des personnages d'un
drame immense, dans lesquels Ton peut et l'on doit s'efforcer
d'incarner une idée ou un sentiment, une passion ou un sym-
bole.
Et ce n'est pas seulement parce que la méthode des historiens
anciens n'est plus la nôtre et ne nous semble plus bonne qu'il
en doit être ainsi, c'est surtout parce que notre conception poli-
tique et économique de l'antiquité s'est profondément méta-
morphosée de nos jours. De même que Voltaire se trompait en
croyant refaire la poétique d'Homère et le traité du poème
épique, de même le xvui* siècle tout entier s'est trompé étrange-
ment en voyant dans les républiques antiques le modèle des
républiques futures. Nous savons aujourd'hui ce qu'étaient
exactement ces républiques, petites oligarchies où quelques
familles commandaient à la multitude, au peuple peu à peu con-
quérant «quelque liberté. Dans la république romaine les
citoyens cives romani étaient une minorité intime, auprès
des Latins, des affranchis, des pérégrins, de toute cette série de
castes dominant la grande masse des souffrants, des esclaves
assimilés par le droit à une chose, une res du patrimoine de
l'homme libre.
Les habitants du monde romain n'acquirent même pas le tilre
de citoyens sous la République, mais tout à fait à la fin de l'Em-
pire, et non dans un but d'égalité politique, mais afin de per-
mettre à Caracalla de frapper tous les habitants de la taxe parti-
culière dps citoyens.
Rien n était moins démocratique que ces républiques de l'an-
tiquité. Nos tendances égalitaires modernes étaient entièrement
insoupçonnées du temps des Caton, comme du temps des César.
Une seule fois pourtant les petits se révoltèrent, tentant déses-
pérément de changer leur sort misérable, et de faire une pro-
fonde révolution sociale. Ce fut la guerre des esclaves qui en-
sanglanta la dernière période de la république romaine. Pom-
pée, qui étouffa l'insurrection sous des Qots de sang, sauva la
république^ je veux dire les institutions oligarchiques quali-
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334 l'éducation grécolâtiise
fiées de ce nom, et fut nommé par le Sénat « Père de la Patrie »,
Il avait étouffé le premier mouvement égalitaire et démocra-
tique, je n'ose dire socialiste, qu'ait enregistré l'histoire.
Ainsi rien ne fut moins libéral que la république romaine.
Les révolutionnaires modernes, en reprenant sur le terrain po-
litique le problème dans les conditions particulières où le chris-
tianisme en résolvant la question au point de vue moral,
permettait de le résoudre, firent œuvre toute différente de
celles des législateurs antiques. C'est en vain qu'ils ont pu croire
parfois qu'ils les imitaient : le mirage là encore est disparu.
L'éducation latine n'est plus le fondement indispensable d'une
bonne éducation libérale.
Je dirai plus : la perpétuelle illusion qui hante les historiens
anciens de rapporter toute l'évolution de Thistoire à quelques
hommes dont on nous conte les hauts faits et les pensées nous
semble aujourd'hui étroite et parfois enfantine. Nous savons,
de nos jours, par le développement de l'économie politique,
combien est puissante l'influence des phénomènes économiques
sur les phénomènes sociaux. Or cette influence n'a pas été clai-
rement dégagée par les historiens anciens. Le rôle des trans-
formations économiques aux différentes époques n'a pas été
suffisamment apprécié : ce sont pourtant des causes économiques
bien plus que la disparition de la vertu antique qui ont amené
l'établissement de l'empire à Rome : l'écroulement de la domi-
nation des Césars fut enfin une débâcle financière autant qu'un
désastre militaire. Si le formidable empire de Rome n'eût été
affaibli par une déplorable organisation administrative et fi-
nancière, il eût sans peine victorieusement résisté aux hordes
indisciplinées des Barbares dans leurs attaques successives. La
vérité c'est que cet organisme gigantesque fut paralysé par ce
défaut fondamental dans son effort pour résister, qu'il ne put
déployer ses ressources infinies, que la désorganisation admi-
nistrative des derniers siècles de l'empire était déjt un genre de
démembrement et de faiblesse. L'économie politique domine
l'histoire autant que le génie et la volonté.
Or, que nous prenions les historiens de la Grèce ou de Rome»
tous prétendent nous apprendre plutôt le contraire. — Sala-
mine, par exemple n'est-il pas le pur symbole de la vertu hé-
roïque triomphant du nombre et de la richesse? Sans doute,
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 3d'ô
maïs la vérité ici encore est que Théroïsme eût été vaincu, si
des causes profondes de Taffaiblissement économique qui com-
mençait à décimer la puissance des Satrapesne fussent venues
laider puissamment. Les Perses, dans les guerres médiques et
en particulier dans la conquête de TAttique. ne paraissent pas
avoir tenté un effort bien considérable pour garder ces pays
pauvres de TOccident. Ils préférèrent rester dans TOrientleur
patrie, dans F Asie-Mineure, alors si riche et si entièrement
soumise à leur domination. Le patriotisme des Athéniens et le
souvenir d'un orage terrible qui s'était éloigné firent plus pour
former la légende des quelques milliers d'Athéniens arrêtant
rOrient déchaîné que les conseils de Thémistocle. Les Perses
n'eureni point le désir très net de conquérir le monde et d'or-
ganiser pour cela d'une façon méthodique leurs immenses
richesses. Ils subirent la loi (qui peut-être est la seule grande
dominant l'histoire), que tout peuple dont l'ambition s'arrête
est un peuple qui meurt, et que la lutte pour l'impérialisme
est la seule condition de la vie puissante et durable de tous les
peuples. Principalement pourrexpédition des guerres médiques,
ils la considérèrent comme une tentative pour écraser un nid
de rudes pirates qui occupaient par leurs colonies les ports de
l'Asie-Mineure dont ils avaient besoin pour leur commerce. Ils
n'en firent jamais une question nationale.
De même ce ne sont pas les vices de l'Orient et la mollesse
des gouverneurs et des satrapes qui ont amené la disparition
sans retour des grands empires, ou plus justement des puis-
santes cités dans cette partie du monde. C'est la seule disparition
de l'esclavage. Cette question capitale de la main-d'œuvre à bon
marché domine toute l'histoire politique et économique des
anciens. Notamment pour l'histoire de rOrient, tant que les
maîtres de la terre ont pu faire sans grands frais, grâce à Tes-
clavage, les immenses travaux d'irrigation nécessaires à la mise
en culture du pays, l'Asie-Mineure fut prospère et les grands
propriétaires terriens furent riches. Du jour où l'esclavage étant
disparu la main-d'œuvre doubla, le pays devint et demeura à
jamais stérile, voué à une {►auvreté éternelle. Nulle grande
nation n'y pourra plus éclore.
Ainsi, môme dans ce pays par excellence de Tautocratisme,
dans les royaumes des monarques orientaux, les lois écono-
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336 L ÉDUCATION GRÉCO'-LATINE
miques eurent une influence immense, et sur la destinée des
empires et sur Tirrémédiabilité de leur chute. Cette influence
aujourd'hui justement appréciée n'enlève pas sans doute leur
importance aux actions des hommes et aux volontés des princes,
mais elle ouvre à Thistorien le champ de méditations nouvelles.
Les historiens anciens ont été très près de nous dire toute la
vérité lorsqu'ils ont peint les époques où Tinfluence personnelle
des gouvernants fut la plus grande : c'est ce qui fait l'attrait
puissant du livre de Tacite. Celui-ci d'ailleurs est le plus pro-
fond, le plus grand des historiens anciens : la fécondité et la
vigueur de son génie ont suppléé souvent à la conception in-
complète du rôle de l'historien qu'ont eue tous les écrivains de
l'antiquité. Mais le rôle complexe des phénomènes économiques
méconnu est une cause perpétuelle d'erreurs d'appréciation
chez tous les historiens anciens, et chez Tacite même.
Nous sommes mieux armés que ceux-ci ne Tétaient pour ap-
précier et pour écrire l'histoire des temps qu'ils nous ont narrée :
or ceci nous amène à conclure que la république romaine, pas
plus que les oligarchies des cités grecques perpétuellement dé-
chirées de luttes intestines, de guerres civiles et de proscriptions
n'étaient de véritables républiques. Loin d'y chercher des en-
seignements ou des modèles pour oi^aniser des régimes des li-
berté ot d'égalité, nous sommes maintenant convaincus que ces
régimes ne peuvent et ne pourront ressembler aux régimes an-
ciens, et qu'ils leur sont incontestablement supérieurs. Quanta
la question des grandes leçons de l'histoire à la manière de celles
qu'ont rêvés les Tite Live et les Plutarque, l'insuffisance du
sens critique, les préoccupations esthétiques constantes, étran-
gères par nature à cette science austère, je ne sais quel dileltan-
tisme dans la manière d'écrire l'histoire, sont aujourd'hui au-
tant de raisons qui les rendent presque vaines; en toutcas, avec
nos goûts nouveaux, l'éveil du sens critique et du sens histo-
rique, nous ne pouvons en retirer un profit moral en nous lais-
sant aller au charme de les suivre dans leur interprétation ou
dans leur mise en scène des faits de l'histoire.
III
Que resle-t-il donc de l'éducation gréco-latine, et quel profit
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ET LES DESOINS DE L EMSEJGNEMEIST MODERiNE 337
pourrons-nous en retirer désormais ? Celui de la fri^quentation
d'une belle littérature, très particulière et très grande. Moins
sujets dans rinterprétaticii de la pensée de ces peuples disparus
aux engouements irraisonnés qu'en ce qui concerne nos con-
temporains, nous pouvons ainsi mieux former le goût des jeunes,
le rendre plus difficile et plus délicat. Pour le futur écrivain et
pour Tartiste, la culture des anciens demeurera profitable bien
que ceux-ci aient été loin de tenter en esthétique ce que notre
siècle réalisa.
Mais ce qui ressort de là c'est la nécessité de faire connaître
aux jeunes la littérature ancienne toute entière et non plus
seulement quelques auteurs isolés avec soin.
Ce qu'il importe, c'est de leur apprendre non plus à admirer
et à imiter, mais à réfléchir et à juger. C'est là le caractère
qu'aura de plus en plus nettement l'éducation et c'est ce qui la
différencie considérablement de l'éducation d'antan. Ces idées
se font d'ailleurs remarquer chaque jour dans la pratique, dans
les cours de nos jeunes agrégés. Mais il importe de les préciser,
de les dégager clairement, d'en montrer les conséquences néces-
saires .
La première est la suppression de l'enseignement des langues
latines ou grecques. Tout au plus pourrait- on en laisser un
enseignement rudimentaire à titre de cours supplémentaire, une
fois par semaine dans les lycées, ceci afin de permettre plus
tard, à ceux qui en seraient tentés, de suivre des cours plus com-
plets. Ces cours seraient faits dans les facultés. Ainsi donc,
l'étude des langues anciennes reportée dans l'enseignement
supérieur et réservée à quelques passionnés, voilà le premier
point. 11 est d'ailleurs réalisé à peu près dans la pratique actuel-
lement. On peut affirmer, sans exagération, que parmi tous nos
bacheliers, à peine quelques-uns se destinant à la Sorbonne où
à l'Ecole Normale supérieure sont capables de lire un livre
latin et surtout une page de grec. La vérité est qu'avec l'ensei-
gnement hybride dont nous jouissons, ils ne savent que
quelques mots de grec et de latin, juste assez pour les dégoûter
des lettres anciennes. Ces lettres, ils les ignorent presque totale-
ment : et c'est là ce qui est regrettable. Combien ne serait-il pas
préférable, au lieu des thèmes grecs, de leur faire lire en de
bonnes traductions les auteurs anciens, de les commenter avec
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338 l'ÉDCCATION GRÉCO^LATINE
eux, de leur en faire goûter les qualités et les charmes, de leur
en montrer les défauts, enfin de réaliser en fait l'éducation
gréco-latine qui est aujourd'hui un mensonge hypocrite. Il y
aurait à agir ainsi profit considérable et grande économie de
temps. Mais, dira-t-on peut-être, on ne peut bien goûter une
littérature qu'en lisant les auteurs dans le texte, et de plus la
beauté de la forme des œuvres antiques échappera en partie aux
élèves. L^objection n'est pas sérieuse. D'abord les élèves qui
épellent un chant d'Homère, irrités par le travail fastidieux,
n'en goûtent guère les splendeurs de la forme; ensuite l'admi-
ration pour la forme merveilleuse des écrivains anciens n'a pas
été sans faire partie des superstitions dont on entoura l'anti-
quité ; cette forme, nous ne pouvons plus la bien juger : d'ail
leurs l'imiter ne nous serait guère profitable bien souvent.
Les anciens, pour des raisons politiques et par suite de ten-
dances qui ne sont plus les nôtres, ont trop souvent tout sacrifié
à l'éloquence. Or l'éloquence et particulièreaaent celle de Cicéron
ne nous émeqt plus comme elle émouvait nos pères. Elle fai-
sait partie à titre de brillant accessoire de l'idéal de la grande
république romaine. Avec ses déclamations ampoulées, son
gongorisme redondant, elle agace plus qu'elle n'entraîne : reste
donc l'admiration pour la merveilleuse période oratoire, et
d'une façon générale pour l'éloquence antique. Or, non seule-
ment personne n'a plus l'intention aujourd'hui de parler comme
Cicéron, mais l'art très particulier, très compliqué et très
savant dont les discours anciens sont la curieuse manifestation
nous échappe aujourd'hui en grande partie. A côté du talent
personnel de l'orateur se plaçait en effet, dans l'antiquité
Tapprentissage d'un métier très savant, et dont, aujourd'hui,
nous ne connaissons pas tous les mystères. Pour ce qui est de
la période oratoire, son balancement et sa structure étaient
souvent déterminés par des artifices de métrique sur l'effet des-
quels nous ne pouvons avoir maintenant que de très vagues
données. L'orateur doit savoir la prosodie : il y a tels et tels
pieds, tels et tels mètres qui, convenablement placés, sont d'un
effet merveilleux. Or, aujourd'hui, nous avons perdu complète-
ment la prononciation et l'accent latin et grec. En lisant Démos-
thènes ou Cicéron, nous les dénaturons étrangement. Leurs
effets les plus savants nous échappent. Nous ne pouvons affir-
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 339
mer les comprendre entièrement. Ceux qui les admirent de con-
fiance, admirent Tinterprétation de ces auteurs plus que les
auteurs eux-mêmes. Lire Cicéron avec notre accent français,
c'est comme si Ion faisait exécuter une symphonie pour instru-
ments à cordes par des cuivres ou des bois : l'effet ne serait
peut être pas complètement perdu et la pensée musicale subsis-
terait: mais la beauté des timbres mêlés savamment, médités
par Fauteur pour les cordes, produiraient souvent Teffet opposé
avec les cuivres. En revanche d'autres beautés naîtraient peut-
être, inattendues, mais ce qui serait certain c'est que cette inter-
prétation qu'il nous serait donné d'entendre de la symphonie et
l'œuvre elle-même, ce ne serait plus la même chose. Il en est
ainsi pour Cicéron, même lorsque M- Boissier le litavec le plus
d'enthousiasme.
Ainsi donc, nous ne pouvons apprécier exactement les mérites
de la forme chez les orateurs, chez les poètes. Notre façon de les
lire dans le texte est déjà une traduction. 11 importait de déga-
ger cette vérité. La conclusion que nous en tirerons, c'est qu'en
fait, de bonnes traductions des auteurs anciens nous donne-
ront une idée suffisante des lettres grecques et romaines. 11
serait facile aujourd'hui d'en avoir d'excellentes en utilisant la
science péniblement acquise de tous nos professeurs de lettres
qui vont avoir moins d'emploi pour leur science inutile. Ce
serait, je crois, le moment de mettre à profit toutes ces intelli-
gences remarquables si étrangement fourvoyées en ces travaux
désormais surannées, pour leur faire entreprendre le gigan-
tesque travail d'une traductiojQ complète des littératures latines
et grecques, dont nous manquons encore aujourd'hui.
En faisant connaître aux jeunes gens toute la littérature
antique on développerait ainsi leur sens critique, on leur ferait
méditer plus d'idées et c'est là le grand point poui* l'éducation
de l'avenir. L'éducation gréco-latine, telle qu'on la coinprenait
depuis une cinquantaine d'années a produit le type du très hon-
nête bourgeois ouvert à toutes les idées libérales et poussant
même parfois jusqu'au sacrifice personnel son dilettantisme du
beau et du bien. Avec de belles phrases d'ailleurs on eût fait ce
que l'on aurait voulu de ce docile élève de Cicéron.
Or le temps du dilettantisme et de l'éloquence est passé. Ce
qu'il nous faut ce sont des hommes d'action, ce sont surtout
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340 l'éducation GRÉCO-LâTINE
des hommes avisés, réfléchissant, capables de méditation et de
critique. 11 ne suffit plus d'être honnête^ ce serait le commence-
ment de la malhonnêteté que de se laisser tromper. Il nous faut
donc des hommes qui soient prêts à appliquer à leur temps et
aux besoins de chaque jour de la vie d'un peuple libre les pré-
ceptes, les idées qu'ils auront acquis à Técole. Qu'ils soient
donc capables de réfléchir avant de se décider, qu'ils aient beau-
coup pensé, beaucoup médité, beaucoup lu. Le bourgeois d'il y
a trente ans se consolait volontiers des tristesses de Theure pré-
sente, en s'enfermant dans sa bibliothèque avec ses anciens, ses
auteurs favoris, qu'il ornait de toutes les beautés de son rêve.
Il n'était pas sans croire dominer ainsi philosophiquement les
hommes et les choses en se plaçant dans l'intemporel. Or nous
arrivons à une période où le philosophe n'a plus le droit de se
retirer dans la tour d'ivoire : il lui faut descendre dans l'arène
et lutter.
Notre philosophie, notre littérature prennent une importance,
ont des tendances pratiques dans le domaine social que les phi-
losophies et les littératures antiques n'ont jamais connues. 11
serait criminel d'essayer d'élever nos enfants en dehors de ce
mouvement. Ce qu'il faut leur bien faire connaître c'est tout ce
qui a précédé ce merveilleux épanouissement de la pensée con-
temporaine, toutes les littératures anciennes, toutes les littéra-
tures étrangères aussi, toute la pensée humaine.
C'est dans la culture de ces littératures diverses et fécondes
qu'ils puiseront le développement du sens critique, la largeur
des vues, l'étendue des connaissances, le libéralisme intellec-
tuel nécessaire pour former l'âme de grands citoyens. En vérité
auprès de ce programme, les fameux grands exemples desCaton,
des Spartiates et des Cicéron paraissent bien peu de choses. 11
fallait les réduire à leur juste valeur au nom de la vérité.
Qu'on apprenne à nos enfants ce que sont les littératures
contemporaines, ce que furent les vieilles lettres grecques et
romaines, qu'on fasse ainsi travailler leur esprit, qu'on leur
apprenne l'histoire de lart qu'ils ignorent aujourd'hui complè-
tement, on aura plus fait pour le progrès de l'esprit humain
qu'en leur faisant annoner Virgile ou la stylistique latine de
Meisner . Ce sont les faits qui nous imposent cette conclusion.
Il est deux éducations juxtaposées : l'éducation scientifique et
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ET LES BESOINS DE L ENSEIGNEMENT MODERNE 34t
l'éducation littéraire et philosophique. La première à notre
époque est nécessaire : ce point est indiscutable et indiscuté.
^fiis à côté d'elle, la complétant d'une façon heureuse, est Tautre
éducation qui doit avoir pour but d'apprendre à Tenfant d'abord,
au citoyen ensuite, ce qu'ont pensé les hommes d'autrefois, ce
que pensent nos contemporains. Après, devenus des hommes^
qu'ils jugent et qu'ils agissent! Dans une libre république une
large éducation philosophique et morale est nécessaire pour
former de bons citoyens (1). Or la vieille éducation gréco-latine
était étroite : elle est devenue impraticable. Les illusions qui la
faisaient excellente sont dissipées : les causes qui la rendaient
jadis suffisantes sont depuis longtemps disparues. Elle doit être
élargie, et dans tout ce qu'elle avait d'inutile, je veux dire dans
l'étude des grammaires et des syntaxes antiques^ elle doit dis-
paraître pour faire place à une éducation plus large, plus libé-
rale, plus méditative ou le développement du sens critique soit
.au premier rang. Il ne suffit plus pour faire un honnête homme
d'une « bonne volonté », il faut encore une volonté éclairée et
réfléchie.
(1) Sur révolution contemporaine de la philosophie et ton râle futur dans la vie
sociale et le numéro d'octobre 1898 de la Revue : X. Torau-Bayle, Le problème
social et t individualisme,
X. Torau-Bayle.
BEVUE POLIT., T. XX 23
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LA RÉFORME R(l NOTARIAT
JET
l'IJNinCATION DII RESSORT DES NOTAIRES
A Foccasion du projet de loi sur la suppression des offices et
le mode de recrutement des candidats ûotaires^ le Sénat, élargis-
sant, avec raison d'ailleurs, la matière a, dans sa séance du
14 mars 1899, voté une disposition additionnelle à l'article 5 de
la loi du 25 ventôse an XI, relatif aux ressorts des notaires. Si
nous ne craignions d'être irrespectueux, oims dirions que la
Haute Assemblée s'est attachée là à un détail relativement sans
importance et n'a pas vtf tout ce que cet article 5 lui-même avait
de suranné et combien le système qu'il renfermait était injuste.
Nous espérons que devant la Chambre des députés, où ce
projet va revenir^ un examen plus spécial et plus approfondi
aura lieu. Une réforme générale de la matière du ressort s'im-
pose. Elle a déjà fait l'objet de nombreux écrits et discours.
M. Amiaud, avec sa haute compétence spéciale, dans ses Etudes
sur le notariat (1) et dans son Traité formulaire (2); MM. les
avocats-généraux, Tappie, Bertheau, Mazière, dans leurs Dis-
cours de rentrée (3) ; MM. les avocats Rouxel et Bauby, l'un dans
sa publication sur la Crise notariale (4), l'autre dans son traité sur
la Responsabilité civile des notaires (5) ; M. le magistrat Raoul
de Grasserie, dans son très récent ouvrage sur VÉtat actuel et la
réforme du notariat en France (6) ; le Journal des notaires et des
avocats {7)\ MM. Merlin (8), Hurson(9), Hug(lO), Dussouy(ll),
(1) P. 131 et suiv.
(2) T. II, p. 605.
(3) Caïambéry, 3 novembre 1877; Dijon, 1889; Gaen, 16 octobre 1893.
(4) P. 262.
(5) P. 566, 571 et suiv.
(6) P. 231.
(7) Art. 25530.
(8) Circulaire.
(9) Etude sur une réorganisation du notarial en France^ 1894, p, 8 et 15.
(10) Projet de réforme du notariat,
(11) la crise du notariat et ses remèdes^ 1897. p. 19.
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LA RÉFORME DC NOTARIAT 343
dans divers écrits, ont traité cette matière et préconisé cette
réforme, à laquelle nous-môme avons consacré une bro-
chure (1).
Cette réforme a également été réclamée» dans ce recueil
même, par un magistrat éminent, M. le conseiller devenu pré-
sident Douarche (2).
Elle l'a été encore par voie de pétition au Parlement (3).
La question est donc mûre et demande à recevoir en France,
comme elle Ta reçue à près partout ailleurs (seule la Belgique
reste régie par l'article 5), une promrpte et efficace solution.
Bien que cette question ait été déjà effleurée dans ce recueil,
nous pensons qu'une étode pluB complète ne saurait nuire.
A la vérité, notre initiative ne laisse pas que d'être délicate.
On peut la supposer suggérée par l'intérêt personnel. Il y aurait
là, qu'il nous soit permis de le dire, une injuste suspicion.
D'ailleurs, par la situation spéciale de notre résidence, nous
sommes de ceux auxquels la réforme ne saurait aucunement
profiter. Aussi, n'farésitons-nous pas à venir plaider ici une cause
qui est tout à la fois celle du public et du notariat, comme celle,
pensons- nous, du progrès.
I. — DiySRfliTÉ DE RESSORTS SOUS LES ANGUWS RÉGIMES
Autrefois, le notariat s'est trouvé confondu avec le pouvoir
judiciaire.
Lorsque le comte tenait le plaid», dit Loysêau, tous les contrats se passaient
devant lui en présence de témoins; il les faisait écrire par les chanceliers
et leur donnait la sanction publique. Des leigmeurs, et droit passa aux juges
qu'ils instituèrent pour rendre la justice en leur nom et ces juges avnient des
secrétaires ou greffiers qui écrivaient les actes de toute espèce comme ils écrivaient
les jugements (4^
Puis des notaires en titre furent substitués à ces secrétaires
ou greffiers. Ces notaires, dits seigneuriaux, recevaient leur
investiture des seigneurs justiciers ou hauts justiciers ou de
leurs délégués. Leur ressort resrta naturellement limité au
(1) La réforme du ressort des notaires 1897.
(2) Fascieale d'atrfl 1895, p. 74,
0) Ch. des dép., 19 novembre 1831; 21 avril 1838; 2 avril 1842. Ch. des pairs,
29 avril 1841 ; Ass. const., 11 juillet 1848. — Les notaires de Tarrondiss. de Castel-
Sarrazin (Tam-et-Garonne) ont encore adressé à la Chambre des députés, au mois
I de mai 1896, une pétition demandant la suppression des classes de notaires. —
I V. égaleaient Proiet de loi de M. Loucaze, député, du 25 février 1889.
I (4) Traité des offices, t. II, ch. IV, p. 48.
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344 LA RÉFORME DU NOTARIAT
ressort de la justice à laquelle ils étaient immatriculés* sans
qu'ils pussent instrumenter, même dans ce ressort, pour les
habitants d'un autre lieu. Leurs actes n'étaient, également,
exécutoires que dans le ressort de cette môme justice dont ils
portaient le sceau.
En certains cas, le ressort des notaires seigneuriaux se trouva
même circonscrit dans les limites d'un territoire particulier
dépendant de la justice principale : tels, les notaires d'Eclaron,
de la principauté de Joinville, au duc d'Orléans (1).
A côté des notaires seigneuriaux, furent successivement établis
des notaires royaux, ainsi appelés parce qu'ils tenaient leur
commission non plus des seigneurs, mais du roi, soit directe-
ment, soit par l'intermédiaire de ses officiers permanents comme
les sénéchaux ou intérimaires, tels que les commissaires envoyés
en mission dans une province. Ils étaient, comme les notaires
seigneuriaux, immatriculés à une justice. Aussi, déclarent les
auteurs, malgré la séparation opérée par Louis IX entre les
deux juridictions, les notaires furent-ils cependant, jusqu'en
1791, considérés comme des officiers de la juridiction conten-
tieuse et les grosses durent toujours être intitulées du nom du
juge dans le ressort duquel le notaire instrumentait (2).
Les notaires royaux, à la différence des notaires seigneuriaux,
avaient le droit d'instrumenter entre toutes personnes, quels
que fussent leur qualité et leur domicile et leurs actes étaient
exécutoires dans toute la France. Mais, comme eux, ils ne pou-
vaient, en général, instrumenter que dans le ressort de la juri-
diction près de laquelle ils étaient inscrits. Certains n'avaient
même le droit d'exercer que dans une partie de cette juridiction.
Par un privilège spécial, les notaires de Paris, Orléans et
Montpellier avaient le droit d'instrumenter dans toute la France
et par l'attribution du scel, attiraient à la juridiction dont ils
dépendaient, toutes contestations qui pouvaient naître relative-
ment à l'exécution des actes par eux reçus.
En cas de concours, les notaires de Paris excluaient ceux
d'Orléans et de Montpellier, même dans leur propre ville.
Avec les notaires seigneuriaux, à peu près disparus, mais
(l) Rolland de Villargues, Bép, du noL, Y» Rbssort, ii« 3.
(S) Gagnereaux, Ecycl. des lois sur le not., p. 38, n* 7; Rolland de Viliargues,
Y» Notaires, n« 20; Loiseau, ch. YI, n« 96.
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ET L CNIFICATION DU RESSORT DES NOTAIRES 345
néanmoins représentés encore à Tépoque de la Révolution, et
les notaires royaux, existaient les notaires apostoliques, qui
n'exerçaient leurs fonctions que relativement aux affaires béné-
ficiales et seulement dans le diocèse où ils avaient été nommés.
Toutes ces distinctions portent bien Tempreinte des anciens
régimes. Elles donnèrent lieu, on n'en saurait douter, à de
nombreuses difficultés. Il s'éleva, notamment^ entre notaires
royaux el -notaires seigneuriaux, d'assez violents démêlés, ana-
logues, vraisemblablement, à ceux qui se produisirent entre
justices seigneuriales et royales. Entre notaires royaux eux-
mêmes, les ressorts n'étaient pas tellement limités et séparés
qu'il n'en résultât quelque confusion. « On voyait, dit Rolland
de Villargues, dans les villes des notaires qui ne pouvaient
dépasser telle rue ou telle maison sans s'exposer à voir inva-
lider leurs actes » (1). De là de fréquents procès.
Cet état de choses dura ainsi jusqu'à la Révolution.
II. — Unification par l'Assemblée Constituante.
Par la loi du 29 septembre 1791, promulguée le 6 octobre sui-
vant, l'Assemblée constituante, pénétrée qu'elle était du prin-
cipe de la séparation des pouvoirs, commença par rompre les
derniers liens qui rattachaient encore le notariat à la juridic-
tion contentieuse. Elle fondit ensuite toutes les anciennes qua-
lifications et classes de notaires en une seule, celle des notaires
publics.
Puis, par voie de conséquence, elle détermina pour tous un
ressort unique, n'ayant rien de commun avec le ressort judi-
ciaire, devenu, par la séparation des deux institutions, étran-
gers au notariat.
Ce ressort fût le département, « Les notaires, porte l'article 11 de la loi, ne
pourront exercer leurs fonctions hors des limites des départements dans lesquels
ils se trouvent placés, mais tous ceux du même département exerceront con-
curremment entre eux dans toute son étendue. >»
Le décret du 18 brumaire an II (8 novembre 1793) vint à son tour, disposer
que « les actes que les notaires auraient reçus ou recevraient hors les limites du
département dans retendue duquel leur résidence est fixée ne pourront pas ôtre
annulés du chef de Tincompétence de ces officiers. Mais tout notaire qui, à Va-
venir, recevra un acte hors de son département, sera puni pour la première fois
d'une amende de 1.000 livres et, en cas de récidive, destitué. »
(1) V» Ressort, n*» 4.
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346 LA RÉFORME DU NOTARIAT
La nécessité d'une loi notariale plus complète ayant été pro-
clamée, un projet présenté au Conseil dee Cinq Cents le premier
thermidor an VII (juillet 1799) et converti en résolution, établis-
sait par Tartiole 26, au sujet du ressort, la m^ème étendue : le
Département. L'article 24 du projet présenlé à la commission
législative des anciens adoptait également ce même et unique
ressort.
III. — Rbtouh eu arrière par la loi de l'an XI
Mais la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) devait faire,
sur cette question du ressort, un retour en arrière.
Bien que confirmant, avec la séparation entière du notariat
d'avec la juridiction contentieuse, une seule et même qualifi-
cation pour tous les notaires, celle de « fonctionnaires publics »
et adoptant, quant à la nature et aux attributs de la fonction et
sur d'autres points les principes de la loi de 1791, elle répudia,
sur la question de ressort, l'égalité créée par l'Assemblée Cons-
tituante et divisa par l'article 5 ce ressort en trois classes su-
perposées.
Voici te texte de cet article :
« Les notaires exercent leurs fonctions savoir : Ceux des villes
où est établi le tribunal (T appela dans rétendue du ressort de ce
tribunal', — ceux des villes où il n'y a qu'un tribunal de première
instance dans l'étendue du ressort de ce tribunal; — ceux des
autres communes, dans T étendue du ressort du tribunal de paix. ^>
Cette disposition porte bien, elle aussi, l'empreinte spéciale de
l'époque. En 1803, en efifet, les idées dominantes n'étaient plus
celles de la Révolution, mais bien de Napoléon, premier Consul.
Les idées d'unité, de liberté, d'égalité préconisées par la Consti-
tuante avaient fait leur temps. Le vent était aux créations
d'aristocraties hiérarchiques.
Cette superposition des ressorts, ces catégories privilégiées de
notaires que créait le législateur de l'an XI rentrait donc bien
dans les vues du moment.
« Napoléon, dit M. Joset (1), a voulu avoir de grands notaires, connue dans toutes
les parties de 1 admiolstration piii»Uque, il a voulu avoir des hommes influents
(l) Conseiller de Cour d'appel, Président de la commission belge de réforme
notariale.
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ET L UNIf IGATlOIi DU RBMORT DES NOTAIRES 847
et largement rétribués. En Tan XI, U jetait à pleines mains les bases de Templre
qu'il érigea le 28 floréal an XII. Il convenait a Napoléon de rendre, aux notaires
de Paris, les privilèges de leur prédécesseurs sinon en tout, au moins en partie;
de là, est né rarticle5delaloide ventôse qui donne aux notaires de grandes villes de
grands ressorts ; aux notaires des villes inférieures^ des ressorts moins dispropor-
tionnés et qui ne laisse aux notaires parias ou ilotes des cantons que les affaires
que les premiers notaires ne veulent pas faire ou bien qu'ils ne peuvent pas
faire, faut« de temps et de loisir. »
Donc^ d'après rarticle 5, toujours en vigueur :
1*^ Certains notaires, parce qu'ils résident au chef-lieu d'une
Cour d'appel exercent, en concurrence avec les n°' 2 et 3 ci-
après, leurs fonctions dans plusieurs départements (ceux de
Chambéry, Douai, Rouen, dims detix\ ceux d'Agen, Amiens,
Angers, Bordeaux, Bourges, Caen, Dijon, Grenoble, Limoges,
Lyon, Orléans, Pau dans trois; ceux d'Aix, Montpellier,
Nancy, Nîmes, Poitiers, Riom, Toulouse dans quatre\ ceux de
Rennes dans cinq et ceux de Paris dans $ept).
2p Les notaires qui résident au siège, d'un Tribunal de pre-
mière instance instrumentent concurremment avec leurs collè-
gues n^ 3 seulement.
3^ Quant aux autres, ils voient leur ressort limité au seul
canton de leur résidence et subissent sans réciprocité la concur-
rence des n®» 1 et 2.
Puis, comme il n'y a pas de règle sans exception, d'autres
distinctions ont été admises. C'est ainsi que certains notaires,
n'ayant leur résidence ni au siège d'une cour d'appel ni à celui
d'un tribunal de première instance, peuvent cependant instru-
menter concurremment dans plusieurs ressorts de justices de
paix (voir notamment, lois des 12 avril 1881, 7 avril 1882,
29 décembre 1886, 5 juillet 1889, 10 mai 1892, etc.).
A cette variété de règles et d'exceptions. Je nouveau projet
apporte lui-même son appoint.
D'une part, il établit d'une. manière générale que les notaires
des communes où il y a plusieurs justices de paix exerceront
leurs fonctions concurremment dans toute Tétendue de la com-
mune.
D'autre part, pour les cantons n'ayant plus qu'un notaire, U
dispose « qu'en cas de décès ou d'empêchement dûment justifié
du titulaire, le Tribunal pourra, à la requête du Procureur de la
République ou du titulaire empêché, désigner, comme sup-
pléant (ce suppléant est une création nouvelle) un notaire d'un
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348 LA RÉFORME DU NOTARIAT
des ressorts de justice de paix limitrophes du même arrondis-
sement (1).
IV. — Vice et dangers de l'article 5
Le vice fondamental'de l'article 5 de la loi de ventôse réside
dans la superposition des ressorts qui a fait revivre, sous une
nouvelle forme, en les aggravant, les anciennes distinctions,
lés anciens privilèges.
Des différences de ressort se concevaient autrefois, alors
qu'il y avait plusieurs catégories de notaires ^t que les notaires
étaient rattachés à une j^istice. Mais, depuis 1791, elles n'ont
plus aucune raison d'être.
Depuis 1791, en effet, époque à laquelle l'institution reçut
son autonomie, les notaires forment une seule et unique classe,
Tous sont nommés de la même manière, exercent une même
fonction, {)ossèdent les mêmes attributions. Les uns ne sont pas
appelés à recevoir une catégorie spéciale d'actes, à réaliser cer-
tains genres d'affaires, h instrumenter relativement à une classe
particulière d'intérêts ou de clients auxquels les autres restent
étrangers. L'acte, quelles qu'en soient la nature et l'importance,
qui est reçu dans un hameau, par un notaire de village, a la
même force, participe du même caractère d'authenticité, est
exécutoire dans toute la France, aussi pleinement que s'il avait
été passé dans une grande ville et reçu par un notaire de chef-
lieu d'arrondissement ou de Cour d'appel. Et, corrélativement,
tous sont soumis aux mêmes obligations, aux mêmes devoirs.
Inadmissible est donc ce système qui crée une concurrence
lourde, écrasante, au profit des notaires des Cours d'appel,
contre les notaires d'arrondissement et de canton et au profit
des notaires d'arrondissement contre les notaires ruraux, c'est-
à-dire en faveur des études les plus riches, les mieux favorisées
d'affaires importantes au préjudice des plus pauvres !
Encore, un tel système, si injuste et suranné qu'il soit (2),
(l) Au sujet de cette disposition spéciale, nous noui permettrons de foire
Temarquer combien elle est peu pratique. D'une part, elle assujettit à des for-
malités qui ne peuvent être accomplies dans les i^as d'urgence. D'autre part, si
le client habite au nord du canton et que le suppléant réside dans le canton sud,
à Fextrémité sud, quels fÉ*ais de transport n'aura-t>il pas à subir ? Puis et sur-
tout, elle constitue la confiance forcée et obligatoire.
\2) Ce système nous recule à l'époque de la féodalité. 11 fait des notaires comme
ferois classes : seigneurs (notaires des grandes villes), vassaux (notaires des autres
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ET L UNIFICATION DU BE880RT DBS NOTAIRES 349
resta-t-il dans la pratique, longtemps inoffensif. La lenteur et
la difficulté des communications n'en permettaient guère lexer-
cice que très exceptionnellement et pour certaines suites d'af-
faires.
11 n'en est plus de même aujourd'hui que les déplacements,
même dans un grand rayon, sont devenus aussi faciles que
rapides. Ce qui était l'exception tend, de plus en plus, à devenir
la règle. Ce ne sont plus simplement « les suites d'affaires »,
ce n'est plus le superflu, mais bien les affaires principales, le
nécessaire même que les titulaires des études de Cour d'appel
sont et seront de plus en plus appelés à retirer aux titulaires
des résidences rurales.
Et l'on conçoit tout ce qu'une telle situation a de grave.
Pour peu qu'elle se prolonge, les notaires des classes infé-
rieures verront, sans aucune espèce de compensation, appréhen-
der partout et régler sur les lieux par les notaires de première
classe, toutes les affaires les plus importantes nées dans l'éten-
due de leur petit ressort.
Un notaire de première classe, d'un esprit élevé et impartial,
M. Coppyn, notaire à Bruxelles, professeur de droit notarial, en
faisait dans un de ses rx>urs l'aveu franc et loyal :
« Je nliésite pas, disait-il, un moment d*en convenir : il est pénible pour les
notaires de 3« classe qui se trouvent restreints dans les limites de la justice de
paix, de voir les notaires, d'une classe supérieure, venir instrumenter dans leur
canton et leur enlever parfois les affaires les plus lucratives ; et malgré tout ce
qu'on a dit pour Justifier cette faculté accordée aux notaires de première et de
deuxième classe, Je ne puis m'empècher de voir là un privilège et, par suite,
une injustice que Tintérèt des nota&es ne peut justifier. »
Les conséquences de cet état de choses tendent à devenir pour
les notaires ruraux, d'autant plus désastreuses que les cam-
pagnes, tout le monde le sait, se dépeuplent au profit des grands
centres avec une assez grande rapidité.
On estime que, vers 1920, ou plus tôt si la progression,
comme il est à craindre, s'accentue, la population urbaine
atteindra 50 p. 100 de la population totale de la France.
A ce déplacement de population est venu par surcroît se
joindre un déplacement dans les affaires. Un grand nombre
d'habitants restés à la campagne ont, avec les routes et les che-
villes), arrière-voêsaux (notaires ruraux), les seconds étant tout à la fois suze-
rains et vassaux. De plus, comme tout ce qui est d'essence féodale pure, ces
distinctions ont « pour base » la terre, le plus ou moins d'étendue de territoire.
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350 LA RÉFORME DU NOTÀRUT
mins de fer, de plus en plus étendu leurs intérêts au^elà des
limites du canton et, sans se soucier aucunement des circons-
criptions légales, porté leurs affaires aux notaires de ville
dont la résidence est relativement éloignée.
Ce double mouvement est appelé à s'accentuer au fur et à
mesure du développement des voies ferrées et à porter aux no-
taires ruraux, déjà particulièrement atteints par la crise agricole
et les responsabilités des placements hypothécaires, un préju-
dice fatal.
V. — Objections contre l'unification
Dans son rapport sur le projet de loi précité, la Commission
sénatoriale a fait valoir, contre Tunification, deux objections :
l'une, tirée de la concurrence; l'autre, du droit de propriété des
titulaires.
l» La concurrence, — « Unifier, dît ce rapport, toutes les classes (ressorts)
des notaires et leur assigner un sOol ressort, l'arrondissement judiciairOf ferait
de tous ^sic) les notaires de cantons, insuffisamment occupés, des notaires no-
mades, et rétablirait ainsi cette concurrence effrénée, destructive de toute
bonne organisation du notariat, contre laquelle le légialatear de Tan XI s'est
efforcé de réagir par Tobligation de la résidence. »
Ainsi parlait^on déjà en Tan XI, pour faire obtenir, aux no-
taires des villes, des ressorts privilégiés. Cette argumentation
ne repose que sur l'injustice et la confusion. D'abord, tous les
notaires des cantons sont loin d*ètre insuffisamment occupés et,
le seraient-ils, qu'ils ne mériteraient pas cette épithète de
notaires nomades. Les notaires nomades, les notaires coureurs
d'affaires, les mauvais notaires, en un mot, se trouvent (à
notre époque tout au moins) aussi bien dans un camp que dans
l'autre. A supposer ce grief établi, il n'y aurait qu'à supprimer,
comme cela a été fait depuis Tan XI (à cette époque, il y avait près
de 14.000 notaires sur 40.000 qui existaient, dit-on, en 1791 ;
aujourd'hui, il n'y en a plus que 9.000) le nombre des offices. Le
projet de loi actuel a même pour but de diminuer encore ce
nombre.
Puis, si des abus de concurrence se produisent encore, les
Chambres de discipline sont, aujourd'hui, là (elles n'existaient
pas en l'an XI) pour les réprimer. Si même cette organisation est
considérée comme insuffisante, rien n'empêche le gouverne-
ment, qui a reçu délégation à cet égard (art. 50 de la loi de ven-
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ET LUMinCATION DU RJQ08ORT D£S NOTAIBES 351
tôse) de la fortifier, par exemple, par Tinstitution dans chaque
département d'une chambre supérieure de discipline, formant
comme ua second degré de juridiction, et la création de peines
plus sévères.
Mais il est souverainement injuste et illogique de créer, pour
éviter la concurrence, une autre concurrence et de substituer,
au régime de la concurrence libre et réciproque, le lîégime de la
concurrence privilégiéei, en désarmant les faibles an profit des
plus forts. Par là, loin de remédier au mal, on l'aggrave.
La crainte de la cooM^urrence peut bien justifier la restriction
du ressort, mais non la superpositioHy c'est-à^-dire des catégories
privilégiées de ressort I Quant & Tobligation de la résidence,
personne n'entend y toucher. D'ailleurs, le notaire de ville qui
s'absente à la campagne quitte aussi bien sa résidence que le
notaire de la campagne qui s'absente à la ville. La question de
résidence n'a donc rien à voir ici.
2* Le droit de propriété des titulaires. — « Cette réforme, ajoute le rapport, ne
pourrait s'effectuer lans qu'une indemnité fût accordée aux notaires de 1"^* et
2* classes. Or, la fixation de cette indemnité serait pleine de difficultés, car la
base même d'après kufueJle elle pourrait être déterminée échapperait le plus son-
vent à toute appréciation (1). »
Cette manière de vodr n'est pas celle de tout le monde.
« Dans la pratique, déclare M. ÀanAUD (qui préconise le ressort par arrondis-
sèment), il nous semble que cette difficulté devxait avoir peu d'importance. Une
statistique pourrait établir que le droit dlnstrumenter accordé aux notaires de
première classe, se traduit par un nombre d'actes retatWemeiit minime, et,
quant aux notaires d6 seconde classe, nous ne voyons pas hien sur quelle
raison ils pourraient établir leur droit à une indemnité ; il ne dépendrait que
(Veux de conserver, par la confiance, la capacité, la bonne condurte, nne clientèle
toujours libre de son choix (2). >*
11 est, en effet, un point qui passe inaperçu bien que décisif.
Les clients, quel que soit le ressort, restent toujours libres de
leur choix. La presque unanimité des contrats est susceptible
de se passer à l'étude d'un notaire, quel que soit le siège des
intérêts en jeu. Par exemple^ des parties habitant Lille peuvent
faire recevoir par un notaire de Nantes la vente d'un immeuble
situé à Marseille. Donc l'unification du ressort, ne changera rien.
sous ce rapport, et les clientèles n'en seront pas modifiées.
Seules, quelques opérations, comme les inventaires, doivent être
(1) Est-ce que les indemnités en matière de création d'offices sont faciles à
apprécier? Cependant, elles n'en sont pas moins fixées par la Chancellerie.
(2) Etudes, p. 132. — Y. aussi .Maûères, Discours de rentrée, précisé; Pelle-
grin, Ency, not., v« Officbs, n«' 674 et a.
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352 LA RÉFORME DU NOTARIAT
dressées obligatoirement sur place. Mais c'est là une l^ère
exception. Pour la très grande généralité des actes et procès-
verbaux, mêmes les adjudications, les parties ont toute facilité
de les faire recevoir en Tétude même du notaire. La liberté des
parties, pour le choix de leur notaire, est et restera intacte
Donc, il ne saurait y avoir, dans la réforme préconisée, quelle
qu'elle doive être, principe à indemnité.
On Ta, d'ailleurs, bien vu en Tan XL Lorsque la loi de ventôse
fut promulguée, tous les notaires des petites villes et villages
pouvaient instrumenter dans Tétenduc entière des départements
dans lequel se trouvait leur résidence. Un préjudice résulta
pour eux de cette loi, jiarticuliërement pour les notaires ruraux
dont la circonscription se trouvait réduite au seul canton. 11
n'a pas alors été question de leurs droits acquis? On n'a pas
parlé de les faire indemniser par les notaires des grandes villes.
Gomment, aujourd'hui, ces derniers seraient-ils donc fondés à
se plaindre.
Dira-t-on qu'en l'an XI la vénalité des offices n'existait pas et
que le préjudice subi était, par conséquent, moindre. Ce serait
là une simple question de mesure. Mais tout le monde sait
qu'en réalité, la vénalité des offices existait déjà, sinon en prin-
cipe, du moins en fait et qu'elle était officiellement tolérée (1).
Les titulaires actuels ont, au surplus, traité de leur offices, sur
les seuls produits réels, antérieurs à la cession, et non, en
même temps, sur l'expectative d'une augmentation de produits,
par le privilège de ressort. Du moins, c'est cette base réelle
seule que la chancellerie a considérée dans l'exercice de son
droit de contrôle.
Or, jusqu'à présent, ce privilège ne s'est guère exercé que pour
les suites d'afiaires en vue desquelles il avait été établi. Ce n'est
que depuis l'extension de notre réseau de voies ferrées qu'il
tend à s'appliquer aux affaires principales elles-mêmes. A vrai
dire, il y a là, non plus l'exercice normal, mais l'extension
abusive d'un privilège déjà en lui-même, plus légal qu'équitable.
Arrêter cet abus naissant, prévenir les conséquences de plus
en plus désastreuses qu'il ne peut manquer de produire; en un
(1) Comp. décreU des 19 et 25 mars 1808;décis min. fin., 31 mai 1806; Loi de
▼entose; JurtMprudence du Sot,, de Rolland de Villargues, n» 2449; Rép. not.,
no 2511 ; P. L. Lucas, Vénalité des charges, page 565 et suivantes.
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ET L UNIFICATION DU RESSORT DES NOTAIRES 353
mot et, dans Tintérêt même des clients, empêcher que le notariat
rural ne vienne par les allées et venues des notaires des grandes
villes dans de grands rayons, à être absorbé totalement par ces
derniers, ne constitue jamais ainsi, en somme, qu'une mesure
absolument légitime et équitable.
11 ne faut, d'ailleurs, pas s'illusionner. Malgré Tunification
des ressorts, les affaires importantes déserteront toujours les
campagnes.
En sorte que les notaires de villes profiteront encore, au dé-
triment de leurs collègues des classes inférieures, d'un surcroît
appréciable d'affaires tiré de ces dernières résidences, puisque,
malgré le ressort^ « ils sont compétents pour recevoir les actes
de toutes les personnes qui se présentent chez eux. »
VI. — Législation comparée.
A l'exception de la Belgique, régie toujours, on le sait, par la
loi de ventôse, partout, en Europe, le système des ressorts iné-
gaux a été abandonné.
En Hollande j depuis la loi du 9 juillet 1842 (art. 3, § 1), les
notaires exercent leurs fonctions dans l'étendue de l'arrondis-
sement dans lequel leur résidence est fixée.
L'ordonnance du 6 octobre 1841 (art. 3, § 1 et 2) dans le Grand-
Dtiché de Luxembourg porte : <( Tous les notaires ont les mêmes
attributions ; ils exercent leurs fonctions dans toute l'étendue
de Tarrondissement de leur résidence. »
11 en est de même en Bavière (L. 10 novembre 1861, art. 8).
En Alsace-Lorraine, aux termes de la loi du 26 décembre 1873
« les notaires exercent dans toute la circonscription du tribunal
de leur résidence », c'est-à-dire l'arrondissement. Mais, par une
loi du 16 novembre 1896, leur droit d'instrumentation a été
étendu à tout le pays.
En Italie, lors de la discussion de la loi nouvelle de 1875 on
rejeta' la classification de la loi de ventôse, comme blessante
pour la dignité professionnelle et contraire au principe d'éga-
lité et l'article 24 limita le ressort de chaque notaire au territoire
de sa chambre de discipline ou collègue.
Il en est encore ainsi en Espagne (L. 28 mai 1862, art. 8), en
Autriche (L. 25 juillet 1871, art. 8), en Russie (L. 14 avril 1866,
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354 LA RÉFORME DD NOTARIAT
art. 20 et 22), etc. Dans tous ces pays, les notaires sont de même
classe et ont pour ressort celui du tribunal de leur arrondisse-
ment.
Dans le congrès des jurisconsultes allemands de 1871, la ques-
tion de la compétence territoriale des notaires a été discutée. Il
fut résolu : « qu^elle ne doit pas être restreinte à la circonscrip-
tion judiciaire immédiate (le canton); qu'elle ne doit pas,
d'autre part, excéder Tétcndue de la province, c'est-à-dire le
ref^sort du tribunal d'appel ; que la mesure exacte se détermine
par le ressort de la juridiction disciplinaire dont chaque notaire
relève, » c'est-à-dire Tarrondissement.
L'arrondissement est le ressort assigné aux notaires de la
Martinique ^i de la Guadeloupe, par le décret du 14 juin 1864
dont l'article 5 porte : « Les notaires exercent leurs fonctions
dans l'étendue du ressort du tribunal de première instance où ils
résident. »
En Belgique^ des projets de loi tendant à la réforme du res-
sort ont été présentés, à diverses reprises, au Parlement. La
question est encore pendante devant les chambres belges, après
avoir été écartée, en 1875 devant le Sénat pour égalité de suf-
frages. La solution ne saurait se faire attendre (Amiaud, Etudes
sur le Notariat français^ p. 133).
Une circulaire de M. le ministre delà Justice de Belgique, en
date du 14 novembre ^896, adressée aux Présidents de Chambre
de notaires porte ce qui suit :
A supposer conservée la classification actuelle des notariats, n*y aurait-il pas
lieu d'admettre ht compétenoe générale de tout notaire pour oertaint actes qui
impliquent spécialement la confiance des parties, tels que testaments, donations,
contrats de mariage.
D'imposer au notaire 4'ime oUase s npérienre qui passe toat autre acte dans le
ressort d*une classe inférieure ou un acte intéressant des biens immeubles qui y
sont situés, Tobligation de s'adjoindre un notaire de ce dernier ressort. Cette
adjonction ne devrait pas avoir ponr objet d'augmenter les bonorairea fixés par
les tarifs ; mais, au lieu de profiter à un seul, Us seraient partagés entre les deux
notaires, dans des proportions à déterminer.
VTI. — Étendue a dormer au ressort cmfié.
La classification de Tart. 5 de la loi de ventôse abolie, quelle
doit être Tétendue du ressort unifié 1
Ressort exclusif. — Certains ont proposé, afin de supprimer
absolument toute concurrence entre notaires, d'assigner à cha«
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ET L CNIFICATIOW DU RESSORT DES NOTAIRES 355
cun d'eux, une juridiction propre et exclusive, soit territoriale
[ratione loei), soit Diatérielle {ratione materiœ)^ en ce sens que
chacun serait pourvu d'un ressort spécial, parfaitement déli-
mité, dans lequel il serait seul à pouvoir instrumenterai) ou
d'établir que, dans une circonscription territoriale déterminée,
chacun aurait compétence exclusive pour recevoir certaines
transactions (2).
U a été répondu que cette innovation créerait une situation
des plus gênantes au client qui aurait eu des démêlés avec «on
notaire et qui serait tenu quand même de recourir à son minis-
tère. Ce serait lui imposer la confiance obligatoire. Or, la con-
fiance est une chose qui ne se commande pas. Il vaut mieux
laisser un libre choix entre les notaires « d'autant plus qu'en
supprimant toute concurrence, on encouragerait outre mesure
la morgue et Tinsolenoe de ces officiers publics, qui se sachant
indispensables à une clientèle qui ne pomrait pas les quitter,
ne se croiraient plus tenus d'user, à son égard, du moindre
ménagement » (3).
C(mton. — Le canton, dit le JottmcU des ruotaires el des avocats y
fournit une circonscriptiofn insuffisante et inique. Pour toute
profession libérale, la clientèle est chose rayonnant autour
d'un centre. Si elle est entravée dans son expansion par une
ligne arbitraire et infranebiasable, les intérêts les plus respec-
tables sont sacrifiés, c'est pour cette raison irréfutable que, à
notre sens, l'abolition de la troisièiiie classe ne donne pas une
solution pleinement satisfaisante, car l'arrondissement, s'il
agrandit le cercle, ne permet pas aux notaire» qui confinent à la
circonférence de franchir la limite d'administrative. Suffisante,
bien qu'encore elle lui soit devenue une gêne, pour l'adminis-
tration coalée tout d'une pièce dans le même moule, cette limite
comprimera toujours la clientèle, etsouvent par le côté où il lui
serait le plus naturel de s'étendre (4) .
La limitation générale du ressort au canton serait, en effet,
trop étroite*
(1) Sic : Le Petit Journal^ 26 juillet et 26 octobre 1888 ; pétition des notaire» de
Neafchâtcau, 25 mai 1889, p. 7.
(2) Par exeo^ple,. en oJaÛ^ant iet clients à passai: devant le no^ire de la situa-
tion de rinuneuble tous les actes constitutifs ou copamutatifs d'un droit réel
immobilier. Y. en ce sens : Essai sur ta réorganisation du notarial y Qilimper,
1ST7, p. 8.
(3) Bauby, toc. cit., p. 673.
(4) Art. 26, 530.
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356 LA RÉFORME DU NOTARIAT
L'établissement, survenu depuis un siècle, des routes, ponts,
chemins de fer, tramways, etc., a favorisé les déplacements, créé
des courants de circulation nouveaux et imprimé à toute la
population une mobilité alors inconnue.
On ne compte guère d'autre part, en moyenne dans chaque
canton rural, que deux ou trois notaires. Après le vote du projet
de loi actuellement soumis au Parlement, certains cantons n'en
posséderont plus qu'un. En sorte que, déjà restreints dans
leur choix, les clients, dans ces cantons, finiront par ne plus
avoir parfois de choix du tout. Ce sera la confiance fore 6e et
obligatoire.
Le notaire unique d'un canton ne pourra être, d'ailleurs,
constamment à demeure à son étude. Les devoirs de son mi-
nistère l'appelleront, fréquemment, dans une commune o u une
autre. « Puis, il aura à s'absenter, au dehors même de son res-
sort, par des circojoistances de famille, des nécessités d'affaires,
des exigences de santé ou par les obligations du service mili-
taire. De plus, il ne sera pas possible de lui refuser la faculté de
prendre quelque congé comme toutes les administrations pu-
bliques autorisent leurs employés de tout ordre à le faire. »
Si le ressort était limité au canton, il se produirait donc ce
fait que, pendant des périodes plus ou moins longues, le canton
serait privé de notaire, puisque les notaires des cantons voisins
ne pourraient y venir instrumenter.
Les habitants n'auraient d'autres ressources que de recourir
à grands frais et au prix d'un long déplacement, à un notaire du
chef-lieu d'arrondissement, ce qui entraînerait, avec plus de
fréquence et de gravité, les inconvénients déjà signalés.
Il est bien question, dans le projet de loi actuel, de la dési-
gnation d'un suppléant. Mais n'est>ce pas forcer arbitraire-
ment, une fois de plus la main aux clients ? Et ce système,
comme nous l'avons déjà fait remarquer plus haut, est-il bien
pratique ?
Canton et cantons riverains. — La circonscription logique se-
rait le canton de la résidence et les cantons riverains ; car comme
l'observe avec raison : le Journal des notaires^ a la clientèle est
chose rayonnant autour d'un centre. » Les parties auraient
ainsi par là toute latitude dans le choix de leur notaire, puis-
que ce choix pourrait s'exercer, tout à proximité d'eux, dans
4, 5 ou 6 cantons; ce système est, certainement, celui où les in-
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ET L UNIFICATION DU RESSORT* DES NOTAIRES 357
convénients du ressort seraient le plus atténués, car il est rare
qu'un notaire ait à se transporter pour recevoir un^acte, à une
distance supérieure à celle que représente l'étendue de plusieurs
cantons.
Arrondissement, — A défaut de cette circonscription, la seule
admissible est l'arrondissement. C'est celle qui rencontre, il faut
le reconnaître, le plus de suffrages . On fait valoir en sa faveur
les arguments suivants :
« C'est au tribunal de première instance que la commission des notaires est
adressée ; — c'est devant ce tribunal qu'il prêtent serment, — c'est le parquet de
ce tribunal qui a la surveillance de la compagnie, — c'est le tribunal qui exerce
la discipline en prononçant la suspension ou la destitution. — Cest devant le
président de ce tribunal qu'il» vont en référé, — c'est à lui qu'ils présentent les
testaments olographes où mystiques pour en faire l'ouverture, — les Chambres
de discipline de chaque compagnie sont organisées par un arrondissement (1) ».
L'arrondissement est, de plus, le ressort admis par presque
toutes les législations étrangères et même dans certaines colonies
par la législation française (2).
Quoique ces arguments soient loin d'être décisifs, le ressort
par arrondissement aurait, on ne peut le méconnaître, dans
l'état actuel du notariat, cet avantage d'opérer une révolution
moins brusque dans les usages et les habitudes, de rendre plus
rares les déplacements de clientèle et par suite de modifier
très peu les situations existantes, si tant est qu'il pût s'en pro-
duire. Les effets de l'unification seraient ainsi, pour les notaires
de première et deuxième classe, très atténués.
Il reste, enfin, bien entendu, que « l'obligation pour chaque
notaire de demeurer dans la résidence qui lui est assignée,
siège de son étude, subsisterait comme par le passé; du reste,
son intérêt l'y retiendrait, à défaut d'une obligation légale et
formelle. Sa résidence restera toujours le centre et le noyau de
sa clientèle ; on aura seulement donné, à son rayon d'action,
une étendue un peu plus grande, facilité les relations avec les
communes limitropheset donnéàlïntérêt public une satisfaction
légitime et nécessaire. »
(1)V. Notamment Amiaud, Etudes^ p. 127.
(2) V. Supm, n« V.
Emile Legrand,
s o taire.
REVUE POLIT., T. XX 24
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VARIÉTÉS
LA QUESTION D'ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
Un savant professeur, M. Driault, du lycée d'Orléans, a eu, pour
la première fois, à notre connaissance, Theureuse idée de faire une
histoire complète de la question d'Orient, c'est-à-dire des relations
entretenues par TEurope avec la Puissance Ottomane, depuis le jour
où les entreprises de l'Europe ont commencé de mettre en question
l'intégrité ou le maintien de cette Puissance. On ne saurait nier qu'au
point où l'effort continu de cette politique a pas à pas amené l'em-
pire turc, le moment ne soit aujourd'hui assez bien choisi de consi-
dérer l'œuvre présentement accomplie, les circonstances successives
par lesquelles elle s'est poursuivie, les intérêts divers qui ont engagé
les principaux Etatsde l'Europe soitàla seconder soit àla contrarier^
et les conséquences enfin que leur conduite envers la Turquie a
entraînées dans les rapports respectifs de ces Etats eux-mêmes. Il
n'est pas de question qui ait déterminé plus de combinaisons diplo-
matiques, plus d'alliances, de ruptures, de transactions, selon ce que
chacun prétendait pour soi ou se contentait de soustraire à la con-
voitise des autres. L'Empire Ottoman s'est vu l'objet de plans de
partage d'une part, de mesures de protection concertées de l'autre ;
et ces deux politiques s'étant sans cesse balancées à son égard, sans
que jamais l'une d'elles prévalût tout à fait, c'est par des sacrifices à
l'une qu'il a emporté le succès de l'autre. Une longue suite de mor-
cellements lui a valu de durer jusqu'ici.
Il est à remarquer que tout règlement de la question apparaît
seulement comme provisoire. Ceux qui menacent la Puissance Otto-
mane ne s'arrêtent qu'avec l'espoir d'une occasion meilleure, et la
crainte de les voir pousser trop loin leurs succès est tout ce qui fait
la sollicitude des autres. Le droit des gens ordinaire semble en
défaut. Partout ailleurs, les nations professent comme un principe
— et elles ne le violent que rarement — le respect réciproque de leur
existence nationale, de leur continuité historique. S'il y a entre elles
un litige, il porte sur un objet restreint, la possession d'un territoire
ou une rivalité d'influence. Tout au contraire, quand on prononce ces
deux mots si familiers de question d'Orient, on entend que c'est tout
l'Orient Ottoman qui est en question, son indépendance, la conti-
nuation de son existence.
Il semble, en effet, comme on l'a dit, qu'aux yeux de l'Europe la
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LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 359
condition des Turcs soit, comme lors de leur apparition, celle d'enva-
hisseurs campés par force au milieu de populations conquises. Pour
eux, les siècles n'ont pas fait leur œuvre habituelle, le droit histo-
rique n'a pas couvert la brutalité initiale de l'occupation. Ils se sont
imposés par la force, et dès qu'elle a fléchi, partout où elle a fléchi,
c'est la force qui s'est levée contre eux pour les refouler, avec des
succès fort inégaux, à la vérité, car l'effort n'a jamais été unanime, et
pour le contrarier les Turcs ont toujours trouvé en Europe des
connivences. Mais cette tendance constante et fatale à les expulser,
c'est néanmoins toute l'histoire de la question d*Orient.
M. Driault en conclut avec raison à une incompatibilité foncière
entre les principes de la civilisation chrétienne et ceux de l'islam :
il ne peut y avoir d'accommodation régulière et permanente des uns
aux autres ; par la nécessité de leur nature, ils tendent mutuellement
à se supplanter. Aussi est-ce une idée fort juste que d'avoir traité
comme autant de dépendances de la question d'Orient les entreprises
diverses qui, en dehors de l'Empire Ottoman, ont, sur tous les points
du globe — Asie intérieure, Inde, Afrique — , réduit sans cesse au
profit de l'Europe le domaine de l'Islam. Mais les conquêtes de cet
ordre s'expliqueraient à la rigueur par la seule inégalité des forces,
et c'est dans l'histoire de la puissance ottomane, formidable, toute
militaire, hors d'état pourtant de commander le respect, de fonder la
sécurité du lendemain, c'est dans cette histoire qu'éclate le mieux la
loi d'un antagonisme irréparable.
Les Turcs font leur apparition au xiv« siècle dans une Europe désa-
grégée. La chrétienté a perdu cette volonté cojoamune qui avait fait
les Croisades. Divisées, éparses, aux prises avec leurs difficultés
particulières, les sociétés politiques sont en travail de leur propre
formation. A l'ouest, les plus avancées, France et Angleterre, s'absor-
bent dans une lutte gigantesque. L'Espagne n'est pas encore
affranchie des Maures, l'anarchie féodale paralysa l'Empire, on sait
où en est l'Italie et le sud du pays où la Russie dominera un jour
appartient aux Mongols. Que des hordes surviennent, fanatiques,
intrépides, et la route s'euvre grande à l'invasion. Dans ce continent
surtout que baigne l'Archipel, là où Mourad, fils d'Orkhan, prend
Andrinople pour capitale en 1360, c'est un chaos, une Babel, un
tumulte de races. Alors, comme aujourd'hui, Grecs, Slaves, Bulgares,
Hongrois s'y démènent, libres, il est vrai, ou à peu près, affranchis
de sujétion effective, mais la liberté n'y a rien organisé de régulier,
rien fondé de durable. Des puissances se font et se défont, éphémères
comme la fortune du conquérant heureux qui les crée, témoin cette
puissance serbe qui succomba au Champ des Merles en 1389.
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360 LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
Parmi ces peuples en convulsion, un seul Etat présentant les
formes de la civilisation, pourvu de titres historiques, TEmpire
de Byzance, mais ce n'est qu'une façade qui tombe en poudre sous le
bélier, et les Turcs, maitres des Balkans, du Danube, de laThrace,
de la Macédoine, delà Grèce, s'emparent de Constantinople en 1453.
Le siècle suivant voit Tapogée de leur grandeur. D'aucun côté n'ap-
paraît une force capable de les contenir. L'Asie Mineure, l'Egypte,
l'Arabie soumises, le sultan, maître de la Mecque, revêt la suprême
dignité de Khalife. LesTartares de Grimée reconnaissent son autorité,
les corsaires barbaresques lui offrent l'hommage de la Méditerranée,
les armes ottomanes régnent en Hongrie, menacent Vienne, la Tran-
sylvanie est vassale et le Habsbourg d'Autriche paie tribut à Soliman
le Grand qui tient dans l'obéissance tout le pays de Bude à Bassora.
L'Europe du xvi® siècle, l'Europe des vastes agglomérations, l'Eu-
rope des grands desseins politiques et des audacieuses aventures in-
ternationales n'a pas plus arrêté les Turcs que l'Europe moléculaire
des temps antérieurs. C'est que ces ambitions mêmes et ces aven-
tures les ont servis par la plus avantageuse des diversions. Les dis-
cordes religieuses d'une part, la rivalité des maisons de France et
d'Autriche de l'autre ont désarmé l'effort et distrait l'attention des
peuples chrétiens. Dans cette Europe, jadis unie d'une même àme
contre le Croissant, aujourd'hui si grièvement menacée par lui, voilà
qu'à son endroit la diversité des politiques commence à se faire
jour, déterminée par la contrariété des intérêts. Au fort de la lutte
acharnée qu'il soutient, le Roi très-chrétien se fait, contre son ter-
rible adversaire, un allié du Turc. Puisque les conjonctures comman-
dent de compter avec la présence de celui-ci et que, d'ailleurs, la
France n'en éprouve aucun dommage, il faut qu'elle avise à en tirer
le parti le plus profitable. Tel est le début d'une tradition diploma-
tique brillante et utile à son heure, car le Turc a été de secours à la
France contre sa grande ennemie, l'Autriche, et en parant ainsi à leurs
précautions propres par leur entente avec une puissance quel'Europe
s'était mise dans la nécessité de tolérer sur son sol, nos rois y ont
gagné le précieux privilège du commerce avec des régions alors
fermées aux autres nations, et surtout Tinestinable honneur de pro-
téger sur la propre terre des Turcs les personnes et le culte des chré-
tiens asservis.
Ainsi la France prit position à l'égard de la Turquie par Teffet des
mêmes circonstances historiques qui permirent à celle-ci d'humilier
la gloire de Charles-Quint. Le xvii« siècle, si désastreux à l'Allemagne,
étendit encore le domaine des Sultans qui s'accrut de la Crète, mais
ce fut leur dernière conquête. Déjà apparaissait du côté de Vienne
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LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 361
les signes précurseurs des destins contraires. Au début même du
siècle, l'Empereur s'afiranchit du tribut et s'imposa comme co-suze-
rain de la Transylvanie. Premier recul des soldats de l'Islam, pre-
mière revanche des chrétiens si longuement accoutumés à la défaite.
L'orgueil ottoman en appela, sans succès. Cette fois TEurope paciBée
prit garde à la querelle, la France dérogea à une diplomatie qui
n'était plus de saison et les jeunes cavaliers de Louis XIY aidèrent
Tannée impériale à tenir en respect ses agresseurs.
L'âge héroïque était clos, la décadence se précipita. C'est que les
choses avaient changé depuis Soliman. L'esprit de sédition qui avait
dévasté le xv^ siècle n'agitait plus les nations. Les sociétés avaient
gagné en discipline, les souverains en autorité, les Ëtats en force.
A l'issue de la grande guerre d'où la France était sortie victorieuse,
l'Autriche avait maintenant le loisir et le moyen de tenir tète aux
Turcs. Quand ceux-ci, impatients de la résistance nouvelle qu'ils ren-
contraient, prétendirent reculer encore les limites de la terre sou-
mise au Prophète, quand leur assaut de 1682 fit courir à la capitale
de l'Empire un si mortel danger, ils commençaient en réalité de
marcher à leur ruine. Grâce aux victoires du prince Eugène, l'Europe
dès lors procéda contre eux à ses premières reprises. La Hongrie
leur échappa, et la Transylvanie, et la Dalmatie, et la Morée, un ins-
tant conquise par les Vénitiens (traité de Carlowitz 1699) ; puis ce
fut pour quelques années le tour de la petite Valachie et d'une partie
de la Serbie (traité de Passarowitz 1718).
Un autre adversaire surgissait contre eux, la Russie, qui avait
grandi silencieusement, débarrassée maintenant des Mongols, por-
tant en Asie sa frontière jusqu'à la Chine, s' avançant, au sud d'un
mouvement incessant vers la Crimée et la Caspienne. Cette jeune
puissance n'avait pas, elle, comme l'Autriche, de territoires à re-
couvrer sur les Turcs. Mais la nécessité de sa croissance marqua sa
vocation. Concurrement avec l'Autriche, elle assuma la mission de
délivrer le sol chrétien usurpé par les Turcs, invoquant à cet effet le
titre religieux de la foi grecque qui lui était commune avec les popu-
lations opprimées et le lointain titre historique d'une alliance de
famille avec les Paléologues dépossédés en 1453.
Le XVIII* siècle vit engager cette compétition de deux puissances
chrétiennes envers la Porte réduite désormais à la défensive.
Destinée à bien des vicissitudes, elle fut amicale au début. La
Russie ne faisait pas encore grande figure en Europe, et l'empereur
Léopold laissa de bonne grâce Pierre le Grand préluder aux conquêtes
futures de son peuple en s'emparant d'Azow. Commentaurait-il donné
de Fombrage, cet allié si peu dangereux que, peu d'années après,
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362 LA QUESTION d'ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
les Turcs lui reprirent sans peine sa capture ? Celait TAutriche, sur-
tout quand ses succès de Passarowitz l'eurent enivrée, qui avait
conscience de tenir contre les Turcs Tépée de l'Europe. Auprès d'elle,
la Russie ne jouait qu'un rôle subalterne. Les dispositions officieuses
de Charles VI étaient telles qu'il soutint par les armes, en 1736, les
prétentions de son alliée qui pourtant réclamait déjà au Sultan la
possession du pays compris entre le Caucase et le Danube, la liberté
de naviguer sur la mer Noire et l'indépendance de la Moldavie et
de la Valachie. Mais les Turcs l'emportèrent. Pour la dernière fois,
ils soutinrent une guerre heureuse, et le traité de Belgrade qui la ter-
mina en 1739 fut le dernier qui les enrichit, aux dépens -des chrétiens,
d'acquisitions territoriales : l'Autriche dut abandonner la plus grande
partie de ses conquêtes de Passarowitz.
Ce traité marque un succès éclatant de la diplomatie de Louis XY.
Les affaires de l'Empire s'étant fort relevées depuis la guerre de la
succession d'Espagne, la France devait naturellement recourir contre
une rivale redevenue redoutable à son entente traditionnelle avec la
Turquie. Cette politique fut servie à miracle par l'admirable ambas-
sadeur qui nous représentait alors à Constantinople. C'est en com-
muniquant quelque chose de son àme aux généraux et aux négocia-
teurs turcs que le marquis de Villeneuve donna à la paix de
Belgrade le caractère d'une revanche française sur la maison
d'Autriche. La Turquie, on le sait, ne fut point ingrate. C'est de ce
temps que datent les capitulations de 1740, si favorables aux privi-
lèges religieux et conunerciaux de la France. Nos relations avec le
Levant parvinrent alors à un degré d'honneur et de prospérité qui
n'a jamais été dépassé. Si cette politique était judicieuse, il fallait
toutefois se mettre en devoir de la soutenir. Le Sultan n'était plus,
comme au temps de François P% un fastueux allié, en état de se
suffire magnifiquement à lui-même ! 11 disposait de forces précaires,
et son alliance réclamait une aide efficace. Or, on ne sait trop com-
bien la suite de son règne réduisit Loui3 XV à l'impuissance. De
plus, une politique de ce genre était minée dans son principe, si
l'intérêt commun qui unissait les deux puissances contre la cour de
Vienne venait à prendre fin. C'est ce qui arriva. Après 1756, la
France perdit presque tout son crédit à Constantinople.
Pourtant, elle s'efforçait d'en garder pour on user contre la Russie,
nouvelle venue qui pouvait à son tour nous causer quelque per-
plexité. Si l'on se livre après coup au divertissement inoffensif *de
refaire l'histoire, on peut se demander pourquoi la France ne s'en
est pas fait une amie. Il ne tenait qu'à elle. Ce n'est qu'après avoir
épuisé envers le gouvernement de Louis XV les avances les plus
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Là QDE8TI01S D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 363
empressées, que les Russes contractèrent enfin avec TAutriche, en
1726, une liaison qui dura tout le siècle. De la sorte, la France se fût
ménagé dans Test un moyen appréciable d'intimidation envers ses
ennemis héréditaires de TEmpire, et à ce prix, serait-on tenté de
dire, que lui importait le Turc ? Mais qui aurait eu ces imaginations
à moins d*étre prophète? On ne prévoyait pas sous Pierre le Grand,
malgré de surprenants présages, le prompt essor de la Russie ; on la
tenait pour une terre barbare, enserrée par les Suédois, les Turcs et
les Polonais, et avec qui, de longtemps, on serait dispensé de
compter. L'intérêt de la France, évident, attesté par la tradition,
était de se tenir en garde contre TAutriche, de lui opposer dans la
balance des forces européennes d'autres forces équivalentes. Elle y
avait réussi en Espagne, partiellement en Italie; à la même fin, elle
s'appuyait de la Pologne et de la Turquie. Comment, sur la foi de
quelle intuition de l'avenir, rompre avec tout ce système? A la
vérité, les relations extérieures de la France se compliquèrent,
l'amenèrent à des changements de front, imprimèrent à sa conduite
de la gêne et de la contradiction. L'embarras ne venait pas seule-
ment de l'Autriche, il venait aussi de l'Angleterre, plus pressant,
plus imminent. Pour y parer, on se rapprocha de Marie-Thérèse, on
se trouva pris dans la situation la plus fausse, entre cette alliée
d'occasion, fort suspecte en Orient, et l'alliée ancienne, la Turquie,
aliénée par ce revirement; et ce qui fit tout empirer, c'est qu'au
lendemain de la guerre de Sept Ans, la force militaire manquait
pour donner de l'autorité à la diplomatie, quand la crise survint.
Elle survint du fait de la Russie inconsidérément dédaignée. On
sait quels coups de théâtre signalèrent les premières années du règne
de Catherine II. L'Autriche affaiblie par la guerre de Sept Ans, la
nouvelle Impératrice donna un libre cours à ses desseins hardis,
contre les Polonais et contre les Turcs. L'Europe vit alors des choses
inouïes jusqu'à ce jour : des armées russes maîtresses de la Mol-
davie, menaçant de franchir le Danube, une flotte russe dans la
Méditerranée appelant les Grecs aux armes, incendiant la flotte
turque, libre, si elle l'eût voulu, de pousser jusqu'au Bosphore.
Cette fois, l'Autriche fut sur le point de se fâcher; l'alliée que
Charles VI protégeait avec tant de complaisance, quelque trente ans
plus tôt, passait décidément les bornes. Mais Catherine s'aida fort à
propos de la jeune monarchie victorieuse de la veille, de la Prusse,
et Frédéric II, qu'on redoutait à Vienne, s'employa lucralivement à
rétablir l'harn^onie entre les deux Impératrices. La Pologne en fit les
frais, et on se mit aussi d'accord aux dépens des Turcs. Si TAutriche
s'arrondit de la Bukovine, la Ru§sie descendit enfin à la mer d'Azow.
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364 LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
De plus, le traité de Kalnardji concéda aux Russes, la navigation de
la Mer Noire, leur livra la Crimée illusoirement déclarée indépen-
dante et surtout consacra pour la première fois leur prétention
d'élever officiellement la voix en faveur des grecs-orthodoxes de
Turquie et, en particulier, des Moldo-Valaques (1774).
Cette entente à deux se fit plus intime encore quand Joseph II eut
succédé à sa mère. On put croire un instant que le problème ottoman
touchait à sa solution, que les Turcs allaient être chassés d'Europe.
En pleine paix, Catherine s'empare de la Crimée et entreprend à
grand fracas sur ses frontières du Sud cette promenade triomphale
que le galant Potemkine affecte de pousiser jusqu'à l'entrée du che-
min de Byzance. Les deux alliés se sont concertés : on doit réunir la
Moldavie et la Valachie en un Etat indépendant, rétal>lir la couronne
impériale de Constantinople au profit d'un petit-fils de Catherine
et donner à l'Autriche la portion accidentale de la Turquie : Petite
Valachie, Serbie, Bosnie. Pour couper court à des réclamations
gênantes, il est même question de réserver à la France l'Egypte et
la Syrie et de faire sa part à Venise.
Sur quoi, les deux armées se mettent en campagne et font du che-
min. Mais une nouvelle intervention sauve le Sultan. Celle de la
France? Non : s'il lui avait fallu accepter avec une douloureuse rési-
gnation les événements de 1772 et de 1774, elle avait moins encore
en 1790 la faculté de penser à l'Orient. Mais on avait oublié de con-
vier la Prusse. Vingt ans plus tôt, elle n'avait pas été de trop pour
conjurer la brouille des deux empires, elle avait dérivé sur la
Pologne, moyennant un lot dans le partage, des passions que le
Turc échauffait par trop. Elle s'avisa de reprendre le même jeu en
sens contraire. Puisque Autrichiens et Russes s'entendaient mainte-
nant si bien contre le Sultan, elle prétendit leur persuader de com-
penser leurs nouvelles conquêtes par quelque dédommagement en
faveur de la Pologne et de la Suède qui en eussent naturellement
tenu compte à l'auteur de cette obligeante entremise. Le conseil
n'ayant pas été goûté, la Prusse imposa sa médiation, se vantant de
rendre à la Porte le même service que lui avait jadis rendu le mar-
quis de Villeneuve. Ainsi, les Turcs s'en tirèrent par de légers sacri-
fices. Léopold garda Orsova, et les Russes s'avancèrent un peu plus
loin sur le rivage occidental de la Mer Noire. (Traités de Sistova et
de Jassi, 1791-92).
Avec la fin de ce siècle et le début du suivant la question d'Orient
se complique de beaucoup d'éléments nouveaux. C'est à ce moment
que l'Angleterre commence de s'y intéresser. Il est assez piquant, par
contraste, de rappeler qu'en 1770, lorsque les vaisseau;^ de Cathe-
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LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 365
rine appelèrent à rinsurrection les Grecs de Morée, c*était un Anglais
qui partageait avec Alexis Orlof le commandement de la flotte russe.
Cet Anglais, Elphinston, était celui qui formait les projets les plus
meurtriers à la puissance du sultan. Les Russes lui durent de dé-
truire les forces navales navales turques dans la rade de Tchesmé.
S'ils l'eussent écouté, il les aurait conduits jusqu'au Sérail. Cette
entreprise avait, d'autre part, l'aveu si déclaré du gouvernement an-
glais que lorsque Choiseul fit mine de barrer à l'escadre russe le dé-
troit de Gibraltar, on lui signifia de Londres qu'on y verrait un casus
belii. C'est qu'alors les Russes étaient, pour le commerce britan-
nique surtout, des clients à ménager. Leur empire était loin encore
d'avoir grandi au point d'inquiéter l'Angleterre ; il n'avait nulle occa-
sion de lui porter ombrage. La Turquie, de son côté, malgré ses
pertes, montrait une mine assez robuste. Surtout il n'existait pas à
cette date pour le cabinet de Londres de raisons impérieuses de
veiller soit sur sa conservation, soit sur son béritage. C'est dans les
années qui suivirent la guerre de Sept ans que la domination britan-
nique jeta dans l'Inde ses fondements définitifs et que l'esprit public
anglais s'avisa de prendre intérêt aux routes de TOrient musulman
qui y conduisaient. Quand la Elusse s'interposa en 1790 entre l'Au-
tricbe et la Turquie, à côté d'elle, pour la première fois, l'Angleterre
parut en médiatrice. 11 est permis de penser que les raisons dont il
vient d'être parlé n'y étaient pas étrangères. Depuis lors, en tout
cas, l'Angleterre a commencé d'avoir une politique turque et elle y
est demeurée fidèle avec une remarquable fixité.
D'autres intérêts nouveaux se font jour encore à mesure que l'af-
faiblissement constaté de l'empire ottoman encourage des préten-
tions qui ne se seraient auparavant pas risquées k l'affronter. Un
siècle plus tôt, Leibniz pouvait bien proposer à Louis XIV la con-
quête de l'Egypte. C'était le rêve isolé d'un savant et ^ui avait contre
lui la réalité. A l'heure, au contraire, où les rivages ottomans de la
Méditerranée n'apparaissaient plus aux Anglais établis dans l'Océan
Indien comme une barrière infranchissable entre deux mondes, ces
rivages eux-mêmes avaient de quoi provoquer des ambitions qu'ils
avaient cessé d'istimider. C'est ainsi que quelques-uns en France, à
la fin du siècle, avaient jeté les yeux sur l'Egypte, faite, dit-on, aux
yeux de Choiseul pour compenser la perte de l'Inde, et le voyage de
Volney avait depuis contribué à nourrir là-dessus de flatteuses espé-
rances.
Jusque-là, en outre, la question d'Orient n'avait donné lieu qu'à
des combinaisons politiques assez simples. L'Autriche et la Russie
en voulaient aux territoires ottomans. Dépourvue d'un intérêt di-
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366 LA QDfiSTION d'ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
rect en la matière, la Prusse avait lire parti pour des fins person-
nelles des ambitions qui s y trouvaient engagées, et la France s'était
efforcée de tenir ses adversaires en échec par le moyen de la Puis-
sance turque, tant que celle-ci s'en était montrée capable. Mainte-
nant qu'elle ne Tétait plus, la question d'Orient allait mettre en jeu
des principes de conduite différents. Loin d'attendre de la Turquie
un supplément de force, c'est, par exemple, en l'appuyant de toute
la leur que la France, à de certains moments, et l'Angleterre^ d'une
manière constante, allaient être amenées à l'opposer à une Puis-
sance rivale comme la Russie. Ou bien encore, la caducité de l'an-
cienne alliée la rendant décidément impropre au genre de service
dont elle s'était jadis acquittée, la France, à d'autres moments, de-
vait, dans la poursuite de desseins plus impérieux, être amenée à la
sacrifier. Ou bien, parmi les plus attentives à l'héritage, c'était la
Russie qui, jugeant plus profitable d'en différer l'heure, allait, en de
certaines occasions, couvrir la Turquie de sa protection. Ou bien
enfin, les Puissances les plus diverses de tendances devaient, selon
l'heure, se mettre d'accord, tantôt contre la Turquie et pour la déli-
vrance de quelque population chrétienne, taniêt pour elle et afin de
prévenir de nouveaux démembrements. Telles sont les vicissitudes
variées que présente l'histoire de la question d'Orient dans notre
siècle.
Dès le début de cette période, des événements significatifs témoi-
gnent du déclin de la Turquie, de tout ce qu'elle a perdu en crédit.
On fait assez peu de fond sur cet empire pour en subordonner le sort
à des desseins qui lui sont étrangers. D'abord fidèle aux traditions
de la monarchie, la République françedse a fait amitié avec le Sultan,
et son agent, Aubert-Dubayet, a tenu quelque temps à Constantino-
ple l'emploi du conseiller le plus écouté. Mais bientôt d'autres plans
prévalent et ce qu'ils ont de préjudiciable, d'irritant à l'égard des
Turcs, a cessé d'être envisagé comme un obstacle. Pour la France
l'intérêt capital, après tant de victoires, est de consommer la défaite
de la coalition en réduisant à la paix rindomptable Angleterre. C'est
dans cette pensée, pour multiplier contre elle les défenses françaises
de la Méditerranée que Bonaparte plante le pavillon, tricolore sur les
Iles Ioniennes, sur les établissements vénitiens d'Albanie, à la fron-
tière même de l'empire ottoman et en dépit de ce qu'en pensera
Constantinople. Il frappe un bien plus grand coup encore. Afin
d'atteindre à l'endroit le plus vulnérable la puissance britannique, il
médite de s' élancer sur la route de l'Inde ; il s'y achemine par
l'Egypte, voie stratégique et opulent terrain de conquête, doublement
faite pour solliciter la triomphante expansion de la France en cette
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LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 367
heure splendide. Le Directoire donne mission au général de couper
risthme de Suez, d'assurer à la France la possession de la Mer
Rouge ; et l'opposition du souverain de TEgypte, du Sultan, semble à
ce point négligeable que Bonaparte a néanmoins pour instructions
de garder avec lui de bons rapports, de lui faire prendre en douceur
une campagne destinée, lui assure-t-on, à châtier la turbulence des
Mameluks. C'est trop présumer de son endurance. Turcs et Anglais
s'unissent contre l'adversaire commun et l'avantage leur reste.
Toutefois, dans la persistance de son dessein contre l'Angleterre,
la politique napoléonienne tient toujours la menace suspendue sur
l'Empire Ottoman, car elle réclame l'assistance de la Russie et se
met dans la nécessité de servir en Orient les projets de celle-ci.
Jamais, semble-t-il, la Turquie n'a couru pire danger, ni la Russie si
rare fortune, car l'Autriche accablée n'est plus de taille à intervenir
au partage. Pour l'Autriche, àla vérité, il y aurait eu plus d'un avantage
à la pousser vers l'Orient, à se réserver de l'y pourvoir. Lors d'Aus-
terlitz, Talleyrand en suggéra l'idée à Napoléon, mais sans succès.
C'est à la Russie que les dispositions de l'Empereur offraient en terre
ottomane les plus séduisantes perspectives, si elle eût su en profiter.
La constance lui manqua. Une première fois l'enthousiaste imagina-
tion de l'empereur Paul s'était laissée entraîner à un projet d'expédi-
tion commune contre l'Inde lorsqu'il périt de mort violente, et la
France dut encore compter les Russes parmi ses ennemis. Contre
eux alors, revenant malgré elle à l'ancienne politique, elle lança
les Turcs. Mais ce qui se passait chez eux était pour dégoûter de leur
alliance. En deux ans. deux révolutions du palais firent passer trois
sultans sur le trône. L'empire semblait sur le point de tomber en
dissolution : Méhémet*Ali commençait de fonder sa domination en
Egypte, les pachas de Janina et de SaintrJean d'Acre se rendaient
indépendants ; en Bulgarie, à Belgrade, les Turcs l'eculaient devant
des insurrections indigènes, et les villes saintes de l'Arabie leur
échappaient. Tilsitt survint. Napoléon, appuyé sur la Russie» reprit
contre les Anglais une politique selon son cœur. Alexandre en recueil-
lerait-il le fruit ? Un an plus tard, à Erfurt, la Moldavie et la Vâla-
chie étaient formellement mises à sa discrétion. 11 avait ses coudées
franches sur le Danube, il ne semblait pas douteux que le Sultan ne
dût finir par céder. La rupture de 1812 le sauva. Dans sa hÀte de
rassembler contre la grande armée toutes ses forces, Alexandre signa
précipitamment le traité de Bucarest (1812) où il ne gagna que la
Bessarabie. En revanche, des campagnes heureuses contre la Perse
reculèrent notablement, dans la même période, les limites de l'empire
sur la Caspienne et au-delà du Caucase.
Le régime de 1815 fut d'un grand profit pour l'Empire Ottoman.
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368 LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
Livré naguère à la merci des deux grandes puissances continentales
dont raccord eût pu consommer sa ruine, il trouva un renouveau de
sécurité dans l'équilibre des prétentions et des ressources que les
États rivaux furent désormais en mesure de s'opposer mutuellement.
En outre, par une étrange ironie du sort, la garantie commune que
les couronnes chrétiennes se donnèrent en vertu du principe de la
légitimité monarchique ne fut pas sans fournir au Sultan lui-même
et à son pouvoir de prince infidèle un efficace moyen de préserva-
tion. Il venait à point non seulement contre les visées conquérantes
des voisins, mais aussi contre leurs velléités de porter secours à des
sujets chrétiens du Sultan dont les plaintes devenaient importunes.
Ace moment, en effet, la vieille question d'Orient présentait une évolu-
tion remarquable. Le procès en revendication du sol occupé par les
Turcs ne s'élevait plus seulement, comme jadis, entre eux et les Etats
qui bordaient leurs frontières. Les populations chrétiennes de l'em-
pire, secouant une oppression plusieurs fois séculaire le soutenaient
pour leur compte. Les Serbes, soulevés à plusieurs reprises, subis-
saient toujours à Belgrade la présence d'un pacha, mais il avait fallu
en 18] 4 leur reconnaître un souverain héréditaire dans la personne
de Miloch Obrenovitch, et les Grecs, à leur tour, réclamaient pour
leur nationalité le droit de renaître. Evidemment ces ambitions non
prévues étaient gênantes pour les puissances qui, dans le confiit
oriental, avaient pour tradition de soutenir la cause chrétienne, mais
à leur propre et seul profit. D'autre part, c'était un démenti choquant
à la mission tutélaire dont elles s'honoraient que de rester sourdes
au cri de délivrance de coreligionnaires en péril de succomber. Mais
aussi les apparences de la générosité et du désintéressement ne pou-
vaient-elles chez le libérateur déguiser ^quelque calcul que la recon-
naissance des populations affranchies risquait de rendre fructueux ?
C'en était assez pour alarmer les compétiteurs et mettre la politique
en garde contre les conseils de l'humanité ; et ce fut aussi tout l'art
d'un Mettternich de couvrir les jalousies autrichiennes du solennel
appareil de la Sainte Alliance, d'invoquer l'intérêt sacré des droits
du Sultan contre des chrétiens indignes de pitié, puisqu'ils procla-
maient le principe révolutionnaire, partant condamnable, des natio-
nalités. C'était la révolution, en effet, sa propagande qui les avait
tirés de la léthargie, qui avait éveillé en eux l'espoir et l'audace, et
ce fut par horreur de cette révolution originelle que l'Europe souffrit
en silence les massacres de Constantinople, de Chio et la Grèce lon-
guement mise à sac. Telle fut, à cette heure et au regard des Turcs,
la vertu paralysante de la Sainte Alliance sur l'héritier de la grande
Catherine qui en était l'auteur.
. Cette fiction n'arrêta pas son successeur Nicolas qui reprit hardi-
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LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 369
ment contre la Porte la double tradition de venir en aide aux chré-
tiens et de gagner sur la frontière ottomane. 11 le prit de haut avec
les Turcs et leur imposa, sous le nom de convention d'Akkerman, une
annexe du traité de Bucarest qui livrait aux Russes plusieurs posi-
tions maritimes au pied du Caucase et octroyait, sur leur injonction,
de nouvelles garanties aux peuples serbe et moldo-valaque dont ce
nouveau titre officiel faisait de plus en plus des clients de la Russie.
Nulle occasion plus belle pour justifier, pour honorer son audace. La
cause des Grecs avait conquis les cœurs. La France, de tout son élan,
l'Angleterre même, malgré ses défiances, malgré le principe de non-
invention, s*unirent à l'empereur Nicolas dans la volonté commune
de séparer la Grèce de la Turquie. Si réfléchie que la race britan-
nique se montre dans ses résolutions, si peu qu'elle soit sujette à se
laisser entraîner au-delà de ses volontés, on eut pourtant ce rare
spectacle d'une flotte anglaise concourant à détruire les forces
navales de la Turquie. Navarin, d'ailleurs, ne suffit pas à la réduire.
Il s'agissait pour elle, on doit le reconnaître, d'un fait historique
sans précédent, de ses propres provinces, non pas disputées par
l'agression d'un conquérant, mais soutenues dans leur rébellion,
démembrées de l'Empire, érigées en état indépendant par la volonté
de puissances étrangères. Le Sultan n'y souscrivit que lorsque les
armes russes eurent pour la quatrième fois envahi les principautés.
Elles poussèrent même plus loin. Diébitch les conduisit au delà
des Balkans, bien près de l'Archipel, et c'est d'Andrinople qu'il
dicta la paix (1820). Le nouveau traité prolongeait les états du Tsar
dans l'est de la mer Noire, lui donnait une position importante aux
bouches du Danuble, ouvrait au commerce russe toute la Turquie,
consacrait la tutelle officieuse de la Russie sur les principautés et lui
cédait le libre passage des détroits. Les sacrifices territoriaux
n'étaient pas considérables, mais jamais la politique de Catherine
n'avait encore rabaissé la Porte à une si humble dépendance.
La Russie pouvait se croire revenue au lendemain de Tilsitt. Par
d'autres voies, par l'enveloppement lent plutôt que par la conquête,
elle poursuivait la même fortune, et comme alors avec le concours
de la diplomation française. Celle-ci avait d'autres fins, non plus l'ex-
termination de la puissance anglaise, mais la revision des traités
de 1815. Pour ce nouvel objet non moins que pour l'autre, l'entente
avec la Russie sembla,it promettre le succès commun de deux poli-
tiques parallèles. En 1828, Charles X avait rendu à Nicolas le service
de contenir l'Autriche. En 1830, les bonnes dispositions du Tzar ne
nuisirent pas à notre conquête d'Alger que l'Angleterre voyait sans
bienveillance, et on pouvait attendre mieux. Mais c'est la Russie qui
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370 LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
semblait encore la plus assurée de gagner à Talliance. Car, dans TAlle-
magne telle que le Congrès de Vienne Favail reconstituée, FAutriche
avait des plans et des soucis qui ne lui permettaient plus de réserver
une entière liberté d'attention ni d'action à TOrient où Nicolas n'au-
rait plus à compter qu'avec la vigilance ombrageuse mais impuis-
sante de l'Angleterre.
La révolution de 1830 fut la péripétie qui rompit des mesures si
bien concertées. Pour une répugnance de sentiment, Nicolas renonça
à l'amitié de la France qui faisait de lui l'arbitre de l'Orient et il
fournit aux Anglais Toctasion d'une éclatante revanche diploma-
tique. Dans les années qui suivirent, les affaires turques prirent aux
yeux de ceux-ci une tournure de plus en plus inquiétante. L'Egypte
de Méhémet-Ali semblait sur le point de dresser entre la Méditer-
ranée et la Mer Rouge un empire aussi redoutable à la puissance
britannique que l'Egypte de Bonaparte. La civilisation qui fleurissait
brusquement sur cette vieille terre procédait de la campagne de
1798, et la France suivait avec une complaisance toute maternelle les
progrès d'une œuvre où ses enfants, ses capitaux, sa science et ses
conseils avaient la plus grande part. Contre toute attente, l'empire
turc se voyait, de ce côté, menacé d'un effroyable démembrement. Si
foudroyantes avaient été les victoires des Egyptiens et leur invasion
avait de si près menacé Constantinople en 1832 que le Sultan s'était
vu forcé de plier devant les exigences du pacha, de lui livrer le gou-
vernement de toute la Syrie jusqu'au Taurus. Bien plus, l'Angleterre
elle-mèoie avait dû non seulement y souscrire, mais conseiller ce
sacriflce, car les Russes étaient accourus offrant à la Porte un se-
cours dont on ne se souciait pas de leur laisser recueillir le bénéfice.
Les seules marques de leur bonne volonté, au reste, ne furent pas
sans récompense, une convention en forme ayant placé la Turquie
sous leur protection et leur ayant valu l'engagement de fermer dans
l'avenir aux marines étrangères les détroits que le traité d' An drinople
déclarait ouverts à la leur. (Traité d'Unkiar-Skelessi, 1833). L'échec
était double pour les Anglais; ils avaient dû, par appréhension de la
Russie, seconder une victoire de la politique française, et la Russie,
toutefois, n'avait pas laissé de resserrer les liens qui lui soumet-
taient la Turquie. Cette impuissance constatée était un enseigne-
ment pour l'empereur Nicolas : qu'eût-ii eu à craindre à plus forte
raison du Cabinet de Londres, s'il se fût mis d'accord avec la France ?
Les desseins de celle-ci n'avaient pas de quoi l'inquiéter. En ébran-
lant encore la puissance ottomane vers le Sud, la prospérité de Mé-
hémel-Ali était loin de nuire aux projets de la Russie sur le Nord.
Contre la suite et la logique de toute la politique russe, Nicolas,
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LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 371
par aversion pour le roi Louis-Philippe, entra résolument dans les
intérêts de TAnglelerre. Il fut de la coalition de 1840 qui arracha
la Syrie à Méhémet-Ali dont il ne se souciait guère, et il paya cher le
plaisir de faire échec à la France, car la vengeance de TAngleterre
n'atteignit pas moins la Russie. Les .Puissances coalisées placèrent
sous leur commune garantie l'intégrité de TEmpire Ottoman, dépos-
sédèrent les Russes de la tutelle privilégiée qu'ils étaient parvenus
k y exercer et prescrivirent que les détroits demeureraient clos à
toutes les marines de guerre étrangères sans exception. C'était reve-
nir bien en deçà d'Andrinople.
L'Angleterre avait réussi à faire rentrer la question d'Orient sous
la juridiction collective de l'Europe. C'était la Puissance anglaise qui
venait d'infliger à la Russie, et par la faute de celle-ci, un si grave
dommage. Les avertissements ne manquèrent pas qui révélaient
désormais dans cette puissance l'adversaire acharné de la Russie.
Dans le temps même du traité de Londres, ne vit-on pas en Afgha-
nistan les Anglais s'avancer par le sud vers les régions où les Russes
tendaient par le nord, et la rivalité s'accuser déjà par des signes
manifestes? C'était une leçon faite pour rappeler le temps où l'O-
rient procurait et promettait à la Russie appuyée sur la France de
tout autres résultats. L'ébauche de cette politique trop tôt aban-
donnée semblait donner à l'une et à l'autre les meilleures raisons d'y
persévérer. D'un bout à l'autre de l'Europe, elle eût produit sans
doute des conséquences aujourd'hui difficiles à calculer, et ce n'est
pas à la France qu'il appartient de la regretter le moins.
Un motif tout sentimental, l'horreur de la révolution, avait, après
Alexandre, égaré Nicolas. Pourtant, la tradition russe amoindrie
exigeait de son orgueil une réparation. Il entreprit de la relever en
dépit des obstacles qu'il avait lui-même dressés devant elle. Dans
l'inconscience d'une ambition atteinte de vertige, ce fut l'Angleterre
elle-même qu'il prétendit gagner à ses vues, lors de cette fameuse
conversation où il s'ouvrit en 1853 à l'ambassadeur Hamilton Sey-
mour d'un projet de partagé de TEmpire Ottoman : l'Egypte était la
tentation proposée au pavillon britannique. Mais F Angleterre s'était
fait de l'intégrité de l'Empire Ottoman un dogme national par excel-
lence. *
A vrai dire, il n'était pas français au même titré, il ne l'était plus
qu'à litre accidentel, par la vertu de l'alliance anglaise. Mais Nicolas
prit soin d'en faire pour la France une affaire d'honneur, en atten-
tant aux privilèges qui lui étaient dévolus dans les Lieux Sainis. A
sa grande indignation, l'ingrate Autriche se garda de servir ses pro-
jets qui avaient de quoi l'inquiéter, et ce qui s'ensuivit, ce fut la
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372 LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
guerre de Crimée, c'est-à-die une nouvelle et pire déchéance de la
politique russe : la Bessarabie perdue, la mer Noire neutralisée,
rOrient livré aux influences occidentales, la France non plus amie,
mais rivale, trônant à Constantinople, comme au temps du marquis
de Villeneuve, d'Aubert-Dubaj^et et deSébastiani. Au même moment,
il est vrai, travaillée par un principe de dissolution plus fort que
les fictions diplomatiques, la Turquie devait à ses protectrices elles-
mêmes faire la concession d'un nouveau sacrifice. Mais la Russie en
partagea le dommage. Ce fut au détriment de ses prétentions, de ses
titres an térieurs,qu'une nouvelle nation chrétienne, la Moldo-Valachie,
se vit dès lors en possession d'une quasi-indépendance.
Après la Grèce, les Principautés Danubiennes, victoires succes-
sives remportées par le droit des nationalités, atteintes portées à
rintégrité ottomane, de Taveu des puissances mêmes qui s'étaient
donné pour charge de la préserver. Car le jeu des politiques rivales
n'a pas laissé de se prêter à des compromis qui resteront l'honneur
de ce siècle. C'est ainsi que la Grèce a pu s afi'ranchir, la Serbie, le
Monténégro, la Roumanie s'acheminer à leur entière délivrance. De
plus, les Puissances qui prirent, en 1850, la Turquie sous leur pro-
tection, eurent conscience qu'elles répondai«*.nt de leur protégée
devant la civilisation. Il n'est que juste de rappeler quelle noble idée
la France, en particulier, se fit de ses devoirs, l'œuvre de salut
qu'elle accomplit en Syrie avec un si heureux succès, les patientes
tentatives de réformes qu'elle poursuivit dans l'administration de
l'Empire. Les plus éclairés parmi les Turcs comprenaient la néces-
de mettre le régime de leur pays en harmonie avec celui de l'Europe
civilisée. Quelques-uns y avaient employé leurs efi'orts dès le len-
demain d'Andrinople, sentant la Turquie en danger de mort. Au
lendemain du traité de Paris, quand chacun se tournait vers la France,
il se fit un si grand bruit, un si bjeau travail apparent de lois et
d'institutions que les témoins mal avertis pensèrent assister à la
régénération d'une race. Mais ce ne furent que promesses et simu-
lacres. Depuis le sultan Mahmoud, la Turquie n'a fait d'emprunts
sérieux à l'Europe que dans Tordre militaire. Elle a mis les vices
incurables de son gouvernement à l'abri de plus de force.
La question d*Orient se ressentit comme toutes les autres du grand
déplacement d'influences qui se produisit en 1871. Le déclin de l'au-
torité française à Constantinople put faire croire que la politique
russe allait, à son tour, y supplanter celle de 1856. Le premier fruit
de nos défaites n'avait-il pas été pour la Russie la convention qui
lui rendait l'usage de ses forces navales dans la mer Noire ? Et ses
projets ultérieurs n'étaient- ils pas appelés à proRter de la recon-
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LA QUESTION D^ORIENT DEPt}IS SES OUIGINES Stâ
naissance que TAUema^^ne lui devait depuis 1870? Celait trop
compter sur celle-ci. Une conséquence directe de son éclatante for-
tune, était de ramener vers l'Orient Tactivité de TAutriche qui en
était distraite depuis le commencement du siècle, et cette activité, le
nouvel empire, pour consolider ses conquêtes, devait, de ce côté, la
pousser et la favoriser de son mieux. Contre la Russie surgissait
inopinément comme jadis la rivalité autrichienne, à Theure où, Teffet
de ses anciennes fautes semblant épuisé, elle pouvait se croire fondée
à braver désormais Thostilité de TAngleterre.
Combien l'occasion pourtant apparaissait belle en 18761 L'appel
des populations slaves soulevées en Herzégovine et en Bosnie, le cri
d'agonie des Bulgares massacrés invoquait l'aide fraternelle de la
sainte Russie, comme l'insurrection grecque, cinquante ans aupara-
vant. Plus encore qu'alors, les rivaux naturels du tsar étaient enga-
gés d'honneur à ne pas demeurer indifférents à la cause chrétienne.
Car leur politique, la politique anglaise, depuis qu'elle prévalait, se
targuait d'un ministère modérateur exercé auprès du sultan en
faveur des races asservies et attesté par tant de promesses ou d'om-
bres de réformes dont l'événement trahissait avec éclat l'inanité. Il
fallait donc, bon gré mal gré, faire écho aux représentations de la
Russie. Dans ce pas embarrassant, la diplomatie occidentale se
donna une peine infinie pour résoudre ce scabreux problème : user
de contrainte morale sur la volonté de la Porte, tout en la garan-
tissant d'une contrainte trop effective. Une pareille entreprise
était trop évidemment vouée à la stérilité. On rédigea donc à Vienne,
à Berlin, de belles pièces officielles pour réclamer l'exécution des
engagements pris. Puis, comme Ignatief exigeait par voie d'ultima-
tum que cotte exécution fût désormais soumise au contrôle des
Puissances, la conférence de Constantinople fit de louables efforts
pour que la demande si rudement signifiée fût accordée de bonne
grâce à sa sollicitation. Un désaccord d'intentions si mal déguisé
par l'accord apparent des requêtes ne pouvait qu'encourager la
résistance de la Porte. L'esprit musulman pur, réfractaire aux con-
seils de l'Europe, l'emportait alors sur l'inertie à formes dociles de
l'âge précédent.
La révolution qui venait de porter Abdul-Hamid sur le trône avait
un caractère de fervente réaction religieuse. Mais, de plus, et pour la
circonstance, l'orgueil de l'Islam, à cette heure d'offensive nouvelle,
se travestissait des dehors de la civilisation. Ce fut en invoquant les
droits de l'indépendance, les susceptibilités du patriotisme, les
termes d'une constitution libérale promulguée tout exprès que le
gouvernement turc fit, à l'égard de l'Europe, sa profession déclarée
REVUE POLIT, y T. XX 25
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374 LA QUESTION D ORIENT DEPUIS SES ORIGINES
d'incompatibilité. Une telle rupture D*ea servant que mieux lesaffaires
de la Russie, de Vienne et de Londres on prit contre elle des précau-
tions préalables : TAutriche s'assura qu'elle ne s'approprierait rien
sur la rive droite du Danube, qu'elle ne prétendrait au protectorat
exclusif d'aucune province ottomane. L'Angleterre obtint que l'Egypte
et le canal seraient respectés, que Constantinople, non plus que les
détroits, ne serait occupée. Cela fait, on surveilla les opérations des
armées russes, se réservant d'intervenir encore quand il serait
temps. Et il fut temps le jour où, poussant sa marche plus loin qu'en
1829, le drapeau impérial flotta au-dessus du Bosphore même, à San-
Stefano. Dans cette bourgade désormais historique, un traité venait
d'être signé qui expropriait les Turcs de la plus grande partie de la
Turquie d'Europe, la Grande Ôulgarie érigée, Roumélie et Macédoine
comprises, en une nation désormais distincte sous l'égide de la Rus-
sie. Cet énorme prélèvement sur le sol turc, une nouvelle extension
de la frontière russe dans la région caucasique, des accroissements
de territoire pour la Roumanie, la Serbie, le Monténégro, élevés du
même coup à l'indépendance, une mainmise désormais effective sur
l'empire Ottoman requis de pourvoir, selon l'injonction du Tsar, au
sort de ce qui lui restait de sujets chrétien, autant de conquêtes
inouïes, décisives, qui semblaient, après les épreuves de la fortune
contraire, mettre aux mains de la Russie l'avenir de l'Orient.
Tout cela dépendait du consentement de l'Allemagne qui dissipa
le rêve. Se rangeant avec les puissances rivales, elle concourut à la
revision de ces immenses bénéfices, à la réduction des sacrifices de
la Turquie, au dédommagement de l'Autriche. Si la Russie demeura
en possession de la Bessarabie et de ses nouvelles conquêtes en pays
arménien, si l'indépendance et certains arrondissements restèrent
acquis aux Etats des Balkans, la Bulgarie fut réduite à des propor-
tions exiguës, la Roumélie fît l'objet d'un régime séparé, TAutriche
fut gratuitement enrichie de la Bosnie et de rflerzégovine, sous le
complaisant prétexte d'une occupation provisoire, l'Angleterre fit
reconnaître par la cession de Chypre le service rendu à la Porte, et
les vaines garanties inscrites au nom de l'Europe en faveur des chré-
tiens d'Arménie livrèrent ceux-ci plus que jamais au bon plaisir des
Turcs.
Le traité de Berlin, le dernier en date de ceux qui ont consacré
les démembrements successifs de l'empire Ottoman, parait avoir re-
culé pour longtemps la solution de la question d'Orient, tandis que
ses conséquences rendaient plus impérieuse la nécessité de cette
solution. La protection de l'Europe a trop coûté à la Turquie pour ne
pas la dispenser de reconnaissance, mais elle est aussi trop intéres-
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LÀ QUISTION D^ORIENT DEPUIS SES ORIGINES 375
sée pour que la Turquie craigne de la perdre, quoi qu'elle fasse. Aussi
i]f'a-t-elle jamais été moins soumise aux èonseils des civilisés. A. iisûr
égard, de funèbres événements, de mémoire si récente, ont montré
jusqu'où pouvait aller le scandale de ses déûs. La seule intimidation
effective, celle de la Russie, a été neutralisée à Berlin. D'autres mo-
tifs Font depuis lors retenue de s'exercer. Dans la mesure même où
des rivales jalouses l'avaient réduite, la création chère au cœur et à
l'orgueil des Russes, la Bulgarie, les a déçus et contristés. Or ce mé-
compte ? certainement ralenti la mission héréditaire de délivrance
que la Russie s'est assignée envers les chrétiens d'Orient. Les Armé-
niens ne l'ont que trop chèrement éprouvé. Patiente, attendant
beaucoup de l'avenir, occupée d'autres projets, la Russie souscrit à
l'abstention commune dont la Turquie jouit et abuse. L'humanité
n'y gagne rien. Jamais l'Europe n'a montré plus d'embarras ni de
timidité dans les intérêts chrétiens qu'elle était appelée à gérer en
Orient.
Une conclusion trop manifeste se dégage des événements ^ont
nous avons tenté l'analyse. La réalisation des desseins de Catherine
semble s'être éloignée. A là fin du siècle dernier, la Russie était plus
près de Constantinople qu'aujourd'hui. Dans le premier quart du
nôtre, la fortune a paru deux fois lui tendre cette belle proie. Avec
l'alliance de la France elle eût alors imposé sa volonté à l'Europe.
L'inconstance de sa politique a tout fait avorter. Par contre, c'est
Tunité, la persévérance de sa résolution qui a valu à l'Angleterre le
succès de la politique contraire. Pour écarter la Russie de Constao"
tinople, elle a mis en jeu les fautes de celle-ci, la rupture de l'union
naturelle et nécessaire, de l'union avec la France ; puis, le moment
venu, l'occasion passée, la vieille rivalité redevenue menaçante, la
rivalité germanique ; elle a déjoué les grands coups, mesuré, limité,
compensé les conquêtes de l'ambition russe; elle tient pour acquis à
son profit tout ce qu'elle empêche la Russie de gagner ; et si ce chef-
d'œuvre de politique dilatoire ne parvient pas, comme il est probable,
à tenir toujours l'avenir en échec, elle a mis les intérêts britanniques
à couvert, elle s'est fait, à tout événement, une part royale dans
cette Egypte où elle recueille aujourd'hui, par notro faute, la mois-
son de la France, dans cette Egypte que l'inertie présente de l'Eu-
rope semble lui résigner.
LÉON Beclard.
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kEVDES DES mmm poirriaues ooniïhporms
I. — REVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE (1)
Fbange. — Lentente socialiste. — Qu'il s'agisse des socialistes ou des au-
tres partis, c'est toujours l'affaire Dreyfus qui tieut la première place et rem-
plit les coloDues des journaux. De leur propre aveu, les socialistes et les
anarchistes exploitent cette lamentable affaire comme une entreprise ad-
mirablement menée de démolition nationale et de « décomposition so-
ciale ». M. Hubert Lagardelle, dans la Revue Le Mouvement socialiste (2),
a mis en lumière les conséquences de l'affaire Dreyfus, au point de vue de
rton parti. Au début de l'affaire, les socialistes se sont montrés hésitants et
divisés. Seuls, les indépendants Jaurès, Gérault-Richard et les allema-
nistes, virent tout le parti qu'on en pouvait tirer au proût de la propa-
gande révolutionnaire. Les guesdistes suivaient les fluctuations de leurs
électeurs. Mais après le suicide d'Henry, et devant « la réaction mena-
çante », un premier accord s'est fait dans le parti socialiste, par la cons-
titution d'un comité de vigilance, puis d'entente, dans l'espoir d'aboutir à
l'unité. Les différentes organisations socialistes ont suivi la même tac-
tique au Parlement et dans le pays. Il n'y a pas eu de dissidents pour le
vote de la loi de dessaisissement et pour l'élection présidentielle, où les deux
fractions républicaines se sont donné assaut. Le parti socialiste s'est donc
unifié, épuré, en se débarrassant des éléments nationalistes et antisémites,
fortifié, grftce à l'alliance des « intellectuels de l'élite de la bourgeoisie
révoltée contre sa propre classe ». M. Hubert Lagardelle pourrait y join-
dre M l'alliance de la ploutocratie sémitique » comme on l'a vu à cette
étonnante conférence-concert du théâtre de la République, où M. Gérault-
Richard, l'ancien vainqueur de Gasimir-Périer, a été applaudi par les mains
les plus finement gantées de la Capitale (3).
La thèse de M. Hubert Lagardelle implique que les intérêts du parti
socialiste sont opposés à ceux de la nation en général, que « les coups
assénés, comme l'écrit avec joie M. Paul Lafargue, aux institutions mili-
taires, judiciaires, parlementaires », n'atteignent que la société capitaliste.
C'est là, croyons-nous, une conception unilatérale de la réalité des
choses. La France n'est pas une île perdue au milieu de l'Océan» elle est
entourée de nations concurrentes. Tout ce qui l'affaiblit, tout ce qui la
divise, tout ce qui atteint son activité commerciale, industrielle, sa force
(1) Du 20 Janvier au 20 avril 1899.
(2) 15 mars 1899.
(3i La soirée a produit 10.000 francs au profit de la verrerie ouvrière d'Àlbi.
Si l'affaire ne produisait que des effets de ce genre, nous ne songerions pas à
nous plaindre.
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REVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE 877
d*expansion, blesse en même temps la classe la plus vulnérable, celle des
ouvriers, des prolétaires. La thèse de M. Lagardelle nous semble, à vrai
dire, plutôt anarchiste que socialiste. Ce sont les anarchistes, irréconci-
liables ennemis de tout esprit de gouvernement, de toute discipline, de
toute armée, qui auraient le plus à se féliciter des perturbations profondes
causées par Taffaire Dreyfus et la façon dont elle a été conduite. Certains
intellectuels ont compris cela d'instinct, et sont allés droit aux anarchistes.
Les circonstances ont donc hâté Tunion ou du moins Tentente dans le
parti socialiste. Pour la première fois, Tanniversaire de la (k)mmune, le
i8 mars, a été célébré en commun, dans un meeting où les délégués de
chaque organisation ont pris la parole. Tout s'est passé avec ordre. On a
préconisé la concorde afin d'assurer le triomphe du prolétariat et de la
République sociale.
L'accord s'est fait pareillement, pour l'organisation du Congrès interna-
tional socialiste qui se tiendra à Paris en 1900. Ce Congrès devait pri-
mitiment se réunir en Allemagne : mais l'Empire allemand n'est pas
une terre hospitalière, et les social-démocrates allemands ont passé la
main à leurs camarades. français. Soucieux de ne pas donner une seconde
fois, comme au Congrès de Londres en 1897, le scandale des querelles les
plus violentes, le comité d'entente, composé des représentants des cinq
grandes organisations nationalement constituées (guesdistes, blanquistes,
broussistes, allemanistes, socialistes, indépendants), ont lancé, le
7 mars (1), une circulaire- manifeste aux organisations socialistes et
ouvrières du monde entier, leur proposant de fixer, dans une conférence
préparatoire tenue à Bruxelles les 27 et 28 mai, les conditions d'admission
au Congrès, le programme minimum, le Credo obligatoire, hors duquel il
n'y a point de salut.
Ces conditions sont les suivantes : « SoeialUation des moyens de pro-
duction et d'échange, — Union et action internationale des travailleurs.
— Conquête socialiste du pouvoir politiqt4e par le prolétariat organité en
parti de classe. »
C'est ce troisième article du credo^ la conquête des pouvoirs publics,
qui a provoqué les plus vives querelles aux précédents Congrès de Paris,
de Bruxelles, de Zurich et de Londres. — Les révolutionnaires, les anar-
chistes repoussent le dogme de l'action politique, lente, stérile, impuis«
santé à leur gré. Pour échapper à cette accusation de parlementarisme,
les auteurs du manifeste ajoutent qu'on ne prétend point que la con-
quête du pouvoir politique doive être parlementaire, elle se fera n'importe
comment. C'est dire que le prolétariat doit compter sur la force, et ne rien
attendre de ses adversaires.
Noknbre de syndicats manifestent une aversion marquée pour l'action
politique : on ne songe pas à l'imposer aux groupes corporatifs, on leur
demande seulement d'y adhérer.
Enfin les auteurs du manifeste approuvent qu'un Congrès corporatif
international, spécial, se réunisse également en 1900, conformément aux
(1) PetUe République du 7 mars 1899.
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378 REVUE DU MOUVEMENT SOCIAUSTE
décisions du Congrès de Rennes, mais il invite ces groupes à envoyer des
délégués au Congrès social-démocrate, avec un mandat politique et socia-
liste.
Malgré ces formules conciliatrices, les révolutionnaires et les anar-
chisteiS. stigmatisent le futur Congrès, n'y voient qu'une « salade de poli-
ticiens autoritaires », annoncent des dissidences, peut-être môme une
scission parmi les aile manistes, rappellent que les groupes syndicaux ne
sont guère favorables à la politique et que les adversaires de raction
politique formèrent, contre les parlementaires, la mc^orité de la section
française au Congrès de Londres. Les atténuations du programme des
social-démocrates ne convaincront personne : d'après un anarchiste,
M. Pouget, leur idée maîtresse, c'est la constitution du grand parti socia-
liste électoral, dont M. Jaurès jeta l'idée l'an dernier (1). Ce Congrès ne se
composera guère que de groupes électoraux.
Aussi les révolutionnaires récalcitrants se proposent de convoquer de
leur côté un Congrès en 1900. Un comité d'initiative s'est formé dans ce
but, à l'instigation de Domela Nieuwenhuis, F. Pellontier et Ë. Pouget.
Une circulaire a été adressée aux organisations ouvrières socialistes,
révolutionnaires et communistes anarchistes pour protester contre la pré-
tention des social-démocrates à représenter tout le socialisme, flétrir
leur intolérance, dénoncer leurs buts électoraux et provoquer la convoca-
tion d'un Congrès ouvrier révolutionnaire international.
Un courant socialiste antiparlementaire existe en effet en Hollande, en
Espagne, en Belgique, en France. Il se compose de groupements ouvriers
désabusés de l'action politique et qui ont foi dans la grève générale. C'est
à ces groupements qu'on fait appel. Mais ils sont loin d'avoir l'importance
et la portée des socialistes partisans de l'organisation électorale et de
l'action politique.
Le Congrès extraordinaire des ouvriers de chemin de fer. — Un premier
essai de grève générale avait été tenté à Paris, en octobre 1898. Le Syndi-
cat national des chemins de fer de France et des colonies, dit Syndicat
Guérard, devait donner le signal de la révolution sociale. L*échec fut reten-
tissant. Le Comité d'administration et le secrétaire général, qui avaient
reçu plein pouvoir d'organiser la grève, donnèrent leur démission après
cette fâcheuse aventure. Un Congrès extraordinaire du Syndicat a été con-
voqué à Paris les 20 et 21 janvier, en vue d'aviser à la situation et pour
remplacer le Comité.
Les congressistes ont reproché violemment au Conseil d'administration
d'avoir outrepassé ses pouvoirs. Il appartenait à une commission de 25 mem-
bres, nommée par le Congrès de 1898, de décider de l'opportunité de la
grève et de prendre les mesures nécessaires : or cette commission execu-
tive n'a pas été consultée. — Le citoyen Guérard, ainsi mis sur la sellette,
a répondu que la commission n'était chargée que d'assurer le succès de
l'entreprise, que la déclaration de grève avait été purement conforme aux
(1) Journal du Peuple ^ du 9 mars.
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REVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE 379
statuts et aux décisions des Congrès, et que les ouvriers de chemin de fer
n'avaient à s'en prendre qu'à eux-mêmes.
L'échec a été attribué aux « manœuvres » des Compagnies, à l'action
« illégale » du gouvernement (prévenu par qui? on l'ignore), qui a saisi les
correspondances^ fait lacérer les affiches, occuper militairement les gares.
Il est certain, d'autre part, que les cheminots ont « manqué de nerf ». Un
des meneurs, le citoyen Lagailse, des chemins de fer de l'Etat a « flanché »
pitoyablement, et mis des bâtons dans les roues (i).
A l'unanimité moins trois voix, le Congrès a fini par donner décharge au
Comité et au secrétaire Guérard, démissionnaires, en déclarant qu'ils
avaient agi régulièrement, conformément aux statuts. On a même offert
à Guérard un punch d'honneur.
Puis le Congrès a décidé de ne nommer, dans le Comité d'administration
comme dans la Commission de contrôle, rien que des membres apparte-
nant au service réel, et non plus comme auparavant des anciens employés
révoqués.
Une tentative a été faite, par les délégués des chemins de fer de l'Etat,
de modifier profondément l'organisation du Syndicat, de substituer le fédé-
ralisme à la centralisation. Les sections n'auraient plus à attendre le mot
d'ordre despotique d'une sorte de Comité central. Les représentants des
ouvriers des huit Compagnies s'organiseraient d'une façon indépendante,
pais s'uniraient par un lien fédéral. Les délégués des chemins de fer de
l'Etat cherchent en réalité à faire bande à part, à se créer une sphère
d'action indépendante, afin de négocier directement avec une adminis-
tration complaisante et timorée. Ils demandaient qu'à titre d'essai la faculté
leur fût laissé de traiter eux-mêmes les questions qui les intéressent. Mais
la question du fédéralisme a été ajournée au prochain Congrès, les délé-
gués n'ayant pas de pouvoirs suffisants sur ce sujet.
Le nouveau comité de 80 membres a été chargé de s'occuper de l'aug-
mentation de salaire des petits employés et des pensions de retraite.
Au lieu de chercher à se créer des ressources pécuniaires, comme les
ouvriers des chemins de fer anglais, qui disposent d'un capital considé-
rable, les ouvriers et employés des chemins de fer s'étaient laissés engager
dans la voie révolutionnaise.
On espère qu'un esprit plus modéré pourrait amener la fusion du Syn-
dicat national avec le Syndicat des mécaniciens et chauffeurs (dit Syndicat
Guimbert), l'élite sans laquelle on ne peut rien, et avec l'Association ami-
cale (dite Syndicat Petit) ; mais ces espérances sont prématurées, et nous
voyons qu'en Angleterre et aux Etats-Unis les mécaniciens ont formé
comme en France des Syndicats spéciaux. L'organisation ouvrière, à mesure
qu'elle se développe, doit se différencier, et ne peut guère se rapprocher
que par un lien fédéral assez lâche.
Quoi qu'il en soit, l'avortement de la grève générale, à l'automne dernier,
n'a pas ébranlé la foi aveugle des militants dans cette panacée. Pour sus-
pendre la vie industrielle et mettre les capitalistes à leur merci, ils avaient
(1) Le Père Peinard, 29 janvier 1899.
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380 BEVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE
compté autrefois sur les mineurs, puis sur les ouvriers et employés des
chemins de fer. Ils se rabattent sur le bâtiment : des réunions de toutes
les corporations ont eu lieu le 23 février et le 46 avril à la Bourse du Travail,
où les excitations n*ont point manqué. Il s^agit de modifier le système des
adjudications, de forcer la main à la Chambre et au Sénat. Les circons-
tances sont favorables, les travaux de TExposition urgents et en pleine
activité : qu'on prépare donc la grève générale avant le 4*' juin. En6n le
Comité de propagande de la grève générale, nommé conformément aux dé-
cisions du Congrès de Rennes, nous annonce cette grève pour 4900. U engage
chaque Bourse de Travail, chaque Union de Syndicats à former des sous-
comités de propagande, et à prélever 5 p. 100 sur les grèves partielles,
comme Tout voté tous les Congrès ouvriers, depuis 4893, sans que ce vote
ait permis de constituer le moindre trésor de guerre. On va fonder un
Journal de la grève générale, auquel nous n'oserions garantir une longue
vie. Jusqu'à preuve du contraire nous tiendrons la grève générale pour une
idée simpliste, qui n'aboutirait qu'à un désastre, et frapperait la classe
ouvrière avant d'atteindre la classe capitaliste.
Le tocialisme à la Chambre. — Taudis que les anarchistes, les syndicaux
révolutionnaires préparent une révolution « des bras croisés », les démo-
crates socialistes, les socialistes parlementaires, s'engagent de plus en plus
dans les voies de l'opportunisme. Lors de l'élection présidentielle, iU ont
fait une ardente propagande pour M. Loubet. Où sont les temps où M. iiéon
Bourgeois, aux applaudissements de l'extrôme gauche, organisait jusque
dans la rue une campagne pour la suppression du Sénat? Voilà maintenant
que les partis extrêmes acclament le candidat du Sénat à la présidence de
de la République. Grâce au concours le plus ardent des radicaux et àeé
socialistes, le président de ce Sénat abhorré, de ce Sénat obstacle à tout
progrès démocratique, devient, par avancement hiérarchique, préai-
dent de la République. Sans doute, en élisant M. Loubet, les socialistes
votaient contre M. Méline, le « candidat de la réaction prétorienne ».
IL Méline estimait qu'il fallait gouverner avec les républicains, même
ralliés de la dernière heure, contre les socialistes. M. Loubet, qui n'est ni
socialiste, ni radical, gouvernerait au besoin avec les partis extrêmes, s'il
y avait un péril de droite. C'est là le sens de la concentration dont il est
l'élu. Modéré, tolérant, extrêmement poli, M. Loubet, jusqu'à présent, ue
s'est pas révélé homme d'Etat, mais il est honnête homme. Il nous sauve
de M. Bdssson, de M. Léon Bourgeois, voire de l'incertain M. Dupuy. U
marque l'avènement à la présidence d'une nouvelle couche sociale, la pe-
tite bourgeoisie méridionale républicaine ; il la représente par ses meil-
leurs côtés. Les socialistes en tirent la conséquence que, de couche so-
ciale en couche sociale, la Présidence Onira par leur appartenir. A l'insti-
gation de M. Brousse et de M. Jaurès, ils engagent leurs partenaires à voter
dans les élections sénatoriales pour la conquête de la haute assemblée.
A la Chambre, les socialistes ont joué un rôle effacé. Ils se sont livrés à
leur tactique habituelle de surenchère. M. Garnaud a présenté un projet
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KEVUfi DU MOUVEMENT SOCIALISTE 381
d'augmentation du traitement des instituteurs, qui a été envoyé à la Com-
mission de renseignement. En février, M. Krauss a repris un projet de
M. Guesde, à propos des crédits relatifs au Conseil supérieur du travail.
Il demande que le Conseil soit composé par moitié de membres électifs,
dont Télection serait remise soit aux Chambres syncales, soit au suffrage
universel direct des ouvriers des divers métiers. Malgré le Gouverne-
ment, il a obtenu la majorité, 908 voix contre 188. M. Zévaès propose
de remettre à la classe ouvri^e Télection des inspecteurs du travail : il a
rallié 240 voix contre 254. Enfin, M. Vaillant a prononcé, le 8 mars, un
discours eo faveur des milices substituées à Tarmée nationale. Il a cité
Texemple de la Suisse. Son discours n'était qu'une conférence et n'a pas
eu la sanction d'un vote.
Angletbrbb. — Ladémonttrationpour la paix et contre le tsar. --En
attendant que la guerre finisse, faute de soldats, l'état-major des socia-
listes belges, français, allemands, s'est réuni à Londres, au commence-
ment de mars, sur l'invitation des socialistes anglais pour opposer leur
conception de la paix internationale à celle du tsar. D'après les socialistes,
la solidarité et la fraternité des peuples ne peuvent avoir pour fondement
que le socialisme international; c'est le thème développé dans les toasts
du banquet du restaurant de Uolborn et au meeting de Saint-James Hall.
On a fait assaut d'éloquence et d'humour. Bernard Shaw, le wagnérien
critique d'art socialiste, a chargé Jaurès de complimenter Boisdeffre. Il a
ajouté que les généraux anglais ne le cèdent point en humanité à ceux
des autres pays : ils tuent les blessés, violent les tombeaux, mutilent les
morts. Les Russes, en Finlande, ne font que suivre l'exemple des Anglais
aux Indes. M. Jaurès a promis d'effacer au prochain Congrès international
la mauvaise impression laissée par les querelles entre socialistes français
au Congrès de Londres, où lui-même, aveuglé parle parlementarisme,
méconnut la grande force des associations ouvrières. Liebknecht, qui, seul,
parlait en anglais, a criblé le tzar d'épigrammes : les socialistes allemands
combattent le militarisme et le capitalisme. Ils ont triomphé du géant
Bismarck, ils auront raison du nain. Hyudman a cité le mot de Blûcher
devant Paris : « Quelle belle ville à piller » pour l'appliquer à Londres :
« Quelle ville à soulever ». M. Vandervelde, que ses amis français au Con-
grès de Londres traitaient de « jésuite », de « délégué des avocats de
Bruxelles », a pris à partie «le képi français, le casque prussien et le cha-
peau du prêtre », ces couvre-chefs du capitalisme et de la société bour-
geoise, et proclamé que l'hypocrisie du tsar était un hommage rendu à la
veilu socialiste.
Le Congrès des Trades-Unions de Bristol s'était montré beaucoup plus
modéré que les socialistes. 11 était allé jusqu'à « saluer, avec satisfaction,
le*message du tsar, en faveur du désarmement général ». Et tandis que les
socialistes ne prêchent la paix internationale que pour déchaîner la guerre
des classes, les vieilles unions anglaises, les plus riches et les mieux orga-
nisées, préconisent la paix industrielle au même titre que la paix interna-
tionale.
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382 BEVUE DU MOUVEMENT SOCIAUSTE
Le Congrès de Manchester. — A la veille du Congrès de Manchester, en
février, le Trade-Unioniste écrivait que les grèves et les lock oui étaient
une méthode barbare pour la solution des conflits entre le capital et le
travail, qu*on devait aspirer à la paix dans Tindustrie comme dans la po-
litique internationale, que cette paix était exigée par la concurrence
croissante, qu'ouvriers et patrons devaient également se pénétrer de cette
nécessité vitale, qu'il fallait arriver à Tentente réciproque, sans se prendre
à la gorge.
Le Congrès de Manchester avait été spécialement convoqué pour cons-
tituer, contre la fédération des patrons, dont on avait éprouvé la force
dans la grève des mécaniciens, une fédération générale des trades-unions.
La Confédération générale du travail, fondée depuis trois ans en France,
répond au même but ; mais les deux organisations sont conçues dans tin
esprit absolument opposé. Les finances de la Confédération du travail sont
à peu près nulles, elle est sous Tinfluence des militants, hantés par Tidée
de grève générale. Il n'en est pas question dans la Fédération des unions
anglaises. Son but est de donner une extrême solidité financière aux unions,'
une force défensive énorme, sans ombre d'esprit agressif. Les ressources
pécuniaires, considérables, dont elle disposera, si elle parven£iit à fonc-
tionner, seront à la disposition de chefs responsables, sans hostilité bornée
contre les entrepreneurs, sans esprit révolutionnaire, de haute expérience
6t de haute moralité, considérés, respectés de tous, dont le but sera tou-
jours de sauvegarder les intérêts du travail, et d'épuiser, avant de déclarer
la guerre, tous les moyens de conciliation.
Le « Vorwaerts » lui-même, loue l'extraordinaire prudence, « la sévère
« évaluation des droits et des devoirs » qui a présidé à l'élaboration des
statuts. Il n'est pas question, comme en France, de plans grandioses des-
tinés à anéantir le patronat.
Congrès du parti ouvrier socialiste indépendant. — - Ce Congrès s'est
tenu à Leeds, au lendemain de Pâques. Il a décidé de présenter 25 candi-
dats aux prochaines élections parlementaires, sans conclure aucune
alliance avec les anciens partis.
Le Comité exécutif du parti est chargé d'entrer en négociations avec la
Fédération social-démocrate. Les deux organisations poursuivent le même
but, mais avec des tempéraments et des méthodes différentes. Il serait
prématuré de s'unir. Mais on veut essayer de se fédérer.
Les sectes socialistes en France tentent une entreprise analogue.
Congrès des conseillers socialistes municipaux. — Ce Congrès s'est réoni
pareillement à Leeds, sous la présidence de Sidney Webb. Webb recom-
mandait aux socialistes de chercher, dans l'administration des communes,
pour chaque parti, les hommes les plus capables, et de leur oflfrir la ré-
munération que leurs capacités trouveraient ailleurs. Mais les soeiaiistes
se sont déclarés contre les hauts traitements. Un conseiller municipai a
excité l'hilarité générale, en déclarant qu'à West-Ham on avait réalisé
tout le programme électoral et qu'on souffrait d'une disette de pro-
gramme*
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REVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE 383
Presque tous les délégués se sont montrés partisans de Fextension des
pouvoirs légaux des administrations locales.
Sur la question de l'alcool, le Congrès a demandé la municipalisation
des débits de bmssons^ — et la même solution a été votée pour Tassurance
delà vieillesse (i).
Etats-Unis. — Les partis socialistes, — Il n'existe pas aux Etats-Unis,
d'organisation socialiste unitaire. Il y a, comme en Angleterre, un parti
ouvrier socialiste et un parti social-démocrate.
Le parti ouvrier a fait des progrès importants depuis 1890.
11 a obtenu aux dernières élections plus de 80.000 voix. Le parti anti-
esclavagiste commença de même modestement, en 1840, avec 7.000 voix
sur 2 millions et demi d'électeurs, et 23 ans plus tard l'esclavage était
supprimé.
Le parti social-démocrate est dirigé par Debs, ancien président de l'Union
des chemins de fer américains (opposée, comme en France, à celle des
mécaniciens et ingénieurs).
Dans l'été de 1894, lors de la grève des ouvriers de Pullman, Debs vint
à leur secours, en déclarant la grève des ouvriers de chemins de fer. Cette
grève prit de telles proportions que le président Cleveland dut appeler les
troupes régulières, les milices de l'illinois ne paraissant pas suffisantes.
Debs fut condamné à quelques mois de prison.
A sa sortie, il fondait le parti social-démocrate, avec le même pro-
gramme que le parti ouvrier ; mais impatient de préparer la société nou-
velle, il voulut tenter d'établir, dans les terres disponibles, des colonies
coopératives. Des gens douteux, des spéculateurs, se mêlèrent à Feutre-
prise; et, après une scission, Debs organisa un nouveau parti. Par une iro-
nie singulière, Debs qui s'était éloigné du parti ouvrier socialiste, parce
qu'il comprenait trop d'étrangers, a vu son nouveau parti se recruter
parmi les juifs russes, polonais, les Allemands. Il compte 200.000 partisans
dans l'Etat de New- York, un maire socialiste, le premier qui ait été nommé,
6 conseillers municipaux, et 2 députés, à la législature, dans le Massa-
chusetts; on a créé un certain nombre de journaux en allemand, en
anglais et en jargon juif. Le parti ouvrier socialiste est mieux organisé,
plus cohérent (2).
La Fédération américaine du travaiU — Le nombre des membres des
organisations ouvrières aux Etats-Unis ne dépasse pas 500.000, alors
qu'il est en Angleterre de 1.600.000. La plus importante, depuis la
décadence des Chevaliers du Travail, c'est la Fédération américaine du
tra^l, qui a pour président un bourgeois, Samuel Gompers, jadis
membre de l'Internationale.
La Fédération, à son dernier Congrès, a discuté la question du socia-
lisme et de l'action autonome du prolétariat. Gompers a signalé le danger
de transformer les oi^nisations ouvrières en clubs politiques.
Les socialistes demandaient au Congrès de décider que la question
(1) Fdnoaér/5, 8 avril 1899.
(2) Ymoaerts du 1" février 1899.
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384 REVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE
ouvrière ne peut être résolue que par la socialisation des moyens de pro-
duction, que dans ce but Taction politique aide et complète Faction éco-
nomique. Ils ont eu contre eux la majorité, qui a décliné, comme les
t rades unioniste anglais, la lutte autonome dans le domaine politique. Mais
la minorité socialiste a été assez importante.
Le Congrès a repoussé la politique impérialiste d'expansion coloniale.
Allemagne. — La lutte se poursuit, en Allemagne, entre le gouverne-
ment de Guillaume II et les socialistes. Certains adversaires du socialisme
estiment que la réaction poussée si loin fait la démocratie socialiste plus
redoutable et lui donne le prestige d'une grande force. « Nous vivons, dit
<( Bebel, des fautes de nos adversaires. Ceux qui prétendent nous anéantir
« sont nos meilleurs alliés. »
Le projet de loi qui menace la liberté de coalition des travailleurs alle-
mands n*est pas encore déposé. La sévérité draconienne avec laquelle le
jury et les juges en Saxe ont réprimé récemment une atteinte portée par
les ouvriers à la liberté du travail, rendrait cette loi inutile, si cette sévé-
rité se généralisait.
Lincident de Lceptau.— En Saxe, gi*and pays industriel au cœur de TAlIe-
magne, le socialisme est très développé. Les Chambres saxonnes, il y a
trois ans, ont pris Tinitiative de restreindre le suffrage universel pour les
élections au Lantag; mais la moitié des élus saxons au Reichstag se
compose de socialistes.
L'opposition de classes est plus marquée qu'ailleurs, et cela permet de
comprendre la portée de l'incident de Lœptau.
Il y avait fête des charpentiers chez un entrepreneur qui, une bâtisse
terminée, payait Talcool et la bière. Vers huit heures, les ouvrier», encore
attablés, apprennent que des camarades occupés à une construction voi-
sine travaillent encore, bien que, d'après un règlement récent, le travail
doive finir à 6 heures du soir. Les ouvriers, quittant la fêle, invitent leurs
camarades à cesser le travail. La querelle s'envenime, survient l'entrepre-
neur du chantier, qui injurie les ouvriers, et tire deux coups de revolver
en l'air. Ceux-ci, à moitié ivres, croient qu'un de leurs camarades est
blessé, fondent sur l'entrepreneur, armés de bouteilles et de bâtons, l'as-
somment à moitié en criant : « Tuez ce chien ! » On leur arrache leur vic-
time à grand'peine. Il fallut au blessé plusieurs semaines pour se remettre.
Traduits en Cour d'assises, les agresseurs, jugés à huis clos, se sont vus
refuser les circonstances atténuantes, pourtant admises par l'avocat géné-
ral, et appliquer le maximum de la peine. Ils ont été condamnés dans
Tensemble à 53 ans de travaux forcés, 8 ans de prison et 70 ans de priva-
tion des droits civiques. Le Vorwœrts a aussitôt ouvert une souscription
en faveur de leurs familles, et lancé un manifeste n'excusant pas les cond€Lm-
nés, reconnaissant qu'ils devaient être punis, mais faisant appel à Téquité
du public, sans distinction de parti, contre ce jugement qu'on ne peut
faire réviser, « vraie sentence de mort destinée à semer la haine dans le
cœur de millions d'hommes. »
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REVUB DU BIOUVEBiENT SOCIALISTE 365
An Reichstag, le baron de Stumm a approuvé la seotence, le député
Heine a présenté les condamnés comme les « martyrs de leur classe ».
Il a soutena que ces troubles n'avaient rien de comman avec les syndicats
ou la politique. Le principal meneur n*était pas syndiqué. Aucun inculpé
ne possédait un casier judiciaire. Le surtravaii avait été cause du désordre.
La première injure était venue de Tentrepreneur. « Cette violence que
nous réprouvons, nous, socialistes démocrates, écrit Heine, était le résultat
de rivresse, de la grossièreté, de la brutalité et méritait les circonstances
atténuantes (1). »
Les juges saxons pèchent par excès de rigueur; certains juges français,
par excès d^indulgence. Tel ce président du tribunal de Ghàteau-Thierry,
dont les jugements seraient une prime d'encouragement au vol et à la
mendicité. Ni dans Tun, ni dan» Tautre cas, on n'a su tenir la balance
égale.
Les socialistes ont célébré comme une éclatante victoire Télection an
Reichstag d*un des leurs, Richard Fischer, dans la 2* circonscription de
Berlin, contre un candidat progressiste et un conservateur, avec 4.340 voix
de majorité sur 47.000 votes exprimés. « Berlin, disent-ils, la capitale de
TEmpire, devient la capitale de la démocratie socialiste. »
La brochure de M. Bemstein. — Nous devons enfin signaler une polé-
mique qui se poursuit dans le Neue Zeit et les colonnes du Vorwœris^ à
propos de la critique des théories marxistes, entreprise par M. Bemstein.
Les Allemands sont les seuls à s'occuper encore de théories, mais ces
théories touchent à la tactique. Il s*agit de savoir si révolution écono-
mique conduit à une révolution fatale, à une catastrophe pro-
chaine du capitalisme, et si la démocratie socialiste doit, en conséquence,
s'orienter vers cette catastrophe qui lui livrera le pouvoir et la tâche im-
mense d'organiser la production. M. Bemstein ne le croit pas, et d'après
lui le parti socialiste doit être un parti d'évolution et de réforme.
M. Kautsky, fidèle à l'ancien marxisme, croit la révolution inévitable, ce
qui ne signifie pas qu'il soit partisan de l'insurrection comme les blan-
quisles; mais il veut que les social-démocrates aient toujours en vue le
but final, le grand patatras de la bourgeoisie et du capitalisme et s'y pré-
parent assidûment.
La revue Le mouvement sociitliste a traduit (2) les principaux extraits de
la thèse de Bemstein, exposée dans sa brochure Le$ hypothèses du socia-
lisme et les devoirs de la démocratie socialiste, et la réponse de Kaut-
sky (3). Nous aurons peut-être occasion d'y revenir.
Bblgiquk. — Le socialisme se justifie non par ses théories, mais par ses
résultats pratiques. La Belgique est un des pays où ces résultats sont le
plus sensibles.
Les socialistes ont organisé à Bruxelles, aux fôtes de Pâques, une grande
démonstration internationale, où ne se trouvaient, à vrai dire, que des
(1) Vorwœrts du U février.
(2) N<» du l«r avril 1899.
(3) 15 avril.
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985 REYDE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
Français, pour inaugurer la nouTelle Maison du Peuple, qui représente en
immeubles une valeur de deux millions, contient de vastes magasins, des
bureaux, une bibliothèque, une salle de réunion capable dé recevoir cinq
mille invités. EHe compte dix-huit mille membres adhérents. Elle est or-
ganisée sur le modèle du VooruU! de Gand; ses deux boulangeries coo-
pératives fournissent plus de dix millions de kilos de pain par an.
D'après sa devise, la Maison du Peuple donne non pas seulement le pain
de la vie, mais le pain de la science. Rappelons toutefois que TUniversité
libre de Bruxelles, chargée de distribuer la manne de la science « socia-
liste », a dû fermer ses portes, faute de ressources.
C'est en Belgique et en Angleterre que la coopération a pris le plus
grand essor. Mais en Angleterre les coopérateurs ne se préoccupent guère
du socialisme. Dans ce dernier pays, les coopératives de consommation ont
atteint un chiffre d'affaires de plus de 250 millions ; et celles de produc-
tion de 125 millions. Ces chiffres feront plaisir à M. Gide, Tinfatigable
apôtre de Tesprit coopératif, de la solution des questions sociales par Tas-
sociatîon libre (1).
La grève générale des mineurs, —- Une grève générale des mineurs,
qui compte soixante mille chômeurs, vient d'éclater dans le pays de
Liège et de Charieroi. La Fédération des mineurs, alléguant les béné-
fices des charbonnages dans ces dernières années, et jugeant les augmen-
tations de salaires insuffisantes, a proclamé la grève, en réclamant Téléva-
tion des salaires de 20 p. iOO. Le Gouvernement a mobilisé les troupes
pour le maintien de Tordre. Cette grande grève est née de la prospérité gé-
nérale de rindustrie minière.
J. BOUROBAU.
II. — REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
Les Chemins de fer d'intérêt général kn 1898.
L'année 1898, comme les précédentes, a été marquée par une améliora-
tion notable dans les résultats d'exploitation et dans la situation financière
des chemins de fer. La progression des recettes s'est, non seulement main-
tenue, mais sensiblement accentuée. Bien que les dépenses d'exploita-
tion, à l'inverse de ce qui s'était passé les années précédentes, aient suivi la
même marche ascendante, le produit net présente encore une améliora-
tion très supérieure à l'accroissement des charges des capitaux.
