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ROMAIN ROLLAND
SA VIE. SON ŒUVRE
DU MÊME AUTEUR :
Au Seuil du Temple, premier livre des Odes (hors commerce, 1906).
Le Livre des Livres, poèmes (1914-1919), couronné par l'Académie
française (B. Grasset, 1911).
Province, carnet de voyage [vers] (Cahiers du Centre, 1912).
Romain Rolland, extraits de son œuvre, avec Introduction (Cahiers
Nivernais et du Centre, 1909).
C. Saint-Saëns, sa vie et son œuvre, avec illustrations (Durand,
1914).
La Bibliothèque centrale et les Archives du Service de Santé au
Musée du Val-de-Grâce (E. Champion, 1919).
Les Routes de France, dans la Collection des Evocations françaises,
illustré (Laurens, 1921).
Autun, dans la Collection des Visites d'Art, illustré (Laurens, 1921).
A PARAITRE:
Les Paysages de France, dans la collection des Evocations fran-
çaiscs.
Semur et Saulieu, dans la collection des Visites d'Art.
Les Routes dans THistoire.
Les Passants de la Route, récits du temps jadis.
M. Romain ROLLAND
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JEAN BONNEROT
bibliothécaire à la Sorbonne
Romain Rolland
SA VIE, SON ŒUVRE
DOCUMENT POUR L'HISTOIRE DE
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE
1 8 S^o o S;
3o. I G • ^^
PARIS
Edition du Carnet-Critique
208. rue de la Convention
1921
Un visage pâle et maigre d'ascète et de rêveur ; mous-
tache blonde et courte ; cheveux grisonnants bien lissés ;
deux grands yeux gris bleu, deux éclairs, deux rayons
vivants animent et illuminent l'ovale allongé de cette
figure souffrante, d'un abord si réservé qu'il en devient
timide ; gauche de gestes, parce qu'il ne se sent pas à
son aise devant un visiteur ; parlant d'une voix fine et
frêle qui, parfois, s'enfièvre, s'emporte pour affirmer une
vérité, tel est Romain Rolland.
Son portrait n'a jamais été exposé aux vitrines des
libraires entre la photographie d'une chanteuse de
l'Opéra et d'un ministre. Lui-même, quand il vivait à
Paris, n'était pas un habitué des vernissages ou des
premières. Et seuls se rappellent peut-être sa silhouette,
ceux qui ont suivi ses cours d'histoire de la musique en
Sorbonne ou à l'École des Hautes Études Sociales, ou
qui l'ont aperçu certains jeudis, dans la petite boutique
des Cahiers de la Quinzaine, entre Charles Péguy, les
frères Tharaud, Daniel Halévy ou Georges Sorel.
Mais ses livres sont universellement connus. UAube,
en France, a atteint 115 éditions, et tous les autres
volumes de Jean-Christophe ont dépassé 50 éditions. Des
traductions anglaises, allemandes, espagnoles, hollan-
daises, italiennes, danoises, polonaises, russes et sué-
doises attestent depuis longtemps sa renommée dans le
monde. On peut aimer ou ne pas aimer son œuvre, mais
on ne peut pas plus la négliger qu'on ne peut ignorer sa
^ 6 —
vie qui en est l'âme et la raison d'être. L'une explique
l'autre et la contient. C'est pour faire connaître celle-ci
et celle-là que ces pages ont été écrites.
Il y a d'autres livres sur R. Rolland, plus compacts,
plus touffus : défenseurs ardents et détracteurs pas-
sionnés se sont multipliés. On ne trouvera ici ni une
apologie ni un réquisitoire, mais des faits contrôlés, des
textes précis, avec leurs références, des dates exactes.
R. Rolland est un historien, non pas un de ces « scribes
nés notaires et avoués de l'État, préposés à la garde de ses chartes,
de ses titres et procès, et armés jusqu'aux dents pour les chicanes
futures », dont il est question dans Clérambault (page 105),
mais un homme de bonne foi, respectueux des textes et
de la chronologie : c'était bien le moins qu'une fois on
consentît à parler de R. Rolland comme doit le faire un
historien. Rien ne sera avancé qui ne trouve ici sa
preuve — ou qui ne puisse être immédiatement con-
trôlé. A cet effet, une biographie a été jointe, qui indique,
outre les titres des articles et ouvrages de R. Rolland,
les principaux articles de revues et de journaux publiés
sur lui et son œuvre — articles amis ou ennemis ; la
bibliographie n'a pas à choisir, mais à recueillir et à
classer pour aider le travail des historiens. Les réfé-
rences seront aussi exactes et claires que possible ; ce
n'est pas une simple liste faite à coup de ciseaux au
hasard des catalogues. Certes tous les articles de revues
et de journaux n'y figurent pas. Il faut bien laisser au
critique le soin de découvrir à défaut d'erreur, quelque
léger oubli — et lui permettre d'exercer sans encombre
son métier.
— 7
Sa famille et son enfance à Clamecy
Romain Rolland est issu d'une de ces vieilles familles
françaises « qui, depuis des siècles, restent fixées au même coin de
province et pures de tout alliage étranger » (^Antoinette, p. 7). (1)
Son arrière-grand-père paternel, d'origine franc-com-
toise, J.-B. Boniard, fut un ardent révolutionnaire, « un
des douze Apôtres de la Raison », institués par Bias
Parent dans la Nièvre. Il écrivit beaucoup comme Olivier
(Antoinette, p. 23), c'était presque une manie, un besoin
séculaire d'écrire, chaque jour jusqu'à sa mort, avec une
patience simple et presque héroïque, « des notes détaillées,
de ce qu'il avait lu, dit, fait, entendu, mangé et bu ». C'était,
pour lui, des notes que personne ne devait lire, et que
lui-même ne relirait jamais. Presque toutes les pages
de cet immense journal ont été brûlées après la Révo-
lution et Romain Rolland l'a déploré (2) souvent. « Les
parents brûlent par honte, pour faire disparaître toute trace... mais
ceux qui accomplissent ces pieuses destructions ne se doutent pas
qu'ils brillaient en bien des cas leurs meilleurs titres de gloire ».
Quelques fragments épars, échappés à la ruine, se rap-
portent aux événements du 14 juillet 1789, et Romain
Rolland s'en inspirera, plus tard avec émotion, lorsqu'il
écrira son drame sur la glorieuse journée populaire. —
Du côté maternel ce sont, Bourguignons ou Nivernais,
des magistrats ou des gens de robe : une tradition fami-
liale rapportait même que des liens de parenté les unis-
(1) Nos citations et renvois se réfèrent toujours au texte original des
•Cahiers de la Quinzaine.
(2) Cf. Bibliographie, n* 97. ♦
— 8 —
saient avec les Lamoignon. — Du côté paternel, une
génération de notaires nivernais.
Vous vous rappelez le paysage : ce petit pays du
centre de la France, « pays plat et humide », où vivaient
Antoinette et Olivier Jeannin, les amis de Jean-Chris-
tophe, et vous revoyez la « petite ville endormie, qui mire
son visage ennuyé dans l'eau trouble d'un canal immobile ; autour
champs monotones, terres labourées, prairies, petits cours d'eau,
grands bois... Nul site, nul monument, nul souvenir. Rien n'est fait
pour attirer, tout est fait pour retenir » (^Antoinettey p. 8). C'est
là-bas dans le Nivernais, Clamecy la « Bruges bourgui-
gnonnes» (1) qui, sur le flanc de la colline où s'endort et
rêve son passé, reflète, dans le double miroir où s'unis-
sent les eaux de l'Yonne et du Beuvron, les clochers
anciens de ses églises, ses rues tortueuses en cascade et
ses maisons basses aux tuiles dérougies par le temps.
Ville frondeuse, aux confins de deux régions délimitées
par la nature et fixées par l'histoire : Bourgogne et
Morvand, elle dépend des comtes et des ducs de Nevers
jusqu'au jour où Jean Rouvet, un homme de génie,
créant et organisant, au xvi« siècle, le flottage régulier
des bûches de bois, lui donne le goût et l'amour de la
liberté. Et les premières grèves de France sont peut-être
celles des ouvriers flotteurs clamecycois, groupés près
du vieux pont de Bethléem, où se tient, protecteur de
leurs droits, le buste de Rouvet, par David d'Angers. En
remontant vers la ville haute, on rencontre le monu-
ment (élevé en 1905) d'un autre Nivernais, Claude
Tillier, le pamphlétaire et l'illustre romancier de Mon
Oncle Benjamin.
(1) Comparaison faite par Morton-Fullerton, dans Terres Françaises.
(Colin, 1908), p. 37.
— 9 —
Jean Rouvet et Claude Tillier furent les compatriotes
de Romain Rolland : s'il ne les a pas connus, il est un
peu leur descendant et leur héritier, et les cloches de
l'église Saint-Martin, qui chantent, amicales et un peu
tristes à l'aube de Christophe, sont les mêmes qui
ont bercé leur enfance lointaine. « Des siècles de souvenirs
vibrent dans cette musique. » (l'Aube, p. 27). Les derniers
battements du bronze tintaient encore des offices du
dimanche, lorsque s'éveilla à la vie, dans la maison de
maître Rolland, notaire à Clamecy, le lundi 29 janvier
1866,(1) le tout petit enfant, auquel on donna les pré-
noms de Romain-Edme-Paul-Émile.
C'était un blondin délicat et de petite taille ; Olivier
Jeannin ne lui ressemble-t-il pas comme un frère ?
(^Antoinette, p. 13). « Sa santé avait été gravement éprouvée par
des maladies continuelles pendant son enfance ; et bien qu'il en eut
été d'autant plus choj^é par tous les siens, sa faiblesse physique
l'avait rendu de bonne heure un petit garçon mélancolique, rêvas-
seur, qui avait peur de la mort et qui était très mal armé pour la
vie... » Mais la vie ne le changera pas : devenu homme,
il restera « doux, poli, patient en apparence, mais d'une sensibi-
lité excessive » (Dans la Maison, p. 43) ; « une parole un peu
vive le blesse, une injustice le bouleverse ; il en souffre pour lui et
pour les autres. »
Près de lui veillait une sœur aînée, dont Antoinette
semble, parfois, l'image douce et gracieuse.
Si Olivier ressemble beaucoup à Romain Rolland, si
(1) La date de naissance est 1866 — et non 1868, comme l'indiquent le
Catalogue général de la Librairie française d'Otto Lorenz, tome XV, p. 721
(les tomes suivants ont rectifié Terreur) et le Nouveau Larousse illustré,
tome VII, p. 360. Mais l'erreur se trouve également dans l'Index Biogra-
phique placé en tête de la Revue d'Art Dramatique et Musical au xx* siècle»
année 1901, page lxi, revue à laquelle collaborait activement R. Rolland.
— 10 —
tel épisode est un souvenir d'enfance de l'auteur, si telle
silhouette ou tel paysage rappelle une figure amie ou un
décor familier, il serait imprudent et inexact d'en con-
clure que les dix volumes de Jean-Christophe sont une
confession ou une autobiographie. Olivier et Jean Chris-
tophe, si différents qu'ils paraissent l'un de l'autre, sont
à des degrés divers et transposés, idéalisés, par le rêve,
le portrait de Romain Rolland : l'un plus intellectuel,
timide à l'excès, mais plus réfléchi, c'est Olivier ; —
l'autre, brutal et intransigeant, est le héros cher à
l'auteur et créé par lui, afin de lui représenter toujours
l'homme qu'il voudrait être. Un léger brouillard d'au-
tomne enveloppe le décor et voile les visages pour qu'on
ne reconnaisse pas nettement les choses et les gens ; tout
se fond dans une grisaille lointaine.
Années de collège et de lycée
C'est au collège de Clamecy que Romain Rolland, un
peu après la guerre de 1870, commença ses études et les
poursuivit jusqu'à la rhétorique; l'École Polytechnique,
à laquelle le destinaient ses parents, ne lui plaisait
point ; mathématiques et sciences exactes se heurtaient
à son impérieux besoin de rêve, de légende et de foi.
Seule la musique lui semblait le refuge et le bienheureux
abri ; il ne pouvait point s'en passer, il l'aimait; il vou-
lait lui consacrer tous ses instants; il l'appellait « le
chant des siècles et la fleur de l'histoire » (^Musiciens d'ailtrefois,
p. 9) et disait que c'était « un aliment aussi indispensable à la
vie que le pain » (Introd. à une lettre de Tolstoï, p. 1). Sa
douce mère, excellente musicienne, avait été son pre-
mier maître.
— 11 —
Son amour et sa reconnaissance pour elle ne feront
que grandir avec les années, jusqu'à ce mois de mai
1919 où il vint à Paris dire adieu à sa mère mourante :
tous ses beaux souvenirs d'enfance, hier encore vivants,
étaient du même coup rejetés dans le passé. Il n'avait
que cinq ou six ans quand elle lui fit poser ses petits
doigts sur les touches d'ivoire, et, lui donnant sa pre-
mière leçon, entr'ouvrit à son àme candide un monde
immense de joies. Puis ce furent les morceaux joués à
quatre mains avec sa sœur, les partitions déchiffrées
dans le silence du salon. Heureux temps qu'il évoquera
plus tard avec piété. « Tout est musique pour un cœur musi-
cien. Tout ce qui vibre et se meut et s'agite et palpite, les jours d'été
ensoleillés, les nuits où le vent siffle, la lumière qui coule, le scin-
tillement des astres, les orages, les chants d'oiseaux, les bourdonne-
ments d'insectes, les frémissements des arbres, les voix aimées ou
détestées, les bruits familiers du foj'^er, de la porte qui grince, du
sang qui gonfle les artères dans le silence de la nuit, — tout ce qui
est, est musique; il ne s'agit que de l'entendre )).(^L'Aube, p. 136).
Éducation musicale encore bien imparfaite dont les
romances, les airs italiens, quelques morceaux de Weber
et de Mozart firent longtemps tous les frais. Il souhaitait
de la compléter ; de courir les concerts vivants des
grandes villes, et de « sentir couler dans son cœur les flots de
bonté, de lumière et de force qui ruisselaient des grandes âmes de
Beethoven et de Wagner. » Se consacrer, s'abandonner tout
entier à la musique était son rêve. Les années passaient.
Il fallait prendre une décision ; ses parents choisirent
l'École Normale : concours difficile dont la préparation
exigeait au moins deux ou trois années dans un lycée de
Paris. C'est ainsi que toute la famille vint, à la fin de
l'année 1882, s'installer dans la capitale, à quelques pas
de ce jardin du Luxembourg, si cher à Jean-Christophe
— 12 —
(Dans la Maison, p. 35). Le père abandonna son étude,
sans hésitation mais sans souffrance, et, fidèle à son fils
et à son foyer, se relégua, s'exila volontairement dans
une vie de bureau quotidienne, ingrate et médiocre. Il
dit adieu à sa ville « que l'Yonne paresseuse et le Beuvron
baguenaudant ceignent de leurs rubans » (Colas Breugnon ^
p. 17), et aux paysages familiers, peuplés de cliers sou-
venirs et tout pleins de son enfance : clochers de Basse-
ville, coteau de Vézelay où pointe la Madeleine, chemins
silencieux qui vont droit, sans se presser. Il renonçait
au bon air du Morvand pour les brumes empestées de
Paris ; il quittait amis, parents. Il ne discuta pas ses
préférences : son fils entrait comme externe en rhéto-
rique, 3^ division, au lycée Louis-le-Grand, le 28 novembre
1882, et, sans doute, aurait besoin de son conseil, de son
amitié, de sa présence : il l'accompagna.
Trois rhétoriques successives, pendant lesquelles il eut
comme professeurs MM. Bernage et Gaspard en lettres
et M. Lemoine en histoire, et comme camarades Victor
Bérard, Paul Gavault, Paul Claudel, Emile Reibell en
1883, Raoul Barthe, F. Strowski, Léon Civry en 1884 et
1885 — et une philosophie en 1885-86 avec M. Charpen-
i er. Son meilleur camarade, et bientôt son ami, était déjà
Félix Suarès, pensionnaire à la maison voisine de Sainte-
Barbe. Wagner et Stendhal, romantisme et musique,
mysticisme et libéralisme étaient les thèmes infinis de
longues discussions après la classe. Tous deux cher-
chaient, étouffant à l'étroit, « dans un monde moral ennemi ».
Le 17 juillet 1886, il eut la joie de lire son nom sur la
liste d'admissibilité à l'Elcole Normale : détail amusant,
un homonyme, Joseph-Paul Rolland, voisinait près de
lui dans l'ordre alphabétique. L'oral eut lieu. Il fut enfin
— 13 —
reçu le 10^, le 4 août 1886, tandis que Colardeau, Barthe
et Suarès, ses condisciples de Louis-le-Grand, étaient
les trois premiers de la promotion, (l)
A l'École Normale (1886-1889).— L'influence de Tolstoï
sur R. Rolland.
Ainsi sa vie s'orientait définitivement ; il avait l'espoir
maintenant de revenir un 'jour à la musique, qui avait
été son « Paradis », en passant par la littérature. Il connut
à l'École le biologiste Le Dantec, l'orientaliste Foucher,
le sinologue Chavannes, les géographes Raveneau, Dal-
meyda, Ardaillon, Lorin, le poète Henri Ronger, les
philosophes Georges Dumas, Lalande, Mélinand, les
archéologues Gauckler, Bertaux, Toutain, le voyageur
Emile Gautier. Ses trois années (1886-1889) vont être
décisives. Il enrichit ses connaissances, il cultive sa
pensée, il perfectionne son esprit. La philosophie et la
littérature le tentèrent d'abord ; mais ses professeurs,
Brunetière et Boissier, Ollé-Laprune et Brochard, ne
surent pas le retenir près d'eux, et, dès la seconde année
(1887-88), il choisit la section d'histoire et de géogra-
phie. Sous la direction très sûre de Paul Guiraud, —
disciple de Fustel de Coulanges, — de Gabriel Monod et
(1) D'après les archives du Lycée Louis-le-Grand, registre d'inscription des
externes, f* 5, n* 88, — Pour les curieux qui croient que les succès scolaires
ont un sens quelconque, disons que R. R. eut en rhétorique, 1883, un
1" accessit, vétérans, en histoire et un 5* de récitation ; en 1884, 4* accessit
d'histoire et 4* de langue latine: en 1885, pas de nomination; et en 1886
(philosophie) un 6* accessit d'excellence et un 2* prix d'histoire.
(Renseignements obligeamment fq^urnis par M. Ch. Guillot).
— 14 —
de Vidal de La Blache, il se créa très vite une discipline,
une méthode, une personnalité ; l'érudition sévère et
prudente lui apprit l'art de dépouiller les faits comme
des classements d'archives, de déchiffrer les vies comme
des textes toujours inédits, l'art de les assembler, de les
coordonner et d'en faire jaillir, comme un éclair vivant
au frottis de deux silex, une œuvre humaine. Une troi-
sième année le conduisait à l'agrégation d'histoire et de
géographie; il était reçu 9^ sur 14, le 31 août 1889.
Evénements universitaires sans grande importance,
si on les compare aux « découvertes » que R. Rolland
vient de faire au cours de ces trois années. Dégoûté de
l'idéalisme officiel et fade que ses premiers professeurs
avaient voulu lui inculquer, passionnément épris de vie
et de vérité, ennemi des illusions quelles qu'elles soient,
et des discussions oiseuses qui sont de faux jeux d'esprit,
inquiet, cherchant une foi sûre pour asseoir son œuvre
d*homme, seul, sans guide, sans ami, sans maître
« dans le désert infini de sa pensée », R. Rolland troUVa les
deux chefs qui devaient lui montrer le cliemin.
Années d'affaissement et d'angoisse que R. Rolland,
dialoguant avec Jean- Christophe (« Dialogue de l'auteur
avec son ombre » au début de la Foire sur la Place, p. xxv)
ne manquera pas d'évoquer avec une certaine tristesse.
« Combien nous avons souffert, et tant d'autres avec nous, quand
nous voyions s'amasser chaque jour autour de nous une atmosphère
plus lourde, un art corrompu, une politique immorale et cynique,
une pensée veule s'abandonnant au souffle du néant avec un rire
satisfait... Nous étions là, nous serrant l'un contre l'autre angoissés,
respirant à peine... Ah! nous avons passé de dures années ensemble.
Ils ne s'en doutent pas nos maîtres des affres où notre jeunesse s'est
débattue sous leur ombre. »
Plus douloureux est le cri qu'il jette aux premières
— 15 —
pages de son Beethoven (p. 3, éd. des Cahiers) et dont
l'écho, lointain comme un appel au fond des bois, résonne
tristement à l'aube du xx^ siècle : « L'air est lourd autour de
nous. La vieille Europe s'engourdit dans une atmosphère pesante et
viciée. Un matérialisme sans grandeur pèse sur la pensée et entrave
l'action des gouvernements et des individus. Le monde meurt
d'asphyxie dans son égoïsme prudent et vil. Le monde étouffe. »
1886. Les premières traductions de Tolstoï et de
Dostoïewsky paraissent en France. En deux ou trois
ans, on édite successivement Guerre et Paix, Anna Karé-
nine, Enfance et Adolescence, La Mort d'Ivan Iliitch.
R. Rolland ne lisait pas de romans, et voici que dans
ces romans « fleurs merveilleuses de l'art russe... se découvrait
l'œuvre de toute une grande vie, se reflétait un peuple, un monde
nouveau » (Vie de Tolstoï, p. 2); voici qu'un chef, un ami,
un maître lui était donné. Et dans les « turnes », où le
soir bavardaient les camarades de promotion, voici
que toutes les discussions, tous les désaccords étaient
oubliés. Chacun aimait Tolstoï, parce que chacun s'y
retrouvait soi-même, et que « c'était une porte qui s'ouvrait
sur l'immense univers, une révélation de la vie ». Mais c'était
encore peu d'admirer l'œuvre ; « nous la vivions, elle était
nôtre, nôtre par sa passion ardente de la vie, par sa jeunesse de
cœur. Nôtre par son désenchantement ironique, sa clair vo3'^an ce
impitoyable, sa hantise de la mort. Nôtre par ses rêves d'amour
fraternel et de paix entre les hommes. Nôtre par son réquisitoire
terrible contre les mensonges de la civilisation. Et par son réalisme
et par son mysticisme. Par son souffle de nature, par son sens des
forces invisibles, son vertige de l'infini ».
De ce jour, Tolstoï fut le guide de Romain Rolland ;
mais un doute subsistait entre le maître et le disciple i
Tolstoï considérait déjà (Qu'est-ce que l'Art ne paraîtra
qu'en 1897-98) l'art comme « un vas^e système de corruption^
— 16 —
«n culte du plaisir, une superstition intéressée de l'élite européenne
dans la jouissance égoïste », tandis que R. Rolland aimait
l'art sous toutes ses formes, avec passion, et surtout
la musique, dont il ne pouvait se passer ; et voici que
Tolstoï déchirait les pages les plus émouvantes de
Beethoven, de Wagner, et les jetait à l'oubli, comme une
œuvre « immorale » et « qui désunit les hommes ». Affligé d'un
si brutal mépris, R. Rolland écrivit à Tolstoï pour lui
exposer ses craintes, ses angoisses.
Le 4 octobre 1887, Tolstoï répondit, en français, une
longue et noble lettre, que R. Rolland publia quinze ans
plus tard (1902). (l) Lettre prophétique qui est comme
un manifeste et un appel à l'art populaire : elle montrait
le côté factice et vain de l'art et de la science, tels qu'ils
étaient alors ; elle prouvait que l'art ne doit pas être la
propriété d'une caste sociale privilégiée et que « les pro-
duits de la vraie science et du vrai art sont les produits du sacrifice
et non des avantages matériels. » Elle disait notamment :
« La science véritable et l'art véritable ont toujours existé et existe-
ront toujours... » L'art s'étiole aujourd'hui, parce qu'il
« n'a plus de racines dans la vie de la terre » parce qu'il est
«l'œuvre de fantômes d'hommes, d'ombres d'êtres, de larves
nourries de mots, de couleurs de tableaux, de sons d'instruments de
musique, d'extraits de sensations. » Il ne peut vivre désormais
que s'il s'oriente nettement dans un sens populaire.
Avec quelle joie, avec quelle émotion R. Rolland put
lire cette lettre, au début de sa seconde année d'École ;
une main amie se tendait vers lui, une lumière enfin
éclairait sa route, une voix l'appelait « cher frère » et lui
disait les mots humains et vivants qu'il attendait depuis
(l) Cf. Bibliographie N* 27.
— 17 —
si longtemps. Il réfléchit. Sa vie était fondée ; elle avait
un but ; il n'allait plus à tâtons, comme un aveugle. Il
savait. L'enseignement serait le métier, le gagne-pain,
mais il ne vendrait pas son art : « La gêne n'est pas inutile à
l'esprit. Une liberté trop grande est mauvaise inspiratrice ; elle porte
la pensée à l'apathie et à l'indifférence. L'homme a besoin d'aiguil-
lons. Le génie veut l'obstacle et l'obstacle fait le génie ». Et joyeu-
sement, R. Rolland se remit au travail. C'est de cette
époque que date sa première œuvre, une sorte de confes-
sion philosophique, intitulée Credo qtiia veriim (1888),
confession inédite, qui est connue seulement par les
lignes très brèves où M. Seippel en a esquissé le sens
général (op. cit. n° 196, pp. 26-27). Essai d'inspiration
panthéiste dont le point de départ est : Je pense, donc
IL EST ou, plus exactement. Je sens, donc il est. « Contre
la pensée intellectuelle pure, R. Rolland revendiquait
les droits de la pensée sensation. De ce noyau central il
faisait sortir tout le reste, une conception de Dieu et du
monde extérieur, une explication de la liberté, enfin des
règles morales et esthétiques ». Il faut souhaiter que cet
essai « dont la lumière a toujours suffi à l'éclairer » soit, un jour
prochain, publié.
N'oublions pas de noter un petit détail qui n'a pas été
sans influence sur les élans, les douleurs de R. Rolland.
A l'École, il n'eut vraiment qu'un seul ami, Suarès, son
compagnon de Louis-le-Grand ; tous deux, musiciens
épris de Reethoven et de Wagner, enthousiastes pour
Dante, Shakespeare et Gœthe, se sont liés, se sont aimés,
loin des camarades moqueurs ou méchants. Depuis, la
destinée les emporta dans des sentiers différents. Le
style, le goût, les idées, pourraient les opposer l'un à
l'autre. Mais, entre dix-huit et vingt-cinq ans, tandis que
18
« la vie est un malentendu incessant et cruel et que chacun vit près
des autres sans jamais les comprendre, » (^Saînt-LouiSf IV),
R. Rolland et Suarès furent amis et se confièrent leurs
doutes, leurs espoirs, leurs tristesses. Suarès était d'un
autre sang et d'une autre race : il était juif et à ce mot
des passions s'éveillent, des rancunes s'attisent, des
vengeances se méditent. Suarès, juif, fut persécuté,
moqué, raillé. R. Rolland souffrit de cette injustice et
comprit, ce jour-là, tout le mal que l'on fait avec des
mots. Il se promit dès lors de ne pas suivre le trou-
peau hurleur, et d'être bon — non pas faible — , mais
humainement bon et fidèle à l'amour autant qu'à la
vérité. Et peut-être, ce jour-là, eut-il l'idée première de
son héros Jean-Christophe.
A l'École de Rome (1889-1891). — L'influence
de M"e Malwida de Meysenbug
Les concours finis en août 1889, R. Rolland, agrégé
d'histoire, attendait, dans quelque ville lointaine, un
poste de professeur, — et songeait à son œuvre d'artiste,
quand ses maîtres de l'École Normale lui offrirent de
partir, pour deux ans, comme élève à l'Ecole française
de Rome ; un de ses camarades, candidat à Rome, ayant
échoué à l'agrégation, une des deux places était donc
libre ; il devrait accepter. R. Rolland avait une certaine
défiance contre l'Italie : la littérature, aux descriptions
lyriques, avait tant abusé de ce décor qu'il croyait le
connaître déjà avant de l'avoir vu ; cette musique
bruyante, vulgaire et sentimentale, dont il avait entendu
tant de fragments, le fatiguait par avance. Mais il se
— 19 —
laissa convaincre et, le 17 octobre 1889, il était nommé
élève à l'École française d'Archéologie et d'Histoire.
Le mois suivant, il partit pour l'Italie. Brusquement,
comme un adolescent devant une femme, hier inconnue
ou dédaignée, reçoit en plein cœur un coup de passion,
il se sentit charmé, saisi, vaincu. Il s'éprit de Rome
avec autant de naïveté que d'enthousiasme ; il connut ses
musées, ses monuments, ses archives ; surtout il aima
son ciel, son paysage. Mais il fréquentait peu ses cama-
rades « Romains »: AudoUent, Gsell, Jordan, — d'une
promotion plus ancienne — et qui étaient tout le jour
absorbés par leurs recherches d'érudition aux archives.
Il vivait à l'écart, silencieux et presque sauvage. Un clair
souvenir de ces jours de flânerie et de découverte éclaire
doucement quelques pages de Jean-Christophe (La Nou-
velle Journée, pp. 28-41). « La lumière romaine, les jardins
suspendus, la Campagne que ceint comme d'une écliarpe d'or la mer
ensoleillée, lui révélèrent peu à peu le secret de la terre enchantée. »
Surtout il fit la connaissance d'une femme dont les
idées et l'amitié eurent sur lui une grande influence.
M"® Malwida de Meysenbug à qui l'avait recommandé
son maître de l'École Normale, le professeur Gabriel
Monod.
M"^ Malwida de Meysenbug, alors âgée de 72 ans,
habitait derrière le Colisée, via Polveriera, un petit
appartement, où l'on venait de partout en foule, comme
en pèlerinage. L'histoire souffrante et courageuse de sa
vie, autant que sa belle intelligence, justifiaient l'admi-
ration et le véritable culte dont on l'entourait. Elle était
née en 1816, à Cassel, la neuvième de dix enfants, d'une
famille de protestants français réfugiés au xvii^ siècle.
Son père, baron, était premier ministre de l'Électeur
— 20 —
Guillaume I" de Hesse-Cassel. Milieu aristocratique,
protestant et conservateur où son esprit, indépendant et
réfléchi, se heurte à maints préjugés. La révolution de
1848 éveille en elle le goût de la prédication humani-
taire et l'amour des idées généreuses ; blâmée par sa
famille, elle part seule et gagne sa vie en travaillant à
un institut d'éducation, fondé à Hambourg par les
communistes ; elle crée et dirige une école rationaliste,
jusqu'au jour où la police intervient et la chasse (1852);
elle s'exile en Angleterre, et par des leçons et des tra-
vaux de traduction parvient à ne pas mourir de faim.
Londres est alors le refuge des exilés de toute l'Europe :
Kossuth et Pulszky, Mazzini et Orsini, Herzen et Ogareff,
Louis Blanc et Ledru-Rollin, agitateurs et proscrits de
tous pays et de toutes doctrines. Elle devient leur amie,
leur consolatrice. Elle se fait l'éducatrice des deux filles
d'Alexandre Herzen, puis, en 1882, vient se fixer défini-
tivement en Italie avec la plus jeune, Olga Herzen, qui
ne la quittera que onze ans plus tard, en 1873, pour
épouser Gabriel Monod. Dès lors, elle vécut à Rome ou
à Tarente, — ne s'absenlant que pendant les mois d'été
qu'elle passait à Versailles, dans la famille Monod.
A Rome, elle se lia d'amitié avec Wagner, Liszt, Lenbach,
Nietzsche, Garibaldi, Ibsen. Ses mémoires, (l) — publiés
sous le titre de Mémoires d'une Idéaliste avec, comme
(1) Mémoires d'une Idéaliste, par Malwida de Meysenbug, traduits de
rallemand avec une préface de Gabriel Monod, 2 vol. in-12, Paris, Fisch-
bacher, 1900, xvii + 436 p. et 316 p.
Le Soir de ma vie (Suite des Mémoires d'une Idéaliste), précédée de la Fin
de la vie d'une Idéaliste, par Gabriel Monod, Fischbacher, 1008, xvi + 400 p.
Sur M"' de Meysenbug, voir aussi deux articles d'Alfred Dumaine, Con-
fession d'une démocrate allemande : Malwida de Mcijsenhag, dans la Revue de
la Semaine, 10 juin 1921, pp. 131-152, el 17 juin 11)21, pp. 278-299. et l'article
de Dominique de Bray, dans la Flamberge, cité à la Bibliographie n° 204.
21
suite, Le Soir de ma vie, — évoquent, en maintes pages,
le souvenir des amités illustres qui peuplèrent sa vie.
Nietzsche (l) l'appelait « chère amie qui m'êtes une sœur » et
la prenait pour confidente de ses tristesses et de ses
efforts.
R. Rolland fut aussitôt l'un des plus fidèles du salon
de M"* de Meysenbug. Il y vient chaque soir, causer
musique ou art, écouter ses souvenirs ou lui jouer
quelque fragment de Mozart, de Bach, de Beethoven.
Il fit partie de sa vie. Il fut son familier. Entre eux, une
intimité exquise s'établit dont on retrouve un écho dans
plusieurs pages des Mémoires de Mahvida de Meysenbug.
Même tout le chapitre XII du Soir de ma vie est consacré
au jeune Français enthousiaste qui « réveillait en elle la
jeunesse de la pensée et un intérêt intense pour tout ce
qui est beau et poétique ». Nous avons là un portrait
de R. Rolland pris sur le vif qu'il serait impardonnable
de négliger.
