Skip to main content

Full text of "Romain Rolland, sa vie, son oeuvre; document pour l'histoire de la littérature française"

See other formats


Mis 


-^> 


■ar*- 


ROMAIN  ROLLAND 

SA  VIE.  SON  ŒUVRE 


DU  MÊME  AUTEUR  : 

Au  Seuil  du  Temple,  premier  livre  des  Odes  (hors  commerce,  1906). 

Le  Livre  des  Livres,  poèmes  (1914-1919),  couronné  par  l'Académie 
française  (B.  Grasset,  1911). 

Province,  carnet  de  voyage  [vers]  (Cahiers  du  Centre,  1912). 

Romain  Rolland,  extraits  de  son  œuvre,  avec  Introduction  (Cahiers 
Nivernais  et  du  Centre,  1909). 

C.  Saint-Saëns,  sa  vie  et  son  œuvre,  avec  illustrations  (Durand, 
1914). 

La  Bibliothèque  centrale  et  les  Archives  du  Service  de  Santé  au 
Musée  du  Val-de-Grâce  (E.  Champion,  1919). 

Les  Routes  de  France,  dans  la  Collection  des  Evocations  françaises, 
illustré  (Laurens,  1921). 

Autun,  dans  la  Collection  des  Visites  d'Art,  illustré  (Laurens,  1921). 


A   PARAITRE: 

Les  Paysages  de  France,  dans  la  collection  des  Evocations  fran- 

çaiscs. 

Semur  et  Saulieu,  dans  la  collection  des  Visites  d'Art. 

Les  Routes  dans  THistoire. 

Les  Passants  de  la  Route,  récits  du  temps  jadis. 


M.   Romain  ROLLAND 


û 

< 

o 


< 
o 


H» 


JEAN     BONNEROT 

bibliothécaire  à  la  Sorbonne 


Romain   Rolland 

SA  VIE,  SON  ŒUVRE 


DOCUMENT  POUR  L'HISTOIRE  DE 
LA     LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

1 8  S^o  o  S; 


3o.   I  G  •  ^^ 


PARIS 

Edition  du  Carnet-Critique 

208.  rue  de  la  Convention 

1921 


Un  visage  pâle  et  maigre  d'ascète  et  de  rêveur  ;  mous- 
tache blonde  et  courte  ;  cheveux  grisonnants  bien  lissés  ; 
deux  grands  yeux  gris  bleu,  deux  éclairs,  deux  rayons 
vivants  animent  et  illuminent  l'ovale  allongé  de  cette 
figure  souffrante,  d'un  abord  si  réservé  qu'il  en  devient 
timide  ;  gauche  de  gestes,  parce  qu'il  ne  se  sent  pas  à 
son  aise  devant  un  visiteur  ;  parlant  d'une  voix  fine  et 
frêle  qui,  parfois,  s'enfièvre,  s'emporte  pour  affirmer  une 
vérité,  tel  est  Romain  Rolland. 

Son  portrait  n'a  jamais  été  exposé  aux  vitrines  des 
libraires  entre  la  photographie  d'une  chanteuse  de 
l'Opéra  et  d'un  ministre.  Lui-même,  quand  il  vivait  à 
Paris,  n'était  pas  un  habitué  des  vernissages  ou  des 
premières.  Et  seuls  se  rappellent  peut-être  sa  silhouette, 
ceux  qui  ont  suivi  ses  cours  d'histoire  de  la  musique  en 
Sorbonne  ou  à  l'École  des  Hautes  Études  Sociales,  ou 
qui  l'ont  aperçu  certains  jeudis,  dans  la  petite  boutique 
des  Cahiers  de  la  Quinzaine,  entre  Charles  Péguy,  les 
frères  Tharaud,  Daniel  Halévy  ou  Georges  Sorel. 

Mais  ses  livres  sont  universellement  connus.  UAube, 
en  France,  a  atteint  115  éditions,  et  tous  les  autres 
volumes  de  Jean-Christophe  ont  dépassé  50  éditions.  Des 
traductions  anglaises,  allemandes,  espagnoles,  hollan- 
daises, italiennes,  danoises,  polonaises,  russes  et  sué- 
doises attestent  depuis  longtemps  sa  renommée  dans  le 
monde.  On  peut  aimer  ou  ne  pas  aimer  son  œuvre,  mais 
on  ne  peut  pas  plus  la  négliger  qu'on  ne  peut  ignorer  sa 


^  6  — 

vie  qui  en  est  l'âme  et  la  raison  d'être.  L'une  explique 
l'autre  et  la  contient.  C'est  pour  faire  connaître  celle-ci 
et  celle-là  que  ces  pages  ont  été  écrites. 

Il  y  a  d'autres  livres  sur  R.  Rolland,  plus  compacts, 
plus  touffus  :  défenseurs  ardents  et  détracteurs  pas- 
sionnés se  sont  multipliés.  On  ne  trouvera  ici  ni  une 
apologie  ni  un  réquisitoire,  mais  des  faits  contrôlés,  des 
textes  précis,  avec  leurs  références,  des  dates  exactes. 
R.  Rolland  est  un  historien,  non  pas  un  de  ces  «  scribes 

nés  notaires  et  avoués  de  l'État,  préposés  à  la  garde  de  ses  chartes, 
de  ses  titres  et  procès,  et  armés  jusqu'aux  dents  pour  les  chicanes 
futures  »,  dont  il  est  question  dans  Clérambault  (page  105), 
mais  un  homme  de  bonne  foi,  respectueux  des  textes  et 
de  la  chronologie  :  c'était  bien  le  moins  qu'une  fois  on 
consentît  à  parler  de  R.  Rolland  comme  doit  le  faire  un 
historien.  Rien  ne  sera  avancé  qui  ne  trouve  ici  sa 
preuve  —  ou  qui  ne  puisse  être  immédiatement  con- 
trôlé. A  cet  effet,  une  biographie  a  été  jointe,  qui  indique, 
outre  les  titres  des  articles  et  ouvrages  de  R.  Rolland, 
les  principaux  articles  de  revues  et  de  journaux  publiés 
sur  lui  et  son  œuvre  —  articles  amis  ou  ennemis  ;  la 
bibliographie  n'a  pas  à  choisir,  mais  à  recueillir  et  à 
classer  pour  aider  le  travail  des  historiens.  Les  réfé- 
rences seront  aussi  exactes  et  claires  que  possible  ;  ce 
n'est  pas  une  simple  liste  faite  à  coup  de  ciseaux  au 
hasard  des  catalogues.  Certes  tous  les  articles  de  revues 
et  de  journaux  n'y  figurent  pas.  Il  faut  bien  laisser  au 
critique  le  soin  de  découvrir  à  défaut  d'erreur,  quelque 
léger  oubli  —  et  lui  permettre  d'exercer  sans  encombre 
son  métier. 


—  7 


Sa  famille  et  son  enfance  à  Clamecy 
Romain  Rolland  est  issu  d'une  de  ces  vieilles  familles 

françaises  «  qui,  depuis  des  siècles,  restent  fixées  au  même  coin  de 
province  et  pures  de  tout  alliage  étranger  »  (^Antoinette,  p.  7).  (1) 
Son  arrière-grand-père  paternel,  d'origine  franc-com- 
toise, J.-B.  Boniard,  fut  un  ardent  révolutionnaire,  «  un 
des  douze  Apôtres  de  la  Raison  »,  institués  par  Bias 
Parent  dans  la  Nièvre.  Il  écrivit  beaucoup  comme  Olivier 
(Antoinette,  p.  23),  c'était  presque  une  manie,  un  besoin 
séculaire  d'écrire,  chaque  jour  jusqu'à  sa  mort,  avec  une 
patience  simple  et  presque  héroïque,  «  des  notes  détaillées, 

de  ce  qu'il  avait   lu,  dit,  fait,  entendu,   mangé  et  bu  ».    C'était, 

pour  lui,  des  notes  que  personne  ne  devait  lire,  et  que 
lui-même  ne  relirait  jamais.  Presque  toutes  les  pages 
de  cet  immense  journal  ont  été  brûlées  après  la  Révo- 
lution et  Romain  Rolland  l'a  déploré  (2)  souvent.  «  Les 

parents  brûlent  par  honte,  pour  faire  disparaître  toute  trace...  mais 
ceux  qui  accomplissent  ces  pieuses  destructions  ne  se  doutent  pas 
qu'ils  brillaient  en  bien  des  cas  leurs  meilleurs  titres  de  gloire  ». 

Quelques  fragments  épars,  échappés  à  la  ruine,  se  rap- 
portent aux  événements  du  14  juillet  1789,  et  Romain 
Rolland  s'en  inspirera,  plus  tard  avec  émotion,  lorsqu'il 
écrira  son  drame  sur  la  glorieuse  journée  populaire.  — 
Du  côté  maternel  ce  sont,  Bourguignons  ou  Nivernais, 
des  magistrats  ou  des  gens  de  robe  :  une  tradition  fami- 
liale rapportait  même  que  des  liens  de  parenté  les  unis- 


(1)  Nos  citations  et  renvois  se  réfèrent  toujours  au  texte   original   des 
•Cahiers  de  la  Quinzaine. 

(2)  Cf.  Bibliographie,  n*  97.  ♦ 


—  8  — 

saient  avec  les  Lamoignon.  —  Du  côté  paternel,  une 
génération  de  notaires  nivernais. 

Vous  vous  rappelez  le  paysage  :  ce  petit  pays  du 
centre  de  la  France,  «  pays  plat  et  humide  »,  où  vivaient 
Antoinette  et  Olivier  Jeannin,  les  amis  de  Jean-Chris- 
tophe, et  vous  revoyez  la  «  petite  ville  endormie,  qui  mire 
son  visage  ennuyé  dans  l'eau  trouble  d'un  canal  immobile  ;  autour 
champs  monotones,  terres  labourées,  prairies,  petits  cours  d'eau, 
grands  bois...  Nul  site,  nul  monument,  nul  souvenir.  Rien  n'est  fait 
pour  attirer,  tout  est  fait  pour  retenir  »  (^Antoinettey  p.  8).  C'est 

là-bas  dans  le  Nivernais,  Clamecy  la  «  Bruges  bourgui- 
gnonnes» (1)  qui,  sur  le  flanc  de  la  colline  où  s'endort  et 
rêve  son  passé,  reflète,  dans  le  double  miroir  où  s'unis- 
sent les  eaux  de  l'Yonne  et  du  Beuvron,  les  clochers 
anciens  de  ses  églises,  ses  rues  tortueuses  en  cascade  et 
ses  maisons  basses  aux  tuiles  dérougies  par  le  temps. 
Ville  frondeuse,  aux  confins  de  deux  régions  délimitées 
par  la  nature  et  fixées  par  l'histoire  :  Bourgogne  et 
Morvand,  elle  dépend  des  comtes  et  des  ducs  de  Nevers 
jusqu'au  jour  où  Jean  Rouvet,  un  homme  de  génie, 
créant  et  organisant,  au  xvi«  siècle,  le  flottage  régulier 
des  bûches  de  bois,  lui  donne  le  goût  et  l'amour  de  la 
liberté.  Et  les  premières  grèves  de  France  sont  peut-être 
celles  des  ouvriers  flotteurs  clamecycois,  groupés  près 
du  vieux  pont  de  Bethléem,  où  se  tient,  protecteur  de 
leurs  droits,  le  buste  de  Rouvet,  par  David  d'Angers.  En 
remontant  vers  la  ville  haute,  on  rencontre  le  monu- 
ment (élevé  en  1905)  d'un  autre  Nivernais,  Claude 
Tillier,  le  pamphlétaire  et  l'illustre  romancier  de  Mon 
Oncle  Benjamin. 


(1)  Comparaison   faite  par   Morton-Fullerton,   dans   Terres    Françaises. 
(Colin,  1908),  p.  37. 


—  9  — 

Jean  Rouvet  et  Claude  Tillier  furent  les  compatriotes 
de  Romain  Rolland  :  s'il  ne  les  a  pas  connus,  il  est  un 
peu  leur  descendant  et  leur  héritier,  et  les  cloches  de 
l'église  Saint-Martin,  qui  chantent,  amicales  et  un  peu 
tristes  à  l'aube  de  Christophe,  sont  les  mêmes  qui 
ont  bercé  leur  enfance  lointaine.  «  Des  siècles  de  souvenirs 
vibrent  dans  cette  musique.  »  (l'Aube,  p.  27).  Les  derniers 
battements  du  bronze  tintaient  encore  des  offices  du 
dimanche,  lorsque  s'éveilla  à  la  vie,  dans  la  maison  de 
maître  Rolland,  notaire  à  Clamecy,  le  lundi  29  janvier 
1866,(1)  le  tout  petit  enfant,  auquel  on  donna  les  pré- 
noms de  Romain-Edme-Paul-Émile. 

C'était  un  blondin  délicat  et  de  petite  taille  ;  Olivier 
Jeannin  ne  lui  ressemble-t-il  pas  comme  un  frère  ? 
(^Antoinette,  p.  13).  «  Sa  santé  avait  été  gravement  éprouvée  par 
des  maladies  continuelles  pendant  son  enfance  ;  et  bien  qu'il  en  eut 
été  d'autant  plus  choj^é  par  tous  les  siens,  sa  faiblesse  physique 
l'avait  rendu  de  bonne  heure  un  petit  garçon  mélancolique,  rêvas- 
seur,  qui  avait  peur  de  la  mort  et  qui  était  très  mal  armé  pour  la 

vie...  »  Mais  la  vie  ne  le  changera  pas  :  devenu  homme, 

il  restera  «  doux,  poli,  patient  en  apparence,  mais  d'une  sensibi- 
lité excessive  »  (Dans  la  Maison,  p.  43)  ;  «  une  parole  un  peu 
vive  le  blesse,  une  injustice  le  bouleverse  ;  il  en  souffre  pour  lui  et 
pour  les  autres.  » 

Près  de  lui  veillait  une  sœur  aînée,  dont  Antoinette 
semble,  parfois,  l'image  douce  et  gracieuse. 
Si  Olivier  ressemble  beaucoup  à  Romain  Rolland,  si 


(1)  La  date  de  naissance  est  1866  —  et  non  1868,  comme  l'indiquent  le 
Catalogue  général  de  la  Librairie  française  d'Otto  Lorenz,  tome  XV,  p.  721 
(les  tomes  suivants  ont  rectifié  Terreur)  et  le  Nouveau  Larousse  illustré, 
tome  VII,  p.  360.  Mais  l'erreur  se  trouve  également  dans  l'Index  Biogra- 
phique placé  en  tête  de  la  Revue  d'Art  Dramatique  et  Musical  au  xx*  siècle» 
année  1901,  page  lxi,  revue  à  laquelle  collaborait  activement  R.  Rolland. 


—  10  — 

tel  épisode  est  un  souvenir  d'enfance  de  l'auteur,  si  telle 
silhouette  ou  tel  paysage  rappelle  une  figure  amie  ou  un 
décor  familier,  il  serait  imprudent  et  inexact  d'en  con- 
clure que  les  dix  volumes  de  Jean-Christophe  sont  une 
confession  ou  une  autobiographie.  Olivier  et  Jean  Chris- 
tophe, si  différents  qu'ils  paraissent  l'un  de  l'autre,  sont 
à  des  degrés  divers  et  transposés,  idéalisés,  par  le  rêve, 
le  portrait  de  Romain  Rolland  :  l'un  plus  intellectuel, 
timide  à  l'excès,  mais  plus  réfléchi,  c'est  Olivier  ;  — 
l'autre,  brutal  et  intransigeant,  est  le  héros  cher  à 
l'auteur  et  créé  par  lui,  afin  de  lui  représenter  toujours 
l'homme  qu'il  voudrait  être.  Un  léger  brouillard  d'au- 
tomne enveloppe  le  décor  et  voile  les  visages  pour  qu'on 
ne  reconnaisse  pas  nettement  les  choses  et  les  gens  ;  tout 
se  fond  dans  une  grisaille  lointaine. 

Années  de  collège  et  de  lycée 

C'est  au  collège  de  Clamecy  que  Romain  Rolland,  un 
peu  après  la  guerre  de  1870,  commença  ses  études  et  les 
poursuivit  jusqu'à  la  rhétorique;  l'École  Polytechnique, 
à  laquelle  le  destinaient  ses  parents,  ne  lui  plaisait 
point  ;  mathématiques  et  sciences  exactes  se  heurtaient 
à  son  impérieux  besoin  de  rêve,  de  légende  et  de  foi. 
Seule  la  musique  lui  semblait  le  refuge  et  le  bienheureux 
abri  ;  il  ne  pouvait  point  s'en  passer,  il  l'aimait;  il  vou- 
lait lui  consacrer  tous   ses  instants;  il  l'appellait  «  le 

chant  des  siècles  et  la  fleur  de  l'histoire  »  (^Musiciens  d'ailtrefois, 
p.  9)  et  disait  que  c'était  «  un  aliment  aussi  indispensable  à  la 
vie  que  le  pain  »  (Introd.  à  une  lettre  de  Tolstoï,  p.  1).  Sa 
douce  mère,  excellente  musicienne,  avait  été  son  pre- 
mier maître. 


—  11  — 

Son  amour  et  sa  reconnaissance  pour  elle  ne  feront 
que  grandir  avec  les  années,  jusqu'à  ce  mois  de  mai 
1919  où  il  vint  à  Paris  dire  adieu  à  sa  mère  mourante  : 
tous  ses  beaux  souvenirs  d'enfance,  hier  encore  vivants, 
étaient  du  même  coup  rejetés  dans  le  passé.  Il  n'avait 
que  cinq  ou  six  ans  quand  elle  lui  fit  poser  ses  petits 
doigts  sur  les  touches  d'ivoire,  et,  lui  donnant  sa  pre- 
mière leçon,  entr'ouvrit  à  son  àme  candide  un  monde 
immense  de  joies.  Puis  ce  furent  les  morceaux  joués  à 
quatre  mains  avec  sa  sœur,  les  partitions  déchiffrées 
dans  le  silence  du  salon.  Heureux  temps  qu'il  évoquera 

plus  tard  avec  piété.  «  Tout  est  musique  pour  un  cœur  musi- 
cien. Tout  ce  qui  vibre  et  se  meut  et  s'agite  et  palpite,  les  jours  d'été 
ensoleillés,  les  nuits  où  le  vent  siffle,  la  lumière  qui  coule,  le  scin- 
tillement des  astres,  les  orages,  les  chants  d'oiseaux,  les  bourdonne- 
ments d'insectes,  les  frémissements  des  arbres,  les  voix  aimées  ou 
détestées,  les  bruits  familiers  du  foj'^er,  de  la  porte  qui  grince,  du 
sang  qui  gonfle  les  artères  dans  le  silence  de  la  nuit,  —  tout  ce  qui 
est,  est  musique;  il  ne  s'agit  que  de  l'entendre  )).(^L'Aube,  p.  136). 

Éducation  musicale  encore  bien  imparfaite  dont  les 
romances,  les  airs  italiens,  quelques  morceaux  de  Weber 
et  de  Mozart  firent  longtemps  tous  les  frais.  Il  souhaitait 
de  la  compléter  ;  de  courir  les  concerts  vivants  des 
grandes  villes,  et  de  «  sentir  couler  dans  son  cœur  les  flots  de 
bonté,  de  lumière  et  de  force  qui  ruisselaient  des  grandes  âmes  de 
Beethoven  et  de  Wagner.  »  Se  consacrer,  s'abandonner  tout 
entier  à  la  musique  était  son  rêve.  Les  années  passaient. 
Il  fallait  prendre  une  décision  ;  ses  parents  choisirent 
l'École  Normale  :  concours  difficile  dont  la  préparation 
exigeait  au  moins  deux  ou  trois  années  dans  un  lycée  de 
Paris.  C'est  ainsi  que  toute  la  famille  vint,  à  la  fin  de 
l'année  1882,  s'installer  dans  la  capitale,  à  quelques  pas 
de  ce  jardin  du  Luxembourg,  si  cher  à  Jean-Christophe 


—  12  — 

(Dans  la  Maison,  p.  35).  Le  père  abandonna  son  étude, 
sans  hésitation  mais  sans  souffrance,  et,  fidèle  à  son  fils 
et  à  son  foyer,  se  relégua,  s'exila  volontairement  dans 
une  vie  de  bureau  quotidienne,  ingrate  et  médiocre.  Il 
dit  adieu  à  sa  ville  «  que  l'Yonne  paresseuse  et  le  Beuvron 
baguenaudant    ceignent   de   leurs   rubans  »    (Colas    Breugnon ^ 

p.  17),  et  aux  paysages  familiers,  peuplés  de  cliers  sou- 
venirs et  tout  pleins  de  son  enfance  :  clochers  de  Basse- 
ville,  coteau  de  Vézelay  où  pointe  la  Madeleine,  chemins 
silencieux  qui  vont  droit,  sans  se  presser.  Il  renonçait 
au  bon  air  du  Morvand  pour  les  brumes  empestées  de 
Paris  ;  il  quittait  amis,  parents.  Il  ne  discuta  pas  ses 
préférences  :  son  fils  entrait  comme  externe  en  rhéto- 
rique, 3^  division,  au  lycée  Louis-le-Grand,  le  28  novembre 

1882,  et,  sans  doute,  aurait  besoin  de  son  conseil,  de  son 
amitié,  de  sa  présence  :  il  l'accompagna. 

Trois  rhétoriques  successives,  pendant  lesquelles  il  eut 
comme  professeurs  MM.  Bernage  et  Gaspard  en  lettres 
et  M.  Lemoine  en  histoire,  et  comme  camarades  Victor 
Bérard,  Paul  Gavault,  Paul  Claudel,  Emile  Reibell  en 

1883,  Raoul  Barthe,  F.  Strowski,  Léon  Civry  en  1884  et 
1885  —  et  une  philosophie  en  1885-86  avec  M.  Charpen- 
i  er.  Son  meilleur  camarade,  et  bientôt  son  ami,  était  déjà 
Félix  Suarès,  pensionnaire  à  la  maison  voisine  de  Sainte- 
Barbe.  Wagner  et  Stendhal,  romantisme  et  musique, 
mysticisme  et  libéralisme  étaient  les  thèmes  infinis  de 
longues  discussions  après  la  classe.  Tous  deux  cher- 
chaient, étouffant  à  l'étroit,  «  dans  un  monde  moral  ennemi  ». 
Le  17  juillet  1886,  il  eut  la  joie  de  lire  son  nom  sur  la 
liste  d'admissibilité  à  l'Elcole  Normale  :  détail  amusant, 
un  homonyme,  Joseph-Paul  Rolland,  voisinait  près  de 
lui  dans  l'ordre  alphabétique.  L'oral  eut  lieu.  Il  fut  enfin 


—  13  — 

reçu  le  10^,  le  4  août  1886,  tandis  que  Colardeau,  Barthe 
et  Suarès,  ses  condisciples  de  Louis-le-Grand,  étaient 
les  trois  premiers  de  la  promotion,  (l) 


A  l'École  Normale  (1886-1889).—  L'influence  de  Tolstoï 
sur  R.  Rolland. 

Ainsi  sa  vie  s'orientait  définitivement  ;  il  avait  l'espoir 
maintenant  de  revenir  un  'jour  à  la  musique,  qui  avait 
été  son  «  Paradis  »,  en  passant  par  la  littérature.  Il  connut 
à  l'École  le  biologiste  Le  Dantec,  l'orientaliste  Foucher, 
le  sinologue  Chavannes,  les  géographes  Raveneau,  Dal- 
meyda,  Ardaillon,  Lorin,  le  poète  Henri  Ronger,  les 
philosophes  Georges  Dumas,  Lalande,  Mélinand,  les 
archéologues  Gauckler,  Bertaux,  Toutain,  le  voyageur 
Emile  Gautier.  Ses  trois  années  (1886-1889)  vont  être 
décisives.  Il  enrichit  ses  connaissances,  il  cultive  sa 
pensée,  il  perfectionne  son  esprit.  La  philosophie  et  la 
littérature  le  tentèrent  d'abord  ;  mais  ses  professeurs, 
Brunetière  et  Boissier,  Ollé-Laprune  et  Brochard,  ne 
surent  pas  le  retenir  près  d'eux,  et,  dès  la  seconde  année 
(1887-88),  il  choisit  la  section  d'histoire  et  de  géogra- 
phie. Sous  la  direction  très  sûre  de  Paul  Guiraud,  — 
disciple  de  Fustel  de  Coulanges,  —  de  Gabriel  Monod  et 


(1)  D'après  les  archives  du  Lycée  Louis-le-Grand,  registre  d'inscription  des 
externes,  f*  5,  n*  88,  —  Pour  les  curieux  qui  croient  que  les  succès  scolaires 
ont  un  sens  quelconque,  disons  que  R.  R.  eut  en  rhétorique,  1883,  un 
1"  accessit,  vétérans,  en  histoire  et  un  5*  de  récitation  ;  en  1884,  4*  accessit 
d'histoire  et  4*  de  langue  latine:  en  1885,  pas  de  nomination;  et  en  1886 
(philosophie)  un  6*  accessit  d'excellence  et  un  2*  prix  d'histoire. 

(Renseignements  obligeamment  fq^urnis  par  M.  Ch.  Guillot). 


—  14  — 

de  Vidal  de  La  Blache,  il  se  créa  très  vite  une  discipline, 
une  méthode,  une  personnalité  ;  l'érudition  sévère  et 
prudente  lui  apprit  l'art  de  dépouiller  les  faits  comme 
des  classements  d'archives,  de  déchiffrer  les  vies  comme 
des  textes  toujours  inédits,  l'art  de  les  assembler,  de  les 
coordonner  et  d'en  faire  jaillir,  comme  un  éclair  vivant 
au  frottis  de  deux  silex,  une  œuvre  humaine.  Une  troi- 
sième année  le  conduisait  à  l'agrégation  d'histoire  et  de 
géographie;  il  était  reçu  9^  sur  14,  le  31  août  1889. 

Evénements  universitaires  sans  grande  importance, 
si  on  les  compare  aux  «  découvertes  »  que  R.  Rolland 
vient  de  faire  au  cours  de  ces  trois  années.  Dégoûté  de 
l'idéalisme  officiel  et  fade  que  ses  premiers  professeurs 
avaient  voulu  lui  inculquer,  passionnément  épris  de  vie 
et  de  vérité,  ennemi  des  illusions  quelles  qu'elles  soient, 
et  des  discussions  oiseuses  qui  sont  de  faux  jeux  d'esprit, 
inquiet,  cherchant  une  foi  sûre  pour  asseoir  son  œuvre 
d*homme,   seul,   sans   guide,    sans   ami,    sans   maître 

«  dans  le  désert  infini  de  sa  pensée  »,  R.  Rolland  troUVa  les 

deux  chefs  qui  devaient  lui  montrer  le  cliemin. 

Années  d'affaissement  et  d'angoisse  que  R.  Rolland, 
dialoguant  avec  Jean- Christophe  («  Dialogue  de  l'auteur 
avec  son  ombre  »  au  début  de  la  Foire  sur  la  Place,  p.  xxv) 
ne  manquera  pas  d'évoquer  avec  une  certaine  tristesse. 

«  Combien  nous  avons  souffert,  et  tant  d'autres  avec  nous,  quand 
nous  voyions  s'amasser  chaque  jour  autour  de  nous  une  atmosphère 
plus  lourde,  un  art  corrompu,  une  politique  immorale  et  cynique, 
une  pensée  veule  s'abandonnant  au  souffle  du  néant  avec  un  rire 
satisfait...  Nous  étions  là,  nous  serrant  l'un  contre  l'autre  angoissés, 
respirant  à  peine...  Ah!  nous  avons  passé  de  dures  années  ensemble. 
Ils  ne  s'en  doutent  pas  nos  maîtres  des  affres  où  notre  jeunesse  s'est 
débattue  sous  leur  ombre.  » 

Plus  douloureux  est  le  cri  qu'il  jette  aux  premières 


—  15  — 

pages  de  son  Beethoven  (p.  3,  éd.  des  Cahiers)  et  dont 
l'écho,  lointain  comme  un  appel  au  fond  des  bois,  résonne 
tristement  à  l'aube  du  xx^  siècle  :  «  L'air  est  lourd  autour  de 

nous.  La  vieille  Europe  s'engourdit  dans  une  atmosphère  pesante  et 
viciée.  Un  matérialisme  sans  grandeur  pèse  sur  la  pensée  et  entrave 
l'action  des  gouvernements  et  des  individus.  Le  monde  meurt 
d'asphyxie  dans  son  égoïsme  prudent  et  vil.  Le  monde  étouffe.  » 

1886.  Les  premières  traductions  de  Tolstoï  et  de 
Dostoïewsky  paraissent  en  France.  En  deux  ou  trois 
ans,  on  édite  successivement  Guerre  et  Paix,  Anna  Karé- 
nine, Enfance  et  Adolescence,  La  Mort  d'Ivan  Iliitch. 
R.  Rolland  ne  lisait  pas  de  romans,  et  voici  que  dans 

ces  romans  «  fleurs  merveilleuses  de  l'art  russe...  se  découvrait 
l'œuvre  de  toute  une  grande  vie,  se  reflétait  un  peuple,  un  monde 

nouveau  »  (Vie  de  Tolstoï,  p.  2);  voici  qu'un  chef,  un  ami, 
un  maître  lui  était  donné.  Et  dans  les  «  turnes  »,  où  le 
soir  bavardaient  les  camarades  de  promotion,  voici 
que  toutes  les  discussions,  tous  les  désaccords  étaient 
oubliés.  Chacun  aimait  Tolstoï,  parce  que  chacun  s'y 

retrouvait  soi-même,  et  que  «  c'était  une  porte  qui  s'ouvrait 
sur  l'immense  univers,  une  révélation  de  la  vie  ».  Mais  c'était 

encore  peu  d'admirer  l'œuvre  ;  «  nous  la  vivions,  elle  était 

nôtre,  nôtre  par  sa  passion  ardente  de  la  vie,  par  sa  jeunesse  de 
cœur.  Nôtre  par  son  désenchantement  ironique,  sa  clair vo3'^an ce 
impitoyable,  sa  hantise  de  la  mort.  Nôtre  par  ses  rêves  d'amour 
fraternel  et  de  paix  entre  les  hommes.  Nôtre  par  son  réquisitoire 
terrible  contre  les  mensonges  de  la  civilisation.  Et  par  son  réalisme 
et  par  son  mysticisme.  Par  son  souffle  de  nature,  par  son  sens  des 
forces  invisibles,  son  vertige  de  l'infini  ». 

De  ce  jour,  Tolstoï  fut  le  guide  de  Romain  Rolland  ; 
mais  un  doute  subsistait  entre  le  maître  et  le  disciple  i 
Tolstoï  considérait  déjà  (Qu'est-ce  que  l'Art  ne  paraîtra 
qu'en  1897-98)  l'art  comme  «  un  vas^e  système  de  corruption^ 


—  16  — 

«n  culte  du  plaisir,  une  superstition  intéressée  de  l'élite  européenne 

dans  la  jouissance  égoïste  »,  tandis  que  R.  Rolland  aimait 
l'art  sous  toutes  ses  formes,  avec  passion,  et  surtout 
la  musique,  dont  il  ne  pouvait  se  passer  ;  et  voici  que 
Tolstoï  déchirait  les  pages  les  plus  émouvantes  de 
Beethoven,  de  Wagner,  et  les  jetait  à  l'oubli,  comme  une 

œuvre  «  immorale  »  et  «  qui  désunit  les  hommes  ».  Affligé  d'un 

si  brutal  mépris,  R.  Rolland  écrivit  à  Tolstoï  pour  lui 
exposer  ses  craintes,  ses  angoisses. 

Le  4  octobre  1887,  Tolstoï  répondit,  en  français,  une 
longue  et  noble  lettre,  que  R.  Rolland  publia  quinze  ans 
plus  tard  (1902).  (l)  Lettre  prophétique  qui  est  comme 
un  manifeste  et  un  appel  à  l'art  populaire  :  elle  montrait 
le  côté  factice  et  vain  de  l'art  et  de  la  science,  tels  qu'ils 
étaient  alors  ;  elle  prouvait  que  l'art  ne  doit  pas  être  la 
propriété  d'une  caste  sociale  privilégiée  et  que  «  les  pro- 
duits de  la  vraie  science  et  du  vrai  art  sont  les  produits  du  sacrifice 
et  non  des  avantages  matériels.  »  Elle  disait  notamment  : 
«  La  science  véritable  et  l'art  véritable  ont  toujours  existé  et  existe- 
ront toujours...  »  L'art  s'étiole  aujourd'hui,  parce  qu'il 
«  n'a  plus  de  racines  dans  la  vie  de  la  terre  »  parce  qu'il  est 
«l'œuvre  de  fantômes  d'hommes,  d'ombres  d'êtres,  de  larves 
nourries  de  mots,  de  couleurs  de  tableaux,  de  sons  d'instruments  de 
musique,  d'extraits  de  sensations.  »  Il  ne  peut  vivre  désormais 

que  s'il  s'oriente  nettement  dans  un  sens  populaire. 

Avec  quelle  joie,  avec  quelle  émotion  R.  Rolland  put 
lire  cette  lettre,  au  début  de  sa  seconde  année  d'École  ; 
une  main  amie  se  tendait  vers  lui,  une  lumière  enfin 
éclairait  sa  route,  une  voix  l'appelait  «  cher  frère  »  et  lui 
disait  les  mots  humains  et  vivants  qu'il  attendait  depuis 


(l)  Cf.  Bibliographie  N*  27. 


—  17  — 

si  longtemps.  Il  réfléchit.  Sa  vie  était  fondée  ;  elle  avait 
un  but  ;  il  n'allait  plus  à  tâtons,  comme  un  aveugle.  Il 
savait.  L'enseignement  serait  le  métier,  le  gagne-pain, 
mais  il  ne  vendrait  pas  son  art  :  «  La  gêne  n'est  pas  inutile  à 

l'esprit.  Une  liberté  trop  grande  est  mauvaise  inspiratrice  ;  elle  porte 
la  pensée  à  l'apathie  et  à  l'indifférence.  L'homme  a  besoin  d'aiguil- 
lons. Le  génie  veut  l'obstacle  et  l'obstacle  fait  le  génie  ».  Et  joyeu- 
sement, R.  Rolland  se  remit  au  travail.  C'est  de  cette 
époque  que  date  sa  première  œuvre,  une  sorte  de  confes- 
sion philosophique,  intitulée  Credo  qtiia  veriim  (1888), 
confession  inédite,  qui  est  connue  seulement  par  les 
lignes  très  brèves  où  M.  Seippel  en  a  esquissé  le  sens 
général  (op.  cit.  n°  196,  pp.  26-27).  Essai  d'inspiration 
panthéiste  dont  le  point  de  départ  est  :  Je  pense,  donc 
IL  EST  ou,  plus  exactement.  Je  sens,  donc  il  est.  «  Contre 
la  pensée  intellectuelle  pure,  R.  Rolland  revendiquait 
les  droits  de  la  pensée  sensation.  De  ce  noyau  central  il 
faisait  sortir  tout  le  reste,  une  conception  de  Dieu  et  du 
monde  extérieur,  une  explication  de  la  liberté,  enfin  des 
règles  morales  et  esthétiques  ».  Il  faut  souhaiter  que  cet 
essai  «  dont  la  lumière  a  toujours  suffi  à  l'éclairer  »  soit,  un  jour 
prochain,  publié. 

N'oublions  pas  de  noter  un  petit  détail  qui  n'a  pas  été 
sans  influence  sur  les  élans,  les  douleurs  de  R.  Rolland. 
A  l'École,  il  n'eut  vraiment  qu'un  seul  ami,  Suarès,  son 
compagnon  de  Louis-le-Grand  ;  tous  deux,  musiciens 
épris  de  Reethoven  et  de  Wagner,  enthousiastes  pour 
Dante,  Shakespeare  et  Gœthe,  se  sont  liés,  se  sont  aimés, 
loin  des  camarades  moqueurs  ou  méchants.  Depuis,  la 
destinée  les  emporta  dans  des  sentiers  différents.  Le 
style,  le  goût,  les  idées,  pourraient  les  opposer  l'un  à 
l'autre.  Mais,  entre  dix-huit  et  vingt-cinq  ans,  tandis  que 


18 


«  la  vie  est  un  malentendu  incessant  et  cruel  et  que  chacun  vit  près 
des    autres    sans  jamais  les   comprendre,    »   (^Saînt-LouiSf  IV), 

R.  Rolland  et  Suarès  furent  amis  et  se  confièrent  leurs 
doutes,  leurs  espoirs,  leurs  tristesses.  Suarès  était  d'un 
autre  sang  et  d'une  autre  race  :  il  était  juif  et  à  ce  mot 
des  passions  s'éveillent,  des  rancunes  s'attisent,  des 
vengeances  se  méditent.  Suarès,  juif,  fut  persécuté, 
moqué,  raillé.  R.  Rolland  souffrit  de  cette  injustice  et 
comprit,  ce  jour-là,  tout  le  mal  que  l'on  fait  avec  des 
mots.  Il  se  promit  dès  lors  de  ne  pas  suivre  le  trou- 
peau hurleur,  et  d'être  bon  —  non  pas  faible  — ,  mais 
humainement  bon  et  fidèle  à  l'amour  autant  qu'à  la 
vérité.  Et  peut-être,  ce  jour-là,  eut-il  l'idée  première  de 
son  héros  Jean-Christophe. 


A  l'École  de  Rome  (1889-1891).  —  L'influence 
de  M"e  Malwida  de  Meysenbug 

Les  concours  finis  en  août  1889,  R.  Rolland,  agrégé 
d'histoire,  attendait,  dans  quelque  ville  lointaine,  un 
poste  de  professeur,  —  et  songeait  à  son  œuvre  d'artiste, 
quand  ses  maîtres  de  l'École  Normale  lui  offrirent  de 
partir,  pour  deux  ans,  comme  élève  à  l'Ecole  française 
de  Rome  ;  un  de  ses  camarades,  candidat  à  Rome,  ayant 
échoué  à  l'agrégation,  une  des  deux  places  était  donc 
libre  ;  il  devrait  accepter.  R.  Rolland  avait  une  certaine 
défiance  contre  l'Italie  :  la  littérature,  aux  descriptions 
lyriques,  avait  tant  abusé  de  ce  décor  qu'il  croyait  le 
connaître  déjà  avant  de  l'avoir  vu  ;  cette  musique 
bruyante,  vulgaire  et  sentimentale,  dont  il  avait  entendu 
tant  de  fragments,  le  fatiguait  par  avance.  Mais  il  se 


—  19  — 

laissa  convaincre  et,  le  17  octobre  1889,  il  était  nommé 
élève  à  l'École  française  d'Archéologie  et  d'Histoire. 

Le  mois  suivant,  il  partit  pour  l'Italie.  Brusquement, 
comme  un  adolescent  devant  une  femme,  hier  inconnue 
ou  dédaignée,  reçoit  en  plein  cœur  un  coup  de  passion, 
il  se  sentit  charmé,  saisi,  vaincu.  Il  s'éprit  de  Rome 
avec  autant  de  naïveté  que  d'enthousiasme  ;  il  connut  ses 
musées,  ses  monuments,  ses  archives  ;  surtout  il  aima 
son  ciel,  son  paysage.  Mais  il  fréquentait  peu  ses  cama- 
rades «  Romains  »:  AudoUent,  Gsell,  Jordan,  —  d'une 
promotion  plus  ancienne  —  et  qui  étaient  tout  le  jour 
absorbés  par  leurs  recherches  d'érudition  aux  archives. 
Il  vivait  à  l'écart,  silencieux  et  presque  sauvage.  Un  clair 
souvenir  de  ces  jours  de  flânerie  et  de  découverte  éclaire 
doucement  quelques  pages  de  Jean-Christophe  (La  Nou- 
velle Journée,  pp.  28-41).  «  La  lumière  romaine,  les  jardins 
suspendus,  la  Campagne  que  ceint  comme  d'une  écliarpe  d'or  la  mer 
ensoleillée,  lui  révélèrent  peu  à  peu  le  secret  de  la  terre  enchantée.  » 

Surtout  il  fit  la  connaissance  d'une  femme  dont  les 
idées  et  l'amitié  eurent  sur  lui  une  grande  influence. 
M"®  Malwida  de  Meysenbug  à  qui  l'avait  recommandé 
son  maître  de  l'École  Normale,  le  professeur  Gabriel 
Monod. 

M"^  Malwida  de  Meysenbug,  alors  âgée  de  72  ans, 
habitait  derrière  le  Colisée,  via  Polveriera,  un  petit 
appartement,  où  l'on  venait  de  partout  en  foule,  comme 
en  pèlerinage.  L'histoire  souffrante  et  courageuse  de  sa 
vie,  autant  que  sa  belle  intelligence,  justifiaient  l'admi- 
ration et  le  véritable  culte  dont  on  l'entourait.  Elle  était 
née  en  1816,  à  Cassel,  la  neuvième  de  dix  enfants,  d'une 
famille  de  protestants  français  réfugiés  au  xvii^  siècle. 
Son  père,  baron,  était  premier  ministre  de  l'Électeur 


—  20  — 

Guillaume  I"  de  Hesse-Cassel.  Milieu  aristocratique, 
protestant  et  conservateur  où  son  esprit,  indépendant  et 
réfléchi,  se  heurte  à  maints  préjugés.  La  révolution  de 
1848  éveille  en  elle  le  goût  de  la  prédication  humani- 
taire et  l'amour  des  idées  généreuses  ;  blâmée  par  sa 
famille,  elle  part  seule  et  gagne  sa  vie  en  travaillant  à 
un  institut  d'éducation,  fondé  à  Hambourg  par  les 
communistes  ;  elle  crée  et  dirige  une  école  rationaliste, 
jusqu'au  jour  où  la  police  intervient  et  la  chasse  (1852); 
elle  s'exile  en  Angleterre,  et  par  des  leçons  et  des  tra- 
vaux de  traduction  parvient  à  ne  pas  mourir  de  faim. 
Londres  est  alors  le  refuge  des  exilés  de  toute  l'Europe  : 
Kossuth  et  Pulszky,  Mazzini  et  Orsini,  Herzen  et  Ogareff, 
Louis  Blanc  et  Ledru-Rollin,  agitateurs  et  proscrits  de 
tous  pays  et  de  toutes  doctrines.  Elle  devient  leur  amie, 
leur  consolatrice.  Elle  se  fait  l'éducatrice  des  deux  filles 
d'Alexandre  Herzen,  puis,  en  1882,  vient  se  fixer  défini- 
tivement en  Italie  avec  la  plus  jeune,  Olga  Herzen,  qui 
ne  la  quittera  que  onze  ans  plus  tard,  en  1873,  pour 
épouser  Gabriel  Monod.  Dès  lors,  elle  vécut  à  Rome  ou 
à  Tarente,  —  ne  s'absenlant  que  pendant  les  mois  d'été 
qu'elle  passait  à  Versailles,  dans  la  famille  Monod. 
A  Rome,  elle  se  lia  d'amitié  avec  Wagner,  Liszt,  Lenbach, 
Nietzsche,  Garibaldi,  Ibsen.  Ses  mémoires,  (l)  —  publiés 
sous  le  titre  de  Mémoires  d'une  Idéaliste  avec,  comme 


(1)  Mémoires  d'une  Idéaliste,  par  Malwida  de  Meysenbug,  traduits  de 
rallemand  avec  une  préface  de  Gabriel  Monod,  2  vol.  in-12,  Paris,  Fisch- 
bacher,  1900,  xvii  +  436  p.  et  316  p. 

Le  Soir  de  ma  vie  (Suite  des  Mémoires  d'une  Idéaliste),  précédée  de  la  Fin 
de  la  vie  d'une  Idéaliste,  par  Gabriel  Monod,  Fischbacher,  1008,  xvi  +  400  p. 

Sur  M"'  de  Meysenbug,  voir  aussi  deux  articles  d'Alfred  Dumaine,  Con- 
fession d'une  démocrate  allemande  :  Malwida  de  Mcijsenhag,  dans  la  Revue  de 
la  Semaine,  10  juin  1921,  pp.  131-152,  el  17  juin  11)21,  pp.  278-299.  et  l'article 
de  Dominique  de  Bray,  dans  la  Flamberge,  cité  à  la  Bibliographie  n°  204. 


21 


suite,  Le  Soir  de  ma  vie,  —  évoquent,  en  maintes  pages, 
le  souvenir  des  amités  illustres  qui  peuplèrent  sa  vie. 
Nietzsche  (l)  l'appelait   «  chère  amie  qui  m'êtes  une  sœur  »  et 

la  prenait  pour  confidente  de  ses  tristesses  et  de  ses 
efforts. 

