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Full text of "Râmâyana"

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M -«.S W- »?•» 

^ml êè^ il î^' ■ ^ •'^' ♦.•■S. "âà'.'S.S. li 



- IB *^ ffit I 

liliiiliâi*'!- 




RAMAYANA. 



Meavx , Imprimerie de Â. Carrp^ 



RAMAYANA 



POBMU SANSCRIT 



V A LMIRI, 

MIS EN FRANÇAIS 

PAQ 

HIPPOLYTE FAUCHE, 
Traducteur de Bbartrihari, du GlU-Govinda, etc. 

/' 

£3 

A PARIS, 

Chez A. Frank, Libraire, 67, rue de Richelieu, 
En face de la Bibliothèque impériale. 

. 185â. 



QUELQUES PAGES 

EN PRÉAMBULE. 



Rftma est un homme d'une nature 
divine , car une moitié de Yishnou s'est 
incarnée en lûi-méme. 

Une belle-mère jalouse empêche de 
conférer Fonction royale à ce prince 
accompli et substitue son propre fils, au 
détriment de Tafné, comme héritier pré- 
somptif de la couronne. 

Celui-ci respecte la parole engagée 
aveuglément par le roi son père , il s'é- 
loigne de la cour, il erre dans les forêts. 



—II— 

cherchant un lieu , qu'il puisse habiter. 
Là , son épouse est enlevée par le mau- 
vais Génie Râvana , et Tépoux désolé 
erre de nouveau , cherchant une trace, 
qui le mène à reconquérir sa bien-aimé 
Sîtâ. 

Voilà tout le canevas de cette vaste 
épopée, et le titre en est, pour ainsi 
dire , lui-même toute la substance ré- 
duite à sa plus irréductible expression; 
car le mot composé Râmâyana signifie 
les Courses de Râma. 

L'auteur du poème et son héros vi- 
vaient daos le même âge. On dit que 
Valmtki florîssait au moins quinze cen- 
taines d'années avant la oaissaoce de 
Jésus^Ghrist. Ainsi, la grande scène du 
Râmâyana s'ouvrait avant la scène pins 
étroite, où les guerriers d'Ârgos et d'I- 
lion allaient jouer le drame en dix an- 
nées, qui devait inspirer Timmortelle 
épopée de l'Occident : ainsi , le sage 
Râma est antérieur au bouillant Achille : 
ainsi , l'anachorète Yalmiki * précédait 



— m— 

l\iveugie Homère de trois siècles datas 
ia vie. 

Mais Yalmiki n'est pas seulement le 
poète du Râmâyana ; c'est un person- 
nage , qui entre avec un digne rôle sur 
la scène même de son drame. 

Ainsi , Yalmtki a vu Bâma , dans les 
premiers temps de son exiU visiter Ther- 
mitage de son chantre futur au bord 
méridional de TYamouna , sur le mont 
Tchitraeouta ; et, plus tard, quand Sitâ, 
reconquise avec le cœur et Tépée de 
Bâma , est rejetée une seconde fois par 
son divin époux, c'est encore dans un 
hermitdgederanacborèteaux: beaux vers, 
à Yitboura , sur la rive occidentale du 
Gange, qu'elle vient chercher plainti- 
vement son dernier asyle : c'est enfin là 
qu'elle donne le jour à deux jumeaux , 
Kouça et Lava , que Yalmiki élève dans 
sa hutte forestière , au milieu At ses 
disciples. 

Devenus grands , ces fils orphelins de 
Sitâ apprennent le Râmâyana ; et Yai- 



miki envoie ces rapsodes charmants ré- 
citer les mélodieuses louanges de leur 
père à la cour des rois et dans les con- 
ciles des plus saints anachorètes. C'est 
même dans un de ces jours solennels, 
que s'ouvre la grande scène de cette 
large épopée. Rama célèbre un splendide 
sacrifice, où ses invitations , embrassant 
toute la terre, ont réuni tous les rois. Il 
ignore la naissance de ces jeunes étran- 
gers, harmonieux rapsodes, venus dans 
cette auguste assemblée, et les invite à 
chanter le Bâmâyana dans cet auditoire 
de têtes couronnées, en face de Yaçishtha, 
le grand saint , en présence même des 
Immortels accourus du ciel ; et, sur la 
fin de cette longue, mais brillante nar- 
ration, qui tient délicieusement éveillées 
toutes les âmes, le héros ému reconnaît 
ses deux fils dans ces jeunes ménestrels 
d'une beauté royale et d'une voix toute 
céleste. 

Il y a , certes ! une conception émi- 
nemment poétique dans un cadre ajusté 



si artisiement à ce poème : F idée est 
grande, elle est dramatique, elle est ori- 
ginale même et neuve , pour nous du 
moins , aux yeux de qui apparaît cette 
épopée trente-quatre fois séculaire , 
comme si elle était née la veille de notre 
dix-oeuvième siècle, afin que nous pus- 
sions mettre ce riche début en parallèle 
avec ces expositions, froides souvent et 
toutes calquées sur une première , que 
notas trouvons dans les épopées de T Oc- 
cident, nourrices fécondes, mais un peu 
fatiguées de notre enfance littéraire. 

Ainsi , l'Introduction du Râmftyana 
vient elle-iiiême nous dire que les bril- 
' lantes sections du poèine , avant de se 
réui^rsotts Tamplecduverturetl'uii même 
livre, avaient long-temps circulé de cour 
en cour et de concile en concile, chantées 
par la voix des rapsodes ; circonstance , 
d'ob quelques-uns furent induits à vou- 
loir, sans une plus forte base, réduire 1» 
part de Valmiki dans le fiâmâyana à» 
celle très-exiguë de compilateur, et, pour 



— VI— 

ainsi dire , à ce que Pisistrate fut à l'é- 
gard de l'Iliade. 

Nous savons que Ton a mis en doute 
rindividualité d'Homère , que Ton a su 
trouver deux actions dans Tlliade, et que 
l'on a tiré de cette dualité une consé- 
quence contre l'unité de son auteur. 
Mais , dans le Râmâyana , il n'y a pas 
seulement une parfaite homogénéité de 
style : il y a unité d'inspiration , unité de 
système, unité d'intérêt, unité indivisible 
même de l'action : ce dont nous allons 
essayer d'ouvrir un suflSsant aperçu dans 
une rapide analyse de ce premier volume. 

Nârada , c'est le Mercure indien , se 
manifeste à Yalmtki et s'entretient dans 
leon hermitage avec le saint anachorète. 

Celui-ci demande au messager des 
Immortels s'U connaît un être assez 
parfait pour ressembler au portrait, dont 
l'hermite esquisse , au moral comme au 
physique , un ensemble très-idéal. Le 
hérault céleste répond qu'une telle réu- 
nion de qualités est difficile à trouver dans 



—VII— 

nn Dieu même ; qae néanmoins Bftma les 
possède toutes avec d'autres avantages 
supérieurs. Il touche dans ses points ca- 
pitaux cette existence plus qu'humaine , 
eu dans le chapitre suivant, Brahma in- 
vite Fanacborète à chanter cette grande 
vie daiis un poème , auquel son inspi- 
ration assure Fimmortalité. 

Ensuite, le solitaire va se baigner dans 
la Tamasâ , et , sorti du bain aux ondes 
pures, il contemple sur la rive fleurie un 
couple charmant de jeunes ardées , élé- 
gants de formes, éclatants de plumage; 
mais tout à coup une flèche, envoyée par 
la main d'un chasseur, vient frapper le 
mâle an sein même de ses printanières 
amours; et le solitaire, ému par les souf- 
frances de Toiseau, qui se convulsé dans 
son agonie , touché non moins par les 
plaintes de la veuve, qui voltige autour 
de son époux , baigné de sang, jette au 
chasseur un blâme sévère enveloppant 
une malédiction. 

Il revient à son bermitagc sous Tim- 



—VIII— 

pression de cet aflligeant spectacle r et ^ 
répétaot de pas en pas sa imlédictkui.efi 
lui-même , il s'aperçoit qu'elle ttt ex- 
primée dans une phrase cadencée, har- 
monieuse, rythmique. Il s'arrête donc à 
la pensée d'écrire son poème dans ce 
mètre inconnu avant lui, non donné par 
le hasard inintelligent, mais inspiré, 
comme Brahma le révèle à Yalnâki, par 
la Déesse de Téloquence, Sarasvatî elle-- 
même. 

Telle fut Torigine du çloka , ce dis^ 
tique élégiaque , héroïque , employé à 
chanter la douleur et les exphMis. 

Son poème composé , ranachorète en 
confie les brillantes parties à la mémoire 
de Kouça et de Lavâ ; puis, il envoie ces 
nobles et beaux rapsodes, enfants incim- 
nns de R&ma, chanter de cour on concile 
et de concile en cour cette mervdUeuse 
histoire , qu'il repasse , recollationne et 
recense, pour la troisième ou quatrième 
fois , sur le squelette du poème ajusté, 
de volume en volume, dans ses membres 



-IX— 

anatràiiquement reliés , mais réduits au 
seul intitulé des chapitres. 

Toute la coutexture de cette longue 
introduction laisse donc aisément démêler 
dans son tissu le travail d*une main étran- 
gère et sans doute contemporaine de Té- 
poque où ces fragments épars étaient 
réunis dans un livre et tabulés, comme 
pour donner à chacun tes moyens de 
constater par lui-même Tintégrité de 
son exemplaire. 

De même verrons-nous dans le nombre 
fabuleux d'années , que Tauteur assigne 
à beaucoup de ses personnages, ^on 
Touvrage des rapsodes, au moins un té- 
moignage contre la contemporanéité de 
Yalmtki. Ainsi, Daçaratba avait déjà vécu 
neuf mille ans au jour que le del accor- 
dait à ses vœux la naissance de ses quatre 
fils ; ainsi , Râma lui-même occupa le 
trône on^e dizaines de siècles ; ainsi , 
Viçvftmitra avait déjà gouverné le monde 
plusieurs myriades d'années au temps, 
ob il entra dans la carrière de mortifi- 



cations, par lesquelles ce grand anacho- 
rète devait monter de sa caste à celle 
des brabmes. 

Ces longévités prodigieases ne sont 
jamais Fopinion des contemporains, qni 
parlent nécessairement à des auditeurs, 
étouffés comme eux dans les bornes si 
étroites derextstence humaine: ce ne peut 
jamais être qu'une pure hypothèse née 
dans ces temps bien postérieurs, où 
Thomme, accommodant les phases de sa 
vie à Texistence de la nature, lui suppose 
un âge antérieur de jeunesse , où les 
mortels vivaient des nombres immenses 
d'années, qui ont diminué à mesure que | 

la vieillesse a détendu sa vigueur. i 

Mais-, si l'ou peut croire avec raison ' 

que Yalmiki n'était pas le contemporain 
de ses personnages, son épopée n'en est 
pas moins d'un âge bien reculé ; et c'é- 
tait aussi l'opinionde M. EugèneBumouf, I 
qui, admettant lui-même dans la masse 
du poème quelques interpolations des 
rapsodes, pensait que les fragmentsétaient 



chantés dès avant ce temps où les Macé- 
doniens suivaient Alexandre au bord de 
rindus; et qu'Âppien ou les devanciers, 
aux sources desquels furent puisés tous 
ses documents, avait en vue le Râmftyana 
et son héros, quand il écrivait ces lignes 
dans son histoire : « Les Indiens ont des 
poèmes épiques ;.... ils ont même un 
Hercule, » 

Quant à l'unité générale d'architecte 
ou d'écrivain, il nous semble qu'elle est 
démontrée nettement par l'unité de l'édi- 
fice ou du poème. 

Une sécheresse de trois années tour- 
mente le pays des Ânkas ; le roi délibère 
avec ses ministres; un d'eux raconte une 
ancienne prédiction, qui promet la déli- 
vrance du fléau, si l'on peut amener dans 
la ville Risbyaçringa , le jeune novice , 
pour y célébrer un sacrifice. C'est le fils 
d'un saint anachorète ; il n'a jamais goûté 
de plaisir que la saveur des mortifications; 
et né, élevé, grandi au sein des forêts, il 
n'a jamais vu un être humain. 



— XIÏ- 

Gomment dérober Feorant à sa re- 
traite, sans attirer la malédiction du 
père? 

On forme sur ée grands vaisseaux réu- 
nis une île artificielle; déliciedsement 
ombragée d*arbres en fleurs ou chaînés 
de fruits savoureux ; on construit là un 
hermitage, et les plus charmantes cour- 
tisanes, déguisées en bermites, viennent 
accotter leur flottille au bord du fleuve, 
près duquel habite le vieux anachorète. 
Dans un moment où le père est absent, 
Tessaim tentateur se présente au fils, et 
Bishyaçridga trompé suit les enchante- 
resses, épouse la fille du roi , célèbre le 
sacrifice, et les cieux rendent le bienfait 
des pluies aux champs altérés. 

Nos lecteurs ont déjà reconnu là ce 
sujet , que La Fontaine a su traiter avec 
un esprit si enjoué dans tes Oies du frère 
Philippe. Passée du Râmâyana dans la 
littérature des Perses, cette jolie pro- 
duction y fut empruntée sans doute par 
les Arabes, qui Font prêtée aux conteurs 



— xni— 

de rEuro{ie; où elle viot décorer nos Ta- 
bliaax vers Tépoque des Croisades. 

Dans les Contes de La Fontaine, c'est 
un croquis libertin ; dans Tépopée de 
Yalmtki , le riant ne va point jusqu'à ef- 
farouctier la décence ; mais, dans l'un 
comine dans l'autre, c'est au même degré 
d'une manière différente uncbef-d'ceuvre 
de narration. 

Néanmoins Çantâ , la belle princesse, 
devenue l'épouse du jeune saint , n'est 
fiUe du roi que par une simple fiction 
légale ou canonique. Dénué absolument 
de postérité, état d'imperfection dans les 
croyances de l'Asie gangétique , il avait 
supplié son vieil ami le roi Daçaratha de 
consentir à lui céder sa pat€;rnlté à l'é- 
gard de Çantâ, sa propre fille, afin que, 
les enfants d'elle étant réputés les siens, 
il fût ainsi relevé de sa déchéance spiri- 
tuelle par les bénéfices de l'imputation , 
uoe des grandes bases de la théologie 
brahmanique. 

Voilà donc un premier nœud par lequel 



Daçarâtha se rattache à Tépisode de Ri- 
shyaçringa, ou plutôt cet épisode au père 
fatur de Râma ; il y tient ee second lieu 
par le texte même de la prophétie. 

Elle antKHlice que dans Taveûir uu roi^ 
nommé Daçaratha, privé de fils, en ob- 
tiendra du cid favorable , s'il offre aux 
Immortels un àtçwa-médha par le minis- 
tère d'un jeune brahmatckûrioM novice, 
appelé Bisbyaçringa. 

Le sacrifice célébré est marqué au coin 
d*un intérêt précieusement historique, 
car nous y trouvons les détails poétique- 
ment dramatisés d'un açwa-médha, le 
plus grand des sacrifices et qui offert 
cent fois dans sa perfection eût mérité 
au sacrifiant rfaonneur de s'asseoir à iâ 
place d'Indra sur le trôiie du cieK 

Soudain, au sein de la flamme, qui dé- 
vore la victime sur l'autel, apparaît un 
être merveilleux : il tient une amphore 
dans ses bras ; ce sont les sucs généra- 
teurs, grâces auxquels Yishnou doit s>id- 
carner par moitié , quart et demi-quarts 



—XV— 

dans les trois épouses du roi ; incar- 
BUtioii , que les Dieux mêmes ont soUi- 
cHée avec des prières instantes ; car » 
tombés sous l'oppression du mauvais Gé- 
nie Râvana^ iisont besoin d*un être bu- 
mafn, possédant une force suprà-divine, 
pour étouffer ce fléau des mondes. 

Btaia est né, il grandit : sa beauté» sa 
forée , son intelligence , ses vertus sont 
déjà b^èbres dans tous les mondes , et 
cependant à peine v i^t-il de compléter 
sa quatorslènie aimée. 

C'est alors qu'un ifiustre saint , Yiç^ 
vftmitra sè fait annoncer eu monarque 
son père. Il est vetiu solUciter du rd 
Daçarâtba une protection efficace contre 
deux mauvais Génies, dont l'impiété 
souille continuellement un sacrifice, qu'il 
ne peut mener à bonne fin , tout mou- 
vement de colère et toute parole même 
étant déflendiies au sacrifiant , une fois 
la cérémonie commencée. ' 

Daçaratha, inquiet des périls, que ^ 
courir son fils encore si jeune enfant , 



—XVI— 

offre de marcher lui-même à sa place et 
de combattre les Démons avec une nom- 
brease armée. L'anachorète sMndigae, 
le monarque cède, et TeniàDt-dien se met 
en route avec le saint hermite. 

Ce voyage donne lieu par les différents 
pays, que Ton traverse, à des rédts épi- 
sodiqnes : ici, c'est un endroit fs^meux^ 
parce qu'Indra y vint expier la mort, 
dont il frappa, dans la colère , son ami 
Namoutchi ; là, c'est l'hermitage de l'il- 
mour, où, d'un seul regard, Çiva réduisit 
en cendres ce Dieu , entré chez lui en 
cachette pour tenter l'ineflable solitaire. 
Plus loin, c'est le bois de la furie Tadakâ, 
lieu autrefois plein de charmes, aujour- 
d'hui plein d'horreurs ; mais Ràma tue 
le monstre de ces campagnes désolées, 
et cet exploit anté-liminaire dispose l'es- 
prit des lecteurs à n'attendre çà et là 
que prodiges et merveilles d'un héros , 
an sein duquel s'est humanifié une moitié 
de Yishnou. 
Ailleurs, c'est l'Hermitage-parfait, où 



Nflràyana , ifest-à-dire^ F Esprit , qui 
marche sur les eaux primitives, s'adon- 
nait anx macérations de la pénitence , 
quand les Dieux, chassés du ciel, vinrent 
solliciter son appui contre Tusurpateur 
BftU. 

Yishnou donc se présente à la porte 
même du tyran sous les apparences d'un 
nain , pauvre et mendiant : il demande 
au géant trois pas de terre. Gelui'^ ac- 
corde raumône, sans rien soupçonner ; 
mais le Dieu mesure aussitôt les trois 
mondes en trois pas, les rend aux Dieux 
et réduit le mauvais Génie à la seule 
habitatidn des enfers : conception large 
et d'une grandeur véritablement ho- 
mérique I 

C'est ici, que Viçvftmitra doit célébrer 
son pirax sacrifice : les cérémonies com* 
menoent ; Rftma veille, son arc en main, 
prèsdeTautel. Soudain, les Démons hur- 
lants de pntfaner Tenceinte ; mais le 
jeune héros fait mordre la poussière à 
tous ces esprits nocturnes; et, la paix 



— XVIII— 

reodue à ces lieux. Use. cUspose àreveittr 
cbez soQ père. 

Dans le mi^ne tesoj»^ les anadiorètes 
se prépareat eiu*m^»es au voyage de^ 
Mîtbilâ , où le r^ Djaoak» les cwKvie 
aux solennités d'un auguste sacrifice.;; ^. 
te jei)ne.vainqttwr> eoga^ pa^ m9^% ac- 
con^i^n&la sainte (^uruYfwe 4»Q«f ee 
pay&, où ses yeux verr««t nm gcatfP^ 
merveille , Tare m^e dC: Çjiy? », dont 
hiitt MBts homoies yigc^gre^x sont à . 
peiae suffisante pour if^i^wer Véu», 
portésurlies buUro^esde^UAtree8$iQua« 

Cette excursion des soUtaives^MitàiUb 
foitrait encore: une plus, «nfde n^lKffe à 
des épisodes variés* 

Le premier campement des pilQ^i 
est au pays de Yaçetu; e*est 1^910: jadis 
le vent liJbeirtiA, pow vengev son miom 
éconduit, changea twtes en bossue» 
le& cent filles jumelles de Eouçanâbha^ 
auxquelles toutes un époux, non moins 
distingué p^r sa beoMté <pe pa« sa m»- 
sancje, restitua les^ cbafmes et les gr&iees 



de la tattle, neo qu'en leur donoant sa 
mwà à Tautel du mariage. Cette joHe 
Biatière d'opéra-comique 5 dont Tana- 
ehorète amuse la balte de son jeune com- 
pagnon , est pour lui-même , neveu des 
cent héroïnes , une légende féerique de 
famitte, une anecdote mervetUeuse de sa 
royale maison. 

La cûavane atteint lea borda du fleuve 
sacré, et là trouve naturell^mot sa place 
une histoire de la Géangà , qui tient à 
celle mèBOB éd Râma. £n effet, ce roi 
Si^ra , an sacrifice duquel Visknou 4ér 
robe le cheval dévoué CMime victime ; 
eea soixante ipiUe fis de Sagara, ^i 
déchirent , fouillent et ereuseot le globe 
eotfer; cet aventureux Auçonmat, à qui 
Yislmou rend le coussier destiné au cou-e 
teau du sacrificateur ; ce roi Dilipa, qui 
tepte d'obtesâr , à force de macérations, 
b descente du fleuve divin sur la terre , 
et C0 Btaagiraikha , q^i l'obtient par la 
cowiaftcedesesm/offtificâtionsbéiroiques: 
tons ces rois, les plus grands de la race 



solaire, sont les ancêtres fameux du 
vaillant ftâma ; et le poète ^ décorant 
avec ces riches épisodes le fonds prin- 
cipal , en fait à son béros comme un 
piédestal sur les grandeurs généalo- 
giques de sa maison. 

Là, s'encadrent aussi deux ou trois de 
ces mythes peu diastes , si Ton veut, à 
nos profanes yeux , mais dont les voiles 
jadis, tombant au fond du sanctuaire, 
ne laissaient plus voir aux initiés que les 
grands phénomènes célestes et les révo- 
lutions cosmiques , typifiés sous les em- 
blèmes de ramour physique. Ici donc , 
s'il est aisé de pénétrer , dans Tunion 
mystique de la Gangft et du Feu , cet 
axiome dramatisé de FÉcole ionienne : 
« Que le chaud joint à Phumide est le 
principe de tout ; » il n'est pas moins 
facile d'entrevoir, dans le châtiment, que 
l'anachorète Gftautama inflige au roi du 
ciel, Indra, une époque astronomique, 
un phénomène sidéral , cette déchéance 
du soleil , que l'hiver a dépouillé de sa 



vigueur , et qui recouvre sa virilité au 
temps , où parait la coDstelIatioo du 
bélier. 

Enfin, les voyageurs sont arrivés à 
Mitbilâ , où le Iffahme Çatânanda conte 
au jeune Dieu iait homme Thistoire de 
son vénérable gidde, le saint anachorète 
YiçvftmitFa; intéressante digression, au 
milieu.de laquelle YaUniki nous promène 
en^ continuant à nons parler de oe qui 
tient à la maison de Rftma. En effist, cet 
anachorète Vaçishtba, àqulteconquérant 
de la terre, Yiçvàmitra dérobe sa vache 
merveiUeuse, n^est pas seutement un per^ 
sonnage utile sur la scène de T^pée, 
mais il est aussi rarcbi-brahme de fa- 
mille , auquel est confiée la direction 
spirituelle chez le magnanime père de 
Ràma ; ce roi Âmbartsba, qni a fait veau 
d'immoler un homme en sacrifice aux 
Immortels , c'est encore un de ses nobles 
aneêtres; cette constellationmëme,figurée 
dans le planisphère indien sous les formes 
d'un homme renversé la tête m bas, 

2 



— XXIΗ * 

c'^statfdsi l'un de ses ayeat, ce roi Tri-' 
çaQkou , que la force ascétique de Yiç- 
vâmitra fit monter au ciel , sans quitter 
son enveloppe morteile. 

A la fin de ce loi^ récita huit cents 
bomioes des plus forts attè»ent ravme 
colossaie : Râma empoiguo d'une Mule 
main tu bande Ttf c avec une force telie^ 
qu'il se brte au miHeu, j^o^uësse mer^ 
i^^ettse , par laqootle cet être plus 
quIiufiÉaki gagse la mate d'wae flerge 
siir»at«reU«, SHft,^ui b'a pas ôté^sonçue 
datis te sein é'uae fM»ne ^ mal s qUi est 
née d'un sillon oavwt pour le sa<^ific«v 

C'est ainsi <^ Yalnxtki jnépare d*«M 
msriia habile ce nœud , qu'A va engager, 
redoubler et serrer dais le vohnne sai-* 
iMit. Mais déjà ce premier toime est 
aM«B rtdie de laiHmôme pour exposer^ à 
cûlé des plus riantes ima^nations du 
TaMe » cet épisode gradeux de la belte 
Rhambô» qui se ^ue avec Indra, changé 
&i kiokila , mélc^ux omau de l'amour 
et du printemps , afin de brfeer contre 



récuefl des sédQCtibDB la péniteice da 
solitaire Yiçvftmitra ; QcmtieU peut 
rivaliser avec les plus heureuses fantaisies 
de TArioste par le délicieux taMean 4e 
cette vaelie Çafaalâ, qui parle d'ime voix 
artioiriée. et transforme son lalit eu tous 
les mets , que Toli désire , eh tous lès 
breuvages^ qu'il est possiUedé soubaitâr. 

A ees diffl^ènte& couéidérsOions sut* 
les détails , q»i toutes eouvergent au 
mêmeceotre, ruuité d'auteur, ajoutons 
qu' une (^servationgênéralede rensemble 
nous en dciniie aossila preuve dan^ un fliit 
curieux Ai poème, c^el^'-à*dir€l, sa couleur 
domtnaule. Âcette^nterèUgieiise^sacer^ 
dotale , ascétique même , on sent quHl 
fut écrit dans le plus bel âge des 
brabmes. 

Non seulement les rois du fiàmâyana 
s'indinent devant la supériorifédu prêtre, 
mais encore ils ne craigiient pas d'en 
proclamer eux-mêmes la divinité; c Ja- 
dis, les bralnnes étaient Dieux, ils habi- 
taient le ciel , mon fils; c'est le roi 



—XXIV— 

Daçaratba qui paiid ici ; mais les Dieux , 
à qui tous les Dieux obéissent , bous les 
les out euvoyés comoie les Dieux de la 
terre, afin d'éclairer la vie des hommes. » 

Cependant, au^essus du brabine, 
resplendit même Tanachorète, dont la 
ylTe lumière effitee tous les rayons des 
astres environnants : c'est la plus excel- 
lente des conditions , c^eiA la grandeur 
même des grandeurs. Aussi, les rois ab^ 
diquent le trône et vont s'mfermer an 
fond d'un bermitage ; tes Dieux entrent 
dans les voi^ saintes de la pénitence : 
il y a plus , ces êtres ineffabtes, devant 
qui les Dieux baissent le front, ces au* 
gustes personnes de la trinité indienne, 
un Brabma , un Vishnou, un Çiva, em- 
brassent elles-mêmes la carrière des 
mortifications. Elles ! dans quel but ? 
Dans un esprit de charité, afin que les 
Inérites de leur pénitence soient imputés 
au salut des créatures I 

Et ce monachisme illuminait, réglait, 
dominait tout dix-huit siècles avant que 



—XXV— 

rinstitotion ehrétieDoe eût fait battre 
encore ses anachorètes 1 

Mais il y a sans doute ici une errear, 
ou plutôt une lacune dans V Histoire du 
Christianisme. La société chrétienne dut 
offrir au monde payen ses premiers soU-* 
tahres bien avant les temps de SMnt Paul, 
herinite : fanachorète chrétien dut nattre 
le même jour que naquit le christia- 
nisme ; car Tidée chrétienne ne put venir, 
sans amener avec elle ce personnage, 
acolythe essentiel de son caractère. 



Notre système de traduction est déjà 
connu par les introductions mises en tète 
de notre GîUhGovinda et du Bbartrihari, 
auKsi nous est-il resté peu de chose à 
dire ici en supplément* 

^nkSkT.être^ le (^ des Grecs, s'emploie 



—XXVI— 

avec la troisième personne , qoand on 
adresse la parole à quelqu'un haut 
placé; c'est une expression de bien- 
séance et de respect. La supprimer» ce 
n'est point la traduire : nous avons donc 
essayé de compenser la nuance fine de 
cette pditesse avec les mots : ta grandeur 
ou ta majesté, tarépérenceoa ta sainteté, 
ta beauté même ou tes grâces, suivant 
que c'est un roi, un saint, une jeune 
dame, une belle nymphe, à qui s'adresse 
l'interlocuteur. 

Une expression d'un usage bien Tré- 
quent , c'est encore celle de lion des 
raiSj tigre des hommes, taureau des s(h 
litaires, quand on veut dire t le plus 
excellent des anachorètes, le pluséminent 
des hommes , le plus noble des rois. » 
Nous avons traduit quelquefois de cette 
manière un peu Umide, mais nous avons 
cessé aussitôt vu que c'était effacer la 
couleur individuelle , primitive , locale , 
et nous sommes revenus à l'expresinon 
littérale, associée toutefois avec une ^i- 



— XXVII— 

tkète , pour adoucir Fétrangeté de cette 
locution et faciliter son passage dans 
notre langue d*un goût ai délicat. 

Le sanscrit est une langue diflScile à 
traduire ; cependant elle cède plus faci- 
lement aux moyens du français qu'aux 
ressources mêmes du latin, malgré toute 
l'analogie des grammaires et des syi^ 
taxes ; c'est que l'idiome latin est une 
langue juridique, admimstrative, parle- 
mentaire , au lien qu'il faut une langue 
tiiéologique et coulée dans un moule chré- 
tien pour bien traduire le sanscrit, et, s'il 
m'est permis d'employer ici un mot 
d'une assez grande justesse, fraterniser 
avec cette langue , éclairée d'une aube 
déjà toute chrétienne tant de siècles 
ayant la naissance de Jésus-Christ. 

Néanmoins, nous avons glissé dans 
nos chapitres quelques mots , sans les 
traduire ; ceux-ci , parce qu'ils ne trou- 
vaient pas dans le français un mot cor- 
respondant; ceux-là, parce que le terme 
d'une apparente analogie eût fait naître 



— XXVIII— 

une idée incomplète , grimaçante ott 
fausse ; et nous avo»s pensé que, placés 
à Torigine des traductions du sanscrit 
en français, et contraints de nous y faire, 
en quelque sorte, une langue traducHve^ 
nous étions dans ce cas même , où , 
suivant Horace, il est permis d'inventer 
quelques termes nouveaux pour exprimer 
des idées nouvelles. 

Notre langue si hospitalière ne peut 
refuser à ces auxiliaires venus du aana- 
crit Taccueil bienveillant, qu'elle fait tous 
les jours à tant de mois étrangers , 
qu'elle reçoit amicalement chez elle; 
comme si, par cc^te facilité d'adc^tioa , 
elle voulait prédisposa tous les peuples 
à Tadopter elle-même comme un ins- 
trumenl nécessaire de relatfon uni^er'- 
selle , aujourd'hui que, la science , le 
commerce et Tindustrie supprimant les 
temps, lespréjugés,lesdistances,tontesles 
nations semblent invitées à reprendre m 
famille ce travail d'une tour, que la 
dispersion des langues leur fit afaan- 



—XXIX— 

donner auiL plaines de Sennaar : cette 
tour, c'est le progrès ; son achèvement 
indéfini , c'est la perfection : au-dessus 
même de laquelle Dieu cette fois , sou- 
riant à l'ouvrage , tend à réunir dans 
nne même langue tous les ouvriers de 
riiumanité I 



Meaux, i** Janvier i85A« 



ADIKANDA, 

OD 

TOME PREMIER. 



RAMAYANA 



POÈMU SANSCRIT 



VAL MI RI. 



sa^EDiDi^etnD». 



Aùm! Adoration a Rama! 

Avant tout, adoratioa à Nârâyuna, fait homme, 
et même le plus vertueux des hommes ! adoration 
eo même temps à Sarasvatî , éloquente déesse ! 
Ensuite, que se déroule dans sa marche ce beau 
chant de victoire ! i. 

Triomphe à Râma, le Daçarathide; Râma, aux 
yeux dç lotus blanc ; Râma , qui donnait sans 
cesse une joie nouvelle à Kâauçalya , sa mère ; 
lui , de qui le bras a terrassé le monstre aux dix 

S 



— 2— 

lêtes, et qui brille comme un tilaka sur le front 
de la famille issue de Raghou ! 2. 

Hommage encore à ce prince des anachorètes, 
à cet ascète bien-aimé de Çrî, à ce poète Vâlmîki. 
en qui toute science réside ! 3. 



Un jour » le plus grand des hommes versés 
dans la science de la parole , cet ascète, qui trou- 
vait son bonheur dans la pénitence et la sainte 
lecture des Védas , le plus vertueux des anacho- 
rètes , Yâlmîki enfin , adressait à Mrada (1) ce 
discours: 1. 

<' Qui est donc l'homme vertueux, renommé 
par les qualités du bien , instruit dans la justice , 
reconnaissant des bienfaits, n'ayant jamais que la 
vérité à ses lèvres, inébranlable dans sa dévotion, 
doué des mœurs les plus nobles» plein d'élo- 
quence , rempli de courage , qui offre à tout le 
monde un visage affectueux, et qui met son bon- 
heur dans celui de toutes les créatures ? 2 — 3. 

« Qui est cet homme grand , qui a pu fouler 
aux pieds sa colère ? Qui est cet homme ferme « 

(4)^Le Merci»^ indien, le messager des Dieux. 



dont la bouche est pure de médisance ? Qui est 
cet homme, de qui le courroux allumé fait trem- 
bler même tous les Dieux ? 4. 

« Qui est cet homme généreux et capable 
même de sauver les trois mondes? Qui est 
l'homme trouvant son bonheur à rendre son 
peuple heureux ? Qui est Fhomme , intainssable 
trésor de vertus accomplies? 5. 

« Qui est donc Thomme , vers qui seul on voit 
la belle Laksbmî s'incliner tout entière? Qui est 
enfin l'homme semblable au vent , au feu , au 
soleil^ à la lune, à Indra et même à Vishnou? 6. 

« Voilà, Nârada, ce que je souhaite apprendre 
en toute vérité de ta bouche j si tu peux connaître, 
sage divin , un homme qui ressemble à cette 
image ? » 7. 

Le discours de Vàlmîki entendu, Nârada , qui 
voit distinctement la triple face du temps, adressa 
la parole au rishi et lui répondit : « Écoute I 8. 

u II est très-difficile qu'un seul être, dans ce 
monde des hommes, réunisse toutes ces qualités, 
dont tu parles et qu'on n'atteint pas facilement, 
^t! elles sont d'une acqtiisition bien difficile; 
et je ne vois personne, entre les Dieux mêmes, 
qui soit doué complètement de ces vertus. Mais, 
écoute! un mortel, qui est parmi les hommes ce 
que la lune est au milieu des astres , possède 
toutes ces rares qualités. 9 — 10, 



—u— 

« Un rejeton d^un grand éclat , issu de la race 
d'Ikshwakou , une mine opulente de vertus, un 
prince, qui a nom Râma, est doué en effet de ces 
qualités et même de qualités supérieures, il. 

« Il est tempérant, magnanime, ferme, splen- 
dide, maître de lui-même, sage, environné de 
Tabondance , homme éloquent , bien-aimé de 
Çri, exterminateur de ses ennemis. 12. 

« Il a de larges épaules , de longs bras , de 
puissantes mâchoires, des genoux solides, un cou . 
image de la conque marine (1) ; il est habile ar- 
cher , vigoureux et d'une force invincible pour 
dompter les ennemis; il a de grands yeux, la poi- 
trine convexe , le pas sûr de la vérité (2) ; il est 
majestueux , beau de visage ; ses membres har- 
monieux , bien découplés et d'une couleur qui 
plaît à voir, sont parsemés de signes heureux ; il 
est chéri de la fortune, fidèle au devoir, obser- 
vateur de la foi donnée , judicieux , possédant la 
science , doué parfaitement d*héroïsme et de pu- 



(i) C'est-à-dire , marqué de trois \igaes , comme une 
coquille, signe de bonheur. 

(2) Satyavikrama , c'est une expression , qui doit 
revenir souTent et dont le sens ne semble pas toujours bien 
précis: aussi, traduisons-nous ce composé, tantôt par 
ces mots, qui a la force de la vérité, ou qui est fort comme 
la vérité; tantôt par ceux-ci; de qui la force est infail" 
iible, sûr0f ou ne trompe jamMs, 



reté, vaiuqaeur de la colère et viclorieni des 
sens. Il est le défenseur do monde entier et le 
protecteur de la justice. 13—14 — 15—16. 

« Il sait les Yédas et même le Védânga ; il est 
▼ersé dans tous les saints livres; il connaît la 
Térité et le sens de tous les castras; irréprochable 
dans ses mœurs , il est vanté sur la terre. 17. 

« Son âme douce et placide est partout cé- 
lèbre : aimé de tout le monde, on voit sans cesse 
affluer vers lui tous les gens de bien , comme on 
voit tous les fleuves courir à TOcéan. 18. 

« Toujours vrai, toujours égal, toujours ai- 
mable, sa vue n*inspire à tous que du plaisir : en 
un mot , Râma , fils bien-aimé de Kâauçalyâ , 
possède toutes les qualités. 19. 

K Semblable à la mer en profondeur, à T Hi- 
malaya en stabilité, à Vishnou pour Théroîsme, à 
la lune pour la suavité de son aspect , pareil au 
feu de la Mort dans sa colère , égal à la terre par 
sa puissance de porter , au Dieu des richesses par 
sa munificence, il fut toujours sans égal en amour 
de la vérité même. 20—21. 

« Il fait la joie de toutes les créatures par ces 
nobles qualités, et c'est de là qu'il est appelé 
Rama, nom célèbre, (/ui veut dire Aimable ou 
Charmant. 22. 

« Daçarathà, son père, homme d'une splen- 
deur admirable, voulut associer à son trône avec 



— 6— 

le titre de prince héréditaire ce Râma, ainsi doué 
de vertus et d'une force égale à celle de la vérité 
même , parce qu'il joignait à ce don des plus 
nobles qualités l'avantage d'être son fils aîné. 
Mais une de ses épouses, née du sang de Rékaya, 
à qui le roi Daçaratba avait jadis promis d'ac- 
corder une faveur, quelle qu'elle fût, lui rappelant 
cette promesse , quand elle vit s'apprêter ia céré- 
monie pour le sacre du jeune prince , demanda 
que Râma fût exiîé et que Bharata , son propre 
pis, reçût l'onction royale. 23—24 — 25. 

Le roi Daçaratha , lié par la chaîne de la foi 
jurée , obéissant à ce qu'exigeait la vérité de sa 
parole , envoya donc en exil son fils bien-aimé. 26. 

Le héros, sauvant l'honneur de la parole en-* 
gagée par son père et comblant les vœux de la 
Kékayide, se retira dans un bois sur l'ordre intimé 
par la voix paternelle. 27. 

A son départ, entraîné d'un affoctueux dé- 
vouement, le sage et vigoureux Lakshmana suivit 
dans l'exil Râma , son frère aîné. 28. 

Sîtâ du Vidéba , la vertueuse épouse de Râma, 
fidèle àf son vœu conjugal et qui, la plus distinguée 
entre les femmes, portait réunis dans sa personne 
tous les signes physiques de la perfection , voulut 
aussi partager le sort de l'exilé. 29. 

Riche en vertus acquises et naturelles, en dou- 
ceur, en jeunesse, en beauté, elle accompagnait 



toute brillante son Râma, comme la spendeor ac- 
compagne Fastre des nuits. 30. 

Reconduit loin par Daçaratha , son père , et 
suivi par les habitants d'Ayaudbya , quand il fut 
arrivé dans ia ville de Çringavéra , sur les rives 
de la Gaogâ , il renvoya le conducteur de sou 
•char. 31. 

Ensuite , il traversa dles bois impraticables , 
des fleuves et des marais ; puis , sur l'avis de- 
Bharadwâdja, il se raidit sur la montagne de 
Tcfaitrakoôta. 32. 

Cest là que, aidé pan Lakshmana , il se fit une 
habitatâOB délicieuse, où;, revêtu de peaux et d'é- 
corces, il demeura avec sa chère Sîtâ. 33. 

Grâces à cette triade heureuse , on vit alors le 
Tcbitrakoûta resplendir autant que le Dieu Çiva^ 
Kouvéra et Lakshmî (ont briller le mont qu!il&^ 
habitent, le céleste Mérou; ^k. 

Après que Râma fut allé demeurer sur le TchV- 
trakoûta, le roi Daçaratha, consumé par le chagrin^ 
<le son absence, déserta la terre pour le ciel , Q}U 
pleurant son fils. 3S, 

Dès qu'il eut appris l'exil dé Râma et la mort 
^e son père, Bharata dans la douleur s'abandonna 
aux gémissements , et , quittant la maison de sa 
mère, il se retira dans son palais. 36. 

Après le départ di Râma., les brahmes et Va- 



— 8— 

çishtha leur chef avaient proclamé Rharata bériiier 
da royaume ; mais ce prince illustre ne désirait 
pas la couronne. 37. 

Son père étant mort, cette âme loyale» placée 
dans la première dignité du royaume, abandonna 
les jouissances du trône, et s'en alla visiter Râma. 
Élevé au plus haut rang , ce prince d'une noble 
nalure supplia son frère de ceindre le diadème; 
mais Râma, ce héros célèbre, ûdèle aux ordres de 
son père , ne voulut pas du royaume. 38 — 39. 

Ce frère aîné de Bharata le congédia , après lui 
avoir donné même à plusieurs fois ses sandales , 
pour signe qu'il se dèvêtissait personnellement 
et qu'il investissait fiharata du royaume. ^0. 

Néanmoins celui-ci, qui n'avait pasobtenuTobjet 
de son désir, ayant reçu les sandales de Râma, fit de 
Nandigrâma la capitale de son empire dans le dé- 
sir et l'espérance qu'il y verrait descendre qnelque 
fois le noble bermite. ^1. 

Mais, craignant la visite importune des vil- 
lageois et des citadins , Râma quitte cette mon- 
tagne et s'en va plus loin dans la forêt Dandaka. U2. 

Il tue le rakshasa Yirâdha , et voit ensuite 
Çarabhanga, Soutikshna , Agastya et le frère 
d'Agastya. /i3. 

Alors et d'après les conseils d' Agastya même, 
il prit l'arc d'Indra , tpiand déjà , comblé d'une 



— g— 

joie suprême, il s'était saisi d'un carquois , puis^ 
d'un autre , tous àénx pleins de flèches 
inépuisables. Uk. 

Il est un lieu noiiïmé Pantctiavatî : il se cons- 
truisit là une deBueore. Ici, nouvelle habitation 
de Râma dans ce bois avec les hôtes des forêts. ^5. 

Poussés par la crainte de ces rakshasas , qui 
prennent toutes les formes, qu'ils veulent, des 
rishis viennent solliciter le secours du secou^ 
rable (1) Râma, de qui les yenx ressemblent aux 
pétales du lotus; Râma^ tel que Tinvincible 
Mabendra , quand il est armé de son arc, de son 
épée et de ses flèches. C'est pourquoi la hideuse 
rakshasî Çoûrpanakhâ aux formes chsmgeantes, 
qui habitait avec son frère le Djanasthâoa, anima 
Dous les rakshasas à marcher contre lui ; mais 
Râma fit mordre la poussière dans le combat à 
tous ces formidables Génies, à Khara , à 
Doûshana et même à Triçira , Ç homme aux trois 
4ê\e$; et taiUa en pièces une armée de quatorze 
miUe Démons, rassemblés sous leur comman- 
dement. — A la nouvelle du massacre, fameux dans 
les trois mondes , infligé à sa parenté, une colère 
insensée bouillonne au cœur du monarque des 
rakshasas , ce héros , nommé Râvana , qui pos- 
sédait une immense vigueur et la faculté de 
changer sa f<»rme à. votonté. ( Du 46' au 52* çL ) 

(1) Çaranyam çaranaiihina»,. 



—10— 

Râvana choisit pour allié un rakshasa, qui avait 
nom Mârîtcba et qqi souvent essaya de Tarrêter 
dans ses projets de vengeance : « Ta force , ô 
Râvana , lui disaxt-ii , n*est pas suflSsante pour 
lutter avec un héros si puissant ! » Mais Râvana, 
c[ue la mort poussait en avant , ne tint pas 
compte de sa parole. 52 — 53. 

Râvana ensuite, accompagné de Mârîtcha , se 
rend à Thermitage de Râma, et le magicien , son 
allié, égare au loin , non sans les prestiges de son 
art, les deux fils de roi. 5/». 

Saisissant l'occasion , Râvana tue le vautour 
Djatâyou et ravit l'épouse de Râma, la belle Sitâ, 
qui semblait une fille des Dieux. 55. 

Ayant vu la mort violente du vautour et le 
rapt de son épouse , qui doit lui coûter tant de 
peine à recouvrer, le Raghouide, consumé de 
regrets et ses organes des sens bouleversés par 
le chagrin , s'abandonne aux gémissements. 56. 

Ensuite, le Kakoutsthide brûle sur un bûcher 
fe vautour Djatâyou , et fait la rencontre de Ka- 
bandba , le fils aux grandes forces de la nymphe 
Danou. 57. 

Dans sa colère, il tue Kabandha à l'aspect 
épouvantable , et réduit en cendres le cadavre 
sur une pile de bois. C'est alors que le monstre 
hideux, réintégré dans un corps céleste, parle de 
Çavarl au vaillant Râma : « Va, dit-ily va, fils de 



— il— 

Raghou , trouver cette femme anachorète, versée 
dans la science de la justice. » 58 — 59. 

Sar les paroles du transformé, Râma, Timmo- 
lateur de ses ennemis , ce prince sans péché et 
d'une splendeur éclatante, s*eu va donc avec 
Laksbmana vers Chermitage de ÇavarL 60. 

Accueilli par elle avec les plus dignes honneurs, 
le fils du roi Daçaratha s'abouche ensuite avec le 
singe Hanoumat , sur les rives de la Pam'pâ. 61. 
% Ensuite vient, d'après les conseils d'Uanoumat, 
l'entrevue de Râma avec Sougrîva , auquel tout 
ce qui précède est raconté par le héros , doué 
d'une force puissante* 62. 

Quand Râma le magnanime a terminé son ré- 
cit , Sougrîva lui raconte à son tour l'histoire de 
son inimitié avec le grand roi des singes. 63. 

Tout est exposé affectueusement au noble Râma 
par le singe afOigé , qui énumère dans sa nar- 
ration les forces de Bâli. 6i!i. 

Râma lui engage alors sa main pour tuer Bâli, 
dont la puissance n'en continue pas moins d'ef-> 
frayer Sougrîva , non rassuré encore à cette 
promesse du Raghouide. • 65. 

Mais Râma, qui a vu cette défiance du roi des 
singes, envoie d'un coup de pied à cent yaudjana& 
le corps de Ooundoubhi ; il perce d'une même 
flèche , sans qu'elle plie d'un seul nœud , sept 
palmiers, la montagne, Ica régions infernales, et 



—12— 

jette par celte vue Sougrîva dans une adoiiration 
voisine de la stupeur. 66 — 67. 

Sougrîva, le meilleur des singes, à cette action 
merveilleuse de Rama , en recueille une joie su- 
prême dans son âme charmée. 68. 

Puis , le héros aux muscles si forts se lie 
d'amitié avec le roi des singes, et cette union 
produit au cœur de l'un et de Tautre une mu- 
tuelle confiance. 69. 

Après cela , les deux princes des singes et des 
hommes , ayant conclu un traité , Sougrîva et 
Ràma se dirigent vers la caverne Kishkindhyâ. 70. 

Arrivés là, Sougrîva, le plus noble des singes, 
rugit avec le fracas des nuages; et le grand roi 
des quadrumanes , attiré par ce vaste bruit, s'é- 
lance hors de sa caverne. 71. 

Alors, excité par quelques paroles de Sougrîva» 
le Raghouide tue Bâii dans un combat, et donne 
à son allié le royaume du vaincu. 72. 

Ensuite , ayant pris congé de Rama , le roi- 
singe entre dans la caverne de Kishkindhyâ , où 
il va demeurer les quatre mois de la saison 
pluvieuse. 73. 

Ce temps passé, le nouveau roi des quadrumanes 
rassemble tous les singes et les envoie par les diffé- 
rents points de l'espace dans son vif désir de 
retrouver la fille du roi Djanaka. -Ik 

C'est alors que , sur un avis du vautour Sam- 



>-î3— 

{)âtî , le singe Hanoomat franchit d*un saut une 
fiwr , large de cent yaudjanas , humide séjour de 
Varouna. 75. 

De-là , il s'avance hâtivement vers la ville de 
Lanka , où régnait le puissant Râvana , et voit 
Sttâ, qui, se promenant sous un bosquet d'açokas, 
était plongée dans ses pénibles réflexions. 76. 

Il montre à Sîtâ un signe de reconnaissance et 
lui raconte ce qui est arrivé depuis son enlèvement; 
il reçoit d'elle un contre-signe , et s'en va mal- 
traiter vigoureusement les Démons appelés 
JNaîrritas. 77. 

Il immole cinq fils des ministres dn roi et cinq 
généraux mêmes d'armée; il brise violemment le 
prince héréditaire Aksha ; mais il tombe dans les 
mains des ennemis. 78. 

Il se délivre lui-même de ses fers ; mais ap- 
prenant quelles faveurs Tayeul primordial des 
créatures a répandues sur le puissant Râvana, ce 
héros accepte volontairement les tortures des 
Rakshasas. 79. 

Ensuite , le grand singe incendie la ville de 
Lanka, revoit la Mithilienne Sîtâ et s'en iTtourne, 
après qu'il a ranimé le courage dans la princesse 
du Vidéha. 80. 

Il vient trouver le magnanime Râma , et , 
.l'ayant salué de la manière accoutumée (1) , il 

(1) Le texte dit quelle était celte manière, pradakski- 



parle ainsi à V époux affligé : « J'ai vu ta chère 
Sitl » 81. 

Après quoi, le Daçarathide se rend, accompagné 
de Sougrîva , sur le rivage du grand océan , qn*il 
agite avec des flèches brillantes comme le soleil 82. 

La mer elle-même se montre en personne au 
Raghouide , qui fait jeter sur les ondes le pont 
Nala, suivant les conseils de Tocéan. 83. 

Par cette voie, arrivé dans la ville de Lanka, 
Aâma lue le roi des raksbasas , et donne à Lanka 
même Tonction royale à Vibhîshaua , qu*il pro- 
clame roi des raksbasas. 84. 

Cette grande action réjouit les Dieux et leur 
chef Indra avec tous les chœurs des rishis divins; 
et les honneurs, qu'elle mérite , sont rendus par 
eux au Raghouide. 85. 

Au milieu même des félicitations, que lui 
adressent tous les Dieux an comble de la joie , il 
jette à son épouse dans cette auguste assemblée 
un discours envenimé d'un cruel soupçon, 86. 

D'où il suit que Sîtâ indignée entre dans le feu 
d£s épreuves : ensuite , un vent céleste souffle , 
une \oix parle, incorporée. 87. 

Les tymbales divines murmurent, une pluie 
de fleurs tombe du ciel; et, la déclaration du feu 
avec la voix de son père ayant fait connaître que 

nam, c'est-à-dire, en tournant autour de la personne 
saluée et observant de se tenir toujours à gauche, elle 
restant à la droite de la personne, qui salue* 



—15— 

la noble femme est sans tache, Râma sûiisfaù 
reprend son épouse immaculée : ainsi , tout ce 
qui était à faire se trouvant accompli , dès-lors 
tous les soucis de Râma s'évanouirent 88 — 89. 

Il a recueilli toutes les faveurs des Dieui, il a 
reconquis Sîtâ » il monte avec elle sur le char 
Ponshpaka et se rend à Nandigrâma. 90. 

Là , réuni à ses frères , le noble rejeton de 
Raghou fait tomber sous les ciseaux sa chevelure 
d'anachorète, et, maître de Sîtâ recouvrée, il ob- 
tient une seconde fois le royaume. 91. 

Après qu'il eut tué l'ennemi du monde, il cé- 
lébra différents sacrifices ; et, joyeux, entouré de 
plaisirs, caressé de la fortune, il savoura le bonheur 
dans la compagnie de sa belle Sîtâ. 92. 

Ce fils du grand Daçaratha , le fortuné Râma, 
ce roi d'Ayaudhya, gouverna comme un père ses 
peuples heureux ; et le monde content, charmé, 
joyeux , rassasié , bien attaché à la justice , vécut 
sans maladies , exempt de chagrins , affranchi du 
travail et ne connaissant pas l'indigence. 93— 9i!i. 

Nulle part les hommes ne voyaient rien qui fût 
affligé par la mort d'un fils; et toujours les 
femmes, ignorant le veuvage, se complaisaient 
dans l'obéissance à leur époux. 95. 

Aucun danger causé par le vent ; point d'eau 
qui pût subm.erger les êtres animés; nul péril né 
du feu, ainsi que dans l'âge Krita au Cage d'or, 96. 



—16— 

Dans son royaume , on n'eût trouvé ni veuvcfr, 
ni femmes sans appui, ni idiotes natures: les 
hommes n'étaient là ni indigents, ni malheureux, 
ni tourmentés de maladies. 97. 

Quand il aura plusieurs centainesde fois célébré 
le sacrifice do cheval, en prodiguant les parfums, 
le Raghouide donnera aux brahmes des vaches par 
maintes centaines de onltiers; il conduira son 
royaume de nombreuses années, il affermira dans 
ce monde le faisceau des quatre ordres sur Tas- 
siette de ses devoirs : puis, ayant occupé le trône 
dix milliers et dix centaines d'années , il s>u ira 
dans le monde de Brahma. 98 — 99 — 100. 

L'homme , sur lequel tu m'interroges , cet 
homme orné de toutes les qualités, heureux, 
obéi dans ses ordres puissants, tu le vois, ô 
Vâlmiki , ce fut Râma, dont ces vertus ont formé 
la noble parure. 101. 

Après ce discours de Nârada, Vâlmîki lui tint 
ce langage : «Sage divin, il est difiScile à un seul 
homme de réunir les vertus, que tu viens d'énu- 
mérer; et néanmoins cette rare collection, tu me 
l'as fait voir dans cet instant même rassemblée 
toute en Râma. Ce récit infailliblement assurera 
une longue vie, il donnera la renommée, il aug- 
mentera la force. 102—103. 

Il sera délié de ses péchés , l'homme qui lira 
cette vie de Râma ; il en sera délivré , soit 



-17- 



qu'il récite, lise ou médite cette narration si pure 
à entendre. iO(i. 

Quiconque dira entièrement le Râmâyana , il 
sera exempt d*infortuné, lui et sa maison , et son 
fils, et le fils de son fils. 105. 

L'homme, qui, plein de foi, Ut cette épopée au 
milieu des savants , obtient dans ce mande une 
protection universelle , et , dans l'autre , son âme 
se fond en l'essence intelligible ! 106. 

On verra , s'ils ont lu ce poème , le brahme 
s'élever à toute la supériorité de la parole; 
l'homme de caste militaire s'élever jusqu'à posséder 
le trône de la terre ; le vaîcya ou /'homme de 
commerce s'élever à l'opulence par la fructification 
de ses marchandises ; et le coudra même , qui en 
écoute une lecture, s'élever sans aucun doute à hi 
grandeur! » 107. 



Ici, dans Le premier tome du saint Râmâyana, 

Ce poème capital du grand sage Vâlmîki, 

Et dont la totalité comprend 24,000 stances» 

Finit le premier chapitre , intitulé: 

Discours de P^arada. 



•.18— 



II. 



Après qu'il eut entendu ce discours de Nârada, 
Vâlmîki, Tersé dans l'art de la parole, fut plongé 
avec son disciple dans une profonde admiration, i . 

II rendit mentalement ses hommages à Râma ; 
ensuite, le grand solitaire avec son disciple honora 
également Nârada. 2. 

Quand celui-ci eut reçu du saint hermite ces 
déférences méritées, il fit ses adieux à Vâlmîki; 
puis, ayant obtenu congé de lui, Nârada, le divin 
sage, repartit aussitôt pour le monde des Dieux. 3. 

Après rinstant qui suffit à ce Dieu pour mesurer 
l'intervalle de la terre au séjour éthéré, Yâlmiki, 
le plus vertueux des anachorètes , se rendit sur 
le rivage de la Tamasâ. U, 

Là, ce grand mouni rencontra un petit lac 
d'une eau claire, issue de la Tamasâ ; et, à la vue 
de ce tirtba sans vase, il dit à son disciple debout 
à son côté: 5. 



^19— 

<c fihâradwâdja, vois ce vivier pur, trans]>arent, 
lisse et limpide comme Fâme des sages : je vais 
me baigner dans ce lirtha an sable fin , à qui la 
Tamasâ fournit ses blondes et belles eaux. 6 — 7. 

« Toi , cours à Thermitage , prends-y un val- 
kala (1), reviens promplement, et rapportc-le* 
moi vîte , de manière qu*il n*y ait aucune perte 
du temps favorable. » 8. 

Celui-ci , obéissant à la voix de son instituteur 
spirituel, revint à la bâte de Thermitage, apporta 
un valkala et le donna à cet homme saint. 9. 

Vâlmtkl , l'ayant reçu des mains de son dis- 
ciple , se revêtit du valkala ; puis , il se plongea 
dans les ondes, 8*y baigna , et récita la prière à 
voix basse. 10. 

Après qu'une libation d'eau , suivant la règle , 
eut satisfait les Dieux et les mânes des ancêtres, 
il parcourut , en promenant ses regards de tous 
côtés, le bois, qui ombrageait cette rive de la 
Tamasâ. 11. 

Là, il vit errer, sans crainte, comme des oiseaux 
familiej's, sur le bord de la rivière, un couple de 
hérons d'une ravissante beauté. 12. 

Mais, fixant sur les amants ailés une pensée 
haineuse et leur dérobant son approche, un sau- 
vage chasseur abattit l'un d'eux tout près du 
solitaire. 13. 

(]) Vêtement d'écorces en usage chez les anachorètes. 



—20— 

A la ¥oe de son époux baigné de sang , la 
veuve désolée et voltigeant autour de Toiseau, qui 
se convulsait expirant sur la face de la terre , se 
mit à gémir d'une manière touchante. 14. 

Ce spectacle du volatile , ainsi tué dans ce bo- 
cage par le sauvage chasseur, fit naître la pitié au 
cœur du solitaire et de son disciple. 15. ' 

Alors, ce brahme excellent et qui semblait ici-bas 
!a justice en personne , ce brahme^ témoin d'une 
telle cruauté et voyant les gémissements pitoyables 
de la veuve, chanta ces paroles: 16. 

« O chasseur , puisses-tu ne parvenir jamais 
à la gloire pendant la révolution éternelle des 
années^ puisque tu n'as pas craint de frapper 
ce héron , dans le temps qu'il s'enivrait | 

d'amour! » 17. j 

A peine avait- il articulé ces paroles, que cette | 

pensée lui vint à l'esprit : « Qu'ai-je donc pro- l 

nonce là en déplorant cette mort de l'oiseau ?» 18. 

Après qu'il eut rêvé un instant et roulé cette i 

phrase cadencée en lui-même , il tint ce langage I 

à son disciple Bhâradwâdja , debout à ses côtés : 1 9. i 

« Je veux que cette période, qui marche sur 
quatre hémistiches de syllabes égales pour la 
quantité , soit le type de la stance consacrée à 
chanter la douleur ; car c'est en pleurant que je 
Tai prononcée. » 20. 

Ayant oui ces excellentes paroles de l'ana- 



—21— 

chorète : « Soit ! » répondit le disciple , qni fev 
accepta, témoignant ainsi de son amour à l'égard 
de son maitre. 21. 

Ensuite , causant ou méditant sur cette aven- 
ture , le mouni revint à Thermitage, accompagné 
de son élève. 22. 

Bhâradwâdja, ce disciple modeste, estimé, ho- 
noré même an plus hant degré, portait sa cruche 
pleine derrière lui et suivait le grand anachorète 
à son hermitage. 23. 

Entré là avec son élève, le saint hermite, versé 
dans la science de la justice, s'assit en ce lieu et 
demeura plongé dans la méditation. 26. 

Ensuite , le créateur du monde , Brahma , le 
Seigneur, l'Être qui existe par lui-même, Bhagavat 
ou le Bienheureux d'une manière absolue^ y vint 
de lui-même en personne visiter ce rishi le plus 
vertueux des saints. 25. 

Yâlmîki à sa vue se lève avec empressement, 
il s'incline devant lui, ses mains jointes , et, sans 
rompre le silence , il reste plongé dans une pro- 
fonde et pieuse stupéfaction. 26. 

Puis, il honore le Dieu avec des génuflexions, 
en lui offrant un siège , de l'orge , des fleurs, de 
l'eau pour se laver les pieds ; et, prosterné, suivant 
la règle , il demande à Brahma comment il se 
porte dans son inaltérable santé. 27. 

Brahma prend donc place dans le siège t envi* 



—22- 

ronné des plus dévotieux respecls , et daigne au 
même instant indiquer lui-même uu siège à 
Vâlmîki. 28. 

Eu face de l'antique ayeul des mondes assis 
de?ant lui, Vâlmîki demeura absorbé dans la mé- 
ditation , car le Dieu attirait à lui son esprit tout 
entier. 29. 

Ensuite , revenu à i*usage de son âme et s*a« 
bandonnant à la tristesse, il redit plusieurs fois ce 
même çloka, comme une personne, à qui le mal- 
heur de la veuve emplumée arrache encore des 
larmes. 50. 

« Qu'il a causé , murmurait-il , qu'il a causé 
de mal ce chasseur à Tâme féroce , aux pensées 
basse3 , qui frappa tout-à-l'heure , sans aucune 
ramn, ce gentil héron aux chants délicieux ! » 31. 
Puis , Brahma dit en souriant à ce vertueux 
anachorète : « Grand sage , cet ^enchaînement de 
paroles, que tu viens de prononcer ici, en déplo- 
rant cette perfide mort du héron, sera, comme tu 
le veux, un çloka. C'est la déesse de l'éloquence, 
ô brahme, Sarasvatî elle-même , qui te l'a inspiré 
de son propre mouvement (1). 32. — 33. 

«0 toi, le plus distingué entre les saints, chante 
au monde toute la vie de Râma , ce héros ver- 
Ci) Voici la traduction de M. Gorresio: cSpontaaeo 
usc\ da te, o Brahmano, questo nuovo modo di favella. »^ 
Les deu); sens, le sifla et le nôtre, sont dans la lettre da texte. 



— 2S— 

tueux , beau , sage, et de qui l'âœe est celle de I» 
justice elle-même. $U. 

« Raconte avec ce mètre les aventures de Râm9, 
comme Nârada te les a dites ; célèbre ce qui est 
caché ou manifeste dans la vie de cet homme 
sage. 35. 

« Dis entièrement les exploits de Râma et de 
ses compagnons ; dis ce que firent aussi les rak- 
shasas, et n'omets rien de connu ou d*igQoré 
touchant la princesse du Yidéba. 36. 

« Toute la vérité des choses , que le roi Daça- 
ratha fit avec son royaume et ses trois épouses^ 
te sera même bien connue. 37. 

« Par ma divine faveur , tu seras instruit de 
tout ce qui fut conclu, dit, fait et pensé même. 38. 

« Il n'y aura dans ce poème aucune de tes 
paroles , qui ne soit conforme à la vérité. Com- 
mence donc sur le vaillant Râma un récit divin, 
ravissant , composé de çlokas ; et f assure à ton 
Ràmâyana qu'on le verra circuler dans les mondes 
aussi long-temps que les montagnes et les fleuves 
resteront sur la face de la terre! » 39—60. 

Ayant ainsi parlé, Brahma , l'Être absolument 
heureux, disparut : ensuite, une admiration pro- 
fonde saisit Yâlmîki et son élève. 41. 

Dans un élan de première joie , tous ses dis- 
ciples de chanter et rechanter à l'envi ce çloka 
du maître : après , on se fit encore un jeu de 



redire la çoka , c'est-à-dire , la douleur , que le 
magnanime poète avait scandée en quatre hémi- 
stiches de syllabes pareilles ; et c'est ainsi que du 
mot ÇOKA, s'akérant à force d'être successivement 
répété, on est tombé peu à peu dans cette forme 
dérivée : un g^OKA. /i2— /i3. 

Alors, voici quelle fut la pensée du sage: « Il 
me faut composer dans une telle mesure tout 
mon Râmâyana, vaste narration, à la matière 
ample, variée, pleine de sens, dont l'amour de la 
justice est la base, qui est riche en perles comme 
la mer, et qui a pour but de remplir toutes les 
oreilles du monde entier. » kU — 45. 

C'est donc ainsi que l'anachorète au nom paré 
de gloire, à l'intelligence magnifique, fut conduit 
à versifier son poème illustre et d'une beauté su- 
périeure , ce poème fameux du Râmâyana , avec 
des centaines de çlokas à syllabes égales , dis- 
tribuées en des hémistiches délicieux , auxquels 
de nobles événements prêtaient une opulente 
matière. 46. 



/ci , dans le premier tome du saint Râmâyana^ 

Finit le deuxième chapitre, nommé: 

La Visite de Brahma. 



—25— 



HT. 



Le saint anachorète , ayant reçu d'abord da 
sage divin Nârada les premières semences do 
poème et demandé en outre au monde les aven- 
tures de son héros, lava sa bouche, et, les mains 
jointes, debout, suivant les rites^ sur une jonchée 
de rherbe sacrée kouça , qui tournait le bout de 
ses feuilles vers le point oriental de l'espace , il 
entra dans la carrière de son poème, i — 2. 

11 suivit par la force de son ardente inspiration 
la vie de ce héros éclatant, sa naissance, sa puis- 
sante vigueur, sa prospérité en toutes choses. Ta- 
mour que le monde témoignait à Râma, sa pa- 
tience, sa douceur, la vérité de ses paroles, et son 
voyage à Mithila , et sa force indomptée , quand 
elle brise Tare de Çiva; 3 — U. 

Et la querelle de Râma avec Rama, et la crainte 
du roi Daçaratha , et d'autres récits , aussi nom- 

Jk 



-26- 



breax que variés, du grand anachorète Viçvâ- 
mitra ; 5. 

Et Fonction royale destinée au jeune Râma , 
et la jalousie méchante de la Kékayide, et l'obs- 
tacle jeté dans la cérémonie du sacre , et Fexii 
de Râma; 6. 

Le chagrin et les gémissements du roi , son 
désespoir et sa mort , la tristesse et le renvoi 
des sujets; 7. 

Et la conférence avec le roi des Nishâdas , et 
le retour du cocher, et la traversée du Gange, et 
Tentrevue avec Bharadwâdja; 8. 

Et, suivant ses conseils , le voyage de Râma au 
mont Tchitrakoûta , et sa construction d'une 
chaumière , et son habitation en ce lieu , et 
l'arrivée de Bharata ; 9. 

Et comment il cherche à persuader Râma, et 
la cérémonie de l'eau en l'honneur de son père , 
et l'investiture donnée par le soulier (1), et l'ha- 
bitation du nouveau roi dans Nandigrâma ; 10. 

Et le départ de Râma pour le bois Dandaka, et 
son entrevue avec Soutîkshna, et son entretien 
avec Anasoûyâ , et le présent du suave parfum ; 11. 

Et l'habitation de Râma dans i'hermitage de 
Çarabhanga ^ et le fils de Vasou , Indra , qui se 



(1) Le texle ajoute encore âdi, c'est-à-dire, ci cœtera. 



—27— 

présente à sa vue, et rhermitaged'Agastya, et les 
armes , qo*il donne à son hôte Râma ; 12. 

la rencontre de celni-ci avec Virâdha, et son 
habitation dans un lieu dit les Cinq-Palmiers» e^ 
Çoûrpanakhâ moquée, et sa beauté détruite; 13. 

Et la mort de Khara , et celle de Triçiras , et 
cette nouvelle portée à Râvana , et la mort de 
Mâritcha, et le rapt de Sitâ; 1^. 

Et le meurtre du vautour Djatâyou, et la 
plainte du sensible Raghouide , et sa chute dans 
les bras du hideux Kabandha , et la OMrt , qu'il 
donne à ce monstre; 15. 

Et son entrevue avec Çavarî, et son arrivée sur 
les bords de la Pampâ , et , devant cette rivière, 
la plainte exhalée par le magnanime Râma ; 16. 

El son voyage à Risbyamoôka , son entrevue 
avec Sougrîva , la confiance, qu'il fait naitre en 
lui , Tamitié , qu'ils se jurent l'un à l'autre , le 
combat de Sougriva et de Bâli; 17. 

La mort de ce dernier, et son royaume donné 
à Sougriva, la plaintede Tara, le traité, et le séjour 
du roi-singe dans sa caverne pendant toute la 
saison pluvieuse; 18. 

La colère du lion issu de Raghou , le rassem- 
blement des armées , le départ vers les différents 
points de l'espace, et la description de la terre ; 19. 

Et le don fait de l'anneau , et la vue de la ca* 
verne , et la résolution de se laisser mourir de 



—28— 

f aioi , et la rencontre du vautour Sampâti ; 20. 

Et l*ascen»OD sur la montagne, et la mer, que 
4e singe Hanaumat franchit d'un saut, et son 
entrevue avec Sinhikâ , et les maisons de Lanka, 
qui s'offrent à ses regards; 21. 

Et son entrée dans Lanka nuitamment , et sa 
«délibération avec lui-même, et son arrivée sur la 
place des fontaines publiques , et le gynœcée 
royal, qui se présente à sa vue; 22. 

Et sa venue heureuse dans le bosquet d'açokas, 
«t Sitâ , qu'il y voit se promener , mais il y voit 
aussi des femmes rakshasîs , mais il y voit aussi 
Râvana ; il cause enfin avec la belle Mithilienne, 
il montre à Sîtâ une marque .de reconnaissance , 
et Sîtâ lui remet un joyau. Dans la pensée du 
poète se déroulent encore, et le brisement des 
arbres, et la fuite effrayée des rakshasîs, et le mas- 
sacre des serviteurs , et la mort donnée aux tils 
des ministres , et la mort donnée aux cinq gé- 
néraux de l'armée; 23—2^—25. 

Et la mort du prince Aksha , et la prise du 
noble singe par Indradjit, et la dévastation 
de Lanka incendiée, et la mer, qu'Hanoumat àson 
retour franchit encore d'un saut , et son repas 
avec les rayons de miel, et Râma, dont il ranime 
le courage avec l'espérance , et le joyau de Sîtâ, 
qu'il remet au prince, son époux; 26 — 27. 

Et la conférence avec la oicr en sa personne , 



—29— 

et le pofit Nala jeté sur les bomides flots, et 
l'armée , qui passe le détroit, et le terrible siège, 
qu'elle vient mettre sous les murs de Lanka ; 28. 

Et Vibbîshana, frère du monarque ennemi, qui 
se joint à Râma , et la révélation des moyens 
pour tuer Râvana, et la mort de Koambbakama, 
ei la mort de Méghanâda , et Râvana tué, et SStft 
recouvrée , et Tonction royale conférée à Yibbt- 
shana , et le char Pousbpaka , c^est-à-dire fleuri, 
où montent les deux époux enfin réunis; 29 — 30. 

Et le retour du héros h la ville d'Ayaudhya, 
et Bharata , qui vient à sa rencontre , et les fétea, 
données au sacre de Râma, et le licenciement 
des armées de singes et de raksbasas; 31. 

Et le concile des mabarshis Agastya et les 
autres saints , et Forigine des raksbasas , et les 
victoires de Râvana , et le renoncement à Sftâ, 
et Tamour des sujets, et ce qui devait arriver au 
sage Râma sur la face de la terre, et ce qui ap- 
partient à la vie de ce héros , après qu'il fut re- 
monté sur le trône , et l'arrivée des riAts , et le 
renvoi de Çatroughna, et Sîtâ, qui accouche dans 
une forêt , et Lavana , qui est tué dans un com- 
bat , et l'arrivée de Kala et de Dourvasas , et 
l'expulsion même de Ijikshmana ; 32—33—36. 

Et enfin Râma qui monte au ciel , après qu'il 
a partagé son royaume entre ses fils. 

L'anachorète, qui embrassait tous les trois 

4* 



—30— 

inondes par la force de son ardente méditation, 
vit là , devant ses yeut , la grande vie de Râma. 
comme une flear d^amalaka , qu'il aurait tenue 
dans sa main ; et sur le champ il se mit à rédiger 
cette narration pure à entendre, merveilleuse, et 
dont la matière a pour base l'amour de la justid|e ; 
cette narration, qui est tout un océan de poèmes, 
rempli de perles en masses pour le plaisir des 
oreilles. 36—37—38. 

Et, quand il eut composé entièrement ce poème, 
nommé Le Ramayana au les Courses de Rânia, 
il vint à Yâlmîki cette pensée : « Qai répandra 
mon œuvre dans le monde 7 » 39. 

Tandis que l'âme pensive du grand saint était 
plongée dans ces réflexions , deux jeunes élèves 
de Yâlmîki, nommés Kouça et Lava, nés du sang 
même de Râma et de Sîtâ , portant l'habit d'ana- 
chorète et réunissant la noblesse des formes au 
don aimable de la vertu , vinrent alors embrasser 
les pieds du solitaire. 40 — M. 