« Ses dons musicaux ne furent pas seuls, à m'attirer rers ce jeune
ami... Sur tous les autres terrains de la culture intellectuelle, il me
semblait être dans son élément, aspirant toujours à un plus complet
développement de lui-même... Chez ce jeune Français, je retrouvai
ce même idéalisme, cette même hauteur d'aspirations, cette même
intelligence profonde de toutes les grandes manifestations intellec-
tuelles que j'ai déjà trouvées chez des hommes supérieurs de natio-
nalité différente. Il était grand admirateur de Tolstoï ; il aimait
Mozart, Bach, et par-dessus tout Beethoven... Il était dans llenthou-
siasmc de Wagner... A Rome il contemplait surtout les chefs-d'œuvre
de la Renaissance, et sous l'influence de la grandiose nature du
Midi s'épanouissait dans l'étude comme une fleur qui a trouvé son
terrain propice... » (Le Soir de ma vie, pp. 309-310).
(1) Cf. Daniel Halévy, La Vie de Frédéric\ietzsche. C, Léry, 1909, p. 180
et ss., 220 et ss., etc.
— 22 —
M"^ Malwida de Meysenbug eut sur R. Rolland une
grande influence — moins artistique et intellectuelle que
morale. Elle ne fut pour rien dans l'orientation de ses
idées philosophiques ; mais elle fut sa confidente, son
guide, son bon génie. R. Rolland lui-même, dans une
lettre à Paul Seippel (op. cit. y n° 196, p. 33) en a témoigné.
« C'est par le raj'^onnement de son âme épurée, calme, sereine, tou-
jours jeune, après avoir traversé tant de misères, de tristesses, de
vilenies, qu'elle eut une action sur moi, comme sur tant d'autres. »
C'est de Rome que datent ses premiers essais de
théâtre, pièces historiques, actions romaines ou drames
italiens que M"^ Malwida de Meysenbug fut la première
à connaître et à admirer. Plusieurs des sujets qu'il avait
choisis et traités se rapportaient à cette période de la
Renaissance italienne qu'il étudiait alors avec passion
et qu'il connaissait mieux que tout autre. « Il était si péné-
tré de l'esprit de ce temps-là, dit M^^^ de Meysenbug, la pein-
ture par ses personnages le lui avait si bien révélé, qu'eux-mêmes
semblaient revivre, pénétrer dans son imagination et agir ainsi
qu'ils auraient pu le faire à cette époque. » Nous ne savons que
les titres de ces pièces : Orsino, Les Baglioni, Le Siège
de Mantoue, et cette Jeanne de Vienne, où il contait
l'aventure douloureuse et tragique d'une femme séduite
par le connétable de Montmorency, puis abandonnée.
Enfin des sujets à titre antique tels que Niobé, Caligula
et surtout un EmpédocleyW drame philosophique dont
les idées directrices se retrouveraient dans son opuscule
inédit. Credo quia vernm, écrit à l'École Normale en
(i) Empédocle, le philosophe d'Agrigent, est un héros cher à R. R. Il avait
été son premier guide avec les autres philosophes présocratiques, à l'époque
où il cherchait « une certitude sur laquelle il pût fonder sa vie ». Près de
trente ans plus tard, en 1918, il sera encore son guide cl R. R. lui consacrera
des pages enthousiastes. Cf. plus loin, et Bibliographie, n* 114.
— 23 —
1888. 11 fut question de jouer une ou deux de ces pièces à
la Comédie-Française. Mounet-Sully, qui les avait lues,
en était enthousiasmé. Applaudissements, éloges ou
promesses font partie du théâtre et n'engagent personne,
puisqu'ils ne prouvent rien. Autant en emporte le vent.
Un conflit d'acteurs s'éleva dans les coulisses. Le Bargy
et Silvain désapprouvaient le choix. Le drame fut sacri-
fié. L'oubli l'enveloppa. Mais il faut souhaiter qu'un
jour R. Rolland recherche, dans le carton où ils dor-
ment, ces drames italiens et, les réunissant en un volume,
en fasse le digne pendant de ses Tragédies de la Foi.
Deux années pleines (1889-90 et 1890-91) passèrent :
années de travail et de réflexion, années de recherches (i)
dans les bibliothèques pour la mise au point de sa
thèse sur l'histoire de l'Opéra avant Lulli et Scarlatti.
R. Rolland voulut les couronner royalement par une
visite à Bayreuth, où M"*^ de Meysenbug le reçut elle-
même dans le parc de Wahnfried. Elle n'était pas venue
saluer Cosima Wagner, sa fidèle amie, depuis 1883,
depuis que le maître de l'Anneau des Nibeliingen s'était
endormi dans la mort. Ils s'inclinèrent ensemble devant
la tombe où repose la dépouille humaine du poète ; ils
assistèrent ensemble à une représentation de Parsifal,
(1) Pendant lesquelles R. Rolland ne rédigea que son « Mémoire » d'étude,
obligatoire, en seconde année, pour les élèves de l'Ecole. Ce Mémoire, dont
le sujet était emprunté à l'histoire diplomatique du xvi', était intitulé :
Histoire des négociations diplomatiques depuis le sac de Rome jusqu'à la paix
de Cambrai, d'après les lettres et instructions du cardinal Salviati, légat en
France de juin 1527 d août 1529 et les documents du temps. Il parvenait à
TAcadémie des Inscriptions le 24 avril 1891, et était analysé par Gaston
Boissier, dans le « Rapport annuel présenté au nom de la Commission des
Ecoles de Rome et d'Athènes ». (Cf. Comptes rendus des séances de l'Académie
des Inscriptions et Belles- Lettres, 4* série, t. XIX, 1891, pp. 391-392.) Roissier,
après quelques réserves, note déjà : « L^ narration de M. Rolland est
intéressante et indique un véritable sens historique ».
24
puis ils se séparèrent. R. Rolland, dit M"^ de Meysenbug,
avait voulu « dore ainsi ses belles années de jeunesse passées en
Italie et recevoir ces impressions sublimes en quelque sorte comme
une bénédiction, au seuil de l'âge viril, pour ses travaux projetés,
ses luttes et ses déceptions presque certaines. »
De retour à Paris, R. Rolland commença le rude
apprentissage de la vie. L'amitié de ses parents, qui
s'étaient installés dans le quartier des Écoles, parvint
seule à lui adoucir la dureté des heures et la tristesse de
la solitude. Le travail de sa thèse l'absorbait, le concert
ou quelques lectures étaient les seules distractions qu'il
se permettait. Un an plus tard, en 1892, R. Rolland se
maria, et obtint une mission en Italie (1892-93) pour
achever sa thèse. Il revit M"^ de Meysenbug avec laquelle
il n'avait cessé de correspondre. Depuis 1891, ils s'écri-
vaient chaque semaine et, jusqu^au 26 avril 1903, jour
où M"* de Meysenbug s'éteignit, heureuse, comme dans
une fête, à l'âge de 85 ans et 6 mois, ses lettres appor-
teront à son jeune ami « cette bénédiction que la vieillesse
donne à la jeunesse » et lui diront sans fin que l'art véri-
table et sincère est le salut dans la douloureuse beauté
de la vie quotidienne.
C'est pendant ce nouveau séjour à Rome que R. Rolland
conçut les grandes lignes de son roman ; c'est dans ce
décor lumineux et chaud, oii Olivier retrouve Grazia,
que lui est apparu « le héros aux yeux et au cœur purs » qui
devait être Jean-Christophe. Il vit au bas de l'Apennin,
dont les monts abrupts s'enchaînent et se déroulent
ainsi qu'une farandole, « la mer, la mer latine et sa lumière
d'opale où dorment suspendues des volées de petites barques, aux
ailes repliées. » Il se grisa de lumière, de cette lumière
« sang du monde qui coule dans l'espace comme un fleuve de vie et
s'infiltre jusqu'au fond de notre chair, lumière plus nécessaire à la
— 25 —
vie que le pain. » Il parcourut « le Forum rouge au soleil cou-
chant », il connut « la joie de l'âme et des yeux » et aima «le
sourire de ce ciel latin qui baigne la laideur des plus humbles choses,
qui fleurit les pierres des vieux murs et communique à la tristesse
même son calme raj'onnement » (La Nouvelle Journée, pp. 39
à 57.) Il prit des notes, il marqua les thèmes de sa par-
tition, il en fixa le rythme, il fit le plan de son œuvre.
« La symphonie s'organise, l'ombre s'éclaire. Sur le long ruban de
route qui se déroule, se marquent par étapes les foj-^ers lumineux qui
seront à leur tour dans l'œuvre en création les noyaux des petits
mondes planétaires..., les grandes lignes du tableau sont arrêtées. A
présent, son visage surgit de l'aube incertaine. Tout se précise :
l'harmonie des couleurs et les traits des figures... »
Ainsi R. Rolland dit comment Jean-Christophe crée
une symphonie (La Nouvelle Journée, pp. 216-217.) Ainsi
est née et a grandi l'œuvre elle-même. R. Rolland est
musicien avant tout, mais un musicien qui se règle
selon certaines disciplines très strictes et qui a appris,
à l'école de Gabriel Monod et de Paul Guiraud, la valeur
des faits et l'art précieux de les assembler, de les coor-
donner.
C'est à Rome même, dès 1893, que R. Rolland écrit
déjà des passages entiers de Jean Christophe. Il a bâti
patiemment son héros ; mais celui-ci ne s'est mis en
route que lorsque son maître eût « reconnu pour lui la
route jusqu'au bout. » Plusieurs chapitres de la Foire sur
la Place datent de cette époque ; certains portraits ont
été esquissés et dessinés, certains épisodes ont été fixés
bien avant VAube ou le Matin. Et cet aveu, adressé aux
Amis de Christophe dès 1909 (Dans la Maison, p. 17), n'a
étonné que les timides aux idées toutes faites et les cri-
tiques à gages. Ceux-ci ont voulu voir dans Jean-Chris-
tophe un roman. Ce n'est pas davantage un poème. C'est
— 26 —
la vie d'un homme. Et « la vie d'un homme ne s'enferme point
dans le cadre d'une forme littéraire ». La COuleur de couver-
ture peut tromper les ignorants. Mais qu'il évoque la
vie de Beethoven, de Michel-Ange, ou qu'il raconte la
vie de Jean -Christophe, R. Rolland est et demeure
historien. Il est le savant qui travaille d'après des don-
nées précises et exactes ; il est le critique attentif qui
note avec lenteur, — certains diront avec une gaucherie
de traducteur, — mais toujours avec une loyale et impec-
cable sincérité, détails intimes, événements minuscules,
faits divers sans importance apparente, tout ce qui rap-
proché, entassé, combiné, doit servir à l'évocation par-
faite de son personnage ; il s'interpose entre eux et lui ;
il ne crée pas, il recrée.
Je n'en veux d'autre preuve que ces quelques lignes
que j'extrais d'une lettre, datée de 1909. « Pour dire la vérité
sur la façon dont je travaille, mon état d'esprit est toujours celui
d'un musicien, non d'un peintre. Je conçois d'abord comme une
nébuleuse l'impression musicale de l'ensemble de l'œuvre, puis les
motifs principaux et surtout le ou les rythmes, non pas tant de la
phrase isolée que de la suite des volumes dans l'ensemble, des cha-
pitres dans le volume et des alinéas dans le chapitre. Je me rends
très bien compte que c'est là une loi instinctive ; elle commande
tout ce que j'écris. »
La vie universitaire va reprendre R. Rolland, l'absor-
ber peut-être, au point qu'il ne pourra plus achever l'œu-
vre qu'il porte en lui, — et qu'il devra dire adieu à ses
rêves les plus chers... Non I II n'est pas besoin d'avoir
des loisirs et des journées libres pour écrire. Au con-
traire ! La gêne du métier quotidien sera l'aiguillon. Il
se débattra, il luttera, mais il vaincra : ce sera la récom-
pense. Il a beaucoup écrit déjà, mais il n'a encore publié
qu'un petit article d'érudition historique : Le dernier
— 21 —
procès de Louis de Berquin (i) — où l'on pourrait déjà
découvrir le polémiste et le défenseur ardent des justes
causes, — quand il est chargé, en 1893, d'un cours com-
plémentaire d'histoire de l'art dans les lycées de Paris...
C'était, pour sa santé fragile, un poste moins pénible
que celui de professeur d'histoire au Lycée de Bourges,
qu'on lui avait offert à son retour de l'École de Rome,
mais aussi un poste d'attente. Pour le reposer de ces
courses incessantes à travers les lycées parisiens, on le
nommait, au début de 1895, professeur suppléant de
morale à l'École J.-B. Say. Petits incidents universi-
taires, dont Olivier entretiendra parfois Jean Christophe,
non sans amertume {Dans la Maison). Mais c'en est fini
de cette incertitude. Il passait sa thèse en Sorbonne le
19 juin 1895 et était reçu docteur es lettres, avec la men-
tion « très honorable ». Le sujet qu'il avait choisi et qu'il
avait mûri et documenté pendant ses séjours italiens.
Les origines du théâtre lyrique moderne : Histoire de
l'Opéra en Europe avant Lulli et Scarlatti, (2) affirmait
victorieusement ses goûts pour la musique ; pour la
première fois, une thèse en Sorbonne ne traitait ni
d'histoire, ni de littérature, ni de philosophie, et mon-
trait la place — inconnue ou méconnue — que la musi-
que tenait réellement dans l'histoire générale.
A la rentrée des vacances, R. Rolland était chargé
d'un cours complémentaire d'histoire de l'art à l'École
Normale supérieure, le 21 octobre 1895 : peinture et
(1) Cf. Bibliographie n' 96. — Louis de Berquin, condamné à mort et
exécuté en 1529, par sa faute et pour avoir voulu obtenir une éclatante jus-
tification de sa conduite et de ses opinions.
(2) Cf. Bibliographie n' 32.
— 28 —
sculpture, architecture, gravure semblaient seuls se
partager l'honneur d'avoir un historien. La musique
devait encore attendre quelques années pour obtenir,
dans cet enseignement, droit officiel de vie et de cité.
C'est à l'École Normale que R. Rolland eut, dès 1895,
comme élève de seconde année, Charles Péguy, futur
fondateur et gérant des Cahiers de la Quinzaine. La
camaraderie d'élève à professeur se clianga très vite en
une solide amitié. R. Rolland sera un des premiers
auteurs qu'éditera Péguy dès 1898, dans les « Cahiers »
antérieurs aux Cahiers de la Quinzaine ; celui-ci n'écrira
pas un livre sans que la première édition n'en soit établie
par les soins de celui-là.
Ses premiers Essais dramatiques (1898-1902):
Saint-Louis, — Aêrt, — Les Loups.
Sa vie universitaire ilxée, R. Rolland peut enfin
s'abandonner à sa fièvre d'écrire. Voici longtemps qu'il
rêvait d'une réforme du théâtre français ; il considérait
les pièces qu'il avait composées en Italie comme des
essais et ne voulait pas les publier. Enfin parut dans la
Revue de Paris (mars-avril 1897), Saint-Louis, 0) poème
dramatique en cinq actes, écrit dès 1894, dans la façon
de Shakespeare. Les lecteurs de la revue ne semblent-
pas avoir beaucoup goûté ce drame de « l'exaltation reli-
gieuse » qui montre le saint Roi, triomphant de nom-
breux obstacles par la vertu de sa foi, puis mourant
pieusement au pied de la montagne, du haut de laquelle
(1) Cf. Bibliographie u* 1.
— 29 —
ses soldats aperçoivent Jérusalem. Saint -Louis n'en
demeure pas moins une date dans l'œuvre de R. Rolland,
curieux d'abord, comme l'a fait remarquer Paul Souday
(Temps, 23 avril 1913), « à titre de document psycho-
logique », mais aussi comme essai de reconstitution
historique. La pièce est plutôt destinée à être lue dans
un fauteuil que jouée sur un théâtre. Les dialogues et
les tirades en sont d'une belle langue souple et harmo-
nieuse ; telle scène entre Rosalie de Brèves 0) et le Roi
ou l'adieu de Saint-Louis mourant devant la « mer ver-
doyante et dorée qui voile, là-bas, dans le lointain brumeux, la douce
terre de France » feraient grand effet au théâtre, si quel-
que directeur avait la curiosité de tenter l'expérience.
Shakespeare est son maître au théâtre. (2)« Malgré Tolstoï,
malgré Wagner, me disait-il dans une lettre en 1909, Sha-
kespeare est de tous les artistes celui que j'ai constamment préféré
depuis l'enfance. Et si ses drames historiques ne sont pas la seule
partie de son œuvre que j'aime, du moins ils ont eu l'influence la
plus directe sur moi en m'ouvrant les horizons de ce monde artis-
tique nouveau et en m'en présentant les modèles incomparables ».
Mais voici que la Revue dArt dramatique se recons-
titue, élargit son programme et inaugure, en novembre
1896, une nouvelle série ; R. Rolland fait partie de ses
collaborateurs réguliers et c'est là qu'il publie ses pre-
miers articles de critique et d'histoire musicale {La Pas-
sion à Salzbach) i^) (n° de septembre 1898) et qu'il donne
par fragments, de mars à mai 1898, sa nouvelle pièce
(1) C'est un nom qui, certainement, rappelle îc village près de Clamecy,
où un parent de R. Rolland eut longtemps une étude et où lui-même,
enfant, vint passer souvent les vacances.
(2) R. Rolland prépare un livre entier sur Shakespeare dont il a publié
un fragment. Cf. Bibliographie n* 104.
(3) Cf. bibliographie n* 33. #
— 30 —
Aërt (1) qui célèbre « l'exaltation nationale ». Comme le roi
Saint-Louis, le jeune Aërt, fils d'un stathouder vaincu
et massacré par ses ennemis, est un héros et, dans les
dialogues d'Aërt avec Lia ou avec son vieux maître de
philosophie, on pourrait relever telles ou telles phrases
prophétiques sur la guerre ou la paix qui s'éclaireraient
tragiquement, au souvenir des événements d'hier. Aërt>
désespéré de n'avoir pu libérer la Hollande, se suicide :
renoncement à l'action, sacrifice paradoxal d'un dilet-
tante, a-t-on dit, appliquant à l'auteur certaines décla-
rations de son personnage (P. Souday, Temps, 23 avril
1913), mais on aurait pu tout aussi bien — et plus juste-
ment — choisir les dernières paroles à Lia. « O désert, où
il faut vivre pour rester fort, pour garder ses pensées à l'abri de
ce monde menteur et meurtrier ! Vie odieuse qui vous écrase, dès
qu'elle vous sent désarmé! Je ne suis pas encore vaincu... je ne
veux plus d'amour: l'amour pourrit l'âme... je me ressaisis, je
m'appartiens à moi-même, je suis seul enfin... Fini de la confiance,
de la pitié, de la tendresse. Fini de tout ce qui est lâche et humain I
Seule ma volonté I »
Est-ce un aveu médité ou une confession involontaire,
qu'importe. En cette minute, R. Rolland parle, ici, par
la bouche d'Aërt. Seule sa volonté lui permettra de vivre
et de réaliser son œuvre. Il semble qu'il en fasse ici le
serment et s'apprête à la lutte.
Aërt fut joué au théâtre de l'Œuvre le 3 mai 1898.
La distribution en était bien choisie avec MM. Ripert
(Dirck), Hardy (le stathouder). Buisson (Claes), Damery
(maître Trojane), d'Avançon (le médecin), Hérouin
(Govert), M"« Laparcerie (Aërt) et M"« Mitzi-Dalti (Lia).
(1) Cf. Bibliographie n* 2.
- 31 —
Le succès ne fut pas très grand et StouUig (Annales
du Théâtre, tome 24, 1898, pp. 570-572) l'appréciait en
ces termes sévères : « Naïve historiette dont je ne vous
garantis pas l'absolue nouveauté, mais qui, à défaut
d'originalité, ne manque pas de charme en ingénuité,
simulée peut-être ; car je ne m'étonnerais pas que
l'auteur ait mis là-dedans beaucoup plus de sympathie
et d'allégorie que n'en a voulu voir le commun des
spectateurs ».
Mais voici que, quelques jours plus tard, le 18 mai
1898, le même théâtre de l'Œuvre représentait une pièce
en trois actes intitulée MorituriC^) et dont l'auteur n'était
autre que R.Rolland, sous le pseudonyme de Saint-Just.
Elle avait été écrite au lendemain d'Aërty en mars 1898,
en quinze jours, au milieu d'une fièvre joyeuse d'enthou-
siasme. C'est la première d'une série glorieuse sur la
Révolution française qu'il rêvait d'offrir et de dédier au
peuple de Paris — et de voir jouer sur un vrai Théâtre
du Peuple. Il s'était souvenu du Comité de Salut Public
projetant, par le décret du 20 ventôse an II, d'instituer
un Théâtre du Peuple destiné à « célébrer les principaux
événements de la Révolution française. » (Théâtre de la Révo-
lution, préface). Romain Rolland était épris, depuis son
enfance, des grands souvenirs de 89, il avait lu les frag-
ments de journal où son arrière-grand-père, J.-B.
Boniard avait conté, en ce style exalté de l'époque, la
prise de la Bastille et le retour victorieux du peuple sur
la place de l'Hôtel-de-Ville ; il avait lu aussi ces notes
si vivantes recueillies par le docteur Edme-François
Bordet, et dont il trouva le manuscrit, jauni et vieillot^
(1) Cf. Bibliographie n* 5.
— 32 —
dans les papiers de son grand-père Edme Courot,
ancien président de la Société scientifique et artistique
de Clamecy. Il avait entendu tout jeune des récits de
cette époque frémissante. N'y avait- il pas là une « Iliade
de la nation française » dont il pouvait rêver d'être le poète
dramatique ? La matière était riche et nouvelle. Il don-
nerait là « le spectacle d'une convulsion de la nature, d'une
tempête sociale, depuis l'instant oià les premières vagues se soulèvent
du fond de l'océan jusqu'au moment où elles semblent de nouveau
y rentrer et où le calme retombe lentement sur la mer. »
Le projet est immense, mais il mérite que R. Rolland
tente de le réaliser. En quelques mois il ébauche ses
sujets : une dizaine suffiront pour embrasser ces quel-
ques années. Sans tarder, il se met à les écrire. Il publie
Moritiiri, sous leur titre nouveau : Les Loups, avec cet
épigraphe « Homo homini lupus » et, tandis qu'il en
corrige les épreuves, il écrit, en novembre 1898, les
trois actes de Danton d) qui paraîtront, un an plus tard
(déc. 1899, janv.-fév. 1900) en trois fragments à la Revue
d'Art dramatique. Puis il aborde l'histoire des Girondins
proscrits dans le Triomphe de la Raison, et donne, avec
le 14^ Juillet, action populaire en trois actes, une large
fresque de la première grande journée qui symbolise
la Révolution.i(2) A ces quatre pièces, provisoirement du
moins, il limite ce Théâtre de la Révolution, se réser-
vant de reprendre un jour ses notes et ses plans ébau-
chés. « Le Vf Juillet en était la première page et Danton le centre,
la crise décisive, où fléchit la raison des chefs de la Révolution et où
leur foi est sacrifiée à leurs ressentiments. Dans Les Loups où est
peinte la Révolution aux armées, dans Le Triomphe de la Raison où
(1) Cf. Bibliographie n' 6.
(2> Cf. Bibliographie n* 7.
— 33 —
elle traverse les provinces à la recherche des Girondins proscrits,
elle se dévore elle-même. » (^Théâtre de la Révolution, pré-
face, p. VI).
Mais il ne suffisait pas d'écrire des pièces; pour qu'elles
vivent, il fallait qu'elles fussent jouées. Saint-Louis était
demeuré enfoui dans le silence de la revue qui lui avait
accordé son hospitalité ; Aért, au Théâtre de l'Œuvre,
n'avait eu qu'un succès très bref de curiosité. En
revanche, Morituri avait bénéficié des allusions, que l'on
crut y deviner, au double procès qui passionnait alors
l'opinion publique : le récit d'une erreur judiciaire sous
la Révolution, était, dit A. -Ferdinand Hérold (Mercure
de France, juillet 1898, p. 267) « un drame rapide et sobre et
fort bien conduit », qui, en réalité, ne devait rien aux évé-
nements politiques du jour. L'interprétation en avait été
remarquable : à côté de Dalmoye qui avait créé un beau
type du commandant Verrat, il y avait Bourrion (J.-B.
Quesnel), Lafargue (Teulier), Luxeuil (commandant
d'Oyron), Herouin (Chapelat), d'Avançon (Buquet),
Bauduit (Vidalot), Daillard (Jean Amable) et Buisson
(l'aubergiste). Mais la salle était houleuse, des tempêtes
de cris : « à bas..., vive..., » s'entrecroisaient à chaque
réplique et donnèrent de la première de Morituri l'aspect
brutal et troublé d'une réunion électorale.
Ces deux tentatives sans lendemain démontrèrent à
R. Rolland l'impossibilité de jouer à Paris d'autres
pièces que des pièces parisiennes : artistes cabotins,
qui n'en voulaient faire qu'à leur caprice et n'admet-
taient aucun conseil, directeurs de théâtre, imbus de
leurs idées de plaire au public et toujours retranchés
derrière leur ignorance prétentieuse, critiques indiffé-
rents ou veules, ennemis de tout^ innovation qui trou-
— 34 —
blerait leurs habitudes saintes et dépasserait peut-être
leur entendement.
Le Théâtre du Peuple
C'est pour lutter contre cet état d'esprit lamentable
qu'un certain nombre de jeunes écrivains, Maurice
Pottecher, Gabriel Trarieux, Louis Lumet, R. Rolland^
sous les auspices de la Revue d'Art dramatique et de son
actif directeur, Lucien Besnard, prirent l'initiative de
renouer la tradition interrompue de la Révolution et de
fonder un théâtre du peuple. En mars 1899, fut lancée
une circulaire, « pour provoquer la réunion d'un congrès inter-
national de théâtre populaire, » véritable discours-manifeste
qui, après vingt ans, garde encore aujourd'hui toute sa
valeur et toute son actualité. (Publiée en appendice dans
le Théâtre du Peuple, p. 187.)
« L'art est en proie à l'égoïsme et à l'anarchie. Un petit nombre
d'hommes en ont fait leur privilège et en tiennent le peuple écarté.
La partie la plus nombreuse et la plus vivante de la nation n'a point
d'expression dans l'art. Il n'y a d'art que pour les blasés. ...Pour le
salut de l'art, il faut l'arracher aux privilèges absurdes qui l'étouf-
fent et lui ouvrir les portes de la vie. 11 faut que tous les hommes y
soient admis. Il faut enfin donner une voix aux peuples et fonder le
théâtre de tous, où l'eÊfort de tous travaille à la joie de tous... Nous
appelons à nous tous ceux qui se font de l'art un idéal humain et de
la vie un idéal fraternel, — tous ceux qui ne veulent point séparer
le rêve de l'action, le vrai du beau, le peuple de l'élite. Qu'on ne
s'y trompe pas : il ne s'agit pas d'une tentative littéraire. C'est une
question de vie ou de mort pour l'art et pour le peuple. Car si l'art
ne s'ouvre pas au peuple, il est condamné à disparaître ; et si le peu-
ple ne trouve pas le chemin de l'art, l'humanité abdique ses des-
tinées ».
— 35 —
R. Rolland alors se voua tout entier à la défense de
cette œuvre et de ceéte idée. Il multiplia ses appels dans
les revues pour affirmer sa foi. Déjà, à côté de lui,
Maurice Pottecher maintenait, depuis 1895, son Théâtre
du Peuple (1) à Bussang, dans les Vosges, et bientôt, à
son imitation, René Morax allait créer, en Suisse, à
Mézières, le théâtre populaire du Jorat (mai U)08). En
attendant que le théâtre du peuple fût constitué et
solidement organisé, Romain Rolland faisait jouer, le
21 juin 1899, au Théâtre de l'Œuvre, le Triomphe de
la Raison^ (l) dont les belles tirades semblaient avoir été
recueillies aux séances mêmes des Clubs révolution-
naires ; Stoullig (Annales du Théâtre, t. 25, 1899, pp. 375-
376) se plaignit que l'œuvre eut peu de rapport avec le
théâtre, et affirma que l'auteur était admirablement
doué seulement comme écrivain et comme orateur ;
mais une scène, entre toutes dramatique (Acte I, scène 3),
réunissait les éloges de chacun : celle où les députés
girondins, mis hors la loi et contraints de se cacher,
voient défiler le cortège funèbre de Marat, dont on porte
le corps au Panthéon, tandis que l'orchestre, dirigé par
M. Tiersot, jouait la curieuse Marche lugubre de Gossec.
Les acteurs avaient bien défendu la pièce : (2) Mitrecey
( Antoine-Hugot-Cranville), PoUet (Guillaume Faber),
Luxeuil (Adam Lux), Charny (Scevola Haubourdin),
Damery (miarquis de Maillé), Desauby (Anaxagore
(1) Cf. à ce sujet Maurice Pottecher, Le Théâtre du Peuple, renaissance et
destinée du théâtre populaire, XXI, 288 p., in-12. OUendorf, 1899.
(2) Cf. Bibliographie n* 3. — La Revue d'Art dramatique indique une dis-
tribution différente avec Dessonnes pour le rôle d'Adam Lux, R. Liser pour
le marquis de Maillé, et M"' Debligny pour la Raison.
— 36 —
Poulet- Ruault), Avernès (un royaliste), M"« Delvayr (la
modiste Fossette) et M"^ Laincette (la Raison).
Danton (i) était donné, l'année suivante, au Nouveau
Théâtre, par le Cercle des Escholiers, le 29 décembre
1900 et le lendemain dimanche, 30 décembre, au Théâtre
Civique de Louis Lumet, au bénéfice des Tullistes de
Calais ; un discours de Jaurès présentait l'œuvre au
peuple de Paris. Une petite comédie en un acte de
M"^ Paule Évian, intitulée : Indiscrétion, servait de lever
de rideau. La distribution était excellente et digne de
tous éloges, avec H. Burguet (Robespierre), Henri
Perrin (Danton), Seruzier (Vadier), Capellani (Camille
Desmoulins), Georges Barrias (Saint-Just), Bauer-Valin
(Billaud-Varennes), Robert Liser (le président Her-
mann), Carlo (général Westerman), H. Lamothe (Hérault
de Séchelles), A. Schneider (Fabre d'Églantines), Daniel
(Philippeau) , Gavary-Charpenel (Fouquier-Tinville),
]ypies Andral (M'"^ Duplay), Marie Marcilly (Lucile Des-
moulins) et Blanche Toutain (Éléonore Duplay). Ce fut
un beau succès pour la troupe des Escholiers ; mais si
l'on goûta beaucoup le l*"" et le 3^ actes, pleins de vie
et de force, on se montra sévère pour le second acte
« rempli de discussions purement philosophiques. » (c. F. non
signé de la Petite République, n° du 31 décembre 1900).
Le discours de Jaurès — malheureusement non recueilli
par les journaux — avait rehaussé l'éclat de cette soirée et
R. Rolland s'est plu à l'évoquer, dans un article anniver-
saire de la mort du tribun. (2) C'est un des portraits les
(1) Cf. Bibliographie n* 6.
(2) Cf. Bibliographie n* 109, republié dans Au-detsus de la Mêléc^ pp. 151-
161.
— 37 —
plus vivants que l'on ait du grand orateur : on le voit
« sur l'estrade, allant de long en large, les bras derrière le dos, à pas
lourds comme un ours », et On l'entend lançant « à la foule de sa
voix monotone et cuivrée... de ces mots martelés qui... par toute la
salle, faisaient bondir l'âme de tout un peuple uni dans la même
émotion » (Aii-dessiis de la Mêlée, p. 152.)
Théâtres de fortune en des quartiers lointains, repré-
sentations rares et étriquées, critiques absents. Il fallait
être joué sur une scène du boulevard pour qu'une pièce
f î t quelque bruit. Justement Gémier venait de sous-louer
le théâtre de la Renaissance pour y donner une série de
pièces nouvelles. Une pièce russe de Soukhovo-Kobiline,
accompagnée du Portefeuille d'Octave Mirbeau, tenait
encore l'affiche, quand commencèrent les répétitions
du H'Jaillet, que Gémier monta avec le plus grand
soin : la distribution était parfaite. A côté de Gémier qui
faisait Hoche, il y avait Beaulieu (Marat), Capellani
(Camille Desmoulins), Lenormant (de Vintimille), Fre-
dal (de Launay), Godeau (Robespierre), Baudoin (Gou-
chon), Mosnier (de Flue), Berthier (l'invalide Briquart),
Maxence (l'homme en faction), Jarrier (un crocheteur);
Andrée Megard (la Contât), Heller (Lucile Desmoulins).
La première, avec musique de scène de Tiersot, eut lieu
le 21 mars 1902 et la presse fut presque unanime à
joindre ses éloges aux applaudissements du public : on
admira sans réserve l'animation du Palais-Royal au
premier acte, dans un beau décor brossé par Brandt et
Rabuteau, — l'éveil saisissant de Paris, rue Saint-An-
toine, au second acte, et l'invasion du peuple à la Bastille,
au troisième acte. Le héros de la pièce était ce person-
nage multiple, le peuple de Paris, auquel R. Rolland
d'ailleurs avait dédié son œuvre (cf. c. r. de A. -F. Hérold,
Mercure de France, t. 42, mai 1902, pp. 512-513 et surtout
— 38 —
l'article de Eugène Morel, Revue d'art dramatique, 1902,
pp. 100-107, qui donne des extraits importants des
chroniqueurs et feuilletonnistes : Larroumet, L. Mûhl-
feld, Paul Fiat, E. Faguet, Catulle Mendès). Vingt-neuf
représentations n'en épuisèrent pas le succès, mais des
difficultés matérielles, des engagements antérieurs arrê-
tèrent la pièce au milieu d'avril. L'œuvre était vivante,
alerte, humaine, et non pas simplement une « expressive
et pittoresque reconstitution », comme la qualifiait Stoullig
(Annales du Théâtre, tome XXVIII, 1902, pp. 395-397).