R.  Rolland  fut  aussitôt  l'un  des  plus  fidèles  du  salon 
de  M"*  de  Meysenbug.  Il  y  vient  chaque  soir,  causer 
musique  ou  art,  écouter  ses  souvenirs  ou  lui  jouer 
quelque  fragment  de  Mozart,  de  Bach,  de  Beethoven. 
Il  fit  partie  de  sa  vie.  Il  fut  son  familier.  Entre  eux,  une 
intimité  exquise  s'établit  dont  on  retrouve  un  écho  dans 
plusieurs  pages  des  Mémoires  de  Mahvida  de  Meysenbug. 
Même  tout  le  chapitre  XII  du  Soir  de  ma  vie  est  consacré 
au  jeune  Français  enthousiaste  qui  «  réveillait  en  elle  la 
jeunesse  de  la  pensée  et  un  intérêt  intense  pour  tout  ce 
qui  est  beau  et  poétique  ».  Nous  avons  là  un  portrait 
de  R.  Rolland  pris  sur  le  vif  qu'il  serait  impardonnable 
de  négliger. 

«  Ses  dons  musicaux  ne  furent  pas  seuls, à  m'attirer  rers  ce  jeune 
ami...  Sur  tous  les  autres  terrains  de  la  culture  intellectuelle,  il  me 
semblait  être  dans  son  élément,  aspirant  toujours  à  un  plus  complet 
développement  de  lui-même...  Chez  ce  jeune  Français,  je  retrouvai 
ce  même  idéalisme,  cette  même  hauteur  d'aspirations,  cette  même 
intelligence  profonde  de  toutes  les  grandes  manifestations  intellec- 
tuelles que  j'ai  déjà  trouvées  chez  des  hommes  supérieurs  de  natio- 
nalité différente.  Il  était  grand  admirateur  de  Tolstoï  ;  il  aimait 
Mozart,  Bach,  et  par-dessus  tout  Beethoven...  Il  était  dans  llenthou- 
siasmc  de  Wagner...  A  Rome  il  contemplait  surtout  les  chefs-d'œuvre 
de  la  Renaissance,  et  sous  l'influence  de  la  grandiose  nature  du 
Midi  s'épanouissait  dans  l'étude  comme  une  fleur  qui  a  trouvé  son 
terrain  propice...  »  (Le  Soir  de  ma  vie,  pp.  309-310). 


(1)  Cf.  Daniel  Halévy,  La  Vie  de  Frédéric\ietzsche.  C,  Léry,  1909,  p.  180 
et  ss.,  220  et  ss.,  etc. 


—  22  — 

M"^  Malwida  de  Meysenbug  eut  sur  R.  Rolland  une 
grande  influence  —  moins  artistique  et  intellectuelle  que 
morale.  Elle  ne  fut  pour  rien  dans  l'orientation  de  ses 
idées  philosophiques  ;  mais  elle  fut  sa  confidente,  son 
guide,  son  bon  génie.  R.  Rolland  lui-même,  dans  une 
lettre  à  Paul  Seippel  (op.  cit. y  n°  196,  p.  33) en  a  témoigné. 

«  C'est  par  le  raj'^onnement  de  son  âme  épurée,  calme,  sereine,  tou- 
jours jeune,  après  avoir  traversé  tant  de  misères,  de  tristesses,  de 
vilenies,  qu'elle  eut  une  action  sur  moi,  comme  sur  tant  d'autres.  » 

C'est  de  Rome  que  datent  ses  premiers  essais  de 
théâtre,  pièces  historiques,  actions  romaines  ou  drames 
italiens  que  M"^  Malwida  de  Meysenbug  fut  la  première 
à  connaître  et  à  admirer.  Plusieurs  des  sujets  qu'il  avait 
choisis  et  traités  se  rapportaient  à  cette  période  de  la 
Renaissance  italienne  qu'il  étudiait  alors  avec  passion 
et  qu'il  connaissait  mieux  que  tout  autre.  «  Il  était  si  péné- 
tré de  l'esprit  de  ce  temps-là,  dit  M^^^  de  Meysenbug,  la  pein- 
ture par  ses  personnages  le  lui  avait  si  bien  révélé,  qu'eux-mêmes 
semblaient  revivre,  pénétrer  dans  son  imagination  et  agir  ainsi 
qu'ils  auraient  pu  le  faire  à  cette  époque.  »  Nous  ne  savons  que 
les  titres  de  ces  pièces  :  Orsino,  Les  Baglioni,  Le  Siège 
de  Mantoue,  et  cette  Jeanne  de  Vienne,  où  il  contait 
l'aventure  douloureuse  et  tragique  d'une  femme  séduite 
par  le  connétable  de  Montmorency,  puis  abandonnée. 
Enfin  des  sujets  à  titre  antique  tels  que  Niobé,  Caligula 
et  surtout  un  EmpédocleyW  drame  philosophique  dont 
les  idées  directrices  se  retrouveraient  dans  son  opuscule 
inédit.  Credo  quia   vernm,  écrit  à  l'École  Normale  en 


(i)  Empédocle,  le  philosophe  d'Agrigent,  est  un  héros  cher  à  R.  R.  Il  avait 
été  son  premier  guide  avec  les  autres  philosophes  présocratiques,  à  l'époque 
où  il  cherchait  «  une  certitude  sur  laquelle  il  pût  fonder  sa  vie  ».  Près  de 
trente  ans  plus  tard,  en  1918,  il  sera  encore  son  guide  cl  R.  R.  lui  consacrera 
des  pages  enthousiastes.  Cf.  plus  loin,  et  Bibliographie,  n*  114. 


—  23  — 

1888.  11  fut  question  de  jouer  une  ou  deux  de  ces  pièces  à 
la  Comédie-Française.  Mounet-Sully,  qui  les  avait  lues, 
en  était  enthousiasmé.  Applaudissements,  éloges  ou 
promesses  font  partie  du  théâtre  et  n'engagent  personne, 
puisqu'ils  ne  prouvent  rien.  Autant  en  emporte  le  vent. 
Un  conflit  d'acteurs  s'éleva  dans  les  coulisses.  Le  Bargy 
et  Silvain  désapprouvaient  le  choix.  Le  drame  fut  sacri- 
fié. L'oubli  l'enveloppa.  Mais  il  faut  souhaiter  qu'un 
jour  R.  Rolland  recherche,  dans  le  carton  où  ils  dor- 
ment, ces  drames  italiens  et,  les  réunissant  en  un  volume, 
en  fasse  le  digne  pendant  de  ses  Tragédies  de  la  Foi. 

Deux  années  pleines  (1889-90  et  1890-91)  passèrent  : 
années  de  travail  et  de  réflexion,  années  de  recherches  (i) 
dans  les  bibliothèques  pour  la  mise  au  point  de  sa 
thèse  sur  l'histoire  de  l'Opéra  avant  Lulli  et  Scarlatti. 
R.  Rolland  voulut  les  couronner  royalement  par  une 
visite  à  Bayreuth,  où  M"*^  de  Meysenbug  le  reçut  elle- 
même  dans  le  parc  de  Wahnfried.  Elle  n'était  pas  venue 
saluer  Cosima  Wagner,  sa  fidèle  amie,  depuis  1883, 
depuis  que  le  maître  de  l'Anneau  des  Nibeliingen  s'était 
endormi  dans  la  mort.  Ils  s'inclinèrent  ensemble  devant 
la  tombe  où  repose  la  dépouille  humaine  du  poète  ;  ils 
assistèrent  ensemble  à  une  représentation  de  Parsifal, 


(1)  Pendant  lesquelles  R.  Rolland  ne  rédigea  que  son  «  Mémoire  »  d'étude, 
obligatoire,  en  seconde  année,  pour  les  élèves  de  l'Ecole.  Ce  Mémoire,  dont 
le  sujet  était  emprunté  à  l'histoire  diplomatique  du  xvi',  était  intitulé  : 
Histoire  des  négociations  diplomatiques  depuis  le  sac  de  Rome  jusqu'à  la  paix 
de  Cambrai,  d'après  les  lettres  et  instructions  du  cardinal  Salviati,  légat  en 
France  de  juin  1527  d  août  1529  et  les  documents  du  temps.  Il  parvenait  à 
TAcadémie  des  Inscriptions  le  24  avril  1891,  et  était  analysé  par  Gaston 
Boissier,  dans  le  «  Rapport  annuel  présenté  au  nom  de  la  Commission  des 
Ecoles  de  Rome  et  d'Athènes  ».  (Cf.  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles- Lettres,  4*  série,  t.  XIX,  1891,  pp.  391-392.)  Roissier, 
après  quelques  réserves,  note  déjà  :  «  L^  narration  de  M.  Rolland  est 
intéressante  et  indique  un  véritable  sens  historique  ». 


24 


puis  ils  se  séparèrent.  R.  Rolland,  dit  M"^  de  Meysenbug, 

avait  voulu  «  dore  ainsi  ses  belles  années  de  jeunesse  passées  en 
Italie  et  recevoir  ces  impressions  sublimes  en  quelque  sorte  comme 
une  bénédiction,  au  seuil  de  l'âge  viril,  pour  ses  travaux  projetés, 
ses  luttes  et  ses  déceptions  presque  certaines.  » 

De  retour  à  Paris,  R.  Rolland  commença  le  rude 
apprentissage  de  la  vie.  L'amitié  de  ses  parents,  qui 
s'étaient  installés  dans  le  quartier  des  Écoles,  parvint 
seule  à  lui  adoucir  la  dureté  des  heures  et  la  tristesse  de 
la  solitude.  Le  travail  de  sa  thèse  l'absorbait,  le  concert 
ou  quelques  lectures  étaient  les  seules  distractions  qu'il 
se  permettait.  Un  an  plus  tard,  en  1892,  R.  Rolland  se 
maria,  et  obtint  une  mission  en  Italie  (1892-93)  pour 
achever  sa  thèse.  Il  revit  M"^  de  Meysenbug  avec  laquelle 
il  n'avait  cessé  de  correspondre.  Depuis  1891,  ils  s'écri- 
vaient chaque  semaine  et,  jusqu^au  26  avril  1903,  jour 
où  M"*  de  Meysenbug  s'éteignit,  heureuse,  comme  dans 
une  fête,  à  l'âge  de  85  ans  et  6  mois,  ses  lettres  appor- 
teront à  son  jeune  ami  «  cette  bénédiction  que  la  vieillesse 
donne  à  la  jeunesse  »  et  lui  diront  sans  fin  que  l'art  véri- 
table et  sincère  est  le  salut  dans  la  douloureuse  beauté 
de  la  vie  quotidienne. 

C'est  pendant  ce  nouveau  séjour  à  Rome  que  R.  Rolland 
conçut  les  grandes  lignes  de  son  roman  ;  c'est  dans  ce 
décor  lumineux  et  chaud,  oii  Olivier  retrouve  Grazia, 

que  lui  est  apparu  «  le  héros  aux  yeux  et  au  cœur  purs  »  qui 

devait  être  Jean-Christophe.  Il  vit  au  bas  de  l'Apennin, 
dont  les  monts  abrupts  s'enchaînent  et  se  déroulent 
ainsi  qu'une  farandole,  «  la  mer,  la  mer  latine  et  sa  lumière 
d'opale  où  dorment  suspendues  des  volées  de  petites  barques,  aux 

ailes  repliées.  »  Il  se  grisa  de  lumière,  de  cette  lumière 

«  sang  du  monde  qui  coule  dans  l'espace  comme  un  fleuve  de  vie  et 
s'infiltre  jusqu'au  fond  de  notre  chair,  lumière  plus  nécessaire  à  la 


—  25  — 

vie  que  le  pain.  »  Il  parcourut  «  le  Forum  rouge  au  soleil  cou- 
chant »,  il  connut  «  la  joie  de  l'âme  et  des  yeux  »  et  aima  «le 
sourire  de  ce  ciel  latin  qui  baigne  la  laideur  des  plus  humbles  choses, 
qui  fleurit  les  pierres  des  vieux  murs  et  communique  à  la  tristesse 
même  son  calme  raj'onnement  »  (La  Nouvelle  Journée,  pp.  39 

à  57.)  Il  prit  des  notes,  il  marqua  les  thèmes  de  sa  par- 
tition, il  en  fixa  le  rythme,  il  fit  le  plan  de  son  œuvre. 

«  La  symphonie  s'organise,  l'ombre  s'éclaire.  Sur  le  long  ruban  de 
route  qui  se  déroule,  se  marquent  par  étapes  les  foj-^ers  lumineux  qui 
seront  à  leur  tour  dans  l'œuvre  en  création  les  noyaux  des  petits 
mondes  planétaires...,  les  grandes  lignes  du  tableau  sont  arrêtées.  A 
présent,  son  visage  surgit  de  l'aube  incertaine.  Tout  se  précise  : 
l'harmonie  des  couleurs  et  les  traits  des  figures...  » 

Ainsi  R.  Rolland  dit  comment  Jean-Christophe  crée 
une  symphonie  (La  Nouvelle  Journée,  pp.  216-217.)  Ainsi 
est  née  et  a  grandi  l'œuvre  elle-même.  R.  Rolland  est 
musicien  avant  tout,  mais  un  musicien  qui  se  règle 
selon  certaines  disciplines  très  strictes  et  qui  a  appris, 
à  l'école  de  Gabriel  Monod  et  de  Paul  Guiraud,  la  valeur 
des  faits  et  l'art  précieux  de  les  assembler,  de  les  coor- 
donner. 

C'est  à  Rome  même,  dès  1893,  que  R.  Rolland  écrit 
déjà  des  passages  entiers  de  Jean  Christophe.  Il  a  bâti 
patiemment  son  héros  ;  mais  celui-ci  ne  s'est  mis  en 
route  que  lorsque  son  maître  eût  «  reconnu  pour  lui  la 
route  jusqu'au  bout.  »  Plusieurs  chapitres  de  la  Foire  sur 
la  Place  datent  de  cette  époque  ;  certains  portraits  ont 
été  esquissés  et  dessinés,  certains  épisodes  ont  été  fixés 
bien  avant  VAube  ou  le  Matin.  Et  cet  aveu,  adressé  aux 
Amis  de  Christophe  dès  1909  (Dans  la  Maison,  p.  17),  n'a 
étonné  que  les  timides  aux  idées  toutes  faites  et  les  cri- 
tiques à  gages.  Ceux-ci  ont  voulu  voir  dans  Jean-Chris- 
tophe un  roman.  Ce  n'est  pas  davantage  un  poème.  C'est 


—  26  — 

la  vie  d'un  homme.  Et  «  la  vie  d'un  homme  ne  s'enferme  point 
dans  le  cadre  d'une  forme  littéraire  ».  La  COuleur  de  couver- 
ture peut  tromper  les  ignorants.  Mais  qu'il  évoque  la 
vie  de  Beethoven,  de  Michel-Ange,  ou  qu'il  raconte  la 
vie  de  Jean -Christophe,  R.  Rolland  est  et  demeure 
historien.  Il  est  le  savant  qui  travaille  d'après  des  don- 
nées précises  et  exactes  ;  il  est  le  critique  attentif  qui 
note  avec  lenteur,  —  certains  diront  avec  une  gaucherie 
de  traducteur,  —  mais  toujours  avec  une  loyale  et  impec- 
cable sincérité,  détails  intimes,  événements  minuscules, 
faits  divers  sans  importance  apparente,  tout  ce  qui  rap- 
proché, entassé,  combiné,  doit  servir  à  l'évocation  par- 
faite de  son  personnage  ;  il  s'interpose  entre  eux  et  lui  ; 
il  ne  crée  pas,  il  recrée. 

Je  n'en  veux  d'autre  preuve  que  ces  quelques  lignes 
que  j'extrais  d'une  lettre,  datée  de  1909.  «  Pour  dire  la  vérité 

sur  la  façon  dont  je  travaille,  mon  état  d'esprit  est  toujours  celui 
d'un  musicien,  non  d'un  peintre.  Je  conçois  d'abord  comme  une 
nébuleuse  l'impression  musicale  de  l'ensemble  de  l'œuvre,  puis  les 
motifs  principaux  et  surtout  le  ou  les  rythmes,  non  pas  tant  de  la 
phrase  isolée  que  de  la  suite  des  volumes  dans  l'ensemble,  des  cha- 
pitres dans  le  volume  et  des  alinéas  dans  le  chapitre.  Je  me  rends 
très  bien  compte  que  c'est  là  une  loi  instinctive  ;  elle  commande 
tout  ce  que  j'écris.  » 

La  vie  universitaire  va  reprendre  R.  Rolland,  l'absor- 
ber peut-être,  au  point  qu'il  ne  pourra  plus  achever  l'œu- 
vre qu'il  porte  en  lui,  —  et  qu'il  devra  dire  adieu  à  ses 
rêves  les  plus  chers...  Non  I  II  n'est  pas  besoin  d'avoir 
des  loisirs  et  des  journées  libres  pour  écrire.  Au  con- 
traire !  La  gêne  du  métier  quotidien  sera  l'aiguillon.  Il 
se  débattra,  il  luttera,  mais  il  vaincra  :  ce  sera  la  récom- 
pense. Il  a  beaucoup  écrit  déjà,  mais  il  n'a  encore  publié 
qu'un  petit  article  d'érudition  historique  :  Le  dernier 


—  21  — 

procès  de  Louis  de  Berquin  (i)  —  où  l'on  pourrait  déjà 
découvrir  le  polémiste  et  le  défenseur  ardent  des  justes 
causes,  —  quand  il  est  chargé,  en  1893,  d'un  cours  com- 
plémentaire d'histoire  de  l'art  dans  les  lycées  de  Paris... 
C'était,  pour  sa  santé  fragile,  un  poste  moins  pénible 
que  celui  de  professeur  d'histoire  au  Lycée  de  Bourges, 
qu'on  lui  avait  offert  à  son  retour  de  l'École  de  Rome, 
mais  aussi  un  poste  d'attente.  Pour  le  reposer  de  ces 
courses  incessantes  à  travers  les  lycées  parisiens,  on  le 
nommait,  au  début  de  1895,  professeur  suppléant  de 
morale  à  l'École  J.-B.  Say.  Petits  incidents  universi- 
taires, dont  Olivier  entretiendra  parfois  Jean  Christophe, 
non  sans  amertume  {Dans  la  Maison).  Mais  c'en  est  fini 
de  cette  incertitude.  Il  passait  sa  thèse  en  Sorbonne  le 
19  juin  1895  et  était  reçu  docteur  es  lettres,  avec  la  men- 
tion «  très  honorable  ».  Le  sujet  qu'il  avait  choisi  et  qu'il 
avait  mûri  et  documenté  pendant  ses  séjours  italiens. 
Les  origines  du  théâtre  lyrique  moderne  :  Histoire  de 
l'Opéra  en  Europe  avant  Lulli  et  Scarlatti,  (2)  affirmait 
victorieusement  ses  goûts  pour  la  musique  ;  pour  la 
première  fois,  une  thèse  en  Sorbonne  ne  traitait  ni 
d'histoire,  ni  de  littérature,  ni  de  philosophie,  et  mon- 
trait la  place  —  inconnue  ou  méconnue  —  que  la  musi- 
que tenait  réellement  dans  l'histoire  générale. 

A  la  rentrée  des  vacances,  R.  Rolland  était  chargé 
d'un  cours  complémentaire  d'histoire  de  l'art  à  l'École 
Normale  supérieure,   le  21  octobre  1895  :   peinture   et 


(1)  Cf.  Bibliographie  n'  96.  —  Louis  de  Berquin,  condamné  à  mort  et 
exécuté  en  1529,  par  sa  faute  et  pour  avoir  voulu  obtenir  une  éclatante  jus- 
tification de  sa  conduite  et  de  ses  opinions. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n'  32. 


—  28  — 

sculpture,  architecture,  gravure  semblaient  seuls  se 
partager  l'honneur  d'avoir  un  historien.  La  musique 
devait  encore  attendre  quelques  années  pour  obtenir, 
dans  cet  enseignement,  droit  officiel  de  vie  et  de  cité. 

C'est  à  l'École  Normale  que  R.  Rolland  eut,  dès  1895, 
comme  élève  de  seconde  année,  Charles  Péguy,  futur 
fondateur  et  gérant  des  Cahiers  de  la  Quinzaine.  La 
camaraderie  d'élève  à  professeur  se  clianga  très  vite  en 
une  solide  amitié.  R.  Rolland  sera  un  des  premiers 
auteurs  qu'éditera  Péguy  dès  1898,  dans  les  «  Cahiers  » 
antérieurs  aux  Cahiers  de  la  Quinzaine  ;  celui-ci  n'écrira 
pas  un  livre  sans  que  la  première  édition  n'en  soit  établie 
par  les  soins  de  celui-là. 


Ses  premiers  Essais  dramatiques  (1898-1902): 
Saint-Louis,  —  Aêrt,  —  Les  Loups. 

Sa  vie  universitaire  ilxée,  R.  Rolland  peut  enfin 
s'abandonner  à  sa  fièvre  d'écrire.  Voici  longtemps  qu'il 
rêvait  d'une  réforme  du  théâtre  français  ;  il  considérait 
les  pièces  qu'il  avait  composées  en  Italie  comme  des 
essais  et  ne  voulait  pas  les  publier.  Enfin  parut  dans  la 
Revue  de  Paris  (mars-avril  1897),  Saint-Louis,  0)  poème 
dramatique  en  cinq  actes,  écrit  dès  1894,  dans  la  façon 
de  Shakespeare.  Les  lecteurs  de  la  revue  ne  semblent- 
pas  avoir  beaucoup  goûté  ce  drame  de  «  l'exaltation  reli- 
gieuse »  qui  montre  le  saint  Roi,  triomphant  de  nom- 
breux obstacles  par  la  vertu  de  sa  foi,  puis  mourant 
pieusement  au  pied  de  la  montagne,  du  haut  de  laquelle 


(1)  Cf.  Bibliographie  u*  1. 


—  29  — 

ses  soldats  aperçoivent  Jérusalem.  Saint -Louis  n'en 
demeure  pas  moins  une  date  dans  l'œuvre  de  R.  Rolland, 
curieux  d'abord,  comme  l'a  fait  remarquer  Paul  Souday 
(Temps,  23  avril  1913),  «  à  titre  de  document  psycho- 
logique »,  mais  aussi  comme  essai  de  reconstitution 
historique.  La  pièce  est  plutôt  destinée  à  être  lue  dans 
un  fauteuil  que  jouée  sur  un  théâtre.  Les  dialogues  et 
les  tirades  en  sont  d'une  belle  langue  souple  et  harmo- 
nieuse ;  telle  scène  entre  Rosalie  de  Brèves  0)  et  le  Roi 
ou  l'adieu  de  Saint-Louis  mourant  devant  la  «  mer  ver- 
doyante et  dorée  qui  voile,  là-bas,  dans  le  lointain  brumeux,  la  douce 
terre  de  France  »  feraient  grand  effet  au  théâtre,  si  quel- 
que directeur  avait  la  curiosité  de  tenter  l'expérience. 

Shakespeare  est  son  maître  au  théâtre.  (2)«  Malgré  Tolstoï, 
malgré  Wagner,  me  disait-il  dans  une  lettre  en  1909,  Sha- 
kespeare est  de  tous  les  artistes  celui  que  j'ai  constamment  préféré 
depuis  l'enfance.  Et  si  ses  drames  historiques  ne  sont  pas  la  seule 
partie  de  son  œuvre  que  j'aime,  du  moins  ils  ont  eu  l'influence  la 
plus  directe  sur  moi  en  m'ouvrant  les  horizons  de  ce  monde  artis- 
tique nouveau  et  en  m'en  présentant  les  modèles  incomparables  ». 

Mais  voici  que  la  Revue  dArt  dramatique  se  recons- 
titue, élargit  son  programme  et  inaugure,  en  novembre 
1896,  une  nouvelle  série  ;  R.  Rolland  fait  partie  de  ses 
collaborateurs  réguliers  et  c'est  là  qu'il  publie  ses  pre- 
miers articles  de  critique  et  d'histoire  musicale  {La  Pas- 
sion à  Salzbach)  i^)  (n°  de  septembre  1898)  et  qu'il  donne 
par  fragments,  de  mars  à  mai  1898,  sa  nouvelle  pièce 


(1)  C'est  un  nom  qui,  certainement,  rappelle  îc  village  près  de  Clamecy, 
où  un  parent  de  R.  Rolland  eut  longtemps  une  étude  et  où  lui-même, 
enfant,  vint  passer  souvent  les  vacances. 

(2)  R.  Rolland  prépare  un  livre  entier  sur  Shakespeare  dont  il  a  publié 
un  fragment.  Cf.  Bibliographie  n*  104. 

(3)  Cf.  bibliographie  n*  33.  # 


—  30  — 

Aërt  (1)  qui  célèbre  «  l'exaltation  nationale  ».  Comme  le  roi 
Saint-Louis,  le  jeune  Aërt,  fils  d'un  stathouder  vaincu 
et  massacré  par  ses  ennemis,  est  un  héros  et,  dans  les 
dialogues  d'Aërt  avec  Lia  ou  avec  son  vieux  maître  de 
philosophie,  on  pourrait  relever  telles  ou  telles  phrases 
prophétiques  sur  la  guerre  ou  la  paix  qui  s'éclaireraient 
tragiquement,  au  souvenir  des  événements  d'hier.  Aërt> 
désespéré  de  n'avoir  pu  libérer  la  Hollande,  se  suicide  : 
renoncement  à  l'action,  sacrifice  paradoxal  d'un  dilet- 
tante, a-t-on  dit,  appliquant  à  l'auteur  certaines  décla- 
rations de  son  personnage  (P.  Souday,  Temps,  23  avril 
1913),  mais  on  aurait  pu  tout  aussi  bien  — et  plus  juste- 
ment —  choisir  les  dernières  paroles  à  Lia.  «  O  désert,  où 
il  faut  vivre  pour  rester  fort,  pour  garder  ses  pensées  à  l'abri  de 
ce  monde  menteur  et  meurtrier  !  Vie  odieuse  qui  vous  écrase,  dès 
qu'elle  vous  sent  désarmé!  Je  ne  suis  pas  encore  vaincu...  je  ne 
veux  plus  d'amour:  l'amour  pourrit  l'âme...  je  me  ressaisis,  je 
m'appartiens  à  moi-même,  je  suis  seul  enfin...  Fini  de  la  confiance, 
de  la  pitié,  de  la  tendresse.  Fini  de  tout  ce  qui  est  lâche  et  humain  I 
Seule  ma  volonté  I  » 

Est-ce  un  aveu  médité  ou  une  confession  involontaire, 
qu'importe.  En  cette  minute,  R.  Rolland  parle,  ici,  par 
la  bouche  d'Aërt.  Seule  sa  volonté  lui  permettra  de  vivre 
et  de  réaliser  son  œuvre.  Il  semble  qu'il  en  fasse  ici  le 
serment  et  s'apprête  à  la  lutte. 

Aërt  fut  joué  au  théâtre  de  l'Œuvre  le  3  mai  1898. 

La  distribution  en  était  bien  choisie  avec  MM.  Ripert 
(Dirck),  Hardy  (le  stathouder).  Buisson  (Claes),  Damery 
(maître  Trojane),  d'Avançon  (le  médecin),  Hérouin 
(Govert),  M"«  Laparcerie  (Aërt)  et  M"«  Mitzi-Dalti  (Lia). 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  2. 


-    31  — 

Le  succès  ne  fut  pas  très  grand  et  StouUig  (Annales 
du  Théâtre,  tome  24,  1898,  pp.  570-572)  l'appréciait  en 
ces  termes  sévères  :  «  Naïve  historiette  dont  je  ne  vous 
garantis  pas  l'absolue  nouveauté,  mais  qui,  à  défaut 
d'originalité,  ne  manque  pas  de  charme  en  ingénuité, 
simulée  peut-être  ;  car  je  ne  m'étonnerais  pas  que 
l'auteur  ait  mis  là-dedans  beaucoup  plus  de  sympathie 
et  d'allégorie  que  n'en  a  voulu  voir  le  commun  des 
spectateurs  ». 

Mais  voici  que,  quelques  jours  plus  tard,  le  18  mai 
1898,  le  même  théâtre  de  l'Œuvre  représentait  une  pièce 
en  trois  actes  intitulée  MorituriC^)  et  dont  l'auteur  n'était 
autre  que  R.Rolland,  sous  le  pseudonyme  de  Saint-Just. 
Elle  avait  été  écrite  au  lendemain  d'Aërty  en  mars  1898, 
en  quinze  jours,  au  milieu  d'une  fièvre  joyeuse  d'enthou- 
siasme. C'est  la  première  d'une  série  glorieuse  sur  la 
Révolution  française  qu'il  rêvait  d'offrir  et  de  dédier  au 
peuple  de  Paris  —  et  de  voir  jouer  sur  un  vrai  Théâtre 
du  Peuple.  Il  s'était  souvenu  du  Comité  de  Salut  Public 
projetant,  par  le  décret  du  20  ventôse  an  II,  d'instituer 
un  Théâtre  du  Peuple  destiné  à  «  célébrer  les  principaux 

événements  de  la  Révolution  française.  »  (Théâtre  de  la  Révo- 
lution, préface).  Romain  Rolland  était  épris,  depuis  son 
enfance,  des  grands  souvenirs  de  89,  il  avait  lu  les  frag- 
ments de  journal  où  son  arrière-grand-père,  J.-B. 
Boniard  avait  conté,  en  ce  style  exalté  de  l'époque,  la 
prise  de  la  Bastille  et  le  retour  victorieux  du  peuple  sur 
la  place  de  l'Hôtel-de-Ville  ;  il  avait  lu  aussi  ces  notes 
si  vivantes  recueillies  par  le  docteur  Edme-François 
Bordet,  et  dont  il  trouva  le  manuscrit,  jauni  et  vieillot^ 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  5. 


—  32  — 

dans  les  papiers  de  son  grand-père  Edme  Courot, 
ancien  président  de  la  Société  scientifique  et  artistique 
de  Clamecy.  Il  avait  entendu  tout  jeune  des  récits  de 
cette  époque  frémissante.  N'y  avait- il  pas  là  une  «  Iliade 
de  la  nation  française  »  dont  il  pouvait  rêver  d'être  le  poète 
dramatique  ?  La  matière  était  riche  et  nouvelle.  Il  don- 
nerait là  «  le  spectacle  d'une  convulsion  de  la  nature,  d'une 
tempête  sociale,  depuis  l'instant  oià  les  premières  vagues  se  soulèvent 
du  fond  de  l'océan  jusqu'au  moment  où  elles  semblent  de  nouveau 
y  rentrer  et  où  le  calme  retombe  lentement  sur  la  mer.  » 

Le  projet  est  immense,  mais  il  mérite  que  R.  Rolland 
tente  de  le  réaliser.  En  quelques  mois  il  ébauche  ses 
sujets  :  une  dizaine  suffiront  pour  embrasser  ces  quel- 
ques années.  Sans  tarder,  il  se  met  à  les  écrire.  Il  publie 
Moritiiri,  sous  leur  titre  nouveau  :  Les  Loups,  avec  cet 
épigraphe  «  Homo  homini  lupus  »  et,  tandis  qu'il  en 
corrige  les  épreuves,  il  écrit,  en  novembre  1898,  les 
trois  actes  de  Danton  d)  qui  paraîtront,  un  an  plus  tard 
(déc.  1899,  janv.-fév.  1900)  en  trois  fragments  à  la  Revue 
d'Art  dramatique.  Puis  il  aborde  l'histoire  des  Girondins 
proscrits  dans  le  Triomphe  de  la  Raison,  et  donne,  avec 
le  14^  Juillet,  action  populaire  en  trois  actes,  une  large 
fresque  de  la  première  grande  journée  qui  symbolise 
la  Révolution.i(2)  A  ces  quatre  pièces,  provisoirement  du 
moins,  il  limite  ce  Théâtre  de  la  Révolution,  se  réser- 
vant de  reprendre  un  jour  ses  notes  et  ses  plans  ébau- 
chés. «  Le  Vf  Juillet  en  était  la  première  page  et  Danton  le  centre, 
la  crise  décisive,  où  fléchit  la  raison  des  chefs  de  la  Révolution  et  où 
leur  foi  est  sacrifiée  à  leurs  ressentiments.  Dans  Les  Loups  où  est 
peinte  la  Révolution  aux  armées,  dans  Le  Triomphe  de  la  Raison  où 


(1)  Cf.  Bibliographie  n'  6. 
(2>  Cf.  Bibliographie  n*  7. 


—  33  — 

elle  traverse  les  provinces  à  la  recherche  des  Girondins  proscrits, 
elle  se  dévore  elle-même.  »  (^Théâtre  de  la  Révolution,  pré- 
face, p.  VI). 

Mais  il  ne  suffisait  pas  d'écrire  des  pièces;  pour  qu'elles 
vivent,  il  fallait  qu'elles  fussent  jouées.  Saint-Louis  était 
demeuré  enfoui  dans  le  silence  de  la  revue  qui  lui  avait 
accordé  son  hospitalité  ;  Aért,  au  Théâtre  de  l'Œuvre, 
n'avait  eu  qu'un  succès  très  bref  de  curiosité.  En 
revanche,  Morituri  avait  bénéficié  des  allusions,  que  l'on 
crut  y  deviner,  au  double  procès  qui  passionnait  alors 
l'opinion  publique  :  le  récit  d'une  erreur  judiciaire  sous 
la  Révolution,  était,  dit  A. -Ferdinand  Hérold  (Mercure 
de  France,  juillet  1898,  p.  267)  «  un  drame  rapide  et  sobre  et 
fort  bien  conduit  »,  qui,  en  réalité,  ne  devait  rien  aux  évé- 
nements politiques  du  jour.  L'interprétation  en  avait  été 
remarquable  :  à  côté  de  Dalmoye  qui  avait  créé  un  beau 
type  du  commandant  Verrat,  il  y  avait  Bourrion  (J.-B. 
Quesnel),  Lafargue  (Teulier),  Luxeuil  (commandant 
d'Oyron),  Herouin  (Chapelat),  d'Avançon  (Buquet), 
Bauduit  (Vidalot),  Daillard  (Jean  Amable)  et  Buisson 
(l'aubergiste).  Mais  la  salle  était  houleuse,  des  tempêtes 
de  cris  :  «  à  bas...,  vive...,  »  s'entrecroisaient  à  chaque 
réplique  et  donnèrent  de  la  première  de  Morituri  l'aspect 
brutal  et  troublé  d'une  réunion  électorale. 

Ces  deux  tentatives  sans  lendemain  démontrèrent  à 
R.  Rolland  l'impossibilité  de  jouer  à  Paris  d'autres 
pièces  que  des  pièces  parisiennes  :  artistes  cabotins, 
qui  n'en  voulaient  faire  qu'à  leur  caprice  et  n'admet- 
taient aucun  conseil,  directeurs  de  théâtre,  imbus  de 
leurs  idées  de  plaire  au  public  et  toujours  retranchés 
derrière  leur  ignorance  prétentieuse,  critiques  indiffé- 
rents ou  veules,  ennemis  de  tout^  innovation  qui  trou- 


—  34  — 

blerait  leurs  habitudes  saintes  et  dépasserait  peut-être 
leur  entendement. 


Le  Théâtre  du  Peuple 

C'est  pour  lutter  contre  cet  état  d'esprit  lamentable 
qu'un  certain  nombre  de  jeunes  écrivains,  Maurice 
Pottecher,  Gabriel  Trarieux,  Louis  Lumet,  R.  Rolland^ 
sous  les  auspices  de  la  Revue  d'Art  dramatique  et  de  son 
actif  directeur,  Lucien  Besnard,  prirent  l'initiative  de 
renouer  la  tradition  interrompue  de  la  Révolution  et  de 
fonder  un  théâtre  du  peuple.  En  mars  1899,  fut  lancée 

une  circulaire,  «  pour  provoquer  la  réunion  d'un  congrès  inter- 
national de  théâtre  populaire,  »  véritable  discours-manifeste 
qui,  après  vingt  ans,  garde  encore  aujourd'hui  toute  sa 
valeur  et  toute  son  actualité.  (Publiée  en  appendice  dans 
le  Théâtre  du  Peuple,  p.  187.) 

«  L'art  est  en  proie  à  l'égoïsme  et  à  l'anarchie.  Un  petit  nombre 
d'hommes  en  ont  fait  leur  privilège  et  en  tiennent  le  peuple  écarté. 
La  partie  la  plus  nombreuse  et  la  plus  vivante  de  la  nation  n'a  point 
d'expression  dans  l'art.  Il  n'y  a  d'art  que  pour  les  blasés.  ...Pour  le 
salut  de  l'art,  il  faut  l'arracher  aux  privilèges  absurdes  qui  l'étouf- 
fent  et  lui  ouvrir  les  portes  de  la  vie.  11  faut  que  tous  les  hommes  y 
soient  admis.  Il  faut  enfin  donner  une  voix  aux  peuples  et  fonder  le 
théâtre  de  tous,  où  l'eÊfort  de  tous  travaille  à  la  joie  de  tous...  Nous 
appelons  à  nous  tous  ceux  qui  se  font  de  l'art  un  idéal  humain  et  de 
la  vie  un  idéal  fraternel,  —  tous  ceux  qui  ne  veulent  point  séparer 
le  rêve  de  l'action,  le  vrai  du  beau,  le  peuple  de  l'élite.  Qu'on  ne 
s'y  trompe  pas  :  il  ne  s'agit  pas  d'une  tentative  littéraire.  C'est  une 
question  de  vie  ou  de  mort  pour  l'art  et  pour  le  peuple.  Car  si  l'art 
ne  s'ouvre  pas  au  peuple,  il  est  condamné  à  disparaître  ;  et  si  le  peu- 
ple ne  trouve  pas  le  chemin  de  l'art,  l'humanité  abdique  ses  des- 
tinées ». 


—  35  — 

R.  Rolland  alors  se  voua  tout  entier  à  la  défense  de 
cette  œuvre  et  de  ceéte  idée.  Il  multiplia  ses  appels  dans 
les  revues  pour  affirmer  sa  foi.  Déjà,  à  côté  de  lui, 
Maurice  Pottecher  maintenait,  depuis  1895,  son  Théâtre 
du  Peuple  (1)  à  Bussang,  dans  les  Vosges,  et  bientôt,  à 
son  imitation,  René  Morax  allait  créer,  en  Suisse,  à 
Mézières,  le  théâtre  populaire  du  Jorat  (mai  U)08).  En 
attendant  que  le  théâtre  du  peuple  fût  constitué  et 
solidement  organisé,  Romain  Rolland  faisait  jouer,  le 
21  juin  1899,  au  Théâtre  de  l'Œuvre,  le  Triomphe  de 
la  Raison^  (l)  dont  les  belles  tirades  semblaient  avoir  été 
recueillies  aux  séances  mêmes  des  Clubs  révolution- 
naires ;  Stoullig  (Annales  du  Théâtre,  t.  25,  1899,  pp.  375- 
376)  se  plaignit  que  l'œuvre  eut  peu  de  rapport  avec  le 
théâtre,  et  affirma  que  l'auteur  était  admirablement 
doué  seulement  comme  écrivain  et  comme  orateur  ; 
mais  une  scène,  entre  toutes  dramatique  (Acte  I,  scène  3), 
réunissait  les  éloges  de  chacun  :  celle  où  les  députés 
girondins,  mis  hors  la  loi  et  contraints  de  se  cacher, 
voient  défiler  le  cortège  funèbre  de  Marat,  dont  on  porte 
le  corps  au  Panthéon,  tandis  que  l'orchestre,  dirigé  par 
M.  Tiersot,  jouait  la  curieuse  Marche  lugubre  de  Gossec. 
Les  acteurs  avaient  bien  défendu  la  pièce  :  (2)  Mitrecey 
(  Antoine-Hugot-Cranville),  PoUet  (Guillaume  Faber), 
Luxeuil  (Adam  Lux),  Charny  (Scevola  Haubourdin), 
Damery   (miarquis    de    Maillé),    Desauby    (Anaxagore 


(1)  Cf.  à  ce  sujet  Maurice  Pottecher,  Le  Théâtre  du  Peuple,  renaissance  et 
destinée  du  théâtre  populaire,  XXI,  288  p.,  in-12.  OUendorf,  1899. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n*  3.  —  La  Revue  d'Art  dramatique  indique  une  dis- 
tribution différente  avec  Dessonnes  pour  le  rôle  d'Adam  Lux,  R.  Liser  pour 
le  marquis  de  Maillé,  et  M"'  Debligny  pour  la  Raison. 


—  36  — 

Poulet- Ruault),  Avernès  (un  royaliste),  M"«  Delvayr  (la 
modiste  Fossette)  et  M"^  Laincette  (la  Raison). 

Danton  (i)  était  donné,  l'année  suivante,  au  Nouveau 
Théâtre,  par  le  Cercle  des  Escholiers,  le  29  décembre 
1900  et  le  lendemain  dimanche,  30  décembre,  au  Théâtre 
Civique  de  Louis  Lumet,  au  bénéfice  des  Tullistes  de 
Calais  ;  un  discours  de  Jaurès  présentait  l'œuvre  au 
peuple  de  Paris.  Une  petite  comédie  en  un  acte  de 
M"^  Paule  Évian,  intitulée  :  Indiscrétion,  servait  de  lever 
de  rideau.  La  distribution  était  excellente  et  digne  de 
tous  éloges,  avec  H.  Burguet  (Robespierre),  Henri 
Perrin  (Danton),  Seruzier  (Vadier),  Capellani  (Camille 
Desmoulins),  Georges  Barrias  (Saint-Just),  Bauer-Valin 
(Billaud-Varennes),  Robert  Liser  (le  président  Her- 
mann),  Carlo  (général  Westerman),  H.  Lamothe  (Hérault 
de  Séchelles),  A.  Schneider  (Fabre  d'Églantines),  Daniel 
(Philippeau) ,  Gavary-Charpenel  (Fouquier-Tinville), 
]ypies  Andral  (M'"^  Duplay),  Marie  Marcilly  (Lucile  Des- 
moulins) et  Blanche  Toutain  (Éléonore  Duplay).  Ce  fut 
un  beau  succès  pour  la  troupe  des  Escholiers  ;  mais  si 
l'on  goûta  beaucoup  le  l*""  et  le  3^  actes,  pleins  de  vie 
et  de  force,  on  se  montra  sévère  pour  le  second  acte 
«  rempli  de  discussions  purement  philosophiques.  »  (c.   F.  non 

signé  de  la  Petite  République,  n°  du  31  décembre  1900). 
Le  discours  de  Jaurès  —  malheureusement  non  recueilli 
par  les  journaux  —  avait  rehaussé  l'éclat  de  cette  soirée  et 
R.  Rolland  s'est  plu  à  l'évoquer,  dans  un  article  anniver- 
saire de  la  mort  du  tribun.  (2)  C'est  un  des  portraits  les 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  6. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n*  109,  republié  dans  Au-detsus  de  la  Mêléc^  pp.  151- 
161. 


—  37  — 

plus  vivants  que  l'on  ait  du  grand  orateur  :  on  le  voit 
«  sur  l'estrade,  allant  de  long  en  large,  les  bras  derrière  le  dos,  à  pas 
lourds  comme  un  ours  »,  et  On  l'entend  lançant  «  à  la  foule  de  sa 
voix  monotone  et  cuivrée...  de  ces  mots  martelés  qui...  par  toute  la 
salle,  faisaient  bondir  l'âme  de  tout  un  peuple  uni  dans  la  même 
émotion  »  (Aii-dessiis  de  la  Mêlée,  p.  152.) 