Yâlmîki, ce bienheureux saint, leur ayant 
donné un baiser sur le front, tint ce discours aux 
deux frères, qui restaient inclinés devant lui : U2, 

« Prenez , comme je vous l'ordonne , ce Râ- 
mâyana , que j'ai maintenant achevé , cette nar- 
ration faite pour des oreilles pures, ce poème 
saint, auquel est jointe la mort de i?arana , fils 
de Poulastya, et qui renferme une matière fondée 



— Si — 

sur Tamour de la justice. Doué des sept note» 
mélodieuses, dont la gamme est chantée sur la 
\1nâ, son mètre doux « soit à lire , soit à chanter, 
et se mariant avec justesse aux trois mesures, 
contient les sept tons musicaux dans un récit, 
qui charme les oreilles de Tauditeur; li^-liU-k5. 

Ce récit, où se déroulent tous les sentiments , 
qui sont Tâme de la poésie ; où le terrible , le^ 
riant , le hideux et la colère sont associés à Thé- 
roisnie , la pitié , la douceur et Tamour. » ^6. 

Ayant ainsi parlé aux deux jeunes gens , ce 
bienheureux , le plus saint des rishis, leur fit lire 
entièrement ce poème, brillant palais, où demeure 
toute rhistoire de Râma. ti7. 

Quand, obéissant à sa voix, ils curent complè- 
tement lu ce limpide poème du Râmâyana , le 
solitaire dit alors aux deux frères : US. 

« Allez , ô vous , mes disciples , chanter cette 
épopée dans les conciles des saints et dans la cour 
des rois sages , vertueux , adonnés à la pratique 
des œuvres pures. » ^9. 

Ainsi congédiés par leur maitrç , Kouça et 
Lava, ces deux rapsodes aux formes célestes, 
égaux en beauté , profondément versés dans les^ 
Védas , le Yédânga , les Itihâsas et les Pourânas, 
fils de rois et doués par ia nature d*une voix ra- 
vissante , se levèrent sur t horizon , comme un 
soleil né du soleil de Râma, et s'en allèrent^ dans^ 



—32— 

les conciles des rishis, dont la bonche est l*organe 
de la Sainte-Écriture, chanter de leur Toix mélo* 
diense ce mélodieux poème, comme Vâlmlki leur 
avait enseigné. 50 — 51 — 52. 

Brabma fut enchanté par eux; ils ravirent 
(T admiration , et Mahéndra , et les plus grands 
Dieux, et les Gandharvas, et les oiseaux mêmes, 
et les serpents , et les plus grands saints. 53. 

Un jour , ce poème du Râmâyana fut chanté 
par les deux rapsodes à la beauté céleste et de leurs 
voix harmonieusement unies, au milieu des rishis 
assemblés. 5U. ~ 

Quand ceux-ci entendirent ce poème, leur en- 
thousiasme éclata ; et , de cette foule aux âmes 
toutes charmées, s'éleva un grand tumulte de 
voix , s'écriant : « Bien ! Bien I » Tandis que 
Kouça et Lava chantaient, les anachorètes, voués 
à Tamour de la vertu, comblaient de louanges ces 
jeunes ménestrels, et disaient: 55 — 56. 

<* Oh ! comme ce poème suit fidèlement la 
nature ! Oh ! quels doux sons ! Oh ! que cette vie 
du fortuné Rama est dite grande à bien juste 
titre ! 57. 

« Certes! nous la voyons, cette longue histoire, 
comme si elle était vivante sous nos yeux ! Que 
poli et même suave est donc cet enchaînement 
d'hémistiches à syllabes pareilles! 58. 

« Ces frères charmants , à la voix mélodieuse. 



—33— 

et qui ressemblent aux fils des Immortels , sont 
des rapsodes bien dignes assurément d'un si 
beau poème I 59. 

«Ohichose, que Ton voudrait toujours entendre! 
Oh ! chose , que Ton devrait toujours dire ! Oh ! 
chant délicieux , où des hémistiches bien liés se 
marient à des quantités et des mesures bien 
comptées , où la richesse du coloris accompagne 
une perfection exquise dans les sons! » 

Excités par ces applaudissemenis et ces éloges, 
les deux rapsodes chantaient de nouveau, avec 
douceur et mélodie , un autre épisode encore 
plus étendu ; et les solitaires joyeux leur donnaient, 
celui-ci un vase pour Teau , celui-là un fruit sa- 
voureux et choisi, tel autre un valkala (1) désiré. 
Ainsi fut honoré jadis par des anachorètes ce 
poème admirable et saint, qui devait être un 
jour comme une semence de poètes! 

Quelquefois , ces jeunes ménestrels si vantés, 
à la beauté céleste , allaient dans les villes royales 
et chantaient en présence des monarques. 

£n(in Râma lui-même , Râma les entendit 
chanter ainsi pendant un açva-médha , et les fit 
amener devant lui , comblés d*honneurs , par ses 
plus chers affidés. Alors , invités par le vaillani 
Ilâma^ nos deux ménestrels chantèrent ce poème> 

(1) Voyez la noie, page 19. 



—3/1— 

dans les intervalles des consécrations liturgiques, 
vis-à-TÎs de Râma, de Lakshmana, de Çatroughna, 
de Bbarata et d'autres monarques , en présence 
de Vaçisfatha , d'Âtri et des archi-brahmes, dans 
la bouche de qui respire la Sainte- Écriture : alors, 
dis'je, assis dans un trône éclatant, couvert d'un 
magnifique tapis , Rama , avec Bdarata et ses 
autres frères , entendit là sa grande histoire , le 
divin Râmâyana. ( Du 60« au 70" çL ) 

Environné de villageois et de citadins par cen- 
taines de mille , il jeta les yeux sur le couple 
gracieux de ces adolescents aux formes divines 
et qui, égalant eux-mêmes la douceur du poème 
par la douceur de la voix , unissaient la modestie 
au don de la beauté ; puis, il dit à Lakshmana et 
h tous les membres de rassemblée: 70 — 71. 

« Écoutez , de ces jeunes musiciens , qui la 
chantent dignement et qui brillent d'un éclat 
divin , cette histoire , dont les vers aux sons mé- 
lodieux roulent sur une matière admirable. 72. 

« Car ces deux rapsodes , à peine adolescents 
et doués richement de tous les signes où se 
révèle un roi , Kouça et Lava , qui ont trouvé un 
saint asyle dans le bois des mortifications , vont 
chanter mon histoire , que le grand rishi Vâlmîki 
a composée , histoire merveilleuse et digne assu- 
rément des plus beaux vers. » 73. ' 

Alors, ces ménestrels, invités par le Raghouide, 



—35— 
> 
chantèrent ce poèoje , en suivant pas à pas sa 
marche ; et Tâme de Râma , comme celle des 
personnes, qui TaTaienl accompagné au sacrifice , 
attacha sur les çlokas chantés une silencieuse 
attention, lit. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le troisième chapitre, intitulé: 

Second abrégé du Poème. 



—36- 



IV. 



Quand Bâiua eut recouvré l'empire , Yâlmiki^ 
ce bienheureux saint , en composa l'histoire si 
variée » dont il déroula toute la matière dans ses 
hémistiches admirables; narration excellente» 
pure , céleste , où respire l'âme de Yishnou ; 
itihâsa antique , qui marche d'un pas égal aux 
quatre Védas. 1 — 2. 

H récita cette épopée heureuse, céleste, qui 
donne la renommée , une longue vie , et qui est 
un vaste chemin pour le salut, aux brahmes, fidèles 
à leur vœu et qui ont su dompter leurs sens , ii 
Dhâaumya , Mândavya , Kouçika , Ârshniséna , 
Kauçala, et aux deux frères, Kouçaet Lava, issus 
d'Ikshwakou et portant l'habit des anachorètes. 

Là est écrite dans sa vérité la vie du magnanime 
Rama ; là est racontée et son immense richesse . 
et sa justice , et son amour, et son grand art de 
gouverner, et la substance même entièrement des 
trois Védas. 3— /i—S. 



-37- 



II obtiendrait ici-bas les plus grande biens, e^ 
s'élèverait dans l'autre monde h Tégalité même 
ayec les Dieux , cet homme qui pourrait toujours 
entendre, cet homme qui pourrait sans cesse ra- 
conter cette poétique histoire des Ikshwakides, 
du sage Djanaka et du rishi divin Poulastya ; cette 
narration , qui enfante le plaisir, qui est la puri- 
fication éclatante des péchés , qui est tissue avec 
la justice pour matière ; ce grand poème , que le 
magnanime Râma fit réciter depuis le commen- 
cement sur la fin d'un açwa-médha. { Du 5* au 
10» çloka. ) 

Ce présent volume est nommé Adikanda ou 
Tome premier , et voici quel est son contenu : 
D'abord, l'interrogation faite à Nârada , et même 
la promenade du saint anachorète Vâlmîki à la 
rivière Tamasâ; 10. 

Et la manifestation de Brahma aux yeux du 
solitaire , et la grâce excellente , qu'il accorde au 
pieux hermite dans ce même chapitre, où le poète 
raconte C origine et la mesure desçlokas; 11. 

Ensuite , et la description d'Âyaudhyâ , et la 
peinture du roi Daçaratha, et celle de ses ministres, 
et celle de Kâauçalya; 12. 

Et le conseil tenu par son royal époux pour 
obtenir des fils, et la cérémonie de l'açwa-médha, 
et la faveur éminente, qui en fut la consé- 
quence; 13. 

5 



. —38— 

Et les Dieux , qui viennent participer au sacri- 
fice , et la délibération sur les moyens d*arracher 
la vie au démon Râvana; 1^. 

Et la descente des immortels sar la terre , et 
l'origine céleste de la potion génératrice , et les 
fils du roi conçus , Râma dans le sein de Kâau- 
çalyâ, Bharata dans les flancs de Kêkéyî, et deux 
jumeaux , Lakshmana et Çatroughna , dans le 
sein de Soumitrâ; 15 — 16. 

Et Torigine de tous les singes, et Tentrevue du 
roi Oaçaratha avec Tanachorète Viçvâmitra; 17. 

Et Râma, que le roi donne à celui-ci pour 
défendre son pieux sacrifice, et Lakshmana, qui 
s'attache dans cette mission aux pas de son frère 
aîné , et comment celui-ci obtient le don excellexit 
des sciences mystérieuses ; 18. 

Et leur habitation dans Thermitage de T Amour, 
et la vue de la forêt , que désole Tâdakâ , et la 
mort infligée à cette furie, et le don fait à Râma 
des armes enchantées; 19. 

Et rhabitation dans F Hermitage- Parfait, et le 
sacrifice défendu contre les rakshasas , et dans 
cet endroit même la mort de Soubâhou, et la 
menace jetée à Mârîtcha; 20. ^ 

Puis, la généalogie du rishi Viçvâmitra, qu'il 
raconte lui-même, et l'origine sainte de la Gangâ, 
et la chute du germe céleste, d'où naquit le dieu 
dv la guerre, Kârtlikéya , et la généalogie de 



—39— 

Viçâla , le rishi-roi , et la péniteote Ahalyâ , 
délivrée de la malédiction , et l'arrÎTée dans Mi- 
thilâ, et la vue de Fenceinte décrite à Tentonr du 
lieu choisi pour le sacrifice , et Tentrevue avec 
Djanaka , roi de Mithilâ ; 21^22-*23. 

Et la vie entière du magnanime rejeton de 
Kouça , racontée id au Raghouide par le sage 
Çatâoanda; 2k. 

Et l'arc de Çiva brisé , et k jeune princesse 
accordée en récompense à Râma, et l'entrevue du 
roi Daçaratha avec le roi Djanaka. 25. 

Ensuite, mariage de Sitâ et des autres jeunes 
GDes-royales ; puis, ayant pris ses brus avec lui, 
retour du monarque dans ses états. 26. 

Après son départ on expose, et la rencontre 
de Râma avec le sage Djâmadagni , et l'exclusion 
des mondes célestes , que celui-là ferme à 
celui-ci , et l'entrée dans Ayaudbyâ , et les trans* 
ports de joie , que font éclater les habitants , et le 
voyage de Bharata au pays de son ayeul. 27 — 28. 

Ici prend fin ce premier tome, intitulé au 
frontispice Adikanda , où l'on peut compter 
soixante-quatre sections eu chapitres de çlokas : 
en tout, deux mille huit cent cinquante distiques, 
dans lesquels on raconte les grands exploits du 
magnanime Raghouide pendant son héroïque 
adolescence. 29—30. 

Aussitôt après commence le deuxième volume, 



—40— 

nommé le Tome d*Atâudhya, où sont racontés, 
et le projet de conférer l'onction royale au jeune 
Râma, et l'obstacle jeté à travers ce dessein ; 31. 

Et la douleur du roi Daçaratha, contraint d'o- 
béir à la volonté de son épouse Kêkéyt , et le 
départ de Râma pour un bois , et le dévouement 
de Lakshmana. suivant son frère dans l'exil; 32. 

Et la tristesse des sujets , et la scène , où ils 
reçoivent les adieux et le congé du jeune banni , 
et la conférence avec le roi des Nishâdas , et le 
renvoi du cocher; 33. 

Et la traversée du Gange , et la rencontre de 
Bharâdwadja; ensuite et selon ses conseils, voyage 
au mont Tchitrakoûta ; 34. 

Habitation construite , et séjour dans cette 
montagne, délire, où tombe le roi après le départ 
de Soumantra, récit d'une malédiction jetée sur 
Daçaratha, et son passage de la terre au ciel. En- 
suite, voici le magnanime Bharata, qui revient 
précipitamment du palais de sa mère; puis, on 
raconte , et son voyage pour essayer de vaincre 
la résolution de Râma, et son habitation dans 
l'hermitage de Bharadwâdja ; 35 — 36—37. 

Et son entrevue avec Râma, et la cérémonie de 
l'eau offerte aux mânes de leur père , et ses ten- 
tatives répétées afin de persuader Râma. 38. 

Après, sont exposés de part et d'autre les dis- 
cours de Djâvâli et de Vâmadéva, la généalogie 



-/ii- 



des Ikshwâkides , le refus invincible de revenir 
dans la terre de Kauçala, Finvestitnre conférée à 
Bharata par le don symbolique du soulier, et 
le congé , que lui donne son frère aîné. 39— &Q. 

Ensuite vient Feutrée de Bbarata dans le village 
de Nandigrâma : là , il rmivoie les mères des 
jeunes princes; et l'arrivée du magnanime Ça- 
troughna dans Ayandhyâ termine ce deuxième 
volume , nommé le Tome (tAyaudhyâ , dont la 
narration contient quatre-vingt chapitres ou 
quatre mille cent soixante (1) distiques. U\'ii2-ki. 

Immédiatement après débute le troisième vo- 
lume , qui est nommé le Tome des bois : c*est là 
que Ton voit Raina aux grands bras s*enfoncer 
dans la forêt Dandaka. Uiu 

Ensuite on raconte, et la conférence avec Àna- 
soûyâ, et le présent du suave liniment, et la 
rencontre ainsi que la mort de Virâdha ; k5. 

Et la vue des rishis, et la consolation donnée à 
la belle Mithilienne , et l'arrivée dans Thermitage 
de Çarabbanga » et l'entretien avec le dieu 
Mahéndra; &6. 

Et rarrivée dans rbernytage de Soutîkshna, et 



(1) L^expression de ce nombre se déroule ici dans ua 
çloka, dont voici la traduction littérale: 

Trois mille , plus neuf cent distiques , outi'e deux cen- 
taines de çlokas, auxquels s'ajoute encore une soixantaine» 



— Û2— 

la conversation avec Sîtâ , et le récit de Manda- 
karni, et le départ de Çakra. M, 

Aussitôt après viennent, et l'entretien avec 
Ilvala, et le narré fait siir cette âme méchante, et 
le séjour dans l'hermitage d'Agastya, et l'arrivée 
an lieu dit Pantchavat!, et la rencontre du vautour 
Djatâyou , et l'habitation dans le Djanasthâna , et 
la description de l'hiver. k% — 49. 

Puis , on reporte un souvenir vers Bharata et 
l'on déverse un blâme sur Kékéyî. Ensuite 
nous voyons, et le dialogue avec Çoûrpanakhâ, et la 
difformité, qui est infligée à cette raksfaari ; 50. 

Et la cruelle mort de Khara, et la mort donnée 
à Doûshana, et la mort de Triçiras, le démon aux 
trois têtes, et l'entrée à Lanka de la rakdiast 
Çoûrpanakâ. 51. 

Après quoi , l'on raconte le désir brûlant de 
posséder Sîtâ, qui s'allume au cœur de Râvana, et 
l'arrivée do cruel Génie dans l'hermitage de 
Mûritcba ; 52. 

Et la métamorphose de celui-ci en gazelle 
pour fasciner la belle princesse du Yidéha , et 
l'illusion du jeune Raghouide, égaré loin de 
son épouse. 53. 

Cela conté, se déroulent aux yeux, et la mort de 
Mâritcha, et les reproches jetés à Lakshmana, et 
le rapt de Sîtâ , et la rencontre , que fait le 
Soumitride Lakshmana ; 5U, 



Et ie meurlrc da vautonr Djatâyou, et Teutrêe 
de Sitâ dans la ville de Lanka , et l'entretien de 
Lakshmana avec son frère dans la grande forêt; 55. 

Et les plaintes du Raghooîde à la noufelle qoe 
son épouse est enlevée , et Djatâyou sans vie , qui 
se présente à ses yeux, et les donneurs, qu'il rend 
à sa dépouille , et la cérémonie de l'onde offerte 
aux mânes de ce magnanime roi de» oiseaux. 
Ensuite , on dit , et la mort de Kabandha , et sa 
bienheureuse admission dans le swarga , et l'avis, 
qu'il donne à Râma de s'en aller trouver Sougriva, 
et l'entrevue du jeune prince avec la femme ana- 
chorète Çavarî ^. et la plainte du héros sur les 
rives de la Pampâ. 56—57 — 58. 

Ici est terminé le troisième volume , qui est 
nommé le Tome des Bois , où vous aurez cent 
quatorze chapitres à lire et quatre mille cent 
cinquante (i) distiques. 59 — 60. 

Aussitôt après commence le quatrième volume, 
appelé le Tome de la caverne Kishkindhya, 
qui renferme le voyage du magnanime Raghouide 
à la montagne de Risbyamoûkba. 61. ^ 

Le poète y développe, et la rencontre faite du 
singe Hanoumat , et le dialogue avec lui , et Tas* 



(1) Liltéralement : Quatre mille çlokas, avec une cen^ 
taîne d*autres^ ajoutés à cinquante distiques* 



cension da héros sur la montagne, nommée dam 
le çloka précédent^ 62. 

Et le traité d'alliaBce , que Râma conclut avec 
Sougrîva , et la force étonnante de Bâli , que lui 
décrit son allié, et les sept palmiers, que Fépoux 
de Sitâ perce d'un seul coup, et ia confiance, 
qu'inspire à Sougrîva cette vigueur incomparable, 
et le coDïbat de celui-ci contre Bâli, et la mort 
de ce roi des singes , et le deuil de son gynécée , 
et la tendre plainte de Tara ; 63—64. 

£t l'onction royale donnée à Sougrîva , et l'a- 
doption du fils de BâH , et les gémissements du 
Raghduide , et les consolations , qu'il reçoit du 
fils de Soumitrâ. 65. 

Ensuite, lamentations dans la saison pluvieuse 
et description de l'automne , lamentations même 
dans l'automne , et marche incessante du temps 
au milieu de cette grande affliction, 66. 

Puis, on raconte, et la colère de Râma à Tégard 
de Sougrîva, et la terreur, qu'inspire à Lakshmana 
cette colère allumée; 67. 

Et le message donné à Lakshmana, et sou 
voyage pour accomplir cette mission , et la venue 
de Sougrîva dans l'habitation du noble fils de 
Raghou , et les moyens , qu'il met en œuvre afin 
d'appaiser Râma , et le rassemblement des qua- 
drumanes, et même la description de la terre, 
faite par le magnanime Sougrîva; 68 — 69. 



Et la mise en marche de toute l'armée des^ 
singes , et raaaeau confié pour signe de recon- 
naissance, et la traversée du monb Vindhya par 
Hanoumat avec ses compagnons; 70. 

Et rentrée dans la caverne de Swayamprabhâ, 
et le vif chagrin , qu'ils éprouvent de n'y point 
trouver Sîiâ , et la résolution de jeûner tou& 
jusqu'à la mort , et la rencontre de Sampâti , le* 
sage roi des vautours. 71 — 72. 

C'est ainsi que finit le quatrième volume, qui 
a pour nom le Tome de la caverne Kishkimthyâ^ 
dans lequel on peut compter soixante-quatre 
chapitres, ou deux mille neuf cent vingt-einq (1) 
distiques. 73—74. 

Aussitôt après je commence un nouveau tome,, 
nommé le Beau , où je raconte (2) , et le saut 
d'Hanoumat , qui traverse d'un seul bond toute 
la mer, et la rencontre de Sourasâ , et la vue dvt 
mont Rlênâka, et la mort de Sinhikâ , et l'appa- 
rition de Lanka aux youx du quadrumane; 75-76. 

Et l'entrée dans cette ^ville , et sa description, 
et les investigations du singe Hanoumat, qui 
cherche même la princesse du Vidéfaa dans le 
radieux gynécée du tyran;. 77. 



(1) Mot à mot : « Deux milliers et huit centaines â^ 
çlokas avec cent vingt-cinq antres distiques. » 

(2) Littéralement : je dirai, 

5^ 



Et la vue de Râvana , ce roi terrible des rak- 
shasas , et les recherches d*Hanoomat afin de 
trouver le char Poushpaka , et les recherches du 
singe afiQ de trouver la ûlle du roi Djanaka. 78. 

Ensuite, n'ayant aperçu nulle part Silâ» il 
tombe dans la douleur : mais il pénètre dans un 
bocage d'açaukas, et voici la princesse du Vidéha, 
qui se présente elle«-même à sa vue. 79. 

Puis, se déroulent aux yeux, et l'entrée de 
Râvana dans le bosquet de ses- femmes, et les sé- 
ductions employées vis-à-vis de Sitâ , et les re- 
proches , qu'elle adresse au mauvais Génie ; 80. 

£t les assourdissantes clameurs des femmes 
rakshasîs, et l'apparition d'Hanoumat sur la scène, 
il présente à Sîtâ le signe de reconnaissance et 
s'entretient avec elle : la princesse captive remet 
au singe le bijou , ornement de son diadème , et 
la réponse au message. Ensuite viennent, et la 
dévastatation du bocage , et les menaces jetées 
aux cruels rakshasas; 81 — 82. 

Et la mort des serviteurs , et la mort donnée 
aux fils des ministres , et la mort des généraux, 
et la mort du piince hei^éditaire Àksha ; 83. 

Et le récit du grand duel entre Hanoumat et 
Méghanâda , et le fils de Maront (1) enchaîné 



(1) Le Dieu qui ri^e sur les vents , le père du singe 
Hanoumat, que d'autres supposent le fils de Çiva. 



— ^7— 

d'une manière invincible , menreilleose , avec ta 
flèche de Bra'hma; SU, 

Et ce messager du Raghonide livré, et le singe 
Hanonmat bafoné , et le feu mis à sa queue, et 
Lanka incendiée , et Sttâ vue de nouveau , et le 
retour d'Hanoumat, et sa rencontre avec Ojâm- 
boBvat, à la tête de l'armée des singes; 85 — 86. 

Et son arrivée dans la forêt au miel , et les 
rayons aux alvéoles emmiellés , qu'il dérobe aux 
familles des abeilles, ei son ascension légère dan» 
les routes du ciel , et la dévastation du bois au 
miel; 87. 

Et les singes , qui , sous la conduite de leur 
chef Angada, se présentent à la vue de Râma, et 
les embrasseroents du magnanime Ragbouide an 
singe Hanoumat , et les nouvelles de Sîtft , et la 
remise de son bijou, et Fannonce qu'il a vu 
Lanka, qu'il a vu Râvana, qu'il a vu deux fois 
Sitâ , et la réponse, qu'elle fit à son message , et 
la continuation par le singe de sa difficile entre- 
prise, et la résistance des femmes rakshaste^ et le 
bocage d'açokas dévasté, et la ruine du château- 
fort. — Quand le Raghouide a reçu d'Hanoumat 
tous ces détails, il se dirige vera le midi, accom- 
pagné de Lakshmana, de Sougriva, son allié, et 
d'une grande armée de singes. (Du 88* au 95* çL ) 

Enfin , toutes les troupes confédérées campeni 
sur le bord de la mer. 



—48— 

C*est aina que finit ce tome cinquième, intitolô 
le Beau, dont le nombre des chapitres embrasse 
un total de quarante^rois sections, ou deux mille 
quarante-cinq distiques. 

Ensuite, le sixième Volume commence avec ce 
titre : le Tome de Là Bataille. 93— 9^i— 95. 

Là , Râma aux longs bras , qui s'est approché 
de la mer et qui désire passer à Lanka, tient 
conseil 96. 

De son côté , instruit que l'époux de Sîtâ est 
arrivé en face de son île , Râvana délibère ; et 
Vibhîsbana , qui désire la paix avec le vaillant fik 
de Raghou , dit à son frère aîné : 97. 

(( Que la Milhiiienne soit mise en liberté , ô 
roi, et que la paix habite dans notre ville ! Voilà, 
certes! ce qui est pour nous la meilleure fortune: 
il n'y a que malbeur dans le parti contraire ! » 98. 

A ces mots, le monstre aux dix têtes , avec des 
yeux rouges de colère , frappe du pied son frère 
Vibhîsbana. 99. 

Accompagné de quatre conseillers, celui-ci 
abandonne Râvana , et, sa massue à la main, va 
se joindre au magnanime Râma. Le vaillant héros 
puise de l'eau dans la mer , et sacre sans délai 
Vibhîsbana comme roi de Lanka. 100—101. 

Là sont décrits, et la colère de Râma , et Tapr- 
parition de la mer elle-même en personne, et le pont 
Nala , qu'elle permet de jeter à travers son do- 



— /i9— 

maîne, et le passage do terrible, da snperbe 
océan , et même Tarrivée au mont Souvéla , et 
même l'envoi des éclairears ou des es- 
pions; 102—103. 

Le discours de Çouka et de Sârana , la vue de 
Tarmée des singes, le conseil tenu par le roi des 
rakshasas , et la cérémonie magique dans le but 
de produire une tête enchantée de Râma ; 106. 

Les paroles de Sara ma , et Sîtâ rendue à l'es- 
pérance, et le discours de Mâlyavat, et les moyens 
pour la défense de Lanka ; 105. 

Et le conseil de guerre dans l'armée du Ra- 
ghouide, et l'entrée des espions, et l'ascension de 
l'armée sur le mont Souvéla , et le siège de 
Lanka , et le commencement de la bataille , et 
l'engagement de combats isolés par couple de 
combattants. Là sont racontés tour à tour , et la 
mort de Souptaghna , d'Yajnakopa , d'autres 
encore; 106 — 107. 

Et la peinture des combats livrés pendant la 
nuit, et l'enchaînement surnaturel causé par 
une flèche magique, et l'apparition de Sonparna, 
et la délivrance du lien noué par le trait enchanté, 
et la mort de Dhoûmrâksha , et même celle de 
Kampana , et la mort de Prahasta , et la défaite 
de Râvana; 108—109. 

Et la continuation par le vaillant Bâma de sa 
difficile entreprise» et le réveil de Koumbakarna, 



—50^ 

et l'apparition du colosse , et Tintern^ation , que 
lui jette le Raghoaide , et la sortie de Tépouvan- 
table géant, et la terreur des singes, et la prise 
de Sougrîva, el sa délivrance; 110-^*111. 

Et la mort de Koumbhakarna , immolé par le 
Ragbottide, et la mort de Triçiras, le monstre aux 
trois têtes , et la mort de Dévântaka ; ensuite, 
Narânuka abattu sur la terre; puis, Atikâya 
renversé, et deux fils du monarque raksbasa, 
Koumbba et Nikoumbha , jetés sans vie sur la 
poussière ; 1 i 2 — 1 1 3. 

£t les armes de Méghanâda , qui plongent le 
Raghouide et son armée dans un profond éva- 
nouissement; ensuite, le rappel au sentiment 

par la vertu des simples, qu'apporte le singe 

Hanoumat; IH. 
Et le combat avec des torches ardentes , et la 

mort de Makarâksha, et la mort de Sîtâ même, 

simulée par les prestiges de la magie, et la mort 

de Méghanâda; 115. 
Et la colère du roi des raksbasas, et la grande 

épouvante, semée autour de lui , et la sortie de 

Râvana, et la mort de Viroûpâksha; 116. 
Et Matta jeté là sans vie , et même Ounmatta 

immolé avec lui , et la mort de Mahaudara (1), 

aux larges flancs; 117. 

(1) Voici la traduction de M. Gorresio: « la morte di 



-51- 



£t les paroles du Raghouide , et les menaces 
de Râvana, et le combat de ces deux magnanimes 
ennemis; 118. 

Et la mort de Lakshmana , et les touchantes 
lamentations de Râma , et la résurrection de 
Lakshmana par la vertu des simples, qu'une main 
seccurabte apporte; 119. 

£t le présent d*un char, envoyé par le magna- 
nime roi des Dieux , et Tarrivée de Mâtali , qui 
rend an fils de Raghou les paroles de Çakra , 
le monarque du ciel; 120. 

£t la défaite en bataille de Râvana , le cruel 
dominateur des rakshasas, ei ses invectives au 
conducteur même de son char; 121. 

Et le combat des Dieux avec les Dâoavas ou 
Les Démons dans le champ des cieux; et le 
grand , Tépouvantable combat singulier , durant 
les sept jours duquel trembla toute la terre; 122. 

Et la mort du roi des rakshasas, dont la nou- 
velle retentit dans les trois mondes. 

C*est ainsi que finit ce sixième volume, nommé > 
le Tome de la Bataille , ce volume , où Ton 
peut compter cent cinq chapitres, dont Tensemble 
contient un nombre de quatre miUe cinq cents 
distiques. 



Virûpâcso, di Matto, di UnmaUo, di Mahâp&rSTa. > Eotre 
Unmalla et Mahâpârsva, ne lit-on pas dans le texte un mot 
composé, mahaudara, qui semble être, soit un nom propre, 



—52— 

Ensaite, commence un volume, souscrit de ce» 
deux titres: la FÊticrrÉ et le Dernier. 123-/i-5* 

Là sont décrits , et le deuil éploré des épouses 
de Râvana^ et le sacre de VibUshana, et les ob- 
sèques de Râvana; 126. 

Et rentrée du singe Hanoumat dans les palais 
de Lanka, où ses yeux voient la belle Miihilienne 
elle-même, et la délivrance de Sitâ, et sa réunion 
avec Râma; 127. 

Et les reproches, que lui adresse te magnanime 
petit-fils de Raghou , et la princesse du Vidéha 
rejetée par son époux , et Sîtâ forcée de subir 
répreuve du feu; 128. 

Et le miracle insigne, admirable du feu, qui 
ne brûle point la chaste épouse , marchant au 
milieu du brasier, et l'apparition de Brahma sur 
la scène avec tous les autres Dieux. 129. 

C*est là que sont aussi racontés, et la manifes- 
tation du grand Dieu, qui porte à son étendard 
rimage d*un taureau , et les grâces obtenues de 
Tantique ayeol des mondes, et la vue de son père 
accordée à Râma; 130. 

Et Kêkéy! délivrée des chaînes , que loi avait 
imposées la malédiction , et la vive joie do roi 
Daçaratha , et la grâce obtenue de Mahêndra , 
et la résurrection des singes; 131. 

dont mabâpârsva, aux larges fanes, n'est que Tépithète, 
soit un qualificatif, magno ventre , donné à ce mot de 
mahftpftrsva, considéré comme nom propre? 



--53— 

Et la distribution des joyaux par le sage et 
nouveau roi des rakshasas, et le départ du magna- 
%\me Raghouide sur le char Poushpaka , et le 
retour de tous les singes, et même celui des vail- 
lants rakshasas, racontés avec ampleur; 132-133. 

£t Tarrlvée dans Thermitage de Bharadwâdja, 
et la vue de cet homme saint, et rentrée dans le 
village de r^andigrâma , et Tentrevue de Râma 
avec sa famille; 136. 

£t rentrée dans Ay audhyâ , et Taccomplissement 
du vœu , et le sacre de Râma , et la joie de toute 
la ville; 135. 

£t rhérédité du trône donnée au magnanime 
Bharata , et l'arrivée ici des anachorètes , et Po- 
rigine même des rakshasas; 136. 

Et la conquête des trois mondes , et Thistoire 
d'Ahalyâ. 

Ensuite viennent, et Texil de Sîtâ, accom- 
pagnée du magnanime Lakshmana, et Tarrlvée 
de cette reine infortunée dans Thermitage de 
Vâhuiki , et la naissance des jumeaux , Kouça et 
Lava , pour le noble accroissement de la maison 
des Ikshvi^akides ; 137—138. 

Et la mort, que Çatrouglma inflige à Lavana, 
et la mort de Çamboûka , et Tentrevue avec 
Koumbhayauni ; 139. 

Et la parure oblenue , et l'épisode même de 
Çwéla , et le commencement de l'açwa-médha, 



—5a— 

et raadition ravissante du Ramayana ; et , sur la 
fin du poème , ayant reconnu ses fds dans les 
deux rapsodes, Kouça et Lava, lamentations du 
Raghouide, après un discoursde Yalmîki. 1 /lOi /ii . 

Ensuite est admirablement décrite la descente 
merveilleuse de Sitâ dans le royaume infernal, et 
la colère de Rama , et Tapparitiou de Brahma , 
le Très-Haut (1) ; 142. 

Et l'arrivée de Kala et de Dourvasas , et le 
renvoi injuste de Lakshmana , et le grand départ 
des amis , des citadins , des magnanimes singes, 
et la bien-heureuse ascension de Rama dans les 
délicieux palais du ciel. 

C'est ainsi que finit ce volume, nommé La 
Félicité , ou le Dernier , ou même encore Ba- 
vishya , cest-à-dire , le Tome des choses^ qui ont 
suivi : volume , qui renferme un nombre de 
quatre-vingt-dix chapitres ou trois mille trois 
cent soixante (2) distiques ; ce tome , le dernier 
d'un poème , dont l'ensemble contient six cent 
vingt chapitres. 143 — 144—145 — 146. 

Ici prennent fin le récit enchaîné des voyages 
de Rama et les vingt-quatre mille çlokas , dans 
lesquels ces grands tableaux se déroulent : récit 



(1) Littéralement : Qui stat in altisiitno, 

(2) Mot à mot : « trois milliers avec autant de cen- 
taines , plus soixante distiques. » 



-55- 



divin , par lequel ou peut obtenir de nombreux 
enfants et voir la prospérité d* une famille croître 
de plus en plus ; narration fortunée , source de 
gloire et de vie , louée par les saints , digne de 
Vishnou, composée par Vaimikiméme, et qui est 
la rédemption de toutes les peines , conséquence 
du péché! 1^7— U8. 

Tout homme qui, pur et Tesprit attentif, lit 
dans un jour saint cette histoire du magnanime 
fds de Daçaratha , est lavé de ses fautes pendant 
sa vie , et son ame , après la mort, s*en va heu- 
reusement par la route des élus I 149. 



Ici, dans le premier tome du saint Bâmâyana, 

Finit le quatrième chapitre, intitulé: 

Ordre des matières. 



-56— 



PRÉLUDE DES RAPSODES. 



Que Ton écoute maintenant ce narré saint, 
tissu avec une matière, que l'amour de la justice 
prête à son auteur; ce récit, plein des souvenirs 
héroïques et des traditions religieuses, par lequel 
on est délivré de toutes les peines , fruit amer 
du péché; cette narration limpide, enchaînée 
avec art, nommée le Ramayana, ce poème 
chanté pour exalter la famille des Ikshwakides, 
monarques à la splendeur inûnie , par l'héroïsme 
desquels fut conquise toute la terre jusqu'à Fo- 
céan, ses limites; rois à la renommée sans tache, 
de qui la descendance , remontant à Manon lui- 
même , compte dans la série de leurs ayeux 
Sagara, dont la main creusa la mer et dont 
soixante mille fils suivaient ici les pas vénérés ! 

£3 



—57— 



ADIKANDA 



TOME PREMIEB. 



Il est une vaste contrée, grasse, sonriaote, 
abondante en richesses de toute sorte , en grains 
comme en troupeaux , assise au bord de la 
Sarayoû et nommée Kauçala. 1. 

Là, était une ville, célèbre dans tout Tunivers 
et fondée jadis par Manou , le chef du genre hu* 
tnaln. Elle avait nom Ayaudhyâ. 2. 



—58— 

Heureuse et belle cité, large de trois yaudjanas, 
elle étendait sur douze yai^djanas de longueur son 
enceinte resplendissante de constructions nou- 
velles. Munie de portes à des intervalles bien 
distribués, elle était percée de grandes rues, 
largement développées, entre lesquelles brillait 
aux yeux la rue royale, où des arrosements d*eau 
abattaient le vol ile la poussière. 3 — U. 

De nombreux marchands fréquentaient ses 
bazars, et de nombreux joyaux paraient ses bou- 
tiques. Imprenable , de grandes maisons en cou- 
vraient le sol , embelli par des bocages et des 
jardins publics. 5. 

Des fossés profonds, impossibles à franchir, 
Tenvironnaient ; ses arsenaux étaient pleins d*armes 
variées; et des arcades ornementées couronnaient 
ses portes , où veillaient continuellement des 
archers. 6. 

Un roi magnanime , appelé Daçaratha , et de 
qui la victoire ajoutait journellement à Tempire, 
gouvernait alors cette ville , comme Indra gou- 
verne son Amarâvatî, cité des Immortels. 7. 

Abritée sous les drapeaux , flottants sur les ar- 
cades sculptées de ses portes, douée avec tous les 
avantages , que lui procurait une multitude variée 
d*arls el de métiers , toute remplie de chars , de 
chevaux et d*éléphants, bien approvisionnée en 
toute espèce d'armes, de massues, de machines 



—59— 

pour la guerre et de çatagbnis (1), elle était bruis- 
sante et comme troublée par la circulation conti- 
nuelle des marchands , des messagers et des 
voyageurs , qui se pressaient dans ses rues , 
fermées de portes solides, et dans ses marchés, bien 
répartis à des intervalles- judicieusement calculés. 
Elle voyait sans cesse mille troupes d*hoinmes et 
de femmes aller et venir daus^n enceinte : et, 
décorée avec de brillantes fontaines « des jardins 
publics, des salles pour les assemblées et de grands 
édifices , parfaitement distribués » il semblait en- 
core, à ses nombreux autels pour tous les Dieux, 
qu'elle était comme la remise , où stationnai^t 
ici-bas leurs chars animés. 8 — 9 — 10 — 11, 

£lle était remplie de savants et de nobles, tom 
semblables aux Dieux : ses palais superbes Tom* 
brageaient de leurs faites , comme des cimes de 
nui^ntagnes ; et , foulée coruinueliement par cent 
chars, comme Amarâvatî, lacitéde Mahéndra, 
elle semblait ceinte , telle que la ville Çri , avec 
une zdne de pierreries. 12 — 13, 

Riante aux yeux et comme peiute , divisée en 
quarrés » comme une table d'échiquier , die re- 
gorgeait de blés et de richesses; elle excitait Fad- 

(1) Ce mot veut dire une arme, qui tue cent hommes 
à la fois. Était-ce une arme à feu ? car il semble que, dès 
la plus haute antiquité , on connaissait d^ Tusage de la 
poudre à feu dans TAsie orieotaleb 



—60— 

miratio» par ses amas en tous genres de pierres 
précieuses. 14. 

Des vides n'en séparaient pas les maisons, 
bâties sur un sol nivelé ; ses échos répondaient 
continuellement aux doux sons des luths , des 
flûtes, des tambourins. Sans cesse habitée par des 
hommes , qui nageaient dans la joie ; sans cesse 
enrichie par Taffluence des étrangers, qu'attiraient 
ses fêtes , on y entendait toujours le bruit sonore 
de Tare, on y entendait toujours la récitation des 
Saintes Écritures. l5 — 16. 

£n possession de breuvages et de mets choisis, 
elle s'engraissait de froment et de riz ; et le beurre 
clarifié des oblations, les bouquets de fleurs, 
Tencens du sacrifice Tembaumaient de leurs 
émanations suaves. 17. 

Des guerriers par centaines , héros pareils aux 
gardiens célestes des mondes , et profondément 
instruits dans tous les traités de la guerre , veil- 
laient sur elle, comme les Nâgas (1) veillent sur 
Bhaugavati , ia ville des serpents à la face 
humaine, 18. 

Ajoutez à ces dons que le chef des Ikshwakides, 
le roi Daçaratha , qui semblait Indra lui-même , 



(1) Demi^dieux, à la tête d'homme, au corps de ser- 
pent, cfui habitent les régions infernales. 



—61— 

régnait sur cette ville semblable à la cité des Im- ' 
mortels , et dans laquelle n'habitaient que des 
citoyens vertueux , les plus saints adorateurs du 
feu sacré, les plus éminents des brahmes, versés 
dans les Yédas et les six Angas, doués de charité» 
de vérité , de chasteté , aimant à verser les au- 
mônes par milliers, et des yatis (1) aux âmes 
domptées , portraits fidèles des plus grands 
saints. 19—20. 



/cty dans le premier tome du saint Râmâyana^ 

Finit le cinquième chapitre, nommé: 

LA Description d'Ayaudhya. 



(i) On appelle de ce nom très-fréquent les hommes, 
qti? ont complètement dompté leurs sens et réprimé en 
eux les mouvements des passions, 

6 



-62— 



VI. 



En celte ville d'Ayaudhyâ était donc un roi , 
nommé Daçaratha, semblable aux quatorze Dieux, 
très-savant et dans les Yédas et dans leur ap- 
pendiccy les six Ângas, prince à la vue d'aigle(l), 
à la splendeur éclatante , également aimé des vil- 
lageois et des citadins , roi saint , célèbre dans 
les trois mondes, é^ aux Mabarshis et le plus so- 
lide appui entre les soutiens de la justice. Plein 
de force , vainqueur de ses ennemis , dompteur 
de ses sens , réglant sur la saine morale toute sa 
conduite, et représentant Ikshwakou dans les 
sacrifices , comme chef de cette royale maison , 
il semblait à la fois le roi du ciel et le dieu même 
des richesses par ses ressources , son abondance, 
ses grains, son opulence ; et sa protection, comme 

(i) Littéralement : gui voit bin. 



—65— 

celle de Manoa , le premier des monarques , 
couvrait tous ses sujets. 1 — 2 — 3 — U. 

Tandis que ce roi, fidèle apii de la vérité , en- 
veloppant de ses regards les trois premiers des 
quatre ordres, gouvernait cette ville, comme 
Çakra gouverne Amarâvatî , il n'y avait dans son 
enceinte aux habitants joyeux et bien nourris 
aucun homme , qui ne jouit pas d'une grande 
estime , aucun homme , qui n'exerçât point une 
profession honnête. 5 — 6. 

Il n'était là, aucun homme , qui n'eût pas une 
grande fortune ; il n'était là aucun père , dont le 
cœur ne fût pas rempli de contentement. 7. 

Il n'y avait là ni avare, ni injuste, ni trompeur, 
ni orgueilleux, ni homme colère, ni glorieux, ni 
meurtrier, ni une fime basse, ni un dénonciateur, 
ni un parasite,, ni un malheureux , ni un époux, 
qui n'eût pas beaucoup d'enfants, ni un mortel, 
de qui la vie ne dût pas compter mille années. 8-9. 

Les hommes ne cherchaient la volupté qu'au- 
près de leurs épouses; la femme était fidèle à son 
mari : hommes et femmes , chacun observait ses 
vieeux et se distinguait par sa constance. 10. 

Il n'y avait pas dans cette ville , sans contredit 
la première des villes , un plébéien de la plus 
basse condition ou même un indigent , qui n'eût 
pas des pendeloques à soi , qui n'eût pas son 
aigrette, qui n'eût pas ses bouquets de fleurs. 



qui n'eût pas ses parfums , qu'on ne vit pas se 
parer avec des bijont étincelants , suspendre un 
joyau à sa poitrine et porter des anneaux à ses 
doigts. Il n'existait là ni un méchant, ni un 
athée. 11—12. 

Il n'y avait pas un sacrificateur, qui n'eût point 
son feu sacré constamment allumé; ni un brahme, 
qui ne répandit point ses aumdnes par milliers : 
on n'eût pas vu dans Âyaudhyâ un homme man- 
quer d'une profession honnête. 13. 

Là, tous les brahmes savaient trouver do plaisir 
dans leurs pieuses fonctions ; ils se renfermaient 
dans la pratique constante du sacrifice et de la 
sainte lecture; ils n'ouvraient pas leurs mains 
aux présents. 1/i. 

lÂ, ne vivait ni un athée , ni un menteur, ni 
un homme irascible , ni un délateur , ni un im- 
puissant, ni quelqu'un ou mangeur de choses 
souillées, ou exhalant des odeurs fétides , ni un 
ladre, ni un pervers, ni un misérable , ni même 
un égoïste. 15 — 16. 

Les femmes dans Ayaudhyâ étaient douées 
toutes de vertus, de bonnes mœurs, d'un carac- 
tère exquis par sa douceur et de beauté dans les 
formes ; elles étaient vêtues d'habits sans tache 
et parées de joyaux purs. 17. 

On ne voyait pas dans Ayaudhyâ un homme , 
qui fût ou cruel , ou dissimulé , ou difforme , ou 



— Ô5— 

parr sseux : on n*y voyait pas un homme « qui ne 
fût point maître de iai-même , ou qui n'eût pas 
une grande âme. 18. 

Il n*y avait même personne , qui fût agité par 
les passions, ou par la colère , ou par la crainte , 
ou par les maladies. Il était vraiment impo»ibIe 
de voir dans Ayaadbyâ un homme , au cceor de 
qui ne brûlât point Tamour de son roi. 19. 

Dévoués à la vérité , observant le respect dû 
aux classes supérieures , aux mânes des ancêtres, 
aux Dieux, à leurs hôtes, les hommes y coulaient 
une longue vie. 20. 

Coudras , vafçyas , kshatryas et brahmes , le 
premier des ordres , tous étaient confondus , à 
regard du roi, dans un même sentiment d'amour; 
mais il n'y avait confusion ni dans tes mariages, 
ni dans les manières d'exister pour chacune des 
classes. 21. 

Le chef de la famille Ikshv^âkide gouvernait sa 
capitale de la même façon que Manou, le premier 
des rois institués chez les hommes, gouverna jadis 
la terre, où vit l'espèce humaine. 22.~ 

Des guerriers , consommés dans les guerres et 
dévorants comme le feu , défendaient cette ville 
par milliers , comme des lions défendent la ca- 
verne d'une montagne. 23. 

Remplie de chevaux, semblables aux coursiers 
d'Indra et nés , ceux-ci dans la région de Kam- 

6* 



—66— 

boge » ceox-Ui dans ie pays de Vânâyou , les uns 
sar les mes de Tlndus, les autres dans la contrée 
de Yâhli , elle était pleine encore de nombreux 
él^hants , tout ruisselants de parfums et venus 
au jour, soit dans les forêts du mont Yindhya, 
soit dans les goi^es de l'Himalaya, tous doués par 
la nature d*une force puissante , ardents au 
combat, mais dociles sous la main du maître; 
ceux-là sortis du sang de Padma et d'Andjana, 
ceux ci rejetons de fihadra » de Manda et de 
Mriga; les uns nés des races croisées de 
Bhadra-Manda, ou de Bhadra-Mrigat ou de Mriga- 
Manda, les autres nobles comme Êrâvata, éléphant 
céleste , que monte Indra, ou comme Yâmana, 
qm prête son dos infatigable au dieu même de 
ta mort, Yama. 1/^—15—16—17. 

Cette charmante cité, dont jadis le sceptre fut 
dans les mains du roi Daçaratha, frappait les yeux 
à la distance d'un yaudjana , si ce n'est même 
davantage. 18. 

Le monarque et , pour ainsi dire , l'Indra 
même du Kauçala gouvernait cette ville, au- 
dessus de laquelle ce monde n'en reconnaissait 
pas une autre; cette ville, de qui le nom (1) 
était une vérité; cette ville, fermée de portes 



fi) Le nom à^Ayaudhyà^ formé de a privatif et du 
Terbe yowik au participe futur ^ signifie imprenable. 



—67— 

solides , embellie de jardins publics et de lieux 
destinés à recevoir les assemblées; cette ville 
enfin j décorée de cent palais , où régnait la plus 
riche abondance. 19. 



/a> dans le premier tome du saint Râmâyana ,. 

Finit le chapitre sixième , intitulé : 

POBTRAIT ou ROL 



-68— 



VII. 



Deux très-saÎDts rishis, Yaçistha et Vâoiadéva, 
qui avaient pénétré jusqu'au fond des six Angas 
et des Védas mêmes , étaient ses ritouidjs et les 
chefs de ses prières. 1. 

Huit autres Kauçaliens purs, dévoués, occupés 
sans cesse à la recherche de l'agréable et de Tu- 
tile , étaient les ministres de ce monarque aimé. 
Ils se nommaient Dhrishthi, Djayanta, Vidjaya, 
Siddhârtha, Arthasâdhaka, Açaukaet Dharmapâla. 
Soumantra était le huitième. 2 — 3. 

Ils (cettaientdansrexécution des ordres, qu'ils 
recevaient du roi , les qualités , dont ils étaient 
doués: la pudeur, la modestie, la science de la 
morale , la répression des sens , la sagesse , une 
éducation parfaite. U. 

Arrivés à cet âge de la vie , où la force est 
jointe à la patience, le sourire à leur bouche de- 
vançait la parole ; sans convoitise , fermes et fie 



—69— 

déviant jamais, ils étaient dévoués à ta justice et 
à la vérité. 5. 

Rien n'échappait à leur connaissance, soit dans 
les étatsdu roi, soit dans les pays étrangers : en tous 
lieux où rintérét du monarque ^*y trouvait en- 
gagé, ils n'ignoraient aucune chose des ennemis, 
des neutres ou des amis. 6. 

Sachant distinguer entre les mœurs et la loi , 
ils étendaient sur tout une vue toujours égale, soit 
pour administrer les mouvements du trésor, soit 
pour contenir les armées dans la discipline. 7. 

S*ils avaient eu un fils, qui fût tombé dans une 
(aute, ils l'auraient soumis aux peines, qtte pro- 
nonce la loi: si leur ennemi se trouvait innocent, 
ils le renvoyaient avec bonté, comme le veut 
la justice. 8. 

Éclairés par la i^ilosophie dans la science des 
événements , et dignes de letirs pères comme de 
leurs ayeux , ils couvraient d'une protection in- 
cessante les différentes classes , qui habitaient le 
royaume. 9. 

Attentifs à défendre les caisses du trésor et ne 
les remplissant jamais par une atteinte au pécule 
des brahmes ; énergiques et vigoureux , quand 
les intérêts d'autroi voulaient qu'on fût sévère , 
ils savaient distinguer en quelle circonstance il 
faut émousser la pointe aigiie d'une peine. 10. 

Ils ne se faisaient pas obstacle, mais ils se 
poruient amitié l'un à l'autre ; accoutumés à ne 



-,70— 

dire que des choses aimaUes , ils se tenaient à 
Fécart de la censure ou du blâme ; et, riches de 
vertus, ils n'en tiraient pas vanité; 11. 

Leur costume annonçait la noblesse de leur 
condition : doués d'un esprit sain, il n'en pouvait 
sortir des avis corrompus; et, suspendus de 
toute leur âme à la bouche du roi, ils exécutaient 
sa parole avec dévouement. 12. 

Renommés à cause de leurs belles qualités, ils 
possédaient les avantages indiqués par la forme 
si heureuse (î) de leurs huit noms : ils étaient 
loués dans les pays étrangers, où le soleil de leur 
habileté politique envoyait au loin ses rayons. 13. 

Là , tous les ordres étaient contenus chacun 
dans ses attributions : il n'existait pas un voleur, 
soit dans la ville, soit dans le royaume , ni on 
homme impur, ni même un libertin , qni souillât 
de ses baisers Tépouse d'un autre. Ih gouvernaient 
dans une profonde paix le royaume entier; 14-15. 

Et partout on vantait cette monarchie; partout 
on vantait ses nobles villes. Grâces à des con- 
seillers tels, le roi Daçaratba gouvernait avec 
justice la terre et captivait son affection par Vé- 

(1 j Dhrishthi signifie hardiesse et force ; Djayanta , le 
vainqueur \ Vidjaya, la victoire; Siddhârtha, celui dont les 
affaires sont en prospérité; Arthasâdhaka , celui qui ac- 
complit bien toute chose ; Açauka, V homme sans chagrin ; 
Dharmapâb, celui que protège /ayu5(i(»;Soumantra, celui 
qui a de bons conseils. 



-71- 



{juité des lois. Il embrassait le globe entier par 
la vue de ses différents émissaires , comme il est 
embrassé du soleil par ses rayons ; et nulle pari 
rikshwakide ne rencontrait un mortel , qui fût 
son ennemi. 16— -17. 

Secondé par tous ces ministres savants, habiles, 
expérimentés, zélés pour le bien, ce prince 
semait partout sa lumière, comme le soleil verse 
le jour dans les cieux par ses splendides rayons. 18. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâtjana, 

Finit le septième chapitre , nommé : 

Le Portrait des Ministres. 



—72— 



VIIL 



Ce prince magnaDime , bien instruit dans la 
justice et de qui la justice était le but suprême, 
n*aTait pas un fils , qui dût continuer sa race , et 
son cœur en était consumé de chagrin. 1. 

Un jour qu*il pensait à son malheur , cette 
idée lui vint à Fesprit : « Qui m*empêche de 
célébrer un açwa-médha pour obtenir un fils?» 2. 

Quand le roi eut bien arrêté en lui-même cette 
pensée du pltis saint des Sacrifices , et qu'il eut 
agité cette matière dans le conseil de ses mmistres, 
instruments du bien pour le maître , il dit cette 
parole à Soumantra , le plus sage de ses hommes * 
d'État : « Amène promptement ici tous mes 
prêtres et Yaçishtha, leur chef. » 3 — U. 

 ces mots du roi , le conseiller répondit ce 

discours : « Monarque des hommes, écoutez cette 

ancienne histoire, qui est venue à mes oreilles. 5. 

« Jadis, il fut prédit, an milieu des sages, par 



—73— 

le bienheureux Sanatkoumâra de quelle manière 
un fils devait sortir de toi. 6, 

« II est ici , disait-il, un rejeton de Kaçyapa, 
nommé Tibhandâka : de lui naîtra un enfant, 
appelé Risbyaçringa. It 

« Ce fils d*anachorète , né et grandi an sein 
des bois , n*écartant jamais ses pas hors des bois, 
n'aura yu nulle part un autre homme que son 
père. 8. 

« Le jeune saint ne violera jamais son vœu de 
continence , et ses austères mortifications seront 
célèbres dans tous les mondes. 9. 

« Ainsi passera la vie de ce jeune ascète , re- 
gardant ses macérations comme ses plaisirs, voué 
au culte du feu et docile à la voix de son illustre 
père. 10. 

« Dans ce même temps, un roi plein de ma- 
, jesté, de renom et de puissance, Laumapâda vient 
s'asseoir au trône des Angas. 11. 

« En punition d'une faute commise par ce 
monarque , la plus horrible des sécheresses doit 
envahir ses états, pour la ruine des campagnes, 
et durer plusieurs années. 12. 

« Alors, tout rempli de tristes chagrins par 
cette calamité , le roi demandera aux brahmes 
savants un remède contre la sécheresse: 13. 

ff O vous , dira-t'il , qui possédez la Sainte 
Écriture et connaissez l'histoire du monde, veuillez 

7 



—74— 

bien m'UucUqaer u^ moyen , qui puisse éteii^dre 
ce fléau. » 14. 

a Ces hommes, versés dans la science reli- 
gieuse et dans la science profane, dévoileront ainsi 
le remède: « Employez, ô roi, tous les moyens 
pour amener ici le fils de Yibbandâka , et quand 
Risbyaçringa, ce fils du saint bermîte, sera dans 
vos palais, donn^-lui, ô grai^ roi« donnez-lui en 
mariage votre fille Çântâ, suivant tous nos rites, 
qu'il faut observer avec une scrupuleuse at- 
tention. » 15—16. 

« A ces mots des brahmes , le roi se omettra 
ainsi à penser: « Par quel moyen amener ici...? » 
dira le monarque en lui-même ; et , comme 
il n'arrivera pas seul à trouver ce qu'il cherche, 
le maître de la terre convoquera ses ministres, son 
ppurohbiia ei tous les hommes fêcoqd;^ en res- 
sources, ipgénieux en. conseils, pour s'ei^qu.érir 
d'eux sur un expédient; mais ceux, k qui on. le 
demande ne pourront eux-n^iêm^ indiqjo^r ce 
moyep. 17 — 18—19. 

a Au^i, dans ce moment, le roi dira-t-i| à ses 
ministres : « Que i?'allez-voi/5 tirer vous-mêmes 
de son bois Ri^byaçripga , le fils du rishi ? » 20. 

« A ces mots répétés ipSipe deu)^ fois., ceux-ci 
répondront au roi : « Dieu nous garde, maître de 
la terre . Diçu nous garde d'y aller , tant, la 
colère du rishi est à cr^ipdre! » 21. 



—75— 

« NéanmoiDS , quelque temps après , eomme 
ploslears expédients viendroot S'offrir à leur 
pensée : « Mous ramènerons pons-mêmes, diront- 
ib» et nous saurons éditer de pécher! » 22. 

« Le monarque, s*étant fait répéter deux ibis 
cette assurance donnée , arrêtera , le tnnsième 
jour, danstn conseil des ministres, cet ingénieux 
stratagème. Il se promet d'attirer le jeune ascète 
dans sa ville , hors de la solitude paternelle , en 
lui jetant sous les yeux des courtisanes , vêtues 
en hermites , et lui mettant le feu du désir aux 
sens par un tel artifice. 23 — 2/u 
/ Ensuite, grâces à la venue de Rishyaçringa 
dans la cité du roi , le ciel versera la pluie dans 
les états de Laumapâda, qui doit unir, selon tous 
les rites du mariage, comme une épouse noble et 
belle , sa propre fille Çântâ au sage enfant de 
l'anachorète. 25—26. 

« Voilà comment ce grand ascète deviendra le 
gemire auguste du saint roi Laumapâda. 27. 

« C'est lui, ce radieux ascète, qui, versant des 
libations de beurre clarifié dans les feux du sa- 
crifice , doit procurer à Daçaratba le fils, que ce 
roi désire. 28. 

« Telle est , en vérité , la parole , que j'ai re- 
cueillie de sa bouche , un jour , que Sanatkou- 
mâra parlait au milieu des sages ; et c'est aussi 
là mon sentiment. 29. 



—76— 

« Enfin, rillustre et savant roi des Angas, 
Laamapâda, s'associant aux vues de ses ministres, 
accomplit toat ce qu'ils avaient proposé. *) 30. 

Ce discours ainsi terminé , Daçaratha dit à son 
fidèle conseiller : « Raconte-moi avec détail cette 
histoire de Rishyaçringa , ce vertueux hermite, à 
Tâme pure , élevé parmi les animaux des bois, 
religieux observateur de la continence et voué dès 
son enfance à la vie d'anachorète. » 31 — 32. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre huitième, intitulé: 

DISCOUBS DE SOUMANTRA, 

Qui effleure en passant l'histoire de Rishyaçringa. 



—77— 



IX. 



Invité de cette manière, Soumantra se mit 
donc à raconter par quel artifice les conseillers 
du roi avaient su attirer le jeune ascète dans 
leur ville : i. 

« Les ministres de Laumapâda lui dirent : 
« Voici , ô maître de la terre , Finnocente trom- 
perie, que nous avons imaginée. 2. 

« Rishyaçringa est un sauvage , qui n'a jamais 
goûté que la saveur des mortifications : il est 
ignorant du plaisir , que donnent les femmes et 
les objets sensuels. S. 

« Qu*il soit alléché par les voluptés des sens , 
qui excitent le désir, qui entraînent l'âme de 
tous les hommes ; et bientôt cette douce séduction 
l'aura tiré hors de son bois. ii. 

« Que des femmes , déguisées sous l'habit des 
anachorètes, aillent dans cette forêt; et que là, 



—78— 

versées dans les ruses de la coquetterie, versées 
dans Tart des séductions, accomplies dans le ma- 
nège des courtisanes, elles se glissent en cachette 
vers le jeune hermite, qui n*a jamais souillé son 
vœu , et Fenivrent , autant que de besoin , par 
tous les artifices possibles. » 5 — 6. 

« Ce discours entendu , Laumapâda réfléchit 
un instant et répondit: « C'est bien! » Alors, 
de concert avec ses ministres, il exécuta le dessein 
proposé. 7. 

« Ce prince fit planter sur plusieurs grands 
vaisseaux des arbres munis de racines , garais de 
jeunes branches aux fleurs odm*antes et de ra- 
meaux pliants sous le poids des fruits : il y fit 
charger aussi des parfums, des boissons em- 
baumées et des fruits pleins de saveur. Ensuite, 
un essaim de charmantes femmes , s'embarquant 
sur la flottille, navigua vers le bois, où demeurait 
le jeune anachorète. 8 — 9. 

« Étant donc arrivées dans la forêt inhabitée, 
ces courtisanes , choisies toutes entre les plus 
jolies , s'embusquèrent dans un lieu assez peu 
éloigné de rhermitage , où vivait le grand ana- 
chorète ; et, désireuses de se laisser voir au sage 
fils du solitaire , mais troublées en même temps 
par la crainte de tomber sous un regard de Yi- 
bhândaka , elles se tapirent au milieu des lianes 
et dans les broussailles de la forêt déserte. 10-11* 



-"79— 

« Aytot remarqué ensuite que le vieillard 
était sorti de son hermitage, elles s'approchèrent 
davantage , et se mirent 9om le regard du jeune 
anachorète. 12. 

« Puis , de chanter, de Se divertir, avec une 
admirable habileté, à tous les divers amusements, 
de sauter , de jouer à la paume ,* de se défier à 
la nage. Quelques-unes , feignant Fivresse et 
cjiancelantes, se laissaient tomber (fune chute 
voluptueuse, et se relevaient de manière à sus- 
citer le désir. E^ autres , avec tes évolutions co- 
quettes des yeux et des Sourcils, avec leurs mains 
toutes pareilles aux fleurs du lotus, s'envoyaient 
de ces signes étudiés, qui attisent une riante espé- 
rance au cœtir des hommes. Dans ce moment , à 
leurs chansons, que redisaient tous les échos du 
bois , au tinnitement cadencé des noûpouras (1), 
au gazouillement amoureux des kokilas^ on aurait 
pu croire aisément qu'on était dans la ville des 
Gandharvas, les musiciens du ciel. Au moindre 
mouvement , leurs habillements trop légers s'é- 
cartaient , soulevés par le zéphyr , et leurs 
bracelets étincelaient 13 — 1û— 15— -16. 
« ËHes parfumaient la brise avec leurs bon- 

ri) Nous avons déjà plusieurs fois employé, sans le tra< 
duire , ce mot de la toilette inéfenne , qui veut dire un 
anneau , que les femmes portent au-dessus de la cheville 
du pied. — Voyez à cet égard une note mise dans notre 
Gita-Govinda. 



-80- 



quets embaumés, avec leurs poudres odorantes; 
et , pour exciter l*amour dans le sage enfant du 
saint hermite, elles se frappaient Tune l'autre 
folâtrement, et brillaient d*un charme nouveau à 
chaque phase de leurs ébats gracieux. Enfin , ces 
fleurs des courtisanes se dispersèrent de tous les 
côtés avec up ravissant badinage. 17 — 18. 

« Frappé d'un spectacle , que ce bois n'avait 
pas encore vu , Rishyaçringa stupéfait sentit 
naître en lui d'abord une impression dé crainte; 
puis, voyant ces femmes toutes charmantes, à la 
taille svelte et mince, le fils de l'anachorète s'é- 
lança précipitamment hors de son bermitage. 
Jamais , depuis sa naissance , il n'avait encore vu 
des êtres semblables , ni homme , ni femme, ni 
aucun habitant de la ville et du royaume. Les 
femmes ayant donc éveillé de cette manière sa 
curiosité , il vint à l'endroit où jouaient les 
gentilles courtisanes. 19 — 20 — 21. 

<( Et là, ô mon roi, le fils de Yibhândaka se 
tint devant elles absorbé dans une profonde ad- 
miration. À la vue de son émotion , ces femmes à 
la voix douce se mirent à chanter des vers com- 
posés de syllabes mélodieuses , et , lui décochant 
les regards de leurs grands yeux, elles souriaient. 
Enfin , voyant le jeune homme venu peu à peu 
tout près d'elles , palpitantes de joie , elles 
dirent: 22—23. 



—81— 

« Qui es-tu? et de qui e»-ta fils, toi, qui net» 
à Qous d'un pied si bâté 7 Pourquoi vas-tu seul 
ûum la forêt déserte? Dis^nous, car nous désirons 
te coDDaltre, dis-nous, seigneur, la vérité. » 
Alors, excité par la vue des femmes, douées 
' toutes de ces formes suaves , qu'il n'avait pas en- 
core vues , le fils de Tanacborète se mit à parler 
ainsi de sa personne : « Mon père est un grand 
saint, né du sang de Kaçyapa (1) : il se nomme 
Vibbândaka. 24— 25--26. 

« Je suis, moi, son propre fils, Rishyaçringa i 
c'est ainsi, qu'on m'appelle.... Et vous, dites ^ 
pourquoi éte»-vous donc aussi venus en courant 
vers mon bermitage? 27. 

« Que désirez-vous qu'on y fasse à l'instant 
pour vous ? Daignez me l'apprendre. Ce lieu-ci 
est notre silencieux bermitage , bien pourvu de 
racines douces et de fruits. 28. 

« Je vous y ferai à tous l'accueil dû à Vos 
Révérences: venez! » 

» Ge discours fit naître la joie au cœur des 
courtisanes; et toutes ensemble elles allèrent 
visiter l'bermitage du fils de l'anachorète , où le 
jeune ascète les bonora d'un accueil distingué. 



(1) Petit-fib de Brahma et Tun des pradjâpatis>, créa- 
teurs secondaires des plantes et des êtres animés. 

r 



—82— 

offrant à cbacnne d'elles un siège, Tean pour 
laver , les huit choses, dont l'argbya se compose^ 
des fruits et des racines douces. A peine eurent- 
elles reçu inquiètes cet hommage , que leur âme 
troublée , tant elles craignaient la malédiction du 
saint , tourna bien vite à la pensée de s*en aOer ; 
et ce discours, emmiellé d'un sourire, fut adressé 
par elles au jeune solitaire: 29— -30— 31 — 32. 

d Fils d'un saint , mangez donc aussi , jeune 
homme sans péché , mangez , s'il vous plaît, de 
ces fruits doux , nés dans nos hermitages. » 33. 

« Et, ce disant, elles donnaient au naif ado- 
lescent quelques douces confitures, bien façonnées 
en manière de fruits « et divers autres délicieux 
comestibles, avec des vins embaumés d'une 
senteur exquise. Zk. 

« Buvez maintenant , bon religieux, disaient- 
elles , buvez cette eau puisée dans notre saint 
tlrtha (1). » £n même temps, souriantes et toutes 
frémissantes d'ivresse , ces femmes embrassaient 
le candide enfant , le touchaient çà et là de leurs 
seins renflés, et lui susurraient à la racine de 
l'oreille des mots enveloppés dans l'odeur suave 
des vins. 35 — 36. 

a Lui, ayant mangé ces confitures élaborées 



(i) Voyez la note mise à la page 3 A de nos b'aductions 
de Tchdaura et de Bhartrihari, 



—83— 

avec un an exquis et ces divers aliments figarés, 
pétris , modelés en tonte ressemblance avec des 
fruits, se dit à lui-même : « Ce sont des fruits; » 
et ne crut pas manger des confintres. 37. 

« Mais , quand il eut goûté à ces fruits , qu'il 
n'avait jamais goûtés de sa vie, et quand il eut bu 
ces vins parfumés , il fut transporté d'une joie 
délirante. Touché par ces femmes, touché par 
leurs membres si jeunes, il tomba dans la fougue 
des sens, enflammé par le désir et de toucher lui- 
même et de savourer la volupté. 38 — 39. 

« Ensuite , ces femmes disent adieu au fils de 
l'anachorète et se retirent , lui ayant indiqué 
faussement uà lieu voisin comme le quartier du 
bois, où elles tenaient hermitage. .60. 

« Elles sorties, le jeune homme resta consumé 
par le désir , et, comme son cœur était parti avec 
elles, il ne put goûter un instant de sommeil. 61. 

« Après, cette aventure , le bienheureux Ka- 
çyapide revint en son logis, et là, trouvant son fils 
rêveur avec un esprit agité par la passion : 
« Pourquoi ne m'as-tu point salué 7 demanda-t-il 
à Rishyaçringa. Je te vois, mon ami, plongé dans 
un océan de pensées. 62—63. 

cr En vérité , un tel extérieur ne fut jamais 
celui de nos ascètes ! Dis-moi vite , mon fils , 
quelle chose a produit ce dégoût pour ton pieux 
état I B 66. 



—84— 

« Ainsi interrogé par le Kaçyapide, il répondit 
alors à son père : o O bienheureux , j'ai yo ici 
des hermites aux yeux charmants, anx seins 
renflés, comme frais éclos et semblables à quelque 
chose de supérieur à l'admiration même, lis 
m'ont touché partout, ils m'ont serré dans leurs 
bras étroitement; ils ont chanté à difiérentes 
fois de ces vers si tendres et qui sayent si bien 
aller au fond du cœur ; ils ont joué ; et tant €n 
eux, les visages, le mouvement des yeux, le jeu 
des sourcils, me semblait une merveille. vU^kt-kl. 

« A ces paroles de Rishyaçringa , le saint fit 
alors cette réponse : « Les Démons prennent cette 
forme séduisante pour la ruine de la pénitence. US. 

« Il ne faut pas te lier avec eux (1), mon fils, 
en aucune manière. » 

« Ayant ainsi parlé à Rishyaçringa et fortifié 
son esprit, le Kaçyapide habita une seule nuit à 
rhermitage et s'en retourna dans la forêt ; mais, 
de son côté et dès ce lendemain, le jeune solitaire 
hâta son pas vers l'endroit où il avait déjà vu ces 
femmes à la taille menue , aux formes enchan- 
teresses. Celles-ci, quand elles virent de loin 
venir le fils du KaçyajMde , elles coururent à sa 



(i) Ou, comme dit M. Gorresio : « Guardati dall* aver 
mai flducia in loro. b La lettre sanscrite donne les deux 
sens. 



—85— 

rencontre» et, souriantes, elies lui tinrent ce lan- 
gage : « Venez , maître , et voyez notre joli 
faermitage I U9 — 50 — 51 — 52. 

« Qnand nous aurons pu tous y rendre Tiion- 
neur insigne, que vous méritez, il vous sera 
loisible de vous en retourner. » Loi , à des pa- 
rôles si enchanteresses» il conçut aussitôt la pensée 
d'y aller avec elles , et se laissa mener par ces 
gracieuses femmes sur les navires déguisés. Dans 
le même temps que les courtisanes emmenaient 
ainsi cet enfant naSf du saint anachorète, le rùi 
do ciel ût tomber la pluie sur le royaume altéré 
du monarque, et Yibbândaka, le plus saint 
des brahmes , revint aussi dans son hermitage 
abandonné. 53-*5ft— 55. 

« Il rentrait en méditant , accablé sous la 
chaige des racines et des fruits , qu'il avait 
recueillis dans la forêt ; mais , quand il trouva sa 
maison vide et qu'il vit absent ce fils, dont il 
désirait la présence, alors, tout fatigué qu'il était 
et sans même laver ses pieds , il se mit à crier : 
« Rishyaçringa !.... oh I Rishyaçringa I » Il pro- 
mena ses regards de tous tes côtés : mais nulle 
part le bienheureux saint ne voyait son fils. Ainsi 
appelant et cherchant , le Kaçyapide, qui était 
sorti de ces bois, aperçut un village devant 
lui. 56—57—58. 

a II interrogea les villageois et les pasteurs 



-86- 



des vaches paissant là de tous les côtés : « A qui 
ces belles contrées et ces villages flanqués de 
troupeaux si nombreux ? § 59. 

« A ces paroles du saint , ces hommes , qui 
vivaient au milieu des génisses et des taureaux , 
joignant leurs deux mains en creux comme une 
patère de feuille, répondaient tous avec respect: 60. 

a Saint brabme , c'est à Rishyaçringa ! Il est 
chez les Angas un roi célèbre et nommé Lauma- 
pâda , qui , voulant honorer dignement ce fils de 
Vibhândaka , lui a donné ces villages avec tous 
ces troupeaux. » A cette réponse , le saint , qui 
d'ailleurs vit, avec le regard de la contemplation, 
que le destin avait disposé les choses pour aboutir 
à cette fin , reprit le chemin de son bermitage 
avec un esprit satisfait. Cependant , monté sur 
le plus beau navire de la flottille, Rishyaçringa, 
cet homme juste, grâces à l'arrivée de qui les 
nuages ténébreux avaient couvert le ciel, entrait 
dans la cité royale , salué par de grands coups 
de tonnerre , avec une pluie battante , qui se 
précipitait des cieux en torrents. 61-62-63-64. 

