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J
/
RHÉTORIQUE ET PROSODIE
DBS
LANGUES DE L'ORIENT MUSULMAN
RHÉTORIQUE ET PROSODIE
DES
LANGUES DE L'ORIENT HUSULHAN
A l'usage des Élèves
DE l'école spéciale DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PAR
M. 6ARCIN DE TASSY
MEMBRE DE L*INSTITUT, ETC.
SECONDE ÉDITION
REVUE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE
PARIS
MAISONNEUYE ET C», LIBRAIRES-ÉDITEURS
QUAI VOLTAIRE, 15
MDCCGLXXIII
PARIS. — IMPRIMERIE ORIENTALE DE VICTOR GOUPY, RUE GARANCIÈRB^
M. AMÉLIE SÉDILLOT
SECRÉTAIRE DE L'ÉCOLE SPÉCTALE DES LAÏQUES ORIENTALES VIVANTES
ET JDU COLLÉOS JSE ERANGE, ETC.
Monsieur et cher ami,
Il y a longtemps que je désirais pouvoir vous donner
un témoignage public de mon affection et de mon estime
pour vos érudites publications. L'occasion s'en présente
aujourd'hui en vous priant d'accepter la dédicace de ma
« Rhétorique et Prosodie des langues de l'Orient musul-
man. » Il me semble en effet tout naturel de vous dédier
cet ouvrage, car je dois en grande partie mon goût pour
la poésie asiatique aux leçons de votre savant et respec-
table père, à qui ses beaux travaux sur l'astronomie
des Orientaux, que vous avez continués et complétés,
valurent un des prix décennaux, et qui plus tard faisait
avec distinction le cours de turc à notre École. Ce cours,
que je suivis avec assiduité en même temps que les cours
d'arabe et de persan, me fit aimer la poésie turque, qui
offre, comme la poésie hindoustanie, un reflet des pro-
— IV —
•
ductioDs persanes, avec lesquelles elle malise dans ce
qu'elles ont de plus gracieux et de plus sentimental,
ainsi qu'on peut s'en assurer, sinon dans l'original, du
moins dans 1' « Histoire de la Poésie ottomane » de J. de
Hammer, ou seulement dans « la Muse ottomane » de
Servan de Sugny, où on admirera sans doute nombre
de morceau^ parfaits de pensée et d'expression.
Agréez donc cet hommage, Monsieur et cher ami, et
croyez-moi
Votre affectionné et dévoué
GARCIN DE TASSY.
AVIS PRÉLIMINAIRE
Ce travail est fondé sur un ouvrage intitulé Hadâyïc uU
baiâgat îciiJI ^lj^, les Jardins de réloquencey qui est
un traité persan de rhétorique d'après le système des
Arabes, système qui a été adopté par tous les peuples mu-
sulmans. Cet ouvrage a une grande célébrité dans l'Orient.
Il est plus spécial que le Mukhtaçar ul-maanî^^ autre traité
de rhétorique rédigé en arabe sur un plan différent, et
qui n'est que le développement du Talkhîs ul-miftâh ', de
Jalâl-uddîn Muhammad.
* Cet ouvrage a été imprimé k Calcutta par les soins de
Th.Lumsden enl 81 3,in-4\ Ce qu'en dit l'éditeur peut s'appliquer,
à bien plus forte raison, au texte persan d'après lequel j'ai fait
mon travail : « Tt cannot be read in the original, without exciting
« in the mind of the reflecling reader, a very favorable impres-
« sîon of the state oî perfection to which the science of rhetoric
« has been carried by the Arabs. »
* Il sera aussi quelquefois question, dans ce travail, du MU'
tauwaly commentaire du même ouvrage, dont le titre, qui signifie
long^ contraste avec celui de mukhtaçar^ court ou abrégé^
donné au second. Us sont dus Fun et l'autre \ Maçûd ben-Omar,
connu sous le nom de Saad-Taftâzftnî.
— VI —
Le Hadâyic ul-balâgat est divisé en six parties : V Vex-
position^ fj^l '^^ les figures^ ^ jj ; 3° la métrique^ d^^j^ >
4"* la rimCy ^^> ^ ^ énigmes et les allvMons^ Um; G"" les
plagiats^ oli^.
L'auteur, Mîr Schams-uddîn-Faquir, de Delhi, qui mou-
rut vers le milieu du siècle dernier, a laissé d'autres écrits
qui sont tous estimés. J'ai eu l'occasion d'en parler dans
le tome P' de mon Histoire de la littérature hindouie et
hindoustanie^ page 442 de la seconde édition.
Je traduis ici en français cet ouvrage, qui n'a jamais
attiré l'attention particulière d'aucun orientaliste, ce qui
le rend entièrement neuf pour les Européens. Ma traduc-
tion, quelquefois un peu libre * pour être intelligible,
offrira quelques coupures, et sera parfois un peu abrégée,
afin que mon travail ait le moins d'étendue possible. C'est
uniquement par cette considération que j'ai retranché
beaucoup de citations, m'étant généralement fait une loi
de ne donner qu'un seul exemple en vers à l'appui des
règles, quoique dans l'original il y en ait souvent plu-
sieurs.
J'ai déplacé la métrique ^j^^f^ et la rime îjilï, et j'en ai
fait un traité à part, dont les matériaux sont pris principa-
lement, comme pour la Rhétorique, dans \q Hadâyic ul-ba-
lâgat. J'y ai ajouté mes propres recherches, et j'ai aussi
profité des travaux des Européens qui ont écrit sur ce
* Dans cette seconde édition, j'ai suivi plusienrs bienveillantee
indications du savant musulman Tantawî, de Saint-Pétersbourg,
et quelques autres de M. Alex. Chodzko, professeur au Collège de
France.
— VII —
sujet *. Tel qu'il estcançu, mon traite est un travail neuf;
il comble un desideratum de la littérature orientale. Eln
effet, le premier j*ai appliqué les règles de la prosodie
arabe aux diverses langues de TOrient musulman, et spé-
cialement à l'arabe, au persan^ au turc et à Turdû; le pre-'
mier, j'ai donné de nombreux exemples, tous traduits*, à
l'appui des règles et pour en faciliter l'intelligence*.
L'importance de la prosodie, pour ceux qui veulent lire
et surtout éditer des poètes orientaux, n'a pas besoin d'être
prouvée. Je répéterai même, après mon illustre maître ^,
que la connaissance des règles de la métrique arabe est
absolument nécessaire à l'intelligence des poésies de
l'Orient musulman comme moyen de critique, soit pour
s'assurer du sens, puisqu'il dépend le plus souvent de la
manière dont on doit prononcer les mots qui entrent dans
la composition d'un vers, soit pour corriger les fautes des
copistes, fautes qui sont d'ordinaire plus communes dans
la poésie que dans la prose, à cause de l'obscurité qui
* Spécialement S. le Clerc, S. deSacy, G. Freytag et F. Glad-
wiD. Les trois premiers n'ont traité que de l'arabe, et le dernier
du persan seulement ; aucun d'eux n'a parlé du turc. Je ne men-
tionne pas M. Ëwald, qui, dans son Ahhandlungen^ etc., et dans
le Brevis metrorum doctrina^ qui termine sa Grammaire arabe,
a exposé la métrique arabe au point de vue européen, ce qui ne
me parait pas devoir en faciliter T intelligence.
* S. le Clerc n'a jamais donné la traduction des exemples arabes
qu'il a cités, et Freytag ne Ta pas toujours fait.
* S. de Sacy, pour abréger, n'a cité aucun exemple, ce qui
rend quelquefois son traité peu intelligible.
* S. de Sacy, Traité élémentaire de la prosodie et de Vart
métrique des Arabes.
— vm —
règne souvent dans les vers orientaux par suite des méta-
phores qui y abondent et des expressions peu usitées que
la mesure et la rime y amènent.
C'est pour avoir négligé de s'occuper de la prosodie que
d'éminents orientalistes ont commis quelquefois de graves
erreurs dans les textes qu'ils ont publiés. Je me conten-
terai de citer en ce genre le célèbre W. Jones, qui, dans sa
Grammaire persane^ avait donné fautivement nombre de
vers qu'il m'a été facile de corriger dans la nouvelle édi-
tion que j'ai publiée de cet ouvrage, en les scandant avec
soin.
RHÉTORIQUE
DES
LANGUES DE L'ORIENT MUSULMAN
PREMIÈRE PARTIE
DE L'EXPOSITION, ^^Lj
•
La science de rexposition (^'^) consiste en certains
principes et règles dont Tintelligence donne la facilité
d'exprimer la même chose, ^^*^y de plusieurs manières
différentes. Or, ces différentes indications, wJbî j, peu-
vent être plus ou moins claires, et on les distingue en
trois espèces. La première est positive , ^^^ * ; elle
consiste en une expression qui indique tout le sens de
Tobjet, py^y^ dont il s'agit. C'est comme lorsqu'on
^ A la lettre, relative au ^^ « le sens propre )>• (Bulletin
hist et ph. de l'Ac. imp, des sciences de Saint-Pétersbourg,
t. XII, p. 243).
K
^ 2 —
désigne Vhomme sous le nom d'animal raisonnable. La
deuxième est elliptique, J^ ; c'est lorsqu'on ne dé-
signe qu'une partie de l'objet, comme, par exemple,
lorsqu'on dit sedlemeiit qile Vhorhrtte e^t un animal, ou
bien, seulement encore, qu'il est raisonnable. La troi-
sième est annexe^ ^!)^'» ®* ^^ ^®^* désigner par là
une expression relative à un sens qui est en dehors de
l'état réel de l'objet, mais qui s'y rattache. Ainsi, c'est,
p^ etetophi lorsqu'on se ieri 4u mot vie^ poiii* iilâii-
quer un homme.
Quand on veut exprimer une chose de plusieurs ma-
nières différentes, on ne peut pas employer l'indication
positive, ^5«^^, qui ne se produit que d'une seule
façon, »^*^, et ne peut être, par conséquent, ni plus
ni moins complète* Ainsi, les mots «x^t, v^^^^ÂJuaà,
^U., qu'on emploie, en atfabe, pour désigner le lion,
j^j ne représentent cependant pas tout à fait ce dernier
mot, parce que quelques-unes de ces expressions sont
plus claires que d'autres pour désigner l'animal dont il
s'agit.
Toutefois^ on peut exprimer ces différents sens par
l'indication elliptique, {^^^t^^i ^^ annexe, flr^U oar un
objet, p^> peut avoir plusieurs qualités annexes, ^j]^-,
dont quelques-unes sont proches, w^^, à causie qu'elles
s'y rattachent immédiatement « l^Ltj «juiS ^'<ty>*^ et
d'autres éloignées , o^ , parce que leur liaison à^ec
l'objet dont il s'agit n'est que médiate, oytS=» v^^^-^c-^
Or, cette proximité ou cet éloignement sont une causé
de clarté, ^t^^^j), ou d'obscurité, [*s>.. Ainsi, quand on
— 3 —
Appelle « lotigde baudrier, » ^Ur^' Ji^? ui^ " homme
de haute taille ]>, ^ j^j^^ et « abondant en cendtes »^
oUjJI^^Jâa», « un hôte généreux », la qualité exprimée
dans la première cbmparaison est proche^ et dans la
seconde éloigna ; oai* Tabondance de la cendre dépend
de ce qu'on brûle beaucoup de bois, oe qui tient à oe
qu'on feit beaucoup de cuisine» par conséquent» qu'on
reçoit souvent des hôtes; oe qui indique enfin u Un hôte
généreux » ;
une chose,^, peut aToil* plusieurs parties, j^, et
ces parties se subditisent encore. Or, Tindication d'une
^rtion de l'objet est plus claire que celle d'une partie
de la portion* Ainsi, l'emploi du mot corps^ ^Um^, en
pai'lalit d'un mimai , ^^j^, est une indication plus
claire qtie le même mot en parlant d'un homme^ ^LJi ^
Il est évident, d'après ce qui précède, quele but, ^j^i
dé la science de l'exposition, ^;L^, c'est la considéra*-
* Parce que le Corps est en quelque sorte une portion de rani-
mai et l'animal une portion deThomme. On appelle homm$y dit
Imâm Bakhsch, qui a développé en urdu les mômes règles de
rhétorique, Tôtre doué de la parole^ c'est-^-dire celui qui est à
la fois animal éi doué de la parole ; et on nomme animal un
e^^rpB susceptible de oroiàsance sendibie^ et qui se meut de lui-
même. Un tel être est donc une portion de Tbomme (quant à
ses qualités), de même qu'un corps n'est aussi (quant è ses qua-
lités) qu'une portion de VamMÊkol^ et ainsi le twrpê est la portion
de la portion de l'homme. Donc indiquer VùnitMi par le mot
Mrpt^ qui en est la portion (d'après ce qui rient d'être dit),
c'est une indication claire ; mais le môme mot, en parlant de
rhomme, est une indication moins claire, puisque le corps n'est
qu'une portiqii de la portion de l'homme.
— 4 —
tion, jLscl, des dépendances, vl^UjiJL», ou des rapports
des choses, ^L*', entre elles. Or, cette connexité, a^,
peut se trouver des deux côtés, comme, par exemple,
celle qui existe entre rimâm et le fidèle^ ou d'un seul,
comme entre la science et la vie^ la bravoure et le lion. Si,
pour exprimer une qualité annexe à la chose dont il
s*agit, on emploie un accompagnement, ^^, en l'ab-
sence de la désignation précise de l'objet, on appelle cette
expression une métaphore, )^^9 et si on présente l'objet
lui-même d'une manière métaphorique,^!^, on nomme
cela métonymie^ àjb^. Or, le rapport qu'il y a entre la
métaphore et la métonymie est celui du simple^ ^jàf , au
composé y s-^y, parce que, dans la métaphore, jLac^, on
exprime la qualité annexe, >j^, sans mentionner l'objet
lui-même, p^; et, dans la métonymie, on peut les
exprimer l'un et l'autre. Ainsi la métaphore représente
une partie de la chose, tandis que la métonymie la re-
présente toute. Dans la métaphore, il faut qu'il y ait
dépendance ou correspondance, ^5%^ entre le sens réel,
J-afiw, et le métaphorique, ^jUr^. Or, si c'est une
dépendance de comparaison, on nomme cela un trope^
Zjlxx^] *; et s'il y a encore autre chose que comparai-
son, on le nomme métaphore mMiate^ à la lettre, ren-
voyée, ^f jW* *.
^ C'est-à-dire remploi d'un mot dans un sens figuré, ou plutôt^
ainsi que le dit Gladwin {Dissert, on the RheU eU., p. 58)»
une sorte de similitude^ comme lorsqu'on nomme lion un homme
brave.
^ On trourera en son lieu l'explication détaillée de ce genre de
métaphore.
— 5 —
On voit par là que le fond de la science de l'exposi-
tion, j^tr-f ) consiste en quatre points principaux : l"" la
comparaison^ *t^^5 2* le trope^ »jIjcl-I; 3» la métaphore
médiate ou renvoyée^ J--^ jis^ ; 4* la métonymie^ i^b^
CHAPITRE !•'.
DE LA COMPAIUISOIf, UJJ
Le mot comparaison^ ^^^ï^, signifie assimilation de deux
choses en un seul sens. On nomme la première de ces deux
choses l'objet comparé^ i^, la seconde, l'objet auquel on
compare, ij aJ^, et le point qui les réunit, le sujet de la
comparaison^ ^ ^j. De plus, entre l'objet comparé et
celui auquel on le compare, il faut qu'il y ait association
ou parité, vjïya»!, en quelque chose, et, sous un autre
rapport, qu'il y ait éloignement ou disparité, ^jl^'- En
effet, ces objets doivent être différents dans leur essence,
v::.X&i^» et pareils quant à leurs qualités, w^â^, ou vice
versa. S'il n'y a aucune espèce de différence dans les
deux objets, il y a alors pluralité^ ^Jjù*; mais la compa-
raison est nulle.
On a aussi nécessairement un but, j^jà^ dans la com-
paraison, car on ne l'emploie que dans un dessein quel-
conque. En outre, elle offre éloignement, Jjo, on proxi-
mité, w^5 ; répulsion, ^, ou acceptation, J^. Enfin, il
y a encore l'instrument, c^'^t, de la comparaison. Nous
avons ainsi à expliquer plusieurs choses : 1° la chose
comparée, a^, et l'objet de la comparaison, ^j a^^ ;
2* le sujet de la comparaison, a^ a^.^ ; 3** le but de la
comparaison, a^-JJ jojà; 4* les espèces différentes de
comparaison, à^* >Lit; 5^ Tinstrument de la eompa-
raison, i^ vj!^bl. de sera Tobjet de einq différenteg
sections.
SECTION I"
Des deux objets de I4 ooipp^n^i^ep, àj J^iu^j aJ^
L'objet qui est comparé, aJui, et celui auquel on le
compare, aj ^^, peuvent être atteints ou par un des
cinq sens extérieurs ou par Tesprit. Dans le premier
cas, ils peuyeAt l'être d'abord par la yue, comme dans
ce Yera de Hakîm-Açadî-Tûcî * :
Il vjt upe joçi^ cprnff^e la rpse. CQftft jpuequi pnflanuperinia-
ginatipp. il la vit pareille à l'aiirore bfiUante du nau rozK
Ils peuvent Titre, en second lieu, par Uoide, eepme
dans cet hémistiche de iQiècftnt :
^/\y jiT^^ ^\jJ:> J^j^ -i^
Tantôt Toispaa fait m g§7P^Uleipei|t semblabla ai; (ifttf^inent
des anneaux des pieils de celles qifi enlèfvputles ppeur^...
La comparaison peut se rapporter à Todorat, comme
dans ce vers de Fauteur :
* Pu le docteur Aç&dl de T^s. (Vqyez si^r cp poëtp persap
célèbre, contemporain de Firdauci, J. de Hammer, Geschichte der
8ch. Redek. Persiens^ p. 49.)
^ Le premier jour de Téquinoxe du printemps et le jour de Tan
des Persans.
— T —
Par ce vin couleur de rose, et qui nourrit le saule noirâtre* ,
cet arbre sans valeur a acquis l'odeur de la rose et du musc.
La comparaigpn peut avoir trait s^u goût^ comme dans
le vers suivant de Fauteur :
Hier l'échanson avait dans sa coupe un vin tel, que le palais
trouvait qu'il avait le goût agréable de Fean merveilleuse du
paradis.
Voici, pour le toucher, un vers de Ehâcâni comme
exemple :
Son sein est aussi doux que la plus fine étoffe de soie, mais
son cœur ressemble au dur canevas (pd2a<= filasse). Toutefois
je me contente du canevas à cause de la soie.
Une autre espèce de comparaison relative aux sens,
c'est lorsque, par un effort de l'imagination, on effectue
une réunion d'objets sensibles, réunion qui ne saurait
avoir une existence matérielle. Or, comme les choses
^ L'auteur veut parler ici, je pense, du saule muscat, dli^ «XJt
dont les fleurs odorantes fournissent une huile suave. (Voyez une
note sur ce végétal dans mon ouvrage intitulé : le» Oiseaux et
ki Fleu/rSf allégories arabes, p. 142 et suiv.)
— 8 —
accessibles à rimagiûation ne sont pas en dehors des
sens, on compte aussi cette comparaison au nombre de
celles qui sont relatives aux sens. En voici un exemple
dans le vers suivant :
Lorsque la rouge anémone^ s'incline (par l'effet du vent) et
se relève ensuite, on croirait voir des drapeaux de rubis déployés
sur des piques d'émeraude.
Les drapeaux de rubis et les piques d'émeraude n*ont
pas d'existence matérielle (ou extérieure, ^jLà.); niais
ce dont ces objets se composent, savoir : les drapeaux
et les rubis, les piques et les émeraudes, sont accessi-
bles au sens de la vue.
Quant à la comparaison intellectuelle, ,Jiô, c'est celle
que l'esprit seul peut atteindre, et non les sens, comme
lorsqu'on assimile, par exemple, la science à la vie^ et
comme dans ce vers d'Azraquî * :
* Dans le Mukhtaçar ul-maanî où ce vers arabe est aussi cité,
il est dit que le i^tï^» ^^ pluriel ^^^Liùi., est une fleur, ^%j
(ce mot, qui signifie proprement rose en arabe, se prend aussi
pour/ïewr, comme Ji", en persan), rouge, mais noire au milieu,
qui croît dans les montagnes. (Voyez les Oiseaux et les Fleurs.
p. 142 et suiv.
*Poëte persan du xii* siècle, auteur du Sindibàd^ameh ^
poëme sur lequel feu Forbes Falconer a donné une notice inté-
ressante dans VAsiatic Journal en 1 841 .
— 9 —
La perspicacité de ton esprit est comme la table des destinées
conseryées dans le ciel ; Tatome de Toubli ne doit pas y trouver
place.
Ici te joerspicacti^ est l'objet comparé, et te table mysté-
rieuse Tobjet de la comparaison; or, run et l'autre ne
sont accessibles qu'à l'esprit, et non aux sens.
Quant aux comparaisons dont Tintelligence dépend
de la réflexion, comme s'il s'agit, par exemple, du plaisir
ou de la peine, de la détresse ou de l'abondance, etc., on
les compte parmi les comparaisons intellectuelles^ ^Jic.
En voici un exemple dans le vers suivant de l'auteur :
>\j ^ù o3 ) ^J-Jufi Jt
Les tourments de Tamour sont une autre jouissance; les
peines des amants sont de nouveaux plaisirs.
On compte aussi parmi les comparaisons intellec-
tuelles celles qui consistent en des choses auxquelles
on donne une forme conjecturale, ^j. Or, la différence
qu'il y a entre les choses de conjecture^ ^^s^J ' ®^ celles
d'imagination^ J?^> c'est que celles d'imagination ré-
sultent de la réunion de choses accessibles aux sens,
que combine la force Imaginative, comme dans l'expres-
sion O^L; Jo, le drapeau de rubis^ employée plus haut,
tandis que les choses de conjecture, ,c^^ , ne résultent
pas d'une réunion de choses accessibles aux sens; mais
elles prennent une forme particulière que leur donne
la puissance Imaginative : c'est comme, par exemple,
lorsqu'on se figure un Iwmme à dix têtes ou un ogre à
figure et à dents de lion.
— 10 —
Voici un vers d'Ammlcals qui servira d'exemple à ce
que nous disons t
Me faera-t-ily moi qui ai sous mon chevet mon épée du
Yémen, et qui possède des flèches aiguës et bien trempée^
(bleues), semblablts aux dents des ogres* ?
Le sàym\ T4f(atôn)« dans son ouvrage intitulé Mu-
tatu^fc^l % éUMW une différence entre la comparaison
conjectural^^ ^c^^jj ®* Vimaginative, J^lt^^ ®t ^^ Teiplique
comme nous l'avons fait. Toutefois, au premier coup
d'œil, on n'aperçoit pas cette différence ; car Tidée d'un ^
homme à dix têtes et à dix chevelures^ d'un ogre à figure et
à dents de lion^ paraît absolument pareille à celle d'un
drapeau de rutris^ ^^^ aU, et de lances d'émeraude^
:yj ^L»j, ce qui a été cité parmi les comparaisons Ima-
ginatives, J>Lê* En effet, les éléments constitutifs,
^t^ t , 4e c^s deux espèces de comparaison sont em-
priantes auip objets sensibles, vI^L-j*-œ^, et l'imagina*
tiqn les a associés. Toutefois, la conjecture^ ç/^^^ h pro-
prennent parler, c'est l'attribution d'une forme à une
tîbose qu'on n'a pas vue, tandis que Vimagination, J^i
se forme d'une réunion de choses sensibles. En consé-
* Conf. Diwan d'Amri|)cais par M. le baron de Sldfie, pagQ "][,
34 et 77; et de Sacy, Chrest. arabe, t, III, p. 52.
* Célèbre traité arabe de rhétorique dont le titre complet est
^^^ s3^ Jj^' L'auteur mourut en 1389 de l'ère chré-
tienne.
— 11 —
quenoe^ la cdnjeeture, a^j» juge des efaoMfi qui ne
tombent pas sous les sens, et Vimaginalian^ J^i oe va
pas au delà de ee qu'ils atteignent. Ainsi, lorsqu'on se
figure un ogre, un ange, ou un autre être qu'on i^'a pas
Yn, c'est une conjecture, ai»^, car l'imagination est in-*
safflsante à se représenter ces sortes d'objets.
Il peut se faire qu'un des deux points de la compa^
raison soit sensible, ,<**^' ^^ l'autre intellectuel, ,^Ji&,
comme lorsqu'on assimile la justice à une balance, et
Vessence de roses à un naturel généreux. En voici un
exemple dans le vers suivant de Khâcànt :
La vie est un pont délabré qu'un torrent menace de détruire.
Tâche de trayerser la brècbe du pont avant Tarrivée du tor-
rent.
Danâ ce vers, l'objet comparé est intellectuel, et celui
auquel on le compare est sensible.
Le résultat de ce qui précède, c'est que, dans la com-
paraison, les objets comparés peuvent être de quatre
sortes : 1 ** tous les deux sensibles, ^-^^^ ; 2' tous les
deux intellectuels, ^J^; 3*» l'objet comparé sensible et
l'autre intellectuel j 4° le contraire de ce dernier cas.
SECTION II.
Sur le sujet, ^^, de la comparaison.
On entend parla l'espèce de parité, vllt^t, qui est
exigée entre les objets qui sont comparés. Or, il faut
— 12 —
savoir que ces objets sont pareils quant aux qualités
essentielles, mais différents quant aux qualités exté-
rieures, ou vice versa. C'est comme, par exemple, deux
corps pareils, mais dont l'un est noir et l'autre blanc,
ou, au contraire, deux choses longues l'une et l'autre,
mais dont l'une est un corps solide et l'autre une sim-
ple ligne.
Ces qualités, cuâ^, peuvent avoir d'abord rapport
aux sens, ^j^ ^xu^^ ou à l'esprit, JJb. On rauge dans
la première catégorie les qualités du corps relatives à
la couleur, à la forme, à la dimension, ^^ jX», au mou-
vement, à la voix, au goût, à l'odeur, à la grossièreté,
vjiJyLtfL, à la finesse, vj:^sa.bl», à la dureté, à la douceur,
à la lourdeur, à la légèreté, à la chaleur, à la froideur,
à l'humidité, à la sécheresse, et autres choses sembla-
bles qui sont accessibks aux cinq sens. On range dans
la seconde Ips qualités morales, ^LiJ ^ZÀ^^ telles
que la perspicacité, la science, l'intelligence, la puis-
sance, la générosité, la munificence^ la douceur, la
colère, la bravoure, et autres qualités analogues qui
sont accessibles à l'esprit.
D'un autre côté, la qualité, vj>i^, peut être produite
par le raisonnement^ v^) W^' (ou dépendante^ ^^^ ) : telle
est la comparaison d'un directeur spirituel au soleil, parée
que l'un et l'autre écartent les ténèbres (spirituelles ou
matérielles) *. La qualité que l'auteur de la comparai-
* L'exemple que je cite ici est emprunté h l'ouvrage d'Imâm
Bakhsch. Il est destiné à éclaircir l'obscurité de la théorie toute
seule.
- 13 -
son a en vue est évidemment une qualité d'argumenta-
tion, l^ wi-o, car il faut raisonner pour la découvrir.
On peut qualifier aussi une chose purement imagina-
tive, ^jj^^ et conjecturale, ^^^^j, comme les dents des
ogres ^ qui ont été mentionnées dans le vers» cité plus
haut^ d'Amrulcaîs.
La qualité peut se rapporter, enfin, à une ou à plu-
sieurs choses, et la vérité qu'on exprime peut être ou
simple, iiuuj , ou composée, w^^
Ainsi le sujet de la comparaison est de différentes
espèces, oyjj* , conformément à ce qui précède. Il est
unique f ^^^1^? ou multiple^ jjjùC^; et, dans ce dernier
cas, les choses dont il se compose peuvent être réunies
en masse, J^'j c^j^^ ^^ rester séparées.
L'objet de la comparaison unique est ou sensible^
-«o., ou intellectuel^ ^Jjb. Pour le sensible, il est né-'
cessaire que les deux objets comparés soient l'un et
l'autre sensibles, parce que le sujet, Aa^ , de la compa-
raison se tirant aussi bien de l'objet comparé que de
celui auquel on le compare, si un d'eux est intellectuel
^Jic, il ne peut pas cesser de l'être. Mais, lorsque l'objet,
Aa^^, de la comparaison est intellectuel, il n'est pas né-
cessaire que les deux objets de la comparaison soient
l'un et l'autre intellectuels, parce que l'esprit peut
atteindre les objets sensibles, tandis que les sens sont
incapables d'atteindre les choses intellectuelles. Aussi
les rhétoriciens assurent-ils que la comparaison dont
le sujet est intellectuel est plus commune que celle
dont le sujet est sensible.
La comparaison dont le sujet est unique et sensible,
— u —
c'est, t^ar exemple, la couleur rouge dans la comparaison
de la joue à la rose; la douceur du son dans la comparai-
son du murmure de là yôix au bruit lointaiti des pieds
des chameaux ; la bonhe odeur dans la comparaison des
boucles de cheveux à Tambi-e ; le goût agréable daûs lË
comparaison de Teau de Eauçar au Tiil ; la finesse dans
la comparaison de la peau (d'une femme) à la Soie.
La comparaison dbnt le sujet est uhique et intel-
lectuel, c'est, par exemple, la bravoure dans la cottt-
paraisbti d'un brave à un lion; la viviftcation ddils la
comparaison de la science à la i)ie; ta direction dans Id
comparaisoii de la science à ta tuniière; là satisfaction
(qu'on éprouve) dans la bdmparaison d'Une bonne
odeur à un naturel généreux.
La comparaison dont le sujet est multiple, JJjo,
mais en un seul faisceau, et, par conséquent, composé,
w%f^, est aussi ôU sensible^ ^c*^» ^^ intellectuelle ^
,JJb. Lorsqu'elle est sensible, 'elle peut êtfe de plu-
sieurs sortes.
La première, c'est lorsque lés objets de la comparaisoil
sont uniques et que le sujet de la Comparaison est mul-
tiple. Gomme dans la comparaison de Vitincelle à Vosil
du coqy quant à la rondeur, à la roUgèur et à la dimeil*^
sion, et comme aussi dans ce Verâ d'Abû-'lforah :
Le coursier rapide sur lequel il est monté est pareil à la yoûto
du ciel; le parasol qui garantit sa tôte de l'ardeur du soleil
ressemble au halo de la lune.
— 15 —
Ici le sujet de la compèitaisoii est d'assimiler le cheval
au ciel (tiuant à la majesté, à rélévatibn de la taille et à
la célérité de la course; et le parasol au halo^ quant à la
rondeur et à l'éclat.
La deuxième espèce de comparaison composée et
sensible, c'est lorscîue lëfe trois objets (l'objet comparé,
celui auquel on le compare, et le sujet de la comparai-
son elle-même) sont composés et sensibles, comme dans
ce vers arabe de Baschschâr*, où il décrit tin coliibat :
L
^v (J^ ^ï jl^ ^>S
S\^ ^,[^ jj [^U,
La pdussière qui Voie au-dessu.4 de nos tètes et dé nos épées
scintillantes ressemble à une nuit dont les astres marchent en se
succédant.
Ici l'intention du poëte est de comparer la poussière
et l'éclat d'une épée qui brille au milieu d'elle à une
nuit pendant laquelle des étoiles tombantes traversent
successivement le ciel; et tout cela est réuni sous un
seul aspect, l'auteur ne comparant pas séparément la
poussière à la nuit, et l'épée à l'étoile tombante.
La troisième espèce de comparaison composée et sen-
sible, c'est lorsque l'Objet qui est comparé est simple.
J|^, et sensible^ et que celui auquel ou le compare,
ainsi que le sujet dé la compairaison, sont composés et
âeniibles, comme lorsqu'on compare le soleil à Ùii ml-
* Sur ce poëte, on peut consulter le Dictionnaire biographique
d'Ibn-KhalHoan. (Voyez tome I, p. tH de k traduction de
M. le baron de Slane^)
— 16 —
roir que tient une main tremblante, car ici, la compa-
raison est d'un seul aspect, parce qu'il résulte à la fois
de la rondeur, de l'éclat et du mouvement convulsif
des deux objets dont il s'agit.
On trouve un exemple de ce genre de comparaison
dans cet hémistiche d'Âbd-ul-Wàcî-Jabalt :
Tes joaes sont du lait mêlé à du vin.
Ici on veut comparer la joue à du lait mêlé avec du
vin. Le sujet de la comparaison est donc le mélange de
la couleur rouge avec la blanche.
La quatrième espèce, c'est lorsque l'objet auquel on
compare est simple, et que l'objet comparé, ainsi que
le sujet de la comparaison, sont composés, comme dans
ce vers de Khâcâni :
cT^' ^^y^ c^-^' fij ^^
Les yeux de Tennemi font, par la blessure des armes, cent
ouvertures pareilles k la plaie purulente produite par le fer.
Ici, l'objet que l'on compare, ce senties cent ouver-
tures que l'œil de l'ennemi produit par la pointe des
lances, et l'objet auquel elles sont comparées, c'est la
blessure purulente faite par le fer. Le premier objet est
composé, le second est simple, et le sujet de la compa-
^Ici le ^ i*wn%té répond tout à fait au mot anglais some;
ainsi ^>^ signifie, mot à mot, samemUk»
— 17 —
raison, semblable à une ruche d'abeilles, forme un en-
semble qui se présente sous un seul aspect.
Quant à la comparaison dont le sujet est composé^
v->^^==>^, et intellectuel^ ,P^'> ^'^^^ celle, par exemple,
que contient le vers suivant d'Anwarî :
Ta es dans le monde et tu es avant le monde, comme un sens
qui se trouve dans Texplication.
Dans cet exemple, le sujet de la comparaison, c'est la
supériorité de la chose comprise, iLx^ {comprehensa)
sur celle qui comprend, la^s^ {comprehendens). Ici en-
core, il n'y a qu'un seul aspect, vJl^^a> v^ .
Quand le sujet de la comparaison est d'un seul aspect,
mais se compose de plusieurs parties^ l)a.!, soit sensibles,
soit intellectuelles, on ne doit pas, dans la comparaison,
avoir en vue quelques-unes de ces portions seulement
et en laisser d'autres ; car, dans ce cas, la comparaison
serait défectueuse. Les exemples qui précèdent feront
comprendre cette observation.
Lorsque le sujet de la comparaison^n'est pas unique,
^^ y^, mais multiple^ ^ Jjo, et c'est ainsi, dans ce
cas, qu'il se nomme, il se compose de différentes choses
dont chacune d'elles isolément est peu importante. C'est
le contraire du sujet de comparaison composé, mais
sous un point de vue unique.
On compte trois différentes espèces de la comparaison
dont le sujet est multiple. La première, c'est lorsque
— 18
les différentes choses, U)^, dont il se compose sont
sensibles, comme dans ce vers arabe de Khâcâni :
Où sont les coupes et les verres, les soleils et les luues ?
Le sujet de la comparaison dans l'assimilation de la
coupe et du \erre au soleil et à la lune, c'est ia rondeur,
l'éclat et la circulation à la ronde.
La deuxième espèce, c'est lorsque ces mêmes choses
sont toutes intellectuelles, comme quand on compare
certains oiseaux au corbeau sous le rapport de la vue
perçante, de Fextréme circonspection et de la pudeur
dans les rapports sexuels.
La troisième espèce, c'est lorsqu'une partie de ces
choses est sensible et l'autre intellectuelle, oomme dans
ce vers de Niz&mt :
Tantôt boire du vin pareil au sang du méchant, tantôt se re-
poser sur le trône du roi.
Ia sujet de la comparaison dans Tassimilation du vin
au sang du méchant, c'est la rougeur et le désir qu'on
éprouve (de boire du vin et de répandre le sang de son
ennemi) ; or, le premier est sensible et le second intel-
lectueU
Quelquefois, en voulant exprimer le contraire, ^Liaï
— 1» —
(du sens ordinaire des mots), on dépouille, par suite,
le sujet de la comparaison (de sa valeur première). Cieoi
a lieu lorsqu'on compare d^ux choses opposées, et qu'on
prend pour sujet de la comparaison le sens opposé qui
se trouve dans ces deux choses qui sont réunies. On met
ainsi l'apposition^ jLiJ, à la place de la conformité^ w^l^.
Le but qu'on se propose par ce genre de comparaison,
c'est la plaisanterie et Tenjouement, ou la dérision et la
moquerie, comme lorsqu'on dit qu'un poltron êtt un Uan,
ou un avare^ un Hâtim *.
Il est nécessaire que le sujet de la comparaison com-
prenne les objets comparés, ^jLj^j» (les deux côtés),
c'est-à-dire qu'il doit être vrai^ (J^^^» tant pour l'objet
comparé que pour celui auquel on le compare. S'il n'est
pas exact pour un de ces deux ol^ets, la comparaison est
défectueuse, J^li. Par exemple, si, dans cette phrase,
^IxDI ^ JiK ^bl^l ^ ^1, « la grammfliire est pour
le discours ce qu'est le sel pour les mets ^, i> le sujet de
la comparaison est qu'il ^st bon d'epiployer ce dont il
s'agit, et mal de ne pas l'employer; ces 4eux choses
sont vraies, et la comparaison est bonne, parce que les
mets sont bons si on les assaisonne avec du sel, et mau-
* Chef arabe dont la générosité est prorerbiale dans l'Orient,
et dont on raconte une foule d'a?enturei plus* ou moins mer-
teiUeuees, qui font le sujet de plusieurs romans persans, hindou-
stanis, etc. Un de ces romans a été traduit en anglais par fi^
Duncan Forbes. Hâtim était chrétien; mais sa fille se fit musul-
mane,
* Ces mots sesrent d'épigraphe h FAppendic^ ^ mes Rudi^
ments hindoustanis.
— 20 —
vais si on l'oublie. De même, la correction du discours
a lieu par l'emploi des règles de la grammaire, ^^ et
son incorrection par la négligence de ces mêmes règles.
Mais si le sujet de la comparaison est de vouloir dire
que beaucoup de sel gâte les mets, et qu'un peu les
rend agréables au goût, ce sens n'est pas vrai pour la
grammaire, et la comparaison est défectueuse, parce
que si, dans le discours, on suit quelques règles de
grammaire et qu'on néglige les autres, il est incorrect
et irrégulier.
. SECTION III.
Sur le but, ^^^ de la comparaison.
Le but de la comparaison est généralement relatif à
l'objet qu'on compare, et il est ainsi de plusieurs
espèces.
La première, c'est lorsque le but de la comparaison
est d'expliquer la possibilité de l'existence de l'objet
qu'on compare, lorsque le contraire peut se soutenir,
comme dans ce vers d'Abou-Taïyib * :
Si tu surpasses les hommes tout en étant de leur nombre (ce)a
peut bien être), puisque le musc est une portion du sang de la
gazelle.
* Il s'agit ici d'Abou-Taïyib, plus connu sous le nom d*Al-Mu-
tanabbî. (Voyez la trad. d'Ibn-KLallican, par M. le baron de
S!ane,t. I, p. 102.
— 21 —
La deuxième, c'est lorsque le but de la comparaison
est de développer l'état de l'objet qu'on compare, comme
quand on compare une chose avec une autre quant à la
noirceur, à la blancheur, ou à une autre qualité. Dans
ce cas, il faut que l'état de l'objet auquel on compare
soit évident, ^li> ; autrement, la comparaison ne peut
servir à développer l'état de l'objet comparé. Le vers
suivant d'Âbû'lfarah en offre un exemple :
Par le départ de mes compagnons, mon cœur est comme un
chaudron sur le feu ; à cause des exclamations de mes amis,
mon corps est comme un oiseau dans un lieu où il est assailli de
coups.
On veut exprimer, par cette comparaison, l'état du
cœur et du corps, dans de pénibles adieux.
La troisième, c'est lorsque le but de la comparaison
est d'expliquer l'état de l'objet qu'on compare quant au
volume^ j\>^ *, comme dans ce vers d'Anwarî :
A
Quel récit ferai-je de ses hanches et de sa taille, si ce n*est
qu'on voit une montagne (U) suspendue à une paille [kâh)'i
Ici le but de la comparaison, c'est d'expliquer Yam-
^ Et, ajoute Fauteur, qui a développé le même sujet en urdu,
quant au plus ou au moins, à la force et à la faiblesse.
— M —
pleur ^ ,<^^9 ^^^ hanches 9 et la finesse ^ sSj^^^ ^^ ^^
taille.
La quatrième, c'est lorsque la comparaison a pour
but de fixer Tétat^ JL^, et la manière d'être de la chose
qu'on compare^ comme lorsqu'on compare des efforts
insensés à un dessin qu'on tracerait sur la surface de
l'eau. On emploie cette Comparaison parce que, comme
l'homme est plus habitué aux choses senisiblës qu'aux
choses intellectuelles, ce dont il se rend raison par le
moyen des sens se fixe et se grave plus promptement
dans son esprit.
Le vers suivant de Khâcâni offre un autre exemple de
ce genre de similitude :
jL.^ C^l Si^-^ !; c^ï:^^
A chaque plaisir correspond une peine, comme avec la main
droite contraste la main gauche.
La cinquième, c'est lorsque le but de la comparaison
est d'embellir l'objet qu'on compare, lorsque, par exem-
ple, on compare un visage noir à la prunelle de la ga-
zelle. En voici un autre exemple dans un vers de
Nizàmt :
Son corps blancS qui flotte dans l'efiiu, est pareil à l'hermine
ondoyante au milieu d'une fourrure grise.
*■ A la lelire, propre.
— 23 —
La sixième, c'est lorsque le but de la comparaison est
d'exposer les défauts de l'objet dont il s'agit, comme si
on compare les marques qu'ont laissées des boutons
purulents sur un visage, à un tas de bouse de vacbe sur
lequel s'est exercé le beo d'un coq. En voici un autre
exemple dans ce vers de Sanâl % contre les savants qui
recherchent les honneurs ;
Ils sont comme les ordures du chameau, qui incommodent
ceux qui le suivent, et les grosses mouches qui vous tourmen-
tent.
La septième, c'est lorsque le but de la comparaison
est de donner une idée de la nouveauté, Jy^\ et de la
singularité de la chose qui est comparée, comme si on
compare un morceau de charbon dont une partie serait
enflammée à un océan de musc (c'est-à-dire noir) dont
les vagues seraient d'or. Plusieurs métaphores pareilles
à celle-ci ont été mentionnées à l'article de la compa-
raison conjecturale, ^*»jî et imaginative^ J>'^«
Toutes les fois que le but de la comparaison est d'em-
bellir, y^^y^i d'enlaidir, .^^r^t ^^ ^® singulariser,
jt^jJax^^, l'objet comparé, il est nécessaire que l'objet
auquel on le compare soit plus connu, ^^f^^ et plus
complet, ^Ivj que le premier. Lorsqu'on a pour but,
* Madj-uddîn-Hakîm-Sanâî est un poëte persan célèbre par
plusieurs ouvrages mystiques, entre autres, le i>U ^bit, ou le
Xwftàvami le ^Oo^, ou jardin, et un diwân estimé*
— 24 —
dans la comparaison, d'expliquer le volume, la quan-
tité ou la valeur de l'objet comparé, il faut que ces
deux objets soient également connus. Lorsque le but
de la comparaison est le développement de la possibi-
lité de l'objet comparé, il faut que l'objet auquel on le
compare soit d'une possibilité certaine et reconnue.
Enfin, quant à la singularité, on doit faire attention de
n'employer pour objet de la comparaison, aj aJu^», qu'une
chose difficile à se figurer.
Telle est l'explication des différents genres dans les-
quels le but de la comparaison se rapporte à l'objet
comparé^ <ui^. Quelquefois aussi le but de la compa-
raison se rapporte à l'objet auquel on compare, ^j a^,
et cela a lieu de deux manières*
La première, c'est lorsque, de ce qui est défectueux
dans le sujet de la comparaison, on en fait Tobjet auquel
on compare, 4j i^, dans le but de faire ressortir la
perfection, c-JL*S=5l, de ce dernier objet, comme dans
ce vers arabe :
^ ^ c *
La blancheur de l'aurore qui se lève est semblable au visage
du khalife lorsqu'on le loue.
Le but de cette comparaison, c'est de mettre l'éclat
et l'épanouissement du visage de la personne qui est
louée au-dessus de l'éclat de l'aurore.
Le seconde manière, c'est lorsqu'on emploie pour
objet de comparaison, ^ aJu/», une chose plus remar-
— 25 —
quable (que celle qui lui est comparée). Dans ce cas, le
but de la comparaison est d'appeler l'attention sur l'im-
portance de la chose à laquelle on compare. Le vers
suivant de l'auteur en offre un exemple :
Comme le mendiant a éprouvé la disette des bienfaits, il prend
pour le bord du pain le disque de la lune, qui annonce la fin
du jeûne.
La comparaison est véritable, ^3»^?^ (positive), lors-
que l'objet auquel on compare est, relativement au sujet
de la comparaison, plus parfait et plus fôrt,^y, que
l'objet qui lui est comparé; mais, lorsque tous les deux
sont égaux, on ne doit plus l'appeler comparaison^ ^r^^*>
mais similitude^ àjIjJ (ressemblance). En effet, dans la
similitude, à l'opposé de ce qui a lieu dans la véritable
comparaison, on doit rendre égal l'objet auquel on
compare, aj aJUp, avec l'objet qui lui est comparé, ut^^
comme dans ces deux vers d'Abû-Nowâs * :
»i31 J^U^^ L^LaJ) j^J^ ^j^ A^;^\ 3^
Transparent est le verre, transparent est le vin ; mais Taflaire
est obscure et ambiguë. Tantôt on dirait que c'est plutôt le vin
que la coupe, et tantôt que c'est la coupe, et non le vin ^.
* Sur ce poëte, voyez S. de Sacy, ChresL ar. t. î, p. 42 et
soiv.
C'est-h-dire qu'on ne sait pas lequel est ]o plus transparent
du vin ou de la coupe.
— f 6 —
SECTION nr.
Sur les circonstances» Jly^^ (états), de la comparaison et leurs
différentes espèces.
Si on considère la comparaison relativement aux trois
choses qui ont été développées dans les sections précé-
dentes, on en distingue différentes espèces qui se ran-
gent en plusieurs classes.
§ I. — Glassetnânt de la cotnparaiâoti relatitôtnent à Tobjet
comparé et à celui auquel on le compare, àj
Sous ce point de vue, la comparaison se subdivise en
plusieurs espèces. La première, c'est lorsque les deux
objets de la comparaison sont Tun et l'autre simples,
^y^, et qu'il n'y a pas de lien entre eux, xX» ^, comme
dans la comparaison de la joue à la rose, du brave au
lion, de la science à la lumière, etc. La deuxième, c'est
lorsque les deux objets de la comparaison sont simples,
mais liés, xX», entre eux, comme dans la comparaison
des efforts sans utilité à un dessin qu'on voudrait tracer
sur l'eau.
La troisième, c'est lorsque les deux objets sont sim-
ples, mais que le lien, ^J, entre eux n'a lieu que de
la part d'un seul de ces objets, comme dans ce vers
d'Anvsrart :
Ses joues sont comme un riant parterre de roses ; les tresses
de ses cheveux sont pareilles (quant à la couleur) aux nègres
enjoués.
— «7 —
La quatrième, c'est lorsque les deux objets sont coin-
poséS) comme dans ce vers de Khâc&nl :
Tu auras tu dans le cristal (de la coupe) le reflet enflommé du
soleil, et aussi le reflet du vin se montrer dans cette même
coupe (de cristal).
La cinquième, c'est lorsqu'un des deux objets est
simple et l'autre composé. On en a vu plus haut des
exemples.
La sixième, c'est lorsque les deux objets de compa-
raison sont l'un et l'autre nombreux, ^ Jjûû», auquel cas
la comparaison peut être ou réunie {pêle-mêle) ^^^^
ou séparée^ (J-^J^- ^^^^ ®^^ réunie^ quand on mentionne
d'abord (Juelques objets qu'on veut comparer, et puis
qu'on énonce de la même manière quelques objets aux-
quels on compare les premiers, comme dans ce qu'on
nomme, en termes de grammaire arabe, wJyyuij ^ ,
réunion et dispersion symétrique. En voici un exemple
dans le \ers suivant d*Abd-ul-Wâd-Jabalî :
^-'^ (J^^ -5^-5 Sjy^ wPj 'jl— '^^
Ses boucles de cheveux tortillés, ses joues épanouies et sa
taille élégante, sont le musc pur, la rose rouge, le cyprès et le
jardin*.
* Le musc se rapporte aux cheveux, tant à cause de leur
noirceur qu'à cause des parfums dont ils sont imprégnés ; la rose
se rapporte aux joues, et le cyprès b la taille.
— 28 —
Dans l'espèce de comparaison qu'on nomme séparée^
on mentionne d'abord un objet qu'on veut comparer à
un autre, puis celui auquel on le compare; ensuite, on
énumère pareillement d'autres objets qu'on veut com-
parer et ceux auxquels on les compare *. En voici un
exemple dans un rubât de Kamàl-Ismàîl :
J^f <l^j ^r-a. ^Ljj^ wO^J
Ton visage est Tocéan de la beauté, tes lèvres sont du corail,
tes cheveux sont de l'ambre^; ta bouche est Thuitre et tes
dents en sont les perles ; ton sourcil est la nacelle ^ ; les plis de
ton front, les flots ; la fossette de ton menton, le tourbillon du
malheur; ton œil, la tempête.
La septième , c'est lorsqu'un des deux objets de la
comparaison est unique et l'autre nombreux. Si c'est
l'objet qu'on compare qui est unique, et celui auquel
on compare qui est nombreux, on nomme cette com-
paraison comparaison de pluralité^ «- ^.jJiJ. Le vers sui-
vant de Jâmî en offre un exemple :
C'est simplement une série de comparaisons.
Quant à la couleur et à l'odeur.
^ Quant à la forme.
— 29 —
Est-ce une joue que ceci, ou la lune, la rouge tulipe, les rayons
du soleil, le miroir des cœurs?
Si le contraire a lieu, on nomme cette comparaison
comparaison d'égalité^ V.^ *t^*' ^ ^^^s arabe suivant
en offre un exemple :
Les boucles des cheveux de mou amie et mon état (désolé)
sont également comme la nuit (noire).
§11. — Classement de la comparaison relativement au sujet
de la comparaison.
Sous ce rapport, la comparaison se subdivise aussi
en plusieurs espèces.
La première est nommée comparaison de similitude^
J-jt^* (exemple), c'est lorsque le sujet de la comparaison
est formé de plusieurs choses, comme il a été expliqué
plus haut (à propos du sujet de la comparaison com-
posée *).
La deuxième, nommée comparaison de non-similitude,
JJV j^^ est celle dont le sujet n'est pas composé de
^ Les rhétoriciens arabes ne sont pas du même avis h ce sujet.
Abd-ul-Câdir-Jurjâni, dans son ouvrage intitulé XcbUIjI^t, les
Secrets de V éloquence^ dit que pour qu'il y ait J.^*, il faut
que le sujet de la comparaison résulte de plusieurs choses intel*
lectuelles. Au contraire, on lit dans le Miftdh et le Mutauwal,
traités de rhétorique dont nous avons parlé dans la note prélimi-
naire de ce travail, que les choses desquelles se tire le sujet
de la comparaison peuvent être sensibles aussi bien qu'intellec-
tuelles.
— 30 —
plusieurs choses. Nous en avons donné des exemples
en traitant du sujet de la comparaison.
La troisième, nommée comparaison abrégés^ J^,
est celle dans laquelle le sujet de la comparaison n'est
pas mentionné, et elle se subdivise en plusieurs espèces :
1° lorsque le sujet de la comparaison, quoiqu'il ne soit
pas mentionné, est évident et facile à comprendre,
comme par exemple lorsqu'on compare un brave m lion^
il est évident que le sujet de la comparaison c'est la
bravoure; 2'' lorsque le sujet de la comparaison est cachée
Ji^ (obscur), en sorte que les gens d'esprit ou d'une
éducation distinguée seulement peuvent le trouver,
comme dans ce vers de Khàcàni :
Son royaume est désorganisé, le monde est en délire; car tu
peux voir chaque jour de nouvelles crises de révolte.
Ici le sujet de la comparaison, c'est le trouble et la
confusion des choses. Or, on a beisoin de réfléchir pour
Iç savoir.
3*» Lorsqu'il n'y a ni de l'objet qu'on compare, ni de
celui auquel on compare aucune description (,^^^j)
qui puisse servir h. l'indication du sujet de la compa-
raison, contune dans ce vers de Khàcàni :
i^ U-V" ^j'^ c^j^ d>jp J^j^j^
— 31 —
De sa joue, de son visage, de ses cheyeux, tu as à ia fois le
paon, le paradis et le serpent^.
4* Lorsque, au contraire, on indique d'une manière
détournée le sujet de la comparaison. Ainsi, lorsqu'on
dit, par exemple : « Le brave * Zaïd est un lion, » Tex-
pression brave découvre le sujet de la comparaison, qui
est la bravoure. Le vers suivant de Khâcànt fournit un
autre exemple de ce genre d'indication.
^^
r^ ^ c)^ b^-5 (Vr^
Lorsque son poignard, d'un vert (foncé), devient rouge par
l'effet du sang, tu vois en même temps les traces de Teau sau-
mâtre et du vin.
Par les mots rouge et verf , qui décrivent l'objet qu'on
compare, il est évident que le sujet de la comparaison,
c'est la réunion de la couleur rouge et de la couleur
verte.
5* Lorsque l'objet qui est comparé est seul décrit,
conune dans ce vers d'Abd-ul-Wàct-Jabalt ;
^ Allusion au péché originel. Selon les musulmans, le paon
accompagna le serpent dans le paradis terrestre* La joue lui est
comparée, )e visage est assimilé au paradis, et le serpent aux
tresses de cheveux.
* Proprement, oerlueti», J-^ii.
— 32 —
Sa taille est courbée, des larmes sout sur ses joues, son cœur
est plein de feu : que le cou de celui qui te veut du mal soit
courbé comme le firmament à cause de sa tyrannie ^.
6* Lorsqu'on mentionne seulement la description de
l'objet auquel on compare, comme dans ce yers de
Nâbigah * :
Tu es un soleil, et les (autres) rois (sont) des étoiles. Lorsque
le soleil paraît, aucune d'elles ne se montre.
7* Lorsqu'on mentionne la description des deux objets
qui sont comparés, comme dans ces deux vers de
Rùdakî » :
j^ ,^io n^Ip ^i JO-J J^l-^ ^J^
A
^ •• » > "^ • "^ > •• • j * *
Tes serviteurs, ô roi conquérant, sont comme des tailleurs
au jour du combat, quoiqu'ils ne soient p.as tailleurs de leur
métier.
^ La voûte du ciel est comparée à la taille courbée ; les larmes
c'est la pluie; le feu du cœur, ce sont les éclairs.
* Sur ce poëte arabe célèbre, voyez la Ckresl, ar, de Silv. de
Sacy, t. II, p. 404 et suiv. et t. III, page 261.
' Un des poètes persans les plus anciens, sur lequel on peut
consulter J. de Hammer, Geschichte der Sch, Redek. Pers^
p. 39.
— 33 —
Avec la mesure de leur lance, ils mesurent la taille de
tes ennemis; puis ils coupent ayec leurs épées et ils cousent avec
leurs flèches.
Ici les mots mesurer, couper, coudre, décrivent élé-
gamment l'objet auquel on compare (aj i^), et la
pique, répée, la flèche, l'objet qu'on compare (a*^).
La quatrième espèce de comparaison, dans le classe-
ment relativement au sujet, se nomme comparaison dé-
taillée^ ^J---a^; c'est celle dans laquelle on mentionne
le sujet de la comparaison, ou bien ce qui en dépend,
ou y est annexé, >^)Iî*44p. Le vers suivant de Salman, de
Sâwa % offre un exemple, du premier cas :
^b <r>^jLj\ ^^ y Jx)j J^ ^y)
Par l'effet de tes lèvres de rubis, la sagesse bronche, comme le
pied par T effet du vin. Mon cœur tremble par l'effet de ton œil,
comme la main par Teffet de l'ivresse.
Le sujet de la comparaison dans ce vers, c'est le bron-
chement et le tremblement.
Un exemple du second cas se trouve dans cette sen-
^ En Irâc ajamî. Ce poëte du xiii* siècle de notre ère, est au-
teur d'un diwân estimé et de plusieurs autres poésies. Azur le
cite avec éloge dans son copieux Tazldra^ intitulé Atasch kadahj
dont je possède un exemplaire lithographie que je dois à la libérale
amitié du raja Kalî Krischna. On peut voir, sur cette biographie
persane, le plus étendu de tous les ouvrages du même genre,
l'intéressante notice que N. Bland a donnée dans le journal de
la Société Royale Asiatique de Londres en 1843; et Sir Gore
Ooseley [Biog. Notices of Perz. poels)^ p. 117.
3
— 34 —
tence arabe : »j^' J, S^^ ^rtr^^ ç^^ «Le discours
éloquent est comme le miel yOur la douceur. » Ici le
sujet de la comparaison, c'est la propension naturelle
(qu'excitent l'éloquence et le miel), ce qui dépeud de la
douceur (qui y est inhérente).
La cinquième espèce, c'est la comparaison proche,
w^vS, et commune, Jj^ (triviale). On en distingue
plusieurs espèces, selon les différentes causes qui dé-
terminent ce caractère :
V Lorsque le sujet de la comparaison est unique,
comme la noirceur dans la comparaison d'un nègre avec
le charbon, et la blancheur dans celle du miel à la neige;
2* lorsque l'objet auquel on compare a un rapport pro-
chain (ou naturel) avec l'objet qu'on lui compare, comme
dans la comparaison de Idi jujube * à la pomme; 3° lorsque
l'objet auquel on compare se présente souvent à l'esprit,
comme la comparaison des cheveux à la nuit; d'un beau
visage au soleil, etc. Au surplus, dans la comparaison
proche, le sujet de la .comparaison n'offre pas de détails,
ou du moins ils n'y sont qu'en petit nombre, comme
dans la comparaison du soleil au miroir, quant à la
rondeur et à l'éclat.
La sixième espèce, c'est la comparaison excentrique,
JJo (éloignée), et extraordinaire, v-^^, et il y en a
aussi plusieurs espèces, d'après les différeates causes
^jL^A. C'est,. selon le Burhân-i câiiy un frmitde co«leUir
rouge qui ressemble k la jujube, mais qui est plus gros. On le
nomme, ajoute Fauteur de ce dictionnaire, %JLm» enara^,ei^
en hindi. Or, ce dernier mot est simplemeal le, nom de 1a
jujube en hindouslani.
— ^^ —
d'excentricité et de singularité de la comparaison :
1° lorsque le sujet de la comparaison est multiple ou
composé de plusieurs choses, comme il a été dit plus
haut ; 2*» lorsqu'il n'y a qu'un rapport éloigné entre l'objet
comparé et celui auquel on compare, comme dans ce
vers de Mukhtarî :
>r' (j^jj ^^-n^ ^j^J ^h^ j^^j
' J ♦• • J »• » v-5^ v-5 -'
Dans ce noir nuage, cette blanche neige et cette verte terre,
on voit le perroquet sortir de Toeuf du corbeau*.
Il est éyident que le nuage, la neige, le corbeau et
l'œuf n'ont pas entre eux les rapports qui existent ordi-
nairement dans les objets mis en comparaison.
3** C'est lorsque Tobjet auquel on compare ne se pré-
sente que rarement à l'esprit, à cause qu'il est du nom-
bre des choses coujecturales et d'imagination. On en a
un exemple dans les expressions : les dents des ogres, les
drapeaux de rubis ^ et autres du même genre.
4* C'est lorsque le sujet de la comparaison est com-
posé et intellectuel. En effet, plus le sujet de la compa-
raison est composé de diverses choses, plus la compa-
raison est excentrique et singulière. Cependant, cette
dernière comparaison est plus commune que celle dont
la composition (w-^^*) est coojecturale ou d'imagi-
nation.
La comparaison éloquente^ ^X, est la même que si
* Le corbeau se rapporte au nuage noir, l'œuf à la neige, le
perroquet à la terre verte. Il y a là aussi la figure orientale
nommée /Jj J).
— 36 —
elle était éloignée^ J^, et extraordinaire^ "^r^j^^ ®^ ^^^^
est le contraire de la prochaine w^^ et de la commune
Jjcty ; car cette dernière est la moins considérée dans
Véloquence^ ^)h , parce que nous préférons ce qui est
loin de nos idées ordinaires *. C'est comme l'homme
altéré qui éprouve plus de plaisir (qu'un autre) à boire
de l'eau froide.
Quelquefois la comparaison commune, J JôL», se trouve,
par une qualification particulière, ijj^*» empreinte de
singularité, comme dans ce vers de Mukhtarî :
Ce serait une lune, si la lune avait la taille du cyprès; ce se-
rait un cyprès, si le cyprès avait un sein de lune.
La comparaison d'une jeune femme à la lune et au
cyprès est commune ; mais, à cause de la condition que
le poëte y a ajoutée, elle devient rare.
I III. — Sur la division de la comparaison par rapport
au but, i^jà
Sous le point de vue du but, la comparaison se divise
en deux espèces : celle dont le but est reconnu ou accepté^
J^î et celle dont le but est écarté ou rejeté, ^j^f^.
ba première, c'est lorsque la comparaison est complète,
quant à la .désignation du but, et que l'objet auquel on
compare est, relativement à l'objet comparé, évident,
complet, rationnel, et qu'il est d'une possibilité recon-
^ Omne ignotum, pro magnifico.
— 37 —
nue par celui à qui on s'adresse. La seconde est celle
qui est défectueuse sous ces divers points de vue.
SECTION lY.
■
Sur Vinstrument ^Ji^^\ * de la comparaison.
On nomme immédiate ou énergique^ ^y^% la compa-
raison dont l'instrument n'est pas exprimé, et celui
dont l'instrument est exprimé se nomme médiate ou
pivée d' énergie j substituée^ ^y.
On distingue deux espèces de la première. En effet,
on peut supprimer simplement l'instrument de la com-
paraison , comme dans ce vers de Khâcân! :
Le yin est le soleil qui dore (la nature) ; la coupe de cristal qui
le contient, c'est le ciel. Sache (encore) que la main de l'échan-
son qui verse ce vin, c'est l'orient, et que l'occident c'est la lèvre
de l'amie (qui le boit).
Ou bien on supprime l'instrument de la comparai-
son, et on unit par l'annexion l'objet auquel on compare
(ij A^) à l'objet comparé (i-^^) *, comme dans ce vers
arabe:
*Cest-à-dire la particule, s^f^y ou plutôt le mot employé
pour unir les objels comparés, ainsi qu'on le verra plus loin.
' C'est la figure favorite de la Bible : la fille de Ston, le casque
du salut^ le hov/clier de la foi, etc. , pour Sion comme une jeune
file y le ialut comme un casque^ la foi comme un hotuiliery etc.
Ace sujet, on peut consulter mon « Coup d'œil sur la littérature
orientale».
— 38 —
Le zéphir se joue dans les branche, tandis que Ter du soleil
couchant passe sur l'argent de l'eau.
Ici rintention du poëte est de comparer les rayons
du soleil couchant à l'or, et Teau à l'argent, et il a mis
ensemble ces deux expressions, faisant de l'objet auquel
on compare {àj a^) r antécédent, ^^^^^ et de l'objet
comparé (^-iu^) le conséquent, a-H ,^1-^iaP. De là, l'expres-
sion Vor du soleil couchant, c'est-à-dire le soleil couchant
semblable à Vor; et V argent de Veau^ c'est-à-dire, Veau
pareille à Vargent,
La comparaison médiate ou renvoyée est celle dans
laquelle on emploie l'instrument de la comparaison. Or,
cet instrument est en arabe un des mots viJ, comme;
^^f de même que; Ji^, ressemblance, et autres expres-
sions analogues. En persan ; JJjL», ressemblance; ^ja.,
comme; 3)jj~i , pareil {à la manière de); ^^^ semblable
{en parité); b^ *, on dirait, etc. Les poètes persans em-
ploient quelquefois d'autres expressions au liea de ces
mots, comme dans ce vers de Naztrî ^ :
A cette fidélité équivoque, je reconnais Podeur (la manière
d'agir) de mon ami. Prenez ces roses de ma main ; car elles me
sont désormais inutiles.
A
* On emploie aussi ^, dis.
^ Poëte du Khoraçan cité dans VAtasch kadak
— 39 —
Le but de cette comparaison est d'assimiler l'ami
la rose, et l'odeur (ou la manière) de l'ami qui s'ap-
proche remplace V instrument de la comparaison.
Nous terminerons ce chapitre par la classification de
la comparaison sous le point de vue de la force^ sl>^,
et de la faiblesse, ^3*>^ ; mais, auparavant, nous devons
faire observer que la comparaison ne peut être expri-
mée que de huit façons {^) différentes. La première,
c'est lorsqu'on exprime les deux objets de la comparai-
son, et qu'on supprime le sujet et l'instrument. Exem-
ple : Zéïd est un lion, La deuxième, c'est lorsqu'il y a
interrogation, et qu'on retranche aussi l'objet qui est
comparé a^^, comme si on demande : Qu'est-ce que
Zéïd? et qu'on réponde : Un lion. La troisième, c'est
lorsqu'on retranche seulement l'instrument de Idr com-
paraison. Exemple : Zéïd est un lion quant à la bravoure.
La quatrième, c'est lorsqu'il y a interrogation, et qu'on
retranche, outre l'instrument, l'objet qui* est comparé,
comme plus haut. La cinquième, c'est lorsqu'on sup-
prime le sujet (^^.j) de la comparaison. Exemple : Zéïd
est semblable à un lion. La sixième, c'est lorsqu'il y a
interrogation et qu'on supprime, outre le sujet de la
comparaison, l'objet qu'on veut comparer. La septième,
c'est lorsqu'on exprime les quatre choses qui consti-
tuent la comparaison complète. Exemple : Zéïd est sem-
blable à un lion quant à la bravoure. La huitième enfin,
c'est lorsqu'on supprime seulement l'objet qui est com-
paré; ce qui a lieu quand il y a interrogation.
Or, de ces huit espèces, les deux premières sont les
plus énergiques (v^yl)> et les deux Kieïûiètnes>te&; plus
— 40 —
faibles (^i*^^). Les autres tiennent le milieu entre la
force et la faiblesse. La suppression de l'instrument ou
du sujet de la comparaison la rend plus énergique
(forte), parce que, dans le premier cas, il semble qu'on
veut dire que l'objet qui est comparé est véritablement
Àjuxj l'objet lui-même auquel on le compare, et dans le
second cas, il n'y a alors qu'une indication générale
(C^^), Ainsi, lorsqu'on n'énonce pas ces deux choses
dans une comparaison, elle en devient plus forte (y ^y )
ou plus énergique. Lorsqu'on n'exprime qu'une seule
de ces deux choses, elle est moins forte (ou faible^ ^^^j^^,
relativement à la première), et enfin lorsqu'on les ex-
prime toutes les deux, la comparaison est sans énergie
ou très-faible, ^3«^'.
CHAPITRE II
DU TROPE, g jLx,r-wl *.
Comme le trope est une espèce de métaphore, nous
devons expliquer d'abord ce qu'on entend par réalité^
^JLAiuaa., et par métaphore, jLcs^.
Dans la terminologie arabe, on donne le nom de
réalité au mot qu'on emploie dans le sens propre qui
lui est attribué, a3 py^y l<^^ ^^^^ ^^ dictionnaire, ou
comme une expression technique de jurisprudence ou
d'art, et on donne le nom de métaphore au mot qui n'est
pas employé dans le sens qui lui est originairement
^ Proprement empru/nt.
— 41 —
attribué, ^J ^y^^ j^ ,^^' 0^» ^® sens figuré ne peut
être conùu s'il n'y a dans le contexte quelque chose qui y
corresponde^ ^^Ji (un accompagnement), tandis que le
sens propre nommé ^^j , position^ est évident de lui-
même sans avoir besoin d'expression qui lui serve d'ac-
compagnement, ^^. La métaphore doit donc néces-
sairement avoir un lien , ^ibL , réel ou métaphorique
avec l'objet qu'on veut désigner; dans le cas contraire,
la métaphore est fautive. Si on dit, par exemple : \^ J^
^yi\ « prends ce cheval, )» et qu'on montre un livre^
l'emploi de cette expression n'est pas exact, parce qu'il
n'y a aucun rapport entre ces deux objets.
La réalité, vj^aj^aa., et la métaphore, jLsr^, sont ou
verbales, c'est-à-dire fixées par la lexicographie, ^^,
ou relatives aux lois, vJ>^ï ou spécialement notoires,
joUk ^^, c'est-à-dire relatives à quelque science ou
à quelque art particulier, ou généralement notoires,
^U ,3^, et on les classe selon cette nomenclature.
Ainsi, par exemple, l'emploi du mot Ztow, J— t, pour
un animal particulier, est une réalité verbale ou lexi-
cographique, ^y^ vj^XSa. , et en parlant d'im brave^
pLar^, c'est une métaphore de la même espèce, jUc-»
ySy^' ^^ même le mot »^, prière, pris pour o^!<*,
dévotion, est une réalité de jurisprudence^ ^^t» sJ^^mls^ ;
et employé pour invocation^ U^, c'est une métaphore de
jurisprudence^ ^j^ j'^* -^^^^i encore, dans la termino-
logie des grammairiens, J*3 est un mot spécial, ipJ
^j^c^ss^, signifiant verbe, c'est ce qu'on nomme une
réalité notoire spéciale, ^j>\à ^3^ sjuiiak ; mais pris
dans le sens de créer ^ vi^^Xa., c'est une métaphore
— 42 —
notoire spéciale, j^U. ^3^ ^^. Enfin le mot ijt^,
pris pour signifier un quadrupède^ ^ jk^» ^^t une réa-
lité généralement notoire, >Lc j^ vJl^Xaa., et appliqué,
à Thomme, jLJt, c'est une métaphore généralement
notoire, As^ sj,y^ j^* -^^ "^^^^ "^-^ ^^A^' '^^^ ®* ^'^^^
qui ont été cités, sont à la fois des exemples de réalité
et de métaphore, et les mots ^ et p La?^, vJl^^Lc et Lc^,
sont des ^j^^-ai^ iâÂ), et vi^.>=a., b jL^ et ,jL^t, qui
ont aussi été mentionnés, indiquent le sens réel et
métaphorique des quatre premières expressions.
Il a été dit plus haut que la métaphore , jlsr^ , doit
avoir nécessairement un' lien, iS!%^ quelconque avec
l'objet qu'on veut désigner. Si ce lien est autre qu'un
rapport de comparaison, c'est-à-dire, par exemple, s'il
est relatif à la cause, S^^r^r-*, s'il est nécessaire, ^ jjJ, etc.,
on nomme la métaphore, ^y ^ Si c'est au contraire
un rapport de comparaison, a-^*, on nomme la méta-
phore trope^ ïj\j>:^\. Dans ce dernier cas, quand on
omet l'objet comparé, àJu^, et qu'on mentionne celui
auquel on compare, w aaA»^, on nomme cette figure
trope évident^ ^j^li Zj[xu^\ ; en voici un exemple dans
ce vers d'Açadl ^ :
^jj^^ ^ -X^j v^!*- viJ^ lAic^
* Proprement médiate ou privée â^énergie, Voy. plus haut,
I'® partie, eh. P', sect. iv.
* Il s'agit d'Açadi, surnommé Tûçi, c'est-])i-dire de la ville de
Tons, en Khoraçan. Voy. sect. r% ch. I",
— 43 —
Sa lune * est parfumeuse '» son suer© est marchand de Tin*,
ses deux narcisses* sont des tireurs d'arcs, ses deux roses sont
cuirassées ^.
Si au contraire on laisse' Tobjet auquel on compare
et qu'on mentionne l'objet comparé, on nomme cette
métaphore trope par métonymie^ ajUwIj »jLscî*al. On en
trouvera plus loin des exemples.
L'essence du trope est de mettre l'objet auquel on
compare, à^ àJo^, au lieu et place de l'objet comparé,
À^, tellement, qu'il est peu important que ce dernier
objet soit ou ne soit pas exprimé. Dans ces deux cas,
on nomme l'objet auquel on compare robjet qui est
emprunté j à^^Jjci^^ et l'objet comparé, l'objet duquel on
emprunte, ai jlxL*^.
Les rliétoriciens diffèrent d'opinion sur la question
de savoir si le trope est du nombre des métaphores ver-
bales , ^yJ jLsr^ (figures de mots), ou des métaphores
intellectuelles, ^Jic jUr^ (figures de pensées). Ceux qui
pensent que le trope est une figure de mots donnent
pour raison que dans cette phrase, par exemple, w^|^
^j^^ Itx^t, «j'ai vu un lion qui lançait des flèches »,
phrase où le mot Hon signifie un homme brave, ce mot,
qui est employé dans l'origine pour désigner un animal
* C'est-à-dire, son visage.
* A la lettre, frotteuse de musc.
' C'est-à-dire, ses lèvres douoes c&mme le sucre, fessembient
au vin par leur incarnat.
* C'est-k-dire, ses deux yeux,
* C'est-à-dire, ses deux joues sont couverles'ifâr les btHicles de
ses cheveux.
— 44 —
particulier, est ici l'objet auquel on compare^ àj aJU^», et
n'est pas V objet comparé^ aJu^, qui est le brave. Dans ce
cas, l'emploi de ce mot, quant à la lexicographie, est
fait dans un sens qui ne lui appartient pas, et c'est ce
qui constitue la figure de mots.
Les rhétoriciens de l'avis contraire disent en faveur
de leur opinion que lorsqu'on emploie le mot lion pour
indiquer l'objet comparé^ qui est le brave, on met en son
lieu et place Vobjet auquel on le compare, c'est-à-dire un
animal particulier. Or, dans ce cas, le mot lion est pris
pour le brave lui-même, et non pour autre chose. Et
comme cette manière d'employer le mot lion a rapport
à l'esprit, Jic, et non à Vexpression^ wv*5, le trope est,
disent-ils, une métaphore intellectuelle, c'est-à-dire une
figure de pensées et non de mots.
Si dans le trope on n'emploie pas pour l'objet com-
paré, aJl^, même, celui auquel on le compare, aj aJl^»,
il n'est pas exact d'accompagner l'emploi du trope d'une
expression d'étonnement, comme, par exemple, dans
ces deux vers arabes * :
Elle est debout me garantissant du soleil, cette ftme qui m'est
plus chère que ma propre âme.
* Mirzâ Tantawi m'a appris que ces vers, cités aussi dans le
Mutauwal, sont d'Abû-'l-Fazl, fils d'Amîd.
— 45 —
Elle est debout me garantissant, et j'ai lien de m'étonner qu'un
soleil me garantisse du soleil.
Si le poëte ne prend pas la personne dont il parle
pour le soleil lui-même, l'expression d'étonnement
n'est pas juste ; mais des auteurs pensent que, dans
l'espèce, on ne peut pas prétendre que le soleil soit pris
dans lé sens qui lui est ordinairement attribué, aJ ^yoy^
car on sait bien que l'homme n'est pas identique avec le
soleil; auquel cas, le poëte a pu avec raison exprimer
rétonnement du fait dont il s'agit.
La différence entre le tro'pe^ »^L*jL-1, et le mensonge^
w>viS=>, c'est que le fondement du trope repose sur une
sorte d'explication, SiJ^** car on attribue à l'objet com-
paré, aJl»>9, la qualité^ \j^^^ de l'objet auquel on le com-
pare, w A^, et on Y joint un accompagnement, ^^i
pour indiquer que l'expression ne doit pas être prise
dans le sens qui lui est ordinairement attribué, a3 fy^y^
ce qui est contraire au mensonge, où il n'y a ni expli-
cation ni accompagnement.