Théâtres  de  fortune  en  des  quartiers  lointains,  repré- 
sentations rares  et  étriquées,  critiques  absents.  Il  fallait 
être  joué  sur  une  scène  du  boulevard  pour  qu'une  pièce 
f  î  t  quelque  bruit.  Justement  Gémier  venait  de  sous-louer 
le  théâtre  de  la  Renaissance  pour  y  donner  une  série  de 
pièces  nouvelles.  Une  pièce  russe  de  Soukhovo-Kobiline, 
accompagnée  du  Portefeuille  d'Octave  Mirbeau,  tenait 
encore  l'affiche,  quand  commencèrent  les  répétitions 
du  H'Jaillet,  que  Gémier  monta  avec  le  plus  grand 
soin  :  la  distribution  était  parfaite.  A  côté  de  Gémier  qui 
faisait  Hoche,  il  y  avait  Beaulieu  (Marat),  Capellani 
(Camille  Desmoulins),  Lenormant  (de  Vintimille),  Fre- 
dal  (de  Launay),  Godeau  (Robespierre),  Baudoin  (Gou- 
chon),  Mosnier  (de  Flue),  Berthier  (l'invalide  Briquart), 
Maxence  (l'homme  en  faction),  Jarrier  (un  crocheteur); 
Andrée  Megard  (la  Contât),  Heller  (Lucile  Desmoulins). 
La  première,  avec  musique  de  scène  de  Tiersot,  eut  lieu 
le  21  mars  1902  et  la  presse  fut  presque  unanime  à 
joindre  ses  éloges  aux  applaudissements  du  public  :  on 
admira  sans  réserve  l'animation  du  Palais-Royal  au 
premier  acte,  dans  un  beau  décor  brossé  par  Brandt  et 
Rabuteau,  —  l'éveil  saisissant  de  Paris,  rue  Saint-An- 
toine, au  second  acte,  et  l'invasion  du  peuple  à  la  Bastille, 
au  troisième  acte.  Le  héros  de  la  pièce  était  ce  person- 
nage multiple,  le  peuple  de  Paris,  auquel  R.  Rolland 
d'ailleurs  avait  dédié  son  œuvre  (cf.  c.  r.  de  A. -F.  Hérold, 
Mercure  de  France,  t.  42,  mai  1902,  pp.  512-513  et  surtout 


—  38  — 

l'article  de  Eugène  Morel,  Revue  d'art  dramatique,  1902, 
pp.  100-107,  qui  donne  des  extraits  importants  des 
chroniqueurs  et  feuilletonnistes  :  Larroumet,  L.  Mûhl- 
feld,  Paul  Fiat,  E.  Faguet,  Catulle  Mendès).  Vingt-neuf 
représentations  n'en  épuisèrent  pas  le  succès,  mais  des 
difficultés  matérielles,  des  engagements  antérieurs  arrê- 
tèrent la  pièce  au  milieu  d'avril.  L'œuvre  était  vivante, 
alerte,  humaine,  et  non  pas  simplement  une  «  expressive 
et  pittoresque  reconstitution  »,  comme  la  qualifiait  Stoullig 
(Annales  du  Théâtre,  tome  XXVIII,  1902,  pp.  395-397). 

Tentative  dernière  qui  démontrait,  une  fois  de  plus, 
l'impossibilité  de  faire  accueillir  des  pièces  conçues  en 
dehors  de  nos  conventions  bourgeoises  et  de  nos  prin- 
cipes surannés.  Ces  drames,  R.  Rolland  les  réunira  en 
volume,  sept  ans  plus  tard,  en  1909,  sous  le  titre  de 
Théâtre  de  la  Révolution,  (l)  Dans  leur  forme  isolée,  ils 
n'en  gardent  pas  moins  leur  intérêt  propre  et  entier: 
l'action  est  dégagée  de  toute  intrigue  romanesque  qui 
pourrait  l'encombrer  et  la  rapetisser;  les  intérêts  poli- 
tiques ou  sociaux  y  sont  mis  en  pleine  lumière  ;  le  peuple 
se  mêle  à  la  pièce,  l'arrête,  la  dirige  et  devient  lui-même 
acteur  à  la  voix  innombrable.  Ces  quatre  pièces  sont  des 
actes  détachés  d'un  grand  drame  :  la  Révolution.  L'œuvre 
est  interrompue,  mais  non  abandonnée.  Comme  dans 
ces  longues  marches  en  avant  des  peuples  et  des  généra- 
tions, il  faut  savoir  se  reposer  à  temps  et,  enveloppant 
d'un  même  regard  la  route  déjà  parcourue,  si  petite 
derrière  soi,  comparée  à  l'étendue  des  routes  prochaines, 
se  ressaisir  pour  repartir  plus  fort,  plus  invincible  vers 
le  but  et  vers  Taube. 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  8. 


—  39  — 

Il  n'y  a  que  les  faibles  qui  se  découragent  d'un  insuccès 
et  s'endorment,  rêveurs,  sur  la  tâche  commencée.  Plus 
d'une  fois  encore,  R.  Rolland  se  servira  de  cette  forme 
si  vivante  de  la  pièce  de  théâtre  pour  exprimer  ses  idées 
ou  protester  contre  une  injustice  —  et  aussi  pour  évo- 
quer, de  façon  plus  concrète  et  plus  vraie,  tel  épisode 
d'histoire  ou  telle  scène  dont  il  aura  connu  et  étudié  les 
personnages  au  cours  de  ses  recherches  érudites. 

Je  devance  ainsi  le  cours  des  années  et  m'en  excuse  ; 
mais  ces  rapprochements,  que  la  logique  impose,  sont 
nécessaires  à  la  clarté  de  sa  vie. 

C'est  de  1902  que  date  le  drame  «  dédié  à  la  civilisation  » 
qui,  sous  le  titre  de  :  Le  Temps  viendra,  (l)  met  en  cause 
les  événements  anglais  du  Transvaal.  Œuvre  tragique 
et  courageuse  qui  est  une  protestation  loyale  contre  un 
crime  et  un  appel  à  l'humanité.  Puis,  en  1904  et  en  1905, 
deux  pièces  historiques,  dont  l'action  se  passe  au  grand 
siècle:  La  Montespan^i^)  trois  actes,  et  les  Trois  Amou- 
reuses, (3)  pièce  en  trois  actes,  qui  met  en  scène,  en  1665, 
Madame  Henriette-Françoise  de  Gueméné  et  Antoinette 
de  Beuvron.  Délassements  d'artiste  qui  se  repose  de  sa 
lourde  tâche,  en  se  donnant  à  soi-même  un  spectacle 
dans  un  fauteuil. 

Mais  avant  de  clore  à  la  dernière  page  cette  période 
héroïque  de  sa  vie,  où  il  avait  lutté,  vainement  d'ailleurs, 
pour  créer  un  théâtre  du  peuple,  R.  Rolland,  évoquant 
ses  rêves,  ses  longs  efforts,  ses  déceptions,  voulut  en 
fixer  le  souvenir.  Ses  articles  publiés  à  la  Revue  d'Art 


(1)  Cf.  Bibliographie  n«  9. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n*  10. 

(3)  Cf.  Bibliographie  n*  11. 


—  40  — 

dramatique  (l)  devinrent  le  point  de  départ  d'un  livre 
enthousiaste  et  sincère  qu'il  nomma  le  Théâtre  du  Peu- 
ple, (2)  violent  réquisitoire  contre  la  tragédie  classique, 
le  drame  romantique  et  le  théâtre  bourgeois,  plaidoyer 
généreux  pour  le  théâtre  nouveau,  plus  humain,  plus 
fraternel,  d'où  doit  éclore  le  bonheur  et  ressusciter  la  vie. 
Il  dénonçait  certaines  tentatives  «  prétentieuses  qui...  ten- 
tent de  s'emparer  du  beau  nom  de  Théâtre  du  Peuple  pour  le  déna- 
turer... Le  Théâtre  du  Peuple  n'est  pas  un  article  de  mode  et  un  jeu 
de  dilettantes.  C'est  l'expression  impérieuse  d'une  société  nouvelle, 
sa  pensée  et  sa  voix...  Il  s'agit  de  fonder  un  art  nouveau  pour  un 
monde  nouveau...  La  vie  ne  peut  être  liée  à  la  mort.  Or,  l'art  du 
passé  est  plus  qu'aux  trois  quarts  mort...  Ne  tremblez  pas  autour 
de  vos  Louvres  et  de  vos  bibliothèques  dans  la  crainte  de  les  perdre. 
Regardez  moins  derrière  vous  et  davantage  devant...  Ayez  le  courage 
de  vivre  et  de  mourir...  sans  attacher  l'avenir  au  cadavre  des  siècles 
morts  :  ce  qui  a  été,  a  été  ;  et  nous  cherchons  en  vain  à  en  réchauffer 
l'ombre...  Puisse  l'art  populaire  s'élever  sur  les  ruines  du  passé  I  > 
Il  y  avait  dans  ce  plaidoyer  une  ardeur  si  juvénile, 
une  assurance  si  sincère,  que  certains,  craignant  de  se 
laisser  convaincre,  crièrent  au  scandale  et  prétendirent 
que  ce  n'était  là,  à  tout  prendre,  que  belles  et  sonores 
phrases  de  rhétorique.  L'argument  était  trop  facile  pour 
être  pris  au  sérieux.  Peut-être,  par  endroits,  pourrait-on 
découvrir  quelque  épithète  audacieuse,  quelque  compa- 
raison neuve,  mais  trop  brutale.  Mais  est-ce  que  l'on  a 
le  loisir  de  polir  son  style  quand  on  est  emporté  par  le 
flot  de  ses  idées  ?  et  ne  vaut-il  pas  mieux  cent  fois,  pour 
la  démonstration  de  ces  vérités,  des  apostrophes  ner- 
veuses, des  phrases  hachées,  courtes,  brutales  et  inci- 


(1>  Cf.  Bibliographie  n*  14  à  18. 
(2)  Cf.  Bibliographie  n*  19. 


—  41  — 

sives  comme  des  sentences,  que  des  périodes  solennelles 
et  guindées,  aux  mots  vides  de  sens  ?  La  création  d'un 
théâtre  du  peuple  se  heurte  à  tant  de  difficultés  et 
violente  tant  de  préjugés  que  le  temps  seul  peut  gagner 
la  victoire.  Une  édition  du  Théâtre  du  Peuple  aux  Cahiers 
de  la  Quinzaine  (novembre  1903),  bientôt  suivie  d'une 
réimpression  à  la  Librairie  Hachette  (1904),  furent  assez 
vite  épuisées  pour  que,  moins  de  dix  ans  plus  tard,  en 
janvier  1913,  R.  Rolland  consentît  à  le  republier,  en 
ajoutant  ce  sous  titre  :  Essai  d'esthétique  d'un  théâtre 
nouveau  (i)  et  en  le  faisant  précéder  d'une  préface.  Le 
style  de  celle-ci  en  est  moins  prophétique,  plus  assagi  ; 
mais  la  confiance  reste  la  même,  en  «  un  art  mâle  et  robuste, 

exprimant  la  vie  collective  et  préparant,  provoquant  la  résurrection 
d'une  race  ».  Certes,  il  sait  «  qu'un  art  du  peuple  ne  fleurit  pas 
aisément  d'une  vieille  terre,  dont  le  peuple  s'est  laissé  peu  à  peu 
conquérir  par  les  classes  bourgeoises  »  ;  mais  il  a  Confiance  que 

le  peuple  va  se  réveiller  et  mériter  ce  théâtre  qui  sera  le 

sien.  L'heure  est  proche  :  «  autour  du  camp  l'ennemi  rôde.  Et 
c'est  justement  l'heure  où,  dans  l'aube  qui  pointe,  les  clairons  son- 
nent la  diane.  » 


Les  Vies  des  hommes  illustres  :  Beethoven 
et  Michel  Ange 

L'ouragan  de  l'affaire  Dreyfus  avait    bouleversé   la 
France.  R.  Rolland  en  avait  souffert,  mais  il  ne  s'était 

pas  «  passionné  pour  cette  cause  jusqu'à  la  frénésie  comme  des 
milliers  de  Français,  sur  qui,  pendant  sept  ans,  passa  le  vent  furieux. 


(1)  Cf.  Bibliographie  n'  19  C. 


—  42  — 

de  cette  sainte  hystérie  »  (Dans  la  Maison,  p.  65).  Époque 
angoissante  et  trouble.  Dans  un  vibrant  article  de  la 
Revue  d'Art  dramatique  (juillet  1900)  intitulé  le  «  Poison 
Idéaliste  »  (l)  et  dédié  «  à  Charles  Péguy  et  à  ses  Cahiers  pour 
l'œuvre  d'assainissement  public  qu'ils  accomplissent  »,  il  jeta  un 
cri  d'alarme.  Il  dénonçait  «  l'affaissement  général  et  subit  des 
volontés,  l'abdication  de  l'intelligence  et  un  sentimentalisme  d'ado- 
lescents vieillots  »  ;  il  disait  «  l'approche  de  la  terrible  crise 
morale  et  sociale  qui  commence  à  soulever  le  sol  convulsionné  et 
l'impuissance  peureuse  d'êtres  débiles  et  incertains  à  la  veille  de 
la  débâcle.  »  Le  danger  grandit  et  menace.  «  Il  n'y  a  qu'un 
remède  :  la  vérité.  Il  faut  voir  la  vie  comme  elle  est  et  le  dire.  Idéa- 
listes, réalistes,  tous  ont  le  même  devoir  :  prendre  pour  base 
l'observation  réelle,  les  faits  réels,  les  sentiments  réels...  Que  l'artiste 
ose  regarder  la  réalité  en  face  pour  la  peindre.  »  Il  répétait  que 
Ton  étouffe  dans  «  une  atmosphère  pseudo-héroïque  »  et,  dans 
un  noble  élan,  il  concluait  «  je  me  défie  des  mots  à  majuscule  : 
Homme,  Art,  Nature,  Ame.  Décapitons  ces  idoles...  Guerre  au  men- 
songe !  » 

L'appel  ne  fut  accueilli  que  de  quelques  fidèles.  Mais 
déjà  se  devine,  en  ces  accents,  la  parole  ferme  et  loyale 
de  Jean-Christophe  ;  et  déjà  l'on  entend  la  voix  venge- 
resse de  celui  qui  va  écrire  la  vie  de  Beethoven  et  la  vie 
de  Michel  Ange.  Alors  les  amis,  les  admirateurs  devien- 
dront légion.  A  chaque  grande  crise  de  la  France, 
R.  Rolland  répétera  :  «  Il  n'y  a  qu'un  remède:  la  vérité...  guerre 

au  mensonge  1  »  Un  jour  vint  OÙ  ses  adorateurs  brûlèrent 
ce  qu'ils  avaient  adoré.  L'homme  était  pourtant  resté  le 
même,  —  mais  les  événements  avaient  changé. 
Son  Théâtre  de  la  Révolution  n'avait  pas  obtenu  le 


a)  Cf.  Bibliographie  n*  105. 


—  43  — 

succès  qu'il  était  en  droit  d'espérer  —  et  cependant  il  a 
confiance,  ('/est  alors  que  pour  ranimer  «  la  foi  des  hommes 
dans  la  vie  et  dans  l'homme  »  pour  soutenir  notre  courage 
un  instant  défaillant,  R.  Rolland  nous  offre,  comme 
exemple  et  comme  leçon,  la  vie  des  héros.  Oppressé  par 
des  soucis  domestiques,  déchiré  dans  son  idéal,  brisé 
dans  ses  rêves,  il  apprend  et  veut  nous  apprendre  à 
écouter  la  voix  des  hommes  illustres,  à  lire  «  dans  leurs 

yeux,  dans  l'histoire  de  leur  vie,  que  jamais  la  vie  n'est  plus  grande, 
plus  féconde  —  et  plus  heureuse  —  que  dans  la  peine.  »  C'est  SOn 

Beethoven,  précédé  de  son  admirable  préface  :  «  cri  de 
douleur  jeté  dans  un  sursaut  d'espoir,  cri  de  misère 

gonflé  de  fraternelle  humanité  »  Le  monde  étouffe.  Rouvrons 
les  fenêtres.  Faisons  rentrer  l'air  libre.  Respirons  le  souffle  des 
héros  ».  Est-il  rien  de  plus  noble  et  de  plus  consolant  que 
ces  pages,  aux  phrases  hachées  et  fiévreuses,  courtes 
comme  des  sanglots  et  prophétiques.  Les  hommes  sont 

séparés  les  uns  des  autres.  «  Ils  appellent  au  secours  un  ami. 
C'est  pour  leur  venir  en  aide  que  j'entreprends  de  grouper  autour 
d'eux  les  Amis  héroïques,  les  grandes  âmes  qui  souffrirent  pour  le 
bien.  Ces  Vies  des  Hommes  illustres  ne  s'adressent  pas  à  l'orgueil 
des  ambitieux  ;  elles  sont  dédiées  aux  malheureux.  Et  qui  ne  l'est 
pas  au  fond  ?  A  ceux  qui  souffrent,  offrons  le  baume  de  la  souffrance 
sacrée...  Qu'ils  ne  se  plaignent  donc  pas  trop  ceux  qui  sont  malheu- 
reux, les  meilleurs  de  l'humanité  sont  avec  eux.  Nourrissons-nous 
de  leur  vaillance  et,  si  nous  sommes  trop  faibles,  reposons  un 
instant  notre  tête  sur  leurs  genoux.  Ils  nous  consoleront.  » 

Quels  sont  ces  amis  que  R.  Rolland  entreprend  de 
grouper  autour  de  nous?  C'est  François  Millet,  pauvre 
et  méconnu,  victime  des  marchands  de  tableaux  ;  c'est 
Hoche,  le  guerrier  vertueux,  symbole  du  soldat  révolu- 
tionnaire ;  c'est  Garibaldi,  le  héros  de  l'indépendance 
italienne;  c'est  Thomas  Paine,  le  glorieux  révolution- 


—  44  — 

naire  anglais;  c'est  Schiller,  le  romantique  et  l'ami  de  la 
liberté;  c'est  Mazzini,  le  patriote  italien,  (i) 

Tous  sont  des  héros,  c'est-à-dire  ceux  qui  furent  grands 
par  le  cœur  et  non  pas  ceux  qui  ont  seulement  triomphé 
par  la  pensée  ou  par  la  force.  Leur  vie  à  tous  «  presque 

toujours,  fut  un  long  martyre.  Soit  qu'un  tragique  destin  ait  voulu 
forger  leur  âme  sur  l'enclume  de  la  douleur  physique  et  morale,  de  la 
misère  et  de  la  maladie,  soit  que  leur  vie  ait  été  ravagée  et  leur  cœur 
déchiré  par  la  vue  des  souffrances  et  des  hontes  sans  nom  dont  leurs 
frères  étaient  torturés ,  ils  ont  mangé  le  pain  quotidien  de  l'épreuve». 

En  tête  de  cette  légion  héroïque,  R.  Rolland  donne  la 
place  «  au  fort  et  pur  Beethoven  ».  C'est  à  la  fin  de  janvier 
1903  que  parut  (2)  un  petit  livre  de  92  pages,  43  pages  de 
texte  et  50  de  documents,  —  testament  et  lettre  —  et  biblio- 
graphie, d'impression  nette  et  serrée,  papier  jaunâtre  et 
solide,  pareil  à  la  toile  de  lin  que  tissaient  jadis  les 
grand'mères  en  bonnet,  couverture  vert  clair,  avec  la 
firme  étagée  sur  trois  lignes  inégales  :  «  Cahiers  de  la 
Quinzaine,  —  paraissant  vingt  fois  par  an  —  Paris  — 
8,  Rue  de  la  Sorbonne,  au  rez-de-chaussée.  »  —  De  rares 
articles  de  journaux  signalèrent  ce  livre  :  simples  an- 
nonces, qui  disaient  :  «  vient  de  paraître  »  ;  mais  voici 
que  de  partout  des  amis  inconnus  se  levèrent.  Comme 
les  Cahiers  de  Péguy  ne  se  montraient  à  l'étalage  d'au- 
cun libraire,  ces  inconnus  vinrent  et  achetèrent  ce  petit 
livre,  cette  vie  d'un  héros  consolateur. 

Ce  fut,  a  dit  Charles  Péguy  (Notre  Jeunesse,  p.  113) 

«  infiniment  plus  qu'un  commencement  de  fortune  littéraire,  une 


(1)  Ces  biographies  sont  annoncées  au  verso  de  la  couverture  da  Beethoven 
édition  des  Cahiers). 

(2)  tf.  Bibliographie  n*  21. 


—  45  — 

révélation  morale,  soudaine,  un  pressentiment  dévoilé,  révélé,  la 
révélation,  l'éclatement,  la  soudaine  communication  d'une  grande 
fortune  morale  ». 

En  quelques  semaines,  l'édition  fut  épuisée.  Une  autre 
suivit,  puis  une  autre  encore  ;  les  éditions  se  succédè- 
rent. R.  Rolland,  à  travers  Beethoven,  avait  touché  le 
cœur  de  milliers  et  de  milliers  de  lecteurs  inconnus. 

C'est  que  Beethoven  «  est  bien  davantage  que  le  premier  des 
musiciens.  Il  est  la  force  la  plus  héroïque  de  l'art  moderne.  Il  est  le 
plus  grand  et  le  meilleur  ami  de  ceux  qui  souffrent  et  qui  luttent.  » 

{Beethoven,  p.  52).  Mais  peut-on  extraire  des  pages  de 
cette  œuvre,  qui  est  le  modèle  même  de  la  biographie 
exacte,  vivante  et  passionnée  ?  Une  nouvelle  édition  de 
Beethoven,  à  la  librairie  Hachette,  puis  une  édition  illus- 
trée de  luxe,  chez  Eugène  Pelletan,  attestent  le  juste 
succès  de  l'œuvre,  sans  parvenir  à  l'épuiser.  Tant  que 
des  malheureux  et  des  souffrants  liront  ce  récit  tragique, 
R.  Rolland  peut  être  certain  de  posséder  des  amis  qui 
ne  le  trahiront  pas. 

Beethoven  était  la  première  «  vie  héroïque  »  publiée 
en  France  par  Romain  Rolland.  Mais  quelques  semaines 
auparavant,  au  début  de  décembre  1902,  il  avait  publié 
—  en  Angleterre  —  une  biographie  en  anglais  de  François 
Millet.  (1)  Elle  est  inconnue  en  France  ;  aucune  biblio- 
thèque ne  la  possède  ;  et  R.  Rolland  a  promis  d'en  offrir 
un  jour  une  version  française  :  il  se  doit  de  ne  pas 
oublier  sa  promesse. 

Puis  ce  fut  la  Vie  de  Michel  Ange  (2)  dont  «  l'achevé 
d'écrire  »  porte  la  date  du  5  octobre  1905.  Malgré  l'écart 
des  dates,  je  veux  rapprocher  ici  ces  deux  vies  d'hom- 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  22. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n*  24. 


—  46  — 

mes  illustres  parce  qu'elles  se  font  pendant.  R.  Rolland 
achève  d'écrire  Michel  Ange,  dans  la  semaine  même  où 
il  commence  de  corriger  les  épreuves  du  tome  III  de 
Jean-Christophe  :  l'Adolescent,  Et  l'on  peut  dire  que  les 
trois  premiers  volumes  :  l'Aube,  le  Matin  et  l'Adolescent 
se  placent  d'eux-mêmes  sous  l'invocation  de  Beethoven, 
tandis  que  Michel  Ange,  «  l'homme  en  proie  au  génie  »,  guide 
et  précède  Jean-Christophe  malheureux,  aux  prises  avec 
la  vie,  avec  la  foi,  avec  les  hommes. 

Michel  Ange,  «  un  des  vainqueurs  du  monde  »,  nOUS  donne, 

par  son  destin  tragique  et  son  génie  torturé,  la  plus 
grande  image  «  d'une  souffrance  innée  qui  vient  du  fond  de  l'être, 
qui  le  ronge  sans  relâche  et  qui  ne  le  quittera  pas  avant  de  l'avoir 

détruit  ».  Lutte  de  Michel- Ange  contre  lui-même,  ses 
indécisions,  sa  solitude,  ses  maladies  perpétuelles  ;  lutte 
contre  ses  rivaux.  Bramante  ou  Raphaël,  contre  sa 
famille  qui  l'exploite,  contre  le  pape  qui  veut  le  domes- 
tiquer ;  sa  solitude  privée  d'amour  comme  d'amitié  ;  son 
désespoir  après  la  reprise  de  Florence  par  les  Médicis  ; 
sa  foi  chrétienne  méprisant  les  honneurs,  le  monde 
et  la  gloire,  jusqu'à  l'abdication  dernière,  sa  mort... 
«  dernier  jour  de  sa  vie,  premier  jour  dans  le  royaume  de  la  paix.  » 

Mais,  dira-t-on,  Beethoven,  Michel  Ange  sont  des 
génies,  en  dehors  et  au-dessus  des  hommes.  Non,  car 
leur  souffrance  leâ  remet  au  niveau  de  leurs  frères. 
R.  Rolland  a  prévu  l'objection  quand  il  dit  (Michel  Ange, 
p.  10)  «  Je  n'élève  point  des  statues  de  héros  inaccessibles.  Je  hais 
l'idéalisme  couard  qui  détourne  les  yeux  des  misères  de  la  vie  et  des 
faiblesses  de  l'âme.  Il  faut  le  dire  à  un  peuple  trop  sensible  aux 
illusions  décevantes  des  paroles  sonores  :  le  mensonge  héroïque  est 
une  lâcheté.  11  n'y  a  qu'un  héroïsme  au  monde,  c'est  de  voir  le 
monde  tel  qu'il  est,  —  et  de  l'aimer.  » 

Ces  héros,  ces  hommes  illustres  nous  sont  de  très 


—  47  — 

doux  amis.  Loin  d'accroître  notre  quotidienne  douleur 
du  poids  de  leur  propre  douleur,  ils  nous  aident  à  voir, 
d'un  regard  plus  calme,  les  hommes  et  les  choses,  à  nous 
laver  l'âme  des  souillures,  à  fortifier  notre  cœur  ané- 
mique ;  et  quand  nous  aurons  clos  le  livre  à  la  dernière 
page,  quand  nous  aurons,  en  pensée,  souffert  les  deuils 
et  les  souffrances  de  ces  héros,  nous  ne  gémirons  plus 
comme  des  enfants,  sur  nos  maigres  chagrins  ;  nous 
serons  forts,  dignes  et  trempés  pour  le  combat. 

Bien  qu'un  rapprochement  soit  toujours  un  peu  arbi- 
traire et  puisse  sembler  un  artifice  littéraire,  je  ne  puis 
songer  à  ces  Vies  des  hommes  illustres  qu'a  entrepris 
d'écrire  Romain  Rolland,  sans  évoquer  le  souvenir  de 
Plutarque.  Il  y  a  plus  qu'une  similitude  de  titres;  il  y  a 
ce  passage  de  la  Vie  de  Timoléon,  où.  Plutarque  nous 
explique  pourquoi  il  a  écrit  son  livre  :  «  C'est  d'abord  pour 

les  autres  que  j'ai  entrepris  d'écrire  des  biographies,  mais  j'ai 
bientôt  commencé  à  y  prendre  plaisir  et  à  en  jouir  moi-même;  tout 
en  regardant  comme  dans  un  miroir  les  vies  illustres  que  j'avais 
décrites  je  me  suis  efforcé,  autant  que  possible,  de  régler  ma  vie 
d'après  celle  de  mes  héros.  Ainsi,  en  nous  familiarisant  avec  l'his- 
toire, nous  nous  formons  nous-mêmes,  nous  nourrissons  notre  esprit 
des  actes  de  vertu  et  d'héroïsme,  si  bien  que,  lorsque  la  société,  à 
laquelle  nous  nous  trouvons  nécessairement  mêlés,  nous  présente 
des  spectacles  bas  et  ignobles,  nous  les  chassons  de  notre  esprit  en 
fixant  nos  regards  avec  calme  et  sérénité  sur  quelques-uns  de  ces 
grands  modèles.  » 

D'autres  biographies  viendront  à  leur  date,  les  unes 
plus  courtes  comme  celle  d'Hugo  Wolf  (Musiciens  d'au- 
jourd'hui, p.  144),  un  de  ces  héros  «  qui  meurent  peu  à  peu, 
qui  se  survivent  à  eux-mêmes,  qui  assistent  lentement  à  la  ruine, 
pièce  à  pièce,  de  leur  âme,  »  HugO  Wolf,  mort  fou   à  trente- 

sept  ans,  après  avoir  subi  toutes  les  Cachetés,  les  haines, 


—  48  — 

les  moqueries  ;  —  les  autres  plus  touffues,  plus  amples, 
comme  celle  de  Haendel  ou  de  Tolstoï.  D'autres  sont 
annoncées  (i)  comme  celle  de  Giuseppe  Mazzini,  le 
patriote  italien,  qu'avait  connu  M"®  de  Meysenbug  dans 
son  exil  en  Angleterre.  R.  Rolland  avait  enfin  promis  au 
regretté  fondateur  des  Cahiers  hivernais  et  du  Centre, 
Paul  Cornu,  une  Vie  de  Vauban,  ce  petit  gentilhomme 
«  morvandiot  »,  devenu  par  son  seul  génie  grand-maître 
de  l'artillerie  et  maréchal  de  France  ;  défendant  la  vie 
de  ses  soldats  jusqu'à  se  laisser  accuser  de  lâcheté; 
revendiquant  l'égalité  de  l'impôt  pour  tous  les  habitants 
de  France  ;  et,  pour  prix  de  ses  services  et  rançon  de 
son  dévouement,  disgracié  de  la  cour,  attaqué,  calomnié, 
poursuivi  et  mourant  seul,  de  tristesse  et  de  désespoir, 
tandis  que  le  bourreau  mettait  son  livre  de  la  Dîme 
royale  au  pilori.  Olivier  (Dans  la  Maison,  p.  49)  évoque 
avec  émotion  celui  qu'il  nomme  son  a  pays  le  vieux  Vauban 
aux  yeux  bleus  ».  Ces  vies  illustres  fournissent  de  nobles 
et  hautes  leçons  de  morale  et  d'héroïsme.  R.  Rolland 
aura  à  cœur  de  ne  pas  oublier  qu'il  se  doit  de  les  écrire. 


R.  Rolland  professeur,  critique  et  historien  musical 

Cependant  R.  Rolland,  dont  l'existence  matérielle  est 
assurée,  s'absorbe  de  plus  en  plus  dans  la  musique  et 
l'histoire  musicale.   La  Revue  de  Paris  i^)  l'a  accueilli. 


(1)  L'édition  Hachette  de  la  Vie  de  Michel  Ange  (190")  annonce  au  dos  du 
faux-titre  comme  étant  en  préparation  une  Vie  de  Mazzini. 

(2)  Elle  publie,  dès  janvier  1896,  un  article  sur  la  Décadence  de  la  Peinture 
itaUenne  qui  est  un  résumé  de  sa  thèse  latine.  —  Cf.  Bibliographie  n*  93. 


—  49  — 

depuis  1899,  comme  critique  musical  (i)  et  publie  ses 
beaux  articles  sur  don  Lorenzo  Perosi,  sur  Richard 
Strauss,  Jean  Kuhnau,  Vincent  d'Indy,  C.  Saint-Saëns, 
Gluck,  Lulli,  Berlioz,  etc.  En  même  temps,  la  Revue 
d'Art  dramatique,  reconstituée  en  novembre  1896,  donne, 
à  côté  de  ses  premières  pièces  de  théâtre  (Aërt,  le  Triom- 
phe de  la  Raison,  etc.),  ses  articles  techniques  ou  criti- 
ques sur  la  Passion  à  Saizbach,  sur  les  Oratorios  de  don 
Lorenzo  Perosi,  sur  le  Feuersnot  de  Richard  Strauss,  sur 
Mozart.  La  Revue  se  transforme  à  nouveau  en  1901,  et, 
sous  le  titre  l'Art  dramatique  et  musical,  laisse  désormais 
une  part  plus  grande  à  la  musique,  si  souvent  mise  à 
l'écart.  Les  efforts  de  R.  Rolland  ne  sont  pas  étrangers 
à  cette  rénovation  :  les  travaux  des  historiens  et  des 
esthéticiens  français  de  la  musique  étaient  inconnus  ou 
dédaignés  ;  les  essais  dispersés  s'ignoraient  même  les 
uns  les  autres.  Ils  se  coordonnèrent  enfin,  en  juillet  1900, 
au  premier  Congrès  international  de  musique,  tenu  à 
Paris,  lors  de  l'Exposition  universelle;  l'activité  de  R. 
Rolland,  secrétaire  général  du  Congrès,  (2)  son  savoir, 
sa  bonne  volonté,  furent  plus  efficaces  pour  la  musique 
que  vingt  articles  ou  manifestes.  Il  y  eut  encore  des 
tâtonnements  inévitables,  mais  la  victoire  était  gagnée. 
Le  cours  d'Histoire  de  l'Art,  qu'il  professait  à  l'Ecole 
Normale,  (3)  comprit  dès  lors  quelques  leçons  sur  l'His- 


(1)  Sur  R.  Rolland  critique  musical,  cf.  Ribliographie  n*  202,  article  de  Max 
Hautier. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n*  45. 

(3)  Cf.  pour  les  dates  de  la  vie  universitaire  de  R.  R.  le  Rapport  du  Conseil 
de  l'Université  de  Paris  au  Ministre  de  Vlnstruction  publique,  année  scolaire 
i903-i90à,  page  XIJ,  note  7,  et  le  Bulletin  administratif  du  Ministère  de  l'Ins- 
truction publique,  paisim.  * 


—  50  — 

toire  de  la  Musique.  En  1903,  lors  de  la  réforme  de 
l'École  Normale,  lorsque  celle-ci  transporta  en  Sorbonne 
ses  élèves  et  ses  professeurs,  son  cours  d'Histoire  de  l'Art 
se  spécialisa  et  devint  cours  d'Histoire  de  la  Musique,  (l) 
C'était  le  juste  couronnement  de  ses  efforts  :  la  musique 
s'échappait  de  l'exil  et  du  dédain  où  on  l'avait  empri- 
sonnée et  obtenait  droit  de  cité,  droit  de  vie  et  la  recon- 
naissance offîcielb  de  ses  lettres  de  noblesse. 

Mais  deux  événements  y  avaient,  par  à  côté,  puis- 
samment contribué!  La  fondation,  en  janvier  1901,  de 
la  Revue  Musicale,  (2)  par  Pierre  Aubry,  Jules  Comba- 
rieu,  Maurice  Emmanuel,  Louis  Laloy  et  R.  Rolland,  et 
l'inauguration  à  l'École  des  Hautes  Études  Sociales,  le 
2  mai  1902,  d'une  École  de  Musique,  dont  la  direction 
était  confiée  à  R.  Rolland.  Son  discours  d'ouverture,  (3) 
«  De  la  place  de  la  Musique  dans  l'Histoire  générale  », 
lui  tint  lieu  de  manifeste  et  de  plaidoirie  :  il  montrait 
l'importance  de  l'histoire  de  la  musique  dans  l'ensemble 
de  l'évolution  de  l'esprit  humain  et  revendiquait  pour 
elle  la  place  qui  lui  était  jusqu'alors  refusée,  en  France, 
dans  l'histoire  générale  ;  il  disait  combien  «  elle  se  plie  aux 

caractères  de  tous  les  peuples  et  de  tous  les  temps...  Elle  s'adapte 
à  toutes  les  conditions  de  la  société...  art  de  cour  galante  et  poétique 
sous  François  !««•  et  Charles  IX  ;  art  de  foi  et  de  combat  sous  la 
Réforme  ;  art  d'apparat  et  d'orgueil  princier  sous  Louis  XIV  ;  elle 
devient,  aux  approches  de  la  Révolution,  l'expression  h'rique  de 


(1)  La  première  leçon  eut  lieu  le  jeudi  matin  17  novembre  1904,  à  l'Am- 
phithéâtre Turgot.  et.  l'annonce  qui  est  faite  par  Charlts  Péguy  à  la  fin 
du  5*  Cahier  de  la  VI*  Série,  pp.  214-215  (Cahiers  de  la  QiiiiizaineJ  et  pour 
la  liste  des  cours  de  R.  R,  en  Sorbonne,  voir  Ribliograf)hie  n*  90. 

<2)  Appelée  d'abord  Revue  d'Histoire  et  de  Critique  musicale,  é  partir  de 
1902,  devenue  bi-mensuelle  sous  le  titre  plus  court  de  Revue  musicale. 

(3)  Cf.  Bibliographie  n*  51,  republié  dans  Musiciens  d'autrefois 


—  51  — 

personnalités  révolutionnaires  ;  elle  sera  la  voix  des  sociétés  démo- 
cratiques de  l'avenir  comme  elle  fut  celle  des  sociétés  aristocratiques 

du  passé.  »  C'est  dans  la  musique  que,  souvent,  aux  épo- 
ques inquiètes,  l'humanité  a  mis  son  besoin  éternel  de 

bonheur.  L'art  ne  meurt  pas.  «  La  lumière  ne  cesse  pas  de 
brûler;  seulement  elle  se  déplace,  elle  va  d'un  art  à  l'autre  comme 

d'un  peuple  à  l'autre.  »  Aussi  l'on  ne  peut  isoler  un  art  sans 
constater  aussitôt  des  silences  et  des  arrêts  de  vie.  Les 
arts  influent  les  uns  sur  les  autres  ;  ils  se  pénètrent 
mutuellement  ou  ils  en  arrivent  à  se  prolonger  hors  de 
leurs  limites  dans  celles  de  l'art  voisin.  C'est  une  des 
idées  qui  sont  le  plus  chères  à  R.  Rolland  et  qu'il  s'est 
efforcé,  à  maintes  reprises,  d'exposer  et  de  justifier, 
dans  ses  cours  en  Sorbonne  ou  ses  conférences  de  l'École 
des  Hautes  Études  Sociales  :  0)  montrer  l'histoire  des 
rapports  de  la  musique  avec  la  vie  intellectuelle  et  morale 
d'un  peuple,  faire  en  somme  l'histoire  comparée  des  arts 
et  de  la  littérature.  De  ses  cours  naîtront,  peu  à  peu, 
d'importants  articles  de  revues  ou  même  des  livres, 
comme  celui  sur  Ilaendel,  ce  génial  improvisateur  dont 
toute  la  musique  «  est  vraiment  conçue  pour  tout  un  peuple  et 
non  pour  une  élite  de  dilettantes  »  (p.  233). 


Jean-Christophe  (1904-1912) 

C'est  toujours  la  musique  qui  dirige  sa  vie  ;  elle  lui 
a  prodigué  ses  premières  joies  d'enfant,  elle  l'a  aidé  à 
nouer  ses  durables  amitiés,  elle  lui  a  offert,  jeune  pro- 
fesseur, le  sujet  de  sa  thèse  de  doctorat,  elle  l'a  sauvé  de 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  91  et  la  liste  des  cours  professés  par  R.  R.  à  l'École 
des  Hautes  Etudes  Sociales.       '  • 


—  52  — 

lui-même  en  lui  tendant  cette  vie  de  Beethoven,  comme 
un  baume  pour  les  blessures  du  monde,  elle  a  été  sa 
devise  et  sa  raison  d'être,  et,  par  lui,  a  obtenu  droit  de 
cité  dans  l'enseignement  et  droit  de  cité  dans  l'histoire 
des  arts,  et  c'est  elle  encore  qui  va  inspirer,  pendant  des 
années,  le  roman  héroïque  et  passionné  d'un  musicien 
et  lui  dicter  les  plus  nobles  pages  de  Jean-Christophe. 
L'immortelle  musique,  qui  fut  son  âme,  sa  lumière,  son 
refuge,  va  devenir  sa  gloire. 

En  février  1904  paraissait,  aux  Cahiers  de  la  Quin- 
zaine (1),  un  élégant  volume,  vêtu  d'une  couverture 
blanche,  portant  au  milieu,  en  minuscules  rouges, 
comme  un  titre  ancien  de  psautier,  ce  simple  nom 
propre  :  Jean-Christophe,  et  en  sous-titre,  en  capitales 
noires,  minces  et  longues,  ce  mot  magique  et  flou  :  VA  ube. 
—  Le  mois  de  février  n'était  pas  encore  achevé  qu'un 
second  volume  lui  succédait  :  le  Matin.  Puis  à  chaque 
année,  à  chaque  série  nouvelle  des  Cahiers  de  Péguy, 
Jean-Christophe  grandissait ,  s'imposait ,  se  multipliait  : 
les  volumes  blancs  â  titre  rouge  s'entassaient  l'un  sur 
l'autre  et  l'édition  originale,  qui  paraissait  rue  de  la  Sor- 
bonne,  àl  tirage  limité  à  deux  ou  trois  mille  exemplaires, 
était  si  rapidement  épuisée  qu'une  édition  nouvelle  fut 
réimprimée  à  la  librairie  OllendorfT.  Mais  les  éditions  des 

Cahiers  «  contiennent  nombre  de  pages  qui  appartiennent  plus  à  la 

pensée  de  l'œuvre  qu'à  l'action  »  et  qui  ont  été  supprimées  dans 
les  éditions  Ollendorff,  et  R.  Rolland  en  avertissait  ses 
lecteurs  et  amis,  dans  une  Note,  placée  en  tête  de  la  Foire 
sur  la  Place  (page  xv)  :  il  considérait  les  Éditions  des 
Cahiers  «  comme  des  sortes  de  projets  plus  libres  et  plus  complets. 


(1)  Cf.  Bibliographie  n-  28. 


—  53  — 

qu'iZ  se  réservait  de  resserrer  après  les  avoir  vus  exposés  au  grand 
air».  A  chaque  instant,  critiques  et  libraires  confon- 
daient encore  les  deux  éditions ,  oubliant  que  Péguy, 
dans  une  lettre  à  Pages  Libres  (couA^erture  du  numéro 
du  29  juin  1907),   les  avait  nettement  différenciées  et 

caractérisées  :  «  l'édition  en  cahiers...  est  la  seule  édition  complète 
en  ce  sens  qu'un  certain  nombre  de  paragraphes  que  l'auteur  y  fait 
figurer  ne  figurent  pas  dans  l'édition  de  librairie  à  3  fr.  50.  ...Quand 
un  travail  paraîtra  séparément  aux  cahiers  et  en  librairie,  l'édition 
en   cahiers  sera  la  plus  large  et  la  seule  complète,  elle  débordera 

toujours  l'édition  de  librairie.  »  Le  dernier  volume,  qui  por- 
tait en  sous-titre  :  La  Nouvelle  Journée^  paraissait  en 
octobre  1912.  L'œuvre  formait  dix-sept  Cahiers  de  la 
Quinzaine,  tandis  que  l'édition  Ollendortî,  «  édition  de 
grand  public  »  comme  l'appelait  Péguy,  la  resserrait,  la 
condensait  en  dix  volumes  in-16. 

Œuvre  énorme  et  diversement  jugée  qui,  par  son 
énormité  même,  a  dérouté  la  critique.  Gomme  elle  ne 
rentrait  pas  aisément  dans  le  cadre  des  genres  littéraires 
que  l'on  a  coutume  d'étudier,  les  timides  aux  idées  toutes 
faites,  les  critiques,  habitués  aux  intrigues  et  aux  disser- 
tations, se  sont  etfrayés.  Charles  Péguy,  dans  le  Cata- 
logue analytique  sommaire  des  cinq  premières  séries  des 
Caliiers,  (octobre  1904,  1"  Cahier  de  la  VP  série,  p.  320), 

le  qualifiait  en  ces  termes  :  «  Ce  roman,  sans  que  je  veuille  le 
limiter  en  le  définissant  d'un  mot,  est  essentiellement,  éminemment 
le  roman  d'un  musicien.  »  Mais  devant  les  interprétations  et 
les  commentaires  contradictoires,  R.  Rolland  a  pris  soin, 
deux  ou  trois  fois,  de  préciser  ses  intentions  :  en  novem- 
bre 1906,  il  l'appelle  «  l'histoire  de  Jean  -  Christophe  »  (La 
Révolte,  p.  15);  mais  en  janvier  1909,  s'adressant  Aux 
Amis  de  Christophe,  dans  une  sorte  de  préface,  placée  au 
seuil  même  de  :  Dans  la  Maison  (pp.  17-18),  il  est  plus  net  : 


54 


«  Il  est  clair  que  je  n'ai  jamais  eu  la  prétention  d'écrire  un  roman... 
Qu'est-ce  donc  que  cet  ouvrage  ?  Un  poème  ?  Qu'avez-vous  besoin 
d'un  nom  ?  Quand  vous  voyez  un  homme,  lui  demandez-vous  s'il 
est  un  roman  ou  un  poërae  ?  C'est  un  homme  que  je  fais.  La  vie 
d'un  homme  ne  s'enferme  pas  dans  le  cadre  d'une  forme  littéraire. 
Sa  loi  est  en  elle  et  chaque  vie  a  sa  loi.  Son  régime  est  celui  d'une 
force  de  la  nature.  Il  y  a  des  vies  humaines  qui  sont  des  lacs  tran- 
quilles, d'autres  de  grands  cieux  clairs  où  voguent  les  nuages, 
d'autres  des  plaines  fécondes,  d'autres  des  cimes  déchiquetées.  Jean- 
Christophe  m'est  toujours  apparu  comme  un  fleuve...  » 

Et  l'image  me  semble  très  juste.  Il  a  pris  sa  vie  aux 
flancs  des  monts,  dans  une  petite  source  mystérieuse; 
ruisseau  limpide  et  doux  sur  son  lit  de  gravier,  il  a 
reflété  de  vieux  rocs  séculaires,  des  pins  aux  pommes 
écailleuses,  et  le  ciel  pur  et  les  glaciers  immaculés  ; 
puis  il  est  descendu,  farouche,  vers  les  plaines  ;  il  s'est 
élargi  ;  les  jours  et  les  nuits  l'ont  vu  passer,  torrent 
d'écume,  et  rouler,  dans  une  avalanche  aux  abîmes,  des 
troncs  d'arbres  tordus,  des  pierres  et  des  cascades  de 
boue.  Sa  fureur  dévastatrice  s'est  éteinte  ;  il  coule,  paci- 
fique, dans  un  décor  de  prairies,  de  champs  blonds, 
de  vergers  ;  les  villes,  sur  ses  bords,  se  penchent  pour 
y  mirer  leur  songe  ;  il  rencontre  les  passants  sur  son 
chemin  de  halage  ;  il  va  se  promenant  ;  il  s'attarde, 
et,  comme  un  ruban,  se  noue  et  se  dénoue,  serpente 
en  chatoyant  de  saison  en  saison  ;  ses  flots,  pleins  des 
souvenirs  lointains  venus  de  tous  les  temps,  éclairés  de 
soleils  ou  d'étoiles,  gonflés  de  paysages,  vont,  effort 
dernier,  au  soir  vêtu  de  pourpre,  vers  la  mer,  où  nous 
allons  tous,  la  mort  pitoyable  où  tout  se  confond.  Ce 
fleuve,  le  petit  Jean-Christophe  l'a  contemplé  à  l'aube  de 
sa  vie,  en  regardant,  un  jour,  l'horizon  par  une  fenêtre 
de  la  maison  paternelle  et  peut-être  d'avance,  en  suivant 


—  55  — 

des  yeux  le  Rhin  majestueux  qui  coule  vers  son  destin, 
a-t-il  eu  la  vision  étrange  et  confuse  de  son  propre  destin 
{l'Aube,  pp.  112-117). 