« Le monarque, à qui cette averse bienfaisante 
avait annoncé la venue du brahme salutaire, se 
porta lui-même à sa rencontre. Il rendit au 
jeune hermite un respectueux hommage, se pros- 
terna la face à terre , et , donnant le pas sur lui 
à son pourohita, il offrit à son hôte le bassin con* 



—87— 

tenant les hait choses de Targhya. Ensuite, comme 
pour flatter sa fierté , le roi avec tout son 
gynœcée lui fit cortège , lui prodigua des mets 
exquis , les plus nobles délicatesses de sa table , 
et, s'étudiant à gagner son affection , le servit de 
ses propres mains, pour qu*il ne conservât point 
dans son âme l'ombre même d'un mécon- 
tentement. 65 — 66 — 67. 

« Ce fut alors qu'il donna pour femme au ver- 
tueux fils de l'anachorète Çântâ (1) , cette jeune 
fille aux yeux de lotus, elle de qui l'âme répondait 
au nom ; et toujours il se félicita de l'avoir 
donnée. 68. 

« Ainsi honoré du monarque , Rishyaçringa , 
cet homme à la splendeur éclatante, habita là près 
de lui avec Çântâ, son épouse. 69. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le neuvième chapitre , nommé : 

L'ÉPISODE DE Rishyaçringa. 



(i) Ce mot répond aux deax noms français Ta anquillb 
et Placide. 



— SS- 



II Grand roi , écoutez encore cette excellente 
parole, que j'ai recueillie de la bouche même de 
Sanatkoumâra. 1. 

« Il y aura un jour, disait-il, un roi d'une 
haute renommée , issu de la race d'Ikshwàkou, 
sage, plein d'énergie pour la yérité et nommé 
Oaçaratha« 2. 

« Ce héros s'unira d'amitié avec le roi des 
Ângas ; il sera l'heureux père d'une ûlie, appelée 
Çântâ et d'une beauté rare. Mais le roi des 
Angas, Laumapâda, n'aura pas de lignée: aussi 
le monarque portera-t-il cette demande au roi 
Daçaratha : 3 — U. 

« Ami, je n'ai pas d'enfants : consens donc à 
me donner , pour que ses enfants soient réputés 
les miens , ta noble fille Çântâ , de qui l'heureux 
nom peint le doux caractère. « 5. 

« A ces mots , touché dans son âme naturel- 



—89— 

lement compâtissanle , le roi Daçaratha cédera la 
jeune Çântâ au roi des Angas; puis, la vierge ob- 
tenue et son chagrin dissipé , ce monarque , au 
comble de ses vœux et Tâme joyeuse , reprendra 
le chemin de sa ville capitale. 6 — 7. 

« C'est là cette même jeune fille , que le roi 
des Angas doit unir de mariage au fils de Tana- 
chorète , et sa main obtenue devant Tautel fera 
aussi la joie de Rishyaçringa. 8. 

« Ensuite, le roi Daçaratha , voulant offrir aux 
Dieux un sacrifice , on verra ce dominateur des 
hommes, pour qui le devoir est une science bien 
connue, supplier , ses deux mains jointes, le pins 
excellent des brahmes , ce Rishyaçringa , de cé- 
lébrer son pieux sacrifice , de lui obtenir un fils, 
de lui mériter le cieL Le fils de Tanachorète ne 
lui refusera point ce qu'il désire : aussi quatre 
fils d'une splendeur infinie naitront-ils de lui, 
pour éterniser sa race , les devoirs, l'honneur, la 
renommée et la gloire de sa famille. » 9-10-11. 

« Voilà ce qu'autrefois , dans une assemblée 
d'anachorètes, le plus saint des rishis divins , Sa- 
natkoumâra le bienheureux annonça comme 
devant arriver dans le cours de l'avenir. 12. 

« Va donc , ô tigre des rois, va demander l'a- 
grément de ton directeur spirituel , et qu'il te 
plaise amener ici le fils de Yibhândaka. i> 13. 

Daçaratha , dès qu'il eut ou! le sage conseil de 



—90— 

Sôumantra , se rendit diez Vaçishtha, et lai tint 
ce langage : 14. 

« Voici ce que m'a dit Soumand:^ ; daignes-tu 
sanctionner ce conseil ?» — « Oui ! » répondit 
Vaçishtha à ces paroles entendues. 15. 

Alors, suivant Tavis de Soumanlra et l'âme 
tonte charmée de cette approbation, le monarqoe 
en grande hâte , accompa^é de ses mhiistres , 
de son ponrohita et de son gynœcée , s'achemliia 
vers la contrée où habitait Hishyaçringa , pour 
inviter ce brafame, le plus excellent des brahmes, 
à célébrer son auguste sacrifice. 16 — 17. 

Il traversa diff^ents pays, et un très*long 
temps ne s'était pas encore écoulé, que déjà il 
entrait, comblé d'honneurs, dans la ville char- 
mante de Laumapâda. 18. 

Là , rei^etidissant comme le feu , ce fils du 
saint se montre enfin aux yeux du roi Daçaratla 
dans le palais du t(A Laumapâda , qui , ravi de 
joie à l'arrivée d'un hôte si cher , accueille son 
hôte avec les (dus dignes honneurs. 19^-^20. 

Le monarque, sans dire la cause de son 
voyage, demeura là au milieu des fêtes sept ou 
huit jours, au bout desquels il tint ce discours au 
roi des Angas : 21. 

A Héros , dominateur des hommes , veu3t-tu 
permettre que ta fille Çântâ vienne, accompagnée 
de son époux, dans ma ville capitale , où il faut 



-91- 



que je célèbre un bien grand sacrifice. » 22. 

« Ooi ! » répondit Laamapâda , ne se refosant 
pas an voyage de cet homme sage. Sans aucun 
é&M , il présenta 9on royal ami an vertueux Ri- 
shyaçrioga , en même temps qu'il disait à ce fils 
d'un saint les pannes suivaiftes : « Ce roi est 
Daçaratfaa, un ami, que j'aime beaucoup 23 — ^24. 

« Moi, n*ayant pas d'enfant, je lui ai demandé 
la noble Çftntâ ; et lui, il me Ta donnée, pour que 
les enfants de sa fille bien-^imée fussent aussi 
les miens. 25. 

« Brahme , ce roi n'est pas moins ton beau- 
père que je le suis moi-même» Il désire un fils, 
et, pour Vobtemrg il vient id à toi comme à son 
refege {assuré. Yenx-tu célébrer , ô le plus ver- 
tueux des brahmes , le sacrifice , nécessaire au 
but de son désir? Vas dans sa ville avec ton épouse 
Çântâ , et fais-le aborder sur la rive > où le ciel 
doit oomUer ce désir impatient de posséder 
un fils ! » 26—27. 

a Oui ! » reprit k fils du saint : et , ce mot 
à peine dit, il prit congé do monarque, et se mit 
en route avec Çâniâ , son épouse. 28. 

Le roi Lanmapâda coad)la son hôte de nouvelles 
politesses, embrassa Daçaratha, et permit à son 
ami de retourner à la belle cité d'Âyaudhyâ. 29. 

Daçaratha , ayant donc reçu avec ce congé le 
saint brahme , accompagné de Çâniâ , commença 



—92— 

dans un moment heureux son retour à ses états, 
et fit partir devant lui des courriers zélés pour 
annoncer à sa ville capitale ces agréables nou- 
velles : « Marchez , dit-il, marchez le plus rapi- 
dement qu'il vous sera possible ; et qu*en tous 
lieux, se conformant à mes ordres, que vous lai 
portez , ma ville soit magnifiquement décorée ! » 

30—31—32. 

Aussitôt , avec une âme joyeuse , ces courriers 
de hâter leur marche légère, et bientôt la ville fiit 
mise dans Tétat , où la volonté du roi exigeait 
que fût Âyaudhyâ. 33. 

Ensuite , donnant au saint brahme le pas s>ttr 
lui-même , Daçaratha fit son entrée dans sa ville 
bien parée et toute résonnante par la musique 
harmonieuse des instruments divers. 34. 

Le roi même servit d'introducteur dans sa 
ville au sage Rishyaçringa , et , voyant déjà son 
désir accompli (tun côté , il s'imagina toucher , 
de Vature s à son dernier but. — A Farrivée 
du monarque, accompagné par ce fils d'un saint, 
aussi brillant que la flamme du feu, les ti*ansports 
des citoyens éclatèrent (1) ; — et tout le gy- 
nœcée même fut dans la joie , en voyant s'ap- 



-(i) Nous avons interverti les rangs de ces deux stances 
entre elles , pour obtenir un enchaînement d^idées mieux 
suivi. 



procher la gracieuse Çântâ, qui partagea dans cette 
cour les honneurs de son époux. 35 — 36 — 37. 
Avec elle , dans ce palais du monarque , le fils 
du grand saint habita, comblé d'une joie suprême» 
honoré, plein de bonheur, comme Vrihaspati (1) 
dans la ville de Mahéndra. 38. 



Ici s dans le premier tome du saint RâmÂyana, 

Finit le chapitre dixième , intitulé: 

Abritée de Rishyâçringa dans Ayaudrya. 



(i) Régent de la planète , que nous appelons Jupiter. 
Vrihaspati est aussi le mailre spirituel et le prêtre 
des Dieux. 



—94- 



XI. 



Ensuite , quand la saison froide se fut écoulée, 
immédiatement après que le mois du printemps 
fut arrivé , la pensée do monarque se remit à son 
projet de sacrifice. 1. 

Il vint trouver Risbyaçringa , se prosterna à 
ses pieds , lui rendit ses respectueux hommages 
et Tinvita piemement à présider le sacrifice, qu'il 
offrait au ciel pour obtenir une lignée. 2. 

Le prêtre, ayant répondu oui au roi, ajouta 
encore ces paroles : « Puissant monarque , fais 
promptement apporter les ustensiles et les divers 
appareils , nécessaires à la cérémonie. 3. 

« Rassemble ceux des prêtres officiants , qui 
doivent m'assister dans le sacrifice, Yaçishtha 
d*abord, ses collègues après lui, et tous les 
brahmes, que tu estimes. » U. 

Le roi parla donc ainsi à Sonmantra, debout à 
ses côtés : « Conducteur de mon char , amène 



— Ô5-- 

ici ea diligeace tous mes prêtres sans exception , 
les hommes instruits dans la science de la théo- 
logie, les chefo de maison versés dans les choses 
védiques , ceux qui possèdent les soûtras (1) et 
leurs commentaires» ceux qui ont abordé à la 
rive ultérieure dans la sainte lecture des Védas 
et du Yédânga. 5—6. 

Traite d*abord avec les honneurs dus et ras- 
semble ici les chefs de famille pauvres , les vieil- 
lards, sur qui pèse la charge d'une épouse, et 
même les brahmes des autres pays, qui sont 
nourris dans la Sainte Écriture. » 7. 

A ces mots du roi , Soumantra aussitôt se hâta 
de réunir tous les botris , qui avaient lu entiè- 
semeot les Védas et le Védânga. S. 

C étaient Souyadjna , YâiDadéva , Djâvâli, Kâ- 
çyapa., Yaçishtba., le pourohita du roi, et tous les 
autres connus pour les i4us excellents de la 
caste sainte. 9. 

Le roi Daçaratha les accuemii^ dwis son palais 
avec le respect di^ et leur tint ce discours, où la 
doueeoij $e loariait au sens de la- piété : 10. 

« Quoique hiien désîcés, il ne m'est; pas né des 
enfants » mm image suc la terre ; aussi m'est-U 

(t) Le mot èà soûtra est un tenue bien connu dans la 
Utt^naturQ de Vlnde* Il y désigne «es brèves et obscures 
sentences , qui renferment les règles fondamentales de la 
science brahmanique , def>uis la grammaire jusqu^à la 
philosophie. S, Bumouf, ^ 



—96— 

veDo cette idée : « Il but que je célèbre no 
açwi-inédha. » il. 

» Secondé par la poisBanle faveur de Rishya- 
çringa et l'énergie de vos saintetés, je veux inao- 
gnrer maintenant cette ininx^lation d'an ciieval. 
Aidez-moi donc en cette conjonctore , vénérables 
personnes, toos, auprès de qni je viens cherdier 
oKHi asyle ! • — « Bien ! » s'écrièrent tons les 
régénérés , saluant son discours oDec cette accla- 
nuitùm spontOMée. 12 — 13. 

Va^shtba, leur chef, de concert avec ces 
brahmes joyeui , approuva l'intention du sou- 
verain, et Rishyaçrii^, leur digne interprète, 
fit au n» cette réponse : l/u 

« Fais apporter les choses , qui entrent dans 
la composition d'un sacrifice : que le cheval dé- 
voué à Tautel soit mis en liberté ! H est inbillible 
que tu obtiennes l'objet de tes voeux, ces fils d'une 
splendeur éminente, toi , dans l'esprit duquel ce 
désir fit naître une idée si pieuse. > Cette parole 
du saint porta la joie au coeur du roi , qni paria 
ensuite en ces termes : « Soumantra , et vous 
autres, mes excelle&ts ministres, fl fiint que vous 
apportiez en diligence , à l'ordre de ces homm^ 
saints, qui sont mes vénérés maîtres, et sur mon 
ordre k md , tout le développement des appareils 
en usage dans les sacrifices. Que chacun de vous 
remplisse exactement ce qui est dans sa partie. 



-^97— 

sans y laisser jamais un seul point défectueux. 
15—16—17—18. 

« Mettez le cheval dévoué en liberté, au com- 
mandement de Soumantra , assisté de mon di^ 
recteur spirituel , et disposez Taire du sacrifice 
sur la rive ultérieure de la Sarayoû. 19. 

ce Que les préliminaires du sacrifice et les 
cérémonies propitiatoires soient accomplies sui- 
vant les règles des Védas. Un roi de la terre ne 
peut conduire à bonne fin cette œuvre sainte, 
s'il n*est fort, s'il n'a la foi, s'il ne possède beau- 
coup de richesses. En effet , errants à l'entour 
des sacrifices, les Démons y cherchent un défaut 
pour les détruire; et, quand une telle oblation 
subit un empêchement, celui qui l'offre périt! 
Que tout soit donc fait par vous tous de manière 
que mon sacrifice arrive sans obstacle à sa con- 
clusion. » — « Oui I » répondirent les ministres à 
cette injonction du roi. 20 — 21 — 22 — 23. 

Puis , ils sortirent afin ct'exécuter les choses 
entièrement comme le monarque en avait signifié 
l'ordre. Ensuite, les deux fois nés (1) dirent: 
« Puisse-t-il n'être aucun obstacle en ton sacri- 
fice ! » ils prirent congé du roi, et, l'ayant salué, 



(i) DvDidjat c'est-à-dire, bis naitu: ce mot est em- 
ployé d'un usage fréquent comme le synonyme debrahme, 
dont Tinitiation est réputée une naissance spirituelle ou 
seconde naissance. 

8 



—98— 

s'en retouitièrent comme ils étaient venns. Une 
fois sortis ces brahmes, les plus éminents de lenr 
caste , le souverain commanda Tobéissance pour 
ce qui resUit à faire, et, tout ainsi réglée il entra 
dans son gynœcée. 24—25. 



Icif dans le premier tome du saint Râmâyana^ 

Finit le chapitre onzième, intitulé: 
Appbêts du Sacrifice pour l'àçwa-médba* 



—99— 



XII. 



Ensuite, ayant ramené un nouveau printemps, 
l'année accomplit sa révolution. Le monarque 
vint donc trouver Vaçisbtba , il se prosterna 
devant son ritouidj , lui rendit Thommage exigé 
par la bienséance et lui tint ce langage respec- 
tueux au sujet de son açwa-médha pour obtenir 
des fils : « Il faut promptement célébrer le sacri-* 
fice de la numière qu*il est commandé par le 
çâstra , et régler tout avec un tel soin qu'un de 
ces mauvais. Génies , destructeqrs des cérémonies 
saintes, n*y paisse jeter aucun empêchement. 
C'est à toi , en qui je possède un ami dévoué et 
qui es le premier de mes directeurs spirituels; 
c'est à toi de prendre sur tes épaules ce fardeau 
pesant d'un tel sacrifice. » — « Oui ! » répondit 
au roi le plas vertueux des régénérés. 1^2-3-^4. 

« Je ferai assurément tout ce que désire Ta 



—100— 

Majesté. » Ensoite , il dit à tous les brahmes 
experts dans les choses des sacrifices : 5. 

« Mettez à Touvrage dans ce travail-ci des ar- 
tisants honnêtes , d'un âge en sa fleur , les plus 
habiles du métier, des maçons, des bûcherons, 
des pionniers, des astronomes , des gens qui pra- 
tiquent les autres arts , des comédiens même et 
de bons danseurs. » Il dit aux hommes versés 
dans la science des castras et qui jouissaient d'une 
haute renommée : 6 — 7. 

cr Exécutez , suivant les injonctions du roi , 
l'œuvre du sacrifice, et convoquez sans délai pour 
la cérémonie plusieurs milliers de brahmes. 8. 

« Que Ton bâtisse poqr les rois des palais dis- 
tingués par de nombreuses qualités! Que l'on 
bâtisse même par centaines pour les brahmes in- 
vités de beaux logis bien disposés , bien pourvus 
en divers breuvages , bien approvisionnés en dif- 
férents comestibles. Il faut construire aussi pour 
l'habitant des villes maintes demeures vastes, 
fournies de nombreux aliments et remplies de 
choses propres à satisfaire tous les désirs. Ras- 
semblez encore d'abondantes victuailles pour 
l'habitant des campagnes. 9 — 10 — 11. 

« Que ces différentes nourritures soient données 
avec politesse , et non comme arrachées par la 
violence , afin que toutes les castes bien traitées 
obtiennent ainsi les ^ards dus il chacune d'elles. 



—101— 

« Passant de Tamour à la colore , n'appliques 
riojure à personne. Qne les honneurs soient ren- 
dus surtout , mais en observant les degrés » aux 
hommes supérieurs dans les choses des sacrifices, 
comme aux sommités dans les arts manuels. 
Agissez enfin d'une âme aimante et satisfaite , Ô 
TOUS, révérendes personnes, de manière que tout 
soit bien fait et que rien ne soit omis! » Ensuite, 
les brabmes , s'étant approchés de Vaçishtha , lui 
répondirent ainsi : 12—13—14 — 15. 

« Nous ferons tout , comme il est dit, et rien 
ne sera oublié. » 

Après cette réponse , ayant fait appeler Sou* 
mantra : « Invite , lui dit Vaçishtha , invite les 
rois , qui sur la terre sont dévoués à la justice. 

« Convoque avec d'attirantes civilités les hommes 
dotons les pays, brabmes, ksbatryas, vatçyas, 
coudras même par milliers. Mais amène ici toi- 
même, en le comblant d'égards, le fortuné roi 
de Mitbila , Djanaka , ce héros d*un grand 
courage , habile dans tous les castras et d'une 
science profonde aussi dans les trois Védas. 
16-^1 7--18— 19. 

« Comme je sais qu'un lien d'amitié unit 
depuis long-temps ce monarque à mon roi, je le 
nomme ici (want tous les autres. Amène aussi 
l'illustre ami du roi des rois, le souverain de 
Kâçî, prince aimable, aux lèvres duquel est tou- 

8* 



—102— 

jours une parole amicale. Amène encore, accom' 
pagné de son fils, le beau-père de notre lion des 
rois, le monarque du Kékaya, vieillard éminem- 
ment juste. Amène aussi toi-même et comblé 
d*hommages notre ami le roi des Angas, Lauma- 
pâda, homme religieux et semblable aux Immor- 
tels. Amène en ces lieux , sans tarder , tous les 
rois du midi , et ceux de Torient , et ceux des 
Sâauvîras à Toccident , sur la rive de Tlndus, et 
ceux qui habitent dans le Sourâstra. Amène enfin 
promptement, avec leur suite, avec leurs familles, 
tous les autres potentats connus dans le monde 
par un attachement sans bornes au roi de 
Kauçala. » 

Aussitôt ces paroles de Vaçishtha entendues, 
Soumantra en diligence expédia de nombreux 
messagers pour convoquer au sacrifice les rois 
désignés; et Soumantra, Thomme du devoir, 
obéissant avec soumission à la volonté de son 
maître, se mit en route lui-même pour conduire 
les rois de la terre au lieu fixé pour l'acv^^a^noédha. 

Ensuite , les artisans vinrent annoncer à Va- 
çishtha, le grand saint, qu'ils avaient préparé 
toutes les choses commandées pour le sacrifice ; 
et ce brahme satisfait, le plus excellent des 
brahmes , fit cette réponse à tous les ouvriers : 

« Comme il ne faut pas que rien soit omis par 



—103— 

TOUS daos le matériel du sacrifice , de même 
aucun de vous ne doit accompagner de son mé- 
pris une chose quelconque , donnée à qui que 
ce soit. 29. 

« En effet , tout don souillé par le mépris 
amène le péché sur le donateur. » 

Ensuite , après quelques jours et quelques 
nuits écoulés , arrivèrent ces rois si nombreux , 
à qui Daçaratha avait envoyé des pierreries (1) 
en royal cadeau. Alors Vaçishtha, l'âme très- 
satisfaite, tint ce langage au monarque : 30 —31. 

« Tous les rois sont venus , ô le plus illustre 
des souverains , comme tu Tavais commandé. Je 
les ai tous bien traités, et tous honorés dignement. 

« Tes serviteurs ont disposé convenablement 
toutes les choses avec un esprit attentif. » 

Charmé à ces paroles de Vaçishtha : « Quo 
le sacrifice, dont les préparatifs sont terminés, 
lui dit son roi, sacrifice, doué en toutes ses parties 
de choses offertes à tous les désirs , soit célébré 
aujourd'hui même , sur mon ordre et à la voix 
de Rishyaçringa. 32 — 33 — 3ii, 



(i) M. Gorresio traduit ainsi : a Portando in dono aï 
re Dasaratha elette gemme. » Nous {H'éférons toutefois 
notre sens , qui vient si naturellement après le génitif : 
• acceptis Daçarathœ gemmis. » L^invitation du roi était 
accompagnée d'uu présent : c'est dans les mœurs dut 
pays et de l'époque. 



—104— 

— a Ce jour est heureux, les coostellatioiis 
sont favorables : sortez, maître de la terre! » 

Ensuite , ayant à leur tête Vaçishtha et met- 
tant Taçwa-médha avant quelque afiaire , qu'ils 
eussent alors, tous les brahnaies d'en commencer à 
l'instant même les cérémonies, 35. 



Icij dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre douzième , intitulé : 

GOMMENCfiMENT DU SACRIFICE. 



-105— 



XÏII. 



Dans ce même temps , le cheval revint de sa 
longue course , ayant accompli une sorte de 
pradakshina (1) autour de la terre. Aussitôt les 
sacrificateurs/sous les ordres de Rishyaçringa , 
mesurent, au bord septentrional de la Sarayoû» 
et disposent un lieu propre à Taçwa-médha, ma- 
gnifique sacrifice de ce roi magnanime. 1 — 2. 

Ensuite les prêtres, consommés dans la science 
de la Sainte Écriture , commencent la première 
des cérémonies , Faccension du feu , suivant les 
rites enseignés dans les Yédas et suivant les règles 
données par le soûtra du Kalpa. 3. 

Les règles des expiations furent aussi observées 
entièrement par eux , et ils firent toutes ces li- 
bations , que la circonstance demandait. U. 

(1) Voyex la noie, page 13. 



—106— 

Il n'y eut pas une faute , il n*y eut pas une 
erreur commise en la moindre chose ; et ils célé- 
brèrent, en vérité, ce noble sacrifice avec une 
attention infinie. 5. 

Durant ces jours , on ne vit pas un individu 
ou malheureux , ou tourmenté par la faim , on 
non satisfait parmi les animaux , bien loin qu'il 
s'en trouvât chez les autres créatures. 6. 

Les brahmes, habitant diverses contrées, 
étaient venus à ce pieux sacrifice par centaines 
de mille et par dixaines de millions. 7. 

Là, il ne vint pas un brahme, qui ne Ait savant 
et suivi par cent disciples; il ne vint pas un 
sacrificateur , qui n'eût pas son feu sacré cons* 
tamment allumé, qui ne fût religieux observateur 
de son vœu , ou qui fût tombé de sa caste. 8. 

Dans ce grand sacrifice , ces milliers de 
brahmes mangèrent , chacun en particulier , defll 
mets savoureux et variés. 9. 

Là, dans plusieurs vases d'ai^ent et même en- 
tièrement d'ôr , les brahmes savourent , et non 
pas une seule fois , des breuvages et des mets 
exquis. — Là, mêlés ensemble, on voit manger le 
faible , qui n'a pas de protecteur , manger celui 
qu'un protecteur soutient, manger l'ascète, man- 
ger aussi le çramana (1). 10— il. 

(1) Disciple d*un ascète. 



—107— 

De^à , cm n'eût pas vu sortir non rassasiés les 
femmes sans époux, Tenfant on le vieillard, et 
l'indigent, qui a faim. 12. 

Là, partout, vous auriez entendu ces paroles : 
« Serrez !.... Mangez tous !....» auxquelles ve- 
nâdent s*nnir le chant des hymnes et le susur* 
rement des bouches, qui murmuraient le Véda. i 3. 

Là , renouvelés tous les jours , on voyait des 
lacs de condiments et des montagnes de comes- 
tibles choisis pour satisfaire tous les désirs, ik. 

« Oh ! que ces festins sont délicieux, et abon- 
dant» et variés ! s'écriaient les deux fois nés: oh ! 
comme nous avons mangé tous à satiété ! Que la 
félicité descende sur vous! «» 15. 

Les rois, v^us pour ia^ fête, parés avec magni- 
ficence et couii>és humblement , servaient eux- 
mêmes le^ brahmes dans les fonctions du sacri- 
fice, comme de respectueux domestiques. 16. 

Ensuite, arrivait-il un moment où la cérémonie 
était suspendue , les sages, d'une voix éloquente, 
agitaient de nombreuses thèses sur les causes 
premières avec la noble émulation de remporter 
l'un sur l'autre une victoire. 17. 

Alors, en des hymnes mystiques, où respirait 
une science immortelle , Rishyaçringa et ses col- 
lègues adressèrent une invocation à Çakra et à 
tous les Dieux supérieurs. 18. 

Puis, avec les honneurs dignes et la prière, 



—108— 

qui s'exhalait en des stances mélodieuses et ravis- 
santés , les prêtres officiants versèrent dans le feu 
du sacrifice les portions du beurre clarifié , que 
la sainte liturgie assignait aux habitants du ciel. 19. 

Des brabmes savants exécutaient chaque jour 
toutes les parties de cette grande cérémonie, 
comme il était convenable et suivant qu'il était 
commandé par le çâstra. 20. 

Car il n*y avait pas dans cette assemblée un 
sadasya (1) , qui ne sût les six Ângas , qui ne 
jouît d'une haute renommée , qui ne fût versé 
dans le soûtra-Kalpa, qui ne fût habile à manier 
la parole. 21. 

Là furent élevées, chaque groupe étant mis 
à part, six colonnes de vilva (2) et six de 
khâdira (3) , un égal nombre en pâlâça (4) , au- 
tant même de taillées dansToudoumbara (5). 22. 

La main de brahmes^ qui avaient lu entiè- 
rement les Yédas et le Yédânga , planta en outre 
deux colonnes : Tune était faite de çléshmâ^ 
taka (6) , et Fantre en dévadârou (7). 23. 

(1) Sacrificateur assistant, dont roffîce est de remarquer 
et de corriger les erreurs. 

(2) yEgle marmeios ou cratœva marmelos» 

(3) Mimosa catechu, 
(A) Butea frondosa, 
(5) Ficus gUmerata, 

(d) Cordia myxa et Cordia latifolia, 
(7) Pinus devadaru. 



—109— 

On érigea aussi, mais seulement pour aug^ 
tnenter la magnificence du sacrifice, une colonne 
entièrement d*or , étonnante par sa grosseur el 
sa grande élévation. 2(i. 

Ces colonnes, solides et bien travaillées, étaient 
à huit pans , disposées suivant les rites et douées 
toutes d'une forme gracieusement amincie. 25. 

Elles furent routes revêtues d'étoffes par la 
main d'ouvriers habiles ; mais ce fut aux seuls 
brahmes , versés dans la science des cérémonies , 
à joncher de fins tissus Faire du sacrifice. 26. 

Et partout, orné de ces tapis, orné de ces co- 
lonnes dressées , le sanctuaire éclatant resplen- 
dissait comme un lieu planté de kalpas, ces 
merveilleux arbres du ciel, 27. 

Ensuite, Y état des nuages (1) fut interrogé 
par des brahmes instruits dans les choses des 
sacrifices, et Ton pava même en briques d'or 
le garouda (2) choisi pour l'immolation du 
cheval. 28. 

Alors, dans ce grand sacrifice de l'açwa-médha, 
en les adressant à chacun des Immortels , on 

(1 ) Nous devons avertir que ce sens nous est personnel, 
mais le texte sanscrit ne Toffre pas moins clairement que 
celui-ci de la traduction italienne : « S^erano dai brah- 
mani sacrificatori raccolte le piante di cipero odoroso. b 

(2} Cestle nom d'un oiseau à face humaine, qui est la 
monture de Vishnou. Appelait-on ainsi la place du sacri- 
fice à cause d'une certaine ressemblance avec celte figure? 

9 



—110— 

aspergea d'eau sainte les animaux prêsetués à 
l'autel j et ceux qui nagent dans les eaux, et 
ceux qui marchent sur la terre, et ceux qui rament 
dans Tair avec des ailes , et les hôtes de Fatmos- 
phère, et les hôtes^les forêts, et tous les premiers 
dans les différentes classes des êtres, et toutes le»s 
espèces de reptiles , qui se traînent au fond des 
cataractes , et même toutes les sortes de plantes 
médicinales. 

Chaque jour , les deux fois nés consacraient 
en ce lieu trois cents têtes de bétail. 29-30-31. 

Mais la perle des coursiers ne fut dévouée en 
l'honneur de tons les Dievx que dans les céré- 
monies de ravabhritha (1). 

Alors Kâauçalyâ décrivit un pradakshina autour 
du cheval consacré , le vénéra avec la piété due, 
et lui prodigua les ornements , les parfums , les 
guirlandes de fleurs. Puis , accomps^née de Ta* 
dhwaryou , la chaste épouse toucha la victime et 
passa toute une nuit avec elle , pour obtenir ce 
fils, objet de ses désirs. 

Dans ce même temps, où la reine se tenait en 
prières à côté du cheval, Rishyaçringa et les 
brahmes , ses collègues, répandaient sur elle de 
saintes bénédictions. 

(IJ Sacrifice supplémentaire , dont le but est d'exiner 
les erreurs ou les omissions , qui peuvent s^être glissées 
dans un sacrifice précédent. 



— lil— 

Ensuite , le ritouidje , ayant égorgé la victime 
et tiré la oioëile des os, suivant les règles saintes, 
la répandit sur le feu , invi^jant chacun des Im- 
mortels au sacrifice avec la formule accoutumée 
des prières. Alors, engagé par son désir immense 
d*obtenir une lignée , Oaçaratha , uni dans cet 
acte à sa fidèle épouse, le roi Daçaratha vint avec 
elle respirer la fumée de cette moelle , que le 
brasier consumait sur Tautel. Enfin , les sacri- 
ficateurs de couper les membres du cheval en 
morceaux, et d^offrir sur le feu à tous les habitants 
des cieux la part , que le rituel assignait à chacun 
d'eux. 

Immédiatement après qu*il eut accompli gra- 
duellement le plus noble des holocaustes , le roi 
se mit à distribuer les honoraires du sacrifice à 
tons les prêtres officiants. Le botri eut de lui ce 
riche quartier de la terre, cet orient, conquis à 
la force de son bras {Du SI*" au UO* çioka). 

L'adhwaryou (1) eut Toccident; le midi fut 
donné au brahme, qui présidait à la cérémonie; 
et le septentrion fut assigné comme la part de 

(1) Le hotri était le prêtre, chargé de réciter les prières 
du Rig-Véda ; Tadwaryou , celles de rYadjour-Véda ; et 
l*oudg&tri, les hymnes du Sama-Yéda. M. Gorresio dit avec 
une grande justesse dans une de ses notes : a II est inutile 
de dire que toutes ces largesses étaient de simples fictions. 
On les faisait peut-être comme un symbole d*hommage 
à Tordre sacerdotal. » 



—112— 

Toudgâtri. C'était ^insi qae l'Être existant par 
lui-même avait réglé jadis l'ordre et la quotité 
de ces dons , quand il célébra dans un précédent 
kalpa la grande cérémonie de Taçwa-médha. 

Après qu'il eut ainsi partagé tout le globe entre 
les quatre chefs du sacrifice, le roi versa d'autres 
cadeaux sur tous les prêtres assistants : une çen* 
taine de lakshas (1) d'or brut , dix kofis (2) d'or 
façonné , quatre fois plus d'argent : voilà qtfelle 
fut ici la somme de ses libéralités. Ensuite le 
roi , de qui la munificence ajoutait au mérite du 
sacrifice , combla encore ses ritwidjes Djâvâli , 
Vaçishtha , Yâmadéva et Rishyaçringa de nou-. 
velles largesses , an gré de tous leurs désirs. 
ZiO— 41— 62— Zi3— /i4. 

Ces cadeaux reçus d'un cœur joyeux : « Conçois, 
dirent alors ces brahmes au roi Daçaratha , con- 
çois un désir. » 1x5. 

Daçaratha , l'âme charmée , répondit aux deux 
fois nés : « Je désire quatre fils généreux et 
d'une force vantée. » 66. 

<' Soit! répartirent ces hommes saints, de 
qui la bouche était comme l'organe des Védas : 



(1) Un laksha est une quantité égale à cent mille. C'est 
un mot , que nous avons déjà essayé de naturaliser dan» 
nos précédentes traductions. 

(2} Le koti est une dixaine de millions. 



—113— 

lu obtiendras dans peu ces fils, doués comihe tu 
désires. » Ul. 



ici, dans le premier tome du saint Bâmâyana, 
Fioit le treizième chapitre, intitulé: 

CÉLÉBRATION DE L'AÇWA-MÊDHA. 



"lU- 



XIV. 



De nouveau Rishyaçringa tint ce langage au 
monarque : « Je vais célébrer un second sacrifice, 
afin que le ciel accorde à tes voeux les enfants, 
que tu souhaites. » 1. 

Cela dit , cherchant le bonheur du roi et pour 
Taccomplissement de son désir , le fils poissant 
de Vibhândaka se mit à célébrer ce nouveau 
sacrifice. 2. 

Là , auparavant , étaient venus déjà recevoir 
une part de Toffrande les Dieux , accompagnés 
des Gandharvas , et les Siddhas (1) avec les 
Mounis divins , Brahma , le monarque des Sou- 
ras (2), rimmuable Çiva, et Tauguste Nârâyana« 



(1) Génies d'un certain ordre. 

(2; Les Dieux. — C'est un mot dérivé du verbe socr , 
resplendir , comme le mot dèvas , qui est ie divtu des la- 
tins, vient du verbe div , avec la même signification. 



—115— 

et les quatre gardiess vigilants du monde , et les 
mères des Immortels, et tous les Dieux, escortés 
des Yakshas, et le maître éminent du ciel, Indra, 
qui se manifestait aux yeux , environné par Tes- 
saim des Maroutès. ^ — U — 5, 

Alors ce jeune anachorète avait supplié tous 
les Dieux, que le désir d'une part dans Toffrande 
avait conduits à Tacwa-médha , cette grande 
cérémonie de ce roi magnanime; et, dans ce 
moment, V époux de Çântâ les conjur/ut uinsi 
pour la seamde fois: 6. 

« Cet Iramme en prières , c'est le roi Daça- 
ratha , qui est privé de fils. Il est rempli d'une 
foi vive ; il s'est infligé de pénibles austérités ; il 
vous a déjà servi , divinités augustes, le sacrifice 
d'un açwa-médha, et maintenant il s'étudie en- 
core à vous plaire avec ce nouveau sacrifice dans 
l'espérance que vous lui donnerez les fils, o« 
tendent ses désirs. Versez donc sur lui votre 
bienveillance et daignez sourire à son vœu pour 
des fils. 7—8. 

« C'est pour lui que moi id, les mains jointes, 
je vous adresse à tons mes snppHcations: envoyez- 
lui quatre fils, qui soient vantés dans les trois 
mondes î » 9. 

« Oui ! répondirent les Dieux au fils suppliant 
du risbi ; tu mérites que nous t*écoutions avec 
faveur, toi, brahmc saint, et même, en premier 



—116— 

iicu, ce roi. Gomaie récoiqpense de ces différents 
sacrifices, le monarque obtiendra cet objet le 
[dus cher de ses désirs. » 

Ayant ainsi parlé et va que le grand saint 
avait mis fin suivant les rites à son pieux sacrifice» 
les Dieux, Indra à leur tête, s*évanottissent dans 
le vide des airs et se rendent vers Tarchitecte 
des mondes , le souverain des créatures , le do- 
nateur des biens , vers Brahma enfin , auquel 
tous , les mains jointes , ils adressent les paroles 
suivantes : « O Brahma , un rakshasa , nommé 
Râvana , tourne au mal les grâces , qu'il a 
reçues de toi. 10—11—12—13. 

a Dans son orgueil , il nous opprime tous ; H 
opprime avec nous les grands anachorètes, qui se 
font un bonheur des macérations; car jadis, 
ayant su te plaire , ô Bhagavat , il a reçu de toi 
ce don incomparable: 1/i. 

« Oui, as-tu dit, exauçant le vœu du mauvais 
Génie; Dieu, Yaksha ou Démon ne pourra jamais 
causer ta mort ! » Et nous , par qui ta parole est 
respectée, nous avons tout supporté de ce roi des 
raksfaasas, qui écrase de sa tyrannie les trois 
mondes, où il promène l'injure impunément. 
Enorgueilli de ce don victorieux , il opprime in^ 
dignement les Dieux, les rishis, les Yakshas, les 
Gandharvas, les Asouras et les enfants de Manou. 
Là où se tient Râvana , la peur empêche le soleil 



—117— 

<l*échaulTer , ie vent craint de souffler et le feu 
u'osc flamboyer. A son aspect, la guirlande même 
des grands flots tremble au sein de la mer, 
15—16—17—18. 

« Accablé par sa vigueur indomptable , Kou- 
véra défait lui a cédé Lanka. Sanve^nous donc, 
ô toi, qui reposes dans le bonbeur absolu; sauve- 
nous de Râvana , le fléau des mondes. 19. 

a Daigne , ô toi , qui souris aux vœux du 
suppliant, daigne imaginer un expédient pour 
ôter la vie à ce cruel Démon. » Les Dieux, ayant 
ainsi dénoncé leurs maux à Brahma , il réfléchit 
un instant et leur tint ce langage: 20. 

« Bien ! v<Hci que j*ai découvert un moyen 
pour tuer ce Génie soéiérat Que ni les Dieux, 
a-t-il dit, ni les risbis, ni les Gandharvas, ni les 
Yakshas, ai les rakshasas, ni les Nâgas mêmes ne 
puissent me donner la mon ! Soit ! lui ai-jc 
répondu. Mais, par dédain pour la force humaine, 
les hommes n'ont pas été compris dans sa 
demande. 21—22. 

« C'est donc par la main d'un homme , qu'il 
Caut immoler ce méchant! » 

Ainsi tombée de la bouche du créateur , cette 
parole salutaire satisfit pleinement le roi des ha- 
bitants du ciel et tous les Dieux avec lui. 
Là, dan^ ce même instant, survint le fortuné 
Vistmou , revêtu d'une 9{)lendeur infinie ; car 



—118— 

c'était à lui , que Brahma avait pensé dans son 
âme pour la mort du tyran. Celui-ci donc avec 
Tessaim des Immortels adresse à Yishnou ces 
paroles: 23—24—25. 

c( Meurtrier de Madhou (1), comme tu aimes 
à tirer de Taffliction les êtres malheureux , nous 
te supplions , nous qui sommes plongés dans la 
tristesse. Divinité auguste, sois notre asyle! » 26. 

« Dites! reprit Yishnou ; que dois-je faire? » 
Ayant ou! les paroles de Fineffable , tous les 
Dieux répondirent: 27. 

« Il est un roi nommé Daçaratha ; il a em- 
brassé une trèSHlure pénitence ; il a célébré 
même le sacrifice d'un açvi^-médha , parce qu'il 
n*a point de fils et qu'il veut en obtenir du ciel. 28. 

« Il est inébranlable dans sa piété, il est vanté 
pour ses vertus ; la justice est son caractère , la 
vérité est sa parole. Acquiesce donc h notre de- 
mande , ô toi , Yishnou , et consens à naître 
comme son fils. 29. 

« Divisé en quatre portions de toi-même, 
daigne, ô toi, qui foules aux pieds tes ennemis (2), 
daigne t'incarner dans le sein de ses trois épouses, 
belles comme la déesse de la beauté. » 30. 



(4 . Nom d^un mauvais Génie. 

(2) Littéralement: ilomihiim vexator. 



~H9— 

Nârâyana , le raaitre , non perceptible àujs 
9ens , mais qui alors s'était rendu visible , Nârâ-' 
yana (1) répondit cette parole salutaire aux 
Dieut, qui Tinvitaient à cet héroïque avatâra: SI. 

« Quelle chose , une fois revêtu de cette in- 
carnation , faudra-t-il encore que je fasse pour 
vous, et de quelle part vient la terreur, qui vous 
trouble ainsi? » 32. 

A ces . mots du grand Vishnou : « C'est le 
démon Râvana , reprirent les Dieux ; c*est lui , 
Yishnou, cette désolation des mondes, qui nous 
inspire un tel effroi. 33. 

u Enveloppe-toi d*un corps humain, et qu*il te 
plaise arracher du monde cette blessante épine (2); 
cnr nul autre que toi parmi les habitants du ciel 
u*est capable d'immoler ce pécheur. 36. 

« Sache que long-temps il s'est imposé la 
plus austère pénitence , et que par elle il s'est 
rendu agréable au suprême ayeul de toutes les 
créatures. Aussi le distributeur ineffable des 
grâces lui a-t-il accoi*dé cetlon insigne d*êrre in- 



(1) Nârâyana, un des noms de Vishnou, Tâme univer- 
selle , veut dire Tesprit qui marche sur les eaux primi- 
tives; ce mot composé du sanscrit nous rappelle tout 
naturellement cette idée et celle expression de l.« Bible : 
« Et spirilua Dei ferebatur super aquas, » 

(1) liantakot qui se trouve vers la fin de la stance AS". 



vulnérable à tous les êtres, rhotnmeseal excepté. 
Puisque, doué ainsi de cette faveur, la niort 
terrible et sûre ne peut venir à lui de nulle antre 
part que de l*bomme, va, dompteur puissant de 
tes ennemis , vi dans la condition humaine , et 
tue-le. 35—36—37. 

« Car ce don , auquel on ne peut résister , 
élevant au plus haut point Tivresse de sa force, 
ie.\il rakshasa tourmente les Dieux, les rishis, 
ks Gandharvas, les hommes sanctifiés par la péni- 
tence; et, quoique destructeur des sacrifices, 
lacérateur des Saintes Écritures < ennemi des 
brahmes , dévoratcur des hommes , cette faveur 
incomparable sauve de la mort Râvana , le triste 
fléau des mondes. 38 — 39. 

« Il ose attaquer les rois , que défendent les 
chars de guerre , qoe remparent les éléphants : 
d'autres , blessés et mis en fuite , sont dissipés çà 
et là devant lui. 40. 

« Il a dévoré des saints, il a dévoré même une 
foule d'apsaras. Sans cesse , dans son délire , il 
s*amusc h tourmenter les sept mondes. 41. 

w Gomme on vient de nous apprendre (fu*\\ est 
mortel aux coups des hommes , car il n*a point 
daigné parler d'eux, ce jour, que lui fut donnée 
celle faveur, dont il abuse ^ entre dans un corps 
humain, ô toi, qui peux brider tes ennemis, et 
jette sans vie à tes pieds, roi puissant des treize 



—121— 

Dieui , ce Râvana superbe , d'une force épou- 
vantable , d*un orgueil immense , Fennemi de 
tous les ascètes , ce ver (1) , qui les ronge, cette 
cause de leurs gémissements. » U2 — 43. 



Icij dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le quatorzième chapitre , nommé : 

Un Expédient pour tuer Ravana. 



(i) Liltéralenicnl : l'épine. 



\12- 



XV. 



Après que les Dieux eurent ainsi parlé à 
Vishuou, le bienheureux, la divinité, que tous les 
mondes adorent , il choisit pour son père le roi 
Daçaratha. 1. 

Au mênie temps, ce prince magnanime et vic- 
torieux, impatient de posséder les lils , dont il se 
voit privé, célébrait un nouveau sacrifice, dans le 
but d'obtenir ces enfants désirés. 2. 

Voici que tout à coup , sortant du feu sacré , 
apparut devant ses yeux un grand être , d*une 
splendeur admirable , et tout pareil au brasier 
allumé. 3. 

Le teint bruni , une peau noire était son vê- 
tement ; sa barbe était verte , et ses cheveux 



— 12S— 

ranachés en djalâ (1) ; les angles de ses yeux 
obliques avaient la rougeur du loius : on eût dit 
que sa voix était le son du tambour ou le bruit 
d*un nuage orageux. Doué de tous les signes 
heureux , orné de parures célestes , haut comme 
la cime d*une montagne , il avait les yeux et b 
poitrine du lion. U — 5. 

11 tenait dans ses bras , comme on étreint une 
épouse chérie , un vase fermé , qui semblait une 
chose merveilleuse , entièrement d*or , et tout 
rempli d'une liqueur céleste. 6. 

« Brahflie , dit à Rishyaçringa le spectre , qui 
s^était manifesté d'une manière si étonnante , 
sache que je suis un être émané du souverain 
maître des créatures pour venir en ces lieux 
mêmes. — Reçois ce vase donné par moi et 
remets le au roi Daçaratha : c*est pour lui que 
je dépose en tes mains ce divin breuvage. 7 — 8. 

« Qu'il donne à savourer ce philtre générateur 
h ses épouses fidèles ! » 

Ensuite, le sage Rishyaçringa, le plus excellent 
des brahmes, lui répondit en ces termes : 9. 

« Donne toi-même au roi ce vase merveilleux. » 
A ces mots de Rishyaçringa , la resplendissante 



(i) Cheveux relevés en gerbe et noués sur le sommet 
de la tête , mode accoutumée des ascètes 



émanation du souverain maître des créatorcs dit 
an fils d'Ikshwâkou avec une voix de la pins 
hante perfection : « Grand roi , j*ai du plaisir à 
te donner cette liquenr toute composée avec des 
sncs immortels : reçois donc ce vase, ô toi, qui 
es la joie de la maison d'Ikshwâkou ! » Alors, 
inclinant sa tête, le monarque reçut la précieuse 
amphore , et dit : « Seigneur , que d<Hs-je en 
faire? » — « Roi, je te donne en ce vase, répondit 
au monarque l'être émané du créateur même, je 
te donne en lui ce honhenr, qui est le cher objet 
de ton pieax sacrifice. Proids donc, ô le plus 
éminent des hommes, et donne à tes chastes 
épouses ce breuvage , que les Dieux eux-mêmes 
ont composé. Qu'elles savourent ce nectar , au- 
guste monarque : il fait naître de la santé , des 
richesses , des enfants aux femmes , qui boivent 
sa liqueur efficace f /)u 10* ou 16* çloka), 

« Grâces à lui , tu obtiendras par elles cette 
joyeuse paternité , dans le but de laquelle tu cé- 
lèbres maintenant cette œuvre sainte. » Le prince 
accueillit ces mots du grand être avec les hon- 
neurs mérités, et répondit: «Qu'il eo soit ainsi! « 
ajoutant quelques autres bonnes paroles, inspirées 
de son intérêt. Ensuite, quand elle eut donné au 
monarque le breuvage incomparable , cette appa- 
rition merveilleuse de s'évanouir aussitôt dans les 



—125— 

airs ; et Daçaratha , se voyant maître enfin du 
nectar saint distillé par les Dieux, fut ravi d'une 
joie suprême, comme un pauvre, aux mains de 
qui tomberait soudain la richesse. 11 entra dans 
son gynœcée, et dit à Kâauçalyâ : 16-17-18-19. 

« Reine, savoure cette boisson génératrice, 
dont Fefficacité doit opérer sou bien en toi-même. » 

Ayant ainsi parlé, son époux, qui avait partagé 
lui-même cette ambroisie en quatre portions 
ép;a]es , en servit deux parts à Kâauçalyâ , et 
donna à Kêkéyi une moitié de la moitié restante. 
Puis, ayant coupé en deux sa quatrième portion, 
le monarque en fit boire une moitié à Soumitrâ : 
ensuite, il réfléchit, et donna encore à Soumitrâ 
ce qui restait du nectar composé par les Dieux. 

20—21—22. 

Suivant i*ordre , où ces femmes avaient bu la 
nomparcille ambroisie , donnée par le roi même 
au comble de la joie, les princesses conçurent des 
fruits beaux et resplendissants à l'égal du soleil 
ou du feu sacré. 23. 

Après quoi , étant venu voir les reines dans 
le temps qu'elles portaient en leurs seins un 
fruit déjà visiblement développé , Fâme du mo- 
narque, à ce doux aspect, fut toute plongée 
dans la joie , dont un homme saint est ravi , 
quand il contemple enfin le ciel avec les yeux 



—126— 

d'un esprit en extase , pafvenu à l'unification 
mystique avec Dieu, 2k. 



Ici, dans le premier tome du saint Rdmâyana , 

Finit le chapitre quinzième , intitulé : 

Apparition de l'Être , qui apporte la 

potion génératrice. 



—127- 



xvr. 



Quand le sacrifice si admirable de Taçwa- 
médba fut achevé, les Dieux, ayant reçu les parts 
qu*ils désiraient de la victime et du beurre cla- 
rifié , partirent chacun dans Tordre fixé pour sa 
dignité. 1. 

Quittés avec de grands honneurs , les magna- 
nimes rishis de regagner aussi leurs diverses 
habitations. Ce fut alors que Daçaralha se mit , 
avec des paroles sorties d'un cœur plein d*a* 
initié, à congédier tous les rois, qui étaient venus 
pour cette brillante cérémonie. 2 — 3. 

« Que les rois des hommes s'en retournent à 
leur volonté , dit-il , chacun dans sou royaume. 
Je suis content : que la félicité descende sur vous! 
€t puissiez-vous avant long-temps obtenir le 
salut ! k- 

a Observez tous une cliose, nobles princes , la 



—128— 

défense de vos étals : en eiïet , un roi tombé du 
trône est regardé justement comme un cadavre. 5. 

« Si donc il désire le salut, il doit couvrir son 
peuple d'une protection vigilante; car les rois 
méritent le ciel moins par des sacrifices, que par 
la défense de leurs peuples. 6. 

c II faut qu'un roi se donne un soin extrême 
pour son royaume, comme fait Thomnie pour son 
corps au moyen des vêtements , de la nourriture 
et des médicaments. 7. 

« Les princes ont k veiller sur les choses fu- 
tures autant que sur les choses présentes: de 
cette manière ils ne donnent pas naissance au 
péché. » 8. 

C'est ainsi que le monarque instruisit les rois, 
qui, ce discours fini, se lièrent d'amitié Tun avec 
l'autre, et s'en allèrent chez eux par tous les 
points de l'espace. 9. 

Les chefs des rois étant partis, Daçaratha, que 
le sacrifice avait délié de son vœu , rentra avec 
ses chars, son armée et ce qm restait de rassem- 
blée , dans son heureuse capitale , suivi par ses 
nobles épouses et donnant le pas sur lui aux 
plus éminents des brabmes. 10 — 11. 

Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana» 

Finit le seizième chapitre , nommé : 

Lii Congé donné aux Rois. 



— 129— 



XVlf. 



Etisoile , mais long^temps après , accompagné 
de Çântâ et suivi de brahmes, qui avaient dompté 
leur âme , Rîsbyaçnnga se mît en chemin pour 
son hermitage, escorté par le vertueux monarque 
avea ses équipages de voyage , le sage Yaçishtha 
et tous les habitants de la ville, l-r^. 

Sur un grand char , couvert de riches tapis , 
attelé de taureaux blancs, et suivi par une foule 
de serviteurs , avec sa dot immense en brebis et 
chèvres, joyaux et pierres fines, Çântâ s'avançait, 
brillante de mille ornements divers , comme une 
autre Lakshmi; et la noble dame, comblée d'une 
joie infinie , marchait , dévouée k son mari, telle 
que Çatchî Test à son époux Indra. 3 — U — 5. 

Accoutumée à vivre dans une maison déli- 
cieuse , où tous ses désirs étaient doucement ca- 
ressés, où chacun lui rendait une sorte de culte. 



où, de tous les côtés , ses parents et les époases 
de son père s'étudiaient à lui plaire, cette femme 
charmante , quand elle reçut de son mari la 
nouvelle que leur seule habitation serait désormais 
un bois solitaire , non seulement elle approuva 
son dessein , mais elle en fut même ravie de 
joie. 6 — 7. 

Au départ du pieux hermite, le monarque, 
avec tout son gynœcée , accompagna le fîls du 
saint et la belle Çântâ , sa fille accomplie. 8. 

Ensuite , à la voix de Risbyaçringa , fut cons- 
truite une habitation , sous le toit de laquelle on 
passa quelquesjours heureux et comblés de toutes 
les choses, que Ton peut désirer. 9. 

Après quoi , le majestueux fils du ri^hi vint 
trouver Daçaratha , et le pria de permettre qu'il 
prît congé de lui : « Roi , dit-il , retournez sur 
vos pas. 9 10. 

A cette parole , qu'il entendit avec tout son 
gynœcée, le monarque alors de s'écrier » baigné 
de larmes , adressant la parole à Kâauçalyâ , à 
Soumitrâ et à l'illustre Kêkéy! : « O vous toules, 
regardez bien Çâaiâ , car il ne vous sera plu» 
facile de la voir! » 11 — 12. 

Ensuite, les yeux troublés de larmes, ayant 
toutes embrassé la belle Çântâ , les reines invo- 
quèrent la bénédiction du ciel sur le voyage du 
brahroe, accompagné de son épouse: 13. 



—131— 

« Puissent le vent, dirent-elles, et le feu, et 
la lune, et la terre , et les fleuves, et les plages 
dit ciel te protéger toujours au sein du bois , où 
tu vas marcher dans la sainte voie de ton époux! 14. 

« Tu dois avant tout vénérer ton beau-père , 
rhonorer avec ces témoignages de respect, 
toujours sûrs de plaire (1) , lui marquer ton 
obéissance à le servir dans le culte du feu, et 
remplir à son égard le reste des bienséances, 15. 

« Dans toutes les situations de la vie, ô femme 
chérie , tu dois également honorer ton époux, et 
lui plaire , dans Tintinrité , par un langage plein 
d'amour ; car un époux est un Dieu pour les 
femmes. 16. 

« Le roi enverra continuellement des brahmes 
à ton habitation s'informer si tu es heureuse, afin 
que tu ne sentes pas trop, ma fille, le chagrin de 
notre absence. » 17. 

Ayant ainsi relevé la force abattue de Çântâ et 
rayant baisé au front plus d'une fois, toutes les 
reines s'en reviennent aussitôt sur l'invitation du 
monarque. 18. 

L'héroïque souverain décrivit alors un pradak- 
shina autour de ce brahme , le meilleur des 
brahmes , et donna l'ordre à tous ses guerriers 
.d'escorter le sage Rishyaçrioga. 19. 

{i) Littéralement : heureux. 



— tSS- 
Courbant la tête avec respect : c Grand roi , 
que le ciel répande ses bénédictions sur toi , dit 
le plus saint des brahmes au monarque , et que 
l^amour de tes sujets soit la récompense de ta 
justice t «> 20. 

Ces paroles dites, le fils du rishi s'en alla, mais 
le roi ne se mit pas en marche avant que la dis- 
tance n*eût rendu le brahme tout-à-fait invisible. 21. 
Rentré dans sa capitale et complimenté par les 
habitants , il demeura là avec bonheur dans Fat- 
tente du jour , où ces quatre fils devaient lui 
naître. 22. 

De son côté , Risbyaçringa plein de gloire s'a- 
vança de pas en pas vers la cité où résidait Lau- 
mapâda, vers cette gracieuse Tchampâ, que ceignait 
une guirlande embaumée de tchampakas (1). 23. 
A la nouvelle de son arrivée , Laumapâda se 
porta de lui-même à sa rencontre, accompagné 
des brahmes et suivi des ministres : « Sois ici le 
bien venu, ô le plus saint des brahmes ! lui dit-il; 
quel bonheur ! te voilà ici de retour , éminent 
anachorète , dans une santé florissante , avec ton 
épouse et ta suite! 2^ — 25. 

» Ton père lui-même va bien : il n'a cessé 



(1) Michelia tchampaca^ arbre à jolies flean, de cou- 
leur cendrée et dont Todorante corolle arme une des 
cinq flèches de TÂmour. 



—133— 

d'envoyer ici prendre les nouvelles de ta santé, 
et s'informer avant tout, seigneur, si ta femme 
était bien portante. » 26. 

Déjà le sage roi avait eu soin de faire splendi- 
dement orner sa ville pour fêter d'une âme joyeuse 
llishyaçringa , qui , souriant, comblé de respects, 
honoré du pourohita et l'honorant lui-même, 
entra de pair avec le souverain dans cette ma- ' 
gnifique cité. 27 — 28. 

Ainsi le fils auguste du rishi habita là quelque 
temps , comblé tour à tour de respects et par le 
monarque et par toute sa cour. 29. 



Ici, clans le premier tome du saint Bâmàyana^ 

Finit le chapitre dix-septième , intitulé : 

Retour de Rishyaçringa. 



10 



-i;i/4- 



X V I n. 



Quand Risliyaçringa fut ainsi revenu à Tchampâ, 
le roi manda un brabme et lui dit : « Va-t-en 
chez le risbi ; annonce au fidèle observateur de 
son vœu, le saint Kaçyaplde, que son filsRishya- 
çringa, ce noble, cet éminent religieux, à la 
vertu duquel on ne peut que très-difficilement 
parvenir , est de retour en ces lieux. 1 — 2. 

« Courbe la tête pour moi devant ce brabme, 
le plus vertueux des brahmes , et fléchis, comme 
je l'ai déjà tenté moi-même, tout ce ressentiment 
allumé contre moi , 5 cause de son fils, que je 
lui ai ravi. » 3. 

Ces paroles du monarque entendues, rexcellent 
brabme s'en alla de suite, où demeurait le saint 
rejeton de Kaçyapa. U. 

Ilpro&terna sa tête devant lui, il apaisa le 



—135— 

ressentiment du brahme , et lui rendit les paroles 
soumises , que le roi des ^^ngas Tavait chargé de 
lui porter. 5 

« Ton fils , dit-il , ce brahme d'une si haute 
renommée , est revenu maintenant du sacrifice , 
qu'il était allé célébrer chez le roi Daçaratha, 
son magnanime beau -père. » 6. 

Déjà le brahme avait su par ouï-dire , et tout 
ce qui s'était passé au sujet des alliances, qui 
avaient uni son fils aux deux rois, et toutes les 
choses relatives à cet açwa-médha, que Daçaratha, 
l'héroïque souverain , avait célébré en l'honneur 
de tous les habitants des deux. Aussi l'anacho- 
rète , comme un lien de famille rattachait main- 
tenant à lui ce monarque, digne de louanges et 
semblable aux Dieux mêmes , s'était-il réjoui des 
heureux succès, obtenus par le roi Daçaratha. 7-8. 

Ayant donc entendu ces paroles du brahme, 
cet illustre saint conçut aussitôt la pensée de se 
rendre à Tchampâ et d'en ramener son fils. 9. 

Environné de ses disciples et stimulé par le 
désir de revoir son enfant bien-aimé, le vertueux 
brahme ne tarda guères à se diriger vers la char- 
mante ville du roi Laumapâda. 10. 

11 fut honoré de tous les côtés dans les lillages 
et dans les huttes des bergers. (Chargés de mille 
aliments divers , les hommes venaient de partout 
à sa rencontre ; de zélés domestiques se tenaient 



—1 sé- 
jour et nuit autour de sa personue, et, courbant 
la tête jusqu'à ses pieds : « Que faut-il » saim 
anachorète, disaient ils, que nous fassions pour 
toi? » 11—12. 

« Pour quelle raison , demanda cet Indra des 
brahmes à ceux qui accouraient ainsi vers lui, 
pour quelle raison me rendez*vous ces honneurs? 
C'est une chose , que je veux savoir dans la 
vérité. » 13. 

Alors ceux-ci de répondre au magnanime : « Tu 
es un parent du roi ; nous avons tous agi par son 
ordre : que l'inquiétude à cet égard , ô brahme, 
s'«ffacjde ton esprit!» 14. 

A cette réponse aimable et qui versait du plaisir 
dans son cœur , il passa du ressentiment à la 
bienveillance pour le roi , qu'il bénit avec ses 
ministres et toute sa ville. 15. 

Les serviteurs , ayant recueilli d'une âme 
joyeuse cette parole de Vibhândaka , se bâtèreni 
d'en porter la nouvelle au maître, qui les reçut 
avec un visage plein d'amitié. 16. 

Quand il eut appris d'eux cette bénédiction , 
d'où son âme était comblée d'allégresse , ce roi 
juste sortit au-devant du brahme avec ses mi- 
nistres; et, dès qu'il vit le roi des anachorètes, 
ce roi des rois se prosterna une et plusieui^ fois; 
puis, il tint ce langage à Vibhândaka: 17-18. 

« Aujourd'hui, grâces à ta vue, saint hermite, 



—137— 

ma naissance porte son fruit ! » — « C'est bien ! » 
i*é|X)ttdit au roi ce bruhnie, le meilleur de tous les 
brahmes. 19. 

« M'aies donc plus de crainte , ô toi qui es 
lavé de ton péché, car je n'ai plus d'inimitié 
contre toi ! » Ravi de joie, le monarque alors, 
donnant le pas sur lui à ce brahme , le plus 
éminent des brahmes, entra dans sa ville fortunée 
au milieu de toutes les bénédictions acclamées 
par son peuple. Ce roi , dompteur des ennemis , 
introduisit le saint dans son palais, splendidement 
décoré ; il saisit la corbeille de l'arghya ; puis, 
accompagné de son pourohiia , il courut roiïrir à 
son hôte ; mais avant il se prosterna de nouveau, 
lui rendit tous les hommages de la bienséance ; 

20—21—22. 

Et tous les assistants avec lui, s'approchant du 
brahme , ils restèrent les mains jointes en sa 
présence. Ensuite les femmes, ayant placé devant 
elles Çântâ, magnifiquement parée, la firent con- 
naître au saint anachorète : « Honorable personne, 
dirent-elles , voici ta bru. » Alors cet homme, 
instruit des choses, qu'exigeait le devoir, ayant 
reçu d'elles Çâutâ, lui donna un baiser, pressa la 
jeune fille contre son coeur et demeura plongé 
dans une profonde admiration. Quand elle fut 
libre enfin de ses embrassements , elle se pros- 
terna devant lui , et vint se mettre , les mains 

10 



— i3S— 

jointes , à côté de son beau-père. Ensuite , ayant 
congédié Çântâ , le monarque et ses royales 
épouses, ce brahme excellent, vénéré des grands 
saints , purifia son fiis de la tache , conséquence 
légale du mariage avec une femme de caste in- 
férieure à la sienne , et retourna dans les bois, 
où lUshyaçringa suivit son père. 

( Du 23« au 2S« çL ) 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre dix-huitième, intitulé: 
Retour de Rishyaçringa dans la forêt. 



—139— 



XIX, 



Quaod le temps permit à soiiv magnanliae père 
fie l'iiUerroger , Rishyaçringa lui raconta en dé** 
lail ce qui était arrivé. 1, 

£t ie père eut beaucoup de plaisir à suivre tout 
dans ce récit du fils, et les circonstances du sa- 
crifice, eli l'apparition du céleste messager, porteur 
de la prolifique ambroisie, et la pluie, que le rot 
du ciel versa dans une affreuse sécheresse sur la 
terre de Laumapâda , et les honneurs insignes ,. 
dont celui-ci combla son fils , et la belle Çâutâ , 
qu'il donna pour épouse au jeune bermite avec 
une riche dot , et le neeud de parenté , qui liait 
maintenant à son fils ces deux rois Laumapâd» 
et Daçaraiha. 2—3—4. 

Dans ce temps naquit et se rendit visible sur 
la terre ce fruit , qui avait coûté tant de peine 
au roi IJaçaratha , ce fruit obtenu par Tœuvre 
sainte du plus grand des sacrifices* 5. 



Son âme d'un caractère naturellement pur n*en 
trouva que plus de bonheur à cultiver la pureté, 
la vérité , la justice et la clémence. 6. 

Heureux d'avoir obtenu le fruit immaculé de 
son œuvre sainte, ce don parut à ses yeux comme 
si Dieu eût accordé personnellement à lui-même 
de naître une seconde fois dans le monde. 7. 

Ce roi saint possédait trois épouses vertueuses, 
égales en beauté , semblables pour la grâce des 
formes aux Apsaras mêmes : c'étaient Kâauçalyâ 
aux yeux charmants (1 ) , la brillante Kêkéy! et 
Soumitrâ, la fille adoptivë de Yâmadéva. 8—9. 

De ces femmes naquirent quatre fils , d'une 
beauté céleste et d'une splendeur infinie : Râma, 
Lakshmana , Çatroughna et Bharata. 10. 

Kâauçalyâ mit au odonde Râma , Tainé par sa 
naissance , le premier par ses vertus , sa beauté, 
sa force nompareille et même Tégal de Vishnou 
par son courage. 11. 

Dans les rayons de ce fils à la spendeur im- 
mense, Kâauçalyâ brillait autant que le monarque 
des Dieux , aux mains armées du tonnerre , fait 
briller sa mère Aditi. 12. 



(1 j Nous traduisons comme si le texte portait sudnçi , 
et non sadriçi , qui vient ici pléonasiiqucmcnt aprts le 
mol ntwuroûpds des vers précédents. 



— la— 

Bâma aux yeux de lotus fut produit avec une 
«Qoitié de l'énergie du grand Yishnou pour le 
salut des hommes et ta mort [de Râvana. 13. 

Abondante mine de vertus , ce héros fortuné^ 
d'une force supérieure et d'une vigueur indomp- 
table, n'étah pas inférieur en courage, soit k 
Mabéndra , soit à Yishnou. 1/i. 

De même, Soumitrâ donna le jour à deux fils, 
Lakshmana et Çatroughna : inébranlables pour le 
dévouement et grands par la force , ils cédaient 
néanmoins k Rama pour les qualités. 15. 

Yishnou avait formé ces jumeaux avec une 
quatrième portion de lui-même : celui-ci était né 
d'une moitié, et celui-là d'une autre moitié du 
quart. 16. , 

Le û!s deKékéyî se nommait Bharata : homme 
juste , magnanime , vanté pour sa vigueur et sa 
iorce, il avait l'énçrgie de la vérité. 17. 

Ces piinces^ doués tous d'une âme ardente^ 
habiles à manier de grands arcs, dévoués à l'exer- 
dce des vertus, -comblaieiU; ainsi les vœux du 
roi leur père; et Daçaratha, entouré de ces quatre 
fils éminents , goûtait au milieu d'eux une joie 
suprême , comme Brahma , environné par les 
Dieux. 18—19. 

Parmi ses frères inférieurs h lui , Râma s'é- 
levait , tel qu'un drapeau ; heureux du bonheur 
4es hommes, il étendait sur tous un égal regard, 



—162— 

comme Swayambhoû , l'Être existant par soi- 
même, étend son regard sur les Dieax. 20. 

Depuis Tenfance Lakshmana s*était voné d'ane 
ardente amitié à Râma , Tamoar des créatures : 
eti retour , ce jeune frère , de qui l'aide servit 
puissamment à la prospérité de son lîière aine, ce 
juste , ce fortuné , ce victorieux Lakshmana était 
plus cher que la vie même à Râma, le destructeur 
invincible de ses ennemis. 21 — 22. 

Celui-ci ne mangeait pas sans lui son repas 
ordinaire , il ne touchait pas sans lui à quelque 
mets plus délicat; sans lui, il ne sejivrait pas au 
plaisir un seul instant même. 25. 

Râma s'en allait-il, soit à la chasse, soit ailleurs; 
aussitôt, prenant son arc, le dévoué Lakshmana y 
marchait avec lui et suivait ses pas. 2/i. 

Autant Lakshmana était dévoué à RAina, autant 
Çatroughna Tétait à Bharata ; celui-là était pins 
cher à celui-ci et celui-ci à celui-là que le soufDe 
même de la vie. 25. 

Tous les quatre d'une renommée illustre et 
tous se faisant une joie du bonheur les uns des 
antres, leur père goûtait une complète satisfaction 
dans ses fils, dont la modestie accompagnait le 
courage. 26. 

Joie de son père, attii*ant les regards au milieu 
de ses frères comme un drapeau, Râma était im- 
mensément aimé de tous les sujets pour ses qua- 



— l/i3— 

lités naturelles : aussi, comme il savait se concilier 
par ses vertus rafTection des mortels, lui avait-on 
donné ce' nom de Rama, c'est-à-dire, l'homme 
qui plaît, ou qui se fait aimer. 27 — 28. 

Au temps prescrit et conformément aux règles 
des Védas , le roi fit prendre à ses fils le cordon 
sacré , et les initia à la caste militaire avec toutes 
les autres cérémonies. 29. 

Ces quatre fils , versés dans les Védas , pos- 
sédant bien le sens de tous les castras, pudiques, 
modestes , doués de toutes les vertus ; ces iquatre 
fils éminemment aimables par leurs qualités, 
surent captiver Tamour des citadins, des vil- 
lageois, de leur famille et du reste des hommes. 30. 



Ici, dans le premier volume du saint Bâmâyana, 

Finit le chapitre dix-neuvième , iutitulé : 

Naissance des Fils de Daçaratha. 



-I^l4- 



XX. 



Après que Visbnoo fat ainsi quatre fois en 
même temps b6 fils du roi Daçaratha, TÊtre 
exislaut par lui^-rrême convoqua tous les> Dieux ^ 
et leur tint ce langages 1. 

« Puisque, désirant tous sauver, il s'est montré 
sincère dans sa promesse, ô vous, préparez donc 
au dieu Vishnou des compagnons de ses combats;; 
engendrez-lui des héros , distingués par Tintelli- 
gence, ssichant diriger la marche des choses, coU' 
naissant bien les ruses de la guerre , habiles k 
manier toutes les espèces d'armes, versés dans 1% 
magie , pouvant se revêtir à volonté de toutes le» 
formes , indestructibles , doués tous de corps di- 
vins, égaux en vitesse à la rapidité du vent, 
pareils en force à Yishnou , semblables en tout 
aux Immortels ^ qui se nourrissent d'ambroisie. 

2—3-^4. 

«Engendrez avec les principales Apsaras, avec 



—us- 
lés épouses desGandharvas, avec les jeunes filles 
des Yakshas, des Nâgas et des Yidyâdharas , avec 
les femmes des Rinnaras et les femelles de vrais 
singes ; engendrez vous-mêmes des enfants , qui 
soient aussi des singés et d'une force égale à 
celle de Vishnou. » 5 — 6. 

« Oui ! > répondent les Dieux ^ qui , aussitôt 
cette approbation donnée aux paroles de Brahma, 
se mettent à procréer des fils d'une vigueur égale 
à celle qu'ils possédaient eux-mêmes. 7. 

iG'étàient d'bérotqués singes, capables de se 
métamorphoser comme ils voulaient, que ces 
enfants issus des Dieux , des Rishis, des Yakshas, 
des Gandbarvàs, des Siddhas et des Kinnaras. 8. 

Excités par le déisir d'arracber la vie à Râvana, 
le monstre aux dix têtes , les Dieux firent naître 
à milliers ces orangs aux formes cbangeantes à 
volonté , impétueux comme une masse de nuées 
orageuses, à la force sans mesure, à la voix for- 
midable comme le bruit du tonnerre, avec le 
corps vigoureux des lions, la stature des éléphants 
ou ifnême la hauteur des montagnes. 9-^10. 

Lès ours , les orangs , les semnopithèques na- 
quirent bande par bande. Chaque fils avait une 
force , une vigueur, un courage égal au courage, 
à la vigueur, à la force du Dieu, qui fut son père; 
et tout singe né , soit d'une orang ou d'une sem- 
nopithèque, isibïl d'une Yakshî ou d'une Kinnarî, 

11 



possédait une puissance de muscles prodigieuse. 
Ils lançaient des pics de monlag;Qes à Tinstar de 
javelots , ils combattaient avec de grands arbres 
en guise de massues. 11 — 12 — 13. 