Tentative dernière qui démontrait, une fois de plus,
l'impossibilité de faire accueillir des pièces conçues en
dehors de nos conventions bourgeoises et de nos prin-
cipes surannés. Ces drames, R. Rolland les réunira en
volume, sept ans plus tard, en 1909, sous le titre de
Théâtre de la Révolution, (l) Dans leur forme isolée, ils
n'en gardent pas moins leur intérêt propre et entier:
l'action est dégagée de toute intrigue romanesque qui
pourrait l'encombrer et la rapetisser; les intérêts poli-
tiques ou sociaux y sont mis en pleine lumière ; le peuple
se mêle à la pièce, l'arrête, la dirige et devient lui-même
acteur à la voix innombrable. Ces quatre pièces sont des
actes détachés d'un grand drame : la Révolution. L'œuvre
est interrompue, mais non abandonnée. Comme dans
ces longues marches en avant des peuples et des généra-
tions, il faut savoir se reposer à temps et, enveloppant
d'un même regard la route déjà parcourue, si petite
derrière soi, comparée à l'étendue des routes prochaines,
se ressaisir pour repartir plus fort, plus invincible vers
le but et vers Taube.
(1) Cf. Bibliographie n* 8.
— 39 —
Il n'y a que les faibles qui se découragent d'un insuccès
et s'endorment, rêveurs, sur la tâche commencée. Plus
d'une fois encore, R. Rolland se servira de cette forme
si vivante de la pièce de théâtre pour exprimer ses idées
ou protester contre une injustice — et aussi pour évo-
quer, de façon plus concrète et plus vraie, tel épisode
d'histoire ou telle scène dont il aura connu et étudié les
personnages au cours de ses recherches érudites.
Je devance ainsi le cours des années et m'en excuse ;
mais ces rapprochements, que la logique impose, sont
nécessaires à la clarté de sa vie.
C'est de 1902 que date le drame « dédié à la civilisation »
qui, sous le titre de : Le Temps viendra, (l) met en cause
les événements anglais du Transvaal. Œuvre tragique
et courageuse qui est une protestation loyale contre un
crime et un appel à l'humanité. Puis, en 1904 et en 1905,
deux pièces historiques, dont l'action se passe au grand
siècle: La Montespan^i^) trois actes, et les Trois Amou-
reuses, (3) pièce en trois actes, qui met en scène, en 1665,
Madame Henriette-Françoise de Gueméné et Antoinette
de Beuvron. Délassements d'artiste qui se repose de sa
lourde tâche, en se donnant à soi-même un spectacle
dans un fauteuil.
Mais avant de clore à la dernière page cette période
héroïque de sa vie, où il avait lutté, vainement d'ailleurs,
pour créer un théâtre du peuple, R. Rolland, évoquant
ses rêves, ses longs efforts, ses déceptions, voulut en
fixer le souvenir. Ses articles publiés à la Revue d'Art
(1) Cf. Bibliographie n« 9.
(2) Cf. Bibliographie n* 10.
(3) Cf. Bibliographie n* 11.
— 40 —
dramatique (l) devinrent le point de départ d'un livre
enthousiaste et sincère qu'il nomma le Théâtre du Peu-
ple, (2) violent réquisitoire contre la tragédie classique,
le drame romantique et le théâtre bourgeois, plaidoyer
généreux pour le théâtre nouveau, plus humain, plus
fraternel, d'où doit éclore le bonheur et ressusciter la vie.
Il dénonçait certaines tentatives « prétentieuses qui... ten-
tent de s'emparer du beau nom de Théâtre du Peuple pour le déna-
turer... Le Théâtre du Peuple n'est pas un article de mode et un jeu
de dilettantes. C'est l'expression impérieuse d'une société nouvelle,
sa pensée et sa voix... Il s'agit de fonder un art nouveau pour un
monde nouveau... La vie ne peut être liée à la mort. Or, l'art du
passé est plus qu'aux trois quarts mort... Ne tremblez pas autour
de vos Louvres et de vos bibliothèques dans la crainte de les perdre.
Regardez moins derrière vous et davantage devant... Ayez le courage
de vivre et de mourir... sans attacher l'avenir au cadavre des siècles
morts : ce qui a été, a été ; et nous cherchons en vain à en réchauffer
l'ombre... Puisse l'art populaire s'élever sur les ruines du passé I >
Il y avait dans ce plaidoyer une ardeur si juvénile,
une assurance si sincère, que certains, craignant de se
laisser convaincre, crièrent au scandale et prétendirent
que ce n'était là, à tout prendre, que belles et sonores
phrases de rhétorique. L'argument était trop facile pour
être pris au sérieux. Peut-être, par endroits, pourrait-on
découvrir quelque épithète audacieuse, quelque compa-
raison neuve, mais trop brutale. Mais est-ce que l'on a
le loisir de polir son style quand on est emporté par le
flot de ses idées ? et ne vaut-il pas mieux cent fois, pour
la démonstration de ces vérités, des apostrophes ner-
veuses, des phrases hachées, courtes, brutales et inci-
(1> Cf. Bibliographie n* 14 à 18.
(2) Cf. Bibliographie n* 19.
— 41 —
sives comme des sentences, que des périodes solennelles
et guindées, aux mots vides de sens ? La création d'un
théâtre du peuple se heurte à tant de difficultés et
violente tant de préjugés que le temps seul peut gagner
la victoire. Une édition du Théâtre du Peuple aux Cahiers
de la Quinzaine (novembre 1903), bientôt suivie d'une
réimpression à la Librairie Hachette (1904), furent assez
vite épuisées pour que, moins de dix ans plus tard, en
janvier 1913, R. Rolland consentît à le republier, en
ajoutant ce sous titre : Essai d'esthétique d'un théâtre
nouveau (i) et en le faisant précéder d'une préface. Le
style de celle-ci en est moins prophétique, plus assagi ;
mais la confiance reste la même, en « un art mâle et robuste,
exprimant la vie collective et préparant, provoquant la résurrection
d'une race ». Certes, il sait « qu'un art du peuple ne fleurit pas
aisément d'une vieille terre, dont le peuple s'est laissé peu à peu
conquérir par les classes bourgeoises » ; mais il a Confiance que
le peuple va se réveiller et mériter ce théâtre qui sera le
sien. L'heure est proche : « autour du camp l'ennemi rôde. Et
c'est justement l'heure où, dans l'aube qui pointe, les clairons son-
nent la diane. »
Les Vies des hommes illustres : Beethoven
et Michel Ange
L'ouragan de l'affaire Dreyfus avait bouleversé la
France. R. Rolland en avait souffert, mais il ne s'était
pas « passionné pour cette cause jusqu'à la frénésie comme des
milliers de Français, sur qui, pendant sept ans, passa le vent furieux.
(1) Cf. Bibliographie n' 19 C.
— 42 —
de cette sainte hystérie » (Dans la Maison, p. 65). Époque
angoissante et trouble. Dans un vibrant article de la
Revue d'Art dramatique (juillet 1900) intitulé le « Poison
Idéaliste » (l) et dédié « à Charles Péguy et à ses Cahiers pour
l'œuvre d'assainissement public qu'ils accomplissent », il jeta un
cri d'alarme. Il dénonçait « l'affaissement général et subit des
volontés, l'abdication de l'intelligence et un sentimentalisme d'ado-
lescents vieillots » ; il disait « l'approche de la terrible crise
morale et sociale qui commence à soulever le sol convulsionné et
l'impuissance peureuse d'êtres débiles et incertains à la veille de
la débâcle. » Le danger grandit et menace. « Il n'y a qu'un
remède : la vérité. Il faut voir la vie comme elle est et le dire. Idéa-
listes, réalistes, tous ont le même devoir : prendre pour base
l'observation réelle, les faits réels, les sentiments réels... Que l'artiste
ose regarder la réalité en face pour la peindre. » Il répétait que
Ton étouffe dans « une atmosphère pseudo-héroïque » et, dans
un noble élan, il concluait « je me défie des mots à majuscule :
Homme, Art, Nature, Ame. Décapitons ces idoles... Guerre au men-
songe ! »
L'appel ne fut accueilli que de quelques fidèles. Mais
déjà se devine, en ces accents, la parole ferme et loyale
de Jean-Christophe ; et déjà l'on entend la voix venge-
resse de celui qui va écrire la vie de Beethoven et la vie
de Michel Ange. Alors les amis, les admirateurs devien-
dront légion. A chaque grande crise de la France,
R. Rolland répétera : « Il n'y a qu'un remède: la vérité... guerre
au mensonge 1 » Un jour vint OÙ ses adorateurs brûlèrent
ce qu'ils avaient adoré. L'homme était pourtant resté le
même, — mais les événements avaient changé.
Son Théâtre de la Révolution n'avait pas obtenu le
a) Cf. Bibliographie n* 105.
— 43 —
succès qu'il était en droit d'espérer — et cependant il a
confiance, ('/est alors que pour ranimer « la foi des hommes
dans la vie et dans l'homme » pour soutenir notre courage
un instant défaillant, R. Rolland nous offre, comme
exemple et comme leçon, la vie des héros. Oppressé par
des soucis domestiques, déchiré dans son idéal, brisé
dans ses rêves, il apprend et veut nous apprendre à
écouter la voix des hommes illustres, à lire « dans leurs
yeux, dans l'histoire de leur vie, que jamais la vie n'est plus grande,
plus féconde — et plus heureuse — que dans la peine. » C'est SOn
Beethoven, précédé de son admirable préface : « cri de
douleur jeté dans un sursaut d'espoir, cri de misère
gonflé de fraternelle humanité » Le monde étouffe. Rouvrons
les fenêtres. Faisons rentrer l'air libre. Respirons le souffle des
héros ». Est-il rien de plus noble et de plus consolant que
ces pages, aux phrases hachées et fiévreuses, courtes
comme des sanglots et prophétiques. Les hommes sont
séparés les uns des autres. « Ils appellent au secours un ami.
C'est pour leur venir en aide que j'entreprends de grouper autour
d'eux les Amis héroïques, les grandes âmes qui souffrirent pour le
bien. Ces Vies des Hommes illustres ne s'adressent pas à l'orgueil
des ambitieux ; elles sont dédiées aux malheureux. Et qui ne l'est
pas au fond ? A ceux qui souffrent, offrons le baume de la souffrance
sacrée... Qu'ils ne se plaignent donc pas trop ceux qui sont malheu-
reux, les meilleurs de l'humanité sont avec eux. Nourrissons-nous
de leur vaillance et, si nous sommes trop faibles, reposons un
instant notre tête sur leurs genoux. Ils nous consoleront. »
Quels sont ces amis que R. Rolland entreprend de
grouper autour de nous? C'est François Millet, pauvre
et méconnu, victime des marchands de tableaux ; c'est
Hoche, le guerrier vertueux, symbole du soldat révolu-
tionnaire ; c'est Garibaldi, le héros de l'indépendance
italienne; c'est Thomas Paine, le glorieux révolution-
— 44 —
naire anglais; c'est Schiller, le romantique et l'ami de la
liberté; c'est Mazzini, le patriote italien, (i)
Tous sont des héros, c'est-à-dire ceux qui furent grands
par le cœur et non pas ceux qui ont seulement triomphé
par la pensée ou par la force. Leur vie à tous « presque
toujours, fut un long martyre. Soit qu'un tragique destin ait voulu
forger leur âme sur l'enclume de la douleur physique et morale, de la
misère et de la maladie, soit que leur vie ait été ravagée et leur cœur
déchiré par la vue des souffrances et des hontes sans nom dont leurs
frères étaient torturés , ils ont mangé le pain quotidien de l'épreuve».
En tête de cette légion héroïque, R. Rolland donne la
place « au fort et pur Beethoven ». C'est à la fin de janvier
1903 que parut (2) un petit livre de 92 pages, 43 pages de
texte et 50 de documents, — testament et lettre — et biblio-
graphie, d'impression nette et serrée, papier jaunâtre et
solide, pareil à la toile de lin que tissaient jadis les
grand'mères en bonnet, couverture vert clair, avec la
firme étagée sur trois lignes inégales : « Cahiers de la
Quinzaine, — paraissant vingt fois par an — Paris —
8, Rue de la Sorbonne, au rez-de-chaussée. » — De rares
articles de journaux signalèrent ce livre : simples an-
nonces, qui disaient : « vient de paraître » ; mais voici
que de partout des amis inconnus se levèrent. Comme
les Cahiers de Péguy ne se montraient à l'étalage d'au-
cun libraire, ces inconnus vinrent et achetèrent ce petit
livre, cette vie d'un héros consolateur.
Ce fut, a dit Charles Péguy (Notre Jeunesse, p. 113)
« infiniment plus qu'un commencement de fortune littéraire, une
(1) Ces biographies sont annoncées au verso de la couverture da Beethoven
édition des Cahiers).
(2) tf. Bibliographie n* 21.
— 45 —
révélation morale, soudaine, un pressentiment dévoilé, révélé, la
révélation, l'éclatement, la soudaine communication d'une grande
fortune morale ».
En quelques semaines, l'édition fut épuisée. Une autre
suivit, puis une autre encore ; les éditions se succédè-
rent. R. Rolland, à travers Beethoven, avait touché le
cœur de milliers et de milliers de lecteurs inconnus.
C'est que Beethoven « est bien davantage que le premier des
musiciens. Il est la force la plus héroïque de l'art moderne. Il est le
plus grand et le meilleur ami de ceux qui souffrent et qui luttent. »
{Beethoven, p. 52). Mais peut-on extraire des pages de
cette œuvre, qui est le modèle même de la biographie
exacte, vivante et passionnée ? Une nouvelle édition de
Beethoven, à la librairie Hachette, puis une édition illus-
trée de luxe, chez Eugène Pelletan, attestent le juste
succès de l'œuvre, sans parvenir à l'épuiser. Tant que
des malheureux et des souffrants liront ce récit tragique,
R. Rolland peut être certain de posséder des amis qui
ne le trahiront pas.
Beethoven était la première « vie héroïque » publiée
en France par Romain Rolland. Mais quelques semaines
auparavant, au début de décembre 1902, il avait publié
— en Angleterre — une biographie en anglais de François
Millet. (1) Elle est inconnue en France ; aucune biblio-
thèque ne la possède ; et R. Rolland a promis d'en offrir
un jour une version française : il se doit de ne pas
oublier sa promesse.
Puis ce fut la Vie de Michel Ange (2) dont « l'achevé
d'écrire » porte la date du 5 octobre 1905. Malgré l'écart
des dates, je veux rapprocher ici ces deux vies d'hom-
(1) Cf. Bibliographie n* 22.
(2) Cf. Bibliographie n* 24.
— 46 —
mes illustres parce qu'elles se font pendant. R. Rolland
achève d'écrire Michel Ange, dans la semaine même où
il commence de corriger les épreuves du tome III de
Jean-Christophe : l'Adolescent, Et l'on peut dire que les
trois premiers volumes : l'Aube, le Matin et l'Adolescent
se placent d'eux-mêmes sous l'invocation de Beethoven,
tandis que Michel Ange, « l'homme en proie au génie », guide
et précède Jean-Christophe malheureux, aux prises avec
la vie, avec la foi, avec les hommes.
Michel Ange, « un des vainqueurs du monde », nOUS donne,
par son destin tragique et son génie torturé, la plus
grande image « d'une souffrance innée qui vient du fond de l'être,
qui le ronge sans relâche et qui ne le quittera pas avant de l'avoir
détruit ». Lutte de Michel- Ange contre lui-même, ses
indécisions, sa solitude, ses maladies perpétuelles ; lutte
contre ses rivaux. Bramante ou Raphaël, contre sa
famille qui l'exploite, contre le pape qui veut le domes-
tiquer ; sa solitude privée d'amour comme d'amitié ; son
désespoir après la reprise de Florence par les Médicis ;
sa foi chrétienne méprisant les honneurs, le monde
et la gloire, jusqu'à l'abdication dernière, sa mort...
« dernier jour de sa vie, premier jour dans le royaume de la paix. »
Mais, dira-t-on, Beethoven, Michel Ange sont des
génies, en dehors et au-dessus des hommes. Non, car
leur souffrance leâ remet au niveau de leurs frères.
R. Rolland a prévu l'objection quand il dit (Michel Ange,
p. 10) « Je n'élève point des statues de héros inaccessibles. Je hais
l'idéalisme couard qui détourne les yeux des misères de la vie et des
faiblesses de l'âme. Il faut le dire à un peuple trop sensible aux
illusions décevantes des paroles sonores : le mensonge héroïque est
une lâcheté. 11 n'y a qu'un héroïsme au monde, c'est de voir le
monde tel qu'il est, — et de l'aimer. »
Ces héros, ces hommes illustres nous sont de très
— 47 —
doux amis. Loin d'accroître notre quotidienne douleur
du poids de leur propre douleur, ils nous aident à voir,
d'un regard plus calme, les hommes et les choses, à nous
laver l'âme des souillures, à fortifier notre cœur ané-
mique ; et quand nous aurons clos le livre à la dernière
page, quand nous aurons, en pensée, souffert les deuils
et les souffrances de ces héros, nous ne gémirons plus
comme des enfants, sur nos maigres chagrins ; nous
serons forts, dignes et trempés pour le combat.
Bien qu'un rapprochement soit toujours un peu arbi-
traire et puisse sembler un artifice littéraire, je ne puis
songer à ces Vies des hommes illustres qu'a entrepris
d'écrire Romain Rolland, sans évoquer le souvenir de
Plutarque. Il y a plus qu'une similitude de titres; il y a
ce passage de la Vie de Timoléon, où. Plutarque nous
explique pourquoi il a écrit son livre : « C'est d'abord pour
les autres que j'ai entrepris d'écrire des biographies, mais j'ai
bientôt commencé à y prendre plaisir et à en jouir moi-même; tout
en regardant comme dans un miroir les vies illustres que j'avais
décrites je me suis efforcé, autant que possible, de régler ma vie
d'après celle de mes héros. Ainsi, en nous familiarisant avec l'his-
toire, nous nous formons nous-mêmes, nous nourrissons notre esprit
des actes de vertu et d'héroïsme, si bien que, lorsque la société, à
laquelle nous nous trouvons nécessairement mêlés, nous présente
des spectacles bas et ignobles, nous les chassons de notre esprit en
fixant nos regards avec calme et sérénité sur quelques-uns de ces
grands modèles. »
D'autres biographies viendront à leur date, les unes
plus courtes comme celle d'Hugo Wolf (Musiciens d'au-
jourd'hui, p. 144), un de ces héros « qui meurent peu à peu,
qui se survivent à eux-mêmes, qui assistent lentement à la ruine,
pièce à pièce, de leur âme, » HugO Wolf, mort fou à trente-
sept ans, après avoir subi toutes les Cachetés, les haines,
— 48 —
les moqueries ; — les autres plus touffues, plus amples,
comme celle de Haendel ou de Tolstoï. D'autres sont
annoncées (i) comme celle de Giuseppe Mazzini, le
patriote italien, qu'avait connu M"® de Meysenbug dans
son exil en Angleterre. R. Rolland avait enfin promis au
regretté fondateur des Cahiers hivernais et du Centre,
Paul Cornu, une Vie de Vauban, ce petit gentilhomme
« morvandiot », devenu par son seul génie grand-maître
de l'artillerie et maréchal de France ; défendant la vie
de ses soldats jusqu'à se laisser accuser de lâcheté;
revendiquant l'égalité de l'impôt pour tous les habitants
de France ; et, pour prix de ses services et rançon de
son dévouement, disgracié de la cour, attaqué, calomnié,
poursuivi et mourant seul, de tristesse et de désespoir,
tandis que le bourreau mettait son livre de la Dîme
royale au pilori. Olivier (Dans la Maison, p. 49) évoque
avec émotion celui qu'il nomme son a pays le vieux Vauban
aux yeux bleus ». Ces vies illustres fournissent de nobles
et hautes leçons de morale et d'héroïsme. R. Rolland
aura à cœur de ne pas oublier qu'il se doit de les écrire.
R. Rolland professeur, critique et historien musical
Cependant R. Rolland, dont l'existence matérielle est
assurée, s'absorbe de plus en plus dans la musique et
l'histoire musicale. La Revue de Paris i^) l'a accueilli.
(1) L'édition Hachette de la Vie de Michel Ange (190") annonce au dos du
faux-titre comme étant en préparation une Vie de Mazzini.
(2) Elle publie, dès janvier 1896, un article sur la Décadence de la Peinture
itaUenne qui est un résumé de sa thèse latine. — Cf. Bibliographie n* 93.
— 49 —
depuis 1899, comme critique musical (i) et publie ses
beaux articles sur don Lorenzo Perosi, sur Richard
Strauss, Jean Kuhnau, Vincent d'Indy, C. Saint-Saëns,
Gluck, Lulli, Berlioz, etc. En même temps, la Revue
d'Art dramatique, reconstituée en novembre 1896, donne,
à côté de ses premières pièces de théâtre (Aërt, le Triom-
phe de la Raison, etc.), ses articles techniques ou criti-
ques sur la Passion à Saizbach, sur les Oratorios de don
Lorenzo Perosi, sur le Feuersnot de Richard Strauss, sur
Mozart. La Revue se transforme à nouveau en 1901, et,
sous le titre l'Art dramatique et musical, laisse désormais
une part plus grande à la musique, si souvent mise à
l'écart. Les efforts de R. Rolland ne sont pas étrangers
à cette rénovation : les travaux des historiens et des
esthéticiens français de la musique étaient inconnus ou
dédaignés ; les essais dispersés s'ignoraient même les
uns les autres. Ils se coordonnèrent enfin, en juillet 1900,
au premier Congrès international de musique, tenu à
Paris, lors de l'Exposition universelle; l'activité de R.
Rolland, secrétaire général du Congrès, (2) son savoir,
sa bonne volonté, furent plus efficaces pour la musique
que vingt articles ou manifestes. Il y eut encore des
tâtonnements inévitables, mais la victoire était gagnée.
Le cours d'Histoire de l'Art, qu'il professait à l'Ecole
Normale, (3) comprit dès lors quelques leçons sur l'His-
(1) Sur R. Rolland critique musical, cf. Ribliographie n* 202, article de Max
Hautier.
(2) Cf. Bibliographie n* 45.
(3) Cf. pour les dates de la vie universitaire de R. R. le Rapport du Conseil
de l'Université de Paris au Ministre de Vlnstruction publique, année scolaire
i903-i90à, page XIJ, note 7, et le Bulletin administratif du Ministère de l'Ins-
truction publique, paisim. *
— 50 —
toire de la Musique. En 1903, lors de la réforme de
l'École Normale, lorsque celle-ci transporta en Sorbonne
ses élèves et ses professeurs, son cours d'Histoire de l'Art
se spécialisa et devint cours d'Histoire de la Musique, (l)
C'était le juste couronnement de ses efforts : la musique
s'échappait de l'exil et du dédain où on l'avait empri-
sonnée et obtenait droit de cité, droit de vie et la recon-
naissance offîcielb de ses lettres de noblesse.
Mais deux événements y avaient, par à côté, puis-
samment contribué! La fondation, en janvier 1901, de
la Revue Musicale, (2) par Pierre Aubry, Jules Comba-
rieu, Maurice Emmanuel, Louis Laloy et R. Rolland, et
l'inauguration à l'École des Hautes Études Sociales, le
2 mai 1902, d'une École de Musique, dont la direction
était confiée à R. Rolland. Son discours d'ouverture, (3)
« De la place de la Musique dans l'Histoire générale »,
lui tint lieu de manifeste et de plaidoirie : il montrait
l'importance de l'histoire de la musique dans l'ensemble
de l'évolution de l'esprit humain et revendiquait pour
elle la place qui lui était jusqu'alors refusée, en France,
dans l'histoire générale ; il disait combien « elle se plie aux
caractères de tous les peuples et de tous les temps... Elle s'adapte
à toutes les conditions de la société... art de cour galante et poétique
sous François !««• et Charles IX ; art de foi et de combat sous la
Réforme ; art d'apparat et d'orgueil princier sous Louis XIV ; elle
devient, aux approches de la Révolution, l'expression h'rique de
(1) La première leçon eut lieu le jeudi matin 17 novembre 1904, à l'Am-
phithéâtre Turgot. et. l'annonce qui est faite par Charlts Péguy à la fin
du 5* Cahier de la VI* Série, pp. 214-215 (Cahiers de la QiiiiizaineJ et pour
la liste des cours de R. R, en Sorbonne, voir Ribliograf)hie n* 90.
<2) Appelée d'abord Revue d'Histoire et de Critique musicale, é partir de
1902, devenue bi-mensuelle sous le titre plus court de Revue musicale.
(3) Cf. Bibliographie n* 51, republié dans Musiciens d'autrefois
— 51 —
personnalités révolutionnaires ; elle sera la voix des sociétés démo-
cratiques de l'avenir comme elle fut celle des sociétés aristocratiques
du passé. » C'est dans la musique que, souvent, aux épo-
ques inquiètes, l'humanité a mis son besoin éternel de
bonheur. L'art ne meurt pas. « La lumière ne cesse pas de
brûler; seulement elle se déplace, elle va d'un art à l'autre comme
d'un peuple à l'autre. » Aussi l'on ne peut isoler un art sans
constater aussitôt des silences et des arrêts de vie. Les
arts influent les uns sur les autres ; ils se pénètrent
mutuellement ou ils en arrivent à se prolonger hors de
leurs limites dans celles de l'art voisin. C'est une des
idées qui sont le plus chères à R. Rolland et qu'il s'est
efforcé, à maintes reprises, d'exposer et de justifier,
dans ses cours en Sorbonne ou ses conférences de l'École
des Hautes Études Sociales : 0) montrer l'histoire des
rapports de la musique avec la vie intellectuelle et morale
d'un peuple, faire en somme l'histoire comparée des arts
et de la littérature. De ses cours naîtront, peu à peu,
d'importants articles de revues ou même des livres,
comme celui sur Ilaendel, ce génial improvisateur dont
toute la musique « est vraiment conçue pour tout un peuple et
non pour une élite de dilettantes » (p. 233).
Jean-Christophe (1904-1912)
C'est toujours la musique qui dirige sa vie ; elle lui
a prodigué ses premières joies d'enfant, elle l'a aidé à
nouer ses durables amitiés, elle lui a offert, jeune pro-
fesseur, le sujet de sa thèse de doctorat, elle l'a sauvé de
(1) Cf. Bibliographie n* 91 et la liste des cours professés par R. R. à l'École
des Hautes Etudes Sociales. ' •
— 52 —
lui-même en lui tendant cette vie de Beethoven, comme
un baume pour les blessures du monde, elle a été sa
devise et sa raison d'être, et, par lui, a obtenu droit de
cité dans l'enseignement et droit de cité dans l'histoire
des arts, et c'est elle encore qui va inspirer, pendant des
années, le roman héroïque et passionné d'un musicien
et lui dicter les plus nobles pages de Jean-Christophe.
L'immortelle musique, qui fut son âme, sa lumière, son
refuge, va devenir sa gloire.
En février 1904 paraissait, aux Cahiers de la Quin-
zaine (1), un élégant volume, vêtu d'une couverture
blanche, portant au milieu, en minuscules rouges,
comme un titre ancien de psautier, ce simple nom
propre : Jean-Christophe, et en sous-titre, en capitales
noires, minces et longues, ce mot magique et flou : VA ube.
— Le mois de février n'était pas encore achevé qu'un
second volume lui succédait : le Matin. Puis à chaque
année, à chaque série nouvelle des Cahiers de Péguy,
Jean-Christophe grandissait , s'imposait , se multipliait :
les volumes blancs â titre rouge s'entassaient l'un sur
l'autre et l'édition originale, qui paraissait rue de la Sor-
bonne, àl tirage limité à deux ou trois mille exemplaires,
était si rapidement épuisée qu'une édition nouvelle fut
réimprimée à la librairie OllendorfT. Mais les éditions des
Cahiers « contiennent nombre de pages qui appartiennent plus à la
pensée de l'œuvre qu'à l'action » et qui ont été supprimées dans
les éditions Ollendorff, et R. Rolland en avertissait ses
lecteurs et amis, dans une Note, placée en tête de la Foire
sur la Place (page xv) : il considérait les Éditions des
Cahiers « comme des sortes de projets plus libres et plus complets.
(1) Cf. Bibliographie n- 28.
— 53 —
qu'iZ se réservait de resserrer après les avoir vus exposés au grand
air». A chaque instant, critiques et libraires confon-
daient encore les deux éditions , oubliant que Péguy,
dans une lettre à Pages Libres (couA^erture du numéro
du 29 juin 1907), les avait nettement différenciées et
caractérisées : « l'édition en cahiers... est la seule édition complète
en ce sens qu'un certain nombre de paragraphes que l'auteur y fait
figurer ne figurent pas dans l'édition de librairie à 3 fr. 50. ...Quand
un travail paraîtra séparément aux cahiers et en librairie, l'édition
en cahiers sera la plus large et la seule complète, elle débordera
toujours l'édition de librairie. » Le dernier volume, qui por-
tait en sous-titre : La Nouvelle Journée^ paraissait en
octobre 1912. L'œuvre formait dix-sept Cahiers de la
Quinzaine, tandis que l'édition Ollendortî, « édition de
grand public » comme l'appelait Péguy, la resserrait, la
condensait en dix volumes in-16.
Œuvre énorme et diversement jugée qui, par son
énormité même, a dérouté la critique. Gomme elle ne
rentrait pas aisément dans le cadre des genres littéraires
que l'on a coutume d'étudier, les timides aux idées toutes
faites, les critiques, habitués aux intrigues et aux disser-
tations, se sont etfrayés. Charles Péguy, dans le Cata-
logue analytique sommaire des cinq premières séries des
Caliiers, (octobre 1904, 1" Cahier de la VP série, p. 320),
le qualifiait en ces termes : « Ce roman, sans que je veuille le
limiter en le définissant d'un mot, est essentiellement, éminemment
le roman d'un musicien. » Mais devant les interprétations et
les commentaires contradictoires, R. Rolland a pris soin,
deux ou trois fois, de préciser ses intentions : en novem-
bre 1906, il l'appelle « l'histoire de Jean - Christophe » (La
Révolte, p. 15); mais en janvier 1909, s'adressant Aux
Amis de Christophe, dans une sorte de préface, placée au
seuil même de : Dans la Maison (pp. 17-18), il est plus net :
54
« Il est clair que je n'ai jamais eu la prétention d'écrire un roman...
Qu'est-ce donc que cet ouvrage ? Un poème ? Qu'avez-vous besoin
d'un nom ? Quand vous voyez un homme, lui demandez-vous s'il
est un roman ou un poërae ? C'est un homme que je fais. La vie
d'un homme ne s'enferme pas dans le cadre d'une forme littéraire.
Sa loi est en elle et chaque vie a sa loi. Son régime est celui d'une
force de la nature. Il y a des vies humaines qui sont des lacs tran-
quilles, d'autres de grands cieux clairs où voguent les nuages,
d'autres des plaines fécondes, d'autres des cimes déchiquetées. Jean-
Christophe m'est toujours apparu comme un fleuve... »
Et l'image me semble très juste. Il a pris sa vie aux
flancs des monts, dans une petite source mystérieuse;
ruisseau limpide et doux sur son lit de gravier, il a
reflété de vieux rocs séculaires, des pins aux pommes
écailleuses, et le ciel pur et les glaciers immaculés ;
puis il est descendu, farouche, vers les plaines ; il s'est
élargi ; les jours et les nuits l'ont vu passer, torrent
d'écume, et rouler, dans une avalanche aux abîmes, des
troncs d'arbres tordus, des pierres et des cascades de
boue. Sa fureur dévastatrice s'est éteinte ; il coule, paci-
fique, dans un décor de prairies, de champs blonds,
de vergers ; les villes, sur ses bords, se penchent pour
y mirer leur songe ; il rencontre les passants sur son
chemin de halage ; il va se promenant ; il s'attarde,
et, comme un ruban, se noue et se dénoue, serpente
en chatoyant de saison en saison ; ses flots, pleins des
souvenirs lointains venus de tous les temps, éclairés de
soleils ou d'étoiles, gonflés de paysages, vont, effort
dernier, au soir vêtu de pourpre, vers la mer, où nous
allons tous, la mort pitoyable où tout se confond. Ce
fleuve, le petit Jean-Christophe l'a contemplé à l'aube de
sa vie, en regardant, un jour, l'horizon par une fenêtre
de la maison paternelle et peut-être d'avance, en suivant
— 55 —
des yeux le Rhin majestueux qui coule vers son destin,
a-t-il eu la vision étrange et confuse de son propre destin
{l'Aube, pp. 112-117).