Avant  de  clore  son  «  œuvre  cyclique  »  à  la  dernière 
page,  Romain  Rolland  voulut,  en  octobre  1912,  dans 
une  courte  préface,  dire  adieu  à  ses  amis  et  lui-même 
adieu  à  son  âme  passée.  Dans  l'Aube  nouvelle,  ou  plutôt 
dans  la  Nouvelle  journée  (p.  9),  qui  est  le  titre  provisoi- 
rement imprimé  sur  la  couverture,  il  précise  et  explique 
son  œuvre.  «  J'ai  écrit  la  tragédie  d'une  génération  qui  va  dispa- 
raître, je  n'ai  cherché  à  rien  dissimuler  de  ses  vices  et  de  ses  vertus, 
de  sa  pesante  tristesse,  de  son  orgueil  chaotique,  de  ses  efforts 
héroïques  et  de  ses  accablements  sous  l'écrasant  fardeau  d'une  tâche 
surhumaine,  toute  une  somme  du  monde,  une  morale,  une  esthé- 
tique, une  foi,  une  humanité  nouvelle  à  refaire...  » 

Jean  Christophe  n'est  pas  un  roman,  au  sens  banal  du 
mot;  c'est  une  vie,  une  suite  de  romans  ;  une  vie  mul- 
tiple, capricieuse,  diverse,  ondoyante,  qui  suit  le  rythme 
des  jours,  le  bercement  des  deuils  ou  des  joies  ;  une  vie 
agitée  ou  calme,  enthousiaste  ou  monotone,  pareille  à  la 
vie  et  au  destin.  Les  événements,  si  minimes  qu'ils 
paraissent,  ne  sont  là,  comme  le  recommande  M™*  de 
Staël,  dans  sa  préface  de  Delphine,  «  que  l'occasion  de  déve- 
lopper les  passions  du  cœur  humain.  »  Musicien  et  historien 
avant  tout,  Romain  Rolland  a  raconté  ou,  si  l'on  veut, 
reconstitué  la  vie  de  Jean-Christophe  :  biographie  cri- 
tique et  passionnée,  historique  et  romanesque,  d'un 
musicien  de  génie,  personnage  imaginaire  qui  tient  de 
Beethoven  et  de  Wagner,  de  Mozart*  et  de  Gluck.  C'est 
avec  raison  que  M.  Seippel  (op,  cit.  numéro  196, 
pp.  163-164)  a  dit  que  les  trois  grandes  vies  héroïques 
de  Beethoven,  de  Michel  Ange  et  de  jTolstoï  «  correspon- 
dent aux  différentes  parties  de  Jean-Chrislophe.  »  Non   pas   qUC 


—  56  — 

R.  Rolland  ait  écrit  ces  vies  pour  y  cueillir  des  docu- 
ments, mais  pour  se  créer  cette  atmosphère  héroïque 
nécessaire  à  la  naissance  de  son  œuvre.  Le  Grec  Héro- 
dote mettait  chacun  des  livres  de  sa  grande  Histoire  sous 
l'invocation  et  le  patronage  d'une  Muse.  De  même  on 
trouverait  aisément,  année  par  année,  une  «  concor- 
dance »  entre  les  «  héros  »  qu'étudie  R.  Rolland  et  les 
époques  de  la  vie  de  Jean-Christophe.  D'autres  rappro- 
chements pourraient  être  tentés  entre  Jean-Christophe 
et  Haendel,  ou  Gluck,  ou  Gœthe.  Il  en  est  un  qu'il  ne 
faut  pas  négliger  avec  ce  compositeur  roubaisien,  Paul 
Dupin,  dont  l'existence  fut  si  tragique  et  si  douloureuse  ; 
R.  Rolland,  qui  fut  son  biographe,  (1)  l'a  justement  appelé 
«  un  des  frères  français  »  de  Jean-Christophe.  (Revue 
S.  I.  M.,  1908,  p.  1250). 

Publié  de  1904  à  1912  —  mais  en  réalité  conçu  et 
composé  entre  1894  et  1911  —  Jean-Christophe  est  une 
œuvre  si  touffue,  si  vaste,  si  complexe,  qu'elle  échappe 
à  toute  analyse  trop  brève.  Puisque  les  événements 
politiques  contemporains,  les  accidents  même  de  la  vie 
de  l'auteur  et  les  biographies  qu'il  a  écrites  ont  influé 
sur  la  vie  et  les  sentiments  de  son  héros,  il  faudra  un 
jour  replacer  chaque  épisode  à  sa  date  et  rappeler 
(Cf.  Dans  la  Maison,  p.  17)  que,  tels  chapitres  satiriques 
de  la  Foire  sur  la  Place,  tels  passages  du  Buisson  ardent  et 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  77. 

Notons  que  Paul  Dupin  a  composé,  sur  un  poème  de  Paul  Gerliardl,  une 
œuvre  musicale  (cliant  et  piano)  intitulée  Jean-Christophe  et  divisée  en 
quatre  [parties  :  1.  Oncle  Gottfried;  II.  Méditation  (d'après  un  passage  de 
l'Aube);  III.  Berceuse  à  Louisa  par  son  fils  Jean-Christophe:  IV.  Christlichet 
Wanderlied  ou  Chant  du  Voyageur  chrétien,  —  et  une  autre  Suite  qui  porte 
comme  sous-titres  :  I.  Sérénade  du  grand-père  ;  II.  La  mort  de  ronde 
Gottfried;  III.  Sabine;  IV.  Antoinette. 


—  57  — 

de  la  Nouvelle  Journée  ont  été  rédigés  avant  1902,  et  que 
telles  pages  sont  prophétiques  des  incidents  d'Agadir, 
mais  n'en  sont  pas  contemporaines. 

Trois  volumes,  l'Aube,  le  Matin,  l'Adolescent,  avaient 
paru  sans  attirer  beaucoup  d'articles  ou  de  comptes 
rendus,  lorsqu'à  la  fin  de  1905  le  jury  de  la  Vie  heureuse,. 
sur  l'initiative  de  M"'®  de  Broutelles,  fit  demander  à  la 
librairie  des  Cahiers  des  exemplaires  de  Jean-Christophe 
et  décerna  le  prix  de  cinq  mille  francs  à  R.  Rolland  par 
dix  voix  sur  dix-sept  votants  (2  décembre  1905). 

Le  fait  mérite  d'être  noté  en  passant,  parce  qu'aucune 

démarche  solliciteuse   n'avait  été   faite,  aucun  article 

'n'avait   été    écrit   en    sa    faveur;    Péguy,   lui-même, 

raconta  0)  cette  histoire  avec  étonnement  et  admiration. 

«  Cette  spontanéité  de  celui  qui  a  la  charge  et  la  responsabilité  de 
choisir  et  d'attribuer  m'enchante.  Cette  histoire  invraisemblable 
m'enchante  comme  une  histoire  du  temps  passé.  » 

Du  jour  au  lendemain  R.  Rolland  et  Jean-Christophe 
furent  connus  du  public.  Mais  tandis  qu'à  Paris  les 
figurants  de  la  littérature  industrielle,  marchands  de 
vers  ou  vendeurs  de  romans  accaparaient  la  foire  sur 
la  place  et  disposaient  à  l'étal  de  la  rue  leurs  soldes 
défraîchis  et  leurs  denrées  infâmes,  à  l'étranger,  en  Alle- 
magne, en  puisse,  en  Italie,  en  Angleterre,  des  articles 
dénonçaient  à  la  France  la  valeur  de  Jean-Christophe  et 
créaient  sa  renommée.  Dans  la  grande  Presse,  il  n'y 
eut  que  Gaston  Deschamps  qui  consacra  deux  longues 
colonnes  d'une  Vie  Littéraire  du  Temps,  (2)  à  l'œuvre  de 


(1)  Cahiers  de  la  Quinzaine,  8*  Cahier  de  la  vii*  série,  31  décembre  1905, 
après  les  vers  d'André  Spire,  intitulés  Et  vous  jiez,  pp.  98,  99  et  104,  107. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n"  160. 


—  58  — 

l'ancien  normalien,  dont  il  avait  été,  aux  heures  «  d'étu- 
des »,  le  «  maître  surveillant  peu  tyrannique.  » 

Est-il  un  portrait  d'enfant  tendre  et  fier,  plus  vivant 
—  j'allais  dire  plus  humain  —  que  celui  de  Jean-Chris- 
tophe Kraft,  dans  l'Aube,  en  même  temps  qu'une  psy- 
chologie enfantine  plus  délicieuse  en  son  exactitude, 
plus  fine  en  sa  vérité  triste  que  les  deux  épisodes 
d'amitié  d'Otto  et  de  Minna  dans  le  Matin  ?  —  Minna, 
c'est  l'humble  et  premier  amour,  joli  comme  un  conte 
et  grave  en  sa  douloureuse  désillusion,  que  nous  avons 
tous  eu,  à  l'âge  naïf  de  l'éveil,  pour  une  petite  fille  rieuse 
aux  yeux  d'or  étonnés. 

Est-il  récit  plus  simple  à  la  fois  et  plus  tragique,  plus 
délicat  et  plus  mystérieux  que  l'épisode  de  Sabine  dans 
l'Adolescent  ?  Sabine  mourant  au  jour  où  elle  va  aimer 
Christophe,  tandis  que  celui-ci  joue  la  comédie  d'amour 
k  une  fille,  Ada,  et  qu'il  se  moque  de  la  passion  inno- 
cente et  vraie  d'une  fillette,  la  petite  Rosa.  Le  grand 
poète  anglais,  Mary  Robinson,  (l)  qui  a  voué  à  cet  épisode 
une  admiration  profonde,  le  juge  ainsi  :  «  Goethe  aurait  pu 
tenir  la  plume  qui  a  écrit  ces  pages  si  naturelles  dans  leur  puis- 
sance ou  leur  grâce,  ces  pages  qui,  relues  pour  la  troisième  ou  la 
■quatrième  fois,  semblent  plus  émouvantes  encore.  » 

D'autres  lui  préfèrent  le  gracieux  et  noble  épisode 
à* Antoinette,  et  se  plaisent  à  célébrer  les  mérites  de  cette 

«  petite  provinciale  de  France,  raisonnable  et  sensible  »   qui   se 

dévoue  pour  son  frère  Olivier.  L'histoire  d'Antoinette,  a 

dit  André  Beaunier,  (2)  c'est  «  l'héroïsme  de  tous  les  instants, 
d'héroïsme  qu'on  ne  voit  pas,  qui  se  prodigue  dans  le  secret  de  la 


(1)  Cf.  Bibliographie,  n*  194. 

<2)  Cf.  Bibliographie,  n*  152  (p.  693). 


—  59  - 

pauvreté.  »  Elle  est  le  type  de  la  jeune  fille  honnête,  si 
souvent  inconnue  ou  méconnue,  dont  la  vie  et  l'amour 
aussi  ne  sont  faits  que  de  dévouement,  d'abnégation  et 
de  sacrifice.  Aussi  Jules  Bertaut,  étudiant  la  Jeune  fille 
dans  la  Littérature  française  (Louis  Michaud,  éd.,  1911, 
pp.  265  à  280),  n'a  pas  omis  la  pâle  et  charmante  Antoi- 
nette, et  lui  donne  pour  compagne  Henriette  Sully,  de 
Paul  Bourget  (La  Terre  promise),  et  Colette  Baudoche, 
de  Maurice  Barrés. 

Avec  la  Révolte  commence  une  série  de  satires  impi- 
toyables, violentes,  acérées.  R.  Rolland  sait  qu'il  bles- 
sera ses  lecteurs,  mais  il  veut  les  blesser,  et  prend  soin 
de  les  avertir  en   quelques   mots  (la  Révolte,   p.   15). 

«  Chacune  de  nos  pensées  n'est  qu'un  moment  de  notre  vie.  A  quoi 
nous  servirait  de  vivre,  si  ce  n'était  pour  corriger  nos  erreurs, 
vaincre  nos  préjugés  et  élargir  de  jour  en  jour  notre  pensée  et 
notre  cœur?  Patience...  chaque  jour  nous  nous  efforçons  d'atteindre 
un  peu  plus  de  vérité...  Comme  dit  un  vieux  proverbe,  «  7a  fin 
loue  la  vie  et  le  soir  le  jour.  » 

Vérité  !  C'est  déjà  l'appel  qu'il  jetait  en  1900  dans  son 
bel  article  sur  le  Poison  idéaliste  ;  (i)  c'est  le  cri  de  rallie- 
ment qu'il  lancera  toujours  aux  amis  de  Christophe 
hésitants  ou  égarés.  Malgré  les  usages  du  monde,  malgré 
le  silence  ou  la  critique,  malgré  l'homme,  malgré  la  vie, 
R.  Rolland  ne  veut  que  la  vérité.  Il  ne  mentira  pas  avec 
lui-même  pour  flatter  celui-ci  ou  se  ménager  l'amitié  de 
celui-là.  Timide,  il  aura  de  l'audace  ;  généreux,  il  aura 
même  de  la  brutalité  pour  dire  à  tous  et  contre  tous  ce 
que,  sincèrement,  il  croit  être  vrai.  Il  s'est  mis  volontai- 
rement en  dehors  des  coteries  et  des  querelles  ;  il  ignore 


(1)  Cf.  des  extraits  de  cet  article  page  42  ^e  ce  livre  ;  à  rapprocher  de 
certaines  pages  de  Clérambault,  citées  plus  loin. 


—  60  — 

les  doctrines  consacrées  ;  il  méprise  les  recettes  de 
métiers  apprises  dans  les  écoles,  comme  ces  méthodes 
toutes  faites  qui  mènent  à  l'érudition  et  donnent  le 
talent  :  il  faut  dire  la  vérité,  c'est  là  sa  seule  méthode, 
sa  loi,  sa  discipline  de  travail  et  son  secret.  Prêt  à  com- 
battre durement,  dans  la  Foire  sur  la  Place,  ceux  dont 
l'indigne  succès  dégrade  et  trahit  les  destinées  du  peuple 
de  France,  il  écrira  le  Dialogue  de  l'auteur  avec  son 
ombre  pour  mieux  crier  et  faire  entendre  ce  cri  :  vérité. 
Jean-Christophe  est  un  «  pur  »,  il  a  le  droit  et  le  devoir 
de  parler,  sa  sincérité  excusera  toujours  son  fanatisme, 
parfois  injuste.  Il  ne  peut  pas  fermer  les  yeux  pour  ne 
pas  voir  le  mal,  il  veut  le  regarder,  s'en  exalter  ;  car  il  y 
a  bataille  à  livrer  pour  la  vie  et  l'honneur  de  la  race. 
Qu'importe  si  le  bruit  trouble  quelques  braves  gens  qui 
rêvent  sous  l'ombre  illusoire  de  leurs  lauriers,  en  se 
berçant  de  vieux  mots  menteurs  et  de  fausses  pensées  I 
«  Qui  a  senti  l'âme  chevillée  au  corps  de  cette  race  qui  ne  veut  pas 
mourir  peut  et  doit  hardiment  mettre  à  nu  ses  vices  et  ses  ridicules, 
afin  de  les  combattre,  —  afin  de  combattre  surtout  ceux  qui  le» 
exploitent  et  qui  en  vivent...  Lutter,  c'est  faire  le  mal  même  pour 
faire  le  bien.  »  (La  Foire  sur  la  Place,  pp.  xxiii  et  xxvi). 

Et  Jean-Christophe  se  lança  dans  la  bataille.  Il  frappa 
à  droite,  à  gauche,  sans  arrêt,  sans  faiblesse.  Feuille- 
tonnistes  musicaux  ou  critiques  littéraires,  faiseurs  de 
romans  ou  cabotins  de  théâtre,  historiens  qui  ven- 
daient l'histoire  ou  philosophes  si  subtils  qu'ils  ne  se 
comprenaient  pas  entre  eux,  tous  les  barbouilleurs  de 
papiers  et  les  grands  hommes  chauves  aux  doigts 
tachés  d'encre,  tous  furent  blessés,  tous  se  reconnurent, 
aucun  n'osa  protester.  C'était  mieux  qu'un  livre  de  polé- 
mique :  un  acte  de  courage  et  de  bonne  foi.  Le  succès 
fut  immédiat,  profond,  durable. 


—  61  — 

Les  volumes  de  Jean-Christophe  se  succédaient.  Régu- 
lièrement, chaque  année,  un  tome  nouveau  —  divisé 
parfois  en  plusieurs  cahiers  —  paraissait  sous  la  couver- 
ture blanche  des  Cahiers  de  la  Quinzaine  et  était,  peu 
après,  réédité  dans  les  éditions  OUendorff.  Les  Amies 
venaient  de  paraître,  en  janvier-février  1910,  et  Romain 
Rolland,  voj^ant  son  œuvre  bientôt  finie,  avait  pris  un 
congé  à  la  Sorbonne,  afin  d'aller  passer  l'automne  et 
l'hiver  à  Rome,  achever  les  deux  derniers  tomes  de  Jean- 
Christophe.  Pour  conserver  son  entière  liberté,  il  n'avait 
pas  voulu  accepter  d'être  le  critique  musical  du  nouveau 
journal  Excelsior,  quand,  le  25  octobre  1910,  un  accident 
—  semblable  à  celui  qui  fut  fatal  à  l'illustre  physicien 
Curie  —  mit  ses  jours  en  danger.  Pris  entre  deux  auto- 
mobiles, en  traversant  l'avenue  des  Champs-Elysées,  il 
chancela,  se  brisa  le  bras  gauche  en  deux  endroits...  Sa 
fragile  santé  fut  ébranlée  pendant  de  longs  jours.  Son 
bras  étant. immobilisé,  l'empêchait  de  revenir  à  son  cher 
piano;  mais  bientôt  il  se  remettait  au  travail,  rédigeant 
soit  des  pages  de  Jean-Christophe,  soit  des  articles  de 
critique  musicale,  lorsque,  le  20  novembre  1910,  la 
nouvelle  se  répandit  à  travers  le  monde,  que  Tolstoï, 
le  prophète  d'Iasnaïa  Poliana,  venait  de  s'éteindre  à 
l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans. 

Tout  ému  par  la  mort  de  celui  qui  avait  été  son  pre- 
mier maître  et  son  premier  guide,  il  entreprit  d'écrire 
une  vie  du  «  héros  »  russe  et  d'  «  apporter  à  cette  mémoire 
sacrée  son  tribut  de  reconnaissance  et  d'amour  ».  Il  se  mit  aussi- 
tôt à  l'œuvre,  amassa  des  notes  et  en  quelques  semaines 
écrivit  une  vie  de  Tolstoï  qui  parut  à  la  Revue  de  Pan'^ 
de  février  à  avril  1911. 

Aux  premiers  beaux  jours,  il  vint  se  reposer  en  Suisse, 


—  62  — 

aux  environs  de  Vevey,  et  achever,  dans  le  silence  et  le 
recueillement,  quelques  chapitres  de  la  troisième  partie 
de  Jean- Christophe. 

Il  n'avait  plus  le  temps  désormais  de  reprendre  ses 
cours  de  Sorbonne  ;  le  8  novembre  1911,  un  nouveau 
congé  d'un  an,  pendant  lequel  il  était  suppléé  par  l'érudit 
musicologue  André  Pirro,  lui  permettait  enfin  d'accom- 
plir ce  voyage  à  Rome,  retardé  depuis  1910  par  son 
accident.  Séjour  enchanteur  de  plusieurs  mois,  dont 
maintes  pages  de  la  Nouvelle  Journée  attestent  la  bien- 
faisante influence.  «  Quelle  force  et  quel  calme  on  y  puise  !  il 
faudrait  y  vivre  des  années  »,  écrivait- il  en  mai  1912  à  SOn 
biographe  futur,  Paul  Seippel  (op.  cit.  n°  196,  p.  73). 

Il  revenait  à  Paris  à  la  rentrée  des  vacances  et,  débordé 
par  des  travaux  croissants,  comprenant  qu'il  ne  pour- 
rait consacrer  à  sa  tâche  de  professeur  tout  le  temps 
qu'il  voudrait,  se  résignait  à  quitter  l'Université.  Il 
démissionnait — non  sans  regret  —  le  12  novembre  1912, 
et  le  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres,  M.  Alfred  Croiset, 
dans  son  Rapport  au  Conseil  académique  (1911-1912, 
édité  en  1913,  page  226),  annonçait  ce  départ  avec  une 
certaine  tristesse,  parce  que,  disait-il,  «  le  nom  de  M.  R. 

Rolland,  aimé  du  public,  était  pour  la  Faculté  une  parure  et  une 
force.  » 

Jean-Christophe  et  le  Grand  Prix  de  Littérature 
à  l'Académie  Française  (1913) 

Jean  -  Christophe  était  entièrement  paru  et  Romain 

Rolland,  comme  «  délivré  de  l'énorme  fardeau  du  passé  »  (lettre 

à  P.  Seippel,  op.  cit.  n°  196,  p.  237),  se  préparait  «  au  seuil 

d'un   monde   esthétique  et  moral   nouveau  »,   à    de    nouvelles 


—  63  — 

tâches,  quand  l'Académie  Française  eut  l'idée,  le  jeudi 
5  juin  1913,  de  lui  décerner  son  grand  prix  de  littéra- 
ture. Ce  prix,  d'après  le  règlement,  «  destiné  à  récompenser 
un  roman  ou  toute  autre  œuvre  d'imagination  en  prose,  d'une  ins- 
piration  élevée,   publié  au   cours  des  deux  années   précédentes  », 

avait  été  attribué,  une  première  fois,  à  un  débutant.  En 
1913,  deux  jeunes  semblaient  se  partager  les  voix,  quand 
un  membre  de  la  commission  mit  en  avant  le  nom  de 
R.  Rolland.  On  décida  de  l'avertir  de  cette  intention,  et 

R.  Rolland  fit  cette  réponse  :  «  Merci  de  votre  bonne  lettre. 
Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  combien  je  me  sentirais  honoré  d'un 
témoignage  de  sj-^mpathie  de  l'Académie..  J'en  serais  d'autant  plus 
heureux  qu'elle  a  paru  jusqu'à  présent  indifférente  à  tout  ce  que  j'ai 
écrit  ;  et  cela  me  peinait  un  peu.  Si  pourtant  un  débutant  parais- 
sait digne  du  grand  prix  de  littérature,  je  me  ferais  scrupule  de  le 
lui  disputer  :  car  c'est  aux  aînés  mieux  armés  (et  aussi  plus  apaisés) 
à  céder  le  pas  à  leurs  cadets  plus  faibles  et  impatients  d'arriver...  » 
Noble  scrupule  qui  honore  grandement  R.  Rolland. 
Après  trois  séances  de  discussion  et  cinq  tours  de  scru- 
tin, (1)  le  grand  prix  de  littérature  fut  décerné  à  l'auteur 
de  Jean-Christophe.  M.  Ernest  Lavisse  a  résumé,  en  un 
article  de  la  Revue  de  Paris,  (^)  les  raisons  qui  avaient 
décidé  du  vote  de  l'Académie.  Après  une  fine  et  judi- 
cieuse analyse  de  la  Nouvelle  Journée,  venait  cette  con.- 

clusion  (pp.  731-732)  :  «  Cette  «  sympathie  jamais  lassée  pour 
toutes  les  formes  de  la  vie  »  est  la  grande  vertu  de  ce  livre,  comme 


(1)  Les  voix  des  29  votants  —  majorité  absolue  15  —  se  partagèrent  ainsi  : 
Premier  tour:  R.  R,  13;  Emile  Clermont  (auteur  de  Laure),  9;  Ernest 
Psichari  (auteur  de  l'Appel  des  Armes),  5  r  bulletins  blancs,  2.  —  Second 
tour:  R  R.,  14;  Clermont,  13;  Psichari,  1:  blanc,  1.  —  Troisième  tour: 
R.  R..14;  Clermont,  14;  blanc,  1.  —  Quatrième  tour  :  R.  R.,  13;  Clermont, 
12;  Psichari,  3;  blanc,  1.  --  Cinquième  tour  :  R.  R.,  15;  Clermont,  10;, 
Psichari,  2;  blancs,  2.  —  René  Bazin,  directeur  en  exercice,  proclama  R.  R. 
lauréat  du  Grand  Prix  de  Littérature.  {Journal  officieldxx  S  juin  1913,  p.  4940); 

(2)  Cf.  Bibliographie,  n*  181. 


—  64  — 

de  toute  l'œuvre  de  Rolland,  œuvre  admirable,  si  riche  en  idées, 
en  pensées,  en  sentiments,  en  images,  trop  chargée  de  lyrisme  peut- 
être,  obscure  par  moments,  très  grave  et  très  pure,  bienfaisante 
parce  qu'elle  est  pleine  d'amour,  qu'elle  ignore  le  dédain,  hait  la 
haine,  commande  impérieusement  l'espérance  ». 

Juste  hommage  qui  couronnait  noblement  l'ensemble 
de  l'œuvre.  Mais,  — il  faut  le  remarquer  une  fois  de  plus 
et  M.  Lavisse  s'est  plu  à  noter  ce  trait  de  caractère,  — (i) 

«   R.   Rolland  est   quelqu'un  qui  ne  demande  rien  à  personne.  » 

Il  n'a  présenté  aucun  de  ses  ouvrages  à  un  concours  et 

n'a  jamais  dit  «  de  ces  aimables  propos  qui  susurrent  longtemps 
à  l'avance  quelque  candidature.  » 

Sans  être  aussi  enthousiaste,  le  rapport  de  M.  Etienne 
Lami,  (2)  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  Française, 
sur  les  concours  de  1913,  n'était  pas  moins  élogieux  :  «  cette 
œuvre  est  le  poème  de  la  sensibilité,  de  toutes  les  sensibilités,  et 
cela  explique  son  attitude.  Il  n'y  a  que  les  impassibles  pour  être 
brefs.  Plus  les  choses  nous  disent  de  choses,  plus  il  leur  faut  de 
temps  pour  nous  parler.  M.  R.  Rolland  ne  résume  pas  ses  impres- 
sions, il  les  habite.  Xavier  de  Maistre  voyageait  autour  de  sa 
chambre.  M.  R.  Rolland  a  fait  un  voyage  autour  de  son  âme...  Jean- 
Christ,ophe  représente  la  génération  contemporaine.  »  Puis, 
esquissant  à  larges  traits  un  portrait  de  ce  héros,  «  auquel 

rien  n'échappe  des  laideurs  humaines  et  qui  souffre  de  tout,  » 
il  justifie  sa  «  sévérité  qui  n'est  pas  tine  méchante  hum.eur  qui 


(1)  Les  dédicace»  de  Romain  Rolland  prouvent  bien  son  indépendance  de 
caractère.  Les  Loups  portent  ces  simples  mots  :  «  à  Péguy  »,  —  Danton  : 
«  à  mon  Père  »  ;  —  Le  Pt  Juillet  :  «  au  peuple  de  Paris  »  ;  —  Le  Temps  vien- 
dra :  «  dédié  à  la  ClNilisation  »  ;  —  Le  dernier  volume  de  Jean-Christophe  : 
«  En  terminant  cette  œuvre,  je  la  dédie  aux  âmes  libres  —  de  toutes  les 
nations  —  qui  souffrent,  qui  luttent  et  qui  vaincront  »  ;  —  Colas  Breugnon  : 
«  à  saint  Martin  des  Gaules,  patron  de  Clamecy  »  ;  —  Le  Triomphe  de  la 
Liberté,  fête  populaire  (avec  musique  d'Albert  Doyen)  :  «  au  peuple  de  Paris, 
«n  mémoire  de  Jean  Jaurès  ». 

(2)  Cf.  Bibliographie,  n*  179. 


—  65  — 

remâche  sa  monotonie,  mais  au  contraire  une  fièvre  de  probité 
qu'exaspèrent  toute  action,  toute  doctrine,  toute  tolérance  mal- 
saines. »  (1) 


(1)  Certains  critiques  ont  reproché  à  R.  Rolland  d'avoir  choisi  un  «  héros 
allemand  ».  Georges  Pourcel,  dans  un  article  du  Parthénon  (20  octobre  1913, 
pp.  22-30),  intitulé  L'homme  de  génie  :  Jean-Christophe,  leur  avait  déjà 
répondu  :  «  Peut-être  une  inclination  d'esprit,  sympathie  marquée  pour  la 
patrie  de  Gœthe  et  de  Reethoven,  où  l'àmc,  semble-t-il,  a  plus  de  profon- 
deur et  de  gravité.  Et  sans  doute  ceci  :  M.  R.  R.  avait  le  dessein  préconçu  de 
faire  venir  son  musicien  à  Paris.  Il  fallait  que  Jean-Christophe  jugeât  la 
France  du  dehors  avec  le  recul  et  la  liberté  d'esprit  nécessaires  ».  Mais  R. 
Rolland,  tenant  à  dissiper  toute  équivo(jue,  prit  soin  de  préciser  les  raisons 
de  son  choix,  dans  un  article  du  Parthénon  (5  novembre  1913,  pp.  67-68), 
intitulé  Les  origines  germaniques  de  Jean-Christophe.  «  J'ai  eu  plus  d'une 
raison  pour  choisir  les  pays  rhénans  comme  patrie  de  mon  héros.  D'abord 
son  génie  musical  :  c'est  une  plante  qui,  jusqu'ici,  n'a  pas  trouvé  chez  nous 
des  conditions  propices  pour  se  développer  vigoureusement.  Puis...  mon 
dessein  d'observer  la  France  avec  des  yeux  tout  neufs  de  Hiiron  candide  et 
barbare.  Mais  j'avais  une  autre  raison  secrète  et  plus  profonde  :  ce  sera  une 
réponse  anx  harangues  des  pangei'manistes  qui  viennent  de  fêter  avec 
fracas  l'anniversaire  de  la  «  Rataille  des  Nations  ».  Le  pays  de  Reethoven  et 
de  Jean-Christophe  ne  sera  jamais  pour  moi  un  pays  étranger.  Je  ne  suis 
pas  de  ces  lamentables  Français  qui,  dans  la  rage  qu'ils  mettent  à  appau- 
vrir la  France,  afin  de  la  réduire  à  eux  et  à  leurs  amis,  ne  seraient  pas  loin 
de  la  ramener  aux  limites  du  domaine  de  leur  Philippe-Auguste  et  qui 
traitent  d'étranger  le  Genevois  Jean-Jacques.  Je  ne  tiens  pas  plus  de  compte 
de  leur  nationalisme  rétréci  que  de  l'arrogance  de  l'impérialisme  allemand 
qui,  par  droit  de  conquête,  s'étale  impudemment  dans  des  terres   qu'il  a 

volées Quand  dix  siècles  de  conquête  germanique  auraient  passé  sur  le 

Rhin,  ils  ne  feraient  point  que  Rome  et  que  Ryzance  n'y  aient  enfoncé  leur 
proue  et  que  la  grande  route  qui  mène  des  Alpes  latines  aux  Pays-Ras  du 
Nord  n'ait  été  fécondée  par  les  semences  de  liberté,  qu'ont  répandues,  sur 
leur  passage,  les  flots  de  pèlerins.  Le  Rhin  est  une  coulée  de  lumière  qui 
mûrit  les  coteaux  et  les  âmes  d'Occident  ;  elle  n'est  pas  plus  à  vous. 
Allemands,  qu'elle  n'est  à  nous  :  elle  est  à  l'Europe.  Elle  ne  nous  divise 
point,  elle  nous  réunit.  Qu'il  en  puisse  être  de  même  de  mon  Christophe, 
votre  fils  et  le  nôtre.  » 

[Passage  capital,  que  je  m'excuse  d'avoir  rejeté  en  note;  mais  je  n'ai  pu  le 
retrouver  que,  tardivement,  au  cours  de  la  mise  en  page.  La  revue  Le  Par- 
thénon figure  bien  sur  les  rayons  de  la  Ribliothèq^e  Nationale,  mais  avec 
de  telles  lacunes  qu'il  est  impossible  d'y  faire  des  recherches  utiles.] 


—  66  — 


Retour  à  la  musique. 
Haendel  et  l'EncYclopédie  de  la  Musique 

Mais,  pour  ne  pas  rompre  l'unité  de  l'œuvre,  il  a  fallu 
anticiper  sur  les  dates,  au  risque  de  paraître  oublier 
certains  détails  et  de  briser,  légèrement,  l'harmonie  de 
cette  vie  laborieuse  qui  ne  s'arrête  pas  à  de  glorieux 
incidents  académiques. 

Jean-Christophe  est  paru,  et  déjà  R.  Rolland,  libre  de 
toute  attache  professionnelle,  a  repris,  avec  une  joie 
nouvelle,  son  rude  travail  ;  la  vie  matérielle  est  assurée 
contre  les  hasards  du  lendemain;  le  succès,  sans  qu'il 
l'ait  cherché,  est  venu  vers  lui,  avec  la  gloire  ;  enfin 
ses  livres  se  vendent  régulièrement  et  le  chiffre  de 
ses  éditions  commence  à  grandir  chaque  année  et  lui 
garantit  une  aisance  relative,  qui  lui  permet  dès  lors  de 
poursuivre  son  œuvre  en  toute  liberté  d'esprit;  bientôt 

il  éprouvera  le  besoin  de  réagir  «  contre  la  contrainte  de  dix 
ans  dans  l'armure  de  Jean-Christophe  qui,  d'abord  faite  à  sa 
mesure,  avait  fini  par  lui  devenir  trop  étroite.  »  (^Colas  Breugnon, 

Avertissement,  p.  1).  Et  cependant,  l'œuvre  lentement  et 
patiemment  achevée,  il  éprouve,  disait-il  le  9  novembre 
1912,  dans  une  lettre  à  M.  Paul  Seippel  (op.  cit.,  n°  196, 

p.  236)  «  le  sentiment  de  n'avoir  encore  rien  dit,  rien  dit...  Il 
semble  que  Jean-Christophe  m'ait  rendu  le  service  de  m'avoir  délivré 
de  l'énorme  fardeau  du  passé.  » 

Roman  d'un  musicien,  écrit  par  un  musicien,  sym- 
phonie formidable  dont  les  trois  parties  se  déroulent  et 
s'équilibrent  harmonieusement,  tel  est  Jean-Christophe. 
Au  seuil  même  de  la  Nouvelle  Journée  (pp.  11  et  12), 
écoutez  encore  cet  hymne  religieux  et  lent,  hymne  de 


—  67  — 

reconnaissance  à  la  musique  «  musique  sereine,  musique  qui 
berças  mon  âme  endolorie,  musique  qui  me  l'as  rendue  ferme,  calme 
et  joyeuse.  »  Est-ce  un  ((  divertissement  »,  au  milieu  de  son 
œuvre  d'artiste?  Est-ce  une  nécessité  de  méthode  qui 
l'invite  sans  cesse  à  entremêler  l'érudition  précise  et 
grave  à  la  vie  de  ses  héros  de  roman  ?  Il  semble  ainsi  se 
mieux  préparer  à  des  récits  où  l'imagination  voisine 
avec  l'histoire,  et  la  biographie  d'un  homme  de  génie 
en  est  comme  la  préface,  ou  plutôt  comme  le  prélude. 
Cest  ainsi  qu'en  1910  R.  Rolland  écrit,  pour  la  collection 
des  «  Maîtres  de  la  Musique  »  de  la  librairie  Alcan,  une 
étude  musicale  sur  Haendel  (i)  qu'il  se  propose  de  re- 
prendre, un  jour  prochain,  et  de  récrire,  pour  en  faire 
non  plus  une  vie  héroïque  ou  un  portrait  psychologique 
en  pendant  à  Beethoven  et  à  Michel  Ange,  mais  un  gros 
ouvrage  consacré  au  caractère  de  Haendel,  à  son  œuvre 

et  à  son  temps.  «  Pour  bien  parler  de  cette  vie,  il  faudrait  une 

vie  »  (p.  1).  R.  Rolland,  qui  sait  le  prix  du  temps  et  toute 
la  valeur  des  livres,  estime  n'avoir  donné  là  qu'  «  une 

esquisse  très   sommaire,  un  aperçu  de  l'œuvre  colossal  »  de  SOn 

musicien.  Espérons  que  le  travail  lui  accordera  bientôt 
les  loisirs  nécessaires  pour  dresser  ce  noble  monument. 
Mais  voici  des  travaux  d'histoire  et  d'érudition  qui 
vont  nécessiter  de  longues  recherches  dans  les  biblio- 
thèques et  d  '  importants  dépouillements  de  revues. 
Quand  Albert  Lavignac,  professeur  au  Conservatoire, 
avait  réuni  les  plus  éminents  des  professeurs,  savants, 
artistes  et  musiciens,  pour  collaborer  à  sa  grande 
Encyclopédie  de  la  Musique,  éditée  chez  Delagrave,  il 
avait  aussitôt  fait  appel  à  R.  Rolland  et  lui  avait  confié 


(1)  Cf.  Bibliographie  n*  82. 


68 


quatre  importants  chapitres  sur  l'Opéra  au  xvii«  siècle 
en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  Italie  et  en  France,  (i) 
Ces  questions  ne  lui  étaient  pas  inconnues  :  sa  thèse 
de  doctorat,  maints  articles  de  Revues,  ses  cours  des 
Hautes  Études  Sociales  ou  de  la  Sorbonne,  l'avaient  dès 
longtemps  préparé  à  les  traiter  mieux  que  quiconque. 
Mais  il  était  trop  consciencieux  et  trop  ami  de  son  art 
pour  se  contenter  des  notes  qu'il  avait  recueillies  che- 
min faisant.  Il  voulut  ne  rien  négliger,  ne  rien  oublier. 
La  bibliographie  de  chaque  chapitre,  les  notes  qui 
complètent  le  texte  à  tout  instant  attestent  de  son  érudi- 
tion très  sûre  et  de  son  souci  de  ne  pas  écrire  à  la 
légère. 

Enfin  c'est  encore  à  lui  que  s'adresse  l'éditeur  Edouard 
Champion,  qui  publie  une  édition  critique  monumentale 
des  œuvres  de  Stendhal,  pour  préfacer  les  Vies  de  Haydn, 
Mozart  et  Métastase.  R.  Rolland  compare  les  textes,  fait 
des  rapprochements  avec  tel  passage  de  la  Chartreuse 
ou  de  la  Vie  d'Henri  Bralard,  justifie  Stendhal  des 
attaques  dont  il  a  été  l'objet  ;  et  conclut  en  disant  qu'il 
faut  recueillir  «  cette  voix  ironique  et  nette  au  milieu  de  la  tem- 
pête romantique  ;  mais  quand  on  l'a  entendue,  on  ne  peut  plus 
l'oublier.  »  (p.  Liv). 

Toutes  ces  recherches  ont  obligé  R.  Rolland  à  des 
séjours  prolongés  à  Paris;  mais  il  reste  en  correspon- 
dance avec  ses  amis  de  Suisse,  et,  pour  être  plus  près 
d'eux  et  leur  confier  ses  idées,  il  accepte,  à  partir  de 
novembre  1912,  de  faire  dans  la  Bibliothèque  universelle 
et  Revue  suisse  des  Chroniques  parisiennes  régulières. 
Elles    ne    sont  'pas    signées,    et  dès   le    premier  jour 


(1)  Cf.  Bibliographie  n»  89. 


69 


on  reconnaît  aisément  leur  auteur  à  cet  aveu  (p.  397). 

«  Mon  ami  Jean-Christophe  qui  veut  avec  l'égoïsme  de  tout  créa- 
teur, faire  vaincre  son  idéal,  a  traité  souvent  avec  dureté  tout  ce 
qui  dans  l'art    parisien  est   contraire  à    cet  idéal...  Ici  même  je 

reprendrai  ce  combat.  »  —  On  y  entend  un  R.  Rolland 
confiant  dans  la  vie  et  plein  d'un  bel  espoir  dans  une 

renaissance  française.  «  Il  semble  que  la  jeune  génération 
vienne  de  conclure  un  nouveau  bail  avec  la  vie...  Tout  renaît  : 
toutes  les  forces  dispersées,  tous  les  germes  qu'apportent,  de  tous 
les  coins  de  l'horizon,  les  quatre  vents  de  l'esprit...  » 


Colas  Breugnon  (1914) 

R.  Rolland  préparait  en  1913  «  un  drame  et  un  roman  sur 
des  sujets  contemporains  et  dans  l'atmosphère  un  peu  tragique  de 
Jean-Christophe  »  quand  il  dut  «  brusquement  laisser  toutes  les 
notes  prises,  les  scènes  préparées,  pour  cette  œuvre  insouciante  à 
laquelle  il  ne  songeait  point  le  jour  d'avant  »  (ColciS  Breugnon, 
Avertissement,  p.  1).  Cette  œuvre,  c'est  Colas  Breugnon  ; 
R.  Rolland,  prévoyant  que  les  lecteurs  fidèles  de  Jean- 
Christophe  seraient  étonnés  par  ce  roman  «  idéologique  et 
moral  »,  comme  l'appelle  M.  Paul  Souday,0)  a  cru  devoir 
les  prévenir  que  nul  ne  fut  plus  surpris  que  lui,  le 
jour  où  son  héros  clamecycois  s'est  imposé  à  lui  et 
l'a  forcé  à  écrire  sous  sa  dictée  le  journal  un  peu*cru 
et  irrévérencieux  d'une  année  de  sa  vie.  Ce  fut  chez 
lui,  après  dix  ans  de  contrainte,  «  un  besoin  invincible 
de  libre  gaieté  gauloise  jusqu'à  l'irrévérence.  »  Il  était  revenu  à 
Clamecy,  «  la  ville  des   beaux  reflets   et  des  souples  collines   » 

(p.  17),  qu'il  n'avait  pas  revue  depuis  sa  jeunesse  — 


(1)  Cf.  Bibliographie  n°  198  (5). 


—  70  — 

et  dans  ce  décor  familier  du  faubourg  de  Bethléem, 
en  remontant  par  l'escalier  de  vieille  Rome,  depuis  le 
Beuvron  jusqu'à  l'église  Saint-Martin  dont  les  cloches 
sonnent  au  réveil  de  Christophe,  il  eut  l'idée  d'écrire  un 
«  roman  vieille  France  »  (P.  Souday,  art.  cité),  dont  il  place- 
rait l'action  à  l'époque  de  Louis  XIII,  sous  le  minis- 
tère Concini.  Maître  Colas  Breugnon  (Breugnon  0)  — 
mais  non  Brugnon,  comme  on  lit  sur  les  titres  courants 
de  quelques  pages  et  même  dans  le  texte  (p.  91)  —  est 
un  village  des  environs  de  Clamecy),  artisan  menui- 
sier, grand  buveur  et  bon  vivant,  note  et  commente 
pour  notre  joie  une  suite  d'épisodes,  dialogues  et  dis- 
cussions. Il  serait  oiseux  de  chercher  en  ces  pages  des 
allusions  politiques  ou  guerrières  :  c'est  un  livre  «  tout 
franc,  tout  rond,  sans  prétention  de  transformer  le  monde  ni  de 
l'expliquer,  sans  politique,  sans  métaphysique,  un  livre  «  à  la  bonne 
françoise  »,  qui  rit  de  la  vie,  parce  qu'il  la  trouve  bonne  et  qu'il  se 

porte  bien.  »  D'ailleurs,  une  courte  «  préface  d'après 
guerre  »,  datée  de  novembre  1918,  nous  apprend,  pour 

éviter  tout  conteste,  que  «  ce  livre  était  entièrement  imprimé, 
prêt  à  paraître  avant  la  guerre  ».  L'avertissement  qui  le 
présente  au  lecteur  est  de  mai  1914  ;  et  s'il  se  trouve 
dans  le  journal  de  Colas  Breugnon  le  récit  d'un  siège  et 
d'une  émeute,  c'est  que  la  guerre  est  de  toutes  les  épo- 
que's.  Une  philosophie  du  moins  s'en  dégage.  Colas 
Breugnon  a  pleine  confiance  dans  la  vie  :  la  vieillesse, 
l'émeute,  l'incendie  de  sa  maison,  la  ruine  de  ses  meu- 
bles amoureusement  sculptés,  les  infirmités,  les  acci- 
dents (il  se  casse  une  jambe),  l'obligent  à  venir  habiter 


(1)  Cependant  M.  Jouve  dit  {op.  cit..  Bibliographie  N°  175,  page  331)  :  «  Le 
véritable  titre  de  l'ouvrage  est  Colas  Brugnon  ;  ce  titre  a  subi  une  modifica- 
tion siu-  la  couverture,  pour  des  raisons  imposées  à  l'auteur.  » 


—  71  — 

«  la  maison  des  autres  »,  celle  de  ses  enfants.  Mais  il 
accepte  ces  ennuis  comme  njaux  nécessaires  et  se  console 
en  lisant  les   Vies  des  Hommes  illustres  de  Plutarque. 