Les ongles et les dents étaient pour eux d*autres 
armes , non moins terribles. Ces demi-dieux ro- 
bustes , changeant de formes à volonté , auraient 
pu secouer une montagne ; ils eussent déraciné 
des arbres géants; ils eussent troublé dans un 
instant les bassins profonds de la mer ; ils eussent 
brisé la terre dans leurs bras ; on les aurait vu 
s'élancer dans les airs, et, marchant ou bondissant 
sur le sol des cieux , en précipiter les nuages ; ils 
eussent arrêté des éléphants furieux en pleine 
course au milieu des bois, iU — 15 — 16. 

Ils eussent fait tomber du ciel les oiseaux mêmes 
par leur vitesse impétueuse. Il naquit plusieurs 
milliers de tels semnopilhèques, magnanimes ca- 
pitaines, habiles à se revêtir de toutes les formes 
voulues: il naquit aussi des orangs légers, à 
compter par centaines de mille. 17—18. 
. Tous les généraux se distinguaient par leur 
immense vigueur au milieu des armées. Alors, 
de ces habitants des bois, les uns se rangèrent sous 
les drapeaux du roi des ours; les autres se disper- 
sèrent dans les forêts et les différentes sortes de 
montagnes. Tous les chefs des singes recon- 
naissaient eux-mêmes pour chefs les généraux 



—147-- 

Nala , Nîla , Hanoumat , et , dans un rang plus 
élevé que ceucc-ci, deux frères utérins, Sougrîva, 
fils du soleil, et Bâli, fils du roi des Immortels, 
Indra. 19—20—21. 

Parce qu'il était nécessaire de préparer au 
vaillant Râma ces compagnons fiiturs, la terre fut, 
pour ainsi dire , toute cachée sous les pieds de 
ces capitaines des singes à la force immense, aux 
membres épouvantables , aux corps semblables à 
des montagnes ou pareilsàdes massesdenuages. 22. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre vingtième, intitulé: 

Là Génération des Ours et des Singes. 



^U6- 



XXI. 



Dans ce temps même un grand saint , nommé 
Viçvâmitra, vînt dans la ville d'Ayaudbyâ, condoit 
par le besoin d*y voir le souverain, i. 

En effet» des rakshasas, enivrés de lear force, 
de leur courage , de leur science dans la magie, 
interrompaient sans cesse le sacrifice de cétbomine 
sage et :MV^é à l^aÉMMir dé tes dévoila: aussi 
Tanachorète , qui ne pouvait sans obsttete mener 
à fin la cérémonie , désirait-il vohr le monarque, 
afin de lui demander protection contre les per- 
turbateurs de son pieux sacrifice: 2 — 3. 

L'hermite , désirant qu'on le mit en présence 
du roi : « Annoncez au maître, dit-il aux portiers 
du palais, que me voici , moi, le fils de Gâdhi, 
arrivé devant sa porte. » 4. 

A ces mots , les serviteurs de courir précipi- 
tamment , l'âme toute émue , vers l'appartement 



— U9— 

du ra^Aj^ae agn d'acçompKr ^tfi^ cpmiojusfliîoii 
de Viç^âoutra. 5. 

YeoHs au pavJMoa du çoqTeram» ils ammisdiwti, 
ddbont et la têia iocfioéa , au soi dea bommea 
V^mvé^ du giriMnd an^cbor^ Yiçv^Qulsra, 6. 

Auaeitôt Daçaratba, a^compagaé de am pcmor 
lM(a. (1) et suivi de ses nûoistires, sortijt. k h 
i^CQQtre du spJitaîr^ , comme loilra sourt aii- 
devant du créateur^ quand Brahma vient m 
palais de ce voi dt^ cieL 7. 

A TaspeGl d*uQ s^iut, que Taustév^ de se^ 
mortificatàoDs eavifonu^it d'une vive spleudeur, 
le roi s'inclina, se tint debout, les mains jQiQ^s, 
et décrivit autour de lui ua gradaks^u^. 8. 

Ayant reçu d*abord ces hoo^ages^ TaK^achorète. 
satisfait s'avança lui-nitoie vers le ipoi de (a 
tme et lui demanda s'il jouissai,t d'une santé 
florissante. 9. 

Ensuite , le plus éminent des apUtaires s'apr 
procba en souriant deVaçisbtha, lui rendit le£^ 
honneurs , qu'exigeait sa dignité, et lui deoi^uida 
ceiument il se portait IOl 

Quand ils eurent l'un à l'égard de l'autre ac~ 

(1). Nous avons ^éjh vu ce mot ; nous n'irons pas plus 
loin sa^ TexpUipier. Le ppurohita^ est un, l»;al^p(ie, attaché 
k une ma^n^ chargé de toutes les cérémonies reUgieus^» 
qui intéressent la famille. Loise^ur Deslongçhamps ex- 
pliquece motpar chapelain ; ce qui prête à des id^es fauaises. 



—150— 

compii toutes les cWiirtés de la bienséance et 
conversé ensemble, alors tous deux, Tâme joyeuse 
et marchant dû compagnie , ils entrèrent avec le 
roi dans son palais , où ils s'assirent dans l'ordre 
accoutumé des prééminences. Là , suivant l'éti- 
quette observée, le prince magnanime, assisté de 
Vaçisbtba, offrit au vertueux anachorète assis l'eau 
pour laver les pieds , la corbeille de l'arghya et 
la (1) terre. 11—12—13. 

Après quoi, le monarque avec toutes les appa- 
rences d'une âme ravie de joie , la tête inclinée 
et les mains jointes, dit ces paroles à Yiçvâmitra, 
qu'il venait ainsi d'honorer: ÏU. 

« Gomme la faveur obtenue de l'ambroisie, 
comme la pluie , qqi tombe dans un temps op- 
portun, comme la naissance d'un fils bien désiré, 
•gage d'amour entre deux époux de même caste; 
comme le plaisir de retrouver un joyau perdu , 
comme l'arrivée d'une chose ardemment souhaitée: 
telle en ce jour est pour moi ta présence, qui me 
comble d'une joie suprême. 15 — 16. 

« Quelle est ta chose aimée , que tu souhaites 



fi; Une noie de M. Gorresio nous semble ici de la 
plus grande justesse : a On offrait peut*être à un hôte 
illustre un peu de terre, dît-il, pour lui démontrer qu'il 
était regardé comme le muiti-c de la terre , dans laquelle 
il entrait comme hôte. » 



—151 — 

d'obtenir ? Ou quelle action me faut-ii exécuter 
pour toi? Impose-moi tes ordres! Car, ô brahme 
vénéré , tu es à mes yeux comme un vase , trop 
long-temps attendu et bien digne que j'y verse 
les dons de Fhospitalité. 17. 

« En effet, né d'une famille de rois saints, tu 
as mérité par tes mortifications et ta rude péni- 
tence de parvenir à la condition de rishi-brahme : 
aussi, te dois-je des honneurs tout particuliers. 18. 

« J'estime ton arrivée en ces lieux autant que 
celle de Brahma lui-môme, et je suis heureux de 
cette visite, dont tu as daigné, saint hermite, fa- 
voriser mon palais. 19. 

ft Aujourd'hui ma naissance a porté son fruit; 
j'obtiens la récompense d'une vie bien vécue, 
maintenant, que je te vois arrivé dans mon palais, 
que je peux t'y rendre mes devoirs et me pros- 
terner devant toi. 20. 

« Pour quelle raison viens-tu ici , ô le plus 
excellent des anachorètes ? Qu'y a-t-il à faire ici 
pour toi? Regarde-le comme déjà fait ; car tu as 
droit à mes plus grandes distinctions. 21. 

« Excuse ma curiosité, noble rejeton de Kou- 
çika , et daigne m'expliquer ton affaire : aujour- 
d'hui , que j'ai le bonheur de recevoir ici ta 
sainteté , il n'est rien à moi > que je puisse té 
refuser. » 22. 

Après qu'il eut entendu ces paroles iafinimeut 



—152— 

douces , le charme de Toreille , émises avec tant 
de soumission par ce roi si maître dfi lui-même, 
le solitaire , appliqué à l'exercice des vertus , qui 
avaient répandu au loin sa renommée , lui ^ ce 
taureau saint des anachorètes , en savoura dans 
son cœitr une joie suprêm.ç. 23. 



Ici y dans le premier tome du sainjL Bâmâyana, 

Finit le chapitre vingt-et-unième, intitulé: 

Arrivée de Viçyai^iitra. 



—153- 



XXIL 



A ces paroles larges, admirables du roi (1) des. 
rois , Viçvâmitra , rhomme à la splendeur écla- 
tarite , répondit ainsi , tout horripilé de plaisir : 1 . 

« Il est égal à toi-même» ô le premier (2) des 
monarques, ce discours, que tu viens de pro- 
noncer; il est digne d*un prince né, comme toi, 
dans la race du soleil et qui marche sous la di- 
rection de Vaçishtba. 2. 

« Apprends donc quel est ce désir conçu dans 
ma pensée et dont je voudrais obtenir de toi la 
satisfaction : écoute ; voici raiïaire , dans le but 
de laquelle tu me vois ici vçnu. 3. 

(i / LittéralcmeDt : du lion des rois, 
(2) Litléraiemcnt : ô tigre des rois». 

11* 



—154— 

n Je suis tout occupé d'accomplir un grand 
vœu , auquel est attaché le succès d'un sacrifice : 
pendant que je vaque à cette œuvre sainte, ô roi, 
tout mouvement de colère m'est défendu contre 
qui que ce soit, sur la terre. 4. 

« Avant /lue j'eusse rempli mon vœu , deux 
rakshasas, vils pertuij^tt^pfs des sacrifices, sont 
venus rapidement fondre sur mon autel et l'ont 
arrosé de sang. 5. 

« Plus d'une fois attaqué par eux et mon vœu 
arrêtant mon action pour dompter ces démons, 
je suis enfin sorti de mon bermitage et je suis 
venu ici te voir. 6. 

« Sans doute , il ne m'est permis en aucune 
manière de faire éclater un sentiment de colère : 
ainsi l'ordonnent ces rites, qui ouvrent la voie 
du grand sacrifice, que je veux célébrer. Mais ta 
bienveillance peut faire, jetant loin de moi cet obs- 
tacle , que je goûte le fruit de mon œuvre sainte. 
Ainsi daigne me sauver, moi qui gémis dans Pop- 
pression et qui viens implorer ton appui. 7 — S. 

« Daigne me donner pour ma défense ton fils 
Râma, fort comme la vérité ; ce héros , à qui la 
vigueur fut accordée sans mesure et dont le bras 
est capable de repousser mes deux ennemis. 9. 

« En effet , secondé par moi et soutenu par sa 
vigueur naturelle , ce jeune homme , promis à la 
gloire des combats , suflirait. seul à terrasser le 



—155— 

çr^iMm: ^^Vl¥^ dea ^akajb^^^s, H^^ j^. veux en- 
cofieluii çQpœauiiqii^r dteiu^ sckiioe$, wi&cyie^ 
de force et de courage ; il dâviien4r% p;ir elles 
îHviaoii^le aip; U^is lopuicleçi 10—11. 

« A«$», Uvifant à Râma dp vains as^u^s» tes 
péifiQffa 4liyd|rQ[M^age§ ne pourroiit^iissvibsist^ 
c^qtre Im ; car le- Ki|]Q(M]tstbJide seul, et nul autre 
q^ Iui«. p^ut immolei: ces mi|avais Qéojies^ enivrés 
d^ lepf* |9^ et de leui: aya4açe ; ces Demi-dieu^, 
qu'on n*aifronte p9# sans périji ; ees âreyf malfai-* 
sants, qui ressemblent m^eaa Trépas, mais qiKii 
enfin , consumés par la vigueur et les armes de 
ton fils , n'en mordront pas moins la poussière sous 
les coups du héros. 12 — 13. 

<f Que Tissue du combat ne t'inspire aucune 
inquiétude à l'égard de Râma: je t'en suis le ga- 
rant; ces rakshasas, sache-le bien, ils sont déjà 
tenassés : teUesi je connais sa focce non vaine et 
sa bravoure non, trompeuse. Vaçishtba. même a 
connu ce mystère,, qui est en /tity il sait également 
qui est Râma et quelle est sa vigueur. 14 — 15. 

« Prince , si tu veux obtenir de la gloire et 
soutenir la justice, ou si tu as foi en mes paroles, 
prouve-le en m'accordant un seul homme , ton 
Râma. 16. 

« La dixième nuit me verra célébrer ce grand 
sacrifice, où les rakshasas tomberont, immolés par 
un exploit men^eilleux de ton fils. 17. 



—1 So- 
ft Si donc tes directeurs spirituels, Vaçisbtha à 
leur tête, daignent tous agréer mes paroles, laisse 
venir avec moi ton Râma. 18. 

« Fais en sorte , ô toi qui connais le prix du 
temps , que je ne laisse point échapper le temps 
de mon sacrifice: ne balance pas, roi sans péché, 
et puisse descendre ainsi la félicité sur toi ! » 19. 
Alors, à peine eut-il entendu les paroles au- 
saint anachorète, déchirantes pour son cœur, que 
ce magnanime monarque, Tâme égarée par la 
douleur , se laissa tomber de son trône. 20. 



!ci , dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre \ingt-deuxième , intitulé : 

Discours de Viçvamitra. 



-157— 



XXIIL 



DafiH le trouble, que fit naître en lui ce dis* 
cours de Viçvâmitra, le monarque resta un instant, 
pour ainsi dire , sans mouvenient ; il songea et 
reprit en ces termes: 1. 

« A peine ce fils de moi remplit-H sa quinzième 
année; il ne connaît pas encore la science des 
armes : je ne yoîs donc pas qu'il soit propre au 
combat avec les Démons. 2. 

«^ Mais j*ai une armée complète , invincible : 
entouré d'elle, je combattrai chez toi ces Génies 
carnivores. — J'ai pour guerriers des héros, sem- 
blables à Yama, le Dieu sombre de la mort : qu'ils 
viennent avec moi repousser de ton autel ces 
rak^basas! — ^Tant qu'il me restera un souille de 
vie pour combattre ces vagabonds noctures, tu ne 
verras point un obstacle gêner l'accomplissement 
de ton sacrifice. 3— /i — 5. 

« J'irai moi-même; il ne convient pas que 



— Isa-" 

Râma vienne: c'est un enfant, qai n'a pas encore 
fait ses premières ar^ies , qui n'en connaît pas le 
fort ou le faible , qui n'est pas versé dans les 
traités sur la guerre , qui ignore la science des 
combats et n'est point capable de lutter avec 
des rakshasas, dont l'arme est trop sotwent la 
fourberie. 6 — 7. 

« Privé de Râma, il m'est impossible même de 
vivre un seul instant; il ne sied donc pas, ô 
brahme , que tu me sépares de lui , si tu consi- 
dères que je suis un vieillard , âgé raaînleiiaBtde 
neuf mille années , car c'est dans ma- vieittesse 
que y ai pu en quelque sorte , ô le {duséminuit 
des anachorètes, engendrer ces fils, d'une céleste 
beauté et que j'aime plus que b. vie. En effet, 
vivre sans eux me serait imposable : c'est une 
oi»nion biea arrêtée àsa» mon esprit 9-<r9-r?i0> 

« Cependant, même en Tabsence^de mes autres 
fils , Râma soutiendrait encore ma vie , Râma 
beau comme le dieu Lunus, Râma, de qui le vi^ 
sage est le charme de ma. vue et les vertus sont 
l'amour du monde^ 11. 

« Ne veuille donc pas emmener loin de moi 
ce fils, que je préfère à l'exist^ce, cet en&nt aûs 
nobles qualités, la joie de mon cœur et de mon 
âme. — Père malheureux et n'ayant fpas un désir 
au monde qui ne repose en cet enfant , je t'en 
supplie, agenou^lé h tes pieds, ne persiste pas à 



—159— 

vouloir engager mon fils atné dans ce combjit. 

12-Ti*. 

« Ou, s'il fdijat de loijite nécessité que tu em^ 
mènes Râma, permets, saint anachorôtet que je 
marcbe avec lujl ^t qne je soutieime moa fib avec 
les quatre corps d'une iirmée. eom^ète» 14« 

M Quelle est donc la force de c^ rakshasaa? 
De qui sonHb nés ? D'od viennenlt-ils ? Qui 
sont-ils ? J.usqu'où leur taille s^élève-t-ellç? Dis-le- 
moi, ô Ijs plfjia^ émiaent des anachprëtes. 15. 

« Cornaient ^âma , ou npe» armées , ou moi , 
poqrrops-oous infliger un digne châitiixient k ces 
rakshasas , de qui la fraude est l'iirmure de ba- 
taille? Raconte-moi tout, saint hermit^. Conun^nt 
ppfirraiTJe là , dans toi^ ss^rifiee, tiiïer yçngaapce 
de ces Damons? Et commçntsçjioi)uaeat-i]bs? 16-17. 

« J'ai oui p9f\^ d'un r^aksba»: crud et 4*^19^ 
grauj^xig^eur, fils de Viciav9s et irère.d^ Kon- 
véra, l^diqudesrichesses: on L'appelle fiâyaoa^ 1.8. 

(< Serait-ce I19, par, hasard, ce fléau, du u^huIq, 
qui ferait obsiUdç à.toi^ sacrifice!*... Et^ ce cas^ 
n'attends rien de nous : car il nous est ivqiKWsible 
de tenir pied dans une bataille contre ce Génie à 
l'âme féroce. 19. 

« Daigne r^arder avec bonté l'enfance de 
ii^on fils;, car tu es dans moa estime, 6 bien- 
heureux, un gourou supjrême, à la voix de qui il 
me serait impossit^le de ne pas obéir. 20. 



—160— 

« Jamais les Dieux, ni les Dânavas, ni les Gan- 
dbanras , les Yakshas ou les Rakshasas n*ont ?u 
dans leurs bandes un guerrier capable de lutter 
avec ce farouche Râvana. 21. 

GAr il a dévoré la force des forts, nous a dit la 
renoâimée. Non! cet enfant ne peut combattre 
un Démon , par qui tonte force est détruite. 22. 

« Ou bien est-ce nn fils de Madhou, nommé 
Lavana, qui dérange ton sacrifice? Dans ce cas 
même, je n'enverrai pas mon fils ; car une victoire 
à gagner sur lui est une chose trop difficile. 23. 

V Ou, de concert, te font-ils obstacle ces deux 
frères, semblables à la mort , qui met fin à tout, 
Mâritcha et Soubâhou , fils de Sounda et d'Oupa- 
sounda. Si la chose est ainsi, veuille me par- 
donner, je n'enverrai pas encore mon fils; car, 
nés au sein d'une jeune ralcshasî , il est certala 
qu'ils sont versés dans la magie. 24-^25. 

Excepté avec un de ceux-ci ; j'irai combattre 
en guerre avec tous les autres : autrement, je te 
supplie , ô bienheureux , de m^excoser , moi et 
les miens. » 26. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre vingt*troisième , intitulé : 

Discours du roi Daçàratha. 



—161 — 



XXIY. 



A pQioe eut-il eûteo^a soa discours , dQOt la 
tendresse émue entrecoupait lessyl^ibes, que |e 
fils de Kouçika répondit ces mots avec colère au 
maître de la terre : 1. 

• Toi, qpi tout h Theure dis^s : « Je ferai ! » 
lu abjures ta promesse : traagresser aiosi le devoir 
de la vérité ne sied point aux fils de flagbou. 2. 

« Si tu n'en rougis pas, toi! je m'en irai 
comme je suis venu. Maintenant que tu as violé 
ta promesse , jouis du plaisir avec tes fils ! » 3. 

A cette colère , qui enveloppant Yiçv^milra , le 
saint d'une immense énergie, la terre môme 
trembla épouvantée , et la peur envahit tou3 les 
Cieux.— Yoyaift le fils de Kouçika irrité, le grand 
anachorète Yaçishtha , ini^iré qu'il était par l'a- 
mour du monde, tint ce langage au monarque : 4-5. 

« Toi , qui, né dans la race d'Ikshwâkou , 
montres à nos yeux le Devoir incarné, pour ainsi 



-^162— 

dire, en toi-même , ne veuille pas, toi, de qui la 
parole fut toujours une vérité, ne veuille pas 
qu'elle 6oit aujourd'hui un mensonge. 6. 

« Ta qualité d'homme véridique t'a rendu cé- 
lèbre dans les trois mondes: te siérait-il, seigneur, 
d'y passer maintenant , à cause de tes fils , pour 
une bouche trompeuse ! 7. 

« Tu as promis, disant : « Je ferai !» si tu ne 
fais pas la chose promise à Yiçvâmitra, tu croules 
de la vérité et tombes dans le péché. 8. 

« Ne fausse point ta parole; ne t'égare pas 
hors du sentier où marche- le devoir ; conserve ta 
promesse dans sa vérité , et laisse , ô roi , laisse 
aller Râma. 9. 

« Habile ou non dans les armes , il n'en sera 
pas moins invincible dans ce combat , où le fils 
de Kouçika saura bien le protéger contre les 
rakshasas. 10. 

« Yiçvâmitra est la justice revêtue d'un corps; 
c'est le plus savant des hommes instruits dans 
les Védas; c'est le plus excellent des forts; c'est 
le trésor de l'ascétisme et de la science, tant pro- 
fane que sacrée. 11. 

«' Le fils de Kouçika connaît à fond toutes les 
armes divines, que les Dieux mêmes ne con- 
naissent pas; bien loin qu'elles soient connues 
des autres hommes, qui vivent sur la terre. 12. 

« Ces armes divines lui furent toutes données 



— 163— 

par Kriçâçwa , auquel il avait su plaire dans les 
siècles passés , où ce monarque d*une splendeur 
infinie régnait sur la terre. 13. 

« Ces armes sont les filles mêmes de Kriçâçwa : 
elles sont multiformes , resplendissantes , victo- 
rieuses; elles ont une grande âme; elles res- 
semblent aux enfants du souverain maître des 
créatures. 14. 

« Daksha (1) avait deux filles religieusement 
attachées à leur vœu : c'étaient Djayâ et Vidjayâ : 
elles conçurent toutes ces armes dans les embras- 
sements vigoureux de Vishnou. 15. 

« Djayâ mit au monde cinquante filles indes- 
tructibles et changeant de forme à volonté pour 
la mort des armées ennemies. 16. 

a Yidjayâ de son côté fut aussi mère de cin- 
quante nobles filles , armes invincibles , insur- 
montables, douées enfin d'une force immense. 17. 

« Yiçvâmitra , le saint d'une si haute renom- 
mée , connaît toutes ces armes , auguste rejeton 
de Raghou, avec leur usage, leurs secrets et leur 
puissance de destruction. 18. 

ff Ce grand anachorète les donnera toutes à 

(i) Un des fils de Brahma. Il était né du pouce de sa 
main droite, ou^ suivant une autre légende, de son souffle, 
pour l'aider à peupler le monde. 

Djayâ et Vidjayd sont les analogues des noms abstraits 
masculins 4j<^ya et vidjaya, passés dans les dem premiers 
au genre féminin et qui signifient Victoria^ la victoire. 



—16/1— 

Râma , qui, armé d'elles, trion^ra de ces rak.- 
sbasas, sans aucun dout& i9. 

« Dans l'intérêt de ton fi||s, ck& cy^iiir^ ^ de 
toi-même, ne veuille donc plus, ô roi, mettre on 
obstacle au voyage de Râma. » 20. 



Ici, dans le premier volume du sairu Bâmâyam, 

Finit le chapitre vingt-quatrième, intitulé: 

DISCOURS INS YAÇISHTBA. 



—165— 



XXV. 



Quand Vaçishtha lui eut ainsi parlé, le roi 
Daçaratha, |d*une âme toute joyeuse » fit appeler 
devant lui son fils Râma , accompagné de 
Lakshmana. 1. 

D^abOrd , ce fut aux mères de prononcer les 
vœux pour le voyage avec les mots de bob augure ; 
ensuite, Yaçishthà célébra lui-même la cérémonie 
de bénir la mission du jeune prince. 2. 

Alors , ayant baisé avec amour son fils sur la 
tète , I)açaràthà le donna an saint heirmite avec 
son fidèle coinjpagnoh Làkshmané. 3. 

Quand il vit Ràinà aux yettx de lotus s'avancer 
vers ie fik de Kouçîkà , le vent souffla d'une ha- 
leine piire, douce, embaumée, sans poussière, h. 

Au inoDQent où partit ce rejeton bien-aimé de 
Ràghou, iine^ pluie de fleurs tomba des cieux , et 
Von entendit ruisseler d*en haut les chants de 



—166— 

Toix suaves , les fanfares des conques , les rou- 
lements des tymbales célestes. 5. 

ViçTâmitra marchait à la tête : derrière lui 
venait Râma , tenant un arc et portant ses che- 
veux bouclés en ailes de corbeau : il était suivi 
par le fils de Soumitrl 6. 

Quand Indra et les Dieux, qui tous aspiraient 
à la mort du monstre aux dix têtes , virent aller 
Râma sur les pas de Yiçvâmitra , ils goûtèrent à 
cette vue une joie incomparable. 7. 

Le magnanime anachorète était suivi par ces 
deux héros , comme le roi du ciel est suivi par 
les deux Âçwins. 8. 

Armés d'un arc , d'un carquois et d'une épée, 
la main gauche défendue par un cuir lié autour 
de leurs doigts , ils suivaient Yiçvâmitra , comme 
les deux jumeaux enfants du feu suivent Sthânou, 
c'est-à-dire le Stable^ un des noms de Çiva, 9. 

Arrivés à un demi-yaudjana et plus sur la rive 
méridionale de la Sarayoû : « Râma , dit avec 
douceur Yiçvâmitra; mon bien-aimé Râma, il 
convient que tu verses maintenant l'eau sur toi, 
suivant nos rites ; je vais l'enseigner les moyens 
de salut; ne perdons pas le temps. 10 — 11. 

« Reçois d'abord ces deux sciences merveil- 
leuses, LA PUISSANCE et l'outre-puissance : 
par elles , ni la fatigue , ni la vieillesse , ni au- 
cune altération ne pourront jamais envahir tes 



—167— 

membres^ Noo sur tes gardes ou même plongé 
dans le sommeil , tu n'en seras pas moiûs invin- 
cible aux Démons: on ne verra pas un héros 
comparable en force avec toi , dans ces trois 
mondes . parn^i les Dieux , les hommes et les 
Nâgas. Il n'y aura personne égal à toi en for- 
tune, adresse, intelligence ,, doctrine , courage, 
soudaineté à la riposte. Maître de ces deux sciences 
surnaturelles , la puissance et l'outre-puissance , 
mères du savoir et de la sagesse » tu obtiendras 
une renommée impérissable, et tu ne seras jamais 
tourmenté d'un excessif besoin, ni par la .soif, ni 
par'la faim. 12— 13— U— 15— 16. 

« Vainqueur dans les forêts , les régions im- 
praticables et les contrées inaccessibles , tu at- 
teindras , noble fils de Raghou , une grande 
puissance dans les trois mondes. 17. 

ff Car ces deux sciences , qui apportent avec 
elles et la force et la vie , sont les filles de l'ayeul 
suprême des créatures ; et toi , ô Kakoutsthide , 
tu es un vase digne que je verse en lui ces con- 
naissances merveilleuses. 18. 

« Entouré de qualités divines, enfantées par ta 
propre nature , et d'autres qualités, acquises par 
les efforts d'un louable désir , tu verras encore 
ces deux sciences élever tes vertus jusqu'à la plus 
haute excellence. » 19. 

Après ce discours, Viçvâmitra , l'homme riche 



— i6B— 

en mortifications, inhia aût deux sciences Râma, 
pnrifié dans les eaux du fleuve , debout , la tête 
inclinée et les mains jointes. 20. 

Ensuite, ayant reçu les deux puissances et pris 
congé du saint bennite, cet iDustré jeune prince, 
avec son dévoué Laksbmana , demeura là cette 
miit sur le riv^e de la Sarayoâ. 21. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le vingt-cinquième cbapitre, nommé : 
La 8gi€iige merveilleuse donnée a Rama. 



— 46t— 



XXVI. 



Quandia nuitse fnt éclairée des premières luears 
du jour, le grand anachorète Viçvâmitra vint dire 
au Kakontsthide , couché sur un lit de feuilles 
sèches: 1. 

a Lève-toi, fils de Kâauçalyâ; mais, avant, 
Fécke Toraison dq matin : ami, Toici venu le mo- 
DEMQt de îme la cérémonie , qui sanctifite la pre<» 
mière partie du jour. » 2. 

A ce discours si f^eut du saint hermite, les 
deui héros, issus de Raghou, se purifient, et, 
leur ablution faite , ils murmurent à voix basse 
la prière de tous les jours. 3. 

Quand ib ont mis fin à la cérémonie quoti- 
dienne , ils se réunissent et viennent dans une 

12 



—176— 

respectueuse attitude (1) saluer Viçvâmitra , ce 
vivant trésor de mortifications. U. 

Ensuite, ils vont en pèlerinage visiter le fleuve 
céleste, qui roule ses eaui dans trois lits, ce fleuve 
des Dieux , le Gange , voisin de la Sarayoû. 5. 

Là , sur le bord de ses ondes , ils virent uo 
bermitage saint , délicieux , destiné à couvrir de 
ces anachorètes, qui, voués à des œuvres pures, 
mattent leur chair dans la plus haute pénitence. 6. 

A la vue de cet bermitage , les deux frères , 
poussés d'une vive curiosité, Râma etLaksbmana, 
adressèrent à Fanachorète cette demande : « A qui 
est cet bermitage? Qui est Theureux solitaire, 
qu'abrite ce toit? Nous désirons l'apprendre, 
saint brahme ; car cela fait naître en nous une ex- 
trême curiosité. » 7 — 8. 

Ces paroles entendues , l'anachorète dit avec 
un sourire: « Écoutez donc l'un et l'autre qui fut 
jadis le maître de cet aimable bermitage. 9. 

« L'Amour, que le monde appelle Kâma, était 
jadis revêtu d'un corps ; il s'approcha d'un pied 
léger pour envahir les sens de Çiva , devenu l'é- 
poux d'Oamâ par un hymen tout récent, et qui 
se livrait ici à une austère pénitence. Mais ce 



(i) Upoithd, !• ; 7", venerabuAdum accederf. 

( Wesiergaard , Radiées sanscrit». ) 



—171— 

Dieu magnanime Taperçut (1) , et jeta sur lui sa 
malédiction. 10 — 11. 

« Aussitôt le corps de Tenfant maudit, illustre 
fys de Raghou , s'évanouit , consumé* par le feu 
de cette malédiction , allumée par la colère. 12. 

a Dans un même instant , on vit tomber à la 
fois tous ses membres , et l'Amour fut ainsi dé- 
pouiUédéson corps par la colère du magnanime. 1 3. 

« De-là , dans la suite des temps , Kâma fut 
nommé Ananga» (fest^àrdire^ Sans-corps; et Ton 
appelle ce lieu du même nom , parce qu'il fut la 
scène où l'Amour perdit ses membres. l/i. 

a Cet hermitage pur, Gis de Raghou, est dédié 
à Kâma ; cet autel-ci lui est consacré ; ces ana- 
chorètes d'une éminente sainteté sont les siens. 15. 

« Tous se plaisent à dompter la chair avec la 
pénitence, tous sont des vieillards, tous sont, pour 
ainsi dire, la bouche des Saintes Écritures : ils 
habitent ici dans la joie , et se lavent des péchés 
avec Veau des mortifications. 16. 

Aujourd'hui, beau Râma, nous demeurons une 
seule nuit ici , au confluent de ces limpides cours 
d'eau; nous les traverserons demain: aujourd'hui^ 
sortis purs du bain, nous irons dans cet asyle pur, 



(1) Voyez cet épisode dans notre Panthéon, poème 
théosophique en cinq chants. 



—172— 

où nous passerons ane nuit délicieuse dans i*ber- 
niitage de l'Amour. » 17—18. 

Les anachorètes tPAnanga, avec ce long regard 
de seconde vue, que donne la pénitence, ayant m 
les deux héros omverser ainsi ax)ec U fUs 
de Kauçika, en goûtèrent h joie d'on suprême 
contentement 19. 

L'eau pour laver les pieds et )a corbetle de 
Targua ftirent d'abord , suivant les règles , pré- 
sentées au fils de GÂdhi par les solitaires du rwage 
eitériewr; ensuite , Râma et Lalcshmana reçurent 
d'eux les mêmes devoirs de l'hospitalité. 20. 

Ainsi, traités avec la phis hante distinction et 
savourant le plaisir d'écouter maintes poétiques 
légendes, ces hôtes magnanimes habitèrent b une 
nuit charmante dans l'hermitage de l'Amour. 21. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le vingt-sixième chapitre, nommé: 

Halte de Rama dans l'Hermitage de l'Amour. 



—175— 



XXVII. 



Quand parut Faube sans tache et quand les 
deux invincibles eurent vaqné aux premiers actes 
journaliers de piété, ils descendirent , suivant les 
pas de Yiçvâmitra , sous le rivage du fleuve. 1. 

Alors tous les magnanimes anachorètes, qui 
avaient déjà fait approcher une belle embarcation : 
« Que ta sainteté, dirent à Yiçvâmitra ces hommes 
éblouissants d'une lumière égale aux rayons du 
soleil; que ta sainteté monte dans ce navire, où 
vont te précéder les fils du roi ; qu'elle file sa 
route sans malheur et n'y subisse aucune perte 
du temps! » 2 — 3. 

« Ainsi solt-il ! » fit Yiçvâmitra. Puis , ayant 
répondu par ses politesses aux civilités des mono- 
bites , il traversa la Sarayoû aux limpides ondes. 
Au milieu du fleuve pur : « Est-ce que ce bruit 
si fort , demanda Râma à l'éminent anachorète, 

12* 



—174— 

ne ressemble point à celai d*une eau , qui se 
brise î » U — 5. 

A ces paroles, que sa curiosité lui inspire , le 
saint raconte ainsi au jeune prince la cause entière 
de ce fracas incessant: 6. 

« Râma , sur la cîme du mont Kêlâsa est un 
lac, que jadis créa Tintelligence de Brahma , d*où 
ce lac fut appelé Mânasa , l'Intelligence. 7. 

« De ce Mânasa dérive la sainte rivière de la 
Sarayoû, qui, versée par ce lac de Brahma, vient 
baigner Ayaudbyâ et parer cette ville de sa beauté. 8. 
« Le brisement de ses eaux, à Finstant qu'elle 
se rencontre avec le Gange, produit tout ce vaste 
bruit , qae Va entends : fais donc avec dévotion, 
Râma , \xm adoration au saint confluent. » 9. 

A sa VCMX, les deux rejetons de P antique Bi^ou 
adressent leur hommage aui; deux fleuves» et 
bientôt , mettant pied sur la côte méridionale» ils 
s'avancent d'un pas léger» 10. 

Tout à coup» dan» cette marche, ils voient jV- 
lever devant ewt un autre bois» ^uvantable fo- 
rêt , et les invincibles enbnts dn roi Daçaratha 
interrogent de nouveau Fanacborète. 11. 

« A qui donc appartient ce bois effrayant, qui 
apparaît là eottime une masse de nuages , fourré 
inaocessible, tout rempli par une multitude d'oi- 
seaux , qui bourdonne au cbant des grillons et 
résonne aux hurlements jetés par différentes es- 



—175- 

pèces d'aniinaux terribles, où habitent le lion, le 
tigre, le sanglier, Toors, le rhinocéros et Téléphant^ 
oà se pressent les dhavas (1), les açwakarnakas (2), 
les kootadjas (3) , les {étalas (&) , les vilvas , le» 
tindonkas (5) et les arbustes épineux? Gomment 
ce bois est-il nommé 7 » 12 — 13 — 1&. 

A cette question de ses jeunes compagnons, le 
saint anachorète invita les deux frères à l'attention 
avec ce mot : « Écoutez ! » et continua en ces 
termes : 15. 

« Jadis, cette campagne fet heureuse et d'me 
grande fertilité : c'est le pays des Maladjas et de» 
Karoûshas ; une terre» que le créateur même des 
Dieux avait formé^de ses mains. 16. 

« C'est un fait certain que la divinité aux mille 
yeux , L'augure Indra tua dans un mouvement 
de colère son ami Namoutdii et que cette faïute le 
plongea dans la souillure. 17. 

« C'est ici qu'autrefois il lut lavé<far les Dieux 
et les (ifférents cfacfiurs des saints avec des urnes 
pleines de ces Urapides eaux , qui eflacent toutes 
les impuretés. 18. 



(i) Lytbrum frulicosum et grislea iomentosa^ 

(2) Termmatia alata glabra, 

(3) EeMtes antidyaenteriea, 
{à) Bignonne odorante, 

(5) Diospyro» melanoxylon* 



—176— 

C'est dans ce lieu même que , blanchi de ses 
taches et purifié des ordures, dont il s*étajl souillé 
par le meurtre de son ami , ce Dieu en fut ra?i 
dans une joie suprême. 19. 

« Quand Indra fut redevenu pur , net, imma- 
culé, alors, dans sa vive allégresse^ le Dieu qui 
dompte ses ennemis , honora ce pays d*une 
faveur. 20. 

« Qu'il monte à la gloire, dit-il, grâces à mon 
impureté même , dont il rappellera au monde le 
souvenir par les noms des Maladjas et des Ka- 
rbûsbas, sous lesquels ces deux grasses campagnes 
seront distinguées à Favenir. » 21. 

« Ainsi soit-il ! » répondirent les Dieux à ces 
noms, dont la signification impliquait un état, 
bien éloigné d'être celui des lieux, que le «fils 
de Vasou appelait ainsi ou souillé ou provenant 
de la souillure. Ce fut de celte manière qu'aux 
temps passés , le destructeur du mauvais Génie 
Pâka imposa les noms de Maladja et de Karoûsha 
à ces terres , où l'abondance versait la félicité. 

22—23. 

« Ensuite , long-temps après , vint ici une 
Yakshî , capable de revêtir à son gré toutes les 
formes, d'une vigueur extrême , en qui seule est 
concentrée la force de mille éléphants. Elle a nom 
Tâdakâ : c'est l'épouse de Sounda , le roi des 
Asouras, et c'est d'elle que naquit Mârîtcha, 



démon égal en courage au monarque du ciel. 

24—25. 

« Cette Yakshî méchante , Thorrible Tâdakâ , 
elle, qui a ravagé cette belle campagne , ô Râma, 
choisit aujourd'hui ces lieux mêmes pour son 
habitation. .Cette route y passe à quelque chose 
de plus qu'un demi-yandjana d*ici: c'est donc par 
ce chemin qu*il te faut aller au repaire de Tâdakâ. 

26—27. 

Si Appuyé sur la force de ton bras , tue ce 
monstre , qui marche dans la vc^ da mal ; et, 
décile h mes conseite , arrache ici du sol cette 
épine ; car il n'est maintenant personne , qui ose 
aborder cette contrée , ainsi désolée par la vile 
Yakshi aux formes épouvantaUes. » 28—29. 

C'est ainsi que fut dite à Râma la vérité sur h 
forêt horrible, et comment cette terre , dévastée 
jadis par l' Yakshî, était encore dévastée par 
elle en ce jour même. S0« 



Ici, dans le premier tome du saint Râmàyana, 

Finit le chapitre vingt-S6fi|tièffle , intitulé : 

Entrée dans le bois de Tadara. 



—178— 



XXVIII. 



Après ce merveilleux récit da solitaire à la 
sagesse sans mesure, Râma Tinterrogea de nouveau 
sur un doute: 1. 

« Puisque les Yakshas n'ont pas , dit-on , une 
grande force, comment une de leurs femmes 
peut-elle avoir la force de mille éléphants? » 2. 

A ces paroles dé l'adolescent: « Écoute, Râma, 
lui répondit Viçvâmitra , comment une telle vi- 
gueur fut donnée à cette femme. 3. 

A II était jadis un grand Yaksha , très-illustre 
sous le nom de Soukétou : n'ayant pas d'enfants 
et désirant une postérité , il s'imposa la plus aus- 
tère pénitence. U, 

« Brahma, charmé de ses mortifications, se 
manifesta lui-même à ses yeux et lui donna une 
fille, nommée Tâdakâ, sans contredit la perle des 
jeunes filles. — L' Yaksha avait désiré un fils, que 
Dieu lui refusa ; mais le générateur suprême de 



—179— 

tous les êtres mit dans sa fille , pour le consoler, 
une force égale à celle de mille éléphants. 5 — 6. 

« Quand Sonkétou vit son enfant déjà grande 
et parée avec tous les dons de la jeunesse et de 
la beauté^ il donna Tâdakâ pour épouse bien aimée 
à Sounda, fils du mauvais 6r^nie Dhoundhou. 7. 

« Après un certain laps de temps , la jeune 
Yakshî devint mère d*un fils, célèbre sous le nom 
de Mâritcha , mais qu'une malédiction a précipité 
dans la condition inférieure des rakshasas. 8. 

« Ensuite , veuve par la mort violente de son 
époux, Tâdakâ, aidée par son fils, s'ingénia pour 
nuire au plus vertueux des saints, Agastya. 9. 

« Mais celui-ci , monté au plas haut point de 
la colère : « Toi , dit-il à Mârîtcha , ne sois plus 
désormais qu'un rakshasa !» et , s'adressant à 
Tâdakâ : « Pour toi , défigurée , ajouta l'hermite, 
déchue de ta beauté , tu seras , Yakshî , une an- 
thropophage aux formes épouvantables, au visage 
repoussant » 10—11. 

« Voilà pourquoi cette méchante Yakshî, qui a 
subi les effets terribles de sa malédiction , en tire 
une vengeance par le ravage de cette contrée, où 
demeurait jadis Agastya. 12. 

« Immole donc , pour le bien des brahmes et 
de la terre , immole , Râma , cette Yakshî épou- 
vantable par-dessous tout » ce àémon à la force 
impitoyable. 13. 



—180— 

« Personne dans les trois mondes , ai ce n*est 
toi, fils de Ragbou, ne peottoer ce monstre soa^ 
verainement fernudaUe , hre de sa force joj^u'à 
la folie. 14. 

« Ne te laisse pas attendrir à la pensée que tu 
vas donner la nu>rt à une femme; car les fils des 
rois ne sont jamais dispensés d'assurer le bien de 
leurs sujets. 15. 

« La cruanté comme la bonté, le pécbé comme 
la vertu, il bot employer tout, qnand il s*agit de 
sauver les créataures: c'est une vérité, qui ne 
souffre aueuu doute. 16. 

« G*est là , Ô Kakootsthide , Tétemel devoir 
des hommes nés dans la famille des rois : étoufie 
ici rinjuslîce et remplis ton devoir, la protection 
des créatures. 17. 

« là renommée dit qu'au temps passé Indra 
fit mocdre la poussière à une rakshad , non^mée 
Dirghadyjivfaâ , fille de Yirautcbana et capable de 
revêtir à son gré toutes les formes : menslre hi- 
deux, qui s'était fait une bouche imiaense, comme 
la gueule (1) de la mort , pour avaler toute la 
terre. 48—19. 

(i) U y « 98113 doute iei une erreur de ci^ste ; il nous 
semble que le texte primitif a dû porter anan a , o$, la 
bouche, au lieu de anala, igni$, le fétu Au reste, voici 
la traductioB littérale avee cette dernière leçon : 

t Dévorante comme le feu de la mort » 



—181— 

» Autrefois Vishnoa tua la mère de Kâvya, 
femme d'une vigueur égaie à celle d'Indra, et 
qui même aspirait à ravir le trône au monarque 
du ciel. De même encore ici-bas, d'autres rois, 
de qui la justice dirigeait tous les pas, ont jadis, 
ô Râma » ô le plus vertueux des hommes , ont 
immolé des femmes , qui se plaisaient dans Tin- 
justice. » 20—21. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre vingt-huitième , intitulé : 

Origine de Tadaka. 



13 



—182— 



XXIX. 



Après qu'il eat écouté ce discours énergique 
da solitaire , le fils du plus ^rand des rois se 
mit les deux mains jointes et répondit en ces 
termes au fidèle religieux : 1. 

« Sublime anachorète , voici Tordre , que j'ai 
reçu de mon père et de ma mère : « Tu dois obéir 
à la parole de Viçvâmitra ! » ainsi m*(mt-ils 
parlé, seigneur. 2. 

» Docile à cette injonction de mes parents et à 
la tienne , hermite , de qui la splendeur n'a rien 
qui lui soit comparable , je donnerai la mort à 
Tâdakâ , cette femme, qui marche dans les voies 
du crime ; puisque l'intérêt des brahmes et de la 
terre exige que l'on satisfasse avec soumission à 
ta parole , d'où cette contrée attend le retour de 
sa joie. » 3 — U. 

 ces mots, le Raghouide mit la corde à son 
arc f et , levant son arme bandée ^ il tira à lui et 



. — 18S— 

lâcha cette corde, d'où sortit un bruit perçant, qui 
remplit tous les points de Fespace. 5. 

Le son aigu de Tare épouvanta les fauves er- 
rants au milieu du bois: réveillée par lui, Tâdakâ 
en fut troublée, elle rugit ; et, plein de colère, ce 
monstre difforme , an hideux visage , se précipita 
d'une course impétueuse vers le côté , d'où] lui 
était Tenu ce bruit effrayant, 6 — 7. 

Quand il vit s'avancer la difforme Yaksh! avec 
son corps épouvantable, sa laide figure et sa taille 
démesurée» Râma dit à son frère: 8. 

« Vois, Lakshmana, cette fkce horrible de 
r Yaksh! courroucée ; vois sa grandeur, qui passe 
toute mesure et qui jette dans l'âme une terreur 
excessive. 9. 

» Vois déjà, guerrier aux longs bras, cette 
iémme atteinte par ma flèche au milieu du cœur, 
tombée sans vie sur la terre et baignée dans le 
sang* 10. 

» Oui ! dans un instant , consumée par le feu 
de ma flèche, cette rakshasî, qui n'agit que pour 
faire le mal, sera jetée violemment hors de ces 
membres (1) , organe épouvantable de ses 
èrimes. » 11. 

 peine Râma a-t-il ainsi parlé, que, troublée 

(1) Peecato soluta fiet, ce qui nous semble une méto- 
nymie de Teffet pour la cause. 



—184— 

par la colère, Tâdakâ, l^sdeux bras levés et fXMis- 
sant des cris, s*avance rapideinent à la portée 
de sa flèche. 12. 

Mais, dans le moment que la hideuse et bien 
effrayante Tâdakâ . avide de carnage , tenant ses 
deux bras en Tair et toute semblable à une masse 
de grands nuages, fond sur lui avec impétuosité, 
comme une foudre déchaînée, le héros adolescent 
frappe ce monstre en pleine poitrine avec sa flèche 
au fer étincelant et façonné en demi*lune. 13-1/i. 

Mortellement blessée par ce dard , pareil au 
tonnerre, la furie vomit un fleuve de sang, 
tombe et meurt 15. 

A Taspect du monstre gisant inanimé sur la 
terre , aussitôt le roi des Dieux et tous les Im- 
mortels d'applaudir an vaillant Kakoutsthide et 
de le saluer par cette acclamation: «Bien!.... 
rrà-bien !» 16. 

Debout au milieu des cieux et ravie de joie , 
la divinité aux raille yeux tint ce discours à Yiç^ 
Yâmitra avec toute Tarmée des Immortels : 17. 

« Anachorète, fils de Kouçika, nous Toici 
devant tes yeux, moi,'lndra, avec les Dieux, tous 
charmés de cet exploit du jeune Raghouide à la 
vigueur infinie. Suis notre avis , si toutefois c*est 
ton plaisir , et témoigne à Rama ton amour. 
Daigne amplifier sa ibrce et lui communiquer 
celle que tu as puisée dans la contemplation ab- 



—185— 

solue et dans l'exercice de la pénitence. 18 — 19. 

» Donne-lui ces armes, que tu as reçues toi- 
même du meilleur des rois, ce Kriçâçwa, fils du 
souverain maître des créatures. 20. 

» Le f^ls de Daçaratha , Râma , ton disciple , 
mérite bieif de ceindre tes armes : en effet , il 
faut que ce rejeton des rois soutienne pour nous 
une difficile entreprise. » 21. 

Ayant ainsi parlé , tous les Immortels de s'en 
aller par le môme chemin , qu'ils étaient venus. 
Ensuite, le crépuscule étendit son voile. 22. 

De son côté, le bienheureux Viçvâmitpa, joyeux 
de la mort infligée à la cruelle Tâdakâ , baisa 
Râma sur le front, et lui tint aussi ce langage : 23. 

« Prince à la charmante figure , aujourd'hui 
nous demeurons ici pour cette nuit: demain, 
Râma, au point du jour, nous prenons la route 
de mon hermitage. » 2^. 



Ici, dans le premier tome du saint Rdmâyana , 

Finit le chapitre vingt-neuvième , intitulé : 
Mort j>e Tadakâ. 



—186— 



XXX. 



Quand cette nuit fut écoulée , ce grand ana- 
chorète , souriant et d*nne voix douce , adressa 
la parole à son jeune compagnon , et dit : 1. 

« Râma , que sur toi descende la félicité ! je 
suis content du fait hardi , exécuté par toi, et je 
vais te donner , sans exception , comme un gage 
d'amitié , toutes les armes , qui sont à ma con- 
naissance ; car je te crois digne de les posséder. 
Avant toutes choses , je te donne ce divin javelot 
de Brahma, capable de semer la terreur dans les 
trois mondes ^ la fois. Ensuite , je te donne ce 
dard , qui opère une vaste destruction des créa- 
tures et qui a pour nom le Châtiment : grâces k 
lui , tu seras invincible à tes ennemis. Avec lui , 



—187— 

reçois, guerriet* aux longs bras, reçois le trait de 
la Justice, semblable au trépas. 2 — 3 — U — 5. 

» J^ te donne aussi Tinsurmontable javelot fa- 
▼cri de la Mort : voici maintenant , seigneur , le 
disque céleste de Yisfanou avec le disque formi- 
dable d'Indi^ , et les javelines inévitables de la 
foudre, et le trident victorieux de Çiva. Je te 
donne encore l'arme terrible , nommée la Tête- 
oe-Brahma , et Tarme , qui est af^lée avec le 
nom (i) même d'Iça. 6 — 7. 

» Prends ce dard , que je lève , c'est le dard 
enflammé de Çankara (2) : reçois en même temps 
cette couple incomparable de massues , qui ré- 
pandent h terreur au sein des ennemis : celle-ci 
est Lohitâmoukhî , celle-là sans égale est Kâau- 
modaki. A côté , prends ces deux armes , l'une 
est le lacet de la Justice , l'autre est ce lacet 
invincible de la Mort. 6 — 9. 

» Je te donne avec eux ce lacet de Varouna, 
travaillé avec le plus merveilleux des arts. Je te 
présente deux foudres , reçois-les : la première 
est la Sèche , la seconde est l'Humide. 10. 



(1) Ce sens nous est personnel , voici le texte : 
Açtram brahmaçiraçtchogramatçikam Uha dadâmi te , 

que M. Gorre^o traduit ainsi : « Poscia ti do il temuto 
céleste telo, il Gapo di Brahma. 

(2) Le même que Ci Va. 



—188— 

» Je te doone en faùceau , et la flèche pour 
rare Piaâka (1) , et le trait appelé Nârâyana , 
et le trait insupportable du Feu , et le trait du 
Vent» et le trait invaincu du Prestige» et Tanne 
dite la Tête-de-Gheyal , qui broie , Cuvante 
et déchire les ennemis. 11—12. * 

» Reç(Hs en outre ces deux lances de fer: 
cdle-ci est l'Infaillible, celle-là est l'Invincible. 
Joins k ces dons le baudrier de la Mort aux clo- 
chettes bruyantes et sa masse d*armes, qui a pour 
nom le Squelette. 13. 

» Je te donne ensuite FEndonnant , le Para« 
lysant, le Stupéfiant, le Générateur-de-la-pluie, 
le Producteur-de-la-sécheresse et cette arme, qui 
est le Pourfendeur-des-ennemis. Ku 

» Voici maintenant , seigneur , les deux traits 
chéris de l'Amour: l'un, qui s'appelle Enivrant; 
l'autre , qui se nomme Affolant Cet autre dard 
est le Gandharvique ; il cause le délire. 15. 

» Celle-ci est la flèche du Soleil , qui efface 
toute splendeur, éclipse toute lumière et consume 
les armées des ennemis. Je te donne avec le trait 
de Kouvéra le dard Piçatcha , qui se repaît de 
chair toute saignante, et le javelot Rakshasa, qui 
dévore la bonne fortune , la constance et la vie 
des ennemis. Je te donne , et le dard Moûrtchhana, 

(1) Nom donné à l'arc de Giva. 



—189— 

e^est'à'dire, qui étourdit, et le Contondant, et le 
Commoteur (1 ) , et le Yexateor des ennemis ; 1 6-1 7 . 
n Et le Destructeur , et le Gouffre , et le Pis- 
tîUoiâe , et le trait de la Vérité , et celui même 
du Mensonge , et le trait de la Grande-magie , et 
le trait de là Vigueur, qui n'est jamais vain et qui 
ravit toute éneipe à rad?ersaire « et le trait de la 
Lune, nommé le Glaçant, et le trait de Viçwa- 
karmana, qui jette le trouble au sein des ennemis, 
et rinvincible trait Humain , et le trait Daîtya, et 
le trait Dânava. Je te donne toutes ces armes et, 
comme elles, toutes les autres; car je t*aime. 

< » Reçois donc , fils du roi , ce présent de ma 
main. « 

Alors , se tournant vers Torient et s'étant 
purifié , TexceUent anachorète , plein de joie , 
donna au vaillant Râma cette incomparable col- 
lection d'armes. Tandis que l'hermite récitait à 
voix basse le recueil entier des prières mystiques, 
les armes données, s'enveloppant chacune d'un 
corps humain , s'avancèrent toutes vers le fils du 
roi ; elles se rangèrent, les mains jointes, autour 
de lui et dirent à ce noble enfant de Raghou : 



(1) Nous réclamons de Tindulgence pour ce léger bar- 
barisme ; il rend si bien le mot kampana , qui ébranle, 
qui donne une commotion. 

13* 



—190— 

« Poissant guerrier, donne-nous tes ordres! » 
Alors celui-ci , regardant toutes ces armes dCun 
œil ferme et les touchant de la main : « Obéissez- 
moi , reprit-il , aussitôt que je vous appellerai ! » 
Après qu'il eut ainsi reçu l'arsenal de Yiçvâ- 
mitra , le royal adolescent se prosterna devant le 
grand anachorète , selon toutes les règles de la 
bienséance , et tourna sa pensée vers la conti- 
nuatira de son voyage. 21— 22— 23— 2&— 25. 



Id, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le trentième chapitre, intitulé : 

Don fait a Râmâ des armes mystérieuses. 



-191- 



XXXJ. 



Quand, d'une âme joyeuse, il eut recueilli ces 
armes divines, Râma, tout en marchant, dit à 
Viçvâmitra : 1. 

<i Maintenant que j*al reçu tes armes, je sois 
invincible même aux Trei^ (1); mais daigne en- 
core me dire comment on s'escrime avec de 
telles armes. » 2. 

A ces paroles de Râma , le grand anachorète 
Viçvâmitra lui enseigna , sans différer, le manie- 
ment de ces armes surnaturelles avec tous leurs 
secrets. — Quand ce héros à la vigueur inûnie eut 
appris à combattre avec les armes enchantées, le 
solitaire communiqua ensuite à Râma les mys- 
tiques formules des vertus léthifères. 3-^. 

« Voici, dû i'hermite, qui les indiquait au 
jeune prince j Véridique, Gloire-véritable, Auda- 
cieuse, et même Impétueuse : celle-ci est appelée 

(1) Tridaça; le Glossaire de Bopp explique ce mot 
ainsi: Dtt, exceptis Brahmâ, ViknuetÇivd, 



—192— 

Respectueusement-obéissante ; cette antre est 
Vîsage-baissé, près de laquelle est placée Visage- 
qui-se-détonme. GeUes-là sont nommées Taureau, 
Qui-agit-comme-le-taureau, Poudroyante, Anthro- 
pophage, Dix-yeux, Décastome, Hécatocéphale 
et Centiventre. Puis viennent Lotomphale , Mé- 
gomphale, É?omphale, Bruit-de-tymbale, Lumi- 
neuse, Resplendissante, Léthifère, Amphore, 
Makara, la Scie et l'Annillaire. 5 — 6 — 7. 

I* Voilà maintenant le Joug, Insomnie, Bhettâ 
au celle qui pourfend , Agitatrice , Immobile , 
Porteuse, Opulente, Hydriaphore, Volupté et 
même Volupté-de-la-terre. 8. 

M Ces dernières, on les appelle Ghangeant-de- 
forme-à-¥olonté, Allant-où-elie-veut, Blessant-à- 
sa-fantaisie, Écrasant-qui-elle-veut : ensuite, voici 
Mortelle, Lucre-d'or , Ruisselante , à côté de qui 
est Purifiante. 9. 

» Elles sont bien les brillantes filles de Kri- 
çâçwa ces vertus léthifères , qui ont la puissance 
de se métamorphoser, qui ravissent toute vigueur 
et toute force aux armées des ennemis, qui élèvent 
devant eux des empêchements , qui jettent sur 
leurs pas des obstacles , mais qui procurent le 
triomphe à l'homme, dont le bras sait les ma- 
nier. Reçois-les donc avec la connaissance de 
leurs usages divers et Fart d'aller par elles sû- 
rement à la victoire. » 10 — 11. 



— 19S— 

« Qu'il en soit ainsi ! » répondit le jeune 
pitnce à ces mots de Thomme riche en mortifi* 
cations, et, sur le champ, il reçut de Viçvâmitra 
ces vertus fascinantes , destruction assurée des 
ennemis. 12. 

Soudain, ces diverses facultés, revêtues de corps 
célestes et parées avec les qrnements du ciel , se 
manifestent à Râma comme des êtres vivants , et, 
d'une voix douce , lui parlent ainsi , les mains 
jointes: 13. 

« Nous sommes tes esclaves, commande-nous; 
c'est pour te servir que nous sommes devant 
toi ! » — «Soyez les bien-venues ! mais retirez-vous 
pour le moment: quand il sera temps d'agir, 
vous m'aiderez! iU. 

» Alors , venez à moi , continua l'adolescent 
guerrier , aussitôt que vous serez appelées. » À 
ces mots : « Qu'il en soit ainsi ! » reprennent ces 
vertus incarnées : elles saluent Râma ; puis, quand 
elles eurent décrit autour de lui un pradakshina , 
elles disparurent de la même façon qu'elles étaient ' 
apparues. Après qu'il eut donné congé à ces 
charmes faits hommes, le héros enfant dit encore, 
chemin faisant, au sublime anachorète Viçvâmitra 
ces paroles, toutes composées de syllabes douces: 
(i Quelle est cette forêt bien grande, qui se montre 
ici, non loin de la montagne , comme une masse 
de nuages ? A qui appartient-elle , homme sainte 



—194— 

qui brUlcs d*uoe splendeur impérissaUe ? Cette 
forêt semble à mes r^ards déKciease et ravissante. 
{Du 15' aui^'çloka). 
'* £Ue résonne de gaiouillements suaves; maints 
troupeaux de gazelles s'y promènent sous les om- 
brages. Nous sommes donc, ô le plus vertueux des 
anachorètes, sortis enfin de la forêt épouvantable. 
— C'est, du mdns , ce que m'apprend la vue de 
ce bois en perspective; car c'est un lieu , sur 
l'horizon duquel doit se lever bien souvent l'astre 
du plaisir. Sans aucun doute , iM>iis voici bientôt 
arrivés dans l'hormitage de ta sainteté « où les 
deux mauvais Génies mettent des entraves à ton 
pieux sacrifice. 3 19 — ^20. 



Ici y dans le premier tome du saint Râmâyana^ 

Finit le trente-et-unième chapitre, nommé: 

Le Présent des vertus lêthifères. 



-195- 



XXXIÏ. 



Ainsi questionné par ce jeune prince d'un hé- 
roïsme sans mesure , le solitaire à Féminente 
splendeur, Viçvâmitra, se mit donc à lui raconter 
ainsi l'histoire de cette nouvelle forêt : 1. 

• Ce lieu , Rftma , fut jadis l'hermitage du 
Nain magnanime : l'Hermitage-parfait, c'est ainsi 
qu'on l'appelle, fut jadis la scène, où le parfait , 
où l'illustre Yishnon se livrait sous la forme d'un 
nain à la plus austère pénitence , dans le temps, 
noble fils de Raghou , que Bali ravit à Indra le 
sceptre des trois mondes. 2—3. 

9 Le Yirotchanide, enflammé par l'ivresse, que 
lui inq>irait Téminence de sa force , ayant donc 
vaincu le monarque du ciel , Bali resta maître 
de l'empire des trois mondes, h, > 

» Ensuite, comme Bali vàiilait encore augmenter 
sa puissance par ^offrande d*un sacrifice , Indra 



—196— 

et Tannée des Immortels avec lui vint dire , tout 
ému de crainte, à Vishnou, ici même, dans cet 
hermitage: 5. 

« Ce Yirotchanide d'une si haute puissance, 
Bali offre un sacrifice : et cependant ce roi des 
Asouras est déjà doué d'une telle abondance, 
qu'il rassasie les désirs de toutes les créatures. 6. 

» Va le trouver dans cette forme de nain , 
Dieu aux longs bras, et veuille bien lui mendier ce 
que trois de tes pas seulement peuvent mesurer 
de terre. Il doit nécessairement t'accorder l'au- 
mône de ces trois pas , aveuglé qu'il est de sa 
force, comme de son courage, et méprisant dans 
toi-même le maître du monde , qu'il ne recon- 
naîtra point sous ta forme de nain. 7 — 8. 

» Le foi des vils Démons gratifie par l'accom- 
plissement de leurs vœux les plus chers tous ceux 
qui, désirant obtenir l'objet où leur souhait as- 
pire , invoquent sa munificence : à combien plus 
forte raison, toi, monarque de l'univers, ne dois-tu 
pas remettre dans nos mains l'empire des trois 
mondes, que tu peux avec trois de tes longs pas 
seulement nous reconquérir tout entier. 9 — 10. 

» Cet hermitage parfait de nom le. sera donc 
aussi de fait, si tu veux bien en sortir un instant, 
ô toi, de qui l'énergie est celle de la vérité même, 
pour accomplir cette action parfaite. > 11. 



—197— 

» Conjuré ainsi par les Dieux , Yishnou , sous 
la forme de nain , dont s'était revêtue son âme 
divine, alla trouver le Yirotchanide et lui de- 
manda Taumône des trois pas. 12. 

» Mais aussitôt que BaH eut accordé les trois 
pas de terre au mendiant , le nain se développa 
dans une forme prodigieuse , et le Dieu- aux- 
trois-pas (1) s'empara de tous les mondes en trois 
pas. — Du premier pas, noble Ragfaouide, il fran- 
chît toute la terre ; au deuxième, tout l'immortel 
espace atmosphérique ; et , du troisième, il mesura 
tout le ciel astral. 13 — 1/i. 

» C'est ainsi que Yishnou réduisit le démon 
Bail à ne plus avoir d'antre habitation que l'abyme 
des enfers; c'est ainsi qu'ayant extirpé ce fléau 
des trois mondes , il en restitua l'empire au 
monarque du ciel. 15. 

» Cet hermitage , qui fut habité jadis par le 
Dieu aux œuvres saintes , reçoit très-souvent mes 
visites par dévotion en l'ineffable nain. 16. 

» Yoici le lieu où , grâces à ton courage, hé- 
ros, fils du plus grand des hommes, tu dois im- 
moler ces deux Rakshasas , qui mettent des 
obstacles à mon sacrifice. 17. 

(i) Trivikratna, au des surnoms de Yishnou, quMI dut 
à. cettt légende. 



—198— 

» Oui ! cet hermitage même, où nous allons, 
est THermitage parfait ; et cette mienne retraite 
n'est point , Râma , plus à moi , qu'elle n'est à 
toi-même. » 18. 

Quand les cénobites de l'Hermitage-parfait 
virent de loin approcher nos trois voyageurs , ils 
sortirent à la rencontre de Viçvâmitra , saluèrent 
ce magnanime ; et , quand il fut entré sous leur 
toit , remplirent à son égard tous les devoirs de 
l'hospitalité , en lui offrant un siège , la corbeille 
de Targhya et l'eau pour laver les pieds : Râma 
et Lakshmana reçurent aussi leur part dans ce 
bon accueil des brahmes solitaires. 19*-^20. 

Après quoi, s'étant reposés là un moment, les 
deux frères se mirent , les mains jointes, devant 
Texcellent anachorète, et tinrent ce langage à 
Viçvâmitra: 21. 

« Entre aujourd'hui même , s'il te plait , ô le 
plus saint des monobites , dans la cérémonie ini- 
tiale de ton sacrifice ; et que, parfaitement célébré, 
il confirme une seconde fois à ta solitude son 
beau nom d'Hermitage-parfait. » 22. 

« Oui ! » répondit le grand anachorète aux 
paroles de ces nobles frères; puis, il commanda 
pour ce jour même les cérémonies préliminaires 
du sacrifice. 23. 

Ensuite Râma , ayant habité là cette nuit avec 



_199— 

Lakshmana et s*étant levé à l'heure où blanchit 
Faabe, se prosterna humblement pour saluer 
Viçvâmitra. 24. 



Ici , dans te premier tome du saint Râmâyana, 

Finît le trente-deuxième chapitre , nommé : 

Le séjour dans l'Hermitage-parfait. 



-200- 



XXXIII. 



Alors ce guerrier , de qui la force ne trompe 
jamais, Râma, qui sait le prix du lieu, du temps 
et des moyens , adresse h Vîçvâmitra ce langage 
opportun: 1. 

tf Saint anachorète , je désire que tu m'ap- 
prennes dans quel temps il me faut écarter ces 
Démons nocturnes, qui jettent des obstacles dans 
ton sacrifice. » 2. 

Ravis de joie à ces paroles, aussitôt Yiçvâmitra 
et tous les autres solitaires de louer Râma et de 
lui dire : — « A partir de c« jour, il faut, Râma, 
que tu gardes pendant six nuits , dévoué entiè- 
rement à cette veille continue; car une fois entré 
dans les cérémonies préliminaires du sacrifice, il 
est défendu au solitaire de rompre le silence. » 3 -U. 

Après qu'il eut écouté ces paroles des monobites 
à rame contemplative , Râma se tint là debout , 
six nuits , gardant avec Lakshmana le sacrifice de 



—201— 

l'aoachorète , l*arc en main , sans dormir et sans 
faire un mouvement, immobile, comme un tronc 
d*arbre , impatient de voir la nuée des rakshasas 
abattre son vol sur Thermitage. 5 — 6. 

Ensuite , quand le cours du temps eut amené 
le sixième jour, ces fidèles observateurs des vœux, 
les magnanimes anachorètes dressèrent Tautel sur 
sa base. — Déjà, accompagné des hymnes , arrosé 
de beurre clarifié, le sacrifice était célébré suivant 
les rites ; déjà la flamme se développait sur Fautel, 
où priait le contemplateur d'une âme attentive, 
quand soudain éclata dans Tair un bruit immense 
et tel que Ton entend le sombre nuage tonner au 
sein des cieux dans la saison des pluies. 7-8-9. 

Alors, voici que se précipitent dans l'hetmitage, 
et Mârîtcha, et Soubâhoi^, et les serviteurs de ces 
deux rakshasas , déployant toute la puissance de 
leur magie. 10. 

Aussitôt que , de ses yeux beaux comme des 
lotus, Râma les vit accourir, faisant (rieuvoir un 
torrent de sang : « Vois , Lakshmana , dit-il à son 
frère, vois Mârîtcha, qui vient, suivi de son cor- 
tège , avec sa voix de bruyant tonnerre , et Sou- 
bâhou , le rôdeur nocturne. Regarde bien ! ces 
Démons noirs, comme deux montagnes'de collyre, 
vont disparaître à l'instant même devant moi, tels 
que deux nuages au souffle du vent ! » 11-12-lS. 

A ces mots, Thabile archer tira de son carquois 



—202— * 

la flèche nommée le Trait-de-l'homme , et , sans 
être poussé d'une très-vive colère, il décocha 
le dard en pleine poitrine de Mârîtcha. ik. 

Emporté jusqu'au front de l'océan par l'impé- 
tuosité de cette flèche, Mârîtcha y tomba comme 
une montagne , les membres agités par le trem- 
blement de l'épouvante. 15. 

Quand Râma vit ce Démon, enlevé par la puis- 
sance du trait Humain, tomber sans connaissance, 
en proie aux convulsions : t Vois , Lakshmana , 
dit-il à son frère ; vois Mârîtcha blessé par la 
Flèche-de-l'homme : ce dard l'a emporté loin 
d'ici, hors de lui-même , et cependant il n'a pu 
ôter la vie à ce mauvais Génie. 16 — 17. 

» Aussi vai»-je frapper maintenant avec colère 
Soubâhou et tous ces autres Démons féroces, qui 
mangent la chair , boivent le sang et jettent le 
trouble dans les sacrifices. » IB. 

À ces mots, le rejeton vaillant de Raghou choisit 
dans son carquois le dard nommé la Flèche-du- 
feu ; il envoya ce trait céleste dans la poitrine de 
Soubâhou, et le rakshasa frappé tomba mort 
sur la terre. 19. 

Puis, s'armant avec la Flèche-du-vent et mettant 
le comble à la joie des solitaires, le descendant 
illustre de Raghou immola même tous les autres 
Démons. Après ce carnage, Viçvâmitra avec toute 
la communauté des anachorètes s'approcha du 



—208— 

jeune guerrier, et lui décerna les honneurs, les 
félicitations , les présents , que méritait sa vic- 
toire. En effet, à cet exploit de Râma, Téton- 
neœent de tous les solitaires, dépassant les bornes 
de l'admiration, était monté jusqu'à la stupeur. 

20—21—22. 

Après qu'il eut mis fin à ce grand sacrifice, 
Viçvâmitra , l'homme d'une si haute renommée, 
voyant la félicité rendue à la sainte solitude, 
parla ainsi au Kakoutsthide : 23. 

« Je suis content, guerrier aux longs bras : tu 
as bien observé la parole de mot, ton maître; en 
effet , cet Hermitage-parfait est devenu , grâces à 
toi, plus parfait encore. » 2U. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le trente-troiâème chapitre , nommé : 

Le Sacrifice de Viçvâmitra. 



-204— 



XXXIY. 



Leur mission accomplie , Rama et Lakshmana 
passèrent encore là cette nuit , honorés des ana- 
chorètes et Tâme joyeuse. A Fheure où la nuit 
'^ s'éclaire aux premières lueurs de Taube, et quand 
ils eurent vaqué aux dévotions dû matin» les deux 
héros petits-neveux de Raghou allèrent s'incliner 
devant Tiçvâmitra et devant les autres solitaires ; 
puis, les ayant tous salués avec lui , ces princes, 
doués d'une immortelle splendeur, lui tinrent ce 
discours à la fois noble et doux. 1 — 2 — 3. 

« Ces deux guerriers , qui se tiennent devant 
toi , ô le plus éminent des anachorètes , sont tes 
serviteurs ; commande-nous à ton gré : que 
veux- tu que nous fassions encore? » U. 

A ce discours , les hermites , riches de morti^ 
ûcations, à qui ces deux frères l'avaient adressé, 



—205— 

laissent parler ViçTâmitra, et rendent par lai cette 
réponse au vaillant Râma : 5. 

« Djanaka, le roi de Mithila , doit bientôt cé- 
lébrer , ô le plus vertueux des Raghouides , un 
sacrifice très-grand et très-saint: noujs irons cer- 
tainement. — Toi-même, ô le plus éminent des 
hommes, tu viendras avec nous: tu es digne de 
\oir là cet arc fameux , qui est une grande mer- 
veille et la perle des arcs. 6 — 7. 

» Jadis , Indra et les Dieu^ ont donné an roi 
de Mithila cet arc géant, comme un dépôt, au 
temps que la guerre fut terminée entre eux et 
les Démons. 8. 

» ^i les Dieux, ni les Gandharvas, ni les 
Yakshas , ni les Nâgas , ni les Raksbasas ne sont 
capables de bander cet arc: combien moins, nous 
autres hommes, ne le saurions-nous faire? 9. 

» Les rois , qui ont désiré connaître la force 
de cette arme , n*ont jamais pu même lever ; à 
combien plus forte raison n*ont-i]s pu bander cet 
arc 7 — Kakoutsthide , ô le plus valeureux des 
hommes , tu verras cet arc à Mithila, si tu viens 
d*ici avec nous au sacrifice de ce roi magnanime. » 

10—11. 

c Qull en soit ainsi ! » répondit ce héros à 
Tâme généreuse ; et sur le champ Râma se mit 
en route avec ces grands saints, à la tête desquels 
marchait Viçvâmilra, 12. 



—206— 

On s'âchemina vers Mithila , quand le véné- 
rable anachorète eut adressé aux Divinités da 
bois ces paroles d'adiea : 13. 

« Soyez hearenses ! je quitte parfait cet Her- 
mitage-parfait , et je vais d'ici au mont Himalaya, 
sur la rive septentrionale du Gange !» ik. 