L'appel fait à la garantie d'intérêts de l'Etat est descendu à moins de
24 millions, dont 6.500.000 francs pour les Compagnies secondaires. Ce
dernier chiffre n'est malheureusement pas susceptible de réductions mar-
quées; le trafic des réseaux auxquels il s'applique, donnant une recette
brute de 2.400.000 francs seulement, ne saurait présenter une élasticité suffi-
(1) Voir la conférence de M. Gide : « Concurrence ou Coopération. » Muêée social,
8 mars 1899.
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REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS 387
saute pour atténuer sérieusement les charges des capitaux considérables
absorbés par leur construction. Il n'est pas probable que Taugmentation
d'un million qu'amènera, dans les prochaines années, la construction des
125 kilomètres nouveaux, ajoutés en 1897 et 1898 aux concessions du Viva-
rais et des Gharentes, soit atténuée sensiblement par le développement
des recettes des lignes plus anciennes. Mais pour les grandes Compagnies,
l'amélioration se poursuit. Il y a six ans, 5 d'entre elles demandaient à
l'Etat 100 millions d'avances ; en 1898, 3 seulement, l'Est, l'Ouest et le
Midi, font appel à la garantie pour 14.400.000, tandis que leur déficit attei-
gnait encore 22 millions l'année précédente. Des deux autres, l'une, celle
de P. L. M., a complètement éteint sa dette de garantie en 1897, en la com-
pensant avec 150 millions d'avances remboursables en annuités qu'elle avait
faites à l'Etat pour la contruction des lignes neuves ; la seconde, celle
d'Orléans, entre cette année dans la période de remboursement, et verse à
l'Etat 4 millions d'excédents, qui ramènent àl0.400.000fr. les charges nettes-
provenant des grandes Compagnies. A moins de mécomptes imprévus, le
moment approche où ces charges se réduiront à presque rien, pourvu
toutefois que des lois nouvelles ne viennent pas rouvrir l'ère des déficits,
en grossissant les dépenses ou en diminuant les recettes.
Dépenses (rétablissement, —Les capitaux dépensés en 1898, pour l'exten-
sion et l'amélioration du réseau d'intérêt général et de son outillage,
s'élèvent aux chiffres suivants :
Dépenses à la charge de l'Etat. 1 ^"^ ^^^^* budgétaires. ... 8 millions.
*^ '^ l Sur avances des Compagnies 51 —
Fonds de concours des localités 2 —
! Travaux neufs 50 —
Travaux complémentaires. 63 —
» Matériel et outillage 28 —
Total des dépenses faites sur le réseau d'intérêt général. . . . 202 millions.
Le chiffre des dépenses à la charge de l'Etat est le même que les années
précédentes. Il est vrai que la dernière Chambre, se départissant au
moment de se séparer de la sagesse avec laquelle elle s'était appliquée à res-
treindre les ouvertures de chantiers nouveaux, a inscrit au budget de 1898
420 kilomètres de lignes non dotées sur les budgets antérieurs. Mais, eu
égard à l'époque où le budget a été voté, ces lignes n'ont donné lieu qu'à
des dépenses insignifiantes en 1898. Le projet de budget de 1899, voté
parla Chambre, ne comporte l'inscription que de 55 kilomètres nouveaux,
de sorte qu'en moyenne, la marche des travaux exécutés sur les crédits
budgétaires, ou sur les avances faites par les Compagnies en vertu des
conventions de 1883, ne paraît pas devoir se modifier sensiblement.
Les dépenses de capitaux dont les charges incombent aux Compagnies
ont,au contraire, augmenté de près de 50 millions. L'augtoentation, portant
soit sur le remboursement de l'ancienne dette de la Compagnie de l'Ouest,
soit sur les travaux complémentaires, se rattache principalement aux
travaux exécutés pour l'extension des gares anciennes et pour la création
des gares nouvelles dans Paris. Ces travaux, poussés avec une extrême
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388 REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
activité, en raison de rapproche de TExposition, donneront lien i des
dépenses encore plus élevées en 1899. La hâte que Ton y apporte en aug-
mentera sensiblement le coût. Du moins faut-il espérer qu'ils seront
terminés on temps utile, pour rendre les services que Ton en attend, dans
le mouvement colossal de voyageurs qui se produira Tannée prochaine.
Le commencement des travaux considérables que la Compagnie de TOuest
exécute pour la gare des Invalides et pour les lignes qui y accèdent, a été
retardé singulièrement par la lenteur apportée au vote de la déclaration
d'utilité publique, qui, déposée au commencement de 1895, est restée
deux ans pendante devant la Chambre, malgré son caractère d'urgence.
Malheureusement, la Compagnie n'a pas su rattraper le temps perdu. 11
faut reconnaître que, pour elle comme pour celle d'Orléans, les sujétions
auxquelles sont soumis les travaux dans Paris, la nécessité d'établir l'accord
avec de nombreux services, égouts, voie publique. Exposition, entraine des
retards inévitables. Enfin, aujourd'hui, toutes les entreprises se heurtent
aux extrêmes difAcultés que l'on rencontre, pour obtenir l'exécution régu-
lière des marchés déjà passés avec les maisons de construction et les éta-
blissements métallurgiques, et à l'impossibilité presque absolue de faire
accepter des commandes nouvelles ou des augmentations aux commandes
aniérieures. Le développement anormal des travaux en France, coïnci-
dant avec une période d'activité au moins équivalente dans les pays voi-
sins, a amené dans les industries métallurgiques et dans l'industrie
minière qui les alimente, un état de tension tel, que la production, poussée
partout jusqu'à l'extrême limite qu'elle peut atteindre, ne suffit plus aux
besoins. Tout ce qu'on peut désirer, c'est que cette période de fiévreuse
activité ne soit pas suivie d'une crise trop redoutable, lorsque ceux de ces
besoins qui ont un caractère temporaire auront prit fin.
Les dépenses de matériel roulant sont appelées également à augmenter
en 1899 et 1900, en raison de l'importance des commandes en cours. La
situation des établissements industriels, surchargés de travaux de toute
nature, n'a pas toujours permis d'obtenir la livraison de ces commandes
aussi vite que l'auraient désiré les administrations de chemins de fer, d'au-
tant plus gênées à cet égard qu'elles se font une règle de ne s^adresser à
l'étranger qu'en cas d'impossibilité absolue de passer, en France, les con-
trats nécessités par le développement du trafic. Il est bien évident que
quand ce développement s'accélère, comme en ce moment, on est obligé
de faire face aux premiers besoins en utilisant de son mieux l'outillage
préexistant, et qu'il faut un certain temps pour que les moyens d'action
reçoivent un développement parallèle. On ne saurait, d'ailleurs, dire qu'il
y ait eu, depuis un an ou deux, une insuffisance réelle, car c'est seulement
dans les quelques semaines où le trafic présente une intensité exception-
nelle, qu'une certaine gêne s'est manifestée, comme cela est inévitable,
dans une industrie dont l'activité varie beaucoup d'une saison à l'antre.
En présence des accusations formulées contre elles à cet égard, toutes
les Compagnies ont donné des chiffres mettant en relief l'accroissement
du matériel dans ces dernières années. Nous ne pouvons les résumer ici,
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R£VU£ DES QUESTIONS DE TRANSPORTS 389
parce que ces chiffres, ne se rapportant pas aux mêmes périodes, ne
sont pas totalisables. Mais il y a trois points qu'il importe de signaler.
Le premier, c'est que les dépenses ajoutées au compte de premier éta*
bassement de Toutlllage représentent bien une augmentation de sa puis*
sance, car on n'y porte que l'excédent de la valeur du matériel mis en
service, chaque année, sur celle du matériel démoli. Le contrôle et la com-
mission de vérification des comptes des chemins de fer tiennent la main à
ce que Ton ne grossisse pas fictivement le capital consacré au matériel rou-
lant, en y laissant figurer la valeur des véhicules qui cessent d'être réelle-
ment utilisés. Le prix d'achat de ces véhicules est remboursé, chaque an-
née, an compte d'établissement, par le compte d'exploitation, qu'il grève
même souvent de sommes assez lourdes.
Le second, c'est que les comparaisons portant seulement sur l'efTectif
des machines et des wagons, que l'on fait souvent et que les statistiques
donnent seules, ne sont nullement probantes, car les unités dont on com-
pare ainsi le total sont singulièrement différentes. Le matériel nouveau
comprend des wagons et des voitures de bien plus grandes dimensions
que les anciens ; les wagons pouvant porter 10 tonnes au moins devien-
nent la règle, et ceux de 20 tonnes commencent à se multiplier. La puis-
sance moyenne de chaque machine s*accroit dans a ne proportion plus
grande encore, et parait devoir croître de plus en plus : quand une ma-
chine de 1.000 chevaux en remplace une de 400, sans que l'effectif aug-
mente, la puissance de transport s'accroît dans une forte proportion.
Enfin, le développement des gares de triage et les progrès de l'exploita-
tion permettent d'assurer une rotation de plus en plus rapide du matériel,
et par suite de desservir des besoins de plus en plus grands, sans que le
nombre des wagons croisse proportionnellement ; et il est fort heureux
qu'il en soit ainsi, car si les progrès techniques ne compensaient pas les
charges résultant des améliorations apportées peu à peu à la situation du
personnel, le prix de revient des transports arrêterait bientôt l'abais-
sement des tarifs.
Quant aux considérations militaires que l'on fait volontiers intervenir
en ces matières, nous avouons n'être pas à même de les discuter ; mais
nous devons ajouter que ceux qui les invoquent en sont aussi incapaMes
que nous. Les comparaisons avec les pays voisins ne prouvent rien à cet
égard, puisque nous ignorons totalement si l'Allemagne, de son côté, a
juste as^ez ou trop de matériel pour sa mobilisation. En ce qui con-
cerne la nôtre, le plan des transports de toute nature auxquels elle donne-
rait lieu a été arrêté, avec le plus grand soin, par le 4<> bureau de l'état-
major général. L'affectation des machines et des wagons qui y seront
employés est réglée dans tous ses détails. Ceux-là seuls qui ont collaboré
à ce travail sont en mesure de dire si le matériel existant répond aux be-
soins reconnus. Ce qhe nous pouvons affirmer, c'est que s'il en était
autrement, le ministère delà Guerre n'aurait pas attendu qu'on l'y poussÀt»
pour assurer les augmentatfons utiles, de même qu'il a su demander et
obtenir la construction de toutes les lignes nécessaires à ses transports.
REVUE POUT., T. XX 26
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R£VU£ DES QCESTIOKS DE TRANSPORTS 391
V
Receliez et dépenses d'exploUation. •— Le tableau ci-coutre résume, à cet
égard, les chiffres qui ûgureut dans les rapports présentés par les adminis-
trateurs des grandes Compagnies à leurs actionnaires, en même temps
que les résultats constatés sur le réseau de TEtat.
L*augmentation des recettes, qui était de 30 millions environ par an de
1893 à 1896, avait atteint 39 millions en 1897 ; elle dépasse 49 millions en
1898. Au point de vue des éléments qui la constituent, une modification,
qui avait commencé à se produire Tannée dernière, s'est accentuée : dans
les exercices antérieurs, les transports de voyageurs seuls présentaient
une progression régulière ; la petite vitesse, après avoir perdu 14 millions
de recettes de 1891 à 1893, en avait gagné 33 seulement en trois ans, de
1893 à 1896. En 1897, et surtout en 1898, on aiconstaté le phénomène in-
verse; la petite vitesse s'est développée plus que la grande.
Les transports de voyageurs, malgré des circonstances climatériques
favorables, montrent une augmentation de 9 millions seulement, inférieure
de 3 ou 4 millions à la progression moyenne des années précédentes.
Les accessoires de grande vitesse ne donnent que 3 millions de plus-value,
au lieu de 6 ou 7. La création > des colis postaux de $ à 10 kilogrammes,
réalisée à la fin de Tannée dernière, a amené, dans ce trafic spécial, une
augmentation de 4 millions environ comme nombre de colis, et de 5 à 6
millions comité recette ; mais cette augmentation a été en partie com-
pensée par une diminution dans les recettes de la messagerie, ce qui était
à prévoir, puisque Tunité de prix à toute distance, étendue à des colis
d'un poids déjà notable, entraîne une forte réduction, pour les grands
parcours, par rapport aux prix résultant des tarifs kilométriques.
An contraire, pour la petite vitesse, Taugméntation de recettes est consi-
dérable. Elle avait atteint déjà 20 millions de francs en 1897 ; elle s'élève à
35 millions en 1898. Les transports de houille ont progressé plus encore
que Tannée dernière, augmentant de 1.500.000 tonnes ou de 5 p. 100. La
prospérité continue de Tindustrie métallurgique donne une augmentation
de 400.000 tonnes de fontes, fers, aciers, etc., tandis que les minerais pré-
sentent une diminution presque égale comme tonnage, quoique bien
moins importante comme recette, explicable par ce fait que, de plus en
plus, les hauts fourneaux se concentrent dans les régions minières où le
traitement peut se faire sur place. Les autres industries, dans Tensemble,
ne donnent pas une progression bien marquée, notamment dans la rég^n
du Nord. Les transports de céréales, en augmentation de 1.100.000 tonnes,
rattrapent largement la perte constatée en 1897. Au début de Tannée, Tim-
portation nécessaire pour combler le déûeit de la récolte de 1897 a encore
donné un mouvement assez actif sur TOuest ; mais c'est surtout Tabon-
dance de la récolte de 4898 qui a amené un développement général du
trafic. Les transports de vins ont également donné une augmentation con-
sidérable sur les réseaux du Midi et de P. L. M., représentant 330.000
tonnes comme quantités, et plus de 6 millions comme recettes. Bien que la
récolte n'ait pas atteint, au total, un chiffre exceptionnel, comme elle a
été abondante surtout dans l'Aude, THérault, le Gard et lo Yar, tandis
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392 KKV€E DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
qu*il y avait déficit dans les régions moins méridionales, la longueur des
transports nécessaires pour alimenter la région de Paris a amené une plus-
value de recettes marquée. Les transports d'engrais et de matériaux de
construction sont aussi en forte augmentation.
L'augmentation des quantités transportées a été d'autant plus considé-
rable, qu'elle a été accompagnée d'un abaissement sensible dans le prix
moyen payé pour le transport d'une tonne à un kilomètre. Cet abaisse-
ment est sans doute dû en partie au développement du transport des mar-
chandises pondéreuses, qui sont naturellement celles auxquelles s'appli-
quent les prix les plus bas, de sorte qu'avec les mêmes tarifs, le prix
moyen, pour l'ensemble des marchandises, est d'autant plus faible que la
proportion pour laquelle ces transports figurent dans le trafic est plus
forte. Cependant, la proportion, à cet égard, n'a pas été très notablement
modifiée, car à côté de la progression du trafic des houilles, nous trouvons
une baisse notable sur les minerais, qui sont peut-être les transports aux-
quels s'appliquent les tarifs les plus bas, et une hausse notable sur les
produits de valeur moyenne, comme les céréales, les vins et les métaux.
Les réductions de tarifs ont certainement joué aussi un rôle important,
notamment sur le Midi. Les diminutions constatées sur les divers réseaux
paraissent donner an total un abaissement de 0 c. 12 environ dans le prix
de la tonne kilométrique, soit 2 à 2,5 p. 100 du tarif moyen. Pour les voya-
geurs, la réduction moyenne serait d'environ 0 c. 06 par kilomètre par-
couru, ou de 1,5 à 2 p. 100.
L'augmentation considérable dans les quantités transportées, qui a été
nécessaire pour amener une augmentation de 3,5 p. 100 dans les recettes,
concuremment avec un abaissement de 2 p. 100 dans le prix moyen des trans-
ports, explique que les dépenses aient dû subir un accroissement sensible.
Cet accroissement a atteint 29 millions, ou 4 p. 100 environ. C'est là un fait
nouveau, car depuis 1893, grâce aux efforts réalisés pour exploiter plus
économiquement, on avait réussi à faire face au développement du trafic
presque sans augmentation de dépenses, ce qui explique l'amélioration
considérable du produit net et de la situation financière. Sans doute, c'est
là une situation qui ne peut se maintenir indéfiniment. D'une part, l'ac-
croissement du trafic oblige à augmenter le parcours kilométrique des
trains ; d'autre part, les améliorations constantes apportées à la situation
du personnel, au point de vue notamment des allocations accessoires et de
l'organisation du travail, entraîne des frais considérables. En outre, la
hausse du prix des combustibles commence à exercer une influence sen-
sible, qui va sans doute s'accentuer dans les années prochaines. Enfin l'im-
putation, au compte d'exploitation, delà valeur du vieux matériel démoli,
a grevé l'exercice de dépenses particulièrement importantes. Cependant, il
semble que l'augmentation des dépenses ait été un peu forte sur le réseau
P. L. M., qui donne près de moitié du total, tandis qu'il n'entre dans l'ac-
croissement de la recette que pour un tiers. Il importe beaucoup à l'avenir
financier des chemins de fer que les Compagnies évitent le relâchement
dans la dépense, qui est l'écueil ordinaire des périodes de prospérité, car
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REVUE D£S QUESTIONS DE TRANSPORTS 393
rien n*est plus difficile que de revenir à une gestion plus serrée, quand
ensuite vient le moment où cette prospérité ne ralentit.
U résulte de là que, malgré Fimportance des plus-values, le produit net
total de Tensemble du réseau n'a augmenté que de 20 millions, tandis que
l'augmentation moyenne des années antérieures était de 30 millions.
Gonune, d'autre part, les charges des emprunts croissent chaque année de
quelques millions, à raison des dépenses imputées l'année précédente au
compte d'étabUssement, Taccroissement des disponibilités n'a pas suivi
celui des recettes. Si, néanmoins, au point de vue des rapports financiers
avec le Trésor, Tamélioration est sensible, cela tient à ce que c'est surfout
sur les réseaux qui n'ont pas de dette envers l'Eti^t, le Nord et le P.L.M.,
que les plus-values ont été absorbées par les charges nouvelles. Ce fait
montre bien que les Compagnies pour lesquelles les résultats actuels de
l'exploitation touchent le Trésor plus que les actionnaires, sont loin de se
désintéresser, pour cela, de leur situation financière, et font, dans un inté-
rêt d'avenir, les efforts les plus grands pour ne pas accroître ou pour, atté-
nuer leur dette.
Situation particulière des différents réseaux. — Les chemins de fer de
l'Etat ont augmenté leurs recettes de i .800.000 francs et leurs dépenses de
200.000 francs seulement. L'accroissement, sensible surtout sur la petite
vitesse, a porté sur toutes les branches du trafic, dont les produits agricoles
forment l'élément de beaucoup prépondérant.
Sur le Nord, dans une augmentation totale des recettes de 6.300.000 fr.,
les houilles entrent pour 2.700.000 francs, doit pour 3/7 environ, avec un
accroissement de 800.000 tonnes sur les quantités expédiées. Cet accrois-
sement provient surtout des expéditions à destination des réseaux voisins,
c'est-à-dire de l'expansion des houilles françaises, dont la production con-
sidérablement accrue ne suffit néanmoins pas aux demandes. Les dépenses
ont augmenté de plus de 5 millions, tenant surtout aux mesures prises en
faveur du personnel, à Taugmentation des quantités transportées, au ren^
forcement des voies. Le produit net disponible, après acquittement des
charges des emprunts, n'a dépassé que de 400.000 francs celui de l'année
dernière. La Compagnie, qui avait prélevé, dans les 3 derniers exercices,
40 millions sur ses bénéfices, pour accroître les provisions constituées en
vue du service des retraites, a pu augmenter son dividende de 3 francs,
tout en portant à ses réserves des sommes représentant une quinzaine de
francs par action.
La Compagnie de l'Est a augmenté ses recettes de 5 millions, et ses dé-
penses de 2 millions seulement, dus en grande .partie aux travaux de
réfection des tunnels de Montmédy et de Chézy, où des accidents s'étaient
produits. Elle a réduit de plus de 3 millions l'appel fait à la garantie de
l'Etat. La situation de l'industrie métallurgique, qui joue un rôle si con-
sidérable dans la prospérité de la région qu'elle dessert, permet d'envi-
sager comme prochaine l'époque où les recettes du trafic suffiront à cou-
vrir le revenu garanti.
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394 REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
Snr rOnest, Taugmentation des recettes a atteint 6.S00.000 francs. Les
voyageurs, qui constituent une part si intportante du trafic de ce réseau,
n'y entrent que pour 4 million, tandis que les marchandises, en grande et
en petite vitesse, sont en progrès marqué. Les céréales seules ont
donné 4 .700.000 francs de plus values. Les pommes ont donné, dans quel-
ques régions seulement, une augmentation notable, avec les difficultés de
service qui accompagnent toujours les bonnes récoltes de ce produit, don-
nant lieu à des transports concentrés sur une très courte période.
Les dépenses n'ont augmenté que de 1.700.000 francs, grâce à de nou-
velles améliorations introduites dans le service de la Toie et dans celui
de la traction. Les attaques dont Fadministration de TOuest a été Fobjet
dans ces dernières années, et qui malgré leur caractère tout à fût excessif,
n'étaient pas sans quelque fondement, ont amené cette administration à
faire des efforts considérables pour améliorer ses services, et Teffet en est
sensible. La garantie d'intérêts, qui était encore de prés de 14 millions
en 1897, tombe en 1898 à 9.600.000 francs seulement.
Les dépenses en travaux nécessitées par la nouvelle gare des Invalides
et par les lignes qui doivent y amener les trains venant de la Ceinture, de
la Bretagne et de la Normandie, dépasseront les prévisions primitives, en
raison des difficultés rencontrées, notamment dans les souterrains. On sait
que la convention approuvée en 1897 a décidé l'imputation de ces tra-
vaux sur les 160 millions que la Compagnies s'était engagée à fournir en
remboursement de sa dette. Il semble bien que leur montant excédera
sensiblement les disponibilités que présentait le compte des 160 millions;
mais la convention a mis tous les dépassements éventuels à la charge de
la Compagnie. Ces travaux, ceux de la gare Montparnasse et des double-
ments de voie en Bretagne et en Normandie, grossissent considérablement
les émissions d'obligations; mais ils rendent possibles des améliorations
de service qui pourront être très rémunératrices. L'achèvement prochain
des gares de triage indispensables facilitera les services des marchandises.
Enfin les travaux de réfection d'un grand nombre d'ouvrages d'art et de
voies, qui ont lourdement grevé les derniers exercices, sont maintenant
assez avancés. Le Conseil d'Administration de la Compagnie exprime
l'espoir qu'a partir de 1905, elle ne fera plus appel à la garantie* Sans
oser prophétiser, en des matières où les espérances les mieux justifiées ont
donné lieu & tant de déceptions, on doit reconnaître que les faits actuels
permettraient de considérer ces prévisions comme n'étant pas entachées
d'un optimisme exagéré.
La Compagnie d'Orlt'^ans a aussi de fortes dépenses en cours, pour le
prolongement de sa ligne principale jusqu'au quai d'Orsay. Elle a réalisé,
çn 1898, 6.500.000 francs d'augmentation de recette brute, en regard d'une
augmentation de dépenses de 1 .200.000 francs. L'élément principal des
plus-values a été le trafic des céréales, favorisé par l'abaissement des prix
pour les grands parcours, soit intérieurs, soit communs avec les réseaux
voisins.
Pour les deux exercices précédents, la Compagnie avait tiré de son
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REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS 395
traûc un rêve ou net sensiblement égal à. celui qui lui est garanti par
l'Etat ; en 1898, elle a eu un excédent de 4 millions à verser au Trésor, en
atténuation des intérêts de la dette qu'elle a contractée depuis 1883, inté-
rêts qui atteignent près de 6 millions par an. Les insuffisances des lignes
achevées depuis moins de cinq ans, dont les charges s'ajoutent encore au
compte d'établissement, sont inférieures à 5 millions; il est assez proba-
ble que, dès cette année, la Compagnie réalisera, sur les lignes plus
anciennes, un excédent suffisant pour couvrir cette somme. Elle n'aura
donc plus de véritable déficit; mais il lui restera à rembourser à l'Etat niie
dette dont le montant total est de 190 millions. Il lui faudrait donc encore
d'importantes plus-values, pour éteindre cette dette, soit par le fonctionne-
ment normal des conventions actuelles, soit par un remboursement
anticipé, analogue à celui que la Compagnie de Lyon a effectué en 1897,
en compensant sa dette avec une partie des avances remboursables en
annuités qu*elle avait faites à l'Etat, en vertu des cunventions de 1883.
La Compagnie de Lyon n'a pas seulement éteint sa dette ; elle arrive, en
1898, au partage des bénéfices avecl*Etat, qui recevra de ce chef 1 50.000 fr.
Une convention nouvelle a clos définitivement le compte d'exploitation par-
tielle, qui aurait eu un excédent de recettes de 2 millions, dû à la ligne de
Corbeil-Montereau, sur laquelle se reporte une partie du trafic de la grande
artère du réseau. Grâce à la réunion de ces bénéfices à ceux des lignes
anciennes, le point de partage a été atteint, sinon largement franchi.
Les résultats n'ont cependant pas été ceux qu'avait fait espérer l'aug-
mentation de près de 18 millions constatée dans les recettes,* et due
presque toute entière à la petite vitesse, notamment aux blés, aux vins,
aux matériaux de construction et aux produits métallurgiques. Une aug-
mentation de près de 15 millions dans les dépenses a absorbé la majeure
partie de ce bénéfice. Indépendamment des causes d'accroissement com-
munes à tous les réseaux, et de près de 2 millions de charges provenant
d'accidents exceptionnels, la grande source de dépenses nouvelles a été
Taugmentation du parcours des trains. Elle a atteint près de 7 millions de
kilomètres, chiffre supérieur à celui des augmentations constatées sur tous
les autres réseaux réunis, et représentant plus de 9 p. 100 du parcours de
1897. Les deux tiers de cette augmentation ont été causés, non par le sur-
croît de transports à effectuer, mais par le désir d'améliorer le service des
voyageurs; et, chose remarquable, qui montre bien à quel point il est
délicat de toucher aux habitudes du public, les nombreux remaniements
d'horaires effectués dans ces circonstances, ont soulevé presque autant de
récriminations que ceux qui avaient été opérés, il y a quelque^ années,
pour réduire le parcours de^ trains dans un but d'économie. Les nouveaux
horaires, mis en vigueur ai| 1^' juillet, vont encore accroître sensiblement
les dépenses du premi^ semestre de 1899.
Bien que le dividende réseirvé avant partage soit de 67 fr. 50, la Compa-
gnie s'est bornée à porter le dividende distribué k 57 francs, affectant le
surplus à couvrir les rectifications des comptes antérieurs résultant du fait
que, sur plusieurs points importants, eUe a perdu les procès engagés devant
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896 BEVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
le Conseil d'Etat, au sujet de la répartition, entre elle etTEtat, des dépenses
d'établissement des lignes concédées en 1883.
Les résultats de la Compagnie du Midi étaient particulièrement intéres-
sants, en raison de l'influence que devait exercer sur ses recettes la sup-
pression des péages sur les canaux, réalisée à partir du l''' juillet. A rai-
son de cette date, la perte se partage entre deux exercices. Grâce au pro-
digieux essor que le trafic a pris depuis quelques années dans la région,
la Compagnie parait devoir la supporter avec un simple ralentissement
dans le progrès des recettes, mais sans recul réel. Le premier semestre
de 1898 avait donné 3.600.000 francs de plus-values ; le second n'en donne que
600.000 francs, mais il n'y a pas eu de diminution. Le manque à gagner
provient beaucoup moins de la réduction du trafic, que de rabaissement
considérable qui a dû être apporté aux tarifs de la ligne de Bordeaux à
Cette, pour soutenir la concurrence d'une voie navigable exempte de tout
péage, absolument juxtaposée au chemin de fer. La Compagnie évalue ù
près de 3 millions la difi'érence de recettes résultant de l'application des
nouveaux tarifs, au lieu des anciens, au trafic constaté dans le 2" semestre
de 1898. Nous avons expliqué, l'année dernière, que ces tarifs accordent
à beaucoup de produits de valeur moyenne, blés, vins, etc., des prix dont
la base kilométrique moyenne est celle des tarifs appliqués en général
aux produits les plus pondéreux, et qui descendent, par exemple, au ni-
veau de ceux que paient les houilles sur le réseau du Nord.
La plps-value annuelle totale de 4.200.000 francs provient surtout de la
petite vitesse, et principalement du transport des vins de TAude et de
l'Hérault. Elle est en partie compensée par une augmentation de
2.600.000 francs dans les dépenses, que l'on doit considérer comme faible,
si l'on songe à l'énorme augmentation de transports qu'il a fallu, pour réa-
liser cette augmentation avec une baisse, dans le tarif moyen, qui s'élève
à 0 c. 26 par tonne, ou à 5 p. 100 du prix moyen de l'année précédente. .
L'appel fait à la garantie de l'Ëtat est tombé au-dessous de 2 millions.
L'ère du remboursement se serait ouverte celte année, si l'afiTranchissement
des canaux n'y avait mis obstacle. 11 semble, jusqu'ici, que le 1°' semestre
de 4899 supporte également la part de perte qui lui incombe sans trop de
fléchissement, et que, grâce au retour de prospérité que la reconstitution
du vignoble a procuré à tout le Midi, les conséquences du rachat des canaux
se traduiront plutôt par un retard dans le remboursement de la garantie,
que par un appel supplémentaire aux avances de l'Etat.
Comparaison avec les chemins de fer anglais et allemands. — Si les
plus-values de recettes vont en s'accen tuant en France, elles restent encore
bien inférieures à celles que l'essor de l'industrie procure aux réseaux an-
glais et allemands. Le tableau ci-après montre l'importance de la progres-
sion constatée dans ces deux pays, et permet de voir qu'elle n'a pas
un caractère accidentel. Comme le disait récemment au parlement le mi-
nistre des Travaux publics de Prusse, si l'on ne peut considérer ces plus-
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398 REVUE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS
values comme un phénomène permanent, rien nindique encore rapproche
d'une période de ralentissement.
L'augmentation des recettes de 1S98, sur celles de 1897, est de 9^ mil-
lions en Angleterre, de 112 millions en Allemagne; dans Tun et Tautre
pays, elle est plus élevée que chez nous, en valeur relative comme en valeur
)Bd>3olue.
Parmi les arguments fournis à Tappuî d'un projet récent de rachat d'une
partie de nos chemins de fer, on invoquait cette infériorité de leurs re-
cettes, en Tattrihuant au régime auquel ils sont soumis. A prton, il
semble singulier de trouver un argument en faveur du rachat dans une
comparaison qui mettrait en relief, à la fois, la supériorité des chemins
de fer anglais et celte des chemins dé feri allemands, puisque le régime
qui est appliqué aux uns diffère totalement de celui des autres. Il serait
bien étonnant que les divergences, de sens exactement invej'se, que ces
deux régimes présentent par raf^ort au nôtre, fussent la cause véritable
des divergences, de même sens, que Ton trouve quand on compare les ré-
sultats d'exploitation des deux pays à ceux de la France. Si le système des
Compagnies contrôlées, qui existe chez nous, donne des résultats moins
bons que celui des Compagnies à peu près indépendantes, qut subsiste en
Angleterre, et que celui de l'exploitation par l'Etat, qu'a adopté l'Alle-
magne, c'est apparemment que cette infériorité tient à de tout autres
causes qu'au régime des chemins de fer. Malheureusement, quand on suit
les diverses manifestations du mouvement économique, quand on compare,
par exemple, pour plusieurs années successives, les chiffres du commerce
extérieur ou du mouvement maritime, le montant des émissions de va-
leurs industrielles ou des affaires faites par les banques, on constate, à tous
les points de vue, la même différence : une progresion moins rapide en
Fra^nce qu'en Angleterre ou. en Allemagne. Si le trafic des chemins de fer
;preud également un essor moindre, c'est l'un des effets d'une situation
générale tenant à des causes multiples, parmi lesquelles le poids des im-
pôts, notamment, nous parait jouer un rôle bien plus considérable que
celui des tarifs.
Il n'est, d'ailleurs, nullement exact que les tarifs soient chez nous plus
élevés que dans Içs pays rivaux. Les statistiques anglaises ne donnent au-
cun chiffre permettant d'établir une comparaison générale ; mais presque
tous les auteurs qui ont établi des comparaisons de détail inclinent à pen-
ser que les prix de transport par chemin de fer sont généralement plus
élevés en Angleterre qu'en France. En Allemagne, la. taxe kilométrique
moyenne, pour l'exercice 1897-98, a été de 3 c. 51 pour les voyageurs et de
4. 63 pour les marchandises. En France, la moyenne entre les chiffres affé-
rents aux deux exercices correspondants paraît être de 3 c. 74 pour les
voyageurs et de 4 c. 98 pour les marchandises^ ce qui fait une différence,
entre la taxe moyenne des deux pays, de 6 p. 100 pour les voyageurs, et de
7 p. 100 pour les marchandises.
Mais lesmoyennes ne prouvent rien, si on ne connaît pas la composition
du trafic auquel elles s'appliquent, et les conditions des transports. C'est
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R£VIIE DES QUESTIONS DE TRANSPORTS 39 ^^
ainsi, qu'en France, les chiffres donnés au tableau de la page 390 sembleraient
indiquer que le réseau d'Etat a des tarifs plus élevés que toutes les grandes
compagnies, quand tout le monde sent que les tarif» de c^ téteau sont
plutAt bas, et que c'est la conlposHion du' trafic, dans lequel entrent peu
de matières pondéreuses, qui donne une moyenne élevée*
Or, en Allemagne, pour les voyageurs, 30 p. 100 des transports s'effectuent
en 4* classe, dans des conditions qui ne sont nullement comparables à
celles que Ton rencontre en France. Pour les marchandises, la compo-
sition du trafic est essentiéHement différonte. Sans parler des betteraves^
des minerais, etc., qui donnent lieu chez nos voisins, à des transports
bien plus importants que chez nous, les combustibles minéraux seuls
suffiraient presque à expliquer l'écart. Grâce à la puissance des gise-
ments houillers, ils fournissent, en Allemagne, 44 p. 100 environ du
trafic total, tandis qu'en France ils y figurent pour moins de 31 p. 100.
Si l'on admet que le tarif moyen appliqué aux houilles est inférieur d'un
tiers à celui des autres marchandises, ce qui est certainement un écart in-
férieur à celui qui existe en réalité, cette différence seule suffirait, avec des
tarifs égaux, pour amener un écart d*au moins 5 p. 100 dans la taxe
moyenne ressortissant, pour les deux pays, de l'ensemble du trafic. D'un
autre côté, les tarifs allemands obligent le public à recourir, pour la plu-
part des expéditions de détail, à l'intermédiaire des groupeurs, et les ex-
péditeurs subissent de ce chef un accroissement de charges, dont il fau-
drait également tenir compte pour faire une comparaison exacte. Au total,
il semble bien ressortir des statistiques, quand on en étudie les éléments,
que les tarifs des deux pays sont à peu près équivalents, et il serait trè&
difficile de dire dans quel sens est la différence minime qui peut exister,
s'il y en*a une.
Sans doute, on peut encore réaliser, sur nos chemins de fer, bien des
abaissements de nature à développer le trafic ; mais ce serait se faire de
singulières illusions, que d'attendre d'un changement dans le régime légal
ou dans la tarification de^otre réseau, une amélioration des résultats fi-
nanciers de l'exploitation suffisante pour compenser les charges du rachat.
Les résultats obtenus dans les dernières années sont plutôt satisfaisants ;
ils pourront devenir meilleurs encore. Mais ce qu'il faudrait, pour accélé-
rer la progression, ce serait surtout que les lourdes charges pesant sur la
production nationale fussent allégées; or, il semble douteux qa*on obtienne
ce résultat, en ajoutant le nombreux personnel des chemins de fer à l'ar-
mée de fonctionnaires que nous voyons chaque année, au momentrdu
vote du budget, solliciter des augmentations de traitement qui viennent
accroître le poids tles impôts.
G. GOLSQN.
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LA
VIE POLITIOll ET PARLEMENTAIRE A LtTRANGER
I. — ESPAGNE
Par M. J. SANCHEZ GUERRA, membre des Cortès espagnoles.
1<> Chronique politique et parlementaire.
Il y a environ un an que j'ai envoyé ma dernière chronique à la Revue
politique et parlementaire. A cette époque, l'Espagne était menacée de
périls susceptibles de compromettre gravement son avenir historique dans
les mers de TOrient et de TOccident. Les exigences des Américains du
nord s'étaient accrues et les Espagnols étaientabreuvés d'humiliations; les
uns se préparaient à lancer une provocation déQnitive, les autres se dispo-
saient à la résistance, tirant des forces de leur faiblesse et prêts à se
sacrifier en holocauste à Thonneur national compromis par les cartels
du plus fort.
D'avril à avril, le désastre a été consommé! Terrible a été l'année
écoulée pour la patrie espagole I Notre situation désespérée n'était bien
connue que dans nos foyers. L'immensifé de notre désastre ne l'a rendue j
que trop publique ! Telle est la cause de mon long silence ; mais l'inacti- |
vite du chroniqueur lui était imposée, celte fois, par le deuil qui accablait
nos coeurs, dans les jours d'infortune qui se sont écoulés depuis lors.
J'ai peu de chose à dire de la guerre. Les péripéties sont connues de tous
et le récit détaillé que je pourrais en faire présenterait, aujourd'hui, un
intérêt rétrospectif très médiore. Il convient, toutefois, de rappeler que,
dans notre pays, l'opinion sensée, non pas celle qui bouillonne dans les
cercles politiques, qui se manifeste dans les déclamations des cafés ou qui
se colporte dans la rue, la vit venir sans enthousiasme et l'accepta comme
un sacrifice, terrible à la vérité, mais nécessaire. Une faible partie du i
public seulement, encouragée par la presse qui, mal conseillée, attisait
les passions d'une façon téméraire, aux moments les plus critiques du
conflit, s'agitait dans les principales villes du royaume et évoquait, dans
des meetings ou des réunions, nos anciennes épopées guerrières, imagi-
nait les épopées les plus satisfaisantes pour le dénouement de la grande
tragédie qui allait se jouer. Les Espagnols ont toujours commencé leurs
guerres internationales avec un enthousiasme effervescent, les différentes
olasses de la nation renchérissant les unes sur les autres, de la façon la
plus hardie, au point de vue de l'abnégation et du sacriflce. Lorsque le
général O'Donnel, alors chef du gouvernement, communiqua aux Cortès
la déclaration de guerre adressée à l'Empereur du Maroc, les représen-
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ESPAGNE 401
tants du pays et le public des tribunes joignirent leurs acclamations belli-
queuses et accueillirent avec des applaudissements frénétiques les déclara-
tions par lesquelles les chefs des diverses oppositions encouragèrent le gou-
vernement à poursuivre son entreprise. Le souvenir de cette séance étant
encore vivant, car c'est une de 'celles où l'éloquence espagnole brilla du
plus vif éclat, le ^contraste n'était que plus sensible entre Tardeur patrio-
tique de cette époque et la froideur et Finquiétude qui s'emparèrent de
tous les esprits, lorsque M. Sagasta rendit compte au Parlement de la
rupture des relations amicales avec les Etats-Unis. Le sentiment général
était que nous étions pris au dépourvu par cette nouvelle guerre ; il parais-
sait évident que notre Trésor épuisé ne nous permettrait pas de la pour-
suivre jusqu'au succès final ; et comme on était convaincu qu'elle nous
était imposée par notre adversaire, on ne formulait aucun reproche contre
le Gouvernement pour ne l'avoir point évitée, bien qu'on l'accusât d'avoir
trop négligé, avant cet événement, ce qui concernait la défense du pays.
On remit ses passeports h M. Woodford, et les deux puissances se trou-
vèrent, de fait, en état de guerre. Mais, tandis que les Etats-Unis com-
mençaient à mettre à exécution une pensée mûrement conçue, en faisant
mouvoir les premiers pions sur l'échiquier, en Espagne, tout se borna à
des réunions précipitées d'amiraux ayant pour but d'improviser des plans
d*opération, et à des séances du Conseil des ministres dans lesquelles on
prétendait, à tort ou à travers, remédier à des choses sans remède. On
ignorait si la guerre serait offensive ou défensive; on avait négligé d'ap-
provisionner les points les plus menacés d'un blocus; Porto-Rico était sans
' défense, les Philippines se trouvaient dans le plus grand abandon, et la
Péninsule elle-même était ouverte aux attaques d'un ennemi audacieux.
On pensa, d'abord, à envoyer l'escadre de Cervera aux Philippines, où
sa présence eût évité le désastre naval de Cavité et la renaissance de l'in-
surrection tagale, alors vaincue. Ce projet était tellement conforme an
sentiment commun que, pendant que l'infortuné amiral se dirigeait mys-
térieusement du cap Vert à Santiago de Cuba, en trompant la vigilance
des escadres ennemies, l'opinion, en Espagne, entretenue dans ses chi-
mères par cette navigation fantastique, supposait que nos navires, lancés
à toute vapeur, approchaient de Manille, prêts à venger le désastre du
!•' mai et à délivrer la capitale de l'archipel, qui, à ce moment, résistait
bravement à la double attaque des Américains par mer et des hordes
tagales, par terre. Ces belles utopies n'étaient que le reflet de l'instinct
populaire qui voyait dans les Philippines l'avenir colonial de l'Espagne et
qui aspirait à k consolider. Le gouvernement, comme je l'ai indiqué plus
haut, avait eu l'intention de donner suite à ce projet. Mais il ne le réalisa
pas, sans doute parce que les gouverneurs généraux de Porto-Rico et de
Cuba l'informèrent qu'il était urgent de faire paraître nos navires dans
leurs eaux, afin de relever le courage des éléments qui, dans ces îles, se
montraient sympathiques à notre cause. Il était nécessaire de lui donner
ce réconfort moral, afin ne prévenir les défaillances inévitables que ne pou-
vait manquer de produire dans l'esprit des populatious fidèles l'incertitude
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402 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
effroyable de la guerre. Et voilà pourqaoi Tescadre se dirigea de ce côté.
Ceux qui Tavaient armée savaient bien qu'elle allait à un sacrifice certain,
et ceux qui connaissaient Tétat de nos navires, les virent partir sans espoir
de victoire.
Cette crainte manifestée par les gouverneurs généraux des Antilles, la
nécessité de renforcer le pouvoir métropolitain aux yeux des insulaires,
pour empêcher les désertions de l'ennemi, dans les moments les plus cri-
tiques de la guerre étrangère, prouvent que les «œurs, dans nos provinces
de la mer des Caraïbes, avaient cessé de battre pour TEspagne. La perte
du territoire suivit la perte de Taffection. Nous avons peu fait, du reste,
pour conserver celle-ci, et notre imprudence a développé les mauvais ins-
tincts d'une race prédisposée à l'ingratitude, pour avoir sucé la haine de
notre pays au sein maternel» et pour avoir été bercés par des chansons
dont La somnolente mélancolie américaine faisait pénétrer peu à peu dans
les cœurs les opérations belliqueuses et les aiguillons de la liberté. Ce fut,
de la part de nos gouvernants, un aveuglement remarquable, que de ne
pas voir qu'aux Antille&.comme aux Philippines, il se formait un esprit qui
n'était pas l'esprit espagnol; esprit indifférent, lorsqu'il n'était pas hostile,
à la mère patrie, esprit qui, par moments^ parais^ t disposé à la concorde,
mais que nous nous aliénions toujours par les exigences et les dédains
d'uu orgueil qui a causé notre ruine. En 1893, Si. Maiira^ alors ministi-e
des Colonies, présentait au parlement son projet de décentralisation admi-
nistrative pour Cuba et Porto-Rico. Dans ces deux îles, la réforme fut
accueillie avec une joieindescriptible.Les radicaux n'étaient pas satisfaits,
sans doute, mais désireux de rendre hommage à l'esprit de justice qui -
dictait les résolutions du gouvernement, ils se plièrent à la lutte légale
doDt ils étaient dememés, éloignés jusque-là, au grand péril de nos insti-
tutions. Une tentative révolutionnaire des frères Sartorius, écboua,à Cuba,
au milieu de Tindifférence du pays qui avait plein espoir dans les réformes
promises. Mais la politique généreuse et la prévision géniale de ce ministre
échouèrent parce que les intérêts lésés par la réforme résistèrent, en usant
de toutes les armes parmi lesquelles la diffamation et la calomnie ne
furent pas oubliées. M. Sagasta abandonna le ministre réformateur, après
l'avoir soutenu,tout d'abord.Ce changement eut pour conséquence d'ouvrir
déûnitivement et irrémédiablement les yeux, à Ci^a et à Porto-^Rico, sur
la politique mesquine qui l'emportait, à Madrid, en ce qui concernait ces
questions d'une importance si vitale, pour l'avenir des îles. Quand le
temps et, avec le temps, les événements 0|*ent voir que l'intention arrêtée
^tait de tenir les promesses originaires, quand une véritable émulation
s'établit entre les libéraux et les conservateurs au sujet de la réalisation
des réformes,un silence terrible et une indifférence railleuse accueillirent,
Uans les deux Antillesjles concessions du gouvernement espagnol. Instruit
par de récents déboires, le peuple qui avait accueilli avec enthousiasme
une très moi! este réforme décentralisatrice, garda une réserve glaciale à
regard de l'autonomie que lui offrait M. Canovas et de la concesaion d'uue
constitution d'Etat indépendant par laquelle M. Moret cherchait à le gagner*
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ESPAGNE 403
Sans doute, de grandes fautes aivaient été commises pendant la période
de paix précédente. L'Espagne a succombé sôus ces fautes accumulées,
bien qu'elle ait prodigué ses trésors et répandu son sang à flots. L'his'-
toire ne trouvera peut-être pas de mots assez sévères pour anatbématiser
la torpeur de son gouvernement; mais je crois n'être point aveuglé par
Tamour de la patrie, en manifestant la certitude que les historiens ren-
dront hommage, devant la postérité, à TefTort immense qu'a fait ce peuple
pour maintenir intacte sa gloire héréditaire et à la grandeur d'Âme dont
il a fait preuve en affrontant les risques d'une guerre étrangère en même
temps que ceux de deux gigantesques insurrections coloniales.
La perte de ses colonies a laissé l'Espagne humiliée, mais non abattue.
Personne, ici, ne désespère de l'avenir. Il y a, dans tous les organismes,
un désir ardent de régénération et d'ameadement. La rougeur qui couvre
notre front n'enlève pas sa chaleur an cœur; et notre cœur désire vivre la
vie dès nations prospères et libres. L'£spagne y parviendra, car la leçon a
été trop terrible pour être mise en oublia et, du reste, elle est écrite avec
le sang des meilleurs de ses enfants. Enfin, elle a un exemple à imiter;
cet exemple est celui de la France, la nation amie ou plutôt, la nation
sœur, dans la générosité de laquelle nous avons trouvé la seule consolation
capable de mitiger les cruelles amertumes delà défaite.
Pendant ce temps, de grandes transformations se sont produites dans la
politique espagnole. Lé parti libéral a subi une diminution considérable par
le fait de M. Gamazo et de ses amis, qui se sont séparés de lui. Le gouver-
nement de M. Sagasta, battu, au Parlement, sur un projet de loi relatif à
la cession des Philippines, a dû résigner le pouvoir. Entin, S. M. la Reine
a appelé dans les Conseils de la Couronne M. Silvela, à qui elle a reconnu
pour la première fois, le titre et l'autorité de chef d'un parti de Gouverne-
ment.
Ces trois faits méritent quelques explications. Dans mes chroniques
précédentes, j'ai indiqué le rôle important que jouait M. Germain Gamazo
dans la politique espagnole, spécialement dans le parti dirigé par
M. Sagasta, sous les ordres duquel cet illustre homme d'Etat a combattu
jusqu'à une date récente (il y a cinq mois environ). La fermeté de son
caractère, son éloquence, ses succès dans lesaCTaires publiques et l'austère
simplicité de sa vie ont valu depuis longtemps, à M. Gamazo la confiance
de groupes importants, qui en ont fait le centre d'un noyau parlemen-
taire respectable et le représentant de puissantes aspirations nationales.
Au milieu des insuccès qui, pendant les années de la guerre, ébranlèrent
le crédit de nos hommes politique, M. Gamazo sut maintenir intact son
prestige et même l'augmenter, dans l'opinion d'un grand nombre. l) repré-
sentait, dans laPéninsule, la politique des économies tendant à obliger le bud-
get de toute une bureaucratie parasite ; il était 1 auteur du budget de 1893-04,
qui a tant contribué k affermir le crédit de l'Espagne et qui permit, plus
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404 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
tard, de subrenir aux énormes dépenses nécessitées par nos guerres; avec
M. Maura, à qui il était uni par des liens de parenté et par les idées, il
représentait la politique des réformes aux Antilles, politique qui, déve-
loppée avec habileté eût empêché l'insurrection d'éclater dans la Grande
Antille, ou tout au moins Teût atténuée dans ses effets, au point de la
réduire aux proportions d'une tentative ridicule dans le genre de celle
que firent, en 1803, les frères Sartorius, tentative à laquelle j'ai fait allu-
sion plus haut et qui aboutit à un insuccès complet. Le crédit que ces
succès valaient à la personnalité de M. Gamazo était accru par son désin-
téresseiuent et par le soin avec lequel ses amis, sans y être contraints,
s'abstenaient de briguer les fonctions publiques, ce qui ne les empêchait
pas de donner un concours loyal, dans le Parlement, au chef de leur
parti. Le parti libéral arriva au pouvoir; M. Sagas ta forma le cabinet et,
pour des raisons spécieuses, il écarta du gouvernement MM. Gamazo et
Maura. Ces deux hommes d'Klat et leurs amis restèrent comme les
auxiliaires parlementaires du Gouvernement, mais sans participer en rien
à ses actes. Ceux-ci, à la vérité, ne furent pas heureux ; aussi, tandis que
les actions de M. Sagasta baissaient de plus en plus, celles de M. Gamazo
allaient toujours montant. Il faut connaître le caractère de Tancien chef
des libéraux pour comprendre l'inquiétude avec laquelle il voyait grandir
la figure de l'homme à qui ses émules attribuaient l'ambition de devenir
chef du pouvoir, sans jamais en avoir fait la révélation À l'influent député
castillan. Canovas disait de iSagasta qu'il se trouverait dans une situation
pénible lorsqu'il cesserait d'être président du Conseil des Ministres. « Pour
moi, ajoutait cet illustre homme d'Etat, quand je quitte le pouvoir, j'ai ma
bibliothèque, qui fait mes délices, les académies dont je fais partie, qui
me récréent, ma maison, où je m'isole pour jouir de la félicité domestique
que Dieu m'a départie. Mais Sagasta n'aime pas la lecture, il n'a aucun
goût pour écrire des livres, ni pour discourir dans des académies ; il ne
peut pas davantage dire qu*il a un foyer, car sa maison appartient à tous»
et il ne peut pas même se reposer dans son lit, sans être ennuyé par la
présence d'amii, de solliciteurs et d'alliés. Aussi, lorsqu'il n'est plus prési-
dent du Conseil des Ministres, il s'ennuie extraordinairement ; c'est pour-
quoi il cherche à le rester le plus longtemps possible. » En effet, M. Sagasta
s'efforça avant tout et par dessus tout, de conserver la présidence. Tous
ses actes furent subordonnés à cette considération ; et, comme il est à la
tête d'un parti où figurent des personnalités comme Montero Rios, comme
Gamazo, comme Maura; comme Moret et comme mille autres qui lui sont
supérieurs en illustration et en éloquence, il lui & fallu user constamment
de ruse et d'adresse (nul ne possédée un égal degré cette faculté), pour
conserver à leur égard une prépondérance indiscutable. Dans ce but, il a
pratiqué incessamment, unepolitique de jeu d'échec, qui consistait à faire
immédiatement échec à tout pei'sonnage occupaatsur Téchiquier politique
une place prépondérante. Celle que teHait M. Gamazo, dans son parti et
dans l'opinion, ne pouvait être meilleure. C'est poiurquoi U résolut de le
faire entrer dans le jeu qu'il pratiquait avec de si nombreuses et de si
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ESPAGNE 405
énormes pertes; et, à cet effet, sans que les circonstances rendissent néces-
saire une crise ministérielle, il profita d'un incident quelconque de la
guerre avec les Etats-Unis (rexcitation populaire qui suivit la nouvelle du
combat naval de Cavité) pour modifier le cabinet et pour demander à
M. Gamazo son concours personnel. On remarquera que M. Sagasta, au
moment de prendre le pouvoir, avait exclu, de propos délibéré, di pouvoir,
ce coreligionnaire politique si important, et qu'il s'adressait à lui au
moment où apparaissaient les conséquences d'erreurs dont il ne pouvait
être déclaré, ni responsable, ni solidaire. I/installation ressemblait beau-
coup à un piège ; néanmoins ce fût moins pour cette raison que parce
qu'il considérait sa collaboration active au Gouvernement comme devant
être stérile que M. Gamazo se refusa aux sollicitations dont il était
l'objet.
M. Sagasta revint à la cbarge, et la reine elle-même insista sur la néces-
sité de son entrée dans le ministère ; cette fois, M. Gamazo, en sujet loyal
et en coreligionnaire politique désintéressé, n'hésita pas à donner son
concours au nouveau gouvernement. Il y fut poussé, beaucoup moins par,
ses convenances personnelles que par cette considération que, cette fois,
on l'accuserait d'égolsme s'il refusait un appui qui était sollicité avec au-
tant d'ardeur. On l'invitait à monter sur un navire qui s'enfonçait, et, déjà
prêt au sacrifice, le poste lui était indifférent ; M. Gamazo fut chargé du
portefeuiUe du Fomenlo. Dans le discours qu'il prononça, au Congrès,
lors du débat politique auquel donna lieu la modification ministérielle, il
indiqua avec beaucoup de précision la signification qu'il fallait attribuer à
sa présence au banc bleu (banc du gouvernement) ; dans l'ordre des con-
venances de son parti, sa soumission aux injonctions de son chef ; dans la
sphère des convenances nationales, la volonté arrêtée de mettre un terme,
par humanité, aux maux de la gUerre en allant droit à la paix.
M. Germain Gamazo détint pendant six courts mois le portefeuille du
Fomenta. Le zèle attentif que ses habitudes invétérées de travail lui fai-
saient apporter à toutes les affaires qui lui étaient confiées, fit que le
nouveau ministre ne tarda pas à élaborer et à faire passer plusieurs
réformes concernant l'enseignement, qui apportaient à l'instruction de
notre jeunesse des améliorations et des développements en harmonie avec
les progrès modernes. La réforme obtint rapidement la sympathie de tous
ceux qui s'intéressaient à l'avenir de l'éducation nationale. L'opinion était
tout à fait contraire à notre routine en matière d'enseignement et aux
pratiques fâcheuses de notre vie universitaire. En ce qui touche les
moyens de régénération auxquels tout le monde pense, la conviction gé-
nérale est que la réforme doit commencer par l'école, par l'Institut, par
rUniversité, centres encore constitués d'une manière archaïque et inca-
pables de donner des résultats satisfaisants. La conséquence de ces actes
fut d'attirer au ministre du Fomenta la sympathie qui va toujours à ceux
dont la bonne foi est éclatante. Il est clair que les réformes ne manquèrent
pas de détracteurs ; mais la passion ne parvint pas à diminuer le mérite
-et l'opportunité de l'initiative du Ministre. Les choses en étaient là, lorsque
REVUE POLIT., T, XX 27
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406 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
survinrent, au cours de Tannée dernière, les événements, la démission ir-
révocable de M. Gamazo et sa séparation déOnitive de M. Sagasta.
Les événements auxquels je fais allusion furent vils dans leur origine^
scandaleux dans leur développement d'une importance capitale dans
leurs conséquences, et, sous tous leurs aspects, empreints du machiavé-
lisme le plus grossier et le plus répulsif.
J'ai déjà indiqué plus haut, que le prestige personnel de M. Gam^o et
le relief que sa personnalité avait acquis dans son parti ne laissaient pas
que d'inquiéter M. Sagasta. Bien plus, ce qui pouvait n*être un simple excès
de zèle, chez un homme que Topinion malicieuse représentait comme un
rival dépourvu d^ambition, était, pour les conseillers courtisans du prési-
dent actuellement en exercice du Conseil des ministres, pour sa camarilla
intime de parents improvisés personnages, pour des familiers transformésr
en hauts fonctionnaires et pour une foule de nullités exaltées par des
adulations continuelles et qui connaissaient la supériosité de M. Gamazo,
l'occasion de sursauts cruels et de machinations ténébreuses. Mille petits
incidents laissaient percer cet état d'esprit dans l'entourage du Président.
Dans la dernière période de sa vie politique, et alors qu'à d'autres mo-
ments, il avait montré une activité extraordinaire, M. Sagasta s'abandonna
à une inertie telle que les événements les plus graves ne purent être des
stimulants suffisants pour le pousser à agir avec diligence. Désabusé sur
le compte des hommes, Tesprit rempli d'amertume par des malheurs
répétée, pétrifié dans les formules d'une politique vieillie, il a réservé la
deriiière chaleur de son cœur à ses affections de famille. Il subordonna
aux intérêts de ses parents les convenances de son parti et les respects
dus à ses hommes les plus éminents. Il fit de sa famille comme une insti>
tution, à laquelle tous les honneurs étaient dus. Il attribua aux membres
de celle-ci, dans les fonctions publiques,' un grand nombre de places et
des plus importantes. Les d^dain^ manifestés à ses proches étaient consi-
dérés par lui comme des injures personnelles. Quiconque voulait éviter
son mauvais vouloir était tenu de respecter ses radotages de beau-père et
d'aïeul affectueux. Ces procédés encourageaient les intrigues de sa cama-
rilla et engendraient des mécontentement qui ne tardèrent pas à amener
la dispersion des armées qui lui étaient attachées/
Les réformes introduites dans l'enseignement par M. Gamazo touchaient,
entre autres abus, à la question des inspecteurs. Un de ceux-ci était, en
même temps, gouverneur de Barcelone; il fut placé dans cette alternative^
ou de résigner son gouvernement ou de renoncer à son inspection. Le
premier de ces emplois était un poste qui rapportait beaucoup d'honneur
et de profits, mais amovible ; le second avait moins d'apparat, mais étût
inamovible et rétribué avec une générosité relative. L'option était difficile,
et, comme il était naturel, le fonctionnaire intéressé préféra continuer à
jouir de ses deux prébendes, ce qu'il crut pouvoir faire avec l'appui de la
camarilla de M. Sagasta, à laquelle, pour des raisons qu'il est inutile de
faire connaître au 'delà de nos frontières, le remplacement de l'inspecteur
de l'instruction publique, comme gouverneur de Barcelone, ne convenait
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ESPAGNE 407
nullement. Ce cumul de fonctions constituait une illégalité que le ministre
de Fomenta n'eisi'ii pas disposé à tolérer^ mais les protecteurs de ce fonc-
tionnaire priWlégié, ne comprenant pas que la rigidité, en cette circons-
tance, n'était que de Tobéissance à la loi, s'imaginèrent que M. Gamazo
déclarait racant le poste de gouverneur civil de Barcelone uniquement
pour donner cette place à un de ses proches, M. Ribot, qui^ à cette époque,
remplissait des fonctions analogues dans une province du littoral de T An-
dalousie. Il convient de remarquer que, sur les soixante députés et les
vingt et quelques sénateurs qui suivaient sans conditions M. Gamazo, trois
ou quatre seulement remplissaient des fonctions de gouverneur civil. Ce
n'était donc pas l'ambition manifestée par ses amis qui pouvait autoriser
les squpçdns des familiers de M. Sagasta ; mais, habitués à n'avoir que des
horizons moraux très i^streints, ils ne pàrvinrerit pas à comprendre les
motifs élevés qui avaient dicté les résolutions du ministre de Fomente.
Dans la pensée qui les animaient ils nouèrent une intrigue dans le but de
rendre impossible le candidat qu'ils supposaient devoir être présenté par
M. Gamazo pour le gouvernement de Barcelone ; à cet effet, un journal
connu pour battre monnaie au moyen de campagnes de scandale, et effi-
cacement stimulé par l'appui qui ne manque jamais en pareil cas, dans les
centres officiels, lança une accusation contre le gouverneur de la province
andalouse précédemment indiqué.
La faute d'un fonctionnaire subalterne (faute réprimée par le gouverneur
six mois avant d'être dénoncée avec tant de fracas) fut exploitée, contre
son ohef hiérarchique, à l'aide d'artifices réellement perfides. Avec cette
solidarité maçonnique que mettent certains journaux à seconder les cam-
pagnes sensationnelles que mènent quelqu'un d'entre eux (solidarité qui
s'explique, sans s'excuser, par les profits pécuniaires qu'on retire du
scandale), une partie de la presse se prononça contre le gouverneur ainsi
accusé. Les uns poursuivirent la campagne pour ne pas perdre les bénéfices
que pouvait procurer l'exploitation de cet événement; les autres, par l'effet
de cette suggestion que produit la calomnie; beaucoup parce que cet
incident avait une portée politique, indéniable. « Que va faire M. Gamazo?
se disaient-ils. Soutiendra-t-il son parent, accusé de protéger un homme
coupabFe d'immoralités ? En avant le scandale I II le soutiendra et démis-
sionnera ! Voilà une terrible brèche ouverte dans le cabinet, et, de toute
façon, nous aurons des jours d'agitation et d'émotion. En avant, donc ! *
De toutes parts, on refusait h l'accusé la faculté d'expliquer et de défendre
ses actes ; ceux qui ne lui fermaient pas entièrement leurs colonnes, lui
mesuraient Tespace ou accompagnaient ses explications des. commentaires
les moins modérés.
Ces arguments étaient, sans doute, peu agréables au fonctionnaire mal-
traité : mais il 'éprouvait une déception plus grande à voir que, dans les
sphères officielles, on lui montrait une froideur et l'on usait de réticences
vraiment injurieuses. Un de ses chefs, le sous-secrétaire d'Etat au minis
tère de l'Intérieur {gobernacion), M. Mérino, enfant politique de M. Sagasta
et, grâce aux privilèges de la parenté, ministre effectif de ce département,
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408 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
était celui qai manifestait publiquement, avec le plus de violence, sa
colère envers son subordonné. Il donnait à entendre, avec trop peu de
circonspection, aux journalistes qu'il possédait depuis longtemps la preuve
que Taccusation portée contre M. Ribot était fondée. Cette sincérité -de
parade démontrait, en partie, que Ton cherchait à forger une intrigue, car
le sous-secrétaire d'Etat eût manqué à son devoir si, ayant eu connaissance
de fautes commises dans Tadministration d'une province il n^en avait pas
averti confidentiellement le gouverneur ou n'avait pas demandé, en son
temps, au ministre, de prendre les mesures nécessaires. Mais M. Mérino
satisfaisait aussi de vieilles rancunes qu'il avait contre les partisans de
M. Gamazo, rancunes provenant de ce que M. Maura, président de la Com-
mission des actes, avait refusé de se prêter à certains manèges, a'yant pour
but de mettre en avant des candidats alliés au gendre du chef du Cabinet,
et de ce que lui-même n'avait pas trouvé, au Fomento, les facilités néces-
saires pour la solution capricieuse de certaines affaires.
De toute façon, la conduite tenue à l'égard de M. Ribot par certains
groupes, précisément les plus attachés à la personne de M. Sagasta, ne
témoignait ni de cette bonne foi, ni de ce respect fait de considération
réciproque, que se doivent entre eux des coreligionnaires politiques. La
calomnie prenant nécessairement plus d'intensité, et les passions s'exas-
pérant de plus en plus, le conflit devenait, de jour en jour, plus aigu.
M. Gamazo estima qu'il se posait là une question de dignité, dont la so-
lution n'admettait pas d'atermoiements. Sa persistance à conserver sa
place dans le Ministère, pourrait être interprétée comme indiquant le désir
d'user de son influence en faveur de Tautorîté dont l'administration était
discutée. Sa retraite avait l'inconvénient de donner lieu à des interpréta-
tions peu favorables, comme étant de nature à provoquer une crise pour
une question d'affection personnelle et dans un moment critique pour la
patrie. L'occasion, comme si elle avait été cherchée par des ennemis peu
scrupuleux, n'était pas opportune pour préparer une retraite qui pât parer
à ce double inconvénient. Mais M. Gamazo ne s'abaissa pas à ces considé*
rations mesquines. Il n'écouta que la voix de sa conscience, et jugeant
qu'il était dégradant pour sa réputation de rester en compagnie d'amis
politiques qui le combattaient par de pareils procédés, il remit sa démis-
sion dûment motivée, et se retira du Ministère, bien résolu à ne pas rester
soumis un seul instant à l'autorité de M. Sagasta.
Il fut suivi dans son évolution, par les députés et les sénateurs qui lui
étaient attachés. Ces hommes politiques signèrent, à l'unanimité, une
lettre qui fut publiée dans les journaux et dans laquelle, après avoir fait
allusion aux offenses reçues ils applaudissaient à la détermination prise
par M. Gamazo et lui renouvelaient l'expression de leur confiance pour
l'avenir. 70 députés et environ 30 sénateurs, comme nous l'avons déjà dit,
saisirent cettte occasion pour se soustraire à la férule de M. Sagasta et, à
partir de ce moment, les jours de la vie ministérielle de celui-ci furent
comptés. Ses manœuvres habiles parvinrent, toutefois, à prolonger son
existence de quelques mois, quoique à rhsrge au Parlement.
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ESPAGNE 409
La raptare de M. Gamazoavec lui est un événement caractéristique, bien
digne d'attention. M. Gamazo ne répudie pas les dogmes du parti libéral ;
il refuse seulement d'admettre la manière dont ce parti est constitué. Il
considère qu'il lui est impossible de marcher d'accord avec les personnes
qui jouissent, dans ce parti, d'une influence prépondérante; il s'accom-
mode mal de cette politique terre-à-terre des camariilas domestiques
mais il regarde l'ancien parti libéral, ce parti dont le programme
a été arrêté par de si illustres personnages, tels que Martos, Alonzo Mar-
tinez et Montero Rios, comme sa maison de famille, tant que durera la so-
lidité des murs qui l'ont abrité depuis les premières années de sa vie pu-
blique. M. Gamazo ne prêche pas d'hérésies; il recommande une austérité
plus grande dans les pratiques de son ancienne religion politique.
Pendant que ces faits se succédaient dans la péninsule, les négociation)
du traité de paix se terminaient à Paris et nos commissaires revenaient de
de France, pleins d'amertume, car ils avaient vu se consommer l'inique
spoliation dont la nation espagnole a été la victime. Tout le monde espé-
rait que l'on ne tarderait pas à convoquer le Parlement avant de rendre à
la vie nationale sa régularité antérieure. Mais tels n'étaient pas les projets
de M. Sagasta. Il remarquait l'afTaiblissement que la rupture avait causé à
ses troupes ; il voyait se produire, de toutes parts, des symptômes de mé-
contentement, sinon de défiance, et il projetait de réunir, par un procédé
quelconque, des éléments propres à renforcer son armée considérablement
réduite. Dans ce but, il entama des négociations, en vue d'une réconci-
liation avec M. Romero Robledo, M. Canalejas et le général Weyler. Le
premier est un des hommes politiques les plus brouillons dont on puisse
se faire une idée. Pendant de longues années, il fut ministre en même
temps que M. Canovas; il se sépare de ce dernier à la mort d'Alphonse Xll;
il erra çà et là; après cette séparation, frappant successivement à la porte
de tous les partis, il se tourna ensuite, avec des marques de repentir, du
côté de M. Canovas, et il commençait à s'éloigner de lui (cette fois, sans le
scandale qui accompagne d'ordinaire les actes de ce personnage], lorsque
l'illustre chef des conservateurs tomba sous le plomb meurtrier, à Santa
Agueda. M. Canalejas est un dissident du parti de M. Sagasta. Il a été mi-
nistre des Grâces et de la Justice, des Finances et du Fomente. Il a des origi-
nes démocratiques, mais il s'est toujours montré réactionnaire, dans la po-
litique coloniale. De sorte que, lorsque l'autonomie fut accordée aux An*
tilles, il saisit cette occasion pour reprendre sa liberté d'action, et il fut,
depuis cette époque, l'accusateur implacable de M. Sagasta et, en général
de tous ses anciens coreligionnaires politiques. Quand le général Pola-
vieja revint des Philippines, entouré du prestige que lui donnaient les vic-
toires qu'il avait remportées là-bas, Tex-ministre pensa peut-être que ce
chef aborderait notre politique et serait bien accueilli. En conséquence, il
se mit à le courtiser, et il lui présenta, avec la sienne propre, l'adhésion
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410 LA VIE POLITIQUE ET PARL^IENTAIRE A l'ÉTRANGER
des députés qui, en petit nombre, lui étaient restés Ûdèles. Depuis, il chan-
gea d'avis, et quand se produisit la rupture de M. Gamazo avec M. Sagasta,
il crut le moment venu de revenir à son point de départ. Ën6n, eu ce qui
concerne le général Weyler, dont la conduite à Cuba compliqua si dange-
reusement le problème international et rendit inévitable la guerre avec
les Etats-Unis, il suffit de dire que Tun des titres que M. Sagasta pouvait
faire valoir pour être appelé au pouvoir, était précisément rengagement
solennel qu*il avait pris de destituer immédiatement ce chef malheureux.
En résumé, la situation de M. Sagasta était tellement ébranlée que, pour
conserver le pouvoir, il lui fallait pactiser avec un ennemi juré de sa poli-
tique, comme M. Romero Robledo, avec un ami des plus changeants,
comme M. Ganalçjas, et avec un homme qu'il avait profondément blessé,
comme le général Weyler. Je ne sais si les humiliations que ce pacte infli-
geait à M. Sagasta étaient compensées par Thonneur de présider un trium-
virat de notabilités comme celles que je viens d'indiquer. Il est clair que
les négociations à entamer demandaient une grande réserve. Beaucoup de
membre de la majorité parlementaire sentaient une répugnance marquée à
fraterniser avec les auxiliaires que leur chef cherchait à leur donner. Une
période de préparation était nécessaire, pendant laquelle il fallait faire
preuve d'une certaine habileté, et agir en secret, pour aplanir les aspérités
et vaincre les résistances, Pour ces motifs, la présence du Parlement était
un embarras, car les polémiques de la tribune ont plutôt pour résultat
d'irriter les esprits que de les prédisposer à la concorde. M. Sagasta le com-
prenait bien ainsi, et c'est pourquoi il laissa pendant un long laps de
temps les Certes en vacances, donnant pour prétexte qu'il n'était pas op-
portun de les rt^unir tant que les Chambres de l'Amérique du Nord n'au*
raient pas approuvé le traité de Paris. Cette étrange théorie avait pour
conséquence d'assujettir le Parlement espagnol auCapitole de Washington;
mais M. Sagasta, tout occupé du travail auquel il se livrait, maintint le
parlement fermé aussi longtemps que cela lui parut convenable, et, lors-
qu'il crut les négociations parvenues à un point favorable, il se décida à
se présenter devant les Cortès, sûr d'y rencontrer des auxiliaires disposés
à le soutenir.
Toutefois, la volonté des hommes a peu 4^ pouvoir contre le cours fatal
des événements. M. Sagasta était condamné à tomber, d'abord, à raison
du désastre national auquel il avait présidé, puis à cause de ses erreurs
personnelles de conduite. En effet, à l'ouverture des Cortès, le gouverne-
ment se trouva en présence d*une majorité extrêmement faible, et plus
faible encore, quant à l'esprit qui l'animait, car le chef n'était pas plus
fait pour inspirer confiance que son idéal pour inspirer Tenthou-
siasme. Le chef n'inspirait pas confiance, parce qu'on le voyait entière-
ment livré aux caprices de ses familiers, l'idéal n'inspirait pas d'enCkou-
siasme parce qu'il consistait à s'allier avec les ennemis jurés du parti ou
avec des accès dangereux à cause de la variabilité de leurs affections.
G*e8t pourquoi, avant les débats politiques qui Rengagèrent, le gouverne-
ment se montra défiant et la majorité réservée. Cette situation ne pouvait
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ESPAGNE 4 1 1
dorer longtemps; une impradence du gouvernement vint précipiter sa
chute.
Le Parlement étant réuni, au mois de février, M. Sagasta présenta au
Sénat un bill autorisant à comprendre les Philippines dans la loi relative
à la cession de territoire qu*il avait obtenue, en septembre dernier. Ce
bill n'était pas nécessaire, attendu que la loi en question était rédigée
d'une façon assez large pour permettre à nos délégués à la Commission de
la paij[,de la conclure avec pleins pouvoirs et attributions. De plus. Par-
ticle 54 de la Constitution attribue au souverain la faculté de déclarer la
guerre et de conclure la paix sous la responsabilité de ses ministres et
sans autre obligation que celle de rendre ensuite, un compte détaillé aux
Cortès. Néanmoins, la loi du 16 septembre avait autorisé, en termes gêné*
raux, le gouvernement à céder des territoires a dans les provinces et pos-
sessions d'outre < mer, conformément à ce qui avait été stipulé dans les
préliminaires de paix arrêtés avec le gouvernement des Etats-Unis de PA-
mérique du Nord. » Les commissaires yankees^ avec cette audace froide
et sans retenue, dont ils ont donné tant de preuves, soutinrent impudem-
ment que l'interprétation de la clause du Protocole relative aux Philip-
pines obligeait l'Espagne à abandonner sa souveraineté sur cet archipel.
Malheureusement, il n'existait pas de tribunal d'appel ; les nations euro-
péennes restèrent indifférentes en présence de cette nouvelle spoliation, et
le protocole du 12 août resta interprété et appliqué comme le vainqueur dé-
sirait qu'il le fût. Par suite, il n'était nullement nécessaire que les Cortès
fussent appelées à autoriser la cession des Philippines, ni que le gouver-
nement sollicitât un bill d'indemnité. Le projet de bill rencontra, dès le
premier jour, l'opposition des conservateurs et des amis de M. Gamazo.
Il fut renvoyé aux sections de la haute Chambre, et, bien loin que le gou-
vernement obtint la majorité dans la Conunission, l'opposition l'emporta.
En effet, dans trois des sept sections entre lesquelles le Sénat se divise, les
conservateurs et les partisans de Gamazo battirent les candidats ministé-
riels; dans une autre section, on nomma, par respect et par sympathie, le
candidat du Gouvernement, qui était, en même temps, vice-président de
la Chambre ; dans une cinquième, il y eût ballottage, et comme, en pareil
cas, il est d'usage que le plus âgé des candidats l'emporte, le candidat
ministériel fut élu, comme étant plus avancé en âge que son compétiteur.
Le triomt)he de l'opposition ne pouvait être plus évident. M. Sagasta le
comprit ; aussi, conformément à un accord intervenu entre lui et M. Ro-
mero Robledo, s'empressa-t-il de requérir le concours de ce dernier, afin
que, son adhésion étant rendue publique, cette circonstance facilitât révo-
lution dans sa direction, de MM. Weyier et Canalejas, et que le spectacle
de ces forces réunies, à son tour, relevât le courage de la majorité et lui
permît de livrer, avec l'aide de ses alliés, une bataille décisive. Comme ces
manœuvres avaient besoin d'être dissimulées, afin que l'opinion ne fût pas
scandalisée, en voyant unis tout à coup des éléments aussi hétérogènes et
aussi opposés, M. Romero Robledo présenta au Congrès, en guise de dra-
peau d'enrôlement, une proposition qui, partant de cette supposition que
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412 LÀ VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A. ETRANÙER
spogne était menacée d'une réaction théocratique, devait servir de trait
d'union entre les éléments libéraux^ quelle que fût Torigine. Le pro-
gramme de la pièce était donc le suivant : discours de M. Romero Roble-
do, bienveillant pour le cabinet et rempli d'allusion afin de déterminer
les conjurés à exécuter, avec toute Tassurance possible, leur marcbe en
avant, et réponse de M. Sagasta, recommandant à la majorité de voter la
proposition de M. Romero Robiedo, avec* un salut adressé aux nouveaux
alliés. Cet échange de gracieusetés devait sceller et rendre effective la
concentration démocratique, car tel était le nom qu^on donnait à Tavorton.
Toutefois, M. Sagasta fut, de nouveau, trompé dans ses espérances.
M. Romero Robiedo prit la parole en faveur de sa proposition ; mais son
discours coïncida, dans le Congrès, avec la grande bataille que Topposition
livrait au gouvernement, au sein du Sénat, sur la question du bilL La
majorité de la commission avait donné un avis favorable ; la minorité pré-
sentait, en sens contraire, son avis particulier, il s'agissait de faire triom-
pher Tune ou l'autre opinion au scratin par appel nominal, et les forces
adverses s'équilibraient à peu près. Le gouvernement ût circuler un appel
parmi les sénateurs amis ; il stimula le zèle des malades, qui ne Tétaeint
pas trop gravement, afin qu'ils ne manquassent pas à la séance ; il ût
venir de l'étranger les ambassadeurs qui possédaient un siège à la Haute
Chambre ; il mit en œuvre, enfin, tous les moyens qui pouvaient amener
son triomphe. L'opposition fit, de son côté, tout ce qui convenait. Et la
bataille commença. Les votes favorables et contraires se succédaient
alternativement et sans avantage marqué pour chacun des partis belligé-
rants. Le gouvernement paraissait préoccupé ; l'opposition espérait. Le
scrutin était clos, au moment de proclamer les résultats du scrutin, on
signala des erreurs et des omissions qui viciaient les opérations. Il fallut
recommencer et, enfin, on proclama le résultat si désiré. Le gouverne-
ment l'emportait à une majorité de... deux voix Y Pauvre triomphe, plus
humiliant que la défaite même ! Et, pendant que les choses se passaient
ainsi au Sénat, M. Romero Robiedo pariait au sein du Congrès ; il parlait
contre M. Gamazo, il parlait contre M. Silvela, il parlait contre le général
Polavieja, contre tous les ennemis de M. Sagasta et il donnait des gages en
sa faveur, affirmant qu'il pouVait compter sur son concours. Trois heures
durant se poursuivit le discours du batailleur ex-ministre du cabinet
Canovas ; trois heures durant, l'orateur espéra, de minute en minute, que
M. Sagasta se présenterait au banc ministériel, pour lui répondre; et
M. Sagasta, retenu au Sénat par l'attente de ce vote qui devait lui être si
fatal, ne put se rendre au Congrès, et le discours resta sans réponse. Dès
que le résultat du vote lui fut connu, le chef du gouvernement comprit
que son rôle était fini ; il convoqua ses collègues du cabinet ; ils furent
unanimes dans leur appréciation des événements, et ils tombèrent d'accord
pour autoriser le Président à remettre à Sa Majesté la Reine la démission
du Ministère tout entier; ainsi s'ouvrit une crise d'une importance
capitale.
Sa Majesté, fidèle observatrice de la Constitution, s*etitoura des avis
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ESPAGNE 413
indiqués en pareille circonstance, et réfléchit sur la résolution la plus
prudente à prendre. Le problème était susceptible de trois solutions diffé-
rentes : la première consistait à renouyeler les pouvoirs de M. Sagasta, à
lui remettre un décret de dissolution des Cortès et à en convoquer de nou-
velles avec le programme de la concentration démocratique ; la seconde, à
confier le pouvoir à un ministère de conciliation libérale, sous la prési-
dence de Tune quelconque des personnalités illustres de ce parti, qui aurait
assez de prestige pour grouper les volontés discordantes, à continuer à
gouverner avec les chambres existantes, en fonction depuis une année
seulement, et à se consacrer à la grande œuvre de la reconstitution natio-
nale ; la troisième^ à appeler aux affaires les conservateurs, dont le chef,
M. Silvela, avait conclu un pacte d'alliance avec le général Polavieja et, par
là même, possédait un programme bien défini et un parti robuste.
De ces trois solutions, la première s'excluait d'elle-même ; la seconde
était la plus pratique, et la troisième s'imposait, dems le cas où la seconde
se heurterait à quelque obstacle. L'obstacle existait. La Reine fit connaître
à M. Montero Rios qu'il lui paraissait convenable qu'il se chargeât de la
coudtitution d'un ministère libéral. L'entreprise eût été facile pour cet
illustre homme d'Etat, car sa réputation dans son parti, sa haute situation
parlementaire, comme président du Sénat et les sympathies unanimes qu'il
s'était acquises dans l'opinion en présidant la Commission espagnole de
Paris, le rendaient apte à diriger un cabinet et à grouper, à son tour, tous
ceux qui, dans le parti libéral, se montraient désabusés à l'égard de
M. Sagasta. Mais celui-ci, de son côté, donnant des preuves de sou peu de
désintéressement, déclara qu'aucun ministère libéral n'aurait son appui
personnel, ni celui de ses amis. Plutôt que de voir la présidence du Con-
seil des ministres attribuée à un de ses coreligionnaires politiques, il pré-
férait voir passer le pouvoir aux mains des conservateurs. Il était égale-
ment disposé à considérer comme une injure personnelle l'entrée de
M. Gamazo ou de Tun quelconque de ses amis dans le ministère en forma-
tion. M. Montero Rios à qui cette manière de voir de son chef fut notifiée,
ne peut que décliner, auprès de S. M.^ l'honneur de constituer un cabinet,
et la Reine, alors, se décida à appeler dans ses conseils M. Silvela.
La solution de la crise a été ce qu'elle devait être, et a été approuvée.
S. M. la Reine régente, qui exerce avec tant de prudence ses fonctions de
chef d'Etat, a donné, en cette circonstance, une preuve de plus de la sûreté
de son jugement et de la sagesse de ses déterminations. Le projet de cons-
tituer un gouvernement à l'aide des éléments libéraux ayant échoué par
suite de l'égoîsme irréductible de M. Sagasta, et l'insuccès .lyant répondu
à la tentative faite pour donner le pouvoir à la concentration monstrueuse
d'éléments qui auraient exercé leur autorité en suivant une politique de
persécutions et de haines complètement stérile pour le bien de la patrie,
il ne restait plus d'autre solution que celle offerte par M. Silvela, appuyé
sur le parti de l'union conservatrice renforcée des éléments attachés à la
politique du général Polavieja. A peine appelé au pouvoir, M. Silvela pré-
senta à S. M. la liste des ministres, et le Cabinet conservateur se trouva
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414 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRAMGER
constitué de la manière suivante : Présidence et ministère d*Etat (affaires
étrangères), M. François Silvela; Finances, M. Raymond Fenaandez- Villa
verde; Guerre, M. Camille Polavieja; Marine, M. Joseph Gomez Imaz,
contre-amiral; Grâce et Justice, M. Manuel Duran y Bas; Gouvernement
(intérieur), M. Edouard Dato ; et Fomento, M. le marquis de Pidal.
Ceux qui sont au courant de la politique espagnole constateront que la
combinaison qui vient d'être indiquée contient deux départements de
moins que d'ordinaire. Le fait s*explique de la façon la plus simple : Tun
d'eux correspondait au Ministère des Colonies, que notre récent désastre
rendait inutile ; l'autre avait été absorbé par le Président du conseil des
ministres, qui avait pris en mains la direction de nos relations internatio-
nales. Les tendances qui prédominaient dans le nouveau cabinet étaient
peu progressives en matière politique, mais suffisamment avancées, en
matière administrative. Néanmoins, il est impossible de nierqu*il ait été
accueilli par l'opinion avec une véritable sympathie. On attendait avec
une grande anxiété une solution susceptible de mettre un terme à l'inté-
rim du ministère Sagasta et d'orienter la politique intérieure vers des
chemins conduisant à la régénération désirée ; et cet état d'esprit contri-
bua, pour une large part, à faciliter à nos gouvernants la conquête dh la
faveur populaire. Il ne paraîtra pas superflu aux lecteurs qui aiment à con-
naître, dans ses détails les plus intimes, la vie politique des nations étran-
gères, de tracer légèrement le portrait des hommes à qui les destinées de
l'Espagne sont confiées à l'heure actuelle.
• M. Silvela. ^ C'est, comme nous venons de le dire, le premier ministre de
la rein« d'Espagne. Canovas, dans le parti duquel il combattit jusqu'en
1892, le désigna comme son héritier au poste de chef des conservateurs. U
se repentit plus tard de <!ette désignation alors que, cédant aux suggestions
de la malveillance, il s'imagina que M. Silvela avait l'ambition de lui suc-
céder, de son vivant. Quand M. Romero Robledo s'allia au parti de
M. Canovas et y recouvra son ancienne prépondérance, M. Silvela mani-
festa le déplaisir que lui causait cet événement, et ceux qui pensaient
comme lui se groupèrânt à sa suite, déterminant ainsi, au sein du parti
conservateur, une scission d'une réelle importance. Lors de la mort de
M. Canovas, tous ceux qui, sans lui refuser leurs sympathies, lui avaient
marchandé leur adhésion par respect pour leur chef, tournèrent les yeux
vers lui. Seuls les derniers ministres du Cabinet présidé par M. Canovas,
qu'à raison de leur fidélité à la mémoire de cette illustre victime, on dé-
signe sous le nom de Chevaliers du Saint-Sépulcre, lui refusèrent l'obéis-
sance. M. Silvela est un orateur admirable, un écrivain des plus remar-
quables, un tempérament froid et un esprit des plus cultivés. Il en est
(nous l'avons déjà remarqué dans nos chroniques précédentes) qui sup-
posent qu'il manque d'énergie ; mais il pourra bientôt se laver de ce
reproche, car il aura de nombreux motifs pour faire montre de la qualité
qu on prétend lui faire défaut.
M. Villaverde. ^ C'est le Ministre des Finances. Ses études antérieures,
ses campagnes au sein du Parlement, son application au travail et son
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ESPAGNE 4 1 5
intelligence le désignaient, d'avance, pour le portefeniUe qui lui est conûé.
Il avait été ministre de rinténeur et des Grâces et de la Justice avec M. Ca-
novas. C'est, par suite, un homme versé dans la pratique des affaires gouver-
nementales. Il jouit, de plus, de la pleine confiance de M.Silvela,qu*il suivit
dans sa rupture avec M. Canovas, et avec lequel il se montra en commu-
nauté d'idées.
Le général Polavieja. — C'est le Ministre de la Guerre. Sa vie militaire
est pleine de faits honorables ; sa vie poiltique ne fait que de commencer,
il débuta dans la carrière comme soldat. Aujourd'hui, il est général, mi-
nistre et dignitaire du royaume. A Cuba, il acquit un grand renom en
combattant le mouvement séparatiste qui se produisit à la suite de la con-
clusion de la paix de Tanjor ; en dernier lieu, il gagna aux Philippines une
graude popularité par sa conduite énergique, durant le ministère Canovas,
qui lui marchandait les moyens de combattre l'insurrection, et par la
vigueiu' qu'il déploya, dans ces pays, contre les Indiens riches, accusés
de conspiration. On l'accusa, à Cuba, d'être un intransigeant, en matière
politique, et, aux Philippines, de se montrer peu sévère dans la distribu-
tion des récompenses, qu'il répartissait arec une prodigalité, où beaucoup
voyaient le désir de se faire des prosélytes dans l'armée. Lui qui, comme
militaire, se fait une religion de la discipline, ne s'y soumet pas très
étroitement en politique et fait preuve d'une certaine indépendance qui
donne beaucoup d*espoir aux ennemis du gouvernement.
M. Gomez Irnaz. — 11 n'était pas encore connu comme homme politique.
C'est un marin de beaucoup de réputation et d'expérience. Il jouit d'une
grande estime auprès de ses compagnons d'armes, et on le considère
comme animé d'excellentes intentions. C'est un grand ami de M. Silvela,
et il obéira fidèlement aux inspirations qu'il recevra de son chef.
M. Duran y Bas. — C'est un homme blanchi dans l'étude et dans l'ensei-
gnement. Il jouit de la réputation de jurisconsulte éminent, et sa dési-
gnation pour le portefeuille de Grâce et Justice n'a surpris personne. En
Catalogne et, particulièrement à Barcelone, il possède un grand et légi-
time prestige.
M. Dato. — C'est le plus jeune des ministres. II a été sous-secrétaire
d'Etat au département qu'il dirige aujourd'hui comme chef suprême. Il
occupe une brillante position sociale ; il est avocat de grande réputation et
jouit, dans son parti, d'une légitime sympathie. 11 suivit M. Silvela, dès les
premiers moments de sa rupture avec M. Canovas; il a fait de brillantes
campagnes, dans le Parlement, et chacun lui reconnaît des qualités excep-
tionnelles de rectitude d'esprit et d'énergie, dont il usera dans l'exercice
des fonctions qui lui sont confiées.
M. le marquis de Pidal. — Il fut constamment attaché au parti de
M. Canovas. A la mort de celui-ci, il comprit que la monarchie et la patrie
avaient besoin d'un parti conservateur uni et fort, et il donna son adhé-
sion à M. Silvela. Dans le nouveau cabinet, il représente la nuance la plus
réactionnaire ; mais son talent, sa doctrine et sa haute culture le rendent
digne des plus grands respects.
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416 LA Yl£ POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A L*ÉTRAN6ER
En somme, le nouveau gouvernement est composé d'hommes d^une
valeur indiscutable, et ses premiers actes ont mis en relief une rectitude
de procédés peu commune dans la politique espagnole.
La résolution qu'il a prise de procéder à des élections générales, peu de
jours après son arrivée au pouvoir, et de respecter les organisations
locales créées par une politique opposée à celle qu'il représente, est une
preuve de sincérité, telle que Ton en a vu rarement dans les chroniques
de notre vie électorale.
Les élections à la Chambre des Députés ont eu lieu le 16 de ce mois.
Les Gortès commenceront à siéger le 2 juin.
Comme les Chambres récemment dissoutes n'ont voté ni préparé aucune
loi d'intérêt général, pendant les rares séances qu'elles tinrent au cours
de leurs sessions très courtes et très accidentées, je ne joindrai pas à la
présente chronique, comme j'avais l'habitude de le faire, une liste des
projets et propositions de loi.
Le pays a l'espoir et le désir ardents de voir les nouvelles Cortès, péné-
trées des nécessités publiques, s'adonner avec une énergie virile à l'œuvre
pour laquelle elles ont été nommées, et ne point perdre, dans des débats
politiques stériles, un temps que la patrie réclame avec insistance, dans le
but de sécher le sang de ses blessures, négligées jusqu'ici. Puisse-t-il en
être ainsi I
II. — ROUMANIE
Par P.-G. Cantilli, secrétaire du Conseil des Miniêlres.
La démission du cabinet libéral présidé par M. D. Stourdza, ainsi que la
mort unanimement déplorée, de M. Lascar Catargi, chef du parti cotiser-
'i valeur, sont les événements qui ont remué la vie politique en Roumanie
! en ces derniers temps. La décision de M. Stourdza de résigner ses fonc-
tions, tout en ayant l'apparence d'une idée préalablement préconçue, n'a
pas moins surpris les membres du parti dont il a la direction et, vu les
; circonstances de l'heure présente, l'incertitude est grande dans ses rangs.
1 Par la disparition de M. Lascar Catargi, la retraite du cabinet libéral a eu
3 son contre-coup également dans le camp des conservateurs, pris au dé-
"* pourvu ; les compétitions de prépotence y revêtent un caractère particu-
^ iièrement âpre, en ce moment surtout où l'opinion générale, plus encore
peut-être que la lettre constitutionnelle, attend la décision du souverain,
dont l'effet sera de remplacer le parti libéral par le parti conservateur à
la direction des affaires publiques.
Il y a six mois, bien que fortement combattu par ses adversaires, ainsi
que par un nombre respectable à plus d'un titre de libéraux, mécontents
de la direction imprimée au parti, rien ne faisait encore prévoir, du moins
pour le moment où j'écris ces lignes, la décision du chef du parti libéral
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ROUMANIE 417
de se démettre volontairement de ses fonctions de Président du Ck)nseil
des Ministres. Au surplus, la clôture des Chambres ayant eu lieu quelques
jours auparavant, c'est en pleines vacances parlementaires que la crise
ministérielle s'est déclarée. Aussi est-on forcément amené à chercher
ailleurs que dans un conflit parlementaire, le motif de la décision dont le
résultat, selon toutes les probabilités, sera de transmettre le pouvoir aux
mains du parti conservateur. Quelle serait la portée de cet événement?
Il n'est pas aisé d'en tirer une conclusion, qui puisse donner une idée
nette d*un pareil état de choses. A travers les. luttes des partis politiques
en Roumanie, Timprévu peut surgir à tout propos, et si Ton osait émettre
une opinion qui serait dans la note du vrai, du juste et du normal, Ton ne
saurait assez souhaiter que les hommes à qui sont confiés les destinées
des partis qu'ils dirigent, mettent à profit leur expérience et leur savoir
pour toucher les vices qui rongent les partis et se décident à en indiquer
les remèdes. C'est ainsi que dans la crise actuelle de la Roumanie, latente
déjà depuis quelques mois, il est avant tout esssentiel de résumer les évé-
nements qui Tout produite avant d*attendre un dénouement durable, que
l'esprit le plys pénétrant, lui-même, ne semble pas pouvoir démêler avec
une trop grande facilité.
La dernière session parlementaire a été ouverte, le 13 novembre dernier,
par un discours du Roi, impérieusement exigé par la Constitution, le
message d'ouverture des Corps législatifs. Les sénateurs et les députés se
réunissent dans le palais de la Chambre des députés, où le Souverain donne
lecture de son discours, qui porte à la connaissance des représentants du
pays, les événements principaux survenus au cours des vacances parlemen-
taire. Le message propose également le programme de travail pour la
session qui commence. C'est plutôt par une tradition constante, que par une
règle prévue dans un texte de loi, que le Message jette un coup d'œil
rétrospectif sur ce qui s'est passé dans l'intervalle de deux sessions parle-
mentaires. Celui dont nous parlons s'est un peu départi de cet usage, car
il ne mentionne rien en ce qui concerne les élections municipales qui ont
précédé l'ouverture des Corps législatifs, et qui ont marqué un succès
appréciable pour le gouvernement. Par contre la visite que le Roi a faite
à la Cour de Russie en juillet 189B fait l'objet d'une mention spéciale et a
été l'objet d'applaudissements enthousiastes des sénateurs et députés
réunis : « A l'occasion de la visite que j'ai rendue à l'Empereur de Russie,
<c dit le ftoi dans son message. Sa Majesté m'a donné de nombreuses mar-
« ques d'une amitié réelle. La réception qui m'a été faite a été aussi sympa-
« thique que brillante, et au cours de mon voyage en Russie j'ai vu. avec
« une satisfaction toute particulière, que le souvenir de la confraternité
< d'armes consacrées sur les champs de bataille de la Bulgarie est resté
« intact. »
Une triple slave d'applaudissements a souligné ces dernières paroles du
Roi qui rappelaient la guerre de l'indépendance de la Roumanie.
En ce qui concerne le programme de travail, le Message ajoute que
(( les travaux de la session actuelle seront consacrés notamment à la solu-
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418 LA VIE POLITIQUE ET PARLElfENTAIBE A l'ÉTRANGER
« tion des projets de loi déposés au cours de la dernière session, ainsi qu*à
« Texamen du budget général de TEtat •'.....
« Nos traités de commerce expireront dans un prochain
*< délai. Il est donc urgent de prendre les mesures les plus propres à nous
« donner une juste appréciation de nos nécessités économiques et com-
« merciales, auxquelles il convient d*assurer une direction stable et régu-
» Hère », et plus loin, on retrouve dans le Message royal, Tannonce d'un*
projet de loi sur renseignement professionnel qui « donnera aux jeunes
« générations une direction pratique, répondant à Tessor économique du
« pays ».
Pour répondre à Tattente légitime du pays, le Message fait un appel
chaleureux à toutes les bonnes volontés, car « chaque année élargit le
« cercle de notre activité, et la collaboration de tous est nécessaire pour
« affermir et fortiÛer notre pays ».
Au début de la session, tout se passait en un calme parfait. La tempé-
rature des discussions était très basse, bien que l'opposition conservatrice
ait reçu du renfort, avec Tappoint non déguisé de M. Fleva et ses amis,
et de l'attitude manifestement hostile du groupe libéral dirigé j)ar M. Auré-
liau, ancien président du Conseil des ministres. Des projets de loi d'une
importance notable passèrent sans difficulté. La loi sur renseignement
professionnel elle-même, tout en donnant lieu à des discussions asseï
vives, n'a provoqué d'autres incidents que la démission du ministre de
l'Agriculture, du Commerce et de llndustrie, M. Stolojan,qui ne consentait
qu'à moitié à se voir enlever les écoles professionnelles pour les faire passer
sous la direction du ministre de l'Instruction publique. Il est vrai que la
démission de M. Stolojan est survenue avant même que les débats sur
cette loi ne commencent, mais ayant le premier pris la parole pour com-
battre l'œuvre de M. Haret, ministre de l'Instruction publique, il a laissé
entrevoir le désaccord dans lequel il s'est trouvé avec ses collègues du
cabinet relativement à la loi sur renseignement professionnel. Aussi a-t«il
dans son discours vivement protesté contre ce qu'il pensait être une muti-
lation du département ministériel dont il avait eu la direction et qu'il a
abandonné pour ne pas être contraint de souscrire contre son gré à une
décision déjà arrêtée dans l'esprit des autres membres du cabinet présidé
par M. Stourdsa.
Le Gouvernement marchait tant bien que mal à travers les difficultés
causées plus encore par la situation intérieure du parti que par les
attaques progressivement violentes de l'opposition conservatrice. Les
travaux parlementaires se poursuivaient sans incidents notables, lors-
qu'une certaine brochure anonyme parue à Budapest, et prétendant expli-
quer l'avènement de M. Stourdza au pouvoir après une entente préalable
avec le baron Banffy, ancien ministre président de Hongrie, au détriment
de la cause des Roumains asservis à l'hégémonie magyare, mit le feu aux
poudres de l'opposition, qui inaugura une campagne de renversement
contre M. Stourdza, accusé de trahison, mais en réalité contre le parti
libéral dont M. Stourdza est le chef.
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ROUMAISIE 419
Inutile d'ajouter que personne, en Hongrie ou en Roumanie, n'a ajouté
foi aux racontars de cette brochure, œuvre d'un mauvais plaisant. Gomme
moyen d'action anti-gouvernementale, elle est toutefois d'une réelle utilité,
aussi l'opposition saisit-elle l'occasion de s'en emparer et d'entreprendre
sur le thème de la trahison une campagne de renversement. Quelques
jours avant la clôture du Parlement, M. Cantacuzène au Sénat et M. Mar-
ghiloman à la Chambre des députés, donnèrent lecture d'une déclaration
signée par les membres de l'opposition, à l'exception du groupe de
M. Aurelian, par laquelle ils prenaient l'engagement d'empêcher le gouver-
nement de poursuivre les travaux parlementaires, par une campagne
d'obstruction, à l'instar de ce qui s'est passé au Reichsrath de Vienne et à
la Chambre des députés de Budapest.
Sitôt dit, sitôt fait. Des discours interminables commencèrent, les dépu-
tés s'exerçant pour obtenir le record de l'éloquence parlementaire ; avec
cela, tous les jours une douzaine d'interpellations, dont la longueur dé-
mesurée du texte, constitue à elle seule un développement déguisé, si bien
que le gouvernement s'est vu dans la nécessité de solliciter du Roi le
message de clôture des Corps législatifs, qui remercie les représentants de
la nation pour le zèle avec lequel ils ont examiné les divers projets de loi
soumis à leur délibération. La lecture de ce message fut donnée au Sénat
et à la Chambre des députés par le président du conseil et accueilli par
des applaudissements bruyants de la part de l'opposition.
En ce moment commença la campagne extraparlementaire. L'opposition
descendit dans la rue. Interpellations, discours, amendements, bruit de
pupitres, de temps à autre des voies de faits, furent remplacés par des
manifestations en plein air. A la sortie de chaque réunion, des proces-
sions en cortège se dirigaient, selon une habitude passée on règle, vers le
Palais-Royal, et lorsque les agents de l'autorité essayaient de former un
obstacle à ces excursions à travers les rues de Bucarest, ils étaient écartés
par une pluie de pavés et de briques, si bien qu'une bagarre sanglante
s'ensuivit dans la journée du 9 avril. Le surlendemain, M. Stourdza déposa
sa démission entre les mains du souverain, qui l'accepta.
Dans ces circonstances, on serait tenté de croire que le gouvernement
a reculé devant l'émeute, et telle paraît être l'opinion générale, si Ton ne
recherchait la cause de la retraite du gouvernement, non pas précisément
dans les menées violentes de l'opposition, mais plutôt dans l'état de fai-
blesse qui, depuis de longs mois, a progressivement miné le parti libéral.
Certains défauts d'organisation ont donné les résultats fâcheux qui ont
abouti à raréfier les rangs du parti. Il y eut tout d'abord, au début même
du ministère de iL D. Stourdza, la démission bruyante de M. Fleva, alors
ministre de l'Intérieur, qui, suivi d'un /groupe relativement peu nombreux,
fit une première dissidence. Vint ensuite une seconde dissidence, moins
turbulente mais non moins énergique, ayant à sa tête M. Aurelian, ancien
président du Conseil des ministres et ancien président de la Chambre des
députés, et composée d'hommes d'un réel talent, qui entrèrent très jeunes
dans la politique du parti libéral, tels, M. Costinesco, M. Lascar, ancien
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420 LA VIE POLITIQUE ET PAULEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
ministre de rintérienr, etc. C'est donc de ce côté qu'il convient de faire
les recherches et, avant tout, sur la véritable épidémie de dissidences qai
sévit sur le parti libéral.
C'est en premier lieu à forganisation dictatoriale du parti qu'on s'en
prend et les dissidents sont unanimes à accuser ceux qui sont groupés
autour du gouvernement d'avoir déserté les principes du parti et rejettent
Tépithèthe de dissidents sur ces derniers. Les membres du groupe Aurelian
surtout, sans s'allier aux adversaires du parti libéral, protestent hau-
tement de n'être jamais appelés dans le grand Conseil du parti, comité
composé des personnalités les plus marquantes du parti et qui, dans le
temps, en avait la direction de ses intérêts. Ils protestent contre l'influence
grandisssante d'un certain pouvoir que M. Fleva a appelé occulté et dans
lequel M. Fleva, également, découvre un esprit de secte se manifestant en
toute occasion. On ajoute encore à ces griefs que les bonnes volontés de
la plupart des membres agissants du parti des jeunes surtout, sont systé-
matiquement écartées. Si exagérées que puissent être ces accusations, à
travers les agitations que les luttes paeiQques enveniment, il n'est pas
moins exact qu'un mal sévit sur le parti libéral et que, si d'une part, il y a
bien autre chose aussi que les défauts qu'on veut mettre en relief, il y a,
d'autre part, sauf quelques exceptions, un fond de vérité dans les accu-
sations lancées par les dissidents. A l'heure présente, la crise ministé-
rielle est ouverte depuis plusieurs jours : on fait des efforts pour arriver
à constituer un ministère de concentration, dans lequel tous les groupe-
ments libéraux trouveraient leur part. Cette conciliation, à laquelle s'est
appliqué M. Pake Giani, président de la Chambre des députés, parait de-
voir être menée à bonne fin par M. Eugène Statesco, ancien président
du Sénat. Au milieu des incriminations qui surgissent de tous côtés et
des haines qui paraissent irrémissibles, M. Statesco réussira-t-il dans U
tâche qui semble lui être dévolue ? Il est difficile de prévoir le résultat de
son intervention. Quoi qu'il en advienne, actuellement des démarches sont
faites auprès de lui pour le décider à utiliser toute son autorité dans le
but de combler i'abtme qui divise aujourd'hui les anciens partisans de la
même cause.
Avec la mort de M. Lascar Catargi, disparait un des rares représentants
de l'époque héroïque de la Roumanie contemporaine. Ancien lieutenant
princier après l'abdication du prince Couza et avant l'avènement du prince
Charles de Hohenzollern, plusieurs fois président du Conseil des ministres,
Lascar Catargi prit part à tous les événements politiques qui ont marqué
de leur empreinte les annales de la Roumanie moderne, dont il fut l'un
des principaux artisans. Sa mort laissa un grand vide dans le pays qu'il
aima d'un amour sans égal, et les regrets unanimes qu'il laisse derrière
lui témoignent du respect et de l'estime dont était entouré le grand
citoyen que pleure la Roumanie.
Sa disparition soudaine a eu pour résultat, du moins pour le moment,
de séparer le parti conservateur aussi, dont il était le chef respecté, en
deux camps qui se disputent la suprématie et la direction, celui des con-
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ROUMANIE 421
servateurs ayant à leur tôte M. Gantacuzène et celui des junimistes dirigé
par M. Garp. Au moment où j'écris ces lignes, au cours de la crise minis-
térielle, Tirritation est grande entre les deux groupes qui, unis, pourraient
nous assurer un gouvernement durable.
Les conservateurs ont, sans doute à leur point de vue, plus d'un titre à
revendiquer pour un des leurs la succession de Lascar Gatargi. Ils sont de
la maison, ils se réclament d'un attachement ininterrompu à leur ancien
chef. M. Georges Gantacuzène a été tout dernièrement reconnu, à une
réunion du comité conservateur, comme chef du parti. Ils prétendent,
d'autre part, avoir pour eux le nombre ainsi qu'un contingent discipliné
de jeunes dirigés par M. Fake Jonesco, ancien ministre, et M. Filipesco^
ancien maire de Bucarest.
Ges deux personnalités se sont acquis une situation prépondérante dans
le parti conservateur, que justifie la haute capacité politique de M. Fake
Jonesco et le dévouement sans bornes pour son parti, déployé en toutes
circonstances, par M. Filipesco. Aussi ont-il imprimé leur manière de voir
dans l'organisation intérieure du parti. De son côté, M. Garp, chef des juni-
mistes, apporte, avec une connaissance profonde de la politique, les qua-
lités du véritable homme d'Etat. Toutefois sa prépondérance dans les
conseils du parti est-elle combattue et contestée dans le camp conservateur.
Qui, de M. Gantacuzène ou de M. Garp, aura un jour la direction du
parti reconstitué, à supposer qu'il puisse l'être ÎG'est un secret de l'avenir
selon les termes d'une note tendancieuse publiée, par le journal officieux
de M. Garp.
S'^.Loi principales yotées au cours de la dernière session
parlementaire.
1. Convention postale univeTselle. — Loi d'adhésion.
2. Convention internationale de Lia Haye. — Loi d'adhésion.
3. Convention sanitaire de Venise. — Loi d'adhésion.
4. Chemins de fer dlntérèt privé. — Loi modifiant certains articles de loi
relatifs k Texploitation de ces chemins de fer.
6. Arrangement commercial provisoire avec la Bulgarie,
6. Convention télégrapho-postale avec l'Allemagne.
7. Enseignement professionnel.
8. Service fluvial roumain. — Loi tendant & constituer un fond d'assurance
des bateaux de ce service.
I •
REVUE POUT., T. XX 28
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LA
m POLITIOIE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
I. — LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS
Paris, le l** msai 1899.
Pour la première fois, depuis plusieurs mois, nous pouvons commencer
cette chronique sans nous occuper du différend anglo-français, réglé par
la convention du 21 mars. Mais c*est d'une affaire un peu semblable,
quoique infiniment moins grave, qu'il nous faut d'abord parler : à savoir
du conflit samoan, qui met en opposition les intérêts des Etats-Unis, de
l'Angleterre et de l'Allemagne, et qui a paru un moment prendre une
form^ assez menaçante. Aujourd'hui, quoique la pheise aiguë de ce diffé*
rend soit passée, il s'en faut encore de beaucoup, cependant, qu'il soit
aplani. 11 nous semble donc nécessaire, en prévision d'éventualités futures
possibles, d'exposer dès maintenant, et d'une manière complète^ les élé-
ments de la question, et cela moins encore à cause de l'objet du litige, —
Farchipel des Samoa, — qui est d'une valeur toute relative, qu'à cause
du contre-coup que cette affaire peut avoir sur les rapports de trois puis-
sances aussi importantes que celles qui y sont intéressées.
Voici comment a été créée la situation actuelle. Jusqu'à une date rela-
tivement récente, l'archipel des Samoa, dans la Polynésie, a été soumis à
une sorte de régime féodal, différents chefs indigènes se partageant le
pouvoir, et reconnaissant quelquefois un chef unique, ou roi, xjui n'avait,
du reste, qu'une autorité illusoire ; à plusieurs reprises, il fut choisi dans
une famille très considérée de l'île Savaii, celle des Maliétoa. Malgré ce
qu'il y avait d'incohérent et d'anarchique dans cette constitution, un
ordre relatif régna aux Samoa tant que les colons européens ne s'immis-
cèrent pas dans les affaires du pays. Mais ils devaient forcément être ten-
tés de le faire, soit en vue de leurs propres intérêts, soit pour servir ceux
de leurs pays respectifs ; et, comme il s'y trouvait surtout des Américains,
des Anglais et des Allemands, l'état de choses confus qui ne tarda pas à
régner dans l'archipel devait affecter de bonne heure le caractère qu'il a
conservé jusqu'au moment actuel, celui d'une rivalité internationale entre
les Etats-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne. Il faut reconnaître que ce fu-
rent les Américains qui se montrèrent les premiers les plus turbulents. Dès
1873, un aventurier de cette nation, le colonel Steinberger, entreprit de
faire annexer les îles aux Etats-Unis, après avoir acquis un pouvoir
presque absolu et s'être fait nommer premier ministre d'un roi qui élail^
sa créature, Maliétoa Talavou. Mais le Congrès de Washington, qui n'était pas
encore devenu « impérialiste », refusa de prêter son concours à cette politique
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LA POUTIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 423
aventureuse, et Steinberger dut quitter les Samoa, où il avait perdu tout
crédit. En 1877, nouvelle tentative américaine, dont Fauteur était le con-
sul môme des Etats-Unis à Apia, M. Grifûn ; mais, cette fois encore, le gou-
vernement de Washington désavoua cet agent trop sélé. Ce gouvernement
fit même mieux : en 1878, il conclut avec les Samoa un traité de com-
merce et d'amitié, dont une des clauses, il est vrai, accordait aux Améri-
cains le port de Pago-Pago, dans Tile de Tutuïla. Cette concession ayant
excité la jalousie de TAUemagne et de FAngleterre, ces deux puissances se
firent accorder par le gouvernement samoan des avantages analogues. C'est
ainsi qu'on voyait, progressivement, s'accentuer l*action simultanée et
rivale des trois puissances. Bientôt, la situation devint très compliquée.
Malietoa Laupepa, qui avait été élu roi en 1881, avec l'assentiment de ces
puissances, vit surgir contre lui un rival, Tamasésé, qui ne tarda pas à
être le plus fort. Comme les luttes à main armée de ces deux rivaux por-
taient préjudice aux intérêts européens, Malietoa Laupepa fut déposé,
conduit à bord d'un navire de guerre allemand et transporté à Cameroun
(août 1887), tandis que son rival, Tamasésé, était reconnu roi. Mais bientôt
après (septembre 1888) le parti américain faisait élire un nouveau roi,
Mataafa, dont le nom, qui devait être souvent prononcé dans la suite,
apparaît pour la première fois dans l'histoire des Samoa. Dès lors, nou-
veaux troubles, par suite de l'hostilité entre Tamasésé et Mataafa; le
consul allemand, M. Knappe, se signala par son énergie à vouloir rétablir
Tordre, mais il procéda trop brusquement, puisque son action aboutit à
faire prendre dans une embuscade un détachement allemand du croiseur
Olga (18 décembre 1888) ; en conséquense, il fut rappelé par son gouver-
nement. Les choses tournaient donc de plus en plus à l'imbroglio et au
chaos. Le prince de Bismarck, qui s'en apercevait, et qui comprenait le
danger d'une telle situation, résolut de convoquer, à Berlin, une confé-
rence des trois puissances intéressées, afin qu'elles réglassent d'un com-
mun accord la question des Samoa. Cette conférence se réunit le
29 avril 1889, et élabora la convention signée le 14 juin suivant, générale-
connue S0U3 le nom d'Acte des Samoa. Le régime ainsi créé est encore en
vigueur aujourd'hui. C'est son application qui a perpétué l'imbroglio sa-
moan, au point de rendre possibles les graves complications qui se sont
produites depuis le l**' janvier dernier, en sorte qu'on en demande généra-
lement la suppression, sans savoir encore, il est vrai, par quoi on le
remplacera. Un examen un peu plus approfondi de l'Acte du 14 juin 1889
s'impose donc ici.
On peut dire, pour caractériser d'une manière générale le nouveau
régime implanté aux Samoa, qu'il y établissait le condominium de l'Alle-
magne, de l'Angleterre et des Etals-Unis, tout en respectant, dans la forme,
l'indépendance de l'Etat indigène, et en conservant même le roi, dont
l'autorité, il est vrai, devait être plus nominale que réelle. L'article P-
stipule, en substance : quç les Samoa forment un territoire neutre et in-
dépendant, oiï les ressortissants des trois puissances signataires auront
des droits égaux ; que les indigènes auront le droit d'élire leur roi et de
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424 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
choisir leur gouvernement, selon leurs propres lois et coûtâmes; que
chaque puissance signataire sHnterdit tout contrôle séparé sur Tarchipel ;
que, pour mettre un terme à la situation troublée du moment, Malietoa
Laupepa, qui avait été élu roi en. 1881, puis détrôné, serait rétabli dans
son ancienne dignité, mais que son successeur serait élu selon les lois et
coutumes des Samoans. Diaprés Tarticle II, TActe des Samoa, qui devait
être approuvé par le gouvernement indigène, aurait force de loi, même s'il
se trouvait être en contradiction avec des traités précédents. L'article lll
créait une institution fort importante, qui était Texpression, en quelque
sorte, du condominium des trois puissances : à savoir la Cour suprême,
composée d*un juge suprême {chief justice), dun assesseur (elerk), et du
marshall of the Court, Le juge suprême devait être élu par les trois puis-
sances, ou, à défaut d*une entente de celles-ci, par le roi de Suède; il
devait être confirmé par le gouvernement samoan ; il jugerait sans appel ;
il pourrait être révoqué sur la demande de la majorité des trois puis-
sances, autrement dit de deux d'entre elles. Cette Cour suprême, dont les
décisions devaient s'imposer à tous les habitants des Samoa, se voyait
conférer des pouvoirs importants, aussi bien politiques que judiciaires, le
chief justice étant appelé à trancher tous les différends auxquels pourrait
donner lieu Télection du roi ou la question des prérogatives qu'il préten-
drait s'arroger ; il déciderait, également, en cas de conflit entre une des
trois puissances et le gouvernement samoan ; il aurait le droit de recom-
mander au gouvernement samoan Tadoption de telle ou telle mesure. En
outre, au point de vue plus spécialement judiciaire, devaient être de la
compétence de la Cour suprême : toutes les actions civiles relatives au
droit de propriété foncière ; toutes les causes civiles entre indigènes et
étrangers, ou entre étrangers de diverses nationalités ; tous les crimes et
délits commis par des indigènes contre des étrangers, ou par des étrangers
ne relevant pas d'une juridiction consulaire. Quant à la procédure de la
Cour suprême, elle devait être, d'une manière générale, analogue à la pro-
cédure anglaise. Ainsi, si Ton tient compte des pouvoirs très étendus de
cette Cour, on comprendra que les trois puissances pouvaient facilement
exercer, par son intermédiaire, le gouvernement effectif du pays. L'ar-
ticle IV de l'Acte de 1889, que nous nous bornons à mentionner, avait
pour bat, en imposant des restrictions au droit des indigènes de vendre
leurs propriétés foncières, d'empêcher que le sol ne passât trop complète-
ment entre les mains des étrangers. L'article V établit, en quelque sorte,
un Etat dans l'Etat, en créant la municipalité d'Apia, qui devait jouir d'une
administration spéciale, représentée par un Conseil municipal de six
membres et un président. Ce Conseil devait être élu par les contribuables
du district municipal payant au moins 5 dollars d'impôts ; son président
devait être désigné par les trois puissances, ou, à défaut de leur unanimité,
par le chef d'un des Etats suivants : Suède, Hollande, Suisse, Mexique ou
Brésil. Le Conseil, dont les décisions devaient être approuvées par les trois
consuls, ou, à défaut de leur unanimité, par le juge suprême, devait ins-
tituer une magistrature municipale. Ainsi, tandis que le juge suprême
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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 42b
représentait le condominiiim dans Fensemble dn royaume, le président du
Conseil municipal le représentait dans cet Etat restreint formé par le dis-
trict communal d'Apia, principal centre de Tarchipel. Ck)mme, d'autre
part, Tusage établi voulait que ces deux magistrats appartinssent à deux
nations différentes, on évitait ainsi qu'une des trois puissances n'accaparât
tout le pouvoir pour elle seule. L'article Vi établissait les bases de la per-
ception des droits d'entrée et des impôts. L'article VII contenait des dis-^
positions destinées à empêcher l'introduction des armes à feu, des muni-
tions et de l'alcool. Enfin, l'article VIII stipulait que l'Acte du 14 juin 4889
resterait en vigueur aussi longtemps qu'il n'aurait pas été modifié du con-
sentement unanime des trois puissances signatairess. — Telle est, résumée
daos son esprit général, la charte bizarre qui régit encore aujourd'hui les
Samoa. Nous l'avons fait connaître, non seulement parce qu'elle expliquera
les événements qui se sont passés, et ceux qui pourraient encoro se pro
duire, mais aussi parce que» à un point de vue plus général, elle est un
des plus curieux exemples de ce régime du condominium, auquel des
gouvernements ont encore le courage de recourir malgré les déboires qu'il
a toujours produits. Au point de vue spécial qui va nous occuper, nous
ferons remarquer, avant d'aller plus loin, qu'il est toujours question, dans
cet Actes de Samoa, de l'unanimité nécessaire des trois puissances signa-
taires, sauf, pourtant, en ce qui concerne la révocation du juge suprême,
qui peut être obtenue par deux puissances seulement (Art. III, § 3).
Si les représentants des trois puissances, c'est-à-dire le juge suprême,
le président de la municipalité d'Apia et les trois consuls, avaient appliqué
l'Acte de 1889 avec désintéressement et dans un esprit de parfaite équité,
peut-être ce régime, tout bizarre qu'il parût sur le papier, eût-il pu pro-
duire des résultats tolérables. Mais, étant données les ambitions des Alle-
mands, des Anglais et des Américains, et, d'autre part, l'antagonisme des
deux prétendants indigènes, Malietoa Laupepa et Mataafa« ce dernier
détrôné au profit du premier, il était inévitable que de nouvelles compli-
cations se produiraient, favorables aux pêcheurs en eau trouble. Tel a été,
en effet, le cas. Dès les premières années de l'application de l'Acte,
Mataafa et Malietoa Laupepa recommencèrent à agiter le pays par des ^
luttes à main armée, sur les péripéties desquelles nous ne nous attarde-
rons pas, afin d'arriver tout de suite aux événements actuels. L'été dernier,
Malietoa Laupepa mourait. D'après l'Acte de Berlin, son successeur devait
être élu par les indigènes « selon les lois et coutumes» du pays. Or, en
quoi consistent ces lois et coutumes? C'est là un point très obscur de
Timbroglio samoan, et sur lequel, parait-il, bien peu de personnes sont
renseignées, une sorte de mystère présidant à cette élection royale. C'est
dire que la fraude est possible, et que le choix du souverain indigène peut
facilement donner lieu à contestation. Il y avait deux candidats en pré-
sence : Malietoa Tanou, fils du roi défunt, candidat du parti anglo-améri-
cain, et Mataafa, candidat du parti allemand. C'est un fait à noter que, de-
puis quelque temps déjà, il s'était formé une sorte do solidarité d'intérêts
entre les Américains et les Anglais, coalisés contre les Allemands. La com-
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4 26 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
munautë de race et de langue devait être pour quelque chose dans cette
coalition, qui alla en s*accentuant, surtout après que les Anglais, durant la
guerre hispano-américaine, eurent témoigné avec insistance leur sympa-
thie aux Etats-Unis. On a prétendu, du côté allemand, que la question
politique était compliquée d'une question religieuse. En effet, Malietoa
Tanou est protestant, tandis que Mataafa est catholique. On a donc voulu
voir, dans l'action combinée des Anglais et des Américains, une intrigue
de la London Missionary Society pour imposer un roi de son choix aux
îles Samoa, qui sont un des principaux foyers de sa propagande en Océanie.
Cependant nous ne citons cette version que pour indiquer tous les élé-
ments, môme hypothétiques, du problème; car nous croyons qu'il faut se
défier de cette tendance, très répandue aujourd'hui, qui consiste à ra-
mener toutes les questions coloniales à des querelles de missionnaires,,
catholiques et protestants.
Quoi qu'il en soit des motifs qui faisaient de Malietoa Tanou le favori
des Anglo-Américains, et de Mataafa celui des Allemands, c'est Tanou qui
fut élu. Mataafa, moralement soutenu par les Allemands, prétendit que
cette élection était viciée par des irrégularités. L'était-elle, en réalité t
C'est là un point très important du problème, mais sur lequel, malheu-
semement, nous ne pouvons nous prononcer, à cause, pr^isément, de
la manière mystérieuse dont se fait l'élection. Or, d'après l'Ai^te de Berlin
(art. m, §6), c'est au juge suprême qu'il incombait de se prononcer
sur cette question de légalité. Ce magistrat, qui est M. Chambers, un
Américain, se prononça en faveur de Malietoa Tanou, qui ftit déclaré régu-
lièrement élu, et proclamé roi. Cette solution était, sinon juste, du moins
strictement légale, et tous les Samoans et Européens auraient dû l'accep-
ter. Mataafa n'en fit rien ; il prit les armes pour soutenir ce qu*il considé-
rait comme ses droits, et une bataille en règle eut lieu entre les deux
prétendants^ Le roi légal, Malietoa Tanou, fut battu, et se réftigia à bord
d'un navire anglais. Cela se passait le l^' janvier dernier. Mataafa étant,
de par le droit de la force, maître effectif du pouvoir, les trois consuls dé-
cidèrent d'instituer un gouvernement provisoire, qui fonctionnerait jus-
^qu'à ce que les trois puissances intéressées eussent fait procéder à une
enquête sur les incidents survenus. Cet état de choses transitoire ré-
pondait au vœu des Allemands, dont les représentants officiels étaient le
consul et le Jy Raffel, chef de la municipalité d'Apia. Jusque-là, l'antago-
nisme entre Anglo-Américains et Allemands n'avait été que latent; mais,
le 15 mars, il devait prendre une forme beaucoup plus grave. A cette date,
les Anglo- Américains décidèrent défaire une contre-révolution et de rétablir
Malietoa Tanou sur le trône. L'amiral Kautz, commandant des forces na-
vales américaines devant Apia, lança une proclamation déclarant dissous
le gouvernement provisoire, ordonnant anx gens de Mataafa d'évacuer les
locaux publics et enjoignant aux chefs restés fidèles à ce prétendant de
quitter Apia. En même temps, Tanou était ramené à terre, et ses parti-
sans, qui s'étaient réfugiés dans une île voisine, le rejoignaient. Or, voici
comment les choses se gâtèrent. Le consul d'Allemagne, M. Rose, lança
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f
LA POLITIQXJS EXTÉRIEURE DU MOIS 427
ane contre-proclamation, déclarant nulle et sans effet celle de Tamiral
américain, et maintenant le gouTemement provisoire. Ainsi Tantagonisme
entre TAllemagne et les Anglo-Américaios cessait d'être latent pour
prendre une forme précise et ofûcielle. Se sentant soutenu, le parti de
Mataafa reftisa de se soumettre, et des hostilités proprement dites écla-
tèrent de nouveau, comme au 1*' janvier. Les navires anglais et améri*
cains ouvrirent contre Apia un bombardement qui se prolongea pendant
plusieurs jours, et la population, tant indigène qu'européenne, étant frap-
pée de panique, les transactions commerciales furent arrêtées. Le 23 mars,
Malietoa Tanou fut formellement proclamé roi. Voulant accentuer leur
succès, les Anglo-Américains prétendirent forcer Mataafa à déposer les
armes; d*oà recrudescence des hostilités. Le 1*' avril, un détachement
anglo-américain tomba dans une embuscade, dressée par Mataafa sur la
propriété d'un Allemand, et perdit quelques ofOciers et soldats. Ultérieu*
rement, d'autres engagements eurent lieu, en particulier le 12, le 15 et le
17 avril. Aux dernières nouvelles, l'ordre n'était pas rétabli. Tel a été
l'enchaînement des événements, dont les détails, ~ il importe de le faire
remarquer — ne nous ont guère été fournis que par des dépèches de
source anglaise.
Comme il était naturel, ces nouvelles produisirent une très vive émotion
dans les trois pays intéressés, et donnèrent lieu aussitôt à une polémique
de presse très acerbe entre Washington, Londres et Berlin. Chose curieuse,
bien que les Américains eussent pris à la contre-révolution du 15 mars une
part au moins aussi important^ que les Anglais, c'est surtout à l'Angleterre
que s'en prit la presse allemande, car cette puissance est soupçonnée,
depuis longtemps, de chercher, pour servir son intérêt personnel, à
brouiller l'Allemagne et les Etats-Unis. Le 12 avril, dès qu'on eut reçu la
nouvelle de l'affaire du i*% le gouvernement anglais communiqua à la
presse une note assez aigre dans laquelle la conduite du consul allemand
à Apia était ouvertement critiquée. Le surlendemain, 14, M. de Bûlow
exposa au Reichstag le point de vue du gouvernement allemand. Sans
s'arrêter aux événements les plus récents, sur lesquels on n'avait encore
que des nouvelles de source étrangère, il s'occupa surtout des incidents
du 15 mars et déclara très catégoriquement que l'Allemagne ne pouvait
pas approuver Faction isolée des Anglo-Américains et la déchéance du
gouvernement provisoire, lequel, ayant été institué par les trois puissances,
ne pouvait être dissous que par leur consentement unanime. C'est ce prin-
cipe de l'unanimité, découlant de l'Acte de Berlin, que l'Allemagne a tou-
jours soutenu et soutient encore aujourd'hui, contre la théorie anglo-
américaine, qui voudrait tenir pour sufûsante la majorité des trois puis-
sances. M. de Bûlow considère donc l'intervention des Anglo-Américains
comme une violation flagrante de l'Acte signé à Berlin et il refuse de recon-
naître la situation de fait créée par l'action de deux puissances. Mais,
comme les protestations platoniques n'ont que peu d'effet pratique, l'Alle-
magne a fait, dès la nouvelle des événements du 15 mars, et avant qu'on
connût ceux du 1«' avril, une proposition en vue du règlement du différend.
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428 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
Elle a demandé qu'une commission fût nommée, composée de trois
délégués, un par puissance, et qu'elle fût envoyée aux Santioa pour s'y livrer
à une enquête sur les événements survenus et pour étudier les modifica-
tions à apporter au régime actuel. Le gouvernement allemand mettait
une condition sine quâ non à cette solution : c'est que la commission inter-
nationale né pourrait prendre de résolutions qu'à l'unanimité de ses trois
membres. Les Etats-Unis acceptèrent ce principe sans hésiter; mais TAn-
gleterre n'y adhéra qu'après uhe assez vive opposition, car elle désirait
substituer le principe de la majorité à celui de l'unanimité, ce qui eût
permis, à elle et aux Etats-Unis agissant de concert, de régler à leur gré
la question des Samoa. La commission s'estdonc embarquée à San-Francisco
dans les derniers jours d'avril. Arrivée à destination, elle devra accomf^ir
une tâche aszez difficile, car ses pouvoirs sont beaucoup plus étendus qu'on
ne l'avait d*abord cru. Chargée de faire une enquête sur les événements
récents, elle devra d'abord s'occuper de l'élection de Malietoa-Tanou, du
coup de main du V avril et de toute la série d'incidents qui en sont
résultés ; puis, elle devra étudier la question du meilleur régime à appliquer
à l'archipel; enfin — et ceci est la partie la plus importante de ses attri-
butions — elle prendra, aussitôt arrivée, le gouvernement provisoire des
Samoa, où toutes les autorités constituées lui seront soumises. On ne peut
donc que souhaiter bonne chance aux trois commissaires. Deux choses,
cependant, sont à craindre : c'est, d'abord, que de nouvelles complicatioui^
ne se produisent, avant leur arrivée à Apia, en sorte qu'ils pourraient sa
trouver en présence d'une situation inextricable ; d'autre part, il n*est pas
impossible que la commission soit complètement paralysée et réduite à
l'impuissance par la nécessité où elle sera de ne prendre de décisions qu'à
Funanimité. Aussi^ il ne manque pas de gens pour prédire que tout le
travail des commissaires sera vain. En supposant, cependant, qu'il
aboutisse à quelque chose, on peut imaginer trois solutions comme pos-
nbles: le maintien du statu guo créé par l'Acte de Berlin, après le règle-
ment des difficultés passagères ayant résulté du changement de régime;
un partage de l'archipel entre les trois puissances intéressées; ou, enfin,
l'annexion de cet archipel tout entier à Tune des trois puissances, moyen-
nant une compensation qu'elle aurait à fournir aux deux autres signa-
taires de l'Acte de Berlin. Quant à l'éventualité d'une guerre provoquée par
cet imbroglio, elle est plus qu'improbable, malgré les clameurs de la presse
chauvine; car il faudrait, pour la rendre inévitable, une dose extraordi-
naire de mauvaise volonté et d'aveuglement.
L'acte final de la guerre hispano-américaine s'est accompli à Washington,
le 11 avril, daté à laquelle ont été échangées les ratifications du traité de
paix entre M. Mac Kinley et notre ambassadeur, M. Jules Gambon, qui
avait conduit, au nom et sur la demande expresse de l'Espagne, les négo-
ciations destinées à mettre fin à la guerre. Aussitôt, M. Mac Kinley a lancé
une proclamation contenant le texte du traité, « afin que cet instrument
diplomatique pût être observé avec bonne foi par les citoyens des Etats-
Unis. »
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LA POLITlQim EXTÉRIEURE DU MOIS 429
Tout a été dit sur la gnerre hispano-américaine elle-même, et sur la
philosophie politique qu'il convient d'en tirer. Aussi, nous n'y reviendrons
pas. Mais il nous paraît opportun de ne pas laisser passer Tévènement du
11 avril sans dire un dernier mot, non plus sur les belligérants, mais sur
le rôle qu'a joué notre pays vers la fin du conflit, quand, par ses bons
offices, la paix s'est négociée et conclue. Lorsque nous apprîmes que le
gouvernement de Madrid avait demandé à la France de servir d'intermé-
diaire entre l'Espagne et les Etats-Unis, et que le nôtre avait accepté ce
rôle, nous ne pûmes nous défendre, quelque grand que fût notre désir de
voir notre pays rendre un service à l'Espagne, d'assez vives appréhensions.
Nous voyions, en effet, des inconvénients divers dans notre intervention. On
sait que, durant la guerre, une campagne de presse avait été entreprise
pour persuader aux Américains que notre pays prenait parti contre eux
en faveur de l'Espagne, et que l'opinion publique, aux Etats-Unis, avait
fini par ajouter foi à cette légende, circonstance qui était contraire à nos
intérêts, aussi bien politiques qu'économiques. Or, quelque invi^aisemr
blable que Thypothèse eût dû paraître d'abord, on pouvait se demander si
cette opinion publique, en voyant la France intervenir au nom de l'Es-
pagne, n*en conclurait pas, par un raisonnement simpliste, absurde même
mais assez naturel, à cette solidarité franco-espagnole qu'on lui représen-
tait comme existant en réalité, née d'une inimitié commune contre les
Etats-Unis. Cette conclusion chimérique pouvait, d'autre part, être corro-
borée dans l'esprit de la masse peu judicieuse par les efforts que notre
ambassadeur devait forcément être appelé à faire pour atténuer la rigueur
des conditions du vainqueur. C'était un premier danger. Mais il y en avait
un autre, en ce sens que l'on pouvait craindre que l'opinion publique
espagnole, tout aussi peu judicieuse que Topinion américaine, ne nous
accusât de n'avoir pas suffisamment défendu les intérêts de l'Espagne, et ne
nous rendit, en partie du moins, responsables des malheurs de ce pays, le
jour où, cédant à la nécessité, il aurait eu à se soumettre aux conditions
du vainqueur. Pour parer à ce double danger, il fallait une diplomatie
habile. Heureusement, nous avions, à Washington, un ambassadeur qui
était à la hauteur de cette tÀche difficile. On savait déjà, mais seulement
d'une manière générale, avec quelles difficultés M. Jules Cambon avait eu
à lutter, et de quelle manière heureuse il les avait surmontées. Ou peut,
aujourd'hui, s'en rendre un compte plus exact en lisant le Livre rouge que
le gouvernement espagnol a publié, et qui contient tous les documents
diplomatiques relatifs à la guerre, y compris, par conséquent, ceux qui
ont trait à la mission de notre ambassadeur. Nous ne pouvons, faute de
place, entrer dans un examen détaillé de ces documents, qui sont du plus
haut intérêt. Quiconque les lira avec tant soit peu d'équité se rendra
compte que, du 26 juillet, date à laquelle M. Cambon remit à M. Day un
communiqué du ministre espagnol des Affaires étrangères, exprimant le
désir qu'il fût mis un terme à la guerre, jusqu au 12 août, date de la signa-'
tore du protocole de paix, notre ambassadeur a défendu les intérêts de
l'Espagne avec autant d'éloquence qu'aurait pu le faire un ministre espa-
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430 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANGE
gnol, et, sûrement, avec pins de chaleur qu'on n'était en droit d*en deman-
der à un simple intermédiaire. Nous pourrions produire, comme preuves à
Tappui, telles ou telles dépêches contenues dans le Livre rouge, Qu*il nous
sufûse, pour caractériser rintervention de M. Gambon, de citer cette
remarque qu'il fit un jour à M. Mac Kinley, et qui dut certainement lui
coûter, que les prétentions des Américains étaient en contradiction singu-
hère avec les déclarations de désintéressement faites par les Etats-Unis au
début de la guerre. Si, donc, notre ambassadeur n'a pas pu atténuer plus
qu'il ne Pafait, — car il l'a atténuée dans une certaine mesure, — la rigueur
des conditions du vainqueur, c'est qu'il y avait impossibilité absolue d*y
parvenir. S'il se trouvait des Espagnols assez ingrats pour le contester, il
n'y aurait qu'une réponse à leur faire : lire le Livre rouge. Ce n'est pas
la France qui a offert ses bons offices ; on les lui a demandés, et elle ne
pouvait les refuser, quelque peu de profit qu'elle eût ^e-méme à inter-
venir. Du reste, les deux gouvernements de Madrid et de Washington ont
reconnu les services que nous leur avons rendus, et qui ont consisté à
faciHter la conclusion de la paix entre l'Espagne et les Etats-Unis. Le
11 août, le duc d'Almodovar, ministre espagnol des Affaires étrangères,
télégraphiait à M. Gambon : « Au nom de la reine -régente, par ordre du
gouvernement, et en interprétant les sentiments de la nation espagnole,
j'exprime à Votre Excellence la reconnaissance pour les services éminents
dont TEspagne vous est redevable. » D'autre part, le \% avril dernier, après
l'échange des ratifications, M. Mac Kinley télégraphiait à M. Loubet : « A
l'occasion de cet heureux événement, la conclusion définitive de la paix
entre les Etats-Unis et l'Espagne, j'ai l'honneur de vous exprimer, au nom
du gouvernement et du peuple américains, et en mon nom personnel, mes
sentiments de haute appréciation pour la part prise par le représentant de
la France à l'achèvement de cet heureux résultat. Dans les bons offices
ainsi prêtés par le représentant de la France, mes concitoyens voient un
nouveau lien d'amitié s'ajouter à ceux qui unissent les deux nations. »
Ainsi, de part et d'autre on a su apprécier nos services, et M. Jules
' Gambon est parvenu, par son habileté, à échapper au double écueil que
nous signalions plus haut. Arrivé à Washington après avoir quitté le gou-
vernement général de l'Algérie, il débutait dans la carrière diplomatique
sur un théÀtre digne de lui, mais dans des circonstances particulièrement
délicates, ayant, non seulement à défendre nos intérêts, menacés par la
campagne de diffamation menée contre nous, mais, en outre, à rapprocher
les belligérants. Or, quoi qu'il y eût, dans cette double entreprise, une
sorte de contradiction, il l'a menée à bonne fin.
Définitivement délivrée du cauchemar qui Ta obsédée pendant près d'un
an, l'Espagne, repliée sur elle-même et recueillie, reprend son existence
normale, interrompue, en quelque sorte, par la crise terrible qu'elle a tra-
versée. Elle a procédé, durant le mois écoulé, à un acte politique capital :
les élections aux Gortès, qui ont eu lieu le 16, pour la Ghambre des députés,
et le 30, pour le Sénat. Suivant l'usage courant en Espagne, le parti coq>
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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 481
servateur ayant remplacé an pouvoir le parti libéral, sans y avoir été
appelé par le Parlement, c'était à celui-ci à disparaître devant le gouver-
nement nouveau. Les Gortès avaient donc été dissoutes peu de temps après
la formation du ministère Silvela. Rien que Tindifférence du peuple es-
pagnol pour rexercice de ses droits électoraux soit proverbiale, il a témoi-
moigné, à Tégard des élections du mois d*avril, un peu plus d'intérêt que
dWdinaire. On comprenait, en effet, que la t&che des nouveaux élus serait
particulièrement importante, puisqu'ils auraient à commencer l'œuvre de
régénération nationale que rêvent les patriotes espagnols qui n'ont pas
encore désespéré de leur pays. Ce n'est pas, cependant, qu'on eût des
doutes sérieux sur l'issue des élections, qui était presque connue d a-
vauce. (Test un fait constant, en Espagne, que le parti au pouvoir obtient
presque toujours la majorité, soit par suite de l'idol&trie du corps électo-
ral pour les puissants du jour, soit, surtout, parce que le gouvernement
exerce ouvertement la pression électorale la plus intense. Cette fois- ci,
cependant, M. Silvela avait envoyé à toutes les autorités provinciales une
circulaire leur enjoignant de veiller à ce que la plus parfaite honnêteté
présidât aux élections. Etant donnée la droiture bien connue de M. Sil-
vela, nous sommes persuadé qu'il était sincère en donnant ces instruc-
tions ; mais, la force de l'habitude est si impérieuse que les élections de
1899 n'ont différé en rien, à ce qu'on assure, de celles qui les avaient
précédées. 11 en est donc sortie une majorité conservatrice, comme cela
devait être. Cependant, il était un point sur lequel on n'était pas Ûxé d'a-
vance : à savoir dans quelles proportions les différentes nuances du parti
conservateur entreraient dans cette majorité. Or, c'est là un point fort im-
portant. Le parti conservateur, en effet, souffre de ce mal de la division et
de l'émiettement qui paralyse le parlementarisme espagnol. Autrefois, ce
parti comprenait deux groupes : le groupe Canovas, qui embrassait la ma-
jorité des conservateurs, et le groupe [dissident de M. Silvela. M. Canovas
mort, M. Silvela avait rallié autour de lui la majeure partie des forces con-
servatrices. Mais un noyau de dissidents s'était constitué à côté de ce
premier groupe, suivant la direction du duc de ;Tétuan, qui trouvait
M. Sil?ela trop clérical et trop régionaliste. Il y a même, entre le groupe
Silvela et le groupe Tétuan, de telles divergences, que quelques-uns se
refusent à considérer le second comme faisant encore partie ,de la fraction
conservatrice. D'autre part, un autre conservateur de marque, M. Romero
Robledo, s'est aussi séparé du gros du parti, faisant bande à part, et se
rapprochant des libéraux, au point de n'être plus, lui non plus, considéré
comme ayant conservé ses premières opinions politiques. Chose plus grave,
le groupe Silvela lui-même, qui est au pouvoir, est divisé entre plusieurs
tendances, qui sont toutes représentées, et se contrecarent, au sein du ca-
binet actuel. Le ministre de la guerre, maréchal Polavieja, est plus réac-
tionnaire que M. Silvela, et l'on assure qu'il y a entre eux deux un anta-
gonisme très aigu; d'autre part, M. Pidal est très ultramontain, et cher-
che à faire prévaloir des vues favorables au Saint-Siège ; enfin, M. Duran
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432 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
est un régionaliste fougueux, et inquiète, par ses visées décentralisatrices,
les partisans de Tunité nationale. Bref, il y a entre les différents membres
du cabinet de telles oppositions, que les candidats ministériels se sont pré-
sentés, aux élections, comme partisans de Tun ou de l'autre d*entre eux. Ainsi,
ont été élus : 480 silvélistes ; 33 polaviéjistes ; 30 ultramontains, ou pida-
listes, ce qui fait 243 ministériels. Le groupe Tétuan a obtenu 48 sièges, et
marchera plutôt avec les consenrateurs qu avec les libéraux. Quant à ces
derniers, ils se divisent en deux groupes : les partisans de M. Sagasta, qui
ont obtenu 8d sièges, et ceux de M. Gamazo, qui en ont obtenu 30. A c6té
des deux grands partis constitutionnels, libéral et conservateur, il y aura,
dans la nouvelle Chambre, quelques petites fractions presque négligea-
bles : 15 républicains, 5 roméristes, 4 carlistes. Pour ce qui est des élec-
tions au Sénat, elles ont donné les résultats suivants : 110 ministériels,
50 libéraux (groupe Sagasta), 7 gamazistes, 6 tétuanistes, 3 carlistes,! ré-
publicain, 1 indépendant et 1 intégriste. Ainsi, s'il est vrai que M. Silvela
a obtenu une majorité dans les deux Chambres des Cortès, il n'en est pas
moins certain, d'autre part, quUl ne pourra se maintenir au pouvoir que
s'il parvient à faire régner la concorde au sein même du cabinet qu'il
préside, ce qui n'est pas encore certain. Si chaque ministre prétendait faire
prévaloir ses tendences particulières, il y aurait dislocation, non seule-
ment du ministère, mais du parti conservateur lui-même, ce qui augmen-
terait la confusion qui affaiblit le parlementarisme espagnol.
En Italie c'est surtout un intermède de politique extérieure qui a in-
téressé l'opinion publique durant le mois écoulé. Nous voulons parler de
la visite des escadres française et anglaise dans les eaux de la Sardaigne,
où elles sont allées saluer les souverains italiens. La visite de Tescadre
française a été la plus significative, au point de vue international, en ce
sens qu'elle était destinée à accentuer le rapprochement franco-italien,
qui a été souligné dans les toasts portés à bord du Brennus^ le 14 avril,
par l'amiral Fournier et le roi Humbert.
C*est aux choses de Chine qu'on s'est intéressé en Angleterre,
bien plus encore qu'au budget, qui a été présenté aux Communes, le
13 avril. On sait qu'une menace constante pour le maintien de la* paix
était l'antagonisme très aigu qui opposait, en Chine, l'Angleterre à la
Russie. Plusieurs fois, déjà, un conflit avait semblé près d'éclater. Or, le
28 avril, un événement de la plus haute importance s'est produit à Saint-
Pétersboui^ : un accord a été signé entre la Russie et l'Angleterre, au
sujet de leurs intérêts en Chine. Malheureusement, il ne nous est pas
encore possible d'en apprécier la portée exacte, car, au moment oii nous
écrivons ces lignes (1^^ mai), on ne sait encore rien de précis sur la teneur
de cet arrangement. Il semble, d après ce qui en est rapporté, qu'il a
trait surtout à l'épineuse question des concessions de chemins de fer, et,
en outre, à la délimitation des sphères russe et anglaise, la première com-
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CHRONIQUE POLITIQUE INTERIEURE 433
prenant laMandchourie, au nord de la Grande-Moraille^la seconde, la vallée
du Yang-Tsé. Nous ne tarderons pas, sans doute, à avoir des détails plus
complets. Mais ce que nous pouvons relever dès aujourd'hui, c'est l'impor-
tance de cet événement au point de vue du maiptien de la paix générale.
Lord Salisbury, qui ne s'aventure jamais à parler à la légère, a déclaré, au
banquet de la Royal Academy^ que l'arrangement était satisfaisant (graii"
fying), et de nature à empêcher toute collision entre les intérêts anglais
et russes en Chine. Gela est d'un excellent augure a la veille de l'ouverture
de la conférence de La Haye.
Alcide Ebr4T .
N.'B, — 11 s'est glissé dans notre dernière chronique, à propos de la
convention franco-anglaise du 21 mars, trois erreurs typographiques que
nous croyons devoir signaler :
Page i92, ligne 18, lire : paragraphe 3 (et non paragraphe 2) ;
Page 192, ligne 35, lire : Vart. 9 (et non l'art. 10) ;
Page 193, ligne 3, lire : au nord du 5<> parallèle (et non 2' parallèle).
Du reste, comme nous avons reproduit in extenso le texte de la convention,
et que ces erreurs typographiques n'y figurent pas, nos lecteur? auront
rectifié d'eux-mêmes.
Â. E«
II. — CHRONIQUE POLITIQUE INTÉRIEURE
Le premier déplacement du président de la République a été un retour
filial vers la terre natale. M. Loubet s*est rendu le 5 avril à Montélimar,
accompagné du président du Conseil. Il a été reçu par ses concitoyens
avec un élan unanime et l'entrain qu'apportent, dans les manifestations
de ce genre, les populations du midi. Malgré le caractère particulier d'inti-
mité de cette réception faite à l'élu de l'Assemblée nationale qui avait
rempli sans interruption, depuis près dé trente années, les fonctions de
maire, de député et de sénateur, un écho de la politique générale devait
forcément se mêler aux acclamations qui accueillaient autant l'homme
privé que le représentant. Le Président a rappelé que, s'il avait accepté la
lourde charge qui lui était confiée, c'était pour maintenir et fortifier
l'union des républicains. « Mes efforts, a-t-il dit, tendront, soyez-eni sûrs,
à exécuter ce programme. Sa réalisation importe au plus haut degré à la
prospérité intérieure de noire pays et à sa grandeur au-dehors. Elle est
facile dans un pays comme le nôtre, où se rencontrent tant de bonnes vo-
lontés et une si généreuse passion pour le progrès moral et matériel. Des
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484 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
difÛcultés passagères et des agitations superficielles ne sauraient empê-
cher longtemps la concorde de régner parmi nous (i). »
Le Président a quitté Montélimar le 7 ayril, pour rentrer à Paris.