Quelquefois ce que je nomme accompagnement, ^jjjS,
consiste en une seule chose, comme dans ce vers d' Açadî :
L'âme est troublée par ce buis qui marche; la raison trouve
un trésor dans ce corail qui parle.
Les mots ^^^j^, « marchant, » et ^^^^ «parlant »,
sont l'accompagnement, OjS, des mots ^U*^, «buis»,
pris pour la taille de lamaîtresse^ et de ^^yy « corail »,
pris pour les lèvres.
— 46 —
Quelquefois cet accompagnement, qui équivaut à ce
qu'on nomme le contexte, consiste en plusieurs choses,
comme dans ce vers de Khâcânt :
Lorsque, au moyen du croissant de la lune, tu voudras frapper
Mercure, ce sera Mars que tu atteindras.
Ici les mots ^^J^, <i but », et ^:>j, « frapper », sont
des accompagnements, ^i)j^9 qui indiquent que, par
le croissant de la lune, il faut entendre Varc.
On divise le trope, iJjIjcl-I, de la même manière que
la comparaison, à^J , eu égard aux considérations
suivantes :
r Relativement à l'objet qui est emprunté, ^ »jIjcu«p,
et à celui pour lequel on emprunte, iJ z^jUx^.
2*» Relativement au sujet de la comparaison, à^ a».^,
ce qu'on nomme dans le trope sujet comprenant^ d^^
>t-»La., c'est-à-dire, l'idée commune aux deux objets que
réunit le trope.
3* Relativement à la réunion de ces trois choses.
4** Enfin, par rapport à des considérations autres que
les trois précédentes.
Ces quatre considérations seront développées dans
quatre sections différentes.
SECTION PREUIÈRE.
Classement du trope relativement à l'objet qui est emprunté et à
celui pour lequel on emprunte.
Sous ce point de vue, le trope se divise en deux espè-
— 47 —
ces. La première, nommée ^lij, « concordante », est
celle dans laquelle on peut réunir en la même personne
ou chose les deux objets du trope, comme, par exemple,
dans le verset suivant du Coran, où le trope consiste à
employer viviftcatiorij 'Lwp-', pour direction ^ vJU^Ijj»*:
- ^ • *' « •*
»llJp.ti bÇ» jL^=^ ^ j^ « n'a\ons-nous pas vivifié
celui qui était mort », ce qui signifie « n'avons-nous
pas dirigé celui qui était égaré. » Dans cette compa-
raison, la vivification est l'objet emprunté, et la direction
l'objet pour lequel on emprunte. Or la réunion de ces
deux choses dans la même personne est possible.
La seconde espèce, nommée opposante, aj^U>, est celle
dans laquelle les deux objets du trope ne peuvent pas
être réunis dans la même personne ou chose. C'est, par
exemple, lorsque l'on compare à un vivant^ un mort dont
les belles actions sont restées sur la page du siècle ; ou
bien à un morty un vivant qui est ou insensé, ou sans
énergie, ou endormi. Il est évident que dans ces deux
cas la réunion de l'idée de vie et de mort dans le même
individu est impossible.
Une variété de cette espèce de trope , c'est l'emploi
qu'on en fait par manière de plaisanterie ou de dérision,
ce qui a déjà été expliqué précédemment à propos de la
comparaison*, lorsqu'on dit, par exemple : \sX^\ vJt^i'j»
«j'ai vu un lion », et qu'on veut parler d'un poltron,
et Ivl^ ^^1;» «j'ai vu un Hatim », en voulant dési-
gner un avare.
* Surat,Yl, verset 122.
^ A la fin de la section II du chapitre i®', I'® partie.
— 48 —
SECTION II.
Classement du trope par rapport à l'idée commune qui en réunit
les deux objets^.
Sous ce point de vue le trope se divise en quatre
classes.
La première se compose des tropes dont le sujet,
aaIcs. iAj, OU ridée commune, est à la fois comprise et
dans l'objet emprunté et dans celui pour lequel on
emprunte, comme, par exemple, le mot ^JsS dans ce
verset du Coran*: L^l J^j^^ v3 /^La^Hj, «nous les
avons divisés (coupés) en nations sur la terre. » En effet,
le mot >JaS est employé pour signifier couper {séparer)
Vun de Vautre des corps qui sont réunis. Or, dans le verset
que nous venons de citer, la division des nations^ a^^ f^^^i
est l'objet pour lequel on. emprunte^ et la séparation des
corps, > t-u*2wt ^Jaiu*, V objet emprunté. L'idée commune,
c'est la dissolution de la jonction et de l'union, et elle
se trouve comprise dans les deux objets du trope; mais
elle a plus d'énergie dans l'objet emprunté que dans
l'autre *.
* fi^Law Aa.j h la lettre, le sujet comprenant ou réunissant (les
deux objets du trope); ce qui équivaut à ce qu'on nomme dans la
comparaison ^ àc^j , le sujet de la comparaison des deux
objets.
* VII. 167.
* Uauteur du Mutauwal dit h ce sujet que tel est le trope qui
consiste à assimiler à la reprise, a^, d'une déchirure dans un
vêtement, la réparation, L^, des mailles d'une cuirasse. L'idée
— 49 —
En -voici un autre exemple emprunté à Abd ul-Wâcî
Jabâli :
i ' fti > ^mm) \ I ^ ym!j ^-^ I ^-^ ka-rt^ 'm ' HT * k..)
Ton discours est la preuve de ta conduite délicate ; tes action
témoignent de la noblesse de ton lignage.
Ce vers signifie : « tes discours et tes actes attestent
ta conduite délicate et ton noble lignage. » Or cette
attestation est exprimée dans le trope par les mots
»)y , « témoignage », et JJ^, « preuve ».
La seconde espèce est celle dans laquelle le sujet qui
réunit les deux objets du trope, ^Iss, a».^, n'est compris
ni dans Tun ni dans l'autre, comme, par exemple, lors-
qu'on se sert du mot lion pour indiquer un homme
brave; car ici l'idée commune, c'est la irarottr^, chose
qui n'est réellement comprise ni dans l'homme ni dans
le lion.
Le vers suivant, de Hakîm Ansarî *, offre un exemple
de ce genre de trope :
^^La. J^-a. dj^ ^A^ i Ij ^^r^=*
Ton corbeau est devenu blanc dans la main du temps. Rien
autre que la magie n'a pu changer ainsi sa couleur.
commune 5x./>Ls^t est ici de rattacher, I^, et elle est comprise
dans les deux objets du trope; mais elle a plus d'énergie dans le
premier.
^ Sur ce poôte, voj. de Hammer, Gesch. der Redek, Pers.
page 46.
4
— 50 —
Ici l'auteur entend par le corbeau la jeunesse, et le su-
jet du trope, c'est la noirceur.
La troisième espèce, c'est lorsque le sujet qui réunit
les deux objets où l'idée commune est manifeste à la
première vue, comme dans ce vers de Nizâmî :
Tes nègres «adorent eucore le feu ; les yeux sont encoro ivres
comme des Turcs.
Le trope consiste ici à désigner, par les nègres, les
grains de beauté, et par le feu, la joue. Or l'idée com-
mune est, dans le premier cas, la noirceur^ et, dans le
second, V éclat y ce qui est évident au premier coup
d'œil.
La quatrième espèce, c'est lorsque le sujet réunissant,
a^Lo. 6^j est caché, et que les gens seulement d'un es-
prit cultivé peuvent le deviner.
Le vers arabe suivant, où l'auteur parle de son che-
val, qui était bien dressé, offre un exemple de ce trope,
nommé extraordinaire, ^^ vc :
Il (le cheval) ronge son frein (paisiblement), jusqu'au retour
du visiteur^ > lorsque ce dernier a lié sa bride à T arçon de sa
selle ^
* C'est-k-dire du cavalier qui Ta laissé pour alUr faire uue vi-
site.
' D'après le ilfti(auU7a2, ce vers eiit d'Yaztd béti^MusIamat ben-
'Abd ul-malik.
— 51 —
Dans le trope de lier l'arçon de la selle avec la hride^ la
chose empruntée iJ^ jUcu.^, c'est le mot ^^\ qui si-
gnifle proprement lier le pied au genou de manière à for-
mer un anneau^ ce qui est dit ici de la bride qu'on at-
tache à la selle. Or le sujet de la réunion des detix objets
est caché.
Quelquefois le trope ordinaire, ajj»L©, et commun,
JjlX», acquiert de la singularité, w^J;ê, par Tapplica-
tion qu'on en fait S comme dans ce vers de Kh&cànl,
qu'il adresse au soleil :
De ton abondance, les deux petits nègres^ dans leurs deux
berceaux, se nourrissent de lait.
Ici le poète, par les deux petits nègres, entend la pru-
nelle de l'œil, et par le lait, l'éclat du soleil. Il veut
dire : la prunelle de TobII tire du soleil sa faculté de
voir, de même que l'enfant tire sa force du lait qui le
nourrit. Or, quoique les choses qui sont mentionnées
dans ce trope soient isolément communes, toutefois, à
cause de leur réunion, elles acquièrent de la singula-
rité ; car ici le sujet réunissant^ c'est le profit que retire
une chose noire et petite d'une chose blanche et bril-
lante, et non pas simplement le noir et le blanc.
^ La môme chose a lieu pour la comparaison. Voyez à la Un
du % â| section ivdu chapitre !•'•
— 52 —
SECTION m.
Classement du trope, tant par rapport à la chose pour laquelle
on emprunte que pour la ehose empruntée, et relativement à
ridée qui les réunit.
Les deux objets du trope, ^j\j:l^^ JjLjûu^, peu-
vent être l'un et l'autre sensibles, ^c-**^, ou l'un et
l'autre intellectuels, ,Jic, et aussi un des deux peut
être sensible et l'autre intellectuel. Quant au sujet qui
réunit les deux objets et qu'on nomme sujet réunissant,
«j»La. Aa.^, il peut être de trois sortes, savoir : ou sen-
sible^ ou intellectuely ou variée r^^^^» c'est-à-dire intel-
lectuel et sensible à la fois, parce que les sens ne peu-
vent atteindre à l'intelligence, tandis que Tintelligence
peut atteindre les sens, ainsi qu'il a été expliqué à l'ar-
ticle du sujet de la comparaison*. Ces différentes condi-
tions forment six genres de tropes distincts.
Le premier, c'est lorsque les trois choses dont le
trope est formé sont sensibles, comme dans ce vers de
Khâcânl :
Le millet doré sort des pores du flacon de terre qui a absorbé
Teau de la fraîche tulipe.
Ici le poëte compare le vin à la tulipe, et l'humidité
qui transpire du vase de terre, au millet doré. Ce qui
* Chapitre I", section ii, P" partie.
— 53 —
réunit ces deux objets, c'est la couleur, la forme et la
quantité, et ces trois choses sont sensibles.
Le second, c'est lorsque les deux objets du trope sont
sensibles, et que le sujet réunissant, jt^U. Aaj, est in-
tellectuel, comme dans ce passage du Coran : /»^ î^ »^
jL^I ^- jLJ ^J^\, « et un signe pour eux*, c'est la
nuit, de laquelle nous arrachons le jour. » Ici, l'objet
de l'emprunt, JjUûu«p, c'est l'apparition des ténèbres
de la nuit, et la chose empruntée, ^jixu^^ c'est un in-
dividu auquel on aurait arraché la peau; enfin, le lien
des idées, >t^Uw ic^j, c'est l'agencement de l'apparition
des ténèbres de la nuit et de la disparition du jour, qui
est pareil, en quelque façon, à l'écorché après Técorche-
ment. Or, la combinaison de ces choses est une affaire
de l'esprit et non des sens..
La troisième, c'est lorsque l'objet de l'emprunt, jlxL^
à3, est sensible, et que l'objet emprunté, iJw» jU:u^, et le
sujet réunissant, ^L=w ^awj, sont intellectuels, comme
dans ce vers de Maçûd-i Sad* :
T • *
* C'est-à-dire une marque de notre puissance, propre ï faire
une impression sur eux (c'est Dieu qui parle) . Ces mots sont tirés
de la surate xxvi, v. 37.
' C'est-à-dire Maçûd, fils deSad; car entre deux noms propres
Viznfat remplace le mot ^j fils. Sur cet idiotisme, voyez mon
édition de la Grammaire persane de Jones, page 17. Maçûd, fils
de Sad, est un ancien poëte persan, dont J. de Hammer parle
dans son Histoire de la poésie persane, page 42.
- 54 —
Lance dans les rangs (de Tennemi) la montagne mouTante
(ton cheval); tire du fourreau la mort éclatante (ton épée).
Ici le poêle' représente l'épée par la mort, et l'idée com-
muae, c'est que Tune et l'autre font périr.
La quatrième, c'est lorsque l'objet emprunté, Jjcl^
Ax*, est sensible, et que celui pour lequel on fait l'em-
prunt, JjUx*^, ainsi que ce qui les lie, ^L%. ic^j, sont
intellectuels, comme dans ce yers de Kbàcânt :
Son épée est grosse de la victoire; la voilà, regarde-la; les
taches de sa face témoignent de sa grossesse.
Ici le poète a employé le trope de la grossesse en par-
lant de répée qui va remporter la victoire, pour signifier
qu'elle se prépare, et qu'elle est sur le point d'avoir lieu,
et l'idée commune, ^^U. ^j, c'est la disposition et la
préparation.
La cinquième, c'est lorsque les trois choses sont in-
tellectuelles. Ex : U^y ^ Ljbo ^ « Qui nous a ré-
veillés de notre sommeil » (c'est-à-dire de notre mort) ?
Or le sommeil et la mort sont intellectuels ainsi que le
siget réunissant, c'est-à-dire le réveil (Tanlawî).
La sixième, c'est lorsque le sujet réunissant, jmLi^ aa-j,
étant composé, il y a quelque chose de sensible et quel-
que chose d'intellectuel, et que Tobjet pour lequel on
emprunte, *) jUjL^, et celui qui est emprunté, jL*iUp
àXA, sont tous les deux sensibles, comme lorsqu'on dit :
l..*.^ c:^ yjfai vu un soleil, c'est-à-dire un homme pareil
— 55 —
au soleil par sa positioo brillante et soa importanee* Un
tel trope est du nombre de ceux qui se distinguent par
leur singularité, Oj»^. D'ailleurs, à la rigueur, il y a
ici deuxtropes, et c'est pohr cela que Suk&kiS dans son
Miftâh ul-ulûm^ ne compte que cinq espèces de tropes
on emprunts^ ifj[xL*\ savoir : l'emprunt de la chose sen-
sible pour la sensible, ^j**^ {j^y^^^^ »»Ljcu,!, par un
lien commun sensible, ,^^**«o> ^^, ou intellectuel, jt
^Jift *jxjj ; l'emprunt de la chose intellectuelle pour
Tintellectuelle, J/4 Jy^i î(jL*xw1 ; celui de la chose
sensible pour rintellectuelle, J^M ^j-^ar^ ^^jUc^.! ; et
enfin, l'emprunt de la chose intellectuelle pour la sen-
sible, ^jM^ Jyju> »^IjCU#I.
SECTION IV,
Classement du trope, d'aprës des considérations différentes
des trois précédentes.
En premier lieu, eu égard à l'expression empruntée,
«jIjCwI lai), le trope est de- deux espèces, le réel ou ori-
ginal^ *t^^ et le dépendant ou secondaire, Ajjuj*. Le pre-
mier est celui dont l'expression empruntée est un nom
générique, ^j^ ^^^ comme quand on emploie le mot
lion pour signifier « un homme brave )) • et le mot rose
pour signifier t la joie » . Il en est de même d'un nom
propre qui s'emploie comme nom générique dans un
* Surnom du célèbre rhétoricien Sîrâj uddîn Âbû-Yacûb Yûçûf,
qui a écrit en arabe le fj^^ ^L^ ou <c la Clef des sciences, »
ouvrage didactique, dont on donne ici un passage.
— 36 —
sens connu, comme lorsqu'on appelle tropologiquement
Hâtim un homme généreux, et Rustam^ un brave.
Sukâkî dit à ce sujet, dans l'ouvrage cité plus haut :
« On nomme cette espèce Je trope réel ou original,
aX^I, parce que le trope est fondé sur la comparaison
de la chose pour laquelle on emprunte, J jljcu4K à la
chose empruntée, Ai/»jLxwll ; mais la comparaison n'est
autre chose que la qualification, ^^^j^de Tobjet com-
paré, i^, ce qui a lieu par son assimilation, l^Liw» iij^,
sous un point de vue, avec l'objet auquel on le com-
pare, AJ AjJL». Or, la réalité ou Toriginalité, J^l, dans la
chose qualifiée, aJ^^^^I, ce sont les vérités, ^Ls^, qui
la font connaître. Ainsi, nous nommons blanc j j^\
un corps, à cause de sa blancheur manifeste, v^ûo. De
là, le nom A'original ou réel se donne aux tropes qui
expriment les vérités dont il s'agit, »
Le trope dépendant ou secondaire, à^^ est celui dans
lequel l'expression empruntée, jixu^ Jàâ), est, ou un
verbe, ou un mot qui y ressemble, J*3 a^* ou une
particule, s...^;^ » ^^ ^^ l'appelle ainsi parce que ni le
verbe ni la particule n'ont la propriété de pouvoir être
qualifiés (à la manière des substantifs), et cependant
l'essence du trope gît dans la qualification ï^bcu-l ^Lj
à^y^jA^^ comme Sukâkî l'explique dans le passage qui
* C'est-k-dire le nom d'agent, ou participe présent J^li **-!,
et le nom de patient ou participe passé ^}yài? *^^ S. de Sacy,
dans sa Grammaire arabe, tome II, page 527, 2^ édition, donne
ce nom à un simple adjectif lorsqu'il peut être considéré comme
représentant le verbe.
— 57 —
précède. Or, dans le trope dépendant ou secondaire,
l'objet qualifié, ^jyfy^ c'est le sens du nom d'action
du yerbe et les dépendances du sens des particules.
Ainsi, l'emprunt, HjlxL^^ n'a lieu que par dépendance,
vJ:.>wouj, et n'est ni original, ni réel*.
Il résulte de ce qui précède, que la comparaison dans
le trope formé au moyen d'un verbe ou de ses dépen-
dances, se tire du sens du nom d'action de ce verbe, et,
dans le trope formé au moyen d'une particule, de celui
qui en dépend. Or, ce qui dépend du sens de la parti-
cule, c'est la chose contre laquelle on l'échange, comme
par exemple, lorsqu'on dit : « ^^ , de, sert (en arabe)
pour exprimer le point du départ; J,l, à, pour exprimer
la fin ou le terme; ^j, dans^ pour exprimer la circon-
stance de lieu; J, afin que, pour exprimer le but, etc. »
Or, le commencement, la fin, la circonstance de lieu, le
but, tout cela n'est pas le sens de ses prépositions ; mais
ce sont des dépendances de leur sens. Aussi les gram-
mairiens ont-ils défini les prépositions, « ce qui in-
dique le sens qii est dans une autre chose, » ^ J^ L»
On peut donner, pour exemple du trope formé d'un
verbe ou de ce qui est assimilé au verbe, le vers suivant
de Sanâyî * :
^ C'est-à-dire T emploi du verbe ou de là particule dans le
sens figuré est basé sur la comparaison dans le sens de nom d'ac-
tion et sur les dépendances du sens des particules. Tel est le vrai
sens de i^. (Tanlawî. )
* Sur ce poëte, voyez section m du chapitre I".
— 68 —
La bouche de ton esclave ne sourira pas agréablement, tant
que le tranchant de ton épée ne pleurera pas abondamment.
Ici le poëte a employé Texpression de pleurer, pour
indiquer le sang qui dégoutte de l'épée, et le mot em-
prunté est un verbe à V aoriste^ accompagné de la néga-
tion.
Dans l'expression arabe, t3^ ÏaJsLî Jl^', la circon-
stance s exprime ainsi^ c'est-à-dire indique telle chose ^ îJt^
tjio, le mot emprunté est îid?U, nom d'agent ou parti-
cipe présent, et le mot remplacé est SJt^. La comparai-
son a lieu entre V action de parler^ ^^^ , et Vindication^
sj:Jb5^, et non entre j»ar/anf, ^3^»!-!, et indiquant^ J!^.
On trouve un exemple du trope exprimé par une par-
ticule dans ce verset du Coran * : ^^^ O^^ J' ^JaaJU
Ljjp.^ tjj^ *^. « Les gens de Pharaon le prirent (Moïse),
afin qu'il fût pour eux un ennemi et un chagrin. » Or,
ici, dans ^j^, la conjonction J, que les Arabes nom-
ment le lâm de motif ou cau^al^ ^y^^ ^^^esi employé tro-
piquemsnt^ ou plutôt : le sens qui en dépend. En effet, le
but que Pharaon se proposa en prenant Moïse, ne fut
pas la haine et le chagrin, mais bien l'amitié et l'inten-
tion de l'adopter pour son fils. Toutefois, comme en dé-
finitive cela se changea en haine et en chagrin, on a
remplacé par ces deux choses, dans le texte du Coran,
l'amitié et l'adoption, et le mot emprunté à cet effet,
* Sur. xviii, V. 7.
— 59 —
jljcum^ Jôâ), c'est la conjonction J ; mais le trope se trouye
en réalité dans le sens qu'on a en vue et qui dépend
de J, sens que cette conjonction amène par voie de con-
séquence, vjUiJuj, et non par voie d'originalité ou de
réalité, vJi^L^t.
Dans le trope dépendant ou secondaire, Véquivalent
ou Vanalogue^ ^.j^y de l'emprunt, «jUiL-t, c'est donc ou
le sujet, Jcli, ou le régime, J^^, ou un mot dépendant
d'une particule, tj^ŒT^. Par ex. : dans l'expression yj:^^
tà^=j JLsr", « la circonstance a ainsi parlé, » \sl rela-
tion^ ^Ll-!, de ^3^»^, parler^ à JU^, état^ circonstance^ est
l'équivalent ou l'analogue, a;^^ , du trope ou emprunt,
«^l*x-»ï, parce qu'en effet, ^^i, parler, ne de rapporte
réellement pas à JU., état. Et ceci offre un exemple du
trope dépendant d'un nom d'agent, J*li. Voici un vers
arabe où il dépend d'un nom de patiept, J^^ :
La justice s'est concentrée, à notre égard, en un imâm qui a
tué ravarice et vivifié ia générosité.
Le rapport, vJUw, qui est ici entre Jjiï, tuer, et Jirj,
Vavarice, entre Lp^l, vivifier, et ^L»— > la générosité, est
un rapport d'analogie, ^j^, et les mots tuer et vivifier
sont des tropes ou des emprunts, ïjUju-I.
Les paroles du Coran : ^Jt vw^''3ao ^JL^ a Annonce-
leur un châtiment douloureux*, » offrent un exemple
de l'emploi, dans ce cas, du mot dépendant d'une par-
* Sur. III, V. 20. .
— 60 —
ticule. En effet, le mot wt J^, punition^ qui est un géni-
tif, est l'analogue ou l'équivalent, ^y , d'un autre mot ;
car Vj^^ VannoncCy dans ce verset, est un trope ou em-
prunt, pour f^'Âil, menace-les.
En second lieu, les objets du trope peuvent être ou ne
pas être indiqués d'une manière détournée. C'est ce
qu'on nomme o^./?^ , dépouillement, et ^f'» indica-
tion détournée (proprement distillation) ,^o\x% ce point
de vue, le trope se divise en trois espèces :
1* Le trope non lié, ^^^ »jIjcu-!, où rien de ce qui a
rapport aux attributions, C^L^.^, ni aux qualités,
si^Lio, de l'objet pour lequel on emprunte, J jUx**^, ni
de celui qui est emprunté, iJ>jL*x**^, ne se trouve men-
tionné, comme dans ce vers d'Abd ul-Wâct Jabalî :
La fleur sur le rameau est pareille à la joue des belles. La
TÎolelte au bord du ruisseau est comme le scorpion d'une beauté
qui enlève le cœur.
Dans ce vers, le poëte a employé le trope du scorpion
pour les moustaches naissantes, et il n'a mentionné en
aucune façon les attributions, C^Wi^^ des deux objets
du trope, ù^j\jc*Ji^^ J jLxwl!.
T Le trope dépouillé, ^^f?:^ ij[xL^\, où Ton men-
tionne seulement les qualités et les attributions de l'ob-
et de l'emprunt, J .Ljix^w», comme par exemple dans ce
vers de KhacÂnt :
- 61 —
A cause du bruit de mes soupirs, tes amandes n'ont pas dormi
pendant toute la nuit dernière.
Ici le poète a employé le trope de Famande pour rœilj
et le verbe dormir est mentionné comme une des attri-
butions, sji^Lyjbl», de l'œil.
3' Le trope indiqué d'une manière détournée, à la
lettre, distillé, i^sr^y SjUxwl, où on mentionne seule-
ment les qualités et les attributions de l'objet qu'on
emprunte. Dans ce cas, il faut entendre par qualité,
vJUfi-w», une expression qui en remplace une autre, aA3
t^, et non un qualificatif, vJU*i, proprement dit; car
Ibn-Hàjib* dit en effet, dans son Tarîf, que le qualifi-
catif, w-*Jl, est un appositif, ^p^ qui indique le sens
du mot qu'il suit.
Le vers suivant d'Anwarî offre un exemple du trope
indiqué d'une manière détournée, ^se^y :
Si le jardin n'avait pas secrètement le dessein de faire une atta-
que, les étangs seraient-ils tous pleins d'épées et de cuirasses?
Ici le poëte a employé comme trope Vépée et la cui-
rasse^ pour les flots de V étang. Or, V attaque est une des
* Jurisconsulte qui vivait dans la première moitié du xni* siè-
cle. Voyez Ibn Khallican, traduction de M. le baron M. G. de
Siane, tom. II, pag. 19o.
— 62 —
attributions de Tépée ; et ce dernier mot, ainsi que la
cuirasse, exprime l'objet emprunté, ^^ jL*ju4l.
Sukâkî * dit : Le propre du ^y-» c'est de paraître ou-
blier, ^c*^!^*? la comparaison, a^^*, et de détourner
l'attention de ce qui la rappelle, comme dans ce yers
d'AbûTamâm*:
.1 ,*M — Il ^ l — 9.1 ah. J ^^iLj
Et il monte jusqu'à ce que les insensés s'imaginent qu'il a
affaire dans le ciel.
Ici l'action de monter ou l'ascension exprime la di-
gnité élevée de la personne dont il s'agit, et le second
hémistiche est l'attribution de cette expression tropique,
Quelquefois le dépouillement, '^^*, et l'indication
détournée, ^-ry , se trouvent réunis l'un et l'autre dans
un même tnîpe, conune dans ce vers de Khàcâni :
•îr/j c)^' ^
La balle d'or déchire la robe du ciel et la coupe \ elle arrête
manifestement Taurote.
Ici le poëte a employé, au lieu de sotetY, l'expression
balle d'or; or les mots ciel et aurore sont convenables,
y^ii^, à l'objet pour lequel on emprunte, J jUc^, qui
* Voyeï la note de la page 55.
Célèbre poëte arabe. Voyez S. de Sacy, Chreêt. arabe, t. lU,
pag. 35.
— 63 —
est le soleil, et les expressions robe et déchirer s'adap-
tent à l'objet emprunté, à^xj^jlxZu^^ qui est la balle.
L'indication détournée, ^^^*, dansle trope, »jL*xwl,
est plus éloquente que le dépouillement, ^./5=^\ ^t Que
le retranchement absolu, ^^', parce que le trope
n'est que l'énergie de la comparaison, A-^iLÏ ij ^L^»
c'est-à-dire qu'on substitue tout à fait l'objet auquel on
compare, aj A^,h l'objet qui est comparé, 6^. Of, la
mention des qualités qui conyiennent, *j^>, au pre-
mier, augmente naturellement l'éloquence de ce genre
de comparaison.
Sukâkt dit à ce sujet dans le Miftâh : « Pour le trope
réel, AjXisr^' y.bciwb)!, il faut que la comparaison entre
les deux objets, dont l'un remplace l'autre, soit évidente
par elle-même, ou qu'on puisse facilement la conce-
voir; sans cela, le trope n'est plus trope, il rentre dans
la classe de l'énigme, 3jh»ju, et des mots énigmatiques,
Une autre espèce de trope est celle qui a lieu par
mode de similitude; J-i^* Jtr^-^? c'est lorsque les ob-
jets du trope, à^ ^IxL^j J jLxi^, et l'idée commune
qui les unit, aj»\j^ ia^j, sont chacun tirés, ^ ^)^. de
plusieurs choses, comme par exemple lorsqu'on dit à
une personne qui hésite sur un point : ^SU siJI;',^!
^jsJijkyj iL.j, « Je vois que tu avances un pied et
que tu le recules ensuite. » Et comme aussi dans ce
vers d' Anwarî :
* * • *
— 64 —
Ma raison s'est obscurcie^; en vérité, elle m*a dit : Tu reux
donc, h mon égard, mesurer la lune avec un gaz ', et couvrir le
soleil de boue ?
Enduire le soleil de boue et mesurer la lune, c'est un
trope pour exprimer un acte insensé.
L'auteur du Talkhîs appelle cette espèce de trope, mé-
taphore composée, y^^yjls^. Sukâkî dit à ce sujet, dans
le Miftâh : « Ce qu'on nomme la comparaison de simili-
Inde, St-^^ h^'i ^st une sorte de trope; car toutes les
comparaisons sont des similitudes à la manière du
trope; il n*y a pas au fond de différence*. »
Le trope par métonymie, aj l:£=> *, est celui où on
exprime l'objet comparé, à^, et où celui auquel on le
compare, w ^L^^ n'est exprimé que par un analogue,
AAjy . Or, dans ce cas, cet analogue est un trope d'ima-
gination, ^..^^ »jL*ju-l. Le mode de ce trope consiste
donc à mentionner l'objet comparé, udv», et à indiquer
* Je ne traduis pas ^!j, qui est pour ^' jt « à cause de
cela, )> ou « à cause de lui ou d'elle », parce que ces mots se
rapportent à ce qui précède dans la pièce de poésie d'où ce vers
est tiré.
* Nom d'une mesure persane et de l'instrument qui sert à la
déterminer.
' Taftazânî raisonne ainsi pour prouver l'identité de ces com-
paraisons C^îi:^* "^y^ (^ • « I>ans le trope, dit-il, la chose
empruDtéejLxwli doit être le mot qui appartient à l'objet auquel
on compare ij A-iull, et qui a été emprunté àJ\[& à l'objet
comparé aJlH ; si ce mot changeait, il ne serait pas le mot qui
particularise le 4J 6xL^, et il ne serait plus iJj %U.
* Sukâkî dit, dans le Miftàk^ que le trope par métonymie doit
avoir le parfum, Aaril^, de la comparaison.
— 65 —
quelques-unes des circonstances inhérentes à Tobjet
auquel on le compare, aj aJu^, et qui est supprimé.
Ainsi, la mention de l'objet comparé, aJu^, et la sup-
pression de celui auquel on compare, ^ a^ ^^^9 ^^
est le trope par métonymie, ^^^^=> ; et énoncer, en rap-
port avec l'objet comparé qui est exprimé, les circon-
stances inhérentes, A^J, à l'objet auquel on compare,
qui est supprimé, telle est la définition du trope d'imagi-
nation, ftJ.M^sr' V.LjuLal.
Cette espèce de trope se subdivise en trois variétés,
à cause que les circonstances inhérentes, >jy , qui sont
particulières à l'objet auquel on compare, ^j ^^, et
qu'on exprime en vue de l'objet comparé, aJu^ tS^jf^
sont au nombre de trois : 1** ou bien elles constituent
l'objet auquel on compare, w i^ ; 2* ou bien l'objet
auquel on compare en dépend tout à fait; S"" ou bien
enfin aucun de ces deux cas n'a lieu.
Exemple du premier cas :
La langue de mon état ^ exprime ma plainte mieux (que je ne
pourrais le faire réellement).
Dans cet hémistiche arabe, on compare Vétat h une
personne qui parle, ce qui est un trope par métonymie,
AjLOb «jLxiu-!, et la mention de la langue^ sans laquelle
on ne saurait parler, c'est le trope d'imagination ïjIjcu-!
M MM
* Sur cette expression, voyez la préface de mon ouvrage inti-
tulé : Ub Oiseaux et les Fleurs^ page 8.
5 •
M —
Ikemple 41m àmmèm» ets : 4é «juJlJ 14) »^Lms^
« lesfiriffesdelainortiflOQttonibéeBwrlm ».
Dam cette «tprasnoii iDéta|41iori<|ae, la mort est com-
parée % un Um; mm on n'a pas wentionDé Totylef 4fe fo
«NiqwraîfM, ij Aj^^ifui est eet animal, et c'est ce qpri
eoBisUtue le tropepar métonyaue. Bn second lien, on a
parlé 4e8 ^n/Tte qui rendent complet le corps du lion et
en font partie, pour sigmifier la mort, c'est-inlire Fcbfei
comparé, aJU», ce qui est le trope d'imagination.
taurnsçie du troisième cas : )U> ^i (^ A^j ^ ^^
toidedn comnuuMlemant cet dans ses mains »•
Ici la sagesse est compaiée à une cbameUe par un
trope de mélonTmie» a;UjU KjLax*»!, et la hride, qui est
une d^^eodanee non constitutîTe, a^^ ^« de l'obset
auquel on compare, ^ i^, est mentionnée pour l'objet
comparé, ^>J^, et c'est un Irope d'imagination, ij\MLm\
»♦ *•••
Au reste, les rhétoriciens éminents ne sont pas d'ac-
cord sur cette distinction du trope par métonymie et du
trope d'imagination. On trouve leurs opinions expo-
sées, avec les preuves àl'appu!, daosle MutautualieSasidr
Taft&zftnt.
CHAPITRE m.
DE LA MÉTAPnOBE SUBSTITUÉE, J^y jLar^.
On entend par là une expression qui est employée
dans un sens différent de celui qui lui est ordinaire-
ment attribué, ^ pysy, mais dans laquelle le rapport,
— 67 —
A9^y entre lesens réel et le métaphorique n'est pas une
comparaison. C'est comme lorsqu'on dit, par exemple :
:^j\^ ^yi^^ jë j^j^ ^S^ « ^^ tel a la main (une
nmin) pour cette affaire w, c'est-è-dire : Il a peur cette
affaire une aptitude, ^j^, particulière. Ici le rapport
entee tes deox sens est eehii de la chosev J^ <t^^*BC le
Meacù elle se passe, J^e^ ; cav la jotaineit le lieo, Jsae?^,
ée kl maAifestatîon Amt il s'agit Le rapport doit £tre
gteéral^ ^|yr ctnon iadmdud, ^^^^ls^. 11 yen a plu-
aîciirs espèees; nous aUoBEi en mentiâDoer ipshpits-
unes.
La inrenuès^ c'est torsqu'on donne au tAui J»^ nom de
la partie, comme dans ce yers de Sanày! :
U fut un océan pour l'amour et une mine d'or pour le cœur,
un œil pour la loi et une âme pour la religion.
Ici le but de l'assimilation, Jr^» ^*®st d'employer le
mot ce^'ê&Bis le Beos é^gwi^dieft.
La seconde espèce, c'est lorsqu'on désigne la partie
par ua Biot qui désigne ht lovAf^'CQBxaàB dans c« im*set
du Coran' :^t3t ^^^L^l^j^Lks^ « Ilsmcttanit leurs
dûigtsi danft leu£S oreilles,; v c'eslr àrdire Veaùi^élmUi de
leurs doigts.
La troisième espèce, c'est lorsqu'on exprime Teffet,
^^..^lifiâM^» par le nom de la cause,, w^t^i» comme dans ce
was» de Saiâyt:
* Sur, II, yers. 1 8.
— 68 -
^' cri' t^ J^ AJti^ûjpj ^\
'' cri' 5?^^; (^ 3' ^J^ ^J
toi qui es satisfait de (oi-mème, ce n'est pas la satiété mais
la faim ; 6 toi que courbe le repentir, c'est la prosternation.
Être rassasié^ est pris ici dans le sensd'^^r^ satisfait^ et
le rassasiement occasionne le dégoût de la nourriture.
La quatrième espèce consiste à donner à la cause,
s^AA*-, le nom de retfet, v-^^w».**y», comme dans cette
expression arabe, b'Li .L^l o^a^! « Le ciel fait pleu-
voir des végétaux »,
Par végétaux on entend ici la pluie, qui est la cause
de leur développement.
La cinquième espèce, c'est lorsqu'on donne à une
chose un nom qui ne lui convenait que dans un temps
écoulé, comme dans ce vers de Attâr * :
Louange infinie au Dieu de toute pureté qui a donné la foi i
une poignée de terre!
Par cette dernière expression, le poëte entend Adam,
qui fut d'abord en effet une poignée de terre.
La sixième, c'est lorsqu'on donne à une chose un nom
^ Farid-uddin, surnommé Attâr, est un célèbre poëte mysti-
que, dont l'ouvrage intitulé Pand-nâma^ ouvrage qui ressem-
ble à TEcclésiaste de Salomon, et encore plus k l'Ecclésiastique,
a été publié et traduit en français par S. de Sacy. Attâr est aussi
auteur du Mantie uttdir « le Langage des oiseaux » , dont j'ai
publié le texte et la traduction.
— 69 —
qu'elle aura postérieuremeût, comme dans ce passage
du Coran' : \j^j^^la\ ^1j' ^I « Je me vois pressant du
Tin ». Par le yin, on entend ici le raisin, dont le suc dé-
vient ensuite du vin.
«i
La septième, c'est lorsqu'on indique le lieu, Ja?^, à
la place de ce qui s'y trouve, JU^ (c'est-à-dire le conte-
nant pour le contenu), comme dans ce verset du Coran*,:
jj ^Lî p '^ : « qu'il convoque son assemblée » , c'est-à-
dire les gens de son assemblée.
La huitième, c'est lorsqu'on nomme la chose, JLa.,
pour le lieu où elle se passe, J^^, comme dans cet autre
passage du Coran» : ï^j ^ çic^^j '-^i-^^' c^^' ^'j
«iit : « Quant à ceux dont les visages blanchiront (au
jour de la résurrection), ils seront dans la miséricorde
de Dieu ». Par le mot miséricorde on entend ici le
Paradis^ qui est le lieu de la miséricorde de Dieu.
La neuvième, c'est lorsqu'au lieu de la chose on
nomme son instrument, comme dans ce vers de
Sanftyi :
Lh — ^J ^-T^ J^ — ^— "" ^>^
Elle tient le milieu entre le corps et Tesprit. De ce côté-ci il
7 a la langue, et de celui-là Toreille.
Ce vers est la description complète de la parole, ^jJj .
Le poète veut dire que la parole retire ses avantages de
' Surate xii, intitulé Surate de Joseph^ yerset 36.
*Snr. xcvi, vers. 17.
» Sur. ui, vers.. 1 03.
— 70 —
reeprit, Ji&, eft les procure au corps; or, la lasgiie est
rinsferomeat de renseigBement, et Tomi le, de fiostruc-
tien qu'on reçoit
En résumé, dans le rapport, à3%^ de la mâaf feofe
Bubsldtuée, J^ jlsK^^ il £airt ça'on puisse trouver une
relaUan néoesaaire entre les ok^ets, >\^c^\ j\ ^^^ ât
qu'on puisse s'autoriser de l'eiemple des écriiiaîiis éto-
quents»
CaULPITRB I^.
DE LÀ MÉTONXMIE, AjL
Gemot» ^^-^'^='9 estie nom d'action d'un verbe ara]:^
iûgniâant laisser la dariéj ^j^ ^y^ s'etprimer ^unu
manière obscure. Mais couuSe «xpiwssM^n teobnifue, il
sigmik donn^ au sujet, ^j^, le sens %ui ooAYÎent à
ilêltrUnUj ^^^1 ce qui est le contraire de la xnéta^bore,
jLs-*, où on ne s'occupe que de l'attribut, >j^, comme
nous l'ayons expliqué plus haut
La métonymie est de trois espèces : la première, c'est
lorsque, par cette figure, on veut seulement faire con-
nais l'esBeme même du sujet, ^j^y (l'oiqet qua-
lifié). La deuxième, c'est lorsqrf'on veut indiquer une
ipialité^ ,^'^^9 d'entre les qualités du sujet. Et ici, par
l'expression de qualité, wX^, il faut entendre une
ehose, ,^^, qui est mise à la place d'une autre, et non
pas ce qu'on entend, en lerme de syntaxe, par le mot
qualité^ vjus^, qui signifie proprement un adjectif. La
troisième, c'est lorsque le but de la métonymie est
— 71 —
raffirmatioDy ol^l» ou laaégatioD, ^». d'une qualité
du sujet.
Quant à la première espèce de métonymie, celle dans
laquelle on a pour but Tessmce même à» sujet, siJ^
^y^y^ elle se subdivise en procbaîne, v-^^» et éloi-
gnée, J^. La prochaine; c'est lorsqu'on mentionne une
qiutti^ qui est particttUère au. si^et q[>éeial ^'on a en
yoe, et qu'on a seuleoieiit TintentioiL d'iiidiquer par ]k
l'essence même de l'objet, comme dans œ ¥eis deKha-
cânU où il s'adresse au soleil :
^ jMjT ^L^ O^
Au-dessus de toi est lo braye au corps d^argawAn^, en bas la
mariée musicienne.
Par lapremiète expressiûiiL le poMe OBfefi&d la planète
lùffs, qui est aurdeseus du ficdeil^ et par la seconde,
Vâms^ qui est au-dessous.
La métonymie éloignée^ «x^, c'est lorsqu'on, men-
tiume quelques qualités propres eu tant que réunies
à un sujet spécial. Le but qu'on se propose parlât c'est
de pouvoir particulariser le sujet dont il s'agit, comme,
par exemple, dans le vers suivant de Maçûd-i Saad* :
^ C'estrk-dire rouge. Selon la Burhàf^-i càtif Taigawftn est un
arbre dont les ûeurs sont très-rouges et odorantes, et qui pos-
sède des qualités médicinales décrites dans ce célèbre diction-
naire persan. Il &kttt eatendre fàxJkParhicêdêJudiê {Çercu $ili-
^fuasIriM»).
' A la note sur ce poëte persan^ page 63<, ie dois ajouter qu'il
— 72 —
Demande cette chose qui fortifie le tempérament ; demande
cette satisfaction du gosier; demande cette tulipe pour les yeux ;
demande cet ambre pour le cenreau.
Par la réunion de ces qualités, le poète yeut désigner
le vin. Il est clair qu'une seule ne serait pas suffisante
pour l'indiquer.
La seconde espèce de métonymie, ajI-j^^=>, celle par la-
quelle on yeut seulement exprimer la qualité elle-même,
^JUft^ ^j*iJ, et non l'essence du sujet, ^y^y ^j^, se
divise aussi en prochaine et éloignée. La première est celle
qui exprime sans intermédiaire, ^^j ^j , c'est-à-dire mé-
diatement, le transport, JLSxJÎ, du sujet, >jb), à l'attri-
but, fjj^9 et cette première espèce se subdivise encore
en deux variétés : 1 "" celle dans laquelle la métonymie
est évidente, ^)j ; 2*" celle dans laquelle elle est cachée,
^^^iû.. On truuve un exemple du premier cas dans
l'expression citée page 3, ^I^n)' Jj^ « long de bau-
drier » , pour signifier de haute taille. Le vers suivant,
de Sanâyî, en fournit un autre exemple :
Il n'y avait pas do caractère plus actif que le sien, il n'y avait
pas de faquir qui retroussât davantage sa robe.
a aussi écrit en bindoui et que je lui ai consacré un article dans
mon « Histoire de la littérature hindouie et hindoustanie »,
2^ édition, t. II, p. 390 et suiv.
— 73 —
Retrousser sa robe ou la relever dans sa ceinture,
c'est une métonymie pour signifier, se préparer à la vie
spirituelle.
Le proverbe arabe, LhII ^^ « large d'occiput »,
nous offre un exemple de la seconde Variété ; c'est une
métonymie pour indiquer un sot^
La métonymie éloignée, j-jo, de la subdivision dont
il s'agit, est celle dans laquelle le transport du sujet,
^j'^, à l'attribut, ^j^, a lieu par des intermédiaires,
i^L-j, comme dans l'exemple cité page 3, :\j^^\ j^^
« abondant en cendres, » pour indiquer un hJbit géné-
reux.
En voici un autre exemple, dans le vers suivant de
Nizâml :
*
J * % ^ J
S'il te faut la grandeur, attache ton cœur à la générosité, et
ferme le sac de ton argent avec des feuilles de persil.
Serrer l'ouverture d'un sac d'argent avec des feuilles
de persil, c'est une métonymie de l'empressement dans
la générosité; or ici il y a transport, Jl^xit, du sens d'at-
tacher avec des feuilles de persil à celui de n'être pas serrée
en parlant de l'ouverture d'un sac d'argent ; parce que,
de cette manière, le sac est promptement ouvert, et
qu'ainsi on en distribue le contenu sans retard.
La troisième espèce de métonymie, ^l^^^^ avons-
* Les Provençaux disent aussi en proverbe : « Grosso iesto
paon de sen. »
— 74 —
nous dit» c'est lorsqu'au a pour but d'afiirmer, oLî)»
ou de nier, J^^ une qualité, ^J^^. dans le s^iet. Qa
trouve un exemple de l'affirmation des qualités dans ce
vers arabe :
Labwié^ 1a généiasité, k Hbéralité, tout se trouve àusA une
tenta fi'oii a dressée pour le fils de Haschraj.
L'intention du poète est ici cTaffirmer qfoe tes qualités
quTil s énoncées se trouvent dans la personne qu'il kme;
mais il ne s'exprime pas d'une manière claire.
Yoici actuellemeof un exemple de la négation de qua-
lités dans ce vers de Haktm Âçadi^
Oh ! qtfa bien dit ce sage : Périssent les fiHes, qu'elles n'aient
que la terre en partage, et pas de couronne ^!
On difilingiie encore dans la métonymie, ^^^^^=>j qua-
tre esfèces d'indieatîoDS*, savoir : V nndicaUon dé-
tournée, j^,j^^ lorsque le sujet, ^yf^j n'est pas
mmUoûnéy j^S=»X^; ainsi ^ lorsqu'on dit, en parlant
d'an ifidividu qui persécate la religion musulmane,
âiUj z^ ^ {jy)^ A^ ^ (J*^' « Le fidèle est celai
par la mai» et par la langue de qai tes musulmans sont
* Sur cet auteur, voy. une note antérieure, page 6.
^ Cest-)b4ire (c q&'^M soient aous* teize, qu'elle» meurent ))•
r
— 75 —
déliyrés. » Par cette façon de s^exprimer, on a Tinten-
tion de nier qu'un tel imdlTidu qui persécute la religion
musulmane soit \m fidèle.
L'auteur du KasGkschdfàit qae la métonymie, iÀj£=i 1,
consiste à mentionner la chose sans employer l'expres-
sion qui lui est propre, et que l'indication détournée
consiste à mentionner une chose qui en indique une
autre qu'on ne mentionne pas. C'est comme lorsque
quelqu'un vient demander l'aumône à un autre, et qu'il
lui dit : vllJfi XS^ viljLa. « je suis venu pour te sa-
luer », mais que le ton qu'il prend, et la manière dont
il s'exprime indiquent suffisamment sa vraie inten-
tion.
2* La désignation lointaine, ^^S c'est lorsque,
dans la métonymie, le transport diï sujet, >j^, à l'attri-
but, fjj^^ a lieu par le moyen de plusieurs intermé-
diaires, JajL*-^, comme dans l'exemple déjà cité,^JtS=>
^U^t* « abondant en cendres », pour signifier un hôte
généreux.
3» L'allusion ,^j c'est lorsque la métonymie a peu
d'intermédiaires, ou que dans la réunion du sujet et de
l'attribut, ou des deux objets assimilés, il n'y a pas
d'obscurité, comme dans l'exemple cité plus haut, jaj^
LftSJI, « large d'occiput ».
4» L'indication, L^l, ou l'allégorie, ^Jl^Li't, lorsqu'il
n'y a ni obscurité, li^., ni plusieurs intermédiaires,
^Iwj, comme dans ce vers arabe :
' La moi ^ ^ j^BifiAprapremeai « faire briUar de loin ».
*Page8 3el73.
— 76 —
JUj ^1 j^î .ji^^\j U.JÏ
N'as-tu pas tu la gloire décharger ses bagages dans la famille
de Talha, et ne pas se retirer ?
L'expression décharger ses bagages^ en parlant de la
gloire, est une métonymie, ài^^^^=>^ pour exprimer la
gloire de la famille dont il s'agit, et l'expression ne pas
se retirer, est une autre métonymie pour signifier la
durée et la continuité de cette gloire.
Les rhétoriciens conyiennent tous que la métaphore,
jLac-», et la métonymie, ^'j^^=>, sont plus éloquentes,
y 4jL, que la réalité, vJUSJick, et résidence, <J^r^*, et
que le trope, «jljciw!, est plus éloquent encore, Jî ^y,
que la comparaison, a^^*. Ils disent que la cause pour
laquelle la métaphore, jl^, et la métonymie, ^US=&,
sont plus éloquentes que la simple énonciation des
choses, c'est que, dans ces figures, on transporte Vatiri-^
but, f j^, au sujet, Aji. Ainsi, lorsqu'on dit : !j sj^bil
^jj^ « j'ai vu un soleil », et qu'on a l'intention de dé-
signer une belle femme, c'est une expression plus élo-
quente que de dire simplement • (^^^ J^^i*»^* « j'ai
vu une belle femme » ; car ceci est pareil à une ins-
tance en justice sans témoins pour l'appuyer. En effet,
l'existence de tout attribut, (^j^j démontre celle du
sujet, ^jiî, à cause qu'on ne saurait séparer le sujet de
l'attribut.
^ A la lettre, une maUresse, une femme digne d'être une maî-
tresse.
— 77 —
Et le motif pour lequel le trope, 2|^IjuLi), est plus élo-
quent, y ^5^9 que la comparaison, a^, c'est parce qu'il
sufQt que le sujet de la comparaison, ^ ^j, soit plus
parfait, jj J-»l^, dans l'objet auquel on compare, a^
AJ, que dans l'objet comparé, ^aâ*^, tandis que dans le
trope, y^buwl, on emploie l'objet comparé, aJ^, précisé-
ment à la place de celui auquel on le compare, a^ aJLv»,
sans qu'il y ait la moindre comparaison, à,^ ; et en outre
il faut qu'il y ait un accompagnement, ^^^ pour rem-
placer l'objet auquel on compare, ^ a^, ce qui est
pareil à une action juridique, appuyée par des témoins.
IP PARTIE.
LA SCIENCE DES FIGURES, ^L^'^ ^j'^' f^-
On entend par là l'art d'employer convenablement
pour l'embellissement, ^j^f'^^ , du discours, et non par
nécessité, certains tours d'éloquence nommés figures
de paroles ou de mots, ^, et figures de sens ou de pen-
sées, J^*.
Ces deux classes de figures formeront deux chapitres
distincts, et nous commencerons par les figures de pen-
sées, puisque la pensée précède l'expression.
*■ On distingue Ces figures de celles dont il a été fait mention
dans la première partie ou Exposition, ^L^, c'est-à-dire de la
comparaison, du trope, de la métaphore substituée et de la méto>
njmie.
— 78 —
GBAPITRB !•'.
fijSg jnGQRIS DE P£3iaÉES«
De f anthliSse, ^jLl».
On nomme antilliëse, ^Ll ou àSjÙ^^ et contraste,
SUâj, la figure qui consiste à employer dans le discours
deux mots, dont le premier a un sens opposé ou con-
traire au second. Les deux mots dont il s'agit ici peu-
vent être l'un et l'autre des noms, ^t, des verbes, Jaj,
des particules, ,3^, oul'un un nom et l'autre un verbe,
et ils peuvent être employés ou aflûlrmativement, ^jij^
^Lsris ou négativement» v-JL .^Sjj Jjj.
On trouve un exemple de l'antithèse d'un nom avec
uafiOEik daBfi ce passage dm Gosaoi* : ^^ Ltol^t ^^mmss^
^yj « ¥ûus les croyez, éveillés et ilâ sont oiAûniû » ;
eidans ce vers d'Âbd ul Wâet-Jaball^ à la leuaage é\m
cheval, vezs^eù se treave léume la mentimi dcaquatae
éléments :
^ Sur. xsm,. vers» i7«.
* SwttB ptëte distingué» «a peut eoand/tar l' iiù é tgami «a-
Tnge de les air Gota OiMdqr intitdé : BvfgfafkimllhÊmm M
PermnpoeUjipàg. 108 etsaiv.
— 79 —
O toi qjoi t'éièTes en haut comne le Ibu et qui descends en bas
comme l'eau ! Toi qui as la qualité de la teire quant h la solidité,
et celle du yent quant à la Titesse.
L'antithèse d'un verbe avec un Terbe se trouYe dans
ces mots du Coran* : Cl^j ^ctfssj « il TÎTifie et il
mourir n ; et dans ce yers de Salm&n-S&wajt :
Looqve b flamme 4e ton épée ^^èmfyeUw\ Pen «e plact
(i'dêsaU) sur le feu. Lorsque la ceape de ton kanfteft M9wrà^lB
nuage f^aaid ici larmes dans la mar.
L^antithèse d'une particule avec une particule se re-
marque dans ce passage du Coran' : L^j sj:.^^ U L^
vJ:.^^^*^) l> <c d elle {Vàma) ^era compté le bien qu'elle
anraacquis, et contre elle le mal dont elle se sera diar-
gée > ; el dans œ wrs hindoustani deSaodà cité par
hntai-Bakhsch t
viLU Ju^\ j^ aJ ^:^ c^^ V ^
Je suis ce faible oiseau qai de l'emplacement du jardin ne puis
arriver sans échelle jmqi^h mon nid.
On trouve un exemple de Tantithèse négative ou de
^liation, ^^^xL ^L^, dans ce verssde Nisâml :
* Sur. II, vers. 260.
* Sur. n, vers. 286.
— 80 —
A
d^j'^.r^ Kj^jy^j
Qu'y a-t-il de mieux dans le monde que d'être consumé d'à-
moui?Car sans lui la rose ne sourit pas et le nuage ne pleure
pas.
Selon l'auteur du TalkhîsS on doit distinguer deux
sortes d'antithèses, l'affirmative, v^MJ, et la négative,
^JL, et comme exemple de cette dernière espèce, il
cite ce passage du Coran* : ^yLâ.t^ ^Ul jt^ %
« ne craignez pas les hommes, mais craignez-moi ».
Cette opinion est soutenue par plusieurs autres rhé-
teurs, entre autres par Sahbâyî (Imâm-Bakhsch), dans
le traité de rhétorique qu'il a rédigé en faveur des habi-
tants de l'Inde • ; mais l'auteur du traité persan qui sert
^ Le Talkhts ul-miftâh, par Jalâl-uddîn Mahmûd Cazwlnl, est
4'abrégé du Miftâk ul-ulâm de Sukâkî. Ce dernier traité a été
commenté par Taftâzftnî dans deux ouvrages différents, le
Muhhtaçar (court), et le Mutauwal Qong), et ces ouvrages ont
été commentés à leur tour par d'autres auteurs. C'est au Mutauwal
et au Mukhtaçar que fait allusion Walî dans ce vers (pag. 21 ,
ligne 24 de mon édition) :
Chaque nuit, on traitait de tes longs cheveux avec le
Mutauwal (c'est-à-dire longuement) ; mais, en voyant ta petite
bouche, on parlait du Mukhtaçar (c'est-à-dire petitement, en
rapport avec la petitesse de ta bouche). »
* Sur. v; vers, 48.
' Ce traité, qui porte le môme titre que l'ouvrage de Faquîr,
— 81 —
de base à mon travail n'est pas d'avis de distinguer
l'antithèse en affirmative et négative. Il pense qu'il doit
y avoir à la fois, dans toute antithèse, affirmation et
négation, et que l'affirmation ou la négation seule ne
constitue pas véritablement cette figure, mais que c'est
la réunion de ces deux choses qui la constitue. Par exem-
ple, dit-il, dans le passage cité précédemment : ^^
n^^av 5, « il vivifie et il fait mourir » , on n'a pas seu-
lement en vue l'affirmation, s^lsf.',mais on a aussi en
vue la négation, wJL.
On appelle ornement, .^^^j une espèce d'antithèse
où l'on mentionne les couleurs, j|>^', pour louer ou
blâmer sous forme de métonymie^ ajLj^, ou d! insinuation,
(W) ifO'i'f'^ soupçonner)^. Dans ce cas, il n'est pas néces-
saire d'employer plusieurs couleurs, mais une seule
ouvrage qu'lmâm-Bakhsch a pris pour base de son travail, sans
s'astreindre à le suivre servilement, encore moins à le traduire,
a été lithographie en 1 845 à Dehli par les soins de F. Boutros,
alors principal du collège établi en cette ville et secrétaire du
Vernacular Translation Society, Une des choses qui donnent le
plus d'intérêt et de nouveauté au travail de Sahbâ^î, c'est qu'il
a partout remplacé les vers arabes et persans des traités anté-
rieurs par des vers hindoustanis, qui souvent éclaircissent mieux
que les premiers Tobscurite de la théorie. Au surplus, voyez
l'article Sahbâyi dans le t. 111, pag. 22 de la seconde édition
de mon « Histoire de la littérature hindouie et hindouslanic d.
* Sahbâjî nous apprend qu'on entend par >L^jI une expres-
sion qui a deux sens : un sens proche ou commun, w>^^, et
un sens éloigné ou rare, J^^ , et qui est employée dans le cas
dont il s'agit, non pas dans le sens proche, mais dans le sens
éloigné. Il cite comme exemple le mol v.^, mihvj qui signifie
communément Bokilf et rarement am^ur,
6
— 82 —
suffit. Le vers suivant de Açadt-Tûct offre un exemple de
cette figure:
^j^ v^^ J-*-' j' j ; *" » * j
Le lieu de rembuscade est rouge par son épée» la (erre est
jaune par la pluie de sa main.
La première expression employée dans ce vers est une
métonymie pour indiquer de nombreux massacres, et
la seconde est une autre métonymie pour signifier la
générosité qui répand l'or à pleines mains.
Une autre espèce d'antithèse consiste à réunir deux
choses dont l'une dépend d'une autre qui est contraire
à la première. Dans ce cas, il suffit d'une seule espèce
de dépendance, ^^l^o, qu'elle soit relative à la cause,
iju^, inhérente au sujet, ^^Jp, ou qu'elle soit tout
autre. On trouve un exemple de cette figure dans ce pas*
sage du Coran* : ^i^ »L^j »liW< ^ XxJt^ « ils (les
croyants) sont féroces envers les infidèles et compatis-^
sants entre eux. »
La violence, 0^9 n'est pas l'opposé de la compas*
sion, sJ:.a^j, mais de la douceur, ^, et celle-ci, qui en
est l'opposé, est la cause de la compassion.
Le vers suivant d'Âzraqul offre un autre exemple de
cette variété d'antithèse :
* àiir. XLViii, vers. 29.
— 83 —
Mon œil a emprunté k ton rubis Vusage de répandre des per-
lée^; ta. chevelure a emprunté son désordre à celui de mon état«
Répandre des perles n'est pas l'opposé du désordre
dont il s'agit dans le second hémistiche de ce vers, mais
la tranquillité et le bonheur, qui y sont opposés, sont
cause qu'on jette des perles.
Une autre espèce d'antithèse est celle qu'on nomme
^Ua? À^^\ faire soupçonner le contraste. Elle consiste à
exprimer deux choses qui ne sont pas opposées l'une à
l'autre, par deux mots dont le sens réel est en contraste.
Le vers suivant de Faquîr offre un exemple de cette fi-
gure:
La nuit que j'ai passée en ta compagnie s'est terminée ; l^au-
rore sourit et moi je pleure.
Il n' y a pas d'opposition ni de contraste entre l'aurore
et pleurer, mais entre la métaphore descriptive de Tau-
rore et pleurer.
Sukâkl distingue de l'antithèse une figure nommée
^^TopTemenX opposition^ Jbli^, et qui consiste à énoncer
* Le rubis signifie, par métaphore, le$ lèvres ^ et les perles
indiquent les larmes. L'expression répandre des perles signifie
proprement la cérémonie appelée jLii, et usitée d^ns le mariage ;
et, au figuré, les perles du discours expriment VéloquencCy ou
plutôt ce que nous nommons les fleurs du discours. Parle niçâr^
Tanta^ dit qu'il faut entendre jeter des dragées et des fruits
confits à l'occasion d'un mariage; ce qui n'empêche pas qu'on
ne jette aussi des pièces de monnaie.
— 84 —
une ou plusieurs choses concordantes entre elles, et à
exprimer ensuite, parallèlement dans le même ordre,
des contrastes à ces choses; comme, par exemple, dans
ce passage du Coran * : I^JL^ '^^j ^ ]^s-^^ « qu'ils
rient peu, car ils pleureront beaucoup ». Les mots rire
eipeu exprimés d'abord, n'offrent pas d'opposition entre
eux, mais ils sont en contraste avec pleurer et beaucoup,
qui ont été employés dans le second membre de la
phrase.
Voici un autre exemple de cette figure dans le vers
suivant d'Amtr-Mazl :
Ses amis qui exécutent fidèlemeut ses ordres sont honorés a
cause de leur heureux horoscope; ses ennemis sont enfermés
dans ses prisons, étant avilis à cause de leur mauvais sort.
Malgré l'opinion de Sukâkî, les auteurs du Talkhîs
et du Mutauwal ont compté cette figure parmi les varié-
tés de l'antithèse, ce qui parait plus exact, puisqu'elle
exprime, en effet, l'opposition et le contraste.
SBGTIOIf II.
Convenance, ^.«^^wbj.
Cette figure, nommée proprement^ JaJI jUty, ce qui
signifie avoir égard aux analogues, et aussi appelée ^3^y
ou accord^ consiste à réunir dans le discours des choses
* Sur. IX, vers, 83.
— 8» —
qui ont entre elles un rapport de contenance et non de
contraste et d'opposition. Le vers suivant d'Anwarl en
offre un exemple :
échanson, lève-toi! car la rose 9^ est épanouie tl a fait honte
à la constellation d'Orion ; le jardin est le paradis ; le yin, Teau
du Kauçar ; et le platane, le tuba.
SECTION III.
Insinuation de la convenance, ^^^,^A^\Si >L^t.
Cette figure consiste à mentionner deux choses en se
servant de deux expressions différentes dont l'une a
deux sens, celui qu'on a en vue, et l'autre qu'on n'a pas
en vue, mais qui est en rapport avec le sens de la pre-
mière expression; comme dans ce passage du Coran* :
^\.Xs:^, ys^^j (»?^"j ^jL..^.^.^aJIj jTv^'j « 1^ SOleil
et la lune se meuvent d'une manière calculée, les plantes
et les arbres se courbent pour adorer Dieu. »
*
Ici le mot ^ est pris dans le sens de plante^ ou plu-
tôt d'herbe sans tige, par opposition à ^?^, qui ex-
prime un végétal ayant une tige, et on n'a pas en vue sa
signification plus ordinaire à*étoilej signification qui
s'accorde néanmoins avec la mention du soleil et de la
lune.
lie vers suivant de Khâcânt offre un aut/e exemple
de cette figure :
* Sur. LV, vers. 4 et 5.
— 86 —
Ton souffle embaumé fait parvenir \ T odorat de tous, dans le
monde hexagone, le parfum du muçalias.
Ici le mot s±Jtt» est employé pour désigner un parfum
qui ressemble à l'encens, et on n'a pas en yue l'autre
sens plus ordinaire de ce mot, à savoir la flgure de géo-
métrie nommée triangle; mais ce dernier sens est en
rapport avec le mot^5-.«», hexagone.
SBGTION lY.
Ressemblance ou conformité, J^Liu^.
Cette flgure consiste à exprimer une chose par lé nom
d'une autre chose, parce que les choses dont il s*agit
sont mentionnées ensemble. Les passages suivants du
Coran* offrent des exemples de cette figure : ïl* «t^^
é^lySj 'jj5C»j 'iLà « la rétribution du mal est le mal;
ils trompèrent, et Dieu les trompa. »
Dans ces deux versets, les mots il-, wa/, et^Xi, tromr
perie^ ont le sens de v^'ôx, punition^ parce que ces
expressions ont été employées par conformité, J^L^,
avec le mal et la tromperie qui ont eu lieu de la part des
infidèles. Ainsi le sens du premier verset est celui-ci :
(( La rétribution du mal est la punition ; » et celui du
second est : a Les infidèles usèrent de ruse, et Dieu les
punit. »
* Sur. xLii, vers. 38 ; et Sur. m, vers. 27.
— 87 —
Le vers suivant de S&lb ^ offre un troisième exemple
de cette figure :
n vaut mieux pour le derviche que les lèvres de la demande
soient cousues, que de faire des reprises à son froc.
Par « la couture des lèvres » le poëte a voulu
exprimer le silence, et son intention est de le recom-
mander.
SECTION Y.
Accouplement, ^^^y.
Cette figure consiste à exprimer d'abord deux choses
en rapport de condition^ J»^, et de rétribution^ .|^ (d la
condition)^ puis à employer la même combinaison pour
deux autres choses. Le vers suivant de Faqulr en offre
un exemple :
Lorsque tu me vois, ta douceur se change en colère ; lorsque
je te Yois, ma patience se change en agitation.
Le but du poëte, dans ce vers, c'est de mettre en re-
lief la différence de Tétat de la maîtresse et de celui de
^ Mirzà Muhammad AU Sàïb (<.^^L^)Tabrézt, c'est-à-dire de
Tauris, est un poëte persan très-distingué, et dont leDlw&n jouit
d*une assez grande célébrité. Il vivait dans le xvii* siècle de
notre ère. (Voyez Hammer, Redek Pen* pag. 393.)
— 88 —
l'amant, et il a employé, à cet effet, la figure de rhéto-
rique nommée ^j^y.
SECTION vu
Indication, ^L^X
Cette figure, qu'on nomme aussi a^^v^* J^^ ^'^^
flèche^ 9 consiste à employer au commencement d'une
phrase une expression qui fait comprendre qu'une autre
expression terminera cette phrase. En voici un exem-
ple dans ce passage du Coran* : ^^ c^^^ *^' j'^ k?
j^JJij M^^\ \y^ « Dieu n'était pas capable de les
traiter injustement, mais ils se traitaient injustement
eux-mêmes. »
Ici, l'emploi dans la première partie de la phrase de
l'expression traiter injustement^ aimonce l'emploi de la
même expression dans la seconde. Dans le vers suivant,
qui est tiré d'un cacîda d' Amru ben-Madîkarb *, il en
est de même pour le mot Jtax***!»* :
* Cette expression a quelque analogie avec celle dont on se
sert quelquefois en français lorsqu'on dit : « II a jeté une pierre
dans son jardin, j» pour signifier : « Il lui a adressé indirecte-
ment un mot piquant ».
*Sur. IX, vers. 71.
^ Ce poëte était fils du plus vaillant des Arabes, Madikarb,
qui vivait sous Omar, le deuxième khalife. Son épée, la plus
célèbre, h. cette époque, de tout l'Orient, se nommait Samsâm
>Laé-o, et notre poëte en hériia. (D'Herbelot, Bibh or. etc.)
— 89 —
Lorsque tu ne peux réussir dans une affaire, abandonne-la et
passe h ce qui t'est possible.
SECTION VII.
Rebours, ^r^.
Celte figure, qu'on nomme aussi Jj«V ou inversion^
consiste à mentionner une chose avant une autre, puis
à mettre la dernière avant la première et celle-ci à la
place de la dernière, comme dans ce passage du Coran* :
^^ ^ ^' ^)^'j ^' ^ ^' 2^^. « il tire le
vivant du mort et il tire le mort du vivant » ; et dans
ce vers d'Anwarî :
Pai un cœur qui sympathise toujours avec le chagrin ; j'ai un
chagrin qui sympathise toujours avec le cœur.
SECTION vin.
Retour (sur ce qui a été dit), P^j.
Cette figure consiste à annuler une chose qu'on
d'abord dite, et à l'appliquer à un autre objet pour en
tirer un bon mot ou une expression heureuse. Le vers
suivant d'Ansart* en offre un exemple :
* Sur. XXX, vers. 1 8.
' Ansarî est un des poètes persans auxquels on donne le titre
de Malik usehschuarâ ou roi des poètes. Il vivait dans la première
moitié du ii* siècle. (Voyez Hammer, Redek Pers» pag. 46.)
— 90 —
j>r *^-5 ^^ '^ ^-^ v^j^j ^j! ^^ ^
Elle était comme une lune et un cyprès; non, elle n'était ni
une lune ni un cyprès, car le cyprès n*a pas de robe et la lune
ne se serre pas avec une ceinture.
Le but du poète, en revenant sur ce qu'il a dit, c'est
d'exalter la femme qu'il aime au-dessus de la lune et
du cyprès. •
SECTION IX.
Dissimulation, àjjji.
Cette figure, qu'on nomme aussi >L^t, insinuation^
c'est-à-dire insinuer ce qu'on veut dire, le faire conjec-
turer, consiste à employer une expression qui ait deux
significations, une prochaine, et l'autre éloignée, et à
employer cette expression dans sa signification éloignée,
en s'appuyant sur une analogie cachée, iJ^ ajj^ . II y
en a deux espèces : 1* celle qui est dépouillée, ï^/f^, de
ce qui pourrait indiquer le sens qu'on a en vue ; S"" celle
dont le sens découle^ Aar^^, du contexte.
On trouve un exemple de la première dans ce passage
du Coran* : ^^' (j^/^' <J^ tj^J^ " ^® miséricor-
dieux s'est assis sur son trône* » Ici le mot ^y^\ est
pris dans le sens de ^^^t» dominer ^ être aurdessus de^ etc.,
mais cette signification est éloignée, car ^jxwt signifie
proprement être égal ou pareil^ et elle n'est indiquée
dans le contexte par aucune expression qui convienne
à ce sens.
* Sur, XX, vers, i;
— 91 —
On trouve un exemple de la seconde espèce dans cet
autre passage du Coran* : ^b UUjj «Ly^Jtj, <c nous
ayons bâti le ciel avec puissance )>« Ici le mot Jj, dont
jjI (<3«^j') est le pluriel, mot qui, au sens proche ou
propre, signifie main^ est pris dans le sens éloigné ou
figuré de puissance^ et TexpressioD Ij»!^ convient à
cette dernière signification.
SECTION X.
Asservissement, >^ji^t.
Cette figure consiste à paraître vouloir employer dans
im sens une expression qui a deux significations, et à
rappeler l'autre sens par un pronom qui se rapporte à
cette expression ; comme dans ce vers arabe :
Lorsque la ]^Iuie tombe sur la terre d'une tribu, nous avons
fait paître cela, quoique cette tribu fût en colère contre nous.
Le mot >L^^ ciel^ est pris ici dans un sens métapho-
rique pour signifier j9/ttte, et le pronom suffixe, qui dans
l'expression «L^ se rapporte, ^Ij, à ce mot, est pris
pour tes plantes^ C^LJ.
SECTION XI.
Réunion et dispersion, JJ^ ^ .
Cette figure consiste à exprimer d'abord différentes
* Sur, Li, vers, 47.
— 9« —
choses d'une manière ou détaillée, ^&^, ou sommaire,
^, puis à mentionner, sans désignation particulière,
ce qui se rapporte à chacune d'elles. Dans le premier
cas, elle est ou régulière, ws3y, ou irrégulière, j^
v«^y • Elle est régulière, lorsque l'arrangement de la
première partie delà phrase, c'est-à-dire de la réunion,
^, est conforme à celui de la seconde partie ou de la
dispersion, yui ; comme dans ce vers de Mukhtart :
t s A B
Le nuage, le firmament, les astres, TOcéan, la pluie, ne sont
pas comparables à sa bonté, sa majesté, son habileté, son carac-
tère, sa générosité \
^ Ce n'est pas seulement dans T Orient musulman que cette
figure est employée :
En Yoici deux exemples tirés de Pope, Essai sur P homme,
Annual for me the grape, the rose renew,
The jaice nectariou8,and the balmy dew.
ÉpU. /, V, vers 135, 136.
How shall he keep, what sleeping or awake,
i t
À weaker may surprise, a stronger take ?
EpU. III, ▼!.
En voici deux autres de Byron :
Bat place again before my eyes
Anght that I deem a worthy prize ;
The maid I love, the man l hâte,
And I m\\ hunt the stcps of fato,
To saye or slay, as thèse require,
Through rendiog stcel and rolling fire.
The Giaour.
— 93 -
La meilleure variété de cette figure est celle qui con-
siste à réunir plusieurs réunions et dispersions, %>^^
j^j ,^, de façon que chaque dispersion, ^Sr^ f^t soit
réunion, ^^ pour l'autre dispersion, ^o ,5 y^J ^|^. En
voici un exemple tiré de Firdaucî :
.1 A
Ce héros illustre, au jour du combat, avec son épée, son
poignard, sa massue et son lacet, tailla, déchira, brisa et lia
aux braves la tête, la poitrine, les pieds et les mains.
Et dans ce vers de Maçûd-i Saad, où il y a quatre ^^
yJj, qui se terminent par un cinquième :
Que l'esprit et le cœur de ton ami et de ton ennemi soient
toujours par la promesse ou ta menace, pleins de lumière ou
de feu.
La réunion et la dispersion est irrégulière, lorsque Tar-
Aud clouds aloft and tides below,
4 t
With sigDS and sounds, forbade to go.
The Bride of A bydos, cauto
Et un enfin de Shakespeare :
An oven that is stoppM or river stay'd
Burneth more hotly, swelleth with more rage.
Venus and Adonis.
— 94 —
rangement de la réunion, ^, est contraire à celui de
la dispersion^yu}, comme dans ce vers de Fig&nt^ :
Da bien-être au cœur et de l'éclat aux jeux ; c'est ce que
donnent la vue des belles pareilles au soleil, et le vin du matin.
Ici l'éclat des yeux, » jj^ i^^ji, se rapporte à la vue,
jtjj^, des belles, et le bien-être du cœur, i\ji J^, au
vin qu'on prend au matin, ^ ^\j^.
Il convient actuellement de citer des exemples de la
réunion et dispersion sommaire, J^. En voici d'abord
un tiré du Coran» : ^IS' ^ i)t 'i^^^ J^Jj J ipii^
^Lûi ^^ bj* « ils ont dit, il n'entrera en paradis que
ceux qui auront étéjuif3 ou chrétiens » } c^ qui signifie,
en le développant : « Les juifs ont dit : il n'entrera en
paradis que ceux qui auront été juifs ; et les chrétiens
ont dit : il n'entrera en paradis que ceux qui auront été
chrétiens. »
Bln voici un autre emprunté à Mukhtart :
Les deux côtés- de son calam qui a été taillé sont le bien et
le mal, la douleur et le remède.
* Bâbâ Figânî Schirâzî, poëte natif de Schirâz, ainsi que l'in-
dique son surnom, vivait vers la fin du xv^ siècle et au com-
mencement du XVI^ (/îecieft. Fwz. pag. 391 .)
* Sur. II, vers. 105.
— 95 —
Le poète veut dire par là que le calam produit à la
fois le bien et le mal, la douleur et le remède.
SECTION XII.
Association^ a^.
Cette figure consiste à réunir différentes choses dans
une même appréciation, comme, par exemple, dans ce
passage du Coran* : LJjJI ï^^' hij jyJ'j JUI « les
richesses et les enfants sont Tornement de la vie du
monde ». Ici, en effet, les richesses et les enfants sont
rangés dans la même catégorie.
Il en est de même dans le vers suivant d'Abdul Wâcl
pour les six choses qui sont mentionnées dans le second
hémistiche :
De sa part, tout aujourd'hui a été agréable k mon cœur :
donner et recevoir, le bien et le mal, le plus et le moins.