Ensuite , il décrivit un pradakshina autour de 
THermitage-parfait ; et, dirigeant ses pas vers le 
point nord du ciel , le saint monobit^ ouvrit le 
chemin. — Attelée dans un instant , s'avançait une 
centaine de chars brahmiques, où Ton avait chargé 
les bagages des anachorètes , qui venaient tous à 
leur suite. 15 — 16. 

On voyait aussi des troupeaux d'antilopes et 
d'oiseaux, doux habitants de l'Hermitage-parfait , 
suivre pas à pas dans cette marche Viçvâmitra, le 
sublime solitaire. 17. 

Déjà les troupes des anachorètes s'étaient avan- 
cées loin dans cette route , quand , arrivées au 
bord de la Çona , vers le temps où le soleil s'af- 
faise à l'horizon, elles s'arrêtent pour camper 
devant son rivage. 18. 

Mais, aussitôt que l'astre du jour a touché le 
couchant , ces hommes d'une splendeur infinie 
se purifient dans les ondes , rendent un hommage 
au feu avec des libations de beurre clarifié , et, 
donnant la première place à Viçvâmitra, s'asseoient 
autour du sage. Rama lui-même avec le fils de 



—207— 

Soumitrâ se prosterne devant Thermite , qui s*est 
amassé un trésor de mortifications, et s'asseoit 
auprès de lui. — Alors, joignant ses mains, le 
jeune tigre des hommes , que sa curiosité pousse 
à faire cette demande, interroge ainsi Viçvâmitra, 
le saint : 19—20—21. 

« Bienheureux, quel est donc ce lieu, que je 
vois habité par des hommes au sein de la félicité ? 
Je désire l'apprendre , sublime anachorète , de 
ta bouche même en toute vérité. » 22. 

Excitée par ce langage de Râma, la grande lu- 
mière de Viçvâmitra commença donc àlui raconter 
ainsi l'histoire du lieu , où ils étaient arrivés. 23. 



Ici, dans le premier volume du saint Râmâyana, 

Finit le trente-quatrième chapitre, intitulé: 

Campement des anachorètes au bord de la 

rivière çona, 



—208— 



XXXV, 



< 
« Jadis il fut on monarqae puissant , appelé 

Kooça, issu de Braihma et père de quatre fils, 

renommés pour la force. 1. 

9 C'étaient Rooçâçwa, Kouçanâbha, Âmoûr- 
taradjasa et Yasou , tous magnanimes, brillants et 
dévoués aux devoirs du kshatriya. 2. 

» Kouça dit un jour : « Mes fils , il fiiut vous 
consacrer à la défense des créatures. » C'est ainsi 
qu'il parla , noUe Raghouide, à ces princes, de 
qui la modestie était la compagne de la science 
dans la Sainte Écriture. 3. 

« A ces paroles du roi leur père , ils bâtirent 
quatre villes , chacun fondant la sienne. De ces 
héros, semblables aux gardiens célestes du monde, 



—209— 

Kouçâçwa coDstraisit la ville charmante de Kâau* 
çâçw! ; KouçanâUia , qu'on eût dit la Justice en 
personne , fut Fauteur de Mabaudaya ; le vaillant 
Amoûrtaradjasa créa la ville de Prâgdjyautisha, 
et Yasou éleva Girivradja dans le voisinage de 
Dharmâranya. 5 — 6. 

» Ce lieu-ci , appelé Yasou , porte le nom du 
prince Yasou à la splendeur infinie : on y remarque 
ces belles montagnes , au nombre de cinq , à la 
crête sourcilleuse. — Là , coule la jolie rivière de 
Mâgadhi ; elle donne son nom à la ville de Ma- 
gadhâ , qui brille , comme un bouquet de fleurs, 
au milieu des cinq grands monts. 7 — 8. 

» Cette rivière appelée Mâgadh! appartenait au 
domaine du magnanime Yasou : car jadis il habita, 
vaillant Râma , ces champs fertiles , guirlandes 
de moissons. 9. 

» De son côté, Tinvincible et saint roi Kouça- 
nâbha rendit la nymphe Ghritâtchyâ mère de cent 
filles jumelles , à qui rien n'était supérieur en 
toutes qualités. 10. 

» Un jour , ces jeunes vierges, délicieusement 
parées , toutes charmantes de jeunesse et de 
beauté, descendent au jardin, et là, vives comme 
des éclairs, se mettent à folâtrer. Elles chantaient, 
noble fils de Raghou , elles dansaient , elles tou- 
chaient ou pinçaient divers instruments de mu- 
sique, et, parfumant Fair des guirlandes tressées 



— 2i0— 

dans leon atoon, elles se l aig ai ca t ram aux 
moaTements d'une jcie soprine. il— 12. 

m Le Yent, qui fa se f^aud fiarloat , tes ?it 
en ce moment, et ¥oid quel langage il tînt à ces 
jonvenceDes, au membres suaves, et de qoi rien 
n'était pareil en beaaté sur la terre. i5. 

« Charmantes filks, je ? ons aime tontes ; soyez 
donc mes épouses. Par là, Yons déponillaot de la 
condition humaine , yoos obtiendres l'immorta- 
lité. » ik. 

» A ces habiles paroles du Vent anumreux, 
les jeunes vierges lui décochent un éclat de rire ; 
et puis toutes lui répondent ainsi : 15. 

« O Vent, il est certain que tu pénètres dans 
toutes les créatures ; nous savons tontes queHe 
est ta puissance ; mais pourquoi juger de nous 
avec ce mépris? 16. 

» Nous sommes toutes filles de Kouçanâbha; 
et, fermes sur l'assiette de nos devoirs, nous dé- 
fions ta forcede nous en précipiter: oui ! Dtenléger^ 
nous voulons rester dans la condition faite à notre 
famille. — Qu'on ne voie jamais arriver le temps, 
où , volontairement infidèles au commandement 
de notre bon père , de qui la parole est celle de 
la vérité , nous irions de nous-mêmes arrêter le 
choix d'un époux. 17— 18, 

» Notre père est notre loi, notre père est pour 
nous uue divinité suprême ; l'homme, à qui notre 



—211— 

père. voudra bien nous donner, est celui-là seul, 
qui deviendra jamais notre époux. » 19. 

» Saisi de colère à ces paroles des jeunes vierges, 
le Yént fit vidence à tentes et brisa la taille à 
tontes par le milieu d«i corps. 20. 

Pliées en deux, les nobles filles rentrent donc 
au palais du roi leur père ; eiks se jettedt devant 
lui sur la t^re, pleines de confusion, rougissantes 
de pudeur et les yeux noyéi xle larmes. 21. 

» A Taspect de ses ûUes , tout à l'heure d'une 
beauté nea^Kireille, maintenant flétries et la taille 
déviée, le monarque dit avec émotion ces paroles 
aux princesses désolées; 22. 

« Qudle chose vais-je donc ici , mes filles ? 
Dites-le-moi ! Quel être eut une âme assez violente 
pour attenter sur vos personnes et vous rendre 
ainsi toutes bossues ? » 2S. 

» A ces mots du sage Kouçanâbha , les cent 
jeunes filles répondirent , baissant leur tête à ses 
pieds : — «Enivré d*amour, le Vent s*est approché 
de nous ; et , franchissant les bornes du devoir, 
ce Dieu s*e$t porté jusqu'à nous faire violence. 
— Toutes cependant nous avions dit à ce Vent, 
tombé sous raiguiUon de l'AmcNir : « Dieu fort, 
nous avons un père ; nous ne sommes pas maî- 
tresses de nous-mêmes. 24 — 25 — 26. 

» Demande-nous à notre père , si ta pensée ne 
veut point une autre chose que ce qui est honnête. 



—212— 

Nos cœurs ne sont pas libres dans leur choix: 
sois bon pour nous, toi, qoi es un Dieu ! » 27. 

» Irrité de ce langage , le Yent , seigneur i fit 
irruption d&ns nos membres: abusant de sa force, 
il nous brisa et nous rendit bossues , comme tu 
vois. » 28. 

» Après que ses filles eurent achevé ce discours, 
le dominateur des hommes, Kouçanâbha fit cette 
réponse , noble Râma , aux cent princesses : 29. 

« Mes filles, je vois avec une grande satisfaction 
que, ces violences du Vent, vous les avez souffertes 
avec une sainte résignation , et que vous avez en 
même temps sauvegardé l'honneur de ma race. 30. 

j> En effet, la patience , mes filles, est le prin- 
cipal ornement des femmes ; et nous devons sup- 
porter , c'est mon sentiment , tout ce qui vient 
des Dieux. 21. 

» Votre soumission à de tels outrages commis 
par le Yent , je vous l'impute à bonne action ; 
aussi je m'en réjouis, mes chastes filles, comme 
je pense que ce jour vient d'amener pour vous le 
temps du mariage. Allez donc où il vous plaît 
d'aller, mes enfants: moi, je vais occuper ma 
pensée de votre bonheur à venir. » 33. 

M Ensuite , quand ce roi, le plus vertueux des 
monarques , eut congédié les tristes jeunes filles, 
il se mit, en homme versé dans la science du de- 
voir, à délibérer avec ses ministres sur le mariage 



—213— 

des ceot princesses. Enfitts c*est de ce jour que 
Mabaudaya fut dans la suite des temps appelé Ka- 
nyakoabja , c'est-à-dire , la viUe des jeunes 
bossues, en mémoire dn bit arrivé daift ces iieux^ 
où jadis le Vent déforma les cent filles du roi et 
les rendit toutes bossues. 3ft — 35. 

» Dans ce temps même, un grand ftaint, nommé 
Halî, anachorète d'une suUime énergie « accom- 
plissait un vœu de cbasteté , Yraiment difficile à 
soutenir. -^Une Gandharr! (1), fille d'Oûmâyou, 
appelée Saumadâ, s'était ^e-méme enchadlnée du 
même vœu très-saint et veillait avec des soins at- 
tentifs autour du brabmalchâri (2), tandis qu*il se 
consumait dans sa rude pénitence. Elle souhaitait 
un fils, Râma; et ce désir lui avait inspiré d'em- 
brasser une obéissance soumise et pieusement 
dévouée à ce grand saint, abwNrbédansla contem- 
plation. Après un loi^ temps, l'anachorète sa- 
tisfait lui dit: 36—37—38—39. 

« Je suis content : que veux-tu, sainte, dis-moi, 
que je fasse pour td?» Aussitôt que la Gandharvt 
eut reçu de l'anachorète ces paroles de satis- 
faction , elle joignit les mains et lui fit connaître 
&i ces mots composés de syllabes douces à quelle 

(i < Les Gandhanras sont les musiciens du ciel : ce mot 
au fémiDin est gandharvt 
(2) Calibatûs v&to obttrietns , Glossaire de Bopp. 



— 2U— 

chose aspirait son vœu le plus ardent: « Ce que 
je désire de toi , c'est un fils tout éblouissant 
d'une beauté, qui émane de firahma, comme toi, 
que je voif briller à mes yeux de. cette lumière , 
auréole éminente , dont Brahma t'a revêtu lui- 
même. Je te choisis de ma libre volonté pour 
mon époui, Inoi, qui n'ai pas encore été liée par 
la chaîne du mariage. UO — /il-^/i2. 

» Veuille donc t'unir à moi , qui te demande, 
religieux inébranlable en tes vœux , à moi , qui 
n'en demandai jamais un autre avant toi I » Sen- 
sible à sa prière , le brahme saint lui donna un 
fils, comme elle se l'était peint dans ses désirs. 43. 

» Le fils de Hall eut nom JBrahmadatta (1) : ce 
fut un saint monarque d'une splendeur égale au 
rayonnement du roi même des Immortels : il ha- 
bitait alors , Kakoutsthide , une ville appelée 
Kâmpilyâ. Quand la renommée de son éminente 
beauté fut parvenue aux oreilles de Kouçanâbha, 
ce prince équitable conçut la pensée de marier 
ses filles avec lui , et fit proposer l'hymen au roi 
Brahmadatta. Uii^U5:—h^. 

n Loffre acceptée, Kouçanâbha, dans toute la 
joie de son âme , donna les cent jeunes. filles à 
Brahmadatta. Ce prince d'une splendeur à nulle 

(1) G'est-à-dire, Donné par Brahma; c'est Tanalogue 
des noms Théodote, Déodat, Dieu-donné. 



—215- 

autre semblable , prit donc la main à toutes, Tune 
après l'autre , suivant les rites du mariage. Mais 
à peine les eut-il seulement touchées aux mains , 
que tout à coup disparut aux yeux la triste infir- 
mité des cent princesses bossues. Zl7-— 48. 

B Elles redevinrent ce qu'elles étaient naguère, 
douées entièrement de majesté , de grâces et de 
beauté. Quand le roi Kouçanâbha vit ses filles 
délivrées du ridicule fardeau , que leur avait 
imposé la colère du Vent , il en fut ravi au plus 
haut point de l'admiration , il s'en réjouit , il en 
fut enivré de plaisir. Enfin, le mariage étant cé- 
lébré, ô le plus vertueux des Raghouides , il ren- 
voya , accompagné de ses nouvelles épouses et 
comblé des plus grands honneurs, le roi Brahma- 
datta dans sa ville. Ensuite lagandharvî Saumadâ, 
joyeuse de voir son fils , et revenu à Kâmpilyâ , 
et suivi par cent femmes aussi nobles que lui, en 
savoura avec délices le plaisir et la joie. » 

. 49—50—51. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le trente-cinquième chapitre , intitulé : 

Mabiàge de Brahmadatta. 



/' 



— 2ia— 



chose aspirait son vœu le plus ardev^ 
je désire de toi , c'est un fils to^- *^ ^^ 
d'une beauté, qui émane de Bra^ % ^ 
que je voif briller à mes yeiM| %\, '^ 
auréole éminente , dont BiÇ ^ ^ 9 *Çi 
uïême. Je te choisis ^® J, f -^ Ir ? *U 



mon époux, Inoi, qui n^ f 5 ^ Ç \ ^ 
la chaîne du mariagrf ? f . V; 4. * *V 

» Veuille donc fr f 1 1 1^1 V * 
religieux inébraii|?l ^%\' w* ^ 
n'en demandai!'^ 1 ^ ^ 5 
sible à sa pr^|[ ^ 1 t 



™,comme|^^ 

fut un sr^ '^ ,udient à cette cé- 

rayoïH'/ .uma, Kouça lui-iD^^^ 

bitai^ langage au roi Kouçanâbb^* 

Kl 

h .<: naîtra bientôt un fils égal à toi , moi> 

. li sera nommé Gâdhi, etparluituobtieodr^^ 
une gloire éternelle dans les trou mondes. » 3. 

» Aussitôt que Kouça eut adressé , nobl^ 
Râma, ces paroles au roi Kouçanâbha, il disparo^ 
soudain, et rentra dans l'air, comme il en était 
sorti. 4. 

» Après quelque temps écoulé , ce fils du sage 
Kouçanâbha vint au monde : il fut appelé Gâdhi; 
il acquit une haute renommée , il signala sa force 



—217— 





Aie de la vérké. Ce Gâdhi, qui semblait 


^ V 


- personne , fut mon père ; il naquit 


% '^' 


' de Kouça ; et moi , vaillant Râ- 


.% 


né de Gâdhi. 5—6. 




ore une fille, ma sœur cadette, 


e de ce nom (1) , femme 
mariage à Ritchika. 7. 


V-.'^P.. 


' éminemment noble dn 


/'•'• \ "t "^^ 


^ut mérité, par son 


'•S ♦ 


son époux an séjour 


1 


,o fut changé ici en un 



u sœur est devenue ce beau fleuve 
^es pureft , qui descend dn Swai^a ùu du 
uradù sur le mont Himalaya poiir la purification 
des mondes. 9. 

» Depuis lors , content, heureux, fidèle à mon 
vieo, jliabîte, Râma, sur les flancs de THimalaya, 
par amour de ma sœur. Satyavatî , la noble fille 
de KoDÇa, est donc aujourd'hui le premier des 
fleuves , parce qu'elle a été pure , dévouée aux 
saints devoirs de la vérité et chastement unie à 
ison époux. lO^li. 

c'est de^Ià que, voulant accomplir un vœu , 
je suis venu à l'Hermitage-parfait , oô , grâces à 

(1) Satyavoi , au (éminiit , satyavatî , veut dire qui 
posiède ta vérité, 

15 



—218— 

ton héroïsme, vaillam fils de Raghou, moo sa- 
crifice a été parfait. 12. 

» Tu sais tout maintenant sur ma naissance ,« 
Forigine de ma fiimiUe et l'antique histoire de ces 
lieux, que tu m'as demandée, noble rejeton de 
Kakoutstha. Mais, tandis que je raconte*, la ouït 
est arrivée à la moitié de son cours; va donc 
cultiver le sommeil : que la félicité descende sur 
toi , et puisse notre voyage ne connaître aucun 
obstacle! 13 — ih. 

» Les arbres sont immobiles ; les quadrupèdes 
et les volatiles reposent : les ténèbres de la nuit 
envdoppent toutes les r^ons du ciel. 15. 

» Il semble qu'on ait fardé tout le firmament 
avec une poussière fine de santal; les étoiles d'or, 
les planètes et les constellations du zodiaque le 
tiennent, pour ainsi dire, embrassé. 16. 

» L'astre , que le monde aime à cause de ses 
rayons frais, l'astre des nuits se lève, comme pour 
verser dans ses clartés radieuses la joie sur la 
terre, haletante, il n'y a qu'un instant y sous la 
chaleur enflammée du jour. 17. 

» C'est l'heure où l'on voit circuler hardiment 
tous les êtres , qui rôd«nt au sein des nuits , les 
troupes des Yakshas, des Rakshasas et des autres 
Démons, qui se repaissent de chair. » 18. 

Après ces mots , le grand anachorète cessa de 
parler , et tous les solitaires , s'écriant à Tenvi : 



—219— 

« Bien I... c'est bien ! » saluent d'un applaudis- 
sement unanime le fils de Rouça. 19. 



Ici, dam le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le trente-sixième chapitre, intitulé: 
Esquisse sur la Famille de Viçtamitra. 



—220— 



XXXVIT. 



Ces grands saints dormirent le reste de la nuit 
au bord de la Çona, et, quand Tanbe eut com- 
mencé d'éclairer les ténèbres, Viçvâmitra adressant 
la parole au jeune Râma : «.Lève-toi , dit-il, fils 
de Kâauçalyâ, caria nuit s'est déjà bien éclaircie. 
Rends d'abord ton hommage à l'aube de ce jour 
et remets-toi ensuite d'un pas allègre en voyage. » 

1—2. 

A ces mots , Râma se lève ; il commence par 
vaquer aux devoirs pieux du matin ; puis , il se 
dispose à la marche , et dit ces paroles : 3. 

t Cette rivière aux ondes pures, la Çona, parée 
d'ifes verdoyantes , n'est sans doute pas guéable : 
par quelle voie, brahme saint, pourrons-nous la 
traverser? » tu 

A ce discours , Viçvâmitra de répondre alors, 
comme il suit , en homme , qui rendait la joie à 



—221— 

Râina, dont les yeux égalaient en beauté les 
pétales du lotus: 5. 

« Elle est guéable, héros aox longs bras ; nous 
la traverserons à notre aise. Tu vois ce gué, que 
je te montre ici 7 c'est le chemin, pap où nos 
grands saints ont coutume de passer. » 6. 

Après qu'ils eurent long-temps marché jdans 
cette route, le jour Tint complètement, et la reine 
des fleuTes , la Gangâ se montra aux yenx des 
éminents rishis. 7. 

A l'aspect de ses limpides eaux , peuplées de 
grues et de cygnes , tous les anachorètes et te 
gamxier usa de Raghon avec eux de sentir une 
vive allégresse. 8» 

Ensuite , ayant fait camper leurs familles smr 
les bords du fleuve, ils se liaigoent dans ses ondes, 
comme il est à propos ; ils rassasient d'offrandes 
les Dieux et les mânes des ancêtres, ils versent 
dans le feu des libations de beurre clarifié , ils 
mangent comme de l'ambroisie ce qui reste des 
oblations, et goûtent, d'une âme joyeuse, le plai- 
sir d'habiter la rive pure du fleuve saint 9*-10. 

Ils entourent de tous les côtés Yiçvâmitra le 
magnanime , et Râma lui dit alors : « Je désire 
que tu me partes, saint homme, sur la reine des 
bruyantes rivières ; dis-moi comment est venue 
ici-bas cette Gangâ , le plus noble des fleuves et 
la purification des trois mondes. » 11-*-12. 



—222— 

Engagé par ce disconrs, le sablime anachorète, 
remontant à l'origine des choses, se mit à loi 
raconter la naissance da flenye et sa marche: 
« L'Himalaya est le roi des montagnes; il est 
doué, Râma, de {Herreries en mines inépoisableSi 
Il naquit de son mariage deux filles , auxquelles 
rien n'était supérieur en beauté sur la terre. 13-14. 

» Elles avaient pour mère la fille du Mérou, 
Mena à la taille gracieuse, déesse charmante, 
épouse de l'Himalaya. 15. 

» La Gangâ , de qui tu y(hs les ondes , noUe 
enfant de Raghou, est la fille aînée de THimalaya ; 
la seconde fille du montsacré futappeléeOuml 16. 

» Ensuite les Immortels , ambitieux d'une si 
brillante union , sollicitèrent la main de la belle 
Gangâ , et le monl-des-neiges , suivant les règles 
de l'équité, voulut bien leur donner à tous en 
mariage cette déesse, Taînée de ses fiDes, la riche 
Gangâ , ce grand fleuve , qui marche à son gré 
dans ses voies pour la purification des trois 
mondes. 17 — 18. 

» Puis, les Dieux, dont cet hymen avait comblé 
tous les vœux, s'en vont de chez l'Himalaya, 
comme ils y étaient venus, ayant reçu de lui cette 
noble Gangâ , qui parcourt les trois mondes dans 
sa longue carrière. 19. 
' » €elle qui fut la seconde fille du roi des 
monts , Oumâ s*est amassé un trésor de mortifi- 



—223— 

cations : elle a , fils de Raghou » embrassé une 
austère pénitence pour accomplir un ?œu difficile. 
Çiva même a demandé sa main , et le mont sacré 
a marié avec le Dieu cette nymphe, à qui le monde 
rend un culte et que ses rudes macérations ont 
élevée jusqu'à la cime de la perfection. 20 — 21. 

» Telle , Râma , furent ces filles du roi des 
monts, Gangâ et Oumâ, le premier des fleuves et 
la première des déesses. 22. 

» C'est donc là, Râma, sur l'Himalaya, que la 
Gangâ commence à puriCer ces trois mondes par 
sa féconde énergie , elle qui met son plaisir dans^ 
le bonheur de tous les êtres. » 23. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana,, 

Finit le trente-septième chapitre ^ intitulé : 

Origine d& la Ganga. 



—224— 



XXXVIII. 



Quand cet anachorète, commodément aseûs, ent 
mis fin à son discours, Râma, joignant les mains, 
adressa an magnanime ViçTâmitra cette noorcUe 
demande: 1. 

« Il n*y a pas moins de mérite à écouter qu*à 
dire , saint brahme , l'histoire , que tu viens de 
conter : aussi désiré-je Tentendre avec une plus 
grande extension. 2. 

» Pourquoi donc Oumâ, bien qu'elle fût déesse, 
avait-elle enchaîné par un vœu sa 'première jeu- 
nesse? Et comment avait-elle obtenu pour époux 
le plus éminent de nos Dieux, le souverain méxe 
de tous les êlres? 3. 

» Pour quelle raison la nymphe Gangâ ronle- 
t-elle ainsi dans trois lits, et vient-elle se répandre 
au milieu des hommes , elle qui est le fleuve des 
Dieux ? U, 

» Quels devoirs a-t-elle, cette nymphe, si ver- 



—225— 

sée dans la science des vertus, à remplir dans les^ 
trois inondes ? » 

Alors Yiçvâmitra , rhomme aux grandes mor- 
tifications, répondant aux paroles du Kakoot- 
sthide, se mit à lui conter cette histoire avec 
étendue : 

« Jadis , leur hymen célébré , le Dieu au coa 
noir, indomptable ascète, et la déesse Oumâ firent 
de sa consommation une lutte opiniâtre (1). Cent 
années divines s'écoulôrem ainsi pour lui et pour 
elle. 5—6—7. 

» Après ce loi^ temps, Râma, la victoire n'é- 
tait encore ni de l'un ni de Tauitre côté. Ensuite, 
les Dieux et Tayeul suprême des créatures à leur 
tête en vinrent à cette pensée: S. 

Qui sera capable de supporter l'être, qui va 
sortir de cette union ? Qui soutiendra même ja- 
mais ce qui pourra venir de lui? » LesSouras aiu 
même insfaat vont trouver le Dieu au cou noir , 
se prosternent devant loi, et tiennent ce langage 

(1) Ici et dans le chapitre suivant, nous allons trouver 
beaucoup de choses, dont peut justement s^effaroucher VU 
roagination des modernes, plus gâtée peut-être que n'était 
celle des anciens: mais, pour bien connaître Tantiquité; 
il faut la voir telle qu'elle ne craignait pas de se montrer 
dans ces âges reculés, où la science sacerdotale éclairait 
avec le flambeau de ce priapisme symbolique les solutions 
les plus profondes et les abstractions les plus métaphy- 
siques. 

15* 



—226— 

au magDaoime, qui porte à son étendard rimage 
du taureau : « O toi, qui jouis du bonheur absolu. 
Dieu des Dieux , qui mets ton plaisir dans b fé- 
licité de tous les êtres I 9-^10. 

9 Daigne répandre ta faveur sur les Dieux 
prosternés à tes pieds. Jamais la terre ne pourra 
supporter un être né de toi. Oui ! seigneur, sou- 
tenir ce qui naîtra de ta semence est chose tont à 
fait impossible à ces mondes: veuille donc retenir 
en toi-même ton indicible énergie (1). 11 — 1). 

» Par compassion , et pour nous , et pour la 
terre, et pour les mondes, observe , mattre puis- 
sant , un strict vœu de continence avec cette 
déesse même. 13. 

» Oumâ et toi, retenez vos énergies : en eifet, 
Çankara , si ton essence venait à se mêler avec 
Tessence d'Oumâ, on verrait périr les trois monAas, 
avec les Dieux , les rishis, les hommes et les Nft- 
gas : veuille donc te contenir par amour des trois 
mondes. IZi — 15. 

» Dieu , il te sied de conserver les mondes , et 
non de les détruire. » 

Quand il eut entendu ce discours des Immortels, 
Çiva le Vénérable , mû d*une âme bienveillante, 



(1) Le mot propre du texte est beauconp moins chaste ; 
aussi le remplaçons-nous çà et là par celui-ci ou tel autre, 
dont la pudeur n'ait point à rougir. 



—227— 

répondit aux Dieux : « Je vais retenir avec Oumâ 
Tefflave de ma virilité. 16—17. 

» N*ayez donc plus d'inquiétude I » Ainsi parla 
ce Dieu , qui ajouta même les paroles suivantes : 
« Si l'océan troublé de lùa féconde énergie est jeté 
hors de son lit, qui donc en soutiendra les ondes? 
Dites-moi cela , ô vous , les plus éminoits des 
Souras ! » Les Immortels à ces mots répondirent 
au Dieu , qui arbore une image de taureau dans 
le champ de ses drapeaux : 18 — ^19. 

<r C'est la terre , qui portera cette mer agitée 
de ta semence. > Ils dirent et le plus excellent 
des êtres divins répandit ce cataclysme sur la 
surface de la terre» qui en Ait inondée avec ses 
montagnes et ses forêts. Ensuite, tous les Dieux 
adressèrent au feu ces nouvelles paroles : 20*r21« 

a Entre, suivi du vent» dans cette grande se-^ 
mence de Roudra I » 

9 Aussitôt que le feu eut pénétré dans ce germe » 
il en sortit le mont Çwéta et la divine forêt dé 
Çaravana , brillante comme le sdeil et comme la 
flamme, où naquit le fils du feu, Kârltikéya à la 
force indomptable. 22 — 23. 

a Bien I s'écrient alors tous les Dieux; bien!» 
Puis , inclinant le corps et baissant la tête , ils 
rendent un hommage digne à Çiva aussi bien 
qu'à la déesse. 2[\. 



—228— 

» Mais la fille du mont sacré jette sur les treize 
Dieux , Râma , un regard de ses yeux teints par 
la colère, et les maudit tous avec indignation : 25. 

(t Qu'il soit interdit à vos épouses de concevoir 
jamais un fils de vous , puisque vous n'avez pas 
voulu, Dieux immortels, que j'eusse un fils sem« 
blable à moi ! 9 26. 

» Elle parle ainsi à tous les Dieux , et maudit 
même la terre : « Et toi , s'écrie la déesse , tu 
seras pleine de landes (1) arides; tu ne boiras 
que troublée par ma colère la joie , qui accom- 
pagne la naissance d'un enfant; et sauvent même, 
déçue en tes vœux , tu n'obtiendras pas, ô terre, 
les enfants, que tu auras désirés. 27—28. 

» A peine Mahéçvtrara eut-il vu la terrible 
émotion de la déesse Oumâ, qu'il se mit à diriger 
ses pas vers cette plage du dd confiée à h garde 
sainte de Varouna. Arrivé là, ce Dieu , parfait 
observateur de ses vceux, choisit pour sa demeure 
une des crêtes issues de l'Himalaya, oà il se voua 
avec la déesse son épouse à la plus austère pé- 
nitence. 29—30. 

» Je t'ai &it connaître dans cette histoire 
Oumâj la fille du mont sacrée maintenant, Eâma, 



(12 Littéralement : iolum salsum haben$ locus , Glos- 
saire de Bopp. 



—229— 

écoute avec Lakshmana dans un récit complet 
quelle fut Féminente excellence de la Gangâ. 31. 



Ici, clans le premier tome du saint Râmâyana^ 

Finit le trente-huitième chapitre , intitulé : 

La Colère magnanime d'Ouma. 



—230- 



XXXIX. 



» Tandis que ce roi des Immortels» le Dieu, 
qui regarde avec trois yeux le passé , le présent 
et l'avenir, se livre à sa dure pénitence, les Dieux, 
qui désirent se ranger à la voix d'un nouveau gé- 
néral, vont trouver Tayeul suprême des créatures; 
et là , prosternés , creusant les paumes de leurs 
mains jointes , ces Dieux avec Indra , marchant 
tous à la suite du feu, parlent ainsi à FÊtre absorbé 
dans un bonheur absolu : 1 — 2. 

« Ce Dieu, que jadis ta béatitude nous a donné 
pour général , s*est imposé un vœu de continence 
et s*adonne avec Oumâ , son épouse, à Fexercice 
des mortifications. 3. 

» Primordial ancêtre de tous les mondes, fais 
immédiatement ce que la circonstance demande 



—231— 

ici; car, dans nos grandes oppressions, tn es tou- 
jours la pins sûre voie de salut pour nous. » U, 

» Â ces mots , Brahma , que tous les mondes 
adorent , tint ce langage aux treize Dieux avec 
une voix douce : 5. 

« Comme la malédiction d'Oumâ vous a na- 
guères frappés. Dieux, il est impossible d'éluder 
c«tte parole. 6. 

» Mais la Gangl , ce fleure , qui roule ses eaux 
dans les deux , cette noble fille du roi des mon^ 
tagnest est la sœur atnée d'OnmA: que le feu, 
doué d'une splendeur à nulle autre pareille, en-* 
gendre avec elle un fils par son héroïque semende ; 
le général , que vous désirez , ce sera cet enbot 
chéri de la fortune. » 7 — 8. 

» A ces mots, tous les Dieux se prosternent 
devant l'ayeul suprême des créatures et s'en re- 
tonnient , l'âme joyeuse , car leur désir est 
accompli. 9. 

• Ensuite , ils vont ensemble sur la dme du 
Kââsa , et portent cette réponse du grand Dieu à 
la connaissance du feu et de la Gangâ. Ils disent : 
« O feu, nnis^toi d'amour à la Gangâ, qUi marche 
dans les chemins du ciel , et produis avec elle un 
fils pour le bien des mondes. » 10*^11. 

« Qu'il en soit ainsi! » répondit le feu , ap* 
prouvant la parole de ces Dieux ; ensuite , noble 
fils de Raghou, il dit à la Gangâ : « Que ton sein 



—252- 

reçoive ma virile essence ! » — «Je suis incapabre* 
de porter , Oiea paissant , ta virile essence , • ré- 
pondit k Gangâ à ces mots du feu. 12—13. 

» Le divin consommateur des oblations reprit 
en ces termes : « Quand ta auras , belle Oangâ , 
reçu mon germe édatant ^ répand»-le sur cette 
montagne. » Ift. 

« Qu'il en soit donc ainsi I » répartit la Gangâ. 
Ensuite, die reçut le germe du feu ; nuàs à peine 
eut-il pénétré au sein de la nymphe , qu'elle en 
fut à rinstant même troublée » enivrée jusqu'au 
délire; et, n'étant pmnt capaUe» Râma, de porter, 
malgré toute sa force, cet embryon igné, elle 
répandit la semence du feu sur la cîme du 
Kêlâsa. 15—16. 

» Dès qu'elle eut versé dans la ravissante 
contrée de Çaravana ce germe avorté, rejeté 
aussitôt que reçu, mais revêtu d'une immense 
lumière , la nymjrfie s'en alla de ces lieux. 17. 

9 L'or exista sur la terre du moment qu'elle 
se fut imprégnée de ce germe enflammé ,. or /h 
quide , tombé du sein de la nymphe et brillant 
comme les pépites , que la Djâmboûna roule 
dans ses ondes. 18. 

« Des parties acres du germe est né le cuivre 
et même le fer à la couleur noire : des scories, 
sont venus le plomb et l'étain. 19. 

» À peine rejeté, le germe teignit de sa cou- 



—233— 

leur cette montagne et tontes ses branches , qui 
furent changées en or. G*est de-là qne , dans la 
suite des temps , à partir de ce jour, noUe fils de 
Raghoi], ces monts furent nommés Djâtaroûpa (1), 
et voilà comment For apparat ici-bas, cet cr pur, 
né de la semence du feu. 20 — 21. 

» Un Jeune et bel enfant, Koumftra (2), d'une 
splendeur égale aux clartés du soleil , naquit là 
de ce germe du feu , tombé hors du sein de la 
Gangi 22. 

» Ensuite» à l'aspect de cet enfant nouveau-né, 
Indra et l'essaim des vents dowient cet ordre aux 
Pléiades : « Nonrriasez^le de ? otre lait » Les sœurs 
constelléesjoulnrent bien, fils de Raghou, prêter 
le sein au nourrisson divin , mais à cette con- 
dition r « Qne cet enfant, dirent^elies, soit appelé 
notre filsl » 23—24. 

» A ces mots, les Dienx, seigneur, de répondre 
aux Krittik&s ou Pléiades: « N'en doutez pas; 
cet enfant sera nommé dans le monde Kârt- 
tikéya (3). 25. 

» Les Pléiades, à ces paroles des Immortels, se 
mirent donc à recueillir dans le germe ruisselant 



(1) Un des noms de Tor ; il veut dire ce qtU a une 
beauté native. 

(3) Surnom de KArttikéya , le dieu même de la guerre» 

f 3) Nom patronymique , foimé de Krittikd, 



cet auguste enfaBt , revêtu d'une lumière égale 
à celle du soleil 26. 

» Mais ensuite » Kakoutsthide , les Dieuarr 
voyant qu'il était doué d'une vigueur sans pareille, 
d'un grand éclat et semblable même à la flamme, 
appelèrent ce Kftrttikéyad'un autre nom Scanda (1 ). 
— Dans son âge d'enfance, il buvait avec six 
bouches ce lait vigowrewc^ que distiVaient à ses 
lèvres les mamelles des Pléiades, se» nourrices. 

27—28. 

» n suffit au nouveau-né d'en avoir bu pendant 
un jour seulement pour atteindre à l'adolescence 
et terrasser par sa force immense des bandes 
nombreuses de guerriers Dattyas. 29. 

» Après quoi, ce héros, enveloppé d'une h* 
mière inextinguible , fut sacré comme le général 
en chef de l'armée céleste par les bataillons des 
Immortels, rangés sons les ordres du Feu. 30. 

> Id , Râma , j'ai fini de te raconter l'origine 
ûx>ec les histoires de la Gangà et d'Oumâ , ainsi 
que la sainte narration sur la naissance du divin 
Koumâra. » 31. 

Ici , dans le premier tome du saint Râmdyana^ 

Finit le trente-neuvième chapitre, nommé: 

La Naissance de Roumara. 

(4; Du verbe skanb, êubnlire, subêUitndo trc ; xaSr 



—235— 



XL. 



Après qae Vanachùrète , issu de Konça , eat 
raconté cette histoire délicieuse à Râma , il com- 
mença aussitôt cette nouTelle narration ; 1. 

« Jadis un roi, nommé Sagara , juste comme 
la justice elle-même , était le fortuné monarque 
d'Ayaudbyâ : il n'avait pas et désirait avoir des 
enfants. 2. 

• De tes deux épouses , la première était la 
fille do roi des Yidarbhas , princesse aux becmûe 
cheveux^ justement appelée Kéçini et qui , très-* 
vmueuse , n'avait jamais souillé sa bouche d'un 
mensonge. 3. 

dont ridée rappelle cette déoomlDation poétique de Gra^ 
ivus , consacrée au dieu Mars. 



—236— 

» La seconde épouse de Sagara était la fille 
d*Àristhtaiiémi , femme d*one Tertosapéneare et 
d'une beauté sans pareille sur la terre. &• 

» Excité par le désir impatient d'obtenir un fib, 
ce roi, habile archer, s'astreignit à la pénitence 
avec ses deux femmes sur la montagne, où jaillit 
la source du fleuve, qui tire son nom de Bhrigon. 
Enfin , quand il eut ainsi parcouru mille années, 
le plus éminent des hommes Yéridiques, l'anacho- 
rète Bhrigou, qu'il s'était concilié par la vigueur 
de ses mortifications, accorda, noble Kakoutsthide, 
cette grâce au monarque pénitent: 5 — 6. 

« Tu obtiendras, saint roi, de bien nombreux 
enfants, et l'on verra naître de toi une postérité, 
à la gloire de laquelle rien dans le monde ne sera 
comparable. 7. 

» L'une de tes femmes accouchera d'un fils 
pour Taccroissement infini de ta race; l'autre 
épouse donnera le jour à soixante mille enfants. » 8. 

» Quand il eut ainsi parlé , ces deux femtnes 
de Sagara, joignant les mains, dirent au solitaire, 
qui s'était amassé un trésor de pénitence, de 
justice et de vérité: 9. 

« Qui de nous sera mère d'un seul fils, saint 
brahme, et qui sera mère de si nombreux enfants? 
\oilà ce que nous désirons apprendre : que cette 
faveur accordée soit pour nous une vérité com- 
plète !» 10. 



—237— 

» A ces mots, Texoellent aoachorète de ré- 
pondre aux deux femmes cette parole bienveil- 
lante : « J'abandonne cela à votre choix, il. 

» Demandez-moi ceqae vonssoubaîiez: chacune 
de vous obtiendra l'objet de son désir: celle-ci un 
senl fils avec nne langue descendance « celle-là 
beaucoup de fils, qui œ laisseront aucune pos- 
térité. » 12. 

» D'après ces paroles du solitaire, la belle Ké- 
^nt demanda et reçut le fils unique , Râma , qui 
devait propager sa race. La sœur de Garouda , 
Soumat!, la seconde épouse^ obtint le don, qu'elle 
avait préféré, vaillant fils de Rsghou, les illustres 
eofimts au nombre de soixante mille. Ensuite, le 
roi salua Bbrigou « le plus vertueux des hommes 
vertueux» en décrivant un pradakshina autour du 
saint anachorète , et s'en retourna dans sa ville, 
accompagné de ses deux femmes. 13 — l&*^i5. 

» Quand il se fut écoulé un assez long temps, 
la première des épouses mit au monde un fils de 
Sagara : il fut nommé Asamandjas. Mais l'eufant, 
à qui Soumatt donna le jour, noble Raghouide, 
était une verte calebasse : elle se brisa, et Ton en 
vit sortir les soixante mille fils. 16 — 17. 

9 Les nourrices firent pousser la petite famille 
en des urnes pleines de beurre clarifié , et tous , 
après un lap^ suffisant d'années, Ils atteignirent 
dans cette couche au temps de l'adolescence. Les 



—258— 

(soixante mille fils da roi Sagara forent toaségaax 
«n âge, semblables en vigoeur et pareils en courage. 

18—19. 

» L'aîné de ces frères , Àsamandjas fut banni 
par son père de la ville, où ce béros exterminateur 
des ennemis s'appliquait à nuire aux citadins. 20. 

n Mais Àsamandjas eut un Ois , nommé An- 
çoumat , prince estimé par tout le monde et qui 
avait pour tont le monde une parole gracieuse. 21 . 

A , Ensuite et long-temps après , noble fils de 
Raghoo, cette pensée naquit en l'esprit de Sagara : 
« Il faut, se dit-il, que je câèbre le sacrifice d'un 
açwa-médha. » 22. 

» Quand il eut bien arrêté cette résolution en 
lui-même et rassemblé toutes les richesses, qu'exi- 
geait une si grande sdennîté, le roi en commença 
les cérémonies, aidé par la foule de ses prêtres et 
de ses directeurs spirituels. » 23. 



Ici, dans le premier volume du saint Bdmâyana, 

Finit le quarantième chapitre , intitulé : 

Naissance des fils de Sagara. 



—239- 



XLI. 



Quand Yiçvâmitra fat parvenu à la fin de son 
récit, le descendant illustre de Raghou , plein de 
la joie sans égale , que lui avaient inspirée ses 
paroles, dit à l'hermite, resplendissant comme un 
feo^ allumé : 1. 

ft Je désire oonnaitre, homme vénérable, cette 
histoire avec détail et savoir comment Sagara, 
mon ancêtre, accomplit ce grand sacrifice. » 2. 

A ces mots , Yiçvâmitra souriant de répondre 
au jenne Râma : « Écoute donc en ce nouveau 
récit la suite de son histoire. 3. 

» Dans cette contrée où le mont Vindbya et le 
fortuné beau-père de Çiva, l'Himalaya, ce roi des 
montagnes, se contemplent mutuellement et sem- 
blent se défier; dans cette contrée, dis-je, Sagara 
le magnanime célébra son pieux sacrifice; car 
c'est un pays grand, saint , renommé , habité par 
un noble peuple. 4—5. 



—240— 

» Là , d*après son ordre , vint avec lui sou 
petit-fils , le héros Ançoamat, habile à maoier on 
arc pesant, habile à conduire un vaste char (1). 6. 

» Tandis que V attention du roi éi^ii absorbée 
dans la célébration du sacrifice , voici que tout à 
coup un serpent sous la forme d'Ananta (2) se 
leva du fond de la terre , et déroba le cheval des- 
tiné au couteau du sacrificateur. 7. 

» Alors , fils de Raghou , voyant cette victime 
enlevée, tous les prêtres officiants viennent trou- 
ver le royal maître du sacrifice , et lui adressent 
les paroles suivantes : 8. 

« Qui que ce soit qui, sous la forme d'un ser- 
pent, ait dérobé le coursier destiné au sacrifice, 
roi , il faut que tu donnes la mort à ce ravisseur 
et que tu nous ramènes le cheval; car son absence 
est dans la cérémonie une grande faute pour la 
ruine de nous tous. Accomplis donc ce devoir, 
afin que ton sacrifice n*ait aucun déiaut. » 9—10. 

» 'Quand le prince eut écouté dans cette grande 



(1) C'est le sens adopté par la traduction italienne, 
que voici : « Per ordine di Sagaro era venuto insienu eon 
lui iifort9 Ansumaiê; ma» nous aurioDs préSèré œlaî^i: 
«le héros Ançoamat suiTit Sag^ara, son ayeul, en qualité 
ou à titre d'écayer. • 

(3) L'éternel ou plutôt sans- fin, en traduisant le mot: 
c^est le nom du roi des Nâgas mytholog^iques ou serpents 
à tête humaine ; il sert de siège à Vishnou. 



assemblée ces pressantes paroles de ses directears 
spirituels • il fit appeler devant loi ses soixante 
mille fils, et leur tint ce langage: 11. 

<t Je vois que ni les Rakshasas , ni les Nâgas 
eox-*m$mes n*ont pu se glisser dans cette auguste 
cérémonie; car ce sont les grands rishis, qui 
veillent isur mon sacrifice. 12. 

» Quî que œ soit de» êtres divins qui , sons la 
forme d'un serpent » s'est emparé do cheval , 
vous, mes fils , voyant avec une juste cAhre (1) 
ce défaut Jeté dans les cérémonies iotroductives de 
mon sacrifice , aUez » soit qu'il se cache dans les 
enfers» soit qu'il se tienne atf fond des eaux« a&ex« 
dts-jes le tuer , ramenez-md le cheval , et puisse 
le bonheur vous accompagner I IS — 1&. 

N Fouillant jusque dans les humides guirlandes 
de la mer et creusant le globe entier avec de longs 
efforts, cherchez tant que vous ne verrez point le 
cheval s'offiîr enfin à vos yeux. 15. 

» Que chacun de vous brise un yaudjana de la 
terre \ allez tous en vous suivant ainsi les uns les 
autres, selon cet ordre , que je vous impose , de 
ch^cher aïoec soin le ravlssettir de notre cheval. 

(1 ) La U^uction italienne dit : c Qnalunqtte sia il Nume 
che, veduto il mio litare e non sofferendo ch*ei si compiesse 
senza obstacolo, sia qui vemito îd sembiama di serpente 
ed ahbiarapitoilcaTallo, voi, o figli^.». » Ce n^est point 
là exactement le sens; comparez sur le texte ces deux 
traductions. 

16 



— 242— 

— Quant à moi, lié par les cérémoDies préli- 
minaires de mon sacrifice , je me tiendrai ici , 
accompagné de 010a petit-fils et des prêtres offi- 
ciants, jusqu'au temps où le boohenr veuille que 
vous ayez bientôt découvert le cooraîa*. Oui 1 je 
veux rester ici , endiaîné par mon sacrifice ina- 
chevé, tant que vous ne m'aurez pas, mes fils, 
recouvré le cheval consacré. » 16 — 17 — 18. 

» Dès que Sagara eut ainsi parlé, ses fils, Râma, 
exécutèrent, d'une âme joyeuse, l'ordre paternel 
et se mirent aussitôt à déchirer la terre. 19* 

» Ces hommes héroïques fendent le sein du 
globe , chacun l'espace d'un yaudjana, avec une 
vigueur et des bras égaux à la force du tonnerre. 
— Ainsi brisée à coups de bêches, de massues, de 
lances, de boyaux et de pics, la terre pousse comme 
deys cris de douleur. — Il en sortait un bruit im- 
mense de Nâgas, de serpents aux grandes forces, 
de Rakshasas et d'Asouras ou tués ou blessés. 

20—21—22. 

» En effet, d'une vigueur augmentée par la 
colère, tous ces hommes eurent bientôt déchiré 
soixante mille yaudjanas Mrrés du globe jus-^ 
qu'aux voûtes des régions infernales. 23. 

9 Ainsi , creusant de tous côtés la terre , ces 
fils du roi avaient parcouru le Djamboudwîpa , 
c*est'àrdire Clnde^ hérissé de montagnes. 2/i. 

» Ensuite, les Dieux avec les Gandharvas, avec 



—245— 

)e peuple même des grands serpents, courent, Tâme 
troublée, vers Tayeul suprême des créatures, et, 
s'étant prosternés devant lui, tous les Souras, 
agités d'une profonde épouvante , adressent au 
magnanime Brahma les paroles suivantes: 25-26. 

« Heureuse Divinité, toute la terre est creusée 
en tous lieux par les fils de Sagara, et ces vastes 
fouilles causent une destruction immense des 
créatures vwantes. 27. 

« Voici, disenHls, ce Démon, perturbateur de 
nos sacrifices, le ravisseur du cheval I » et, parlant 
ainsi , les fils de Sagara détruisent l'une après 
l'autre toutes les créatures. 28. 

» Informé de ces troubles. Dieu à la force 
puissante, daigne concevoir un moyen dans ta 
pensée, afin que ces héros, qui cherchent le cheval, 
dévoué au sacrifice, n'ôtent plus à tous les ani- 
maux une vie , qu'ils ont reçue de toi. » 29. 



Ici, dam le premier tome du saint Râmâyana , 

Finit le quarante-et-unième chapitre , nommé : 

Le Déchirement de la terre. 



—244— 



XLII. 



» A ces mots , le suprême ayeul des créatures 
répondit en ces termes à tons les Dieux , trem- 
blants d'épouvante : 1. 

« Le ravisseur du cheval est ce Vasoudéva- 
Kapila , qui soutient seul tout Tunivers et de 
qui l'origine échappe à toute connaissance. 2» 

» S'il a dérobé la victime, c'est parce qu'îl en 
avait jadis vu dans V avenir ces conséquences: 
le déchirement de la terre et la perte des Saga- 
rides à la force immense: voilà quel est mon 
sentiment » 3. 

» Après qu'ils eurent entendu parler ainsi l'an- 
tique père des créatures , les Dieui » les Risbis» 
les mânes des ancêtres et les Gandbarvas s'en 
retournèrent, comme ils étaient venus, dans leurs 
palais du triple ciel. h. 



s —245— 

» Ensuite, brayante comme le tonnerre de la 
foudre (1) , 8*éleTa la voix des vigoureux fils de 
Sagara , occupés à fouir la terre. 5. 

» Ayant fouillé entièrement ce globe et décrit 
un pradakshina autour de lui , tojis les Sagarides 
s'en vinrent à leur père et lui dirent ces pardes : 6. 

« Nous avons parcouru toute la terre et fait un 
vaste carnage d'animaux aquatiques , de grands 
serpents, de Daîtyas, de Oânavas, de Rakshasas; 
et cependant nulle part , ô roi , le perturbateur 
de ton sacrifice ne s*est ofiert à nos yeux. Que 
veux- tu , père chéri, que nous fassions encore? 
réfléchis là^dessus, et donne-nous tes ordres. » 7-8. 

» Alors Sagara se mit à songer , et fit cette ré- 
ponse à ce discours de tous ses fils: 9. 

« Cherchez de nouveau mon cheval, creusez 
mêm» ces régions infernales ; et , quand vous 
aqrez saisi le ravisseur de mon coursier, revenez 
enfin, couronnés du succès.» 10. 

» A ces mots de leur auguste père, les soixante 
mille fils de Sagara courent de tous les côtés aux 
régions infernales. 11. 

(1) Vadjrdçanisamaawanas, «... Le tonnerre fett le 
brait : foudre exprime la matière, ses propriétés, ses effets. 
Le tonnerre est une explosion terrible, qui se fait dans les 
airs; il tonne, quand la foudre éclate ... . {Roubaudf 
t 2, p. &33 du Nouveau Dictionnaire des synonymes, par 
M. F. Guizot. ) 

16* 



—246— 

» ËiiBiiite , creusant de nouveau , ils virem 
seoibbble à un grand mont , un des quatre élé- 
phants des' quatre points cardinaux, Yiroûpâksba, 
qai porte sur h tête, prince iUnstre, ceg^beavec 
ses forêts, ses eanx, ses montagnes, les nombreux 
villages, dont il est rempli , les nombreuses cités, 
dont il est décoré. 12«*^3« 

» Quand , aux époques des équinoxes ou des 
solstices , le monstrueux élépàant remno sa tête 
de fatigue; alors cette terre vacille, Râma, avec 
ses bols et ses montagnes. i&. 

» Les princes infatigables, qui penseot voir 
en lui un dessontiens de la terre (i), saluent d'un 
pradaksfaina cet éléphant des points cardinaux^ et 
se mettent à creuser la pk^e méridionale. 15. 

n De même ^ au côté du midi , ils virent un 
autre éléphant4M)lossal, le magnanime 5fah^>admat 
qui se tenait là pareil au mont appelé Mandara. 16. 

» Â la vue de cet énorme corps , les fils de 
Sagara se laissent aller tous à la plus haute admi- 
ration ; puis, vaillant dompteur de tes ennemis, 6 
Râma, ils décrivent un pradakshina autour de ce 
roi des éléphants, et commencent à déchirer Tes- 
pace occidental. Également, au côté du couchant, 
ils virent J^élépbant , qui soutient ce quartier du 
monde, le robuste Sâaumanas, ans» haut que les 

(1) Littéralement : Plagarum custodem* 



—247— 

sommets du Kêiaça ; ils saluent ce colosse d*uo 
pradakshina et lui demandent comment il se pone. 

17_1B— 19. 

» Delà , sans cesse creusant, les héros pionniers 
arrivent au quartier de l'Himalaya et voient en- 
core au septentrion un éléphant énorme , Hima- 
pândoura, qni porte la terre, où nous vivons, sur 
un corps infatigable. Ils touchent avec respect 
ranimai géant et lui rendent , comme aux trois 
autres, Thonneur d'un pradakshina. 20 — 21. 

» Puis là , d'un effort unanime , ib déchirent 
de nouveau le sein de h terre. Ensuite, arrivés 
au nord-est , les fils de Sagara fouiHent cette ré- 
gion avec une ardeur tombée sous la puissance de 
la colère. Mais , tandis qu'ils travaillent de tous 
les côtés à creuser la terre , voici qu'ils apper- 
çoivent devant eux l'auguste Nârâyana et le 
cheval , qui se promène en liberté auprès de ce 
Dieu, nommé aussi Kapila. 22*— 23 — 24. 

» A peine ont-ils cru voir en Yishnou le ra- 
visseur du cheval , que, tout furieux , ils courent 
sur lui avec des yeux enflammés de colère, et lur 
crient : « Arrête ! arrête là ! » 25. 

» Alors ce magnanime, infini dans sa grandeur^ 
envoie sur eux un soufOe de sa boucha (1) , qui 



(1) Ici , l*on ne saurait mieux faire sans doute que 
traduire reiccllcntc note de M. Gorrcsio : «11 me semble» 



—2^8— 

rassemble tous les fils de Sagara et fait d'eux 
un monceau de cendres. 26. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 
Finit le quarante-deuxième chapitre , nommé : 

L'ÂPPÂBITION DE KAPILA. 



dit-il , que cette histoire mythique fait allusion aux phé- 
nomènes volcaniques de la nature. Kapila pourrait bien 
être ici cette puissance ignée occulte , qui se déchaîne 
tout à coup et s'échappe en éruptions volcaniques. Notex 
que Kapila est aussi un des noms d'Agni, le dieu du feu.i 



—2^9— 



xLni. 



» ÉtaDt f enu à penser , nobie ramean de i*an- 
tique ftaghou, qae ses fils étaient d^ partis de- 
puis long-temps , Sagara tint ce langage à son 
petit-fils, qu'enflammait un héroïsme naturel : 1. 

« Va-t-en à la recherche de tes oncles et du 
méchant, qui a dérobé mon coursier ; mais songe 
que dans les cavités de la terre habite un grand 
nombre d'êtres. 2. 

» Ne marche donc pas sans être muni de ton 
arc et préparé contre leurs attaques. Quand tu 
auras , bien-aîmé fils , trouvé tes oncles et tué 
l'être, qui met des entraves è moÉ vceu , reviens 
alors , couronné du succès , et conduis-moi à 
l'accomplissement de mon sacrifice : tu es un 
héros , tu possèdes maintenant la science , et ta 
bravoure est égale à celle de tes ayeux. » 3-4. 

» Â ces paroles du magnanime Sagara , An- 



—250— 

çoumat prit son arc avec son épée, Rama , et se 
mit en route d'un pas accéléré. 5. 

» Sans délai , suivant le même chemin , qu'ils 
avaient déjà parcouru, l'adolescent marcha d'une 
grande vitesse à la recherche de ses oncles. 6. 

» 11 contempla ce vaste carnage d'Yakshas et 
de Rakshasas , que les nobles fossoyeurs avaient 
exercé, el vit enfin debout devant lui ce pilier 
vivant de la plage orientale, l'éléphant Yiroû- 
pâksha. — Ançoumat lui rendit l'honneur d'un 
pradakshina , lui demanda comment il se portait, 
et s'informa ensuite de ses oncles , pois de Vêtre 
inconnu, qui avait dérobé le cheval. 7 — 8. 

» A ces questions d'Ânçoumat, l'éléphant, 
soutien de ce quartier, répondit au jeune homme, 
debout près de lui : « Ton voyage sera heureux.» 
— Ces paroles entendues , le neveu de soixante 
mille oncles reprit son chemin et continua à s'en- 
. quérir successivement avec le respect convenable 
auprès des trois autres éléphants de l'espace. 9-10. 

» Cette réponse même fut rendue au jeune et 
bouillant héros Ançoumat : « Tu retourneras chez 
toi , honoré et maître do cheval. » 11. 

» Quand il eut recueilli ces bonnes paroles des 
éléphants , il s'avança d'un pied léger vers l'en- 
droit où les Sagarides , ses oncles , n'étaient plus 
qu'un monceau de cendres. £t, devant le funèbre 
spectacle de ce tumnlaire amas, le fils d'Asaman- 



—251— 

djas , accablé soas le poids de sa doulear , se ré- 
pandit en cris plaintifs. 12 — 13. 

» Il vit aussi errer non loin de là ce coursier, 
qu*nn serpent avait enlevé , un jour de pleine 
lune, dans le bois de la Vélâ. \U. 

» Ce héros à la splendeur éclatante désirait cé- 
lébrer , en l'honneur de ces fils du roi , la céré- 
monie d'en arroser les cendres avec les ondes 
lustrales : il avait donc besoin d'eau , mais nulle 
part il ne vpyait une source. 45. 

» Tandis qu'il promène autour de lui ses re- 
gards , voici qu'il aperçoit en ce lieu , vaUlant 
Râma, l'oncle maternel de ses oncles , Garouda, 
le monarque des oiseaux. 16. 

» Et ce rejeton de Vinatâ aux forces puissantes 
lui tint ce langage: «Ne t'afflige pas, ôle plus 
éminent des hommes ; cette mort sera glorifiée 
dans les mondes. 17. 

» C'est Kapila même, l'infini, qui a consumé 
ces guerriers invincibles : voici , héros , la seule 
manière, dont tu puisses verser de l'eau sur eux. 
La fille aînée de l'Himalaya , la purificatrice des 
mondes , la Gangâ , cette reine des fleuves , doit 
laver de ses ondes , tes infortunés parents , dont 
Kapila fit un monceau de cendres. 18-19. 

» Aussitôt que la Gangâ , chérie des mondes, 
aura baigné cet amas de leurs cendres, tesoneles, 
mon bien-aimé, s'en iront au ciel! 20. 
» Amène, s'il l'est possible, du séjour des Jm- 



—252— 

mortels, la Gangâ sur la face de la terre ; pboctire 
ici-bas , et puisse le bonhear sourire h ton inyble 
dessein! procure ici-bas la descente du fleuve 
sacré. 21. 

« Prends ce coursier et retourne èhez les 
tiens , comme tu es tenu : il- est digne de toi , 
vaillant héros , de mener à bonne fin le sacrifice 
de ton ayenL » 21 

9 Docile aux pardes de Garouda, le vigoureox 
autant quUllustre Ançonmat s'empara do cheTal 
et revint d'un pied bâté au lieu oà cette vktime 
devait être immolée. 29* 

9 Arrhé devant le toi au moment où oetoi^J 
venait enfin d'achever les cérémonies initiales de 
son açwa-médba, il répéta à son ayenl , noMe fils 
de Ragjhou, les paroles de l'oiseau Garouda; et le 
monarque, ému au récit affi-eux d'Ançoumat, 
termina le sacrifice avec une âme pleine de tris- 
tes8e« — Quand il eut achevé complètement sa 
grande cérémonici ce maître sage d'un vaste em- 
pire s'en retourna dans sa capitale, mais il n'arriva 
point à trouver un moyen pour amener la Gangâ 
sur la terre; et, ce dessein échoné, il paya son 
tribut à la mort, après qu'il eut gouverné ce monde 
l'espace de trente mille années. ( Du 1U* au 2V çL ) 

Ici, dans le premier tome du saint Rdmâyana, 

Finit le quarante-troisième chapitre, nommé: 
Lb Sacrifice de Sagara conduit a sa fin. 



—253— 



XLIV. 



y» Dès que le noble Sagara fut monté au ciel, 
digne rejeton de Raghou , ô Râma , le vertueux 
Ânçoumat fut élu comme roi par la volonté des 
sujets. Ce nouveau souverain fut un monarque 
bien grand , et de lui naquit un fils , nommé 
DOîpa. 1—2. 

» Ançoumat , prince d'une haute renommée , 
remit l'empire aux mains de ce Dilîpa, et se retira 
sur une cime de l'Himalaya , où il embrassa la 
carrière de la pénitence. 3. 

1» Ce meilleur des rois, Ançoumat, que la vertu 
ceignit d'un éclat immortel , voulait obtenir à 
force de macérations, que la Gangâ descendît 
purifiante ici-bas ; mais, n'ayant pu voir son désir 
accompli , malgré trente-deux mille années de la 

17 



—254— • 

plus rigoureuse pénilcnce , le magnanime saint à 
la splendeur infinie passa de la terre au ciel 4-5. 

» Dilîpa même , élouissant de mérites, célébra 
de nombreux sacrifices et régna vingt mille ans 
sur la terre ; mais , conduit par la maladie sous la 
main de la mort , il n'arriva point , ô le plus 
éminent des hommes, à dénouer le nœud pour la 
descente du Gange ici-bas. 6 — 7. 

» S'en allant donc au monde du radieux Indra, 
qu'il avait gagné par ses œuvres saintes , cet 
excellent roi abandonna sa couronne à son fils 
Bhagîratha, qui fut, rameau bien-aimé de Raghon, 
un monarque plein de vertu ; mais il n'avait pas 
d'enfant, et le désir d'un fils semblable à son 
père était sans cesse avec lui 8—9. 

» Ascète énergique , il se macéra sur le mont 
Gaukarna dans une rigide pénitence : se tenant 
les bras toujours levés en l'air , se dévouant l'été 
aux ardeurs suffocantes de cinq feux , couchant 
l'hfver dans l'eau, sans abri dans la saison humide 
contre le6 nuées pluvieuses, n'ayant que des feuilles 
arrachées pour seule nourriture, il tenait en 
bride son âme, il serrait le frein à sa concupiscence. 

10— H. 

» A la fin de mille années , charufié de ses 

cruelles mortifications, l'auguste et fortuné maître 

des créatures, Brahma vint à son hermitage; et 

à , monté sur le plus beau des chars , environné 



—255— 

même par les différentes classes de3 Jmoiortels, 
adressant b parois au solitaire dans l'exercice de 
sa péatteoe^: » Bienheureux Bbagîratha, lui dit-il, 
je SUIS content de toi ; reçois donc maintenani de 
mot la grâce , que tu souhaites , saint monarque 
de la terre. » 12—13—14. 

» Ensuite, à cet aspect de Brabma, venu chez 
lui en personne , Téblouissant anachorète , creu- 
sant les deux paumes de ses mains jointes, répondit 
en ces termes: 15. 

« Si Bhagavat est content de moi, s'il est 
quelque valeur à ma pénitence , que les fils de 
Sagara obtiennent par moi en récompense la cé- 
rémonie des eaux lustrales; que cette cendre 
vaine de leurs corps une fois lavée par la Gangâ , 
tous nos ayeux purifiés entrent sans tache dans le 
séjour du ciel ; que cette race illustre ne vienne 
jamais à s'éteindre en aucune manière dans la 
famille d'ikshwâkou ! Je n*ai rien à demander , 
qui me soit plus cher. » 16 — 17 — 18. 

» Â ces paroles du royal solitaire , Tayeul ori- 
ginel de tous les êtres lui répondit en ce gracieux 
langage , orné de syllabes douces : 19. 

« Bienheureux Bhagiratha , ô^tingné jadis par 
ton adresse h conduire un char , maintenant par 
la richesse de tes mortifications , que la famille 
dlkshwâkou impérissable , comme tu veux , ne 
soit jamais retranchée des vivants. 20. 



— Ï56— 

» Tombée des cieux, la Gangâ , qui est le phis 
grand des fleuves , briserait entièrement la terre 
dans sa chute par la masse énorme de ses flots. Il 
faut donc, ô coi, supplier d'abord le dieu Ci va de 
porter lui-même cette cataracte ; car il est certain 
que la terre ne pourra jamais soutenir le saut du 
Gange. 21—22. 

> Je ne vois pas dans )e monde une antre 
puissance que Çiva capable de supporter l'impé- 
tuosité écrasante du fleuve tombant: implore donc 
cette grande divinité. » 23. 

» Il dit , et , quand il eut de nouveau engagé 
ce roi à conduire le Gange sur la terre , l'ayeul 
primordial des créatures, Bhagavat s'en alla dans 
le triple ciel. 2ft. 



Ici, dans le premiei- tome du saint Râmâyana, 

Finit le quarante-quatrième chapitre, intitulé: 

Don céleste accordé a Bhagiratha. 



-257— 



XLV. 



» Après le départ de cet ayeul originel de tous 
les êtres , le royal anachorète jeûna encore une 
année, se tenant sur un pied, le bout seul d'un 
orteil appuyé sur le sol de la terre, ses bras levés 
en l'air, sans aucun appui , n'ayant pour aliment 
que les souffles du vent , sans abri , immobile , 
comme un tronc d'arbre , debout , privé de som- 
meil et le jour et la nuit. 1 — 2. 

» Ensuite, quaml l'année eut accompli sa 
révolution , le Dieu , que tous les Dieux adorent 
et qui donne la nourriture à tous les animaux (1) , 
l'époux d'Oumâ parla ainsi à Bhag!ratha : 3. 

« Je suis content de toi , ô le plus vertueux 
des hommes ; je ferai la grande chose , que tu 

(1) Littéralemcnl : Animalium dominus. 



—258— 

désires : je soutiendrai , tombant des deux , le 
fleuve au triple chemin. » U, 

» A ces mots, étant monté sur la cime de l'Hi- 
malaya, Mahéçwara, adressant la parole au fleuve, 
qui roule dans les airs, dit à la Gangâ: 

« Descends! » 5. 

» Il ouvrit de tous les côtés la vaste gerbe de 
son djâta , formant un bassin large de plusieurs 
yaudjanas et semblable à la caverne d'une mon- 
tagne. Alors, tombée des deux, Râma, la Gangâ, 
ce fleuve divin, prédpita ses flots avec une grande 
impétuosité sur la tête de Çiva , infini dans sa 
splendeur. 6 — 7. 

• Là» trouUée, immense, rapide, la Gangâ 
erra sur la tête du grand Dieu le temps , qu'il 
fout à Taimée pour décrire sa révolution* Ensuite, 
pour obtenir la délivrance du Gange , Bha^tha 
de nouveau travailla à mériter ta faveur de 
MahadéVa (1) , ïinunartel époux d'Oumâ. 8-9. 

» Alors, cédant à sa prière,* Çiva mit «n liberté 
les eaux de la Gangâ ; il baissa une seule natte 
de ses chevaux, ouvrant ainsi de lai-même un 
canal, par où s'échappa le fleuve aux trois lits« ce 



(1) MagnuB Deus, le grand Dieu, comme plus haut, à 
la qualrième ligue de cette page, Mahéçvoara , autre nom 
de Çiva , signifie magnus dominus , le grand maître et 
seigneur. 



—259— 

fleuve pur et fortutid des ^ands Dieux, le ptinfi- 
cateur dn monde , le Gange enfin, vaillant Râma. 

10—11. 

B Â ce spectacle as^staient les Dieux, les Rishis, 
les Gandharvas et les différents groupes des Sid- 
dlias , tous montés , les uns sur des chars de 
formes diverses, les autres sur les phis beaux des 
chevaux, sur les plus magnifiques éléphants , et 
les Déesses venues aussi là en nageant , et Tayeui 
originel des créatures, Brahma lui-même, qui 
s'amusait à suivre le cours du fleuve. Tontes ces 
classes des Immortels à la vigueur infinie s'étaient 
réunies là , curieuses de voir la plus grande des 
merveilles, Râma, la chute prodigieuse de la 
Gangâ dans le monde inférieur. 12 — 13 — iU. 

» Or, la splendeur naturelle à ces troupes des 
Imn[K)rteis rassembles et les magnifiques orne- 
ments , dont ils étaient parés , illuminaient tout 
le firmament d'une clarté flamboyante , égale aux 
lumières de cent soleils ; et cependant le del était 
alora enveloppé de sombres nuages. 15. 

» Le fleuve s'avançait , tantôt plus rapide , 
tantôt modéré et sinueux ; tantôt, il se développait 
en largeur, tantôt ses eaux profondes marchaient 
avec lenteur , et tantôt il heurtait ses flots contre 
ses flots, où les dauphins nageaient parmi les es- 
pèces variées des reptiles et des poissons. 16-17. 

• Le ciel était enveloppé comme d'éclairs jaiJ- 



—260— 

lissants çà et là : Tatmosphère , toute pleine d'é- 
cumes blanches par milliers , brillait , comme 
brille dans l'automne un lac (1) argenté par une 
multitude de cygnes. L'eau « tombée de la tête 
de Mabadéva , se précipitait sur le sol de la terre, 
où elle montait et descendait plusieurs fois , en 
tourbillons, avant de suivre un cours r^ulier sur 
le sein de PrithiTL 

» Alors on vit les Grahas, les Ganas et les 
Gandharvas, qui habitaient sur le sein de la terre, 
nettoyer avec les Nâgas la route du fleuve à la 
force impétueuse. 

» Là, ils rendirent tous des honneurs aux lim- 
pides ondes, qui s'étaient rassemblées sur le corps 
de Çiva, et, l'ayant répandue sur eux, ils devinrent 
à l'instant même lavés de toute souillure. 

n Ceux, qu'une malédiction avait précipités do 
ciel sur la face de la terre , ayant reconquis par 
la vertu de cette eau leur ancienne pureté , re- 
montèrent dans les palais éthérés. Tout au long 
de ses rives s les Risbis divins , les Siddhas et les 
plus grands saints murmuraient la prière à voix 
basse {Du 18« au 24' çloka). 

» Les Dieux et les Gandharvas chantaient , les 
chœurs des Apsaras dansaient , les troupes des 
anachorètes se livraient à la joie, l'univers entier 
nageait dans l'allégresse. 24. 

(1) Textuellement : gag an an , cœlvm. 



--261-- 

' n Cette desceute de la Gaogâ comblait enfin 
de plaisir tous les tmts mondes. Le royal saint à 
la splendeur éclatante, Bhagîratha , monté sur un 
char divin , marchait à la tête. Ensuite , avec la 
masse de ses grandes vagues, noble fils de Raghou, 
la Gangâ venait par derrière, comme en dan- 
sant. 25—26. 

» Dispersant çà et là ses eaux d'un pied (i) al- 
lègre, parée d'une guirlande et d'uiie aigretie 
d*écume , pirouettant dans les lionrbillons de ses 
grandes ondes, déployant une légèreté admirable, 
elie suivait la route de Bhagîratha et s'avançait 
comme en s'amasant ^'xin folâtre badinage. Tous 
les Dieux et les troupes des Rishis , les Daf tyas , 
les Dânavas, les Rakshasas, les plus éminents des 
Gandharvas et des Yakshas , les Kinnaras , les 
grands serpents et tons les chœurs des Apsaras 
suivaient , noble Râma , le char triomphal de 
Wiagînrtha. 27—28—29. 

» DipmÀne, tous les animaux, qui vivent dans les 
eavx , accompagnaient joyeux le cours du fleuve 
célèbre, adoré en tous les mondes. Là où allait 
Bhagîratha , le Gange y venait aussi , ô le plus 
émrnent des hommes. Le roi se rendit au bord de 
la mer , aussitôt , baignant sa trace , la Gangâ se 
mit à diriger là sa course. De la mer , il pénétra 



(1) Littéralement : par sa vitesse. 



—262— 

I 

avec elle dans les entrailles de la terre » à TendroH 
fouillé par les fils de Sagara ; et , quand il eut 
introduit le Gange au fond du Tartare, il consola 
enfin tous les mânes de ses grands-oncles et fit 
couler sur leurs cendres les eaux du fleuve sacré. 
30—31—32—33. 

» Alors , s*étant revêtus de corps divins , tous 
de monter au del dans une ivresse de joie. Quand 
il eut vu ce magnanime laver ainsi tous ses 
oncles , Brahma , entouré des Immortels , adressa 
au roi Bhagîratha ces paroles: 

• Tigre saint des hommes, tu as délivré tes an- 
tiques ayeux, les soixante mille fils du magnanime 
Sagara. En mémoire de lui, ce réceptacle étemel 
des eaux, la grande mer, appelée désormais 
Sagara dans le monde, portera, n'en doute point, 
ce nom d'âge en âge à la gloire. 

» Aussi long-temps que l'on verra subaster 
dans ce monde-ci l'immortel Sagara , c'est-à-dire 
la mer, aussi long-temps doit habitçr dans le 
Paradis le roi Sagara , accompagné de ses fils. 
Cette Gangâ , saint monarque , deviendra même 
ta fille (Du 34* au 39* çloka). 

» £Ue sera donc appelée Bhagîrathl, nom, 
sous lequel on connaîtra cette nymphe dans les 
trois mondes , comme elle devra à sa venue sur 
la terre le nom de Gangâ (1). 39. 