Deux jours nprès (2), M. Charles Dupuy prononçait au Puy un important
discours, à la suite d*un banquet offert par ses compatriotes. Le président
du Conseil estime que la situation générale du pays est bonne. Il espère
que le Parlement, enfin sorti des douzièmes provisoires, va pouvoir se
consacrer à Tétude des lois fiscales et sociales, qui répartiront les charges
avec plus de justice. Il annonce la présentation prochaine de trois projets :
une loi sur les retraites des travailleurs des villes et des campagnes, une
loi organisant Tannée coloniale, enfin, une loi organisant le droit d'asso-
ciation. Pour réaliser ce programme limité, mais d'une importance capi-
tale« M. Dupuy compte sur Tappui d'une majorité exclusivement républi-
caine. 11 constate que la République n'a rien à craindre des menées plé-
biscitaires ou monarchiques (3).
Passant à Texamen de la situation économique, M. Charles-Dupuy
s'applaudit du réveil de l'activité nationale. Les statistiques accusent
l'accroissement constant du rendement des revenus publics et Le dévelop-
pement du trafic des chemins de fer. Les industries prospèrent; la métal-*
lurgie, notamment, est assurée de commandes pour plusieurs années.
L'agriculture, à l'abri des tarifs protecteurs, est en sérieux progrès. Par-
tout déjà, les préparatifs de l'Exposition donnent aux affaires une féconde
impulsion.
L'état de nos relations extérieures parait inspirer à M. le Président du
Conseil une égale satisfaction. L'accord franco-italien, non seulement a
rétabli des relations normales entre deux nations faites pour s'entendi-e,
mais il marque aussi une date dans l'ordre des rapports internationaux.
La convention du 21 avril dernier avec l'Angleterre, tout en nous garan-
tissant une libre voie commerciale vers le Nil, nous assure dans le Nord-
Ouest de l'Afrique un véritable empire colonial (4) . L'expansion coloniale
de la France commence, d'ailleurs, à donner des résultats appréciables.
Le Congo, comme Madagascar et l'Indo-Ghine, entrent dans la voie des
grands travaux publics et des exploitations industrielles et agricoles.
Gomme on le voit, M. Charles-Dupuy ne se laisse pas aller au découra*-
gement et au pessimisme. Il considère que les agitations qui troublent le
(1) Journal Officiel du 7 avril 1899.
(2) Le 9 avril. Journal Ofificiel du 13 avril 1899.
(3) « Libre à' ces individualités de grossir leur rôle et de grandir leur person-
nage. Le pays ne se laissera pas prendre à ces gestes et à ces attitudes, et
queUes que soient les épaules sur lesquelles se dessine en lignes indécises et
fuyantes le manteau de la dictature ou de la monarchie, il juge les épaules trop
faibles et le manteau suranné. » Journal Officiel du 13 avril 1898, page 2496.
(4) Sur le pénible Incident de Fashoda, M. Charles Dupuy s'exprime en ces
termes : « Nous avions à régler le différend créé par Fincident de Fashoda, et
J'ai le droit de dire que notre diplomatie Ta réglé au mieux de nos intérêts et à
la satisfaction de notre honneur, en s*inspirant de ce principe, formulé dans
notre déclaration ministérielle, qui consiste simplement et sagement à propor-
tionner les efforts à la valeur du but ». Journal Officiel, 13 avril 1899, p. 2496»
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^^'mi.
CHRONIQUE POLITIQUE INTÉRUBURB 435
pays, à rheure présente, « sont des agitations de surface et qae, sous cette
surface troublée, il y a le calme, le travail et la sécurité ». Quant à T Affaire,
cause principale de cette agitation, elle sera dénouée par la Cour de cas-
sation, dont Tarrèt, quel qu'il soit, s'imposera à tons. Le président du
Conseil a terminé son discours en « réprouvant les polémiques qui s'obs-
tinent à mettre en cause l'armée nationale, et qui, par dea généralisations
injustes, veulent la rendre solidaire des aberrations et des fautes de quel-
quesruns. Au lendemain de l'arrêt, qui seul permettra de les établir exac-
tement, les responsabilités seront définies et les sanctions suivront, si elles
sont reconnues nécessaires ».
Quelle que soit l'opinion qu'on professe sur la profondeur et la gravité
du malaise qui travaille l'opinion à l'heure présente, la session d'avril des
conseils généraux ne semble pas contredire l'optimisme gouvernemental.
Cette session a été parfaitement calme. M. Gerville-Réache par une lettre
parue dans un journal (2) avait saisi les assemblées départementales de la
question de la revision constitutionnelle. Cette tentative n'a pas eu grand
écho dans les conseiis, soucieux de se conformer à la légalité interdisant
les vœux d'ordre politique. Par contre, un grand nombre de motions ont
été votées s'associant au deuil de la famille de M. Félix Faure ou félicitant
le nouveau Président de son élection. Sur l'initiative du Gouvernement qui
avait envoyé un questionnaire aux conseils, les questions d'enseignement
ont tenu une large place dans les délibérations. A noter encore, les
vceux accoutumés, -suivant les régions, sur la réduction de la durée du
service militaire à deux ans, la répression du vagabondage, le canal des
Deux-Mers, le privilège des bouilleurs de crû, la suppression des octrois,
la revision du cadastre, la réforme des lois de procédure. Le fait le plus
saillant est dans le mouvement qui vient de se produire, sur les points les
plus divers du territoire, en faveur de la répression de l'alcoolisme et de
la réglementation restrictive des débits de boissons. Le congrès sur l'alcoo-
lisme qui s'est réuni à Paris au commencement d'avril (i) donnait un ca-
ractère d'actualité à ces vœux. Ils appellent l'attention du Parlement sur
un mal dont l'extrême gravité n'est plus contestable et qui compromet,
avec les intérêts économiques du pays, l'avenir tnême de la race. 11 est
désirable que l'initiative prise par plusieurs conseils généraux se continue
et s'accentue. Cette action finira par être ressentie dans les Chambres qui
hésitent, peut-être un peu trop, à paraître s'attaquer aux puissants agents
électoraux que sont les cabaretiers. Il existe cependant des projets excel-
lents dont le vote et lapplication pourraient produire des effets très appré-
ciables dans la lutte contre l'alcoolisme. L'un d'eux émane de M. Georges
(1) La première séance a été présidée par M. Legrand, sous-secrétaire d'Etat
au ministère de Tlntérieur. Le congrès a élu M. Théophile Roussel, sénateur,
président d'honneur, et vice-présidents, M. Millerand, député socialiste, et
Mgr Ireland.
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436 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
Gochery, ministre des finaDces da cabinet de M. Méline, il est relatif aa
contrôle hygiénique et fiscal de Talcool. M. Gochery proposait un ensemble
de mesures assurant la surveillance de la rectification des alcools, depuis
leur fabrication jusqu'à leur entrée dans la consommation, et permettant
d'interdire le mélange dans les liqueurs de toutes les substances toxiques.
L'autre est la proposition déposée récemment au Sénat (1) par M. Jules
Siegfried et portant réduction, par voie d'extinction, du nombre des débits.
Le parti républicain s'honorerait en donnant à ces projets une prompte
solution.
C'est, à la fois, une réparation et un salutaire exemple, que la glorifica-
tion du nom de Jules Ferry sur cette terre de Tunisie qu'il a donnée à la
France. L'homme d'Etat qui a connu, de son vivant, toutes les ingrati-
tudes et toutes les amertumes, a reçu, le jour de l'inauguration de sa
statue à Tunis, Thommage solennel de son pays. « L'expérience des hommes
et des choses, disait-il un jour, est une grande école d'équité. » L'histoire
est faite de cette expérience, trop tard venue, mais consolante en somme.
Les épithètes de tunisien et de tonkinois jetées à Jules Ferry, il n*y pas
encore vingt ans, par les détracteurs de son œuvre coloniale, sont devenus
aujourd'hui des titres d'honneur, contre lesquels personne n'ose plus pro-
tester. 11 lui a suffi de mourir pour passer, en quelque sorte de plein pied,
de l'impopularité à la gloire. M. Millet, résident de France, M. Krantz,
ministre des Travaux publics, ont rendu justice, en des termes inspirés
par une éloquence émue, à l'œuvre et à l'homme. Et s'il est impossible de
songer, sans une profonde mélancolie à quels abtmes d'iniquité peuvent
pousser les passions politiques du moment, c'est un spectacle fortifiant de
constater les prompts retours du bon sens populaire et les réparations
prochaines qui attendent la mémoire des hommes qui consacrent leur vie
à une œuvre véritablement nationale.
N'y a-t-il pas une œuvre analogue dans la longue campagne suivie
patiemment et sans dévier jamais, à travers les orages de la politique, par
le compatriote et le collaborateur de l'illustre vosgien, pour le relèvement
de l'agriculture française. M. Méline, qui a déjà tant fait pour elle, vient
d'acquérir un nouveau titre à la reconnaissance des paysans français. Il
avait plus que personne contribué à la création du crédit agricole au
moyen de l'excellente loi qui vient d'être définitivement votée par le Par-
lement sur les caisses régionales de crédit, véritable couronnement de
la législation de 1894. II s'agit maintenant de mettre en pratique les facul-
tés offertes aux cultivateurs.
Dans une réunion organisée, à Epinal, en vue de la constitution, dans
la région de Test, d'une banque régionale agricole, M. Méline a prononcé
(1) Le 27 mars 1899.
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 437
un discours qui a obtenu un grand et légitime retentissement. Il a rappelé
les origines de la loi nouvelle et expliqué les avantages de la convention
passée, en 1897, avec la Banque de France, par le cabinet qu'il présidait.
L'institution et Toi^anisation du crédit agricole font partie de Tensemble
des moyens dont Téminent orateur a pris l'initiative et s'est fait l'infati-
gable propagateur, pour conjurer les effets de la crise redoutable qui avait
mis un instant notre agriculture à deux doigts de la ruine. L'emploi de
ces moyens a été réglé sur un plan méthodique. La refonte totale de
notre r^me économique a mis les agriculteurs en état de lutter à armes
égales contre la concurrence étrangère et arrêter l'avilissement du prix
des produits agricoles. Mais les tarifs de douane ne sont pas un but. Le but
est de développer la production et de la porter à son maximum de puis-
sance, de façon à donner satisfaction au producteur par l'élévation des ren-
dements et au consommateur par la multiplication des produits.
Pour réaliser ce programme, il fallait mettre les agriculteurs à même
d'acquérir au prix le plus bas les semences, les engrais de choix, les ma-
chines perfectionnées. L'ingénieuse application de la loi de 1884, sur les
syndicats a accompli ce progrès. Les syndicats agricoles ne sont que
des instruments de rapprochement entre les cultivateurs et leurs fournis-
seurs ordinaires. Pour acheter il faut de l'argent, et tandis que les besoins
de l'agriculture ne cessent de s'augmenter, ses ressources s'épuisent ou
restent stationnaires. Le crédit agricole est donc la condition indispen-
sable de la production intensive. La mutualité est le seul moyen de donner
à ce crédit la solidité nécessaire. Les cultivateurs se servent réciproque-
ment de cautions. La loi de 1894 est issue de ces principes; celle de 1899
la complète en fournissant aux banques mutuelles locales les ressources
pécuniaires qui l^ur font défaut.
En jetant les assises de la première banque régionale de crédit, M. Méline
a indiqué la voie. Il a porté ses regards plus loin, et, dans la un de son dis-
cours, il a fait entrevoir Tavenir illimité que promet le développement de
l'idée mutualiste. Après l'agriculture, touies les autres branches de l'acti-
vité nationale finiront par entrer dans le courant qu'elle aura créé. Les ou-
triers mieux éclairés comprendront qu'ils peuvent faire de leurs syndi-
cats des associations professionnelles fécondes, des groupements de forces
pour l'organisation rationnelle du travail.
« Qui empêcherait les syndicats ouvriers, a dit M. Méline en terminant, de
s'organiser aussi en sociétés de crédit, et d'appuyer sur ces sociétés de cré-
dit des sociétés de production ? C'est là qu'est l'avenir du prolétariat et il
s'en apercevra seulement le jour où son éducation professionnelle sera faite,
où il sera assez éclairé pour sortir des utopies et où il pourra prendre lui-
.m<&me la direction pratique de ses propres intérêts, au lieu de la laisser
.aux faiseurs qui le fascinent par des formules creuses et vides. C'est ainsi
que s'opérera la réconciliation du capital et du travail ; quand le capital
sera devenu accessible à tous, quand, au moyen du crédit, tout le monde
pourra en avoir sa part, à la seule condition d'être intelligent, travailleur
£t probe, la lutte des classes n'aura plus de raison d'être et le problème
REVUE POLIT., T. XX 29
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438 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENT AIBÈ EN FRANCE
social sera bien près d'être résolu... Gelai qui a dit le premier que le ving-
tiëme siècle serait le siècle de la mutualité a vu Tavenir comme dans un
éclair et n'a fait que devancer l'histoire. »
Il y a loin de ces hautes considérations aux minimes incidents de la
politique quotidienne. Faut-il classer dans cette catégorie le procès
intenté à un certain nombre d'associations plus ou moins politiques? La
9** chambre du tribunal correctionnel de la Seine a été chargée d appli-
quer un vieux texte de la législation impériale, que beaucoup d'esprits
libéraux ont été surpris de voir exhumer de ses cendres monarchiques.
L'article 291 du Gode pénal a été appliqué sans doute pour la dernière
fois. S'il ne s'agissait pas d'un souvenir condamné sans réserve par la
doctrine républicaine, on pourrait dire, parodiant la parole célèbre :
« Saluons-le, car nous ne le reverrons plus. » Le tribunal a appliqué aux
délinquants (1) seize francs d'amende avec le bénéfice du sursis de la
peine imaginé par l'honorable sénateur Bérenger en faveur des malfaiteurs
qu'on espère voir s'amender. Gette condamnation est le gage du vote pro-
chain de la loi organisant la liberté d'association, promise par M. Charles
Dupuy et soumise en ce momeut même à l'examen du Conseil d'Etat. Si le
cabinet actuel réalise la réforme promise et attendue depuis Tavènement
de la République^ le souvenir de ces poursuites s'effacera devant l'impor-
tance d'un pareU bienfait.
FéLix Roussel.
III. — LA VIJB PARUSMENTAIRE
I. — Lois, Décrets, Arrêtés, Ciroulaires, etc.
let avril. — Crédit agricole, -^ Loi relative à l'institution des Caisses régio-
nales de crédit agricole mutuel et aux encouragements à leur donner (p. 2165).
— Banque coloniale. — Rapport sur les opérations 1897-1898 (p. 2165).
— Contingent de la Réunion. — Décret et arrêté (p. 2177 et 2178).
— Délibérations du Conseil d'Etat. — Extrait du registre de ces délibérations
au sujet des suites à donner aux arrêts en date du 24 février 1899 conceracuit di-
vers officiers de marine (p. 2177).
— Ecoles supéHeures de commeixe. — Note sur les concours d'entrée (p. 2178).
Z avril. — Caution judicatum solvi. — Loi approuvant la convention franco-
russe relativement à TexempUon pour les Français en Russie et les Russes en
France de la caution judicatum solvi (p. 2189).
— Sociétés d'assurances contre les accidents du travail. — Arrêtés relatifs
aux bases des cautionnements, aux groupements des iodustries prévues, aux
peines, au barème minimum, aux conditions de recrutement des commissaires
priseurs (p. 2190 à 2192).
— Congo français. — Rapport suivi de décrets relatifs au régime forestier du
(1) Le parquet a poursuivi les principaux membres de la Ligue des Droits de
Vhomme, de la Ligue de la patrie française, de la Ligue antisémitique ^ de la
Ligue des Patriotes^ etc., etc.
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LA'VIE POLiriQUB BT PARLEHENTÂIRE EN FRANCE 439
Congo français etn régime de la'ptopriétô foncière du Congo français, an régime
des terres domaniales du Congo français (p. 2196).
— Avis agiHcfole$ Pxt ïà Belgique et la Hollande, Tinde anglaise et la Russie
(p. 2209).
3, 4, 6 avril. -^ Points d'appui de la flotte, -* Rapport et décret relatif aux
points d'appui de la flotte aux colonies (p. 2222).
— Réintégration d'officiers de marine. *— Rapport et décret (p. 2287). - .
7 a,vnl* '-r» Admission temporaires, ^ Décret accordant le bénéfice, du, r^^e
' de cette admission aux sucres employés dans la fabriation des savons transpa-
rents destinés à l'export^^on {p. 2326).
-«- Aide- commissaire des colonies. ^^ Arrêté modifiant l'arrêté du 24 avril 1895
réglant les conditions de l'examen pour Tadmiasion A ce grade (p. 2^).
— Chemins de fer d'intérêt général. — Résultats de l'exploitation (p. 2336),
— Avis commevciaua: sur le Portugal et rAutriche-Hongrie (p. 2335);
8 avril. — Assurances contre les accidents du travail. — Barème minimum
piHir le calcul des réserves mathématiques de ces sociétés (annexe à l'arrêté
miniiilériel du 30 mars 1899 publié wol Journal officiel du 2 avril 1899) (p. 2373).
— Mise hars cadres. — Décret autorisant la mise hors cadres des officiers de
réserve et de l'armée territoriale titulaires des emplois énumérés dans les ta-
bleaux B et C de la loi du 15 juillet 1889 (p. 2380).
— Cypahis de Vlnde. — Rapport et décret portant rétablissement, de ce corps.
Gbculaire de notification (p. 2381).
9 avril. — Droit international privé. — Loi portant modification à l'article
unique de la loi du 4 février 1899 portant approbation d'une convention interna-
tionale réglant plusieurs matières de droit intemationcd privé (p. 2405),
-— • Commissaire de surveillanlce administrative des chemins de fer (p. 2406)^
— Inspecteur particulier de V exploitation commerciale des chemins de fer.
— Arrêté déterminant les conditions à remplir par les candidats à cet eipploi
(p. 2407).
10 avril. — Sociétés d'assurances contre les accidents du travail. — Arrêté
fixant le cadre et les conditions d'avancement des commissaires-contrèleurs
(p. 2429).
— «« Caisses régnâtes de crédit agricole mutuel; -— Rapport et déoret relatif à
la nomination des membres de la Commission de répartition des avances aux
Caisses régionales de crédit agricole mutuel (p« 2430).
— Transit des cailles. — Arrêté interdisant en Fraince le transit, pendant la
clôture de la chasse, des cailles expédiées de l'étranger pour l'étranger (p. 2430).
-«- Avis agricoles sur l'Allemagne et la Hollande (p. 2439).
11 avril. — Administrateurs coloniaux, — Rapport et décret portant admis-
sion des secrétaires généraux des anciennes directions de Tintérienr dans le cadre
des administrateurs coloniaux (p. 2448). ,
1% avril. — Majoration des rentes. — Arrêté affectant aux bonifications spé-
ciales prévues par la loi de finances du 13 avril 1898 une somme de 300.000 francs
sur le crédit ouvert pour la répartition des majorations de rentes instituées. par
la loi du 31 décembre 1895 (p. 2469).
13 avril. — Commerce de la France. — 1899 (p. 2498).
— — • Agents et employés commissionnés des chemins de fer de VEtat. — Situa-
tion de la Caisse des retraites (p. 2498).
— Avis commerciaux sur la Turquie, l'Espagne, la Belgique, l'Italie, l'Ile
Maurice (p. 2501).
14 avril. — Jtistice criminelle. — Rapport sur le compte général de l'admi-
nistration de la justice criminelle en France et en Algérie (p. ^09).
— Caution judicaium sohi. — Décret promulgant la convention intervenue,
entre la France et la Russie relativement à l'exemption pour les Français en
Russie et les Russes en France de la caution y wc/ica/i/m solvi (p. 2516).
-^^ Ministère de- l'Instruction publique. — Décret chargeant le Président du
Conseil ministre de l'Intérieur de l'intérim (p. 2516).
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440 LÀ VIE POLITIQUE ET . PARLEMENTAIRE EN FRANCE
— — CirctUaiUm des automobiles. — Décret réglant cette circulation et circulaire
(p. 2518).
»— Bourses d'enseignement pi*imaire supérieur, — Répartition, 1898 (p. 2527).
15 ftYril. — Vente des sérums-thérapeutiques, -^ Décret autorisant des éta-
blissements à préparer, vendre et distribuer des sérums-thérapeutiques et extraits
organiques (p. 2557).
»— Sucres. — Production et raourement (p. 2562).
16 airril. — Prytanie militaire, — Instruction pour Tadmission en 1899 .
(p. 2585).
— - Personnel administratif secondaire de la marine. — Arrêté modifiant
Farrèté du 21 ]uin 1893 relatif aux examens pour les emplois de commis et ma-
gasinier du personnel administratif secondaire de la marine et circulaire de no*
tification (p. 2588).
— Personnel armurier de la marine. — Circulaire sur la période réglemen-
taire du séjour outre-mer de ce personnel (p. 2589).
18 ATril. — Officiers du corps de santé de la marine, — Arrêté relatif aux
conditions d'embarquement et de déplacement, et circulaire de notification
(p. 2622).
19 avril. — Sels neufs dénaturés. — Décret complétant le tableau B annexé
au décret du 7 juillet 1897 et contenant la liste des industries autorisées à rece-
voir en franchise des sels neufs dénaturés (2637).
M— Ecoles des hautes études commerciales. — Arrêté réorganisant le régime et
les conditions d'admission à la section normale annexée à cette école. Programme
des connaissances exigées pour Tadmission et avis de concours pour Tadmission
(p. 2644).
— Embarquement des officiers de marine. — Arrêté modifiant l'arrêté minis-
tériel du 15 décembre 1893 (p. 2639).
20 ATril. — Etablissements Renseignement primaire. — Rapport et décret re-
latif aux subventions de FEtat pour la construction ou Tappropriation des éta-
blissements d'enseigoement primaire (p. 2663).
»— Médailles d'honneur des ouvriers et employés. •— Décret limitant k 20 ans
de services consécutifs pour les colonies françaises les conditions du décret du
16 juillet 1886 relatif aux médailles d'honneur des ouvriers et emplojrés (p. 2664).
— i» Concession de terre à Madagascar. — * Rapport et décret portant con-
cession de terres à Madagascar à la compagnie coloniale et des mines d'or de
Suberbielle et de la côte Ouest de Madagascar (p. 2666).
— - Alcools. ~- Production et mouvement {p. 2669).
— Caisse des retraites. — Opérations mars 1899 (p. 2673).
— • Avis commerciaux, sur la Russie, la Belgique, l'Italie, la Turquie, le
Transvaal, les Indes anglaises, l'Uruguay, l'Angleterre (p. 2673).
21 avril. — Salaire des cantonniers. — Décret appliquante FAlgérie le décret
du 22 février 1896 relatif aux retenues opérées sur le salaire des cantonniers
(p. 2685).
— » Port de Dunkerque, •— Décret modifiant le tarif maximum faisant suite
au cahier des charges de la convention annexée à une concession relative à ce
port (p. 2685).
»— Port de Dtfclair. — Décret relatif à l'établissement des grues à vapeur
(p. 2686).
— «« Inspection des services administratif^ de la marine. — Rapport et décrets
de réorganisation (p. 2693).
— Voies ferrées. Indo-Chine. — Rapport et décret autorisant l'ouverture de
travaux des voies ferrées (p. 2698).
»- Caisse dépargne. ^ Opérations. Mars 1899 (p. 2699).
22 avril. — Métropolitain. — Décret approuvant la substitution à la Compagnie
générale de traction de la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris
comme concessionnaire du chemin de fer métropolitain (p. 2710).
»— Automobiles. -* Décret constituant en entrepôt réel des douanes les
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEBfENTÂIRE EN FRANCE 441
locaux affectés à Paris au concours ioteraational d'accumulateurs pour voitures
automobiles (p. 2711).
23 ATiil. — Convention avec le,P, L, M. — Loi ayant pour objet d'approuver
une convention passée entre TEtat et la Compagnie P. L. M. (Modification du
compte d*expl<Mtation partielle (p. 2725).
24 aTril. — Travaux publia dans les possessions éCoutre-mei\ — • Rapport et
décret relatif au personnel du génie mis à la disposition du département des
colonies pour le service des travaux publics dans les possessions d'outre-mer
(p. 2741).
— i- Avis agricoles sur TAllemagne, TEspagne, la Hongrie, Tlnde anglaise et la
Russie (p. 2752).
25 a^riL ^ Franchise postale, — Décret concédant cette franchise au ministre
de rinstruction publique pour la correspondance relative à l'Exposition (p. 2858).
— Tables de mortalité et de morbidité. — Arrêté nommant des membres de
la Ck>mmission chargée d'établir des tables de mortalité et de morbidité appli-
cables aux sociétés de secours mutuels (p. 2578).
— — Marque et véri/icaHon, — Relevé des objets d'or et d'argent présentés à la
marque ou à la vérification du 1*' janvier au 31 mars 1899 (p. 2762).
26 avril. — Service de sonté militaire, — Instruction relative à l'admission
aux emplois d'élève en pharmacie (p. 2777).
— Sucres et glucoses. — Rendement (p. 2784).
27 ETTil. — Boissons* — Décret modifiant la nomenclature des bureaux dési-
gnés pour régulariser le mouvement des boissons entre la France et la Suisse
(p. 2798).
28 aTril. — Port du Havre, — Loi relative à une avance de un million, offerte
par la Chambre^de CoI^merce du Havre (p. 2821).
•— « Travail des enfants et des femmes, — Décret modifiant la nomenclature
des tableaux A et C, annexés ai> décret du 13 mai 1893 relatif à l'emploi des
enfants, des filles mineurs tt des femmes aux travaux dangereux et insalubres
ip. 2822).
-«- Fort de Dunkergue. ^ Décret autorisant la Chambre de Commerce de
Dunkerque à emprunter une somme de 1.100.000 francs en vue de subvenir au
frais de construction d'un magasin public au port de cette ville (p. 2822).
— Avis commerciaux sur le Japon, Haïti, Maurice, la Bolivie, l'Egypte, la
Russie, la Nouvelle-Zélande (p. 2827).
29 avril. — enseignes de vaisseau. — Cire, sur l'embarquement (p. 2846".
— * Chemins de fer, — Programme de concours pour l'admissibilité à l'emploi
d'inspecteur particulier de l'exploitation commerciale des chemins de fer (p. 2^).
30 aTTil. — Colis postaux, — Décret portant réduction de la taxe applicable
aux colis postaux et destination de diverses colonies anglaises et allemandes
(p. 2855),
— Société d assurance,, Le Soleil, — Décret de modification aux statuts
Cp. 2856V
— Timbre de connaissement, — Rapport et décret portant exemption du
timbre de connaissement pour les transpprts par *nB8 pour le petit cabotage
(p. 2863).
^■^ Budget local, du Sénégal, — Rapport et drcret déclarant dépenses obliga-
toires des sommes inscrites au, budget local du Sénégal pour l'en tretiein de la gen-
darmerie (p. 2864).
— * Conseil d^ administration du Soudan Français, -r Rapport et décret modi-
fiant la composition, du Conseil d'administration du Soudan français (p. 2864).
— ■ Bourses de voyage, — Avis relatif aux bourses de voyage décernées à la
suite des salons annuels (p. 2866).
•— Caisse d'épargne. — Situation. Février 1899 (p.
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GHRONOLOfilB POUTHHie ËTRAKGtRE ET FRANÇAISE
Chronologie politique étrangère
Allemagne. — 14 avril, — M. de Bûlow prononce, au Reichstag, un discours
sur la question des Samoa. Tout en parlant dans un sens concfliant, il dit que
FAllemagne ne peut pas admettre Taction isolée des Anglo-Atnéricaîns, qui, le
15 mars, ont dissous le gouvernement provisoire institué par les représentants
des trois puissances aux Samoa.
Angleterre. — 13 avril. — Le chancelier d'e rEchiquier, sir Michaël Hicks
Beach, présente le budget aux Communes. L'exercice 1898-1899 se solde par un
excédent de 186.000 livres sterling. Mais les dépenses nationales augmentaut
sans cesse, et ne pouvant être restreintes, rexercice 1899-1900 se présentera sous
un aspect beaucoup plus défavorable. Les dépenses étant évaluées à 112 millions
927.000 livres, et les recettes à 110.287.000 livres, il jr aura un déficit de 2 mil-
lions 640.000 livres. Pour y faire face, le chancelier de FEchiquier a recours à la
réduction de Tamortissement de la dette, ce qui lui proctirera 2 millions de
livres, et à Taugmentation des droits du timbre sur les titres étrangers et colo-
niaux, sur les hypothèques et sur le capital des compagnies nouvellement for-
mées, et à un relèvement des droits d'entrée* sur les vMs de toute espèce, de
6 pence par gallon.
18. — Aux Communes, M. Brodrick annonce qne rAngleterre. TAllemagne
et les Etats-Unis sont tombées d'accord sur l'envoi d^ne Commission au^
Samoa, Commission qui se livrera à une enquête sur les troubles survenus
dans Tarchipel et étudiera les modifications à faire subir à TActe de Berlin de
1889. Les commissaires ne prendront de décisions qn*à Tànanimité, selon le
désir de TAllemagne.
Belgique. — 16 avril, — La Fédération nationale des mineurs, dans une
réunion tenue à Charleroi. décide, pour le lendemain, la grève générale des
mineurs dans les quatre bassins houillers de la Belgique.' Ùàuse de la grève:
les mineurs demandent une augmentation de salaire de 20 p. 100.
17. — Commencement de la grève générale, qui devait durer encore à la fin
du mois, sans cependant avoir occasionné de troubles graves.
19. — M. Schollaert, ministre de Tlntérlenr, présente À la Chambre un projet
de loi sur la réforme électorale.
Chine. — 15 avril. — Un engagement a lien, entre Anglais et Chinois, sûr le
territoire de Rao-Loung, cédé par la Chine comme extension de la concession
anglaise. Cet incident, qui s'est produit au moment où les Anglais prenaient
possesion de leur nouvelle acquisition, donne lieu à une protestation de l'Angle-
terre, qui demande satisfaction au gouvernement chinois.
28. — L'Angleterre et la Russie signent, à Pétersbourg, un arrangement dont
les termes ne sont provisoirement pas publiés^ et qui a trait À leurs intérêts
réciproques en Chine.
Espagne. — 16 avril. — Elections à la Chambre dès députés des Cortès. Résul-
tats : 243 ministériels (dont 180 silvélistes, 33 polaviéjlstes et 30 pldalistes ultra-
montains), 18 tétuanistes ou conservateurs dissidents ; 86 libéraux ; 30 gamazisles,
ou libéraux dissidents ; 15 républicains ; 5roméristes (M. Romeo Robledo) ; 4 car-
listes.
30.— Elections au Sénat. Résultats : 110 ministériels conservateurs ; 6 tétua-
nistes ; 50 libéraux ; 7 gamazistes ; 8 .carliiies ; I .républicain ; 1 indépendant
1 intégriste.
Xtats-Unii. — 11 avril. — M. Mac Kinley et M. Jules Cambon, ambassadeur
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r
CHRPiNOI^pGIE PQWTÏQUE 443
de France, échangent, à Wavhington, 1^ ratifications du traité de paix hispano-
américain.
21. — Le capitaine Coghlan, du Raleighf retour des Philippines, se livre, à
VUnton league club, à des manifestations germanophobes.
22. — Le même officier prononce, à VArmy and Navy club y un discours très
hostile aux Allemands, h propos de Tattitude provocante qu'ils auraient eue,
aux Philippines, à Tégard des Américains.
Ces incidents ont, pour suite, une protestation de l'Allemagne ; le ministre de
la Marine amércain infli^0 un blâmeraù capitaine Coghlan.
Grèoe. — 3 avril. — Le ministère Zaïmis donne sa démission, sa situation
étant devenue précaire par suite du peu de succès remporté par la politique du
Cabinet aux dernières élections, et aussi par suite de la décision prise par une
commission d'invalider Télection du premier ministre.
14. — Constitution d'un nouveau ministère, ainsi composé : MM. Theotokis,
présidence et intérieur; Simopoulo, finances; Athos Romanos, Affaires étran-
gères ; colonel Coumoundoros. guerre ; fioudouris, marine ; Carapavlos, justice ;
Eftaoias, cultes et instructions publique.
Italie. — li avril, -^ L'escadre française de la Méditerranée, commandée par
Tamiral Foumier, étant allée saluer les souverains italiens, dans les eaux de
Cagliari, un déjeuner a lieu, k bord du Brennus^ vaisseau>amiral français. Le
roi Hunibert et le commandant de l'escadre française prononcent des allocutions
cordiales en faisant allusion au rapprochement franco-italien.
22. — L*escadre anglaise de la Méditerranée, commaadée par l'amiral Rawson,
étant allée saluer les souverains italiens au Golfe d'Aranci, un déjeuner a lieu
à bord du Majestic, Des toast sont échangés entre le roi Humbert et l'amiral
anglais.
24. — Au Sénat, l'amiral G^evaro, ministre des Affaires étrangères, répond à
des interpellations sur la conventions franco-anglaise du 21 mars, les interpella-
teurs prétendant que cette convention léserait l'Italie, en ce sens qu'elle attri-
buerait À la France l'arrière-pa^s de la Tripolitalne.
Phil^pineB. ^ 28 avril — Les Philippins découragés par un revers subi h
CalumpU, au Nord de Manille, envoient des émissaires au général Otis, com-
naandant en chef des Américains, pour lui demander un armistice, afin que le
congrès philippin puisse discuter la question de la conclusion de la paix.. Le
général Otis repousse ces ouvertures ; il demande une soumission sans condi^
tien, en promettant, toutefois, une amnistie générale. Ce refus retarde la cessa-
tion des hostilités.
Roumanie. — 11 avril, -^ Le ministère libéral, présidé par M. Stourdza, donne
sa démissiom une vive émotion s'étant emparée de l'opinion publique à la suite
de la pubUcation, à Budapest, d'une brochure où il était parlé d'une sorte de
pacte conclu, antérieurement^ entre M. Stourdza et le premier ministre hongrois,
baron Bauffy, à l'époque où la Roumanie cherchait à se rapprocher de la Triple-
AlUance. Gomme il ressortait de la brochure publiée que M. Stroudza avait pres-
que abandonné les Roumains de Transylvanie, sa situation était devenue inte-
nable.
23. — Après des négociations laborieuses, on nouveau ministère, emprunté
au parti conservateur, est constitué sous la présidence de M. Georges Cantacu-
£eii6, le nouveau chef du parti depuis la mort de M. Catargi, survenue au
moment même de la démission du Cabinet Stourdza. Le nouveau ministère est
ainsi composé : MM. Georges Cantacuzènet présidence du Conseil et intérieur ;
Général Mano, finances; Général Jacques Lahovary, guerre; Dissesco, justice;
Take Jonesoo, instrction publique ; Fleva, domaines ; Jean Lahovary, affaires
étrangères ; D' Istrati, travaux publics.
Samoa. — l** axinl. -^ Un détachement anglo-américain est pris dans une
embuscade, sur la propriété d'un Allemand, par une bande de Mataafans, qui le
forcent à battre en retraite après lui avoir fait perdre quelques hommes. Cet
incident raviva les hostilités entre les deux partis, celui de Mataafa et celui de
Malietoa Tanou.
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444 • CHRONOLOGIE POLITIQUE
12. — Engagement de Mataafans et Malietoans à Falofa.
15. — Engagement à Mangîa.
17. ^ Engagement à Vailima.
Chronologie politique françaiee
1«' aTril. — MM. Fournière et Breton adressent au ministre de la Guerre une
demande d'interpellation au sujet des faits nouveaux révélés par la publication
dans le Figaro des premières pièces de Tenquète de la Cour de Cassation.
3 avril. — Départ du ministre de la Marine pour un voyage dans les ports de
la Manche.
4 avril. — Ouverture & TEcole de médecine du Congrès antialcoolique.
^~ Ouverture à Toulouse du Congrès des Sociétés savantes.
e avriL — Voyage du Président de la République à Montélimar.
— » Ouverture du troisième Congrès des professeurs de renseignement secon-
daire.
7 avril. — M. Laferrière entreprend un voyage d'études dans le Sahel.
8 avril. — Le comité « pour la défense du droit » se réunit sous la présidence
de M. Paul YioUet pour examiner les moyens qu'il convient de prendre afin de
ramener les catholiques à la vraie tradition de leur parti, « qui sait allier l'amour
de la religion au culte des libertés. *» Ce comité déclare s'appuyer sur les princi-
pes de 1789, réprouver l'esprit d'intolérance et combattre de mal profond causé
au pays par l'antisémitisme et l'antichristianisme ; il rappelle que le but est la
défense du droit et dés libertés publiques par la recherche de la vérité et l'effort
personnel.
— Réunion ft Nimes du Congrès des mutualistes de la Fédération du Midi.
9 avril. — Discours au Puy de M. Charles Dupuy. président du Conseil.
»— Arrestation à Alger de Max Régis à la suite d'un discours outrageant
prononcé par celui-ci contre M. Laferrière.
— Inauguration à Lille du nouvel institut Pasteor et du monument élevé à
Pasteur. Discours de MM. Viger et Guillain, représentants du Gouvernement.
— Etection sénatoriale. — Drome. — Inscrits : 757. — MM. Bixarelli, député,
républicain radical, 666 élu; Divers, 58. — Il s'agissait de remplacer M. Lou-
bet, aujourd'hui président de la République. M. Loubet était sénateur de la
Drûme depuis 1885. Il avait été réélu en 1894 par 588 voix, au premier tour, sur
747 votants.
— Elections législatives. — (Loir-et-Cher). — {Arrondissement dé Vendâmé^,
Inscrits : 23.058. — Votants : 18.252. — MM. Henri David, avocat, républicain, 8.835 ;
M. Rivière, socialiste, 5.097; M. La Rochefoucauld-Bisaccia, conservateur, 4.690. —
{Ballottage). — Il s'agissait de remplacer M. Gaston Bozérian, républicain,
décédé, qui, député depuis 1893, avait été réélu le 22 mai 1898 par 11.015 voix,
contre 6.725 à M. de La Rochefoucauld fils.
«— Sbinb-et-Marne. — {Arrondissement de Provins). — Votants : 15.125. —
Votants : 12.089. — M. Derveloy, radical socialiste, 6.990 élu; M. Lesage, républi-
cain, 4.903. — M. Derveloy succède à M. Montant, ancien ingénieur en chef des
ponts et chaussées, républicain radical, décédé, député depuis 1885 et réélu en 1898
par 7.564 voix, contre 5.088 à M. Lebailly, républicain.
10 avril. — Démission de M. l'amiral de Cùverville, chef d'état-major général
de la marine.
— — Ouverture de la session des Conseils généraux. Tous les conseils auront à
répondre au questionnaire qui leur a adressé la commission périementaire de
renseignement chargée d'étudier les moyens d'améliorer l'enseignement secon-
daire. Télégramme d'excuse de M. Déroulède au Président du Conseil général da
la Charente. Le député s'excuse de ne pas assister aux séances étant arrêté
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CHRONC^iOGlE POLITIQUE 44&
c pour avoir tenté de renverser la République Parlementaire afin derlui substituer
la Républicaine plébiscitaire ».
12 ATiil. — En l'absence de M. Georges Leygues, parti à Rome inaugurer
Texposition de TAcadémie de France, M. Dupuy prend Tintérim de llnstruction
publique.
13 avril. — Réunion à Arras des délégués des compagnies houillères et
des délégués ouTriers mineurs en vue de discuter Taugmentation de salaire
réclamée par le syndicat des mineurs du Pas-de-Calais, comme conséquence de
la hausse des charbons. Sur les instances de M. Lockroy et du GouTemement.
M. l'amiral de Cuyerville consent à retirer la demande qu'il avait adressée au
ministre de la Marine afin d*ètre relevé de ses fonctions.
14 ATril. — Lettre de M. Déroulède au Président du Conseil sur la situation
politique, et sur l'optimisme manifesté par M. Dupuy dans son récent discours.
15 avril. '- M. Charles Bos, député de la Seine adressé au garde des Sceaux
une demande d'interpellation sur les motifs qui Tout empêché jusqu'à ce jour,
depuis la déposition de M. Casimir-Périer, depuis la déposition du général
Mercier et depuis l'intervention du capitaine Freystœtter, de saisir la Cour de
cassation d'une demande d'annulation du procès Dreyfus, puisqu'il est démontré
que des pièces secrètes ont été communiquées aux Juges du conseil de guerre
en dehors de la défense et de l'accusé.
— Arrivé à Paris du roi de Suède, Oscar II.
— Discours à Oloron de M. Barthou qui rend compte de son mandat, il
insiste sur la nécessité de la révision du procès Dreyfus.
—— M. Luzzatti, nommé k l'Académie des Sciences morales et politiques en
remplacement de M. Gladstone, prononce l'éloge de son prédécesseur.
— • M. Max Régis, arrêté à la suite d'un discours injurieux contre M. Laferrière,.
est condamné à quatre mois de prison.
16 avril. — Réunion à Cette d'un Congrès socialiste départemental.
— Voyage à Bangkok de M. Doumer reçu en grande pompe par le roi de
Siam.
17 avril. — Echange de visites entre le roi de Suède et le Président de la
République.
18 avril. — Examen devant le tribunal correctionnel de la poursuite dirigée
pour infraction à la loi sur les sociétés (association non autorisée de plus de
20 personnes; article 291 et suivants du Code pénal et 1 et 2 de la loi du
10 avril 1834), contre la Ligue des droits de l'homme et du citoyen, en la per-
sonne de MM. Duclaux et Grimaux, vice-président; Morhardt, secrétaire général;
Lapicque, secrétaire adjoint, et Fontaine, trésorier. MM. Duclaux, Grimaux,
Mathias Morhardt, Lapicque, Lucien Fontaine, sont condamnés chacun à
16 francs d'amende, avec application de la loi Bérenger. ^
19 avril. — MM. Jules Lemaltre, Dausset, Syveton et Vaugens comparais-
sant comme inculpés dans l'affaire de la ligue de la patrie française sont condamnés
à 16 francs d'amende avec application de la loi Bérenger.
20 avril. — Arrivée A Alger d'Edoiiard Drumont reçu officiellement par la
municipalité.
22 avril. — L'Académie des Sciences Morales et Politiques décerne au comman-
dant Marchand le prix François-Joseph Audiflred, de la valeur de 15.000 francs
« destiné h, récompenser les plus beaux, les plus grands dévouements de quelque
nature qu'ils soient pour sa traversée de l'Afrique, de l'Océan Atlantique à la
Mer Rouge ».
— • Arrivée à Paris du maire de Saint-Pétersbourg venu pour déposer une
couronne sur la tombe du Président Félix Faure.
23 avril. — Elections législatives. — Loir-et-Chkb. — (Arrondissement de
Vendôme). — Inscrits : 23.264. — Votents : 12.788. — Suffrages exprimés : 1I.6T7.
M. David, conseiller général, avocat, républicain 10.763 élu. — Au premier tour,
le 9 avril, M. H. David avait obtenu 8.335 voix, M. Rivière, conseiller général
socialiste, 5.097 voix, et M. de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia, conserva-
teur, 4.639 voix. Ces deux candidats s'étaient retirés. Il s'agissait de remplace-
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446 CHRONOLOGIE JPOUTIQUE
M. Gaston Bozérian, républicain, décédé, qui ayait été réélu au scrutin de ballottage,
le 22 mai 1898, par 11.015 voix.
— — Arrestation d'Edouard Drumont à Alger, il e»t remis en liberté le soir
même. — Fête du Centenaire de Racine dila Ferté^Milon.
24 avril. — Inauguration officielle à Tunis de la statue de Jules Ferry. —
Inauguration d'un buste de Racine à Port-Royal.
25 avril. — Inauguration à Tunis de TEcole d'agriculture et du musée du
Bardo.
26 avril. — Inauguration du port de Sousse.
— Réception à THÔtel de VUle de Paris du maire de Saint-Pétersbourg,
M. Lelianof. Echange de toasts entre M. Lelianof et M. Veber.
— * Conférence de M. Brunetiëre sur la nation et Tannée.
27 avril. — On signale de tous les points de la France et en particulier des
centres industriels, un actif mouvement de protestation contre les incohérences
de la loi sur les accidents du travail et le règlement d'administration publique,
chargé de l'expliquer.
— Inauguration à Nice du nouveau pont sur le Paillon par la Reine d'Angle-
terre.
2^ avril -— A la suite des troubles qui se sont produits au cours de M. Georges
Duruy à l'Ecole polytechnique, le ministre de la Guerre a suspendu ce cours
provisoirement.
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du Musée social. 1 vol. ia-8 écu, broché. — Prix : 4 francs. Armand Colin et
Cie, éditeurs.
Ce livre est le résumé des « protocoles • des différents Congrès ouvriers
tenus en France, depuis la chute de T Association int^mationide des travailleur»
jusqu'à la fin de 1897. Ces « protocoles » ont parfois été publiés dans des Jour-
naux spéciaux, dont il est fort difficile de retrouver la collection, ou dans des
brochures aujourdliui disparues.
L'auteur a su conduire le public à travers les mille phases du mouvement
révolutionnaire et au milieu de Congrès organisés par les diverses sectes, aux
noms barbares, qui se sont disputé la conduite de Touvrier.
Insistant sur les événements qui caractérisèrent les Congrès du Havre, de
Saint-É tienne et de Ch&tellerault, et brisèrent le parti révolutionnaire en collec-
tivistes, guesdistes, broussistes et allemanistes, Tauteur arrive aux organisations
purement ouvrières qui ont su secouer le joug des politiciens : « Confédération
générale du Travail » et surtout « Fédération des Bourses du Travail >».
Tout ce qui intéresse le mouvement ouvrier est exactement défini par les
Congrès; et le lecteur trouvera dans ce volume les documents qui lui sont
nécessaires pour connaître et apprécier la marche du mouvement socialiste en
France et ses chances de succès.
É. BouTMY, membre de Tlnstitut, directeur de TÉcole libre des. Sciences poli-
tiques, Le Baccalauréat et l'Enseignement secondaire (Projets de
réforme. Une brochure in-16 (Questions du Temps présent). — Prix : 1 franc.
M. Boutmy propose de diviser le baccalauréat en deux portions : Tune, obli-
gatoire pour tous, comprend seulement un minimum de matières fondamentales ;
~ Tautre, facultative, comprend les mêmes matières plus approfondies, et les
matières spéciales que chaque candidat a jugé à propos d*ajouter & ce minimum
— telles le grec, qui serait retranché de renseignement obligatoire, une langue
vivante supplémentaire, les sciences naturelles^ etc. Chacune de ces matières
donnerait lieu à une note individuelle qui serait reproduite sur le diplôme.
M. Boutmy montre ensuite que cette réforme obvie à la plupart des inconvé-
nients du régime actuel : le baccalauréat cesse d'être un moyen de démarcation
sociale ; son programme cesse d'être lié étroitement au programme de rensei-
gnement, et celui-ci pourra être élargi sans que l'autre soit augmenté.
Dans la pensée de l'auteur, cette transformation du baccalauréat se rattache à
une transformation du régime de nos lycées. Le ppint auquel tout se ramène est
l'institution des directeurs d'études entre lesquels tous les élèves, ^ans exception
seraient répartis. Ils trouveraient chez ces hommes d'élite des conseils qui les
suivraient, d'année en année, à travers les classes. C'est an directeur d'études
que reviendrait le soin de l'éducation. Celle-ci doit occuper le premier rang parmi
les fins de l'enseignement secondaire ; elle serait désormùs confiée à ce que
l'Université possède de meilleur et de plus excellent.
Cette brochure, pleine de vues originales et de pénétrantes observations, fera
penser.
Adolphe Brisson, Portraits intimes (4« série). 1 voL in-18 Jésus. — Prix,
broché : 3 fr. 50. Armand Colin et de, éditeurs, 5, rue de Mézières, Paris.
M. Adolphe Bri/Bson ajoute une quatrième série à ces Portraits Intimée qui lui
ont valu tant de succès. Notre confrère est inimitable dans l'art de trouver ces
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BIBLIOGRAPHIE 449
figurines qui, sous une apparence familière, présentent une reiiemblance aigud
et profonde. Elles sont imprégnées d'une gr&ce malicieuse et exquise; Tesprit
criUque s'y joue parmi les impressions pittoresques. Ce sont, pour la plupart,
des morceaux achevés et qui resteront comme une source précieuse de docu-
ments biographiques et psychologiques sur les hommes de ce temps. Le volume
qui parait aujourd'hui est des plus variés ; il vise la littérature (avec Ernest Le-
gouvé, Henri Lavedan, J.-K. Huysmans, G. Courteline, Jules Verne) ; les arts
(avec Denys Puech et Ghartran) ; le théAtre (avec Le Bargy, Silvain, M"*' Julia
Bartet et Reichemberg) ; roccultisme et le « mystère » (avec W^* de Thèbes, Mé-
rovack et la famille Couesdon), etc.... Cette nouvelle collection de Portraits In-
times achève de classer M. Adolphe Brisson au premier rang des ironistes con-
temporains.
M. Louis Léger, professeur au Collège de France, Russes et Slaves. (Études
politiques et littéraires. Troisième série : Un Précurseur : Radistchev ; Les Russes
en France; Le Cesairevitch en Orient; L'Enseignement du russe; Adam
Mickievicz ; Mickievlcz et Pouchkine ; La Littérature Tchèque. 1 vol. in-16. —
Prix, broché : 8 fr. 50.
Ce volume est mis en vente précisément au moment où la Russie et la Pologne
célèbrent l'anniversaire des deux plus grands poètes de la race slave, Mickiericz
et Pouchkine. M. Léger leur consacre des études pénétrantes et tout à fait nou-
velles dans notre littérature.
On ne trouvera pas moins d'intérêt aux essais qui ont pour objet le publiciste
russe Radistchev, un véritable précurseur des idées libérales, les Voyageurs
Russes en France^ le récent voyage du Gesarevitch (l'empereur Nicolas) dans
l'Orient asiatique, la langue russe et les moyens de l'enseigner en France, la litté-
rature tchèque contemporaine.
L'auteur signale avec raison chez les Tchèques des alliés d'autant plus sympa-
thique qu'ils sont plus mal vus des Allemands.
Paul Apostol, licencié en droit de l'Université de Moscou, docteur es sciences
économiques de l'Université de Munich. L'artèle et la coopération en
Russie. Son histoire, son état actuel. (Traduit par E. Castblot, membre
de la Société d'économie politique. Préface de M. A. Raffàlovigh, correspon-
dant de l'Institut). Paris, Guillaumin et Cie, 1899. 1 vol. in-18. — Prix :
3 fr. 50.
L'objet de l'ouvrage de M. Paul Apostol est à la fois de réunir et de codifier
tous les éléments de publications et documents russes relatifs aux artèles ou
associations coopératives, et de définir le caractère de ces groupements eu égard
aux distinctions qu'ils comportent.
L'ouvrage se divise en quatre chapitres respectivement consacrés à l'origine
des artèles, à leur histoire jusqu'au xix* siècle, k l'étude des artèles contempo-
raines à base communiste ancienne et à celle des artèles modernes d'origine in-
dividualiste.
Dans le premier chapitre, l'auteur établit une distinction absolue entre l'an-
tique artèle russe et l'association coopérative moderne : l'une découlant de la
communauté domestique qu'elle prolonge en quelque sorte, l'autre procédant,
selon l'expression même de M. Apostol, « do la réaction contre la cruelle souf-
france qu'engendre l'économie purement individualiste dont l'homme primitif ne
soupçonnait même pas l'existence. » Les causes dont résultent la durée et le
développement dés artèles en Russie sont exposées dans le second chapitre : on
y voit comment la dissolution des communautés domestiques a obligé les
familles fractionnées à poursuivre, sous la forme collective de l'artèle, la réalisa-
tion de la production économique. Les artèles russes du type ancien font l'objet
des six parties du troisième chapitre qui traitent tour à tour de l'agriculture, de
la pèche, du bâtiment, de l'industrie domestique, de l'industrie manufacturière
et du commerce. Le quatrième chapitre, réservé aux artèles modernes, vise suc-
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450 BWUOGRAPaiB
cessivement les laiteries ooopécatiyes» les trayaux agricoles*, riodustrle dômes*'
tique, rindustrie manufacturiôre et les prêts. . . ,
Une bibliographie détaillée complète Touvraga.
Un compte rendu aussi sommaire ne peut donner qu'une kôée bien imparfaite
du très remarqu€U)Ie ouvrage de. M. Apostol« Nous nous estimerions du moins
heureux s^il suffisait à éveiller la curiosité de toua cens, qui s'intéressent à la
question de la coopération «t qui cherchent dans un travaÙ sur cette matière,
non seulement Térudition et la conscience, mais aussi Tesprit critique et la dis-
cussion basée sur Les faits. Ils peuvent être certains de trouver dans le livre de
M^ Apostol, sous une forme très claire, un exposé méthodique des éléments d«
la question, en môme temps que la réunion la pliis complète des documents qui
existent sur les artèles russes.
L. DS Saussure, Psychologie de la Colonisation française, 1 vol. in-12. —
Prix ; 3 fr. 50. Fiélix Alcan, éditeur.
Ce n'est pas le problème général de la : colonisation, au point de vue écono-
mique et social, que Tauteur s*est proposé d'aborder, maïs seulement un des
côtés de ce problème : celui de notre politique à l'égard des populations indi-
gènes de ces vastes possessions que nous appelons improprement des Colonies.
Faute d'un excédent de populalion, la France n'a pas besoin de territoires
favorables à la colonisation proprement dite, mais elle possède tous les élé-
ments nécesscdres pour tirer parli de ses possessions tropicales. Il n'est besoin
pour cela que de capitaux, de bons fonctionnaires et de bons soldats. Elle ne
manque ni des uns ni des autres.
Mais nmportant aussi est de suivre à. l'égard des indigènes une politique res-
pectant leurs dogmes et leurs usages.
C'est pour ne l'avoir pas suivie que les Espagnols ont vu leur colonies leur
échapper, et c'est en l'adoptant que les Anglais se sont assuré le loyalisme non
seulement des races indigènes mais même des Canadiens français.
M. de Saussure cherche à mettre en évidence la relation de cause à effet qui
existe entre la psychologie des Français et leur politique indigène aox colonies.
Cette politique est la' conséquence naturelle de nos dogmes nationaux et c'est
dans- ces dogmes même qu'il en cherche la clef. Il retrace leur origine, leur
évolution et leur influence actuelle sur le caractère de la nation, et enfin il en
suit l'application dans nos diverses colonies et y constate leurs ravages.
E. RoDOGANACHi, Bonaparte et les iles Ioniennes. Un épisode des conquêtes
de la République et du premier empire (1797-1816). 1 vol. in-8. — Prix : 5 fr.
Paris, Félix Alcan).
Les iles Ioniennes tinrent, dans la pensée de Bonaparte, une place beaucoup
plus importante qu'on ne serait tenté de le croire. « Les Ûea de Corfou, Zante et
Cépbalonie, écrivait-il en 1797, sont plus intéressantes pour nous que toute
ritalie ensemble ». Et, onze ans après, en 1808, il disait encore : « Corfou est
tellement important pour moi que sa perte porterait un coup funeste h mes pro-
jets ». Aussi, dès qu'il fût maître de Venise, s'occupa-t-il de mettre la main sur
les îles ; il y réussit, mais rencontra comme adversaire le fameux AU, pacha de
Tébélen, qui, finalement, avec l'aide des Russes, chassa les Français. Le siège
qu'ils soutinrent à Corfou et qui dura cinq mois, ne fût ni mojLns héroïque, ni
moins glorieux que celui de Gênes ; il ne lui a manqué que d'être r^kCOAté. Le
traité de Tilsit rendit à Napoléon cette possession tant désirée ; il y .entassa les
moyens de défense et s'en occupa constamment jusqu'au jour où, les Anglais
s'y établirent en vertu du traité de Paris et des conventions ultérieures. M. Ro-
docanachi dont les travaux sur l'histoire d'Italie sont appréciés, a reconstitué
l'histoire encore peu connue de tous ces événements^ grâce à des .documents
nouveaux, et l'a fait précéder d'un tableau fort piquant des mœurs de Tile de
Corfou, avant l'occupation. .
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BIBLIOGRAPHIE 451
Brooks Adahs, La loi de la otrilisation et de la décadence. Essai histo-
rique. 1 vol. in-8, traduit de l'angkds par Aug. Dietrich. — Prix : 7 fp. 50.
Félix Alcan éditeur.
Le pouvoir de l'argent et le rôle de celui-ci à travers les âges, telle est la
thèse c[ui constitue l'idée mère de ce livre.
L'auteur offre une hypothèse permettant de classifier quelques-unes des phases
intellectuelles les plus intéressantes par lesquelles la société doit passer, dans
ses oscillations entre la barbarie et la civilisation, pour atteindre à un état de
concentration plus ou moins sauveur. 11 établit sa loi en s'appuyant sur une
grande quantité de faits puisés dans l'histoire, depuis les Romains, ce peuple de
fer auquel est due la centralisation qui continue à régir une partie de l'Europe,
jusqu'à la décadence moderne, période ou l'idéal, disparu sous la poussée de la
réaction matérialiste et utilitaire, est devenu surtout un mot ou une étiquette, et
où la nature humaine parait s'étioler peu à peu dans une inquiétante médio-
crité.
Cette œuvre est empreinte, dans la forme comme dans le fond, d'une saveur
nationale, très forte et toute pénétrée de cet esprit anglo-saxon énergique et pra-
tique, si différent de l'esprit émotionnel des peuples néo-latins. L'historien, par-
tisan de la raison et de la pensés libre, s'est attaché à faire une oeuvre scienti-
fique au sens complet du mot. Il a visé à rester objectif, laissant les faits parler
assez éloquemment par eux-mêmes.
Jacques Bonzon, avocat à la Cour d' Appel de Paris, Cent ans de lutte sociale*
La législation de Tenfanee, 1789-1898. (2« édition, revue et complétée).
Guillaumin et Ole, éditeurs, 14, rue de Richelieu, Paris. — Prix : 3 fr. 50.
Cette nouvelle édition, remet au courant des lois nouvelles l'intéressant
ouvrage publié en 1894 par M. Bonzon. Nous voyons successivement la situation
de l'enfant dans la famille, à l'école et dans l'atelier. Elle nous y apparaît sous
un double aspect : théoriquement, par les lois de tous genres faites en son in-
térêt — pratiquement, avec les résultats plus ou moins heureux de ces lois, tels
que les établissent les statistiques et les documents les plus récents. Enfin, l'au-
teur indique les réformes les plus urgentes en faveur de Tenfance.
Cet ouvrage a donc une double utilité : c'est un tableau destiné tout à la fois
aux hommes d'étude et aux philanthropes. Il renseigne ceux-ci sur les armes que
la loi leur fournit pour l'enfance et les œuvres- qui la protègent. Il montre à ceux-
là le chemin parcouru depuis la Révolution, et les bienfaits de la lutte sociale.
C£S.\RE LoMBROSO, L'Antisémltlsme, traduit de la deuxième édition italienne
par les docteurs A. Marie et M. Hamel, médecins des Asiles publics de la ré-
gion de Paris, avec une préface de Paul Brousse, conseiller municipal de
Paris, 1 vol. in-8, V. Giard et E. Brière, éditeurs. 1899, Paris. — 2 fr. 50.
Les tristesses de l'heure présente permettrontrclles de lire sans autre passion
que celle du vrai cette œuvre si documentée, inspirée par ce positivisme de bon
aloi, caractéristique du savant criminaliste de l'Université de Turin ? M. Lom-
broso a montré qu'on peut étudier impartialement même les questions d'actua-
lité brûlante, et on ne saurait trop féliciter MM. Marie et Hamel de nous avoir
donné une excellente traduction de ce livre, déjà avantageusement connu et re-
fondu en plusieurs de ses chapitres pour l'édition française.
M. Lombroso a d'cibord magistralement exposé, et avec une érudition aussi
abondante que sûre, les causes historiques, politiques, psychologiques, etc., de
l'antisémitisme, sans négliger, en savant impartial, ce qui, dans le caractère des
Juifs, peut servir parfois de prétexte aux persécutions dont ils ont été ou sont
encore victimes dans certains pays d'Europe. Puis il s'occupe longuement de la
question au point de ^ue anthropologique ; sa conclusion, originale, soulèvera
sans doute des discussions parmi les spécialistes, mais elle est appuyée sur tant
de preuves logiquement liées qu'il seznble difficile de ne pas y souscrire. Les
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452 BIBUOGRAPHIE
derniers chapitres sont consacrés au r6le des Juifs dans l'évolution économique
et à la part qu'ils ont prise au mouvement général de la civilisation.
L'ouvrage est précédé d'une excellente préface de M. Paul Brousse, qui a
montré que lliistoire de Tantisémitisme en France confirme pleinement les
thèses de Téminent professeur.
Frédéric LoLiÉE, Tableau de l'histoire littéraire du monde. (Collection des
Livres d'Or de la Science). Un vol. in-18, illustré dé 72 gravures dans le texte
et de 4 gravures hors texte en couleur. Schleicher Frères, éditeurs, Paris. —
Prix : 1 franc.
L'ouvrage de M. Loliée que nous signalons est Thistoirede la pensée, de la poésie,
de la philosophie, des belles-lettres en un mot, d'&ge en &ge, de peuple en peuple ;
les monuments impérissables laissés par les maîtres, en vingt langues diverses,
sont tous mis là à leur place méritée . Leurs auteurs surgissent à nos yeux, en
un défilé majestueux : depuis Tantique Orient, à travers la Grèce et Rome, nous
marchons à leur suite jusqu'aux heures sombres du Moyen Age, pour assister
soudain au réveil éclatant de la Renaissance. L'auteur uous mène ainsi dans
tout le XVII* siècle, dans le xvui*, dans le nôtre enfin, dont sonne la clôture.
Thé&tre, histoire, poésie, philosophie, œuvres de penseurs profonds ou de let-
trés merveilleux, toute branche des lettres a sa juste part que lui fait M. Loliée;
à côté des faits historiques retracés par le Panorama des siècles, se manifeste
l'action morale des grands écrivains qui impriment leur marque sur leur époque
et préparent l'avenir.
EBfiLE DÉifARET, docteur en droit, ancien professeur de l'alliance française à
Smyme, conseiller de préfecture de l'Aube, Organisation coloniale et
Fédération. Une fédération de la France et de ses colonies, avec préface de
M. EuoèNB Etienne, député d'Oran, ancien sous-secrétaire d'Etat aux colonies.
1899. 1 vol. in-8», V. Giard et E. Brière, éditeurs. Paris. — Prix : 5 fr.
Dans cet ouvrage, une idée domine toutes les autres : La France doit être forte
vis-à-vis des nations étrangères et, pour être forte, il faut qu'elle soit une
grande puissance coloniale, comme l'Angleterre, comme la Russie, comme les
Etats-Unis de l'Amérique du Nord. Tel a été d'ailleurs le but de ceux qui, depuis
vingt ans, ont constitué notre domaine colonial. La France possède aujourd'hui
un empire immense.
M. Emile Démaret examine les principaux systèmes de colonisation, en pre-
nant pour exemple trois grands pays colonisateurs. Il s'appuie tout d'abord sur
l'histoire coloniale de l'Espagne pour combattre tous les systèmes d'assujettisse-
ment. La prospérité des colonies anglaises le ferait pencher en faveur de l'auto-
nomie coloniale, s'il ne pensait qu'au-dessus des intérêts locaux il existe des
intérêts généraux, pour lesquels la centralisation est nécessaire. Cest pourquoi
il préconise ime fédération, à l'exemple des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
ou plutôt semblable à celle que poursuivent, en Angleterre, les impérialistes et
M. Chamberlain.
De telles idées méritent d'être examinées avec une sérieuse attention. Elles
provoqueront assurément de très vives controverses ; mais il est bon qu'elles
aient été formulées avec netteté et précision.
Le livre de M. Démaret se recommande de lui-même par l'originalité des idées
qu'il expose. Il est écrit avec sincérité, sobriété et talent.
Le Directeur-Gérant : M. Fourniie.
Pftni. - Typ. A. DAVY. 52, rue Madame. — léléphone.
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Revue Politique &Parlementaire
A PROPOS
DE
LENOilKTE SUR L fii\SEIGNEMENT SEmOAIRE
Lettre à M. Marcel Fournier,
Directeur de la « Revue Politique et Parlementaire ».
Mon cher directeur,
On vient de faire une enquête (les enquêteurs la déclarent
très complète)", sur la réforme de T Enseignement Secondaire.
On a oublié de prendre l'avis d'une catégorie de personnes qui,
pourtant, ont voix au chapitre : les pères de famille qui con-
fient leurs enfants à TUniversité.
Gomment on aurait pu les consulter? J'entends bien qu'on ne
pouvait les convoquer à Paris, sur la Place de la Concorde ni en
province, sur le champ de foire. Mais enfin, sans questionner
tout le monde, — cartons les pères de famille ne sont pas égale-
ment préparés à nous donner, sur ces matières, un avis médité,
— il y a des catégories de citoyens que l'on ne peut écarter d'un
tel débat, sans risquer d'en faire une discussion académique
entre mandarins purs. Ce sont, par exemple, les membres de
nos Chambres de Commerce. Ils représentent dans le pays une
élite de travailleurs qui ont le sens de la vie et qui sont sortis,
à leur honneur, de la bataille des affaires. Comme j^aurais voulu
voir dresser par eux une espèce de cahier de charge des vœux
du. père de famille contemporain I Nous l'aurions présenté très
respectueusement aux grands maîtres de l'Université. Nous
aurions dit :
— Vous nous demandez de vous confier nos fils et de résister
à la tentation de les envoyer dans les écoles qui vous font con-
RSVUS POLIT., T. XX ^0
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454 A PROPOS DE l'enquête. SCR l'e^'SEIGNEMEKT SECONDAIRE
eurrence ? Nous sommes tout prêts à mettre notre confiance en
vous ; à une condition : il ne faut pas vous imaginer plus long-
temps que nos enfants sont faits pour être éduqués par l'Uni-
versité, pour soutenir ses programmes, conquérir ses grades,
peupler les cours de ses professeurs. Ce sont les professeurs, les
cours, les grades, les examens, et l'Université par dessus le
marché qui ont été créés pour nous servir.
' « A cette heure, nous vous coBtons um enfant entre huit et
dix ans, vous nous le rendez entre dix- huit et vingt. A quoi est-
il bon? Le professeur de philosophie qui prononce le discours
au jour de la dernière distribution de prix débite régulière-
ment, au milieu des hochements approbatifs des toques docto-
rales, cette phrase surprenante : « Que savez- vous jeunes
gens?... Votf s avez appris à apprendre, » C'est-à-dire : « L'Uni-
versité ne prétend pas nous avoir directement préparés à la vie,
à aucune espèce de vie pratique. Elle vous a assouplis en vue
des études techniques que, sans doute, vous vous disposez à
poursuivre maintenant dans une Ecole Supérieure »...
Si seulement cela était vrai I Si nos enfants avaient « appris à
apprendre » ! S'ils nous revenaient de leur longue fréquentation
du collège, avec l'esprit « assoupli » ! On nous les rend le dos
rond, avec un estomac dégoûté de toutes ces nourritures litté-
raires ou scientifiques qu'on leur a fait ingurgiter pèie-méle,
par voie d'indigestion, comme on gave les oies pour la broche,
sans jamais chercher à éveiller leur appétit, à proportionner à
leur faim la nourriture qui seule s'assimile.
Vous imaginez bien, mon cher Directeur, que je ne veux pas
sie donner le ridicule de critiquer ici en quatre pages le fond
mèobe de Teziseignement universitaire. Mais bien qu'on ne
m'ait pas convoqué pour me demander mon avis, je le donne — à
cette place avec la certitude que je parle pour beaucoup de pères
de famille mécontents comme je le suis et d'autre part trop
absorbés par leurs a£Faire6 pour avoir le loisir de formuler leurs
griefs.
J'ai ce titre à leur bienveillance : la question de l'éducation et
de Tinstruotion de mes fils ma si fort préoccupé, que j'ai re-
noncé, pour la surveiller avec plus de régularité, à tMis les
plaisirs île la vie nMmdainc. J'ai unitié Paris et je suis venu
m'iastaller dans la ixanlieue pour servir de répétiteur à mes
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A PROPOS DB L'eKQCÊTS SCR L Ë2ISE1GNSVENT SEGOfIl>AIRE 455
fils, en dehors des cours de l'exeellent établissement universi*-
taire qu'ils suivent. Je dis ic eKcellèskt >», car ce ne sont ni len^
seignement ni la direction de cette maison particulière qui sont
en cause. Sur tous les chapitres o<ù la discipline universitaire ne
s'impose pas lourdement^ ceux qui instruisent mes enfants fout
preuve, je le sens, d'initiative aifectueuse, dieons même pater-
nelle. Mais le mot d'ordre leur vient ^'ailleurs, la paperasse et
les règlements les écrasent, les instpectenre les surveftilent, les
programmes sont là, les méthodes ont la tyrannie de dogmes
séculaires.
Je me souviens d'avoir eu^il y a quelques années, une conver-
sation fort intéressante avec le directeur actuel de l'Ecole nor*-
male,M. Perrot. Il était tiMit àfait d'avis qu'osie langue étrangère^
l'anglais ou l'allemand, enseignée par des professeurs instruits,
vaut, pour former la jeunrase, tout autant que du grec ou du
latin. Quel est-il, en effet, le bénéfice le plus net de la traduc-
tion ? Avant cette minute de la vie où l'on pense par soi-même,
la traduction nous impose de trouver des mots pour exprimer
une idée que Ton nous soumet. Cette gymnastique est admira-
ble. C'était le bénéfice le plus œctain de l'éducation classique,
n ne nous restait pasgrand'chose de la fréquentation des auteurs
grecs et latins, mais des longues hésitatiofts que nous avions
eues en face d'ua tecite, dictionnaire en main, du choix méti-
culeux que nous avions tsM si souvent des mots, de l'habitude
que nous avions prise de les peser, nous gardions une aisance
singulière qui sentait son homme de bonne culture^ pour
-exprimer, enfin adultes, les nuaaees de notre propre prisée.
Nous trouvions des mots, des tournures, aulant qu'il nous en
fallait pour vêtir notre sentiment et le produire au dehors de
nous. Ceux qui étaient doués pouvaient embellir cette enve-
loppe avec les grâces de l'art. Tous étaient en état de fournir à
leur pensée rhabillement de la parole.
J'ai été bien heureux de eonsiaier qu'un éducateur comme
M. Perrot acceptait cette idée qui, pooir nous autres, a des
couleurs de certitude : on peut remplacer dans l'éducation
de la jeunesse le grec et le latin par telle langue vivante que
l'on voudra, pourvu qu'on Tettseigne par les procédés qui for-
ment le goût et mettent de la clarté dans Tespril;*
Je crois donc que l'on fait fausse route^ cptand on livre au la-
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456 A PROPOS DE l'enquête SUR l'eNSEIGNEMENT SECONDAIRE
tin et au grec de formidables assauts. Sans doute, il semble à
première vue qu'au bénéfice d'avoir assoupli leur esprit, ceux
qui auront fait Tétude littéraire d'une langue vivante ajoute-
ront le profit d'avoir élargi le champ de leur activité et, par là,
leur puissance de vie. On peut répondre que le latin et le grec
contiennent des exemples de beauté qui sont certainement uni-
ques et qui laissent, après une longue contemplation, une
clarté particulière dans l'esprit. Donc, à mon sens, ceci vaut
cela. Ce qui ne vaut rien, par exemple, ce qui révolte un père
de famille qui y regarde de près, c'est la méthode qu'on emploie
pour enseigner, autour de ce latin, de ce grec, de cet allemand
et de cet anglais, une multitude de notions, certainement indis-
pensables, mais dont d'antiques errements font l'acquisi-
tion stérile.
Je suppose que vos fils soient externes comme les miens. Et
cette solution est bonne entre toutes, car si l'Université pré-
tend donner l'instruction à nos enfants, elle est toute seule à
croire qu'elle leur fournit l'éducation. Le mélange d'enfants
d'origines et de catégories sociales toutes différentes y est la
règle. En dehors de la classe, on y parle l'argot de la caserne et
tous les pères et les mères de famille qui se préoccupent de
faire de leurs fils des gens bien élevés, savent qu'il leur faut
déployer beaucoup de patience et d'énergie pour lutter contre
les inconvénients de cette promiscuité. Nous avons bien lu
ici et là, que c'était la rue qui donnait « mauvais genre » aux
externes. Il est possible que l'Université croie aux bénéfices de
l'internat pour protéger lycéens et collégiens contre le mauvais
air du dehors, mais elle est certainement toute seule à se récon-
forter de cette illusion maternelle.
Quand on s'est mis à surveiller de près la vie scolaire de son
fils, on ne se contente pas de lui redresser l'esprit et la parole
par d'affectueuses observations, on regarde comment il pousse,
on épie sa mine. Soir et matin, quand il rentre du collège avec
sa serviette gonflée de livres, on lui dit, dépité de lui trouver la
figure tirée :
— Va donc jouer un peu...
Chaque fois, on reçoit la même réponse :
— Mais je ne peux pas. . .
On croit qu'il a paressé, qu'il a laissé s'accumuler la besogne .
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A PROPOS DE L^ENQUÊTE SUR l'eNSEIGNEMEMT SECONDAIRE 457
On se fâche, on exige des explications précises, on entre dans
le détail des choses.
C*est lui qui a raison. Un enfant qui demeure à une demi-
heure du collège ne dispose pas, dans toute sa journée, d'une
fleure de récréation pendant toute la durée de sa croissance.
Cela n^est pas seulement barbare, c'est imbécile.
Je ne suis pas de ceux qui croient que nous aurions intérêt à
importer telles quelles dans notre Université les coutumes
anglaises. Mais enfin, quelle différence entre le sort qui est fait
au jeune Anglais et celui que nous imposons à nos enfants pri-
sonniers! Le petit anglo-saxon n'a « classe » que le matin.
Son après-midi lui appartient. Il peut apprendre ses leçons, si
cela lui plait, dans un arbre, gribouiller son devoir à plat
ventre au bord de la rivière. On lui demande seulement de se
présenter le lendemain à la classe avec une leçon sue, des de-
voirs achevés. On a si peur de Técraser par d'inutiles besognes^
qu'on aime mieux lui donner des coups que de Topprimer
sous le fardeau des pensums. Le plus rare bénéfice de cette
éducation, n'est pas seulement physique, il est moral. Cet en-
fant sait, de reste, pour Tavoir entendu répéter à satiété autour
de lui, que le temps, c'est de l'argent. En lui laissant adminis-
trer son temps comme il le veut, on lui confie une richesse.
Plus tard, il saura risquer son argent à propos comme il a su
disposer de son loisir. Ainsi ceux qui lui ont donné la liberté
ont éduqué en lui la première de toutes les qualités dont
l'homme moderne a besoin : l'initiative.
Entendez-vous cela, Messieurs de l'Université? L'initiative.
Ce n'est pas d'hommes de goût, de lettrés qui traduiront Horace
en vers que nous avons besoin, c'est d'hommes d'initiative, de
Français qui, commerçants et colons, aillent fonder au dehors
une autre France. Or, ces Français-là, vous ne nous les pré-
parez pas.
Quand j'ouvre la « serviette » de mes fils, j'y trouve un ca-
hier d'histoire, un cahier de géographie, un cahier de physique,
un cahier de chimie, un cahier d'histoire naturelle, un cahier
de mathématiques... que sais-je ! Et quand je demande à quoi
servent tous ces cahiers-là, on me répond :
— Notre professeur dicte son cours. Ensuite, nous le reco-
pions à la maison, avec une belle marge, sans pâtés...
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158 A PROPOS BE l'bnqoéte SUR l'bnsbigiobmkiit secondairb
C'est bien cela. Le proléseettr dicte, les «ofiEtnt» reecipient. Et
huit ans de la vie y passent. A cet exercice Btupide, le maître
derient promptemeni un routinier débarrassé de tout effort
personnel, Teafant im scHbe, un expéditeur, ua eaadidat aux
fonctions de paperasBt rie qui sembteBt, à la fi» du xix* siècle^
après trente ans de République, Tidéal de la Tie pour un citoyen
fran^is.
Je suis allé trouver des proviseur» et des primcipaux de col-
lège. Je le«r ai dit :
-^ Mais, Messieurs, cette pratique de dictée et de recopiage est
tout bonnement criminelle. Elle diminue le maître autant que
rélève. Elle emplit à elletouie seule les trois quarts delà vie
scolaire. Elle est un obBtacle aux jeux^ A la réèexiou. A quoi
bon, s'il vous plait, nous faire acheter an défctit de Tannée, tant
de livres d'histoire, de géographie et de science, si les enfants
ne «lorvent pas les ouvrir, n c'est le cours dicié du profesievr
qui représente pour eux la bonive doctrine ? Une pareille pra-
tique, niaise quand il s'agit d'histoire ou de géographie, devient
déplorable en matière de science. Voilà par exemple le profes-
seur de mathématiques qui dicte comment se comportent deux
triangles. L'enfant entend une lettre pour l'autre, vm C. pour
un E. et toute la démonstration devient incompréhensible.
Messieurs les professeurs sont libres, j'imagime, de choisir ao
début de Tannée, les livres qui leur conviennent le mieux.
Nous les payons fort docilement. Nous acceptons qu'on nous les
fasse changer toutes les années. 11 n'est pas possible que dans
le nombre de ces histoires romaines, de ces cours de chimie
élémentaire et de ces traités de géométrie, il ne si'en trouve pas
un .^eul qui reflète à peu près les tendances de Tesprit et de
Tenseignement du naître. Nous aimerions mievx lui voir passer
à interroger ses élèves, — ce qu'il ne fait guère, — le temps
qu'il consume à dicter.
On m'a répondu par ces deux arguments typiques :
i* Si nous ne faisions pas recopier à nos internes et à nos
domi-pensionnaires leurs rédactions d'histoire, de géographie,
de chimie, do mathématiques, etc., à quoi voudriez- vous qu'on
los occupât « pendant Tétude »?
2^ Le professeur interroge fort peu parce qu'il lui est mal
aisé, pendant ce temps-là, de faire tenir tranquilles les jeunes
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A PROPOS DE l'enquête SUR l' ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 459
gens qu'il n'interroge pas. Ils causent, ils dessinent, ils lancent
des boulettes, ils gravent leurs noms dans les tables...
Avouerai-je que ces deux arguments ne m'ont pas convaincu?
Il m'a paru au contraire qu'ils nous donnaient mille fois rai-
son à nous autres les parents qui voulons du repos, de la liberté,
du jeu et de l'initiative pour nos fils. En effet; si les internes et
les derai-pensioniiaireft me Bavent que faire pendait les études,
usez-en avec eux comme les Anglais avec leurs pupilles. Don-
nez-leur la liberté de jouer ou d'aller explorer à leur gré les
bibliothèques du collège. Quant aux interrogations que la pré-
sence des camarades rend impraticables, faites-en des tête à
tête hebdomadaires entre le maître et chacun de ses élèves. Ce
n'est pas un système que j'invente. On le pratique dans les
classes élevées, autour de la préparation aux grandes écoles.
Cela s'appelle des « colles » et l'on a fort raisonnablement
estimé que dans ces tète à tète entre le maître et Télève, on pou-
vait "se rendre compte en quelques minutes accordées à chaque
écolier, du degré exaet de la préparation et de la culture.
Lorsque Gustave Flaubert voulut dresser deux images épi-
ques du Français moyen de notre génération, il imagina ces
deux êtres symboliques, Bouvard et Pécuchet, dont la triste
odyssée est eomiae une résurrection des mésaventure de Can-
dide. Après avoir tenté tous les efforts, échoué dans tous, parce
que le don de juger par eux-mêmes leur manque, ils finissent
par se rasseoir devant un bureau à double pupitre. Ils achètent
des registres, des sandaraques, des grattoirs, puis ils découvrent
ce remède à leurs déboires, ce réconfort à leur impuissance :
« copier comme autrefois. »
L'Université, mon cher Directeur, est en train de forger pour
l'avenir une armée de petits Bouvard et de petits Pécuchet qui
n'auront même pas une belle main et que l'avènement de la ma-
chine à écrire peut priver de pain dans un prochain avenir. Il
faut les décourager de marcher dansscette voie où on les pousse.
Nous avons vu ces temps-ci beaucoup de ligues dresser leurs
têtes à l'horizon. J'en voudrais une des pères de famille contre
le professeur qui dicte au profit de l'enfant qui jouera davan-
tage et qui, dès le collège, comme le petit Anglais, formera son
initiative en administrant son loisir.
Hugues le Roux.
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LES LOIS
ET
LES RÈGLEMENTS D ADMINISTRATION PURLIOIIE
Evolution de notre droit public. — Retour au droit prétorien. —Règlement d'ad-
. ministration publique devenant le complément indispensable de toutes les
lois d'ordre économique et fiscal. — Impossibilité de savoir à partir de quelle
date certaines dispositions législatives sont exécutoires. — Loi sur les alcools :
loi sur les accidents. — Caractères juridiques des Règlements d'administration
publique. — Difficulté de déterminer les cas où la loi n*est obligatoire qu>près
la publication du Règlement d'administration publique. — Incohérence légis-
lative. .— Réformes nécessaires : 1* Méthode expérimentale; 2» GoUaltora-
tion des pouvoirs qui participent à Tèlaboration des lois et coordination du
travail parlementaire.
Notre droit public subit une évolution. Les grandes assemblées
de la Révolution eurent la gloire d'entreprendre cette œuvre
admirable de la codification des lois, qui fut poursuivie sous le
premier Empire et qui, pendant la première moitié du xix® siècle
plaça la France, au point de vue juridique, à la tête des nations
civilisées.
Depuis vingt ans, non seulement les assemblées législatives
n'ont pu aboutir à la révision de nos Godes surannés, non seu-
lement elles ont pris Thabitude d'émietter leur travail, de le
fragmentera Tinfini, de voter, sur un même sujet, des lambeaux
de textes, que la jurisprudence s'efforce de coudre les uns au
bout des autres, sauf à faire craquer les pièces disjointes d'un
tissu effiloché, mais la plupart des lois, même celles qui ont
l'objet le plus restreint et le pluslimité, sont incomplètes, inap-
plicables, inexécutoires, et se terminent par cette formule
devenue classique : « Un règlement d'administration pu-
blique déterminera les conditions d'application de la présente
loi. »
M. de Savîgny a signalé, dans l'antiquité romaine, au sujet
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LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d'aDMINISTRATIO?^ PUBLIQUE 461
(lu droit prétorien, une évolution analogue à celle qui se produit
dans notre droit contemporain, et M. Accarias a écrit sur les
édits du Préteur, des observations qui semblent s'appliquer à
nos règlements d'administration publique.
« Le préteur, dit Téminent jurisconsulte, avait pour mission d'assurer
Tapplication du droit civil, de faire appliquer les lois; il en vint bientôt à
les compléter dans Pédit qu*il rendait en entrant en fonctions ; il se per-
mit de créer des règles nouvelles et de faire en quelque sorte concurrence
au pouvoir législatif.
« Il agissait par délégation du peuple, dont il recevait Vimperium.
« Au fur et à mesure de Tagrandissement de la cité romaine, la difficulté
de faire aboutir les projets de loi dans les comices augmenta, et parmi
les causes qui ont favorisé la merveilleuse fortune du droit prétorien h
Rome, celle-ci n'est pas la moindre. » {i)
Nous pouvons constater que les. Règlements d'administration
publique ont acquis à Theure présente, par leur nombre, sinon
par leur mérite, ia merveilleuse fortune des édits du Préteur,
et que la difficulté de faire aboutir les projets de loi^ au Parle-
ment de 1899 comme aux Comices de Tan 50 avant Jésus-Christ,
a assuré aux Règlements de la République française le même
succès qu'aux Edits de l'antiquité romaine.
Si, dans Tordre politique, Tincohérence des travaux législatifs
et la violation permanente des principes essentiels du régime
parlementaire peuvent être Tune des causes de la multiplicité des
décrets d'administration publique, il est juste de reconnaître
que, dans l'ordre économique, cette multiplicité est la consé-
quence logique et fatale des difficultés de détail que soulève la
législation industrielle et commerciale. Quand on consulte
l'œuvre admirable de notre grand Colbert, on constate que, si
les Règlements relatifs au travail des divers métiers étaient re-
marquables au plus haut degré par leur clarté, leur prévoyance cl
leur précision, ils ne brillaient pas par le laconisme. Sans parler
de la législation anglaise, qui repose sur l'adjonction de textes
nouveaux aux textes anciens et sur l'enchevêtrement de diàpo-
sitions multiples, contradictoires, systématiquement mainte-
nues et religieusement conservées, si on lit le bill Dingley ou
(1) n y a un point commun entre l'édit du Préteur et le Règlement d'adminis-
traUon publique. Ces deux actes statuent d'une façon générale et ont force obli-
gafoire^pour tous les citoyens. Us différent des décision judiciaires et des docu-
ments de jurisprudence, qui ne font qu'interpréter la loi dans des espèces déter-
minées.
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462 LES LOIS EX LES RÈGUSMENTS D'ABMUflSTRATiaR PUBLIQUE
tel autre documenEit du régime douanier des Btat&-Uni6, si on
parcourt les lois allemandes et leurs annexes si complètes, si
bien étudiées, si mûrement préparées, et si on fait un parallèle
entre notre œuvre législative et les textes allemands ou amé-
ricains relatifs aux mêmes objets, on ne peut méconnaître que
nos lois les plus compliquées et même agrémentées des Règle-
ments d'administration publique les plus volumineux, sont en-
core, lorsqu'on les compare à celles des autres peuples, des
modèles de concision.
A pcu'tir de quelle date est obligatoire une loiy dont les condi-
tions d'applicêUion sont déterminées par un Règlement d admi-
nistration publique ?
Quoi quil en soit, Tapparition dans notre législation de nom-
breux règlements d'administration publique, annexés à des lois,
nous oblige à examiner plusieurs questions, qui se posent dans
le domaine des faits comme dans le domaine de la théorie, et
qu'il faut résoudre, tant au point de vue des principes juri-
diques qu'au point de vue des intérêts industriels et commer-
ciaux, menacés par Tincertitude de la législation qui les
régit (1).
Il faut notamment préciser quels sont les caractères des
Règlements d'administration publique, quelle est leur force
juridique, quels sont leurs rapports avec les lois dont ils règlent
Tapplication. L'examen de ces questions de doctrine est indis-
pensable pour arriver à la solution de la question pratique au
suprême degré, qui se pose en ces termes : « A partir de quel
moment une loi, qui doit être suivie d'un Règlement d'adminis-
tration publique est-elle obligatoire? Est-ce à dater de sa pro-
mulgation ? Est-ce à dater de la publication du règlement?
Cette question sera peut-être posée devant les tribunaux au
sujet de l'application de la loi relative aux accidents du travail ;
elle a failli être soulevée au sujet de la loi relative au régime
fiscal des alcools dénaturés et à diverses mesures concernant les
alcools.
(1) Il n€ faut pft» oublier que le droit fait partie dn sciences sociales et qnll
est destiné à faroriser le déreloppement de la richesse poWiflfwe. (Mioghetti —
Des rapports de Véconomie politique avec la morale et le droit.
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hSA LOifl ET LB8 RÈGLEMENTS D'ADMUIIfiTRATIOK PUBLIQUE 46$
hk LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LA LOt SUR LE RÉGIME
FISCAL DES ALCOOLS DÉNATURÉS
La loi sur les Accidents dit Travail a été promulguée le
9 avril 1898; son article 33 est ainsi conçu : « La présente loi
(c ne sera applicable que trois mois aprùs la publication offi-
« cielle des décrets d'Administration Publique qui doivent en
« régler Texécution. »
Le 28 février 1899 parurent trois décrets, portant règlement
d'Administration publique pour Texécution des articles 26, 27
et 28 de la dile loi. Ces trois décrets furent suivis de décrets
ordinaires et d'arrêtés ministériels, en un mot, de tous les actes
destinés à assurer VeKécution des lois (I). U y a même lieu de
remarquer que certains de ces arrêtés, comme ceux du 30 mars
visaient spécialenxent certains articles du décret du 28 fé-
vrier 1899, et avaient pour unique objet de les compléter.
C'est dans ces conditions que fut posée au Sénat et à la Cham-
(1) Le 1*' OMK tt99, on arrêté ministériel instltiia un ComUé Consultatif des
assurances contre les Accidents du Travail. Le 5 mars, un décret fixa les émolu-
ments alloués aux greffiers des Justices de Paix pour leur assistance aux actes
de notonétô et pomr les aetes de la procédure réglés par la lui du 9 avril 1896.
Le 29 mars 1899, un arrêté mioistériel détermina les bases des cautionne-
ments devant être constitués par les sociétés d'As urances contre les Accidents
du Travail. Le dOonrs, parwreai trois nonveaux arrêtés ministériels : le premier
déterminant les groupements d'industrie prévus par l'article 6 du décret du
28 février 1899, en ce qui concerne les sociétés mutuelles d*assurances contre
les accidents du travail ; le second, déterminant les pHmes prévues à Tarticle 5
du décret du 24 février 1899, et à l'article 2 de l'arrêté ministériel du 29 mars de
la même année, relatif aux sociétés d*assurances contre les accidents ; le troi-
sième, accompa^éde plusieurs annexes, notes et tableaux, déterminant le barème
rninimum pour la vérification des réserves mathcmaliques des sociétés dUissu-
rances contre les accidents du travail. Le 31 mars, un arrêté ministériel fixa les
conditions de recrutement dies eomwùssaires'contrâleurs des sociétés d^assurances
contre les dits accidents. Le 9 avril 1899, un arrêté ministériel fixa le cadre et
les conditions d'avancement de ces commissaires-contrôleurs. Le 2 mai, un
décret institua une commission consultative, chargée d'examiner les questions
relatives à l'application de l'article 5, de la loi du 9 avril 1898. Le 5 mai un
arrêté ministériel vint compléter ceux des 29 et 30 mars, relatifs aux sociétés
d Assurances-Accidents. Le 10 mai parut un décret relatif à Tapplication de
l'article 6, de la loi du 9 avril 1898.
Nous nous abstenons de mentionner que c*est seulement à la date du 15 mai,
que fut déterminée la composition du comité consultatif des assurances contre
les accidents du travail, et qu'à la date du 17 mai seulement parut le décret du
ministère de l'Intérieur prescrivant les conditions dans lesquelles les sociétés de
secours mutuels pouvaient donner leur concours aux chefs d'entreprise, en cas
d'accidents. Peut-être de nouveaux décrets seront-ils publiés dans l'intervalle qui
va s'écouler entre le jour où nous écrivons ces ligues et celui où elles seront
publiées I
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464 LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d'aDHINISTRATION PUBLIQUE
bre, la question de savoir si la loi du 9 avril 1898 devait être
appliquée à partir du 1«' juin 1899, c'est-à-dire trois mois après
les décrets du 28 février de la même année.
Nous reconnaissons que la discussion ne s'engagea pas sur le
terrain juridique.
A la séance du Sénat du 15 mai, les orateurs qui deman-
dèrent la prorogation de l'application de la loi ne firent valoir
que les circonstances défait, qui en nécessitaient Pajournement.
De son côté, M. le ministre du Commerce se contenta d'affirmer
son droit d'appliquer la loi le 1*^' juin, pour cette unique raison
que les décrets d'administration publique remontaient au
28 février. Il se garda bien de reprendre la théorie si intéres-
sante qui a été soutenue avec tant d'autorité par MM. Laferrière,
Aucoc et par les plus éminents jurisconsultes et qui consiste à
distinguer parmi les décrets réglementaires : les règlements
ùmplesy pris en vertu des pouvoirs que le chef de l'Etat tient
de la Constitution, et les règlements (T Administration publiqtie
pris en application de textes de loi et après avis de l'Assemblée
générale du conseil d'Etat. Il ne prétendit pas que ces derniers,
faits en vertu (Tune délégation formelle du pouvoir législatifs
avaient un caractère différent des premiers et constituaient en
quelque sorte, « des lois de second ordre ».
Le Sénat, laissant de côté les questions de doctrine, et ne visant
que le préjudice causé aux intérêts des ouvriers et à ceujL de
l'industrie nationale, par une application prématurée de la loi
du 9 avril 1898, vota un projet de résolution de MM. Sébline et
Thévenet ainsi conçu : « Le Sénat invite le gouvernement à
« présenter d'urgence un projet de loi prorogeant l'application
« de la loi du 9 avril 1898; cette prorogation ne pourra excéder
« un mois, qui prendre cours à partir du jour où la Caisse des
« Accidents aura publié ses tarifs au Journal Officiel^ et admis
« les Industriels à contracter des polices. »
Au Palais-Bourbon, la discussion s'engagea dans les mêmes
conditions qu'au Luxembourg, et, à la séance du 16 mai, la
Chambre adopta un amendement de MM. Trannoy et Laroche-
Joubert, ainsi conçu : « La loi du 9 avril 1898 ne sera appli-
« que qu'un mois après le jour où la Caisse des Accidents aura
« publié ses tarifs au Journal Officiel^ et admis les Industriels
i< à contracter des polices, et où ces tarifs auront été approuvés
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LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d' ADMINISTRATION PUBLIQUE 405
« par décrets rendus sur le rapport du ministre du Commerce,
« de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes, et du Ministre
M des Finances. »
Aux termes d'un autre amendement, la Chambre décida que,
quoi qu'il dût arriver, la loi serait applicable à partir du
l*^-- juillet.
Ce dernier vote, qui a été confirmé par le Sénat, a supprimé
les contestations, qui auraient pu être soulevées sur l'applica-
tion de la loi à la date du l*"^ juin, sur l'interprétation à donner
au délai de trois mois, prévu par l'article 33 de la loi du
9 avril 1898, et sur le caractère des décrets d'Administration
publique mentionnés à cet article.
Au point de vue juridique, nous n'hésitons pas à soutenir
que si une loi nouvelle n'avait pas, en termes formels, fixé au
l*** juillet 1899 l'application de la loi du 9 avril 1898, cette loi
n'aurait pu être appliquée que trois mois après le dernier décret
relatif à son exécution, c'est-à-dire le 17 août. Nous sommes
convaincu que, si des poursuites avaient été dirigées devant les
tribunaux, pour des infractions à cette loi commises antérieure-
ment à cette date, l'autorité judiciaire n'aurait pas admis la
doctrine de M. le ministre du Commerce sur le point de départ
de l'application de la loi du 9 avril. Les tribunaux auraient
certainement constaté que les décrets et les arrêtés ministériels
postérieurs aux règlements d'Administration publique du
28 février, complétant ces règlements, formant corps avec eux,
permettant, comme eux, aux industriels de contracter de nou-
velles assurances, devaient entrer en ligne de compte dans le
délai de trois mois fixé pour l'exécution de la loi.
Us auraient décidé par conséquent, que l'expression « règle-
ments d'Administration publique », interprétée dans un sens
large, devait s'entendre de tous les actes d'exécution indispen-
sables à l'application de la loi .
Si cette interprétation n'était pas admise, il dépendrait
du caprice ministériel de rendre, au lendemain du vote d'une
loi, un décret d'Administration publique dans les termes les
plus vagues et les plus généraux, d'appliquer cette loi en vertu
de ce décret, et ensuite, après un délai, plus ou moins long, de
prendre toutes les mesures effectives de contrôle et d'exécution
réellement indispensables pour l'application rationnelle d'une
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46tf LES LOIB BT LES RÈGLCHE?a'3 d' ADMINISTRATION PUBLIQUE
législation, qui, en fait, aurait été appliquée depuis plusieurs
mois.
Comme Ta écrit avec raison M. Bertheiémy : <* Il n'y a nulle
(c di£Eërenca, en pratique, entre le décret et la loi ; on n'est pas
« moins lié par Tun que par Tautre, pourvu naturellement que
« le décret soit légalement pris. » Pour que les citoyens soient
liés, il faut donc que to<usIes décrets complétant une loi soient
publiés avant que cette loi devienne obligatoire.
La loi relative au régvne fiscal de!^ alcools dénaturés a donné
lieu aux mêmes difficultés que celle concernant ks responsabilités
des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail .
La loi sur les alcools a été promulguée le 17 décembre 1897. Le
Règlement d^administration publique, rendu par délégation de la
loi et destiné à détenuiner ses conditions d'application, a été pu-
blié le 2 décembre 1898. On s'est demandé si des négociants,
astreints parla loi du ITdéc^nbre 1897 à de nouvelles taxes fis-
cales, dont le mode de perception n'a été fixéque par le règlement
du ^décembre 1898, pourraient être astreinte, postérieurement
h cette date, au paiement de taxes qui étaient échues en vertu
de la loi, pendant la période écoulée du 17 décembre 1897 au
2 décembre de Tannée suivante, mais qui n^avaient pu leur
être réclamées pendant cette période, puisque la régie ne savait
pas comment elle pourrait les percevoir. En fait, le ministre des
Finances a renoncé à cette perception des taxes nouvelles dans
rintervalle qui a séparé la promulgation de la loi et la publica-
tion du règlement. Mais la question de droit subsiste et elle
mérite un examen attentif, parce qu elle engage les intérêts
industriels et commerciaux les plus considérables.
Un négociant et un manufacturier ne peuvent ignorer le ré-
gime fisœl sous lequel ils travaillent. Il faut <iu'il6 sachent à
partir de quelle date est obligatoire une loi qui prévoit elle-
même, dans Tun de ses articles, qu'un Règlemeirtd'administra^
tioa publique devra déterminer ses conditions d'application (1).
(1) Bien que l'objet de notre article soit une question de doctrine pure, il est
indispemable de montrer , par on exemple précis, lee djffieultéé que soulève le
caractère indéterminé des Bjèiglements d'administrati^a |>ubii<9ie.
Avant 1897, les négociants en alcool bénéficiaient d'une décharge de 7 p. 100
sur leurs alcools, quelle que fût la nature du récipient Fenlérmaat le produit.
L'article 10 de la loi du 16 décembre 1S97, a décidé ^'A Tai/ieBirdi AenôtiaiidU-
tinction, quant aux déductions à accorder pour mauquants aux entrepositcUres
^Talcools, entre les spiritueux logés dans des réOipieKts etk Ms ^ ^Mox logée
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LES LOIS £T LB8 RÈGLEMENTS d'aDMIMISTRATION PUBLIQUE 4 67
Câkâgtérbs juridiques des règlements d'administration publique
1/expression règlements d'cuiministration publique n'a pas
dans dee récipients autres que ceux en bois, les premiers continuant à jouir de la
déciiarf^e de 7 p. 100, les autres n'obtenant plus que 3 p. 100 l'an.
Non seulement, la loi n'indiquait pas dans quelles conditions serait appliquée,
la décharge différentieHe du 3 p. 10) et du 7 p. 100, mais le dernier paragraphe
de son article 10 était ainsi conçu :
•* Un règlement d'administration publique déterminera les conditions d'applica-
tion du présent article et des articles 7, 8 et 9 >».
Ce Règlement a paru trois cent cinquante et un Jours ai^rès la promulgation de
la loi, le 2 décembre 1898.
Pendant ces trois cent cinquante et an jours, il a été fait par la régie, au
moins dans certains départements, des recensements avec distinction de la
nature des récipients, mais la déJuction uniforme de 7 p. 100 a été accordée aux
négociants, comme si la loi de 1897 n'existait pas.
Après le Règlement du 2 décembre 18^8, la régie s'est présentée chez les négo-
ciants ayant des récipients en verre ou en métal et leur a réclamé la différence
de déduction du 7 p. 100 et du 3 p. 100 pour la période écoulée entre le 17 dé-
cembre 1897 et le 2 décembre 1898, c*efit-à-dire entre la promulgation de la loi et
la publication du règlement d'administration publique.
Devant cette prétention de l'administration des Ck)ntributions indirectes,
M. Marcel Delaune et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de
loi, ainsi conçu :
Artiglb uioque. — Le paragraphe 8 de l'article 10 de la loi du 16 décembre 1897
est modifié ainsi qu'il suit :
Un Règlement d'administration publique déterminera les conditions d'applica-
tion du présent article et des articles 7, 8 et 9.
Toutefois, pour l'année 1898 seulemeat et pour les marchands en gros, liquo-
ristes, etc., qui n'auront pas réclam ^ le bénéfice de la déduction supplémentaire
prévue au paragraphe 3 ci-dessus, le» comptes de fin d'exercice seront réglés
d'après le taux uniqae existant de 7 p. 100, quelle que soit la nature du loge-
ment.
—Ainsi, ce fut par une loi nouvelle que le pouvoir législatif voulut fixer ht date
d'application d'une loi antérieure et trancher l'équivoque résultant de l'insuffi-
sance d'un texte législatif et du retard apporte dans la publication du règlement
destiner à le compléter.
Sj a-t-il pas là un fait absolumsAt anormal, au point de vue juridique, et sou-
verainement inquiétant, au point de vue économique ?
La proposition de M. Marcel Delaune fut renvoyée à \sk Commission de VAgricul
turcy qui apporta à son étude autant de soin que d'activité et n hésita pas à
l'adopter sans réserve. Mais cette Commission voulut enteudre le ministre des
Finances et le directeur général des Contributions indirectes.
Le gouvernement prit l'engagement d'accueillir avec biaaveillaxice les récla-
mations des négociants qui n'avaient pas bénéficié de la décharge de 7 p. 100
pendant la période litigieuse. En d*autres termes, il renonça à la prétention de
leur faire payer la décharge qui leur était imposée par la loi du 16 décembre 1897,
pendant le temps écoulé entre la promulgation de cette loi et la publication du
Règlement ; il ne fit produire à la loi ses effets que postérieurement à la date du
2 décembre 1898, o'est-à-dire postérieuremeat au décret déterminant ses condi-
tions d'application, et il admit, non en principe, mais en fait, qu'il n'avait
aucun droit à réclamer des taxes étabfles, mais non réglementées par une loi.
Dans ces conditions, M. Marcel Delaune et la Commission de VAgricuUure
obtinrent satisfaction. La proposition de l'honorable député n'a pas été rapportée.
11 n'y a pas eu conflit entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Mais théo-
riquement la question de la date à partir de laquelle les M» suivies de décrets
ont forée ofoligatt^ed^MlmiaiBfapation ptdbfique roft« entière etnérite un sérieux
examen.
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468 LES LOIS £T LES RÈGLEMENTS d' ADMINISTRATION PUBLIQUE
dans notre langue juridique toute la netteté désirable (1).
Dans son acception la plus large, elle désigne tous les rè-
glements généraux que fait le Chef de TEtat pour assurer Texé-
cution des lois. Cette exécution nécessite des prescriptions
secondaires adressées aux administrateurs et aux citoyens.
Les décrets réglementaires sont donc le complément de la loi.
Ils établissent certaines règles générales qui facilitent Tappli-
cation de l'œuvre législative. Ces décrets ont, comme la loi,
la généralité de disposition et la force obligatoire ; « mais, tan-
dis que la loi est initiale et générale, le décret n^'intervient que
pour fixer les détails de son exécution » (2).
Le pouvoir réglementaire, d'après notre Constitution, est un
des attributs du pouvoir exécutif. Cet attribut est limité et ce
pouvoir doit se borner à assurer Texécution de la loi, sans
ajouter à ses dispositions, sans notamment prononcer des
peines ou imposer des taxes.
Nous n'admettons pas, en effet, que le pouvoir législatif puisse
être délégué. Nous n'acceptons pas la doctrine ainsi formulée
par M. Laferrière :
« La délégation législative, qui provoque un Règlement d'ad-
« ministration publique, a le caractère d'un mandat donné par le
(( législateur et communique au mandataire une partie de la puis-
« sance législative. Cela est si vrai, que le Chef de TÉtat peut,
« en vertu de ce mandat spécial, édicter des dispositions qui
« excéderaient son pouvoir réglementaire, notammentdesdispo-
« sillons pénales. On doit donc reconnaître aux règlements d'ad-
« ministration publique un carojctère légUlatif^ qui les affran-
« chit, en principe, de tout recours contentieux. »
Nous estimons, au contraire, avec M. Berthélemy : que, par
des règlements d'administration publique, les lois ne confèrent
au gouvernement : ni le droit d établir des pénalités, ni celui
fF établir des taxes ^ ni celui de créer des juridictions (3).
Avec réminent professeur de la Faculté de Droit, nous
reconnaissons que, plus nos lois pénètrent dans le domaine
commercial et industriel, plus elles exigent l'intervention des
règlements d administration publique, fixant la quotité des
taxes et des tarifs et organisant des contrôles fiscaux.
(1) M. Lnimihxe. JuridicUon administralioe^ t. 2.
(2) Bœuf. Droit adminislratif,
(3) V. Revue Politique et Parlementaire àe janvier et février 1808. — Le pouvoir
réglementaire du Président de la République, par M. M. Berthélemy.
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LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS D'ADM1^*ISTRATI6N PUBLIQUE 4<59
Mais, le principe de ces taxes, de ces tarifs et des pénalités
fiscales doit être posé dans un texte formel de loi. 11 ne saurait
appartenir à des règlements d'administration publique de les
établir. Ces règlements ne peuvent qu'en fixer la quotité.
On peut regretter de trop fréquentes interventions législatives
dans les questions, dont la solution appartient à l'initiative indi-
viduelle ; on peut regretter que les progrès des idées démocra-
tiques ait entraîné les législateurs à la conception de la Loi-
Providence.
Néanmoins, si, dans le domaine politique, il est vrai «que
toute loi nouvelle est une restriction à notre liberté », il faut
reconnaître que, dans le domaine économique, une législation,
qui ne tient pas compte de l'évolution des phénomènes de la
nature et de la science, compromet les intérêts industriels et
commerciaux du pays auquel elle s'applique.
Le développement si redoutable pour nous de la production *
des Etats-Unis et de l'Allemagne a pour principale cause la
souplesse de la législation économique de ces deux pays, de
même que l'élasticité des bills anglais a, depuis longtemps, con-
tribué à la prospérité du Royaume-Uni. Si, depuis 1870, la pro-
duction du sucre s'est élevée en Allemagne de 217.195 tonnes à
1.725.000 tonnes en d898, et en Autriche de 151.353 tonnes à
1.040.000 tonnes, tandis qu'en France, elle n'est passée que de
289.321 tonnes à 835.000 tonnes (1), il faut chercher la cause
de notre stagnation relative et des immenses progrès de nos
rivaux, dans les lenteurs de notre méthode parlementaire, dans
les défiances que provoque en France, aux yeux des économistes,
toute protection industrielle, et, aux yeux des socialistes, tout
développement de la richesse nationale, et dans les difficultés
que rencontre au Palais-Bourbon le vole de toute réforme éco-
nomique.
Ce qui s'est passé pour les sucres s'est passé pour les
alcools.
En France, de 1872 à 1897, le Parlement a voté une seule loi
relative aux alcools dénaturés. Il n'a jamais discuté le moindre
projet ayant pour but de favoriser les distilleries agricoles.
En Allemagne, de 1879 à 1898, leReichstag a \oté six lois,
(l) V. le Prof. Paasche (Hundel und stalislik des Zuckers. — F. 0. Litsch, de
Magdebourg. Bulletin de Statistique, 20 mai 1699.)
31
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470 LES LOIS ET LB9 Kte&BMENTS d' AJOiXBSiimtUkTKm PQDLIQCE
ayant ce double objet, et le gouyemement a ajoaté à la l^isla-
tion d'innombrables dispositions fiecales, destinées à faToriser
l'industrie des alcools.
Résultats : En 1879, T Allemagne produisait 23.278 hectolitres
d'alcool dénaturé et la Fraoce 24.528. En 189ft^l8ô7, la France
en a produit 138.560; et l'Allemagne, 867.458. — En Allemagne,
il existe 12.500 distilleries agricoles, aérant produit, en 1898,
2.618.319 hectolitres d'alcool. En France, il y en a 223, qui pro-
duisent, annuellement, environ 20.000 hectolitres.
Tous les deux ou trois ans, depuis plus de vingt ans^ VÂlle-
magne a modifié sa législation sur les alcools et sur les sucres,
de façon à en développer la production, tandis que notre princi-
pale préoccupation a été de faire de ces produits les éléments de
grosses recettes fiscales.
Nous ne regrettons donc pas, avec M. Berthelémy, que dans le
domaine économique « l'exagération de Tactivité législative ait
été aggravée par Tusage excessif de Tautorité réglementaire. >»
Ce que nous reprochons à nos lois, à nos règlements d'admi-
nistration publique, aux décrets et aux arrêtés ministéiriels, œ
n'est ni leur nombre, ni la minutie de leurs détails, ni la multi-
plicité de leurs prescriptions, c'est leur rigueur fiscale, leur
lenteur, leur défaut de coordination., c'est leur esprit exclusive-
ment administratif, c'est leur absence d'esprit commercial.
C'est par suite de l'incohérence des Lois et des Règlements
que, depuis quelques années seulement, les jurisconsultes ont
eu à se préoccuper de la date, à partir de laquelle était obli-
gatoire une loi, devant être accompagnée d'un Règlement d'ad-
ministration publique.
Pendant les 3/4 desiècle, qui séparent l'époque contemporaine
de l'apparition ducode civil, les anciens auteurs, si nombreux
et si documentés, qui ont disserté sur notre code, n'ont pas eu à
envisager l'hypothèse d'une loi qui, bien que promulguée, ne
doit être applicable que plusieurs mois après sa promulgation^
hypothèse devenue classique et étudiée dans les récents ou-
vrages de droit, notamment dans les traités de M. Hue et de
MM. Raudry-Lacantinerie et Fourcade (1).
(1) Sans avoir la prétention de dresser une statistique complète des lois
récentes, qui ont été accompagnées de règlements d'administration publique,
nous croyons intéressant de constater que, sauf quelques exceptions, les lois
économiques, fiscales et administratives sont ceUes qui donnent lieu à ces régie-
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LBS LOM ET LB« RÈGIJaiEffTS D'ADHIIITSTaATTON PCBLIQUB 471
u Parfois, disent MM, Baudry Lacantinerie et Houqueâ Four*-
cade [Des personnes^ tome I®', 71), la publication de la loi ne la
ments, qui n'mterviemient pas dans les lois relatives ou droit ciril, au droit
commercial et au droit pénal.
11 n'a pas été question de faire compléter par des décrets rendus au CoBseil
d*Etat :
La loi du 6 février 1893 relatiye à la séparatioD de «orps ; ni la loi sur le domaine
coDgé«tble, ni celle du 1^' août 1898 sur les sociétés par actions; ni la loi du
8 décembre 1897, sur Tinstruction co«ntradictoirB ; ni la loi du 2A décembre 1807
relative au recouvrement des frais dus aux notaire», avoués et huissiers; ni la
loi du 2S Janvier J898 relative aux tribunaux de commerce et à l'électorat conféré
aux femmes pour l'élection des magistrats consulaires; ni la loi dulbfévritr 189&
relative au commerce de brocanteur; ni la loi du 16 février 1898 relative à la
chasse ; ni la loi du 1*' mars 1898 relative au nantissement d'un fonds de com-
merce ; ni la loi du 4 mars 1898 relative à la destruction des pigeons voyageurs ;
ni la loi du 10 mars 1898 relative k la réhabilitation et aux condamnés ayant
prescrit contre l'exécution de la peine; ni la loi du 10 mars 1898 relative à la desti-
tution des officiers ministériels et à ses conséquences relativement aux droits
électoraux.
Mais voici, d'autre part, une série de lois, presque toutes d'ordre économiijue
et fiscal, qui ont d6 être complétées par des Règlements d'administration publique.
Nous reproduisons les articles qui stipulent ce complément législatif, parce que les
termes différents, dms lesquels les Règlements sont prévus, indicfuent les carsBc-
tères divere de ces actes.
Loi du 3 août 1882 relative à la la destruction des loups :
Art. 5. — Un règlement d'administration publique déterminera les formalités
à remplir pour la constatation de Tabatage par l'autorité municipale, ednsi cfue
pour le paiement des primes.
Loi du 15 juillet 1885 tendant à la répression des infractions à la convention
internationale du 6 mai 1882 sur la police de la pêche dans la mer du Nord en
dehors des eaux territoriales.
Art. 24. — La mise en rigueur de la présente loi sera provisoirement snspendue
jusqu'au moment oà les autres purseances signataires de la convention du
6 mai 188t auront édicté les pénalités prévues à l'article 35 de cette convention.
Loi du 27 mai 1885 sur la relégation des récidivistes.
Art. 18. — Des Règlements d'administration publique détermineront : le>
conditions dans lesquelles les relégués accompliront les obligations militaires
auxquelles ils pourront être soumis par la loi sur le recrutement de Tannée —
Torganisation des pénitenciers mentionnés en l'article 12 — les conditions dans
lesquelles le condamné pourra être dispensé provisoirement ou définitivement
de la relégation, etc., et en général toutes les mesirres NÉCESSAIRES à assurer
l'exécution de la présente loi. Le premier Règlement destiné à organiser l'appli-
cation de la présente loi sera promulgué dans un dékd de six mois au plus h
dater de sa promulgation.
Loi du 10 juillet 18«*5 tendant à modifier la loi du 10 décembre 18U, sur l'hypo-
thèque maritime.
Art. 37. — Le tarif des droits à percevoir par les employés de l'administration
des douanes, ainsi que le cautionnement spécial à leur imposer à raison des actes
auxquels donnera lieu la présente loi, les émoluments et honoraires dus aux
notaires et aux courtiers-conducteurs de navires pour les ventes dont ils pour-
ront être chargés, seront fixés par des décrets rendus dans la forme des règle-
ments d'administration publique.
Loi du 14 mars 1887 concernant la répression des fraudes commises dans la
vente des beurres.
Art. 11. — Un règlement d'administration publique déterminera le mode et
les conditions de la vérification à lacfueile il devra être procédé, etc.». Ce Règle-
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472 LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d' ADMINISTRATION PUBLIQUE
rend pas immédiatement obligatoire ; elle ne le devient que par
ment d'administration publique devra être fait dans un délai de trois mois, i
que 06 délai puisse en rien arrêter Pexécution de la présente loi dans
tous les cas où l'appUcation dudit règlement n'est pas nécessaire.
Loi du 4 féaner 1888 concernant la répression des fraudes dans le commerce des
engrais. , ,. . , , ,^
;^T. 6. — Un règlement d'administration publique prescrira les procédés
d'analyse à suivre pour la détermination des matières fertilisantes en engrais et
statuera sur les autres mesures àprendrepour assurer Fexécution de la présente loi.
Loi du 16 octobre 1888 relative à la création d'une section temporaire du
contentieux au conseil d'Etat.
j^T. l*"". — Un Règlement d'administration publique déterminera les mesurée
propres à assurer l'exécution de la présente loi, notamment celles qui concernent
le service des rapporteurs, des commissaires du gouvernement et du secrétariat.
Loi du 15 décembre 1888 relative à la création des syndicats autorisés pour la
défense des vignes contre le phylloxéra.
Art. 14. — Un Règlement d'administration publique fixera les règles néces-
saires pour l'exécu'ion de la présente loi.
Loi du 22 décembre 1888 ayant pour objet de modifier la loi du 21 juin 1865 sur
les associations syndicales.
Art. 9. — H est ajouté à la loi du 21 juin 1865 un article 27 ainsi conçu : un
Règlement d'administration publique déterminera les dispositions nécessaires pour
V exécution de la loi.
Loi du 11 juillet 1889 portant fixation du budget (créant l'impôt sur les cercles).
Art. 4. — Un Règlement d'administration publique détermira les mesures néces-
saires pour l'exécution des dispositions qui précédent.
Loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les conseils de préfec-
ture :
Art. 65. — La liquidation des dépens est faite conformément au tarif établi
par un Règlement d'administration publique.
Art. 67. — Le Règlement d'administration publique pour l'établissement du
tarif des dépens sera rendu dans les eix mois qui suivront la promulgation de
la présente loi.
Loi du 2A juillet 1889 sur la déchéance de la puissance paternelle i
Art. 22.... — Uu Règlement d'administration publique déterminera le mode de
fonctionnement de cette surveillance, ainsi que de celle qui sera exercée par
l'Assistance publique.
Les infractions audit règlement seront punies d'une amende de vingt-cinq à
mille francs.
Loi du 26 juillet 1890 concernant la fabrication et l'importation des vins de
raisins secs.
Art. 3. — Il est ouvert à chaque fabricant : 1® un compte de matières pre-
mières ; 20 un compte général et un compte auxiliaire de fabrication ; 3« un
compte des produits achevés.
Art. 5. — Dans le délai de trois mois à dater de la promulgation de la pré-
sente loi, un décret déterminera les conditions d'après lesquelles les comptes
seront établis et réglés, ainsi que les diverses obligations imposées aux fabri-
cants.
Loi du 5 août 1890 sur le régime des sucres :
Art. 8. — Les raffineries de sucre sont soumises à la surveillance permanente
des employés des contributions indirectes. Cette surveillance s'exerce exclusive-
ment h l'entrée et à la sortie des produits reçus ou expédiés par les raffineurs,
sauf au momeot des inventaires, prévus à l'article 10 ci-après, auquel cas elle
s'étend à tous les produits existant dans l'usine.
Art. 12. — Un décret déterminera les conditions de la surveUlance à exercer
dans les raffineries et les obligations à remplir par les raffineurs.
Art. 14- — Les contraventions aux dispositions de la présente loi et aux pres-
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LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d' ADMINISTRATION PUBLIQUE 4*73
l'arrivée d'un fait dont la réalisation doit être l'objet d'une pu-
criptions du décret qui sera rendu en exécution de Tarticie 12 ci Joint seront
punies des peines portées à l'article 3 de la loi du 30 décembre 187?.
En 18^, une loi du 21 juillet relative aux obligations militaires des membres du
Parlement s'est montrée particulièrement prudente, tandis qu'on peut constater
d'une façon générale que toutes les lois ou à peu près qui statuent sur les obli-
gations militaires de citoyens français sont complétées par des Règlements d'ad-
ministration publique.
Dans la loi du 21 juillet 1895, le législateur ne s'en est pas remis au gouver-
nement du soin de compléter les dispositions légales. Cette loi est complète en
ello-même.
La Loi du 16 avtHl 1895 (budget de 1895) dispose dans son article 21 :
La fabrication, la circulation, la vente et l'emploi du phosphore sont soumis à
a surveillance de l'administration des contributions indirectes.
Un décret déterminera les conditions dans lesquelles s*exercera cette surveil-
lance, ainsi que les formalités à remplir par les industriels, les importateurs et
les négociants.
Loi du 9 décembre 1895 relative à l'aménagement et aux rachats des droits
d'usage dans les forêts d'Algérie :
Art. 15. — Un Règlement d'administration publique déterminera les mesures à
prendre pour assurer l'exécution de la loi.
La loi- du 20 juin 1896 relative à la fixation par un ou plusieurs règlements
d'admioistration publique des honoraires, vacations, frais de rôles et autres droits
qui peuvent être dus aux notaires & l'occasion des actes de leur ministère est
très intéressanle à noter On remarquera que les divers- décrets qui l'ont com-
plétée n'ont été rendus qu'après deux années d'attente.
Cette loi ne dit pas qu'elle ne sera applicable qu'après les décrets. Cela était si
évident qu^elle omit de le spécifier.
La loi du 20 juin 1896 se borne à dire que « les dispositions contraires aux dé-
crets qui seront rendus seront abrogées à partir de la promulgation de ces dé-
crets » (art. 3).
Loi du 9 avril 1898 relative à la responsabilité des accidents dont les ouvriers
sont victimes dans leur travail.
Art. 33. — La présente loi ne sera applicable que trois mois après la publica-
tion officielle des décrets d'administration publique qui doivent en régler l'exé-
cution.
Loi du 19 avril 1898 relative à l'exercice de la pharmacie :
Dispositions transitoires :
Un Règlement d'administration publique fixera l'époque à laquelle le diplôme
de 2« classe cessera d'être délivré.
Loi du 1*' avril 1898 relative aux sociétés de secours mutuels :
« Art. 27. — Un Règlement d'administration publique déterminera les conditions
et les garanties à exiger pour l'organisation des caisses autonomes que les socié-
tés ou les unions pourront constituer, soit pour servir des pensions de retraites,
soit pour réaliser l'assurance en cas de vie, de décès et d'accident, et d'une ma-
nière générale, toutes les mesures d'application destinées à assurer l'exécution
de la loi. »
La nature de ces mesures était si importante que la mise en vigueur de la loi
du l*'' avril 1898 a été impossible sans un décret. En fait, la loi n'a pu recevoir
d'application que postérieurement au décret la complétant.
Loi du 18 juillet 1898 sur les warrants agricoles :
«« Art. 15. — Un décret déterminera les émoluments à allouer aux greffiers de
justice de paix pour l'envoi des lettres recommandées, l'achat et la tenue des
registres, ainsi que pour la délivrance des certificats. — Il établira, s'il y a lieu,
toutes les mesures nécessaires pour l'exécution de la présente loi. » (Voir décret
du 22 octobre 1898.)
Dans ce cas, la mise en vigueur de la loi n'est évidemment pas subordonnée à
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474 LES LOIB £T LES RÈGUSMEMTB D'ABMllIlfiTaATlOK PUaLlQCE
biication nouvelle (1). » Le fait id 'ou dépend le caractèi*e obli-
goLoire de la loi peut varier ; c'est ainsi que Tapplication de la
loi du 15 janvier 1884 sur la répression des déliés dépêche detus
les mers du Nord était subordonnée à cette condition qu'une loi
identique serait votée par certaines puissances étrangères (ar-
ticle 24).
Le plus souvent, le caractère obligutoirede la loi «era subor-
donné à un événement d'un ordre tout particulier, lel que la
publication d'un Règlement d'adminktration publique. Il en a
été ainsi pour la loi du 27 mai 1885 sur la relégation des récidi-
vistes (2).
« La mise en vigueur d'une loi peut, dit M. Hue (1. p. 51),
se trouver retardée par une condition «uspensive ; une loi peut
ne devenir exécutoire, ou plutôt obligatoire, qu'au moyen d'un
règlement ultérieur d'administration publique. Ainsi la Gourde
cassation a reconnu que certaines dispositions de la loi du
27 mai 1885 relatives à lare légation des rmrfivw/evnepouvaieat
devenir exécutoires qu'à partir de la promulgation d'un Règle-
ment d'adminietratton publique prévu j)ar Tartiele 18 de la loi,
alors que les dispositions relatives à la suppression de la surveil-
kmce de la haute police et à forganisation de rinterdiciion de
séjour dans certaines localités^ étaient devenues exécutoires à
partir de la promulgation même de la loi. »
Fapparilion du décret; mais on remarquera la formule employée par le législa-
teur, qui diffère de celle de la loi du 16 décembre 1897.
Loi du 21 juin 1896, art. 83 in fme :
« Un règlement d'administration publique déterminera ceUes âeves mesures qui
sont applicables sutrant la nature de ces maladies. »
11 est bien évident que, dans le cas prévu par cet article, il est radicalement
impossible que la loi soit applicable sans le -décret qui doit la compléter. Gomp.
Loi du 31. mars 1899 sur les Gaisees régionales du crédit agfioole.
(1) Une loi, dont la mise en vigueur «st subordonnée à Tacoomplissement d'une
eondition suspensive, n'en doit pas moins être prtMntflguée dans les délais or-
dinaires. (Hue, 1, no 37. — Grim., rej., 5 nov. 1885, S., 87-1-823 et la note de
M. Chavegrin. — Voyez Ancelot : De la promulgation^ tt de ht pîtblieûtion de la
loi. (Rev. Acad, Législ. de Toulouse, V!I, 1^8,p.4«2.) — De FolleviHe : Delapre-
mulgalion et de V application des lois et décrets, Jourdan Thémis 1819, 1, p. 48. —
Revue générale de Droit, 1887, 1, p. 9 et suiv. — Favard de Langlade : Des prin-
eipee relatifs é la publication des lois. — Hauriou : Précis de drêit adminittratif,
p. 60.
(2j Conf. Hue, 1, 40. — Grim. Gass., 19 et 30 juin 1886, S., 89-1-45. Bal. ^85-1-
4T8. Grim. rej., 8 sept. i8ë5. — S., 8^1-988. Dal ^5-1-474. ftennee 10 jvin 1685.—
Toulouse 24 juin 1885. S., 1886-1-11.— Paris.. 1886-1-97.
En sens contraite A^an. l«r juil. 1885. S., 1866-2-11. «Faris. 188-1-^.
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USB LOIS ET LB8 ftÉO££lI]^TS d'aDBUNISTRATION PUBLIQUE 47b
CeB quelques exenij^les nous penuettent d'aborder Tétude de
la question suivante ;
Dans quels cas une loi n' est-elle exécutoire qu'après la publica-
tion du règlement d'administration publique destiné à la com-
pléter ?
Nous avons constaté que le législateur moderne, dans di-
verses lois récentes, avait formellement décidé que celles-ci ne
seraient obligatoires qu'après la publication des décrets d'ad-
ministration publique appelés à les compléter.
A. Faut-il généraliser cette doctrine et décider que chaque fois
qu'une loi prescrit qu'un décret devra régler les détails de sa
mise en pratique, les deux textes seront exécutoires à une seule
et même date, qui sera celle du décret ?
B. Si Ton adopte la négative, quels seront les cas où l'applica-
tion de la loi dépendra de la publication du décret ; et à l'in-
verse quels seront ceux où la loi sera applicable de suite et in-
dépendamment de tovit décret postérieur?
Il est bien évident a jt^norî que l'on ne peut décider d'une façon
générale et absolue que l'insertion daris la loi d'un article pré-
voyant un Règlement d'administration publique, suffit à elle
seule pour suspendre l'exécution de la loi. La pratique démontre
que cette doctrine est insoutenable. Elle est contredite parla
jurisprudence et par de nombreux précédents. Il y a en effet
des cas si fréquents où la loi doit être immédiatement appli-
quée, qu'il serait à la fois contraire à une tradition constante et
aux besoins de la pratique de décider, en l'absence d'un texte
formel et général, que l'exécution de toute loi est suspendue
tant que le décret d'administration publique destiné à la conl-
pléter n'a pas été publié. Mais comment distinguer les cas dans
lesquels l'application de la loi dépendra de la publication d'un
décret et ceux où elle aura lieu de suite ?
Quel sera le critérium ?
Les auteurs ne l'indiquent pas. Pour le trouver, il y a lieu
tout d'abord de se rappeler une remarque de M. Colmet de San-
terre. Le savant auteur fait observer que certains décrets sont la
« mise en action d'une loi précédente ».
L — Il y a en effet dos lois qui ne peuvent agir par oUes-
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476 LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d'aDMINISTRATION PUBUQUE
mêmes, qui sont inefficaces, inertes, qui restent lettre morte
jusqu'à ce qu'elles aient été complétées. .
Ce sera, par exemple, le cas d'une loi prohibitive sans sanc-
tion, — d'une loi fiscale, ne précisant pas le tarif applicable, ou
omettant, soit de fixer l'assiette du droit, soit d'organiser le con-
trôle administratif destiné à réprimer la fraude.
Dans toutes ces circonstances, il faut attendre, pour que la
loi soit obligatoire, qu'elle soit mw en action par le décret
créant la sanction, par la fixation du tarif à percevoir ou par
la réglementation du contrôle à exercer.
Un exemple éclaire cette théorie.
Une loi du 2 mai 1855 décide, en principe, qu'une taxe sera
imposée sur les chiens (Dalloz, 4-54.) Elle décide qu'un décret
d'administration publique, rendu par délégation de la loi,
fixera le montant de la taxe applicable aux différentes catégo-
ries de contribuables. (Voir décret des 4, 22 avril 1855.) Il est
bien évident que dans l'intervalle qui a séparé la loi du décret,
la taxe n*a pu être perçue, puisque la quotité n'en était pas
fixée.
Voilà donc une loi qui ne se suffisait pas à elle-même et qui
ne fut obligatoire que plusieurs mois après sa promulgation.
Il en serait de même de l'article d'une loi, qui chargerait le
pouvoir exécutif de déterminer les peines applicables à un
délit qu'elle aurait créé, ou à l'inverse d'une loi, qui chargerait
le pouvoir exécutif de déterminer les circonstances d'un délit,
dont elle n'aurait prévu que les pénalités (art. 21 de la loi de
1845 sur les chemins de fer. Conf. ordonn. de 1846).
Donc une loi peut être, soit en tout, soit en partie, subordon-
née à l'apparition d'un décret d'administration publique, sans
lequel elle serait matériellement inapplicable. Une loi fiscale
sans tarif ou sans contrôle, une loi pénale sans sanction, man-
quent de cet élément actif, sans lequel la loi ne peut être « mise
en marche », de cet élément, qui fait entrer la loi dans le do-
maine du droit positif.
Sans lui, la loi reste à l'état de doctrine, de théorie, de prin-
cipe général. Les juges, il est vrai, sont tenus d'applipliquer
toute loi promulguée. Mais comment peuvent-ils le faire, si la
sanction manque, puisque le juge ne peut la créer?
Jamais aucun auteur n'a osé contredire cette idée absolument
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LES LOIS El^ LES RÈGLEMENTS d'âDMINISTRÂTION PUBLIQUE 477
certaine. Jamais un jurisconsulte n'a prétendu que le pouvoir
judiciaire pouvait, en certains cas, suppléer au silence de la loi,
en créant une taxe, une pénalité, une sanction, un contrôle
fiscal restrictif de la liberté du commerce et de Tindustrie (1).
Donc pour qu'une loi soit applicable immédiatement après sa
promulgation et avant la publication du décret d'administration
'publique qu'elle prévoit, il faut qu'elle ait une existence par
elle-même, il faut, suivant l'expression romaine souvent rap-
pelée en matière de contrat, que l'on puisse dire : « per se
comistit » ; il faut qu'elle forme un tout, qu'elle ne soit pas un
fragment de législation, qu'elle ne contienne pas une de ces
lacunes, que les magistrats chargés de l'interpréter et de l'ap-
pliquer n'ont pas qualité pour combler.
On conçoit très bien qu'une loi puisse se suffire à elle-même^
que les dispositions en soient assez précises pour que son appli-
cation ne doive souffrir aucune difficulté. Mais à l'inverse, on
comprend que certaines lois soient si concises ou si confuses
qu'elles manquent de vie ou que leur organisme soit incomplet.
Ces lois imparfaites ne doivent devenir applicables que lors-
qu'un acte postérieur, un décret d'administration publique,
qu'elles-mêmes auront prévu, viendra les rendre exécutoires
pratiquement.
Cette théorie, conforme à la raison, a été reconnue également
conforme à la vérité juridique dans des circonstances déter-
minées. Voici par exemple le texte de l'article 11 de la loi du
14 mars 1887 :
« Un Règlement d'administration publique déterminera le
mode et les conditions de la vérification à laquelle il devra être
procédé. Ce Règlement d'administration publique devra être fait
dans le délai de trois mois, sam que ce délai puisse en rien arrê-
ter T exécution de la présente loi, dans tous les cas ot) r applica-
tion dudit Règlement n'est pas nécessaire.
Voilà donc un premier cas où la loi n'est pas obligatoire aus-
sitôt après sa publication : c'est celui où les conditions maté-
rielles de son application doivent être ultérieurement délermi-
(]) Les taxes fiscales ne peuvent 6tre assises et recouvrées qu'à Taide de for-
malités de comptabilité. Par exemple, les lois sur les alcools imposent à Tassu-
jetti et à Tadministration une comptablité on partie double. Tant que ces forma-
lités ne sont pas précisées, tant que tous leurs détails ne sont pas réglés, la loi
n'est pas obligatoire.
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478 LE6 LOIS ET LB8 RÈ<H.BUENTS D'ADHBaSTEATlOK PCfU^lQUE
nées et où elle se déclare elle*mème incomplète et imparfaite.
II. — Sans être imparfaite d'une façon absolue, une loi peut
l'être d'une façon relative. Nous faisons allusion : d'une part,
aux lois fiscales, qui contiennent les chiffres de l'impdt à perce-
voir et les règles de son assiette ; d'autre part, aux lois répres-
sives, qui édictent une sanction, et prévoient néanmoins un
Règlement d'administration publique.
Il arrive en effet que le législateur, au moment où il adopte
les dispositions d'une loi nouvelle, craigne, au point de vue
subjectif, que son œuvre ne puisse pas être facilement appli-
quée. Convaincu des difficultés très graves qui*se présenteront
dans la pratique, il estime préférable de décider que cette appli-
cation possible, sans doute, mais fort délicate, ne soit pas aban-
donnée immédiatement au pouvoir judiciaire, et qu'auparavant
un décret d'administration publique, prévu par la loi elle-même,
vienne la compléter et éclairer son texte.
Il y a là une circonstance, à raison de laquelle la volonté du
législateur suspend l'application de la loi. Le motif du délai
n'est plus le même que dans le cas précédent. Ici, œ n'est plus
un cas de force majeure légale, c'est la volonté même du légès-
lateur, qui est cause du retard dans l'exécution de la loi.
Une infinité de difficultés matérielles naissent tous les jours
dans Tapplication des lois fiscales et économiques. Le législa-
teur ne peut les faire trancher par les magistrats, qui n'ont
d'autre mission que celle d'interpréter les textes législatife et
qui ne peuvent suppléer à leur silence, en créant des modes
d'application, qui n'ont pas été prévus (1).
Ces modes d'application ne peuvent être déterminés que par
des décrets et des Règlements d'administration publique. Tant
que ces actes n'ont pas été publiés, la loi est conditionnelle.
Le législateur a le droit incontestable de soumettre la loi à
cette condition, si l'on part de ce principe universellement admis
(1) Caractère du décret et du Règlement d'administration publique.
Il ne faut pas, sous peine de commettre une confusion grave, dire que le
décret ou le Règlement d'administration publique est un texte interprétatif, et
lui appliquer les régies spéciales aux textes interprétatifs.
Un texte interprétatif est celui qui donne le sens d'un terme douteux. Or ici,
le texte du décret établit des mesures nécessaires pour rapplicatkm de la loi, ce
qui «st tout autre chose. Un texte interprétatif ne crée rien par lui-même,
n se borne à cxplkfuer le sens dHine loi précédente ; il ne fait avec elle qu'une
seule loi et s'applique dès lors, sans qu'il y ait en cela rétroactivité, à tous les
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LES LOIS ET LEB RÉGLEMEISTS d' ADMINISTRATION l^UBLIQUE 470
que sa volonté est souveraine, dans tous les cas où la Consti-
tution n^y apporte aucune limite. Le législateur, pour rendre
une loi conditionnelle, n'est pas tenu d'employer une formule
spéciale. « C'est la volonté du législateur, dit Demiante, qui cons-
titue la loi; c'est son esprit qui constituera un guide sûr pour
nous. »
Voilà donc un second cas où la loi est conditionnelle.
De oet exposé, nous pouvons dégager les conclusions sui-
vantes, dont noJiis ne nous dissimulons pas d'ailleurs le défaut
de précision :
A. — La loi [comme le contrat)^ peut n'avoir que des e/fets condi-
tiormeis,
B. — La loi sera, û proprement parler, conditionnelle, si elle contient
une disposition « expresse » faisant dépendre ses effets d'mt événement
futur, par exemple de la pubUccUvon dun décret d'atvùnistration
publique, ou de la conclusion d'une entente diplomatique,
C. — Si la formule e»nployée par le législateur nHmplique pas claire-
ment le caractère conditionnel de la loi, la question de savoir si la loi
est telle doit être décidée d'après Vintention tacite du législateur,
D. — La loi sera toujours considérée comme conditionnelle dans ses
effets, si V exécution en est au moment de sa promulgation et jusqu'à
Vapparition du décret, matériellement impossible, si en un mot, cette
exécution présente des difficultés insurmontables pour les magistrats
qui sont chargés d'y procéder.
Meilleure méthode légcslative
Après nous être efforcé de dégager, avec toute la netteté pos-
sible, les caractères juridiques des Règlements d'administration
publique, les conditions d'application des lois dont ils sont le
complément, la date à partir de laquelle ces lois doivent être
obligatoires, après avoir passé en revive tous les textes législa-
faiis antérieurs. On peit Ajouter, avec Blondeau, que toute loi obscure donne
naissance à de^ attentes contradictoires ; or, de deux attentes, dont il faut que
Tune soit détruite, on ne doit pas balancer à préférer celle que le législateur
déclare avoir été confocBue à son intention. (Sic DeiBoIombe t. 1, n<* 66. conf.
Thémis, t. VII, p. 327. Comp. Cass. 20 décembre 1843, De Saint-Amant,
Dec. 1844, 1-14; Toulouse, "24 fév. 1844, Anriol, Dec. 1841, t. Il, p. 412, Cass.
^3 décembre 1845 ; Poinsignon, Dec. 1846, t. i; p. 456 ; Merlin, Rép. vo Effet ré-
troactif par 13 et quest..de droit, v. chose jugée, p. 8; Mailher et Chassât,
Trakéde la Rétroactivité des Lois, p. 126; Zachariœ, Aubry et Rau, t. 1, p. 54.)
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480 LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d'aDMINISTRATION PUBLIQUE
tifs suivis de ces Règlements, et avoir cherché à pénétrer leur
esprit, non seulement nous arrivons à cette conclusion qu'il
est impossible de poser en cette matière des règles précises et de
formuler les principes fixes auxquels ont obéi le Parlement et
le Gouvernement, lorsqu'ils ont voulu déterminer le moment
exact où la loi aura sa force obligatoire, mais nous sommes
obligé de faire cette douloureuse constatation que le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif n'ont jamais attentivement
examiné la question, qu'ils n'ont adopté aucun principe, qu'ils
n'ont suivi aucune règle, et qu'ils n'ont obéi qu'aux circons-
tances du moment, aux événements du jour, aux impressions
de l'heure présente. 11 est incontestable que, pour un grand nom-
bre de lois, suivies de Règlements d'administration publique,
le législateur n'a pas fixé, avec une rigoureuse précision, la date
à partir de laquelle ces lois devaient et pouvaient recevoir leur
application.
L'incohérence législative n'a jamais produit de désordre plus
grave, de danger plus menaçant.
L'art, l" du Code civil, confirmé par les lois constitution-
nelles est ainsi conçu : « Les lois sont exécutoires dans tout le
territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite
par le Président de la République. Les lois seront exécutées
dans chaque partie de la République du moment où la promul-
gation en pourra être connue. »
11 en résulte que le premier droit de tout citoyen est de sa-
voir à partir de quel jour il est obligé de se soumettre à une
loi, à partir de quelle date cette loi a force exécutoire.
Comment le magistrat peut-il appliquer cet axiome que « nul
n'est censé ignorer la loi », si le législateur n'a pas manifesté
clairement la volonté de faire mettre son œuvre à exécution à
une époque déterminée?
11 faut sans retard réprimer un abus, dont les conséquences
seraient funestes au régime parlementaire, qui n'est pas respon-
sable des fautes commises par ses représentants et de la viola-
tion incessante de ses principes.
11 y a deux moyens de mettre un terme à cet abus. Ces
moyens peuvent être employés isolément; ils peuvent l'être
conjointement.
Le premier est emprunté à nos voisins d'outre-mer, à ce
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LES LOI» ET I.E8 RÈGLEMENTS d' ADMINISTRATION PUBLIQUE 481
Parlement anglais, mater ParliamentorUm, qui sait, malgré
rincohérence de sa législation, donner à sa politique une
méthode si parfaite et un si admirable esprit de suite, en
sachant allier aux traditions les plus archaïques les réformes les
plus hardies. 11 consiste, surtout dans les lois économiques,
à adopter la méthode expérimentale. 11 a été exposé à la Chambre
des Communes, avec une franchise quelque peu brutale, par un
homme d'Etat qui ne se laisse pas embarrasser par Texcès des
scrupules, lors de la discussion du bill relatif aux accidents dont
les ouvriers de l'industrie sont victimes. Ce bill n'est en vigueur
que depuis le 1" juillet 1898, il ne s'applique qu'à certains chefs
d'industrie et il exclut de son bénéfice 60 p. 100 des salariés,
Voici en quels termes M. Chamberlain Ta défendu :
Vous reprochez au bill de n'être pas logique ? de ne s'appliquer qu'à une
partie seulement des salariés ? C'est à dessein que nous l'avons fait ainsi.
Le grand avantage de la législation anglaise est justement de n'être pas
logique ; elle ne l'a jamais été et a évité ainsi les erreurs et les fautes fré-
quentes chez les peuples du continent qui, eux, prétendent être logiques.
Voyez plutôt ; nous allons introduire dans nos lois une nouvelle règle qui
plaît évidemment, et à vous qui allez la voter, et au public, surtout aux
salariés. Mais nous pouvons nous tromper les uns et les autres, et cette
règle, qui nous paraît excellente, peut, à l'user, se trouver funeste et nui-
sible. Nous voudrons alors revenir sur la mesure par nous prise, et ce sera
relativement facile, parce qu'elle n'intéressera que la moindre partie des
citoyens ; ce serait, au contraire, plus malaisé si la mesure, tout en étant
funeste à l'industrie nationale, plaisait aux intéressés, soit à treize millions
de sujets.
Les paroles de l'orateur anglais ont eu, à Westminster, un
succès, qu'elles n'auraient sans doute pas rencontré au Palais
Bourbon.
Notre profond amour de l'égalité eût été froissé par le langage
de M. Chamberlain. Cependant la doctrine qu'a préconisée cet
homme d'Etat pourrait souvent recevoir son application en
France, surtout dans des lois économiques, oîi le respect des
principes de la démocratie française peut se concilier avec
l'application de la méthode expérimentale à l'œuvre législative.
11 y aurait à faire de ce chef une tentative très intéressante au
sujet de la loi sur les conditions du travail, qui va venir prochai-
nement en discussion à la Chambre.
Si l'emploi de cette méthode doit se heurter à nos traditions
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482 LES LOIS ET LES RtoLBMENTS d' ADMINISTRATION PUBLIQUE
et à notre esprit impré^é de l'implacable rigidité du droit ro-
main, il est un autre moyen de mettre un terme à FincohéreBee
législative, qui résulte du chevauchement réciproque des lois
sur les Règlements d'administration publique et des Règlements
sur les lois. Ce moyen, c'est la coordination du travail légis-
latif; c'est la centralisation des pouvoirs qui concourent à la
confection des lois.
Tandis qu'aux séances publiques du Parlement, le Gouverne-
ment abdique avec uue extrême facilité ses prérogatives essen-
tielles et subit, avec une- osMislante résignation, les empiéte-
ments du pouvoir législatif, il semble défendre avec une jalousie
féroce son droit exclusif de collaborer avec ses chefs de services.
La préparation des lois se fait sucessivement au Conseil d'Etat,
dans les bureaux des ministères et dans les commissions parle-
mentaires, sans que les hommes qui collaborent à cette œuvre
commune aient entre eux la moindre communication. Us sont
séparés par des cloisons étanches. Ils s'ignorent toujours, sou-
vent ils se jalousent, sans cesse ils se défient les uns les autres;
parfois ils se haïssent, sans savoir pourquoi.
Les ministres, au lieu de provoquer les conférences fréquentes
de leurs directeurs avec les commissions parlementaires, tien-
nent à comparaître en personne devant ces commissions, s'y
présentent une fois, y donnent des explications rapides, n'y
reparaissent plus, perdent avec elle tout lien de communication
et attendent que la loi ainsi préparée arrive en discussion pu-
blique. Le Gouvernement ignore le but qu'a voulu poursuivre
la Commission; la Commission ignore les difficultés d'applica-
tion que soulèvent les textes qu'elle a adoptés. Le hasard pré-
side à l'élaboration des lois.
Quelques commissions parlementaires, surtout au Sénat, ont
pris l'excellente habitude de se mettre en rapports presque per-
manents avec les chefs de services des départements ministé-
riels. La Commission de taffriaullure de la Chambre a employé
la même méthode et a fait aboutir des réformes, d'autant plus
difficiles à réaliser que les discussions publiques sur les ques-
tions d'affaires sont souvent écoutées d'une oreille distraite. Ces
habitudes doivent se généraliser.
On peut, sans manquer de déférence envers la Chambre élue
en 1898, constater qu'elle n'a pas une grande expérience poli-
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LES LOIS BT LES lliGLSBfEMTS D'ADMOBSTSATIOlf PCBLlQBf * 48?
tiqae et administrative. Bn adoptant une bonne méiliode de
travail, elle peut accomplir une oeuvre féconde.
Il dépend d'elle et du Gouvernement de faire cesser Tinoolié-
rencedes lois et des Règlements d'administration publique. Ilsu^
fit, pour atteindre ce résultat, de faire collaborer simultanément
à la préparation des lois les hommes qui doivent les voter et ceux
qui doivent en régler Texécution. Il faut qu'au lendemain du
dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi, le Gouvernement
se mette en rapport avec la Commission chargée de l'étudier,
que les ministres et les membres du Parlement échangent leur»
vues d'ensemble sur l'orientation qu'il convient de donner à
ce projet, — qu'à la siuite de cet échange dldées générales les
ministres donnent leurs instructions à leurs directeurs sur la
doctrine qu'ils entendent faire prévaloir — que le& direcieturs
aillent fréquemment devant les commissions soutenir cette doc-
trine, montrer les difficultés d'application que pourrait présenter
un système en apparence plus simple que celui qu'ils proposent,
et en même temps, entendre les objections que peuvent pré-
senter les commissaires contre l'exagération des formalités
administratives, recevoir d'eux les renseignements d'une ori-
gine différente de ceux qui sont fournis aux services publics et
se voir ouvrir d'autres horizons que ceux des bureaux minis-
tériels.