«  Bénis  soient  mes  yeux  par  où  s'infiltre  en  moi  la  vision  merveil- 
leuse enclose  dans  les  livres  I  »  (p.  289)  et  voici  que  devant 
Colas  Breugnon  et  devant  nous,  «  entre  les  deux  fossés  des 
marges  sur  la  page  »,  défile  le  cortège  des  héros  et  des  belles. 
Évocation  majestueuse  qui  eût  rempli  de  joie  messire 
Jacques  Amyot,  traducteur  de  Plutarque  !  Jamais  peut- 
être  n'ont  été  dits,  en  mots  aussi  simples  et  aussi  vrais, 
le  charme  et  la  consolation  des  vieux  livres  (p.  294  et  ss.). 

«  Ils  sont  ma  famille,  ils  sont  moi,  ils  sont  l'Homme.  Que  je  plains 
les  pauvres  déshérités  qui  ne  connaissent  point  la  volupté  des  livres  I 
Il  en  est  qui  font  fi  du  passé,  fièrement,  s'en  tenant  au  présent... 
oui,  le  présent  est  bon.  Mais  tout  est  bon,  corbleu!  et  je  prends  de 
toutes  mains...  S'en  tenir  au  présent,  c'était  bon  au  temps  du  vieil 
Adam...  Mais  nous  qui  avons  l'heur  de  venir  après  lui  dans  une 
maison  pleine  où  nos  pères,  nos  grands-pères...  ont  entassé,  tassé, 
ce  qu'ils  ont  amassé,  nous  serions  assez  fous  pour  brûler  nos  gre- 
niers sous  le  prétexte  que  nos  champs  produisent  encore  du  blé  I 
Le  vieil  Adam,  il  n'était  qu'un  enfant  !  C'est  moi,  le  vieil  Adam  ; 
car  je  suis  le  même  homme  et  depuis  j'ai  grandi...  Les  peines  et 
les  joies  de  l'univers  sont  miennes.  Qui  souffre,  j'en  pâtis  ;  qui  est 
heureux,  je  ris.  Bien  mieux  que  dans  la  vie,  je  sens  à  travers  mes 
livres  la  fraternité  qui  nous  lie,  nous  tous  les  porte-hottes  et  les 
porte-couronnes  :  car  des  uns  et  des  autres  il  ne  reste  que  cendres 
et  la  flamme  qui,  nourrie  de  la  moelle  de  nos  âmes,  monte  unique  et 
multiple  vers  le  ciel,  en  chantant  avec  les  mille  langues  de  sa  bou- 
che sanglante  la  gloire  du  Tout-Puissant.  » 

Combien  d'amis  de  Jean -Christophe  ont  dû  chérir 
maître  Colas  Breugnon  pour  ces  mots  si  humains  !  et 
combien  ont  dû  répéter  les  phrases    évocatrices   sur 

l'art  (p.  107)  :  «  Un  beau  meuble  est  comme  un  fruit  qu'on  doit 
cueillir  à  l'espalier  ;  il  ne  saurait  pousser  sans  l'arbre,  et  tel  est 


—  12  — 

l'arbre,  tel  le  fruit...  L'art  est  pour  nous  quelqu'un  de  la  famille,  le 
génie  du  foyer,  l'ami,  le  compagnon  et  qui  dit  mieux  que  nous  ce 
que  tous  nous  sentons.  »  Aussi  quand  Colas  voit  ses  meubles 
déchiquetés  à  grands  coups  de  couteau,  les  boiseries 
fendues,  les  figurines  mutilées,  il  ne  peut  que  pleurer 
(p.  209).  «  L'homme  n'est  rien;  c'est  l'œuvre  qui  est  sacrée.  Triple 

assassin  celui  qui  tue  l'idée.  »  —  Et  plus  d'un  rêveur  relira 
la  scène  touchante  où  Colas  et  Belette,  amoureux  depuis 
trente-cinq  ans,  se  retrouvent,  vieillis,  et  se  consolent  de 
ne  pas  s'être  mariés,  parce  qu'à  tout  prendre,  «  c'est  peut- 
être  mieux  comme  ça  est...  on  souhaite  toujours  plus  qu'il  ne  nous 
est  donné.  »  (pp.  133  et  138.) 


Pendant  la  Guerre. 

"  Au-dessus  de  la  Mêlée  "  (1915) 

et  «  Les  Précurseurs  "  (1919).  —  Le  Prix  Nobel  (1916) 

Comme  chaque  année,  depuis  1911,  R.  Rolland,  en 
1914,  était  venu  se  reposer  dans  cette  Suisse  amie  qui 

lui  semblait  le  seul  «  coin  de  terre  où  l'on  pût  respirer  au- 
dessus  de  l'Europe  »  (Nouvelle  Journée,  p.  17).  Christophe 
l'y  avait  déjà  accompagné  maintes  fois.  Non  pour  cher- 
cher un  plaisir  romantique.  «  Mais  il  ne  pouvait  oublier  qu'ici 
il  avait  retrouvé  sa  force  —  il  n'y  retournait  jamais  sans  un  frémis- 
sement de  gratitude  et  de  foi...  Que  de  combattants  de  la  vie,  que 
la  vie  a  meurtris,  ont  retrouvé  sur  ce  sol  l'énergie  nécessaire  pour 
reprendre  le  combat  et  pour  y  croire  encore  I  »  Christophe  par- 
lait de  son  œuvre,  «  du  réveil  des  énergies  françaises...  il  voulait 
s'en  faire  la  voix  retentissante  qui  plane  au-dessus  de  la  mêlée  et  qui 
donne  la  victoire  prochaine...  {Nouvelle  Journée^  p.  95). 

R.  Rolland  s'est  peut-être  souvenu  de  cette  phrase 
lorsqu'au  début  de  la  guerre,  en  septembre  1914,  il  inti- 


—  73  — 

tulait  Au-dessus  de  la  Mêlée  l'un  de  ses  articles  du  Journal 
de  Genève  qui  bientôt  allait  donner  son  nom  au  recueild) 
même  des  principaux  articles  parus  du  2  septembre  1914 
au  2  août  1915.  Chaque  fragment  fut,  à  son  tour,  dis- 
cuté, commenté  ;  l'auteur  fut  invectivé,  honni,  maudit. 
L'excès  même  des  injures  jetées  par  ses  ennemis  donna 
à  R.  Rolland  des  défenseurs  et  des  amis.  Quand  ces 
pages  —  qui  n'avaient  souvent  été  connues  en  France 
que  par  des  extraits  incomplets  ou  blanchis  par  la  cen- 
sure —  parurent  (novembre  1915)  en  volume  à  la  librai- 
rie Ollendorff,  la  tempête  recommença  plus  violente 
de  part  et  d'autre.  Chacun  voulut  prendre  parti.  Adver- 
saires et  partisans  se  menacèrent,  se  déchirèrent,  s'inju- 
rièrent autour  de  ce  livre.  Comme  les  journaux  —  de 
format  plus  réduit  —  n'avaient  pas  assez  de  place  dans 
leurs  colonnes  pour  insérer  les  manifestes  et  les  répli- 
ques qui  se  succédaient  sans  pitié,  la  guerre  de  libelles 
s'envenimait  :  déjà  une  brochure  de  Henri  Massis,  au 
titre  sensationnel  Romain  Rolland  contre  la  France,  avait, 
en  juillet  1915,  donné  le  branle  à  l'assaut.  Dans  le  Bonnet 
Rouge  (juillet-août  1915),  J.-M.  Renaitour  prit  aussitôt 
la  défense  de  R.  Rolland,  s'attirant  des  répliques  enflam- 
mées de  Stéphane  Servant,  puis  de  Paul -Hyacinthe 
Loyson.  (2)  La  polémique  dura  jusqu'à  la  fin  de  novembre 
1915.  C'est  alors  que  parut  un  plaidoyer  Pour  Romain 
Rolland,  publié  à  Genève  et  signé  Henri  Guilbeaux,  qui 
coïncidait  presque  avec  la  mise  en  vente  chez  Ollendorff 


(1)  Cf.  Bibliographie  n'  lOG. 

(2)  Tous  ces  articles  du  Bonnet  Rouge  ont  été  réunis  en  brochure  sous  le 
titre  Au-dessus  ou  au  cœur  de  la  Mêlée:  une  polémique  républicaine.  Cf.  Bi- 
bliographie n°  142.  » 


—  74  — 

de  Au-dessus  de  la  Mêlée.  Citations  de  textes,  références 
aux  articles  amis  ou  ennemis,  extraits  de  lettres,  docu- 
mentaient cette  brochure  et  retraçaient  l'histoire  de 
cette  querelle.  De  nombreux  passages  de  ce  dossier 
étaient  enfin  publiés  et  commentés,  en  avril  1916,  comme 
appendice  au  livre  de  Paul-Hyacinthe  Loyson,  Êtes-vous 
neutres  devant  le  crime.  Puis  peu  à  peu  la  tempête  s'apai- 
sait, (i)  Les  péripéties  tragiques  de  la  guerre  absorbaient 
toutes  les  pensées  et  tendaient  dans  un  effort  immense 
les  volontés  des  hommes.  Le  canon  sur  les  champs  de 
bataille  étouffait  le  bruit  des  paroles.  L'oubli  descendait 
sur  les  mots  vivants  comme  un  voile  de  mort.  Romain 
Rolland  se  tut,  non  pas  qu'il  renonçât  pour  jamais  à  la 
lutte,  mais  il  remettait  à  des  jours  plus  calmes  le  soin 
de  dire  toute  sa  pensée. 

D'ailleurs,  depuis  des  mois,  R.  Rolland,  qui  avait  quitté 
sa  résidence  de  Veve}^  pour  s'établir  à  Genève,  consacrait 
tout  son  temps  à  l'Agence  Internationale  des  Prisonniers 
de  guerre.  Puisque  sa  santé  chancelante  le  rendait  par 
avance  inapte  à  tout  service  militaire  actif,  et  que  son 
âge  —  né  en  janvier  1866,  il  avait  quarante- huit  ans  et 
demi  à  la  déclaration  de  guerre  —  le  mettait  dans  une 
classe  non  mobilisable,  il  voulut,  dans  la  mesure  de  ses 
forces,  prendre  sa  part  humaine  de  la  guerre,  et  adoucir 
les  souffrances  ou  consoler  les  malheureux. 

Dans  les  premiers  jours  de  novembre  1919,  R.  Rolland 
réunit  en  un  volume  une  seconde  partie  des  articles 
écrits  sur  la  guerre  et  publiés  par  lui  en  Suisse  depuis 


(1)  Cf.  Bibliographie  n»  118  à  151,  une  liste  alphabétique  des  principaux 
•articles  et  brochures  se  rapportant  au  rôle  de  l\.  R.  pendant  la  guerre. 
A  compléter  utilement  par  les  références  que  donne  le  n*  130. 


—  75  — 

la  fin  de  1915  jusqu'au  début  de  1919.  C'était  la  suite  de 
son  premier  recueil  Au-dessus  de  la  Mêlée,  en  attendant 
qu'un  troisième  livre  donnât  les  articles  et  lettres  qui 
n'ont  pu  prendre  place  dans  cette  nouvelle  série.  Le  titre 
qu'il  lui  a  donné,  les  Précurseurs,  s'explique  et  se  justifie, 
parce  que  tous  les  articles  sont  «  consacrés  aux  hommes  de 
courage  qui,  dans  les  pays,  ont  su  maintenir  leur  pensée  libre  et 
leur  foi  internationale  parmi  les  fureurs  de  la  guerre  et  de  la  réac- 
tion universelle»  (p.  7) —  et  la  dédicace,  datée  d'août  1919, 
précise  les  intentions  de  l'auteur  ;  elle  porte  ces  mots  : 
«  A  la  mémoire  des  martyrs  de  la  Foi  nouvelle  de  l'Internationale 
humaine,  à  Jean  Jaurès,  à  Karl  Liebknecht,  Rosa  Luxembourg...  vic- 
times de  la  féroce  bêtise  et  du  mensonge  meurtrier,  libérateurs  des 
hommes  qui  les  ont  tués  ». 

Cependant  une  grande  joie  fut  donnée  à  R.  Rolland.  (1) 
Le  prix  Nobel  pour  la  littérature,  non  décerné  en  1914, 
puis  réservé  en  1915,  lui  fut  attribué  le  9  novembre  1916, 
—  mais  pour  l'année  1915,  —  avec  cette  mention  - 
«  comme  hommage  rendu  au  grand  idéalisme  de  ses  écrits  ainsi  qu'à 
la  sympathie  et  à  la  vérité  avec  lesquelles  il  a  peint  différents  tj'pes 

humains.  »  Dès  1915,  le  comité  Nobel  de  l'Académie  sué- 
doise pour  la  littérature  (2)  avait  fixé  son  choix  (3)  sur 


(1)  R.  Rolland  est  le  plus  jeune  des  lauréats  du  prix  Nobel  de  littérature. 
Cf.  à  ce  sujet  Léon  Deffoux,  Petite  histoire  du  Prix  Nobel  de  Littérature, 
dans  le  Mercure  de  France,  du  15  janvier  1920,  pp.  558-562, 

(2)  Composé  de  MM.  H. -G.  Hjârne,  ancien  professeur  d'histoire  à  Upsal, 
président  ;  Esaias  Tegnér,  ancien  professeur  de  langues  orientales  à  Lund; 
K.-A.  Melin,  docteur  es  lettres,  professeur  de  lycée  ;  E.-A.  Karifeldt,  docteur 
es  lettres,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie;  P.-A.  Hallstrôm,  homme  de 
lettres. 

(3)  Les  Prix  Nobel  i9U-19î8,  p.  9.  Le  volume  annuel  Les  Prix  Nobel 
(Norstedt,  éd.  à  Stockholm),  rédigés  en  français  et  en  suédois,  avec  compte 
rendu  des  conférences,  portraits  des  lauréats,  notices  biographiques  et 
bibliographiques  et  fac-similé  des  diplômes  reçus,  n'avait  pas  reparu 
<lepuis  la  guerre.  Un  volume  embrassant  les  années  «  1914-1918  »  a  paru  en 


—  76  — 

l'auteur  de  Jean-Christophe  sans  rendre  officielle  sa  déci- 
sion ;  plusieurs  journaux  l'avaient  même  annoncé  par 
avance.  Aussi  quand  la  nouvelle  fut  confirmée  à  la  fin 
de  1916,  passa-t-elle  presque  inaperçue,  et  c'est  à  peine 
si  quelques  chroniqueurs  la  commentèrent*  Dès  que 
R.  Rolland  eti  eut  connaissance,  il  écrivit  à  son  éditeur, 
M.  Humblot,  pour  lui  dire  que  son  intention  était  de 

«  remettre  la  totalité  du  prix  à  diverses  œuvres  de  bienfaisance,  » 
ne  demandant  pour  lui  «  que  le  droit  de  penser  librement.  » 
{Demain  [Revue  suisse],  1"  année,  n°^  11-12,  novembre- 
décembre  1916,  p.  391-392). 

On  a  dit  que  le  Prix  Nobel,  consécration  de  toute  une 
œuvre,  couronnement  d'une  carrière,  était  attribué  sur- 
tout à  l'auteur  de  Au-dessus  de  la  Mêlée  et  que  les  Suédois 
étaient  germanophiles.  La  méchanceté  ici  se  double 
d'une  inexactitude.  L'œuvre  de  Rj  Rolland  est  adhiirée 
à  l'étranger,  plus  qu'aucune  autre  de  nos  écrivains 
contemporains,  et  j'en  veux  comme  preuve  le  grand 
nombre  de  traductions  dont  elles  ont  été  l'objet.  Jean- 
Christophe  et  la  Vie  de  Beethoven  sont  connus  et  lus 
dans  toutes  les  parties  du  monde  :  éditions  anglaises, 
américaines,  allemandes,  espagnoles,  polonaises,  russes, 
suédoises,  italiennes,  hollandaises,  danoises,  les  ont 
répandus  à  des  milliers  d'exemplaires.  Rapprochant 
R.  Rolland  de  Maeterlinck  et  recherchant  les  raisons 
de  leur  grand  succès  à  l'étranger,  M.  Albert  Thibaudet 
a  montré  (1)  qu'ils  appartiennent  tous  deux  «  à  ce  qu'on 
pourrait  appeler  la  littérature  de  liaison,  »  et  qu'ils  font  «  partie 


1920.  Faut-il  noter  que  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris  n'a  acheté  que  le 
premier  volume  (1901)  de  la  collection  qui,  heureusement,  se  trouve  com- 
plète à  la  Bibliothèque  de  l'Institut  ? 
(1)  Cf.  Bibliographie  n*  200. 


77 


de  ce  courant   cosmopolite  qui   est    une    des  richesses  et  une  des 

puissances  de  notre  littérature,  »  R.  Rolland  est  de  race  fran- 
çaise et  son  œuvre,  quoiqu'on  en  ait  dit,  en  témoigne. 
S'il  ne  ressemble  pas  à  M.  Barrés,  ni  à  M.  Paul  Bourget, 
ni  à  M.  Pierre  Loti,  ou  s'il  n'appartient  pas  non  plus, 
comme  le  veut  M.  Albert  Thibaudet,  «  à  la  lignée  de  Zola,  » 
c'est  qu'il  est  lui-même  et  un  des  reflets  de  notre  génie, 

et  qu'il  «  représente  un  visage  de  la  F'rance  tourné  vers  le  dehors, 
accessible  au  dehors  ». 

L'historien  n'a  pas  à  se  poser  en  défenseur  bénévole, 
ni  à  justifier  le  Prix  Nobel  attribué  à  R.  Rolland.  Mais 
il  y  a  eu  trop  de  mensonges  et  trop  d'insinuations  mal- 
veillantes pour  ne  pas  leur  opposer  ici  le  démenti  d'un 
texte  et  la  preuve  d'un  document  officiel.  On  sait,  par 
l'article  de  M.  Lavisse  et  le  rapport  de  M.  Etienne  Lamy 
(cf.  pp.  63  à  65),  les  raisons  qui,  en  juin  1913,  avaient 
déddé  l'Académie  Française  à  décerner  à  R.  Rolland  le 
Grand  Prix  de  Littérature,  de  même  on  sait,  par  la  notice 
de  M.  Sven  Sôderman  (l),  ce  qui  a  déterminé  le  vote 
de  l'Académie  suédoise.  Le  Prix  Nobel  de  littérature  est 
décerné,  aux  termes  du  testament  de  f  ingénieur  Alfred 

Nobel,  «  à  celui  qui  aura  produit  l'ouvrage  littéraire  le  plus  remar- 
quable dans  le  sens  de  l'idéalisme  ».  M.  Sven  Sôderman  a  exa- 
miné les  titres  de  R.  Rolland  et  les  a  résumés  en  quel- 
ques pages  qui  doivent  être  citées,  au  moins  par  frag- 
ments. 

Parlant  de  ses  deux  volumes  de  critique  musicale, 
Musiciens  d'autrefois  et  Musiciens  d'aujourd'hui,  M.  Sven 
Sôderman  déclare  que  R.  Rolland  «  s'y  révèle  comme  un  juge 
éminent,  un  critique  équitable  et  hardi,  qui  n'a  jamais  de  préven- 


(i)  Publiée  dans  Les  Prix  Nobel  en  19U-i918,  fp.  67-70. 


—  78  — 

tions  et  ne  s'inféode  à  aucun  parti  et  dont  le  but  essentiel  est  de 
chercher  à  parvenir  par  la  musique  aux  sources  mêmes  de  la  vie  », 
tandis  que  dans  ses  Tragédies  de  la  Foi,  il  cherche  à 
exposer,  «  sous  le  masque  d'événements  historiques,  les  luttes 
que  les  âmes  fidèles  à  leur  idéal  ont  à  soutenir  contre  le  monde  »; 
son  Théâtre  de  la  Révolution  représente  dans  un  cycle 
dramatique  1'  «  Iliade  de  la  Nation  française.  Ces  drames,  qui 
recherchent  la  vérité  morale  aux  dépens  de  la  couleur  anecdotique, 
révèlent  une  intuition  historique  et  mettent  en  scène  des  caractères 
bien  vivants  ».  Dans  son  volume  Au-dessus  de  la  Mêlée,  il 
soutient  que  1'  «  avenir  de  l'humanité  est  supérieur  à  l'intérêt  des 
peuples.  La  guerre  est  pour  lui  une  violence  barbare  et,  au-dessus 
des  luttes  sanglantes  des  nations  qui  recherchent  la  puissance,  il 
dirige  nos  regards  sur  la  cause  de  l'humanité.  »  Mais  l'œuvre 
maîtresse  de  R.  Rolland,  «  celle  pour  laquelle  il  a  obtenu  le 
Prix  Nobel  de  littérature,  »  est  Jean-Christophe.  «  Cette  œuvre 
puissante  décrit  la  formation  d'une  personnalité  dans  laquelle  nous 
pouvons  nous  reconnaître  nous-mêmes  ;  elle  montre  comment  un 
tempérament  d'artiste,  en  s'élevant  de  degré  en  degré,  arrive  à  se 
dresser  comme  un  génie  au-dessus  du  niveau  de  l'humanité,  com- 
ment une  nature  puissante,  qui  a  le  plus  noble  et  le  plus  impérieux 
désir  de  la  vérité,  de  la  santé  morale  et  de  la  pureté  artistique,  avec 
un  amour  débordant  de  la  vie,  arrive  à  se  frayer  un  chemin  à  tra- 
vers les  obstacles  qui  se  dressent  sans  cesse  devant  elle,  comment 
elle  parvient  à  la  victoire  et  à  l'indépendance,  et  comment  ce  carac- 
tère et  cette  intelligence  sont  assez  significatifs  pour  concentrer  en 

eux  toute  une  image  du  monde.  »  R.  Rolland  décrit  non  seu- 
lement la  vie  de  son  héros  et  de  son  entourage,  mais 
encore  les  causes  de  la  tragédie  de  toute  une  génération. 

«  Il  expose  à  larges  traits  le  travail  secret  qui  se  fait  dans  les  profon- 
deurs cachées  et  par  lequel  peu  à  peu  s'édifient  les  nations  ;  il  par- 
court tous  les  domaines  de  la  vie  et  de  l'art  ;  il  contient  tout  l'essen- 
tiel de  ce  qui  a  été  discuté  ou  tenté  pendant  les  dernières  dizaines 
d'années  dans  le  monde  intellectuel  ;  il  réalise  une  nouvelle  esthéti- 


—  79  — 

que  musicale  ;  il  contient  des  discussions  et  des  jugements  sociolo- 
giques, politiques,  ethnologiques,  biologiques,  littéraires ,  artisti- 
ques, souvent  du  plus  haut  intérêt.  » 

Puis,  montrant  combien  la  personnalité  qui  se  révèle 

dans  Jean-Christophe  est  «  un  type  d'une  rare  fermeté  et  d*une 
forte  structure  morale  »,  M.  Sven  Sôderman  évoque  l'auteur 
à  travers  le  héros  et  trace  de  Romain  Rolland  ce  noble 

portrait  :  «  Rolland  ne  s'est  pas  adonné  à  sa  tâche  pour  suivre  une 
impulsion  littéraire  ;  il  n'a  pas  écrit  pour  plaire  ou  pour  amuser. 
Le  «  il  faut  »  qui  le  pousse  provient  de  sa  soif  de  vérité,  de  son 
besoin  de  morale  et  de  son  amour  de  l'humanité  ;  la  vie  esthétique 
pour  lui  n'est  pas  faite  seulement  pour  créer  de  la  beauté,  mais 
c'est  avant  tout  un  moyen  de  faire  acte  d'humanité.  » 

Enfin  il  conclut,  —  et  les  mots  sur  Jean- Christophe 
s'adressent  avant  tout  à  R.  Rolland  :  «  Jean-Christophe  est 

une  profession  de  foi  et  un  exemple  ;  c'est  un  mélange  de  pensée  et 
de  poésie,  de  réalité  et  de  symbole,  de  vie  et  de  rêve  qui  nous 
attache,  nous  excite,  nous  révèle  à  nous-mêmes  et  possède  un  pou- 
voir libérateur,  parce  que  c'est  l'expression  d'une  force  morale.  » 

M.  Sven  Sôderman  n'ignore  pas  les  critiques  passion- 
nées qui  ont  été  faites  à  R.  Rolland,  il  sait  sans  doute 
qu'on  lui  reproche  un  style  «  incorrect  ou  plat  »  ;  il  a 
peut-être  lu,  quelque  part,  que  ses  livres  ont  l'air  étrange 
de  traductions  —  ou  même  (peu  importe  d'ailleurs 
la  contradiction  !)  que  ses  œuvres  gagnent  à  être  tra- 
duites, «  la  traduction  restituant  au  moins  leur  état  de 
prose  à  ces  pages  d'alexandrins  blancs...  qui  exaspèrent 
une  oreille  française  ».  Voici  comment  il  leur  répond  : 

«  C'est  un  poète  de  grande  envolée.  Assurément  il  n'a  accordé  au 
roman  lui-même  qu'une  place  secondaire  dans  son  œuvre,  mais  avec 
quelle  maîtrise  il  évolue  dans  ce  domaine  !  Une  figure  comme  celle 
de  Jean-Christophe  est  une  conception  géniale,  étonnante  de  spon- 
tanéité, de  vie  individuelle  dans  chaque  trait,  chaque  mouvement. 


80 


chaque  pensée L'observation  de  Rolland  est  précise  et  profonde  ; 

il  pénètre  jusqu'au  fond  les  êtres  qu'il  décrit  ;  il  étudie  les  carac- 
tères et  il  peint  les  âmes  avec  un  art  psychologique  incomparable. 
Notamment  ses  portraits  de  femmes  sont  des  œuvres  de  maître. 
Aux  milieux  sociaux  les  plus  différents,  bourgeoisie,  politiciens, 
rentiers,  artistes,  il  emprunte  des  types  d'une  étonnante  vérité. 
Quelquefois  la  description  se  concentre  en  quelques  raccourcis 
dramatiques  et  pathétiques  d'une  force  extraordinaire  ;  quelquefois 
elle  s'étend  pour  former  d'immenses  peintures  de  mœurs  qui  frap- 
pent par  la  perspicacité  de  la  vision  et  par  leur  singulière  pénétra- 
tion. Avec  sa  sincérité  foncière,  Rolland  ne  peut  se  résoudre  à  se 
servir  d'artifices  de  style.  Il  dit  d'une  manière  exacte  et  naturelle  ce 
qu'il  a  à  dire  et  rien  de  plus.  Mais  lorsque  sa  pensée  s'enflamme, 
lorsque  son  cœur  s'emplit  d'émotion,  d'amour,  de  colère,  d'en- 
thousiasme, de  mépris,  de  joie  ou  de  tristesse,  alors  un  souffle  enfle 
la  phrase  et  donne  au  texte  une  beauté  que,  seuls  avant  Rolland, 
les  plus  grands  maîtres  de  la  prose  française  ont  su  atteindre.  » 

Et  M.  Sven  Sôderman,  admirateur  loyal  de  Jean- 
Christophe,  ne  devance-t-il  pas  le  jugement  impartial  de 
la  postérité  lorsqu'il  termine  sa  notice  par  ces  mots  : 

«  L'auteur  de  Jean-Christophe  est  une  des  figures  littéraires  les 
plus  imposantes  de  l'époque  contemporaine  ;  c'est  un  esprit  puissant, 
un  poète  original  ;  et  son  œuvre  maîtresse  a  déjà  marqué  sa  place 
dans  la  littérature  mondiale  parmi  les  œuvres  les  plus  originales, 
les  plus  hardies  et  les  plus  saines  de  notre  siècle  ». 


Liluli  (1919).—  Empédocle  d'Agrigente  (1918) 
Pierre  et  Luee  (1918) 

Après  des  mois  d'angoisse  et  de  travail  fiévreux  à 
Genève,  R.  Rolland  vient  passer  les  mois  d'été  de  1916  à 
Thun,  sur  les  bords  de  l'Aar,  —  avant  de  se  réfugier  à 
Sierre,  dans  le  Valais,  où,  pendant  tout  l'hiver   1916- 


-  81  — 

1917,  il  reprend  sa  tâche  d'écrivain  :  il  rédige  son  grand 
manifeste  :  Aux  peuples  assassinés,  0-)  sombre  et  dou- 
loureux appel,  auquel  répond  bientôt  cette  consolante  et 
noble  évocation  de  l'histoire,  qu'il  intitule  :  La  route  en 
lacets  qui  monte.  Reprenant  un  propos  qu'avait  tenu, 
devant  lui,  Renan,  en  1887,  il  proclame  que  le  chemin 
de  l'humanité  est  une  route  de  montagne  ;  elle  monte 
en  lacets  et  il  semble  par  moments  qu'on  revienne  en 
arrière.  Mais  on  monte  toujours.  (Les  Précurseurs,  p.  20), 

Il  faut  savoir  «  écouter  le  rythme  de  l'Histoire  »,  et  Confiant 
dans  la  vie,  ne  jamais  désespérer  de  l'avenir  ;  «  tout  tra- 
vaille à  notre  idéal,  même  ceux  dont  les  coups  s'efforcent  à  le 
ruiner,»  et  c'est  ainsi,  malgré  le  gaspillage  insensé  de 
richesses  et  de  vies,  que  les  âmes  libres  sauvent  per- 
pétuellement, au  long  des  siècles,  «  cette  statue  d'argile,  la 
Civilisation,  toujours  prête  à  crouler.  » 

Mais  déjà  une  grande  œuvre  retenait  toute  son  atten- 
tion, un  vaste  roman,  appelé  alors  Uun  contre  tous,  pour 
lequel  il  accumulait  notes  et  ébauches,  lorsqu'au  prin- 
temps de  1917,  R.  Rolland  quitta  Sierre  pour  s'installer  à 
Villeneuve,  au  fond  du  lac  Léman,  et  y  écrire  aussitôt 
une  tragi-comédie,  Liluli,  qui  s'imposait  d'abord  à  son 
esprit,  et  qui  devait,  dans  le  plan  primitif,  former  le 
second  acte  d'un  drame  philosophique  plus  complet, 
appelé  L'Ane  de  Buridan.  Satire  bouffonne  qui  tient  de 
la  fantasmagorie  et  de  la  comédie  italienne,  et  s'appa- 
rente à  la  fois  à  Voltaire,  à  Shakespeare  et  à  Aristo- 
phane, Liluli  est  trop  symbolique  et  trop  irréelle  pour 
être  disséquée  dans  une  analyse.  On  y  voit  «  Liluli,  l'enjô- 
leuse »,  qui  est  l'illusion  ou  le  mensonge  charmant,  con- 


(1)  Cf.  Bibliographie  n"  113. 


—  82  — 

duisant  les  peuples  avec  son  gai  refrain  :  «  l'avenir,  ça 
ira  »  ;  la  Vie,  personnage  sans  tête  qui  broie  tout  ;  la 
Paix,  ventrue  et  moustachue  ;  la  Liberté,  coiffée  du 
bonnet  phrygien  et  armée  d'un  fouet  de  charretier; 
l'Égalité,  qui  taille  et  rogne  de  son  sécateur  tout  ce 
qui  dépasse  ;  la  Fraternité,  sorte  de  nègre  anthropo- 
phage ;  la  déesse  Llôp'ih,  c'est-à-dire  l'Opinion, 
«  le  maître  de  la  danse  »  ;  les  Gallipoulets  et  les  Hurluberlo- 
ches,  les  deux  peuples  rivaux,  qui  vont  s'entretuer  sous 
les  yeux  des  Gras,  c'est-à-dire  des  dirigeants  et  des  diplo- 
mates ou  «  toucheurs  de  bœufs  »,  etc.,  sans  oublier  Polichi- 
nelle qui  éclate  de  rire.  Sous  des  aspects  grotesques, 
apparaît  la  terrible  fatalité  de  la  guerre  ;  l'illusion, 
entraine  les  hommes  à  leur  perte  ;  mais  qu'on  ne 
confonde  pas  ici  l'idéalisme,  nécessaire  comme  la  vie, 
avec  telle  ou  telle  idéalisation  meurtrière  et  asservis- 
sante  ;  qu'on  ne  conclue  pas,  à  la  légère,  d'un  désespoir 
profond  à  un  «  pessimisme  intégral  ». 

Cependant  un  épisode  de  son  roman  L'un  contre  tous 
avait  paru  dans  les  journaux  suisses  en  décembre  1917, 
précédé  d'une  note  explicative  qui  donnait  les  raisons 

de  ce  titre  :  «  ce  titre,  non  sans  ironie,  qui  s'inspire,  en  retournant 
les  termes,  de  celui  de  la  Boétie,  Le  contre  Un,  ne  doit  point  donner 
à  penser  que  l'auteur  ait  l'extravagante  prétention  d'opposer  un  seul 
homme  à  tous  les  hommes,  mais  qu'il  appelle  à  la  lutte,  aujour- 
d'hui urgente,  de  la  conscience  individuelle  contre  le  troupeau  », 

et  d'une  introduction  qui  prévenait  le  lecteur  que 
«  le  sujet  de  ce  livre  n'est  pas  la  guerre,  mais  que  la  guerre  le  couvre 
de  son  ombre.  Le  sujet  de  ce  livre  est  l'engloutissement  de  l'âme 
individuelle  dans  le  gouffre  de  l'âme  multitudinaire  ».  La  Compo- 
sition de  Liluli  l'a  détourné  de  son  roman,  et  voici,  pour 
quelques  mois,  qu'il  dit  adieu  à  ses  notes  et  ébauches. 


—  83  — 

La  correspondance  innombrable  qu'il  reçoit  de  tous  les 
pays  de  l'univers,  les  visites,  les  conversations,  usent  un 
temps  précieux  et  morcellent  ses  journées.  Il  a  tenu  tête 
aux  injures,  aux  cris,  aux  calomnies  et,  demeuré  ferme  et 
patient,  au  milieu  de  ses  espoirs  souvent  déçus  et  de  ses 
angoisses,  il  attend  une  éclaircie.  Les  tempêtes  qu'ont 
soulevées  ses  articles,  sans  le  désabuser  ni  le  décou- 
rager, l'ont  fatigué.  Les  jours  sont  troubles.  11  fait 
sombre  et  triste  sur  le  vieux  monde  et  la  mort  n'a  pas 
achevé  son  œuvre.  R.  Rolland  a  besoin  de  se  rasséréner, 
de  se  reconquérir.  Déjà  pour  célébrer  le  tricentenaire  de 
la  mort  de  Shakespeare,  il  a  publié,  en  avril  1916,  dans 
une  revue  suisse  Demain,  un  article  intitulé  :  La  Vérité 
dans  le  théâtre  de  Shakespeare,  C^^)  fragment  d'un  vaste 
ouvrage  sur  le  grand  poète  anglais,  dans  lequel  il 
s'efforcera  non  point  de  porter,  après  tant  d'autres 
scribes  et  discutailleurs,  un  jugement  d'ensemble,  mais 
bien  plutôt  de  «  mettre  en  lumière  sa  vision  intrépide  de  la  vie  ». 

Certes,  il  se  devait  de  ne  pas  oublier  celui  qui  avait  été 
son  maître  préféré  depuis  l'enfance  (cf.  p.  29)  et  dont 
Tolstoï,  lui  aussi,  avait  tracé  un  jour  une  silhouette 
curieuse  et  paradoxale. 
Mais  ce  passionné  de  liberté,  ce  «  jRdèle  »,  épris  de  foi 

humaine,  qui  «  dans  cet  entr'égorgement  de  la  civilisation  eût 
redit  volontiers  la  devise  d'Antigone  :  «  Je  suis  fait  pour  l'amour 
et  non  pas  pour  la  haine  »,  (Jean-Christophe,  Dans  la  Maison, 
p.  244)  souffrait  de  ne  pouvoir,  si  faible  et  un  contre  tous, 
sauver  l'humanité.  Sa  santé  chancelante  l'oblige  au 
repos;  ses  nerfs  tendus  depuis  des  années  sont  épuisés. 
L'air  de  mensonge  lui  semble  irrespirable.  Il  lui  faut  se 


(1)  Cf.  Bibliographie  n°  104. 


—  84  — 

reposer  quelques  mois,  se  retremper  dans  la  solitude  et 
dans  l'art  bienfaisant,  se  récréer.  Il  sent  qu'il  est  vain  de 
vouloir  trop  tôt  dissiper  les  nuages  et  projeter  une  aveu- 
glante lumière.  Est-ce  une  crise  intellectuelle  et  morale 
où  vont  sombrer  ses  pensées,  pareille  à  celle  qui  l'avait 
bouleversé  il  y  a  trente  ans,  à  l'École  Normale  ?  Va-t-il 
être  obligé  de  chercher  une  certitude  nouvelle  sur 
laquelle  il  puisse  bâtir  sa  vie?  Non!  Le  salut,  il  va  le 
trouver,  comme  il  y  a  trente  ans,  dans  la  lecture  et 
la  méditation  d'un  philosophe  pré- socratique,  Empé- 
docle  d'Agrigente  ;  justement  un  savant  italien,  Ettore 
Bignone,  d)  vient  de  publier,  en  1916,  à  Turin,  dans  la 
collection  II  pensiero  greco,  une  longue  étude  sur  le  vieux 
philosophe  grec,  avec  une  traduction  italienne  de  ses  frag- 
ments et  des  principaux  témoignages  antiques  sur  sa 
personne,  sa  pensée  et  son  œuvre.  C'est  avec  ce  guide, 
rencontré  «  dans  un  pèlerinage  sur  la  route  des  siècles...  très  loin 
à  l'horizon  de  l'histoire  hellénique  »,  que  R.  Rolland  se  remet 

au  travail  ;  il  étudie  les  quatre  cent  cinquante  vers  qui 
seuls  nous  ont  été  transmis,  fragments  admirables  qui 

«  ont  le  charme  fascinant  des  beaux  marbres  mutilés.  Le  rêve  des 
siècles  acheva  le  geste  absent  de  la  Vénus  et  la  cadence  interrompue 
de  la  pensée  du  poète  ».  Il  cherche,  il  réfléchit  et,  en  avril 
1918,  il  écrit  et  publie  dans  la  première  série  des 
Cahiers  du  Carmel  une  grave  méditation  philosophique 
sous  le  titre  de  :  Empédocle  d'Agrigente  et  l'Age  de  la 
Haine.  (2)  Empédocle   est  contemporain  de  la  victoire 


(1)  Empédocle,  studio  critico,  traduzione  e  commenta  délie  tcstimonianze 
e  dei  frammenti.  in-16,  688  pages,  Turin,  Bocca,  1916. 

(2)  Cf.  Bibliographie  n°  114.  L'œuvre  porte  cette  dédicace  :  «  A  révocateur 
énergique  d'Olympischer  Friihling,  à  Cari  Spitteler  qui,  par  delà  les  siècles, 
renoua  la  tradition  des  poètes-philosophes  d'Ionie.  En  alTeetion  et  res- 
pect. X) 


—  85  — 
de  Salamine  et  sa  voix  est  humaine,  sa  parole  est  toute 

moderne;   il   nous  dit  :   «  l'homme  n'est  que  vicissitudes  »  ; 

la  joie  et  la  douleur,  la  gloire  et  le  désastre  se  suivent 

sans  pitié  et  «  nous  avons  oublié  la  sagesse  suprême  de  l'accep- 
tation »  (p.  19).  L'amour  suit  toujours  la  haine  ;  après 
le  bouleversement,  on  voit  poindre  l'harmonie,  au  loin, 
«  comme  la  lueur  d'une  étoile,  par  la  déchirure  des  nuées  » 
(p.  23).  Bientôt,  sans  doute,  nos  yeux  verront  «  le  beau 
ciel,  le  soleil  de  Panliumanité,  qui  fut  et  qui  sera  de  lointains  en 
lointains  dans  l'infini  du  Temps.  Il  est  dès  à  présent,  il  est  en  qui 
le  rêve  »  (p.  46). 

Puisque  nos  maîtres  philosophes  ne  nous  ont  pas 
suivis  dans  la  tempête,  puisque  le  christianisme  ne 
nous  donne  plus  «  l'aliment  »  dont  nous  avons  besoin, 
puisque  tous  les  systèmes  sont  vieux  et  désuets,  Romain 
Rolland  nous  offre   l'immortelle  leçon  d'Empédocle  et 

nous  dit  d'entendre  «  son  chant  d'espoir  et  de  paix,  la  splendide 
sjmiphonie  de  la  vie  universelle,  dont  les  dissonances  cruelles 
périodiquement  se  résolvent  en  des  accords  de  lumière  »  (p.  11). 

C'est  sous  l'invocation  du  philosophe  grec  que  R.  Rol- 
land, pour  la  seconde  fois,  reprend  sa  marche  en  avant 
et  s'apprête  à  écrire  les  livres  nouveaux  —  biographies, 
romans  ou  pièces  de  théâtre  —  qui  lentement  achève- 
ront l'œuvre  dont  il  a  jeté  les  premières  assises  il  y  a 
plus  de  vingt  ans. 

La  guerre  hante  toujours  sa  pensée  :  elle  constituait 
tout  le  sujet  de  Liluli,  cette  farce  satirique  et  joyeuse  ; 
elle  va  former  l'atmosphère  et  le  fonds  de  cette  pure 
idylle  d'amour,  Pierre  et  Luce,  écrite  en  1918.  Le  récit 
commence  le  mercredi  soir  30  janvier  1918,  quand 
Pierre  Aubier,  fils  d'un  magistrat,  rencontre  pendant 
une  alerte,  dans  le  «  métro  »,  la  délicieuse  petite  Luce. 
Innocente  douceur  de  cet  amour  si  pur,   bavardages 


—  86  — 

charmants,  rêveries  à  deux,  espérances  jolies,  —  tandis 
qu'au  loin,  sur  les  champs  de  bataille  et  sur  Paris,  la 
guerre  accomplit  sa  besogne  de  mort.  Pierre  et  Luce 
sont  heureux  et  le  bonheur  ressemble  à  un  éternel  sou- 
rire. Puis,  pour  fêter  leurs  fiançailles  secrètes,  ils  vont 
dans  une  église  recevoir  la  bénédiction  de  la  musique. 
Leurs  doigts  restaient  «  joints,  entrelacés  ensemble  comme  les 
pailles  d'une  corbeille.  Ils  étaient  une  seule  chair  que  les  ondes  de 
musique  parcouraient  de  leurs  frissons  ;  leurs  cœurs,  fondus  d'amour, 
touchaient  aux  cimes  de  la  joie  la  plus  pure.  »   Soudain   le   grOS 

pilier  auquel  ils  étaient  adossés  remua,  chancela  et 
croula.  Serrés  l'un  contre  l'autre,  Pierre  et  Luce  furent 
anéantis.  Ceci  se  passait  le  Vendredi  Saint  29  mars  1918; 
un  obus  allemand,  d'un  canon  à  longue  portée,  venait 
d'écraser  l'église  Saint-Gervais. 