Avant de clore son « œuvre cyclique » à la dernière
page, Romain Rolland voulut, en octobre 1912, dans
une courte préface, dire adieu à ses amis et lui-même
adieu à son âme passée. Dans l'Aube nouvelle, ou plutôt
dans la Nouvelle journée (p. 9), qui est le titre provisoi-
rement imprimé sur la couverture, il précise et explique
son œuvre. « J'ai écrit la tragédie d'une génération qui va dispa-
raître, je n'ai cherché à rien dissimuler de ses vices et de ses vertus,
de sa pesante tristesse, de son orgueil chaotique, de ses efforts
héroïques et de ses accablements sous l'écrasant fardeau d'une tâche
surhumaine, toute une somme du monde, une morale, une esthé-
tique, une foi, une humanité nouvelle à refaire... »
Jean Christophe n'est pas un roman, au sens banal du
mot; c'est une vie, une suite de romans ; une vie mul-
tiple, capricieuse, diverse, ondoyante, qui suit le rythme
des jours, le bercement des deuils ou des joies ; une vie
agitée ou calme, enthousiaste ou monotone, pareille à la
vie et au destin. Les événements, si minimes qu'ils
paraissent, ne sont là, comme le recommande M™* de
Staël, dans sa préface de Delphine, « que l'occasion de déve-
lopper les passions du cœur humain. » Musicien et historien
avant tout, Romain Rolland a raconté ou, si l'on veut,
reconstitué la vie de Jean-Christophe : biographie cri-
tique et passionnée, historique et romanesque, d'un
musicien de génie, personnage imaginaire qui tient de
Beethoven et de Wagner, de Mozart* et de Gluck. C'est
avec raison que M. Seippel (op, cit. numéro 196,
pp. 163-164) a dit que les trois grandes vies héroïques
de Beethoven, de Michel Ange et de jTolstoï « correspon-
dent aux différentes parties de Jean-Chrislophe. » Non pas qUC
— 56 —
R. Rolland ait écrit ces vies pour y cueillir des docu-
ments, mais pour se créer cette atmosphère héroïque
nécessaire à la naissance de son œuvre. Le Grec Héro-
dote mettait chacun des livres de sa grande Histoire sous
l'invocation et le patronage d'une Muse. De même on
trouverait aisément, année par année, une « concor-
dance » entre les « héros » qu'étudie R. Rolland et les
époques de la vie de Jean-Christophe. D'autres rappro-
chements pourraient être tentés entre Jean-Christophe
et Haendel, ou Gluck, ou Gœthe. Il en est un qu'il ne
faut pas négliger avec ce compositeur roubaisien, Paul
Dupin, dont l'existence fut si tragique et si douloureuse ;
R. Rolland, qui fut son biographe, (1) l'a justement appelé
« un des frères français » de Jean-Christophe. (Revue
S. I. M., 1908, p. 1250).
Publié de 1904 à 1912 — mais en réalité conçu et
composé entre 1894 et 1911 — Jean-Christophe est une
œuvre si touffue, si vaste, si complexe, qu'elle échappe
à toute analyse trop brève. Puisque les événements
politiques contemporains, les accidents même de la vie
de l'auteur et les biographies qu'il a écrites ont influé
sur la vie et les sentiments de son héros, il faudra un
jour replacer chaque épisode à sa date et rappeler
(Cf. Dans la Maison, p. 17) que, tels chapitres satiriques
de la Foire sur la Place, tels passages du Buisson ardent et
(1) Cf. Bibliographie n* 77.
Notons que Paul Dupin a composé, sur un poème de Paul Gerliardl, une
œuvre musicale (cliant et piano) intitulée Jean-Christophe et divisée en
quatre [parties : 1. Oncle Gottfried; II. Méditation (d'après un passage de
l'Aube); III. Berceuse à Louisa par son fils Jean-Christophe: IV. Christlichet
Wanderlied ou Chant du Voyageur chrétien, — et une autre Suite qui porte
comme sous-titres : I. Sérénade du grand-père ; II. La mort de ronde
Gottfried; III. Sabine; IV. Antoinette.
— 57 —
de la Nouvelle Journée ont été rédigés avant 1902, et que
telles pages sont prophétiques des incidents d'Agadir,
mais n'en sont pas contemporaines.
Trois volumes, l'Aube, le Matin, l'Adolescent, avaient
paru sans attirer beaucoup d'articles ou de comptes
rendus, lorsqu'à la fin de 1905 le jury de la Vie heureuse,.
sur l'initiative de M"'® de Broutelles, fit demander à la
librairie des Cahiers des exemplaires de Jean-Christophe
et décerna le prix de cinq mille francs à R. Rolland par
dix voix sur dix-sept votants (2 décembre 1905).
Le fait mérite d'être noté en passant, parce qu'aucune
démarche solliciteuse n'avait été faite, aucun article
'n'avait été écrit en sa faveur; Péguy, lui-même,
raconta 0) cette histoire avec étonnement et admiration.
« Cette spontanéité de celui qui a la charge et la responsabilité de
choisir et d'attribuer m'enchante. Cette histoire invraisemblable
m'enchante comme une histoire du temps passé. »
Du jour au lendemain R. Rolland et Jean-Christophe
furent connus du public. Mais tandis qu'à Paris les
figurants de la littérature industrielle, marchands de
vers ou vendeurs de romans accaparaient la foire sur
la place et disposaient à l'étal de la rue leurs soldes
défraîchis et leurs denrées infâmes, à l'étranger, en Alle-
magne, en puisse, en Italie, en Angleterre, des articles
dénonçaient à la France la valeur de Jean-Christophe et
créaient sa renommée. Dans la grande Presse, il n'y
eut que Gaston Deschamps qui consacra deux longues
colonnes d'une Vie Littéraire du Temps, (2) à l'œuvre de
(1) Cahiers de la Quinzaine, 8* Cahier de la vii* série, 31 décembre 1905,
après les vers d'André Spire, intitulés Et vous jiez, pp. 98, 99 et 104, 107.
(2) Cf. Bibliographie n" 160.
— 58 —
l'ancien normalien, dont il avait été, aux heures « d'étu-
des », le « maître surveillant peu tyrannique. »
Est-il un portrait d'enfant tendre et fier, plus vivant
— j'allais dire plus humain — que celui de Jean-Chris-
tophe Kraft, dans l'Aube, en même temps qu'une psy-
chologie enfantine plus délicieuse en son exactitude,
plus fine en sa vérité triste que les deux épisodes
d'amitié d'Otto et de Minna dans le Matin ? — Minna,
c'est l'humble et premier amour, joli comme un conte
et grave en sa douloureuse désillusion, que nous avons
tous eu, à l'âge naïf de l'éveil, pour une petite fille rieuse
aux yeux d'or étonnés.
Est-il récit plus simple à la fois et plus tragique, plus
délicat et plus mystérieux que l'épisode de Sabine dans
l'Adolescent ? Sabine mourant au jour où elle va aimer
Christophe, tandis que celui-ci joue la comédie d'amour
k une fille, Ada, et qu'il se moque de la passion inno-
cente et vraie d'une fillette, la petite Rosa. Le grand
poète anglais, Mary Robinson, (l) qui a voué à cet épisode
une admiration profonde, le juge ainsi : « Goethe aurait pu
tenir la plume qui a écrit ces pages si naturelles dans leur puis-
sance ou leur grâce, ces pages qui, relues pour la troisième ou la
■quatrième fois, semblent plus émouvantes encore. »
D'autres lui préfèrent le gracieux et noble épisode
à* Antoinette, et se plaisent à célébrer les mérites de cette
« petite provinciale de France, raisonnable et sensible » qui se
dévoue pour son frère Olivier. L'histoire d'Antoinette, a
dit André Beaunier, (2) c'est « l'héroïsme de tous les instants,
d'héroïsme qu'on ne voit pas, qui se prodigue dans le secret de la
(1) Cf. Bibliographie, n* 194.
<2) Cf. Bibliographie, n* 152 (p. 693).
— 59 -
pauvreté. » Elle est le type de la jeune fille honnête, si
souvent inconnue ou méconnue, dont la vie et l'amour
aussi ne sont faits que de dévouement, d'abnégation et
de sacrifice. Aussi Jules Bertaut, étudiant la Jeune fille
dans la Littérature française (Louis Michaud, éd., 1911,
pp. 265 à 280), n'a pas omis la pâle et charmante Antoi-
nette, et lui donne pour compagne Henriette Sully, de
Paul Bourget (La Terre promise), et Colette Baudoche,
de Maurice Barrés.
Avec la Révolte commence une série de satires impi-
toyables, violentes, acérées. R. Rolland sait qu'il bles-
sera ses lecteurs, mais il veut les blesser, et prend soin
de les avertir en quelques mots (la Révolte, p. 15).
« Chacune de nos pensées n'est qu'un moment de notre vie. A quoi
nous servirait de vivre, si ce n'était pour corriger nos erreurs,
vaincre nos préjugés et élargir de jour en jour notre pensée et
notre cœur? Patience... chaque jour nous nous efforçons d'atteindre
un peu plus de vérité... Comme dit un vieux proverbe, « 7a fin
loue la vie et le soir le jour. »
Vérité ! C'est déjà l'appel qu'il jetait en 1900 dans son
bel article sur le Poison idéaliste ; (i) c'est le cri de rallie-
ment qu'il lancera toujours aux amis de Christophe
hésitants ou égarés. Malgré les usages du monde, malgré
le silence ou la critique, malgré l'homme, malgré la vie,
R. Rolland ne veut que la vérité. Il ne mentira pas avec
lui-même pour flatter celui-ci ou se ménager l'amitié de
celui-là. Timide, il aura de l'audace ; généreux, il aura
même de la brutalité pour dire à tous et contre tous ce
que, sincèrement, il croit être vrai. Il s'est mis volontai-
rement en dehors des coteries et des querelles ; il ignore
(1) Cf. des extraits de cet article page 42 ^e ce livre ; à rapprocher de
certaines pages de Clérambault, citées plus loin.
— 60 —
les doctrines consacrées ; il méprise les recettes de
métiers apprises dans les écoles, comme ces méthodes
toutes faites qui mènent à l'érudition et donnent le
talent : il faut dire la vérité, c'est là sa seule méthode,
sa loi, sa discipline de travail et son secret. Prêt à com-
battre durement, dans la Foire sur la Place, ceux dont
l'indigne succès dégrade et trahit les destinées du peuple
de France, il écrira le Dialogue de l'auteur avec son
ombre pour mieux crier et faire entendre ce cri : vérité.
Jean-Christophe est un « pur », il a le droit et le devoir
de parler, sa sincérité excusera toujours son fanatisme,
parfois injuste. Il ne peut pas fermer les yeux pour ne
pas voir le mal, il veut le regarder, s'en exalter ; car il y
a bataille à livrer pour la vie et l'honneur de la race.
Qu'importe si le bruit trouble quelques braves gens qui
rêvent sous l'ombre illusoire de leurs lauriers, en se
berçant de vieux mots menteurs et de fausses pensées I
« Qui a senti l'âme chevillée au corps de cette race qui ne veut pas
mourir peut et doit hardiment mettre à nu ses vices et ses ridicules,
afin de les combattre, — afin de combattre surtout ceux qui le»
exploitent et qui en vivent... Lutter, c'est faire le mal même pour
faire le bien. » (La Foire sur la Place, pp. xxiii et xxvi).
Et Jean-Christophe se lança dans la bataille. Il frappa
à droite, à gauche, sans arrêt, sans faiblesse. Feuille-
tonnistes musicaux ou critiques littéraires, faiseurs de
romans ou cabotins de théâtre, historiens qui ven-
daient l'histoire ou philosophes si subtils qu'ils ne se
comprenaient pas entre eux, tous les barbouilleurs de
papiers et les grands hommes chauves aux doigts
tachés d'encre, tous furent blessés, tous se reconnurent,
aucun n'osa protester. C'était mieux qu'un livre de polé-
mique : un acte de courage et de bonne foi. Le succès
fut immédiat, profond, durable.
— 61 —
Les volumes de Jean-Christophe se succédaient. Régu-
lièrement, chaque année, un tome nouveau — divisé
parfois en plusieurs cahiers — paraissait sous la couver-
ture blanche des Cahiers de la Quinzaine et était, peu
après, réédité dans les éditions OUendorff. Les Amies
venaient de paraître, en janvier-février 1910, et Romain
Rolland, voj^ant son œuvre bientôt finie, avait pris un
congé à la Sorbonne, afin d'aller passer l'automne et
l'hiver à Rome, achever les deux derniers tomes de Jean-
Christophe. Pour conserver son entière liberté, il n'avait
pas voulu accepter d'être le critique musical du nouveau
journal Excelsior, quand, le 25 octobre 1910, un accident
— semblable à celui qui fut fatal à l'illustre physicien
Curie — mit ses jours en danger. Pris entre deux auto-
mobiles, en traversant l'avenue des Champs-Elysées, il
chancela, se brisa le bras gauche en deux endroits... Sa
fragile santé fut ébranlée pendant de longs jours. Son
bras étant. immobilisé, l'empêchait de revenir à son cher
piano; mais bientôt il se remettait au travail, rédigeant
soit des pages de Jean-Christophe, soit des articles de
critique musicale, lorsque, le 20 novembre 1910, la
nouvelle se répandit à travers le monde, que Tolstoï,
le prophète d'Iasnaïa Poliana, venait de s'éteindre à
l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Tout ému par la mort de celui qui avait été son pre-
mier maître et son premier guide, il entreprit d'écrire
une vie du « héros » russe et d' « apporter à cette mémoire
sacrée son tribut de reconnaissance et d'amour ». Il se mit aussi-
tôt à l'œuvre, amassa des notes et en quelques semaines
écrivit une vie de Tolstoï qui parut à la Revue de Pan'^
de février à avril 1911.
Aux premiers beaux jours, il vint se reposer en Suisse,
— 62 —
aux environs de Vevey, et achever, dans le silence et le
recueillement, quelques chapitres de la troisième partie
de Jean- Christophe.
Il n'avait plus le temps désormais de reprendre ses
cours de Sorbonne ; le 8 novembre 1911, un nouveau
congé d'un an, pendant lequel il était suppléé par l'érudit
musicologue André Pirro, lui permettait enfin d'accom-
plir ce voyage à Rome, retardé depuis 1910 par son
accident. Séjour enchanteur de plusieurs mois, dont
maintes pages de la Nouvelle Journée attestent la bien-
faisante influence. « Quelle force et quel calme on y puise ! il
faudrait y vivre des années », écrivait- il en mai 1912 à SOn
biographe futur, Paul Seippel (op. cit. n° 196, p. 73).
Il revenait à Paris à la rentrée des vacances et, débordé
par des travaux croissants, comprenant qu'il ne pour-
rait consacrer à sa tâche de professeur tout le temps
qu'il voudrait, se résignait à quitter l'Université. Il
démissionnait — non sans regret — le 12 novembre 1912,
et le doyen de la Faculté des Lettres, M. Alfred Croiset,
dans son Rapport au Conseil académique (1911-1912,
édité en 1913, page 226), annonçait ce départ avec une
certaine tristesse, parce que, disait-il, « le nom de M. R.
Rolland, aimé du public, était pour la Faculté une parure et une
force. »
Jean-Christophe et le Grand Prix de Littérature
à l'Académie Française (1913)
Jean - Christophe était entièrement paru et Romain
Rolland, comme « délivré de l'énorme fardeau du passé » (lettre
à P. Seippel, op. cit. n° 196, p. 237), se préparait « au seuil
d'un monde esthétique et moral nouveau », à de nouvelles
— 63 —
tâches, quand l'Académie Française eut l'idée, le jeudi
5 juin 1913, de lui décerner son grand prix de littéra-
ture. Ce prix, d'après le règlement, « destiné à récompenser
un roman ou toute autre œuvre d'imagination en prose, d'une ins-
piration élevée, publié au cours des deux années précédentes »,
avait été attribué, une première fois, à un débutant. En
1913, deux jeunes semblaient se partager les voix, quand
un membre de la commission mit en avant le nom de
R. Rolland. On décida de l'avertir de cette intention, et
R. Rolland fit cette réponse : « Merci de votre bonne lettre.
Je n'ai pas besoin de vous dire combien je me sentirais honoré d'un
témoignage de sj-^mpathie de l'Académie.. J'en serais d'autant plus
heureux qu'elle a paru jusqu'à présent indifférente à tout ce que j'ai
écrit ; et cela me peinait un peu. Si pourtant un débutant parais-
sait digne du grand prix de littérature, je me ferais scrupule de le
lui disputer : car c'est aux aînés mieux armés (et aussi plus apaisés)
à céder le pas à leurs cadets plus faibles et impatients d'arriver... »
Noble scrupule qui honore grandement R. Rolland.
Après trois séances de discussion et cinq tours de scru-
tin, (1) le grand prix de littérature fut décerné à l'auteur
de Jean-Christophe. M. Ernest Lavisse a résumé, en un
article de la Revue de Paris, (^) les raisons qui avaient
décidé du vote de l'Académie. Après une fine et judi-
cieuse analyse de la Nouvelle Journée, venait cette con.-
clusion (pp. 731-732) : « Cette « sympathie jamais lassée pour
toutes les formes de la vie » est la grande vertu de ce livre, comme
(1) Les voix des 29 votants — majorité absolue 15 — se partagèrent ainsi :
Premier tour: R. R, 13; Emile Clermont (auteur de Laure), 9; Ernest
Psichari (auteur de l'Appel des Armes), 5 r bulletins blancs, 2. — Second
tour: R R., 14; Clermont, 13; Psichari, 1: blanc, 1. — Troisième tour:
R. R..14; Clermont, 14; blanc, 1. — Quatrième tour : R. R., 13; Clermont,
12; Psichari, 3; blanc, 1. -- Cinquième tour : R. R., 15; Clermont, 10;,
Psichari, 2; blancs, 2. — René Bazin, directeur en exercice, proclama R. R.
lauréat du Grand Prix de Littérature. {Journal officieldxx S juin 1913, p. 4940);
(2) Cf. Bibliographie, n* 181.
— 64 —
de toute l'œuvre de Rolland, œuvre admirable, si riche en idées,
en pensées, en sentiments, en images, trop chargée de lyrisme peut-
être, obscure par moments, très grave et très pure, bienfaisante
parce qu'elle est pleine d'amour, qu'elle ignore le dédain, hait la
haine, commande impérieusement l'espérance ».
Juste hommage qui couronnait noblement l'ensemble
de l'œuvre. Mais, — il faut le remarquer une fois de plus
et M. Lavisse s'est plu à noter ce trait de caractère, — (i)
« R. Rolland est quelqu'un qui ne demande rien à personne. »
Il n'a présenté aucun de ses ouvrages à un concours et
n'a jamais dit « de ces aimables propos qui susurrent longtemps
à l'avance quelque candidature. »
Sans être aussi enthousiaste, le rapport de M. Etienne
Lami, (2) secrétaire perpétuel de l'Académie Française,
sur les concours de 1913, n'était pas moins élogieux : « cette
œuvre est le poème de la sensibilité, de toutes les sensibilités, et
cela explique son attitude. Il n'y a que les impassibles pour être
brefs. Plus les choses nous disent de choses, plus il leur faut de
temps pour nous parler. M. R. Rolland ne résume pas ses impres-
sions, il les habite. Xavier de Maistre voyageait autour de sa
chambre. M. R. Rolland a fait un voyage autour de son âme... Jean-
Christ,ophe représente la génération contemporaine. » Puis,
esquissant à larges traits un portrait de ce héros, « auquel
rien n'échappe des laideurs humaines et qui souffre de tout, »
il justifie sa « sévérité qui n'est pas tine méchante hum.eur qui
(1) Les dédicace» de Romain Rolland prouvent bien son indépendance de
caractère. Les Loups portent ces simples mots : « à Péguy », — Danton :
« à mon Père » ; — Le Pt Juillet : « au peuple de Paris » ; — Le Temps vien-
dra : « dédié à la ClNilisation » ; — Le dernier volume de Jean-Christophe :
« En terminant cette œuvre, je la dédie aux âmes libres — de toutes les
nations — qui souffrent, qui luttent et qui vaincront » ; — Colas Breugnon :
« à saint Martin des Gaules, patron de Clamecy » ; — Le Triomphe de la
Liberté, fête populaire (avec musique d'Albert Doyen) : « au peuple de Paris,
«n mémoire de Jean Jaurès ».
(2) Cf. Bibliographie, n* 179.
— 65 —
remâche sa monotonie, mais au contraire une fièvre de probité
qu'exaspèrent toute action, toute doctrine, toute tolérance mal-
saines. » (1)
(1) Certains critiques ont reproché à R. Rolland d'avoir choisi un « héros
allemand ». Georges Pourcel, dans un article du Parthénon (20 octobre 1913,
pp. 22-30), intitulé L'homme de génie : Jean-Christophe, leur avait déjà
répondu : « Peut-être une inclination d'esprit, sympathie marquée pour la
patrie de Gœthe et de Reethoven, où l'àmc, semble-t-il, a plus de profon-
deur et de gravité. Et sans doute ceci : M. R. R. avait le dessein préconçu de
faire venir son musicien à Paris. Il fallait que Jean-Christophe jugeât la
France du dehors avec le recul et la liberté d'esprit nécessaires ». Mais R.
Rolland, tenant à dissiper toute équivo(jue, prit soin de préciser les raisons
de son choix, dans un article du Parthénon (5 novembre 1913, pp. 67-68),
intitulé Les origines germaniques de Jean-Christophe. « J'ai eu plus d'une
raison pour choisir les pays rhénans comme patrie de mon héros. D'abord
son génie musical : c'est une plante qui, jusqu'ici, n'a pas trouvé chez nous
des conditions propices pour se développer vigoureusement. Puis... mon
dessein d'observer la France avec des yeux tout neufs de Hiiron candide et
barbare. Mais j'avais une autre raison secrète et plus profonde : ce sera une
réponse anx harangues des pangei'manistes qui viennent de fêter avec
fracas l'anniversaire de la « Rataille des Nations ». Le pays de Reethoven et
de Jean-Christophe ne sera jamais pour moi un pays étranger. Je ne suis
pas de ces lamentables Français qui, dans la rage qu'ils mettent à appau-
vrir la France, afin de la réduire à eux et à leurs amis, ne seraient pas loin
de la ramener aux limites du domaine de leur Philippe-Auguste et qui
traitent d'étranger le Genevois Jean-Jacques. Je ne tiens pas plus de compte
de leur nationalisme rétréci que de l'arrogance de l'impérialisme allemand
qui, par droit de conquête, s'étale impudemment dans des terres qu'il a
volées Quand dix siècles de conquête germanique auraient passé sur le
Rhin, ils ne feraient point que Rome et que Ryzance n'y aient enfoncé leur
proue et que la grande route qui mène des Alpes latines aux Pays-Ras du
Nord n'ait été fécondée par les semences de liberté, qu'ont répandues, sur
leur passage, les flots de pèlerins. Le Rhin est une coulée de lumière qui
mûrit les coteaux et les âmes d'Occident ; elle n'est pas plus à vous.
Allemands, qu'elle n'est à nous : elle est à l'Europe. Elle ne nous divise
point, elle nous réunit. Qu'il en puisse être de même de mon Christophe,
votre fils et le nôtre. »
[Passage capital, que je m'excuse d'avoir rejeté en note; mais je n'ai pu le
retrouver que, tardivement, au cours de la mise en page. La revue Le Par-
thénon figure bien sur les rayons de la Ribliothèq^e Nationale, mais avec
de telles lacunes qu'il est impossible d'y faire des recherches utiles.]
— 66 —
Retour à la musique.
Haendel et l'EncYclopédie de la Musique
Mais, pour ne pas rompre l'unité de l'œuvre, il a fallu
anticiper sur les dates, au risque de paraître oublier
certains détails et de briser, légèrement, l'harmonie de
cette vie laborieuse qui ne s'arrête pas à de glorieux
incidents académiques.
Jean-Christophe est paru, et déjà R. Rolland, libre de
toute attache professionnelle, a repris, avec une joie
nouvelle, son rude travail ; la vie matérielle est assurée
contre les hasards du lendemain; le succès, sans qu'il
l'ait cherché, est venu vers lui, avec la gloire ; enfin
ses livres se vendent régulièrement et le chiffre de
ses éditions commence à grandir chaque année et lui
garantit une aisance relative, qui lui permet dès lors de
poursuivre son œuvre en toute liberté d'esprit; bientôt
il éprouvera le besoin de réagir « contre la contrainte de dix
ans dans l'armure de Jean-Christophe qui, d'abord faite à sa
mesure, avait fini par lui devenir trop étroite. » (^Colas Breugnon,
Avertissement, p. 1). Et cependant, l'œuvre lentement et
patiemment achevée, il éprouve, disait-il le 9 novembre
1912, dans une lettre à M. Paul Seippel (op. cit., n° 196,
p. 236) « le sentiment de n'avoir encore rien dit, rien dit... Il
semble que Jean-Christophe m'ait rendu le service de m'avoir délivré
de l'énorme fardeau du passé. »
Roman d'un musicien, écrit par un musicien, sym-
phonie formidable dont les trois parties se déroulent et
s'équilibrent harmonieusement, tel est Jean-Christophe.
Au seuil même de la Nouvelle Journée (pp. 11 et 12),
écoutez encore cet hymne religieux et lent, hymne de
— 67 —
reconnaissance à la musique « musique sereine, musique qui
berças mon âme endolorie, musique qui me l'as rendue ferme, calme
et joyeuse. » Est-ce un (( divertissement », au milieu de son
œuvre d'artiste? Est-ce une nécessité de méthode qui
l'invite sans cesse à entremêler l'érudition précise et
grave à la vie de ses héros de roman ? Il semble ainsi se
mieux préparer à des récits où l'imagination voisine
avec l'histoire, et la biographie d'un homme de génie
en est comme la préface, ou plutôt comme le prélude.
Cest ainsi qu'en 1910 R. Rolland écrit, pour la collection
des « Maîtres de la Musique » de la librairie Alcan, une
étude musicale sur Haendel (i) qu'il se propose de re-
prendre, un jour prochain, et de récrire, pour en faire
non plus une vie héroïque ou un portrait psychologique
en pendant à Beethoven et à Michel Ange, mais un gros
ouvrage consacré au caractère de Haendel, à son œuvre
et à son temps. « Pour bien parler de cette vie, il faudrait une
vie » (p. 1). R. Rolland, qui sait le prix du temps et toute
la valeur des livres, estime n'avoir donné là qu' « une
esquisse très sommaire, un aperçu de l'œuvre colossal » de SOn
musicien. Espérons que le travail lui accordera bientôt
les loisirs nécessaires pour dresser ce noble monument.
Mais voici des travaux d'histoire et d'érudition qui
vont nécessiter de longues recherches dans les biblio-
thèques et d ' importants dépouillements de revues.
Quand Albert Lavignac, professeur au Conservatoire,
avait réuni les plus éminents des professeurs, savants,
artistes et musiciens, pour collaborer à sa grande
Encyclopédie de la Musique, éditée chez Delagrave, il
avait aussitôt fait appel à R. Rolland et lui avait confié
(1) Cf. Bibliographie n* 82.
68
quatre importants chapitres sur l'Opéra au xvii« siècle
en Angleterre, en Allemagne, en Italie et en France, (i)
Ces questions ne lui étaient pas inconnues : sa thèse
de doctorat, maints articles de Revues, ses cours des
Hautes Études Sociales ou de la Sorbonne, l'avaient dès
longtemps préparé à les traiter mieux que quiconque.
Mais il était trop consciencieux et trop ami de son art
pour se contenter des notes qu'il avait recueillies che-
min faisant. Il voulut ne rien négliger, ne rien oublier.
La bibliographie de chaque chapitre, les notes qui
complètent le texte à tout instant attestent de son érudi-
tion très sûre et de son souci de ne pas écrire à la
légère.
Enfin c'est encore à lui que s'adresse l'éditeur Edouard
Champion, qui publie une édition critique monumentale
des œuvres de Stendhal, pour préfacer les Vies de Haydn,
Mozart et Métastase. R. Rolland compare les textes, fait
des rapprochements avec tel passage de la Chartreuse
ou de la Vie d'Henri Bralard, justifie Stendhal des
attaques dont il a été l'objet ; et conclut en disant qu'il
faut recueillir « cette voix ironique et nette au milieu de la tem-
pête romantique ; mais quand on l'a entendue, on ne peut plus
l'oublier. » (p. Liv).
Toutes ces recherches ont obligé R. Rolland à des
séjours prolongés à Paris; mais il reste en correspon-
dance avec ses amis de Suisse, et, pour être plus près
d'eux et leur confier ses idées, il accepte, à partir de
novembre 1912, de faire dans la Bibliothèque universelle
et Revue suisse des Chroniques parisiennes régulières.
Elles ne sont 'pas signées, et dès le premier jour
(1) Cf. Bibliographie n» 89.
69
on reconnaît aisément leur auteur à cet aveu (p. 397).
« Mon ami Jean-Christophe qui veut avec l'égoïsme de tout créa-
teur, faire vaincre son idéal, a traité souvent avec dureté tout ce
qui dans l'art parisien est contraire à cet idéal... Ici même je
reprendrai ce combat. » — On y entend un R. Rolland
confiant dans la vie et plein d'un bel espoir dans une
renaissance française. « Il semble que la jeune génération
vienne de conclure un nouveau bail avec la vie... Tout renaît :
toutes les forces dispersées, tous les germes qu'apportent, de tous
les coins de l'horizon, les quatre vents de l'esprit... »
Colas Breugnon (1914)
R. Rolland préparait en 1913 « un drame et un roman sur
des sujets contemporains et dans l'atmosphère un peu tragique de
Jean-Christophe » quand il dut « brusquement laisser toutes les
notes prises, les scènes préparées, pour cette œuvre insouciante à
laquelle il ne songeait point le jour d'avant » (ColciS Breugnon,
Avertissement, p. 1). Cette œuvre, c'est Colas Breugnon ;
R. Rolland, prévoyant que les lecteurs fidèles de Jean-
Christophe seraient étonnés par ce roman « idéologique et
moral », comme l'appelle M. Paul Souday,0) a cru devoir
les prévenir que nul ne fut plus surpris que lui, le
jour où son héros clamecycois s'est imposé à lui et
l'a forcé à écrire sous sa dictée le journal un peu*cru
et irrévérencieux d'une année de sa vie. Ce fut chez
lui, après dix ans de contrainte, « un besoin invincible
de libre gaieté gauloise jusqu'à l'irrévérence. » Il était revenu à
Clamecy, « la ville des beaux reflets et des souples collines »
(p. 17), qu'il n'avait pas revue depuis sa jeunesse —
(1) Cf. Bibliographie n° 198 (5).
— 70 —
et dans ce décor familier du faubourg de Bethléem,
en remontant par l'escalier de vieille Rome, depuis le
Beuvron jusqu'à l'église Saint-Martin dont les cloches
sonnent au réveil de Christophe, il eut l'idée d'écrire un
« roman vieille France » (P. Souday, art. cité), dont il place-
rait l'action à l'époque de Louis XIII, sous le minis-
tère Concini. Maître Colas Breugnon (Breugnon 0) —
mais non Brugnon, comme on lit sur les titres courants
de quelques pages et même dans le texte (p. 91) — est
un village des environs de Clamecy), artisan menui-
sier, grand buveur et bon vivant, note et commente
pour notre joie une suite d'épisodes, dialogues et dis-
cussions. Il serait oiseux de chercher en ces pages des
allusions politiques ou guerrières : c'est un livre « tout
franc, tout rond, sans prétention de transformer le monde ni de
l'expliquer, sans politique, sans métaphysique, un livre « à la bonne
françoise », qui rit de la vie, parce qu'il la trouve bonne et qu'il se
porte bien. » D'ailleurs, une courte « préface d'après
guerre », datée de novembre 1918, nous apprend, pour
éviter tout conteste, que « ce livre était entièrement imprimé,
prêt à paraître avant la guerre ». L'avertissement qui le
présente au lecteur est de mai 1914 ; et s'il se trouve
dans le journal de Colas Breugnon le récit d'un siège et
d'une émeute, c'est que la guerre est de toutes les épo-
que's. Une philosophie du moins s'en dégage. Colas
Breugnon a pleine confiance dans la vie : la vieillesse,
l'émeute, l'incendie de sa maison, la ruine de ses meu-
bles amoureusement sculptés, les infirmités, les acci-
dents (il se casse une jambe), l'obligent à venir habiter
(1) Cependant M. Jouve dit {op. cit.. Bibliographie N° 175, page 331) : « Le
véritable titre de l'ouvrage est Colas Brugnon ; ce titre a subi une modifica-
tion siu- la couverture, pour des raisons imposées à l'auteur. »
— 71 —
« la maison des autres », celle de ses enfants. Mais il
accepte ces ennuis comme njaux nécessaires et se console
en lisant les Vies des Hommes illustres de Plutarque.
« Bénis soient mes yeux par où s'infiltre en moi la vision merveil-
leuse enclose dans les livres I » (p. 289) et voici que devant
Colas Breugnon et devant nous, « entre les deux fossés des
marges sur la page », défile le cortège des héros et des belles.
Évocation majestueuse qui eût rempli de joie messire
Jacques Amyot, traducteur de Plutarque ! Jamais peut-
être n'ont été dits, en mots aussi simples et aussi vrais,
le charme et la consolation des vieux livres (p. 294 et ss.).