SECTION XIII«
Distinction ou séparation, {Aij^'
Cette figure consiste à distinguer et à séparer deux
ehoses qui sont d'une même espèce, comme dans ce vers
! de Faquir :
\ v;)> ^j^. c)'j-5 V^ ^^ çrij
* Sur. x?ui, vers, iii
— 96 —
D*ici il tombe de l'eau, de là il pleut du sang. Telle est la
différence entre mes cils et le nuage prinlanier.
V
SECTION XIV.
Distribution, m^^^^aL
Celte figure consiste à mentionner d'abord diflereiites
choses, portions de choses ou circonstances d'une chose,
et à leur assigner ensuite ce qui s'y rapporte respective-
ment.
La différence entre cette figure et celle qu'on nomme
réunion et dispersion. jiJj ,^, c'est qu'ici en men-
tionne les attributions, sjiXij^^J^^ de chaque chose par
voie d'assignation ou de désignation, ^jm, ce qui
n'a pas lieu pour l'autre figure, ainsi qu'on l'a vu aupa-
ravant.
Les vers suivants d*Abdul Wâci Jabalî fournissent un
exemple de cette figure :
Ses doigts sont faits pour donner, sa lance pour agir; on le
rencontre dans les réunions joyeuses, et son drapeau se voit dans
champ de bataille. A cause de la première qualité, il répand
ses bienfaits; à cause de la seconde, il ôte la vie ; par la troisième,
il est un capital de bonheur; par la quatrième, un gage de vic-
toire.
On voit qu'ici le poëte a mis en rapport, sous le point
— 97 —
de Yue de la générosité, les doigts de la personne dont il
parle, avec la distribution des bienfaits; sa lance, à
camse de la manière dont elle s'en sert, avec l'action
d'ôter la yie, etc.
Une autre variété de cette figure consiste à énumérer
complètement les différentes faces de la chose dont il
s'agit, comme dans ce vers d'Ansari :
j J • •• ••> •• ••
De toates façons, tes ennemis sont malheureux ; ils sont, en
e/jfet, ou tués, ou mis en fuite, ou renfermés dans ta forteresse.
Dans le second hémistiche de ce vers, le poète énu-
mère, comme on le voit, les différents genres de mal-
heur auxquels peuvent être en proie les ennemis du
héros qu'il célèbre.
SECTION XV.
Association et séparation, i^ vÂ>j m^.
On réunit quelquefois ensemble deux des figures
nommées association, «^, séparation, ^^i^^'^et distri-
bution, >>.m»> JL j; on peut même les réunir toutes les trois.
La réunion des deux premières consiste à comprendre
dans une même appréciation différentes choses, puis à
les séparer, en exposant leur point de vue respectif,
comme dans ce vers de Raschtd-Watwat * :
* Khâja Raschîd uddîn Watwat est nn poëte persan, quoique
le vers cité ici de lui soit arabe. Il est, entre autres, auteur d'un
masnawt intitulé Misbâh, J^^"^* J. de Hammer en parle dans
son Htj^oire de la littérature persane^ pag. 1 09*
7
— 9* —
Ton visage est pareil au feu par son éclat, et moja cfauz esk
pareil au feu par sa chaleur.
Ici l'auteur réunit, dons une même comparaisonaimG
le feu, le visage de celle qu'il aime et son pro^e coeur,
mais il indique ensuite la différence du point de vue de
la comparaison.
SECTION XVI.
Association et distriàution, ^^ » aJj >k^.
Cette figure consiste à associer d'abord diverses
choses dans une même appréciation, puis à rapporter
chacune de ces choses à un objet particulier, comme
dans ce quita d'Anwarî :
A
Si le désir de la louange et Tamour de ton auguste beauté
produisent dô l'effet sur le règne végétal, la première chose,
procurera la faculté du langage à la langue muette du lis, et la
seconde donnera la vue aux yeux inertes du narcisse.
Dans le premier vers, le poëte a associé le désir de la
louange et l'amour de la beauté à Faction de produire
àètL l'effet,, et dans le second, il a rapporté chacune de ces>
deux choses à un ol^'^t particulier.
— 9a —
On place quelquefois la distribution, >y>JLJ, avant
l'association, «w, comme dans ce vers de Nâdim
Ouilânî :
^ A
J'ai fait un froc et Alexandre a fait de la fortune son oreiller
avec le même drap que le sort nous a donné à l'un et k l'autre.
SECTION XVII.
Association, séparation et distribution, ^. . .i m aJ i ^ {^.J^J /^*
Il n'est pas aisé de joindre ensemble ces trois figures
dans la même phrase, on en trouve cependant des exem-
ples. En voici un tiré de Khâcânî :
^\ù La. \j ^L=. jtj yL» \j Ja^ «^^ ^ji
La compagnie m'a donné deux feux pour fruits, un silex et
un cep de vigne. Le premier allume le réchaud, et l'autre* illu-
mine la coupe.
Ici l'association, ^, consiste à avoir réuni deux feux
dans la même idée de fruits; la séparation, ^3;^^, à
avoir dit que l'ua est une pierre et l'autre un arbre ;
enfin la distri,t)ution, a^jt^^ se trouve au second hémir
sticl^*
1 r>
C'est-à-dire le vin.
— 100 —
8BCTI0N XYIU.
•*
Dépoaillement ou dépossession, O^J^s^.
Cette figure consiste à retrancher, ^y^\ d'une chose-
qui a un qualificatif, une autre chose pareille à la pre-
mière quant à la qualification, dans Tintention d'aug-
menter la valeur de ce qualificatif pour la chose de la-
quelle on fait le retranchement, àS^ çjr^'* L'auteur que
je suis donne pour exemple de cette figure le vers sui-
vant d'Anwarî :
ïLx-â. «^j-T JjLc ^b , Jlj c\
sKI jL-e-^ cri' ^^^j ^jj>
toi qui nages dans Tocéan de Tinlelligence et qui es instruit
du bien et du mal de ce monde I
A cet exemple, je vais enjoindre un autre, emprunté
au Dictionnaire des définitions, sJLÀmjjo^ de Jorjânî*.
Cet exemple, qui fait mieux comprendre que le premier
l'application de la théorie développée ci-dessus, est la
phrase arabe suivante : f^ (Jd^-^-^ j^ ^ S- " J'^^
dans un tel, un ami pour qui j'éprouve une grande
affection. » On voit en effet qu'on retranche ici d'un
objet, auquel on attribue une qualité, à savoir d'un in-
dividu à qui l'amitié est attribuée, un autre objet,
c'est-à-dire l'ami, ^J^t, qui est pareil à cet individu,
^iiî, quant à cette qualité, et en cela le but de l'écri-
vain est d'exprimer l'excès, Ai)L.l!, de la perfection dans
' TaHfât, page 54 de l'édition de FHgel.
— 101 -
Vamîtié de la personne, ^iii, dont il parle en premier
dieu.
SBCTIOlf XIX.
Hyperbole acceptée, Jj^ a*5L».
Cette figure consiste à exprimer l'exagération d'une
qualité dans la force ou dans la faiblesse, ce qui ne peut
Avoir lieu que par voie d'invraisemblance^ OjujL-I, ou
d'impossibilité^ f l^^^l c'est-à-dire en plaçant cette qua-
Jité dans les dernières limites de ]a force ou de la fai-
blesse, au point qu'on n'y puisse trouver un degré de
flus.
On compte trois espèces d'hyperboles, a*5U^, qu'on
distingue par les noms de A-i-ï, ^|/^ et^.
La première, c'est lorsque l'hyperbole exprime une
chose possible, tant sous le point de vue de l'esprit,
Jic, que d'après l'usage, o«>l^, comme dans ce vers
<l'Âçadt :
^; ^.' ri / ^^ J^ ^. ^
Je garde si bien ce secret jour et nuit, qu'il ne pourra sortir
âe mes lèvres qu'avec ma vie.
La setonde, c'est lorsque l'hyperbole énonce une
chose possible quant à l'esprit, mais impossible d'après
l'expérience, comme dans ce vers de Urfî*.
' Célèbre poëte persan natif de Schirftz, qui vivait au x* siècle.
— lOi —
Mon ennemi m'a vii traité selon son désir, et son cœur en a eu
compassion. Dieu fasse qu'à son towr il ne soit jamais traité comme
je le souhaite !
Il n'est pas ordinaire que lorsqu'une personne voit
son ennemi dans l'état qu'elle désire, son cœur en soit
affligé. Toutefois, l'intention du poëte est de dire : « J'ai
été tellement traité comme mon ennemi le désirait, que
son cœur même en a été ému. « Or, ceci peut bien être
conçu par l'esprit, mais n'est pas conforme à l'habitude.
La troisième, enfin, c'est l'hyperbole que l'esprit ne
peut pas admettre, et qui est contraire aussi à ce qui
a lieu ordinairement. Le vers suivant en offre un
exemple* :
Tu as tellement rempli de terreur les polythéistes, que ceux
mômes qui ne sont pas encore formés dans le sein de leur mère
te craignent.
Cependant l'esprit peut quelquefois admettre en quel-
que chose l'hyperbole dont il s'agit ; 1 • quand on em-
ploie une expression qui rapproche l'hyperbole de la
vérité, comme dans ce rubât de Kaanâl-i Ismaïl.
* Selon Mirzâ Tantawî, ce vers est d'Abû Nawâs, dont le
Diwân se trouve dans la Bibliothèque du Musée asiatique de
l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg.
— 103 —
1 »3C-wl aJ.jJ?j vJ!^-_ay (j^l-^-'^
sJl^^wwl »J)^yLJ ^j'jJ A^! ^wfcia. vJl^oCU© j?
Celui qui a dessiné ton visage n'a pas \ craindre de reproche,
puisqu'il a fait le mieux possible l'œuvre de ta beauté. Ta per-
sonne, de la tête aux pieds> est telle qu'il convient; on dirait que
quelqu'un en a ordonné l'exécution d'après son désir.
Il est éloigné de l'esprit et contraire à ce qui arrive
ordinairement, que la création d'une personne ait lieu
d'après le désir d'une autre. Toutefois, le mot b^, on
dirait^ qui est dans le, quatrième hémistiche, associe
l'hyperbole à la vérité.
2° L'hyperbole nomniée ^ peut être admise partiel-
lement par l'esprit, lorsqu'elle exprime xme idée fantas-
tique, mais distinguée par la délicatesse et l'élégance,
comme dans ce vers, de Mukhtarî de Gazna, à la louange
d'un cheval :
A V
illcst si rapide dans sa course, que, lors même qu'iipasserait
isar lei paupières des yeux d'«» homme endormi, il ne le réveilr
leraitpas par le contact de son sabot.
3^ Enfin, l'hyperbole, dont il s*agit peut être agréée
sous quelque rajpport par l'esprit, lorsqu'elle est expri-
— 104 —
mée sous forme de plaisanterie, J)», comme dans ce
vers de Kalim ^ pour critiquer un cheval :
^*— ^
éMI
j jy ^.-Ji-iy /^ ^\y lij
M A
A A
grand prince, ce cheval que tu as donné à ton serviteur
pour un voyage n'a jamais pu, h cause de sa faiblesse, mettre le
nez à Pair. Il se rassoit sur sa croupe après s'être relevé d'une
bronchade. Tu dirais que Kalîm monte le manche d'un fléau.
SECTION XX.
Ordre ou règle du discours, ^blTs^^^J^,
L'auteur du Tarifât nomme cette figure, ^"^ w^ Ju»,
ce qui a le même sens que l'expression employée au
titre de cette section. Elle consiste à insérer dans le dis-
cours la preuve, JJ^, et la démonstration, jljy , de ce
qu'on veut afQrmer, conformément à l'usage de la scho-
lastique, d'après laquelle tout discours doit être une
argumentation. S'il comprend une comparaison, Jtrv^\
* Abu Talib Kalîm Hamdftni, c'est-à-dire natif de Hamadan,
en Perse, a été surnommé a le rossignol du jardin de la littéra-
ture » . Il étudia h Schirâz, puis il vint en Hindoustan et fré-
quenta la cour de Schâh Jabân. Il mourut en se rendant en Cache-
mjr. Il est auteur de différents ouvrages en vers et d'un Diw&n«
(Newbold, Brief Notice ofthe Persian poels.)
— 105 —
il rentre dans le syllogisme, ^^LS, proprement dit, .et on
le nomme règle ou ordre juridique^ ,^5^ s^^J^*.
On trouve un exemple de ce qu'on appelle la règle du
discours dans ce passage du Coran* : "^l SL^I L^^ ^j^J
b*ju»i3 *iit. « S'il y avait dans le ciel et sur la terre
d'autres dieux que Dieu, certes le ciel et la terre se-
raient en désordre. )>
Puisque le désordre du ciel et de la terre, désordre
qui aurait lieu avec la pluralité des dieux, n'existe pas,
ce dont ce désordre dépetidrait n'existe pas non plus. La
marche de l'argumentation est ceci : s'il y avait plusieurs
dieux, le ciel et la terre seraient en désordre ; or, comme
le ciel et la terre ne sont pas en désordre, il s'ensuit
qu'il n'y a qu'im dieu.
Le vers suivant d'Anwarl offre un autre exemple de
cette même ligure :
^ )/ Li c)^ *^ ^^^' ^^ vi^
On ne peut se passer de toi, car tu es l'âme dans le corps du
monde, et il est certain que Fâme est indispensable.
Dans cet exemple, la forme de l'argumentation est
* A ce sujet, Schams-uddtn entre dans des développements
que je ne crois pas devoir reproduire ici, et il cite, comme exem-
ple des phrases dont il s'agit, l'argumentation suivante : ^j^
j^ ^r^ o-i <:^^^ ^> ^^ ^ r^ ^•^^^' ^y^
*i^b. tt Tout ce qui est liquide est propre k laver; or, le vi-
naigre est liquide : donc il est propre à laver. »
* Sur. XXI, vers. 22.
— AW —
celle-ci : tu es une âme dans le corps du nKmâe ; or, le
corps ne peut se passer «d'une ftme, donc, le monde ne
]^ut ^e passer de toi.
SECTION XXI.
Éloquente indication de 4a cause, JJ^* ^>>*Ma^.
CSette figure consiste à attribuer à une qualité, J^j^
une cause, ^^c, qui s'y rapporte. Or, cela peut avoir
lieu de deux manières. Si cette qualité est réelle ou cer-
taine, vju^^LÎ, le but qu'on se propose par rexposition
de la cause, c'est de prouver, OL^LJI, que cette qualité a
cette cause. Si la qualité est incertaine, vI^Ij ^, on
veut, en mentionnant sa cause, prouver l'existence de
la qualité dont il s'agit.
La qualité certaine, ^JL^[i [A^jj dont on veut énon-
cer la cause, se partage en deux espèces. La première,
c'est lorsque cette qualité a une cause connue et usitée
autre que celle que les poètes peuvent lui donner ; la
seconde, c'est lorsque la cause réelle n'est pas évi-
dente.
La qualité incertaine, sJL^ylj j^l, qu'on veut prouver,
en exposant sa cause, est aussi de deux espèces. Ou
l'existence de cette qualité est possible, ^j^^ ou elle
est impossible, ^.^v on jLs^, ce qui forme une troi-
sième et une quatrième espèce.
Les vers qui suivent mettront alternativement en lu-
mière la théorie précédente. En voici d'abord un de Khâ-
cânî qui offre un exemple de la première espèce de cette
figure :
t
A
1/ d-?^ ^^^ v^^ f'^^^j-^
^^ ^j^»^ c^'j ^^)^ o-^ ^^)
L'aurore a lepandu des larmes de sang en se séparant de la
nuit, et c'est pour cela que son visage a paru couleur de saqg.
La cause de la Couleur rouge de l'aurore, c'est le cré-
puscule ; maïs le poëte Ta attribuée au regret que la sé-
paration de la nuit fait éprouTer à TaLurotè, et qui lui
fait verser des larmes de sang.
3e citerai ce -vers d'Anwarî comme exemple de la se-
conde espèce :
Comme ton œil a versé le sang des amants, tes cheveux ont
adopté la couleur du deuil.
La noirceur des cheveux est une qualité certaine,
mais sa cause n'est pas connue d'une manière évidente.
Ici le poëte lui en attribue une d'autant plus spiri-
tuelle, qu'il le fait au moyen d'une comparaison et d'un
trope.
Actuellement, voici un exemple de la troisième es-
pèce :
censeur, toi dont la critique a été avantageuse pour moi, ta
crainte a sauvé de la submersion la prunelle de mon œil* I
* C'est-à-dire, la crainte de ta censure ne m'a pas fait pleurer.
— 108 —
Il est bonde remarquer, au sujet de cet exemple,
qu'il est possible que le mal que veut faire un critique
devienne im bien àTégard de la personne qu'il attaque.
Toutefois, comme généralement le mal ne se change pas
en bien, le poète a indiqué, dans le second hémistiche
du vers qui vient d'être cité, la cause pour laquelle le
mal qu'a voulu faire le critique s'est changé en bien. La
transformation du mal en bien est une chose ou ime
qualité, ^^jt incertaine, ^j:>oLî^, mais la cause sus-
dite en établit la certitude.
Enfin le vers suivant de Khusrau offre un exemple
de la quatrième espèce :
L'aurore demeurera tout le jour sur ta maison, car le soleil
ne saurait s'y montrer.
C'est une chose, ^y^^i incertaine, iJUoIj^, et im-
possible, >t^^, que l'aurore dure tout le jour; mais
pour la prouver, vJL^L^î', et la rendre possible, jî^ï, le
poète y a assigné une cause dans son second hémi-
stiche.
SBCTionr XXII.
Énergie de la louange par le semblant du blâme,
Cette figure est de deux espèces. La première, c*est
lorsque, d'une qualité blâmable qu'on nie dans une
personne ou une chose, on excepte une qualité louable
— 109 —
SOUS Tapparence du blâme et de manière à faire en-
trer la louange dans le blâme, comme dans ce vers de
Nâbiga :
II n'y a rien de défectueux parmi eux, si ce n'est que leurs
épées sont ébréchées, par suite des combats oH elles ont été em-
ployées.
On voit qu'ici le poëte nie d'abord que les hommes
dont il s'agit aient aucun défaut ; puis il tire, par ma-
nière d'exception, du défaut même dont il a nié l'exis-
tence, un motif de louange sous forme de blâme, en
rappelant la bravoure de ces hommes dans leurs fré-
quents combats. Par cette manière de s'énoncer, le
poète loue d'abord, puis il blâme, puis, par l'exception
qu'il ajoute, il exprime l'énergie de la louange.
Ija seconde espèce, c'est lorsqu'on donne à une per-
sonne ou à une chose une qualité louable, ^^ w^â^,
et qu'on ajoute à cette première, sous forme d'exception,
une autre qualité louable, laquelle, selon les rhéteurs
persans, doit avoir plus d'énergie que la première. On
cite comme exemple le hadîs suivant : v-^^' ^^^ Li'
Jtj^ c^ ^^ 'Vif ""^^ suis le plus éloquent des Arabes,
si ce n'est que je suis de Coraïsch*. »
Les rhétoriciens persans admettent une autre espèce
de cette figure; c'est lorsque, au premier abord, la
* On sait que cette tribu était la plus noble et la plus civiliséo
des tribus arabes-
1
— 110 —
phrase parait exprimer le blâme, mais produit, en
effet, le superlatif 4^ la louange, comme dans ce irers
de Saadl :
Tu peux bien ne pas retourner à la. ppj^te de S^^di, n)aîs' tu
ne peux cas sortir de son esprit.
Il semble que rexpression du second hémistiche, « tu
ne peux pas sortir » , exprime la faiblesse ; mais le but
du poète est cependant die relever par là ks charmes et
Tamabilité de la personne dont il parle»
SBCTION XXIU.
Énergie du blâme par le semblant de la louange,
Cette figure est aussi de deux espèces, comme la pré-
cédente. La première consiste à nier dans une personne
ou une chose une qualité louable, puis à excepter de
cette qualité, dont on nie l'existence, une qualité blâ-
mable, comme lorsqu'on dit, par exemple ij^ ^ ^jiJi
aJI ^j*»a\ ^ ^\ '^ aJI ^I aJ « Il n'y a rieo de bon
dans un tel, si ce n'est qu'il fait du mal à ceux qui lui
font du bien » .
La seconde espèce consiste à attribuer une qualité
blâmable à une personne ou à une chose, puis à ajou-
ter, à la suite de cette (lualité,, un autrç blâme, sous
forme d'exception, comme lorsqu'on dit : b51 ^jJJi ^ife.
— 111 —
JïU. dj\ « un tel est im libertin, si ce n'est qu'il est
fou ».
Pour ces deux qualificatifs, on peut employer, au lieu
d'une particule d'exception, Usxm»!,^ une particule de
restriction, viJtjJix^J ; ainsi on peut dire, par exemple :
^[i èjS) JjfcLÂ.^ « il est fou, mais il est libertin » .
Les poètes persans emploient une autre variété très-
éloquente de cette figure. Elle consiste à attribuer
d'abord une qualité louable à une personne ou à une
chose, puis à joindre à cette qualité une circonstance
telle que cette louange se change en un blâme réel,
comme dans ce vers de Kalîm* :
Mon obéissance envers Dieu^ ira même vers les cieux au jour
du jugement, lorsqu'elle sera, avec ma rébellion^ envers Dieu^
dans les deux bassins de la balance.
SECTION XXIV,
Succession*, oLx-x*-'
«WMf ' •
Cette figure consiste à, donner à un individu oUv ^ UDte
chose une louange telle qu'il en résulte une autre
louange, comme dans ce vers de Mutanabbî :
* Sur ce poëte, voir une note précédente, page 104.
^ En accomplissant mes devoirs, c'est-à-dire « mes bonnes
actions ».
* C est-à-dire u mes mauvaises actions ».
* Ou plutôt « faire succécler, faire suivre ».
— lit —
.A )l à. kiJLjU Lj^ï sjr^^w-Lp
Tu as déyasté une telle quantité de yies des ennemis^ que, si
tu les réunissais ensemble, le monde ne pourrait que désirer la
prolongation indéfinie de (on existence.
Le but du poète est ici de louer la personne dont il
s'agit quant à la bravoure, car ce n'est qu'un guerrier
et un brave qui dévaste les vies. Quant à la seconde
louange, elle consiste à dire que le monde désire la
prolongation indéfinie de la vie de ce brave, parce que
son existence est un gage d'ordre et de paix pour, le
monde.
SECTION XXT.
Enveloppement, r>^^^^*
Cette figure consiste à tirer d'une expression deux
sens dont le dernier ne soit pas évident. Elle diffère de
la précédente en ce que cette dernière n'est usitée que
pour louer, tandis que celle dont nous parlons actuelle-
ment a un emploi plus général. Elle , diffère aussi de
Vinsinnation^ (•UiK où on emploie une expression qui a
deux ou plusieurs sens, tandis que, dans la figure dont
il s'agit ici, c'est de l'ensemble du discours que doivent
résulter les deux sens. Le vers suivant de Jâmî offre un
exemple du ^1^^'.
— 113 —
Je désire retirer de mon cœur tes dards ; mais mon cœur ne
veut pus se prêter à mes efforts.
« Les dards De sortent pas du cœur », ou bien « mon
cœur ne veut pas que je les en retire » ; telles sont les
deux choses qui résultent de Tensemble du vers.
SECTION \\\1.
Double face* *^ji*.
Cette figure, qu'on nomme aussi ^^^' Jv^î=^) c'est-
à-dire, « possédant les deux choses opposées w, con-
siste à ce que le discours qu'on emploie puisse se pren-
dre dans deux sens opposés l'un à l'autre, comme, par
exemple, dans ce vers arabe où il s'agit d'un borgne
nommé Âmrû :
'Amrû^ m'a cousu un manteau. Plût à Dieu que ses deux
yeux fussent pareils !
C'est-à-dire, qu'il soit clairvoyant des deux yeux ou
aveugle. Les deux sens peuvent être admis.
SECTION XXVII.
Le plaisant en vue du sérieux, J^' i^^ ^1^ ^^-^1 J/^'-
• Ainsi que son nom l'indique, cette flgure consiste à
employer un discours plaisant, quoiqu'on ait en vue
une chose sérieuse, comme dans ce rubâl :
^ Ou plutôt 'Amr, le wavo étant purement orthographique.
8
— 1U —
JV.,mJi ^ aAoJjI JUj yj^ jy^ sS^
^yj H «• M • •
Pensez à la fia de toutes choses. Songez, ô vous qui faites
tant de bruit, au deuil qui suivra. N'ayez aucun rapport ayec
la prostituée du monde % el songez au mal de Tenfer.
On voit qu'ici le poète donne des conseils très-sérieux
sous une forme légère.
SECTION XXVUI.
Dissimulation, iVjljJI J^W=^ *•
Sukakî nomme cette figure ^ ^L»^ (^^ OJ^^
c'est-à-dire à la lettre : « mentionner une chose connue
à la place d'une autre », parce que, dit-il, lorsqu'on la
trouve dans la parole de Dieu (le Coran), il n'esl pas
bien de le nommer Jj«>I^, attendu que ce nom d'action
arabe signifie proprement paraître ignorer^ et que cette
expression est inconvenante, en parlant de Dieu. Le
double nom de cette figure indique en quoi elle con-
siste, et il est facile de voir que par là on veut mettre en
relief un bon mot ou une expression heureuse. L'auteur
* C'est-à-dire, « arec le monde aussi yil qu'une prostituée » .
Dans le chapitre xvii de T Apocalypse, en eompare aussi Babykm^,
ou plutôt Rome païenne, à une prostituée assise sur une bête )i
sept tètes, lesquelles représentent les sept collines de Rome.
^ A ]a lettre, « paraître ignorer ce qu'on sait d.
— 11» —
du Tarifât cite Texemple suivant, qui est tiré du Coran * :
^ JbL? j,j\ ^JJ^ JisJ ^y ^î U\j « Nous ou vous,
nous sommes dans une bonne voie ou dans un égare-
ment manifeste » . En voici un autre exemple dans ce
vers de Schâpûr * :
j^ j^^ ç^-^ jjj-^ c5"^ v^^ ^^^ Lry^
Est-ce bien que tu me tues pendant la nuit et que pendant
la journée ta viennes auprès de moi en disant : « Hélas, quel
est cet homme et qui l'a tué ? »
Il est évident que, par cette ignorance feinte, le poôte
veut parler ici de la personne qu'il affectionne.
SECTION XXIX,
Indication du motif, v^o.^1j Jy.
Cette figure consiste à se servir d'une expression em-
pruntée au discours d'une personne et à lui donner un
sens différent de celui dans lequel elle avait été em-
ployée, comme dans ce vers d'Anwarî:
Tu te plains que mon cœur n'éprouve pas f ameur pour toi.
Tu dis yrai, car c'est mon âme qui est animée de ce sentiments
* Sur. xxxiT, yers. 23.
^ Arjasp Schftpûr, Ce poëte, dont le& noms annoncent an
sectateur de Zoroastre, est,, entre autres» auteur d'un Diwân dont
la Société Asiatique de Calcutta possède un exeraj^kire.
— 116 —
SECTION XXX.
GradatioDy «>i^t^
Cette flgure, qu'on nomme aussi »|^', louange exa-
gérée, consiste à mentionner le nom de la personne
louée et ceux de ses pères dans Tordre généalogique, en
les accompagnant d'épithètes laudatives ; comme si on
dit, par exemple : ^\ çijS\ ^\ çij^\ ^' ^i/^^
reux, fils du généreux, fils du généreux, fils du géné-
reux; à savoir : Joseph, fils de Jacob, fils dlsaac, fils
d'Abraham ». Jàmt dit, en parlant du sultan Huçain,
dans Yûçuf Zallkha :
'' çi.j^^ c^' fi/' cr?' çt/
{{ Prince généreux, fils d'un prince généreur, fils lui-même
d'un père généreux. »
Quelquefois on observe Tordre inverse, ainsi qu'on
le voit dans ces vers de Cudcî * à la louange de Maho-
met, de Fatime, d'Alî et des sept autres premiers
imâms :
* C'est-à-dire, « succession de louanges ».
* Hajjt Muhammad Khân Cudcî Maschhad! est un poète persan
qui vint habiter Tlnde sous le règne de Schâh Jahân, dont il
reçut l'accueil le plus flatteur. (Newbold, A brief account of
the Pers, poeis.)
— 117 —
cT^ J ^Jtr^ J^^ ^'/^ J-k-i
L'Arabe Mahomet, printemps au jardin de la religion ; Alt,
la splendeur des yeux; la belle Fatime^^ la lumière de la Yue;
Haçan et Huçaîn, le printemps du contentement de Tésprit;
l'ornement des hommes^ (joie du cœur et flambeau de la direc-
tion) ; Bâquir * et Sâdic^ (l'éclat de la bougie de la chambre du
monde)^ le malheureux de la terre de Khoraçân, Alt, fils de
Muçâ^
SECTION XXXU
Admiration,
Cette figure consiste à exprimer dans une vue ou un
^ Laj est le féminin de Tadjectif comparatif et superlatif arabe
ytj\ beau; de là te nom de y^j^t a^Ls^', la belle mosquée,
donné k un temple célèbre du Caire. Il ne faut pas confondre,
par conséquent, Tépithète de La»; {Zahrâ)^ belUy donnée à Fatime,
fille de Mahomet, avec le nom arabe de la planète Vénus, 9j»\
{Zuhra)y comme on Ta fait quelquefois.
' A la lettre, « des serviteurs de Dieu », le poëte veut par-
ler de Alt, le quatrième imftnj, qu'on nomme plus ordinaire-
ment Zaïn ul Abidirtf fils de Huçaîn, qui précède immédiate-
ment, expression qui a le môme sens que celle que le poëte a
employée.
^ Muhammad Bâquir, cinquième imftm.
* Jafar Sàdic, sixième imâm.
^ Muçà est le septième imâm et Alt le huitième. L'épithète qui
est ici donnée à ce dernier fait allusion è la fin malheureuse de
ce prince, qui mourut empoisonné près de Tous, en Khoraçân.
— 118 —
but particulier rétonnement sur quelque chose, comme
dans ce vers de KhflcftDl :
*
GaUe coupe est étonnante et ta dis : On croii yoir s'élever le
crépuscule de la lune nouyelle.
Ici cette Bgure est destinée à faire ressortir l'éloge de
la coupe comparée à la lune S et du viu comparé au
crépuscule,
SECTION XXXII.
Incidence, ^p\f^^^»
Cette figure consiste à employer, avant de terminer le
discours, un mot sans lequel le sens serait complet. On
nomme aussi cette figure remplissage^ jJU^.^ et on en dis-
tingue trois espèces :
' Feu'Grangeret deLagrange, élève et ami comme moi de
Silvestre de Sacy, a publié un poëme remarquable sur le vin
dans son intéressante Anthologie arabe (p. 82 du texte, et il
de la traduction). Dans ce poëme, la coupe est aussi comparée à
la lune. On y lit :
Une coupe pareille ^ la lune contient ce vin, qui, semblable
au soleil, est porté à la ronde par un jeune échanson qu'on di-
rait être le croissant de la nouvelle lune. Puis, que d^étoiles bril-
lantes paraissent quand il est mélangé avec de Teau!
' Incmmt phrase incidente.
— 119 —
La première, c'est lorsque le discours perd par là de
la grâce; la seconde, lorsque, au contraire, il en est
embelli ; . la troisième, lorsque ni l'un ni l'autre de ces
effets n'a lieu. Dans le premier cas, cette figure se
nomme mauvais remplissage^ ^^Jt^s^ ; dans le second,
heau remplissage^ .^JUyua. ; dans le troisième, remplis^
sage moyen^ L^^ jls^. On ne rencontre pas d'exemples
de la première espèce chez les bons écrivains ; les exem-
ples des deux autres espèces sont fréquents. En \oici un
du beau remplissage d&u& le vers suivant d'Anwarî :
**^ fj ■^,J sJ^^ j' iTi dis ("W^y
A A *'
^j^ cî^ *^^ '^-^jjy j^ ij'j çi/î jj
Si je ris, ce qui a lieu par extraordinaire, elle dît : Ris-tu de
dépit? Si je pleure, ce qui a lieu joumellemQiit, elle dit j YerscA*
tu des larmes de sang? ^
Ici les expressions sj:.w;^j1 ^^ ^^ ^^^-^jji; /Vf»
que j'ai rendues un peu librement par ce qui a lieu par
extraordinaire et ce qui a lieu journellement, sont ce qu'on
nomme ^JUyua., parce que le sens de la phrase est
complet sans elles et que cependant elles le développent
avec art; car elles signifient que la personne dont le
poète parle dit les paroles qu'il lui attribue, quoiqu'il
rie très-rarement et qu'il pleure beaucoup ; et il a énoncé
cette particularité pour relever l'extrême dureté du
cœur de celle dont il se plaint.
* Ce yers se trouve dans rHistoire de Zahîr uddtn, publiée
par M. B. de Born, p. 540; mais il^y a une variante dans le
premier hémistiche, vJ1^a*oJLw^^ ^I^.
— 120 —
CHAPITRE II.
DES FIGURES DE MOTS, Jaâ) ^1^^.
I! est essentiel de recommander avant tout, aux per-
sonnes qui veulent écrire selon les règles de la rhéto-
rique, de faire toujours dépendre l'expression iâû) du
sens ^^5^, et de ne pas accommoder, au contraire, le
sens à l'expression.
Parmi les figures de mots, on distingue V allitération
{jinâs^ (^'^ï ou tajnîSy ^j^^^^), c'est-à-dire, propre-
ment l'emploi de deux mots pareils, quant à la pronon-
ciation, laÂb*, et différents quant au sens, ^^^- On en
compte plusieurs espèces ; il y en a de parfaites, >Ij, et
de défectueuses, jj^ïU, ainsi qu'on va le voir.
SECTION PREMIERE.
De rallitération identique, JjL^ ^j^^^.
On nomme ainsi la figure qui consiste à rapprocher
deux mots écrits de la même manière, et qui sont, Tun
et l'autre, de la même espèce, ^y , c'est-à-dire, ou deux
noms, A^\ ou deux verbes, J*i, ou deux particules,
^j^^* En voici des exemples : ,
^ Les grammairiens musulmans no reconnaissent que ces
(rois parties du discours dans lesquelles ils fout rentrer toutes
les nôtres. (Voyez la Grammaire arabe de S. de Sacy, t. I",
p. 123).
Le jour oh le temp» [saat) s'arrôlera, les méchants jureront
qu'ils ne sont demeurés qu'une heure {sàat) dans le tombeau,
(Coran ^ xxx, 54 et 55.)
J
sj JW ^ /^
■ • '
Un jeune homme, aux lèvres de sucre, apprenait à' Jouer ie la
flûte {na%) pour brûler les cœurs ^, comme la canne (naï) dont
on allume le feu. (Saadî, Bostan, liv. IIL)
Je suis pareil à une fi/ùXe {^%) dépourvue de son, à cause de
ce Aai * dépourvu de son. En effet, personne n'a jamais été
charmé par un n(M, dépourvu de son. (Maçûd-i Saad.)
^.-o ,.,i)lj 5^ fXt» oiU-j vjXj^s^ sj:.a--^;
^J'U ^^ ^J-w ^^J'J-J ^•^.^-9^ S.-^A--Jj
A cause de la main de ton musicien (joueur de (kaii^^^ j'ai
été semblable à la harpe {ûd) pleurante; et, par l'effet de tes
cheveux, qui répandent l'odeur du musc, je suis devenu comme
le bois d'aloès {ûd) qu'on brûle. (Abd ul-Wâcî.)
SECTION II.
»*
De l'allitcralion suffisante ou imparfaite, JjL^ ^j.^^^.
C'est ainsi qu'on nomme l'allitération qui porte sur
* Cest-à-dire pour y exciter des sensations vives et ardentes.
* Nom d'une forteresse où le poëie avait été enfermé.
* Le mot sjX^ est ici synonjme de ^y dans 1 e sens de
harpe.
des mots de deux espèces différentes ; par exemple, un
nom et un verbe, comme dans les vers suivants :
Cb qui est mort, en fait de gens honorables du siècle, vU
(yahya) dans Yahya, fils d'Abd-Ullah. (Abu Tamâm.)
j^^ t-^ -''^ ^^ «-^ ^^ ^'
N'aie poê Tespoir que la rotaiion du cM paisse amener le
plaisir pour toi; car même dans les demeures faos|ÂtalièieB il n'y
a de provision ni deyin, ni d'ami. (Kamâl-i IsmftïL}
SECTION ni.
De l'allitération composée, v--^>^ trnr^> ^^ V^'irV t/»^'-
Elle consiste à employer, dans le même vers ou la
même phrase, deux mots pareils, dont l'un est simple^
^jA^, et l'autre composé^ s..^^^£=ij? . Quand il y a confor-
mité dans récriture, on nonune cette figure allitération
composée identique^ ^sj-'"'^ V^ lT^ï*^' ^^ wLiX», et
quand cette conformité n'existe pas, cette figure prend
II
le nom à* allitération composée différente^ v.^^^S=y ^^^*«5^
^jf^» Voici un exemple de la première espèce :
,ii
— 1123 —
Lorsqu'un roi n'est pas généreux* y laisse-le, car son rojaume
netarderapas à le quitter*. (Abû'lfath Bastl.}
Voici des exemples de la deuxième espèce de Tallité-
ratkm dont nous parlons.
L^ Jjb vJ!U*^j ^L^ ^
U-^ ç]ù y ^j ^^ >
Tu es le bumâ', mais tu n'as poor Vombre du hmmâ que les
deux tresses de tes cheyeux (que leur ombre dure!) (JlimL)
^^^ j^ sJU^b ^^^ G
n avait une fille qui par sa gentillesse et sa beauté charmait^
les fées elles-mêmes. (Açadî.)
SECTION Vf.
M
De Fallitération reprisée, ^i^ tré^ •
On nomme ainsi l'allitération qui a lieu entre un
mot, un autre mot et une partie d'un troisième.
Exemple :
aJCjI^ ssJLJi /^ ^ Û^ iîj
* A la lettre, a possesseur de don t>,
* A la lettre, « sa fortune (sera) s'en allant )> .
* Allusion à l'oiseau fabuleux ainsi nommé, et à son ombre,
que les Orientaux considèrent comme étant du meilleur augure.
* A la lettre, a privait les fées de leur cœur i».
•.- 124 —
'^Jtj (•Ur*'' viLi^ JJ^,
Ne sois pas insouciant du souvenir de tes fautes, et déplore-les
en versant des larmes semblables )k la pluie qui tombe impétueu-
sement. Représente-toi la mort et son effrayante arrivée ; pense à
son breuyage de coloquinte, (Harîrt, 21* séance'.)
SECTION V.
•t
De Tallitération d'écriture, s^j^ i/*r?^'
On entend par là celle qui a lieu entre des mots dif-
férents quant aux figures, olI», c'est-à-dire aux points-
voyelles et autres signes orthographiques, mais pareils
quant à l'espèce du mot, f^, au nombre, ^^, des
lettres et à leur arrangement, v^^- ^^ ^^^^^ ^^
exemple : ^ •
J'ai quitté ta rue, agité comme le vent, et, en me retirant^ fat
enlevé la poussière du cœur de tes poursuivants ^. (Figânt.)
SECTION VI.
De Ffillitération nommée zâîd^ JjIj, c'est-à-dire allongée.
Les allitérations qui ont été décrites dans les sections
^ Au lieu de Axls^y le texte du Hadâyic ul-halàgat porte
Jà«^, ce qui donne un sens différent.
* Extrait de ma traduction inédite de Harîrî.
' C'est-à-dire : « Je les ai rendus contents en calmant leur
jalousie par mon absence. »
— 125 —
précédentes se nomment parfaites^ >Ij, par opposition à
celle-ci et aux suivantes, qui se nomment imparfaites ou
défectueuses, fjs^^.» Celle-ci, qui porte le nom particulier
de %âïd ou allongée^ consiste à rapprocher deux mots,
dont l'un a une lettre de plus que l'autre, soit au com-
mencement, soit au milieu, soit à la fln. Voici des
exemples de ces trois yariétés :
A caase de la majesté de la montagne de ta sévérité, le nuage
pleure sur les montagnes. Par YexÎBience de la générosité de ta
main, l'éclair sourit sur le nuage. (Salmân Sâwajî.)
j\sJjj J ^j^ i/_^ J/^j ^
Quand l'aurore a déployé dans l'orient l'étendard de la lu-
mière, cet étendard semble sourire dans les airs comme Yéchir.
(Khâaânî.)
^Ldij îj^ ^ :v^jj vlli^^ sjS^
Lorsque tu calmes ta colère, le trouble s'élèye dans la ville* ;
lorsque tu déploies les boucles de tes cheveux, le musc s'épanche
de dépit. (Azraquî.)
1^ l_^^^^ ^h l^ Jl^
U \
« C'est-^-dire : « Lorsque tu te rends aimable, la ville entière
est charmée et s'éprend d'amour pour toi. »
— 12Ô —
Nûtro onde (liiiAwiah) a donné^ pour le plaisir de ce monde,
du poisoa à la lumière de l'œil de Zabrâ \ (Sanfti.)
C'est être infidèle que d'avoir de la malignité dans le spiritua-
lisme : notre coutume, c'est d'ayoir le cœur aussi pur qu'un mi--
roif. (TMib^Amall».)
L'allitération défectueuse, quant à la lettre finale, se
iManme ^^écialemeat tAjnU-i mutarraf^ OJ^ (^/'r^^N
et aussi tajnîsd muzîl, JjSj» fr*^j^ *, et elle peut mêmd
consister dans l'addition de deux lettres dans un des
mots sur lesquels roule l'allitération. Exemple :
* J'adopte ici la traduction de Mirzâ Tantâwî d'après Sâïd
Hââckim. Zakrà^ nom de femme signifiant « la belle », attri-
bué par excellence à Fatime. Voy.plus haut, p. 117.
* Tâlib, natif d'Amal en Mazenderan, est un célèbre poète
mystique persan à qui on donne le titre de rossignol d'Amal, Il
yécut à la cour du sultan de Dehii Jahânguîr et en reçut le titre
de malik uschschùarâ ou roi des poëtes, titre qui équivaut à
l'appellation indienne de kabeswar ou prince des poëtes. Le Diwân
de Tâlib, qui contient environ dix mille baïts, s^ distingue par
l'élégance du style et la hardiesse des métaphores. Ce poëte mou-
rut encore jeune vers l'an 1625 de J.-C. (Voyez G. Ouseley,
Biogr, notices of persian poets.)
• D autres rhétoriciens^ persans nomment v^ Ja>» in^
l'allitération qui consiste à rapprocher deux mots qui ne diffèrent
que par la dernière lettre, comme, par exemple : s^]j^ et .Là»;
^jliî et oliî, etc. (Gladwm, Dissert. » p. 8.) *
• Allitération avec une queue, une annexe.
— 4^7 —
Ib t^atngmrent les infidèles, et ils exigèrent le tribut du Caire.
Ils masstLcrèrent les méchants, et (par leurs courses) ils excitè-
rent la poussière dans Dâmigân*. (Khâcftnt,)
SECTION VII.
Autre espèce d'allitération défectueuse.
Les mots qui sont l'objet de rallitération diffèrent
quelquefois quant à une lettre. Dans ce cas, si cette
lettre a de Tanalogie dans la pranonciation r;j^ avec
celle qui lui correspond, on nomme cette figure jinas-i
muzâri ojLa» ^U»^, c'est-à-dire allitération similaire;
et si cette analogie n'existe pas, on nomme cette figure
jinâS'i lâhic ^^Js3 {j^^ > c'est-à-dire allitération appro-
chante, Et^ de même que pour la lettre additionnelle, la
lettre dont il s'agit ici peut être ou au commencement
du mot, ou au milieu, ou à. la fin.
Voici d'abord des exemples des trois espèces d'allité-
rations mu%âri, tant en arabe qu'en persan :
O^'"^ Ji.j^J U^^^ J^ sj^=^ UtriJ JiH
Entre le lieu oîi je me trouve et ma demeure, il y a une nuit
ténébreuieei un long chemin.
* ViUeet district de Comisv ou Khoraçftn.
— 128 —
Ils détoumtnl (les autres) da Prophète et ils s'en éloignent
eux-mêmes. (Coran^ yi, 26.)
Le bonheur est attaché au front des cavaliers. (Paroles de Ma-
homet.)
Jàmt, qui a fermé sa houche aux futilités^ parle des boucles de
cheveux [Aq sa mystérieuse amie). (Jâmt.)
Celui qui ne s'évertue pas comme tu le fais est négligent ; et
celui qui n'a pas recours à toi est malheureux, (Faqulr.)
Ton intérieur est, à la vérité, ton cœur ; et, h l'exception de
ton intérieur^ tout est vain, (Sanâî.)
Voici actuellement des exemples des trois variétés de
rallitération nommée lâhic ou approchante^ tant en- arabe
qu'en persan :
Malheur k tout médisant calomniateur t {Coran^ ciVi i.)
0^-^ viJji ^ Aj'j Jj^ ^^" w^ ^^^
— 129 —
Il (rhomme) est ardent à l'égard des biens (terrestres), et il le
confesse lui-même. (Coran^ c, 7, 8.)
Lorsqu'ils reçoivent avis de quelque sécurité.... {Coran^
IV, 85.)
Remporte la yictoire et que Dieu soit ton ami ! Que ton toit
devienne une couronne et ton lit une place (d'honneur) ! (Abû'U
farah Rûmi.)
z^.J^=, L^L/ «j^j ^A ^^j jù
Tu as tiré sur mon visage les arcs de ton œillade ; tu as dé-
ployé pour mon âme les pièges des boucles de tes cheveux.
(Kbâcânî.)
j'j-rf ;b^ cHj '^'^ cT* J"^
Mon cœur est dégoûté àe ce bazar; tu peux m'en demander le
serment par Dieu et par la face (de ma belle). (Nizâmt.)
Lorsque ton adversaire prépare le banquet de l'enfer, ton
cœur est son rôli ; et son vin la scintillation du feu. (Faqutr.)
9
— lao —
SECTION VIII.
De rallitératioD intervertie^ v^.^ iTr?^ *
On nomme ainsi rallitération qui diffère dans la dis-
position des lettres. Elle est ou complète, Jf v^» ^^
partielle, jaxi v-Jiï. La première consiste à rapprocher
deux mots qui sont pareils, si on en lit un des deux au
rebours, comme par exemple ^ et y^^J^ dans la
phrase arabe qui suit :
^
jtjxb) 4::sw djLi^ ^ a^Luâ.
4y^ ^
Son épée est pour ses amis le gage de la victoire, et pour ses
ennemis l'assurance de la mort.
Les mots :y et >j^, ainsi que X et jL», dans le vers
suivant de Faquîr, (rffrent deux autres exemples de cette
figure:
Vargent ne fera pas quitter le droit chemin à Vhomme reli-
gieux. Ce sefpent ne mordra pas le Berviteur de Dieu.
L'allitération intervertie, partielle, est celle qui a seu-
lement lieu entre quelques lettres d'un mot. En voici
des exemples dans deux vers de Sanâi à la louange de
Schâh-Auliyâ*:
* Aa sujei de oe personnage, célèbre par sa sainteté, voyez
moft Mémoire suc la religioQ musulmane dans Tlnde, p. 9^7 et suiv.
— »8» —
/j.;— î^ jj' c)' — 'T^ ^ *^
Tons les sftiyids de la religion sont favorisés par lui, tandis
que tous les Dârmahrams ^ seot privés de son appui.. ..
QuicQou{ue possède un soc de pièces d*oc n'a pas les hommes
pour ennemis.
Dans le rers sumnt de Khàcftn), on trouve la réu-
nion de rallitération allongée, Jotj*, etdelinversion,
\ <Hi,i,'^'*a ^\\\ %«< %i
La bonne doctrine consiste à briser les idoles et à en éloigner
son désir.
Lorsqu'un des deux mots de l'allitération intervertie
est placé au commencement et l'autre à la fin du vers,
on la nomme inversion ailée j ^jcs^ vî^- Exemple :
jî^ CU--^ vj' *? J^ ^ fb
* Cest-à-dire ceux qui se so&t pas admis dans le harem. Ici
cette expression est métaphorique et désigne ceux qui n'entrent
pas dans le harem de la religion, c^est-à-dire les impies et les
infidèles,
2 Voyez-plushaixt, section V.
— 13Î —
Mon cœur obéit h cette idole trompeuse. Ses lèvres sont en-
chanteresses et ses tresses de cheyeux sont des serpents, (Faquîr.)
SECTION IX.
De rallitération intervertie égale, v3jJ^ V.^ lTK^^ •
Cette autre espèce d'allitération consiste à construire
un vers de telle sorte qu'on puisse le lire aussi bien au
rebours que dans le sens ordinaire. On en compte trois
espèces : dans la première, on compose le second bémi-
stiche d'un vers des mêmes lettres que le premier, pla-
cées au rebours. Exemple :
Dieu nous a montré le croissant de la lune qui brillait.
Dans la seconde, les deux hémistiches d'un vers peu-
vent, l'un et l'autre, séparément, être lus au rebours
aussi bien que dans le sens ordinaire, comme dans ce
vers de Khusrau :
(J'j-ir^ j-^ V^ J^ Irv* ^
Mets du sucre dans la balance du devoir. Sois le compagnon
du rossignol sur les lèvres de toutes les belles à face de lune.
Enfin, dans la troisième espèce de l'allitération dont
nous parlons, le vers tout entier peut se lire au rebours
aussi bien que dans le sens ordinaire. Exemple :
— 133 —
>y^ aJ:^-» J.S=> Jjb^
Son amitié semble à toute épreuve, mais pourra-t-elle durer?
On trouve des exemples de cette figure de mots dans
la prose aussi bien que daus les vers et dans le Goran
lui-même.
SECTION Z«
De l'allitération contiguë.
J'appelle ainsi rallitération, de quelque espèce qu'elle
soit, lorsqu'elle a lieu entre deux mots qui se suivent,
allitération qu'on nomme en arabe mukarrar, jj^ (ré-
pétée), muzdawajf T^^y (accouplée), muraddad^ ^^y
(réitérée). On en a déjà vu des exemples; mais en voici
quelques-uns encore :
• • • vi/ •• •
Je t'ai apporté de Saha tme nouvelle, [Coran^ xxvii, 22.)
é^ U^ "^^ t^ cr* ^^ ^^ "^ ^^ cf
Celui qui cherche quelque chose avec énergie^ le trouve.
Celui qui frappe une porte avec persévéranccy y entre, (Proverbe
arabe.)
Au milieu de ses génuflexions et de ses prosternations, il a fait
le bien ; tout en se levant et en s'assejant, il a répandu des bien-
faits. (Sanftî.)
r-^ f
— 134 —
JS ^i j1 OiJ ^jjj
n a été arec sa bien-aimée et la coupe de Jamsehed*, tellement
que le désir de son cœur n'a pas dimnui un seul jour. (Açadt)
Vangle oh je réside est pour moi une bière : Dieu me délivre
de ce séjour ! Mon Tiabiiation est Venfer : Dieu me garde de ce
lieu! (KhâcanL)
sïcnoN XI.
De l'aîntération d'écriture, J^ iT^ir?^'
On Domme ainsi l'allitération qui porte sur deux
mots qui sont écrits de la même manière, q^ant à la
forme des lettres, mais qui diffèrent par les points dia-
critiques*. En Toici des exemples :
^ C* est-à-dire en prenant du vin et en se réjouissant.
* On donne le môme nom à l'allitération qui consiste à rappro-
cher des mots pareils quant aux lettres, mais différents quant aux
points-Tojelles et autres signes orthographiques. En voici un
exemple tiré du célèbre poëte hindoustani Saudâ :
Ceci n'est pas une riv%re que tous puissiez passer au moyen
d'un pont (fvi). Les larmes abondantes qoi collent des yeux des
aoiaiits, après avoir hrxié {fU) ce pont (puO» '® renverseraîen
en un moment (fah)
— 135 —
C'est lui qui me nourrit et qui rrCabreuve; c*est lui qui, lors-
(^ }e suis maladt, m^ guériL [Coran^ Txyi, 79.)
»i^-£=» L^j '-^jj^ H^j
Ses femmes, derrière le rideau, reçurent des blessures qui
excitèrent la compassion. En le voyant, les yeux furent des sources
(de larmes), et les oreilles sUnfiammèrent en entendant son dis-
cours. (Sanât.)
SECTION XII.
De la dérivation, ^li::i»1.
Cette figure a du rapport avec rallitération. Elle con-
siste à rapprocher des mots qui ont xme source com-
mune et un sens analogue. Exemples :
lereta face vers la vrate* religion. (Coran, xxx, 42.)
* Le premier de ces deux mots est le plnriél dn mot /J^a., q?ï7,
et le second est le pluriel du mot ^v^> source, fontaine.
^ Ici, en effet, les mats J\ et ^ soni dsérivés Tun et Taulre
^n verbe ^yj Ai, seïevtr,
* A la lettre, droite.
— 136 —
!j *A.^Li ^!jJ ^Lkij^
Dieu a donné k tous le lait du monde, et \ Fatime il n'a donné
que le sevrage*» (SanAt.)
A
A
i [jr^^j ^^=^ sSjr "^
^ L ^
^ cjWj J-^ j * : ;'^" ' e^
Tu me dis souvent : Renonce k son union. J'y renfynceraie
bien ; mais mon cœur et mon esprit n'y veulent pas renoncer,
(KhAcAni.)
SECTION XIII.
Du semblant de dériyation, ^Uxii^! ^xfl.
On nomme ainsi rallitération qui consiste à rappro-
cher deux mots qui se ressemblent, mais qui ont une
origine différente. Exemples :
Lolh dit : Je suis de ceux qui délestent votre crime. {Coran^
xxn, 168.)
*■ aJLL» appartient k la môme racine que >lia5. Par l'expres-
sion (( le lait du monde » il faut entendre les biens extérieurs du
monde.
' Par le <k sevrage » , il faut entendre ici l'art de se sevrer
des choses du monde : l'abstinence et la piété.
* Ici le mot Jli dérive de la racine Jy , et ^li de la ra-
cme ^.
— 137 —
Pareil h Alexandre, qui fut inspiré comme KhizrS il réu/nira
des armées et conquerra le monde. (Khftcânl.)
SECTION XIV.
De l'allitération par allusion^ Zj\j»\,
C'est celle à laquelle il est seulement fait allusion
sans qu'elle soit exprimée verbalement. Exemple :
La barbe de Moïse a été rasée par son nom', et par Aaron, en
retoamant cemot*.
SECnON XV.
De la figure de mots nommée raeM-uIu/z-atasdcuIr,
Par cette expression, qu'on peut traduire en français
par rafpel de la fin au commencement^ il faut entendre
* Allusion à la légende musulmane d'Alexandre, développée
dans Ylskandar-nâma de Nizftm!.
' ^^y est le nom propre que nous rendons par Moïse, et il
signifie aussi rasoir. Le poëte fait ainsi allusion à une allitération
parfaite, ^Lï ^j^jôa^ .
* Enlisant le mot M^t^» au rebours, on a v^y, qui est le
nom qu'on donne k une composiiion épilatoire. Le poëte fait
ainsi allusion à une allitération intervertie, s^^JtS iTthF^ *
^
— i88 —
TallitératioB qui consiste à répéter le même mot dans le
même yers, ce qui peut avoir lieu de quatre façons,
A^^ différentes, lesquelles se subdivisent chacune en
trois espèces ou variétés, oy *.
La première consiste à mettre tant au sadr^ c'est-à-
dire, en tête du vers qu'au upy c'est-à-dire, à la fin du
second hémistiche, le même mot, soit en le répétant tel
quel avec la même signification, soit en le répétant ayec
un sens différent par allitération, soit enfin en employant
deux mots dérivés de la même racine ou paraissant en
dériver.
Voici des exemples des trois espèces de cette première
façon d'employer la figure de mots dont il s'agit :
H^J jJali jJI ^^ J,1 ^^
^,r-^ JjJJ ^b J,l ^j
Il est prompt à souffleter son oovsîn, mais il p'est pas prompt
k regard de celui qui réclame ses bieikCaits.
* Pour bien comprendre la théorie qui va suivre, il faut con-
naître la valeur de quelques expressions techniques de ta laé-
trique arabe qui seront expliquées plus loin; mais disons en
attendant: 1* qu'on namme soir, «Juc, c'esl-à-db» poitrine^
la première partie, j^^s^, du premier hémistiche (d'ui VBrs; et
2* arûZf U^JJ^^ c'est-à-dire extrémité^ la dernière partie du
même hémistiche; 3° qu'on nomme iblidày »^,x^\ c'est-à-dire
commencement^ la première partie du second hémistiche; et
40 ujz^jss^^ ou derrière^ la dernière partie; enfin 5° qu'on
nomme kaBc}io,yi*<s,^ c'est-à-dire remplissage, la portion de cha-
que hémistiche qui en occupe le milieu entre les deux parties
dont je riens de parler.
— 139 —
.J^ .^'J^ ç
Je suis fou (d'amour), mais as-tu besoin de m'attacher, moi
fou, avec les chaînes des deux tresses de tes cheveux? (Maçûd-i
Saad.)
La>l — s — ^ L^bl» ^ t^U^
Cessez toutes deux de me bl&mer follement; car ramoor qui
me sollicite m'a appelé avant tous.
\jj jt5)^ JjL; ^1 ^L. j^ ^
2
f/r- \j^ kJ^ ^ ^'^ L?^ ^^ ^
J*ai fait des pointes de tes cils un bouclier pour ma vie^
«fin que tout le laonde sadie que fai rtnond à la vie, (Ain!r
Khusrau.)
cr-^=^j J^^ ^h '^^.
* Le premier ^U^ est l'impératif au duel du verbe irrcgii-
lier assimilé p ^^ , laisser y avec le pronom afBxe de la première
personne^ et le second est la troisième personne nrascnline du
preiérit de la racine U^, appeler ^ de laquelle dérive aussi le mot
y^by qui comnieBoe le second hémîstidie «C qni est le nom
d'agent du mâmeTBrbe.
* Le premier JÇ-» signiû'e bouclier^ et le dernier est le parti-
cipe présent apocope de /j'^ jç**, livrer.
' Le premier àjlX est dans le sens i^urUque^ le second dans
celui d'ami. Ce mot a en effet ces Jeux significations.
— uo —
Tu as été Vyagâna {VuniqtLe) du monde, et toutefois le monde
n'est Vyagâna {Vamtj de personne. (Ansart.)
-.L^l ^ L^^' s-^,lr^
* Lo Kto L^ v*JD ^jj LuJli
Nous ne voyons pas que tu aies un égal pour les qualités que
tu as manifestées relativement à la générosité. (Bakhtar)) \
^ m
Par des efforts^ la position de chacun auprès de sa bien-aimée
s'aipéliore ; mais, quant à moi, malheureux, plus je m* efforce
et plus je suis maltraité. (Figftnt)
La seconde manière d'employer la flgure dont il s'agit
dans cette section, c'est de répéter le même mot tant
dans le hascho ou remplissage du premier hémistiche
d'un vers qu'à la fin du second hémistiche.
On distingue encore trois variétés de cette figure, à
savoir: la répétition pure et simple, jV^*, l'allitération,
^jMjjiar»*, et la dérivation, çjtixi.1. En voici des exem-
ples :
^ Les mots s.^|^ et i^^j^ sont dérivés de la môme ra-
cine. Le premier est le pluriel du substantif ^ >^, carac»
tèrCj etc., le second est un adjectif signifiant semblable^ etc.
^ Célèbre poëte arabe de la première moitié du ix* siècle, et
dont les poésies ont été réunies en un Diwân. (D'Herbelot, Bi-
blioth. or,)
^ Le substantif ^^^^ et le verbe ^»y^^ appartiennent à la
même racine.
— U1 —
Je dis à mon compagnoo, tandis que le chameau (de la cara-
yane) nous descend entre Munîfa et Dimâr* : « Respire à ton
aise le parfum de Tarâr* du Nadj; car, après le soir, il n'y a
plus d'arâr • ».
Qui est-ce qui pourra me rendre libre ici, puisque le soleil
lui-môme n'est pas libre * ? (Khâcânî. )
* Noms de deux endroits dans le Na jd . (Voyez sur cette pro-
vince d'Arabie la notice spéciale de feu Jomard.)
* Buphthalmus silvesler,
* C'est-h-dire, « tu ne pourras plus le respirer, parce que
nous partirons » .
* Les vers qui sont cités en exemple dans les ouvrages didac-
tiques orientaux sont souvent obscurs, parce que, étant pris iso-
lément, le contexte ne peut servir à les éclaircir. Le vers dont je
donne ici le texte et la traduction est dans ce cas. Gladwin [Dis-
iertationon the Rhet,, p. 12), qui Ta aussi donne d'après un
autre ouvrage, sans dire qu'il appartient k Khâcânî, et avec
l'addition fautive de àT à la fin du premier hémistiche, le traduit
ainsi : « Who will consider us perfect in that place, v^here the
« Sun is not (deemed) perfect ? »
— ii2 —
*J^ib .L^b J.bUI ^Li
Lorsque les rossignols déploient Féloquence de leur langage,
chasse tes chagrim en vidant Us bouteilles.
^jj3 «^ ^jS jVjLj C.wL» ,^--aJ
Mon Joseph yend actuellement des sucreries dans le bazar.
abstinent, relire ton cœur de' l'angle de la soUtdde. (Faquîr.)
iJLJ i^JU ^jVs^ /J 'Y^^ I-
lil
Si Thomme ne retient pas sa langue pour ce qui le concerne,
il n*est pas de ceux qui la retiennent au sujet des affaires d'au-
trui. (Amrû'lcaïs^.)
* Le premier Jj^Sj est le pluriel du mot persan JJ^, rossi-
gnol, qui a passé en arabe et y a pris un pluriel conforme au
génie de la langue; le second est le pluriel du substantif arabe
JLU, affliction, etc^ et le troisième est le pluriel du substantif
SJUb dans le sens à^aiguière, pot, houleille.
* Dans le premier hémistiche, reipressîon^jljlj signifie mar-
ché, dans le second, elle forme deux mots, %\ \u , c'est-i-dire
porte en arrière.
* Gladwin {ib.), qui a aussi donné ce vers, a traduit mal à
propos ici j!, de (from), par ta (à), ce qui dénature le sens.
^ Les mots fjjsri et ^jy^ sont dérivés de la môoie racine,
^ P. 31 , 1. xvii de rédition de M. de Slane.
— 143 —
*-^->* ^jô l;ë s^J^ c>^ H r* ^
LUI ..^ I,
Qaokfiie tu. ne me traites pas toujours avee botUéf quelle est
Il pecnniieqtti iiesoti Vobjei de ta hienvetUanee?
La troisième manière d'employer le radd ulujz alas-
sadr^jù^i^js:»^^ ^jj consiste à placer te même mot
au arûz, d^Jf' ®^ ^^ "^P^j^^ c'est-à-dire à la fin des
deux hémistiches du vers ; ce qui a lieu de façon à for-
mer encore trois variétés, comme précédemment*.
Exemples :
kr^ ^j^^ j^^ 0^ ^j
* Tandis qu'un autre recherche la blancheur des belles à poitrine
rebondio, moî [e ne recktrck^ autre chese que la bltacbeur des
(épées) tranebuiies. (Ab(l-ïaB)âQ[i,)
^» ^^ ïjL^ ^j^ }^] ^yi^ jj.*- ^1
^iJ . »jL^ ^jf=> M^^^ jb ^1
Salut soit de ma part à ce charmant cyprès ; salut soit de ma
part k cette infidèle amie. (Walt.)
' Dans les exemples de simples répétitiena, ûb verra que la
rima est leportée au mot qui précède Fexpresaion lépéiée,
expression qu'on nomme radif^ îji^jj ou aimexe. Telle est, en
effet, la rè^.
— Ui —
JL^L_11 oLiV J,
Il est affectionné pour les versets' du premier chapitre du
Coran, et charmé par les sons des cordes (du luth). (Hailrf,
48* séance.)
douée Tolease de cœur, tandis que moi je suis affligé dans
mon amour comme Farhâd, toi, dans ta gentillesse, tu es char-,
mante comme ScMrtn. (Abd ulwâcl Jabalt.)
Que ta puissance qui est gardée par le virant qui ne dort pas,
anéantisse le trouhle et endorme Tinjustice. (Mukhtart.)
La quatrième manière d'employer la figure de mots
dont il s'agit dans cette section consiste à placer, au
commencement et à la fin du second hémistiche d'un
Ters, le même mot dans une des trois catégories déjà
citées. Exemples :
^ Le premier ^Li^ est un substantif singulier qui signifie pro-
prement la première surate du Coran, nommée Fdtika; le se-
cond est le pluriel de ^^» qui est le nom de la seconde corde
du luth k quatre cordes.
' Les mots jy^ et >lJo appartiennent à la même racine.
— U5 —
Il n'y avait ni yerdare sur la montagne, ni branche dans le
jardin ; (et sauterelles dévoraient la campagne, et les hommes, fes
sauterelles. (Saad!, Bostany 1. I.)
Je sais en souci pour ma bien-aimée, tandis que d'autres le
sont pour leur pain. Dieu proportionne en effet les peines des
créatures à leur énergie, (Azraqut.)
Quelquefois les poëtes persans emploient cette figure
aux deux hémistiches du vers, ainsi qu'on le voit dans
les exemples suivants :
Je ne retire pas mon cœur de ton amour, quoique tu fasses le
chagrin de mon cœur; je ne détourne pas la tête de la fidélité
envers toi, quoique tu occasionnes mon mal de tête. (Azraqut.)
^1
J» c)bj"^
JJ ji «Jil jjc
';-
•
Jjji A-
- jl ^h^
* Par contraction pour ^U*.
* ^^^ est le pluriel de a», chagrin; ^^ est le pluriel de !L^,
couroj^e, force, etc.
40
~ U6 —
Cesl en Pteu, JQui, c'est m Dieu qu'est la délivrance^ oui, ^
(l^/tvrance du jpoîgnei du temps et des peines dont il nous ac-
cable. (Khâcânt.)
SECTION XYI.
De la figure nommée luzûm ma là yalzam^ >iL S U ^jJ,
c'est-à-dire, tâche à laquelle on n'est pas obligé.
Cette figure, qui se rapporte à la rime, consiste à
s'astreindre à employer avant le rawî, v3jy% <^u ce qui
le remplace, une lettre particulière pour le caïd^ jJ*,
ou h^tads, ^j^*y»\j*' Exemides :
Quant k Forph^in, ne le mattraîfepas; et quant ^umtndkiit,
ne le repousse pas. {Coran^ xliii, 9, 10.)
* On nomme ainsi la dernière lettre quiesoente de la rime,
àJM. Ainsi, par exemple, dans les mots ^^^^} et ^L^, le
raw( est le noun final.
* On nomme ainsi la lettre quiescente qui se trouve avant le
rawty excepté Valif^ le wâto et le yâ de prolongation. Ainsi
dans les mots J|«0 et ^, le ra est le caiû^.
' Tel est le nom de la lettre qui, dans la rime, est entre le
ratriet un a/t^quiescent, lettre qu'on nomme Jif^^* ^^ exem-
ple, dansj^lâ., le lacis est le j.
* Dans ce passage, on s'est astreint à employer la lettre n, Ka^
avant le j, ra, qui est mis pcmr le rwoi; car le mot ^àB^^ ou
tout autre aurait rimé aussi bien avec^^^.
U7 —
*L .L-^ J^< J-*^ \jiô3 jla-
Le yoûe de ce visage pareil à la lune, c'est sa chevelure sem-
blable à la nuit. Béni soit Dieu qui a fait de la nuit un vêtement I
(Isnâd.)
SECTION KVII.
De la suppression d'unp lettre Jy^ ^^^
Cette figure consiste à s'abstenir d'employer une lettre
de l'alphabet dans une pièce de vers. C'est ainsi, par
exemple, que Faquîr a évité de se $crvir de Yalif dans
le rubâî suivant :
^a5 ^^^^Js ^^^j ^-^^-•-ï^ '^/^ p^ j'^
Mabomet est un chef qui eut le soleil pour bouclier^; il est le
sceau des prophètes, le conducteur général et particulier dans le
sentier de la raison. Sa face n'est-elle pas, pour la vue de Tintel-
Ugence, le jardin de la sainteté, jardin dont Gabriel est le rossi-
gnol?
' Dans ce vers persi-arabe, ainsi que dans tout le gazai d'où
il est tbré et qu'il commence, le poëto s'est astreint à employer
un alif et un^stn devant Valif du rœtx^. Sans cela, il aurait pu
faire rimer L.»! avec t^^, ^âj, etc,
^ Allusion au mvrâj « ascension » de Mahomet au ciel.
— U8 —
SECTIOïf XTIII.
De l'emploi répété d'un ou de plusieurs mots particuliers.
■ê
Quelquefois le poète s'astreint à employer dans cha-
que vers, ou même dans chaque hémistiche d'un poème,
un ou plusieurs mots particuliers. Je vais en citer quel-
ques exemples :
1* KamàM IsmâU a fait im cactda où il a placé le mot
^^, cheveu^ dans chaque hémistiche. Voici les deux
premiers vers de ce poème :
toi qui as uu cœur accroché ï chacun de tes cheveux^ les deux
mondes ne font que la moitié de la valeur d'un seul de tes ehe"
veux. Ta bouche, lorsque tu parles, n'a que la largeur d'un che-
veu; la trace d'une fente pareille à un de tes cheveux s'y manifeste
seulement.
2^ K&tibt de Ntschâpûr a écrit un caclda où on trouve
à chaque hémistiche les deux mots jxi,, chameau^ et »^,
chambre. En voici le matla^ ^i^^ c'est-à-dire le premier
vers:
— U9 —
J'ai dans ma demeure (c'est-à-dirOi en moi) des chagrins tels
qu'on en chargerait des chameaux^ mais je ne me livre pas au
découragement (avoir un cœur de chameau) ; car le chagrin peut-
il exister dans ma demeure?
3* On doit à Amtr Khusrau un caclda dont chaque
Yers contient les quatre mots : J-wj, éléphant^ jj-r*? ^^-
misseauj ^j*^, mouche, oXJW, cigogne. Voici un vers de
ce poëme :
*-. A-
Tu es un roi à corps à' éléphant^ et sous tes auspices fortunés,
il n'est pas surprenant que le vermisseau se change en tigre, et
que la mouche donne la chasse à la cigogne.
i« Enfin, Khàcânl, dans les neuf vers suivants, s'est
attaché à mentionner quatre objets différents au second
hémistiche de chaque vers :
C/*' — r-'j y^^ ^^r^j lTîJ^'
pà. j-5 aSL. ^j^ j'>^^^
cj' — ij^ j!)— * LTjy-^ çy^j^
^l^j w^-r-j c;*^^ ç^^ c?^
H •
— f 80 —
A A A
H^ .'*'-^^ j^'> ^^ v'^
ÉdiTS, le BIfessre, thizr et Éne sont rétmîs pdtir le sidtrir et le
gatdfer. KluWau^, S^m, zk* et Ktniain, s'étant eemt le» téim,
se tiennent courbés de?ant loi coHime des^gens \i (aflle de eeteean.
i t s
Des milliers de portiers, aussi distingués que Hâtim, Man, Sa!f et
Numân', en leçoivent leur nourriture. Le Jifaûa^, l'Ëuphrate, le
Tigre et le Nil lui demandent au moment de la détresse une gor-
^ Ou plutôt Kaî-Khusrau, roi cTe Perse.
^ Zâl est le père, et SÂm le grand-pdte de Rustam, le cél^b^e
héros persan.
* Hàtim est trop eoanu peut qu'il s^oit nécessaire d'en rien
dire. Man est un Arabe célèbre par sa bravoure et sa générosité.
Saïf est un roi d'Yémen de là dynastie des Himyatites. Enfin
Num&n est un roi de Hirah en Irac, qui se fit, dit-on, chrétien,
et se retira du monde.
* C'est-iKlire TOxus ou le Baclrus.
— 18« —
i ft 3 4
gée d'eau. Le» maots JûdiS laid, Caucase etScbahU n *, font le
coutre-poîds des pierreries de sa libéralité. Les dives, les anges,
les fées et les hommes le prient contiaoelleni^t de leur assigner
leur nourriture journalière. Par lui les substances, les esprits,
les âmes et les intelligences ont pris une belle forme corporelle.
L'éternité, l'enfer, le temps et le paradis' sont les produits de sa
4 • S 4
colère ou de sai satislaotion» Par lui Feaiu^ la terre,. le feu^. l'air
qui £oime&t k mondes iwtent pusihlemea^ ensemble dana* ftii.
jciate^écgiilibre.
SECTION XIX.
Du mantsAty ^j^^ ou ponetuéy et du gaïr mancûl^ I^^aj^ »^,
ou non ponctué.
Quelquefois l'écrivain s'âstreint à n'employer, dans
uiiiirer» ou dans une phrase en prose, que dès lettres
ateef d^ poiirts dîatcrillquess lettres nommées ntcmctCt,
^yj^9 c'est-à-dire ;?(mc^M^c«, ou, vice versa^ à n'employer
que des lettres sans points diacritiques, lettres nommées
gaîr mancût^ i^yi^j^^ c'est-à-dire mm ponctuées^ ou,.en*
fin, de se servir sdternativement de lettres ou de. mots
écrits de ces deux façons, ce qu'on nomme ractâ^ •LLSj ^,
et khaîfâ, «Uâ. ^ Voici un exemple de l'emploi de lettres
ponctuées seulement :
*■ Les Orientaux appellent ainsi les monts Gordiens, en Armé-
nie, où, selon la tradition, Taiçcbe de Noé s'arrêta.
* Trois autres montagnes d'Asie.
' Proprement les bouris. ^
* On donne spécialement ce nom au léopard ou ï tout autre
animal dont la robe est tacbetée de noir sur du blanc ou vice
versa.
^ On nomme proprement ainsi une femme qui a un œil noir et
l'autre bleu.
— 15« —
AA
Par cotte fête tu reçois le don de la grâce, et non le mouYe-
ment de la colère.
Voici actuellement un vers entièrement composé de
lettres non ponctuées, vers qui est eitrait d'un cactda
écrit en entier de cette manière par l'auteur du Hadâyic
ulbaldgaê :
j\ j\y^j JoJ^ 9\j ùjJ >:y» ^
La poussière da chemin que parcourt son coursier ^ agile est un
coUjre pour les humains. Cette poussière sert mâme de sunna à
la prunelle du soleil et de la lune.
Voici un exemple du racià^ c'est-à-dire de l'emploi
alternatif d'une lettre ponctuée et d'une lettre non
ponctuée :
Les noires boucles de tes cheveux ont enlevé mon cœur, 6 lar-
ron! je n'ai jamais vu un voleur de cœar pareil à toi
Enfin, veici un exemple du khaïfâ, c'est-à-dire de
l'emploi alternatif d'un mot composé de lettres ponc-
tuées et d'un mot sans lettres ponctuées :
* Duldul, le cheval d'Alî.
— 153 —
La science, sache-le bien, donne au cœur le discernement,
comme le souffle du vent printanier, sache-le bien, donne è la
terre de Tagitation.
SECTION XX.
Du mucatta^ jtiaL» ou disjoint^ et du muassal^ S^y ^^ joint.
De ces deux figures de mots, la première consiste à
n'employer dans un vers que des lettres disjointes,
fnucaUaj Jbsi^, c'est-à-dire qui ne se lient pas entre
elles ; la seconde, à n'employer, au contraire, que des
lettres jointes, muassaly J^y , c'est-à-dire qui se lient
entre elles.
Dans les vers suivants de Jàml, le premier est com-
posé de lettres non jointes, le second de lettres jointes
de deux en deux, le troisième de lettres jointes de trois
en trois» le quatrième de quatre en quatre, et le cin-
quième de cinq en cinq :
— 154
*
J'ai le yisage pâle à cause de l'absence de cette perle, et le feu
du chagrin a marqué mon coear de Tempieinte de la brûlure^
On dirait que dans la nuit de ton absence la lune a diminué
comme moi, et est deyeuue petite et maigre.