Clérambault,  histoire  d'une  conscience  libre 
pendant  la  guerre  (1920) 

Soudain,  le  4  mai  1919,  une  dépêche  rappelait 
R.  Rolland  à  Paris,  près  du  chevet  de  sa  mère  mou- 
rante. Heures  angoissantes  et  tragiques  !  Après  des 
années  de  séparation,  il  revit  les  siens,  auxquels  l'atta- 
chait une  amitié  tendre  et  douce,  si  délicate  et  si  lidèle  : 
des  lettres  quotidiennes  avaient  atténué  un  peu  les 
épreuves  de  cette  longue  absence,  —  plus  cruelle  qu'un 
exil  :  son  père,  vaillant  vieillard,  alerte  et  doux  ;  sa 
sœur,  demeurée  son  guide  et  son  plus  sûr  conseiller,  — 
et  sa  mère,  souriante  et  bonne,  et  si  confiante  à  ses 
pensées,  l'accueillirent.  Mais  le  mal  lentement  triom- 
pha :  la  nuit  et  le  silence  se  firent  sur  cette  intelligence. 


87 


Le  convoi  s'en  vint  jusqu'au  cimetière  bourguignon. 
Dernier  déchirement,  dernier  adieu.  R.  Rolland,  rentré 
à  Paris,  n'y  demeura  que  quelques  jours  :  fatigué,  excédé 
du  vain  tumulte  de  cette  ville  en  délire,  il  se  hâta  de 
retourner  en  Suisse  et  de  reprendre  sur  sa  table  les 
notes,  les  ébauches  qu'il  avait  craint  de  ne  jamais 
revoir.  Le  travail  console,  le  travail  apaise  la  douleur  et 
délivre  du  présent.  R.  Rolland,  en  août  1919,  se  remit  à 
son  roman  Uun  contre  tous,  commencé  à  Sierre  en  1916 
et  délaissé  depuis  1918.  La  guerre,  comme  un  grand 
nuage  sombre,  recouvrait  toutes  ses  pages  ;  mais  le 
sujet,  c'est  exactement  l'histoire  d'une  conscience  libre 
pendant  la  guerre,  comme  l'annonce  le  sous-titre  du 
futur  roman  qui,  désormais,  s'intitule  Clérambault. 
Roman  ?  ce  mot  prête  à  confusion.  Le  qualificatif  du 
<(  Roman-méditation  »,  que  certains  lui  ont  donné,  est 
encore  inexact.  R.  Rolland  est  un  historien  et  Cléram- 
bault, comme  Jean-Christophe,  s'apparente  à  ses  biogra- 
phies héroïques,  dont  il  a  donné  des  modèles  achevés. 
D'ailleurs,  il  prendra  soin,  avant  de  publier  son  livre, 
d'écrire  à  ce, sujet  dans  un  Avertissement  au  lecteur,  daté 
de  mai  1920  :  «  Cette  œuvre  n'est  pas  un  roman,  mais  la  confes- 
sion d'une  âme  libre  au  milieu  de  la  tourmente,  l'histoire  de  ses 
égarements,  de  ses  angoisses  et  de  ses  luttes...  J'ai  voulu  faire  la 
description  du  dédale  intérieur  oiî  erre  en  tâtonnant  un  esprit 
faible,  indécis,  vibrant,  malléable,  mais  sincère  et  passionné  pour 
la  vérité.  »  Puis,  craignant  que  l'on  ne  s'ingénie  à  voir 
dans  Clérambault,  comme  hier  dans  Jean-Christophe, 
son  propre  portrait)  et  que  l'on  ne  croie  découvrir, 
avec  une  subtilité  facile,  ici  des  allusions  à  sa  vie 
intime,  là  des  jugements  sur  tel  ou  tel,  R.  Rolland  met 
le  lecteur  en  garde  contre  tout  danger  d'interprétation. 
<(  Qu'on  n'y  cherche  rien  d'autobiographique  !  Si  je  veux  un  jour 


—  88  — 

parler  de  moi-même,  je  parlerai  de  moi-même,  sans  masque  et  sans 
prête-nom.  Bien  que  j'aie  transposé  dans  mon  héros  certaines  de 
mes  pensées,  son  être,  son  caractère  et  les  circonstances  de  sa  vie 
lui  appartiennent  en  propre.  » 

Glérambault  est  un  poète,  un  homme  doux  et  bon, 
pur  de  cœur  et  faible  de  caractère,  qui  vit  heureux  et 
paisible  entre  sa  femme  Pauline,  sa  fille  Rosine  et  son 
fils  Maxime.  Il  est  pacifiste  et  démocrate,  et  s'est  fait 

«  l'interprète  de  toutes  les  idées  nobles  et  humaines  »,  Quand  la 

guerre  éclate,  il  s'enthousiasme  :  un  patriotisme  ardent 
a  fait  place  à  sa  foi  pacifique  ;  son  fils  est  mobilisé  ; 
c'est  la  guerre  dernière,  celle  qui  mettra  fin  à  la  guerre 
elle-même;  à  l'offensive  de  printemps,  Maxime  tombe 
et,  confondu  parmi  les  milliers  de  morts  anonymes,  est 
porté  disparu.  Angoisse  du  père  qui  cherche,  implore 
un  renseignement,  et  qui,  en  dix  jours,  vieilli,  cassé, 
épuisé,  comprend  enfin  douloureusement  que  son  fils 
est  mort,  «  le  plus  cruel  n'est  pas  encore  de  le  perdre,  c'est  d'avoir 

contribué  à  sa  perte,  »  et  s'écrie,  dans  son  exaltation  fié- 
vreuse :  «  Le  sang  de  mon  fils  est  sur  moi...  je  lui  ai  fermé  les 
yeux,  il  me  les  a  rouverts.  »  Déjà,  confusément,  se  prépare 
dans  son  esprit  un  revirement  terrible.  En  vain,  il  fait 
le  tour  de  ses  amis,  essayant  de  lire  en  eux,  d'écouter, 
d'observer  :  les  professeurs  lui  apparaissent  comme 
étant  tous  rhéteurs,  sophistes  et  procéduriers  ;  les  écri- 
vains poètes  ou  romanciers  ignorent  tout  et  parlent  à 

tort  et  à  travers  ;  «  stupide  envoûtement  des  mots  abstraits  ! 
A  quoi  sert-il  de  détrôner  les  rois  et  quel  droit  de  railler  ceux  qui 
meurent  pour  leurs  maîtres  si  c'est  pour  leur  substituer  des  entités 
tyranniques  qu'on  revêt  de  leurs  oripeaux  ?  »  et  Glérambault 
s'emporte  contre  cet  «  idéalisme  menteur  et  maladif...  L'homme 
voit,    dans    les    idées    pour   lesquelles    il    combat,   sa    supériorité 

d'homme.  Et  j'y  vois  sa  folie.  »  (p.  110).  C'est,  à  vingt  ans  de 


89 


distance,  le  même  cri  que  R.  Rolland  jetait  dans  son 
bel  article  de  juillet  1900,  intitulé  le  Poison  idéaliste,  i^) 

Clérambault,  cependant,  passe  par  des  alternatives  de 
confiance  et  d'abattement;  son  ami,  le  savant  Hippolyte 

Perrotin,    oppose   à   sa   douleur  «  l'inhumanité  calme  de  sa 

pensée  »  et  lui  démontre,  avec  une  cruelle  bonhomie,  que 

«  la  guerre  n'a  jamais  empêché  la  terre  de  tourner,  ni  la  vie  d'évoluer. 
C'est  même  une  des  formes  de  son  évolution...  Cette  crise  n'est  rien 
de  plus  qu'un  phénomène  de  cj^stole,  une  contraction  cosmique^ 
tumultueuse  et  ordonnée,  analogue  aux  plissements  de  la  croûte 
terrestre,  accompagnés  de  tremblements  destructeurs.  L'humanité 
se  resserre.  Et  la  guerre  est  son  sisme.  »  (p.  132).  Mais  Cléram- 
bault veut  être  libre,  se  dégager  de  ses  instincts  et  de 
ses  passions,  pour  tâcher  de  «  voir  par  dess,us  les  nuages  de 
poussière  qui  s'élèvent  des  troupeaux  sur  la  route  du  présent,  pour 
embrasser  l'horizon,  afin  de  situer  ce  qui  se  passe  dans  l'ensemble 

des  choses  et  l'ordre  universel.  y>  Sur  ces  entrefaites,  il  va  voir 
à  l'hôpital  un  camarade  de  son  fils  Maxime,  un  enfant 
de  l'Assistance,  Aimé  Courtois,  qui  a  reçu  dix-sept  bles- 
sures et  est  amputé  des  deux  jambes.  La  résignation  de 
ce  blessé,  sa  passivité  fataliste  le  font  souffrir.  Assez  de 
ce  silence  qui  lui  semble  de  la  lâcheté  !  il  parlera.  Cléram- 
bault publie,  pour  soulager  sa  conscience  d'homme 
libre  depuis  tant  de  mois  opprimée,  de  petits  pamphlets. 
Le  premier  est  intitulé  :  ((  0  Morts,  pardonnez-nous.  »  «  J'avais 
un  fils.  Je  l'aimais,  je  l'ai  tué  !  Pères  de  l'Europe  en  deuil,  pères 
veufs  de  vos  fils,  ennemis  ou  amis,  tous  couverts  de  leur  sang,  c'est 
pour  vous  que  je  parle...  Je  pense  aux  fils  encore  vivants...  Chaque 
meurtre  nouveau  tue  mon  fils  une  fois  de  plus...  Je  dois  épargner 
aux  pères  qui  viendront  la  douleur  où  je  suis...  La  patrie  c'est 
vous,  pères.  La  patrie,  c'est  nos  fils.  Tous  nos  fils.  Sauvons-les  !  » 


(1)  A  comparer  avec  les  extraits  cités  page  42*ae  ce  livre. 


—  90  — 

Un  second  pamphlet  suivit,  dédié  «  à  Celle  qu'on  a  aimée  », 
c'est-à-dire  la  patrie.  Mais,  déformé  par  un  journal,  il 
fut  bafoué,  maudit  ;  et  Clérambault  connut  soudain  la 
haine  tenace  de  ses  amis  d'hier  :  Léo  Camus  le  traite 
de  criminel  ;  son  camarade  de  lycée.  Octave  Berlin, 
l'appelle  ennemi  public  ;  Perrotin  se  moque  de  lui  ;  le 
fils  d'un  des  amis,  Daniel  Faure,  tout  en  reconnaissant 
que  ses  pensées  sont  peut-être  justes  et  vraies,  les  juge 
inopportunes.  Autour  de  lui,  ce  n'est  qu'hostilité  :  sa 
femme,  aigrie  par  tout  ce  bruit,  lui  en  veut  ;  seule, 
sa  fille  Rosine  le  comprend,  l'approuve,  mais  le  supplie 

de  ne  pas  écrire.  «  Il  n'y  a  pas  besoin  de  tout  écrire.  » 

Qu'importe,  il  ne  peut  se  taire,  il  ne  s'appartient  plus, 
il  souffre  d'avoir  parlé  et  il  sent  qu'il  va  de  nouveau 
parler.  Et  il  jette  son  ((Appel  aux  vivants  »  ;  «  La  mort  règne 
sur  le  monde.  Vivants,  secouez  son  joug  !...  Vive  la  vie!  Seule  la  vie 
est  sainte.  Et  l'amour  de  la  vie  est  la  première  vertu...  Hommes,  il 
n'est  pas  vrai  que  vous  soyez  les  esclaves  des  morts  et  par  eux 
enchaînés  comme  des  serfs  à  la  terre...  soyez  maîtres  des  jours... 
soyez  libres.  »  Mais  le  silence  mure  Clérambault  dans  une 
tombe.  Il  est  désespérément  seul.  On  l'abandonne,  on  le 

fuit  et  lui-même  se  sent  «  un  contre  tous,  l'ennemi  commun, 
le  destructeur  des  illusions  qui  font  vivre  ».  Lent  et  douloureux 

calvaire  :  c'est  son  amie,  M""^  Mairet,  la  veuve  du  biolo- 
giste, habituée  à  la  recherche  de  la  vérité,  qui  a  besoin 
d'idéaliser  et  de  croire  que  son  mari  est  tombé  au  front 
pour  une  cause  sainte  ;  c'est  sa  nièce  Aline,  qui  en  vient 
à  oublier  son  propre  deuil,  la  mort  de  son  mari,  devant 
le  nouveau-né,  son  espoir  et  son  cher  printemps.  Cepen- 
dant une  joie  lui  fut  donnée  :  un  étudiant,  blessé,  Julien 
Moreau,  vint  le  remercier  du  bien  que  lui  avait  fait  la 
lecture  de  ses  articles.  Une  lumière  dans  sa  nuit  : 
«  bonheur  étrange  qu'éprouve  une  âme  à  sentir  qu'elle  participe  au 


—  91  — 

bonheur  d'autres  âmes...  »  Son  œuvre  n'était  pas  vaine,  sa 
parole   n'était  pas  inutile  et  ne  retombait    pas    dans 

l'insondable  silence-  «  Toute  pensée  vraie,  qu'elle  soit  ou  non 
comprise,  est  le  vaisseau  lancé  qui  remorque  à  sa  suite  les  âmes  du 

passé.  »  Puis  il  rencontre  Edme  Froment,  le  paralytique, 
couché  sur  un  lit  d'hôpital,  un  «  mort  vivant  »  qui  affirmait 

«  le  devoir  absolu,  pour  qui  porte  la  flamme  d'un  idéal  puissant, 
de  le  dresser  au-dessus  de  la  tête  de  ses  compagnons.  Des  millions 
d'hommes   ont  vécu  et   sont   morts    pour  que  surgisse  une   fleur 

suprême  de  pensée.  »  La  nature  dépense  des  peuples  pour 
créer  un  Boudha,  un  Eschyle,  un  Newton,  un  Beethoven. 
Certes,  ces  individualités  supérieures  dominaient  les 
peuples  et  les  siècles  ;  et  Clérambault  se  disait  «  qu'être 

en  notre  temps,  être  soi,  être  libre,  est  le  plus  grand  des  combats. 
Les  êtres  qui  sont  eux-mêmes  dominent,  par  le  seul  fait  du  nivelle- 
ment des  autres  ».  Un  jour,  Clérambault  fut  inculpé  d'in- 
fraction à  la  loi  sur  les  indiscrétions  en  temps  de 
guerre  :  chaque  après-midi,  il  se  rendait  chez  le  juge 
pour  être  interrogé.  Cependant  la  haine,  comme  un  orage, 
s'accumulait  autour  de  lui,  grandissait,  menaçait.  Il  fut 
injurié  dans  les  journaux;  puis  il  fut  bousculé,  frappé, 
piétiné  dans  la  boue.  Enfin,  Victor  Vaucoux,  un  oisif 
qui  le  haïssait,  le  tua  d'un  coup  de  revolver;  —  Cléram- 
bault s'endormit  dans  la  mort  en  murmurant  :  «  H  n'y  a 
plus  d'ennemis  »,  Clérambault  le  faible  qui  fut  Vun  contre 
tous,  écrasé,  rejeté,  bafoué,  mais  libre.  «  L'un  contre  tous 
est  Vun  pour  tous.  Et  il  sera  bientôt  l'un  avec  tous.  Jamais  la  pensée 
de  l'homme  solitaire  n'est  comme  lui  isolée.  L'idée  qui  surgit  en 
l'un  germe  déjà  en  d'autres  ;  et  quand  un  malheureux,  méconnu, 
outragé,  la  sent  lever  dans  son  cœur,  qu'il  ait  la  joie  !  C'est  que  la 
terre  se  réveille.  La  première  étincelle  qui  brille  en  une  âme  seule 
^st  la  pointe  du  rayon  qui  va  percer  la  nuit.  » 


—  92 


L'œuvre  de  Romain  Rolland. 
Son  style.  —  Son  influence. 

La  Vie  de  Beethoven,  Tolstoï,  Michel- Ange,  Jean-Chris- 
tophe, Colas  Breugnon,  Clérambault,  et  tant  de  pages 
d'histoire  et  de  critique  musicales,  sont  les  fragments 
gigantesques  et  bien  ordonnés  d'une  œuvre  qui  s'édifie, 
se  complète  peu  à  peu.  On  ne  peut  donc  porter  sur  elle 
que  des  jugements  inexacts  et  provisoires.  Déjà  on  s'est 
trop  hâté  de  juger  Jean- Christophe  dès  les  premiers 
volumes,  sans  même  attendre  la  publication  des  deux 
tomes  qui  couronnent  le  livre  et  lui  donnent  son  sens 
entier.  On  ne  se  prononce  pas  sur  une  fresque  immense 
qui  contient  la  vie  d'un  homme  et  d'un  peuple,  après 
en  avoir  aperçu  quelques  fragments  d'un  œil  partial  et 
distrait.  On  ne  condamne  pas  au  feu  l'œuvre  d'un 
homme  parce  que  la  lecture  de  quelques  chapitres  — 
un  jour  d'orage  —  ou  de  mauvaise  digestion  —  vous  a 
mis  en  colère.  N'oublions  pas  que  Michel- Ange  ne 
permit  au  pape  Jules  II  d'entrer  en  contact  avec  son 
Jugement  dernier  de  la  chapelle  Sixtine,  que  lorsqu'il 
l'eût  entièrement  achevé. 

Mais,  telle  qu'elle  est  déjà,  l'œuvre  de  R.  Rolland 
s'impose.  Elle  a  son  style,  son  esthétique,  sa  morale. 

Par  haine  du  mensonge  livresque,  par  antipathie  de 
toute  méthode  littéraire,  par  sincérité  surtout,  R.  Rolland 
méprise  la  phrase.  Il  rejette  la  livrée  quelle  qu'elle  soit  : 
épithète  mondaine  ou  phraséologie  conventionnelle,  il 
admet  tous  les  mots  aux  mêmes  honneurs  et  brutalise, 
s'il  le  faut,  la  syntaxe  héréditaire.  Certes,  ce  style, 
volontairement    monotone,    consciemment    pauvre    et 


—  93  — 

simple,  me  repose  des  phrases  artificielles,  bourrées 
jusqu'à  en  éclater  de  mots  à  effets  et  d'adjectifs  à  paru- 
res ;  j'aime  mieux  la  lueur  douce  et  sans  tremblement 
de  ma  vieille  lampe,  coiffée  de  l'abat-jour  cartonné,  que 
l'éclat  dur,  scintillant  et  aveuglant  d'une  ampoule  élec- 
trique. Mais  je  craindrais  l'ennui  si,  de  page  en  page, 
dans  ce  style  silencieux,  n'éclataient,  impérieusement 
comme  une  fanfare,  une  invective  lyrique,  un  dithy- 
rambe enthousiaste,  ou  si  l'idée  trépidante,  vibrante 
soudain  dans  un  coup  d'aile,  ne  s'élargissait,  éternelle 
et  dépassant  l'humanité,  dans  une  formule  martelée, 
splendide  et  brutale  comme  une  strophe  classique.  Il 
évite  tout  ce  qui,  douceur  séductrice  des  mots,  péri- 
phrases ingénieuses,  rythme  balancé  des  périodes, 
pourrait  sembler  de  l'art  pour  l'art,  détourner  l'atten- 
tion et  recouvrir,  jusqu'à  la  cacher,  l'àme  de  l'œuvre  : 
la  pensée.  Et  cependant,  ce  style  uniforme  et  sans  éclat, 
ce  style  journalier  qui  paraît  fuir  au  courant  de  la  plume 
sans  ratures,  arrive  à  ce  miracle  de  se  faire  oublier  ;  on 
n'entend  plus  le  son  des  syllabes,  on  ne  voit  plus  le 
dessin  imprimé  des  lettres,  on  perçoit  par  delà  les  mots, 
par  delà  les  phrases,  l'horizon  d'un  décor,  le  paysage 
d'une  pensée  ;  on  est  en  dehors  du  livre,  on  comprend, 
on  vit  avec  l'idée  ;  on  est,  pendant  quelques  pages,  dans 
un  état  de  rêve  et  de  béatitude. 
Et  l'on  pense  aux  conseils  (1)  de  Christophe  à  Olivier  : 

<(  Ne  t'inquiète  point  du  verbe,  des  recherches  subtiles  où  s'énerve 
la  force  des  artistes  d'aujourd'hui.  Ce  ne  sont  pas  des  paroles  que 
tu  dois  dire,  ce  sont  des  choses.  Tu  parles  à  tous  :  use  du  langage 


(1)  A  rapprocher  du  jugement  très  fin  de  Vernon  Lee,  sur  le  style  de 
R.  Rolland.  Cf.  Bibliographie  n°  184,  p.  589. 


—  94  — 

de  tous.  Il  n'est  de  mots  ni  nobles  ni  vulgaires  ;  il  n'est  de  style 
ni  châtié  ni  impur  ;  il  n'est  que  ceux  qui  disent  ou  ne  disent  pas 
exactement  ce  qu'ils  ont  à  dire.  Sois  tout  entier  dans  tout  ce  que 
tu  fais,  pense  ce  que  tu  penses  et  sens  ce  que  tu  sens.  Que  le  rj'thme 
de  ton  cœur  emporte  tes  écrits!  Le  style,  c'est  l'âme!  »  (Les  Amics, 

p.  80).  R.  Rolland  a  donné  là  une  belle  leçon  aux  sty- 
listes épris  d'étrangetés  et  aux  rhétoriqueurs  sans  idées. 
M.  Georges  Guy -Grand,  étudiant  «  le  conflit  des 
croyances  et  les  mœurs  littéraires  d'avant-guerre  »  (l) 
et  rapprochant  Romain  Rolland  d'Anatole  France, 
traçait  de  l'auteur  de  Jean-Christophe  un  portrait  assez 
dur  et  injuste  qui  vaut  cependant  d'être  retenu,  parce 
qu'il  représente  la  moyenne  de  ces  fausses  opinions  : 

«  Jeune,  il  avait  souffert  du  manque  de  directions.  Il  s'était  détourné 
de  ses  aînés  français,  les  Taine,  les  Renan,  dont  le  pessimisme  le 
glaçait,  dont  l'intellectualisme  ne  le  nourrissait  pas.  Il  avait  demandé 
à  des  maîtres  étrangers  ce  dont  avait  besoin  son  âme  de  musicien  : 
à  Wagner  sa  profondeur  trouble  ;  à  Tolstoï,  frère  plus  pur  de 
Rousseau,  son  christianisme.  Il  s'était  fait  ainsi  ce  que  Nietzsche 
voulait  qu'on  eût  :  une  âme  d'européen.  Par  cette  discipline,  il  était 
revenu  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  généreux  dans  notre  tradition  française  : 
il  avait  chanté  tous  les  héroïsmes,  celui  de  Saint-Louis  comme  celui 
de  Danton,...  en  même  temps  qu'il  continuait  à  demander  à  ce  qu'eût 
de  meilleur  la  vieille  Europe,  un  Reethoven,  un  Michel-Ange,  des 
foyers  d'enthousiasme  et  d'énergie...  II.  Rolland  enseignait  des 
choses  généreuses  et  fortifiantes  ;  il  chantait  la  liberté,  l'héroïsme, 
le  sacrifice  ;  son  idéalisme  s'efforçait  centre  le  matérialisme  délétère 
où  il  avait  trouvé  l'Europe...  Pourquoi  n'aboutissait-il  pas  ?  C'est 
qu'il  lui  manquait  ce  qu'il  avait  trop  dédaigné  chez  nos  maîtres  à 
nous  :  la  clarté,  la  décision,  la  forte  systématisation  intellectuelle. 
Il  avait  la  chaleur  du  cœur,  il  lui  manquait  la  discipline  de  l'esprit. 
Un  Anatole  France  était  une  intelligence  sans  flamme,  un  Romain 


(1)  Mercure  de  France,  16  juillet  1919,  pp.  201-202. 


95 


Rolland  une  flamme  sans  direction...  Ni  les  problèmes  de  la  poli- 
tique, ni  ceux  de  l'économie  ne  l'intéressaient  ;  R.  Rolland  ne  con- 
naissait que  des  aspirations  ou  des  velléités.  »  Et  M.  Guy-Grand 

cherchait  à  expliquer  cette  attitude  ou  cette  faiblesse 
par  la  toute  puissance  de  la  musique,  qui  «  dissout  les 
assises  de  la  vie,  »  qui  «  échauffe  ou  déprime,  transporte  ou  ravit,  » 
mais  qui  jamais  n'est  une  «  ouvrière  de  clarté  et  de  droit  et 
n'édifie  pas.  » 

Toute  l'œuvre  de  R.  Rolland,  —  prise  en  bloc  —  et 
non  artificiellement  découpée,  —  oppose  à  ce  jugement 
sommaire  un  démenti  formel.  Mais  l'art  subtil  des 
citations  tronquées,  attribuant  en  propre  à  l'auteur 
les  paroles  diverses  et  contradictoires  de  ses  héros 
de  roman  ou  de  ses  personnages  de  théâtre,  excelle 
à  prouver  n'importe  quelle  attitude,  à  démontrer 
n'importe  quelle  théorie.  A  regarder  les  hommes,  les 
événements  ou  les  choses  de  trop  près,  on  risque  de  ne 
pas  les  voir  exactement  et  de  déformer  dans  son  sou- 
venir l'image  et  l'impression  d'après  lesquelles  on  les 
jugera:  on  attribue  une  importance  exagérée  —  et  ridi- 
cule —  à  tel  détail  qui  fait  saillie  et  apparaît,  au  pre- 
mier coup  d'œil,  en  pleine  lumière,  tandis  qu'on  néglige 
et  qu'on  rejette  dans  l'ombre  tel  fait  capital  qui,  tout 
d'abord,  ne  s'était  pas  détaché  assez  nettement.  Il  en  est 
d'une  œuvre  artistique  comme  d'un  paysage  :  il  faut  du 
recul  dans  le  temps  et  dans  l'espace  pour  les  bien  voir 
l'un  et  l'autre,  —  sainement,  posément,  utilement. 
Il  faut  que  la  dureté  des  couleurs  s'atténue,  que  les 
contours  s'estompent,  que  l'éclat  factice  et  trompeur  se 
ternisse,  —  non  pas  pour  envelopper,  égaliser  le  décor 
dans  une  teinte  neutre  et  banale,  mais  pour  en  adoucir 
les  vaines  brutalités  d'un  instant,  comme  un  rayon  de 
soleil  qui  trompe  notre  vision  —  et  rendre  aux  détails 


—  96  — 

essentiels  leur  exacte  lumière  et  leur  juste  et  précise 
valeur.  L'histoire  —  et  à  plus  forte  raison  une  biogra- 
graphie  —  exige  un  certain  recul,  et  un  certain  silence  : 
les  bruits  de  la  rue  empêchent  d'entendre,  de  même  que 
la  lumière  trop  vive,  en  fatiguant  le  regard,  empêche 
de  voir. 


L'œuvre  de  R.  Rolland  n'est  pas  finie  ;  elle  se  poursuit, 
elle  se  continue,  elle  évolue.  En  elle  tout  est  mouve- 
ment, jusqu'au  jour  où  la  mort  l'arrêtera,  et  laissera 
sur  quelque  page  inachevée  la  phrase  en  suspens  et  le 
chapitre  interrompu.  Alors  seulement,  un  jugement 
pourra  être  porté,  et  encore  faudra-t-il  ne  jamais  fixer  la 
pensée  de  l'auteur  —  ou  de  ses  héros  —  au  hasard  de  ses 
étapes,  —  mais  la  prendre  dans  sa  lente  évolution,  en 

notant (1)  «  la  direction  et  la  marche,   le  rythme  et  la  route  ». 

La  vie  d'un  homme  est  semblable  à  une  route  :  elle  va, 
selon  le  terrain,  l'heure  ou  la  saison,  tour  à  tour  enso- 
leillée ou  sombre,  rapide  et  joyeuse  à  la  descente,  ou 
lente  et  pénible  et  comme  essoufflée  à  la  montée,  ou  chan- 
tante et  rêveuse,  cheminant  par  la  plaine  ;  ici,  elle  est 
bordée  d'aubépines  et,  là,  elle  s'amuse  en  circuits,  enlacée 
comme  un  ruban,  aux  flancs  des  coteaux  ;  ailleurs,  elle 
est  si  poussiéreuse  que  les  nuages  soulevés  par  les  pas 
empêchent  de  voir  l'horizon  et,  plus  loin,  elle  semble 
rebelle,  tant  les  pavés  qui  la  recouvrent  sont  inégaux  et 
cahotants.  N'importe  !  il  faut  la  parcourir  toute,  il  faut 
la  voir  de  son  point  de  départ  à  son  point  d'arrivée, 


(1)  Note  de  R.  Rolland,  datée  de  novembre  1916,  citée  par  P.-J.  Jouve 
(op.  cit.  Bibliographie  n'  175),  p.  169. 


—  97  — 

comme  une  seule  ligne,  pour  savoir,  en  conscience  et 
vraiment,  si  elle  est  bonne  ou  mauvaise.  Vous  n'avez 
pas  le  droit  de  vanter  la  douceur  de  cette  route  ou  de 
maudire  à  jamais  sa  dureté,  si  vous  n'avez  été  son 
compagnon  que  pendant  quelques  instants  :  vous  ne  la 
connaissez  pas.  Un  rayon  de  soleil  ne  suffît  pas  plus  à 
illuminer  un  chemin,  qu'une  flaque  de  boue  et  un  liseré 
de  cailloux  ne  rendent  tout  son  parcours  cruel  et 
malaisé.  De  la  vie  et  de  l'œuvre  d'un  homme,  vous  ne 
pouvez  extraire  une  minute  ou  une  phrase  et,  feignant 
de  croire  que  cette  minute  ou  cette  phrase  reflète  et 
résume  toute  la  vie  et  toute  l'œuvre,  porter  un  solennel 
jugement  plein  de  fausseté. 

En  1912,  deux  revues,  l'une  nivernaise,  Ombres  et 
Formes,  éditée  à  Saint-Pierre-le-Moûtier,  l'autre  belge, 
Flamberge,  publiée  à  Gand,  ouvrirent  une  vaste  enquête 
sur  R.  Rolland.  Parmi  les  nombreuses  réponses,  une 
mérite  d'être  recueillie,  c'est  celle  de  Jules  Claretie 
(Ombres  et  Formes,  t.  IV  [1913],  p.  4)  :  «  R.  Rolland,  c'est  plus 
qu'un  talent,  c'est  une  âme,  c'est  une  conscience.  Il  est  pour  les 
générations  vivantes  un  exemple  vivant...    en  un   mot,    il   est  un 

guide  »,  et  lui  même  soulignait  le  mot.  C'est  à  peu  près 
les  mêmes  mots  qu'employait  récemment  M.  Georges 
Duhamel,  l'auteur  si  humain  de  Civilisation  et  de  la  Vie 
des  Martyrs,  lorsque,  dans  un  noble  article  de  philosophie 
sur  «  l'écrivain  et  l'événement  »,  (i)  il  disait  :  «  L'écrivain 

doit  être  un  guide,  un  conducteur,  un  inspirateur;  il  ne  saurait, 
sans  déchoir,  devenir  un  serviteur  soumis,  un  avocat  à  gages.  Il 
allume  le  flambeau,  il  déploie  l'étendard,  il  se  fait  bouclier  ou  glaive, 

il  s'offre  en  holocauste  »,  et  montrait  avec  quel  tranquille 


(1)  Mercure  de  France,  15  décembre  1919,  pp  59Î  et  595. 


courage,  R.  Rolland,  «  un  grand  cœur,  un  cœur  généreux...,  en 
refusant  de  se  laisser  emporter  dans  l'espèce  de  raz  de  marée  qui 
submergeait  l'Europe  intellectuelle  et  mettait  en  péril  le  sens  cri- 
tique de  maints  bons  esprits...  a  porté  le  conflit  dans  une  sphère 
élevée.  Refuser  de  perdre  connaissance  dans  l'affolement  général,  ce 
n'est  point  renoncer  à  son  rôle,  c'est  parfois  donner  à  ce  rôle  un 
sens  nouveau  ». 

Jean-Christophe,  Colas  Breugnon  et  Clérambault  —  si 
dissemblables  à  tant  de  point  de  vues  —  sont  des  formes 
nouvelles  de  roman.  Toute  comparaison,  tout  rappro- 
chement sont  interdits.  Là,  rien  de  déjà  vu,  de  déjà 
entendu.  H.-G.  Wells,  dans  deux  longs  articles  du 
Temps  (18  et  21  juin  1911)  sur  l'objet  et  le  développement 
du  roman  contemporain  en  Angleterre,  étudiait  successi- 
vement ces  questions  :  «  Le  roman  doit-il  amuser?  — 
un  roman  a-t-il  le  droit  d'être  long?  —  le  rôle  social  du 
roman  moderne;  —  le  roman  comparé  au  théâtre  et  à  la 
biographie  ».  R.  Rolland  est  l'un  des  écrivains  cités  par 
Wells,  qui  ont  eu  l'audace  de  rompre  avec  les  errements 
passés,  la  liberté  de  l'auteur  doit  être  entière  pour  le 
choix  du  sujet  et  la  manière  de  le  traiter.  «  Le  roman  n'est 

pas  une  chaire...  mais  le  romancier  sera  le  plus  puissant  des  artistes 
parce  que  lui  seul  saura  discuter,  analyser,  éclairer  la  conduite  ». 
C'est  en  ce  sens  que  Jean-Christophe  est  un  modèle  d'un 
nouveau  genre  ;  on  n'y  trouve  pas  seulement  des  idées, 
mais  des  âmes.  Certains  ont  pu  s'y  tromper.  Quand  j'ai 
publié  en  1909,  aux  Cahiers  du  Centre,  des  extraits  de 
R.  Rolland,  j'avais  recueilli  et  groupé  sous  le  titre 
d'Idées  (p.  124),  lambeaux  de  pages,  fragments  de 
tirades,  débris  d'articles,  tout  ce  qui,  par  sa  formule 
harmonieuse  ou  sa  beauté  morale,  pouvait  servir  de 
maximes  de  vie,  d'exemples  ou  de  leçons.  R.  Rolland, 
en  approuvant  ce  choix  et  ce  titre,  ajoutait  :  «  Pour  moi  les 


—  99  — 

âmes  sont  beaucoup  plus  importantes  que  les  idées,  et  je  suis  beau- 
coup plus  un  «  animiste  »,  si  je  puis  dire,  qu'un  «  idéaliste  ». 


R.  Rolland  est  un  «  homme  ».  Il  n'appartient  à  aucune 
école  et  n'a  l'ambition  d'en  fonder  aucune.  Il*  s'est, 
malgré  les  apparences,  toujours  et  volontairement,  placé 
en  dehors  des  coteries  et  des  querelles  ;  mais  d'autres 
ont  voulu  l'y  confondre.  Il  a  pris  position  à  des  heures 
tragiques,  parce  qu'il  ne  pouvait  pas  se  désintéresser 
des  événements,  et  fermer  ses  oreilles  aux  bruits  de  la 
mêlée.  Il  est  resté  lui-même,  il  a  marché  avec  la  vie  et 
avec  son  temps  et  continue  aujourd'hui  de  poursuivre 
sa  route  qui  n'est  jamais  pareille,  selon  que  l'éclairé 
l'aube,  le  midi  ou  le  crépuscule,  et  selon  qu'elle 
s'attarde  dans  la  forêt  paisible,  ou  qu'elle  traverse  une 
cité  bruyante.  Il  juge  son  œuvre  à  peine  commencée,  et 
plus  d'une  fois  a  supplié  ses  amis  —  et  ses  ennemis  — 
qu'on  lui  laisse  au  moins  le  temps  de  dire  ce  qu'il  avait 
à  dire.  L'œuvre  déjà  existe  :  elle  a  sa  place,  elle  a  sa 
raison  d'être,  elle  s'impose.  Attendez. 

Novembre  1921. 


ESSAI  DE  BIBLIOGRAPHIE 


LIVRES,    BROCHURES   ET   ARTICLES   PUBLIÉS^^^ 

I.  par   ROMAIN   ROLLAND 

1.  Théâtre.  —  2.  Théâtre  du  Peuple.  —  3.  Biographies.  —  4.  Romans. 
5.  Histoire  et  Critique  musicales.  —  6.  Peinture.  —  7.  Histoire  et 
Enquêtes  diverses.  —  8.  Philosophie  et  Polémique. 

IL    sur   ROMAIN   ROLLAND 

9.  Articles  et  Brochures  se  rapportant  au  rôle  et  à  l'œuvre  de  Romain 
Rolland  pendant  la  guerre.  —  10.  Principaux  articles,  brochures 
et  volumes  sur  la  vie  et  l'œuvre  de  Romain  Rolland. 


1.  Théâtre 

1.     SAINT-LOUIS,  poème  dramatique  en  cinq  actes,  Revue  de 

Paris.  1er  mars  1897,  p.  87-137,  —  15  mars  1897,  p.  358- 

395,  et  1er  avril  1897,  p.  571-593. 
1.  *•  105  pp.  in-12,  1921,  Ollendorff. 

1.  B-  IL  TRioNFO  DELLA  RAGiOME.  SAN  LUiGi.  Dramma,  vcrsione 

di  Erminio  Robecchi-Brivio,  243  pp.,  Milano,  L.  Bon- 

figlio,  1917. 


(1)  Seuls  les  articles  originaux  de  R.  R.  ont  pris  place  dans  cette  Biblio- 
graphie. Les  comptes-rendus  d'Histoire  et  de  Musique,  si  documentés  et 
si  précieux  par  les  commentaires  qui  les  accompagnent,  en  ont  été  écartés. 
On  les  trouverait  facilement  dans  la  Revue  Historique,  la  Revue  d'Art  dra- 
matique, VArt  dramatique  et  m^usical,  la  Revue  musicale,  le  Mercure  musical, 
la  Rivista  musicale  italiana  et  le  Bulletin  de  la  Société  Internationale  de  Mu- 
sique (désigné  selon  l'usage  par  les  trois  initiales  S.  I.  M.) 

Les  lettres  majuscules  A,  B,  C,  etc.,  placées  à  la  suite  des  numéros,  dési- 
gnent les  éditions  ou  traductions  différentes  d'un  même  ouvrage. 

Les  numéros  bis  ou  ter  indiquent  les  articles,  livres,  ou  brochures,  qui 
ont  été  trouvés  au  cours  de  la  mise  en  pages  et  intercalés  ainsi  à  leur  ordre 
alphabétique.  * 


—  102  - 

2.  AERT,  trois  actes,  représenté  au  Théâtre  de  l'Œuvre,  le 
3  mai  1898.  Revue  d'Art  dramatique^  nouv.  série,  t.  IV, 
mars  1898,  p.  92-135,  —  avril  1898,  p.  187-212,  et  mai 
1898,  p.  278-302. 

2.  A.  124  pp.  in-16  carré  [1898],  éd.  de  la  «  Revue  d'Art 

dramatique  ». 

2.  B.  76  pp.  in-12,  1921,  Ollendorff. 

3.  LE  TRIOMPHE  DE  LA  RAISON,  drame  en  trois  actes,  repré- 

senté au  Théâtre  de  l'Œuvre,  le  21  juin  1899.  Revue 
d'Art  dramatique,  nouv.  série,  tome  VII,  juillet  1899, 
p.  241-257,  —  août  1899,  p.  345-368,  -  septembre  1899, 
p.  452-469,  —  et  tome  VIII,  octobre  1899,  p.  69-76. 
3.  A..  92  pp.  in-16,  éd.  de  la  «  Revue  d'Art  dramatique  ». 

3.  B.  08  pp.  in-12, 1921,  Ollendorff. 

Ces  trois  pièces  nos  i,  2,  3,  ont  été  réunies  en  volume 
sous  le  titre  de  : 

4.  LES  TRAGÉDIES  DE  LA  FOI  :  Saiut-Louis,  Aërt,  Le  Triom- 

phe de  la  Raison,  255  pp.  in-16,  1913,  Hachette. 

4.  A.  1921,  Ollendorff. 

Simple  réunion,  sous  une  même  couverture,  des  trois 
pièces  séparées,  édition  Ollendorff,  avec  trois  pagi- 
nations distinctes. 

5.  LES  LOUPS,  trois  actes,  représentés  au  Théâtre  de  l'Œu- 

vre, le  18  mai  1898,  sous  le  titre  de  "  Morituri  ",  pu- 
blié sous  le  pseudonjuue  de  :  Saint-Just. 

128  pp.  in-8o  carré,  avec  lithographie  de  Henry 

de  Groux,  octobre  1898,  chez  Georges  Reliais  [pour 

le  compte  de  Charles  Péguy]. 

5.  A.  Le  même,  sous  couverture  bleue.  Hachette,  in-S»,  115  pp. 

5.  B.  DIE  woLFE,  Revolutionsdrama,  ûbertrag.  v.  Wilh.  Her- 

zog,  Mûnchen,  G.  Mùller,  1917. 
5.  c-  I  LUPi,  tre  alti,  traduzione  di  Salv.  Ruffo  di  Calabria, 
94  p.,  8o,  Roma,  Uninione  tip.  coop.,  1901. 


—  103  — 

6.  DANTON,  trois  actes,  représenté  au  Nouveau-Théâtre, 
rue  Blanche,  par  le  Cercle  des  Escholiers,  le  29  dé- 
cembre 1900,  et  au  Théâtre  Civique  le  30  décemb.  1900. 
Revue  d'Art  dramatique,  nouv.  série,  tome  VIII,  5  dé- 
cembre 1899,  p.  325-354,  —  20  décembre,  p.  412-450, 
tome  IX,  janvier  1900,  p.  64-78,  —  et  février  1900, 
p.  150-156. 

6.  A.  124  pp.  in-8«,  février  1900,  éd.  de  la  «  Revue  d'Art 

dramatique  ». 

6.  B-  180  pp,  in-16,  février  1901,  Cahiers  de  la  Quinzaine, 

6e  cahier  de  la  11^  série. 

6.  c.  DANTON,  Deutsçh  von  Luc}^  v.  Jacobi  und.  Wilh.  Herzog, 

174  pp.,  1919. 

7.  LE  14  JUILLET,  action  populaire,  trois  actes,  représentée 

au  théâtre  de  la  Renaissance  Gémier,  le  29  mars  1902. 
252  pp.  in-16,  1902,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  11^  cahier 
de  la  III»  série. 
7.  A.  sous  convertie  bleue,  244  pp.  ln-12.  Hachette,  1909. 

7.  B.   THE  FOURTEENTH  OF  JULY  AND  DANTON,  tWO  plays  of 

the  French  Révolution,  auth.  tr.  with  a  préface  by 
Barrett  H.  Clark,  236  pp.,  1918,  New-York,  Holt;  — 
et  1919,  London,  Allen  &  Unwin. 

Ces  trois  pièces,  nos  5, 6,  et  7,  ont  été  réunies  en  volume 
sous  le  titre  de  : 

8.  THÉÂTRE   DE   LA  RÉVOLUTION,  VIII  +  359  pp.,  in-12,  1909, 

Hachette. 

8.  A.  3e  édition,  viii  +  359  pp.,  1921,  Ollendorff. 

S.  ^'    REvoLUTioNSDRAMEN,  hrg.  V.  Wilh.  Hcrzog,  Mûnchen, 
G.  MùUer,  1919. 

9.  LE  TEMPS  VIENDRA,  trois  actcs  [datés  de  Paris  1902], 

152  pp.,  in-16, 1903,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  14^  cahier 
de  la  IVe  série.  » 


—  104  — 

9.  A.  Nouvelle  édition,  150  pp.  in-12,  1921,  Ollendorff. 

9.  B-  DIE  ZEiT  wiRD  KOMMEN,  drama,  hrg.  v.  Stefan  Zweig, 
Wien,  E.  P.  Tal,  1920. 

10.       LA  MONTESPAN,  troîs  aclcs,  U AH  dramatique  et  musical, 
février  1904,  p.  49-83,  —  mars  1904,  p.  93-100,  —  avril 

1904,  p.  117-138. 

10.  A.  94  pp.,  in-t2,  1904,  éd.  de  la  «  Revue  d'Art  dra- 

matique et  musical  ». 

11.  LES   TROIS   AMOUREUSES,   piècc   en  trois  actes,  L'Art 

dramatique  et  musical,  mars  1905,  p.  169-191,  —  avril 

1905,  p.  249-275,  —  mai  1905,  p.  334-348. 

12.  LE  TRIOMPHE  DE  LA  LIBERTÉ,  fétc  populairc,  poèmc  dc 

R.  R.,  mis  en  musique  par  Albert  Doj^en,  xi  -\-  273  pp., 
in-8o,  Paris,  Leduc,  1917. 

13.  LiLULi  [avec  trente-deux  bois  dessinés  et  gravés  par 

Frans  Masereel],  iv  +  152  pp.,  in-16  carré,  juin  1919, 
Genève,  éd.  du  Sablier  (édition  tirée  à  800  exem- 
plaires). 

i3.  A-  [Nouvelle  édition  avec  les  mêmes  illustrations], 

158  pp.,  1920,  Ollendorff. 