« Ils sont ma famille, ils sont moi, ils sont l'Homme. Que je plains
les pauvres déshérités qui ne connaissent point la volupté des livres I
Il en est qui font fi du passé, fièrement, s'en tenant au présent...
oui, le présent est bon. Mais tout est bon, corbleu! et je prends de
toutes mains... S'en tenir au présent, c'était bon au temps du vieil
Adam... Mais nous qui avons l'heur de venir après lui dans une
maison pleine où nos pères, nos grands-pères... ont entassé, tassé,
ce qu'ils ont amassé, nous serions assez fous pour brûler nos gre-
niers sous le prétexte que nos champs produisent encore du blé I
Le vieil Adam, il n'était qu'un enfant ! C'est moi, le vieil Adam ;
car je suis le même homme et depuis j'ai grandi... Les peines et
les joies de l'univers sont miennes. Qui souffre, j'en pâtis ; qui est
heureux, je ris. Bien mieux que dans la vie, je sens à travers mes
livres la fraternité qui nous lie, nous tous les porte-hottes et les
porte-couronnes : car des uns et des autres il ne reste que cendres
et la flamme qui, nourrie de la moelle de nos âmes, monte unique et
multiple vers le ciel, en chantant avec les mille langues de sa bou-
che sanglante la gloire du Tout-Puissant. »
Combien d'amis de Jean -Christophe ont dû chérir
maître Colas Breugnon pour ces mots si humains ! et
combien ont dû répéter les phrases évocatrices sur
l'art (p. 107) : « Un beau meuble est comme un fruit qu'on doit
cueillir à l'espalier ; il ne saurait pousser sans l'arbre, et tel est
— 12 —
l'arbre, tel le fruit... L'art est pour nous quelqu'un de la famille, le
génie du foyer, l'ami, le compagnon et qui dit mieux que nous ce
que tous nous sentons. » Aussi quand Colas voit ses meubles
déchiquetés à grands coups de couteau, les boiseries
fendues, les figurines mutilées, il ne peut que pleurer
(p. 209). « L'homme n'est rien; c'est l'œuvre qui est sacrée. Triple
assassin celui qui tue l'idée. » — Et plus d'un rêveur relira
la scène touchante où Colas et Belette, amoureux depuis
trente-cinq ans, se retrouvent, vieillis, et se consolent de
ne pas s'être mariés, parce qu'à tout prendre, « c'est peut-
être mieux comme ça est... on souhaite toujours plus qu'il ne nous
est donné. » (pp. 133 et 138.)
Pendant la Guerre.
" Au-dessus de la Mêlée " (1915)
et « Les Précurseurs " (1919). — Le Prix Nobel (1916)
Comme chaque année, depuis 1911, R. Rolland, en
1914, était venu se reposer dans cette Suisse amie qui
lui semblait le seul « coin de terre où l'on pût respirer au-
dessus de l'Europe » (Nouvelle Journée, p. 17). Christophe
l'y avait déjà accompagné maintes fois. Non pour cher-
cher un plaisir romantique. « Mais il ne pouvait oublier qu'ici
il avait retrouvé sa force — il n'y retournait jamais sans un frémis-
sement de gratitude et de foi... Que de combattants de la vie, que
la vie a meurtris, ont retrouvé sur ce sol l'énergie nécessaire pour
reprendre le combat et pour y croire encore I » Christophe par-
lait de son œuvre, « du réveil des énergies françaises... il voulait
s'en faire la voix retentissante qui plane au-dessus de la mêlée et qui
donne la victoire prochaine... {Nouvelle Journée^ p. 95).
R. Rolland s'est peut-être souvenu de cette phrase
lorsqu'au début de la guerre, en septembre 1914, il inti-
— 73 —
tulait Au-dessus de la Mêlée l'un de ses articles du Journal
de Genève qui bientôt allait donner son nom au recueild)
même des principaux articles parus du 2 septembre 1914
au 2 août 1915. Chaque fragment fut, à son tour, dis-
cuté, commenté ; l'auteur fut invectivé, honni, maudit.
L'excès même des injures jetées par ses ennemis donna
à R. Rolland des défenseurs et des amis. Quand ces
pages — qui n'avaient souvent été connues en France
que par des extraits incomplets ou blanchis par la cen-
sure — parurent (novembre 1915) en volume à la librai-
rie Ollendorff, la tempête recommença plus violente
de part et d'autre. Chacun voulut prendre parti. Adver-
saires et partisans se menacèrent, se déchirèrent, s'inju-
rièrent autour de ce livre. Comme les journaux — de
format plus réduit — n'avaient pas assez de place dans
leurs colonnes pour insérer les manifestes et les répli-
ques qui se succédaient sans pitié, la guerre de libelles
s'envenimait : déjà une brochure de Henri Massis, au
titre sensationnel Romain Rolland contre la France, avait,
en juillet 1915, donné le branle à l'assaut. Dans le Bonnet
Rouge (juillet-août 1915), J.-M. Renaitour prit aussitôt
la défense de R. Rolland, s'attirant des répliques enflam-
mées de Stéphane Servant, puis de Paul -Hyacinthe
Loyson. (2) La polémique dura jusqu'à la fin de novembre
1915. C'est alors que parut un plaidoyer Pour Romain
Rolland, publié à Genève et signé Henri Guilbeaux, qui
coïncidait presque avec la mise en vente chez Ollendorff
(1) Cf. Bibliographie n' lOG.
(2) Tous ces articles du Bonnet Rouge ont été réunis en brochure sous le
titre Au-dessus ou au cœur de la Mêlée: une polémique républicaine. Cf. Bi-
bliographie n° 142. »
— 74 —
de Au-dessus de la Mêlée. Citations de textes, références
aux articles amis ou ennemis, extraits de lettres, docu-
mentaient cette brochure et retraçaient l'histoire de
cette querelle. De nombreux passages de ce dossier
étaient enfin publiés et commentés, en avril 1916, comme
appendice au livre de Paul-Hyacinthe Loyson, Êtes-vous
neutres devant le crime. Puis peu à peu la tempête s'apai-
sait, (i) Les péripéties tragiques de la guerre absorbaient
toutes les pensées et tendaient dans un effort immense
les volontés des hommes. Le canon sur les champs de
bataille étouffait le bruit des paroles. L'oubli descendait
sur les mots vivants comme un voile de mort. Romain
Rolland se tut, non pas qu'il renonçât pour jamais à la
lutte, mais il remettait à des jours plus calmes le soin
de dire toute sa pensée.
D'ailleurs, depuis des mois, R. Rolland, qui avait quitté
sa résidence de Veve}^ pour s'établir à Genève, consacrait
tout son temps à l'Agence Internationale des Prisonniers
de guerre. Puisque sa santé chancelante le rendait par
avance inapte à tout service militaire actif, et que son
âge — né en janvier 1866, il avait quarante- huit ans et
demi à la déclaration de guerre — le mettait dans une
classe non mobilisable, il voulut, dans la mesure de ses
forces, prendre sa part humaine de la guerre, et adoucir
les souffrances ou consoler les malheureux.
Dans les premiers jours de novembre 1919, R. Rolland
réunit en un volume une seconde partie des articles
écrits sur la guerre et publiés par lui en Suisse depuis
(1) Cf. Bibliographie n» 118 à 151, une liste alphabétique des principaux
•articles et brochures se rapportant au rôle de l\. R. pendant la guerre.
A compléter utilement par les références que donne le n* 130.
— 75 —
la fin de 1915 jusqu'au début de 1919. C'était la suite de
son premier recueil Au-dessus de la Mêlée, en attendant
qu'un troisième livre donnât les articles et lettres qui
n'ont pu prendre place dans cette nouvelle série. Le titre
qu'il lui a donné, les Précurseurs, s'explique et se justifie,
parce que tous les articles sont « consacrés aux hommes de
courage qui, dans les pays, ont su maintenir leur pensée libre et
leur foi internationale parmi les fureurs de la guerre et de la réac-
tion universelle» (p. 7) — et la dédicace, datée d'août 1919,
précise les intentions de l'auteur ; elle porte ces mots :
« A la mémoire des martyrs de la Foi nouvelle de l'Internationale
humaine, à Jean Jaurès, à Karl Liebknecht, Rosa Luxembourg... vic-
times de la féroce bêtise et du mensonge meurtrier, libérateurs des
hommes qui les ont tués ».
Cependant une grande joie fut donnée à R. Rolland. (1)
Le prix Nobel pour la littérature, non décerné en 1914,
puis réservé en 1915, lui fut attribué le 9 novembre 1916,
— mais pour l'année 1915, — avec cette mention -
« comme hommage rendu au grand idéalisme de ses écrits ainsi qu'à
la sympathie et à la vérité avec lesquelles il a peint différents tj'pes
humains. » Dès 1915, le comité Nobel de l'Académie sué-
doise pour la littérature (2) avait fixé son choix (3) sur
(1) R. Rolland est le plus jeune des lauréats du prix Nobel de littérature.
Cf. à ce sujet Léon Deffoux, Petite histoire du Prix Nobel de Littérature,
dans le Mercure de France, du 15 janvier 1920, pp. 558-562,
(2) Composé de MM. H. -G. Hjârne, ancien professeur d'histoire à Upsal,
président ; Esaias Tegnér, ancien professeur de langues orientales à Lund;
K.-A. Melin, docteur es lettres, professeur de lycée ; E.-A. Karifeldt, docteur
es lettres, secrétaire perpétuel de l'Académie; P.-A. Hallstrôm, homme de
lettres.
(3) Les Prix Nobel i9U-19î8, p. 9. Le volume annuel Les Prix Nobel
(Norstedt, éd. à Stockholm), rédigés en français et en suédois, avec compte
rendu des conférences, portraits des lauréats, notices biographiques et
bibliographiques et fac-similé des diplômes reçus, n'avait pas reparu
<lepuis la guerre. Un volume embrassant les années « 1914-1918 » a paru en
— 76 —
l'auteur de Jean-Christophe sans rendre officielle sa déci-
sion ; plusieurs journaux l'avaient même annoncé par
avance. Aussi quand la nouvelle fut confirmée à la fin
de 1916, passa-t-elle presque inaperçue, et c'est à peine
si quelques chroniqueurs la commentèrent* Dès que
R. Rolland eti eut connaissance, il écrivit à son éditeur,
M. Humblot, pour lui dire que son intention était de
« remettre la totalité du prix à diverses œuvres de bienfaisance, »
ne demandant pour lui « que le droit de penser librement. »
{Demain [Revue suisse], 1" année, n°^ 11-12, novembre-
décembre 1916, p. 391-392).
On a dit que le Prix Nobel, consécration de toute une
œuvre, couronnement d'une carrière, était attribué sur-
tout à l'auteur de Au-dessus de la Mêlée et que les Suédois
étaient germanophiles. La méchanceté ici se double
d'une inexactitude. L'œuvre de Rj Rolland est adhiirée
à l'étranger, plus qu'aucune autre de nos écrivains
contemporains, et j'en veux comme preuve le grand
nombre de traductions dont elles ont été l'objet. Jean-
Christophe et la Vie de Beethoven sont connus et lus
dans toutes les parties du monde : éditions anglaises,
américaines, allemandes, espagnoles, polonaises, russes,
suédoises, italiennes, hollandaises, danoises, les ont
répandus à des milliers d'exemplaires. Rapprochant
R. Rolland de Maeterlinck et recherchant les raisons
de leur grand succès à l'étranger, M. Albert Thibaudet
a montré (1) qu'ils appartiennent tous deux « à ce qu'on
pourrait appeler la littérature de liaison, » et qu'ils font « partie
1920. Faut-il noter que la Bibliothèque Nationale de Paris n'a acheté que le
premier volume (1901) de la collection qui, heureusement, se trouve com-
plète à la Bibliothèque de l'Institut ?
(1) Cf. Bibliographie n* 200.
77
de ce courant cosmopolite qui est une des richesses et une des
puissances de notre littérature, » R. Rolland est de race fran-
çaise et son œuvre, quoiqu'on en ait dit, en témoigne.
S'il ne ressemble pas à M. Barrés, ni à M. Paul Bourget,
ni à M. Pierre Loti, ou s'il n'appartient pas non plus,
comme le veut M. Albert Thibaudet, « à la lignée de Zola, »
c'est qu'il est lui-même et un des reflets de notre génie,
et qu'il « représente un visage de la F'rance tourné vers le dehors,
accessible au dehors ».
L'historien n'a pas à se poser en défenseur bénévole,
ni à justifier le Prix Nobel attribué à R. Rolland. Mais
il y a eu trop de mensonges et trop d'insinuations mal-
veillantes pour ne pas leur opposer ici le démenti d'un
texte et la preuve d'un document officiel. On sait, par
l'article de M. Lavisse et le rapport de M. Etienne Lamy
(cf. pp. 63 à 65), les raisons qui, en juin 1913, avaient
déddé l'Académie Française à décerner à R. Rolland le
Grand Prix de Littérature, de même on sait, par la notice
de M. Sven Sôderman (l), ce qui a déterminé le vote
de l'Académie suédoise. Le Prix Nobel de littérature est
décerné, aux termes du testament de f ingénieur Alfred
Nobel, « à celui qui aura produit l'ouvrage littéraire le plus remar-
quable dans le sens de l'idéalisme ». M. Sven Sôderman a exa-
miné les titres de R. Rolland et les a résumés en quel-
ques pages qui doivent être citées, au moins par frag-
ments.
Parlant de ses deux volumes de critique musicale,
Musiciens d'autrefois et Musiciens d'aujourd'hui, M. Sven
Sôderman déclare que R. Rolland « s'y révèle comme un juge
éminent, un critique équitable et hardi, qui n'a jamais de préven-
(i) Publiée dans Les Prix Nobel en 19U-i918, fp. 67-70.
— 78 —
tions et ne s'inféode à aucun parti et dont le but essentiel est de
chercher à parvenir par la musique aux sources mêmes de la vie »,
tandis que dans ses Tragédies de la Foi, il cherche à
exposer, « sous le masque d'événements historiques, les luttes
que les âmes fidèles à leur idéal ont à soutenir contre le monde »;
son Théâtre de la Révolution représente dans un cycle
dramatique 1' « Iliade de la Nation française. Ces drames, qui
recherchent la vérité morale aux dépens de la couleur anecdotique,
révèlent une intuition historique et mettent en scène des caractères
bien vivants ». Dans son volume Au-dessus de la Mêlée, il
soutient que 1' « avenir de l'humanité est supérieur à l'intérêt des
peuples. La guerre est pour lui une violence barbare et, au-dessus
des luttes sanglantes des nations qui recherchent la puissance, il
dirige nos regards sur la cause de l'humanité. » Mais l'œuvre
maîtresse de R. Rolland, « celle pour laquelle il a obtenu le
Prix Nobel de littérature, » est Jean-Christophe. « Cette œuvre
puissante décrit la formation d'une personnalité dans laquelle nous
pouvons nous reconnaître nous-mêmes ; elle montre comment un
tempérament d'artiste, en s'élevant de degré en degré, arrive à se
dresser comme un génie au-dessus du niveau de l'humanité, com-
ment une nature puissante, qui a le plus noble et le plus impérieux
désir de la vérité, de la santé morale et de la pureté artistique, avec
un amour débordant de la vie, arrive à se frayer un chemin à tra-
vers les obstacles qui se dressent sans cesse devant elle, comment
elle parvient à la victoire et à l'indépendance, et comment ce carac-
tère et cette intelligence sont assez significatifs pour concentrer en
eux toute une image du monde. » R. Rolland décrit non seu-
lement la vie de son héros et de son entourage, mais
encore les causes de la tragédie de toute une génération.
« Il expose à larges traits le travail secret qui se fait dans les profon-
deurs cachées et par lequel peu à peu s'édifient les nations ; il par-
court tous les domaines de la vie et de l'art ; il contient tout l'essen-
tiel de ce qui a été discuté ou tenté pendant les dernières dizaines
d'années dans le monde intellectuel ; il réalise une nouvelle esthéti-
— 79 —
que musicale ; il contient des discussions et des jugements sociolo-
giques, politiques, ethnologiques, biologiques, littéraires , artisti-
ques, souvent du plus haut intérêt. »
Puis, montrant combien la personnalité qui se révèle
dans Jean-Christophe est « un type d'une rare fermeté et d*une
forte structure morale », M. Sven Sôderman évoque l'auteur
à travers le héros et trace de Romain Rolland ce noble
portrait : « Rolland ne s'est pas adonné à sa tâche pour suivre une
impulsion littéraire ; il n'a pas écrit pour plaire ou pour amuser.
Le « il faut » qui le pousse provient de sa soif de vérité, de son
besoin de morale et de son amour de l'humanité ; la vie esthétique
pour lui n'est pas faite seulement pour créer de la beauté, mais
c'est avant tout un moyen de faire acte d'humanité. »
Enfin il conclut, — et les mots sur Jean- Christophe
s'adressent avant tout à R. Rolland : « Jean-Christophe est
une profession de foi et un exemple ; c'est un mélange de pensée et
de poésie, de réalité et de symbole, de vie et de rêve qui nous
attache, nous excite, nous révèle à nous-mêmes et possède un pou-
voir libérateur, parce que c'est l'expression d'une force morale. »
M. Sven Sôderman n'ignore pas les critiques passion-
nées qui ont été faites à R. Rolland, il sait sans doute
qu'on lui reproche un style « incorrect ou plat » ; il a
peut-être lu, quelque part, que ses livres ont l'air étrange
de traductions — ou même (peu importe d'ailleurs
la contradiction !) que ses œuvres gagnent à être tra-
duites, « la traduction restituant au moins leur état de
prose à ces pages d'alexandrins blancs... qui exaspèrent
une oreille française ». Voici comment il leur répond :
« C'est un poète de grande envolée. Assurément il n'a accordé au
roman lui-même qu'une place secondaire dans son œuvre, mais avec
quelle maîtrise il évolue dans ce domaine ! Une figure comme celle
de Jean-Christophe est une conception géniale, étonnante de spon-
tanéité, de vie individuelle dans chaque trait, chaque mouvement.
80
chaque pensée L'observation de Rolland est précise et profonde ;
il pénètre jusqu'au fond les êtres qu'il décrit ; il étudie les carac-
tères et il peint les âmes avec un art psychologique incomparable.
Notamment ses portraits de femmes sont des œuvres de maître.
Aux milieux sociaux les plus différents, bourgeoisie, politiciens,
rentiers, artistes, il emprunte des types d'une étonnante vérité.
Quelquefois la description se concentre en quelques raccourcis
dramatiques et pathétiques d'une force extraordinaire ; quelquefois
elle s'étend pour former d'immenses peintures de mœurs qui frap-
pent par la perspicacité de la vision et par leur singulière pénétra-
tion. Avec sa sincérité foncière, Rolland ne peut se résoudre à se
servir d'artifices de style. Il dit d'une manière exacte et naturelle ce
qu'il a à dire et rien de plus. Mais lorsque sa pensée s'enflamme,
lorsque son cœur s'emplit d'émotion, d'amour, de colère, d'en-
thousiasme, de mépris, de joie ou de tristesse, alors un souffle enfle
la phrase et donne au texte une beauté que, seuls avant Rolland,
les plus grands maîtres de la prose française ont su atteindre. »
Et M. Sven Sôderman, admirateur loyal de Jean-
Christophe, ne devance-t-il pas le jugement impartial de
la postérité lorsqu'il termine sa notice par ces mots :
« L'auteur de Jean-Christophe est une des figures littéraires les
plus imposantes de l'époque contemporaine ; c'est un esprit puissant,
un poète original ; et son œuvre maîtresse a déjà marqué sa place
dans la littérature mondiale parmi les œuvres les plus originales,
les plus hardies et les plus saines de notre siècle ».
Liluli (1919).— Empédocle d'Agrigente (1918)
Pierre et Luee (1918)
Après des mois d'angoisse et de travail fiévreux à
Genève, R. Rolland vient passer les mois d'été de 1916 à
Thun, sur les bords de l'Aar, — avant de se réfugier à
Sierre, dans le Valais, où, pendant tout l'hiver 1916-
- 81 —
1917, il reprend sa tâche d'écrivain : il rédige son grand
manifeste : Aux peuples assassinés, 0-) sombre et dou-
loureux appel, auquel répond bientôt cette consolante et
noble évocation de l'histoire, qu'il intitule : La route en
lacets qui monte. Reprenant un propos qu'avait tenu,
devant lui, Renan, en 1887, il proclame que le chemin
de l'humanité est une route de montagne ; elle monte
en lacets et il semble par moments qu'on revienne en
arrière. Mais on monte toujours. (Les Précurseurs, p. 20),
Il faut savoir « écouter le rythme de l'Histoire », et Confiant
dans la vie, ne jamais désespérer de l'avenir ; « tout tra-
vaille à notre idéal, même ceux dont les coups s'efforcent à le
ruiner,» et c'est ainsi, malgré le gaspillage insensé de
richesses et de vies, que les âmes libres sauvent per-
pétuellement, au long des siècles, « cette statue d'argile, la
Civilisation, toujours prête à crouler. »
Mais déjà une grande œuvre retenait toute son atten-
tion, un vaste roman, appelé alors Uun contre tous, pour
lequel il accumulait notes et ébauches, lorsqu'au prin-
temps de 1917, R. Rolland quitta Sierre pour s'installer à
Villeneuve, au fond du lac Léman, et y écrire aussitôt
une tragi-comédie, Liluli, qui s'imposait d'abord à son
esprit, et qui devait, dans le plan primitif, former le
second acte d'un drame philosophique plus complet,
appelé L'Ane de Buridan. Satire bouffonne qui tient de
la fantasmagorie et de la comédie italienne, et s'appa-
rente à la fois à Voltaire, à Shakespeare et à Aristo-
phane, Liluli est trop symbolique et trop irréelle pour
être disséquée dans une analyse. On y voit « Liluli, l'enjô-
leuse », qui est l'illusion ou le mensonge charmant, con-
(1) Cf. Bibliographie n" 113.
— 82 —
duisant les peuples avec son gai refrain : « l'avenir, ça
ira » ; la Vie, personnage sans tête qui broie tout ; la
Paix, ventrue et moustachue ; la Liberté, coiffée du
bonnet phrygien et armée d'un fouet de charretier;
l'Égalité, qui taille et rogne de son sécateur tout ce
qui dépasse ; la Fraternité, sorte de nègre anthropo-
phage ; la déesse Llôp'ih, c'est-à-dire l'Opinion,
« le maître de la danse » ; les Gallipoulets et les Hurluberlo-
ches, les deux peuples rivaux, qui vont s'entretuer sous
les yeux des Gras, c'est-à-dire des dirigeants et des diplo-
mates ou « toucheurs de bœufs », etc., sans oublier Polichi-
nelle qui éclate de rire. Sous des aspects grotesques,
apparaît la terrible fatalité de la guerre ; l'illusion,
entraine les hommes à leur perte ; mais qu'on ne
confonde pas ici l'idéalisme, nécessaire comme la vie,
avec telle ou telle idéalisation meurtrière et asservis-
sante ; qu'on ne conclue pas, à la légère, d'un désespoir
profond à un « pessimisme intégral ».
Cependant un épisode de son roman L'un contre tous
avait paru dans les journaux suisses en décembre 1917,
précédé d'une note explicative qui donnait les raisons
de ce titre : « ce titre, non sans ironie, qui s'inspire, en retournant
les termes, de celui de la Boétie, Le contre Un, ne doit point donner
à penser que l'auteur ait l'extravagante prétention d'opposer un seul
homme à tous les hommes, mais qu'il appelle à la lutte, aujour-
d'hui urgente, de la conscience individuelle contre le troupeau »,
et d'une introduction qui prévenait le lecteur que
« le sujet de ce livre n'est pas la guerre, mais que la guerre le couvre
de son ombre. Le sujet de ce livre est l'engloutissement de l'âme
individuelle dans le gouffre de l'âme multitudinaire ». La Compo-
sition de Liluli l'a détourné de son roman, et voici, pour
quelques mois, qu'il dit adieu à ses notes et ébauches.
— 83 —
La correspondance innombrable qu'il reçoit de tous les
pays de l'univers, les visites, les conversations, usent un
temps précieux et morcellent ses journées. Il a tenu tête
aux injures, aux cris, aux calomnies et, demeuré ferme et
patient, au milieu de ses espoirs souvent déçus et de ses
angoisses, il attend une éclaircie. Les tempêtes qu'ont
soulevées ses articles, sans le désabuser ni le décou-
rager, l'ont fatigué. Les jours sont troubles. 11 fait
sombre et triste sur le vieux monde et la mort n'a pas
achevé son œuvre. R. Rolland a besoin de se rasséréner,
de se reconquérir. Déjà pour célébrer le tricentenaire de
la mort de Shakespeare, il a publié, en avril 1916, dans
une revue suisse Demain, un article intitulé : La Vérité
dans le théâtre de Shakespeare, C^^) fragment d'un vaste
ouvrage sur le grand poète anglais, dans lequel il
s'efforcera non point de porter, après tant d'autres
scribes et discutailleurs, un jugement d'ensemble, mais
bien plutôt de « mettre en lumière sa vision intrépide de la vie ».
Certes, il se devait de ne pas oublier celui qui avait été
son maître préféré depuis l'enfance (cf. p. 29) et dont
Tolstoï, lui aussi, avait tracé un jour une silhouette
curieuse et paradoxale.
Mais ce passionné de liberté, ce « jRdèle », épris de foi
humaine, qui « dans cet entr'égorgement de la civilisation eût
redit volontiers la devise d'Antigone : « Je suis fait pour l'amour
et non pas pour la haine », (Jean-Christophe, Dans la Maison,
p. 244) souffrait de ne pouvoir, si faible et un contre tous,
sauver l'humanité. Sa santé chancelante l'oblige au
repos; ses nerfs tendus depuis des années sont épuisés.
L'air de mensonge lui semble irrespirable. Il lui faut se
(1) Cf. Bibliographie n° 104.
— 84 —
reposer quelques mois, se retremper dans la solitude et
dans l'art bienfaisant, se récréer. Il sent qu'il est vain de
vouloir trop tôt dissiper les nuages et projeter une aveu-
glante lumière. Est-ce une crise intellectuelle et morale
où vont sombrer ses pensées, pareille à celle qui l'avait
bouleversé il y a trente ans, à l'École Normale ? Va-t-il
être obligé de chercher une certitude nouvelle sur
laquelle il puisse bâtir sa vie? Non! Le salut, il va le
trouver, comme il y a trente ans, dans la lecture et
la méditation d'un philosophe pré- socratique, Empé-
docle d'Agrigente ; justement un savant italien, Ettore
Bignone, d) vient de publier, en 1916, à Turin, dans la
collection II pensiero greco, une longue étude sur le vieux
philosophe grec, avec une traduction italienne de ses frag-
ments et des principaux témoignages antiques sur sa
personne, sa pensée et son œuvre. C'est avec ce guide,
rencontré « dans un pèlerinage sur la route des siècles... très loin
à l'horizon de l'histoire hellénique », que R. Rolland se remet
au travail ; il étudie les quatre cent cinquante vers qui
seuls nous ont été transmis, fragments admirables qui
« ont le charme fascinant des beaux marbres mutilés. Le rêve des
siècles acheva le geste absent de la Vénus et la cadence interrompue
de la pensée du poète ». Il cherche, il réfléchit et, en avril
1918, il écrit et publie dans la première série des
Cahiers du Carmel une grave méditation philosophique
sous le titre de : Empédocle d'Agrigente et l'Age de la
Haine. (2) Empédocle est contemporain de la victoire
(1) Empédocle, studio critico, traduzione e commenta délie tcstimonianze
e dei frammenti. in-16, 688 pages, Turin, Bocca, 1916.
(2) Cf. Bibliographie n° 114. L'œuvre porte cette dédicace : « A révocateur
énergique d'Olympischer Friihling, à Cari Spitteler qui, par delà les siècles,
renoua la tradition des poètes-philosophes d'Ionie. En alTeetion et res-
pect. X)
— 85 —
de Salamine et sa voix est humaine, sa parole est toute
moderne; il nous dit : « l'homme n'est que vicissitudes » ;
la joie et la douleur, la gloire et le désastre se suivent
sans pitié et « nous avons oublié la sagesse suprême de l'accep-
tation » (p. 19). L'amour suit toujours la haine ; après
le bouleversement, on voit poindre l'harmonie, au loin,
« comme la lueur d'une étoile, par la déchirure des nuées »
(p. 23). Bientôt, sans doute, nos yeux verront « le beau
ciel, le soleil de Panliumanité, qui fut et qui sera de lointains en
lointains dans l'infini du Temps. Il est dès à présent, il est en qui
le rêve » (p. 46).
Puisque nos maîtres philosophes ne nous ont pas
suivis dans la tempête, puisque le christianisme ne
nous donne plus « l'aliment » dont nous avons besoin,
puisque tous les systèmes sont vieux et désuets, Romain
Rolland nous offre l'immortelle leçon d'Empédocle et
nous dit d'entendre « son chant d'espoir et de paix, la splendide
sjmiphonie de la vie universelle, dont les dissonances cruelles
périodiquement se résolvent en des accords de lumière » (p. 11).
C'est sous l'invocation du philosophe grec que R. Rol-
land, pour la seconde fois, reprend sa marche en avant
et s'apprête à écrire les livres nouveaux — biographies,
romans ou pièces de théâtre — qui lentement achève-
ront l'œuvre dont il a jeté les premières assises il y a
plus de vingt ans.
La guerre hante toujours sa pensée : elle constituait
tout le sujet de Liluli, cette farce satirique et joyeuse ;
elle va former l'atmosphère et le fonds de cette pure
idylle d'amour, Pierre et Luce, écrite en 1918. Le récit
commence le mercredi soir 30 janvier 1918, quand
Pierre Aubier, fils d'un magistrat, rencontre pendant
une alerte, dans le « métro », la délicieuse petite Luce.
Innocente douceur de cet amour si pur, bavardages
— 86 —
charmants, rêveries à deux, espérances jolies, — tandis
qu'au loin, sur les champs de bataille et sur Paris, la
guerre accomplit sa besogne de mort. Pierre et Luce
sont heureux et le bonheur ressemble à un éternel sou-
rire. Puis, pour fêter leurs fiançailles secrètes, ils vont
dans une église recevoir la bénédiction de la musique.
Leurs doigts restaient « joints, entrelacés ensemble comme les
pailles d'une corbeille. Ils étaient une seule chair que les ondes de
musique parcouraient de leurs frissons ; leurs cœurs, fondus d'amour,
touchaient aux cimes de la joie la plus pure. » Soudain le grOS
pilier auquel ils étaient adossés remua, chancela et
croula. Serrés l'un contre l'autre, Pierre et Luce furent
anéantis. Ceci se passait le Vendredi Saint 29 mars 1918;
un obus allemand, d'un canon à longue portée, venait
d'écraser l'église Saint-Gervais.
Clérambault, histoire d'une conscience libre
pendant la guerre (1920)
Soudain, le 4 mai 1919, une dépêche rappelait
R. Rolland à Paris, près du chevet de sa mère mou-
rante. Heures angoissantes et tragiques ! Après des
années de séparation, il revit les siens, auxquels l'atta-
chait une amitié tendre et douce, si délicate et si lidèle :
des lettres quotidiennes avaient atténué un peu les
épreuves de cette longue absence, — plus cruelle qu'un
exil : son père, vaillant vieillard, alerte et doux ; sa
sœur, demeurée son guide et son plus sûr conseiller, —
et sa mère, souriante et bonne, et si confiante à ses
pensées, l'accueillirent. Mais le mal lentement triom-
pha : la nuit et le silence se firent sur cette intelligence.
87
Le convoi s'en vint jusqu'au cimetière bourguignon.
Dernier déchirement, dernier adieu. R. Rolland, rentré
à Paris, n'y demeura que quelques jours : fatigué, excédé
du vain tumulte de cette ville en délire, il se hâta de
retourner en Suisse et de reprendre sur sa table les
notes, les ébauches qu'il avait craint de ne jamais
revoir. Le travail console, le travail apaise la douleur et
délivre du présent. R. Rolland, en août 1919, se remit à
son roman Uun contre tous, commencé à Sierre en 1916
et délaissé depuis 1918. La guerre, comme un grand
nuage sombre, recouvrait toutes ses pages ; mais le
sujet, c'est exactement l'histoire d'une conscience libre
pendant la guerre, comme l'annonce le sous-titre du
futur roman qui, désormais, s'intitule Clérambault.
Roman ? ce mot prête à confusion. Le qualificatif du
<( Roman-méditation », que certains lui ont donné, est
encore inexact. R. Rolland est un historien et Cléram-
bault, comme Jean-Christophe, s'apparente à ses biogra-
phies héroïques, dont il a donné des modèles achevés.
D'ailleurs, il prendra soin, avant de publier son livre,
d'écrire à ce, sujet dans un Avertissement au lecteur, daté
de mai 1920 : « Cette œuvre n'est pas un roman, mais la confes-
sion d'une âme libre au milieu de la tourmente, l'histoire de ses
égarements, de ses angoisses et de ses luttes... J'ai voulu faire la
description du dédale intérieur oiî erre en tâtonnant un esprit
faible, indécis, vibrant, malléable, mais sincère et passionné pour
la vérité. » Puis, craignant que l'on ne s'ingénie à voir
dans Clérambault, comme hier dans Jean-Christophe,
son propre portrait) et que l'on ne croie découvrir,
avec une subtilité facile, ici des allusions à sa vie
intime, là des jugements sur tel ou tel, R. Rolland met
le lecteur en garde contre tout danger d'interprétation.
<( Qu'on n'y cherche rien d'autobiographique ! Si je veux un jour
— 88 —
parler de moi-même, je parlerai de moi-même, sans masque et sans
prête-nom. Bien que j'aie transposé dans mon héros certaines de
mes pensées, son être, son caractère et les circonstances de sa vie
lui appartiennent en propre. »
Glérambault est un poète, un homme doux et bon,
pur de cœur et faible de caractère, qui vit heureux et
paisible entre sa femme Pauline, sa fille Rosine et son
fils Maxime. Il est pacifiste et démocrate, et s'est fait
« l'interprète de toutes les idées nobles et humaines », Quand la
guerre éclate, il s'enthousiasme : un patriotisme ardent
a fait place à sa foi pacifique ; son fils est mobilisé ;
c'est la guerre dernière, celle qui mettra fin à la guerre
elle-même; à l'offensive de printemps, Maxime tombe
et, confondu parmi les milliers de morts anonymes, est
porté disparu. Angoisse du père qui cherche, implore
un renseignement, et qui, en dix jours, vieilli, cassé,
épuisé, comprend enfin douloureusement que son fils
est mort, « le plus cruel n'est pas encore de le perdre, c'est d'avoir
contribué à sa perte, » et s'écrie, dans son exaltation fié-
vreuse : « Le sang de mon fils est sur moi... je lui ai fermé les
yeux, il me les a rouverts. » Déjà, confusément, se prépare
dans son esprit un revirement terrible. En vain, il fait
le tour de ses amis, essayant de lire en eux, d'écouter,
d'observer : les professeurs lui apparaissent comme
étant tous rhéteurs, sophistes et procéduriers ; les écri-
vains poètes ou romanciers ignorent tout et parlent à
tort et à travers ; « stupide envoûtement des mots abstraits !