Tes poils follets rappellent Khizr % tes bouclés de cheveux tor<
tilTées ressemblent au saule musqué. Ton corps est de l'argent *,
le rtrbis des lèvrefs de ta petite bouche estrdu sucre.
Is paradis^de L' éternité est un arantage méptisubto pMr ccM
qui seréîpttità câté de toi et reste fidèle kt ton- amour.
Par tes lèvres tu es le Messie, et l'éloquence se manifeste par
tes discours; la beauté se déploie dans ton aspect, et tes cheveux
sont parfumés d'ambre.
'SECUON XXIl.
Observations sur la prose cadencée.
Sukâkî fait observer, avec raison, dans son Traité sur
la rhétorique^ que la rime existe en prose comme en
poésie. Or, on distingue trois sortea de prose rimée,
^ Le patron de la jeunesse, parce qu'il est le gardien de Feau
de la vie, c'est-à-dire de la fontaine* de jouvence. On le repré-
sente avec une longue barbe et vêtu de vertw
^ Quant h la blancheiu:.
mmoûées mutÊTrafi ^jia^*^ mvtawèxi^ >Sj]^^ etnmû-
%&na^ A^^|y>^ Qiii noiBine muiarraf la pifose das» laquelle
MX em^oky àr k fin des nieiûbres de pbrasef», des* note
difSéreQite> quaoxi au nombre, \SJ-^^^ ^^^^ kleiytiq^wfli
quant au nrwl ou plutôt aux teUrea finates qui fof mettt
la rime. Exemple :
Qte'éfiw-rcmsf? Pbut^oi ^e pas espéwr pdtiemmeftf du Dieu,
^ rems d etéê» différents hs uns desr auttest {Coran^ iïxi,
12,13.)
La pr«)3e nonirmée' mmâmêzî esl eelte dacis laquelle on
emptode, à la ftei àes membres de phrase, d^ mots pa^
reila qxxsad an nombre ^j^ et au rawt Exempte :
II y aura des lits élevés et des coupes préparées, {Coran^
Lxxxvui, 13, 14.)
* Nom de patient de ^jh^» tinxit {digitos) extremos (jnu-
lier] y etc,
' Cert-Wire païaUèk,
* C'est-à-dire cadencé.
* Par le nombre, il faut entendre ici la mesure prosodique ;
ainsi 3 n'est pas nécessaire pour qu^un mot ait le même nombre
qtie l'autre, cpi*\\ afit les mÔmes voyelles brèves. Par exempïe, Icfs
expressions axO et v„^^^ Ji ont le même nombre. Ces mots
IwBBsaàf en e^, e& qu'on nomme dans la pfOS%)cKe latine un
sm ^im etgréj c'esl-'ii-direy ils se» composent d'une brèi^ entre
deux longues, ce qui est représenté àm9 la pfuysodte arabe par
le mot mnémonique fWkVà/nf ^JUlir»
— 156 —
On peut même construire deux membres parallèles
d'une phrase de telle façon que les mots qui les com-
posent correspondent symétriquement les uns aux au-
tres, avec le même nombre, ^j^, et la même finale, ^^y
C'est ce qu'on nomme tarsî^ fr^^ ** ^^ ^^^^^ ^^ exem-
ple :
n enrichissait les phrases de sa prose rimée des perles de sa
diction, et il frappait les oreilles par les instmcûons de ses ayis.
(Hartrt, 1'* séance.)
Enfin, la prose nommée muwàzana est celle dans la-
quelle on emploie, à la fin des membres de phrase',
des mots pareils quant au nombre, mais différents
quant à la finale, et par conséquent ne rimant pas en-
semble. Exemple :
^^ 4!;> ^>^ d;^-^
Il y aura des coussins mis en ordre^ et des tapis éUndus. {Caran^
Lxxxvni, 15, 16.)
On peut aussi n'employer dans deux membres paral-
lèles d'une phrase que des mots semblables quant au
nombre, mais différents quant à la finale. Ce genre
d'allitération est au mtiâzana ce que le tarsî est au mu-
* Ce mot signifie proprement o enchâsser des pierreries ».
Il est inutile de dire qu'on peut composer de la même manière
deux hémistiches d'un vers.
* Et dans les deux hémistiches d'un vers.
— 157 —
tawâzU On le nomme spécialement mumâçala^ ^U^, ou
semblable*. En voici un exemple :
Nous leur donnâmes (à Moïse et h Âaron) le livre qui manifeste
dairement nos volontés, et nous les dirigeâmes dans la voie
droite. (Coran, xxxvii, 117, 118.)
On nomme prose rimée en vers^ ,c^ f^F^^j les poè-
mes dont les vers ont chacun trois rimes particulières,
et une quatrième qui est commune à toute la pièce.
En voici un exemple, tiré de la onzième séance de
Hartrl :
^^1 Ul b ^ ^1 ^1 ^1; ^ bj
Jj ijLft ^i ^j J,-^ j-^^^ ^ pCi
* Tel est, du moins, l'avis de Fauteur du TalkhU ; mais Sukâkt,
dans son Miflàh ululûm^ le considère comme rentrant dans le
tarsf, quoique, en effet, il en diffère.
— 158 —
toi qui t'enorgueillis de ton intelligence, jusqu'à quand, ô
mon frère, en proie h. des idées vaines, accumuleras-tu des fautes
et des actions coupables, et commettras-tu de nombreux péchés?
Tu ne pleurerais pas seulement, mats Au répandrais desiarmes
de SftBg, si tu peMak qstàvi jugement dernier, ni entourage, ni
parents, ni amis ne seront d'aucun secours.
Dans ce jour redoutable, combien de guides qui se trouyeront
égarés; combien de personnes illustres qui seront avilies; com-
bien de savants qui glisseront et reconnattront la gravité de la
circonstance !
Jeune homme sans expérience, hâte-toi d'adoucir l'amertume
de tes n^auvaises actions, par le miel (du repenXir et des bonnes
œuvres). Le mur de ta vie est sur le point de crouler, et tu n'as
pas mis fin à ta conduite blâmable.
Garde-toi de la fierté, quand la lortune te favorise. Sache
retenir tes paroles : heureux celui qui en est le maître.
À celui qui est dans le besoin, donne beaucoup si tu es ricbe,
donne encore si tu es pauvre. Ne sois pas triste lorsque tu éprou-
veras des pertes, et ne désire pas amasser (des richesses) ^
SECTION XXIL
Des vers \ double et à triple rime.
On msame à double rime^ ^jr^^ ^i» un vers doût les
^ Extrait de ma traduction inédite âe Hariiti.
— 159 -
hémistiches se termineot chacun par deux mots qui ri
ment ensemble. Exemple :
J-à'lj ^, \;/m<==-> jLy^ Jift
^i"!»^"-"^»-»
^^^ J-Sr^ J^^3 (>»
C'est à la fois raison et obéissance, amour et sentiment de
foi. (Sanâî).
"Les pogtes mettent même quelquefois trois rîmes à
leurs vers. Exemple :
Sa grftc0 est par 3a jpureté le repos de ràm.e; sa perlectipn
dans la fidélité est l'arche de Noé ^ (Sanât.)
D'autres fois on met le toAîf^ ^^ ^^ *, entre deux ri-
mes, et on nomme alors les vers ainsi composés : t»r« à
deux rimes avec interstice^ w^LshI a/ ^jrè^ ^^« Voici,
comme exemple, un mbât de Maazzl^ :
* C'est?à-dire « ombrasse tout. »
^ Ainsi gu'on l'a yu plus haut, on nomme radîf le mot ou les
mots répétés \ la fin d*un yers, et gui ne comptent pas pour la
rime.
' Amir Muazzîy déjà cité page 84, mais dont le nom a été
écrit mal à propos Mazî, est un célèbre poëte persan auteur^ entre
autres, d'un livre estimé de morale religieuse intitulé Uall -^|^»
c'est-)i-dire a la Consolation de la grâce » , livre sur lequel d'Her-
belot donne guelgues détails.
160 —
(^^-r— ' ^ (J-^J *^
^j)d ^jU'y aJ jJlo vJU-t
^ vij''^ cj!r-^j v-5j' "^ — ^-^ ^"^
roi de la terre, tu as posé ton trône au ciel. Ton ennemi
est faible, et non pas toi, car tu as un arc très-fort. Il suffit que
tu l'attaques légèrement avec ta lourde massue. Ta yieillesse est
expérimentée, et ta fortune a la vigueur de la jeunesse.
SECTION XXIII.
Des compositions bigarrées, lO^^.
On nomme mutalawin^ c)J^i ou bigarrés^ variés de
couleurs j les yers composés de telle sorte qu'on peut les
lire sur plusieurs mètres différents. Ainsi le masnavt
d'Ahlt de Schirâz, intitulé Sihr-i halâl^ c'est-à-dire la
magie permise, peut se scander de deux manières diffé-
rentes*. En voici quelques vers, où Ton remarquera, en
outre, de doubles rimes et des allitérations :
* En effet, les yers qui composent ce poëme peurent se scander
à la fois sur le mètre nommé raml-i muçaddas mdhzûf, qui se
compose des pieds ^»^Li ^'bJcli ^'ilcli, c'est-à-dire de deux
épitrites deuxièmes et d'un ampbimacre, et sur le mètre nomme
$ari mutauwî makschûf, qui se compose des pieds ^fJ^^ûtÂ>»
^^Lii ^jl«Ai» ou de deux choriambes et d'un ampbimacre.
Voici le premier hémistiche de ces vers en caractères latins,
scandé des deux manières :
m schM&h d&r | kh&aâ-I j&n | m&nz&I&t
< » achùd&h dar | kh&n&-l jSn | mftnz&l&t
— 161 —
^.r^ e;-îîj ^ ^j ^v* ^-^ yJ^
crr-=^ d^^ f ^ J^' C^ ^^«^
toi qui as pris pour habitation la maison de mon cœur,
laquelle a acquis par là de la dignité !
toi dont la face est comme le soleil, Tornement du firma-
ment, qui en a reçu un transport de joie I
Mon cœur et mon âme sont les esclaves du visage de Haçan,
en qui se sont manifestés la douceur du caractère et un aimable
naturel.
Dieu a vu, au moment du sacrifice de Huçaîn ^, qu'il recevait
du monde un digne sacrifice.
Le vers suivant, de Salmân Sâwajî, peut être scandé
de trois * façons différentes ; et, par un autre tour de
force, il se compose de lettres jointes, J-^j^, de deux en
deux:
* C'est-à-dire de sa mort, ou, pour parler comme les musul-
mans, de son martyre.
* C'est-à-dire selon les mètres nommés raml-i muçamman
makhhûn, hazaj-i muçamman makhbûn et mujlas-i muçamman
makhbûnj qui se composent, le premier de quatre petits ioniens,
le second do quatre épitrites premiers, et le troisième d'un double
ïambe et d'un petit ionien répétés.
41
— 162 —
Tes lèvres sont une coupe de perles. Auprès de tes poils follets
se déploie la* tulipe (de tes joues). Tes sourcils, noirs comme la
nuit, dominent les étoiles (de tes jeux). La lune de ton yisage
est entourée du halo de tes cheveux.
D.^-
SECTION XXIV.
ialmîh ou allusion.
Cette figure consiste à employer dans les vers un mot
qui rappelle un fait célèbre, ou qui fasse allusion k une
chose mentionnée dans les livres classiques, ou* connu
dans tous les cas des gens lettrés. Ainsi, dans le vers
suivant de Khâcânî, il est fait allusion au ancâ* qui
nourrit Zâl, père de Rustam :
Je parcours un chemin pour lequel je demande le viatique de
l'unité divine. Comme Zâl^ fils de Zar^ j'invoque le nom du ancâ.
Le vers suivant, de Saudâ, offre une allusion à Joseph,
qui fut vendu en Egypte* :
^ Le ancâ ou simurg est un oiseau fabuleux que personne n'a
jamais vu et qui, à cause de cette circonstance, est donné comme
un emblème de Dieu. (Voyez, dans les Oiseaux et les fleurs^
Tallégorie qui porte ce titre et les notes qui l'ajccomp^igiient.)
* Conf. Genèse j xxxvii, 36.
— 168 —
On te montre le bazar de Memphis ; mais il n'j a personne
pour acheter l'objet précieux qu'on j voit.
SECTION XXV.
Du siyâc uladàd, ^iJ«b)t t^^^i ou réunion simultanée
de plusieurs objets.
La figure qu'on nomme ainsi consiste à réunir sous
un même point de vue différents objets. Exemple :
À «-^ A
J'y V.LC;»! JiT vJuS^ ^J^ ^y- b^
I» * ♦ • »»
musicien ! que sont devenus tes projets de promenade dans
le jardin, au temps de la rose? Où sont ta voix, ton chant, ton
luth, ta harpe? (Amîr Khusrau.)
^y^ri, h ^ C^^ ^^ J^ ^^
Mon cœur a arpenté trois fois les deux mondes ; et il n'j a vu
personne d'honorable. (Khâcâuî.)
SECTION XXVI.
^numération des qualités, oUaJI i^^^»
Cette figure consiste à donner successivement à un
objet les qualités qui lui conviennent. Exemples :
— 164 —
^1 ;UpJi ^yi ^^1
C'est le Dieu qui est l'unique, le roi saiut, sauveur, fidèle,
préservateur, excellent, victorieux, suprême. (Coran, lix, 23.)
JL.. ^^ÂJ o^, ^ ^}^ ^ ^ vj^^
Ce cheval a de blanches dents, une vive allure, un cou droit,
de petites oreilles, un dur sabot , des pieds solides, une large
croupe, une épaisse crinière. (Amîr Muazzî.)
SECTION XXVII.
Du tauschih^ ^^^y^^ ou acrostiche.
Cette figure consiste à composer un poëme de telle
façon que les lettres initiales de chaque vers étant mises
Tune après Tautre, forment un vers, un hémistiche,
une phrase ou un mot. Quelquefois aussi ce sont des
lettres médiales, ouïes lettres linales qui, étant réunies,
forment un sens. Voici deux vers urdùs, dont les pre-
mières lettres des hémistiches forment le mot persan
O, ami:
* Ce mot signifie proprement « mettre une ceinture nommée
wischâh », ^l^j*
— 165 —
Ma peine et mon chagrin proviennent de la blessure de la
séparation, de la douleur de Tabsence. Pour moi le repos du
cœur, c'est Taffliction. Voilà ce qu'il éprouve.
Il ne connaît que tes rigueurs. Maintenant à qui pourrai-je les
dire? Sans toi, dans Tabsence, il n'y a pour mon cœur que la
plainte.
On peut rapporter à cette figure le mtischajjarj y^
c'est-à-dire le vers en forme d'arbre, le mudauwar^j^^j»^
vers en cercle, le murrabba^ ^y>, vers en carré, etc., qui
ne sont, de l'aveu même de l'auteur persan, que des
jeux d'enfants.
IIP PARTIE.
DES ÉNIGMES ET LOGOGRIPHKS, LU», ET DE TOUT CE QUI
CONCERNE LES COMBINAISONS ÉNIGMATIQUÊS*.
On nomme muamma^ LI»/ (énigme), un discours qui
désigne un mot par différentes indications relatives aux
* Cette partie de la rhétorique musuln\ane, la plus obscure
de toutes, et à la vérité la moins utile, n'a pas été reproduite
dans la version bindoustanie du Hadâyic, J'aurais dû imiter peut-
être Imâm-Bakhscb, et ne pas la donner non plus en français, à
cause de la difficulté qu'il y a de développer d'une manière in-
telligible ces théories compliquées, et surtout parce que l'auteur
a souvent négligé d'expliquer les exemples qu'il donne, exemples
dont il est ainsi quelquefois difficile d'apprécier la justesse. Mais
— 166 —
lettres, vj^ vJL*'^^^, ou par des allusions relatives à
la prononciation, Jasi oljLi»!. Cette figure a surtout
lieu en poésie, mais cependant elle est aussi employée
dans la prose. Quelquefois l'énigme n'a pas pour objet
un nom seulement, mais une phrase entière.
Il faut d'abord se rappeler que les lettres ont trois va-
leurs : celle de prononciation, Jài), la valeur alphabé-
tique, ^v^j, et la valeur numérale, yj,^^. Ainsi les in-
dications et les allusions énigmatiques, oljLà»'^ cSi'^^
^jLôJt», ont trait à ces trois choses.
On distingue quatre espèces d'énigmesj li*», d'après
leur degré de perfection ou d'imperfection. La pre-
mière, qui est la plus parfaite, est celle dans laquelle
on indique les lettres du mot, >*-' ^jj^^ ainsi que
leur arrangement, ^jj/^ "-r^y'^ les motions ou points-
voyelles, w^l^, et l'absence de ces motions, vjL>LiC-,
comme, par exemple, dans le vers suivant, sur le mot
Haçan.
Mon cœur, en vue de ton beau nom, laisse le ja%m du mot
Ausn, et le remplace avec bonheur par un fatha.
C f
Ce qui signifie simplement que de ^^;*-a. il faut felre
cette partie de la rhétorique m%%ulmatie étant généralement
inconnue en Europe, j'ai cru devoir la mettre en lumière, toute
ridicule qu'elie puisse paraître; seulement, j'ai souvent abrégé
Touvrage que j'ai pris pour base de mon travail.
— 167 —
La deuxième espèce consiste à indiquer les lettres
d'un mot et leur arrangement, mais sans désigner les
motions ou leur absence. Cette seconde espèce n'est
pas dépourvue de perfection, et c'est à elle qu'appar-
tiennent la plupart des énigmes, car Tindication des
points-voyelles n'est pas nécessaire pour l'intelligence
de l'énigme.
La troisième espèce consiste à indiquer la matière du
mot, A-»' »^L», mais non l'arrangement des lettres.
L'énigme de cette catégorie n'est pas exempte de défaut
ËDÛa, la quatrième espèce, qui est décidément dé-
fectueuse, consiste à indiquer sommairement, vjîJ'^^
J,U^^, la totalité des lettres d'un nom, mais sans dési-
gnation spéciale d'aucune lettre. Tel est le vers suivant
sur le mot ^j^f soleil.
^ja. K^ S ^\ ^^3^^ f^^ ^^J ^^
J'ai choisi dans les deux moudes (le céleste et le terrestre) un
être unique dont le nom en trois lettres, qui valent quatre cents %
forment le nom de mon amie.
On nomme uçûl^ ôy^K fondements^ les portions essen-
tielles du vers où est exprimée l'énigme, et les portions
qui ne sont pas essentielles se nomment lawâhic, Jp^lP,
* En effet, la valeur numérique du schin (première lettre du
mot ^r^) est 300, celle du mîm 40, et celle de sin 60, ce qui
fait ipo.
— 168 —
accessoires. De plus, les uçûl sont de deux sortes, les uçûl-i
mucauwama, ^^ Jr^^ ou les fondements constitutifs^
c'est-à-dire les parties du vers qui se rapportent à la ma-
tière même du nom, et les xlçûIA mutammama, J^l
i.*V^, c'est-à-dire les fondements de perfectionnement^ les-
quels ont rapport à sa forme parfaite.
Dans les parties accessoires, ^3=^|^, du vers qui ren-
ferment rénigme, on distingue aussi celles qui sont en
accord et en convenance avec les fondements, J^^ et
qu'on nomme lawâhic-i muhassina^ iôlor^ i3^'^» c'est-
à-dire accessoires embellissants; celles qui s'en écartent
et qu'on nomme lawâhic-i muschauwischa^ 6±>^La ^^^^Jy
c'est-à-dire accessoires embarrassants; enfin, celles qui
n'ont ni l'une ni l'autre de ces qualités, et qu'on nomme
lawâhic-i sâlima^ 4L» ^3».^, c'est-à-dire accessoires in^
dépendants.
Il résulte de ce qui précède, que les lettres et les mots
qui sont employés dans l'énigme appartiennent à une
des cinq classes suivantes, à savoir : \'* fondements^ ôy^\
constitutifs, ou 2^ perfectionnants ; S*» accessoires, ^^j^^J^
embellissants ; 4° embarrassants ; 5° indépendants.
Lorsque le but de l'énigme est d'indiquer un mot,
elle peut avoir trait à quatre différentes choses : r à la
matière du mot, c'est-à-dire aux lettres qui le compo-
sent; 2° à sa forme parfaite, c'est-à-dire à l'arrangement
de ses lettres ; 3° à la correction de son orthographe,
c'est-à-dire à la mention exacte des motions de ses let-
tres ou de leur absence ; 4° enfin à faciliter l'intelli-
gence des deux premières choses. Ainsi il y a quatre
manières défaire usage de l'énigme; en d'autres termes,
— 169 —
il y a quatre procédés^ J^ *, ày employer : 1** le produc-
tifs ^-wwa-;s-> ; 2° le perfectif^ ijtv^ 5 ^* Vaccessoire,
,Jjj 3j ; 4° le facilitant, ^J^r^*- ^r, comme en réalité ce
dernier n'est destiné qu'à venir en aide aux deux pre-
miers, nous en traiterons d'abord.
CHAPITRE I".
DES PROCÉDÉS FACILITANTS, .J-^ JU*'.
On en distingue quatre différents: Vinticâd, ^lAJ!*;
le tahlîl, JJ^ ^ ; le tarkîb, <^Sy * ; et le tabdîl, Jj.xô* *.
On entend, par Yinticâd, la désignation de quelques
parties du mot, comme devant être l'objet d'un change-
ment ; or, par ces parties du mot, il faut entendre le
commencement, le milieu ou la fin. S'il s'agit du com-
mencement, il est désigné par un des mots tête,j^]
bord^ wJ (lèvre); visage, ^j (joue); commencement,
IjjUp ; premier y Jjl ; couronne, «j-Lï, j^] , ou »biS', et au-
tres mots qui peuvent indiquer le commencement. S'il
s'agit de la partie du milieu, on la désigne par les mots
comr, J^; cerveau, cervelle, noyau, yà^j» ; centre, J.^; mi-
lieu, ^jL» ou iua^, etc. Enfin, s'il s'agit de la fin du
* Ce mot, dont le pluriel est JL^^', signifie proprement acte,
action; mais il se prend ici dans un sens particulier comme
terme technique.
* Ce mot signifie proprement toucher une somme d* argent.
' A la lettre, V action de délier.
* Arrangement,
* Changement.
— 170 —
OU
mot, on la nomme pi^d, Lj, ou >Ji; ^n, ^jbL;
>UsJl, etc.
On désigne aussi le commencement et la fin d'un mot
par les expressions : U premier jour de la lune^ z^è, et
le dernier^ j}^ ; V apogée^ ^jt, et le périgée, ^jn.^^^ ; la
montée, j^yf^ei la descente, w-^ ; le haut, ^b, et te bas,
vjj; la partie limpide, ^^^ et le résidu, y^^j^ ; la bran-
che, «.U., et la racine, j^ ; le milieu du vêtement, w>^,
et le pan de la robe^ /v''^» etc.
On se sert aussi des mots qui expriment ce qui en-
toure une chose, comme peau, xJL.^jj, vêtement, ^\j^,eic.,
pour indiquer le commencement et la fin d'un mot,
comme on le voit dans le vers suivant sur Muça, ^y,
Moïse.
C'est ici la peau ^ du muddai (ennemi) et la moelle ^ du dost
(ami) ; demande que cette moelle et cette peau viennent (c'est-
à-dire l'ami).
Si l'on a à désigner plusieurs lettres du milieu, on
les nomme cœurs, L^J^, centres, ^^y^ etc., ainsi qu'on
le voit dans le vers suivant sur le nom de Sâbit, c^L».
j^j^ ji) "-^^^^ ^ji J"^ j^ ^^ )^ y^
* C'est-à-dire le mîm, qui commence, et le yé, qui termine ce
mot. Le mot ^^y* commence et finit en effet par ces deux
lettres.
* C'est-à-dire les deux lettres médiales de sJL^^j^f à savoir
le waw et le sîn.
— 171 —
Si celui qui épie mes actions veut connaître le nom de celle
que j'aime, qu'il prenne le mot Sibât^ oL^Î, qui a deux cœurs *,
et qu'il les mette devant-derrière *.
On se sert quelquefois, pour exprimer les trois lettres
radicales d'un mot, des lettres employées à cet effet par
les grammairiens arabes, c'est-à-dire du fé, ^, du aïn,
p et du Zaw, J '. D'autres fois, on emploie un des mots
jUS', ^^^ ySj^'i ^^W^» ^^^t pour exprimer tantôt la
première, tantôt la dernière lettre d'un mot, comme on
le voit dans le vers suivant sur le mot Adarriy ^:> I *.
mon cœur blessé par l'amour, ne te plains pas de ton sort,
puisque les cils des belles arrivent plus ou moins de mon côté ^«
* C'est-à-dire les deux lettres médiales du mot O^^ 9 ^ savoir
Yalifeilebé.
^ En effet, sJL>Lo a une première lettre qui est se, «^, et une
dernière qui est te, vJl^, puis deux lettres médiales, qui sont 6^,
v^, et aïlf^ t; or, si vous mettez Valif devant le bé, vous avez
C^Ij, quiest lemotdeTénigme.
* Ces trois lettres forment le mot Jjt3, qui sert de paradigme
à la troisième personne du prétérit du verbe arabe, laquelle est
considérée comme la racine, non-seulement des autres temps et
personnes des verbes, mais de tous les dérivés nominaux.
* Ce mot signifie aussi homme.
^ A la lettre au côlédu^mot L». Par là l'auteur entend Valif^
qui commence le mot >jl. J'ai considéré le mot L» comme étant
le pronom possessif de la première personne au pluriel, et c'est
ainsi que j'ai traduit de mon (noire) côté. On peut aussi le pren-
~ 172 —
On entend par tahlîl^ S^^ l'emploi d'une expression
qui ne forme qu'un mot dans le sens du poëme, mais
qui, dans un sens énigmatique, se sépare en plusieurs
mois. Levers suivant sur le mot khurram^ jijâ^, en offre
un exemple :
' Le vin pur qui nourrit l'esprit dans une agréable ivresse n'est
pas le vin plein de lie qui t'incommode.
Dans ce vers, le mot jL?-, qui est l'anagramme de ^^,
forme un tahlîl en deux parties, à savoir *à^, courbé^ et
jl, impératif de j^j^', apporter.
Le mot ^'j^jL», mâzandarân^ qui est le nom d'une
province de Perse, et dans lequel on trouve l'anagramme
du mot ^jL»', offre un exemple d'une allusion énigma-
tique par un tahlîl en quatre parties, à savoir U, nous;
^;, femme; j^, dans^ et ^1, cela»
Le tarkîb est le contraire du tahlîl. C'est réunir dans
un sens énigmatique plusieurs mots en un seul. Le vers
suivant sur le mot beg^ >-tSlj, en offre un exemple :
•• •
Quoique mon amie paraisse fâchée contre moi devant mes
rivaux, toutefois elle n'a pas de considération pour ces étrangers.
dre, selon l'auteur du Hadâyic^ pour le substantif arabe L», eau.
Dans tous les cas, le jeu de mots est identique.
— 173 —
Des deux mots ^tU L^l^^ se forme le mot J,Ui, re-
jeton, etc. , que le poëte a en vue énigmatiquemen t. Quant
au mot oX-», qui est le sujet du vers, il fait partie du
premier mot.
Enfin, on entend par le tabdîl le changement d'une
lettre d'un mot en une autre. On donne le nom tech-
nique de fâcid, j^lJ, altérée, à la lettre qui est changée,
et celui de kâïn, ^1^, existante, à celle qui la remplace.
Le rubâï suivant sur le mot .^r^, éloquent, offre un
exemple de cette figure :
Hj^ ^j^ ^1 vj:^;^î^ ^ ^ ^^ j'
Mon rival a recommandé à cette belle à la taille svelte de ne
pas sourire gracieusement à tout le monde comme la rose.
Cet avis étant très-rigoureux, Tagaçante beauté a froncé le
sourcil et baissé la tête.
Par l'extrémité du sourcil, il faut entendre la lettre
nonn du mot vj^^ss^aJ, et par le tortillement (à la lettre
« le nœud ») que la belle y fait, il faut entendre le
changement du noun en /e* dans ce mot, qui devient
ainsi ^^r^» en retranchant en outre le ^^ final.
* Ainsi que dans toutes les langues, les lettres de 1* alphabet
arabe ont chacune un nom : alify ,^^i ; 6d, *Lj ; ta, *lj*, etc.;
et c'est de ce nom qu'il s'agit ici. Je ne sais, par quelle manie
d'innovation, au lieu d'appeler nos lettres comme autrefois a,
6e, ce, dé, effe^ etc., on les nomme a, beu, cew, deu, feu, etc.
— 174 —
CHAPITRE IL
DES PROCÉDÉS PRODUCTIFS, ,J--.Aa:J' JL^I.
«
Il y en a huit : le tansîs, n^^tf^ (explication) et le
takhsîs^ ^jûx-.fi-Œr' (détail) ; le tasmiya, ^^j^^^ (indication
du nomj ; le talmîhy ^-Jbf (allusion) ; le tarMuf^ v^^|;ï
(annexion, mention successive), et Yischtirâk^ ^!^!
(association); le kinâya ^b^ (métonymie); le tashîf
,^3-sr*^' (jeu d'écriture); Vistiâra, :îjUju-I (trope), etle
taschbîh^ Vt^* (comparaison); enfin le hiçâb^ w^Lo.
(calcul).
Le tansîs est le nom qu'on donne à la mention de
quelques lettres ou de toutes les lettres d'un mot; le
nom de takhsîs est réservé à l'indication qu'on fait de
ces lettres d'une manière quelconque.
Le vers suivant sur le mot >%^^ (généreux) offre un
exemple du premier cas :
u^.y^ ^^/j Oj^ ^-^ ^^
Je pleure et il fait rire l'ennemi ; il cherche son nom >£ j^, ot
il est la meilleure de ses qualités.
Le vers suivant sur le mot jL^ (printemps) offre un
exemple du second cas :
Ton visage est une rose et le jardin de ta beauté un parterre;
ton nom est un printemps qui n'a pas de fin.
— 175 —
2" Le tasmiya consiste à désigner par leur nom les
lettres qu'on veut indiquer dans un mot Le premier
élément des noms des lettres *se nomme muçammaé an
ism, ç^] ^1 ^IJl**^, c'est-à-dire la lettre que nomme ce
nom, et les lettres accessoires sont appelées baït/inât-i
an harf, ^ 4^ jl C^Luj, c'est-à-dire ce qui développe
cette lettre. Ainsi, par exemple, dans le mot ^ t^, qui
est le nom de la lettre yl) , la première lettre est celle
que nomme ce nom, y^j=^ ^^ v^s-^» et les deux der-
nières en sont les développements, ^^j^ j' '^^r?•
D'après cela, le procédé du tasmiya peut avoir lieu de
trois manières : l'» en désignant le mot par le nom de
ses lettres ; 2"" par leur description ; 3" par ses lettres ac-
cessoires ou de développement. Cette dernière espèce de
tasmiya a été imaginée par le célèbre rhétoricien Scharaf
uddîn Alt Yazdî, qui, dans son livre intitulé : Hulal mu-
tarraz^^ a réuni beaucoup d'énigmes de sa composition.
Le vers suivant sur le mot ^y^, scharaf ^ offre un
exemple de la première espèce :
s.>-^ v^-r- ç)b^ ^r" "^^ c^j
De ce côté, vous avez schar, p y^» (la loi) ; de cet autre,
hatchf, ^LtS (la manifestation), et au milieu il y a un ré pour
tàaraf^ l3 r^ (rUlustration).
• \J^ JJLa.. Cet ouvrage, dont le titre signifie, à la lettre,
vêtements brodés j est écrit en persan, et roule sur l'énigme et le
logogriphe. Hâjî-Khalfa nous apprend que l'auteur, qui était
natif d*Yazd, ainsi que son surnom l'indique, mourut vers l'an-
née 850 (Ui6).
— 176 —
Le mot scharaf^ v^j^» sur lequel roule réoigme,
commence par un schîn comme ç-y^», et finit par un fé
comme ^^^ii'; enfin, il y a un ré au milieu.
Le vers suivant sur le mot ftroZyj^jJ^ offre un exemple
de la deuxième espèce :
^ ^) \D^^ ^ ^^^ yJ^ '■^
Une belle comme la lune a montré peu à peu son visage pareil
à la lune, dans Tintention de tourmenter une âme et un cœar
faibles et cbagrins.
Par les mots »L» j<^ ^j, visage comme la lune^ il faut en-
tendre la lettre ^, qui commence le mot j^j^.
Enfin, le vers qui suit, sur les mots imâm^ >Ut (celui
qui préside à la prière), et amln^ ^\ (fidèle), offre un
exemple de la troisième espèce :
J-tj^ jj »L^ ^ SJUT v^j çU
Son lai (rubis) est, par ses lettres de développement, deux
pierres précieuses de sa mine : tantôt il dit le nom de son rival
(imâm), tantôt son propre nom (Amîn).
Par les deux pierres précieuses, il faut entendre les
noms des lettres J et p dont se forme JjJ, à savoir À^
et ^. Or, si Ton prend deux fois les lettres de dévelop-
pement du lâm^ c'est-à-dire alif et mîm^ on a le mot ^L»l;
et si Ton prend une fois les lettres de développement du
Mm, et une fois celle du am, c'est-à-dire yé einoun, on a
le mot ^^1.
— 177 —
3" On nomme talmîh^ le procédé qui consiste à rappe-
ler des lettres qui se trouvent employées dans des pas-
sages connus, comme on le voit dans le vers suivant sur
^yi, Élie :
Comme la surate de la beauté s'est terminée par ta belle
figure ^JL^jy^i la dernière surate du Coran est devenue un nom
pour toi.
La dernière surate du Coran porte le titre de ijy^
■j^lJI; or, le mot ^LJ', qui signifie les hommes^ est
écrit comme (^LJt; seulement, dans le premier cas, la
troisième lettre a un point diacritique au-dessus et est
ainsi un noun, et^ dans le second cas, elle a deux points
au-dessous et est ainsi un yé.
Il est bon de savoir que les astronomes ont adopté,
pour abréger, quelques formules techniques qui ne
consistent qu'en des lettres. Par exemple, ils indiquent
les sept planètes par leur dernière lettre : le soleil^ ^rv^,
par un sln ^, et la lune^j^^ par un réj. Il en est de
même pour les douze signes du zodiaque, pour les sept
jours de la semaine, pour l'élévation "et le déclin des
astres, pour l'apogée et le périgée, etc. Ainsi un réj in-
dique le jour, jl^, un lâm J la nuit, JJ, un zérç^^ le
^ Il a été question précédemment de cette figure. Voyez le
chap. II de la IP partie, section xxiv.
* Il y a dans le texte du Hadâyic Ju^. Ce mot, dont, nous
avons fait chiffre^ a la signification de vide^ et par suite de zéro,
42
— 178 —
Bélier; un alif \ le Taureau, un bé v^ les Gémeaux^ un
jim ^ le Cancer, et, d'après ce système*, un yé ^ le Ver-
seau, Ij les Poissons, etc. Pour les jours de la semaine,
', c'est-à-dire wn, est l'indication du dimanche; w>,
c'est-à-dire deux^ du lundi, etc. Or, lorsqu'on veut parler
de ces choses d'une manière énigmatique, on les indi-
que par les lettres que nous i^enons de mentionner,
comme dans le vers suivant sur Fîroz-bakht^ C^^îi^ jjj^
(à heureuse fortune) :
Vois, par réiéyation de Jupiter et de la Lune, lâ noblesse de
son cœur. Regarde la forme des tables astronomiques et les ac-
cessoires du calendrier^
Si l'on n'était pas prévenu d'avance que ce vers énig-
matique roule sur un personnage nommé Fîroz-bakht,
il serait tout à fait impossible d'en cotnprendre les allu-
sions. Je peose que, pour former la première partie de
ce mot, il faut prendre le fé de s^j^, Vyé qui repré-
sente, ainsi qu'il a été dit plus haut, la planète de Jupi-
comme ctpher en anglais. Le zéro des chiffres arabes est un
point (♦), mais dans les chiffres exprimés par des lettres, il a
une forme particulière qu'on ttonre employée, entre autres,
dans les Tables d'Ulug-beg, publiées par M. A. Sédillot.
. * On veut parler ici de F emploi des lettres de Talphabet avec
une valeur numérique. Ainei ' yaot un^ c^ deuxt ^ ttoiê, ^
qufUrôf n ùinq^^ iiXyj upt^ ^ hÊit^ i» 110»^, ^ ita;, b {alif et
— 179 —
téfi et le té qui indique la Lune; puis, dans ^^\ et dans
jl, on a le waw et le %é^ et ces lettres réunies forment
pj>3. Le premier hémistiche fait d'ailleurs allusion
au sens de cet adjectif, et le second au sens de C^ii^,
fortune.
4* On donne le nom de tarâduf au procédé qui con-
siste à n'énoncer, de plusieurs mots qu'on emploie ordi-
nairement pour exprimer un seul sens, qu'un seul mot,
et à se servir, pour le reste, de mots dont la signiiication
soit plus Yague, comme on le yoit dans le vers suivant
s\xrBahman^ c^v^ •
Tu peux répéter, au bord du ruisseau, Findicatiob du nota àè
cette idole qui plaît au cœur.
Dans ce vers,^ v^ est pour ^ wJ, « le bord de
la rivière », mots plus précis et qui fournissent ainsi,
par leur sens de bord du nahr^y^ , le noun qui est en effet
auhord de ce mot*; et cette lettre, jointe à /%^, complète
le mot ^^;v^, qui fa,it le sujet de l'énigme.
Ce qu'on appelle ischtirâk^ c'est lorsqu'un mot qui a
plusieurs significations* est employé, non dans le sens
que l'esprit a naturellement en vue, mais dans un sens
qui se rapporte au sujet de Ténigme* Ce procédé ne
* Sur les expressions de ce genre, voyez p. 169.
* Cô moi se nomnae ^y^i^^ c'est-à-dire le mot qnï est Tôbjêt
de Yischliràk^ vi3|^1, ou tlssociation.
— 180 —
peut avoir lieu qu'avec le tarâduf, qui vient d'être expli-
que. Le vers suivant sur le nom dTlug Beg^ O^ ^!!*,
en offre un exemple :
J'ai ou la lourdeur pour résultat, lorsque je suis entré dans la
rue de ma bien-aimée^ et que je suis allé d'un pas léger à sa
maison la supplier de tout mon cœur.
Dans ce vers, le mot vj'^^, qui signifie pesanteur, va-
leur, etc., est, d'après le contexte, en correspondance
avec ^^, légèreté^; mais, par rapport à l'énigme, il
est en correspondance avec sj^jjK ^on marché. Or, ce
dernier mot s'applique dans ce sens à la cherté, %, qui
est ainsi son annexe, ^^^y\ et ^, lu de gauche à
droite, produit i)l.
5° Le procédé par kinâyia, ou métonymie, consiste à
indiquer une chose par une expression qui ne la repré-
sente pas proprement. C'est une espèce de logogriphe,
j^. Le vers suivant, par Huçaïn SchaDyî, de Nischâpur,
sur le motcwMd, ^Li % en offre un exemple :
«
^ C'est le célèbre souverain de Samarcande auquel on doit les
tables astronomiques que je viens de citer.
* Substantif dérivé de viJL^, léger ; de la jX--», légtr de
marche,
^ Ce mot a plusieurs significations : 1 ° c'est le nom du père
d'Ânouschirwân, 2° c'est le nom d'un arbuste épineux que man-
gent les chameaux^ 3° il est adjectif^ et signifie blanc»
— 181 —
^ d'^^ t) ^^^ *^' o!;-5
mon cœur, l'éloignement des choses du monde est avanta-
geux; la joue des belles est préférable h leur résultat.
Par les mots J^i.U ^^1 j! i^\ {jJl.U ^\ jtj), que je
traduis par leur résultat^ il faut entendre le vent^ ^b.
Une manière d'employer le même procédé est ce qu'on
nomme takrâr^ j\^^ répétition. Elle consiste à expri-
mer un sens par un mot, et un autre sens par un pro-
nom qui se rapporte à ce mot. Cette figure a du rapport
avec celle qu'on nomme istikhdâm^ > ! jisL-^, asservisse^
ment\ comme on le voit dans le vers suivant sur Abou
Ishâq, L?'-*'^^^.^' •
^J^ J^ ^^ J^J ft-.^ J^ ^^l-H
Entre le cyprès et la taille de ma bien-aimée ne fais pas de
différence ; car ces deux choses ont réuni leur tête, et au milieu
86 trouve le cœur impatient.
Le cyprès et la taille représentent les deux alifâe j)\
et de çjLsr*-'. Par l'expression^ >^, qui signifie, à la
lettre, une trace nouvelle^ il faut entendre l'odeur, ji, mot
qui se trouve dansât. Par le pronom (jL^J*, qui se
rapporte à jj^ et à J.5, que le poëte appelle deux têtes
réunies, il faut entendre les deux extrémités du mot
* Voyez IP partie, chapitre P', section x.
^ Dans ^»U-jl^, pour ^i-i^J ^.
— 188 —
^jLar*-!, c'est-à-dire ^* et ^J; et par le cœur, J^, il
faut entendre le ^ qui est au cœur, c'est-à-dire au mi-
lieu du mot.
6° lie procédé nommé tashîf consiste dans le déplace-
ment des points diacritiques d'un mot, de manière à ea
changer la prononciation et le sens. Cette figure de
mots ne peut avoir lieu qu'avec vingt-deux lettres de
l'alphabet, et non avec les six autres qui sont comprises
dans les mots mnémoniques, J^t »^*.
On appelle poétiquement les points diacritiques perles,
^^\ éphélides, JU.; grains^ iib ; atomes, ifjSf etc.
Le vers suivant sur le nom de Khizr^ya^*, offre un
exemple du tashîf:
Àj ^y j^ y^j^ ^y j^ j^AJssi jS" S
Ta as deux points noirs sur la feuille de la rose. S'ils décorent
la détresse, ils donnent le nom dont il s'agit.
Les deux points sur la feuille de la rose eontles points
diacritiques des lettres ^ et ^ du mot ya^, qui, lu
sans points, est^^^^a»., détresse.
V Le procédé de comparaison a^jJ^* et de trope »jUjû-t
consiste à mentionner un mot Josi et à y assimiler
* Vàlif est censé être ajouté par euphonie et ne pas faire
partie du mot.
' Il s'agit ici de l'alphabet arabe, qui est compose de yingt-huit
lettres.
* Sur ce personnage, le même que le prophète Éiie, voyez
mon « Mémoire sur la religion musulmane dans l'Inde ».
— 1S3 —
une ou plusieurs lettres qui le représentent, ce qui
rentre en effet dans la comparaison et le trope, les-
quels ont été expliqués dans la première partie de ce
travail.
De même qu'il est nécessaire que dans le trope le sujet
de la comparaison, Mi* ^c^j, soit manifeste dans l'objet
comparé, J jIjcî*^^ (l'objet emprunté), et l'objet auquel on
compare, ^Jjcuu* (l'objet pour lequel on emprunte), il
faut aussi, dans la figure dont il s'agit, que l'objet qu'on
a en -vue, :>yAA, ait avec ce qui est mentionné; j^^^
une analogie évidente, ^J^,
Parmi les lettres qui sont le plus employées dans ces
jeux de mots énigmatiques, on distingue Valif^ qu'on
assimile à la taille élancée des belles, au cyprès, au dra-
peau, au palmier, etc., comme dans le vers suivant sur
le moi Ibrahim, f^'^', Abraham :
^Ui y ^U à^ vJUw! z\j> ^ JUS
J'ai dit h quelqu'un égaré du chemin : Nous ne savons pas ton
nom. Il montre sa taille et dit en riant : (^^j^ « Nous sommes
dans le chemin ». ^ "
Le sîn * est aussi une des lettres propres à ce genre de
figure : on le compare à la scie, aux dents, etc. On com-
pare le noun aux sourcils, au croissant de la lune, etc.,
le ;lm, le dâl et le lâm aux boucles de cheveux, le §âd à
* Et aussi le schtn; les points diacritiques ne comptent pas
dans ces jeux de mots.
— 184 —
l'œil, le mttn à la bouche. Le vers suivant sur seham,
I
^j*v^, soleil, offre un exemple de ce genre d'énigme :
Gomme elle a indiqué, au mojen de ses lèvres, la ligne des
dents, la forme de sa bouche s'est montrée au milieu.
La double ligne des dents, c'est le schîn qui commence
et le sîn qui termine le mot ^j^ ; et par la bouche, il
faut entendre le mîm qui est au milieu.
8" EDfln, le dernier procédé, celui du kiçâb^ v^La,
compte, est de cinq espèces : r le compte nominal,
^^^1 V'I— ^, qui consiste à mentionner un nom de
nombre, pour indiquer par ce moyen la lettre de l'al-
phabet qui le représente, comme on le voit dans le vers
suivant sur Bilâl, Jbij * :
Lorsque je lui dis : « Le malheur b^ qui a eu lieu s'est effec-
tué en ton nom », elle a placé la rangée de ses dents sur ses
lèvres de rubis.
Par la rangée de dents, il faut entendre la lettre rfn,
^, et par les lèvres de rubis ïyé, ^. Si on réunit ces
deux lettres, on a si, ^, qui signifie trente, nombre
exprimé alphabétiquement par le lâm, J. Or, enjoi-
gnant le lâm k%j qui précède, on a Jiif.
* Nègre célèbre, secrétaire et muezzin de Mahomet.
-, iB9 —
2* Le compte littéral, ^j^ v^Lo., consiste à men-
tionner une lettre pour rappeler le nom de nombre re-
présenté par cette lettre, comme dans ce vers sur Mûça^
^*-y, Moïse :
Je lui dis : « Quel est ton nom, ô toi qui m'es cher et qui me
donnes r existence? » mais il se troubla et poussa ses moustaches
vers ses joues de rose.
*
Par les mots J^ ^'•''^t qui signifient, à la lettre, le
pan de la robe de la rose^ il faut entendre la lettre Mm,
qui vaut trente, nombre qui se rend alphabétiquement
par ^. Or, si on ajoute ^^ à j^, ona ,<^, qui est le
mot de l'énigme.
3*» Le compte par des mots qui se rapportent à la nu-
mération ^Lû-a^! v^Lo^. On entend par là les mots ^jj
paire, ùji unique^ Aj entier^ {j^^ défectueux^ Jj^ excé-
dant, et autres mots du même genre. Le vers suivantsur
Khwâja Zaln, ^j ^'j^? offre un exemple de cette
variété du hiçâb :
^jyL j^ >lv' fJ ^jj^ ^jLL sj:^w> b
Le torrent de mes larmes s'est dirigé vers le fdtte du ciel,
jusqu'à ce que j'aie vu à la fin les sept coupoles* toutes dans le
sang.
* Les musulmans comptent cependant huit cieux, c'est-à-dire
huit coupoles superposées, et sept enfers.
— 186 ^
Si on prend les unités impaires du nombre 7, vjui»,
et qu'on les exprime par des lettres, on a alif{\)y jim (8),
hé (5), et zé (7), c'est-à-dire, les quatre lettres médiales
du mot qui fait l'objet de cette énigme. Par le mot
>lv» /în, il faut entendre Yyé, qui termine ces lettres,
et le mot ^j^» sang^ fournit celles qui manquent au
commencement et à la fin.
i"* Le compte comprenant ^jLcwx^ t «^U^ consiste à
exprimer un nombre par un mot particulier qui le dé-
signe. Le vers suivant sur Âhmad, J^t, en offre un
exemple :
f-/
Dieu ouvrit les portes du paradis pour son entretien avec
Moïse, jusqu'à ce que sa noble essence dominât les éléments.
Dieu est un ; les portes du paradis sont au nombre de
huit; l'entretien (rendez-vous) de Moïse, qui dura qua-
rante jours, fournit le nombre quarante; enfin, les élé-
ments sont au nombre de quatre. Or, ces nombres, re-
présentés par des lettres, forment o^L
5* Enfin, le compte en chiffres, ^^Jj v-^Lcw, consiste
à employer des jeux de mots énigmatiques relatifs aux
chiffres arabes. Le vers suivant sur le mot ^'^i ^w-
beau, etc., en offre un exemple :
— 187 —
Si tu TOUX tirer élégamment en écriture rimp6t de la lune,6t9
an zéro do la première lettre du mot rr|/^ (impôt).
Par là on a rr[r^> flambeau. C'est, en effet, une sorte
d'impôt que paye la lune en donnant sa lumière. Pour
bien comprendre ceci, il faut se souvenir que la lettre ^
vaut 600, et que, en retranchant un zéro, on a 60, qui
est rendu par un ^JJ.
CHAPITRE III.
DES PROCÉDÉS DE PERFECTION, J^Ji JL^t.
Il 7 en a trois, à savoir : la composition; s,^^; le
retranchement, IpLa^', et l'inversion, s^.
1* On entend par le premier la réunion, selon Tordre
des lettres d'un mot, des éléments, ^ly, divers dont ce
mot est composé, lesquels ont été fournis par d'autres
procédés, ce qui diffère essentiellement du tansU dont
il a été parlé plus haut. Le vers suivant sur le moty L»^,
voyageur^ en offre un exemple :
Puisqu'on nomme sa couronne la couronne du soleil et de la
lune, il faut que la couronne lui conyienne.
Le moij^\ et le mîm de »U fournissept les lettres
qui forment le mot de Ténigme.
2» Le retranchement, LLiL-t, consiste à rejeter une ou
— 188 —
plusieurs lettres^ de certains mots pour en former celui
qui fait le sujet de l'énigme. On en distingue par là
quelques-unes des autres, et c'est pour cela qu'on nomme
aussi cette figure particularisation, ^jcJsr'. Le vers sui-
vant sur le mot ^^r*' ^P^^y ®^ ^^^^^ ^^ exemple :
Je' suis altéré et cependant le monde est plein de Teau delà
yie; ma cruche^ sSy:^i ^^^^^^% et je suis au bord de l'Eu-
phrate, oU^.
Par les mots « mon ^^x^ est vide », il faut entendre
que ce mot perd les lettres du milieu, J^et waw^ ce qui
le réduit à ^^ ; et par le bord du o^ il faut entendre
la première lettre de ce mot, c'est-à-dire le v^ qui,
ajouté à ^, produit le mot ^^^.
3*» L'inversion, w^l5, consiste à changer l'ordre des
lettres dans les mots et l'ordre des mots eux-mêmes
pour en former le mot de l'énigme. Le vers suivant sur
le mot v!^'» '^^9 ^^ ^ffr® "û exemple :
jL^U ^ Jj ^ ^^ ^,:i^ ^ Ji ^U
jUJ ^^ ^Ljj ^^U ^y^ / J^ ^^
Je cherche son nom >U, et tout 'k coup mon esprit' est pris
* On nomme ^js^^ les lettres qu'on retranche, iJ> ify^ ^®
mot duquel on les retranche, et J^^U^, ou îerésultat^ les lettres
qui sont conservées.
* A la lettre, nous sommes.
* A la lettre, « le cœur de moi ».
— 189 —
au dépourvu. Toutefois, si j'écoule rindication ^^ de mon es-
prit, je trouverai la trace de son nom.
En retranchant, en effet, ^^ de ^U, il reste alif^ qui
est la première lettre de v^^J; et dans ^3^, qui com-
mence le second hémistiche, on a les autres lettres de
ce mot.
CHAPITRE IV.
DES PROCÉDÉS ACCESSOIRES, ^^>
On en compte six* : l» le tahrîk et le taskîrij vlli^-*
(j^^jj c'est-à-dire l'indication des points-voyelles et
de leur suppression*, comme dans le vers suivant sur e
motv^JJv», roi:
w^ vj^ ij>y ^ *^ ^ ^jlj
Il n'y a rien d'étonnant si, par ce vin qui est dans ton royaume,
chacun se trouve tout k coup sens dessus dessous.
Par le mot ^^, t;m, Tauteur entend Jw», qui a le
* L'auteur du Hadâyic hii observer que, dans son Muntakhalhi
hilal (abrégé du Hilal mutarraz^ dont il a été parlé plus haut),
Scharaf-uddin n'approuve pas la mention de ces procédés, parce
que, selon lui, ils ne sont pas au nombre des choses qui appar-
tiennent nécessairement à l'énigme, et qu'elle peut avoir lieu
sans eux. Il pense néanmoins que ces procédés ajoutent aux
charmes des énigmes, et c'est pour cela qu'il les expose.
* A la lettre, l'indication des harakdt^ ol^^a., ou points-
voyelles, et des jazm ou sukûn^ lM.^^*
— 190 —
même sens et qui se trouve compris dans slil», et, par
ce dernier mot, dont l'auteur marque la prononciation
par un fatha^ j>j^ et un kesrayj^jy il entend ^iii^, roi.
îo i^ taschdîdei le takhftf, ^^^:^J J^^Uj, c'est-à-dire,
l'indication des lettres qui doivent recevoir le taschdidi
et de celles qui, l'ayant, doivent le perdre, comme dans
le vers suivant sur le mot ^J^, heureux :
Lorsqu'on veut orner cette joue pareille à la lune, il est conve-
nable d'y placer en haut des grains de musc nouveau.
Par les grains de muse en haut de la joue; il faut en-
tendre le taschdîd au-dessus du ré dans le mot ^j.
30 Le maddei le casr^j^j ^, c'est-à-dire, indiquer
que le medda doit être employé dans des mots où il ne
se trouve pas, et vice versa^ comme dans le vers suivant
sur le mot w^l^, étoile :
Ses boucles de cheveux, ^j, ont été le but évident de
t énigme. Ëtlea montré devant nous ses boucles comme un but.
Les boucles de cheveux sont souvent comparées aii
jîm, ainsi qu'on l'a vu plus haut, et c'est à quoi l'auteui*
fait allusion. Or, le;to vaut « trois» selon la valeur nu-
mérique des lettres arabes, et ce nombre est exprimé en
persan par à^. Mais nous avons vu que souvent les
points diacritiques ne comptent pas } au0Bi ^ esi-tt pôdi*
^, roi. Le mot L> sigfiiûe eau en arabe, et c'est dans ce
sens qu'il faut le prendre ici pour l'énigme et le rendre
par son synonyme persan, v^l, auquel s'appliquent les
mots ^j^ \j ^j^j ^y^i que j'ai traduits par elle a
montré ses bondes de cheveux comme un but^ ce qui si-
gnifie, dans le sens de l'énigme, a eu pour but (a attaqué)
lemeddaj qui ressemble en quelque chose à des boucles
de ebeyeux, c'est-à-^dire, a montré {ce mot) dépourvu du
média.
4» LHzhâr eiVisrâr^j\^\^jL{^\ à la lettre : la mani-
festation et l'occultation. C'est lorsqu'il faut prononcer,
pour le mot de l'énigme, une lettre qui ne se prononce
pas ordinairement \ comme dans le rubâî suivant sur
Mahdî, ^XifA :
^^J^ J-^ f^j à^ ^^^^^ ^S*^ c/H
o^^j i j i i j\j J^ Jtj--l
^^j — ▼ j^ p-^''^ *-t^' lAt^ crJi
Devant cette idole pour laquelle mon cœur a été ensanglanté
de chagrin, j'ai fait hier connaître toute la situation de mon
cœur affligé et nourri de tristesse» et rien ne me reste à dire
de plus, quand même je pourrais lui parler derrière le rideau du
harem.
Les matériaux du mot ^^ se trouvent dans a^ et
^ Par exemple le hé final dans JU ei à)U, et vice versa. Sur
ce U, nommé mukhtafii ou caché^ yojeitmon édition de la Qfan-
loaire persane de Jones^ p. 6.
— 192 —
^^, en retranchant le premier hé de m>» et en pronon-
çant le second.
5** Le marûfei le majhûl^ ôj"^^ y^jj^^ ^ 1^ 1^^^^*^ •
le connu et Vinconnu, Ces mots s'appliquent au waw et au
yé de prolongation. On leur donne le premier nom,
lorsqu'ils se prononcent û et t, et le second, lorsqu'ils
se prononcent o et ^*. Le procédé dont il s'agit ici con-
siste à changer cette prononciation pour avoir le mot de
l'énigme, comme on le voit dans le vers suivant sur le
mot »y (nûr) lumière:
Quand un cœur sera désolé, il cherchera sa consolation dans
le vin de tes lèvres de rubis, et il sera enivré avant d'avoir bu
jusqu'à la lie cetle boisson délétère.
Les deux premières lettres de ^^î, prononcées nû au
lieu de wo, et le ré de^^bj forment le mot de l'énigme.
6° Le tarîb et le tajîm At5?^j v^i/^*- ^^ entend par là
prononcer à la manière persane les quatre lettres arabes
^ ^ j et vlJ * ou vice versa^^ comme dans le vers suivant
sur^^-jAo :
mon fils, tout ce que tu peux désirer est en toi ; tu es l'asile
du soleil et des étoiles.
* Voyez aussi, au sujet de cette prononciation classicpie con-
servée dans l'Inde, l'ouvrage que je viens de citer, p. 7.
* C'est-à-dire héy jim^ zé et kâf^ ou pé^ cW, je et gâf*
— 193 —
Si on prend du mot^ le stn, qi}i représente le soleil,
et qu'on le change en -i^, on a^^ avec le pé persan ;
puis, si on substitue au pé persan le hé arabe^ on a^^ ,
qui est le mot de l'énigme.
CHAPITRE V.
DU LUGZ,^*.
On entend par là l'indication d'une chose par la men-
tion de ses propriétés et de ses qualités, mais d'une fa-
çon énigmatique, La différence* entre l'énigme,^, et
le logogriphe, LI*^ ^, c'est que le sujet du logogriphe ce
sont les lettres et les mots, tandis que celui du lugz
c'est l'essence même des choses ^. Les vers suivants du
célèbre Amlr Khusrau offrent quelques exemples de
ces énigmes persanes :
l'» Sur le gâteau indien nommé jt?apar,Jj'
V
' Jos. de Hammer .traduit ce mot par « charade ». (Journal
ÂiMLiiquey septembre 1 849, p. 249) ; mais il indique simplement,
il me semble, une sorte d'énigme.
' On confond souvent le l^ et le^ (Introduction de « l'His-
toire delà littérature hindouie et hindoustanie », seconde édition,
p. 32, 33, t. P'); mais on voit, par les explications qu'on donne
ici, qu'il y a entre ces deux mots une différence réelle.
* On le nomme aussi ^buu^, ainsi qu'on le voit dans le
vers de Khusrau cité à la page ci-après.
* Quelquefois un môme mot peut être envisagé sous deux
points de vue, et être ainsi, h la fois, l'objet d'un logogriphe et
d'ane énigme.
43
— 194 =
J^^ »L. ^ ^jiXi. ^J\JS»j vîXij ^ ^jSHj
Sa couleur est celle du safran, sa forme celle de la lune des
cieux ; sache, ma belle, qu'il a, h la fois, pied (pâ) et plume {par)^
et devine ce logogriphe,
2* Sur le mot dtraw, >j^, pièce d'argent :
cjk^ UMjj; ^>j ^^ v^j ^-^ ^^
Sans tête (c'est-a-dire san9 la première lettre], il exprime une
qualité de la gazelle^; sans cœur (sans la lettre du milieu), il si-
gnifie la v%e*\ sans pied (c'est-à-dire sans la dernière lettre), il con-
vient k la maison {j^* porte) ^ et il est même Téclat du monde
{J:>, perle).
3* Sur le mot^l, nuage:
Il boU Teau de la mer; il donne l'abondaDoe aux hommes.
4° Sur le mot f|^, lampe;
^»tj — > >-M»^ ^3 i-£=> .^iL> ..1^3
^ >j signifie, en effet, la course légère de la gazelle.
* ^^, souffle, respiration, et par suite, vie.
— 108 —
J'ai TU, le toir, une admirable apparence, telle que, si {e la
mentionne, personne ne voudra me croire. C'e0t un arbre dont la
tèle est un bassin plein d'eau (huile)» où se trouve un lerpent (la
mèche) qui n'a ni tête ni queue,
K» Sur le mot ^^^ boule :
^Ij — i î)— ^^ ^jj ^ — • ^j
Quelle est cette chose qui n'a ni tête ni pied? Elle chemine et
elle n'est pas composée de parties.
n^ PARTIE.
DES PLAGIATS, sJL>li^.
Il y a deux espèces de plagiat, îij^ysaricat^ : Tappa*
rent,y>!i>, et rocculte,^LJs»^, et ils se subdivisent en
plusieurs variétés.
CHAPITRE I".
DO PLAGIAT APPARENT.
La première variété de ce plagiat consiste à employer
textuellement, dans un poëme, des vers d'autrui, sans
aucun changement ni dans le sens, ni dans Texpreftsion,
et c'est ce qu'on nomme naskhy ^*J, œpier^ et intihàU
* Ceei est le singulier du mot qu'on Ut en tète de cette partie.
— 196 —
JLsSJi, 8' attribuer {les vers d* autrui). Or, ce plagiat est
tout à fait réprouvé par lesrhétoriciens orientaux. L'au-
teur du Hadâyic cite, à ce sujet, nombre de vers qu'on
trouve à la fois dans plusieurs dlwans contemporains,
sans qu'on puisse savoir au juste quel poète en est le vé-
ritable auteur. Le plagiat est quelquefois involontaire,
car deux personnes peuvent avoir la même idée et l'ex-
primer de même. Ce plagiat accidentel se nomme tawâ-
rudy ^j^y% et non saricat^ iS^.
La seconde variété du plagiat apparent consiste à
prendre le sens entièrement, et à employer les mots
en tout ou en partie, mais en changeant leur ordre;
Exemples :
La courbare de ton sourcil arqué a courbé (mis en deux) mou
dos; elle m'a montré au doigt dans la yille comme la nouvelle
lune.
Ce vers, qui est de Jâmî, a été ainsi reproduit par
Haztn :
Le poids du cbagrin occasionné par l'amour que tu m'in-
spires a courbé mon dos; il m'a montré au doigt dans la villo
comme la nouvelle lune.
La troisième espèce de plagiat apparent consiste à
prendre le sens et les mots, en tout ou en partie, mais à
— 197 —
les disposer différemment C'est ce qu'on nomme igâra^
ïjU', attaguBj et maskh^ ^-»^? métamorphose. Ce plagiat
est acceptable, si le nouveau vers vaut mieux que Tan-
cien. En voici un exemple :
Quiconque craint les hommes ne réussit pas dans ses desseins,
tandis que le braye qui affronte la mort jouit des avantages qu'il
désire.
Ce vers arabe de Baschschâr a été ainsi imité par
Salm :
Celui qui craint les hommes meurt dans le souci, et l'audacieux
parvient h la jouissance des choses qu'il ambitionne.
Le sens de ces deux vers est le même ; toutefois le se-
cond est préférable, à cause qu'il est plus concis d'ex-
pression.
Lorsque le vers qui est écrit à l'imitation d'un autre
n'est ni meilleur ni plus mauvais que le premier, l'avan-
tage est à celui-ci, et on désapprouve tout à fait le der-
nier lorsqu'il lui est inférieur.
La quatrième espèce de plagiat apparent consiste à
emprunter les idées, mais à les revêtir d'expressions
nouvelles. Dans ce cas, aussi, le plagiat est louable, si le
vers qui est fait à l'imitation d'un autre est plus élo-
— 1M -
quent que le veri original. S'il lui eftt égal, le premier
doit lui être préféré, et on ne le tolère pas d'il lui est in-
férieur Voici un exemple de cette espèce de plagiat.
En 330 de Thégire, Abu Schakûr composa un mas-
nawl sur le mètre mutacârib*, d'où sont tirés les vers
suivants :
Que la vie ne te produise pas pour fruit un ennemi ; car l'en-
nemi est un arbre amer de sa nature. Or, tu as beau arroser
avec des choses grasses et douces un arbre naturellement amer,
Tarbre n'en portera pas molrts déS fruits âmers, Ot tu n'en goâ^
teras pas de doux.
L'auteur du Livre des Rois, Pirdauo!, qui a éerit poê-
térieurement à ce poète, a dit à son tour :
Jî^-**i
^ A
w'J A^j ^ji^ cr.-^' ^ V
* Caftpdié iol A% troU ^^J^è •( d'un Jyw d« J«l.
— ii9 —
^jj'
j ' ^ ■ : >-»^ fi-^'b
Un arbre amer est amer de sa nature, quand même tu le pla-
cerais dans le paradis; quand même, en temps opportun, tu arro-
leraii ses racines «?eo Teau du fleure de réternitë et avec dn
miel pur. Sa nature prendrait le dessus^ et il produirait eneore
du fruit amer.
Il est évident, pour les gens de goût, que, bien qu'on
puisse considérer les vers de Firdauci comme une sorte
de reproduction des premiers, ils leur sont bien préfé-
rables pour le charme de la diction.
CHAPITRE IL
Dû PlAGÎAT OCGULTÈ.
La première variété de cette seconde espèce de plagiat
consiste à reproduire le sens d'un passage connu en ca-
chant cette ressemblance. Ainsi Jarir * a dit :
Que leurs barbes ne t'empêchent pas d'exéoatèr toil dessein,
car ceà tëies k turban sontpâCèilles h celles h coiffe '.
* Célèbre poëte arabe sur lequel on peut consulter Ibn-Khalli-
cans Biographical Dict, translated by fiaron M. 6. de Slane,
1. 1, p. 294.
* C'est^'à-dife ils Sont lembtablës à des femmes qui porlent la
coiffure nommée iLv^ ou if^^»
— 200 —
Mutanabbl a dit ensuite de son côté :
Celui d'entre eux qui a une pique en main est pareil à celle
qui a les mains teintes de hinna.
La seconde espèce de plagiat occulte consiste à donner
au vers qui a été fait à Timitation d'un autre im sens
plus général qu'au premier. Ainsi Saadt a dit :
vl^) jSJ:> j^^^ ^^ aSjI j» \y
jb Jb, \j j^ ^;^ jjlv J^ »^
Il faut absolument que tu ailles en une autre ville, car un
cœur ne peut rester dans cette ville sans que tu l'enlèves.
Âmtr Khusrau a dit, après lui, d'une manière plus
générale :
J^ j^-5 b l5^ ^ ^^j ^ P
11 n'y a plus personne que tu puisses tuer par i'épée de ta gen-
tillesse ; à moins que tu ne vivifies les gens et que tu les fasses
périr de nouveau.
La troisième variété du plagiat occulte consiste à
transporter le sens d'une chose à une autre, c'est-à-dire
à faire une application différente de la même idée. En
voici un exemple. Saadt a dit :
— 201 —
Je ne puis me plaindre du chagrin que le cœur de pierre de
mon amie me fait éprouyer ; car j'ai brisé moi-môme le yerre de
mon cœur sur l'enclume du sien.
Mulla Wahscht a dit, à son tour, en substituant le
froncement du sourcil au cœur de pierre :
jf iJ JàJ^\ ^j:L j^ Z^ ^yà. ^
C'est moi-même qui ai embrouillé mon affaire et non toi, car
auparavant ton sourcil n'était pas froncé contre moi.
La quatrième yariété du plagiat occulte consiste à ex-
primer, dans un yers, un sens opposé à celui d'un vers
connu. En voici un exemple. Ahli de Schirâz a dit :
^j' c)-rH^ r- r? ^ ^ ^* cj"^'
toi qui as fait faire quelques pas par erreur h la chamelle de
Laila! Plût au ciel que ce malheur arrivât pour Majnûn!
Scbifài a dit, à son tour, au contraire :
Laîla ne va pas trouyer Majnûn» même par erreur; cet amant
n'a pas, dit-on, cette bonne fortune.
— 102 —
La cinquième yariété consiste à prendre quelque chose
de ridée d'un autre, mais à y ajouter de manière à Tem-
bellir. En voici un exemple. Amtr Muazzt à dit :
i T
8a coupe de vin est l*Orietit et son gosier i'Occideiit ; lontfU'elle
vient de l'Orienta TOccidenti elle amène toute sorte de maux.
Kbàcànt a dit, de son côté, eu développant cette idée
d'une manière heureuse :
Le vin, c'est le soleil qui lanoe ses rayons dorés; la coupe de
cristali c'est le ciel ; la main de l'échansonf c'est l'Orient ; et l'Oc-
cident, c'est la lèvre de l'amie.
CHAPITRE III.
DE L'IGTIËAS et du TAZMIN, ^j:^ ^ ij^^^'
Ou donne le premier nom, qui signifie emprunt^ à la
figure qui consiste à insérer dans un texte un passage
du Coran ou d*Un hadU, de telle façon qu'ils paraissent
faire partie de l'ensemble du discours. Le vers suivant
de Sâhib ben-Abbâd en offre un exemple :
SjIÛIj c:Jl ^eJ^ <^^j ^^ "^^
- t08 —
Mon bleti-aimé m'a dit : a Celui qui m'épie a un mauvais ca-
ractère I ainsi) flatte-le, » Je lui ai répondu : « Laiiie-moi| ton
Tisage eet le paradis, qui est môle aux choses détestables* »
Les derniers mots du second hémistiche du vers pré-
cédent sont la première partie du hadîs ainsi conçu :
oljv^3b jUJI vj^iiv, Kj^b i3cJ' s::^ « Le ciel est
mêlé aux choses détestables et l'enfer aux choses agréa-
bles*. »
On réserve le nom de tazmîrit qui signifie insertion^
aux vers et aux hémistiches d* autrui que les poètes in-
tercalent quelquefois dans leurs propres compositions.
Dans ce cas, si les passages qu'on cite ne sont pas bien
connus, on doit nommer l'écrivain à qui ils sont dus,
pour être à l'abri de l'accusation de plagiat En voici un
exemple :
^j^ J^-^ ' V-* 0-^ d^ ^ {jJ-k^ ^ c^
cl?* ^^j '-^^' J^j^ cJ^ ^ ij-^ *^ -^
Dirai-je, 6 Sauda ! ce que je suis d'après rexpression de Dard?
Je suis ce que je suis ; en un mot, je suis malheureux.
Le premier hémistiche est de Saudâ, et le second est
de Dard.
* C'est-à-dire, le ciel est la récompense de ceux qui ont com-
battu les inclinations de la nature corrompue, et qui ont fait ainsi
des choses qu'elle déteste ; et l'enfer est le partage de ceux qui ont
suivi ces inclinations perverses, mais qui sont douces à l'homme
déchu.
— 204 —
On donne aussi le nom de tazmîn à certaines pièces de
poésie qui sont le développement d'autres poèmes con-
nusS Ces pièces sont généralement en strophes, dont
chacune commence par le vers ou par l'hémistiche qui
lui sert de thème.
^ Voyez rintroduction de la seconde édition de mon « Histoire
de la littérature hindouie et hindoustanie », t. P', p. 37.
PROSODIE
DES
LANGUES DE L'ORIENT MUSULMAN
SPÉCIALEMENT DE l' ARABE, DU PERSAN,
DU TURC ET DE L'fflNDOUSTANI
CHAPITRE PREMIER.
DES MÈTRES RÉGULIERS, DES PIEDS QUI LES COMPOSENT
ET DE LEUR CLASSIFICATION.
On nomme en arabe, et dans les autres langues de
rOrient musulman, la poésie, ou plutôt le discours me-
suré et rimé, schir jxt»^ et la versification, arûz* J^Jif*
Ce fut Khalîl ben Ahmad* qui le premier rédigea,
d'après les anciens vers arabes, les règles de la métrique
qui a été adoptée par toutes les nations musulmanes ;
et ce fut lui qui établit les seize mètres originaux nom*
mes baharysri * au singulier, buhûr ^^ au pluriel. Ces
mètres ont des paradigmes propres à les faire retenir
^ Telle esl la prononciation usitée en persan, en turc et en
hindoustani ; mais^ en arabe, on prononce ûrûd, le ^ se pro-
nonçant d,
^ Ce rhétoricien vivait Ters la fin du n* siècle de Thégire,
c'est-à-dire au commencement du ix^ siècle de J.-C.
* Ce mot, qui est arabe, signifie proprement mer^ océan.
— Î06 —
dans la mémoiro, et qui sont composés d'un certain
nombre de mots représentant exactement les pieds
dont ils sont formés et qu'on nomme rukn fj^=>jy plur.
arkân j'^'*; ctël J-^', plur. uçûl Jj^'*; juz »)aw, plur.
ajia \y^\^i enfin tafUa ^, plur. tafûîl Ja&Ui* et afâU
On compte dix pieds originaux et réguliers i deux de
cinq lettres et huit de sept, lesquels sont représentés par
les dix mots suivants, qui leur servent, en même temps,
de dénomination technique, ce qu'on appelle zâbita
J^Lo, plur. zawâUt lajt^^y à savoir :
1. ^y^ fmlûn^t le bacchique des pieds latins. Exemples :
A. >Uâ> nlzàmûn^y afrangoment, p. ^^yj> nàmiMi^y
paraître.
^ Céit*à*dire fiUef. Ce mot, ainsi que plusieurs des expres-
sions techniques qui Buiveut^ a trait \ la dénomination de w^,
Imte et par suite maiAon^ qu'on donne au vers eu arabe.
* Fondement.
* Portion, partie.
* C'est-à-dire dérivés delà racine arabe /aaljjti, parce qu'en
effet ces mots appartiennent à cette racine, aussi bien que tous
les paradigmes des noms et des verbes en arabe,
^ C'est-à-dire règle, etc,
* Dans ma transcription, j*ai adopté les longues et les brèyes
des pieds latins ; mais je dois avertir que, pour discerner les syl-
labes longues des syllabes brèves, il faut avoir égard à la pronon-
ciation et non k récriture. On trouvera plus loin des détails à ce
sujet.
^ Les nunnations arabes sont longues. Lorsqu'on veut indiquer
régulièrement la scansion, on les écrit en toutes lettres. Ainsi
^iLlài (pour lUbi), ^LJaJ (pour /.Uài), ele.
— 207 —
2. ^li fàilufif l'amphimacre. Exemples : a. pLô àlimûn,
savant ; p. ^SkJ làsehkàrë, une armée
3. ^^^Lap mafaïlûny l'épitrite premier. Exemples : a. ^li^*
màfàtlhûy des clefs; p. Lcj JS' ^âiî* ràn5, rose fraîche.
4. ^'iifcli fàïlàtûn^ l'épitrite second. Exemples : a. jLa. JI
àlrîjàlû, les hommes; p. ^L^i isfdMnl^ d'Ispahan.
5. ^^y*a:î*4w» mûsfà/ï/wn, l'épitrite troisième. Ex.: a. ijc:S=>t
ûktûbnàhùf écrivez-lui (femmes); p. y j^jlS gûlzàrî*
ter, Jardin frais,
6« i^ddU* tnafâïlàtûnf Tiambe et Tanapeste réunis, Exem-
ples : A« >ip>£ U3 lànàgànàmûnf h nous (est) ua troupeau ;
p. v^^ v^^f pàn bàdànêf un corps de fée.
7. ^^U:> mûtâfâïlmy anapeste et ïambe. Ex. a.: IjuSUfiUmû-
tàkhâschschàànj étant humilié ; p. /^»v^ er^**' sûçànl
chàmàny le lis du jardin.
^ Ici ce mot est censé ôtre écrit jtisjiLi», parce que, en effet,
en poésie, les voyelles brèves finales peuvent être rendues longues
k volonté; c'est ce qu'on nomme ^Ij^\ êçituratian. Il en est
de même^ plus loin, pour les mots JL^^jt <v*«Vf-''^l» (Voyez la
Grammaire arabe de Sacy, t. II, p. 497.)
* Vi que j'ai ajouté dans la transcription et qui n'est pas dans
le texte, est la marque de Vizâfat ou annexion, qui a lieu entre
deux substantifs et entre un substantif et son adjectif. On la re-
présente, en persan, en hindoustaui et en turc, par un kesra
(qu'on n'écrit pas ordinairement). Ce kesra, quoique bref de sa
nature, peut devenir long en poésie; c'est ainsi qu'il est employé
dans cet exemple.