13.  B-  LILULI,  with  32  woodcuts  by  Fr.  Masereel,  ii  +  127  pp., 
1920,  New-York,  Boni  &  Liveright. 

13*"-    LES  VAINCUS,  fragments  inédits  d'un  drame  de  jeu- 
nesse, Anvers,  édition  Lumière.  0) 


(1)  «  Ce  drame  a  été  inspiré  à  R.  R.  par  la  guerre  anglo-boër.  Il  manque 
à  la  pièce  très  peu  de  chose  pour  qu'elle  soit  terminée;  mais  l'auteur  a 
préféré  la  publier  telle  quelle.  Frappé  par  l'actualité  de  ce  manuscrit  pres- 
que oublié,  R.  R.  a  tenu  à  n'y  rien  changer.  Il  l'a  cependant  augmenté  d'une 
préface.  » 

Renseignement  communiqué  par  la  revue  Lumière.  La  nouvelle  pièce  de 
R.  R.,  Les  Vaincus,  doit  paraître  à  la  fin  de  l'année  1921. 


105  — 


2.  Théâtre  du  Peuple 

14.  LE  THÉÂTRE  DU  PEUPLE  ET  LE  DRAME  DU  PEUPLE,  RcVUe 

d'Art  dramatique,  décembre  1900,  p.  1078-1114. 

15.  LES  PRÉCURSEURS  DU  THEATRE  DU  PEUPLE  l   ROUSSEAU, 

DIDEROT  ET  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE,  l'Art  drama- 
tique et  musical,  juillet  1903,  p.  177-188. 

16.  l'œuvre    des    trente    ans    de    théâtre    ET    LES    GALAS 

POPULAIRES,  l'Art  dramatique  et  musical,  juillet  1903, 
p.  205-213. 

17.  lettre  [a  ALPHONSE  SÉCHÉ]  SUR  LE  THÉÂTRE  POPULAIRE, 

l'Art  dramatique  et  musical,  septembre  1903,  p.  274. 

18.  RÉPONSE    A    l'enquête    SUR    LA    ((  COLLABORATION    ANO- 

NYME», l'Art  dramatique  et  musical,  juin  1903,  p.  166. 

\Sbis.  LA  FEMME  ET  l'art  DRAMATIQUE,  Le  Parlhénou,  20  jan- 
vier 1912,  p.  1. 

19.  LE  THÉÂTRE  DU  PEUPLE,  216  pp.,  in-16,  novembre  1903, 

Cahiers  de  la  Quinzaine,  4«  cahier  de  la  Ve  série. 

19.  ^'  [Même  édition]  sous  couverture,  Fischbacher, 216 pp.,  1904. 

19.  B.  [Même  édition]  sous  couvert-^  bleue.  Hachette,  216  pp.  1904. 

19.  c.  LE  THÉÂTRE  DU  PEUPLE,  cssai  d'csthétiquc  d'un  théâtre 
nouveau,  nouvelle  édition,  xii  +  224  pp.,  in-16,  1913, 
Hachette. 

19.  D-  Id.,  3e  éd.,  xii  +  224  pp.  in-16,  1921,  Ollendorff. 

19.  E.  THE  people's  theater,  tr.  from  the  French  by  Barrett 
H.  Clark,  viii -f- 146  pp.,  1918,  New-York,  Holt;  —  et 
1919,  London,  Allen  &  Unwin^ 


—  106  — 

3.  Biographies 
BEETHOVEN 

20.  LES  FÊTES  DE  BEETHOVEN  A  MAYENCE,  RcVUC  de  Paris, 

15  mai  1901,  p.  431-448. 

21.  BEETHOVEN,  Vie  des  Hommes  illustres,  96  pp.,  in-16, 

janvier  1903,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  10e  cahier  de 

la  IVe  série. 
21.  A.  VIE  DE  BEETHOVEN,  Vie  dcs  Hommcs  illustres,  viii  -|- 

160  pp.,  in-16,  1907,  Hachette. 
21.  B.  BEETHOVEN...,  translatcd. . .  b}^  B.  Constance  HuU... 

(Library  of  Music  &  Musicians),  262  pp.,  1917,  Lon- 

don,  K.  Paul. 
21.  c.  [Même   traduction...],    with.    and   Introd.   by 

Edward  Carpenter,  v  +  xix  +  244  pp.,  1917,  New- 
York,  Holt. 
21.  t>-  LUDWiG  VON   BEETHOVEN,  Dcutsch  vou   L.    Laugncsc 

Hug,  1917,  Zurich,  Rascher  (Europàische  Bûcher). 

21.  E.  BEETHOVEN,  édition  décorée  de  12  gravures  de  Perri- 

chon,  d'après  Jos.  Van  Boehm,  J.-P.  Lyser,  Jean- 
Paul  Laurens,  P. -Albert  Laurens  et  Perrichon, 
137  pp.,  in-8»,  1909,  Eug.  Pelletan. 

MILLET 

22.  MILLET,  Popular  Library  of  Art,  212  pp.,  in-12,  décem- 

bre 1902,  London,  Duckworth  —  et  200  pp.  in-16, 
1903,  New-York,  Dutton. 

MICHEL   ANGE 

23.  MICHEL  ANGE,  RevuB  de  Paris,  15  avril  1906,  p.  795-822. 

24 .  VIE  DE  MICHEL  ANGE,  publié  en  deux  cahiers  :  I.  La  Lutte, 

paginé  1-102;  II.  l'Abdication,  paginé  103-212,  aux 
Cahiers  de  la  Quinzaine,  18^  cahier  de  la  VII^  série  et 
2e  cahier  de  la  VIII«  série,  juin  et  octobre  1906. 


—  107  — 

24.  A.  VIE  DE  MICHEL  ANGE,  avec  un  portrait,  210  pp.,  in-18, 
1907,  Hachette.  6«  édition  (17e  mille). 

24.  D-  THE  LIFE  OF  MiCHAEL  ANGELO,  translated  by  Frédéric 
Lees,  22  illust.,  222  pp.,  1912,  London,  Heinemann. 

24.  c.  DAS   LEBEN   MiCHELANGELOS,   ûbcrsetzt  V.  D^  Wemer 

Klette,  hrg.  v.  Wilh.  Herzog,  viii  +  242  pp.,  1920, 
Frankfurt,  Rutten  und  Loening. 

25.  MICHEL  ANGE,  collcction  «  Lcs  Maîtres  de  l'Art  »,  182  pp., 

in-8o  et  24  gravures,  1905.  Librairie  de  l'Art  ancien 
et  moderne. 

25.  A.  MiCHELANGELo,  transl.  by  F.  Street,  189  pp.,  1915,  New- 
York,  Duffieid. 

25.  B.  MICHELANGELO,  Dcutsch.  V.  S.  D.  Strcinbcrg,  hrg.  v. 
Wilh.  Herzog,  xii  +  242  pp.,  1919,  Frankfurt- a-M., 
Rutten  und  Loening. 

25.  c.  MICHELANGELO,    traduzionc,    introduzione   e   note   di 

A.  Jahn  Rusconi,  156  pp.,  Milano,  R.  Caddeo  e  C,  1919. 

TOLSTOÏ 

26.  TOLSTOÏ,  Revue  de  Paris,  15  février  1911,  p.  673-707  — 

1er   mars...    p.    75-105    —    15   mars...   p.   285-313   — 
lei  avril...  p.  533-563. 

26.  A-  VIE  DE  TOLSTOÏ,  208  pp.  in-12,  1911,  Hachette.  5e  édition 
(10e  mille). 

26.  B-  TOLSTOÏ,  translated  by  Bernard  Miall,  256  pp.,  in- 16, 

1911,  London,  T.  Fisher  &  Unwin.  —  et  321  pp.  1911, 
New-York,  Dutton. 

27.  INTRODUCTION  à  uuc  lettre  inédite  adressée  à  Romain 

Rolland,  datée  du  4  octobre  1887,  p.  7  à  12.  Cahiers 
de  la  Quinzaine,  février  1902,  9P  cahier  delà  Ille  série. 


—  108  — 

4.  Romans  (1) 

28.      JEAN-CHRISTOPHE.  Première  partie. 

I.  L'Aube,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  9^  cahier  de  la 
Ve  série,  2  février  1904,  180  pp. 
Éd.  Ollendorff,  125e  édition,  (2)  227  pp. 

II.  Le  Matin,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  10e  cahier  de  la 
Ve  série,  16  février  1904,  188  pp. 
Éd.  Ollendorff,  102e  édition,  231  pp. 

III.  L'Adolescent,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  8e  cahier  de 

la  Vie  série,  10  janvier  1905,  224  pp. 
Éd.  Ollendorff,  92e  édition,  306  pp. 

IV.  La  Révolte. 

1.  Les   Sables    mouvants.    Cahiers   de    la 

Quinzaine,  4e  cahier  de  la  Ville  série, 
13  novembre  1906. 

2.  L'Enlisement,  Cahiers  de  la  Quinzaine,  [    a 

6e  cahier  de  la  Ville  série,  11  décem- 
bre 1906. 

3.  La  Délivrance,  Cahiers  de  la  Quinzaine, 

9e  cahier  de  la  Ville  série,  2  j  anvier  1 907. 
Éd.  Ollendorff,  86e  édition,  409  pp. 


(1)  Le  mot  Biographies  conviendrait  mieux  à  Jean-Christophe  et  à  Clé- 
rambanlt  que  le  mot  romans,  et  l'on  s'excuse  d'employer  ici  un  terme 
inexact  et  maladroit,  d'autant  plus  que  R.  Rolland,  dans  son  «  Avertisse- 
ment »  de  Clérambault  (p.  5),  avait  même  précisé  :  «  Cette  œuvre  n'est  pas 
un  roman...  le  livre  s'apparente...  aux  méditations  de  nos  vieux  moralistes 
français...  » 

(2)  L'édition  indiquée  est  celle  en  vente  à  la  librairie  OUendorfF  en  no- 
vertibre  1921.  Sur  les  différences  entre  ces  deux  éditions,  voir  page  153  de  ce 
livre. 

Plusieurs  fragments  de  Jean-Christophe  ont  été  publiés,  d'après  les 
«  bonnes  feuilles  »  du  texte,  soit  dans  les  journaux  (Le  Peuple,  journal 
socialiste  belge,  1"  mai  1903),  soit  dans  les  revues  (Mercure  musical.  Revue 
Bleue,  L'Effort  libre,  etc.).  Ces  extraits  n'ont  pas  été  recueillis  ici. 


—  109  — 

—  JEAN-CHRISTOPHE  A  PARIS.  Deuxième  partie. 

I.  La  Foire  sur  la  Place.   Cahiers  de  la  Quinzaine, 

13e  et   14e  cahiers  de  la  IXe  série,  17  mars  et 
24  mars  1908,  279  pp. 
Éd.  Ollendorff,  84e  édition,  312  pp. 

II.  Antoinette.  Cahiers  de  la  Quinzaine,  15e  cahier  de 

la  IXe  série,  31  mars  1908,  148  pp. 
Éd.  Ollendorff,  86e  édition,  215  pp. 

III.  Dans  la  Maison.  Cahiers  de  la  Quinzaine,  9®  et  10® 
cahiers  de  la  Xe  série,  16  février  et  23  février 
1909,  253  pp. 
Éd.  Ollendorfî,  79^  édition,  266  pp. 

—  LA  FIN  DU  VOYAGE.  Troisième  partie. 

I.  Les  Amies.  Cahiers  de  la  Quinzaine,  7<^  et  8e  cahiers 
de  la  Xle  série,  25  janvier  et  8  février  1910,  232  pp. 
Éd.  Ollendorff,  74e  édition,  268  pp. 

II.  Le  Buisson  ardent.  Cahiers  de  la  Quinzaine,  5e  et 

6e  cahiers  de  la  Xllle  série,  31  octobre  et  7  no- 
vembre 1911,  264  pp. 

Éd.  Ollendorff,  74e  édition,  340  pp. 

III.  La  Nouvelle  Journée.  Cahiers  de  la  Quinzaine,  2e 

et  3e  cahiers  de  la  XlVe  série,  6  octobre  e/20  oc- 
tobre 1912,  108  pp. 
Éd.  Ollendorff,  58e  édition,  277  pp. 

28.  A-  JEAN-CHRISTOPHE,  édition  définitive  en  4  vol.  in-8. 

I.  L'Aube,  le  Matin,  l'Adolescent,  nouv.  éd.  [s.  d. 
avril  1921],  Ollendorff,  456  pp.  in-8o. 

II.  La  Révolte  et  la  Foire  sur  la  Place;  —  540  pp. 
[novembre  1921].  • 


—  110  — 

III.  Antoinette,  Dans  la  Maison,  Les  Amies  ;  —  à  pa- 

raître en  mars  1922. 

IV.  Le  Buisson  ardent,  La  Nouvelle  Journée;  —  à  pa- 

raître en  juin  1922. 

Traductions 

28.  B-  JOHN-CHRiSTOPHER,  trauslated  by  Gilbert  Cannan. 

1.  Dawn  and  Morning,  298  pp.,  1910.—  2.  Storm  and 
Stress,  418  pp.,  1911.  —  3.  J.  Ghristopher  in  Paris, 
471  pp.,  1911.  —  4.  Journey's  End,  548  pp.,  1913. 
Londres,  W.  Heinemann. 

28.  c.  JEAN-CHRISTOPHE,  translated  by  Gilbert  Cannan. 

1.  Dawn,  Morning,  Youth,  Revolt,  ...  pp.,  1910.  — 
2.  The  Market- Place,  Antoinette,  The  House, 
...  pp.,  1911.  —  3.  Journey's  End:  Love  and 
Friendship,  The  burning  bush,  The  new  dawn, 
504  pp.,  1913.  New-York,  Henry  Holt. 

28.  »•  JOHANN  CHRiSTOF,  Vollstândigedeutsche  Ausgabeûber- 
tragen  von  Otto  und  Erna  Grautoff,  3  vol.,  1913-1918, 
Frankfurt  a.  M.,  Rutten  &  Loening. 

28.  E.  GIAN  CRisTOFORO,  traduzioue  di  Gesare  Alessandri, 
I.  L'Alba,  259  pp.  ii.  Il  Mattino,  249  pp.  Milano,  Son- 
zogno,  1921. 

28.  p-  JUAN  CRISTOBAL,  vcrsiou  castella'na  de  Miguel  de  Toro 
y  Gomez,  10  vol.  in-12,  1907-1914.  Madrid,  P.  Orrier. 

28.  G.  jAN-KRZYSTOF  [traduction  polonaise  par  Edwige  Sien- 
kiewicz].  Varsovie,  1912-1913. 
M.  Seippel  indique  (op.  cit.  Bibliographie  n"  190,  p.  259)  : 
Une  traduction  russe  par  Vetclierni  Zvon,  Moscou  1912, 

—  et  annonce  pour  paraître  une  autre  traduction  russe,  — 

—  celle-ci  autorisée  par  R.  Rolland,  —  par  M.  Tcklenoff, 
Une  traduction  suédoise  par  M™»  Ackerraan,  Stockholm, 

Bonnier,  3  vol. 


111 


Et  M.  P.-J.  Jouve  indique  (op.  cit.  Bibliographie  N^  175, 
page  323)  ; 

Une  traduction  hollandaise  par  Jan  Romein,  1916. 

Une  édition  classique  hollandaise  de  «  l'Aube  »  par 
W.-E.-J.  Ijeenk  Willink,  Zwolle,  1916. 

Une  traduction  danoise  par  Emil  Tuxen,  Copenhague, 
Hagerupa,  1916. 

Mais  n'aj'ant  pu  contrôler  ces  références,  nous  avons  dû 
nous  borner  à  en  reproduire  l'indication  telle  qu'elle  était, 

28*^s-    LES     ORIGINES     GERMANIQUES     DE    JEAN  CHRISTOPHE,     Le 

Parthénon,  5  novembre  1913,  p.  67-68. 

29.       COLAS  BREUGNON,  321  pp.  in-16,  1919,  Ollendorff,  52e éd. 

29.  À-  MEISTER  BREUGNON,  ein  frôhlicli  Buclî,  hrg.  v.  Erna  und 
Otto  Grautoff,  1920,  Frankfurt  a.  M.,  Rùtten  &  Loening. 

29.  B-  COLAS  BREUGNON,  BURGUNDiAN,  transl.  by  Katherine 
Miller,  302  pp.,  1919,  New-York,  Holt. 

29.  c.  COLAS  BREUGNON,  Tonianzo,  traduzione  di  G.   Attilio 

Piovano,  269  pp.,  Milano,  Sonzogno,  1920. 

30.  CLÉRAMBAULT,  Histoirc  d'une  Conscience  libre  pendant 

la  guerre,  377  pp.  in-12,  1920,  Ollendorff,  40e  édition. 

31 .  PIERRE  ET  LUCE,  avcc  16  hors-tcxtc  de  Frans  Masereel, 

180  pp.  in-12, 1920,  Genève,  édition  du  Sablier,  tirage 
à  1.350  exemplaires. 

31.  A'  Nouvelle  édition  avec  4  hors-texte  et  29  vignettes 
dessinées  et  gravées  par  Gabriel  Belot,  189  pp.,  in-12, 
1921,  Ollendorff.  10e  édition. 


5.  Histoire  et  Critique  Musicales 

Les  articles  précédés  d'uji  astérisque  *  ont  été  réunis  en  volume 
dans  Musiciens  d'autrefois.  Ceux  précédé»  de  deux  astérisques  *'  ont 


—  112  — 

été  réunis  en  volume  dans  Musiciens  d'aujourd'hui.  Ceux  précédés 
de  trois  astérisques  "*  ont  été  réunis  en  volume  dans  Voyage  musi- 
cal au  pays  dupasse. 

32.  LES   ORIGINES   DU   THEATRE   LYRIQUE  MODERNE,   HlsloirC 

de  l'Opéra  en  Europe  avant  Lulli  et  Scarlatti  (71e  fas- 
cicule de  la  Bibliothèque  des  Écoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome),  316  pp.  +  16  pp.  de  musique, 
in-8o,  1895,  Fontemoing. 

[Couronné  par  l'Académie  Française,  prix  Kastner 

Boursault]. 
Thèse  française  pour  le  doctorat  es  lettres.  Voir  thèse 
latine  plus  loin  n"  92.  Une  nouvelle  édition  de  la  thèse 
française  a  été  annoncée  à  la  librairie  Hachette. 

33.  LA  PASSION  A  SALZBACH.  Revue  d'Art  dramatique,  sep- 

tembre 1898,  p.  445-449. 

DON   LORENZO   PEROSI 

34.  **D0N  LORENZO  PEROSI,  Revue.de  Paris,  15  mars  1899, 

p.  443-448. 

35.  LES  ORATORIOS  DE  DON  LORENZO  PEROSI,  Revue  d'Art 

dramatique,  mars  1899,  p.  324-328. 

36.  LE    NOUVEL    ORATORIO    DE    l'ABBÉ    PEROSI     A    CÔME,     La 

Tribune  de  Saint-Gervais,  t.  V,  octobre  1899,  p.  270-273. 

37.  MUSIQUES  D'ITALIE  [don  LORENZO  PEROSI...]  Lettres  au 

Temps,  datées  de  Milan,  mai  1900.  Le  Temps,  9  mai 
1900  et  26  mai  1900,  2e  page. 

38.  LE  DRAME  RELIGIEUX  AU  xvïi®  SIÈCLE,  La  Tribuue  de 

Saint-Gervais,  t.  V,  juin  1899,  p.  136-144. 

RICHARD   STRAUSS 

39.  **RiCHARD  STRAUSS,  Revue  de  Paris,  15  juin  1899,  p.  769- 

789. 

40.  LE  «  FEUERSNOT  »,  DE  RICHARD  STRAUSS,  UArt  dramati- 

que et  musical,  mai  1902,  p.  219-223. 


113 


41.  A  PROPOS  DE  QUELQUES  ARTICLES  SUR  RICHARD  STRAUSS, 

S.  I.  M.,  (1)  15  juin  1909,  p.  513-528  et  15  juillet  1909, 
p.  625-634. 

42.  **«  TRISTAN  »,  Revue  d'Art  dramatique,  novembre  1899, 

p.  170-177. 

43.  ***LE  ROMAN  COMIQUE  d'UN  MUSICIEN  ALLEMAND  AU  XVIIie 

SIÈCLE  [JEAN  KUHNAu],  Revue  de  Paris,  1er  juillet  1900, 
p.  199-214. 

44.  «  LOUISE  »,  DE  GUSTAVE  CHARPENTIER,  Rivîsta  inusicale 

Ilaliana,  t.  VII,  1900,  p.  361-366. 

45.  LE   PREMIER   CONGRÈS   INTERNATIONAL  d'HISTOIRE  DE  LA 

MUSIQUE,  Paris,  juillet  1900,  Rivista  musicale  Italiana, 
t.  VII,  1900,  p.  822-829. 

LUIGI  ROSSI 

46.  NOTE  SUR  l'  «  ORFEO  »    DE  LUIGI  ROSSI  ET  SUR  LES  MUSI- 

CIENS  ITALIENS   A  PARIS   SOUS   MAZARIN,  p.  191-209  du 

Congrès  International  d'Histoire  de  la  Musique,  juillet 

1900,  in-4o.  1901,  Solesmes. 

47.  *LA  REPRÉSENTATION   DE   l'   «  ORFEO   »    [dE   LUIGI    ROSSi] 

A    PARIS     [en     1647]     ET    l'oPPOSITION     RELIGIEUSE    ET 

POLITIQUE  A  l'opéra,  Revue  musicale,  (2)  t.  I,  janvier 

1901,  p.  10-17. 

48.  *N0TES    SUR    L'  «  ORFEO  »    DE    LUIGI    ROSSI    ET    SUR    LES 

MUSICIENS    ITALIENS    SOUS    MAZARIN,    RcvUC    mUSicalc, 

juin  1901,  p.  225-236  et  octobre  1901,  p.  363-372. 


(1)  Le  Bulletin  français  de  la  Société  Internationale  de  Musique  est  toujours 
désigné,  même  sur  les  couvertures  de  la  Revue  par  ses  simples  initiales 
S.  /.  M. 

(2)  La  Revue  musicale  s'est  d'abord  appelée  en  1901  Revue  d'Histoire  et  de 
critique  musicale. 


—  114  — 

49.  **SAINT-SAENS   ET   ((  LES  BARBARES  »,  Revue  de  PaHs, 

1er  novembre  1901,  p.  208-225. 

50.  **  «  SIEGFRIED  »,  Revue  de  Paris,  1er  janvier  1902,  p.  188- 

204. 

51.  *LA  MUSIQUE  ET    l'histoire  GÉNÉRALE;  extraits  d'une 

Conférence   à  l'École  des  Hautes  Études  Sociales, 
Revue  musicale,  mai  1902,  p.  249-259. 

52.  ROSSiNi,  Revue  musicale,  août  1902,  p.  374-381. 

VINCENT   d'iNDY 

53.  "VINCENT  d'indy,  Rcvuc  de  Paris,  15  janvier  1903,  p.  401- 

420. 

54.  l'  «étranger»,  de  vincent  d'indy,  Rivista  musicale 

lialiana,  t.  XI,  1904,  p.  129-139. 

GLUCK 

55.  une  œuvre  inédite  de  gluck  [la  danza  pastorella]. 

Revue  musicale,  janvier  1903,  p.  40-41. 

56.  LE  dernier  opéra  de  GLUCK,  ((  ÉCHO  ET  NARCISSE  », 

Revue  musicale,  1er  juin  1903,  p.  212-215. 

57.  *GLUCK  :  une  révolution  DRAMATIQUE,  Rcvuc  de  Paris, 

15  juin  1904,  p.  736-772. 

58.  *MOZART,    L'Art   dramatique   et  musical,  janvier  1903, 

p.  15-26,  ef  février  1903,  p.  49-57. 

59.  *l'opéra  avant  l'opéra.  Revue  de  Paris,  1er  janvier  1904, 

p.  615-647. 

60.  "BERLIOZ,  Revue  de  Paris,  1er  mars  1904,  p.  65-88,  et 

15  mars  1904,  p.  331-352. 

61.  l'état  ACTUEL  DE  LA  MUSIQUE   FRANÇAISE  :    RÉPONSE  A 

l'enquête   DE   PAUL  LANDORMY,   RcVUC   blcUC,    2    avHl 

1904,  p.  424-425. 


—  115  — 

62.  MUSIQUE  DES  RUES,  l'Art  dramatique  et  musical^  janvier 

1905,  p.  81-89. 

63.  UN   VAUDEVILLE  DE   RAMEAU    [LE   PROCUREUR  DUPE  SANS 

LE  savoir].  Mercure  musical,  1. 1, 15  mai  1905,  p.  19-24. 

HUGO   WOLF 

64.  HUGO  WOLF,  Revue  de  Paris,  15  mai  1905,  p.  401-421. 

65.  HUGO  WOLF,  Revue  germanique,  1. 1,  mai  1905,  p.  346-351. 

66.  **UNE    FÊTE    MUSICALE    EN    ALSACE-LORRAINE,    ReVUe    dc 

Paris,  1er  juillet  1905,  p.  134-152. 

Reproduit  dans  Musiciens  d'aujourd'hui,  sous  le  titre: 
Musique  Française  et  Musique  Allemande. 

67  .         ***LA  MUSIQUE  EN  ITALIE  AU  XVIIie  SIÈCLE,  RcVUC  de  Puris, 

p.  763-790. 

68.  l'opéra   populaire  a   venise   :   francesco   cavalli, 

Mercure  musical,  15  janvier  1906,  p.  60-70,  et  15  février 

1906,  p.  151-160. 

69.  ***LA  MUSIQUE  EN  ALLEMAGNE  AU  XVIIie  SIÈCLE,  ReVUe  de 

Paris,  15  février  1906,  p.  852-882. 

70.  **PARis  ALS  MusiKSTADT,  ûbcrtragen  v.  Max  Graf,  71  pp., 

avec  13  port,  et  1  fac-sim.,  in-16,  1905,  Berlin,  Bord 
&  Marquardt,  reproduit  avec  des  remaniements  dans 
Musiciens  d'aujourd'hui,  sous  le  titre  :  Esquisse  du 
mouvement  musical  à  Paris  depuis  1870. 

LULLI 

71.  *NOTES  SUR  LULLI,  S.  L  M.,  15  janvier  1907,  p.  3-55. 

72.  *LULLi,  Revue  de  Paris,  15  février  1908,  p.  699-722. 

73.  *GRÉTRY,  Revue  de  Paris,  15  mars  1908,  p.  305-327. 

74.  **  «  PELLÉAS   ET    MÉLISANDE   ))    [DE^C.    DEBUSSY],  MorgCU, 

29  novembre  1907. 


—  116  — 

75.      MUSICIENS  d'autrefois,  310  pp.,  in -16,  1908,  Hachette. 
6«  édition  (12^  mille). 

L'Opéra  avant  l'Opéra  :  1'  «  Orfeo  »  de  Luigi  Rossi  ; 
Liilli  ;  Gluck  ;  Grétry  ;  Mozart. 

75.  A-  SOME  MUSiciANS  OF  FORMER  DAYS,  transl.  by  Mary  Blaik- 

lock,  378  pp.,  1915,  London,  K.  Paul, 
—  et  vu  +  374  pp.,  1915, 'New- York,  Holt. 

76.  MUSICIENS  d'aujourd'hui,  285  pp.,  in-16, 1908,  Hachette. 

(14e  mille). 

Berlioz,  Wagner,  Camille  Saint-Saëns,  Vincent  d'indy, 
Claude  Debussj%  Hugo  Wolf,  Richard  Strauss. 
Le  Renouveau  de  la  musique  française  depuis  1870. 

76.  A- MUSICIANS  OF  TO  DAY ,   translated   by   M.   Blaiklock, 
336  pp.,  1916,  London,  K.  Paul. 

76.  B.  [même  traduction]  by...  with  an  Introduction  b}'^  Claude 

Landi  (Musician's  Bookshelf),  xii  -f-  324  pp.,  1914, 
New- York,  Holt. 

77.  PAUL  DUPiN,  S.  L  M.,  15  décembre  1908,  p.  1237-1250. 

78.  ***  LA    VIE    MUSICALE    EN    ANGLETERRE    AU    TEMPS    DE    LA 

RESTAURATION  DES  STUARTS,  d'après  le  Joumal  de 
Samuel  Pepys,  p.  294-309,  dans  Riemann  Festchrift, 
Leipzig,  1909. 

79.  ***  LES  ORIGINES  DU  <(  STYLE  CLASSIQUE  »  DANS  LA  MUSIQUE 

ALLEMANDE  (Icçou  d'ouvcrture  du  cours  d'histoire  de 
la  musique,  année  1909-1910),  S.  I.  M.,  15  janvier  1910, 
pp.  81-99. 

HAENDEL 

80.  "*  HAENDEL,  Revue  de  Paris,  15  avril  1910,  p.  791-808. 

Article  reproduit  partiellement  dans  la  brochure  inti- 
tulée :  Audition  du  «  Messie  »  de  Haendeî  par  la 
Société  Haendel  de  Paris,  avec  le  concours  de  la 
Schola  Cantorum...,  Paris,  Rasquin,  1910,  et  dans 
la  brochure  de  R.  Rolland  et  Félix  Raugel,  Le  Messie 


—  117  — 

de  G.  F.  Haendel,  i7U...,  Paris,  dépôt  de  la  Société 
coopérative  des  Compositeurs  de  musique,  1912, 
grand  in-S". 

81.  LES  PLAGIATS  DE  HAENDEL,  S.  I.  M.,  15  avrll  1910,  p.  283- 

297,  et  15  juillet  1910,  p.  419-443. 

82.  HAENDEL,  dans  la  collection  «  Les  Maîtres  de  la  musi- 

que »,  247  pp.,  in-8o,  1910,  F.  Alcan. 

82.  A.  HANDEL,  transi,  by  A.  Eaglefield  Hull,  wilh  an  Intro- 

duction by  the  editor,  221  pp.  1916,  London,  K.  Paul, 
—  e/  XI  +  210  pp.,  1916,  New-York,  Holt. 

83.  PIERRE  AUBRY,  RevLie  musicale,  l«r  oct.  lylO,  p.  486-487. 

Lettre  lue  au  cimetière  de  Meudon  le  6  septembre  1910 
et  reproduite  pp.  18-20  de  la  Notice  nécrologique 
[de  Pierre  Aubry],  1911,  iu-4'',  Plon-Nourrit. 

84.  FRÉDÉRIC  II  MUSICIEN,  Rcviie  de  Paris,  l^r  février  1912, 

p.  507-528. 

85.  LES     CONCERTS     SYMPHONIQUES     POPULAIRES,     S.     I.     M., 

15  mars  1912,  p.  39-44. 

86.  ***  MÉTASTASE  PRÉCURSEUR  DE   GLUCK,   S.  /.  M.,    15   aVril 

1912,  p.  1-10. 

87.  STENDHAL  ET  LA  MUSIQUE,  préface  aux  vies  de  Haydn, 

de  Mozart  et  de  Métastase  [datée  de  novembre  1913], 
pp.  vii-Liv  de  l'édition  de  Stendhal,  publiée  par 
Edouard  Champion,  1914. 

Cette  préface  avait  paru  antérieurement  dans  la  Revue, 
tome  GV^  15  décembre  1913,  pp.  462-482. 

88.  VOYAGE  MUSICAL  AUX  PAYS  DU  PASSÉ,  avcc  [ueuf]  plan- 

ches et  ornements  dessinés  et  gravés  sur  bois  par 
D.  Galanis  (collection  des  «  Petites  curiosités  litté- 
raires »,  272  pp.,  in-12,  1919,  Paris,  Edouard-Joseph. 

Roman  comique  d'un  musicien  au  xvine  siècle.  —  La 
Vie  musicale   d'un  amateth"  anglais  au  temps  de 


—  118  — 

Charles  II,  d'après  le  Journal  de  Pedys.  —  Portrait 
de  Haendel.  —  Les  origines  du  «  style  classique  » 
dans  la  musique  du  xviif  siècle.  —  L'autobiographie 
d'un  illustre  oublié  :  Teleman,  rival  heureux  de 
J.-S.  Bach  [inédit].  —  Métastase,  précurseur  de 
Gluck.  —  Voyage  musical  à  travers  l'Europe  du 
xviiie  siècle  ;  Italie,  Allemagne. 

88.  A.  Nouvelle  édition,  247  pp.,  in-8o,  1920,  Hachette. 

89.  COLLABORATION  à  Y  Encyclopédie  de  la  musique  et  Dic- 

tionnaire du  Conservatoire,  rédigés  par  une  collectivité 
de  professeurs...  sous  la  direction  d'Albert  Lavignac, 
1913  et  ss.,  in-4o,  Delagrave,  édit. 

1.  L'opéra  au  xviie  siècle  en  Italie,  fascicules  22, 

23  et  24,  du  Tome  I,  p.  685-749,  daté  de  1912. 

2.  Les  origines  de  l'opéra  allemand,  fascicule  29, 

p.  911-928. 

3.  L'opéra  au  xviie  siècle  [Les  origines  de  l'opéra. 

Lulli],  fascicules  42-43,  p.  1343-1361. 

4.  L'opéra  anglais  au  xyii^  siècle,  fascicules  59-60, 

p.  1881-1894. 

89^^«.    COURS  PROFESSÉS  EN  SORBONNE. 

On  a  groupé  ici,  par  années  scolaires,  d'après  les  indica- 
tions du  Livret  de  l'Étudiant  de  l'Université  de  Paris,  les 
cours  de  R.  Rolland,  qui  ont  été  annoncés  comme  devant 
être  faits  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris  (Sorbonne),  les 
jeudis  après  midi,  à  l'amphithéâtre  Descartes  ;  ces  cours 
publics  ont  eu  lieu  d'abord  les  jeudis  matin,  à  l'amphi- 
théâtre Turgot  (cf.  note  1  de  la  page  50  de  ce  livre). 

1904-1905  :  Gluck,  ses  précurseurs  au  xviF  et  au 
xviiic  siècle  et  l'Europe  musicale  de  son  temps.  — 
1905-1906:  suite  de  ce  cours.  -  1906-1907:  histoire  de 
l'opéra  en  France,  de  Lulli  à  Gluck.  —  1907-1908  : 
histoire  du  Théâtre  musical  au  xviiie  siècle.  — 
1908-1909:  Haendel  et  son  temps.  —  1909-1910:  his- 
toire de  la  Musique  au  xviiie  siècle.  Les  créateurs 


119 


des  formes  musicales  modernes  :  symphonie,  sonate, 
drame  lyrique,  lied.  —  1911-1912:  Mozart. 

A  l'école  des  hautes  études  sociales. 

90.  rapport  sur  les  conférences  de  «  MUSIQUE  »  FAITES 

A    l'école    des    HAUTES    ÉTUDES    SOCIALES,    p.   69-80, 

dans  le  volume  commémoratif  L'École  des  Hautes 
Études  Sociales  1900-1910,  F.  Alcan,  édit.,  1911. 

91.  cours    professés    a   l'école    des    hautes    études 

sociales, 

Relevés,  par  années  scolaires,  d'après  les  programmes 
publiés  dans  le  volume  commémoratif  cité,  n»  90. 

2  mai  1902  :  ouverture  du  cours.  Leçon  sur  l'His- 
toire de  la  Musique  et  sa  place  dans  l'Histoire  géné- 
rale de  l'Art  (publiée  dans  la  Revue  musicale,  cf.  n»  51. 

1902-1903:  Origines  de  l'opéra.  —  1903-1904:  Gluck. 
—  1904-1905:  Grétry,  Hugo  Wolf.  —  1905-1906:  Le  lied 
avant  Beethoven.  —  1906-1907  :  Reinhard  Keiser.  — 
1909-1910:  Haendel,  musicien  dramatique.  —  1910-1911  : 
Le  mélodrame  ou  la  tragédie  parlée  avec  musique 
chez  les  maîtres  classiques  du  xviii"  siècle. 

6.  Peinture 

92.  CUR  ARS  PICTURAE  APUS  ITALOS  XVI  SAECULI  DECIDERIT, 

182  pp.  in-8,  1895,  Fontemoing. 

Thèse  latine  pour  le  doctorat  es  lettres,  dont  un  résumé 
a  paru  sous  le  titre  de  : 

93.  LA  DÉCADENCE   DE  LA    PEINTURE    ITALIENNE,    RcVUe    de 

Paris,  1er  janvier  i896,  p.  168-202. 

94.  LES  SALONS  DE  1901,  Rcvuc  de  Paris,  1er  juin   1901, 

p.  591-629. 

95.  LES  SALONS  DE  1903,  Rcvuc  de  Paris,   ler  juin  1903, 

p.  635-672. 


120  — 


7.  Histoire  et  enquêtes  diverses  (1) 

96.  LE    DERNIER    PROCÈS    DE    LOUIS  DE  BERQUIN,    1527-1529, 

Mélanges  d'Archéologie  et  d'Histoire  de  l'École  fran- 
çaise de  Rome,  tome  XII,  1892,  p.  314-325. 
Il  existe  des  tirages  à  part. 

97.  SILHOUETTES     CLAMECYCOISES     DE    LA     RÉVOLUTION, 

d'après  une  Histoire  de  la  Révolution  dans  une  petite 
ville  depuis  1789  jusqu'en  1797.  Manuscrit  inédit  du  doc- 
teur Edme-François  Bardet. 

Bulletin  de  la  Société  scientifique  et  artistique  de 
Clamecy,  30e  année,  nouv.  série,  tome  IV,  1906, 
p.  27-43. 

98.  Réponse  à  l'Enquête  de  Jacques  Morland  sur  «  l'Influence 

allemande  »,  Mercure  de  France,  tome  XLV,  janvier 
1903,  p.  106-110. 

99.'  Réponse  à  l'Enquête  sur  ((  l'Art  chrétien  ».  L'Action 
française  [revue],  juillet  1912,  nouv.  série,  tome  XXX, 
p.  12-13. 

100.  Réponse  à  l'Enquête  sur  <(  la  Guerre  des  Deux  Rives  ». 

La  Presse  et  les  Poètes  et  écrivains  désintéressés.  Les 
Marges,  tome  XI,  mars  1913,  p.  88-89. 

101 .  Préface  au  livre  de  Simone  Bodève.  Celles  qui  travail- 

lent, pp.  v-xvi,  Ollendorff,  1918. 

102.  A  l'occasion    du   choix   de   Ballades   Françaises    [de 

Paul  Fort].  Vers  et  Prose, 34^  tome,  juillet-septembre 
1913,  p.  202-203. 


(1)  Il  eût  été  facile  de  grossir  ce  groupe  en  y  joignant  les  diverses  réponses 
de  R.  Rolland  aux  enquêtes  et  numéros  spéciaux  auxquels  il  a  collaboré  : 
cf.  les  Humbles,  n"  de  janvier-février  1917,  consacré  à  Emile  Verhaeren  ; 
et  n*  d'août-septerabre  1917,  consacré  à  Gabriel  Belot,  etc. 


121 


SHAKESPEARE 


103.  SHAKESPEARE,  pouF  le  tricentenaire  de  la   mort  du 

poète,  Journal  de  Genève,  17  avril  1916. 

104.  LA  VÉRITÉ  DANS  LE  THÉÂTRE  DE  SHAKESPEARE,  Demain 

[revue  suisse],  l^e  ann.,  no4, 15  avril  1916,  p.  193-208. 

104  A-  DTE  WAHRHEIT   IN    DIE    WERKE   SHAKESPEARES,  ÛberS.  V. 

Hannah  Szàsz,  1920,  in-8,  51  pp.,  Berlin,  Paul  Cas- 
sirer. 

8.  Philosophie  et  polémique  (i) 

105.  LE  POISON  IDÉALISTE,  Rcviie  d'Art  dramatique,  juillet 

1900,  p.  661-665. 

106.  LETTRE  A  M.  FRANK  ABAUZiT  sur  «  la  Religion  et  les 

Intellectuels  »,  datée  du  23  février  1914,  publiée 
dans  le  volume  intitulé  «  le  Sentiment  religieux  à 
l'heure  actuelle  »,  p.  191,  Paris,  Vrin,  1919. 

107.  AU-DESSUS  DE  LA  MÊLÉE   [30  octobrc  1914],  préface 

d'Amédée  Dunois,  32  pp.  in-16,  1915,  Paris,  l'Éman- 
cipatrice. 

Vendu  au  bénéfice  de  l'Agence  Internationale  des 
Prisonniers  de  Guerre  ;  contient  Au-dessus  de  la 
Mêlée,  article  paru  dans  le  Journal  de  Genève  du 
22-23  septembre  1914,  et  Inter  Arma  Caritas,  paru 


(1)  Dans  ce  groupe  on  a  écarté  —  malgré  tout  l'intérêt  documentaire 
qu'ils  présentent  —  outre  les  chroniques  de  R.  R.  parues  dans  la  Biblio- 
thèque Universelle,  les  nombreux  articles  et  lettres  de  R.  R.  non  réunis  en 
volumes  et  parus  dans  divers  journaux  et  revues  depuis  1914  :  Le  Bonnet 
Rouge,  l'Humanité,  la  Tranchée  Républicaina,  les  Humbles,  la  Revue  Mensuelle 
(de  Genève),  Demain  (revue  suisse).  Clarté,  Dus  Forum,  le  Populaire;  de 
même  que  les  traductions  de  ces  articles  ou  leUr  reproduction  dans  des 
revues  étrangères  :  Cœnobium,  Das  Forum,  etc. 

Les  plus  importants  se  trouvent  indiqués  dans  les  brochures  citées  plus 
loin  de  H.  Guilbeaux  (n"  130),  de  Paul-Hyacinthe  Loyson  (n'  132),  de  Georges 
Pioch  (n"  140),  J.-M.  Renaitour  (n°  142),  et  surtout  dans  la  Ribliographie 
sommaire  qui  termine  (p.  325-330)  le  livre  de  P.-J.  Jouve  (n°  175). 


122  — 


dans  le  Journal  de  Genève  des  4,  5  et  6  novembre 
1914. 

107.  A.  ABOVE  THE  BÂTTLEFiELD,  1914,  15  pp.  in-8o,  Macmillan. 

108.  PRO  ARis,   p.  13-24  du  10e   Cahier   Vaudois,   intitulé 

Louvain-Reims,  I,  janvier  1915,  Lausanne,  C.  Tarin. 

109.  JAURÈS,  avec  une  préface  d'Amédée  Dunois,  datée  du 

2  novembre  1915,  16  pp.  in-16,  1915,  Paris,  la  Publi- 
cation sociale  [Delesalle]. 

Reproduction  d'un  article  du  Journal  de  Genève  du 
2  août  1915. 

110.  THE  iDOLS,  an  Essay  of  the  Idols  of  German  Kultur, 

with  a  letter  to  Dr  van  Eeden  on  the  Rights  of  small 
nationalities,  1915,  London,  Macmillan. 

Réunion  de  deux  articles  :  les  Idoles  parus  dans  le 
Journal  de  Genève,  du  10  décembre  1914,  et  Lettre  à 
Fred  van  Eeden,  publiée  d'abord  en  hollandais  dans 
De  Amsterdammer  Weckblad  voor  Nederland,  du 
24  janvier  1915. 

111.  AU-DESSUS  DE  LA  MÊLÉE,  163  pp.  in-8,  1915,  OllendorfT. 

95e  édition. 

Réunion  des  articles  suivants,  avec  leurs  dates  de 
publication  :  Lettre  à  Gerhardt  Hauptmann,  Jour- 
nal de  Genève,  2  septembre  1914  ;  —  Pro  Aris 
[cf.  no  108]  ;  —  Au-dessus  de  la  Mêlée  [cf.  n»  107]  ;  — 
De  deux  maux  le  moindre  :  Pangermanisme,  Pansla- 
visme? Journal  de  Genève,  12  octobre  1914  ;  —  Inter 
Arnia  Garitas  [cf.  n»  107]  ;  —  Au  peuple  qui  souffre 
pour  la  Justice  (dans  le  King  Albert's  Book,  London, 
1914,  p.  107-108);  —  Les  Idoles  [cf.  n»  110];  -  Pour 
l'Europe  :  Un  manifeste  des  écrivains  et  penseurs 
de  Catalogne,^  Journal  de  Genève,  9  janvier  1915  ;  — 
Un  appel  de  la  Hollande  aux  Intellectuels  de  toutes 
les  Nations,  Journal  de  Genève,  février  1915  ;  — 
Lettre  à  Frédéric  von  Eeden  [cf.  n»  110]  ;  —  Notre 
prochain  :  l'ennemi.  Journal  de  Genève,  15  mars 
1915  ;  —  Lettre  au  journal  Svenska  Dagbladet,  de 
Stockhohn,  parue  en  suédois  dans  ce  journal,  avril 


—  123  — 

1915  ;  —  Littérature  de  guerre,  Journal  de  Genève, 
19  avril  1915  ;  —  Le  Meurtre  des  Élites,  Journal  de 
Genève,  14  juin  1915  ;  —  Jaurès  [cf.  109]. 