A quoi sert-il de détrôner les rois et quel droit de railler ceux qui
meurent pour leurs maîtres si c'est pour leur substituer des entités
tyranniques qu'on revêt de leurs oripeaux ? » et Glérambault
s'emporte contre cet « idéalisme menteur et maladif... L'homme
voit, dans les idées pour lesquelles il combat, sa supériorité
d'homme. Et j'y vois sa folie. » (p. 110). C'est, à vingt ans de
89
distance, le même cri que R. Rolland jetait dans son
bel article de juillet 1900, intitulé le Poison idéaliste, i^)
Clérambault, cependant, passe par des alternatives de
confiance et d'abattement; son ami, le savant Hippolyte
Perrotin, oppose à sa douleur « l'inhumanité calme de sa
pensée » et lui démontre, avec une cruelle bonhomie, que
« la guerre n'a jamais empêché la terre de tourner, ni la vie d'évoluer.
C'est même une des formes de son évolution... Cette crise n'est rien
de plus qu'un phénomène de cj^stole, une contraction cosmique^
tumultueuse et ordonnée, analogue aux plissements de la croûte
terrestre, accompagnés de tremblements destructeurs. L'humanité
se resserre. Et la guerre est son sisme. » (p. 132). Mais Cléram-
bault veut être libre, se dégager de ses instincts et de
ses passions, pour tâcher de « voir par dess,us les nuages de
poussière qui s'élèvent des troupeaux sur la route du présent, pour
embrasser l'horizon, afin de situer ce qui se passe dans l'ensemble
des choses et l'ordre universel. y> Sur ces entrefaites, il va voir
à l'hôpital un camarade de son fils Maxime, un enfant
de l'Assistance, Aimé Courtois, qui a reçu dix-sept bles-
sures et est amputé des deux jambes. La résignation de
ce blessé, sa passivité fataliste le font souffrir. Assez de
ce silence qui lui semble de la lâcheté ! il parlera. Cléram-
bault publie, pour soulager sa conscience d'homme
libre depuis tant de mois opprimée, de petits pamphlets.
Le premier est intitulé : (( 0 Morts, pardonnez-nous. » « J'avais
un fils. Je l'aimais, je l'ai tué ! Pères de l'Europe en deuil, pères
veufs de vos fils, ennemis ou amis, tous couverts de leur sang, c'est
pour vous que je parle... Je pense aux fils encore vivants... Chaque
meurtre nouveau tue mon fils une fois de plus... Je dois épargner
aux pères qui viendront la douleur où je suis... La patrie c'est
vous, pères. La patrie, c'est nos fils. Tous nos fils. Sauvons-les ! »
(1) A comparer avec les extraits cités page 42*ae ce livre.
— 90 —
Un second pamphlet suivit, dédié « à Celle qu'on a aimée »,
c'est-à-dire la patrie. Mais, déformé par un journal, il
fut bafoué, maudit ; et Clérambault connut soudain la
haine tenace de ses amis d'hier : Léo Camus le traite
de criminel ; son camarade de lycée. Octave Berlin,
l'appelle ennemi public ; Perrotin se moque de lui ; le
fils d'un des amis, Daniel Faure, tout en reconnaissant
que ses pensées sont peut-être justes et vraies, les juge
inopportunes. Autour de lui, ce n'est qu'hostilité : sa
femme, aigrie par tout ce bruit, lui en veut ; seule,
sa fille Rosine le comprend, l'approuve, mais le supplie
de ne pas écrire. « Il n'y a pas besoin de tout écrire. »
Qu'importe, il ne peut se taire, il ne s'appartient plus,
il souffre d'avoir parlé et il sent qu'il va de nouveau
parler. Et il jette son ((Appel aux vivants » ; « La mort règne
sur le monde. Vivants, secouez son joug !... Vive la vie! Seule la vie
est sainte. Et l'amour de la vie est la première vertu... Hommes, il
n'est pas vrai que vous soyez les esclaves des morts et par eux
enchaînés comme des serfs à la terre... soyez maîtres des jours...
soyez libres. » Mais le silence mure Clérambault dans une
tombe. Il est désespérément seul. On l'abandonne, on le
fuit et lui-même se sent « un contre tous, l'ennemi commun,
le destructeur des illusions qui font vivre ». Lent et douloureux
calvaire : c'est son amie, M""^ Mairet, la veuve du biolo-
giste, habituée à la recherche de la vérité, qui a besoin
d'idéaliser et de croire que son mari est tombé au front
pour une cause sainte ; c'est sa nièce Aline, qui en vient
à oublier son propre deuil, la mort de son mari, devant
le nouveau-né, son espoir et son cher printemps. Cepen-
dant une joie lui fut donnée : un étudiant, blessé, Julien
Moreau, vint le remercier du bien que lui avait fait la
lecture de ses articles. Une lumière dans sa nuit :
« bonheur étrange qu'éprouve une âme à sentir qu'elle participe au
— 91 —
bonheur d'autres âmes... » Son œuvre n'était pas vaine, sa
parole n'était pas inutile et ne retombait pas dans
l'insondable silence- « Toute pensée vraie, qu'elle soit ou non
comprise, est le vaisseau lancé qui remorque à sa suite les âmes du
passé. » Puis il rencontre Edme Froment, le paralytique,
couché sur un lit d'hôpital, un « mort vivant » qui affirmait
« le devoir absolu, pour qui porte la flamme d'un idéal puissant,
de le dresser au-dessus de la tête de ses compagnons. Des millions
d'hommes ont vécu et sont morts pour que surgisse une fleur
suprême de pensée. » La nature dépense des peuples pour
créer un Boudha, un Eschyle, un Newton, un Beethoven.
Certes, ces individualités supérieures dominaient les
peuples et les siècles ; et Clérambault se disait « qu'être
en notre temps, être soi, être libre, est le plus grand des combats.
Les êtres qui sont eux-mêmes dominent, par le seul fait du nivelle-
ment des autres ». Un jour, Clérambault fut inculpé d'in-
fraction à la loi sur les indiscrétions en temps de
guerre : chaque après-midi, il se rendait chez le juge
pour être interrogé. Cependant la haine, comme un orage,
s'accumulait autour de lui, grandissait, menaçait. Il fut
injurié dans les journaux; puis il fut bousculé, frappé,
piétiné dans la boue. Enfin, Victor Vaucoux, un oisif
qui le haïssait, le tua d'un coup de revolver; — Cléram-
bault s'endormit dans la mort en murmurant : « H n'y a
plus d'ennemis », Clérambault le faible qui fut Vun contre
tous, écrasé, rejeté, bafoué, mais libre. « L'un contre tous
est Vun pour tous. Et il sera bientôt l'un avec tous. Jamais la pensée
de l'homme solitaire n'est comme lui isolée. L'idée qui surgit en
l'un germe déjà en d'autres ; et quand un malheureux, méconnu,
outragé, la sent lever dans son cœur, qu'il ait la joie ! C'est que la
terre se réveille. La première étincelle qui brille en une âme seule
^st la pointe du rayon qui va percer la nuit. »
— 92
L'œuvre de Romain Rolland.
Son style. — Son influence.
La Vie de Beethoven, Tolstoï, Michel- Ange, Jean-Chris-
tophe, Colas Breugnon, Clérambault, et tant de pages
d'histoire et de critique musicales, sont les fragments
gigantesques et bien ordonnés d'une œuvre qui s'édifie,
se complète peu à peu. On ne peut donc porter sur elle
que des jugements inexacts et provisoires. Déjà on s'est
trop hâté de juger Jean- Christophe dès les premiers
volumes, sans même attendre la publication des deux
tomes qui couronnent le livre et lui donnent son sens
entier. On ne se prononce pas sur une fresque immense
qui contient la vie d'un homme et d'un peuple, après
en avoir aperçu quelques fragments d'un œil partial et
distrait. On ne condamne pas au feu l'œuvre d'un
homme parce que la lecture de quelques chapitres —
un jour d'orage — ou de mauvaise digestion — vous a
mis en colère. N'oublions pas que Michel- Ange ne
permit au pape Jules II d'entrer en contact avec son
Jugement dernier de la chapelle Sixtine, que lorsqu'il
l'eût entièrement achevé.
Mais, telle qu'elle est déjà, l'œuvre de R. Rolland
s'impose. Elle a son style, son esthétique, sa morale.
Par haine du mensonge livresque, par antipathie de
toute méthode littéraire, par sincérité surtout, R. Rolland
méprise la phrase. Il rejette la livrée quelle qu'elle soit :
épithète mondaine ou phraséologie conventionnelle, il
admet tous les mots aux mêmes honneurs et brutalise,
s'il le faut, la syntaxe héréditaire. Certes, ce style,
volontairement monotone, consciemment pauvre et
— 93 —
simple, me repose des phrases artificielles, bourrées
jusqu'à en éclater de mots à effets et d'adjectifs à paru-
res ; j'aime mieux la lueur douce et sans tremblement
de ma vieille lampe, coiffée de l'abat-jour cartonné, que
l'éclat dur, scintillant et aveuglant d'une ampoule élec-
trique. Mais je craindrais l'ennui si, de page en page,
dans ce style silencieux, n'éclataient, impérieusement
comme une fanfare, une invective lyrique, un dithy-
rambe enthousiaste, ou si l'idée trépidante, vibrante
soudain dans un coup d'aile, ne s'élargissait, éternelle
et dépassant l'humanité, dans une formule martelée,
splendide et brutale comme une strophe classique. Il
évite tout ce qui, douceur séductrice des mots, péri-
phrases ingénieuses, rythme balancé des périodes,
pourrait sembler de l'art pour l'art, détourner l'atten-
tion et recouvrir, jusqu'à la cacher, l'àme de l'œuvre :
la pensée. Et cependant, ce style uniforme et sans éclat,
ce style journalier qui paraît fuir au courant de la plume
sans ratures, arrive à ce miracle de se faire oublier ; on
n'entend plus le son des syllabes, on ne voit plus le
dessin imprimé des lettres, on perçoit par delà les mots,
par delà les phrases, l'horizon d'un décor, le paysage
d'une pensée ; on est en dehors du livre, on comprend,
on vit avec l'idée ; on est, pendant quelques pages, dans
un état de rêve et de béatitude.
Et l'on pense aux conseils (1) de Christophe à Olivier :
<( Ne t'inquiète point du verbe, des recherches subtiles où s'énerve
la force des artistes d'aujourd'hui. Ce ne sont pas des paroles que
tu dois dire, ce sont des choses. Tu parles à tous : use du langage
(1) A rapprocher du jugement très fin de Vernon Lee, sur le style de
R. Rolland. Cf. Bibliographie n° 184, p. 589.
— 94 —
de tous. Il n'est de mots ni nobles ni vulgaires ; il n'est de style
ni châtié ni impur ; il n'est que ceux qui disent ou ne disent pas
exactement ce qu'ils ont à dire. Sois tout entier dans tout ce que
tu fais, pense ce que tu penses et sens ce que tu sens. Que le rj'thme
de ton cœur emporte tes écrits! Le style, c'est l'âme! » (Les Amics,
p. 80). R. Rolland a donné là une belle leçon aux sty-
listes épris d'étrangetés et aux rhétoriqueurs sans idées.
M. Georges Guy -Grand, étudiant « le conflit des
croyances et les mœurs littéraires d'avant-guerre » (l)
et rapprochant Romain Rolland d'Anatole France,
traçait de l'auteur de Jean-Christophe un portrait assez
dur et injuste qui vaut cependant d'être retenu, parce
qu'il représente la moyenne de ces fausses opinions :
« Jeune, il avait souffert du manque de directions. Il s'était détourné
de ses aînés français, les Taine, les Renan, dont le pessimisme le
glaçait, dont l'intellectualisme ne le nourrissait pas. Il avait demandé
à des maîtres étrangers ce dont avait besoin son âme de musicien :
à Wagner sa profondeur trouble ; à Tolstoï, frère plus pur de
Rousseau, son christianisme. Il s'était fait ainsi ce que Nietzsche
voulait qu'on eût : une âme d'européen. Par cette discipline, il était
revenu à ce qu'il y a de plus généreux dans notre tradition française :
il avait chanté tous les héroïsmes, celui de Saint-Louis comme celui
de Danton,... en même temps qu'il continuait à demander à ce qu'eût
de meilleur la vieille Europe, un Reethoven, un Michel-Ange, des
foyers d'enthousiasme et d'énergie... II. Rolland enseignait des
choses généreuses et fortifiantes ; il chantait la liberté, l'héroïsme,
le sacrifice ; son idéalisme s'efforçait centre le matérialisme délétère
où il avait trouvé l'Europe... Pourquoi n'aboutissait-il pas ? C'est
qu'il lui manquait ce qu'il avait trop dédaigné chez nos maîtres à
nous : la clarté, la décision, la forte systématisation intellectuelle.
Il avait la chaleur du cœur, il lui manquait la discipline de l'esprit.
Un Anatole France était une intelligence sans flamme, un Romain
(1) Mercure de France, 16 juillet 1919, pp. 201-202.
95
Rolland une flamme sans direction... Ni les problèmes de la poli-
tique, ni ceux de l'économie ne l'intéressaient ; R. Rolland ne con-
naissait que des aspirations ou des velléités. » Et M. Guy-Grand
cherchait à expliquer cette attitude ou cette faiblesse
par la toute puissance de la musique, qui « dissout les
assises de la vie, » qui « échauffe ou déprime, transporte ou ravit, »
mais qui jamais n'est une « ouvrière de clarté et de droit et
n'édifie pas. »
Toute l'œuvre de R. Rolland, — prise en bloc — et
non artificiellement découpée, — oppose à ce jugement
sommaire un démenti formel. Mais l'art subtil des
citations tronquées, attribuant en propre à l'auteur
les paroles diverses et contradictoires de ses héros
de roman ou de ses personnages de théâtre, excelle
à prouver n'importe quelle attitude, à démontrer
n'importe quelle théorie. A regarder les hommes, les
événements ou les choses de trop près, on risque de ne
pas les voir exactement et de déformer dans son sou-
venir l'image et l'impression d'après lesquelles on les
jugera: on attribue une importance exagérée — et ridi-
cule — à tel détail qui fait saillie et apparaît, au pre-
mier coup d'œil, en pleine lumière, tandis qu'on néglige
et qu'on rejette dans l'ombre tel fait capital qui, tout
d'abord, ne s'était pas détaché assez nettement. Il en est
d'une œuvre artistique comme d'un paysage : il faut du
recul dans le temps et dans l'espace pour les bien voir
l'un et l'autre, — sainement, posément, utilement.
Il faut que la dureté des couleurs s'atténue, que les
contours s'estompent, que l'éclat factice et trompeur se
ternisse, — non pas pour envelopper, égaliser le décor
dans une teinte neutre et banale, mais pour en adoucir
les vaines brutalités d'un instant, comme un rayon de
soleil qui trompe notre vision — et rendre aux détails
— 96 —
essentiels leur exacte lumière et leur juste et précise
valeur. L'histoire — et à plus forte raison une biogra-
graphie — exige un certain recul, et un certain silence :
les bruits de la rue empêchent d'entendre, de même que
la lumière trop vive, en fatiguant le regard, empêche
de voir.
L'œuvre de R. Rolland n'est pas finie ; elle se poursuit,
elle se continue, elle évolue. En elle tout est mouve-
ment, jusqu'au jour où la mort l'arrêtera, et laissera
sur quelque page inachevée la phrase en suspens et le
chapitre interrompu. Alors seulement, un jugement
pourra être porté, et encore faudra-t-il ne jamais fixer la
pensée de l'auteur — ou de ses héros — au hasard de ses
étapes, — mais la prendre dans sa lente évolution, en
notant (1) « la direction et la marche, le rythme et la route ».
La vie d'un homme est semblable à une route : elle va,
selon le terrain, l'heure ou la saison, tour à tour enso-
leillée ou sombre, rapide et joyeuse à la descente, ou
lente et pénible et comme essoufflée à la montée, ou chan-
tante et rêveuse, cheminant par la plaine ; ici, elle est
bordée d'aubépines et, là, elle s'amuse en circuits, enlacée
comme un ruban, aux flancs des coteaux ; ailleurs, elle
est si poussiéreuse que les nuages soulevés par les pas
empêchent de voir l'horizon et, plus loin, elle semble
rebelle, tant les pavés qui la recouvrent sont inégaux et
cahotants. N'importe ! il faut la parcourir toute, il faut
la voir de son point de départ à son point d'arrivée,
(1) Note de R. Rolland, datée de novembre 1916, citée par P.-J. Jouve
(op. cit. Bibliographie n' 175), p. 169.
— 97 —
comme une seule ligne, pour savoir, en conscience et
vraiment, si elle est bonne ou mauvaise. Vous n'avez
pas le droit de vanter la douceur de cette route ou de
maudire à jamais sa dureté, si vous n'avez été son
compagnon que pendant quelques instants : vous ne la
connaissez pas. Un rayon de soleil ne suffît pas plus à
illuminer un chemin, qu'une flaque de boue et un liseré
de cailloux ne rendent tout son parcours cruel et
malaisé. De la vie et de l'œuvre d'un homme, vous ne
pouvez extraire une minute ou une phrase et, feignant
de croire que cette minute ou cette phrase reflète et
résume toute la vie et toute l'œuvre, porter un solennel
jugement plein de fausseté.
En 1912, deux revues, l'une nivernaise, Ombres et
Formes, éditée à Saint-Pierre-le-Moûtier, l'autre belge,
Flamberge, publiée à Gand, ouvrirent une vaste enquête
sur R. Rolland. Parmi les nombreuses réponses, une
mérite d'être recueillie, c'est celle de Jules Claretie
(Ombres et Formes, t. IV [1913], p. 4) : « R. Rolland, c'est plus
qu'un talent, c'est une âme, c'est une conscience. Il est pour les
générations vivantes un exemple vivant... en un mot, il est un
guide », et lui même soulignait le mot. C'est à peu près
les mêmes mots qu'employait récemment M. Georges
Duhamel, l'auteur si humain de Civilisation et de la Vie
des Martyrs, lorsque, dans un noble article de philosophie
sur « l'écrivain et l'événement », (i) il disait : « L'écrivain
doit être un guide, un conducteur, un inspirateur; il ne saurait,
sans déchoir, devenir un serviteur soumis, un avocat à gages. Il
allume le flambeau, il déploie l'étendard, il se fait bouclier ou glaive,
il s'offre en holocauste », et montrait avec quel tranquille
(1) Mercure de France, 15 décembre 1919, pp 59Î et 595.
courage, R. Rolland, « un grand cœur, un cœur généreux..., en
refusant de se laisser emporter dans l'espèce de raz de marée qui
submergeait l'Europe intellectuelle et mettait en péril le sens cri-
tique de maints bons esprits... a porté le conflit dans une sphère
élevée. Refuser de perdre connaissance dans l'affolement général, ce
n'est point renoncer à son rôle, c'est parfois donner à ce rôle un
sens nouveau ».
Jean-Christophe, Colas Breugnon et Clérambault — si
dissemblables à tant de point de vues — sont des formes
nouvelles de roman. Toute comparaison, tout rappro-
chement sont interdits. Là, rien de déjà vu, de déjà
entendu. H.-G. Wells, dans deux longs articles du
Temps (18 et 21 juin 1911) sur l'objet et le développement
du roman contemporain en Angleterre, étudiait successi-
vement ces questions : « Le roman doit-il amuser? —
un roman a-t-il le droit d'être long? — le rôle social du
roman moderne; — le roman comparé au théâtre et à la
biographie ». R. Rolland est l'un des écrivains cités par
Wells, qui ont eu l'audace de rompre avec les errements
passés, la liberté de l'auteur doit être entière pour le
choix du sujet et la manière de le traiter. « Le roman n'est
pas une chaire... mais le romancier sera le plus puissant des artistes
parce que lui seul saura discuter, analyser, éclairer la conduite ».
C'est en ce sens que Jean-Christophe est un modèle d'un
nouveau genre ; on n'y trouve pas seulement des idées,
mais des âmes. Certains ont pu s'y tromper. Quand j'ai
publié en 1909, aux Cahiers du Centre, des extraits de
R. Rolland, j'avais recueilli et groupé sous le titre
d'Idées (p. 124), lambeaux de pages, fragments de
tirades, débris d'articles, tout ce qui, par sa formule
harmonieuse ou sa beauté morale, pouvait servir de
maximes de vie, d'exemples ou de leçons. R. Rolland,
en approuvant ce choix et ce titre, ajoutait : « Pour moi les
— 99 —
âmes sont beaucoup plus importantes que les idées, et je suis beau-
coup plus un « animiste », si je puis dire, qu'un « idéaliste ».
R. Rolland est un « homme ». Il n'appartient à aucune
école et n'a l'ambition d'en fonder aucune. Il* s'est,
malgré les apparences, toujours et volontairement, placé
en dehors des coteries et des querelles ; mais d'autres
ont voulu l'y confondre. Il a pris position à des heures
tragiques, parce qu'il ne pouvait pas se désintéresser
des événements, et fermer ses oreilles aux bruits de la
mêlée. Il est resté lui-même, il a marché avec la vie et
avec son temps et continue aujourd'hui de poursuivre
sa route qui n'est jamais pareille, selon que l'éclairé
l'aube, le midi ou le crépuscule, et selon qu'elle
s'attarde dans la forêt paisible, ou qu'elle traverse une
cité bruyante. Il juge son œuvre à peine commencée, et
plus d'une fois a supplié ses amis — et ses ennemis —
qu'on lui laisse au moins le temps de dire ce qu'il avait
à dire. L'œuvre déjà existe : elle a sa place, elle a sa
raison d'être, elle s'impose. Attendez.
Novembre 1921.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE
LIVRES, BROCHURES ET ARTICLES PUBLIÉS^^^
I. par ROMAIN ROLLAND
1. Théâtre. — 2. Théâtre du Peuple. — 3. Biographies. — 4. Romans.
5. Histoire et Critique musicales. — 6. Peinture. — 7. Histoire et
Enquêtes diverses. — 8. Philosophie et Polémique.
IL sur ROMAIN ROLLAND
9. Articles et Brochures se rapportant au rôle et à l'œuvre de Romain
Rolland pendant la guerre. — 10. Principaux articles, brochures
et volumes sur la vie et l'œuvre de Romain Rolland.
1. Théâtre
1. SAINT-LOUIS, poème dramatique en cinq actes, Revue de
Paris. 1er mars 1897, p. 87-137, — 15 mars 1897, p. 358-
395, et 1er avril 1897, p. 571-593.
1. *• 105 pp. in-12, 1921, Ollendorff.
1. B- IL TRioNFO DELLA RAGiOME. SAN LUiGi. Dramma, vcrsione
di Erminio Robecchi-Brivio, 243 pp., Milano, L. Bon-
figlio, 1917.
(1) Seuls les articles originaux de R. R. ont pris place dans cette Biblio-
graphie. Les comptes-rendus d'Histoire et de Musique, si documentés et
si précieux par les commentaires qui les accompagnent, en ont été écartés.
On les trouverait facilement dans la Revue Historique, la Revue d'Art dra-
matique, VArt dramatique et m^usical, la Revue musicale, le Mercure musical,
la Rivista musicale italiana et le Bulletin de la Société Internationale de Mu-
sique (désigné selon l'usage par les trois initiales S. I. M.)
Les lettres majuscules A, B, C, etc., placées à la suite des numéros, dési-
gnent les éditions ou traductions différentes d'un même ouvrage.
Les numéros bis ou ter indiquent les articles, livres, ou brochures, qui
ont été trouvés au cours de la mise en pages et intercalés ainsi à leur ordre
alphabétique. *
— 102 -
2. AERT, trois actes, représenté au Théâtre de l'Œuvre, le
3 mai 1898. Revue d'Art dramatique^ nouv. série, t. IV,
mars 1898, p. 92-135, — avril 1898, p. 187-212, et mai
1898, p. 278-302.
2. A. 124 pp. in-16 carré [1898], éd. de la « Revue d'Art
dramatique ».
2. B. 76 pp. in-12, 1921, Ollendorff.
3. LE TRIOMPHE DE LA RAISON, drame en trois actes, repré-
senté au Théâtre de l'Œuvre, le 21 juin 1899. Revue
d'Art dramatique, nouv. série, tome VII, juillet 1899,
p. 241-257, — août 1899, p. 345-368, - septembre 1899,
p. 452-469, — et tome VIII, octobre 1899, p. 69-76.
3. A.. 92 pp. in-16, éd. de la « Revue d'Art dramatique ».
3. B. 08 pp. in-12, 1921, Ollendorff.
Ces trois pièces nos i, 2, 3, ont été réunies en volume
sous le titre de :
4. LES TRAGÉDIES DE LA FOI : Saiut-Louis, Aërt, Le Triom-
phe de la Raison, 255 pp. in-16, 1913, Hachette.
4. A. 1921, Ollendorff.
Simple réunion, sous une même couverture, des trois
pièces séparées, édition Ollendorff, avec trois pagi-
nations distinctes.
5. LES LOUPS, trois actes, représentés au Théâtre de l'Œu-
vre, le 18 mai 1898, sous le titre de " Morituri ", pu-
blié sous le pseudonjuue de : Saint-Just.
128 pp. in-8o carré, avec lithographie de Henry
de Groux, octobre 1898, chez Georges Reliais [pour
le compte de Charles Péguy].
5. A. Le même, sous couverture bleue. Hachette, in-S», 115 pp.
5. B. DIE woLFE, Revolutionsdrama, ûbertrag. v. Wilh. Her-
zog, Mûnchen, G. Mùller, 1917.
5. c- I LUPi, tre alti, traduzione di Salv. Ruffo di Calabria,
94 p., 8o, Roma, Uninione tip. coop., 1901.
— 103 —
6. DANTON, trois actes, représenté au Nouveau-Théâtre,
rue Blanche, par le Cercle des Escholiers, le 29 dé-
cembre 1900, et au Théâtre Civique le 30 décemb. 1900.
Revue d'Art dramatique, nouv. série, tome VIII, 5 dé-
cembre 1899, p. 325-354, — 20 décembre, p. 412-450,
tome IX, janvier 1900, p. 64-78, — et février 1900,
p. 150-156.
6. A. 124 pp. in-8«, février 1900, éd. de la « Revue d'Art
dramatique ».
6. B- 180 pp, in-16, février 1901, Cahiers de la Quinzaine,
6e cahier de la 11^ série.
6. c. DANTON, Deutsçh von Luc}^ v. Jacobi und. Wilh. Herzog,
174 pp., 1919.
7. LE 14 JUILLET, action populaire, trois actes, représentée
au théâtre de la Renaissance Gémier, le 29 mars 1902.
252 pp. in-16, 1902, Cahiers de la Quinzaine, 11^ cahier
de la III» série.
7. A. sous convertie bleue, 244 pp. ln-12. Hachette, 1909.
7. B. THE FOURTEENTH OF JULY AND DANTON, tWO plays of
the French Révolution, auth. tr. with a préface by
Barrett H. Clark, 236 pp., 1918, New-York, Holt; —
et 1919, London, Allen & Unwin.
Ces trois pièces, nos 5, 6, et 7, ont été réunies en volume
sous le titre de :
8. THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION, VIII + 359 pp., in-12, 1909,
Hachette.
8. A. 3e édition, viii + 359 pp., 1921, Ollendorff.
S. ^' REvoLUTioNSDRAMEN, hrg. V. Wilh. Hcrzog, Mûnchen,
G. MùUer, 1919.
9. LE TEMPS VIENDRA, trois actcs [datés de Paris 1902],
152 pp., in-16, 1903, Cahiers de la Quinzaine, 14^ cahier
de la IVe série. »
— 104 —
9. A. Nouvelle édition, 150 pp. in-12, 1921, Ollendorff.
9. B- DIE ZEiT wiRD KOMMEN, drama, hrg. v. Stefan Zweig,
Wien, E. P. Tal, 1920.
10. LA MONTESPAN, troîs aclcs, U AH dramatique et musical,
février 1904, p. 49-83, — mars 1904, p. 93-100, — avril
1904, p. 117-138.
10. A. 94 pp., in-t2, 1904, éd. de la « Revue d'Art dra-
matique et musical ».
11. LES TROIS AMOUREUSES, piècc en trois actes, L'Art
dramatique et musical, mars 1905, p. 169-191, — avril
1905, p. 249-275, — mai 1905, p. 334-348.
12. LE TRIOMPHE DE LA LIBERTÉ, fétc populairc, poèmc dc
R. R., mis en musique par Albert Doj^en, xi -\- 273 pp.,
in-8o, Paris, Leduc, 1917.
13. LiLULi [avec trente-deux bois dessinés et gravés par
Frans Masereel], iv + 152 pp., in-16 carré, juin 1919,
Genève, éd. du Sablier (édition tirée à 800 exem-
plaires).
i3. A- [Nouvelle édition avec les mêmes illustrations],
158 pp., 1920, Ollendorff.
13. B- LILULI, with 32 woodcuts by Fr. Masereel, ii + 127 pp.,
1920, New-York, Boni & Liveright.
13*"- LES VAINCUS, fragments inédits d'un drame de jeu-
nesse, Anvers, édition Lumière. 0)
(1) « Ce drame a été inspiré à R. R. par la guerre anglo-boër. Il manque
à la pièce très peu de chose pour qu'elle soit terminée; mais l'auteur a
préféré la publier telle quelle. Frappé par l'actualité de ce manuscrit pres-
que oublié, R. R. a tenu à n'y rien changer. Il l'a cependant augmenté d'une
préface. »
Renseignement communiqué par la revue Lumière. La nouvelle pièce de
R. R., Les Vaincus, doit paraître à la fin de l'année 1921.
105 —
2. Théâtre du Peuple
14. LE THÉÂTRE DU PEUPLE ET LE DRAME DU PEUPLE, RcVUe
d'Art dramatique, décembre 1900, p. 1078-1114.
15. LES PRÉCURSEURS DU THEATRE DU PEUPLE l ROUSSEAU,
DIDEROT ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, l'Art drama-
tique et musical, juillet 1903, p. 177-188.
16. l'œuvre des trente ans de théâtre ET LES GALAS
POPULAIRES, l'Art dramatique et musical, juillet 1903,
p. 205-213.
17. lettre [a ALPHONSE SÉCHÉ] SUR LE THÉÂTRE POPULAIRE,
l'Art dramatique et musical, septembre 1903, p. 274.
18. RÉPONSE A l'enquête SUR LA (( COLLABORATION ANO-
NYME», l'Art dramatique et musical, juin 1903, p. 166.
\Sbis. LA FEMME ET l'art DRAMATIQUE, Le Parlhénou, 20 jan-
vier 1912, p. 1.
19. LE THÉÂTRE DU PEUPLE, 216 pp., in-16, novembre 1903,
Cahiers de la Quinzaine, 4« cahier de la Ve série.
19. ^' [Même édition] sous couverture, Fischbacher, 216 pp., 1904.
19. B. [Même édition] sous couvert-^ bleue. Hachette, 216 pp. 1904.
19. c. LE THÉÂTRE DU PEUPLE, cssai d'csthétiquc d'un théâtre
nouveau, nouvelle édition, xii + 224 pp., in-16, 1913,
Hachette.
19. D- Id., 3e éd., xii + 224 pp. in-16, 1921, Ollendorff.
19. E. THE people's theater, tr. from the French by Barrett
H. Clark, viii -f- 146 pp., 1918, New-York, Holt; — et
1919, London, Allen & Unwin^
— 106 —
3. Biographies
BEETHOVEN
20. LES FÊTES DE BEETHOVEN A MAYENCE, RcVUC de Paris,
15 mai 1901, p. 431-448.
21. BEETHOVEN, Vie des Hommes illustres, 96 pp., in-16,
janvier 1903, Cahiers de la Quinzaine, 10e cahier de
la IVe série.
21. A. VIE DE BEETHOVEN, Vie dcs Hommcs illustres, viii -|-
160 pp., in-16, 1907, Hachette.
21. B. BEETHOVEN..., translatcd. . . b}^ B. Constance HuU...
(Library of Music & Musicians), 262 pp., 1917, Lon-
don, K. Paul.
21. c. [Même traduction...], with. and Introd. by
Edward Carpenter, v + xix + 244 pp., 1917, New-
York, Holt.
21. t>- LUDWiG VON BEETHOVEN, Dcutsch vou L. Laugncsc
Hug, 1917, Zurich, Rascher (Europàische Bûcher).
21. E. BEETHOVEN, édition décorée de 12 gravures de Perri-
chon, d'après Jos. Van Boehm, J.-P. Lyser, Jean-
Paul Laurens, P. -Albert Laurens et Perrichon,
137 pp., in-8», 1909, Eug. Pelletan.
MILLET
22. MILLET, Popular Library of Art, 212 pp., in-12, décem-
bre 1902, London, Duckworth — et 200 pp. in-16,
1903, New-York, Dutton.