' Ici Vi de Tizafat est bref.
— 208 —
8. xzJ^y^ màfûlàtû^ l'épitrile quatrième. Ex.: a. ^LiLy^
ùemânànî, deux Osmans; v, jS^[& àlàntguir-ï^ .
9. ^' bJ &li fàî'là-tûn,
10. /v^ ^* [j^ mûS'tàfïr'Bn^.
Or ces pieds se composent de trois éléments qu'on
nomme sabab «.-^■^, c'est-à-dire corde; watad Sjj^ c'est-
à-dire clou de bois; fâcila JLoli, c'est-à-dire division; et
chacun de ces trois éléments est de deux espèces.
Le sabab est ou khafîf ^3^, léger^ ou saquîl J^,
lourd. Par le sabab khafîf^ on entend deux lettres dont la
première est mue, c'est-à-dire affectée d'une » voyelle
brève, et dont la dernière est quiescente, c'est-à*dire dé-
pourvue de voyelles ; comme dans ^ mm (de ^^^Ixax.^),
U fà (de j^Li), etc. Par le second, on entend aussi un
groupe de deux lettres, mais dont la seconde est mue
ainsi que la première, comme dans c^ mûtà (de
Le watad est ou majmû ^y^t conjoint^ ou mafrûc
^j)^, disjoint. Par le premier, on entend un groupe
de trois lettres dont la première et la seconde sont mues
l'une et l'autre, et dont la dernière est quiescente,
comme dans ^ ïlûn (de ^li). Par le second, on dé-
^ Ici, à cause de la mesure, un % bref est censé affecter le ré
qui termine le mot « Alamguîr » .
* Ces deux pieds ne sont en réalité que le 4 ^J^'^li et le 5
^ l » i :u*>p ; aussi de Sacy les rejette-t-il du nombre des pieds pri-
mitifs. Toutefois, je les ai conservés par des raisons qui seront
exposées plus loin.
~ 209 —
signe un groupe pareil, si ce n'est que la lettre du mi-
lieu est quiescente et la dernière mue, comme dans C-^^
lâtû (de O^j^), ^* tâfî{de Ji çsô ^j^),
La fâcila est ou sugrâ ^y^^ petite^ ou kubrâ ^j^j
grande^ Par la première, on entend le groupe de quatre
lettres, les trois premières mues et la quatrième quies-
cente, corâaae Ux/»* mûtàfà (de ^li:>), ^jù& ïlàtm (de
,^^Lâ»). On désigne, par la seconde, le groupe de cinq
lettres dont les quatre premières sont mues et dont la
dernière est quiescente, comme dans ^^^i*::^ mûtàîlûn^^
pied secondaire dérivé de ^^^1*ajuu/».
Voici le tableau de ces éléments :
1 . ^j tàn, sabab khaftf.
2. ^^3f tànày sabab saquîL
3. ^j^ tànàriy watad majmû,
4. ^Lî tânï^ watad mafrûc.
5. ^j>j3 tànànàrii fâcila sugrâ.
6. f^y^ tànànànân, fâcila kubrâ.
"La phrase mnémologique suivante contient ces six
éléments de la versification arabe :
* En réalité, cet élément des pieds est composé du sabab sa-
quîl sJU^ muta et du sabab khafîf li fâ.
* En réalité, cet autre élément de versification se compose de
la réunion du sabab saquîl wv» muta et du watad majmû ^^
îlûn.
— 210 —
6 5 4 3 2 1
Je ne vois pas un poisson sur le dos d'une montagne.
Si Tûu examine les pieds primiti& dont il a été pada,
et tes pieds secoadaires dont il sera question plus loin,
on Terra qu'ils se composent des éléments que nous ve-
nons de faire connaître*
Occupons-nous actuellement des mètres j^ pri-
mitifs et originaux, qui sont formés de la combinaison
diverse des pieds dont on a plus haut la liste* Yoici,
à leur sujet, un quita^ mnémonique de l'auteur du
Hadâyic :
J-Ks
•
'J>}y^-
'j-
» y^ î ï.>)JL-w
^j-i
u^l
*• % ^ M
j Ji>^
cj'^ t>^ (j-i J-j ^-^' j-*lî j-^^
^jL_^ U ^ -^ Jj\ .x^ y^j
* C'est comme s'il y avait J^ jàM^^ atn« que je Taî dit
plus haut. Par conséquent, ce mot est identique à J^ Uàtûn,
* Pour ^v^^,M . sàmàkàtàny qui correspond à ^j^ fàî-
làtûn.
* Proprement morceau^ sorte de petit poème. (Voyez Tintro-
dttction de la seconde édition de mon fli9toire de la littérature
hindouie et hindoustanie, t. P% p. 35.)
— 211 —
J\ Oj^^-P ^ï^ j^^ A.t . lii ^>^
Les mètres auxquels sont restreints les vers, selon les rhétori-
ciens, sont au nombre de seize, à sayoir : le tawil^ le madîà^ le
biuAtj le kâmil; puis le wàf,r^ le raml^ le ^ct^ra;, le rajaz^ le
munsan'À, le muzâri, le sarf , le khafîfy le mujtas. Après le muc-
tozaôy il J ^ le mutacdrib^ dont on connaîtra la forme par ce
quita^f et enfin le muiadârilCf qui en est dérivé *, et qui est évi-
demment Finyerse du nvatatânb.
D'entre ces mètres, il y en a sept qui se forment d'un
même pied, à savoir : le hazajy le rajaz^ le raml^ le kâmil,
le wâfir, le mutacârib et le mutadârik. Les neuf autres
mètres se forment de deux pieds différents. Vcdoi le ta-
bleau de ces mètres :
1. Tawil J^^, fàûlûn ^yii màfâïlûnf ^jL^Ula^ fàûlûn,
mâfSxlm.
* L'auteur de ose vers a aBÔB le mètre d!ihfprQximation^
^^liu, au lieu de le mètre approximatif, v^Ux;», à cause de la
mesure*
' Ces yers sont en efdet du mètre mutacârib régulier dont il
sera question plus loin. Chaque hémistiche se compose du pied
j^)^ répété quatre fois.
• A la lettre « celui qui en est dérivé par forme successive ».
Cette expression trouvera plus loin son explication à l'article des
cercles.
— 212 —
2. Madid <3j j^, fâîlàtm ^*^li, fâîlûn ^^!j, fâîlâtûn,
fàîlm.
3. Bacit i^, mûstàfUûn ^JUâx«m^, fàîlûn^ mûstâfïlûn^
fàîlûn.
4. Kamil S^^i mûtàfuîlûn ^UtijL», mûtàfâUm^ mûtàfàï-
/ûn, mûtàfàîlûn.
5. WAFiRjilj, màfâîlàtûn ^^idcLi», màfàîlàtm^ tnàfàîlà'
tûn^ màfâîlàtûn.
6. Hazaj ^ u», màfmlûn^ màfWilm^ màfâUûn^ màfàîlûn.
7. Rajaz^j, mûstàfïlûn^ mûstâfïlûn^ mûstàfilm^ mûstà-
film.
8. Raml J.^j, fâîlàtûn^ fàîlâtûny fàîlàtûn^ fàîlâtvn.
9. Sari /^j^f mûsiàfîVân^ mûstâfîlûn^ màfûlâtû C->biL«Âp.
10. Munsarih ^j*»^y mmtàfïlûn^ màfûlâtû^ mmtàfïlûn^
mâfiilàtû.
11. Khafif ,,^^^> fàîlàtm, mûs-lâfi-lûn ^ ^ j^, fàl-
làtûn.
1 2. MuzARi & j L43>» , màfwilûn, fâî-lâ-twn ^ ^ & li , màfmlûn .
/ai /à ^ûn.
13. MucTAZAB v.j,^wi2x£», mâfûlâtû^ mûstàfîlûn^ màfûlâtû,
mûstâfîlûn.
14. MujTAs v.i^A23r^, mûstâfîlûn^ fâîlâtûn, mûstâfîlûn^ fâl-
lâtûn,
15. MuTACARiB v^La:>, fàûlûn ^yi^ fàûlûn^ fàûlûn, fàû-
lûn.
16. MuTADARiK v^j^jju», fâîlûn^ fâîlûn^ fâîlûn, fàîlûn.
Voici quelques observations au sujet de ce tableau.
I"" Les pieds qui le composent ne forment qu'un hé-
mistiche, et il faut, par conséquent, les répéter pour
avoir le vers entier.
— 213 —
2'* Les cinq premiers mètres sont particuliers aux
Arabes; les autres sont communs à tous les peuples
musulmans.
3° Outre les seize mètres inventés par Khaltl et expo-
sés dans tous les traités originaux sur la métrique arabe,
les Persans en ont inventé trois autres*, dont voici le
tableau :
1. Jadid ^^yX:^, fàîlàtûriy fàîlàtm^ rmstàfîlûn.
2. Carib w^.^, màfàllûn, màfâilûn^ fàîlàtûn.
3. MuscHAKiL JS'Li^v», fàîlàtûn, mafàllûn^ màfâllûn.
D'après les tableaux qui précèdent, on voit que le
vers ou baït ^S^ se compose de huit ou de six pieds
^J^J^^ Dans le premier cas, on le nomme muçamman
fj^^ c'est-à-dire à huit pieds; et dans le second, mu-
çaddas ^iw, à six pieds. Il y a aussi en arabe des vers
de quatre pieds seulement, nommés murabba >uy, à
quatre pieds; il y en a même à trois, à deux, et jusqu'à
un pied, lesquels prennent les noms de muçallas ^^^Jbt^»,
à trois pieds; muçanna J^^ à deux pieds; muwahhad
^y, à un pied.
Il n'y a que les vers de huit, de six et de quatre pieds
qui se divisent en deux hémistiches ou misrâ ç^^j^^^t
c'est-à-dire entrée du vers, ou plutôt de la tente^ '-^n»'
Le premier pied du premier hémistiche se nomme sadr
^ Outre les noms sous lesquels ils sont indiques ici, ils en ont
d'autres qu'on fera connaître plus loin,
* Qu'on écrit souvent, par abréviation, o.
— 2U —
jj^, e'est-àHlire partie du devant^ et it dernier arûz
j^jj^^ c'est-à-dire partie du mUieu; le pvemier pied du
second hémistiche se nomme ibtidâ »\x^^y conuttence-
ment; et le dernier ajuz ys^^ c'est-à-dire partfe;?05É^
rieure^ ou zarb v^r^f fixation^ par allusion au nom de
tente donné au vers; enQn, les pieds intermédiaires,
quand il y en a, se nomment haschoyL^^ ou remplissage.
Le vers à trois pieds est évidemment un hémistiche.
Quelques rhétorieieiM le considèrent comme un pranier
hémistiche, et ils en nomment en conséquence le pre-
mier pied sadr^ et le dernier ariiz; d'autre» le considè-
rent comme un deuxième hémistiche et appliquent à
ses parties les dénominations conformes à cette idée. La
même chose a lieu pour le vers à deux pieds, si ce n*egt
qu'il n'y a pas de hascho.
Les mètres sarî et khafîf ont originairement six pieds
seulement et non huit; mais qaant aux mètres qui sont
réduits à six pieds, quoique originairement Us en aient
huit, on les nomme mujarrad ^J^ac-», ou dépouillés (d'ime
partie de leurs pieds primitifs).
On nomme sâlimJL*^ c'est-à-dire sain, le wrs dont
les pieds ne subissent aucun changemeirt, et mwsàkif
^^^y^ c'est-à-dire* c/ocAawf, celui dont les pieds ne
subissent aucune modification. Il y a un grand nombre
de ces derniers, mais l'étudiant ne doit pas s'en effrayer,
car ces mètres dérivent des mètres originaux, de même
que les pieds secondaires qui les composent dérivent des
pieds primitifs.
Ainsi le pied ^J^^ màfmlïm, qui est composé d'nn
watadmajmû (pieu conjoint), Li» devant deui. sabab kha-
— 215 —
fif (cordes l^res), ^^ et ^, devient ^ Uâju*.^ mû$tà'
fSm, si ou place au contraire les deux sabab khafîf
^^ ayant le watai mayaivà U» ; et si on met le watai
majmû Uu entre les deux sahab khafîf ^ et ^, on a le
pied ^^Li fàUàlSuL Le pied ^UjU mutàfâUûn^ qui est
composé d'un fâcilasugrâ (petite cloison), Ux^ devant un
watad majmû ^JL^ devient, si on renverse ces deux élé-
ments, ^^^xUUL» màfaîlàtm. Le pied ^yi fàMlûn, qui se
compose d'un watad majmû jfà, devant un sabab khafif
^, devient ^^ii fâlVm^ si vous en renversez les élé*
ments«
D'après ces données, si dans le mètre tawil, qui se
compose des pieds ^J^^ ^y^ fàûUmmàfâilûn répétés,
on prend le watad majmû yi du commencement du
groupe, et qu'on le mette à la fin, on a^ (J^ ^^ k:^
lûn mâfà l Im fàù, ce qui équivaut à ^J^li i^^l-* /2^-
H&isL, fâUûnj pieds qui composent le mètre madîd. Si on
Gommenee par ^^^ î/im, du pied ^J^^ màfâUûn^ en
rejetant le watad majmû U» ma/a, et le plaçant à la fin
du groupe, on a Ua ^y^ ^J^ llûn^ fàûlûn^ mâfà^ ce qui
équivaut à ^^ ^^^Iaaaw» mûstâfïSmj fàUûn^ pieds du
mètre boM.
De même les mètres sarî, khafîf^ munsarih^ mujtas^
muzâri et muctazab dérivent les uns des autres, en tant
que les quatre derniers se composent de six pieds seu-
km^it, comme c'est le cas en arabe ; car les mètres sarî
et khafif ne se composent, même en persan, en turc et
en Mndoustani, que de six pieds. Qr,^ le mètre sarî se
eomposant des pieds sZ^^yÀA ^Ui Ai^r ^^^»i:L^ mûstâfî^
Imh, mAstaftEm^ m^UStô, si vous commencez par le
— 216 -
deuxième pied, et que yous mettiez le premier à la fin
du groupe, vous avez ^J^sJcu»^ ^)iyJLA ^^^1*ax***^ mûstà fi-
lm, mâpUàtû, mûstàfîlûnf ce qui est le mètre munsarih à
six pieds. Si de ^Jij^sjL^ mûstàfUûn vous retranchez le
premier sabab khafîf ^ mus, et que vous le rejetiez
à la fin du groupe, vous avez ^ JJ^y> v^>» t:;'^
^M^ i^4*ôj tàfïlûn, màfxdàtUy mûstàflVm, mus; ce qui équi-
vaut aux pieds ^'^Li ^ ç^\j^^ [J^"^"^ fàîlàtm^ mus-
tàfï'lûn, fàïlàtm, lesquels représentent le mètre klmfîf.
Si vous commencez par le watad mujmû qui termine le
second pied ^Ji«AX«*^ mûstàfîlûn, du mètre sarî, c'est-à-dire
par ^ îlûn, vous avez ^y^^^ ^^^xsc.^ sji/!iyJb» Jlc Uûn
màfâlâtû, mûstàfîlûn, mûstàf, ou bien c^iJ pli ^LcLL^
^^vLcLi» màfàïlûn, fâî, làtû, màfâllûn, ce qui représente
le mètre muzâri à six pieds.
On voit par là que ^ ^ ^J^ mûs-tàft-lm, dans le
mètre khafîf , et ^^ ç.li fàî-làtïm dans le mètre muzâri,
ne doivent pas être confondus avec ^UAxm^ mûstàfilïin
^et ^*^li fâîlàtm écrits en un seul mot, car ^ tàfî et
& U fàî, dans la décomposition de ces deux mètres, cor-
respondent au watad mafrûc (pied disjoint) de sS>^y^
màfâlàtû. Ainsi aûï tàfî et pli fàîsoni ici des watad ma-
frûc, ce qu'ils ne sont pas dans ^^Sxku^ mûstàfUûn et
^'iipU fàîlàtûn, en un seul mot.
Si on écrit d'abord le pied vJL>^^^ màfûlàiu du groupe
du mètre saH, on a ^JaâjL^ Afsc,^ ^j^JÙy^ màfûlàtû,
mûstàfïlûn, mûstàfîlûn, c'est-à-dire le mètre muctazab à
six pieds. Si l'on commence par le second sabab khafîf
de y.:L^yAA màfûlàtû, c'est-à-dire par <oi5^ Uàtû, on a
^'bifili ^'bJcIi J 9s3 ^j^ mûS'tafî'lûn, fàîlàtûn, fàîlà-
— 217 —
tûn^ ce qui représente le mètre mujtas à six pieds. Ici
encore ^ tàfî^ dans ^ ^ ^j^ mûS'tàfî'lûn^ est un
watad mafrûc.
KhallI, Fauteur des règles de la métrique arabe, a
imaginé, pour faciliter Tintelligence de ces transmuta-
tions des mètres les uns dans les autres, cinq cercles^
en arabe »^b dâîra, pi. ji)^ù dawâïVy auxquels il a
donné des noms différents et appropriés à ce qu'ils of-
frent de particulier. Dans ces cercles, que je \ais repro-
duire ici, les lettres qui sont à l'intérieur sont celles des
pieds. Elles sont toutes séparées, aOn de pouvoir se
grouper de différentes manières pour former les com-
binaisons dont il vient d'être parlé. Quant aux lettres
mim ^ et alif I, qui sont en dehors des cercles, elles in-
diquent, la première, c'est-à-dire le m!w, une lettre mue,
et la deuxième, c'est-à-dire Valif^ une lettre quiescente.
Ainsi, par exemple, le pied ^y^ fmlûn^ qui commence
le mètre tawîly est ainsi marqué : C» C f , et le
pied /.t'^l^ màfailm : (. f , C f. Les noms
des mètres placés à la marge des cercles indiquent l'en-
droit où ces mètres commencent
Les mètres tawîl, madîd et bacît forment un premier
cercle, sJb; en effet, si l'on écrit quatre fois en rond
les pieds ^^Li» J^yij et qu'on commence par ^jiyi,
on a le mètre tawîL Si on commence par ^y et qu'on
dise^ ^ ^^^ (^, etc., ce qui équivaut, comme il a
été dit plus haut, à J^l» Jî"^^ fàîlàtm, fïïUûn, etc..
— 218 —
on a le mètre maMd ; enfin, si on commence par ^^,
et qu'on dise li^ ^yi ^JLp etc., ce qui é<^¥aut à
^Lli ^UfijuM^ mûstâfUûn fâxlûn^ etc., on a le mètre
baxU. On nomme ce premier cerete. mukktalifa^ ^iisâr^,
c'etrtnà-dire Hfforréy à cause de la yariété des pieds qui
le oompoeent, les uns étant de cinq lettres^ ie& autr^
de sept.
Les mètres kâmtl et wâfir forment à eux seuls un se-
cond cercle. En effet, si on écrit quatre fois en cercle
^cUx;» mûtàfâÏÏûn, et qu'on commence par U::^, on a le
mètre kâmil. Si on commence par ^, et qu'on dise
liX» ^Ift, ou régulièrement ^j^\J^9 màfâîlàtùn^ wi a le
mètre wâfir. Ce second cercle est nommé mutalifa ^ii^,
c'est-à-dire assorti^ parce que les deux pieds qui le com-
posent sont l'un et l'autre de sept lettres.
— 219 —
J /
vLcir
.\,y^ ;.
Les mètres hazaj^ rajas et rmnl formant un troisième
cercle. En effet, si on écrit quatre fois en cercle ,JLjftlX»,
et qu'on commence par L£», on a le mètre hazaj. Si on
commence par ^^, et qu'on (ïïse Ua^^^^ c'est-à-dire
^^^Uâs-**-», c'est alors le mètre rajas; enfin, si on com-
mence par ^, et qu'on dise ^La^^, c'est-à-dîre
J3%[i^ on a le mètre raml. Le cercle que ces trois
mètres composent se nomme mujtaliia ^Jb:??^, c'estrà-
dire dérivé [dn premUr œfde).
^>*
%:
y^j^' -^
r 'f î ç
— 220 —
Les mètres sarî^ munsarihj khafif^ muzâri^ muctazab et
mujtas^ forment un quatrième cercle. En effet, si on
écrit en cercle le mètre primitif sarf, qui est composé
des pieds ob}j»Â>» ^^Smscl^a ^JUàjLm^, et qu'on commence
par le second pied, de cette façon, sjj^j^
^JUftx«^, on a le paradigme du mètre munsarih à six
pieds. Si on commence par ^J^j et qu'on dise ^^^
^ Jjrix.»^ ob)^, ce qui équivaut à ^ ^ {^^^
^'bicli ^, on a le mètre khafîf. Si on commence par
^Jlc, et qu'on dise ,^^::*«^ ^JLâx*^ c^^^xi^ ^^ ou au-
trement ^J^Lâ» cy^l;^ er^'^' ^^ ^ ^^ paradigme du
mètre muzâri à six pieds. Si on commence par w>î}j*w,
et qu'on dise ^Jl*âju^ ^^SjJlL*^ si^bJ^^i», on a le para-
digme du mètre muctazab à six pieds ; enfin, si ou com-
mence par c^iî^, et qu'on dise ^JUku^ ^^^Ixk*.-» o^
^, ce qui équivaut à ^'biôLi ^^'^L^ cJ^t^ t/*'' ^^ ^
le mètre niujtas.
Il est essentiel de se souvenir que les six mètres diffé-
rents qui forment ce cercle ne peuvent en faire partie
qu'autant qu'ils ne sont composés que de six pieds.
Eq effet, les mètres munsarih^ muzâri^ muctazab et muf-
ths, n'ont proprement que six pieds en arabe, quoi-
qu'ils en aient régulièrement huit en persan, en hia-
doustani et en turc; mais les mètres sari et khâfîfïi* oni
jamais plus de six pieds.
Ce quatrième cercle prend le nom de musclilabiha
Hrti^» c'est-à-dire ressemblant j à cause de la grande
analogie qu'il y a entre les pieds ^ ^ ^j^ et ^^ Î3 &Li
en plusieurs mots, et ^JUajum>» et ^*^li en un seul.
— 221 —
Le mètre mutacârib forme à lui seul un cercle qu'on
nomme munfarida »,5^, c'est-à-dire séparé^ distinct.
Toutefois, Abu Haçan Akhfasch^ y a joint le mètre mu-
tadârik, parce qu'en effet si vous écrivez quatre ^^,
et que vous commenciez par j*i, vous avez le mètre mu-
tacârib; si, au contraire, vous commencez chaque pied
par ^y et que vous disiez^^, ce qui fait ^^li, vous
avez le mètre mutadârik. Il est clair, néanmoins, que le
* ^jlÂâ.) célèbre grammairien arabe du commencement du
K* siècle. On lit une curieuse anecdote h son sujet dans Mtrzâ
Ibrâhîm, Persian grammar^ p* 233 et suiy., et dans la traduc-
tion allemande de cet ouvrage par le professeur Fleischer, p. 229
et suiy.
— 222 —
système de ce dernier cercle est différent de celui des
cercles précédents, car il ne s'agit pas ici de l'ensemble
de rhémistiche, mais de chaque pied en particulier. Ce
cinquième cercle, ainsi composé des deux mètres muta-
cârib et tnutadârik^ se nomme nmUafica aJujU, c'est-à-dire
concordant.
CHAPITRE IL
DE LA SGiJKSlOK, ^JaaJ, £X Jm I/APPAOPJIAIJQK USB
VERS A LEUR PA!RA1>I6ME, ^^.
On entend par scansion la ségf^xation des vers par
piâdfi selon leurs mètres xe^ecUfs, et <M)Qfi>rméiafiQt
aux paradigmes*. Dans la scansion, il faut avoir ^ard
' Au pi»iiiier abord il f)a&alt da^naBÎbk de tr«iyer la scao-
mn des ¥era, et pur suite lenr mewEe; maM^ .«Tee ua pende
pvséiiréraiice;, on m laecpûart JEaûileiiiaiit lihiibrteMih Ob im\
s'exercer d'abord sur les mètres réguliers les plus faciles, teb
à la pronoûciatiûB et son àrécriture. Par exemple, dans
le yars suirast, le premier hémisticlie n'a <fae yingt-
deux lettres, tandis que le second en a guarante-trois.
^^«M0l i ^1— *i» ■ii_ ' "" un *
pe le muUicdrih et Je /bozaj^ puis on abordera peu à peu d'autres
mètres, et enfin on finira par trouver la mesure de tous les vers.
Ponr en yenir {dos aisément à boat, on dmt marquer sur les «)1-
lahes des vers dont on chûrclie k mesure Les brèves et les ko»
gués ; puis on aura recours aux paradigmes pour grouper les
syllabes de manière à en former des pieds, et pour trouver enûa
la mesure à laquelle ils se rapportent. Prenons pour exemple le
ven fmxvaiit de la préfece du -Gultstan de Saadi, ertmettons-j les
sigaes des brèves eides loognes.
« ètee générenx q« de les trésars mvisibles nourris le guè-
bie et le dirMeii, ele. o
Actuellement, si' nous coopens cbaque bémisticfae en ^s
poitîoDB, en ne nous ^eartavt pas des paradigmes des pieds, nous
avons les pieds suivants :
ili MwMÂ^ i là m khà%à \ nà î gm-h
F&à^ùm i màfââltm j fMiâHn
Gttro tânsà ^ wàzJfA iàër j ëâani
FâUàMn j mafSUm | faim
et il aonsest lucîb de DeeoBaaÉtfe le mètre kimftf.
^ An lieu de peonoBcer macAose, S faut prononcer ici nmkagti ;
en effet, aiaai que je le dinâ plos loin, lorsqu'une coneeime
quîeseenle an milten à' m ren ccnapto dans la scannoo, en devt
la prononcer avec un i.
— 224 —
Le RhâD, coryphée dos hommes généreux, s'est assis dans
une réunion particulière; il a demandé deux puis trois plateaux
de mets; deux ou trois, quel plateau n'a-t-il pas demandé?
Ce vers, qui est du mètre mujtaSf doit se scander
ainsi :
Nïschàstî sàr \ wàrî àhR \ kàràm bà màj \ lîcï khà-s
Dôkhà^ 8î khà \ dô si khà khà \ sî khà chî khâ | kî nà khâs
Ma fà î lûn I fà î là tûn \mafà ï lûn \ fà î lâ-t
Ainsi Xalif marqué d'un tnedda^ I, compte pour deux
lettres, comme dans ^1 ànûn^ temps, x»l àmàd^ il est
venu*, qui sont de la forme ^^^ faim. Il en est de même
du wâw ^ , qui se prend quelquefois dans la scansion
pour deux wâw; par exemple dans les mots ^j\^ dàtuûtd^
David, (j^J^ tâû-s, paon, qui sont de la forme J^
fâlârm^.
D'autres fois on compte pour une lettre une motion,
^ Ici le noun de ^|^ ne compte pas da|îs la scansion. Il se
prononce du reste après une voyelle longue, surtout à la fin des
mots, d'une manière sourde et nasale,
* Dans ce cas la première lettre est censée mue et la seconde
quiescente. Ainsi ^jl est pour ^\\ et J^l pour Jj»II.
' Ce pied secondaire montre Timportance des paradigmes
orientaux que les longues et les brèves des pieds latins ne peuvent
pas suppléer exactement. En effet, d'après le système latin, ^JIa?
se compose de deux longues aussi bien que ^^^9 qui est bien
différent, puisqu'il a une lettre de plus que le premier mot, lettre
qui compte dans la scansion. J'ai tÂché de rendre cette différence
sensible dans ma transcription en séparant dans ce cas cette der-
nière lettre par un trait d'union; ainsi je rends ^JIa» par fàlm
et ^jii*i par fàlâ-n.
— 225 —
ïTp., ou point-voyelle, comme dans le mot arabe S^J^
a les hommes», qui peut équivaloir à^la-^t àrrïjàlû, et
être de la forme ^^iîôli*, et dans l'expression persane
J jwj-j ^, « moi sans cœur » , c'est-à-dire hors de moi, qui
peut avoir la valeur de J-Vf ^^ ^^^^ *^^^ et former
le pied ^J^^^ Il faudrait en effet écrire ainsi ces mots
pour en fixer la scansion, et tel est l'usage suivi dans
les prosodies originales.
Dans la scansion, la lettre marquée d'un tasçhdîd
compte toujours pour deux lettres; ainsi, le mot arabe
^1 illâ « si ce n'est », le mot persan ^^ farmkh « heu-
reux», etc., sont de la forme ,ji*3 fâlm^ et pour les
scander il faut les écrire ^j^ ^ J' .
En arabe, le noun des tanwîn ou voyelles nasales a la
même valeur que s'il était écrit. Ainsi ^L» « eau » est pour
ji b» ma un. En arabe, encore, dans quelques mots d'un
usage commun où le fatha représente un alifde prolon-
gation qui a été supprimé, la valeur prosodique de la
syllabe reste la même, quoique Valif ne soit pas écrit.
Ainsi dans lia», qui est pour 13 U hâzà^ viiJi qui
est pour yliiy^ %alïkà^ etc., la première syllabe est
longue.
Il y a quelques syllabes longues ou brèves ad libitum.
En arabe, ce sont entre autres* les pronoms afflxes 5 et
y, et, en persan, l'e de YizâfaU Dans les mots turcs et
^ Cela a lieu, spécialement, à la fin des vers arabes.
' Ceux de mes lecteurs qui voudraient connaître en détail les
licences poétiques particulières aux Arabes, trouveront à ce sujet
un chapitre spécial dans la Grammaire de S. de Sacy, t. II,
p. 493 et suir-
45
— 226 —
hindoustanis S les lettnss alif^wâm eiyéf 8eirviAt.de. let-
tres de proLoQgatioix ou formas! des dipbthangjUMSr sont
souvent brèves» ainsi qu'on s-'en assurera^ pammt, dans
les exemples*
Lorsque ïalif d'union» Jwoj, ne ae prononce pas,
il n'a aucune valeur dans la scansion^ et on ne. doit
pas l'écrire si on veut la marquer réQydièceme&t.
Exemples :
Je ne me plains pas des élrangers, car ik ne me font qna ce
que mes amis m'ont fait (HÂfiz.)
Ce vers est de la mesura hazaj et da la variété qui se
eomp>ose des pieds ^yi ^^^ cAt^^v màfaûlûnrmà-
fSUûUf, fmUm^ IL £aul donc le scander ainsi :.
Mànâ:^^ bêgâ | nàgà hœrguïz \ nà nalœnt'
M bâ mât hàr \ ckî kàr dânâi^ \ «cAlnâ* kâr^'
Ma fjÊL l Im \ màfââJBm ^fMûMfU
^ Pour les lîeeDces poétiques particulières \ rbindouslani,
voyer h l'Appendice mon mémoire sur la métrique de? Arabes
appliquée à Thludoustani.
* L'oti^de ji est ici un a^/'d'iinioaetnB CQBqptepaS'dans la
scansion. C'est, en effet,^comme^'ii y ayait^»
^ Halif des mots ^1 et Ui;*^ se joignant au mot précédent,
il perd son medda et deWent alif de prolongation. C'est comme
s'il y avait Uà.ljl:^^.
* En prose, oaprononce aschnâ.;. maia^dangilefl ?ein, <m ne
peut pas grouper ainsi plusieurs lettres; Il fauldena détMherle
schin et enCaice une brève en le pronoof^ntavecuik t«.
^ Dans ^^ kard^ la dernière lettre ne compta paidâns la
Si, au eoDtraire, Valif doit se prononeer, il compte dans
la scansion. Exemple :
Dans ma solitude, le cliagrin qui m'accaBîe k cause de toi
m'arrache des plaintes ^
Cet hémistiche, qui est du mètre hazaj régulier, doit
être scandé ainsi :
Bûwàd fàryâ | dï salfè dàr | gàmât àz ^ dàs \ tî tànhâï
MàfôÂlvn I mafSXlûn \ màfâUllûn \ màfallûn
Il en est de même en persan, en ture et en hindou-
stani pour le ^ de conjonction. Il a ou n'a pas, selon les
cas, la valeur d'une lettre dans la scansion. Lorsqu'il
n'a pas cette valeur, on doit le joindre à la consonne
précédente, qui prend alors un %amma^ comme dans les
motsy ^ ^ « moi et toi » , prononcés manô tû^ qui sont
alors de la forme ^^^ fàUûn. Lorsqu'il a cette valeur,
on doit le prononcer séparément et dire, par exemple,
màn wà tû de la forme ^\i fàîlm. Il en est de même
du yé employé pour Fiz&fat après VaUf ou le wâw.
scansioD, et c'est pour cela que je l'ai supprimée daus ma trans-
cription. On fait ainsi i la fin des hémislicbes pour les syllabes
longues qui ont plus de lettre^ qu'il n'est nécessaire.
* A la lettre, <( ma plainte relatiyement à ton chagrin (c'est-
k-dke au chagrin que j'éprouve à cause de toi) est uii9 épée
dans la main delà solilude» »
* Ici Yalif est coaserTé ; il est consonne el ne sert qa% sup*
porter le fatha ou la voyelle brève a.
— 228 —
Exemple : yj,y mûè dans le Gulistan (Préface, avant-
dernier vers) :
Le monde était troublé comme la chevelure de TÉthiopien.
Cet hémistiche, du mètre mutacârib^ doit se scander
ainsi :
Jàhàn dâr \ Mmûftâ | dà chu mû \ ë zângui
Dans les mots persans, lorsque le j se trouve après
un khé^ comme dans s^^^ « sommeil », :>^, « mon,
ton, son », ^jâ^, « bon, » etc., il ne compte pas
dans la scansion ^ Quelquefois le hé is final ne compte
pas non plus dans la scansion. Souvent il conserve sa
valeur, et quelquefois il compte pour deux lettres'. Le
vers suivant offre des exemples de ces trois cas :
m\ aJULû. w»J J-jJ JxJuT
Je suis tué par les lèvres de ma bien-aimée ; mais ma coupe
est pleine de l'eau de la vie. (Faquîr.)
Ce vers, qui appartient au mètre ramU doit se scander
ainsi :
^ En effet, on ne le fait pas sentir dans la prononciation ;
aussi le nomme-t-on mukhtafi ,e*J^«^ ou caché: (Voyez mon
édition de la Grammaire persane de W. Jones, pag. 6.)
' Dans le cas d'izâfat.
— 229 —
Kûschtàhi ^ là \ R làbi jd \ nànà^ dm
ZàbV hdïwd \ pur schûddh^pdï \ md nà dm
Fâ ï Id tûn I fàîlàtûn \ fd ï lûn
En hindoustani, le hé final des pronoms Vj et ^^ ne
compte souvent pas dans la scansion. Dans ce cas, ces
pronoms ne représentent qu'une brève. Exemples :
Les fleurs de la jàbt et de la jûhî sont tellement belles qu'en
les voyant on perd le sentiment. {Arâïsch-i mahfiL)
Ce vers, qui est du mètre mutacârib^ doit se scander
ainsi :
* Dans d:±S^ que j'ai rendu par kûschtàhi, le hé final
compte pour deux lettres, c'estrà-dire pour hé et pour yé^ car
ri de l'izàfat est bref ou long selon les cas. Ici, de môme que dans
JjJ IdR et dans v.^ làbï^ il est long et représente, par consé-
quent, un yé. En effet, Fauteur du Eadâyik scande ainsi ce
vers:
f ' jl— ^ I .J ^^^ j^,\ !rr^ y'j
* Ici et dans le mot ^W^^ de rbémistiche suivant, le Affinai
ne compte pas dans la scansion. ^
^ ZdH esifova:%iâb'i, qui est poura^ âb-i v'^ J^*
* Dans yjJu, le hé conserve sa valeur et rend, par consé-
quent, longue la syllabe qu'il termine.
— 2S0 —
îhâ^ldivseh | nûmàjà | hëjûhl \ kîpkûrl
Kléâkhm j ko bàssùr \ iî^jàfi ] hëi Msû-l
Fà û iûn I fàûlûn j flmlûn | fm^l
Le À^ des monosyllabes persans a^ /pt, ^ dît, j^ ba^
J na, ne compte pas dans la scansion ^ Il en «si de
même du imui quiescent après une Yoyelle longue ^
Ainsi les mots : ^ ^^, JoT ^Uo., ^ ^j^, doivent
se scander ainsi : chu kunàd^ fiilûriy chûnôL kunâd et chum
kunàd^ màfàllûn. Toutefois, quand le nmn dont il s'agit
termine Thémistiche, on le compte pour une lettre
quiescente, comme dans le misra suivant :
toi dont la joue fait honte h la lune du ciel.
Ce vers est du mètre sarî ; il doit se scander ainsi, en
effet.:
MrukbH tâl | ràschkî màhï'' \ âdmâ-n^
MûfJA i Im I mûftàîlïm j fàî lâ-n '
^ L't est ici ajouté pour la scansion. (Voyez, à ce sujet, la
note 1,pag. 223.)
' Sur ees monosyllabes, voyez mon édition de la Grammaire
persane de W. Jones, pag. 6, notes*
' Voyez plus haut la note 1 , pag. 224.
* Dans ràschkî, Vi de rizâfat est bref, et dans màhï, il est long
et représente un yé. Cette anomalie a été expliquée plus haut.
^ Dans âcfma-nj on a ajouté un i pour la scansion. A cet
effet, on détache de Valifle ^m, et on lui donne un kesra pour
avoir une syllabe brèye, qui ne peut consister en une consonne
sans Yoyelle.
® Pied aréficiel pour \1J^m^ mâfïïlâ't^ lequel est démé de
sjjùydu» màfùlâtû, qui estie pied oi%în«I final Au Borî.
— 231 —
Outre le «dwi, les poètes pensane anciens, tels que
PirdaudI, Âttâr, etc., admettaient une antre lettre quel-
conque qwesoenle, et on en trouve mOme des exemples
chez les modernes^ comme dane le vens suivant de Zu-
hûrl, où \ejim du mot ^^ est nécessairement retranché
dans la scansion :
!j ,:i,yj3 j2o J^ .jL» £
Donne-moi ce vin qui fait honte au rubis, afin de ranimer mon
esprit abattu.
CSe vers, qui est du mètre mutacârib, doit être ainsi
scandé:
Bàdâstàm | dï an rÂseb l kî yâcû \ tî râ
Kï sàzàm \ îlà^ àc \ Il fàrtû \ tî râ
Faû.lm I fàMlM j faùlûn | fààl
* On pourrait aussi expliquer cette anomalie comme je Tai
fait Sans le Mémoire sur la métrique arabe adaptée à Tfain-
donsianl, c'est-ii-£re considérer le aïn de Ji& comme un a bref,
et Ure îtàjâc-l comme s*il y avait Ji^^blû. En effet, le aïn a
beaucoup perdu, dans Flnde, en Perse et en Turquie, de sa
prononciation gutturale, et on n*7 prononce guère que la voyelle
qui l'accompagne. Cest ainsi que, dans le misra de "Walî (du
niètre Aazt^'rëgnfier), cité à cette occasion,
^j!y hJ^^ ^^.Jlrk ^ kk ^T- ij^
« n [MahomeQ a trouvé auprès de Dieu un langage qui platt
il ses adorateurs. *)>
il faut lire UtïtStmcM>Cf comme s'9 7 avait ^^bULâ. sans
aïn.
— 232 —
S'il y a deux lettres quiescentes réunies à la fin d'un
misra, on les compte dans la scansion, soit qu'il y ait
un naun quiescent après une lettre de prolongation,
soit qu'il y ait d'autres lettres. Exemple :
Ton ordre a brûlé Terreur à la porte de la sottise; il a tué le
pourquoi sur la tôte du commmt (4nwarî.)
Ce vers, qui est du mètre hamj^ doit être ainsi
scandé :
Gàlàt rà su j tï hûkmat bar \ dàn sàh-w
Chïrà rà kûsch \ il àmràt bar \ sàrl chû-n
Ma fax lûn J màfàilûn | fàûlà-n *
Lorsque trois lettres quiescentes se trouvent réunies
ensemble, comme dans le mot ^JL^^y^^ qu'on lit dans
le premier hémistiche du vers ci-dessus, on ne compte
pas dans la scansion une des deux dernières '. On pro-
* ^^yi pour J-f Li».
^ Telle est la règle que donnent les rhétoriciens orientaux;
mais je crois que, sans recourir au retranchement d'une con-
sonne dans la scansion, on peut expliquer cette anomalie en sup-
posant simplement que, dans ce cas, la lettre de prolongation,
qui est la première quiescente et qui forme une yoyelle longue,
doit être considérée comme une voyelle brève, c'est-à-dire comme
un point-Toyelle. Conformément à cette explication, je lirais
ainsi Thémistiche dont il s'agit : ji\ sJ^-^^^a^ ijl^^dc-^ IjiaU
gàlàt rà sûkh \ tï hûkmàty etc.
— 233 —
nonce l'autre avec une voyelle brève S et on conserve la
première lettre quiescente. C'est ainsi que j'ai écrit,
dans la scansion figurée, Atî pour sïïkhL A la fin des
hémistiches, une des lettres quiescentes dans les mots
de cette espèce disparaît dans la scansion, mais on con-
serve les deux autres. Exemple :
Le célèbre messager qui est arrivé du pays de mon amie m'a
apporté, pour préserver ma vie, un amulette écrit de la main de
cette amie*. (Hftfiz.)
Ce vers, qui est du mètre muzâri^ doit se scander
ainsi :
ïnpàîkî I nàmîwârkï | ràcldàz dï \ yàrïdô-s
à wàr-dî l hàrzï jà %ï \ khatï mûschkî \ bârî dô-s
Màfulû Ifallâtû \ ma fallu [fàîlà-t
CitAPITRE III.
DES IRRÉGULARITÉS DANS LES PIEDS DES VERS.
On donne le nom de zihâf s^l^j, ou déviation^ aux
* Quand, dans un vers persan, turc ou hindoustani, une con-
sonne quiescente doit compter dans la scansion pour une brève,
on la prononce avec un i qui représente, dans ce cas, notre
e muet. On a déjà vu et on verra encore bien des exemples de
cette règle.
' A la lettre, « fait avec l'écriture couleur de musc (c'est-à-
dire noire) de mon amû » Ce vers est mystique. Uami, c'est
Dieu; le messager, c'est Mahomet; Tamulette, le Coran.
— S4 —
GtasAgemcoits qui ont lieu dan las mètres on i^tdt
dans les pieds prinûtiBB qpui les ^eMstituent Qes «hm-
gffÊkeiâs consistent en tms dffiÊrentes ehoses : i'^t
rendre iqntese^ite, ^^sLm^ xob Mire mue, vll^,
c'est-à-dine à ôler une TeiyeUe bitnae'; 12* à diminuer ie
nombre des lettres ; S"" à l'augmenter, ce qui form» loi
assez grand nombre d'irrégularités dont les vers mné-
moniques suivants font connaître les dénominations
spéciales :
ï U 1j.2JLu^
*« •
,3^ J^^ J^j ^3^^ Jic J o^j j^^ vj>*M»
jLyi» jJj! p-^j Pj JL^j w^l Jj^ ^jhl jju
Jl3^j ^rr^j j^^ fir\5 ^-^^-^^ Vi;^ l/v*^ Oj
i^s :iUj j^ Ij ^^ jJLtj w^^ j ^j ^
*0 toi qui demandes le nom des^ fflrérentes in^brités de la
▼enificatieDy je fais te les dire Finie «qprès Taittre; écoute an
msiant.
^ Ces yers sont de la variété du mètre raml^ composé, h Cha-
que hémistiche, des pieds >Jbli ^Jt^li ^^^i^li ^^l^ fàï-
lâ^n, fâXl&tûit, /Sti&ûn^^ttîln.On Terra ftm lem desdécnfli
sur ce meta»
— 2^5 —
2 1 3 5 9 6
U y a le asb, ïizmâry le woef^ le tmy^ le khabn^ le ca^^,
7 8 • 9 21
le kaff; puis, ô intelligent, il j a le iaachîsi^ le ica«r, le hasif,
10 11 13 31 (3) 12 15
le caL II y a aussi le raby le takhlî, le sam, le jahf^ le iar/ï/
14
et le raf^ dont il faut te souvenir et que tu auras h employer
fré€[uemment.
16 17 18 19
Je dois citer encore le wacSf le acl, le kasfy le khablj le
fO 24 '28 2S . 25 28
schakl^ le catf; eneuite le baz%^ le salm mLo^ le batr^ Ujad*
31 C5) 31 » 26
Enfia, iiffkelle-toi le kJiarb^ h kharm, le nakr \ ie ^osA^t, le
27 31 (2) 30 29 31 (4) 31 (6)
miesiâlt le salm Jb., le batrn^ le Ja66, le ecAa^ et ie oom.
Expliquons actuellemeut chacune de ces irrégularités
en particulier.
1* kmâr jU«s>t. On enteaid par «ce mot te nstraoehe-
ment de la voyelle brève du té dans ^Uj^ mûia,fiïlm^
quVm profioûce aloirs mvtfàîlm, ûr^ 11 est d'usage^dans
la MNrsftQcalion arabe, que, lorsqu'un pied é{»^u¥e <une
altération, au lieu d'en modifier le paradigme, <iia ^Uk-
ftoie souvent uœ autre forme de la même vsdeur pro-
sodiaufe, mais plus aif)rGpriée au génie de la lao^ue
asate. Ainsi, dans le cas a&tujel, au lieu d'emidoyer
pour paradigme le mot mMfàîlûti^ on eiii{riote ^^»ftXM>»
wmtàfïlmi pied qu'^m Bomme muxmar jb^^ , d^i ioom
de son irrégularité. X'bémistiehe aralîNe suivant, (|ui
appartient au mètre laùmiU le seul où jpeut s'intno-
duire cette irrégularité, offre un exemple de ce pied
dérivé:
^ On Bonme «nsi la réduciion du pied ^jr^iJ^mi* i ^ qu'on
change en 93.
— 236 —
ù\^ jJic IjLtf
Bénissez-le, lai et sa famille.
En voici la scansion :
Sâ//û àlàl I h\ wà àlîhl
Mûstàfîlûn I mûtàfâîlûn
2* Asb w^umd. Ce mot s'emploie pour exprimer le re-
tranchement de la voyelle brève du lâm dans le pied
^^xLLi» màfâîlàtûn^ qu'il faut alors prononcer màfààltûn^
mais qu'on change en ^j^^, màfâUûn^ pied qu'on
nomme maçah s^y^a^^ du nom de son irrégularité, qui
n'a lieu que dans le mètre wâpr. .
3" Wacf ^^. On entend par là le retranchement
de la voyelle brève du té qui termine le pied o^^^
màfûlàtûy dont on fait alors ^"^y^ màfulârny et qui
prend le nom de maucûf s^yy . On trouve cette irré-
gularité dans trois mètres, le sarî^ le munsarih et le
muciazab.
4* Khabn ^j^. On désigne par ce mot le retranchement
de la lettre quiescente du sabab khaftf (corde légère) au
commencement d'un pied. Ainsi les pieds ^li faUm
et ^;ïiîfrLi fâïlàtûfif lorsqu'ils sont makhbûn ^y:^^ de-
viennent ^jijÀ fàUûn et ^j^^ fàïlâtm^. Ainsi le pied
^^^Ufijûo^ mûstàfîlûn ' devient iJ^*aj^ mûtàfîlûn changé en
^U^ màfàîlûn^ et le pied sU^yï^ màfûlàtûj sZ^^j»^
* Cette irrégularité n'a pas lieu dans le pied ^^ & li en
deux mots.
* Il en est de môme du pied ^ fJS ^w» séparé en trois
mots. ^
— 237 —
màûlàtii changé en sjj^yi fàûlàtû. Cette irrégularité a
lieu dans tous les mètres où se trouvent les pieds dont
nous venons de parler.
5^ Taîy J9 signifie le retranchement de la quatrième
lettre quiescente de deux sabab khafîf [cordes légères)
qui commencent un pied, comme, par exemple, dans
^JUa:u»^ mûstàfïlm^^ qui, lorsqu'il est matiuî ^S^^ de-
ident ^yixCtt*^ mûstàïlm^ qui se change en ^Ji*xl» mûftàî^
Bn; dans szJ^y^ mâfûlàtû^ qui devient ciblait» màfû-
làtUj changé en C-^^li fâîlàtû.
Quelquefois cette irrégularité a lieu dans le pied
^^U:i» mûtàfàïlûnj mais il reçoit d'abord Vizmâr et de-
vient ^cU:> mûtfâïlmy puis ,J^*âî^ mûifàUûn. On
nonmie alors cette irrégularité kha%l ^y^^ et akh%al Jjp^l
le pied qui en est affecté.
Le taïy a lieu dans les mètres bac% rajaz^ sarî^ mansa-
rih et muctazab.
6» Cabz jûJ. Ce mot s'emploie jour désigner la sup-
pression de la cinquième lettre quiescente des pieds
^JL^IjU màfàïlûn et ^J^y^ fàûlûrif qui deviennent ainsi
^li^ màfàïlûn et J^ fàûlû. Cette irrégularité a lieu
dans les mètres tawîlj madîd^ hazaj^ mutacârib et
muzâri. Le pied qu'elle affecte se nomme macbûz,
T Kaff ^. On entend par ce mot la suppression de
la septième lettre quiescente dans les pieds ,jV^ wa-
/oï/ûn, ^'^li fàUàtûn et Ji^ pli fàî-làtûn^ qui devien-
* Cette irrégularité n'a pas lieu dans le pied ^ ^ ^^ en
trob mois.
— 238 —
rnsAf par eooséquept, J^U» m&fSUû^ c^^li /iôitttô M
vij»'^ cli fai-làtû. Cette irrégularité a lieu dans, tes
mètres tou;fZ, madîdy hazaj^ raml, khafîfj mujk» et
muaârù Le. pied fu'eUe affecte se nomme mtdtfûf
8^ Tfuchù ^^L^^mJLj. On exprime par ce vmt la sup-
pressix)n de la première * lettre mne du ttatad majmû
(pieu.j|Oint)^bL i/àdupied ^^li fàîlàtûn^ quideiôefit
Bxasi ^*^l^ fàlàtûn, qu'on change en ^y^ màfuEm,
Cette irrégularité a lieu dans les mètres madîdj kha^t
ramleimujtas*. Le pied qu'elle affecte se nomme nm-
chûs sl^yJt^.
9» Casvj^. Ce mot signifie supprimer la lettre quies-
cente du sabab khaflf (corde légère) qui est à la fin du
pied, et rendre quiescente la lettre précédente. Ainsi,
Jj*i fàûlûn devient J^ fàïirlj ,J^'-^ màfmlûn devient
JwjftLi» màfm-lj ou fj^y^ fànlâ-n^ ^'îieti /atiâiiin devient
OL^iieli fàîlà-t^ qu'on change en j^li fàïlâ-n; ^ ^
^ mM^-tô/ï-Kn devient Jt/jy,,,»» wiEstâ/tZ changé en ^y^
màfZlûn. Cette irrégularité a lieu daos les mètres tawil,
madîd^ hazaj^ raml, mutacârib^ mmârif khaflf et rmjtas^
et le pied qui réprouve se nomme jy^ macsûr.
10* Cat ^JaS signifie retrancher la lettre quiescente
du watad majmû (pieu joint), et rendre quiescente la
lettre mue qui la précède. Les pieds qui éprouvent cette
^ B 7 a uira antror manfftrd d'amïfSQr ciertle' sui^nrenioB,
qucnqna Ib résultataok h même.
* Elle n'a pas lieu dans le mètre muzâri^ oh le pied ^ 9y
^ étant écrit ea deux ou (côis mets, il n'j. a pas le i»mA
majmû^ mais le watad mafrûc ou disjoint.
— 2» —
ttodifieatbn, et qui se vomtxmii maetû ^J^, sont :
^^ ^'^ m^ inûstàfi&n% qui devient Jmiu^ nmtàfti^
changé en ^j^y^ màfûlwn; ^\Jc^ mûtàfâïËm^ qwi de-
ident Jfili::^ mûtàfdU changé en ^^ fàîlàtûn^ ^j)Uli
^«H», qui devient J^li fêûl^ changé en ^Jii /Sffin.
Dans le pied ;;/»*^L? fWtlâtm^ on retranche d'abord le
dernier sahdb khafîf ^ tun ; puis,,, d'après la règle ci-
dessus, le restant du pied devient J^li fwll changé en
^^^ fàlûrty comme il a été dit au sujet de ^^Li /àï/ûn.
Cette irrégularité a lieu dans les mètres kâmil^ raml^
riniùidâ^rik^madîd^sarî, Rfmftf^ mujtaseimuctaxsa9*.
1f« Bab p^j. Ge ra»t indique une irrégularité qui
donne la nom de^ mcmbH P-j^y^ aix pied qu'elle affecte.
Elte eonsiste dans la réunion doi kbabn ^j^ et ùacat
Uai % dans le pied ^*^li fSU&tvm^ qui devient Jji fàii.
12!' Jahf .^j^atf^^On entend pac là le retranchemeoÉ du
premier sabab khafîf et du watad majmû du pieA ^visii
fàUâtûn^ qui se réduit ainsi à ^Ji tun changé en 93 /S,
et qu'on nomme s^jsr^^ majhûf.
W Takhlï fJ^. Ce mot s'emploie comme terme
technique de prosodie pour exprimer la réunion du
khabn ^j^ et du cat ^'^ dans les pieds ^U faUûn et
* Cette irrégularité n'a pas lieu dans ^ it£f ^^ en trois
mDtflu
* Le watad majtnàL ^^ îlûn éfurouYant le retranchement
dont il s'agit
' Elle n'a pas lieu disais le mètre fnuzàri, par Fa raison qui en
a été^' donnée plus haut.
^ Voyez plus baot €»qaavcoD0iisrtitatce»i«régukiM9,
^ Comme auparavant, mais dans d'auteitpiedB.
— 240 —
^Jj h é^ mûstàfîlmt qui deviennent Jji fàâl et Jjiax^
mtUàfll (changé en ^yi fàtUm)^ et qui prennent le nom
de makhlû 9^^*
14"" Raf ^j. C'est le retranchement du premier
sabab khafîfdes pieds ^JjJcu»^ nmtàfîlûn et ^JLJ!iysL^ ma-
fulâtûj lesquels deviennent ainsi ^^^xsj tàpMn changé en
^Jiftli fàïlûrij et vi^^^ ulàtû changé en Jy^ màfûlû. Le
pied qui éprouve cette irrégularité se nomme marfû
15* TarfU JJy- On entend par ce mot l'addition
d'un sabab khafîf au watad majmû final. Ainsi, lorsque
le pied ^^^^*sci^ mûstàfîBn est muraffal Jiy , il devient
^wdUflXuw» mûstàfUûntûn changé en ^^i»fiX»M^ mûstâpUS'
tûn. Il en est de même des pieds ^1^ fàîlûn et ^^^lix/*
mûtàfàïlûnj qui deviennent ^^U fâUàtûn et ^^'^Ux^
mûtàfàUâtmi.
16* Wacs jaJj. Ce mot se prend pour indiquer le
retranchement du té quiescent du pied ^li:> nrntfàî-
Bn, déjà altéré par Vizmâr^ comme on l'a vu plus haut,
pied qui devient ainsi ^^Ix» màfâïlûn^ et qu'on nomme
maucûs ^yy. Cette irrégularité n'a lieu que dans le
mètre kâmil.
1 T* Ad Jao. Ce mot désigne le retranchement du lâm
quiescent du pied ^xULi» màfààltm^ déjà altéré par le
asb^ comme on l'a vu plus haut, pied qui devient ainsi
^^li» màfâïtm changé en ^^ màfaïVm^ et qui se
nomme macùl^^y*^. Cette irrégularité ne se trouve que
dans le mètre wâfir.
— m —
18* Kasf ^.^^mS'*. Ce mot se prend pour exprimer la
réunion du wacf et du kaff dans le pied c^b)^
mâfulàtû. On fait d'abord subir au té le wacf^ c'est-à-
dire on en retranche la voyelle, puis on fait subir à ce
té le kaffj c'est-à-dire on le retranche, et ce pied devient
ainsi ^j»i> màfulà changé en ^y^ màfûlûn. Cette
irrégularité a lieu dans les mètres sarî^ munsarih et
muctazabf et le pied qu'elle affecte se nomme maksûf
19* Khabl J^. Par ce mot, on entend la réunion du
tavy et du khabn dans le pied ^Juix%u/» mûstâfîlûn^ qui de-
vient ainsi ^Jxj> mûtàïlûn changé en ^J:àJi fàïlâtm^ et
dans le pied"0^^^»i^ màfûlàtûj qui devient ksJ^ mau-
làiu changé en c^b^ fàîlàtû. Ces pieds irréguliers pren-
nent alors le nom de makhbûl Jjc^s^.
20^ Schakl J^. C'est la réunion du khabn et du kaff
dans ^é^jtscu^ mûstâfîlûn et dans ^^'^li fâUàtûn^ qui de-
viennent Jaûx^ mûtàfïlû changé en jcU^ màfàîlû et
O^ fâiUUû, et se nomment mâschkûl J^^. Cette
irrégularité a lieu dans les mètres madîd^ khafîf et
mujtas*.
Î1» Bazfy^^A. C'est le retranchement dxxsabab kha-
ftf de la fin du pied* Ainsi, ^yi fàûlûn devient^ fàû
ou Jji fàâlf ^*^li fàîlâtûtif %ii fàîlà ou .^)^[i faîlûn^
^^^Li» màfâUûny ^J-Li» mafâi ou ^^^ fàûlûn, et ces
^ L'auteur du Hadâyic fait observer que c'est ainsi qu'il faut
écrire ce mot et non «4^, comme le font d'autres rhétoriciensy
suivis, entre autres par S. de Sacy.
* Mais non dans le muzârif qui n'admet pas le khabn.
46
— ui —
wXs?^, se change en ^jUi /ià/ûn, le deuxième en ^Ji«3
pieds se nomment alors mahzûf ^^j^s^. Cette irrégula-
rité a lieu dans les mètres madîd, khafîf^ hazajj ramlj
muzâri^ mujtas^ tawîl et mutacârib.^
22** Hazaz hS^ ou, plus régulièrement, hazz ^ . Ce
mot s'emploie pour indiquer la suppression du watad
majmû de la fin du pied, c'est-à-dire de ^ îlûn dans
^JWju*w» mûstàfîlûn^ ^J^lx:-» mûtàfàïlûn et ^^li faîlûrif
qui sont ainsi réduits à ,^^^:i*^ mûstàf^ li:> mûtàfà et li
/S. Le premier de ces pieds, qui sont nommés mahzûf
fàîlûn^ et le troisième en >*i /a. Cette irrégularité a lieu
fréquemment dans les mètres bacît^ kâml^ rajaz, muta-
dârik; rarement dans les mètres où se trouve le pied
J,i>jlt».>^ mûstàfïlûn en un seul mot, et pas du tout dans
ceux où il se trouve séparé en trois mots, puisque, de
cette façon, il n'y a plus de watad majmû final.
23* Salm JU>. Ce mot indique la suppression du wa-
tad majmû dans le pied c^^_^ mâfùlàtû^ qui devient
ainsi j*i» mâfû changé en ^\jè fàlûn^ et nommé, dans
ce cas, maslûm pLû>». Cette irrégularité a lieu dans les
mètres sari, munsarih et muctazab.
24** Catf ^^jieS. Ce mot se prend pour exprimer la réu-
nion du asb et du hazf dans ^xLU/» màfàîlàtûn^ qui de-
vient ainsi JcLi» mâfâil changé en ^yà fàûlùrij et se
nomme mactûf ^^^^. Cette irrégularité n'a lieu que
dans le mètre wâfir.
Î5* BatrjSj . On entend par ce mot, en terme de pro-
sodie, la réunion du hazf et du cat dans le pied ^yi
fàUm^ qui devient ainsi ^ /a, et la réunion du jàbb
- ta —
yS.^ * et du kharm ^jo^ dans le pied ^J^^ tnàfaUùn^
qui deyient li fà changé en jii /3, et ressemble ainsi au
pied précédent. Cette irrégularité a lieu dans les mètres
mutâcarib et hazaj^ et les pieds qui en sont affectés
prennent le nom de mabtûr jy^,
26" TasMg A^'. Ce mot se prend ici pour exprimer
l'intercalation de Valif au sabab khafîf qui se trouve à
la fin du pied. Ainsi, quand ^J^L^p màfaîlûn et ^îâcli
fâïlàtUn sont muçabbag f^y ils deyiennent ,^^U»
màfmld^ et ^jb^icli fàïlàtdrn^ lequel est changé en
jlllcli fàïtïyS/n. Cette irrégularité peut avoir lieu dans
les mètres hazaj^ raml^ muzâri, mutacârib, madîd^ tawîl et
mujtas.
27» hâla Jlil ou tazyîl Sh.^- ^^ entend par là l'in-
tercalation deV alif dans le watad majmû à la fin du pied.
Ainsi, lorsque les pieds ^J^ku^ mus ta film, ^^Là
fàîlm et ^^UjU mûtàfàîlûn sont muzâl J'^ ou muzdiyal
Jj^*, ils deviennent ^J^^»xu^ mûstàfîlâ''n^ d^^ fàïlà^
et jbi&lix^ mùtâfàïlà-n. Cette irrégularité a lieu dans les
mètres rajaz, mutadârik, bac% kâmil^ sarî^ munsarih et
muctazab. Elle se trouve ordinairement au dernier pied
des deux hémistiches (le arûz et le zarb)y rarement dans
les pieds du milieu de Thémistiche {hascho)j et pas du
tout au premier pied des deux hémistiches (le sadr et
Vibtida).
28* Jad p «><^« Cette expression s'emploie pour indi-
* Voyez plus loin le numéro 29.
* L'auteur du Hadâyic les nomme JJ3. On verra ce mot
employé dans les cercles du rubâï.
— Ui —
quer la perte qu'éprouve le pied o^^-* mâfulàtû de
ses deux sabab khaftf^ et, de plus, de sa voyelle brève
finale, ce qui le réduit à vJi^^ là-t changé en ^li fSro.
Si on retranche ensuite Valif de ce pied ainsi dimi-
nué, et qui prend le nom de majdû ^^^^j on a le
pied bilittère a» fà qu'on nomme manjûr j^ssL*. Cette
irrégularité a lieu dans les mètres saH^ munsarih et mue-
tazab.
29* Jabb vIaû.. Ce mot indique le retranchement des
deux sabab khaftf du pied ^^^^ màfdUûn^ qui de-
vient ainsi li* màfà changé en Ja» fààly et qui se
nomme majbûb^ ^^yfs^^ ce qui n'a lieu que dans le
mètre ha%aj.
SO"" Eatm ^. Ce mot se prend pour indiquer la réu-
nion du hazf et du casr dans le pied ^j^\j^ màfWilm^
qui se nomme alors mahtûm ^y^', et devient pl» màfâ-a
changé en ^}yi fàû-ly ce qui a lieu dans les mètres tawU^
hazaj et muzâri.
31* Kharm fj^*' Ce mot s'emploie, en terme de pro-
sodie, pour exprimer le retranchement de la première
lettre mue du watad majmû au commencement des pieds.
Cette irrégularité, qui a généralement lieu au sadr et à
Vibtidây prend, selon les cas, une dénomination diffé-
rente. Ainsi, lorsque le pied de cinq lettres ^y^i fmlûn
est makhrûm fjff^y on le nomme aslam JS\*. Dans ce
*• En arabe, on donne aussi le nom de ^^ à ane addition, de
quatre lettres au plus, qui a lieu quelquefois avant le premier
7ers d'un poëme comme liaison avec ce qui précède.
* Cet adjectif est dérivé du nom d'action JLÎ salm^ qui signifie
fendre^ etc.
— «45 —
cas, le pied dont il s'agit devient ^^ ûlm changé en
^^ fâlûn. Quand, dans le même pied, il y a à la fois
kharm et cabz, il se réduit à J^ ûlû changé en Ja9 fàlûy
et on le nomme asram ^y\ K
Le nom de makkrûm ^^y^^^ ou plutôt d*akhram pàJ^
est réservé au pied ^;i^l^ mafâUm lorsqu'il devient
^JL&li fiSxIm changé en ^y^ màfulûn; mais si on
réunit dans ce pied le cabz avec le kharm^ il devient
^li fâïlvn^ et on le nomme aschtar Jxi^^. Si on réunit
dans ce même pied le kaff et le kharm^ il devient J^li
fmlu changé en ^ySLA màfulûn et on le nomme akhrab
y^j=^\ ^. Si on y réunit le hatm et le kharm^ il devient &li
/2-a, et on le nomme azlal JJjJ *.
. Lorsque» dans ^j:ie[i^ màfàUàtûnf on joint le kharm
an^asb^ on nomme ce pied acsam A^^^y et il devient
^jàÂi fâiWin changé en ^yÀA màfulûn.
Quelques-unes des irrégularités que je viens d'indi-
quer peuvent avoir lieu accidentellement, et ne pas se
trouver, par conséquent, dans tous les vers d'un poëme.
C'est ainsi qu'il est quelquefois difficile de découvrir la
mesure d'un vers isolé, à plus forte raison d'un hémi-
stiche. J'aurai soin de parler encore de ces irrégularités
accidentelles, et on en trouvera de nombreux exemples
dans mon travail.
' Adjectif dérivé de >^, « se casser une dent »•
^ Adjectif dérivé dey:â*, « retourner les paupières ».
* Adjectif dérivé de ^^..HÂ., « percement »•
* Adjectif dérivé de JJj, « bronchement, » expression qu'il
ne faut pas confondre avec Jb^ (Voyez le numéro 27.)
^ Adjectifdérivéde A^, « briser ».
- U6 -
Quelquefois deux lettres d*un même pied ne peuvent
pas être retranchées à la fois; c'est ce qu'on nomme
muâcaba iJU^ ou incompatibilité. Le tableau qui suit
mettra en relief cette théorie. Ainsi on y verra, par
exemple, que le pied ^^;V'^* P^^t se changer, par la
suppression de la cinquième lettre, en ^^U^, et, par
celle de la septième, en Sf^' Mais ces deux altérations
sont incompatibles, et, ainsi, on ne peut pas réduire ce
pied à J^Li». Cette incompatibilité a même lieu entre
deux pieds se suivant immédiatement. D'un autre côté,
une altération en exige quelquefois absolument une
autre. Ainsi, lorsqu'on retranche la quatrième lettre
du pied ^lôLa^, on doit supprimer aussi la voyelle de
la seconde lettre, et dire ^^^*a^. Enfin, on est quelque-
fois obligé de faire usage de l'une des deux altérations
entre lesquelles il y a incompatibilité. Ainsi, dans cer-
tains mètres, on ne peut pas faire usage du pied pri-
mitif régulier v^^j*^», mais il faut y substituer un des
deux pieds secondaires, vJi^X^ ^^ CLjii*ft^ ; on nomme
cet autre cas àJ]jA ou préservation (acte de se ga-
rantir).
Les irrégularités qui ont lieu au dernier pied du pre-
mier hémistiche prennent le nom spécial de arûz js^^j^
(pluriel aârî% ^j^jl^')^ dénomiDatîon de ce pied, et
celles qui affectent le dernier pied du second hémi-
stiche prennent le nom de zarb vir^ (pluriel zurûb
En arabe, il arrive souvent que les deux hémistiches
d'un vers ne sont pas identiques quant au dernier
— U7 —
pied, si ce n'est cependant au premier vers d'un poëme^
vers où ces deux pieds sont généralement pareils*.
Quelquefois le dernier pied du premier hémistiche
d'un vers est irrégulier, et le dernier pied du second
est régulier, ou bien, ce qui est plus commun, le der-
nier pied du second hémistiche est irrégulier, tandis
que le dernier du premier est régulier ; d'autres fois
leurs irrégularités sont différentes. On trouvera de
nombreux exemples de ces cas divers dans le chapitre
sur les subdivisions des mètres.
Les irrégularités ne consistent pas seulement dans le
changement des pieds, mais aussi dans leur suppression.
La suppression d'un pied à chaque hémistiche se
nomme juz *)2w, et le vers ainsi réduit majzû '^ys^.
Quand la moitié du vers est retranchée, cela s'appelle
schatrjii^, et le vers ainsi réduit se nomme maschtûr
j^Ltj». Il y a môme, en arabe, du moins en théorie, des
vers réduits au tiers, nommés manhûk ^y^^ et des
vers à un seul pied, nommés maschtUr ul manhûk jjkt^
CHAPITRE IV.
SUR LES CHANGEMENTS DES PIEDS PRIMITIFS
Voici actuellement la liste des changements dont sont
* Dans ce cas, au contraire, le premier pied éprouve quel-
quefois une addition particulière, comme je Tai dit plus haut, et
d'autres fois un retranchement. Ainsi, on trouve, par exemple, au
premier pied du vers qui commence un poëme, ^JL^ pour ^J^•
^ Cette conformité accidentelle se nomme ^j^*, et la non-
conformité, àJiLj,
— 248 —
susceptibles respectivement chacun des pieds primitifs,
c'est-à-dire le catalogue complet de tous les pieds irré-
guliers.
I. ^yô fàûlm. Ce pied peut être affecté de sept irré-
gularités, à savoir :
1 . Tasbig (voir n" 26), ^j^y^ fàûli-m.
2 . Cabz (voir n* 6) , Jj»i fàûlû.
3. Cash (voir n» 9),\3j** fàû-L
i. Haip (voir n« 2), J** fàà4 (pour^xà fàû).
5. Salm Ji (voir n» 31), ^^^ fâlûn (pour ^y^ ûlun).
6. Sarm >y (voir n*31), J*i fcUû (pour J^û/û),
7. Batr (voir n* 2b), ^ fà.
IL ^\i faîlûn. Ce pied peut aussi éprouver sept irré-
gularités, dont voici l'indication :
1. IzALA ou tazyîl (voir n® 27), ^j^li fàUSrn.
2. Khabn (voir n* A), ^^^ fàïlûn.
3. Cat JaS (voir n* 10), ^Ji«3 fàlûn (pour Jcli /3îQ.
i. Hazaz (voir n* 22), fi^i /a.
5. Takhli (voir n« 1 3), Ja3 fàâl
6. Tarfil (voir n** 1 5), ^'îicLî fâilàtûn.
7. Khabn et izala (voir n®» i et 27), ^j^ fàïlà-v.
III. ç^;V'^ màfœUm, Ce pied admet les onze irrégu-
larités que voici :
1. Tasbig (voirn® 26), ^)^t^ màfœilà-n.
2. Cabz (voir n" 6), ^^li^ màfWilm.
— «49 —
3. Kaff (voir n» 7), Sf'^ imfàllû.
4. Casr (voir n» 9), J^Lâ* màfWirL
5. Hazf (Yoirn» Îl), Jiyi fàûlûn (pour J;Isla màfai).
6. Hatm (voir n» 30), p li^» mâfâra.
7. Kharm (Toir n» 31), ^^^ mafulûn (pour^^^Uli fSilûn).
B. Khabb (toît n* 31), J^ mâfûlû (pour J-xli /oite).
9. ScHATR (roirn* 31), ^Li fâîlûn.
10. Zaiai. (voir n* 31), pU fà-a.
11. Batr (voirn* 25), iifà.
lY. ^^li fâïlàtm. Ce pied compte dix irrégula-
rités, savoir:
1. Tasbig (voir n« 26), ^J^^ fWtRya-n (pour ^bbicli
2. Kbabn (voir n* 4), ^"^ fâïlàtm.
3. Kafp (voir n* 7), dJ^\i fàîlàtû.
4. Casr (voir n* 9), J^^ fàïlârn (pour O^l^ /aïK-t).
6. ScHAKt (voir n» 20) , O^ /a«5(îl.
6. Hazf (voir n*» 21), ^^li [âïlm (pour ^li fàîlà).
7. Taschis (voir n» 8), J^j*^ mdfûlûn (pour ^^^ fàlà-
tûn.
8. Cat Jaï (voirn» 10), ^^ fàïlm (pouf ^ fàîlà).
9. Jahf (voir n* 12), ià fà.
10. Rab ^j (voir nMI), J*3 /«aZ.
V, J^^sJlL^ mûstàfllm. Ce pied admet les onze irrégu-
larités suivantes :
1. IzALA (voir n* 27), ^J^MCUyJ^ nmstàfîlàrn.
2. Khabh (voir n' 4), ^Jifili» màfaUm (pour ,^^9^ mûtaf'
Uûn).
3. Tait (Toir n* 8), ^^^f^ mûftàUm (pour ^j1*îî-*^ mws^?-
/tin).
i. Cat ^Jaï (roîr n» 10), ^^j**^ màfûlûn (pour J*flX.i»^
5. Kafp (voir n'7), ^}*scLy^ mustafîlû.
6. Khabl (voir n* 1 9), ^jdiji /aWaitin (pour ^^S»^ mMï-
lûn).
7^ ScHAKL (voir n* 20), JôU» màfâïlû (pour J^fi^i» mûtà-
fîlû),
8. Hazaz (voir n* 22), ,Ji*5 /atiiin (pour JjûU mûtaïl).
0. Takhli (voir n® 13), ^j*i /SûZiln (pour Jjito mûtâflt},
10. Tarfil (voir n® 15), ^j»bJxû:L«^ mûstàfUàtun,
il, Raf «il (voir n* 1i), ^^li fàîlûn.
VI. j^^Li» mâfâïlàtm. Ce pied a'admet que quatre
irrégularités, à savoir :
1. AsB (voir n^ 2), ,«;V'^ màfmlûn (pour ^^^LL» mâfSU-
tm).
2. AcL (voirn® 17), ^IftlX» mâfaïlûn (pour ^^U/» màfài-
tm).
3. Catf (voir n^ 24), (J^ /iiiliMn (pour JcLi» màfâXI).
A. Casm (voir n° 31), ^^^*a^ màfûlm (pour ^ôli fâlltûn).
VIL ^^Lij^ mûtàfâîlm. Ce pied admet six irrégula-
rités, dont voici la liste :
1. IzMAR (voir n* 1), ^^IaûX***^ nmstàfUûn (pour ^Jiôlix» inSf-
/aîZiin).
— «61 -
2. Cat Jaï (voir n* 10), JS%9 fàîHtûn (pour J^lix» mô-
3. Wacs (Toir n° 16), ^IcLi^ mâfâïlm,
4. Hazaz (yoir n» 22), ^^^ /aiJwn (pour li:> muta fa).
5. IzALA (voir n° 27), ^jbSbLAx^ mûtàfàîlâ/n.
6. Tarfil (voirn*^ 15), ^'bïpli:> mutàfâïlàtm,
VIII, oiîj»i» fnàfûlàtû. Ce pied admet les neuf irré-
gularités suivantes :
1. Wacp (voirn° 3), jiî^ màfula-n (pour o^j»*^ w5/5i-
Zâ-f).
2. Khabn (voir n« 4), C^^j^i fàûlâtû*
8. Taïy (voir n* 5), oiicli faïlàtû.
4. Kasf (voir n* 18), ^y^ màfûlûn (pouri)^^ màfûla),
5. Khabl (voirn® 19), O^ fâïlâ-t (pour OÎix^ mâûlà-t),
6. Salm JL-p (voir n® 23), ^^1*3 fàlûn (pour^^jd^ màfû),
7. Jad Ç' J^ (voir n° 28), pli fà-a,
8. Nahr (voir pag. 34), ^ /a.
8. Raf ^j (voir n° 14), Jyû^ màfûl.
IX. ^^* iî & li fàï-là-tm. Ce pied admet quatre irrégu-
larités, c'esl^à-dire :
1. Kaff (voir n*'7), O ^ ois tàï-là-tû,
2. Cash (voiru® 9), ^j^ pli fàï-lâ-n (pourob5 oUfàî-là-t),
3. Hazf (voir n* 21), ^J^cli fâïlûn (pour il^li /5 i-Zâ).
4. Tasbig (voir n* 26), ^Ci &li /â^-%â-n (pour ^^bi) oLj
fâïrlâtâ-n). *
— lit —
X« ^ ^ ^ mûS'tafï''Vm. Enfin, ce dernier pied
n'admet que trois irrégularités, qui sont :
1 . Khabn (voir n* i), ^^LU* màfaHHin (pour i^ ^ (
mUr-tafïrlûn).
t. Kaif (Toir n» 7), J *y ^ nrn-tafi'lii.