(i) Allusion à l'étymologie diu mot Gangâ, où Ton 



—263— 

» Ce Ûeuve, le plus excellent des fleuves, sera 
encore appelé dans Tunivers Tripathaga, nom 
usité chez les Dieux et les Rishis , dénomination 
juste parce qu'il vient en trois lits arroser les trois 
mondes. Le deuxième nom Ganga lui sera donné, 
roi des hommes , s'il faut le dire une seconde 
fois, parce qu'il vient sur la terre; et le troisième 
nom Bhagirathi, parce que cette nymphe, 
vertueux anachorète , sage Bhagiralha , semblera 
ta fille par son attachement pour toi. U0'Ui-ti2. 

)» Aussi long-temps que ce grand fleuve du 
Gange existera sur la terre , aussi long-temps ta 
gloire impérissable marchera disséminée dans les 
mondes! Zi3. 

» Célèbre donc ici la cérémonie de l'eau en 
l'honneur de tes ancêtres ; accomplis ce vœu en 
mémoire de tous, Ô toi qui règnes sur les enfants 
de Manou! kU. 

» Ton illustre bisayeul , ce vertueux Sagara, 
le plus juste des hommes justes , ne put satisfaire 
en cela son désir. U5. 

» De même, Ançoumat, d'une splendeur in- 
comparable dans le monde , ne put , cher ami , 



trouve, dans ses composants, gâ, itns, et gam pour gâm, 
le gôn , attiquement gan des Grecs , terrant ; c'est-à-dire, 
ecUe qui va y ou la rivière, qui vient du ciel sur la 
terre. 



—264— 

effectuer son vœu de faire descendre le Gange, 
qu'il invitait à couler sur la terre. 46. 

» Diltpa même, ton illustre père, si ferme en tous 
ses devoirs de ksbatrya , était d'une énergie sans 
mesure ; il désirait voir le i^ange ici-bas , mais il 
échoua dans sa pieuse tentative : et cependant ses 
mortifications n'avaient point eu d'égales parmi 
celles des antiques rois , qui avaient en^irassé la 
vie d'anachorète et que la vertu ittnminait d'one 
splendeur semblable à la sainte auréole des Ma«- 
harsbîs. 47 — 48. 

» Par toi seul, noble taureau des hommes, 
cette grâce a donc été obtenue ; tu as ftcquis par 
là une renommée incomparable dans le monde et 
même estimée dans le <:i<ei par lot» les treize 
plus grands Dieux. 49. 

« €eite destente du Gange , dont ta as gra- 
tifié la terre , vaillant dompteur des «wwsmffi , 
élève bien haut poar toi un tr&ne de vertus, où 
€)}e te faR monter , ascète sans péché» 50. 

» Purifie-toi d'abord toi-même, d le plu« gr«md 
des hommes, dans ces ondes éternellement dignes, 
et , devenu pur, goûte le fruit de ta pureté , ô le 
plus vertueux des mortels. 51. 

» Ensuite, célèbre à ton aise en l'honneur de 
tes ancêtres la cérémonie des eaux lustrales. 
Adieu , noble taureau des hommes ; sois heureux : 
je retourne* au monde du Paradis ! » 52. 



—265— 

>» Quand elle eut ainsi parlé au vaillant Bha- 
gtratha , la Divinité sainte de s'en aller , accom- 
pagnée des Immortels, au monde de Brabma, où 
ne pénètrent pas les maladies. 53. 

» Après son départ, Bhagiratba, le rishi cou- 
ronné , accomplit en l'honneur de tous ses ayeux 
la cérémonie des lustrations , et revint dans 
Ayaudhyâ. 5/i. 

Ce monarque , au sein d'une riche abon- 
dance » reprit les rênes de son empire , et le 
peuple, noble Raghouide, se réjouit d'avoir enfin 
racoavré son roi. 55. 

» Mainienant , Râma , je t'ai pleinement exposé 
rhifitoire du Gange : le salut soit donc à toi , et 
puisse sur toi descendre la félicité! voici arrivée 
rbeare de la prière du soir. 56. 

• Cetlie descente du Gange , dont je viens de 
présenter le récit, procure à tous ceux qui l'en- 
tendent racoour les richesses, la renommée» une 
longue vie , ie del et même la purification des 
péchés. » 57. 



Ici, dans le premier tome du saint Mmâyana , 

Finit le quarante-cinquième chapitre , intitulé : 

Descente du Gange. 



•—266— 



XLVI. 



Après qu'il eut écouté ce discours de Tiçvâ- 
mitra , le fils du roi Daçaratha en ressentit une 
admiration extrême , et lui répondit en ces 
termes : 1. 

« Ce récit , que tu m'28 développé ici , grand 
anachorète, cette descente purificatrice du Gange, 
cette mer, qu'elle vient remplir de ses flots, tout 
cela est on ne saurait plus merveilleux. 2. 

j> Cette nuit sainte n'aura que la durée d'an 
instant pour nous , qui allons repasser en nous- 
mêmes ce délicieux récit , devant lequel s'enfuit 
la crainte des péchés. » 3. 

En effet , Râma occupa cette nuit pure à^ mé- 
diter la narration de Yiçvâmitra avec le fils de 
Soumitrâ. 4. 

Ensuite , >quand parut l'aube sereine et quand 
il eut vaqué à la première des cérémonies quoti- 



—267— 

diennes , Râma tint ce langage à Viçvâmitra , le 
grand anachorète : 5. 

« L'heareuse nuit s*est écoulée ; on ne peut 
rien écouter de supérieur à ton récit , et nous 
Pavons entendu : ainsi, traversons maintenant 
cette rivière sainte, la Tripathagâ, le premier des 
fleuves. 6. 

» Voici pour sa traversée une barque solide , 
vaste , préparée , c'est mon sentiment , par des 
hommes , qui ont vu ta sainteté arrivée dans ces 
lieux. 7. 

A ces paroles de TinfatigaUe Râma , le grand 
anachorète Viçvâmitra fit aussitôt exécuter la 
traversée du fleuve. 8^ 

Quand la barque eut abordé le rivage septen- 
trional, ce taureau saint des solitaires vit des 
ascètes , qui passaient là une vie satisfaite dans 
Tobservation rigoureuse de leurs vœux. 9. 

Après qu'il eut rendu aux anadiorètes les hon- 
neurs commandés par les règles de la bienséance, 
Viçvâmitra se rendit , accompagné du jeune Ra- 
ghooide , à la ville du roi Viçâla , aussi ravissante 
et non moins céleste que la cité du Paradis. 10. 

Là , arrivé dans cette ville , appelée Vêçâlî , 
Râma , tenant ses mains jointes devant soi, Râma 
à la haute intelligence adressa au saint homme . 
cette demande : 11. 



—268— 

« De quelle royale famille est donc sorti ce 
magnanime Viçâla ? Poussé d*nne vive curiosité , 
jedésire rapprendre, bienheureux anachorète. • 1 2. 

A ces mots du prince , qui possède à fond la 
science de soi-même, l'homme aui grandes mor- 
tifications, Viçvâmitra se met à raconter ainsi : 13. 

« Écoute de moi ce récit, noble fils de Raghou, 
tel que j*ai entendu moi-même Indra le raconter 
jadis au milieu des habitants du ciel. 1&. 

» Il y avait dans Tâge Kriu , vaiilani Râma, 
les fils de Oitî , doués d'une grande force , et les 
fils d'Aditî, pourvus <i'une grande vigueur: tous, 
ils étaient enivrés de leur puissance et 4e leur 
courage ; tous , ils étaient frères , nés d^an seul 
père, le magnanime Kaçyapa; mais deux sœurs, 
Dit! et Aditi , leur avaient donné le jour : ils 
étaient rivaux , toujours en lutte , et brûlants de 
se vaincre mutuellement. 15 — 16. 

» Ces héros d'une énergie Indomptée s'éunt 
donc un jour assemblés, voici en quels termes ils 
se parièrent , difoe rameau de Vamique Uaghou : 
« Gomment pourrons-nous être exempts de la 
vieillesse et de ta mort ? » 17. 

» Dans leur conseil , une résolution fut ainsi 
arrêtée : « Tous, réunissant nos efibrts, recueillons 
tous les simples de la terre , semons çà et là ces 
plantes annuelles dans la mer de lait; puis, ba- 



—269— 

rattôos l'océan lacté ; et bavons la divine essence, 
qui doit naître de ce mélange vigoureuseooent 
brassé. 18—19. 

» Par elle, dans le monde, nous serons affran- 
chis de la vieillesse et de la mort , exempts de la 
maladie, pleins de force, de vigueur et d*énergie, 
doués tous d'une splendeur et d'une beauté 
impérissables. » 20. 

<c Quand ils eurent ainsi arrêté cette résolution, 
ils se firent une baratte avec le mont appelé 
Mandara, une corde avec le serpent Vâsouki (1), 
et se mirent à baratter sans repos le séjour de 
Varouna (2). 21. 

» Au sein des ondes remuées» on vit naître de 
cette liqueur les plus beUes des femmes : elles 
furent nommées Apsaras (3), parce qu'elles étaient 
sorties des eaux. 22. 

(1) Sous Téternel Vishnou le serpent Vasougui 
Couche comme un soplia son grand dos alangui , 
Et sa croupe, tordant ses livides spirales, 
Roule en hideux coussins ses plies vertébrales : 
Trône écailleux, vivant, rembourré de poison; 
Son estrade est Teffrol ; son dais , la pâmoison ; 
Et de rhydre aux cous noirs les cinq têtes mouvantes 
Font sur le Pénétrant un nimbe d'épouvantes. 
( Panthéon^ poème théôsophique, par Hippolyte Fauche. J 
(2J Le Neptune indien , le Dieu des eaux. 
(3) Les bayadères et les courtisanes du ciel : ce nom 
est formé de ap^ aqua, et sabas , dont la racine est sri, 
ire , avec as pour suffixe. 



—270— 

1 Destinées poor le plaisir da ciel , elles 
STalcnt des formes célestes et rehaussaient avec 
des ornements célestes h grâce de leurs c^esles 
Têtemenfs^ ÉblmiisBantes de splendeur , elles 
étaient riches en tons les dons de la beauté , de 
b jeunesse et de h douceur. H y eut alors de ces 
Apsaras soixamte kods on diraÔÊes de mUlûnu ; 
mais leurs snÎTantes , Râma , étaient en nombre 
impossible à calculer. 23 — ^ 

« Ni les Dieux , ni les Daftyas no prirent ces 
nymphes , taiDant fils de Ration ; et , poor cette 
cause, toutes, elles restèrent en commun. 25. 

» "Ensuite , cherchant un épfmx^ Varonnl sortit 
des eaux lactées : les enfants de Dirt refusèrent 
cette fille de Varouna ; mais la nymphe lut ac- 
ceptée comme épouse avec une grande joie par 
les enfanis d'Aditl 26—27. 

» De-Û fut donné aux Dieux le nom de Souras, 
parce qu'ils aTaient épousé Vârotmî, appelée 
(Cun autre nom Sourâ; et les Dutyas, parce qu'ils 
avaient déda^né cette fille des ondes, forent 
nommés Âsooras. 28. 

» Alors, s*élança hors des flots agités le cheval 
Ootchtchéççravas (t) : aussitôt après lui , parât 
Kâaustoubha, la perle des perles ; «nsuile, on vit 
surnager au-dessus des eaux brassées la divine 

(t) Ce mot Teul dire: Qui porte les oreilles "droites; 
c'est le nom du cheval dludra. 



—271— 

ambroisie même; puis, du sein de Tocéan lacté , 
naquit le roi des médecins, Dhanvaatari, qui 
portait dans ses mains une aiguière , toute pleine 
de nectar. 29—30. 

» Après celui-ci, émergea des ondes barattées 
le poison , destructeur des mondes, et qui, lumi- 
neux comme le soleil flamboyant , fut avalé par 
tous les serpents. 31. 

» Alors une terrible guerre , exterminatrice de 
tous les mondes, s*éle?a entre ces puissants maux, 
les Dieux et les Démons , pour k possession de 
Tambrasie. Dans ce grand et mutuel carnage, où 
s'entre^écblraient ces héros à la vigueur infinie , 
les fils d'Aditî battirent les enfants de Dit!. 32-33. 

» Quand il eut terrassé les Daityas et reçu la 
couronne du ciel, Jndra^ le Briseur-d&-viiles, 
monté au comble de la f^cité» s*entvra de plaisir, 
environné d'bommages par tous les Immortels. 3û. 

t Victorieux de ses ennemis » inaccessible aux 
chagrins, il se réjouit avec les Dieux ; et tous les 
mondes alors de partager sa joie, avec les essaims 
des Rishis et les bardes cékstes. 35. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana , 

Finit le quarante-sixième chapitre , intitulé : 

Origine de l'Ambroisie. 



—272- 



XLVII. 



» Eosnite Dit! la Déesse , que la déroute de 
ses fils , battus par les Dieux , avait conduite au 
plus haut point de la douleur , tint ce langage à 
Kaçyapa , son époux , fils de Marîtchi : 1. 

« G bienheureux, je souffre dans mes enfants, 
qu'Indra et tes autres. fils ont taillés en pièces: 
je désire mériter par de longues mortifications 
un fils, qui soit le destructeur de Çakra. Oui, je 
vais marcher dans les voies delà pénitence: ainsi, 
daigne confier à mon sein le germe d'un fils; et 
qu'ici , fécondé par toi , il enfante un jour le 
vainqueur de Çaçra. » 2 — 3. 

» Ce discours de la Déesse entendu, le Mari- 
tchide Kaçyapa, rayonnant de splendeur, fit cette 
réponse à Dit! , plongée dans sa douleur : U. 

a Qu'il en soit ainsi ! Daigne sur toi descendre 
la félicité ! Sois pure, femme riche en piété ! car, 
si tu peux rester mille années sans tache , tu 



—275— 

mettras au monde ce fils, que tu désires, ce vain- 
queur d*Iudra , au bout de cette révolution com- 
plète. 9 Quand il eut dit ces mots, le saint, illuminé 
de splendeur , lui fit une seule caresse avec la 
main. 5 — 6. 

» L'ayant ainsi chastement touchée: «Adieu!» 
lui dit Kaçyapa ; et Tanachorète aussitôt de re- 
tourner à ses macérations. Après son départ, 
Diti, ravie de joie, 6 le plus vaillant des Ra- 
gfaouides, embrassa la plus austère pénitence 
dans un lieu, où la pente conduisait toutes les eaux. 

» Tandis qu'elle marchait dans sa carrière de 
mortifications , Çakra s'astreignit à la plus basse 
des conditions ; il s'attacha de lui-même au service 
de la pénitente ; et , dérobant sa grandeur sous 
les humbles fonctions , qu'il remplissait avec un 
zélé dévouerait, Pourandara (1) s'empressait 
d'apporter à la sainte femme ce qui était à propos, 
du bois , des radnes , des fruits , des fleurs , da 
feu, de l'eau ou de l'herbe Konça. Il frottait les 
noiembres de la vieille anachorète , il dissipait sa 
lassitude. 7—8—9—10. 

» Le roi du ciel enfin servait Dit! en tous les 
bons offices d^un vigilant domestique. 

» Quand il se fut ainsi écoulé dix siècles, moins 

(i) Autre nom dlndra: nous Ta vous traduit plus 
haut , page S71 , dans cette périphrase , le BrUeur^de- 
villes. 



dix années , Dhî joyeose adressa , noble ûls de 
Ragboa, les motssoivants à la Déité aux mille yeox : 

a Je sais contente de toi , homme à b grande 
énei^e : dix ans nous restent à passer , mon 
enfant ; mais alors , sois heureux ! il te naîtra de 
mon sein un noble frère : à cause de toi, mon fils, 
je veux faire de lui un héros ardent ^ la victoire. 

11-^12—43. 

» Uni & toi par ie doux nœttd de la fraternité, 
il te donnera certainement un royaume ! » 

» Ensuite, quand elle eut ainsi parlé à Çakra, 
la céleste Ditt , à Theure, où ie soleil arrive au 
milieu du jour , fut saisie par le sommeil à côté 
de ce Dieu travesti, et s'endormit, filsdeRaghou, 
sans rien soupçonner, dans une posture indé- 
cente (1). 44 — 15. 

» A la vue de cette obscène (2) attitude, qui 
rendait impure la sainte anachorète , Indra en 
fut ravi de joie et se mit à rire. 16. 

» Aussitôt le meurtrier du mauvais Génie Bak 
se glissa dans le corps mis à nu de cette femme en* 
dormie, et fendit en sept avec sa foudre aux cent 
nœuds le fruit , qu'elfô avait conçu. Puis , il re- 
coupa en sept chaque part du malheureux eoi- 

(i) Littérdlement : Supina pdibusque ad caput 
reductis» 

fî) Même remarque; de plus: ci rctortis ttsque ad 
iinum comœ ortum. 



—275— 

bryon; lesquelles sept, noble Râma, lui résistaient 
chacune de toute sa force et pleuraient d'une 
voie plaintive. 17 — 18. 

» Tandis que le Dieu armé du tonnerre dé- 
chirait le fœtus avec sa foudre au sein de la 
inère, Tembryon pleurant , ô Râma, , poussait de 
grands cris, et Ditî en fut réveillée. 19. 

» Ne pleure donc pas ! » disait le fils de Vasou 
au fœtus éploré ; et la foudre en même temps 
divisait l'embryon , malgré ses larmes. 20. 

« Ne le tue pas ! s'écria Ditî ; ne le tue pas ! • 
A ces mots, respectant cette majesté , qui est dans 
la parole d'une mère , Indra sortit, et, debout, 
hors du sein , les mains jointes , devant elle : 
« Déesse » tu es devenue impure , lui répondit le 
Dieu , parce que tu es couchée dans une posture 
indécente. 21—22. 

B Moi , saisissant l'occasion , j'ai tué l'enfant 
déposé en ton sein pour ma ruine ; daigne me 
pardonner cette action , Déesse auguste ! » 23. 

Ici, dans le premier* tome du saint Râmâyanaj 

Finit le quarante*septième chapitre , nommé : 

Le Fcëtus mis m morceaux, 

00 

L'Origine du Rhumb des Vents (1). 

(i) Nous ajoulons de nous-mêmes le sous-titre comme 
réqnivaleut d'une note. 



-276— 



XLVIII. 



» Voyant son fruit divisé en quarante-neaf 
portions , Dit! pleine de tristesse dit à l'invincible 
Déité aux mille yeux : 1. 

« C'est ma faute , si mon fruit , mis en pièces, 
n'est plus qu'un tas de morceaux : la faute, roi des 
Dieux , n'en peut retomber sur toi , car naturel- 
lement tu devais souhaiter ici et chercher ton 
avantage personnel. 2. 

» Puisqu'il en est arrivé ainsi, veuille bien. Dieu 
puissant, veuille faire une chose agréable pour 
moi. Que les sept fragments septuples de mon 
fruit, célèbres sous le nom de Maroutes et devenus 
tes serviteurs, parcourent le monde, portés sur les 
sept épaules des sept Vents. Ternisse , avec le 
secours de ces Maroutes, mes fils, terrasse, im- 
mole tes ennemis. 3— ii. 

» Qu'ils aillent , ceux-ci dans le monde de 



—277— 

Brahma, ceux-là dans le monde d'Indra : et qu*il« 
voyageât à tes ordres dans toutes ces plages da 
ciel! 5. 

» Qoe les Maroates, tes légers serviteurs, 
Indra , soient revêtus de corps célestes et qu'ils 
savourent l'ambroisie pour aliment ! Daigne ac- 
complir cette parole de moi I » 6. 

» Â ces mots de la sainte anachorète , ûls de 
Raghou, Çakra, le plus fort des êtres forts, creu- 
sant la paume de ses mains jointes , lui répondit 
en ces termes : « Qu'il en soit ainsi ! 7. 

» Tes fils seront appelés Maroutes de ce nom 
même, que tu as inventé pour eux: je ferai, sans 
qu'il y manque rien , toutes ces choses suivant 
ton désir ; ils ^ront doués par mon ordre , tes 
fils, d'une beauté céleste et mangeront avec moi 
l'ambroisie. 8—9. 

» Sans crainte , exempts de maladie , ils voya- 
geront dans les trois mondes. Sois tranquille , et 
puisse descendre la félicité sur toi ! j'accomplirai 
ta parole : ouil tout cela sera fait comme tu l'as 
dit; n'en doute pas! » 

» Après qu'ils eurent ainsi , de l'une et l'autre 
part , conclu cette convention , la mère et le fils 
s'en retournèrent dans le triple ciel : voilà , jeune 
Râma, ce qui nous fut raconté. 

» Ce lieu-ci , Kakouisthide , est celui même , 

qui fut habité jadis par le grand Indra. 10-11-12. 

18 



—278— 

» G*e£(t ici même qu'il servait ainsi l'smachorète 
Dit! , arrivée daus sa pé&itente a a soibinet de ia 
perfection. Le saint monarque Iksbwâkoa em- 
geindra an sein d'AlamlK>a8bd un fils, nommé 
Viçsâlar d'one vertu supérieure. Ge fut lui, Hâma, 
qui fi^ cette viHe charmante de VéçâlL i^^ih* 

» Yiçâla eilt pour fils un roi nommé Héma- 
tchandra , et de celui-ci naquit Sooichaûdfa à la 
hàuld renommée. i5. 

vSoutchandtaeutuneitfatiiappeléDfaoûmrlÇwa, 
et de ce dernier est né nu fih nommé Srln^ya. 
Celui-ci fut le pète de Swarnasfalhivi , qui en- 
gendra KoUçâçlva. 16—17. 

» A Koâçâçwa fût donné uu fils d'une haute 
splendeur , nommé Saumadatta , et ce fut Djana- 
médjaya, que Saumadatta eut pour fils. 18. 

» Le fils de ce fils , appelé Pramati , gouverne 
malmenant cette tifie, ô tigre des hommes, ô Ka- 
koutsthide , et c'est un roi aiissi distingué par sa 
bravoure que par sa justice. 19. 

» Les rois issus d'Ikshwâkou ^ qu'on appelle 
aussi les Yiçâlides, furent doués tous d'une k>ngue 
vie , d'uue grande âme , d'un rare courage et 
d'une force nompàreîKe. 20. 

» Aujourd'hui passons tranquillement ici la 
nuit : demain , Râma , digne fils de Raghou , 
demain , au point du jour , nous verrons , sans 
aucun doute, le roi Djanaka. » 21. 



—279— 

Ensuite, à la nouvelle que le magnanime Viçvâ- 
mitra était arrivé dans ces lieux , Pramati , le roi 
du pays , avec le collège de ses Directeurs spiri- 
tuels, vint à sa rencontre , le combla d'honneurs, 
lui offrit de Feau pour laver ses pieds , un siège 
et la corbeille contenant Targhya, lui demanda 
comment il se portait et lui adressa les paroles 
suivantes: 22 — 23. 

« Je suis heureux et favorisé du ciel^ puisque 
ton arrivée en ces lieux, saint anachorète, offre ta 
vue au sens de mes yeux : non ! il n'y a pas dans 
le monde un être plus fortuné que moi ! 1h» 

» Aujourd'hui, je goûte le fruit doux, qui était 
réservé à ma naissance , et le plaisir comble mes 
yœuT , BrabDae véaéré , puisque je te vois arrivé 
danjs mon roy9um6 avec une santé parfaite, d 25. 



ïci^ dans le premier volume du saint Ràmâyana, 

Finit le quarante-huitième chapitre , intitulé : 

Entrevue avec Pramati. 



—280— 



XLIX. 



Quand ils eurent fini entièrement de s'inter- 
roger et de se répondre mutuellement sur Tétat 
de leur santé, Pramati alors dit à Viçvâmitra: 1. 

« Dis-moi , ô bienheureux ! D*où viennent ces 
deux jeunes princes , et de qui sont-ils nés ? Pour 
quel motif voyage avec toi ce couple de héros à 
la beauté céleste , aux yeux grands comme les pé- 
tales du lotus , à la démarche fière comme le roi 
des lions , qui tous deux portent les plus belles 
des armes et qu'on dirait à leur mine deux rois 
des tigres ; eux , de qui la jeunesse égale , pour 
ainsi dire , en charmes toute la grâce des Açwins, 
et qui semblent des Immortels descendus librement 
du ciel sur la terre? 2 — Z—U. 

» Comment sont-ils venus de leur pied ici , 



—281— 

Pour quelle raison, vénérable anachorète? Et de 
quel père sont-ils sortis , ces jeunes guerriers , 
vêtus de costumes si ricbOB , de qui la présence 
est rornement de cette contrée , comme le soleil 
et la lune sont les ornements du dd, et dont l'un 
est Timage exacte de Tautre pour la taille, le port 
et les gestes? Yoitt ce que je veux savoir en 
toute vérité. » 5—^^ 

Après qu'il OMt écouté ce discours , le solitaire 
conta au roi tous les événements de la manière 
qu'ils étaient arrivés, et rhfetoire de THe^^mitage- 
par£dt , €t le massacre des Rakshasas. 7. 

 ce récit de Viçvâmitra, Pramati , sai^t d'une 
vive admiration, combla d'honneur les fils du roi 
Daçaratha, ses noble? hote^, ^.^ 

Ensuite, les depx Raghouiden, ayant reçu d^ 
monarque la plus magnifique hospitalité et passé 
h nuitdjms sou palais, ^e mirent en chemin pour 
IHithilâ. 9. 

Aussitôt qu'ils aperçurent de loin cettç brillante 
ville du roi Djauaka, tous )es anachorètes , d'une 
(ipe joyeuse, la saluèrent de leurs acclamations (1) 
«^éesL 10. 

Dans le bois voi^n de Hlithilâ , un hermitage 
vint iirapper les yeux de l'aîné des Raghouides; 

(1) Littéralement : Benc ^ bene ! 

18* 



—282- 

ct : « Quel est ce bois sans habitant , demanda le 
jeune prince à déminent anachorète. — Je voudrais 
savoir , bienheureux saint , à qui appartient cet 
hermitage fortuné , aux ombrages touffus , mais 
où manque cependant leur essaim d'anachorètes. » 

11—12. 

A ces paroles du jeune homme y Viçvâraitra lui 
jeta d*abord un mot affectueux et parla en ces 
termes à Râma , de qui les yeux ressemblaient 
aux pétales du lotus: 13. 

« Allons ! écoute ! je vais te raconter à qui cet 
hermitage appartient et comment, dans sa colère, 
la malédiction d'un grand anachorète a rendu ce 
lieu désert. Xk, 

» Cette 'habitation sainte , ornée d'arbres sans 
cesse couverts de fruits et de fleurs, abrita jadis 
le magnanime Gâautama. 15. 

» Là, fils de Raghou , le solitaire, accompagné 
de son épouse Ahalyâ, s'astreignit à la pénitence, 
durant plusieurs milliers d'années. 16. 

» Le roi du triple ciel , que la femme de l'a- 
nachorète avait enflammé d'amour, ayant trouvé 
l'occasion favorable , se présenta devant Ahalyâ 
sous le travestissement d'un hermite avec les 
traits de son époux, et lui tint ce langage : 17. 

« Le devoir exige qu'on attende les jours , qui 
rendent l'hymen fécond ; mais l'attente m'est im- 



-.233— 

possiMe , femme à la taille charmaote ; je désire 
m^enlacer d'amoar sur le champ avec toi , belle 
au riche nitamba (1). » 18. 

» Quoiqu'elle eut reconnu Indra sous Thabit 
d'anachorète, invincible Râma, cependant la femme 
imprudente laissa égarer sa pensée vers la volupté 
avec le roi des cieux ; et , quand il eut assouvi sa 
passion : « Ton désir est satisfait , ô le plus grand 
dés Immortels , va-t-en vite , lui dit-elle , avant 
qu*on ne te voie ! Sauve-nous par tous les moyens, 
sauve -nous Tun et Tautre, monarque des Dieux , 
ô toi , qui donnes l'honneur à ton gré ! » 

» Indra lui répondit ces paroles en souriant ; 

19_20-.21. 

« Je suis très-content; je m'en vais; pardonne- 
moi, femme au gracieux nitamba, » Ensuite, quand 
il eut dit ces mots à la coupable anachorète , le 
Dieu sortit de la chaumière du saint hermite. 22. 

Tandis qu'il marchait d'un pied hSté, Râma, 
le cœur plein de trouble, agité de crainte à l'égard 
de Gâautama , il aperçut l'anachorète à la splen* 
deur enflammée, qui s'en revenait précipitamment. 
Invincible aux Dieux mêmes par les dons réunis 
en lui de la force , de l'héroïsme et de la péni- 
tence, il sortait du tîrtha, et, tout mouillé encore 



(i) Voyez, page 121 de nos traductions du Gîta-f 
Govinda et du Ritou-Sanhara, 



—284— 

de son eau parc , il ressemblait au feu du sacri- 
fice arrosé de lait (1). 2S — 24. 

» Dès qu'Indra eut aperçu rhermtie, il tomba 
dans une profonde terreur. En effets quand il 
vit le roi des Immorlels mal tratestî dans son 
habit d'anachorète, le chaste solitaire «dressa an 
Dieu libertin ce discours avec une vi?e colère : 
c( Parce que tu as pris ma forme , insensé, pour 
faire une chose , qui n'était pas à fore , deviens 
eunuque toi-même ! » 

» Â peine ces paroles du magnanioie Gâautama 
eurent-elles frappé le IMeu aux mille yem , que 
ton vît à l'instant ses génitoirea, âis de Raghou, 
tomber sur la terre. Alors , stérile , mutilé de sa 
vigueur , il devint tout pantelant de crainte ; et , 
vaincu par l'anachorète aux cruelles OMMtMkations, 
il entra dans un état de lâche conardise. 

» Après que le plus saint des soUlaîres eut 
lancé au Dieu sa malédiction , il maudit môme 
son épouse : ( Du 25* au 30^ çl. ) 

« Femme coupable, qui as marché dans les 
voies du vice , tu habiteras , enchaînée à la pém^ 
tence, toujours couchée sur la cendre, invisible & 
toutes les créatures et sans appui , dans oeCte 
Ibrét , des nombres incalculables d'années. Mais, 
au temps, qui amènera dans ce bois Râma, le fils 

(4) Littéralement: Beurre fondu cl clarifié. 



—285— 

du roi Daçaratha, sa rue te lavera de ton pécUé; 
et, quand tu lui auras donné rhospitalité , alors, 
purifiée de la concupiscence , tu viendras me re- 
joindre, pleine de joie, femme aujourd'hui pleine 
de folie: n*en doute pas. » 

n Après qu'il eut ainsi parlé à son épouse éga- 
rée dans le chemin du vice, Gâautama, le solitaire 
à la splendeur éclatante , s'en alla sur la cime 
de l'Himalaya , dans un lieu saint , fréquenté des 
Siddhas et des Tchâranas , où il se voua à la 
plus dure pénitence. 30—51—32—53—34. 



ici , dans le premier tome du saint Râmâyana^ 

Finit le quarante-neuvième chapitre , intitulé : 

Malédiction jetée sur Indra et sur Ahalya. 



—286— 



» Cependant , frappé d'impuimnce , av^ ooe 
âme devenue timide, Indra parlé ainsi aux Dieux, 
accompagnés des Siddhas, des Rishis, des Tchâ^ 
ranas et du Feu , le chef des Immortels : 1. 

<c Tandis que je désirais faire une chose mile 
aux Dieux et que je cherchais à troubler sa péni- 
tence, Gâautama , de qui j'avais soulevé la colère, 
m*a infligé ce changement honteux dans ma per- 
sonne. -T^nflammé de courroux, il a rejeté loin de 
lui son épouse et m'a rendu stérile $ niais , fpreé 
de lancer contre nous sa malédicliop« jl a perdu, 
grâces à moi , le fruit de sa pénitence. 2 — 3. 

» Il vous sied donc à tous, groupes des Dieux, 
chœurs des Rishis , et vous , Tchâranas , de me 
restituer ces organes, puisqu'ils m'ont été ravis en 
travaillant au bien des Immortels. « ti. 

» Â ce discours de Çatakratou , le Dieu-aux- 
ccnt-sacrifices, les Immortels avec leur chef Agni 



_287— 

Unreilf ce tangage aux troupes des Mânes , qui 
s'élalenit rafsfienblés au même lieu : 5. 

« Voici un bélier, pourvu de ses génitoires ; 
Indra fut dépouillé dos siens : enievez^ies donc 
à cSet animal , et qu'ils soient ajustés par vous au 
gradd Indra l^MIe bâter, rendu stérile, atteindra 
une félicité suprême ; et ce lui sera comme une 
grandelignée, qu'il devraà vosmainssalutaires. 6* 7. 

* Antiques Mânes des ancêtres , Touillez donc 
bkn couper ces g^ênloîres du bélier, et domiez-Ies 
au Die» ladra, qui a perdu les siens en travaillant 
avfit affaires- des Immortels. » 8^. 

)y Mot9i obéissant aux paroles des Dieux et du 
Feo, leur chef, les Mânes aussitôt d'enlever ces 
génlUiirèâ d» bélkr et de les adapter au mo- 
narque du ciel. 9. 

yf De-'lft , illustre enfant de Kakoutstha , il est 
arrvré que les Mânes , vivant des mets offerts sur 
leur autel , n'ont plus mangé de l'aïuimal entier ; 
mais, do bélier bongre, ils s'en nourrissent vo- 
lontiers. De-là encore il advint^ noble ûls de Ra- 
gbou, que, par la puêsance dé Gâautama, infini 
danii sa force , Indra fut réduit à porter dans la 
suite des temps les génitoires d'un bélier. 10-11. 

« Entre donc à l'instant, auguste Râma, dans 
l'hermitage de Gâautama , et délivre cette véné- 
rable Ahalfâ, qod sa malédiction a frappée. » 10. 

A ces paroles de YiçvâmiUa , le jeune prince, 



—288— 

accompagné de son frère . le fils de Soumitrâ, et 
cédant le pas au saint anachorète, entra vite dans 
rhermitage. 13. 

Là , il vit Âhalyâ , que sa pénitence iliuminaic 
d'une brillante auréole, toute invisible, que fût 
cette noble femme aux Dieux mêmes, rassemblés 
devant elle avec Indra. 1^. 

Râma la vit comme ces vagues illusions, pro- 
duites avec art dans le ciel par un jeu du .Créa- 
teur; comme la flamme d*un feu ardent, mais 
enveloppé de sa fumée; comme la pleine lune, 
quand elle est voilée par des nuages, on regardée 
à travers un réseau de neige , qui tombe de la 
voûte céleste; comme la lumière enflammée, 
éblouissante du soleil , quand elle se réfléchit au 
sein des eaux. 15 — 16. 

Suivant la parole de Gâautama, elle était restée 
invisible même aux trois mondes jusqu'au temps, 
où Râma vint s'offrir à sa vue. 17. 

A l'aspect de la sainte, les jeunes Daçarathides 
aussitôt de lui embrasser les pieds. Alors celle-ci, 
l'âme pleine de joie au souvenir des paroles, que 
lui avait dites Gâautama, accueillit dignement les 
deux héros et leur ût les honneurs du siège , de 
la corbeille hospitalière et de l'eau pour se laver 
les pieds ; hommage, que Râma sut accepter avec 
une respectueuse bienséance. 18 — 15. 
• En ce moment, résonnèrent tous les instruments 



--289— 

de la musique du ciel : une pluie de fleurs tomba 
du firmament : les Apsaras et les Gandbarvas se 
rassemblèrent dans t'hermitage en nombreuse 
compagnie ; et tous les Dieux , s'écriant à Tenvi : 
« Bien ! c*est bien ! » de féliciter Ahalyâ , que sa 
terrible pénitence avait enfin puri6ée de sa longue 
souillure dans cette entrevue prédestinée de Râma 
avec elle. 20—21. 

De son côté, Gâantama, Fanacborète à la grande 
puissance , ayant vu de son regard céleste que le 
le vaillant Râma était arrivé dans son hermitage, 
y vint et le combla d'honneurs. Ensuite , il se 
réunit à son épouse A halyâ, rendue à son ancienne 
pureté ; et cet illustre saint, de coacert avec elle, 
se macéra de nouveau dans les œuvres de la 
pénitence. 22-^-28. 

Enfin , quand Râma eut obtenu de Gâautama , 
le plus vertueux des anachorètes, ces témoignages 
de la plus haute distinction , le jeune guerrier 
continua son voyage pour Mitbilâ. 2/t. 



Ici, dans le premier tome du saint Rdmâyana 

Finit le cinquantième chapitre , intitulé : 

AHALYA RENDUE VISIBLE. 

19 



—290— 



LL 



Après cette halte , Râma , accompagné de 
Lakshmana et suivant les pas de Viçvâmitra , vint 
dans le pays da nord-est , où s'offrit à ses yenx 
l'enceinte préparée en vue du sacrifice. 1. 

A cet aspect , adressant la parole an tigre saint 
des anachorètes: « Ohl s'écria-t-il, quelle abon- 
dance règne dans le sacrifice du magnanime 
Djanaka. 2. 

» Ici , sont réunis en nombreux milliers des 
brahmes» habitant diverses contrées, interprètes 
de leurs différents dialectes. 3. 

D Voici des logis destinés aux brabmes : ces 
chars brahmiques, c'est aussi pour eux qu'on les 
a faits. Cherchons un lieu commode, où nous 
puissions habiter nous-mêmes à notre aise. » A. 



—291— 

A ces paroles du jeune homme, le magnanime 
Vîçvâmilra.fit camper ses compagnons dans un 
lieu solitaire et bien arrosé d'eau. 5. 

Sur la nouvelle que le saint hermite Yiçvâmitra 
était arrivé dans cette contrée» aussitôt le roi saisit 
les huit parties composantes de Targbya ; puis , 
donnant le pas sur lui à Çatânanda, son ponrohita 
sans péché, et s'entoorant de tous les autres 
prêtres attachés au service de son pieux oratoire, 
il vint en toute bâte saluer Yiçvâmitra et lui offrir 
la corbeille sanctifiée par les prières. 6 — 7. 

Quand il eut reçu un tel honneur du magna- 
nime Djanaka , Viçvâmitra, le plus vertueux des 
anachorètes, s'enquit lui-même et sur la santé du 
mi et à quel point déjà il en était venu du sacrifice; 
ensuite, il demanda tour à tour, suivant les; bien- 
séances, à chacun de tons les hermites venus à sa 
rencontre avec le ponrohita , comment il se 
portait. 8 — 9. 

Cela fait, le roi dit , les mains jointes , au plus 
vertueux des solitaires: « Daigne t'asseoir ici, 
saint hermite, sur ce siège préparé. » 10. 

Quand Djanaka lui eut ainsi parlé, Yiçvâmitra, 
le grand solitaire , s'assit Puis , accompagné de 
ses ministres , le roi s'approcha de l'anachorète 
assis, et là, debout^ joignant ses mains, lui tint 
ce langage : « Il me semble aujourd'hui recevoir 
ci avec toi l'ambroisie même, pietixsoMlalre. 1 1-1 2. 



—292— 

Aujourd'hui les Dieux me font recueillir un 
doux fruit de mon sacrifice , arrivé à toule sa 
maturité : oui ! ton arrivée en ces lient me fait 
goûter en ce jour le fruit de mon sacrifice. 13. 

» Je suis heureux , je suis favorisé du ciel , 
puisque tu vas assister avec ceux qui t*acconi* 
pagnent, sublime anachorète, à la cérémonie pure 
et sainte , qui doit mettre le sceau à mon sacri- 
fice.— Quand les brahmes auront dit les prières et 
chanté les hymnes pendant les douze jours , qui 
restent encore à mon sacrifice, tu verras les Dieux 
venir ici, attirés par le désir de recevoir une part 
dans la victime. 14 — 15. 

» Demeure doncici bien doucement, par amitié 
pour moi, ces douze jours, avec ces hommes, qui 
sont comme la bouche de TÉcriture Sainte ; et 
vous partirez ensuite, ayant reçu de moi une 
digne hospitalité. 16. 

» Mais de qui sont-ils fils, tigre pieux des so- 
litaires , ces deux adolescents aux tempes ornées 
de cheveux nattés en ailes de corbeau, eux, qu'on 
prendrait à leur vue , douée d*un charme infini , 
pour deux Koumâras (1), enfants du feu? Quelle 
raison les amène ici ? Qui est le père de ces deux 
héros à la poitrine large , aux longs bras , aux 
épaules chargées d*un carquois , d'un arc , d*une 

(1) Voyez, page 233, la naissance de Koumùra, 



—293— 

épée , et de qui la beauté est égale à celle des 
Açwins? 17—18. 

» Pourquoi ces deux enfants , de qui les 
membres sont beaux comme ceux des Immortels, 
mais encore si délicats, ont-ils affronté les fatigues 
de C3lte roule (1)? J'ai une vive curiosité de 
l'apprendre. » 19. 

 ces mots , l'anachorète fit connaître au ma- 
gnanime Djanaka les deux magnanimes fils du roi 
Daçaratha ; puis il raconta au monarque , et 
l'invasion (2) audacieuse , et la mort des Rak- 
sbasas, etie séjour dans THermitage-parfait, et le 
récit , auquel donna lieu ensuite /'aspect de la 
ville fondée par le roi Yiçâla » et la fin du châ- 
timent, infligé par la malédiaion de Gâautama, 
et la vue de l'invisible Ahalyâ , et ce voyage de 
Râma , causé par le désir de voir ici l'arc mer^ 
veilleux, 20—21—22. 

Quand il eut ainsi tout raconté au. magnanime 
Djanaka, le grand anachorète à la vive splendeur, 
Yiçvâmilra cessa de parler. 23. ' 

Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le cinquante-et-unième chapitre , nommé : 

L'Entrevue avec Djanaka. 

(1) Le texte dit plus simplement : viam subierunu 

(2) Là traduction italienne donne à ces deux mots un 
autre sens ; nous préférons celui-ci , car la fin du 22« 
çloka semble une répétition du sien en d^autres termes. 



-294— 



LU. 



Ce discours du sage Viçvâmîtra entendu , Ça- 
tânanda , fils atné de Gâautama , en fût tout hor- 
ripilé de plaisir; et cet homme saint, aux grandes 
macérations, au nimbe rayonnant de la splendeur 
ascétique , fut jeté par la vue de Râma dans une 
admiration profonde. Il tourna ses regards vers 
les deux frères assis devant lui, Râma et Laksh- 
mana, Pun à Tautre semblables, et tint ce langage 
à Viçvâmitra , le plus vertueux des sditaûres : 

i_2— 3. 

« Tu as donc , ô le plus éminent des anacho- 
rètes , montré enfin mon illustre mère à la vue 
de Râma, ce magnanime fils d*un roi? U. 

» Ahalyâ, ma très-afiligée mère, a donc rendu 
complètement au magnanime Râma tou^ les hon- 
neurs , qu'il mérite à si haut titre 7 5. 

» O toi, mortel d'une intelligence si élevée, tu 



—295— 

as donc exposé à Râma , en toute vi^rité , ce que 
jadis un Dieu fit à C égard de ma mère ? 6. 

» Ma mère , ô fils de Kouçika , est donc enfin 
réunie avec son époux , elle , que la malédiction 
de mon père avait consumée comme le feu et que 
la vue de Râma put laver de ses souillures 7 7. 

» Mon père d'une âme joyeuse goûte donc , ô 
rejeton de Kouçika , la société de ma mère, que 
sa longue pénitence a rendue pure! 8. 

» Tu as donc reçu de mon père ^es honneurs, 
dont tu es si digne, brafame saint; et, quand tu 
as reçu les hommages de cette âme sublime , tu 
viens recueillir ici les nôtres ! » 9. 

Après ce discours, l'illustre Viçvâmitra, habile 
à manier la parole, répondit eu ces termes à 
Çatânanda: 10. 

« On n'a rien omis, saint brahme ; ce qui éuit 
à faire, je l'ai fait : l'épouse est réunie maintenant 
à son époux , comme Rénouka est réunie à Dja- 
madagni, /e ^aiar rejeton de Bhrigou. » 11. 

 ces paroles du sage Viçvâmiù*a , Çatânanda 
ensuite adressa ce discours à Râma: 12. 

« Sois le bien venu ici , ô le plus vaillant des 
Raghouides ! c'est ta bonne fortune, qui t'amène, 
mon seigneur , accompagné de Viçvâmitra , à ccx 
pieux sacrifice du magnanime roù 13. 

« En effet, il est insaisissable à toute pensée ce 
roi, qui s'est élevé à l'état de rlsbi , le juste Viçvâ- 



— 2Ô6— 

miira, à la grande puissance, à la spleodear infinie, 
qui te fut donné pour ton gourou suprême, i^ 

» Il n'eiiste pas un être, quoiqu'il soit, Râma, 
plus heureux que toi sur la terre , puisque Yiç* 
vâmltra , ce trésor de pénitence , a fait de ton 
bonheur l'objet de ses plus chers désirs. 15. 

» Écoute donc Thlstoire de ce magnanime fils 
de Kouçika, quelle est la force de cet anachorète 
illustre , quelle est son héroïque énergie , quelle 
est enfin la puissance de son absorption en Dieu. 1 6. 

» Ce fut, il y a long-temps, un roi équitable, 
dompteur de ses ennemis, possédant la science de 
la justice , appliqué aux affaires et mettant son 
bonheur à défendre ses sujets. 17. 

Jadis la terre eut un maître nommé Konça i il 
était fils de Brahma , Fantique ayeul des créa^ 
tures , et ce fut lui qui donna le jour au puissant 
et ¥ertueux Kouçanâbha. Celui-ci eut un fils ap- 
pelé Gâdhi, prince à la haute intelligence, duquel 
est né le grand anachorète, ce flamboyant YiçTâ- 
mitra. — Or, Yiçvâmitra gouverna ce globe en roi, 
qui semblait une incarnation de la justice, et 
garda l'empire dans ses mains plusieurs myriades 
d'années. 18—19—20. 

Une fois, ayant rassemblé les six corps d'une 
armée complète, il se mit, environné de cette for- 
midable puissance , à parcourir la terre. 21. 

» Traversant les fleuves et les [montagnes, les 



-297— 

forêts elles villes, ce roi fameux arriva de mairche 
en marche jusqu'à Thermitage de Yaçishtha, om- 
bragé de nombreux arbres, soit à fleurs , soit à 
fruits , tout rempli de nombreuses bandes d'ani- 
maux inoffensifs, hanté par les Siddhas et les 
Tchâranas, toujours plein de magnanimes anacho- 
rètes, fidèles à leurs vœux, semUaUesà Brahma, 
tous purifiés par l'exercice de la pénitence , tous 
resplendissants comme le feu , n'ayant tous pour 
seule nourriture que l'eau , le vent , les feuilles 
tombées, les racines et les fruits; âmes domptées, 
qui ont vaincu la colère, qui ont vaincu les organes 
des sens , qui font un saint usage des ablutions, 
qui ont pour mortier les dents et pour seul pilon 
une pierre ; hermitage fortuné, où se plaisent les 
rishis Bâiakhilyas, voués à la prière et an sacrifice. 
22— 23— 2J!i-.25— 26. 
» Tel était cet hermitage de Vaçishtha, domi- 
cile bien-aimé de Brahma , quand il s'offrit aux 
yeux du magnanime Vlçvâmitra, le plus éminent 
des victorieux. 27. 



Ici, dans le premier tome du saint Râinâyana, 

Finit le cinquante-deuxième chapitre , intitulé :: 

Discours de Çatananda. 



-2M— 



LUI. 



» Aussitôl que Viçvânakra, ce héros à la force 
puissante, eut aperçu Vaçisluha^ le plus disUngué 
parmi ceux qui récitent la prière, il fut porté au 
comWe de la joie et s'inclina deifant lui afec 
rei^ct — « Sois le bien venu diea moi ! » lui dit 
Vaçishtha le magnanime , qui offrit poliment uu 
siège à ce maître de la terre. 1*^2. 

» Ensuite, quand le sage YiçYâmitra se fut assis 
sur un siège éminent d'herbe kouça (i), le prince 
des anachorètes lui présenta des racines et des 
fruits. 3. 

» Après qu'il eut reçu de Vaçishtha ces hon- 
neurs, le meilleur des rois, le resplendissant Viç- 
vâmitra lui demanda s'il voyait tout prospérer dans 
son feu sacré , ses disciples et ses bouquets 

(1) Poa cynosuroîdes , graminée, que les Indiens vé- 
nèrent et qu'ils emploient dans leurs cérémonies sacrées. 



— 2d§— 

â*arbres. Le plus vertueux des anachorètes, le fils 
de Brahma, l'ascète au^ dures macérations, Va* 
çishtha répondit que la santé régnait partout , et 
renvoya ces questions au fils de Gâdhi , au plus 
éminent des vainqueurs, au roi Viçvâmitra, com- 
modément assis: U — 5—6. 

« N'est-ce pas , noble roi , que tu jouis d'une 
santé florissante ? N'est-ce pas que, juste, enchai* 
nant par ton équité l'affection de tes sujets, tu les 
gouvernes toujours avec la conduite , qui sied à 
un digne monarque ? 7. 

» N'est ce pas que tes serviteurs sont bien 
payés et bien nourris? N'est-ce pas qu'ils se tiennent 
devant toi prêts à t'obéir î N'est-ce pas , immo- 
lateur de tes ennemis , que tu les as domptés 
jusqu'au dernier? 8. 

B N'est-ce pas, tigre puissant des bommes, héros 
sans péché , mais terrible à tes ennemis , que tu 
vois tout prospérer dans tes armées , tes pleins 
trésors, tes amis, tes fils et tes petits-fils ?» 9. 

» Ensuite , Yiçvâmitra , ce monarque d'une 
splendeur éblouissante , répondit avec un air mo- 
deste au pieux Yaçishtha que la félicité régnait 
chez lui de tous les côtés. 10. 

» Alors qu'ils eurent passé dans ces mutuels 
récits un assez long temps , exerçant l'un sur 
l'autre une puissance de charme réciproque et 
tous deux pleins du plus vif plaisir, le bienheureux 



—300- « 

Vaçîshtha , le plus saint des anachorètes, souriant 
à Viçvâmitra , lui tint ce langage , à la fin de ce 
vertueux entretien : 11 — 12. 

« Monarque puissant , j*ai envie de servir un 
banquet hospitalier à ton armée et à toi , de qui 
la grandeur est sans mesure : accepte ce festin, 
qui sera digne de toi. Que ta majesté daigne re- 
cevoir rhospitalité offerte ici par moi : tu es le 
plus noble des hôtes, ô roi , et je dois maintenant 
déployer tout mon zèle pour te fêter. » 13 — 14. 
D A ces paroles de Yaçishtha, le roi maître de 
la terre, Yiçvâmilra lui répondit ainsi: «C'est 
déjà £iit ! tu m'as rendu complètement les honneurs 
de rhospitalité avec ces racines et ces fruits, qui 
sont tout ce que tu possèdes , auguste et bien- 
heuieux solitaire, avec cette eau pour nettoyer 
, mes pieds, avec cette onde pour laver ma bouche, 
et surtout avec ton saint visage, dont tu m'offres 
la vue. 15—16. 

» J'ai reçu ici de toute manière les honneurs 
d*une hospitalité digne : je m'en vais ; hommage 
à toi, resplendissant anachorète I daigne jeter sur 
moi un r^ard ami î » 17. 

» Mais , quoiqu'il parlât ainsi , Yaçiâhtha au 
cœur immense, à l'âme généreuse , n'en pressait 
pas moins le monarque de ses invitatioq;s plusieurs 
fois répétées. 18. 

« £h bien ! soit ! répondit euGn à Yaçishtha 



—301 — 

le royal fils de Gâdhi ; qu*il en soit donc comme 
il te plait, noble taureau des solitaires !» 19. 

» Quand il eut ainsi parlé ^ le resplendissant 
Vaçishtha, le plus distingué entre ceux qui récitent 
la prière à voix basse , appela joyeux la vacbe 
immaculée , dont le pis merveilleux donne à qui 
trait sa mamelle toute espèce de choses, au gré 
de ses désirs. 20. 

« Viens , Çabalâ , dit-il , viens promptement 
ici : écoute bien ma voix ! J'ai résolu de composer 
un banquet hospitalier pour ce roi sage et toute 
son armée avec les nourritures les plus exquises : 
foumis^moi ce festin. Quelque mets délicieux que 
chacun souhaite dans les six saveurs, fais pleuvoir 
ici , pour Famour de moi , céleste Kâmadhouh , 
fais pleuvoir toutes ces délices. Hâte-toi , Çabalâ, 
de servir à ce monarque un banquet hospitalier 
sans égal avec tout ce qui existe de plus savou- 
reux en mets, en breuvages, en toutes ces frian» 
dises, que Ton suce ou lèche avec sensualité ! » 

21—22—23. 



Ici , dans le premier tome du saint Râmâyana 

Et dans le Discours de Çatânanda , 

Finit le cinquante-troisième chapitre , nommé : 

L'Invitation faite a Viçvamitra. 



-302- 



LIV. 



9 Quand façishtha Peut ainsi appelée , vaillant 
immolatenr de tes ennemis, Çabalâ se mit à 
donner toutes les choses désirées, au gré de qui- 
conque trayait sa mamelle, des cannes à sucre, 
des rayons de miel , des grains tont frits, le rhum, 
que Ton tire des fleurs du lythrum , le plus déli- 
cieux esprit de Varundo saccharifera , les plus 
exquis des breuvages , toutes les sortes possibles 
d*aliments, des mets, soit à manger, soit à sucer, 
des monceaux de riz bouilli , pareils à des mon- 
tagnes, de sdccnlentes pâtisseries , des gâteaux, 
des fleuves de lait caillé, des conserves par milliers, 
des vases regorgeants çà et là de liqueurs fines , 
variées , dans les six agréables saveurs. l-2-3-/i. 



—305— 

» Cette foule d*boinmes, Râma, et toute rarmée 
de Viçvâmitra, si magnifiquement traitée par Va- 
çishtha , fut pleinement satisiaite et rassasiée 5 
cœur joie. 5. 

» Â chaque instant , Çabalâ faisait ruisseler en 
fleuves tous les souhaits réalisés au gré de chaque 
désir. L'armée entière de ce grand Yiçvâmitra, le 
roi-saint , fut donc alors joyeusement repue dans 
ce banquet, où, leiTible immolateur de tes en- 
nemis , elle fut régalée de tout ce qu'elle eut 
envie de savourer. 6 — 7. 

» Le monarque , pénétré de la plus vive joie , 
avec sa cour, avec le chef de ses brahmes , avec 
ses ministres et ses conseillers , avec ses domes- 
tiques et son armée, avec ses chevaux et ses élé- 
phants, adressa ce discours à Yaçishtba : « Brabme, 
qui donnes à chacun ce qull veut, j'ai été splen- 
didement traité par toi , si digne assurément de 
toute vénération. 8 — 9. 

» Écoute , homme versé dans l'art de parler , 
je vais dire un seul mot : donne-moi Çabalâ pour 
cent mille vaches. 10. 

» Certes! c'est une perle, saint brahme, et les 
rois ont part, tu le sais, aux perles trouvées dans 
leurs états : donne-moi donc Çabalâ ; elle m'ap- 
partient h bon droit !» 11. 

» A ces paroles de Viçvâmitra, le bienheureux 
Yaçishtba , le plus vertueux des anachorètes et 



—304— 

oomme la justice dle^même en personne, répondit 
ainsi au maître de la terre : 12. 

« O roi, ni pour cent milliers, ni même pour 
un milliard de vaches , ou pour des monts tout 
d'argent, je ne donnerai jamais Çabalâ. 13. 

» Elle n*a point mérité que je l'abandonne et 
que je la repousse loin de ma présence, dompteur 
puissani de tes ennenùs : cette bonne Çabalâ est 
toujours à mes côtés, comme la gloire est sans 
cesse auprès du sage , maître de son âme. ik. 

» Je trouve en elle, et les olblations aux Dieux, 
et les offrandes aux Mânes, et les aliments néces- 
saires à ma vie : elle met tout près de moi, et le 
beurre clarifié, que l'on verse dans le feu sacré, 
et le grain , que l'on répand sur la terre ou dans 
l'eau , en signe de charité à L'égard des axa- 
tures. Les sacrifices en l'honneur des Immortels, 
les sacrifices en l'honneur des ancêtres , les diffé- 
rentes sciences, toutes ces choses, n*en doute pas, 
saint monarque , reposent ici vraiment sur elle. 

15—16. 

» C'est de tout cela, ô roi, que se nourrit sans 
cesse ma vie. Je t'ai dit la vérité : ouil pour une 
foule de raisons, je ne puis te donner cette vache, 
qui fait ma joiel » 17. 

» 11 dit ; mais Yiçvâmitra, habile à manier la 
parole, adresse encore au saint anachorète ce dis- 
cours , dans le ton duquel respire une colère ex- 



—305— 

cessive : « Eh bien I je te donnerai quatorze mille 
éléphants, avec des ornements d'or, avec des 
brides et des colliers d'or , avec des aiguillons d'or 
également pow* les conduire ! 18 — 19. 

» Je te donne encore huit cents chars , dont la 
blancheur est rehaussée par les dorures : chacun 
est attelé de quatre chevaux et fait sonner autour 
de lui cent clochettes. 20. 

I) Je te donne aussi , pieux anachorète , onze 
mille coursiers , pleins de vigueur , d'une noble 
race et d'un pays renommé. 21. 

» Je te donne enfin dix millions de vaches, flo- 
fissantes par l'âge et mouchetées de couleurs diffé- 
rentes; cède-moi donc à ce prix Çabalâ ! » 22. 

» A ces mots de l'habile Yiçvâmilra , le bien- 
heureux ascète répondit au monarque, enflammé 
de ce désir : « Pour tout cela même , je ne don- 
nerai pas Çabalâ I » 23. 

» En effet , elle est ma perle , elle est ma ri- 
chesse , elle est tout mon bien , elle est toute ma 
vie. 2U. 

» Elle est pour moi , et le sacrifice de la nou- 
velle, et le sacrifice de la pleine lune, et tous les 
sacrifices, quoiqu'ils soient, et les dons offerts aux 
brahmes assistants , et les différentes cérémonies 
du culte : ouil roi , n'en doute pas ; toutes mes 
cérémonies ont dans elle leurs vives racines. A quoi 
bon discuter si long-temps ? Je ne donnerai pas 



—506— 

celte vache , dont la mamelie verse à qui la trait 
une réalisation de tous ses désirs. » 25 — 26. 



Ici, dans le premier tome du saint Rdmdyana 

Et dans le Discours de Çatananda , 

Pioit le cinquante-quatrième chapitre, intitulé : 

Entretien de Vaçishtha et de ViçvAMrraA. 



—307— 



LV. 



» Quand Vaçishtba eut refusé de lui céder la 
vache merveilleuse, qui change son lait en toutes 
les choses désirées , le roi Ylçvftmitra dès ce mo- 
ment résoUa de ravir Çabalâ au saint anachorète. 1. 

Tandis que le monarque altier emmenait 
Çabalâ , elle , toute songeuse * Râma , pleurant, 
s^tée par le chagrin , se mit à rouler en soi-même 
ces pensées : 2. 

« Pourquoi suis-je abandonnée par le très- 
magnanime Yaçishtha , car il souffre que les sol- 
dats du roi m'entraînent plaintive et saisie de la 
plus amère douleur. ? 3. 

9 £st-ce que j*ai commis une offense à l'égard 
de ce maharshi , abymé dans la contemplation , 
puisque cet homme si juste m'abandonne , moi 
innocente, sa compagne bien aimée et sa dévouée 
senante? » k. 



. —308— 

» Après ces réfleiioos, fils de Ragbou, et qaand 
elle eut encore soupiré mainte et mainte fois, elle 
retourna avec impétuosité à Thermitage de Va- 
çisbtha; et, malgré tous les serviteurs du roi, 
mis en fuite devant elle par centaines et par mil- 
liers, elle vint, rapide comme le vent, se réfuter 
sous les pieds du grand anachorète. 5 — 6. 

» Arrivée là, pleurant de chagrin , elle se mit 
en face du solitaire, et, poussant un plaintif mu- 
gissement , elle tint à Yaçishtha ce langage : 7. 

« M'as-tu donc abandonnée, bienheureux fils 
de Brahma, que ces sondoyers du roi m'aitraînent 
ainsi loin de ta vue ? » â. 

» A ces paroles de sa vache malheureuse , au 
cœur tout consumé de tristesse , le saint brahme 
lui répondit en ces termes, comme à une sœur : 9. 

« Je ne t*ai point abandonnée , Çabalâ , et tu 
n'as point comoiîs d'offense contre moi : non ! 
c'est malgré moi qu'il t'emmène, ce roi à la 
force puissante! 10. 

9 En eièt, je ne crois pas qae Ton puisse 
trouver une force égale à celle d'un roi , surtout 
parmi les brahmes : celui-ci est paissant , il est 
kshatrya de race, il est même le maître de toute 
la terre, il, 

» Ce que tu vois est une armée complète , où 
s'agitent d'un mouvement inquiet les chars , les 
coursiers, les éléphants; car il est venu environné 



—309-- 

d'une force sapérieure à la mienne par ses 
fantassins, ses drapeaux et ses grandes multitudes 
d'hommes !» 12. 

» A ces mots de Vaçisbtha, la vache, instruite 
à parler, répondit modestement au saint brahme, 
environné d'une ^lendenr infinie : 12. 

V La force du kshatrya n'est pas supérieure, 
dît-on, à la force du Brahme. La puisi»nce du 
brahme est céleste et l'emporte sur la puissance 
du kshatrya. Tu possèdes une force incalculable : 
ce Yiçvâmitra à la grande v^eur n'est point, ô 
brahme, plus fort que toi: il.est difficile de lutter 
contre ton invincible énergie. 14 — ^15. 

a Doune-moi tes ordres , à moi , que ta puis- 
sance a fait naître , éblouissant anachorète ; com- 
mande que je détruise la force et Foi^ueil du 
monarque injuste. » 16. 

» A ce discours de sa vache : « Allons ! dit 
Vaçisbtha, Thermite aux bien grandes macérations, 
allons ! produis une armée , qui mette en pièces 
l'armée de mon ennemi !» 17. 

» Alors, vaillant prince, enfantés par centaines 
de son mugissement, les Pahlavas (1) se mirent à 
porter la mort, sous les yeux mêmes du roi, dans 
toute l'armée de Yiçvâmitra; mais lui, pénétré de 

i 

i 

(1) Les Perses, suivant Topinion commune ; les Paktyes 

d'Hérodote, selon M. Lassen, peuple, qui liabitait sur les 
confins de Tlnde, au nord et à Touest. 



—310— 

la pins vive douleur et les yeux enflammés de co- 
lère . extermina ces Pahlavas avec différentes 
sortes d'armes. 18—19. 

» A Taspect de Viçvâmitra moissonnant par 
centaines ses Pahlavas, Çabalâ créa de nouveau ; 
et ce furent les formidaUes Çakas (1), mêlés avec 
les Yavanas (2). 20. 

» Toute la terre Ait couverte de ces deux peuples 
unis, agiles à la course, pleins de vigueur, serrés 
en bataillons comme les fibres du lotus, armés de 
longues épées et de grands javelots, défendus sons 
des armes d'or comme leur cotte de mailles. 
Dans t instant même , tonte l'armée du roi fut 
consumée par eux, telle que par des feux dé- 
vorants. 21—22. 

» A la vue de son armée en flammes , Viçvâ- 
mitra le très-puissant de lancer contre Tennemi 
ses flèches d'un esprit égaré et dans le trouble 
des sens. 23. 



Icis dans Le premiei' volume du saint Râmâyana, 

Finit le cinquante-cinquième chapitre, intitulé : 
Discours de Vaçishtha sur le yol de sa vache. 

(i) Peuple nomade, les Scythes des Grecs. 

^2) Après Tâge d'Alexandre, ce nom fut appliqué aux 



— 311-- 



LVI. 



«» Ensuite , quand il vit ses bataillons éperdu5i, 
mis en désordre sous les traits du monarque, 
Vaçishtba aussitôt jeta ce commandement à sa 
vache : « Fais naître de nouveaux combattants I » 1 . 

» A Cinstant , un autre mugissement produit 
les Kambodjas, semblables au soleil: lesPahlavas, 
des javelots à la main, sortent de son poitrail ; les 
Yavanas, de ses parties génitales; les Çakas, de sa 
croupe (1) ; et les pores velus de son derme en- 
fantent les Mlétchas, les Toushâras et les Ki- 
râtas. 2—3. 

» Par eux et dans l'instant même, fils de Ragbou , 

Grecs. Il indique^ suivant Schlegel , d*ane manière indé- 
finie, les peuples situés au-delà des Perses à TocGident. 
(1) Littéralement: cxcremêittorum è loco» 



—312— 

cette armée de Viçvâmitra fut anéantie avec ses 
fantassins , ses chars , ses coursiers et tous ses 
éléphants. U. 

» A la vue de son armée détruite par le ma- 
gnanime solitaire , cent fils de Viçvâmitra , tous 
diversement armés, fondirent, enflammés de co- 
lère, sur Yaçishtha, le plus vertueux des hommes, 
qui murmurentla prière; mais le grand anachorète 
les consuma d*un souffle (1). 5—6. 

• Un seul moment suffit au magnanime Ya- 
çishtha pour les réduire tous en cendres : fils de 
Viçvâmitra, cavaliers, chars et fantassins. 7. 

» Quand il eut ainsi vu périr , héros sans pé- 
ché, tous ses fils et son armée, Viçvâmitra, tout à 
rheure si poissant, réfléchit alors sur lui-même 
avec pltts de modestie. 8. 

» Gomme le serpent, auquel on a brisé les 
dents ; comme Toiseau , auquel on a coupé les 
ailes ; comme la mer , quand elle n*a plus ses 
vagues; comme le soleil obscurci au temps, où 
récNpse a dérobé sa lumière, ce prince malheureux,' 
se$ fils morts , son armée détrnite , son oi^neil à 
bas, ses moyens pulvérisés, tomba dans le mépris 
de soi-même. 9 — 10. 

» Ayant donc mis à la tête de son empire le 



(1) Mot à mot : t II ne fit que hum! n interjection de 
déplaisir ; • et il les consuma, » 



— 31;J— 

seul fils , qui n'eût p€is encouru le malheur des 
antres, afin qu'il prot^eât la terre , comme il 
sied au kshatrya, le roi YiçTâmitra se retira au 
fond d'un bois. 11. 

» Là, sur les flancs de l'Himalaya, dans un lieu 
embelli par les Kinnaras, ces mélodieux Génies, 
il s'astreignit à la plus rude pénitence pour gagner 
la bienveillance de Mahâdéva. 12. 

» Après un certain laps de temps, le grand Dieu 
rémunérateur, qui porte sur son étendard l'image 
d'un taureau , vint trouver le roi pénitent , et lui 
dit : « Pourquoi subis-tu cette rigide pénitence ? 
Dis, roi ! je suis le dispensateur des grâces : fais- 
moi connaître quelle faveur tu désires. » 13-lâ. 

» A ces paroles du grand Dieu , l'austère pé- 
nitent se prosterna devant Mahâdéva , et lui tint 
ce langage: 15. 

a Si tu es content de moi , divin Mahâdéva, 
' mets en ma possession l'arc Yéda, avec l'arc Anga, 
l'arc Ôupânga, l'arc Oupanishad et tous leurs se- 
crets : fais apparaître à mes yeux ces armes, qui 
sont en usage chez les DieuT , les Dânavas , les 
Rishis, les Gandharvas , les Yakshas et les Rak- 
shasas. 16-— 17. 

» Voilà , Dieu illustre des Dieux , ce que mon 
cœur demande à ta bienveillance ! » — « Qu'il en 
soit ainsi ! » reprit le souverain des Immortels ; 
et, cela dit, il retourna dans les cieux. 18. 

20 



— 3l/i— 

» Quand H eut reçu le& armes désirées, i'illustre 
etxoyal saint Viçvâmitra, comblé d'une vive allé- 
gresse, en devint alors tout plein d'orgueil. 19. 

» Enflé par cette force nouvelle, comme la 
mer au temps de la pleine lune, il se crut déjà le 
vainqueur de Vaçishtha, le meilleur des.anacho- 
rètes. — Il revint donc à Thermitage de Thomme 
saint et décocha contre lui ses flèches mystiques, 
par lesquelles tout le bois de la pénitence fut 
ravagé d*un immense incendie. 20 — 21. 

» Â la vue de ces dards lancés par Thabile main 
de Viçvâmitra , tous les anachorètes de s'enfuir 
par milliers çà et là frappés d'épouvante. Les dis* 
ciples de Vaçishtha , les gazelles , les oiseaux par 
milliers de courir vers tous les points du ciel , 
efl'ray{:s et tremblants. 22 — 23. 

» £n un instant , i'hermitage du magnanime 
Vaçishtha fut vide et il devint pareil au désert 
sans voix. 2U. 

« Ne craignez pas, leur criait Vaçishtha mainte 
fois, ne craignez pas! Me voici pour anéantir le 
fils de Gâdhi, comme le grésil, qui fonda l'aspect 
du soleil ! » 25. 

» À ces mots, l'éblouissant Vaçishtha, le plus 
excellent des êtres doués de la parole , adressa , 
plein de colère, ce discours à Viçvâmitra: 26. 

« Insensé , toi , qui as détruit cet hermitage 
long-temps heureux , tu as commis là une mau- 



—315— 

Taise actkm : c*est pourquoi to périras ! » 27. 
» Ayant ainsi parlé, il saisit, enflammé de co- 
lère et d'une main précipitée, son bâton de 
brahme , qui était comme un autre sceptre d' Yama 
ou comme le feu même de la Mort , enveloppé 
de fumée. 28. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana 

Et dans le Discours de Çatananda, 

Finit le cinquante-sixième chapitre , intitulé : 

L'HERMITÂGE de YAÇISHTHâ mCENDlÉ. 



-^316— 



LVIL 



» Â ces mots de Vaçisbtha : « Arrête ! lai cria 
Yiçvâmitra , qui leva du même temps le trait du 
feu dans sa forte main; arrête! » 1. 

» Vaçisbtha répondit à cette parole du roi : 
« Me voici ferme devant toi, qui du kshatrya n'as 
que le nom : montre-nous quelle est ta force ! 2. 

» À rinstant, fils de Gâdhi, je vais briser Tor- 
gueil de tes armes : vois quelle différence existe 
entre la puissance du ksbatrya et la puissance 
inéluctable du brahme ! 3. 

» Reconnais, vil kshatrya, que ma force de 
brahme , vient du ciel ! » 

» Il dit, et, touchée par son bâton brahmiqne, 
la flèche terrible et sans égaie du feu s*éteignit, 
comme l'eau éteint la flamme impétueuse. Le fils 
de Gâdhi , brûlant de colère , envoya , coup sur 
caupt et le trait de Roudra, et le trait de Varouna, 
et le trait d'Indra , et Pâçoupata , le tr^it d'Tça ; 



—317— 

puis, le Psychique, THuinain, le GandbarWde, le 
Soporifique ; ensuite , le Briseur , le Stupéfiant , 
le Consompteur, le trait-des-gémissements , le ja- 
velot terrible de la Sécheresse et le dard invincible 
du tonnerre. U — 5—6 — 7. 

') Il jeta encore le trait du Ghâliment, celui 
des Piçâtchas, Tépieu à bec de héron, deux lances 
ferrées et deux massues , Kankâla et Moushala. 
Après elles , vinrent la grande flèche des Yidyâ- 
dharas et la flèche épouvantable de la Mort; puis, 
le disque de la Justibe, le disque de Vishnou et le 
disque même d*Yama. 8 — 9. 

» Ensuite, furent lancés , et le lacet de Brahma, 
et le lacet de la Mort, et le lacet de Yarouna, et la 
flèche de l'arc Pinaka (1), et deux foudres chéries, 
la Sèche avec l'Humide , et le trait du Vent , et 
l'Agitateur ) et la Tête-de-chevai , et le Trident, 
altéré de sang , et le Graniforme aux bruyantes 
clochettes. 10 — 11. 

» Le héros issu du vaillant Kouçika avait di* 
rigé toutes ces armes contre le bien excellent 
Vaçishtha ; mais celui-ci apparut dans cette lutte 
comme un être merveilleux. 12. 

» Le fiis de Brahma parait tous les coups avec 
son bâton , et le fils de Gâdhi , voyant tous 
ses traits expirés , se préparait à lancer enfin le 
javelot de Brahma. 13. 

(4) Nom donné à Tare de Civa. 

20. 



-^318— 

n Dès qu'ils virent ce héros lever son arme , 
les Dieux avec le Feu à leur tête , les rishia des 
Dieux, les Gandharvas et les graods serpents 
tremblèrent tous d'épouvante. 14. 

» La peur agita les trois mondes au moment 
où Farme de Brahma fut lancée. Mais l'intrépide 
Vaçishtha , avec son bâton brahmique seulement 
et sa force de brahme, dévora même, fils de Ra- 
ghou , ce trait si formidable de Brahma. 

» Ce fut pour les trois mondes une chose ter- 
rifiante, qui plongeait dans la stupeur et dont il 
était impossible de soutenir la vue , que l'aspect 
de ce magnanime Vaçishtha dévorant ainsi l'arme 
de Brahma. 

Par tous les pores du magnanime jaillissaient 
des rayons de lumière, comme une flamme, qui 
brille à travers la fumée ; et son bâton de brabme, 
levé dans sa main, flamboyait. 15-16-17-18. 