111 .  A-  ABOVE  THE  BATTLE,  engllsh  translation  by  C.  K.  Ogden, 
194  pp.,  London,  Allen  &  Unwin,  1916,  et  Chicago, 
Oppencourt. 

111.  B.  AL  Di  soPRA  DELLA  MiscHiA,  unica  traduzione  italiana 

délia  45a  edizione  francese,  156  pp.,  1916,  Milano, 
L'Avanti. 

112.  Préface  [p.  i-vr],   à  «  Une  voix  de  femme  dans  la 

Mêlée  »,  par  Marcelle  Capy,  OllendorfF,  1916. 

Pour  les  passages  censurés,  voir  le  texte  complet 
publié  par  la  Revue  suisse  Demain,  15  juin  1916, 
p.  401-403. 

113.  AUX  PEUPLES  ASSASSINÉS,  La  Chaux-dc-Fonds,  édit.  des 

Jeunesses  socialistes  romandes,  1917. 

Article  paru  dans  Demain,  nos  des  10  et  12  novembre 
1916. 

113.  *•  Nouvelle  édition  tirée  à  1.000  exemplaires,  avec  un 
bois  gravé  de  F[rans]  M[asereel]  sur  la  couverture, 
9  pp.  gr.  in-8o,  juillet  1920,  Paris,  OllendorfF. 

113.  B.  A  paru  également,  hors  commerce,  sous  le  titre 
«  CIVILISATION  »,  en  191S. 

113.  c-  DEN      HINGESCHLACHTETEN     VÔLKERN,     hrg.      V.      StcfaU 

Zweig,  15  pp.,  1918,  Zurich,  Rascher. 

114.  EMPÉDOCLE   d'AGRIGENTE   ET  L'AGE  DE  LA  HAINE,  formC 

le  no  1  de  la  première  Série  des  Cahiers  du  Carmel, 
édités  à  Genève  par  la.  Maison  Française  d'art  et 
d'édition,  daté  du  15  avril  1918,  46  pp.  in-12. 

Il  existe  deux  tirages  de  cette  brochure  ;  l'une  porte  : 
Cahiers  du  Carmel,  Genève,  1918,  in-8o,  iv  +  45  pp.;  —  l'autre 
porte  :  Edition  française  publiée  par  la  Maison  française  d'art 
et  d'édition...,  Paris. 


—  124  — 

115.  Préface  à  la   seconde  édition  du  livre  du  Dr  G.-F. 

Nicolaï,  Die  Biologie  des  Krieges,  Zurich,  1918. 

Texte  français,  p.  ix  et  x,  et  traduction  allemande, 
p.  XI  à  xn. 

116.  LES  PRÉCURSEURS,  230  pp.,  in-16,  édition  de  Y  Huma- 

nité, novembre  1919. 

Réunion  des  articles  suivants  avec  leurs  dates  de  publica- 
tions :  Ara  Pacis,  Journal  de  Genève,  24-25  décembre  1915  ; 

—  l'Antigone  éternelle.  Demain,  janvier  1916  ;  —  Une  voix 
de  femme  dans  la  mêlée  [cf.  n»  112]  ;  —  Liberté,  en  italien 
dans  Avanti,  1^^  mai  1916  ;  —  La  Route  en  lacets  qui  monte, 
Le  Carmel,  décembre  1916  ;  —  Aux  peuples  assassinés 
[cf.  n»  113J  ;  —  Aux  Ecrivains  d'Amérique,  en  anglais,  dans 
The  Seven  Arts  magazine,  octobre  1916  ;  —  «  Le  Feu  »,  de 
H.  Barbusse,  Journal  de  Genève,  10  mars  1917  ;  —  A  la  Russie 
libre  et  libératrice,  dans  Salut  à  la  Révolution  russe,  édité 
par  Demain,  1er  mai  1917  ;  —  Ave  Caesar  morituri  te  salutant. 
Revue  mensuelle,  mai  1917;  —  Tolstoï  l'esprit  libre.  Les 
Tablettes,  juin  1917  ;  —  A  Maxime  Gorki,  Demain,  mai  1917  ; 

—  La  Jeunesse  suisse.  Demain,  juin  1917  ;  —  Voix  libres 
d'Amérique,  Demain,  septembre  1917  ;  —  Pour  E.-D.  Morcl, 
Revue  mensuelle,  octobre  1917  ;  —  «  L'Homme  de  douleur  », 
par  Andréas  Latzko,  Les  Tablettes,  décembre  1917  ;  —  «  Vox 
Clamantis  »...  Jeremias,  poème  de  Stefan  Zweig,  Cœnobium, 
no  109,  juillet  1919  ;  —  Un  grand  Européen,  G.-F.  Nicolaï, 
Demain,  octobre  et  novembre  1917  ;  —  Pour  l'Internationale 
de  l'Esprit,  Revue  politique  Internationale,  mars-avril  1918; 

—  En  lisant  Auguste  Forel,  Revue  mensuelle,  août  1918  ;  — 
Un  appel  aux  Européens,  Wissen  und  Leben,  novembre  1918; 

—  Lettre  ouverte  au  président  Wilson,  Le  Populaire,  18  no- 
vembre 1918  ;  —  Lettre  à  Jean  Longuet  sur  l'action  du  prési- 
dent Wilson,  Le  Populaire,  4  décembre  1918  ;  —  Contre  le 
Bismarckisme  vainqueur.  Le  Populaire,  21  décembre  1918  ; 
Déclaration  d'indépendance  de  l'Esprit,  (1)  l'Humanité,  26 
juin  1919. 


(1)  Ce  manifeste,  traduit  en  allemand  par  le  D'  Nicolaï,  forme  une  bro- 
chure à  part,  sous  ce  titre  :  Manifest  fur  d.  Unabhiingigkeit  der  Geist, 
herausg.  v.  Georg.  Fr.  Nicolaï,  Charlottenburg,  1920. 


—  125  — 

116.  ^'  THE  FORERUNNERs,  translalcd  by  Eden  Cedar  Pane, 
215  pp.  in-12,  1920,  London,  Allen  &  Unwin  et  New- 
York,  Harcourt,  Brace  &  Howe. 

116.  B-  I  PRECURSOBi,  traduzione  diC.  M.,287pp.,  1921,  Roma, 

Rassegna  Internazionale. 

M.  P.-J.  Jouve  (op.  cit.  n»  175,  p.  332)  indique  une  tra- 
duction allemande,  mais  sans  donner  le  nom  du  traduc- 
teur. Cette  référence  n'a  pu  être  contrôlée. 

117.  Préface  (p.  i-iv)  à  «  Les  Poètes  contre  la  Guerre  », 

anthologie  de  la  poésie  française,  1914-1919,  iv  -|- 
147  pp.,  1920,  Genève,  Kûndig. 

9.  Articles  et  Brochures  se  rapporta»t  au  rôle 
et  à  l'œuvre  de  Romain  Rolland  pendant  la  guerre 

Cette  liste  des  articles  et  brochures  se  rapportant  au  rôle  de  R.  R. 
pendant  la  guerre-est  très  incomplète  ;  mais  il  a  fallu  la  restreindre 
pour  qu'elle  ne  devienne  pas  une  bibliographie  de  quelques  centaines 
de  numéros.  Elle  ne  contient  ni  les  réponses  envoyées  à  l'Enquête 
ouverte  en  1915  par  les  Hommes  du  Jour,  et  réunies  par  la  Revue 
mensuelle  de  Genève,  ni  les  nombreuses  «  lettres  ouvertes  »  adressées 
à  R.  R.,  comme  celles  de  Alfred  Messer,  de  Giessen,  A  Preliminary 
for  a  better  Understanding  ;  a  letter  from  R.  Rolland,  parue  dans 
The  international  Review  (de  Zurich),  n"  3,  20  july^915,'ou  celle  de 
Axel  von  Fielitz  :  On  Romain  Rolland's  letter,  même  revue  n"  4, 
10  august  1915,  etc. 

118.  Albert  (Charles).  Au-dessous  de  la  Mêlée:  Romain 

Rolland  et  ses  disciples,  48  pp.,  in-16,  1916,  Paris, 
Rivière. 

Reproduction  de  trois  articles  de  la  Bataille  Syndi- 
caliste. 

119.  Anquetil  (Georges),  (i)  Essai  sur  R.  Rolland,  la  Beauté 

de  son  œuvre  et  ses  erreurs,  40  pp.,  in-S»  [1917]. 
Aux  Alliés. 


Cl)  Le  nom  est  écrit  Georges-Anquetil,  prénom  et  nom  réunis  par  un  trait 
d'union.  Le  jour  où  chaque  auteur  s'amusara  à  se  créer  un  nouveau  nom 


—  126  — 

120.  Archambault  (Paul).  «  Clérambault  »,  ou  le  beau  sujet 

gâché,  La  Nouvelle  Journée,  l^r  mai  1921,  p.  391-395. 

121.  Baudouin  (L.-Ch.).  R.  Rolland  calomnié,  iv  +  16  pp. 

in-8o,  1918,  Genève,  Cahiers  du  Carmel. 

122.  Bazalgette  (Léon).  Le  cœur  de  Clérambault,  Huma- 

nité, 6  octobre  1920. 

123.  Rend  A  (Julien).  Lettre  ouverte  à  M.  Romain  Rolland, 

UOpinion,  19  janvier  1916,  p.  169-170. 

124.  BoNSELs  (Waldemar).  Das  junge  Deutschland  und  der 

grosse  Krieg.  Aus  Anlass  der  Briefwechsels  Romain 
Rollands  mit  Gerhart  Hauptmann  ûber  d.  Krieg 
und  die  Kultur,  33  pp.,  1914,  Mùnchen,  Schmidkunz. 

125.  Chevassu  (Francis).  L'Esthète,  Le  Figaro,  22  décem- 

bre 1915. 

126.  Debran  (Isabelle).  M.  Romain  Rolland,  initiateur  du 

défaitisme,  [avec]  Introduction  de  Diodore,  iv  + 
39  pp.,  1918,  in-8o,  Genève,  Georg. 

127.  Divoire  (Fernand).  Stratégie  littéraire  :  Être  martyr 

ou  le  cas  R.  Rolland,  Les  Marges,  t.  XV,  15  octobre 
1918,  p.  115-117. 

128.  Edschid  (Casimir).  I  Tedeschi  e  R.  Rolland,  Cœno- 

bium,  an  XII,  novembre-dicembre  1919,  p.  3-6. 

129.  Flat  (Paul).  R.  Rolland  et  sa  bande,  Revue  Bleue, 

25  mars-28  avril  1916,  p.  193-195. 

130.  GuiLBEAUX  (Henri).  Pour  Romain  Rolland,  64  pp.  in-S», 

[Novembre  1915],  Genève,  Jeheber. 


par  cet  artifice  orthographique  et  typographique,  tout  classement  alphabé- 
tique sera  devenu  impossible. 


127 


131.  Herzog  (Wilhelm).  —  Sind  wir  Shône  Attilas?  Ant- 

wort  an  R.  Rolland.  Bas  Forum,  Heft  5/6,  august,  — 
september  1914,  p.  260-267. 

132.  LoYsoN  (Paul-Hyacinthe),  Êtes-vous  neutres  devant 

le  crime  ?  avec  une  lettre  de  E.  Verhaeren,  239  pp. 
in-8o,  1916,  Berger-Levrault. 

Publié  en  anglais  sous  le  titre  de  :  [Les  Dieux  dans 
la  Mêlée]. 

132.  ^-  The  Gods  in  the  Battle,  translated  by  lady  Frazer, 

with  an  Introduction  by  H.-G.  Wells,  xxvii  -}-  290  pp. 
in-12,  s.  d.  [1917],  London  et  New-York,  Hodder  & 
Stoughton. 

133.  KûcHLER  (Walter).  R.  Rolland,  Henri  Barbusse...  in-S», 

1919,  Wûrzburg. 

134.  Massis  (Henri).  R.  Rolland  contre  la  France,  40  pp. 

in-8o,  avril  1915,  Floury. 

Contient  un  article  de  H.  Massis  intitulé  ;  R.  Rolland 
ou  le  dilettantisme  de  la  foi,  paru  dans  l'Opinion 
du  31  août  1913  (cf.  n»  187),  et  l'article  -  mais 
incomplet  —  de  R.  Rolland  ;  Au-dessus  de  la  Mêlée, 
d'après  le  Journal  de  Genève  du  22  septembre  1914. 

Réponse  à  cette  brochure.  Cf.  n»  137. 

135.  Masson  (Frédéric),  Sganarelle,  Martine  et  R.Rolland, 

Le  Gaulois,  18  et  24  août  1915. 

136.  Maurel  (André).  1.  «  Les  Loups  »  [à  propos  de  la  repré- 

sentation au  Volksbùhne  de  Vienne] 
L'Opinion,  25  mars  1916,  p.  303- 
304. 


2.  Un  écrivain  de  la  guerre  :  M.  R. 
Rolland,  Mercure  de  France, 
1er  septembre  1915,  p.  5-19. 


—  128  — 

137.  Mesnil    (Jacques)    [à    propos    de   la    brochure    de 

H.  Massis  contre  R.  Rolland],  Mercure  de  France, 
1er  septembre  1915,  p.  137-138. 

138.  Michel    (Wilh.).    Essays    ûber    Gustav    Landauer, 

R.  Rolland...  (Die  Silbergâule  Ed.  33).  Hannover, 
Steegeman,  1920. 

139 .  MoLO  (Walt  v.).  An  Frederik  van  Eeden  und  R.  Rolland. 

OfFener  Brief,  8  pp.,  Mûnchen,  H.  Schmidt,  1915. 

140.  PiocH  (Georges),  Romain  Rolland  et  la  guerre  [avec 

une  lettre  de  R.  R.],  Les  Hommes  du  Jour,  n»  394, 
21  août  1915,  p.  1-5. 

141.  QuiRiELLE  (Pierre  de),  La  désillusion  de  M.  Romain 

Rolland,  Correspondant,  10  août  1915,  p.  550-552. 

142.  Renaitour  (J.-M.),  Servant  (St.)  et  Loyson  (Paul- 

Hyacinthe).  «  Au-dessus  ou  au  cœur  de  la  Mêlée  », 
une  Querelle  républicaine,  avec  une  lettre  de 
Romain  Rolland,  94  pp.,  in-8o,  1916,  édit.  de  la 
revue  «  l'Essor  ». 

Réunion  d'articles  parus  dans  le  Bonnet  Rouge  de 
juillet  à  novembre  1915 

143.  Seippel  (Paul),  R.  Rolland  pendant  la  guerre,  Jour/iaZ 

de  Genève,  10  octobre  1915. 

Reproduit  dans  la  revue  Cœnobium,  9»  année,  otto- 
bre-dicembre  1915,  p.  24-29. 

144.  SouDAY  (Paul).   1.  Deux  intellectuels  [R.  Rolland  et 

Henri   Bergson],  Le  Temps,  17 
décembre  1914. 

—  2.  Le  cas  de  M.  Romain  Rolland,  Le 

Temps,  30  juillet  1915. 
•—  3.  Une  déclaration  d'Intellectuels,  Le 

Temps,  27  juin  1919. 

—  4.  «  Clérambault  »  (feuilleton),   Le 

Temps,  14  octobre  1920. 


—  129  — 

145.  Sternberg  (Léo).  Die  Maske  lierunter  !  Eine  Antwort 

auf  den  Offener  Brief  R.  Rollands,  15  pp.,  in-S», 
1915,  Stuttgart. 

145&/S.  Thérive  (André).  Feu  Clérambault,  la  Révolte  contre 
Bellone,  Revue  critique  des  Idées  et  des  Livres, 
10  décembre  1920,  pp.  582-586. 

146.  Thibaudet  (Albert),  La  conscience  libre  et  la  guerre 

[à  propos  de  «  Clérambault  »],  Nouvelle  Revue  fran- 
çaise, 1er  janvier  1921,  p.  67-80. 

147.  ToTH  (Karl),  ce  Jean-Christophe  »,  und  die  Deutsche 

Kultur,  Deutsche  Rundschau,  t.  XLIV,  janvier  1918, 
p.  57-78. 

148.  Truc  (Gonzague).  1.  M.  Romain  Rolland,  Grande /îe- 

vue.  tome  XlC.décemb.  1915, 
p.  337-341. 
-*  2.  Dans  un    article  intitulé  «  De 

quelques  déformations  litté- 
raires »  (fin),  Minerve  fran- 
çaise, 15  févr.  1920,  p.  392-396. 

149.  VoGT   (William).    A  propos    du    moins    Romain    des 

Rollands  furieux.  Riposte  à  l'auteur  d'  «  Au-dessus 
de  la  Mêlée  »  et  à  ses  thuriféraires  de  jadis  et 
d'aujourd'hui,  31  pp.,  in-80,  1916,  chez  Fauteur. 

150.  Numéro  spécial  édité  par  la  revue  Les  Humbles,  avec 

l'adresse  fictive  «  Collection  les  Hommes  »,  et  con- 
tenant : 
A  Romain  Rolland  [vers],  par  Marcel  Lebarbier. 

—  La  Grande  Assemblée,  par  Han  Ryner.  —  Sur 
bien  des  gens  et  sur  R.  Rolland,  par  Luc  Vardes. 

—  Au  cœur  de  la  Mêlée,  par  Maurice  Bataille.  — 
R.  Rolland  patriote  et  individualiste,  par  A.-M. 
Gossez.  —  Ses  adversaires,  par  R.  Imbert.  —  Puis 


—  130  — 

voici  des  vers...  par  Maurice  Rocher.  —  ...et  de  la 
prose,  par  Cornélius.  —  En  manière  d'explication, 
par  Maurice  Wullens.  —  Un  défenseur  de  Romain 
Rolland  :  Henri  Guilbeaux,  par  Marcel  Lebarbier, 
33  pp.,  in-12  [1916]. 

151.  Enquête  sur  l'attitude  de  M.  Romain  Rolland  pen- 
dant la  guerre,  publiée  par  la  Revue  de  Hollande, 
numéro  de  décembre  1915  :  En  marge  de  la  Mêlée, 
par  Frederick  van  Eeden,  p.  767-774.  —  Lettres  sur 
R.  Rolland,  par  André  Fontainas,  p.  774-776;  —  et 
no  de  février  1916:  M.  R.  Rolland  et  la  croyance 
idéologique,  p.  1021-1030.  —  De  M.  R.  Rolland,  de 
l'expédition  Ford  et  de  quelques  dogmatiques  impé- 
nitents, p.  1030-1038.  —  Pour  Romain  Rolland,  par 
Junia  Letty,  p.  1038-1042.  —  Lettre  sur  R.  Rolland, 
par  Charles  Bernard,  p.  1042-1044,  —  et  A  propos 
deR.  Rolland,  par  Remy  de  Gourmont,  p.  1044-1045. 


10.  Principaux  articles,  brochures  et  volumes  sur  la  Vie 
et  l'Œuvre  de  Romain  Rolland 

152.  Beaunier  (André).  Le  Testament  d'une  époque  fran- 

çaise, Revue  des  Deux-Mondes,  lei-  décembre  1912, 
p.  685-696. 

Article  réuni  en  volume  dans  Les  Idées  et  les  Hommes, 
1"  série,  Pion,  1913,  p.  44-65. 

153.  Bellaigue  (Camille).   1.   Les  origines  italiennes  de 

«  l'Orphée  »  de  Gluck, 
Revue  des  Deux -Mondes. 
15  mars  1896,  p.  456-464. 

—  2.  L'opéra  récitatif.  Revue  des 

Deux-Mondes,  l^r  décem- 
bre 1900,  p.  608. 


—  131  — 

154.  Bertaut  (Jules).  1 .  Dans  le  volume  intitulé  :  «  Les  ro- 

manciers du  nouveau  siècle  », 
Ire  série,  E.  Sansot,  1912,  p.  159- 
195. 

—  2.  Dans  le  vol.  intitulé:  «  La  jeune 

fille  dans  la  littérature  fran- 
çaise »,  L.  Michaud,  1910.  p.  265- 
280  [à  propos  d'Antoinette]. 

155.  Bloch  (Jean-Richard).  1.  Le  Théâtre  du  peuple,  cri- 

tique d'une  utopie.  L'Ef- 
fort [journal],  n»  1  (1er 
juin  1910)  et  n»  2  (15  juin 
1910). 

Articles  signés  Jean  Richard,  réunis,  avec  quelques 
remaniements,  en  volume  dans  Carnaval  est  mort, 
édit.  de  la  Nouvelle  Revue  Française,  1920.  p.  27-40. 

—  2 .  Colas  Breugnon,  un  livre  gai, 

trois  feuilletons  de  l'Hu- 
manité, 7,  8  et  9  juin  1919. 

156.  BoNNEROT  (Jean).  Introduction  aux  «  Extraits  de  Ro- 

main Rolland  »,  p.  9-37  des  13^  et  14"  fascicules  de  la 
Ile  série  des  Cahiers  Nivernais  et  du  Centre,  octobre- 
novembre  1909. 

157.  BoRGÈSE  (G.-H.).  1.  «  Jean-Christophe  »  [daté  d'août 

1910],  dans  le  volume  La  Vita 
e  il  Libro,  terza  série,  Torino, 
F.  Bocca,  1913,  p.  30-57. 

—  2.  Un  Évangelista  di  Tolstoï,  dans  le 

volume  La  Vita  e  il  Libro,  terza 
série,  id.,  p.  172-175. 

158.  BuRÉ  (Emile).  «  Danton  »,  Le  Mouvement  socialiste, 

3e  année,  n»  51,  1er  février  1901,  p.  172-175. 


—  132  — 

159.  Chevassu  (Francis),  «  Le  Buisson  ardent  »,  Le  Figaro, 

1er  janvier  1912. 

159*^«.  Colin  (Paul).  La  vertu  d'héroïsme  et  M.  Romain 
Rolland,  Bruxelles,  1918. 

160.  Deschamps  (Gaston).  «  Jean-Christophe  »,  Le  Temps, 

10  décembre  1905. 

161 .  Dreyfus  (Robert).  Jean-Christophe  ou  l'exaltation  de 

la  douleur,  Pages  Libres,  t.  VI,  n»  271,  10  mars  1906, 
p.  237-252. 

162.  Du  Fresnois  (André).  M.  R.  Rolland  [à  propos  du 

prix  de  l'Académie],  L'Opinion,  7  juin  1913,  p.  713. 

162*»«.  DwELSHAUVERS  (Gcorgcs).  Romain  Rolland,  une  carac- 
téristique de  l'homme  et  de  l'œuvre,  Bruxelles,  éd. 
de  la  Belgique  artistique  et  littéraire,  1914. 

163.  ÉcoRCHEviLLE  (Julcs).    Dcux   Hvres   de   R.  Rolland 

[Musiciens  d'aujourd'hui  et  Jean-Christophe  à  Paris], 
S.  L  M.,  15  août  1908,  p.  847-853. 

164.  Elder  (Marc).  R.  Rolland,  La  Renaissance  contempo- 

raine, tome  VI,  octobre  1912,  p.  723-735,  et  novem- 
bre 1912,  p.  817-829. 

Réunis    en    volume    dans    Deux   Essais,    p.   55-124, 
G.  Grès,  édit.  1920. 

164*".  Ernest- Charles  (J.).  Le  réalisme  dans  le  rojaan  : 
«  Jean-Christophe  ».  [Tomes  1,  2  et  3].  Revue  Bleue, 
9  décembre  1905,  p.  764-765. 

165.  Faguet  (Emile).  1 .  «  Aërt  »,  Journal  des  Débats,  9  mai 

1892. 

—  2.  «  Danton  »,  Journal  des  Débats,  19 

mai  1898. 

-  3.  «  Le  Théâtre  de  la  Révolution  », 

Journal  des  Débats,  31  décem- 
bre 1900. 


—  133  — 

166.  Gauthier-Ferrières(J.),  «Jean-Christophe  »,  Larousse 

mensuel,  n»  72,  février  1913,  p.  644-645. 

167.  Gazzolo  (Amedeo),  Critica  estetica  e  niisticismo  reli- 

gioso  nel  l'opéra  di  R.  Rolland,  Cœnobium,  an  viii, 
31  ottobre  1914,  p.  16-24,  et  novembre-dicembre 
1914,  p.  34-40. 

168.  GiLLET  (Louis).   1.  Le  roman  d'un   enfant   prodige, 

«  l'Aube  »,  Journal  des  Débats, 
17  août  1905. 

—  2.  R.  Rolland  [à  propos  du  prix  de 

l'Académie],  Le  Gaulois,  14  juin 
1913. 

169.  Grautoff  (Otto),  R.  Rolland,  61  pp.,  in-8o,  Franksfurt 

a.  M.,  Rûtten  &  Loening,  1914. 

Contient  une  bibliographie,  p.  57-61. 

170.  Guy-Grand  (Georges),  Le  conflit  des  croyances  et  les 

mœurs  littéraires  dans  la  France  d'aujourd'hui, 
Mercure  de  France,  16  juillet  1919,  p.  101-102. 

171.  Halévy  (Daniel),  dans  le  volume  intitulé  :  «  Quelques 

nouveaux  maîtres  »,  p.  7-40,  Cahiers  du  Centre,  59« 
et  60e  fascicules  de  la  Vie  série,  février-mars  1914. 

Reproduit  avec  quelques  changements  dans  le  livre  : 
«  Charles  Péguy  et  les  Cahiers  de  la  Quinzaine  », 
p.  69-88,  Payot,  éd.,  1918. 

172.  Hérold  (A.-F.),  1.  «  Le  Triomphe  delà  Raison  »,  Mer- 

cure de  France,   t.  XXXI,  août 
1899,  p.  548-550. 

—  2.  «  Le  Quatorze  Juillet  »,  Mercure  de 

France,   t.  XLII,   mai  1902,    p. 
512-513.* 


134 


173.  HocHSTAETTER  (Max),  Essai  sur  l'œuvre  de  R.  Rolland, 

67  pp.,  in-12,  1914,  Fischbacher. 

Contient  en  appendice,  p.  59-63,  une  bibliographie 
sommaire. 

174.  JoHANNET  (René).  Ainsi  parlait  Romain  Rolland.  Les 

Lettres,  no  8,  du  15  juin  1914,  p.  457-503; 

Cf.  à  ce  sujet  réponse  à  René  Johannet  par  Maurice 
Ernst,  dans  la  Nouvelle  Journée,  du  15  juillet  1914, 
p.  254-256. 

175.  Jouve  (P.-J.),  Romain  Rolland  vivant,  1914-1919,  avec 

un  portrait  d'après  Frans  Masereel,  333  pp.  in-8, 
1920,  Ollendorff. 

Contient,  p.  319-333,  une  bibliographie  sommaire  des 
ouvrages  antérieurs  à  1914  —  et  une  bibliographie 
plus  détaillée  des  ouvrages  et  publications  de  R.  R. 
à  partir  de  1914. 

176.  KaHxN  (Maurice).  Le  Théâtre  du  Peuple  de  R.  Rolland. 

Pages  Libres,  III,  n»  153,  du  5  déc.  1903,  p.  469-474. 

177.  Key  (Ellcn).  R.  Rolland,  La  Revue  (ancienne  Revue 

des  Revues),  tome  GVI,  15  janvier  1914,  p.  171-181. 

Cet  article  contient,  pages  176-177,  une  Lettre  inédite 
de  R.  Rolland  sur  son  Credo  métaphysique. 

178.  Lagrange  (Henri).  Jean-Christophe    et   R.   Rolland, 

Revue  critique  des  Idées  et  des  Livres,  tome  IX, 
10  avril  1910,  p.  53-82. 

179.  Lamy  (Etienne).  Rapport  [sur  le  Grand  Prix  de  Littéra- 

ture] lu  à  la  séance  publique  annuelle  de  l'Académie 
française,  le  jeudi  27  novembre  1913.  Journal  Offi- 
ciel du  29  novembre  1913,  p.  10329-10330. 

180.  Lasserre  (Pierre).  M.  Romain  Rolland,  Action  fran- 

çaise, 22  juin  1909. 

181 .  La  VISSE  (Ernest).  Le  Grand  Prix  de  Littérature,  Revue 

de  Paris,  15  juin  1913,  p.  725-733. 


135 


182.  Le  Cardonnél  (Georges).  1.  R.  Rolland,  «  Le  Buisson 

ardent  »,  Les  Marges, 
IX,  janv.  1912,  p.  28-37. 

—  2.  Colas  Breugnon,  Mmerye 

Française,  15  juin  1919, 
p.  290-292. 

183 .  Lecomte  (Georges).  M.  Romain  Rolland,  Grande  Revue, 

25  juin  1907,  p.  294-319. 

184.  Lee  (Vernon).  «  Jean-Christophe  à  Paris  »,  Revus  du 

Mois,'  tome  VIII,  10  novembre  1909,  p.  588-594. 

185.  Le  Grix  (François).  R.  Rolland,  «  Jean-Christophe  », 

Revue  Hebdomadaire,  7  juin  1913,  p.  93-113. 

186.  Martinet  (Marcel).  Introduction  et  Notes  aux  «  Pages 

choisies  de  Romain  Rolland  »,  publiées  par  Marcel 
Martinet,  Ollendorff,  1921,  350  pp.  et  320  pp.,  avec 
un  portrait  d'après  Granié  [1910]. 

Sur  ce  volume,  cf.  trois  feuilletons  de  Frédéric 
Lefèvre,  parus  sous  le  titre  «  Romain  Rolland  et  le 
disciple  aîné  :  Marcel  Martinet  »,  dans  la  Vache 
Enragés,  journal  officiel  de  la  Commune  libre  de 
Montmartre,  8,  15  et  22  février  1921. 
Le  tome  II  contient  une  Bibliographie,  pp.  309  à  316. 

187.  Massis  (Henri).  M.  Romain  Rolland  ou  le  dilettan- 

tisme de  la  foi,  L'Opinion,  30  août  1913,  p.  272-274. 
Reproduit  dans  la  brochure  de  H.  Massis,  cit.  n»  134. 

188.  Maury  (Lucien).  1.  Romain    Rolland,    Revue    Bleue, 

8  mai  1909,  p.  602-605. 
Reproduit  dans   le  volume  intitulé  «  Figures  litté- 
raires »,  Perrin  1911,  p.  21-34. 

2.  R.  Rolland,  «  La  Fin  du  Voyage. 

Le  Buisson  Ardent  »,  Revue  Bleue, 
2  mars  1912,  p.  279-282. 

3.  Emile  Clermont,  Romain  Rolland 

et  l'Académie,  Revue  Bleue,  14 
juin  1913,*p.  764. 


136 


188**«.  Mignon  (Maurice).  Romain  Rolland  et  l'Italie,  Le 
Parthénon,  5  février  1913,  p.  121-124. 

189.  MoREL  (Eugène).  «  Le  Quatorze-Juillet  »,  Revue  d'Art 

dramatique,  1902,  p.  100-107. 

190.  Porche  (François).  «  Jean-Christophe  »,  Petite  Gi- 

ronde, 11  décembre  1906. 

190*«.  PouRCEL  (Georges).  L'homme  de  génie,  Jean-Christo- 
phe, Le  Parthénon,  3^  année,  20  oct.  1915,  p.  22-30. 

191.  Régnier  (Henri  de).  «  Danton  »,  Journal  des  Débats, 

19  juillet  1909. 

192.  Rétinger  (J. -H.),  dans  son  a  Histoire  de  la  litté- 

rature française  du  romantisme  à  nos  jours  ». 
B.  Grasset,  1911,  chapitre  XIV,  intitulé  «  R.  Rolland 
et  André  Gide  »,  p.  309-320. 

193.  Riou  (Gaston),  dans  le  volume  «  Aux  écoutes  de  la 

France  qui  vient  »,  B.  Grasset,  1913,  p.  270-271, 
286-288  et  290-291. 

194.  [Robinson  (Mary)],  «Jean  Christophe»,  Times,  literarg 

Supplément,  29  octobre  1905. 

195.  SÉCHÉ  (Alphonse),  L'Humble  Vie  héroïque,  pensées 

choisies  [de  Romain  Rolland]  et  précédées  d'une 
Introduction  [p.  5  à  14].  Collection  «  Les  Glanes 
Françaises  »,  92  pp.,  in-18,  1912,  Sansot. 

Titres  des  chapitres  :  Sur  la  France  —  La  Vie  —  Le 
-^  Souffle  des  Héros  —  L'Art  —  La  Musique  —  L'Amour 

et  l'Amitié  —  La  Femme. 

195*".  Séché  (Alphonse)  et  Bertaut  (Jules).  Dans  le  volume 
«  Évolution  du  théâtre  contemporain  »,  Mercure  de 
France,  1908,  p.  131-142  [sur  le  Quatorze  Juillet]. 

196.  Seippel  (Paul),  Romain  Rolland,  l'homme  et  l'œuvre» 

303  pp.  in-18,  [1913],  Ollendorff. 


137 


197.  SÔDERMANN  (Sven).  1.  Romain  Rolland,  IV +  67  pp.  et 

1  planche,  1916,  Slockholm, 
Norstedt. 

—  2.  [Notice  sur  R.  R.  à  roccasion 

du  prix  Nobel]  en  suédois  et 
en  français,  dans  le  volume 
intitulé  «  Les  prix  Nobel  en 
1914-1918  »,  p.  67-70,  Stoc- 
kholm, Norstedt,  1920. 

198.  SouDAY  (Paul).  1.  «  Jean-Christophe  à  Paris  »,  U Opi- 

nion, 12  juin  1909,  p.  759-761. 

—  \bis.  Jean -Christophe.  L'Opinion,    18 

avril  1908,  p.  23-25. 

—  Ver,  Jean-Christophe  :  Fin  du  Voyage. 

Les   Amies.   U  Opinion,    23   avril 
1910,  p.  533-534. 

—  2.  ((  Le  Buisson  Ardent  »,  Le  Temps, 

2-3  janvier  1912. 

—  3.  Jean-Christophe,  Le  Temps,  13  no- 

vembre 1912. 

—  4.  Les  Tragédies  de  la  Foi,  Le  Temps, 

23  avril  1913. 

—  5.  Colas  Breugnon,  Le  Temps,  27  mars 

1919. 

—  6.  Liluli,  Le  Temps,  8  avril  1920. 

—  7.  Pierre  et  Luce,  Le  Temps  y  2  septem- 

bre 1920. 

199.  Thérive  (André).  Les  leçons  de  R.  Rolland,  Revue  cri- 

tique des  Idées  et  des  Livres,  t.  XXII,  25  juillet  1913, 
p.  138-154. 


^  138  — 

200.  Thibaudet  (Albert).  1.  Jean-Christophe  «La  Nouvelle 

Journée  »  ,  Nouvelle  Revue 
Française,  tome  IX,  1913,  *, 
p.  316-322. 

—  2.  Le  Prix  Nobel,  jReyue  de  Pans, 

1er  février  1921,  p.  634  ;  639- 
640,  et  646. 

200bis.   ZiEGLER  (Dr  J.).  R.  Rollaud  im  Jean  Christof  ûber 
Juden  uud  Judentum,  Wien,  1918. 

201.  Zweig  (Stefan),  R.  Rolland,  der  Mann  und  d.  Werk, 

[avec  6  portraits  et  3  fac-similés]  266  pp.,  in-S»,  1921, 
Frankfurt  a.  M.,  Rûtten  und  Loening. 

Il  a  paru  une  traduction  anglaise  sous  ce  titre  : 
Romain  Rolland  :   A  critical  biography  of  the  man 
and  his  work,  8»,  1921,  New-York,  Thomas  Seltzer. 

202.  Les  Prix  Nobel  en  1914-1918,  cités  n"  197 2,  contien- 

nent, outre  la  Notice  de  Sven  Sôdermann,  une  Notice 
biographique  et  bibliographique,  p.  117-119;  un 
portrait  de  R.  Rolland,  p.  117.  (Fotograv.  gen.  stab. 
lit.  Anst.)  et  le  fac-similé  du  diplôme  qui  lui  a  été 
remis. 

203.  Enquête  ouverte  par  Henri  Chomet  et  Maxime  Revon 

sur  Romain  Rolland  et  l'influence  de  Jean-Christo- 
phe et  publiée  par  Ombres  et  Formes,  album  men- 
suel inédit  d'art  libre  et  de  critique,  in-4o,  édité  à 
Saint-Pierre-le-Moûtier  (Nièvre),  t.  III  (1912)  et  IV 
(1913). 

Lettre  de  Romain  Rolland  et  réponses  de  Alice  Ber- 
thet,  M"e  Basset  d'Auriac,  Léon  Hennique,  Emile 
Fabre,  J. -H.  Rosny  aîné,  Maurice  Barrés,  Paul 
Margueritte,  Henry  Bataille,  Han  Ryner,  Olivier 
Hourcade  (1912),  p.  185-190;  —  Jules  Claretie,  Henri 
Duvernols,  Paul  Souday,  Georges  Docquois,  Lucien 
Rolmer,  Paul  Fort  (1913),  p.  4-6;  -  Belval  Delahaye, 


—  139  — 

Jean  Desthieux,  Robert  Veyssié,  Marcel  Dugas, 
Jacques  Noir,  M^^e  Berthe  Dangennes,  p.  19-21  ;  — 
René  Lehmann,  Léon  Bocquet,  Gustaf  Morris,  Hilma 
Pilkhânen,  Cecilia  Carré,  Gaston  Picard,  p.  50-53;  — 
André  Thérive,  Arthur  Cantillon,  Serge  Bernstamm, 
p.  72-74  ;  —  Robert  Carré,  Louis  Thène,  Henry  Rey- 
mon,  p.  96-98;  —  Dorsennus,  P.-N.  Roinard,  p.  122. 

204.  La  Flamberge,  revue  de  littérature  et  de  sociologie, 

in-8o,  éditée  à  Mons  (Belgique),  n»  11,  mars  1913, 
p.  481-543.  [Numéro  spécial  consacré  à  Romain 
Rolland  et  contenant  :  Richard  Dupierreux,  Jean- 
Christophe,  p.  483-502;  —  Dominique  de  Bray,  Romain 
Rolland  et  Malwlda  von  Meysenbug,  p.  503-509;  —  Max 
Hautier,  Romain  Rolland,  critique  musical,  p.  510-515] 

Enquête  sur  R.  Bolland  et  son  œuvre  par  Arthur 
Cantillon  ;  réponses  de  Stefan  Zweig,  Otto  Grautoff, 
Nicolas  Beauduin,  Will3%  G.-R.  Benedjctus,  Belval- 
Delahaye,  Léon  Bocquet,  Jean  Bonnerot,  Claude 
Debussy,  Henry  Derieux,  G.  Duhamel,  Paul  Gilson, 
H.  Guilbeaux,  Franz  Hellens,  Vincent  d'Indy,  Jean 
Laënen,  Marius  Ary-Leblond,  Camille  Lemonnier, 
Xavier  Leroux,  Junia  Letty,  René  Lyr,  Camille 
Manclair,  Paul  Margueritte,  Louis  Pierard,  Maurice 
Pottecher,  Rachilde,  J.-H.  Rosny  aîné,  Han  Ryner, 
Saint  -  Georges  de  Bouhélier  ,  Gabriel  Trarieux, 
E.  Verhaeren. 

205.  Le   Numéro    spécial    de   l'Effort   Libre,    consacré   à 

R.  Rolland,  annoncé  par  M.  Seippel  (op.  cit.  n»  196, 
p.  264)  et  par  Otto  Grautoff  (op.  cit.  n"  169,  p.  60), 
et  devant  contenir  une  préface  de  Charles  Albert 
et  des  articles  de  Léon  Bazalgette,  Jean-Richard 
Bloch,  Louis  Gillet,  Otto  Grautoff  et  Stefan  Zweig, 
etc.,  est  préparé,  mais  n'a  pas  encore  paru.  (Rensei- 
gnement fourni  par  M.  Crémieux,  de  la  librairie 
Rieder. 


140  — 


INDEX  DES  ARTICLES  A   CONSULTER 

SUR 

Aert,  n«  165  0). 

Clérambault,  nos  120,  122,  144  0),  145bis. 

Colas  Breugnon,  nos  155  (2),  i82  (2),  198  (-). 

Danton,  nos  158,  165(2),  191. 

Jean-Christophe,  nos  28bis,  147,  152,  157,  159,  160,  161,  163, 
164i>is  168,  178,  179,  181,  182,  184,  185,  188,  190,  190bis,  194, 
198  0^3),  200,  200bis,  204. 

LiLULi,  no  198  (6). 

Les  Loups,  no  136  (*). 

Pierre  et  Luge,  no  198  ('). 

Le  Quatorze  Juillet,  no  172  (2),  189,  195bis. 

Théâtre  de  la  Révolution,  no  165  (3). 

Théâtre  du  Peuple,  no  155  0),  176. 

Tolstoï,  no  157(2). 

Tragédies  de  la  Foi,  n»  198  (-»). 

Triomphe  de  la  Raison,  no  172  (^). 

R.  Rolland  critique  musical,  n*»  163,  204. 


141 


TABLE  DES  MATIERES 


Pages 

Sa  famille  et  son  enfance  à  Clamecg 7 

Années  de  collège  et  de  lycée 10 

A  VÉcole  Normale,  1S86-1889.  —  L'influence  de  Tolstoï 

sur  Romain  Rolland 13 

A  VÉcole  de  Rome,  1889-1891.  —  Uinfluence  de  M^e  Mal- 

wida  de  Megsenbug 18 

Ses  premiers  essais  dramatiques,  1898-1902  :  Saint-Louis, 

Aërt,  Les  Loups -. 28 

Le  Théâtre  du  Peuple 34 

Les  vies  des  hommes  illustres:  Beethoven  et  Michel-Ange  41 

R.  Rolland  professeur,  critique  et  historien  musical 48 

Jean-Christophe  (190M912) 51 

Jean-Christophe  et  le  grand  prix  de  littérature  à  F  Aca- 
démie Française  (1913) 62 

Retour  à  la  musique  :  Haendel  et  Z'Encj^clopédie  de  la 

Musique 66 

Colas  Breugnon,  19U 69 

Pendant  la  guerre  :  Au-dessus  de  la  Mêlée  (1915),  les 

Précurseurs  (1919).  Le  Prix  Nobel. .  ^ 72 


—  142  — 

Pages 
Liluli  (1919),  Empédocle  d'Agrigente  (1918),  Pierre  et 

Luce  (1918) 80 

Clérambault,  1920 \ 86 

L'œuvre  de  R.  Rolland.  Son  style  et  son  influence 92 

ESSAI  DE   BIBLIOGRAPHIE 
a)  Œuvres  de  Romain  Rolland 

1.  Théâtre 101 

2.  Théâtre  du  Peuple 105 

3.  Biographies:  Beethoven,  Michel-Ange,  Tolstoï 106 

4.  Romans  :  Jean-Christophe,  Colas  Breugnon,  etc 108 

5.  Histoire  et  critiques  musicales 111 

6.  Peinture 119 

7.  Histoire  et  enquêtes  diverses 120 

8.  Philosophie  et  polémique.  Au-dessus  de  la  Mêlée  ...  121 

b)  Articles  et  brochures  sur  Romain  Rolland 

9.  Articles  et  brochures  se   rapportant  au  rôle  et  à 

l'œuvre  de  Romain  Rolland  pendant  la  guerre  ....  125 

10.  Principaux  articles,  brochures  et  volumes  sur  la  vie 

et  l'œuvre  de  Romain  Rolland 130 

Index  méthodique  de  la  Bibliographie 140 


—  143 


ERRATUM 


Page  6,  ligne  18,  au  lieu  de  :  A  cet  effet,  une  biographie  a 
été  jointe, 

lire  :  ...une  bibliographie. 

Page  22,  note  1  :  au  lieu  de  :  Empedocle  d'Agrigent, 
lire  :  ...d'Agrigente. 

Page  64,  ligne  14,  au  lieu  de  :  M.  Etienne  Lami, 
^  lire:  ...Lamy. 

Page  70,  note  1,  à  compléter  ainsi  : 

Le  premier  titre.  Colas  Brugnon,  a  dû  être  modifié,  en 
raison  de  la  protestation  d'une  personne  portant  le  même 
nom. 


Nevers.   —  Imp.  Nouvelle  l'Avenir  (assoc.  ouv.),  1  et  3,  rue  du 
Rivage,  et  4*  rue  du  Pont-Ciz«au.  —  Téléphone  3-31. 


i 


?Q     Eonnerot,  Jean 
2635      Romain  Rolland 

05Z566 


^ft\o 


^I^ 


^%^ 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


V.^^j-^Miiir^^ 


'V     -^^-^^^^ri^ 


■r»^ 


>-#^ 


■^m