Dans ces entrevues, entre députés et directeurs,il se produira
un choc entre deux tendances opposées : tendance à la simplifi-
cation extrême, de la part des députés peu familiers avec les
détails du fonctionnement administratif — tendance à l'extrême
complication, de la part des directeurs, trop habitués au forma-
lisme et trop enclins, à raison de leur responsabilité, à exagérer
lesmesures de contrôle. A travers ce choc des idées, des tournures
d'esprit, des tempéraments les plus divers et les plus opposés,
la vérité se fera jour, Taccord s'établira entre la Commission et
le Gouvernement, et si un dissentiment subsiste, la discussion
s'engagera à la tribune avec clarté, avec loyauté, avec dignité,
sans surprise ni d'un côté ni de l'autre, sans arguments imprévus
ayant l'apparence de pièges, sans documents apportés à la der-
nière heureLCt n'ayant pu être contrôlés. La loi qui sortira d'un
tel débat pourra être imparfaite comme toute œuvre humaine,
mais elle sera l'expression d'une volonté réfléchie et non un
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4 84 LES LOIS ET LES RÈGLEMENTS d'âDMINISTRATION PUBLIQUE
amalgame de textes empruntés à des opinions différentes et
exprimant des idées contradictoires.
Ce n'est pas tout. Pendant que la Commission parlementaire
étudiera le projet de loi, les chefs de service des ministères, qui
auront suivi pas à pas ses travaux, pourront préparer le Règle-
ment d'administration publique, destiné à déterminer ses con-
ditions d'application. Loi et Règlements pourront paraître à
vingt-quatre heures d'intervalle. L'un et l'autre seront conçus
dans le même esprit, inspirés par une même doctrine. Ils se
compléteront et constitueront une même œuvre.
Les citoyens et les jurisconsultes n'auront plus à rechercher
si la loi est applicable le jour de sa promulgation ou le lende-
main de la publication du Règlement, puisque les deux actes
paraîtront simultanément.
11 est donc facile de faire disparaître l'un des phénomènes les
plus regrettables de l'incohérence législative. Il suffit que les
ministres aient confiance dans les commissions parlementaires,
— que les commissions ne s'imaginent pas, que pour faire une
bonne loi, il n'y a qu'à être animé de bonnes intentions, — que
le Gouvernement et le Parlement aient conscience de leurs
devoirs et de leurs responsabilités — qu'ils se souviennent, l'un
et l'autre, qu'ils ont promis au pays des réformes, et qu'animés
du même désir d'être utiles à la France, ils se prêtent mutuelle-
ment une collaboration, qui n'exige ni de l'un ni de l'autre le
moindre sacrifice d'amour-propre et qui est Tune des condi-
tions essentielles de la prospérité publique.
Tous les partis ont intérêt à mettre un terme à l'impuissance
parlementaire et à substituer une méthode rationnelle de travail
à l'anarchie législative, qui apparaît à tous les esprits clair-
voyants comme une cause de faiblesse pour la France et de dan-
ger pour la République.
Georges Graux.
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LES BASES M\ALES EN CHINE
I
Toute nation, possédant des colonies, ou un commerce im-
portant au delà des mers, doit nécessairement, pour défendre
ses possessions et sa flotte commerciale, posséder, sur les
grandes routes maritimes du globe, ce que nous appelons les
points d'appui de la flotte, que nos voisins désignent d'une
façon plus concise par ces deux mots naval bases.
Du temps de la marine à voile, chaque bâtiment, empruntant
aux vents la force nécessaire à sa propulsion, pouvait consacrer
la presque totalité de ses cales au logement ées vivres de Téqui-
page et des munitions de guerre, poudres et boulets. Une flotte
bien approvisionnée était à même de tenir la merde longs mois,
sans être obligée de toucher dans un port, pour renouveler ses
provisions.
Aujourd'hui il n'en est plus ainsi. Si les progrès de la
science ont permis de loger en un fort petit espace des aliments,
sous forme de conserves, et d'assurer la provision d'eau douce
en distillant l'eau de mer, il n'en est pas moins vrai que le
service des machines motrices et des nombreux appareils
auxiliaires à vapeur, que renferme un navire de guerre,
demande qu'on réserve au charbon tout l'espace qui n'est pas
occupé par les soutes à munitions. Or, la consommation du
combustible est telle qu'aucun navire cuirassé ne pourrait tenir
la mer plus de quelques jours sans être obligé de renouveler
sa provision de houille, sans parler de ses munitions de guerre,
s'il a dû livrer le moindre combat. C'est que les armes à tir
rapide amènent une consommation énorme de munitions, sou-
vent hélas pour un bien maigre résultat.
Ainsi donc, si une flotte à voiles pouvait parcourir le tour du
32
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480 LES BASES NAVALES EN CHINE
monde, sans relâcher en aucun port, une escadre ne peut faire
aujourd'hui que quelques jours de route. Il lui faut à tout prix
renouveler le contenu de ses soutes, épuisées d'autant plus rapi-
dement qu'elle aura doanéune vitesse plus considérable. De là
cette nécessité absolue pour toute puissance navale de posséder
sur le chemin de ses colonies de nombreux ports de relâche, où
elle accumule le combustible et les munitions de guerre. Ces
ports, pour être à Tabri des attaques de l'ennemi doivent être
défendus sérieusement contre toute surprise. La défense néces-
site non seulement des fortifications bien armées, mais encore
une flottille de torpilleurs dite défense mobile% La portée consi-
dérable des pièces d'artillerie exige aujourd'hui des oonditions
toutes nouvelles dans le choix et rétablissement des points
d'appui. Pour éviter que les navires obligés à y relâcber ne puis-
sent être bombardés du large par ]a flotte ennemie, qui les
bloque dans le port, il est nécessaire que celui-ci soit constitQé
par une baie ou estuaire entrant profondément dans les terres
et dominé par des hauteurs difficiles à battre par l'artillerie de
l'adversaire. Tels sont la base de Santiago de Cuba et le fort
Morro qui en défend l'entrée. Il importe aussi que le goulet^
donnant accès dans le port, ne soit pas trop étroit, de faç<»i à
permettre la sortie simultanée de plusieurs navires^ facilitant
ainsi la rapide formation en ligne de la flotte de défense qui
devra éviter d'être bottled iip suivant l'expression de l'amiral
Sampson.
Comme on le voit, les desiderata d'une station navale sont
multiples et doivent peser d'un grand poids dans le choix de ee
point d'appui. Nos voisins d'Outre-Maache^ possédant plus de
colonies qu'aucune autre nation, et aussi la flotte de guerre la
plus considérable du monde, ont dû se préoccuper de bonne
heure de la création des bases navales absoluBtent nécessaires.
Bien que venant immédiateinent après l'Angld^erre, commie
puissance maritime et coloniale, la France s'est laissée devancer
par l'entreprenante Albion, qui profite de notre état de faiblesse
actuel pour s'opposer de tantes ses foirees à la création de nou-
veaux points d'appui pour nos eseadres. Tons ceux qui: ont un
peu voyagé en Extrême-Orient ooBoaaissent la fameuse histoire
delà prise de Périm par un amiralangiais, devançait le navirede
guerre français chargé d'occuper cette def de la porte àud de la
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LBt BA»0 MAVALEfi EN CHINE 417
mor Rouge. Tout récemment encore on apprenait comment
deux navires de guerre de la diviBion de Bombay ont menacé
de bombarder Mascate si le sultan de cette ville ne retirait pas
de unité la concession qu'il venait de nous faire d'une station de
charbon sur la c6te de son sultanat à Bander Issar (1).
L'étude des bases navales pour notre marine est donc toute
d*actualité. La publication récente des travaux de la mission
lyonnaise en Chine ayant montré Timmense importance de ce
pays au point de vue du développement de notre commerce avec
r Extrême-Orient nous avons pensé qu'il était intéressant de
faire connaître aussi au public français la situation respective
des bases navales que nos concurrents et nos alliés se «ont
déjà assurées sur les côtes de l'Empire du Milieu, ainsi que
celle tardivement créée par la France à Kouang-tcbéou-ouan.
Nous décrirons également les deux principaux arsenaux miti-
taires chinois, d'autant plus intéressants pour nous quHls doi-
vent l'existence à la persévérante industrie d'officiers et d'mgé-
nieurs français. Ayant eu la bonne fortune de résider de nom-
breuses années en Chine et d'y visiter presque tous les ports
ouverte au commerce, ainsi que les principaux arsenaux , nous
n'aurons plus qu'à compléter nos anciennes notes de voyage
par des traductions des journaux anglais et chinois pour donner
une description exacte de l'état actuel des bases navales tant
chinoises qu'étrangères.
II. — Ho>G-Ko>G.
L'île de Usiang-Kang, c'est-à-dire le bon port on les ruisseaux
parfumés, qtie les Anglais appellent Hong-Kong, fut choisie
comme base d'opérations contre W Chine dans la première
guerre qu'ils firent à ce pays, en 1840. Son port était fréquenté
depuis iongiemps déjà par les navires du commerce britannique,
En 1836 le capitaine EUiot, le considérant comme trop exposé
aux attelles des pirates, avait reeovimandé, comme beaucoup
plus ^ûr,r celui de Toung-Kou dans Le voisinage de Macao. Mais
îes comm/^^^ants anglais, déjà fixés à Hong-Kong, s'opposèrent à
cette mesure par une pétition signée par 20 maisons de com-
(1) Voir les journaux du 23-24 février 1899.
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488 LES BASES NAVALES EN CHINE
merce et 11 compagnies d'assurance. On ne tint pas compte
tout d'abord de leur opposition, mais, en 1850, les troupes s*ins-
tallèrent sur le site de la future ville de Victoria, sur la côte
nord de l*île, dont la Couronne prenait officiellement possession
le 26 janvier 1841, après en avoir obtenu la cession le 20 jan-
vier. Ce ne fut cependant qu'en 1842 que le gouvernement
chinois reconnut formellement la cession de Tîle aux Anglais
parle traité de Nanking (août 1842).
Le 1®*" mai 1841 , paraissait le premier numéro de la Hong-Kong
Gazette, L'année suivante, Sir Henry Pottinger, successeur du
capitaine EUiot, comme ministre plénipotentiaire, déclarait
formellement, le 6 février, que Hong-Kong serait à Ta venir un
port franc. C'est à cette mesure, aussi intelligente que libérale,
que Ton doit la rapide croissance de la colonie créée officielle-
ment Crown colony par charte royale en date du 5 avril 1843.
Les oommencements furent pénibles. En effet, les travaux de
défense et de construction amenèrent, en 1844, une telle épidémie
de malaria qu'en 21 mois le 58® régiment avaitperdu 257 hommes.
L'île menaçait de devenir, comme on l'appela alors, le tombeau
des Anglais. Le trésorier général, M. Montgomery Martin, pré-
tendant qu'on ne pourrait jamais l'assainir, tant la mortalité
était formidable, proposa de l'abandonner. Sir John Davis com-
battit cette tendance et les travaux ayant cessé, la salubrité
redevint meilleure. En 1860, lord Elgin obtint de la Chine la
concession de la péninsule de Kowloon (quatre milles carrés),
située en face, pour y établir des docks, magasins et autres
annexes du port, qu on ne pouvait logera Victoria. 11 serait trop
long, pour le cadre de cette étude, de suivre pas à pas l'histoire
de la colonie, disons seulement qu'en 1862 on inaugura la Tour
de rhorloge et la Monnaie que l'on dut fermer en 186i, les dol-
lars qu'on y frappait n'ayant pas obtenu de succès auprès des
Célestes. En 1887 on commença les travaux de captation des
eaux dans la vallée deTytam (1) convertie en réservoir au moyen
d'un immense barrage ; il fallut creuser un tunnel de 2469 mètres
dans Je granit des montagnes pour y faire passer l'acqueduc
destiné à compléter l'approvisionnement insuffisant des réser-
voirs de Pokfolum établis en 1875. Grâce à tous ces travaux,
(1) A 5 milles 1/2 de la ville.
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LES BASES NAVALES EN CHINE 489
Hong-Kong était devenue une des colonies les plus saines du
Royaume-Uni, quand la peste bubonique, apportée du Yun-nan,
par Canton, y fit une apparition en 1894 et amena une mortalité
effrayante dans les quartiers chinois. Le 7 juin, on y comptait
107 morts par jour. La colonie déclarée infectée fut mise en
stricte quarantaine et 80.000 de ses habitants Tabandonnèrent.
On prit des mesures sérieuses de désinfection et la maladie dis-
parut peu à peu. Elle reparut cependant, mais avec moins de
gravité en 1896.
Grâce à la situation de Hong-Kong, à l'entrée de la mer
de Chine, grâce surtout aux facilités de toutes sortes que le
commerce du monde y trouve, ce port est devenu le second en
importance de TEmpire britannique tout entier. L'importance
de son mouvement maritime le place en effet immédiatement
après celui de Londres, même en excluant le tonnage des
jonques ; il le dépassa de 775.706 tonnes en 1895 {Times du
12 septembre 1896).
En 1897, si Ton en croit le Times du 26 mars 1898, la valeur
du mouvement commercial s'y chiffrait comme suit :
1897
Importations Valeur £25.000.000 Soit 62 millions de francs
Exportations » £20.000.000 » 500
Mouvement total... « £45.000.000 » 1.125
En 1899 le Chronicle and Direetory l'estime à £50.000.000, soit 125.000.000 de
francs.
Or le mouvement total des entrées et sorties dans tous les
ports chinois ouverts au commerce étranger était en 1896 de
de 333.671.415 taëls de douane (Haïkouan taëls) (1) soit
1.404.419.943 francs, tandis que celui de Hong-Kong était de
145.409.590 taëls de douane, soit 610.720.178 francs, c'est
donc 43 p. 100 du mouvement total. En effet, Hong-Kong est le
port par lequel passe la plus grande partie des marchandises à
destination ou en provenance de la Chine.
Veut-on savoir le nombre et le tonnage des navires qui ont
fréquenté ce port en 1896 et 1897 ? Nous le trouvons résumé
comme suit dans le rapport du consul de France, M. L. (i. Le-
roux, inséré au Moniteur officiel du Commerce du 22 dé-
cembre 1807, le dernier que nous ayons pu nous procurer :
(1) Valeur du Haïkouan taël : 4 fr. 20 en 1896.
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490 LM BASM KÂYAM8 Blf CHINE
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NàTltcs atiglai» 6.464 S. 758. ^4 6.7© 6.««.7IM
» noBaB^iak 2.W8 8.SI76.10K a.l61 8.m.83ft
Jonques ohinoise». 59.576 3.7.7.403 57.803 3.441.295
Total 6ê.9fô 16.700.799 67.747 ».*65.8r4
JoB<|ti08 commerce looaL lUQSfb 415iI54 9«M6 88tit80
Total général 80 463 16.515.953 77.293 15.938.174
En 1895 75.761 15.632 113
On voit par ees chiffres q«e le pavilloii britannique représente
ail 1807 les 61.9 p. 100 du total, tandis ifuè les mtPê» {MVlUons
étrangers n*y0iitrettt que pour ^» 2 p. lOOet les jonques^tMises
pour e»p* 100.
Bq 1809» Tannée de Fcmverture d« canal de 8uex, le toMiage
àm ^mtrées était de 2*60».000 t.; en 187», il éUU déjà de
9*800.000 t., et en 1808de 7.177.025 1.
Le Times, déjà cité, fait d ailleurs remarquer que tes tHpmirs
de lang courti et de eabotaige sans pàtillon anglais, sur las oMes
de Chine, p4wte»t ke 8 p« Md du cdfiffnretoe totid^ et hi Ctaine^
ne prend cependant que la valeur de 1 shilling 9 pences par tête
de population des importations anglaises, tandis que chaque
Japonais en consomme pour tine moyenne de 5 shilling.
Si Ton compare la valeur du mouvement total du port de
Hong-Kdtig, entrées et sorties, avec le même mouvement dans
tous les ports de Chine ouverts au commerce étranger on trouve
les chiffrés SfuivaûtS :
1896 : Ports ouverts en Chine, valeur : S33.671.415 taëls de
d(manê, ou 1.401.419.943 francs ; — Port de Hong-Kong, valeur
145.409.590 taëls de douane, ou 610.720.278 francs.
Lfc valeur du commercé de Hong-Kong représente donc
43 p. 100 du mouvement total en Chine. (Cest qu'en effet par là
transite la plus grande partie des marchandises à destination
ou en provenance de TEmpirc chinois.
Le rapport de notre consul ne donnant pas le nombre des
Mvires de chaque nation ayant fréquenté Hong-Kong en 1896 ou
1W7, nous Pavons cherché atllleurs et n'avons pu le trouver
(1) En 1896, le mouvement du port de Liverpool était : entrées et sorties,
40.200 navires; tonnage, 17.585.775 t.
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LES BA88S NAVALES KM CHINE
491
que pour 1895 et 1898 (1) Hong-Kong est sans rirale pour Tim-
portance de ses communications avec le monde entier par na-
vires à vapeur. On ne compte pas moins de dix compagnies de
navigation qui y relâchent régulièrement, dont six chaque se-
maii^/les autres mensuellement.
Parmi les compagnies postales mentionnons la Penmsular and
Orienial ; les Messageries Maritimes, la seule qui y représente le
pavillon français ; la Nord-Deutscher Lloyd ; le Lloyd autri-
chien, le Pacific Mail, etc. . .
La faveur dont jouit ce port auprès des compagnies de navi-
gaticHi tient aux précieux avantages qu'il leur offre et qui sont
les suivants : 1* Situation géographique sur la grande route de
Singapour à Shang-haï et tout près de Tembouchure du fleuve de
la Perle (Tchoo-Kiang) menant à Canton; 2° absence de
(1) DaM \» ChnnicU and Dtncl^rjf for CMna, Japan, etc., 18W et 1999 :
Batoéw __— ^^ Sriie»
ffavirt Tonn>ft NavâM Toanaf
NAlioatliU 48#3 1898 J8»5 1898 1895 1696 1895 1698
Aatrichieos ....
Anglais
Chinois
Jonq* chinoises.
Dtnoia
HoUandiis
Français
Hawaïens.
J^KMiais..
riaffréfiM
Russes...
Espagnols ,
Suédois ..
SI
24
3.308
98
26.554
97
15
f»
•86
2
14
27
127
9
t
4
6
144
27
3.392
198
28.989
73
4
145
682
4
14
152
142
5
3
6
13
60.963
61.116
4.297.342
115.753
1.6U.705
43.623
12.696
167.609
744.611
1.228
16.640
46.864
14S.I69
21. 2U
•56
3.8U
7.912
76.676
66.594
4.133.151
255.619
1.718.739
35.698
3.288
170.782
818.655
8.256
19.707
299.658
1U.175
14.585
1.621
t. 766
12.218
50
24
3.318
98
112
27
3.391
198
26.473 28.814
97 72
14.
123
631
2
14
26
124
9
I
4
8
4
145
662
4
14
152
143
5
3
5
13
77.454
61.119
4.291.298
115.753
1.838.995
43.623
12.226
167.609
717.641
1.228
18.9»
47.820
143.589
21.244
656
3.6U
7.912
76.869
66.594
4.165.615
255.889
1.732.556
35. H2
8.288
170.782
616.916
8.256
19.707
299.618
144.610
14.585
1.621
2.050
12.218
Total.
JI.IOO 83.968 7.617.008 7.782.379 31.016 38.764 7.412. 183 7.782.515
Entrées
Narires chargés .
— lor lest .
fttal..
Nisriitt dMTgés .
~ sur lest..
19.374
13.720
22.796
8.218
18.324
15.639
33.963
17.913
15.681
6.367.702
1.249.^1
7.617.003
Sorties
6.746.784
66^.549
6.886.551
945.826
7.782.379
6.901.928
880.592
Total.
31.016 33.784
7.412.283 7.782.515
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492 LES BASES NAVALES EN CHINE
douanes, le port étant franc ; 3^ abondance des capitaux et faci-
lité des transactions, grâce aux grandes banques établies dans le
pays, entre autres la puissdinte. H ong-Kotig and Shang-haï Bank ;
4*> Coût peu élevé des droits de magasinage et de manutention
des marchandises, grâce à la main-d'œuvre chinoise ; 5» 'facilité
des réexpéditions assurée par le grand nombre de compagnies
touchant dans le port et desservant les cinq parties du monde ;
6* Docks et usines permettant la construction et la réparation
des navires dans d'excellentes conditions et à prix relativement
peu élevés.
Les chiffres suivants donnent une idée des transactions des
banques en 1896. Au mois de juin de cette année, les billets des
banques locales en circulation représentaient une valeur de
4.204.308 dollars qui en décembre de la même année s'était
accrue à 7.4il.307 dollars. D'un autre côté on aura ime appré-
ciation de l'augmentation de valeur des propriétés bâties en
constatant que le revenu imposable sur ces propriétés, calculé
pour l'exercice 1896-97, était de 131.176 dollars de plus que
celui fixé pour 1895-96, soit une augmentation de 54 p. iOO. Les
revenus et dépenses de la colonie pour 1896 et 1898 étaient
estimés comme suit :
1896 1898
Revenus 2.288.366 dollars 2.694.867 dollars
Dépenses ordinaires 2.158.562 — 2.430.290 —
Dépenses extraordinaires 320.500 — 340.416 —
La dette publique de Hong-Kong n'était que de 200.000 livr.
sterling en 1886 ; elle a été portée à 400.000 livr. sterling après
un nouvel emprunt en 1893 : le service des amortissements
l'avait déjà réduite à 341.800 livr. sterling à la fin de 1898.
Si nous considérons la valeur annuelle des taxes pour la ville
de Victoria, capitale de l'île, nous trouvons :
1895 1898
Taxe annuelle des impositions . Valeur 3.247.726 dollars 3.828.577 dollar»
El pour la ville de Kowloon.... — 318.326 — 382.062 —
Et pour divers villages de l'île
etlePic ; ^ 259.693 — 311.308 —
Soit pour la colonie entière — 3.825.745 — 4.521.947 —
Lorsque le gouvernement britannique prit possession de l'île,
en 1840, elle possédait une population de 7,000 pêcheurs chi-
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LES BASES NAVALES EN CHINE 493
nois. En 1841 ils étaient déjà 15.000. Le Times du commence-
ment de janvier 1899 estime la population actuelle de File seule
à 225.000 âmes dont 50.686 blancs, le reste est chinois. 11 faut y
ajouter 43.000 Chinois qui peuplent le district nouvellement ac-
quis dont le revenu est évalué à £ 16.000 par an(l). On sait que le
2 mai 1898 le Tsoung-li-yâmen à Péking, cédant aux représenta-
lions amicales du ministre d'Angleterre, sir Claude Mac-Donald,
accordait aux Anglais une importante extension de territoire
tant sur le continent, au nord de la petite concession de Kowloon
(ou Kaulung) que dans les îles environnant celle de Hong-
Kong. La convention signée le 9 juin 1898 accorde aux Anglais,
sous forme de bail pour 99 ans, commençant au l*''juillet 1898,
la location d'un territoire, tant marin que terrestre, ne compre-
nant pas moins de 200 milles carrés (2). Le prétexte allégué
pour obtenir celte extension de territoire est que, depuis la ces-
sion delà péninsule de Kowloon en 1860 (3), les progrès cons-
tants de Tartillerie mettaient Hong-Kong en danger d'être bom-
bardée du nord, à travers le port, des hauteurs dominant la rade
et la cité de Victoria.
Grâce à cette augmentation de territoire, le mouillage de
Hong-Kong est mis à Tabri d'un bombardement et d'un coup de
main et peut être considéré comme le Spithead de TExtrême-
Orient, ayant une position analogue, par rapport à l'île, à celle
de la rade à Test de l'île de Wight.
Lors de notre dernier voyage à Hong-Kong, en 1887, le gou-
vernement était en train d'augmenter considérablement la dé-
fense de Tîle d'après les plans de Sir William Crossmann.
En février 1889 l'état de ces défenses était ainsi décrit dans
VArmy and Navy Gazette.
(1) Le Chronicle and Direct ory, . . for the year 1899, édité en mars 1899, donne :
Population en janvier 1897 :
L'armée avec le régiment indien 2.850
La marine 2.268
La population de Victoria 165.000
— de Kowloon 27.000
— de l'île hors Victoria. . . . 49.762
Total 246.880 dont 200.005 Chinois.
(2) Voir pour plus de détails notre note avec carte sur Hong-Kong agrandi
dans les Comptes-Rendus des Séances de la Société de Géographie de Paris
pour 1898, no 6-7, juin-juillet 1898, p. 298-300.
LMle de Hong-Kong ne mesure que 29 milles carrés de superficie.
(3j Qui n'avait alors que 4 milles carrés*
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494 LU BA8B8 NAVAtES EJH CHINE
Commeiiçant à Tealrée de l'est, la passe de Xy-ee-moon, qui est fort
étroite (environ 1 mille), nons Uxmvoas une iMUtterie de canons de 6 ponces,
se chargeant par la culasse, qui la commande entièrement. Dans la passe
même, sur la pointe formant Tangle de Causeway Bay, se trouvent une sé-
rie de puissants ouvrages armés de canons de 9 et 10 pouces, se chargeant
par la gueule, qui balaient toute la partie orientale du mouillage. Dans sa
partie occidentale on ol^serve une série de fartes batteries montées avec
des canons d'acier, breack loaders de 0 pouces et des fnmziU leaders de 9
et 10 pouces, établies sur la pointe près de Tusine à gai, sur Tlle Verte
(Green-Islaud) et sur la pointe Belcher, qui forme Textrémité occidentale
de rtie de Hong-Kong. Des ouvrages, bâtis sur l'tle des tailleurs de pierre
(Stone Cutters Island) et sur fextrémité de la péninsule de Kowloon, com-
plètent la chaîne des fortifications ou nord et à Tooeat. Mais rentrée occi-
dentale formée par le Canal de Lamma, n*est pas aussi facile à défendre
que la passe de Test vu sa grande largeur de 4 milles. Heureusement
cependant on y trouve de nombreux bas-fonds sur lesquels le corps des
Royal Engineers, ou du génie, a placé un système compliqué de torpilles.
Grâce à ellee et aux feux convergents de toutes les batteries disponibles,
rentrée du port eet praiicpiement fermée de ce c6té. On a^ de pâos, con»-
mandé une batterie de canons à tir rapide, système Hotobkiss, po«r In
colonie.
Après avoir constaté que la garnison anglaise et les 230 Sikhs
de la police, recrutés daas l*Inde, lormaient ua corps de ëéfease
suffisant, surtout si l'on y joint les volontaires de la eolosîe,
Fauteur de Tarticle estime que « en somme Hong*Kong est la
station de charbon la mieux défendue que nous possédions. »
Les idées ont changé depuis cette époqae puisque Ton a jugé
nécessaire d'obtenir un vaste morceau de territoire au nord de
Kowloon et les iles avoiainantes à Test, à Touest et au sud.
Les travaux de défense ont été accrus depais et void Tétat
exact des défenses de Tile tel que le publie en 1899 le CÀro-
nicle and Directory de TExtrême Orient (1) :
La passe de TOuest comprend aujourd'hui trois batteries sur
nie Stone-Cutters et deux forts placés respectivement sur les
pointes Belcher et Fly. Leurs feux convei^ents peuvent couvrir
d'ime grêle de projectiles le Sulphur Ghannel. Une autre petite
batterie, sur la colline au-dessus et îi Touestde Richmond Ter-
race, commande un vaste rayon. La passe orientale de Ly-ee-
moon est défendue par deux forts, et tout navire ayant survécu
à leur feu aurait à subir celui des batteries de Nbrth-Poiat et de
Hung-Ham, qui commandent tout à fait la passe est. Une autre
(1) HoDg-Kong, 1899.
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VSê BAdBB NAVÂLtiS EN CHINE 495
batterie, placée sur le oap île Tsim-tsa-tsui, à Kowloon, com-
mande entièrement la partie centrale du port. Toutes ces batte-
ries 909it années de fortes pièces se chargeant par la culasse et
du dernier modèle.
En pt^ des fortificaitions, la colonie possède une petite
escadre pour la défense du port et qui consiste en : tm cuirassé
à tourelle, le Wivem^ de 2750 tonneaux avec 4 canons;
deux canonnières, VEsk et la Tweed, ayant chacune 3 pièces et
quatre torpilleurs. Les ét^uipages sont, en temps ordinaire, logés
sur le stationnaire le Trnnar et sur un ponton.
Voici maintenant quel était l'état de lagarnison en 1898-1899 :
3 compagnies d'artillerie, soit 657 hommes ; 1 compagnie du
génie {Ihtfal Enffinetrs}, du 165 bomimes; 1 bataillon d'infcm-
terie, de 1012 hommes; 7 bataillons de VAnnff Service Cerps ;
1 bataillon d*artiflerîe locale; 1 compagnie du génie local;
8 compagnies du régiment de Hong-Kong, 1530 hommes;
30 compagnies du Medûal Corps (service de santé) ; 6 compa-
gnies de VArmy OrànMnce Depariment (service des approvi-
sionnements ou de l'intendance); 46 compagnies de \Army
ûrdnance Corps \ 6 compagnies de VArmy Pay Corps; total
général de tous les corps : 3428 hommes, auxquels on peut
ajouter le (jorps des vrikmtaires, comprenant une batterie de
campagne et 1 caïion mitrailleuse {machine gwi), La police
compte 700 hommes, dont 120 Européens, 230 Indiens et
350 Chinois.
La contribution militaire, Axée en 1890 à 40.000 liv. st. par
an, est maintenue à ce taux en 1894, et monte à 47.000 en
1899. Depuis 1865, la colonie avait payé annuellement 20.000
liv. st. pour la défense (1).
L'importance d'une station tiavale étant en raison directe des
facilités qu'elle offre pour la construction et la réparation des
navires, tant de guerre que de commerce, nous allons résumer
ici les renseignements que nous fournit le Chronicle emd Direo
tory au sujet des Docks de Hong-Kong.
La Hong-Kong^and Whampoa Dock Company Limited possède
trois grands docks, avec ateliers de construction et de répara-
(1) Le AMtttaatdes dép^liiMi (kHes dosais 1864 pcMr la défeftM de U Go&oaie,
se moAUit ea IS94, à 325.000 Mv. et., dont IIS.OOO Uv. tt avaient été payées par
elle. Les défenses sous marines et le reste de rarmement, fournis par ie^eaver-
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496 LES BASES NAVALES EN CHINE
lions. Deux sont situés à Kowloon et un à Aberdeen, sur la côte
sud de l'île. Les docks de cette compagnie ont les outils et ma-
chines les plus perfectionnés pour les travaux en fer et en bois.
Dans le bassin n° 1, dit de l'Amirauté (1), elle peut recevoir les
plus grands navires cuirassés. Les dimensions de cette cale
sèche sont les suivantes :
Longueur, 530 pieds; largeur de l'entrée au sommet, 86 pieds; profon-
deur, 30 pieds; largeur de l'entrée sur le fond, 70 pieds.
Dimensions de la cale n* 2 : Longueur totale, 371 pieds; largeur à l'en-
trée, 74 pieds; profondeur sur le seuil aux marées de morte eau, 18 pieds
6 pouces.
Dimensions de la cale n« 3 : Longueur totale, 264 pieds; largeur à l'en-
trée, 49 pieds; profondeur, 14 pieds.
Cale de halage {Patent Slip), n" 1 : Longueur totale, 250 pieds; largeur
à rentrée, 60 pieds; profondeur, 14 pieds.
Cale de halage n* 2 : Longueur totale, 230 pieds; largeur à l'entrée,
60 pieds; profondeur à l'entrée, 12 pieds.
A Tai Kok Tsui : Gosmopolitan Dock : Longueur totale, 465 pieds; lar-
geur à l'entrée, 85 pieds 1/2; profondeur, 21 pieds.
A Aberdeen : Hope Dock : Longueur totale, 433 pieds; largeur à l'entrée,
84 pieds; profoûdeur, 24 1/2 pieds.
Lamont Dock: Longueur totale, 340 pieds; largeur à l'entrée, 64 pieds;
profondeur, 16 pieds.
Il y a encore d'autres établissements dans lesquels on cons-
truit et on répare les navires, ainsi que de bonnes fonderies.
Plusieurs navires ont été construits de toutes pii^ces dans la
nement de la métropole, représentent la balance. Le coût de la garnison estimé
à 100.000 liv. st. par an, en 1865, s'était élevé à 280.000 liv. st. en 1888. (rimes,
20 octobre 1894.)
Au commencement de mars 1899 les chambres anglaises ont voté un budget
militaire pour Hong-Kong de 196.000 livres sterling (£) réparties sommairement
comme suit pour une garnison estimée à 4.737 bommes :
Paie, etc., de l'Êtat-Major, des Régiments et Services divers £ 108.000
Etablissements médicaux et médicaments £ 5.0dO
Transports locaux par terre et par eau, et achat de remontes £ 1.200
Vètemente £ 13.200
Travaux divers, Constructions, Réparations, Ingénieurs £ 11.792
Provisions, Fourrages, Chauffage, Eclairage, Allocations coloniales, etc. £ 52.000
Paie du Service de FIotendancQ £ 4. 150
Education des hommes et Services divers ^ £ 503
Total £195.910
(1) Ainsi appelé parce que la marine de TEtat a le droit de priorité sur son
emploif rÉtat ayant à deux reprises, en 1864 et 1885, fourni des fonds à celle
Compagnie, d'après le Colonial Docks Act. Voir Dock Book^ publié sous les ordres
des lords commissaires de TAmirauté, Londres, 1890, et le Colonial office lisl
publié annuellement.
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LES BASES NAVALES EN CHINE 497
colonie, entre autre une canonnière offerte par les habitants des
Philippines au gouvernement espagnol, lors de l'affaire des
Carolines avec TAlIemagne.
L'arsenal royal de Victoria renferme également des ateliers
et des machines, peimotlant de faire toutes les réparations
nécessaires aux navires de guerre de Sa Majesté britannique, et
cela avec beaucoup de rapidité. Disons aussi, que Ton a pu faire
entrer un grand cuirassé dans TAdmiralty Dock, cité plus haut,
Ty mettre à sec, repeindre sa carène et le remettre à la mer en
48 heures.
Les Parliamentary papers ont publié, en 1897, une réponse à
une demande d'explication du contrôleur général de la marine
touchant les dépenses navales de colonie.
Il est dit ceci :
Durant l'année 1896-1897 les plans de Textension de Tarsenal de Hong-
Kong ont été examinés, et la dépense, estimée à 340.000 liv. st., a été
entièrement révisée en conséquence de nouvelles informations touchant
un nouveau projet. Les plans ont été approuvés, et l'on a Hjié h. 575.000
liv. st. la somme que Ton pourrait y consacrer, par un acte daté de 1897.
Le projet de i896, auquel on avait accordé seulement 80.000 liv. st., fut
abandonné de fait en faveur d'un plus complet, qui, après entente avec
les autorités navales et militaires de la colonie, a été reconnu possible.
L'un des grands avantages de Hong-Kong, comme base
navale et station mîlitaire, c'est qu'il est relié au réseau télé-
graphique européen et par suite avec Londres au moyen des
câbles sous-marins, propriété de la Eastem Extension Atistrala^
sia and China Telegraph Company^ par Singapour, Madras,
Bombay, Aden, Suez, Malte et Marseille. Une autre ligne sous-
marine, appartenant à la même compagnie, la relie à Shang-haï
avec le réseau sous-marin puis terrestre de la Gréai Northern
Telegraph Company via Vladivostok, la Sibérie et la Russie.
Cette dernière compagnie possède aussi un câble côtier entre
Hong-Kong et Shang-haï touchant à Amoy. L'Eastern Extension
le relie encore à Hanoï, à Labouan (Bornéo), aux Philippines, à
Canton et à Macao. En somme, huit câbles sous-marins, atteris-
sant à Hong-Kong, en font un centre parfait de communications
télégraphiques avec le monde entier. Or, un seul de ces câbles,
celui de la Great Northern Telegraph Company, de son vrai nom
Del Store Nordiske Telegraf Selskab, est entre les mains des
Danois.
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49g . Lfia PA8S8 MAVJICE8 EN CUUIE
Enfin les dépôts de cfaarboo de Ift atation de Hong-^Kong sont
toujours approvisionnés de façon h pouvoir fournir à toutes les
demandes du commerce et des marines de guerre, qui peuvent
s'y ravitailler librement en combustible, tant qu'elles ne sont
pas en guerre avec une nation alliée à la Grande-Bretagne. Au
début des hostilités entre la France ei la Chine, nos navii'es pou-
vaient y faire du charbon, et ce nie fut ^ue vers la fin de la
guerre que le gouvernement anglais leur refuaa oette facilité.
On trouve dans les magasins de Kowloon et de Vietoria du char-
bon de CardifT ainsi que les houilles du Tonkin et du ià^oa eu
provenance des mines de Hon^ay, Kébao, Nagasaki, Taka-
sima, etc. Les navires brûlant du combustible liquide y trouve*
ront sous peu, si cela n'est déjà fait, des dépôts des pétroles de
Sumatra et de Bornéo, sinon de ceux de Batoum, auxquels ils
font déjà une sérieuse concurrence.
La rade n est que fort rarement visitée par les typhons. Elle
offre un abri excellent et d'une étendue telle (1) que toutes les
flottes du monde pourraient s'y loger facilement, sans avoir à
craindre d'y être enfermées ou bombardées ; les montagnes de
granit qui les dominent s'élevant à 3 et 4.000 pieds de hauteur.
Le 5 avril 1895 on voyait réunis dans cette rade 244 navires de
commerce, dont 69 vapeurs, 8 voiliers et 164 jonques. L'impor-
tance des dépôts de charbon est donnée par tes chiffres suivants :
En 1895 ils recurent 3.485^04 tonnes et ils e» ^xportèreiU'
2.704.974. De plus, les navires charbonnier», en Aransil pour
d'autres destinations, y ûgurèrent pour i .623.88;i tonnas et les
vapeurs y prirent pour leurs soutes 387.870 tonne». Ainsi, c'est
un total général de 8.202.231 tonnes de charbon que représenta
le mouvement des combustlblas dans ce port pour cette seule
année. D'un autre côté le mouvement des passagers en 1895 n'y
fut pas inlérieur à 1 ,591.073 (2).
III. — FOU-TCHÉOU.
Le fameuxgénéral chinois Tso Tsoung-tang qui, «ga 4864, occu-
pait le poste de vice-roi de la province du Fo-Kien dans Tim-
(1) 10 milles carrés.
(2) Times, 12 septembre 18%.
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LE6 EASE8 NAVALBfi B» CHIUE 499
portante ville de Fou-tchéou^ venait de battre définitivement
les rebelles Taï-ping avec Taide du corps franco-chinois^ corn-
mandé par deux officiers de la marine francise, MM. Prosper
Giquel et d^Aiguebelle. D'un esprit intelligent et ouvert aux
idées européennes, il comprit que la Cbine avait besoin d'une
marine de guerre autremenl sérieuse que les mauvaises jonques
qu'elle possédait alors. 11 demanda donc au lieutenant de vais-
seau Giquel, redevenu commissaire des douanes impériales
maritimes chinoises à Fou-tchéou, un devis pour la création
d'un arsenal maritime dans lequel on devait bâtir des na-
vires de guerre et de transport, instruire des sujets capables
de construire et de conduire ces navires, et enfin de tirer parti
des richesses métalliques, notamment c^es du fer, que pos-
sède la province de Fo-Kien. On savait que le pays fournirait
encore des pieux pour la fondation des ateliers, que le charbon
de Formose n'était pas loin et que la main d'œuvre était à bon
marché. Ces considérations et aussi la position du port de Foih
tchéou, situé à bonne distance de la mer (34 milles) sur le fleuve
Min, indiquaient tout naturellement que là devait se bâtir le
futur arsenal, destiné à devenir une base navale importante. Le
port était en effet très facile à défendre car l'entrée du Min est
garnie d'Ilots et de montagnes admirablement disposés pour
recevoir des forts et, à une dizaine de milles {dus haut^ les collines
qui le bordent resserrent assez son cours pour que la pose de
quelques torpilles rende le passage absolument impossible.
« Le mouillage, aisément accessible à des navires de 22 à 23
« pieds de tirant d'eau^ se trouvait suffisant pour la dimension
« des navires dont la construction était résolue. Le long des
« rives de l'arsenal on peut les amarer bord h quai, facilité
« nécessaire à des travaux de constructions maritimes (1). »
Le projet soumis par M. Giquel fut approuvé et les premiers
contrats étaient signés avec le gouvernement chinois vers la fin
de 1866. Le programme comportait : 1* la création d'ateliers et
de chantiers propres à la contraction de navires et de leurs
machines ; 2'' des écoles pour former des contremaîtres pour
la contraction^ des capitaines et des mécaniciens pour la con-
duite des navires; 3"^ il fallait engager un personnel suffisant
(1) VAr$enaldeFoxi-tchéou^ par Prosper Giquel, lieutenant de vaisseau. Shang-
haS, f«ntar 1S74.
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500 LES BASES NAVALES EN CHINE
pour la conduite des travaux et l'instruction des Chinois; 4*> ins-
tallation d'une cale de halage en travers, système Labat ; 5** orga-
nisation d'une usine métallurgique pouvant laminer en barres
et en tôles les lopins de fer brut que fournit la province. — M. P.
Giquel fut nommé directeur et M. L. Dunoyer de Ségonzac,
enseigne de vaisseau, sous-directeur. On recruta en France un
personnel d'ingénieurs (MM. Zédé et Jouvet),de 8 professeurs,
1 médecin, des secrétaireset37chefscharpentiers, foirerons, etc.,
en tout 51 personnes.
Le terrain choisi était une vaste rizière située à Mamoï, au
pied des collines, sur le bord nord du Min, à quelque neuf
milles de la ville de Fou-tchéou, à Tendroit appelé sur les cartes
anglaises Pagoda anchorage. On remblaya la rizière jusqu'à
une hauteur de près de deux mètres (5 pieds j, pour se mettre à
Tabri des inondations. Une cabane sepvant à faire des clous fut
le premier embryon des ateliers métallurgiques. On dut foncer
5.000 pilotis pour établir les constructions. Commencé en 1867,
l'arsenal était achevé en 1874. En 1875 il avait déjà li\Té
20 navires de guerre, dont 13 transports de 1258 à 1450 tonneaux;
2 canonnières de 515 tonneaux et 80 chevaux ; 4 avisos de
572 tonneaux et 80 chevaux ; 1 corvette de 1.393 tonneaux et
250 chevaux. Il comprenait alors une usine métallurgique,
avec grosses forges et laminoirs, garnie de 6 marteaux pilons de
300 à 7.000 kilos; 1 atelier de laminoirs avec 6 fours et 4 trains ;
une chaudronnerie; un îitelier d'ajustage, un de montage; une
fonderie, une chronométrie, des petites forges, un chantier de
construction, trois cales de construction, une cale de halage sys-
tème Labat, une machine à mater, des magasins, logements,
école, une chapelle et une pagode.
Dix ans plus tard, l'arsenal, qui était alors entièrement dirigé
par des Chinois, était bombardé et en partie détruit (23-24 août
1884) par l'escadre de l'amiral Courbet, qui forçait ensuite, en
les prenant à revers, tous les forts de la rivière. C'est par ce coup
d'audace extrême que Courbet réussit à sortir de Fou-tchéou,
au grand étonnementdeTamiral anglais, qui le croyait absolu-
ment incapable de sortir de la trappe oti il était si bravement
entré, tant étaient formidables les armements des forts comman-
dant le cours du fleuve au-dessous du mouillage de la Pagode
jusqu'où il avait pénétré. Aussi, quand, après deux jours de
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LES BASES NAVALES EN CHINE 501
combat, la flotte française reparut victorieuse à Tcntrée de la
rivière, Tamiral et les officiers anglais ne purent s'empêcher de
venir féliciter chaudement Courbet et ses vaillants collabora-
teurs.
Le gouvernement chinois, bien que vaincu, admira tellement
la conduite de nos marins en cette mémorable affaire qu'il n'a
pas hésité à confier dès 1897 la réoi^anisation de cet arsenal à
des ingénieurs français. C'est un ingénieur des constructions
navales, M. Doyère, qui est actuellement chargé de mettre Farse-
nal de Fou-tchéou en mesure de fournir à tous les besoins de la
flotte de guerre chinoise, en train de se reconstituer et de réparer
les pertes que lui ont fait subir la guerre franco-chinoise en 1884
et en 1894-1895 ses défaites au Yalou et àWeï-haï-weï, aux
mains des Japonais.
Le 31 mai 1897 on y a entrepris le creusement d'une cale
sèche destinée aux cuirassés chinois. En novembre de la mémo
année, une nouvelle cale a été commencée ^ ur le gouvernement
sur Tîle Losing. Elle mesure 300 pieds de longueur sur les tins,
400 de longueur totale, 55 pieds de largeur à l'entrée et possède
une profondeur de 15 à 17 pieds d'eau sur le seuil à haute mer.
Elle peut recevoir des navires de 105 mètres de longueur
ayant un tirant d'eau de 18 à 20 pieds. Elle est fermée par un
bon caisson en acier. Abandonnée par les Chinois, après avoir
coûté beaucoup d'argent, l'accumulation des vases à Tintérieur
lavait rendue impropre à tout service. Elle a été draguée et
mise en état par M. Doyère, qui y a fait entrer successivement, en
novembre dernier, les deux canonnières chinoises Foii-ngan,de
76 mètres, et Haï-shen, de 100 mètres, avec 16 pieds de tirant
d'eau (1).
Quant à la cale de halage, elle peut recevoir des navires de
plus de 1.000 tonneaux et se divise à volonté en deux parties.
Les écoles de l'arsenal sont ouvertes à nouveau et le nombre
des candidats en mai 1897 n'éts^it pas inférieur à 4.000. On en a
choisi seulement 240, dont 120 ont été renvoyés trois mois
après. Nouvelle sélection après trois autres mois d'essai. On
n'en a gardé définitivement que 60, ce qui est encore trop con-
sidérable (2).
(1) LEcho de Chine, 9 décembre 1898.
(2) London and China Telegraph, 31 mai 1897.
REVFE POLIT., T. XX 33
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1
502 LES BAtBS lUTâLBB £H CXLmE
Les >deniière6 «tatistMioeB qme nous «yens pu ooofiidter sur ie
^rt ooaunereiai Ae Fov-èekéon datent et 1896. Voifii bs
^goemente qu'îles donnent sur la nmgtttioii et ht
merce (1):
180yô
Vapetire : Entrés 813 navires 351 .592 tonms
— S#rtiB W4 — 382.47S ~
Totd W7 — 703.767 —
YoiHers : Eatrés 9è — i«,9W —
-- Sorte 37 ~ iê.-m —
Total ^ — 38.1^ —
Total 700 — 736.892 —
Valeur totale du commerce en 1894 : Taëls de douane • 13.450.932
— — 1895: - — 14.022.015
- ~ 1896: — — 14.6d2.764
— — !«97: — - 13.VN.4K
((Valeur da Haikjovan taël cm Uél de doroane €ai i%H : 4 fr. 20.)
IV. — Port-Arthur
La destmction parti^cUe de 1 arsenal de Fou-tchéoui, par rami-
ral Courbet ea 1884, donna a réfléchir au gouvernement clii-
aeiB et sortout au vice-roi du Tchéli, le premier homme d'Btat
qui ait osé proposer à l'Empereur Torganisation d'une armée et
d'une Hotte à Teuropéenne. Il s'aperçut alors que Tascadre du
nard, dile du Petry^uig (Océan du Nord), par opposition à celle
de Canton dite du Nan-yany (océan du sud), ne possédait aucun
port où elle pût se réfugier, faire du charbon, ou se réparer
après un combat Ayant consulté des ingénieurs eanopéeos, il
jeta les yeux sur la baie de Lii-Sh^une-Kéou^ appelée aussi Port-
Artbur du nom d'un capitaine anglais, près de la baie de Ta4ien-
ouan, qui, en 1860, avait servi de station militaire ^ navale
aux troupes ei aux navires anglais pendant l'expédition ai^lo-
française contre Péking. Ce port, situé presque à l'extrémité de
la péninsule du Liao-toung, qui s'avance vers le sud, juste en
face du port commercial de Tché-fou, commande avec ce der-
nier et surtout avec Weï-haï-weï, un peu à l'est, l'entrée du
(1) China. Impérial Maritime Cust^ms BeiumsofTradeforlêSî. Sàattg-àaX, ld97.
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LES BASES HAVALES EN CHINE 50)
gotle dn Pé-iché*U et par suite constitue la clef 4e Tien-tsin et
de Péking. C'est le Gibraltar du Pé-tché-li.
Après avoir obtenu des Anglais, dés Allemands et des Français
des devis de construction d'un port militaire à cet endroit, le
rusé vice-roi accorda en 1896 la concession des travaux à nos
ingénieurs, ceux-ci ayant offert de les entreprendre à prix beau-
coup plus réduits que leurs concurrents. L'entreprise, patron-
néepar le Syndicat français, donl faisaient partie, entre autres,
le Comptoir d'Escompte et la Compagnie de Five&-Lille, et les
Forges et Chantiers de la Méditerranée, fut confiée, vers le
milieu de 1867, à un ingénieur des ponts et cbaussés, M. Tlié-
venet, aidé d'autres ingénieurs, dont M. Giiffon (1). Les Anglais
furieux de n'avoir pu obtenir ces travaux firent une campagne
acharnée contre les ingénieurs français dans leurs journaux de
Tien-tsin et de Shang-haï. Le malheur voulut que plusieurs acci-
dents leur donnassent Toccasion d'exercer leur verve satirique.
La maison que M. Thévenet avait fait construire pour se loger
s'effondra sur ses habitants, pendant qu'il y recevait ses amis à
dtner, et l'une des dames fut, dit-on, blessée. Puis on eut à com-
battre plusieurs inondations des travaux, provenant tantôt de
sources abondantes rencontrées dans le creusement du bassin
de radoub, tantôt de l'irruption de la mer sous le bàtardeau.
Tout cela retarda considérablement les travaux. Une autre cause
de pertes et de retards fut la faillite du Comptoir d'Escompte.
On eut ensuite à subir une épidémie de choléra qui, en 1887,
causa de nombreux morts parmi les travailleurs indigènes et
enleva M. Homer, le chef des artificiers anglais attachés au dé-
partementdes torpilles. Comme onavaitd'ailleurs calculé trop bas
le prix de revient de la main d'œuvre et qu'il fallut faire venir
de France la plupart des matériaux, iels que fers, ciments, etc.,
les fonds accordés par le gouvernement chinois (1.500.000 taéls)
se trouvèrent insuffisants et Li Uoung-tchang dut plusieurs
fois venir à l'aide en fournissant de nouveaux fonds. Ceci n'em-
pêcha pas le Syndicat de perdre de fortes sommes dans cette
entreprise qu'on avait voulu à tout piix arracher aux concur-
rents.
(1) Le Syndicat de Vlndustrie française en Chine comprenait encore : les Etablis-
MinenlB Caii; leê Atatien et Chantiers de la Loire; la Société dee Aciéries de ia
Marine et des Chemins de fer ; Marrel frères ; la Société des Mines de TAnjou et
des Forges de Saint-Nazaire ; la Société industrielle et conunerciale des Métaux.
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504 LES BASES NAVALES EN CHINE
Sur 8.750.000 francs d'affaires, dont 6.500.000 francs pour la
construction de Tarsenal de Port-Arthur, on perdit 4 millions
de francs, soit 45 p. 100; sans compter le déficit spécial à
Fagence du Comptoir d'Escompte, installée àTien-tsin et entraî-
née dans la faillite de cette banque, du l**" janvier 1886 au mois
de décembre 1889.
Les pierres de la péninsule de Liao-toung n'ayant pas été
jugées d'assez bonne qualité, on avait dû en aller chercher
jusque sur la côte opposée du Ghan-toung aux environ de
Tché-fou, ce qui,comme bien Ton pense, avait considérablement
augmenté le prix de revient du mètre cube de maçonnerie.
En avril 1888, une lettre de Port- Arthur, émanant sans doute
d'un Anglais attaché aux travaux et publiée dans le journal
Broad Arrow, racontait que le nouvel arsenal était en train de
devenir une place de grande importance : « Il est bien protégé
« naturellement et militairement, car on y construit de nom-
« breux forts sur les montagnes qui le dominent tout autour.
M Les Chinois ont confié à des Anglais l'école des torpilleurs où
« l'on instruit des officiers, des marins et même des soldats chi-
«< nois. C'est aussi un Anglais, le capitaine Culver, qui est maître
M de port. Sa principale occupation consiste à diriger le creu-
« sèment de la partie occidentale de la baie au moyen de dra-
« gués à vapeur. On a construit un atelier pour le montage des
« torpilles et une excellente jetée, d'après les plans de Schwartz-
« kopff, pour les régler. On achève l'érection d'un vaste hangar
« pour abriter les torpilleurs ». Le travail le plus important à
ce moment était le creusement, déjà assez avancé, d'une grande
cale sèche et d'un large bassin dans la partie orientale de la baie,
sous la direction de M. Thévenet. L'entrée du port était aussi
facilitée par un petit phare d'une portée lumineuse de 10 milles,
et défendue par un projecteur électrique. En janvier 1888 une
escadrille de cinq torpilleurs attachée à Port-Arthur exécutait
des croisières d'instruction sur la côte opposée du Chan-toung.
En août 1890,un correspondant du Temps visitait Port-Arthur
et le décrivait comme une superbe baie naturelle admirablement
protégée contre les vents et le feu d'une flotte ennemie par un
cercle de collines rocheuses et n'ayant sur la mer qu'une ouver-
ture très étroite. Le plan de l'amirauté anglaise, reproduit dans
le Times An 21 novembre 1893, ne lui donne en effet que 293 yards
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LES BASES NAVALES EN CHINE 5()5
de largeur. On devait achever les travaux et remettre le port
aux mains du gouverneur chinois dans le courant dejuillet 1890,
Le bassin qui se trouve immédiatement à Test de l'entrée, ou-
verte au sud et au pied de la colline de Houang-shin de 469 pieds
de hauteur, est à peu près carré. Il mesure 450 mètres de long
sur 300 de large. On y trouve 11,80 mètres d'eau à haute mer,
7,80 mètres aux basses eaux. Il peut loger 14 grands navires.
Dans le fond on a établi plusieurs cales de construction, une
cale de halage, et des ateliers. Le bassin de radoub, d*aprèsle
le Dock Book de 1898, a 410 pieds de longueur totale, 72 de
laideur à l'entrée et environ 25 de profondeur en grande marée
ordinaire. Il se trouve dans l'angle nord-est du bassin à flot.
L'entrée a été approfondie de façon à présenter une profondeur
d'au moins huit mètres. A l'ouest du bassin s'étend une vaste
lagune de 6 kilomètres de longueur sur 4 de largeur, dont la
profondeur moyenne est d'une demi brasse environ, bien qu'on
trouve 4 et 5 brasses dans la partie centrale. Gomme le fond est
vaseux il serait facile de la draguer de façon à la rendre acces-
sible pour des bâtiments de guerre de grande calaison ; l'on
pourrait y loger toute la flotte chinoise, tant actuelle qu'à prévoir
d'ici longtemps. Les quais du bassin mesurent 1.800 mètres de
développement et sont pourvus de grues permettant l'embar-
quement rapide de l'artillerie. Les ateliers étaient déjà achevés
et comprenaient une grande et une petite forge, une chaudron-
nerie, des fonderies, et ateliers de menuiserie et d'ajustage; une
machine à mater se dressait aussi sur le quai. Des voies ferrées
seront établies tout autour du bassin. Tout sera éclairé par
l'électricité. Le dépôt des torpilles, la jetée de règlement et les
cales de halage des torpilleurs se trouvent, ainsi que leurs ma-
gasins d'armement, sur le rivage sud de la lagune. D'importants
dépôts de charbon seront constitués.
Le plan anglais de 1894 montre que le port est défendu par
une douzaine de forts établis sur les hauteurs à Test et à louest
de l'entrée. Le tableau suivant montre leur altitude et leur ar-
mement en novembre 1894, juste au moment où ils allaient être
attaqués par la flotte japonaise. Les forts principaux ont été
construits pour le compte des Chinois par le major allemand
von Hanneken.
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!>06 LKI. BASES NAVALES EK CHINE
A Vest de Venirée t
Forts. Armement.
N* fj altitade : 412 pieds*. • 2 câoons Knipp de 15 centifluètrefi.
\^ » ai »
» 2, » 856 "••••Il j -y
' / 1 » 17 »
» 3 (Lao-mott-chon) : S4 * ••••1 « I 45 l
)} 4, altitude : 469 >».... 2 » 2 »
(3 » 24 »
' c 3 » 12 »
» 6y >» » » .«.. 6 mortiers de & pouces.
A Vouett de Ventrée :
Ports. Anneneut.
N<» 7 (sur la pointe ouest de rentrée
.dite : Queue du Tigre) ... 2 canons Enipp de 21 centimètres.
» 8, altitude : 113 pieds... 2 » 2f »
î) 9, 4 » 21 »
.A ^ 2 » 24 »
» 10, } , .»
( 4 » 15 »
» 11, Inconnu.
» 12, » 2 canons Kmpp de 1 3 >»
Entre les forts 1 et 3, 6 et 7, 8 et 9, 9 erl 10 se trourent aussi
des batteries dont les fortifications s'étendent sur me loagnewr
de3 i/2 milles sur la côte, dont Tarmemeat n'est pas donné. Ea
arrière et à Test du bassin étalent établies ks casernes, et cam-
pements des troupes, aifnsi que quelfiies traTsux en terre rapi-
dement construits au moment de k déclaration de gmcne
1"^ août 4894. Des murs, des chemins courerts et destarancbées
reliaient entre elles les batteries de la c6te et les autres ouvrages
de la défense. Ne prévoyant pas une attaque paor la e6te nord de
la péninsote 00 par terre, on avait négligé de défendre le port
de ce côté et de construire des forts d'arrêt sur Tisthme étroit
qui se trouve pntre Ta-lien-oudn et Ki»-tchémAj à 16 milles 1/2
au nord-est de Port-Arthur. Le major von Hannéken avait seules-
construit dans la baie de Ta*UenHMiaa, pour y empêcher ui»
débarquement, six forte et des batteries armés de 8 caifeoas de
24 centimètres, 4 de 22, 6 de 15 et 2 de 12 centimètres.
Le 17 septembre 1894, la flotte chimÂse était battue par faa
flotte japonaise, non loin de Tembouchure du Yalou. Lesdeiix
ou trois navires qui purent s'échapper se réfugièrent à Port*
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LS9 KASCi HAVALfiS BS CSOIK 507
Arthiir, «ù roa se mh anni rapidemcsk que jpowibkreft état àê
<léfeaw et où l'on coDceflafara «uTOan l(>.oè& hiiMMin
Les JftpoEMâs^ porfaiteneci^ au coamit éc ki aitafttkia»^ débw»
^p^m* leur» troiip«9 énu» les baws ée l»>lim €hm«s. »'eBp»*
remit ée la TÎUe de Km'^iiéofB pres^pie sans résistaotte, pua»
investirent Pori-Artlnir pm tetre^en même tenpe i^n'iki le Ue»^
qnaéent pifr n^r. Le 21^2 noTenJbv» ib étaient mMima de la
position^ qu'il» gardèrent de pnr le tnHêèê pnx de âimenoseki
JQsqv'no memenit oèi la France, alliée il l'AUem^ne et ài la,
Rnsme Jes obligea de restrtnev ee port à laChmev Ayant dis pai^
tir ils enlevèrent tontes les paèeea <fe raFmenwnk et détnn^ben*
toat ee qn'ile ne purent emporter»
Apeè» la prieet de Kiao4ebée« par le» i^bemands le 17 ne^
Tembre 18&7^ les Rnsses se firent céder à bedl hi pcôntesuè éa
la p^unenle dn Liao-touoigr avec Par(>-Artinr ekTa^Uenhenani
Befuis kngtempa ils cooToèfaient la posaessBon d'un peet libra
de glaces^ snr lenedteS'de Corée ott deCbine, ei^ dès 1^6, la Sn^
mense eomnentioa Cassini, conclue seerètement avee ist gonTen^
nement cèrinoss^ leur avait assurérosi^ de maotebéon eemaan
station iwfale pour kanr âiotte du Pacifiée. Port-Avtbnr, é^
ponrm d'un baaeÎD et d'me cale de radonb aime sesatettevat èr
réparatma ebwê^^fort^y était înfininent peéférable^sQFtant clepoê»
fs'il» avaient eMenn raatonaaëon de £ake paaser en Mand^
cboarve Fwtiénrillé wienlaitt^ «hx diemm àe iet taanabteîen.
Il était fcMnle en effet de relier eeliiir<;i parnne veâe fenrée ai»e«
Port-Aplbnrvi4 Monkden et Tob était abacdanneiit nnildre dte
tonte la provineedeSbii^^ng ainsi qne dn LiacHtonnff. Péknagf
tonbait dn eenp dans In «me d'iitflnenae maee et Fonr powvaâk
yinvestîrenqnalqnfesjocBrsy ailerbeson »'efltiaâanîiaeaÉbr^tcwi
en lennaart Fapj^ocbe de Tienhf sîn. aux flatteafos ansaâent pna sa
perte» an seconrs do gunn evaenienfe cfaânoi» anac ahoia^
Les Raeses s'étaUireiife b ParVArtbnr et à 'Ea-lieoHHHia le
37 wmw^ 180» (1). L'amiral Dubasoff afacenpn anasitô* ée k
mettre en état €ke défense eootre^taate aitefne. Les vapema^éa
In iletle raaaey apporlèannk ccNifitamnient de» troupes^ dwinn-
tériel d'armement etdncfaariMn, pour lenj^neeir toni car qpan
tes Japonais afn«Eteidevé ont déiiuit.Eb}nKnl86& en. y avnib
(1) Ils hissèsent le pavillon chinois à côté du pavillon russe jusqu'au 7 août; à
celle dstr i\9 amenèrent I^ cliiifeisc
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508 LES BASES NAVALES EN CHINE
déjà reçu 250 pièces de montagne, 3 canons de ('» à 7 pouces et
environ 50 grosses pièces de forteresse. On y construisit des ba-
raquements pour la garnison, on releva les ouvrages de défense,
qu*on compléta par de nouveaux forts ou de nouvelles batteries
où Ton comptait 250 pièces. Bref, on se mit en mesure de trans-
formée la place en un véritable Gibraltar du Pé-tché-li.
Le port, qu'on avait d'abord déclaré port franc, ouvert à tous,
pour ne pas effrayer les voisins, devint peu à peu un véritable
port de guerre russe et, malgré les termes du contrat, les navires
de la flotte chinoise s'en virent refuser Taccès tant qu'ils ne se-
raient pas commandés par un officier de la marine russe.
On racheta aux Chinois leurs misérables maisons, puis on
expulsa plus ou moins rudement tous ceux qui n'acceptèrent
point de devenir sujets russes, au grand scandale des Anglais
qui avaient pourtant montré à Aden et ailleurs l'exemple de
ces procédés. Il est vrai que les Russes avaient poliment prié
ceux-ci de n'entrer dans le port qu'avec un passe-port en règle
ou l'autorisation de l'amirauté russe. C'est qu'ils entendent être
maîtres chez eux et il est probable qu'ils ont la ferme intention
de ne jamais rendre la place aux Chinois. La convention leur
en assure la jouissance à titre de bail emphythéotique pour une
période de vingt-cinq ans, mais une clause spéciale permet de
la prolonger d'une façon indéfinie par consentement mutuel
des parties contractantes ! La proclamation affichée par l'amiral
Dubasoff, commandant en chef à Port-Arthur, le 25 avril 1898,
établit que le terrain concédé s'étend depuis la pointe sud de la
péninsule jusqu'à une ligne tirée entre Po-lan-iieii et Pi-isu-
wo par 39*^25' de latitude nord. La juridiction dans ces limites
est exclusivement réservée aux Russes; cependant les cas de peu
d'importance seront laissés, si cela leur convient, aux mandarins
chinois. La concession, qui est de 800 milles carrés, comprend la
ville de Kin-tchéou et tous les ports et baies au sud de la ligne
indiquée. La partie sud de la baie de Ta-lien-ouan, de même
que Port-Arthur, formeront une base navale exclusive fermée
aux navires de commerce. Sitôt installés, les Russes prirent
possession du beau phare de première classe élevé, par le service
des douanes chinoises,àZ.ao-//M-5Aan, sur l'extrémité du sud de
la péninsule, et ils y remplacèrent les gardiens anglais et chinois
par des marins russes. Ils décrétèrent encore que le nom du
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LES BASES NAVALES EN CHINE 509
port serait en chinois Ni-ko-laoïian (1) ou Baie Nicolas, en
rhonneur du Tsar. Le 10 novembre 1898, les Russes avaient
d^yà 26.000 soldats dans leur nouvelle concession et sur le che-
min de fer entre ce point et Niéou-tchouang. Les dernières
nouvelles, en date du 21 février 1899, nous apprennent que les
Chinois, supportant mal les tracasseries de leurs nouveaux maî-
tres, se sont révoltés et qu'une centaine ont été tués par les
Russes à Ta-lien-ouan.
V. — Weï-haï-weï.
' Pour mieux défendre Tentrée du golfe du Pé-tché-li, les Chi-
nois avaient, sur le conseil des Allemands employés à la fortifi-
cation de Port-Arthur, décidé en 1889 de créer sur la côte nord
du Chan-toung une autre base navale. Ils avaient choisi à cet
effet la baie de Weï-haï-weï (2), à 37 milles à Test du port ou-
vert de Tché-fou, dont le mouillage n'est pas assez abrité et trop
difficile à défendre. La baie de Weï-haï-weï, ainsi appelée du
nom d'une petite ville murée située au fond, s'ouvre de l'est à
Touest dans le petit promontoire du cap Cod, qui la protège des
vents du nord et du sud par l'ouest, tandis qu'un archipel de
cinq petites îles brise les grosses mers soulevées par les vents
venant du nord au sud par l'est. Le mouillage est donc fort bien
abrité contre tous les vents surtout dans la partie orientale do-
minée par les collines des deux maîtresses îlesdeLiéou-koung-
tao (3) et de sa voisine Shouang-tao. On y trouve de 8 à 9 bras-
ses d'eau, près de l'entrée et à l'intérieur 3 1/2 dans toute la
rade. La mer y marne de 9' pieds; il a 18 milles de tour.
Une petite île, dite Channel-hland, ou île du Chenal, partage
en deux la passe est, large de 2 milles, et le fort que l'on y
construit croise ses feux avec ceux de l'île Liéou-koung et avec
trois forts construits en face sur la terre ferme. Quant à l'entrée
ouest, la plus étroite, à peine un mille de large, elle est défendue
pardeuxforts du côté de la terre, un sur l'île Observatoire et le fort
ouest de Liéo-Koung. En 1895, à la veille de la guerre avec le
(1) Ouan ou wan : Baie en chinois.
(2) Weï'hdi-wéi signifie « Dépôt des transports terrifiant la mer ».
(3) Tao : île.
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510 LES BibSB» %MyfÂLmt lEI oinii
Japo», temS' les ouvrages de ee pnrt, an no»hrc de onze, anFaiseBt
été ttcheTéë et aannés de gros eaneas Krupp de 15 à âfteemki-
mètrev, par k» smwdQ najor alkmasad ¥0S ikaiMkt*. Afin de
compléter la fermetvre de la rade os avait jonk File Ofamnra-
toire kla gravde tte fmr une beHe digiie en granit et Voo a^t
cemmeaeèy en 18@8v «me* a^re j«*ée s'aTiiçaa* de fai pMJsrte est
de Liéso-KouB^ vers File dar ClMsalr }Qs«pi'oè on capërait les
pousser, malgré la distance de 1 mille qu*ii ialbdt firam^ârsiir
des fonds de 6 à 7 brasses. Un beau wharf en fer, permettant
Taccostage aux grands cuirassés, avait été construit sur la côte
sud de Liéou-Koung où se trouvait également une bonne jetée
de débarquement pour les embarcations, une école navale, un
cfcamp de iiwcrovre> povr les élf «ipages ctlagaitiiiiw L'apffo-
d^e par terre est dMéndae' par une diatee de sontagneu dwailea-
soomicts atfteigseivl 1.6O0 piedsw La rcmte icAîaflifc 1» viUag» et
Welnhal-wel à Teké-fontraTerseceMe cktàsÊt parvDefnsaafiieile
k défendre. Une aatre route cuotowne kb baie par la aad se
rendanit aa eap ClM»4GP«Bg. Uae hgmt télégraphifa& rail eas
deuic rovtes H met te port en relation airec test te léaeaff efat*
nofs.
L'tte principale (LréourKoang^Tao) mesure deum malles cmsi-
ron de longueur fiRDrmmilIedelargear. Eihe sfétenAde Tcat à
Fonest. Sa côte nord est fomée perde hautes fakdsea à pic, an
pied desquelles la met Wiee a¥e€ violeaee,. ¥a tapaeéindi— de
l'eau. Un déj^r^fneneiit y est absdaonent intpoMMe. L^tte^
ayant 510-piedsde lianlenren sen mtlîea, panttigelMn W naanil
tage contre ht ftifenr des vente. Un nrar de diianse en cawrenae
la crête- d'me esfrémitéè Faaire. La pente nalarelite dia iêamm
est dirigée vers le sud ah Ton tioiive vne beile pia^e de saàle-
fin et dur. Au moment de ronnBerture deà tranraan es lâfti la
popvlatîen de Wei-haMreîl ne eamptait foe 400 àaaes. Elle^
est de 4.009 en {809. Ea iSOB* elle étatt de i.âOO peraMnn,
sans compter les setdata t# matelets. de la gafiÉaaaK, cl de nier*
virée de Teseadre dv niird. Dès 1883 le lientenanL BearclMt,
de* la marine anglaise, avatt indiiiué aa gMBwmtmeat dùneâ»»
rimportanee qir'îl y aurait 1 créer là «ne icatt de fBnninâarn>
ce qui fut fait en 1885, mais avec des instructeurs allemands (1).
(1} Cette école powédbi» u» amniffr wmrmi et 4a> piod» ée iMe anr 3&i 4e
large, ayant & son extrémité une batterie de canons Armstrong et V
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LES BÂftES MàVAUSS £M GHlffiSI 511
Pendant la gBerre avec la Fnmee^ en 18ft4, on abendoima les
travaux, les forts destinés à la défense n'étant paseneove cons-
truits. On tfansporta une partie de» madiines de Tatelier de
réparatioa à Port-Ârtbur et le reste Int enfooi dans Pile. A la
signature de la paix on rétablit Tatelier et on reprit les traraux.
Âm moment de la déclaratiim de gaerre aTecleiapcm, il y avait
40 ouvriers instruits à Vetiropéenne, 200 hoBiiiies à réeole
d'artillerie, un ekas^p* d'exereice 4e 300 yards de longueur sur
100 de largeur, des Imttes et cible» poiiv le tir. Les offieiers
instrueteurs et les ekefe ouvriers anglais et aUeuands se refo*
gièrent à Tehé-fou, seul le major allemmul Scbnell resta avee
ses troupes.
Il y avait aussi 8«ir Liéow-Koung-Tao une école navale ouverte
en 1800 avec 46élèvesrGJM)Éais au moyen d 'un eoneeors d'exames.
Après un stage d'essai de trois mois on n'en avait gardé que 30
qui furent versés dan» le service naval. Le directevr était
chinois maie il était assisté d'an dîrtctewr et de professeurs
étraufpess'. La durée deaétiides était fixée à cpatre années, à la
ftn desquelles les élèves devaient passer ma. examen de sottie ana-
logue à eelni subi p*r les cadets à l'école de Ckreenwich. A cette
école étaient joints un gymnase ainsi qne des laboratoires de
physique et de chimie, un observataîve pour le réglage des
chronomètres.
Un hôpital maritime était garni de lits pe«r 120 malades.
Des* chambres spéciales permettaieBit d'y soigner 20 officiers.
Deux médecins chineîs^ instraits à l'enrepéentte à recelé de
Hhédeeine du IV Mackensue, de Tien-tsin, enétakst chargés^ ain«
qià'an. médecin traitui à Isa chinoise le& malades qui le préfé-
raient.
Deux phares situés, l'un vers la pointe de Tchao-pétrtsni^ à
r^ktrée est. Vautre sur Tile Observatoire, dans la passe ouest^
facilitaient l'entrée du port. La portée d» premier était de
15 milles, celle du second, simple fende piort, de& milles seuks
ment. Us étaient munis d'apporeîfe cbi^triques françaij» de
Bartner et Fenestre et furent allumés pour la première fois
dfvant des saborda coianie k bord des cvirasséâ. Ue 1886 à 1888 elle avait fourni
T60 artnicnri pour le service de Fa flotte et 150 lieutenants, enseignes et instruc-
tmcs j avaient refvlBEarabrtvctSv
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512 LES BASES NAVALES EN CHINE
en 1891. Un mât de signaux s'élevant sur Liéou-Koung-Tao com-
plétait l'organisation du port.
Les travaux de défense avaient été commencés en 1889 et
poussés avec rapidité. Les gros canons des forts de Tîle centrale
étaient montés sur affûts à éclipse du dernier modèle. Des
routes militaires et des tranchées reliaient les forts sur la terre
ferme. Un réseau télégraphique et téléphonique facilitait encore
les communications. En somme, la situation était très capable
de supporter avec succès un siège de longue durée. L'amiral
Ting s'y réfugia avec 2 cuirassés, 2 croiseurs, des canonnières,
avisos et torpilleurs, après la défaite du Yalou et la prise de Port-
Arthur. Il ferma les passes avec deschaines et résolut de vendre
chèrement sa vie. 11 fut malheureusement mal secondé par ses
lieutenants et par la garnison et il se suicida lorsque les Japonais
ayant forcé la passe de nuit et détruit les forts de Tchao-pei-tsùi,
torpillèrent ses navires et prirent possession de Tarsenal et du
port du 30 janvier au 7 février 1895. Les troupes chinoises qui
comptaient environ 4.500 soldats en laissèrent plus de 2.000 tués
sur le champ de bataille et 4 de leurs grands navires furent
coulés, le reste pris. Par contre les Japonais ne perdirent que
400 hommes dont le général Odera et aucun navire de haut
bord, seulement 2 torpilleurs.
Furieux de s'être laissés devancer par les Russes à Port-
Arthur et honteux de leur en avoir, pour ainsi dire, suggéré
l'occupation en demandant l'ouverture de la base de Ta-lien-
ouan au commerce (pour empêcher les Russes de s'y établir),
les Anglais^ voyant leur influence encore menacée dans le nord
de la Chine par la prise de possessions des Allemands à Kiao-
tchéou, sur la côte sud du Chan-toung (le 17 novembre 1897),
résolurent de s'assurer du second battant de la porte du Pé-tché-U
en obtenant une base navale en face du Port-Arthur. Se rap-
pelant que l'établissement naval de Weï-haï-weï était dû à leurs
conseils, ils s'entendirent avec les Chinois, de façon à en obtenir
la concession à bail sitôt que les Japonais Févacueraient, après
avoir touché le reliquat de l'indemnité de guerre extorquée au
Céleste Empire. Us comptaient aussi opposer forteresse à
forteresse, neutraliser Port-Arthur par Weï-haï-weï, suivant la
formule du duc de Wellington qui prétendait que les fortifica-
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LES BASES NAVALES EN CHINE 513
tions d'Aurigny would castrate Cherbourg^ ou, tout au moins,
rendre un service aux autres puissances intéressées dans l'Ex-
trême-Orient en empêchant le golfe du Pé-tché-li de devenir un
lac russe.
Au besoin ils auraient payé eux-mêmes aux Japonais le der-
nier versement de l'indemnité de guerre pour obtenir d'eux
qu'ils abandonnassent au plus vite Wei-haï-weï. Aussi ne fut-on
pas surpris d'apprendre par un télégramme en date de Pékin du
V^ juillet 1898 que Sir Claude Mac-Donald avait signé ce jour-là
avec le prince Tching une convention accordant à l'Angleterre
la concession à bail de toute les îles et eaux de la baie de Weï-
haï-weï, ainsi qu'une étendue de terrain de 10 milles de profon-
deur tout autour, plus une zone neutre de 12 milles. La conces-
sion est valable pour la même durée que celle de Port-Arthur
aux Russes. L'Angleterre a, de plus, le droit de construire toutes
les fortifications qu'elle jugera nécessaires, de placer des troupes
ou prendre des mesures de défense sur les côtes de la pénin-
sule du Ghan-toung ou dans leur voisinage, et ce dans toute la
région à Test d'une ligne passant par 126** 40' de longitude
orientale de Greenwich, ce qui met en somme la partie pénin-
sulaire du Ghan-toung dans ses mains. Dans toute l'étendue du
territoire concédé, l'Angleterre a droit de juridiction, mais la
Ghine garde celle de la ville même de Weï-haï-weï et le droit
de se servir de la baie pour ses navires de guerre ou de com-
merce (1).
On n'avait pas attendu la signature de la convention pour
occuper la place. Evacuée le 18 mai par les Japonais, Weï-haï-
weï recevait le 30, une petite garnison de 150 soldats de marine
anglaise, répartis par moitié sur la terre ferme, et sur l'île
Liéou-Koung. Trait caractéristique, on établit aussitôt un
champ de récréation pour jouer au cricket.
La population de la zone anglaise est de 350.000 âmes, d'après
le dernier recensement chinois. Les habitants du Ghan-toung
oriental sont surtout des pêcheurs hardis et courageux et des
cultivateurs d'une solide constitution; aussi, feront-ils d'excel-
lents soldats.
Nos voisins se sont aussitôt installés, préoccupés d'organiser
(1) Times, 2 juillet 1898 et 17 août 1898.
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514 L» BA8BB NATALES EK CHINE
la défense de leur nouvelle base navale, et ils ont envoyé à Wé!-
haï-werï, les cadres da premier régiment chinois qui sera de
1.000 hommes (1).
Les Japonais ont fait sauter les forts, enlevé toutes les pièces,
ou brisé à la dynamite les gros canons trop difficiles à trans-
porter, anssi, faudra-t-il dépenser de fortes sommes, pour
rem^tre le toutou état, et cette nouvelle base navale menace
de devenir une lourde charge poar le gouvernement anglais.
En attendant le rétablissement des fortifications, les marins
des navires de guerre angtais, ont déjà éievé sur Tîle Liéou-
Koung, une excellente jetée de débarquement. On s'occupe éga-
lement de la construction d'une digne à travers l'entrée orien-
tale, et du dragage de la baie^ de façon à en augmenter la pro-
fondeur^ jusqu'à ce qu'elle puisse tenir toute une flotte de
gros navires.
Aux dernières nouvelles (fin février), cette drague venant
d'Angleterre, avait déjà atteint Hong-Kong. Elle doit être
rendue maintenant à destination (2). lia été aussi question à la
Chambre anglaise (13 février dernier), d'établir une commu-
nication tél%raphiqne^ directe par câble anglais, entre We¥-
haï-weï et Hong-Kong, de façon à être comptètênent indépen-
dant des lignes terrestres, qui sont entre les mains du gouver-
nement chinois, et sont d'ailleurs souvent interrompues. En
attendant, on a déjà immer^ un petit câble qui met Tile de
Liéou-Koung en communication télégraphique avec le réseau
chinois de la c6te nord du Chan-toung. En prenant {Possession
de la place, les Anglais ont hissé leur pavillon à côté de celui
des Chinois, comme avaient fait les Russes à Port-Arthur.
En octobre dernier, le colonel 0. F. Lewis y fut envoyé par
le département de la guerre, pour en étudier la défense. Il
(1) Ces officiers partis de Londres, le 1«' Janvier 1899« sont : 1 major, 2 capi-
taines, 2 lieutenants et 6 sous-offlciers, qni seront sous les ordres du colonel
Bower, actuellenteat sur plftce.
On a prévu pour 1899 à Weï-haï-weï, la garnison suivante : Artillerie de tous
rangs 128 hommes ; Génie : 5 officiers et 48 hommes ; Infanterie, deux huitièmes
d'on battilkm, seit 233 hommes de tout rang; Corps colonial : Infanterie, G9S de
tout rang. Corps départemental : 1 officier et 3 hommes du corps médical, im 4e
VArmy Ordnance Corps et un de VArmy Pay Corps. Total de tous rangs 1.112.
On a prévu un budget de £ 100 pour un Secrétaire dessinateur; de £ 115 pour un
Surveillant militaire des travaux et enfin £ 10 pour Frais de poste et divers
[London and China Télégraphe 6 mars 1899).
(2) 1*' Juin. Elle est arrivée et a déjà creusé une partie du port«
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LBfi SA8CS K AVALES MM CIHKX 515
déolara if a'eiie était pefisilile, iiuuifi arec de çcasd» dépaA&efi.
fia tout ^oêl^ otkÊL en Tulail; la peine, oar la rade «st beaueocqp
fins lar^e ^œ «ceUe de PortnArtlMir. C'est, dit*U, le meîUettr
mouilia^e au novd d'Hoof^Koog. La photograpJuie -qu'il en
prit, y iiioiitpaii 2 ^ntnds cairaBséa, deux croifieuns et 5 autdres
Mtrâwfi de faeme aaçlaîs, kifisant de la |»laee pour uae flotte
beaucoup pèns oonsidéraUe. Mais il faudra yconatruire un^bad-
mn dé radoub.
M. KlAO-TCHÉOC.
Nous avons déjà raconté ailleurs, Thistoire de la prise de pos-
session par les Allemands de la baie de Kiao-tchéou, sur la côte
sud du Chan-toung, et décrit cette nouvelle base navale avec
sa zone d'influence. Nous n'allongerons donc pas inutilement
cette étude, en répétant ici ce que nous avons déjà dit (1). Nous
nous contenterons de dire qne Timportanoe de Kiao-tchéou est
discutable comme base navale, la baie n'a qu'une très faible
profondeur, et le mouillage y est mal protégé des vents et des
grosses mers, soit qu'on jette l'anere à droite ou à gariK^e de
l'entrée. Les Russes auxquels la convention secrète, dite conven-
tion Cassini, en Bvait assuré Tusage, lui préférèrent avec raison,
l'arsenal tout construit de Port-Arthur, le seul de la Chiné du
nord possédant une cale de radoub. Pour utiliser leur concefr-
sion, les Allemands devront construire tout un système de
quais, jetées et brise lames, dont on estime le coût à 2S millions
de francs, sans parler d'un bassin de radoub, s'ils veulent être
indépendants des Anglais ei des Russes, à Hong-Kong €* Port-
Arthur. Ils ont déjà fait de grands projets de chemins de fer des-
tinés à amener à Kiao-tchéou les houilles et les produits de la
province du Chan-toung. Il leur faudra trouver pour cela, des
capitaux considérables, puis construire des forts, dont l'arme-
ment sera une nouvelle cause de dépenses. En somme, toBft est
à faire, et Ton doute fortement qu'ils arrivent à détourner le
courant commercial du port de Tché-fou, surtout maintenant,
que les Anglais se sont établis à côté, à Weï-haï-weî. Ils n'ont
(1) Voir daiM le Cotv^e^pêndant du 10 et 25 mai 1896 : Ijbs Allemands en Chine,
et dans la Revue française du !•'' avril et l»' mai 1898 : Kiao-tchéou et La pro-
vince du 'Chan-tmmg,
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516 LES BASES NAVALES EN CHINE
encore réussi qu'à importer leurs méthodes de prussification et
de militarisme à outrance, qui sont juste l'opposé du système
anglais, si favorable au développement des jeunes colonies.
Leurs tracasseries administratives éloignent colons et commer-
çants, bien qu'ils aient annoncé officiellement que Kiao-tchéou
serait port franc. Seuls, quelques navires du Nord-deutscher
Lloyd, subventionnés par l'Etat, y ont fait escale pour y trans-
porter la poste, des militaires et des munitions. Les Chinois
molestés ont déjà montré des signes de rébellion, et ont assas
sine un soldat allemand. Si on les pressure par trop, ils quitte-
ront le pays, et l'on y manquera de main d'œuvre pour les tra-
vaux à entreprendre.
Vil. — KOUANG-TCIIÉOU-OUAN.
Depuis 1896 la France cherchait elle aussi une station
navale sur les côtes de Chine et notre flotte avait, cette année là
même, visité à dessein la baie de Kiao-tchéou qui ne parut pas
favorablement disposée. L'opinion publique surexcitée par les
prises de possession successives des Russes, des Allemands et
des Anglais, força nos gouvernants à demander aussi une base
navale quelques part sur les côtes chinoises. Un explora-
teur bien connu, M. ClaudiusMadroUe, fut consulté. 11 conseilla
avant tout de prendre l'île qu'il avait explorée Haï-nan, puis
comme on lui objectait qu'elle ne possédait pas de port, on pré-
tend qu'il dit : « Alors prenez n'importe quoi, mais prenez vite ».
Il ne pouvait malheureusement plus être question des Pesca-
dores conquises par l'Amiral Courbet et qui auraient formé pour
nous une excellente base navale, si notre gouvernement, crai-
gnant sans doute de déplaire à l'Angleterre, n'avait eu la faiblesse
de les rendre à la Chine au grand chagrin de toute la marine
française. On sait qu'elles sont aujourd'hui aux mains du Japon
ainsi que l'île de Formose tout entière. Les îles Chusan pos-
sédant un bon port à proximité de l'entrée du Yang-tze-kiang
auraient bien fait notre affaire. Mais l'Angleterre qui les a
occupées en 1840 et 1841, ne les a rétrocédées à la Chine que
sous la condition formelle qu'elles ne pourraient être cédées à
aucune autre nation. Elle se réserve évidemment le droit de
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LES BASES NAVALES EN CHINE 517
s'y établir à nouveau et le bruit à même couru en novembre
dernier qu'elle venait d'y hisser son pavillon. Elle s'était
contentée d'y faire de l'hydrographie et, ayant reconnu sans
doute que le mouillage ne présentait pas assez de profondeur
pour ses gros cuirassés, elle fit démentir le bruit et porta ses
visées ailleurs.
Il ne pouvait non plus être question pour la France de se
fixer à Port-Hamilton entre l'île de Quelpaërt et la Corée. On
sait que, pour empêcher les Russes de prendre pied dans ce
royaume, l'Angleterre occupa en 1885 les trois îles de Sodo,
Sunodo et Chuwen (ou Observatorylsland) formant ensemble la
rade de Port-Hamilton et ne se retira en 1888 que lorsque Lord
Rosebery eut obtenu de la Russie une promesse formelle qu'elle
respecterait l'intégrité de la Corée, et de la Chine la garantie la
plus explicite qu'aucune puissance ne pourrait s'installer à sa
place dans les îles en question. L'Angleterre, il faut bien le dire,
ne fut pas fâchée de se retirer dans ces conditions, étant donné
que trois de ses amiraux avaient déclaré successivement qu'on ne
pouvait défendre Port-Hamilton qu'en y faisant d'immenses
dépenses de fortification et qu'il faudrait toute une flotte pour
l'empêcher d'être bombardé par une escadre ennemie (1).
La Chine se défiant de nos intentions s'empressa aussi d'ou^
vrir au commerce international les points que nous aurions pu
convoiter sur sa côte, tels Foii-ning dans la baie de Samsah,
Tching-ouang-tao sur la côte nord du golfe du Pé-tché-li, pour
remplacer Niéou-tchouang, déjà à demi accaparé parles Russes.
La Corée, sans doute conseillée par certaine puissance, en fitau-
tant et les ports de Tche-nam-po, et Mokpo furent ouverts éga-
lement à toutes les marines étrangères.
L'Amiral de Reaumont, pressé de prendre n'importe quoi, se
résigna à hisser le pavillon français dans la baie de Kouang^
tchéou-ouan dont nos navires de guerre avaient fait récem-
ment l'hydrographie, et dont on doit la première carte à un
Français, M. Longueville, qui^en 1870, commandait une canon-
nière du vice-roi de Canton. C'était un pis-aller et l'examen des
cartes marines, que nous étudiâmes aussitôt qu'on apprit la
nouvelle, nous permit de voir que cette position était loin d'être
(1) Problems of the Far Easl by the Right Hon. George N. Gurzon M. P. 1896,
p. 214.
BEVUE POLIT., T. XX 34
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SI 8 LES BASES NAVÂLfSS ÈI« fl^HtNE!
avantageuse. Des lettres de Chine, des articles, dans les joumaut
duTonkin, ne tardèrent pas à confirmer les craintes que, pâi*
raison de discrétion et de patriotisme, nous n'avions pas voulu
formuler dans la description purement géographique que nous
en publiâmes dans les comptes rendus des séances de la Société
de géographie (1). Depuis, les Questions Diplomatiques et Colo-
niales^ dans leur numéro du 1*^ février dernier, ont publié une
lettre (non signée) datée de Kouang-tchéou-ouan, 9 décembre,
qui émane évidemment de quelqu'un touchant de prës à la
marine. Elle raconte la prise de possession du 22 avril 1898 et
établit sans ambages que la baie est inaccessible aux granits
navires et que sur trois commandants de nos navires de guerre
connaissant bien Tendîoit, deux avaient voté contre Toccupa-
tion.
Si le mouillage semble mauvais, le climat ne paraît pas tileil*
leur et nous avons déjà eu le malheur d'y perdre un de nos
amis, un jeune enseigne de vaisseau, M. A. Letîmbre, qui y a
succombé d'un accès pernicieux quelques jours à peine aprëtf
son arrivée.
La population s*est montrée hostile dès le début et Ton a dû
employer contre elle des moyens de coercition pour l'obliger à
fournir des vivres à nos marins.
Ajoutons que la position même de cette baie en face de
Haï-nan, dans la partie orientale de la péninsule de Lei-tchéotl,
la met tout à fait en dehors de la route ordinaire des paquebots
ou des navires de guerre.
Quant aux ressources du pays, dit la lettre en question, elles sont
entièrement restreintes et comme ce point n'est Faboutissement d*aucune
route, d^aucune rivière, aucun commerce ne pourra y être engagé... et
une installatioa comme celle où nous allons dépenser cdrtainéifid&t des
millions sur la côte est de la presquMIe de Lel-tchéou est fktal'eiiMit
placée dans la sphère d'infhience commerciale de Hong-Kong (2|).
L'ouverture du Si-Kiang ou rivière de Touest de Canton et
celle toute récente des ports de Nan-ning et Wou-tcbéou nif
cette rivière dans une région directement au nord de Kouang^
tchéou ne sont pas faites pour donner tort à ces conclurions (2).
(1) No 5, mai 1898 (séances du 6 et 20 mai), p. 227-229, avec un plan.
(2) Questions Diplomatiques et Coloniales^ 3' année n» 47, !•' février 1899,
p. p. 184-185.
(3) Le seul avantage réel que nous aurions, dit-on, obtenu de la Chine, c*e»t
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LES BASES NAVALES EN CHINE 519
Enfin pour terminer cette étude sur les bases navales des
côtes de Chine, disons que les journaux ont fait courir dans les
premiers jours de mars le bruit déjà répandu que la Chine avait
concédé comme station navale aux Italiqxxfi) la baie de San Men
ou San Moon entre Ningpo et Ouen-tchéou (Wenchow). Nous
ne possédons encore aucun document nous permettant d'af-
firmer l'existence de cette concession qui, a priori, nous semble
parfaitement placée au milieu même des côtes du Céleste
Empire non loin de l'embouchure du Yang-tze-kiang et dé
Tarchipel si important des îles Chusan. Nous savons seulement
que l'Amiral Canevaro a affirmé à la Chambre des députés
d'Italie, le 22 février dernier, que le ministre de la marine
envoyait en Chine de nouveaux navires de façon à y former une
division navale. 11 proposait aussi d'augmenter le nombre des
consuls Italiens en Chine. L'obtention d'une base navale devait
suivre tout naturellement ces projets (1),
que rUe de Haï-nan ferait partie de notre sone d'ioiloenoe, et ne pourrait être
cédée, par suite, à aucune puissance étrangère.
(1) tondûn and China TêUgraphy Tt février laW.
A.-A. PAtvÉt,
Ancien officier des douanes impériales chinoises.
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LE BUDGET ANGLAIS
DANS SES RAPPORTS
(i)
AVEC LE PRINCIPE DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS
I. — La SÉPARATION DES POUVOIRS EN ANGLETERRE.
La France et la Grande-Bretagne sont deux Etats parlemen-
taires, SOUS des formes de gouvemementdifférentes. La respon-
sabilité politique des ministres devant les Chambres, principal
moyen d'action des Assemblées sur le Pouvoir exécutif et carac-
tère distinctif du régime parlementaire, existe dans la Consti-
tution de Tun et de Tautre pays. Cependant, entre ces deux or-
ganisations si ressemblantes dans leurs grandes lignes, il existe
une différence radicale, non seulement quant à l'origine des
pouvoirs publics, mais encore et surtout quant à la manière
dont ces organes se distribuent Texercice de la souveraineté.
Alors qu'en France la séparation des pouvoirs est presque
synonyme de conflit ou tout au moins d'antagonisme, en An-
gleterre, ces pouvoirs, bien que distincts, sont étroitement unis.
Le Parlement et le ministère britanniques nous offrent ce grand
spectacle, inconnu ici, de deux puissances alliées, dont l'entente
sincère et durable se fonde sur une confiance réciproque.
Alliance féconde, qui permet à la nation anglaise d'apporter,
dans sa politique intérieure comme dans les affaires étrangères,
l'énergie et l'esprit de suite qui font sa grandeur et sa force.
(1) Extrait d'un mémoire sur le Contrôle des budgets publics en France el à
^étranger, couronné par l'Académie det sciences morales et politiques (concours
Saintour de 189S). (Sous presse.)
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LE BUDGET ANGLAIS 521
Cet accord du Parlement britannique et de la Couronne s'ex-
plique d'abord historiquement. Les Anglais n ont point conquis
leurs libertés politiques par une Révolution ; ils y sont arrivés
graduellement par la monarchie. C'est à la Royauté qu'ils doi-
vent les bienfaits du régime parlementaire ; c'est sous l'égide de
la dynastie régnante qu'ils se sont initiés et formés à la pratique
de ce self-govemment dont la plupart des constitutions libérales
de notre pays ne sont que de pâles copies. Ajoutons que l'An-
gleterre est en possession de ce système de gouvernement depuis
des siècles ; bien avant que Montesquieu l'eût proposée à l'ad-
miration de ses contemporains, la Constitution britannique,
fixée par la coutume (common law) plus encore que par la loi
écrite, fonctionnait régulièrement, avec tous les attributs essen-
tiels qui, à l'heure actuelle, lui appartiennent en propre. Ce
n'est pas le « Rill des droits » de 1688 qui, le premier, a inter-
dit à la Couronne de lever des impôts sans l'autorisation du Par-
lement. Cette règle fondamentale du régime constitutionnel
s'était établie dès le milieu du xiv'' siècle.
Ainsi appuyé sur une pratique séculaire, profondément enra-
ciné dans l'histoire du pays, le système parlementaire présente,
au delà du détroit, des garanties de stabilité qui lui font encore
défaut en France. Entre les deux grands pouvoirs qui concou-
rent à la mise en œuvre de ce régime ne se lève pas le souvenir
irritant de luttes à peine apaisées et prêtes à se rallumer au
moindre souffle. L'esprit jacobin, legs funeste des temps hé-
roïques de 1793, qui fausse le jeu de notre Constitution, est,
pour la nation anglaise, un anachronisme inintelligible. Ses
traditions, dont elle est particulièrement jalouse, se lient inti-
mement à celles de la monarchie. Toute cause de défiance et de
soupçon à rencontre de la Couronne se trouve par là même écar-
tée. Loin de redouter les empiétements du Pouvoir exécutif, le
« loyalisme anglais » voit dans la royauté, inamovible et héré-
ditaire, la plus ferme des garanties pour sa constitution libérale.
Un chef d'Etat souverain par droit de naissance est moins dan-
gereux pour la liberté qu'un Cromwell ou qu'un Bonaparte.
Une autre raison, non moins puissante, détermine, en Angle-
terre, l'heureuse cohésion des grands pouvoirs de l'Etat.
L'éducation politique des Anglais est plus avancée que la
nôtre. En France, tout député est candidat au prochain minis-
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htt LE BUDGET ANGLAIS
tère. La latte pour les portefeuilles est le principal moteur de
notre activité parlementaire. A peine arrivés au pouvoir, les
ministres doivent songer à défendre leur fragile existence
contre les caprices d'une majorité changeante. En Angleterre,
rien de pareil. La Chambre des communes est divisée en deux
grands partis, les libéraux et les conservateurs (wighs et tories).
Chacun de ces groupes, compact, discipliné, ayant son pro-
gramme politique nettement défini, se range derrière un chef
accepté de tous, le leader^ orateur et directeur du parti. Le /ea-
der^ élu à Tavance, représente officieusement son groupe, en
toute circonstance, au Parlement comme au dehors. Lorsque
son parti est vainqueur, c'est lui que la Reine charge, comme
premier ministre, de constituer le cabinet. Fidèle à son origine
et à ses engagements, le leader partage entre les représentants
les mieux qualifiés de la majorité dont il est le délégué direct,
non seulement les portefeuilles ministériels, mais encore tous
les postes importants de T Administration.
Les conséquences de ce système de gouvernement apparais-
sent d'elles-mêmes. En réalité, c^est le pouvoir exécutif tout
entier qui passe aux mains de la majorité de la Chambre, dont
le leader, devenu premier ministre, n'est que le représentant.
Cette mainmise du Parlement sur le ministère, sur les organes
de TAdministration et du gouvernement, s'enveloppe, il est vrai,
de formes constitutionnelles. En apparence, c'est de la reine que
le leader et ses collègues du cabinet reçoivent rinvest^ture.
Mais, au fond, c'est la Chambre des communes elle-même,
personnifiée par le leader et les membres les plus considérables
de sa majorité, qui s'empare de toutes les hautes fonctions gou-
vernementales, qui dirige la vie administrative du pays.
On le voit, dans la pratique constitutionnelle de l'Angleterre,
les mêmes hommes sont à la tête du Parlement et de TAdminis-
tration. Par là s'explique sans peine l'union intime des deux
pouvoirs législatif et exécutif, leur mutuelle confiance, leur
action commune. Aussi longtemps que Taxe de la majorité ne se
déplace pas, le cabinet peut absolument compter sur le con-
cours du Parlement. Le groupe d'où il émane le soutiendra
constamment de ses votes. A vrai dire, la séparation des pou-
voirs devient, dans de telles conditions, purement théorique.
Il n'y a pas seulement accord des organes de la Constitution,
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hR BUDGET ANGLAIS 523
laaU ooncentration de la puissance gouvernementale dans la
Chambre des communes.
En France, on pourrait tout craindre d une situation dont
HOQ Chambres peu disciplinées, fractionnées en une multitude
de groupes, rebelles à toute direction, ne tarderaient pas à
abuser. li est très probable que nos Assemblées ne résisteraient
pas e^u désir d'affirmer leur omnipotence et de diriger laction
du oabinet. Ce serait alors, non plus Talliance des pouvoirs,
mais leur confusion.
Contre ces entraînements, la Chambre des communes
anglaise n'a point à se prémunir. Habituée à reconnaître
l'autorité de son leader et à en accepter la direction, la majo-
rité ne cherche ni à contrarier, ni à limiter l'initiative gouver-
nementale du premier ministre, son chef de la veille. Le crédit
qu'elle lui accordait avant son arrivée aux affaires, elle le lui
continue dans sa nouvelle situation. Elle sait qu'il aura h cœur
d'appliquer, comme chef du cabinet ou chancelier de TEchiquier,
le programme qu'il défendait hier encore comme leader du
parti. Ce programme, elle n'a pas à le lui rappeler ni à lui en
indiquer les exigences. Il lui suffit d'en contrôler l'exécution.
Ce mode d'interprétation du principe de la séparation des
pouvoirs, si éloigné de notre pratique constitutionnelle et dont
on ne trouve nulle part ailleurs l'équivalent, se traduit par ces
deux avantages d'une importance capitale et, à première vue,
contradictoires : un pouvoir exécutif très fort, très énergique-
ment organisé, en pleine possession de toute la puissance
gouvernementale; et, d'autre part, un Parlement qui, sans agir
ni intervenir lui-même dans la marche de l'Administration,
inspire et domine cependant toute l'activité politique du pays;
en déléguant pour ainsi dire dans les hautes fonctions de l'Etat
les hommes qui ont sa confiance et qui sont ses porte-paroles
attitrés. Merveilleux résultat, qu'une observation superficielle
pourrait taxer de paradoxal, mais qui s'explique immédiatement
lorsqu'on tient compte des mœurs politiques de nos voisins,
de leur sens de la discipline, de leur esprit positif, qualités
bien anglaises, que nous ne pouvons malheurement inscrire à
notre actif.
Il n'était pas inutile d'insister sur ces considérations d'ordre
général, trop souvent perdues de vue. Elles vont, en effet,
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524 LE BUDGET ANGLAIS
nous livrer le secret des différences, nombreuses et caractéris-
tiques, que nous avons à signaler entre l'organisation du budget
en Angleterre et celle du budget français.
Les institutions financières d'une nation ne s'expliquent,
elles ne se révèlent sous leur vrai jour, qu*à la condition d'être
rapprochées des principes organiques qui déterminent la forme
politique du pays^ qui constituent la ligne de faîte à laquelle
viennent se souder et s'arc-bouter les parties latérales de Tédi-
fice.
II. — Influence de l'union des pouvoirs sur le mode
d'établissement du budget.
Les personnages les plus influents du parti au pouvoir, grou-
pés autour de leur leader, se partagent, on vient de le dire, les
différents ministères. De tous les départements ministériels, le
plus important et le plus recherché, à raison du droit de con-
trôle qu'il exerce sur les autres branches de l'Administration,
est le ministère des Finances, le board (conseil) de la Tréso-
rerie.
C'est sur le département de la Trésorerie que le leader jette
toujours son dévolu. Pour nous servir de la juste expression
de M. Arnauné (1), « au pouvoir comme dans l'opposition, le
« leader veut être le chef. L'attribution à la Trésorerie d'un
« droit de contrôle sur les dépenses des autres départements
« ministériels lui donne le moyen de maintenir l'état-major
« du parti sous sa direction ». Et le savant auteur ajoute :
M La prépondérance de la Trésorerie est, au fond, l'une des
« formes de manifestation de la forte discipline des partis an-
« glais et de l'autorité très effective que la leadership confère
« à leurs chefs ».
C'est donc le chef du cabinet, le premier ministre, qui prend
le portefeuille des Finances, avec le titre de premier Lord de la
Trésorerie [first Lord of Treasury). Mais il lui serait difficile,
(1) Cette citation est empruntée à l'étude remarquable sur le système finan-
cier anglais que M. Arnauné a publiée, en avril 1885, dans le Bulletin de la So-
ciété de législation comparée. Nous ne pouvons que recommander la lecture
de cette monographie, dont la profonde érudition se voile sous Tattrait de la
forme.
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LE BUDGET ANGLAIS 525
on le conçoit, de diriger lui-même concurremment Tadministra-
tion financière et la politique générale du royaume. Aussi,
presque toujours, se fait-il suppléer, pour l'exercice de ses at-
tributions de finance, par un ministre en second, le chancelier
de TEchiquier {chance llor of the Exchequer), pris comme lui
parmi les chefs du parti maître du pouvoir.
En somme, le Parlement est représenté par ses leaders^ au
département de la Trésorerie. L'un de ces délégués, le premier
Lord, n'a guère que le prestige de la fonction ; l'autre, le chan-
celier de l'Echiquier, en a la réalité.
Les deux chefs suprêmes de l'administration des finances sont
assistés de trois commissaires (juniors Lords) et de deux secré-
taires, appartenant, comme eux, à la majorité du Parlement. Ces
sept personnages politiques forment avec un troisième secré-
taire étranger aux Chambres et d'ordre purement administra-
tif, le board ou conseil de la Trésorerie.
Autant par sa forme extérieure que par son titre, cette cu-
rieuse organisation évoque directement le souvenir du système
qui fonctionna dans notre propre pays, à l'époque de la Révolu-
tion, sous le nom de Trésorerie nationale. L'analogie entre les
deux institutions ne s'arrête point aux apparences. Nos ancien-
nes commissions de Trésorerie de la période révolutionnaire
étaient, comme le board de Trésorerie britannique, dominées par
l'influence politiquedel'Assemblée.Leursadministrateursfurent
vraiment les hommes de la Convention. Enfin, les attributions
sont, de part et d'autres, similaires. Les commissaires de la Tré-
sorerie de la Révolution avaient pour mission de préparer le
budget, d'assurer le service des payements et de contrôler les
dépenses publiques (1).
Telles sont précisément les attributions fondamentales de la
Trésorerie en Angleterre. Nous n'avons pas à nous occuper,
pour le moment, du rôle dont le board est investi au point de
vue du service du mouvement des fonds et de son contrôle
préalable; ces explications viendront à leur place, dans le cha-
pitre de cet Essai consacré à l'examen comparatif des procédés
(1) Nous ninsisterons pas sur cette analogie plus qu'il ne convient II est pro-
bable que la Révolution et, avant elle, l'ancien régime avaient emprunté à l'An-
gleterre les idées maltresses du système qui s'organisa, à partir de 1788, sous le
nom de Trésorerie.
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ee6 LE 9UDGBV ANfiUaS
du contrôle préventif. U n'est question, tout h rheure, que du
budget et de son règlement législatif. C'est, par suite, sous
ce seul rapport, qu'il convient de dégager les fqnoUons si im-
portantes de U Trésorerie britannique.
Dans rétablissement du budget de TEtat, le board^ ou plus
exactement, le Chancelier de TEchiquier, son directeur effec-
tif, ei^erce au nom et dans l'intérêt du Parlemeiit une action si
prépondérante, un contrôle d'une telle sévérité, que les Chambres
anglaises ont cru pouvoir, sans compromettre aucune des ga-
ranties du régime parlementaire, renoncer à leur dwit d'initidr
tive en matière de dépenses. Ici encore, la confiance absolue,
Tentente étroite qui unit la majorité du Parlement et le chef du
ministère se manifeste par les formes toutes spéciales de la pré-
paration et du vote du budget.
Le budget anglais n'affecte pas, comme le nôtrci Tapparence
d'un programme imposé par les Chambres au Gouvernement, à
la suite d'un débat public où parfois c'est le sort du Cabinet qui
est mis enjeu* Il est le produit d'une collaboration loyale et pro-
longée de la Trésorerie et de la Chambre des communes. Point
de commission du budget interposée entre le ministère et le
Parlement, point de discussions interminables» de ces hors-
d'œuvre brillants, mais powr le moins inutiles, où s'attardent
volontiers les Assemblées de nos pays latins. Sobre, précis, pré^
férant au vain éclat des mots l'éloquence décisive des faits, le
génie anglo-saxon court droit au but, sans s'arrêter aux tour-
nants de la route. C*estla Chambre des communes elle-même qui
est sa propre commission du budget. Elle se met, directement
et sans intermédiaire, en contact avec les prévisions du Chance-
lier de l'Echiquier, son principal auxiliaire dans l'csuvre du
budget.
Au Chancelier il appartient, tout d'abord, de vérifier et de
reviser, sous sa responsabilité, les étals de prévisions {estimales)
QÙ les ministres ont consigné l'aperçu des dépenses de leurs
départements. Ce contrôle est sérieux. A l'égard des services
civils, il s'exerce avec une rigueur particulière. Toute prévision
qui n'a pas obtenu l'approbation préalable de la Trésorerie doit
être retranchée des estimâtes ou projets de budget partiels que
le Chancelier reçoit des mains des différents chefs de service,
pour les présenter lui-même à la Chambre des con^miwes*
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Iifi BUDGET ANGLAIS b27
La revision de la Trésorerie ne s'applique pas, en fait, on le
conçoit, avec cette raideur théorique. L'art des tempéraments et
le sens de la juste mesure sont au nombre des qualités profes-
sionnelles des hommes de la Trésorerie. Tout se règle ordinal^
nairement, par voie de transaction et à Tamiable, entre le Chan-
celier et les chefs de service dont il discute les évaluations.
On vient de dire que Texamen préalable du Chancelier de
TEchiquier n affecte un caractère nettement coercitif que yis*à«
vis des estimâtes des administrations civiles (justice, instruction
publique, services diplomatiques, colonies, sciences et beaux-
arts, services financiers), La procédure est un peu différente
pour les prévisions annuelles des départements de la guerre et
de Tamirauté. La Trésorerie prend bien connaissance des €$4%--
maies de ces ministères, trois semaines avant la réunion du
comité des subsides, mais elle ne peut ni les rectifier elle-même,
ni s'en approprier les évaluations. Tout ce qu'elle peut faire,
c'est de s'assurer qu'ils ne contiennent aucun changement dans
la classification du personnel, aucune charge nouvelle. Lors-
qu'une modification est proposée à ce sujet, la Trésorerie a, san?
doute, le droit d'opposer son veto ; mais, dans ce cas, elle doit
renvoyer les estimâtes contestées au secrétaire d'Etat pour la
guerre et au premier Lord de l'Amirauté, seuls qualifiés poUr
préparer et présenter à la Chambre des communeB le budget de
leur département respectif.
La Trésorerie soumet, en outre, les engagements do dépenses
de ces deux ministères à un contrôle préventif des plus minu-
tieux.
III. — Dépenses et rbcettbs exceptées du votb ou Parlement
ANGLAIS. — Le fonds CONSOLIDÉ.
Les estimâtes annuels dont la Trésorerie révise ou contrôle les
évaluations et qui sont ensuite déférées au vote du Parlement,
ne comprennent pas l'intégralité des dépenses Annuelles.
Une portion notable du budget, composée des dépenses et des
iaxes permanentes et connue sous le nom de fonds conso-
lidé (consolidate ftind), n'est pas soumise au vote annuel des
Chambres bHtanniques.
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528 LE BUDGET ANGLAIS
En France, nous ne manquerions pas de voir dans ce procédé
de simplification une atteinte significative au droit budgétaire
du Parlement. Le budget, cette personne métaphysique dont
Léon Say a décrit les organes et les attributs, forme à nos yeux
un tout indivisible, un corps dont les parties ne sauraient être
disjointes ni démembrées. Nous en concluons, en bons logiciens
formés aux leçons de la Constituante, que la périodicité, essen-
lielle au budget, ne peut être fractionnée et doit embrasser l'en-
semble des prévisions financières de Texercice.
Cette théorie, si bien construite, s'impose peut-être en France
et dans les autres Etats, nouvellement initiés à la vie parlemen-
taire, oti les Assemblées législatives, en conflit avec le Pouvoir
exécutif, sentent la nécessité d'affirmer et de. renouveler, par
des manifestations fréquentes, le principe de leur suprématie
financière. Mais le Parlement britannique, fort de son alliance
intime avec la Couronne^ est allégé de ce souci. Maitre de la
direction des affaires, par le leader qui dirige le cabinet, il sait
qu'il peut laisser sommeiller son droit budgétaire, sans redouter
aucune prescription. Aussi, lui parait-il superflu de remettre en
question, chaque année, la totalité des dépenses et des impôts.
Voilà pourquoi les dépenses du fonds consolidé, dont le refus
risquerait d'ébranler le crédit ou l'organisation politique du
royaume, ont été soustraites aux hasards des discussions bud-
gétaires. C'est encore pour cette raison que les douanes, l'accise
et les autres taxes introduites par des lois spéciales subsistent
et deviennent exigibles annuellement, sans homologation nou-
velle des Chambres, aussi longtemps que l'abrogation des textes
qui les organisent n'a pas été prononcée. Le Parlement ne
s'occupe des recettes que dans la mesure où des projets de
réformes fiscales, revisions de tarifs, créations ou suppressions
d'impôts, le mettent en demeure d'intervenir.
Le système anglais du fonds consolidé, un des traits caracté-
ristiques du droit budgétaire de nos voisins, s'explique et se
justifie, on le voit de suite, par la mutuelle confiance que se
témoignent le Gouvernement et la Chambre des communes.
C'est là encore une des heureuses conséquences de cette union
des pouvoirs que nous admirons chez les Anglais, sans parvenir
ni même chercher à la réaliser pour notre compte. Grâce au
principe de la consolidation, le Parlement britannique évite
^■.
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LE BGDGBT ANGLAIS
529
bien des redites oiseuses» bien des discussions irritantes. Il peut
aussi concentrer toute son attention sur les questions qui la
réclament.
Avec ce procédé, traditionnel en Angleterre depuis le bill de
1688, le tiers environ des dépenses, soit 700 millions sur
2.300 millions de francs (1), reste en dehors du vote annuel des
Chambres anglaises. Au nombre de ces charges consolidées, il
suffira de mentionner les intérêts de la dette publique, la liste
civile des pensions, les dotations, les traitements des magistrats
des hautes cours de justice, ceux du personnel de la diplomatie.
Quant aux recettes permanentes, elles atteignent à peu près
2.400 millions, c'est-àrdire les quatre cinquièmes du budget (1).
Mieux que ne le feraient de longues explications, ces simples
chiffres mettent en lumière les avantages de simplification que
la pratique anglaise du fonds consolidé introduite dans la pro-
cédure budgétaire. Mais, ne craignons pas d'insister sur ce
point, ce système trouve en Angleterre un milieu très bien
approprié & son fonctionnement. 11 n'est pas démontré que,
transplaaté dans notre pays, il produisit d'aussi bons résultats.
IV. — La Chambre des communes et le budget.
Ainsi allégée de toute la portion des recettes et des dépenses
comprises dans le fonds consolidé, la préparation du budget
doit nécessairement gagner en pénétration ce qu'elle perd en
étendue. Mais, tant par sa longueur que par ses formes spéciales,
cette procédure contraste vivement avec celle des budgets fran-
çais.
(1) Voici, à diverses époques, le résumé des dubgets anglais, en livres sterling
(25 fr. 20 à 25 fr. 22) :
1888-89
1894-95
1896-97
Dépenses du fonds consolidé.. 27.861.000
Autres dépenses 68.'?54.0a0
Total 86.615.000
Impôts 72.396.000
Divers revenus 14.431.000
Tolal 86.807.000
26.660.000
66.2e7.000
26.660.000
73.387.000
«3.887.000 100.047.000
78.655.000
19.029.000
84.345.000
17.410.000
94.684.000 101.755.000
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530 tïî BUDGET ANGLAIS
On affli^mè cotirartiment que le mot et Tidée de budget nôuê
viennent de rAngletei*re. Rien de pltii feux que ee lien com-
mun. L'institution du budget, telle que nous la concevons,
n^est qu'un perfectionnement des états de prévisions de notre
ancietme monarchie. Les aperçus financiers de Colbert, du ré-
gent et de Hecker, mis en harmonie avec le principe de la
publicité et les autres exigences du régine représentatif j voilà
Fanique origine, bien nationale, exempte de toute importation
britannique, d'ôd procède notre admirable théorie contempo-
raine du budget.
Ce tableau général, si bien ordonné, si méthodiquement
conçu, ùîjL chaque année le Parlement français voit Tiroage
des opérations financières du prochain exercice, n'existe pas
au delà du détroit.
Les Anglais n'ont pas de budget, dans Taccoption française
et scientifique de ce mot.
Cela ne veut pas dire que, chet nos voisins, les Chambres
législatives se désintéressent de leurs prérogatives et renon-
cent à s'assurer que les dépenses des départements ministé-
riels répondent aux besoins réels des services publics. Loin
de là, c'est la Chambre des communes elle-même, nous en
avons déjà fait la remarque, qui, transformée en comité gêné
rai, se livre à l'examen des prévisions de l'année qui com-
mence. Ce travail préparatoire, elle le prolonge jusqu'au der-
nier joUr de sa session et, pendant cet intervalle, elle vote,
non pas une loi de finances, mais une série de quatre ou cinq
bills provisoires ou définitifs, soit pour modifier les recettes,
soit pour en autoriser l'application aux dépenses. Et cependant,
malgré les soins minutieux et la conscience qui président à soft
élaboration, cette œuvre de longue haleine n'a presque rien de
commun avec le budget français. Elle n'en a ni l'apparence,
ni l'unité de contexture, ni même les caractères essentiels* Tout
diffère, le fond et la forme.
Et d'abord, ce n'est point sous l'aspect d'un projet de loi que
le budget de l'Angleterre se présente à l'examen de la Chambre
des communes. Vers le début de l'année financière, c'est-à-dire
quelques jours avant ou après le l^*^ avril, le Chancelier de
l'Echiquier fait à la Chambre, constituée pour la circonstance en
comité général {commutée of the whole hoiise)^ l'exposé du pro-
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te BUDOm* ANGLAIS Sél
gramme budgétaîre dit gônverîifemetit. Après avoir, dans soiii
dîscoui^, passé en l^vue les résultats généraux de Tannée qtît
vient de finîr, le Chancelier esquisse, dans leurs grandes lignes,
les prévisions de recette et de dépense de celle qui com*
mettce. Dans cette seconde partie de son exposé, l'orateur du
Cabinet soumet à la Chambre les propositions dô dégrèvement
on dé durlaxe qui tendent, soit à mieux répartir le poids de
l'impôt entre les contribuables, soit à assurer Téquilibre deë
ressonrces et des besoins. Ce discours du Chancelier, toujours
très étudié et aussi très écouté, tient Heu de projet de loi du
budget.
Mais, quels qu en soient l'importance et l'intérêt, cet exposé
oral du Chancelier ne constitue, contrairement à une opinion trop
facilement reçue, ni tout le budget ni même le point de départ
de sa discussion. Sans attendre ce discours, la Chambre se saisit,
dès les premiers jours de sa session, en février ordinairement^
de l'examen des tableaux détaillés (estimâtes) dés dépenses autres
que celles du fonds consolidé. Ces estimâtes forment trois volu-
mes, correspondant aux trois grandes divisions : armée, marine
et services civils, ceux-ci répartis en classes ou sections (travaux
publics, administrations civiles, justice, éducation, etc.). Cha-
cune de ces sections est elle-même subdivisée en chapitres
(votes ou heads), et chaque headen articles (steh-heads ei items).
Ces estimâtes, dont nous avons décrit plus haut la prépara-
tion, servent de base au budget des dépenses. Ils ne subissent
point, répétons-le, l'étude préparatoire d'une commission
financière. La Chambre tout entière, constituée en comité des
subsides (committee of supply), procède à cet examen. Les
séances de ce comité, présidées par le Chairman, sont ouvertes
à tous les membres de la Chambre. C'est. là un avantage indé-
niable. Les hommes compétents des divers partis qui, trop
souvent en Francei se voient refuser l'accès de nos commissions
du budget, peuvent ainsi prendre part auï dlsc\issions et y
apporter le plus utile concours.
Par contre, le système des comités de la Chambre entière a
rinconvénieRt de prolonger, outre mesure, la procédure bud-
géttiire. Les estimâtes sont discutés en assemblée de stippty^
article par article. Ce travail ne pouvant être achevé avant le
\eT avril, date de l'ouverture de Tannée financière, là Cfmmbfé
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&82 LE BUDGET ANGLAIS
est obligée d'accorder, pour une période limitée d'ordinaire à
deux mois, des crédits provisoires pour assurer la marche des
services publics. Ces votes provisoires,- qui peuvent se renou-
veler un plus au moins grand nombre de fois avant l'émission
de la loi finale du budget, portent le nom de votes ou accouru :
ce sont, en effet, de simples acomptes sur les crédits définitifs.
Parallèlement au comité des supplies^ un autre comité géné-
ral, composé aussi de la Chambre entière, celui des voies et
moyens [ways and mean] s'occupe de recettes (1). C'est dans la
séance inaugurale de ce comité, que le Chancelier de l'Echi-
quier fait son exposé financier traditionnel. Le comité des voies
et moyens, pour des motifs déjà indiqués, ne touche qu'à une
très faible partie des taxes en vigueur, à celles seulement qui
doivent être remaniées dans une mesure quelconque.
Une règle commune domine toutes les discussions qui se
poursuivent au sein des deux Comités généraux des subsides
et des voies et moyens : c'est l'abandon complet par la Chambre
de son initiative budgétaire. Au Gouvernement seul appartient
le droit de demander des crédits. Malgré leur suprématie
financière incontestée, les Chambres anglaises ne peuvent pro-
poser ni une dépense ni une augmentation d'impôts.
La restriction que le Parlement tfbitannique s'est imposée à
cet égard pourrait nous surprendre, si nous ne connaissions déjà
les rapports de mutuelle confiance qui solidarisent les Chambres
avec la Couronne. Aujourd'hui le Gouvernement est l'émana-
tion directe des Communes. La Chambre n'est point tentée de
voir des adversaires dans les ministres qui représentent sa poli-
tique. Aussi ne craint-elle pas de leur laisser la plus grande
liberté d'action, avec toute la responsabilité qui y est attachée.
En se privant de son initiative budgétaire, elle se prémunit
(1) Nous savons très bien qu'en Angleterre, les mots « voies et moyens » ont
une signification un peu plus complexe qu'en France. Ainsi que M. Amauné en
a fait finement la remarque, voter les voies et moyens, ce n'est pas seulement
autoriser la perception des impôts pendant Tannée budgétaire, c'est aussi et
surtout accorder à la Trésorerie, chargée du mouvement des fonds, une lettre de
crédit sur TEchiquier, titulaire du compte du Trésor à la Banque d'Angleterre.
Mais, en somme, c'est bien le produit de l'impôt qui alimente le compte de
TEchiquier, et la question des voies et moyens se ramène, en dernière analyse, à
celle des recettes. Nous ne voyons donc aucun inconvénient à restituer à ce
terme ways and mean son acception usuelle. C'est bien d'ailleurs dans le co-
mité des voies et moyens, et non ailleurs, que se prépare le tax (nll, la 4oi
modificative des recettes.
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LE BUDGET ANGLAIS 533
contre le danger des résolutions irréfléchies et elle rehausse
Tautorité des hommes d'Etat qu'elle a délégués au pouvoir.
Lorsque les deux comités généraux des subsides et des voies
et moyens sont arrivés au terme de leur tâche, ce qui n'a lieu
que vers le mois d'août, à la fin de la session, le chairman fait
à la Chambre le rapport des motions qu'ils ont adoptées. Il
intervient alors deux lois distinctes pour sanctionner l'œuvre
des comités. La première est le tax bill, ou loi modificative des
recettes. La seconde, qui suit à brève échéance, est X appropria-
tion billj ou lois des dépenses.
L'appropriation bill, qui clôture la session du Parlement, mar-
que aussi la dernière phase de cette laborieuse évolution du
budget anglais. C'est un acte des plus solennels, qui contraste
par la majesté archaïque de ses formes, avec la simplicité fami-
lière des travaux des comités. Il est soumis à la Chambre des
Lords, qui doit l'accepter ou le rejeter en bloc, sans pouvoir
l'amender, car les Communes n'admettent, de la part des Lords,
aucune sorte d'amendements à la loi de finances (1).
Enfin, le souverain en personne, ou représenté par un com-
missaire spécial, donne au bill d'appropriation, avec l'assenti-
ment royal, la force executive qui s'attache à cette sanction sur
prême. Le consentement du souverain est encore formulé,
comme au moyen âge, dans la vieille langue normande : « Le
« roy ou la reyne remercie ses bons sujets, accepte leur bénévo-
« lence et ainsi le veult ».
Ainsi revêtu de l'adhésion des trois états du Parlement, le
bill d'appropriation devient loi de l'État (2).
(1) Voici en quels termes la résolution adoptée, en 1678, par la Chambre des
communes et consacrée par la pratique constitutionnelle, pose ce principe fon-
damental :
A Les communes ont, seules, le droit d'accorder des aides et subsides à Sa
« Majesté. Tous biUs tendant à octroyer de tels aides et subsides doivent émaner
« des communes. Et il appartient exclusivement et sans conteste aux communes
ff de fixer, limiter et ordonner dans de tels bills, le montant, Tobjet, les motifs,
« coDdition?, limitations et qualifications des crédits, lesquels ne doivent être ni
« changés ni modifiée par la Chambre des Lords. »
(2) On sait que, dans la théorie du droit constitutioDnel de TAngleterre, le Par-
lement ne comprend pas seulement les deux Chambres ; il se compose de trois
Etats : la Couronne, les Lords et les Communes.
REVUE POLIT., T. XX 35
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&a4 m BUDGET A^âLAlS
V. — Avantages et inconvénbents du système budgétaire
DBS Anglais.
OnJv<Àtj ,par «ette analyse, ooiOibieai ia |>raiiq«ie i^udgétairi'.
des Anglais s'éloigne de nos idées est ^eotte dapottièi^e. ËxceUenAe
sur niwniwpe de joints, elle soulève, sur d'autnes, de sérieu^eB
ûl)^etctiaafi.
Faisons, d'abord, la part de Téloge.
Le trait orignial ât aussi Tundes mérites du sjratème britan-
nique^c'estde sacrifier le vain prestige de la théorie au souciées
réalités. Le budget de TAjOgleterre est ^elui d'une nation et
inarohands et de colonisateurs, dont Le ^éaie >d^ affairées «est
l'aptitude prédominanïte. Pour ces bommies d'action, lesseatiel
n'est pas dex^onatruireua budget 'dont la magistrale ordonnance
répondeauK CiOïklliiâoBis d'unité, de danté et de jotste équilibre
qui sont passées, ichtee .nous, à l'état^de ^ncipes ei d'axiomefi
smenU&qoes. jCe iqui impoirtet à ieuns yaux,<e''est d'assuurar, par
la ¥oieila |>lu6 3ûre tdt JUi plus direelte, d'-équiilibre ilu h^^et et
la^stabôiitéide Be^B piréi\rÂsijons.
Ge ibut^ ilfii'atteigAQiiit;pleinemen.t, et l'on peattdire que l'iné-
légance des procédés de miseien œuvdre s'^esSaoe d^amanl la^gma-
deur 'des (résultats. Le négiaaie normal des bwà%^ -de l'Asgle-
terre est de se solder par des excédents, isouvent oonsidéciUes,
f(^i aontatfectés àJ'amortissem^ntdelaideltte. Aioai, pour nous
borner à quelques exemples, en 1894^95, les «ecâttestimt dépassé
les dépenses de 19 millions. Pour l'année suivante, l'excédent
a atteint le chiffre de 55 millions. Aussi le Chancelier de l'Échi-
quier, sir Michaël Hicks Beach, a-t-il pu dire, sans forfanterie,
en constatant cette plus-value, que l'année financière avait été
« admirable » {wonderfut). Le déficit tf est point, sans doute«
chose absolument inconnue de nos voisins ; mais il n'yapparvit
qu% i'^Stat de *tt*B Tare exception, sons ISnftacnce de causes
aoûdentaUes ou. d'.é vénemente impjcévua.'Ët^r lorsqu'il- coiijeokire
pouT^l'année quS va s'ouvrir, an accroissement de dépenses su-
périeur aux ressources exisbtantes, le ministère làe .cherche pas
à nmsquer la^situaftimi ;pftr d'ingénieux expétiieirts. Il avoue
franchement la vérité àlaCbamln*e.dû6 DomiBauike&,ikdprés6BJte
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LE BUDGET iJ(GLA!S 535
ua èttdget «a déikit, et Tinvile à reobercher avec lui les moyens
de rétablir i^ô^mlibi^ (1).
GeSifuaUtés d'e3UM^titu4e et de^iaoérité^ «qui distiagoeatà un
si bMut poimt le 1m24^ aaglais, tiennent à 4in ensemble de
causes cesaflexes^ q«iie n4Mi« a.voos passées en revue,, niais que
nous ciH)y^Mis devoir desserrer 'ea un br^f jrésumé.
La première de ces causes de supériorité (Consiste dans les
garanties teuies particulières dont «La préparatioa du budget est
entourée ohez bo6 voiâijtâ. Le Chancelier de TËdùquier n'est
pas, comBE^ le ministi^ede» Fiaanoes fractçais^ârméd un simple
droit de timide i^emofiiitrance yis9-à-vis de ses collègues^ G est un
vrai oontf>ôleur ^éaéral^ -qui «a, £nancièrement parlant, la préé-
minence sur les 4itttref ministres^ dont il discute^ révise et
modifie les évaluations, sous aaresponsiabilité. Cette. suprématie
ducbef delà Trésorerie contribue puissamment à la stabilité
des Ënaoces anglaises. Le cbancelier est Le luaitre presque
4ibsolu du budget des dépenses ; il jae tient qu'à lui d'ixoposer
ses vues d'économie et 4e prudence aux titulaires des départe-
dineu4iSiQainistériels, de réagir 4)antre leur tendance à développer
ieur^ services et à accroître, saA$ nécessité démontrée^ T impor-
tance de leurs dotations.
Uji autre avanti^e du système .anglais est de faire caïncidor
la présentation du budget avec Touverture^e Taiinée financière.
C'est» en effet, an s'en souvient, quelques jours avant ou après
le V^ avril, date du oommencemient 4e l'unnée^^ue le Chancelier
de rÉchiquier fait son exposé budgétaire à la Chambre des
communes. 11 peut, dès lofa, comparer ses prévisions avec les
résultats de l'exécution du dernier budget. Comme le dit excel-
lemment M. Stourm, « ses estimations deviennent ainsi con-
<i temporaines des événements ; il ne prédit pas l'av^enir, il le
« voit »•
Il est clair que les évaluations du budget reçoivent, de ce
procédé^ une précision et une sûreté exception&elles.
L'usage où Ton, est, en Angleterre, de proroger d'année en
a&aée, sams recourir à une nouvelle sanction du Parlement, les
U) •Ainti pomr 188&-S6, jm suite dee expédilioiks Boilittlrei da Nil, du Bochua-
naland et de Souakim, M. Childers, alors Chancelier de l'Echiquier, prévoyant
une insuffisance notable des ressources ordinaires, n'hésita pas à faire ressortir
dans son exposé budipétaire, vu déficit de i4.9û(XÛÛ0 Irrwa^ «oit 4« 334 millions.
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536 LE BUDGET ANGLAIS
dépenses du fonds consolidé et les quatre cinquièmes environ
des recettes, simplifie singulièrement l'élaboration du budget. 11
ferme la voie aux improvisations législatives, aux réformes mal
étudiées qui risquent de se produire, lorsque la discussion du
budget s'exerce sur toutes les parties des lois organiques de
finances. C'est là, on ne saurait en disconvenir, un précieux
élément de stabilité.
Mais c'est surtout à Tunion du Gouvernement et de la-
Chambre des communes, à leur entente durable et féconde que
le budget de l'Angleterre doit ses plus fermes garanties. Pour
nous servir de l'expression de M. Armand Ephraïm, le cabinet
anglais est « simplement le comité directeur de la majorité, la
« réunion des hommes, à qui la majorité, émanation elle-même
« de la majorité électorale, délègue le droit de diriger les
« affaires du pays » (1). Nous n'irons pas jusqu'à dire, avec ce
publiciste, que les ministres ne sont, en Angleterre, que le
(( syndicat des conseillers de la majorité ». Ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que la Chambre des communes ne ménage ni sa
confiance, ni son appui, ni son concours aux hommes d'État qui
appliquent, comme chefs du Gouvernement, ses vues politiques.
De là, l'initiative exclusive abandonnée au Gouvernement en
matière budgétaire. Le Cabinet peut, sans doute, sans se décon-
sidérer, admettre une modification partielle de son programme
financier ; mais la voie est absolument fermée aux remanie-
ments qui compromettraient l'équilibre du budget.
Par leur désistement du droit d'initiative budgétaire, par leur
extrême réserve dans l'exercice du droit d'amendement, les
Communes témoignent, une fois de plus, de leur esprit de dis-
cipline et de leur forte éducation politique.' Elles montrent
qu'une Assemblée législative peut, sans amoindrir son autorité
morale et son action dirigeante, sacrifier une satisfaction
d'amour-propre à l'intérêt supérieur d'une bonne administration
financière. A cet égard, elles nous offrent une leçon particuliè-
rement instructive, qu'il dépend de nous de mettre à profit.
A tous ces avantages de la pratique budgétaire de la Grande-
Bretagne s'opposent un certain nombre de défectuosités.
Sans insister, plus que de raison, sur ces considérations
(l) Revue politique et parlementaire, t. VII, 1896, p. 134.
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LE BUDGET AI96LAIS 537
d'ordre théorique, on peut reprocher à bon droit au budget
anglais de manquer d'unité et de clarté. Rien de plus lumineux
que le discours annuel du Chancelier de TÉchiquier. Mais, quel-
que intéressant que ce soit cet exposé, il ne remplit que très
imparfaitement le rôle de nos tableaux budgétaires français, si
complets, si méthodiques, où se développent, dans un harmo-
nieux enchaînement, toutes les phases de Texercice fmaiicier
qui va s'ouvrir. Pourquoi ne pas renfermer dans un même
cadre, en les rapprochant les unes des autres, les évaluations
de dépenses des estimâtes et les prévisions de recettes ? 11 semble
que, sans rien perdre des qualités natives de leur race, nos voi-
sins pourraient allier à leur sens des réalités, un plus vif senti-
ment de l'ordre, de la logique, de la juste mesure. Pour être
plus savamment construit, leur budget n'en serait ni moins
sincère, ni moins solide. 11 serait surtout plus facile à con-
sulter.
Mais le tort le plus grave de la procédure budgétaire des
Jftglais est sa longueur désespérante, autant que sa complica-
tion. Chaque chapitre du budget des dépenses donne lieu à une
discussion des plus laborieuses dans le comité général des sub-
sides. D'autre part, le vote qui intervient sur chacune de ces
subdivisions doit être soumis séparément à l'approbation de la
Chambre. Il n'est pas surprenant que, dans ces conditions,
l'examen préparatoire des estimâtes se prolonge jusqu'aux der-
niers jours de la session. De là cet enchevêtrement de votes et
de bills provisoires ou définitifs, qui recule, bien au delà du
terme normal, le dénouement de l'évolution budgétaire.
On a dit que ces lenteurs sont calculées ; que, si le Parlement
suspend durant quatre ou cinq mois sa décision finale, c'est pour
tenir le cabinet en respect, et lui ôter la tentation « desedébar-
« rasser du contrôle des Chambres, une fois l'argent voté » (1).
Mais l'explication ne concorde guère avec ce qui a été dit de la
confiance que les Communes accordent au gouvernement issu de
la majorité. Elle ne saurait d'ailleurs, en tout état de cause,
réhabiliter une coutume qui altère si profondément le caractère
préalable du budget.
Les Anglais eux-mêmes reconnaissent qu'une réforme s'im-
(P Bulletin de statistique du min, fin., t. XXIII, p. 704.
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53S LB IVIMUST AneCAIfi-
pose à cet égard. Un ancien secrltaire^de 1» Trésoferie, M. Fbw-
1er, se montre partieulièrement sévère po«r les- ervementTs
actoels r « Gaspillages du temp^ pablic, dit4>, et mpossibilité-
« #empècherle gaspillage de l'argent poblic^ telles sont les
<c caractéristiques principales du comté des* subsides » (t).
11 ne satirait nous défèatre die reeueillir ce témoigna^ d'nn
spécialiste bien informé, ne fûtî-ce que pour ramener à wn sen-
timent plus juste de la réalité ces sîvgulfers critiques qui
affectent de tout dénigrer dans noe institutions et qui, en
revandie, professent u« culte superslMpem pour celtee de-
Tétranger. Si vif qu'e» soit t'attPail, le» étwites dte droit com-
paré ne dorveoi pas nous ren<ftre injustes ewveps notre* pays, ni
surtout nous inspirer une areugle coafitnce^ dans la valeur de
ces systèmes anglais, belge ou italien dbnt nous n'avons
qu'une vue abstraite et dont il nous est, dès lors^ impossible de
mesurer exactement la répercussion.
(1) Opinion de M^ IL Fowler»,ceproduitâ ^^M BulUiin de statistique, L XXlIé^
p. 705.
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LA RÉFORME DES BOISSONS
ïk ymkii^m hsca^ m la Bine
L'industrie de la brasserie a pris, depuis un demi*siècle, en
France, une exteni3ion.coniiidéraI^e que les statistiques fificales
permettent, dans une certaine mesure, d'évaluer.
En 1831, la production a été de 3.034.168 hectolitres
— 1836, — — 3.720.779 —
— 1841, — — 4. m. «03- —
— 1846, — — 5.006.954 —
— 1831, — - 4.448.880 —
— 1856, — — 6 448.692 —
— Ifiei,. — — «aW.98T -
— 186«, - — 8v073.557 —
— Ifirn, — - 6.403.345 —
— 18:«, -^ — 7.5W.8n —
— 1881, — — 8.6^.786. —
— 1886, — — 7.978.843 —
— 1891, — — ft.atMlOOO —
— 1896, — — 8.99J .000 —
D*après ce lafalèâii, la prodiseticm db lotbièta a; presque triplé
depuis 183Q; iMÛe^cesi chiflFres doirent èkre* corrigés, et le pro-
grès esl bien; plosfocmsidérable encove; car ta fraude^, sous Vemw
pîne d'uBe-l^siatîim fiscale surannée, seustvsjait à Fimpèt une
quantité considérable de ftières, qu^il faudrait ajouter «a»
9;0Q0;000 de 189ô, pour faine; irae oonaparaison. exacte.
Ce régime fiscal de la bière remorrtewt; comme* celui du vin et
dn cidre*,, hht loi du- 28 avril 1816 ; rasiâ- les? principes de ru» eî
eenu de Vautra sont tout à fait différents-, Tandi» que le via ei le
cidre payent l'impôt au moment où ilssontmis en circuikfiion ef^
transporté»chez fe consommateur, la taxe qui frappe 1» bière est
une taxe die fabricatbn, diie par le seul faitde la Mvioatian et
perçue pendant la fabrication.
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540 LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE
Le législateur a été amené, pour assurer la perception de celte
taxe, à surveiller la fabrication de la bière, à lui imposer cer-
taines règles. Avec le temps, avec les progrès de Tindustrie, ces
règles sont devenues inapplicables, la surveillance est devenue
illusoire. Le fisc et les brasseurs se sont trouvés d'accord pour
demander la révision d'une loi vieillie.
L'accord s'est fait assez vite, et depuis de longues années, sur
la nécessité d'une réforme. 11 a fallu plus longtemps pour s'ac-
corder sur la réforme. Mais, depuis 1894, la solution est trouvée
et il ne lui manquait plus que la sanction parlementaire.
Incorporés dans le budget pour l'exercice 1899, les textes qui
consacrent cette modification de notre législation fiscale ont été
votés sans modifications par la Chambre des députés le 28 mars,
et par le Sénat le 25 mai. La réforme est aujourd'hui un fait
accompli. Nous voudrions montrer combien elle était néces-
saire.
I. — La fabrication de la bière.
Le principe de la législation fiscale de la bière est contenu dans
les premières lignes de l'article 107 de la loi du 28 avril 1816,
sur les boissons : « 11 sera perçu, à la fabrication des bières, un
droit de... » L'impôt est perçu pendant la fabrication-, il est me-
suré sur la quantité fabriquée; il varie suivant le mode de fabri-
cation : on ne peut l'étudier qu'après avoir appris quelques
notions élémentaires sur la fabrication de la bière.
On peut définir la bière : une boisson alcoolique, provenant
de la transformation saccharine de matières amylacées et fécu-
lentes, et additionnée de matières aromatiques plus ou moins
amères. Mais comme l'orge est, de toutes les matières amylacées
et féculentes, la plus propre et la plus généralement employée
à la préparation de la bière, — comme le meilleur, et presque
le seul usité, de tous les arômes, est le houblon, — on peut pré-
ciser la définition, au risque delà rendre inexacte dans plusieurs
cas, et dire de la bière qu'elle est le liquide fermenté produit par
r in fusion d'orge gennée et parfumée avec du houblon,
La préparation de la bière ainsi définie, se décompose en six
opérations principales :
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈBE 541
Le maliage ou gemiination du grain ;
Le brassage ou saccharificaiion du grain, qui se fait dans la
cuve-matière ;
La ct/mon du grain saccharifié et son aromatisation^ qui s'effec-
tuent dans la chaudière ;
Uoxygénation et le refroidissement du moût, dans les hacs
refroidissoirs ;
La fermentation du moût, commencée dans la cuve-gtiilloire;
Uentonnement,
Lemaltagc, ou fabrication du malt, est une opération, ou une
série d'opérations, qui consistée faire subir au grain une^er-
mination plus ou moins avancée. La germination a pour but de
provoquer la vie de Tembryon du grain, et de développer, sous
rinfluence de l'acte vital, dans l'intérieur du grain, la produc-
tion d'une matière albumineuse, appelée diastase, qui deviendra
dans la suite Tagent transformateur de Tamidon en sucre.
Le maltage, qui reproduit artificiellement la germination na-
turelle des grains, fait agir simultanément les trois éléments
nécessaires à toute opération vitale, Thumidité, la chaleur,
Toxygène.
On mouille le grain dans de grandes cuves en tôle, dites cuves
mouilioires. Lorsqu'il est arrivé à un degré d'humidité suffisant,
on l'amène dans une grande pièce, appelée germoir^ placée autant
que possible à l'abri des grandes variations de température ; et
on retend sur le sol en couches peu épaisses. Pendant que s'ac-
complissent les phénomènes de germination, l'ouvrier malteur
retourne le grain à la pelle pour l'aérer et le rafraîchir.
La germination, régulièrement surveillée, est arrêtée au mo-
ment où le grain, parfakement désagrégé, contient son maxi-
mum de diastase. On l'arrête en enlevant au germe un des élé-
ments nécessaires à la vie : l'humidité. La graine est emportée
dans un séchoir, qu'on nomme touraille^ où elle est soumise à
une température assez élevée et à une atmosphère très sèche,
qui lui enlève toute faculté germinatrice. Séparée par un cri-
blage de son germe, qui contient une substance riche en azote
et fait un excellent engrais, elle devient le malt^ et se conserve
pendant longtemps, pourvu qu'elle soit placée dans des maga-
sins bien clos et à l'abri de l'humidité.
La préparation du malt exige des soins si délicats, qu'elle est
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542 HA BÉGIflTLinYOf^ FISCALIT UE Zk^ BrÈR?
en quelque sorte une industrie à part et que heaucoop de bras-
seurs achètent aux malleurs le grain ixmi préparé pour la sac-
cliarification. La fabrication de la bière ne commence cRwic prr»-
prement qu'a<a brassage.
Le brassage a pour objet de dissoudre daiw^Teau tout le sucre-
contenu dans Torge.
Après avoir passé au moulin, pour y être grossièrenaeat coti^
cassé, le malt est versé dans wne cuve*, que le langage teehni«|^ie
appelle la cuve-matière.
Sans yintermédiaire d'aucun agent chimique, parfintervem-
tioB^ule de l'eau, qui*, portée à une température assex^ élevée
(70 h 80»degrés), pénètre le malt, le ftiitrg(î>nfler; erl le dispose à
subir l'action de la diastase, la saccharificationdugrain, c^esfe-à-
direla transformation de Famidon que renferme Fe grain en
sucre, s'opère. Le mélange, q^ii produit cette transformât ron,
est activé par des agitateurs en métal, qui se meuvent mécani-
quement dans^ la cuve-matière.
L'épuisement de toute la matière sucrée-qu*- contient le malt
est obtenu par une ou plusieurs imraersionsi Chacun» d» ce»
immersions porte le nom de trempe. Le produit de chacuiieëes'
trempes s'appeHe?wi^^?^. La réunion dèplUaieurs méHevs, des-
tinés à la production d'une même qualité denroût; senomme-
brmsin. — Enfin, te résidu qui reste d!a»9fticuveHnetière, kwrs-
qu'on a épuisé le malt de tout son swcre, est te* d^èche^ quii ser#
de nourriture aux bestiaux.
De la cuve-matière, le liqxiide sucré obtemu pur fe brassage
est conduit dams la chaudière d^ cuite y oit ou Itii fait subir une
ébuHrtion pîu"s ou moins prolongée; Lorsqu'il a swfftsunuuent
bouilli, on cesse le^îbauffage, et on jette dlans la chaudière une
quantité de houblon, variable suivant la^qualité qu'on veut (Can-
ner à lia bière, et qu'on laisse- inftisor pendant une d^yrée piui*
ou moins longue. — Le liquide, p4trs ou moins- concentré, pte*
ou moins chargé de sucre, qui sort de la charudière pPBfirf le n»wi
de mo^/.
Ce moût, en sortant de la chaudière, est déversé dans- u» ou
plusieurs bacs, — hacs refroidissoirs^ — où, après avoir été -dé-
barrassé d*u houblon 'etidtes autres- substances aromatiques dont
il a pu être mélangé, aprèsavoir repris à Faii^ambiant l'oxygène
que l'ébuUifeion hii a fait perdre, il est refroidi le plu» prrMnpIe-
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LA BÉGISEÂTIOIT FfSCirLE DE EÂ BIÈRE 543*
ment possible, et ramené k une température variant de 12 à
26 degrés, fayorable à wne boime fermentation.
Lorsque eetfe température est atteinte, il est amené dans la
cure gmlloire^ oh commencent, sous Faction proKfique des cel-
lules de levure qu'on y a introduites, les phénomènes de fer-
mentation qui transforment le sucre en alcool, le liquide sucré
en boisson alcoolique.
Commencée dans la cuTeguilloire, la fermentation se continue
dan» les tonneaux, ou la boisson a été soutirée, dès que le levain
a manifesté son action. Afrès quelques jours de ce travail vital,
la bière est faite, et il n'y a plus qu'à la clarifier pour être en
mesure de la livrera la eonsommation.
U. — La loi db 18 id..
Afin de mieux faire comprendre la nécessité et la portée de
la réforme réalisée, awis nous placerons d'abord avaat sa réali-
sation, .et nous décrirons le mécanisme de l'impôt tel qu'il ré-
sultait de la loi de 1816.