» On aurait dit le feu de la Mort , enveloppé 
de fumée ; on aurait dit le sceptre même d'Yama 
dans un autre main (1). Ensuite, ioim les anacho- 
rètes de célébrer à l'envi ce Yaçishlha , le plus 
émincnt des hommes qui murmurent la prière : 19. 

« O brahme , ta force n'est point trompeuse ! 
mets à ton énergie le frein de ton énei^ie même. 
Il a été vaincu par toi, ô brçihme, ce Yiçvâmitra 

fl ) Littéralement ; « on eût dit un autre sceptre dTama.» 



—319— 

à la force puissante. — Sois-nous favorable, ô le 
plus excellent des hommes , et dissipe les alarmes 
des mondes !» A ces mots, l'illustre et resplen- 
dissant anachorète se rassit dans sa placidité. 20-21 . 

» Yiçyâmitra même , accablé de chagrin , dit 
ces mots , qui suivaient plus d'un soupir : » La 
force du kshatrya est une chimère; la force réelle, 
c'est la force inséparable de la splendeur brah- 
mique ! — Il n'a fallu au brahme que son bâton 
pour briser toutes mes armes! Aussi vais-je, après 
que j'ai vu de mes yeux les effets d'une telle force, 
amender tous mes sens et me vouer aux rigueurs 
de la pénitence , pour m'élever de ma caste à 
celle des brahmes. » Il dit, et ce resplendissant 
monarque rejeta loin de lui toutes ses armes. 

22—23—2/». 

» Ensuite, ayant pris d'une âme ferme sa dé- 
termination et résolu d'acquérir le brafamanat à 
force de maicérations, on le vit, noble Rama, oa 
le vit aller, dans cette heure même^ embrasser l4 
carrière des mortifications. 25. 



Icij dans le premier tome du saint Râmâyana. 

Et dans le Discours de Çatananda , 

y it le cinquante-septième chapitre, nommé :: 

La Résolution de Viçvamitra. 



—320— 



LVIII. 



» Ensuite, devenu l'ennemi du magnanime 
anachorète , ma», en même tempa^ un trésor de 
pénitence , Yiçvâmitra , gémissant et gémissant 
toujours^ se macéra cruellement 1. 

» Accompagné de son épouse , le fils de Kou- 
çika était passé dans la contrée méridionale, où, 
se nourrissant de racines et de fruits , il avait 
embrassé une très-dure pénitence. 2. 

9 Ce monarque brûlait d'envie, par l'émulation, 
que lui inspirait Yaçishtha, de parvenir à Fétat 
saint dans la caste des brahmes ; mais, se voyant 
toujours vaincu par l'énergie de l'unification en 
Dieu , que l'anachorète devait à ses austérités 
brahmiques, il s'enfonça dans la forêt des morti- 
fications, et là, vaillant Râma, il se macéra d'une 
manière excellente : « Que je sois brahme ! » 
disait-il, ferme dans la résolution , que sa grande 
âme avait conçue. S — U. 



—Z2i— 

» Là , naquirent au royal pénitent quatre fils 
célèbres dans le inonde : Havisyanda , Madhou- 
syanda , Dhrithanétra et Mahodara. 5. 

» Déjà , au temps , où ce noble tigre des rois 
gouvernait encore son empire, buit fils lui étaient 
nés, tous d'une grande force, d'une mâle vigueur 
et pleins d'héroïsme. 6. 

» Quand l'éminent anachorète, fils de Kouçika, 
eut parcouru dans cette solitude une révolution 
entière de mille années, il flamboya enfin par son 
ascétisme d'une splendeur égale à celle du feu. 7. 



Ici , dans le premier tome du saint Ramayana 
Et dans 
Le Panégyrique de Viçvamitra, 
Finit le cinquante-huitième chapitre. 



—322— 



LIX. 



» Après mille années complètes, Râma, l'an- 
tique ayeul des mondes, Brabma, se présenta au 
fils de Gâdhi et lui adressa ces douces paroles: 1. 

tt FilsdeKouçika, tu es entré triomphalement 
au monde très- élevé des rois saints: ont/ cette 
pénitence victorieuse t'a mérité , c*est mon sen- 
timent, le titre de risbi entre les rois! » 2. 

» A ces mots, l'auguste et resplendissant mo- 
narque des mondes quitta l'atmosphère et retourna, 
escorté par les Dieux , au ciel de Brahma. 3. 

» Réfléchissant aux paroles, qu'il venait d'en- 
tendre et baissant un peu la tête de confusion, Viç- 
vâmitra, plein d'une vive douleur, se dit avec 
tristesse: U, 

« Après que j'ai porté le poids de bien grandes 
macérations, Bhagavat ne m'a appelé tout à l'heure 
que roi-saint : ce n'est pas là , certainement , le 
fruit , auquel aspire ma pénitence ! » 5. 



—323— 

» Il dit, et cet émiuent anachorète d'une écla- 
tante splendeur, maître excellemment de lui- 
même , s'astreignit de nouveau , Kakoutsthide , 
aux plus austères mortifications. 6. 

') Dans ce temps même vivait un roi , nommé 
Triçankou » dévoué à la justice comme à la vérité 
et né du sang d*Ikshwâkou. 7. 

» Cette pensée lui était venue : « Je veux , se 
disait-il, offrir le sacrifice d'un açwamédha, et 
par-là j'obtiendrai de passer avec mon corps dans 
la voie suprême , où marchent les Dieux. » 8. 
, » Il manda Yaçishtha et lui fit connaître ce 
dessein : « C'est une chose impossible ! » répondit 
le prêtre sage. 9. 

'> Ayant donc essuyé un refus de son Directeur 
spirituel , le roi tourna ses pas vers la contrée 
méridionale , où les cent fils de Yaçishtha se li- 
vraient à la pénitence. 10. 

» Là, Triçankou vit les cent anachorètes, qui 
se macéraient dans la voie supérieure des longues 
mortifications. 11. 

» Il se prosterna devant eux , et , joignant les 
mains, il adressa la parole à ces hommes riches en 
pénitences ; il s'enquit d'eux si leur bonne santé 
était prospère, inaltérable même ; et ce monarque 
tout rayonnant de splendeur , mais baissant un 
peu la tête par la honte du refus , qu'il avait es- 
suyé de Yaçishtha, parla ainsi aux cent fils de 
son gourou 12 — 13. 



—324— 

« Hommessecoarables, je suis ?eiia implorer 
de Toas cette main protectrice , que tous savez 
tendre an malhenreox: daignez tons m'aider, 
moi , qui viens suppliant me réfugier sous vos 
pieds. — Mon Directeur spirituel, Yaçi^tha, le 
magnanime m'a refasé de célébrer un grand sa- 
criûce, que je brûlais d'ofirir : veuillez, vous, fils 
de mon gourou , acquiescer tous à ce mien dé- 
sir. Souffrez que je vous dise mes prêtres et vous 
mette avant tous les autres dans mon sacrifice : je 
vous en supplie , courbant ma tête à vos genoux , 
hommes fermes dans la pénitence. 14 — 15 — 16. 

» Que vos saintes personnes célèbrent toutes 
les cérémonies d'une âme attentive pour en as- 
surer le succès et de manière que , par la vertu 
du sacrifice, j'obtienne la possession du del, sans 
quitter mon corps. 17. 

» En vérité, après le refus de Yaçishtha, je ne 
vois pas, dignes brahmes, qui possédez l'opulence 
des mortifications , je ne vois pas un autre expé- 
dient, où je puisse recourir, si ce n'est à tous les 
fils de mon Directuenr spirituel. 18. 

» En effet, le plus éminent gourou de tous les 
Iksh^âkidcs, c'est Vaçislitba; mais, immédia- 
tement après lui, mes yeux le revoient encore, 
ce gourou , dans toutes vos saintes personnes. » 19. 

Fin du cinquante-neuvième chapitre, intittUé : 
Le Refus subi par Triçamkou. 



—325— 



LX. 



» Â peine les cent fils du rishi eurenl-ils en- 
tendu ce discours de Triçankou , vaillant Râma , 
qu'ils adressèrent au monarque ces mots, où 
respirait la colère : 1. 

« Ton gourou , de qui la bouche est celle de 
la vérité, a refusé de servir ton dessein : pourquoi 
donc passer outre à ses paroles et recourir à nous , 
homme à Tintelligence difficile? 2. 

» Pourquoi veux- tu abandonner la souche et 
fappuyer sur les branches? roi, ce n*est pas 
bien à toi de vouloir que nous soyons les ministres 
de ton sacrifice ! 3. 

» Certes I la voie première de tous les Ikshwâ- 
kides est dans leur prêtre : tu ne peux donc sauter 
avec dédain par-dessus la parole de celui-ci ! U, 

» Gomment nous serait-il possible de faire, 
contraints , pour ainsi dire , ce que le saint rishi 
Vaçisbtba a déclaré impossible? 5. 

» Tu es un insensé; ton âme est toute frappée 

21 



—326— 

de Mie. Reioarne dans u TÎDe : cet liomiiie saint 
est seul capable de célébrer ton sacrifice, et Mm 
pas nous. » 6. 

» A ces paroles , dont les syllabes s'envolaient, 
troublées par la colère, le monarque tomba dans 
un profond ch^rin et dit ces mots aux cent fils 
du solitaire: 7. 

« Refiisé par Yaçishtha d'abord , par tous 
ensuite , j'irai ailleurs , sachez-le bien ! chercher 
le secours, dont j'ai besoin, pour mon sacrifice!» 8. 

• Irrités par ces mots du roi aux syllabes me- 
naçantes, les cent fils du saint lancèrent contre 
luicettemalédiction:aTuserasuntchândâla(l)!»9. 

9 Après qu'ils eurent ainsi maudit ce roi , ils 
rentrèrent dans leur pieux hermitage. Puis, quand 
cette nuit se fut écoulée, noble Rama, le resplen- 
dissant monarqae diangea dans un instant: il 
n'offrit plus aux regards que l'aspect d'un tchân- 
dâla, à la figure hideuse, les yeux couleur de 
cuivre , les dents saillantes et gangrenées de ce 
jaune , qui passe à la nuance du noir , le corps 
affublé d'un vêtement noir dans la moitié infé- 
rieure , d'un vêtement rouge dans la moitié su- 
périeure de la taille , n'ayant que des ornements 

(i) De l'union d*un çoftdra avec des femmes appar- 
tenant aux classes commerçante , militaire et sacerdotale, 
résultent des fils produits par le mélange impur des classes 
et qui sont r.iyogava, le Kchattri elle Tchândâla, le 
dernier des mortels, ( Lois de àlanou, ch. X, art. 12. ; 



—327— 

de fer pour toute parure , et pour maison 
qu'une peau d'ours. 40 — 11 — 12. 

» Quand les conseillers du roi , les citadins et 
eeux qui njarchaient à' la suite du monarque 
eurent ainsi vu leur maître soudain précipité dans 
.toute la condition d'un tchândâla , ils s'enfuirent 
épouvantés dans leur ville. 13. 

» Dès lors, solitaire et l'âme troublée, on vit 
errer ce roi , consumé le jour et la nuit par le 
cruel chagrin de la malédiction fulminée contre 
kn. — Dans sa détresse, il s'en alla trouver le se- 
«ourable Yiçvâmitra, cet homme si riche en ma- 
cérations, qui exerçait à l'égard de Yaçishtha une 
magnanime rivalité. 1^ — 15. 

» Yiçvâmitra fut touché de compassion, quand 
il vit, noble Râma, ce monarque venir ainsi trans- 
figuré dans la forme avilissante d'un tchândâla ; 
et le resplendissant anachorète , habile à manier 
la parole, adressa an roi , d'un aspect horrible et 
de qui toute beauté avait disparu , ces mots , que 
lui inspirait la pitié : 16 — 17. 

« Quel motif aujourd'hui t*amèue en ces lieux, 
héros issu du sang d'Ikshwâkou , toi, souverain 
d'Ayaudbyâ , qu'une malédiction a plongé dans 
h condition d'un tchândâla ?» 18. 

A ces paroles de Yiçvâmitra , ce roi , en qui 
l'on ne voyait plus rien qui ne fût d'un tchândâla, 
parla ainsi , les mains jointes, à l'ascèle riche en 



—328— 

mériles énergiquement acqais par la pénitence : 19. 

« Mon directeur spiiituel et même ses fils 
m'ont refusé leur secours; j'ai éprouvé d'eut cette 
opposition , et n'ai pu voir se réaliser le vceo 
d'une chose ardemment souhaitée. 20. 

9 Puissé>je , c'était là mon dessein ; puissé-je, 
disais~je , par le mérite d'un grand sacrifice , aller 
dans le ciel avec moâ corps; mais je n'ai pu ob- 
tenir d'eux, placide anaehm^ète, qu'ils voulussent 
bien célébrer cette auguste cérémonie. 21. 

» Nulle part et dans aucun temps , alors même 
que j'étais sous la pression du malheur, un men- 
songe n'est sorti de ma bouche : je le jure à t4M, 
Yiçvâmitra, par ma foi de kshatira! 22. 

» J'ai (^ertde nombreux sacrifices, j'ai' gou- 
verné la terre dans l'équité : ma vie honnête et 
vertueuse a réjoui tous mes gouravas (1) : eut 
cependant, ils ne cherchent pas à faire une cbôse^ 
qui m'est agréable , ô le plus excellent des anacho- 
rètes, à moi pur en actions, en paroles, en pensées, 
et qui tends à la justice de tous mes effbrts. 2S-2(^i 

» Je pense que le Destin est supérieur à tout 
ici-bas, et que la volonté agissante de^ homines n'a 

(i) C'est le pluriel du mot gourou ; c'était le titre, que 
le disciple donùait à son maître. Les Lois de Manon disant 
aussi , ch. II, aiU 1^2 : « Le brahme , qui accomplit sui- 
vant la règle la cérémonie de la conception et les autres, 
et qui le premier donne à Tenfant du riz pour sa nourri- 
ture; est appelé gourou» n 



—329— 

ancane vertu pour noas mériter le fruit du bien 
on du mal : ?oilà maintenant mon sentiment 25. 

» Que ta sainteté daigne m'environner de sa 
bienTeillance, moi, qui viens implorer ton secours, 
moi , tombé au fond du malheur et qui vois le 
mérite de mes œuvres anéanti par le Destin. 26. 

» Je ne découvre pas une autre voie de salut ; 
il n'est pour moi nulle autre main secourable : 
que ta virile énergie veuille donc repousser loin 
de moi les coups de ce jaloux Destin. 27. 



Ici, dans le premier tome du saint Rêafiâyafia 

Et dans le Discours de Çatânanda , 

Finit le soixantième chapitre , nommé : 

La Malédiction jetée sur Triçankou. 



—330- 



LXf. 



» Quand le monarque £ut parlé ainsi, le grand 
anachorète Viçyâmitra lui adressa ces paroles 
douces et propres à combler de joie Triçankou : 1. 

« Cher Ikshwâkide , sois ici le bien venu î Je 
connais ta grande vertu : je serai ton secours ; 
demeure ici dans mon hermitage. 2. 

» Je convoquerai ici pour toi , infortuné mo- 
narque , tous nos plus grands ascètes à la céré- 
monie du sacrifice offert pouf l'accomplissement 
de ton brûlant désir. 3. 

» Comblé de béatitude , tu monteras dans le 
ciel avec cette même forme, dont tu es revêtu el 
que la malédiction des gouravas imprima sur toi ! A. 

Tu me semblés déjà toucher le paradis avec 
ta main , ô le plus vertueux des monarques , toi 
que Fenvie de parvenir au triple ciel a conduit 
vers jnoi. » 5. 



—331— 

» Après qu'il eut ainsi parié, ce radieux ana- 
chorète fit appeler tous ses fils , ses disciples , ses 
autres amis, et leur dit cette parole» qui tombait 
à propos: 6. 

« Hâtez-vous d'apporter ici toutes les choses 
nécessaires à la cérémonie d*un sacrifice ; et que 
Ton prenne dans mon bien même ce €[u*il faut 
pour le sacrifice de cet infortuné ! » 7. 

» Ensuite, faisant approcher ses disciples , Viç- 
vâmitra les chaîna de cette commission parti- 
culière : « Allez, suivant mon ordre, chez tous les 
saints; amenez-te ; ^t, quelque parole, que tel ou 
tel ait dite en recevant mon invitation , vous devez 
me la rapporter^ exactement comme elle fut 
exprimée, t 8 — 9. 

» Alors , obéissant à ses ordres, tous ses dis- 
ciples s'acheminent par les différents points de 
Tespace, et reviennent peu de temps après, ayant 
invité les ascètes. 10. 

» Ils se présentent devant leur maître, et, 
joignant les mains, lui tiennent ce langage : « Nous 
avons convoqué tous les solitaires, comme tu 
Tavais commandé. — Ton invitation, que nous 
avons portée chez tous les ascètes , fut acceptée 
par eux , à l'exception de Mahaudaya. 11 — 12. 
» Mais écoute, taureau saint des solitaires, le 
horribles mots , que les cent fils de Vaçishtha ont 
dits, tout émus de colère-: 13. 



—332— 

« Là où c'est un kshatrya qui est le sacrifi- 
cateur, et un tchândâla qui offre le sacrifice, 
comment les grands Dieux du ciel pourraient*îls 
venir dans une telle réunion goûter au beurre 
clarifié ! — Ou bien , quand ils auront mangé la 
nourriture donnée par un tcbândâla , comment 
pourront-ils monter au Swarga ces brahmes ma- 
gnanimes , dont ViçTâmilra lui-même aura causé 
la chute! » 14— -15. 

» Telles sont , tigre saint des anachorètes , ces 
pardes dures , que tous les Vaçishthides et Ma- 
baudaya de concert avec eux nous ont jetées, les 
yeux étiocelants de colère. » 16. 

» Â ce récit de ses disciples , le pieux taureau 
des solitaires fulmina cette malédiction , le regard 
enflammé de courroux : 17. 

« Puisque tous les Vaçishthides, ces esprits 
lourds, ces méchantes âmes, devenues comme de 
la cendre et tombées sous Fempire du temps, me 
jettent \m outrage , que je n*ai pas mérité : eh 
bienl que, dès ce jour môme, traînés par la corde 
à nœud coulant du trépas dans le séjour d*Yama, 
ils renaissent, gardiens et veilleurs de morts, 
dorant sept cents générations entières! 18-19. 

n Que, pressés de la faim, ils soient réduits à 
manger leur propre chair ; ^qu'ils suivent le monde 
ainsi, défigurés, hideux, entourés de gens impi- 
toyables! 20. 



—333— 

» Pour Mahauday%,, iatciligence étroite, qar 
m'a offensé sans raison, que, traité par tous les 
hommes avec injure, il tombe dans la condilion 
.vile du féroce chasseur! 21. 

» Plongé dans Finsensibilité du cœur et trou*- 
vant du plaisir à briser la vie , il passera un long 
temps par l'effet de ma colère dans ce métier 
sauvage ! » 22. 

» Après de telles paroles fulminées dans cette 
réunion de solitaires, le grand et radieux anacho- 
rète Viçvâmitra^ tut. 23. 



ici, dans le premier tome du saint Rdmâyana 

Et dans le Discours de Çatânanda , 

Finit le soixante-et-unième chapitre , intitulé : 

La Malédiction jetée sur les Vaçishthides. 



21* 



—334— 



LXII. 



» Quand le fils de Gâdhi eut ainsi déversé, 
noble enfant de Raghou, tout le poison de sa co- 
lère , et frappé les Vaçisbthides avec Mahaudaya 
par la force inéluctable de son ascétisme, il pro- 
nonça de nouvelles paroles dans Tasseoiblée des 
rishis : « Ge rejeton d*Ikshwâkou, homm^ JHSte, 
dévoué à la vérité , qui «st venu iisplonâr mon 
secours e£ qui est appelé Triçankou, veut (rfii^ir 
d'aJUer.au ciel, sans quitter son corps. 1—2—3. 

» Ainsi , daignez tous , saints hermites , con- 
sentir à ce qu'il souhaite. » Â ces mots, les 
plus distingués des solitaires, agités par la crainte, 
que leur inspirait sa colère , tinrent conseil en- 
semble : « Ce fils de Kouçika , disaient-ils , est 
un ascète bien prompt à s'irriter.^ U — 5. 

» Nous ne sommes pas de force à lutter contre 
lui avec nos corps humains : car le saint dans sa 



—335— 

colère nous doanera sa jooaiédiction, et aon cour*- 
rçuif. e$£ dévor^ot comm^ le feu. Qae le sacrifice 
SQÂt 49nc qffer^ , comme ce maharsU l'a dit , et 
qu*un gi*and zèlç y soit déployé, afin que le digNe 
rej^n d*)y|£sbwâkou monte au ciel avec son 
cqrps , grâeoç à la paissance de Viçvâmiitra ! » 
Equité , qiiand on eut ^ppoi^té là tout l'appareil, 
(e j^acrifice commença.. 6 — 7—8. 

;> Jiji^i, Tadh^^ryou, ce fiit le graçd ascète Yiç- 
vântitra ; ici, ies prêtres officiants , ce furent des 
aaaçjborètes (es plus parfaits en leurs vceui. 9. 

» Dans le sacri(jk:e , qui fut alors célébré en 
faveur ^ ce Triç^nkou à la grande puissance, le 
bienheureiiii Yiçvâioiitra , qui possédait la science 
^ /99aatras , récita les formules de ces prières 
secrètes et fit l'invocation pour amener les imr 
moft^ jb<^9^ du tripie ci^ à la participatioia 
des qhoses offertes sur l'autel ; mais ces Dieux 
9pp^ ne vini'eot pa$ reqevoir une part .dans les 
oblatiOAS. nerlà, tout pénétré de colère, ce .grand 
et mîoji. a^ac^orète , élevant la caiHer sacrée , 
9érea$e i Triça^kou ces paroles: 10-11-12. 

« Hoi des iio^iunes, regarde combien est puis.- 
9iWte la tvigueiiir de mon ascétisme : je vais par 
çc^te iforce éoiergiqae t'élever au Swarga même 
avec ton iCorj[>s. 13. 

« Triçankou , noble ^uverain , monte au ciel 
avec ton corps. Oui ! par la force de ces péni- 



—336— 

teaces, que j*ai thésaurisées depuis mon enfimcc, 
par la force d'elles tontes comj^ètement et qtifôlqne 
grandes qu'elles soient , va dans le ciel avec ion 
corps! » Aussitôt que le saint hermite eut ainsi 
parlé , Trjçankou, emporté dans les airs, monta 
au ciei sous le regard des anachorètes. Le Diea« 
qui commande à la maturité, Indra vît an même 
instant ce roi, qui s'acheminait lestement «ers 
le triple ciel, malgré le poids de son €orps. 

H_15— 16. 

» Tous les Dieux virent comme lui cette mer- 
veille: « Triçankou, dit alors ce roi du ciel^ 
tombe d'4ine chute rapide, la tête en bas, snr la 
terre ! Insensé, il n'y a pas dans le ciei d'habi- 
tation faite pour toi, qu'un directeur spirituel a 
frappé de sa malédiction !» A ces paroles de Ma- 
héodra, le malheureux Triçankou retomba du ciel. 

17—18. 

» Ramené vers la terre, sa tête en bas, il criait 
à Vicvâmitra : « Sauve-moi !» A ces mots : Sauve- 
moi, jetés vers lui par ce roi tombant du ciel : 
« Arrête-toi ! lui dit Viçvâmitra, saisi d'une cdère 
ardente, arrête-toi ! » Ensuite, par la vertu de 
son ascétisme divin, il créa, comme un second 
Brahma, dans les voies australes du firmament, 
sept autres rishis, astres lumineux, qui se tien- 
nent au pôle méridional, comme l'a voulu cet 
auguste anachorète. 19 — 20 — 21. 



—337— 

1) A Taide encore de la paissance brahmique , 
enliantée par ses niacéralions, il se mit à produire 
un nouveau groupe d*étoi1es dans les routes aus- 
trales du Swarga. 22. 

. » Après qu*il eut fait cette constellation avec 
des yeux enflammés de colère, il se mit à l'œuvre 
afin de créer aussi de nouveaux Dieux à la place 
d'Indra et de ses immortels coliques. Mais alors, 
en proie à la plus vive inquiétude, les Souras avec 
les chœurs des rishis divins adressent au magna- 
nime Yiçvàmitra ce discours , accompagné de 
respect: 23— 2/i. 

« Ce roi , que la malédiction d'un gourou a 
frappé , ô le plus excellent des brahmes , ne peut 
aller au ciel avec son corps , sans qu'on ait lavé 
sa tache. — Défendre les saintes règles est un 
devoir pour tous ceux qui connaissent les règles 
saintes : ne veuille donc pas transgresser l'ordre 
établi par ces règles mêmes. » 25 — 26. 

» A ces paroles des Inmiortels, le pieux taureau 
des monobites répondit aux Déités par ce discours, 
accentué d'un ton affectueux: 27. 

« O Dieux, quand j'ai promis au sage Triçankou 
que je le ferais monter au ciel avec son corps , 
puis-je rendre cette parole menteuse et faire qu'il 
ne s'y élève point , grâces à mon aide , revêtu de 
sa chair et de ses os ! mais je voirai pas outre 



—338— 

que seulement toutes ces coustellations nouvelles 
demeurent à jamais stables. 28 — 29. 

« Ces groupes d'étoiles subsisteront ausâ long- 
temps que dureront les mondes. Daignez, vous 
tous, ratifier mes paroles de V4>tre consenteiment » 
— ^Ib approuvèrent, fils de Raghou, dans la crainte 
de Viçvâmitra : « Soit I répondirent les Dieux ; 
que ces conateilations demeurent ainsi, loin des 
voûtes du soleil et de la lune. 30 — 31. 

» Que Triçankou même se tienne ici , la tête 
en bas, à la vpûte céleste australe, ses vœux com- 
blés, et flamboyant de sa propre lumière ! » 32. 

« Bien I » répondit alors aux paroles de ces' 
Déités le grand solitaire Yiçvâmitra, à qui tous les 
Dieux prodiguaient en ce moment leurs éloges. 33. 

» Ensuite, à la fin du sacrifice, dompteur vail- 
lant de tes ennemis, ô Râma, tous les Dieux et les 
rishis , ascètes magnanimes , s'en retournèrent , 
comme ils étaient v«nus. 3&. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana 

Et dans le Discours de Çatananda , 

Finit le soixante-deuxième chapitre, nommé: 

L'ASOENSION DE TRIÇANKOU AU CIEL. 



—339— 



LXIIL 



» Après le départ des hermites , YiçvâAiiitra , 
rémineDt aiiachorère, rbommc au trésor inépui- 
sable de péDitences , dit li ses cotnpagnons, habi* 
tants du bois: 1. 

« De grands troubles agitent les pays situés 
dilDS le ToisiQ9g€f de 4a région mériijUonale : allons- 
aous-ien vers on autre lieu , où nous pratî^ions 
en paix nos m'acéraiipas. 2. 

« Retirons-nous au bois Poushkara dans la 
contrée occidentale : lli , il nous «sera itossibie de 
ipàtomm à notice aise la carii^e de m$ mocti- 
ficatioiis ; car c'est -une forêt ej^ceUente pour la 
pénilie^çe. » 3. 

» Q«and il ont dit ces rnots, le mi^t i la vive 
«friendeui' a'a^beminfi ver« la {or^t J^onsbl^f^a^ lop, 
»'Aymt pour «Hinesits <pe des fruits iomages et 
des racines , il se pkxigqa dians une terrible et 
triompbaïKie pénitence, h. 



—340— 

n Dans le temps qoe Yiçvâtnitra habitait i 
bois, noble fils de Raghou, la pensée de sacrifie 
naquit au saint roi Arnbarîsha. 5. 

Tandis que ce fier dominateur de la terre se 
préparait à verser le sang d'un homme en Thon- 
neur des Immortels, Indra tout à coup déroba la 
victime liée au poteau du sacrifice et sur laquelle 
on avait déjà versé les ondes lustrales, en récitant 
les formules des prières ; cette victime, qui n'é- 
tait pas autre chose qu*un être humain , au corps 
tout parsemé de signes heureux, un homme des- 
tiné an couteau du prêtre comme un bétail Quand 
lebrahme, chef du sacrifice, vit o/ors cette victime 
enlevée, il tint au roi ce langage: 6 — 7. 

« Pieux monarque , cette victime, sur laquelle 
nous avons lépandu Teau sacrée , je ne sais qui 
l'a soustraite I Ne l'oublie pas , seigneur des 
hommes, les Dieux frappent un roi, qui n'a 
point su garder te sacrifice, 8. 

» En effet , c'est une insigne profanation : ra- 
mène donc à l'autel cette victime , ou mets à sa 
place une nouvelle hostie , achetée à prix d'ar- 
gent, afin qoe la cérémonie suive son cours. » 9. 

» A ces mots du brahme, qui dirigeait le sacri- 
6ce, Arnbarîsha dès-lors se mit à chercher partout 
on homme , qui , marqué de signes heureux, pût 
loi servir de victime. 10. 

» Le prince magnanime parcourut les villes 



et tes villages , les forêts et les plages ; il entra 
même dans les plus saints bermîtage& 11. 

« Tandis qu^il cherchait ainsi , nobte enfant de 
Raghoa , il vit un brahme, nommé Ritcbîka, 
pauvre, -ayant beaucoup d*enfants et qui n'habitait 
pasencoretme forêt, maù au sein d'une maison. 1 2. 

» S'étant donc approché de cet homme , qui 
trouvait son plaisir dans la pénlteace et la sainte 
lecture des Yédas, Àmbarîsha lui demanda com- 
ment il se poruit, et, après toutes les autres 
politesses d'usage, il dît: 13. 

« O le plus vertueux des brahmes, donne-moi 
pour cent mille vaches un de tes fils, afin qu'il 
soit immolé sur l'autel dans un grand sacrifice , 
dont la victime doit être un homme. iU. 

» Tu as beaucoup d'enfants , tu es pauvre, tu 
es vieux, ô le plus émînent des régénérés; livre- 
moi donc, s'il te plaît, un de tes fils. J'ai fouillé 
plusieurs contrées; nulle part, je n'ai trouvé une 
victime bonne à sacrifier : ainsi , brahme, veulUe 
me donner un de tes fils pour un si haut prix. 

15—16. 

» Fais, pieux Kaçyapide, que mes vœux soient 
comblés, grâces h cette victime ofierte. » 

» A ce discours, que lui adressait Ambarîsha, 
noble fils de Raghou , il répondit ces mots : « Je 
ne consentirai jamais à vendre l'aîné de mes fils ! » 

» Sur les paroles de Ritchîka, la mère illustre de 



—Sus- 
ses fils tint ce langage au roi : « Je ne consentirai 
jamais à vendre Faîne de mes fils , a dit le saint 
Kaçyapide ; eh bien ! sache que le pins jenne de 
nos fils est ainsi chéri de moi par^dessus tous lejs 
autres. 

» Ordinairement, c'est le premier- né, quia 
tontes les préférences du père , mais toutes les 
prédilections d'une mère sont pour le plus jeune. 
Ainsi, prince , ces deux enfants seront exceptés. » 

» Â ces mots du brahmine , à ces mois de sa 
femme, Çounaççépha , celui de leurs fils , que sa 
naissance plaçait au point médial entre ces deux 
termes, avança les paroles suivantes : « Mon père 
ne veut pas vendre l'aîné de ses fils, et ma mère 
ne veut pas te céder son dernier-né. (Du W au 
23« çloka. ) 

» Je pense que c'est dire : « Mais on veut bien te 
vendre celui qui est entre les deux ; » ainsi, d roi, 
emmène-moi d'ici promptemenl ! » Ensuite , le 
monarque , ayant donné les cent mille vaches et 
reçu l'homme en échange pour victime, s'en alla, 
plein de joie. Il fit monter Çounaççépha sur un 
char et revint, en toute célérité, noble fils de 
Raghou , achever son sacrifice. 23—24. 

Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le soixante-troisième chapitre, intitulé: 

Çounaççépha vendu. 



-543— 



LXIV. 



» Après que Çounaççépba lai eut été remis , 
le roi , au milieu du jour , comme ses cbeTaux se 
trouvaient fatigués , fit halte près du lac Poush- 
kara. Dans le temps qu'il était arrêté là, Çounaç* 
cépba , homme d'un grand jugement , s'approcha 
de ce tirtha saint , et , sur ses bords , il aperçut 
Yiçvâmitra. 1 — 2. 

» Alors, cet infortuné , le cœur déchiré par la 
douleur d'avoir été vendu et par la fatigue du 
voyage, s'avança vers l'anachorète, et, courbant 
la tête à ses pieds, lui dit: 3. 

« Je n'ai plus ni père , ni mère , ni parents, ni 
amis : daigne sauver un malheureux , abandonné 
par sa famille et qui vient implorer ton secours. &. 



—344— 

» Veuille bien exécuter une ciiose telle que le 
roi fasse ce qu'il veut faire , et que je vive ce- 
pendant , moi , qui me réfugie sous l'énergie de 
ta sainteté. 5. 

» Sois dans une pensée juste le défenseur d'un 
malheureux sans défense; daigne me sauver, saint 
anachorète , comme un père sauverait son fils 
unique, » 6. 

» A ces mots du suppliant, Viçvâmitra, si dis- 
tingué par l'opulence de ses macérations, consola 
Çounaççépha et dit à ses propres fils : 7. 

« Voici arrivé le temps où les pères désirent 
trouver dans leurs fils une plus grande vertu, 
parce qu'il faut traverser une immense diQiculté. 8. 

» Cet adolescent, Qls d'un solitairç^ désire que 
je lui porte secours, vfi^e^ donc faice une chose, 
que je verrais avec plaisir, celle de sacrifier votn 
Tie p^vr sauv^ i^ «ienne. «Q. 

» Tqus , vi>ns êtes distingués par yos bonnes 
œuvres ; tous, vous êtes religieusement fidèles à 
vos saints vœux; sauvez donc, comme je vous 
l'ordonne , ce as d'un solitaire. 10. 

» Comblez de joie ce malheureuXr en montant 
pour lui sur le bûcher allumé du sacrifice : je 
vous répète ce commandement, arrachez au triste 
sort d'être immolé comme victime le fils de Fana- 
nachorète Ritchîka , qui est venu implorer mon 



—365— 

se<}Oufs : agissez enfio de telle sorte qae le roi 
Ambarîsha i^^ait à subir aucun empêchement. » 

11—12. 
^ » A cet ordre itératif de leur père , il fut ré- 
pondu avec insolence par Madhousyanda et les 
àtitres fîts du saint anachorète ces paroles bles- 
santes! — «Gomment! tu sacrifies tes fils pour 
sativéf lêS fils d'autrui ! Agir ainsi , bienheureux, 
c'est défOrer ta chair eUe-même ! » IS— U. 

» A peine Tanachorète eut-il entendu ces mots 
amers , que , les yeux enflarmmés de courrout , il 
Aifttidit alors ses fils: 15. 

« Cette parole , que vous avez prononcée là , 
est téodêraire, hors de toute justice ; et, puisque 
o*^t vous qui. avez parlé de chair, en me jetant 
votre dédain , soyez tels que les Taçishthides ; 
eiYëz mille annéëâ dans là voie des renaissance^, 
déchus , méprisés et n*ayânt , comme eut , qoe 
"^mtt chair à manger! o 16—17. 

» Ayant éinsî consufné ses fils par le feu de sa 
malédiction, le saint rejeton de Koruçika se mit à 
consoler ÇOtitiaççét)ba et lui tiriit ce langage : 18. 

c AU moment oà tu seras consacré comme 
victime , récite alors , mon fils , ce nrantra ou 
ptièrè seûi'ète, que je vais t'enseigder et qui roule 
siir les justes louanges de Mahéndra. 19. 

» Dans le temps que tu réciteras celte prière, 
le fils de Ya^ou, Indra lui-même, viendra te 



— 3W— 

sauver de la mort, qai t*est réservée comme vic- 
time ; et cependant le sacrifice de ce puissant maître 
de la terre n'en sera pas moins célébré sans 
aucun empêchement. » 20. 

» Après qu'il eut appris cet hymne à la hâte, 
Çounaççépha , tout joyeux , s'ap{>rocha du roi 
Ambarisha §t lui dit: 21. 

« Ya-t-rn d'ici , roi ! conduis-moi prompte- 
ment à ton sacrifice ; et , dès que tu m'auras con- 
sacré comme victime avec l'aspersion et suivant 
les rites , achève ta cérémonie I » 22. 

» Quand le fils de l'homme saint lui eut ainsi 
parlé, alors , plein de joie , le fortuné monarqae 
s'en alla célébrer son terrible sacrifice. 23. 

» Arrivé là, Çounaççépha aussitôt fut lié au 
poteau et consacré , après que le sacrificateur , 
ayant reconnu en lui tous les signes de bon au- 
gure , eut approuvé et purifié cette victime. 2U. 

» Celui-ci garotté à la colonne fatale, donnant 
au même instant le plu^ grand essoràsa voix, se mît 
à célébrer dans ses chants mystérieux le roi des 
Immortels , Indra aux coursiers fauves , que le 
désir d'une sainte portion avait conduit an 
sacrifice. 25. 

» Ravi par ce chant , le Dieu aux mille yeuK, 
noble fils de Raghou , combla tous ses vœux. 
Çounaççépha reçut de lui , d'abord cette vie si 
désirée, ensuite une éclatante renommée. 26. 



—347— 

» Le roi même obtint aussi , par la faveur de 
i*lmmortei aux mille regards, ce fruit du sacrifice, 
tel que ses désirs le voulaient, c'est-à-dire, la 
justice , la gloire et la plus haute fortune. 27. 

» Quant à Viçvâmitra , inébranlable dans son 
vœu et comme la vertu même en personne, il se 
macéra mille années, sur les bords du lac Poush- 
kara , dans une grande et terrible pénitence. 28. 



Ici y dans le premier tome du saint Râmâyana 

Et dans le Discours de Çatânanda, 

Finit le soixante-quatrième chapitre, nommé : 

Le Sacrifice d'Ambarisha. 



^3iS- 



L\V 



» Après on millier oompleC d^aimécs , vaillaM 
Rima, les Dîeax, qui oot tena leur atlentioD 6xée 
sur h force de sa péoîlCBœ, %ieBiieiit trouver le 
soblime anacborète , pmrifié dans Faccomplis- 
semeot de soa tœo. — ^Brabma loi adresse alors 
ime secoode fois la parole en ces mois très-doux: 
« Te ToOà devenu mi rishi ! to peux maintenant, 
s*il te plaît, cesser U pénitence. • 4 — ^2. 

• Aussitôt qu*ii eut ainsi parlé , Brahma s'en 
r^ooma d'une course lég^ , comme il était 
Tenu : mais Yiçrâmitra , qui avait entendu ce 
lang^g^ , n'en continua pas moins à se macérer 
dans la pénitence. 3. 

» Long-temps après , noble Rama , une apsara 
charmante (i) , qui avait nom Ménakâ, s*en vint 
furtivement à Thermitage de Yiçvâmitra ; et là, 

(1) Lilléralement : note fomuwL 



— 3/i9~ 

conduite par le malin projet de séduire Tanacho- 
rète, voué aux mortîGcations, elle se mit à baigner 
dans les eaux du lac Poushkara ses membres dé- 
licieux, k — 5. 

» Le fils de Kouçika la vit donc ainsi, Râma , 
cette nymphe aux formes admirables, à la beauté 
sans égale , et qui semblait une incarnation de 
I^kshmi elle-même. 6. 

» iu premier coup- d'œil envoyé, dans la forêt 
solitaire, à cette Méoakâ, de qui toute la personne 
n'était que charme , et dont les vêtements im- 
bibés d*eau rendaient les formes encore plus ra- 
vissantes , rhermite à Tinstaot même tomba sous 
la puissance de Tamour et dit à la nymphe ces 
paroles : « Qui es-tu ? De qui es-tu la fille? D*où 
viens-tu , conduite par le bonheur dans cette 
forêt? 7—8. 

« Viens, beauté craintive, viens te reposer 
dans mon heureux hermitage. » A ces mots du 
solitaire, Ménakd répondit: 9. 

« Je suis une apsard : on m'appelle Hénakâ ; 
je sui& venue ici , en suivant mon penchant vers 
toi. Réponds è ma flamme par ton amour, ô 
brahaie , s'il te plaît. » 10. 

» Le saint prit donc par la main cette femme 
charmante, de qui la bouche avait prononcé des 
paroles si aimables, et il entra dans son hermitage 
aitec elle. 11. 

22 



—350— 

» Avec elle encore, noble fils de Raghou, cinq 
et cinq années de Viçvâmitra s'écoulèrent comme 
un instant au sein du plaisir; et le solitaire, à qui 
cette nymphe avait dérobé sou âme et sa science, 
ne compta ces dix ans passés que pour un seul 
jour. — Après ce laps de temps, Tascèle Viçvâmitra 
s'aperçut de son changement par sa réflexion sur 
lui-même et jeta ces mots avec colère : « Ma 
science , le trésor de pénitence , que je m'élais 
amassé , ma résolution même , il n*a fallu qu'un 
instant ici pour tout détruire : qu'est-ce donc, 
hélas! que les femmes? 12— 13— U— 15. 

» Celle-ci m'a ravi tout le mérite de ma péni- 
tence par ses enivrantes séductions ; et c'est pour 
plaire à Indra qu'elle a causé ma chute. Aussi , 
vais-je la quitter I o 16. 

i> Ensuite, ayant congédié la nymphe avec des 
paroles affectueuses, le fils de Kouçika déserta les 
environs du lac Ponshkara et se dirigea \ers les 
montagnes du septentrion. 17. 

» Irrité contre lui-même, il prit la plus ferme 
résolution de vaincre l'amour ; et , parvenu sur 
les bords de la sainte rivière Kâauçikî , il s'as- 
treignit aux plus atroces macérations. 18. 

» Dix nouveaux siècles encore, noble Râma, 
l'anachorète à la splendeur infinie parcourut cette 
difficile carrière. Effrayés de sa constance, les 
Dieux, s'étant réunis en conseil avec tous les 



—351 — 

chœurs des rishis divins et le fils de Vasou, Indra, 
se mirent à délibérer sur le danger , dont cette 
pénitence menaçait Leur empire : Allons I dirent- 
ils s que le fils de Kouçika obtienne le titre de 
mabarshi. — Qu'il cesse de 'nous consumer d'in- 
quiétudes par les efforts opiniâtres de sa terrible 
pénitence : mi ! qu'il se repose enfin , auguste 
Brahma, de ces macérations suprêmes ! » 1 9-20-21 . 

» Dès qu'il eut connu cette résolution des 
Immortels, le primordial ancêtre des mondes, 
Brahma vint trouver ce vivant trésor de mortifi- 
cations, Viçvâmitra, et lui parla ainsi: 22. 

« Fils de Kouçiha , cesse , 6 mabarshi , cesse 
ta pénitence. Anachorète, hiébranlable en tes 
vœux, je t'accorde toute la grandeur même des 
principaux rishis. » 23. 

» A ce discours de Brahma, l'ascète Viçvâmitra, 
joignant ses deux mains et le corps incliné , ré- 
pondit ce langage à l'ayeul primitif des mondes : 24. 

« Le titre difficile à mériter de brahmarsbi ou 
de saint parmi les h'ohmes , je veux le gagner 
par de nouvelles mortifications ; je veux l'obtenir 
enfin , grâces à ta faveur , ô Bbagavat , en conti- 
nuant à thésauriser mes pénitences. » 25. 

« Tu n'as pas encore vaincu maintenant tes 
organes des sens, lui dit alors Brahma; comment 
peux-tu aspirer à la condition du brahme, quand 
tu n'as triomphé en toi, ni de l'amour, ni de la 



—352— 

colère ? — Dompte , fils de Kooçika , tes oignes 
des sens ; foule aax pieds Famoar et la colère : 
c'est ainsi que tu parviendras enfin à cette con- 
dition d*un abord si escarpé, la première de 
tontes, celle du brahme. » 26 — 27. 

» Quand il eut ainsi parlé , Brahma s'en re- 
tourna comme il était venu , et Viçyâmitra , an 
même instant , s'imposa des macérations encore 
plus terribles. 28. 

» Ses bras levés en l'air, debout , sans appui , 
se tenant sur la pointe d'un seul pied, imoMibile 
sur la même place , comme un tronc d'arbre, 
n'ayant pour aliments que les vents du ciel; enve- 
loppé de cinq feux, Tété ; dans l'hiver, sans abri, 
qui le défendît contre les nuages pluvieux , et 
couché l'hiver dans l'eau : voilà quelle fut la 
grande pénitence , à laquelle s'astreignit cet 
énergique ascète. 2^-— 30. 

» Il resta ainsi lié à cette cruelle, à cette culmi- 
nante pénitence une révolution entière de cent 
années; et la crainte alors, Kakoutsthide, vint 
saisir tous les Dieux au milieu du ciel. 31. 

» Le roi des Immortels, Çakra lui-même tomba 
dans une extrême épouvante ; il se mit à cher- 
cher dans sa pensée la ruse , qui pouvait mettre 
un obstacle dans cette pénitence. 32. 

» Et bientôt , appelant à lut Rambhâ , la sé- 
duisante apsarâ , l'auguste monarque , environné 



-353- 



par l'essaim des Vents , adresse à la nymphe ce 
discours , qui doit le sauver et perdre le fils de 
Kouçika. 33. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana 

Et dans Le Discours de Çatànanda , 

Finit le soixante-cinquième chapitre, nommé : 

Le Renvoi de Ménaka. 



22* 



—354— 



LXVI. 



a ÉblouissaDte Rambhâ, voici une affaire, qu^ii 
te sied de conduire à bonne fin dans l'intérêt des 
Immortels : séduis par les grâces accomplies de 
ta beauté le fils de Kouçika, au plus fort de ses 
macérations. » 1. 

» À ces mots du sage Dieu aux mille regards , 
la nymphe , saisie du plus grand effroi , unît en 
coupe ses deux mains et répondit au monarque 
des Dieui: 2. 

« L*ascète Yiçvâmitra est bien prompt à la co^ 
1ère, divin époux de Çatcbi : irrité, il va déchaîner 
son courroux sur ma tête! 3. 

» Ainsi , daigne jeter sur moi un regard de 
bonté : les mériteis de son énergie et de sa péni- 
tence, roi des Dieux, ne sont pas des choses, que 
l'on puisse détruire! » li. 

)) Ensuite, Çakra fit cette réponse à la nymphe 
tremblante et tenant ses mains jointes : « N'aies 



—355— 

pas de crainte , ô Rambhâ ! fais-moi ce plaisir , 
femme à la voix si douce ! 5. 

» IVIoi , sous la forme d'un kokila , dont les 
chanta ravidàent tous les cœurs, dans cette saison, 
où les fleurs embaument sur la branche des 
arbres , je me tiendrai sans cesse à tes côtés, ac- 
compagné de l*Amour. 6. 

» Fais-toi donc une beauté grande , merveil- 
leuse, enchanteresse, et va tenter le saint dans 
son b0i$ : va, Rambhâ, femme enivrante par les 
afigleâ coquets de tes yeux charmants ! » 7. 

» Décidée à ces mots du roi des Immortels^ 
Rambhâ , la nymphe aux bien jolis yeux , se fit 
Uâe beauté ravissante et vint agaterViçvâmitra. B. 

» Indra , noble Rftma , et FÀmour de complot 
av«e lui; lâdrà même, changé en kokila, se tenait 
àdprèd d'elle, él son ramage délicieux allumait le 
désir au sein de Vi^vâmitra. 9. 

» Dès que le gazouillement suave du kokila , 
qui ornait dans le bois ses concerts , et la mu- 
sique doilCe , énamourante deâ chansons de la 
nymphe eut frappé son oreille ; dès que le vent 
eut fait courir sur tout son corps de voluptueux 
attouchements , et qu'embaumé de parfums cé- 
lestes il eut fait goûter à son odorat ces impressions, 
qui mettent le comble aux ivresses des amants, 
le grand anachorète se sentit l'âme et la pensée 
ravies soudain par l'amour. 



—356— 

» Il fit un mouvement vers le côté, d*où ve- 
nait cette mélodie charmante, et vit Rambbâ 
dans sa beauté enchanteresse. 10—^11^12. 

» Ce chant et cette vue enlevèrent d'abord l'a- 
nachorète à lui-même; mais alors, se rappdant 
que déjà pareilles séductions avaient brisé tout le 
fruit de sa pénitence, il entra dans la méfiance et 
le soupçon. 13. 

» Pénétrant au fond de ce piège avec le regard 
de sa contemplation ascétique , il vit que c'était 
l'ouvrage de la Déité aux mille yeux. Aussitôt il 
s'enflamma de colère et jeta ce discours à Rambhâ : 

« Parce que tu es venue ici nous tenter par tes 
qualités accomplies, change-toi en rocher, et reste 
enchaînée sous notre malédiction une myriade 
complète d'années dans ce bois des mortifications. 
Ce temps écoulé, Rambhâ , tu auras on libérateur 
dans un brahme élevé à la perfection de sa 
pénitence. » 14 — 15 — 16. 

» Mais à peine Viçvâmitra eut-il métamorphosé 
la nymphe en un roc stérile, que ce grand ana- 
chorète tomba dans une poignante douleur , car 
il s'aperçut qu'il Tenait de céder à l'empire de la 
colère. 17. 

» A la vue de Rambhâ , qui déjà n'était plus 
qu'un rocher par l'effet de sa colère ; à la vue de 
l'Amour et de Pourandara , l'un et l'autre de 
concert avec elle, il vit que ces Dieux lui avaient 



—357— 

dérobé une seconde fois les mérites de sa péni- 
tence ; et , s*adressant à lui-même ses plus vifs 
reproches, Jl s'écria : « Je n*ai pas encore vaincu 
mes sens ! » 18 — 19. 

9 Ensuite , le grand solitaire abandonna la 
sainte contrée de THimalaya; et, dirigeant sa 
route vers la plage orientale , il parvint dans le 
Vadjrasthâna , où, d'une résolution inébranlable- 
ment arrêtée , il recommença le cours de sa pé- 
nitence , observa le vœu du silence un millier 
d'années , et se tint immobile comme une mon- 
tagne. 20—21. 



Ici , dans le premier tome du saint Râmâyana 

Et dans le Discours de Çatânanda,\ 

Finit le soixante-sixième chapitre, intitulé: 

Malédiction fulminée sur Rambh*. 



—358— 



LXVII. 



» Tandis que le solitaire , debout , sans mou- 
vement , comme le tronc d*un arbre , demeurait 
si religieusement fidèle au vœu du isilence , ni 
Tamour, ni la colère n'aperçurent jamais l'oc- 
casion de se glisser dans son cœur. 1. 

» Quand ils virent Tanachorète sans colère, 
sans amour, Tâme entièrement placide, abordé à 
la plus haute perfection par son insigne pénitence, 
alors, vaillant dompteur de tes ennemis, alors tous 
les Dieux, tremblants et l'esprit agité, s'en vinrent, 
avec Indra , leur chef, au palais de Brahma , et 
dirent è ce Dieu , trésor de pénitence : 2 — S. 

« Nous avons excité la colère et la concupis- 
cence par maint et maint artiûce au sein du 
brabme Viçvâmitra , et toujours il s'est relevé 
par sa pénitence. /i. 

Aujourd'hui on n'entrevoit pas même en lui 
un péché quelconque , une faute toute minime : 



-.359— 

si donc on ne lui accorde pas la chose -, dont il a 
conçu le désir en son cœur , il va détruire les 
trois mondes par son énergie , ce qui a une âme 
pêle-mêle avec ce qui est inanimé. Toutes les 
plages du clel][sont dans le trouble , le soleil n'a 
point de lumière. 5 — 6. 

» La mer est agitée par les tempêtes» toutes les 
montagnes se fendent, la terre vacille sur sa base, 
et les vents soufflent même en grand désordre. 7. 
» Qn*ii obtienne le don , qu'il désire , cet il- 
lustre saint , le plus émlnent des ascètes , avant 
qu'il ne tourne sa pensée vers le dessein même 
d'obtenir le royaume du ciel ! » 8. 

> Ces paroles dites , tous les chœurs des Im- 
mortels, sur les pas de Brabma , qui marchait h 
leur tête, se rendent à l'hermitage de Yiçvâmitra 
et lui tiennent alors ce langage : 9. 

« Rishi-brahme , cesse dorénavant ces triom- 
phantes macérations ; en effet , voici que tu as 
mérité, grâces à ta pénitence, le brahmarshiiwat^ 
ce grade si difficile à conquérir I 10. 

» Je suis content de toû et je t'accorde un don, 
qui est beaucoup désiré, celui de ne mourir qu'à 
ta volonté. Adieu ! que la félicité descende sur 
toi ! Laisse reposer maintenant tes indomptables 
macérations. » 11. 

» Quand il eut ouï ce discours , que l'antique 
ayeul des mondes lui avait lissu de syllabes douces, 



—seu- 
le saint taureaa des solitaires joignit les mains et 
répondit alors en ces termes: 12. 

« O Brabma , si, par la force de ma pénitence, 
j'ai acquis le brabmanat , que Tiennent donc en 
moi, et la sainte Écriture, et les Yédas, et la vé- 
rité , et la perfection , et la constance , et les tra- 
ditions sacrées , et la science , et TintelUgence, et 
la quiétude, et la patience, et la chasteté, et l'em- 
pire sur les sens , et la miséricorde, et la tolérance, 
et la connaissance de toutes choses , et la gratitude, 
et un esprit absolument inaccessible à toute erreur, 
comme ont dit ces hommes, de qui les yeux 
étaient illuminés par la sainte Écriture, et Tinno- 
cuite envers lous les êtres , et raSranchissement 
de toute pensée , et raSranchissement de tout 
désir! 13— 1/i— 15. 

» Que ces dons impérissables et suprêmes se 
réunissent tous en moi , ô Brahma , si , comme 
c'était mon désir , j'ai atteint par ma pénitence à 
la condition du brahme. » 16. 

» Brahma fit cette réponse à l'ascète, qtd parlait 
ainsi : « Les Yédas et ces dons suprêmes , im- 
mortels, vont res{^endir en toL 17. 

» Je te regarde aujourd'hui, saint anachorète, 
comme le premier de tous les hommes instruits 
dans les Yédas. » A ces mots « Brahma s'en alla, 
escorté des Immortels , dont les chœurs avaient 
accompagné son auguste divinité. 18. 



—361— 

» Qaaot à Viçvâinitra, élevé au rang supérieur 
de brabme et parvenu ainsi au comble de ses 
vœux; quant a Viçvâmitra , dU-je, il parcourut 
la terre d'une âme juste et parfaite. 19. 

» C'est le plus excellent des hommes versés 
dans les Yédas , c'est le plus excellent des saints 
rayonnants de splendeur, c'est la justice elle-même 
revêtue d'un corps ici-bas , c'est le plus éminent 
des hommes parvenus à la perfection , c'est enfin 
l'ascète , qui s'est le plus avancé dans la vérité , 
la subjugation des sens et tous les devoirs. » 

Dès qu'il eut ouï ce long discours de Çatâ- 
nanda, prononcé devant Rama et devant son frère 
Lakshmana, le roi Ojanaka joignit alors ses mains 
et dit à Viçvâmitra: 

« C'est pour moi un bonheur, c'est une faveur 
du ciel, grand anachorète, que tu sois venu, ac- 
compagné du noble Kakoutsthide , assister à mon 
sacrifice. Ta seule vue enfante ici pour moi de 
bien nombreux mérites. 20—21—22—23. 

» Trésor de péniience , les flots de tes vertus 
ont purifié cette assemblée. Râma et moi , nous 
avons entendu raconter ici combien est grande la 
splendeur vive de ta puissance, énergique a^icète, 
aujourd'hui saint brahme; et tous ceux, qui sont 
venus participer à cette digne assemblée, ont ouï 
le récit de tes nombreuses vertus. 24 — 25. 
» Certes ! infinie est ta pénitence ; ta force 

23 



-.362— 

même est infinie , et toujours infinies seront tes 
▼ertus, taureau saint du troupeau des hommes. 26. 

« Maître , le récit de ces choses admirables n'a 
point rassasié mon oreille ; mais voici le temps 
venu pour les cérémonies du soir, ô le plus ver- 
tueux des anachorètes, et je vois le soleil pencher 
son disque radieux au bord de Phorizan. 27. 

» Demain, je viendrai , à faube naissante, re- 
voir ta sainteté : sois le bien-venu en ces lieux, 
ô le plus éminent des ascètes victorieux, et daigne 
permettre que je me retire. » 28. 
. A ces mots, le Yidéhain, roi de Mithitâ, décrivit 
un pradakshina autour de l'excellent anachorète, 
et s'en alla. 29. 

Viçvâmitra lui-même , accompagné de Ruma et 
de son frère, Viçvâmitra, à l'âme pleine d'équité, 
se dirigea vers la demeure , qu'il devait habiter 
avec eux, comblé d'hommages par toos les grands 
saints. 30. 



Icij dans le premier tome du saint Rdmâyana 

Et dans le Discours de Çatananda , 

Finit le soixante-septième chapitre, intitulé: 

YlÇYAMlTRÂ ÉLEVÉ AU BRAHMANAT. 



—363— 



i.xvnr. 



Ensuite , quand Taube eut rallumé sa lumière 
pure et quand il eut vaqué aux devoirs pieux du 
matin , le monarque vint trouver le magnanime 
Viçvâmitra et le vaillant fils de Ragliou. 1. 

Puis, lorsquMl eut rendu à Tanacborète et aux 
deux héros , issus de Raghou , les honneurs en- 
seignés par le Livre des Bienséances, le vertueux 
roi tint ce discours à Viçvâmitra: 2. 

« Sois le bien venu ici ! Que faut-il , grand 
ascète , que je fasse pour toi ? Daigne ta sainteté 
me donner ses ordres, carje suis ton serviteur.» 3. 

A ces mots du magnanime souverain , Viçvâ- 
mitra , le sage , Téquitahle, le plus distingué par 
la parole entre les hommes éloquents , répondit 
en ces termes: 4. 

« Ces fils du roi Daçaratha, ces deux guerriers 
illustres dans le monde , ont un grand désir de 
Toîr Tare divin , qtii est religieusement gardé 
chez toi. 5. 



—36/1— 

» Montre cette merveille , s'il te plait , à ces 
jeunes fils de roi; et, quand tu auras satisfait leur 
envie par la ?ue de cet arc , ils feront ensuite ce 
que tu peux souhaiter d'eux, w 6. 

A ce discours, le roi Djanaka joignit les mains 
et fit cette réponse : « Écoutez d'abord la vérité 
sur cet arc , et pour quelle raison il fut mis chez 
moi. — Un prince nommé Dévarâta fut le sixième 
dans ma race après Nimi : c'est à ce monarque 
magnaniice que cet arc fut confié en dépôt 7-8. 

» Au temps passé, dans le carnage, qui baigna 
de sang le sacrifice du vieux Daksha, ce fut avec 
cet arc invincible , que Çankara mutila tous les 
Dieux , en leur jetant ce reproche mérité : 9. 

« Dieux , sachez-le-bien , si j'ai fait tomber 
avec cet arc tous vos membres sur la terre, c'est 
que vous m'avez refusé dans le sacrifice la part 
qui m'était due. » 10. 

» Tremblants d'épouvante , les Dieux alors de 
s'incliner avec respect devant l'invincible Roudra, 
et de s'efforcer à l'envi de reconquérir sa bien- 
veillance. Çiva (1) fut enfin satisfait d'eux; et sou- 
riant il rendit à ces Dieux pleins d'une force 
immense tous les membres abattus par son arc 
magnanime. Il — 12. 

(i) Bhava, dit le texte, VÊtre^ par eicelhence. Bovdra 
est un autre nom de Çiva , ou de la nature considérée 
dans sa puissance de destruction. 



—365— 

^ C'est là, saint anachorète, cet arc céleste du 
sublime Dieu des Dieux , conservé maintenant au 
sein même de notre famille , qui Tenvironne de 
ses plus religieux honneurs. 13. 

» J'ai une fille belle comme les Déesses et 
douée de toutes les vertus ; elle n'a point reçu la 
vie dans les entrailles d'une femme , mais elle est 
née un jour d'un sillon, que j'ouvris dans la terre : 
elle est appelée Sîtâ , et je la réserve comme une 
digne récompense à la force. iU. 

» Très souvent des rois sont venus me la de- 
mander en mariage, et j'ai répondu à ces princes: 
« Sa main est destinée en prix à la plus grande 
vigueur. » — Ensuite, tous ces prétendus couronnés 
de ma fille , désirant chacun faire une expérience 
de sa force , se rendaient eux-mêmes dans ma 
ville ; et h , je montrais cet arc à tous ces rois , 
ayant , comme eux , envie d'éprouver quelle 
était leur mâle vigueur, mais, brahme vénéré, 
ils ne pouvaient pas même soulever cette arme. . 

15—16—17. 

» Alors moi, à qui leur peu de force, grand so- 
litaire, fut ainsi révélée, je leur signifiai indistinc- 
tement un refus h l'égard de ma fille. 18. 

n Leur colère en fut allumée, saint anachorète, 
et ces rois coalisés vinrent de tous les côtés en- 
fermer d'un siège cette ville même de IVJithilâ. 19. 

» Dans ce refus collectif, chacun d'ônx irou- 



—366— 

vant un refus individuel frappé suf lui-même, 
ces princes, enflammés d'une vive colère, pressaient 
doue Mithilâ d'une résolution bien arrêtée. Une 
année tout entière , ils tinrent cette ville assiégée. 
Quand je vis mes forces complètement détruites 
par ce long siège , alors je travaillai à mériter la 
faveur de Tépoux d'Oumà , ce Dieu des Dieux ; 
et Bhagavat satisfait , ouvrant pour moi les tré- 
sors de sa bienveillance , me donna les quatre 
corps d'une puissante armée. 20 — 21 — 22. 

» J'ai donc brisé avec elle, tigre saint des ana- 
chorètes , et chassé tous ces rois , capables seu- 
lement de soutenir la furie d'une force petite, et 
cependant si fiers de leur petite force. 

» Maintenant je vais montrer au vaillant Râma 
et à son frère Lakshmana cet arc céleste dans k 
nimbe de sa resplendissante lumière ; et, s'il ar- 
rive que Râma puisse lever cette arme, je m'engage 
à lui donner la main de SItâ , afin que la cour du 
roi Daçaratha s'embellisse avec une bru , qui n'a 
pas été conçue dans le sein d'une femme. » 

23—24—25. 



Ici , dans le premier toine du saint Rdmâyana, 
Finit le chapitre soixante-huitième, intitulé:.^ 
Discours du roi Djanaka. 



—367- 



Lxrx. 



Après que Djanaka eut ainsi parlé, Viçvâmitra, 
le gran([ anachorète , dit au monarque : « Fais 
voir cet arc à Râma !» 1. 

Alors ce roi, qui semblait un Dieu, commanda 
aux ministres en ces termes : « Que Ton apporte 
ici l'arc divin pour en donner la vue au fils de 
Kâauçalyâ! o 2. 

A cet ordre, les conseillers du roi entrent 
dans la ville et font aussitôt voiturer Tare géant 
par des serviteurs actifs. 3. 

Huit cents hommes d'une stature élevée et 
d'une grande vigueur traînaient avec effort son 
étui pesant , qui roulait porté sur huit roues. 4. 

Quand ils eurent amené devant leur maître, 
semblable aux Immortels, cette gaine de fer, où 
l'arc était renfermé , les conseillers dirent ces 
mois à Djanaka : 5. 



—368- 

« Ton oidre est exécuté, roi des booimes; 
l'arc est apporté : montre cette arme lumineuse 
au grand saint et au vaillant Râma. » 6. 

A ces paroles dites avec une soumission res- 
pectueuse, le roi Djanaka, se tournani vers Tana- 
chorète et vers les Daçarathidcsleur tint à son tour 
ce langage : — « Brahme vénéré, ce que Ton vient 
d'amener sous nos yeux est ce que mon palais 
garde si religieusement , ci t arc , que les rois 
n'ont pu même soulever et que ni les chœurs 
des Immortels, ni leur chef Indra, ni les Yakshas, 
ni les Nugas , ni les Rakshasas , personne enfin 
des êtres plus qu'humains n'a pu courber, excepté 
Çiva , le Dieu des Dieux. 8 — 9. 

» La force manque aux hommes pour bander 
cet arc , tant s'en faut qu'elle suffire pour enco- 
cher la flèche et tirer la cord. ! 10. 

» Montre à ces deux fils de roi , montre , sans 
tarder , saint anachorète , cet arc i'vin , que j'ai 
fait apporter ici pour obéir à tes ordres. » 11. 

A ce discours du roi Djanaka, Viçvâmitra, qui 
personnifiait le devoir en lui-même , reprit aus- 
sitôt d'une âme charmée : 12. 

Héros aux longs bras , empoigne cet arc cé- 
leste: déploie ta force, noble fils de Râghou, 
pour lever cet arc , le roi des arcs, et décocher 
avec lui sa flèche indomptée ! m 13. 

Sur les paroles du solitaire, aussitôt Râma s'ap- 



—369— 

procha de l*élui , où cet arc était renfermé « et 
répondit à Viçvâmitra : iU. 

« Je vais d*une main lever cette arme, et, 
quand je Taurai bandée , j'emploierai toute ma 
force à tirer cet arc divin? >» 15. 

« Bien ! » dirent à la fois le monarque et l'a- 
nachorète. Au même instant, Râma leva cette 
arme d'une seule main, comme en se jouant , la 
courba sans beaucoup d'efforts et lui passa la 
corde en riant , à la vue des assistants , répandus 
là près de lui et par tons les côtés. 16 — 17. 

Ensuite, quand il eut mis la corde, il banda 
Tare d'une main robuste ; mais la force de cette 
héroïque tension était si grande qu'il se cassa 
par le milieu ; et l'arme , en se brisant, dispersa 
un bruit immense, comme d'une montagne, qui 
s'écroule, ou tel qu'un tonnerre lancé par la main 
d'Indra sur la cime d'un arbre sourcilleux. 18-19. 

A ce fracas assourdissant, tous les hommes 
tombèrent , frappés de stupeur , excepté Viçvâ- 
mitra , le roi de Mithilâ et les deux petits-ûls de 
Raghou. — Quand la respiration fut revenue libre 
à ce peuple terrifies le monarque, saisi d'un in- 
dicible étonnement , joignit les mains et tint h 
Viçvâmitra le discours suivant: 20 — 21. 

« Bienheureux solitaire, déjà et souvent j'avais 
entendu parler de Râma, le fils du roi Daçaratha; 
mais ce qu'il vient de faire ici est pins que pro- 

23* 



—370— 

drgieux et n*avait pas encore été vu par moi. 22. 

» Sitâ , ma Glle, en donnant sa main à Râma, 
le Daçarathide , ne peut qu'apporter beaucoup 
de gloire à la famille des Djanakîdes ; et moi , 
j'accomplis ma promesse en couronnant par ce 
mariage une force héroïque. J'unirai donc à 
Râma cette belle Sîtâ , qui m*est plus chère que 
la vie même. 23—26. 

» C'est pourquoi , avec la permission de ta 
sainteté, grand anachorète , je vais ordonner que 
des messagers aillent d'ici en toute hâte , sur de 
rapides coursiers, dans la ville d'Ayaudhyâ, an- 
noncer tout à son roi , lui dire que la main de 
Sîtâ est donnée à Râma comme le prix de sa 
force incomparable , et que tes yeux veillent sur 
les deux héros , ses fils , réjouir enfin ce prince 
magnanime par ces discours et nous l'amener 
ici dans ma ville. » 25 — 26—27. 

« Qu'il en soit ainsi ! » répondit le fils de 
Kouçika au monarque ; et celui-ci dirigea , sans 
tarder, sur Ayaudhyâ ses messagers déjà prêts. 28. 



ici'f dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le soixante-neuvième chapitre, nommé: 

Le Brisement de l'Arc. 



—371— 



LXX. 



Ayant aiasi reçu les ordres da roi, ses côarriers, 
montés sur de rapides chevaux , arrivèrent dans 
la ville d*Âyaudhyâ , après quHls eurent passé 
trois joors en voyage. 1. 

Annoncés au monarque , les messagers , intro- 
duits bientôt dans son palais, virent là ce magna- 
nime roi, le plus vertueux des rois, environné de ses 
conseillers, comblé hautement , comme Indra Test 
par les fils d*Angiras (1), comblé de bénédictions 
chantées par ses ritouidjs , semblables aux Dieux, 
par Yaçishtha et par les autres chefs de ses prières, 
tous satisfaits sons le sceptre de ce oionarque , 
instruit dans la justice , continuellement occupé 
à distribuer des ordres à ses dociles sujets, égal 
aux gardiens célestes des mondes, et doué, comme 

(1) Angiras est un des sept rishis ou saints , qui pré- 
sident aux étoiles de la Grande-Ourse. Ses fils sont, 
comme lui , sans doute, une personnification des étoiles, 
qui accompagnent dans sa marche le Dieu aux mille yeux, 
ndra, ou le ciel personnifié. 



—372— 

eux , d'un .cœur bien résolu à sauvc^rder son 
empire. 2 — 3 — U. 

A l'aspect du majestueux soo?erain , ib se pro- 
sternent devant lui, et, réunissant leurs mains en 
forme de coupe, ils adressent, porteurs d'agréaUe 
nouvelle, ce discours au magnanime Oaçaratha : 5. 

« Puissant monarque , le roi du Vidéha , Dja- 
naka te demande , à toi-même son ami , si la 
prospérité habite avec toi et si ta santé est par- 
faite, ainsi que la sasté de tes ministres et celle 
de ton peurohita. 6. 

I* Ensuite , quand il s'est enquis d'abord si ta 
santé n'est pas altérée , voici les nouvelles , qu'il 
t'annonce lui-même par notre bouche, cet auguste 
souverain , aux paroles duquel Viçvâmitra ifd^ 
socie :—Q Tu sais que j'ai une fille et qu'elle fat 
proclamée comme la récompense d'one force 
nompareille ; tu sais que déjà sa oaain fut souvent 
demandée par des rois, nais aucun ne possédait 
une force assez grande. 7 — 8. 

» Eh bien I roi puissant , cette noble file de 
moi vient d'être conquise par ton fils, que les 
conseils de Viçvâmitra ont amené dans ma ville. 9. 

» En effet, le magnanime Râma a fait courber 
cet arc fameux de Ci va, et, déployant sa force au 
milieu d'une grande assemblée , l'a brisé oiême 
par la moitié. 10. 

» 11 me faut donc maintenant donnera ton 



—373— 

fils cette main de Skâ, récompense! qne j'ai pro- 
mise à b force : je veux dégager ma ptfole ; 
daigne consentir à mon désir. 11. 

» Daigne aussi , auguste et saint roi, venir à 
Mithilâ, sans retard, avec ton Directeur spirituel, 
snivi de ta fiimi lie» escorté de ton armée» accom- 
pagné de U cour. 12. 

9 Venille bien augmenter par ton auguste pré- 
sence la joie, que tes deux fils ont déjà fait naître 
en mon cœur: ce n*est pas une seule , mais deux 
brus, que je désire, moi, te donner pour eux.» 13. 

» Telles sont les choses , que , déférant à To- 
pinion de Çatânanda , un prince de la terre , le 
roi Djanaka t'annonce par notre bouche, avec 
Fagrëment de Viçvâmilra. » 16. 

Après qu'il eut oui ce discours des messagers, 
le roi Daçaratba , comblé de joie , tint ce langage 
à Yaçisbtba comme à tous ses prêtres : 15. 

« Il est certain que , protégé par le saint re- 
jeton de Kouçika , le fils de Kâauçalyâ est allé 
avec son frère Lakshmana chez les habitants du 
Vidéha. — 11 n*est pas moins certain que Djanaka, 
ce prince de la plus haute renommée, ayant trouvé 
la force , qu'il cherchait , dans ce rameau vi- 
goureux de Kakoutstha, veut donner Sîtâ en ma- 
riage à mon fils Râma. 16 — 17. 

n En conséquence , brahme vénéré , si cette 
alliance avec le roi Djanaka obtient d'abord ton 



— 37Û— 

agrément , allons d*îci promptemeut à IVlithilâ. » 
— K Bien ! répondirent à ces paroles du roi les 
brabmes et Vaçishtha, leur chef, tous au comble 
de la joie ; bien ! Daigne la félicité descendre sur 
toi ! Nous irons à Mithilâ. » 18—19. 

Les courriers du prince qui tenait les rênes 
du Vidéha passèrent une nnic dans les palais 
d*Ayaudbyâ , parfaitement honorés et comblés à 
souhait de toutes les choses , que l'on peut 
désirer. 20. 



!ci, dans le premier tome du saint Rémâyana, 

Finit le soixante-dixième chapitre , intitulé : 
Discours des Messagers du roi Djânakâ. 



—375— 



LXXI. 



Quand cette nuit fut écoulée, le roi Daçaratha, 
souverain auguste des hommes, ayant à ses côtés 
le premier^ de ses prêtres , adressa le discours 
suivant à Soumantra : 1. 