MICHEL ANGE
23. MICHEL ANGE, RevuB de Paris, 15 avril 1906, p. 795-822.
24 . VIE DE MICHEL ANGE, publié en deux cahiers : I. La Lutte,
paginé 1-102; II. l'Abdication, paginé 103-212, aux
Cahiers de la Quinzaine, 18^ cahier de la VII^ série et
2e cahier de la VIII« série, juin et octobre 1906.
— 107 —
24. A. VIE DE MICHEL ANGE, avec un portrait, 210 pp., in-18,
1907, Hachette. 6« édition (17e mille).
24. D- THE LIFE OF MiCHAEL ANGELO, translated by Frédéric
Lees, 22 illust., 222 pp., 1912, London, Heinemann.
24. c. DAS LEBEN MiCHELANGELOS, ûbcrsetzt V. D^ Wemer
Klette, hrg. v. Wilh. Herzog, viii + 242 pp., 1920,
Frankfurt, Rutten und Loening.
25. MICHEL ANGE, collcction « Lcs Maîtres de l'Art », 182 pp.,
in-8o et 24 gravures, 1905. Librairie de l'Art ancien
et moderne.
25. A. MiCHELANGELo, transl. by F. Street, 189 pp., 1915, New-
York, Duffieid.
25. B. MICHELANGELO, Dcutsch. V. S. D. Strcinbcrg, hrg. v.
Wilh. Herzog, xii + 242 pp., 1919, Frankfurt- a-M.,
Rutten und Loening.
25. c. MICHELANGELO, traduzionc, introduzione e note di
A. Jahn Rusconi, 156 pp., Milano, R. Caddeo e C, 1919.
TOLSTOÏ
26. TOLSTOÏ, Revue de Paris, 15 février 1911, p. 673-707 —
1er mars... p. 75-105 — 15 mars... p. 285-313 —
lei avril... p. 533-563.
26. A- VIE DE TOLSTOÏ, 208 pp. in-12, 1911, Hachette. 5e édition
(10e mille).
26. B- TOLSTOÏ, translated by Bernard Miall, 256 pp., in- 16,
1911, London, T. Fisher & Unwin. — et 321 pp. 1911,
New-York, Dutton.
27. INTRODUCTION à uuc lettre inédite adressée à Romain
Rolland, datée du 4 octobre 1887, p. 7 à 12. Cahiers
de la Quinzaine, février 1902, 9P cahier delà Ille série.
— 108 —
4. Romans (1)
28. JEAN-CHRISTOPHE. Première partie.
I. L'Aube, Cahiers de la Quinzaine, 9^ cahier de la
Ve série, 2 février 1904, 180 pp.
Éd. Ollendorff, 125e édition, (2) 227 pp.
II. Le Matin, Cahiers de la Quinzaine, 10e cahier de la
Ve série, 16 février 1904, 188 pp.
Éd. Ollendorff, 102e édition, 231 pp.
III. L'Adolescent, Cahiers de la Quinzaine, 8e cahier de
la Vie série, 10 janvier 1905, 224 pp.
Éd. Ollendorff, 92e édition, 306 pp.
IV. La Révolte.
1. Les Sables mouvants. Cahiers de la
Quinzaine, 4e cahier de la Ville série,
13 novembre 1906.
2. L'Enlisement, Cahiers de la Quinzaine, [ a
6e cahier de la Ville série, 11 décem-
bre 1906.
3. La Délivrance, Cahiers de la Quinzaine,
9e cahier de la Ville série, 2 j anvier 1 907.
Éd. Ollendorff, 86e édition, 409 pp.
(1) Le mot Biographies conviendrait mieux à Jean-Christophe et à Clé-
rambanlt que le mot romans, et l'on s'excuse d'employer ici un terme
inexact et maladroit, d'autant plus que R. Rolland, dans son « Avertisse-
ment » de Clérambault (p. 5), avait même précisé : « Cette œuvre n'est pas
un roman... le livre s'apparente... aux méditations de nos vieux moralistes
français... »
(2) L'édition indiquée est celle en vente à la librairie OUendorfF en no-
vertibre 1921. Sur les différences entre ces deux éditions, voir page 153 de ce
livre.
Plusieurs fragments de Jean-Christophe ont été publiés, d'après les
« bonnes feuilles » du texte, soit dans les journaux (Le Peuple, journal
socialiste belge, 1" mai 1903), soit dans les revues (Mercure musical. Revue
Bleue, L'Effort libre, etc.). Ces extraits n'ont pas été recueillis ici.
— 109 —
— JEAN-CHRISTOPHE A PARIS. Deuxième partie.
I. La Foire sur la Place. Cahiers de la Quinzaine,
13e et 14e cahiers de la IXe série, 17 mars et
24 mars 1908, 279 pp.
Éd. Ollendorff, 84e édition, 312 pp.
II. Antoinette. Cahiers de la Quinzaine, 15e cahier de
la IXe série, 31 mars 1908, 148 pp.
Éd. Ollendorff, 86e édition, 215 pp.
III. Dans la Maison. Cahiers de la Quinzaine, 9® et 10®
cahiers de la Xe série, 16 février et 23 février
1909, 253 pp.
Éd. Ollendorfî, 79^ édition, 266 pp.
— LA FIN DU VOYAGE. Troisième partie.
I. Les Amies. Cahiers de la Quinzaine, 7<^ et 8e cahiers
de la Xle série, 25 janvier et 8 février 1910, 232 pp.
Éd. Ollendorff, 74e édition, 268 pp.
II. Le Buisson ardent. Cahiers de la Quinzaine, 5e et
6e cahiers de la Xllle série, 31 octobre et 7 no-
vembre 1911, 264 pp.
Éd. Ollendorff, 74e édition, 340 pp.
III. La Nouvelle Journée. Cahiers de la Quinzaine, 2e
et 3e cahiers de la XlVe série, 6 octobre e/20 oc-
tobre 1912, 108 pp.
Éd. Ollendorff, 58e édition, 277 pp.
28. A- JEAN-CHRISTOPHE, édition définitive en 4 vol. in-8.
I. L'Aube, le Matin, l'Adolescent, nouv. éd. [s. d.
avril 1921], Ollendorff, 456 pp. in-8o.
II. La Révolte et la Foire sur la Place; — 540 pp.
[novembre 1921]. •
— 110 —
III. Antoinette, Dans la Maison, Les Amies ; — à pa-
raître en mars 1922.
IV. Le Buisson ardent, La Nouvelle Journée; — à pa-
raître en juin 1922.
Traductions
28. B- JOHN-CHRiSTOPHER, trauslated by Gilbert Cannan.
1. Dawn and Morning, 298 pp., 1910.— 2. Storm and
Stress, 418 pp., 1911. — 3. J. Ghristopher in Paris,
471 pp., 1911. — 4. Journey's End, 548 pp., 1913.
Londres, W. Heinemann.
28. c. JEAN-CHRISTOPHE, translated by Gilbert Cannan.
1. Dawn, Morning, Youth, Revolt, ... pp., 1910. —
2. The Market- Place, Antoinette, The House,
... pp., 1911. — 3. Journey's End: Love and
Friendship, The burning bush, The new dawn,
504 pp., 1913. New-York, Henry Holt.
28. »• JOHANN CHRiSTOF, Vollstândigedeutsche Ausgabeûber-
tragen von Otto und Erna Grautoff, 3 vol., 1913-1918,
Frankfurt a. M., Rutten & Loening.
28. E. GIAN CRisTOFORO, traduzioue di Gesare Alessandri,
I. L'Alba, 259 pp. ii. Il Mattino, 249 pp. Milano, Son-
zogno, 1921.
28. p- JUAN CRISTOBAL, vcrsiou castella'na de Miguel de Toro
y Gomez, 10 vol. in-12, 1907-1914. Madrid, P. Orrier.
28. G. jAN-KRZYSTOF [traduction polonaise par Edwige Sien-
kiewicz]. Varsovie, 1912-1913.
M. Seippel indique (op. cit. Bibliographie n" 190, p. 259) :
Une traduction russe par Vetclierni Zvon, Moscou 1912,
— et annonce pour paraître une autre traduction russe, —
— celle-ci autorisée par R. Rolland, — par M. Tcklenoff,
Une traduction suédoise par M™» Ackerraan, Stockholm,
Bonnier, 3 vol.
111
Et M. P.-J. Jouve indique (op. cit. Bibliographie N^ 175,
page 323) ;
Une traduction hollandaise par Jan Romein, 1916.
Une édition classique hollandaise de « l'Aube » par
W.-E.-J. Ijeenk Willink, Zwolle, 1916.
Une traduction danoise par Emil Tuxen, Copenhague,
Hagerupa, 1916.
Mais n'aj'ant pu contrôler ces références, nous avons dû
nous borner à en reproduire l'indication telle qu'elle était,
28*^s- LES ORIGINES GERMANIQUES DE JEAN CHRISTOPHE, Le
Parthénon, 5 novembre 1913, p. 67-68.
29. COLAS BREUGNON, 321 pp. in-16, 1919, Ollendorff, 52e éd.
29. À- MEISTER BREUGNON, ein frôhlicli Buclî, hrg. v. Erna und
Otto Grautoff, 1920, Frankfurt a. M., Rùtten & Loening.
29. B- COLAS BREUGNON, BURGUNDiAN, transl. by Katherine
Miller, 302 pp., 1919, New-York, Holt.
29. c. COLAS BREUGNON, Tonianzo, traduzione di G. Attilio
Piovano, 269 pp., Milano, Sonzogno, 1920.
30. CLÉRAMBAULT, Histoirc d'une Conscience libre pendant
la guerre, 377 pp. in-12, 1920, Ollendorff, 40e édition.
31 . PIERRE ET LUCE, avcc 16 hors-tcxtc de Frans Masereel,
180 pp. in-12, 1920, Genève, édition du Sablier, tirage
à 1.350 exemplaires.
31. A' Nouvelle édition avec 4 hors-texte et 29 vignettes
dessinées et gravées par Gabriel Belot, 189 pp., in-12,
1921, Ollendorff. 10e édition.
5. Histoire et Critique Musicales
Les articles précédés d'uji astérisque * ont été réunis en volume
dans Musiciens d'autrefois. Ceux précédé» de deux astérisques *' ont
— 112 —
été réunis en volume dans Musiciens d'aujourd'hui. Ceux précédés
de trois astérisques "* ont été réunis en volume dans Voyage musi-
cal au pays dupasse.
32. LES ORIGINES DU THEATRE LYRIQUE MODERNE, HlsloirC
de l'Opéra en Europe avant Lulli et Scarlatti (71e fas-
cicule de la Bibliothèque des Écoles françaises
d'Athènes et de Rome), 316 pp. + 16 pp. de musique,
in-8o, 1895, Fontemoing.
[Couronné par l'Académie Française, prix Kastner
Boursault].
Thèse française pour le doctorat es lettres. Voir thèse
latine plus loin n" 92. Une nouvelle édition de la thèse
française a été annoncée à la librairie Hachette.
33. LA PASSION A SALZBACH. Revue d'Art dramatique, sep-
tembre 1898, p. 445-449.
DON LORENZO PEROSI
34. **D0N LORENZO PEROSI, Revue.de Paris, 15 mars 1899,
p. 443-448.
35. LES ORATORIOS DE DON LORENZO PEROSI, Revue d'Art
dramatique, mars 1899, p. 324-328.
36. LE NOUVEL ORATORIO DE l'ABBÉ PEROSI A CÔME, La
Tribune de Saint-Gervais, t. V, octobre 1899, p. 270-273.
37. MUSIQUES D'ITALIE [don LORENZO PEROSI...] Lettres au
Temps, datées de Milan, mai 1900. Le Temps, 9 mai
1900 et 26 mai 1900, 2e page.
38. LE DRAME RELIGIEUX AU xvïi® SIÈCLE, La Tribuue de
Saint-Gervais, t. V, juin 1899, p. 136-144.
RICHARD STRAUSS
39. **RiCHARD STRAUSS, Revue de Paris, 15 juin 1899, p. 769-
789.
40. LE « FEUERSNOT », DE RICHARD STRAUSS, UArt dramati-
que et musical, mai 1902, p. 219-223.
113
41. A PROPOS DE QUELQUES ARTICLES SUR RICHARD STRAUSS,
S. I. M., (1) 15 juin 1909, p. 513-528 et 15 juillet 1909,
p. 625-634.
42. **« TRISTAN », Revue d'Art dramatique, novembre 1899,
p. 170-177.
43. ***LE ROMAN COMIQUE d'UN MUSICIEN ALLEMAND AU XVIIie
SIÈCLE [JEAN KUHNAu], Revue de Paris, 1er juillet 1900,
p. 199-214.
44. « LOUISE », DE GUSTAVE CHARPENTIER, Rivîsta inusicale
Ilaliana, t. VII, 1900, p. 361-366.
45. LE PREMIER CONGRÈS INTERNATIONAL d'HISTOIRE DE LA
MUSIQUE, Paris, juillet 1900, Rivista musicale Italiana,
t. VII, 1900, p. 822-829.
LUIGI ROSSI
46. NOTE SUR l' « ORFEO » DE LUIGI ROSSI ET SUR LES MUSI-
CIENS ITALIENS A PARIS SOUS MAZARIN, p. 191-209 du
Congrès International d'Histoire de la Musique, juillet
1900, in-4o. 1901, Solesmes.
47. *LA REPRÉSENTATION DE l' « ORFEO » [dE LUIGI ROSSi]
A PARIS [en 1647] ET l'oPPOSITION RELIGIEUSE ET
POLITIQUE A l'opéra, Revue musicale, (2) t. I, janvier
1901, p. 10-17.
48. *N0TES SUR L' « ORFEO » DE LUIGI ROSSI ET SUR LES
MUSICIENS ITALIENS SOUS MAZARIN, RcvUC mUSicalc,
juin 1901, p. 225-236 et octobre 1901, p. 363-372.
(1) Le Bulletin français de la Société Internationale de Musique est toujours
désigné, même sur les couvertures de la Revue par ses simples initiales
S. /. M.
(2) La Revue musicale s'est d'abord appelée en 1901 Revue d'Histoire et de
critique musicale.
— 114 —
49. **SAINT-SAENS ET (( LES BARBARES », Revue de PaHs,
1er novembre 1901, p. 208-225.
50. ** « SIEGFRIED », Revue de Paris, 1er janvier 1902, p. 188-
204.
51. *LA MUSIQUE ET l'histoire GÉNÉRALE; extraits d'une
Conférence à l'École des Hautes Études Sociales,
Revue musicale, mai 1902, p. 249-259.
52. ROSSiNi, Revue musicale, août 1902, p. 374-381.
VINCENT d'iNDY
53. "VINCENT d'indy, Rcvuc de Paris, 15 janvier 1903, p. 401-
420.
54. l' «étranger», de vincent d'indy, Rivista musicale
lialiana, t. XI, 1904, p. 129-139.
GLUCK
55. une œuvre inédite de gluck [la danza pastorella].
Revue musicale, janvier 1903, p. 40-41.
56. LE dernier opéra de GLUCK, (( ÉCHO ET NARCISSE »,
Revue musicale, 1er juin 1903, p. 212-215.
57. *GLUCK : une révolution DRAMATIQUE, Rcvuc de Paris,
15 juin 1904, p. 736-772.
58. *MOZART, L'Art dramatique et musical, janvier 1903,
p. 15-26, ef février 1903, p. 49-57.
59. *l'opéra avant l'opéra. Revue de Paris, 1er janvier 1904,
p. 615-647.
60. "BERLIOZ, Revue de Paris, 1er mars 1904, p. 65-88, et
15 mars 1904, p. 331-352.
61. l'état ACTUEL DE LA MUSIQUE FRANÇAISE : RÉPONSE A
l'enquête DE PAUL LANDORMY, RcVUC blcUC, 2 avHl
1904, p. 424-425.
— 115 —
62. MUSIQUE DES RUES, l'Art dramatique et musical^ janvier
1905, p. 81-89.
63. UN VAUDEVILLE DE RAMEAU [LE PROCUREUR DUPE SANS
LE savoir]. Mercure musical, 1. 1, 15 mai 1905, p. 19-24.
HUGO WOLF
64. HUGO WOLF, Revue de Paris, 15 mai 1905, p. 401-421.
65. HUGO WOLF, Revue germanique, 1. 1, mai 1905, p. 346-351.
66. **UNE FÊTE MUSICALE EN ALSACE-LORRAINE, ReVUe dc
Paris, 1er juillet 1905, p. 134-152.
Reproduit dans Musiciens d'aujourd'hui, sous le titre:
Musique Française et Musique Allemande.
67 . ***LA MUSIQUE EN ITALIE AU XVIIie SIÈCLE, RcVUC de Puris,
p. 763-790.
68. l'opéra populaire a venise : francesco cavalli,
Mercure musical, 15 janvier 1906, p. 60-70, et 15 février
1906, p. 151-160.
69. ***LA MUSIQUE EN ALLEMAGNE AU XVIIie SIÈCLE, ReVUe de
Paris, 15 février 1906, p. 852-882.
70. **PARis ALS MusiKSTADT, ûbcrtragen v. Max Graf, 71 pp.,
avec 13 port, et 1 fac-sim., in-16, 1905, Berlin, Bord
& Marquardt, reproduit avec des remaniements dans
Musiciens d'aujourd'hui, sous le titre : Esquisse du
mouvement musical à Paris depuis 1870.
LULLI
71. *NOTES SUR LULLI, S. L M., 15 janvier 1907, p. 3-55.
72. *LULLi, Revue de Paris, 15 février 1908, p. 699-722.
73. *GRÉTRY, Revue de Paris, 15 mars 1908, p. 305-327.
74. ** « PELLÉAS ET MÉLISANDE )) [DE^C. DEBUSSY], MorgCU,
29 novembre 1907.
— 116 —
75. MUSICIENS d'autrefois, 310 pp., in -16, 1908, Hachette.
6« édition (12^ mille).
L'Opéra avant l'Opéra : 1' « Orfeo » de Luigi Rossi ;
Liilli ; Gluck ; Grétry ; Mozart.
75. A- SOME MUSiciANS OF FORMER DAYS, transl. by Mary Blaik-
lock, 378 pp., 1915, London, K. Paul,
— et vu + 374 pp., 1915, 'New- York, Holt.
76. MUSICIENS d'aujourd'hui, 285 pp., in-16, 1908, Hachette.
(14e mille).
Berlioz, Wagner, Camille Saint-Saëns, Vincent d'indy,
Claude Debussj% Hugo Wolf, Richard Strauss.
Le Renouveau de la musique française depuis 1870.
76. A- MUSICIANS OF TO DAY , translated by M. Blaiklock,
336 pp., 1916, London, K. Paul.
76. B. [même traduction] by... with an Introduction b}'^ Claude
Landi (Musician's Bookshelf), xii -f- 324 pp., 1914,
New- York, Holt.
77. PAUL DUPiN, S. L M., 15 décembre 1908, p. 1237-1250.
78. *** LA VIE MUSICALE EN ANGLETERRE AU TEMPS DE LA
RESTAURATION DES STUARTS, d'après le Joumal de
Samuel Pepys, p. 294-309, dans Riemann Festchrift,
Leipzig, 1909.
79. *** LES ORIGINES DU <( STYLE CLASSIQUE » DANS LA MUSIQUE
ALLEMANDE (Icçou d'ouvcrture du cours d'histoire de
la musique, année 1909-1910), S. I. M., 15 janvier 1910,
pp. 81-99.
HAENDEL
80. "* HAENDEL, Revue de Paris, 15 avril 1910, p. 791-808.
Article reproduit partiellement dans la brochure inti-
tulée : Audition du « Messie » de Haendeî par la
Société Haendel de Paris, avec le concours de la
Schola Cantorum..., Paris, Rasquin, 1910, et dans
la brochure de R. Rolland et Félix Raugel, Le Messie
— 117 —
de G. F. Haendel, i7U..., Paris, dépôt de la Société
coopérative des Compositeurs de musique, 1912,
grand in-S".
81. LES PLAGIATS DE HAENDEL, S. I. M., 15 avrll 1910, p. 283-
297, et 15 juillet 1910, p. 419-443.
82. HAENDEL, dans la collection « Les Maîtres de la musi-
que », 247 pp., in-8o, 1910, F. Alcan.
82. A. HANDEL, transi, by A. Eaglefield Hull, wilh an Intro-
duction by the editor, 221 pp. 1916, London, K. Paul,
— e/ XI + 210 pp., 1916, New-York, Holt.
83. PIERRE AUBRY, RevLie musicale, l«r oct. lylO, p. 486-487.
Lettre lue au cimetière de Meudon le 6 septembre 1910
et reproduite pp. 18-20 de la Notice nécrologique
[de Pierre Aubry], 1911, iu-4'', Plon-Nourrit.
84. FRÉDÉRIC II MUSICIEN, Rcviie de Paris, l^r février 1912,
p. 507-528.
85. LES CONCERTS SYMPHONIQUES POPULAIRES, S. I. M.,
15 mars 1912, p. 39-44.
86. *** MÉTASTASE PRÉCURSEUR DE GLUCK, S. /. M., 15 aVril
1912, p. 1-10.
87. STENDHAL ET LA MUSIQUE, préface aux vies de Haydn,
de Mozart et de Métastase [datée de novembre 1913],
pp. vii-Liv de l'édition de Stendhal, publiée par
Edouard Champion, 1914.
Cette préface avait paru antérieurement dans la Revue,
tome GV^ 15 décembre 1913, pp. 462-482.
88. VOYAGE MUSICAL AUX PAYS DU PASSÉ, avcc [ueuf] plan-
ches et ornements dessinés et gravés sur bois par
D. Galanis (collection des « Petites curiosités litté-
raires », 272 pp., in-12, 1919, Paris, Edouard-Joseph.
Roman comique d'un musicien au xvine siècle. — La
Vie musicale d'un amateth" anglais au temps de
— 118 —
Charles II, d'après le Journal de Pedys. — Portrait
de Haendel. — Les origines du « style classique »
dans la musique du xviif siècle. — L'autobiographie
d'un illustre oublié : Teleman, rival heureux de
J.-S. Bach [inédit]. — Métastase, précurseur de
Gluck. — Voyage musical à travers l'Europe du
xviiie siècle ; Italie, Allemagne.
88. A. Nouvelle édition, 247 pp., in-8o, 1920, Hachette.
89. COLLABORATION à Y Encyclopédie de la musique et Dic-
tionnaire du Conservatoire, rédigés par une collectivité
de professeurs... sous la direction d'Albert Lavignac,
1913 et ss., in-4o, Delagrave, édit.
1. L'opéra au xviie siècle en Italie, fascicules 22,
23 et 24, du Tome I, p. 685-749, daté de 1912.
2. Les origines de l'opéra allemand, fascicule 29,
p. 911-928.
3. L'opéra au xviie siècle [Les origines de l'opéra.
Lulli], fascicules 42-43, p. 1343-1361.
4. L'opéra anglais au xyii^ siècle, fascicules 59-60,
p. 1881-1894.
89^^«. COURS PROFESSÉS EN SORBONNE.
On a groupé ici, par années scolaires, d'après les indica-
tions du Livret de l'Étudiant de l'Université de Paris, les
cours de R. Rolland, qui ont été annoncés comme devant
être faits à la Faculté des Lettres de Paris (Sorbonne), les
jeudis après midi, à l'amphithéâtre Descartes ; ces cours
publics ont eu lieu d'abord les jeudis matin, à l'amphi-
théâtre Turgot (cf. note 1 de la page 50 de ce livre).
1904-1905 : Gluck, ses précurseurs au xviF et au
xviiic siècle et l'Europe musicale de son temps. —
1905-1906: suite de ce cours. - 1906-1907: histoire de
l'opéra en France, de Lulli à Gluck. — 1907-1908 :
histoire du Théâtre musical au xviiie siècle. —
1908-1909: Haendel et son temps. — 1909-1910: his-
toire de la Musique au xviiie siècle. Les créateurs
119
des formes musicales modernes : symphonie, sonate,
drame lyrique, lied. — 1911-1912: Mozart.
A l'école des hautes études sociales.
90. rapport sur les conférences de « MUSIQUE » FAITES
A l'école des HAUTES ÉTUDES SOCIALES, p. 69-80,
dans le volume commémoratif L'École des Hautes
Études Sociales 1900-1910, F. Alcan, édit., 1911.
91. cours professés a l'école des hautes études
sociales,
Relevés, par années scolaires, d'après les programmes
publiés dans le volume commémoratif cité, n» 90.
2 mai 1902 : ouverture du cours. Leçon sur l'His-
toire de la Musique et sa place dans l'Histoire géné-
rale de l'Art (publiée dans la Revue musicale, cf. n» 51.
1902-1903: Origines de l'opéra. — 1903-1904: Gluck.
— 1904-1905: Grétry, Hugo Wolf. — 1905-1906: Le lied
avant Beethoven. — 1906-1907 : Reinhard Keiser. —
1909-1910: Haendel, musicien dramatique. — 1910-1911 :
Le mélodrame ou la tragédie parlée avec musique
chez les maîtres classiques du xviii" siècle.
6. Peinture
92. CUR ARS PICTURAE APUS ITALOS XVI SAECULI DECIDERIT,
182 pp. in-8, 1895, Fontemoing.
Thèse latine pour le doctorat es lettres, dont un résumé
a paru sous le titre de :
93. LA DÉCADENCE DE LA PEINTURE ITALIENNE, RcVUe de
Paris, 1er janvier i896, p. 168-202.
94. LES SALONS DE 1901, Rcvuc de Paris, 1er juin 1901,
p. 591-629.
95. LES SALONS DE 1903, Rcvuc de Paris, ler juin 1903,
p. 635-672.
120 —
7. Histoire et enquêtes diverses (1)
96. LE DERNIER PROCÈS DE LOUIS DE BERQUIN, 1527-1529,
Mélanges d'Archéologie et d'Histoire de l'École fran-
çaise de Rome, tome XII, 1892, p. 314-325.
Il existe des tirages à part.
97. SILHOUETTES CLAMECYCOISES DE LA RÉVOLUTION,
d'après une Histoire de la Révolution dans une petite
ville depuis 1789 jusqu'en 1797. Manuscrit inédit du doc-
teur Edme-François Bardet.
Bulletin de la Société scientifique et artistique de
Clamecy, 30e année, nouv. série, tome IV, 1906,
p. 27-43.
98. Réponse à l'Enquête de Jacques Morland sur « l'Influence
allemande », Mercure de France, tome XLV, janvier
1903, p. 106-110.
99.' Réponse à l'Enquête sur (( l'Art chrétien ». L'Action
française [revue], juillet 1912, nouv. série, tome XXX,
p. 12-13.
100. Réponse à l'Enquête sur <( la Guerre des Deux Rives ».
La Presse et les Poètes et écrivains désintéressés. Les
Marges, tome XI, mars 1913, p. 88-89.
101 . Préface au livre de Simone Bodève. Celles qui travail-
lent, pp. v-xvi, Ollendorff, 1918.
102. A l'occasion du choix de Ballades Françaises [de
Paul Fort]. Vers et Prose, 34^ tome, juillet-septembre
1913, p. 202-203.
(1) Il eût été facile de grossir ce groupe en y joignant les diverses réponses
de R. Rolland aux enquêtes et numéros spéciaux auxquels il a collaboré :
cf. les Humbles, n" de janvier-février 1917, consacré à Emile Verhaeren ;
et n* d'août-septerabre 1917, consacré à Gabriel Belot, etc.
121
SHAKESPEARE
103. SHAKESPEARE, pouF le tricentenaire de la mort du
poète, Journal de Genève, 17 avril 1916.
104. LA VÉRITÉ DANS LE THÉÂTRE DE SHAKESPEARE, Demain
[revue suisse], l^e ann., no4, 15 avril 1916, p. 193-208.
104 A- DTE WAHRHEIT IN DIE WERKE SHAKESPEARES, ÛberS. V.
Hannah Szàsz, 1920, in-8, 51 pp., Berlin, Paul Cas-
sirer.
8. Philosophie et polémique (i)
105. LE POISON IDÉALISTE, Rcviie d'Art dramatique, juillet
1900, p. 661-665.
106. LETTRE A M. FRANK ABAUZiT sur « la Religion et les
Intellectuels », datée du 23 février 1914, publiée
dans le volume intitulé « le Sentiment religieux à
l'heure actuelle », p. 191, Paris, Vrin, 1919.
107. AU-DESSUS DE LA MÊLÉE [30 octobrc 1914], préface
d'Amédée Dunois, 32 pp. in-16, 1915, Paris, l'Éman-
cipatrice.
Vendu au bénéfice de l'Agence Internationale des
Prisonniers de Guerre ; contient Au-dessus de la
Mêlée, article paru dans le Journal de Genève du
22-23 septembre 1914, et Inter Arma Caritas, paru
(1) Dans ce groupe on a écarté — malgré tout l'intérêt documentaire
qu'ils présentent — outre les chroniques de R. R. parues dans la Biblio-
thèque Universelle, les nombreux articles et lettres de R. R. non réunis en
volumes et parus dans divers journaux et revues depuis 1914 : Le Bonnet
Rouge, l'Humanité, la Tranchée Républicaina, les Humbles, la Revue Mensuelle
(de Genève), Demain (revue suisse). Clarté, Dus Forum, le Populaire; de
même que les traductions de ces articles ou leUr reproduction dans des
revues étrangères : Cœnobium, Das Forum, etc.
Les plus importants se trouvent indiqués dans les brochures citées plus
loin de H. Guilbeaux (n" 130), de Paul-Hyacinthe Loyson (n' 132), de Georges
Pioch (n" 140), J.-M. Renaitour (n° 142), et surtout dans la Ribliographie
sommaire qui termine (p. 325-330) le livre de P.-J. Jouve (n° 175).
122 —
dans le Journal de Genève des 4, 5 et 6 novembre
1914.
107. A. ABOVE THE BÂTTLEFiELD, 1914, 15 pp. in-8o, Macmillan.
108. PRO ARis, p. 13-24 du 10e Cahier Vaudois, intitulé
Louvain-Reims, I, janvier 1915, Lausanne, C. Tarin.
109. JAURÈS, avec une préface d'Amédée Dunois, datée du
2 novembre 1915, 16 pp. in-16, 1915, Paris, la Publi-
cation sociale [Delesalle].
Reproduction d'un article du Journal de Genève du
2 août 1915.
110. THE iDOLS, an Essay of the Idols of German Kultur,
with a letter to Dr van Eeden on the Rights of small
nationalities, 1915, London, Macmillan.
Réunion de deux articles : les Idoles parus dans le
Journal de Genève, du 10 décembre 1914, et Lettre à
Fred van Eeden, publiée d'abord en hollandais dans
De Amsterdammer Weckblad voor Nederland, du
24 janvier 1915.
111. AU-DESSUS DE LA MÊLÉE, 163 pp. in-8, 1915, OllendorfT.
95e édition.
Réunion des articles suivants, avec leurs dates de
publication : Lettre à Gerhardt Hauptmann, Jour-
nal de Genève, 2 septembre 1914 ; — Pro Aris
[cf. no 108] ; — Au-dessus de la Mêlée [cf. n» 107] ; —
De deux maux le moindre : Pangermanisme, Pansla-
visme? Journal de Genève, 12 octobre 1914 ; — Inter
Arnia Garitas [cf. n» 107] ; — Au peuple qui souffre
pour la Justice (dans le King Albert's Book, London,
1914, p. 107-108); — Les Idoles [cf. n» 110]; - Pour
l'Europe : Un manifeste des écrivains et penseurs
de Catalogne,^ Journal de Genève, 9 janvier 1915 ; —
Un appel de la Hollande aux Intellectuels de toutes
les Nations, Journal de Genève, février 1915 ; —
Lettre à Frédéric von Eeden [cf. n» 110] ; — Notre
prochain : l'ennemi. Journal de Genève, 15 mars
1915 ; — Lettre au journal Svenska Dagbladet, de
Stockhohn, parue en suédois dans ce journal, avril
— 123 —
1915 ; — Littérature de guerre, Journal de Genève,
19 avril 1915 ; — Le Meurtre des Élites, Journal de
Genève, 14 juin 1915 ; — Jaurès [cf. 109].
111 . A- ABOVE THE BATTLE, engllsh translation by C. K. Ogden,
194 pp., London, Allen & Unwin, 1916, et Chicago,
Oppencourt.
111. B. AL Di soPRA DELLA MiscHiA, unica traduzione italiana
délia 45a edizione francese, 156 pp., 1916, Milano,
L'Avanti.
112. Préface [p. i-vr], à « Une voix de femme dans la
Mêlée », par Marcelle Capy, OllendorfF, 1916.
Pour les passages censurés, voir le texte complet
publié par la Revue suisse Demain, 15 juin 1916,
p. 401-403.
113. AUX PEUPLES ASSASSINÉS, La Chaux-dc-Fonds, édit. des
Jeunesses socialistes romandes, 1917.
Article paru dans Demain, nos des 10 et 12 novembre
1916.
113. *• Nouvelle édition tirée à 1.000 exemplaires, avec un
bois gravé de F[rans] M[asereel] sur la couverture,
9 pp. gr. in-8o, juillet 1920, Paris, OllendorfF.
113. B. A paru également, hors commerce, sous le titre
« CIVILISATION », en 191S.
113. c- DEN HINGESCHLACHTETEN VÔLKERN, hrg. V. StcfaU
Zweig, 15 pp., 1918, Zurich, Rascher.
114. EMPÉDOCLE d'AGRIGENTE ET L'AGE DE LA HAINE, formC
le no 1 de la première Série des Cahiers du Carmel,
édités à Genève par la. Maison Française d'art et
d'édition, daté du 15 avril 1918, 46 pp. in-12.