L'impôt sur la bière est, dans le régime créé par cette lo>i, vol.
impôt au volume. L'article 110 détermine le volume imposable
en ces term«& t
La quantité de bière passible du droit sera évalué^, quella» çpi^oA soiieni Xqb-
pèce et la qualité, en comptant pour chaque brassin la contenance de la chau-
dière, lors môme qu'elle ne serait pas entièrement pleine. U sera seulement
déduit sur cette contenance 20 p. 100 pour tenir lieu de tous déchets de fabrica-
tion, d^ooillages, ée coulages, et astres acoidenls.
L'impôt porte sur le volume de bière fabriquée. Pour cons-
tater ce volume, on se place non pas au début delà fabrication,
comme par exemple dans la cuve-matière, parce qull n'y a pas
un rapport nécessaire entre le volume des métiers obtenus par
le brassage et le volume de Ifei bière fabriquée; ni à la fin delà
fabrication, comme dans la cuve de fermentation ou dans les
tonneaux, parce qu'on s'expose à d'autant plus de fraudes qu'on
retarde le moment de la constatation ; mais au milieu de la fa-
brication, dans la chaudière de cinte^ à un point où cette fabri-
cation n'est pas encore très avancée, etqui fixe cependant déjà,
an ynoinii lorsque la fabrication est normalement conduite^ la •
quantité de bière fabriquée.
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5ii LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE
C'est donc le volume du moût contenu dans la chaudière qui
constitue la matière imposable ; mais pour faciliter la constata-
tion de ce volume, Tarticle HO a recours à un artifice. Toutes les
fois qu'un brasseur fabrique de la bière, il est censé en fabriquer
une quantité équivalente au volume de sa chaudière, et paye
Timpôt proportionnellement à ce volume, (sous déduction do
20 p. 100 pour déchets de fabrication ou pertes accidentelles).
Onn'impose pas les quantités réellement fabriquées, mais celles
que le matériel permet de fabriquer. Grâceà cette fiction légale,
dont le brasseur aura intérêt à se rapprocher le plus possible,
l'évaluation du volume imposable est ramenée à une unité con-
nue et constante, et par conséquent très simplifiée.
Celle de la taxe à percevoir est un peu plus compliquée :
Il sera perçu, à la fabrication des bières, un droit de deux francs par hectolitre
de bière forte* et de cinquante centimes par hectolitre de petite bière,
dit Tarticle 107 de la loi de 1816. Quel est le sens de cette dis-
tinction ? Qu'est-ce que la bière forte ? Qu'est-ce que la petite
bière ? L'article 108 de la loi répond à cette question :
Il n'y aura lieu à faire l'application de la taxe sur la petite bière que lorsqu'il
aura été fabriqué plusieurs brassins avec la même drèche ; et cette exception ne
sera appliquée qu'au déifier brassin, pourvu d'ailleurs, qu'il ne soit entré dans
sa fabrication aucune portion des matières résultant des trempes données pour
les premiers, qu'il n'ait été fait aucune addition ni remplacement de drèche, et
que la chaudière où il aura été fabriqué n'excède, en contenance, aucune de
celles qui auront servi pour ces brassins ; faute de quoi tous les brassins seront
réputés de bière forte et imposés comme tels.
Voici donc ce que le législateur appelle de la petite bière :
Le brasseur a, par la jetée d'aw mo2/}.s deux trempes, c'est-à-
dire par deux immersions au moins dugrain, dissous la presque
totalité du sucre contenue dans le malt, et retiré de la cuve-
matière au moins deux métiers (ces deux métiers formant en-
semble un brassin), que le reste de la fabrication transformera
en bière forte. Mais le résidu qui reste, dans la cuve-matière,
après rcnlèveraent de ces métiers, — la drèche, — renferme
encore une certaine quantité de sucre, qu'une ou plusieurs im-
mersions permettront de dissoudre, qui donnera un nouveau
brassin, beaucoup plus léger et beaucoup moins riche en sucre
que le précédent, et qui pourra servir à faire une bière de qua-
lité très inférieure : la petite bière.
A un produit aussi différent de la bière forte, ne fallait-il pas
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE 545
faire, dans le chiffre de l'impôt, un sort plus favorable ? Les lé-
gislateurs qui précédèrent celui de 1816 ne l'avaient pas pensé.
« De même qu'on ne considérait qu'une seule espèce de vin et de
cidre, malgré les variétés innombrables de qualité, de même on
ne faisait aucune distinction entre les bières de diverses qua-
lités, entre les bières de premier extrait et celles de deuxième
et troisième extrait, bien qu'il fût à la connaissance de tous que
la valeur de ces bières offrait des différences tranchées ». Le lé-
gislateur de 1816 fut d'un avis contraire, pour les raisons que
donne en ces termes le préambule du projet de loi :
Depuis longtemps, de vives et nombreuses réclamations avaient eu constam-
ment pour objet de solliciter une différence de taxe entre la forte et la petite
bière ; elles étaient fondées sur ce que cette dernière boisson, destinée dans le
département du Nord à la consonmiation du pauvre, de Touvrier et du cultiva-
teur, se trouvait frappée d'tm droit qui n'était pas proportionné à sa valeur.
L'inutilité de ces réclamations excita beaucoup de mécontentement, réduisit la
fabrication des petites bières aux qualités absolument nécessaires pour opérer
des mélanges et força Celui qui n'avait pas le moyen d'acheter de la bière À boire
de l'eau.
La justice et l'humanité exigent qu'il soit fait des changements à cette partie
de la législation; ils seront reçus avec reconnaissance et seront môme dans Finté-
lèt du gouvernement, puisqu'ils feront augmenter la fabrication de la petite
bière et n'influeront probablement pas sur la fabrication de la bière forte.
Et la distinction, adoptée pour ces motifs par la loi du
28 avril 1816, a été maintenue par toutes les lois qui sont
venues modifier le chiffre de Timpôt. Tandis que l'hectolitre de
bière forte a été successivement taxé à 2 francs en 1816, à
3 francs en 1817 et en 1822, à 2 fr. 40 en 1830, à 3 fr. 60 en 1855,
à 3 fr. 75 depuis 1871, l'hectolitre de petite bière qui payait
0 fr. 50 en 1816, a payé 0 fr. 75 enl822, Ofr. 60 en 1830, 1 fr. 20
de 1855 à 1871 , 1 fr. 25 depuis 1871 .
Nous savons sur quelles bases est assis l'impôt ; il nous reste
à savoir comment est assurée sa perception. Sur ce point, le
texte même de la loi n'a guère besoin d'éclaircissement :
Article 117. — Les brasseurs seront tenus de faire au bureau de la régie la
déclaration de leur profession et du lieu où seront situés leurs établissements.
Cette première déclaration a pour effet de placer la brasserie
sous la surveillance générale de la régie :
Les brasseurs sont soumis aux visites et vérifications des employés et tenus
de leur ouvrir à toute réquisition leurs maisons, brasseries, ateliers, magasins
caves et celliers, ainsi que de leur représenter les bières qalls auront en leur
possession,
dit rarticlel25de la loi. Mais ces visites et ces vérifications ne
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546 LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE
peuvent être faites, en dehors du cas de fabricaiwn déclai*ée^ que
pendant le j-aur, c'est-A-dire de septiieures 4u aaatiaiisixJieures
du soir dans les mois d'hiver^ 4e cinq heures 4u matitt k huit
heures du soir de mai en août, de six heures du matin à sept
heures du soir pendant les mois de mars «et avril, septembre et
octobre.
Une autre déclara4ion, reiK>«velée à chafue mise de leii, a
pour objet d'aviser les agents du fisc <iueia fabrication est •com-
mencée et que leur rôle de surveillaoïls commeace (i). Par
cette déclaration, requise aa début de toute fabricatioiiL, ia
régie sait à Tavance de combien de brassins, et de quelle csp^ce
de brassins (bière forte on petite bière), et 4e quel voluoDie de
brassins, (le volume des chaudières déclarées), cette fabrication
se composera. £Ue<a «ift^i entre les oiaiiks toits ieséléflieiàts fié-
cessaires pour le calcul des droits.
En même temps qu'elle foujrnit oes éléneots de «akttl, la
déclaration de mise de feu place la fabrication de la bière sous
la surveillance 4eâ employés 4e la régie. CeMe «urveiUaaioe com-
mence au moment où le malt est déposé dans la cuve-matîère,
elle dure jusqu'au moment où la bière est soutirée dans les ton-
neaux ; elle commence avant la saccharification pour ne cesser
qu'après Tentonnement. Aucune phase de la fabrication normah
ne lui échappe.
Le rôle des agents du fisc est d'empêcher les décharges par-
lielles et de constater les excédents.
Ils doivent empêcher qu^'à un moment plus ou moins avancé
delafahricatîon, lehrasseur ne décharge clandestinement une
partie plus ou moins considérable de liquide qu'il dissimulerait,
et dont il pourrait achever la préparation en dehors des périodes
(1) Article 119. — Le feu ne pourra Ôtre allumé sous les chaudières, daas
lec bcas«eries, «{ue pour la i^rksaUon de la bière.
AaTMUC 120. — Tout i)ra8seur -sera tami, Qha4iu6 lois ^*il Toudia mettre ie
feu sous ses chaudières, de déclarer, au moins quatre heures d'avance dans les
billet cet douze heaves idaiM :i«t oampagnas :
lo Le numéro et la contenance des chaudières qu il voudra «mplojere^ Theure
de la mise de feu sous chacune ;
2^ Le nombre et la qualité des brassins %u'il devra fabciquer avec la même
drèche;
3« L'heure deTAntoimeHieni de chaque brassin...
Le proposé qui aura reçu une déclaration en remettra une amplîatloja, siipièe
de lui, au brasseur, lequel sera tenu de la représenter à toute réquisition des
^mp)f^ penésDJt la^wrée deiaiabriMUoA.
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LÀ liÉGlSLATIOIS FISCALE DE LA BIÈRE .5<4:
d'exercice. JLa .présence d'un employé en permanence n'esi: jmiis
néceseaiite .^ur eu^ècher urne fraude aussi grossière; ila
jmeAace de fia visite suffii. L'articie 109 de la ici facilite d'ail-
leurs sa {beftCkgne^ en «déterminant que :
Le prodoit ttes trempes doiraées pour tin brassm ne pourra excéder, de phrs
de ^iiagft pour cosi, laicontenanee de la cQiauiiiàre déclu'ôe^our la fabrioatioii -éfi
ce br8L8sin.
•Si le .volume du lir«ssin scyrtaot de Jacuve-snaiière dépasse .le
ivelujxie die La oh&¥idière dédacée d'un excédent supérieur à
celui que aécessite rébullitiofli, — 20 p. 100 aux .ternaes de
la loi, — le ibrasseurest en contravenii^m. £1 suffit donc aux
etofimféB de la régie de vérifier le brassin poiur rendre les'dé-
•charges |)artielles impossibles, 'Ou i^o^t au moins tinedgnifiam tes.
Ei de méaibe il ôu£&t de vérifier le ^otamc du moût sortant; de
la chaudière^ ouïe volume de la l^ière mi aioment de T-enioiiine-
jttent, pour .s-tiSMiner'que Iub eu 1 autre ne^dépasse pas la con-
tenance ionposable, et constater, s'il y a lieu les excédeoits.
Les excédents peuvent se produire dans deux hyp^rthèses bien
différentes.
Le droit étant dû, non pas sur la contenance totale de la chau-
dière déclarée, mais sut cette «co^irtenanoe totale diminuée de
20 p. 100, ou pour employer les termes dont la loi se sert,
noa fiur la oontencnûe ibntie, m^is sur ia contenance a^tte,
il peut«e faive que k hrââseur ne perde pas «à la fabrication
ces 20 p. l'OO que le législateur Lui aacorde, et que le volume de
la bière fabriquée dépasse la contenance nette pour se ra4)pro-
d»erir de la conteBanee bnute. Il n'y a, dansceitte hypothèse, rien
de jCrauduleuK, o^ien de punissable, ^ais le fisc ne peut pas
admettre qu'une quantité trapoonfiid érable de matière iim^^-
sable lui échappe : il abandonnera .tous ses droâts sur tout
excédent qui .ne 'dépasse pas le dixiènie de la conteoaance nette,
S€dt ; il les rapre»dL, sur tout excédent qui dépasse ce dixième.
Qiue si, pour uae chaudière de 1)00 hectolitres, la quantité de
bière recueillie ne dépasse pas 88 hectolitresi, — un dixième
«en sus de 60, — ie^dooit ne sera peirçu q^ie sur 80.. Si ^Uedépassc
36 hectolitres, soil-89, j90, -91^ et .ainel de suîÉe jusqu'à 100^ le
idroit fiera per^u sur S9,, 90^ 9iL,ieta
Mad« si la*gunntité /oonsrtatée «ur les bacs ou à l'entoiBALemûftt
rdépasae, nom seulemeol la conteBanoe nette , omûs mtèata k oqu-
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548 LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÂRE
tenance brute, si elle est, pour une chaudière déclarée contenir
100 hectolitres, de 101, 102, 110 hectolitres et plus, la fraude
est certaine. Procès-verbal sera dressé, avec amende et confis-
cation de Texcédent pour conséquence. Mais la cause de cet ex-
cédent, toujours frauduleux, est peut-être un brassin clandestin
dont la fabrication n'a pas été déclarée. Dans ce cas, — et la loi
présume qu'il y a brassin non déclaré toutes les fois que Texcé-
dent dépasse un dixième de la contenance brute j — il est juste
qu'en dehors même des pénalités qui frappent la fraude, l'impôt
soit perçu, non seulement sur la quantité d'excédent saisie,
mais sur le brassin clandestin tout entier, c'est-à-dire sur une
seconde quantité égale à la contenance nette de la chaudière.
De 101 à 110 hectolitres, pour une chaudière de 100, le droit sera
perçu sur 101 , 102... 110 hectolitres ; au-dessus de 110, le droit
sera perçu sur un double brassin, le brassin déclaré et le bras-
sin clandestin, soit deux fois 80, ou 160 hectolitres, — sans
préjudice de l'amende et de la saisie de tout l'excédent à la con-
tenance brute.
111. — Les vices de la loi de 1816.
Une loi qui établit un impôt à la fabrication devrait se modi-
lier avec les progrès de cette fabrication : la loi de 1816 était
trop ancienne pour répondre encore aux besoins. Elle avait le
double défaut de ne plus garantir les intérêts du fisc et d'entra-
ver la marche normale de la brasserie. Nous plaçant, comme
nous l'avons fait précédemment, sous le régime de cette loi su-
rannée, nous laisserons parler ceux qui la combattaient, nous
écouterons les plaintes qu'elle soulevait.
A la vérité, la première fissure par laquelle une partie de
l'impôt s'échappe ne provient pas de la vétusté de la loi, mais
d'une erreur du législateur. Elle a sa cause dans la distinction
que fait la loi entre bière forte et petite bière.
Cette distinction ne correspond à rien dans la réalité. Il n'y a
au point de vue de la vente qu'une seule espèce de bière, pro-
duite par le mélange qui résulte des deux premières trempes et
du liquide qui résulte des trempes de lavage. Légalement, ce
mélange ne devrait être fait qu'après Tentonnement. La plupart
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE 549
des brasseurs le font au contraire avant Tentonnement ; et, dans
les brasseries bien construites, les deux chaudières, celle qui
contient le moût de bière forte et celle qui contient le moût de
petite bière, sont reliées Tune à l'autre aux deux bacs refroidis-
soirs, où le mélange s'opère immédiatement. Ce qu*à Tentonne-
ment le brasseur présente à l'employé de la régie comme un
brassin de bière forte est exactement de même force et de même
qualité que ce qu'il lui présente comme un brassin de petite bière.
Nulle part, en effet, cette petite bière qu'on avait représentée
au législateur de 1816 comme la boisson du pauvre ne se
trouve dans le commerce, et l'on étonnerait fort un brasseur si
on la lui demandait. Le produit à prix réduit que livrent la
plupart des industriels, — à leur clientèle bourgeoise, et non h
leur clientèle de cabaretiers, — sous le nom de « bière mêlée » ,
ou de « bière tiercée », est un mélange de bière marchande et
d'eau, et non le produit d'une fabrication moins riche.
L'intérêt du brasseur serait donc d'avoir, pour chaque mise
de feu, une minuscule chaudière recevant le produit des deux
premières trempes et payant le droit de bière forte, et une chau-
dière de grand volume recevant le produit des trempes de
lavage et payant le droit de petite bière. Heureusement pour le
fisc, le législateur de 1816 semble avoir prévu la fraude et,
sentant son impossibilité de l'empêcher, a voulu la limiter en
décidant que le brasseur ne pourrait jamais fabriquer dans une
même période de fabrication, plus de petite bière que de bière
forte.
Ainsi limité, l'avantage que fait Terreur législative au bras-
seur est de lui faire payer un chiffre d'impôt moyen entre le taux
de la bière forte et le taux de la petite bière. E\ la régie en a pris
d'autant plus facilement son parti, que, par des lois postérieures
à celle de 1816, elle a fait relever les droits et repris le terrain
perdu. Aujourd'hui, il est admis que le droit sur l'hectolitre de
bière n'est ni de 3 fr. 75 (bière forte), ni de 1 fr. 25 (petite bière),
3 75 -I- 1 25
mais bien de — - — ^^Lj — ou 2 fr. 50. Et c'est plutôt dans un
intérêt théorique de logique, et dans l'intérêt pratique des
brasseurs que cet illogisme entrave, que dans celui du fisc,
qu'une réforme s'impose.
Mais le vice fondamental de la loi de 1816 est, qu'en établis-
KEVUE POLIT., T. XX 36
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550 LA LÉOÎSLATtOR FISCALE DB LA BBÈRB
sant lassiette de Fîittpôtsup le vohtme du moût contenu dans la
chaudière sans tenir compte de sa force, elle a conduit les bras-
seurs, ou du moins un certain nombre d'entre eux, à modifier
leur industrie et à rechercher non pas les procédés de fabrica-
tion qui rendraient îeur bière meilleure, naais ceux qtri per-
mettent de soustraire à Tirnpôt la plus grande quantité de leurs
produits.
La loi de 1816 a lait cesser la surveillance des employés de
la régie après cette opération qu*on nomme Tentonnement :
après Tentonnement, le brasseur est libre de faire ce qu'il vent
du liquide fermenté que contiennent ses tonneaux. Elle avait
considéré le mode normal et rationnel de la fabrication de la
bière et reconnu que cette fabrication se terminait normale-
ment et rationnellement avec rentonnemeht. Elle avait compté
sans ringéniosité de ces contribuables habiles qui sav^t dé-
couvrir le point faible d'une loi fiscale et profiter de toutes les
fissures.
L'opération est d*ailleurs assez simple. — Il entre, dans la
composition de la bière, phis de huit dixièmes d'eau. Dans une
fabrication bien conduite, le moût sortant de la chaudière dort
contenir la même quantité d'eau que la bière livrée à la con-
sommation. Maïs il n*est pas impossible de réduire considéra-
blement Teau contenue dans le moût, et de ne rendre qu'après
l'entonnement à la bière les parties d'eau qui lui manquent. Un
hectolitre de moût contenant 10 kilogrammes d'extrait sucré
donne, après la fermentation, un hectolitre de bière à 4®, mais
un hectolitre de moût contenant 20 kilogrammes d'extrait sucré
donne, après la fermentation, un hectolîtfe de bière à 8*, qu'il
est facile de transformer, par une simple addition d'eau stéri-
lisée, en deux hectolitres de bière à 4** ; un hectolitre de moût
contenant 30 kilogrammes d'extrait sucré donne, après la fer-
mentation, un hectolitre de liquide alcoolique à 12^, qu'un cou-
page transfcflrme en trois hectolitres de bière à 4*. Comme
l'hectolitre de moût paye, quelle que soit sa richesse en extrait
sucré, le môme droit, on voit l'intérêt qu^ont les brasseurs à
charger leur cuv^-matière d'une quantité considérable de malt,
pour obtenir dans la chaudière de cuite un produit très concen-
tré; on devine la différence qu'il peut y avoir entre le volume
des bières officiellement fabriquées et le volume des bières
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LA LÉ(MaLAT10K FfSCALR DE LA BIÈRE • 55 1
effeciivemeiit venchies^ am dâbniment An fisc... Elt ao détrimenl
de la qualité, tout de même. Un brasseur belge, aa Congre»
international de brasaerk tenu à Braxelle^, en 1880, critiquait
avec verve ce procédé ncruveau de fabrication (1 ) :
J'avais cru jusqu'à présent que le véritable progrès consistait à produire une
bière de plus en plus parfaite. U parait que je m'étais trompé : aujourd'hui, le
progrès, c'est la fraude. J'aurais voulu charger le moias possible m& cuve-
matière : aujourd'hui, il faut savoir faire d^aussi bonne bière en surchargeant
outre mesure sa cuve. Et tous les savanto, qêi ont soutona et d^hnonlré qae 00
système de brassage est déplosable, sont tous des insensés qvi ne sa-vaiexit ce
qu'ils écrivaient.
On s'adresse à ua constnicteur, et on lai dît : « Je voudrais transformer ma
brasserie, je voudrais me monter au système du progrès. >» Puis on engage ua
maitre-brasseur. Cekii-cl a la spécialité de mettre au courant les brasseurs
Bovices; On le pa|^e bien, on Le gartls cptelipies mois, et au bont de ee temps,
on est de force à faire prendre des vessies pour des lantejaiea à tous les
employés du fisc réunis.
Ces procédés de fabrication que Tart condamne sont-ils véri-
tablement autorisés par la loi? C'est toujours une cpiestion fort
délicate que de demander à une loi la solution d'une kypothèse
qu'elle n'a pas prévue. U n'y a pas de limites au chargement de
la cuvenanatière, ni au de^ de concentration du moAt : cela
est hors de discussion. Mais TalloB^ment du liquide fermenté
après Tentonnement^ écbappe-t-il au poini de vue légal à toute
critique? Vainement, pour légitimer le» coupages, Toin argue*-
raitdu silence de la k>i, et de ce que l'article 111 fhit cesser,
avec l'entonnement, le droit de surveillance et de vérifieatioa
des employés de la régie. La loi met l'entonnement comme
terme de la surveillance, parce qu'elle considère Tentofinement
comme teme de la fabrication. Mais son esprit n*est pas dou-
teux : elle perçoit l'impôt au moment de la fabrication, ponr
frapper la c<Hisommatioft ; eUe saisit les bières fabriquées, pwroe
qu'elles doivent être livrées au consommateur, et telles qu'elles
seront au moment de la livraison. Lorsque^ pour favoriser
l'exportation, elle prescrit que le droit de fabrication sera res-
titué sur les bières exportées, ce n'est pas une restitution pro-
portionnelle au volume du moût originel, mais une restitution
proportionnelle au volume de la bière consommable, qu'^elle
offre au brasseur : si donc il était licite de doubler ou de tripler
le volume du moût sans subir une augmentation de droits, le
(1) Ces critiques visaient la loi belge, alors en vigueur; mais elles s'appliquent
avec î« même force à notre loi française.
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552 • LÀ LÉGISLATION FISCALE DE LÀ BIÈRE
fisc serait légalement tenu de restituer deux ou trois fois plus
qu'il n'a perçu !
Malgré ces excellentes raisons, TAdministration des Contri-
butions indirectes s'est montrée très hésitante à proscrire les
allongements de moût, et a plusieurs fois varié dans sa conduite.
En 1837, elle écrivait : « Le brasseur doit être considéré,
relativement à la bière, comme un simple particulier qui est
libre, après le paiement de tous les droits sur les boissons
introduites chez lui, de les couper, mélanger, et y ajouter les
matières ou substances qu'il juge convenables. » Sous l'empire
de cette interprétation, la brasserie parisienne prit un dévelop-
pement considérable : tout hectolitre de bière, que le coupage
permettait de soustraire au fisc, affranchissait le brasseur de la
capitale, non seulement du droit que perçoit l'Etat, mais d'un
droit sept ou huit fois plus élevé que l'Octroi perçoit sur les
bases de la consommation officielle.
L'administration comprit bientôt son erreur, et, voyant peu
à peu l'impôt lui échapper, fit volte-face. Elle prétendit que le
droit sur la bière avait, malgré les apparences, le caractère
d'une taxe de consommation, et que, même après l'entonne-
ment, toute opération qui, de la part des brasseurs ou des mar-
chands, avait pour effet d'augmenter la quantité de la bière,
constituait une fabrication nouvelle, laquelle devait être déclarée
et supporter l'impôt.
Elle est revenue à nouveau sur cette opinion, à la suite d'un
jugement du tribunal correctionnel de la Seine, en date du
10 mars 1883, qui, statuant sur cette question : un brasseur
a-t-il le droit de couper son brassin avec de Teau froide, après
entonnement? répondait affirmativement pour ces motifs :
Attendu que l'impôt sur la bière n'est qu'un impôt de fabrication : d'où il
suit que, la fabrication terminée, l'administration n'a plus aucun droit; que rien,
dans la loi, ne s'oppose au coupage avec de l'eau froide, d'une bière qui a payé
son impôt ;
Attendu enfin qu'on ne saurait voir, dans une simple addition d'eau à la bière,
une fabrication nouvelle, les éléments essentiels comme le mode de la fabrica-
tion faisant défaut, qu'autrement on arriverait logiquement k des conséquences
impossibles, le tiers débitant ou simple particulier qui, dans sa demeure, ferait
subir à la bière un coupage avec de l'eau, serait considéré comme brasseur
soumis à l'exercice et à l'impôt.
A la suite de ce jugement, et sans en appeler à une juridiction
supérieure, la régie s'est inclinée, et fait dire, dans le journal
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE 553
qui reçoit ses confidences, que « les brasseurs ont le droit de
couper leurs bières avec de Teau froide aussitôt après Tenton-
nement ». Dans son esprit, les coupages* avec de Teau chaude
constituant une fabrication nouvelle, restent défendus.
On pourrait s'étonner de la mollesse que met le fisc à soutenir
la reconnaissance de ses droits, si Ton ne connaissait par
ailleurs son impuissance à les défendre pratiquement. Avec ou
sans sa permission, rallongement des moûts continuera, tant
que la loi de 1816 ne sera pas modifiée, à s'opérer sur une
grande échelle. Les coupages se feront clandestinement, s'il
prétend les interdire; ils se feront ouvertement, s'il n'y met pas
obstacle : voilà toute la différence.
En effet, par suite d'une dernière imperfection de la loi qui
laisse le champ libre aux fraudeurs, le fisc est impuissant à
empêcher la fabrication clandestine. En v^rtu de l'article 125
de la loi de 1816, les employés de la régie ne peuvent pénétrer
dans les brasseries, hors le cas de fabrication déclarée, que;?e;i-
dant le jour. L'interruption de la surveillance pendant la nuit
n'avait pas d'inconvénients en 1816, parce que la fabrication
d'une quantité quelconque de bière exigeait plus de treize
heures, et que les agents du fisc eussent, dès l'aurore, constaté
les opérations clandestines d'un brasseur peu délicat. Il n'en
est plus de même aujourd'hui : dix heures à peine sont néces-
saires, grâce au chauffage par la vapeur des chaudières de fabri-
cation et à l'emploi des réfrigérants, pour faire, du malt qui
sort du grenier la bière qui repose dans les tonneaux, — dix
heures pour une fabrication normale et sans hâte... Vainement
les agents fiscaux se placeront en faction devant la porte de la
brasserie, pour voir s'illuminer les fenêtres et de la cheminée
s'élever des nuages de fumée : la loi leur défend d'entrer. Et
si, le matin venu, ils interrogent le brasseur sur la provenance
de ces quantités nouvelles de bière qui fermentent dans ses
caves, le brasseur leur répondra impunément : « Cela ne vous
regarde pas. »
Et comme si les défectuosités de la loi de 1816 ne suffisaient
pas encore à assurer la libre pratique de la fraude, la loi du
19 juillet 1880, en exonérant de tout impôt les glucoses em-
ployés dans la fabrication des bières^ est venue en aide à ces
brasseurs qui ne reculent devant aucun moyen d'accroître leur
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^4 LA LÉOISULTIOIf FISCALE I>£ LA BlÈiUS
profit. Les giiiiicoses servent, en brasserie, — ou à aBgmester la
richesse saccharimétrique du in^At, — ou à accroître la force
alcoolique de la bière fabriquée, — oh à fabriquer de loole
pièce une quantité de bière. La loi, qoi les affranchit d*imp6i,
facilite les alloDgesients dt moût, ies ooopa^s de bière, les
brassins clMMiestÎBs.
Quelle quantité de matière imposable s'échappe, au détrimeat
du fisc, par ces différentes fiesiu'es, c'est ce qu'il n'est pits pos-
sible de déterminer. La fraude est d'ailleurs plus -ou moins
considéi*able, suivant que l'industrie s'exerce dans une com-
mune libre d'octroi, ou dans une ville soumise à l'octroi, et
dans ce dernier cas, suivant que les finances municipales
traitent par abosmeiafteiLt avec les brasseurs ou, qu'au con-
traire, elles font surveiller par leurs propres employés la sop-
tie deshtères. Lorsque les statistiques de l'octroi permettent de
constater qu'il est sorti de telles brasseries 20.0(X) hectolitres^
il y a une certaine difficulté, sinon légale, an mcdnâ morale, pour
l'industriel, à prétemlre qu'il n'en a produit que 10.000. En de-
hors de cette entrave, il n'y a vraiment d'autres Jimi les à la fraude
que l'honnêteté des brasseurs, et cette honnêteté doit parfois
céder devant la nécessité de résister aux cx>DcurreBces déloyales.
Dans une ville que nous pourrions citer, les brasseurs ont voulu
connaître le chiffre de leur production totale ; ils se sont engagés
les uns vis-à-vis des autres à déposer dans une urne autant de
« gros sous » qu'ils produisaient de milliers d'hectolitres. Le
résultat de ce scrutin d'un nouveau genre fut de montrer que la
production réelle ^ait à peu près le double <ie la ppoducikrn
officielle. À Paris, c'est bien autre chose. La production des
brasseries parisiennes, qui s'élevait eaat 1865 à préside 150.000 hec-
tolitres, est tombée depuis cette époque, et par une décadence
rapide, k un chiffre de 30.000 hectolitres, qu'elle ne peut plus
dépasser: or, toiutnoius permet de croire que cette décadence
n'existe que dans les statistiques «et que plus delà moitié dee
bières fabriquées dans la capitale ne payent ni les droits de
r^ie, ni les droits d'octroi.
Telles étaient les doléances que faisaient entendre, avec un
touchant accord, le fisc et la grande majorité des brasseurs, fit
non sanfi raison. €ar la situation où la loi de 1816 plaçait le bras-
série n'était favorable, ni au recouvremest de Fimpôt, ni aux
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LA LÉGISLATlOr^ FISCALE DE JjL BIÈRE 555
progrès de la faJbricatijon, ni à la santé des Gonsomnaateiufs.
11 fallait y remédier. De toutes les réformes proposées, la
plus simple eût été assurément la suppressicai de Timpôt. D ex-
cellentes raisons peut-être militeraient en faveur de cette sup-
pression, mais de meilleures raisons encore la ooatredisient,
celle du plus fort, la raison fiscale... Toutes les fois qu'un dégrè-
vement total desi)oissons, même hygiéniques, sera proposé, les
défenseurs du fisc rappelleront ces pai'oles de M. Ed. Bocher,
dans son célèbre rapport de 1851 : « Il jx'y a pas d'impôt plus
naturel que celui des boissons. Pour qu'un imrpôt indirect ^t
bon, il faut que les objets Imposés ne soient pas de nécessité
diisolue, que la consonuziatlon en soit générale, ek qu'ils ne ser-
vent pas de matière première à la main-dkBUvre industrielle :
autrement la taxe serait iiyuste, improductive, nuisil)leau déve-
loppement du travail national. Or, aucune decirée ne réunit
mieux cette triple condition que les boissons. »
C'est donc la meilleure manière d'accommoder l'impôt qu'il
faut rechercher, et non pas le meilleur moyen de s'en passer.
Or ses inconvénients varient, suivant qu'il est perçu, comme
dans le régime issu de la loi de iSiô, pendant la fabrication, ou
avant la fabrication, c'est-à-dire «lelon l'importance des matières
premières employées pour la fabrication, ou après la fabrication,
selon l'importance réelle de la consommation.
«IV. — Le système amékicaik.
C'est l'impôt perçu aprh la fabrication, Fimpôt à la circula-
tion, qui nous occupera le premier, ei nous l'étudierons dans la
législation des Etats-Unis qui a été jusqu'ici seule à l'appliquer.
La loi qui régit actuellement la brasserie américaine date de
1865. Mécontents de la loi qu'ils avaient subie jusque là et qu'ils
accusaient d'empêcher le développement de leur industrie, les
brasseurs américains se réunirent, cette année-là, à Philadel-
phie, en un grand Congrès pour étudier les moyens de la rem-
placer. Une commission fut nonnnée et chargée de visiter l'An-
gleterre, la Prusse, la Bavière, la France, l'Autriche, la Bel-
gique; mais la conclusion de ses enquêtes fnt que « les diffé-
rents BAodes d'imposition européens enUa valent la fabrication
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556 LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE
de la bière, et qu'ils avaient une influence néfaste tant sur
Tindustrie elle-même que sur la qualité de ses produits ». Le
travail d'élimination effectué, les brasseurs américains prépa-
rèrent un projet de perception qui introduisait dans la légis-
lation fiscale un principe nouveau.
En vertu de cette législation nouvelle, l'impôt sur la bière
devient un véritable impôt du timbre^ — timbre proportionnel au
volume, — analogue à celui que nous payons, par exemple, pour
les effets mobiliers ou sur les affiches. Le brasseur colle sur
les fûts de bière qu'il met en circulation, et chaque foisqu'il les
met en circulation, un timbre variable suivant la capacité de
ces fûts, qu'il a par avance acheté dans un bureau de l'Etat.
L'impôt se perçoit à la circulation, et comme de lui-même.
Ce mécanisme financier, très peu compliqué, e3t ainsi expliqué
dans le texte de la loi :
Il sera payé pour toute bière, ede, porter, ou toutes autres boissons fennentées
similaires, brassées ou fabriquées, mises en circulation, vendues ou livrées à la
consommation aux Etats-Unis, un impôt de un dollar pour chaque barrel d'une
contenance n'excédant pas 31 gaUons (136 litres), et une redevance proportionnelle
pour toute autre quantité ou fraction de barrel.
La taxe sera payée par le propriétaire ou par le gérant de la brasserie de la
manière et au moment ci-après spécifiés.
L'administration fera préparer, pour servir au paiement de cette taxe, des tim-
bres convenables portant l'indication du montant de la redevance à payer —
timbres correspondant à 1/8, 1/6, 1/4, 1/3, 1/2 de barrel, 1 barrel, 2 barrels. —
Elles les fournira aux percepteurs du revenu intérieur, lesquels devront avoir en
tous temps, et tenir à la disposition des intéressés, une quantité de timbres dou-
ble du chiffre de la vente mensuelle dans leur district.
Ces timbres ne pourront être vendus par les percepteurs qu'aux brasseurs de
leur district. Les percepteurs tiendront un compte exact du nombre et de la
valeur des timbres vendus à chacun des brasseurs.
Le brasseur fixera le timbre portant l'indication du taux de la redevance
imposée à la boisson sur le trou de vidange de chaque fût contenant de la bière,
lorsque celui-ci sera vendu ou transporté hors de la brasserie.
Au moment de la mise en perce du fût, le timbre doit être annulé en Taisant
passer au travers le robinet par lequel la bière sera tirée, ou un fausset d'air de
même grandeur, dans le cas où le tonneau serait entamé par le trou de bonde. H
pourra également être annulé par l'apposition, soit écrite, soit imprimée du nom
du brasseur.
Par sa simplicité, par l'exactitude avec laquelle il frappe la
consommation, par la liberté qu'il laisse à la fabrication, ce
système ne laisse pas d'être séduisant. Le Congrès international
des brasseurs tenu à Paris pendant l'Exposition de 1878, Tune
des premières réunions professionnelles qui ont soulevé la
question d'une réforme législative, s'y était rallié par une réso-
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE 557
lution, dont les termes résument parfaitement les avantages que
Je système américain présente :
Considérant que, de rexamen comparatif des différentes législations qui ré-
gissent la brasserie en Europe et en Amérique, il résulte que c'est le système
américain des Etats-Unis du Nord qui a paru présenter, à tous les points de vue,
les plus grands avantai^es pour arriver plus facilement à une fabrication régu-
lière et normale ;
Considérant que ce système est le plus simple et le plus aisé à appliquer de
tous ceux qui ont été présentés et examinés, puisquUI consiste uniquement dans
l'application, sur le fût sortant de Tusine et livré à la vente, d'un timbre mobile
d'une valeur pécuniaire proportionnelle à la capacité du fût;
Considérant que ce système a, en outre, le double avantage de pouvoir s'ap-
pliquer non seulement à l'impôt dû à l'Etat, mais encore aux taxes d'octroi dans
les pays où cette regrettable institution est encore en vigueur ;
Considérant qu'au moyen du timbre-ticket sur le fût, l'impôt ne frappe la
bière qu'à sa circulation, laisse le brasseur complètement libre dans ses procédés
de fabrication et le met ainsi à même d'apporter à son industrie tous les progrès
que la science et l'expérience consacrent et consacreront dans l'avenir ; et que,
en outre, il assure à l'Etat la perception des droits sans que la plus petite par-
celle puisse être soustraite;
Considérant que la réglementation, qui est la conséquence de ce mode d'impôt,
est des plus faciles à formuler, qu'elle doit être tout entière inscrite dans la loi,
et qu'elle n'a pas besoin du secours, toujours dangereux pour les industriels, d'uu
règlement d'administration publique ;
Le Congrès international des brasseries recommande aux brasseurs de toutes
les nationalités et aux différents gouvernements qui recherchent la meilleure
législation sur la brasserie, l'adoption du système américain des Etats-Unis du
Nord au moyen d'un ticket-impôt sur le fût de bière livré à la consommation.
Pourquoi les brasseurs français sont-ils revenus, depuis 1878,
sur cette opinion qu'ils avaient tant contribué à faire admettre?
Pourquoi, dès 1881, ont-ils abandonné le système américain
dont ils vantaient si complaisamment les avantages au Congrès
de Paris ? C'est parce qu'ils le considèrent comme incompatible
avec nos mœurs, et qu'ils craignent que, transporté en France,
l'impôt à la circulation devienne un impôt vexatoire.
Le législateur américain, pour protéger le fisc contre les frau-
deurs, a puni très sévèrement la fraude. Tout brasseur qui né-
gligera de fixer le timbre sur un fût de bière, tout charretier qui
transportera, tout particulier qui recevra un fût de bière sur
lequel le timbre n'a pas été appliqué et annulé, sont punisd'une
amende de 100 dollars, et d'un emprisonnement qui peut s'éle-
ver jusqu'à un an.
Ainsi le fraudeur, pour réussir à soustraire quelques dollars à
l'impôt, doit gagner la complicité de ses employés, de ses ca-
mionneurs, de ses clients qui s'exposent tous, par le fait de
cette complicité, à un châtiment sévère. Cela ne suffit pas : il
faut encore qu'il falsifie ses registres de sortie. La loi, en effet,
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558 LA JLÉGI8LÂTIOI4 FISCALE DE X«A BIÈHE
lui prescrit d'ioscrire on de faire iascrîre tous les jours la quui-
tité exacte de bière qu'il a vendue ou livrée. Elle permet au per-
cepteur de prendre connaissance de ce livre et de vérifier si ses
indications correspondent à la quantité de timbres achetée chez
lui par le brasseur. Toute falsification entraîne une amende qui
peut atteindre 1.000 dollars, et remprisonnemenl qui ne peut
pas dépasser un an.
Des pénalités aussi rigoureuses ne seraient peut-être pas
admises en France. Le seraient-eïles qu'eîJes paraîtraient insuf-
fisantes au fisc pour déjouer la fraude, et non sans raison, car
les mœurs françaises sont singulièrement indulgentes aux frau-
deurs. Le système du timbre est trop simple pour s'attirer, avant
longtemps, les faveurs de la Régie... Transporté chez nous, le
régime de Timpôt à la circulati<m deviendrait mille fois plus
compliqué : Texemplc de ce qui existe pour les vins et pour les
alcools, frappés à la consommation, et des formalités gênantes
qui accompagnent le transport de ces boissons, le fait prévoir.
Pour la bière, il n'irait pas sans V-exeroice permanetU, que les
brasseurs français redoutent, parce qu'U serait intolérable, —
et que T Administration ne souhaite pas parce qu'il est très cott-
teux. Le système américain devait être écarté.
V. — L'impôt sur les matières premières.
Tout à fait à Topposé du système américain, qui impose la
bière au moment où elle est portée chez le consommateur^ Tim-
pôt sur les matières premières la frappe avant même que sa fa-
brication soit commencée. 11 est perçu sur les matières pre-
mières qui servent à la préparation de la bière, au moment où
elles sont versées dans la cuve-juatière. Ce n est qu'indirecte-
ment, et parce qu'il y a un rapport nécessaire entre la quantité
de grains dont on charge la cuve et le volume de la boisson fa-
briquée, que celle-ci se trouve atteinte.
Si le système américain peut être considéré ooBime le sys-
tème de Tavenir, le régime de Timpâtà la matière première noté-
rite d'être nommé le système du passé. Il était appliqué il y a
deux siècles, dans les villes de la Flandre française. U a fonc-
tionné en Angleterre jusqu'en 1880. Bepais loBgtenàps, il règle
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LA l«É616LAT10N FldCALE B£ LÀ BIÈEE 559
les rapiKMfts av^ le fise des bières «de T Allemagne du Nord, du
Wurtemberg, et des produits renommés de la brasserie baya-
roise. Il a fait, en 1867, la conquête de la législation hollan-
daise.
Tbéoriqnemeiut, riiBj>ôt sur les maliènes premières laisse à
la fabrication la liberté la pJus entière. Pratiquement, il la place
dans un état de surveillance plus ragoureux que l'impôt à la fa-
brication.
Théoriquement, en effet, le brasseu.r devrait être libéré de la
surveillance du fisc, lorsqu'il a déclaré, -^ et déposé autour de la
cuve-'matière pour que les employés puissent contrôler sa dé-
claration, — la quantité (en poids ou en volume) de malières
premières qui vont servir à sa fabrication, et lorsqu'il a payé
rimpôt sur cette quantité... Mais, pratiqueoBbent, il ne suffit pas
de oontrôleirP^xaciitiftde des quantités déclarées, il faut encoure
éviter que des quantités n<;^ déclarées soient introduites, après
le début de la fabrication et faire durer la surveillance jusqu'à
la fin de la fabrication.
Cette surveillance doit ^re très étroite et très vigilante
pour être efficaoe... Aussi faat-il lire dans le recueil des vieilles
ordonnances fiscales applicables en. Flandre le «détail des pres-
criptions que la législation d'alors édictait pour garaatir la ren-
trée de rimpôt.
La circulation du «naît — du grain brafé ou bray, -comme
disait la langue de cette époque — était réglementée : « L'on
« fait défense, à toutes personnes indifféremment, de quelque
« qualité ou condition qu'elles soient, de s'ingérer d'amener
« grains bragés dans cette ville, sans être munies du billet des
« fermiers (de Timipôt) et à tous les chartiers et autres de
« charger aucuns grains bragés sans au préalable être garni
« dudit billet, et de décharger avant de l'avoir délivré, w Le
fisc avait ainsi connaissance de toutes les quantités existantes
de malt. Pour ajouter à cette garantie et afin d'éviter l'intro-
duction clandestine du bray dans les brasseries, il était interdit
aux brasseurs de moudre eux-mêmes leur grain : « Si îait-on
« défenses à tous brasseurs, manans et habitants de cette ville,
« de quelle qualité ou condition que ce soit, nuls exceptés, de
« moudre brays en d autres moulins que ceux publics de cette
« ville. D En dépit de cette double précaution qui paraît assurer
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560 LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE
le recouvrement intégral de Timpôt, le fisc ne se déclare pas
satisfait, et prétend surveiller toute la fabrication. L'édit que
nous avons sous les yeux : « Ordonne à toutes personnes qui se
« mêleront de brasser et faisant profit de leur bière, d'aviser
« aux fermiers le temps précis qu'ils voudront mettre le feu et
« entonner, pour visiter les lieux où se feraient lesdits bras-
« sins. » Quelle fraude fallait-il donc éviter? L'édit nous
l'apprend : « Plusieurs personnes s'ingèrent de faire moudre
a des grains sans être *ragr<^5, sous prétexte que c'est pour se r-
« vir de nourriture à leurs bestiaux et les emploient au con-
« traire dans leurs brassins. » La bière échappait à l'impôt sur
le malt, parce qu'on la fabriquait sans malt.
Les législateurs modernes, qui ont adopté ou maintenu dans
leur législation l'impôt sur les matières premières, se sont
heurtés à la même difficulté, que les progrès de l'industrie ont
fort aggravée. L'orge germée n'est pas le seul produit suscep-
tible de se transformer en bière, mais toute matière amylacée,
riz, céréales, sucre, etc.
Les uns, comme le législateur bavarois, préoccupés surtout
de maintenir la bonne qualité dç leurs produits, n'ont pas
hésité à interdire radicalement l'emploi de toutes autres ma-
tières que le malt. Les autres autorisent l'usage de toutes
lés substances en les imposant d'après un tarif basé sur
leur richesse saccharine. Mais les uns et les autres ont dû
prendre des mesures très rigoureuses pour s'assurer, là que
l'interdiction d'employer à la préparation de la bière d'autre
matière que le malt ne soit pas transgressée, ici qu'il n'est réel-
lement fait emploi que de la quantité et de l'espèce de matières
comprises dans la déclçiration. Un inspecteur des finances qui
proposait, en 1875, d'introduire en France l'impôt sur les ma-
tières premières, s'inspirait de ces législations étrangères pour
réclamer en faveur de la régie les garanties que voici :
Les matières premières destinées à la confection de la bière ne devraient pou-
voir être introduites dans les magasins des brasseries qu^accompagnées de fac-
tures ou connaissements qui seraient représentés aux employés lors de leur pre-
mière visite et après la déclaration faite par écrit au bureau de la régie, quatre
heures d'avance dans les villes et douze heures dans les campagnes ; cette décla-
ration devrait indiquer la provenance de ces matières, la date de leur achat, les
noms et prénoms du vendeur, leurs espèces et leurs quantités.
A l'heure déclarée pour leur introduction, elles devraient être placées dans les
locaux, parfaitement clos, désignés d'un commun accord avec les employés, clas-
sées suivant leur nature et d'où elles ne pourraient sortir, soit pour lemaltage, soit
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE 561
pour la fabrication, qu'après une déclaration faite par écrit, assez longtemps à
l'avance pour permettre au service d'assister, autant que possible, à leur pesée.
La déclaration de fabrication, faite au moins deux jours à l'avance, devrait
être extraite d'un livre à souche fourni par la régie, relatant, tant à la souche
qu'au volant remis au receveur, l'heure du commencement des opérations, le
jour et l'heure de leur clôture à Tentonnement, les numéros des chaudières, des
bacs et des cuves utilisés, les quantités et les espèces de substances employées.
Le brasseur devrait être astreint, en môme temps, à tenir un registre d'exercice
présentant, au fur et à mesure de leur accomplissement, le détail de toutes les
opérations : à l'entrée des matières premières, leur provenance, la date de leur
achat, les noms et prénoms du vendeur, leurs espèces et leurs quantités, la date
et l'heure de leur introduction dans les magasins; au moment de leur emploi,
la date de la déclaration, le numéro de la quittance des droits, les espèces et
les quantités de matières employées, la quantité et le degré alcoolique de la
bière produite, enfin, à la sortie du produit fabriqué la date et l'heure de la
sortie, la quantité et la force alcoolique, les noms et le domicile de l'acquéreur.
Ce registre devrait être représenté, à toute réquisition, aux employés qui le visi-
raient, feraient, quand ils le jugeraient convenable, la balance des comptes, et
pourraient s'assurer par un recensement, de l'exactitude des restes.
Pour réprimer la fabrication sans déclaration, les brasseurs devraient ôtre
soumis aux visites et vérifications de service, la nuit comme le jour, que l'usine
fût en activité d'après la déclaration, ou qu'elle fût censée au repos.
Par cet exposé des mesures revendiquées au nom du fisc pour
garantir la perception de l'impôt sur les matières premières, on
voit combien Tillusion serait grande de ceux qui verraient
dans cet impôt le moyen de « consacrer la liberté entière de la
« fabrication, — d'écarter tout exercice et tout contrôle avant,
« pendant et après la fabrication de la bière, excepté la vérifi-
« cation du versement du malt en cuve de fabrication, — en un
« mot, de donner au brasseur le droit de disposer à sa guise de
« son travail, sans être obligé d'en rendre le moindre compte à
« l'administration de la régie ».
Ces formalités rigoureuses sontpourtant insuffisantes encore.
« Pour combattre la fraude consistant à employer des matières
non déclarées, continue le rapport de M. Jacquème, et pour
s'assurer en cours de fabrication de Tcxactitude des déclarations
faites, les employés devraient être autorisés à vérifier au moyen
du densimètre la force alcoolique du produit, aux diverses pé-
riodes de sa confection. » Il faut donner aux agents du fisc,
comme le fait d'ailleurs la loi hollandaise, le droit de dresser
procès^verbal au brasseur dont le rendement obtenu leur semble
trop considérable pour être en rapport avec la quantité de ma-
tières déclarées.
Qu'est-ce à dire sinon que, pour assurer le fonctionnement
de l'impôt à la matière première, il ne suffit pas de donner aux
employés de la régie le droit de vérifier les quantités déchar-
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562 LA LÉGOLATION FISCALE DE LA BIÈRE
gées dans la cuve ; il faut encore leur cfoiraer celui de constater
le volume de moût obtenu dan& la chaudière, et quelque
chose de plus encore, la densité de ce moôt... Mars par !a sim-
ple addition dans la loi de 1816 de cette toraialité nouvelle, la
constatation de ta densité di» nwût, nous allons voir qu'on re-
médie, sans bouleverser de fond en comble le régime fiscal
de la bière, h ses imperfectioDS.
VK L'iMBOT A LA DBîfSlTÉ.
En dehors du système américain, lequel, pour les raisons que
nous avons dites, ne paraît pas «ppticable en France, il faut
que la brasserie se résigne à une sudrveillance qui entrave
dans une certaine mesure sa fabrication. Ce qu'il faut cher-
cher àr éviter, c'es4 qve œtte surr eiilanee doive se- prolonger
jusqu'à la fin des opécations, et qa^eHe laisse passer lafruide.
Pour être bonne — ou moins maursis — , elfe sei* à la fois
limitée et efficace.
Bien qu'elle se prodongeàt pendant tonte la durée de la (abrîea-
tion, la surveillance organisée par la loidel8i6 ^^t loin d'être
efficace. La fraude trouvait un aliment dons les imperfections
d'une législation trop aocienae. L'une de ces imperfections était
facile à corriger, par l'autorisation donnée aex agents du fisc,
moyennant certaines garanties à prendre contre les abus pos-
sibles, de s'assurer par des visites de nuit qu'une brasserie sus-
pecte ne fait point de fabrication clandestine. On ne diminue
pas la liberté des brasseurs, en les protégeant contre des con-
currents malhonnêtes...
Mais le vice fondamental du régime, c'est la base défec-
tueuse sur laquelle était assis Timp^'^t. En prenant comme ma-
tière imposable le volume du moût sortant de la chaudière^ sans
tenir compte de sa force, la loi imposait d'ime taxe égale Theeto-
litre de moût qui produira un hectolitre de bière, et ^hectolitre
de moût qui se changera par un coupage habile en deux ou trois
hectolitres de bière ; elle favorisait ainsi la fabrication irration-
nelle au détriment de la fabrication rationnelle*.
Voilà le mal^ et voici le remède : en continuant & prendre
pour matière imposable le moût sortant de la chaudière, ne
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LA LÉGIStATION FIS€ÀLi3 DE LÀ BIÈRE 563
plus considérer seulement le rolume, mais la qualité ; et, puis-
que c'est le sucre contenu dans le moût qui fait Falcool de la
bière, el que la valeur de la bière dépend de son degré alcooli-
que, imposer le moût, non plus en proportion de son volume
total, mais en proportion de la quantité de sucre qu'il contient.
Par cette simple réforme, l'impôt saisira, exactement et par
avance, les quantités, de bière qui seront fabriquées, et propor-
tionnellement à leur qualité : un hectolitre de moût capable de
produire deux hectolitres de bière à i^ payera deux fois plus d'im-
pôt qu'un hectolitre de moût capable de produire un seul hec-
tolitre de bière à 4° ; un hectolitre de moût capable de pro-
duire un hectolitre de bière à 6^ payera deux fois plus
d'impôt qu'un hectolitre de moût capable de produire un
hectolitre à 3"*. Mais le fisc ne sera pas seul à profiter de
la réforme : les brasseurs n'awront plus d'intérêt à forcer le
chargement de leur cuve-matière pour accroître la richesse
saccharine de teur moût, et la fabrication redeviendra normale.
Enfin la surveillance de la régie, au lieu de se prolonger comme
aujourd'hui jusqu'à l'entonnement sans donner satisfaction aux
intérêts fiscaux, pourra sans inconvénients cesser#après la sortie
du moût de la chaudière, moment qui fixera définitivement
l'importance de la matière imposable ; le brasseur redeviendra
maître de la partie la plas délicate peut-être de la fabrication :
la fermentation.
Le législateur autrichieni, qui le premier a tenu compte dans
l'établissement du régime fiscal de la bière de la richesse sac-
charine du moût, n'a fus su tirer de son invention tout le parti
possible. La loi du 19 décembre 1857, aujourd'hui encore en vi-
gueur, se rapproche de notre loi de 1816, en ce que, comme
celle-ci, elle impose la bière d'après le volume du moût; elle en
diffère par ceci, qu'au Heu de distinguer seulement deux sortes
de bière, la petite bière et la bière forte, elle classe les bières
fabriquées, suivant le degré sacchorimétrique du moût qui doit
les produire. CTest, comme dans la loi française, l'hectolitre de
bière qui est l'unité imposable ; mais l'hectolitre de bière paye
un impôt, variable suivant le degré du moût, et exactement
proportionnel à ce degré.
En établissant Timposition au degré du moûty le système
autrichien empêche les allongements, si préjudiciables au fisc,
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564 LÀ LÉGISLATION FISCALE DE LA lUÈHE
que notre loi de 1816 laissait passer ; mais en conservant Tim-
position au volume de la bière, il place les brasseurs dans une
situation intolérable. Le brasseur qui déclare fabriquer 100 hec-
tolitres de bière à i"" et qui paye Timpôt sur 100 hectolitres de
bière à 4°, est en faute et se voit Tobjet d'un procès-verbal, —
non seulement s'il fabrique 110 hectolitres de bière à 4*^ ou
100 hectolitres de bière à 5", production supérieure à la décla-
ration, — mais encore s'il fabrique 110 hectolitres à 3%5 ou
90 hectolitres à 4**,1, production inférieure dans Tensemble à sa
déclaration. Il faut qu'il ne dépasse ni le volume, ni la densité
déclarée, et ne peut pas compenser l'excédent de l'un par le dé-
ficit de l'autre. Conclusion : il faut qu'il se tienne fort en des-
sous de sa déclaration et qu'il paye plus d'impôt qu'il ne pro-
duit, pour être assuré de ne dépasser la quantité déclarée et
imposée, ni en quantité, ni en force.
Ajoutez que la surveillance de la régie doit, dans ce système,
se prolonger comme chez nous jusqu'à la lin des opérations et
qu'elle doit y être d'autant plus sévère qu'elle ne contrôle pas
seulement le volume des bières fabriquées, mais leur qualité.
Voici comment M. Jacquême. dans son rapport de 1875, résume
les principaux traits de cette surveillance :
Toutes les formalités exigées en France pour l'exercice de Tindustrie de la
brasserie le sont également en Autriche : à chaque mise de feu, le brasseur doit
rédiger une déclaration en double expédition, qu'il doit remettre au bureau de
la régie vingt-quatre heures avant de commencer. Cette pièce doit indiquer le
jour et l'heure de la mise de f(eu pour les chaudières, le jour et l'heure de la fin
de l'opération, le numéro et la contenance des bacs refroidissoirs, le numéro de
la cuve guilloire, le numéro et la contenance des tonneaux de dépôt. Elle doit
spécifier en outre la quantité de bière que Ton doit fabriquer et le degré saccha-
rimétrique que l'on veut donner au moût.
Le brasseur doit tenir en outre un registre, dit livre d'exercice, sur lequel il
doit inscrire, au fur et à mesure de l'accomplissement des opérations, la prove-
nance, la nature et la quantité des maliôres premières qu'il doit travailler avec
la date de leur achat et les noms et prénoms des vendeurs ; au moment de la
fabrication, la date de sa déclaration de mise de feu, le numéro de la quittance
que le receveur lui a délivrée, la nature et la quantité des matières employées,
la quantité et le degré saccharimétrique du moût et la quantité de bière enton-
née; à la sortie, la date de la vente, la qualité et les quantités vendues, ainsi que
le nom et la demeure de l'acquéreur. Ce registre, tenu constamment à jour, doit
être arrôté chaque mois et conservé cinq ans.
Au moyen do la copie de la déclaration, toujours déposée dans un lieu désigné
de la brasserie, et les inscriptions au registre d'exercice, Iç service a tous les
éléments d'une surveillance efficace.
On comprend aisément que la brasserie autrichienne se plai-
gne d'un régime dont l'application entraîne une surveillance
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE 565
aussi lourde, — et qu'elle apprécie faiblement un système
d'impôt, dont on a pris tous les avantages fiscaux, dont on a
négligé de prendre les avantages industriels.
La brasserie belge, au contraire, qui jusqu'en 1885 avait vécu
sous un régime à peu près analogue au nôtre, se déclare très
satisfaite de l'introduction dans sa législation fiscale du principe
de rimpôt à la densité. 11 est vrai que ce principe y a pénétré
avec toutes ses conséquences, heureuses pour le fisc, heureuses
pour les industriels. C'est le moût lui-même, ou plus exactement
c'est le sucre contenu dans le moût qui devient, d'après la loi
belge du 20 août 1885, l'unique matière imposable, et sans que
le fisc ait à rechercher quelle transformation le brasseur fera
subir à ce sucre, quelles quantités de bière ce moût va produire.
Un hectolitre de moût marquant au densimètre 6**, deux hecto-
litres de moût marquant au densimètre 3^, contiennent exacte-
ment la même quantité de sucre et payent exactement le
même impôt. Ce poids de sucre, qui sert de base à l'impôt,
s'obtient donc en multipliant le volume total du moût par son
degré densimétrique. Aussitôt qu'il est constaté, — et la cons-
tatation peut se faire au sortir de la chaudière, — le brasseur
devient maître de son produit, et n'a plus rien à voir avec le
fisc.
Telle est bien la réforme réalisée, par la loi belge de 1885. Il
est curieux de constater pourtant qu'elle s'est faite d'une façon
déguisée, et que l'impôt à la densité est entré chez nos voisins
sous le nom d'impôt à la matière première.
L'erreur s'explique historiquement. L'origine de la loi de
1885 se trouve dans un projet de 1872, que son auteur résumait
dans les termes suivants :
Le taux de Timpôt sera de 14 centimes par kilogramme de farine employée,
avec supplément d'impôt proportionnel à la quantité de sucre qui dépassera le
rendement légal, — rendement légal calculé, d'après un grand nombre d'expé-
riences faites, à 25 litres de moût ramenés à P par kilogramme de malt. — La
base normale de l'impôt sera la quantité de farines employées à raison de
14 centimes par kilogramme. Mais un supplément sera dû lorsque le rendement
dépassera le chiffre légal de 25 litres de moût à l*» par kilogramme.
En prenant pour unique base de l'impôt la quantité de farines employée, il ne
serait possible d'avoir une garantie sérieuse contre les abus qu'en apportant de
nombreuses restrictions au travail, et en imposant au brasseur des formalités
qui l'expeseraient à être fréquemment constitué en contravention. C'est en vue
d'éviter cet inconvénient, au moins d'en atténuer l'imporlauce, que nous pro-
posons d'asseoir l'impôt sur deux bases qui se servent mutuellement de contrôle*
REVUE POLIT., T. XX 37
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1^66 LA LÉQIâLÀTION FIftCALii D£ Ik BIÈM
Dans ce projet, Vimpôt devait être assis principalement aur
les matières premières employées à la fabrication, accesscdre-r
ment sur la densité du mot^t produit. C'était un ayatème mixte
entre le système de Timpot à la matière première et le système
de rimpôt à la densité, ^r. d'ailleurs impraticable. La loi de
1885 se g^rde bîep de reproduire au fond oe dualisme; dans la
forme, elle seii^le le maintenir.
Voici eA effet de quelle façon elle détenaine Tassiette de la
nouvelle taxe.
Le taux de Faccîse est fixée à 10 centimes par kilogramme de farine déclarée.
140 reMien^ant lé^al e^l fixé 4 85^ liiJf ^ de d^q^I, à la tempérUiture de 17« l/% cd»-
tigr^des, ramenés à un degré de densité, par kilogramme de farine déclarée.
A ne considérer que le premier para^apbe de cet article, la
base de Timpât serait la quantité de farine employée parle bras^
saur. Mais ce n'^est là qu'une illusion ; l'impôt frappe en réalité
le moût. ^ litres de moût, marquant V de densité à la tempé-
rature de 17 1/3 degrés centigrades, payeat dix oentipes : ¥oità
la véritable assiette de la taxe.
Si le texte, par la concision de ses termes^ prêtait à disons^
sion, les débats parlementaires et Texposé même des mokife de
la loi enlèveraient tonte espèce de dc^ute. La décdarakion de
quantité n'est qu'un moyen de contrôle auquel le brasseur doit
se soumettre^ dit en sub»t^noe l'exposé desc motifs. Le brasseur
qui déclare verser l.OOQ kilogrammes de farine ne garantit pas
l'exactitude de cette déclaration ; il s'engage seuleptent à ne paa
produire plus de 250 bec(oUtre&demoûtramie#éaàl^de densité.
Sî doAC, au lieu d/e 1.000 kilograBdmes, ii en verse 1.250, il ne
sera pas en faiiite, pau^vm que le r^adement de ces 1.350 kitor
grammes ne dépasse pas le chiffre légal, soit dans cette byfio^
thèse 250 hectolitres de moût à 1<» (avec la tolérance du dixième
Zl^ hectolitres). U s^^ivait au contraire en contraveAtion si, ayant
déclaré et versé eonforménçient à, sa déclaration 1.000 kilogram-
mes de £arine> U obtenait plus de 275 heotoUtres de iok&ti à 1*.
La déclaration q|ue le brasseur doit faire avant die commencer
sa fabrication n'est do^o que fictivement celle du yevsemeat dtea
matières dans In cuve ; e^le est réellement cette du rendement
pjvésumé de cea matière» 4ws la chaudière. Aum roUig^tM»
que fait Tarticle fr de la loi de 1S85 de « disposer les fartees des-
tuxées au bra.ssin dans des sacs d'un poÂd^ uA^rnae^ & pso^
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LA LÉGiaLATlON FISCALE DB LA BIÈHB 567
mité de la cove-matière, ou dans une trémie jaugée au moins
deux heures ayant l'heure déclarée pour le commencement des
travaux », — crtte obligation gênante est un contre-sens ; et
c'est ayee raison que la brasserie belge demande sa suppression.
C'est dans les article 9 à 12 de la loi que se trouve décrit le
véritable mécanisme de l'impôt :
ARTicaJ 9. — Les quantités de moùl produites par chaque brassin sont réu-
nies, ataat toute mise en fermentation^ dans un ou plusieurs vaisseaux, tels
que cuves guiiloires, cuves eoUectrices, ou toutes autres cuves, spéciakmeat
installées poar la constatation du rendement légal.
Ces vaisseaux doivent être agréés par Tadaiinistration.
Ils sont jaugés comme les cuves matières et munis d'échelles métriques ou de
bâtons de jauge, conformes au modèle officiel et qui doivent être maintenus par
le brasseur en bon état de conservation...
Article 10. — Les moftts reeueillii restent pendant une ou deux périodes d'une
heure à la disposition des agents de la surveillance.
Les employés constatent pendant ces périodes la densité et le volume des
moûts chaque fois qulls le jugent convenables.
11 est interdit de confondre, avant l'expiration de ces périodes, les produits
du brassin auquel elles se rapportent avec les produits d*un autre brassin.
Article 11. — Les brasseurs sont obligés de tenir constamment à la diaposi*
tion des employés : une balance ou une bascule, des poids, des mesures, des
bâtons de jange et de la lumière, ainsi que de donner à ees agents les facultés
nécessaires povr leur permettre de se rendre compte des matières imposaUëi
employées au brassin et de la densité des liquides qui en forment le produit.
Abticlb 12. — > fvtà excédent de pins de deux litres et demi sur le rendement
légal (soit de plus du <tixiëme) est puni d'une amende de 0 fr. SO par litre, indé-
pendamment du paiement des droits sur la totalité de l'excédent, sans que
l'amende soit infériewre à l.OOd franes.
Enfin, Tarticle 13 punit la seule fraude qui puisse se produire
sous le régime de Timpôt à la densité, — la décharge partielle :
Toute soustraction de moût au payement de l'impôt est punie d'une amende
de 25 francs par hectolitre de capacité des cuve-matière et chaudières mention-
nées dans la déclaration de travail.
U en est de même de l'existence de moûts, avant l'expiration des périodes
mentionnées à l'article 10, psEftout aillears que dans les vaisseaux repris à la
déclaration de la profession.
Est punie de la même peine r existence de tuyaux ckmdestms, ainsi que celle
de vaisseaux non déclarés et portant des traces d'un usage iUicitè.
Telle est, dans ses dispositions cssentidies, la loi belge du
20 août 1885. En lui enlevant ce qu'elle présente d'illogique, en
la perfectionnant dans qnelques-iiRS de ses détails, on ferait
une excellente loi, aussi parfaite que peut être une loi fiscalei#
C'est l'œuvre qui vient de réaliser le législateur français.
VII. — La mHrvELLB LicnsLATiON praih^âise.
L'idée de rimpM à la densité apparaît, pour la pr^ttière fois
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56 s LA LÉGISLATION FISCALE DB LA BIÈRE
en France, en 1875, dans un projet de loi sur led bières, déposé
au nom du gouvernement par le ministre des Finances, M. Léon
Say. Ce projet de loi, qui avait pour objet de combattre les
diverses fraudes pratiquées dans la brasserie, modifiait la loi
de 1816 par trois dispositions nouvelles.
La première était ainsi conçue :
• Article 6. — A toute heure de jour et de la nuit, que le» usines soient ou ne
soient pas en activité, les brasseurs sont soumis aux visites et vérifications des
employés de la régie ; à toute réquisition, ils sont tenus d'ouvrir à ces agents
leurs brasseries, ateliers, magasins, caves, celliers et maisons lorsqu'elles sont
attenantes à leurs étabUssements, ainsi que de représenter les bières qu'ils ont
en leur possession. Lorsque les brasseries sont au repos, les visites de nuit ne
peuvent s'étendre en dehors des ateliers de fabrication.
Par cet article, on voulait armer les employés de la régie de
pouvoirs suffisants contre les brasseurs qui fabriquaient clan-
destinement.
L'article 9 de la nouvelle loi devait empêcher les allongements
de moût :
A partir du moment où les bières, fortes ou petites, sont retirées des chau-
dières, il est interdit aux brasseurs d'en accroître le volume avec toute autre
espèce de liquide, même au moyen d'une addition d'eau.
Après comme avant l'entonnement, toutes les bières fabriquées restent sou-
mises au contrôle et à la surveillance du service de la régie jusqu'au moment où
elles sont livrées à la consommation.
Toute quantité dont l'existence en magasin ne peut être justifiée, est considérée
comme provenant d'une fabrication clandestine ; elle est saisie et soumise, quelle
qu'en soit la qualité, au tarif de la bière forte.
Enfin l'article 4 du projet cherchant un critérium nouveau à
la distinction légale entre bières fortes et petites bières, fait
intervenir le densimètredans la détermination de Timpôt :
Toute quantité de petite bière qui, à l'état de moût, pris sur les bacs refroi-
dissoirs ou à la sortie des réfrigérants, présente à la température de l:>o centi-
grades une densité supérieure à 2° fi du densimètre, est passible du droit fixé
pour la bière forte,
et propose en même temps une surtaxe des bières très fortes :
Toute quantité de bière forte qui, à l'état de moût, avant la mise en fermenta-
tion, accuse audensimètre centésimal et à la température de 15 degrés centigrades
une densité supérieure à6<», est passible, indépendcunment du droit fixé par l'ar-
lîcle 1*' de la présente loi,'une surtaxe de 75 centimes par hectolitre et par de-
gré du densimètre au delà de 6<*.
Par ce dernier article, le projet de M. Léon Say rappelait dans
une certaine mesure le régime autrichien. 11 eût amené, pour
l'industrie française de la brasserie, une très lourde aggrava-
tion de charges, en même temps qu'il aurait apporté de nouvelles
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LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE S»$9
entraves et très vexatoires à la liberté de fabrication. Il souleva
un toile général et ne reçut aucune suite.
Le projet déposé par M. Rouvier en 1892 faisait à la densité
une part plus considérable :
AmcLE 44. — Il est perçu à la fabrication des bières un droit en principal et
décimes, de 50 centimes par hectolitre et par degré de densité des moûts, sans
qu'en aucun cas la taxe puisse être inférieure à 1 fr. 50 par hectolitre.
Constatée au moyen du densimétre centésimal, à la température de 15 degrés
centigrades, la densité des moûts est déclarée par le brasseur et contrôlée par
les employés de la Régie. Une taxe complémentaire en sus du tarif édicté par le
premier paragraphe du présent article est perçue à raison de 0 fr. 50 par hecto-
litre et par chaque degré non déclaré.
Comparé au projet de 1875, celui de 1892 était beaucoup moins
désavantageux pour la brasserie, et Texposé des motifs le fai-
sait remarquer : « Étant donné qu'une bonne bière de consom-
mation courante pèse de 4 à 5°, Timpôt ressortira en moyenne à
2 francs par hectolitre. La taxe sera donc sensiblement infé-
rieure à ce qu'elle est aujourd'hui (3fr. 75 pour la bière ordi-
naireetl fr. 25 pour la petite bière, soit une moyenne de2fr. 50). »
Au point de vue du mode de perception, l'auteur du projet
considérait qu'il réalisait par sa réforme un grand progrès: « Le
nouveau mode de perception, basé sur la densité des moûts, ré-
pond aux vœux de le fabrication. » Mais, à la vérité, il ne répon-
dait que très imparfaitement à ces vœux.
En ne tenant compte pour la taxation que des unités de degré,
et point des dixièmes, il avait le premier inconvénient de peser
sur la fabrication : puisque la bière à S^^^Q payait 0 fr. 50
de moins par hectolitre que la bière à 4**, tout l'effort du
brasseur qui produit aujourd'hui la bière à 4^1, 4^,2, 4",3, de-
vait tendre à ramener le degré de son moût à 3%9, et à diminuer
la qualité de ses produits pour tirer de la loi fiscale tous les
avantages possibles.
Mais surtout, en se modelant sur le régime autrichien, en con-
tinuant à prendre pour base le volume de bière fabriquée, et non
pas simplement le volume du moût, il forçait à prolonger la sur-
veillance des employés de la régie, bien au delà de la cuisson,
au delà même de l'entonnement :
Indépendamment des vérifications autorisées par l'article 111 de la loi du
28 avril 1816, les employés sont autorisés à suivre de jour et de nuit, pendant qua-
rante-huit heures après Ventonnement de chaque brassin^ les effets de la fermen-
tation et à constater toute décharge partielle, tout excédent de production à la
quantité déclarée imposable par Tarticle IIG de la môme loi,
disait l'article 45 du projet Rouvier.
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570 LA LÉGISLATION FIftCALB DB LA BIÈRE
Il fallait faire un pas de plus si on voulait éviter ces inconvé-
nients, et accepter franchement, avec toutes ses conséquences,
le principe de l'impôt à la densité. Le pas fut franchi, sur les
vives instances des représentants autorisés de la brasserie fran-
çaise, par un projet de loi déposé au nom du Gouvernement par
M. Burdeau, le 17 mars 1894, repris en 1895 par M. Ribot,
admis par la commission du budget de la Chambre en 1896, voté
au Sénat en seconde lecture le 10 novembre 1896, et incorporé
enfin dans le budget pour devenir, par Taccord du Parlement, la
législation nouvelle.
La suppression du régime actuel est expressément consacrée :
Le droit de fabrication sur les bières, tel qui! est établi par la législation en
vigueur, est supprimé ;
et son remplacement ainsi formulé :
Il est remplacé par un droit en principal et décimes de 0 fr. 50 par degré-hec-
tôlitre de moût, c*est-à-dire par hectolitre de moût et par degré do densimètre
au-dessus de 100 (densité de Teau) reconnus à la temfératurede 15* .centigrades;
les fractions au-dessous d'un dixième de degré sont négligées.
L'impôt, d'après cette base nouvelle, frappe le fiwûi^ et non la
bière. Il frappe le moût, non en proportion de son volume, mais
en proportion de làçuafUûé de sucre ^'ilowUieni. L'unité im-
posable, en effet, n'est pas l'hectolitre, mais le d^ré-kectolitre,
c'est-à-dire en réalité la quantité de sucre qu'il faut introduire
dans un hectolitre d'eau marquant 100 au densimètre pour ob-
tenir un hectolitre d'eau sucrée marquant au densimètre 101®:
quantité d'ailleurs constante et s'élevant à environ deux kilo-
grammes et demi. En vertu du texte nouveau, un hectolitre de
moût marquant au densimètre 106'' payera exactement le même
impôt que deux hectolitres de moût marquant au densimètre
103^, parce qu'ils comprennent exactement le même nombre de
dfegrés-hectolitres, 1 X 6, 2 X 3 =6, c'est-à-dire la mémo quan-
tité de matières sucrées.
Cette unité imposable ainsi déterminée, le degré-hectoli-
tre, à quel taux faut-il la frapper? Ce taux sera plus ou moins
élevé, non seulement suivant que Ton voudra obtenir de l'impôt
une somme totale plus ou moins considérable, mais encore sui-
Tant qu*on estimera plus ou moins important le chiflre de la pro-
duction annuelle en degrés-hectolitres de la brasserie française
Que l'on demande 25 millions à Timpôt en estimant à 50 mil-
lions le nombre de degrés-hectolitres asnuellement produits,
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LA UtGiSLATIOR FÎSCÂLB DB LA BIÈRB 57 J
OU qu'on l'éclame à l'impôt 30 milUous en évaluafii le nombre
de degrés-hectolitres produits à 00 millions, le tarif adopté sera
le même dans les deux cas : 0 fr. 50 au deg]^é->hectolitre.
Le chiffre de la production annuelle de la brasserie française
en degrés-hectolitres ne pouvait pas, faute de statistiques, être
knmédiatement évalué. Aussi le législateur a>-t^il fait (BUvre
sage en laissant à son tarif un caractère provisoire. La loi de^
mande àrimpMpour la première aîiÀéed'elterci^e2t<42U.000fr.}
Bû divisant ce chiffre de 27.420.000 francs par le nombre de
degrés-hectolitres produits dans Tannée, on obtiendra le tâttlÉ
définitif du degré*hectolita»e. Provisoirement) et parce qu'il serait
contraire à-Tesprit fiscal d'attendre pour le paiement d'une taxe
respiration de lexercice, la loi estime à 55 millions la produc-
tion annuelle de degrés-hectolitres, et flxe par conséquent à
0 fr. 50 le taux du degré-hectolitre. Mais :
Si le produit dé l*lmtJ6t ctes bières f ealisê pendâht lés doiize premlert mois de
la mise à «xéculioii de la présente loi était inférieur eu supérieur à la sommé
de 27.420.000 fr., le tarif fixé oi-dessus serait relevé ou abaissé au taux qui, appli-
qaé au nombre des degré-hectolitres constatés pendant cette première péHode
de douze mois, aurait été reconoo néoessairepoBf assurer une peroeption au moini
égale à ladite somme.
Ce taux serait rendu applicable par un décret qui, Inséré au Journal officiel,
serait obUgstoire dans tes délais de promulgation.
La perception de Timpôt est assurée par une déclaration, non
plus du volume comme dans la loi de 1816, mais de la quantité
de degrés-hectolitres que le brasseur compte produire. Déclara*
tion dont Texactitude sera vérifiée par les employés de la régie
dans les chaudières ou appareils à houblonner. Si la production
constatée dépasse, en degrés-hectolitres, le chiffre déclaré, la
peine qui frappera Tinexactitude de la déclation sera plus ou
moins forte, selon que Texcédent sera plus ou moins considé-
rable. — L'excédent qui ne dépasse pas le dixième sera consi-
déré comme licite et ne sera même pas soumis au droit. Si Tex-
cédent est de plus de 10 p. 100 mais ne dépasse pas 15 p. 100,
la totalité de l'excédent payera double droit. Si Texcédent dé-
passe 15 p. 100 sans être supérieur à 20 p. 100, la quantité
comprise entre 1 et 15 p. 100 d'excédent payera double droit, la
quantité qui excède 15 p. 100 payera un droit de 5 francs par
degré-hectolitre. Enfin si l'excédent dépasse 20 p. 100, la loi se
montrera d'autant plus sévère que la fraude sera évidente, et
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572 LA LÉGISLATION FISCALE DE LA BIÈRE
toutes les quantités reconnues seront imposables au taux exor-
bitant (le 5 francs par degré-hectolitre.
Ce même droit de 5 francs frappera « toute quantité de
moût trouvée en dehors des chaudières à houblonner après
l'heure déclarée de la rentrée définitive des trempes dans ces
chaudières », c^est-à-dire toute quantité soustraite à la prise en
charge pendant la période de reconnaissance, sans préjudice
d'une amende de 3.000 à 10.000 francs qui punira Temploi
d'appareils clandestins pour la saccharification ou pour la
cuisson des moûts.
Les fraudes résultant de la fabrication nocturne seront ren-
dues impossibles par la disposition suivante de la loi:
Les brasseurs sont soumis tant de jour que de nuit, même en cas dlnactivité
de leurs établissements, atrx visites et vérifications des employés, et tenus de
leur ouvrir, à toute réquisition, leurs maisons, brasseries, ateliers, magasins,
caves et celliers.
Le législateur abandonne au pouvoir réglementaire le soin de
déterminer les formes de la déclaration et de la reconnaissance,
le mode de paiement des droits, les conditions d'agencement et
d'installation des établissements et des chaudières à cuire ou à
houblonner, les dispositions à prendre pour déterminer le vo-
lume et la densité des moûts, les prescriptions à remplir par
les brasseurs pour être exemptés des visites de nuit, le mode
d'emploi dans la fabrication de la bière des mélasses, glucose,
maltose et autres substances analogues... Peut-être y a-t-il,
dans cette trop grande latitude laissée au pouvoir réglemen-
taire, un danger pour la liberté de la brasserie.
Mais la perfection n'est point de ce monde, et la loi nouvelle
réalise un progrès assez sensible pour qu'on lui passe quelques
défauts. Il est assez rare de voir une réforme fiscale profiter en
même temps au fisc et aux contribuables, pour qu'on accueille
celle-ci avec faveur.
Maurice Vanlaer.
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LANEMGEMENT DES EAUX
1. — « Aménager les eaux inutilisées et improductives, les
« distribuer proportionnellement aux besoins des agriculteurs
« et des usiniers, alimenter les communes en eau potable, les
« assainir en assurant l'écoulement et Tépandage des eaux d*é-
« goût », ce programme ralliera les suffrages de tous les par-
lementaires.
Toutes les déclarations ministérielles sont favorables au dé-
veloppement de la richesse agricole et industrielle, toutes les
professions de foi des députés ruraux s'inspirent des besoins de
l'agriculture, de la nécessité de faciliter les irrigations ; celles
des députés des villes constatent l'urgence de pourvoir d'eau les
cités populeuses et actives, de les assainir.
En présence de tant de bonnes volontés, comprend-on que le
programme d'aménagement des eaux qui fait partie de notre in-
fortuné code rural, attende depuis la Constituante, c'est-à-dire
depuis plus d'un siècle, le bon vouloir du parlement? N'est-on
pas attristé de voir que tous les peuples étrangers, accueillant
l'idée que nous avions émise les premiers aient tous réalisé les
vœux que nous formons encore ?
11 n'est pas jusqu'aux petites républiques américaines, jus-
qu'à la principauté de Monaco qui ne nous aient devancés. Il
n'est pas de pays si pauvre qui n'ait fait de sacrifices et l'Italie
elle-même, malgré ses charges, a pu trouver des ressources
pour développer les irrigations et assainir ses villes et ses cam-
pagnes (1). (Loi d'assainissement de la campagne de Rome du
11 décembre 1878 et loi sur les marais du 2^5 juin 1882). L'Italie
(1) Voir Tarticle de M. Féraud-Giraud en note sous la loi espagnole du 27 juil-
let 1883 relative aux canaux d'arrosage. (Annuaire de législation étrangère,
1884).
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574 l'aménagement DES EAUX
a dépensé un million par an de 1884 à 1893, en vue d'opérer des
dérivations d'eau du domaine public. (Loi du 10 août 1884, dé-
cret du 26 novembre 1893).
Se heurte-t-on a des difficultés d'applîcatioti? Nous préten-
dons démontrer que non : de l'ensemble des législations étran-
gères, des divers projets de loi déposés en France, se dégagent
un certain nombre d'idées simples, universelles, sur lesquelles
il est impossible que l'accord ne se fasse pas.
Les exposer et les coordoner, faciliter en un mot le vote du
projet de loi sur l'aménagement des eaux en vulgarisant les
principes économiques et juridiques qui en forment la base
rationnelle chez tous les peuples, tel est notre but.
IL — C'est à dessein que nous avons choisi Theure présente
pour plaider cette cause : jamais le Parlement n'a été si près
d'agir.
La Chambre qui vient de voter les quatre premiers titres du
livre n du Code rural (loi du 8 avril 1898) se trouve amenée â
examiner les litres V et VI du même livre, qui encadrent pré-
cisément le projet d'aménagement des eaux.
Plus récemment encore, le H juillet 1898, M. Montant et
quatre-vingt-deux de ses collègues déposaient sur le bureau de
la Chambre des députés une proposition de loi concernant le
captage, l'adduction, la distribution et la protection des eaux
potables dans les communes. Cette proposition a été prise en
considération par la Chambre des députés, le 12 décembre
1898 (1).
L'exposé des motifs constate que les circonstances climatéri-
ques elles-mêmes sont particulièrement propices :
« On frémit (y est-il dit) en pensant aux souffrances terribles
qu'ont dû subir les populations des campagnes pendant des étés
aussi chauds et aussi secs que ceux qu'on a eu quelquefois à tra-
verser. Les cultivateurs, dans mille localités, n*ûyant pas à leur
portée l'eau qui leur était indispensable pour leur oefage et pour
celui de leurs exploitations, ont du chercher à se la procurer au
prix des plus dures fatigues. »
(1) Un projet de loi sur les irrigations a été dépoté sur k bcurMm àe U Cbam-
bre par MM. Georges Gram, Dalaii, Delbet, Morillot et Rose^ dépoM, au Mwra
de la session extraordinaire de 1898.
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l'aMÉNAGEM£NT des eaux 575
a N*import€^-il pas essentieilemeni, que ces eau^ qui consti-
tuent une véritable richesse^ soient recueillies et aménagées dune
façon rationnelle pour l'usagé de tous et au mieux de nos in-
térêts vitaux. »
m. — Le problème de raménagement des eaux est complexe;
la commission supérieure d^aménagemeut des eaux, réunie par
M. de Freycinet, il y a 20 ans, a du l'envisager à trois points de
vue : le l^islateur a, en effet, trois intérêts distincts k sauve-
garder.
1<> Intérêt de Tagriculture, — (Irrigations, colmatage des
terres, submersion des vignes, dessèchements);
2* Intérêt de Vindustrie, — (Utilisation des forces motrices,
emploi des liquides industriels) ;
3* Intérêt de l'hygiène. — (Alimentation des communes en
eau potable, emploi des eaux d'égout, moyens de prévenir et de
restreindre les inondations).
Mais ces trois intérêts sont étroitement unis ; on ne peut don-
ner la priorité à Tun d'eux : il faut y pourvoir au même mo-
ment, d'après un plan unique. C'est là une méthode imposée
par la force des choses, par la loi des principes.
Le principe de notre droit publie qui doit présider à Taména-
gement des eaux est certain : la discussion au Sénat de la loi du
8 avril 1898 Ta mis en pleine lumière. La législation sur les
eaux ne sera équitable qu'autant qu'en respectant la propriété,
elle tendra « à la conciliation des intérêts divers » c'est-à-dire
des intérêts de l'agriculture, de l'industrie et de l'hygiène.
11 n'importe pas seulement d'utiliser les eaux inemployées,
mais les de répartir : on ne peut laisser détourner les eaux qui
sont destinées au bien général pour un usage unique et exclusif
qui absorberait à lui seul toutes les sources disponibles.
Sous peine de favoriser l'agriculture aux dépens de l'indus-
trie et de l'hygiène publique ou réciproquement, on ne peut
voter des projets de loi conçus dans un esprit différent et pro-
mulgués à des époques trop éloignées les unes des autres.
Les eaux en France ne sont pas inépuisables ; certaines val*
lées en sont trop peu pourvues pour qu'on puisse les distribuer
sans compter et sans faire la part de chaque intérêt en jeu.
En un mot, l'unité de vues et de conceptions du législateur,
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57Ô l' AMÉNAGEMENT DES EAUX
son impartialité devant la compétition des intérêts, telle est la
base d un système rationnel d'aménagement des eaux.
IV. — Le gouvernement, dans son projet déposé le 24 juillet
1880, et les signataires de la proposition de loi du 11 juillet 1898
concernant le captage et Tadduction des eaux potables, ont con-
sidéré que la protection des eaux saines contre les eaux impures
était la condition sine qua non de Taménagement.
Il n'est pas de problème plus complexe, plus captivant dans
son aridité juridique, que celui de Tépuration des eaux nui-
sibles, car il touche à l'avenir de Tindustrie nationale, au déve-
loppement de nos villes, à Thygiène générale du pays, à la salu-
brité des campagnes.
La solution en est attendue avec impatience par la région
parisienne et par le^Hpégions industrielles, surtout par celles qui
par suite des dispositions naturelles du sol, ne peuvent compter
ni sur l'abondance des eaux propres, ni sur Técoulement facile
des résidus.
Les canaux et ruisseaux où se déversent les égouts et les eaux
d'usine, principalement s'ils présentent une pente faible, sèment
les miasmes et les fièvres dans les villes qu'ils traversent et dans
les campagnes qu'ils arrosent ; ils sont un danger pour la santé
publique; ils font obstacle aux irrigations, à la pêche.
Aussi que de protestations passionnées n'ont pas soulevées les
dommages causés par les eaux nuisibles! Que de polémiques
n'a pas suscitées par exemple, le ruisseau de TEpierre, qu'il est
question d'épurer avec le concours de TEtat. (Une commission
parlementaire s'est réunie à la Chambre des députés, le
13 décembre 1898 pour procéder à Texamen d'un projet de loi
sur les eaux de l'Epierre.)
La difficulté de la solution consiste dans l'impossibilité à
laquelle ou se heurte d'exiger des industriels ou des particuliers
l'épuration de leurs eaux.
La science est restée impuissante jusqu'à nos jours (1), a
fournir un mode d'épuration à la fois assez sûr et assez écono-
mique pour qu'on puisse l'imposer sans exiger de sacrifices hors
(1) Au cours de l'impression de cette étude, une découverte très remarquable a
fait espérer que ce pioblème allait être enfin résolu. M. le professeur Buistne, de
r Université de Lille, s'était consacré depuis longtemps à la question de la déna-
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l'aménagement des eaux 577
de proportion avec les ressources des sociétés industrielles, sans
les mettre en état d'infériorité vis-à-vis de l'étranger et sans
amener un arrêt brusque dans la production, en rendant plus
onéreux les prix de revient.
V. — Si Ton écoutait les conseils de certains intransigeants,
on passerait outre à toutes les doléances des usiniers intéressés
et Ton prendrait des mesures rigoureuses de coercition contre
tous ceux que l'on ose même qualifier « d'empoisonneurs
patentés. »
Certaines législations étrangères présentent des exemples de
pareilles rigueurs.
Dans la République Argentine, une loi du 7 septembre 1892
interdit radicalement de iaire écouler dans les fleuves et riviè-
res les eaux d'égout ou les résidus des établissements industriels
non préalablement purifiés.
Au Brésil, la loi du 24 novembre 1888 punit de la peine de la
réclusion (1 an à 3 ans) ceux qui rendent nuisibles les eaux
employées à l'alimentation.
Mais il est à remarquer que, dans les pays où Ton use de pa-
reils moyens, les poursuites sont bien rares : elles ne se pré-
sentent que dans dos cas d'une gravité particulière : les fleuves
y roulent un volume d'eau d^une puissance incomparable : que
ne faut-il pas pour les contaminer? Et, d'ailleurs, les im-
menses terrains vagues qu'il est facile d'employer, sans frais,
à l'épandage et h la purification des liquides malsains, ofl^rent
une ressource facile à ceux qui veulent éviter les difficultés.
En Europe, certains pays ont montré quelque sévérité : la
Suisse, par exemple. (Arrêté du « Kantonalsrath »), de So-
leure du 10 juillet 1884, articles 85 à 90, fixant les conditions
auxquelles sont assujettis les industriels, riverains, et proprié-
taires de fabriques, pour l'usage et la décharge de leurs eaux.)
Mais, presque partout en Europe, en Belgique notamment.
turatioD de l'alcool. Les recherches entreprises sous ses auspices ont prouvé que
le meilleur dénaturant de l'alcool pouvait être trouvé dans les résidus des eaux
industrielles impures et notamment dans ceux des eaux de TEpierre. Si les pre-
miers résultats auxquels on est parvenu ne sont pas démentis par la suite, on
peut espérer que l'épuration des eaux de TEpierre, loin d'être onéreuse, sera
lucrative.
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578 l^AMÉNÂGEBfENT DBS EAUX
(loi du 7 mai 1877) le déversement des eaux malsaiiies n'est,
en général, pnni que des peines de simple police.
On s'est plaint de cette indulgence, surtout en Allemagne, oô
Topinion publique s'est très vivement passionnée à la questioin
des eaux industrielles. Déjà, en 1878, le monde des affaires fut
intéressé par Tinterpellation que fit, à ce sujet, M. Hoithof ;
cette interpellation n^aboutit à aucun résultat pratique, et ne fit
que démontrer Timpuîssance où Ton était d'épurer les eaux.
Une autre interpellation, fondée sur les mêmes motifs, qui
eut un certain retentissement dans toute TAlIemagne, eut Heu
àMagdebourg, le 9 février 1893. M. Seyssardt se plaignait de la
contamination des eaux de TElbe, par suite de Técoulement
dans cette rivière des résidus des fabriques. Le ministre du
Commerce, qui répondît à l'interpellation, dut reconnaître que
l'eau n'était pas potable à Magdebourg et qu^elle y avait une
saveur intolérable : les fabriques y déversent, en effet, par se-
conde, 176 kilogs de sels, 70 kilogs de soude, et 3 kilogs de
magnésie : il en résulte que chaque mètre cube d'eau contient
0 kil. 434 gr. de sels et, pendant les basses eaux, 1 kilog. 272.
Le gouvernement s'est déclaré impuissant à empêcher pareil
état de choses et a répondu à l'interpellation qu'il ne voyait
d'autre remède que la canalisation d*eau douce.
Cet exposé de faits, qu'il nous eût été facile de développer,
montre déjà surabondamment que les législateurs se trouvent
matériellement entravés, dans tous les pays, dans leur désir
d'assurer la propreté des eaux.
VI. — Comment donc la ipiestion de la protection êes eaux
saines contre les eaux industrielles est-elle résolue en Europe?
Les solutions auxquelles se sont arrêtés les divers Etats, bien
que variables, peuvent, en général, se ramener aux sy^lèffies
suivants qui sont d^une application simple :
l*'' Système on Système ùtlemaaê. — C*e«t TantorHé ftrfmi-
nistrative qui décide si l'industriel pourra ou non déverser ses
eaux d'égout dass les cours d'eav.
Nous ne pensons pas qu'il soit possible d'acclimater ce régime
(1) Annuaire de législation étrangère, année 1894, page 131.
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l'aménagement des eaux 579
en Franee : il laisse tfop de place à Tarbitraire de TEtat : il fait
redouter le parti pris administratif.
2« Système. — Un second système, qui n'est appliqu<^ nulle
part d'une façon exclusive, a été partiellement suivi en Belgique
(article SI, loi du 7 mai 1877).
il consisterait à réglementer d'une façon particulière la res-
ponsabilité civile pour dommages causés par les eaux nuisibles,
à interpréter très largement l'idée du préjudice en pareille ma-
tière, à faciliter la preuve des torts causés, à faire j^^fçtr les con-
testation» de cette nature d'une façon scMimaire.
Tel serait peut-être l'idéal, tout au moins dans un pays où
les frais de justice ne seraient pas aussi onéreux, les procès
aussi compliqués que dans le nôtre.
Dans ce système, l'intervention de l'administration n'est
plus nécessaire : le contrevenant n'est pas exposé à avoir un
casier judiciaire. Le seul frein mis aux abus est celui de la
rcsponsabilîté civile.
Si FintérAt pécuniaire de l'industriel <fitt veut déverser ses eai»x
vannes est tel qu'il puisse lui permettre de faire face aux récla*
mations des riveraino, il passera outre à leurs protestations,
mais eoatre indemnité.
Si, au contraire, l'industriel n'a qu^un intérêt minime, il
hésitera à s'exposer à des demande» en dommages4ntérêts de
la part des riverains. •
3« Sj^tème ou système miglais. — Ce système est, avawl tout,
un système pratique; il ne laisse pas le- champ eatièrement
libre à l'arbitraire de l'Etat; ce n'est pas l'administration, c*e«t
la loi elle-même qui limite les facultés de l'industriel (1).
De pluft^ les textes sont répressifs et le contrevenait n'encourt
pas seulemeat uike respeoisabiUté civile.
Ce régime est le fruit d'uoae leag«e étude.
L'idée de la protection des eaux courantes est, en effet, nne
idée très anciennement acceptée en Angleterre : depuis long-
temps existent dans ce pays les « commissions of sewers ». Le
développement de Tindustrie fit juger msuifisanAe la législation
priiçitîVe,^ car des causes de « poHution » nouvelles apparais-
saient avec raccroissement des grandes agglom^érations indus*-
(l) Voif kl loi aagiaiae du 16 août 1876 et Tarttole de M. Bertrand^ Aimumre
de législation étrangère^ année 18T7.
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580 l'a3IÉNAGEMENT DES EAUX
trielles, qui déversaient des résidus de plus en plus malsains dans
les rivières. Des réclamations constaîites furent faites dès 1857;
à la suite de polémiques très vives, on reconnut que Tétat était
impuissant à enrayer le mal, à moins de supprimer les in-
dustries. Une commission fut nommée en 1868 ; elle était offi-
ciellement chaînée de rechercher les moyens d'éviter les causes
de « pollution », sans apporter de dommages sérieux à l'indus-
trie et aux manufactures ; elle se préoccupa du mode d'utilisa-
tion et d'enlèvement des « sewerages », des procédés à mettre
en œuvre pour les rendre inoffensifs, avant de les rejeter dans
les rivières.
L'entreprise était très vaste : elle ne fut terminée qu'en 1876 ;
mais, dès 1870, deux longs rapports étaient déposés. A les* relire,
il semble qu'ils soient pour nous d'une actualité indéniable.
La solution à laquelle on s'arrêta peut s'analyser en trois pro-
positions.
a. Défense absolue de jeter dans les cours d'eau des résidus
solides : ces matières sont faciles à retenir à l'aide d'un simple
grillage ou clayonnage.
b. Quant aux résidus liquides, il importe de distinguer :
d'une part, il est défendu d'établir dans l'avenir aucune con-
duite de déversement destinée à les recevoir.
c. D'autre part, pour les établissements ou immeubles exis-
tant dès avant la loi, il suffit que l'industriel ou le particulier
emploie les moyens les plus « praticables » pour purifier les
eaux, lesquelles doivent être rendues saines « autant que pos-
sible » (Comparez article 91, loi anglaise de 1874 sur le régime
des eaux).
A quel parti s'arrêtera le législateur français ? Les articles
171 et suivants du projet de régime des eaux,, déposé au Sénat
le 24 janvier 1880, ont quelque analogie avec le système an-
glais (1). Toutefois l'administration y a encore deâ pouvoirs
assez larges. Peut-être rencontreront-ils de l'opposition de la
(1) En Angleterre, les autorités locales peuvent employer les terrains qui leur
appartiennent à la purification ou à la désinfection des eaux industrielles ou
issues (sewerages) elles peuvent les utiliser de la manière qu'elles jugent être le
plus profitable ; elles ont le droit de louer pendant 21 ans au plus aux particu-
liers les terrains qui ont reçu les eaux d'égout ; mais elles doivent prendre elles-
mêmes toutes dispositions utiles pour que ces eaux ne nuisent pas à la santé
publique.
i^.
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L^ÂBIÉNAGEMENT DES EAUX 581
part des députés des villes industrielles qui redouteront que le
vote du projet ne soit une entrave pour la grande industrie.
VIL — Un système de protection des eaux potables qui ne
les défendrait que contre le déversement direct des eaux mal-
saines, serait fort insuffisant. 11 faut encore et surtout les pro-
téger contre les infiltrations. Sur ce point l'accord est facile à
faire. On ne se heurte plus à des difficultés d'application ni à
des divergences de vue. Le seul remède efficace consiste dans la
création d'un périmètre ^e protection pour les eaux potables.
Dans la principauté de Monaco, l'ordonnance du 6 juillet 1894
a organisé pour les sources d'eau potable un régime analogue
à celui qui a été organisé en France pour la conservation des
sources d'eau minérale par la loi des 14, 22 juillet 1856 : déjà,
plusieurs sources ont été, à Monaco, placées dans un périmètre
de protection, et l'application de la mesure nouvelle a paru
excellente.
Aux Etats-Unis, et notamment dans le Massasuchetts, (loi du
22 juin 1890) un périmètre de protection de cent pieds a été
créé pour éviter les infiltrations dans les fleuves.
En France, le projet de loi déposé le 11 juillet 1898 par
M. Montant et plusieurs de ses collègues, crée aussi un péri-
mètre de protection (1).
La détermination des périmètres de protection, variable
selon la nature du sol, sera confiée à l'administration des ponts-
et-chaussées dans les mêmes conditions que les autres travaux
relatifs aux captages et adductions de sources.
11 devra être interdit, dans l'étendue des périmètres fixés :
i^ de faire des travaux de nature à nuire au captage des sources
en détournant ou amoindrissant le volume d'eau ; 2*^ de cons-
truire des usines, des fosses d'aisance, des écuries, en un mot
tout établissement de nature à polluer les eaux par infiltration
ou déversement.
La proposition de M. Montant s'occupe encore de lalimenta-
tion en eau des communes : elle reproduit partiellement les dis-
positions d'un projet du gouvernement du 31 octobre 1891 ; elle
(1) Un amendement à cette proposition a été présenté au cours de la session
de 1899, par M. Georges Graux, député.
REVUE POLIT., T. XX 38
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se propose é'amxxrtr aux agglomérattionSy une alimentation akmr
dante ett eau présente de tefate soulUnra (I).
VIII. — L'aménagement des eaux ne pourra être réalisée que
par Texécutioai de deux ordres de travaux bien distincts :
1^ Travaux de captation,
2^ Travaux d'adduction.
En Grèce, depuis la loi du 3 avril 1882, qui a permis au maire
d'Athènes de rechercher les sources disparues, on a remis au
jour toutes les nappes d'eau connues dans l'antiquité et qui
avaient, pour la plupart, cessé de sourdre à la surface du sol.
En France, la proposition de M. Montant prévoit, dans son
article 14^ que les communes pourront pratiquer dés fouilles et
faire des captages de sources dans certaines conditions que le
texte précise (2).
Si l'on veut suivre les données de la science expérimentale,
on reconnaîtra que le meilleur moyen de favoriser les travaux
nécessaires soit à la captation, soit à l'adduction des eaux, con-
siste à substituer aux efiforts privés, l'effort collectif des associa-
tions syndicales.
L'organiss^tion des sociétés syndicales en vue de travaux d'uti-
lisation des eaux n'est certes pas une nouveauté dans nos lois
(voir loi du 16 septembre 1807; — loi du 2 juin 1865 ; — loi du
22 décembre 1888).
(1) L'étranger nous a également deveincés sur la question de ralimentation en
eau des agglooténtkms niraiefl. fiVoiip notamment lui. croate d« 31 déeemlire 1891,
articles 41 à 54, 67 à 138 ; — loi l|ongioi;tfi. du li juin 1885 ; — loi de Bnànxe du
6 mars 1881.)
Mais c'est priftcipalcmeiit en Angleterre que la légrtlatioii est «onpièl» i cet
égard. L'autorité looale est tenue de Ciournir Teau nécessaire aux besoins des har
bitants ; si elle n'exécute pas ses obligations, chaque particulier peut s'adresser
à l'autorité supérieuite qui, à défaut de cUligencta de l'admibistraHott comnranfll»
se substitue à elle-onème. D'ailleurs l'admiaisiratioDu s'indencumâ du coût des
travaux en imposant dux particuliers une taxe spéciale sur le revenu.
Le9 commune» sont a.titori«éee à se syndiquer eO à ftdro empcemmaiL des iïk^
tallations de canalisation d'eau potable.
En 1878, l'acte de la santé publique, (public health acts) précisa les moyens
d'assurer la fourniture d*eau aux agglomérailons rusales fwater sopf l3r). Les au-
torité daiiieQt>eiUer à ce que cha^ua maison aitsiiCfisAmmont dîeaM«Xa,4uaDJtUé
d'eau obligatoire pour chaque citoyen est fixée administratîvement.
Fmite-par le prepriétaire de ne p!ss'fb«riifr*se'mMimiiq», Ièjléoet4irs«peuifiiâvé
engager une procédure analogue à notre procédure de la loi sur les logements
insalubres.
(2) Stir ce point, l'amendement de M. Giporgfs GvnxLx, pré^etitto-onertrés ^randfi
utilité pratique. • ^ ^ ^
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Ou sait cj/ùbI aspect jiuddiqu^ tout dpéeial elles j^véscnteat :
ce sont des associations de choses plutôt que des associations 4e
pessoiMes», car les fonds kvtéresBés^ plutôt que leurs propFiétaiff es
se ttouvea^ syAdiqué» : en en. voit la preuve notamment daii»
l'article 99 du litre V du code rural ainsi can^ju :
M Les droits et obli^tions résultant dea engagements relatifs
à l'usage des eaux sont attachés aux fonds spécialement affectés
par eba(]p>e pi^o^iétadre à la gacajytie <ie. son engagement et
suivent ces fonds en quelques maiiis qu-ilis viennent à passer. »
I^a personnes se trouvent moins engagées (jae les immeubles
eux-mêmes, et en délaissant leurs terrains (article 14,. loi
du 22^déeembre 1888), les pfopriétaires: peuvent se dérober à
l'obligation de figurer dans un syndicat.
Lesr associations syndifcales, telles qu elles sont organisées,
n^ont pu donner les résultats qu'on en attendait i les raisons en
sont multiples.
Jusqu'à ce jour, les associations syndicales ne pouvaient fonc-
tionner le plus souvent, à cause de l'opposition de quelques par-
ticuliers dont il eut fallu obtenir l'adhésion et q|Ui se refusaient
à toute entente amiable,
La loi avait bien prévu les syndicats forcés, dans certains cas
tout au moins : mais elle avait été trop indulgente et n'avait pas
assex généralisé l'obligation d'en faire partie.
Permettre le développement de ces associations,, en forçant,
quand un intérêt majeur l'exige, le mauvais vouloir de ceux qui
hésitent à y entrer ; assujier le fonctionaement des syndicats en
Leur donnant émx. puissants moyens d'action qui leur man-
quaient jusqu'ici et qui sont les deux facteurs essentiels du
succès de toute entreprise : les capitaux et les connaissances
techniques, les gratifier du concours éclairé des ingénieurs de
l'Etat et du secours des finances du Trésor, tel est, brièvement
résumée, la conceptioix djes législateurs modernes en matière
d'aménagement des eanx.
Le particulier quelque favorisé qu'il soit, sera toujours limita
dans ses entreprises, soit à cause de Tétroitesse de ,ses vues qui
n'excèdent pas les limites de l'intérêt personnel, soit à cause de
là médiocrité dé sefs èonnàissance^ au de ses reslsources (1 ) .
(1) Le législateur a satisfait à ses obligatiojis vi^-è^-vis (ïu particulier, en édic-
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584 l'aménagement DES EAUX
X. — Quand donc l'entrée dans le syndicat devra-t-elle être
obligatoire ?
D'après la législation du grand duché de Hesse (loi du 30 juil-
let 1887, article 2), l'entrée dans le syndicat est obligatoire dans
les trois pas suivants :
1** S'il résulte de l'entreprise un avantage considérable pour
la culture ;
2® S'il est impossible d'exécuter l'entreprise sans y com-
prendre les terres de l'opposant ;
3^* Si les membres qui représentent la majorité des terres
intéressées se sont prononcés pour l'adjonction.
En Prusse, d'après la loi du 19 mai 1891, l'entrée forcée
dans le syndicat a lieu dans trois hypothèses :
1** Si l'entreprise a pour but un meilleur emploi de l'eau dans
un intérêt industriel ;
2** Si Tentreprise ne peut être normalement exécutée qu'en
s'étendant aux établissements industriels appartenant aux pro-
priétaires opposants ;
3*" Si les industriels intéressés qui se sont déclarés pour l'entre-
prise représentent la majorité des avantages qui doivent en ré-
sulter, mais toutefois, à l'égard des établissements industriels
pour lesquels, d'après la mode de leur exploitation, l'entreprise
ne fait pas prévoir un rendement plus élevé, l'entrée dans l'asso-
ciation n'est pas obligatoire.
En Espagne, l'association est imposée quand la superficie à
irriguer est d'au moins 200 hectares (loi du 13 juin .1870).
En Hongrie, pour que les propriétaires récalcitrants puissent
utre obligés de céder à la volonté des autres intéressés, il faut
que ceux-ci représentent :
1^ Les deux tiers de la superficie intéressée ;
2* Cent arpents au moins.
Il est remarquable que, dans cette législation, le propriétaire
que l'on a contraint d'entrer dans l'association peut exiger le-
remboursement de ses avances, si, dans les cinq ans les tra-
vaux ne sont pas achevés.
tant les lois du 29 avril 1845, 11 juillet 1847, 10 juin 1854, qui visent les servitudes
d'appui, et de passage, en vue des irrigations.
Le projet de loi nouveau sur Faménagement des eaux, reproduit, presque servi
lement le texte de ces lois antérieures en généralisant leur application à tous les
cas d'utilisation des eaux inemployées.
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l'aménagement des eaux 585
XI. — Au milieu de ces décisious diverses, à quel parti la lé-
gislation française doit-elle s'arrêter?
Aujourd'hui la question est tranchée par l'article 12 de la loi
de 1888 qui distingue très subtilement entre les diverses hypo-
thèses. *
Nous pensons qu'il serait à la fois plus simple et plus pratique
d'admettre que l'entrée dans un syndicat soit obligatoire chaque
fois :
1* Qu'il s'agira d'une amélioration agricole, industrielle ou
hygiénique d'intérêt collectif.
2** Que l'entreprise ne pourra être exécutée qu'en s'étendant
aux terrains du récalcitrant ou que l'entreprise sera réclamée
par la majorité (en superficie) des terres intéressées ou des
intérêts industriels engagés.
XII. — A l'inverse, dans quels cas l'admission dans un syndi-
cat pourra-t-elle être exigée par un intéressé malgré l'opposi-
tion du syndicat lui-même?
La loi prussienne du 19 mai 1891 oblige les associations à
recevoir de nouveaux associés, sur leur demande, aux trois con-
ditions suivantes :
i^ Si l'intérêt est certain ;
2* Si l'installation est suffisante pour les besoins de tous ;
mais, bien entendu, le nouvel arrivant doit payer sa part contri-
butive dans les dépenses, même pour le passé.
En France, l'article 92du projet du gouvernement, revisé par
le Conseil d'Etat (distribution du 5 juillet 1880) décide que lout
propriétaire non compris dans l'association, qui veut irriguer
des parcelles situées dans l'intérieur du périmètre d'arrosago, a
le droit de se faire agréger à l'association, soit pendant, soit
après la construction du canal, en tant qu'il y aura de l'eau dis-
ponible, à la charge de se soumettre aux règlements de Tasso-
ciation et de payer une quote-part des frais du premier établis-
sement.
On voit que cette solution est d'accord avec celles admises
par les législations étrangères.
XIII. — L'association syndicale une fois organisée, comment
va-t-elle fonctionner?
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^86 L'AMÉNAOEMlOrr OCS CAVK
C'^Bt mxe règle nnîr^rêelle qtie, pour qu'une eociété prospère,
il faut qu'elle ait des capitaux d*«iiie part, et, d'autre part, uae
direction ^age et éclairée .
Le projet Montaut a indiqué un naoyen de favoriser ies tra-
vaux d'aménagement des eaux qui consisterait à assurer soit
auK particuliers, %oit auK^jommanes, «oit aux atsoeiati^nft qui
les entreprennent le«eeo«r«'pécunialre du Trésoret le cottoowii*
scientifique des ingénieurs de TEtat.
Le projet Montent à la vérité ne traite q«e d'«n point -spécial
(c Talimentation en eau des communes, w
« L'Etat, lit^n def&« f exposé des motifs, tuteur des com-
munes, né peut se désintéresser, lui qui avn pereonnel tilfitrait
et «xpérimenl^ à «on service, du bon ou du mauvais emploi de$
deniers des contribuables, quand il s^agtt d'entreprises qui in-
téressent une collectivité. »
Le;i travaux d'adduction d'eau idans les <M)mmuiies doivent
étre;éÉudiés et exécutés par les soins des ingéaieurs et «atras
agents des l'Etat. Ils sauront répondre à tovtes les qaecftions,
faire tontes les reckerehes nécessaires.
Le service <le Tadduetion des eaux peut dtve ixmitd^é comme
un service public, comme un service annexe de ceUri des routes
et cela sans création d'un personnel nouveau, so«6 quelque
fMme que ce soit; le personnel des départements étuiA suffisant
pour joindre ce«ervice à ses attributions actueUes.
Les projets relatifs aux eanx d'alimentation doivent, en effet,
pour que les intéressés n'aient à redouter ni déceptioB, ni mé-
compte être exanitnés et vérifiés avec beaucoup d^attenliai par
les hommes les plus compétents.
XIV. — L'article T <iu projet traite d«s moyens à employer
pour faire fece aux dépenses nëœssitées (par les addmctions
d'eaux potables.
Le gouvernement doit faire procédargratnitemetnt anx études
d'adduction d'eau sur une simple demande du Conseil muntri*
pal, et aider ies oommtmes dans ^exécution des travaux par
l'allocation d'une subvention convenable.
Un crédit annuel sera ouvert au budget dans ce but : les com-
munes seront autorisées à contracter des emprunts, mais l'Etat
devra s'engager à leur rembourser, à titre de subvention, une
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L'iMÉNAfiCMEirT fifiS BILUX 587
partie des annuités nécessaires au service de rintérèt et de
Tamortissement. Ce qui constitue le caracière distinctif de qe
projet, c'est robligatioai expresse de la pari de l'£tal, de sub-
ventionner les entreprises d'addoction d'eau. La mesure dans
laquelle il y contribuera devra ne pas être snpérîeure à 80 p. 109^
ni inférieure à 25 p. 100 de ladépense totale. La proposition sera
établie pour chaqve entreprise en raison de la valeur du oen-
time communal des a^lomérations intéressées, de Timpor-
tance de Tentreprise et de Tintérét qu'elle présente pour la ool*
lectivité. w
XV. — On peut rapprocher de ce projet, la loi du canton de
Genève dift27 juin 1891, qui a créé un système financier des
tiné à organiser la participation de TEtat, des communes et des
particuliers dans les travaux d'utilité pul^lique relatifs à laMé-
nagementdes eaux.
Le maximum de la participati<m de TEtat est fixé législative*
ment à 40 p. 100 : chaque déclaration d'utilité publique 4xe
quelle sera la contribution effective pour le travail qu'elle vise.
Les communes entrent dans les frais dans la proportion de
10 p. 100. Si plusieurs d'entre elles sont intéressées, on fait une
répartition subsidiaire.
Chaque particulier intéressé doit fournir une part contribvH
tive qui est fixée grâce à deux éléments d'appréciation :
1* La valeur de son immeuble (laquelle est calculée d'après
l'impôt foncier).
2^ Le degré d'intérêt qu'il a dans Tentreprise {ce degré d'in-
térêt est apprécié d'après un coefficient variant de 1 à 10).
Si on multiplie le chiffre de l'impôt foncier par le coefficient
d'intérêt, on obtient la cote de contribution de chaque particu-
lier^ cote suivant laquelle on répartit la dépense.
L'état général de répartition est dressé par des experts que
nomme le Conseil d'Etat.
Les avances du Trésor sont remboursées, ainsi que les inié*
rets, selon un taux d'amortissement fixé d'avance.
Dans le canton suisse de Zug, l'Etat ne peut obliger unecom-
mune à contribuer à une entrq^se, s'il n'est prêt à s'y inté-
resser pour une part au moins ^ate. C'est là une sage mesure
qui apporte un frein aux exigences de l'Etat.
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588 L* AMÉNAGEMENT DES EAUX
Mais ne résultera-t-il pas de difficultés de rintervention pé-
cuniaire de FEtat?
11 en est une facilp à prévoir : il suffit de constater ce qui se
passe aux Etats-Unis. (Voir Annuaire de législation étrangère^
année 1881, page 863.)
Le budget des rivières, comme beaucoup d'autres, d'ail-
leurs, est Toccasion d'un grand nombre de spéculations électo-
rales que les Américains appellent « Jobs » : chacun s'y fait sa
part, depuis le député d'un grand port jusqu'au représentant
d'un district montagneux qui a un ruisseau à canaliser.
Le Parlement français aura à tenir compte de cette objection
quand le projet viendra en discussion devant lui. L'intervention
pécuniaire de TEtat n'est pas, il est vrai, une nouveauté en
France.
En 1887, un amendement au budget proposa l'ouverture au
ministère de l'agriculture d'un crédit de quinze millions ap-
plicable à l'exécution de canaux d'irrigation (J, 0. Documents
parlementaires; session ordinaire 1887, page 678).
En 1892, un projet de loi relatif à la constitution des prêts à
consentir aux agriculteurs pour l'aménagement intérieur des
propriétés en vue de l'arrosage des terres (Crédit agricole ap-
pliqué aux irrigations) fut présenté par MM. Jules Develle, mi-
nistre de l'Agriculture, et Rouvier, ministre des Finances.
XVI. — Nous espérons avoir démontré qu'il est urgent de
procéder à « l'aménagement des eaux » ; les principes qui prési-
deront à cet aménagement se dégagent de l'ensemble des légis-
lations étrangères et aussi de la comparaison entre le projet de loi
général déposé par le gouvernement, en 1880, et qui est l'œuvre
de la commission supérieure d'aménagement des eaux et des
diverses propositions de lois qui ont été présentées depuis lors.
XVII. — Nous avons voulu nous limitera l'étude des principes
généraux : nous voudrions pourtant examiner sommairement
deux questions de détail dont l'importance n'échappera à per-
sonne.
Noussouhaitonsd'abordl'organisationen Franced'un cadastre
des eaux analogue à celui qui a été organisé en Suisse, notam-
ment dans les cantons de Saint-Gall et de Genève.
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L AMÉNAGEMENT DES EAUX 589
Dans le canton de Genève, la loi du 27 juin 1891 a décidé la
création d'un recueil méthodique relatif à chaque cours d'eau
et qui contient tous les textes qui le concerne : les actes de con-
cession sur les eaux, les plans, règlements, instructions, arrê-
tés, travaux exécutés.
Le cadastre organisé dans le canton de Saint-Gall (Suisse) par
la loi du 23 novembre 1893 est encore plus parfait. Les droits
des particuliers sur les eaux ne sont opposables aux tiers qu'au-
tant qu'ils sont inscrits au cadastre dans un certain délai.
Un régime analogue a été inauguré au Tessin par une loi du
17 mai 1894.
XVlll. — Le second point que nous voudrions éclairer touche
à la procédure.
N'est-il pas à craindre que, dans la discussion d'un projet de
loi sur l'aménagement des eaux, on ne se heurte à des difficultés
relatives à l'application des règles de compétence.
Il est certain que la création des servitudes d'appui et de pas-
sage, que l'organisation d'associations syndicales susciteront de
nombreuses contestations entre les intéressés.
A quelle juridiction donnera-t-on qualité pour les trancher?
Sera-ce aux tribunaux d'ordre civil, compétents en général,
chaque fois qu'il s'agit de sauvegarder ]^ propriété privée?
Choisira-t-on le juge de paix plus rapproché du justiciable, ou
le tribunal d'arrondissement qui présente plus de garanties
d'impartialité et de savoir? Ne préférera-t-on pas le jury aux
tribunaux ordinaires? Ne faut-il pas enfin respecter le principe
de la séparation des juridictions administratives et civiles et
attribuer juridiction aux conseils de préfecture, compétents en
principe pour tout ce qui concerne les travaux publics?
11 faut reconnaître que c'est chose fort délicate que de fixer,
en pareille matière, les règles de compétence. Lors de la discus-
sion au Sénat de la loi sur le régime des eaux du 8 avril 1898,
des débats assez longs se sont élevés sur ce point. Nous espérons
qu'ils ne se renouvelleront pas et que l'on voudra bien accepter
la solution qui a été admise et qui peut se résumer comme suit :
1** Fixation des indemnités. — La juridiction compétente pour
prononcer sur l'indemnité de dépossession sera le jury : s'il s'agit
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590 l'aménagement DES £AiJX
de l'étaUissement de servitudes temporaires, ce s^a,en premier
ressort, le juge de paix dn canton*
2® Exécution de trojoaux. — Les contestations relatives à
Texécution des travaux qui ont de le caractère de travaux puUics
sont de la compétence du conseil de préfecture.
La juridiction compéteate pour prendre des dédskuis gra-
cieuses (nomination d experts) sera celle du juge de paix.
A l'étranger, de même que chez nous, on ne rencontre pas
Funité de compétence, en matière de régime des eaux. Mais
presque partout, à côté des juridictions de droit commun, on
voit figurer des tribunaux spéciaux pour trancher les questions.
En Alsace-Lorraine, les ingénieurs de la navigation ont une
juridiction contentieuse : un recours contre leurs décisions peut
être porté devant le ministre. (Loi du 2 juillet 1891.) (1)
En Espagne, des tribunaux d'arbitres appelés « jurados de
riego » élus par les syndicats, sont compétents pour trancher
toutes les questions de fait, en matière de régime des eaux.
En Suède, on défère a des commissions spéciales les questions
dont la solution dépend de Tapplication de la législation sur les
eaux. (Loi du 28 mai 1880).
XIX. — L'examen des questions de compétence est le dernier
point que nous nous étions proposé d'étudier. De Tensemble
des principes généraux, il nous reste à déduire nos conclu-
sions :
Nous espérons avoir atteint le but que nous nous étions pro-
posé et que nous avions défini en ces termes :
« Dégager un certain nombre d'idées simples, qui forment la
base rationnelle de Taménagement des eaux chez les différents
peuples ».
Les principes d'après lesquels il convient de régler l'aména-
gement des eaux peuvent se résumer dans les propositions sui-
vantes :
a. Il est de toute nécessité de concilier les divers intérêts en
compétition (de l'agriculture, de l'industrie, de l'hygiène).
4. Tout en laissant à l'initiative des particuliers ou des com-
munes toute liberté d'agir, il importe de favoriser les travaux
(1) Voyez Annuaire de législation étrangère^ article de M. Félix Blumsteia. —
Comparei loi pnssieiiDe da 19 raai I89I.
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de captalion et d'adduction des eaux, en substituant au l>eaoin^
à TefFort individuel, Teffort collectif des associations syndicales.
Ces deux îdée« 6#tttadmises depuis longtemps : elles foraient
la base du pi>QJ«tdu gouvernement de 1880.
c. Il ne suffit {»as de réglementer Les associations syndicales ;
si on veut fue celles^ vivent et prospèrent, il £a4it assurer leur
vitalité ea leur offrant des capitaux et en les éclairant par le&
données seieatiiiqiiies des ingénieurs de l'Etat.
Sur ce point, ne«6 fiouhaitoos la généralisation des idée»
émises daas la plupart des législalions étr-a^gères.
L'Etat engage-4-U gfa vendent ses finaaces en foumiasdntdes
avances aux associations syndicales? Nullement : car celles-ci
étant des associations d'immoubles plutôt que des associations
fde personnes, ne $er(mt jadonais insolvables au joiu* du rembour-
sement.
d. Les ^ules diffiovUés que pourrait faire éciore la dis-
cussion ÔAi parojet de loi sur Taménagementdes eaux, sont celles
qui naissastt :
1^ De Tattribution de la compétence ;
2^ De Torganisation de la protection centre les eaux mal-
saines.
Ces difficultés ne peuvent être aisément vaincues : l'une a
ses jraeines dans le tprincipe général de notre droit relatif à la
séparation des junidictians administrative et civile^ principe
que Ton doit respecter ; la seconde dans rinsuffisance de^
moyens scientifiques d'épuration (1).
En matière de protection des eaux, nous pensons que l'on ne
saurait mieux faire que de s'en tenir aux solutions si étudiées
de la législation anglaise.
Sur la question de compétence, il faudra imiter le législa-
teur du 8 avril 1898 et accepter les solutions jurisprudentielles
antérieures qui répartissent entre les différentes juridictions,
les litiges qui peuvent surgir.
XX. — Il ne nous reste plus qu'à nous prononcer sur la ques-
tion de méthode.
(l) Nous avons déjà annoncé que la science parait avoir vaincu, pendant I*im-
pression de cette étude, le problème de Tépuration économique des eaux indus -
trielles.
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1
592 L'AMÉNAGEMETiT DES EAUX
C'est au Conseil d'Etat que revient tout naturellement la
mission d'amender le projet du gouvernement, déposé le
24 janvier 1880 (qui reste la base de l'aménagement des eaux)
par les principales dispositions des lois étrangères et les
diverses propositions émanant de l'initiative parlementaire
française : la méthode du renvoi préalable devant le Conseil
d'Etat n'est-elle pas celle qu'on a suivie jusqu'à présent pour les
diverses parties du code rural dont le régime des eaux fait partie
intégrante? La haute assemblée administrative n'a-t-elle pas
revendiqué récemment et à deux reprises, par l'organe de son
vice-président, cette prérogative, trop souvent oubliée, de la
préparation des textes législatifs? (1)
D'ailleurs, le vote du projet d'aménagement ne subira pas
de lenteurs par le fait de cet examen préalable. Le travail du
Conseil d'Etat est déjà commencé et, en 1880, les premiers
articles ont fait l'objet d'une distribution, accompagnée d'un
rapport très documenté de M. Berger : on peut donc, pour ainsi
dire, aborder la discussion parlementaire dès demain (2).
Le moindre retard à achever l'œuvre entreprise depuis un
siècle serait aujourd'hui inexcusable. Chaque journée perdue
est une avance donnée à la concurrence étrangère.
« Dans la lutte pour la production, pour le bon marché, qui
s'est établie entre toutes les nations de l'univers, il est néces-
saire que chacune d'elles, si elle veut vivre et prospérer, mette
à profit toutes ses richesses naturelles et ne néglige aucun
moyen de les faire fructifier (3). »
(1) Quand nous écrivions ces lignes, nous ne faisions qu'annoncer, sans le sa-
voir, un fait qui devait s'accomplir a bref délai. M. Viger, ministre de rAgricul-
ture, a en effet décidé de saisir le conseil d'Etat de l'étude des derniers titres du
livre II du Code rural.
v2; Archives du Conseil tVÈtat. Projet de loi, n® 590. Distribution du 5 juil-
let 1880.
(3) Rapport de M. Cuvinot au Sénat sur le régime des eaux, déposé le 22 dé-
cembre 1882.
Charles Renard,
Docteur en droit.
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VARIÉTÉS
LE VI^ CONGRÈS INTERNATION'AL CONTRE
L'ALCOOLISME
Le Congrès que nous avions annoncé tant de fois et dont nous
avions surtout souligné rimportance pour nos amis, s'est tenu à
Paris, du 4 au 9 avril, à la Faculté de Médecine. Cette grandiose
réunion internationale a fait quelque bruit, comme cela devait être.
Jusqu'alors les congrès internationaux de ce genre s'étaient tenus au
moment même des expositions universelles; ils s'étaient trouvés
mêlés à un nombre considérable d'autres congrès, tous aussi
intéressants les uns que les autres, mais au milieu desquels pas un
n'émergeait. Dans de telles conditions il n'y a pas d'éclat possible;
l'opinion publique ne peut se passionner pour cinquante objets
divers à la fois; elle reste fatalement étrangère à une œuvre qui
n'appartient plus qu'à quelques-uns; par suite le but n'est pas
atteint. On peut dire que le VII® Congrès, soigneusement placé à la
veille et non à l'époque de l'Exposition, a été en revanche l'objet des
préoccupations publiques. La presse tout entière en a porté de toutes
parts les échos et à l'heure actuelle il n'est pas un Français, lecteur
de journaux, qui ne sache que le grand, le douloureux problème qui*
nous trouble, s'est posé avec ampleur. Les gens ont suivi peu ou
point les travaux du Congrès, dont les comptes rendus étaient d'ail-
leurs dénués en général de détails et de rigoureuse exactitude, mais
tous ont eu, à la même heure, le mot alcoolisme écrit en toutes lettres
devant les yeux; tous ont été appelés à donner une pensée, fût-elle
fugitive et hostile, à notre œuvre. C'est là le grand point que nous
désirions atteindre, et on le peut le dire avec joie, il a été atteint.
Malgré la publicité énorme donnée au Congrès, nous croyons utile
d'en fixer l'œuvre dans une analyse rapide et sommaire du travail
accompli.
Lu séance d'ouverture a eu lieu le mardi, 4 avril, à 9 heures du
matin, devant une assistance compacte, un millier d'auditeurs,
appartenant à toutes les nationalités. M. Lejeune, Ministre d'Etat
(Belgique), en sa qualité de président du Comité permanent, assisté
de M. de Vaucleroy (Belgique), secrétaire général du dernier Con-
grès, a présidé tout d'abord à l'élection du Bureau définitif du
Congrès.
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594 LE Vil* CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE l'aLCOOLISME
La présidence d'honnew a été imaaimemexil accordée à M, Th.
Roussel. C'était un homnaage bka dû à^- cet ilhistre Français, à ce
vénéré philanthrope qui fut, au lendemain de 1870, Tun des pre-
miers à jeter le cri d'alarme contre l'alcoolisme.
Les vice-présidences d'honneur furent confédérées à M. le D*^ Ber-
geron, aeeitélaire pe^taeL de rAeadâmie éermédachie; à M. le
D'Brouardel, doyen de la Faculté; à Monseigneur Turinaz, évèque
de Nancy; à M. Millerand, député et à M. le D' Laborde, président
d'honneur de TU. F. A.
Cette dernière marque de sympathie,, déjÀ flatteuse à Tégard de
notre Ligue, devint une manifestation aigniflcative lorsque le Con-
grès accorda par acclamation la présidence effective de la Session
au président même de l'U. F. A., M. le D*^ Legrain
A la suite furent nommés vice -présidents effectifs : à titre français,
MM. Gaufrés, Joffroy et Marillier, qu'il est inutile de présenter à nos
amis, puisqu'ils sont des nôtres; — ix titre étranger : MM. Lejeune,
ministre d'Etat (Belgique); Grothers (Etats-Unis); Baer et Mfle Hoff-
mann (Allemagne) ; Mme Selmer (Danemark); Raffalovich et Borodine
(Russie); Tigerstedt (Suède): Kiaer (Norwège); Mme Helimus
(Finland); J. Rochat (Italie) ; Forel et L. Rochat (Suisse); Thlrooe
(Roumanie); Hon. Courad Dillon (Angleterre); Baron Mollerus
(Hollande) ; Hebra (Autriche); Mttllendorf (Luxembourg).
Le secrétariat général appartenait sans conteste à celui qui fut, sans
murmure ni impatience, sur la brèche presque auit et jour dans les
.derniers mois, à notre ami dévoué M. le D*^ Boissier, auquel le Con-
grès fit une ovation bien méritée. Mme Legrain et M. Lallement ont
continué avec le même dévouement leur rôle de secrétaires-adjoints.
M. Serrier, dont on trouve pastout la main ordonnée, fut élu tréso-
rier. Enfin une commission, composée de MM. de Morsier, Charton,
Lallen^ent, Mlle de Sainte-Croix, fut chargée du service de presse
pendant les journées du Congrès. C'est bien à leur zélé infatigable
que le Congrès doit d'avoir joui d'une véritable notoriété publique.
C'est au prix d'une fatigue inouïe que les journaux ont été mis à
toute heut*e en possession de communiqués qui simplifiaient leur
tâche. La presse eût bien dû rendre à ces reporters expérimentés le
véritable hommage qui leur convient en utilisant simplement les
notes synthétiques qu'ils lui livraient au prix d'un réel travail de
bénédictin, au lieu de se livrer parfois à. des élucubrations fantai-
sistes, aussi éloignées, de la vérité que possible.
M.le ly Legraia a pris alors la présidence du Congrès et pro-
noncé le discours 3wvant :
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LE VII'' COI!^RÈS inTERIfitTlONAE COKTllE L ALGO€fLlS»E 5^5
Messieurs,
Cesi avec une profonde gratitude et aussi avee Une certaine confusion
que je vous remercie de la trop grande naarque de confiance que vous
vene* de m'accorder. H esf des cas où les bonneurs sont une bien lourde
charge, c'est surtout quand on ne se sent pas h la hauteur des devoirs
qu'ils supposent. Je ne me dissimule pas que ma place n'est point à ce
fauteuil. Tant de grands noms français qui sont sur vos lèvres, ont naguère
illustré Totre cause et méritaient vos suffrages, que je vous demande ins-
tamment de me laisser disparaître derrière leur souvenir. Si j'accepte
pourtant avec reconnaissance de présider vos travaux, c'est que, j'en ai
rintime conviction, ce n'est pas le simple combattant que vous avez voulu
yiser; vous avez voulu surtout exalter el encourager la jeune armée
antialcoolique qui s'avance en notre pays, avec des armes offensives toutes
nouvelles. C'est h. V Union Française Antialcooliqmj à mes courageux colla-
borateurs, que vos suffirages s'adressaient; c'est à eux que je les renvoie;
c'est en leur nom que je parlerai.
Nos Congrès périodiques n'ont pas pour objet seniement de réunir à jour
fixe les membres de notre grande famille et de les distraire de la lutte
•quotidienne. Nos Congrès sont instructifs : ils sont une sorte de quartier
général où chaque nation vient au rapport; où chacun vient puiser auprès
de ses frères d'armes une nouvelle provision de courage, renouveler ses
munitions el son mot d'ordre; où enfin Ton peut embrasser d'un coup
à'fBÏÏ le chemin parcouru dans la dernière campagne, compter les victoires
ou les défaites remportées sur les différents points du globe.
Plus vos réunions se multiplient, plus je leur trouve encore un caractère
grandiose et solennel. Aux luttes académiques, aux discours parfois sté-
riles a succédé une véritable soif d'activité. On sent que l'œuvre de la
Tempérance est, de plus en plus, une œuvre de solidarité internationale.
Cette conception est de nature à élerer Tâme et à sanclifîer notre Cause ;
elle rapproche par delà les frontières ceux qu'étreint une commune pensée
d'amour pour l'humanité.
Rien n'est réjouissant, Messieurs, comme de constater les conquêtes de
jour en jour plus décisives, réalisées dans nos combats incessants contre
un implacable ennemi, aux seuls noms de la Tempérance et de l'Humanité.
Depuis Bruxelles, dont vous garderez longtemps dans la mémoire Taffec-
tueuse hospitalité, le chemin parcouru est imrmense.
En Angleterre, où travaillent des millions d'abstinents,' la Tempérance
est définitivement une plate-forme électorale; on est à la veille d'y con-
quérir l'option locale ; une nouvelle loi sur la coercition des buveurs
dliabitude vient d'éclore. — - Dans les pays Scandinaves, les suffrages fémi-
nins font faire à la prohibition un pas décisif. — La Russie a réalisé le
monopole de l'alcool, non pas dans un but âscal, mais dans le but avéré de
détruire l'ivrognerie. — L'Autriche légifère sur les asiles de buvetirs. —
La Belgique s'agite contre les distilleries agricoles- et s^appréte, grtf<ie aux
effbrtasotttontis de notre Adèle ami et doilègue, M. Lèrjeume, à chasser de
son territorrà les boissons à esrsence et & màfer le cabaret de la plus dure
façon. — J'en passe et des meilleurs.
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596 LE Vil" CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE L* ALCOOLISME
Partout c'est une floraison inusitée d'enrôlements dans Tarmée de la
Tempérance. C'est par centaines de mille qu'il faut compter les nouvelles
recrues. Enfin, Messieurs, vous avez tous dans la mémoire l'acte héroïque
accompli par tout un peuple, le Canada, qui, en septembre dernier, par la
voie du plébiscite, a proscrit hors de ses frontières toutes espèces de bois-
son alcoolique. C'est un des plus beaux exemples d'affranchissement qu'il
ait été donné à l'Histoire d'enregistrer !
Mais, de cet intéressant mouvement antialcoolique international se
dégage, à mon sens, toute une philosophie et tout un enseignement. C'est
que partout les efforts des gouvernements sont restés vains tant que ceux
de l'initiative privée ne sont pas venus à son aide. L'histoire de la lutte
contre le fléau et partout le triomphe progressif est l'apothéose finale de la ^
Volonté. Ce triomphe s'est incarné, il faut bien le reconnaître, puisque
c'est un fait tangible, dans le mouvement lent, mais sûr, en faveur de
VAbslinence, devenue petit à petit le but exclusif des Sociétés de Tempé-
rance. C'est par une solidarité progressive de tous les gens actifs, impré-
gnés de l'idée de sacrifice, convaincus de leur apostolat que votre écha-
faudage s'est élevé. C'est alors, mais alors seulement, que les pouvoirs
publics ont pu mettre à l'édifice son couronnement, qui se trouve encore,
quoique indirectement, l'œuvre de chacun. Et ainsi s'est confirmé une fois
de plus ce fait qu^ii n'y a pas d'institution stable dans une société sans
qu'elle soit fortement voulue par tous, sans qu'elle soit le fruit de l'exer-
cice de la liberté, sans qu'elle émane d'une foi profonde en soi-même,
sans qu'elle reflète une conscience nette des dangers publics.
Tel est le spectacle encourageant que peut contempler quiconque a de
l'admiration pour les œuvres humaines, en feuilletant la captivante his-
toire de la lutte pour l'abstinence dans le monde entier.
Mais, ce n'est pas en un jour qu'on atteint d'aussi hauts sommets. Les
esprits ne se disciplinent pas aussi aisément qu'on le croit, et ce n'est pas
du jour au lendemain qu'on apprend à faire acte de citoyen libre en sacri-
fiant volontairement une part de ses libertés an bonheur commun. Ici^
comme partout, il faut faire école. La France, Messieurs, s'était leurrée,
après d'autres, de l'espoir de guérir le mal par la simple modération. Ver-
tueuse utopie qui n'avait qu'un tort, celui de méconnaître le mécanisme
psychologique des passions humaines, isolées et surtout collectives. On
peut encore espérer que la modération triomphera d'un mal limité à
quelques-uns. Mais, quand on s'attaque à une collectivité, disons à une
nation profondément touchée par le mal, quand il faut vaincre cet Immense
accès de folie qui entraîne tout un peuple, dans toute la sérénité de son
inconscience, vers la submersion finale, la modération devient plus qu'une
erreur; c'est un danger. Quand une foule aberrée, victime d'une passion
forte, se rue en avant, elle est incapable de mesure ; les faibles barrières
sont un frein insuffisant et volent en éclat.
L'insuccès fatal de toutes les mesures législatives contre l'alcoolisme,
ici comme ailleurs, mesures auxquelles l'esprit public était étranger, sinon
hostile, n'a pas d'autre secret : tant qu'elles ne sont pas acquises à l'idée
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LE Vil* CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE l' ALCOOLISME 597 •
d*Tin sacrifice radical, les majorités ont été les sourds antagonistes de la
loi et Font tuée. La loi sur Tivresse est chez nous, dans un coma profond ;
le régime des boissons, ballotté de législature en législature, esquisse çà
et là des tentatives de réforme, aussitôt démolies parce que le peuple ne
les veut pas. Tai bien peur que le même sort s*acharne longtemps encore
contre le projet de réglementation des débits récemment déposé au Sénat
par notre honorable collègue, M, Siegfried.
Si la France, Messieurs, s*agite encore dans les incertitudes d'une entrée
en campagne, vous constaterez pourtant un effort réel, plus éclairé, dans
la voie de l'affranchissement. C'est à l'initiative des citoyens qu'il est dû.
Le principe de l'abstinence, c'est-à-dire l'appel à la conscience et à la
spontanéité de chacun, joint à l'esprit de dévouement, s'est implanté dans
notre pays depuis quatre ans et a produit déjà, c'était à prévoir, les
meilleurs résultats. La France est entrée résolument dans une phase nou-
velle et, c'est un hommage que je dois souligner, elle n'a fait en cela (luo
s'inspirer de vos enseignements ; elle a pris modèle sur cet élan inouï
d'abnégaQon dont les pays étrangers ont fait preuve et qu'illustre votre;
présence dans cette enceinte.
Est-ce de cette évoluticfn que sont nées ces marques d'exceptionnelle
sympathie dont nos cœurs se réjouissent depuis quelques mois et qui se
sont traduites par un chiffre vraiment inusité d'adhésions à notre Congrès ?
Je veux le croire ; car si les maux ont déjà par eux-mêmes une vertu
sufûsante pour rapprocher les hommes, quoi de plus attractif encore
qu'une communauté de vues, de sentiments, qu'un désir uniforme de se
servir des mêmes moyens expérimentés pour voler au même but !
La France, vous le constaterez avec joie, s'éveille de plus en plus à
l'idée de tempérance ; elle s'instruit de jour en jour davanlaf^e de ses
devoirs en face du péril; on cesse d*y railler l'homme qui s'abstient, et
vraiment l'heure était bien choisie pour la réunion, dans notre grande
Patrie, de votre Congrès ; le terrain est prêt à recevoir les germes que
vous y sèmerez. Voici venir, en effet, le moment où l'on n'aura plus besoin
de rompre des lances pour faire concevoir que s'abstenir d'alcool n'est, à
tout prendre, qu'un acte de simple logique. L'abstinent n'est pas un ridi-
cule ascète, c'est tout simplement un homme qui refuse de s'empoisonner.
A vrai dire, Messieurs, beaucoup d'entre vous, dans leur ardeur d'apôtres,
trouveront le progrès insuffisant. Car si la France tend à s'abstenir systé-
matiquement d'alcool, on y croit encore aux bienfaits des boissons fer-
mentées. Orgueil de propriétaire, culte de gros intérêts, ignorance peut-
être de la vérité scientifique, direz-vous! Je ne discute pas ce point délicat,
j'y serais juge et parti, étant abstinent résolu. Mais c'ebt ici que le champ
des luttes pacifiques s'ouvrira utilement dans notre Congrès. C'est à vous,
Messieurs, qui avez poussé le sacrifice jusqu'à ses dernières limites, qu'il
incombera de faire pénétrer en nous votre conviction, si vous jugez que
les demi-mesures sont incompatibles avec le succès final ; c'est à vous de
concilier, grâce à votre expérience, les légitimes intérêts particuliers avec
le souci plus élevé de la santé publique.
T. XX 39
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598 te vil* CONGRÈS tNTERNÂtlONAt CONTtffi L'&LCDOLISME
ie m'arrèti». Rn otiivr&nt vos Iràvtitik, Messiêfirs, en salaani la v^ime dans
ûMre pays d'homme do^t J'ai depuis longtemps apprîs à adiait^f* le d^
S5iiitéreBsomeni> lee touticttonft ardotiteb ; OA ^altiant amicalemeiit œs es-
prits gé)ftéreuk qui ont w>tté leur existence au triomphe, d'une oaïuse à
laquelle est âuspeuda fê sort de rhumanitë toute entière, j*ai l'intinie
notion que TOtre pré*€fl&ce affertnira Men dee voiontés eticore chancelantes
et marquera Taurore d'une ère ttOàx^îe.
Tard venues à la lutte contre l'alcool, parce que d'heurenses circons-
tances les avaient longtemps protégées contre le nrtii, quelques nations ont
encore besoin de connaître ce dont elles souflk^nt et de perdre quelques
illusions. Puissent fes débats qui vont s'ouvrir, puisse rexpériemoe sécu-
laire dont vous apportes les fruits dans cette enceinte) ^dessiller bien des
yeux et permettre de doubler des étapes pénU)kment fkunchies par timis?
Permetteï^moi de vous retnercier, au nom de la France, d'atoir répondu
en aussi p^aïad nombre à notre appel. Ce sera pour la f mnce un sujet de
légitime fierté d'avoir su s'atfit^er d'atassi vives sywpaibfes ^t qnmnddeiftain
Nettvre de la Tempérance sera devenue^ selon nos vtwnit, rt»%$et d*ane
véritable préoccupation publique, c'est vers le VH« Congrès que se tourne-
ront nos regards avec une juste reconnaissance pour votre cordiale et
précietfôe cdlabomtkMi.
Après ce discours qui résumait nettement l'état «ot«tôl de la lutte
et les tendances dans notre pays, M. de Yauderoy^ secrétaire du oo-
mité permanent) a rendu compte du truvaîl du comité dans rintcn^
valle des deûK tiefi^ions ) M. le î^ fio^^er a ^arlé dn travail du
comité d'organisation et montré dans quel esptil ce comité avait
conçu le programme des questions soumises au Congrus.
Puis le Congrès a décidé de subtituer le litre de « Congrès in ter-
national contre Valcoolisme » à celui de « Congrès contre l'abus des
boissons alcooliques », titre insuffisamment compréhensif. Enfin cha-
cun des délégués étrangers, dans une allocution pittoresque, a
salué la France.
Les travaux proprement dits da Congrès ont commencé le mardi A,
après-midi. Nous r«^)pellerons (chose qui n'a pas été comprise,
semble-t-il, par la plupart des journaux, aux appréciations rapides
et par conséquent superficielles), que ces travaux étafenl divisés en
deux parties : la première, la principale, la base même du Congrès,
était une série de thèmes soumis de longue date par le Comité d'or-
ganisation à l'étude d'un certain nombre de rapporteurs, chargés de
les traiter en assemblée plénière. L'autre partie comprenait une
série de travaux annoncés et présentés par les congressistes, sur un
tlhème de leur choix, et développés dans des assemblées de sections,
réunions plus restreintes où les congressistes se groupaient selon
leurs sympathies pour telle ou telle catégorie de sujets : Enseigne-
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hB ru" C0NGAÉ8 IMTEJUiAriONAL CaNTftE Jl'aLGOOJLIBME 599
ment, édacalfton, ppopagande. — Médeciae, physiologie et hygiène.
— Histoire, légisUtioa, économie politiqae.
Sans enlever le moindre attrait aux travaux de section, travaux
d'ordre surtout doemnefitaire, qui trouveront leur large place dans
les Tolmnes de prooès-verbaux, Tiatérét se concentrait par consé-
quent avant tout sur TenseinUe d'idées que le comité s'était proposé
de faire prévaloir en assemblée plénière. Ces idées sont les suivantes
en deux mots : Tinitiative du combat appartient ii Tindividu ou aux
groupements d'individus ; parmi eux, il en est qui semblent tout
AatureUemeot désignés par leur rang ou leur poste dans la société
pour jouer le nèle d'initiateurs ou de propagandistes, ce sont: les
maîtres de la jeunesse, la fenune, le prêtre de toutes les religions, le
soldat, Thomme qui se voue au développement intellectuel, moral et
matériel du travailleur. D'une commune entente entre toutes ces
fractions de la société doit résulter fatalement le triomphe, pour peu
que l'ennemi soit suffisamment connu et délimité, signalé à l'atten-
tion de chacun -, pour peu que chacun ait le désir de contribuer à la
lutte et de faire bravement son devoir.* Telle est l'idée maîtresse qui
a régné dans les séances plénîères du Congrès, idée qui a reçu des
développements magistraux, idée, nous le répétons, qui n'a été
dégagée que par ceux qui assistaient au Congrès et qui a fatalement
échappé à tant de baTards écrivains, enclins à parler de ce qu'ils
n'ont pas vu.
Ce programme homogène a reçu son entière exécution et les con-
gressistes conserveront longtemps le souveoûr de ees magnifiques
journées où successivement professeurs, prêtres, pasteurs, socia-
listes, femmes, soldats vinrent à la- tribune, avec la même ardeur et
la même conviction, sceller une Union grandiose et proclamer qu'ils
avalent un seul et même grand devoir à remplir en face du fléau.