3. Tasbio (yoir n« 26), ^i) «ii* ^jm^ tnm-tâfïrlSrn.
Par suite de l'emploi de ces irrégularités dans les
mètres primitifs, ces mètres prennent différentes formes
dont les pieds sont quelquefois pareils, quoique tiériyés
de pieds réguliers divers. Gela tient à ce qu'on a généra-
lement substitué aux paradigmes altérés des paradigmes
plus conformes au génie delà langue arabe ^ Aussi est-
il essentiel d'indiquer, pour se reconnaître, le para-
digme original, et c'est ce que j'ai eu soin de faire dans
les tableaux qui précèdent.
On trouvera peut-être bien compliquée la théorie des
irrégularités des pieds primitifs, mais on se convain-
cra, par l'expérience, que cette complication apparente
s'évanouit dans la pratique. En effet, tous les pieds d'un
vers ne sont pas altérés au point de ne pouvoir être re-
connus ; il 7 a toujours dans le vers quelque pied qui
sert de jalon pour découvrir la mesure. On peut tâton-
ner, sans doute, mais en recourant aux paradigmes, et
avec un peu de persévérance, on ne peut tarder de trou-
ver la mesure qu'on cherche. Voici, au surplus, une
sorte de résumé de la théorie qui précède, c'es^à*dire
la liste complète de tous les pieds réguliers et irré-
* On nomme ces mots substitués ,Ji})iyxA, substitutions.
guliers classés d'abord selon le nombre des lettres
qui les composent. Les numéros marquent les pieds
primitifs auxquels se rapportent les pieds secon-
daires.
Pied de deux lettres*
^/3, 1,2,3,4,8.
Pieds de trois lettres.
uJ*i fààl^ 1» 2, i; ^li /2-a, 3, 8.
Ja* fàlû, 1 ;
Pieds de quatre lettres.
^)yi fàûrl, 1 ; ^ fàUm, 2, A. 5, 7 ;
J^ fàUûj 1 ; oLi» màfà-a, 3.
y^ falùn^ 1, 2,8;
Pieds de cinq lettres.
^^yi fàvMn^ 1, 3, 5, 6; J^»i» mafûlû^ 3 ;
J^ii fWmn, 2, 3, 4, 5, 9 ; o^ /aï/atû, 4 ;
OÎi*i fàUârt (ou ^ii*i ^^^ /a«a<ûn, 5 ;
/S«â-»), 2, 8 ; 3^lL mflt/Satt, 5.
J^ mafvrl^ 8 ;
Pieds de six lettres.
^yi fàulà-n^ 1 ; {^y^ màfûlûn^ 3, 4, 5,
^li» màfâUm^ 3, 5, 6, 6, 8 ;
7,10; ^ii»i /aïfô/ûw, 4, 7 ;
4f ^ ?mi/5î-/, 3 î O^li /a«âett, 4, 8 ;
S^^ mafaûu, 3; J^M faUà-n, 2, 4 ;
— SM —
^JUxii mûfiàîlun, 5; J f^* (j^ mïts-tàfl-lû, 10;
Pieds de sept lettres.
^'ilcU fàïlàtûny 2, 4 ; yji^^iyJu» màfûlàtû^ 8;
^^Li» màfàilùny 3, 6; (O-^j**^ mâfûlcHn^ 8;
^^^l»ft:u^ mûstàfîlûn^ 5, 6 ; u^ ^^ O^ mûS'tàfUïin^
^^^Li» màfàîlàtûn^ 6 ; 1 ;
^^LiJU mutafàilûfij 7; "^ï iJ oli fâï-là-tûn^ 9.
Pieds de huit lettres.
^bLftU» màfàïlâ-nf 3 ; ^^ *£» j>w» vms^âfvlà-n^
^llls li fàiUyâ'% 4 { 1 ;
^C) pli fài'Ryàrn^ 9; ^jbJ^lij^ mùtàfâilcHi, 7,
^bLfi^ mûstàfîlà-n^ 5 ;
Pieds de neuf lettres.
^'il«iju*»>» rnmtâfîlâtûn^ 5; ^'bLli::? mûtàfàïlàtûn^ 7.
Voici actuellement la classification de ces mêmes
pieds selon le nombre de syllabes qui entrent dans leur
composition :
Pieds d'une syllabe.
^ /S, 1,2,3,4,8; ^li /2-a, 3, 8.
Pieds de deux syllabes.
^ /aai, 1, 2, 4; ^ /SJûw, 1, 2, 8;
Jji /S/û, 1 ; p Li» wa/S-a, 3 ;
J^ /aw-f , 1 ; ôy^ mâfdrl^ 8.
— MH '^
Jy3 fàûlûy 1 ;
^ fàîlûn^ 2, 4,5,7;
^^j*i fàûlûn^ 1,3,5,6;
^lûli /az/ûw, 2, 3, 4, 5, 9 ;
oii*i /a«â-^ (ou Ji^ fâ-
■w), 2, 8 ;
Pieds de trois syllabes.
JiyJiA màfûlû^ 3;
^b)j*i fâulârn^ 1 ;
J-^lX» màfal-l^ 3 ;
^^^ màfûlm, 3, 4, 5» 6, 8;
^bLli fàïlârn^ 2,4;
^^ p^li fàî-loru^ 9.
Piedf de quatr* syllabes.
O
L^/a«5^a,4; -
^^^ fàîlâtûn^ 5 ;
JcLi» màfàîlû^ 5 ;
^lôLi» màfâïlm, 3, 5, 6,
,7,10;
JjjcU/» màfâllûy 3 ;
^^'^ fàUàtm^ 4,7;
oil*i /aiiaJtt, 4, 8 j
^^;l«j^ mùftàïlûn^ 5;
J»âx**^ mûstàfîlûy 7;
O^^ fàûlàtû, 8;
^ïiîôli /5«5mn, 2, 4 ;
^^LcLi» mâfâïlûn^ 3, 6 ;
^xûX*^ mûstàfïlmt 5, 6 ;
vl>b5^*i» màfûlàtû^ 8 ;
t^^^xi» màfûld'-ny 8 ;
^* ^ oli /Sï là tm, 9 ;
^^li^ màfàilorn^ 3 ;
^Ûfili fàïtiyà-n^ 4;
^11) c.li/Si-%âw, 9;
^bixAL^ mûstàfllà-n^ 1 ;
^b) aiï ^>» muS'tàfî'lârn^
10.
J M>* ^^ mûs-tâfi-lûf 1 ;
oS & li fâv-lâtUy 9 ;
Pieds de cinq syllabes.
^UU mdfàimtûn, 6 ; ^^biclJb» mûtâfaUSm, J;
i^UjU mûtàfàîlûn, 7; ^*bJ*i;u^ mustâfUatûn^ 5,
Pied de six syllabes,
^^iieUU mmfàUU^n, 7.
— 156 —
CHAPITRE V.
DÉTAILS SUE LES MÈTRES PRIMITIFS ET SECONDAIRES,
AVEC DES EXEMPLES ARABES, PERSANS, TURCS ET
HINDOUSTANIS.
On nomme, ai-je dit, mn, JL», le mètre dont les
pieds, r)'^^ n'admettent aucune aUération^ ^^jt ^^
irrégulier j ^^)yf celui dont les pieds sont diversement
altérés. J'ai fait connaître les différentes irrégularités
dont les pieds primitifs peuvent être susceptibles ; il me
reste à parler des mètres eux-mêmes et à donner des
exemples de leurs variétés.
J'ai parlé de l'identité de quelques pieds dérivés mal-
gré leur origine différente. Par suite, il y a des mètres
secondaires qu'on peut rapporter à plusieurs mètres
primitifs. Dans ce cas, on doit les rattacher à ceux aux-
quels ils se lient le plus naturellement. L'exemple sui-
vant fera comprendre cette règle.
*•*»» jJ <3 >^iM* . > M i ^
J'ai été hors de moi lorsque moa amie m'a abandonDé ; j'ai
gardé le silence lorsqu'elle a commencé à parler.
Ce vers se compose de six ^Li» màfaîlûn. Or, si ce
pied est dérivé de ^JaâjÛm^ mûstàfUm par l'irrégularité
nommée khabn^ le vers que je viens de citer est du mè-
tre ro/ajs; si, au contraire, le pied ^^ màfaîlûn dé-
rive de ,^^^ màfSUûn par l'irrégularité nommée
— t57 —
cabzy le vers est du mètre hazaj. Or, comme ^^li^ ne
dérive de ^UiJu^ que par substitution^ Jii , pour ^^^^^^
mûtàfîlm^ et que, au contraire, il dérive de ^^^^ sans
substitution^ il est plus naturel et plus simple de le ratta-
cher au mètre hazaj. C'est ainsi qu'on doit agir dans
tous les cas où des pieds îrréguliers dérivés peuvent se
rapporter à plusieurs pieds primitifs.
Les cas dont je parle n'ont pas de rapport avec la ver-
sification nommée mutalauwan j}^, ou bigarrée, et
qui consiste à composer des vers de telle façon qu'on
puisse les scander de plusieurs manières, et ainsi les
rapporter à plusieurs mètres différents. J'ai parlé de
cette sorte do figure de mots dans la deuxième partie
de la Rhétorique, chapitre ii, section 24, et j'ai cité
quelques vers qu'on peut scander de deux manières.
Voici, du célèbre Faïzi, deux vers* qu'on peut scander
de quatre manières, et rapporter ainsi à quatre mètres
différents, à savoir : 1* au sari [matwî^ maksûf); 2<» et
3** au raml à six pieds, maklibûn^ mahzûf et simplement
tnakzûf; 4° au khafîf {makkbûn et mahzûf),
bi-j >b tJ) ^C^ M. ^^^ Aida.
^ Giadwin, Dissertation, pag. 145, a cité le gazai entier,
mais sans traduction.
' Voici la quadruple scansion de ce premier hémistiche :
\* al khûmî àb \ rûî tu tè \ guïjàfâ
mûftà ï lûn I mûftàïlûn | fà ïlûn
47
— 258 —
Ton 90urdl arqué Mt^ p<mr le eœur^ Tépée de la tjtannie ;
les boucles de tes cheveux sont, pour luU le filet du malheur.
Le poignard qui est à ta ceinture est le glaive de la mort; ton
œillade funeste, la flèche du destin.
t^armi la grande quantité des mètres dont les traités
originaux donnent la nomenclature, il n'y en a, comme
je l'ai déjà dit, qu'un assez petit nombre qui soient d'un
Usage commun. Ainsi, par exemple, dans les poésies si
variées de Wall, il n'a été employé que dix-huit mètres
seuleûient, et le tableau de ces mètres, tableau que j'ai
donné dans mon édition des œuvres de ce poëte célèlire
du Décan, peut servir généralement pour tous les re-
cueils de poésies bindoustanies et même pour les
dîwans persans et turcs.
Il né me semble donc pas nécessaire de donner la no-
menclature complète de tous les mètres dérivés que les
rhétoriciens arabes nous font connaître et dont plusieurs
sont si peu usités qu'il serait difficile d'en trouver des
exemples. Je m'occuperai plus spécialement, à Timita-
2** aï khûml âb | rùî tu tè \ guîjàfà
fâ î là tûn I fàï là tûn | fà î lûn
3® al khûml àb \ rûî tû tè | guljàfà
fà ï là tûn I fàîlà tûn \ fà î lûn
i^ al khûml àb
fâ ï lâtûn I mafà î lûn
rûl tû tè
guijafa
fà Uûn
* Jeu de mots entre ^* éfée^ ^^ ji? flèche.
— 259 —
tioû de Tauteur du Hadâyic, des mètres les plus com-
muns chez les poètes des principales nations musul-
manes. Ce que je dirai ici suffira amplement pour fami-
liariser à la scansion des yers et donner ainsi la facilité
de trouver les mesures les moins usitées.
SECTION !'•
Des mètres tawîl^ madîd^ bàdiy kàmil et wàfir.
Ces cinq mètres étant particuliers aux Arabes, je n'en
traiterai que sommairement. On en a vu plus haut les
paradigmes réguliers ; il s'agit actuellement d'en don-
ner des exemples, aussi bien que des principaux mètres
irréguliers qui en dérivent
Je ne suivrai pas les rhétoriciens arabes dans leur
classification systématique qui consiste à ranger les
mètres dérivée d'après 4e dernier pied du premier hé-
mistiche ^3j^ et le dernier pied du second ^j^^ ce
qui fait des genres et des espèces, comme les a^elle
S. de Sacy*. Cela tient à ce qu'en arabe on ne fait
guère attention qu'aux irrégularités des derniers pieds
des deux hémistiches, pieds qui^ dans cette langue, ne
sont souvent pas pareils, tandis qu'ils le sont, au con-
traire, en persan, en turc et en hindoustani. Les autres
irrégularités qui servent à classer les mètres dérivés
dans lea autres langues, ne sont souvent en arabe
^ Cet éminent orientaliste a donDé la nomenclature exacte de
ces variétés, mais sans les accompagner^ malheufeiisement,
d'aucun exemple.
— «60 —
qu*accideDtelles et non essentielles S comme c'est pres-
que toujours le cas dans les autres idiomes. Gomme mon
travail comprend les langues les plus connues de
l'Orient musulman, j'ai pris une marche plus simple ;
je me suis seulement contenté d'indiquer, au fur et à
mesure des cas, ce qu'offrent de particulier les mètres
arabes, en éclaircissant, autant que je l'ai pu, les règles
par des exemples.
1' Le mètre tawU Jj^ régulier est très-commun en
arabe ; en voici un exemple :
Ta fortune ne tient ni à ton oisiveté ni k tes efforts ; ce n'est
pas la science qui peut te la donner ni une belle écriture. (Ex-
trait de rii//" teila *.)
Voici actuellement un exemple du tawîl régulier à
tous les pieds, si ce n'est au dernier du premier hémi-
j
* Je veux parler, par exemple, de ^Jxs pour ^^4^1-3, de
JiôlJb» pour ^*L&Li», de ^Uftli::^ pour ^UliXi», de ^witLi»
pour ^Jifili>» et autres petites irrégularités qui seront indiquées
dans l'occasion.
' Voici la scansion de ce premier hémistiche :
hûàlnz I eu là hâllûn \ làdai kâ \ wà là ràbtûn
fàûlûn I màfà ï lùn \ fà û lûn \ ma fàl lûn
Dans vl^^ ladaika^ le fatha final est censé suivi d'un dlif
de prolongation et rend, par conséquent, la sjllabo longue.
' Ces vers ont déjk été cités dans l'Anthologie arabe de feu
mon ami J. Hurobert (de Genève), p. 1 3.
sttche qui est macbûz^ c'est-à-dire réduit à ^IJU ma •
fàïlûn.
La plante yerte que produit )• jardin de Kftfûr* remplace,
pour nos cœurs, les effets d'un vin vieux et généreux *• (Zaln
uddîn.)
Voici actuellement un exemple du tmXI^ pareil au
précédent, si ce n'est que le dernier pied du deuxième
hémistiche est réduit à ^yi fàUm (pour v^U» màfwi) :
^•jiJ L. li! LJjJI Je >^
*■ Voici la scansion du premier hémistiche de ce vers :
wâ khàdrâ | û kàfu n | y à Un nâ \ bàfllûhà
fà û lûn I mafà llûn \ fà û lûn \ mafà î lûn
' 11 s'agit ici de Kâf&r Ikhschidî, amtr d'Egypte, dans le jar-
din duquel on cultivait le haschisch, végétal que célèbre la pièce
de vers dont ce haït est extrait.
* ChrestomcUhie arabe de S. de Sacy, t. II, pag. 44.
* Voici la scansion de ce vers :
sàlàmm \ àlâddûnyà \î%àmà \ f^ul4tûmv;==màfâUûn
bànl bar \ màkinmlnrâ \î hïnà \ wà gà dîn
fà û lûn I mafà ï lûn j fàû lûn \ fàûlûn (pour màfai)
Dans Js^Iày il est permis d'ajouter, d'après une des licences
poétiques particulières aux Arabes {Grammaire arabe de S. de
Sacy, t. II, pag. 498), un zamma final, qui représente ici un
U long ; c'est ainsi que j'ai mis, dans ma transcription, fàqmdr
tûmû. Dans ^^^^j^ le fatha final représente aussi un à long,
et c'est ainsi que j'ai écrit ràhîhïnà.
LonqiiQ le monde tooi aara perdu, A fih de Barpnék, un
cessera do voir des yojageurs dans les routes depuis le j^^
jusqu'au soir^. (Abu Nawfts.)
Quoique le mètre tawU soit particulier aux Arabes»
il a été cependant employé quelquefois, par fantaisie,
par des poètes appartenant à d'autres nations musul-
manes. Ainsi, voici un vers persan du bahr tat{fîl r^-
gufier:
Le monde admire ta beauté. Le rçgard est dans Tivresse et
l'extase à cause de tes lèvres de rubis mouillées de ?in.
(Faquîr.)
2*» paps Ja, pr^tjqiie, pn n'emploie en afg^l^ç le mètre
^'^M flU'pee six pw4p peuleroeut, ïlp voici \iR qjemple
régu}içir s
Bakrides*^ rappelez à la vie ma Kulaïb ; et dites-ipoi od
nous devons fuir.
Voici un exemple où le dernier pied des deux hémi-
stiches est réduit à ^Jicli (pour ^li).
* Chrestomathie arabe de S. dp Sacy, t. I, p. 9.
* Nom d'une tribu arabe.
Sachez que je fus pour tous un gardien, soit que je fuMe ab-
sent, soit que je fusse présent.
Voici un autre e^eipple pareil, ei ce n*est que le der-
nier pied du second hémistiche est réduit à ^Ji*»
fàlûn :
A coup sdr cette jeune beauté au nez retroussé est une
pierre précieuse sortie de la boi^rse d'un yillageois (c'est-à-dire
est la fille d'un villageois*).
* Je reproduis ici la traduction de feu et. Quatremère {Jour-
nal des sapants^ 1853, p. 381], Dans ma première éditipn,
j'avais cru pouvoir lire «lih ppur Àih, et donner uq autre seps ^
ce vers, déjà traduit par le Clerc {Pros. ar, , p. 45) et par Frey tag
(4r, yer^kmti P? 181), Eq ^Ht 1% coquillage SORiaé mIj me
fm\^ ]rép()(i4re ^^ m:V^r% ^/ dp? ïpdjpps, g^i Q§t, pomR^ç pu
8ait| le nom qu'ils donnent au petit coquillage appelé porcôr
laine ^ lequel sert chez eux de menue monnaie. Cette explication
est d'autant plus plausible que ce mot existe en syriaque avec le
sens de monnaie^ aipsi que me l'avait dit feu M. Ferrâo de Cas-
telbraneo, qui s'était occupé avec succès de plusieurs langues
orientales. En effet, Mjchaelis, dans son dictionnaire ^y^iaque,
traduit ce mot par monetœ gentis et illud duplex : majus valet
gçtmte$, çbgli^ min^s^ptefn* U W^ fWj» ^m « pêPsage,
équivaut au Xs^rTà [minuta) de la veuve du Nouveau Je§tfirflçi|t
(s^ipt M^TP, x[ï, 4g), gt jg m^ du w^ î^nt?^ dm celpi de la
sentence de Î^Qtre-gpipçur, Içtç. ciU \^ Jfl Ypw^ Ip dis çp
vçrité, pettp pauvrp ypwye ^ (Jpppp plp9 qwe tpug §e\ix Q^i ont
mis dans le tronc. »
— 26i —
Voici encore un exemple du mètre madîd avec le der-
nier pied du premier hémistiche réduit à ^li (pour
bifili), et le dernier du second à ^^li fâîlâ-n (pour
si^\i fâîlà-t) :
J'jJ^ Jj'U j^ JS"
Que la Tie ne séduise pas rhommey car toute yie finira.
Enfin, voici un exemple où le dernier pied des deux
hémistiches est réduit à ^J^ fàîUm (pour ^) :
J-^' J^ J^ ur^ cj'
ar«^ Ljj J3 Lj »i
Lorsque le terme de ma yie arrivera, je serai, hélas! couyert
de honte et de confusion. (Mucaddéci^)
Quelques poètes persans ont voulu suivre le para-
digme primitif de ce mètre. En voici un exemple dans
le vers suivant, qui se compose, en effet, des pieds ^% li
^^li répétés quatre fois* :
* Les Oiseaux et les Fleurs^ allégories morales, pag. 17 de
mon édition.
* Il est vrai qu'on pourrait rapporter ce vers au mètre raml à
huit pieds mahzûf; mais, d'après la règle qui a été mentionnée,
p. 256, il faut le rapporter au madîd régulier, parce que c'est,
en effet, plus naturel et plus facile.
— 265 —
mon idole, mon cœur, par ton absence, est abreuvé de
sang ! jeune beauté, mon âme, h cause de toi, décbire le TÔte-
ment de mon corps.
En voici un exemple hindoustani :
Une natte déchirée est autant que le trône de Salomon
pour ceux qui ont le bonheur d'habiter l'angle de ton amour,
(Walt)
ii" \
3* On ne trouve pas le mètre bâcit régulier à huit
pieds, mais il est commun avec le dernier pied de
chaque hémistiche réduit à ^^ fàîlûn. En voici un
exemple :
X \ M. JL-g «LU)) ^ !C» «b b
j-ji)l ^L- L^ JO, oyt
V
tente de Maïya dressée sur la hauteur, puis sur la pente
de la montagne, tu es abandonnée ^ et déserte depuis longtemps.
(Nabiga^)
Quelquefois le dernier pied du second hémistiche est
même réduit à ^*^ fàlûrij outre les licences acciden-
telles autorisées en arabe. En voici un exemple :
* A la lettre « elle est abandonnée )>. Le changement de
personnes est fréquent, dans les cas analogues, chez les poètes
orientaux.
' Chrestomaihie arabe de Sacy, t II, p. 1i3.
M I
* ')j^j 'Ir*^ dr^-" ^5^!^^
Regarde un yaisseau, ^ yijQ VqP<^1^9^Q(^I^ » U 0^1) rÎTlt àe
réclair dans sa course légère. {Alf laïla^.)
On trouve aussi fréquemment le second et le qua-
trième pied de chaque hémistiche réduits à ^^ fêffiSm.
Exemple :
w^-^b ^^1 .iWj ^^
Lmo^e in pedreises les brA9ahM, 0Ue9 crpis^eet f^mwe i)
f#Mt 5 fpais ç>st e|^ yftiq que tu çherqberft^ k rp4FW«f l? fepif
sec. (Vers arabe cité dans le CtUistan, liv. Vn.)
Où emploie tpès-ftréquemmqnt ce mètre avec six
pieds seulement, trois à chaque hémistiche. En voici
* Voici la scansion de ce vers :
ànzûr Uà \ mar kàbîn \ yàsbikà mân \ zàrûhû
mUs tâfilm \ fà î lùn \ mûstâfî lûn \ fàîlûn
Yà sàbîqûl \ bar cà mâs \ rà an wà màj \ rà an
Wi tÔ'f UWk I fà ï lûn I miji ta fi ly^n | /5 ly,n
Dans le second hémistiche, nous avoirs rmfâllûn .Jkli^
(pour jJ«^ mûtâfîlûn). On peut en effet remplacer acciden-
tellement ^IaÂImw» par ce pied dérivé. On trouve aussi quelque-
fois, dans le môme cas, ^«|^»J^ mûftàîlûn et ^^ fàîlàfûn
(pçmr ^t]^ mmim)^ pt, à la fin i^ v^[?, 9R P5«t foirai i 1»
dernière syllabe des pieds, l'intercalation Jot d*un alif^
* Anthologie Hui^bert, p. 1^.
— 267 —
un exemple régulier, c'est-à-dire composé des pieds
^^^l»ûx-4P ^[i ^Jascu^ répétés.
^•-^ Ç^J J* d^J ^i Li
Ppur(jijQi çleiR©uy(^|is-je §uprèi^ d'una blfei<#tîoii guj es( y\i%
que dis-je^ qui est rasée, effacée et muette ?
Voici un verg persan écrit 4&n^ 1^ mètre bâcit ré-
gulier :
Ton union rend mon cœur satisfait de la réyolution du eiel ;
ton absence est pour mon esprit comme le sel sur la blessure
dont tu es l'auteur.
4<» Le mètre faîmiZ régulier à six pieds est, entre autrgs,
celui de la célèbre Muallaca de Lebid publiée par S. de
Sacy*, et qui commence par le vers suivant :
va
Li^L^ji l^j^ o-Jb U^
Ils sont évanouis des lieux où il§ avaient établi leur campe-^
ment, les vestiges de leur demeure. Minâ^, Gûl et Rijâm* sont
devenus déserts.
^ A la suite de son édition de Kalila et Dimna,
* Nom d'un lieii que Ip pommeutatQur ZQU9;éi)i distingue de la
vallée de CQ nQiQ| Tçllée qp% \f\ pèlerinage de 1^ M^çiq^e a rendue
célèbre.
' Montagnes connues des arabisants.
— 268 —
Il est bon de faire observer qu'on admet dans ce mè-
tre, comme licence permise, le pied mûstâfUùn ^JUâx«^
pour jjifili^'» mûtfàïlûn^ au lieu de ^JbUx;» mûtàfàilm^
ainsi qu'on le yerra dans le \ers suivant, où le troisième
pied de chaque hémistiche est réduit à ^^"^ fàîlaMn
(pour JfiUbi» m&tàfâJil) ou y*^y^ mâfûlûn (pour ^iso
mûtfml).
* ïijyir Ay^ ^u ^
Lëve-toiy présente-moi cette plante verte produite dans le jar-
din de Kafour et qui remplace le vin le plus délicieux. (Abû'l Izz
Magrabi^)
Voici deux autres vers mactûy au dernier pied seule-
ment, qui prend, par conséquent, la forme ^^*^ fàî-
làîûn.
toi qui brûles le visage de ton ami, continue à ton aise, car
j'ai assez de larmes pour éteindre ce feu. Embrase mon corps
^ Voici la scansion de ce premier hémistiche :
Cûm âtînï \ khàdrâ à kà | fû ri yàt
mus ta fîlûn \ mus ta fî lûn \ màfu lûn
* Chrestomathie de Sacy, t. II, pag. i5.
— 269 —
et tout mon être; ménage seulement mon.cœuroù tu es. (Ibn
Hujjat*,)
En voici un avec le dernier pied de chaque hémistiche
réduit à ^^^Lô fàîlûn (pour Ux» mûtafà\ qui peut même
deveoir ^J^ fàlûn (pour Li:> mûtfà) :
L'hiver est passé, il s'enfuit à la hâte; le mois iu printemps
s'avance vers toi.
Voici un exemple du kâmil à quatre pieds seulement,
réguliers, sauf les licences autorisées :
Je désire ardemment la présence de ma bieu-aimée, et, lors-
qu'elle paraît, je baisse les yeux par respect*.
Voici un dernier exemple du kâmil à quatre pieds, le
premier de chaque hémistiche muzmar et le dernier mu-
raffal, c'est-à-dire le premier devenu ^li:> mûtfàîlwn
et le second ^%\jL)j*mûtàfâîlàtûn:
Vis longtemps au gré de tes désirs et daps une santé parfaite ii
l'ombre des palais les plus élevés. (Abû'latâya *.)
* Anthologie Humbert, pag. 7.
* Anthologie G. de Lagrange, pag. 137.
* Chrestomathie de Sacy, 1. 11, pag. 3.
— 270 —
Quoique ce mètre soit particulier aux Arabes, quel-
ques poètes persans modernes, Jàmi entre autres, l'ont
employé» mais seulement à huit pieds, dans sa forme
primitive, telle du moins que je l'ai dotinée d'après le
Hadâyic. En voici un exemple :
^jy ^j sJj^ ^ ^ Lia. py ct'^ ^
. SdH 6(sùt hé quitte pas ub instant ses maôières tyranhiquês,
même par hasard, pour s'avancer du côté de la fidélité, tandis
que la fidélité ne se retire pas de mon cœur opprimé, malgré les
nombreuses injustices de cette bette.
5« En arabe, on ne trouve pas le wâfir employé régu-
lièrement. Ordinairement les déUx premiers pieds sont
réguliers, avec les licences permises (c'est-ènlire ^J»^^
màfâïltùn (pour ^jS^Ià^ nu^âUàêm)^ et le dernier pied
esimactûf^ c'est-à-dire réduit à ^yi fmlûn (pour JcIà»
ma fait],
^ Le chemin de ta mort est lé but de tous les tivànts, et Cd che-
min appelle à haute voix les habitants de la terre. (Extrait du
Hamâça^,)
Le wâfir est quelquefois réduit à quatre pieds seule-
ment. Exemple :
^ AntAo%ie Humbert, pâg. 16.
— 271 —
* (J^ c;^!^ ^A- J;' ^j ^> ^
Rabija sait bien que ta corde est faible et usée.
Par exception, on trouve quelques vers persans sur ce
mètre. En tolci un régulier :
X
^f^ v^ '^j r^ ^S^ Sy^ ^ W^^ '^^ ^
mi(>n idde, pourquoi ne regardes- tu personne d'un œil de
bienveillance? Tu ne cesses pas d'employer la tyrannie, et tu
n'entres pas dans la Vote de la fidélité.
SECTION 11.
Dâ mètre hma^ ^^.
Ce mètre, à huit pieds réguliers, c'eit-à^ire composé
de huit tJLvftU;» màfâilùny est très-fréquent en persan,
eu turc et m hindoustani. En voici un exemple arabe
tiré dé Harlrt, p. 108 (éd. de Sàcy).
toi qui t'enorgueillis de ton intelligence, jusques à quand, ô
mon frère, en proie à tes fausses idées, accumuleras-tu des
faUteiset des actions blâmables?
* Il faut scander ainsi ce vers :
Làcàdàlîmât\ ràbiyàtûàn \ nàhàblàkàwâ \ MvmkMIMm
màfâ Uà tûn \ màfâîlàtûn \ ma fàîlàtîin\màfUïlà iûn
— 272 —
Exemple persan :
^1 sJ^Jt^y yts^a^ ^Ui^U ^y^. ^JLj}^ J^-â.
Son poil naissant^ m'a enCn écrit une pétition avec le sang
des amants. Pour la première fois son cœur amoureux m'a
donné ce témoignage. (FigAnt.)
Exemple turc :
• ç^^j 3y j^ *V? ^jk J-^ ^^
L*amour que je ressens pour ma belle est un tigre ; ma cheve-
lure embrouillée lui sert de forôt, et ma tète est la contrée mon-
tagneuse de la douleur et du désespoir, (Bâqui*.)
Exemple hindoustaDi :
* Isa.. Ce mot, qui signifie proprement écriture j s'emploie
pour exprimer des moustaches naissantes. En effet, ces poils
noirs sur une peau blanche ressemblent en quelque chose à l'écri-
ture sur la feuille de papier. Ce double sens forme, dans le texte,
un jeu de mots intraduisible.
* Voici la scansion de ce premier hémistiche :
Pàlàngul ïsch | quî yàrûn hl \ schà sn. dur mû \ ëjôR dàm
màfàïlûn \mà fàï lûn \màfàilvn \ ma foi Wn
* Les œuvres de Baqut, le plus célèbre des poëtes ottomans,
sont inédites. J. de Hammer a donné la traduction allemande de
son Diwân. Le Ters que je donne ici a déjà été publié par
Lumlej Darids dans sa Grammaire turque, mais sa traduction
diffère de la mienne.
— 273 —
Lx^^ jj\ ^yj nl^ ^^^ ^jJ ^^ ^!j^j
L'épbélide de ta joue est à mes yeux la pierre noire de la
Caaba ; par la fossette de ton menton, j'ai une idée du puits de
Zemzem. (WalL)
Exemple persan du hazaj à huit pieds aschtar^^ c'est-
à-dire, quatre pieds par hémistiche : le premier et le
troisième aschtar ^ ; le deuxième et le quatrième régu-
liers, c'est-à-dire composés des pieds ^^1^ J^li ré-
pétés :
^' ^ ^ j^ jy c)Î3 v^^ é-^
^ Voici la scansion de ce premier hémistiche :
Yû fil tûjh mûkh \ kë kàbëmè \ mûjhè àswdd \ hàjàr d^tà
ma fâ ï lûn \ màfd ï lûn \ màfà l lûn | màfU l lûn
' Il est d'usage de donner aux mètres dérivés les noms des
pieds irréguliers qui y sont employés quand même, comme c'est
ici le cas ; il y a des pieds qui sont réguliers.
' Je dois, une fois pour toutes, avertir le lecteur que ces dé-
nominations techniques, que j'emploie en parlant des pieds dé-
rivés dans les mètres irréguliers, s'appliquent au pied primitif
qu'on devrait régulièrement employer. Ainsi il faut se souvenir,
pour appliquer exactement ces dénominations, du pied primitif,
et, en ce cas, avoir recours au tableau des mètres réguliers pour
le connaître. Ici, par exemple, le mot aschtar s'applique au pied
^L^Lâ^, qui devient, par l'irrégularité nommée schatr jSJti»,
^i&li fuîlûn. Cette observation est essentielle, parce que la
même expression technique peut s'appliquer à plusieurs pieds,
ainsi qu'on l'a vu plus haut,
48
— 274 —
Fière de ta beauté, tu ne fais pas attention à l'âme d'un monde
entier ; par ce motif, tu ne prends pas garde à la yie de nom-
breux amants. (Faquîr.)
Exemple hindoustani :
Mon anoie est étonnée que je quitte les antres compagnies pour
la sienne^ mais je crois que c'est l'amour qui m'attire auprès
(Telle.
Exemple persan du hazaj à huit pieds akhrab^ c'est-à-
dire, le premier et le troisième de chaque hémistiche
réduits à Jl^xi» màfûlû, les autres réguliers :
pii.^ ^jS:^, ^^ jliUsrf s ^jKst
Tu as dit que tu voulais donner une fois du sucre à Ehâcânî.
Voici le temps de le faire, je le jure^ si eu effet tu reux faire ce
don. (KbAcânî.)
*
Ex£mple hiDdoustani du mécoie mètre :
Tu rends jaloux l'éléphant par ta marche gracieuse, ô aga-
çante beauté; tu jettes le trouble dans le monde lorsque tu dé-
ploies ta coquetterie. (Walt.) -
Exemple persan du ha%ag. à huit pi^ds akhrab, makfûf
et mahzûf^ c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche,
i
— 275 —
W J r
des pieds ^^ Jtt^^^ J^'^ 3y^ màfûlû^ màfmB, ma-
fallu fàùlàn:
schaïkb, tu m'as montré le chemin des tavernes ; moa cœur
a désiré le vin et tu m'as montré des miracles.
Exemple turc :
xsX.^^ _L:.'.fi^ à^=> àJLjI v-.i-;w9 z^Jiyilw
Ne laisse pas échapper T occasion; quelquefois le délai est un
crime; supporte avec patience la peine, elle est quelquefois la
clef du plaisir. (Schâhidî.)
Exemple hindoustani :
Si le bazar est peuplé de roses, c'est que les femmes y font leur
promenade. (Walt)
Exemple du ïmzaj à huit pieds makfûf et makzûfy c'est-
à-dir^e composé, à chaque hémistiche, de trois j^li^
ff^fmlû, suiTis d'un ^Jyi fàulûn :
— 276 —
le beau jardin ! le beau jardin qui s* est déployé sar les
hauteurs! la belle apparence, 6 la belle lune! qu'elle soit
bénie et exaltée ! (Maulaw! RûmL)
On ne trouve pas le hazaj à six pieds réguliers; mais
il est toujours affecté de quelque irrégularité.
Exemple persan du hazaj à six pieds mahzûf, c'est-
à-dire composé, à chaque hémistiche, de deux ^^^
niàfâilûn^ suivis d'un ^yé fàûlm (pour ^Li» màfwi^) :.
v^*tj g;*^nr; ^--'^**^ ^jtj'
Tous tes amis ne sont tels qu'à cause de tes viandes succu-
lentes; ils te sont dévoués parce qu'ils sont à la poursuite des
friandises que tu leur donnes. Rompre avec cette poignée
d'amis hypocrites vaut mieux que de rester lié avec eux. {Anwâr4
suhaïlî.)
Exemple turc :
A A
^-Hr^ v^r^.r-' ,j^-^ ^j^^^
^ Cette variété du Aa^^o/ est très-commune en persan et en
hindoustani. Le poëme persan de Yûçufo Zalîkhâ de Jâmt et
celui d'Amîn en hindoustani sur le même sujet, sont écrits sur
cette mesure. Il en est de même du poëme de Khusrau o Schîrîn
de Nizâmt, de Laïla o Majnûn de Jâmi, du Tuhfat ulâriftn de
Khâcânî, du Bârah mâça de Jawân, et de beaucoup d'autres
masnawis.
— 277 —
^^ v^*^ e;^-H ^^ CTJ vi>^
Jt^_=.. ^S^\ Jj^— ^ çJ-.^LJLi;'
A A
,, C A
La violette prit en main sa massue, le lis ceignit son épée. Ces
fleurs, rangées en bataille dans la plaine, attendaient le roi du
siècle pour passer en revue sous ses yeux. La tulipe s'était revêtue
de son bonnet rouge comme celui des azab^, l'anémone brandissait
sa hache; la rose avait couvert d'un bouclier son visage, pour ne
pas voir les pointes acérées de ses boutons h peine éclos; Todo-
rant œillet avait élevé sur sa tête une lance d'émeraude^ Ceux
* Ce mot, qui signifie à la lettre célibataire^ est le nom d'une
sorte de milice.
* Les fleurs sont souvent mises en scène dans les poésies orien-
tales. Voici, par exemple, des yers qui ont de la ressemblance
avec ceux de Sa'ad uddîn et qui sont dus au poëte urdu Malûl,
sur lequel on peut consulter mon « Histoire do la littérature
hindouie et hindoustanie », 2® édit., t. II, p. 270. Ces vers,
queGilchrist a fait connaître [Grammar, p. 243), sont du mètre
ramlf dont il est parlé un peu plus loin : ils ont trait à la mort
deHuçaïn :
j^ j^ ^^ !^ yy^ ô-^ s^y^^ j^
..**>a>*v
— 278 —
qui virent cette armée exj^rimèrent leur admiration. (Extrait du
Tâj nttawarîkhK)
Exemple hiDdoustani :
Les admirateurs de la beauté s* approchent de toi comme les
mouches se précipitent sur les sucreries. (Walî.)
Exemple persan du hazaj à six pieds macsûr, c'est-à-
dire composé, à chaque hémistiche, de deux ^^U'
màfâXlûn^ suivis d'un ^J^y^ fàûlà-n (pour JjfLi»
màfài-l) :
^ Li' ^ l>9 ^r JL. ^_^ ji ^,_jl5 w^
A l'instant l'iris se courrit de sa robe bleue, le pin .se mita
trembler en courbant sa cime.
La belle de nuit immédiatement aussi pâlit en apprenant k
funeste nouvelle; sur toutes les fleurfi enfin se répandit un deuil
profond et général
^ Cette chronique estimée, due au célèbre historien turc Saad-
uddin, n'a pas encore été publiée. J'en ai traduit plusieurs mof-
ceaux, que j'ai donnés dans le Journal Asiatique et dans la
Bibliothèque des croisades de Michaud, t. IX. Les vers que je
cite ici sont tirés de la relation de la prise de Constantinople par
Mahomet II.
* C'est par erreur qu'on a imprimé j»**^* dans mon édition
des œuvres de ce poëte.
— 270 —
La parole est une perle, et l'homme éloquent est le plongeur.
Ce n'est qu'après bien des peines qu'il peut s'emparer de cette
perle précieuse. (Nizâmt)
Exemple turc de la même variété :
Le monde est une maison dont les ornements sont nombreux ;
mais celui qui y entre perd sa tranquillité. (Extrait de VHumâyûn
nâmaK)
Esemple du mètre ha%aj à six pieds akhrab et makfûf,
c'est-à-dire qui se compose, à chaque hémistiche, des
pieds ^^Lftp J*^Lft^ Jj*^ rmfîâuy màfmlûy màfmlm,
^\j à. ^I i^ ôU ^jl i^a O)^
Celui qui désire est lecommandsdoile:; ainsi je souhaite que ton
affaire réussisse selon tes vœux. (Ânwârî. )
* C© vers et les autres que f ai cités plus loin du même ou-
vrage turc m'ont été indiqués par feu Adrien Royer, membre
de la Société Asiatique, qui s'occupait d'un travail spécial sur
cette excellente traductÎAu ^e l'Anwér-d mhaïlî. Le môme
regrettable savaat m'a donné scm avis sur quelqjies autres v>eu s
turcs.
— 280 —
Exemple persan du hazaj à six pieds akhrab et macbû%^
c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds
^^^LA/» ^^U» jyÀA màfûlû^ màfàïlûn^ màfmlûn :
La douleur que tu ^ occasionnes fait resplendir le cœur de
Tamant ; la blessure que tu fais est la lampe qui éclaire son
rendez-vous *.
Exemple hindoustani :
^ ^^ v^ cr'' v^ ^^ ^^^ ^
I* «•
On dit que cette belle arrive, quel avantage y trouverai-je^
puisque je meurs ?
Exemple persan du hazaj à six pieds. Le premier
akhrab^ le deuxième macbûz, et le troisième macsûr^
c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, de J^
J^cll» ^^La/» màfûlûy màfâîlûnj màfâï-L
^ Le mot à mot étant impossible, j'omets la traduction de Tin-
ter jection.
^ Pour comprendre ce singulier jeu de mots, il faut se rappe-
ler que le mot Ç'\^y que je traduis par blessure^ signifie propre-
ment la marque d'un fer rouge sur la peau, par suite de l'appli-
cation qu'on en fait pour opérer un vésicatoire. Cette marque se
nomme J5^, rose^ mot qui se prend aussi pour le lumignon de
la lampe et môme pour sa clarté. De là la comparaison de la
blessure avec la lampe.
— 281 —
Ton rôle change^ sans cesse; tantôt tu es Laïla, tantôt Maj-
DÛD.
Exemple hindoustani :
L'image de ma bîen-aimée est toujours devant mes yenx^ je
ne recherche ni le jardin, ni le parterre.
Exemple arabe du hazaj à six pieds, dont trois à cha-
que hémistiche, le premier akhrab, le deuxième wacM^s,
et le troisième mahzûfj c'est-à-dire ^Jj*3 ^Jiclâ>» J^i»
ww/w/û, mâfâïlmy fàûlûn.
U&ne qui est dans la société des hommes ressemble au veau
d'or qui mugissait^. {Oulistan.)
Exemple hindoustani :
* Ici encore je n'ai pas traduit ^1.
' C'est-à-dire qu'un ignorant est comparable au veau d'or,
qui, selon la légende conservée par les musulmans^ avait la faculté
de mugir, mais n'avait pas l'intelligence. (Conf. Coran, VII, 146.)
— 282 —
Ton front brillant est pour moi comme la clarté de Faurore.
<Walî.)
Exemple persan du hazaj à six pieds, dont trois à cha-
que hémistiche : le premier akhrab^ le second macbûz^ et
le troisième muçahhag^ c'est-à-dire : ^bLcU^ ^J^^ ôy^
màfûlûy màfàîlûn^ màfàilà'n :
1 . «•
Tout chagrin qui a lieu sous Le ciel auMM du firouble à la
porte de mon cœur. (KhftcÂnL )
Exemple hixkdoustaiii de la même variété :
Elle me dît : (c Cesse de soupirer, car tes soupirs ont trouyé
la voie de mon cœur. »
On rencontre quelquefois dans des vers persans eft
hindoustanis, entre les deux hémistiches d'un même
vers de ce mètre, les différences suivantes. Le premier
pied du premier hémistiche est akhrab^ et le premier du
second aMram; le second pied du premier hémistiche
est macbûz^ et dans le second hémistiche le même pied
€st aschtar; enfin, le dernier pied du premier hémi-
^ Dans ce vers, le noun final de çjU«^*l et le jbif de n^S'ti
de v^iy ne comptent pas dans la scanston»
— 283 —
stiche est régniier, et celui, du second est muçabbag^ ce
qui donne la mesure :
màfïUû^ màfàîlûn^ màfâilïm^ rmfïdûn^ fàïlûn^ màfàilà-n.
Exemple :
ÇU-.1 iy Li y:>j cu-1 j^ ^b
La fortime n'a pas seconde ma science. La science est une
vierge que la fortune ne peut posséder. (Khâcânî.)
Exemple hindoustani :
»' ^jsh^ iwSs J:> >j^ ^^ L^'^
Comme elle est assise auprès de mon rival, mon cœur en a
éprouvé une telle peine qu'il en a poussé des soupirs.
Exemple ^u hazaj à m pieds, trois à chaque hémi-
stiche : le premier akhrab^ le second macbûz et le troi-
sième macsûr^ ainsi :
* Il est bon de faire observer, en passant, que lorsque le
pied qui termine le premier bémistiche est un des pieds ^^LcLi/»
^i^ladx**»;» ^IcUjU jJicli; celui qui termine le dernier peut
Eficevoir Fintercalatioii de Valif au dernier pied, laquelle se
nomme izâla^ et devenir ainsi ^bdcLftiU ^^li ^iLcU/», etc.;
cW ce qui fait que dans la table des mètres employés dans les
p^ésies.de Walî, je n'ai pas fait de différence entre les pieds finaux
'fff^ustâl et les pieds ifinanx régulier».
— 284 —
O^y^ ^JicLi» J^ai» màfulû^ màfàïlûn fàûlâ-n (pour
J-^Up màfâi'l) :
.1 ^J-A^j fj-^ jj^ çjlil
Uamour et la beauté se manifestent partout, je veux dire la
douceur et Tattrait de la beauté de l'amour.
Exemple du hazaj à six pieds, trois par hémistiche :
le premier akhram^ le second aschtar et le troisième
mahzûf^ c'est-à-dire : ^j^y^ i^^ (J^J^ màfvMn^ fàîlûn,
fàûlûn :
Tu peux te voir dans toi-même et contempler ainsi clairement
le secret qui est caché.
Exemple de la même yariété, si ce n'est que le dernier
pied de chaque hémistiche est macsûr^ c'est-à-dire ^y^y^
fàûlâ-n :
j-^
^ Ici encore le noun ne compte pas dans la scansion. (Voyez^
à ce sujet, une observation antérieure.)
' Dans ce second hémistiche, le dal de ^y ne doit pas comp-
ter dans la scansion, soit à cause de la règle que donnent quel-
ques rhétoriciens et qu'on a vue plus haut, soit plutôt, selon moi,
— 285 —
Si Schtrîn avait voulu élever un édifice, elle aurait en pour ce
travail cent sculpteurs comme FarhÂd. (Faqutr.)
Les poètes arabes n'ont géoéralement employé le
hazaj qu'avec quatre pieds seulement. En -voici un exem-
ple où chaque hémistiche se compose de deux ^JLxLâ»
màfcûlûn :
Je vois bien que la fortune ne reste jamais dans le même état;
c'est pourquoi, cherchant à lui ressembler, tanlôt j'éprouve ses
malices, tantôt elle éprouve les miennes. (Hamadân!^)
Voici un autre exemple arabe de la même variété, si
ce n'est que le dernier pied est réduit à ^yi fàûlûn
(pour v^U^ màfâi) :
parce que le dal final de mard et le dal initial do dar se réu-
nissent dans la prononciation comme nos lettres doubles. Voici,
au surplus, comment il faut scander cet hémistiche :
Sàdmàrdàr (pour marddar \ àwàràd | chûfàrhà-d
Ma fu lûn I fâ ï lûn \ fà û lâ-n
^ Voici comment on doit scander cet hémistiche :
Fàyàumà schâr \ ru hâ fiyâ
Màfâ ï lûn I ma fâ ïlûn
* La séance de laquelle ce vers est extrait a élé publiée et tra-
duite par feu Grangeret de Lagrange, p. 160 et suivantes de son
Anthologie arabe.
^ Voici comment il faut scander ce vers :
— 286 —
Mon dos n'est pas un dos obéissant pour celui qui yeut faire
le mal.
SECTION III.
Da mètre rajaizy:s,j.
Les poètes persans, turcs et bindoustanis emploient
souvent ce mètre régulier à huit pieds, tandis que les
poètes arabes ne l'emploient ordinairement qu'avec
six, quelquefois avec quatre, et même avec trois et avec
deux seulement. Quand les premiers emploient le raja%
irrégulièrement, ils n'admettent guère que les irrégu-
larités nommées khabn et taïy.
Exemple persan du raja^, régulier à buit ^JUax*^ mus-
tàfîlûn * :
' . * /A
«
Le musicien a fait entendre son chant à mon oreille et je l'ai
attristé par mes gémissements. L'échanson m'a donné du vin et
je lui ai rendu une coupe de sang.
Wà ma zàhn \ lïbâguïd dàï \ mî bizzâhrïz \ zàlûR
Ma fâ l lûn ( màfâ ï lûn \ ma fâ ï lûn | fàûlûn
On a déjà vu et on voit, par cet exemple, qu'en arabe un mot
peut être séparé en deux hémistiches, de façon que la première
partie de ce mot appartienne au premier hémistiche, et la
deuxième au dernier.
* On trouve aussi le même mètre avec le dernier pied muzàh
c'est-à-dire devenu ^jii^ix»**^ mûstàfïlà-m.
— 287 —
Exemple turc :
Oroi, le monde, cl*ua bout \ Tautre, a pris le signe du bon-
heur depuis que le soleil de ton yisage a lancé à Fhorizon la lu-
mière et la splendeur. (Scbâhidî.)
Exemple hindoustani :
'^-^ ^l— e ,S-^ J1r¥^ ^^ C^ii^'^j'^=^ ySj^
Perce le cœur de Walî de Tépée de tes yeux ; car ce gibier a
été élevé dans ton parc k cet effet (Walî.)
Exemple persan du raja% à huit pieds matwîf c'est-à-
dire composé de huit ^^^^^ mûftàîlûn^ :
j»^^ ».>jo. >jj àjS ^.yt 5jJj >jj »:y '
>J-Jl. «JOjLj ^Z^^^ ^j j^' <3^ ^Ju5j3
J'étais mort, et j'ai recouvré la vie; je gémissais, et j'ai repris
ma gaieté. Le bonheur de Tamour m'est échu, et ainsi j'ai parti-
cipé à r éternelle félicité. (Murschid-i-Rûm.)
Exemple hindoustani :
c^^ s^j^ J^ y ^? j-*^ ^^ ^ LT^ j^ Ir^
^ On emploie aussi le même mètre avec le dernier pied muzâly
comme dans le rajaz régulier.
— 288 —
En voyant ]e visage de mon idole, la lune brûle aussitôt de
dépit.
Exemple persan du rajaz matwî et makhbûn alternati-
vement, c'est-à-dire composé des pieds ^J^^ [^^*^
mûftàîlm màfaîlûn^ répétés deux fois à chaque hémi-
stiche :
tcja^i jv.x P-^ »Jjj li^L» yi^ îxii
9
Il vivifie par une seule gorgée celui qui a été tué depuis bien
des années, lorsqu'il lui fait savourer la coupe de vin de tes
lèvres. (Figânî.)
Exemple turc :
Si je pouvais apprendre de tes nouvelles de mes oreilles, plût
alors à Dieu qu'elles eussent la valeur de mon argent j?(7t£rjE7a^^r
ces nouvelles. (Bâquî.)
Exemple hindoustani :
j-^—^j J^ '^ jy ^^-^ ^ ^ j^ (J>
Toi qui as fait périr mon cœur et mon foie innocents, ils se
vengent tous les deux de toi, qui es aussi blessé.
D'autres fois, on met au contraire le pied makhbûn
avant le matwî^ c'est-à-dire qu'on répète ^^^ ^^
— 289 —
màfâîlûn, mùftàîlûn à chaque hémistiche. Voici un exem-
ple de ce cas, qui est rare :
Chaque matin je passe auprès de la rue eu soupirant ; comme
je ne puis l'approcher, je regarde le toit de ta maison.
Exemple arabe du rajaz régulier, mais composé seu-
lement de six ^jSxki^ mûstàfîlm :
TOUS tous qui aimez Dieu^ marchez avec courage b la suite
du Prophète pur et sanctifié. (Mucaddécî*.)
Exemple persan :
A
A
La lune dans le firmament est honteuse au sujet de ton visage
dont la beauté surpasse la sienne; le cjprès tient humblement
son pied dans la boue en présence de ta taille.
Exemple hindoustani :
* Les Oiseaux et les Fleurs^ allégories morales, pag. 99 et
107 de mon édition.
49
— 290 —
Le bien-être que j*ai éprouvé de la part de mon amie esl-il
comparable à celui que ressent le zéphjr de la part du jnnlin ?
Exemple arabe de la même variété, si ce n'est que le
dernier pied est réduit à y^y^ màfûlûn (pour ,}^t^
mûstàfïl) :
Son cœur est tranquille et calme, et le mien est passionuc et
soucieux.
Exemple persan du rajaz à six pieds matwî^ c'est-à-
dire composé de six ^1*XL» mûftàîlûn :
■M»
Celte belle à figure de lune ne veut pas se reposer un seul in-
stant sur ma poitrine ; c'est ainsi que je me plains beaucoup d'elle.
Exemple hindoustani ?
Est-il à propos de se plaindre ^ elle-mâme de sa tyrannie?
Puisqu'elle ne veut rien entendre, quelte est l'utilité de la
plainte?
Enfin Yoici un exemple arabe du rajaz à quatre pieds
seulement réguliers^ :
^ En réalité, ces prétendus vers no sont que des bémistiches.
U en est de môme de ceux à trois pieds et à deux pieds, dont oa
trguve quelques exemples que je crois inutile de citer.
— 291 —
'' ' • Il . • *' '*'. M
vir— ^==^' -?^?^* ^/ c^"
Ne désespère pas de trouver au milieu des malheurs quelque
salisfactioii qui eifface les chagrins. (Harirt, xii*' séance.)
6BCTI0N IV.
Du mètre raml J^j.
Les rhétoriciens arabes n'admettent ea théorid ce mè-
tre qu'ayec six pieds seulement. Toutefois, on en trouve
des exemples à huit pieds chez des poëtes arabes cé-
lèbres. Ainsi, le cadda de Tantaranî, publié par S. de
SacyS appartient à ce mètre à huit pieds réguliers, si
ce n'est que le dernier est macsûr. Chaque hémistiche
se compose donc de trois ^5^ Là fàîlàtûn et d'un fj^^
fàîlâ-n ou o^li fàïlâ't final *. Voici les deux premiers
vers de ce poëme :
JU JLJLJU .ôlL AS JUI > b
JU jUi^bîl JiLi. ^ yi^ ^^1 J
* Ckresîomathie arabe^ t. II, pag. 158 et suiv.
* Un célèbre poëte anglais contemporain, Tennyson, a écrit sur
un mètre pareil son poëme intitulé : Locksley Hall :
Locksley Hall that in the distance overlooks the sandy ilats.
(Ed. Fitz Gerald, lelt. partie.)
— 292 —
toi dont rame est exempte de tout souci, tu as livré mon
cœur au trouble et aux angoisses ; et dans le tremblement que
m'a causé ton absence, ma raison m*a abandonné.
Ta laille droite et élégante a courbé mon dos sous le poids des
chagrins. Sois donc droite en amour et ne me fais pas d'infidé-
lité ; car la passion qui me perd occupe mon cœur tout entier.
Du reste, on n'emploie pas, même en persan, en turc
et en hindoustani, ce mètre à huit pieds réguliers; le
dernier des deux hémistiches est toujours ou maesûr,
comme on yient de le voir, ou mahzûf, ou mactûj ou
musckaasy ou muçabbag.
Voici un exemple persan de la même variété que le
vers arabe de Tantaranî :
"j^ ;-y \:T' ^5^ J-y co -^
L'ami mé/im du roi qui se permet l'injustice envers ses sujets
devient pour lui un ennemi formidable au jour de la détresse.
(Saadî, Gtdistân, liv. P'.)
En voici un exemple turc, tiré du célèbre poëme de
Macihi sur le printemps ^ :
j^i çk^ ss^ ^ ^j-^ ^ ^^ ^^='^
j^ ^k^jij^^j^ ^ «-^J cr^j U^
• W. Jones, Poeseos asiaticce commentarii.
— 293 —
Écoute le cbant du rossignol qui annonce l'arrivée du prin-
temps. A l'occasion de cette saison, la foule se porte dans tous
les jardins où les fleurs prin tanières de Tamandier répandent de
l'argent. Sois joyeux et content avant que ce temps passe, car il
ne dure pas.
Exemple hindoustani :
Lorsque des inconnus me disent d'abandonner une amie qui
m'est chèrCj je les regarde, et je m'attache encore plus h cette
amie.
Quelquefois le dernier pied des deux hémistiches est
mahzûfy c'est-à-dire réduit à ^li fàïlûn.
Exemple persan :
ç^ j^\ s^l^ ^^-^ v^T^-T^
JLJLJ
Je regarde cent fois de tous côtés le lieu où elle réside, afin
que, rapproché par le regard, je sois comme à ses côtés.
Exemple turc :
^ Ici ^ est bref aussi bien que dans le premier hémistiche
de ce vers. C'est comme si on écrivait ^. (Voyez p. 226.)
— S94 —
Le bonnet de la liberté religieuse est la couronne du conten-
tement. Ce qu'on nomme royauté est un grand trouble temporel.
(Sa{i4 uddln.)
Exemple hindoustani :
}^jL. ^ jjij^ ^ ^,^ U^:> i:)T^
11 n'y a dans le monde aucune beauté pareille & toi. La lune
e£t jalouse dans le ciel de V éclat de ta joue. (Walt.)
On peut employer le raml à huit pieds tous makhbûn^
c'est-à-dire réduiti à ^'^« Dans ce cas, le premier
pied de chaque hémistiche peut rester régulier. Il en
est ainsi, dans le vers suivant, pour le sadr ou premier
pied du vers.
jHlJ-^ >• ^ J- (^ J^ ;-9- (^J» *^^
Je me suis promis do te dire, lorsque tu viendras, le chagrin
de mon cœur ; mais que pourrais-je (c dire ? puisque, lorsque lu
Tiendras, ce chagrin se dissipera. (S^adt.)
Exemple turc avec le dernief pied de chaque hémi-
stiche mactûj c'est-à-dire réduit à ^Iti fàlûn :
^ Jr^ J^ i}^ Jj' jp cM 'y
A A A
Celte coquelte œillade dispose les rangs de l'armée de ses cils;
on dirait que des archers rangés en bataille se préparent au
combat. (fiâ<|t]f.)
— . S95 -
Celte variété du raml ressemble au mètre kâmil mactû^
c'est-à-dire dont le pied primitif ^Lft:> mûiàfàïlûn de-
vient ^'^ fàïlàtm (pour Jclix>» mûtàfaîl). Toutefois,
comme le paradigme du pied altéré ressemble plus à
^'b)pli fàïlàHin^ à cause du changement qu'on y intro-
duit pour le rendre moins barbare, qu'à ^U^ mlM-
fâîlûn^ il est plus naturel de le rapporter h fàïlàtûn^ et
ainsi au mètre ramly et non au mètre kâmil.
On emploie aussi le raml h huit pieds maschkâly c'est-
à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds o^
^*ilfiLî fàïlàtû^ fâïlàtûny répétés deux fois.
Exemple persan :
Qu as-lu fait, de toi-même, pour l'égaler à moi? Par Dieu, il
est \ propos que je l'évite désorvf^ais.
Exemple hindoust^ini :
^< j^:>\ ^ Jj^^l u »^U jb ^ ^y^ ^j
Dieu n'est pas satisfait de moi, et cette idole non plus n'a pas
d'inclination pour moi. Je suis pareil au YOjageur fatigué qui ne
sait quelle route prendre.
Exemple persan du raml à huit pieds maklibûn et wac-
sûr^ c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des
pieds ^%3 ^"^i cT*^ ^'^li fàïlàtûn, fàïlâiûny
fàîlàtûn^ fàîlàrn (pour oii*? fàîlâ4) :
— 296 —
Je soupire à chaque instant h cause de ton absence ; mais il
est fâcheux que le vent ne porte pas jusqu'à toi mes plaintifs gé-
missements. (Hâfîz.)
Exemple turc de la même variété :
)W LT*''^' ^-^^^^^ '^**^ sJ>^J^ [J^ T^)
Le zéphyr printanier a rendu la vie à la nature^ comme aux
morts le souflle du Messie. Les fleurs ont ouvert leurs yeux que
fermait le sommeil du néant. (Bâqut.)
Exemple hindoustani :
Quel éclat reste désormais h la bougie allumée en présence
de ta face? Ton visage coloré est, en effet, un soleil qui éclaire la
nuit.
Exemple persan du raml à huit pieds makhbûn et
muctû^ ou muhzûfet makhbûn composé, à chaque hémi-
* Ici la dénomination de mactû ç^^^y dérivé de cat ^,
expression qui a été expliquée plus haut [voir la dixième irrégu-
larité des pieds), s'applique au dernier ^'b^U fàilàtûn en tant
qu'il est d'abord réduit k ^j^^^ fàïlûn pour ^cli fàîlâ, qui
devient, par le cat^ Jxli fait changé en ^l*i fàlm. S. doSacj
donne à ce pied irrégulier le nom de abtarj:!^\ dans son Traité
élémentaire de prosodie arabe.
— 297 —
stiche, des pieds ^i*i ^^ c^^ * ^ïiifili fàïlàtm,
failàtwn^ fàîlâtûn, fàlûn ou fàïlûn i
Qu'importent à ramant les criliques do ses rivaux ? Le feu
fait-il attention aux reproches que lui fait Tépine qu'on brûle?
(Sâib.)
Exemple turc :
Ne cache pas tes frais pétales dans le bouton^; ou, pour
mieux dire, ne dérobe pas ta poitrine (à mes regards) ; mais
ouvre le bouton {de ton vêtement). Bâquî.)
Exemple hindoustani :
Lorsque l'amour divin a dirigé le cœur passionné, il s'est sé-
paré de lout et est entré dans la voie du spiritualisme. (Walî.)
On trouve en arabe des vers écrits dans ce mètre à
six pieds réguliers, si ce n'est que le dernier pied du
* Le premier pied peut aussi être j^^, ainsi qu'on le voit
au second hémistiche du vers hindoustani cité en exemple.
' Allusion au bouton de rose.
— 298 —
premier hémistiche est réduit à ^U fàîlûn (pour ^U
^Uà). En voici un exemple :
• J^» ,Li, ^j JUI Ic'J
Celui que Dieu dirige dans les sentiers de la yertu se laisse
conduire avec un cœur docile et soumis ; mais Dieu égare qui
bon lui semble. (Labtd '.}
En persan, en turc et en hindoustani, il y a pour le
mètre raml à six pieds les mêmes variétés que pour
celui à huit. Celle qui se compose à chaque hémistiche
de deux ^^^ fâïlàtûn et d'un ^li fàîlm (ou ^iicLi
fâïlà n), est la plus commune. Beaucoup de poëmes per-
sans sont écrits sur ce mètre; entre autres, le célèbre
masna^vl de Jalâl uddîn Rûmî, le Pand-nâma d'Attâr, le
Mantic uttaïr du même auteur, et le Qiiissa-i ^almân o
Absâl de Jâmî.
En voici un exemple turc :
t.
Que celui qui est doue de bonnes qualités jouisse du bonheur
des deux mondes. (Scbâhidî.)
* Je prononce ces deux derniers mots comme s'il y avait t«Li
bLdI, conformément aux licences poétiques particulières aux
Arabes, et je scande ainsi cet hémistiche :
Nâitnàl bâ \ Il wâ màn ^chà \ à àdàllà
Fàï la tm \fà î là tm | fâïlà tûn
* Chrest, av. de S. de Sacy, t. II, p. 471.
— 299 —
Exemple hindonstani :
Le souvenir continuel de ce précieux ami est pour mon cœur
amoureux une tftche journalière. (Walt.)
Voici un exemple turc de la même variété, si ce n'est
que le dernier pied de chaque hémistiche est ^jîiftU
fàîlâ-n ou vJL^li^li fàïlâ'ê :
A
jjJS ^j^ v^^5^ y<^ ^J-^.
jjAS ^yk ^^JJ ^ AJ ÎJ^
Son amour fidèle plaît aux héros, et il plaità moi, son humble
esclaye, (Bâqut.)
La yarîété de ce mètre, qui est composé, à chaque hé-
mistiche, des pieds '^3 ^^ ^jïiif^li fâïlâtûn, fàilàtm,
fàîlmy est celle sur laquelle est écrit le joli poëme de
Mlr Taqul dont j'ai publié la traduction sous le titre de
Conseils aux mauvais poètes.
Voici un exemple d'une autre yariété qui ne diffère
de celle*ci qu'en ce que le dernier pied des deux hémi-
stiches est à la fois rmischaas et maesûr^ o'esl-à-dire j^
fâlâ-n :
C'est pour le jardin le jour de la gaieté et de la joie ; c'est lé
jour du marché de la rose et du basilic. (Anwarî.)
— 300 —
On trouve aussi des vers arabes du mètre rami à quatre
pieds seulement. Eu voici deux composés de quatre
^'iiftli fàîlâtûn réguliers :
J^. V^'^^' (JjLi w-^ J-^ t:^^l
mes amis, répondez avec franchise h ce que je vous de-
mande : (( Est-ce le sort de tous les amants éloignés de celle
qu'ils aiment, d'être h ce point malheureux? » (Mukrî^)
SECTION V.
Du mètre sarî ^j^.
On ne trouve pas ce mètre employé régulièrement.
En arabe, le dernier pied des deux hémistiches, com-
posés chacun de trois pieds, est généralement ou matwî
ou maucûf^ ou maksûf. En persan, en turc et en hin-
doustaui, les autres pieds mêmes sont généralement ir-
réguliers.
Exemple persan du sarî matwî et maksûf^ c'est-à-dire
composé, à chaque hémistiche, des pieds : ^^;i*^ {^^^^
^^li mûftàîlûn^ mûftàUm^ fàïlûn* :
* Anthologie de J. Humbert, pag. 54.
* Ici ^^^ est pour bi*i», formé de c^biUi», pied wta^te/î de
vi^jS^»L*. On peut aussi rapporter ce vers au mètre rajaz ï sii
pieds, les deux premiers matwî et le troisième marfû. Alors le
pied ^ifili est pour ^J^i et dérive de ^JaâXm»^ et non de
N A
— 301 —
A
Par ta grâce, la goutte d'eâu devient une perle ; par ta puis-
sance, la terre devient do l'or.
Exemple turc :
v^^' Sy Or=-.=^ ^r* v^^' vJ^* v'--'* ^-^^
Il ^tait brûlé des feux de la splendeur divine ; il était plein
d'amour pour le Seigneur. (Humâyûnnâma.)
Exemple persan du sarî matwî et maucûf^ c'est-à-dire
composé, à chaque hémistiche, des pieds f^^*^ c;^*^
^j^li rmftàïlm^ rmftmlûn^ fâîlà-n^ :
A
rf J
Je préfère brûler avec toi dans les tourments, plutôt que d'être
dans le paradis avec mie autre. (Saadt.)
Exemple hindoustani :
Quelle description ferai-je de sa personne? ma langue est
muette dans ma bouche.
* Le Makhzan ulasrâr de Nizâmî, le Tuhfat ulahrâr de Jâmî
et plusieurs autres poëmes célèbres sont sur ce mètre.
— 302 —
Oa trouve quelquefois des différences entre les hé-
mistiches d'un même vers du sarL Ainsi, dans le sui-
vant, le premier hémistiche se compose des pieds ^^^i*^
^^li ,*^*^ mûftàïlûn^ mû/ïdUiln, fàUâr^^ et le Becond,
de ^j%l3 ^yAA ,J^ màfûlûnj mâfïtlm, fàïlà-n :
A
La clef de la porte du trésor du sage, c'est le nom de Dieu
clément et miséricordieux, (rnizâm).)
Dans le yera suivant, le premier hémistiche se com-
pose des pieds ^^^ ^i^ci» ^^Ijci^ rmftàïlm^ mûftàllûn^
fâîlm^ et le second, des pieds ^^Li (J^J^ c^^*^ '^^f'
tàîlûn^ mâfûlm, fàïlà-n :
Si un anneau n'est pas aussi parfait que les boucles de tes
cheveux, tu dois considérer la bague de Jamschîd comme Féqui-
valent. (Kbâcânt.)
Exemple persan du saH matwî^ mactû et majdû^ c'est-à-
dire composé, à chaque hémistiche, des pieds ^;1*^
ç-li ^j^y^ mûftàUwn^ màfûlûn, fà-a :
y^ Je**- w^jj J^ sS^
- 303 —
La rose de ton visage relevé le nard do les cheveux, et leurs
noires boucles criblent* le feu qui anime tes joues.
Exemple hindoustani :
Ma plainte est cadencée , elle ensanglante la pierre elle-
môme*.
Exemple persan du mètre sarî^ makfûf et manhûr^
c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds :
«3 Jjdbî*4*> ^Iflci^ mûftâïlïïn^ mustâptlû, fà :
Si tu prends avec grâce ton épée dans ta main, que ma vie
n'y serve pas de bouclier. (Faquîr.)
Exemple persan de la variété composée, à chaque hé-
mistiche, des pieds ^fi ^^1«àx^ ^^sku^ mûstàfîlûn^
mûstâfîlûn^ fàûlûn^ ce dernier pied étant à la fois makhbûn
et makiûf :
* C'est-à-dire « Tes cheveux laissent voir, h travers leurs
boucles^ ton visage comparable au feu, ))
' Cest-à-dire « J'exprime ma plainte en vers, et, par là, je
rends sensible la pierre elle-même au point de la blesser au cœur
et de l'ensanglanter. »
— 304 —
O charmante amie^ passe dans ma rue ; ô toi dont le front est
pareil h la lune, regarde-moi.
Exemple hindoustani :
^ ^ cr' cn^b^j W^ J^ v3'
mon cœur, n'erre pas dans les cheveux de cette idole, car
chaque boucle est un lien préparé par sa tyrannie.
Les poètes persans, turcs et tiindoustanis, n'emploient
pas d'autres variétés du sarî; mais les poètes arabes en
admettent quelques autres régulières aux deux premiers
pieds de Thémistiche ; mais irrégulières au dernier, qui
subit différentes altérations ^
Exemple où le dernier pied des deux hémistiches est
réduit à ,J^li fâîlïin pour b\*A^ mâfûlâ :
Va, mon ami, dans la prairie; si tu es affligé, elle te délivrera
de la rouille du chagrin. Tu y verras le zéphyr s'embarrasser
dans sa robe traînante, et la fleur entr'ouvrir son bouton pour
sourire. (Soyûlt*.)
^ Je ne parle pas de quelques vers arabes où ce mètre a été
réduit à trois pieds, c'est^-dire à un hémistiche seulement dont
le dernier pied est ^^y^ fàulà-^ pour obiS^? mâfulà-t ou
^y^ màfûlùn pour ^jjiL» tnàfûlà,
* Anthologie de J. Hunibert, pag. 78.
— 305 —
Exemple du sarî^ semblable au précédent pour le pre-
mier hémistiche j mais dont le dernier pied du second
est ,JUi faim pour jjô^ màfu :
m
Dieu ! ces jours de félicité, qu'ils ont été glorieux et riches
en bienfaits ! Us sont évanouis, et il ne nous est resté, après eux,
que le désir de les reyoir encore. (Omar ben Fâred^)
Exemple du sarî^ pareil aux exemples précédents,
si ce n'est que le dernier pied du second hémisti-
che est ^^^li /5ï/a-n, ou oî^li fâîldnt pour obiii»
màfiUârt :
J^UJ^ ^U3l Hi, ^ d^ ^ U) XLS,! ^
quels heureux instants nous ayons passés avec des compa-
gnons dont les paroles étaient comme des perles ! (Hadicat ula-
frâh«.)
SECTION YI.
Du mètre munsarih
zr^'
Les poètes arabes n'emploient ce mètre qu'à six pieds.
Les poètes des autres nations musulmanes, au con-
traire, l'emploient rarement avec six pieds seulement,
* Anthologie de 6. de Lagrange, pag. 166.
* Ces mots, qui signifient « le jardin des délices, » sont le
titre d'un choix de morceaux arabes en prose et en yers, édité ï.
Calcutta en 1812» par lescheikh Ahmad-ulyamÂnt.
80
— 806 —
mais ordittaicement nvee huit pieds irrégulieiîs^ jamais
réguliers. Sq effet, laderniar pied des d^xa bémi^tichçp
est, ou maucûf^ ou maksûfj qu fnqjiû^ pu 'mt^'^Vj et \e^
autres sont matwV. En voici un exemple matwî et mak-
sûf^ c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds
^li ^^^Ijui^ tnû/lWW5tt, fâîlûn^ répétés :
f^fltlp-qipj pa)! tes regar^f , nq pai|e pa^ ^ m^i^ ^ ^^fux. ^ute
Exemple du mufisanh matwî et maucûf, c'est-à-dire
composé, à chaque hémistiche, des pieds ^^^U ^J^
mûftaUûnj fàUârn^ ou vJLi%li fàïlâ-t rép^té§ :
roi', monté sur Duldul. salut à toi, ô roû lion, armé du
zù'lficar, salut à toi, 6 roi.
Au lieu du premier ^^li ou vI^!Ji&li, on peut em-
* Au lieu du pied matwî ht^*^, on emploie quelquefois à sa
place hmxictûy c'est-k-dire ^j^^^ màfâlûniponr Jjdx**»^ mûstâf'
tM. Cette licence et les licences analogues sont fréquentes.
* Il faut dans ce vers, à cause de la mesure, prononcer ce mot
sàlamûn avec le taimîn mmma^ comme en arabe littéral
f II est ici question d-Ali- Duldul était le nom de ^n cheyal,
Zft'lSc^r de son épée, qui était à deux pointes et \ deux tran-
chants, et qui lui ayait été donnée pM BfaliQipet.
— 307 ~
I
ployer ^U fâ^^^^ fiu\ fis\ ^o^v ^ m(ûià, o'pst-à-
dire sz/^y^^ matwî et maksûf:
Exemple persan :
* vJU^ /i. K^^ ^* J^ V^ cAy
4»
Ce qu'on goûte sur tes lèvres de rubis détruit la râleur du
sucre'. Tes cheyeux boudés anéantissent l'éclat de l'ambre gris'.
(Anwarî.)
Exemple hindoustani :
«♦ . . A
mon cœur, ne t'ai-je pas dit bien des fois, qu'il est dur d'être
enchaîné par les hqudes de chei^eux des belles ?
^ U faut ainsi i^cander cet hémistiche :
Nôschî làVL I 1M% Wi \ quïmàtï schàk | kàr schikàs-t
mûf iM lûn | fàîlûn \ mûftà î lûn I fà î là-n
' C'est-à-dire « La douceur de ces lèrr^s est tellement préfé-
rable à celle du sucre qu'il en perd tout son prix et deyient sans
valeur. »
' C'est-à-dire que les cheyeux dont parle ce poëte sont d'un
noir plus brillant que celui de l'ambre gris oi^ plutôt noir.
* Dans ce second hémistiche, on a employé une licence auto-
risée, c'est-à-dire que le troisième pied est ^»y*^ mûtàfUïm au
lieu de ^Uxâ» mûftaUûn. Il faut scander^ en effet, ainsi cet hé-
mistiche :
Tmrra\ l^f^ti \ Ifàn k% caï j dî s^kht^ b,^i \ dvschvi^r
mûftàî lïf/in I fà f ly.n \ rmià, fïlvfljk \ /a % lô^
— 308 —
Exemple du mumarik maiwi^ manhûr et majdû ainsi
composé :
* oLi ^^^ Ji,%\3 ^^^ ^ ^^^ slMi ^^pUxi.