Il existe deux tirages de cette brochure ; l'une porte :
Cahiers du Carmel, Genève, 1918, in-8o, iv + 45 pp.; — l'autre
porte : Edition française publiée par la Maison française d'art
et d'édition..., Paris.
— 124 —
115. Préface à la seconde édition du livre du Dr G.-F.
Nicolaï, Die Biologie des Krieges, Zurich, 1918.
Texte français, p. ix et x, et traduction allemande,
p. XI à xn.
116. LES PRÉCURSEURS, 230 pp., in-16, édition de Y Huma-
nité, novembre 1919.
Réunion des articles suivants avec leurs dates de publica-
tions : Ara Pacis, Journal de Genève, 24-25 décembre 1915 ;
— l'Antigone éternelle. Demain, janvier 1916 ; — Une voix
de femme dans la mêlée [cf. n» 112] ; — Liberté, en italien
dans Avanti, 1^^ mai 1916 ; — La Route en lacets qui monte,
Le Carmel, décembre 1916 ; — Aux peuples assassinés
[cf. n» 113J ; — Aux Ecrivains d'Amérique, en anglais, dans
The Seven Arts magazine, octobre 1916 ; — « Le Feu », de
H. Barbusse, Journal de Genève, 10 mars 1917 ; — A la Russie
libre et libératrice, dans Salut à la Révolution russe, édité
par Demain, 1er mai 1917 ; — Ave Caesar morituri te salutant.
Revue mensuelle, mai 1917; — Tolstoï l'esprit libre. Les
Tablettes, juin 1917 ; — A Maxime Gorki, Demain, mai 1917 ;
— La Jeunesse suisse. Demain, juin 1917 ; — Voix libres
d'Amérique, Demain, septembre 1917 ; — Pour E.-D. Morcl,
Revue mensuelle, octobre 1917 ; — « L'Homme de douleur »,
par Andréas Latzko, Les Tablettes, décembre 1917 ; — « Vox
Clamantis »... Jeremias, poème de Stefan Zweig, Cœnobium,
no 109, juillet 1919 ; — Un grand Européen, G.-F. Nicolaï,
Demain, octobre et novembre 1917 ; — Pour l'Internationale
de l'Esprit, Revue politique Internationale, mars-avril 1918;
— En lisant Auguste Forel, Revue mensuelle, août 1918 ; —
Un appel aux Européens, Wissen und Leben, novembre 1918;
— Lettre ouverte au président Wilson, Le Populaire, 18 no-
vembre 1918 ; — Lettre à Jean Longuet sur l'action du prési-
dent Wilson, Le Populaire, 4 décembre 1918 ; — Contre le
Bismarckisme vainqueur. Le Populaire, 21 décembre 1918 ;
Déclaration d'indépendance de l'Esprit, (1) l'Humanité, 26
juin 1919.
(1) Ce manifeste, traduit en allemand par le D' Nicolaï, forme une bro-
chure à part, sous ce titre : Manifest fur d. Unabhiingigkeit der Geist,
herausg. v. Georg. Fr. Nicolaï, Charlottenburg, 1920.
— 125 —
116. ^' THE FORERUNNERs, translalcd by Eden Cedar Pane,
215 pp. in-12, 1920, London, Allen & Unwin et New-
York, Harcourt, Brace & Howe.
116. B- I PRECURSOBi, traduzione diC. M.,287pp., 1921, Roma,
Rassegna Internazionale.
M. P.-J. Jouve (op. cit. n» 175, p. 332) indique une tra-
duction allemande, mais sans donner le nom du traduc-
teur. Cette référence n'a pu être contrôlée.
117. Préface (p. i-iv) à « Les Poètes contre la Guerre »,
anthologie de la poésie française, 1914-1919, iv -|-
147 pp., 1920, Genève, Kûndig.
9. Articles et Brochures se rapporta»t au rôle
et à l'œuvre de Romain Rolland pendant la guerre
Cette liste des articles et brochures se rapportant au rôle de R. R.
pendant la guerre-est très incomplète ; mais il a fallu la restreindre
pour qu'elle ne devienne pas une bibliographie de quelques centaines
de numéros. Elle ne contient ni les réponses envoyées à l'Enquête
ouverte en 1915 par les Hommes du Jour, et réunies par la Revue
mensuelle de Genève, ni les nombreuses « lettres ouvertes » adressées
à R. R., comme celles de Alfred Messer, de Giessen, A Preliminary
for a better Understanding ; a letter from R. Rolland, parue dans
The international Review (de Zurich), n" 3, 20 july^915,'ou celle de
Axel von Fielitz : On Romain Rolland's letter, même revue n" 4,
10 august 1915, etc.
118. Albert (Charles). Au-dessous de la Mêlée: Romain
Rolland et ses disciples, 48 pp., in-16, 1916, Paris,
Rivière.
Reproduction de trois articles de la Bataille Syndi-
caliste.
119. Anquetil (Georges), (i) Essai sur R. Rolland, la Beauté
de son œuvre et ses erreurs, 40 pp., in-S» [1917].
Aux Alliés.
Cl) Le nom est écrit Georges-Anquetil, prénom et nom réunis par un trait
d'union. Le jour où chaque auteur s'amusara à se créer un nouveau nom
— 126 —
120. Archambault (Paul). « Clérambault », ou le beau sujet
gâché, La Nouvelle Journée, l^r mai 1921, p. 391-395.
121. Baudouin (L.-Ch.). R. Rolland calomnié, iv + 16 pp.
in-8o, 1918, Genève, Cahiers du Carmel.
122. Bazalgette (Léon). Le cœur de Clérambault, Huma-
nité, 6 octobre 1920.
123. Rend A (Julien). Lettre ouverte à M. Romain Rolland,
UOpinion, 19 janvier 1916, p. 169-170.
124. BoNSELs (Waldemar). Das junge Deutschland und der
grosse Krieg. Aus Anlass der Briefwechsels Romain
Rollands mit Gerhart Hauptmann ûber d. Krieg
und die Kultur, 33 pp., 1914, Mùnchen, Schmidkunz.
125. Chevassu (Francis). L'Esthète, Le Figaro, 22 décem-
bre 1915.
126. Debran (Isabelle). M. Romain Rolland, initiateur du
défaitisme, [avec] Introduction de Diodore, iv +
39 pp., 1918, in-8o, Genève, Georg.
127. Divoire (Fernand). Stratégie littéraire : Être martyr
ou le cas R. Rolland, Les Marges, t. XV, 15 octobre
1918, p. 115-117.
128. Edschid (Casimir). I Tedeschi e R. Rolland, Cœno-
bium, an XII, novembre-dicembre 1919, p. 3-6.
129. Flat (Paul). R. Rolland et sa bande, Revue Bleue,
25 mars-28 avril 1916, p. 193-195.
130. GuiLBEAUX (Henri). Pour Romain Rolland, 64 pp. in-S»,
[Novembre 1915], Genève, Jeheber.
par cet artifice orthographique et typographique, tout classement alphabé-
tique sera devenu impossible.
127
131. Herzog (Wilhelm). — Sind wir Shône Attilas? Ant-
wort an R. Rolland. Bas Forum, Heft 5/6, august, —
september 1914, p. 260-267.
132. LoYsoN (Paul-Hyacinthe), Êtes-vous neutres devant
le crime ? avec une lettre de E. Verhaeren, 239 pp.
in-8o, 1916, Berger-Levrault.
Publié en anglais sous le titre de : [Les Dieux dans
la Mêlée].
132. ^- The Gods in the Battle, translated by lady Frazer,
with an Introduction by H.-G. Wells, xxvii -}- 290 pp.
in-12, s. d. [1917], London et New-York, Hodder &
Stoughton.
133. KûcHLER (Walter). R. Rolland, Henri Barbusse... in-S»,
1919, Wûrzburg.
134. Massis (Henri). R. Rolland contre la France, 40 pp.
in-8o, avril 1915, Floury.
Contient un article de H. Massis intitulé ; R. Rolland
ou le dilettantisme de la foi, paru dans l'Opinion
du 31 août 1913 (cf. n» 187), et l'article - mais
incomplet — de R. Rolland ; Au-dessus de la Mêlée,
d'après le Journal de Genève du 22 septembre 1914.
Réponse à cette brochure. Cf. n» 137.
135. Masson (Frédéric), Sganarelle, Martine et R.Rolland,
Le Gaulois, 18 et 24 août 1915.
136. Maurel (André). 1. « Les Loups » [à propos de la repré-
sentation au Volksbùhne de Vienne]
L'Opinion, 25 mars 1916, p. 303-
304.
2. Un écrivain de la guerre : M. R.
Rolland, Mercure de France,
1er septembre 1915, p. 5-19.
— 128 —
137. Mesnil (Jacques) [à propos de la brochure de
H. Massis contre R. Rolland], Mercure de France,
1er septembre 1915, p. 137-138.
138. Michel (Wilh.). Essays ûber Gustav Landauer,
R. Rolland... (Die Silbergâule Ed. 33). Hannover,
Steegeman, 1920.
139 . MoLO (Walt v.). An Frederik van Eeden und R. Rolland.
OfFener Brief, 8 pp., Mûnchen, H. Schmidt, 1915.
140. PiocH (Georges), Romain Rolland et la guerre [avec
une lettre de R. R.], Les Hommes du Jour, n» 394,
21 août 1915, p. 1-5.
141. QuiRiELLE (Pierre de), La désillusion de M. Romain
Rolland, Correspondant, 10 août 1915, p. 550-552.
142. Renaitour (J.-M.), Servant (St.) et Loyson (Paul-
Hyacinthe). « Au-dessus ou au cœur de la Mêlée »,
une Querelle républicaine, avec une lettre de
Romain Rolland, 94 pp., in-8o, 1916, édit. de la
revue « l'Essor ».
Réunion d'articles parus dans le Bonnet Rouge de
juillet à novembre 1915
143. Seippel (Paul), R. Rolland pendant la guerre, Jour/iaZ
de Genève, 10 octobre 1915.
Reproduit dans la revue Cœnobium, 9» année, otto-
bre-dicembre 1915, p. 24-29.
144. SouDAY (Paul). 1. Deux intellectuels [R. Rolland et
Henri Bergson], Le Temps, 17
décembre 1914.
— 2. Le cas de M. Romain Rolland, Le
Temps, 30 juillet 1915.
•— 3. Une déclaration d'Intellectuels, Le
Temps, 27 juin 1919.
— 4. « Clérambault » (feuilleton), Le
Temps, 14 octobre 1920.
— 129 —
145. Sternberg (Léo). Die Maske lierunter ! Eine Antwort
auf den Offener Brief R. Rollands, 15 pp., in-S»,
1915, Stuttgart.
145&/S. Thérive (André). Feu Clérambault, la Révolte contre
Bellone, Revue critique des Idées et des Livres,
10 décembre 1920, pp. 582-586.
146. Thibaudet (Albert), La conscience libre et la guerre
[à propos de « Clérambault »], Nouvelle Revue fran-
çaise, 1er janvier 1921, p. 67-80.
147. ToTH (Karl), ce Jean-Christophe », und die Deutsche
Kultur, Deutsche Rundschau, t. XLIV, janvier 1918,
p. 57-78.
148. Truc (Gonzague). 1. M. Romain Rolland, Grande /îe-
vue. tome XlC.décemb. 1915,
p. 337-341.
-* 2. Dans un article intitulé « De
quelques déformations litté-
raires » (fin), Minerve fran-
çaise, 15 févr. 1920, p. 392-396.
149. VoGT (William). A propos du moins Romain des
Rollands furieux. Riposte à l'auteur d' « Au-dessus
de la Mêlée » et à ses thuriféraires de jadis et
d'aujourd'hui, 31 pp., in-80, 1916, chez Fauteur.
150. Numéro spécial édité par la revue Les Humbles, avec
l'adresse fictive « Collection les Hommes », et con-
tenant :
A Romain Rolland [vers], par Marcel Lebarbier.
— La Grande Assemblée, par Han Ryner. — Sur
bien des gens et sur R. Rolland, par Luc Vardes.
— Au cœur de la Mêlée, par Maurice Bataille. —
R. Rolland patriote et individualiste, par A.-M.
Gossez. — Ses adversaires, par R. Imbert. — Puis
— 130 —
voici des vers... par Maurice Rocher. — ...et de la
prose, par Cornélius. — En manière d'explication,
par Maurice Wullens. — Un défenseur de Romain
Rolland : Henri Guilbeaux, par Marcel Lebarbier,
33 pp., in-12 [1916].
151. Enquête sur l'attitude de M. Romain Rolland pen-
dant la guerre, publiée par la Revue de Hollande,
numéro de décembre 1915 : En marge de la Mêlée,
par Frederick van Eeden, p. 767-774. — Lettres sur
R. Rolland, par André Fontainas, p. 774-776; — et
no de février 1916: M. R. Rolland et la croyance
idéologique, p. 1021-1030. — De M. R. Rolland, de
l'expédition Ford et de quelques dogmatiques impé-
nitents, p. 1030-1038. — Pour Romain Rolland, par
Junia Letty, p. 1038-1042. — Lettre sur R. Rolland,
par Charles Bernard, p. 1042-1044, — et A propos
deR. Rolland, par Remy de Gourmont, p. 1044-1045.
10. Principaux articles, brochures et volumes sur la Vie
et l'Œuvre de Romain Rolland
152. Beaunier (André). Le Testament d'une époque fran-
çaise, Revue des Deux-Mondes, lei- décembre 1912,
p. 685-696.
Article réuni en volume dans Les Idées et les Hommes,
1" série, Pion, 1913, p. 44-65.
153. Bellaigue (Camille). 1. Les origines italiennes de
« l'Orphée » de Gluck,
Revue des Deux -Mondes.
15 mars 1896, p. 456-464.
— 2. L'opéra récitatif. Revue des
Deux-Mondes, l^r décem-
bre 1900, p. 608.
— 131 —
154. Bertaut (Jules). 1 . Dans le volume intitulé : « Les ro-
manciers du nouveau siècle »,
Ire série, E. Sansot, 1912, p. 159-
195.
— 2. Dans le vol. intitulé: « La jeune
fille dans la littérature fran-
çaise », L. Michaud, 1910. p. 265-
280 [à propos d'Antoinette].
155. Bloch (Jean-Richard). 1. Le Théâtre du peuple, cri-
tique d'une utopie. L'Ef-
fort [journal], n» 1 (1er
juin 1910) et n» 2 (15 juin
1910).
Articles signés Jean Richard, réunis, avec quelques
remaniements, en volume dans Carnaval est mort,
édit. de la Nouvelle Revue Française, 1920. p. 27-40.
— 2 . Colas Breugnon, un livre gai,
trois feuilletons de l'Hu-
manité, 7, 8 et 9 juin 1919.
156. BoNNEROT (Jean). Introduction aux « Extraits de Ro-
main Rolland », p. 9-37 des 13^ et 14" fascicules de la
Ile série des Cahiers Nivernais et du Centre, octobre-
novembre 1909.
157. BoRGÈSE (G.-H.). 1. « Jean-Christophe » [daté d'août
1910], dans le volume La Vita
e il Libro, terza série, Torino,
F. Bocca, 1913, p. 30-57.
— 2. Un Évangelista di Tolstoï, dans le
volume La Vita e il Libro, terza
série, id., p. 172-175.
158. BuRÉ (Emile). « Danton », Le Mouvement socialiste,
3e année, n» 51, 1er février 1901, p. 172-175.
— 132 —
159. Chevassu (Francis), « Le Buisson ardent », Le Figaro,
1er janvier 1912.
159*^«. Colin (Paul). La vertu d'héroïsme et M. Romain
Rolland, Bruxelles, 1918.
160. Deschamps (Gaston). « Jean-Christophe », Le Temps,
10 décembre 1905.
161 . Dreyfus (Robert). Jean-Christophe ou l'exaltation de
la douleur, Pages Libres, t. VI, n» 271, 10 mars 1906,
p. 237-252.
162. Du Fresnois (André). M. R. Rolland [à propos du
prix de l'Académie], L'Opinion, 7 juin 1913, p. 713.
162*»«. DwELSHAUVERS (Gcorgcs). Romain Rolland, une carac-
téristique de l'homme et de l'œuvre, Bruxelles, éd.
de la Belgique artistique et littéraire, 1914.
163. ÉcoRCHEviLLE (Julcs). Dcux Hvres de R. Rolland
[Musiciens d'aujourd'hui et Jean-Christophe à Paris],
S. L M., 15 août 1908, p. 847-853.
164. Elder (Marc). R. Rolland, La Renaissance contempo-
raine, tome VI, octobre 1912, p. 723-735, et novem-
bre 1912, p. 817-829.
Réunis en volume dans Deux Essais, p. 55-124,
G. Grès, édit. 1920.
164*". Ernest- Charles (J.). Le réalisme dans le rojaan :
« Jean-Christophe ». [Tomes 1, 2 et 3]. Revue Bleue,
9 décembre 1905, p. 764-765.
165. Faguet (Emile). 1 . « Aërt », Journal des Débats, 9 mai
1892.
— 2. « Danton », Journal des Débats, 19
mai 1898.
- 3. « Le Théâtre de la Révolution »,
Journal des Débats, 31 décem-
bre 1900.
— 133 —
166. Gauthier-Ferrières(J.), «Jean-Christophe », Larousse
mensuel, n» 72, février 1913, p. 644-645.
167. Gazzolo (Amedeo), Critica estetica e niisticismo reli-
gioso nel l'opéra di R. Rolland, Cœnobium, an viii,
31 ottobre 1914, p. 16-24, et novembre-dicembre
1914, p. 34-40.
168. GiLLET (Louis). 1. Le roman d'un enfant prodige,
« l'Aube », Journal des Débats,
17 août 1905.
— 2. R. Rolland [à propos du prix de
l'Académie], Le Gaulois, 14 juin
1913.
169. Grautoff (Otto), R. Rolland, 61 pp., in-8o, Franksfurt
a. M., Rûtten & Loening, 1914.
Contient une bibliographie, p. 57-61.
170. Guy-Grand (Georges), Le conflit des croyances et les
mœurs littéraires dans la France d'aujourd'hui,
Mercure de France, 16 juillet 1919, p. 101-102.
171. Halévy (Daniel), dans le volume intitulé : « Quelques
nouveaux maîtres », p. 7-40, Cahiers du Centre, 59«
et 60e fascicules de la Vie série, février-mars 1914.
Reproduit avec quelques changements dans le livre :
« Charles Péguy et les Cahiers de la Quinzaine »,
p. 69-88, Payot, éd., 1918.
172. Hérold (A.-F.), 1. « Le Triomphe delà Raison », Mer-
cure de France, t. XXXI, août
1899, p. 548-550.
— 2. « Le Quatorze Juillet », Mercure de
France, t. XLII, mai 1902, p.
512-513.*
134
173. HocHSTAETTER (Max), Essai sur l'œuvre de R. Rolland,
67 pp., in-12, 1914, Fischbacher.
Contient en appendice, p. 59-63, une bibliographie
sommaire.
174. JoHANNET (René). Ainsi parlait Romain Rolland. Les
Lettres, no 8, du 15 juin 1914, p. 457-503;
Cf. à ce sujet réponse à René Johannet par Maurice
Ernst, dans la Nouvelle Journée, du 15 juillet 1914,
p. 254-256.
175. Jouve (P.-J.), Romain Rolland vivant, 1914-1919, avec
un portrait d'après Frans Masereel, 333 pp. in-8,
1920, Ollendorff.
Contient, p. 319-333, une bibliographie sommaire des
ouvrages antérieurs à 1914 — et une bibliographie
plus détaillée des ouvrages et publications de R. R.
à partir de 1914.
176. KaHxN (Maurice). Le Théâtre du Peuple de R. Rolland.
Pages Libres, III, n» 153, du 5 déc. 1903, p. 469-474.
177. Key (Ellcn). R. Rolland, La Revue (ancienne Revue
des Revues), tome GVI, 15 janvier 1914, p. 171-181.
Cet article contient, pages 176-177, une Lettre inédite
de R. Rolland sur son Credo métaphysique.
178. Lagrange (Henri). Jean-Christophe et R. Rolland,
Revue critique des Idées et des Livres, tome IX,
10 avril 1910, p. 53-82.
179. Lamy (Etienne). Rapport [sur le Grand Prix de Littéra-
ture] lu à la séance publique annuelle de l'Académie
française, le jeudi 27 novembre 1913. Journal Offi-
ciel du 29 novembre 1913, p. 10329-10330.
180. Lasserre (Pierre). M. Romain Rolland, Action fran-
çaise, 22 juin 1909.
181 . La VISSE (Ernest). Le Grand Prix de Littérature, Revue
de Paris, 15 juin 1913, p. 725-733.
135
182. Le Cardonnél (Georges). 1. R. Rolland, « Le Buisson
ardent », Les Marges,
IX, janv. 1912, p. 28-37.
— 2. Colas Breugnon, Mmerye
Française, 15 juin 1919,
p. 290-292.
183 . Lecomte (Georges). M. Romain Rolland, Grande Revue,
25 juin 1907, p. 294-319.
184. Lee (Vernon). « Jean-Christophe à Paris », Revus du
Mois,' tome VIII, 10 novembre 1909, p. 588-594.
185. Le Grix (François). R. Rolland, « Jean-Christophe »,
Revue Hebdomadaire, 7 juin 1913, p. 93-113.
186. Martinet (Marcel). Introduction et Notes aux « Pages
choisies de Romain Rolland », publiées par Marcel
Martinet, Ollendorff, 1921, 350 pp. et 320 pp., avec
un portrait d'après Granié [1910].
Sur ce volume, cf. trois feuilletons de Frédéric
Lefèvre, parus sous le titre « Romain Rolland et le
disciple aîné : Marcel Martinet », dans la Vache
Enragés, journal officiel de la Commune libre de
Montmartre, 8, 15 et 22 février 1921.
Le tome II contient une Bibliographie, pp. 309 à 316.
187. Massis (Henri). M. Romain Rolland ou le dilettan-
tisme de la foi, L'Opinion, 30 août 1913, p. 272-274.
Reproduit dans la brochure de H. Massis, cit. n» 134.
188. Maury (Lucien). 1. Romain Rolland, Revue Bleue,
8 mai 1909, p. 602-605.
Reproduit dans le volume intitulé « Figures litté-
raires », Perrin 1911, p. 21-34.
2. R. Rolland, « La Fin du Voyage.
Le Buisson Ardent », Revue Bleue,
2 mars 1912, p. 279-282.
3. Emile Clermont, Romain Rolland
et l'Académie, Revue Bleue, 14
juin 1913,*p. 764.
136
188**«. Mignon (Maurice). Romain Rolland et l'Italie, Le
Parthénon, 5 février 1913, p. 121-124.
189. MoREL (Eugène). « Le Quatorze-Juillet », Revue d'Art
dramatique, 1902, p. 100-107.
190. Porche (François). « Jean-Christophe », Petite Gi-
ronde, 11 décembre 1906.
190*«. PouRCEL (Georges). L'homme de génie, Jean-Christo-
phe, Le Parthénon, 3^ année, 20 oct. 1915, p. 22-30.
191. Régnier (Henri de). « Danton », Journal des Débats,
19 juillet 1909.
192. Rétinger (J. -H.), dans son a Histoire de la litté-
rature française du romantisme à nos jours ».
B. Grasset, 1911, chapitre XIV, intitulé « R. Rolland
et André Gide », p. 309-320.
193. Riou (Gaston), dans le volume « Aux écoutes de la
France qui vient », B. Grasset, 1913, p. 270-271,
286-288 et 290-291.
194. [Robinson (Mary)], «Jean Christophe», Times, literarg
Supplément, 29 octobre 1905.
195. SÉCHÉ (Alphonse), L'Humble Vie héroïque, pensées
choisies [de Romain Rolland] et précédées d'une
Introduction [p. 5 à 14]. Collection « Les Glanes
Françaises », 92 pp., in-18, 1912, Sansot.
Titres des chapitres : Sur la France — La Vie — Le
-^ Souffle des Héros — L'Art — La Musique — L'Amour
et l'Amitié — La Femme.
195*". Séché (Alphonse) et Bertaut (Jules). Dans le volume
« Évolution du théâtre contemporain », Mercure de
France, 1908, p. 131-142 [sur le Quatorze Juillet].
196. Seippel (Paul), Romain Rolland, l'homme et l'œuvre»
303 pp. in-18, [1913], Ollendorff.
137
197. SÔDERMANN (Sven). 1. Romain Rolland, IV + 67 pp. et
1 planche, 1916, Slockholm,
Norstedt.
— 2. [Notice sur R. R. à roccasion
du prix Nobel] en suédois et
en français, dans le volume
intitulé « Les prix Nobel en
1914-1918 », p. 67-70, Stoc-
kholm, Norstedt, 1920.
198. SouDAY (Paul). 1. « Jean-Christophe à Paris », U Opi-
nion, 12 juin 1909, p. 759-761.
— \bis. Jean -Christophe. L'Opinion, 18
avril 1908, p. 23-25.
— Ver, Jean-Christophe : Fin du Voyage.
Les Amies. U Opinion, 23 avril
1910, p. 533-534.
— 2. (( Le Buisson Ardent », Le Temps,
2-3 janvier 1912.
— 3. Jean-Christophe, Le Temps, 13 no-
vembre 1912.
— 4. Les Tragédies de la Foi, Le Temps,
23 avril 1913.
— 5. Colas Breugnon, Le Temps, 27 mars
1919.
— 6. Liluli, Le Temps, 8 avril 1920.
— 7. Pierre et Luce, Le Temps y 2 septem-
bre 1920.
199. Thérive (André). Les leçons de R. Rolland, Revue cri-
tique des Idées et des Livres, t. XXII, 25 juillet 1913,
p. 138-154.
^ 138 —
200. Thibaudet (Albert). 1. Jean-Christophe «La Nouvelle
Journée » , Nouvelle Revue
Française, tome IX, 1913, *,
p. 316-322.
— 2. Le Prix Nobel, jReyue de Pans,
1er février 1921, p. 634 ; 639-
640, et 646.
200bis. ZiEGLER (Dr J.). R. Rollaud im Jean Christof ûber
Juden uud Judentum, Wien, 1918.
201. Zweig (Stefan), R. Rolland, der Mann und d. Werk,
[avec 6 portraits et 3 fac-similés] 266 pp., in-S», 1921,
Frankfurt a. M., Rûtten und Loening.
Il a paru une traduction anglaise sous ce titre :
Romain Rolland : A critical biography of the man
and his work, 8», 1921, New-York, Thomas Seltzer.
202. Les Prix Nobel en 1914-1918, cités n" 197 2, contien-
nent, outre la Notice de Sven Sôdermann, une Notice
biographique et bibliographique, p. 117-119; un
portrait de R. Rolland, p. 117. (Fotograv. gen. stab.
lit. Anst.) et le fac-similé du diplôme qui lui a été
remis.
203. Enquête ouverte par Henri Chomet et Maxime Revon
sur Romain Rolland et l'influence de Jean-Christo-
phe et publiée par Ombres et Formes, album men-
suel inédit d'art libre et de critique, in-4o, édité à
Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre), t. III (1912) et IV
(1913).
Lettre de Romain Rolland et réponses de Alice Ber-
thet, M"e Basset d'Auriac, Léon Hennique, Emile
Fabre, J. -H. Rosny aîné, Maurice Barrés, Paul
Margueritte, Henry Bataille, Han Ryner, Olivier
Hourcade (1912), p. 185-190; — Jules Claretie, Henri
Duvernols, Paul Souday, Georges Docquois, Lucien
Rolmer, Paul Fort (1913), p. 4-6; - Belval Delahaye,
— 139 —
Jean Desthieux, Robert Veyssié, Marcel Dugas,
Jacques Noir, M^^e Berthe Dangennes, p. 19-21 ; —
René Lehmann, Léon Bocquet, Gustaf Morris, Hilma
Pilkhânen, Cecilia Carré, Gaston Picard, p. 50-53; —
André Thérive, Arthur Cantillon, Serge Bernstamm,
p. 72-74 ; — Robert Carré, Louis Thène, Henry Rey-
mon, p. 96-98; — Dorsennus, P.-N. Roinard, p. 122.
204. La Flamberge, revue de littérature et de sociologie,
in-8o, éditée à Mons (Belgique), n» 11, mars 1913,
p. 481-543. [Numéro spécial consacré à Romain
Rolland et contenant : Richard Dupierreux, Jean-
Christophe, p. 483-502; — Dominique de Bray, Romain
Rolland et Malwlda von Meysenbug, p. 503-509; — Max
Hautier, Romain Rolland, critique musical, p. 510-515]
Enquête sur R. Bolland et son œuvre par Arthur
Cantillon ; réponses de Stefan Zweig, Otto Grautoff,
Nicolas Beauduin, Will3% G.-R. Benedjctus, Belval-
Delahaye, Léon Bocquet, Jean Bonnerot, Claude
Debussy, Henry Derieux, G. Duhamel, Paul Gilson,
H. Guilbeaux, Franz Hellens, Vincent d'Indy, Jean
Laënen, Marius Ary-Leblond, Camille Lemonnier,
Xavier Leroux, Junia Letty, René Lyr, Camille
Manclair, Paul Margueritte, Louis Pierard, Maurice
Pottecher, Rachilde, J.-H. Rosny aîné, Han Ryner,
Saint - Georges de Bouhélier , Gabriel Trarieux,
E. Verhaeren.
205. Le Numéro spécial de l'Effort Libre, consacré à
R. Rolland, annoncé par M. Seippel (op. cit. n» 196,
p. 264) et par Otto Grautoff (op. cit. n" 169, p. 60),
et devant contenir une préface de Charles Albert
et des articles de Léon Bazalgette, Jean-Richard
Bloch, Louis Gillet, Otto Grautoff et Stefan Zweig,
etc., est préparé, mais n'a pas encore paru. (Rensei-
gnement fourni par M. Crémieux, de la librairie
Rieder.
140 —
INDEX DES ARTICLES A CONSULTER
SUR
Aert, n« 165 0).
Clérambault, nos 120, 122, 144 0), 145bis.
Colas Breugnon, nos 155 (2), i82 (2), 198 (-).
Danton, nos 158, 165(2), 191.
Jean-Christophe, nos 28bis, 147, 152, 157, 159, 160, 161, 163,
164i>is 168, 178, 179, 181, 182, 184, 185, 188, 190, 190bis, 194,
198 0^3), 200, 200bis, 204.
LiLULi, no 198 (6).
Les Loups, no 136 (*).
Pierre et Luge, no 198 (').
Le Quatorze Juillet, no 172 (2), 189, 195bis.
Théâtre de la Révolution, no 165 (3).
Théâtre du Peuple, no 155 0), 176.
Tolstoï, no 157(2).
Tragédies de la Foi, n» 198 (-»).
Triomphe de la Raison, no 172 (^).
R. Rolland critique musical, n*» 163, 204.
141
TABLE DES MATIERES
Pages
Sa famille et son enfance à Clamecg 7
Années de collège et de lycée 10
A VÉcole Normale, 1S86-1889. — L'influence de Tolstoï
sur Romain Rolland 13
A VÉcole de Rome, 1889-1891. — Uinfluence de M^e Mal-
wida de Megsenbug 18
Ses premiers essais dramatiques, 1898-1902 : Saint-Louis,
Aërt, Les Loups -. 28
Le Théâtre du Peuple 34
Les vies des hommes illustres: Beethoven et Michel-Ange 41
R. Rolland professeur, critique et historien musical 48
Jean-Christophe (190M912) 51
Jean-Christophe et le grand prix de littérature à F Aca-
démie Française (1913) 62
Retour à la musique : Haendel et Z'Encj^clopédie de la
Musique 66
Colas Breugnon, 19U 69
Pendant la guerre : Au-dessus de la Mêlée (1915), les
Précurseurs (1919). Le Prix Nobel. . ^ 72
— 142 —
Pages
Liluli (1919), Empédocle d'Agrigente (1918), Pierre et
Luce (1918) 80
Clérambault, 1920 \ 86
L'œuvre de R. Rolland. Son style et son influence 92
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE
a) Œuvres de Romain Rolland
1. Théâtre 101
2. Théâtre du Peuple 105
3. Biographies: Beethoven, Michel-Ange, Tolstoï 106
4. Romans : Jean-Christophe, Colas Breugnon, etc 108
5. Histoire et critiques musicales 111
6. Peinture 119
7. Histoire et enquêtes diverses 120
8. Philosophie et polémique. Au-dessus de la Mêlée ... 121
b) Articles et brochures sur Romain Rolland
9. Articles et brochures se rapportant au rôle et à
l'œuvre de Romain Rolland pendant la guerre .... 125
10. Principaux articles, brochures et volumes sur la vie
et l'œuvre de Romain Rolland 130
Index méthodique de la Bibliographie 140
— 143
ERRATUM
Page 6, ligne 18, au lieu de : A cet effet, une biographie a
été jointe,
lire : ...une bibliographie.
Page 22, note 1 : au lieu de : Empedocle d'Agrigent,
lire : ...d'Agrigente.
Page 64, ligne 14, au lieu de : M. Etienne Lami,
^ lire: ...Lamy.
Page 70, note 1, à compléter ainsi :
Le premier titre. Colas Brugnon, a dû être modifié, en
raison de la protestation d'une personne portant le même
nom.
Nevers. — Imp. Nouvelle l'Avenir (assoc. ouv.), 1 et 3, rue du
Rivage, et 4* rue du Pont-Ciz«au. — Téléphone 3-31.
i
?Q Eonnerot, Jean
2635 Romain Rolland
05Z566
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PLEASE DO NOT REMOVE
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