Quant aux moyens de lutter, qu'importaient- ils ? Certains, qui s'atta-
.chent au détail plutôt qu'à l'ensemble, ont mené quelque bruit autour
<les tournois qui se sont réitérés entre modérés et abstinents, tous
-deux également convaincus ? Quelle valeur peut avoir un pareil débat
dans un Congrès international? N'est-il pas vain de songer à unifier
des vues, des tendances, des sentiments émanant d^hommes qui
appartiennent à des nationalités dont le génie, les coutumes, l'édu-
cation différent essentiellement ? Abstinence et modération ne sont-
ils pas deux degrés d'un même dévouement à la même cause, deux
stades d'une évolution historique qui ne sauraient être franchis en
quelques heures, si tant est que ces étapes successives soient fatales
et obligatoires ? Mais ce qu'il importait de mettre en lumière, chose
qui a été faite de ia façon la plus éclatante, c'est l'urgence même du
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600 LE Vl]° CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE l' ALCOOLISME
coDCours individuel, du sacrifice personnel, du haut en bas deTéchelle
sociale. Telle est la conséquence philosophique et surtout pratique
qui se dégage des assemblées plénières du Congrès ; cela dit à l'a-
dresse des aligneurs de phrases ou des mauvais plaisants qui s'en
vont écrivant que tous ces congrès ne servent à rien, qu'ils ne for-
mulent aucune conclusion pratique, qu'ils sont une mine à d'éternels
et insipides discours sans aucune sanction. Qu'au lieu de critiquer à
l'aise (c'est à la portée de tout le monde) ces braves gens agissent un
peu et nous apportent la fameuse formulé-panacée qu'ils nous accu-
sent de ne pas trouver ! Ils auront droit à nos actions de grâce. Mais
c'est là que je les attends, quand ils s'apercevront qu'il faut être fou
et surlout ignorant pour rêver d'un remède unique à un mal protéi-
forme dans ses causes et dans ses aspects.
Nous soulignerons plus particulièrement ici les travaux accomplis
en assemblée plénière.
Séance générale du i. — Elle a été ouverte par M. J. Legrand, sous-
secrétaire d'Etat, qui a bien voulu, représentant le gouvernement, appor-
ter au Congrès la sympathie des pouvoirs publics et saluer au nom de la
France les nations qui s'étaient fait représenter. M. le Ministre de Tlns-
truction publique, qui avait accordé son patronage au Congrès, s'était fait
représenter par M. Bayet, directeur de renseignement primaire. EnOn,
M. Dieu, directeur du service de santé, tenait la place de M. le Ministre de
la Guerre
En quelques mots, M. Legrain a remercié le gouvernement de sa pré-
sence qu'il a considérée comme une sorte d'engagement moral à prêter
son appui aux œuvres de Tempérance.
M. J. Legrand, dans un discours. éloquent, a afflrmé cet engagement,
mais il d développé cette thèse que les gouvernements, surtout dans les
pays d'organisation démocratique, étaient à peu près désarmés s'ils ne
sentaient pas un point d'appui solide du côté de l'opinion publique. Dans
la lutte contre Talcoolisme, il y aune solidarité évidente entre l'action des
pouvoirs et l'initiative individuelle, mais c'est surtout à celle-ci qu'il appar-
tient avant tout, avec l'appui moral et matériel des autorités, de préparer
l'action définitive des lois. Il a tenu à rendre un public hommage aux ini-
tiateurs du mouvement de tempérauce en France et surtout à notre jeune
armée del'U. F. A.
Après M. Legrand, M. Bayet a pris la parole et réuni dans un seul dis-
cours son allocution en qualité de délégué du ministre et la thèse qu'il
devait soutenir comme rapporteur sur « la lutte antialcoolique à récole
primaire ». Nous avons eu plaisir à entendre M. le directeur de l'enseigne-
ment développer une fois de plus, avec l'autorité qui s'attache à sa per-
sonne, la thèse même de l'U. F. A. faisant nettement le départ entre Tabs-
tinence complète, thèse trop rigoriste pour la France, et la fbrmulede la
vraie modération que nous avons les premiers proclamée en France et dé-
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LE vu" CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE l'aLCOOLISME «01
fendue dans nos diverses sociétés, thèse qui consiste à proscrire d'une
façon absolue tout ce qui est spiritueux, poison indubitable, et à recom-
mander Tusage modéré des boissons fermentées. Cette abstinence « à la
française » est la nôtre, nous tenons à le répéter avec insistance, à ceux
particulièrement qui, par ignorance tenace ou dans le simple but de dis-
créditer notre œuvre, s'acharnent à nous représenter comme des absti-
nents complets. Nous avons été heureux une fois de plus de cette commu-
nauté de vue entre TU. F. A. et le département de l'instruction dont nous
avons tenu à défendre et à propager les principes et qui nous a, en échange,
honoré de sa conûance. M. Bayet, paraphrasant et commentant la circu-
laire de M. Rambaud, a rappelé aux instituteurs leurs devoirs dans la lutte
antialcoolique et fait un nouvel appel chaleureux à leur dévouement.
Nous avons l'espoir qu'une des conséquences, la principale peut-être du
Congrès, sera la floraison d'une nouvelle quantité de sections scolaires de
ru. F. A. basée sur le principe si nettement accentué par le directeur de
l'enseignement.
Avec M. Buisson, on entrait ensuite dans le vif des questions qui devaient
occuper le Congrès pendant cinq grandes séances plénières. Dans une cau-
serie d'apparence simple, mais aux profondes vues, M. Buisson a fait un
appel énergique à Isl jeunesse universitaire et lui a tracé son rôle dans la
lutte contre l'alcoolisme. Son discours a une portée sociale qui fera réflé-
chir profondément le lecteur ; il s'en dégage cette pensée que le bourgeois,
l'étudiant doit venir au peuple, se mêler à lui, effacer toute la distance qui
le sépare de lui, Taider à constituer des milieux où il pourra se reposer,
se divertir, sans être exposé à s'empoisonner. Le rôle moralisateur de la
jeunesse est considérable, elle doit avant tout prêcher d'exemple, et se
faire du buveur des classes moins privilégiées une idée nouvelle. On s'élève
à ses propres yeux et l'on comprend mieux son devoir quand, en voyant
un buveur, on ne dit pas : « Quelle brute I » mais « Je suis une brute dans
cet homme ».
D^autres rapporteurs, M. Ruyssen, professeur au lycée de la Rochelle,
et M. Barbey, avocat, parlant ensuite sur le même sujet, se sont particu-
lièrement appesantis sur l'alcoolisme chez l'étudiant, sur la nécessité pour
eux de s'agglomérer en Sociétés de Tempérance et sur les résultats déjà
acquis en ce sens. M. Barbey a rappelé à ce propos la campagne qu'il a
commencée déjà au nom de l'U. F. A., dans nombre d'établissements se-
condaires, de Paris et de la Province, et les résultats encourageants déjà
obtenus.
M. GiLBAui.T, professeur au lycée de Toulouse, a clos la séance en trai-
tant d'une façon aussi complète que magistrale le rôle de l'enseignement
secondaire dans la lutte antialcoolique. L'importance de ce rôle repose
non seulement sur les devoirs formels qui incombent à la bourgeoisie ins-
truite, du fait de cette instruction, mais sur l'existence, chez celle-ci, de
l'alcoolisme parvenu à un très haut degré de développement. M. Gilbault
étudie méthodiquement le rôle de l'administration, celui des professeurs
et celui des élèves.
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6»02 LE Yll* CON&RÈS IRTERNATIOHAL CONTRE L ALCOOUSMB
MM. Hkrgod et Fobbl (Suisse) ont lait <ïonii«ltre les bases de Forguil-
silion des Sociétés de Tempérance parmi les étudiants en Suisse. Tantes
reposent inrariablement snr la pratique de l'abstineiice totale.
Séance générale du 4 (Soir). — Ce jour-là les Congressistes, malgré les !»>
tignes du voyage de la Teille, durent subir trois séances générales, douze
heures de travail, en raison de la réception du lendemain à THôtel-de-Ville^
qui supprimait Tune de ces séances. En dehors des Congrès de Tempérance,
il est difficile, croyons-nous, de rencontrer une telle endurance, une telle
ténacité jointes à autant d'entrain pour le travail.
La soirée a été consacrée à Tépuisement des questions relatives à Tédu-
cation et à renseignement. M. Fihldbn Thorp (Angleterre) a montré com-
bien, après la sortie de Técole, il était nécessaire de conserver dans le gi-
ron des Sociétés de Tempérance les jeunes gens qui vont préeisémenl
traverser Tune des phases les plus graves de leur existence, celle où se
contractent déjà des habitudes souvent irrémédiables de botsson.
Avec le discours substantiel de M. Baudrillart, nous entrons sur Je ter-
rain des applications et nous apprenons ce qu'est une Société scolaire de
Tempérance, la raison d'être de ce genre de Sociétés, les principes qui
doivent y être observés, le rôle des maîtres et des élèves, celui des éUves
vis-à-vis de leur famille et inversement, pourquoi il faut un engagement
et ce qui le légitime, enfin quels résultats sont à Theure actuelle obtenus
dans divers pays et particulièrement en France. Dans ce travail documenté
et consciencieux, les maîtres trouveront un précieux vade mecum et une
réponse à de multiples objections dont la source est dans rignorance ef
dans \s crainte d'agir par soi-même.
M. Petit, inspecteur de renseignement, a montré la cohésion étroite
qu'il y a entre les œuvres de Tempérance post-scolaires et les associations
multiples qui fourmillent maintenant au lendemain de Técole, grâce, il
faut le dire, à son ardente propagande.
M. Van der Woude (Hollande) a montré ce qui se fait dans son pays. Il
s'est montré plutôt opposé à la formation de groiq>es dans les écoles, faisant
reposer sur le maître abstinent la vraie responsabilité de Téducation
antialcoolique.
Mais Torganisation, Tenrôlement de la jeunesse dMis Tannée de la
Tempérance ne peuvent avoir d'efficacité que si les organisateurs eux-
mêmes sont dévoués à la cause, fortement trempés par des études spéciales
et préparés au beau rôle que Ton prétend leur faire jouer. La clé du
succès dans les sociétés enfantines de tempérance est aux mains dos
maîtres, aussi est-il nécessaire qu'ils subissent une sorte de préparation.
C'est de cet important aperçu de la question que MM. Hsncoo (Suisse), Dmi
(UoUande) et Maeilueb ont entretenu le Congrès. Il y ont quelques diver-
gences d'opinion entre les orateurs en ce qui ooftceme la nécessité de
l'abstinence totale, mais tous furent unanimes à déclarer que les Sociétés
do Tempérance entre instituteurs étaient des oiigamsaMS iwH^ieiksablea
pour créer une pépinière de véritables défenseurs de k Cause.
Réception à L'Hôtel de Ville (5 avril). — Les Congressistes ont roç« da
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us; vu'' CQiNGRÈa IKTIRNATIONiJE- CONTR» 1;.'aJ*C0(«*ISMï: 6Ô3
la munkipalilé raconeil )» plus empressé, tes adhérents se pressaient en
grand nombre dans les salons du magnifique monument. M. Lucipia,
président du Conseil, a, dans un discours dicté par une prudence facile-*
ment compréhensible, souhaité la bienvenue aux Congressistes, et les a
remerciés au nom de la Ville de Paris, de se consacrer à une œuvre de
relèvement moral et social dont toutes les nations attendaient le plus grand
bien. M. le D*" Legrain a remercié la municipalité et présenté quelques
personnalités étrangères. Puis M. Bruman, secrétaire général de la Préfec-
ture de la Seine et M. Laurent, secrétaire général de la Préfecture de Police
ont à leur tour salué le Congrès.
En 8*assooiant à Tœuvre du Congrès, le Conseil municipal a montré une
fois de plus qu'il est Tami et le soutien des grandes Causes.
Séance du 5 avril (soir). — Cette séance ne manquait pas d'originalité.
BUe s*est ouverte devant près de 4.500 auditeurs parmi desquels beaucoup
de dames et d^ecelésiastiques. Il s'agissait d'entendre des orateurs de haute
marque s'exprimer successivement sur le rôle delà femme et des membres
des différents cultes dans la lutte contre Talcool.
On se souviendra longtemps de la grâce, de la flnesse, mêlées à une
éloquence venue du coeur, avec lesquelles Mme Selher, de Copenhague a
convié ses sœurs françaises à prendre part au combat. C'est un discours
dont Tanalyse enlèverait toute la saveur. Il faudra que la femme française
soit bien figée dans son inertie pour ne pas bouger à de pareils accents.
M. le pasteur Roghat (de Genève) dont la sympathique personnalité
înearne une sublime idée de dévouement, d'où est sortie la« Croix-Bleue »,
qu'on pourrait appeler une Société de sauvetage moral des buveurs, est
venu montrer aux pasteurs, ses eoreligionnaires, qu'il y avait un grave
devoir de conscience à ne pas se soustraire à la lutte contre Talcool. C'est
une oBVvre de foi et de charité qui a fait ses preuves, témoin l'histoire de la
guerre à Taloocl dans les nombreuses sections de la « Croix-Bleue » dont
M. Rochat se fait le narrateur, chiffres en mains.
Mgr TuRiNAK, évéque de Nancy, dont l'énergique volonté est connue, est
le premier prélat Avançais qui ait cru de son devoir de fulminer contre
FhorHble fléau dans une assemblée publique, sur un terrain absolument
neutre. Cette action publique, dont le pays lui sera quelque jour recon-
naissant, procède d'une conscience très nette du péril actuel. 11 ne sera
pas dit, a pensé l'honorable prélat, que le prêtre, celui qui voit de si près
et panse les blessures morales de Talcool, ne s'associera pas à la grande
Croisade. Mgr Turinaz a montré le rôle Joué en d'autres pays par le
clergé catholique, il a rappelé la belle figure du père Matthew, l'âme de la
lutte en friande. Il a adjuré finalement le clergé français de commencefr
l'œuvre de la vulgarisation ; il a montré dans des termes d'une éloquence
impressionnante que pour extirper le mal, il fhllait avant tout compter sur
soi, prêcher d'exemple et il s'est raillé au programme de l'IT. F. A. qui est
une formule vraiment française et fait appel au sacrifice individuel.
Sémnee du 6 avril. — Le programme avait les éléments voulus pour
Mtisfkire tout le monde ; non qu'il eût été conçu dans un esprit d'éclectisme.
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604 LE Vil" CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE L* ALCOOLISME
mais paice qu'il avail pour but de rallier toutes les bonnes volontés.
Après les professeurs, la femme, le clergé, les socialistes avaient la
parole. Chose nouvelle, dira-t-on? Point du tout. Car si le socialisme
français n'a pas encore su creuser un fossé profond entre le marchand
d'alcool et l'ouvrier, il y a beau jour que l'entreprise est commencée par
le socialisme des autres pays.
Chacun sait avec quelle verve M. Comte, de Saint-Etienne, qui ouvrit le
feu, parle du travailleur qu'il aime et coudoie chaque jour. 11 a montré
quel immense bénéfice recueillerait l'ouvrier à la suppression de l'alcool,
quelle immense amélioration de son bien-être résulte pour lui de son
groupement en syndicats, il a flétri au passage l'alcoolisme si développé et
si hypocrite de la bourgeoisie et fait appel à la solidarité, à la fusion des
classes.
M. Van der Veldk, député socialiste belge et délégué du parti ouvrier, a
remporté au Congrès, à coup sûr, l'un de ses plus beaux succès. Les
ovations répétées et unanimes d'une assemblée très composite ont montré
une fois de plus ce que peut une conviction profonde, une science indis-
cutée, une émotion sincère. M. Van der Velde s'est appliqué à combattre
ou mieux à faire la part exacte des deux thèses dont l'une attribue l'alcoo-
lisme & la misère et dont l'autre attribue la misère à l'alcoolisme. La
vérité est ici et là. On ne peut contester en effet que très souvent l'alcoo-
lisme est un symbole de luxe et d'aisance, pas plus qu'on ne peut nier que
les conditions défectueuses de l'existence conduisent le travailleur à
s'empoisonner. L'orateur est un abstinent et ne s'en caché pas, parce qu'il
estime que pour prêcher la croisade antialcoolique avec fruit dans le
monde des travailleurs, il faut se donner comme exemple. Si le socialiste
veut être à la hauteur de sa mission, il doit rompre en visière avec le
cabaretier, au péril même de son mandat électoral. Et l'expérience a prouvé
à l'orateur que, dans ce cas, le devoir et l'intérêt sont parfaitement conci-
liables.
M. Blocher (de Bàle) s'est associé h la thèse de M. Van der Velde, et a
montré ce qu'ont fait les socialistes suisses qui, devançant les Belges, se
sont constitués en société d'abstinence totale. M. Forbl a confirmé ces
informations.
D'autres orateurs, M. Deffernez (Charleroi), M. Baratieb, M. Barbey,
M. Hayem et M. Marillier ont présenté à tour de rôle soit des rapports sur
conditions du travail et l'alcoolisme chez l'ouvrier, sur l'alcoolisme dans
les milieux ruraux, soit des observations sur les discours prononcés.
Enfin M. de Vixcelles, dans un rapport très original et d'une grande
portée pratique, a retracé le devoir des grands industriels, qui ont sous la
main de nombreux travailleurs, dans la lutte contre l'alcoolisme.
Cette séance, au cours de laquelle on a révélé de nombreux faits incon-
nus d'ignoble exploitation des travailleurs par des industriels marchands
d'alcool et par les débitants, a produit une profonde émotion.
Banquet du 6 avril. — Nous ne dirions rien de cette fraternelle agape
d'abstinents, si certains journaux, manifestement intéressés à discréditer
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LE Vil" CONGRÈS INTERNATIONAL CONTRE l' ALCOOLISME 605
notre œavre n'avaient, rééditant sans aucun souci de la vérité une vieille
et banale plaisanterie, proclamé que les congressistes ne s'étaient pas fait
faute de transiger avec leurs principes en buvant sec et ferme. Quelques
amis nous ont même pressé de démentir ces assertions. Ou nous pardon-
nera de n'en rien faire. Il faut traiter les farceurs et les calomniateurs
comme ils le méritent, par le dédain et le silence. I,e public, le vrai public,
ne sait-il pas aujourd'hui quelle part, hélas limitée, de créance il est
obligé d'accorder aux élucubrations des professionnels de certaine presse?
A de très rares exceptions près, les journaux ont rendu hommage aux
congressistes; le Congrès a eu ce que l'on appelle une bonne presse. Le
président du banquet. M. le D' Legrain, n'a pas manqué de lever son verre
d'eau à la presse et l'a remerciée de la publicité si utile qu'elle avait
donnée aux travaux du Congrès.
Séance du 7 aoriL — La dernière assemblée générale appartenait aux
colonies et à l'armée. Belle journée qui nous a fait connaître une nouvelle
pléiade de courageux.
On sait quelle déplorable influence exerce l'alcool dans toutes les colo-
nies. On ne le sait pas sufOsamment dans notre pays. De sa voix autorisée,
en soldat qui accomplit un devoir, le général Gallium l'a dit bien haut
dans un rapport qui restera un des clous du Congrès. Les déclarations
du gouverneur de Madagascar, qui n'a pas craint d'affirmer que la pire
des eaux est supérieure à la meilleure des boissons alcooliques, cadrait
trop avec les convictions de l'assistance, pour ne pas recueillir des salves
d'applaudissements.
M. Harford-Battersby (Angleterre) est venu, au nom de la Société qui
travaille pour l'abolition du trafic des spiritueux dans les pays de couleur,
démontrer l'importance économique et morale de cette suppression et
adjurer la France de jouer un rôle prépondérant dans celte question de
première importance pour la colonisation. A sa suite, M. Appu, parlant
d'expérience, a accentué les désastres inouïs engendrés par Talcool chez
les indigènes, et a présenté à l'approbation du Congrès un vœu tendant à
inviter la France à se faire représenter à la Conférence de Bruxelles qui
se réunira le 20 avril en vue de réviser l'Acte international qui réglemente
le trafic des spiritueux dans les colonies d'Afrique. Ce vœu a été acclamé.
S'il y a un acte de réel courage civique et patriotique à accomplir en
révélant des maux sur lesquels on s'aveugle et que l'on a le désir ardent
de guérir, à coup sûr, M. Guieysse, lieutenant d'artillerie à Versailles, est
un courageux et un patriote. L'assemblée le lui a bien montré en souli-
gnant de ses approbations son discours au cours duquel il a montré l'al-
coolisme dans l'armée et défini l'admirable rôle de l'officier dans la lutte
contre l'alcoolisme. Ce discours, éloquent autant qu'aimable, révèle un
observateur, un fin psychologue et avant tout un homme de cœur. C'est
à profusion que nous aurons le devoir de le répandre dans les milieux
militaires.
Le D^ DR Vauclkroy (Belgique), se plaçant sur le même terrain a décrit
l'alcoolisme dans les armées belges et indiqué les remèdes utilisés. .M. Cois-
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^M LB VU* CONGRÈS IJ!<TSa2(ATIOKAt €ÛCiTII£ l'aL€OOUSMQ
RAD DiLLO^ (Angleterre) « moittré les eacourageanls réaolUto ckbienus
dans les armées britaDniqaes par les sociétés militaires de lempéfMUce,
où i'ofticîer se mêle au soldat et donne l'exemple de rabstiAonoe.
M. Rbpono (Suisse), lieutenant^colonel de Tarmé^ bel «étiqueta prononcé
un très beau discours, rMspli de documents, sur TakoolisMe daiu Tarmée
suisse; il a atteint une téelle éloquence quand il a monlré le r6le moral
de Tofficier et la supériorité patriotique du soldat tempérant.
Eniln M. Zodïbff a terminé la séaiico an donnant de très intéressants
détails sur Fakoolisme dans la marine russe.
Clôtwre du Congrès. — Aussitôt après, TABsemMéa a fixé oomaat lieu
de prochaine réunion Vienne, en 1901, et s'est décUrôo diseoute.
Soii'ée du 7 avril. — Le soir mdme> à la suiltt d'une entente avec le Con-
grès, la Ligue de la Moralité publique profitait de 1& ciroonstance pour
élaler ses principes, et montrer la connexité absolue qu'il y a entre l'im-
moraKté sous toutes ses formes et Talcoolisme. Qui dit Tun suppose Tattlie
et inversement. Il est clair que la Ligue de la Moralité publique (I) et
ru. F. A. sont deux sorars marchant la main âana U mAâiii;lea deux
objels qu'elles poursuivent séparément en veriv dju pnnoipe ée la dlTlsion
du travail, n'en font en réalité qu'an seul. Cétaifc bien Tans d'aiileors des
congressistes qui se pressaient le vendredi soir k la séance ée la Ligue
pour y entendre ses orateurs aimés : MiA. Gajilr^» Comte, làaysaen et
Ftiltiquet.
Dernière Journée. — Ce n'est point sur des discours graves que Ton se
sépare. Quand on a libéré sa conscience en accomplissant wa éeveif , on a
le cœur léger et Ton est mûr pour la joie. Ce fui tout à fait le se^tÂnient de
nos amis qui, malgré la pluie, s'en furent passer toute leur jovraée à Ver-
sailles, achever de faire connaissance en des coiloquea parlîcnlieiB, Caire
une dernière provision de dooumentH tout en re^poeanA kur esprit par la
vae des splendeurs artistiques de la vieille ville reyal^.
Appbécutïon, -- Notre cQncluaiw sei:a, couïtô. Elle se dégage, suf-
fisamment d'elie-moèoie des pages qui procèdent
QuelquesHttnft, fort rare», peu halûlttéa. enoove à notre genre do
Congrès oh les adhérents ont surtout le déair d» s'en reM>oHer ^
eux-mêmes pour le triomphe de la cause, ont regretté quil ne fût
pas émis des vœux et que le Congrès parût ainsi déniié de sanction.
Evidemment pleins encore de généreuses Illusions, ils ont cru de
boune foi que ce formalisme habituel des congrès était une obliga-
tion morale, sous peine d'avoir perdu son temps en discours inutiles.
Je répondrai, tout d'abord» que Texclusio^ des voeux n'a pas élé
systémiaUque, à. teUes en^eigoe^ que te Cangrè^ en a pj)Q9Qnoé
quelques-uns, mais les congrès préeédeat ont agi sageiawi en appo«
sant par principe une digue à ce véritable torrent de concluaio*^ fui
(l) Lire le « Relèvement social » (abon. : 1 tt. par an), org^e de la Ligue. —
S'adresser à M. Ck)mte, 2, me Balay, à Samt-Etienne.
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LE Vil'' CONGRÈS^ INTERNATIONAL CONTRE L* ALCOOLISME 607
submergeât les dernières séances des congrès, divisent les congres-
sistes, perdent an temps précieux pour aboutir à quoi ? au dépôt
dans les cartons à vieux papiers de considérations ronflantes dont
personne ne tient compte.
Quel gouvernement, surtout en notre pays, ne s'associera de façon
éclatante à tel ou tel vœu émis par des gens de bien ? Mais on sait
très bien qu'une pareille adhésion, même quand elle est sympathique
et sincère, ne tire pas à conséquence, puisque, demain peut-être, le
gouvernement d'aujourd'hui, de frêle stabilité, passera la main à un
autre.
Les vrais vœux, les vraies conclusions d'un congrès, et c'est le
cas pour le nôtre, c'est le courant d'idées lui-même qui se forme
pendant les journées de travail; c'est la synthèse qui résulte de
l'étude des matières soigneusement classées dans un programme
élaboré par le Comité d'organisation. N'est-ce pas une conclusion
grave, et d'une portée considérable que cette idée cpii^ sans relâche,'
cinq jours durant, est tombée de la tribune, émise parles représen-
tants autorisés, français ou étrangers, de toutes les grandes frac-
tions de la société, idée que l'on peut formuler ainsi ; Maîtres,
élèves des écoles, prêtres, pasteurs, femmes, socialistes, soldats,
vous avez un grand devoir à accomplir dans la lutte contre Talcoo-
lisme. C'est à vous qa il appartient de prendre en mainsia direction
de cette lutte; c'est à vous qu'incombera la responsabilité d'une
défaite? Cette idée a été celle des organisateurs du Congrès, comme
elle a été celle de l'immense majorité. D'autres se placeront à leur
gré, sur des terrains plus théoriques, plus législatifs, plus gouverne-
mentaux, et nous croyons qu'ils pourront aussi faire œuvre utile.
Il me semble, peut-être metrompè-je, que les vœux les plus fou-
gueux sont bien platoniques auprès de cette grande résolution, de
cet appel souverain à la conscience de chacun, porté par tous les
milieux. Nous sommes de très purs individualistes dans l'espèce.
Nous ne refusons aucun concours, cela va de soi, mais nous avons
avant tout confiance dans notre propre effort. Que ceux qui cherchent
des panacées en dehors de la formule individualiste répondent seule-
ment au solennel appel du Congrès, et 8*engagent seulement à gros-
sir nos phalange et nous répondons du succès avant peu î Osera-t-on
dire maintenant que le VII* Congrès n'a pas eu de conclusion ? Il n'a
pas encore eu de sanction, c'est vrai, mais c'est à vous, c'est à nous
tous, qu'il appartient de la lui donner. LTJ. F. A. est un enfant des
précédents congrès. Prétendrait-on que c'est un résultat négligeable?
EK Legrain.
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REVIS DES HTM POLITIOIS CONTEMPORAIIS
REVUE DES QUESTIONS COLONIALES
Indo-Chine. — Algérie. — Guadeloupe. - C6te d'Ivoire.
Indo-Chine, — Rien n'est plus difficile que d'apprécier sainement de
Paris les événements d'Indo-Chine; autrefois la presse indo-chinoise s'abs-
tenait prudemment de toute critique, maintenant elle se laisse aller à des atta-
ques dont la brutalité dénote un parti pris évident, de sorte que la lecture
des nouvelles qu'on y trouve ne paraît pas de nature à donner une opinion
précise de la situation. Heureusement les correspondances privées éclairent
avec une netteté plus grande sans ces voiles que la sympathie et Tinîmitié
Bavent tisser, et les faits eux-mêmes plus forts que toutes les nouvelles
peuvent nous guider dans les jugements que nous devons formuler.
M. Doumer est infatigable ; on applaudit bien volontiers à son activité ;
elle a trouvé un champ d'action admirable; elle s'y déploie, elle en dé-
borde, elle est sur le point de donner des résultats espérés depuis long-
temps et qui seront atteints peut-être bientôt. 11 est du reste grand temps
que notre politique extérieure en Extrême-Orient prsnneson point d'appui
en Indo-Chine et vraiment on se demande par quelle singulière anomalie
il en a toujours été autrement, que dis-je, comment il s'est fait que le plus
redoutable adversaire de notre occupation du Tonkin, en 1885, a précisé-
ment été notre ministre plénipotentiaire à Pékin. Le fait est cependant
tout récent et plus d'un diplomate ne voudrait pas convenir qu'il est de
simple bon sens que la politique française au Siam, la politique française
ea Chine, doivent être dirigées principalement sur les indications du gou-
verneur général d'Indo-Chine et d'accord avec lui. Il est vraiment admi-
rable pourtant, que ceux-là même qui redoutent un pareil démembre-
ment de l'unité de nos affaires diplomatiques soient les premiers à prodi-
guer leurs louanges à la ténacité des vues du gouvernement indien du côté
du Beloutchistan, de la Perse, voire de l'Arabie, comme si ces pays n'étaient
pas vis-à-vis des Indes dans la même situation que le Siam ou la Chine
méridionale vis-à-vis de notre Indo-Chine.
Aussi est-ce plutôt la persévérance de M. Doumer que les effets obtenus
que nous admirons pour le moment ; il suffit de connaître les dispositions
du Quai d'Orsay pour toutes les questions soulevées par le pavillon de
Flore pour partager cette manière de voir : très heureusement nos agents
de l'étranger, M. Pichon notre ministre en Chine tout le premieif appor-
tent-ils à de pareilles négociations un autre esprit que celui des bureaux
de Paris.
M. Doumer s'est rendu à Bangkok où il a été reçu comme il convenait
au gouverneur de l'une des plus grandes colonies ; il a passé plusieurs
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REVUE DES QUESTIONS COLONIALES 609
jours en compagnie du prince Chulalong Korn qui avait retardé son voyage
dans ses provinces de la presqu'île de Malacca pQur le recevoir. Qu'en est-
il résulté ? Une dépêche dont l'inexactitude dépassait trop la mesure per-
mise pour être prise au sérieux fut publiée à ce propos par le New-York
Herald qui n'hésitait pas à dire que la France rétrocédait au Siam Chan-
taboun en échange de la province de Luang Prabang. Ce journal oubliait
que depuis plus de six ans nous occupons la province de Luang Prabang
et sa capitale et que les quelques territoires qui relèvent de cette princi-
pauté et qui sont sur la rive droite du Mékong n'ont jamais fait partie du
Siam ; si nous avons négligé de faire valoir nos droits sur ces annexes d un
domaine dont le cœur est entre nos mains, ce n'est qu'une question de
temps et d'opportunité qu'il appartient à nous seuls de résoudre. Quanta
Ghantaboun, ce point est occupé par nous depuis 1893 et il ne saurait être
question de l'abandonner, d'autant plus que ce ne serait pas le Siam lui-
même qui en bénéficierait mais bien l'Angleterre. Comment? par simple
procuration. Le Siam a remis le soin de sa gendarmerie, de son armée à
des officiers anglais et on peut croiie que ceux-ci ne négligeront rien dé-
sormais pour laisser échapper ce qui d'aventure peut leur échoir : la tu-
telle qu'ils exercent est parfois profitable au pupille, en lui enlevant tout
souci quant h la question de ses biens ; elle n'est pas indifférente en tous
cas au tuteur qui sait à son tour penser à ses propres intérêts. Le tuteur
ne néglige pas les épingles ; il aime mieux se les faire octroyer, au besoin
il se sert lui-même. Aussi ne voit-on pas très bien ce que la France aurait
gagné à abandonner au Siam Chantaboun pour qu'une garnison de Sikhs
indiens commandés par des officiers anglais vînt y occuper les caserne-
ments construits par des Français aux frais du budget français: c'est là un
petit jeu auquel l'Italie s'est livrée à Kassala, auquel la France s'est em-
ployée dans le Bahr el Ghazal, mais qui n'est ni du goût de l'opinion pu-
blique ni de celui de notre ministre des Colonies et tant que M. Guillain
sera ministre, nous avons la plus absolue confiance dans l'énergie qu'il
mettra à conserver notre domaine, à l'accroître si possible, jamais à le sa-
crifier sans un profit évident, immédiat et certain.
Qu'est-ce que M. Doumer a pu régler à Bangkok? Les négociations ont
été tenues secrètes et nous ne prétendons pas les révéler, mais les deux
questions qui sont actuellement en suspens, de ce côté, sont les suivantes :
assurer d'abord la création d'un chemin de fer de Bangkok à Saigon ;
mettre en œuvre, d'autre part, la convention franco-anglaise relative au
Siam qui nous donne comme sphère d'infiuence tous les territoires non
situés dans la vallée du Ménam. L'une et l'autre de ces nécessités s'impo-
seront à bref délai ; il faut donc les préparer et au tant que possible d'accord
avec l'intéressé qui est le Siam ; que s'il n'y a pas eu possibilité de préciser
amicalement les points en question, nous verrons à reprendre ces ques-
tions directement avec le gouvernement anglais dont la bonne volonté, en
ce qui concerne spécialement ces points, serait parait-il acquise à une so-
lution favorable à nos intérêts.
M. Doumer était à peine revenu de Bangkok qu'il partait pour Yunnan-
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610 BEVUB DBS QlIB8TK>If8 G0L0HIA1B8
Fou, Capitale de ceOe province de la Chine qui est le proUngement néces-
saire de notre HaatrTonlqn : ce n'est pas non pins on simple wojsuge d'agré-
ment ; c'est un iH)yage pratique dont les effets sont anssi prochains. On se
rappeUe que les crédits demandés an Parlement français par M. Doumer
rhivet' dernier avaient deux objets : la création de phisîeiirs tronçons de
voie ferrée le long de la côte iado-Chinoise, Touvertare d'une voie d'accès
sur Yunnan-Fou. Les crédits ont été votés sur le rapport favorable de
M. de Lanessan : l'emprunt a été souscrit vingt-huit foès. U font mainte-
nant engager les travaux. Mais les opinions émises sur le Ynnnan sont
tellement contradictoires et généralement si pen encourageantes que
M. Doomer a vooiu se rendre compte par Ini-méme de la richesse de
ces pays : rien n'est plus sage et s'il juge que nos efforts doivent porter
plutôt vers le Kouei-Tcbeou ou le Kouang-Si^ il n'est pas douteux que le
Gouvernement l'y autorise. Ce que l'opinion lui demande, de ce côté,
c*est mtee de dépasser les instructions qu'il a reçues et, an risque d'être
un moment critiqué, de s'inspifer de la situation présente et des néces-
sités de notre expansion que limite chaque jour davantage l'extension des
prétentions anglaises. N'avons*4M«is pas vu la ooncessioii ai^aise de tioag-
Kong s'étendre en 1898 à toute la presqu'île de Kan-Lung, un service de
batterie anglaise se constituer sur le ^-Kiang et av«ii»-nous, nous-mêmes^
&it quoi que ce soit dans cette grande proviBct du ftouang-Toun autre-
ment riche et peuplé que celle du Tannan et du Kooan^i?
A qui incombe la responsabâité de notre inertie ? Ce n'est pas ia gou-
verneur général d'Indo-Ghino, c'est au quai d'Orsay que les tristes et dou-
loureux événements de Faschoda ont véritablement écrasé. AiUeurs (1)
nous ne cessons de le répéter : nous n'avons aucune vue nette de nos inté-
rêts en Extrême-Orient et notre ettacement dépasse l'insalfisance de nos
forces navales puisque nous demeurons plus timorés même que lltalie
qui va se faire attribuer sans coup férir avec la magnifique baie de
Samoun une situation autrement privilégiée en Chine que celle de la
France, récemment encore sa plus redoutable voisine cependant après la
Russie.
Algérie, — Rarement un débat d'une étendue plus complète a occupé
la Chambre sur la question algérienne; rarement un débat plus inutile a
traîné interminablement, de séanœ en séance. Puisque le Gouvernement,
dans la personne de M. Dupuy président du Conseil et dans celle de
M. Laferrière, gouverneur général de l'Algérie, n'ont rien trouvé de mieux
à apporter.au Parlement que leur acquiescement empressé à la nomina-
tion d'une commission d'enquête, pourquoi tous ces discours ? Cette corn*
mission d'enquête a été demandée par M. Drumont et les antisémisles à
leur arrivée à la Chambre ; la majorité de la Chambre n'y était guère favo-
rable, parce que l'expérience est là pour rappeler à tous les esprits sérieux
que des enquêtes parlementaires, lorsqu'elles portent sur une série de
questions purement politiques, n'ont jamais engendré de durables
(1) Voir QueUiom diplomatiques et coloniales ^ t. V : Notre politique en Chine.
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&SVCB BBS QUESTIONS QIMLOMALGS 611
réforanefr, miôs 4èva»t Tarn de HM. Dupmy et Latorière, la Chanibi^ tonte
entière ne pMtrra Dairé mieux, que d'iMlepter «teUe ouimère de faire et,
tout «n se désni^pessant à'vxk dëbat dont l'iasne estoe«Biie, de ie laisser
aller. Ce débat est un concours d*élo^pseikoe sur un sujet oonnu. Chaque
dép«lé aiférien iwtis^Qante a cm de M«n devoir de fresdi« la pv^e : ses
électcrors l'éateBdaeleiift ainsi, fmrai*-^ ; les i«rai^tes algériens <yni trouvé
d'awlire {yart, «a M. ReiUBMt^ «n wppm «pn a eurpris |mu* sa violenoe : à
entendre cet orateur, le prolétariat Israélite serait, ea Aif éiie, dans un
degré de m^ère iii»o«pçoiuiée et Texagéralioii ie bss ^Êfiraiatiens avait
pour -seule ea^liec^tieffi de^oompieneer la TialeBce des phHippiqoes prenen-
eées cotilre ane {partie <de la painrtitioa 'algérieiiiMu
i.e dbooiars 4e M, llar^oiu a éïé eonsidrirë •ootnaM celui d>ui fator 99a-
yéPÊtfmr qui, tm. «ettenilant, Ma pesm* sa candiéatuape à la préftiosoe 4e la
ceakMrisstea d^eaqlvdte : 4faa«t à odat ide M. La£srnftsre,il ai*a pas renooQlré
dans la Chambre ies appmbatiaiiB qu'on pou^iaM espérer. La cause en est
4a i^este f^K^ile 4 dégager, ^«rtoat ea se pkdnt, él avec quelque raisMi sui-
-vaut n&UB, «que i*ExéciM&f noMUique de dédsion, d'énergie; Texécutif^e
laisse afier Àfâucbe et à droite oa hasard des événements; il ne 4i6AÉagae
^s très nelteiaentaja >nriii<Ai4esTioieno^ des partis aA?er8C8 les booMacs
qui sont le plus à craindre et par conséquent le ipèas à éecnàtr et «a po-
litique à fltttériiEmr oeainie 4i i^extériear •estiertudaee. A qoi ia fouie f On
le reduércherait lengtotoys. Les mentes dttoes existent ^^oor rAigétrie : on
lie sidt pas ao jaste œ qne Ton veut, nd eà en «a. Lemiaistre de J'Inèénonr
asemMé dipe : fat "belUKic^ d^avlres soucis *qQi ne tiennent pts à la^pnns-
tion a^érieaae, et je «a^en remets au gofnivrenieBr générad de me déchâfl^r
de ceaa^Ui. Le ^e«rv«meiM' à. son leur a éû penser ^ de ne sois au demeu-
rant qa*an toncfêomaàre et pname ée ministra derintérieurdcnqanlje
relevée me ^i<Mit freinire la vesjpensaMlité d'aacane réforme d'ensemble et
que seul il est responsable 4evaiit le Parlement, il n'y m pas lieu pour moi
d'exposer une politique précise, concrète, qui sera par conséquent 4isca-
tabie paroe qu^elle soim saistssable : je vais m^en ienir à des idées d'en-
sembk, onetfter les leeprits 4a c^té où i>l8 vtealeat oiler et non les diriger
et je me 'garderai >ie toute cimceplioin déiînitrve. Et AL L'a^nnèite,6e cen-
formant au inrograMinïe qu^l s'était tracé, a prononcé un dlscoiirs extrê-
mement mesuré pur leqael il Indique à chaooa des partis ée ht Chambre
ce qu'il peut penser des réforme» relatives à«la question k pius importaiite,
à celle des droits électoraux desia'aféiites et des étratigers.
Nous aurions, devons-^nouB le dire, espéré une manière de voir plus
personnelle de la part d'un homme de la haute valeur et du jugement de
M. Laferri^ et nous avons entendu plus d'un hoihme politique appré-
cier ce discours en disant : Comment une commission d'enquête pourra-
t-elle dégager la solution du problème algérien lorsquhin gouverneur qui
dispose des plus parfaites sources d'informations et de moyens d'actions
qu^ u fait créer à son usage avant de se rendre à Alger, n'est pws en me-
sure, am trouft d'un an, de nous proposer mnensemWe prëois de réformes
raisonnahles ?
C'est on le voit le désir d'ajourner à un ou deux ans l'examen des con-
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612 REVUE DES QUESTIONS C0L0MALE8
clusioDS de la commission d'enquête qui a guidé tous les principaux ora-
teurs : chacun espère d'ici là que les données de la question se seront
modifiées en faveur de la doctrine qu'il préfère et l'accord à peu près
unanime s'est lait sur ce malentendu.
Pour notre part, nous le déplorons sincèrement. Ajourner une question
est peut-être une habileté temporaire, c'est une faute certainement. Les
réformes ne se font pas toutes seules et il y faut le courage d'un homme
ou même de plusieurs.
Nommer une commission d'enquête, c'est déclarer qu'il n'y a rien à faire
de suite sinon M'exciter les espérances, les convoitises, les violences de
toute une partie de la population contre l'autre. C'est illusionner ceux
qui ont conGance, c'est décourager tout le monde. Qui viendra reprocher,
dans 2 ou 3 ans, au cabinet Dupuy pareille faute du moment que la Chambre
entière s'y associe et M. Dupuy, membre d'un autre cabinet probablement
n'aura-t-il pas le droit de se couvrir derrière le vote de la Chambre. Mais
qu'on arrive ou non à fixer les responsabilités d'une pareille politique,
peu importe; la grande affaire c'est que l'Algérie n'y trouve aucun
avantage, tout au contraire, c'est que l'agitation peut-être favorisée par les
mesures maladroites d'un préfet à poigne ne fera que croître en présence
des commissaires enquêteurs.
A la situation présente nous ne voyons pour le moment d'autre remède
qu'une orientation toute nouvelle de la politique algérienne. Cette orien-
tation signifierait que les questions économiques et agricoles devront
seules préoccuper les hommes qui gouverneront l'Algérie et que, du
moment que l'ordre sera assuré, on donnera beaucoup moins d'intérêt
aux questions uniquement politiques. Froisser systématiquement les
habitants en prenant des décisions allant à rencontre de celles qui
sont rendues dans les assemblées municipales n'est pas une politique
raisonnable ni durable ; ce n'est pas davantage une politique républi-
caine. Céder d'autre part aux exigences d'un parti révolutionnaire est
impossible ; mais laisser les Algériens, comme les Siciliens ou les Corses,
résoudre entre eux leurs questions locales avec leurs passions et suivant
leurs mœurs qui ne sont pas les nôtres, c'est parfaitement admissible. A la
métropole incombe un double devoir : assurer la sécurité publique, favo-
riser la prospérité économique ; il est déjà suffisamment grave pour que
ses représentants ne s'en écartent point, et les enseignements qu'ils ont
dû trouver dans certains verdicts les garderont à l'avenir de mesures ex-
cessives que l'opinion publique ne saurait ratifier.
Guadeloupe. — Des incendies systématiques ont jeté l'inquiétude dans
tous les esprits; depuis 1878 à 1879 jamais on n'en avait vu de pareils; si
la Basse Terre a été à peu près épargnée, la Grande Terre a été le théâtre
de sinistres effrayants. Quelle en est la cause ":'
M. Isaac, sénateur de la Guadeloupe, les a fait connaître à la tribune du
Sénat. Elle est dans la propagande insensée qui se fait depuis quelques
années dans un but électoral et quia commencé en 1891 avec la levée du
drapeau rouge.
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REVUE DES QUESTIONS COLONIALES 613
Ce programme soi-disant socialiste est celui des congrès révolutionnaires
et il comporte la mine aux mineurs dans un pays où il n'existe pas de
mines. Il est défendu, par le nouveau député nègre, M. Legitimus, qui a
trouvé dans la population noire un corps électoral prêt à recueillir ses
détestables enseignements, et le gouverneur n'aurait pas combattu cette
propagande révolutionnaire comme c'était de son devoir.
M. Guillain, ministre des Colonies, trouve à ces crimes d'autres raisons.
La Grande Terre est un pays de grande culture sucrîère ; il y existe un
nombreux prolétariat agricole. La crise du sucre y a amené la hausse du
change sans que le salaire des ouvriers puisse être augmenté, d'autre part
les marchands exagéreraient encore la hausse en Ûxant leurs prix de vente;
d'où une misère qui a engendré des actes de haine, de vengeance contre
ceux qui possèdent.
Ces raisons paraissent parfaitement judicieuses; encore faut-il parer au
plus pressé, s'il n'est guère possible au gouvernement de rendre aux An-
tilles leur prospérité ancienne. M. Guillain l'a promis : les crimes seront
• sévèrement réprimés et si des coalitions haussent le prix des denrées, des
poursuites seront également exercées. On ne saurait, en tous cas, trop
prévenir le retour des manifestations révolutionnaires qui se sont pro-
duites à la Guadeloupe.
Côte d'Ivoire. — Cette Colonie qui a connu une période de prospérité
sous l'administration de M. Binger, traverse un moment difûcile. Une
maladie bubonique, probablement la fièvre jaune, s'y est déclarée depuis
quelques semaines. Grand-Bassam est située au bord d'une lagune dans
des conditions hygiéniques déplorables. On se demande comment le mal
qui vient d'emporter 20 blancs sur 40 a pu retarder aussi longtemps son
apparition dans une pareille ville. 11 faut dire que Grand-Bassam était uni-
quement une factorerie et que son développement, à peu près nul de 1843,
date de sa fondation,jusqu'enl889, époque où il fut rattaché par un câble
et par un service de navigation mensuelle à la France, ne date que de six
ans. Une canonnière sur la lagune assurait facilement la défense de ce
point.
Le gouvernement a donné ordre d'évacuer Grand-Bassam et le chef-lieu
de la colonie de la côte d'Ivoire sera très vraisemblablement transporté sur
un point situé plus au nord, à 70 mètres d'altitude, où l'on a trouvé trois
sources abondantes d'eau potable.
L'importante mission technique que dirigeait le capitaine Houdaille
était sur le point de regagner Grand Bassam après avoir achevé le relevé de
l'itinéraire du chemin de fer projeté à l'intérieur de la colonie, lorsqu'elle
a été arrêtée à Alépé par ordre du gouvernement. Elle a reçu l'ordre
d'aller s'embarquer à Jacqueville, où la flèvre jaune n'a pas fbit son appa-
rition.
Henh Pensa.
REVUE POLIT., T. XX 40
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LA
m POLITlOilfi CT PARLENEmiRE A L ÉTRANGER
I. — ALLEMAGNE
Par C.-M. MONTA!HUS
10 Chronique politique et parlementaire.
La question qui, au point de vue purement politique, a excité, au début
de la session parlementaire le plus yif intérêt est le nouveau projet de loi
militaire dont nous avons déjà parlé en détail dans la chronique précé-
dente. Tout le monde s'accordait^ il est vrai, à adOMtlre a priori que le
eentre, qui allait jouer ici un r^le décisif, finirait par donner son appro-
bation au projet du Gouvernement, non sans s'être fait quelque peu prier,
ni sans avoir exigé des modifications sans importance et fait (Quelques
légères réserves ; mais enfin, grÀce à cet appui, le Gouvernement était
sûr de réunir une majorité. IL pouvait cependant se produire des inci-
dents qui enssent compliqué la situation, et ces prévisions étaient moti-
vées par Tattitnde des députés du centre, élus par TAllemagne du Sud et
en particulier par la Bavière, qui, devant tenir compte des sentiments de
leurs électeurs, étaient obligés de faire au projet de loi uae opposition
plus vive qu'on ne s'y était attendu.
Ces complications ne manquèrent pas, en effet, de se produire. La com-
mission parlementaire avait accepté le projet de loi en n*y i^^portanl que
des modifications sans importaace, mais elle avait reftisé les augmenta-
tions considérables de crédits demandées pour la cavalerie* Elle justifiait
son refus par les raisons suivantes :
Etant donnés les progrès de la techniqae moderne au point de vue de la
précision et les effets foudroyants des armes à feu actuelles, la cavalerie
rendra 4ians une future guerre des services bien moindres «fu'antrefm, et,
comme ou aura moins à l'utiliser, il y a plutôt lieu de diminuer ses effec-
ti£s qtie de les augmenter.
Le Gouverneoient combattit très résolument cette façon 4e voir. Le mi-
nifittre 4e la;guerre prussien, M, de Gossler, usa de toute sen autorité pour
faire accepter Taugmântation de crédits demandée et le chancelier de
rfintptre ainsi que les autres ministres prirent fêii et cause pour lui, à tel
point que Ton put croire que si le Gouvernement était battu sur cette
question, la dissolution du Reichstag devenait inévitable. Néanmoins, à la
seconde lecture, le Reichslag persista dans son refus, conformémen à
Tavis exprimé par la commission parlementaire. D'après une version qui
n'a jamais été démentie, TEmpereur et son entourage militaire, incités
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ALLEMAGNE 615
d'ailleurs par les agraïuens d'opinions extrêmes* qui ne deouodaient qu'à
susciter uo conflit, et parles iùwnines politique» du parti Sturm, partisane
des mesures violentes, youlaieiU prononcer la dissolution du Reiohstag.
Mais le prince de Hohenlohe, chan^etier de 1 Empire, s'opposa à cette réso-
lutien et plusieune princes allemands, eu particulier le jgrand dnc de Bade,
le roi de Saxe et le du£ de Meiuingen s'entremirent alors et parlèrent en
faveur d'une eonciliation d'autant plus indiquée dans le cas p^résent que
le ReLchstag avait accordé tombes les autres augmentations de crédits se
montant à un chiffre élevé, sauf cette unique exception. Ce fut le D' Lieber,
chef du parti du centre, qui ménagea un^ conciliation en présentant un
amendement par lequel, tout en y apportant certaines clauses, le fieichs-
tag se déclarait disposé à iK^corder d'autres augmentations >d'e(îectifsn)ême
en ce qui concernait la cavalerie. Là-*dessus le gouvemement accepta que
Ton eiTaçàt 4u projet de loi la «demande de crédits pour La cavalerie et le
projet fut voté y compris l'amendement du D' liei^er. Ue conflit qui mena-
çait de se produire était ainsi écarté ipour cette lois^
Parmi les nombreux travaux iégi&latifis du Heicb^to^le jprc^et destiné à
modifier la loi sur lee banques, projet qui ne fut présenté par le (jouverne-
ment qu'à la Un de janvier, a été» avec le projet de loi militaire^ la ques-
tion la plus emportante qui se soit posée a« cours de cette sessien. Il sV
gissait de modifier Les règlements, ou, si l'on veut, de renouveler les statuts
de la Banque d'Empire dont le privilège allait expirer à la iiln de l'année
Les nouvelles disposUions Les pLus importantes que renferme ce projet
sont lea suivantes :
Le capital social est porté de i 20 miUieos de marks à A 50 millions.
La Banque aura le droit 4'émettre pour 400 milUone de marks de billets
soustraits à toute imposition au lieudies 2;^;2. 400.000 juarks qu'elle ne cu-
vait précédemment ^dépasser.
Les actionnaires de la Banque ne Xoncbenl pdAis gu'nn dividende sensi-
blement plus ùààûe.» Auparavant ils toncàaieni, a^ant toute autre réparii-
tion, 3 ij% 0/0 snr les bénéfloes neiU, puis la moitié dn bénéfice qui res-
tait, autres dividendes et réserves une fois pvélevés, jusqu'à concurrence
d'un intérêt de 6 0/0. A préseat^ ils touoberont encore, avant toute autre
répartition, 3 1/2 0/0 sur les bénéûces nets et ils continueront à toucher
la moitié de l'excédent ultérieur des bénéfices, mais seulement jusqu'à
concurrence d*un intérêt de 5 0/0. Les actionnaires recevront encore
i/4 des bénéfices ^i excéderont ce pour cent, comme cela a eu lieu jus-
qu'à présent.
Mais les dividendes diminueront encore du fait de l'augmentaiion du ca-
pital ainsi que du fonds de réserve. En effet, une fois ce dividende de
3 1/2 0/0 prélevé, en doit, avant ioute autre répartition, affecter 20 0^0 du
restant au fonds de réserve» taajt «que icelui-ci n'atteindra pas les 2/5 du
capital social. Or le fonds de réserve qui était jusqu'ici de 30 millions de
mai ks entièrement versés devra donc atteindre le chiffre de 60 millions
de marks.
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6J6 La VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
La disposition suivante est également fort importante : Les six banques
d'émission privées, à savoir les banques bavaroise, saxonne, wurtember-
geoise et bavaroise, la banque de Francfort et la banque de TAllemagne du
Sud doivent s'engager, sous peine de voir dénoncer leur privilège, à ne
jamais escompter d'effets à un taux inférieur au taux d'escompte officiel
de la Banque. On a justiûé cette mesure par les excellentes raisons sui-
vantes : Ces banques d'émission privées, escomptant en général jusqu^à
l'extrême limite de leur chiffre de billets libres de tout impdt, font l'es-
compte à un taux inférieur à celui de la Banque d'Empire et contrarient
ainsi toute la politique de cette dernière en matière d'escompte. C'est
ainsi qu'il pouvait se produire que les banques d'émission privées s'en
remissent & la Banque d'Empire, aux époques de crise et lorsque l'argent
était rare, du soin de fournir au public des moyens de paiement, tandis
que, pour leur part, elles suspendaient toute émission qui eût dépassé le
chiffre de billets libres d'impositions, parce que cette émission de billets
ne leur aurait plus rapporté aucun bénéfice. Mais en même temps elles
augmentaient encore les charges qui pesaient sur la Banque d'Empire en
faisant réescompter par elle une partie de leurs effets. Cette réglementa-
tion nouvelle des banques d'émission privées impose, il est vrai, à la
Banque d'Empire l'obligation de ne plus jamais escompter à Tavenir à un
taux inférieur à son taux d*escompte officiel, comme cela est arrivé autre-
fois à plusieurs reprises.
En faisant abstraction de sa haute importance au point de vue du droit
public et de la politique fmancière, nous devons reconnaître à ce projet
un caractère politique général et même il constituait une question de
parti. En effet, depuis un certain nombre d'années, c'est-à-dire, en
somme, depuis que le mouvement agraire s'est produit et a acquis une
influence considérable sur la vie publique en Allemagne, la question de la
Banque d'Empire jouait un rôle capital au point de vue politique. Les
chefs du mouvement agraire ne cessaient en effet de réclamer l'établisse-
ment du monopole absolu de la Banque d'Empire, laquelle n'est pour le
moment qu'une banque exclusivement privée, bien qu'elle soit placée, il
est vrai, sous le contrôle de l'Etat et, par suite, obligée de faire passer les
intérêts de ses actionnaires avant les intérêts de l'Etat et les exigences de
la prospérité publique. Tandis qu'à présent elle se borne uniquement à
satisfaire aux besoios de crédit de la haute finance et, à côté de cela, à
ceux de la grande industrie, tout au plus, elle aurait dû avant tout se
[«rëoccuper désormais de satisfaire aux besoins de crédit de l'agriculture.
A ces attaques d'une portée générale contre l'organisation actuelle de la
Banque d'Empire venaient s'en ajouter d'autres qui visaient la personne
Ju directeur de la Banque d'Empire, M. Koch, défenseur aussi convaincu
et énergique que circonspect du monométallisme-or, car sa présence con-
trariait en effet les espérances des bimétallistes et voilà pour quel motif
ceux-ci l'ont toujours attaqué de la manière la plus violente.
Lorsque fut présenté le projet de loi sur la Banque d'Empire les
attaques des agrariens et des bimétallistes furent appuyées d'un côté par
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ALLEMAGNE 6 1 7
toute une véritable littérature de pamphlets agressifs et, d'autre côté, par
une bruyante agitation populaire excitée par les antisémistes et plus
intense que jamais. Le mot d'ordre fut dès lors : établissement du mono-
pole de la Banque d'Empire. Pendant quelque temps il sembla que, grâce
à leurs relations avec le gouvernement et à Tinfluence qu'ils exercent sur
lui, les agrariens, profitant de la complaisance avec laquelle le gouverne-
ment avait accédé jusqu'à présent à leurs exigences, allaient peut-être
réussir à modifier complètement la Banque d'Empire qui paraissait courir
grand danger d'être transformée en une institution agrarienne. Mais, dans
cette conjoncture, le vif sentiment de la responsabilité qu'ils encouraient
l'emporta chez nos gouvernants sur toutes les influences agrariennes. Per-
sonne, pas même le favori des agrariens, M. de Miquel, ministre des
Finances, n'osa livrer un assaut qui n'eût pu entraîner que la ruine de
notre situation au point de vue financier et au point de vue de l'étalon mo-
nétaire, situation à présent excellente et que la Banque d'Empire perme
seule actuellement de maintenir en équilibre. Gela n'aurait servi en effet
qu'à tenter une expérience dont rien ne permettait de prévoir le résultat.
Aussi le gouvernement usa-t-il de toute son autorité pour faire passer le
projet et il y réussit sans beaucoup de peine, car les libéraux et les socia-
listes même prirent chaudement parti pour lui. Le projet fut voté à peu
près tel qu'il avait été présenté ; il n'eut à subir que des modifications
sans importance.
Dans le domaine de la politique sociale le Reichstag a déjà eu dans la
partie de cette session déjà écoulée à s'occuper en détail d'un projet
important qu'il étudie du reste encore à présent : il s'agit de la nouvelle
loi sur les assurances pour les invalides du travail.
Depuis un certain nombre d'années se multipliaient les plaintes au su-
jet de la difficulté que l'on rencontrait dans l'application de la loi sur les
assurances pour les invalides du travail, loi dont tous les partis avaient si
bien distingué les inconvénients lorsqu'elle fut présentée pour la première
fois au Parlement qu'il fallut toute l'autorité personnelle du prince de
Bismarck pour l'empêcher d'être repoussée. On avait déjà essayé en 1897
de remédier à ses principaux inconvénients au moyen d'un amendement
apporté à la loi déjà existante, mais cela n'avait nullement arrangé les
choses. Actuellement c'est un projet de loi entièrement nouveau que l'on
présente au Reichstag et les délibérations dont cette loi est l'objet n'ont pas
encore pris fin.
Si nous faisons abstraction d'un certain nombre de détails, nous recon-
naissons que, dans le projet de loi actuel, il s'agit avant tout de deux mo-
difications de principe. Tout d'abord il est question d'égaliser les fortunes
c'est-à-dire de réunir ensemble tous les biens que possèdent les diverses
caisses d'assurances. L'assurance contre l'incapacité au travail résultant
de la vieillesse est organisée de la façon suivante : au moment où la loi fut
votée, on a créé environ 24 caisses centrales d'assurances dont chacune
embrassait à peu près une circonscription administrative (Bezirk). On y
réunissait les contributions des patrons et des ouvriers de la circonscrip-
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618 LA VIE POLITIQUE ET PARtEMEI«(TAIRE A l'ÉTRANGER
tioii ainsi que les subventions de KEtat et tout cela était adrainislré à la
ft»<;on d'un cff pilai. On se réglait d'après le montant de ce capital pour
fixer le chiffre de la pension à aflribuer soit aux vieillards, soit aux inra-
li les du travail. Mais il se produit ainsi que les caisses d'assurances de la
Prusse Orientale et de la Basse Bavière par exemple, ne disposent pas
d'un capital suffisant pour garantir le chiffre des pensions courantes, tan-
dis que les sociétés de Berlin et des villies hanséaliques ont un capital
infiniment plus élevé qu*îl n'est besoin pour garantir Pe chiffre des pen-
sions. Le projet du gouvernement fart disparaître cette inégalité de la
façon "Suivante : chacune des caisses d'assurances continue à avoir un ca-
pital qui lui appartient en propre, mais, à côté de cela, doit être constituée
Une caisse commune au moyen des apports des caisses tes plus riches, et,
grâce à l'aiJe qu'elles en recevront, ks caisses ^es p!us pauvres seront
délivrées d'Une partie de leurs charges. Par exemple la carîsvse beriinoise
donnerait, sur les 45 millions de maries qu'elle possMe 27 mflNons à la
caisse commune. Toutes les caisses réunies remettraient en somme, sur
les 747 millions qu'elles ont acquis, 448 millions à la caisse commune et
elles conserveraient 299 millions comme leur propriété particuh'ère.
Eh somme, ÎI s'agit de diminuer les charges des caisses desservant des
districts agricoles aux dépens de celPes qui sont situées dans dfes distincts
pltttôt îndustriefs, et, naturellement, ce projet a soulevé une très vive résis-
tance chez les députés qui représentent ces dernières circonscriptions. Le
projeta du reste dans son ensemble un vague caractère socialiste ; il implique
upe expropriation et, ne Mt-ce que pour ce motif, il lui sera fort difficile
dé réunir au Reichstag une majorité.
Une seconde modification d'une importance capitale est celle qui a trait
à l'établissement de caisses de retraite locafes. Sous la direction des caisses
de chaque province doivent être établies environ 1.000 caisses de retraite
locales qui seront gérées par un seul employé nommé par la direction de
la caisse provinciale. Cet employé aurait à préparer les propositions ten-
dant à accorder ou à retirer une pension; it aurait également à don-
ner son avis sur la question ; il exercerait un contrôle sur le versement
des contributions et il donnerait des renseignements sur les accidenisqui
ont entraîné l'incapacité au travail. Cette mesure a soulevé dès à présent
au sein de la commission une vive résistance. On redoute en effet et sur-
tout la fraction libérale, qu'il ne résulte de ces dispositions nouvelles une
organisation encore plus bureaucratique que celle qui existe actuelle-
ment, laquelle cependant est déjà fort compliquée et empêtrée dans des
paperasses Inutiles.
On n'a pu achever la seconde lecture du projet de ïoî avant les vacances
de la Pentecôte, car leKeichstag semble être atteint d'tme incapacité chro-
nique de prendre une décision à ce sujet. Quel est le sort définitivement
réservé au projet après les vacances de ?a Pentecôte, c'est ce qu'il est im-
possible de prévoir avec quelque certitude, car toute décision dépend
d'une majorité de hasard et, par là même, flottante. Peut-être sera-t-iî
absolument impossible de résoudre la question au cours de cette session.
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aussi a-i-oo <l^ proposé de ne pas prononcer U d^tnre 4e k session
1899, mais de ne iâire qu'ajourner le Paiiement à l'automne.
Le sens dans lequel évolue actuellement la politique sociale en AUe-
magne a été indiqué par uue discussion d'un caractère purement tiiéori^pie
qui a eu lieu au Reichstag et a duré 4 jours. L'ootasion eu a été fournie
par trois projets assez anaiogœs dont les libéraux» les nationaux -libéraux,
et le centre avaieni pris Tiniiiaiive ei dans lesipiels ils demandaient la
création de Chambres ouvrières, c'est-4rdire d'institutioni anaUgues aux
Chambres de commerce ié}k existantes depuis de nombreuses années et
aux Chambres de nétiers réceonment orées. Cas ehambres ouvrières aur
raient été les représentants légaux et constitués en corps des intérêts des
ouvriers industriels. Les partis qui présentaient ces pro.^ts et qui, avec
les socialistes» constitnent les trois quarts de Tensamble du Reichstag,
s'accordèrent pour résister particulièrement sur le point suivant. Jamaia,
disent-ils, on n'arrivera à une entente entre les diverses classes sociales
si l'on ne respeeie le droit qu'a l'ouvrier de faire JbLbreinent son ckoix ti
si on ne lui reconnaît pas au point de vue légal des droits identiques à
ceux du patron» Mais c'est justement là le nseud de la question, car le
groupe d'bomsaes politiques peu nombreux, miais fort influent, que diriçe
le baron de Sturra, fait k ce projet une opposition violente. Les expériences
ne leur ont rien appris, car, s'ils veulent bien que l'on fasse preuve de
sollicitude à l'égard des classes ouvrières au point de vue politique et
social, ce doit être uniquement^ suivant eux^ d'une manière patriarcale,
c'est*à*dire que cette soUicitude ne doit dépendre que de U bonne volonté
du patron. Par suite ils ne voient aujourd'hui encore dans toutes les ten*
tatives qui dépassent leurs concessions, et, eo particulier, dans les théories
socialistes, que de simples « égarements » pirorenant d'une agitation sub*-
versive et que l'Etat devra combattre, le jour où cela sera nécessaire, en
osant d'une sévérité draconienne et en ayant recours à la force brutale.
Or, grâce à l'influQUce considérable qu exerce le baron de Sturm, et, en
particulier, sur la personne de TEmpereur, cette manière de voir est
presque devenue actu«lleflieni celle du gouvernement
U est juste de dire qu'elle n'est devenu» que presque officielle. C'est-là
en effet une opinion si eiUéme et si grosse de dangers que le gouverna
ment actuel lui^méoM hésite très fortement à l'adopter jusqu'au bout. Ge
qui le prouve, c'est aussi le sort réservé au projet de loi dit projet relatif
aux maisons de correction, et qui avait été annoncé dans des circons-
tances absolument sensationnelles. En septembre dernier, dans un discours
prononcé à Aymhausen au cours des manœuvres, l'Empereur avait annoncé
que ce projet était destiné à protéger le « droit au travail », mais, comme
on le vit bientôt d'après les commentaires ofûcieux, il ne s'agissait de rien
moins que de retirer en fait aux ouvriers le droit de coalition. Depuis
environ six mois E se répand de temps en temps dans le publie la nou-
velle que le Conseil fëdiéral a d^à discuté le projet dans tous ses détails
et qu'il sera déposé au Reicfastag « avant peu n. Mais jusqu i présent, par
conséquent jusqu'à ia Pentecôte, on n'a encore non vu venir. On co■l^
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620 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A L^ÉTRANGEK
prend que le gouvernement hésite en présence de Tagilation profonde qni
s'est emparée de toute la population ouvrière de TAllemagne dès qu'on a
annoncé le projet en question. Il ne doit pas non plus oublier qu'un
projet de ce genre ne parviendrait pas, selon toute vraisemblance, à
réunir une majorité au Reichstag. En tous cas si ce projet devait être pré-
senté tel qu'il a été annoncé par l'Empereur et si on lui prête ensuite
l'esprit que veut y introduire le baron de Sturm, on aboutirait nécessaire-
ment à une crise intérieure des plus graves.
Parmi les divers projets de loi discutés au Reichstag celui qui concerne
Ses postes et télégraphes mérite d'être mentionné. Il vise à rendre complet
et absolu le monopole de la poste impériale, monopole restreint actuelle-
ment par le droit qu'ont des postes privées de faire le service des lettres
dans les grandes villes et, par suite, à faire supprimer aux postes privées
présentement existantes le droit en question. Dans un projet présenté
autrefois au Parlement, on avait essayé de faire de cette mesure l'objet
d'un simple décret sans avoir égard aux nombreux intérêts qui se trou-
vaient lésés par là même et aux existences que l'on allait briser. Mais le
Reichstag a obligé M. de Padbielski, secrétaire d'Etat des postes et télé-
graphes, à accorder aux postes privées et à leurs employés de larges
compensations, pour ceux du moins qui ne passent pas tout amplement
au service de l'Etat.
Il s'agit en outre dans ce projet de loi d'importantes modifications à
apporter aux tarifs, en particulier, aux taxes d'affranchissement pour les
journaux qui seraient calculées désormais d'après le poids et non plus
d'après le prix de l'abonnement. D'autre part, on porterait de 15 à 20 gram-
mes le poids maximum autorisé pour une lettre ordinaire. EnOn il y a un
projet spécial se rattachant au premier et établissant un règlement uni-
forme pour les téléphones de l'Empire.
Parmi les travaux législatifs du Landtag de Prusse, leplus important et
le plus intéressant au point de vue politique est le projet de loi relatif à
la construction d'un canal. Il s'agit de construire un vaste canal cen-
tral qui coûterait environ 250 millions de marks, mais réunirait les trois
grands fleuves de la partie occidentale de la monarchie prussienne : le
Rhin, la Weser et l'Elbe. Gomme les fleuves de la partie orientale : l'Oder
et la Weichsel sont déjà réunis à l'Elbe au moyen de canaux navigables,
on établirait ainsi une vaste voie de navigation qui traverserait toute la
Prusse de l'ouest à Test; mais ce projet se heurte de divers côtés à une
vive résistance. D'une part, c'est l'industrie silésienne qui craint que les
transports bon marché par eau ne laissent affluer vers l'est de l'Allemagne
les produits industriels de la vallée du Rhin inférieur ainsi que les charbons
de la vallée de la Ruhr et que l'industrie locale ne se trouve par là même
éliminée du marché. Les agrariens n'opposent pas une moins vive résis-
tance : à leur avis le canal central faciliterait l'importation des blés étran-
gers, ferait baisser le prix du blé en Allemagne et porterait ainsi à l'agri-
culture un grave préjudice. Or les agrariens appartenant au parti conser-
vateur ou au parti du centre, en s'unissant avec les représentants des
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ALLEMAGNE 621
intérêts de rindastrie silésienne, réunissent à la Chambre des députés une
forte majorité et ainsi s'explique que, en dépit de Tattitude résolue des
représentants du gouvernement, le projet de construction du canal en
question ait été rejetée par la Commission. Il est impossible de prévoir le
sort définitivement réservé à ce projet après la Pentecôte. Il ne s'agit pas
seulement ici de considérations d'ordre purement économique, mais de
questions générales de politique intérieure et, en particulier, du caractère
que vont prendre les rapports entre le gouvernement et les agrariens. Le
gouvernement ne peut pas abandonner tout simplement un projet pour
lequel il s'est déjà engagé et a mis en jeu toute son autorité et en faveur
duquel l'empereur est déjà intervenu personnellement. D'aulre part, dis-
soudre la Chambre des députés à ce propos ce serait déclarer la guerre aux
agrariens et aux conservateurs qui, du reste, ne font à peu près qu'un sur
cette question. Or, c'est sur ces deux partis que le gouvernement s'appuie
pour tout le reste de la politique : un décret de dissolution équivaudrait
donc à une transformation radicale de sa politique intérieure.
La troisième solution possible serait que le gouvernement exerçât une
pression formidable afin de s'assurer, grâce aux conservateurs gouverne-
mentaux, une faible majorité en faveur du projet. Mais cela réussirait-il ?
En tous cas, le sort que subira ce projet aura une importance considé-
rable au point de vue de l'orientation future de notre politique intérieure,
surtout si l'on songe au prochain renouvellement des traités de commerce
pour lesquels le caractère des rapports du gouvernement avec le parti
agrarien jouera un rôle décisif.
Le Landtag de Prusse s'est de plus occupés, ainsi que tous les Landtags
d'Allemagne au cours de la présente session, des lois d'introduction
devant figurer dans le Code civil. Il s'agit là, en partie, de travaux juri-
diques aussi compliqués que difficiles et ils sont même si peu avancés que
Ton a déjà discuté une proposition tendant à reculer encore d une année,
c'est-à-dire à ajourner jusqu'au! «'janvier J901 le commencement des tra-
vaux destinés à la promulgation du nouveau Code civil. On faisait valoir
comme argument que c^est seulement à cette date que commence le
XX* siècle, à lavis, du moins, du monde scientifique. Mais il ne semble
pas que cette proposition, qui contient implicitement un aveu d'impuis-
sance, ait pour le moment la moindre chance d'être adoptée.
Dans les débats du Landtag, la question des rapports du gouvernement
avec la ville de Berlin a joué à plusieurs reprises un rôle aussi important
que les expulsions du Nord du Schleswig dont nous avons d-éjà parlé pré-
cédemment. Il s'agit là d'un coi^it qui, sur certains points tout à fait dif-
férents, est déjà même engagé/ Sur la majorité des questions soulevées à
ce sujet il n'y a encore qu'un confiit latent, mais qui peut très rapide-
ment devenir aigu. Ce conflit a pour point de départ la célébration du
50« anniversaire de la Révolution de mars 1848 et la décision adoptée à ce
sujet l'année dernière par le maire et la municipalité de Berlin : les tombes
des victimes de mars 1848 doivent être remises en état et entretenues avec
tout le soin convenable. Le portail de l'entrée du cimetière devait rece-
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622 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
Toir une grille en fer forgé avec cette insci-iptÂoii : Cimetière desTictimes
de mars 1848.
Mais le GouverDement^ ou du moins certains milieux influents, consi-
dérèrent cette inscriptiou comme une apologie de la Révolution et voilà
comment la police chargée d'autoriser les constructions n'a pas encore au-
torisé à rheure qu'il est,, après plus d'une année écoulée, la pose de cette
grille en fer forgé. Bien plus, ou a profité de cette occasion pour ne pas
encore notiOer au maire adjoint de Berlin, qui a été maire prrnci|Mil il y
a bientôt un an, si le roi consentait à ratiûer sa nomination ainsi que
Texige la Constitution. De plus, le Gouvernement a tenXé à plusieurs re*
prises d'empiéter sur le droit dont jouit la ville de s'administrer elle-même,
et cela particulièrement en ce qui touche aux écoles municipales. Tout
ceci a provoqué chez la population berlinoise qui, au point de vue poli-
tique est franchement libérale et même en bonne partie socialiste, un
extrême mécontentement. On suppose de plusieurs cdiés q^ue les milieux
gouvenieraeutaux font tout pour amener un conflit avec la ville de Berlin
et que c'est en vue d'arriver à ce résultat qu'ils profitentdes moindres oc-
casions, même des plus mesquines^ Quoiqu'il en soit, il y a dès à présent
assez de sujets de conflit pour que cette question puisse être appelée plus
tard à jouer un rôle important dans notre politique intérieure..
2" Lois en [préparaiioxu
EMPras
1. Invalides du travail. — Projet d'une loi sur les assurances en leur Tavear
(imprimés du Reichstag, n* 9B du 19 janvier 1899.)
2. Posseaseurs de reconnaisaaneea de dettea. — Projet d'une loi concei^
nant leurs droits communs (n* 105 du 3 février). — Il s'agit de rendre possible
au point de vue légal la création d'organisations chargées d'établir les droits
communs des possesseurs de reconnaissances de dettes.
3. Banques hypothécaires. ~ Projet de loi (n« 108 do 3 février). — Pre-
mier essai tenté par l'admiAlsteation impériale ea vue d'une fixation juridique
complète des banques hypothécaires.
4. Code de procédure civile. — Projet de loi concernant les modiflcations
à y apporter, ainsi qu'au code de procédure criminelle et les peines à inflijrer
pour fausses dépositions n'ayant pas été faites sons la fot du serment (n» lt)64a
3 février). — U s'agit ici surtout, conformément à plusieurs propositioas dont le
Reichstag a pris l'initiative, de remplacer, dans ce projet émanant du gouverne-
ment, le serment préalable par un serment ultérieur à la déposition; de limiter
le nombre des dépositions faites sous la foi du serment et des fausses dépositions
faites devant les tribunaux sans avoir prêté serment.
5w Code pénaL — Loi concernant les modifications et les Qom(»léments à y
apporter (n^ 112 du 3 février). — Le projet du guuvernement est conçu dans le
môme esprit que la « lex Ileintre » (Cf. la Chronique de janvier).
6. Régime postal. — - Loi concerpant les modifications à apporter à ccrlarnes
de ses disposition» (n" 116 dw 6. février).
7. Bétail. — Loi concernant le bétail destiné àrabattoiret rinspection de la
viande (n» 138 du 17 février).
8. Règlements qui régissent le travail. — Loi concernant les modifications
à y apporter (n» 165 du 2 mars). — Il s'agit surtout de certaines prescriptions
relatives au fonctionnement des bureaux de placement et à Remploi de commis-
saire-piiseur, à l'adoption des carnets indiquant les salaires et de biUets de tra-
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Tail, et enfin aux conditions dans lesquelles pensent être employés comme yen-
deurs des aides, des apprentis ou des ouvriers.
9. Tranonissions télégraphiqnes. — Loi (n*» 170 du 10 mars).
10. Droit de p«viUott. — Loi relative au droit de paviflon des navires appar-
tenant à la marine marebanëe (m^ 179 du 10 mars).
11. Canal de l'Empereur Gwillaunve. — > Loi fixant le tarif du passage dans
ce canal (n^ 250 du 27 avril).
12. InTalides. — Loi sur l'affectation des fonds appartenant à la caisse impé-
riale pour les invalides (n* 249 du 4 mai). ~ II s'agit d'augmenter la pension de
certaines catégories de vétérans invalides.
13. Dettes de l'Empire. —Projet d'une réglementation de ces dettes (n» 268
du. 4 mai).
14. Budget. — Annexes à la loi du budget (n*" 292 et 298 du 12 mai).
3<> Lois votées*
Empirb
1 . AJbace-Liorraiiie. -*- Loi budgétaire pour FAIsaoe-Lorraint et les colonies
{Bulletin des Lois de VEmpire, n» 6 du 27 février 1899;.
2. Tarif douanier. — Loi relative à la transformation de ce tarif douajiier
(n*? du 6 mars). — Les droits sur la soie brute et la soie non façonnée sont
fixés à 300 marks par 190 kilogs.
3. Sénat particnllMr à U BaTière. — Loi relative k sa eonsUtation auprès
du tribunal militaire de TEmpire à Berlin (do 8 du 9 mars). — L'adoption de
cette loi a permis de concilier ce qu'on appelle les droits de réserve de la Bavière
avec Tunité que doit avoir la juridiction militaire fCf. la Chronique de janvier).
4. Loi budgétaire pour rÊmpire allemand (n* 10 du 25 mars). — Les dé^
pensés et les recettes se fo«i équilibre avec «n cbiffre de 1.551.709.399 marks.
Sur les dépenses sont affectés ; 1.300.309.853 marks aux dépenses ordinaires;
163.010 958 marks aux dépenses extraordinaires du budget ordinaire;
88.388.588 marks aux déprenses extraordinaires du budget supplémentaire.
B. Emprunt. — Loi autorisant un emprunt (n*» 10 du 25 mars). — H s'agit
d'wn emprunt de Î^.C98.588 marks pour Tarmée impériale, la marine et les che-
mins de 1er de l'Espire.
6. Excédents daa recettes de l'EUnpire. — Loi sur leur affectation à
l'amortissement de la dette ;n<» 10 du 25 mars^. — Le montant de cette somme
pour l'exercice 1898 est porté de 130 millions de marks à 172. 100.000 marks.
7. Bfféctifa préaenta. — Loi relative à ces effectifs en temps de paix dans
raxmée allemaod* (bT 11 du 25 mars), el loi eoncemaat les modifications à
apporter à la loi militaire de l'Empire, ibid. \ voyez plus haut].
Prusse
1. Loi budgétaire. — [Bulletin des Lois des Etats de Prusse, Ti9 9 du 27 mars).
Le budget s'écfuilibre. Recettes et dépenses se montent à ?.32d.284.098 marks.
Les dépenses se répartissent comme il suit : 2.187.1&4.288 marks pour dépenses
ordinaires; 139.120.410 marks pour dépenses extraordinaires.
11. — SUISSE
Par M. NuMA. DROZ, Ancien Président de la Confédération Suisse,
1» Oliromqae politique et parlementaire.
Peuple sage, uous le fûmes, le souuneA-noos encore autant? A voir
Tardeur de dépense qui s'est emparée de noua et qui nous enlraix>e dans
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624 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
une course rapide vers le déficit chronique, on pourrait en douter. Les
gens qui sont dans un train lancé à toute vapeur trouvent en général du
charme à marcher si vite, mais ceux qui se rendent compte que le méca-
nicien n'a peut-être plus sa machine en main tremblent à la pensée du
déraillement probable. Si le mécanincien ne sait pas ralentir Taliure
pour rentrer peu à peu dans la marche normale, un moment arrive où le
poids du train s'y oppose. Avons-nous déjà dépassé en Suisse ce point
critique? Non, certainement, mais bien des raisons me font croire que
nous y touchons.
Peu de jours avant le nouvel an, un de nos économistes suisses les plus
éminents m'envoyait un travail très documenté sur notre politique doua-
nière et financière.!! m'écrivait à peu près ceci : « Vous voyez comme ce
travail vous donne raison, mais je vous prie de le garder secret pour ne
pas révéler une situation qui devient inquiétante. » Je lui répondis en
substance : « Je garderai le secret sur votre communication puisque vous
le demandez, mais je crois qu'il serait plutôt dans l'intérêt du pays de pu-
blier ces choses. Gomment sans cela ouvrir les yeux aux gens? Le vrai pa-
triotisme consiste à avoir le courage de parler en temps utile. >
G*est à cette conviction que j'obéis en exposant pourquoi j'estime que
nous marchons trop vite et pourquoi je suis convaincu que si l'on n'a pas
le courage et la force de ralentir le mouvement, nous aboutirons à une
situation très fâcheuse pour l'indépendance économique de notre pays.
D'abord au point de vue fédéral. Dans les quinze dernières années, sans
qu'aucune revision constitutionnelle importante se soit produite, ou sans
que, comme c'est le cas pour l'assurance obligatoire et la banque cen-
trale, cette revision ait pu encore déployer ses effets, — en d'autres
termes sans que les cantons aient cédé au pouvoir central une part no-
table de leur souveraineté avec l'accroissement de charges correspondant,
— les dépenses fédérales ont plus que doublé. Voici les chiffres à l'appui :
1885 i89l 1899 (budget)
46.278.636 fr. 73.012.238 fr. 98.606.145 fr.
De leur côté, les recettes ont suivi la marche ascendante que voici :
iS85 1891 1899 (budget)
48.392.697 fr. 69.041.928 fr. 96.525.000 fr.
J'ai pris 1891 comme terme moyen de comparaison, parce que c'est
l'année qui a précédé l'entrée en vigueur du nouveau laiif douanier, dont
nous allons voir les effets sur la politique fédérale.
La rupture de l'équilibre financier que révèle l'année 1891 et qui devait se
prolonger encore sur dfeux exercices (1892 : recettes 75.961.135 fr.; dépen-
ses 86.246,942 fr.;~ 1893 : recettes 78.226.256 fr.; dépenses 86.301.439 fr.)
provenait essentiellement, on peut dire uniquement, de l'augmentation
passagère du budget militaire, motivée par l'introduction du fusil petit
calibre et par les travaux de fortification. En voici la preuve :
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SUISSE
625
llfO
21.578.442 fr.
Dépenses militaires,
1891 1892
1893
25.204.474 fr. 36.152.149 fr. 32.320.076 fr.
1894 1895
24.780.828 fr. 23.012.361 fr.
Ces dépenses extraordinaires ont servi d*occasion bienvenue au parti
protectionniste pour demander le relèvement des tarifs. Ju8qu*en 1891, le
produit des douanes avait été de :
1885 21.191.434 ff.
1886 22.395.167 —
1887 24.632.285 —
1888 26.086.144 —
1889 27.636.051 fr.
1890 31.258-296 —
1891 31.5i3.324 —
Comme on le voit par ces chiffres; la seule marche ascendante régulière
du rendement douanier eût suffi pour rétablir l'équilibre momentané-
ment détruit par Taugmentation passagère des dépenses militaires. Mais
les protectionnistes ne voulaient pas laisser passer cette occasion favorable
de jeter le cri d'alarme. Ils réclamèrent donc des tarifs très élevés qui
devaient servir à double fin : négocier les nouveaux traités de commerce
et remplir la caisse fédérale de manière, disait-on, qu'il restât un rende-
ment net de 33 à 35 millions. Eu vain quelques voix courageuses s'élevè-
rent dans les Chambres et dans le pays pour combattre ces relèvements
exagérés. Les opposants furent taxés de mauvais patriotes, et le tarif géné-
ral triompha dans la votation populaire du iS octobre 1891 par 220.004 voix
contre 158.934.
Voici les recettes encaissées dès lors :
1892 36.032.733 francs.
1893 38.378.517 —
189^1 41.200.681 —
1895 43.279.726 —
1896 46.269.225 francs.
1897 47.898.510 —
1898 48.807.512 —
1899 47.500.000 — (budget).
C'est ainsi que d'un peuple qui fut longtemps à peu près libre échan-
giste, nous sommes devenus, avec l'Espagne, celui d'Europe le plus lourde-
ment imposé sous le rapport douanier, comme en font preuve les chiffres
suivants :
Produits des douanes PopuliUon Par i6te
Allemagne
Autriche-Hongrie.
France
Italie
Espagne
Russie
Suisse
500.805.000 fr.
109 342.000 —
460.845.000 —
245.000.000 —
306.r/3.000 -
677. 040.000 —
48.807.000 —
(1)
(2)
(3)
(4)
(5}
(6)
a)
52.279.901
41.384.956
38.519.975
31 479.217
17.565.632
123.931.827
3.000.000
9fr. 60
2 — 50
11 — 90
7—70
17- »
5— »
16-25
(1) Budget de l'Empire pour 1898-99.
(2-3) Budget pour 1898.
(4-5) Budget pour 1899.
(6) Budget pour 1898.
(7) Comptes pour 1898.
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«Î6 LA VIE POLITIQUE ET PABLEMENTAIRE A LÉTRANGEh
Qu'avons-nous fait de tout cet argent qui, comme un >Tai Pactole, s'est
mis à couler, pendant les sept dernières années, dans la caisse fédérale?
Nous avons déjà' dit qu'aaeane grosse occasion de dépense, résultant
d'une révision constitutionnelle, ne s*était présentée. On a donc dépensé
davantage pour les mêmes buts. Deux rubriques ont principalement
abKirb^ ces énoroies mieox-valuefi :
i o L^augmenlatioa des traitements et aassi éa nombre des fonciteiiiiaires
«t employés;
2o Les subventions.
Voici des tableaux qui montreat ce qui a été Cait sous ce do«iMe rap-
port :
I . — Traitements.
{Bemargue essetUieUe. — Des remaAiements s'étaat ]^od«its 4 diverses
reprises dans la composition des départements, les chiffres cemparatifs
ci-^iessouâ n'ont pas «n caractère absolu, ce qui a'empôcbe pas l'easeuble
d'être généralement juste.)
!foiiibre d'employés TraîtMMnts
1885 1891 1899 1885 1894 1699
CkanoeUerie fédéra^.. 21 21 U lOSt.dÛO 109.309 146.100
Département poUtique. 2 2 12 9.600 d.8û0 d2.400
Intérieur et Travaux
publics 24 40 110 120.800 195.000 339.800
Justice et Police 7 17 51 26.600 56.200 230.«00
MiUtaire 408 436 506 I.^IO.OM 2.700.000 1.815.000
Finances et douanes :
«"SSsTm^nU. '!':';' ^ s» ^J,i,îl.205.<«0 1.745.000 2.e«).000
Commerce et Agricul-
toTC 28 i06(2) 136 (po8l«») 138.O00 295.000 430.000
Postes et Télégraphes :
administraUon centrale 58 92 131(télég.) 8.750.000 13.700.000 20.ri0 000
arrondissements 2.120 3.430 6.160(3) 1.630.000 2.390.000 3.945.000
Chemins de fer « W ^ 9».tQQ 168.305 391.400
3.098 4.665 8.180 Fr.13.291.700 21.?68.6C0 31 019.500
H n'est pas possible de se rendre un compte exact par ce taMesu des
augmentations de traitement qui ont eu lies, car le nembre des petits
fonctionnaires postaux et télégraphiques a été considérablement aug-
menté d'une période à Tautre, ce qui £ait baisser la moyenne des traite-
ments. Mais le Conseil fédéral lui-même reeoniMit dcms son mosnege pour
le budget de 1899, que c'est la nouvelle K»i sur les traitements qm «bsorbe
les excédents de recettes.
(1) Non compris les gardes frontière.
{2} Y compris les vétérinaires.
(3) Non compris les facteurs et les conducteurs; les contre-maTtr^s, ourriers,
palefreniers, etc., des diverses régies ne figurent pas non phis decms ce tableau.
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suisse 627
Ce déTeloppement colossal du personnel, joint à Tangnienfation des
traitements, a en ponr conséquence qne le coefficient d'exploitation de
nos services publics s'est élevé dans une proportion notable. Pour prendre
deux des principaux services productifs, les postes et les télégraphes, voici
des données caracléristiqnes :
Postes.
RecflUcs brutet Piodmii net CMfBcicnl d'exploitation
ÎS85 «.«M. 64« francs- 1.508.13e francs. 810/0
1891 S5.37L.tD9 — 1.688.897 — 93 0/0
1899 32.499.000 — 566.000 — 98 0/0
Ici, la diminution relative et même absohie, si alarmante pour 1899, du
produit net, est due avant tout à l'élévation du total des traitements, compa-
ratifement aux recettes èmtes, ainsi que les ckiffres suivants l'établissent :
18S5 8. TjO. 065 francs. coefficient 58 0/0
1891 12.d44.'284 — — A 4T 0/0
18W ^.lîa^ÛO — - 62 0/0
Télégraphes et téléphones.
Receltes brutes Produit net Coefficient d'exploitation
1885 1^«8afa.604 francs. 217.792 francs. 93 0/0
1891 4.387.796 — 860.537 — 80 0/0
3899 9.484.000 — o — 100 0/0
Ici, également, l'élévation du chiffre total des traitements joue lu rôle
considérable sur l'absorption du rendement net ; mais la proportion des
dépenses pour traitements avec les autres dépenses est moins frappante
que pour les postes, à cause des sommes énormes dépensées poor l'instal-
lation des téléphones. On peut du reste établir cette proportion.
Ainsi en 1885, on dépensait :
Pour construction et entretien des lignes télégraphiques.... 170.1^ francs
— — téléphoniques 171.210 —
Pour appareils télé^aphiques 3.222 —
— téléphoniques llt,4<9 —
Plus intérêt de l'inventaire 48.233 —
500.2M francs
tandis que, pour 1999, ces dépenses représentent ensemble, y compris les
intérêts et l'amortissemment du compte ée construction, 4.886.600 francs.
Si l'on défalque de part et d'autre ces deux chiffres du total des dépenses,*
on arrive aux résultats suivants :
i«85-. 2.655.S12 francs. 500.246 francs- 2.155.566 francs.
1899 9.484.000 — 4.486.680 — 4.597.400 —
Par conséquent, les trai^evienls ayant ^té en 1985 de 1.630.S8i francs,
1b coefficient d'exploîtatikm était, sous ce rapport, de 7S^ p. iOd ; pour 1899,
avec 3.97S.0M francs 4e traitement, ie ooefficîent monte 4 86 p. 100.
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628 LÀ VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A L ÉTRANGER
Encore une fois, je ne prétends pas donner à ces comparaisons une valeur
absolue, mais elles servent à établir une des causes essentielles de la
rupture de notre équilibre financier.
C'est un phénomène caractéristique que celui qui se produit dans un
pays voué à Tétatisme : le fonctionnaire arrive à considérer le service
qu'il gère comme son domaine, dont tous les fruits doivent lui appartenir.
Le service est là pour le fonctionnaire, non le fonctionnaire pour le service.
Le public n'est plus considéré que comme matière exploitable; si on lui
accorde des faveurs, ce n'est pas dans son intérêt, mais dans celui de
l'administration, c'est-à-dire du fonctionnaire qui espère retirer davantage.
SUBVE^ITIONS.
Certainement que le public, surtout dans une démocratie comme la nôtre,
ue manquerait pas de réclamer vivement, par ses organes naturels, qui
sont en premier lieu les députés et aussi les autorités cantonales, contre
les prétentions du fonctionnarisme, si Ton n'avait pris soin de fermer la
bouche à ces organes en les comblant à leur tour de faveurs budgétaires.
Les chiffres que voici parlent éloquemment. Ils montrent comment l'admi-
nistration a su gagner la connivence non seulement des députés et des
autorités cantonales, mais des gros bonnets de l'agriculture et de Tindus-
trie, de ceux qui font la pluie et le beau temps dans les régions popu-
laires et qui, une fois satisfaits, sont portés à envisager que tout est pour
le mieux sous le meilleur des régimes financiers.
1885 1891 1899
Subventions aux cantons
pour travaux publics
(routes, corrections de
rivières et forêts) 734.007 francs. 1 .770. 138 francs. 4.796.000 francs.
Subventions pour des buts
scientifiques ou artisti-
ques 160.067 — 552.000 — 823.790 -
Subventions pour l'ensei-
gnement professsionnel ,
industriel et agricole
(expositions, etc.) 201.201 — 730.676 — 2.128.975 —
Subventions pour Fagri-
culture 191.200 — 575.683 — 2.109.000 —
1.286.575 3.638.497 9.857.765
Et je n'ai pas tout énuméré. En somme, il n'y a pas une société, pas un
groupe qui n'ait part à la manne fédérale. On ne sait plus rien faire sans
tirer la sonnette à Berne. Naturellement, Tesprit d'indépendance s'en va
ou ne se manifeste plus que pour élever des exigences toujours croissantes.
C'est la lèpre qui ronge notre démocratie.
Sans doute, la plus grande partie de ces subventions vont à des buts
utiles. Mais leur grave défaut, outre qu'elles sont un instrument de servi-
tude, c'est de tourner dans bien des cas à l'enrichissement de privilégiés
h^
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SUISSE 629
aux dépens de la masse des contribuables. C'est surtout ce qu'il advient
des subventions à Tagriculture; elles descendent en pluie d'or sur les gros
paysans qui, parce qu'ils ont déjà par eux-mêmes le moyeu d'avoir les
plus beaux taureaux, les plus belles génisses, les plus beaux étalons, les
plus belles juments, les propriétés les mieux entretenues, sont encore'
récompensés par TElat de ce que la fortune a bien voulu répandre sur eux
tous ces bienfaits. Et c'est la masse des consommateurs, dont les droits de
douane ont été doublés, qui font les frais de ce large festin servi aux riches !
Voilà comment la démocratie sait faire fleurir le favoritisme à l'égal des
régimes les moins égalitaires.
Dans cette conception, qui fait de l'Etat le distributeur de tous les
biens, il ne faut pas être surpris si les classes ouvrières veulent avoir leur
place à ce banquet somptueux. On la leur a promise sous la forme des
assurances, mais lorsque le moment est venu de tenir cette promesse, on
s'est aperçu qu'on manquait d'argent. Les fonctionnaires et les riches
subventionnés avaient tout pris. Au même moment, les instituteurs pri-
maires réclamaient aussi des subsides pour améliorer leur situation. Il n'y
avait plus rien en caisse, sans parler des obstacles constitutionnels et poli-
tiques auxquels se heurtait leur demande.
Huit millions pour les assurances, — ces huit millions ne suffiront pas
de bien loin, comme l'exemple de l'Allemagne et de l'Autriche le prouve —
deux millions pour l'école primaire, où les prendre? En élaborant ces pro-
jets, on avait compté sur les bonis annuels*, mais ils sont en voie de se
transformer en déficits comme le tableau ci-après le montre.
Bonis Bonis
1S94 371.500 fr. 1897 4.^39.178 fr.
1895 3.602 955 fr. 1898 1.167.511 fr.
1896 7.702.732 fr. 1899 (déficit prévu). 2.081.145 fr.
Cette situation a forcément appelé l'attention des Chambres. M. Ilauser,
chef du département des finances, a, dans la session de décembre, déclaré
catégoriquement qu'il n'était pas possible de subventionner l'assurance
sans créer de nouvelles ressources. M. Cramer-Frey, président de la Com-
mission du budget au Conseil national, a, de son côté, signalé les engage-
ments déjà pris qui grèveront d'autant les prochains budgets et qu'il a
évalués à 30 millpns (à cette somme il faut ajouter en tout cas une ving-
taine de millions pour la transformation de l'artillerie) ; — il a montré la
nécessité de faire des économies. Le Conseil fédéral a été invité à présenter
un rapport sur les moyens de rétablir l'équilibre financier, et ce rapport
doit être discuté dans la session de juin ou peut-ôlre dans une session
extraordinaire en automne. Comme les élections générales ont lieu fin
octobre, les députés tiennent naturellement à pouvoir donner aux élec-
teurs des déclarations aussi rassurantes que possible.
Un particulier qui se trouverait dans cette fâcheuse posture regarderait
REVUE POLIT., T. XX 41
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ê'èO LA VIE POLITIQUE ET PAItUEMENTAIRE A l'éTRANGEK
certaûaettent ea prmuier hmi aux éceaomies qm'tï jumt apporter h stm
train de maisofw et ne se fierait pas trop à des luignaataftiond de reY«BBs
toajoiirs aléatoires, suivait le mot si juste da bonhoonae Rleiiaré : « La
dépense thi eeriaiDe, la recette ineectaine h^ Mais les Etats ne songent
généralemest à ïéoou^mûe qu*en teiit dender lîeH. £lie tear est dTaflleors
presque iiiip«w6tJble^ car na parti an ponreir ne peni s'y mainleiitr qu'en
satisfoisant sa ulieiUèlie» et ou parti qui aspire aa ponvsir a aossi kien des
appétits à eonteatec. Les gouvernements Traiment restaarateurs sant ceux
q«i, tout en arrêtant le (Ut des dépenses iMUffcUes, savent canfaler les
déficits au moyen des anciennes ressources. Cette peidiqae serait actuel-
lemeni la meilleure à WTFe. [Il est cependant dovAen q«'eii Tadopèe.
Le moi d'ordre des étatiates esl es elTet qu'à faut créer de nouv^es
ressovrces. On indiqne po«r cela le mofkopohe des taliacsy un inqpôl sur k
bière, de nouveaux relèvements des droits d'enbrée. Mais le sealzmeat
populaire se montre jusqu'ici hostik asx deuoc premiiers m^es d'imposi-
tion, et quant aux relèvements douaniers, ils ne pourraient déployer Jenrs
effets, sauf sur quelques articles noQ liés par les traités de eoameree, tels
que les céréales et le pétrole, arant l'éefaiéaaee de ces traités, soit avnot
1903.
Ce que donnera^ dans ces dffeof>slâj>ces> la discussion dm rapport du
Conseil fédéral, on ne peut guère l'escompter» il est fort probaUe que ks
commissiotts- ^es Ciiambres trouverafit qoeèque dbose à rugnet par ci par
là et proposeront é'inrriter le Conseié fédéral à faire des propositions uMé^
Heures sur les rsssources à eréer. On voudr&anrteut se bercer de FesfMir
que les recettes douanières continueront à aller crescendo y et, en effet,
jusqu'ici elles n'ont jamais manqué à l'appel. Tout cela, cependant, ne suf-
fira pas pour faire face à l'assurance obligatoire, et la loi qui l'institue
risque donc de rester entre ciel et terre, comme la loi française sur les ac-
cidents en a aussi été menacée. Heureux arrêt, qui permettra de réfléchir
encore avant de se précipiter dans le gouffre où nous ont précédés l'Alle-
magne et l'Autriche I
Au point de vue des flnances cantonales, ta situation n'est pas moins
inquiétante. Un de mes amis, qui est en voie de préparer un travail très
étudié sur ce sujet, — non pas pour le gardtr secret, mais pour lui donner
tonte la puMkilé possible, — m'en a montré récemment les priaeipaks
données statistiques. Il en résulte, que depakt885, lescaulotta et leseom-
raunes ont à peu près douMé leurs dépenses, mais comme ks impMsy déjà
trop lourds, ne pouvaient marcher du même pas, on s^est contenté de ks
relever d'environ 60 p. 190. le reste a été demandé à Temprunt .T«nt que
le taux de l'intérêt oscillait entre 3 et 3 i/2 p. 100, les emprunts pnbbcs
ont troui^ un placement facile, mais aujonrdtiui que Tinduatiie absorbe
tant de capitaux, ce genre de placement est presque oempèètement délaissé.
'Aussi en a vu des émissions comme celles de k vilk et du canton de Zu-
rich, offertes à 3 i/2 el 3 3/4, faire un pitenx fkseo. C'est, du reste, à
mes yeux, un vrai bonrlie«r pour notre mén^e public que ce raochériKe*
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ment an l«fyer de rarftef»t, poisqir'rl 4ah oudevrartaTotr potnr caaséqiMiH»
de rendre les autorités phzs oircoD»pectes en matière de dép>enses. Je me
hâte d'ajouter eependani que ma foi <lana leur prudence est peu robuste.
|1 faudrait de plus dures lecoDs de choses pour assagir la géuératLodi cou-
temporaine. Du train dont on y ra, ces leçons ne hjà feront ûettaLnement
pas défaut, en Suisse conuoie à peu près en tons paysi.
Une de ces diu^s leçons de choses semble devoir être le rachat des ohe^
mins de fer, dont it faudra hiesirtôt préparer la partie financière, le rachat
devant s'effectuer eo 1903. Une commissioD extraperkmentaire vi«nt d'être
constituée dans ce but, et le Tribunal fédérai a déjà pcoDonoé^ à. propos
du chemin de fer Central, sur un certain nombre des questions litigieuses
que fait naître le rachat forcé. Chose à laquelle on ne s'attendait sûremient
pas, le juge, en donnant raison sur divers poiats au Conseil fédéral» a ù^ax-
sidéreblement renchéri le prix de rachat. Cela tient à ce que» lorsque les
mesures préparatoires, législatives et administratives» ont été décrétées,
le Conseil fédérai e(Mnptait quH trouverait aisément tout le capital néces-
saire au taux maximum de 3 1/â. Son measa/çe faisait môme miroiter la
possibilité d'un emprunt à 3 p. iûO. Or, comme les compagnies ont un ca-
pital obligataire non immédiatement remboursable de 6 à 700 millions
à un taux d'intérêt souvent supérieur à 3 i/â, la Confédération croyait
avantageux pour elle de rembourser en plein ce capital pour profiter de ia
différence d'intérêt. Mais il se trouve aujourd'hui que o^est au contraire k
Confédération qui va être en perte si elle e^t obligée d'empnmter 1 mil-
liard à 1.200 millions aux conditions onéreuses du marché ûnancier» les-
quelles pourraient bien ne pas s'améliorer d'ici à 1903. 11 est vrai qu'oft
fait ressortir que les recettes des compagnies sont en hausse : ainsi le
Central va donner cette année du 9 p. 100 ! Seulement les Compagnies
tiennent à jouir de leur reste ; elles distribuent actuellement le plus pos-
sible, sans souci de Tavenir, et vont léguer par contre des chargea nou*-
velles, surtout en matière de traitements, qui se feront sentir sur Texplo^
tation par l'Etat. Au surplus, ces abondanlee recettes de chemins de fer
tiennent en bonne partie à la fièvre de constructions qui sévit un peu paiv
tout, et aux transporto de gros matériaux qui en résultent; elles seront
sans doute suivies d'un temps d'arrêt comme on en a vu se produire d^à
à deux ou trois reprises dans la dernière moitié de ce siècle, à la suite
d'une période d'activité suraigué.
Tout cela devrait rendre prudent. C'est cependant le moment que choi-
sissent les chefs de la majorité pour lancer de nouveau un projet de banque
d'Etat à peine différent de celui que le peuple a repoussé il y a d^ix ans«
La seule différence apparente, c'est que la Confédération, au lieu de four^-
nir la totalité du capital et d'aroir la responsabilité illimitée des engage-
ments, ne s'attribuerait que le tiers du capital, laissant un tiers aux can-
tons et un tiers aux particuliers. Mais c'est un leurre. La Confédération
sera fatalement conduite à prendre plus du tiers, car elle ne peut eoa*
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632 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
traindre les cantons à accepter leur tiers, et encore moins les particuliers,
auxquels on n'offre, en échange de leurs risques, qu'un intérêt maximum
de 4 p. 100, à l'exclusion d'une influence décisive sur l'administration, qui
sera dans la main du Conseil fédéral. Quant à la responsabilité, dès
l'instant que l'Etat y engage son capital, elle sera illimitée en fait, qu'on
le dise ou non. Ce projet, à peine connu, a soulevé Topposition du monde
industriel et commerçant, et il paraît fort probable qfu'une nouvelle cam-
pagne de référendum sera organisée pour le faire rejeter par le peuple.
Après quoi, on peut espérer que les chambres consentiront euOn à nous
doter d'une banque non politique comme la majorité du pays la veut
avoir.
Parmi les raisons qui militent en faveur de la création d'une banque
centrale, il en est une dont les partisans d'une banque d'Elat exagèrent
considérablement la portée. Ils disent que le billet de banque unique cir-
culera plus facilement à l'étranger, ce qui n'est probable toutefois que
dans une mesiJre très relative, et comme le cours du change s'est éJevé
d'année en année à notre détriment, depuis quatre ou cinq ans, Je public
est induit à supposer que l'on pourra désormais effectuer tous les paie-
ments, qu'on voudra, sur les places étrangères, avec notre billet de banque
fédérale. C'est là une grave erreur qu'il serait coupable de laisser accré-
diter. Par tous ses récents emprunts et par sa politique proledionnisVe,
la Suisse est malheureusement devenue débitrice de ses voisins beaucoup
plus que par le passé. Elle doit leur payer de gros intérêts ou de lourdes
différences en or ou en papier au pair sur les places mêmes où elle est
tenue de s'acquitter envers eux. Or, le billet de banque suisse ne serait
pr»s au pair que s'il y avait pour ces mêmes places abondance égale ou
supérieure de paiements à faire en Suisse. Comme ce n'est pas le cas,
l'occasion de renvoyer les bank-notes fédérales comme paiement en Suisse
continuera à faire grandement défaut, et par conséquent elles ne seront
prises à l'étranger, comme nos billets de banque actuels, qu'avec une
perte plus ou moins forte. Au surplus, tout l'avantage qu'une banque cen-
trale pourrait procurer sous ce rapport, on l'obtiendra bien plus sûrement
avec une banque d'actionnaires qu'avec une banque d'Etat, dont le com-
merce et l'industrie, en tous pays, se déQent avec raison.
En voilà du reste assez, pour aujourd'hui, sur cette question qui va é(re
discutée au Conseil national en juin et au Conseil des Etals en décembre.
Il est peu probable que la majorité consente à modifier fondamentalement
le projet du Conseil fédéral. La lutte recommencera donc devant le
peuple, à propos de l'exercice du référendum.
La situation actuelle, avec l'antithèse profonde qui existe entre deux
parties à peu près égales de la nation sur la manière de résoudre les pro-
blèmes politiques et surtout économiques (1), a mis en pleine lumière
(1) Le vote, à une grosse majorité, du rachat des chemins de fer ne doit pas
faire illusion & cet égard. Ce vote est le résultat de facteurs divers, qui ne se reo-
coDtreront pas facilement sur une autre question.
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SUISSE 633
TinsufOsance et les imperfectioDs de notre régime électoral, qui permet
à une moitié, qui n'est pas toujours la majorité dans le pays, de disposer
du plus grand nombre des sièges au Conseil national et de composer le
Conseil fédéral de six radicaux et, à titre de concession, d'un conserva-
teur catholique, alors que la masse des éléments modérés n*y obtient aucun
représentant. On a cherché deux remèdes à la situation : le vote propor-
tionnel et rélection directe du Conseil fédéral par le peuple. Les socia-
listes, avec Tappui d'avance assuré du centre et de la droite, ont lancé une
double demande d'initiative pour réclamer ces deux innovations par voie
de revision constitutionnelle.
La représentation proportionnelle a de nombreux et chauds adhérents
dans tous les partis ; mais ofûciellement les radicaux s'y opposent. La for-
mule adoptée par les initiants, « un canton ou demi-canton forme un
arrondissement » est critiquée acerbement par les chefs de la majorité. Ils
relèvent le fait que cinq cantons ou demi-cantons n'ont qu'un député :
Uri, les deux Unterwald, Zoug et AppenzelMutérieur, et qu'en consé-
quence la représentation proportionnelle y sera un leurre. Ils s'attaquent
à la formation du Conseil des Etats, qui est composé de deux députés par
canton, ce qui donne aux petits cantons une importance très grande dans
l'Assemblée fédérale. A quoi les initiants répondent en alléguant que
l'exception confirme la règle, que cinq députés sur 149 ne troublent pas
sérieusement le système, et qu'avant tout il faut respecter les bases histo-
riques de la Confédération. Toutes ces questions vont encore être vivement
agitées, si la question vient au vote, c'est-à-dire si, comme c'est fort pro-
bable, 50.000 signatures sont réunies dans les six mois pour cette initia-
tive. Le délai expire (In juin.
Je n'ai jamais été, quant à moi, euthousiaste de la représentation pro-
portionnelle, qui, très utile comme expédient pour sortir de situations
inextricables, a cependant des pieds d'argile comme le système majori-
taire Qu'on ait l'un ou l'autre de ces systèmes, la vraie question est dans
la réforme de l'esprit public, dans la clairvoyance et la prudence des
conducteurs d'un pays. On pourra tout aussi bien courir les aventures
financières, froisser les sentiments légitimes d*une fraction importante du
peuple avec un parlement élu sur la base du vote proportionnel qu'avec
une chambre issue du système de la majorîté absolue. La campagne ac-
tuelle doit donc être considérée surtout comme protestation contre la po-
litique dominante, et c'est là le principal intérêt de la lutte engagée.
Il est fort possible qu'une modification un peu sensible de la composi-
tion du Conseil national influerait sur la nomination du Conseil fédéral,
mais seulement en cas de vacances survenant au sein du pouvoir exécu-
tif, car on est trop conservateur des hommes, dans notre démocratie, pour
se livrer à un remaniement profond et immédiat du gouvernement, sur-
tout tant que celui-ci sera nommé par les Chambres. Toutefois, si l'élec-
tion directe venait à piévaloir, il est plus que probable qu'un ou deux
changements de personnes risqueraient de se produire. Mais ce résulta
ne serait obtenu qu'au détriment d'autres intérêts beaucoup plus graves
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634 LA VIE POLITIQUE ET PAWJBMENTAIRE A l'ÉTRANGER
L^élection directe porterut Mteinte à notre Btat fédéraiif, daas lequel les
eantons participent à lanominvtieD da pouvoir exécutif par leurs représea-
tants an Conseil des Etats. Ce seiait de plus ouvrir la porte aux agitations
démagogiques, aux compromis madsains, et loin de sortir plus fort du
baptême populaire, le Conseil iédéral ne serait bientôt qu'un instrument
entre les mains des partis, sans force merale à Tintérieur, safus considéra-
ti(Hi vis-À-vis du dehors. Il semble qiie, bien que imius ayons marché à
pas de géant du eôté des exagéralâons démocratiffiies, notre peuple n'est
pas encore disposé à donner les mains à cette innovation duigereuse.
Mais le vote sur le rachat des chemins de fer nous a appris qu'en démo-
cratie directe il ne faut jurer de ma.
La vie cantonale et les relations extérieures n'ont présenté aucun fait
saillant dans le semestre écoulé. La marche réjouissante des affaires
industrielles compense ce que notre politique économique a de sombre et
d'inquiétant. Ce oontraste me rappelle un mot de Macaulay qui relève, à
l'avantage du peuple anglais» le fait que son génie industriel et commer-
cial a heureusement toujours créé plus de richesses que llncarie de ses
gouvernements n'en dissipait. Seulement, il parlait de fépoqae des Sluarls,
et dès lors, assagis par l'expérience, les hommes d'Etat anglais se sont
attachés autant que possible à réduire la dette publique, tandis que nous
mettons tout notre xèle à accroître la nôtre.
P. S. — Le Conseil fédéral a publié son rapport aux Chambres sur
Téquilibre ûnancier. Il conclut à la nécessité de trouver de nouvelles res-
sources et propose le monopole du tabac, dont le produit présumé, envi-
ron 7 millions, serait affecté poforles trois quarts à l'assurance obligatoire,
et pour un quart à de nouvelles subventions aux cantons, qui devraient
les appliquer à l'instruction primaiie. En attendant les lois sur l'assu-
rance seraient déûnitivement votées par. les Chambres, so«is réserve de
référendum, mais ne seraient exécutées que si le monopole du tabac passe
aussi, ce qui ajourne leur entrée en vigueur à deux années au moins, vu
qu'il faut une revision constitutionnelle pour introduire ce monopole. La
tactique parait être de grouper les partisans de l'assurance obligatoire et
ceux des subventions à l'école primaire pour faire passer le monopole du
tabac. Outre que c'est un procédé tout à fait nouveau et d'une constiiu-
tionnalité douteuse que de voter une loi en suspendant d*avance ses effets,
une loi qu'on met dans une armoire jusqu'à ce qu'on puisse s'en servir,
oe qui ne sera peut-être jamais le c«ê, cette tactique présente encore le
grave inconvénient d'ajouter aux. adversaires de l'assurance obligatoire —
adversaires plus nombreux qu'onue croit, car beaucoup n'aiment pas avoir
l'air de s'opposer à un. progrès humanitaire — lius ceux plus nettement
déclarés des subventions scolaires et du monopole ou tabac. La suite mon-
trera si cette tactique était bien inspirée. Je ne^ l'admets pas, pour ma
part.
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SCiSSE 635
2 > Lois et arrôtés législatifs (1) votés par les Chambre^.
DU 1«' DÉCEMBRE 1898 AU !•' JUIN 1899.
{Sesêi^n de décembre) {2).
1. Budget pour 1899. — Les dépenses ont été fixées, à 98.606. 145 fr.; les
recettes à96. 585.000 fr. Deux postulats ont été votés, l'un réclamant Timpres-
sion des procès-verbaux des Chambres dans leur forme actuelle, à côté du bulletin
sténographique qm fonctionne pour led objets particulièrement importants;
Taotre JnTitant le Conâeii fédéral à étnéier le dégrèvement du budget mifitaira*
En outre, le Conseil national a nommé une commisbion pour proposer one amé-
lioration des traitements du Président de la Confédération, des membres du
Conseil fédéral et du Chancelier de la Confédération. (Ces traitements, fixés
en 191%, sont de 13.500, It.OOO et 11.000 fr.)
2. Régie dMiaoools.— Gestion et compte pour 1897. ftacettM laiSB.^^d fr«
Dépenses 6.787.773 fr. La somme à répartir aux caotoBg e»t de 6.306j668 tr. -^
Budget pour 1899. Recettes 13.495.000 fr. Dépenses 7.228^000 fr. La somme à ré
partir aux cantons est prévue à 6.160.000 fr.
3. Extradition; réciprocité avec rAatriclie. — Office du Cofi^eil fédéral
du 29 noTembre 1896, concenkant la promesse de rtâprociti eoTerf» rAutriclie
pour l'extradition dani» les délits de menaces graT«s contre les p«r9oaj)«fi. —
Adopté par les Conseils les 17/21 décembre.
4. Convention aveo la France sur ^échange de colis postaux. — Messa^^e
et projet d'arrêté du ^ décembre 1>98 (f .F. 1«98, fV, î052) cômscmant la rati
fication de la convention conclne le 15 novembre 1898 ftvrcla Krance sur l'échange
de colis postaux du poids de 10 kilogrammes au maxiiiMiB . ^ Arrêté adopté
le 22 décembre par les deux Conseils. Non soumis au référendum,
9^ Lois M arrêtés légist«tirii ea préparation au l^** juiïi IBM.
1. Haute suTTeillance de la Confédération sur la police des £6rét8« —
Voir la chronique de décembre dernier.
t. Taxe militaire. — Tb.
dw Ovganiaatioa da iépartanmit adlitaive. -^ Message et projet de loi
25 novembre {F.F, 1898, IV, 883).
4. Loi sur les spiritueux. — Voir chronique de décembre 1898.
5. a. Assurance contre les maladies; o. Assurance contre les acci-
dents; c. Assurance militaire. — 16.
6. Cbeasins de far secondairas. -^ là,
7. Denréeaalimetttaires. — Message et projet da ioidu 28 fiéitrier 1899 [F^,,
1899,1,469.)
8. Banque de la Confédération. —Message et projet de loi du 24 mars 1899
(P.F., 1899, II, 341).
<1) Les arrêtés non souaûs au référendum ne soni publiés que dans le Secii^
officiel des Lois, qui n'est pas à Jour. On ne peut donc indiquer la page où ils
figureront.
(2) Du lundi 5 an vendredi 23 décembre. 58 objets à Tordre du jotir, 30 ont été
liquidés; 7 n'ont été traités que par un eonseil ou restent en suspens. Conseil na-
tional 20 séances ; Conseil des Etats 15u Une séance de l'Assemblée fédérale pour
nommer le président de la Confédération (M. Edouard Muller, Berne), le vice-
président du Conseil fédéral (M. Walter Hauser, Zurich), le président du Tribunal
fédéral (M. Eïnile Rott, Berne), le vice-président (M. Jean Winkler, Lucerne), et
pour liquider an recours en gràee*
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636 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A L'ÉTRA^GER
m. — JAPON
L'Italie en Chine. — La session de la Diète. — L'industrie japonaise
Tokyo.
Après une période de calme relatif qui a duré cinq ou six mois, il semble
que rère des difficultés graves doive de nouveau s'ouvrir pour TExtrème-
Orient. L'échec si caractérisé que vient de subir en Chine la diplomatie
italienne ne peut manquer, en effet, de remettre absolument en question
réventualité du démembrement de la Chine. On annonce que le gouver-
nement de Rome a hâte de prendre sa revanche et qu'une escadre italienne
est en route pour rExtrême-Orient. Elle doit appuyer, paraît-il, les récla-
mations supplémentaires qui seront présentées au Tsoung-li-Yamen dès
l'arrivée du nouveau ministre italien à Pékin. De fait, on ne conçoit
guère comment M. de Martine fut assez imprudent et maladroit pour en-
voyer délitjférément un ultimatum à la Chine sans avoir les forces néces-
saires pour le soutenir à l'occasion. C'était aller irrévocablement à un
échec, et certes la diplomatie italienne n'avait nul besoin d'en éprouver un
de plus pour amoindrir son prestige déjà fort peu apparent. Vous savez
que le cabinet de Rome a désavoué avec fracas M. de Martine et Va rappelé
immédiatement, mais personne ici ne s'est laissé prendre à ce coup de
théâtre. Dans les conditions où se règlent actuellement les affaires diplo-
matiques, dont la direction est de plus centralisée pour chaque Etat à son
ministère des Affaires étrangères, on se refuse à croire que M. de Martino
ait agi, dans toute celte affaire, de son propre mouvement et à Tinsu de ses
chefs. Il porte, à n'en pas douter, la peine des maladresses et des impru-
dences de son gouvernement, qui n'aurait pas manqué, par contre, de le
féliciter chaudement s'il avait mené à bien son audacieuse tentative de
piraterie dirigée contre l'empire chinois.
Car, en vérité, il est bien difficile de qualifier autrement l'extraordi-
naire prétention émise par le gouvernement italien et visant la cession
pure et simple par la Chine de la baie de San-Moon et de ses dépendances
immédiates. Certes, dans leurs rapports avec le Céleste-Empire, les puis-
sances européennes n'ont jamais donné jusqu'ici de bien beaux exemples
de leur souci du droit et de la justice, mais cependant, même dans l'acte
le plus brutal de tous, la prise de Kiao-Tchéou par l'Allemagne, on trou-
vait au moins une apparence de raison. Le coup de force de l'amiral Die-
dericks, en effet, fut légitimé dans une certaine mesure par le souci de
venger les outrages faits à la nation allemande par le meurtre de quel-
ques missionnaires. Dans le cas actuel de l'Italie, il n'y a pas même l>>mbre
d'un prétexte. Le cabinet de Rome a fait demander la cession d'une partie
du territoire chinois tout simplement parce qu'il lui plaisait à lui aussi
d'avoir un pied-à-terre dans ces parages. Ce qui rend plus extraordinaire
encore cette démarche, c'est que l'Italie, en somme, était le pays le moins
qualiûé pour l'entreprendre. Elle n'a aucun intérêt, ni commercial ni
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JAPON 637
autre, h sauvegarder en Chine ; de sorle qu'on ne voit pas pourquoi nous
n'apprendrions pas demain^ que la même initiative a été prise par TAu-
triche, la Serbie ou la Suisse !
C'est ce qu'a fort bien mis en lumière la presse japonaise en discutant
toute celte' aiîaire. Il n'est pas exagéré de dire h ce propos que l'action si
inattendue de l'Italie a complètement changé l'orientation de l'opinion
publique du Japon en ce qui regarde la Chine. Jusqu'ici, en effet, malgré
les atteintes réitérées portées par les diverses puissances européennes à
l'intégrité du Céleste-Empire, la nation japonaise tout entière avait été
inébranlable dans son attitude conciliante à l'égard de ses malheureux
voisins, et le gouvernement était l'interprète Odèle des vœux du pays en
s'abstenant de toute agression. Lorsque, les unes après les autres, l'Alle-
magne, la Russie, l'Angleterre et la Fraifte eurent réussi à se faire oc-
troyer des territoires importants en Chine, le Japon se contenta de
demander au gouvernement de Pékin de ne point céder à une autre puis-
sance la province du Fouhkien qui se trouve en face de Formose.
C'est cette attitude conciliante de la nation japonaise que les derniers
événements ont complètement transformée. L'évolution de l'opinion à cet
égard est indéniable et si elle ne s'est pas encore traduite par des actes de
la part du gouvernement, on peut dire que ce n'est assurément pas la
faute de la presse, qui ne passe pas un jour sans adjurer le pouvoir
d'adopter enfin une politique nette et précise en Chine et de prendre, avec
les nations qui se préparent a dépouiller la Chine, la part qui revient légi-
timement au Japon.
A l'heure actuelle, en effet, les Japonais se rendent compte qu'il n'est
plus possible d'espérer que la Chine arrive enfin à sortir de sa torpeur et
à secouer tous les parasites qui la rongent. Sa perte est maintenant cer-
taine, et le partage du Céleste Empire n'est plus qu'une question de jours.
Dans ces conditions on estime qu'il est temps pour le Japon d'abandonner
sa politique d'abstention à l'égard de la Chine et de faire entendre nette-
ment sa voix.
Comme indication pratique, la presse de Tokyo invite le gouvernement
à se faire immédiatement céder un bon port sur les côtes du Fouhkien.
Tel est l'état actuel de l'opinion. On voit qu'il ne présage rien de bon
pour l'avenir, surtoiit si, comme on l'annonce, les Italiens reprennent
leurs prétentions lorsque, dans quelques jours, leurs forces auront eu le
temps de se concentrer dans les eaux chinoises.
Je ne veux pas terminer sur ce point sans dire un mot du rôle de l'An-
gleterre dans toute cette affaire. Vous savez que son ministre à Pékin, sir
Claude Macdonald, avait appuyé la demande de l'Italie auprès de Tsoung-li
Yamen. La réponse que celui-ci a faite atteint donc directement l'Angle •
terre presque autant que le gouvernement italien. C'est là un échec de
plus à enregistrer à l'actif de la diplomatie anglaise qui, depuis quelques
mois, n'est décidément pas heureuse en Extrême-Orient. Aussi est- il indis-
cutable que la prépondérance dans ces parages qui, il y a un an ou deux,
appartenait sans conteste à l'Angleterre, passe de plus en plus à la Russie.
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638 LA VIE POLITIQUE ET PAltLEMENTAIHE A L ETRANGER
Ceci m'amène précisément à vous parler d'un autre Insuccès qui, si!
n'atteint pas directement la diplomatie brtlannique, n'est du moins pas fait
pour rehausser le prestige de la nation anglaise tout entière, je veux dire
l'échec complet de la fameuse mission de lord Beresford. Vous vous sou-
venez sans doute que lord Charles Beresford, un des vétérans de la marine
anglaise, fut envoyé, il y a quelques mois, par les Chambres de commerce
de la Grande Bretagne, pour faire une en<juêle générale sur les marchés
de rExtrême-Orieut. Vous ne manquerez pas de remarquer tout d'abord
quelle singulière idée c'est pour des corporations de commerçants de char-
ger d'une telle mission un ancien amiral. Et de^fait, lord Beresford a cer-
tainement visité plus d'arsenaux que d'usines et inspecté plus de forte-
resses que d'exploitations industrielles. Quoi qu'il en soit d'ailleurs de
cette inconséquence, ce qu'il faAt retenir de cette tournée tapageuse, c'est
que les deux grandes idées dont le noble lord s'était fait Papôtre infati-
tigable et qu'il a prêchées avec une désespérante monotonie depuis Hong-
Kong jusqu'à Tokyo, à savoir la politique de « la porte- ouverte » en Chine
et la fameuse quadruple alliance de l'Angleterre, de rAUemagne, des Etats-
Unis et du Japon n'ont en aucune façon réussi.
Le projet de quadruple alliance surtout n'a guère renconfré que dee
détracteurs au Japon. Si, d'une façon générale, en effet, l'opinion japonaise
est favorable à l'idée du maintien de llntégrité chinoise et de la liberté du
commerce sur tout le territoire du Céleste Empire, on prise moins par
contre le projet de coaliser pour cela quatre puissances dont les intérêts
sont si divers et parfois si contradictoires. Et puis n'y a-t-i! pas vraiment
quelque illogisme à présenter les Etats-Unis comme champions de la
liberté du commerce, alors que chez eux ils élèvent des barrières formi-
dables pour arrêter l'importation des produits étranger»?
Une autre objection de principe n'avait pas moins de portée. La presse
japonaise, en effet, a fait remarquer très justement que, pour être vrain»ent
ce qu'elle prétendait être, cette ligue devait comprendre toutes les puis-
sances intéressés en Chine et ne point exclure par conséquent la France et
la Rtfôsie, car sans cela elle ne serait pas une union commerciale, mais
une alliance pleine de mentices pour la paix du monde.
A ces critiques générales viennent s'en ajouter d'autres qui, visant spé-
cialement la Grande-Bretagne, sont particulièrement intéressantes, car elles
nous éclairent tout à ftiit sur les sentiments vrais du Japon à l'égard des
Anglais et sur ce qu'il faut penser du fameux rapprochement, tant vanté
autrefois, entre l'Angleterre et le Japon. Voici à ce propos ce que disait le
Stkaï-no Nippon, une grande revue de Tokyo, dans un artide qui a été
fort commenté. « Une grande partie de ht presse japonaise ne cesse pas de
prêcher l'alliance anglaise, et cela surtout depuis le jour où les Anglais
refusèrent leur concours aux nations qui nous forcèrent à abandonner le
Liao-Toung. Certes, il faut féliciter nos compatriotes d^avoir abandonné
enfin leur idée première d'une ligue des puissances asiatiques, pour s'ar-
rêter à la conception plus large d'une entente avec les Ëlats européens.
Maïs il ne faut cependant pas se lancer h la légère dans cette voie. Bh bien!
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JAPON 639
à ce point de vue, on peut se demander si les partisans les plus zélés de
raccord avec les Anglais ont examiné «vec soin ce que nous aurions à y
gagtter. S*est-on rendu compife surtout des motifs qui poussent TAugleterre
à »e rapprocher de nou» et des Eials-Unts ? H 1:1e faut point oublier qu'on
ne nous regarde que comme des auxiUiaires accidentels et non comme des
alliés nécessaires en tout temps. H^iroelée en nombre d'endroits, en
Afrique surtout, par ses éner^qnes advearsaires, la France et la Russie,
TAngleterre ne réclame notre appui que pour contrecarrer ces deux puis-
sances en Chine et faire difersion. Ainsi donc, je le répète, les avances
que nous fait actuellement la Grande Bretagne ne sont qu'un épisode dans
le jeu énorme de Téchiquier angiai». Les conséquences d'une alliance avec
elle seraient très simplea Deveoms, grÂce au concours de notre armée et
de notre flotte, maîtres absolus dans ces parafes, les Anglais verraient
immédiatement venir à eux les Risses décidés à s'entendre du moment
qu'ife se rendraient compte que la hltte est imposable. Dès lors serait con-
sacré ce rapprochement avec la Rnssie qui est le rêve de la diplomatie bri-
tannique et qui Binerait notre arrêt de mort. »
fit le Sekai-no Nvpp9n concluait en ces termes : <i D'ailleurs le temps
des alliances noss semble passé. Elles n*avaient de raison d'être que
lorsque les puissances européennes étaient toutes occupées à maintenir
Hntégrité de leurs territoires européens, mais maintenant que les intérêts
intematioDaux sont si complexes et répandus sur tant de mecs diverses, il
est bien difficile de s'entendre sur tons les points et de conclure de vastes
alliances. Nous n'avons q«iant à nous qa'à régler certains points particu-
liers avec les puissances qui ont des communautés spéciales d'intérêts avec
le Xapon. Entendons-nons donc avec la Hnssie en Corée, avec l'Angleterre
en Chine, et avec les Etats-Unis dans le Pacifique, mais ne faisons point le
rêve décevant d'une quadruple AQianoe dont nous risquerions d'être les
dupes ».
Ces paroles sont la raison même et il est à souhattar que l'o^MBion japo-
naise en fasse son profit.
En vous annonçant daus ma dernière lettre la fomatieu du cabinet
Yamagata, je vous disais que la majorité des journaux de Tokyo pré-
voyaient qu'on aurait sans doute à enregistrer sous peu une nouvelle crise
ministérielle*
Mais contre toutes les prévisions, cette éventualité ne s'est point réa-
lisée, et bien mieux même, la session de la Diète vient de se terminer il y
a quelques jours, à sa date normale, sans que l'accord entre le parlement
et le cabinet ait cessé un seul instant d'être parfait. C'est là un événement
absolument caractéristique et qui prouve à merveille ce que j'ai déjà eu
plusieurs fois l'occasion de vous dire, à savinr que locsqu'on parle de la
politique japonaise il ne faut jwnaiss'ébonoer des résultats les plus impré-
vus. Bn cette occasion surtout la vérité de cette observation s'est vérité
complètement.
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640 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRAMGER
Lorsque la Chambre, en efTet, reprit ses séances, il y a trois mois, elle
entra en contact avec un cabinet dont tous les membres avaient été choisis
en dehors des partis, et qui par conséquent ne pouvait lé^tîmement
compter sur l'appui d*aucun groupe. On avait donc bien quelque droit de
s'attendre à d*immédiates difficultés. Et cependant les affaires s'arran-
gèrent d'elles-mêmes pour des raisons d'ordre spécial qui échappent à
l'examen, et l'entente subsista ainsi jusqu'au bout entre le gouvernement
et les représentants de la nation.
On peut dire que jamais session de la Diète ne fut plus calme et plus
féconde aussi en résultats utiles. Cette sagesse inaccoutumée des parle-
mentaires n'a pas été, en effet, sans porter ses fruits, et c'est avec raison
que l'empereur, dans son message de clôture, a pu féliciter la Diète de la
façon dont elle avait rempli son mandat.
Et tout d'abord, ce dont il faut tenir compte à la Diète, c'est d'avoir
enfin voté le fameux projet d'augmentation de l'impôt foncier vainement
demandé jusqu'ici par les divers cabinets qui se sont succédé en ces
dernières années, et sans lequel cependant il était impossible d'établir les
finances publiques sur des bases solides. Il est malheureux toutefois que
les Chambres n'aient pas cru devoir adopter le projet tel que le leur pré-
sentait le gouvernement. Elles ont réduit l'augmentation prévue de 1/3, de
telle sorte qu'il subsiste encore dans le budget un petit déficit qu'il faudra
combler d'une autre façon. La Diète a aussi mené à bien l'établissement
complet du budget. Le fait est d'autant mieux à retenir que c'est la pre-
mière fois qu'il se présente depuis la guerre. Voici trois ans, en effet, que
par suite des luttes incessantes de l'exécutif et du législatif, qui interrom-
paient toujours le travail parlementaire, on n'avait pas pu voter le budget
annuel et qu'on vivait sur des comptes établis pour 1896. Je ne crois pas
inutile, d'ailleurs, de vous rapporter ce budget, au moins dans ses grandes
ligne;*.
Le revenu ordinaire se monte à 143.309.203 yen. (Yen = 2 fr. 55).
Parmi ses principales sources nous trouvons :
Impôt foncier 38.795.557* yen
Impôt sur le saké (eau-de-vie de riz) 33.983.409 —
Impôt sur le revenu 2.341.239 —
Pateotes 5. 622 . 154 —
Douanes 16. 111 .322 —
Timbres 8.453.213 —
Monopole du tabac 7.760. 185 —
Postes et télégraphes 16.879.613 —
Chemins de fer de l'Etat 5.078.615 — etc.
Le revenu extraordinaire se chiffre par 45.429.234 yen. Les deux prin-
cipales sources en sont : les emprunts, pour 12.254.613 yen, et l'indem-
nité de guerre, pour 31.818.684.
Nous avons ainsi un total général pour les revenus de 188.738.437 yen.
Les dépenses ordinaires prévues s'élèvent à 138.643.520 yen, parmi les-
quelles je me bornerai à citer :
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JAPON 641
La liste civile 3.000.000 yen.
Les affaires étrangères 2.082.123 —
L'intérieur 10.410.627 —
La dette publique ^ 33.318.524 —
Les pensions 4. 637*427 —
Les dépenses militaires 33.852.227 —
Les dépenses navales 15.023.121 —
La justice 4.209.123 —
L'instruction publique 8. 103.233 —
Les communications 14.625.322 —
Les dépenses extraordinaires, qui atteignent le chiffre de 78. 179. 584 yen,
comprennent en particulier :
Guerre 15.633.236 yen.
Marine 35 . 639 . 673 —
Communications 13.137.614 —
Intérieur 5.431.322 — etc.
Le total général des dépenses atteint donc un chiffre de 216.594.934, qui
est, «m le voit, notablement plus élevé que celui des receltes. On com-
blera probablement ce déficit en faisant appel encore une fois au reliquat
de rindemnité de guerre.
Je vous ai dit plus haut que cette session de la Diète avait été excessi-
vement remplie ; je ne peux mieux vous le montrer qu'en rappelant que
les Chambres n*ont'pas examiné moins de 284 projets divers. Il n'est pas
possible, bien entendu, d'indiquer même approximativement ce que visait
ce formidable amas de textes législatifs ; je me contenterai donc de dire un
mot de deux projets seulement qui sont particulièrement curieux. L'un
et l'autre consacrent des dépenses nouvelles. Par le premier, les Chambres
japonaises ont fait à leur souverain un cadeau princier, et par le second
les représentants de la nation ^e sont octroyés un sérieux supplément
d'émoluments. De cette dernière mesure, qui a été passionnément discutée
par l'opinion, je ne rapporterai que les chiffres mêmes. Le traitement du
président de chacune des Chambres est porté de 4,000 à 5.000 yen, celui
des vice-présidents de 3.000 à 4.000, et enfin celui des représentants de
800 à 2.000. Il n'y a pas là, en somme, de quoi grever énormément le
budget. Il n'en est pas de même du cadeau fait à l'empereur. La Diète, en
effet, lui a voté récemment, à l'unanimité, un don de 20 millions de yen,
soit plus de 50 millions de francs.
. Cette décision prise subitement n a pas manqué de surprendre quelque
peu l'opinion, et parmi ceux mêmes qui, par la suite, en ont approuvé le
principe, il s'en est trouvé qui ont pensé que l'occasion n'était peut-être
pas très bien choisie pour une telle manifestation. Les finances, en effet,
sont dans un assez fâcheux état puisque, comme nous venons de le voir,
même après le vote d'une sérieuse augmentation de l'impôt foncier, le
budget accuse encore un déficit de près de 30 millions de yen.
Certains ont trouvé quelque peu irrationnel ausâi le principal mot!/ de
justification mis en avant par les promoteurs de cette idée. Si, en effet.
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64« LA VIE POLITIQUE ET PAlttJSMEJSTAlRE A l'ÉTRANGER
comme on le prétend, les victoires du Japon sur la Chine ont été dues en
grande partie À l'énergie et à la sagesse de rempcreur, on ne peut s'em-
pêcher de remarquer que la nation japonaise a mis bisn longtemps pour
s'apercevoir qu'elle devait quelque chose à son souverain. Si on voulait
lui prouver la reconnaissance du pays en lui faisant don d'une partie de
l'indemnité de guerre, c'était en 18^5 qu'un tel cadeau avait sa raison
d'être et non à la fin de 1898.
A cela les partisans du projet ont répondu que telle avait bien été
l'intention du pays dès cette époque, carie cabinet Ito, après la conclusion
de la paix, en décida le prineifte ; mais oa ne pouvait le mettre à exécution
qu'au moment où on serait sûr du paiement de la dette chinoise.
Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, de ces réserves delà première heure, l'una-
nimité des représentants du pays, je Le répète, n'en a pas moins consacré
cet hommage fastueux à l'empereur. Et de fait il paraît que le souverain
en avait un réel besoin. Certes le Mikado est fort riche : it possède d'im-
menses propriétés foncières, avec de grandes forêts et des mines de toutes
sortes. Il a aussi un nombre respectable de millions (près de 100 millions
de francs) placés à de beaux intérêts en actions de la Banque du lapon,
de la Specie Bank, de la grande compagnie de Navigation,la Nippon Youshen
KaishUy etc., et toute cette énorme fortune est diîigennnent gérée par
le ministère de la Maison impériale; mais il n'en est pas moins Trat
cependant que l'empereur était à court d'argent.
La liste civile du Mikado, en effet, a été établie en i%ifùei n'a jamais
varié depuis lors. Les dépenses de la Maison impériale par contre ont
énormément augmenté en ces dernières années, et cela non seulement à
cause du renchérissement général des prix au Japon, mais aussi par suite
du plus grand nombre de visiteurs de marque que reçoit le souverain.
Enfin il est juste de dire que l'empereur et l'impératrice, dont la sollici-
tude pour leurs sujets est inépuisable, augmentent sans cesse le champ de
leurs largesses. Grâce à toutes ces circonstances, la cassette impériale
était en déficit chaque année de 5 ou 600.000 yen. Ainsi se trouve tout à
fait justifiée la mesure gracieuse prise par les Chambres japonaises à
regard de leur souverain.
Je ne peux mieux faire pour terminer cette lettre que de vous repro*
duire les données essentielles d^in remarquable travail qui vient de pa*
rattre sur l'état de l'industrie japonaise. Son auteur, H. Nagabeimitriga,
ancien directeur au ministère de FAgriculture et du Commeroe, est assu-
rément un des hommes qui connaissent le mieux la question.
Cette étude commence par nous donner la proportion des objets manu-
facturés au Japon en ces dernières années, compaiytrvemeBt an chifflre
total des exportations de ce pays. Nous voyons ainsi que les objets ntann-
facturés qui, en 1688, formaient 67 p. 100 de fexportation formaient par
la suite, en
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JAFON 643^
1889 64 01Û 1894 710^0
1890 67 0/0 1895 75 0/0
1891 550/0 1896 77 0/0
1892 67 0/0 1897 74 0/0
1893 TTO/O 1898 78 0/0
L'importation au Japon d'objets manufaciurés k Tétrangera nalurelle-
ment suivi un© progression inverse;
18^8 92 0/0 18^ 76 0/0
1889 87 0/0 1895 67 0/0
1890 87 0/0 1896 710/0
1^ 73 010 1897 71 0/0^
189i 730/0 1898 60 0|0
1893 72 0ii«O
IL est pluii difficile d'avoir des données exacte» ^i ce qui concerne les
capitaux placés dans llndiistrte. Diaprés les chiffres fournis par M. Ariga,
le capital total des diverses entreprises induetrieUes av Japon a été succès-
sivenieni:
1894. 56.000.000 jen
1885^ 62.000.000 —
1896 74.000.000 -
1897 151.000.000 —
lB9d 170.000.600 —
Mais il ne faut pas perdre de vue qae ces chiffres sont ceux du capital
nominal des diverses ocvipagnîes. Les capitaux réellement versés sont
beaucoup moins iai^rtants, eomne on peut s'en rendre compte par le
tableau suivant:
1894 a^.eoa.fiûo yen
1895 41.0ÛOU)ÛO —
1896 48.000.000 —
lg9^ 74.C0O.00a —
1898 , se.oat'.eoo -
Ces chiffres montrent excellemment le point faille de Findustrre japo-
naise. Uoe ftèvre d^entreprisey s*est emparée du pays depuis la guerre ;
malheureuseroent on n*a pas encore trouvé ïes capitaux nécessaires pour
asseoir sur des bases soKdtes toutes les industries nouvelles qu'on s'est un
peu hâté de créer. Aussi ht plupart des compagnies, privées des capitatix
sur lesquels elles devaient légitimement compter, sont-elles obligées d'^em-
pruttterà de fort gros intérêts. Les pré»ts S Finrdustrie ont été successive-
ment :
Ea 1894 4.«l00.00t yen
— 1895 .•... é.900.000 —
-- 1896 5 508.000 -
-1897 6.100.000 —
— 189» 7.0CO'.0OO —
Si on veut bien songer que ces prêts n'ont jamais été consentis par les
banques à moins de iO ou 12 p. 100, on se rend compte de Finfériorité dans
laquelle estmisede ce chef l'industrie japonaise.
Je dois signaler cependant une certaine amélioration qui semble s'affir-
mer peu h peu dans ce fâcheux état de choses, et îl est à espérer qu'avant
un an ou deux les affaires auront repris leurs cours normal.
• ••
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644 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l' ÉTRANGER
IV. — CHINE (i)
IV. — Les dix-huit proyinces de la Chine.
f. PETCHELi OU TCHELi. — La Province du Tcheli (appelée aussi Petcheli)
d'une superficie de 58.949 milles carrés est bornée au Nord-Est par le
Liotoung(Mandchourie) où pendant une courte distance la Grande Muraille
délimite la frontière, à TEst par le golfe du Petcheli, au Sud-Est et au
Sud par le Ghantoung, au Sud-Ouest par le Houan, à TOuest par le Ghansi,
et au Nord par la Mongolie intérieure dont elle est séparée par la rivière
Lio. La partie de la province située au Sud de la Grande Muraille, à l'ex-
ception de quelques rangées de collines qui sont au Nord et à l'Ouest, est
plate et doit être rangée parmi les parties les plus unies de la grande
plaine de « loess » du Nord de la Ghine.
De nombreux cours d'eau, parmi lesquels le Pei-ho, le Uan-ho, le
Houto-he, le Laotchang, sillonnent le Tcheli. Le grand Ganal le traverse
dans la partie Est, dans la direction du Sud au Nord pour aboutir à
Tientsin.
G'est dans cette province que se trouve la capitale de la Ghine qui a sou
administration propre en dehors de celle de Tcheli. Pékin n'est plus qu'une
ville pauvre et en ruines; quelques vestiges rappellent cependant son
ancienne splendeur du temps de l'Empereur Kienloung.
La capitale du Tcheli est Paoting fou. G'était autrefois la résidence du
Vice-Roi qui maintenant est à Tientsin.
Far sa situation géographique Tientsin est, pour ainsi dire, l'entrepôt du
Nord de la Ghine. G'est principalement là que convergent les produits de
la Mongolie et de la Mandchourie, du Ghansi, du Ghensi et même du
Kansou pour être embarqués à destination des ports du Sud, de l'Europe,
ou de l'Amérique. G'est encore là que se trouvent les entrepôts de sel de
l'administration de la Gabelle, et que les jonques de mer qui apportent le
tribut en grains des provinces du Sud, transbordent leur chargement sur
des barques qui doivent le conduire à Tongtcheou et de là aux portes de
Pékin.
Le Tcheli passe pour une province naturellement fertile, mais la culture
du sol pourrait être rendue plus productive. L'amélioration des cours
d'eau mettrait un terme aux inondations qui stérilisent plus spécialement
les environs de Tientsin. — Parmi les productions de la province figurent
le blé, le millet, le sorgho, l'avoine, le sésame, l'arachide, le jujube, le
coton. — Dans la partie septentrionale il a été fait récemment des essais
de plantation de la vigne et de la pomme de terre : les résultats ont été
très satisfaisants. — L'élevage des porcs constitue aussi une des ressources
du pays.
Sur plusieurs points le charbon et la pierre à chaux sont en abondance.
Une société chinoise exploite, avec le concours d'ingénieurs étrangers, les
mines de charbon de Kaiping qui comprennent deux houillères distinctes :
(l) Voir la Revue Politique et Parlementaire, du 10 avril 1899, p. 182.
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CHINE 645
Tune à Tangshan à 4 milles de Kaiping et à 80 milles Nord-Est deTientsin,
sur la ligne de Ghan-hai Kouan, et Fautre à Linsi, à 15 milles plus au Nord
sur la même ligne. La mine de Tangshan fournit un rendement quotidien
de 2.000 tonnes. Les résultats de la Houillère de Linsi ouverte en 1889
n'ont pas été aussi bons, des solutions de continuité existant dans les
couches aux endroits où les puits ont été creusés. — Ce charbon est en
partie consommé sur place, en partie envoyé dans des ports chinois. Le
coke de Tangshan a récemment approvisionné {es usines d'Hanyang.
Il y a un grand nombre d'autres gisements houillers. A TOuest de la
Province à Houci-la et à Tsinghing ; près de la frontière du Ghansi se
trouve un charbon à demi bitumeux dont une quantité considérable est
exportée dans la plaine pour les travaux de forge. Plus au Nord, sont
les mines de Tangshan, anthracite très lourd, très friable et d'un aspect
gris foncé. — * Les autres principaux gisements à TOuest de Pékin sont
ceux de : Tung meilchang, au moins six couches d'anthracite super-
posées de 2 à 10 pieds d'épaisseur recouvertes de grés et d'ardoise —
Taingan — les gisements sont coiffés d'une couche d'une centaine de
pieds d'épaisseur de grès et de quartz; ce charbon qui est de l'anthracite
presque pur passe pour le meilleur des environs de Pékin; quelques gise-
ments ont une position verticale, — Mian nyan, dans le voisinage des
précédents.
On rencontre encore d'autres bassins houillers entre Pékin et Paoting-
fou.
D'une façon générale, les bouleversements de l'écorce terrestre ont été
très grands dans les environs de Pékin et ont eu pour résultat d'exposer à
l'œil les différentes formations houillères, et de rendre à certains endroits,
tels que Taingan les couches de charbon facilement accessibles.