Ce n'est pas une chose menreilleuse que de tisser du fil, mais
admire le miracle de Dayid, qui faisait des tissus arec du fer'.
(Khftcânt)
Voici un exemple arabe du munsarih régulier* à six
pieds :
I * *J J *' ^
Pai souffert de Tardeur de leur guerre ce qu'un homme glacé
de froid sou&e des rigueurs de l'hiver^.
Autre exemple, avec le dernier pied réduit à ^^^li*^
vmftMûn pour ^JUx«m^ mviÂiMlm :
* Les deux hémistiches peuvent être aussi tout k fait pareils.
* Allusion à une légende orientale.
' Sauf les licences dont les pieds originaux sont susceptibles.
* ChrestamatfUe de S. de Sacy, t. U, p. 388*
— 309 —
Le fils de Zaïd ne cesse pas de faire du bien ; il répand ses
bienfaits dans sa ville ^.
Il y a quelques vers arabes qu'on rattache à ce mètre,
et qui n'ont que deux pieds. Us se composent de ^Ji^cu^
et de 3J^y^j ou ^y^ pour '^iysu». J'en cite le para-
digme pour mémoire.
SECTION vu.
Da mètre khafîf
En arabe, on emploie ce mètre régulier, c'est-à-dire
composé à chaque hémistiche des pieds ^sl^ ^j^^^
^*iJcli J fâïlâtûn^ mûstàfirlûn^ fWtlàtwn^ avec les li-
cences accidentelles autorisées de ^^U^ màfWUûn pour
^ «iju«^, et de ^Jy^ fàUàtûnpoxxv ^iieli. Exemple :
Jamais les hommes ne verront un second Mutanabbî. Le pre-
mier né de ce temps peut-il trouver son semblable? Dans
ses vers il est prophète ^ sans doute, et ses miracles sont dans ses
pensées'.
^ Le mot de misr ou, comme on le prononce aujourd'hui en
Orient, masr est souvent pris dans le sens de ville.
* Allusion au surnom de MutanabM (celui qui se dit pro-
phète) sous lequel est connu le célèbre poëte arabe Âbûtaljib-
Ahmad de Kûfa.
* An^%tedeGrangeretdeLagrange,p. 102.
-Mo -
Quelquefois ies deux hémisiiches se terminent par
^li /Sl/ûn, pour %\i foM. Exemple :
;^— •! — ^ c^ kn ^J"^ t^'
Si un jour je réduis Amir en mon pouvoir, je yerrai si je dob
le traiter comme il le mérite bu tous le renvoyer.
D'autres fois, le dernier pied dû second hémistiche
seulement est réduit à ^A^^i et le dernier pied du pre-
mier hémistiche reste régulier. Exemple :
Je voudrais bien satoir si je les atteindrai Ih, ou si la mort m'en
empêchera.
En persan, en turc et èh hindoustani, on n'emploie
le khafîf qu'irrégiilier, à six piedSé Le premier de cha-
que hémistiche est ou régulier, ou makhbûn, ou muçab-
bagy et le dernier màcsûr, mazhûf^ muschaas, mactû et
fhdkhBûfïi
Voici des exemples du khafîf makhhûn composé à cha-
que hémistiche des pieds ^^ ^^U>» * ^iJcU fâllà-
tûn, màfàîlûn^ fàUâtm. Exemple arabe :
* Ce pied peut être aussi accidenteliément makhiiûay c'est^'
dira réduit i <Ji^;
- Mi -
Je n'aime pas voir l'encrier plein de calams; c'est le, selon
moi, une chose blâmable pour les écritoires, (Kuschajim^)
Exemple persan :
Zéphir, baise sa porte de ma part^ pourvu que ses liyres
aussi douces ^e le sucre n'en soient pas blessées.
Exemple hinâoustàni :
^^ \^. ^ ^\ ^\ J ^\ ^ >^^
A la vue de cette belle à visage dé lime; mtiii ctèùib i'ëftt Hgité ;
hélas ! il n'a pu se sauver de ses mains.
Exemple du khafîf makhbûn et macsûr^j c'est-à-dire
composé à chaque hétnistiche des pieds J^ii^ ^^\i
^%i fàîlâtûnj màfâïlm^ fàîldrn, ou fàlà-n.
Exemple arabe :
^jy btjj, 2f^ tr.ji
C'était un jardin iivec un ruisseàd d'eâu lithpiAé $ c'était faii
bosquet où le chant des dtieàux était èa(lencé« (§âaât| Gutièiah.)
Exemple persan :
^ CM^estomàihié arabe de S. de Sicjr, i. U, p. dSS;
' Cette irrégularité est tfës-cbmÂdne dàhs le dernier pM;
ilfo' était à la fois T héritier et le gendre du Prophète. L'œil
de Mahomet était content de sa beauté. (Sanâl.)
Exemple turc :
A
r^ ^^ ^ jA' A^ /-. ^
Le roi deviendra-t-il, sans voyager, le conquérant du monde ?
La lune deyiendra-t-elle| sans se déplacer, pleine et brillante?
(Humâyûn-nàma,)
Exemple hindoustani :
Ce Toile sur ta face, ô charmante amie^ brille comme Taurore
qui annonce le soleil. (Walî.)
^ Telle est, je pense, la véritable leçon, et non ^, qu'on lit
dans mon édition. Cette nouvelle leçon m'est indiquée par un
manuscrit que j'ai acheté depuis Timpression des œuvres de Walî.
Ce manuscrit parait avoir fait partie de la bibliothèque impériale
de Dehli, car il porte Tempreinte du cachet de Tempereur mogol
Mohammad Schâh. Il est excellent et il m'a souvent donné, à
mon cours, l'occasion de proposer des leçons meilleures que
celles que j'avais adoptées. Je puis aussi actuellement consulter
un manuscrit du même écrivain dont Samuel Lee voulut bien me
gratifier, et un autre qui a appartenu à D. Forbes.
— 313 —
Exemples du khafîfmakhbûn et mactû^ c'est-à-dire com-
posé, à chaque hémistiche, des pieds ,Mi ^Isj ^^li
fàîlâtmi mafaUmj fàïlûn ou fàlûn ^
Exemple persan :
,J^ hj-^ J-^r^ j' ^^ J^
^^ ^L^ ^ ^ ^j^
k chacpie respiration, une parcelle de la vie s'échappe. Si j'y
fais bien attention, je verrai qu'il n'en reste que peu. (Saadt^
Gulistan.)
Exemple turc ^ .*
Jtfj^t ^L;>::> J ^JL^ J-^caJ
jJ^^J ^k 'J^-^ ^> J^^
>! vl^ JU. »J^ ^jy
Je Teax me confier * en la bonté de Dieu et aller, au sein de
f»
* C'est sur ce mètre que sont écrits, entre autres, le SalsaJat
uzzahab et le Subhat ulabrâr de Jftmî, le Hadîcat de Sanâ!
(^Lj), le Haft Païkar de Nizâmi et le Jâm-i Jâm d'Auhadî.
* Le poôme turc de Fazli intitulé Gui o bulbul dont feu le
baron de Hammer Purgstall a donné une édition accompagnée
d'une traduction allemande, est un masnawî écrit sur ce mètre.
Ainsi ses vers ne se composent pas, comme Ta cru le célèbre
orientaliste de Vienne, des pieds fàîlàtûfiy fàUâtûn^ falûn^ qui
formeraient d'ailleurs un paradigme inusité.
' Mot à mot : « Faisons appui ï> ou « appuyons-nous. »
C'est le sultan Murâd qui est censé prononcer ces yers lorsqu'il
se décide à abdiquer. Voyez le récit de la bataille de Varna,
— iU —
la retraite, inroquer son nom. ïe veùi éloigner ma main de ce
royaume périssable et semet dâils moii bb^iir lé gtâin de Famour
de Dieu. (Saad-uddîn.)
Exemple hindoustani :
I
u
Dirâi-jè cdmtnëiit ësi actuellement sd figtirë ¥ Elle \ééi âem-
blabie à celle du roi An monde. (Sàudl)
En arabe, ce mètre n'a quelquefois que quatre pieds
seulement, c'est-à-dire : ^^jJcu^ ^^ïîicli fàîlatûn^ mus-
tàfïrlûn^^ à chaque hémistiche. L'énigme suivante en
offre un exemple :
Quel est le nom d'une chose qui fait partie de la pluie, dont la
moitié est la même cliose que Tautre moitié rètôtlfnéë ; Si Ton
en retranche la dernière lettre, sa bonne odeur la rend digne
d'éloges*.
dans le Journal asiftticiue| ftnnée 1^26, et ddhsl la Bibliothèque
des Groisâdeâi à la suite de THistoire dé Hichaud^ t. IX, p. 416
et suiv.
^ Fàîlàtm peut être réduit k ^^j*^ fâïlatûn et mûstàfi'
IM à j^ssc^j» mûtàfïBn.
* Le mot de TénigiUe est tjisa « goutte d'eau« * Ce mot,
séparé en deux mots donne Idi et 9j, et ce dernier mot retourné
donne j». Or^ les mots i:S etZj sont deux noms du chat. En
retranchant la dernièi*e partie de ^^aS, c'esUà-diré 9, on a^,
qui signifie le bois d'aloès. (Chrest. àràbe, îll, 164.)
— éi8 —
Autre exemple, avec le dernier pied réduit à Jiyi
fàûlùn (pour J*à2/» mûtàftl) :
*jT-i ç^r^ IriP (J L> v-ko. J^
Toute chose est facile, pourm que rotiê tie tous fâchiez pêAi
SECTION VIIU
Dù mètre muzâri ôjL^oa
On ne troÙTe pas ce mètre employé régulièrement.
Les poètes arabes ne l'emploient jamais qu'avec quatre
t)ieds, quoiqu'il en ait huit dans les tables des para-
digmes primitifs. En persan, en turc, en hindoustani^
au contraire, on l'emploie à huit pieds.
Voici un exemple persan akhrab^ c'est-à-dire com-
posé, à chaque hémistiche, des pieds ^^ p li J^ nm-
fûlûf fàï'tàtîm répéiës * :
* Yoiei comment tm doit èbtttidet ce vêts :
Kûllû khâtbin I ma lâm tàkû \ nU 'gadA^btufn \ i/âcîr^
fâ î tû tM I mfc fâ fî-lM \ fâîlà tUft \ fàûlùn
Ainsi qu'on le voit par la scansion, les deux premières syllabes
du mot |y^' appartiennent au premier hémistiche du yers et
la detiiiëte ktt dëcond. tes coupures he sont autorisées (|u'en
arabe.
* Les pieds des deux héiiiistiches né sont quelquefois pas bien
}iareil6; ainsi l'auteur du Hadâyic ulbalâgat Cite un yérs de
Khâcânt, dont le premier hémistiche est confornle Htt parftdigme
que je donne ici, mais dont le deuxième doit, selon lui,' se Scan-
dët dinsi : Ji^ ^ J^Li. Jj^ ô Li J>i. fnajmû, fâï-
\âtû^ fnàfmûj fâîli tûn. Toutefois, je pensé qu'on peut le
scander régulièrement comme le pféoiiet. Voici ce fei:â :
— 316 —
cyprès à visage de lune, ô lune à taille de cyprès, tu m'as
abandonné ; mais aussi cent afflictions m'ont assailli.
Exemple turc :
y *r- Jj' »j>' J^ J^ Jj' ^jj-î' vDjLôy
^^^ ï>^.^^ ^ :fjj^l ^-î ^L^
Sur ta joue est cette éphélide, sur cette éphélide ce poil noir;
on dirait que c'est de Tambre gris sur du feu, et qu'il y a sur
l'ambre une odorante fumée *. (Scbabidî.)
Tu sais bien que tu as pris antérieurement un engagement
avec moi, mais je sais bien que tu ne le tiendras pas.
Je lis Jl^y conformément à une correction manuscrite que je
trouve en marge de mon exemplaire, au lieu de jJL» que porte
le texte imprimé, et je scande ainsi cet hémistiche :
Dânâm bà \ ànkî bar sàr \ an àhdî | khûd nàmànl
màfùlû I fâ î'ià tûn \ ma fûlû | fâ î-lâtùn
* ^SJ ®^* pour j {et) et ^1 {oh /).
' Il faut prononcer bîgzûschtî^ pour avoir mâfûlû. Sur la
prononciation de la particule verbale ^, voyez mon édition delà
Grammaire persane de Jones, pag. 50.
^ L'auteur compare au feu la joue, à cause de son incarnat;
à l'ambre l'épbélide, à cause de sa noirceur, et à la fumée le poil
tortillé qui croît sur la lentille.
— 317 —
Exemple hindoustani :
Cette femme gentille est une yéritable merveille ; elle se dis-
tingue^ par sa beauté, de toutes se» compagnes. (Walt.)
Exemple turc du muzâri makfûfy akhrab et mahzûf^
c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds
^ oli J-cli/i ^zJ^ pli Jj*Â^ màfûlû^ fàïrlàtûj màfcûlûf
fâî'lûn :
j — *^l jJLii j^ JjLx AiLiuB jjLy
Je suis soumis, au péril de ma yie, à Tordre de Tamour ; ma
résistance est tout à fait impuissante contre le destin. (Bâqui.)
Exemple hindoustani :
\ ^ ^^-^^^ ^^ ^ ^^r-^ v'bàî ^1
soleil de beauté, viens dans le jardin en te balançant, afin
que la couleur de la rose disparaisse de son visage comme la
rosée, par le dépit qu'elle aura d'être éclipsée par ta beauté.
(Walî.)
Exemple persan du muzâri akhrab, makfûf et macsûr^
c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des mêmes
pieds que les vers précédents, si ce n'est que le dernier
est ^i) P li fWirlârn :
— 81g —
A
A
U)l vJU-tj^^ ix^^x jji^ v-Cj^
sj^j *'^-*-r*j p^-^ ,r^'
Miséricorde ! je ressens encore de ramoor pour cette bell^ idole;
miséricorde ! 6 mon cœur tu es encore ému et agité. (Hâfîz.)
Exemple du mmâri k huit piecls i^lternativemeiittnai:-
fûfei mucsûr^ c'est-à-dire composé à chaque hémistiche
des pieds ^ çXi ô^^ mafailu^ /ài-Zâ-» répétés.
^S^ ^'^ u-^ iv ^^^ ^^^-^ ^> j'^ /
Si ces boucles de cheveux sont du musc, pourquoi me refusent-
elles leur odeur ? Si ce visage est U lune, pourquoi s'est-il dé-
tourné de moi?
mon cœur, ne ya pas te perdre dans les boucles des cheveux
de mon amie, de crainte que tu n'y trouves du poison.
YQici açtuellpmept 4e§ exçmplp^ (]Jvi mu^vi à sii^pieids
akbmb et makfûfj c'est-à-dir« compsé il chaque hémi-
stiche djes pieds ^^Î^Li» o^iJ ûli J^*i» màfûlûy fàï-lâtû^
viià(a/ilm. Ei^çpaple par^an ;
A
— 319 —
))Qauté charmante, qui toonuentes mon çcei|r, regardq au
moins de mon côté avec amitié.
Exemple du muzâri à six pieds akhrab, makfûf et mac-
sûr^ c'est-à-dire composé à chaque hémistiche des pieds*
JSAi J-f Lw ^}ytSLA mâfûlû^ màfWilu^ fàïlà-n :
Viens Toir que, bien qu'il soit Açaf et Jam, il est assis sur le
trône solide de Salomon. (Anwar!.)
Voici actuellement un exemple arabe du muzâri à
quatre pieds composé à chaque hémistiche des pieds
^jri pli ^Jiôlif màfàilm^ fàï-làtûn^ :
* On peut aussi employer le pied ^p^^^y c'est-k-dire que le
pied primitif ^*b)&li peut deyenir mahzûf au lieu de mdcsûr.
Au reste, on voit par le paradigme de ce mètr(^ d^^iyé, qi^p ce
n'est pas le dernier pied de l'hémistiche qui est retranché, mais
le second.
^ Il est essentiel de remarquer seulement : 1® qu'on emploie
quelquefois J^li>* màfàllû au lieu de ^Jl^Li», et même qu'au
commencement du vers on peut substituer k ces pieds ^*>A&Ii
fàîlûn eC J^xÂp mdfûlû (pour j^li fàïlû); 2* que ^^ ç.li
peut, k la fin du premier hémistiche, se changer fifl OJ^ p t^
fàï-làttu
* Le o^ de w^Jj et le J de JL=wj sont longs ; il faut donc
scander ainsi :
Wà cdd ràal \ tûr rïjâlà
ma (à Uûn | fà ï-làtûn
— 320 —
J'ai TU les hommesi mais je n'en ai vu aucun comme Zaïd.
SECTION IX.
Du mètre muctazab
*A**r
En persan, en turc et en hindoustani, on n'emploie
ce mètre qu'irrégulièrement des deux manières sui-
vantes :
!• A huit pieds matwîSj c'est-à-dire composé à chaque
hémistiche des pieds ^^^»^ c^li fàïlàtûy mûftàUm
répétés. Exemple persan :
Tu es mon cyprès aux joues de rose et mon nouveau prin-
temps ; quoique je puisse te faire honte, toi^ tu me fais honneur
et tu es ma gloire.
Exemple turc :
Si ma bien-aimée aux joues de rose jette sur moi un regard
furtif, que mon cœur et mon ftme soient pleins de joie et chan-
tent ses louanges soir et matin ! (Scfaàhidt)
Exemple hindoustani :
>SJ^ J^^ ^^ v^ 3>^ J^j "^^ v^
— 321 —
Quel espoir puis-je avoir d'être jamais uni k une amie infi-
dèle, h une coquette qui se fait un jeu de séduire les cœurs*
2» A huit pieds matwî et macsûrj c'est-à-dire composé
à chaque hémistiche des pieds ^^j^ sSj%[i fàUàtû,
màfulm répétés. Exemple persan :
* Jb 'u ^^! ^^^ ^U ^1 oU >U
Autant que tu le peux, considère le temps comme une proie
dont il faut se saisir ; car la vie, ô mon âme, autant que tu
peux le savoir, n'est qu'un instant.
Exemple hindoustani :
Hélas, quel sort malheureux, pour moi qui suis plein de dé-
sirs ! Ne viendra- t-ello pas au moins après ma mort passer une
fois sur ma poussière ?
ÎElû arabe, quoiqu'en théorie les rhétoriciens admet-
tent le mucta%a}> à six pieds, il n'en a jamais que quatre
dans la pratique, à savoir : ^^^UajL^ cJ^^ màfûlâtû^
mmtàfïlûn à chaque hémistiche; encore ces pieds ne
sont-ils employés que dans des formes altérées, ainsi
qu'on le voit dans les vers suivants, dont les hémistiches
* On pourrait aussi scander ce vers par ^^LclX» j^li /âi-
lûn^ màfSUûn répétés quatre fois, et alors il appartiendrait au
mètre ha%aj aschtar,
31
— 3«2 —
se eomposent des pieds 2 ^J^*^ vi^bt^i» màftUàiû^ mù(-
tàîlûn :
Elle s'appfocha et ses joues brillaient comme du jais ; puis
elle recula, et je lui dis, tandis que mon cœur était enflammé :
IUl«$> kursqud ja plaiimte, est-ce que je commets uià crime?
SECTION X.
Du mètre mujtas v^^^^Xar^.
Le pied ^ ^ ^ imS'tàfï--Mm, dont ce mètre se
compose en partie, ne peut pas devenir matwî {^j^^a^)
comme /^^^l»i:u^ mûstàfîlûn; parce que ici ^ iâfî est un
watad mafrûc (pieu disjoint) entre deux sababs khafîf
(cordes légères). Cette particularité iadique assez la
différence qu'il y a entre ^ ^ jj^ en trois mots et
^ \ »k u . ^ en un seuL
Biemple persan du muftas ^ huit pieds réguliers, e'est-
à^dire composé, k chaque hémisticlie, de» |aed4 ^ ^
^%[i Ji mûS'tâfï4in^ f&Uitm répété» s
^^ ^J^ ^1^ ^y^ ^j ^y^ Ji jj^ O^ j^
O beauté b visage de fée, js yeux p€^dre la raison dans ton
amour ; non, non, je me trompe, je yeux ôtrs sage désennaist
-. 328 -^
Exemple persan du mujias k huit pieds makht4n^ o'est-
à-dire composé, à chaque hémistiche des pieds ^li^
^*b\x3 màfàîlûn fàîlâtûn répétés :
!;' — * J-^ ^Jr^ J^ jr^ ""^^-^ jJ^J
\j\J y Ji j! *^( J,L*J- C^\ vju)j^ ^
11 m'est difficile de Toir ta face de loin. (0 Dieu !) heureuse est
ta robe qui enyeloppe tes formes ehânmmtûs.
Exemple hindoustani :
N^->1A ^a)/ j^ r ^ ^ à^ (^j ^
La rose acquiert son incarnai par la blessure de mon cœur ;
et le nuage yerse ses eaux par Teffet de mes larmes.
Exemple persan du mujtas à huit pieds makhbûn et
macsûr^ c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des
pieds ^J^ ^^ {^^ ^^ màfâîlun^ fàMitmy ma-
fâîlûn^ fàîlà-^:
cr^> ^k? r^= jVj (^^' r^ ^
Je tombe sur mon lit et je fais semblant de mourir. Je pour-
rai peut-être ainsi par Qet artifice l'attirer dans ma maiion.
(Figinl.)
Exemple hindoustani :
— 324 —
Selon moi, tu n'es pas au-dessous des houris immortelles;
non, je ne quitterai pas la rue où tu demeures pour aller vers le
paradis.
Dans rhémistiche turc suivant, le second pied est,
comme le dernier, réduit à ^!^ fàlâru :
Plût à Dieu que je fusse avec toi, pl&t \ Dieu que je fusse avec
toi!
Exemple persan de la variété composée, à chaque hé-
mistiche, des pieds ^J^ {J^^ e^-**^ c;^'^ màfâîlûnj
fàîlâtûn^ màfàîlûn^ fàUm ou fàlûn :
Ih ^k ^'^ ^^j^ ^^=^ flr^ dvi
Puisque ton approche donne la santé à celui qui est amou-
reux de toi, sors de ta demeure ; mais prends garde de blesser
tes pieds délicats.
Exemple hindoustani :
Ne crois pas avoir des poursuivants qui soient pareils à moi;
car autres sont les gens de plaisir, autre je suis, moi qui ressens
pour toi une si vive sympathie. (Walt)
^ A la lettre : « Ne crois pas dans ton cœur. » Dans le texte
imprimé, il y a .^y, mais mes nouveaux manuscrits portent
r¥^ji> et je n'hésite pas à admettre cette leçon.
— 325 —
Le mujtas peut avoir le premier et le troisième pied
de chaque hémistiche makhbûn^ le second mmchûs ou
makhbûn^ et le quatrième mahzûf oxxmacsûr ; c'est-à-dire
que chaque hémistiche peut se composer des pieds
^Jxi ^Li» ^Jj»ÀA ^^Li» màfâïlm^ màfûlm^ màfWilûn^
fàîlûn^ et qu'au lieu de ^j*â> et de ^^pi*i, on peut em-
ployer ^J^^ fàïlàtûn et ^il*3 fàïldrn. Dans le vers sui-
vant, le premier héoHstiche est conforme au paradigme,
et le second admet les modifications qui viennent d'être
signalées :
stJUii ^â=> LaJ ^JLS=sj3 j^ ^j^ JjL^.
Il n'est sans doute pas resté de flèches dans le carquois du
destin, puisque le ciel n'a pas attaqué mon cœur ayec la main de
répreuve» (Abd-urrazzftc*.)
Quoique les rhétoriciens arabes admettent en théorie
le mujtas à six pieds, les poètes qui ont écrit en arabe
ne l'ont employé qu'à quatre pieds.
Exemple du mujtas à quatre pieds réguliers, c'est-à-
dire composé de ^^'^l^ iJ ^ ^j^ mûs-tàfi-lûn^ fàïlà-
tûn à chaque hémistiche :
* Il s'agit ici de Jamftl-uddin Mohammad Abd-urrazzftc d'is-
pahan.
- S«6 —
Le bien aè m^atrif^ ni ^r It fareur d«6 dênUnéiê» ni par le
IraTtii de mes mains. Que d'ignorante dont le bont touche aux
pléiades l que d'faommea instruite cachés I (Alf laîla * .)
Le pied ^J ^iï ^j^ mûs'tàfî-lûn devient quelquefois
J jâ5 ^j^ mûS'tàfï-lû, et donne ainsi une autre variété.
Exemple du mujtas à quatre pieds makhbûn^ c'est-à-
dire dont les hémistiches se comnosent des pieds çÀi ^
^ jUi ^ màrfàlrlûn, fàUàtûn :
Ta et attaché à Salma^ quoique tu saches qu'elle mourra.
Au lieu de ^Ji oli ^, on emploie aussi ô ^ f ^«-
fâî'lûf
SECTION XI.
Du mètre mutacârib i^^jlLil».
Ce mètre est fort employé par les poètes musulmans ,
mais le plus souvent irrégulièrement. Généralement
rirrégularilé n'a lieu qu'au dernier pied des deux hé-
mistiches, pied qui devient fréquemment macsûr ou
mahzûf. Voici d'abord des exemples de ce mètre régu-
lier.
Exemple arabe :
^ Anthologie de J. Humbert, pag. 1 0.
— 8«7 —
Il (Mfthomet) «st un intercMseur eiaucé, un prophète géné-
reux, beau de yisage et de corps, aimablt et marqua du sceau de
sa mission. (Vers tiré du Gulistan,)
Exemple persan :
A A
A
Si tton cyprès^ prentiit placé dans le jatdiA, il mtài étôAttUttt
que le cyprès conseryAt sa posture verticale *.
Exemple turc :
La révolution du ciel ne m'est pas propice, les constellations
ne me sont pas favorables» ceite belle k la jambe d'argeot* ne
jette pa« son bras k mon cou, (BAqut.)
Exemple hindoustani :
^-"V sJ-^ ^'^ "i wT^ ^ ^^ s^^
,J ^ J^ -^^ \J s^*^* xJ^ LT^ ^
^ C'est4-dire : « Ma inab^^imée dotii la taillé est pareille au
cyprès. »
' C'eit4*dire : « Il se courberait devant ee eyp^ vitatit ; il
confesserait son infériorité. »
^ Cest-à-dire : « D'un blanc mat comine Tâigent^ »
— 328 —
Je pleure en voyant sourire la rose ; car mon infidèle avait
rhabitude de sourire ainsi ^
Exemples du mutacârib régulier, si ce n'est au qua-
trième pied de chaque hémistiche, pied qui devient
macsûr ou mahzûf^ c'est-à-dire Jyi fàvrl ou Jji fààl.
Le Schâh nâma ou Livre des Rois, VIskandamâma de
Nizâmt, le Firâc nâma de Salmàn Sàv^ajt, le Bostan de
Saadl, le Sihr ulrhayàn^ les Aventures de Kâmrûp et plu-
sieurs autres poèmes célèbres, sont écrits sur ce mètre.
Exemple arabe*:
tf *
J'ai défendu i ma bien-aimée de se servir de l'éventail, et voici
ma raison : j'ai craint que le zéphyr, en touchant ses joues, n'en
blessât la délicatesse ^
Je donnerai comme exemple persan de cette variété
' A la lettre : « L'habitude de quelqu'une était de sourire de
la même manière. » L'auteur veut dire que le sourire de la
rose, lui rappelant ce sourire chéri, renouvelle ses regrets.
' Quelquefois, en arabe, c'est seulement le dernier pied du
vers qui est altéré ; on le trouve même réduit h ai /a.
^ Il faut prononcer hàsbàk pour avoir la mesure.
* Il faut prononcer, pour avoir la mesure, lâmts et khà-
daihu
* Anthologie de G. de Lagrange, p. 1 35.
— 329 —
les yers suivants de Saadl, qui sont gravés sur une
pierre tumulaire que feu mon ami le général Harriot a
rapportée de l'Inde :
V^t-^ sSj3j ^x^ j^ fri J^
• «y » •••/ ••
A
J^V ^ ^ ^ ^ l-^J^
• •
> • •« ♦ y ••
Un jour, deux (quelques) vers, qu'un chanteur récitait en
s' accompagnant de son rabftb*, rendirent mon cœur pareil au
kabâb*.
Hélas! sans nous, pendant longtemps, la rose croîtra , et de
nouveaux printemps se développeront.
Bien des mois de juillet, de décembre et de mai paraîtront,
tandis que nous serons de la terre et de la poussière.
Après nous, le jardin produira bien des roses, et les amis se-
ront assis ensemble.
* Sorte de guitare d'où vient le nom de rabâbiya qu'on
donne, en Afrique^ aux femmes qui en jouent, et, par suite, aux
danseuses.
* Morceaux 4e viande grillée.
— 330 —
Bien des gens qui, aujeurd'hui, «ont encore dans ie néant,
viendront et passeront sur notre poussière.
Exemple turc :
J^ ^^ Jj» ^p >l ^^
^ A
mon cœur affligé, sache supporter le malheur. Quelque
chose qui t'arri?e de la part de ta bien-aimée, agrée-le volontiers.
(Schâhldî.)
Exemple hindoustani :
Je ne veux solliciter de personne aucune faveur ; c'est de toi
seul (ô mon Dieu!), que j'attends Taccomplissement de mes dé-
sirs. Oui, je vivrai avec honneur et avec considération, je con-
serverai Testime de mes amis. (Haçan.)
Quelquefois le premier et le troisième pied de cha-
que hémistiche prennent rirrégularité nommée mlm
jjb*, c*est-à-dire deviennent ^J^ fàtûn (pour ^P^).
Exemple :
On ne peut quitter facilement sa rue ; on a des rosei jusqu'au
cou, et de la ^otie jusqu'aux genoux* (Baet Arltmatt.)
— 331 —
Avec le saint, on emploie quelquefois le tasMg au deu-
xième et au quatrième pied, c'est-à-dire le pied ^J^y^
fàûlà-n, avec lequel on peut employer parallèlement le
pied régulier ^yi fàûlm. Exemple :
'^ J 3:f=^ j^ ^j^ ^ /
iAJ\ ,u ^rn.-T*^'
Si Tépée dévaste la rue qu'habite cette lune, je courberai ' la
tête ; car c'est Tordre de Dieu. (Haftz.)
Exemple du mutacârib à huit pieds macbûz et aslanij
c'est-à-dire composé à chaque hémistiche des pieds
^^1«9 J^ fàviû, fâlûn répétés :
A
Qtael remède àpporterai^-je k là peine de Tabsencer je tne fonds
comme la bougie.
On trouve aussi en persan le mutacârib avec six pieds
réguliers seulement Exemple :
* 6^)1 est proprement pour 2$bUI Allah. En effet, l'auteur du
Hadâyic scande ainsi ce second hémistiche :
Gârdàn | nïhà dx-m \ ul hûk \ mû àllà-h
fâlûn I fâ û là-n \ fâ lûn \ fàûtàrfi
* Il y a, dans le texte, le pluriel pour le singulier.
^ Dans ^J-^f la deuxième syllabe est brève. En effet, le hé
est mukhtafî ou caché^ et, par conséquent, ne rend pas la syl-
labe longue. (Voyez mon édition de la Grammaire persane de
W. Jones, p. 6.)
— 332 —
Je suis tellement malheureux par ton absence, que je suis sur
le poinUde rendre Tâme. (Saïfl.)
En arabe, on emploie aussi le mutacârib à six pieds,
mais avec le dernier irrégulier. Dans le vers suivant,
par exemple, le dernier pied du premier hémistiche est
Jjii fààl\ et le dernier du second J^ fàû4 :
S>iJ' jU=. jtLai L^jj jl_d. J^
Ses joues sont comme un jardin qui ressemble au paradis.
(Ata Mohammed.)
SECTION XII,
Du mètre mutadârik s^j 1 J^ .
Exemple arahe du mutadârik régulier, c'est-à-dire
composé de huit ^^li fâïlm :
Amir est venu nous trouver sain et sauf et chargé de butin,
après avoir terminé son expédition.
Exemple persan :
* Quelquefois réduit à iii /a au dernier pied du vers.
— 333 —
Le soleil et la lune ont été les esclaves de ta gentillesse ; le
musc du Khotan a été pareil h la poussière du chemin au prix
de tes poils follets et de tes éphélides.
Exemple turc :
^ — LxLj ij — LeU ^ l-oli ,., 1 r.Lj
^r^^ ^ S^ ^.A^ Jy S
\
Le rossignol des roses, le chef ^ des esclaves, le compagnon
des cœurs, le guide des routes* est fàîlm^ fàîlm^ fàllûn^ fàî-
lûfiy A esclave de Dieu, 6 roi des contrées. (Sarwari ^)
*■ L'auteur fait allusion h son nom. Ces deux vers sont extraits
de son Arûz ou Prosodie arabe appliquée au turc.
* L'auteur de ces vers s'exprime ainsi ï cause du bourdonne-
ment et du tintement que ce mètre représente. Selon les musul-
mans, il ressemble surtout au tintement des cloches chré-
tiennes. Ils racontent, à ce sujet, qu'Ali, traversant un village
de Syrie avec Jâbir l'ansarî dit h ce dernier, en entendant son-
ner la cloche d'une église : « Cette cloche semble prononcer les
mots :
lix^ [ix^ LSx^ lix^ Laû. Lfla^ Uâ. La^
c'est-à-dire « véritablement, véritablement, véritablement, vé-
ritablement; assurément, assurément, assurément, assuré-
ment. » En effet, ces mots, répétés quatre fois chacun, repré-
sentent quatre ^JUi et forment le mutadârik mactû dont il sera
parlé plus bas.
' Ou, selon la prononciation turque, Servèrî. C'est le même
écrivain qui a été quelquefois appelé, par erreur, Surûrî.
— 334 —
Exemple hindoustani :
^ .^^^ l^ jb k.;.^ JU ^^^ Jy
Regarde les boucles des cheveux et les joues; leséphélideiet
les poils follets de ta bien-aimée.
Exemple arabe du mutaddrik à huit pieds makhbûn^
c'est-à-dire réduits à ^JUi fàïlûn:
» ^ f
La5r|^Aû-J w^o^J^ îy^=>
f » . f » ,
J4; J4j U-àJLL^
La boule a été l^ncéQ p«r les maillets, et les joueurs l'ont at-
trapée.
Exemple persan :
p' t^ J^ ^y^ w^j -^
La rose du JQrdin d'Iram n'est pas aussi belle que ta joue ; la
stature du cyprès du jardin n'est pas comparable à ta taille.
Exemple du mutadârik mâkhbûn et mactû ou plutôt
mukhalla^ c'est-à-dire composé à chaque hémistiche
des pieds Jji ^li faUûn, fààl répétés :
^ aW*. En ^{et, cette irrégularité^ qui consiste à réduire
Ji&ii h JjA fààl, se BdmiBe ^Jiap>*. ( Voyei p. 33 #1 M.)
— 333 —
Depuis que tu t'es échappée h mes emhrassements, ma vie est
fort triste.
Exemple arabe du mutadârik maeM^ c'e&H*dir# com-
posé de huit ^^^ fàlûn :
Je n'ai pour toute fortune qu'un dirhem, si ce n'est mon mau-
vais cheval noir.
Exemple persan de la même variété :
A chaque instant je gémis devant toi ; quand écouteras-tu les
géakiss^menta que ia'arr«cbe mon chagrin?
Exemple hindoustani :
Mon ecwif est plu» déM^é que ne le lut jamais Putnimal qu'on
va sacrifier.
Exemple du mutadârik makhbûn et mactâ^ mactû et
muzâl, c'est-à-dire composé, à chaque hémistiche, des
pieds J^ Ja3 ^Jlxi ^^ji*i fâlûrij fâBn^^ fàâly (àlârn:
* On peut employer accidentellement, pour ce pied, le makh*
bûn ^JUi fàlVm^ ainsi qu'on le voit dans le deuxième hémi-
stiche du vers de BahâL
— 336 —
jb J^— t— ^ vj ^i ^
seigneur, A seigneur, ce livre ^ où sont écrits mes noirs pé-
chés est l'objet des gémissements de Bahâî. (Scfaaïkh Bahâï.]
En arabe, on emploie souyent ce mètre avec six pieds
seulement. En voici un exemple régulier :
^ UV -^ i v:)*^ ^S^^' !^ Ç^)^ i-eJ
maison printanière, rends -moi heureux ; qu'à ton abri je
mène une vie paisible.
En voici un autre exemple avec le dernier pied mu-
zaîyal, c'est-à-dire développé en ^%[i fâîlârn* :
Cette maison qui leur appartenait a disparu comme un écrit
qu'ont effacé les siècles.
SECTION XIII.
Des mètres carîb woy » jadîd ^, J^ ek mnschÂkil J.S=>LiUp.
Ces mètres sont inconnus aux Arabes, et n'ont pas
été employés non plus par les auteurs classiques des
^ La mesure exige ^, par contraction pour 2^1^ i qu'on a
mis mal à propos dans l'édition du Eadâyic,
^ Voici comment on doit scander cet hémistiche :
an nà | ma sî yâh \ khàtà \ kàrdâ-r
fâ lûn I fà î Im \ fa al \ fâ là-n
* Le livre du jugement dernier.
^ Quelquefois ce pied final prend aussi la forme ^V^li fàï*
làtûn.
— 337 —
autres nations musulmanes. L'auteur du Hadâyic les
traite d'innovations et ne les mentionne que pour mé-
moire. Toutefois, je dois remplir en peu de mots cette
lacune :
Le mètre jadîd^ ne s'emploie pas selon le paradigme
régulier. En voici un exemple makhbûn^ c'est-à-dire com-
posé, à chaque hémistiche, des pieds ^^ i^^
^JUU^ fàïlàtûn^ fàïlàtm, màfaîlûn :
Le pin est honteux k cause de ta stature, et la nuit est con-
fuse à cause des boucles de tes cheveux ^.
Le mètre carîh^ n'est pas non plus employé réguliè-
rement, mais seulement dans des formes dérivées. En
voici deux exemples : 1° carih mahzûfj c'est-à-dire com-
posé, à chaque hémistiche des pieds ^^li J^Li» J-j^Li»
màfmlûj màfSUUf fàUàtm :
* Cest-à-dire nouveau. Il est, en effet, nouveau, relativement
aux mètres plus anciens ; mais l'invention n'en est pas d'une
date récente, car on l'attribue à Buzurjmihr, ministre de Nûs-
chirwân. On nomme aussi ce mètre v.^ t^ eu étranger (aux
Arabes.)
' G'est-k-dire que le pin est honteux d'être moins droit que la
belle dont il s'agit, et que la nuit est confuse d'être moins noire
que les boucles de ses cbeveux.
' Ce nom, qui signifie proche^ est donné à ce mètre, selon
l'auteur du Hadâyic urdû^ parce qu'il se rapproche des anciens
mètres et surtout du hazaj et du muzârî. On en doit l'invention
à Yuçûf Arûzî, qui vivait deux siècles après Khalîl. Les Turcs
nomment ce mètre Jsr*^^***^, c'est-à-dire prompt.
22
. — 338 —
>tf ^'j s:^ eil>^ «lA^
seigneur dispensateur des biens du monde, 6 soùfhMh
juste, xqi 4^ roiii ^. b^wreuQQ fortailtt el aiix qualitési «ceoin-
piies;
i^ Carih ^khrAU fit mtkfûf, c*é6t-à-dire fetiriitJbsê, 8
chaque hémistiche, des inlèds ^*SfetJ J^lA* Jy^ ^-
/lifô, rnàfâïlû^ fàïlâtûn :
Tant que je désirerai la ttdnpiiliiâi firaicéléi)rer les louanges
du roi à sa ppirte^
Le mètre é^mehâkU^^ ënoerë jhùltï^ tinité qÛë léd (1^
cédeiits^ ii'esi guèrei ftDQlpléyô non pitié qu*irrégrilièi*e-
menV 1^ ttilicl un ei^eitlplâ mmkfâf et fHëtéûr^ e'el^t-à-dlrë
composé, à chaque hémistiche, éëd plfeûs J;?ttf ciiSifll
J-jcU/» fâîlâtûj màfâ/Uûy màfâUû :
Dans la nuit obscure par Fabsence de la lune^ je liie èuis
Wnêmn ôhàgriti* j eti effet, daHs bette triste nUttf îè' chagrin ne
s'élt^lgd^ pas de Fatoant;
^ Cesi^-ine pareil^ » eaute qi^^it ressemble au mhtte cttrîb.
En effet, les pieds ^ont les mômes^ rord]^ setftefinëiit eii éït-
fê^êûi. Les Turcs Èîdmmé'nt Ce mètre j^Lî>, c'est-à-dire le
deHtièr.
* A la lettre: k J*aJ été l'amî du. chagrin, »
— 3^9 —
CHAPITRE VI.
DU RUBAI ^bj.
Le rubâî ou quatrain est un petit poëme * particulier
aux Persans et à leurs imitateurs. Il consiste en deux
vers, c'est-à-dire en quatre hémistiches, dont le pre-
mier, le second et le quatrième doivent rimer ensemble,
et dont le troisième ne rimé ordinairement pas avec
les trois autres. Ce qu'offre de particulier ce petit
poëme, relativement à la prosodie, c'esrt qu'il est écrit
sur des mètres très-irréguliers, quoique dérivés néan-
moins du mètre hazaj^ ce qui en rend la scansion dif-
ficile à trouvât. Je vais faire connaître le plus briève-
ment possible les différentes mesures de cette espèce de
quatrain.
On compte vîiïgt- quatre formes différentes de riibâî,
lesquelles se distinguent les unes dès autres par neuf
espèces d'irrégularités dû pied fondamental ^J^^ ma-
fâïtûn^ irrégularités qui se divisent en deux classes ou
schajra ï^ar^ (arbre), chacuhe de douze espèces; la pre-
mière, nommée akhram m^\ du nom du pied irrégu-
lier yj^y^ màfulm^ et la seconde akhrùb v*^!, du nom
du pied irrégulier ^}yJ^ màfûlii, selon que le premier
ou le second de ces deux pieds commence les quatre
hémistiches du rubâî. Voici le tableau de ces paradigmes
en forme de cercle, tel que le donnent les auteurs ori-
ginaux :
* On le nomme aussi do-baïtî ^^^^ et tarâna bj\y,
(tToyèz \k pfifâéô di mon ic lïfëéotfOè la Httéfdtiirè Witaduie
et hindoustanie » , ^ êdHWi, 1. 1^, p. SB eè 37;)
— 8i0 —
»I<)oo^'t3^oo<jr ^j^] «joi>
* C'est-k-dire, cercle des rubâî^ akhram au premier pied do
premier et du second hémistiche des deux vers.
— 341 —
(■ p.
>jjsAjyf^ j«>uiaJ( ç>^t «v^'^
^ ■^^ ^tt
5^" '^'
* Cest-Ji-dire cercle des rabais^ akhrab au premier pied du
premier et du second hémistiche. J'ai reproduit le tableau du
HadâyiCf quoiqu'il ne s'accorde pas bien avec les explications
du texte; et qu'il diffère de la liste de Gladwin.
Dans les listes circulaires qui précèdent, j'ai eu soin
de mettre un numéro d'ordre aux différents paradigmes.
Les mots ^^y^ et J,^, qui sont au milieu des deux
cercles, doivent précéder les paradigmes rayonnants
pour les compléter. Les mots qui sont au-dessus des
pieds en désignept les irrégularités ^
Exemples de rubâîs de la première classe :
- J>-^
u
^ 6>mm4»m ,S V»
j^ vJL^^AjIj
^j V"
f-^V ^^'/l'
' b^=' JV? ^ ' ^ cP^ Ui}j^j^ lT
Ton absence a fortement ensanglanté mon cœur ; le chagrin
qu'elle n^'a occasionné y a établi sa demeure. Uais jusqu'à quand
^ On en trouve l'explication au chapitre III.
' Bien que ^J ne se trouve ni dans le BaMyic ulbalâgat ni
dans Gladwin, je l'ai ajouté d'après l'avis de mon savant élè?e
M. G. Carrez» le sens l'exigeant en effet.
' Voici la scansion de ce mbaï :
Hîjrânàt
1 màfu lûn
Wàndûhàt
2 ma fûlûn
JHgàr ta
3 màfû lûn
Kâs hàrguiz
^ ma ft^ lûn
I khû bàcë \ mârà dâr dïl
I fâ ïlûn I ma/S l lûn
I âàr sînà | î mân mÂnzïl
I ma fûlû I màfà ï lûn
I îyïm mihnà
I mafâ i lu
I nà bâ bë dil
\màfâ% lûn
I kaïfàzà
fâ ïlûn
I l sûkhàn
\ fàï lûn
Les quatre hémistiches qui précèdent présentent un
des quatre premières variétés du mbâî akhraffi.
kàf'd
fà-a
kàr-d
fâ-a
tôgâm
fà-âl
kâr-d
fà-a
exemple
— 3*3 —
augmenterai-je en douleur et en afflictiop? Personne n'a jamais
ténii ^ un homme désolé le discours que j'entends.
■f î* 5'
^c-^-A ^ *' j'H! '^' j'-i ^^ j^.
Hélas ! ton amie est venue, ion amie est Tenue, ton amie est
Tenue, et tu restes Ainsi assis dans rinsouciance I Ne demeure
pas un seul instant éloigné de cette belle au Tisage de lune, si tu
Teux goAter à la coupe de ses lèvtes de rUbid.
* ^i ^')T' ^-^^ cT?. J*J "-^i^J*
* Voici la scansion jde ces Ters :
yvi/r àmid \ yar âmàd | yar àrnâi \ A^i
p ma fu lûn \ ffiâ fûlûn \ mâfû lûn j /Ç
IRmchlni I bè khàbàr \ bMl sa ta \ kat
p ma fûlûn j fà î lûn | m4fà l lûn \ fâ
Yàfç smt I àzà màhï | jâbl dûrï | màbi-sch
\\ w fû lûn I màfà i lu \ jnqfâ %lû \ f(t û-l
Ta y à bi \ àz jàmï \ làH lâlàsch | iitaî
6 fuifûlûH I m^ fû lu I màf^ tlûn \fâ
• Voici là scansion de ces vers :
Jd dàddm | d^f r^hï | wàf^ 54 J tlâml
i6 ma fûlûn \ mâfû lu | 0ifal lu \ f(f àl
— 344 —
Pai sacrifié ma vie dans la voie de la fidélité envers ma belle ;
je lui ai offert entièrement mon cœur en holocauste. Si, par ha-
sard, je ne réussis pas, pourquoi me livrerais-je au chagrin ? jo
me contenterai d'avoir des larmes dans les yeux et du feu dans le
cœur*.
Exemples de rubâïs de la seconde classe :
Cher amour, tu as mille prétendants comma moi qui désirent
ta face pareille à celle de Joseph d'Égjpte. Lorsque tu es absente,
j'éprouve mille peines et mille chagrins; il vaut bien mieux que
tu ne te sépares pas de moi,
ÏM kârdàm \ cûrbànàsch [ bë bèschô | kàmï
9 màfulûn | mâfûlûn | màfûlû j fà àl
àz dàstàm \ kàri gâr | nyàyâd chî \ gàmâs-t
»v 11 mâfûlûn \ fâïlûn \ màfâïlû \ fàû-l
Dâr cRdà \ ô cRl bàçâs \ tî sôzï 6 \ nàmï
3 màfû lûn \ màfà îlûn \ ma fallu \ fà àl
Le quatrième hémistiche, que je rapporte au n*' 3, offre une
irrégularité au second pied,
* Ceci offre un exemple frappant de la figure de rhétorique
orientale nommée laf o naschar. (Voyez la « Rhétorique •,
II* partie, chapitre I, section xi, p. 91 et suiv.)
' Ces quatre hémistiches offrent précisément un exemple des
quatre premiers paradigmes du second tableau.
— 345 —
Je t'ai offert mon cœur suppliant. J'allonge (j'étends) mes
bras en rapport avec tes cheveux et mon espoir'. Comme il n'y a,
dans le monde, personne qui soit plus abattu que moi, il faut
bien que je te sollicite, ô toi qui es compatissante envers ceux .
qui te sont dévoués. .<
^jri^ j^^ri ^^^'-^ ^'^j f>.^ ^^
^y:^ j'j" ^^ v^^=* d .j fïï^^*^
* Voici la scansion de ces vers :
tu àwârdàm
màfâ l lûn
Dârpëschî
^ ma fù lu
Dàstlmà
6 ma fû lu
Dâr alà
5 mÂfûlû
à bïh kl
8 màfûlû
nô zûl fi tu
màfâ % lu
ml bëschàzmàn
màfâ l lûn
M râ bà | nîyâ-z
màfûlû I fàû-V^ '
ôûmmèdl | dlrâ-z
màfâ ï lu I fàû'l
dârmùndà | chu nè-s
mâfû lu I fà û-l
tu ai banda \ nàwà-z
màfâ l lu \ fà Vrl
nawaziim
mâfâllûn
• A la lettre : « mes bras, tes cheveux et mon espoir sont
longs. »
^ Ces vers, dus à Schaïkh Ibrahim, auteur persan moderne
distingué, sont cités dans les intéressants mémoires d'Alî-Haztn
^\^'
^N.-
— 346 —
11 n'y avait pas pour moi de confident dans le jardin du
monde ; il n'y arait pas^ dans le banquet du siècle» un musicien
qui pût, de son instrument, accompagner mes plaintes. Je ne
pouvais pas mdme gémir en secret ; aussi ai-je retenu ma lan-
guOy puisque je ne trouvais de sympathie chez personne.
Il me paraU inutile de citer des exemples de rtiiâX en
turc et en hindoustani. Ceux qui en voudront connattre
dans €6ttQ dômtère langue en trouveront Un grand
nombre dans mon édition de Walî.
Les poètes arabes modernes Q]it j^p^ft guelm^p^ ^(^
à l'imitation des Persans. En voici im da \% fife^D4e
classe :
d-w^ u ^;,' j^l >)t j
qnq j'^i lixpliqttéii à mon court de fwssji au CoUégo de France.
En vpîpi |a scftuiioD s
Dôr gûlschà | ffJi dàhH tnàh
^ f(i& fA m \ ma fâ ï Im
Dâr bà^mï \ mmàna nàg
8 fnflfû lu \ \nàfâ î Im
i fû wâ %àin%à
I ma f» l lu
I zàbà kàcë
I màfâ îlûn
Fin hâ «la
la màfa lu
Bà^fimî
8 màfûlû
ràmï râzî \ nàbvrd
ma fàiHi ) fàU'l
mâpàrdâzî \ nàbû-4
ma fâ % lÛ \ fà vrl
pârdâ%î J kâr-d
ma fûlûn I /3-a
hàm àwâ%ï | nà bvrd
ma fàï lu I fàû^i
Voici ta Sôansîon dô ces vefs :
— 347 —
Si, après ma mort, celle que j'aime vient visliter mon tom-
beau, je lui adresserai la parole à haute voix pour l'assurer de
mon dévouement ; puis je lui dirai tout bas : <( Ne vois-tu pas à
quel état m'ont réduit tei beaux ytuxV n Mais ce ne sera pas un
reprocbe. (Ebn-Fâred*.)
ClfAPÏTIlE VII.
m LA RIME.
qn enteiid par la rime ^\^ çafîya, ^h pliyriel J}J
cawâfîy la fép^tition^ dans des ifiptç différents, ^ }a i}n
deç vers o\\ des hémisUches^^ dps fnéifaes lettres et des
mêmes mptions. Ces lettres et ces ipotioDs ont des dé-
nominations spéciales et sont soumises à des jègles par*
ticulières.
m muttû 1 uuà %àrà tûr | bàfi mân àh \ wà
1 wà/u lu \ ma fâï lûn j màfâ ï lu \ fà
Làb battu \ mumjlyàn \ H gûinn ndj \ wà
i ma fûlû I mdfâ îlm \ ma fâ ï lûn \ fâ
tara mû sa
màfâ l lu fàâl
nààt
Fïsstrrï \ àcûlû ma
7 mâfû lu I màfâî lûn
âlhà%û \kab%wà Iffi \ si hdt4 schçik^ \ m
1 mûfûlû I ma fâ î lûn \ma fà l lûn \ fâ
* Chrestomxithie de S. de Sacy, t. III, p. 62.
• Quand les hémistiches riment ensemble^ la rime change h
chaque vers ; quand ils ne riment pas, elle est permanente pou
tout le poëme; mais le premier vers de tout poëme rime tou-
jours aux deux hémistiches.
r
— 348 —
SECTION t"
Des lettres qai fonnent la rime.
La lettre la plus essentielle de la rime, c'est celle
qu'on nomme rawî ^jj *. Les explications qui suivent
feront mieux connaître ce qu'il faut entendre par ce
mot que les définitions embrouillées des auteurs cri-
ginaux.
La rime peut comprendre, outre le rawî^ huit autres
lettres de suite, quatre avant et quatre après, dont les
deux dernières ne sont pas connues des Arabes.
Voici un quatrain destiné à fixer, dans la mémoire,
les noms qu'on a donnés à ces différentes lettres :
»-J)* !^l ^JUà^ .JUwl ^jS^ vllj J^! j^ i^li
Ih'^ L^I >S=>^ ^! ^j^^ jU.^ ^j.^^ jU
^-fjy ^-^^ ^-r^^ o^J-^ J-r^^^ yjr-T^^ ^f^
* tjJiSi ^ c^^y^ C^^î ^j^i.^ J^j ^ jl ^
La rime ne consiste réellement qu'en une seule lettre (Ierat(;f) ;
mais elle peut être accompagnée de huit autres, quatre avant
et quatre après. Celle-lè est le centre, les autres sont la circon-
férence.
^ C'est à cette lettre que doivent leur nom plusieurs poëmes
arabes. Ainsi iL^*^ est un oacîtiia rimant en làm. L^^ un cad({a
rimant en mm, h\i un cadia rimant en yé^ etc.
^ Cesyers appartiennent au mètre raml mahzûf^ c'est-à-dire
composé, à chaque hémistiche, de trois ^^^1-^ et d'un jJLcli.
— 349 —
On met d'abord les lettres nommées tads, dakhîl^ ridfei
caïd, puis le rawî que suivent les lettres nommées wasl, khu-
rûj, mazîd et nâïra*
1 « On nomme ridf ^ -j , ou vulgairement radif ,^ >j ,
Valif quiescent après un fatha, le waw quiescent après
un zamma, et Vyé quiescent après un kesra; c'est-à-
dire les trois lettres alify waw et yé servant de lettres de
prolongation et placées avant le rawî, ainsi qu'on le
voit dans les mots qui terminent les hémistiches des
vers suivants :
j^ ^\j^ vj^T J^ iji^
Sanâï, par la force de la foi, chante les louanges d'Ali qui
succéda k Osman. Le premier était par sa vertu la terreur du pa-
lais de l'orgueilleux. Le second était le porte-drapeau du pro-
phète et avait la science en partage. Ce n'était pas du prophète
qu'il avait appris l'explication du Coran, mais elle avait ete ré-
vélée à son esprit.
• Ce vers est du mètre khaflf makhbûn et macsûr, c'est-b-
dire composé, k chaque hémistiche, des pieds ^^^U^ ^^^
,%i. Dans le premier vers, l'aH/^est le ndf et le noun lerawî;
dkns le second, le waw est le ridf et le lâm le rawt et, dans le
troisième, le yé est le ridfoi le lâm le rawî.
1
— 350 —
Lorsqu'après le ridf il y a deux lettres quiescentes
comme dans les mots vj:^b, « il a trouyé^ )i ^Ji^^^j^i
« ami » sjuiij « il a versé, » etc., quelques rhétori-
ciens pensent que la première fait partie dii n'd/*, et la
nomment ridfzâïd^ SSh s^^j ou ridf superflu; a autres,
au contraire, la considèrent comme faisant pàriie du
rawî^^ et la nomment rawî rauzàîf, .^^L^a^ ^^» ou
rawî additionnel.
En persan ei en iiihdoùstani le waw et 1'^^ prennent
deux sons différents z oueii; o et é. Dans le premier
cas, on les nomme marûfj ^jj^ ; dans le second, ma-
jhûl Jj-^?=^ *. Ainsi on prononce aj^ bûta^ (creuset) et
bj} bota (jeune chameau), j^ schîVy (lait) et scher
(tigre), etc; Malgré la différence de ces deux prononcia-
tions, il est permis de faire rimer ensemble des mois
dont le ridf est un waw ou tm yé prononcés au eii avec
des mots dont le ridf est ua waw oU un yé prononcés o
et é. Exemple persan :
' j^ i^ tor^ }i J^ ^^ ^^
* telle est Topinion de Nack-udJtii ïûct dans son lUiSt .U^^
ou « Pierre de touche des vers. »
• • ■
^ Cette double prononciation du waw et du j/^, qui existé
aussi en turc^ est tombée en désuétude dans le persan moderne.
A ce sujet^ voyez la préface do mon édition de la Grammaire de
W, Jones.
^ Dans ces deux hémistiches» le Waw est le ridf et le zé le
rawU Or, le waw de J^> yiU est inaiHf^ c'est-à-dire se pro-
nonce ou^ et l^waw de jjy ro% est nuijhûU c'est-i-ire se pro-
-- 351 —
Les dénis de Tonce sont émoussées pour Thoiame dont U
niàn^é, seulement pendant deux joufs^ le fromage. (Sae^dî,
Béèmn, Hv. lî.J
Exemple hindoustani :
•s
:>^ji ;j' c^ ^ k^=*
Le ministre Mitarchand attentif dit : Sumit, racontez quelc^ue
autre chose. {ÀpekHtre» deKûmrûp.)
2» On nomme caïd JJ» la lettre quiescente placée
immédiatement avant le rawî^ à l'exception des lettres
qd on homîtie Hdf^ et dont il vient d'être parlé.» U est
^ ^ ^ ^ a même lettre pour le caïd^
comme dans le vers suivant où les mots J^ et U^.
qui termipent les deux hémistiches ont pour caïd un
iJ-;ir^ *^^jrt ^^^ '^-^ ^-^
Les deux mondes (le visible et rinvisible) sont une souttçde
FcieSan de sa sctencé (de Dieu]l. Il voit le crinié et il le courre
avec le manteau de Tindulgence. (Saaidiy Èostan,)
nonce Qy et cepeadaai ce^ deuiL moift rimant eosembkw C« vers^
comme tout la poëme da Bpslan^ eçt da nft^Uo miitac^nè
* La même observation d lie« pour le» mola CUj^p^ et
vJ:,^.^^,^; le yé du premier est majhûli et odui an second
waril/'. Cette lettre est le ridf et le té le raw;i. Ce versf m du
même mètre que le précèdent.
— 352 —
Si Ton n'emploie pas précisément la même lettre, il
faut au moins en employer une dont la prononciation
soit analogue, comme on le voit dans le vers suivant,
où le catd consiste aux lettres ^^ et s qui appartiennent
au même organe :
^ ^j ^ ^ j ^^ *^j> r^ ^
Non-seulement TÉgypte et la Syrie, non-seulement la terre et
la mer, mais tous recherchent ta face aussi bien que Schirâz.
(Saadi.)
Enfin, il est même cependant permis d'employer pour
le caU deux lettres entièrement différentes, comme dans
l'exemple suivant :
A
* v-aui» ..wJ^i-T Jw/^i ^--_a» ï,^
Tous savent que cet homme n'a jamais de sa vie conçu le des-
sein de faire des vers. (Extrait du Gulschan-i-râz*.)
Dans ce vers, le mim et le aïn des mots^ et jxà» sont
la lettre qu'on nomme caïd.
* Ce vers est du mètre hazaj mahzûf, c'est-à-dire composé, ï
chaque hémistiche, des pieds ^«Isà JLdU^ ^L&La;».
^ Le nom de l'auteur de cet ouvrage est inconnu. Tholuck
(Sufîsmus) pense que c'est Âzîzî, mais S. de Sacy croit plutôt
que c'est liÂhî ou Mahmûd. (Voyez le Journal des savants, 1821,
p. 720.)
— 353 —
3» et 4\ On nomme tads ,j*^Ij Valif quiescent avant
le rawîy mais suivi immédiatement d'une lettre mue
par une voyelle-lettre, qui est celle qu'on nomme dakhîl.
Exemple :
Dieu accorde tant de biens aux ignorants, que le savant en
demeure étonné. (Saadt, Gulistârij liv, I.)
Dans les mots oJL*j raçânad et JJIv bimânad^ qui v
terminent les deux hémistiches de ce vers, Valif est ce
qu'on nomme le tacîs^ le noun le dakhîly et le dM le
rawî.
L'emploi de la même lettre pour le dakhU n'est pas
nécessaire ; ainsi, on peut faire rimer ensemble j^U.
khâwary « soleil, » et j^L^ châdavj « rideau, » s-^1à
khâtib et wa^=>!j râkib, etc. * Si l'on s'astreint à em-
ployer la même lettre pour le dakhîl dans une pièce de
vers, on considère cette obligation comme appartenant
à la figure de rhétorique nommée >)Aj bî L» >jjp, « tâche
à laquelle on n'est pas tenu*. »
5"* La lettre nommée wasl J^^ est celle qui suit im-
médiatement le rawî ; ainsi, dans le vers suivant, c'est
le yé final des deux hémistiches :
^ Ce vers est du mèlre hazaj mahzûf, c'est-à-dire composé,
à chaque hémistiche, des pieds ^y^ t:^^ tj^^'
* En arabe, les poëmes dont les rimes ont le tads se nom-
ment ^j^*^y muassas.
la « Rhétorique », section xvi, p. 146.
23
' Vojez la « Rhétorique », section xvi, p. 146. >j
— 354 —
Celui \ qui il n'est pas resté de corps comme \ la bougie se
rira de toi lorsque tu youdras lui couper le cou. (Sanâî.)
Dans cet autre vers, c'est le A^ final * :
ïjL_k^ ^ ^ J-3U m
« «^Xx-à.^ J^ ^ ^ J^
homme ^, tu es comme Tinsouciante tuNpe, le cœur noir, la
▼ie courte, et tu tottns !
On voit, par ces exemples, que le wa$l est une lettre
additionnelle au mat principaK Ainsi, en persan, c'est
Yyé nommé v^Uaâ. ou allocutift c'est-à-dire -exprimant
la seconde personne du singulier du verbe, comme dans
* Ce vers est du mètre khafîf makhbûn et mahzûfy c'est-à-
dire composé, h chaque hémistiche, des pieds ^j^Uu» ^'iîcli
,Jxd. Tané^ qui termine le premier hémistiche, rime avec zanî;
w ^
ce vers offre ainsi un exemple du yé marûf rimant avec un yé
majhût.
* 11 en est de même en arabe. Ainsi, dans ^^ pour ^^,
• son esclave; » le ft^ est la lettre nommée te/â^^.
* Ce vers est du mètre khafîf makhbûn et mactû^ c'esl-k-
dire composé, à chaque hémistiche, des pieds ^^Up ^ïbi&li
* A la lettre, « serviteur de Dieu, » Or, serviteur est sou-
vent pris, par les auteurs musulmans, dans le sens d'homme,
comme dans Tépître de saint Paul aux Hiilippiens, ii, 7, etc.
— 355 —
^j, « tu coupes » ou « tu couperas, » de rayant-
dernier vers ; dans ^U aJ"^, t tu es l'insouciante tu-
lipe; » et dans v^»^, « tu as enlevé, » ^S^jy^^ « tu
as mangé, » etc. ; Vyé formatif du nom abstrait, nommé
^j..^, comme J^^ « bonté, » ^^^ « méchan-
ceté; » Vyé d'unité vj*>^j, comme dans ^, dans
ravantrdemier vers ; c'est «icore le nuba de la première
personne du singulier, ou J^, comme J^, «r mon
cœur; » le té de la seconde personne du singulier,
nommé v.^^Ls^, comme vju)^, « ton cœur; » le schîn
du pronom de la troisième personne du singulier, etc.,
nommé '^^-^-cd ^^^, comme ^^^ « son cœur; » le hé
flnal non radical, comme dans ï^ et yjla. du vers pré-
cédent; enfin, le noun de Tinfinitif, comme dans ^J^^J
« voir, » ^^iX^, « entendre, » etc.
6^ On nomme khurûj ^js^ la lettre qui se joint immé-
diatement au wosU comme, par exemple, l'addition du
té^ du mîm et de Yyé aux mots déjà augmentés du wasL
Ex. : ^jJci, « une audition, » CU»^^, « je t'ai
vu, » fi^jL^, « nous avons mangé *. »
7* On nomme mazîd ^^y une lettre gui peut être en-
core ajoutée aux deux précédentes ; tel est le schîn dans
le mot jjV."^^» *^ nous l'avons enlevé. » Les vers sui-
vants offrent à la fois des exemples du khurûj et du ma-
zïd dans les mots j:-lj^ et J^^^j} *.
^ £q arabe, on peut citer comme exemple le mot L^^, son
esclave (en parlant d'une femme); en effet, dansée mot, lemîm
est le rawî^ le hé le waslei Yatif le khurûj.
* Dans ces mots, Yalif est le rawî, le sîn le wasl^ le té le
khurûj et le y^le maz/ld.
— 356 —
S'il y avait un jardin au firmament, Jupiter en serait la tulipe;
SI, au contraire^ le firmament était dans le jardin, son rosier
serait Orion; et ne prendrait-on pas ses roses charmantes pour
les étoiles du Chariot, si celles-ci étaient odorantes et les pre-
mières brillantes? (Ansari.)
8* Le nàira ïy\j est une quatrième lettre qu'on peut
encore ajouter aux précédentes ; tel est le schîn final de
^J^^^jy^i « je l'ai mangé. » Ce qu'on pourrait ajou-
ter de plus ferait partie du nâîra.
Quelques rhétoriciens orientaux considèrent les trois
dernières lettres dont nous venons de parler comme une
addition à la rime, addition qui rentre dans la figure de
rhétorique nommée radîf ^^^j^\ mais, selon l'auteur
du HadâyiCy il faut que ces lettres constituent un mot
distinct pour qu'on doive les considérer ainsi.
SECTION il.
Sar les nwHons *JiÀ^=>jss. de la rime.
1 *" On nomme taujîh ^y la motion, c'est-à-dire la
* Ces vers sont du mètre raml mahzûf, composés, à chaque
hémistiche, de trois ^'iîcli suivis d'un ^J^li*
* Voyez la « Rhétorique » , chapitre II, section xxiii, p. 175.
— 357 —
voyelle brève qui précède immédiatement la lettre
ratuîj lorsque cette lettre est quiescente et qu'elle n'est
pas accompagnée d'une autre lettre de la rime. Dans
ce cas, la motion ne doit pas varier dans les mots qui
riment ensemble. Ainsi, par exemple, dans le vers sui-
vant, le bé de bas et le haf de kas^ ont l'un et l'autre la
même voyelle :
LJI O; ^1
u
0—>i *-^' cTî-Vj J^
A la fin, par le pouvoir de ces mots : TAe/a. me suffit^ je n'ai
plus fait attention ni aux choses ni aux personnes. (Saadî,
Bostân*.)
Si le rawî se joint à la lettre wasl^ et que cette dernière
lettre soit mue, la voyelle taujîh peut changer. Ainsi,
dans le vers suivant» dilé rime avec gtUé.
A A A
Sous son i-ègne il n*y eut au cœur de personne, je ne dirai
pas une épine, mais le pli de la feuille d'une rose. (Saadt,
Bostân,)
2* La motion ou voyelle de la lettre qui précède le
ridf ou le caïd se nomme hazw ji^. C'est un fatha^
lorsque le ridf consiste en un afo/, un zamma lorsqu'il
^ Dans ces deux mots, le sin est le raii^.
* J*ai indiqué le mètre du Bostâriy p. 328.
— 358 —
consiste en un waw^ et un kesra lorsqu'il consiste en un
yé. Le hazw avant le caïd peut prendre aussi une des
trois voyelles brèves, ainsi qu'on Ta vu dans plusieurs
vers précédents. Il est évident qu'on ne peut pas
changer le hazw devant le ridf; mais il n'en est pas
ainsi devant le caïd, quand la lettre du rawî est mue.
Exemple :
Ta rue est jonchée des cils de tes amants, cils pareils à des
épines ; ainsi, si tu sors de ta demeure, appuie avec précaution
tes pieds pour ne pas être blessée.
Le jardin a été couvert de plaies* k cau6« de ta promenade;
toutefois, son sein brille de diverses couleurs comme les plumes
du paon, et ses mains sont pourvues de bouquets. (Mtr,
I" diwân.)
Dans ces vers, les mots à:^^ âhista et à:L>^>^ guldasta
riment ensemble. Dans ces deux mots, le té est le rawt^
le Affinai le wasU le sîn le caU^ et la voyelle de la lettre
précédente est, dans âhista^ kesra^ et, dans guldasta,
fatha.
^ Ces vers sont du mètre hazaj régulier, c'esi-à*dire com-
posés de huit ^LfilA^,
^ Par jalousie, à cause que sa beauté a été surpassée par celle
de la bien-aimée du poëte.
— 359 -
S" On nomme ras ^j^j le fatha qui précède le toef« ; et
la voyelle du dakhîl^ lorsque cette lettre en prend une,
se nomme ischbâ 9^^^^ c'est-à-dire « saturation »• Cette
Yoyelle peut changer, comme on le voit dans les vers
suivants :
jjyj v.!^-! lÉ»^ ^ AÊri ^ jUT ^y^
Sire, lorsque tu auras cessé de réguer^, tu seras patdil au
malheureux qui mendie devant ton palais. Ne cfois pas qu'il
suffise pour occuper dignement sa place dans le genre humain
d'être en possession de la force physique ou de la puissance ; si
tu es élevé par ton esprit, je sais seulement alors que tu as du
mérite. (Saadi.)
Dans ces vers la rime a lieu entre s^ji];^ bàràhàrî et
^jioiL schâtîrî. Le fatha, c'est-à-dire Va bref qui pré-
cède Yalifet en détermine la prononciation est le ras;
Talifesi le tads, le W et le toê sont le dakhîl, qui prend
dans le premier mot nn fatha et dans le second un kesra;
le ré est le rawî; etTy^est le wasL
Lorsque le raw% comme on le voit dans les deux vers
* Ces vers sont sur le mhitemuzâri akhrab^ makfûfai mah-
zûfy c'est-èi-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds Jj»i*
Ji oU J-jDLi» dS^ pli.
^ A la lettre, « roi du temps, lorsque ton temps a passé: x»
— 360 —
précédents, se joint au wasl^ on nomme la voyelle qu'il
prend mujra yjy?^ *. Or, cette voyelle est kesra dans les
vers précédents. On nomme nafâz ilii la voyelle du
wasl^ aussi bien que celles du khurûj et du mazîd. Quant
au nâïra^ il ne prend pas de voyelle.
SECTION III.
Des différentes espèces de rawî. Classification des rimes.
On nomme le rawt quiescent, c'est-à-dire sans motion
ou voyelle brève, mucaïyad ola^, ou : « ressemblant au
caïd. » Tel serait par exemple le noun dans ^^^ chaman
(jardin), et dans ^jsk-* mkhan (discours), si ces mots fi-
nissaient un vers. Lorsque le rawî reçoit une motion ou
voyelle par l'effet de son union avec le wa&l^^ on le
nomme mudac ^3^^», c'est-à-dire indépendant. Tels se-
raient par exemple les mots py^ chamanam (mon jar-
din), Uâ^ sukhanam (mon discours). Dans ces deux cas,
si le rawt n'est pas joint à une autre lettre de la rime,
il se nomme mujarrad ^^^, c'est-à-dire isolé (nu); si
au contraire il y est joint, il prend le nom de ces lettres.
Ainsi, par exemple, on le nomme rawî mucaïyad bâ ridf
s^^j lj SSa \S^j9 c'est-à-dire rati;! mucaïyad, avec ridf;
rawî mutlac bâ ridf ^^j ^ {^j^ ,3>), c'est-à-dire rawî
indépendant avec ridf, etc.
* Qu'on prononce aussi en persan mujré et même mujrî.
* En arabe, le rawî peut prendre, dans ce cas, une motion
seulement, mais elle est censée suivie de la lettre qui lui est ana-
logue. Tel serait, par exemple, le mot <^jss^^ âlhârbû qui,
proprement, devrait être écrit, dans ce càs^jjjsrK
— 361 —
Il y a ainsi, d'après ce qui vient d'être dit, quatre es-
pèces de rimes Axàti qui sont nommées : la première
mujarrada »^^^, la seconde muraddafa ^3^, la
troisième muassaça iJLy^ et la quatrième muassala
Comme la lettre nommée caU est de la nature du
nd/; on nomme la rime qui a lieu avec le caïd^ murad-
dafa aussi bien que celle qui a lieu avec le ridf. On
nomme muassala la rime qui comprend les lettres khu-
rûj^ maztd et nâïra, aussi bien que celle qui comprend
le wasL
SECTION IV,
Des défauts de la rime.
On en distingue onze différents, à savoir :
!• Le gulû^^ qui consiste à employer dans des mots
rimant ensemble un rawî quiescent, c'est-à-dire sans
voyelle, et un autre mu, c'est-à-dire affecté d'une
voyelle. Exemple :
2
I S^ ^\j i. ^ P^ 1~?^ )^ '^ ^
* Ces trois derniers mots sont des adjectifs dérivés des mots
ridfj tadts et wasl que j'ai expliqués.
* Ce vers est du mètre mujtas makhbûn eim^ihzûf^ c'est-îi-
dire composé, à chaque hémistiche, des pieds ^^w ^^t-Â^»
^Isè ^Jî&Li». Le mot Lse^, qui termine les deux hémistiches,
ne fait pas partie de la rime; c'est ce qu'on nomme radîf^^^^^j.
La rime a donc lieu entre s^tp» et <^^» Mais je trouve que, h
— 362 —
L'affaire pourra-t-elle s'arranger ? que devîendrai-je| malhea-
reux ! Vois la différence de la chose, où et comment elle peut
avoir lieu. (Hâfîz.)
%"" La lettre nommée wasl peut de même être quies-
cente dans un mot et mue dans l'autre. Ce défaut prend
le nom particulier de taaddî ^Sm.
3« Vicwâ .ty! ou ^y(. C'est l'emploi de différents
taujîh, o'est-à-dire de voyelles différentes sur la lettre
qui précède le rawî^. Ainsi dans le vers que j'ai donné,
p. 857, si au lieu de J,^ et de ^^ il y avait J3 dil et
Ji^ gul^ la rime aurait dans sa plénitude le défaut
nommé icwâ.
4° Uikfâ .US=>'. On entend par là une différence
dans le rawî, ce qui est tout à fait prohibé. Cependant
quelques rhétoriciens originaux permettent d'employer
une lettre arabe avec une lettre persane qui en modifie
la prononciation, ainsi de faire rimer, par exemple :
wJ, lèvre, et s.^^^^ gauche; ^iXt doute et vjX-,
chien, etc.; et aussi de faire rimer des lettres arabes
la rigueur, le défaut dont il s'agit n'existe pas dans cette rime,
car, bien qu'il soit vrai que, dans v^^lp., le M final ne soit pas
mu grammaticalement par une voyelle, toutefois on doit, pour
la scansion du yers, en supposer une. Dans ce cas, on fait en-
tendre ordinairement le son d'un kesra ou d'un i; mais rien
n'empêche de faire entendre le son d'un fatha ou d'un a, h cause
de la rime, et de prononcer khâràbà dans le premier hémi-
stiche, comme on prononce ta bà dans le second.