« Qu*aujourd*bui même tous les Inspecteurs 
de mes trésors en tirent une magniûqne richesse : 
]u*ils fassent charger sur des voitures une quan- 
ité considérable de mes pierreries , et qu'ils 
prennent les devants. — ^Que mon armée au grand 
complet de ses quatre corps se mette en marche 
sans délai, et que, dans un temps égal au temps 
qu'il faut pour écouter mon ordre, on attèle mes 
olus beaux coursiers au plus superbe de mes 
;hars. 2—3. 

» Que Vaçishtha, Vâmadéva, Djâvâii, Brighou, 
{ui descend de Kaçyapa , Mârkandéya , qui sou- 
vent le poids d'une si longue vieillesse , et Kâ- 



—376- 

tyâyana avec eux ; qae , prenant le pas sur moi , 
ces brahmes s'avancent sur des chars légers, 
suivis par le mien ; et que des courriers agiles 
disposent tout pour accélérer mon voyage, de 
manière à ce qn*il n'y ait aucune perte du temps. » 

U—S. 

A peine en eut-elle reçu l'ordre , que l'armée 
aussitôt prit son chemin à la suite du roi , qui 
précédait ses quatre corps avec les rishis ou les 
saints. 6. 

Quatre jours et quatre nuits après , il arrivait 
chez les Vidéhains; et la charmante ville de Mi- 
thilâ , embellie par le séjour du roi Djanaka, ap- 
paraissait enfin à sa vue. 7. 

Plein de joie à la nouvelle que cet hôte bien 
aimé entrait au pays du Vidéha, le souverain de 
ces lieux , accompagné de Çatânanda , sortit à sa 
rencontre et lui tint ce langage: 8. 

V Sois le bien venu, grand roi! Quel bonheur! 
te voici arrivé dans mon palais; mais, quel bonheur 
aussi pour toi, noble fils de Raghou , tu vas goûter 
ici le plaisir de voir tes deux enfants I 9. 

» O bonheur ! le voici arrivé chçz moi ce bien- 
heureux Yaçishtha à la grande splendeur I Mâr- 
kandéya aussi , quel bonheur ! est arrivé avec les 
maharshis! 10. 

» O bonheur ! Désormais , je n'ai plus d'obs- 
tacle à surmonter ! Cette alliance , qui nous unit 



-377— 

à ces enfants de Raghou , dont la renommée cé- 
lèbre en tous pays les vertus ; cette alliance , ô 
bonheur I elle couvre d'honneur toute ma race! 11. 

» Ma naissance porte maintenant son fruit; 
je goûte maintenant le fruit de mon sacrifice: ton 
alliance avec nous, roi saint, m*a purifié aujour- 
d'hui, moi et tdtite ma parenté. — Il en est ainsi de 
ces maharshis : leur visite , roi puissant , leur 
visite en ce jour augmente au plus haut point ma 
pureté même et nia grandeur. 12 — 13. 

» Demain , aux premières clartés du matin , 
auguste monarque, daigne avec les rishls célébrer 
ce mariage pur dans ravabhritha (1) d'un prin- 
cipal sacrifice. » iU. 

Quand il eut ainsi parlé , le roi Daçaratha fît, 
au milieu des rishis , cette réponse au souverain 
de Mîthilâ : — « On dit avec justesse : « Ceux qui 
donnent sont les maîtres de ceux qui reçoivent. » 
Quand td ouvres la bouche, sois donc sûr, puissant 
roi , que tu verras toujours en nous des hommes 
prêts à faire ce que tu vas dire. » 15 — 16. 

A peine ce roi , de qui les lèvres savaient ex- 
primer ainsi des choses aimables , eut-il articulé 
ce langage digne et flatteur , que Djanaka en fut 
transporté jusqu'à la plus haute admiration. 17. 

Ensuite, les différentes sociétés d'anachorètes, 

1 1) Voyei la noie , page J 10. 



—378— 

heureuses de se voir ainsi toutes réunies ensemble, 
passèrent là cette nuit dans la plus grande joie à 
s'entretenir d'agréables histoires, à se raconter des 
choses, qui sanctifiaient Toreille; et, connais- 
sant tous Téminence les uns des autres, ils 
s'honoraient mutuellement. 18 — 19. 

Alors, aussitôt qu'il eut aperçu le plus saint 
des anachorètes , Viçvâmitra lui->même , le roi 
Oaçaratha vint à lui , d'une âme toute joyeuse , 
et , s'inclinant avec respect , il dit : « Je suis pu- 
rifié , ô maître de moi , par cela seul que je me 
suis approché de ta sainteté ! » Viçvâmitra, plein 
de joie , lui répondit ainsi : « Tu es purifié non 
moins et par tes actions et par les bonnes œuvres; 
tu l'es encore , ô toi , qui es comme i'Indra des 
rois, par ce Râma, ton fils, aux bras infatigables. 

20—21—22. 

Tu es pur, tu es digne de louanges; les 
Dieux mêmes t'ont mis dans leur estime. Tu 
vois, grand monarque des hommes, je t'ai rendu, 
noble enfant de Raghou , ton fils Râma en bonne 
santé avec son frère Lakshmana. » Le monarque, 
comblé de joie à ces mots du sage Viçvâmitra, 
donne à ses fils un baiser, les serre avec étreinte 
l'un et l'autre dans ses bras; et, le cœur plein de 
ravissement , il passa là une nuit très-délicieuse. 

23—24—25. 

Et , de son côté , le roi Djanaka, pour qui le 



—379— 

devoir était chose bien connue , ayant célébré , 
d'ane manière conforme aux saintes règles, toutes 
les cérémonies , digne introduction au sacrifice , 
goûta dans son palais ces douceurs de la nuit. 26. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le chapitre soixante-et-ouzième, intitulé : 
Entbeyub des roia Ojànaka et Daçarathâ. 



—380— 



LXXII. 



Ensuite , quand il eut accompli au lever de 
Taurore les cérémonies pieuses du matin , Dja- 
naka tint ce discours plein de douceur à Çatâ- 
nanda, son prêtre domestique: 1. 

« J'ai un frère puiné, beau, vigoureux, appelé 
Kouçadhwadja , qui, suivant mes ordres, habite 
Sânkâçya, ville magnifique, environnée de tours 
et de remparts , toute pareille au Swarga , bril- 
lante comme le char Poushpaka , et que, la rivière 
Ikshkouvatî abreuve de ses ondes fraîches. 2 — 3. 

» Je désire le voir , car je Testime vraiment 
digne de tous honneurs : son âme est grande , 
c'est le plus vertueux des rois : aussi est-il bien 
aimé de moi. U. 

» Que , sur iç commandement du roi , qui 
parle ici , des messagers aillent donc le trouver 
d'une course rapide , et l'amènent chez moi avec 
des égards aussi attentifs, que, sur les recomman- 



•^ fi- 
liations niOmcH d* Indra , Vislniou est amené dans 
ïïon palais. » 5. 

A cet ordre envoyé de son frère* Kouçadhwadja 
vint ; il s'en alla avec empressement savotirer la 
vue de son frère plein d'amitié pour lui ; et, dès 
qu'il se fut incliné devant Çatânanda, ensuite 
devant Djanaka , il s'assit , avec la permission du 
prêtre et du monarque , sur un siège très-dis- 
tingué et digne d'un roi. 6 — 7. 

Alors ces deux frères , étant assis là ensemble 
et n'omettant rien dans leur attention, appelèrent 
Soudâmâoa , le premier des ministres , et l'en- 
voyèrent avec ces paroles : 8. 

<f Va, 6 le pluséininent des ministres; bâte- 
toi d'aller vers le roi Daçaratha , et amène-le ici 
avec son conseil , avec ses fils » avec son prêtre 
domestique. » d. 

L'envoyé se rendit au palais , il vit ce jjrxnce , 
délices de la famille d'ikshwâkou, inclina sa tête 
devant lui et dit: 10. 

« Oroi, souverain d'Âyaudhyâ, le monarque 
Yidéhain de Mithila désire te voir au plutôt avec 
le prêtre de ta maison, avec ta belle famille. » 11. 

A peine eut-il entendu ces paroles , que le roi 
Daçaratha , accompagné de sa parenté , se rendit 
avec la foule de ses risbis au lieu , où le roi de 
Mithilâ attendait sm royal hôte. 12. 

Celui-ci donc , Tétant venu trouver et l'ayant 



—382— 

embrassé, ce roi , le plus éloquent des hommes, 
qui savaient bien dire , tint ce langage an roi 
Vidéhain : 13. 

« C'est une jcbose bien connue de toi que 
Torateur, chargé dans notre famille d'exposer les 
matières de droit, est Téminent saint Vaçishtha, 
regardé comme la divinité de la maison d'Ik- 
shwâkou. — Avec la permission de Viçvâmitra et 
et de tous les grands saints, Vaçishtha, que voici, 
racontera donc en premier lieu notre généalogie , 
selon son ordre et selon sa pure authenticité. » 15. 

Quand Daçaratha eut fini de parler , Yaçishtha, 
le bienheureux saint, adressa au n» Djanaka, 
ainsi qu'à son pourohiu, ce discours fondé sur la 
justesse historique: 16. 

« De l'Être icrévélé naqmt Brahma , étemel, 
impérissable à jamais : de celui-ci est né Marftcbi, 
qui eut pour fils Kaçyapa. 17. 

» Ce dernier fut le père d'Angiras, qoi engen- 
dra lui-même Pratchétas; le fils de Pratchétas 
fut Manou , et le fils de Manou fut Ikshwâkou , 
le premier , qui régna dans la ville d'Ayaudhyl 
D'ikshwâkou naquit un fils illustre Yikoukshi ; 
d'où est sorti un rejeton d'une vive splendeur, 
Yâna, qui eut pour fils un grand roi , l'auguste 
Anaranya. 18—19—20. 

» Prithou , le père de Triçankou , était né de 
cet Anaranya même , et le fils de Triçankou fut 



—383— 

le célèbre Dboundhoumâra » qui engendra le 
puissant roi Youvaoâçva , père du grand Mân*- 
dfaâtri , le souverain de la terre. 21 — 22. 

» Mândhâtri fut l'auteur de Soushandi, éblouis- 
sant de splendeur , qui eut deux fîis : en premier 
lieu , Dhrouvasandhi ; ensuite , Prasénadjit. 23. 

» Dhroufasandhi eut pour fils un roi connu 
tous le nom fameux de Bbarata, d'où est sorti le 
resplendissant Asita. 2li. 

» La royale veuve de celui-ci , au milieu du 
chagrin , que lui inspirait la mort de son époux, 
mit au monde un fils malgré le poison même, (j/u'on 
lui avait donnépour tuer son fimit; c'est pourquoi 
cet enfant reçut le nom de Sagara , c^est-à-dire^ 
Venn-avec-le-poison. 25. 

n De Sagara naquit Asamandjasas , le père 
d'Ânçoumal , qui eut pour fils Dilîpa , d'où est 
provenu Bagîratha. 26. 

» Kakoutstha était fils de Bagîratha, et Raghou 
de Kahoutstha. Né et grandi dans la famille de 
Raghou , le vigoureux Pouroushâdaka , nommé 
d'abord Kalmâshapâda, eut un fils appelé Çankha. 
De cehii-ci est né Soudarçana, et Soudarçana en- 
gendra Agnivarna , qui fut le père de ÇIghraga, 
qui fut le père de Marou, qui fut le père de Pra- 
çouçrouka, qui fui le pèred'Ambarisha. 27-28-29. 

» Ambarisba eut pour fils Nahousha , le fier 
dominateur de la terre. Yayâti est né de Na- 



—384— 

housha, et Nâbhâga cTYayâti; Adja, fils de Nâ- 
bhâga , donna Têtre â Daçaratha , et da rm 
Daçaratha sont nés les deux princes , que voici, 
Râma et Lakshmana. 30 — 31 

9 .le te demande, à roi, la main de tes deux 
filles pour ces deux héros, non moins distingués 
par la conduite que par le caractère, doués Tan et 
Tautre d'une âme honnête et généreuse, qni tous 
deux accomplissent rigoureusement les devoirs 
du kshatrya par leur zèle à défendre la terre, 
qui sont nés dans une famille, renommée comme 
la mer , de rois vertueux, à la splendeur infinie, 
sortis eux-mêmes de Manoo et fiers de compter 
dans leurs nobles ayeux un Kakou<stha , un Ik- 
shwâkou, un Sagara , un Raghou ! Consens doue 
à marier ensemble tes filles et ces princes , d(>ux 
couples très-également assortis. » 32 — 33—34. 

A ces mots, le roi Djanaka, joignant ses maios, 
ré|K>ndit : « Daigne , monarque saint , écouter 
auiisi notre généalogie ; car , dans les fiançailles, 
Où doit exposer complètement , de génération en 
génération, les familles,, suivant les noms et le 
caractère , la conduite et les œuvres. 35 — 36. 



Ici y dans Le premier tome du saint Bâmâyana, 

Finit le soixante-douzième chapitre , nommé : 
Les jeunes Princesses demandées en mariage. 



-:-385— 



L\XlfI. 



Ensuite , adressant la parole à Daçaratha , le 
ban roi, ainsi qu*àVaçîsh(ha, le pins excellent des 
êtres , qui sont doués de la voix , Djanaka leur 
tint ce langage à tous denx: 1. 

« Jadis vivait un roi , que ses exploits avaient 
rendu célèbre dans les trois mondes ; il s'appelait 
Nimi , pratiquait la justice au plus haut degré et 
fut le plus excellent de tous les êtres animés. 2. 

» Il eut pour fils Mithi à la splendeur incpm- 
parable , qui fut le père de Djanaka , le père du 
roi Oudâvasou. 3. 

« Le fils de celui-ci fut Tillustre Nandivar- 
dbana, qui engendra lui-même un prince, appelé 
Soukétou. De lui naquit Dévarâta aux forces puis- 
santes, qui eut un fils, nommé Vrihadralha, et de 
ce monarque est sorti Tauguste Mahâvîrya , qui 



—386— - 

fut le père de Soudhriti, fameux par sa constance. 

4—5—6. 

» Le fils de Soudhriti fut le juste Dbrishtha- 
kétou , qui eut lui-même pour fils le grand 
Haryaçva, père de Marou , père de Prasiddhaka, 
père du roi Krittiratha , qui semblait la justice 
en personne. 7 — 8. 

Krittiratha lui-même engendra un fils, nommé 
Dé?amidha , père de Viboudha , qui eut pour 
fils Andhaka , d'où est sorti un fils, appelé Rriti- 
râta, et de celui-ci naquit Kritîrauman. 9 — 10. 

.» De Kritirauman est né Svarnarauman , qui 
fut le père de Hrasvarauman , le puissant 11. 

» Ce roi magnanime , versé dans la justice , 
donna Têtre à deux fils : à moi , qui suis l'aîné, 
et à mon frère, l'auguste Kouçadhwadja. 12. 

» Ensuite mon père , nous ayant sacrés , moi 
comme souverain, en ma qualité de fils atné, et mon 
frère comme héritier de la couronne , déposa le 
diadème et se retira, ^/tVatre^ au fond d'un bois. 
— Quand la vieillesse eut conduit au ciel notre 
père , dès-lors , fils de Raghou , je via un autre 
lui-même (1) dans ce frère , tout semblable aux 
Dieux. 13 — lu. 



(i) SvAÇABiVAT^ un autre moi-même, dit la traduction 
italienne. Je préfère mon sens. D'abord, il y a dans les 
jidées un enchaînement plus étroit; puis, qn trouve quelque 
chose de plus auguste et surtout de plus délicat dans cet 



—387— 

» Quelque temps après , le roi Soudhanvan , 
doué rîcheaieat de vigueur et de courage , vint 
de Sânkâçya , menacer d'un siège ma ville de 
Mitbilâ et me fit porter , fils de Raghou , ces pa- 
roles hautaines par un messager : « Donne-moi 
cet arc divin , que l'on garde avec respect dans 
ton palais I » 15 — 16. 

» Sur mon refus de livrer cet arc» il combattit 
avec nx)i, et l'orgueilleux monarque tomba sous 
mes coups, malgré cette force, dont il était si fier. 
— Après que j'eus immolé dans ce combat Sou- 
dhanvan , le maître de la terre, je sacrai comme 
roi dans la ville de Sânkâçya l'héroïque Kouça- 
dhwadja, mon frère» 17 — 18. 

» Ce prince , fidèle ami de la vérité , est , je 
vous l'ai dit, mon frère puiné. D'accord avec lui, 
roi puissant , je te donne pour brus mes deux 
filles : Sîtâ à Râma , Ourmilâ à Lakshmana. Ma 
fille Sîtâ, noble prix de la force, n'a point reçu la 
vie dan^ le sein d'une femme : cette vierge à la 
taille charmante , elle , qu'on dirait la fille des 
Immortels, est née d'un sillon ouvert pour le sa- 
crifice. Je la donne comme épouse à Râma : il se 
l'est héroïquement acquise par sa force et sa 
vigueur. 19—20—21,^ 



amour de fK're, où se môle si noblement cette nuance 
•xquise de piété filiale. 



—388— 

» Fais sous d'heureux auspices tes présents de 
vaches en l'honneur de tes fils Râma et Lakshmana; 
puis, offre, s'il te plaît, roi puissant, le repas fu- 
nèbre aux mânes des ancêti'es; célèbre ensuite la 
cérémonie nuptiale. Aujourd'hui la lune parcourt 
les étoiles dites Maghâs (1) ; mais, dans le jour, 
qui doit suivre celui-ci, les cieux nous ramènent 
les phâlgounis : profitons de cette constellation 
bienfaisante pour inaugurer ce mariage. » 22-23. 



Ici , dans le premier tome du saint Râmâyana , 

Finit le soixante-treizième chapitre , nommé : 
La. Généalogie du rqe Djan/ika racontée. 



(1) Le dixième astérisrae lunaire. Il est figuré p^" une 
maison et contient cinq étoiles ; apparemment : Alpha, 
Gamma, Zêta, Héta et Nu du Lion. 



—389— 



LXXIV. 



Qnand Djanaka eut cessé de parler , le sage 
Viçvâniitra, ce grand anachorète, lui tint ce lan- 
gage, conjointement avec le pieux Vaçishtha : 1. 

« Vos familles à tous les deux sont pareilles à 
la grande mer : on vante la race d*lksbwâkou ; 
on vante au même degré celle de Djanaka. 2. 

» De Tane et l'autre part , vos enfants sont 
égaux en parenté, Sîtâ avec Râma, Ourmilâ avec 
Lakshmana: c'est là mon sentiment 3. 

» 11 nous reste à dire quelque chose ; écoute 
encore cela , roi des hommes : ton frère Konça- 
dfawadja , cet héroïque monarque, est égal à toi. 
— Nons savons qu*il a deux jeunes ^Glles, à la 
beauté desquelles il n'est rien de comparable sur 
la terre ; nous demandons, ô toi, qui es la justice 

24* 



—390— 

en personne, nous demandons leur main pour 
deux princes nés de Raghou : le juste Bbarata et 
le prudent Çatroaghna. Unis donc avec eux ces 
deux scBurs , si notre demande ne tVst point 
désagréable. 5 — 6. 

') Ce roi Oaçaraiba a quatre fils : tous béros, 
à qui la force est donnée sans mesure ; tous d'un 
courage, qui ne trompe jamais, et semblables aux 
gardiens mêmes du monde. 7. 

» C'est pour eux, ô roi, que nous demandons 
les princesses h ta majesté ; tu es Tégal des Ra- 
ghouides en puissance, ô maître de la terre. 8. 

» Votre généalogie , nobles frères , est égale à 
celle des Ikshwâkides, eux, qui remontent jusqu'à 
Brabma lui-même ; eux , de qui la justice et les 
vertus sont partout célèbres. » 9. 

A ces nobles paroles de Viçvâmitra et de Va- 
çishtba , le roi Ojanaka , joignant ses mainte , ré- 
pondit en ces termes aux deux éminenis solitaires : 
— « Vos Révérences nous ont démontré clairement 
que les généalogies de nos deux familles sont 
égales: qu'il en soit comme vous le désirez! 
Ainsi, de ces jeunes viei^s, filles de Kouça- 
dbwadja , mon frère , j.e donne l'une à Bbarata et 
l'autre à Çatroughna. Je sollicite même avec ins- 
tance une prompte alliance, d'où naisse la joie 
de nos familles. 10—11—12. 

» Que les mains désirées de ces quatre filles de 



—391— 

monarque soient unies un même jour , avec les 
formules accoutumées des prières, aux quatre 
nobles rejetons de l'antique Raghou. 13. 

» Dans le jour, qui vient après celui-ci, brahme 
saint, les Phâigounis , divinités, qui dispensent le 
bonheur, se lèvent sur l'horizon : les savants cé- 
lèbrent rinfluence de cette constellation à l'égard 
des mariages, a 14. 

« Qu'il en. soit ainsi ! » lui répondit alors Va- 
çishtha ; et le roi Djanaka reprit aussitôt , les 
mains jmntcs: 15. 

« Brahme, ô toi , qui as fixé ton choix sur \st 
vertu, je suis constamment votre disciple. Pensez 
que. je vous suis entièrement dévoué avec mes 
ministres et toute mon armée. 16. 

» Le roi Daçaratha est le maître et de moi et 
de cette contrée : Vos Révérences sont même les 
augustes propriétaires de tout ce qui est à moi ; 
TOUS êtes les seigneurs de cette terre et de mon 
royaume entier : que vos saintetés versent donc 
sur moi toute leur bienveillance! » 17 — liB. 

Quand le roi du Vidéha eut terminé ce discours 
plein de soumission , Daçaratha charmé répondit 
en souriant à Djanaka ces paroles affectueuses, 
douces, imprégnées'^de plaisir , où l'on respire le 
sentiment vrai de la parenté : « O roi , ce que lu 
m'as dit est juste , tous ces domaines sont ma 
propriété ; je suis le maître de toi , comme tu es 



—392— 

le mailre de moi; ce qui est à toi est à moi-même; 
Viçvâmitra et ses pieux collègues sont à la fois 
seigneurs de toi et de moL 19—20 — 21. 

» Notre affection repose de toutes parts sur 
toi : nous ferons plus encore , souYerain de la 
terre : une chose est à Tun , parce qu'elle est à 
Tautre , il n'y a pas ombre d'incertitude en cola 
dans nos esprits. 22. 

» Princes de Mithilâ, nobles frères, doués l'un 
et l'autre de qualités inénarrables, vous, que cette 
alliance me donne pour bien aimés parents , vous 
serez toujours honorés de moi dans ce monde. 23. 

» Roi , goûte le bonheur I que la félicité des- 
cende sur toi ! Nous allons dans notre habitation 
faire immédiatement le don accoutumé des vaoïes 
et les autres choses , que prescrit l'usage. 2ti. 

» Nous, qui désirons l'accroissement de l'utile 
et du juste, ne laissons pas ce temps s'écouler inu- 
tilement : veuille donc nous donner tes ordres à 
tous. » 25. 

Après cet adieu au roi, qui tenait Mitbilâ sous 
sa loi , Daçaratha , cédant le pas à Vaçishtha et 
marchant à la suite de tous les autres saints ana- 
chorètes, sortit de ce palais. 26. 

Arrivé dans sa demeure , il offrit d'abord anx 
mânes de ses pères un magnifique sacrifice ; puis, 
ce monarque, plein de tendresse paternelle, fit les 
plus hautes largesses de .viiches en l'honneur de 
ses quatre ûls. — Cet opulent souverain des 



—393— 

nommes donna aux brahmes cent mille vaches par 
"^haque tête de s?s quatre fils, en désignant indi- 
.iduellement chacun d*eux : ainsi, quatre cent 
mille vaches, flanquées de leurs veaux , toutes 
bien luisantes et b(mnes laitières, furent données 
par ce descendant auguste de l'antique Raghon. 

27—28—29. 
Ensuite, entouré de ses fils , pour qui !o puis- 
sant monarque venait (l'accomplir cette libéralité 
splcndide , on vit Daçaratha briller , comme s'il 
était lui-même une incarnation visible du sou- 
verain maître des créatures , environné des gar- 
diens célestes du monde. 30. 



Ici s dans le premier tome du saint Râmâyanas 

Finit le soixante-quatorzième chapitre, nommé: 

Les Vaches données en présent de noces. 



-394- 



LXXV. 



Le jour même que Daçaratha fit ces cadeaux 
magnifiques de vaches , on vit Youdliâdjit arriver 
dans ces lieux. Fils du roi qui tenait le sceptre de 
Kékaya , ce héros était ainsi Toncle maternel de 
Bharata. Aussitôt que le roi eut aperçu le noble 
étranger, il s'enquit poliment de sa santé et Fem- 
brassa. Youdbâdjit lui rendit également ses hom- 
mages, lui demanda comment il se portait; et, 
quand il se fut acquitté de ces premières civilités 
envers Tauguste monarque , il tint ce langage à 
Daçaratha : 1—2—3. 

« Puissant monarque , le souverain de Kékaya 
t'envoie un salut de bonne amitié : ceux que tu 
désires voir se bien porter sont dans un état de 
santé éminemment parfait. U. 

» Excité par Timpatience de voir mon neveu 
et toi , avec ta belle famille , monarque i^su de 



—395— 

Raghon , je suis venu promplement de ma cité 
dans la ville d'Ayaudhyâ. 5. 

» Là , ayant appris que ta maison et toi vous 
étiez dans ce lieu-ci , je suis venu avec hâte as- 
sister à ce cher accroissement de ta famille. » 6. 

 la vue d'un hôte si agréable, le roi Daçaratha 
honora Farrivée de ce prince, éminemment digne 
de ses plus grands honneurs, avec tout Taccueil 
d'une hospitalité sans égale. 7. 

Ensuite, ayant demeuré là une seule nuit avec 
ses fils, le puissant monarque se rendit au lieu du 
sacrifice , donnant le pas sur lui à Vaçishlha et à 
tous les autres solitaires. 8. 

Dans rinstant propice aux mariages, Daçaratha, 
entouré de ses quatre fils , déjà tous bénis avec 
les prières, qui inaugurent un jour d*hyménée, 
tous ornés de riches parures et costumés de 
splendides vêtements , le roi Daçaratha , devant 
lequel marchaient Yaçishtha et même les autres 
anachorètes, vint trouver, suivant les règles de 
la bienséance, le souverain du Vidéha, et lui 
parla ainsi: 9 — 10. 

« Auguste monarque, salut ! nous voici arrivés 
dans ta cour, afin de célébrer le mariage : réfléchis 
bien là-dessus » et daigne ensuite ordonner que 
Ton nous introduise. 11. 

» En effet , nous tous, avec nos parents, nous 
sommes aujourd'hui sous ta volonté. Consacre 



—396— 

donc le nœud conjugal d'une manière convenable 
aux liies de ta famille. » 12. 

A ces paroles dites, le roi de IVliikilà , habile 
Il manier le discours, ût c«tte réponse d*une très- 
haute noblesse, au monarque des homaies : 13. 
« Quel garde ai-je donc ici placé à ma porte ? 
De qui reçoit-on Tordre ici? Pourquoi hésiter 
ainsi à franchir le seuil d*une maison , qui est la 
tienne? Entre avec toute confiance! \ti. 

» Brillantes comnxe les flammes allumées du 
feu, mes quatre jeunes filles, consacrées avec les 
prières, qui inaugurent un jour de mariage, 
sont arrivées déjà au lieu où le sacrifice est pré- 
paré. — Je suis tout disposé : je me tiens devant 
cet autel pour attendre ce qui doit venir de toi : 
ne mets plus de retard au mariage , prince , qui 
es riudra des rois ! Pourquoi balances-tu ?» 15-16. 
Ce discours du roi Djanaka entendu , aussitôt 
ûaçaratha fit entrer Yaçishtha et les autres chefe 
des brahmes. 17. 

Ensuite , le roi des Vidéhains dit au vaillant 
rejeton de l'antique Raghou, à Râma , de qui les 
yeux ressemblaient «ux pétales du lotus : « Com- 
mence par l'approcher de Tautel. 18. 

» Que cette fille de moi, Sîtâ, soit ton épouse 
légitime ! Prends sa main dans ta main , dtgtu 
rameau du noble Ragliou. 19. 

» Viens , Lakshmaiia ! approche-loi, mon fils; 



—397— 

et , cette main d*Ourmilâ , que je te présente, 
reçois-la dans ta main , suivant les rites » auguste 
enfant de Raghou. a 20. 

Lui ayant ainsi parlé , Djanaka , la justice en 
personne , invita le fils de Kêkayî , Bharata , à 
prendre la main de Mândavî. 21. 

Enfin, Djanaka adressa même ces paroles à 
Çatroughna , qui se tenait là près de son père : 
te A toi maintenant je présente la main de Çrouta- 
kîrt!; mets cette main dans la tienne. 32. . 

» Vous possédez tous des épouses égales à vous 
par la naissance , héros , à qui le devoir com- 
mande avec empire ; remplissez bien les nobles 
obligations propres à votre famille, et que la 
prospérité soit avec vous ! » 23. 

A ces paroles du roi Djanaka, les quatre jeunes 
guerriers de prendre la main des quatre jeunes 
vierges, et Çatânanda lui-même de bénir leur 
hymen. 2^. 

Ensuite, tous les couples^ et Tun après l'autre, 
d'exécuter un pradaksbina autour du feu ; puis, 
le roi d'Ayaudhyâ et tous les grands^ saints d'en- 
voyer au ciel leurs hymnes pour demander aux 
Dieux un bon retour. 25. 

Pendant le mariage , une pluie de fleurs, oi'k se 
trouvait mêlée une abondance de grains frits, 
tomba du ci.el à verse sur la tête de tous ceux 
qui célébraient la cérémonie sainte. 26. 

25 



—394- 

Les tymbaies célestes frémirent avec un soa 
doux au sein des nues, où l'on entendit un grand, 
un délicieux concert de flûtes et de lyres. 27. 

Durant cet hyménée des princes issus de 
Raghou, les divins Gandharvas chantèrent, les 
chœurs des Apsarâs dansèrent; et ce fut une 
chose vraiment admirable! 28. 

Tandis que s*écoulait une heure si charmante 
et si féconde en plaisir, les nouveaux époux, ayant 
. accompli trois pradakshinas autour du feu , em- 
menèrent chacun avec lui son épouse, firent 
monter sur leurs chars les quatre jeunes prin- 
cesses et se mirent en voyage avec elles. Daça- 
ratha lui-même suivit leurs pas , avec la troupe 
des saints et toute sa parenté. 29 — 30. 



Ici, dans le premier tome du saint Rémâyana, 

Finit le soixante-quinzième chapitre , intitulé : 

Mariage des Fils du roi Daçaratha. 



—399— 



LXXVI. 



Quand cette nuit fut écoulée , Yiçvâmitra , le 
grand anachorète, prit congé de ces deux puissants 
monarques et s'en alla vers la haute montagne 
du nord. 1. 

Après le départ de Viçvâmitra, le roi Daçaratha 
fit ses adieux au souverain de Mithilâ et reprit 
aussi le chemin de sa ville. 2. 

Dans ce moment , le roi des Yidéhains donna 
pour dot aux jeunes princesses des tapis de laine, 
des chèvres , des joyaux, de moelleuses robes de 
soie, des vêtements variés dans leurs teintes, des 
parures étincelantes, des pierreries de haut prix 
et toutes sortes de chars. 3 — 4. 

Le â)onarque donna même à chacune des 
jeunes mariées quatre cent mille vaches superbes : 
dot bien désirée ! 5. 

£n outre, Djanaka leur fit présent d'une armée 
complète en ses quatre corps avec un train con- 
sidérable , auquel fut ajouté un millier de ser- 



—400— 

vantes, qui portaient chacune à leur cou un 
pesant collier d*or. 6. 

Enfin , pour mettre le comble à cette dot si 
riche et si variée, le monarque de Mithilâ, d'une 
âme toute ravie de joie , leur donna dix mille 
livres complètes d'or grège ou travaillé; et, quand 
il eut ainsi distribué ses largesses aux quatre 
jeunes femmes , le roi de Mithilâ donna congé au 
roi son hôte et rentra dans sa charmante capitale. 

7—8. 

De son côté , le monarque , de qui le sceptre 
gouvernait Ayaudhyâ , s'éloigna , accompagné de 
ses magnanimes enfants , et cédant le pas aax 
brahmes vénérables , à la tête desquels marchait 
Vaçishtha. 9. 

Tandis que , libre enfin du mariage célébré, le 
monarque avec sa suite retournait dans sa ville, 
des oiseaux, annonçant un malheur, volèrent à sa 
gauche ; mais un troupeau de gazelles, paralysant 
aussitôt cet augure , de passer vers sa droite ; et 
le roi , ému jusqu'au trouble à la vue de ces 
présages, interrogea ainsi Vaçishtha : 10 — 11. 

<' Pourquoi ces oiseaux vont-ils à ma puche, 
et ces gazelles à ma droite ? Et pourquoi , saint 
anachorète , mon cœur bat-il , agité soudain par 
une palpitation craintive? o 12. 

A ces paroles du roi Daçâratha , Thermite Va- 
çishtha répondit en ces termes : « Écoute ce qui 



doit résulter de cette aventure. — Ces oiseaux 
^annoncent un terrible danger , qui s'approche ; 
mais, à ta droite, ces gazelles propices adoucissent 
pour toi ce présage. » 13 — 14. 

Tandis que tous deux ils parlaient ainsi , un 
vent s'éleva, grand, orageux, entraînant des tour- 
billons de sable et secouant la terre en quelque 
sorte. 15. 

Les plages du ciel furent enveloppées de té- 
nèbres , le soleil perdit sa chaleur , et l'univers 
entier fut rempli d'une poussière telle que la 
cendre. 16. 

L'âme de tous les guerriers en fut même trou- 
blée jusqu'au délire ; seuls, Yaçishtha, les autres 
saints et les héros issus de Raghou n'en farent 
pas émus. 17. 

Ensuite, quand la poussière fut tombée et que 
l'âme des guerriers se fut ras»se, voilà qu'ils 
virent s'avancer là , portant ses cheveux engerbés 
en djatâ, le fils de Djamadagni, Râma, non moins 
invincible que le grand Indra et semblable au dieu 
Yama , le noir destructeur de tout ; Râma lui- 
même , formidablç en son aspect , que nul autre 
des hommes ne peut soutenir , flamboyant d'une 
lumière, pareille au feu, quand sa flamme est al- 
lumée , tenant levés sur l'épaule un arc et une 
hache, resplendissants comme les armes d'Indra, 



— ao2— 

et qui, pénétré de colère, bonillant de fureor, tel 
qa'tin fea mêlé de sa fumée , saisit, en arrivant à 
la vue du cortège royal, une flèche épouvantable, 
enveloppée de gémissements. 

 Faspect de l'être si redoutable arrivé près 
d'eux, les brahmes et Vaçishtha, leur chef, esprits 
dévoués à la paix , de réciter leurs prières à voix 
basse; et tous les saints , rassemblés en conseil, 
de se dire l'un à l'autre: (Du 18« au 23' çloka, ) 

« Irrité par la mort de son père > cet auguste 
Râma ne vient-il pas détruire une seconde fois 
la caste des kshatryas, tout calmé que soit enfin 
son ressentiment ? 23. 

» Il a fait jadis plus d'une fois un terrible 
carnage de tous les kshatryas : qui peut dire si, 
dans sa colère, aujourd'hui, il n'exterminera point 
encore l'ordre vaillant des kshatryas ? » "Ik. 

Dans cette pensée , les brahmes et Vaçishtha , 
leur chef, d'offrir au terrible fils de Bhrigou la 
corbeille hospitalière, et de lui adresser en même 
temps ces paroles toutes conciliatrices : 25. 

« Râma, çois ici le très-bien venu! Reçois, 
maître , cette corbeille , où SQnt renfermées les 
huit choses de l'arghya : rejeton saint de Bhrigou, 
digne anachorète , calme-toi ! Ne veuille pas al- 
lumer dans ton cœur une nouvelle colère ! » 26. 

Sans répondre un' seul mot à ces éminents se- 



—403— 

iitaires, Râma le Djamadagnide accepta cet hom - 
mage et dit sur le champ à Râma le Daçarathide : 27. 



Ici , dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le soixante-seizième chapitre, nommé : 
La Rencontre avec Rama le Djamadagnide. 



—UOti— 



LXXVIL 



« Râma, fils de Daçaratha, ta force merveil- 
leuse est vantée partout : j*ai ou! parler de cet 
arc céleste, qui fut, le fait est sûr, brisé par toi. 1. 

» A la nouvelle que tu avais pu rompre un tel 
arc d'une manière si prodigieuse , j'ai pris Tare 
géant, que tu vois sur mon épaule^ et je suis venu 
ici. 2. 

» C'est avec lui, Râma, que j'ai vaincu toute 
la terre ; bande cet arc même, enfant de Raghou, 
et , sans tarder , montre-moi ta force ! 3. 

» Encoche ce trait et tire-le :.... prends donc, 
avec cet arc céleste, bon Raghouide, cette flèche, 
que je te présente. U. 

» Si tu parviens à mettre la corde de cet arc 
dans la coche de cette flèche, je t'accorde ensuite 
l'honneur d'un combat sans égal et dont tu pourras 
justement glorifier ta force. » 5. 



—405— 

Â. ces paroles du terrible anachorète » le roi 
Daçaratha s*incline humblement et dit , le vfsage 
consterné et les mains jointes : 6. 

« Râma, ta colère est calmée : tu es brahme ; 
donc, ton âme est amie de la paix. Daigne accorder 
la sécurité à mes fils, qui sont encore des enfants. 
— Né dans la famille des Bhrigouides, ces mortels 
dont Fâme est parvenue an calme de toutes les 
passions , ces anachorètes , livrés à la pénitence 
et voués à la lecture silencieuse des Yédas, re- 
prendre ta colère n*est pas digne de toi. 7 — 8. 

» Quand tu as dit jadis , en présence de Ri- 
tchîka » de Tchyavana et de tes autres ayenx : 
« Je ne veux plus combattre !» il ne le sied pas 
de remettre la main à l'arme, que tu as déposée. 
— Aujourd'hui que tu te plais à dompter Tesprit 
avec le frein de la pénitence, que tu as donné la 
terre au vénérable Kaçyapa , que tu es venu ha- 
biter au fond d*un bois et que tu as consommé 
ton sublime renoncement atix biens du mondes 
comment désires-tu combattre de nouveau pour 
la ruine de tout ce qui est à moi ? Car , si mon 
cher fils Râma perdait la vie , aucun de nous , 
certes! ne pourrait vivre davantage ! 9 — 10 — 11. 

» Sois-moi propice ! Sauve-moi , tigre saint 
de Bbrigou , moi , réfugié sous tes pieds ! et ne 
veuille pas , Râma , consumer par le feu de ta 
colère mon fils Râma, quiestencore un enfant ! ol2i 



—406— 

Tandis que Daçaratha lui parlait ainsi , l'au- 
guste fils de Djamadagni, ne daignant pas écouter 
ce discours , adressait une seconde fois sa parole 
à Râma: 13. 

« Râma, ces deux arcs célestes, renommés 
dans les trois mond<?s , sont l'ouvrage de Viçya- 
karma (1) , qui les fit solides et tels qu'une main 
faible ne les courberait pas. — L'un de ces deux 
arcs , robuste enfant de Kakoutstha , est celui 
même qui fut brisé par toi , et que les Dieux 
avaient donné à Tryambaka , lorsqu'il désirait ' 
combattre et détruire le mauvais Génie Tripoura. 
— Le second est celui-ci ; il est pareil à l'autre 
pour la richesse , la solidité, la force, l'âme, la 
grandeur et la forme. Les Dieux mirent cet arc 
dans les mains de Ylshnou , ce jour , qu'excités 
par la curiosité , ils interrogeaient Brahma sur la 
force ou la faiblesse relative de ces deux arcs , et 
si Yishnou l'emportait sur le Dieu au cou noir. 
14-^15—16—17. 

» L'ayeul originel de toutes les créatures, ayant 
donc appris des Immortels ce qu'ils voulaient sa- 
voir , mit aux prises l'un avec l'autre Yishnou et 
Çiva. Alors , dans cette grande contestation , un 
combat acharné fut livré entre ces deux puis- 



(i) Fils de Brahma, c'est le Vulcain du Panthéon in- 
dien et l'artisan universel de ses Dieux. 



—407— 

santés Déités , enflammées chacune par le désir 
de remporter une victoire. 18 — 19. 

» Un seul cri de « Hoûm î » j^té par Vishnou, 
fit alors se débander Tare épouvanta blement fort 
de Çiva , et la grande Déité aux trois yeux en 
resta immobile d'étonnement. 20. 

» Néanmoins , supplié par tous les Dieux ras- 
semblés, par les chœurs des saints et par les 
Tchâranas, Yishnon , le plus f(Ht des êtres forts, 
ne lança point sa flèche contre lui. 21. 

 Faspect de cet arc énorme, que la puis- 
sance de Yishnou avait relâché d'un seul cri , tous 
les Dieux alors déjuger Vishnou supérieur à Çiva 
et son arc à celui de son rival. 22. 

» Çiva le très-illustre donna au saint roi Dé- 
varâta , dans le pays des Yidéhains , cet arc dé- 
bandé , comme le plus précieux dépôt 23. 

» Ensuite, Yishnou laissa pareillement en dépôt 
son arc solide, supérieur, appelé de son nom 
Yêshnava , chez Ritchika , fils de Bhrigou. 24. 

>» Â son tour , mon radieux ayeul Ritchika 
transmit cet arc céleste à sou fils , qui fut mon 
père, Djamadagni à la splendeur incalculable. 25. 

» Mon père avait déposé l'arme , et , loin du 
trouble des passions , il maintenait son âme dans 
un calme parfait, quand le traître Ardjouna con- 
çut une pensée basse et lui donna la mort. 26. 

» Tertes ! auand on m'eut appris ce meurtre 



—408— 

indigne commis sur mon père, c*est alors que j'ai 
plus d*une fois, Râma, exterminé avec cet arc la 
race entière des kshatryas. 27. 

» J'ai conquis même toute la terre avec Vin- 
vtncibU force de cet arc, et j'ai donné ma grande 
conquête au magnanime Kaçyapa. Après ce don 
si riche du globe entier , qui a Tocéan pour son 
humide vêtement, je déposai mon arc et je m'en 
allai sur la montagne sainte du Mérou me con- 
sumer dans la pénitence. 28 — 29. 

» Là, à côté de mon arc mis bas, au sein même 
des macérations , où je trouvais mon seul plaisir, 
j'ai appris que tu avais brisé l'arc de Çiva , et 
c'est pourquoi je suis venu ici te voir. 30. 

» Reçois donc , toi , Râma , qui as cultivé Us 
exercices , qui sont le devoir imposé à tous les 
kshatryîK , reçois, dis-je^ cet arc, qui appartint à 
mon ayeul et à mon père, l'arc enfin de Vishnou, 
que je te présente. 31. 

» Prends-le, fils de Raghou, et encoche-Ie avec 
cette flèche. Si tu es capable de le bander , je 
t'accorderai ensuite un combat. » 32. 

A ces paroles de Râma le Djamadagnide, Râma 
le Daçarathide , qui jusqu'alors avait enchaîné sa 
voix par le respect , qu'il devait à son père , jeta 
ce discours au tennble anachorète: 33. 

« J'ai entendu raconter quel épouvantable car- 
nage fit un jour ton bras: j'excuse une action, 



— M9— 

qui avait pour motif le châtiment dû au meurtre 
de ton père. 3/!i. 

» Ces générations de kshatryas, qui tombèrent 
sous tes coups , avaient perdu la vigueur et le 
courage : ainsi , ne t'enorgueillis pas de cet ex- 
ploit, dont la barbarie dépasse toute férocité. 35. 

» Apporte cet arc divin ! Vois ma force et ma 
puissance : reconnais, fils de Brighou, qu'aujour- 
d'hui même la main d'un kshatrya possède encore 
une grande vigueur! » 36. 

Ayant ainsi parlé, Râma le Daçarathide prit 
cet arc céleste aux mains de Râma le Djamada- 
guide, en laissant échapper un léger sourire. 37. 

Quand ce héros illustre eut de sa main levé 
cette flèche , sans un grand effort , il ajusta la 
corde à la coche du trait et se mit à tirer l'arc 
solide. A ce mouvement pour envoyer son dard, 
le fils du roi Daçaratha prit de nouveau la parole 
en ces nobles termes : 38 — 39. 

« Tu es brahme , tu mérites donc à ce titre et 
à cause de Yiçvâmitra mes hommages ^t mes res* 
pects : aussi, ne lancerai*je pas contre toi, bien 
que j'en aie toute la puissance, cette flèche, 
qui ôte la vie! kO. 

» Mais je t'excluerai de cette voie céleste, que 
tu as conquise par tes austérités, et je te fermerai, 
sous la vertu de cette flèche, l'accès des mondes 
saints , des mondes incomparables. 41. 



— MO— 

» £n effet , cette grande et céleste flèche de 
Yishnou , cette flèche, qui détruit Torgueil de la 
force, ne saurait partir de ma main , sans qu'elle 
portât coup. » U% 

Ensuite , Brahma et les autres Dieux vinrent 
de compagnie, avec la rapidité de la pensée, con- 
templa Râma le Daçarathide, qui tenait au poing 
la plus excellente des armes. 43. 

Dès qu'il eut vu de son regard à la vision cé- 
leste que les Dieux étaient là présents, et reconnu, 
par sa puissance de contemplation et sa faculté 
de s'absorber en Dieu, que Râma était né de l'es- 
sence même de Nârâyana, alors ce Djamadagnide, 
de qui le Daçarathide avait surpassé la force, joignit 
les mains et lui tint ce langage: 44 — 45. 

« O Râma, quand la terre fut donnée par moi 
à Kaçyapa: ^Je l^accepte, me dit-il, sous la 
condition que ti> n'habiteras point dans mon do- 
maine. Je consentis, et depuis lors, Kakoutsthide, 
je n'habite nulle part sur la terre : « Puissé-je ne 
manquer jamais à cette parole donnée ! » Ce fut 
là ma pensée bien arrêtée. 46—47. 

» Ne veuille donc pas, noMe enfant de Raghou, 
fermer pour moi le chemin par où le ciel roule 
d'un mouvement aussi rapide que la pensée; 
exclus-moi seulement des mondes saints par la 
vertu de cette flèche. 48. 

» Cet arc m'a fait reconnaître à sa colère en- 



— ail— 

uemie que tu es l'être impérissable, éternel, qui 
ravit le jour à Madhou : sois bon pour moi ; 
et puisse sur toi descendre la félicité I A9. 

» Ces troupes des Immortels ici rassemblés te 
contemplent , Râma , comme un héros, qui tiens 
dans ta main la meilleure des armes et comme un 
second Yishnou rendu visible. 50. 

» Si tu m'as fait tourner la tête vers la fuite ^ 
vaillant Kakoutsthide , il n'y a rien là , qui doive 
m'inspirer de la honte , car tu es le dominateur 
des trois mondes. » 51. 

A ces mots , Râma , le descendant illustre de 
Cantique Raghoo , décocha la flèche dans les 
mondes de Râma le Djamadagnide à la splendeur 
infinie. Depuis lors celui-ci, par l'efficace du trait 
divin , n'eut plus de monde , qu'il pût habiter. 

Après qu'il eut envoyé le dard invincible^ alors, 
montés sur leurs chars célestes , qui roulent sur 
les routes de l'air , tous les Dieux applaudirent le 
robuste en&nt de Raghou. Toutes les plages du 
ciel et toutes les régions Intermédiaires furent 
dégagées de leurs ténèbres. Ensuite, quand il eut 
décrit autour de Râma le Daçarathide un pradak* 
shina, Râma le Djamadagnide s'en retourna dans 
son hermitage. 52—53 — 5^. 

Ici, dans le premier tome du saint Râmâyana , 

Finit le soixante-dlx-septième chapitre, intitulé: 

Rama le djamadagnide exilé des mondes. 



—412— 



LXXVIlî. 



. Après le départ de Râma le Djamadagoide » !e 
Daçarathide Râma, de?eDn maître de Tare conqui» 
par sa i^igueur , fit voir cette arme à son père. 1. 

Il adressa une inclination respectueuse à Va- 
çtshtha, aiusi qu'aux autres saints, et dit ces paroles 
à son père , encore tout ému par sa rencontre 
inopinée avec Râma : 2. 

« Le Djamadagnide s*en est allé ; que Tarmée 
se remette donc en marche, commandée par toi, 
son noble chef, et que ses quatre corps tournent 
maintenant la tête vers Ayaodhyât » 3. 

A ces mots de Râma , le roi , content , plein 
d*aliégresse et comblé de la plus vive joie par ces 
paroles de son fils : « Le Djamadagnide s'en est^ 
allé! » serra l'enfant de Ragbou dans ses bras, 
le baisa au front , et , remettant son armée en 
ordre, il continua son chemin vers sa ville capitale. 

4—5. 



— ai3- 

Elle était pavoisée d'étendards flottants» réson- 
nante de musique , dont tontes les espèces d*in$- 
trudaents jetaient les sons ^u milieu des airs. 

Arrosée, délicieusement parée, jonchée de fleurs 
et de bouquets, la rue royale était remplie de ci> 
tadins , la voix épancb§e en bénédictions et le 
visage tourné vers le roi , qui fit ainsi pompeuse^ 
ment sa rentrée dans la ville et dans son palais. 

6—7. 

Kâauçalyâ , et Soumilrâ , et Kêkéy! à la taille 
charmante , et les autres dames , qui étaient les 
é))ouses du monarque, reçurent les nouvelles 
mariées avec une politesse attentive. 8. 

Ensuite , ayant fait accueil et souhaité le bon- 
heur à Sîtâ, qui égalait Çrî en beauté, è Ourmilâ, 
que distinguait sa haute renommée , et aux deux 
filles de Kouçadhwadja , elles introduisent dans 
le palais du roi, et mènent devant les autels mêmes 
de leurs Dieux ces belles princesses, bien parées, 
habillées de lin et comblées de tontes les parolee, 
qui attirent la félicité. Là , ces quatre jeunes 
épouses s'inclinent avec respect devant les gou- 
ravas , qui méritaient leurs saints et leurs hom- 
mages. 9 — 10 — 11. 

Dès-lors, comblées de joie, trouvant le bonheur 
dans le bien etFamour de leurs maris, elles com- 
mencèrent à goûter chastement le plaisir conjugal. 
Mais ce fut surtout la belle Mithilienne , fille du 



rat Djanaka, qai, plus que les autres, sut charmer 
son époux , comme Çr! aux formes suaves fait les 
délices de Yishnou. Elle était chère au magnanime 
Râma par sa nature accomplie, — De même Râma, 
d*un naturel aimable , à qui Sitâ prêtait encore 
ses qualités propres , lui était plus cher que le 
souffle même de la vie. 12— 13— U. 

Le cœur de Tun est bien connu de l'autre ; ils 
savent que tons les deux sont également pleins 
d*un mutuel amour : mais, quand le mariage eut 
lié Râma à sa chère Sîtâ, il fut encore plus aimé 
d'elle, et lui parut semblable aux Dieux im- 
mortels. 15. 

Après que Thymen eut joint Râma d'un chaste 
îUBud à cette jeune ûUe aimée, d'un rang égal au 
sien , d'une beauté , à laquelle rien n'était su- 
périeur , te fils d'un roi saint en reçut un grand 
éclat» comme un autre invincible Yishnou de son 
mariage avec Çrî, la déesse même de la beauté. 1 6. 



Ici s dans le premier tome du saint Râmâyana, 

Finit le soixantc-dix-hultième chapitre, intitulé : 

Entrée du Roi et des nouvelles Épouses 

DANS AYAUDHYA. 



—415— 



LXXIX. 



Or, après un certain laps de temps, le roi Da- 
çaratha fit appeler son fils Bharata, de qui la 
noble Kêkéyî était mère, et lui dit ces paroles : 1. 

« Ce fils du roi de Kékaya, qui habite ici depuis 
quelque temps, ce héros, ton oncle maternel, mon 
enfant, est venu pour te conduire chez ton ayeuL 
— Il te faut donc t*en aller avec lui voir ton 
grand-père : observe à ton aise , mon fils , cette 
ville de ton ayeul. » 2 — 3. 

Alors , dès qu'il eut recueilli ces mots du roi 
Daçaratha, le fils de Kêkéyî se disposa à faire ce 
voyage, accompagné 'de Çatroughna. U. 

A la vue de son frère , venu de chez les Ké- 
kayains dans la cour d'Ayaudkyâ ; à la nouvelle 
qu'il emmenait , avec l'agrément du roi , Bharata 
aux yeux de lotus, Kêkéyî en fut charmée d'une 
joie suprême, et s'employa de toute sa pensée au 



— Û46— 

voyage de sou fils , qui ressemblait aux fils des 
Immortels. Ensuite, lui dounant congé, elle ren- 
voya, de son palais dans le palais de son père, le 
jeune prince, accompagné des ministres, des gé- 
néraux et de chars nombreux , au milieu d*uncf 
grande armée , qui l'environnait pompeusement 
de sa cavalerie et de ses fantassins. 5 — 6 — 7—8. 

Lui, s'étant incliné devant son magnanime 
père d'une splendeur égale à l'éclat même des Im- 
mortels: «Veuillez, dit-il, joignant ses mains, 
veuillez m'accorder votre congé. » 9. 

Son père le baisa au front, embrassa même avec 
étreinte ce jeune guerrier , semblable au lion par 
sa noble (1) démarche , et lui tint ce tangage 
devant sa cour assemblée : 10. 

« Va, bel enfant, sous une heureuse étoile, an 
palais de ton ayeul ; mais écoute, avant de partir, 
mes avis, et suis-les, mon chéri, avec le plos 
grand soin. 11. 

Que Çatroughna accompagne tes pas vers la 
famille de ton ayeul ; car Çatroughna t'est bien 
attaché , il est dévoué à toi , il t'honore , et tu 
l'aimes en retour plus que le souffle même de la 
vie. Héros , fléau des ennemis , tu dois regarder 
ton frère et le défendre comme toi-même. 12-13. 

'> Agis de telle sorte , mon fils, que Çatroughna, 

(i) LiUéralement : dandinante. ' 



—un— 

lié par toi dans ton cœur avec les cent chaînes 
de tes belles qualités , ne puisse jamais l'aban- 
donner. — Tu dois obéir à ton grand-père , mon 
. enfant » comme à moi-même : aies toujours à la 
pensée qu'il te faut honorer ce noble vieillard à 
régal des Immortels, iti — 15. 

» Sois distingué par un bon caractère , mon 
fils» sois modeste et non superbe ; cultive soigneu- 
setnent la société des brahmes, riches de science 
et de vertus. 16. 

» Consacre tes efforts à gagner leur affection ; 
demande-leur ce qui est bon pour toi-même , et 
n'oublie pas de recueillir comme l'ambroisie même 
la sage parole de ces hommes saints. 17. 

» En effet, les brahmes magnanimes sont la ra- 
cine du bonheur et de la vie : que les brahmes 
soient donc pour toi , duns toutes les affaires , 
comme la bouche (1) même de Brahma.. 18. 

» Car les brahmes furent de vrais Dieux , Aa-» 
bitants du ciel ; mais lôs Dieux supérieurs , mon 
fils, nous les ont envoyés , comme les Dieux de la 
terre, dans le monde des hommes , pour éclairer 
la vie des créatures. 19. 

» Acquiers dans la fréquentation de ces prêtres 
sages et les Védas , et le Castra impérissable des 
Devoirs , et le Traité sur le grand art de gou- 

(4) On peut traduire aussi de celle dutre manière : 
« Emploie dans toutes les affaires les brahmes , dont la 
bouche est l'organe de la Sainte Écriture. » 



— 41«— 

veroer, et le Dhanour-Véda (1) complètement 20. 

9 Emploie continuellement tes efforts à bien 
diriger an éléphant , à bien conduire nn char , à 
bien prendre ton assiette sar Téchine d'an cour- 
sier ; sois encore , mon fils, versé à fond dans les 
sciences des Gandharvas. 21. 

» Sois même, vaillant héros, sois même instruit 
dans beaucoup d*arts et de métiers : rester dans 
foisiveté un seul instant ne vaut rien pour toi , 
mon ami. 22. 

» Aies soin de m'envoyer sans cesse des cour^ 
riers, qui m'apportent les nouvelles de ta santé ; 
car, €lans mes regrets de ton absence , au moins 
faut-il que mon âme soit consolée en apprenant 
que tu vas bien ! » 23. 

Quand le roi eut ainsi parlé , ses yeux baignés 
de larmes et d'une voix sanglotante, il dit à 
Bharata : « Va , mon fils ! » 26. 

Celui-ci donc salua d'un adieu son père, il 
salua d'un adieu Râma à la vigueur sans mesure; 



(i) Varie del saettare , dit la traduction italienne. Je 
n^ose traduire ainsi le mot d^une signification plus indé- 
terminée. L'auteur entend, soit l^un des quatre Sous- 
Védas, appelé DanotLsh-Oupavéda, relatif à la fabrication 
des armes et des instruments de guerre, soit un traité de 
formules mystiques ou magiques, dont renseignement ap- 
partenait naturellement aux brahmes, soit pent-ôtre l'une 
et l'autre de ces deux choses à la fois. 



et, s'étant d*abord incliné devant hs. épouses du 
roi, ses mères, il partit, accompagné de Çatrou- 
ghna. — Environné d'une grande armée en qaatre 
corps, suivi par tous les habitants de la cité, 
marchant à la tête de Râma et de Lakshmana, 
rangés modestement après lui par Tamitié frater- 
nelle, le héros vigoureux ^ le sage fils de Kêkéyî, 
Bharata, s'étant avancé à la distance d'une lieue, 
descendit de son char , et , de concert avec Ça- 
trooghna, il courba sa tête jusqu'aux pieds de Râma. 
25—26—27—28. 

Aussitôt celui-ci releva dans ses bras Bharata 
et Çatroughna , ses deux frères, tombés à ses ge- 
noux » les embrassa et leur tint ce discours : 29. 

« Fils de Kêkéyî , écoute ici : souviens-toi de 
moi et de Lakshmana , compoe , de notre côté , 
Lakshmana et moi , nous nous souviendrons de 
toi , sans oublier Çatroughna. » 30. 

À ces mots , Bharata s'incline et se prosterne 
devant Râma, il serre dans ses bras Lakshmana et 
continue son voyage, accompagné de Çatroughna, 
suivi par de nombreux amis, dont les propos ai« 
mables charmaient sa route, avec d'autres chères 
et dévouées personnes , qui ne pouvaient se ré- 
soudre à le quitter. 31 — 32. 

Ensuite, ayant congédié ces nobles personnages, 
il accéléra sa marche , courant d'une âme em- 
pressée voir la ville de son ayeul et causant avec 



—420— 

ses amis, dont les entretiens amusaient le voyage. 
Enfin, après quelques jours comptés depuis son 
départ , après qu'il eut traversé des forêts , des 
fleuves, des montagnes du plus ravissant aspect, 
l'auguste voyageur atteignit la ville et l'agréable 
palais du roi son grand-père. 33 — 3ii—- 35. 

Près de là , faisant halte , Bharata envoya un 
messager de confiance dire au monarque son 
ayeul : « Je suis arrivé. » 36. 

Transporté de joie à ces paroles du messager , 
le roi fit entrer, comblé des plus grands honneurs, 
son petit-fils dans les faubourgs de sa ville , pa- 
voisée d'étendards, embaumée dû parfum des aro- 
mates, parée de fleurs et de bouquets, festonnée 
de guirlandes des bois , jonchée de sable fin dans 
toute sa rue royale , soigneusement arrosée d'eau 
et pourvue de tonnes pleines disposées çà et là. 

37—38—39. 

Ensuite , les habitants reçurent aux portes de 
la ville Bharata exposé à tous les yeux et réjoui 
par les concerts de tons les instruments , qui ex- 
primaient des chants joyeux sur un mouvement 
vif ; Bharata, suivi par les troupes des plus belles 
courtisanes, qui jouaient de la musique ou dan-, 
saient devant lui : telle fut son entrée dans la 
ville. &0— 41. 

Là, il vit son ayeul, et se réjouit à la vue de ce 
noble vieillard , qui l'embrassa et lui demanda 



—421— 

comment il se portait. — Alors, ce fortuné prince 
fut introduit au gynœcée , et s'inclina devant les 
épouses du monarque ; puis, arrivé dans le palais 
du roi, tout rempli d*officiers richement costumés, 
il y fut comblé d'honneurs, traité à la satisfaction 
de tous ses désirs ; et le fils de Kêkéyî habita cette 
cour dans un bien-être délicieux , comme le plus 
heureux mortel des mortels heureux. 42-43-44. 

Après le départ de Bharata , Râma s'en revint 
chez lui avec Lakshmana. 

Sa piété filiale était comme un culte , dont il 
honora toujours son père à l'égal des Dieux mêmes. 

A peine son père avait-il commandé , Râma 
exécutait son ordre avec empressement : il rem- 
plissait , sans différer , ses devoirs à Tégard des 
citoyens. 45 — 46. 

Ce héros illustre n'oublia jamais ce qn'il devait 
à ses belles-mères et à sa mère : plein de zèle , il 
n'oubliait rien de ce qui était dû aux gouravas en 
général et à son gourou en particulier. 47. 

Enfin, roi et gouravas, ils étaient également sa- 
tisfaits de Râma, dont le caractère et la conduite 
charmaient aussi tous les citoyens. 48. 

/ci, dans le premier tome du saint Rdmâyana^ 

Finit le soixaute-dix-neuvième chapitre, intitulé: 

Entrée de Bharata dajss le palais 

DE SON Ayeul. 

26 



—422— 



LXXX. 



Un jour, Bharata le bezii jeune prince s'inclina 
devant le vieux roi , son magnanime ayenl , et 
lui tint ce langage : 1. 

« Permets que je suive de bons maîtres, donnés 
par ta majesté , instruits dans la science des fi- 
nances et de la justice, versés dans Farithmétique 
et la géométrie, habiles à lancer le javelot , à dé- 
cocher une flèche , experts à conduire un char , 
un coursier, un éléphant, initiés aux sciences des 
Gandharvas , qui aient approfondi les Traités sur 
Fart de gouverner , qui sachent plusieurs arts ; 
d'autres encore , qui aient pénétré le sens des 
Yédas, du Yédanga et de la Dialectique. 2-3-/!i. 

» Je veux être leur disciple , parce que je dé- 
sire beaucoup Tamélioration de moi-même. Si je 
suis approuvé de ta majesté, daigne , ô roi , me 
donner ces maîtres. » 5. 

A ces paroles de Bharata, le monarque, d'une 
âme joyeuse, mit avec lui desavants instituteurs. 6. 



— /i23— 

Le fils de Kêkéyi, Bharata suivit avec zèle tous 
les cours de ces maîtres ; il se dévoua entiè- 
rement au but d'acquérir les Yédas , le Védânga 
et les Castras, 7. 

Plein de modestie et se proclamant lui-même 
le disciple de ces instituteurs vénérables, il apprit 
donc, en accroissement de ses vertus , les Yédas, 
le Yédânga et les divers Traités. 8. 

On le vit lutter par de pénibles efforts avec 
Çatroughna pour atteindre successivement les 
Castras, les sciences et les arts ou métiers. 9. 

Le resplendissant Bharata passa de Tun à l'autre 
de ces différents maîtres , s'instruisant avec zèle 
et se construisant un solide édifice de vie honnête 
et de modestie. 10. 

Il récompensa les soins de ses instituteurs en 
les comblant de préférences, d'honneurs et de 
cadeaux : supérieur à tous ses condisciples par 
Tobéissance, il sut prendre également le premier 
rang par la modestie. 11. 

Le sage et magnanime élève, qui trouvait ainsi 
du plaisir dans l'instruction ^t dans la science, 
mesura dans l'école de ses maîtres un bien grand 
espace de temps. 12. 

Quand il eut abordé la fin de ces divers ensei- 

" gnements, son esprit, maître de soi-même, conçut 

encore la pensée de s'initier aux matières de ia 

la vérité par la fréquentation des hommes avancés 



dans les connaissances, Tâge, lesvertas, la science,. 
et par un commerce journalier avec d'autres 
savants , qui possédaient l'essence de la vérité. 

13—14, 

Il se mit à cultiver cbacnn de ces hommes, qui, 
ayant secoué les chaînes du désir, de l'intérêt, de 
la justice même, et arraché de leur âme, assise 
dans l'impassibilité , le doute sur l'intérêt et la 
justice , étaient versés dans les matières de la 
vérité. 15. 

Bharata se plaisait , il s'amusait à s'entretenir 
sur le cercle varié des sciences ; mais il mit un 
zèle encore plus ardent à propager les principes 
de la vérité , substance elle-même de toute 
science. 16. 

Aussitôt que le jeune adepte , ayant extirpé de 
son âme le doute sur l'intérêt et la justice, se crut 
arrivé à la fin de sa carrière dans la modestie, les 
sciences et la philosophie , il vint à son esprit la 
pensée d'expédier à son père un messager. Il ap- 
pela donc un vieillard , son fidèle ami, interprète 
de la Sainte Écriture : 17 — 18. 

« Va, luidit-4l, va, s'il te plaît, en toute hâte, 
sur des coursiers rapides, à la .ville d'Ayaudhyâ ; 
et là tu parleras à mon père et à Kêkéyî, ma 
bonne mère. 19. 

» D'abord, que ta sainteté dise, en présence de 
mon père et de ma mère , quelle est notre con- 



—425— 

duile ici dans la famille de noire ayeiiL— Ensuite, 
approche-tui de Râma, fais-lui connaître, annonce- 
iui que j'ai acquis de la gravité , et tiens-lui ce 
langage au milieu de la cour : 

« Ton serviteur Bharata rend à tes pieds l'hon- 
neur de les toucher avec son front ; il sollicite à 
genoux (a faveur, et s'enquiert de toi si ta santé 
est prospère et selon tes voeux. » 

» Embrasse Lakshmana et demande-lui pour 
moi comment il se porte. 20 — 21 — 22. 

» Dis pour moi un salut à ma mère et à Kâau- 
çalyâ ; dis encore un salut pour mot à Soumitrà 
et à la perle de Milhilâ. » 23. 

Après ces commissions du magnanime Bharata, 
le messager, emporté sur de rapides chevaux, di- 
rigea sa course vers le pays où s'élevait la toute 
charmante ville d'Ayaudhyâ , îoûAée jadis par le 
saint roi Manou et soumise alors au sceptre du 
roi Daçaratha, de qui les yeux imitaient la couleur 
fauve du nymphéa. 24 — 25. 

Le brahme, suivant les ordres mêmes de Bha- 
rata, ne mit pas un long temps à faire son voyage, 
et bientôt il rendit en ces termes au royal père 
et aux nobles mères du jeune prince les nouvelles, 
dont il était chargé : 26. 

« Puissant monarque , Bharata est parvenu à 
la un de ses études avec une persévérance, qui ne 
s'est jamais démentie. Ton fils a lu entièrement 

26* 



—426— 

les Yédas, les Traités sur Tart de gouverner, ceux 
touchant les finances et le Dhanour-Véda. Il excelle 
dans tons les exercices du corps ; il est expert à 
conduire un éléphant , il est expert à diriger un 
char : excité par tes sages discours, il s* est rendu 
habile en dessin , en géométrie , en natation , en 
légèreté à franchir un fossé et dans la connais- 
sance de la marche des astres. 27 — 28—29. 

» Tels sont , puissant monarque , les travaux 
multiples et variés , que Bharata sut accomplir 
depuis qu'il s'est éloigné de ta présence. » 30. 

A ces agréables nouvelles , le roi fut ravi de 
joie avec Kâauçalyâ, ses épouses et ses deux fils, 
Râma et Lakshmana. 31. 

Quand le souverain eut traité ce messager avec 
tous les honneurs dignes de sa caste et de sa 
mission , alors ce grand monarque des hommes 
renvoya à Bharata son courrier, qu'il avait chaîné 
d'une réponse. 32. 



Ici, dans le premier tome du saint Râmâyanm, 

Composé de vingt-quatre mille distiques, 

Chef hJH œuvre de Valmîki , le grand saint. 

Finit, avec ce tome, le quatre- vingtième chapitre. 

Intitulé : 
Arrivée des Messagers de Bharata dans la 

VILLE D'AYAUDHYA. 



TABLE 

DES MATIÈRES. 



Chapitres Pagu 

Quelques pages en préambule, L 

Introduction du poème, 1. 

Prélude des Rapsodes, 56. 

Description d*Ayaudhyâ , 57« 

Portrait du roi, 62* 

Portrait des ministres, 68. 

Discours de Soumantra, 72. 

Épisode de Rishyaçringa , 77. 

Arrivée de Rishyaçringa dans Ayaudbyâ , 88» 

Apprêts du sacrifice pour rAçwa*médbi^r 9b^ 



—428— 

Gommencemeiit da sacrifice, 99. 

Célâl)ration de rÂçwa-médha » 105. 

Un expédient pour tuer Râvana, MU. 
Apparition de TÊtre , qui apporte la potion 

génératrice , 122. 

Congé donné aux rois, 127. 

Retour de Rishyaçringa dans la i^ille de 

Tchampâ , 129. 

Retour de Rishyaçringa dans la forêt , 1S4. 

Naissance des fils de Daçaratha, 139. 

La génération des ours et des singes , 1^. 

Arrivée de Yiçvâmitra, 1/!i8. 

Discours de Viçvâmitra, mp 153. 

Discours du roi Daçaratha , 157. 

Discours de Yaçishtha , 161. 

La science merveilleuse donnée à Râma , 165. 
Halte de Râma dans ThermiUge de l*Amour , 169. 

Entrée dans le bois de Tadakâ , 173. 

Origine de Tadakâ, 178. 

Mort de Tadakâ, 182. 

Don fait à Râma des armes mystérieuses , 186. 

Le présent des vertus léthifères, 191. 

Séjour daps I*Hermitage-parfait , 195. 



Sacrifice de Yiçvâmitra, 300. 

Campement des anachorètes au bord de la 
rivière Çona^ 204. 

Mariage de Brahmadatta, 208. 

Esquisse sur la famille de Yiçvâmitra , 216. 

Origine de la Gangâ, 220. 

Cdère magnanime d'Oumâ, 224. 

JNaissance de Koumâra, 230. 

Naissance des fils de Sagara, 235. 

Le déchirement de la terre, 239. 

L'apparition de Kapila, 2kU. 

Le sacrifice de Sagara conduit à sa fin , 249. 

bon céleste accordé à Bhagiratha, 253. 

Descente du Gange sur la terré , 257. 

Origine de Fambroisie , 266. 
Le fœtus mis en morceaux ou Torigine du 

rbumb des vents, 272. 

Entrevue avec Pramati, 276. 
Malédiction jetée sur Indra et sur Ahalyâ , 280. 

Ahalyâ rendue visible» 286. 

Entrevue avec Djanaka, 290. 

Discours de Çatânânda , 294. 

L'invitation faite à Yiçvâmitra , 298. 



—430— 

Entretien de Vaçishtha et de Viçvâoiitra , 302. 
Discours de Vaçishtha sur le vol de sa vache , 307. 
L'hermitage de Yaçîshtha incendié, 311. 
La résolution de Viçvâmitra, 316. 
Cinquante-huitième chapitre dans le panégy- 
rique de Yiçvâmitra, 320. 
Refus subi par Triçankou, 322. 
Malédiction jetée sur Triçankou , 325. 
Malédiction jetée sur les Yaçishthides , .330. 
Ascension de Triçankou au ciel, 33(i. 
Çounaççépha vendu, 339. 
Sacrifice d*Ambarîsha, 3&3. 
Le renvoi de Ménakâ, 368. 
Malédiction fulminée sur Rhambâ, 35!i. 
Viçvâmitra élevé au brahmanat, 358. 
Discours du roi Djanaka , 363. 
Le brisement de l'arc, 367. 
Discours des messagers du roi Djanaka , 371. 
Entrevue des rois Djanaka et Daçaratha , 375. 
Les jeunes princesses demandées en mariage, 3S0. 
La généalogie du roi Djanaka racontée, 385. 
Les vaches données en présent de noces, 389. 
Mariage des fils du roi Daçaratha , 39&. 



Rencontre avec Râma le Djamadagnîde , 399. 
Râma le Djamadagnide'exilé des mondes , 40^. 
Entrée du roi et des nouvelles épouses dans 

la ville d*Ayaudhyâ, iil2. 

Entrée de Bharata dans le palais de son 

ayeul, M 5. 

Arrivée des messagers de Bharata dans la 

ville d'Ayandhyâ, U^2. 



FIN. 



ERRATUM. 



Page 13, ligne dixième, <tu lieu de: « Il reçoit 
d'elle un contre-signe ; » lisez : « une réponse. » 

Même page , ligne dix-septième , au lieu de : 
« Il se délivre lui-même de ses fers ; » lisez : 
(( des liens magiques, dont il est enchaîné par la 
flèche de Brahma, » 

Page 59, ligne vingtième , au lieu de : a Telle 
que la ville Çrî; » lisez: «ville de Çrî. » 

Page 278, lignes vingt-et-unième et vingt- 
deuxième, au lieu de: (^ Les rois issus d'Ikshwâ- 
kou , qu'on appelle aussi les Yiçâlides ; lisez : 
« issus dlkshwâkou dans cette ligne, qu'on appelle 
des Viçâlides. » 



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