Au nord-ouest de Pékin dans la région de Suien Houa fou sur la roule
de Kalgan, le charbon se trouve aux points suivants :
Tu Tcheou. — Couches horizontales de 4 à 6 pieds d'épaisseur ; le char-
bon bitumineux est de bonne qualité et coûte à la mine 1 cash par catty,
à Kalgan où il est le plus employé, 6 cash.
Si ning bien. — Gharbon d'une espèce particulière qui ne donne ni fu^
mée, ni flamme, ni odeur bitumineuse ; très brillant, d'un noir brun, se
casse en petits morceaux et contient de nombreux globules. Vendu à Kal-
gan 9 cash le catty.
Kin Paounyan ou Paou nyan chaou. — Charbon bitumineux.
Sin Paou nyan. — Gharbon bitumineux, mais qui n'est pas de bonne
qualité.
Au nord-ouest et à une faible distance de Suein fou, autre gisement.
Puis enfin Toumoutou ou Scaoutouny Ko.
Il en est de toutes ces mines comme de celles du Chcmsi, leur avenir est
dans la création de chemins de fer.
Le commerce du Petcheli centralisé à Tientsin, l'un des principaux ports
ouverts de la Chine, tend à se développer comme en fait preuve l'installa-
tion récente en cette ville de nouvelles maisons de commerce étrangères,
REVUE POLIT., T. XX 42
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646 LA VIE POLITIQUE ET PARLIMENTAIRE A l'ÉTRANGER
Le9 maisons qui s'occupent d'oxporUtien, i'imperUUan oa des dtux à U
fois se dénombrent ainsi &
8 Frannaises ou protéf^et par la Franoe.
i6 Anghiises.
17 Allemandes*
4 RuAses.
3 Japonaises,
i BeHandaise.
1 Belge,
i Danoise.
La valeur du commerce du port de Tteatsin peiMbuit raanée iSd? a été
la suivante :
L'importation de France à Tientsin est relativenMnt fêMe; tUe rapoae
spécialement sur Tartiole de Paris, les jouets, Ita chaînes d'acier dorée&
et argentées, liiorlogerie, la Mjoutehe, la lunetterie, la parfumerie^ k
mercerie, la confiserie, les conserves, le» TÎna et lûpMun. Noua avona à
lutter contre les Anglais et les Allemands, qai exportent en même kam^M
que les articles similaires aux nôtres, les bongiea, les saronfly les coêeni^
nades, la teinture d'aniline, le verre à vitre, la miroiterie, les armes, le
matériel de chemin de fer et de télégraphie. — Les Japonais, qm excellent
dans l'imitation, envoient, en plus de leurs spécialités, l'article de Paris,
les fournitures de toilette, les cotonnades eiteaaliumettea^LesAménonins
importent les cotonnades, les toiles, l'horlogerie et le pétrole, mais ce derw
nier produit en moindre quantité ^ue les itnsees. Koua pounicHis tenter
l'importation des serviettes, des moiiekoirs, des outils, des cinMOiis^ des
pièces métalliques pour la construction et les trarana de semunerie, de la
sellerie, des savons, des bougies et des produits chimtqnes.
L'exportation directe en France est peu importante, nos fabricante s'ap-
provisionnaient le plus souvent à Londres ou à Haiabourg. On etxporie
cependant chez nous du poil de chameau el de la kine de monten qui ne
sont utilisables que pour la fy[>rication deS' eou^Mrtnres ^rosnàreft «t den
tapis ; des tresses de paille et des plumer pour eàapeaos; des peansdtt
daim, chèvre, mouton, des sotes ée pore el 4m sanglier, et dbiérenies
fourrures.
Les marchandises exportées de Tientsift èdesliniftîemdes ports, de Qàub
ou de l'étranger sont, en plus des produits qui viennent d'être dénommés^
les pailles blanches ou mélangées, les iatestes de nrauten et. d» perc» les
os, les cornes, les produits médicinaux, les «mandes, les dattes,, les pois et
les haricots.
Les Anglais et les Allemands détiennent principaleoienl le oeoMoacce
d'exportation. Dans le courant de l'année dernière, c^wninnt, deux im-
portantes maisons de commerce âmnçaises (Olivier, de îiiingrnfcngnn et Cie
et Racine Akermann et Cie) ont établi des snocurontoa eu lieataim^ i
en vue du commerce d'exportation.
Les établissements de banque de Tientsin sont t*
La Ghartered Bank of tndia, Australia and iaiinfeu
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CtilKE 647
La Deulsoh aftiaXiftcbe Bank.
La Hongkong and Shas^aï Banking corporation (suecursaie auesi k
Pékin).
L'Impérial Bank of China.
La Banque Ru0so-Chinoise (établie également* à Pékin).
La création d'un établissement de crédit français, qui a souvent été
souhaitée, contribuerait à améliorer notre situMi^n dans cette région, et
en aidant nos natioAaux qm y résident, elle aurait peut-être pour résultat
d'«n attirer d'autres. Il serait en effet désirable de voir s'augmenter le
nombre de nos compatriotes. Nos commerça«ts0t nos industriels en étant
représentés d'une façon permanente se rendraient un compte plus exact
des besoins et des ressources de ce pays«t prendraient vraisemblablement
une plus largl» part dans les entreprises qui s'y fondent.
Jusqu'à présent, la* province du Petclteli -est la seule qui possède dm
chemins de fer. La ligne de Tientsin-Pékin permet d'effectuer en quelques
heures entre ces deuic villes un voyage qui prenait autrefois plusieurs
jours.
Le public accorde sa faveur à ce nouveau mode4e transport et les trains
regorgent toujoun» de voyageurs et de marchandises. De Tientstn'la ligne
de Pékin se poursuit par Chanhaikonaa Jusqu'à Tchon^-he<oU' souo, à
60 kilomètres environ «u^elà de la Graade Muraille. La voie a la largeur
des voies^ anglaises et l'exploitation en est faite sous le contrôle d'ingé-
nieurs de district de la même nationalité. Il y a parmi les employés quel*
ques conducteurs européeiM», mais la plupart des locomotives sont confiées
à des Chinois. Les ateliers du chemin de fer, où est construit le matériel
roulant et où sont ajustées les locomotives, se trouvent h Taugshan près
des mines de charbon.
Une autre ligne de Pékin à Paoting*fou est sur le point d'être terminée,
elle est construite par des ingénietti-s anglais. Cette ligne sera le premier
tronçon du chemin de fer Uankeou- Pékin qui venant du sud arrivera à
Paoting-fou.*
Les transports, en général, comme dans toute la Chine, laissent beau-
coup à désirer : ils s'effectuent en brouette, en charrette, — à dos de cha-
meau, et par jonqtiès dans les endroits que traversent des cours d'eau
navigables ou é^ canaux.
Les bateliers du Pei-ho qui avant l'établissement du chemin de fer Pé-
kin Tientsin effectuaient le transport des voyageurs et des marchandises
entre ces deux points, ont sUbi une grave atteinte dans leurs intérêts ; le
mouvement fluvial sera encore diminué le jour où l'administration du
chemin de fer aiira organisé un service normal pour le transport des mar-
chandises. Toutefois le service du transport des gmins du tribut des pro-
vinces du sud et du sol exploité à Takou et dans les environs assure en-
core une certaine activité à la navigation fluviale.
Depuis 1896?, les navires qui arrivent à Takou (embo^ichure du Pei-ho)
ne peuvent plus remonter à Tientsin à cause de Tensablement du Pei-ho.
Des travaux doitentlêtre entrepris pour tenter' de reritédîei^ à cet état de
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648 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A l'ÉTRANGER
choses. Actuellement les marchandises sont débarquées sur des chalands
qu'une compagnie locale « Taku Tug and Lighter C" » se charge de re-
morquer Jusqu'à Tientsin.
Entre Shanghaï et Tientsin un service permanent (interrompu en hiver
alors que l'ouverture du Pei-ho est bloquée par les glaces, c'est-à-dire
pendant trois mois environ) est assuré par les compagnies : China Mer-
chants Steam Navigation C* (Chinoise).
China Navigation Company Limited (Butherlield and S^ire (Anglaise).
Indo-('4hina Navigation C« Limited (Jardine Mathesson and C") (Anglaise).
On peut ajouter la « Chinese Engineering and Mining Company > dont
les bateaux destinés, à l'aller, au transport du charbon dans les ports du
sud, prennent souvent du chargement au retour.
La compagnie japonaise <( Nippon Yusen Kaisha » assure une correspon-
dance bi-mensuelle entre Kobé Nieoutchouang, Tchefou, Tientsin et la
Corée.
Enfin la maison allemande Melchers et Cie a inauguré récemment un
service entre Shanghaï, Kiaotchéou, Tchefou et Tientsin.
Il est regrettable qu'une compagnie française n'ait pas établi un service
de cabotage qui aurait été également profitable à ses intérêts et à ceux de
notre commerce et de notre industrie.
Dans le mouvement de la navigation du port de Tientsin une augmenta-
tion de 70 bateaux se remarque en 1897. En 1896, le nombre des navires à
vapeur et à voiles, tant entrés que sortis, avait été de 1.395, jaugeant
1.241.645 tonnes. En 1897, il a été de 1.465, jaugeant 1.326.663 tonnes.
La navigation en 1897 s'est répartie entre les diiférents pays ainsi qu*il
suit :
imporlalions étrangères 30,iià,â60 làSU
» chinoises 13,846,713 »
Produits indigènes exportés à l'étranger.. 7iâ,4â5 •
en Chine 10,277,619 -
Total général 55. 050,017 la?l^
BATEAUX A VAPEUR
Entrées et sorties
Pavillons Nombre Tonnes
Anglais 569 564,187
Allemand ii 18,5i0
Suédois Norvégien 94 8o,i80
Australien..... i 2.992
Japonais 84 68,550
Chinois 660 569,778
ToUl des bateaux à vapeur. 1,433 l,309,3a7
BATEAUX A VOILES
Anglais 22 9,990
Américain 10 7,366
Total des batoaux à voiles. 32 17.356
Total général 1 ,465 1 ,326,663
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CHINE 649
a. CHANTOUNO. — Le Chantoung a Une superficie de 65.104 milles carrés,
sa population très dense s'élève de 36 à 40 millions d'habitants. L'indi-
gène du Chantoung est robuste, de haute taille, travailleur, économe,
excellent laboureur ou colon; il émigré souvent chaque année, soit à
Tientsin, soit à Wladivodstock, soit en Mandchourie. On peut évaluer à
50.000 le nombre d'individus qui quittent leur pays, du mois de mai jus-
qu'en octobre. Le mouvement d'émigration des naturels du Chantoung,
causé par la difficulté de vivre et la très faible rétribution de la main-
d'œuvre sur leur sol natal, ne fera que s'accroître avec les ouvrages entre-
pris par les Russes à Port-Arthur et à Talienwan et avec les travaux du
Tr.'insmandchourien.
La province est réputée .salubre et le port de Tchefou passe pour le
plus sain de la côte.
Les variations entre la température d'été et celle d'hiver sont grandes.
La saison des pluies est de courte durée; la neige tombe parfois en abon-
dance en hiver, pour \o plus grand bien de l'agriculture ,qui a souvent à
souffrir de la sécheresse.
Au point de vue géologique, la province peut être considérée comme
formée de deux parties bien distinctes : la partie péninsulaire et la partie
continentale. La partie continentale se divise en deux sections : une région
de plaine qui constitue l'ouest de la province et n'est guère qu'à 30 mètres
d'altitude; son sol formé d'alluvions composant le terrain'appelé «loess »
est très fertile,-très bien cultivé et donne plusieurs récoltes par an. L'autre
section qui constitue le Chantoung central est la région la plus accidentée
de la province, elle est partagée par des failles ou crevasses en un certain
nombre de blocs rocheux sans qu'on observe aucun plissement des cou-
ches; là se trouve le pic de Tailhan (1.300 mètres) un des plus hauts de la
Chine; c'est une montagne sacrée, but de nombreux pèlerinages.
La partie péninsulaire semble le résultat d'un soulèvement ancien, anté-
rietir aux formations carbonifères : la présence de basalte dans les îles
voisines, paraît indiquer l'endroit où était le centre éruptif. Le terrain de
la péninsule est formé de calcaires, de gneiss constituant des montagnes
abruptes et sauvages.
Le fleuve principal est le fleuve Jaune qui présente la parlicularité
curieuse d'avoir plusieurs fois changé son cours, à cause de l'énorme
quantité de limon que ses eaux charrient et qui élèvent peu à peu son lit.
Le grand canal coupe le Chantoung à Test dans une direction nord-
est sud-est.
Le Chantoung comporte dix préfectures (fou). Sinanfou est la capitale
de la province et la résidence du gouverneur général. Les laotais sont au
nombre de trois; l'un d'eux se trouve à Tchefou et est appelé à entrete-
nir de fréquents rapports avec les consuls, ce qui lui donne une certaine
supériorité sur ses deux autres collègues.
Les productions agricoles de la province consistent en millet, maïs, blé,
sorgho, sarrazin, orge, sésame. Des rizières se rencontrent dans la région
sud- ouest. Les léguipineuses sont très cultivées, particulièrement les hari-
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«50 LA VIE POLITIQUE ET PAUMMENTAIRE A l'ÉTRANGER
cols et les'fàferoles. Dans les iQ^rams saMonneux et légers an bord -de la
mer oti le long des rivières Ton trouve de grandes cttltures d'^uraiebides,
dont les graines sont consoairaéesà Tétat sec ou broyées poiur^nmir une
huile, d'excellente qualité.
Les plantes textiles soot le coton, cultiré surtout à Tenest, le ohanvre et
la ramie. Le chanvre U'est pas tissé, il .est utilisfé seulen^ent -pour la fabri-
cation de cordages; quant à la raoïie, ses tiges servent à confectionner
des ûlets de pèche et une étoffe spéciale appelée dans le pays : « kopon n.
On trouve au Chantoung un assez grand nombre de plantes 'tinctoriales :
Torcanette, le carthame, Tindigotier, Peu^orbe et un ] ai^^Mrisseau de la •
famille des rhamnées, le ce rhamnus tinctorius r, qui donne une belle
couleur verte.
Dans la partie orientale, le pavot est cultivé, le produit obtenu est infé-
rieur ii Topium de Tlnde et ne sert qu'à la consommation locale. Le
sésame manufacturé en une sorte de gâteau se mélange à Topium.
I^s cultures maraîchères sont assez florissantes, le légume le plus
important est le chou qui est exporté, frais ou salé, jusqu'aux extrémités
sud de Tempire.
Les fruits du Chantoung sont appréciés et ses pèches, ses abricots, ses
poires, ses fraises, ses prunes, ses cerises, ses framboises, ses iioix, ses
noisettes, ses jujubes achalandent le marché de Shanghai.
Il y a lieu aussi de mentionner les plantes médicinales qui sont o«l*
tivées en grande quantité.
Les mulets, les ânes -et'les poneys sont employés comme bétes de somme.
Les mulets principalement sont nombreux et leurs qualités de fond et de
résistance aux oKmats tropicaux ont été assez a{^éoiées des gouverne-
ments coloniaux d^ndo-Ghine et de Java, pour que ceux-ci envoient fré-
quemment à Tchefou des officiers chargés de la mission d'effectuer des
achats destinés à la remonte de leur artill^ie. Le bœuf, qui n'est pas
utilisé pour la boucherie, sert comme animal de trait.
Les porcs sont élevés en liberté et on les rencontre dans les rues des
villes et des villages où ils se nourrissent de ce qu'ils trouvent. Leur ohaîr
est de bonne qualité et constitue, avec le millet, la base^de rfllimen4a(Cion
du peuple; leurs soies longues et dures donnent lieu à un commerce
assez considérable avec l^urope.
Les volatiles domestiques sont les poules, les oies, les -canards et les
pigeons.
Les côtes du Chantoung sont très poissonneuses. Des villages entiers,
tout particulièrement au cap Chantoung, ne se composent quede pécheurs;
les poissons qu'ils prennent sont séchés, fumés ou salés et expédiés en
grande quantité vers les provinces du sud de la Chine.
Au point de vue commercial, deux espèces d'insectes sont intéressants :
r (( atacus pernyi j> qui est le ver à soie du chêne et le « coccus pela » ^i
produit une cire assez appréciée en Chine et en Europe.
Les mines sont nossbreuses dans le pays, on y trouve l'or, r^rgent, le
fer, le cuivre, le soufre, le meroure, le charbon.
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CHI»}E 65 i
Les finsd^UK tosMiifi JbMiîUen Boat oeai d'Yitcbeoufou, de Weishien,
F^ektatàkôen et de Tioo-Tdioiian.
Le JbafiAki d'Yi-toheeu a 'mmt étendue de ^7 milles da nord au sud sur
TSmiiles de i'eetà ToKest; Textraction de la houille s'opère au moyen
d'un grand nomtoe 4e puits 4ont la profondear varie de 30 à 50 pieds.
Ao-dessous de «ette profondeur les eaux foait irruption. Le charboa an
est translormé eu coïke, «loififi lourd à irajisporter que la houille. — Les
méthodes indigènes eai^yées à Weiflhien permetieiit d'obbenir anauel-
iement un reademeut de 5.000 tannes. L'exploilation des gisements situés
MUS uae fdaâte «st contrariée par renvahissement des eaux; de nouveaux
pmits remplacent omm qui pour cette cause, ont dû être abandonnés. 11 y
aurait à Weisl»eii, d'après les explorateurs^ deux qualités de charboa au
moins : use ikouiâle grasse ei de Tanthracite.
Les giseonente de Pochanshien d'environ 12 milles carrés sont fort
împoriaate. Le charbon y e^ d'exceUente qualité ; de plus, la position des
litts an-dessus dn nârean de la raUée permet d'exploiter sans avoir à
redouter l'envahissement des eaux. Le travail est d'ailleurs rudim^itaire,
on ne creuse guère àylus de 20 pieds de profondeur. Une grande quantité
du charbon de Pochan est transformée en coke.
Oans les oharèonnages du Tzoutchouan, grAce à l'emploi d'une pompe
eurepéemae, on a pu arrirer à une pretfbndeur de 80 pieds, mais les difii-
Irrités de transport s'opposeftt à la réalisation de bénéfices appréciables.
Le charbon existerait aussi à Kiaotcheou, Tchoutcheou et Teng-Tcheou-
Fou.
On a essayé, en 4883, d'après des méthodes modernes de travailler les
Bûies d'or à Ping-Tou, en extrayant l'or qui se trouve dans le quartz de
cette région ; ceAte tentative due à l'initiative d'un syndicat de riches Chi-
nois d'Amérique n'a pas été suivie de succès et les travaux ont été aban-
donnés.
Les Allemands étaiUis maînéenant à Kiaotcheou, au oœur de ces mines,
verront probablement ce qu'il y a à faire pour leur exploitation. Actuelle-
ment, on ne recmeille guère au Chantoung que de petites quantités d'or
par le lavage des sables des torrents.
11 faut ajouter à eetie nomenclature des richesses de la province :1e jade,
le sa^tre et même, dit>on, le diamant qui se trouversût aux environs
d'Yitdieou-Fou. Il y a aussi des carrières de marbre et de pierre tendre
ei des sources thermales presque toutes sulfureuses.
La paille de blé, transformée en tresses, est une industrie pour laquelle
il n'existe pas de manufactures. Le travail est distribué aux familles qui y
consacrent ou tout leur temps ou leurs loisirs. Autrefois très prospère^
celle industrie a sensiblement souffert d^ la concurrence du Japon ^i,
avec une meilleure organisation du travail et une main-d'œuvre saeins
rétribuée, a donné des produits plus fins et plus appréciées des places
étrangères. Aussi l'exportation totale de cet article (pays étrangers et
perts de Chine) qui, en 1687, avait été d'une valeur de &.63dJ^31 Uêls,
n'a été en 1897 que de 1.444.848 taéls. Les Chinois pourraient cependant
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652 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE A L'ÉTRANGER
lutter avantageusement sur les marchés européens, s'ils s'attachaient à
n^employer qu'une matière première de bonne qualité. Les principaux
acheteurs européens de ce produit sont la France, Tltalie et TAngleterre.
Une industrie très importante est Télève du ver à soie et la fabrication
de la soie. Il y a deux espèces de soie, celle qui est donnée par le ver du
chêne et celle qui provient du ver du mûrier. — La première, d'une qua-
lité inférieure, est produite en grande quantité; les cocons récoltés sur une
un acre de chênes en bonne condition peuvent donner de3 à 4 ca lires de
soie. Il y a deux récoltes par an, mais celle d'automne donne de meilleurs
résultats pour la solidité. La soie d'un brun pâle est tissée à la main et les
pièces ont environ 20 yards de longueur sur 50 centimètres de largeur
et pèsent 2 cattres (I k. 20). Dans ces dernières années, la fabrication
destinée à l'étranger s'est beaucoup améliorée et l'on peut obtenir mainte-
nant des pièces de n'importe quelle largeur, au lieu de la largeur uni-
forme de 50 centimètres que Ton avait autrefois. La soie pongée qui, à
un moment, a été si appréciée, a presque disparu du marché à cause de
son tissage inférieur. — Le ver du mûrier donne une soie jaune de belle
qualité qui atteint un prix plus élevé que la soie brune, mais la récolte
de cette soie n'est pas abondante, et, pai'fois même, elle fait défaut, A
cause des soins tout particuliers dont doit être l'objet le ver qui la produit
et que l'on garde et nourrit en chambre, ce qui occasionne un travail
beaucoup plus considérable. Pour que la soie en Chine soit bonne, les
feuilles doivent provenir des mûriers de 10 ans; à cet Age, Tarbre donne
de 20 à 30 catlres de feuilles dans l'année, 20 catlres donnent un catty de
cocon? qui représente i/10 de catty de soie.
A Tchefou a été installée une filature à la vapeur. Elle a été organisée
avec des capitaux chinois. Elle peut, en plein travail, mettre en mouve-
ment 580 bobines nécessitant chacune un coolie; mais 540 seulement
fonctionnent avec 120 ouvriers. Le travail est de 42 A 13 heures par jour;
le prix de la journée d'ouvrier est de 75 cents de piastre (la piastre vaut
environ 2 fr. 50) pour sa nourriture, plus 50 cents par écheveau de soie
(liée. Un ouvrier adroit peut faire 6 onces dans sa journée. La filature
peut produire 40 piculs de soie filée par mois.
Le vermicelle constitue une des branches principales de l'industrie du
Ghaittoung. Il en est manufacturé pour environ 2 millions detaêls par an.
La meilleure qualité s'obtient avec des haricots verts provenant de Mand-
chourie et du Houang-Hsou en Corée. Les qualités ordinaires sont faites
avec des haricots jaunes ou du millet mélangé A des haricots verts. Cette
industrie, qui est très florissante, répond A la demande locale et A celle
très considérable du sud de la Chine.
Les haricots jaunes servent AJa fabrication de l'huile de pois. Les tour-
teaux faits avec le résidu sont exportés vers le sud où ils servent A fumer
les champs. L'huile est employée pour Téclairage, mais elle cède peu A
peu la place au pétrole.
Le rendement des salines s'élève annuellement A environ 3 millions
de taêls sur lesquels sont perçus 600.000 taëls de droits.
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CHINE 653
En i882, le commerce général du Chantoung était d'une valeur de :
9.i62.607 haikouan taëls, il a constamment depuis (excepté en 1888) subi
un mouvement de hausse jusqu'en 1897, où il est de 22.051.976 taëis. II a
donc plus que doublé en 16 ans. Cette augmentation est due principale-
ment au développement des relations commerciales du Chantoung avec la
Corée, le Japon, la Mandchourie russe et chinoise, et les Etats-I'uls. Le
Japon tend à s'y créer une situation prépondérante comme importateur
d'allumettes, de toiles, de parapluies, de mouchoirs et de l'article au dé-
tail, dit article de Paris. Pour les pétroles ceux d'Amérique sont toujours
maîtres du marché.
L!Europe n'occupe qu'un rang secondaire dans les importations
auxquelles participent l'Angleterre, l'Allemagne, la Hollande et l'Italie.
L année dernière elles ont été d'une valeur de 11.776 taëls, sur un chiffre
total d'importation de 3.268.153 taëls. Hong-Kong est un des priocipaux
importateurs au Chantoung.
La France, à part quelques vins, spiritueux, boîtes de conserves et fla-
cons de parfumerie, n'importe rien dans cette province. Nos négociants,
en raison de la nature de nos produits, c'est-à-dire leur Onesse et leur
cherté reiative,ne peuvent vendre qifaux Européens. Le Chinois, peu sen-
sible à la bonne qualité, s'attache surtout au bon marché; il ne consomme
donc pas ni nos produits alimentaires ni nos vins : ses goûts sont simples
et le luxe lui est inconnu.
Les exportations depuis trois ans se maintiennent à un chiffre moyen
de 7 miHions. Cette stagnation a trois causes : l«la crise subie par le com-
merce de la paille tressée, par suite de la concurrence que lui fait le Japon;
2'» une série de mauvaises récoltes pour la soie ; 3** la disparition presque
complète de l'exportation des pongées.
La Mandchourie russe, le Japon, la Corée, Formose, Hong-Kong sont les
principaux acheteurs du Chantoung. La fabrique de Lyon fait en seconde
main d'assez importants achats de soie. Les marchés acheteurs de paille
tressée sont Londres et Paris.
Dans la province subsistent les restes de deux grandes routes impériales
et d'autres routes plus récentes. Elles sont les unes et les autres également
en mauvais état : la saison des pluies, d'une part, les inondations du
fleuve Jaune, d'un autre côté, les rendent une partie de l'année imprati-
cables. Quand elles peuvent être utilisées, les transports se font par bêtes
de somme, brouettes et charrettes. Une charrette peut transporter de
15 à 25 piculs selon sa grandeur. Presque toutes les marchandises dirigées-
sur Tchefou, ou en sortant, sont transportées sur des mules; il faut voir
là une des raisons du peu de prospérité de ce port. — La batellerie est
aussi un moyen de transport souvent employé, bien que plus long, parce
qu'il est moins cher.
Le commerce du Chantoung se fait par le port ouvert de Tchefou, il se
détaille ainsi eu 1897 :
ImportaUons élraDgères 11,066,410 HKTls.
* chinoisefl 3,268,153 »
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954 LA VIE POLITIQUE ET PASSBHENTÂIRE Â l'ÉTRâNGER
?mà\iiUiaàighBm9LféfiU.'mXUmêgf, i,M7,7»3 «
» » » iaasloLporls^liiaAÛ. 6^69,660 •
('e qui donne le chiffre précédemment cité de.... 2i,05t,976 HECTls,
Lee batMUz qui ont foéqoenté le Tebefou we répaaHaeePt aioM :
BATEAUX A YAPBUR
EnfaiéM M «ggtfea
ParrilknM flonbre Todb«s
Anglais 4,329 1.318,601
Allemand 260 2l6,i44
Hollattdais 6 i,932
6«éd#M Norfidgieo M 77Jtt
Rusie U ^ti^ftU
Australien 2 3,ft48
Japonais i46 129,888
Coréen 2 8f»
CktOM , 6«5 997,040
ToUI des batsaux à rapcur. . 2,560 2,370,647
lUJBAVK A wooma
AngW» 19 . MW
Améntain « 2,MB
Allemand 2 mi
^Suédois ^QTV^cn 4 L.AOO
T«t«J 4iea faotoaH 4 voifea., M tt^M
Total général. . . 2,5M 2,3i«5.30l
Deux puissances occupent des poinU au Ghantoung : les Aliesiaiub saut
à Kiaotcheou et les Anglais à Wei-bai-WeL — Sous Timimliioii de TAlk-
magne qui exercera son inHuence dans la province^ il Ae tardera pas à se
produire un grand mouveœenX de transfocmatioA : les mines serrât
exploitées, des voies de chemin de fer seront créées.
L'acti?Ué se portera spécialemeat dans le sud autour de JUaaickeou qui
deviendra un centre commercial. Le gonverneineBt germaniqne ne négli-
gera jien pour le développement de son nouvel établissement et il ambi-
tionnera de lui douAer dans le nord de la Chine la sitoatian préf>ondécante
qu'à Hon^-ALojDg dans le sud. Tchefou s'en ressentira et aura vraisemUa*
blementle sort de Macao, dont la décadence a suivi la pros|»é£iié de la
possession britannique sa voisine»
(A tuivre).
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m ^êmm et PAftLEMËNTÀHi m mmi
il. .^ LA PKMUTIAUB «WnSMBCffie JHU MOIS
Pam, le i«" juin 1899.
Au m^QiQnt.où Qouséefiivons ces lignes, Paris ij^égente^n spectaeie à
la fois éfccange «t affli^aiit. Ce lo'^si pas qoe le cadpe extériear >maiMiiie
de gaSU^ : un aoleil «baud et radieux, qui paraît d'autant plus brillant qu'il
succède à des joues d'hiver, rend ^ptas belle encore la grande capitale;
dans certains quaifliecs, 4es drapeaux «nombveux flottent aux fenêtres,
français et étrangers, en (pavtieuUer .celui de la nalien « amie -et alliée » ;
ilans les mes, «une «foule qui paraît joyeuse ; ibref, ipartout un air de lete.
Que se passe-rt-il .donc ? £st-*ee le Tizarqui nous envoie Tamiral Avéllane
avec ses officiers, pour nous -enoourager à poorauif re la réalieation d'une
alliance ,gue nousdéwone ? Eai-oe mieux «ncore : ie Président de la Répu-
blique revenant triomphalement (de SaMlt^Péter8bourg avec un traiié d'aU
Uauce dans sa pocbe ? Qu bien — hypothèse ;plus radieuse «— célébrerions-
nous quelque grand auccès «remporté aur^m peuple étranger? On pourrait
le croire ; .car Tobseriiateurialtentif est frappa, «n regardant les drapeaux
français et étrangers flottant dans Tair pur, de constater qu'il en manque
un qui,, oepco^dant, s'associe volontiers, d'ordinaire, à nos fêtes nationales :
c'est le drapeau de l'Angleterre. Serait-ce donc cette nation que nous
aurions humiliée, et qui, a.lors, aurait une exœllente raison de ne pas
prendre part ,à nos réjouissauces ? Il n'en est rien. L'événement glorieux
que QOQs fêtons, c'est le retour de Faohoda ! Le commandant Marchand a
fait son .«lutrée dans Paris md jiuiLtin ; fC'est roœasien de cet-earthousiasme.
Or, nous itiîouvQus que ce spectacle »est pénible. En effet, cooMae fl est
évident que ee n'^sL-pas l'oiiplQtrateur qui est fêté, en dépit de l'importanoe
géo|(raplûque de son cai^vpe «t «des qualités r^narquables qu'il lui a fallu
pour raccoim>Ur., H iUke res^Cff^ deux ihypothèses pouvant expliquer 'les
mauifesjtations auxquelles ^iu>us asaiatons ; ou bi«n, comme le pensent
quelques-)m3, eli^s jont un of^a<>tèflce foondeur et sont itidgées oontve le
gouvernemept, enduise 4e proteatatioin cotitre^on attitude dans t'afraire
de Fachoda ; .oiu hiw^ elles itrabik^scoit, cihez ceux .qui s'y livrent, une singu-
lière GouGiepUon.de ce qu'il snmt pour constituer un succès national. Dans
le premier os^.^r- dont xious;n'uurioos pas à nous occuper à cette place ^
nq^s nous .tcouverious eiu pr^ence d'un état d'esprit assez inquiéta«t.
Psg^s ie second, c'est presque un sentiment de confusion qu'il noos fau^
dr^t éj[>»rouver; car, fêter aiiusi le retour de Faokoda, rappelle ternblemeot
l'aittitude des italiens, qui illuminèrent après l'évacuation de iMakallé, ou
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656 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
encore la joie des Espagnols, lorsqu'ils apprirent que leur flotte était
entrée dans la baie de Santiago de Cuba, d*oîi elle ne devait sortir que
pour être détruite.
Aussi, nous ne nous arrêterions pas à ce triste épilogue de l'expédition
Marchand, si notre Parlement n'avait pas eu à dire un dernier mot pour
clore définitivement ce chapitre peu glorieux de notre histoire coloniale.
Le 30 mai, en effet,, le jour même où Marchand débarquait à Toulon, le
Sénat votait la convention du Niger, du 14 juin 4898, puis son annexe, la
déclaration du 21 mars dernier, qui règle la question du haut Nil, brus-
quement rendue aiguë par l'arrivée de Marchand sur ce fleuve. Nous ne
reviendrons pas sur la valeur de l'arrangement intervenu, puisque nous
l'avons apprécié amplement dans notre chronique du mois d'avril. Nous
nous bornerons donc à signaler au passage les points les plus intéressants
de la discussion qui s'est déroulée au Sénat, et à laquelle ont pris part, en
particulier, M. de Lamarzelle et le ministre des Affaires étrangères. Cette
discussion a présenté quelque confusion, parce qu'elle a porté sur des
questions distinctes, quoique apparemment connexes. On a parlé de notre
action diplomatique pendant la crise de Fachoda, de la valeur matérielle de*
l'accord signé le 21 mars, puis de considérations générales sur notro ma-
nière de coloniser. M. Delcassé n'a pas eu de peine h prouver, en répon-
dant à M. de Lamarzelle, que, non seulement, nous ne pouvions pas espé-
rer, étant données les circonstances, obtenir davantage que ce qui nous
est échu; mais, en outre, que ce que nous avons obtenu a une valeur
réelle. Quant k la critique que M. de Lamarzelle a faite des clauses com-
merciales, elle est juste, en ce sens que le système de réciprocité, appliqué
aux contrées du Nil comme à celles du Niger, favorise le commerce
anglais aux dépens du nôtre. L'orateur de l'opposition a énoncé une vérité
qui est malheureusement incontestable : à savoir que nous avons des colo-
nies pour les autres ; car, après que nous nous sommes donné la peine de les
conquérir et de les organiser, ce sont généralement nos rivaux qui les
exploitent au point de vue commercial. Mais à qui la faute? C'est Tapalbie
de notre commerce qu'il faut en rendre responsable, et, peut-être aussi,
notre tempérament général, si peu porté à la colonisation effective. En ce
qui concerne la réciprocité commerciale sur le Niger et sur le Nil,
M. Delcassé a expliqué, et le Sénat a compris, que, toute question de prin-
cipe mise à part, ce système nous était imposé par l'impossibilité maté-
rielle d'établir des douanes au centre de l'Afrique. Voilà pour le côté
matériel de la question. Pour ce qui est de notre action diplomatique, —
point beaucoup plus délicat et plus douloureux, — M. de Lamarzelle a
soutenu une théorie que nous avons déjà vigoureusement combattue dans
une de nos précédentes chroniques. Il reproche à notre gouvernement,
comme d'autres l'ont fait avant lui, d'avoir traité avec l'Angleterre. Il ne
s'élève pas contre l'évacuation de Fachoda, puisque, sous peine d'avoir à
affronter une guerre, nous étions dans la nécessité de l'effectuer; mais il
blâme le ministre des Affaires étrangères d'avoir donné une sanction
diplomatique à notre reculade. M. Delcassé a réfuté cette théorie par les
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LA POLITIQDE EXTÉRIEURE DU MOIS 657
mêmes arguments que noas avons développés ici même : à savoir qu'il eût
été dangereux de laisser subsister un état de choses indéterminé, d'où
auraient pu sortir, dans Tavenir, des conflits aussi graves que celui auquel
on venait d'échapper. Quant aux responsabilités de Ténorme faute politique
qui nous a valu Thumiliation de bachoda, la discussion à laquelle s'est
livré le Sénat ne nous a pas fourni plus de lumières que nous n'en avions
auparavant. Nous l'avons dit, et nou^le répétons : c'a été presque un acte
de folie impardonnable d'envoyer l'expédition Marchand à Fachoda ; car le
bon sens le plus élémentaire criait que nous marchions à un échec diplo-
matique, si nous n'avions pas le courage d'affronter une guerre. Ceci dit,
nous avons reconnu que le gouvernement actuel s'était trouvé, en arrivant
au pouvoir, devant une situation de fait à laquelle il ne pouvait plus rien
changer, et qu'il se trouvait dans cette alternative : se retirer ou se battre.
Ce qu'il importerait de connaître, ce sont les responsabilités antérieures
et initiales. Mais puisque le Parlement, qui en aurait le droit et peut-être
même le devoir, ne juge pas à propos de les rechercher, ce n'est pas à
nous de le faire. Rornons-nous donc à enregistrer la moralité de cette
navrante aventure, formulée par deux interruptions dont M. Hervé de
Saisy a entrecoupé le discours de M. Delcassé :
« Il fallait le prévoir
« Il ne fallait pas y aller. »
La Conférence convoquée par le Tsar en vue de rechercher les moyens
d'arriver à une limitation des armements, officiellement dénommée Con-
férence de la Paix, s'est ouverte à la Haye, le 18 mai, jour anniversaire de
Nicolas 11. Malgré l'importance du but poursuivi, on a pu constater que cet
événement s'est accompli au milieu d'une indifférence presque complète.
Cela s'explique aisément par une double raison : d'abord, les espérances
que quelques^ns avaient conçues, dès le début, s'étaient promptement
évanouies, la réflexion leur ayant fait comprendre que, si l'initiative géné-
reuse de Tempereur de Russie pouvait aboutir à quelques résultats heu-
reux, il était chimérique d'en attendre le désarmement, ou même seule-
ment une limitation des armements ; d'autre part, les appréhensions de
quelques pessimistes, qui craignaient de voir cette action en vue de la
paix aboutir précisément h une guerre générale, s'étaient également dis-
sipées. Ainsi tout le monde ayant presque cessé, soit d'espérer, soit de
craindre, on comprend que l'événement du 18 mai n'ait guère passionné
personne. On s'était même demandé, depuis la fameuse circulaire du
12-24 août 1898, si le Tsar ne se résignerait pas spontanément à renoncer à
son projet, en présence du scepticisme qui l'avait accueilli de divers côtés,
et des objections très fortes qu'on opposait à la réunion de la Conférence.
Mais une telle idée, une fois lancée, ne pouvait être abandonnée brusque-
ment sans de sérieux inconvénients. En effet, outre que la Russie ne pou-
vait pas se déjuger ainsi sans une blessure d'amour-propre, il eût été
imprudent de proclamer, soit qu'on avait trop bien auguré du bon sens
des hommes, soit que l'état présent de l'Europe empêchait de réaliser une
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658 LA VIE POLITiaUB BT PAftlifiMBlITUilBB £K FRANCE
a«08i belle entreprise que celle rèrée par Nicolas' U. liieurT«lAit, par con-
séquent, s'en tenir au projet anrèté, touieii' se préparant peu' à peu, et
en préparant Topiaioa publique, sinoii àua inMcoè» compkiyéxL moiiift à
un succès très lioûté. C'est ce qui a été fait^ LaOonférenoe s^est- heuren<'
sèment réunie, comme le désirai t> le Tsar ; mais ses travaux, aulant du
moins qu'on peut les apprécier diaprés les*données encore peu abondantes
fournies au public, indiquent que le j[irograoune q»*elle s^esT trtu>é diffère
sensiblement de celui qui lui avait é té alssigné a« début.
Ou se souvient^ en effet, que l'idée loadameiitale de la oîroulaipr du^iâ*
24 août consistait^ non pas daas le désarmement pioprement dit,
comme on se l'était d'abord imaginé à tort, mais dans une limitation des
armements actuels au stcUU'fu»^ ou' dtor leur réduction pf<ogressiv«. Quant
aux autres poinito de ce programme primitif, ils apparaiissaient comme
étant d'onire to«U à fai^secofidaire. Or, c'est à une interversion complète
dea* facteurs que nous assistons' at4««(rd*'lMÛ, ainsi qu'il ressort du très
intéressaut discours prononcé, k; 20, par le baron de Staal, phncipai déJé*
gué de la Russie, qui a été élu président de la Gouférence. Btos ce doou<^
ment officiel, qui représente directement les vues actueUes de IVteeAas II,
c'est surtout de l'arbitrage et de la médiation qu'il est question, comme
devant surtout solliciter l'attention des délégués, puis de l'atténuation des
horreurs inséparables de la guerre, quand celle-ci est de>ventte inévitable.
Et ce n'est qu'après des développements assez longs dans cet ordre d'idées,
que le baron de Staal, vers la (in de son disoours^ glisse, comme incidem-
ment et à la dérobée, cette petite phrase, à laquelle il n'a pas l'air lui-
même d'attacher grande importance : « Il y a, d^-ailleors, lieu de se
demander si le bien des peuples n'exigera pas la limitation des annements
progressifs. C'est aux gouvernements quUL appartient, dane leur sagesse,
de fixer à cet égard les intérêts dont ils sontchaiigés. » Comme on le voit,
c'est Ma changement de front compte!. Àussi^ dè»maintenaEit,.on s'est fait
à cette idée que,. si la Conférence de la Paix aboutit à qaelqpie dioee, ce
sera à rendre, peut-être, plus facilement- apf>licad}le le [uincifie de Taiin^
trage et de la médiation, question dout^s'oocupe ia< troisième commission»
présidée par M. Léon Bourgeois, principal' délégué de la France. Cepen-^
dant, même à ce point de vue restreint^ ou ne peut se défendre de quelque
scepticisme, malgré l'oplimisme dont semble être animé le discours du
baron de Siaal. Une première objection subsiste, que nous avons faite à
celte place, il y a plusieurs mois, avant tout le monde, et que nous avons
vu reprendre, récemment, en particulier par le lïmes. Nous faisions
remarquer, au- moment des polémiques provoquées par ia^ circulaire du
lâ<-24 août, qu'un élément de succès important,, dans la guerre mo«
derne, consiste daus la rapidité de la mobilisation ; et nons en <)onclnions
que les puissances particulièrement favorisées à ce point' do vne, *-« teile
l'Allemagne — accepteraieut peut-être difûoilement de settmettre à l'arbi^
trage un différend im^portant, ce qui permettrait à la poispaifce adverse de
parfaire sa mobilisation pendant que les arbitres discuteraient, en sorte
que l'avantage résultant d'une mobilisatiou bien •ordonnée aerait*«ofnpiète*
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Ul PeUTKIBIB: SQEnÉRIBCBSB IMT ]f6IS ô&#
iDABi perdu, pour œiui de» desx adrersaaies' qui I^'anraii à son actif, Déci-
àeMAhoUf'tf^ !& mûbâiisalMM na poRrra OMSUBeDeen, de part et d^aatre,
^0 locsque le» arbitras auraot proclamé laar impuissaïkce à aplaiaiv le
difllérand à-raobabla? Ilai&» oiiire qa'BH tel pcitteipe, ea- suppoMUitnéiiie
qa!il iùl adopté théoriqttBmeat, serait dhine application impossible en fait^
il 9» seHÉble pas nuème qa'il ait des^ chanee» d^éire admis eo droit. C'est
aiasi que la cooite Ni^ra, dëléffiié de Tltaslle, a demandé qae la> médian
tion et rarJâtragft ne. puîmactpae aivèAer la» pr^pacatils BniUtaires et la
moâiiliaatioa. Dans ce oaa,, L'okfeclioni dent noQs parlons cmMerverail
toute sa graj»M« D'autre pact, la diseoms dui>acaa de Staal contient,, ett
faveur de Tarbitrage, des arguments qui, malheureusement, nous semblent
n'être qu'un leurre. Sa tibàse. peut, sa résumer par la phrase snifiuite,
que nous extrajFoas de sou discours : « Nous apercevons entre les nations
une commnnanté d'intérêta naiéiûelaetinaraaiequi ne cessent d'accrottre
leadienS'Cpii unissant les parties de la grande fanùlle humaine et deviea*
nent toujaui» plus étroits. Voulûib-eUe rester isolée, une nation ne le pour-
rait pas; Me est prise comme dans un eofrenage vivant : fécond bienfait
pour tous 1 Elle fait partie d*un mteia organisme. » C'est presque Tapo^-
logue des membres et dePestoaiac. Or, combien la réalité dénient cette
tàéojnie ! Non seutement la guerre profite directement à une partie de cet
ooiganisme, — à savoir aa, vainqueur, — mai&elle peut être, en outre, d'un
profit indirect pour des tiers qui na. sont pas impliqués dans le conâit.
Cala est si vrai qu'on a vu âaa gouvernamaats, nen seulement ne rien
faii\e pour empêcher une guenre entre leurs voisins:, mais même intriguer
sous main pour la rendre iaévitable. Aujourd'hui encore, parmi les puis-
sances européennes, on pourrait en oiter qui ne désireraient rien tant
que de voir éclater un oonfiit entre dee Etats déterminés. Ainsi, tout en
souhaitant ardemment que la Gonférenoe fasse quelque chose dans le sens
de l'arbitrage et de la. médiatiion, on aurait tort de s'abandonner à des
illuaions décevantes, et Ton suivra le conseil du baron de StaaL lui-même,
<]uiise défend de vouloir entoer dans le domaine de l'utopie.
Du reste, l'impression que la cooférettce n'aboutira à nen de grand est si
^nérali», que, dans dîjrers pays, on s'applique déjà à rejeter sur autrui
la responsabilité de son inauocès éventueL Au début, on avait proclamé,
surtout en. Allemagne, que Toppositian de la France serait le principal
obstacle à la réalisation du projet du Tsar; notre pays, assumit'on, était
tropi obsédé par sotn idée de revanche pour consentir à s'arrêter dans la
voie des armements. Or, certaines manifestations oratoires de Guillaume II,
en particulier son fameux discours de Porta Westphalica, dans lequel il
disait que la meilleure garantie de la paix était une forte armée, ont
montré clairement que l'Allemagne. serait aussi peu favorablement disposée
que possible en fav«ur du désarmement. Mais il y a plus. Guillaume II a
désigné, comme l'un de ses représejatants- à la Conférence, le baron de
Stengely professeur de droit à rUiiiversiié deHunich) qui, quelques mois
auparavant seulement, avait publié^. sauftoe titre : la Paix étemelle, une
sorte de pamphlet, dans lequel était tournée en ridicule l'idée du [déean-
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660 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
mement, et où nous était présentée, en même temps, comme nne apologie
de la guerre. Sans doute, les opinions soutenues, dans cet ordre d'idées,
par M. de Stengel, sont dignes d'intérêt, si on les considère à un point de
vue philosophique. Mais envoyer cet homme à la Haye, c'était faire preuve
d'une ironie un peu excessive, et signifier très clairement, en même temps,
qu'on ne prenait pas au sérieux l'œuvre de la Conférence. Nous ne préten-
dons pas, pour cela, qu'il faudrait attribuera l'Allemagne la responsabilité
d'uQ insuccès éventuel ; mais nous soutenons que, après le discours de
Porta Westphalica et le choix de M. de Stengel, l'Allemagne serait le
dernier pays où cette responsabilité pourrait nous être attribuée.
Revenons maintenant sur le terrain de la politique concrète. En Italie,
un événement fort important s'est produit : une crise ministérielle, inté-
ressante aussi bien par les conditions anormales dans lesquelles elle a
éclaté, que par la solution qui lui a été donnée. Depuis plusieurs jours,
la Chambre discutait la politique extérieure du cabinet Pelloux, ou, plus
exactement, de l'amiral Canevaro, ministre des Affaires étrangères. Deux
questions étaient exploitées par les adversaires du gouvernement : celle
de Vliinierland de la Tripolitaine, puis celle, beaucoup plus grave, de l'in-
tervention de rilalie en Chine. La première, déjà discutée peu de temps
auparavant par le Sénat, qui avait rendu un vote de conOance, avait été
soulevée par la convention anglo française du 21 mars, en vertu de la-
quelle nous obtenions une partie de l'arrière-pays de la Tripolitaine. Or,
les coloniaux italiens nourrissant toujours l'espérance que celte partie de
l'empire ottoman fioira par échoir à leur pays, ils ont fait un grief au
gouvernement de n'avoir pas su empêcher la conclusion de la convention
du 21 mars, qui attribue à une autre puissance une partie de Vhinterland
de celte future colonie italienne. Mais Timportance, toute relative, de cette
affaire, était éclipsée par celle de la question chinoise. Nous avons expli-
qué par suite de quel contre-temps l'escadre italienne, qui était partie
pour occuper la baie de San-Moun, dans la province du Tché-Kiang, avait
été obligée de renoncer provisoirement à cette entreprise, devant l'oppo-
sition formelle du gouvernement chinois, qui faisait mine de résister par
la force à un débarquement de soldats italiens. Dans cette circonstance,
l'appui de l'Angleterre, sur lequel avait compté l'amiral Canevaro, lui fit
défaut, cette puissance n'étant disposée à seconder diplomatiquement
l'Italie que si celle-ci pouvait mener à bien son entreprise sans user de la
force. C'était donc un insuccès très réel pour la politique italienne, et une
aventure assez mortifiante pour l'amour-propre national, déjà mis à
l'épreuve par d'autres déboires coloniaux. Ou en avait voulu d'autant plus
au gouvernement, que personne, ni dans le monde politique, ni dans le
public, ne se souciait sérieusement de voir l'Italie s'établir en Chine. La
discussion, à la Chambre, au sujet de cette aventure malencontreuse, pre-
nait donc une tournure assez défavorable pour le ministère, lorsque celui-
ci, le 3 mai, démissionna brusquement, sans vouloir attendre la Un des
débats. Cette attitude^ très insolite par elle-même au point de vue de la
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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 661
correction parlementaire, parut d'autant plus grave que le premier mi-
nistre, général Pelloux, prétendit la justifier en faisant une déclaration
qui trahissait une absence complète de respect pour les prérogatives du
Parlement. Après avoir constaté que la discussion avait fait apparaître une
hostilité inattendue contre la politique du gouvernement en Chine, et
avoir insinué qu'il fallait peut-être en chercher la raison dans des consi-
dérations de politique intérieure, ou de tactique parlementaire n'ayant
rien à voir avec Tobjet même du débat, le premier ministre déclara que le
Cabinet ne pouvait pas faire dépendre des hasards d'une discussion parle-
mentaire la solution d'une question aussi grave que celle de l'intervention
de l'Italie en Chine, Pais il prononça cette phrase étonnante, qui résumait
le point de vue gouvernemental : « Le seul fait que nous puissions con-
sentir que l'on mette au vote le retrait éventuel de nos navires dans la
mer Jaune, nous semble un acte tellement contraire à l'honneur et à la
dignité du pays, que nous l'avons absolument repoussé. » C'était, comme
on le voit, contester au Parlement le droit de décider en matière de poli-
tique extérieure, et, en même temps, le déclarer incapable de comprendre
ce qu'exigeaient « l'honneur et la dignité du pays b. Ainsi, de son propre
aveu, le ministère démissionnait pour interrompre la discussion sur les
affaires de Chine, et empêcher la Chambre d'émettre un vote qui eût pu
engager l'avenir. Mais, dans les milieux parlementaires, on donnait une
autre explication, moins flatteuse, de l'attitude du général Pelloux. On
disait que le premier ministre, sentant qu'il allait être mis en minorité,
avait démissionné auparavant, afin de pouvoir lui-même reconstituer le
Cabinet en jetant par-dessus bord, quelques-uns de ses collègues. Or, on
verra plus loin, par la manière dont la crise s'est dénouée, que cette
explication ne manque pas de quelque vraisemblance. Quoi qu'il en soit,
du reste, de la cause véritable de la retraite du Cabinet, elle se produisait
dans des conditions tellement anormales qu'on alla jusqu'à parler de
coup d'Etat.
Le ministère Pelloux était au pouvoir depuis un an. 11 avait été constitué
au lendemain des troubles graves qui, au mois de mai de l'an dernier,
avaient éclaté dans différentes parties de l'Italie, en particulier à Milan.
Un grand péril révolutionnaire ayant été ainsi révélé, on avait cru néces-
saire de recourir à des procédés de gouvernement énergiques, et de former
un ministère de résistance. Pour en afficher le caractère, on en avait con-
fié la présidence à un général, Louis Pelloux, qui s'était adjoint comme
collègues des hommes politiques pris dans des camps différents, en sorte
que le nouveau cabinet ne représentait pas la politique d'un parti déter-
miné, bien que sa ligne de conduite fût, dès le début, assez nettement
précisée dans le sens de la résistance. Ses actes en fournirent la preuve. Il
fit voter par le Parlement, pour une période d'un an, un ensemble de pro-
jets de loi, dits de sûreté publique, qui devaient lui fournir les moyens de
lutter plus efficacement contre les partis subversifs. Cette législation, à la*
quelle nous avons consacré une étude spéciale dans la Revue Politique et
Parlementaire du mois d'août dernier, avait trait au droit de réunion et
KEYUE POLIT., T. XX 43
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6^2 LA VIE POUTIQUE^ HT PAM.EMENTA1HE .EN FllANCE
;-«;-« A In urease à la protection dw «fflpviow pubUes. Comaieelle
L-n^rd^ét^^r^uetr - .«.ois dei,Hl«t, et ^ le gon«n«e™«nt
îê pe»^t%as7a«.oir se p^^ de« arm« -qn=eUe met A «a .d«p«U.a«,
tegTJrtl îéllL avait, il7 a qoélques n.o«. P^^^^lZZ^r;'
retfde loi que nous avons analysée dans.noe de. nos P^*"^ '*'"^-
C et qui aansson esprit, devaient ren.pl«:er d'une façon «i*û»!»>'« »*
E(at on iontla validité ya prendre un. U discossion fie oes projets «.
Swlectnre «vuil déjà donn^ lieu, tm moment oùle mm.stàre dém«-
SoL à STalb^tsarès orageux, .^n effet, Topposition de -^ndhe^pré-
sTn^'^ulTar les groupes-Giolitli «t «armrdeHi, «H«.*J-a.t tes^me-
I^ÏÏ pSes oonnne trop anli^lîbérales. Ayadt Iléjî c«lb*tt« m« -iég^-
Sipr^^re, qui .nTSevàlt .voir qu'une duPée d'-un a^. il ^.t
in Lî e qu'élte^ montrât «ioo«. Tilus hostile à une légjdaUon détej-
ï;,annnrdu même esprit. .Le principal «rgume«t contre -» P-J ^
eon^iirtait à dii^ que, le calme régnant de-nouveau en llalm les mesures
d^rigueur et d'exception étaient devenues i"'^*»^ ' t.rL «^rr.;
ment répondait que le calme, qui avalt^u.viles HrouBles de Tna.. n^Start
a*, précisément, t^'à la tégistetionffexeeplion «Jlée pour-un « ;«t qu .1
vivait lieu de craindre quHl'nepiflt.Hn avec »«*« »*8'*l«*'^1; «^««'' ,^
^se mrn-«lériélle,urventtnt tlam ««con«lti«.s,<elle ne*o*laH-p«s seule-
ment sur-la ptJlitique extérieure, qui ennva.t étéla cawe ,mm^«it«, ma.s
«nssi surune'très importedtequestion depdlitique-n«éri«fe.'en:a même
pu affirmer avec quelque appà-ence de raison que, pour beaucoup de de-
;;fés,laque*tion.5hinoise ut^vait ét^ '^'"'''^''l^llTTMlZm
Lu é'adressan'beaucoup plus àUlautaurtlesproj^sts détorde sûreté publ-
ié qu'a» minT.treresponsdbledu f.asco de Sun^ltoun. Par conséquent,
îu point de vue de la sohrtion de la crise, la quertron «s posait «a^les
termes suivants, en ce qui t>onceme'la politique mténeure : à ent.enjrart-
on aux principes de T^siâtanoe uppUqaés depuis un au, ou*ien .ndlmer
rai'on îirs lï^conciliation ? Dans ce dernier ca., il f'^'^^^'f "««T T.
la Kaudhe, et, «omme constiquence, abandonner tes projets de loi^s le
•remrer cas, il 'fallait les maintenir, et. par conséquent. chcnAer son
point d'appui, vers la droite. et 'le centre. C«rt à -cette flemière suhit.on
queleroi ëWan^té. . .
\t général PeîUta a donc «té dhargë de constituer -un nouveau mmis-
tère C'était, il est vrai, un procédé dont avaieitt le droH de se plaindre les
cens respectueux desTisages parlemeutaires. Mais le parlementarisme, en
Malie a étéricié de tant de manières différentes, qu'on n'en est plus à y
compter avec un accroc de plus ou de moins.'Parmiles groupes ttu centre
et de la droite dont le général Pelloux devait obtenir ile concours, les plus
importants «àieirt ceux de M, Sonnino et de M. di Rudirii. auxquels il
faut ajouter les amis de M. Visconti-Venosta. Pentiairt plusieurs jours, on
fut dans l'incertitude sur le -point de savoir si le principdl ciflliAortfteur
du premier -ministre serait «. -Visconti-Venosta ou "M. Sonnino. €e dernier
a peut^tre plus d'influence dans le -Parlement ; mais une circonstance
plaidait contre hii •: il-estTumi politique de M. -Gi'ispi, et il passe, à tort ou
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Là IK>UT10U£ £Xa;ÉRIi£L'R£ iMJ JIOIS 663
à rai6cm, pour li 'avoir pas ^^omplèieB^eot abandonné les .vues de Tau-
ciea premier mimstre^ ea ce qui concerne^ «ea iparticuUer, la poiiUqoe
extérieure. Or, tandis que AL Crispi avait pcaiiqué la Ïripk-Alliaiice daos
Teaprit peuconcÂyAat.que ïqb saU^ M. Vi^iCoaiUVeaakosta avait, ^u oooiraire,
filaûé les rela(i<uis franco-italieimas &xt uxxe toutautre ba&e, en sorte qu'un
rapprochomeut entre Rome et Paris était devenu possible. Nou« saiuifl»es
persuadé que, si M. Saamno avait pris le portiefeuilte des AiTaires ^tr^i^Q-
^èree,-^ car c'-eât ce poste jaaême qu'il s'agissait ^e Jlui ooniier, ««- il ajurait
i&mJL 4iom^ie 4es ohangeoiôats survenus depuis la chute de M. GrÂspi, et du
papprochement qui a uni par abonJtir à la repriàe des ceAatioAs commer-
ciales; tec sorte qu'il n^MU^ait sùremeat pas rectHnmencé «les fautes de
«en ;gallophobe ami. Néaamaiaa, .il était naitvu^el que tto>us viissions avec
plus de ixlaisir le miuistère 4es Afifaires étrai^gères occupé par M. Visoonti-
Venosta, doat les senAiiueAts plus couciliants oons étaient connus. Or,
c'eat lui qui a .uni par r^en^ecto. Mais il a été tenu oomipte de Timpor-
tance du £skcte«r paiilemenAam .représeuté par M. Soimino ; vua de ses ^unis,
M. SalMidm,est e«iré ,da»s iadMu^^e«ooimh«QaÀaon;'0n«utpe, plusieurs
«ombres du même groupe «Kt été nommée «ou&^ecrétAii^s d'Etat. De
nette «MÛère, ai IL SooBÎn^ inû-nôme neifaitpas^partie dugowrernement,
âon iuikienoe j dera cependant considérable. Ses amis <3voient jnéjxie en
^i le premier ministre de Tavenir, et affectent de me cottsidérer le nouveau
Gabkidt PeUoux que comme un Cabinet tde Ifauaition. Hans le nouveau
nmmihre^ le général Pelloux conserve ila préaidctfice ett Tiatérieur. Ses
coUègues sont: MM. Viecaoti-VenoaJtA, «uk Affaires étrangères.; Bonaâi, à la
justice ; Garaaine, aux f*uanoes; ^oselli, au Trésor; le généiwl Mirri, à la
guerre; Tamiral Betiole^.i ki marine; BarocelJUl, à Tinstruciion publique;
Lacava, aux travaux publics; Salandra, à Tagriculture ; San Giuliano aux
pestes et télégraphes.
C*^t4e 2^ mai que le Cabinet, ainsi 'Constitaé^ s'est présenté devait la
<4hamboe^ Le fait que le général Pelloux en était resté le chef semblait
déjà iournir une ipreuve en la;^eur-de l'hypothèse d'après laquelle il n'axait
démissionné qute pour écbap^r à ua éohec parleuMutaire et pouvoir .r^rs-
ler ainsi premier iminisire. €ette impression fat «coEDOtborée par Ja paiiie
4\k [programme gouvernemental relative à la<!ibine. (Qu'avait dit, en effet,
le .général P^etioux en -démissiottoant:? Qu'il ne pouvait pas admettre que la
•Chambre »lnknohâi la queetion de la particitpaiÏQn de Tltalie au démembre-
ment -de la ^hine. <î>r^ dans JU. .déoiaraUim lue le 25 mai, ium rseuleMentle
gMivemement promet de procéder tarés prudemment en Chine, -^ ce à
^oi on s'attendait, étant donnée la circonspection bien connue de M. Vis-
HMoati-VenoMa, — maie enoore de re^pireudoe «les négociatioiBs interrom-
pnesile mwiièi«A'ikeipas««B^agarravenireit à nepas placer le Parlemenrt
-àevaut des laits aocomplis qui limiteraient sa liberté d'aoHoa. Donc, on ne
xonteâte ip\m au Parlemesit le droit de décider quelle «okitiou doit élre
donnée à la queetion ckinoise. Par oonaéquent, de deiiK oboâiee r.une : ou
Men Jke général Pelloux est venu à résipisoeace, faisant fàreaquje amende
dbewvsMe ; ou ibien, --- oe qui est plus probable, -^ il n'avouait ipae, à la
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664 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
séance du 3 mai, la véritable cause de la démission du Cabinet. Quoi qui!
en soit, le programme chinois étant réduit à ces proportions modestes, et
les droits du Parlement étant reconnus, le nouveau ministère ne pouvait
pas se heurter à une opposition bien vive quant à ce point de sa politique.
En ce qui concerne la politique intérieure, la ligne de conduite du nouveau
tninistère Pelloux était très clairement caractérisée par ce fait, que les
projets de loi de sûreté publique étaient maintenus, et que la discussion
rapide en était demandée avec insistance. Ainsi, c'était bien un gouverne-
ment conservateur et de résistance que la Chambre avait devant soi. Quel
accueil allait-elle lui faire ?0n craignait qu'il ne fût pas très cordial. Avant
même que le ministère eût exposé son programme, le président de la
Chambre, M. Zanardelli, avait donné sa démission, pour protester contre
la manière dont la crise s'était résolue, et pour fournir à ses collègues Toc-
casion, en le réélisant, de faire une manifestation contre le Cabinet. Le
général Pelloux remporta un premier succès à cette occasion. Ses adver-
saires de gauche demandaient que le nouveau président fût élu le 27; il
proposa, lui, la date du 30, et obtint gain de cause, par 199 voix contre 118,
et 10 abstentions. C*était donc une majorité de 8i voix. Le 30, la Chambre
élut son président ; M. Chinaglia, conservateur, candidat du gouvernement,
remporta par 223 voix contre 193 données à M. Zanardelli. C'était «ne
nouvelle victoire pour le Cabinet, niais beaucoup moins importante que la
première, puisque sa majorité tombait à 30 voix. Il est vrai que, le lende-
main, 31 mai, la Chambre votait, par 238 voix contre 139, une motion
acceptée par le ministère, ce qui relevait un peu son crédit. Ainsi, le gé-
néral Pelloux a la majorité dans la Chambre ; mais cette majorité est fra-
gile, et pourrait, à l'occasion, se changer en minorité.
En Espagne, le mois écoulé aura représenté une halte entre les élections
générales, qui ont eu lieu en avril, et l'ouverture des nouvelles Cortès,
convoquées pour le 2 juin. Le discours du trône, élaboré par M. Silvela, ne
manquera pas de présenter un grand intérêt, le chef du nouveau gouver-
nement devant esquisser dans ce document la politique qu'il compte
suivre. En attendant, on discute sur les chances de durée du ministère
conservateur, dont l'homogénéité, comme nous l'avons dit, laisse à désirer,
en particulier à cause du différend qui subsiste entre le chef du cabinet et
le ministre de la guerre, général Polavieja, lequel prétend accomplir des
réformes militaires dont ses collègues ne sont pas partisans, parce qu'elles
occasionneraient des dépense qu'ils estiment que le pays ne peut sup-
porter.
Mais ces considérations politiques, tout importantes qu'elles soient, ont
beaucoup perdu de leur intérêt à la suite d'un événement qui a absorbé
l'attention : à savoir la mort d'Emilio Castelar, survenue le 25 mai. Nous
n'avons pas à retracer ici, ni à apprécier, la carrière politique de ce chef
(les républicains espagnols, qui fut président lui-même de la République.
Cette carrière appartient au passé. Elle relève de l'histoire et non de la
politique courante, Castelar ayant abandonné la vie parlementaire depuis
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LA POUTIQUE EXTÉRIEURE DU MOIS 665
près de onze ans, et venant seulement d'y rentrer. C'est donc une étude
historique spéciale qu'il faudrait lui consacrer. Bornons-nous à signaler
iri que sa disparition peut avoir une influence très défavorable sur le
parti républicain, qui se disposait à engager une lutte très vive contre le
gouvernement conservateur, et qui comptait, pour cela, sur ce chef
illustre, dont un manifeste récent venait d^afOrmer la fidélité, à son idéal
et la résolution de lutter pour le réaliser. Mais, à un autre titre encore,
Gastelar mérite que nous lui rendions hommage. Il n'était pas seulement
un ami sincère de la France ; il était prêt à la défendre toutes fois qu'elle
était injustement attaquée. Ajoutons que ses mérites, comme homme de
lettres et historien, étaient incontestés. Aussi, il était respecté de tous les
partis, sans distinction de nuances politiques, et le gouvernement conser-
vateur n'a fait qu'interpréter le sentiment national en décidant que ses
funérailles auraient un caractère ofûciel.
L'arrangement anglo-russe relatif à la Chine, intervenu à Saint-Péters-
bourg le 28 avril, et que nous n'avons pu qu'enregistrer brièvement dans
notre dernière chronique, est un événement considérable, bien qu'il ne
doive pas avoir toute la portée qu'on lui avait d'abord attribuée en An-
gleterre. Pour en comprendre la signification, il faut se représenter ce
qu'était devenue la situation respective de la Russie et de l'Angleterre dans
l'empire chinois. Appuyée sur Port-Arthur, point auquel doit aboutir le
Transsibérien, la Russie avait établi son influence sur toute la Mandchourie,
qu'elle considérait comme sa sphère d'influence, et exerçait sa domination,
ofûcieuse sinon officielle, sous forme d'entreprises de chemins de fer.
Etant donnée, d'autre part, sa force d'expansion, elle regardait plus loin
encore, vers le Sud, dans la direction de Pékin. Quant à l'Angleterre, le
jour où elle s'était rendu compte que l'intégrité de la Chine, qui était son
idéal, ne pourrait être maintenue, et que cet empire était destiné à être
partagé, d'une manière plus ou moins déguisée, entre les puissances euro-
péennes, elle avait pris ses précautions pour s'assurer une part respectable.
Elle avait obtenu, en effet, du gouvernement impérial, qu'il n'aliénât h
aucune puissance une partie quelconque de la vallée du Yang-Tsé-Kiang,
qui est, peut-être, la plus belle et la plus riche partie de toute la Chine.
C'était le moyen détourné de faire de cette contrée sa sphère d'influence,
et elle ne négligea rien pour faire comprendre au monde qu'elle s'y consi-
dérait comme chez elle. Cependant, cette sphère anglaise n'était pas plus
reconnue par la Russie, que la sphère russe ne l'était par l'Angleterre. U
pouvait donc y avoir là une source de difficultés pour l'avenir. C'est ainsi
que se posait la question, au point du vue général de la domination res-
pective de la Russie et de l'Angleterre en Chine. En outre, sur un point
spécial, un différend existait depuis quelque temps déjà entre les deux
puissances rivales, à propos do ce qu'on a appelé le chemin de fer du
Nord. Il y a, actuellement, une ligne construite et exploitée entre Tien-
Tsin et Chan-Haï-Kouan, ville située à l'endroit où la Grande Muraille
aboutit à la mer, sur le golfe du Pé-Tchi-Li. Le gouvernement chinois,
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666 LA VIE POtlTlOCE* ET PÂf(tEMtmAlWR EPf FRANCE
voulantlfprolonger cette ligne JTi5*qir*à Nioti-Tcftmiaiig, porf important
sitné au fond d'il goifc âe Liae-Tonng, dans la direction de Ptjrt-Arthur,
avart contracté, anprès de la Banque anglaise d^ Hofig-Ko«g et Ghanghaî,
Uti emprunt qui denrait être gafé par If a recetles âe la lîgn-c. Biais nne
clanse du contrat passé entre le goufernemeiH de Fékin et ta banque
anglaise déplaisait à fa Russie' : c'était cefle qui préroyait la* ironMoCion
d'un ingénieur angïais et d'un e«p«rt financier européen, ce dernier
chargé de {contrôler Texplôitatroïr an chemin de fer. t^AngTeferre avait
cm devoir prendre ces précautions, qni' semblaient afsaez natnreffes, étant
donné le caractère rfe l'adtoinistration chrnoi«e. Or,. ïa Hussie s'opi^osait à
rexéculion dcr cette cfatïse, alléguant qtr>He était cx)ntraire aux engage-
ments pris par fe CMne vis-à-tis d'elle, en ce sens qu'ef^ft élabftssait, e»
quelque sorte, une espèce de contrôle d'une pmssance européenne afr
Nord de la Grande Muraille. L'Angleterre, de son côté, réclaiwait d'à gou-
vernement chinois qu'il observât les engagements qu'il avait pris vis-à-vis
de la Banque de Hong-Kong et Chan^aî. Tefles étatenf âtfttc les deux
faceSj^rane géuéraïe, Pautre spéciale, du coniRt angïo-rusBe en Chine.
L'arrangement conclu à Saint-Pétersbourg te 28 atrfï, etpuWîé à Loncfre»
le 6 mai, affecte la forme de quatre notes itîenfiqwes, échangées «rtpe le*
comte Mouravief, ministre rwsse âm Affaires étrangères, et Sw Charlea-
Scott, ambassadeur dTAngîeterre. Les deux premières ont pour but de
régler ta'guestion giénérafe, eelîf- des sphères d'inrfîtience ; les deux der-
nières ont trait au chemin de fer du Nord, ou de Niow-Tchonawg.
Les deux puissances conetatent d'abord qu'elles son-t « anim^» du sin-
cère désir d'éviter en Ghiwe toute cause de conflits dans les q«esfi«fl'i* eu
leurs intérêts se rencronfcrent ». Aussi, « prenatit en considérafwtt la gra-
vi lation économique ef gét)graphique de certaines parties de cet empire >s
elles ont conclu un arrangement cpii peut se rr^umer de fa manière sui-
vante : la Russie s'engage à ne pas réclamer de «oncessionTS de chemins de
fer dans le bassin du Yang-Tsé et à ne pas contrecarrer ïes demandes de
concessions appTiyées par rAngleterre; cette dernière, de son côlé, prend
les mêmes engaigeraenrfs vis-à-vis de la Russie, pour la partie de la Chine
située au nord de l'a Grande Muraille. C'est donc nne reconnaissance réci-
proque, par l'Angfeterre et la Russie, de leurs sphères respectives en- Clrine,
lesquelles ne sont plus qualifiées de « sphères d'influetrce », mats de «sphères
de concessions et d'exploitations des chemins de fer ». C'est un nouveau
subterfuîi:e pour déguiser le démembrement de la Chine. Les deux puis-
sances conviennent, en outre, de signifier cet arraiïgemenrt au geuver-
nement chinois, « n'ayant nullement en vue de porter une atteinte quel-
conque aux droits souverains de la Chine, ainsi qu'aux traités existant» ».
En ce qui concerne le chemin de fer de Î^iou-Tchouang, l'Anglelerre a
obtetiu gain de cause, en ce sens que le gouvernement chinois sera libre
de nommer un fngénieur anglais et un comptable européen. Mai* il est
entendu que « ce fait ne saurait constituer un droit de propriété ou de
contrôle étranger et que la ligne doit rester chrnoise, soumise an contrôle
du gouvernement chinois, et rre pourra être engagée oo afiénée k vme
Compagnie non chinoise ».
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CHRONIQUE POLIXIQUB INTÉ&IEUEË 667
QtHtvid cet arrangem^nttfut conniii k Loodres, on s'en, montra d'aJboEd
très s^isfait^ N'assnrait-il pa» à TAngleterre la sphère du Yang-Tsé?
B'cHitre' part, ne sauvegardai t^il pas les intérèts>des souscripteurs anglais
de l'emprunt de la Bbnqne de Hong-Kong et Gbanghaï? Ce fut Timpressloa
f)remière. Mais elle fit rapidement place à des vues plus pessimistes,. lors-
que, quel qufis^ jours- plus tard, on reçutde Pékin une étrange nouvelle : la
HliBsie demandait oui gouvernement ohinoiS) d'una manière impératii^e qui
^cpiivalait à- un: ordre, L'autonaation de conatruii}e une ligne nouvelle,, qui
rell«*aib Pékin au^ebemiUide fer misse de: la< Mandohourie. On parlait de
deux tracés possibles : d'après Tun, la ligne de racoordement, partant de
Pékin, se? dirigerait en droite ligne v»ers le Nord; d'après l'autEe, elle se
dirigendt vtens le Nord-Bat, dans la direotion de Chan^Haï E<ûuan,,Niour
Tchonang et Pori-Artbur. DansTun et Tautre caa,,c'élaity au point de vue
politique, la main mise de la Russie sur Pékin.. Maies la. question, davenait
beaucoup plus grave, au point de vue économique, si le second tracé était
adopté; en effet, la ligne de Niou-Tcbouang, construite par les Anglais,
serait alors doublée par une autre, qui lui enlèverait tout son trafic ; de
cette manière, L»s Anglaishaunaientoonsiruit une ligne qui ne^Ieuc rapporte-
rait rien. Mais il y avait quelque cbose deplus-gnavereneore. On. apprenait^ en
mi^me temps, q^d:la Russie étendait son action auisud.de Pékiii> dans k
directieii» du Yang-Tsé; o'est-à-direde laispbène anglaise.. Li sté levai des pco^
testationfi k Londres. Mois on. dut y reconnaître, à titre ofOciel même, qu£
Tatlittidèj de^ la: RusMe n'était pas contjpaire à l'arrangement du. 28 avciL
Aucune olanae de; cet accord) ne s'apposait ài la construnUon} de la ligne
projetée; aucune, non plus, ne confinait expressément l'action de la Russie
au nord de là Gronde Muraille. Tout au plus l'A nglete rue pourraifcrelle
prétendre, anjoucd'huiv- que^ niayanttreoojotnuriniluenoe susse qu'au nord
de cette limite, elle se réserve le dnoit.de la contrecarrer au sud. Les Anglais
avaient dbno trop rapidenent pris^ leurs désirs pour la réalité.. Ils avaient
espûpé (fue leurs intéréta seraient saufs dans \w question dui cbemin de
feo du Nord; d'a«tte:part, il& ne doutaient pas que, entre la^sphèra eusse
et la leur, il se formerait une sorte de tampon. Or, ces espérances satrock-
venb compromises^ Gela nia pas étonnié beaucoup, du neste, oau9& qui. con-
sidéraient les choses de sang'-fnoidi Us «vaieni douté de la posfiibiliié de
limiter, en- Chine, llaction de deux, puissance» aussi envahiseanies que la
Russie etl!AingletexTe..L'é\iénem6nt leur a donné raison^monixant. qu'il y
a, séparant ces denx.empires> dea causej&>irnéductibles>d'aniagûni5nLe>
Ai^GiDB Ebhay.
U. — GSSiONlQVR. PQLITTQinS, IN.TÉREEUKE
La journée du i*' mai s'est passée sans incident. Il ne faudrait pas voir
dans cette sagesse un indice d'apaissement social. Le calme de l'armée
révoluUonnaine est plutôt un. symptôme de discipline et la^ preuve d*ùne
action mieux combinée. On renonce aux manifestations bruyantes et ia-
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668 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
tempestives qui ne pourraient que compromettre les résultats. L'influence
croissante exercée sur la majorité de concentration et par elle sur les pou-
voirs publics, suffit, à l'heure actuelle, aux tacticiens du parti. La désor-
ganisation sociale, œuvre lente mais certaine, qui découle de Tanarcbie
présente, conduit à des résultats plus sûrs que de vaines déclamations dans
les salles de réunion et des processions ouvrières dans les rues.
La situation n'en reste pas moins grave et des menaces de grève géné-
rale planent toujours, comme un orage en formation, risquant de com-
promettre ou de retarder les immenses travaux entrepris pour Texposi-
tion universelle ou le métropolitain.
Les révolutionnaires ne désarment pas. Ils se recueillent et s'organisent,
mais ils tiennent néanmoins à ne pas rester oubliés : la grève éphémère
des facteurs, celle des établissements Schneider au Creuset, montrent que,
s'ils se taisent, ils ne dorment pas.
La Chambre des députés a repris ses séances le 2 mai. La loi sur If s
conditions du travail dans les travaux de l'Etat, des départements et des
communes, figurait en tête de l'ordre du jour. Cette loi, élaborée par la
commission du travail sur diverses propositions d'initiative parlementaire,
se rapporte à quatre points principaux : i® l'obligation du repos hebdoma-
daire ; 2^ la limitation du monde des ouvriers étrangers ; Z^ l'obligation
pour l'Etat d'introduire dans ses cahiers des charges une clause par la-
quelle Tentrepreneur s'engage à se conformer aux taux des salaires et à la
durée du travail, considérés comme normaux et courants dans la ville ou
la région où le travail est exécuté ; 4<^ la faculté, pour les départements et
les communes, d'appliquer cette dernière clause à leurs travaux. La dis-
cussion générale a été simplement engagée par des discours de M. Aynard,
Raoul Bompard et Stanislas Ferrand(i).La discussion interrompue parles
événements des journées suivantes, n'a pas été reprise pendant tout le
cours du moi de mai.
La Chambre a dû se préoccuper des questions soulevées par la mise en
application prochaine de la loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail.
Cette loi devenait exécutoire le i*' juin. On sait qu'elle consacre le prin-
cipe du risque professionnel pour tous les accidents survenus, par le fait
du travail ou à l'occasion du travail, dans certaines industries qu'elle énu-
mère et, plus généralement, dans toute exploitation ou partie d'exploita-
tion, dans laquelle il est fait usage de machines (2). Le législateur a ainsi
constitué les chefs d'exploitation les assureurs légaux et forcés de leurs
ouvriers. Il offre aux patrons divers moyens pour se réassurer contre le
risque mis ainsi à leur charge. Ceux-ci ont la faculté soit de rester lem-s
propres assureurs, soit de constituer des sociétés d'assurances mu-
(1) Séance du 3 mai 1899.
(2) La machine doit être mue par une force autre que celle de Thomme ou des
animaux.
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CHRONIQUE POLITIQUE INTÉRIEURE 669
tuelles. Un fonds d'insolvabilité géré par TEtat assure, en tous cas, le paie-
ment des indemnités.
Cette loi, mal comprise de beaucoup de patrons, a provoqué des inquié-
tudes nombreuses dans les milieux industriels. Il n'est pas douteux qu'elle
impose aux chefs d'entreprises des obligations très lourdes. Dans la petite
industrie surtout elle peut entraîner, pour un grand nombre, des consé-
quences ruineuses. Seul un système d'assurances bien compris et mis à
la portée de tous fera disparaître ces dangers.
Malheureusement, les exigences des compagnies privées d'assurances,
n'étaient pa? de nature à faciliter cette solution; et, d'autre part, l'esprit
d'association et de solidarité est encore trop peu développé, en France,
pour qu'on puisse espérer voir les patrons se mettre à Tabri par l'effet de
leur seule initiative. De là, les protestations venues de toutes parts deman-
dant soit la revision de la loi, soit son ajournement.
Un écho de ce malaise général devait parvenir forcément jusque dans le
Parlement. Dès le 2 mai, jour de la rentrée, diverses propositions furent
déposées tendant à l'ajournement, jusqu'au 1*" janvier 1900, de la loi du
9 avril 1898. M. Delombre, ministre du Commerce, déclara au nom du
Gouvernement, qu'il s'opposait à tout ajournement de la loi. Il ajouta qu'il
allait déposer un projet de loi, réorganisant la caisse nationale des acci-
dents créé en 1868, et que cette réforme pourrait être votée avant la date
du 4 «'juin.
Ce projet fut rapidement déposé à la Chambre des députés. Pendant que
celle-ci en déclarait l'urgence, un débat s'ouvrait au Sénat sur l'ajourne-
ment de la loi de 1898. M. Félix Martin insista sur la nécessité d'accorder
un délai de trois mois, à dater de la publication officielle de tous les dé-
crets et arrêtés complémentaires devant régler l'application. Le ministre
du commerce s'opposa, une seconde fois, à tout sursis. Le Sénat adopta,
néanmoins, le projet de résolution de MM. Sébline et Thévenet, invitant le
Gouvernement à présenter d'urgence un projet de loi prorogeant l'appli-
cation de la loi de 1898, cette prorogation ne pouvant excéder le mois qui
prendrait cours, à partir du jour où la Caisse d'Etat aurait publié ses tarifs
et admis les industriels à contracter des polices.
Le lendemain, la Chambre des députés adoptait le projet de loi de
M. Delombre, disposant que les opérations de la caisse d'assurances en cas
d'accidents seraient étendues aux risques prévus par la loi de 1898, pour
les accidents ayant entraîné la mort ou une incapacité permanente. L'exé-
cution de la loi était reportée à l'expiration du délai du mois qui suivrait
la publication des tarifs. En aucun cas cette prorogation ne pouvait dé-
passer le !•' juillet 1899.
La nouvelle loi promulguée le 25 mai 1899 (2), met donc à la disposition
des chefs d'entreprises un troisième moyen de sefgarantir contre les con-
séquences du risque professionnel. L'assurance par l'Etat, inaugurée sans
grands résultats pratiques en 1868, semble destinée à prendre une exten-
(1) Sénat, séance du 15 mai.
(2) Le projet a été adopté par le Sénat sans modification.
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670 LA VIE VeilHilQCS. ES PARLBHENTAI1IE E!^ FRANCE
sion considécabie. Ua anendeinent de ^i. E)^»]«e, inséré dans Tarlicle P^
dispose que les primes devront être calculées de manière que le risque et
les fcais génécaux d'administnation de la Caisse soient entfèremen* cou-
verts, sans qu*il *wtî nécessaire df» reooorir à'une subvention budgétaiir.
Les lapif» qui ont été publiés,- prescpie immédia(<>9n<en4*, senriMenC asser éle-
vés pour qu'on puisse snpposer que la volonté du» législfeitenr a- été respec-
tée, ftlais, bien que- ces tarifer soient sensiblement inférieurs à ceux des
compagnies du commerce, ne- paraîtront-ils- pas encore trop élevés aux
intéressés? H y aura, forcément, une tendanve à lesréidtaire. Eà est, peut-
être, le dûBgeF auii point de me budgétaire.
La l©i de M. Belbmbre n^est pas lia seule qu*ait motivée la nouvelle
législation: sur le» accidents. La Cbambre a voté, sur Tinitiative de
M. Gervais, une pnopositio» résiliant de piein droit les conts'ats d'assw-
rance collectifs où individtaels con^^B les accjîdents du travail, souscrits
sous renupire d»' la» l^gislatioii aAténeure.
La Cbambre a cansocoé d'une manière intieraniUente plusiem^ séances
aujc nombneuse» interpellations sum lâi question algérievnev C'esti un> snif;Yi^
lier procédé de travaâi' parlementaire que cellH qui» cansistie à^discuCer une
loi ou une interpella! ion de loin en loin et comme à bâtons* rompus*
La précédente législature en avait offert un exemple célèbre, lors^ de la
grande interpellation sud le crise agricole. Le débat actuel* sur TAlgérie
peut lui servir de pendante Laj Chambre a écouté, avee plus ou- raorns
d'attention, des disenusrs de MM. Marchai, Morinawd, Barthou, Rouanet,
Laferrière,- gouvenuttur général, Drunont et Fitmain Faure. L^auttsémiliîiwie
y a tenu une large place. U y a. aussi été qwestioacles: réformes^à» apporter
à. It organisation de; TAlpérie, Tout Ib monde est unanime à recomaaltre'^e
le système des ra1itacbemeots> inauguré en ii^Si et abandonné par les dé-
crets de décembre 18^6, a produit l^plu» déplorables conséquences» Ou
reconnaissait eniln que la prét*eniion d'assimiler à« la métropole un pays
aussi neuf et peuplé de races- anssi disparates est une véri«ablii foire*. La
Chambre, comme sanction> ài ce débat, ordomi^na une enquête-. U faut sou-
haiter que celleMîi. condaise à des solutions plus décisâJFes et pli»; rapides
qioe la grande enquôte séaaiooiate' dirigée* pan Joies Ferry,, il y a «ne di-
zaine d'années^
Le 5 mai, M. Gouzy, député du Tarn, a questionné- M- de Freycinet,. mir
nistre de la €ueriie,.sur lagospensioadu^coAMPS fait par M.fieorgfts-ûaruy,
à l'Ecolie poJiv technique. L'orateuD ai été dfafvisiqweîleeouia de ce profes-
seur n'aurait pas dà étse interrosipiL et qm les élèves qm a/vaieni oMni-
festé méritaieait une pa]u4iy>n dsscipliiiaire. Le: mimsbre a» fait coottaitue
que les gradés de la promotion avaient été l'objet de la réprimande ofli-
cielle du général qui constitue, d'après le règlen^eot de l'Ëcole;. Taate Aes
pénalités les plus graves. Le dïscours de M. de Freycinet a été si violem-
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CHROmQCE PWmOCE IWTÉMEimE . 67 f
ment interrompu par l'extrême gatrche, que Torateirr a quitté la tribune
sans achever sa réponse. M. de Freycinet s'est ensuite rendu cher fe
président de la République elle lendemain matin sa démission est derenue
officielle.
Le portefeuille de la guerre a été confié à M. Mrantr, nrinistre des Tra-
vaux publics. Celui-ci a été remplacé par M. Monestier, sénateur, qui lors
du projet de loi de dessaisissement avait roté contre le Gouremeraent.
Le 8 mai, M. Georges Berrj a interpellé sur les causes de l'a démission de
ST. de Freycinet. M. Charles Bupuy a répondu, en se référant à lia lettre
écrite par le ministre démissionnaire, le 6 mai, laquelle faisait allusion
aux accidents de la séance de la veiTfe. fl a a^j-outé qu'il n*y atait jamais eu
dans le Cabinet l'ombre d'un dissentiment. M. Lasies ayant, h ce moment,
mis très violemment en cause M. Defcassé, ministre des Affaires étrangè-
res, a été frappé de fa censure. Après de nouvelles explicatioB» du prési-
dent du Conseil et un discours de M. Castelin, Tordre du jotar pur et
simple a été adopté par 444 voix contre 67 votants.
Cet incident a eu un épilogue à la séance du 12 mai. A fa» suite de lia
communication au Petit Journal de diverses lettres échangées entre M. de
Freycinet et M. iTelcassé, à propos de l'audition de M. Paléologue, connue
témoin devant la cour de Cassation, îe commandant Cuignet s'est dPédaré
spontanément l'auteur de cette divulgation, M. Krantz a mis cet oftlcierenc
non activité pour retrait d^emploi. La Chambre a été saisie de deux inter-
pellations Tune de M'. Lasies, Fautre de ftff. Vîviani. Elle a entendu les
déclarations de M. Delcassé et la réponse de M. Lasies. MM. Gabriel Bénis,
Babaud Lacroze et Garnier ont déposé Tordre du jour suivant : « La Chambre
api»rouvant l'attitude et les déclarations du Gouvernement passe à Tordre
du jour. »
Lue intervention de M. de Mahy a amené le Gouvernement à poser la
question de confiance. L'ordre du jour pur et simple a été repoussé par
417 voix contre 115, et Tordre du jour de confiance a été adopté par
389 voix contre 64.
Le budget a occupé le Sénat pendant presqoe toutes ses séances (1).
D'assez* nombreuses modifications ont été apportées am projet de k
Chafmbre des députés sur lesqueHe* Taccord a fini par s'établir. L'une
d'elles a motivé* un fait dont il est impossible de mécoonallre l<a grayité.
La Chambre avait adopté un amendement de M. Groussier,. tendant à
augmenter de deux millions le chapitre relatif aux traitements des sous-
agents des postes et télégraphes, de façon à porter le traitement die débal
de ces deraiers de i.OOO à 1.200 francs. M. Mougeot avait alors faiS
observer que Tétat du budget ue permettait pas d'accepter cette augnem-
tation. D'autre part, il était injuste de ne pas élever, dans les mêmes con-
ditions, les traitement des sous-agents de province, ce qui eût nécessité
(1) Le Sénat a entendu deux interpellations sur les incendies à la Guadeloupe
et sur la pêche à la vapeur.
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672 LÀ VIE POUTIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
une somme de 12 ou 14 millions. La Chambre avait passé outre, mais la
commission des llnances au Sénat repoussa le relèvement de crédit.
L'amendement repris par M. Leydet fut rejeté à la séance du 17 mai. Le
lendemain matin, les facteurs de la plupart des bureaux du centre de
Paris se déclaraient en grève. Les grévistes firent connaître à M. Mougeot
qu*ils ne reprendraient leur service qu'après un engagement ferme du
Gouvernement d'obtenir du Sénat le rétablissement du crédit de 2 mil-
lions. La distribution des lettres fut assurée, dans la soirée, par la réqui-
sitions de militaires de la garde de Paris et des régiments d'infanterie de
la garnison.
Le Gouvernement fut interpellé par MM. de Baadry d'Asson et Emile
Gère. La Chambre a entendu des discours de M. Delombre, de M. Mille-
rand et de M. Charles Dupuy. Le président du Conseil a refusé ù des
agents commissionnés le droit de s'insurger contre TEtal. Il a averti les
postiers que s'ils ne reprenaient pas, dès le soir même, le service, ils se-
raient purement et simplement remplacés (I). Un ordre du jour de
M. Godet approuvant les déclarations du Gouvernement a été adopté par
370 voix contre 105.
Le lendemain matin, les postiers ont repris leur service. Lorsque le
budget est revenu du Sénat, la Chambre a voté un crédit de 1.200.000 fr.
correspondant aux sept mois qui restent à courir sur l'exercice 1809. Ce
chi£fie a été réduit par le Sénat à 870.000 francs et définitivement voté.
La grève des postier* est la première grève de fonctionnaires. On ne
peut pas dire qu'elle ait échoué. Elle aura des imitateurs.
M. Paul Deschanel, président de la Chambre des députés, a été élu, le
18 mai, membre de l'Académie française en remplacement de M. Edouard
Hervé. C'est un juste hommage rendu parla noble compagnie à Técrivain
délicat qui a su honorer les lettres autant que l'orateur a illustré la tri-
bune française.
Les derniers jours du mois ont été marqués par des émotions bien di-
verses : la rentrée du Général Galliéni, après la glorieuse paciflcirtion de
Madagascar; l'arrivée du Commandant Marchand et de ses héroïques com-
pagnons de la mission Congo-Nil; l'acquittement de MM. Déroulède et
Marcel Habert par la Cour d'assises de la Seine; les débats du procès en
révision de l'affaire Dreyfus devant la Cour de cassation. La Cour a rendu,
le 3 juin, un arrêt qui casse le jugement de 1894 et renvoie Dreyfus devant
le Conseil de guerre de Rennes. Il reste à souhaiter que cet arrêt ramène
l'apaisement dans les.esprits, et que chacun, de part et d'autre, attende
avec calme la décision définitive que rendra la juridiction militaire.
H est nécessaire d'empiéter ici sur la Chronique du mois prochain, pour
constater de suite avec quelle unanimité les hommes de toutes les opi-
(1) Des explications analogues ont été fournies au Sénat par M. Mougeot.
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENT AlUE EN FRANCE 673
nions onl flétri, dans les séances du 5 juin, à la Chambre des députés et
du 6 juin, au Sénat, Tinqualifiable agression dont M. le Présideq^ de la
République avait été i*objel, le dimanche précédent, aux courses d'Auteuil.
FÉLIX Roussel.
III. — LA VLB PARUBMSNTAIRE
I. — Lois, Décrets, Arrêtés, CiroulaireSy etc.
lor niai. — Expo8ilion*de 1900. — Rapport et décret relatif à la nomination
des comités d'installation de l'Exposition de 1900 (p. 2877).
— Avis agricoles sur l'Allemagne, Tltalie, le Danemark (p. 290?).
3 mai. — Responsabilité des accidents du travail, — Rapport et décrets insti-
tucmt au ministère du Ck>mmerce une commission consultative en vue de Tap-
plication de l'article 5 de la loi du 9 avril 1898 sur la responsabilité des accidents
du travail : 2® portant nomination des membres de cette commission (p. 2925).
— Ecoles de maislrance. — Circulaire sur Tadmission des quartiers-maîtres
et seconds maîtres des équipages de la flotte aux écoles de maistrance (p. 2931).
— Répression du vagabondage. — Circulaire sur la répression du vagabon-
dage et de la mendicité (p. 2935).
4 mai. — Personnel de la marine, — Loi concernant : l^les officiers auxiliaires de
divers corps de la marine, les mécaniciens du commerce et les maîtres au cabo-
tage; 2** rengagement volontaire pendant la durée de la guerre de diverses caté-
gories du personnel de la marine (p. 2915).
— Avis commeixiaux sur la Turquie, le Danemark, la Roumanie, les Etats-
Unis, la Belgique (p. 2951).
5 mai. — Officiers du commissariat colonial, — Décret relatif à la durée du
séjour en France de ces officiers (p. 2965).
6 mai. — Inspections générales. — Modifications au tableau de la composition
des arrondissements d'inspection générale (p. 2983).
— Ecole de dessin topographique, — Avis relatif à cette école et instruction
pour l'admission (p. !^984).
— Madagascar, — Rapport d'ensemble du général Galliéni (p. 2989).
— Navigation intérieure. — Mouvement février 1899 (p. 2996).
— Ecole centrale des arts et manufactures, — Avis de concours pour Tadmis-
sion (p. 2995).
7 mal. — Ministre de la guerre. — Décret de nomination (p. 3009).
— Ministre des travaux publics, — Décret de nomination (p. 3009).
— Assurances contre les accidents du travail. — Arrêté complétant les arrêtés
des 29 et 30 mars 1899 relatifs aux sociétés de ce genre (p. 3010).
'^'^Aide-vétérinaire stagiaire, — Instruction pour l'admission (p. 3012).
— Médaille coloniale, — Rapport, décret et circulaire sur les nouvelles opé-
rations donnant droit à l'obtention de cette médaille (p. 3014).
— Percepteur surnuméraire. — Avis de concours (p. 3016).
i— Inspecteur de Vexploitalion commerciale. — Conditions de concours (p. 3017).
8 mai. — Aide-vétéinnaire stagiaire. — Instruction pour Tadmission (p. 3025).
— Madagascar. — Rapport du général Galliéni (p. 3027).
— - Avis agricoles sur TAllemagne, la République Argentine, la Russie, la Suède
et la Turquie (p. 3039).
9 mal. — Sociétés de secours mutuels, — Décret portant règlement d'admi-
nistration publique sur l'élection des représentants des sociétés de secours
mutuels au Conseil supérieur institué par la loi du 1" août 1898 (p. 3042J et
décret appliquant à l'Algérie la loi du l»*" avril 189i sur les sociétés de secours
mutuels (p. 3013).
— Pension de retraite, — Décret portant assimilation du personnel comptable
du secrétariat général de la Gochinchine pour la pension de retraite (p. 3015).
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•674 hk VIE POUTIQDE £T PAALE1I£NTA.IB£ EN FRANCE
10 mai. " Ecoie polytechnique . — Avis d'admission (jfi. 9061).
— Accidents du travail. — Table de mortalité et tarifs établis par la caisse
nationfle des retraites pour l'exécution de la loi du 9 avril 1898 (p. 3070).
11 mai. — Concesêions deterraifts danK ies coîoni^ pénitentiaires. — Ratppoft
et décret portait irèglefoent d'admiuistration publique sur le régime des couces-
sions des terrains à accorder aux rdiégués dans les colonies pénitentiaires (p. 3117).
— Gestion des caisses de secours. — Décret conférant au comité consultatif
des assurances contre les accidents du travail la gestion de certaines caisses de
secours constituées en weftude •Harticle 6 de la loi du 9 aifoil 189S (p. .3120).
— Ecole navale. — Avis relatif au concours de 1899 (p. 3121).
— Adminisfraticm du Laos. — Rapport et -décret plffçfnt Tadministration du
Laos jious rautorilé d'un résident si:^périeur. (p. 3122;f
-^ Recouvrement des contributions et dmits. — Situation mai 1899 (p. 3125.\
«— Avis commerciaux! sur la Russie, le Danemark, la Belgique (p. 3132).
IS et 18 mai. — Port du Havne. — Décret autorisant la Chambre de com-
mercd du Havre à contracter un eyo^prunt en vue de faire face aux dépenses
oûmplémentaises d'installation d'un outillage dans ce port (p. 3144).
— * Tirailleurs. — Décret élevant de quatne à cdnq le nombre des l>ataîIlon6
•du 4* régiment de tirailleurs (p. 3149).
— Madagascar^ — - Raipport d'ensemble du général Galliéni (p. 3154).
— — Commerce de h France. — Situation 1899 (p. '3163).
14 mai. — Madar/ascar. — Rapport d'ensemble du général Galliéni (p. 3184).
15 flMki. — Suct*es. — Production et mouvement (p. ^l\0\,
^o Avis agricoles sur la Bavière, la Belgique et ritalie ijk. 3224).
16 jnai. — Corps d^ armée. — - Décret modifiant les ieBdtoires des 6« cft 7* subdi-
visions de la 11* région de corps d'armée (p. 3229).
— Madagascar. — Rapport d'ensemble du général Galliéni (p. 3234).
17 mai. — Sociétés de secours mutuels. — Arrêté relatif aux atatuts-types à iu-
aécfir pour Tf xécuLion de i'article 5 de la loi du .9 avril i896 dans les statuts des
sociétés de secours mutuels qui se proposent de contracter avec les chefs d'an-
Irepciae ^. 3219/.
18 mai. — Madagascar. — Rapport d'ensemble du général Galliéni (p. 3269).
«— Rnàeignement du dessin. — Avis de concojurs pour Le certificat d'og^fitude
(p. 3273).
19 mai. — Habilalion à Jmn marché. *- Rtypipori 1898 fp. 32SJ).
— — Droit international privé. — Décret portaut promulgatioB d^uae convention
intarnaitionale .de droit international privé (p. 3287).
— Convention franco-portugaise. Tojre des télégrammes. — Décret -approuvant
Tarrangement du 3 jnars 1899 signé à Lisbonne Ayant pour ol\jet la j éduotion 4es
taxes des télégrarnoxes .entre la France et le Portugal (p. 3288).
««— B^glemeal de pilotage. — Décrût modifiant le xéglement général de pilo-
tage du l«r arrondissement maritime ip. 3290).
— - Cotps de ^anlé des coloaiesi. -*- Rapport et décret mjodifiant le décret du
7 Jan^dfir 1890 parlant organisation du corps de santé des colonies (p. 3292).
— — Madagascar. — Rapport d'ensemble du général Galliôni (p. .3294).
— — Avis commertoiau.T sur la Chine, l'Italie, l'Espagne, le Portugal (p. 3303).
30 mai. — Madagascar. «• Rapport dugônéral GalUéni (p. 3318).
•M-i- Chemins de fer. et tramwagsialgérien&el twiisiene;. — iftéaaÛats de Texpiol-
taUon (p. 3328).
.— i- Ecùledee mine^.^ Avis de oonoonriS (p. 3325).
— Caisse d: épargne. — Avril (p. 3327).
fil mai. — J&Qole fiûlyAachnUfue, ~- Concours d'admissian ^ «93Uy.
«— MadagoMoar.. — Aappoctdu général -GalUéni (p. «3354).
-"^ALaoûls. — BrûiuoHon et meuvemtmts Cp.,33ù0),
«^— Avis agriûoles mut l'Allemagne, la Gfàce, la Perae, ia Russie j^. 3368).
22, 23, 24 mai. — Ville de Dijon. — Rapport et décret aujbotwant la mUe i&e
UIjan à Caire figmer dans am .annoinBs la crotx de Ja iL^fUin ii'iv)nneur
(p. .aasi).
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LA TIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 675
_ Mandats postes - Décret portant réduction de la surtaxe additionneUe de
change sur les mandats^o^e émis en Alfçéi'ie (p. 8383) ununneue ue
— - Maîtres des arsenaux. — Conducteurs de travaux hydrauliaues — Ran
port et décret concernant les maîtres pnacipaux et entretenus des ^senaux^^
les conducteurs principaux et conducteurs de travaux liydrauliques (p 338/7
(pl^? /^^«ii^^pn^. -Décret revivant le règlement <te pUotage de.oe'port
Madaffosmr.-^ Bapport du général ônliiéoi (p.:83fô), '
Manufactures de IdElat.^Avie ÔBOonoouK h). SaWn)
— - Cawe.dmreiraitea, — Opérations, avril (p. 0401)
^ '^^' ,7 ^f^'f,^^^<>^^e dU^esurance omitre Ues ,avoident^, ^ iLoi étendairt
^ ^ue^de l'applicakon de la lot du .9 u^tU im las .opératioms -de cette cStei^
JJimclion des .dtmanes des Colonies. ~ Rapport 'et déotet (p. :34B0^
Madagascar. — «apport du ^géméral GaUiéni (p. ^8480)
^^^ commerciaux sur la Belgique, l'Autriche - Hongrie, rAbvssime le
Banemarit, l'Ailemagn^, Je Be^iqiie (p. 3tt26). Ai^y^sime, le
Marque el vérifiaaiion. - Rjele-vé des obJBtB fpvéaaBtés (p. 8487)
^^^^' r:^^f»iî^.f,^«'».7«^. - décrète portairtiMnction du nombre des
ae^to de^clHin^^ JfadnaUle, «onteaux, IFoutoine (p. 344B). "«ïn°re aes
^ Madttgmear. — Rapport du général Chtlliôni fp. c444)
.ficDfe «upérieure des mines. — »Gobco«i« d'admisâon (1:899) (p ^m\.
— ^pe« commerciaux sur la Russie (p. 3459).
v-S^ S^^^i^'^*^''tl ^«T"-»^*^ «w d^ar^idenU. - Décret ^pprou-
^f ^^ ^^^ T^ ''*^' "^ DonTofmhé de «la loi du 24 mai 1899.
, ^iriMwmmn d«a fra» à payer. îVete série Ifondtiomiement de cette caisse
— Jtaàr^iMiar. — «Rapport du généra! ^âtténi fp. 809;.
— Caisse des dépôts et oonsiffnOtiens. — Bilan mars 1899 fp. 3489)
— f'ampagne agriooie. — 18B^1«99 (p. 8489).
» nnii. ~ ®ottnB68 ^ r^a/. - TOcrtfts Teldtîfc à rerttriTjution et au nombre
de ces bourses dans les écoles pratiques de l'Etal (p. 3516).
tDéncmination des grades. - Rapport et décret relatif aux dénommatloni
des grades des corps assimilés de la marine (p. 3518).
— Madagiscar. — Rapport du général GaUiéni (p. 3520).
29 mai. - Archives de la •marine. — Rapport et décret portant transfert aux
archives naUonalesjies archives de la marine qui n'offrent plus qu'un caractère
ikstonqtie (p. 8539).
— Madagascar. — Rapport du général Gadliéni (p. 3541).
^-^'Caisse -nationale d'assterance en cas d'uccidents. — Note sur son fonction-
noment (p..85C?).
_ Avis agricoles sur T Allemagne, hi 'Belgique, la Orète, les Etats-Unis, les
Pays-Bas, la Pologne let PRalie (p. 3553).
30 mai. — Madagascar. — Rappott du générarGalIiéni (p. 3564).
^^^^"Bucres et ghicosts. — 'Rendement (p. 3574).
31 mai. — Budget de 1899. — Loi portant «xtftion du budget général de 1899
(p. 3585).
^-^"OhligaHons tfe» brasseurs. — Décret déterminant les obligations complé-
mentaires-et de détail auxquelles sont tenus les brasseurs (p. 3658).
— Officiers coloniaux. — Circnlaire relcftivc à la constatation de l'aptitude
physique de ces cTOciers (p. 8662'.
Octroi de mer. — Rapport et décret approuvant la délibération du Conseil
générël de la Martiriiqme diminuant les droits d'odtroi de mer sur les verreries
et cristaux (p. 8666).
— Madagascar. — Rapport d'ensemble du général Galliéni (p. 8668).
— Caisse nationale d assurances en cas W accidents. — Note sur le fonction-
nement (p. 3677).
— Caisse d'épargne, — Situation mars 1899 (p. 3677).
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676 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
II. -* Débats parlementaires.
V Sénat
9 mai. — Communication de la mort de M. Perras, sénateur du Rhône. ^ Dé-
pôt du rapport sur le projet de loi portant fixation du budget général de 1899.
12 mai. — Admission de M. Bizarelli. — Discussion du projet de loi portant
fixation du budget général des dépenses et recettes de Texercice 1899.
13, 15 mai.— Suite de la discussion de Tinterpellation de M.Félix Martin, sur
la date de la mise en vigueur de la loi sur les accidents. — Le président met aux
voix un projet de résolution de MM. Sébline et Thévenet, invitant le gouverne-
ment à présenter d'urgence un projet de loi ajournant Tapplicatien de la loi jus-
qu'à un mois après la mise en application de la loi organisant la caisse natio-
nale d'assurances contre les accidents. — Le projet de résolution est adopté par
196 voix contre 55.
16, 17 mai. — Suite de la discussion du budget. — Dépôt d'un projet tendant
à étendre en vue de l'application de la loi du 9 avril 1898, les opérations de
la caisse nationale d'assurances en cas d'accidents.
18 mai. — Suite de la discussion du budget. — Interpellation de M. Ratier,
sur la grève des facteurs. — Adoption de l'ordre du jour de M. Milliès-Lacroix. —
« Le Sénat approuvant les déclarations du gouvernement et confiant dans sa
fermeté, passe à l'ordre du jour. »
19 mai. — Discussion de l'interpellation de M. de Lamarzelle, sur les mesures
de réglementation à prendre en ce qui concerne la pêche maritime par l'emploi
de filets à grandes dimensions appelés ottertrawl. * Suite de la discussion du
budget. — Communication du décès de M. Allègre.
20 mai. — Discussion et adoption du projet concernant les assurances pour
les accidents du travail. — Suite de la discussion du budget.
23, 24, 25, 26 mai. — Suite de la discussion du budget.
29 mai. — Discussion de l'interpellation de M. Isaac, sur les incendies de la
Guadeloupe.
30 mai. — Suite de la discussion et adoption du projet de loi portant fixation
du budget général de 1899.
2' Chambre des députés
2 mai. — Dépôt d'une proposition de M. Georges Berry, sur la conservation
du mur des otages. — Adoption -de l'urgence. — Communication de diverses
demandes d'interpellation. — Les interpellations relatives à Tafi'aire Dreyfus,
sont renvoyées, après l'arrêt de la Cour de cassation. — Dépôt d'une proposition
de M. Gauthier de Clagny, ayant pour but de proroger jusqu'au l*."" janvier 1900,
l'application de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail. — Dépôt de
différentes propositions de MM. Plichon et Georges Graux, relative à l'applicatien
de la loi du 9 avril 1898, sur les accidents. — Remise de ces différentes propo-
sitions à la commission d'assurance et de prévoyance sociales.
4 mai. - Communication du décès de M. E. Saba, député de l'Aude. Prise en
considération de la proposition de résolution de M. Gerville-Réache sur la révi-
sion des lois constitutionnelles. — Dépôt et lecture d'une proposition de M. Dru-
mont, sur ia revision des lois constitutionnelles. — !'« délibération sur les pro-
positions de loi relatives aux conditions du travail dans les marchés des travaux
publics.
5 mai. — Question au ministre de la Guerre sur la suspension du cours de
M. Duruy à l'Ecole polytechnique. — Dépôt de deux propositions, l'une relative
au transport des cendres de Balzac au Panthéon, l'autre relative au transfert
au Panthéon des cendres d'Edgar Quinet, Michelet et Renan. — Suite de la
1*^ délibération sur les propositions de loi relatives aux conditions du travail
dans les marchés de travaux publics.
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 677
8 mai. — Admission de M. Henri David, député de Vendôme. — Discussion de
rinterpellation de M. Georges Berry sur la démission de M. de Freycîuet. —
L'ordre du jour pur et simple est voté par 444 voix contre 67. — Discussion des
interpellations sur l'Algérie. Elles sont au nombre de six : 1» De M. Marchai, sur
la situation politique, juridique, militaire et administrative des juifs indigènes
de l'Algérie ; 2* De M. Barthou, sur la politique générale du gouvernement en
Algérie; 3» De M. Morinaud, sur les mesures que le gouvernement compte
prendre pour donner satisfaclion aux vœux répétés des assemblées algériennes
dans Tordre politique et dans l'ordre économique ; 4" De M. Gustave Rouanet,
sur les mesures que M. le président du conseil compte prendre pour réprimer et
prévenir les persécutions exercées contre le prolétariat juif en Algérie ; 5" De
M. Drumont sur la question juive en Algérie ; 6** De MM. Lasies et Firmin Faure
sur les menées juJéo-internationalistes.
9 mai. — Suite des interpellations sur l'Algérie. — Admission de M. Ruber-
pray, député de Louviers.
12 mai. — Discussion de deux interpellations, l'une de M. Viviani, sur les
publications faites ce matin par la presse sur la correspondance échangée entre
deux ministres, MM. de Freycinet et Delcassé ; l'autre de M. La«ies, sur les révé-
lations relatives à la démission de M. de Freycinet. — L'ordre du jour pur et
simple est repoussé par le gouvernement qui se rallie à Tordre du jour de con-
fiance proposé par MM. Denis, Limouzain, Laplanche et Babaud-Lacroze. Cet
ordre du jour de confiance est adopté par 389 voix contre 61. — I*"» délibération
et adoption des projets sur les conventions franco-anglaises. — Suite de la
discussion des interpellations algériennes.
15 mai. — Dépôt d'un rapport de M. Guieysse sur le projet de loi tendant h
étendre en vue de l'application de loi du 9 avril I89ô les opérations de la caisse
nationale d'assurances en cas d'accidents. — Suite de la discussion des interpel-
lations algériennes. — - Discours de M. Barthou.
16 mai. — Discussion du projet de loi tendant à étendre les opérations de la
caisse nationale d'assurances en cas d'accidents. Vote de la loi par 442 voix
contre 79. — Admission de M. Derveloy, député de Provins.
18 mai. — Interpellation de MM. Baudry d'Asson et Emile Gère sur la grève
des facteurs. Le !•' ordre du jour est de M. Emile Gère. « La Chambre, comp-
tant sur Tesprit de devoir et la discipline du personnel des postes, passe à
Tordre du jour. » Le 2« est signé par MM. de Baudry d'Asson et de Lanjuinais.
« La Chambre invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour
assurer la régularité du service des postes et télégraphes. » Le 3» est de M. Mil-
lerand : « La Chambre regrettant que les promesses faites au personnel des
postei aient si souvent été déçues, passe à Tordre du jour. » Le 4' est sigoé par
MM. Godet et Pommeraye. « La Chambre, approuvant les déclarations du gou-
vernement et confiant dans son énergie pour assurer les services publics, passe
à Tordre du jour. >» Par 400 voix contre 127, la priorité est refusée à Tordre du
jour Millerand. Par 383 voix contre 112, Tordre du jour de M. Godet, demandé
par le gouvernement, est adopté. M. Gauthier (de Clagny) propose d'ajouter à
Tordre du jour de M. Godet les mots suivants : «... Et défeodre devant le Sénat
les votes de la Chambre. » Le président du conseil combat cette addition. Par
330 voix contre 165, la Chambre repousse l'addition de M. Gauthier (de Clagny).
— Suite des interpellations algériennes.
19 mai. — (Suite.)
2A mai. — (Suite.) — Adoption d'une proposition tendant à instituer des mé-
dailles d'honneur pour les sapeurs -pompiers. — Demande d'interpellations de
M. Millevoye sur les troubles de Grenoble. (Renvoi.)
25 mai. — Dépôt d'une proposition de M. Chastenet, relative à la création d'une
mutuelle nationale d'assurances contre les accidents du travail. — Suite des inter-
pellations algériennes.
26 mai. — (Suite.) — Dépôt du projet de loi portant fixation du budget de 1899.
29 et 30 mai. — Discussion du budget de 1899 et adoption de l'ensemble du
projet portant fixation de ce budget.
REVUE POLIT. , T. XX 44
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678 Lie Vm POLITIQUE BT PiiRKCIMEMTAWB EN FEUIfCE
Hf. — Di8tribtiti#B'cLê'fL(M«]B«nti
10 âfo«AT.
9 mail— Projet de /oi portant oavertare d'un crédit de 1.260.000 (t. pour le
service des pensions civiles (n** 93)- et rapport (n« 9i).
—— Projet de loi portant oirverture et annulation de crédits sur l^xerctce 1898
(n« 99) et rapport (n^' lOBj.
— Projet de loi portant ouverture sur rexercicc iSS^* èèsr crédRy proriéuifes
applicables au:c mois d'avril et mai 1899 et autorisaiion dér percevoir les imp<^es
(no 100) et rapport (n® 101).
— Projet de loi tendant à modifier Tarticle 2 de la foi du »d^Scemhre VSKT
(interrogatoire de l'inculpé), (n« 104).
— — Projet de loi portant fixation du budget géiiérai âes dépenses et detf
recettes de Texercice L899 (n« 105) et rapport (a<» lt)7).
— Rapport sur le projet approuvant une Convention entre TBlaf et i«
Cie P. L. M. (n* 92U
— Rapport sur le projet modifiant fa loi du 4 février 189?,' appnmrant une
Convention internationale de droit international privé (n* 99).
— — Rapport sur le projet ayant pour objet Taciceptàtion d:^!lne avance oilterte
par la Chunibre de Commerce du Havre en vue des travaux dii port du Ifavr^
(no 102).
13 mai. — Pi^osUhm de loi ayant pour but Tliistitution dîme Caisse cea-
traie agricole des avances à faire directement aux agriculteirrs (n^ 1Î8J.
15 mai. — Rapport supplémentaire sur le budget du ministère die la Mtorine
(n« tlO).
16 mai. — Proposition de loi tendant à proroger le àffm d^appUietitidB' de Ib
loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités <fes aoeitténte (hMiMes onvrier»*
sont victimes dans leur travail» (n* 12*}.
t9'mai. — Propomtion d^ l(n ayant pour (Aje««d'6MKorter mie- mé&BsoBàÈé cfee
séjour aux jurés quiperçevfettt uneindemiiitô*de déplaoemcnt (n« 13^
^'^ Proposition de hn tendant à rendre les> fovctiODs minifténetle» iiioonfi»^
tibles^avec te mafndârt de sénateur et de dépaté (n* 131).
— Rapport' sur là préposition relative à Torganisatioa da coanntasanat da*la-
marîne "et drr service de- santé aux Colonies (n* fe).
«— Rapport sommaire sur la proiposition^ relative à la règleaMutakiaBr des d^
lits de boisson (n*- 1^.
— Rapport sur divers projets de loi relatif»- à la loi du 9'avrit 1899 sar te
accidents du travail (n* 135).
20 mai. ~ Projet de loi relatif à certains acteedeTétat cifil eiaux testament»
faits à rarmée (n* 989).
M mai. ^Rapport sommaire sur la propestfion aya»t> poar-ttuttFiniIHutiMi
d'une caisse centrale agricole des avances à faire direeteneat aux agnoaitearv*
(n* 136).
29 mai. — Proposition de loi tendant è instituer dea médattlee d'hoinear à
décerner aux sapeurs-pompiers comptant trente ans de service (n^ 141).
— Rapport sur la prepositton relative à la^ referme' de rorgaaisatiaa judi-
ciaire (no 13!^.
— Rapport sommaire sur la prepositievr tenént à modiier laiar do -21 JtâL-
let 1881 sur la poKce sanitaire des animaux en* ce qii>eftie>to«clie> èJ'easacéiode
la médecine vétérinaire (n« 18"*).
30 mai. — Projet de loi portant fixation du budget général da»^ dlt|MBM»el
des recettes de PexereJee 1899' (&• 149).
«— Proposition de loi tendant à' aeeordar «ne PilMfmptmwtt natiaaaie-saix wM-
taires français qui ont fait partie de la missieii Ifarehsaiésarle Mu* VÊt,
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la yib powtiqwb bt partbm^taiïœ^ bs? fharce 679*
2® Chambre des députés
2 mai. — Etat des travaux législatifs pendant la l'^' partie de la sessioû ordî-
naire-de 1899^ xxxviii® faseicule.
^mm^l^rojet de, loi relatif à là' aouvelld, étaluatlôn dés pjropriétés lum bities
(iio 857).
-— Projet de /</*> approuvant la.déclaratioDi relative aux . refations télégra-
phiques entrera Franeeetl» Roy^iuiDe-lIni de. laGrdnde-Bretag^e et Tlrlande
(QV859),
— Projet de loi approuvant la déclfiration additionneUe du 21' mars 1899 à. là
Gaaveatk)airaiico-anglaiae du 11 ivûllat 1898 (a*> 860).
— — Projet de loi approuvant léu. Convention francot-anglaise du 11. juin 189i<
{ Uéltaûtation des possessions françaises et britanniques dans la région du Niger)
n-861).
— — iVcy'e^ de loi sur le casier iqdfciaire. et. la réhabilitation de.dtoii (n» 880).
— Projet de loi concernant les modifications à apporter à la loi du 25 juin
1861 (Pension de retraite des officiers réformés) (n<> 881j.
— Proposition de Zoi ayant pour but d'interdire renseignemeort àtoat'hoHftme
quifaitxvœu de chasteté (n** 741).
— Proposition, de loi portant ij*» Création d^unr budget spécial; 2« constitution
et règlement des attributions d'un CônseE colonial élu de rjLlgérie (n^867)!
— ' Proposition de loi tendant à autoriser Tadministfation des Postes et Télé-
graphes» à efitectuer pour le compte de la Caisse des dépôts et consignations
rencaissement des fonds des sociétés de secours mutuels approuvés [r^p 875).
— Proposition de résolution tendant à' la création dfe ports* francs en France
et dans les Colouies (n» 879).
— Rapport sur le projet ouvrant des crédits extraordinaire» poursecoor^aux
victimes de la catastrophe de Toulon (n® 877) .
4^ mai. — Proposition, de. loi modifiant rètrtîcle 65 dé Iwloi dti 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse (n" 882).
— Proposition de loi ayant pour objet la modification de l'article 421 du Code
de procé(îure civile (n© 883).
-«— Proposition de loi relative à .runiûcation des pensions proportionnetfes des
sous-officiers, caporaux et soldats rengagés (n<» 881).
— — Proposition de loi tendant à modifier l'article 71 de la loi. du 10 août 1871
sur; les Conseils généraux (n'* 885}.
'^^Proposition de Zoi relative à la conservation du mur*des otages (û" 888).
— Proposition de loi relative à l'application de la loi du 9 avril 1898 sur les'
accidents du travail (nP« 889,891, ,908).
— Proposition de loi relative à liai conservation du terrain' où repesent'les
morts des. événements de 1871 (n» 890).
5 maL — Projet de loi relatif à la police générale et municipale dans la Gblo-
nie de la Guadeloupe (n« 889).
— Projet de résolution tendant à la revision des lois constitutionnelles (n** 909).
— — Proposition de loi ayant pour objet de créer des zones franches^ dans les
ports et les villes de rintériéur.(no 906).
— Proposition de loi tendant à ajourner l'applibatlon dé la loi du 9 avril
1898 sur les accidents . du. travail (n» 907) .
— Rapport sommaire sur la proposition' de loi relative à la protecUoffdè la
mère et de Tenfant nouveau-né (n* 829).
8 jnaL — Projet de loi approuvant la convention franco-suisse du 3 févrifer
1899 ppur régler le service de la cortespondénce téléphonique entfe lestieux pays
(n« 895).
m^^.Projet de /oi. modifiant l'article 69 § 9 du code de procédure*cltiWtn*^W\
— Projet de /ot modifiiant les lois dés 25 ventdsr an XI et 2FiuidrlW8^ rela-
tives, au notariat (n*897).
— — Projet de ZorWglant la sittratlon db persomiel buvitftrtlerarseiiauk el éta-
blissements dé la marine bon des ports exr cas de moblUèatioa (a% 909"}.
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680 LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE
— Projet de loi relatif à l'organisation des troupes de la marine en France
et aux colonies (n» 902).
— Proposition de loi modifiant Tarticle 40 de la loi du 21 avril 1832 relatif aux
abonnements de vendanges (n"* 903).
— Projet de loi tendant à Tabrogation : 1° de l'article 30 de la loi des 19 et
22 juillet 1791; 2° du paragraphe 6, 2« alinéa de l'article 479 du Code pénal (Taxe
de la boulangerie (n«» 884).
— Proposition de loi sur la réforme des Conseils de prud'hommes (n» 894 \
— — Proposition de loi modifiant la loi du 20 juillet 1897 sur le permis de
navigation maritime et Tévaluation des services donnant droit à la pension dite
de demi-solde (n« 900).
— Proposition de loi ayant pour objet d'ajourner la mise en vigueur de la loi
du 7 avril 1898 sur les accidents du travail (n« 904).
— Proposition de loi ayant pour objet la création de ports francs (n* 914),
— — Proposition de loi ayant pour objet le transfert au Panthéon des cendres
d'Honoré de Balzac, d'Edgard Q linet, de Michelet, de Renan ( n®* 9I6 et 91 r).
9 mai. — Proposition de loi tendant à faire bénéfidier les élèves des écoles
pratiques d'agriculture des dispositions de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889
(n« 655).
— Proposition de loi ayant pour objet la réglementation du travail de telle
sorte que les salaires soient assurés conformément aux prix de série, le mar-
chandage réprimé, la dignité et la sécurité des ouvriers placés sous la sauvegarde
de la loi (n» 694)
— — Proposition de loi ayant pour objet de modifier le tableau A du tarif géné-
ral des douanes (n" 459; tissus de soie pure) (n«820).
— Proposition de loi tendant h abroger l'article 26, de la loi du 8 août 1890 et
à établir l'égalité proportionnelle entre les contribuables fonciers d'un même
département (n» 893).
— Rapport sur le projet de loi approuvant la convention franco-anglaise du
14 juin 1898 et le projet approuvant la convention additionnelle du 21 mars 1899
(no 919).
— Enquête sur l'enseignement secondaire. — Procès-verbaux des dépositions
(no 866).
12 mai. — Projet de loi portant fixation du budget général de l'exercice 1899.
(n- 91).
^^ Projet de loi modifiant : lo les lois des 25 juillet 1893 et 13 mars 1895 en ce qui
concerne le personnel des bureaux de recrutement et les sections de secrétaire
d'état-major et de recrutement, 2o les lois des 20 mars 1880 et 24 juin 1890 sur
l'organisation du corps des archivistes militaires (n« 911).
— Projet de loi tendant à cc-mpléter l'article 162 du Code de Commerce re-
latif aux protêts (n© 918) .
— Projet de loi tendant à étendre en vue de Tapplication de la loi du
9 avril 1S98 les opérations de la Caisse nationale d'assurances en cas d'accidents
(no 923).
— Proposition de loi tendant à l'abrogation des articles 510 à 517 du code
dlnatruction criminelle et du décret du 4 mai 1H12 (n^ 586).
— • Proposition de loi portant organisation d'un Conseil supérieur de la délense
nationale (n* 887).
— — Proposition de loi relative à la modification de l'article 59 de la loi des
finances du 13 avril 1898 (subvention aux communes pour les sapeurs-pompiers et
matériel incendie).
1^^ Proposition de loi iendoiai à la suppression dubudget des cultes et au retour
à la nation des biens dits de mainmorte, meubles ou immeubles appartenant aux
congrégations relic^'ienses (n© 921).
— — Rapport sur la proposition tendant à modifier le § 2 de Tarliclc 4 de la
loi du 2 juin 1891 (pari sur les champs de courses) (n© 925).
15 mai — Proposition de loi portant abrogation de l'article 2 de la loi du
J«p février ^899 (no- 171 vins, 84 raisins de vendange et moûts, et 173 bis boissons
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LA VIE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE EN FRANCE 681
non déDommées). Tableau A annexé à la loi de douane du 11 janvier 1892
(n«922).
— Proposition de loi ayant pour objet le transfert au Panthéon des restes de
Rude, David d'Angers, Ingres, Delacroix et Berlioz (n* 924).
^^Proposition de loi tendant à réprimer les fraudes par substitution de per-
sonnes dans les examens et concours publics (n*» 927).
'^'^Proposition de loi sur rorganisatioo de l'Algérie (n© 932).
— Rapport sommaire sur la proposition tendant à n'admettre aux tonctions
publiques comme agents du gouvernement ou dépositaires de l'autorité que des
Français issus de parents français [n<> 459).
16 mai. — Projet de loi portant création de 3 batteries montées, de 2 com-
pagnies de sapeurs mineurs et d'une compagnie de sapeurs de chemin de fer et
modifiant l'organisation des troupes du génie (n» 925).
— Projet de loi étendant aux Cartes postales et à tous les objets de corres-
pondance affranchi? à prix réduit, les dispositions des lois du 16 mars 1887 et
27 décembre 1895 relatives aux lettres expédiées après les levées générales
(n» 936).
— — Projet de résolution ienâ&ni k autoriser une loterie en faveur de la Société
d'aide et de protection aux colons (n*" 930).
^•^Proposition de loi ayant pour objet de modifier la loi du 9 avril 1898 sur les
accidents du travail (n<»392).
— Rapport sur le projet de loi relatifs la repression des fraudes dans la vente
des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits
agricoles (u" 940).
•«- Rapport sur le projet du gouvernement portant établissement d'un impôt
général sur le revenu (n® 941).
——Rapport sur le projet portant règlement définitif du budget de l'exercice 1899
(n- 942).
— Rapport sur le projet tendant à étendre en vue de l'application de la
loi du 9 avril 1898 les opérations de la Caisse nationale d'assurances en cas
d'accidents (n» 943).
18 mai. — Projet de loi relatif à la concession de boites aux lettres particu-
lières (n" 935; .
m^'^ Projet de loi approuvant l'arrangement additionnel à la convention franco-
monégasque du 9 novembre 1865 (n« 9Q8).
""^P imposition de loi sur les contrats d'assurances (n" 946).
19 mai. — Proposition de loi ayant pour objet de décerner à Pasteur les
honneurs du Panthéon ^n» 933),
'^'^ Proposition de loi tendant à autoriser les enquêtes préalables nécessaires
àl'exécution du canal des Deuv-Mers suivant les règles déterminées par le titre !•'
de la loi du 3 mai 1884.
— Proposition de loi tendant à étendre aux incapacités temporaires du
travail les dispositions de la loi du 11 juillet 1868 sur la Caisse nationale d'as-
surances en cas d'accidents (n*> 949).
— Rapport supplémentaire sur la proposition de M. Jean Cruppi ayant pour
objet la réforme des expertises médico-légales (n® 950).
24 mai. — Proposition de loi tendant à assimiler au point de vue de leur obli-
gation militaire les élèves de l'Ecole des mines de Saint-Etienne à ceux de
l'Ecole supérieure des mines ;n' 952).
— — Proposition de loi ayant pour objet la création d'une caisse d'assurances
agricoles obligatoires (n© 944).
— Proposition de loi tendant à transférer au Panthéon les restes de Lamar-
tine (n» ^7).
— - Rapport sur la proposition tendant à faire proroger pendant six années
les primes qui ont été allouées à l'industrie des schistes (n** 928).
— Rapport sur une proposition tendant à' modifier la loi du 9 avril 1898 sur
les responsabilités des accidents du travail (n^ 939).
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im2 LA VIE l>OUT|QU£ £T PiàRL^iEN TAIRE £M ERANCE
■««»— Aapport-sur la proposition tendant à accorder une récompense nationale
aux militaires qui ont fait partie de la mission Marchand (n^ 954).
35tAiai. -~.Prf»je/ '4e ^t^posUAt déctowement 4e placée iories (n» 929).
-^ Projet de loi portent aiigBiAatati«n dacaikedes médecins majors de 2* chàme
eiilutt»LdredeB,«ft6de6iAs «idesfm^ois de .1<^ -clasBe fixés par la loi du. 15 avril
1898 (no 951).
— Proposition ée loi pertaat modjficaiion du tarif général des douanes
(n» 963).-
i26mai. — Proposition, de isi modifiant ki loi. du 15 juillet 1889 sur le recnite-
ment à Tégard des jeunes Français étaàklis kors de Franoe'en Euiope (n® 486).
«— Proposition de loi ayant pour objet de compléter rarticie 463 du Code
pénal (no 958).
— Proposition de /or ajaût pocr ^ôbjet de compléter l'article-^ de la loi eu
29 juillet 1881 sur le régime de la presse (no 989).
— i~ Proposition de loi tendant à créer une distinction honorifique -tous le nom
d' « Ordre du mérite industi-iel et commercial »> (no 965).
Avis sur les projets de loi : 1*» du 18 novembre 1898 portant awgmeiltation thi
cadre des officiers de marine [n" 387-520) ; 2© du 3 mars 1899 tendant à la créa-
lion d'enseignes de vaisseau et d'aspirants auxiliaires ^n«'961).
29 mai. ^Projet de loi portant fixation "du budget général des dépenses et
des recettes (n'» îHfl).
— Proposition de loi tendeint à assimiler, au point de -rue "de Meurs obliga-
tions militaires les élèves de l'Ecole des mines de Sain^Etieiii)eià eeux de l'Ecole
supérieure des mines (no 913).
— — Proposition de loi tendant à réorganiser le service des comptables dlreets
(nor60^.
— Proposition de loi ayant pour objet d'alloticr à titre de gratification vme
somme de cinq cents francs à èhacun des tiràlUenrs ayant fait partie de la mis-
sion Marchand (n<> 967).
— Proposition de loi relative à la création d^me <m!vtQèlle natiofiA1« d^assu-
rances contre les accidents du Travail (no'968).
— Proposition de loi tendant à accorder aux tirailleurs sénégalais ayant -pris
part aaz opérations de' la misèion 'M«roh«nd coome >4lux> FMiçÀis la mtete ré-
compense nationale honorifique (no 970).
•— — Rapport SUT différentes proportions 'relatives aux conseils 4e Pnidhoamïes
(n" 931).
— Rapport sur le projet autorisant Padnmston «n fraftchise des- |»iad«ié9 d'o-
rigine corse (no 974).
— — Rapport sur le projet portant fixation du biiiiget.géQéBaL4e Tesercice DittO
(»•> -©TS).
90 loâi* — Prûpmiii^n ée J^itanéaMi À l^âtaèlisaeBraot id'MU iiapèt lé^ et
proportionnel sur le capital (n" 947).
«— Rapport -sur la proposition Éiéin t ài aiftdifter le no 141 4u Xanl général
ées Donones {n«972).
— Annexe au rapport sur le projet portait ^xalton du l>udget ^é&éral é^
TExerdce 169» <tto ^,
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moKOLooE msm mmm n wmiM
Chronologie politique étrangène
sAttsmagne.^ 5 mai, — Mort du. cardinal RTemeiitz, «itJhevèi|ue de Collège,
qni ovait'joulé «n t(Ae importuit pendftnt le 'fCuHur^mpf, au Bioment 4e la
Téfsttftance de l*EgH»e cathôiiqoe mrx lois 'de mai.
n. —La cmmitiswion du iMQfftag^ 'Prusse rejette le projet de loi «err la
constrmHion, île TElbe au R^bm, iï\m caaal ''demmiëë par Tindaittrie, «nais
Tppons^ "par ¥ôs lïgrfliiras .
Angletenre. -'5 mai. — Iforrfl'RortftMfry, «mnen -chef do "ptati libératl, :pPo-
-nonceau CttyLiberdl C/«6,^ Lcmdrw, tm discmirs aswez ^émjpiBatique «er la
situation du parti libéral. Il semble reconrmonffâer m. i^emfstlMnion *flnir «on
-aatrieime base, avatft *ia -scrséion-de 1886, ^et poser ^entuïrtteiweirt sa «awflida-
•ture ^ la direéWtm'de t;e trow^an p€wK.
10. — La Chambre des Communes repousse, par WO «roix cotftre 1^, fm 'bill
dtstftté à Terfforcer ia idiscfrpftfre -de FEgHsc «nglteane, en vue de l^empécher de
«'abondonHer aux-fn^ttiques «Wtes ^«"HhiaKittes ^. Vfms, en ivème temps, la
<2h8nM)pe Tirtetme motion pour 'faire comprendre tfuVl 'y atrrait 'lieu, «pewr le
f>artei»enft, d'iittervenir, si le mouvement ^ rihialiste » 's'accedtuatt.
Aatrtche-HQngrie. — "%) mai. — Les cinq groupes 'de TopposHion alle-
mande, au Reichsrath autrichien, formulent leur pro^amme commun de *ré«is-
tamce à PenyatMssetm^nt dntnoviBfne eii'lKiitrr^Éic. 'Ils demandent, i»n partknàlier,
«ne TréFSëflsioe ^formelle poffr la 9emg«e •alIleoiffDde ipar rapport «aux dtfférettts
■tdwBejtftes ^la^ee. Les chiq grertfpeB"8ignatadpes "du programme •eoïKt :• le parti
popdliele adlemand, le 'parti 'progreesiéte «llettiaifd, TUnion ^ëe« gpanMhe« ppo-
ptiéiéB Mdleeà la CensfHutien, l'Union tles 80oiaH9tes ofanétieas, rUnion lU»re
'éSleiBandv.
^i^^Wto. — 7 mcti. — 'Eled0io«s • au '^Bebraiilé ; «Bout 'é*os : Wi meubfes *du
'parti 'goBfcrseineâtall, ^98 nen^yres dedi^^rs part» de l'-opposltifm.
Chine. — l** mai, — A Londres, à la chambre des Lords, lord 'Btdv^iir^,
'fpiestioMlé 'par lord KJmtbeiQey, lui dettwe des •indloafticrfM •génèneles «sur Tarran-
genmit'wi^-nMee ^ 28 a^il, eoneeniant'lQ érhiation «r^oiprroque de l'Angle-
terre et de la Russie en Chine.
6. — Le texte môme de cet accord angle russe est publié à Londres.
18. — A Pékin, la banque allemande, Ueulsche-asiatische Bank, et la banque
anglaise, Hong-Kong and Shanghai Banking Corporation, signent un contrat
pour la construction^ en commun, d'une. ligne .de ^Tien-ïsm à Tching-Kiang.
Espagne. — 13 mai. — A Valladolid, des troublent éclatent entre étudiants
et élèves de Técole militaire, affectant un caractère dliostilité entre l'élément
ci^.iet.réléweKt naiitaife.
25. — Mort d'Emilio Castelar.
ittiiliafuia •— .iii>fmti. — •Ctovonfeaveide la Goafénnee^leila Padx^^au' Palais du
Bois, à la Haye.
. 2il. — Xe fettfon ^ifltaal, -praneipal lAértgiié luwe À la CeBirénBee, élu prési-
émil, pnanoBoe umâimcrat»' ewfMJmrt Je fvogvtmme du ^Geagrès. M y. altiibue la
première place à la question de l'arbitrage et de la médiation, la «eooDde à la
ycttbeich» das. meenras dgettnéBaià immaaiser ila »goeiiie ; tenfin, 41 pavle de la
question du désarmement.
Italie. — d*'' mai. — •ÛonMoanoament, à^la Chambre, de .la •discoesien «ur la
politique étrangère du gouvernement, en particulier au sujet de Yhinierkmd de
la Tripolltaiae tel des^fbÉMSiAe iDtame.
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684 • CHRONOLOGIE POLITIQUE
3. — Devant la tournure défavorable que prend cette discussion, le ministère
Peiloux donne sa démission, sans en attendre la Ùfi.
14. — Le général Peiloux, premier ministre démissionnaire, chargé de cons-
tituer un nouveau Cabinet, fait aboutir, et approuver par le roi, la combinaison
suivante : général Peiloux, présidence et intérieur; MM. Visconti-Venosta,
affaires étrangères; le sénateur Bonasi, justice; Carminé, finances; Boselli,
trésor; le général M irri, guerre; Tamfral Battolo, marine; Baccelli, instruction
publique; Lacava, travaux publics; Salandra, agriculture; di San Gîuliano,
postes et télégraphes.
25. — Le nouveau Cabinet' se présente aux Chambres. Il se présente avec un
programme promettant de régler la question chinoise avec prudence, et
maintenant les projets de loi ne sûreté publique présentés par le précédent
Cabinet. — Conformément à la demande du gouvernement, la Chambre, dont le
président, M. Zanardelli, venait de démissionner pour protester contre la manière
dont la crise s'était résolue, fixa l'élection de son nouveau président au 30 mai.
26. — A la Chambre, M. Crispi rentre en scène, et prononce un discours pour
rejeter sur le général Baratieri la responsabilité de Texpédition africaine.
30. — La Chambre élit pour son nouveau président M. Chinaglia, candidat du
gouvernement, contre M. Zanardelli.
Samoa. — 13 mai. * Arrivée, à Apia, de la Commission internationale anglo-
allemande-américaine, chargée de régler les difficultés survenues à la suite de
l'élection de Malietoa Tanou.
TransYaal. -»- 1*' mat. — A Londres, aux Communes, M. Chamberlain, par-
lant de la pétition adressée au gouvernement britannique par 21.0CO Anglais du
Transvaal, qui se plaignaient de )a situation faite aux Oullanders, dit que
l'Angleterre avait le droit de recevoir celte pétition. Il constate qu'elle est un
événement unique en son genre, de même que l'état de choses qui Ta provo-
quée.
16. — A Johannesburg, il est procédé à l'arrestation de huit Oullanders, pres-
que tous Anglais, ayant appartenu à l'armée britannique, et qui sont accusés
d'avoir tramé un complot contre la République. Ce sont : le capitaine Patterson,
le colonel Richard Flooyd Micholls, le lieutenant Fremlett, le lieutenant Ellis,
le lieutenant Allen, les trois anciens sous-officiers : Mitchell, Jeffrin et Ilooper.
23. — Le Raad aborde la discussion des propositions du président Krûger,
ayant trait, en particulier, à l'extension du droit électoral aux Outlanders. A la
grande irritation de ces derniers, le Raad ajourne la solution de la question à la
session suivante.
31 . — A Blœmfontein, dans l'Etat libre d'Orange, le président Krûger et sir
A. Milner, gouverneur du Cap, se rencontrent pour discuter en commun la
question des Outlanders.
Chronologie politique française
1er mai. « Le travail est à peu près général en France et aucune manifesta-
tion particulière de chômage ne signale le i*' mai.
— Ouverture à Rouen du congrès international d'hygiène et de production
dans les manufactures textiles.
— Les socialistes de Troyes réclament du Préfet la fermeture de la chapelle
des Jésuites. Le ministre de Tlntérieur, consulté, télégraphie de faire fermer
cette chapelle.
2 mai. — Manifeste du Conseil national du parti ouvrier français ou guesdistc
au détachement sociodiste-guadeloupéen du parti.
— Retour en Angleterre de la Reine Victoria, après un séjour de 'sept
semaines à Nice.
3 mai. — Mort du général Loizîllon, ancien ministre de la Guerre.
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CHRONOLOGIE POLITIQUE 685
5 mai. — Le journal Le Malin publie les déclarations de Léon XIII relatives à
la France faites récemment par le souverain Pontife à M. Henri des Houx.
— - A la suite de la séance de la Chambre pendant laquelle TExtrème-Gauche
l'avait violemment pris à partie, M. de Freycinet donne sa démission de minis-
tre de la guerre. Malgré les vives instances du Président du Conseil et du Prési-
dent de la République, M. de Freycinet maintient sa décision.
6 mai. — Fêtes du Centenaire de Balzac à Tours.
— M. Rrantz ministre des Travaux publics est nommé ministre de la Guerre
et M. Alonestier, sénateur de la Lozère, ministre des Travaux publics.
7 mai. — Discours de M. Cavaignac à Romilly à Toccasion de la fête de
Jeanne d'Arc.
8 mai. — Panégyrique de Jeanne d'Arc à Orléans par Mgr Ireland.
i— Les membres de la Ligue de la Patrie Française de Troyes, en réponse à
la fermeture de la chapelle des Jésuites, demandent au procureur de la Répu-
blique de faire fermer la loge maçonnique. La pétition déposée également à la
Préfecture a dû être transmise à qui de droit.
— Congrès régional annuel du parti ouvrier socialiste révolutionnaire (fédé-
ration du Centre.)
9 mai. — Les bureaux de la Chambre nomment la commission chargée
d'examiner les propositions de re vision de la Constitution. Ils ont élu :
MM. Gerville-Réache, Salis, Pourteyron, Lhopiteau, Delaune, Sembat, Levraud,
Dumont, Derveloy et Bérard. Tous les commissaires, sauf deux, sont favorables
en principe à la révision.
10 mai. — Procès Fabre-Papillaud devant la Cour d'assises de la Seine.
12 mai. — M. Papillaud est acquitté par le Jury de la Seine.
— — Publication par le Petit Journal des lettres échangées entre M. de Frey-
cinet et M. Delcassé à la suite des difficultés soulevées à la Cour de Cassation
entre M. Paléologue el le commandant Cuignet.
—— M. Lasîes adresse ses témoins à M. Delcassé à l'issue de la séance de la
Chambre.
14 mai. — Inauguration au Père Lachaise du monimient élevé à la mémoire
de M. Charles Floquet.
15 mai. — MM. Léon Bourgeois et d'Estoumelles quittent Paris pour aller
assister h la Haye au congrès du désarmement.
i— Reprise sans incident des cours de M. Georges Duruy à TEcole Polytech-
nique.
— M. Paul Déroulède adresse une lettre au Président de la Chambre pour
préciser le sens de l'acte accompli par lui.
16 mai. — Mort de Francisque Sarcey.
17 mai. — Procès Max Régis à Grenoble.
— - Le groupe radical socialiste nomme : i** Une commission de propa-
gande extérieure composée de MM. Astier, Baudon, Baudin, Berton, Lasserre,
Honoré Leygue, Simyan, Vazeille et Guieysse, et chargée d'organiser des
conférences en province; 2« une commission d'organisation intérieure composée
de MM. Charles Bos, Mesureur, Rabier, Puech, Gervais,.Gouzy et Ursleur.
18 mai. —Le jury de l'Isère acquitte M. Max Régis. Election de M. Paul
Deschanel à l'Académie française.
— — Grève générale des facteurs.
— — Incidents violents à Grenoble où une foule de 300 individus attaque le
Cercle militaire .
19 mai. — Echange de dépêches entre M. Loubet et le Tsar à l'occasion de
l'anniversaire delà naissance de l'Empereur de Russie.
20 mai. — Réunion à Lille du Congrès des percepteurs de France.
21 mai. — Voyage du Président de la République à Dijon. Inauguration du
monument de Camot. Discours de M. Ch. Dupuy.
23 mai. — Clôture du rapport de M. Ballot-Beaupré dans raffaire Dreyfus.
24 mai. ^ A la suite d'un récent incident soulevé à la Chambre de Commerce
Française entre M. Rolland, président de cette Chambre et M. Moutier, un jury
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^)86 CHRONOLOGIE FOUTIQUE
<l'liooa«ar a été censthué pour régler le différend. Le jury dédire que les ^aits
imputés à M. ftieutier par M. Bolland sont (aux et ne ropoeent sur aucun fande-
ment; cpu'en conséquence il n'y a pas lieu de réclamer r^xpi^km de M Moutier
la ckamlire de comnMree française. Le jury ajoute que M. iloutier est diipie
la sympathie, de ia oeaaidération et de Tefitime de ses Gompairioies.
IB mai, — Ouvertare À Pénis, aar la présidence de M. Etiemie Lamy, àhsn
agrès pour le droit d'association,
lB.vmL — Mort Je.Aoaa Bonheur.
■— Arrivée À Paris du.général Galliéni.
— Uéunion à Paris d'un meeting nationaliste «sons la président d'Edouard
umont.
IS mai. — .EhGiimi sénatoriaU. — S«ne. — Inscrits : 7S0. — Votants : 715.
Bulletins blancs et nuls : 12. •— BulTrages exprimés : 703. — Majorité
Bolue : 852. — H. Thuillier, présidant du Conseil .général de la Seine, radical,
r, élu; H. Ch.J..ongnet, ancien conseiller municipal de Paris, socialiste, 135;
Du Bellay, indépendant, 15; Divers, 6. Il s'agissaitxie pourvoir au aiège de
.Kcaniz, eénaieur inamovible, décédé, dont le siège avait été atlxibué au
partement de la Seine, par application de la loi du 9 décembre. I8M.
m^£laciwns Ugislatvte, — Noao. — il'* circonscriplion d*Avesne$), — Ins-
ts: 10^433. — YotanU : 11.932. — M. Pascal, .avocat, républicain, 7.318, jébi;
le D' Moret, aocialisle, 4 .U^. Jl s'egissait 4ie renpiacer M. GuiUeniin, républi-
En,. décédé le 28 mais 4erniez. il. GuiUômin,.élu {Mur laipremière fois.en .IbâU,
siit été réélu pour la seconde fois aux élections générales de 1698, ..au scrutin
ballottage, par 6.001 voix contre 4,206 à M. Rouseel, socialiste, et 2,'7I*2 à
iMercier, réactionnaire. M. liéon Pasqoal le nouvel ^lu. était le ^^ouain du
patéfiécédé. Al. Gnillemin.
&8«anuL — JLudience solennelle de la. Cour de.oas8atiQn.et lectBrekdsura^pûrt
M. Ballot-Beaupré.
— Débats de UaCfaixe Déroulède-AlArcel Jlabert de>cant la-xour d^aasises de la
ine.
— - Grève du Greusot. MM. Constant, et D^jeante se rendent an Creuaot.