^ SukÂki dit, dans son Miftâh^ que beaucoup de rhétoriciens
ne comptent pas iHcwâ parmi les défauts de la rimet mais qu'il
vaut mieux, néaumoins, le tenir comme tel«
— 363 —
d'un même organe comme ^^r^, matin, ayec yl^,
armée; si^Li secours, avec ^L), vêtement; o^\
trône, avec J^^, excès, j^ avec ^j^b^ (dans le Mantic
uttaïr); mais, dans ce cas, pour ne pas choquer l'œil,
on adopte quelques fois une mauvaise transcription
d'un des deux mots; ainsi, dans l'exemple ci-dessus, on
a écrit ^bt pourjbt. Ceci est surtout commun enhin-
doustani ; il y en a plusieurs exemples dans Kàmrûp,
comme on le verra dans l'Appendice. Non-seulement
les poètes hindoustanis se permettent ces licences;
mais ils font, de plus, rimer les lettres nommées
cérébrales ou linguales, avec les dentales qui leur cor-
respondent*.
5* Un autre défaut, c'est la différence du ridf^ ce qui
est tout à fait prohibé en persan, en turc et en hindous-
tani. Toutefois, cette différence est permise en arabe,*
car on peut y faire rimer ensemble un waw et un yé de
prolongation, comme par exemple : J^, beau, et J^,
descente; ^^, éclatant, et j^Jo, des lunes; v.;^j» dési-
reux, et vy^ d^s talons, etc.
6* On compte parmi les défauts de la rime l'emploi
de lettres différentes pour le caïd, ce qui est cependant
permis à la rigueur, ainsi qu'on l'a vu plus haut.
T La différence dans le hazw est aussi signalée parmi
les défauts de la rime. Ainsi j/:> dur (éloigné) ne peut
pas rimer avec jjS daur (motion circulaire). Toutefois,
il paraît qu'on tolère les rimes entre les waw eiyémajhûl
* Voyez à l'Appendice les particularités de la métrique arabe
adaptée h Thindoustani.
— 364 —
et les diphthoDgues qui leur sont analogues. Ainsi,
dans l'Appendice, on trouvera un vers du célèbre Mtr
Haçan, vers où le mot jj! aur (et) rime avec jj^=^
chaukor (quadrangulaire.)
S"" La dififérence dans Vischbâ est aussi interdite lors-
que le rawî est mucaïyad^ c'est-à-dire quiescent AiDsi,
on ne peut pas faire rimer, par exemple, J^L£=> kàmil
(parfait) avec Jj^Lae-» tajâhnl (sottise). On appelle ce der-
nier défaut isnâd ^Lwl
9« Le défaut nommé M «iJajt en arabe et schayigân
jl^Li en persan, consiste en une répétition ayant le
même sens^
Ce défaut peut avoir lieu de deux manières : ou
d'une manière cachée, ,^_^, comme : Ub (savant) et
.Luj (clairvoyant), ^'^ (stupéfait) et ^^^^j-^ (pris de
vertige), etc.; ou d'une manière apparente, ,J^,
comme : ^^j^ (affligé, possesseur d'afQiction) et
Oo^v^^a^ta. (besoigneux, possesseur de besoin), jS^
(tyran, faiseur de tyrannie) et Jijj^\ (fascinateur,
faiseur de fascination), 3^ bikard (il a fait) et
^j^ nakard (il n'a pas fait), ^ bikun (fais) et ^
makun (ne fais pas), ^Jî turâ (à toi) et t^ marâ (à
moi), etc. Il faut aussi ranger dans cette catégorie les
désinences nominales en ^\ âtij en ^ m et en U hâ,
Ex. : ^\ju (les amis) et jLiLà.Lô (les amants), ^j^^^ (d'ar-
^ Lorsque la répélition a un sens différent, son emploi produit
la figure nommée tajnîs ou allitération^ sur laquelle on peut
consulter la « Rhétorique », deuxième partie, chapitre II, sec-
tion i'% p. 1 20.
— 36o —
&
gent, argenteus) et ^^)j (d'or, aureus)^ ^^S^ (triste) et
^^^^ (honteux), etc. Vitâ apparent ou manifeste, ^J^,
est un défaut très-censuré par les rhétoriciens orien-
taux et qu'ils ne tolèrent pas dans un vers isolé. Toute-
fois, on peut se le permettre, en passant, dans le ca-
dda^ le gazai et même le quita.
10*^ Le tazmîn ^*j^:d^, ou insertion* On nomme ainsi la
rime qui dépend, quant au sens, de ce qui suit Ex. :
Personne ne peut demeurer devant ta beauté, si ce n'est le
soleil, qui sort chaque matin pour te servir et te baiser les pieds,
car ce n'est pas toi qui vas de son côté pour qu'il te baise les
pieds. (Amîr Khusrau.)
Dans ces vers, les mots qui terminent les trois pre-
miers hémistiches et qui forment la rime, à savoir :
b)|, U et L>t, ne sigûifient quelque chose qu'autant qu'ils
sont joints à ce qui suit.
A ce sujet, je ferai observer, en passant, que généra-
lement le sens finit avec le vers, et que l'hémistiche
forme un membre de phrase. C'est un avantage qu'ont
les vers sur la prose dont les phrases en persan, et
* Ces vers forment un ruhùx de la branche akhrab. Vojez le
tableau.
— 366 —
surtout en turc, sont souvent d'une longueur déme-
surée.
1 1* Le onzième et dernier défaut, qu'on nomme ma-
mûl Jj*»> *, consiste à faire rimer un seul mot avec deux
mots. Exemple :
Je suis encore ivre du yin que j'ai bu cette nuit, et mon échan-
son n'a pas quitté la maison.
Tu m'attires à toi et tu me dis avec une œillade : Te repens-tu
encore de m'aimer, omonnon? (Hâfiz.)
Une autre espèce de momM répréhensible consiste à
prendre la rime dans un mot dont une partie sert au
vaille c'est-à-dire à une répétition régulière dans le
poème, comme on le voit dans les vers suivants :
^ L'auteur du Hadâyic place aussi, parmi les défauts de la
rime, le changement de la rime dans le cadda et les autres
poëmes dans lesquels la même rime est exigée, excepté quand
le poëte anncmce lui-même ce changement. Ma» ceci me semble
rentrer dans ks règle» partiealières .aux diyers genres de
poëmes«
* Dans ces vers, qui sont du mètre khafîf^ composés, à cha-
que hémistiche, des pieds ^JcLi» ^bicli et ^*3 ou /j^i la
rime a lieu entre aJUl et ^jLk, qui ne forment, l'un et Tautre,
qu'un seul mot, et ^ L), qui forme deux mots.
— 367 —
Plus elle me fait des agaceries, plus mon pauvre cœur fait des
supplications ; mais je désire que désormais cette belle, malgré
mon rival, ne tourmente plus mon esprit, (Faquîr.)
SSGtION V.
Division de la rime par rapport à la mesure.
D'après ce qui a été dit plus haut, ou a pu TOir qu'il
faut, pour former la rime, deux lettres quiescentes ; et
c'est ainsi qu'il y a cinq sortes de rimes relativement à
la mesure :
1» Celle qu'on nomme murâdif ^:>^yj et qui consiste
en deux quiescentes contiguês. Exemple :
* Dans e«8 vei» qui sont du même mètre que les précédents,
le moi ^jU^> doit sa séparer en deux portions, dont }a pre-
mière, jLj, offre la rime, et dont la seconde, c'estrèt-dire J^jl,
fait partie du râdifou de la répétition. J'ai eu Foccasion de par-
ler d'un cas pareil à l'article sur la tajnîs ou Tallitération, article
que j'ai déjà cité.
• Ces vers sont dn mètre khafîf. makhbûn et macsûr, c'est-
à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds ^JL\àp ^JS%ii
— 368 —
Au jour de l'allocution dit Prophète avec Alî (au lac de
Gadir^), Mahomet le nomma son vicaire et prince de sa religion,
(Sanâï.)
S"" Celle qu'on nomme mutawâtîr y]^y et qui con-
siste en deux lettres quiescentes séparées par une lettre
mue. Exemple :
Son pied est solide dans les rangs du combat et son âme est
fidèle h Tordre du souverain. (Sanâî.)
3° Celle qu'on nomme mutadârik a)jt Jôî^, et qui con-
siste en deux lettres quiescentes séparées par deux
lettre mues. Exemple :
* Voyez, dans mon Mémoire sur la religion musulmane dans
rinde, l'article au sujet de la fête qui porte ce nom, p. 71 , 2® édiL
* Ce vers est du même mètre que le précédent, si ce n'est que
le dernier pied est réduit à iJ^, fàlûn.
^ Il est essentiel de remarquer qu'ici, le noun de r)^^y ^^
compte pas dans la scansion, et qu'ainsi on prononce tnardâ
comme pâ de pâdschâh.
\ U»^b et mis ici au lieu de ^jIj, pour la satisfaction de
Fœil, car la prononciation est la même. En effet, Valif et le hé
final ont, comme je l'ai fait observer dans mon édition de la
Grammaire persane de Jones, p. 51, un son identique. Ce vers
est du mètre raml mahzûf^ c'est-à-dire composé, à chaque hé-
misliche, de trois ^'bicli et d'un ^^L5.
— 369 —
Débarrasse-toi de la cuirasse des choses extérieures et entre
dans la compagnie des hommes dignes de ce nom. Étudie ton
cœur et tu pourras devenir le souverain de sa maison. (Khâ-
cânt)
Les deux lettres mues sont, dans le premier hémi-
stiche, le dâleile réj et, dans le second, le dâl qui, pour
la scansion, doit être mu par un kesra^ et le schîny et
ces lettres séparent les deux alif quiescents.
4* Celle qu'on nomme mutarâkib^ s-^ly^, et qui con-
siste à placer trois lettres mues entre les lettres quîes-
centes de la rime. Exemple :
' ^) -^^ y. cl) ô^' j' ^^^^
Sa force a brisé de toute éternité les idoles, sa main a frappé
de répée le sommet de la planète de Saturne. (Sanâî.)
5' Enfin, on nomme mutakâwiSj ^jKx/*, la rime com-
posée de deux quiescentes séparées par quatre lettres
mues. Cette dernière espèce n'existe qu'en arabe. Le
mot ÏM^\^ « la dépense (ce qu'on dépense), » en offre
un exemple. En effet, dans ce mot qui se prononce
jxftâjJl ànnàfàcàtûy le premier noun quiescent qui repré-
sente le lâm de Tarticle est séparé, par quatre lettres
mues, du wâw quiescent qui représente le zamma.
* Ce vers est du mètre khafîf^ makhbûn et mahzûfy c'est-
à-dire composé, à chaque hémistiche, des pieds ylcLâ/» .^bitli
24
— 370 —
Ces différentes sortes de rimes ne peuvent pas
s'employer indistinctement pour tous les mètres, mais
seulement pour ceux dont les paradigmes offrent, à
leur dernier pied, les combinaisons dont il vient d^être
parlé*.
SIGTIOIT YK
Sur le radîf iV^^j.
On entend par cette expression un ou plusieurs mots
indépendants qu'on place après la rime à la lOua des hé-
mistiches ou des vers, mots qui doivent être les mêmes
dans tout le poème.
La même chose a lieu quelquefois en anglais : c'est
ce qu'on nomme Vhypermètre. Voyez les vers de Swift,
cités dans la Poétique anglaise par Hennet, t. P% p. 68 ;
et ces vers de Th. Moore :
There shone such iruth about thee
1 did Dot dare to doubt thee.
J'en ai donné plusieurs exemples dans la Rhétorique^.
En voici encore un :
* En consultant la liste des mètres primitifs et dérivés, il sera
facile de trouyer les paradigmes qui permettent remploi de ces
différentes rimes.
* II* partie, ch. H,^ section xv, p* 1 37 et suir.
' Ce vers est du mètre hazaj à six pieds mahzûf^ c*est4-dire
composé, à chaque hémistiche, de deux f^^^ et d'un ^y^*
— 3»1 —
fen'ai pas^fgnâ meagéatissemeats et mes plaintes; mais
à quoi bon ? Je a'ai pas soogé à obtenir la moindre résuHat.
(Zuhûrî,)
Dans ce vers, rexpFession ^^j^ est répétée à chaque
hémistiche et la rime a lieu dans les mots précédents.
On trouve même des vers composés seulement de la
rime et du râdif^ comme dans le rubâï suivant :
oyij o^^ sih^j^ p-.^^ J b
Je suis dans le chagrin de Tablence, mais mon cœur jouit de
ta vue; mon corps Zan^t^f^ dans le chagrin, mais mon cœur jouit
de ta Yue. Jusqu'à quand mon œil répandra- t-il des larmes de
regret f Je suis dans le chagrin de l'absence, mais mon cœur
jouit de ta Tue. (Jâmî.)
On donne le nom particulier de Mjib w^U. OMradîf
placé entre deux rimes. J'ai parlé de cette figure de
mots dans la Rhétorique, II« partie, ch. II, sect. xxii,
p. 152 et suiv.» et j'en ai donné un exemple :
L'usage du radîf a été introduit par les poètes per-
sans, et les poètes arabes modernes l'ont adopté à l'imi-
tation des premiers.
Le poète ne doit pas changer de radîf dans un même
poème, à moins qu'il n'en avertisse lui-même, comme
* Ce rubM est de la branche akhrabé (Voyez le tableau* >
— 37Î —
on le voit dans un cadda de Kamâl Ism&il qui com-
mence parle rad%f^\ ^ (il est venu), et où, plus loin,
le poète emploie jjI v> (il Tient) de cette façon :
JubI ^ jLu AMihj A^"^ >.^ gj. ^ ,^ o
A l'aurore, lorsque le zéphyr printanier est venu, j'ai regardé,
et j'ai vu que ma bien-aimée était arrivée
Je crois de bon augure de passer du prétérit au futur, car le fu-
tur est, en effet, plus agréable h l'humanité.
CHAPITRE VIII.
La nomenclature des différents genres de poèmes
adoptés par les nations musulmanes serait un utile
complément à la prosodie, mais elle donnerait trop
d'étendue à ce travail.
* Les vers de ce poëme sont du mètre mujtas makhbûn et
mahzûf^ c est-k-dire composés, à chaque hémistiche, des pieds
Ji^i ^Lc^» ^^ ^Lâa.
— 373 —
Je me bornerai à indiquer ceux qui sont le plus usités
en persan et en hindoustani.
Ces genres sont les suivants :
1» Le gazal^ J^, sorte d'ode sur laquelle on peut con-
sulter l'introduction de la seconde édition de mon His-
toire de la littérature hindouie et hindoustanie, t. P%
p. 31 . C'est la réunion des pièces de ce genre disposées
selon l'ordre de l'alphabet par la lettre finale des vers
qui forment proprement ce qu'on nomme un diwân
^\^^. Hâflz, Sauda, Bâqui, et ime foule d'autres écri-
vains persans, turcs et hindoustanis, ont écrit un ou
plusieurs diwâns. Mir Taqut, le plus fécond des poètes
hindoustanis% en a écrit six.
On trouve des gazai dont chaque vers se compose
d'un hémistiche hindoustani et d'un hémistiche arabe.
Le vers suivant est extrait d'une pièce de ce genre, écrite
par le poète Faïz * :
J^ v5* '^ u-^ c?^ e;^ f^ ^-^
Par Teffet du chagrin provenaDt de rameur que tu m'as ins-
piré, des pleurs coulent de mes yeux ; je suis comme le rossignol
qui gémit dans le jardin.
2* Le poëme arabe nommé cadda jj.x^, consacré à la
louange et à la satire, est très-usité dans les langues de
* La collection de ses œuvres forme un volume très-grand in-4'
de 1088 pages, imprimé à Calcutta en 1811.
* Le mètre de ce vers est le J.** réduit aux pieds i^^l^
— «74 —
rorient musulman. La plupart des poètes qui ont écrit
en urdû, en ont composé plusieurs qui se lisent ordinai-
rement à la suite de leur diwan. Il est inutile de donner
des détails sur ce genre de poëme, que Gladwin a feit
connaître dans ses Disiertations*. Je ferai seulement
observer qu*eD hindoustani, le dernier vers des cacidah
contient toujours le nom poétique de Técrivain, ou
takhallus ^jâlâr» , comme on le voit dans ce vers final d*Uû
caddah (je Walî • :
Les spiritualistes applaudiront do cœur et do bouclie lorsque
Walî répandra, pour te louer, les perles de Téloquence.
3* La pièce nommée quitâ **1^ est fort employée
dans les ouvrages en prose entremêlés de vers. En voici
un, extrait de la traduction hindoustani de YAnwâri
suhaïlî^ :
* Dissertations on the rhetoric^ prosody and rhyme of the
Persians, pag. 2.
^ Cette pièce est du mètre J^j dont le dernier pied est réduit
* Pag. 57, édition de Madras, ville nommée en hindoustani
Mand-raj et Chinapatan, Les vers cités ici sont du métro
* k *
— S75 —
^k ^J ué ^^ ^ sS^. •>
Tandis que d'an côté Tayare s'interdit les jouissances qtie l'or
pourrait lui procurer, de l'autre son héritier le jette au vent et
ne se souvient souvent de celui qui l'avait amassé que pour en
dire du mal.
4» Les pièces nommées rvhXî ^J'L;; et fard ^^ sont
autant usitées en hindoustani qu*en persan; f en ai parlé
loco citato.
S* Le mamavi y^y^ {muzdawy ^'^^y en arabe) est un
poëme dont chaque yers a une rime particulière, chaque
paire d'hémistiches rimant ensemble. En persan, en turc
et en hindoustani, les poèmes épiques, historiques, mo-
raux, en un mot, toutes les compositions poétiques d'une
certaine longueur, sont des wui«nat;ê, généralement écrits
dans les mètres J^j ^y^ et wylix^ . Pour ce genre de vers,
le dernier pied des deux hémistiches doit être pareil* Il
n'en est pas de même dans les hémistiches qui ne riment
pas. Yoilà pourquoi, dans la Prosodie arabe de S. de Sacy,
on Yoit généralement une différence dans les derniers
pieds des deux hémistiches d'un vers, par exemple ^J^
et o^.
C"" Le tarjî band joj M^y est un poème composé de
strophes de cinq k onze vers. Les vers des strophes res-
pectives riment entre eux, et au bout de chaque strophe
se trouve toujours le même vers qui sert de refrain jus-
qu'à la fin du poëme. Le vers qui dans la dernière stro-
phe précède ce refrain contient, comme dans les gazais
et les cadda, le taUiallus ou nom poétique de l'écrivain.
- 376 —
On trouve deux pièces de ce genre à la suite du diwan
de Walî : une sur Mahomet, et l'autre sur le contem-
platif Wajîh uddln.
T Le muçammat la^ est un poème en stances de
trois, quatre, cinq ou six hémistiches. Les hémistiches
de la première stance riment tous entre eux; mais dans
les stances suivantes les premiers hémistiches seulement
riment entre eux, et le dernier rime avec la première
stance. La dernière contient aussi le nom poétique ou
takhallusj de l'écrivain. Les ia^ les plus usités sont ceux
qui ont quatre hémistiches et qui sont nommés mu-
rabbâ ^y , et de cinq hémistiches, nommés mukhammas
jjmIœ^. On en trouve aussi de six qui portent le nom
de muçaddas ^J*^. Il y a de ces genres de composition
à la suite de la plupart des diwans. Les marcia aJ^»
sortes d'hymnes élégiaques, où l'on retrace les souf-
frances d'Huçaîn et de ses compagnons, sont en stances
de quatre hémistiches*.
8*^ Enfin le mustazâd ô\yu^ est un poëme composé de
vers qui riment à la manière des gazai, et dont chaque
hémistiche est suivi de quelques mots en prose. L'addi-
tion du second hémistiche est souvent terminée par une
nouvelle rime qui est la même dans toute la pièce. Ce
qui fait le mérite de ces poëmes, c'est qu'il faut pouvoir
les lire à volonté avec ou sans l'addition dont il s'agit.
De là vient qu'il y a des manuscrits qui contiennent,
sans ^tjx^ comme de simples gazai, certaines pièces
que d'autres portent avec cette addition. Je terminerai
* Gilclirist, Hindoostanee grammar^ pag. 273.
— 877 —
mes observations par un i\y:u^ *■ de Wall, écrivain dont
j'ai publié les « Œuvres » et qui est surnommé ajuste
titre le père de la poésie hmdouttanie : 4as£. ^^Ij.
M' J tr^ ^ cJ^-> vSjtr* "k-»
£'^ 'r^* c«:* cr^L^ j »j^' j y cw* j»^
j db^UvM»
M •
i^j-
' Il est du mètre »j* composé des pieds J^^Ia^ Jj*^
^ ^ ^^ -^ cTï' fJ^ LT^ '^ (J^
J'ignore encore laquelle de ces agaçantes beautés a touché
mon cœur; j'ignore qui Ta agité parmi ces femmes gentilles
dont la taille est aussi déliée qu'un cheveu. Si ce n'est pas cette
œillade attrayante, ah! dis-le moi, quel de ces regards enchan-
teurs a pu me faire perdre la raison ?
A l'extérieur, il est frais et vigoureux ; mais la blessure que tu
lui as faite, demeure au dedans de lui. Parmi les amants dont le
cœur est ensanglanté, il est semblable à la tulipe, et lui a même
donné sa couleur.
Pour tout capital de discernement, l'amant n'a autre chose que
la faiblesse et l'impuissance du cœur; toutefois il est du nombre
des insensés, celui qui a vécu paisiblement dans le monde, sans
amour.
échanson d'ivresse, Wali n'est pas seul enivré de ton amour;
tous ceux qui dans ce banquet ont bu a ta coupe, sont du nom-
bre de tes adorateurs passionnés.
APPENDICE
OBSERVATIONS PARTICULIÈRES A L'UINDOUSTANI.
Les différents peuples qui se sont convertis à la reli*
gion de Mahomet^ ont adopté, pour écrire leur propre
langue, les caractères dans lesquels est tracé le Coran,
et avec eux un grand nombre d'expressions relatives sur-
tout t la religion, les mots techniques de la grammaire,
et enfin le système métrique des Arabes. Ce système est
donc celui qu'ont suivi les poètes qui ont écrit en hin-
doustani * ; car, bien que cet idiome soit parlé dans toute
rinde, tant par les Hindous que par les musulmans,
comme il fut TouVrage de ces derniers, forcés de se
mettre en relation avec les natifs, il reçut le cachet de
leurs caractères sacrés, et doit être considéré comme
une langue musulmane, avec l'arabe, le persan, le turc,
le puchtou, le sindhl, le malais, le madégasse, etc.
Et de même que, pour la forme extérieure, la poésie
hindoustanie ressemble à celle des Persans, à laquelle
elle a emprunté le système métrique des Arabes, de
* Il ne s'agit ici qae de Fhiiidousiani proprement dit ou de
i'urdû. Vhindouï oa brajbhakha est soumis h d'autres règles de
▼ersiûcation qu'on trouve exposées dans plusieurs traités nommés
Ping al J^.
— 380 —
même, aussi, elle a beaucoup d'analogie, quant au fond,
avec celle de ce peuple. Les poètes hindoustanis sont
cependant loin d'avoir servilement imité les Persans.
Leurs productions, comme celles des poètes turcs, se
distinguent de celles des premiers par des peintures d'un
autre climat, des métaphores résultant d'autres idées,
des pensées empreintes d'une autre teinte. Enfin, leur
merveilleux n'est pas seulement puisé dans la théologie
et l'histoire musulmane, il est encore emprunté à la
mythologie indienne* inconnue aux poètes de la Perse.
Wall s'exprime ainsi dans son masnavî sur Surate, sa
ville natale :
A chaque pas tous trouvez des groupes de femmes char-
mantes, tels que si Indra les voyait, il se cacherait et plongerait
dans le néant sa cour céleste. Ces beautés délicieuses sont les
prototypes des bergères de Krichna, bien loin d'être de leur
race.
Et Afsos, en décrivant une dnnse de bayadères, parle
en ces termes :
* Les poëtes chrétiens ont souvent tiré de même leurs images
des allégories grecques et romaines ; bien plus, quelques-uns se
sont permis de mêler la théologie biblique à la mythologie d'Hé-
siode et d'Ovide»
— 881 —
Le saint patriarche Joseph, si célèbre par sa chasteté, aurait
onyert son cœur au plaisir, s'il eût pu contempler un spectacle
aussi beau. Les Apsaras dlndra sont elles-mêmes ravies d'éton-
nement, en voyant le coup d*œil enchanteur qu'offre la réunion
de ces aimables danseuses.
Le D' Gilchrist a bien consacré un chapitre de sa
Grammaire hindoustani imprimée à Calcutta en 1796,
pag. 261-276, à Texposition des règles de la yersification
arabe, appliquée à l'hindoustani : mais il ne parle que
d'une manière générale et en quelques lignes de ce qui
est spécial à cette langue, et c'est précisément ce que
j'ai voulu développer ici. J'ai fait néanmoins au travail
du célèbre docteur, quelques emprunts que je n'ai pas
manqué d'indiquer dans les notes.
Licences poétiques et règles relatives à la scansion en urdû.
Les règles relatives à la scansion peuvent se confondre
avec les licences poétiques, lesquelles se réduisent aux
suivantes :
L Ajouter une lettre.
II. Omettre une lettre.
III. Substituer une lettre à une autre et les assimiler.
IV. Faire longue une voyelle brève.
V. Faire brève une voyelle longue.
YL Augmenter le nombre des syllabes dans un mot.
VIL Le réduire.
YIIL Compter ou non certaines lettres dans la scan-
sion.
Je vaiSr expliquer en quoi coo^iâte chaciBn& de. ces li-
cences.
I. *Et d*abord les lettres qu*on peut ajouter dans les
vers bindoustanis sont :
r Valif h la fin des mots, pour rq[)jcéseftter Va bref
indien, comme dans ce vers du poêcae des Meniufm d»
Kamrûp^j où Lx^j^ est mis pour ^^ :
Les gardiens ayarit entendu (cet ordre}., firent asseoir le
prince et lui donnèrent à manger de la nourriture et de Teau ï
boire.
t"" Le noun nasal au miiieu on à la fiin des mots, des*
tiné à représenter Vanuswara de l'écriture dévanagaH,
comme da:ns ce vers du poëme que je viens de citer, où
^bj\ est pour ^ :
^ ijt* '*^-»* /jTJ' j^— *** w>.?a>>Xp
* Ce poëme est du mètre nommé vJL^U:^, >rrégulier au der-
nier pied seulement, qui est réduit hyti ou Jjâ.
— a«3 —
MitarchMid ayant entendu ces mots» reTÎnt à lui Qt dit :
Faites-moi connaître votre nom.
S"" On peut aussi, comcne se le permettent les Arabes
eux-mêmes S ajouter uue lettre quelconque au moyen
du teschdid^ ainsi que dans le vers suivant de Mir '« où le
lâm de ^jbîju doit être doublé :
j'^ (J^ ^ jjj u-^ ^' sj^
émir, celui que vous fîtes fustiger ce jour-là^ sollicite.f à
votre porte, la faveur d'être introduit.
II. Lorsque les lettres dont je viens d*indiquer l'addi-
tion comme permise, ont été introduites par un usage
constant, et par conséquent doivent être écrites et pro-
noncées, on peut les retrancher en poésie. Il en est donc
ainsi :
1* De Fait/* final représentant l'a bref, comme dans ce
vers du poème des Aventures deKamrûp, oùjL^* est pour
* S. de Sac;, Grammaire arabe, t. II, p. 372.
* Ce yers est du mètre J> i, réduit k trois pieds, et le dernier
* On trouve aussi <^^|i- pour c^mi | dans la traduction
hindouiedu Mahâbharata (not. 52, 17)» et cette forme paraît
être usitée.
— 384 —
Alors il dit : O prince, je sois ArchftrAj, ton pandit» on de les
six amis.
2* Du nûn représentant Vanuswaray comme dans le
vers suivant du même poëme, où ^Lr*^ est mis pour
Va M réjouirent ensemble pendant deux gkariy ils se diver-
tirent, s* entretenant de leur amour.
Mais le retranchement de ce nUm est inutile, puisque,
*
ainsi qu'on le verra plus loin, il n'a pas généralement
de valeur dans la scansion. Dans quelques cas cepen-
dant, il est bon de l'effectuer lorsque la scansion peut
être douteuse, comme dans le vers qui précède.
Le retranchement du noun après une voyelle longue
est permis même en persan, comme dans ce vers du
Bostân*^ où on trouve ^\ pour ^j.
^»»-<>i
r .
La porte de la connaissance (de Dieu), c'est l'oeil de l'homme,
car il est ouvert pour voir le ciel et la terre.
3^ De la lettre insérée dans une autre au moyen du
' Page 387, ligne 4 de Tédition Graf.
— 385 —
teschdîdj comme dans cet hémistiche de Wall ^ où le
mot ^ baUîj mèche, doit se prononcer batî sans
teschdid :
W t^J^ cTA) ^ J^ jy" y^^ Ui
Ma lampo est lumineuse sans mèche ni huile.
Il en est de même pour les mots arabes; ainsi on pro-
nonce souvent en poésie J^ pour Xx, ^ pour J^, etc.
Les poètes arabes prennent eux-mêmes cette licence.
4* Enfin, à cause de la rime ou pour d'autres raisons,
on peut retrancher le hé n des lettres aspirées, qui de-
viennent ainsi identiques avec leurs tenues. L'hémi-
stiche suivant de Wall* en offre un exemple dans le mot
jj pour »^ du verbe bj^ lire :
Qui pourra lire ce livre magique ?
5* On peut retrancher aussi le » après une voyelle
longue et même le ^ . H&tim dit expressément dans son
Diwân-zâda qu'on le fait disparaître quelquefois, entre
autres dans les mots ^r*^ et ^-ja?^ qui deviennent
amsi ^^^-^ et ^^'=^>
IIL Les lettres qu*on peut substituer à d'autres
sont :
* Le gazai d'où est tiré cet hémistiche est du mètre & jUo»,
composé des pieds ^'bUcli J^aa> répétés deux fois.
* Le mètre de cet hémisticbe est celui qui est nommé ^jit. Il
est ici composé des pieds 4j^^ Jt^^ J^'^ Jj*^-
25
— 386 —
1« Le fioiiif. dental, qulŒDpent mettre' à la place du*
noun représentant Kaniau;^a; etau contmiro, celui^)!,
qu'on peut employer au lieu du premier. L'hémisticbe
suivant, tiré du poème des Aventures de Kâmrûp^ offt^
un exemple de ces- deux lidénces poétiques : de la pre-
mière dans la postposition ^ dans^ dont le noun forme
la première syllabe de Tavant^iernier pied ; et de la
seconde dans radfeetif persan \^j^\^ dont le naunne
compte pas dans la^cansion t
^/jjT**' cîti^ ur! uv ^jr"^
n j a dvr|os^ mnm,
t"" Les consonnes propres à Tarabe etaapevsan, sottt
prononcées en hindoustani comme celles de l'alphabet
indien qui s'en rapprochent le plus. Par suite, on fait
rimer ensemble des syllabes d'une prononciation iden-
tique, mais d'une orthographe différente, et pour les
rimes on emploie identiquement le ré arabe et le ré ,
indian,r c'est-à*dire eéréfaralé i Ainsi nonr fait rimer *|)^^
avec )jiy, ^^ avec j^ ^ Dansroet cas quetqties ' copistes
croient devoir changer îles^lettréfriarabeB^poiirreiidreia
rima visible; comme on l!a lou plus tout, et 'substituer
Vatif au », comme \^ pour »jjj, ôtc^Tel est, dansple)
vers suivant du. poème des Àven^ve» dôKâinril^j le mot
ïlX) (--IXJ selon le copiste), regard^ attention^ etc.,. qui-
rime avec J^^ avis^ etc.
^ Uàtim, préf. crîg, io son JHuiâiuZâia.
— 387 —
Karamchand ayant entendu cet ovif^i dtt ^J^ teilienii îoor et
nuit sur le prince.
lY. En Ikindoustani ainsi qu'çn arabe, on peut rendre
longues les voyelles brèves, en ajoutant à la motion la
lettre de prolongation qui lui est aûaUgue, comme dans
le mot j»^\ employé pour^^! dans les vers suivants
d'un gazai de Cudrat * :
sjr^ t^jy c^j j^. ^ ^ çjj ^ ^ ^
Hier ces 'désm agitaient'moii c(eitr. Quels beaux pays, me
disais-je, que la Turquie et la Russie !
Si la chose était possible, j'y passerais délicieusement ma rie.
Iii,ttfa bruit 'du tambour guerrier; ici, au don retentissant d& la
timbftilei *•
V. "^On^ peut rendre brèves : 1 Mes voyelles longues^t
y^j^ soit Jjv?^» ^i^si que les diphthonguess t^ntau
commencement qu'au milieu et à la fln des mots. Dansi
ITiëmistiche suivant d'M sos *, par exemple, les mono-
syllabes ^ J^ j^ sont brefs :
« Gilcfarifti, ëinioùstanêe yrammât\ifm. ti^^^ €e9 vers
sont du mètre nommé J^j dont le dernier pied est réduit à
* Il est du mètre v.;,*^'-éfTetrle dertiw plod-^féduit fc 'J*5.
— 388 —
L'hindoQStani s'est fonné Qi.
L'hémistiche suivant du Sihr ulhayàn d'Haçan ' offre
un exemple de L^* employé pour une brève :
^/ L^^ ^ ICI L^' J^ ^
C'est son cœur que je ne cesse d'admirer.
Dans le vers suivant de Wali ', la première syllabe de
^J^ est brève :
j\ ji ^j^ ^j^ bl ^b J> J\
rose du jardin de la beauté, le cyprès, en présence de ta
charmante stature, n'offre à tout contemplatif que la figure d'une
lime.
Lorsque les voyelles nommées J^-v?^, c'est-à-dire
j^ ift et ^1 17, sont employées comme brèves, au com-
mencement ou au milieu des mots, on les change quel-
quefois, surtout dans Jes ouvrages imprimés, aux
voyelles brèves qui leur correspondent. Ainsi on écrit
J^ pour 1^ de moi^ \Ji^ pour \j^ de toi^ ûj^ pour bb^j
sorte de voile^ etc. Hâtim, dans la préface du Diwân-zâda^
cite aussi èj\>^ pour ^^L^. Il en est de même des
voyelles ^^J^* Le même auteur cite ^^j^ pour aj'jj^.
* Ce poëme est du même mètre que le précédent hémistiche.
' Ce vers est du mètre jj Ju» régulier.
— 389 —
Dans ce premier vers d'un charmant masnavi de Mlr *,
vil] est mis pour sti^t :
JL^ ,j\J ^ / ,^\J ^ j^
L'amour crée sans cesse de nouyeauz pièges ; il produit par*
tout (pielque acte nouveau.
Ces voyelles longues ne laissent pas d'être considérées
comme brèves, quoiqu'elles soient suivies d\m noun
nasal lequel, comme on le verra plus loin, ne compte
pas dans la scansion. Ainsi ^ est bref dans cet hémi-
stiche de Mtr ' :
Le mépris qu'on a pour les anciens est tel que, etc.
Par suite de cette abréviation des voyelles longues, on
trouve dans un vers du poëme des Aventures de Kâmrûpj
le mot ^fb^ joaillier^ de deux syllabes; la diphthongue
j! n'ayant que la valeur de 1 et le t étant réuni dans la
scansion à cette diphthongue :
* Cette pièce est du mètre ^^^^^^ composé des pieds ^^*licli
sJIj^ ^Ji&Li». Elle se trouve pag. 897 et suivantes de iédition
des œuvres de Mir Taqut.
* Il est du mètre Jj»j réduit aux pieds ^jïi^li ^^^iX^li
' Il faudrait écrire ,C^^ pour représenter la manière dont ce
mot doit ôtre scandé.
n
— 390 —
L» jiMÂHier ftjant reconnu le prince, etc.
Il faut observer que ces voyelles longues étant consi-
dérées comme brèves, un ^J^y^ ^^ ou trochée composé
d'une consonne, dJune Toyelle longue et d'une autre
consonne, peut devenir un ^^^^^suk v-^%^ ou une simple
loBguercomme, par exemple, la syllabe vlijj du mot
<lL^ dans cet hémistiche de Walî * :
; à^J j^ ;î>^ / ^/ \J (i^' City vij
W^li, fais'à Dieu mille prières etj]»ille supplicali.ons,
2» Une syllabe longue terminée pai' une consonne,
étant suivie d'une syllçibe commençant par une voyelle,
uuj ou un ^ consonnes, peut être jointe avec elle dans
la scansion et devenir brève. Ainsi ^ par exemple, dans
le vers, suivant de Wall % les .mots,^! JjI|« doivent se
scaader Ci^mme s'ils étaieutrécrits ^j**l^li, ai iis fcucment
,leâ trois,premièr.estsyllabes..du pied ^^^^'ii&li :
Aucune rose dans le monde ne peut doimei: jinet.idée 4e ton
yiwgeTTerroeH; le léphyçduxnattakiédaro»
• i^.'Cet «bémisticheoastrdii nette viiOtsr^.-ownposé -des: pieds
^ J^^ c;^^ C^^-
— .^91 —
Dans cet autre yera du. même écrivain S les mots jj
s^lx»! doi\^nt se Ure^ûiDiûeB'il yvtait wI^|;J :
wbJl ^ ^ ^^jj sj^ L) « j^^^
En Toyant l'éclat de tai l^eauté l'emporter sur le sien dans le
monde, le soleil, confus, a couyert sa face d'un voile doré.
Dans le vers suivant, encore du même écrivain, du
mètre v^Lax^ régulier, v^^ est un f-^?^ ^^ ou un
Ïambe :
. Jj ,^...JuA^ / ^:> .^ L^
En décrivant les charmes de ton visage, Walî a plaoé sujs cha-
que feuille de papier une perle unique pour la beauté.
Dans le vers siûviuii du. méHie poète ^distingué ^ If^^
est aussi un Ïambe :
Il mettra en agitation l'océan de son cœur; en versant des pleurs
mêlés de sang, il en rendra les perles aussi rouges que le corail.
* Ce< vers est du mètre diaUfl# omopoié des pieds Jjaa^
o^Li J^Uu oiîfiLi. ^
*.Le^ 71^ se'friHionee tfëflnfaiblBiiieiitdans l'bide, c'est' ce qui
fait que ^jt» ne compte que pour une longue, comme s'iliétait
écrit i^.
^ Il est du mètre Jw»j , irrég«liir4ttt'éirmr pied -seukfBieiif,
4Qi«sl.iédiiit à ^Jiftii,
— 302 —
Enfin dans ce yers d'HaçanS les mots J*\ j^ jjj
forment un épitrite second, c'est-à-dire, une longue,
une brève, puis deux longues :
UouTerture du puits est fermée par une pierre du poids de
quelques cent mille mans,
VI. On augmente dans un mot le nombre des syl-
labes :
1* En détachant \^hé % des consonnes aspirées et le
considérant comme une lettre à part. Ainsi dans l'hémi-
stiche suivant du poëme des Aventures de Kâmrûp, L^
racine du verbe LiL^ manger ^ est un dissyllabe composé
d'une brève et d'une longue, comme si c'était le prétérit
du verbe iJ^ dire qui se lit aussi dans cet hémistiche :
Ayant pris de la nourriture, il dit au prince.
2"^ En changeant en dissyllabes certains monosyllabes
arabes et persans de trois lettres; ou, pour mieux dire,
en les rendant des ç^j^ ^j ou ïambes de çjj^ ^j
ou trochées qu'ils sont régulièrement \ C'est ainsi que
* Sihr ulbayâtif page 99, ligne 7. Ce poëme est du mètre
^ Ce mot devrait être écrit L^, si on voulait représenter la
manière dont il doit être scandé.
* Ces mots ne sont proprement monosyllabes qu'en prose : car
— 393 —
dans le yers suivant du poëme des Aventures de Kâmrûp,
oJJU est employé comme un Ïambe :
^j jj\ JU silU ^ ^j*3f
Tabandonnerai ce royaame et mes richesses ; je laisserai mon
goaTornement, et tous l'administrerez pour moi.
Cette prononciation, usitée en poésie lorsque la me-
sure l'exige, est, du reste, généralement adoptée dans
le langage parlé. On dit en effet Jib^i ^ ^j sUL-
jii, etc., et noujSi jic^i JSà» ^^j vtiA^, etc.
3* En plaçant Vizâfat persane entre un mot persan et
un mot hindoustani; tandis que cette construction n'est
autorisée par la grammaire qu'entre deux mots persans.
Ainsi dans le vers suivant de Walt, du mètre Jj J^, le
mot jji est un spondée :
!j_a> ^LJ! Ojj-^ po Sj^ cJ-r-* O^
lumière de mes yeux, c'est parce que tu aimes l'humanité
que j'ose t'offrir mon amour humain.
VII. On réduit le nombre des syllabes :
l^" En attachant le hé 9, lettre indépendante de l'al-
phabet, à la consonne qui le précède, lorsqu'elle est du
ils sont considérés comme dissyllabes en poésie et forment un
trochée. La licence dont je parle ici consiste donc plutôt en une
transposition qu'en une addition.
— 194 —
iKHnbre^e^CAUô» qui saut susceptibleft d^ reeeimr i'ae-
piratioQ. Le hé ne forme ators avee^'dedto: oeu^ua^
qu'une seule lettre aspirée, et se prononce en une seule
émission de Toix, sans yoyelle intermédiaire. Ainsi
^d^Â qui est proprement triss^fllabe, ne compte que
comme dissyllabe dans cet hémistiche de Mtr * :
LQflBque.i2aU6 nottteUe parant (dans (tcÉI l0*iiiiixhé^ etc.
Il .en est de même.de ^y^^ aoriste da verbe b^dire^
qui est monosyllabe et se prononce par conséquent
khuuy et non ftaAuf^dans cet hémistiche de Wall ' :
Que dirai-je de ton absence.aux autres compagnons ?
2« On se permet môme d'unir le A^ if- avec de» lettres
autres que celles qui viennent d'être indiquées. Ainsi
^Uj là, ne forme qu'une seule syllabe dans cet hémi-
stiche de Wall '^ :
* La pièeS'd'oîi'eBt Ii^écfethémi9licbei•ei^da mètre Jj^ réduit
aux pieds ^li ^'bicU ^'Sbli.
^ Si on yeut représenter la manière dont ce mot doit être
scandé, il faut récrire ^çc^.
1 B esl.du ttèto ^.^.Jtte^^compoeS dêS'pMs ^^^ik ^^^
* Il faudrait écrire ^^^ pour représenter la manière dont ce
iiiotidûiAtâtre.se«iAé e^ynnoÉcé.
il £i*iàiiaBètre «.^Laar loamfpté iw pieii' «^u^i> ^^
39o —
Je te Yois 1^ où tu résides.
Et ^^^ non est employé deux fois comme monosyl •
labe daus cet autre hémistiche du même écrivain, qui
est du mètre ^ ja régulier :
Il n'entend aucun discours, il n'a pitié de personne.
Ou se permet aussi, lorsqu'un mot commence par un
hé 2(, de l'unir à ladepnière consonne -du mot précédent,
qui devient ainsi aspirée. Le tr dej^ etj est, dans ce cas,
dans ce vers de Walî, du mètre ^^ régulier :
^^ j^ ^) ^ j/y- J/^ ^^ ^ ^^y.
.s^ crt^-H / ^^. ^L^ j' ^ c?/ ^^ -5^
Ceux qui parcourent nuit et jour la xoute da TainQur, xoux-
là ne considèrent le monde que comme le puits obscur de Baby-
looe^
S'^Dangles mots^aù^une^yllabe brève de sa nature est
suivie^ d^une voyelle4ongue fermant une autre Syllabe,
il Arrive qu'oii faît de ces deux syllabes une seule lon-
gue, 4TOmme dans Phémîstiche suivant de Mîr*, o\x ^
devient ^ :
*^'Sekmte'€wà«'(9nr. II, v;*Ji)2),-le» anges Harftt^t Marût se
tenaient cachés dans ce puits, dans' Fintention de séduire les
jUKNT^Is,
' Il est, ainsi que le suivant, du mëtrô> J>j iéduiÉ^auE) pieds
— 396 —
Si on le pourait, on les anéantirait.
Le mot ^^, contraction de ^t i^, est dans le même
cas, dans Thémistiche suivant déjà cité, où il ne forme
qu'une seule longue :
M ô^ ^jij u-'^'^v^"^
prince, celui cpie tous fltes fustiger ce jour-Ii, etc.
^ participe passé irrégulier féminin du verbe L5U.,
est aussi d'une seule syllabe dans ce vers d'Haçan ' :
^ JU ^! ^ ^ ^ ^î 'j^
Comme ses yeux étaient fixés, dans le même état, elle l'aper-
çut plongé dans la peine.
De même, la dernière consonne d'un mot gui, déta-
chée, dans la scansion, de la syllabe avec laquelle elle
se prononce en prose, forme une syllabe brève, cette
consonne, dis-je, se joint quelquefois à un \ bref, gui com-
mence le mot suivant, et, dans ce cas, cette syllabe
^ ^j^^\ est pour ^wj ^Cit. Il a été dit plus haut qu'on
substitue souvent anx voyelles Jiyiff^ employées conmxe brèyes,
les motions qui leur correspondent,
^ On devrait écrire ^^a pour représenter la manière dont
ce mot doit être scandé.
' Sihr ulbayâUf pag. 99, lig. 2.
— S97 — .
composée reste brèye. Les mots o[j}yjJ en offrent un
exemple dans cet hémistiche de Walt, du mètre J^j :
La coupe de l'amour est pleine duyin des soupirs.
Il en est ainsi de^ et ^<^^ dans cet hémistiche de
Wall * :
Toi dont Thaleine embaumée rappelle le zéphyr matinal, ne
diminue pas ton amour pour moi.
4* Souvent deux voyelles longues n'ont la valeur que
d'une seule. Par exemple, J^ est monosyllabe dans
l'hémistiche suivant de Wall, qui est du mètre J^j :
Les secrets de la maison du cœur te seront défoilés, si tu
cherches à les pénétrer .
Et ^^ est aussi monosyllabe dans le vers suivant *
du même écrivain :
r v^ * ^^-^
^^ Le mètre de cet hémistiche est le ojUa» composé des pieds
^'iicli J^*ft^ répétés deux fois.
' Il est du mètre iM^ coinposé des pieds ^JicU> ^'b^li
— 3W.—
CoÉiatali ces* souroilsr 4igaçini1i Breifemofi1^ii9pas ito reffet'
sur moiy puiSBqu&lecroisMiitde la limer fali-mAne wnblo Vindï^
ner pour les saluer ?
Le substantif ^^ est également monosyllabe dans
ce \ers^ du célèbre poète que je viensde citer :
J^ JJ-^^^ c^ c^ d^ J^^' '^h
Les larmes des gens humbles sont agréables à Dieu, comme
la rosée de la terre l'est an sideil.
Dans le vers suivant *, encore du môme poète, ^j^,^
est audsi 'monosyllabe-:
Après avoir comparé. tes lèvresiau sucre, je suis4aiu iUm-
puissance de rien ajouter de plus.
Le pronom indéfini ^^jàsi souvent aussi monosyl-
labe * comme dans cet hémistiche * de Wall :
* Il eÉt dix mètre Jjs tsompwé des pieds^ A>i^ \^^^
* Il est du mètre ojLo» composé des^eds oitLr Jj*i»
* Lorsque -J^ est meiNtB^lab0y>On i'éortly-y diiiB« certains
manuscrits.
* Il est du-mètfe & ^I^^a/* '-ooinposé^dei pied» ^!»^li' Jj>^
répétés deux fois.
— 3M —
bt.iî^ ^-. ^j^ J^ ^ ^ J/ ^^
Il n'est personne qui n'ait laissé son cœur dans k me où iu
habitbB.
Enfin^ dans rhémîsUohe «ité idan6 le paragraphe sui-
vaiïl^î jL^ ^8t de deux syllabes seiilement, les voyelles
I et jt se contractant conformément à la règle dont il
s'agit. [
Qû^lqiiffiMff' «Qési6 ces'ileus ToyeUeiB < loûgues de leur
nattire^ii:ét]aieB;aingidsn)>une seuto'syllabe; sont em-
pldyé^«eomm6 anefiiinple brève. L'hémistiche suivant'
de Wall en offre un exemple dans^ JyjB> qui forme la
première syllabe du.troisième pied.* :
Jns^'aoïjeur deila résurreotioD, leilr course sera pluiT rapide
que4)eHe. du «rent qui précède Forage»;
5* Une licence toute contraire à celle dont il a été
question à l'article 2 du paragraphe précédent, a lieu
dans des mots hindoustanis composés de trois lettres et
de deux syllsdbes; elle consiste à les rendre moâosyllabes
ou pour mieux dire ^^^J^ ^j ou trochées de yy-^- ^^
ou ïambes qu'ils sont proprement. Le mot ^y^ baraSy
année,, est dany ce< cas dans' Thénristicbe * suivant de
Wall, du mètre^j régulier, où il se prononce bars :
* Ce vert-est du mètre vi^^As?^ composé des pieds ^Ua
— 400 —
Depuis combien d'années ne suis-je pas désireux de te yoîr,
6 infidèle?
On dit de même marz pour maraz j^y* gorz pour
garaz joji^ etc. C'est d'après le même système qu'on
prononce barkat pour barakat vJU^-
YIII. Les lettres qu'on ne compte pas généralement
dans la scansion sont :
1 ® Le A/ y ajouté à la consonne tenue pour la rendre
aspirée. Par exemple ^U? frère^ qui représente >TIT, se
compose d'un spondée ou de deux longues (et non d'un
bacquique, c'est-à-dire d'une brève et de deux longues) ^
comme dajis l'hémistiche suivant de Saudà * :
Les enfants dirent : Cher frère» ordonnez.
f Le hé z final nommé J^^^j soit dans les mono-
syllabes, où il n'est placé que parce qu'un mot ne peut
consister en une seule lettre, comme dans h^ à^àj ', etc.;
soit dans les polysyllabes, comme le y de zj^ dans ce
vers de Wall * :
^ ^j^ aiP^ ^jj ^1 jj.^ X^^^
C)/ ^J^ ^^^ y^ O^ J^ ^J^ yj" ^."^
* Il est du mètre ^^tiâ. composé des pieds ^J^U'* ^'^li
^ Dans ^^ six^ le premier t ne compte pas, parce qu'il aspire
le ^ ; et le second ne compte pas non plus, parce qu'il est
^ Il est du mètre ^^ composé des pieds J^li^ ôj*^
— 401 —
Celai qui a obtenu un regard de ton amour, pourra voir à
chaque instant l'éclat de ta beauté.
On retraoehe même dans récriture le v final, après un
alif. Ainsi par exemple on écrit Li^^^b pour «L^^Lj, Je
trouve aussi cette orthographe, d'autant plus irrégulière
que le s semble être ici radical, dans le Bostân (p. 350,
édition Graf).
Une femme belle et obéissante fait un Roi du derviche auprès
de qui elle est.
3* Vyé ^ précédé d'une consonne et suivi d'une
voyelle, comme dans l'hémistiche ^ suivant de Walî, où
Lj ^ ne forme qu'un ïambe :
^ lj^ ^^ cf/r? ^ ^^ cJr- v^'
Je ne me soucie en aucune manière de tous les biens du
monde.
Il en est de même des mots très-usités, ^j^ comme^
HL^ pourquoi^ ^ amant^ iS quoiy etc., lesquels ne
comptent que comme monosyllabes. Ainsi on trouve
dans l'hémistiche suivant de Mir ' Lâ=> employé comme
^J^ v^^^s^ ou simple longue.
. Ml est du mètre &jL^ composé des pieds ^*b^l-9 Jj^
répétés deux fois.
' Cet hémistiche est du mètre J^j composé des pieds ^^^^
Combiea cet emplacement n'était-il pas purgé d'ordures !
Cette règle s'applique aussi à Vyé euphonique qui^
dans le dialecte hindoustani du Décan, se place avant
l'alif final du participe passé et les terminaisons du plu-
riel ^1 et ^j^l. Ainsi L»^ pour La^j participe passé du verbe
\Sjbj rester^ est un ïambe dans ce vers de Walt ^ :
Les amandes^ ont demandé à tes yeux leur forme. Gomme j'ai
entendu cette demande, je suis resté muet d'étonnement.
Et le pluriel jL;^ ' est aUssi un ïàmbê dans ce vers *
du même écrivain :
Comment pourrions-nous trouver au nombre de tes amants ce
jeune homme au Visage vermeil, qui n^eut jamais ses yeux mouil-
lés du sang de son cœur?
* Ce vers est du mètre ]p \jai> composé des pieds Jyts^
* Les Orientaux comparent fréquemment la forme des yeux à
celle des amandes.
^ Ce vers est du tnéme «nètre que le précédent, mnis de la va-
riété composée des pieds ^*îi«li J^*^ répétés deux fois.
- 4M —
i« Le nûn j des mots hindoustanis et sanscrits qu
représente Vanuswâra. Par exemple, J^ (ïïïïFT) est
un ïambe ou 9y^ ^j dans cet hémistiche de Wall ^ :
Tai erré pendant longtemps dans les bois comme un insensé.
Toutefois, ce nûn compte aussi quelquefois dans Id
scansion, comme dans ^ de l'hémistiche suivant déjà
cité, où il forme la première syllabe de Tavant-deroier
pied:
^ ).y^ C^ L/*^ UV v5;/*'
5** Le noun qui vient après une voyelle tongut, n^ast
généralement pas compté non plus dans la scansion ;
quelquefdis même dans les mots arabes où il est radical.
Par exemple, dans l'hémistiche suivant de Walt S le
mot ^x^j^ est simplement un spondée :
^j^j J ^j 3j^ o/ ^y^ 5;y
Les tresses de tes cheveux ont lenri de lien à 1a troupe de»
insensés.
Il est même permis de ne pas compter le noun dans la
scansion, toutes les fois qu'il est quiescent, quand même
il serait précédé d'une voyelle brève de sa nature. Ainsi,
' Cet hémistiche est du môme mètre gue le vers précédent.
' Cet hémistiche est du mètre Jj»j composé des pieds ^'^li
— 404 —
e mot arabe yi^ ambre est employé comme un ïambe
dans cet hémistiche de Wali, qui est du mètre^j :
Qu'importe le musc et Tambre à celui qui recherche les tresses
de tes cheveux?
6® La lettre arabe aîn & qui n'a pas de correspondante
dans l'alphabet nagarîf et qui, dans ce caractère, ne se
rend que par la yoyelle brève qui l'accompagne, ne
compte quelquefois pas plus dans la scansion que dans
cette écriture et dans la prononciation ordinaire on ne
la fait pas sentir du tout. Ainsi dans l'hémistiche sui-
vant de Walî, qui est du mètre ^^ régulier, le p du
mot (3^16 doit être omis dans la scansion :
Kjjl^ ^U v-^lL^ ^kk Ojt \J=^ ^ ^
C'est de la vérité même qu'il (Mahomet) a acquis un langage
agréable à ceux qui aiment Dieu ^
7* Dans des mots généralement d'origine sanscrite,
deux consonnes se suivent quelquefois sans yoyelle in-
termédiaire. Ces consonnes sont alors groupées dans
l'écriture dévanagarî ; mais quoiqu'on soit obligé de les
* Je trouve un exemple de la même licence dans cet hémistiche
du Bostân (p. 324, édition Graf) :
qu'il faut scander ainsi selon le mètre mutacârib :
Bar 'âïb'l \ pàrlriîikh \ zàbàn bar | kûschûd
Il délia la langue sur les défauts de cette belle personne.
— 405 —
écrire séparément dans récriture hindou-persane, elles
se prononcent néanmoins sans voyelle intermédiaire,
n'équivalent ainsi qu'à une seule consonne. Le mot >o/i
krut en offre un exemple dans ce vers du poëme des
Aventures de Kamrûp :
y ^jj^ ^ uv u^^ v^* ^ jr^
k^ J-n / k J':^^ ^^1 ^/
Alors le prince prit un peu de ce jus, et en donna quelques
gorgées aux Ihiâl-pâ.
Tel est encore le mot sl^^l ambrit (pour o^l amnt)^
ambroisie et nectar^ dans cet hémistiche de Walî * :
Le rubis de tes lèvres d'ambroisie est aussi rouge que la flamme
de la bougie qui éclaire rassemblée de la fidélité.
Il est bien entendu qu'on peut aussi scander ces mots
comme si la première des deux consonnes, qui s'arti-
culent ensemble, avait une voyelle. Ainsi dans le vers
suivant de Walî*, lequel est gravé sur un cachet dont
feu Reinaud avait vu l'empreinte quelque part, le mot
sl^ji [prit) y amour y est dissyllabe* :
* Le mètre de cet hémistiche est le ^^^^ composé des pieds
* Ce vers est du mètre f* y-^'^ composé des pieds jy^
^'iicli répétés deux fois.
^ Il se prononce vulgairement il est vrai pirat en dakhn).
— 406 —
Wali, l'amour remplit la caaba de ton ctear, de ce coeur
dont le harem n'a d'autre mahrem que Dieu.
Et dans rhémistiche suivants ^^j} (brahman) est
trissyllabe :
!^ dr^ cj'> ^ O^ -^ ^^^ cr^^ ^'
brahmane» en te voyant, le lecteur du Yéda eit devenu fou.
Des mètres usités plus particulièrement en hindoustani.
Les mètres les plus usités en cette langue sont :
I. Le ^^ qui est extrêmement employé surtout dans
les gazai,
r Le régulier, comme danace vers de Wall :
L'homme qui aime le monde ne ressent aucun goût pour les
choses spirituelles; les plaisirs, en effet, dont il jouit, forment
pour lui le trésor des biens célestes.
V Le dernier pied de ce mètre est quelquefois changé
en ^^Li», comme dans ce vers cité par le D'Gilchrist * :
* Il est du mètre J^ dont le detnier pied eet réduit è ^Ji&li.
* Hindoostanee grammar^ Calcutta, 1796, pag. 268,
— i»7 —
Les cruels instants de Tabsenoe deTiennent plus sujqtoriaUûs
pour mon cœur, puisque je puis passer actuellement sans Elle des
jours entiers; tandis qu'autrefois je n'aurais fu rester quelques
heures sans la Toir.
30 On emploie fréquemment cette même mesure
composée des pieds ^^X^^ ^}y^ répétés deux fois,
comme dans cet hémistiche dTaquîn ^ :
J^ LT/ j^S^j ^^,\^ ^^iS
Qu'as-tu fait, 6 mon c(Bur?Mais que dir^à un insensé?
4* Du pied J^ai» suivi de trois Jjf Li» ou de deux
J-jcLâ» avec J^yà pour dernier pied.
Le vers suivant, extrait du premier gazai du diwan
de Saudâ, offre un exemple de ces deux variétés du
mètre ^jib qui sont souvent employéqs concurremjBent
dans ^es mêmes poëmes :
*,jLot ^-^1 i^t^ ^iUk aLo r^*^ "^
pheikh, viens voir un moment le temple de l'objet de mon
amçur. La beauté de mon idol^ j brille comn^e la bougie qui
éclaire le temple de la Mecque*
* M. ibid.
— 408 —
5* Chaque hémistiche peut être réduit à trois pieds
et former entre autres la variété qui se compose des
pieds ^^^ c^^ {j^^ laquelle est très-usitée. Le
poème de Joseph et Zalîkhâ^ d'Âmin, est écrit sur cette
mesure ; lo vers suivant en est tiré :
j-j^l JU siL ^ U^j ^l^j
r'J J^ ^ ^ ^j^. ^
Le inonde ne reste pas dans le môme état : le firmament ne
présente pas toujours le môme aspect.
6* J'ai trouvé aussi epiployée la variété composée des
pieds ^yà M;^Li» Jjni», comme dans ce vers de Wall :
Toi dont le cœur est aujourd'hui ouvert à la joie, tu parais
agité de désirs.
Les variétés du mètre ^yt^ que je viens de citer, sont
employées par les poètes de l'Inde pour les gazai, les
cacida et les masnavt. Beaucoup de gazai du diwan de
Saudâ et de Walî, le Bârah mâçâ et plusieurs masnawîs
et cacidas de Zakl, Mîr, Dard, etc. % sont écrits en ce
mètre.
. IL Le mètre J^^ est beaucoup moins usité que le pré-
cédent, toutefois on en trouve des exemples. Telle est la
gazelle de Walî qui se termine par le vers suivant :
^ Gilcbrist, Hindoostanee grammar^ pag. 269.
Walî ! tes vers sont aussi célèbres dans le monde que ceux
de réloquent rossignol de Tauris^
III. Le mètre J^j est extrêmement usité en hindou-
stani, notamment :
1 *» La yariété qui se compose du pied ^^Li quatre
fois répété, mais réduit la dernière fois en oiîcii ou en
^^U. Le vers suivant de Saudâ otfre la réunion de ces
deux variétés, qui souvent s'emploient concurremment
dans les mêmes poèmes :
J^* sj ^y} v^!^ ^/ u'-ï:*^' ^^ ^*^-^
crvV sj^^^ ers' j-cp^ ^ yL^ ^'
Quelqu'un yerra-t-il ses yeui sous le mihrab du sourcil?
musulmans, la boutique du marchand de vin est-elle dans la
mosquée ?
2* La variété composée des pieds ^"^ ij^^ ^^'^li
^J^. La première gazelle du div^an de Walî, d'où est
tiré le vers suivant, est écrite en ce mètre :
' LTir^ ^L-^L- ^r JJb ^jfj ^j^ ^'1
Depuis que mes yeui étonnés ont contemplé cette idole, le feu
de l'amour a embrasé mon cœur.
' Cest-à-dire, Schams-uddin Tabrîzt.
- 410 -
3* On l'emploie aussi, réduit aux pieds rr'^li ^j^*^!^
^pioli, comme dans ce vers de SajjAd :
Les nuits de l'absence sont aussi passées, le temps ne reste
poar personne dans la même situation.
4** Et aux pieds y*^ ^P*^ ^^^^^9 comme dans le
vers suivant de Wall :
^ j4'^ v^ Kj-^ V^ C^^
Lorsque l'amour a fait impressiep dims mon cœur, il a rendu
inutile l'écriture du destin.
IV. Le mètre ^^r*^ ®st très-rarement employé en
hindoustani. On trouve cependant quelques pièces sur
ce mètre. Le vers suivant, extrait d'im gazai de Walt,
dont les vers se composent des pieds ^\i ^^^^^ répétés
deux fois, en offre un exemple :
^L;3o ^ v> v^' (ji^ v.r^ /^ ^j^
On doit comparer tes lèvres de sucre, au miel ; bien plus, les
considérer comme son essence.
V. Le mètre f jl-^» composé primitivement des pieds
^'iifili ^JL^Lâ/» répétés deux fois à chaque hémistiche,
est fort usité en hindoustani, daqs t<Qutas $e^ variétés.
— 411 —
1* Dans celle où le pied dérivé J^ remplace le pri-
mitif ^^li»; la vers suivant «d offre un exemple ;
Il est bon de parler peu ; mais non an point de ne pas oa?rir
les lèvres lorsque ton amant ferme les yeux^
î"" DaBS la variété composée des pieds w>%U J^
Sf^ et oiîeLà OU ^Li; rhémistiche suivant de Mir
offre un exemple du premier cas :
m
Nous devons tous quitter le monde pour être ensevelis sous la
poussière.
Et le suivant de Wall un exemple du second :
Daigne m'adresser la parole, ô printemps du jardin de
Tamonr.
VI. Le mètre ^,L^c:a:^ est assez peu usité. En voici un
exemple tiré d'un gazai de Wal!, qui est écrit sur ^
mètre composé des pieds J^ J^^ er^^ ^U» :
La pboe digne de eetle beauté à la taille eteneée, c'est la ri-
vière de Tamabilité et de l'enjouement.
* G\\chiisi^HindoosUineegramniar^fiLg.%10,
— 41t —
VIL Le mètre ^^ est extrêmement peu usité; le
D' Gilchrist * cite cependant un hémistiche de la variété
de ce mètre qui est composé des pieds ^ji*j^ (^r^*^
Ce maudit habite la Grèce.
VIII. Le mètre ^^^ est employé quelquefois en hîn-
doustani ; mais on ne le trouve guère que dans la variété
composée des pieds ^^^ y^^ ^^^% comme dans ce
vers de Walî :
^/ «lSj ^> j s, ^
Jette un regard du côté de-Wal! ; il l'attend depuis ce matin
avec impatience.
IX. Le mètre v^L^^, surtout la variété dont le der-
nier pied est réduit à J^i, s'emploie fréquemment dans
les poèmes nommés masnavî, principalement dans ceux
qui ont une certaine étendue, tant moraux qu'héroïques,
historiques, didactiques, descriptifs, etc. Les Aventures
de Kâmrûp^ le Sihr ulbayân d'Haçan, le Sarafrâz nâma
de Hadic et le Saquî nâma de Dard-mand * sont de ce
mètre, comme le Bostân et le Schâh-nâma. On trouve
aussi d'autres pièces sur cette même mesure; tel est le
Tarjî'band de Walî, dont le vers suivant est extrait :
* Hindoostanee grammar^ pag. 270.
* Hindoostanee grammar^ pag. 271
— 413 —
j/ ^k ^^ -^ >;-? -^
ç^ ^j-^ o^r^ (Jy^?
Ton occnpation jour et nuit est de m'oublier, moi ton amant
sincère.
X. Le mètre jj;x» est peu usité; mais on le trouve
néanmoins employé quelquefois dans les bons écrivains,
comme dans le gazai de Walî, d'où est tiré le vers sui-
vant :
Celui qui a demeuré dans l'angle de ton amour, considère la
natte déchirée comme le trône de Salomon.
XL J'ai rencontré le mètre J^K :
1 * Régulier, comme dans Thémistiche suivant :
^y" 1^ ^ ^ ^b J,^ ^ ^L^ ^^^ .j:^ J/
Aucun champ, dans le monde, ne saurait être frais sans eau«
2* De la variété composée du pied dérivé ^^*^LL»,
répété quatre fois à chaque hémistiche. Le vers suivant
de Wall en offre un exemple :
Le soid n'est «itre dMse qu'un rajen de ta beauté qui est
allé répaudre la lumière dans le ciel. Le sel ne tient sa saveur pi-
quante que de ton «gaçante vivacité»
Les autres mètres nommés ^t^ s}j^ ^j\Sii^ «.^.^us^tL»
et JL^ sont très-rarement employés en hindoustani. Je
n'en ai pas rencontré d'exemple.
Quant aux mètres v^j5 jj j^ et JTLiu^, ils sont par-
ticuliers à la langue persane et paraissent tout à fait
inusités en hindoustani.
Observatiam sur la rime.
Les observations particulières à la rime en hindou-
stani, peuvent se réduire aux suivantes :
1 • On fait rimer quelquefois les mots terminés par
un noun nasal représentant Vmmswaraf avec des mots
qui n'en ont pas, comme <laas te v^rs suiyaiit des Aven-
tures de Kâmrûpy où ^^^^^ rime avec ^jtric^ :
,J^^ J' ^}-Y ^ ^
ij-ir^ JjLp ^j^ ^.I^L^
Etant allés auprès du Maharaj, ifs lui dirent : Il votn «st né un
priDce béni.
2* En général, les poètes hindou^nis évitept de faire
rimer les voyelles nommées J^^-^ avec les y^^f^ qui
leur cwresppndent, fi'est-à-Kiire, ^ ^ -0 avec jl ^ H;
^^ ^ é aVéc yj] "^ 1 Néanmoins îls prennent quel-
quefois cette licence. Ainsi on trouve un gazai de Walt
où les mots qui contiennent la rime sont : ^J^ tâésj
fj^yt^^ afsos, (^jjli fanûSy u^'jf^ pabos^ ^y^^ jaç^^
^^ bos^ etc. On trouve ailleurs dans le même écrivain
J' Arrimant avec ^kî. On voit même dans le célèbre
poëme d'Haçan, intitulé Sihr ulbayân^ page 137, ligne 7,
la diphthongue ji ^ au rimer avec la voyelle j' ît ^>
dans ce vers :
LTJ^ J^' y,/^ ^' "^^^ ^-r^
11 y avait là un siège resplendissant, recouvert d*un tapis carré
d'une beauté parfaite.
3<> Les lettres nommées cérébrales peuvent rimer avec
les dentales qui leur correspondent, comme dans ces
vers métaphoriques de Walî * :
Qui pourra le disputer de puissance avec tes regards animés?
* Ces vers sont du mètre ^j» composé des pieds J^'*
Jji^ J-xLà. J-jdLa^.
— 416 —
Ces lèrres sont pleines de l'eau de la yie : qui pourra j aborder
sans le béra de Khizr^?
Dans ce cas, les copistes écrivent quelquefois les con-
sonnes dentales avec les quatre points qui distinguent
les cérébrales, ou avec le toé i arabe, servant de points
diacritiques.
* Voyez au sujet de cette allusion mon Mémoire sur des par-
ticularités de la religion musulmane dans Vlnde, pag. 82.
FIN.
TABLE
DES MOTS TECHNIQUES ORIENTAUX
RANGÉS PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE ARABE
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44,45,56,63,
64, 65, 66
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33, 38, 42, 43,
53,54,56,60,
44,45,56,63,
63, 183
64, 65, 66, 77
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Jii 257
J.rj 1, 106, 108
py 120, 124, 138
J^^ 236, 353
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-Vil) 244
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ys, 212, 271, 375,
ftjla. ^j 46, 48, 49, 50,
385, 395, 403,
52, 53, 63
406, 415
Ut. ^j 5, 46, 48, 77,
Jj^ 101, 113
183
ïTb 348
M
28
TABLE DES MATIÈRES
ÀTis préliminaire v
Rhétorique des langues de l'orient musulman ... 1
I** Partie. De Texposition 1
Chapitre P'. De la comparaison. ....... 5
Section i^^. Des deux objets de la comparaison. . . 6
Section ii. Du sujet de la comparaison 11
Section m. Du but de la comparaison 20
Section iy. Des circonstances de la comparaison . . 26
Section t. Classement de la comparaison. ... 29
Section vi. De l'instrument de la comparaison. . 37
Chapitre II. Du trope iO
Section i'®. Oass«ment du trope par rapport à l'objet
emprunté 46
Section ii. Classement du trope par rapport à l'idée
commune • 48
Section m. Classement du trope par rapport aux deux
choses précédentes 52
Section ly. Classement du trope par d'autres considé-
rations 55
Chapitre III. De la métaphore substituée 66
Chapitre IV. t)e la métonymie 70
W Partie. Do la science des figures 77
Chapitre I^. Figures de pensées. 78
Section i''. De l'antithèse. 78
Section ii. De la conyenance 84
Section ni. Insinuation de la conyenance .... 85
Section nr. De la ressemblance 86
Section y. De raccoaplement 87
— i36 —
Section VI. Indication, .••...•.. 88
Section th. Rebours 89
Section viii. Retour sur ce qui a été dit, • • . . 89
Section ix. Dissimulation 90
Section x. Assenrissement 91
■ Section XI. Réunion et dispersion 91
Section xii. Association 95
Section xiii. Distinction ou séparation 95
Section xiy. Distribution 96
Section xv. Association et séparation. * . • . . 97
Section xvi. Association et distribution 98
Section xvii. Association^ séparation et distribution. . 99
Section xYiii. Dépouillement 100
Section xix. Hyperbole acceptable 1 01
Section XX. Ordre du discours lOi
Section xxi. Éloquente indication de la cause. . . 1 06
Section xxii. Louange avec semblant de blAme. . • 1 08
Section xxiii. Blâme avec semblant de louange. • . 110
Section xxiv. Succession 111
Seciion XXV. Enveloppement , . 112
Section xxvL Double face 113
Section XXVII. Le plaisant en vue du sérieux . . . 113
Section XXVIII. Dissimulation 11i
Section XXIX. Indication du motiti 115
Section XXX. Gradation 116
Section XXXI. Admiration 117
Section XXXII. Incidence ,.118
Chapitre IL Des figures de mots. . ...... 120
Section 1". Le l'allitération identique , .... 120
Section ii. De Tallitération imparfaite . . . . . 121
Section III. De Tallitération composée 122
Section IV. De l'allitération reprisée. . . . . , 123
Section V. De l'allitération d'écriture 124
Section VI. De l'allitération allongée. ... ; • 124
Section vu. Autre espèce d'allitération défectueuise. • 1 27
Section viu. De l'allitération intervertie. . • . . 1 30
— 437 —
Section IX. De rallitéralion intervertie égale '• • . 1 32
Section x. De Tallitération continue 1 33
Section XI. De Tallitération d'écriture 134
Section xii. De la dérivation 135
Section xin. Du semblant de dérivation* .... 136
Section xiv. De Tallitération par allusion • . • . 1 37
Section xv. Du retour de la fin au commencement. . 1 37
Section xvi. De la tâche h laquelle on n'est pas obligé. 1 46
Section XVII. De la suppression d'une lettre. • • . 147
Section xviii. De l'emploi d'un ou de plusieurs mots
particuliers 148
Section xix. Des lettres ponctuées et non ponctuées. 1 51
Section XX. Des disjointes et des jointes 1 53
Section xxi. Observations sur la prose cadencée . . 154
Section xxii. Des vers à double et à triple rime. . . 1 58
Section xxiii. Des compositions bigarrées .... 1 60
Section xxiv. De l'allusion 1 62
Section xxv. De la réunion simultanée de plusieurs
objets 163
Section XXVI. Énumération des qualités 1 63
Section xxvu. De l'acrostiche 1 64
m® Partie. Des énigmei^ et logogriphes . • . « . . 165
Chapitre P". Des procédés facilitants 169
Chapitre II. Des procédés productifs 1 74
Chapitre III. Des procédés de perfection 1 87
Chapitre IV. Des procédés accessoires 189
Chapitre V. Du /Mgfz 193
IV- Partie. Des plagiats 195
Chapitre l". Du plagiat apparent ...••.. 1 95
Chapitre IL Du plagiat occulte 1 99
Chapitre III. De l'ic/iôa^ et du ^azmCn 202
Prosodie des langues de l'orient musulman . • • • ^^^
Chapitre V'. Des mètres réguliers, des pieds qui les
composent et de leur classification . . • • . 205
Chapitre II. De la scansion et de l'appropriation desyors
h leur paradigme 222
— i3S —
Chapitre III. Des iiTégolarîtés dans les pieds des rers. 233
Chapitre IV. Sur les diangements des pieds primitils. . 247
Chapitre V. Détails sur les mètres primitifs et secon-
daires 256
Section ^^ Des mètres tatiAlf hacU^ kâmil et wâfir, 259
Section u. Du mètre hazaj, • 271
Section m. Da mètre rajaz 286
Section iy, Da mètre raml 291
Section t. Da mètre 9ari 300
Section vi. Da mètre mu/nmrih 305
Section vu. Du mètre Ichafif. 309
Section yni. Du mètre mtcsan* 315
Section IX. Du mètre fn«ctoj»i& 320
Section x. Du mètre mujtas 322
Section xl Du mètre muiacârib 326
Section xii. Du mètre mu^adârik, 332
Section xiii. Des mètres carib^ jadid et musehdkU. . 336
Chapitre VI. Du rubâ'i 339
Chapitre VII. De k rime 347
Section i'®. Des lettres qui forment la rime. . . . 348
Section n. Des motions de la rime 356
Section m. Sur le rawi^ classification des rimes. . 360
Section iv. Des défauts de la rime 361
Section y. Division de la rime par rapport à la mesure. 367
Section vi. Sur le radif 370
Chapitre VIII. Genres de poèmes les plus usités en persan
et en hindoustani. .....•••. 373
Le gazai (et non gazelle^ erratum de la p. 409, 1. 1 8). 373
Le eaetda ^ » 373
Le qmtâ. 374
Le ruhâ'i 373
Le fard 375
lemmnaiwî 375
Le tarjt band 375
Le fnmçmmmat, 376
Le muBtùzâd 376
— 439 —
Abpendige. Obseryations particulières à Thindoustani. . . 379
Licences poétiques et règles relatives à la scansion en
hindoustani 381
Mètres plus particulièrement usités en cette dernière
langue 406
Obseryations sur la rime 414
Table des mots techniques 417
FIN.
PARIS. — IMPRIMERIE ORIENTALE DE VICTOR GOUPY, RUE GARANCIÈRE, 5.
I