30 mai. — M. Ballot-Beaupré conclut dans son rapport .à la révision du procès
e>fus<avac «renvoi «devant «m . conseil de Guerre.
-»- Les membres de la mission Marchand débarquent à Toulon et sont reigiis
milieu du .plus.grandrentbousiasme.
— Déposition du général "Hervé devant le jury de la Seine en faveur de
xoulède. .
31 mai. — M. Manau procureur général à ki Cour de cassation, requiert qull
il procédé à la révision du procès DEe^ûis avec un ranvv)! sdemint un oomseil
Guerre.
-* Le jur^ de Ja. Seine aoquitte Paul DémaLède et Jéarcel ilabert. Meeting
tianalisie tendhonneur de Uacvqpiittement de.i>érottlède.
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J.-B. MispouLET. La Tie parlementaire à Rome sous la République
Paris 18' 9, Albert Fontemoing éditeur. — Prix : 10 francs.
Nous sommes heureux de pouvoir signaler tout particulièrement à nos lecteurs
le nouvel ouvrage de M. Mispoulet. L'auteur retrace les bases de la constitution
romaine et précise autant qu'il était possible les usages parlementaires sous la
République. Ce qui rend la lecture du livre de M. Mispoulet véritablement atta-
chante, c'est qu'il a reconstitué un certain nombre de séances du Sénat romain,
séances historiques qui sont encore daus toutes les mémoires et qui expliquent
certains des grands événements qui amenèrent la chute du régime républicain.
Nous donnons ici une partie de la préface même de Fauteur: « Fidèle à la mé-
thode qu'il avait adoptée, il y a une quinzaine d'années, dans son cours libre d'ins-
titutions romaines, à la Sorbonne, l'auteur se propose de faire connaître la vie
politique à Rome en reproduisant exactement, minutieusement, quelques-unes
dcA scènes historiques qui offrent le plus d'intérêt. Si les séances du Sénat ont
attiré plus particulièrement son attention, ce n'est pas seulement parce que de-
puis 1817, époque où l'Académie des Inscriptions voulnt bien récompen?er son
Mémoire sur le Sénat romain, cette question n'a jamais cessé d'être l'objet de
ses études ; c'est aussi parce que nous avons là-dessus des renseignements abon-
dants; c'est enfin, si paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, parce
que le sujet, quoique très ancien, est presque d'actualité.
C'est bien à tort, en effet, qu'on s'imagine que le régime parlementaire a été
inventé de toutes pièces par la nation anglaise à une époque assez récente ; nous
allons voir qu'il était déjà en vigueur chez les Romains, il y a deux mille ans.
Nous retrouverons à Rome des chefs de gouvernement, plus puissants, il est
vrai, que nos ministres, mais en fait, placés comme ceux-ci, sous la dépendance
d'une assemblée, élue — indirectement — - par le peuple, et avec laquelle ils
doivent toujours s'entendre. N'est-ce pas là l'excuse même du régime parlemen-
taire ? L'analogie n'est pas moins frappante quand on passe des principes à la
pratique. Dans les séances qui sont reconstituées au Livre III, le lecteur s'aper-
cevra bien vite que les usages et les mœurs parlementaires n'ont guère changé
depuis lorp, et il lui sera facile de mettre des noms modernes sous tel au tel in-
cident célèbre, comme aussi de retrouver jusqu'à ce que nous appelons un peu
irrespectueusement des chinoiseries parlementaires, etc., etc., etc. »
VicoBfTE d'Avbnbl, Paysaus et ouvriers, depuis sept cents ans. 1 vol. in-18
Jésus. Armand Colin et Cie, éditeurs, Paris. — Prix, broché : 1 fr.
Voici « une nouvelle étape parcourue dans l'histoire de la civilisation maté-
rielle » qu'avait entreprise M. d'Avenel, et dont la Fortune privée à travers sept
siècles contenait les deux premières parties ; L'Argent et la Terre.
L'auteur apporte, au milieu des discussions contemporaines, des faits positifs,
le témoignage d'expériences que les générations précédentes ont tentées.
On voit dans son livre qu'aucune contrainte légale, aucune entente privée n'est
parvenue à régler dans le passé les prix du travail. L'art habituel de l'auteur sait
donner un attrait piquant et une forme littéraire à la masse des renseignements
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BIBLIOGRAPHIE 689
et des chiffres; il eu tire des conclusions tout à fait neuves, sur l'évolution
ancienne du salaire des journaliers, des domestiques, des ouvriers de métier de
l'un et Tautre sexe. Il précise leur degré d'aisance ou de misère, en faisant con
naître le coût de leurs dépenses pour la nourriture, l'habillement, le chauffage,
le loyer; il montre leurs rapports avec TEtat de jadis, « toujours plus fa\orabIe
aux employeurs qu'aux employés » et les causes qui ont, aux diverses époques,
influé sur leur situation pécuniaire, causes qui n'avaient pas été aperçues
jusqu'ici.
M. d'Avenel nous donne un nouvel ouvrage d*histoire absolument original.
H. Hausbr, professeur à l'Université de Glermont, Ouvrien du temps passé
^xvc-xvi* siècles). (Félix Alcan, éditeurs). 1 vol. in-8de la Bibliothèque générale
des sciences sociales. — Prix : 6 francs.
Ce livre s'appuie uniquement sur des faits, sur des documents contemporains.
Ce n'est pas la conception a priori d'un théoricien obéissant à des préjugés
d'école, c'est l'exposé impartial et désintéressé de ce qu'était la condition des
ouvriers dans les diverses parties de la France, à l'époque où se désagrégea l'an-
cien régime corporatif. Grâce à cette méthode vraiment historique, Tauteur
arrive à établir quelques résultats assez neufs : l'extrême diversité et l'extrême
mobilité de l'organisation du travail dans une société que l'on se représente trop
facilement comme immuable et uniforme : l'apparition d'une iudustrie méca-
nique et déjà capitaliste; la fréquence et l'acuité des conflits entre le capital et
le travail, etc. On lira avec un intérêt particulièrement vif, l'histoire d'une grève
au xvi« siècle, qui ressemble trait pour trait à nos grèves actuelles, les études
sur le travail des femmes, sur l'assistance publique. Bien que l'auteur se défende
— et à bon droit — d'avoir voulu fournir des arguments à telle ou telle secte,
son livre attirera l'attention de tous ceux que passionnent les questions sociales.
G. DE MoLiNARi, correspondant de l'Institut, rédacteur en chef du Journal des
Economistes, Esquisse de l'organisation politique et économique de la
Société future. Librairie Guillaumin etCie. 1 vol. in-18. — Prix : 3 fr. 50.
Sous ce titre, M. G. de Molinari vient de publier un nouvel ouvrage qui résume
et complète ses travaux antérieurs. Le savant économiste y donne un aperçu
(les lois naturelles qui ont déterminé dans le passé les progrès des institutions
politiques et économiques, et il montre comment et dans quel sens ces institu-
tions sont destinées h se modifier sous l'influence des changements survenus
dans les conditions d'existence des sociétés. A la dillérence des conceptions
socialistes de la société future, celle de M. de Molinari se fonde sur les données
les plus sftres de l'observation et de l'expérience. Ajoutons qu'elle nous promet,
peut-être avec quelque optimisme, un avenir de liberté et de paix.
La Librairie L.-Henry May vient de faire paraître la Chambre des Députés
(1898-1902). par Alphonse Bertrand, secrétaire-rédacteur du Sénat. Ce
volume de &X) pages, d'un prix abordable à tous (4 fr.), renferme les bibliogra-
phies des 581 députés, avec préface et documents divers, tableau des modifica-
tions survenues dans la représentation des départements, liste des ministères
qui se sont succédé, etc.
Ecrit comme ses devanciers, la Chambre de 1889, la Chambre de 1893, le Sénat
de 1894, le Sénat de 1897, en dehors de tout esprit de parti, d'après des docu-
ments puisés aux sources les plus sûres et en très grande partie d'après des notes
autobiographiques, le livre de M. Alph. Bertrand apporte à l'histoire de l'époque
contemporaine une contribution précieuse .
Plein de renseignements inédits, il donne un aperçu complet de la carrière de
chaque représentant.
11 se recommande d'autant plus à l'attention que sur 581 députés, il y a plus
de 200 députés nouveaux, saùs compter les nombreuses vacances auxquelles il a
été pourvu au cours de la dernière législature.
N'ayant cessé depuis 1871 de suivre le mouvement politique de nos assemblées,
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6 90 BIBLlOeRAPHlE
M. Alph. Bertrand était pi*» que pefsoirac désigné pour cette snile de travaux
qui porte la marque de la compétence parlementaire et ateiimstratiTe^ dePèutear
de r Organisation française:
S^été Fï^uiçaise d'Edition» d*AVf. 7 et 11, m© SWnt-BenoH.
Louis Vtgouroux, IJà, Cdnoentratton des fbrce» ou'vrîôrBsdknsi'Ataiértque
dti N6rd (Bibliothèque dû MUséè Sociale V vol. ih-18 jésus. Armand Colin
et Cie, éditeurs. — Prix, broché : 4 fr.
Ce livre est le résultat d'une enquête impartiale. Son but est de montrer pour-
quoi et cowmiBnt 'Ite t>myaffleqrg€«é>teariny ont «- coneandré^'leiirv fbroM< » dans'
certaine- méUtrsf organisé d&apf§âé^raEAioiMi'oo«<nraBitb>iiie^r Amérique du Nerd'et
noué des relations avec les syndicats ouvrèeredu monde^atlèn
Apréa avoÎA décrit leur orgaaisaUoiM.ratttaur a essag^é- de faire le biianides
conflits? ouvriers^ étudia «ldAtrait6s4im^9érfpaf.i«..vain(|tteur.ap^s la bataHie ^ou.
bienr. signée d'un oonuuun.acoard.poiir empèobep rouvdrtune^djBS hostilités) et il
s*est particulièrement. attaché à expliquer Tinfluenoe exercée sur les conditions
du travail par. le meiivemeiit de canœntmticm'des omii^yeurft^et des employés.
Enfla, il a^ examiné, le prohième souVsré par. rorganiafttioQ grandissante des tra-
vailleurs-> prabléme.quL ae po&a daiu tous lea^^p^^où la. grande industrie se
développa.'
Une piéfaca de 'M» Pairi dt Rouaier^ cempane le»8yndÂcatiLaiDérioaina«vecles
syndicats anglais, et. fait resaortir \t& conêl usions, ^^éirales qui se dégagBQt.du
livre d& M. Louis Vigoucoux..
Llcuin De8uni£»bs; Ié*Appli«i*iomtfUi O^atème oolleoti^viit^ avec préface de
Jju^ Jaurbs. Librairie de la Rwme SocialisU; 7S, ptssage GboiaeMl, . Parii«
Un fort volume de plus de 500 pages grand in-S" . — Prix : 6 fr.
L'ouvrage de. AL ûesUniôresrestrexpïOsé le plus, complet qui ait paru jusqu'à
ce jour, de Torganifiation coHectiWste. L'auteur, laissant de oôté la théorie pure,
se préoccupe exclusivement des question? pratiques. 11 démontre que le collecti-
visme, loinrde-diminnerMa production» agricole et' industrielle, comme on Ten a
accnsé, arriverait dès son débtat à la tripler;- qn'àulîen de restreindre la liberté*
individuelle, if retendrait et la rendrait plus effective. Eïifin; il décrit dans tous
ses détails le fonctionnement delà société collèctiYistfe' et apporte sur ce point
des indications à la fois neuves et* intéressantes. Gè livre-doit être lu par toutes
ley personnes désireuses de se faire une idée précise tltt collectivisme, dont on
ne comxaf t' généralement que des formules assez vagoes.
G. Tarde, Les tfaa s formations du pouvoir. (Félix Alcan, éditeur). 1 vol. de
la BiblïDthôque générale des sciences, sociales, carti-à l'anglaisa. —-Prix :
6 francs^
Ce livre est un essai partiel de sociologie politique, où ranlenr a.indiqaé Tap-
pltcation de sa doctrine générale au côté gouvernemental des^ sociétés; Après une
première partie consacrée et une -exploration libre do sujet, à des recherches sur
les sources du pouvoir, sur les rapports entre l'invention et le pouvoir, sur la
formation des noblesses et des capitales considérées comme des organes dé con-
ceBtration*et d'emploi da pouvoir, la science polîtiqueest présentée pimrmétho-
dicinement' danr'la seconde partie de l'ouvrage, laquelle comprend th)is divisions
principales. Tôuf ce qui concerne la répétition politique, Topposîtkm politiqne
(lutte des partis, guerre et diplomatie), l'adaptation (ou violation) politique et
sft'lot, y est traité sncoessivementr Un dernier chapitre sur Kart et lâ morde poli-
tique fait sentir, d'une part, la nécessité d'une rhétorique supérieure* qui soit» k
l'artde créenl'ophiiottpar'la presse, ce que la- rhéterique ancienne étftità Fart
de coRvaiûere"un auditoire par le discours, et d^nitre part, montre à' qnelfts con-
ditions la politique peut et doit se moraliser, à queh signes l'OmnoraUté, en
petttique,' se' distingue de nnmjvatidn- morale.
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BIBtfle«HA&HID 69t
Charlbs Andler, Le priaee dé Bitantrott. (George» BeHais, éditeurf.
1 vol. in*19' Jésus. — Prix : 3 fh 50:
Lapoésente étude.a.paru^dftaft'/a Bânmade Paria^ au lendtuaaiade l&m«rt dt&
BiaiDorek^ ËUe réparait, élafgHVttBbpeuy.i:8toucliéec|uaiidde uauveaux.docujxidBmts-
coHiiaie tous ItBs jours il CA^éoierg^f à lat lumière^ obJjgeaivni à des- raloucfaje» ;
id6alic|ue.d!e8|)rÛ et de méUiede.
Ei^EST Daudet, Lauis#XVIII 9t le Diic Decaze& (l&i&-lS20), d'après des
doaumenU inédits. Librairie Won,. Nourrit et Cie. Uil volume inr8 avec- 2 por-
traits. — Prix : 7 fr. 50,
Ayix nombreuses œcrvres historiques qu'il a publiée» dèpw» viag<t ans,
M; Ernest Daudet vieert d'en ajouter une d'une importance capitale.'
G'est sous^ ce titre : UowisXVtil et le d^a Decutm^ le- taMean le*pt«8 vtvanfet
li^ nrneux doctuRenté qm ait été jamais tracé de« première»^miée8 dtè la Bfestau^
ration, ces années qui vont de 1^15 à 1820, si pleines d'événements émouvant»
et tragiques que vient couronner l'assassinat du duc de Berry.
Pour écrire cefi- pages où revit avec una.inL£nt»Ué saisissa,q,te' un passé, trop»
vite oublié, M. EraesiDaudAt a eu.à sa.disj^uâitiou lea archives du,p|remi«r.diic
Decazes, ministre et favori de Louis XVill,. las fragments manuscrits de' ses
mémoires inachevés, le journal intime de la duchesse, deux mille lettres du roi,
le» correspondance!' iirédite» de Richalieu, dé Pasquiet, d&^tolé, de Weilengion
et de to«t ce qui a marqué dans -ce tempsv les* volamineca; ckiaaiars de |li^ polke'
d'ators, les- rapports seeretS' des^ambassadeunsv en ua.mot, un» nBiseioéfUiaable-
qui^donne^ à êe livre-unique emsongenve toue4es«ar«etère<d^aiietrâvélariÂoni.
11 s'^eAève au moment aè le due de^-Bevr^i vient de périr et où Dtcase» est'
obligé de quitter le pouvoir: Un second v^dittHie racontera uhérieuremsntilaâi^
du* favori qui fut un grand patriote et usa d.5 sa faveur surtout au proâi* do son
pmys.
Raoul db la toAfWMMiiy Lauréat de TUisiitut, Conrespondaiifie du* Minàabhre d&*
rinsiruotion publique, Docteur en droite JAige au. Tiribunal de âeones. JAeff
BeligioBS , oomiHLrëMM vol point cb» v^e- SAOioèfigl^iiA^ (Bibliothèque
Sociologique internationale XVII'. Paris, 1899, V. Giard et E. Briére^ éditeurs^
Un vohime in^^o. — Prix, bEOohé- : 7 fnanes^ ajveei mUiurû ds: la bibiiotixèque :
9 franos.
M. Raoul de la Grasserie, déjà bien oemnu<parrs»s>tlvpaiisde sevioiogteet^ dé
linguistique, vient de publier une étude comparative des dÎTerses religion»,
mais il a restreint ce très vaste sujet* au point^le viro^soctoitegïque,' exekMnt aveo
soin tout autre, notamment le point de vue psychologique qui a une portée tout
à fait différente. L'entrepriset ainsi délimitée est encore tràa- vaste, d'autant plus
que l'auteur passe en revue, toutes les religions connues» et marque leurs traits
essentiels Nous ne pouvons donner plus exactement une idée de l'économie de
ce livre qu'en citant la» tities de oev dtapÉtsee < qui sont) les a«âyaaii6r : des
sciences cosmosociologiqii« ; de la place de la reÛgiDn parmi oa» scûnoesi*,
du lien social cosoûque; des objets du lien religiem; tbéene organiqua de
la soeiété reiigiense interne^, sa constitution et son évolition;. des sooiéÉéff
interdivines et intradivines ; de la lutte entre les sociétés: intlntiivine»; de. kt
smété religieuse externe ; (fte la même à la deuaième paunninee'; des napports
entre les seeiétés religieuses-; des rappinrts entre celiee*-cret les sociétés civiles;
de 1« dasaiftoDtion. des sociétés veligieftses ; de l'avenir socioiog^ue des reUgioBB^.
On'vott que le champ est très vaste.
L'auteur de. ce livre Pa cependiint pavoouru pastoul avec sein, efe si i'oBipewt.
ne paS' partager sok. avis sur beaocoiii» de points, il ' fàat. reoonnaiire que seu
csuvre eootient beavooiip d'oJ^sarvatùons directes et dîidies newreiles.
Celle qui nous semble dominer ies autres. coBsista: dane^ la. oaifliiiaiiL dùuur
diMnition» qur n!ayait pas enoof« été donnée,. de^la railgii . MfvaiibML âei loi
Grasserie qui lui reconnaît, mais dans certaines conditions sriiiinMMt^lfc
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692 BIBLIOGRAPHIE
tère de. science véritable, elle viendrait terminer avec la philosophie et la
synthèse des sciences positives la sériation des sciences et la couronner. Elle
constituerait une sociologie supérieure à la sociologie ordinaire, autant que
celle-ci l'est à la psychologie et à la biologie, embrassant dans son lien non
seulement les hommes, mais tous les ôtres cosmiques, de là le nom de cosmoso-
ciologie que lui donne l'auteur. H en déduit des conséquences très curieuses
qu'il poursuit dans l'observation concrète de chacune des religions. Il faut noter
en passant les chapitres où il est traité de la société entre les dieux, des sociétés
divines opposées ou dualistiques, et de celles entre les diverses personnes ou
hypostases de la même divinité; l'idée de société se trouve ainsi recherchée
jusque dans ses extrêmes limites. Cette manière d'envisager la religion est
d'autant plus intéressante que, sous prétexte de sa subjectivité, on l'avait beau-
coup plus obssrvée jusqu'à ce jour, en tant que sociale, dans sa constitution
externe où elle n'est qu'une société ordinaire $ui getieris, que dans sa constitu-
tion interne où elle dépasse de beaucoup cette portée et étend l'horizon de l'idée
même de socialité.
A. ViALLATE, rédacteur en chef des Annales des sciences politique. J. Cham-
berlain. 1 vol. in-12, précédé d'une préface de M. Emile Boutmy, de l'Institut,
Félix Alcan éditeur. — Prix : 2 fr. 50.
Chef du parti unioniste à la Chambre des Communes, leader de l'Angleterre
démocratique, promoteur ardent ou ferme soutien des projets les plus aventureux
et les plus généreux de réforme sociale, inventeur intrépide de la plus vaste
combinaison impérialiste qui fût jamais, administrateur avisé, diplomate tantôt
fin, tantôt brutal, toujours entreprenant, jamais déconcerté, orateur véhément,
sarcastique et convaincant, républicain par accès, démocrate avéré, membre
d'un cabinet conservateur, jingo forcené, fils du peuple devenu gentleman.
M. Joseph Chamberlain, successivement maire de Birmingham, ministre du
commerce et secrétaire des colonies de Sa Majesté, est bien, pour nous autres
Français la plus curieuse et énigmatique figure de l'Angleterre contemporaine.
Tout en lui nous étonne, et sa surprenante fortune, et son audace singulière,
et sa faconde humoristique, et son inaltérable confiance, et son flegmatique
outrecuidance.
M. Viallate a voulu mettre le personnage tout près de nous. Il a su accumuler
dans ces cent cinquante pages une masse de faits, méthodiquement classés et
clairement exposés, qui satisferont le plus curieux et le plus exigeant. Cet
ouvrage est présenté ou publié par M. Boutmy, l'un des hommes qui, en France,
ont le plus heureusement compris le caractère et les institutions de nos voisins.
Christian Schefer. Bernadotte roi (1810-1818 — 1844). Félix Alcan, éditeur.
Un vol. in-S". -- Prix : 5 francs.
Chacun sait que le maréchal Bemadotte devint, en 1810, prince royal de Suède
et monta, quelques années plus tard, sur les trônes de Suède et de Norvège;
mais, à l'exception de son intervention dans la guerre de \^\6 et de son dessein
de remplacer Napoléon, son rôle et sa destinée, après qu'il eût quitté la France,
demeurent complètement ignorés du public français.
C'est ce rôle en Scandinavie que M. Christian Schefer a entrepris de démêler
et d'exposer, d'après les sources suédoises. 11 n'a point voulu retracer l'histoire
proprement dite du long règne de l'ancien maréchal, car un tel travail aurait
nécessité l'exposé de maints détails de très médiocre intérêt. Se bornant donc aux
faits essentiels et aux incidents les plus caractéristiques, il s'en est servi pour
évoquer Bemadotte roi, étudier son caractère, ses principes et ses procédés de
gouvernement, afin de montrer ce que le Béarnais fantaisiste, dont les exubé-
rances étonnaient à Paris, put devenir, brusquement placé dans des conditions
tout à fait imprévues, quelle tâche il accomplit dans le Nord et par quels moyens
surtout il la réalisa. o
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BrttlO(^1tÀPttIE 693
ELte TuRQUET, Rédacteur au Ministère des Finances (Direction générale des
Contributions indirectes), Licencié en droit. Les octrois municipaux. —
Fondement économique. — Organisation adminiitrative et financih*e. — Juris-
pt*udence, 1Ô99. Paris, V. Giardet E, Brière, éditeurs. Un vol. in-8». — Prix : 7 fr.
En présence des difficultés qu'ont rencontrées jusqu'ici les municipalités pour
TappUcation des dispositions nouvelles introduites dans la législation des octrois
par la loi du 29 décembre 1897, il a paru nécessaire de les éclairer sur retendue
de Tobligation qui leur a été imposée relativement à la réduction des taxes per-
çues à leur profit sur les boissons hygiéniques et de les guider dans le choix
des taxes de remplacement mises à leur disposition par le législateur pour com-
bler le déficit créé dans leurs budgets.
Tel est le but de Touvrage de M. Turquey, que nous signalons tout particu-
lièrement à nos lecteurs.
L'auteur, dans la première partie de Touvrage, partant de ce principe qu'on
ne saurait enlever d'un trait de plume une source de revenus aussi importante
que celle que viennent alimenter chaque jour les taxes perçues sous forme d'oc-
troi, met en relief les inconvénients de ces sortes de taxes et, d'autre part, leurs
avantages, pour conclure que loin de supprimer cet instrument de perception, il
vaudrait mieux en corriger les imperfections.
La seconde partie expose quels sont, au point de vue de l'établissement des
taxes, les attribution» respectives des Assemblées municipales et du pouvoir
central, les divers modes d'administration de l'octroi, les régies qui président à
la comptabilité des deniers communaux, le contentieux, les règles de compé-
tence et de procédure, et se termine par les deux modèles que les municipalités
sont tenues d'adopter, suivant le cas, pour l'établissement de leur règlement
d'octroi.
Latroisième partie enfin présente, judicieusement groupées sous chaque sujet
litigieux, toutes les décisions rendues par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation
et les autres Cours et Tribunaux.
Celte partie de l'ouvrage équivaut donc & un Recueil de Sirey ou de Dalioz ; il
offre même sur eux l'avantage de fouroir à l'intéressé, condensées dans quelques
lignes, les décisions judiciaires qui se trouvent dispersées dans les nombreux
volumes de ces recueils.
OssiP-LouRié. La Philosophie de Tolstoï. (Félix Alcan, édiUiur). 1 vol. in-12
de la Bibliothèque de Philosophie contemporaine. — Prix : 2 fr. 50.
Après avoir publié, k la même librairie, un volume intitulé : Pensées de Tolstoï,
qui continue à obtenir un grand et légitime succès, M. Ossip-Lourié vient de
faire paraître une nouvelle œuvre considérable : La Philosophie de Tolstoï. Ce
livre est divisé en deux parties. Dans la première, l'auteur étudie l'évolution de
la vie de Tolsto! ; il cherche à déterminer les étapes évolutives qui l'ont amené
à sa crise morale, il analyse la conversion du penseur russe et il en tire la con-
clusion que, par la transformation de sa vie personnelle, Tolstoï a prouvé la pos-
sibilité de la transformation de la vie individuelle et de la vie sociala en général.
Dans la deuxième partie, M. Ossip-Lourié consacre des chapitres à Tolstoï roman-
cier ; à la Religion et à la Morale de Tolstoï ; à Tolstoï et la Question Sociale ; à
Tolstoï et VArt, et il en conclut que toutes les conceptions de Tolstoï, religieuses,
sociales, esthétiques, peuvent se résumer en trois mots : amour, travail, solida-
rité. Les voies pour y parvenir sont : l'effort moral individuel, la conscience
réfléchie, la volonté.
Tolstoï n'a jamais exposé d'une façon systématique ses théories sur la théo-
logie, la sociologie ou la morale ; elles sont semées dans ses nombreux livres,
sans enchaînement logique, apparent. M. Ossip-Lourié, philosophe et lettré lui-
même, et qui connaît & merveille, jusque dans ses moindres oscillations, la vie
et l'œuvre de l'apôtre russe, les présente et les éclaire d'un jour nouveau. Tolstoï
apparaît tout entier dans ce livre : homme, penseur, moraliste.
REVUE POLIT., T. XX 45
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694 BIBUQGRAPBU:
Dr J. DE FoNTENELLE, LoB micTobes et la mort (Colleciioii -des Jivres tl'or^c
la science. 1 vol. petit ia-18 illustré, avec 4 planches hors texte en couleur^ —
Schleicher frères, éditeurs, Paris. Prix : 1 franc.
•
L'étude des microbes, l'indication de leurs ravages, la façon de les combattre,
de s'y soustraire, ne voilà-t-il pas un thème du plus haut intérêt pour chacun de
nous ? Un tel sujet nous touche directement, et l'on ne peut vraiment trop s'a^
pliquer à en posséder au moins les notions générales, afin d'arriver à se pré-
munir, autant que possible, contre l'œuvre délétère de ces empoisonnements.
On ne se doute pas assez à quel point nous sommes enveloppés de toutes
parts par ce monde microbien : tout lui est milieu favorable, tout lui sert de
véhicule pour pénétrer jusqu'à nous, vivre de notre substance et à nos dépens :
l'air, l'eau, le sol. Les chapitres où tour à tour le D** Fontenelle nous fait assister
à cette éclosion des germes nuisibles ou morbides pour nous (si nous ne les
refoulons au plus vite), ces chapitres seront une révélation pour le grand public.
C'est de la sorte que nous comprenons l'utilité d'œuvres de vulgarisation élevée,
telle qu'est ce volume qui rentre bien dans le plan des livres d'or de la science
et mérite d'être mis entre toutes les mains.
Une illustration documentaire d'un soin extrême et scrupuleux, d'un intérêt
réel, passe sous nos yeux et éclaire puissamment le texte, en nous édifiant; les
planches en couleurs sont particulièrement curieuses et parlantes.
Enfin rénumération des maladies qu'engendrent chez nous les microbes et
l'explication des causes et de la marche de ces maladies : tuberculose, charbon,
érysipèle, pneumonie, fièvre typhoïde, rage, dysenterie, diphtérie, gangrène,
peste, variole, scarlatine, choléra, et<*,., etc., et bien d'autres que l'auteur analyse
cette énumération est concluante. Mais à côté du mal, le D' Fontenelle indique
les remèdes et les moyens préservatifs. C'est la lutte à soutenir pour empêcher
la mort de hdter son pas, et la leçon, certes, vaut bien, pour chacun de nous,
une ou deux heures de lecture d'un tel livre si utile.
D' MiCHAUT, Pour devenir médecin. Collection des Livres d'Or de la Science.
Un vol. in-18, illustré de 37 gravures dans le texte et 4 gravures hors texte en
couleur. Schleicher frères, éditeurs, Paris. — Prix : 1 f^anc.
La lecture de ce volume nous a ravi. Nous y avons appris quantité de choses
nécessaires à connaître, pleines d'intérêt, mais indispensables surtout à tous
ceux qui se destinent k la profession de médecin dont l'auteur, qui est de la cor-
poration, signale le bon et le mauvais cêté.
M. Michaut est un guide précieux pour le père de famille qui délibère sur le
choix d'une profession pour son fils, et non moins précieux pour le jeune aspi-
rant qui doit faire ses études médicales ; celui-ci saura toutes les filières k tra-
verser avant d'atteindre le but, toutes les conditions qull lui faut réunir : de
vocation, d'aptitude, d'argent, de sacrifices, de temps, les obligations qu'il con-
tracte, la vie qu'il aura à mener.
Tout est prévu, indiqué, fixé, jusqu'au choix de l'appariement, jusqu'aux frais
d'installation, jusqu'à l'ameublement du cabinet de médecin, jusqu'à sa biblio-
thèque & constituer.
Les concurrences qu'il rencontrera ne lui sont pas cachées, non plus que les
fonctions qui lui sont ouvertes. En un mot, chacun pourra se rendre compte
des étapes à franchir, depuis la première année d'études médicales jusqu'au di-
plôme qui les couronne. Ensuite toute la carrière à parcourir est exposée avec
une netteté précise, et tout cela dans une forme littéraire vive, parfois incisive,
toujours de bon goût.
En un mot, voilà un de ces livres vraiment utiles, indispensables. C'est neuf
comme sujet et plein d'attrait comme lecture, même pour les gens du monde.
On s'y instruit, en même temps qu'on s'y sent gagné par l'intérêt de l'exposé si
complet fait par le D' Michaut. Une illustration abondante et soignée charme les
yeux à son tour, dans ce petit livre de luxe, d'un prix si minime pourlant.
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T4BIE MS^MITIfiRES
Contenues dans le tome XX
NUMÉRO 58 — AVRIL
La Qoestion de Terre-Neuve, par Un Diplomate 5
Le Moutement Féministe en Allemagne, par M"* Lily Braum Gizycki. 21
La Situation financière de l'Espagne ; Déclaration de M. Navarro
Beyertbr, Ancien Ministre des Finances, par M. Gaston Routier. . . 66
Justice Administrative : Notes sur la Reforme des Conseils de Pré-
fecture, par M. Alexandre Bluzet 71
Justices de Paix réunies et Juges de Paix délégués, par M. Corentin
Guyho 82
La Partiopation des Ouvriers aux Bénéfices dans l'Industrie, par
M. Roger Merlin 88
Variétés, Notes, Voyages, Statistiques et Documents ;
!• Dedk et Kossuth, par M. A. de Bertha 115
2" Le Système cellulaire et le Traitement des Prisonniei'S politiques^ par
M. Christian Comélissen 13i
Revues des Principales Questions Politiques et Sociales :
1» Bévue des Questions Ouvrières et de Prévoyance, par M. Arthur
Fontaine 110
2o Revue des Questions Agricoles^ par M. D. Zolla 152
La Vie Politique et Parlementaire a l*Étranoee :
1» États-Unis, par M. Monroé-Smith 162
2* Hongrie, par M. A.-E. Hom 173
30 Chine : Notes économiques et commerciales (Premier article),
par*** ^ 182
La Vie Poutique ït Parlementaire en Frange :
lo la Politique Extérieure du Mois, par M. Alcide Ebray ^ . . . . 190
2» Chronique Politique Intérieure, par M. Félix Roussel 202
30 La Vie Parlementaire, par *** 206
Chronologie Poutique Étrangère et Française, par *** 218
Bibliographie 223
NUMÉRO 59 — MAI
L*Épargne Française et la Défense des Porteurs de Valeurs Étran-
gères, par *** 229
La Constitution et la Constituante : Deuxième Lettre a M. Marcel
FouRNiER, par M. De Marcère, sénateur 253
Un Siècle de Lutte contre le Vagabondage, par M. Louis Rivière. . 276
Le Blé Contrebande de Guerre, par M. Raoul Bompard, Député 308
Les Sociétés Sportives et les Cercles sans Jeu devant le Fisc, par
M. Desoubes, Ancien Député 310
L'Éducation Gréco-Latine et les Besoins de l'Enseignement Moderne,
par M. Torau-Bayle 319
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69 d TABLE DES MATlàRBS
La RiFORMB DU NOTABIAT ET lUnIPICATION DU RESSORT DBS NOTAIRES,
par M. Emile Legrand 342
VARiBTÉSt Notes, Voiages, Statistiques et Documents :
La Question d'Orient depuis ses Origines, par M. Léon Béolard 358
Revues dis Principalks Questions Politiques et Sociales :
lo Revus du Mouvement Socialiste, par M. J. Bourdeau 376
2*" Reçue des Questions de Transports^ par M. C. Colson 387
La Vie Politique et Parlebibntaire a l'Étranoer :
1* Espagne, par M. Sanobes Oaenra, Membre» des Certes 400
2* Roumanie, par M. P.-G. CantUli 416
La Vie Politique et Parlebientaiae en Frange :
1» La Politique Extérieure du Mois, par M. Alcide Ebray 422
2» Chronique Politique Intérieure, par M* Félix Roassel 433
S^ La Vie Parlementaire^ ^T ^f^ 438
Chronologie Politique Éfrangère et Française, par ^^f** 442
BiBUoaRAPHiE, par XXX. 447
NUMÉRO eo — JUIN
A propos de l'Enquête sur l'Enseignement Secondaire : Lettre a
M. Marcel Fournier, par M. Hugues Le Uqva, 453
Les Lois et les Réglebients d'Administration Pubuque, par M. Creovgei
Oraux, Député 460
Les Bases Natales en Chine, par M. A.-A Fauvel 485
Le Budget Anglais dans ses Rapports ateg le Principe delà Sépaea-
tion des Pouvoirs, par M. Emmanuel Besson 520
La Reforme des Boissons : La Législation Fiscale de la Bibrr, par
M. Maurice Vanlaer 539
L'Aménagement des Eaux, par M. Charles Renard 573
Variétés, Notes, Voyages, Statistiques et Documents :
Le VII* Congrès International contre V Alcoolisme, par M. le D' Le-
flrrain 593
Revues des Prinopales Questions Politiques et Soqauis :
2* Revue des Questions Coloniales, par M. Henri Pensa 608
La Vie Politique et Parlementaire a l'Étranger :
1« Altemagne, par le D"" G. Montanus 614
2* Suisse, par M. Droz, Ancien Président de la Confédération 624
3" Japon, par*** 636
4» Chine : Notes économiques et commerciales (Deuxième article)^
par **♦ 641
La Vie Politique et Parlementaire en France :
1» La Politique Extérieure du mois, par M. Aloide Ebray 655
3^ Chronique Politique Intérieure^ par M. Félix Roussel 667
2» La Vie Parlementaire, par ♦** 6T3
Ghronologoi Poutiqub Étrangàri et Française, par XXX 683
BlBLIOORAPBB * 687
Le Directeur-Gérant : M. Fourhibr.
Para. -- Typ. A. UAVT, 5t, me MwImm. — léUph<m:
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Revue Politique et Parlementaire
FARAISSAMT LE lO DE CHAQUE MOIS
Direetenr : Marcel FOURIVIER
AGRÉOi DES FACULTÉS DE DROIT
Rédaction : liO^ rue de rUniversité
Abonnement : Un an, 25 fr. — Étr. et Un. P., 30 fr. — Le N<» : 3 fr.
Let akonii«in«iitt partent de lanvler ou de lutilet.
Armand COLIN bt G**, éditeurs, 5, rue de MizièsEs, Paris
TABLE DES SOMMAIRES DE LA REVUE
Du premier numéro [Juillet 1894) au TV^ 58 [Avril 1899)
Afin de permettre à chacun d'apprécier l'étendue et la
portée de notre œuvre d'éducation politique depuis cinq ans,
nous avons pensé qu'il était utile et même nécessaire de réunir
dans un même fascicule tous les sommaires de la Revue Poli-
tique et Parlementaire depuis le !•' juillet 1894.
On pourra ainsi se rendre facilement compte de la variété
et de l'importance des questions traitées à tous les points de
vue. On verra également que la cpllection de la Revue constitue
déjà une sorte de manuel indispensable à tous ceux qui veulent
suivre d'une manière à la fois élevée et pratique la marche
des événements politiques et le mouvement politique, social,
financier et économique, aussi bien en France qu'à l'étranger.
Le succès de \dL Revue n'a fait que s'affirmer chaque année.
Son autorité est aujourd'hui consacrée dans les milieux poli-
tiques français et étrangers.
Ce succès est dû à notre impartialité absolue. Nous nous
efforçons, en effet, de nous placer au-dessus où à côté des partis-
Nous avons admis des collaborateurs de toutes les opinions.
Nous avons aussi provoqué des discussions contradictoires sur
les questions les plus importantes.
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— . 2 —
Ainsi la Revue poursuit réeliement son but qui est avant
tout d'élever et d'éclairer les débats politiques et parlementaires ;
ainsi elle poursuit également une autre mission qui est de créer
un organe approprié pour tous ceux qui se préparent à la vie
publique et elle contribue à la solution de ce problème si impor-
tant : une meilleure éducation des cadres de notre démocratie
française.
Nous espérons qu'après avoir pris connaissance de nos tra-
vaux, un grand nombre de lecteurs nous aideront à poursuivre
notre œuvre et à perfectionner davantage un organe aussi pra-
tique et aussi utile, que l'on peut encore développer. Tous les
concours, sous forme d'abonnement fixé à un prix minime
(25 francs), serviront ainsi à un nouveau développement de la
Revue qui devrait être placée dans toutes les bibliothèques et
sous la main de tous ceujc qui s'intéressent ou participent à la
vie publique.
• — < ♦ » — •
TABLE 6ÉNËRALB DES SOMMAIRES
SÛUIIÀIRB DO N* 1 (JUIUKT iSII)
Articles. — 1. Notre Pro^nnBe. par M. MAmesL Poommka. ^t, Ijt Récfm* PtolentftUi» m IM4, par M. ha%
SiMOiv, de r Académie française. Sénateur. ~ 3. La Réforme Parlementaire par la RéTÎsion da Règlenrant de la
Ctemlire. par H. Tb, Fartcil. -^ 4. La Régim Kaoal des MuUlioM, ptr IL J. Boobmem, DtfuU. ^ 5. La Loi
sur les Bureaux da Plaoeroent, par H. Tyta Gotot, ancien Ministre, — 6. La Réforme Fiseite «nPmaaa, par
M. A. Ravpamwkm. — 7. Les AccMeots d«Trav^ : BUi actuel de la qocstîoa dereaile raik— nt tnmgsàB.pt
M. Uaurics Bcllob, Tnffênieur des mines. •» 8. La Question des Ckemios de Fer derant le ^rienent et devant
rOpinion^par M. DcacwM, Député.
Tartétés. — 1* Les R?6latio&s do la Froprk^i^. FoftcRrc et le Socialisât en Qrtec, parM. Do^msb, ConsiSOer é
la Cour de Paris. — i* L'Institut de Oroil international oi ce Sesaioa de Paris en 1694, par M. A. Wn«. Pf-
fessmcr a la Fatuité de Droit et Parit.
La TIe pollllqve et parlemencatre en France, par M. Ptux Rovmil.
La TIe »ellU4iie et iMrteflieMalre à réiranger. ^ i* Saisse, par M. H. Daw, wuêm Préeiimd êe U
Confédération Suisse, — 2* Italie, par M. N. Coijuanri, Membre du Parlement Italien,
Eiac#ettra«aMMrteiiientalra aul^'Jnlii lt94*
ReToei des fattt pollil^vei, économiques et sociaux.
SOMMAIRE DU N* 2 (AOUT)
Articles. — i. A propos de la Présidence de la République, par M. Fbrdutatio-Drxtftts, anei«n Député. — 2. De la
DèKfgatien du Foinnoir Léfislatif, à rocoaBimi d« Prqfet dit < des pleins pomiote », préiWti par M. Cnspi ■•
Parlement Italien, par M. A. Esmnc, Professeur à la Faculté de droit de Paris. — 3. Questions Algéi'ieanes :
La St^curité en Algéj-io et le Budget, par M. Btieicnb Flaiydin, Député 4e fTmrne. ^ 4. J.a IVepoaiCioB ésiMàs
M. Bérengcr sur la Prostitution et les Outrages aux Bonnes Mœurs, par M. Paul Robioobt, Avocat sot ComstU
dEtat et à la Cour de Cassation. ~ S. Les Caisses d'Epargne et le Projet de Leioiiganiqne devant le Parleoient
français, par M. Edgêkb Rostaivd, Président de la Caisse d^ Epargne de Marseille. — 6. Les Tâdphones «i
France, par M. Ciu,aLB8 Gn>«, Professeur de la Faculté de droit de Montpellier,
Taiiélês. — 1* L'Assurance Obligatoire contre le Chômage dans le canton de S&inii^xall, par M. Iat, Prof^ssmt
d la Faculté de droit de Paris. — 2* Correspondance : La Politique en AUemagne, par M. Hbbii« Paobub^
Membre du fteicHstaç.
La Vie politique et parlementaire à l'étranger. — l* Allemagne, par M. le D' C. MortAinis. — 2* Aatriaha,
par M. le Professeur Bxma, Membre du Parlement Autrii^aen. — !• Hongrie, par M. le D' Aar.-B. V
La \le politique et parlementaire en France, par M. Peux Roussbl.
Mevue des faits politiques économiques et i
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— t —
âltlclef. ~ 1. la Pofioe et YAuloritS SunicâpiAe, ^ar IL Maiuiicx Blocs, Menéart de TînsHtut. — 2. La Pro-
(pâêié dm Hmm et k PivticyMtion ans Béaefiois, jwr H. Hanm Blaac, DépvAi de la MatOe-Èôire. — 3. Le
Il6giiDe flet Aliénés êtmat la PârleraeBl, ptr V. i» Mout^ MtXtrt ê» Hegviie» ixu €<m»e{l SJCiat. — %. La
Ligue bimétalCcnie UiUTeraelle, par H. Clacqii» Catla, Heceoeur fardctdier dea Nuances. — 5. lies Intérêts
français et les Compétitions anglaise et allemande à la Cl le Ocdâentaie «TAfriga^ pnr II. le D* Houirk. — 6. La
Loi ponr U piotaoiioa da la Santé jmbliipie, jpv IL Cbiau» Iajoas.
Tarlétés. — 1* Le MouTanoat PuïMién «t les DmïU de laXeugan, gu M. IUoul m ia OiuwnuE, Juge au Tri-
bunal de Bennes, — 2« La ÛuealMB««réfiaM, fêrM. Taap-Xaaao . Jh-c/tÊÊtw dâ .^itmi à rUmotnmU impériale
de Tokio.
La Tle polldqiie et panementalre à l'étranger. *- l* An^tona, y» K. AuKta iSmvu iVenér*
du Parlement Anglaie. — 2* Pays-Bas, par M. Maoalbstkr-Lodp, Bidacteur en chef du journal « Het^
Vaterland ».
La Vie #ollil«Be et jartrirnialm ea V^rasee, par M. Ftuz Rovuk
aeT«et ^M tatm jolUftiwi, taMMHlMat et
âl«lcin. — ^ L'ftrieataiiMi d» la Pditique Colaaiale et le ItiaistèM dea Cakmifis, ^ar IL Al. Isaac, Sénaéeur
de la Gxmdnhupe. ~ S. La Gaiaaa Naiioaak de PréToyaace deTaat le fiariegaent, par Jl. J. IkiAu, DipuU
dlndte-etrJ^s^^. «- L L&uA Maaiddié oonuie Pai^priéié. par Jl. L. No^ruiair. ^ i4^ Les Marebës iiaaiioiai»
insugÊM et étrangcM (Mates mt leur Organiaatiaa compai^), jmt M. Bumàn-fiioac» Lftrr, J^rofetteewr A
r Ecole des Science» politique». — 5. Lo Régime des Aliénés berant le Parlement {Suite et fin), ^c M. db
, Matttt dm Meçtiéiê» a» <Cmi»Êild:StaL — 6, La CanKsoion ^ttaiarliMaanlsisa da T^oftôt sar ies
Tariétéf . — 1* Conséquences financières d'une Loi d'Assistance, par M. Gborgxs Ronoel.
La \te polltlqae et parlemeiitalre fc rétraofer. — i* AlkniagQe, far H. le IH C. ttofriAinM. —
2* Autriche, par M. le D' B. Coaiv. — 3* Serbie, par M. DaAOOuooa SriLOEOsancH, Aneitn tecrétaire de
légation,
JéB Tie poua^ue et parlementaisa mm nnaea. far M. ëâLm ftoussxL.
4akr«Md[agte jp<nitltae émufère et tnmçÊâAt.
fiOMHAAt hVJUS ^naTSMIRE)
ArtlelCft. — 1. La Codiflcatioo en Buropa au xa* rîèda, par M. E. GiAasoH. Memibr» de l*Jn»titut. — 2. La
Réftraia Parlenentaire, par M. Ana* Looir. Député, — 3 La Question des Sucres, par V. Chahlks Roox,
Député de Maneille. «- é. La Conléronce iaterparlemttitaire de la Haye et Je UouveiDeat Pacifique, par
M. llaKVOB, Ancien Député, ^ 3. La Question des Accidents du travail et le Coogrès de Kiba, par M. Yves»
GmoT, AndêuJimiiire. — 6u Da Hdéa M de TAvanir des Consens du Trayail, par ii. H. Dspasss, Membre du
Commleupéneur du Iraomil,
Variétés. — 1* Musées sociaux: Le Musée social da Caasanratoire des Arts .«t Jkiétiees et la Maaée sociaJ du
ODBte de ChaaBLbrua, par M. MAacsL FooRMna. — ^ 2* Le Japon asodema et la Question eoréeune, par M. Movo-
Tosi S*au«. -- 9* Llaeaaie tas «os BtilB^-ilaia. par JIL Bnaw.
La Vie p«lltlqae et paitemeMatre à rétramier. — i* Bepa«>Be. par M. 6.^. QmmmA, àfembne du
Parlement eepagnol, ancien âou»-$eerétaire dEtat. — 2* Hongrie, par II. de 0* A^S. Baaii.
La Vie poiltlqoe et pariemeatalre ea France, par H. Félix BooaaaL.
Cbronolosle politique étrangère et I
SOMMAIRE DU !!• 4 (!•* DÉC3HKŒ)
AMM«. — t. La Budpat de la Mariae, par M. Hona BaasaoK, Dêpaiié, ameim Minùtre. «- i. Le Bad0at de
llatirieur : Pdliœ «t Sûraté générale, par M. Josan Rcuvmjhl, Député. ^ 3. La Codification an Europe au
xn* Mède : fitat adaal de la Qvestisa an Fsanee; par M. E. Gimuoic, Membre de flmtitut, — 4. Ameoderoanls
déstaaMee an prajat da loi sur les Droits auocesaomui, par M. Miaocl PoDHinaa. -— S. Le Régime fiscal dcn
ftwocsaiona^ par M. fiAiMRAaooa. — 6. Le Service des Bufanls Aeoietés, par M. E. fianrraa. Membre du Con»eH
^Kpérimr de i'Amittanee publiée. — 7. La Réforme de i'mpM das Boissoos et fe Prsijet de IL Poinoaré, par
M. A. Gabriel Dksbats. — 8. Le Budget et les Chemins de fei, par M. E. DiLoiuie.
Variétés. — Les Différents projets de Caisses des Retraites, par M. E.RooBBnN.
La Vlepolldaiie et parlementaire à l'étranger. — l* Angleterre, par M. J. Paaker Smith, Membre du
Parlement AngUù». — 2* Suisse, par M. N. Droz, Ancien président de la ConfSdiratipn.
La Vie politique et parleoMsialre en France, par IL Feux HoasacL.
Lois, Décrets et Etats des Travaux législatifs.
Clironologle politique étrangère et française.
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— 4 —
SOMMAIRE DU N» 7 (5 JANVIER 18W)
Arttelei. — l. QuatoneMoif de LégisUtore, par M. E. Spvujir, Sénateur. — î. La Réforme Sacceuorale
derant la Chambre, par M. L. B<)ooiifoOT, Député du Paê^ie-Caîaitt — 3. De l'Impôt sur le Rerenu, par
}A. Eèolb'Woiimm^ Professeur d la Faculté de Droit de Bennes^ Correspondant cfe fintftetU. — 4. La Limite
d'&ge des Officiers de l'Armée de Terre, par M. ***. ~ 9. L'Organisation du Travail Parlementaire au Retcbstaf
Allemand, par M. le D' H. Pacbrickk, Membre du Keichstag Allemand. ~ 8. La Question des Beurres, par
M. J. Charlm-Rodx, Député des Bouckes-^M-HMne, — 7. L'Institution des Sous-Secrétariats d'zslat, par M. B.
DU ViyiKR M Strri.. — 8. Mutations et DégréTement», par M. Lton Salifrahodk. — 9. Correspondance : La
Uiissie à la mort d'Alexandre III, par M. la Tloomte Combis de Lbstrade.
Variétés. — Les Assemblées de la Révolution, par M. Padl Bosq.
La Vie poliaqoe et parlementaire à l'étranger. — i* Allemagne, par M. le 0' G. Mortaku». —
î* Autriche, par M. Gcstavk Konr. ~ 3« Danemark, par M. Wm. CAasTEirsEir» Sénateur,
La Vie poliaqae et parlementaire en France, par M. Féuz Roussel.
Lois, Décrets, Etat des Travanx lérlslatlfs.
Gbrpnoloffle politique étrangère et Arançaite.
SOMMAIRE DU N* 8 (5 FÉVRIER)
Articles. — 1. Le Règlement âtU Chambre Italienne, par M. R. Bovohi , Ancien Ministre, Dépiuté «a Parle-
ment Italien. — 1. La Codification en Europe au zix* siècle : ÉUt Actuel de la Question à l'Étrange, par M. E.
Glabsoh, Membre de Hnstitut, Professeur A la Faculté de droit de Paris. — 3. Projet Radical do Réforme
Générale de l'Impôt, par M. RxRt Stodrm, Professeur à T École des Sciences Politiques. — 4. Le Congrès
lutemational des Accidents à Milan, et la Garantie Obligatoire de l'Indemnité, par M. E. Cbbtssou, Inspecteur
Général des Ponts et Chaussées» Professeur d FÉcole des Sciences Politiques. — 5. Les Lirres-Fonciers et la
Conmiission extraparlementaire du Cadastre, par M. J. Challambl. — 6. Projet de Loi sur l'Exerctoe de U
Pharmacie et le Droit de Vente des Médicaments dans les Hôpitaux, par M. J. LaroaT, Avocat au Conseil
d'État et d la Cour de Cassation. — 7. Le Chèque en France et en Angleterre, par M. G. Frakçois.
Variétés. — 1* L'Influence de l'Émigration des Campagnes sur la Natalité Française, par M. Hshu Lahmks. —
2* De la Suppression de l'Agrégation de l'Enseignement spécial, par M. P. Gaowbs, Professeur à la Faculté ù
■ droit de Paris.
La Vie poUtlqoe et parlementaire A l'étranger. — i* Belgique, par M. Bkrtraicd, Membre du Paie-
ment Belge. — 1« Finlande, par M. Eot. Berge. — 3* Italie, par M. R. BoNcm, Membre du ParieBint
Italien.
La Vie politique et parlementaire en France, par M. Ftux Roussbl.
Etat des Lois, Décrets et TraTanx législatifs.
GMronolorlc politique étrangère et française.
SOMMAIRE DU N* 9 (5 MARS)
Articles. — 1. La Statistique et la Démocratie, par M. FkaicASO Faurk, Ancien Député, Profeeeew à la Faculté
de droit de Paris. — 2. Le Congrès International des Accidents à Milan et la Garantie Obligatoire de llndem-
nité, par M. E. CacTasoir, Inspecteur Général des Ponts et Chaussées^ Professeur d F École des Sciences poUti"
ques. — 3. Une Loi d'Exception en Matière Communale en Hollande, par M. W.-H. de Bcaotort, Membre du,
Parlement hollandais. — 4. Les Sociétés Coopéralives et le Projet de Loi présenté au Sénat, par M. Hubxkt
Vallbrodx. — 5. L'Exercice de U Médecine Vétérinaire et le Projet de Loi du Gouremement, par M M.
Hadriod, Professeur à la Faculté de Droit de Toulouse. — 6. Taxation et Bienfaisance : !* Les Libéralités aux
Etablissements Publics devant U Loi fiscale, par M. L. SALiPRAivQns ; 2* Quelques mots sur les Sociétés de
Bienfaisance reconnues d'utilité publique, par M. FtamtfAirD Dreyfus, Vice- Président du Comité Central des
œuvres du Travail, — 7. Des Recourrements sur Contributions directes et des Poursuites, par M. JaAx
Darct. — 8. Le Service Militaire aux Colonies, par M. A. GnuuLT, Churgé de cours à la Faculté de Droit de
Poitiers. — 9. Les Compagnies de Chemins de fer et les Droits de l*ÉUt, par M. 6. BArixau. — 10. Correspon-
dance : Lettre de M. E. Lkvasskor, Membre de F Institut.
Variétés. — 1* La Russie et la Question Bulgare, par M. L. L. Biu.L*. — 2* Le Legs Zappa {Conflit gréco-rou-
main), par M. Ttpaldo-Bassia, Professeur de Droit d la Wniversité dt Athènes. — 3* Souvenirs sur Stambouloff,
par M. Eo. Séugmarit. — 4* La Réforme du Notariat, d propos d'un livre nouveau^ par M. J. CnARnon,
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier.
La Vie politique et parlementaire A rétranf er. — 1* Grèce, par M. PniLARtTos, Ancien Ministre. —
2* Pays-Bas, par M. Macalsstsr-Loop, Bédacteur du ■ het Vaterland ».
La Vie pollllfue et parlementaire en France, par M. Ftux Roosssl.
cnronoloffle pouaque étrangère et française.
SOMMAIRE DU N* 10 (5 AVRIL)
Articles. — 1. Lettre sur la Décentralisation, par M. db Margbri, Sénateur^ Ancien Ministre. — t. Les Contro-
verses sur la Décentralisation Administrative. Étude Historique, par M. Lfton Aococ, Jlfemôrtf de f/nktiM,
Ancien Président de Section au Conseil d'Etat. — 3. La Mairie Centrale de Paris, par Uif Aivcnm Pacrar. —
'4. La Décentralisation par les Établissements Publies, Lettre M. M. Haurioo. — 5. La Réforme du Notariat, par
M. A. DoDARcne, Conseiller à la Cour de Paris. — 0. L'Assurance Ouvrière et la Caisse Nationale des
Retraites pour la Vieille^ise, par M. Raoul Jat. — 7. La Loi sur l'Assistance Médicale gratuite devant les Con-
seils Généraux, par M. G. Rostobl. — 8. A Propos de l'Unifiée Égjrptienne, par M. A. Soocaoïr, Professeur i
la Faculté de Droit de Lyon.
Variétés. — Uuo ^lude sur M. Gladstone, par M. G. Bodrcart.
Correspondance.
La Vie politique et parlementaire A l'étranger. — l* Espagne, par M. SAircHn-GvBRRA, Membre du
Parlement Espagnol. — 2* Hongrie, par M. A.-E. Horr. — 3* Russie, par M« Baschmakoft.
La Vie politique et (parlementaire en France, par M. Félix Roosskl.
Lois. Décrets et Étal des Travaux législatifs.
Oiàronolosle poUtlque étrangère et française.
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— 6 —
SOMMAIRE DU N« 11 (5 MAI)
Articles. — 1. La Politique Espagnole, par H. Emuo Gastblar. ~ 2. Les Controverses sur la Décentralisation
Administrative. Étude historique (fin), par M. Léon Accoc, Membre de VInstxtut, Ancien Président de section
au Conseil ^État» — 3. Les Conseils de Prud'hommes et le Projet de loi sur leur Organisation devant le Parle-
ment, par M. Gkcst, Député de la Gironde. ~ 4. La Question des Octrois et de TExpérience de Lyon pai
M. H. Bbbtsklbmt, Adjoint au maire de Lyon. — 5. L'Enquête sur les Bourses en Allemagne et le Nouveau
Projet de Réglementation, par M. A. Raffalovich, Correspondant de rjnstitut. ~ 0. Les Petites Propriétés
Rmrales et le fisc en Belgique, par M. L. SALKnuiiQUB. — 7. La Réforme récente des Taxes successorales on
Angleterre, par M. Loms PAm^Dcaoïs.
ITtorlélés. — I* La Pairie sous la Restauration, par M. H. Mo^nf .
La Tie politique et parlementaire A l'étranger. — !• Angleterre, par M. T.-H. Austoother, Membre
du Parlement Anglais. — 2» Allemagne, par M. le D' C. MoirrAiros. — 3» Serbie, par M. Drao. SvaoaossiTCH.
La Vie poliaqne et parlementaire en France, par M. Fftuz Rooswl.
La TIe Coloniale en France et à l*Etranf er, par M. le D' Rocirx.
Lois, Décrets, Etat des Travaux législatifs.
caironoloffle politique étrant ère et française.
SOMMAIRE DU N* It (5 JUi!^)
Articles. — 1. L'Impôt sur la Rente, par M. Ltoïc Sat, de F Académie française. Député. — 2. Le Projet de
Budget de 1896, par M. Paul Dklombrs, Député. — 3. La Suppression des Octrois et l'Expérience de Lyon,
par M. H. ^bthblbmt, Adjoint au maire de Lyon. — 4. Les Services Maritimes postaux entre la France.
l'Algérie et la Tunisie, par M. H. Colbox, de la Hépublique française. — 5. Projet d'Entente Monétaire Inter-
nationale, par M. Claudids Catla, Iteceveur des Finances. — 6. La Question des Accidents du Travail devant le
Parlement Français, par M. Paul Pic, Professeur à la Faculté de droit de Lyon. — 7. Le Canal des Deux Mers,
par M. H. Peusa.
Tarlétés. — l* De la Division du Travail social, par M. Th. Fernkcil. — 2« Vagabondage et Mendicité, par
M. FnmauRD-DRKTrns, Ancien Député.
La Tle politique et parlementaire à l'étranger. — 1* Suisse, par M. Numa Dboz, Ancien Président de
la Confédération. — 2« Grèce, par M. Philarbtos, Député, ancien ministre.
La Tle politique et parlementaire en France, par M. FtLix Rousasu
ittat des Lois, Décreu et Travaux législatifs.
dffonolofle politique étrangère et française.
SOMMAIRE DU N» 13 (5 JUILLET)
Articles. — 1. Les Causes Morales et Sociales du Socialisme contemporain, par M. Edmoivd Vilbt, Doyen de la
Faculté de Droit de Caen, Correspondant de t Institut, — 2. L*lmpôt sur la Rente, par M. PsaitAND Paurk,
Ancien Député, Professçur à la Faculté de droit de Paris. — 3. i^onomies à faire au Minislère des Finances,
dans le service des Trésoreries générales et des Receltes particulières, par M. Boudbnoot, Député du Pas-de-
Calais. — 4. Encore Napoléon, par M. Hekhi DotnoL, Membre de flnstitut. — S. La Législation des Sociétés
de Secours Mutuels devant le Parlement Français, par M. Maurigb Bellom. Ingénieur des Mines. — 6. Des
Indemnités aux Victimes des Erreurs Judiciaires, par M. Ed. Selicman. — 7. Les Conseils Généraux et \a
Décentralisation, par M. Sallbs. — 8. Les Valeurs Mobilières Étrangères et le Budget do 1896, par M. M.
Jmc:rAC.
Tarlétés. — l* A propos do 18 fruetidor, par M. L^oïc Beclard. — 2* Vagabondage et Mendicité (suite et /in),
par M. FsRDUfAim-DRSYFus, Ancien Député,
La Tle politique et parlementaire à l'étranger. — 1* Autriche, par M. Costa vs Kobji. — 3* Danemark,
par M. GARSTinsBir, Membre du Landsthing {Séhat).
La Tle politique et parlementaire en France, par M. Peux Roossel.
Caironologle poliaqne étrangère et française.
SOMMAIRE DU N* U (5 AOUT)
Articles. — l. La Discipline de la Légion d'Honneur, par M. Ltoif Aococ, Membre de V Institut, ancien
Président de Section au Conseil dÉtat. — S. La Politique espagnole, par M. Ehilio Castelar [suite et fin). —
3. De la Représentation Professionnelle, par M. Raoul de la Grasseric. — 4. La Révision de la Législation
vicinale et la Réforme de l'Impôt des Prestations, par M. J. Cazellrs, Conseiller généra/ du Gard. —
S. L'Élection, des Sénateurs à propos des Propositions de MM. Maurice Faure et Guillemet, par M Léoiv Docurr,
Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux. — 6. Le Droit de Suffrage et le Vote des Electeurs absents et
empêchés, par M. H. Pascaud, Conseiller d la Cour de Chamhéry, — 7. La Caution Judicatum Soivi et la Loi
dn 5 Mars 1895, par M. F. Sorville. — 8. Les Délais de Protêt, par M. G. François.
Tarlétés. — Les Hommes d'Etat étrangers contemporains : Le Marquis di Rudini, par M. le D' Fiamiroo.
La Tle politique et parlementaire à l'étranger. — l* Angleterre, par M***, A/emdrecfuParfemeiK.
— 2* Etats-Unis, par M. N.-B. FRKDBaicKssir. — 3* Italie, par M. R. Bongbi, Ancien Ministre,
La Tle politique et parlementaire en France, par M. Falix Rodssbu
Caironoloffle poUttqne étrangère et française.
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— 6
SOHMMRB IKJ H* «.Ql SBPXnUBE)
AMtelU* — t. La Monopole do TAlcool «n Sause, pu Bt Noia Droz, Ancien PrétnderU de la Confédération.
— 2. Les Anodatfbiu et HÉtit dGu» Ik CuUe. coafYe fo Qrime; par H fBiNwrJba. -* 3". C'âl^Btnii dw Sé«»-
tevra. à propos des propositioiis^de Ifll. Maoriea l^ure et GirillHiMt,» p« V. tixar Ih»mr, J*ha/ft»i»eiiy 4 'a
Faculté de droU de Bwdenw {Suit»et fin). — «. ta Chwctïg et les DësaHbra» Pt^yositioar ClaCBiDliBi an
PuleMieiit, par M. vt' fHjmooa. — 5. fte9 Originee» ^tabmmtMirm^mm Étata-Oiii» : Anr Éléelliair Coteaîaik* ea
Virgfate, pM IT. o» CiujiBBQif .
VàrMtiSi — ' t» Le T> Geag«è»^pé«itaii«i«{M! lofemationiiv PHna iSOSvpavlL. M. GmLLOioT. — Sr La (IrasIfoD
Ouvrière en Angleterre d'après un Livre Récent, par If. MjLZB-GairaïKR.
La Tie polltiqae et parlementaire à nmmawm . -- ft* kn^tâmem^fm U^%,^r< M\tnére dm MmUf
mette An§iaim ^f Belgiq», pae M. L. Bhitrano^ Memim dtu Bariemmt Belge. — 3* PafV^BaK B**
M. MackLamzwhticp, Bééactemr «»■ Met VaterUmà •^.
La ¥le Coloniale en Franee <t-».infelwmgtM par M^ 1» B^ Btemnm.
État des Travaux parlementalreflt»Hi. Ute «^ la MBStM wÉWIwifca îMê^
Glironolofle polltiqae étrangère et française.
SOmiAIRB DU N* 16 (5 OCTOBRE)
Arlfclas. — 1* Notes sur le Collectivisme, par M. Anonssa BoaoaMj, Ancien Président de la Chambre éa
liéfnués. — 1 ConaJdftatïODs sor l'ÎSUt de H Ifraaco 1^ n&tfrimn pari, flbna HomoL, Ifemàrv dk iTIsmftr.
— 3u L'AIsaee-Lorrame et te. PtojeC db ïent^lfsctloii, par- V. fil Rbvàinr am Gamv. — *. Ces Piugifci de
Réforme, des Droits tfEnregfiafreiagny et de Timbre, par M. Acusat Wjkoi. ~ f. La ttftiButialfoatfen- d" ks
Financée des AdmmistBati'bns locales en TtaKe, par If. KtauMt bblla Tbm, Pht/éteesÊr d fÉeo9t 4^ JUbmi
jmtiti^fte» de Ftorense. — 6. LaJ^'stotion 0Ouaniè«e die& Btct»-Uiri»,,p8r ft d D^dbmvtcMiRf.
Tariétés. — l" Nos Moeurs Pariementaircs d'apr&s une Etude récente, par K. Eugeivs o'T^cBtBAa^ — f^ Vtmor
ranoe Oblif^toire contre le chômage dans la. comaounc de Saint-Oall, par M. Raou. Ja.t. — ï« ta Francs so«k
Réfrûne du Suffrage tTnfrersel, par M. /dlbs Cabooat.
Ui.¥le p«lltHine et parlamantalre à l'élran«er. — l* Allemagne, par B. le I>^ It VoirrAKcs. -
3« Espagne, par M. J. S'aucbkz Gotiuk^ AneUn Sbue-Seotétabv <FÉtHt, JHeteénf dm f^eHStmeni SkiptfmL
La ¥le polltiqae et parlemenCalr» en france. par M. Ftux Roomkl.
Cbronoiogle polltiqae étranfère et française.
SOMMAIRE DU N* h (5 NOVEMBRE)
Articles. — t. Le Protectorat de Madagascar, par M. Alprsd MAiiTni««ir, Ancien Député^ Déléçtté de No9ti-Bé.
— 2.. Quel est l«Trai seasdn mot Prolétaire, par M. MicAbl BaftAb, Membre de Vlnttitut, Profeseeur au Collège
de France. — 3. PfifloeoplUa de TAssiataatfa, par HT. Josanr Kanmoi, DëptSBt dm MmMm AJpm. — *>. ASali
Cbmpftmentaiae sur leMooopeletde TAlcoor en Suisse, par S. ^9xmx 0inxr, Aneim PMeUnU dèr la Cmf94Ant»9n-
— %tm Police selon un Bommo ^tlaX. Pniisien da xtui' ailde, par K. HAOïner Asoca, Memêre ée Ifmwikut.
^ 6« ucoQomiesk faire an MinisCèn des Finance» d&mr le service desTIrÉwrerisa CMMrnGMel 4m EaselteP ftHi-
«ulières, par M. Boonairoor, Iféj^uié eu Pae^e-CoMe. — 7. RâilndoncàptofM»4i»Gngrl» Féaitaitiainv par
M. PKRontAim-DitVTroa, Ansien Péputé, Membre du Cenmlt Supérieur âù Prtum. ^9,\jê Utmii é»
Convention» en Matière de Transports Maritimes et les Restd<Hfeas prvpesées, par ■. VKaniAar. — t. La
Législation Douanière des États- (Tnfs; Ti. La Question des Sxfcres{3xtiîe et fin), par Bf. (r. irfOuiaafawua.
f arlétés. — i* État des Travaux Légialatirs du nouveau Code Giril Russe, par M. Albxaiii>rb BAsciansorr. —
!î* Vingt^inq ans d*RistoiPe Financière en Hongrie, par V. Anr. K. ffomr.
La ¥le p^ilUqne et parlementaire à l'étranger. — 1* Grèce, par M. PaïuoitToa, Ancien MimXÊ&e,
Membre du Portement Betlénîque. — 2* Hongrie, par M. Airf. B. ffoaor.
La Vie polltiqae et parlemenlalrt en Franee, par M. Feux Romna.
Cbronoloffle polltiqae étrangère et française.
SOMMAIRE DU »• la (S DÉCEMBRE)
ikrtNIea. ^ «« La. Démocflia ek> VArgeat^ par X^. — i, L'Aspect Biropt'fca de la Question Irlandaise, par
M. Wk^iui O'Biuiir, Andem Membtte du Parlement Anglais. — 3. Tnpâl G<%i^ral aor le Revenn^ par M. Mxtf-
mc» LMfiRanc, Mtmié de lam-et-Oaronne. — 4. Ûà eneel TExpesitioa? par M.X..., Uépitté. — SL Lis Gonau--
valaarvden B^polbèqnes «4 1» Budget, pao M. ne SAUvr-Gcmai. — «» Les Sodélé* Rurales deSeconn Hatoda.par
M. Lama db Gov. ^ 7. L» Question des Natiomlikéa en Hongrie, par M. LA^. IbuLc. — 8. Le Ba<gH de»
ACairee Éleanfères» ée iB96 : L« Rappatt do H. Eaa>erti, par M. kmua» Ûchm.. '
fMiétéS. — f« La JorfdiefiM Adkmnislraliiv, par M, E, iMircatmaa, Vie^-Préeidtml dm Cénmil iÉiai, — f^La
Conférence Interparlemenfalr* de BraselW» (19-4» ao4t ld>9), par IL 0. Moais.
La TIe p^HCfqoe et pafteumnmre • récmoirer. — l-Anglèlarm* par V. X»., ir«ia6re de. Pmriemmt
AnffUàe. ^ 2* Raatie, par M. A. BAScaMACorv. — 3* Suisse, par M. NoitA. Ottoz, Ancien Prétident de la
Confédération Stàeee.
La Me polltiqae et parlenMntnlirt en rranca,. par AL Félix RooaaaL.
Glironologle polltiqae étrangère et française.
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SOMMAIRB DU N« 19 (10 JAlfVIBR 1896)
ArCiciM. — I. L« Mvvloppemest d» noir» ProgrMsme, pw H. Vambl Poonnu ~ S. Lt tTnnTBrniiWt 4t
M. Thi0rt ; Mt NégodaiioM pour U Pkix« ptr M. Hmmi Oomot, é9 rikêtit^, <--> 3. Les Retraites pw U
Yiemease en Dtaemerfc, per M. P.-O -G. Jtmnr, SéntiUwt, — 4. U Vole ObKgeto^ : Principee et Smm-
tiens, par M. Ftux Mossàu. — 8. Le Péril de rAkeoUsme et les RemAdes. psr M. G. Boomaat. — U Léfis-
letien des Ckeeuns de Fer «m ÉUts-OniSi par M. Loow-Paol Dubois.
Variétés, Notes» Toyaves. Stattatltvet «t ••euoMat*. » 1» Les Tieux-Tcbèques et les Jemes-
Tcbèques, par M. JsAir Bocsuïr. — 2* Notes sur le Régime Parlementaire en An|leteRe et m Franee, par
■. Arx&rd EnnuTii. — t» L'État aelnel et rArenir de la Chine, par M. le Cens on ^anevriLU. -^ 4* Becames
d'État contemporains : Paul Krdfer, Président du Transraal, par M. Bl w Moarsaeo. ^ 5* ta Cooslitntion et
les Institutions, d'après on Livre véeent, par M. G. STnnibT.
I<a Vie yolftltae et partemen taire à l'étraB^r. — l* AHemegne, par M. le D' C. MonTAinis. —
2» Autriebe, par U. D.^. Cow. — 9* Danemark, par M. W. Cabsensbm, SénaUmr. — 4* TransTsal, par
M. E. DK Moarvaco.
La Tte potttltae'et pariementafre en France. — t» Chroniqno PsKti<fM, par M. faux Rooshl. —
â* Lois, Décrets, Etat des Traraux Législatifs, par ***.
caironoloffle politltue étrangère et française, par ***.
SOMJUnUI DU 1«*M «a FéVRlIR)
Articles. — 1. U Réformes des Patentes et nmpdt sur le RsTenn^ per M. J. CnuoispRoQ*, Député, — t. U
Ponce & Pvla et la Réorganisation de la Police Parisienne, par M. Osonoss OsAïut, Député. --. S. La Réforme
des Boissons devant le Sénat, par M. Flicrt-IUtariiv, Député. — 4. Le Péri! de TAlcoolisme et les Remèdes
(suit* et fin)^ par M. 0. Bosrcaut. ~ 5. Sur quelques Droits d'Enregistrement, par M. DuroucSAT. Sénateur. -^
6. Les ImpAts Intérieurs et les Impôts Extérieurs de l'État» par UM. Ta. PuneK-Bnsirràjro et Cmaslbs Durcis. —
7. L'Assurance contre le Chômage et les Sociétés de Secours Mutuels, par M. Ri^oqi. Jat.
Variétés. Kotes, Vaj âges, ftutlsilqoes et Documents. ~ l* L'Egypte en 1895, par *^. — 2* ffotes sur
la Vie politique et parleroenlaire Argentine, par M. Cablos Olivisa. — 3* Un NouToaii Traité d*ÈeoQ0<aie
politique, par M. £. Foqrrikr os F.Ukix.
La fie politique et pariementatre 4 l'étranger. — i* Belgique, par M. Lorakd, Député, — s* ItaUe,
par M. L. Lczzatti, Député, — 9* Pays-Bas, par tt. MACAUSTSR-Luor.
hm Vie poUtitneet parlemenlatre en France. — 1* U Politique Extérieure du mois, par H. Fs. sa
Prsssiiis*. — s* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftuz Rooasst.. ^ t* I* VkPnrlemeatwre, par ***.
QinMiolofle palltliine étrangère et fran^lte» psr ***.
SOmAlRB DU !V» tf (tt MARS)
Article*. — 1. La Tyrannie à» Chambres* par M. V. Mioai. — 2, La Crise GeasUfailiMUieUe» par H. FiaDwan-
Dacma. ^ 1. L'Assoianoe ovraièm en Allemagne et les Réoents PtO|ela relatifs i sa TransCsrmatioo, per
H. lUinuci BbOQV« de nnttU^l. ^ 4. La Goar des Comptes a le ContrAk Parlnmentaire en Italie^ par
H. Fstiu LAM»nTico, Sénateur. ~ 8. La (hMation des viandes, par IL 4 Cautisa-Roos, Député. -^ 9. Note
sur la Réorganisation des Serrices Techniques et des Troupes Spéciales de ramiéeto par &t. L^ Booosaoor,
Député. — 7. Laliaiitatienda l'État, par U. Masmcs Haimiov — a. Lte Projeta de Réformes Universilairei
de M. Combes, par U. A. Ai^cRT-Ptrrr.
Yarlétés, Notes» Voyages, &iatlsil4«es et ^oenneau. — l* rfoUs sur le Régime Parlementaire en
Angleterre et ea Fran^ {Suit^ tt /n), par M« Amujb> EmnAU. — t* Les EvénemenU d'Ârythréa» par lU W
D*" Roouts. — 9* L Idée de l'istat en France depuis la Rérolution, par M. Joeare C&fpsrow.
Va VIo »oittl«p« et lariemeiiiatre 4 rétranser. -- i* Chili, par U. Aj»otro Uraxot. ~ 3« Ssrtîa,
par M. G. H. M.
La Vie pailtl%n« et parieaiantatre em France . — t* La PoUUqun Extérieure du mois, par M. Fk. oa Pa«^
ssM«. -^ i* ChMalqua Politique Intérieure, par H. Ftux RonsaaiM <* 3« La Vis ParlemenUira, par ***.
Caironologle polltliine étrangère et franfalM, par ***•
S(»niAlRB DU rMS (10 AVRIL)
Artldea. — l. U Qrise Itafinnae, par M. R. OotjiUMnu Député. *- S. La Fruiee et TAngletarra sur la Niger,
par M. Q. RaoKiersacaR. — a. Déiaoentie et Liberté : Tocquenrille et la • La Démocratie en Amérique, par
M. E. n'Eieniniu. ~ 4. La PoUoe A Paris ai la Réorgaaisatien de la Police Parisienne {Suite et fiK\^ par M G.
Graux, Député. — 5. Les Assurances Mutuelles Ourridres, par M. Esc, Rocinui. -~ 6. Le* Banques Coloniales,
par M. Q. Praiiçbm^ — 7. La S* Portion et Les Dispensés qui oot un bon Kuméro, par It. J. Vaumsas,
Martelés, Nates, Voyagea, ScattstHuea et »ocnm«nU — l* En Roumanie^ par H. Camiub Gut. —
2» La Situation du Transraal au Point de Vue InlemaUooal, par U. l.-v. Povou«i. — S* La Tarif Hypetbéo|ira
Italien de 18&5, par M. F. oe Sauvr-Guris.
Bevne «ea prlacipalas «lefttlons pollUqneft et sociales. — 1* Revue du Questions Pinanciàres et
Monétaires, par U. A. Rapfaloticm, de C Institut, — 2* RaTue des Quesliona Agrioolea, par M D. Zou,s.
IM Vie polHMKia et parlennenUlre à l'étranger. — l* Brésil, par M. A* Gnijuasiu. ~ i« ttongrte. psr
M A.-E. HoRN. — 30 Transvaal, par H. E. db Horpuroo.
Xa fie yoim^ne ec parleaaantatare en France. -> 1* La PoUUqua Extétieure du moia» par H. Fr. sa
PnisesifsA. 2* Chronique PoUtique Intérieure, par M. Fiux Romasu. — 2^ La Tia ParlemeoUîct, par ***.
Cnronologle politique étrangère et française, par ***.
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— 8 —
SOMMAIRE DO N* 13 (10 MAI)
Articles. -> 1. Un OfBea Internatioiud pour U Protection da Trarail, par M. Tu. Coati, Député, — 1. La
Machine et TOurrier dans rindnstrie Américaine, par M. LivAsasoR, de r Institut^ — 3. La Question dea
Viandes {Suite et fin), par M. CaARLBt-Roox, Député. —4. L'Armée et le Senrice de Deux Ans, par M. A.
CLAaKTAirr. — 5. L'Elite latellectoelle et TAriBlocratie, par H. J. Novicow. — 6. Démocratie et Liberté:
Tocquerille et « La Démocratie en Amérique » {Suite et fin), par M. E. d'Eichthal.
fartétés, Rotet, Toyaipes. Statistiques et Documents. — l* Le Socialisme Italien, par M. G. Fumoico
— î* L'Institut Solvay, par M. Dick Mat. — 3* Le Fonctionnement de TAssurance Obligatoire contre la
Chômage dans la commune de Saint-Gall, par M. Raoul Jat,
BeYues des principales questions politiques et sociales. — l* Revue des Questions de transport, par
M. L.-C. CoLsoN. — 2* Rerue des Questions Oumères, par M. Fonsauis.
La Tle politique et parlementaire à l'étranger. — l* États-Unis, par M. W.-A. Dumoiro. —2* Allemagne,
par M. le D' G. Montanus — 3* Autriche, par M. le D^ G. Koiuv. — 4* Finlande, par M. L. Mkcbiuii, Séao-
teur, ^
La ¥le politique et parlementaire en France. — l* La Politiqua Extérieure du mois, par M. Fa. Dt
PaassBirsA. — S* Chronique Politique Intérieure, par M. FAlix Roosscl. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
Cbronolofie politique éMn^ëre et française, par *^.
SOMMAIRE DU N* 24 (10 JUIN)
Articles. — 1. La Banque de France et le Renourellement du Privilège, par M. B. Fomurna dk Flaiz. — t. Un
Progrès à faire en matière de Prévoyance Sociale, par M. J. Drau, Député. — 3. La Réorganisation Adminis-
trative de TAlgérie : I. Le Gouvernement Général, par M. FuniaT'IUvAaiii, Député. — ,4. La Htmgrie Millé-
naire et les Garanties de son Existence, par M. Beasics, Ancien Membre du Parlement Bongroi». — 5. La
Réferme des Droits de Quai et de Statistique en Algérie, par M. MAnaict Couif. — 6. Le Bimétallisne Inter-
aational, par *'*.
Yariétés, Notes, Voyages, Statistiques et DocumenU. — 1* État Général et Comparatif du Régtae
Fiscal en France, par M. L. Salfra:«qds . — 2« Hommes d'État Contemporains : M. nère-Orban, par M.Q.
LoHAKD, du Parlement Belge.
KaTues des principales questions politiques et sociales. — Revue des Questions Coloniales, par
MM. H. Pensa et le D' Rouias.
La Vie politique et parlementaire a l'étranger. — l* Angleterre, par M. M. KtintA, du PetrUment
Anglais. — 2* Grèce, par M. Phoahxtos, du Parlement Grée. ^ 3* Suisse, par M. Noua Droz. — 4* AuaUalie,
par M. B.-W. Wisi.
La Vie politique et parlementaire en France. — l* La Politique Extérieure du mois, parM. Fk. m
PansKiisA. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Peux Roussel. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
dironolofle politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N* 25 (10 JUILLET)
Articles. » l. L^Esprit du Budget : Les Impôts et les Revenus, par M. Maurice Block, de Nnttitut, — 1. L«
CaJasea des Écoles et leur Situation légale, par M. Bburdelbt, Àfaire du VHP Arrondissement. ^ 3. Les Élec-
tions d'Espagne, par M. Lkfkvrb-Pontaus, de Vlmtitut. — 4. Le Tarif légal des Notaires, par M. A. Dooaachb.
^ 5. Les Progrès de TAssurance sur la Vie, par M. E. Rocusnir. — 0. La Nomination des Instituteurs, par
M. A. AtBBRT-PrriT. — 7. Le Morcellement des Valeurs Mobilières : Les Salaires ; la Part do Capital et da
lïavail, par M. A. Nxtmarck.
Variétés* Notes, Voyages* Statistiques et Documents. — 1* n 7 a Trente Ans : VOccupation de Fiano-
fort par les Prussiens en 1866, par M. A. Rappalovich, de t Institut. — 2« P.-J. Prondhon, par M. Cn. os
Larivibrb. ~ 3* Souveraineté du Peuple et Gouvernement, par M. Tu. Fbriceuu.
Mevues des principales questions politiques et sociales. — Revœ des Questions Agricoles, par
M. D. ZOLLA.
La Vie politique et parlementaire a l'étranger. ~ l* Danemark, par M. GAMTEnsir, Membre dm
Landsthing. ■— 2* Italie, par M. L. Ldzzatti, Membre du Parlement Italien.
La Vie politique et parlemenuire en France. — l* La Politique Extérieure du Mois, par M. Fr. m
PuasBiisA. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Roussel. » 3* La Vie Parlementaire, par ***.
GMroBolofie politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N« 26 (10 AOUT)
Articles. — 1. Les Conditions du Travail et le Collectivisme, par M. A. Bodgx, Député. — 2. Le Moavenent
Féministe en Angleterre, par Mlle M. -G. Fawcsit. — 3. Le Protectionnisme Agraire en Belgique, par M. L.
Strauss. — 4. Conciliation et Arbitrage FaculUtifs ou Obligatoires ? par M. A. Spire. — 5. La Sécurité Publique
tn Chemin de Fer et la Situation des Mécaniciens et Chauffeurs, par M. R. Jodroair. — 6. Le Droit d'Associa-
tion et le Rapport de M. Goblet, par M. H. Brice.
Variétés, Notes, Voyages, Statistiques et DocumenU. — l* État général et comparatif du Régime
Fiscal de la France {Suite), par M. L. Salprauque. ~ 2* Le Prince Ferdinand et TÉglise Bulgare, par ***. ^
I* Notes sur les États-Unis, par M. J. de Pulligitt.
MeTues des principales quesUons politiques et sociales. — l* Revue des Questions Finandèrat et
Monétaires, par M. A. Raffalovich, de l'Institut. — 2* Revue des Questions de Transporta, par M. C. Couoir.
— 3* Revue des Questions Ouvrières, par M. Foscsalme.
La Vie pollUque et parlemenuire a l'étranger. — i* Belgique, par M. Lorakd, d» Parlement Belge*
— 2* Pajrs-Bas, par M. Macalester-Loçp.
La Vie politique et parlemenuire en France. — 1* La PoUUqoe Extérieort éa MoU, par M. Fk
SE pRBSssmt. — 2* La Vie Parlementaire, par ***.
Cbronoloffle poUtlque étrangère et française, par ••*.
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— 9 —
SOMMAIRE DU N* 27 (10 SEPTEMBRE)
Articles. — t. U Démocratie, les Système électoraus etlaRepi^eotation proportionnelle, par M. Errist Nxtiixb.
» 2. Les Conditions du Trarail et le CoUeelirisme (Suite et fin), par M. A. Bouot, Député, — 3. Le Droit de la
Femme mariée aux ProduiUde son Trarail, par M. H. Pascaud. ~ 4. Les Malades et les Vieillards dans les
Sociétés rurales de Secours mutuels, par H. L. de Oot. — 5. Les Titres étrangers derant le Parlement, par
MM.Jdignac. — 6. La Question de la Prospérité Finlandaise et ses Causes extérieures, par M. A. Baschmaiopp*
Variétés, Notes, Yoyares, Statistiques et Documents. — l* Les Sciences Sociales et Politiques dans
les Universités Allemandes, par M. Th. Ruysssic. — 2* Noies sur l'Australie, par M. P. Maistrb, — Z" Note com-
plémentaire à propos du Tarif légal des Notaires, par *'*.
Bévue des principales questions politiques et sociales. — 1* Revue des QuesUons Coloniales, par
MM. H. PsrcsA et OrRoomt.
La ¥le poililque et parlementaire arétran^er. — !• Allemagne, par M. le D' C. MomAiras. — 2* Espsr
gne, par M. Sancbbz Gubrra, Député. — 3* Portugal, par M. Jatme Lima, Député.
La ¥ie politique et parlementaire en France. — l* La Politique Extérieure du mois, par M. Fit. os
pRsssxNst. ~ 2* Chronique Politique Intérieure, par M. FfiLix Rogsskl. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
GlironolOKle politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N* 28 (10 OCTOBRE)
Articles. — l. Lettres de M. P. Descbanel àM. A. Bouge, député, sur « Les Conditions du Trarail et leCoUeo-
risme >, par M. Paul M. Dcscbakil, Député. — 2. La Questions de la Population en France, par M. E. Chbtssoiv. ^
8. Nos Institutions Judiciaires, par M. G. M. D. — 4. Les Associations et l'État dans la Lutte contre le Crime,
par M. H. JoLT. — 5. Réorganisation des Services Techniques et des Troupes spéciales de l'armée, par
M. L. BouDENooT, Député. — 6. La Législation nouvelle sur la Nationalité, par M. A. Vacbbrot. — 7. Le
Conditionnement des Valeurs Mobilières, par M. C. Labroossb.
Variétés, Notes, Voyages. Statistiques et Documents. — i* Les Sciences Sociales et Politiques dans les
Universités Allemandes (Suite), par M. Th. Ruyssbii. — 2* La Circulation et les Banques d'Émission en Italie,
par M. F.-S. Nirri. — S' Le Code Civil Allemand, par M. Fr. Maclbr.
ftOTues des principales questions politiques et sociales. — 1« Revue du Mouvement Socialiste,
par M. J. BoDRDBAC. — 2* Revue des Questions Agricoles, par M . D. Zolla.
La lie politique et parlemenuire h rétranyer. — i* Hongrie, par M. A.-E. UoR.f. — 2* Suède et
Norvège, par M. C. fituuur.
I«a \le politique et parlemenUIre en France. — !• La Politique Extérieure du mois, par M. Fa. db
Prbsseivsé. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Roossbl. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
Clironologle politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N* 29 (10 NOVEMBRE)
Articles. — l. L'Alcool et l'Alcoolisme : Les Réformes et l'Hygiène, par M. Charlbs Dopot, Député, — 2, Le
Nouveau Classement des Partis, par M. Etiennb Duean, Député. — 3. Politique et Gouvernement : La Lutta
dea Partis, par M. Eocenb Pibrrb. — 4. L'impôt sur le Revenu appliqué à Verviera, par M. L. Aruacd. —
5. La Réforme des Cours d'Assises en Algérie, par M. Maurice Colin. — 6. Notes sur û Décentralisation, par
M. C, Cavla, ~ 7. La Fabrication du Sucre en France, par M. G. François.
Yarlétés, Kotes. Voyages, SUtlstIqoes et Documents. — L Une Enquête sur le Régime de l'Alcool à
l'Etranger, par ***. — 1* Notes sur le Monopole de l'Alcool en Suisse, par M. Ndma Droz, Ancien Président de
la Confédération. — 2* Le Régime de TAIcool en Allemagne, par M. le D' H, Paasche, Membre du Beichetag.
^ 3* Le Régime de l'Alcool en Norvège, par M. H. Berner. ~ Il Les Sciences Sociales et Politiques dans les
Univenités Allemandes {iuite et /fn), par M. Tu. Boyssbn.
Bernes des principales questions politiques et sociales. — l* Revue des Questions de Transport,
par M« C. CoLSON. — 2* Revue des Questions Coloniales, par MM. H. Pensa et Rooirb.
La VIo politique et parlemenuire à l'étranger. — i* Éuts-Unis, par M. W. Donking. — 2* Russie,
par M. A. BAscuiuKorp.
La Yle politique et parlementaire en France. — i* La Politique Extérieure du mois, par M. Fa. de Prb»-
esMst. — 2* Chronique Politique lolérieure, par M. Ftux Roussbl. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
CHronoloffle politique étrangère et française, par***.
SOMMAIRE DU N* 30 (10 DÉCEMBRE)
Articles. — 1. La Crise de la Souveraineté Nationale et du Suffrage Universel, par M. Ta. PtRiismu — 2. L'Or-
ganisation du Haut Commandement en France en 1896^ par *'*. — 3. La Réorganisation Administrative de
l'Algérie, par M. Fleory-Ravarin, Député. — 4. Notre Marine : États de la Flotte; le Rapport de M. de Ker-
jégu ; Aperça de quelques Réformes, par ***. — 5. La Simplification du Mariage (Loi du 20 juin 1896), par
M« F. GaivAZ. — 6. Lettra sur les Élections Sénatoriales du 3 janvier, par M. A. Sallbs.
Variétés, Notes, Voyages. Statistiques et Documente. — Une Enquête sur le Régime de l'Alcool 4
l'Étranger (Sui7e) : 4* Le Régime d&l* Alcool en Angleterre, par M. R. Mac Kbnna, if «m6re du Parlement Anglais,
— 5* Le Régime de l'Alcool en Danemark, par M. A.-G. Lokd. — 6* Le Régime de l'Aicool dans les Pajs-Bas,
par M. R. MACALxsrtR-Loup.
Bevnes des principales questions politiques et sociales. ^ l* Revue des Questions Financières et
Monétaires, par M. A. Rapfalovich, de l'Institut. — 2* Revue des Questions Ouvrières, par M. Fonsalmb.
La Vie politique et parlemenuire à l'étranger. — 1* Angleterre, par M. R. Mac Kbrka, Membre dm
Parlement Anglais, — 2» Suisse, par M. Numa Droz, Ancien Président de la Confédération. — 3* Finlande,
par M. L. Méchbuïc. Sénateur. — 4» Serbie, par M. G. M.-M. — 5* Egypte, par M. El Haekaicu^
La Vie politique et parlementaire en France. — i* La Politique Extérieure du mois, par M. Fa. m
PRBSsBist. 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Rousasi.. — 3* La Vie Parlementaire, par ***•
Chronologie politique étrangère et française, par ***•
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— 10 ~
SÛIUUIRS DU » M (10 UNVlBa MiT)
Ardcl«9. <- 1. N«kre CEorre ei boIm B«t : ÉrtnwttoifcFoliUy «lOtfuÛMtiosdttPirUr^pobUflua pcogrestûte^yar
M. Xarol Pomvm. ~ 2. U MbnM des BoisMw: Wtmât flmutcièn (f» «rtkfe)» ps M. B. BcmASva,
Sênattuf, — ». U Qnc8ti«« S*eikte «t k SociaUNM, p«r M. Paci. Obbcbarku A^nU/. ^ 4. U» CoMffUo«»de
U Prorofattoa da Pririlif^ dto bi l^nqfw d* FkMM, par ■. Ponamui m Vlux. -> &. B. Cœsde castos le
Sulfra^ Uaivend, fftr M. L, m Skiuu«« - 1. Les Débuts dû Parti Sodafisfo Fmaçùs^ pw M, Almst RiCBftai».
— ?. Le Cootrôle des PîasMSS de Vttaï (1*' •rticle), par ■. E. BEsaoït.
farléléa» Iléteft. T^iaces, StalfaCHpiet et Bocvaieiits. — t. CMBiHe Jardaa el ses Correspondants:
Bonaparte, Motinierf Boijamin Constaot, Cardinal Spîoa, Decaaes, Koyat-Coliartf, Sfimondi, Giaisot, La
Fayette, etc. — S. Um Empiète sur lo Régima de rAlsool i l'Étiaager (jniUiti : > Lo R^giaM de rAIieooI eo
Russie, par M. B.-R.-S. —
R€YBet des prlMcIpalet ffOMUoiu »olttMi«es eC Mciales. — {• Bevat é» MonvesMat gocisiisÉi, par
X. J. Boxnu>KA.a. — 2* Renie des Questions Agricoles, par M. 0AinsL Zoua.
La Yle poittiqpie et farleHienlaIre * l'étranger. — 1* Allemagne, par ■. lo D* Soimixva. ~ i* Ao&ncèe,
par M. le D* G. Eean. — i^ Danemark,, par H. CAnsTsnsair, Membre d» laudttkim^.
La TIe polltttve et parleaientalre en Fnuiee. — 1* La PoIîUqœ Eai&icore d« BHM^ par M. Fa. as
PnsasKivsÉ. — 2* Chronique Politique Extérieure, par 11 . Ptuz Roossbl. — 3* La Tte ParfooMnCaire, par ***.
Cbronologle politique étrangère et fraa^lte, par ***.
SOMIIAIBB DU N* U (10 PÉVRIEB)
Artldeg. - 1. La PUIoaepAia da Oamftetta, par ■. Dnjn«-llonxA«», Iféf»Êtf.^ î,UBlMnaa JssftiMaoas:
Le Droit sur f Aleool, Éhiiie PSasacièro (mdU 9t /la), par M. B. BocLSKasa^ SéntUemr^ -. >. La Réfecaia Hypo-
thécaire et le Projet da Gouvernement, par II. Flosr na Sairr-Gcsm. — 4« L'BnIkoee dcraat la Jartieg
Réprcssiro, par M. FaB»urAn>-DnrvFoa. — 5. L'Algérie aa Kiot&tère des Colonîes, par M. G. Viujinr, Ctmtcitkr
Municipal <U Parié. — tt. La Marine Marchanda Pran^aisa, par M. P. La Ptavas. — 7. Le Coatrôla dea PIbmms
de rÉtat (1* article), p» M. BroiAznjvL Bcsbor.
Variétés. IVeies, Voyages, StallstHpies et Bocwnwvts. — i* Caïaîlle Jordan el ses GorTaspoadMi :
Bon^tarte, Moonier, Brajamin Constaal, Ordinal Spàsa, Decaxas, Roycr-Cottard; Siamoadt, C««aat, U
Fayette, etc. (rsife), par M. 6. MAU-Csmma. -^ 2* La liqpiidatioa da la Gaîsee d'AsaaraDco coalra le flliati
de Saint-Gall, par M. Raoul Jat.
Reimes tfes prlBClpales «vettioBS politiques et soetales. — Raraa des Qutsttons do TnsHpaK, ptr
M. C. CoLsox.
La fie poltUqve et parIcaMBlafve à réiraBgcr . — 1* Belgwiaa, par U. M, Lo«ams Mtmbrt du ArXr-
ment Belge. — S* ftalie, par M. Fa.-S. ffrm. — 3* CkUi, par M. A. LAaa'niT.
La Vie politique et parlementaire en Franee. — i* La Pnfitiqiia Biténenre da mois, par M. Au «a
PressknsS. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Roossel. — 3* La Vie Parlemcnlairo, par ***.
cnronologle politique étrangtee ot firuMialM, par ***.
SOaniAlRB BU !l» 23 (10 MARS}
Articles. — 1. La QaesliMi da S^nat : La Séoal al la Remisa, par M. Ra.'i* Gaatir, DépvM. — t. riaTIwail
Lacoar, par M. Joasra Rbwacb, Député. — 3. Le Marché Financier da Paris el Isa PrsjîeCs de Rédsganjaation,
par M. L. Lacombb, Député. ~ 4. Le GompronMS Austra-Hengrois et saa Reaaav^IeaMoi eo IM7, par M. R.
Cfvtuuia. ~ 5. La Queslioa Honélaire en Belgiqne, par M. L. Snuvaa. ^ $. LaCootrMa des Ffasaces diaFÉlyt
(.> artiete), par M. Esnmvaai. Bassoa.
Variéfési Koles, Yoyafcs^ fttadsilqnes et Bocmnests. — Uaa fiMiaila sur Is IM|imo da fAleodl à
rÉtranger (jutft): 8* La Régima de PAleool en Bspagna» par M. le sac »*AuMD(naa, ilemèrs des CeHèt. —
9« Le Régime de TAleool en Italie, par M. Fa. S. Ifim.
Keirues des principales questions poiHIqucs et soclalei. — t« Rame des Ouestioas Quwiliaa, par
M. FoicsALM£ — 2» Rerae des Qaesltoos Col^niateo, par MM. H. Purstà ei le 0' Rooirb.
La Vie pollllque et parieMentalre à Pétrangcr. — t* Espagne, par M. SABcasa Qeaaaa, Méaért en
Cortè», — 2* Pays-Baa, par M. MACALEsrsa-Loop.
La Vie pollflq«e et parle nsentalre en Pranee. — I* La Paliliqaa BkAériaara da Hait, par X. nu se.
Presse^sK. — S* Cbroaiqaa Politique Fnténearei, par M.Ftux Routask. —9* La Vi* PatlsasaaAairab pu'**^
Glironologle politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE BU N» 34 (M AVRIL)
Articles. — 1. U SaoiaHnaaaMiÉlal»4}nia, parH.&Lavaasaaa^lfaaars da r/ateiML — S.Laa (
à la Repvésenlatioa piipsiMiBBillo. par M. E IXa^iLB. — 3. Lo G2n<|wèaM Mittaid da U laaqaa da >■— ii.
par M. le C^nla RoauXaw — 4. U Contréla dea PSaancea de l'État (4* artkia — /bi>. par M. BmuMma BsaM:f .
— 5. UQasseionde PédéraliaB ea Ansiralie, par IL P. Maiarna. — C La PMragaliaa éai Poasaâ «Ksopli-
naires dos Administralaata de Coauaane mixte en Algérie, par M. MaasKS Csubr.
Variétés, Noies, voyages, fioMstlqnes et Mocnients. — Um Asqnéte sar k Régima de PAlMal 4
l-Étran^r (nite) : 10* Le Régiaw de rAleaoI en iclgiqae, par M. G. Lonaso, Mtm^ré âm PmrlÊmemt Js^sl -
i !• Le Régiras de PAkool ea Tarqnie, par M. P. La Faavas.
Revues des principales questions politiques et sociales. — i* Reme du MnmsaaMi Sooialiate, par
M. I. BoanosAo. — 1* Rarue dsa Questtoas FiBandères al Monélaiies, par M. A. AàMaMana, risiiyidaaf
de Vlnaiitui, ~ 3» Berae dea Qoesliona Agricatea, par M. 0. Zouju
La Vie politique et pnrieaieniafere à l'étranger. — l* Gréoa, par M. PaKaatioa, ilanirr et iVés-
meut HeUéniqjM, — f* Moagria, par M. A.-B. Hoaa. — > Portagal, par M. Java Lbia. Membwm ém PaHe-
ment Portuqaà», — 4* Rassie, par M. A. BAsomAsorr.
La Vie poMMqoc et parlenseniaHm en Franco. ~ t* La Peiitifaa Exlérkura da Nais, par M. Pa^
DK Pbbssbmé. — 1* Ckfoni^e Pohliqas lalérieare, par H. Félix Rousaaa. — 3* La Via Pariemeatîdsa» par *"»
Gl&ronologle poUUque élrangèra et française^ P«"***-
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SOMMAme Dd N» 35 (19 VAI)
ÊttÊtÊÊW. — I, LTbIii MlkiMlsi Et TliêB J» Pit»l»> |ig IL L» Ueiiini^ C#ilW<EG0' MlM >- 1 Lc» CoMiOg
d» PMfiMiM* «i iâ Jwtice AAniûiCEBtiw,. pir H. L. Micmiib. — 3. Ukn^0 «■ llffr» p» ^« * 4. U
Quart! M *• A^iiiii» par ■. Si. Sww >«wi -^ %, htm. AsmnMs OoVfttivt e* Àlleaitgp», ptr É. Saobcb
Bmmm. ~ €. ia BiliTOt <k la Ui for b 'bvia <m FemMsti 4m Bnftnts, fir M* Liow Mmum
Tartétés, Iloces. Yoyaffes. ftlatlslttaef et IHlciunents. — ' l* La Questiofl d« Ineonipatibifiiéa Phrieman-
1ak««» l84Kparll. Jinasac CaAau» -- S* UCallèga Ubre de» Sd«««ct^ SadalA» 9«a H. Dlob Mai.
. -« i* RefI» te Qnaatifl
•■» piHHiéipft et sealalet. — i* Kati» te QpMatioaa da 'AttipotU,
pa« HL C* Couafu — » Baroa daa QaaaCioM BadcMuMi et Piscalaa» par «**.
La TIe pollU««e et parleiiieBtanre à rétmilfer. — l* AUemagne, parll. & Somuona. --f» Angictwe,
par tt. IL JLk KMUb^ JfeaiAra A» ^(«•toneni iUigicir. *^ 3* Saibia,, pat 1^
La TIe polttl^ae et parlementaire en Franée. «-^ l* La Polîtiqtie Cxtârienra dn laeliy par M. P» db
fkamasa^ ^ » CferMi(fM Paliti(|aa fiiiirieorei p* M. Fixix RooiMa. •» a» U VW PirteaMotoire, pac ***.
COumnolo^e politMiae étmnfère et fran^te* par *^«
somhaihb ou rp u cia xnisr>
Artlclea. — l. Le Parti Progrossiste ;C» <pApaat al Aril «Ira, par Uir Dtptrrt. — 1. Le Harehé Financier de
Paris et les Projets de Réorganisation, par M. L. Lagokbb, Député. — 3. Le Problème de la Dépopulation, par
M. le Dr JACva» fiamTmLov. — 4. L'ÂvataMoa da Rigime 1^ du TraaaU, par M. Raool Jat. - 9. U Réarma
de I bsfdt dea BaiMons, p« ■. A. Giaa», Dsiaan.
«wiéléa, ItoiM, Vornflee, gtaHifMpf et maCÊmmnm. — !• L*Ekqpi«te de rSWw'n^ Poc^ da Rew-Terk,
sav les> Scssiona Biaûiales ei las Anarfagei da ce Système» parV. A. BAntâsoseca, CûrreMptndtmt de timatitut,
— > :SeiMnl» aaa da Règae : Le HiOé de la ftaina Yktoria, par BL Bmoamo Saioa.
ftevees des principale qaestloni polltiqaet et «nelales. — i* Reme des Qœatioas Obniàtea^ par
M. Faaaéaaa. » Sf ftsTM des Uwalioas Coionialea, pac MM. Romaaefc B. PiasA.
La ¥le p«lltliiae et parlemenUIre à rétraocer. — f Éèets^Uais, par M. W^A. Dmoaaa. — f Ilafie,
* pm M. Fm.^ Non: — 3» Sauai, par M* N. Daoz, Atuien Prémdenl db la Cùmfééérati9». — «• Fialaade, par
M. Au Basciiuxov.
Ln TIe poMilipti et pnrICflMSiaJfeft «BFraac*. — i* La FoMli^ litinaare da aïoia, par M. Fa. m
Pausansa. — » Chtoaiqne PeUtkiaa Intirieare, par M. Ftux ftoosaak — )» La Via ftriaaieataire,par ***.
CliraMlncte p«lltU|ne émagèra- « ftmnfnlie, par ***.
SOMMAIRE DU N* 87 (fO JUILLET)
Artlclea. — l. Discours prononcé aa Dîner de la « Reroe Politique et Parlementaire > dn 18 Juin 1897, par
M. WiLBaca Rsnasaw, Sdaatear. — t. La Parti Ruml o^pttiaé eè laobilisaMa : SfMlieala Agricoles ai Paiiu
PtoprftMé, par Hu iaaa Hamr. -- >. Les Éleetioaa ea Autriche et en Mongri^ par M. LarKraa-PasrrAua, de
l'huHM, - 4. Saesre la Cadenas, par M. CiuBLBs-aooz« DéfmU, — S*. La Pn||ii da Lm sar lea Sociéléade
SccoMFS Mutwla, par M. A. Dhasx, DéjfÊiU, — 0. U Maîria Ceatcala da FMs, par M. A. CoMaAnao. — 7. La
QuesëdD da Ooanine aax Celeniai, par M. G. Dbmmitial.
Inviétéa. SniCf, Topa^an, Stnttattvae t% BocwnenlB. — i* T a-è-il loaompatihaité aatie la l<5publique
ei le Socialisme? par M. E. Martotsau. — 3* Les Récents Efforts en rue de rUoificalion da Droit Mariiiaie,
par M. A. TsaaaAaa. ^ 3* CaaÀUa Janlaa ai aaa Cerfeapoadaats : Bonaparta, Mooniar, Bea^aaMi CoiwUBfc,
Cardîual Spina, Dccazes, Rovr-r-Gollard^ Sannoadi, Guiiot« La Fayette, eta., (/miU), par M. G. MAja-Csasua.
Bavnc» et» pvtaactpnte» ♦.neattoas polM«ieft et ■octalea. — i* Revue dea Quaaiioas Agricoles, par
H. D. ZoixA. — 3^ KcToe use ^aastians Finaacières ei Menétairca, par M. A. lUirBLomcB, Correspmdmnt de
tlnititut.
la Tte p«lttkPM «i pnrieiiientnive à rétranpep. — i* AatriclM» par M/IaDr G. Kouna. — 2* Oaaa*-
marck, par M. CABsnim:*, Mewtbrt de Landetking.
Ln TIe paiill«ne «4 parlaietnlre C» France. — i» La Paliiifaa Batérieasa da Mais,, par V. Fa. aa
PREssufsft. — 3f QnoaHpie PaliiiqQa InÉérieure» par, M. Fiua Boumai.. — 3» La Tia ftrlnaianJaiBa, par ***•
Cbronoloffle p^llUqu^ étrangère et fmnfnlie, par*~.
smmxmE du n* 38 (to aoutj
ArlfClM. <- t. La Balercaduia Saiaaa» par M. Ta. Corn^ Membre du ParlêmmU Smim. -^Xlh laReaponsa-
biMté Chrila des Miaiatree, par M. Aasfeaa Vecaaaov. — 3. U Maavamea* FAniniaie ea Ftimi, par Mosa Masta
ùrtUGA. -- 4w La Lotte aeoln le Secialiame ea AUeaMgaa^par M. A. laaav. ~ ». L'ÉroInHaa dea InslMotians
Communales en Prusse et en Angleterre, par M. L. PAOïy-Oveois. >- 4. La Paliea Ravale par l'Saihrigademcni
dea Gardaa-Cbampdtres, par M. £. TawAarr-GEmtarr. - - 9. Le Wavreai Agricaks^ par M. 6, Faaa«e«.
Tnrlétéa, Btote», Tevapc», Statlsii«uea et PncnoMSta. — Lsa Méaa Soaiaka da Jalai Ruskin, par ***.
■evnet «ea prtocipaica «ncatlenf peMil^nea e* nHaHe — i^Ravaa dea Qoastieaada Traa^nrtj^
par M. G. CoLaon. — 2* Rerue du Mourement Socialiste à l'Étranger, ' par M. J. Boordbao. — 3* Rewxe des
QaeslioM Bodgélaipaa ai Fiscales, par M. Rémé Dasiuc.
La TIe politique et partementalre à l'étranger. — Pays-But^ par H. MACAusraa-Lottp.
La TIe p«lltlqne et pawIfUlHtri en France. — 1« La FoMliqaa Extérieure éa Mois, par H Pa:.
naPassaami. — 2» Ckroaé^ua PaUtiqaa intérieare, par M. Ptcn Rauasak — 3^ La Via Parieneaiaiia, par ***.
Caironoiogle politique étrangère et fTançalâe, par ***,
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— 12 —
SOMMAIRE DU N* 39 (10 SEPTEMBRE)
Articles. -^ l. Les AccideoU du TraTail en Allemagne, par M. Yves Gutot. — S. Les ÉlecUons dans les Pkjrs-Bas,
par M. LtPiTRB-PoiTALis, de C Institut. — 3. Le Houremenl Féministe en Italie, parMmoEiiiLuMAïuAin. — 4. Da
GoaTememenl Direct et du GouTemement Indirect, parM. Raocl db la GaAœERw. " 5. L'Assnranoe Maritime:
Ce qu'elle est, ce qn*e11e devrait être, par M. JEAt* Ddrieotk. ~ 6. Les Résultats de la Législation sur la Nationalité
en Algérie, par M. Jbax Ouer. -- 7. Charbonnages et Chemins de Fer : Les Houilles Anglaises en France, par
M. PaOL TtREZ.
Yarlétéfl, Notes. Voyages, fiUtlstlquet et Documents. — l* Essai d'une Sutistiquc des ÉtudianU des
Universités Françaises, par M. Ferdiitano Lot. — 2* Camille Jordan et ses Correspondants : Bonaparte. Moonier,
Benjamin Constant, Cardinal Spina, Decazes, Royer-Collard, Sismondi, Guizot, La Fayette, etc. {Suite et fin)^
par M. G. MAZs-SENaBR.
Revue des principales questions politiques et sociales. — l* Revue des Questions Coloniales, par
MM. RouiRB et H. Pbusa.
La Yle politique et parlementaire A l'étranger. — l* Allemagne, par le M. D' G. MoirtAxcs. — S* Bel-
gique, par M. LoRAKD, Membre du Parlement Belge.
La ¥ie politique et parlementaire en France. — !• L» Politique Extérieure du mois, par M. Fa. os
pRxssBKSt. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftui Rousscu — I* La Via Parlementaire, par ***.
Chronologie politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N« 40 (10 OCTOBRE)
Articles. — 1. La Dépopulation de la France : Lettre à M. Marcel Fournier, par M. E. Levassbcr, Membre et
Vlfutitut. — 2. La Question du Pain en 1897. par M. Georges Grade, Député. — 3. L'Armée Coloniale, pv
M. Fleort-Ravariit, Député. — 4. Les Accidents du Travail en Italie, par M. F. Lampbrtico, Membre du Séitat
Italien. — 5. La Question du Crédit Populaire, par M. M. OopooRMAirrELLS. — 6. L'Assurance Maritime : Ce
qu'elle est, ce qu'elle devrait être {suite et fin), par M. Jehan Dcrieuz. — 7. Les Commissions Gantonaki
d'Assistance, par M. J Pion.
Variétés. Notes. Voyages. Statistiques et Documents.— l* Essai d'une Sutistique des Étudiants dei
Universités Françaises {suite et fin), par M. Ferdizcand Lot.
ftevues des principales questions politiques et sociales. — l* Revae des Questions d'Enseigne^
ment, par M. Étiekme Dejeait, Député. — 3* Revue des Questions Agricoles, par M. D. Zolla.
La Vie politique et parlementaire à l'étranger. — 1* ÉUU-Unis, par M. W.-A. DomniMs. — S* Hon-
grie, par M. A.-B. Hoat*. ~ 3* Grèce, par M. Philarétos, Membre du Parlement Hellénique.
La Vie politique et parlementaire en France. — l* La Politique Eztérieure du mois, par M. Fr. m
PaisaBXst. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. FtLix Roussel. ~ 3* La Vie Parlementaire, par"**.
Giironolofle politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N* 41 (tO NOVEMBRE)
Articles. — l. L'Organisation da Parti Progressiste: La Fondation du Grand Cercle Républicain et le Toasi
de M. Waldeck-Rousseau & Reims, par M. Marcel Fourivier. — 2. Le Référendum en France et le futur Pro«
gramme du ^arli Progressiste, par Uir Progressiste. — 3. Le Marché Financier de Paris et les Projets de
réorganisation, par M. Louis Lacombe, Député. — 4. La Crise du Revenu et l'Ère du Travail, par M. E. CsETssoit.
— 5. M. Léon Say, Préfet de la Seine, par M. Georges Micheu — 6. La Prévoyance aui Étals-Unis : Le^ Assn-
rances Fraternelles, par M. EoctaE Rocuetui. — 7. A propos de la Loi sur les Accidents du Travail, par M. J.
Jaquet.
Variétés, Notes. Voyages, Statistiques et Documents. — l" Le Mouvement Commercial et Maritime de
la France, par M. G. d'Ootrevienke. — 2* Lu Musée Social, par M. F.
Kevues des principales questions politiques et sociales. — l* Revue du Mouvement Socialbte, par
M. J. BooROEAO. — 2* Revue des Questions de Transports, par M. C. Colson. — 3* Revue des Questions
Budgétaires et Fiscales, par M, Rtirt Darlac.
La Vie politique et parlemenuire à l'étranger. — i* Angleterre, par M. Mac-Kbiika, Membre d»
Parlement Anglais. — 2" Espagne, par Sarchez Guerra, Membre des Cortis.
La Vie politique et parlementaire en France, —l* La Politique Extérieure du mois, par M. Fa. ra Feb»-
sBNst. ~ 3* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Roussel. — 3* La Vie Parlementaire, par ***•
Chronologie politique étrangère et française, par *-*.
SOMMAIRE DU N* 42 (10 DÉCEMBRE)
Articles. — I . L'Enseignement et la Démocratie : Les Études libérales et la « Crise Universitaire », par
M. Alebrt FoDiLLtE, Membre de t Institut. — 2. La Conférence de Berlin et la Législation internationale da
Travail, par M. Yves Gotot. — 3. La Surveillance de laJHaute Police, par M. PocxtFraxku». — 4. Le Péril Jaune,
par M. Loois Viciroii. — 5. Du Mandat Législatif : Les Incompabilité et l'Immunité, par M. FaAKÇois Rocscbl. -^
0. Les Conseils d'Arrondissement, par M. A. Blozet.
Variétés, Kotes. Voyages. Statistiques et Documents. — 1« Le 5 mars 1815 : Un Document sur le
Retour de l'Ile d'Elbe, par M. F. de SAirrr-Gima. ~ 2* Le Socialisme d'EUl idéaliste, par M. EuctRi d'Eicbtal.
KeYues des principales questions politiques et sociales. — l* Revue des Questions Ouvrières, par
M, A. FomuLMB.
La Vie politique et parlemenuire à l'étranger. — 1* Suisse, par M. N. Droz, Ancien Président de U
Confédération. — l* Italie, par M. Fr» S. Nittî.
La Vie pollUque et parlementaire en France. — l* La PoliUque Extérieure du mois, par M. Pr. ds
PRBsaaiisB. 2* Chronique Politique Intérieure, par M. ?tv\x Roussel. — 3* La Vie Parlementaire, par ***•
GMronologle politique étrangère et fk^nçaise, par *•%
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— 13 —
SOMHAiRB DU N* 43 (10 JANVIER 1898}
Articles. — 1. Le Pouroir réglomenUire du Président de U Républiqae, par M. H. BeiiTiniLtMT. — 2. Les Clubs
politiques AngUis : leur But, leur action, leur Organisation, par H. Ataos Bbrat.— 3. L'influence de l'Assurance
ooTrière sur TAssistance Publique, par M.MAuatct Blocs, de Vlmtitut. — 4. Transportation et Colonisation pé-
nale à la Nourelle-Calédonie, par M. L. Bbauchit. — 5. Le Budget de l'Enseignement supérieur en France et en
Allemagne, par H. PtaonvAND Lot. — 6. L'Œuvre des Hôpitaux indigènes en Algérie, par M. Mauricb Colin.
¥aiiété8. Notes, Voyages. Statistiques et Docaments.. ~ Slaves et Qermains : Restauration de l'Em-
pire d'Orient par la Russie et de TEmpire d'Occident par TAIlemagne, par nif Oiplomati.
ftevoes des ptrincipales questloos polltlfoes et sociales. — l* Revues des Questions Agricoles, par
11. D. ZoLLA. — 2* Revue des Questions Coloniales, par H. H.Pbicsa kt Rooms.
La vie politique et parlemeotalre à rétranfer. — l* Allemagne, par le D' G. Hontanub. — 2* Au-
triche, par le D' G. Kolxbr. — 3* Danemarek, par M. CAESTutsiK, Membre de Landsthing. ~ 4<> Finlande, par
M. L. MtcbKui*, SéncUeur. — 5* Russie, par M. A. Basghmakopt.
La Vie politique et parlemenuire en firance. — l* La Politique Extérienre du mois, M. Fa. m
PuasiiiaÉ. — 2* Chronique Politique Extérieure, par M. Ftux RoosaxL. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
GluroBOloffle politique francise et éirant ère, par ***.
SOMMAIRE DU N* 44 (10 FÉVRIER)
Articles. — 1. Waldeck-Rousseau: 1809-1882, par M. Qoisrat dx Biatoxpaiex. — t. L'Instroction criminelle
te la Nouvelle Loi du 18 Décembre 1897, par M. Anoa* FooB.Mxa. — 3. L'Armée Coloniale {ndte etfin),
par M. Elbuht-Ravaiuic, Député. — 4. Le Pouvoir réglementaire du Préaldeni de la République {ndte et /In},
par M. BBaniLiMT. - 5. Le Budget de la Marine pour 1898, par ***.
Variétés, Notes, Voyages, Stattstlques et Ikicuments. — Les Congrès Ouvriers. (Premier artiele), par
M. Ltozi Ds SxaiiAC.
Bévues des priucipales questions politiques et sociales. — 1* Revue du Mouvement Socialiste, par
M. J. BouaoKAU. — 2* Revue des Questions de Transports, par M. C. Colson. — 3* Revuo des Questions Bud-
gétaires et Fiscales, par M. RxNt Oarlac.
La Vie politique et parlemenuire à l'étranger. ~ 1* Belgique, par M. Fr.-S. Nrm. — 2* Italie, par
M. LoaAND, Mtmbre du Parlement Belge. — 3* Pays-Bas, par M. MACALcsna-Loup.
La Vie politique et parlementaire en France. — i* La Politique Extérieure du mois, parM.Fit. oi
PnBSseiia*. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftuz RomasL. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
Ghronolofie politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE OU N* 45 (10 MARS)
Articles. — I. A la VetUe des Élections, par M. J. DaAcaa, député. — 2. Deux points du Programme Républicain
aux EUclions Législatives, par M. L. Bouoxkoot, député. — 3. Paul-Louis Courier, Electeur et Candidat (1820-
1822), par MM. 6. Oananis et G. Galland. — 4. Le Mouvement Féministe en Australie, par M. M.-S. Wols-
TcimoMS. •- 5. Les Accidents de Travail en Angleterre, parM.MAOuci Bsllom. — 8. Transports et Colonisation
pénale à la Nouvelle-Calédonie, («utfe), par M. L. Bbauchkt.
Variétés, Notes, Voyages. Statistiques et Documents. — l* Les Congrès Ouvriers (2« article) ,par
M. LtOK nt Sbilhao. —2* Les Enquêtes sous le Régime Parlementaire, par M. Combis db LasraADB.
Mevnes des principales questions politiques et sociales. — 1« Revue des Questions Coloniales, par
M. le D' Romaa.
La Vie politique et parlementaire h l'étranger. — i* Angleterre, par M. MAc-KaimA, Membre du
Parlement Anglai». — 2* Lettre du Japon : Le ministère Matsnkata; ta chute. — Le Ministère Ilo. — Politique
étrangère. *- 3* Japon: Aperçu de la situation Financière et Economique du Japon en 1896 (1*' article), par ***.
La Vie politique et parlementaire en France. — l* La Politique Extérieure du Mois, par M. Fa. di
pRBSSurst. — 2* Chronique Poli liquo Inlérieure, par, M.Ftux Rousscl. — 3* La Vie Pariementaire, par ***.
Ouronoioffie politique étrangère et française, par ***.
SOMMAIRE DU N* 48 (10 AVRIL)
Articles. — l. La Fondation, Tlnauguration et l'Avenir du « Grand Cercle Républicain >,par M. MAacsLFoca-
imR.'-2. A propos des prochaines Elections Législatives, par M. KmtnMxs>t député. —3. Les Députés sortants
(1893-1898): Voles et Groupemenls, par M. A. Sallxs. — 4. Deux points du Programme Républicain anx
Elections Législatives {suite et /Cn), par M. L. Boddxroot, député. • 5. Note sur une Taxe de Remplacement
de l'Octroi, par M. JACQUta Bxktuj4>iv. — 8. Le Droit d'Association : Conditi<tts qu'il comporte pour se conci-
lier avec la Liberté individuelle et l'Ordre Social, par M. H. Pascaud.
Variétés, Notes. Voyages, SUtlstIques et Documenu. — Au Musée Social: Le Service Agricole et la
Fête du Travail Agricole (30 octobre 1898), par M. F.
merues des principales questions politiques et sociales. — !• Revue des Questions d'Enseigne-
ment, par M. Enxmix Objban, député. — 2« Revue des Questions Ouvrières et de Prévoyance : l'OBavre de la
6« Législature, par M. A. Foivsauib. — 3* Revue des Questions Agri<oles, par M. D. Zolla. — Revue des
Questions Coloniales, par M. Henri PeitsA.
La Vie politique et parlemenuire à réiranger. — l* Etats-Unis, M.W.-A. Dumnno. — 2* Hongrie, par
M. A.-E. HoR.f.
La Vie politique et parlementaire en firance. — l* La Politique Extérieure du Mois, par M. Fa.
I» Paisosmt. — 2« Chronique Politique Intérieure, par Fftux Roussil. — 3* La Vie Pariementaire, par ***.
Cau'onologie poUtlque étrangère et française» par *'*.
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SOMMàfflB 3\3 ^ «7 (10 Mal)
AMIdM. — L Ptm&on JUraUaU •Att deciioM, par M. IUacsl fouuna. — i. Pam Poct ée Mv, far
M. '^— ^-". BéjaOi, — 3. £• IZBseigBement dn Hossb ea FnMA «t da RMe ComMKÔl ée fa fiMW «n
ilneaie, |Mr M. Cb. i» LàMxAut. — 4. La il^gîme da Slé «n PorCogd, fnr M. Linz se Cmoio. — V. TMB^oite-
tioa ai €oloaiajrftoa Ptaale à la Woniv«ne'Calêdooie {«site et )fn), pv M. U BcABcasT. — t, i.aliiWMie 4aNifllel :
aaa Atuntafea feoooavB ; la j^amitoe Pièce à faire, ]iar K. Cuiuoioa Cutla.
Tarlétés, Notes. Tojf^sciL StaUsd^uM et Aecameail. — l* Ua Goagrèa Oorrier» (f aiAdi^ yar
Jl. Léûv as SawJMC — 2* La ûueatkn Sociale, à'apthê Paol OcacHâMn^ par IL Piijwm Cinaiia
fteviie des pHnelpale* «aesllMU «MMUI^aes «t «ectates. — ï* SamaB da Moapeaaaal Stiitiite. pv
M. I. BouMAS. — 2* R«vae dea Qneatioiia de Teanaporta, par M. C CoLacw.
. fa» Ito iilIfiiT « yrlgnwftrr * l'étnuver. — l* AUoncM. par M. la IK «.
2* Japon : Aperçu de la SUu&Uon financière et écoaomif m dn Japon «n t897 (2* aitide), par**
iM Ne polUHae et partaWBBllIW «■ FeaBce. — l* La PaKU^ua fiitérieiire da mcàL, par ¥. Fb. na
PnaiBaiirt. — > Cèmmk^a» Batitàfoa iatdàeure, par M. FiuxIitfcaaEL. -* 9* La Vie T
caironolofle poUtlqve étruiffère et fr«BÇ«ii^ ptf ***.
SOMMJUEE H) Ji* «t («6 JfiU^
AirttCteB. — i. Apiia lea El«oU«M Cétthries : Sil ii i liii daa ftrlia ml Kaarfia» f.a4*tfcpie, par U. MjmcaxFacB-
Ksa. — 3. La Aifisnoe 4e fEucignene^ cfaaaiqaé «4 madame, par JL ▲. Fonuts. Mmért éâ flnâOtHi.
— 3. La l^rialm du RI«leaMiBA 4e la Chaiiàre, par H. ikeftooB Oiudi, BéfÊdé. — 4. Etada aor Kckciet,
par M. FERDiRAKD-DHEtraa. — ■ 5. Â prapoe de la EêloraM ito«f*tiaa an iipOB, par M. W Gcaale Ewa«ii.
— «. LImiIJative Paiteneaiaipa paadaiA ^ anite» U«i4atere i(ii0»-ltfi^ [à* artiefe;), par &ua LAaanm.
Variétés. Notes, \ojmgt%, StatllCltuet etDeenmeBts. — l* Le Ministère Rudini et lea BéforaMa pr^i^t*»
«■ itdKe, par M. le Vleoarte Oombs ds Lesnémb. - 2* Pac.J3aprtto tmr ia fidpine da riiaaal à ITMani^:
Le Rigiaw de rAlooal aux Btata-Haia, par M. ioaa JCfonc — J* iaalâlntinnn Oinrrièrea daM ka HïDea Ai
Saarbruck, par M. A. Codtarel.
■«varat dei prtedpalef ««estfona valMqaeg ef iWialBi — «> fiavae àm ^^ueaUaaa BadgflM— el
Fiflcales, par M. RéhA Dmhac — S* Maa«M dea <|aaaMMa Céfenialfla. par M. M. Pua^ et Bawaa
La fie pakUfe^ «l pailft ■■■!■' b * l*étraa«er. — i* SMaa, par JL JL fiaoz, AneimJS^iiÊîtl»ui de m,
Confédêrmêiom. — 1* Hdia, par M. FWiacS. Rim. ~ 1* Baada. pv M. A. fiaaoaHAaMV.
La Vie polltltue et parlementaire en Fra»ae, — i» La IWilâpai SrtériaBBa dta aHw, par M. Fa. as
PaBsesmÉ. 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Roussel. — 3* La Vie ParloaM&iaire, par *^.
cauronolofle polltl^ne fk^nçalse et étrangère, par ***.
50MMAiafi DU K* 49 (10 JUILLET)
ArUcIca. — 1. Lea Rétoraies Uailvenlllaires : lacadauréal, Coaaeil Stqpédear, par M. 1. Foaaiaa, jfaatre
de rinstitvt. — 2. La dernière Criée ItaHenne, par M. le D' K. CoLAaLiaa, Membre db I^iiemeni *
3. La Revisiou du Règlement de la Chambre : Le GooiHC de la Cfaaaihre «oUiAre {miêe ai fb^}, par IL i
Giuux, DéjnOé, — 4. Bis ans de règne en Btdgarie -. le Prime Ferai— ad («WT^S»?). par M. L^.
5. L'IniUative Parlementaire pendant la sixième Lfigislatere (I S«3-«lf 8) {mtâte 9t /lu), par M. fta
6. Le Problème RuriA et le Prdblème Bpoawatqw %éaa/6nA «i Ang^tena : VkiMn da la paaada PiupsitlJ
foncière et Conpestioo des Centres Urbains, par M. Ren* Uen&x.
Variétés, Naies, Vayacet, «Catfscl^pfMfi et HorwiwHf. — r* Lea Gaegrla Ouvnas (•» ««<Ae), par
M. LtoF m Saujuc. — S* La Condilàltoa floagrotae, par H. £, N.
Mevnet 4et prtedIpaleB vb^M^b* paillHpics et ■acialei. ^ t* Bévue dea QaBsiiaas Oavniaasclde
PrAmyance, par M. X. Fom*un. — £• Revue des QuesliaBs A^noeSes, par M. B. Zoua.
La ^le patraque et partenentalre à rètraager. — 1« Aosletorra, par M. M»o-K«iaau Mlemire d» fmr-
lement anglais. — 2« Autriche, par M. le D*" G. fCouna. — t» Bauemork, par M. Csmiiiii'waiji, ÊÊgmkne de imuée
thxng (Sénat). — 4» Japon, par *•*.
La Vie politique et parlementaire en Franoe. — !• la Politique Extérieure du mois, par M. Fa. •■
PasseassÉ. — 2* Chronique Politique Inlérienre, par M. Ftux Tlousso.. ~ 3* La Vie Parlementaire, par ***.
GHroBOlogle poUiiqne fk«nçalse et étrangère, par **'.
SOMMAIRE DO M* 80 (10 AOUT)
Articles. — 1. Le Honrement Féministe anx Etata^nts, par M«* H. flAxaoïr RûBimoff. — 2. LÉtat d*Ame de
TAlsaoe, par ***. — 3. LaiMfease Sociale en Italie, par M. A. Ebrat. ~ 4. Le Broit d'Asaodation : Condilieas
qu'il comporte pour se concilier avec la Liberté Individuelle et l'Ordre Social ^^uiîe et /En)» par M. flonn Pas-
CA.BZIU — 5 1.C Socialisme an E^Mgne, par Jl. Maze-Scrguee
Variétés, JKMes. Vopmm. Siaiistltiies et »t»cwne»ta. — l* Les Coi«rès OuTriets (S« artkie;, par M. Lioir
as Seuj^c.
Mevuet Mes principales questions politiques et sociales. — !• Rerw da MoaTeawnt SodaliBle. par
Jl. J. RooBDEAU. — i* Rerue des Questians de Transports, par IL C Colsosl — 3* fieme des Oaostkma ftodg^
taires et Fiscali*8, par M. Rfirt Darlac
La Vie politique et paHementalredi l'étranger. — i* Pays-Bas, par M. Macausra-Loiip.
La Vie paimque et parlementaire en France. ~ !• La Poittigae ExtMsure du mois, par M. Fa. n Pan-
sBKst. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Bouesau — 3« La ViePacltmfintak«,par ***.
QuroBOiogle poiiuque française et étrangère, par *^.
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sowf uRi DU a» u (to stPimiuQ
-> i. l.*Art)itmt» liliwialiwl «t U CoMotCiM Ai Omit 4m G«b«, pw M. &aakifici. Bmk». —
1. LlalMsiU 4e 1» CMm Agno^k 4>|k*s kStsUiUfae décMuiak 4e l«9t, par H. Mamiob Booatoinm Profesteur
^EommmepoJUi^m à rUniuniU de £«ae.~l. Le Noovtaa KéfiaM 4e Publictté 4ee Oretts frétas ea Ij^ieteire,
per M. JAOQOtt DÔcjie, tloctatr m ùanoiL — 4. Le âooialismeea Eapagae («si/e el jln^ fer M. GL Maci^Scnchr.
— S. L*E<»1e ColoQiaia, |»r 11. Zawr Tatrcv. » 4L lietetev ie ConoUiatioa eotM Petfone ei Ouvriers, par
H. i, Matmkei.
Taiiétét* IVotes» léyMeik Sl1irtlf>§ tt — «uaeaO. >- l* Le Pr«oe de Bieeurek «i e«e Haltras, par
M. EoecAwSniex. — 3* Lm4 Broogtem el sa PtiJeec^Me /^tCtf ue, pv M. le Viooale Coibw eelewsiM
Bevaet 4et principales ««estlOBt polltiqaes et sociales. — Rerue 4es QuesUorn Cokmielev pv JL le
D* Row
La TIe polltiqae et partcieatalfe ii réinHMrer.' -- f Allemegne, per M. le D^G. ItoMtairas. — S* Bel-
^M, par 11. LoaAi9t Memkre 4e l» CMamère de» ii^pré9mé*nt$.
IM Vie poUCHpM at parte ■■ftafcri e« FrajMe. — t« (^roM^ee Botitifw tatteleiire» par M. F. AûoeeaL.
— 2* La Vie Parleroentaire, par *•".
Cfcranalafle palltl«aeCnia{alsa ai éiraacère, par ***.
SOMMAIRE DU N* M <H OCTOBRE)
Arifcles. — 1. Les Élections au Reicbstajr, par M. Lbfevrs-Poxtaus, Membre de FlneUiut, — S* La Question
des Nationalités : 1* en Hongrie; i* ea AuUiche, par M. L. Lakc, Vice-Préeident de la Diète Hongroise. —
Z. Le Socialisme éiccloral, par M. Bvobxk d'Eichtiui.. — 4. Les Services publies et la QuestioB des Monopoles aui
CUts-Onis, par M. Paol m Roosurs. — S^ Le Coiate SsUrhaxy à 1* Co«r de Raesie (17%1-i7«2,\ par H. Ga. db
LARrvitM. — t. Le Oeoil d'Appel an Conseil privé dans les ColoDies britanaiiiueSf psr M. Paul MAtema. —
7. Lo Problëme Soeîa!) ekllndiTidnaUsme, par M. X. Tobao-Batle.
Variétés. Notes, foja^es, StatHtkiaes et BoeaaMBU. — l« La Politi^ne d^àrlstote el le Pnogramne
social de U troisîèaie République, par A. àcmuaA. — 2* La Géofçrapbie éce»»au^ne flt eoeiale eo PraiM:*, par
M. FooaxuK os Flaii.
KeToes 4es principales «aestlaat poUllqaes et sadales. ~ l* Rome des Questàons Ouvrières et do
Préroyance, par A. Aaraua ForrAjna. ^ 2* Revues des Questions Agricoles, par M. D. Zoala.
La Vie polttlqne et panemenlalre a rétraafer. ~ l* Buts-Oms. par H. Manmoa-SMiTa. — 2« J^mq,
par *^.
La Vie pMttlinie el parleBSenlalre ea France. — i* La Pgliiiqne Bxiérieure 4a mois, par M. Auzoa
EenAt. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftuz îlninssi — 1* La Vie Plsriwnnnliire, per ***.
airanolofle pollll«Qe étrangère et française, par ***.
SOMHAIRB DU N* 51 (10 NOY£klfiBI0
Articles. ~1. La Question deFacboda : Avant et Api^ par M. 5.-L. UiLe(!ica.a.~2. Le Bourse cA les Affaires
par M. GtoRoa^ Margsbz. — 3. La Grève générale et le Syndicat Qoérard, par M. PiLiz Rousskl. —4. Le
• Criminal Evidence Act » de 1898 et le Serment des Aoeosés en Angleterre, par M. A. BsMBirr, Professeur à la
Faculté de droit de Parie. — 5. L'Impôt communal sur le Revenu : Réforme des Gontnbulions directes et
Odirnis, par M . HmanoA HauBac, Ancien ûépmU, — é. L'Eneeignemant daeeifnB et rflneeignemeot moderne
«n ABoBMgm : f raginmaes, Métbodes, SancUons, par H. Gaoacss Caboi.
Vartécés, Naieg, Vojnaget, Siallsdqiaes «t PocnoMvti. ~> l* La RépuUifne PaileaMntaire en Prance. (A
propes 4e fnamife La France, par M. Jobn Covrtenay Bedley), par M. T^. Podraen. — > 1* Les Congrès
Ovrrinrs {mite tt fUU par M. Léok na Sanjuc. — I* La Corruption politiqne «nus la ftnrtnumtion : Le Procès
l^le et Ci4b«ères, par É. thiion Gucklac.
Kevnes 4es prlndpales ^aefUans palW^m^s et sociales. — t* R«me 4n Menremeufl. Socialiste, par
M.J. BeansBap. — 2* Kevne dee Questions de Tnmeports, par M. CCouon.
La Vie paNll^e et parlensanialre a réiranger. — i* An?^(Aem, par M. Mao-CamiA, Membre du Porte-
ment An fiaie.'- i^ Hongne, par IL â.-B. fions. — 3* HnBo, p«tfr M. Pa. S. Htm. — 4* Rewninie, par M. P.
G. Gaimmi.
La Vie politique et parlementaire en France. — i* La Politique Extérieure du mois, par M. Amidb
fianAV. -> f" Gkraolque PeBitéqne Inténenn, par 11. Ptus Roosonu^ 8* La ▼iePni4e«[rtlnlrei, par '^.
du^nologle ptMHifne éKmagère et frân^te, par ***.
SOMMAIRE DU N* 54 (10 DÉCEMBRE)
Articles. ~ i. De rimpètsurle Revenu à Rorenoe an zv* Siècle, par M. Hsinu Babbodz. — > 2. Les Elections prus-
siennea, par M. Lastena Pqm^aaa, 4e VImstitut. ~ i. Le Dreit4'aaBaBàClian : L'Aaewnarten aerperay«« .et ris-
. nooialion «enlcactneOei, par JL Tens Gbwot, Jlnc^ JK«mb*«. <~ 4. Voies aaeigaUee et Voiea kném, par
M. Gnâ«LBa-ReaK, Amden Jkf^té, — S. UCrise dn booiaiBMae, par M. û. Soaau —g. Sur la l^sintian du
CoMe •onMMliqne, pv M. Fa. fteneBat. — 7. U Prnteckymt de U Pranee «n Ananin «t an ISenlàn et sonEvdu-
Uon pnrll. Ou. Da Pisiot.
TarléSés, Noies, Vofmgea, StaHstâ^acs et BsransBnii — 1* U finnsiihUinn et leRi^iaw palitsqe« du
Japon, par ***. — â«Noic snr ia Vie SfmdioÊk» en Previnoe, parM. Anont Snas. — 8« On Prsjet 4e Mnm Pk)U-
tifue en iAgS, per 11. OceacEs Mau-Scncwr.
Bevaes 4es principales «aeMla«s paMtlqacs « sociales. — fRetvd des t^neationa Bndgélains «<Fis-
nales, par M. UmmeUàMUkC. — S* Revaedes Qneslioos Gefenialee, par U.hB'BLaoKa.
La Vie polltliiae«l partcaseniaire à I>fttrangi?ir. — ôuiase, par M. N. Daoc, Ancien PHndmtdelaCon-
fédératiem.
La Vie poUtIqne et parlBiintalri en nrasce. — t« La PoUtkine Brtéfiense 4a mois, p« M. Auudk
Ebrat. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Peux Ronsan. ~ 3* La Vie Pariemontaire, pnr ***.
La Vie littéraire, dramatique et musicale en France. — Revue Théâtrale du mois, par M. Loua
ScnxsuiaR.
CHronologle politique filfglTf et ftiapialso. par ***•
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■Ë^-.
— 16 —
SOMMAIRE DU N* 55 (10 JANVIER 1899)
Articles. — 1. Ut Finances françaises et le Budget, par ***. — î. Le RenouveUement du Pririlèfe de la I
de TEmpire d'Ailemagne, par M. HsLLPBRica. — 3. La Politique douanière internationale de l'Areoir, par
M. L. L41V0, Vice-Préndeni de la Chambre des Députée hongroiee. — 4. L'Impôt du Tabae en Praoee : tes
Origines et son Oéveloppement, par M. Ffuifçois Laurent. — 5. Les premières AstocJations Corporatives en
Grèce, Ters la fin du xiu* siècle et au commencement du xiv«, par M. EogIick Rooutuv. — 6. La Gonfeclion
d» Budget : Méthode à suivre pour rendre les dépenses budgétaires réellement comparables entre elles, par
■errices et par années, par M. P. OniARotm, Sous-Chef de Bureau au Minietère dee Financée.
¥arlétét, Notes, Vojaf es. Statlstl^aes et Documents. — La Vie Politique au Canada, par M. Asmé
SlBGFIUBD.
Eevoedes principales «uestlons politiques et .sociales. — 1* Revue des Questions Ouvrières et de
Prévoyance, par M. Arthur FotfTAiifB. — 2* Revue des Questions Agricoles, par M. 0. Zolla.
La ¥le politique et parlementaire h l'étranfer. — 1* Allemagne, par M. le ly C Moittabos. —
S« Autriche, par M. le D' G. Kolmbr, Kédaeteur d la Nouvelle Presse libre. — 3* DanenafeL, par M. Cam»-
TuvsBiv, JHenûn'edu Landithing [Sénat).
La Yle politique et parlementaire en France. — 1* La Politique Extérieure du mois, par M. Atc—
EeaAT. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Fftux Roosssl. — 3« La Vie Parlementaire, par *"*.
GMronolofle politique étrangère et françftise, par ***.
SOMMAIRE OU N* 5Ô (10 PBVRIER)
Articles. — 1. La Constitution et la Constituante, par M. Ds MASOtes, Sénateur, ^ S. Le Commerce des Cé-
réales en Amérique et en Europe, par M. Mauricb Btoca, Membre de t Institut. — 3. De la Néœesilé de
restreindre les Pouvoirs des Conseils Généraux dans nos anciennes Colonies, en matière de Taxes locales, par
M. L. BouoxRooT, Député du Pas-dé-Caiais. — 4. L'Exploitation des Chemins de 1er de l'Etat français, pir
M. R. JooKDAW. — 5. L'Impôt général sur le Revenu, par M. GBonoBS Marchbz. — 6. Les Pinanoes françuM
et le Budget (2« article), par ***. ~ 7. La Renaissance coloniale de la Prance, par M. L. D'AvpaKviLLC.
Variétés Notes, fofages. Statistiques et Documents. — i* La Candidature officielle sous la ResiannliM:
Une Election en 1820, par M. Ca. Rocssau — 2* L'Apostille et l'Assemblée de 1848, par M. Raoul BoMrAirr, Dé"
puté. — 3* Le Comité Maritime international (session de 1808}, par M. R. VuutsAOX, Seer^taire génènk
adjoint de fAesoeùUion française du Droit maritime.
BCTues des principales questions politiques et sociales. — l* Revue du Mouvement Socialiste, psr
M. J. BouRDBAD. — 2* Revue des Questions de Transports, par M. C. Colsom.
La TIe politique et parlementaire à l^tranger. — l* Pa^s-Bas, par M. MACAusnn-Loup. ^ 2* Japoa,
par •**.
La ¥le politique et parlementaire en France. — 1* La Politique Extérienre da mois, par M. Aiom
Ebrat. — 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Peux Roussxl. ~ 3* La Vie Parlementaire, par "^^
CMronoloffle politique française et étrangère, par ***.
SOMMAIRE DU N* 57 (10 MARS)
Articles. — 1. La Constitution de 1875 : Lettre à M. de Marcère, par M. FsannuHn OmarFm. — 2. L*lmpèt
général sur le Revenu (deuxième article), par M. Gkokoss Manchxx. — 3. Le Mal de l'Algérie, par M. Loo» Paou.
— 4. La Suppression des Octrois, par M. P. GonxoT. — 5. La Tunisie devant la Cour d'Aix, par M. Bvbmmtvu Put.
— 6. Les Associations Ouvrières de Production en France et leur Développement, par M. iuus Maihoiubc.
Variétés, Notes. Voyages, Statistiques et Documents. — l*Le Fédéralisme an Brésil et dans les Répu-
bliques Hispano-Américaines, par M. Oscab d'Abaujo. — 2* L'Evolution du Droit privé en Grèee, par M. Q. Bcen»
CART. — 3* Nouveaux Freins dans les Institutions politiques américaines, par M. G. Orasso.
mevues des principales questions politiques et scbciales. — 1* Revue des QoesUons Bndgétairoa et
Fiscales, par M. Rxirt Daalac. — 2* Revue des Questions Coloniales, par MM. H. Persa et le D' Romaa.
La Vie polidquo et parlementaire à l'étranger. — l* Angleterre, par M. MAO-ICaNKA, Membre du Par-
lement anglais. • 2* Russie, par M. A. BAScmcA&orr. — I* Belgique, par M. Loraxd, Membre du Parlement
belge.
La Vie politique et parlementaire en France. — l* La Politique Extérieure du mois, par M. Alcds
Ebrat. ~ 2* Chronique Politique Intérieure, par M. Félix Roussel. ~ 8* La Vie Parlementaire, par ***
Chronologie poUttque française et étrangère, par **'.
SOMMAIRE DU N* 58 (10 AVRIL)
Articles. — 1. La Question de Terre-Neuve, par un Diplomate. — 2. Le Mouvement Féministe en AOemagne, par
Mme Ult Braun-Gixtcu. — 3* La Situation Financière de l'Espagne : Déclaration de M. Navarrot Reverter.
ancien Ministre des Finances, par M. Gaston Routier. — 4. Justice Administrative : Notes sur la Réforme des
Conseils de Préfecture, par M. Alexandre Blozxt. ~ 5. lustices de paix réunies et Juges de paix délégués, par
M. CoRBiTix Gutho. ~ 6. La Participation des Ouvriers aux Bénéfices dans l'Industrie, par M. Rocn Mrruii.
Variétés, Notes. Voyages. Statistiques et DocnmenU. — 1* Deak et Kossuth, par M. A. de Bbrtba. —
2* Le Système <^ulaire et le Tlraitemenl des Prisonniers politiqoes, par M. CmusnAir CoaifÉuasar.
mevues ies principales questions politiques et sociales. — i* Revues des Questions Ouvrières et de
Prévoyance, par IL Arthur Fom-Ains. — 2* Revue des Questions Agricoles, par M. D. Zolla.
La Vie politique et parlementaire h l'étranger. — 1* Etats-Unb, par M. Momoé-Sumi. » 2* Hongrie,
par M. A.E. HoRif. ^ 3* Chine : Notes économiques et commerciales, par *** (Premier artide).
La Vie politique et parlementaire en France. —1* La Politique Extérieure du mois, par M.Aix:mxEaRAT,
2* Chronique Politique Intérieure, par M. Ftux Roussel. — 3* La Vie Parlementaire, par ***.
Chronologie politique française et étrangère, par ***.
Paris. — Typ. A. DAVY, 52, rue MadaoM — TéUphone.
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